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REVUE
LANGUES ROMANES
MONTPELLIER
IrxLpri m.erie centrale dLxi Midi
Ancienne maison G-ras. — Ricatrau, Hamklinet G*
REVUE
DBS
LANGUES ROMANES
PCBLIBB
PAR LA SOCIÉTÉ
POUR L'ÉTUDE DES LANGUES ROMANES
TOME QUATRIÈME
MONTPELLIER PARIS
AU BURBAtI DS8 PUBLICATIONS A LA UBRAIKIE DB A. PEIANCK
DB LA SOCIETE (TIBWBe, propTlèUin)
ponil'iraiiMiuieiiiB HOiixia | 67, rdb ricbelibu.S?
Il DUUC LXXm
REVUE
DES
LANGUES ROMANES
DIALECTES ANCIENS
— o-/^;oo-
IV
LE CATALOGUE DES CHAPELLENIES
( Suite cl lin )
82) (F° 25, V") Item, Lo testamen fagh per sen Bertholmieu
Alari, al. Gressa, mazelier, saj entras, de Montpejlier, en
loqual ordenet II capelanias de lasquals la I se décanta
en la gleya de sant Guilhem, en Tautar de TOstia, e Fautra en
la gleya dels Frayres Menors. Fes lo testamen maistre Fermin
Madron, notari, Tan M CGC XIX. Scilicet ydus Aprilis. Dé-
canta la mossen R. Comonhas, capela.
89) Item. Lo testamen fagh per maistre Philip Robert, savi
en dreg, say entras, de Monpeyler, en loqual fes heretiers
lo3 senhorns obriers per la mitât, e per Tautra mitât lo Coven
dels frayres del Carme de Montpeylier. Fagh per maistre P.
Alsion, notari, Fan MCCC XLVIII, a IX de jun
84) Item. Lo testamen fagh per dona Agnes, molher de sen
167895
6 DIALECTES ANCIENS
Ynart Homagi, penheyre, say entras, en loqual vole que I
hostal sieu fos vendutz el près d'aquel se convertis en I cape-
lanie. Festz lo testamen maistre P. Ysarn, notari, Tan MCCC
XXX, aXXd'Ahost.
85) Item, Lo testamen fagh per maistre G. Cabanis, notari,
saj entras, de Montpejlier, en loqual fes hères son fils et el
' quas (F° 26, r°) que el^moris ses hères, vole que de sos bens
se feses una capelanie, aprop los jorns de mossen Bertran
Cabanis son frajre. Fes lo testamen maistre Gili Daude,
notari, Fan M CCC XL VIII, a V de Maj.
86) Deu se cantar a Sant Fermin.
87) Item, Lo testamen. fagh per Dona Johana, molher de sen
Johan Andrieu, policier, e molher darriejramen de maistre
Berenguier Guilabert, notari, saj entras, en loqual ordenet
I capelanie, e laquai vole que se décantes per mossen Steve
Bojseyra, capelan, a sa vida, et aprop sos jorns per I frajre
capelan del ordre dels Carmes del coven de Montpeylier, la-
quai devon donar los senhors obriers. Loqual testamen fes
maystre Johan Boyer, notari. Tan M CCC 1, a XXI de jul,
88) Item, Lo testamen fagh per dona Jacma, molher de sen
Bernart de San Mathieu, olier, say entras, de Montpeylier,
en loqual ordenet I capelenie, laquai .vole esser decantada en
la gleya de Sant Cosme de Montpeylier, loqual testamen fes
maistre Jacme de Ozilhan, Fan M CCC xlv, a V d'avril.
89) Item. Lo testamen per sen Peyre, autramen apelat Ber-
nât de (F° 26, v°) sant Mathieu, olier, de sa entras, de Mon-
peylier, en loqual fes heretieyra la dicha dona Jacma, mayre
sieua ; local fes lo digh maistre Jacme de Ozilhan, notari. Tan
M CCC VIII, a IIII de jul. Décanta la mossen Steve de
Treslops, chantre de sant Fermin .
90) Item. Lo testamen de Mossen G. Mounier, capela de
sant-Daunizi, que ordenet I capelanie laquai vole que se dé-
cantes en la gleyza de sant Daunizi, en Fautar de sant Ray-
nier. Fes lo testamen maistre Vivia de Pradas, notari. Fan
M CCC XXIII, a X de las Kalendas de octobre .
91) Item. Autra carta que pertoca a la dicha capelanie.
LE CATALOGUE DES CHaPELLENIES 7
92) Item, I carta contenen la clausa del testamen de sen
Steve Vidal, en laquai fa mencion que sia restituit a la cape-
lanie et ordenet.
93) (F° 27, r°) Item. I carta contenen la clausa del testamen
de sen Steve Vidal, en laquai fa mencion que sia restituit
a la capelanie, et ordenet sen Johan Bertholmieu LXXXV
libr. lasquals avie donadas de I vinha que avie dada ad
acapte a la molher de sen Steve Sivada. Fes la carta maistre
Arnaut de Pratz, notari, Tan M CGC XXXVIII, a III de ce-
tembre.
94) Item, I carta de acapte dat per ios senhors obriers,
patros de la capelanie de sen Johan Bertholmieu, a sen Steve
Mercier, payrolier, de la possession que es als Grezes, am
usatgi de XX. s. Fâcha la carta per maistre G. Valsiejra,
notari, Tan M CGC XLVI, a XIII de octobre.
95) Item. Très cartas que son ensemps en una, laquai con-
ten que sen Aymeric Gran, mercadier, compret de usatgis,
que son a la Torrassa, que monton . . . XX s. VI den. Fes la
carta maistre *'G. Nogaret, notari. Tan M CCG XLII, a VII
de febrier.
90) Item. I carta cossi dona Rajmunda Galvella compret
una possession, que es costa lo Lez, laquai compret en alo.
97) (F° 27, v°) Item. Diversas cartas, tan de compras, quant
(Fauiras causas, que son en una cayssa de noguier, en laquai
son las armas dels senhors obriers, lasquals cartas son de
pauc de valor.
98) Item, ho testamen de sen Bernât Gastel, especiayre, de
Montpeylier, et codicils faghts per lo digh sen Bernât, en los-
quals codicils ordenet I capelanie, laquai vole que se décantes
en Fautar de Nostra Dona de la gleya do sant Fermin de
Montpeilier, e lajsetper ladicha capelanie VIII libr. de renda
cascun an. Fes lo testamen e'is codicils maistre G. Cabanis,
notari, say entras. Tan M GGC XLVllI, a XVIII de may.
Décanta la mossen G. Sermhac, capelan .
99) Item. Lo testamen de sen Joan Aurelha, canabassier, de
Moutpeylier, en loqual testamen fes heretiers Ios paures de
8 DIALECTES ANCIENS
Crist, aquels bes quais sen Peyre Tenchurier, mercadier, els
senbors obriers de la communa clausura davan dicha*. Loqual
testamen fes maistre P. Gili, notari, Tan M CGC XL VIII, a
XIX de may.
100) Item. Mays una carta cossi los senbors obriers vende-
ron I bostal que es en la carrieyra de TAgulharie, loqual
compret sen Luys de Felma, liayre de balas. Am pencion de
VIII flor. paguadors cascun an, a frayre Joban Lumbart,
frayre prezicador, loqual décanta la dicha capelanie a Predi-
cadors, per Tarma del digb Joban Aurelba. Fes la carta mais-
tre Relies, Tan M CGC LXX, a XIIII mars, de laquai capela-
nie son patros los senbors obriers, et aquestas cartas son en
una.
101) (F® 28, r**) Item. I carta cossi sen Bernât de Pueg, tbe-
saurier e procurayre del rey de Malborguas, vendet a sen
P. Adbemar de usatgis sobre IIII bostals, dels quais la I era d'en
Duran Roca-Aumeria, mazelier, setuat sotz Postal de Tabat
d'Anbana. E fa de usatgi, lo tornes d'argen per XIII den
XV s.
102) Item. L'autre de P. Arnaut, autramen apelat Maurin,
mazelier, lo tornes d'argen a XIÏI d., fa de usatgi . . XV s.
103) Item. L'autre d'en P. Gavanon, fa de usatgi, lo' tornes
d'argen per XIII den. . . . XV s.
104) Item. L'autre es dels beres de messier P. de Taurinban,
savi en dreg, say entras, e aras es de maistre Joban de Solages,
notari, situât detras la Malapagua de la cort del Bayle, fa de
usatgi, lo tornes d'argen per XIII den. . XX s.
105) Fes la carta maistre Brenguier Lombart, notari, l'an
M CGC XLVII, a XII de may.
106) Item. E la carta de la procura del Rey de Malborguas,
laquai fes maistre Aparissi de Fontagnas, notari, l'an M CGC
XLV.
107) Item . I carta cossi sen Joban Brun compret los digbs
usatgis del digb sen P. Adbemar. Fes la carta maistre Brenguier
' Phrase évidemment incomplète.
LE CATALOGUE DES CHAPKLLENIES 9
Lombart, notari, Fan M CGC XL VII, a derrierjornde jun, los-
quals usatgis son de la capelanie; e son las cartas ensemps
liadas.
108) Item. La carta cossi fon fondatz lo monestier de las do-
nas de Sant-Gili de Montpellier, laquai fes maistre Gibert
(F*» 28, v°) Salix, notari, ranMCCCLVII, a XXVI d^octobre.
109) Item . I cajssa longua estrecha en que es la enforma-
tion fâcha contra lo capelan de las dichas donas de Sant-Gili.
110) Item, I massapan en que ha II letras que pertocon al
fagh de sen Berenguier de Meyrueis dels usatgis que layset a
la dichas donas de Sant-Gili.
111) Item. I carta cossi los senhors cossols, exequtors del
testamen de sen Hue Carrel *, assignation al monestier de las
dichas donas de Sant-Gili VI G flor. am carta fâcha per maistre
P. Gili, notari, Tan M GGG LXI, a XXIV de mars.
\\2)ltem. L'an M GGG XLIII, a XI de kalendas de jun,
fon fâcha constitution de una capelanie per sen R. et P.
Fabre, mercadiers, de Montpellier, de la fabrie en la gleja
Sant-Fermin de Montpellier, en Tautar de Sant-Miquel, e fes
patros de la dicha capelanie los hères sieus e'is hères d'aquels
procesens del mascle. Et aprop los senhorns obriers de la
comuna clausura de Montpellier. Fes la carta maistre Johan
Guasc, notari.
113) Ayso es estât denunciat, may non es a Tobra la carta.
II
114) (F« 29, r*) AQUESTAS cartas denfra designadas son en
las notas ho libre de maistre Helies Lambert, al, Ribrer, no-
tari, say entras, de Monpeilier, que era notari dels senhors
obriers, e son en lo libre cubert de post.
115) Primieyramen, una carta cossi dona Resplandina, fîlha
de R. Magalona, en say entras, e molher de Huguet del Mas.
fustier, say entras, requonoc als senhors obriers e patros de
I capelanie que ordenet P. sen Bernât Engilbert, de say entras,
* Autre lacune évidente : deron
10 DIALECTES ANCIENS
pebrier, e ha mossen Hue de Gracia, capelan, la dicha cape-
lanie decantan, una vinha que es en la parrochia de Novegens,
amusatgide LX s. Fes la carta maistres Relies Lambert, Tan
M CGC LXVII, a XXVI de juli.
116) Item, Carta cossi lossenhors obriers, patrosdelacape-
lanie que ordenet sen Johan Salvayre, canabassier, say entras
deron ad acapte a dona Gaujoza, molher de Jacme Peyre, sa-
batier, una pessa de vinha, contenen II cartayradas que son en
la demane de sent Steve de Bejanegues, en lo loc appelât ah
Mazes, am usatgi de XXV s. paguadors a mossen G. de Blau-
zac, la dicha capelanie decantan. Fes la carta, lo digh notari,
Tan M CGC LXVIII, a XXIX de may.
117) N. aras ten aquesta possessio missia. Léo Pau, jutge
el palays.
118) (F° 29, V**) Item, I carta cossi los senhors obriers, pa-
tros de una capelanie ordenada per sen Bernât Bonoreg, per-
gamenier o mercier, de Montpeylier, compreron per la cape-
lanie, de sen B. de Rocamaura, cambiador, de Montpeylier,
I pessa de terra de vinha en franc alo, que es scituada ah
Trencatz. Fes la carta lo digh mestre Helies Tan M GCC
LXIIl^.
119) Item, I carta cossi los senhors obriers e patros de la
dicha capelanie deron ad acapte la dicha vinha al digh G. de
Rocamaura, am usatgi de XV s. Fes la carta lo dig notari
Tan el jorn que es desutz.
120) Item, I carta cossi los senhors obriers e patros de I ca-
pelanie ordenada per sen P. de Ferrieyras, say entras, lauze-
ron la vendicion fâcha a sen Bernât Doyen, de Latas, per sen
Johan Boysset, conresayre, de 1 pessa de terra de camp que
es el terrador de Latas, apelat ah Amiers, e fa de usatgi VII
s. II d. Fes la carta lo dig notari. Tan desus digh, a XIII de
décembre.
121) Item. I carta cossi los senhors obriers e patros de I ca-
pelanie ordenada per sen R. Bedes, mazelier, de Montpeylier,
lauseron una vendition fâcha a P. Gazelas, laurador, per Agnes
Macipa (F° 30, v»), molher de G. Calvet, say entras, de I
LE CATALOGUE DBS CHAPELLENIBS 11
camp que es el terrador de Montpeilier apelat Via Croza e fa
de usatgi XII den. Fes la carta lo dig notari, Tan desus dig,
a XJIII de dezembre .
122) Item, I carta cossi los senhors obriers e patros de I
capelanie instituta et ordenada per mossen Martin Aycelin,
capelan, say entras, lauseron I vendicion fâcha per Johan
Assaus, sabatier, de Montpejlier, a P. Valloncha, mercadier
de vin, de I vinha, laquai es scituada el terrador apelat a Pueg
Rodier, am usatgi de XX s. Fes la carta lo dig notari. Tan
de sus, a XIV de febrier.
123) Item, I carta contenen que los senhors obriers, patros
de una capelanie ordenada per mossen Johan Vilar, capelan,
saj entras, deron ad acapte a'n P. Hugonin, sabatier, de Mon-
pejlier, I pessa de vinha, contenen I cartayrada, que es en
la demarie de Montels, sobre lo pos d'en Valat. Am usatgi de
X s. Fes la carta lo dig notari. Tan desus dig, a XIIII de fe-
brier.
124) Item. I carta que conten que los senhors obriers, pa-
tros de una capelanie ordenada per sen Johan Berthomieu,
pelicier, say entras, deron en acapte a sen P. Martin, saba-
tier, de Montpeylier, I pessa de terra que es en la demarie de
( F° 30, v<*) Sant Peyre de Mont Alberon , en lo terrador
apelat als Grezes, Am usatgi de IIII s. Fes la carta maistre
Helies Lambert desus dig. Tan desus, a VIII de mars.
125) Item, I carta contenen que los senhors obriers e pa-
ires de una capelanie ordenada per sen Johan Salvayre, cana-
bassier, say entras, ratifiqueron e lauzeron una vendicion
fâcha a sen R. Hue, cambiador, de Montpeylier, per sen Johan
Bruguieyra, coyratier, de Montpeylier, de I pessa de terra de
camp, contenen en se VI cartayradas scituadas prop Tespital
de Besanegues. Am usatgi per cascuna cartayrada de V. s.
Fes la carta, lo dig notari, desus dig, àX de mars.
126) Item. I carta contenen que los senhors obriers, patros
de una capelanie ordenada per sen P, * , drapier,
' Nom illisible.
12 DIALECTES ANCIENS
say entras, de Montpejlier, deron ad acapte a sen P. Romeri,
sedier, de Montpejlier, I pessa de terra que es scituada en
la demarie de Sant P. de Montarberon, enlo claus de la Cape-
lanie. Am usatgi de VI s. Fes la carta lo dig notari, Tan
M CGC LXV, a XXVI de mars.
127) Item. I carta contenen que madona la prioressa de-
monestier de las donas de Notra-Dona-de-Sant-Gili, de Mont-
pellier ( F° 31, v° ) e'I coven de las dichas donas deron ad
acapte a sen Frances Gili, de Lunel, I pessa de terra scituada
en la demarie de Sant-Peyre-de-Portz, en lo tenedor apelat
a las Figuairelas, am usatgi de I sestier d'ordi, Fes la carta lo
dig notari. Tan desus, a XXI d'abril.
128) Item. I carta cossi los senhors obriers e patros de la
capelanie que ordenet sen R. Bedos, maselier, say entras, de
Montpeylier, deron ad acapte a sen Johan Paul, hostalier,
I pessa de terra de vinha que es scituada en la demarie del
san Fermin, en lo luoc apelat t07^ de Serven, am usatgi d^ V s^
Fes la carta lo dig notari. Tan desus dig, a IIII de juli.
129) Item. I carta contenen acapte dat per los senhors
obriers, patrons de la capelanie ordenada e fondada per sen
Bernât de Milhargues, orgier, say entras, de I pessa de terra
d'ort, am la mitât del pos scituat prop la,' gleya de sant Cosme,
am usatgi de XVI s. Fes la carta maistre Helies Lambert,
notari. Tan e'I jorn desus dig.
130) Item. I carta contenen cossi sen G. Folcaut, policier,
de Montpeylier, heretier de sen Johan Salelas, filh e heretier
de sen Johan Salelas, say entras, vendet als senhors obriers e
patros de la capelanie (F® 31, v°) d'en G. de Peyrotis, cambia-
dor, de Montpeylier, say entras, IIII sestiers de fromen sobre
jUI pessas de terra, ensems contengudas en franc alo, que
foron d'en P. dels Fecz, scituadas a Sant Marti de Sussanre-
gues.
131) Item. E dos sestiers de fromen a la mesura de Mont-
peylier, am la directa senhorio e lauzimi, sobre doas pessas
de terra scituadas en la demarie de sant P. de Belloc, laquais
tenon los hères o bens-tenens d'en G. de Salelas. Fes la
LE CATALOGUE DES CHAPELLENIES 13
carta maestre Helies desus dig, Tan que desus, a XXV de
octobre.
132) Item, I carta que conten que los senhors obriers, pa-
tros de la capelanie que ordenet mossen Ricart Bec, capelan,
saj entras, deron ad acapte a sen Johan de Monjuzieu, blan-
quier, I pessa de terra contenen V cartayradas e mieia e XI
destres, scituadas al terrador apelat al peras de Latas, am
usatgi de V. s. Fes la carta lo dig notari, Tan M CGC IjXV,
a XXI de novembre .
133) /^em. I carta contenen que los senhors obriers, patros
de la capelanie ordenada per dona Guilla Rocaficha, molher
de sen Daude Rocaficha, e per sen P. Turpin, primier marit
de la dicha, deron ad acapte a sen G. de la Balma, orgier, de
Montpeylier, une pessa de terra contenen III cartayradas
de vinha, scituadas el terrador de Monpeylier apelat Landis-
sanegues, am usatgi de XXX s. paguadors a mossen R. Lar-
guezas, capelan, que decantan la dicha capelanie. Fes la carta
lo dig notari, Tan que desus (F° 32, r°) a XVI de januier.
134) Item. I carta cossi los senhors obriers, patros de la
capelanie ordenada per mossen Miquel Sospon, doctor en leys,
say entras, compreron de sen P. Costa, orgier, per la dicha
capelanie X s. d'usatgis am directe senhoria e auzismi, sobre
1 pessa de terra de vinha, scituada en la demarie de Sant
Stephe de Sorieg, en lo luoc apelat al Ga de la Folie, que
es de dona Guilhalma, molher de sen Johan Clari, laurador.
135) Item, EX s. de usatgi, am directe senhorie e lauzimi,
sobre 1 pessa de terra de vinha scituada en lo terrador apelat
la Vabre, que es d'en Duran de Leuzeyra, mercier.
136) Item, E X s. de usatgis,am directe senhorie e lauzimi,
sobre una pessa de terra de vinha, scituada en la dicha dema-
rie, en lo luoc apelat al Gua de la Folie, que es de Martin
Combas, mercier.
137) Item. X de usatgis, am directe senhorie e lauzimi, so-
bre 1 pessa de terra de vinha scituada en lo dig luoc que es
d'en Johan Maurel, laurador.
138) Item XX de usatgis am directe senhorie e lauzimi.
14 DIALECTES ANCIENS
sobre una pessa de terra de vinha, que es de la molher de
messier Bernât Roqueta.
139) Item, XX s. de usatgi, am directe senhorie, lauzimi,
sobre 1 pessa de terra de vinha que es del dig P. Costa, sci-
tuada en io dig luoc. Fes la carta to dig notari, Tan
M CGC LXII, à XIX de jun.
140) (Fo 32, v») Item, 1 carta cossi los senhors obriers patros
de la capelanie que ordenet sen Johan Salvayre, lauzeron I
vendicion fâcha a Steve Sabatier, altramen de Valentines,
Sartre, per sen R. Hue, cambiador, de 1 pessa de terra de
camp que es a Tospital de Bejanegues, am usatgi de V. s. Fes
la carta lo dig notari, Tan que desus, a X de juli.
141) Item, 1 carta cossi messier Bernât Roqueta, licenciât
en leys, reconoc al senhors obriers, patros de la capelanie,
que ordenet mossen Miquel Sospon, doctor en leys, una pessa
de terra de vinha de dona Agnes, molher sieua, scituada en
la demarie de Sant-Esteve de Sorieg, en lo luoc apela a la
Vabre; am usatgi de XX s. Fes la carta lo dig notari, Tan que
desus, a XXIIII de juli.
142) Item, 1 carta cossi los senhors obriers, patros de la
capelanie ordenada per maestre Bernât Matuel, notari, say
entras e mossen Bernât de Tomayrols, capelan, la dicha
capelanie decantan, deron ad acapte a'n P. Gros, mercier,
de Montpeylier, una pessa de terra scituada a la demarie de
Montels, en lo luoc apelat al mas d'en Valat, am usatgi
de XX s. Fes la carta, lo dig notari. Tan que desus, a XXII
d'octobre.
143) Item. I carta cossi los senhors obriers, patros de la
capelanie, (F° 33, r°) ordenada per sen G. Castel, cabassier,
de Montpeylier, say entras, lauzeron la vendicion fâcha a sen
Berenguier Pulhan, mercier, de una vinha que fon de dona
Johana, molher de sen Esteve Scofier, say entras, scituada en
lo terrador de Montpeylier apelat a la Mota, am usatgi de X s.
Fes la carta lo dig notari, Tan que^desus, a XXIX de januier.
144) Item, I carta cossi los senhors obriers, patros de la
capelanie que ordenet dona Laurensa, molher de sen Miquel
LE CATALOGUE DES CHAPELLENIBS 15
Pelet, say entras, lauzeron I lajsa fâcha a dona Katherina,
molher de sen Andrieu Boganho, bajsa7re,per mossen G. Jo-
vin, capelan, say entras, de Grabels, de I cartayrada de vinha,
que es scituada el terrador apelat Pueq Avelier, am usatgi de
XIII s. III d. Fes la carta lo ' dig notari, l'an M CGC LXVII,
à XXIX de octobre.
145) Item. I carta cossi los senhors obriers, patros de la
capelanie ordenada per sen Bernât Jogos, pelicier, say entras,
de Montpeylier, deron ad acapte a sen Bertran Lauret, fustier,
e a dona Alamanda, molher de sen Johan Mamet, de say en-
tras, fustier , I pessa de terra que fon III cartayradas en se
contenen, scituada en lo terrador apelat Tort de Serven, am
usatgi de XXIV s. Fes la carta lo dig notari. Tan que desus,
a XXIV de januier.
146j (F** 33, V®) Item. I carta contenen que los senhors
obriers e patros de la capelanie que ordenet sen P. de Favars,
drapier, say entras, lauzeron I vendicion fâcha a sen Esteve
Beysieyre, liayre, de Montpeylier, per R. Bonel, laurador, de I
cartayrada de plantier, scituada en la demarie de san P. de
Montarberon, en lo luoc apelat los Trencastz^ am usatgi de X s.
Fes la carta lo dig maestro Helies, Tan que desus, a XX de
mars.
147) Item. I carta contenen que los senhors obriers e pa-
tros de I capelanie que ordenet sen Johan Berthomieu, peli-
cier, say entras, que lauzeron I vendicion fâcha al sen R.
Stuc, cambiador, de Montpeylier, per sen Jacme Espanhol,
espazier, de doas pessas de vinha que son a san P. de Mont
Arberon, als Grezes de la Canalada^ V s. VI. d. Fes la carta
lo dig maestro Helies, Tan M CGC LXVIIL, a XXIV de abril.
148) Item. I carta contenen que los senhors obriers e pa-
tros de la capelanie que ordenet sen G. Gastel, cabassier, say
entras, de Montpeylier, lauzeron I* lieuration fâcha a l'en-
quant a Johan de Ribauta, lanternier, habitador de Montpey-
lier, de P pessa de terra de vinha de II cartayradas, scitua-
das en lo terrador apelat Egua longua, am usatgi de III s.
Fes la carta lo dig notari. Tan que desus, a II de jun.
16 DIALECTES ANCIENS
149) (F° 34, r°) Item, I carta contenen que los senhors
obriers e patros de la dicha capelanie deron ad acapte al dig
Johan de Ribauta una pessa de terra de vinha contenen una
cartayrada que es scituada el dig terrador de Egua longua,
am usatgi de XII d"". Fes la carta lo dig notari, Tan e'I jorn
que desus.
150) Item . E la carta de la reconoysensa de las dichas II
pessas de terra.
151) Item, I* carta que los senhors obriers e patros de I*
capelanie ordenada per mossen G. Moneri, capela, say entras,
deron ad acapte a sen Jordan Rei, fustier, I* pessa de camp
P carta jrade e mieia contenen, que es lo paml d'en Conquas,
am usatgi de XXX s. Fes la carta lo dig notaris, Tan que de-
sus, a V. de febrier.
152) Item, P carta contenen que los senhors obriers e patros
de la capelanie que ordenet sen R. Bedos, mazelier, say entras,
lauzeron P succession a dona Garcens, molher de sen Johan
Pauc, hostalier, de Montpeylier, al quai marit sieu succesi,
de P pessa de terra V cartons contenens, que es en la dema-
rie de sant Fermin, en lo luoc apelat Tor de Serven, am usatgi
de V. s. Fes la carta lo dig notari. Tan M CGC LXVIII, a IX de
mars.
153) (F** 34, v°) Item. P carta contenen que los senhors
obriers, patros e governadors e amministradors* del monestier
de las donas de sant Gili de Montpeylier, e'I procurayre del
dig monestier, lauzeron una institution de hères per lo testa-
men fag per sen R. Terrest, sedier, say entras, en lo quai tes-
tamen fes heretieyras dona Pauleta, sa molher, e Fermina, sa
filha, per laquai institution, pervenc a la dicha Pauleta la
meitat per non devisa de P pessa de terra de II cartayradas,
que es el terrador deNovegens, laquai se teng del dig mones-
tier de las dichas donas, am usatgi de quatre d". Fes la carta
lo dig notari. Tan M CGC LXIX, a VIII de jun.
154) Item, P carta contenen que los senhors obriers, pa-
* V. a. 128 et 160. Tor.
LE CATALOGUE DES CHAPELLENIES 17
tros de la capelanie que ordenet mossen Johan de Vilar, cape-
lan, que deron ad acapte a dona Brysa, molher de sen To-
mas Assaut, speciayre, de Montpeylier, P pessa de terra de
vinha que conten v cartes, que es scituada el terrador del mas
(ten Milaty am usatgi de X s. Fes la carta lo dig notari. Tan
M CGC LXIX, al derrier jorn de octobre.
155) Item. P carta contenen que los senhors obriers, patros
de I* capelanie que ordenet sen Gr. Castelh, cabassier, sobredig,
lauzeron una vendition fâcha a'n R. Marsana, fustier, de
Montpeylier, per Esteve Sospon, ortolan, de P pessa de terra
de vinha que es el terrador apelat las Felissencas, am usatgi
^e V s. Fes la carta lo dig notari. Tan que desus, a VII de de-
zembre .
156) (F° 35, r°) Item. I carta contenen que los senhors
obriers, patros de la capelanie ordenada per maistre Bernât
Matuel, notari, saj entras, de Montpeylier, lauzeron la ven-
dition fâcha a maistre P. Roman, cotelier, per senR. del Mas,
mercadier, de Montpeylier, tutor de Katherina, fîlha de sen
Johan Yssareils, mercadier, de Montpeylier, per P pessa de
terra de vinha que es el terrador de Montpeylier, en lo luoc
appelât al pahon, am usatgi de XX s. Fes la carta lo dig no-
tari. Tan que desus, a XIIII de novembre.
157) Item. P carta contenen que los senhors obriers e patros
de la capelanie que ordenet sen Johan Ros, chandelier, de
Montpeylier, say entras, lauzeron la vendition fâcha a sen Jo-
han Guos, laurador, de Montpeylier, per sen Johan Carbonel,
laurador, de I cartayrada de camp que es el terrador apelat
Val de Vesin, am usatgi de X s. Fes la carta lo dig notari. Tan
que desus, a XXIII de novembre.
158) Item. P carta contenen que los senhors obriers e patros
de la capelanie que ordenet sen Esteve Rog, borzes, say en-
tras, una peruccion o succession fâcha à dona Mirabels, mol-
her de sen* P. Sam, cabassier, say entras, de Montpeylier, que
era de Johan d'Albapar, cabassier, say entras, de doas car-
tayradas de vinha, que son en la demarie de sant Fermin de
Montpeylier, sub la reclusa de LataSy am usatgi de XL s^**.
18 DIALECTES ANCIENS
Fes la carta lo dig maistre Helias Lambert, Tan M CGC LXX,
a XXV de may .
159) (F° 35, v°) Item. Una carta contenen que los se-
nhors obriers, patros de la capelanie que ordenet sen Bernât
Engilbert, mercadier, de Montpellier, lauzeron I* liuration
fâcha a Tencant public a messier P. Cabot, 1* pessa de terra
de vinha scituada en lo terrador appelât Via croza, am usagi
de XX 8^*. Fes la carta maistre Helies, notari, sobredig, Tan
M CGC LXX, a lUI de octobre.
160) Item, I* carta cossi los senhors obriers e patros de
V capelanie ordenada per sen R . Bedos, mercadier, saj en-
tras, lauzeron I* vendicion fâcha a sen Esteve Porel plus
vielh, laurador, per dona Garcens, filha de sen Thomas Vi-
cens e molher de sen Johan Sauc, ostalier, saj entras, de I*
pessa de terra de vinha que es en la demarie de san Firmin
el terrador apelat Tor de Serven, e de usatgi V s^*, paguadors
a mossen Salvayre Ladel, decantan la dicha capelanie. Fes la
carta lo dig notari. Tan M QCG LXX, a XX de dezembre.
161) Item, P carta contenen que los senhors obriers, patros
de la capelanie que ordenet mossen RicartBec, capelan, say
entras, laquai décanta mossen Geneys Arbossa, capelan, de-
ron ad acapte P possession a na Margarida, molher de Johan
Porthier, mercadier de vin, que es que conten III cartos, sci-
tuada en lo luoc apelat a la Caupolieyra, am usatgi de V s^^ Fes
la carta lo dig notari. Tan que desus, a XX de dezembre.
162) (F** 36, r°) Item, P carta contenen que los senhors
obriers, patros de la capelanie instituida e ordenada per
messier G. Glari, savi en dreg, de saj entras, lauzeron P ven-
dicion fâcha a sen R. Miquel, fustier, de Montpeylier, per
sen G. de la Lequa, orgier, de Montpeylier, e Maria, sa mo-
lher, de P pessa de terra de vinha, que es scituada a la fon de
san Bertholmieu, am usatgi de XX s. Fes la carta lo dig no-
tari, Tan M CGC LXXI, a VII de may .
163) Item, P carta contenen que los senhors obriers, pa-
tros de la capelanie que ordenet sen Berthomieu Greza, ma-
zelier, say entras, deron ad acapte P pessa de terra sci-
LE CATALOGUE DES CHAPELLENIES 19
tuada als Ortz de las Cortz, am usatgi de X s^^ Fes la carta lo
dig notari, Tan M CGC LXX, a XIIII de mars.
164) Item. P carta contenen que los senhors obriers e patros
de la capelanie ordenada per dona Alamanda, molher de^sen
Johan Lobier, drapier, say entras, deron ad acapte a sen
Gaucelm Bonen, al, Morrut, e a sen Paul Costa, e a sen Daude
Morrut, de san Johan de Vedas, so es assaber a cascun car-
tajrada e la tiersa part de P cartayrada, am usatgi cascun
de V s^* VIII d'^*, laquai es scituada el terrador de Sant Esteve
de Bejanegues. Fes la carta maistre Helies Lambert, notari.
Fan M CGC LXX, a XIV de mars.
165) (F° 36, v°) Item, I carta contenen que los senhors
obriers, patros de la capelanie que ordenet sen Esteve de Lo-
deva, filh e heretier de sen R. de Lodeva, canabassier, say
entras, de Montpeylier, que deron ad acapte a sen Esteve
Raymon, laurador, de Montpeylier, I pessa de terra laquai es
scituada el terrador apelat a Campmorie7\ Am usatgi de P
emina d'ordi. Fes la carta lo dig notari. Tan e'I jorn que desus.
166) SEGUN se las notas o las cartas receupudas, per lo dig
maistre Helies Lambert, al, Riber, notari .dels digtz senhors
obriers, patros de las capelanias que s'ensegun, que son en
I cazern del libre en que son las armas de Tobra, aysi^quant si
ensec.
167j Premieiramens P carta contenen que sen Jacme Sy-
mon, mersier, de Monpeylier, reconoc als senhors obriers, pa-
tros de P capelanie que ordenet sen Bertholmieu Greza, ma-
zelier,^say entras, de una pessa de terra de vinha que es el
terrador appelât de Landissaurgues , am usatgi de XVII s^*
IX d'\ Fes la carta lo dig notari. Tan M GCC LXXI
168) Item, P carta cossi los senhors obriers, patros de la
capelanie que ordenet dona Johana, molher de sen Johan
Andrieu, mercadier (F° 37, r°), say entras, e mossen Esteve
Boysieyra *, capela de la dicha capelania decantan, deron ad
* M. Bansieyra.
20 DIALECTES ANCIENS
acapte a sen Berenguier Vesian, et a senDuran Galin, e a sen
Jacme Valiejra, e a sen R. Bermon, e a sen Berenguier Grun,
lauradorsI*pessa déterra laquai es scituada el terrador apelat
Vort de las Cortz, am certz usatgis. Fes la carta lo dig notari,
Tan e'I jorn que desus.
169) Item . P carta contenen que los senhors obriers, pa-
tres de la capelanie que ordenet sen Duran Sacirajre, dra-
pier, saj entras, de Montpeylier, e mossen R. Larguezas,
capelan de la dicha capelanie decantan, deron ad acapte a
sen G. Thaïes, manescal, de Montpeylier, P pessa de vinha de
III cartayradas scituadas en la demarie de Montarberon, en
lo terrador apelat a la Mota^ am usatgi de XXX s^*. Fes la
carta lo dig notari. Tan que desus, a XXIV de dezembre .
M
III
170) (F° 38, r°) AQUESTÀS cartas, denfra designadas,
son en lo libre de las notas receupudas per maestro Jacme de
sant Johan, notari dels senhors obriers de la dicha communa
clausura de Montpejlier, loqual libre es en la dicha obra que
pertocon a la capelanïas de lasquals son patros los dighs
senhors obriers.
171) Aquestas cartas que s'ensec escrichas foron receupu-
das de l'an M CGC LXXII a. . . *.
172) Premieyramens I carta contenen que los senhors
obriers, patros de la capelanie que ordenet dona Agnes mo-
Iher de sen Inart Homagi, penhejre, de Montpeylier, e mos-
sen Salvayre Ladel, capelan de la dicha capelanie decantan,
deron ad acapte a sen P. Borrelh, fustier, I pessa de terra
contenen IV cartayradas, scituadas en la demarie de Mont
Arberon, en la terrador de Negua Castz, am usatgi de XX s**.
Fes la carta lo dig maistre Jacme de sant Johan, notari. Tan
que desus, a XVII de dezembre. Recognovit.
nS) Item, I carta de acapte dat per los senhors obriers,
patros de la capelanie que ordenet maistre Lambert de la
La seconde date manque.
LE CkTKhOOm .DÏpS GHAPBl-LENIES 21
d^ Mâts iVielh, ca^^elan, la ôicl^a.qapel^^ia46C0ji.tan, ft se$i
Guiraut Arpin, mercadier, de çMo^tpeyii^r, de I ipe^s^a de
terca.jde yittba qAiiB ^3 en la dç^n^rie.de Mqm^lâ, am usatgi de
XL fils . jFes )la .«arta lo dig wt^açi, r^j(F^ SfS, .v**) que d^us,
a i&]V^IU defabrier .
ûl4],Jiem.J.Q0^ksi l5ontel>^^ qiie los ^enhprs^pbriers, pa^tros
de la oapelanie que opdenetsepjJohaivKos,.pasj;içijer^ de Mont-
pejlier, say entras, e mQSsen 4^rasi|s del Tro3, c^s^pelan, la
dicha capelanie «deoantsui, lauïôPQn una cession e riemission
fâcha per sen Aûddeu Baoanel, IauQrador,,a dona Johana,
molher d^ sen P iRacanel, lauorador, ss^j^ entras, >deb dregs
et aooiaque avia.en P pessa déterra de, camp que.es, vçLter-
Tador apelat akortzde las Cor/z,am;. usatgi de XXs^'. Fes la
earta lo dig notari, Fan M CCCLXXVII, al -premier jour, de
ftbril. Recognovit.
175) Item, La earta contenen que .los sei^hoics obriers, pa-
tros de la capelanie que ordenet idpua rLaureiisa, .molber de
8en Miquel Pelet, drapier, saj /entras, ,de Montpeylier, e
mossen Berenguier Tornier, capelan, Ja dicha papelsinie de-
cantan, deron ad acapte a na Guilhelma, molher de, sen Ber-
nât Cabertpina^ lauorador, saj entras, de P qartajrada de
vinha que es en lo terrador apelat Pwe^ j4y^/^r,ia,m usatgi de
XX 8*».'Fes la earta lo dig notari, Tan que desus, ial premier
jorn de abril.
176) Item. La earta contenen que los senhors obriers, pa-
tres dela,c^elAmiB,q]ue orde^,qt sen Johan .^artholn^ieu, pe-
Ucier, deMontpeyJier, say entras, e mossen Bernât Caslar,
capelan de la dicha capelanie <F° 39, v°), decantan, lauzeron
P dation en p^gua a dpna Katbeyijia, çaolher d'en P. Martin,
sabatier, de Montpeylier, de.P vinha que es en la demarie de
Montarberon ois Grçzçs^ çipi usatgi de V s'«. Fes la earta lo
dig notari, T^n que desus, a Yl d'ab^il.
177) Item. 1 earta contenen que los senhors obriers, pa-
tres de la capelanie que prdenet^ maestro Matuel, say entras,
e mossen P. Costa, ci^pejia^, la dicha capelanie decantan,
2
■•.^
22 DIALECTES ANCIENS
deron ad acapte a sen Johan Pastre, laurador, I vinha que
es a Rafegnan^ am usatgi de V s*'. Fes la carta lo dig notari.
Tan que desus, a XVIII de juli.
178) Item. I carta contenen que los senhors obriers, patros
de la capelanie que ordenet sea Johan Bertholmieu, pelicier,
saj entras, de Montpejlier, e mossen Bernât Caslar, la dicha
capelanie decantan, lauzeron I dation en pagua fâcha a dona
Katherina, molher de sen P. Martin, sabatier, saj entras, de
una cartayrada de vinha que es als Grezes: Am usatgi de
VII s^*. Fes la carta lo dig notari, a VIII de may.
179) Item. P carta contenen que los senhors obriers, patros
de la capelanie que ordenet sen Duran Satnayre, say entras,
de Montpejlier, e mossen Raymon Larguezas, capelan, la
dicha capelanie decantan (F° 39, v°), deron ad acapte 8l sen
Bernât Pascal de Prunet, laurador, I vinha que es a la por-
talieyra de Landissanegues, am usatgi de V s^" . Fes la carta lo
dig notari. Tan que desus, a XVIII de may.
180) Item, I carta contenen que los senhors obriers, patros
de la capelanie que ordenet dona Marita, molher de sen
Johan Rossonel, molinier, say entras, de Montpeylier, e mos-
sen Johan del Mas Vielh, capelan, la dicha capelanie decan-
tan, deron ad acapte a sen Berenguier Papina, orgier, de
Montpeylier, I camp que es en la demarie de san Martin de
Prunet, en lo luoc apelat la Hoqueta, am usatgi de XXV s^^
Fes la carta lo dig notari. Tan que desus, a XXVI d'octobre .
181) AQUESTAS cartas d'enfra designadas foron reccu-
padas per lo dig maestre Jacme de san Johan, notari, Tan
M CGC LXXIII.
182) Item. P carta contenen que los senhors obriers, patros
de la capelanie que ordenet maistre G. de la Vabre, notari,
say entras, e mossen G. Costa, capelan de la dicha capelanie
decantan (F° 40, r°), deron ad acapte a sen P. Hugonin doas
pessas de terra de vinha contengudas II cartayradas que son
a la Tinetla de Latas, am usatgi de X s*" . Fes la carta lo dig
notari. Tan que desus, a XX de octobre.
LE CATAJ^OaUE DES CHAPELLENIES 23
183} Item. !• carta contenen que los senhors obriers, patros
de la capelanie que ordeuet dona Fermina, molher saj en-
tras de sen Johan de Rodes, altramen Gauzi, pargamenier, de
Montpeylier, e mossen P. Garrigua, oapelan, la dicha cape-
lanie decantan, deron ad acapte a sen Guiraut Mauran^ lau-
rador, de Montpejlier, 1*^ pessa de terra de vinha contenen
1* cartajrada, que es en la demarie de Sant-Daunizi, en lo loc
apelat a la torre d'en Candelon, am usatgi de X s**. Fes la
carta lo dig notari, Tan que desus, a XXI de octobre.
184) Item. 1* carta contenen que los senhors obriers patros
de la dicha capelanie, e'I dig capelan, deron ad acapte a sen
C. Rajmon, una pessa de terra de vinha contenen en se
1* cartayrada, que es en lo luoc sobre dig, am usatgi de X s**.
Fes la carta lo dig notari, Tan e'I jorn sobre dig.
185) Item. 1* carta contenen que los dighs senhors obriers e
patros de la dicha capelanie; e'I dig capelan, deron ad acapte^
a dona (F® 40, v") Johana, molher d'en Pons Tenel, sirven, de
Montpeylier, 1 pessa de terra de vinha contenen en se 1* car-
tayrada, que es en lo luoc sobre dig, am usatgi de X s^". Fes
la carta le dig notari, l'en e'I jorn que desus.
186) Item. 1* carta contenen que les senhors obriers, patros
de la dicha capelanie, e'I dig mossen S. Garrigua, la dicha
capelanie decantan, deron ad acapte a dona Johana, molher
de sen Johan Ajnaut, mazelier, de Montpeylier, et al dig ma-
rit sieu, 1 pessa de terra de vinha, II cartayradas en se con-
tenen, que es el dig luoc, am usatgi de XX s^S Fes la carta
lo dig notari. Tan que desus, a XXVI d'octobre.
187) Item. 1* carta contenen que los senhors obriers, patros
de la dicha capelanie, e'I dig capelan, deron ad acapte, a sen
Duran Fetays, cordier, de Montpeylier, 1* pessa de terra de
vinha tenen en se III cartos, que es en lo dig terrador, am
usatgi de X s*". Fes la carta lo dig notari. Tan e'I jorn que
desus.
188) ( F* 41, P°) AQUESTAS cartas que s'ensegon foron
24 1)IALECTES ANCIENS
receupudas per lo dig notari, maestre Jacme de San-Johan,
notari, Tan M CGC LXXIIII.
189) Primieyramens 1* carta contenen que los senhors
obriers, patros de la capelanie que ordenet sen Bernât Engil-
bert, pelicier, say entras, de Montpeylier, e mossen R. Lar-
guezas, capelan, la dicha capelanie decantan, en lagleyza de
S'aiit-Bertholmiéu, deron ad acapte a dona Guilhalma, molher
de sèn Johan Foyset, cordier, de Montpeylier, 1* pessa de
terra que es en la demarie de Sant-Fermin, el terrador de Da-
bian, am usatgi de X s^*. Fes la carta lo dig notari Tan que
desus, a XII de mars.
190) Item. 1* carta contenen que los senhors obriers, patros
de la capelanie ordenada per sen Johan Ros, pastacier, say
entras de Montpeylier, e mossen Atrasies * del Gros, capelan,
la dicha capelanie decantan, lauzeron 1* vendition fâcha a sen
P. Gregori, drapier, de Montpeylier, per Bernât Huguet et
Florencia, sa molher, de 1" pessa de terra de vinha que es en
la demarie de Sant Fermin, en la Garda del val de Vezin, am
usatgi de X s^". Fes la carta lo dig notari, Tan que desus, a
XV de mars.
191) (P° 41, v°) Item. 1* carta contenen que los senhors
obriers, patros de la capelanie que ordenet sen G. Gastel, ca-
bassier, de Montpeylier, lauzeron 1* vendicion fâcha a sen
Johan Garin, mercier, de Montpeylier, per sen R. Ricart, de
Montpeylier, de 1* vinha que conten una cartayrada, que es
prop lo Molin de Tevesque am usatgi de X s^*, laquai décanta
mossen Johan Palam, capelan. Fes la carta lo dig notari. Tan
que desus, a XXII de octobre.
192) Item . 1* carta contenen que dona Peyronela Marale-
tina, molher de sen S. Maraletin, say entras, reconoc als se-
nhors obriers, patros de la dicha capelanie, I cartayrada de
terra, que es en la demarie de Montels, en lo luoc apelat las
Felissencas, am usatgi de V s^*. Fes la carta lo dig notari. Tan
e'I jorn que desus.
* V. art 174, Arazus.
LES GATALOOUB DBS COAPËLLb^NIES 25
193) Item. 1* carta contenen que los senhors obriers, pa-
tros de una capelanie que ordenet sen Bernai de Sant Idathieu,
olier, de Montpeylier, e mossen Esteve de Trelops, capelan
de la dicha capelanie decantan, lauzeron un estauh fag a sen
R. Duran, altramen Ramier, per sen P. Nogaret, ortolan, de
1* pessa de terra de vinha que es a San Milhejs, am usatgi de
XXX s^. Fes la carta lo dig notari,. Tan que desus, a XXIY
d'octobre.
194) (F* 42, P*) AQUESTAS quartas que sen segon foron
receupudas per lo dig maestro Jacme de Sant Johan, notari,
Fan M CGC LXXVI.
195) Premieyramens P carta contenen que los senhors
obriers patros de la capelanie que ordenet sen Andrieu Tor-
cubilbas, pestre, say entras, de Montpeylier, compreron de
usatges per la capelanie am directe senhorie e lauzimi, de
sen Nat Palmier, cambiador, de Montpeylier, per cert près.
Fes la carta lo dig notari, Tan M CGC LXXVI, a XXX de
abril ; es la carta a Tobra.
\9&) Item, I* carta contenen que los senhors obriers, pa-
tros de la capelanie que ordenet dona Fermina, molhe {sic) de
sen Johan de Rodes, altramen Gozi , pargamenier, say entras,
de Montpeylier, e mossen P. Garrigua, capelan, la dicha ca-
pelanie decantan, deron ad acapte a sen P. Romier, sedier,
I' pessa de terra que es. ...*.... Am usatgi de X s^'. Fes la
carta lo dig notari. Fan que desus, a XVI de may .
197) (F® 42, v°) Item • I* carta contenen que los senhors
obriers, patros de la capelanie que ordenet dona Johana, mo-
Ihcr de sen Johan Andrieu, mercadier, say entras, de Mont-
peylier, e molher de maistre Berengûier Guilabert, notari,
say entras, compreron de sen P. Ribas, sedier, de Montpey-
lier, de usatgis am directa senhorie e lauzimis per la dicha
capelanie, per sert près. Fes la carta lo dig notari, Tan que
desus, a XVI de juli.
* L'indication manque.
26 DIALECTES ANCIENS
198) Item . I* carta contenen que los senhors obriers, patros
de la capelanie que ordenet sen Bernât de Milhangues, or-
gier, say entras, de Montpeylier, e mossen Steve Boysieyra,
capelan, la dicha capelanie decantan, deron ad acapte a
mossen Johan Melquier, capelan, de Montpeylier, coma pri-
vadapersona, unepessa de terra de camp, contenen en se VII
cartes o entorn, que es prop lo cemiteri de Sant Cosme, am
usatgi de XXX s**. Fes la carta lo dig notarié Tan que desus»
a XVII de juli.
199) /fem. I* carta contenen que los senhors obriers patros
de la capelanie que ordenet que sen Bernât Benezeg, mercier,
say entras, de Montpeylier, deron ad acapte a Mossen Johan
Melquier, capelan, coma privada persona, I prat contenen en
se III cartayradas, que son a Latas en lo luoc apelat Lojac, am
usatgi de XX s^". Fes la carta lo dig notari. Tan que desus, a
XXXI de octobre.
200) (F° 43, p") Item. I* carta contenen que los senhors
obriers, patros de la dicha capelanie aordenada per lo dig sen
Bernart Benezeg, deron ad acapte I vinha que conten en se
IIII cartayradas, scituadas en la demarie de Montels, en lo
luoc apelat Fort Lauzanha, am usatgi de V s^*. Fes la carta
lo dig notari, Tan que desus, a XXXI de octobre.
IV
201) AQUESTAS cartas denfra designadas son notadas e
receupudas per lo dig notari, en l'autre libre.
202) Item. I* carta contenen que los senhors obriers e pa-
tros de la capelania que ordenet dona Johana Andrieua, mo-
Iher de son Nicholau Andrieu, say entras, e mossen Esteve
Boysieyra la dicha capelania decantan, lauzeron I* permuta-
tion fâcha a Bernât de la Fabregua, per sen G. de Mûries,
pebrier, de II estais, am transcort, que son al barri de Mont-
peylier, e fan usatgi XVIII den. Fes la carta lo dig notari,
Tan M CGC LXXVI, a XIX de dezembre.
202) Item. I* carta contenen que los [senhors obriers epa-
LE CATALOGUE DKS CHAPELLEKIES 27
tros de la capelanie que ordenet sen G. Castel, cabassier, say
entras, e mossen Johan Salam, capela de la dicha capelania,
deron e lauzeron I* vendition fâcha a sen G. Fontanes, lau-
rador, per sen Bernât Carbonel, sirven exécuter deltestamen
de sen Johan de Ribauta, lantarnier, say entras, de P car-
tayrada de terra que es a Fgua Longua, am usatgi de XII den.
Fesla carta lo dig notari. Fan M CGC LXXVII, a XXIV de
abril.
205) (F* 43, V") Item. I* carta contenen que los senhors
obriers, patros de la capelania que ordenet mossen Martin
Aycelin, say entras, e mossen Jacme Gaudil, capela la dicha
capelania decantan, lauzeron P vendition fâcha a sen P. Gau-
dilh, mercier, de Montpeylier, per sen P. Valencha, merca-
dier de vin, de P vinha contenen una cartayrada, que es en
la demarie de Montels, en lo terrador apelat Pueg Radier, e fa
de usatgi XX s^". Fes la carta lo dig notari. Tan que desus, a
XXIV d'abrU.
205) Item, P carta contenen que los senhors obriers e pa-
tros de la capelanie que ordenet sen Andrieu Cortuchas,
pestre, say entras, lauzeron P permutation fâcha a sen Esteve
Cosenval, aventurier, per sen Johan de Caranta, laurador, de
I verdier que es prop lo pon del Carme, am usatgi de XII
den. Fesla carta lo dig notari. Tan que desus, a XXVI de jun.
206) Item, P carta contenen que los senhors obriers e
patros de la capelania que ordenet mossen Martin Aycelin,
capelan, e mossen Jacme Gaudil, capela, la dicha capelania de-
cantan, lauzeron P vendition fâcha a sen Johan Gitbert, mer-
cier, de Montpeylier, per sen G. Gaudilh, mercier, de P car-
tayrada de vinha que es a Pueg.Rodier, am usatgi de XX s^".
Fes la carta lo dig notari. Tan que desus, a XXIV de juli.
207) (F* 44, P®) Item, P carta contenen que los senhors obriers,
patros *de la capelania que ordenet dona Johana Andrieua,
molher de sen Nicholau Andrieu, say entras, e molher que
fon de maestre Berenguier Guilabert, notari, e mossen Esteve
Boyssieyra, capelan de la dicha capelania decantan, lauze-
ron P vendition fâcha a S. Guodet, bastier, per Daunizi Lon-
^ DIA^É(3tES ANCJIBNb
dras, de I*'m^yon, ata ti^atiscoi^, (^Ue es prop lo Bofdel, am
usatgi de VÉ den. Fes la carta Ib dig nôtîari', Faïi que desa»,
a Xir d'aoât.
20Ô) /^em. I* cai^fet' côntenen i^ue Ips senhors obrîers, pairos
de la ciapelania aordenadà, pèr la dicha donà J'ohana An-
drieua, el dig* mossen Estéve* Boysieira, capelan de la dicha
capfelania decJàntato, lauze^oit 1* vèûditiott fticha per I>ftu-
nizi de Londras, mercier, a sen Bernât del Pueg, pestre, àe
t^ il^a^oiï amverdièt, d^né es éh lo dlg» lu6tî, am oâsltgi de
XVI den. ^és la cartà Ib dig' nôtàri, Tan e'I jdrn qtte déâùs.
209) Itént. P cârtâ côntetieii que los senhôrs obri^ersy pati^ôs
de la capelania que crrdenet sen P. Albert, drapier^ say en-
tras, e mt>^séù P. Guii^aut, càpèMn' hè di^ôàa capélanie âecaa^
tan, lauz'erott de P telidîciott fei'châ a dôtiada* Johà^à, moiliér
de sen Johatl fîana's', laurâ'doi', de I ôstâl- que es él bttW»i de
Mô^ntpe jlïét, âl GoMdï, en là carHéyra dels Oiieûs. AM ùsîatgi
de XIII s^". Fes la carta lo dig notari, Tan que dé^iïs, â XlX
d'aost.
èlO) (F^* 44, ^*) Hém . !•* câttà contefe^tt que los senhots
obriers e pati^os d'é la câpéknk que ordéttét dt)i4a Guilhina
Tui^pina, moEbier de riiôsàôii DatUde Roëàftôhal, cavaKw, my
entras, laquai se déèa:nia' en Tàiitai^ de' Nosti*a Dônat dfè sânt
Martin dé t^runet, e Môs^ôti Estété ëe ïréVàliô, cap^Ià, la
dicha càpeïaitta decàntâù, làuzèï»bh P hiètitution Se hefe» fâ-
cha jiér seri Jâciiie de Salicàttàs, ôailabassiér, sày ëtlti^s, de
MontpeyMôi!', él qùal testamen fés heréftieyrâmadoiiaBeâtris,
molhèi» Sleuhat, (^ùô lî pôrvétid lï câ:rtâyrâ,daà de vinba que
son àl Rieù Coïuin, ani usâtgî de XV s*». Fes là dàrtâ lo dig
notàri. Tan que désus, a Ô de éétèmbre.
211) Iterh. P carta côiitèûén que los Senhors ôbrîèrt, pati'és
éé la capélàùia que ordenèt dona Johàhà Aiidrîeuà, Éàolher
dâirieyra dé maîstré Berenguièi» Ouilabett, ïi(ytàri, sày ètttl^,
e inoâsen Estevé Bôysieyra, ôàj^élah, là dicha dapélaiiia dë-
' Ms.idonada. — Est-ce dona ou donada^ fém. de dùnat, Comme ci-
dessus (a. 3 )'?
LE GATALOGTJBI DES CHAPELLENIES 29
cantan, làuzeron I* vendition fâcha a sen P. Teysier, (îrapier,
per Bernât d'el Pueg, de I ostal am verdier que es prop &e Ta
carrieyra de las Femenas, am usatgi de XVI den. Fes la carte
le dîg notari, Tan que desus, a XXX de setembre.
2Ï2) Item. I* carta contenen que los senhors obriers e pa-
tres de là capelanie ordenada per sen Andrieu Torculhas, pe»-
tre, saj entras, deron ad acapte a sen R. de Peyras, merca-
dfer, de Mbntpeylier, lUr crozes contenens, que son foras Ib
portaf de lia Blanquarîa, ara usatgi de l s*" e VI d'en. Fes la
carta ïo dîg nolari, Tan que desus, a XIIII dte octobre.
213) (!F* 4S, r**) Item. I* carta cossi los* senhors obriers, pa-
tros de Ta capelania que ordenet dona Permina, molher de
sen Johan Gu'osi, altramen de Rodes, pergamenier, say en-
tras, e mossen P. Guarriguas, capelan, la dicha capelania de-
cantan, deron ad acapte a maestro Peyre- Lauzet, I pessa d^
terra que es a la torr^ cTen Caïuielon, ancr usatgi de XX s*'. Fes
la carta lo dig notari, Tan que desus, a XV de octobre.
214) Item. I* carta contenen que los senhors obriers, patros
de la capelania que ordenet sen Mathieu de Canavat, poli-
cier, say entras, deron ad acapte a sen G. Fornier, laurador,
I* pessa de terra de camp, que es a Larian, am usatgi de X s^".
Fe9 fa carta lo dig notari. Tan que desus, a XXIIII de octo-
bre.
215) Item. I* carta contenen que los senhors obriers, patros
de la capelania que ordenet sen Guiraut Joguos, say entras,
e mossen Johan Gaudalet, capela, la dicha capelania decan-
tan, de I^ lieuracion fâcha a R. Gâcha e Daudo Mal, lauradors,
de I* pessa de terra, vinha e camp, en se contenen, que es a
la Lova, am usatgi de XL s**. Fes la carta lo dig notari. Tan
que destrs, a X de febrier.
216) Item. P carta contenôn que los senhors obriers, pa-
tros de la capelania que ordenet mossen Johan del Vilar, altra-
men Raynier {9" 46, V*), capelan, say entras, de Montpey-
lier, e mossen G. Costa, capelan, la dicha capelania decantan,
deron ad acapte a sen Johan Pastre, laurador, de Montpey*
Uer, P peMa de terra, que era erma, que fou de doua Luyza
30 DIALECTES ANCIENS
molher de messier Thomas Assaut, que es el terrador apelat
Rafegan, am usatgi de V s. Fes la carta lo dig notari, Tan
M CGC LXXVII, a XIV de mars.
217) Item. P carta contenen que los senhors obriers, patros
de la capelania que ordenet dona Johana Andrieva, molher
que fon de maestre Berenguier Guilabert, notari, say entras,
e mossen Esteve capelan la dicha capelania decantan, lauze-
ron I* vendicion fâcha a sen Johan d'Orlhac, orgier, de Mont-
peylier, per P. Guodet, bastier, de I hostal am transcort, que
es prop la carrieyra de las Femenas, am usatgi de VII den.
Fes la carta lo dig notari, Fan M CGC LXXVIII a XII d'abril.
218) Item, P carta contenen que los senhors obriers e patros
de la capelania que ordenet mossen Johan del Vilar, altra-
men Raynier, capelan, say entras de Montpeylier, e mossen
G, Gosta la dicha capelania decantan, compreron per la dicha
capelania de sen Johan Vezat, cambiador, habitador de Mont-
peylier, de usatgis IIII libr. e V s^*. Am directa senhoria e
lauzimis. Fes la carta lo dig notari. Fan que desus, al primier
jorn de setembre.
219) (F° 46, r*') Item. 1* carta contenen compromes fagh
entre les senhors obriers, patros de la capelania^que ordenet
maestre Jacme de Ozilha, notari, say entras, de Montpey-
lier, de 1* part, e sen Jacme Guilhem, drapier, say entras,
d'autra part, sobre ayso que los distz senhors obriers deman-
davon al dig sen Jacme CGG floris, losquals lo digtz sen Jacme
Guilhem el temps que el era obrier e clavari de la dicha obra,
avia receuputz dels bens que eron del dig maestre Jacme de
Ozilhan per fundar una capelania que el avia ordenada per la
sieua arma. Fes la carta maestre Jacme de Sant-Johan, no-
tari, Tan M CGC L XXVIII, a II de octobre, e foron compro-
missaris sen Esteve de Glapiers e messier Daude Astruc.
220) Apres Tan que desus, a XXI de octobre estan denfra
lo dig compromes, lo digz sen Esteve de Glapiers e'I digz mes-
sier Daude Astruc, arbitres elegistz per la dichas partidas,
pronuncieron :
Attendut que lo digz sen Jacme Guilhem volia repotier la dot
LE CATALOGUE DBS CHAPBLLBNIES 31
de dona Gracioza*, dona mayre sieua, et que los bens non
abastavon a paguar los deutes, fonc pronunciat que lo digz
sen Jacme Guilhem ôlb, sia tengutz per toi temps a donar al
capelan que décanta la dicha capelania, et als sieus succes-
sors per la dicha capelania, X fioris a pagar cascun an, per
las paguadas acostumadas
221) Item, Que el quas que el compraria la renda dels ditz
X floris, a voluntat dels senhors obriers, que sos bens fosson
quites. Fes la carta lo digz notari. Fan e'I jorn que desus.
222) Item, 1 testamen fag per sen Raymon Cliemons, pey-
rier, say entras, de Montpeylier, en loqual testamen ordenet
1* capelania, laquai se décantes par 1 senhor capelan en la
gleyza de Sant Paul, per laquai capelania layset per fondar
aquela 1 pos e Tostal que fon davan lo forn dels senhors Cos-
sols de la Valfera. Pes lo testamen maestre P. Levet, notari,
l'an M CGC XLVIH, a VI de jun.
223) (F* 46, V*) Item. Lo testamen fag per maestre Lam-
bert de la Fon, surgian, de Montpeylier, e loqual ordenet que
de sos bes se fezes una capelania, laquai se décantes en la
glieza de Sant-Paul, laquai décanta mossen P. Perier, cape-
lan, e son compradas las rendas ayssi quant apar el libre del
papier del manifest. — Falh lo testamen.
224) Item, Lo testamen fag per sen Guilhem Moynier, pe-
brier, say entras, de Montpeylier, en loqual ordenet 1* cape-
lania laquai se décantes per la sieua arma en la glieyza de
Sant-Permin, de Montpeylier, per laquai capelania layset en
son testamen C. floris, per comprar rendas alodials. Fes lo
testamen. L'an M CGC. Décanta la dicha capelania mossen
Bernât de Arigier, capelan .
225) Item, Lo testamen fag per sen Guilhem del Forn, pes-
tre, say entras, de Montpeylier, en loqual testamen ordenet
1* capelania per la sieua arma, laquai vole que se décantes en
la gleyza de Sant-Paul de Montpeylier. Décanta la mossen
Johan Jausseran, capelan (F° 47, v"), per laquai capelania
* Mi. Garcioza.
3t DIÂLEGTBS ÂN0IEN6
Ifajset 1 hostal que es en 1 canto sobre U> fbrn de las Flamas.
Fes lo testamen .
226) Item, Eo testamen fag per dona Mizabels, molher de
sen Esteve de Candilhargues, drapier, say entras, en loqual
testamen ordenet 1^ oapelania, laquai se décanta en la gljeiza
de Sant-Paul.
227) Item. Lo testamen fag pev doua, Rossoaela, molher de
sen Johan Rossonel^ en loqual testamen ordenet 1*^ capelania
laquai se décantes en la gljeiza de Montpejlier, e foron oom-
pradas las rendas per la dicha capelania ajsi quant apar en lo
libre del papier de las denu^ciatios de la capelania. Fea lo
testamen .
228) Décanta la mossen P. Alh, capelan.
229) Hem. Lo testamen fag per dona Dossolina, molher de
sen Guilhem Bornhona, meroadier, say entras, de MontpeyMer,
en loqual testamen ordenet 1* capelania laquai se décantes en
la gleyza de Sant-Paul de Montpellier, entre a la renda de
C s^*. Ten les deniers sen Andrieu Tillel, exequtor e bens-
tenens de la dicha Dossolina. Fes lo testamen.
Falh lo testamen .
230) Décanta la mossen G. Alazart, capelan de las donas
de Sant Gili .
231) (P« 47, V*) A n M CCC LVII, a'VIl de janvier, lo sen
Raymon del Colet, canabassier, sajr entras, de Montpejrlier,
fes son testamen, en loqual ordenet dos capelanies, de las-
quais la una vole esse decantada en la gleya de sant Jacme
de Montpeylier per I capelan, am renda de XV floris. ^—
Item. B Tautra vole esse decantada a sant Jolia de Buoias, al-
tramen de Pegayrolas, entro a la renda de xxv flor. per autre
capela, fazens residencia en la dicha gleyas eascun. De las-
quais son patres les senhors obriers de la communa clausura
de la viela de Montpeylier. Fes lo testamen M. Jacme de
sant Jolia, notari, maior de jorns, per se o per autre.
232) Item. Foron compratz per las diohas capelanias, per
sen Bernât Te jsier, drapier, exequtor del testamen del digh
sen Rajmon, la mitât de la directa senhorie^ lausûmis et de
LE CATÀIAJmm DBS GHAPBLLENIES 93
usatgis de xxtoi^e^ies'de blàt, lasfdoias-par»^e fromfen et la
tersa d'ordi, e de dos sesties d'ordi. Am carta^lachaiper mos-
sen Salvayre Qràbels, notari, say entras. Sèto las carias ée la
compra e reconoysensas a la obra.
2^) Item. L'an M CGC LXXXV, a III de maï's, forôn com-
pratz per lo sen Johan Daunizi, obrier e clavari de la obra, am
SOS companhos obries, patros de las dichas capelanies, Tautra
mittat del dich blat dels dos sesties d-ordi, am la dicha se-
nhorie e lauzimi per lo près de V C. francs. Et aysso del près
de I hostal que fonc del dich sen Raymon del Colet, que es
scituat a Castel Moton, losquals usatges son-subre diversas
possessios scituadas en lo terrado de sant Bres, de TAvesquat
de Magalona.
234) Ffes la carta Jaome de sarit Jolia, phis^ove, nôtari
dels senhors obriers.
235) Es en I libre de papier, cubért de pai*gamin,
senhat sus lo dos de la
236) Kan M CGC II, a XXII de abriel, mossen Permin
Ribas, capelan decantan la capelania fundada per Bernart de
Caux, a sant Fermin, portet als senhors obriers patros de la
dicha capelania unas letras de Tamortisation de la dicha
capelania. Es en Fescrin de Tobra, en I massapan, senhat
de tal senhal
T
INDEX TOPOGRAPHIQUES
AouLHARiB (P).— Rue (a. 65. 100).— Auj. PAiguillèrie.
Arnibiis (als), terrador. — Téneraent. (A. 126). V. ci -dessous
Latas et £. Thomas, Dtc. top,, s. v. I'Arnbl.
34 DIALECTES ANCIENS
Arsa (1'), terrador. — Ténement. (a. 64). Est-ceV Arsat?
AvESGATDE Magalona. — Evêché, diocèse de Maguelone (a. 238) •
BALMA(la). — Grotte voisine de la ville (a. 133). Auj. les Baumes.
Barris (los). — Faubourgs (a. 202, 209). 11 y avait le barri des
murs et le barri de la palissada. Le Coureau, lo Corral, dont il est
ici question, faisait partie de ce dernier.
Bejameques.— Hameau (a. 125, 144). Auj. com. de Saint-Jean-
de-Védas.
Bellog, terrador. — ^Ténement (a. 13i). Auj. Beaulieu (comm. de
Ca stries).
BoNiEYRAS, terrador. — ^ïénement (a. 8,38). Auj. Bonnier.
Bordel (lo). — Les mauvais lieux (a. 207). Avaient été rejetés à
l'une des extrémités de la ville, aux vergers. V. Carrieyra de las
femenas (a. 207) .
BoTOMET.-^ Hameau de la banlieue (a. 37. 78), du même nom,
Boutonnet.
Gampmorier (lo), terrador. — Ténement (a. 165.) N'est pas dans
E* Thomas, Dicl. top.
Ganalada (la), terrador. — Ténement (a. 147.) n'est pas dans
E. Thomas, Dict. iop. — V. aussi Grezes.
Ganto (lo) sobre lo forn de las flamas . — Le coin du four des
Flammes (as. 226).
Garme (lo). Le Garmel, couvent des Garmes, à la Blanquerie
(a. Y. GovEN, — Pqn, — Portal, — Verdier).
Carrieyra DE l*Agulharie. — Rue de PAiguillerie (a. 100).
Carrieyra d'en Valentin. — Rue voisine du portail Saint-Gilles
(a. 3).
Carrieyra de las Femenas. — Rue des Filles de joie (a. 211. 217).
V. A. Germain, Hist, de la Commune (III, p. 371).
Carrieyra dels Olieus. —Rue des Oliviers (a. 209), au Courreau.
Gastel (lo). — Le Palais (a. 11).
Castel Moton.— Quartier, rue de la vieille ville (a. 334). Auj.
rue Cas tel-Mouton.
Caupolieyra (la), terrador. — Ténement (a. 165). N'est pas
dans E. Thomas, Dict, Iop.
Ckmiteri de s. Cosme (lo). — Cimetière de Téglise Saint-Côme
(a. 198). V. S. GosMB.
Claus de la Capelanie (lo). — Clos delà Chapellerie, dîmeriede
Moiitauberon (a. 196) N'est pas dans E, Thomas, Dict. iop.
Le catalogue des CHAPELLBNIES 35
Condâmina d'en Aybran (la). — La Gondamiiie desj Atbrand
(a. 67).
GoRRAL (lo). — Le Gourreau, quartier de la ville (a. 209).
GovENDEL Garme(Io). — Gouvcnt des Carmes, à la porte de la
hlanqucrie (a. 33, 83).
Grozes (los). — Les fosses à fumier de la porte de la Blanquerie
(a. 212).
Dabian, terrador. — Ténement (a. 189), dîmeriede Saint-Firmin.
N'est pas dans Eug. Thomas, Dict. top.
Demarfes. — Dîmeries. V. Montels {sl. 123, 192, 200), S. Daunizi
Ca. 183), 5. Esleve de Sorieg (a. 145), S. Fermin ( a. 128, 152, 158,
189), S. Martin de Frunet (a. 180), S. Peire de Belloc (a. 131 ),
S. P. de MontarberonidL. 124, 125, 146, 169, 172, 176), 5. P. de
Porlz (a. 127).
EguaLonga, terrador. — Ténement (a. 202), auj. Aiguas longas.
EspiTAL DE Bejanegdes. — Hospice de Bejanegues (a. 125, 144 ).
V. ce mot ci-dessus.
Felissencas (las), terrador, — Ténement (a. 155, 192), dîmerie
de Montels. N'est pas dans E. Thomas, Dict. top.
FrGAYRELAS (las), terrador. — Ténement (a. 127), dîmerie de
St-Pierre de Port. N'est pas dans E. Thomas, Dict. top.
FoN Lauzanha. — Fontaine rustique (a. 200), dîmeriede Montels.
N'est pas dans Ë. Thomas, Dict. top.
FoN S. Bertolmieu. — Fontaine rustique (a. 162;, rendue célèbre
par une chanson populaire. N'est pas dans E. Thomas, Dict. top.
FoRN DE LA Valfera. — Le four de la Valfère (a. 222), apparte-
nait à .'a ville.
FoRN DE LAS Flamas. — Four des Flammes (a. 226). Une rue porte
encore ce nom.
Frayre Menors. — Les Frères Mineurs, couvent (a. 52).
GuA DE LA Folie. — Gué du Lez (a. 134, 136), dîmerie de Saint.
Etienne-de-Sorieg. N'est pas dans E. Thomas, Dict. top.
Garda del val de Vezin. — Tour qui défendait du val de Vezin
(a. 190). V. Val de Vezin.
Grezes (als), terrador. — Ténement (a. 124, 94, 176), dîmerie de
Montauberon. N'est pas dans E.Thomas, Dict. top.
Grezes de la Ganalada. — Ténement (a. 147). N'est pas dan s
E. Thomas, Dict. top,
Gleisas. — Eglises. V. Notra-Dona-de-Taulas, Nostra-Dona-de
S.'Gili, sarit etsancta.
36 .DIALECTES ANCIENS
Landissargue, terrador. — Ténement (a. 72). Notre ms. donne
aussi les formes Landissaurgues (a. 167) et Landissanegues (a. 133).
N'est pas dans E. Thomas, Dict, top.
Lat AS, Lattes, village (a. 120, 58, 182, 199). — V. aussi Feras de
Lalas (a. 132), Plan de Latas{a,. 22), Tineta de Latas (a. 182).
Larian, terrador. — Ténement (a. 214). Est-ce Larnan?
Lez (Io). — T-.e Lez, rivière (a. 96).
LojAC, terrador. — Ténement (a. 199), commune de Lattes.
N'est pas dans E. Thomas, Dicl. top.
Lova (la), terrador. — Ténement (a. 215). N'est pas dans E.
Thomas, Dict. top .
Magalona. — Maguelone, ancienne cité (a. 223).
Malapagua (Ja) de la cort bel bayle . — La prison pour dettes
de la baillie (a. 104), ce qui permet de supposer que la rectorie
avait aussi la sienne. Malapagua, littéralement mauvaise paye ; il y
avait une prison ainsi nommée dans presque toutes les villes du
Midi.
Mas d'en Milat, terrador. — Ténement (a. 154.) N'est pas dans
E. Thomas, IJict. top.
Mas d'en Valat, terrador. — Ténement (a. 142), dîmerie de
Montel. V. aussi Pos. N'est pas dans E. Thomas, Dicl, top.
Mazes (als). — Les Mazes, hameau (a. 116).
Melguer. — Mauguio, anc. comté (a. 14J.
MoLiN DE l'Evesque (lo). — Le moulin dePÉvêque (a. 191).Portc
encore le même nom, mouli de rEvesque, ou simplement VÈvesque.
Momels, terrador. — Ténement (a. 73). Probablement Montels.
Monestier de s. GiLi. — Le monastère des Dames de S. -Gilles
(a. 153). Y^S.GilL
Montarberon. — Montauberon, hameau et dîmerie (a. 124).
Montels. — Montel, hameau et dîmerie (a. 123, 142).
MoTA (la) terrador. — Ténement (a. 143, 169), dîmerie de Mon-
tauberon. N'est pas dans E. Thomas, Dict. top.
Nequa Gastz, terrador. — Ténement (a. 172), dîmerie de Mon-
tauberon. — Prenait son nom d'un petit ruisseau.
Nostra-Dona-de-Taulas. — Église de N.-D.-des-Tables (a. 91,
21, 23, 79). — Autel de la Madalena (a. 20).
NosTRA-DoNA-DErS.-GiLi. — L'Église N.-D. du monastère de
Saint-Gilles (a. 76,127).
NovBGENs, terrador. —Ténement (a. 153). V. Parrochia.
LE Catalogue des CHAPfîLLENiES 37
OsTAL DE Tabatd'Anhana. — Hôtel de Tabbé d'Aiiiane (a. iOl).
Ortz de las Gortz, terrador. — Ténement (a. 163, 160, 174). N'est
pas dans E. Thomas, DicL, iop.
Paml d*en GoNGAs(lo), terrador. — Ténement (a. 151) N'est pas
dans Eug. Thomas, pict. top,
Pahon (al), terrador. —Ténement (a. 150). N*est pas dans
E. Thomas , Diot. top,
PARROcmA DE NovEOENS. — Paroîsse (a. 115), fait partie auj. de
là commune de Gazargues.
Peras de Latas (al), terrador, — Ténement (a. 132). N'est pas
dans £. Thomas, Dict, iop.
Plan de Latas (io), terrfidor. — Ténement (a. 22). N'est pas dans
E. Thomas, Dict. top,
PoN OEL Garme (Io). — Le pont-levis de la porte des Carmes
(a. 205).
PoRTz, terrador. — Ténement (a. 128).
PoRTALS (los). —Les grandes portes ie la ville. Notre ms. cite :
1. La portai de S.-Gili (a. 3) ;
2. La portai de la Blanquaria (a. 80);
3. Lo portai del Carme (a. 80). Avec la forme Cairne,
PoRTALiEYRA DE Lanoissameques (la) . — L'une des petites portes
(le la seconde enceinte (a. 179).
Pos. — Puits. — Le ms. en cite plusieurs :
1 . Lo pos de la Valfera (a . '222) ;
2. Lopos d*en Valal (a. 123), dlmerie de Montels ;
3. Lo pos de S.-Jorgi (a. 1) ;
4. Lo pos de S,'Cosme (a. 129), voisin de l'église de ce nom.
Prbzicadors. — Gouvent des frères prêcheurs (a. 100).
pRUNET, terrador. — Ténement et dîmerie (a. 179). V. S*-
Martin .
PuEO AvELiER, terrador. — Ténement (a., 175). N'est pas dans
Ë. Thomas, Dict, top.
PcEG RoDiER, terrador. — Ténement (a. 122, 206). N'est pas
dans E. Thomas, Dict, top,
Hapegnan, lerrador. — Ténement (a. 177. 216). N'est pas dans
E. Thomas, Dict, top.
Reclusa de Latas. — Ténement (sl, 158). N'est pas dans
E. Thomas, Dict- iop, — Y. A. Germain, Hisl, du commerce.
3
38 DIALECTES ANCIENS
Reu GoLOM (al), terrador. — Ténement (a. 210). Prenait son
nom d*un petit ruisseau, lo Rini-Coulon.
RoQDETA (la), terrador. — Ténement ; a. 186 ), dimerie de
Saint- Martin -de-Prunet. N'est pas dans Ë. Thomas, Dict, iop.
Salicatas, terrador. — Ténement (a. 210;. Auj. même nom.
Sa.nt Aloy. — Église de 8t-Éloy (a. 9, 33).
S, Augustin. — Eglise du couvent de ce nom (a. 32).
8. Bertholmibu. — Église de St-Barthélemy, rustique (a. 35, 74).
V. FoN.
8. Brb8. — Village (a. 234).
S. GosMB. — Église de St-Côme, rustique (a. 129, 88). V. Pos.
8. Daunizi. — Eglise de St-Denis (a. 90). — Autel de Sl-Raynier
(a. 90).
8. EsTEVE DE Bejanegues, terradof. — Ténement (a. 116, 164). V.
Rejanegues.
8. EsTEVB DE 8oRrEC, demaria. — Dîmerie (a. 134).
8. FiRMiN, demaria. — Dîmerie (a. 190) et église paroissiale. —
Autels de S.-Miquel (a. 102), Noslra Dona (a. 98), S. Andrieu (a. 66).
8. GiLi. — Église et monastère de femmes (a. 76, 78). Dans la
paroisse de Novegens (a. 153).
8. GuiLHEM. — Église de 8t-Guilhem. — ^Autels de VOslia (a. 82).
N. D. de Tostz Sans (a. 45), S. Guilhem (a. 45).
8. Jacme. — Église de 8.-Jacques (a. 231).
8. JoHAN. — Église et monastère des chevaliers de Saint-Jean
(a. 3).
8. JoLiA DE BuEiAS. — St-JulicH-de-Buéges, village (a. 231).
8. JoRGi. — Chapelle rustique (a. 1). V. Pos,
8. Marti de Prunet. — Dîmerie et église rustique (a. 210). — Autel
:!e Nostra Dona (a. 210). •
8. Marti de Saussanegues. — Ténement (a. 130). N'est pas
dans E. Thomas, Dict. top.
8. Mathieu. —Église (a. 48, 65). Autel de S. Antoni{di, 43).
S. Milheys, terrador. — Ténement (a. 193).
8. Paul. — Église (a. 34, 222, 223).
S. Peyre de Bellog. — Église et dîmerie (a. 131). V. Belloc.
8. Peire de Portz, demaria. — Dîmerie (a. 127). N'est pas dans
E. Thomas, Dict. top,
8. Peire de Montauberon. — Église et dîmerie (a. 124).
S.Thomas. - Église (a. 62).
LE CATALOGUB DES GHAPELLENIES 39
Saxta Anna. — Église (a. 6, 47). — Autel de Nostra Don» (a. 46).
8. Gathbrina. — Église (a. 18).
8. Gros. — Église (a. 76).
Sadssanegues, terrador. — Ténement(a. i 30, 230).
SoRiEG, terrador. — Ténement (a. 134).
TiNETA DE Latas, terradoF. — Ténement (a. 182). N'est pas dans
E. Thomas, IHcl, top,
Terradors. — Ténements. V. les mots Amiers, — ArsUy — Bel"
loCy — Bonieyras, — Campmorier, — Canalada, — Caupelayra, —
Claus de la capelania, — Condamina, — Dàbian, — Egua longa,
— Felissenca, — FigayrelaSy — Forij — Gazda, — Gua, — GrezeSy
Landissargues. — Lariariy — Lojac, — Lova^ — Mas, — Moliriy —
Momels, — MonlelSy — Moia, — Negua Ca^lZy — Novegens, — Artz,
— Pamlf — Pahon, — Pezas , — Plan, — Porlz, — Prunet, — Pueg,
— Rafegnan, — Reclusa, — Reu columy — Roquela^ — SalicalaSy
— S. Marti f — S, Milheys, — Saussanèques^ — Sorieg, — Tineta^
— Torre, — Vahre, — Fa/, — Via Croza.
ToRRE d'en Candelon, — TouF féodale qui donnait son nom à un
ténement (a. 183,213), dîmerie de St-Denis. N'est pas dans E.
Thomas, DicU top.
ToR DE Serven. — Tour et ténement du même nom (a. 145,
128, 152, 160), dîmerie de St-Firmin.
ToRRAssA, ténement. — Grande tour et ténement du môme nom
(a. 95).
Trencastz (los), terrador. — Ténement (a. 118, 148), dîmerie de
8. P. de Montauberon.
Vabre (la), terrador. — Ténement (a. 135). Il yen a un de ce
nom dans la commune de Glaret.
Val de Vezin, terrador. — Ténement (a. 190). N'est pas dans
E. Thomas, Dict. top.
Valextines. — Le Valentinois, pays de Valence (a. 140).
Valfkra (la). — Quartier, rue de l'ancienne ville (a. 222). V.
Forn et Pos.
Verdier DEL Garme. — Verger situé près de la porte de Lattes
;a. 205;.
Via Groza, terrador. — Ténement (a. 121. 159). N'est pas dans
t. Thomas, /^id. top.
40 DIALECTES ANCIENS
GLOSSAIRE
Abastar, V. —Suffire (a. 220).
Alberouier de mergadibrs, loc. — Celui qui loge les marchands
(L. àes privilèges, a. 13).
Alberqitador de ROMiBus, loc. — Gelui qui loge les pèlerins (Id. ,
a. 8).
Alodial, adj. — Qui concerne Taleu (a. 224).
Alon, s. m. — Pour alo (a. 72).
Amministrador, s. m. — Pour adfninisirador (a. 153).
Amortizamen, s. m. — Amortissement (a. 56, 48). Rayn.,
amortissamen .
Amortization, s. f. — Action d'amortir (a. 136).
Arbalestieur, s. m. — Arbalétrier (a. 24).
Atenden, p. prés. — Attendant, considérant (a. 1).
Aventurier, s. m. — Marchand colporteur (a. 205).
Aysa, 8. f. — Les aides, impôts (a. 63).
Barralier, s. m. — Fabricant de barils (a. 69).
Baysayre, s. m. — ? (a. 144.)
Ben tenen, s. m. — Détenteur d'un bien (a. 131, 229).
Gabassier, s. m. — Fabricant de cabas (a. 39, 155, 158).
Ga-de-l'a, loc. — Bout de Tan (a. 60).
Gapela (grand), loc. — Le grand chapelain de N.-D. (a. 20).
Capelanie, s. f. — Ghapellenie (a. 1.) Et aussi capelania (a.
166).
Garto, s. m. — Petite mesure de surface (a. 155).
Getembre, s. m. — Pour setembre (a. 93).
Ghaudelter, s. m. — Fabricant de chaudeaux (a. 157).
Glavari dels obriers, loc. — Le trésorier de l'œuvre (a. 220).
CoMPROMissARi, S. m. — Gclui qui fait un compromis (a. 279).
Gonresayre, s. m. — Compagnon scieur de long (a. 120).
GoNTENGUDA, adj. f- — Contiguë (a. 130, 182).
Gotelier, s. m. — Coutelier (a. 156).
LE CATALOGUB DBS CHAPELLlîiNIES 41
Darkeyramens, adv. — Dernièrement (a. 87). Rayn. derreiramen.
Dation, s. f. — Remise en payement (a. 176).
Daus. — Vers (a. 279).
Decantadoyra, adj. f. — Qui doit être chantée (a. 18. 23).
Degantan, p.. prés. — Desservant (a. 115).
Degantar, V. — Desservir (a. 5).
Defalhens, p. prés. — Défaillant, manquant (a. 61).
Demane, s. f. — Je pense qu'il faut lire demarie (a. 116).
Destre, s. m. — Mesure de surface (a. 132).
Devesa, s. f. — Devèze (a. 65). Rayn., devesa,
DiGTZ. — F(mr ditz (a. 1).
Divisa, adj. f . — Divisée (a. 12).
Entorn, adv. — Environ (a. 198).
Erma, adj. — Déserte (a. 216).
BsPAZiER, s. m. — Fab. d'èpées (a. 147).
EsTAUH, s. m. — Cession (a. 193).
Fabrie, s. m. — Fabrique (a. 182).
Folie, s. f. — Folie (a. 134). Pour folia.
Franc alo, loc. — Franc aleu (a. 2).
Gazier, s. m. — Exécuteur testamentaire (a. 61). Rayn , ya-
ziaire.
GovERNAN, p. prés. — Dirigeant (a. 1).
Ha, V. avoir. — Pour a (a. 31, 45).
Habit ADOR, s m. — Habitant (a. 218).
Heredetat, s. f. — Héritage (a. 45). Rayn., heretat.
Ho, adv. — Pour o (a. 11, 40).
Institota, adj. f. — Instituée (a, 122); et instiluida (a. 162).
Lantarnier, s. m. — Lanternier (a. 202.) ; et lanternier (a. 148).
Laysa, s. f. — Donation, laisse (a. 144).
Leuqietramens, s. f. — Facilement (a. 1).
Liayre de balas, loc. — Lieur de sacs, sorte de fort de la halle
(a. 100).
Liayre, s. m. — Relieur (a. 147).
Liedration, s. f. — Livraison (a. 159) ; et liuradon (a. 148).
Malapagua. s. f. — Litt., mauvaise paye. — Par extension, prison
pour dettes (a. 104).
Major de jorn, loc. — L*aîné, doyen. Litt., celui qui a le plus
de jours. (A. 231, 232.) — (V. ci-après, pour d'autres expressions
du même genre, plus viel, plusjove, etc).
42 DIALECTES ANCIENS
Me!tat, s. f. — Pour mitât (a. 153).
Mercadier de vin, loc. — Marchand de vin (a. 122).
Messier. — Messire (a. 138).
MoLHER darrieyra, loG. — Femme en deuxièmes noces, ou rema-
riée (a. 210, 87).
MoRRUT, adj. f. — De mauvaise mine (a. 164).
Non devisa, loc. — Indivis (1, 153).
Olier, s. m. — Marchand d'huile (a. 88, 89). Rayn.. OHerj po-
tier. — Les deux sont encore en usage.
Paoua, s. f. — Paye (a. 175). — Pour Paga.
Paguada, s. f. — Ce qu'on paye en une fois (a. 220).
Paguador, s. m. — Celui qui paye (a. 100). — Pour Pagador,
Paml, s. m. — Coin, part (a. 151). Lo paml d'en Concas^ la part
d'en Concas.
Paroamenier, s. m. — Marchand de parchemin (a. 183, 176);
et pergamenier (a. il 8).
Pastigier, s. m. — Pâtissier (a. 5); etpastader (a. 190).
• Pengion, s. f. — Pension.
Penheyre, s. m — Peintre (a. 172). — Pour Penheire .
Permutagion, s. f. — Permutation (a. 202). Rayn., permutatio.
Peruggion, s. f. — Succession.
Pezas. — (A. 132)..
Plantier, s. m. — Plantation (a. 146).
Plus viel, loc. — L'aîné, doyen (a. 160).
Plus jove, loc. — Puîné (a. 234).
Preferit, IDA, p. passé — Préféré (a. 1).
Prioressa, s. f. — Prieure (a. 137).
Procura, s. f. — Procuration (1. 106).
Progurayre de las armas, loc. — Procureur qui défendait les
droits des âmes du purgatoire (a. 54.), les fondations pieuses faites
à leur intention.
Proguraire del rey, loc. — Procureur du roi de Majorque (a. 101).
Proguraire del monestier de S.-Gilt. — Procureur des religieu-
ses de S. -Gilles (a. 153).
Progezen, p. prés. — Procédant (a. 102).
Prunet. — Verger de pruniers (a. 139).
Ratifiquar, V. — Ratifier (a. 125.) — Rayn., ratificar,
Requonoisser, V. — Pour reconoisser (a. 115).
Romier, surn. —- Pèlerin (a. 173),
LE CATALOGUE DBS CHAPBLLBNIES 43
Saben, p. prés. — Sachant (a. 1).
Sagnayrb, s. m. — Baigneur (a. 4).
8ay entras, loc. — Autrefois (a. 212) ; et sa entras (a. 89).
Sen, s. m. — Pour seigneur (a. 46).
Senhorn, s. m. — Pour senhor (a. 83, 102).
Sert, adj. m. — Pour cerl (a. 29).
Sestayrada, s. f. — Seterée (a. 14).
Setuat, p. pass. — Situé (a. 102).
Sons, adj. poss. — Ses (a. 24, 36, 46).
Sotcelier, — Sellier (v. Livre des privilèges, a. 9).
SuB, prop. — Sous (a. 157).
Sdbstitdi, adj. m. — Substitué (a. 157).
SuMA, s. f. — Somme (a. 25). Pour soma.
SuRGiAN, s. m. — Chirurgien (a . 233). Rayn., surgier.
Tenedor, s. m. — Ténement (a. 127).
Tenen, p. prés. — Tenant, avec le sens de conlenen (a. 186).
Tera, s. f. — Pour terra (a. 194).
Transcort, s. m. — Cour intérieure, intermédiaire (a. 202, 207).
Transcrit, s. m. — Transcription (a. 217).
Torrassa, augm. — Grande tour (a. 95).
Trespartar, v. — Transporter, transmettre (a.l). Vouv transportar.
Vabre. —(A. 135).
Vendigion, s. f. — Vente (a. 144.) Rayn., vendition.
Variantes orthographiques, avec cinq formes: gleyza (a. 222).
glieyza(di.21^), gtyeiza (& 226), f/h'cza (a. 224), gleya (a 23i); —
avec quatre, maiestre (a. 26), maistre (a. 24), maestre (a. 40),
mestre (a. 9); — avec deux, abriel(^. 23) et abril (a. 34), aordenada
(a. 200) et ordenada, aost et alwst (a. 84), cert et sert (a 195, 197),
cetembre (a. 94) et setembre {dezemhre a. 121) et décembre) en et
«i (a. 121), executor et exequtor (a. 230), espital et ospitat (a.
144), ha et a (a. 31, 45), ho et o (a. 11, 40), hostalier et ostalier
(a. 152, 160), hostal et ostal{aL. 101), laurador et lauorador (d^. 174),
lascals et lasquals (a. 2), lieuration et liuration (a. 215), loc etluoc
(a. 183), obrier et obrie (a. 233), possessyo et possession (a. 2 et 8),
requonoc et reconoc (a. 115), quarla et carta (a. 194), vendicion et
vendilion (a. 120, 121), cas et quas (a. 85, 23i). senhor et senhorn
(a. 83), setuat etscituat (a. 101, 104). Et celles qui résultent de la
chute du r linal : molhe (a. 196), esse (a. 221), obrie (a. 233), sestie
(a. 232), terrado (a. 233 )
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE
DES ANCIENS COMTÉS DE ROUSSILLON ET DE CERDAGNE
(Suite)
IX
On ne possède, ou du moins on n*a signalé jusqu'ici, aucune
œuvre entièrement rédigée en langue catalane avant la seconde
moitié duXIIP siècle, car la Chronique du roi Jacques le Con-
quérant n'a guère pu être composée avant Tan 1250, et il est
difficile d'admettre que Raymond LuU , né à Majorque en
1235, ait pu écrire avant 1260 la prose ou les vers qui lui sont
attribués. On a publié aussi la Chronique de Bernard Dez Clôt,
écrite vers la fin du XIIP siècle, et celle de Raymond Mun-
taner, composée aux approches de Fan 1330.
Cet ensemble de documents serait certes plus que suffi-
sant pour donner une idée complète de la langue catalane au
XIIP siècle ; mais, malheureusement, les manuscrits originaux
ou les copies contemporaines de ces écrits sont perdus ou in-
connus. La Chronique du roi Jacques, dont le plus ancien ma-
nuscrit est daté de Tan 1343, et celle de Muntaner, ne sont
connues que par des éditions du XVP siècle^ époque où per-
sonne ne s'occupait sérieusement d'études linguistiques en Es-
pagne ; les œuvres catalanes de LuU ne se sont conservées que
dans des manuscrits de beaucoup postérieurs à la mort de l'au-
teur. Quant à la Chronique de B. Dez Clôt, elle n'a été publiée
par M. Buchon que d'après des manuscrits i*elativement mo-
dernes, qui, joints sans doute à l'insuffisance de l'éditeur en ce
qui concerne le catalan, ont complètement défiguré la physio-
nomie du texte original et en ont fait un document d'une uti-
DOCUMENTS' SUR lÎA LAN^atlE'ÔATALANE 4S
llté très- Contestable pour la philologie *1 On pourrait en dire
autant d'une œuvre bien moins essentielle pour la linguistique,
de la Chrôùlque du roi Pierre IV d'Aragon; transcrite à là fin
du XV* siècle par rarchiviste-cht^oniqùëur Michel Carbonell,
et publiée seulement dans le siècle suiVant *.
Or il est évident pour tous cèûi qui connaissent les habi^
tudès, on pourrait presque dire les principes constants dés
copistes de texteè catalans, français et autres, de tontes lés
époques, que non*seulementr6rthographe, niàife bien souvent
les formes du langage, se ti'ouvent déjà altérées diatis les" di-
verses copies d'un mêtâe manuscrit faites dàtiS l'intervalle de
vingt ou trente ans les unes des autres^ surtout lorsque la' lan-
gue n'était pas encore déônitiveiïient fixée.
La laiigiie catalane ne peut être considérée coiiime ayant
atteint son complet développement et sa forme définitive
qu'après la mort de Pierre IV, et il eh résulte que, dans leur
état actuel et quelle que soit leur valeur historique oii litté-
raire, les œuvres indiquées ci-dessus n'offrent qu'une mince
autorité pour la linguistique et rie sauraient guère servir âé
texte à des discussions philologiques. C'est d'ailleurs à cet
unique point de vue que nous nous en occupons ici ; il ne
s'agit pour nous que de l'étude et de l'histoire de la langue
catalane, pour lesquelles les éditions des Chroniques des rois
Jacques et Pierre, de B. Dez Clôt et de Muntaner, telles que
nous les possédons, sont d'un secours tout à fait secondaire
et ne peuvent ofirir des textes et des preuves dont la critique
puisëe s'autoriser.
I Sans parler des graves erreurs de lecture que les connaisseurs relève-
veraient facilement à chaque page du texte de B. Dez Clôt édité par
M. Buchon, on peut se convaincre, par la simple comparaison du chapitre
premier, publié par Antoine de BofaruU {EstudioSj sislema gramatical y
erestomcUia de la lengua catalana, 1865, page 153), qu'il n'y a pas, pour
chaque ligne, quatre mots qui ne présentent une orthographe ou des for-
mes différentes dans les deux leçons.
* Carbonell réunissait toutes les qualités voulues pour donner une ex-
celleate copie de la Chronique du roi Pierre, et il faut rejeter les fautes du
lexte sur les éditeurs du XVI« siècle.
46 DIALECTES ANCIENS
Il faut donc, pour Thistoire de la langue catalane, comme
pour celle de toutes les autres langues romanes sans excep-
tion *, recourir avant tout aux textes originaux dont la date
est parfaitement sûre et dont on possède des manuscrits con-
temporains, si Ton veut suivre et étudier les origines, la for-
mation, les variations, les progrès et les formes diverses des
mots et de la syntaxe. On peut dire que, sous ce rapport, il
n'a été fait jusqu'ici aucun travail réellement important pour
la langue catalane avant sa formation définitive, c'est-à-dire
pour la période comprise entre les années 1250 et 1380.
C'est cette lacune que nous nous proposons de remplir par
la publication de documents dont la date et la transcription
soient certaines, sans nous préoccuper en rien de leur valeur
littéraire ou de l'intérêt qu'ils peuvent offrir pour l'histoire .
Nous n'avons en vue que l'histoire de la langue, et tous les do-
cuments sont utiles lorsqu'il ne s'agit que d'orthographe et de
grammaire. Nous pensons même que les plus simples et les
plus infimes sont les meilleurs, parce que les rédacteurs d'un
procès-verbal de bornage, d'un règlement rural ou d'une note
de dépenses, écrivent toujours leur langue telle qu'ils la par-
lent, tandis que les auteurs d'un traité de médecine, d'une
chronique, d'un roman ou d'une chanson d'amour, se trou-
vent le plus souvent sous l'influence d'imitations, de rémi-
niscences, de traductions, de tours de phrase et de formes
étrangères, inusitées ou même inconnues dans le milieu où
ils vivent.
Les archives et les bibliothèques de Barcelone possèdent des
documents catalans originaux du XIIP siècle ; mais il ne pa-
raît pas qu'on en ait encore entrepris la publication. D'autre
part, les archives de la commune de Perpignan et celles du
département des Pyrénées- Orientales ont conservé beaucoup
* C'est surtout pour la langue des troubadours qu'il faudrait faire des
réserves à Tinfini, car les poésies des plus anciens troubadours ont été
longtemps chantées avant d'être écrites, et les recueils qui les ont conser-
vées ont été faits beaucoup plus tard : c'est ce qui explique pourquoi
beaucoup de pièces sont attribuées à divers auteurs.
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 47
d*ordonnances et autres documents administratifs catalans à
partir de Tan 1280 environ ; mais comme, pour quelques-uns, il
ne reste aujourd'hui que des copies des XV® et XVP siècles,
nous ne pensons pas qu'il soit utile de les publier pour la ques-
tion que nous avons en vue, et nous ne prendrons que les
pièces à date certaine dont il existe des manuscrits originaux
ou contemporains.
L'un des plus anciens documents de ce genre que nous puis-
sions citer est le traité conclu entre le roi Jacques d'Aragon
et le roi de Tunis Abou-abd-IUah, dont le texte catalan, ra-
tifié par le roi d'Aragon, à Valence, le 16 des calendes de mars
1270 (février 1271), a été publié par M. ChampoUion-Figeac,
d'après une copie des ides de juin 1278 {Collection de docu-
ments inédits sur l'histoire de France). Cette pièce, intéressante
à divers points de vue, peut être utilement consultée en ce
qui concerne la philologie.
Ce texte devrait, dans tous les cas, être étudié sur le docu-
ment original, que nous n'avons pas sous les yeux, car la
transcription de l'éditeur ne saurait inspirer une pleine con-
fiance; elle fourmiUe d'erreurs, non-seulement pour les mots
catalans, mais même pour les dénominations géographiques,
puisqu'on j lit capello d'Ampuries pour castello d'Ampuries,
tomaric au lieu de tamarit ; et, plus loin, a Mallorches o a
Ciusa, au lieu de a Mallorches o a luisa.
Quant au texte catalan, dans le passage al loc qui es oppel-
lat Torres, e parteye terme ab Alacant, il faut lire : appellat et
parteyx (divise).
Le passage inintelligible : e de restituir tôt aqueldan als pro-
dons, alsjura s quai séria la prodoa aquella o mostron, doit être
\m'. e de restituir tôt aquel dan als perdens, els jurans quai séria
la perdoa aquella o mostran» — Traduction littérale : « et de
ï» restituer tout ce dommage aux perdants, ceux-ci jurant ou
» prouvant quelle serait la perte en question. »
Ailleurs : ni fassen negun embarah, lisez embarch; -- au lieu
de ni per asso aver nouer, lisez noues; — au lieu de ho7i solon,
48 DIALECTES AKCIBNS
lisez solenj — au lieu de qtn ixissent de la mar, il faut lire
ixissen, etc., etc.
Dans r article : Que tôt a nau quisia en qualque port dels ports
de la terra nostra, dels homens de la terra nostra, ajo (lisez aja)
aquel dret quels nostres homens auran, la locution en qualqtAe
port dels ports est une tournure arabe qui n'a jamais été ad-
mise en catalan ; elle semble indiquer que le texte primitif de
ce traité fut rédigé en arabe, et le roi d'Aragon en aurait seu-
lement ratifié la traduction catalane.
CAPBREU DE LA VALLEE DE RIBES
Le plus ancien document catalan dont nous ayons pu dé-
couvrir le manuscrit original dans les archives du Roussillon
est un vieux capbreu^ ou papier terrier de la vallée de Ribes,
qui paraît avoir été fait entre les années 1283 et 1284. Les
revenus de cette vallée, comprise dans le comté de Cerdagne
et dans les dépendances du royaume de Majorque, étaient de
temps immémorial en partage entre le roi et la famille dite de
Ribes, à laquelle succéda celle de Grleon ou de Durban vers le
milieu du XV® siècle.
Le capbreu, entièrement rédigé en catalan, ne porte aucune
date et ne nomme que « Guillaume de Ribes » comme cosei-
gneur de la vallée. Or, par acte du 4 des nones de mars 1272,
le roi Jacques d'Aragon confirma à Sibille, veuve de Raymond
de Ribes, et à leur fils Guillaume, héritier dudit Raymond,
la vente ou ferme de la part royale des revenus de Ribes,
faite précédemment audit R. de Ribes, moyennant la somme
de 1300 sols par an *, ce qui semble indiquer que Guillaume de
Ribes, quoique mineur peut-être, venait de succéder depuis peu
à son père . On ne trouve ensuite aucune mention de ce per-
sonnage, qui épousa Françoise de Perella *, et, à la veille des
* Arch. des Pyr.-Or. Registre[ l*' de la Procùrado real, ^ 75.
* C'était un des châteaux de Prats-de-Mollo, dans le haut Vallespir.
DOCUMENTS SUR LÀ LANGUE CATALANE 49
nones d'août 1313, ceUer-ei, se disant a veuve de Guillaume de
Ribes » et tutrice de ses enfants François, Raymond, Guil-
laume et Elicsende, renonça désormais à la ferme des revenus
royaux susdits*. Notre capbreu pourrait donc, à la rigueur,
avoir été fait entre 1272 et 1313; mais il est possible d'en
mieux préciser la date.
En effet, G. de Ribes, ainsi que ses prédécesseurs et suc-
cesseurs, était « châtelain et viguier naturel » de la vallée de
Ribes, et comme Ton trouve, au 1*' février 1293 (1294), un
certain Bemardus^ Tobau, tenens locum domini régis Maioricarum
in valle de Rippis, et, à la même date, un P, Menestral, castlanus
castrideRippis pré domino rege, on doit présumer que Guillaume
de Ribes avait pris parti, en 1285, contre le roi de Majorque
ou plutôt contre la France, en faveur du roi d'Aragon. Ses
biens furent donc mis sous séquestre par le roi de Majorque,
ainsi que ceux des nombreux seigneurs roussillonnais qui, dans
cette occasion, combattirent avec les Catalans contre l'armée
du roi de France Philippe III. Dans ce cas, le capbreu serait
déjà antérieur à l'an 1285. D'autre part, il n'est jamais fait
mention que de la monnaie de « Malgone )> parmi les nom-
breuses redevances qui s'y trouvent énumérées. Le roi Jac-
ques 1" de Majorque, aux termes des constitutions qui avaient
établi sonroyaume,ne pouvait donner courslégal dans ses États
qu'à la seule monnaie c( barcelonaise de ter h », la seule, en
effet, qui se trouve énoncée dans les actes roussillonnais, pen-
dant les premières années de son règne. Mais, à partir de l'an
1283, c'est-à-dire dès l'époque où ce prince fut à l'état d'hostilité
et de guerre ouverte avec son frère et ses neveux, rois d'A-
ragon, jusqu'à la conclusion de la paix, en 1298, les actes du
Roussillon ne stipulent plus qu'en monnaie de Malgone. La
monnaie barcelonaise de tern fut ensuite la seule monnaie
légale admise dans le royaume de Majorque. Le capbreu de
Ribes serait donc, d'après ces considérations, de l'année 1283
ou 1284, et c'est bien la date qu'il faut lui attribuer au point
de vue de la paléographie et de la linguistique.
• Arch. des Pyr.-Or., Liber feudorum C, f» 91, y*
50 DULECTES ANCIENS
Le manuscrit est écrit avec beaucoup de soin sur parche-
min, avec rubriques et lettres initiales ornées en encre rouge.
Il paraît même très-correct ; cependant, comme on ne saurait
répondre des négligences ou inadvertances qui peuvent échap-
per même aux copistes les plus exercés, nous sommes porté à
considérer comme des inadvertances du copiste l'omission de.
quelques traits servant à indiquer les voyelles ou lettres sup-
primées dans les mots e et du, pour en et dun. Sans doute, du
(pour de un) a pu exister dans Tancien catalan, de même que
Ton trouve à toutes les époques cascu et cadahu, ou cascun et
cadahun; mais nous attribuons cette forme àTomission d'un
simple trait sur la voyelle, plutôt que d'admettre pour le mot
du une terminaison très-singulière et dont nous ne connaissons
aucun autre exemple.
Il y a aussi à noter dans ce manuscrit la manière employée
par l'auteur pour exprimer le ny catalan, dans les mots any,
senyor et autres, qu'il écrit ay et seyor, en mettant un point
sur l'y. Cette notation n'a aucune valeur dans la paléographie
catalane, car, dans ce manuscrit comme dans tous ceux du
Roussillon à cette époque, la lettre y est toujours surmon-
tée d'un point, même lorsqu'elle n'a que la simple valeur de
Vi. Au reste, le capbreu a écrit une fois le mot ans au pluriel
(pour anys), et l'on y trouve assez souvent estrayns (pour es-
tranys). Quant aux nombreuses variantes employées pour ren-
dre le y, le ^, et surtout le // mouillé, on les retrouve dans tous
les manuscrits latins ou en langue vulgaire de la Catalogne
et du Roussillon au xiu® siècle. Les tendances de l'orthographe
catalane étaient alors depuis longtemps marquées, mais il n'y
avait encore rien de définitivement fixé.
La seule forme étrangère ou peu usitée en catalan qu'il y
ait à signaler dans ce manuscrit, est celle de autre, qui y est
employée quelquefois, bien que la forme catalane altre soit
dominante.
Remarquons aussi le pluriel masculin rasi, dont il y a deux
exemples {ras, rasa, rasi, rases); le manuscrit- emploie le plus
souvent la terminaison es pour le pluriel masculin, comme
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 51
dans mas, qui fait mases. Enfin le capbreu n'emploie jamais
que les formes kom au singulier et homes au pluriel, au lieu de
homen et homens, qui sont presque toujours employées à la
même époque . Il vlj a pas un seul exemple de l'emploi de
la lettre s distinguant le sujet du régime au singulier.
Le capbreu de Ribes ne manque pas d'intérêt pour la topo-
graphie historique de la vallée, car il fait Ténumération des
redevances auxquelles chaque habitant ou propriétaire était
tenu envers le roi et Guillaume de Ribes. Les articles con-
sacrés àr chaque tenancier se suivent presque toujours dans le
même ordre et dans les mêmes termes, et les extraits que
nous en donnons ici présenteront forcément la même mono-
tonie, bien que nous ayons cherché à reproduire seulement les
passages qui peuvent offrir des locutions ou des mots nou-
veaux intéressants pour les études philologiques, les seules
que nous ayons en vue dans cette publication.
La langue employée dans ce document offre quelques par-
ticularités peu communes dans le style censitaire du Rous-
sillon au XIIP siècle, mais qui se conservèrent cependant dans
la viguerie de Cerdagne, dont la vallée de Ribes faisait partie.
Nous n'avons pas Tidée de donner ici l'explication des locu-
tions qui désignent les diverses redevances, ou des droits pour
lesquels on levait la contribution, parades, gaytes, forestage,
oôlies, caslania, civada, solatge et autres, car ces mots avaient
à l'origine un sens déterminé, tandis que dans le capbreu on
les applique souvent, non pas au droit lui-même, mais à l'ob-
jet payé ou fourni.
Ainsi le mot forestatge désignait d'abord la redevance
payée pour le droit de prendre du bois dans une forêt, et
nous voyons ici des individus qui payent des ous (œufs) de fo-
restage^ et un autre v. ous per forestage del àosc. Un autre
donne du blat de gaytes (blé pour la contribution du guet).
On trouve de même le blat de parades, les garbes de civada,
qui se rattachent à l'ancien droit de parata du IX® siècle,
généralement désigné plus tard par le nom d'alberga, qui
comprenait toutes les fournitures de pain ou fogasses, de
52 DIALECTES ANCIENS
viande, légumes, vin, 3.voine et ^.utres, relatives au droit de
gîte ou de loge,ment. Mais chacune de ces, fournitures pouvait
être représentée par divers objets en nature ou par une somine
en espèces, puisque Ton pouvait payer une pema (jambon) de
civada (d'avoine), et VobUa^ qui représentait primitivement la
faurniture du pain ou de la farine, est souvent ps^jée avec . du
vin : Guillavjne de Ribes reçoit 15 sols moins 3 deniers jp^r
m$o devijiolflies.
Alart.
Extraits du capbreu de la val de ribes
(Vers 1283)
QUERALBS
BnMoner jura que es* hom del seyor rey, e fa al seyor rey
a la un ay xiii. diners, el* autre xi. dr, e questa a sentMiquel
de cominal, e tasca ; — fa an G . de Ribes una cartera de
ciuada, e mig feys de pala, o una galina, ab sos parcers ■, el
ters ay, e un carto doblies *, e cols e cebes, per caslania, si
ni a»
P. Marti jura ques hom del seyor rey e fa a la tin ay n. se
I. diner e questa a sen Michel cominal. . .; fa una migera de
ciuada e mif a oblia a la un ay, el autre lo parcer.
Bn Alegre fa axi com so parcer en P. Marti, e mes, una
maala e v. ous.
V Qu'il est; le plus souvent le manuscrit écrit ques,
^ Ici, et souvent ailleurs, el est pour e al.
^ làQ mot parcer désigne les autres hommes qui font, conjointement
avec le déclarant, leur part de redevance.
^ 0&/taest toujours pris, dans ce capbreu, dans le sens de farine ou
pain. ^
DOCUMENTS SVBi LA LANGUE <:?ATALANË 5)
PjTobefiz Jiihf^n j ura ^ques pro^i del aejor i)ej, e & vm dr a
Nadal a la uq aj* e a JLautre una mesala mes^ e taseha, e un
îeya de pala. .
G. Bertran... £a umt qu^artora vde disraéa, 0 h. partz duna
galin.a, e 11. partz en un fey* de pala..
Bn Sarrocha fa... un quartal de civada ab sos parcers.
Bn Font. . fa una quartera de civada al vin. aj, e una galina
a^eap de vi. ays, e un ou.
Johan Bernada. . . fa una galina, el terz de tta >fe js de pala . .
G. Bereng. jura ques del seyoF rey, e fa a el, a la un ay,
xiiir . dr, e al autre xi dr ; e al ayn de la parada, àb so parcer,
una gaii&a e quarta part de una oblia.
Arn. Batle.. fa 11. migeres de civada. . e al segon ay una
galina..
P. Des Prat .fa 11. pugeres de civada e, en les oblies, sa
part..
Na Quïreuda.'. fa m. pugeres de ciuada a cap de ii. ays..
Johan Bag . . fa per cascu ay un quarto doblies . . e un fey
de pala, ^e un ou >cascu ay .
N Amar. . fa a la un ay vu. dr s maala e -^ugesa, e al au-
tre IX. dr e maala e pugesa. . e a cap de 11. ay un carter de
galina. .
P. Ramon. . fa axi com N Amar.
Na Gilia^. . fa una oblia de pa a ^eap de vifi . ay .
De Pardines. — xxx. fey de pala e xv. parels de galines e
X. naigeres de blat de parades a mesura censal, e xv. sol.
Malg. meyns m. dr per sis oblies, cascu laoraJor 11. garbes
de civada. e si ve bestiar estrayn de galarzes*, per cascuna
' Ca mot, qui s'écrirait aujourd'hui feix, est écrit ici avec ou sans s au
singulier et au pluriel. On trouve plus loin: xxx fey de pala.
'Le bestiar de galorça désigne encore aujourd'hui, dans les mpqta^es
deCerdjgne et du Gonflent, le gros bétail ou les bœufs.
4
54 DIALECTES ANCIENS
bestia bassiua^ una maala. e cols e cebes . Ëncara, en cascu
graner de Pardines e de Ribes e de Queralbs, n. quartals de
segle e una quartera de forment e un quartal de civada, e
tota la cossura' del ordi de Queralbs e Betet.
FUSTEYA
Johan Dousa jura que es del seyor rey, e f a a el, a la un aj
V. sol. mens maala ', e al autre ay vu. s.
P . Guifre . . fa una oblia mens un quarto . .
Lalberc den Suger fa. . una oblia e miga< •
Johan de Rial. . fa an G. de Ribes . . sa part en la civada de
fisc.
P . Argemir . . fa un quarto de oblia, e la quarta part de
un iey de pala, e un ou, a cap de ii. aj.
P. Vilana. . fa très migz canadals de vi, e un sester de ci-
vada, e un parel de galines .
Na Granera fa ii. oblies de pa, el terz de i. fej de pala. . .
Arn. G. jura que fa. . xvi. dr per lo moli draper, e questa
a sen Miquel cominal, e tasca.
Encara, pren en G. de Ribes al graner de Queralbs del
sejor rey, ans que lo graner se partesca, ii. quartals de se-
gle, e una quartera de forment, e un quartal de sivada. E
quan lo seyor rey a ix. mesures, pren en G. de Ribes ol balle
seu II. mesures per el, e emfre Sen Père* e la Caualaria*, al-
' La bestia hassiva, ou simplemeut la bassivay désigne encore dans le
haut Vallespir une brebis (qui a mis bas) avec son agneau.
^ La œssura, dérivé de cossa, était un droit de mesurage pris ordinai-
rement par les baillis.
^ Le sol de Malgone se décomposait en Roussillon en dîners (deniers).
mesales ou maales (mailles), obols (oboles) et pugeses.
* Il s'agit ici du desservant de la chapelle Saint-Pierre du château do
Ribes.
* La Cavaleria désigne toujours, dans le catalan du xin* siècle, la mi-
lice du Temple; mais les droits ou revenus des Templiers, dans la vallée
do Ribes, ne sont connus que par ce document.
DOCUMKNTS SUR LA LANGUE CATALANE 55
très u. Ë leva lo balle seu, per mengar, una migera de fro-
ment per cascun mes, aytant quant trigen los blatz a levar,
e très diners per cascu dia que leven, per companaye. En-
cara, es tôt lordi de la cusura. en G. de Ribes de tôt a la bat-
lia, de Queralbs e de Fustija e del vilar de Betet. Encara, pren
en G. de Ribes so fisc en totz los diners qui y ixen per iusti-
cies, ne en questa gênerai, si la y faja.
G. Sola. . fa sa part en la civada del fisc e mig carto do-
blia.
P. Morera fa tôt axi com en G. Sola de sus dit. . .
La questa de sen Miquel generalment puya entre Queralbs
e Fustaya c. un. s. Lo cens de Nadal generalment ayta* be
emfre aquels dos locs, a la un ay lx. e im. s. e al altre ay
LXXI. S.
Los mases amdos de Rial fan emframdos * un fey de pala
an G. de Ribes, e cascu una ola de cols e una ola de sebes,
si la an. Encara, fan cascu mas, en P. de Rial, una galina al
seyor rey, e en P. Nadal altra galina, cascu per so prat, a
Dadal.
RIBES
Ayzo es memoria de tôt lo cens que pren en G. de Ribes en
la Val de Ribes.
Primerament, de la parochia de Senta Maria de Ribes .
P. de Coma fa al rey xx. dr pel mas den Batle. . item ii.
canades de vi, e m. fogasses de oblies, e una ola de cols, e
altra de sebes, si ni a. Lo cal P. Coma es hom propri del
seyor rey, e jura ayso de veritat.
Pons Cornela fa al rey nu. s meys un diner ; — fa an G. de
Ribes canada e miga de vi e ii. oblies e miga de pa e i. ses-
ter e demig de civada, e una cestela de cols e altra de sebes. .
Tut ayso fetz per mas Cornela .
R. Bernât jura tôt lo cens que fa al seyor rey ni an G. de
• Pour aytant.
' lîintre eux deux.
56 DIALECTES ANCIENS
Ribes. Fa al rej vi. ■ mejs unamesala, e la maytat en un ma.
gen*. . E tôt ayso per lo mas den R. Bernât fa ab lo mas den
Moreto. . . E, ab en P. Galey, fa una canada de vi al terz aj, e
una esmina de sivada per lo tertz del mas de Mascarona que
te, e miga esmina per lo seu mas. Encara mes, ab en Corneya
e ab en Galart, una esmina corent de sivada per cast-
lania.
P. Des Puig. . * jura tôt lo cens que faalseyor rej ne an G.
de Ribes. . . fa per un ort qui es al Pug, una galina. ... e un
molto al quart ay.
M. Rastaya jura que es propria del seyor rey. . .
Johan Torent. . . fa el terz de un cester de blat de civada,
el terz de una canada de vi, el terz de duna {sic) oblia. . . . per
caslania.
R. Querol. . . una canada de vi, e una fogassa depa doblies.
Arn. Mauris jura que es de la casa * de Cornela. Fa al seyor
rey un pol, e xii. dr. Encara, an G. de Ribes fa lo quart e
una canada de vi, el corentim^ ab mos* parcers... e sa may-
tat duna oblia. . .
G. de Parestortes. . . fa un mageyn e m. oblies. . .
P. Stremer jura que es del despenser* de Ripol. . .
G. de Strada. . . fa una cistela de cols e sebes. . .
DE BETET
Arn. Toroselafa les ii. partz du^ fey de pala. . .
Arn. Torent, . . fa mig canadel de vi, e II. ous. . .
R. Font. . . . jura que fa aytant quo Na Cerdana Pelicera o
en P. Urgel. . . e, per lalberg del Brug, mig fey de pala. . .
Encara, pren en G. de Ribes al graner de la parochia de
* Magen ou magench, un jeune mouton.
- Prieuré de S:iinte-Marie de-Cornella, en Gonflent.
3 C'est-à-dire v; le complément ». Ce mot s'écrit aujourd'hui correntum.
* Inadvertance, pour sos.
^ De l'économe de l'abbaye de Ripoll.
*^ Du pour de un n'est, sans doute, qu'une inadvertance du copiste.
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 57
Ribes del seyor rey, ans que lo graner se partesca, ii. quar-
tals de cegle e una quartera de forment e un quartal de ci-
vada ; e quan lo seyor rey a ix. mesures a sos obs, prenne en
G. de Ribes ii. a sos obs, e emfre sen Père e la Cavaleria,
altres n. mesures. E leva lo batle seu, per mengar, una mi-
gera de froment per cascu mes, aytant quant trigen los blatz
a levar, e très diners per cascu dia que leven, per compa-
nage.
Encara, pren en G. de Ribes en la balia de Ribes e de
Betet, per raso de totz los diners de tota la Val, per so rere-
deume, Lxn. s e mig de Malg. Encara, de tots los moltos o
magens que lo seyor rey pren en la Val, pren en G. de Ribes,
per so reredeume, en la batlia de Ribes e de Betet, nii.
moltos o mageys.
Encara, pren so fisc en totz los diners que esquen en la
Val de Ribes per justicies o per questa gênerai, si la faja als
homes. E pren en G. de Ribes el * graner de Ribes, la terza
part del ordi, è el vilar de Betet la meytat del ordi daytant ce
s[en] y ajust per part del seyor rey.
PARDINES
P. Pages fa mi. dr e maala Malg. e la maytat en un
molto, e m. sesters e mig de blat de parades.
P. Marti. . . fa xviii. dr e maala per pors e per perna*, el
terz du sester de blat de parades, e una puyera de gaytes, e
al segon ay la quarta part en una galina.
Bn. Oliba .... fa una maala per vi, e un diner et una pu-
gesa en un magenc, e tasca e cusura.
P. de la Via Antiga jura que fa v. * mens una mesala
Malg. a Nadal, e ii. partz en un magen, e iiil sesters de blat
de parades, e un ras, e m. puyeres mes, e un fey de pala.
Bn Molner. . . fa v. dr e mesala Malg. e una pugesa de vi,
' El pour cU, ou en el.
'Jambon.
58 DIALECTES ANCIENS
e una galina e ii. partz daltras duas, e la qnarta part en ii .
partz du molto, e alcuna part en les oblies, e la quarta part
en dues parts du molto.
Muntaner de Viantiga. . .fa cussura e questa cominal. E ay *
quascu escriva meta per tots a la fi de cascu.
Ar. Jordana. . . fa ii. fogasses doblies. e el terz ay ne quer
una, e vu. dr e mala.
P. Cap de vila ... fa un magen e n. sos [sic) de Malg. e ayzo
ab so parcer.
P. Galen. . . fa una pugera corent, e altra rasa, de blatz de
parades.
Bn Andreu... . fa e * un molto la cisenapart, e en ii. moltos
mes cisena part, e ii. sesters de blat de parades rasi, e ii .
pugeres mes rases.
G. de Gatins. . . fa la quarta part en la mayta du magen. . .
per so que venc ' an Jacme Boxa m. drMalg. e miga galina.
Ayzo deu pagar lodit J. Boxa.
Perpeya de Gatins fa ab sos parces la mitât e * un mageyn,
ab lo mas den G. de Gatins e den G. Catzacz.
P. Tabaii fa ii. parels de galines, e en un molto lo terz.
Johan Oliba fa ii. s emfre vi e cens, e ii. sesters de blat de
parades rasi. . .
B. dAger fa la vin. part en un molto, e la sisena part en
altre, mens lo terz, e vi. pugeres de blat de parades e una rasa.
P. Rey fa m. dre pugesa, e una pugera ras, e altra corent,
de blat de parades. . .
Bn Suger. . . fa una pugera dordi cemasal.
G. Des Prat fa miga pugera dordi cemensal.
G. Guitart. . fa un terz du terz de molto, e la xii. part dal-
tre molto . .
* Le mot ay, que le capbreu écrit partout ailleurs pour any, est mis ici
pour axi ou aixi (ainsi).
' Pour en.
^ Le mot venc (il vint) au lieu de vene (il vendit).
* Pour en.
DOCUBfBNTS SUR LA LANGUE CATALANE 59
Encara, pren en G. de Ribes en lo cens de sus dit xv. sol.
mens m. dr, per raso de yi doblies. Item x. migeres de les
parades, a mesura censal. Item xv. parels de galines. Item
tota la pala de cascuna*, zo es asaberxxx feys;de pala. Item
de XV. mases de Pardines, de cascu ii. ous de forestage.
Item de cascu laorador de Pardines, ii. garbes de civada.
Item el graner del sejor rey, ans que re si partesca, ii. quar-
tals de segle e una quartera de forment e un quartal de civada.
Encara, can lo seyor rey a près ix. mesures, pren ne en G.
de Ribes ii. mesures a sos obs per solatge; e per reredeume,
emfre Sen Père e la Cavaleria, altres ii . mesures per lur dret-
e de tôt lo blat quis ajusta el graner.
Jûem pren lo batle den G. de Ribes, per cascu mes, aytant
com trigen los blatz a levar, una migera de forment, per men,
gar, e m. dr per cascu dia que leven, per companage.
Item pren en G . de Ribes de tôt lo bestiar estrayn de ga-
lorzes qui ve en la paroquia de Pardines, levât lo vilar de Vi"
latiyos, e de cascuna bestia leytera una maala.
Memoria fa en G. de Ribes de tôt lo cens que pren en la
ribera de Ribes, els homes sens. Prumerament (set?) juraP.
dArmentera e dix que hera hom propri seu, e dix que fa cens
que daval es contegut. Jura que fa de cens un parel de pois,
e que dona quart dalcunes terres, e v. ous per forestage del
bosc de Mazana. . e fa de cens caday m." de Malg.. exceptât
un camp de Pla de Bêla .
Fa en Bereng. de Sent Père, per les cases qui foren de Na
Ventala, miga quartera de sivada censal.
Fa en Ferrer Dez Carrof, per lo casai del moli m. galines,
e una per les cases que foren de R. Celerer.
En G. qui fo fil de R. Celerer, fa, per lo clos... .
Fa P. Say, per les quases e per lort ques te ab les cases.
m. galines per les cases ques tenen ab Na Barselona. .
per lort del prat noel... perles cases sues, e perla ixemplada
* Le mot moioda a été omis ici.
m DIALECTBS /INCTBN8
qfie en Gté de Ribes li donà elprat. . . taiga quartera de^citada
ocyrent.
Fa en P. Pagulers (mc), per lo Mas de Palers, vi. êr qne
seyor no sen te pagat. Item, per lo prat ques te ab la sua
laurao. .
Ëncara pren en G. de Ribes pascu aj en lo moli den Sanzifti
mug de blat. e pren en la un terso del deume de la pàrocblâ
de^ Qaeralbs, del blat e dels ayels, lo terz .
MA88ANA
Romeu Màyol. . fa per lo cortal dOrîola e per lafterc qtte
fo den Arn. de Mazana. .
Item, Emfre totz, fan v. fey depala e démig, per caslania.
Encara fa en G. de Ribes totz ans^ per les molis dé Ribes, al
rey, xx. mngs de blat dels molis, e m. a Sent Père.
( Ce qui suit, ainsi que la note latine qui teUnîne le manuscrit, est d'une
autre écriture, du commencement du xiv* siècle, entre 1300 et 1313,
peut-être de 1294. Le capbreu ne parle plus que du «c seigneur de Ribes »,
sans nommer ni Guillaume ni aucun de ses enfants. )
Item . Fa Na Barcelona den Coma, per lort qui esta en la
ribera de Segalel, ii. galines.
Item. En G. dArmentera sartre, per les cases que compra
de na Prat, ab la examplada que li dona en la carera, un pa-
reil de galines.
Item. Pren senyor de Ribes el graner de Pardines del
senyor rey, per la baytlia d Espesen quifo comprada den Jacme
Tobau : primefament, de sabut, un muig de froment. Item
una quartera de segale Item n. muigs de civada. Item pren
puyâèn tôtlaltteblàt, é al senz de quès que sia, e en leâ xides*,
la sisena part. Item pren tota la payla de senz dé Vila Tiyoz
e dels altres locbs de là part*oquia. Empéfo, en res qui pertinga
en tota la dita baytlia per rendes ne per exides né per altres
raôns, nô deU res pendre Sén Père del caStél de Ribes ne la
OaValeria»
^ Lisez : exidei.
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 61
Memoriale sit quod cum quedam materia questionis fuerit
inter homines de Vila Tiyos parrochie de Perdinis et alios
hoinines ipsius parrochie de Perdinis, fuit inter eos concorditer
taliter conventum : quod dicti homines de Vila Tiyos darent et
dare teneantur anno quolibet in questa regali, pro illis quibus
tenentur nunc de dominio regali, XX. denarios, quos debent
dare inter se. Quod est actum III. Ydus novembris anno Do-
mini M.CCC.XIII.
(Archive fi du départ, des Pyrénées -OrientcUes. — B. 92.)
DALECTES MODERNES
GRAMMAIRE LIMOUSINE
DEUXIEME SECTION. — dentales
l. — T initial
«
T'initiai reste t selon la règle générale : tabula^ taulo; -^
tradere, trahi. Exceptionnellement il a passé, comme en fran-
çais, à la gutturale de même degré (ce qui est un renforce-
ment) dans cremer =i tremere, dont nous n'avons plus que le
substantif verbal crêmo *.
II. — r intérieur
A. — Il devient d selon la règle générale :
1° Régulièrement entre deux voyelles. Ex. : peccatorem, pe-
chadour; - satullus, sadoû; — rotundus, redoun ; — seta, sedo;
— catena, chadeno ; — maturus, madur ; — putare, poudd ; —
rutaj rudo ; — natalis, nadau ;
2° Exceptionnellement entre m, n ou r et une voyelle. Ex. :
vendita, vendo; — perdita perdo * ; — * semitarellum , sendareû ;
— domiium, dounde : — pentecosta, pandegoûto ;
3° Exceptionnellement encore, entre une voyelle et r. Ex. :
' Pour le verbe, nous diso;is crânhei, qui est avec tremere dans le même
rapport que le français craindre, c'est-à-dire qui est construit comme ce
dernier sur le type des verbes en ngere .
' A Nontron môme on dit plutôt, selon la règle (voir ci-après), venlo,
r)erto
GRAMMAIRE LIMOUSINE 63
tonitru, tounédre ; — metere, mêdre^ ; — succutere, secoudre; —
excutere, eicoudre,
B. — Au lieu de s'affaiblir, selon la règle générale des con-
sonnes intérieures, il reste t si une consonne le précède, celle-
ci lui prêtant un peu de sa force pour le soutenir. Ex.: verita-
tem, vertâ; — retorta, redorio; — quartarium, cartiê; — cantare,
chanta. A plus forte raison persiste-t-il entre deux consonnes :
fenestra, fenêtro; — turturem, tourtre. Il persiste aussi quel-
quefois, par exception, entre deux voyelles. Ex. : fota, touto ;
— vita, vito ; — nitidare, netiâ.
C. — Entre deux voyelles dont la seconde est un i suivi
(Tune autre voyelle, le t, au lieu de s'affaiblir simplement en
(/, change de classe et devient s ou z, ramolli au contact de
l'i* comme un corps dur que baigne un liquide. Ordinairement
le : on de Yi disparaît entièrement aussi bien que celui du t, et
il n reste qu'un 5 ou s très-net. Ex.: *putiare (de puteus), pouzâ ;
— • itionem, sazou . Mais souvent aussi Yi persiste avec le t trans-
formé par son influence, et on a le groupe ci ou si, comme dans
(jrô 'io ^ gralia, où il faut bien remarquer que Yi est devenu
coi: sonne et doit être considéré, non comme le premier élé-
ment d'une diphthongue io, ainsi que nous avons eu le tort de
l'écrire ci-dessus (tome II, page 204), mais comme le second
élément d'une sorte de consonne-diphthongue analogue à M,
nh, t)\ CTy etc.
La même mutation de ^ en 5 ou z devant 1 a lieu encore
quand il est précédé d'une autre consonne, pourvu que cette
consonne soit autre que s. Ex.: paiientia, pasinso; — *liniiolum,
Hnsùu ; — ^agendare, gensd; — lecêionem, leissou; — mais
quœstionem, questî ; — digestî, etc,
I). — T intérieur, changeant de famille sans changer de
degré, est devenu c dans Uclhi = mtulare. C'est sans doute
moyennant une pareille mutation préalable que l'on voit le t
devenir, comme le c lui-même en pareille position, y (ou i) de-
' Inusité à Noniron, où l'on ne dit que meitwd.
64 DIALECTES MODERNES
vant / et r * . Ex. : vetula, viêlho ; — situla, selho ; — vitrum^
veire ; ~ petra^ peiro ; — deretro, darei ; — peccatricem, pe-
cheirî, et les nombreux substantifs en aire = ator, tels que
chantaire, percurairCy etc. etc.*. Dans tous les cas, cette trans-
formation — médiate ou non — de ^ en i (voyelle ou con-
sonne) est de règle devant r et après une voyelle. Son main-
tien à l'état ferme, avec ou sans affaiblissement, comme dans
tounedre ou medre (= tonitru, metere), est exceptionnelle ^.
E, — Le t intérieur a subi accidentellement quelques autres
mutations. Je ne citerai que la suivante, où il devient r :
putnai (Raynouard), purnai. Cf. le latin mendies = medidies et
la forme archaïque pères == pedes,
m.— r final
T final tombe toujours ; dans quelques mots cependant il
reparaît en liaison. Ex. : pitit einoucen, vint an, huet ourâ,
net e jour, tout ei fini, disset-eû, venguet-elo ; et de même à la
troisième personne du singulier et du pluriel à tous les temps
de tous les verbes, devant les pronoms personnels. Le t, dans
tous ces cas, se lie étroitement, comme en français, à la voyelle
initiale du mot suivant.
I. - /> initial
D initial reste d. Exemple : dolere, dàure; — dwmm, dur ;
— dextrale, destral, deitrau; — damnare, dannâ ; — dies lunœ,
dilû .
* Le fait est certain pourvetulus, puisqu'on trouve vedus. Je ne sais si
l'on a des exemples de cr pour tr entre deux voyelles ; mais il n'y a aucune
témérité à admettre que t soit devenu c aussi bien devant Tune que devant
l'autre des deux liquides .
' 11 faut, je crois, expliquer de môme Vi de puei « pot* =» post (pots).
^ L'ancienne langue offre pour ces deux mots les formes plus régulières
troneyre, meire.
aRAMMAmS UMOUSU^K 65
IL— D intérieur
A. — Tandis que t entre deux voyelles ne fait que s'affaiblir
en dy d en la même position tombe le plus souvent. Ex.:
*fodire, foueire ; — medulla, meûlo; — sudare, sud; —
média, mieia, mia ; — fidar^y fia; — bodina, ifoueino ; — podium,
puei; — nodare, noua. Cette chute avait déjà eu lieu dans
Tancienne langue, car les mots où nous la constatons ont gé-
néralement deux formes dans les vieux textes, Tune où tf a
disparu, l'autre où il s'est maintenu, pur ou transformé en z.
D est encore tombé quelquefois par exception entre n et
une voyelle. Ex. : prendere., prend ; — respondere, reipou-
nei ; — emundare, emowna (bas lim.). — Par une exceptions
inverse, d, entre deux voyelles, a persisté dans quelques mots
tels que bladd de *bladum, trido (fr. grive), qu'on dit aussi
trio. Son maintien est de règle entre une consonne et une
voyelle ou entre deux consonnes. Exemples : tardare, tarda ;
— secunda, segoundo ; — exscindere, eicendre ; — ordiri, urdî ;
— *tundire (tundei^e), tundî.
B. — Entre deux voyelles ou entre n ou r et une voyelle, d
devenait régulièrement z dans plusieurs dialectes de la vieille
langue. Les mots où cette mutation se rencontre sont fort
rares chez nous. On peut citer tarzd et lenze, qui se disent con-
curremment avec tardd et fenr/e(lat. lendem). De même guizaubo
à côté de vidaubo (vitis albaj. Ajoutons beneizî (benedicere) et
la plupart des formes de ordre (credere) et de veire (viderej,
dont le d, vocalisé à l'infinitif, reparaît transformé en z au
présent de l'indicatif et aux temps qui en dérivent.
C. — Presque toujours, les voyelles que le d séparait se sont
unies en diphthongue après sa chute. Mais, dans plusieurs
mots, elles sont restées distinctes. Alors l'aspiration s'est in-
troduite entre elles, et, ou elle est restée pure (oubahî =
obedire; trahi =.* tradiré), ou bien elle s'est fortifiée en atti-
rant à elle l'élément labial {b) qu'elle aime à s'adjoindre, et
6ô DIALECTES MODERNES
un V {= ^ -f" ^) ^^ ®st résulté ^ Exemples : *gaudire, jôuvî; —
* alaudetta, lôuveto. Cette substitution du v au d, en de pareils
mots, est fort ancienne. Elle remonte même, selon toute
apparence, au premier âge de la langue, cai* on la constate
dans le poème de Boëce et dans d'autres textes qui ne sont
guère plus récents '. Je crois qu'il faut la considérer comme
un indice, ou du moins comme une forte présomption, de rori-
gine limousine de ces textes.
D. — D intérieur s'est exceptionnellement renforcé en t
dans un petit nombre de mots. Ex. : virida, verto, qu'on dit
aussi et mieux verdo ; — pr . pedassar, petassâ ; — profunda,
prigounto ; — undCj ounte.
E. — îDe même que le t, d peut aussi passer aux guttu-
rales. C'est après une voyelle et devant r que cela lui arrive.
Ex. : cathedra, chadiegro. Il s'arrête au g dans cet exemple,
peut-être unique ' ; mais en règle générale il va, comme le t,
jusqu'à Vi, Ex. : quadrare, queird, — vider e, veire; — credere,
creire; — sedere, sieire *.
F. — Relevons ici quelques autres mutations , rares ou
uniques : 1° en /; cicada, cigala, cigalo. C'est par un pareil
changement qu'on appelle en bas limousin pielali ce qu'on dit
> C'est de la même manière que * potere, en français, a donné
pouvoir.
2 Boëi^e, V. 23, auvent [auiientes); — trad. de l'évangile de saint Jean
(frag rent publié par Hofmann et Fr. Michel et reproduit par Bartsch,
Chrestomathie, col. 7 à 16), auvida^ auvisz, auvii, auvirâ, esjauviraz,
jauvirâ, esjauvirâ; — anciennes poésies religieuses, pub. par Paul
Meyer, Confession, v. 40, hauvir [audire). — D'autres faits, que ce n'est
pas ici le lieu de détailler, se joigaent à la prés^ince de ces formes en v
(= 3 =3 d ) pour mi déterminer dans 1 attribution que je crois pouvoir
faire au dialecte limousin des textes mentionnés dans la présente note.
Je reviendrai d'ailleurs sur c} sujet, dans un travail que je prépare sur le
poëme de Boëce.
3 On dit aussi chieiro, où le d de cathedra, selon la règle générale, s'est
complètement vocalisé.
4 Bas lim. - Ce mot est inusité à Nontron, où l'on dit seulement sietà.
GRAMMAIRE LIMOUSIN^ 67
à Nontron peladî (pelure, spécialement de châtaigne) ; — 2» en
fi^ ; incudem, enclun/ie. La mutation normale serait en n pur.
Cf. fr. ornière =ordière ; — 3** en w ; vado, vau. Cf. pr. raure à
côté de raire, dérivés l'un et l'autre de radere. On voit par là
que le d, de même que les gutturales, peut se vocaliser égale-
ment en u et en i. Rappelons que cette mutation de d en w
est, comme aussi celle de t, très-fréquente en catalan ; c'est
un des caractères distinctifs de ce bel idiome.
Rebiarque.— Le t et le d, intérieurs ou en initiale, quand ils
sont suivis d'un t ou d'un u, aiment à se doubler, dans le par-
ler du bas Limousin, spécialement de Tulle, d'un i consonne,
qui parfois reste tel, mais qui le plus souvent se condense en
chj ;, 5 ou jz *. Ex. : tyu, tchu, tsit=tu : — partyij par(si=par'
tir; — tckialOy tsialo = teia ; — poudzio =poifdio {*potebat); —
redzu = rendu (redditum) ; — modzur == maturus ; — coumedjio
= comœdia ; — estyudio = studia ; — estchimo = fr. estime.
L - 5 initial
S initial reste s. Exceptionnellement, il est passé à l'explo-
sive correspondante de sa famille dans terigô = serigot de
Tancienne langue, qui se rattache à se^nm.
IL — 5 intérieur
A. — Entre deux voyelles, s a pris comme en français le son
' Ces sortes de prononciation sont inconnues à Nontron, où l'on articule
le t et le d, devant \i comme devant l'u, avec une parfaite netteté. Mais un
peu pins haut, vers Piégut, on insère quelquefois i't consonne devant u,
disant par exemple tyaà^^îv. tuer. Le t, dans celle combinaison, a déjà
cump.étement perdu sa qualité de consonne explosive, ' t l'on s'explique
tré' bien, quand on i'onttind prononcer dans de pireils mots, comment
le ti des syllabes latines tia, tio, tiu, c.3rtainement dur à l'origine, a pu
«levenir, selon les lieux, dz, tch, ts o\i s. — Notons ici que, comme le
ba^limousin, la langue valaque ou roumaine change i en ts, et d en dx,
(levant!.
68 PIALECTES MODËRlMJiS
du z. Ex.: mustea^ musico. Précédé d'une consonne, même
lorsque cette consonne s'est vocalisée ou a disparu ( à moins,
dans ce dernier cas, que ce ne fût une n ), il a gardé le son
dur qui lui est propre. Ex.: coxa, cueisso; — laxare, leis$â; —
capsa, caisso; — versare, versa.
B. — Entre une voyelle et une consonne, s disparaît ordi-
nairement; mais, par compensation, la voyelle précédente
s'allonge, et, si c'est un e, elle devient ee. Ex.: esme {siibsi.
verbal d'esmar, que nous n'avons pkis), eime ; •— disjvngere,
desjonher, deijunhei^, (Voir ci-dessus, chap. III, section L, E.)-
A Nontron, cette mutation de es en ei souflEre plus d'excep-
tions qu'à Limoges. Elle a rarement lieu devant ^. En cette
position, Vs persiste ou tombe simplement, ^ans autre compen-
sation de sa chute que l'allongement de la voyelle. Ex.: testa,
têto; restare, resta, — Si la consonne que précède s est elle-
même une autre s, elles se réunissent en une seule, et les
effets ordinaires de la chute de l's ne se font pas sentir sur la
voyelle antécédente. (Voir ci-dessus, chap. \\^ Quantité ,) —
Dans le parler de Tulle, l's se maintient après toutes les
voyelles et on dit, par exemple, testo, pestre, estre, bastou,
costo, espino, escoubo.
Dans les mots où, chez nous, Vs n'est pas tombée, on la
change fréquemment en r. Cette mutation est habituelle dans
les campagnes au nord de Nontron ^. Elle est considérée
comme le signe d'un parler grossier. Ainsi on dit arpri pour
espri, jurte ^oviT juste, jurquo ^oxxv jusquo, pourtumo( zzzapos-
thume)^ etc. On sait que ce changement de 5 en r est un des
phénomènes les plus caractéristiques qui se soient accomplis
dans le passage de l'état archaïque du latin à son état classi-
que. L'5 avait donc une tendance naturelle à passer à l'r. Rien
d'étonnant qu'elle y cède encore dans quelques dialectes.
* Le préfixe des (== lat. dis) a subi ce cliangement en dei môme devant
les voyilUes. Ex.: deiossâ, deiaprenei, deiuflâ, =3 fr. désosser f désap-
prendre, désenfler. On a là une nouvelle preuve de notre goût pour l'hiatus.
* On la constate quelquefois, mais fort rarement, dans la vieille langue.
Ex.: turfar et tustar.
aRAMMÂlH£2 LIMOUSINE 69
C . — L's géminée, au lieu de se simplifier seulement dans la
prononciation, a quelquefois, par un phénomène inverse de
celui qui a souvent transformé x en ss, été elle-même trans-
formée en X {es). C'est ce qu'on appelle dissimilation. Ce n'est
là, du reste, qu'un état provisoire et passager, que l'on ne
constate point en fait, mais que l'on est forcé d'admettre pour
expliquer que ss ait donné se {sg) ou is, comme cela se voit dans
quelques mots. Dans le premier cas, les éléments de es se sont
transposés ; dans le second,, le e s'est vocalisé, comme dans
cuetsso de eoxa, leissi de laxare, Ex.: possum {'^ poxum), pose
ou posg (forme périmée) ; — possim (* poxim), puesea, pêehe
^onr puêehe; — * bassare Çbaxare), beissâ. Les formes espa-
gnoles, telles que bajar (ancienne orthographe, baxar)^ confir-
ment l'explication ici proposée.
Remarque. — A Limoges, s, initial ou intérieur, quelle qu'en
soit la provenance, prend le son de eh quand il précède un i ou
un w, suivi d'une autre voyelle. Dans ce cas, Vi ou Vu disparaît
souvent. Cette mutation n'est pas constante, mais elle est plus
ordinaire que le maintien de s à l'état pur. Ex . : poreiehio,
fumichio, ehiei, ehau plâ, ehuâ, ekour = pareissio, fumissio,
siei {sic est), siùu plâ {sius plas), suâ, suour, comme nous pro-
nonçons ces mots à Nontron. Je ne connais chez nous d'exem-
a
pie de cette mutation que uekiê = fr. huissier.
IIL — S final
Le s final de l'ancienne langue, soit radical, soit flexion-
nel, est toujours tombé*, entraînant même dans sa chute les
consonnes (sauf les liquides et les nasales) qui le précédaient.
La chute de l's est sans compensation dans ce dernier cas,
c'est-à-dire que la voyelle précédant es, ts, ps, n'est modifiée,
* Il a persisté dans deux ou trois mots, après t. Ex. : Ws ( « fr. lisse
adj masculin) ; lis, qui se dit concurremment avec liri {lilium); anis, qne
l'on prononce plus généralement anir. Cf. ci-dessus jurU, rerlo — jusle^
reito.
70 DIALBGTBS MODERNES
par cette cause, ni dans son essence ni dans sa quantité. Il n'j
a d'exception que pour ïe des finales verbales en ets, qui est
quelquefois devenu ee*.
Qand, au contraire, le 8 final suit immédiatement la voyelle,
celle-ci devient longue et, si c'est un e, se diphthongue en ei.
Ex: homines, homes, ômei; — tenes, tenei, — En bas limousin,
j'entends à Tulle et aux environs, ïs finale tombe comme à
Nontron et à Limoges; mais c'est sans compensation pour la
voyelle précédente, qui, si elle est un e, ne devient pas ei.
I. — Z initial
Z latin initial est devenu /, comme en français : zelosus, gi-
los, jaloû. Cette consonne ne se rencontre guère en initiale,
dans notre dialecte, que dans quelques mots empruntés au
français, tels que zéro, Zou ( = zo), où elle provient d'un c la-
tin [ecce hoc), est, je crois, le seul mot propre à la langue qui
la présente en cette position.
IL — Z intérieur
A. — Z intérieur, souvent figuré s, provient presque tou-
jours de s, de c ou de Centre deux voyelles. Ex : causa, chauso ;
— placeat, pldze; — pulicem, pâze; — sationem, sazou; — ra-
tionem, razou; — potionem, poueizou. Provenant de s, il s'est
changé en j dans deux ou trois mots, où cette consonne précé-
dait un i suivi lui-même d'une autre voyelle, et où cet i s'est
transposé pour aller diphthonguer une voyelle antécédente.
Ex. : mansionem, maiso,meijou; — prensionem, preiso, preijou;
— * cerasia, serisia, sireijo ; — ecclesia, eigllieijo. En dehors de
ces cas, c'est-à-dire quand z ne provient pas d'un s et qu'il
* Celte faute, rare à Nontron, est générale à Limoges. (Voir ci-dessus,
chapit. ill, Ë.)
ORAMMAIRE LIMOUSINE 71
n'y a pas transposition d'un i subséquent, il reste z à Nontron.
Mais à Limoges la mutation de z en / a lieu, quelle que soit
l'origine de cette consonne, comme la mutation correspondante
de s en ch, toutes les fois qu'un i précédant lui-même une
autre voyelle vient à suivre, que cet i persiste, tombe, ou se dé-
place. Ex. : Nont. : disio, fasio, risio, cresian, Lim. : dijo, fajio,
rijio crejan ou crejian.
B. — On a vu plus haut que le d devenait régulièrement
2 dans plusieurs dialectes de la vieille langue, et que le nôtre
présente même quelques traces de ce phénomène. La muta-
tion inverse s'y remarque aussi, mais non moins rarement. On
la constate dans rounde = rounze (de rumicem), qui du reste se
dit aussi et même de préférence, du moins à Nontron*.
m. — z final
Z final a persisté, mais seulement quand une voyelle suit,
dans le nom de nombre diez = pr. deiz = decem. Il se lie
alors à la voyelle suivante. Ex. : diez an, diez ourà, diez-ue^
prononcez : dié-zan, dié-zourà, dié'Zue.
Remarque. — Le « et Je z de toute origine, en initiale ou
dans le corps des mots, prennent souvent en bas limousin
le son du ch et du/ français. C'est là un effet du voisinage de
l'Auvergne, où les articulations chuintantes sont, comme on
sait, l'objet d'une prédilection marquée. Ex. : chin, houchi, cai-
cho, ujurié^ plajer, rajou * = cin, bouci, caisso, uzuriê, plazei, ra-
zou, comme on prononce ces mots à Nontron et à Limoges.
' En haut limousin, on préfère en général le d au z en de pareils mots.
Ainsi OQ y dit sendilho eijandi pour senzUho et janzi, qui sont les formes
oonironnaises de ces deux mots, dont le premier désigne la mésange, et
dont le second, intraduisible on français, exprime l'agacement produit sur
les dents par des fru.ts verts, le bruit d'une scie, etc.
' Prononcez à la française, et non pas tz, dz, comme il faut le faire,
en bas limousin de môme qu*à Nontron, dans les mots tels que chabi,
meijou, où les articulations c/i, ;, sont communes à tout le dialecte.
72 DIALBCTBS MODERNES
TROISIÈME SECTION. — Labiales
l. — P initial
P initial reste p. Dans deux ou trois mots il s'est affaibli,
par exception, en b. Mais cet affaiblissement n'est pas propre
au dialecte limousin; il est commun à tous les dialectes d'oc
comme à la langue d'oil, et il doit remonter au latin vul-
gaire, car on le retrouve dans d'autres langues romanes. Ex. :
brunhou de prunus * ; — brulâ (pr. brmlar) = *peru8tulare * ;
— boueitio (pr. bostia) = pyxida ^ .
II. — P intérieur
A. — Il s'affaiblit en ô, selon la règle générale, entre deux
voyelles ou entre une voyelle et une liquide. Ex.: tepida, tê-
Mo; — nepotem, nebou; — lupa, loubo ; — ripa, ribo; — cœpa,
sâbo; — sepelire, sebelî; — super, subre; — separare, sebrâ
(dans eissebrâ) ; — pauper, paubre. Cet affaiblissement du p
intérieur en b eut lieu, comme on sait, en langue d'oc dès les
premiers temps, et il doit être commun à tous les dialectes.
B. — Lorsqu'une consonne le précède, que cette consonne
tombé ou demeure, p reste p. Ex. : exemplum, eisampk; —
templum, temple; — carpinum, chaupre; ~*mesp(i)las, menêplâ;
— stuppa^ eitoupo; — cappa^ cdpo ; — trippen, trepâ. P reste aussi
assez souvent sans s'affaiblir dans l'un ou l'autre des deux cas
indiqués tout à l'heure; mais c'est seulement dans les compo-
sés ou dans les mots d'origine savante, tels que répara, pre-
parj^ etc.
» Pranç. brugnon, ital. brugna, port, brunho.
Mtal. briistolare, î?. brûler.
^ Fr. boUe.
GRAMMAIRE LIMOUSINE 73
C. — Devant les consonnes, et lorsqu'il suit immédiate-
ment une voyelle, p se vocalise quelquefois en u, comme nous
verrons que b le fait souvent, subissant ainsi du même coup
un triple affaiblissement (ô—v — w). Ex.: maie aptus, malaude*;
— pipilare, piular, piôulâ. Mais ordinairement il disparaît en-
tièrement, à moins que la consonne suivante ne soit / ou i\
auquel cas, comme on vient de le voir, la règle est qu'il se
change en 6.
D. — Changeant de famille dans le même degré et la même
classe, p deviendrait ^ ou <?. Je ne connais pas d'exemple en
limousin de la première de ces mutations, fort rare d'ailleurs
en toute langue *. La seconde a dû avoir lieu dans quelques
mots où p précédait une liquide ou une dentale (/, r, t ou 5),
mais déjà probablement dans le latin même.
Dans tous les cas, ce c en lequel j'admets que ;? a dû se
changer a subi aussitôt les mêmes mutations que le c origi-
naire en pareille position, c'est-à-dire qu'il est devenu y, ch
ou î selon les cas. Ce changement préalable de ;? en c me pa-
rait seul pouvoir expliquer les formes suivantes : eitoulho =
^stupula *, eicricho = scripta, cheitivo = captiva, caisse = capsa :
ajoutons coire = cuprum, maintenu en bas-limousin (couire),
mais dont on ne connaît plus à Nontron que la forme fran-
çaise •
I. — i? initial
En cette position, B ne subit aucun changement: hellwn,
beù; — bladum^ bla,
* Dans la vieille langue» malaut. Cf. azaut(^adaptus) que nous n'avons
plus.
' On la constate, en latin, dans studere »• <rnsùâetv,
» Cf. fr. écueil, it. scoglio de scopulum. — Rappelons ici que la muta-
tion de p en c devant l est habituelle dans plusieurs dialectes italiens, le
sicilien par exemple, où pi devient constamment chi. Ex : chiù, chiumaf
eihiana -« pm, piuma, pi4ina.
74 DIALECTES MODERNES
IL — B intérieur
A. — jff intérieur reste b entre une consonne et une vojelle,
ainsi qu'entre deux liquides. Ex.: cannabis, charbe;— iurbare,
tourbâ ; — arbor, aubre . Il s'est exceptionnellement renforcé
en p dans charpai, dérivé de charbe.
B. — Entre deux voyelles, B devient v. Ex. : faba, fâvo; —
subinde, souven; — debere, devei; — habere, avei; — cribellum,
cruveû. Les mots tels que labour , laboura , où il n'a pas subi de
changement, sont des mots savants. Sa chute est exception-
nelle. On la remarque dans couâ = cubare *.
C. — Après une vojelle, b, devenu final ou précédant une
liquide, se vocalise en u. Ex.: libra, liura, leûro ; — bibere,
beûre; — ebrium, yeûre; — tab{u)la, taulo; — febrem, feûre; —
flehilem, freûle; — fabrum, faure; — trabem, trau; — sébum,
seû. — Il est, par exception , resté b devant les liquides dans
un petit nombre de mots, tels que eitable = stabulum, diable
= diabolum, litre = librum.
D. — La mutation de ^ en w ne se remarque pas à Nontron.
On la constate en haut Limousin, dans gomd = iv. gober, et, en
beaucoup d'endroits, dans samadi = sabbatidies, forme qu'on a
peut-être empruntée au français. A Nontron, on dit dissâde
(= pr. dissapte).
E. — Changeant de famille dans la même classe et le même
degré, b deviendrait ^ ou rf. Notre dialecte n'offre pas, je crois,
d'exemple de la première de ces mutations. La seconde se
remarque dans tudeû = *tubellum (fr. tuyau) et dans de que l'on
dit souvent pour be (bene), lorsque cet adverbe commence la
phrase. Ex. : De sountîgentei! D'ei-Uelo bravo I c'est-à-dire Bien
sont-ils gentils! Bien est-elle belle/ Be, du reste, s'emploie, en
pareil cas, non moins fréquemment.
i Cette chute était moins rare dans la langue classique. On y ^trouve,
outre coar, proar (probare). laor (lahorem) et leurs dérivés, etc.
GRAMMAIRE LIMOUSINE 75
I. — F initial
F initial reste f. Ex : feminay fenno; — flamma, flimo; —
fica, fijo; — * fenuculum, fenolh, fanouei,
II. — F intérieur
n reste f lorsqu'il suit ou précède une consonne. Ex.;
offictnum, ofice; - cal[e)facere, chôufâ; -^ inflare, ûfli; — confi-
cere, coufî. Entre deux voyelles, il disparaît ( sauf dans les
composés, tels que defôro = déferas)^ soit entièrement comme
dans ^ai (bifacem), soit en laissant après lui l'aspiration*,
comme dans prehon, de l'ancienne langue, devenu chez nous
prigoun par le durcissement de l'A.
Lorsqu'il provient de ph, f intérieur ne se réduit jamais à
h, n reste /*. Ex.: raphanum, râfe; — Stephanum, Eitêfe ; —
orphanum, orfe ; — cophinum^ côfre.
I. — V initial
A. — V initial reste ordinairement v, Ex.: vicem^ vé; —
vinum, vi; — ventre, venî; — vacca, vdcho. Mais fréquemment
aussi il se renforce en b. Ex.: vervecem^ berbi ; — viduare,
houeidâ (pr. voidar) et boujâ (pr. voiar) ; — veruculum, barouei.
* On sait que ly n'était en latin qu'une forme, plus rude que 1'^, de
l'aspiration*. Aussi s'est-elle souvent réduite, môme dans le latin clas-
fique, à cette dernière. Parmi les idiomes néo-latins, deux dialectes de la
langue d'oc, le béarnais et le gascon, ont, avec le castillan de l'autre côté
des Pyrénées, développé dans leur sein cette tendance phonique, et, géné-
ralisant un phénomène qui était resté accidentel en latin, en ont fait un de
leors caractères les plus distinctifs.
* y. Baadry, Gh-amm. eomp., p. 124.
76 DIALECTES MODERNES
B. — On sait que le v n'avait pas en latin le son net et
franchement consonnant que nous lui donnons. C'était une
semi-vojelle, qui devait différer fort peu du w anglais. Les
Latins aimaient à associer cette semi-vojelle aux gutturales
dures q et g. Q ne se présente jamais sans elle, et g en est
très-fréquemment accompagné. Tout porte à croire que la
langue populaire avait multiplié ces associations et que, par
suite, de même que g attirait v, v k son tour attira g. Cela
eut lieu surtout, paraît-il, dans les Gaules, et Ton a des
raisons pour attribuer ce phénomène à une influence cel-
tique. Quoi qu'il en soit, en langue d'oc comme en langue
d'oïl, le V initial s'est très- souvent associé la gutturale so-
nore g, qui a toujours fini par l'éliminer. Le w initial germa-
nique, à la suite du même renforcement, a subi le même sort.
Ex.: vadum, g a (fr. gué)-^ — vasconem, gascon; — WUhelm^
Guilhaume ; — werra, guêro .
IL — F intérieur
A. — Entre deux voyelles, il reste v. Ex.: viva, vivo; — cap-
tiva, cheitivo; — cavare, chavâ. Il tombe dans quelques mots,
tels que bouyê = bovarium, viando == vivanda, peu =pavorem;
mais ce dernier phénomène est plus rare en limousin que
dans la langue classique.
B. — Entre une consonne et une voyelle, il se renforce en b *.
Ex.: curvare, courba; — vervecem, berbi ; — f orviar {pr.)^
fourbid. La même mutation a eu lieu exceptionnellement en-
tre deux voyelles dans gâbio = cavea, où, pour compenser
sans doute ce renforcement anomal de la consonne intérieure,
la consonne initiale s'est affaiblie. Il est passé à Vm dans
saumo, que l'on dit pour sauvo [salva] ; dans la locution sùwno
ta fenno (sauf ta femme), que l'on ne manque pas d'ajouter
comme correctif lorsqu'on traite quelqu'un de sot *.
^ Le renforcement est allé, comme en français, jusqu'au p dans peptdo
^ Quelques-uns disent de même, on initiale : Uau m*en anâ, pour Vau
m'en and (fr. Je vais m'en aUer).
GRAMMAIRE LÎMQUSINB 77
C. — Le renforcement de v en gu n'a lieu en français qu'en
initiale. En langue d'pc et aussi dans un dialecte limitrophe
de la langue d'oïl, le poitevin, ce phénomène se produit par- ^
fois également à l'intérieur des mots, mais seulement devant
i et e. C'est ainsi qu'un g y a été attiré devant le v ou de-
vant l'w, préalablement semi-consonnitié, des flexions en vi ou
en ui du parfait latin, pour produire des formes telles que
tengui, tengueren = fenui, tenuerunt. On verra, au chapitre de
la Conjugaison, que cette flexion giti s'est substituée beau-
coup plus généralement à Yui qu'au vi classique, et qu'on
l'a propagée dans plusieurs dialectes, d'après quelque fausse
analogie, à beaucoup de verbes qui n'avaient aucun droit à
la recevoir.
D. — Après une voyelle, v se vocalise si une consonne vient
à suivre ou s'il est devenu final. Ex.: * levjtim {levium)^ leuje;
^ viv{€)re, mure, veûre ; — clavem, clhau ; — *av(i)c€llum,
âuzeû ; — levé, leû (dans beleû); ^ suave, souau ; — ovum, y ou;
— vivum, viuy veû ou vî.
L'aspiration existe virtuellement devant toute voyelle ini-
tiale, à peine appréciable devant a *, déjà plus perceptible de-
vant e, i et 0, toujours très-sensible devant u et ow*. Elle se
fait aussi toujours plus ou moins sentir dans tous les hiatus,
parce qu'on ne peut prononcer deux voyelles consécutives qui
ne font pas diphthongue sans reprendre haleine. L'aspiration
peut rester indépendante, et c'est ce qui arrive le plus souvent,
surtout en initiale ; mais souvent aussi elle s'associe avec l'ar-
ticulation produite par les lèvres au moment où elles lui li-
' J*ai expliqué ci -dessus (tome III, page 370) pourquoi j*ai cru devoir
De traiter de Vh qu'après les labiales.
« C'est pour cela que l'a initial tombe presque toujours (V. chap. 4*,
UI, 4 ). tandis que les autres voyelles, mieux défondues par l'asph^allon,
échappent à Taphérèse.
* On sait qu'en grec Tu reçoit toujours l'esprit rude.
78 DIALECTES MODERNES
vrent passage, je veux dire avec b, et un v en résulte. Ce v
représentant h, et qui est identique au digamma éolique, est
très-fréquemment émis, sans qu'on y prenne garde, même en
français, par exemple dans oui, prononcé souvent voui par
bien du monde. Chez nous il est très-commun, mais en ini-
tiale, plus rare à Nontron même que dans les campagnes voi-
sines. Au reste, comme on doit s'y attendre, c'est à peu près
exclusivement kou Qiku (surtout, dans ce dernier cas, à u en-
gagé dans la triphthongue tiei) qu'il s'associe. Quand il est
attiré devant d'autres voyelles, il ne l'est, sauf devant Vo dans
un ou deux cas (ex. : L'ei vôro = Illa est horrida)^ que grâce à
l'influence d'un ou précédent. Ex. : N'ai vounze (J'en ai onze).
N'ai vounto (J'en ai honte]. Ou vei (FI est), louvidor (louis d*or),
lôuveto, lôuvdy ôuvî, (alouette, louer, ouïr *), loû va (les os), moù
vuei (mes yeux), vuei (hodie) .
L'aspiration qui existe virtuellement aussi en association
avec r et que les Grecs, si exacts observateurs de ces délicats
phénomènes, n'avaient pas manqué de noter, a pris dans deux
mots de notre langue, dont le second seul vit encore en limou-
sin, une forme plus concrète. Mais le v en lequel elle a dû se
changer a passé immédiatement à l'explosive correspondante
(ô), le groupe vr en initiale n'étant pas souffert. Ces deux mots
sont brugir = rugire, brude = rudem. Cf., en grec, Ppôâov =z
/îô^ov, jSpt'ïa =: |3tÇa, etc.*.
If, au lieu de se changer en v ou en sa suppléante b, a, dans
deux ou trois mots, permuté avec g : haguî = fr. haïr; — pn-
goun = prehon = profundum ; — granoulho.= * ranucula .
On sait que le s latin correspond, en grec, dans beaucoup
de mots, à un esprit rude, c'est dire k h, Ov h = v onle di-
gamma. H y a donc affinité entre v et 5, et ces consonnes peu-
* Sur ces mots, voir ci-dessus, section u, Dentales, D intérieur
2 Par exception, 1;=»^ s'est durci encore en b devant une voyelle dans
olôuheto, du bas-limousia =^l6uveto de Nontron, et dans boueivé, comme
on prononce à Limoges notre interjection voueivé ( =« pr. ci veez, fr. oh I
voyez!). Dans le prov. mod. mounte, c'est en m que s*est changé le t;
virtuel de ounte ( «== unde).
GRAMMAIRE LIMOUSINE 79
vent permuter ensemble, comme nous avons vu que le font
accidentellement les explosives correspondantes b et d. C'est
ainsi que Wenceslav est devenu Venceslas, que Law se pro-
nonce Las. C'est peut-être ainsi également que plusieurs par-
faits latins en vi ou ui ont dû prendre dans le latin vulgaire la
forme en si, que suppose celle qu'ils ont eue ou qu'ils ont
encore dans plusieurs langues romanes*. Cette forme en s
était fort rare dans la vieille langue d'oc ; je ne sais si l'on en
trouve actuellement des traces dans quelque dialecte, mais il
n'j en a pas en limousin.
La mutation inverse, c'est-à-dire celle de s, non point en
V mais en sa suppléante h, est très-fréquente, entre deux
voyelles, dans le catalan, idiome très-voisin de la langue d'oc.
Ex. : plaher =plaser; maho = maiso ; raho = raso. Je n'en
connais pas d'exemple chez nous.
Remarque. — L'A joue un grand rôle dans l'ancienne or-
thographe de la langue d'oc. Cette lettre ayant été adoptée
pour figurer le son de Vi consonne associé à / et an (Ih, nh
= it/, ny), elle a été par suite assez fréquemment employée
pour représenter l'i consonne, et même l'2 voyelle, dans leurs
assocîiations avec d'autres lettres, consonnes ou voyelles*. De
là des orthographes telles que les suivantes, que j'extrais du
dictionnaire de rimes du Donat provençal , où l'A = i est
même souvent séparé par une consonne de la voyelle avec la-
quelle il doit s'unir en diphthongue ^ : esglahz = esglais, rathz
^=rais [radius), lethz= leis {lex), lethz =leitz [lectus), pethz =
lïeitz ( pectus et pejus ), vohtz = voitz ( viduus ), poktz = pois,
puetz (podium). Camille Chabaneau.
(A suivre.)
* Ex.: V. fr. sds, vols « solvi, volui; ital. valsi = vcUui.
* Cf. ancien portugais mha =* mia.
» Il pourrait se faire pourtant quo Vh, dans les formes telles que rathz,
peOiz, dithz, aflfoclât, en elfet, le t et non la voyelle antécédente Ces
orthographes représenteraient alors une prononciation où, la voyelle res-
tant pure et sèche, c'était le t qui était mouillé. Dithz, par exemple, dans
cette hypothèse, figurerait une forme intermédiaire, que nous devons
d'ailleurs logiquement supposer, entre dictus et dich. (Voir, ci-dessus.
LA PERLO
A ta fresco e poulido auriho,
Pastado de roso e de blanc,
Pèr pendent uno perlo briho
Coume un plour d'aubo tremoulant.
A soun entour se recouquiho
Toun peu d'or en anèu galant;
Me sèmblo vèire uno couquiho
Ounte la mar a mes plan-plan
Sa perlo fino la plus raro.
Laisso-me clinà sus ta caro I
Dins 11 couquihage, d'abord
Que l'on entend ço que dis l'oundo,
Vole, iéu, 0 divino bloundo,
Escouta ço que dis toun cor I
Teodor AuBANEL
Avignoun.
Traduction
LA PERLE
A ta jolie et fraîche oreille, — pétrie de rose et de blanc, — pour
pendants brille une perle, — comme un pleur d'aube qui tremble.
Autour d'elle se retroussent — tes cheveux d'or en boucles char-
mantes ; — il me semble voir une coquille — où la mer a mis dou-
cement
Sa perle fine la plus rare. — Laisse-moi me pencher sur ton vi-
sage! — Puisque dans les coquillages
On entend ce que dit Ponde, — moi, je veux, ô blonde divine, —
écouter ce que dit ton cœur !
Théodore Aubanel.
LA BELLO MAIO
Lou proumié gour]|d6u{mes de mai,
V'en|souvènt? erias pichouneto,
E vouesto tèsto bloundineto
Espandissié sel proumié rai.
Veguéri, contre uûo muraio,
Rire voueste galoi mourroun.
Boutas, me n'en souvèni proun,
Margai, fasias la bello Maio.
Sias maire desempièi, avès bèn de marmaio ;
Pamens, seres toujours per iéu la bello Maio.
Traduction
LA BELLE MAIE
Le premier jour du mois de mai, — vous en souvient-il? vous
(lifz toute petite, — et votre tête blonde était dans son premier
rayonnement ! — je vis, près d'un mur, — rire votre joli minois. —
Allez, il m'en souvient bien, — Margai, vous faisiez la belle Maie.
Vous êtes mère, depuis, et vous avez pas mal d'enfants ; — ce-
pendant, vous êtes toujours pour moi la belle Maie.
* On célébrait en Provence, il y a une vingtaine d'années, el on célèbre
eocore dans certaines localités, la fête du printemps et des fleurs, gra-
cieuse réminiscence du pagr.nisme, dont les mystères et les pompes frap -
paient tellement les imaginations, que son souvenir ne s'est jamais en-
tièrement effacé dans les esprits méridionaux. Une jeune fille, vêtue de
blanc et couronnée de fleurs, est assise sur un trône orné de guirlandes
fleuries, auprès duquel est un autel de verdure, où se trouve un plateau
de métal ou une soucoupe de faïence. C'est la Maioî Un essaim de fillettes,
aussi parées de robes blanches, forme sa cour, et demande, en riant et en
chaptant, aux passants, quelque chose pour la bello Maio, la belle de Mai.
Le produit de la collecte est destiné à une œnvre de charité ou à une col-
latioa.
82 DIALECTES IIOOERMBS
Quand vèn lou mes ensouleia,
Lei ôheto de la Prouvènco
Fan reviéadà la souvenenço
De la divesso Maia.
Eiiié lei flous deis oortoolaîo
Trenon de redoulènt capèu,
Ë pièi n'en courounon lei peu
De la plus bello, qu^es la Maio !
Sias maire, etc.
De la flouresoun dôu printèms
£s uno fèsto un pau pagano,
Qu'emé sel plasènteis engano
Nous remembre leis encian tèms.
Au bord dei carriero o dei draio,
Lei priéuresso dôu mes de mai,
Pimparrado em'un pouli biai.
Nous retraton la bello Maio.
Sias maire, etc.
Avias un èr foueço agradièu,
Su'un sèti de moufo quihado • • •
Quand vient le mois ensoleillé, — les fillettes de la Provence —
font revivre la souvenance — de la déesse Maia. — Avec les fleurs
des jardins — elles tressent d'odorants chaperons, — dont elles'
couronnent les cheveux — de la plus belle, qui est la Maie.
Vous êtes mère, etc.
De la floraison du printemps — c'est une fête un peu païenne, —
(lui nous rappelle les temps anciens — par ses aimables emblèmes; —
et au bord des rues et des chemins, — les prieures du mois de mai,
— parées avec autant d'élégance que de goût, — représentent la di-
vine Maie.
Vous êtes mère, etc.
Vous aviez i'air bien séduisant, — assise sur votre siège de
LA BBLLO MAIO 83
Voueste vistoun de côuquihado
Trelusie en rescountrant lou miéu.
E subran dintre moun nei raio
Uno sutilo languisoun . . .
Moun couer ressent de fernisoun,
En vous vesènt faire la Maio.
Sias maire, etc.
Lou front cencha de frèsquei flous,
Dins lei pli d'une raubo blanco
Q'en flot de nèu toumbo deis anco,
Avias un biai dei plus courous .
Entre lei courau, lei roucaio,
Quand s'aubourè dôu toumple blur,
Afrodito èro pas, segur.
Plus belle que vous, belle Maio.
Sias maire, etc.
Subre voueste front enflourà,
Que gàubi tria ! quinto amistanço I
Emé quinto douço agrandanço
Voueste front me semble enaurà I
. . — Votre petit œil vif d'alouette — s'illumine en rencon-
mien . — Et soudain dans mon œil — coule une subtile lan-
— Mon cœur éprouve des frissons, — en vous voyant faire
Maie.
i êtes mère, etc.
ont ceint de fraîches fleurs, — dans les plis d'une robe blan-
[ui tombe des hanches à flots de neige, — vous aviez un as-
en attrayant. — Au milieu des coraux et des rocailles,
que émergea du gouffre bleu — Aphrodite, elle n'était
i&i certain, — plus belle que vous, belle Maie.
{ êtes mère, etc.
le tournure exquise, quelle aménité, — vous aviez sur votre
84 DIALECTES MODERNES
Ennevouli, moun uei varaio,
E moun couer esmôugu reçaup
Un estrambord em'un ressaut,
En saludant la jouino Maio.
Sias maire, etc.
Pièi vounvounejo, àvoueste entour,
Tout un eissame de fiheto,
Pmé sei fàci risouleto
Coumo un voù de pichouns Amour.
Vanego Feissame e travaio,
Courrènt, cantante cridant,
A toute! lei passant demandant
Quauquarèn re per la belle Maio.
Sias maire, etc.
Galoio me pouayre un sictoun,
Uno bruneto acoulourido.
Li dlsi : « Es pas per tu, marrido,
Que bouti la man au boussoun. »
Dins ma pochi ma man rabaio
Douos 0 très peceto d'argent.
front tleuri! — Avec quelle grâce votre fro it semblait transfiguré I
— Mon œil, couvert d'un nuage, se trouble. . . — Mon cœur ému
éprouve une secousse d*enthousiasme, — en saluant la belle Maie.
Vous êtes mère, etc.
Puis, bourdonnait autour de vous — tout un essaim de fillettes
aux faces rieuses, — pareil à un vol de petits Amours. — L'essaim
voltige et s'empresse, — courant, chantant, criant, — et demandant
à tous les passants — quelque chose pour la belle Maie.
Vous êtes mère, etc.
Une brunette au teint vermeil me présente une soucoupe. — Je
lui dis :« Ge n'est pas pour toi, friponne, que je mets la main au gous-
set. » — Ma main cherche dans ma poche deux ou ou trois petites
LA BBLLO MAIO 95
£, m'aprouchant en sourrisènt
D6u pichoun sèti de la Maio. . • .
Sias maire, etc. «
a Divo, plus fresco que tei flous,
Mè ta caranchouno agradivo,
O frisado coumo uno andivo,
Dins lei flot d'or de tei peu rous,
Diguèri, moun couer vous lei baio
Lei peceto au risent trelus. . . ))
En m'ausènt parla, li ves plus,
Tremouelo la crentousoMaio.
Sias maire, etc.
a Fès pioutà voueste parauli,
Vouestei bouco me fan lingueto !
Aqueu pouli parèu d'agrueto,
Me labro voudrien lou culi.
Semoundrièu bèn mai de medaio,
Se voulias semouDdre un poutoun. * . »
Vièu s'aprouchà de moun mourroun
Lei doues agrueto de la Maio.
Sias maire, etc.
pièces d'argent. — Et, m'approcbant en souriant de la belle Maie.. .
Vous êtes mère, etc.
Divine, plus fraîche que tes fleurs, — avec ton petit minois sédui-
sant, — ô frisée comme une chicorée endive, — dans les flots de tes
cheveux, — dis-je, mon cœur vous les donne, les petites pièces
au liant reûet. » — Elle n'y voit plus, en m'entendant parler, elle
tremble, la timide Maie.
Vous êtes mère, etc.
« Faites gazouiller votre douce parole. — Vos lèvres m'al|lèchent. —
Ma lèvre voudrait cueillir ces deux jolies petites cerises. — J'offri-
rais bien plus de monnaie, si vous vouliez m'accorder un baiser. »
— Et je vis s'approcher de ma bouche — les deux cerises de la Maie .
Vous êtes mère, etc.
86 DIALBCTBS MODBRNES
Pecaire I que trefoulimen
Dintre moun couer que n'es plus vege I
Aviè douge an, la Maio, ièu trege,
Tout bèn coumta, ni mai ni mens I
Sèmblo que moun amo pantaio !
RespiriTalen melicous
Deis agrueto e dei frago en flous
Qu'embèimavon emè la Maio.
Sias maire, etc.
Leis èr soun plen de cant d'aucèu.
Crèsi que pousso à meis espalo
, Coumo un parèu de blànqueis alo,
Per m'envoulà d'amount au cèu.
Ma labro enfebrado s'estraio,
E, tout en clavant mei vistoun,
Empùri un sabourous poutoun
Ei labro que m'apound la Maio ,
Sias maire, etc.
De joio manqua m'avani ! . .
Ello tressano e devèn blavo.
Ah I quel tressaillement — dans mon cœur qui n*était plus vide 1
— Elle avait douze ans, la Maie, et moi treize, — tout bien compté,
ni plus ni moins I — Mon âme semble dans un rêve. — Je respire
l'arôme de miel — des cerises et des fraises épanouies — que
fleure la Maie.
Vous êtes mère, etc.
Les airs sont pleins de chants d'oiseaux. — Je crois voir pous-
ser à mes épaules — des ailes blanches — pour m'envoler là-haut,
au ciel. — Ma lèvre enivrée s'égare, — et, tout en fermant les
yeux, — j'attise un savoureux baiser — sur les lèvres que m'offre la
Maie.
Vous êtes mère, etc.
Je faillis m' évanouir de joie. - - Elle tressaille et pâlit. — Pre-
LABELLOMAIO 87
Proumié poutoun, o divo cavo I
Jamai, jamai, déurriés uni !
Pièi, tramoulant coumo uno paio,
Prèn lei peceto emé sa man,
La Maio, e dis : a Passas deman,
Se voulès mai vèire la Maio . »
Sias maire, etc.
L'endeman, e lou subre ende^lan
lèu toumamai li revenguèri.
Pamens, jamai plus reveguèri
La Maio e soun mourroun charmant.
Desempièi sèmpre se retraio
Sa caro dins moun couer plantièu.
Quand vèn lou printèms o Testièu,
Subretout pantaihi la Maio .
Sias maire, etc.
La bello Maio, Tai revisto,
La revièu souvent desempièi ;
Sa gràci esbrihaudo ma visto,
E soun uei fa claure moun uei .
mier baiser, 6 douce chose I vous ne devriez jamais, jamais finir 1
— En tremblant comme une paille, — elle prend les petites pièces
avec sa main, — la Maie, et dit : « Repassez demain — si vous
voulez voir encore la Maie.
Vous êtes mère, etc.
Le lendemain et le surlendemain, — je vins et je revins. — Mais je
ne rencontrai jamais plus — la Maie au visage charmant. — De-
puis, son imago se reflète sans cesse — dans mon cœur mélan-
colique. — Lorsque revient le printemps ou Télé, — je rêve sur-
tout à la Maie.
Vous êtes mère, etc.
Je Tai revue et la revois souvent, — depuis lors, la belle Maie ; —
88 DIALBCTB8 MODERNES
Mai ramistanco de sa taiho,
Qu'encenturavon leis Amour,
S'es envoulado per toujour,
Car s' es maridado, la Maio.
Sies maire, etc.
M'è vouesto garbo d'enfantoun,
Maio, aves bèu èstre Madamo :
Sentrai sèmpre, au found de moun amo, *
Lou coungoust de voueste poutoun.
E s'un cop la mouert me rabaio,
Sèmpre, après coumo avant ma mouert,
Recatarai dintre moun couer
Lou poutouo de la bello Maio !
Emai vous foûssias rèiro au su blanc que trantaio,
Pamens sarias toujour pèr ièu la bello Maio.
J.-B. Gaut.
Âix.
sa grâce éblouit ma vue, — et son œil fait éclore mon œil. —
Mais les charmes de sa taille, — dont les Amours formaient la
ceinture, — se sont envolées pour jamais! — car elle s'est mariée,
la Maie !
Vous êtes mère, etc.
Avec votre gerbe d'enfants, — vous avez beau être Madame : —
je garderai toujours dans mon âme — la saveur de votre baiser. —
Et, lorsque la mort m'emportera, — après, comme avant la mort,
— je conserverai au fond du cœur — mon amour pour la belle
Maie.
Et fussiez-vous devenue grand'mère, à la tète blanchie et bran-
lante, — vous seriez toujours pour moi la belle Maie.
J.-B. Gaut.
BIOGRAPHIE
VINCENT DE B AT A ILLE-FURÉ
POETE BÉARNAIS
Le 26 mai dernier est mort à Pontacq, dans les Basses-
Pjrénées, M. Vincent de Bataille-Furé, avocat, auteur de
poésies écrites dans le dialecte du Béarn. Personne n'a mieux
connu ce dialecte que lui et ne Ta écrit avec plus de pureté.
Il avait eu quelques succès sux Jeux floraux pour des poésies
françaises; mais ces succès ne Fempêchèrent pas de faire de
la langue de son pajs Tinterprète ordinaire de ses inspira-
tions poétiques. Cette langue, fille du latin comme les autres
idiomes méridionaux, n'est inférieure à aucun d'eux sous le
rapport de la douceur et de l'harmonie . La première de ces
qualités résulte surtout de l'emploi fréquent de certaines
diphthongues euphoniques et de la vocalisation des lettres
g et j dans un grand nombre de mots, tels que berge, bilatge,
jura, jutjà, qui deviennent, en béarnais, heryè, bilatge, yurà^
yudyâ. D'autre part, l'accent tonique, fortement marqué, rend
cet idiome très-sonore et très-harmonieux. « L'harmonie est
» tellement inhérente à notre dialecte, m'écrivait, il y a déjà
» longtemps, M. de Bataille, qu'on peut dire que ce qui n'est
* pas harmonieux n'est pas béarnais. »
Lorsque ce poëte publia ses premiers vers, la Capère de
Bétharram (c'était en 1838), MM. Mazure et Hatoulet n'avaient
pas encore édité les Fors du Béarn *, qui auraient pu lui servir
à résoudre quelques difficultés orthographiques. La Gram-
maire béarnaise de M. Lespy n'avait pas encore paru ; elle n'a
* Les Fors du Béarn comprennent toute la législation de ce pays, du
Xfau XIV' siècle.
94 DIALECTES MODBRNBS
Il exalte, dans d'excellents vers, la conduite héroïque de
son compatriote :
Tant que lous moatz d*haunou, d'enbencible couratye,
Haran bâte lou coo, trametut d'atye en atye,
Barbanegrel.toyn noum sera toutz-tems citât,
Y lou gran fayt d'Huningue autalèu racountat.
Je borne là ces citations. Elles suflSront pour faire apprécier
le talent de M. de Bataille, qui a été un des rares précurseurs
de la renaissance de notre littérature méridionale. Ses poésies
resteront comme des documents importants pour Thistoire des
lettres dans le Béarn, et comme d'excellents modèles pour les
poètes qui viendront après lui. M. Lespy regrette que l'auteur
ne les ait pas réunies dans un volume. J'exprimerais le même
regret si je n'avais des raisons d'espérer que M. Guillaume
de Bataille, héritier des goûts de son père pour la poésie
béarnaise, qu'il cultive avec succès, ne faillira pas à ce de-
voir. Je l'engage à joindre à cette publication, qui n'en sera
pas déparée, son poème las Haunous de Gaston Phehus, coumte
de Foux, senkou souhiraa de Béarn, qui obtint une médaille
au concours de la Société archéologique de Béziers de Tan-
née 1870.
Gabribl Azaïs, ^
Secrétaire de la Société archéologiqae de Béners.
^■••»«
LOU ROUMIEQ
LE6ENDA DAU TBMS DAS COMTES DE PROUVENÇA
(Suite.)
VI
L'INGRAT
Quand lou miniatre de Prouvença
De naut en bas de la Coumtat
Trapet tout à sa counvenença,
Pople urous, trésor remountat,
Vertuts prounadas e flouridas,
Libertats, tant qu'es de resoun,
S'entre-metet pèr las manidas
Que noun poudiè cabi Ramoun.
Lou qu'a Testée es pas en pena.
A la lec teniè, lou Roumieu,
Quatre rèis de la bella mena,
Pèrchaca Ramoundalou sieu.
LE ROMIEU
LÉGENDE DU TEMPS DES COMTES DE PROVENCE
VI
l'ingrat
Lorsque le ministre de Provence, — d'une extrémité à l'autre de
la Comté, — trouva tout selon ses désirs, — peuple heureux,
trésor rempli, — vertus honorées et florissantes, — libertés autant
qu'en admet la raison, — il s'entremit pour les jeunes filles — que
Raimond n avait pu marier. — Celui qui sait comment vont les
choses n'est pas en peine. — Le Romieu tenait aux aguets —
quatre rois du plus haut parage, — pour que chaque fille de
Raimond eût le sien .
96 DIALECTES MODERNES
Quand soun pas de nôvis de croia,
Acord près, mariage entanchat;
Antau tout anet. Quanta joia !
Jamai Roumieu tant festejat.
— « D'amis de toun biais, n'i'a pas gaire »,
Disiè lou Comte ; « es un bon sprt
)) Que me siègue espelit un fraire !
» Nous quitaren, vei, qu'à la mort ! »
La Coumtessa atabé Fairnava;
Las novietSls lou benissien ;
Lou pople à bon drech lou badava...
Mes foca à la court Tahissien.
a
Savès? lous dau partit d'empougna,
Toutes manèfles e sournuts,
Que soun de las naciouns la rougna,
E sans lous rèis treparien nuds;
D'acô que vai de gratapautas
Pèr avè ce-z-autre, e ce sieu ;
Quand hou tèn, fier, confia sas gantas.
Quand ce ne sont pas des fiancés de plâtre, — tout accord pris
est un mariage conclu ; — ainsi les choses allèrent-elles. — Quelle
joie ! — Jamais Romieu ne fut autant fêté. : — « Les amis tels que
toi sont rares, «élisait le Comte; «c'est un heureux destin — qu'un
frère me soit venu 1 — Nous ne nous laisserons,.va, qu'à la mortl »
— La Comtesse l'aimait aussi ; — les nouvelles fiancées le bénis-
saient ; — le peuple à bon droit Tadmirait ; — mais beaucoup le
haïssaient à la caur.
-Savez- vous ? c'étaient ceux dont l'opinion est de prendre, — (qui)
tous, flagorneurs et sournois, — sont la lèpYe des nations, — et
sans les rois s'en iraient nus. — (Ils représentent) un être vil,
marchant à quatre pattes — pour prendre son bien et celui d'autrui ;
— qui, les tenant, fier, se rengorge, — et cracherait sur le bon
Dieu. — Fainéant, l'envie le dévore. — Si quelqu'un d'ingénieux
LOU ROUMIEU 97
Ëscoupiriè sus lou bon Dieu !
Pôile, a Tenveja que lou creva.
S'un qu'a d'idèia fai quicon,
Ce pus orre contra el alèva,
Mes pèr lou péri se rescond.
Es ac6 lourd, tout de faussige,
Que yendriè maire, fenna, nis,
Pèr d'argent, d'ounous, de bauchige,
Qu'entrabet l'orne au roumanis *.
Pas à pitre nud e mans netas,
En brave luchaire, au sourel ;
Nou , tras la nioch, de-revaletas,
Enverinet tout autour d'el.
Es quand, sa bella obra acavada,
Lou dau tant grand saupre vesiè
Sa Prouvenca ben refoufada.
Que s'acousset la jalousie.
Ramoun, pus âac qu'una bediga
(D'entre-mièja que lou Roumieu
Sentissiè pas, dins sa fatiga,
fait une chose, — il invente contre lui les plus basses infamies ; —
mais il se cache, pour chercher à l'avilir.
C'est cet être affreux, plein de fausseté, — qui vendrait mère, femme,
nid, — pour de Targent, des honneurs, des folies, — qui fit obstacle
à rhomme au romaiin; — (mais) pas à poitrine nue, les mains sans
armes, — en vaillant athlète, en plein soleil : — non ! (ce fut) par
derrière, la nuit, en rampant, — (qu')il répandit son venin autour
de lui.— Ce fut lorsque, sa grande œuvre achevée, — celui dont les
connaissances étaient si hautes voyait — sa Provence si floris-
sante, — que se dressa Tenvie.
Raimond, plus faible qu'une brebis — (tandis que le Romieu —
ne sentait pas, dans le feu d'un grand travail, — ga'il était exténué de
* Par rapprochement de mots, le romarin {roumanis) était devenu
rembtème des pèlerins (roumieu).
98 DlÀLBGTliS M0DBRNB8
Qu'èra las couma un prèga-Dieu),
Ramoun à la court, sus soun sèti,
Quita^a, tout asserenat,
Traôa lous que li fasien plèti,
Sans escampà dau semenat
Lous bels âaugnards que degaugnavou
Soun ministre de grand cami,
Couma disien; Tescaraugnavou
Davant el, Ramoun, soun ami.
Que dise, soun ami? sounfrairel
Mes lous senti mens, à la court,
Soun de fioquets ; duroun, pecaire !
Tant qu'un pougnat de legna au four.
L'aparet, en-premiè, sans rire,
Soun Roumieu ; quand ne seguet las,
Vai que trai, Ramoun quitet dire,
Amai seguet dau cacalas.
Imaginas se Fembufèrou
Contra Tome qu'ahissien tant I
Un cop, tant lourd ie Tesculèrou
Qu'auriè mascarat la sartan I
fatigue), — Raimondà la cour, sur son trône, — laissait, avec séré-
nité, — jacasser ceux qui étaient à sa dévotion, — sans rejeter au
loin — ses beaux flatteurs, qui tournaienten ridicule — son ministre
de grand ebemin, — comme ils disaient; ils l'égratignaient — devant
lui, Raimond, son ami.
Que dis-je, son ami? son frère 1 — Mais les sentiments, à la cour,
— sont de petits feux ; ils durent, hélas I — autant qu*une poignée
de menu bois dans un four. — En premier lieu, il le défendit, sans
rire, — son Romieu. Quand il en fut fatigué, — va comme je te
pousse, Raimond laissa dire, — et même rit aux éclats avec eux. —
Imaginez s'ils Texcitèrent (les grands) — contreThomme qu'ils hws-
saient tant. — Un jour, ils le lui présentèrent si noir — qu'il eût
noirci la poêle à frire.
LOTI ROUMTEU 99
Paure Roumieu I Taviè pas mola.
N^èra ni crestian, ni jasiôu;
Soun Dieu èra la manipola,
E quanta fe !... teniè soun bôu ^.
Un trésor, panât sus las talhas,
Denistat pèr lou margoulin
Qu'aviè rabilhat las sarralhas
D'un cofre pèr lou mètre alin.
Aiço passava la mesura
E lou Comte risiè pas pus.
Endinnat, fasiè 'na ûgura !
« — Menjan, cridet, ount 'aquel gus... . »
« — Ten soun bôu ?» — coupet la noublessa,
Ausiguent la demanda à mièch,
Couma fan lous clercs à la messa.
(( — A soun cambrihou, jout lou lièch î »
« — Dieu me càstie ! tournet lou Comte,
» Se n'en prouûta. Anen ! de lum !
» Seguissès-me toutes, ie monte!... o
Lou Roumieu intret ; e pas un
Pauvre Romieu! on ne l'épargnait pas. — II n*était ni chrétien,
Di juif ;— son Dieu était la rapine ; — et quelle foi I . . Il tenait son
magot, — C*était un trésor volé sur les impôts, — et vu par le
pauvre et mauvais ouvrier — qui avait réparé les serrures — d'un
coffre qui servait à renfermer. — Ceci comblait la mesure, — et le
Comte ne rit plus. — Irrité, il avait un visage ! — « Voyons,
s'écria-t-il, où ce gueux ...»
m Tient le magot? >» dit la noblesse, — n'écoutant la demande qu'à
moitié, — comme font les clercs à la messe. — « Dans son galetas,
sous le lit. » — o Dieu me châtie, reprit le Comte, — s*il en profite.
Allons ! que l'on m'éclaire I — Suivez-moi tous I je monte. » — Le
Romieu entra, et pas un — ne Taperçut dans la salle. — Lui, préoc-
* Liit.: coup de filet. ' ; .% -/ ■
100 DIALECTBS MODERNES
De Tapercebre dins la sala.
El pie d'idèias passet lis.
Era au cop que Toumbra davala
E dins la nioch tout s'abalis.
As escaliès, sus las airetas
La court, un coulobre * de lum,
De ferre, d'or, de pampalhetas,
Escalava en grand revoulum.
Ramoun fasiè sa pegoulada !
El tant bon, tant amistadous;
Ker caïn, amount d'àfilada
Enguliguet lous courredous.
Au founs veguet, drech de soun mourra,
Una porteta de boi blanc
Contra la rampa de la tourre ;
Se traguet dessus d'un balans...
Boumbet sans aie ni paraula,
S'espallet dessus lou pestèl
(E la porteta èra en cadaula) ;
Fora d'el, cridet : — a Un martel ! »
cupé, passa son chemin. — C'était au moment où descendent les
ombres, — et dans la nuit tout disparaît.
Dans Tescalier, à tous les étages, — la cour, un flot serpentant
de lumière, — de fer, d'or, de broderies, — montait en grand tu-
multe.— Raymond faisait sa course aux flambeaux. — Lui si bon,
si affectueux; — l'air cruel, là-haut les uns après les autres, —
il enfilait les conloirs. — Il vit, au fond, en face de lui, — une
petite porte en bois blanc, — près de la rampe de la. tour; — il s'y
précipita d'un bond. . .
11 y heurta, essoufflé, sans parole ; — il se meurtrit l'épaule con-
tre le pêne — (et la petite porte n'était fermée qu'au loquet. . .) —
Hors de lui, il s'écria: « Un marteau ! » — Nul ne bougea. Du côté
* Litt.: un dragon
iWtf RÔttMiÉI» 101
— Degus noun bfnahlet. Daùs la ràlïi^a
Sourtissiè lou Roiimieu dati s6u ;
Teniè sous chapelets, salampa,
E Ions dau sagat n'avien p6u.
« — Quau ses, cridèt, que venès'qtrerre?»
Ramoun se reviret. — « Qûau siôi? »
E se plantet davant el': « Tère î
)) Quante mestiè fas, o ntiotin Rèi?»'
« — Tardieirament se tant naut monte,
Es pas pèr te parla dau mieu.
Fins de tout *, ioi, vole moun compte ! »
(( — Es preste ! » tournet lou Roumieu ;
E descadaulet la portëta.
El, à sa coustuma ennegrat,
Rauba, sandalas e b'arfeta,
Faguet las ounous à l'ingrat.
Aqueste, en camisa de malhas,
Tunica escarlata, espérons,
Vestit couma pèr sas bataihas,
Dins aquel cambrihou terrons
de la rampe, — le Homieu sortait du sol : — il tenait les chapelets,
sa lampe, — et ceux de la suite (du Comte) avaient peur. — « Qui
ètes-vous? cria-t-il; que venez-vous chercher?» — Râimond se
retourna : « Qui je suisP » '— Et il se campa devant lui : « Certes!
quel métier fais-tu, ù mon Roi? »
« Si je monte aussi haut à cette heure tardive i — ce n'est pas pour
te parler du mien I — Jusqu'au dernier sou, je veux mon compte! »
— c II est prêt! » riposta le Romiftu ; — et il ouvrit la petite porte.
— Lui, tout en noir, selon sa coutume, — robe, sandales et barrette,
— fit les honneurs à Tingrat. — Celui-ci, en chemise de mailles,
—tunique écartate, éperons, — vêtu comme au jour dés batailles,—
dans ce réduit poudreux
* LiU.: tin de tout.
102 DIALBCTBS MODERNES
S'assetet en miech quauques mobles
Vièls, quissounats. — Dau courredou
Lou seguissien varlets e nobles ;
Mes Tautre cridet : « Pèd bourdou * !
» Ma porta es sans barroul ni tança ! . . .
» Alande ! . . . Mes soûl intrara
» Quau tousseira ma barba blanca
» E tras el me ravalarà 1 »
Pioi siau se viret lou Ministre
Vers Ramoun. — « Fins de tout, as dich ?
» Fins de tout sus aquel registre
» Avé, dèutes, veiras escrich ! »
E davant el, sans ne mai dire,
Traguet un fais de pergami.
Ramoun, emb'un semblant de rire.
Que mourtifiet soun ami,
Rebutet comptes e quitanças.
(( — Cam^rada, soui pas en trin !
» Save toutas tas maniganças :
» M'as descauquilhat *, pèlerin ! »
S'assit parmi quelques meubles — vieux, vermoulus. Dans le
couloir, — valets et nobles le suivaient. — Mais Tautre cria : « De-
meurez ! — Ma porte est sans verroux, ni traverse de bois, —
(puisque) je Touvre toute grande !.... Mais seul entrera — celui qui
tordra ma barbe blanche et me traînera derrière lui! » — Puis,
calme, le ministre se retourna — vers Raimond: « Jusqu'au der-
nier sou, as-tu dit ? — Jusqu'au dernier sou, sur ce registre — tu
verras tout écrit : doit et avoir ! »
Et devant lui, sans en dire plus, — il jeta une liasse de" parche-
mins. — Raimond, avec un demi-sourire — qui mortifia son ami,
repoussa — comptes et quittances : — « Camarade, je suis mal en
' Lilt.: l'un de vos pieds doit rester attaché à la place que vous occupez.
' Lilt : pris mes coquilles
LOU ROUMIEU 103
(( — leu ? S'es vrai, trop de tèms s'estrassa. . .
» Anen, vieu! sona toun bourrèl !
» Anarà jougà sus la plaça
» Embe ma testa au sautarèl ! »
« — Pagues de frount !» — « Nou ! Quand venguère,
» Que toun poudé toumbava à flocs,
» Es aqui que de frount paguère ! . . .
» Troumpassant planas, coumbas, rocs »,
Souspiret, a Tiol sus moun estella,
» Paure, soulet, sans cabussau,
» Mes libre ! en gagnant Coumpoustella,
» Passère en pèïs prouvençau.
» Aquis èra un Comte minable,
» En grand vomi de sas grandous,
» Sans ministres, sans counestable,
» Pèr alàugeiri sous coudons.
» Trésor, justiça ou granda espasa,
» Ten soun prou quau d'un es cargat ;
» Ne eau mai à moun cor de brasa :
» Carga tout e sauva TEstat.
irain ; — je connais tous tes tripotages : — tu m'as dévalisé, pèle-
rin ! » — « Moi! si c'est vrai, il s'est déjà perdu trop de temps. —
Vite, allons, appelle ton bourreau. — Il ira sur la place jouer — avec
ma téta au bâtonnet. »
« — ^Tu payes d'audace ! » — « Non ' Lorsque je vins, — que ton pou-
voir tombait en lambeaux, — c'est alors que je payai d'audace! —
Franchissant plaines, vallons, rochers, — soupira- t-il, l'œil (ûxé)
sur mon étoile, — pauvre, seul, sans chevet, — mais libre! en
m acheminant vers Gompostelle — je passai en pays de Provence. —
Là était un Comte extrêmement pauvre, — ayant pris les grandeurs
en dégoût, — sans ministres, sans connétable, — pour l'alléger de
son fardeau.
• Trésor, justice ou grande épée, — sont autant de charges suffi-
sames pour quiconque a la responsabilité de l'une d'elles ; — il en
104 DIALBCTBS MODflRNBS
» Ramoun n'a pas pus souvenença ;
» Mes soun^ople dis pas de nou,
» Sauvère au Comte de Prouvença
» Mai que cent reiaumes, Founou !
jo Soun lùssie èra un tapa-guenilhas.
» Dins un gourg de dèutes negat,
)) Era, pèr maridà sas filhas,
» Tant aisit qu'un piot empegat.
» Ë Fainada, sans èstre ranoa,
» De-longa esperava lou sieu ...
» La maridère au rèi de Franea *,
» Lou pus grand que siègue après Dieu !
» Leonora ' au rèi d'Anglaterra,
)) Sancha ' à Richard, rei das Roumans.
» Quante brave canton de terra
)) L'autre * rebutet de mas mans !
» Es ioi à Naples, glouriousa ;
» Mes belèu, Ramoun VII, un jour,
» Auriè fach la refastignousa
» Beatris rèina dau Miejour I . . .
faut davantage à mon cœur de braise : — il les accepte toutes et
sauve rÉtat. — Raimond n'en a plus le souvenir, — mais son peu-
ple ne le nie pas. — Je sauvai au Comte de Provence — plus que
cent royaumes : l'honneur! — Son luxe était un cache-misère. —
Noyé dans un torrent de dettes ; — pour marier ses filles, il était
— aussi à l'aise qu'un dindon pris de vin ^ ;
»Et l'aînée, sans être trop vieille, — attendait depuis longtemps.—
Je la mariai au roi de France, — le plus grand qui soit après Dieu; —
Léonor , au roi d'Angleterre ; — Sanche, à Richard, roi des Romains.
— Quel beau coin de terre — l'autre refusa de mes mains! — Aujour-
d'hui elle est à Naples, glorieuse, — mais peut-être Raimond YII
un jour — eût fait la dédaigneuse — Béatrix reine du Midi.
' Marguerite de Provence épousa saint Louis;— * Eléonor, Edouard, roi
d'Angleterre;— s Sanche, Richard, duc de Gornouailles, roi des Romains;
— * Rôatrix, Charles de France, duc d'Anjou, roi de Pouille et de Sicile.
^ Ou : dans la poix
LDU ROUMIBU 105
» Dounc, entre sas apartenençàs
» E las de sous gendres, Ramoun
D A das poples las avenénças
» D'un bout de FEuropa au fin foUn I
» Vei sa Prouvença regrelhada,
» Frianda e mountada en coulons,
» Flamejà touta ensourelhada,
)) En miech sous trésors e sas flous I
» Sus la fauda de la patria
» Un fier pople, sans ahicioun,
)) Trima au prougrès ; de soun genia
» Raja la civilisacioun 1 ... »
E la voues dau Roumieu mouhtava
E brounzinava à Tausidou
Dau michant cor que Fescoutava,
Sans quità sous èrs de grandou.
« — Ramoun, tournet lou qu'aviè lenga,
» N'as fach una que crèma au lum !
» Vouliès de comptes? Soun en renga;
» De lucre as mai de cent per un.
') Donc, en comprenant ses États — et ceux de ses gendres, Rai-
mond — reçoit les hommages des peuples — d'un bout à l'autre de
'Europe I — Il voit sa Provence reverdie, — splendide et haute
en couleurs, — flamboyer, inondée de soleil, — parmi les trésors
et les fleurs! — Sur le giron de la patrie, — un puissant peuple,
exempt de haine, — travaille avec acharnement au progrès ; — de
son génie — coule à flots la civilisation ! »
Et la voix du Romieu s'élevait — et retentissait aux oreilles —
du méchant quiTécoutait — sans rien perdre de ses grands airs.
«— Raimond, reprit celui qui avait la parole, — tu as fait une
chose criante! — Tu voulais des comptes? Ils sont là (devant toi) :
— tu as cent pour cent de gain I — Tu ne perds que l'amour d'un
frère ; — mais assez de gens vont venir vers toi. . . — Que l'argent
r
1
106 DIALECTES MODMRNES
)) Noun perdes que Tamour d'un fraire,
)) Mes prou gents van te voulountà. . .
» Pioi tout s'atrove, aqui Tafaire !
)) Bernât es nobïs *, pos coumptà !. . . .
0 leu, m'en vau ; moun obra es finida.
)) Tout çai ane pèr lou milhou :
» Pès au pople ! A tus, longa vida ! »
Confie, en mitan dau cambrihou,
Traguet lous iols sus las muralhas.
Sus sa crous, sus soun prèga-Dieu.
Un cofre adoubât de ferralhas
Era jout soun lièch : a Aiçôs mieu ! »
Penset, e zou ! lou rabalava.
Pioi, entre dents : « Es moun trésor 1 »
Ramoun Tausiguet : « Me raubava !
» Aqui la caissa plena d'or ! »
E Tagairet : « Qu'oun t'enanaves ?
» T'aurièi fach lum pèr davalà !
» Parlantin d'ounou, me raubaves !
» Aquela caissa, douvris-la ! »
y soit , voilà l'affaire i — Bernard est pour nous, tu peux
compter I
»Moi, je pars ; ma tâche est finie. — Que tout ici aille au mieux.
— Paix au peuple I à toi longue vie l » — Le cœur gros, au milieu
de sa petite chambre, — il jeta les yeux sur les murs, — sur sa
croix, sur son prie-Dieu. — Un coffre garni de fer — était sous le
lit : a C'est à moi », — pensa-t-il ; et il se mit à le traîner. — Puis il
murmura : « C'est mon trésor ! . . . » — Raymond l'entendit : « Il
me vol^tit I — Voilà la caisse pleine d'or II »
Et il le poursuivit d'outrages : « Que ne t'en allais-tu ? — Je t'au-
rais éclairé pour descendre i — Toi qui parles toujours d'honneur,
tu me volais l — Cette caisse, ouvre-la I « — Fou de méchanceté,
*lLocution restée populaire et se rapportant, selon nous, à saint
Bernard-
LOU ROUMIBU 107
Fol de michantisa, guinchava
Sous iols sus lou cofre atissats. . . .
Entremen, la court espinchava ;
Mes, crenta d'èstre matrassats,
Se tenièn lous dau grand défera.
D'aqui lou Comte fasiè pou ;
Esfoulit, semblava una tora
Quand dins la âamada se dôu.
Lou Roumieu, una bona passa,
S'en quitet dire que-noun-sai,
Sounjarèl, mut, la testa bassa.
Pioi, s'enredenet : « Venès cai ! »
Faguet as segnous, « venès toutes !
» Lou destaparai, moun trésor !
» Mes premiè, tus, eau que m'escoutes,
» Noble Comte ! Ai palejat Tor
» De lous qu'avien las mans traucadas.
» leu, ce pus trasse das mesquins,
» Tout soulet, coumptave à sacadas
» Lous ramoundins d'or, lous sequins.
il louchait, — ses yeux attachés sur le coffre. — Entre temps, la
cour épiait ; — mais, de peur d'être maltraités, — les gens de haut
parage se tenaient dehors. — De là, Raimond faisait peur;— hé-
rissé, il ressemblait à une chenille — brûlant dans les flammes.
Pendant longtemps le Romieu — se laissa accabler d*iDjures, —
soacieux, muet, la tête basse ; — puis, la redressant : « Venez çà !
— fit-il aux seigneurs, venez tous ! — Je le montrerai à découvert,
mon trésor ; — mais avant, toi! il faut que tu m'écoutes, — noble
comte. J'ai à la pelle remué Por — de ceux dont les mains étaient
percées. — Moi, le plus chétif entre les misérables, — seul, je
comptais à pleins sacs — les raimondins d'or, les sequins.
108 DIALECT?;S ,^OD^BJ^ES
» Ministre de tout, tout meftayia,
)) L'oustau dau Comte, la Coup[^t$i(t,
» E dins Festrange reme^ave
» Las courounas à voulountat.
» Tant avengut que se pogue èstre,,
» Mai que la força, ère la lèi;
» E, se lou poude fai lou mèstre,
» Eres comte, tus ; ère rèi !
» Hebe ! de las cimas superbas
)) Qu'escrajoun tourres e xîlouquiès,
)) D'ounte un grand bos sembla umfàis d'erbas,
» Una vila un nis de rouquiès ,
» D'aquela aussada dangeirous^,
» Ounte dau deve perd lou fiqu,
» Lou qu'a la cresença ourguelhousa,
» Car es entre lou pople e Dieu ;
j) Dieu lapât dins soun abitacle,
» Que lou quita à sa perdiqioun ;
)) L'autre, esquinat jout lou .pinacle,
» Cridant contra el mort e passio^n. . . •
» Ministre de tout, je commandais à tout; — la maison du Comte,
la Comté, — et hors du territoire j'agitais — les couronnes à mon
gré. — Aussi haut placé qu'on puisse l'être, — j'étais plus que la
force, la loi ; — ,et, si la puissance fait la supériorité, — tu étais
comte , j'étais roi ! — Eh bien ! de ces cimes superbes — qui
écrasent tours et clochers^ — d'où une forêt ressemble à une
touffe d'herbes, — une ville à un nid de moineaux ;
» De cette élévation dangereuse — où du devoir il perd la trace,
— celui dont les idées sont orgueilleuses, — parce qu'il est placé
entre l'homme et Dieu ; — Dieu, dans sa sublime demeure, — qui
l'abandonne à sa perte ; — l'homme écrasé sous le pinacle, criant
contre lui mort et passion — Eh bien î si l'un de ceux qui
LOU nPfOUMîBt «09
» Hebe! d'acô naut, s'unda^ïdla,
» Es pas de gaietat de cor ;
» Uassegutoun, mes lï'enraval*,
» Per jouï, de mountagnas d'or!
» Menjan ! au Roumieu que n'en l'èsta?
» Fera paure e fier abitat,
» Paure s'entorna e naut la testa,
» Car es sauva, sabravetat!
» E lou mourgaa! Trasès defoca,
» Embe d'afrounts, aquel Roumien ?
)) Aqui soun trésor ! pa'na bora,
» Pas un peu que noun siègue sieu.
» Es douvert, vesès ! de guenilhas ! »
Ramoun, bèfi, desalenat,
Ne veguettirà de cauquilhas.
Un capèl descatalanat,
Una biassa, un viel abihage,
Qu'anet cargà lou Pèlerin
Pèr tourna mai en roumaviage,
Camina de-longa e bon trin ! . . .
y sont descend de ces hauteurs, — ce n'est pas volontiers; —
on le chasse ignominieusement, mais il emporte, — pour jouir,
des monceaux d'or!
» Voyons maintenant ce qu'il en reste] au Romieuî — Pauvre
et fier, (à ces hauteurs) il s'était élevé ; — pauvre il en descend, et
haut la tête, — car sa probité est intacte I — Et vous le tournez
ea dérision 1 Vous jetez dehors, — par vos affronts, ce Romieu 1
— Voici son trésor : pas un fétu, — pas un cheveu qui ne lui
apparUenae. — Il est ouvert, voyez : des guenilles 1 » — Raimond
défait, haletant, — vit qu'il en sortait des coquilles,-^ un chapeau
rabattu,
Une besace, un vieux vêtement, — que le Romieu alla revêtir
- pour recommencer son pèlerinage, — ôheminer longtemps et
110 DIALECTES MODERNES
D'escas s'aviè passât la porta,
Que n'aviè, lou Comte, au pas vieu
Contra sa court ; vouliè, per orta,
Qu'anèsse querre lou Roumieu.
E la mandrènalha daurada.
Que vesiè sous quers dessoutats,
Fasiè d'ussas, èra embaurada.
Mes d'acouti l'autre, ah ! boutas !
Ramoun, que lous regrets crebavou,
Metet sous cavaliès en band ;
Taproumetet, se lou menavou.. . .
Quau sap ? E gara de davant ! . . .
Pioienmandet soun entourage
Per voudre, el, soulet demeura.
Rescoundut, doulent, sans courage,
Enmesset sa nioch à plourà :
« — Ai ! souscava, de moun flaquige
)) Soui mourtifiat, devourit !
» Ounte à près moun cor tant d'agrige,
)) Lous malofis me Fan pourrit ! ... »
d'un bon pas I. . . — A peine avait-il passé la porte, — que le Comte
avait une vive altercation avec sa cour. — Il voulait qua travers
champs — on allât chercher le Romieu. — Et la canaille dorée, — qui
voyait ses mauvais tours dévoilés, — fronçait le sourcil, se trou-
blait, — mais n'avait garde d'aller à la recherche de l'autre.
Raimond, qu'étouffaient les regrets, — lança ses cavaliers , —
leur promettant, s'ils le lui ramenaient, — que sais-je?... Et gare
de devant I — Puis il renvoya ceux qui l'entouraient, — voulant
demeurer seul. — Caché aux yeux de tous, se lamentant, sans
force, — il passa la nuit à pleurer : — « Ah 1 sanglotait-il, de ma
lâcheté — je suis humilié, déchiré î — Où mon cœur s'est-il tant
aigri ? — Les maudits me l'ont corrompu I . . »
LOU ROUMIBU 111
Enfin, sous cavaliès tustèrou.
« — Biu ! cridet, ses be demeuras !
» Lou menas, aumens? » — « Nou ! » tournèrou.
El mai ploura que plouraras !
Seguet pas soula sa doulença,
Pèr amor d'un tant paoure gus ;
Soun langui gagnet la Prouvença,
E lous paoures mai que degus ! . . .
En d'aco, dran-dran, caminava,
Lou Roumieu, fier, sa barba au vent,
E la coumplenta que cantava
Disiè : a Fai lou ben pèr lou ben ! . . . » *
Octavien Bringuier .
Enfln ses cavaliers revinrent. — « Vite! cria-t-il, vous êtes restés
bien longtemps! — Le ramenez-vous, au moins?» — « Non ! » re-
prirent-ils.— Lui pleura et pleura encore. — Il ne fut pas seul à avoir
de la douleur — à cause du départ de cet infortuné; — son chagrin
envahit la Provence, — et les pauvres plus que personne. —
Pendant ce temps, sans se presser, il cheminait, — le Romieu,
fier, sa barbe au vent. — Et la complainte qu'il chantait — disait :
« Fais le bien, pour faire le bien ! . . . »
* Nous reproduisons à la suite de cette légende une page de la Chronique
de Provence, de César de Noslradamus, dont nous voulions la faire pré-
céder
108 DIALBCWp^S ,^ODjaiR^BS
» Ministre de tout, tout meftaye,
)) L'oustau dau Comte, la Couwtftt,
» E dins Testrange reme^ave
» Las courounas à voulountat.
)) Tant avengut que se pogue èstre.,
» Mai que la força, ère lalèi;
» E, se lou poude fai lou mèstre,
» Eres comte, tus; ère r^i !
)) Hebe ! de las cimas superbas
» Qu'escrajoun tourres e tîlouquiès,
» D'ounte un grand bos sembla un'fàis d'erbas,
» Una vila un nis de rouquiès ,
)) D'aquela aussada da^geirous^,
» Ounte dau deve perd lou fieu,
» Lou qu'a la cresença ourguelhousa,
» Car es entre lou pople e Dieu ;
)) Dieu lapât dins soun abltacle,
)) Que lou quita à sa perdiqioun ;
)) L'autre, esquinat jout lou ,piuapl0,
» Cridant contra el çiorte passio^n. . ..
» Ministre de tout, je commandais à tout ; — la maison du Comte,
la Comté, — et hors du territoire j'agitais — les couronnes à mon
gré. — Aussi haut placé qu'on puisse Têtre, — j'étais plus que la
force, la loi ; — et, si la puissance fait la supériorité, — tu étais
comte , j'étais roi I — Eh bien ! de ces cimes superbes — qui
écrasent tours et clochers-, — d'où une forêt ressemble à une
touffe d'herbes, — une ville à un nid de moineaux ;
» De cette élévation dangereuse — où du devoir il perd la trace,
— celui dont les idées sont orgueilleuses, — parce qu'il est placé
entre l'homme et Dieu ; — Dieu, dans sa sublime demeure, — qui
l'abandonne à sa perte ; — l'homme écrasé sous le pinacle, criant
contre lui mort et passion — Eh bien I si l'un de ceux qui
CONTES POBULAIHBS 113
crabo à mil, — bii'o, bouquil 1 — crabo, sort de per moun mil !
La xunxo ben d'aprequi, — que bouliô xunxà lou biôu. —
Xunxo à biôu, — biôu à aigo, — aigo à foc, — foc à barro, —
barro à reinart, — reinart à poul, — poul à chi, — chi à loup,
— loup à crabo, — crabo à mil, — biro, bouquil ! — crabo,
sort de per maun mil !
Lou rat ben d'aprequi, — que bouliô manjâ la xunxo. —
Rat à xunxo, — xunxo à biôu, — biôu à aigo, — aigo à foc,—
foc à barro, — barro à reinart, — reinart à poul, — poul à
chi, — chi à loup, — loup à crabo, — crabo à mil, — biro,
bouquil ! — crabo, sort de per moun mil î
Lou gat ben d'aprequi, — que bouliô manjà lou rat. — Gat
à rat, — rat à xunxo, — xunxo à biôu, — biôu à aigo, —
aigo à foc, — foc à. barro, — barro. à reinart, — reinart. à
poul, — poul à chi, — chi à loup, -^ loup à crabo, — crabo
à mil, — biro, bouquil ! — crabo, sort de per moun mil !
V. de M. Philippe Miquel,
Directeur des Écoles chrétiennes de Bédarieux (Hérault).
Traduction
J'ai un c^amp de maïs — que la chèvre me mange. — La chèvre
attaque le maïs; — va-t'en^ bouquin I — chèvre, sors de mon
champ de maïs \
Le loup vint par là, — et voulait manger la chèvre. — Le loup
attaque la chèvre, la chèvre le maïs; — va-t'en, bouquin! —
chèvre, sors de mon champ de mais !
Le chien vint par là, — et voulait manger le loup. — Le chien
attaque le loup, — le loup la chèvre, etc.
Le poulet vint par là, — et voulait piquer le chien. — Le poulet
attaque le chien, — le chien le loup, etc.
Le renard vint par là, — et voulait manger le poulet, — Le re-
nard attaque le poulet, — le poulet le chien, etc.
U bâton vint paç^à, — et voulait frapper le renard. — Le bâton
auaque le renard, — le renard le poulet, etc.
CONTES POPULAIRES
(5« série)
XXVIII. — LA CRABO
leù ai un cantou de mil, — que la crabo me menjabo. —
Crabo à mil, — biro, bouquil! — crabo, sort de per moun mil!
Lou loup ben d'aprequi, — que bouli6>manjà la orabo. —
Loup à crabo, — crabo à mil, — biro, bouquil ! —crabo, sort
de per moun mil !
Lou chi ben d'aprequi, — que bouliô manjà lou loup. —
Chi à loup, — loup à crabo, — crabo à mil, — biro, bouquil!
— crabo, sort de per moun mil !
Lou poul ben d'aprequi, — que bouliô picà lou chi. — Poul
à chi, — chi à loup, — loup à crabo, — crabo à mil, — biro,
bouquil ! — crabo, sort de per moun mil!
Lou reinart iben d*aprequi, — que bouliô manjà lou poul. —
Reinart à poul, — 'poiïl à clii, — chi à loU'p, — loup à crâb^»
— crabo à mil, — biro, bouquil ! — crabo, sort de per moun
mil!
La fcarro ben d'aprequi, — que bouliô tustà'l reinart. —
Barro à reinart, — reinart à poul, — poul à chi, — chi à loup,
— loup à crabo, — crabo à mil, — biro, bouquil ! — crabo,
sort de per moun mil !
Lou foc ben d'aprequi, — que bouliô brulà la barro. — Poe
à barro, — barro à reinart, — reinart à poul, — poul à chi,
— chi à loup, — loup à crabo, — crabo à mil, — r biro, bou-
quil ! — crabo, sort de per moun mil !
L'aigo ben d'aprequi, — que bouliô atudà lou foc. — Aigo
à foc, — foc à barro, — barro à reinart, — reinart à poul, —
poul à chi, — chi à loup, — loup à crabo, — crabo à mil, —
biro, bouquil ; -r- cràbo, sort de per moun mil!
Lou biôu ben d'aprequi, — que bouliô bèure Taigo. — Biôu
à aigo, — aigo à foc, — foc à barro, — barro à reinart, —
reinart à poul, — poul êi chi, — chi à loup, — loup à crabo, —
LOU ROUMIBU 111
Enfin, sous cavaliès tustèrou.
« — Biu I cridet, ses be demouras !
» Lou menas, aumens? » — « Nou ! » tournèrou.
El mai ploura que plouraras !
Seguet pas soula sa doulença,
Pèr amor d'un tant paoure gus ;
Soun langui gagnet la Prouvença,
E lous paoures mai que degus ! . . .
En d'aco, dran-dran, caminava,
Lou Roumieu, fier, sa barba au vent,
E la coumplenta que cantava
Disiè : « Fai lou ben pèr lou ben ! . . . » *
Octavien Bringuier .
Enfin ses cavaliers revinrent. — « Vite! cria-t-il, vous êtes restés
bien longtemps ! — Le ramenez-vous, au moins?» — « Non ! » re-
prirent-ils.— Lui pleura et pleura encore. — Il ne fut pas seul à avoir
de la douleur — à cause du départ de cet infortuné ; — son chagrin
envahit la Provence, — et les pauvres plus que personne. —
Pendant ce temps, sans se presser, il cheminait, — le Romieu,
fier, sa barbe au vent. — Et la complainte qu'il chantait — disait :
« Fais le bien, pour faire le bien ! . . . »
* Nous reproduisons à la suite de cette légende une page de la Chronique
de Provence^ de César de Noslradamus, dont nous voulions la faire pré-
céder
114 DIALECTES MODERNES
Le feu vint par là, — et voulait brûler le bâton! — Le feu attaque
le bâton, — le bâton le renard, etc.
L'eau vint par là, — et voulait éteindre le feu. — L'eau attaque
le feu, — le feu le bâton, etc.
Le boeuf vint par là, — et voulait boire l'eau. — Le bœuf attaque
l'eau, — l'eau le feu, etc.
' Le lien {xunxo^ ) vint par là, — et voulait lier le bœuf. — Le lien
attaque le bœuf, — le bœuf l'eau, etc.
Le rat vint par là, — et voulait manger le lien .^ Le rat attaque
le lien, — le lien le bœuf, etc.
Le chat vint par là, et voulai); manger le rat. — Le chat attaque
le rat, — le rat le lien, — le lien le bœuf, — le bœuf l'eau, —
Teau le feu, — le feu le bâton, — le bâton le renard, — le renard
le poulet, — le poulet le chien, ' — le chien le loup, — le loup la
chèvre, — la chèvre le mil; — va-t*en, bouquin ! — chèvre, sors
de mon champ de maïs 1
XXIX . — BOUQUAIRE BOUQUIL
leu n'abiô un mil menut, — lou bouc me lou manjabo (bis).
— Lou bouc al mil, — bouquaire bouquil, — tastaras pas pus
de moun mil.
Apei' ne ben lou loup, — per ne manjà lou bouc {bis}, — Lou
loup al bouc, ~ lou bouc al mil, etc. jt
Apei ne ben lou chi, — per ne cassa lou \o\ii^\bi$), — Lou
chi al loup, — lou loup al bouc, etc. :
Apei ne ben la barro, — per ne battre lou chi {bïs), — La
barro al chi, — lou chi al loup, etc. 1
Apei ne ben lou foc, — per ne bruUà la barro {bis(), — Lou
foc à la barro, — la barro al chi, etc.
Apei ne ben Taigueto, — per atudà lou foc {bis), — L'aigueto
al foc, — lou foc à la barro, etc.
(1) M. P. Miquel ignore le sens du mot a?urwPO, qui est évidemment
juncho, et ci-après julhos
COKTBS POPULAIRES 115
Apei ne ben lou biôu, — per ne heure Taigueto (bis). Lou
biôu à Taigueto, — Taigueto al foc, etc.
Apei ne ben las julhos, — per estacà lou biôu (bis), — Las
julhos al biôu, — lou biôu à Taigueto, — Taigueto à la barro,
— la barro al chi, — lou chi al loup, — lou loup al bouc, —
lou bouc al mil, — bouquaire bouquil, -^ tastaras pas pus de
moun mil.
(V. de C. Gleizes, d'Arles-sur-Rhône.)
Traduction
BOUQUAIRE-BOUQUIL
J'avais un champ de mil — que le bouc mangeait (bis). — Le
bouc au mil, — bouquaire bouquil, — tu ne mangeras plus de mon
mil.
Puis vint le loup, — qui voulait manger le bouc. — Le chien
pourchasser le loup, — le bâton pour frapper le chien, — le
feu pour brûler le bâton, — Peau pour éteindre le feu, — le bœuf
l>our boire l'eau.
Puis vinrent les liens pour attacher le bœuf. — Les liens au bœuf,
—le bœuf à Peau, — l'eau au feu, — le feu au bâton,— le bâton au
chien, — le chien au loup, — le loup au bouc, — le bouc au mil, —
bouquaire bouquil^, — tu ne mangeras plus de mon mil.
XXX . — LA RABO
La bielho anabo al jardin per querre uno rabo.
Quand lou biel bejèt que la bielho beniô pas, anèt al jardin ;
^^jèt la bielho que tirabo'no rabo. Lou biel tirabo la bielho,
* Bouquaire, qui sait donner de la corne à la manière du bouc, boucà ;
— bouquil, petit bouc.
116 DIA<LEGTBS MODERNES
— la bielho tirabo la rabo, — e la rabo toujours teniô. ^
La joube anèt al jardin, — bejèt lou biel que tirabo la
bielho, f^etc.
Lou joube -anèt al jardin, — bejèt la joube que tirabo lou
biel, etc.
La sirbento anèt al jardin, — bejèt lou joube que tirabo la
joube, etc.
Lou mestre d'afaires anèt al jardin, — bejèt la sirbento
que tirabo lou joube, etc.
Lou bouiè anèt al jardin, etc.
Lou carretiè anèt al jardin, etc.
Lou pastre anèt al jardin, etc.
Lou moutouniè anèt al jardin, etc.
L'agneliè anèt al jardin, etc.
La pourquieiro anèt al jardin, etc.
Lou co anèt al jardin, etc.
Lou cat anèt al jardin, etc.
Lou rat anèt al jardin : — bejèt lou cat que tirabo lou co,
— lou co que tirabo la pourquieiro, — là pourquieiro que
tirabo Tagneliè, - Fagneliè que tirabo lou moutouniè, — lou
moutouniè que tirabo lou pastre, — lou pastre que tirabo
lou carretiè, — lou carretiè que tirabo lou bouiè, — lou bouiè
que tirabo lou mestre d'afaires, — lou mestre d'afaires que
tirabo la sirbento, — la sirbento que tirabo lou joube, — .
lou joube que tirabo la joube, — la joube que tirabo lou biel»
— lou biel que tirabo la bielho, — la bielho que tirabo la
rabo, — et la rabo que toujours teniô.
Lou poussel anèt al jardin ; — bejèt que la rabo toujours
teniô : — d'un cop de mourre la soulebet. -^ Se Tabiô pas
soulebado, — la rabo tendriô encaro.
(V. de Saint-Sernin (Avejron), communiquée
parle F. Ph. Miquel.
CONTES POPULAIRES 117
Traduction
LA RAVE
La vieille alla au jardin pour cueillir une rave
Premier. — Lorsque le vieux vit que la vieille ne venait pas, il
alla au jardin; — il vit la vieille qui tirait une rave. — Le vieux
tirait la vieille, — la vieille tirait la rave, — et la rave toujours tenait.
Dernier, — Le rat alla au jardin, — et vit le chat qui tirait le
chien, — le chien la porcheronne, — la porcheronne le berger des
agneaux, — le berger des agneaux celui des moutons, — le berger
des moutons le pâtre, — le pâtre le charretier, — le charretier le
bouvier, — le bouvier l'homme d'affaires, — l'homme d'affaires la
servante, — la servante le fils, — le fils la belle-fille, — la belle-
fille le vieux, — le vieux la vieille, — la vieille la rave, — et la
rave toujours tenait.
Le pourceau alla au jardin, et vit que la rave toujours tenait :
«l'un coup de groin il l'arracha.
S'il ne l'avait pas arrachée ainsi, elle tiendrait encore.
XXXI. — MARGARIDOU
Ai ! qu'un poulit pè qu'a la Margaridou ! ( bis ) — Pè petitou
— qu'a la Margaridou.
Ai ! qu'une poulido cambo, qu'a la Margaridou 1 - Cambo
de solo, — pè petitou, — qu'a la Margaridou.
Ai ! qu'un poulit ginoul qu'a la Margaridou ! — Ginoul re-
doundet, — cambo de solo, — pè petitou, — qu'a la Marga-
ridou.
Ai ! qu'une poulido cueisso qu'a la Margaridou ! — Cueisso
liseto, — ginoul redoundet, etc.
Ai î qu'un poulit ventre qu'a la Margaridou ! — Ventre
mouflet, — ginoul redoundet, etc.
8
118 DIALECTES MODERNES
Ai I qu'un poulit estoumac qu'a la Margaridou ! — Estou-
mac riaule, — ventre mouflet, etc.
Ai ! qu'un poulit col qu'a la Margaridou I — Col de tartugo,
— estoumac riaule, etc.
Ai ! qu'une poulido barbo qu'a la Margaridou ! — Barbo
pounchudo, — col de tartugo, etc.
Ai ! qu'une poulido gorjo qu'a la Margaridou ! — Gorjo
groumando, — barbo pounchudo, etc.
Ai I qu'un poulit el qu'a la Margaridou ! — El aberit, —
gorjo groumando, etc.
Ai ! qu'un poulit front qu'a la Margaridou ! — Front espan-
dit, — el aberit, — etc.
Ai ! qu'un poulit pel qu'a la Margaridou I — Pelses de sedo,
— front espandit, — el aberit, — gorjo groumando, — barbo
pounchudo, — col de tartugo, — estoumac riaule, — ventre
mouflet, — cueisso liseto, — ginoul redoundet, — cambo de
solo, — pè petitou, — qu'a la Margaridou *.
(V. de M. Clair Gleizbs, d'Arles.)
Traduction
MARGARIDOU
Premier. — Ah ! quel joli pied a la gracieuse Marguerite 1 —
Pied tout petit — de la gracieuse Marguerite.
Dernier. — Ah ! quels beaux cheveux a la gracieuse Marguerite !
— Cheveux de soie, — front large, — yeux éveillés, — bouche
friande, — menton petit, — col de tortue, — sein rebondi, —
ventre potelé, — cuisse lisse, — genou rond, — jambe fine, — pied
petit, — qu'a la gracieuse Marguerite 1
* Riaule, solo, sont des termes qui ne se disent plus que dans les exprès*
sions susdites, et dont il est difficile de déterminer le sens original ; à
moins [que l'un ne soit pour reiaul, royal, et le second, pour solo, poisson.
CONTES POPULAIRES 119
XXXII. QUINQUIHILHET
Quinquirilhet, ount siès anat ?
Quinquirilhet, abal al prat.
Quinquirilhet, per de que fà ?
Quinquirilhet, un oustalet.
Quinquirilhet, quai t'a ajudat ?
Quinquirilhet, Peire Bernât.
Quinquirilhet, que Tas donnât?
Quinquirilhet, un pot de lait.
Quinquirilhet, d'anount las trait ?
Quinquirilhet, de mas crabe tos.
Quinquirilhet, quai te Tas gardo ?
Quinquirilhet, uno bastardo.
Quinquirilhet, coussi s'appelo ?
Quinquirilhet, ma pastourelo
Es uno rose muscadelo * .
(V. deC. Gleizes, d'Arles.)
Traduction
QUINQUIRILHET
Quinquirilhet, d'où viens-tu ? — Quinquirilhet, de là^bas du pré.
— Quinquirilhet, qu'y faisais-tu? — Quinquirilhet, une maison-
nette. — Quinquirilhet, qui t'a aidé? — Qninquirilhet, Pierre
Bernard. — Quinquirilhet, que lui as-tu donné? — Quinquirilhet,
un pot Je lait. — Quinquirilhet, où l'as-tu pris ? — Quinquirilhet,
à mes petites chèvres — Quinquirilhet, qui te les garde ? — Quin-
quirilhet, une bâtarde. — Quinquirilhet, comment s'appelle-t-elle?
— Quinquirilhet, ma pastourelle — est une petite rose musquée.
* La muscadelo est la rose sauvage, la fleur de l'églantier.
120 DIALECTES MODERNES
XXXIll . — LOU GAL
Cacaraca !
Moun paire me bat.
— De que fas fach ?
— Fai raubat un sac de blat.
— Ounte Tas mes '(
— Dins un trauquet.
— Pica, pica, martelet !
(V. de M. Roques-Ferrier, de Montpellier.)
Traduction
LE COQ
Cacaraca *, — mon père me bat. — Que lui as-tu fait ? — Je lui
ai volé un sac de blé. — Où i 'as-tu caché? — Dans un petit trou.
— Pique, pique, de ton bec (comme avec un marteau.)
XXXIV . — PLÔU E SOURÉIO
Ploôu e soureio ;
La damo es souto la treio ;
Lou moussu vèn, li copo Taureio.
(V. d'Albei-t Arnaviellç, d'Alais.) .
Traduction
IL PLEUT ET IL FAIT SOLEIL
11 pleut et il fait soleil ; — la dame est «eus la treille ; ^ le monr
sieur vient et lui coupe l'oreille.
* Surnom du coq, lire de son chant.
CONTES POPULAIRi:s ]21
XXXV. -^ PLÔU
PlÔU, plôu,
A Bagnôu ;
La galino coco,
Monto sus la roco,
Sus la roco, sus lou banc,
Sus la roco dau galan.
(V. d'Albert Arna vielle, d'Alais.)
Traduction
IL PLEUT
Il pleut, il pleut, — à Bagnol. — La poule fait Pœuf ; — elle
monte sur le rocher, — sur le rocher, sur lé banc, — sur le rocher
de Tamoureux.
XXXVl — LOUS DETS (4* V. j
Dins la carrieireto
Faviè unalebreto.
Aquel la veguè,
Aquel Farrapè,
Aquel la couseguè,
Aquel la mangé,
Aquel digue :
« Pieu, pieu, pieu, pieu, pieu,
Ta parés per ièu. »
(V. d'Albert Arna vielle, d'Alais.
122 DIALECTES MODERNES
Traditction
LOUS DETS
Dans la petite rue, — il y avait un petit lièvre : — celui- ci ( le
pouce ) le vil ; — celui-ci ( Vindex ) le prit ; — celui-ci ( le médius )
le cuisit ; — celui-ci ( V annulaire) le mangea ; — celui-ci ( V auricu-
laire ) dit : a Pieu, etc., — il n'y a rien pour moi.»
Pendant les deux premières lignes, on fait passer une ou deux
fois légèrement la paume de la main sur celle de Tenfant ; on s'ar-
rête ensuite à chaque doigt, comme il a été expliqué.
XXX VII. —LOUS DETS (5* V.)
A Azillanet, on chante ce qui suit, en nommant les doigts
les uns après les autres :
Couinel,
Méjanel,
Pus grand de toutes,
Lupo farinas,
Cruco pezouls.
Le petit doigt est appelé lou det coui, au diminutif cowme/;
le doigt qui se plaint (de com-cowe, petites plaintes). lia,
parmi les enfants, la réputation d'être curieux et surtout
très-médisant. Il reprend, il avertit, il rapporte. Le caractère
avisé qu'on lui attribue dans les contes se retrouve ici en
entier.
On connaît cette jolie scène entre le Malade imaginaire et
sa petite fille :
AR6AN
— Il n'y a point autre chose ?
CONTES POPULAIRES 123
LOUISON
— Non, mon papal
AR6AN
— Voici mon petit doigt pourtant, qui gronde quelque chose. (Mettant
son doigt à son oreille. ) Attendez. He î Ah ! ah ! Oui ? Oh I oh î Voilà mon
petit doigt qui me dit quelque chose que vous avez vu, et que vous ne
m*avez pas dit.
LOUISON
— Âh ! mon papa l votre petit doigt est un menteur
AR6AN
— Prenez garde l
LOUISON
— Non 1 mon papa I ne le croyez pas ; il ment, je vous assure
ARGAN
— Ohl bien l bien î Nous verrons cela ; allez-vous-en î
{Le Malade imaginaire, Aor. II, se. xi.)
D'où vient cette réputation ? Il est probable qu'il la doit à
son office de doigt auriculaire. De même que le tintouin avertit,
d'après la croyance populaire, que Ton tient de fâcheux propos
contre nous, ou même simplement que Ton parle de nous, —
de même, Faction de frotter T oreille avec le petit doigt pour
8 en débarrasser a pu être considérée comme un avertisse-
ment du même genre.
L'annulaire est dit me/an, mejanel, de moyenne longueur ; —
le médius, pus grand de toutes^ le plus grand de tous ; — l'index,
lupo' farinas, lape-gruau, de ce qu'on s'en sert pour détacher
le gratin qui tient au chaudron ; — le pouce, cruco-pezouls,
écme-poux.
A. M. et L. L.
Contes populaires provençaux
Voici quelques modestes contributions aux Côfités populaires
et pièces rhythmées que M. A. Montel putlie dans la Èevue,
Elles sont tirées principalement deTouvrage si curieux, et
qui devrait être imité pour toutes les villes et villages du
Midi, intitulé : les Cris populaires de ; Marseille, locutions, apo-
strophes, injures, expressions proverbiales, traits satiriques et jeux
du peuple, cris des marchands dans les rues, préjugés, recueillis
par M. de Régis de la Colombière. — Marseille, Lebon, 1868,
in-8^
Les autres proviennent de notes manuscrites qu'on a bien
voulu nous communiquer. Pour M. Régis, nous citons la p. 2.
Je commence par les dialogues relatifs aux contes des
doigts :
On prend successivement les doigts d'un enfant, en disant
au premier doigt :
(P . 142) Aquèu a fà Tuou * ;
au 2®, Aquèu Tes anà cercà*;
au 3®, Aquèu Ta fà couina ' ;
au 4®, Aquèu Ta manjà;
au 5®, Lou paure pichoun * n'a ren tastà.
T7*aduciion
Celui-ci a fait Pœuf; — celui-ci Ta été chercher; — celui-ci l'a
cuisiné ; — celui-ci Ta mangé. — Le pauvre petit n'a rien goûté.
' Variante: lôu, — ' Querre. — * Gouire. — * Picbot.
CONTES POPULAIRES 123
LOniSON
— Non, mon papa 1
AR6AN
— Voici mon petit doigt pourtant, qui gronde quelque chose. (Mettant
son doigt à son oreille.) Attendez. Bel Ah ! ah I Oui? Ohl ohî Voilà mon
petit doigt qui me dit quelque chose que vous avez vu, et que vous ne
m*avez pas dit.
LOUISON
— Âh I mon papa! votre petit doigt est un menteur
AR6AN
— Prenez garde l
LOUISON
— Non 1 mon papa l ne le croyez pas; il ment, je vous assure
ARGAN
— Ohî bien l bien I Nous verrons cela ; allez-vous-en l
{Le Malade imaginaire, Aor. II, se. xi.)
D'où vient cette réputation ? Il est probable qu'il la doit à
son office de doigt auriculaire. De même que le tintouin avertit,
d'après la croyance populaire, que Ton tient de fâcheux propos
contre nous, ou même simplement que Ton parle de nous, —
de même, l'action de frotter l'oreille avec le petit doigt pour
s'en débarrasser a pu être considérée comme un avertisse-
ment du même genre.
L'annulaire est dit mejan, mejanel, de moyenne longueur ; —
le médius, pm grand de toutes^ le plus grand de tous ; — l'index,
lupO'farinaSy lape-gruau, de ce qu'on s'en sert pour détacher
le gratin qui tient au chaudron; — le pouce, cruco-pezouk,
écrase-poux.
A. M. et L. L.
126 r lALBCTES MODERNES
Autre énwnéraHon
Pichoun det,
Rabasset,
Pus long que tout,
Curo-mourtier,
Cacho-pesou.
Traduction
Le petit doigt, — le ragot, — le plus-long-que- tout, — le cure-
mortier, — et le 1*écrase-poux,
Autre de Bédouim (Vaucluse)
Pichot nanet,
Anèu espous,
Pus long que tous,
Lico-mourtier,
Cacho-pesou.
Traduction
Le petit nain, — le doigt de l'anneau des épousailles, — le plus
long de tous, — le lèche-mortier, — le tue-poux.
6
Autre de l'Isle
Aqui r a 'no planeto,
Ta passa 'no lebreto.
CONTES POPULAIRES 127
Aquèu Ta visto,
Aquèu Ta tirado,
Aquèu Tafacho couire,
Aquèu la manjado,
Aquèu dis : Pièu-pièu !
Que r a rèn per ièu !
Traduction
Dans cette petite plaine — un lièvre a passé. — Celui-ci Ta vu, —
celui-ci Ta lue, — celui-ci l'a fait cuire, — celui-ci Pa mangé ; — le
dernier dit : Pièu-pièu ^ il n'y a rien pour moi .
Voici une bonne variante de la Nenia des doigts. Elle ap-
partient aux Basses-Alpes. C'est une excellente maxime, vive-
ment présentée, sur Tamour et Futilité du travail :
1" doigt (pouce) : Aquèu dis que v6u de pan ;
2* Aquèu dis que n'avem gis;
3* Aquèu dis: Coumo farem?
4* Aquèu dis : Coumo pourrem !
^* (petit doigt) Aquèu dis : Pieu ! pieu ! — que travaio vièu !
Et on secoue doucement le petit doigt.
Traduction
^lui-ci dit qu'il veut du pain; — celui-ci dit : Nous n'en avons
point: ^ celui-ci dit: Comment ferons-nous ? — celui-ci dit:
^nimenous pourrons ; — celui-ci dit : Pieù^pieùj qui travaille vit.
128 DIALECTES MODERNES
8
On dit aussi, en chatouillant le creux de la main d'un petit
enfant :
Guerin guin gaio,
Martin de la paio.
Escudeloun
Plein de peissoun.
Traduction
G. g. g. ( mots intraduisibles ) — Martin de la paille. — Petite
écuelle — pleine de poissons.
9
En pinçant à chaque vers le dessus des mains des joueurs
entassées Tune sur l'autre et en les tapant fort, quand ils
n'ont pas soin de les retirer au dernier vers :
Pessu,
Menu,
Daurà,
Sucra,
Levo la man dôu plat !
Traduction
(Une) pincée, — petite, — dorée, — sucrée, — retire la main du
platl
CO^NTBS POPULAIRES 129
10
Voici une chanson de nourrice où figure encore le petit
doigt.
Son uniquebut est d'endormir:
(P. 129) Lou cousin doù pichot det
Cantavo au pus pichounet :
Anaren au barri,
Cassaren de garri,
Quand n'aurai, — t'en dounarai ;
Quand n'auras, — m'en dounaras.
Traduction
Le cousin du petit doigt — lui disait en chantant : — Nous irons
au rempart, —nous chasserons des rats. — Quand j'en aurai, —
je t'en donnerai; — quand tu en auras, — tu m'en donneras.
11
Les doigts ont aussi quelque chose à voir dans les jeux
enfantins. Pour commencer le jeu des barres, le plus délibéré,
le boute-en-train, commence en montrant l'index de la main
droite et en s' écriant :
(P. 94) Qu'es aco?
On répond en chœur :
R. Lou det.
D. Que l'a dedins?
R. De rasset.
D. E piei mai?
R. La coue de l'ai.
I). Aqueù qu'agantarai — sara moun ai.
130 DIALECTES MODERNES
Et le jeu commence après qu'on a dit :
Un, dous, très, senso pesé.
Les mots : senso pesé, sont mis là comme préservatifs,
Quand ils sont omis, les joueurs ont le droit de frapper.
Traduction
D. Qu'est-ce que cela? — R. Le doigt. — D. Qu'y a-t-il dedans?
— R.'Du son. — D. Et quoi plus ? — R. La queue d'un àne. —
D. Celui que je saisirai — sera en effet mon âne.
Les jeux enfantins sont pleins de petits récitatifs rhythmés.
En voici quelques-uns tirés, soit de M. Régis, soit des notes
précitées, où on les appelle des Nenia. Nous nous servirons
désormais de ce mot.
12
Nenia du Petadou
Les enfants pétrissent en creux un morceau d'argile, qui,
lancé vivement sur une surface dure du côté concave, éclate
avec bruit : c'est le Petadou. Voici les paroles sacramentelles
qu'ils prononcent en le" brandissant ; elles ont la vertu de
procurer une bruyante détonation :
(P 79, note) Petadou
De San-Vitou,
Fai un trau que pete toujou.
Petadou de San- Vincent,
Fai un trau que pete bèn !
13
Ou bien encore :
(P. 78) Chico barrau
Fai un bouen trau ;
Que la rego dôu cùou saute en aut !
CONTES POPULAIRES 131
14
, Nenia de la Fronde
L'enfant balance la fronde en prononçant très-lentement,
c'est-à-dire une sjUabe à chaque va-et-vient :
(P. 85) Pej! pej!
Vai me querre un sôu de pej,
Un sôu de clauvisso.
Sauto à la taulisso !
Et la fronde part en même temps que ce dernier vers.
15
Nenia du Combat à coups de pierre
Les paroles suivantes sont le défi que se portent les ga-
mins de divers quartiers, de la ville ou du village, car Yaquei-
ramen est pratiqué partout en Provence sur une large
échelle .
(P. 87) Rouvièro ! Rouvièro !
Sièu dins ta carrièro;
Ti fretti
E ti lavi lei mailhouet !
Et des coups de pierre de pleuvoir.
16
Nenia du Sommeil
(P. 128) San-Souen,
Vène,vène, vènel
San-Souen,
Vène, vène, que siès bouen !
132 DIALECTES MODBiUSES
Lou San-Souen yôu pas veni ,
Lou pichot vôu pas dourmi.
San-Souen —vène, vène!
San-Souen - vène, vène, que siès bouen !
Ou bien, après dourmi, on ajoute :
Lou papa vendra deman,
Li darà de bouen pan blanc.
Lou San Souen vendra deman
Per ii pourtà de nanan
17
Nenia du Garde-Chiourme.
Ou:
Elle est fort usitée à Toulon. On la dit quand il passe, et
elle traduit les sentiments du peuple à son égard:
(P. 50) D. Si nègo un orne !
R. Noun, n'es pa 'n ome.
D. E qu'es?
R. Es un gardo-foussat.
D. Lèvo-li lou sabre,— laisso-lou negà !
18
Nenia de Simon le Magicien
En voici une qui se chante partout, et dans laquelle je ne
serais pas éloigné de retrouver la légende de Simon le Ma-
gicien s'élevant vers les cieux par magie, et précipité du haut
des airs par les prières de saint Pierre . On sait combien ce
fait a été connu et exploité dans les légendaires du mojen
âge. Peut-être notre Nenia n'en est-elle que l'écho :
CONTES POPULAIRES < 133
(P. 57) Jan, paure Jan,
Counfesso lei mounino;
Toumbo de cuou,
Si roumpe leis esquino ;
Fau couire souh sang
Dins uno sartan.
Aujourd'hui, cette nenia sert à se moquer d'un pauvre dia-
ble que Ton a renversé en arrière.
Voici deux autres nenia sarcastiques :
19
Pour se moquer de quelqu'un dont la mise est trop recher-
chée :
(P. 33) Pelicot, moun fiéu,
Vagues pa' au soulèu !
Lou soulèu fara
Que ti gastara.
Moun Dieu, mandas bèu tèms
Fer aquelei paurei gens
Que soun dessus mar,
E fan que plourà !
Le dernier quatrain, qui détonne étrangement, doit avoir
<ité accolé là après coup.
20
Contre un homme de petite taille :
lèu, sièu Janet,
Que planti, que desplanti ;
lèu, sièu Janet,
Que planti de caulet.
134 DIALECTES MODERNES
Amarièu miès planta de bourtoulaigo
Que de caulet!
Au mes de mai, quand li coupas la testo,
N'en souarte plus ges.
Il y a aussi des séries de Nenia météorologiques. En voici
quelques mots :
21
iSeniù du Temps de Marseille
(P. 150) Plôu e souleio !
Fà lou tems de Marseio * !
Se lou mounde va sabiè,
Tout lou monde courririè.
A forco de courre,
Si roumprien lou mourre ;
Se sabien pas caminà ,
Si roumprien lou bout dou nas.
22
Nenia de la Foudre
Santo Barbo, santo Flour,
La crous de Nostre Segnour :
Quand lou tonerro passarà,
Santo Barbo me gardarà.
On sait que la sainte qui porte le gracieux nom de Flour
' Ges mots font allusion au climat de Marseille, qui est en effet assez
capricieux.
CONTES POPULAIRES 135
appartient au Midi, et est spécialement honorée dans le
Quercj.
23
Nenia de la Pluie
Plou I plôu !
Dieu lou vôu.
La galino coco, .
Mounto su la Roco *,
Mounto su lou banc,
Fai un iôu tout blanc.
24
Les Nenia zoologiques sont encore fort intéressantes. On
ne rencontre pas de bête du bon Dieu qui n'ait sa Nenia toute
prête : chauve-souris, coccinelle, escargot, mante religieuse,
lézard, etc., etc. Voici les plus usitées :
Nenia de la Chauve-Souri
On pourchasse ces animaux dans les rues, à l'entrée de la
nuit, en les appelant, à la portée de longues cannes, par ces
vers:
Rato penado, vène lèu !
Te dounarai de pan nouvèu !
25
Nenia du Lézard vert
Lusert, lusert,
Aparo-me de la sèr !1
* Ce vers, qui semble faire allusion au rocher de N.-D-des-Doms, in-
diquerail, dans cette hypothèse, l'origine avignonaise de celte Nenia, qui,
du reste, a été recueillie dans le Gomtat.
]36 DIALECTES MODERNES
26
Nenia du Limaçon
Mourgo, mourgueto,
Sorte ti baneto !
Se li sortes pas lèu,
Anarai sounà lou manescau,
T'acrasarà toun^ oustau.
Cette Nenia a peut-être plus de cent variantes, tant elle est
répandue.
27
On dit aussi, à Beaumont (Vaucluse), pour le limaçon:
Buou bano,
Presto-me ti bano
Pèr anà' Santo-Ano * ;
lèu, te prestarai li mièu
Per anà' San-Bourtoumièu !
28
Nenia de la Coccinella septem-punclata (Bête du Bon-Dieu)
Catarineto, )
Parpaiolo, i ^°l0' ^olo!
Que toun paire es à Tescolo,
Que ta maire es à Toustau.
Volo, volo, eila moundau!
* G'est-à-dire à Apt, ville qui n*esl connue du" peuple que sous le nom de
SantO'Ario ou Santo-Ano-d'At, à cause des reliques de l'aïeule r'.u Sauveur
qui y sont conservées.
CONTES POPULAIRES 1^7
29
Il y a encore la Nenia du voyage. On assied un enfant sur
ses genoux, et on le fait sauter vivement à chaque syllabe de
ces vers :
Arri ! arri ! moun chivau !
Que deman anem à Sault *.
Anarem à Perno '
Querre de lanterno ;
De lanterno e de siblet,
Per amusa lou nanet.
* Ville du département de Vaucluse, jadis capitale d'une vallée indé-
pendante, appartenant à la maison princièrc d'Agout.
* Vaucluse.
L'abbé Lieutaud,
Bibliothécaire de la ville de Marseille.
JANETO
Janeto es linjo amai bloundo,
A bouqueto de coural ;
Soun iuèl, viéu coumo un mirai,
A'n regard qu'es cop de floundo ;
Sus soun se couf que fai Toundo
Soun long peu tombo envaral.
Noun la creirias païsano,
De yeire sa flno man,
Facho per pourtà diamant,
E soun ped prim. . . Pamens Jano,
De sen coumo de cors sano,
Quand tant d'autros soun à mand,
Per un brout de poulidesso,
De n'en vira canturlo, ai !
En raivant bijouts, palai,
E sort daura de coumtesso,
Jano acô's pas sa tristesso :
D'èstre pageso li plai.
Jeannette est élancée et blonde ; — elle a petite bouche de corail;
— vif comme un verre, son œil — a un regard qui est coup de
fronde ; — sur son sein gonfle qui ondoie — sa longue chevelure
tombe en désordre. '
Vous ne la croiriez pas paysanne, — à voir sa main fine, — faite
pour porter diamant, — et son pied mince... Pourtant Jeanne, —
saine de sens comme de corps, — quand tant d'autres sont sur le
point,
Pour un brin de beauté, — d*en perdre la tête, aïe ! — en rêvant
bijoux, palais, — et sort doré de comtesse, — Jeanne, là n*est pas
sa tristesse : — il lui plait d'être paysanne.
JANETO 139
Li plai sa raubo simpleto
Mai que vèsti de damas,
E li plai soun pichot mas,
E sous gents — que la drouleto
Lus en es Fefant souleto —
N'en soun tendramen aimas.
Aimo sa lengo raiolo ;
Noun sap franchimandejà ;
S'hou vôu de-fes ensajà,
Ren que de s'ausi, la drolo
D'elo riscoumo une folo...
Zou, de cacalassejà !
Fouligaudo e prou fourèjo,
Sus lou serre vesès-la
Se faire un jo d'escalà,
Campejant sa cabro irèjo,
Mau-grat sourel, mau-grat plèjo,
A travès faisso e valat.
Emb'acô bono oustalièiro
E biaissudo mai-que-mai :
Sa robe simplette lui plaît — plus que vêtement de damas, — et
son petit mas lui plaît, — et ses gens (dont la jeune fille — est l'en-
fant unique) — en sont tendrement aimés.
Elle aime sa langue raïole ; — elle ne sait point franchimander ;
— si elle veut l'essayer parfois, — rien que de s'entendre, la
jeune fille — rit d'elle-même comme une folle. . . — Et allons ! de
rire aux éclats I
Folâfre et assez sauvage, — sur la montagne voyez-la se faire
un jeu de grimper, — poursuivant sa chèvre capricieuse, — malgré
soleil, malgré pluie, — à traver- ij^radiri et torrent.
Avec cela bonne ménagère — et plus qu'adroite, — soit décem-
UO DIALECTES MODERNES
Siègue décembre ou be mai,
Toutlusis coumo une oulièiro,
De Testivo à la palièiro,
Dins lou maset. — Ha ! jamai,
Coumo floureto de Fèrbo
Espelis en plen printem,
De sous vint ans vers lou tem,
S'un cop Famour, flou supèrbo,
Dins soun amo se descuèrbo,
Dins soun cor pur e countent,
Crespinà lou calignaire
Qu'au det li metrà Tanèl
E desfarà lou trenèl
De soun peu embelinaire.
01, que sarà gasagnaire
D'un trésor, lou jouvenèl !
Mai amour, nôvi, per aro,
A Janeto un soûl moumen
Donou|nado pessamen.
En amour joio es tant raro,
bre, soit mai, — tout luit comme un huilier de verre, — de la cave
au grenier, — dans le petit mas. Ha! jamais,
Gomme fleur de l'herbe — éclot en plein printemps, — vers
l'époque de ses vingt ans, — s'il se fait que l'amour, fleur su-
perbe, — dans son âme se découvre, — ainsi que dans son cœur
pur et content,
Fortuné l'amoureux — qui au doigt lui mettra la bague — et
dénouera la tresse — de sa chevelure enchanteresse. — Oui, il aura
gagné — un trésor, le jeune homme!
Mais amour et fiancé, pour l'heure, — à Jeannette un seul moment
— ne donnent nul souci. — En amour la joie est si rare, — quand
JANBTO 141
Quand la doulou Tes sens raro,
Qu'a be'nca lésé!... 'Ntramen,
Au bonur tout la couvido ;
Dins la crento dau bon Dieu
Kn faguent tout d'agradiéu
Per sous parents, vai sa vido
Qu^es bello, claro e ravido
Commo un poulit jour d'éstiéu.
Albert Arnavielle.
En À lès, setembre 1872.
Il douleur y est sans limite, — qu'elle a bien encore loisir !.. En
attendant,
A a bonheur tout la convie ; — dans la crainte du bon Dieu — et
on faisant tout pour être agréable — à ses parents, va sa vie — qui
est belle, claire et ravie — comme un beau jour d'été.
LA FONT PUTANELLE
OU
JACQUES CŒUR A MONTPELLIER
PIÈCE EN TROIS ACTES ET EN VERS FRANÇAIS, PROVENÇAUX
ET LANGUEDOCIENS
Mél.ÉB DE CHANT ET TERMINÉE PAR DES DANSES DU PAYS
Autoribée au ministère de la police générale, à Paris, le 6 oclobre 1808
Représentée pour la première fois à Montpellier,
le il novembre 1808*
NOTE DE L'AUTEUR
Après onze représentations de cette pièce sur le théâtre de
Montpellier, exécutées durant l'hiver de i808, Tauteur l'a revue,
corrigée et fondue en trois actes, au lieu de deux qu'elle en eut pri-
mitivement ; des personnages y ont été ajoutés, ainsi que de nou-
veaux couplets. , .
Ces changements ont fait disparaître certaines lacunes indi-
quées par des amateurs, et que trop de hâte avait produites.
AVERTISSEMENT DE L'AUTEUR
Une circonstance particulière a donné lieu à la pièce qu'on va
lire. Je m'entretenais avec un de mes amis sur la ville de Mont-
pellier ; nous allions en promenade à l'isle de Maguelonne, d'où
Montpellier tire son origine. En passant en revue les monuments
exécutés par Jacques Cœur, il fut question de la fontaine vulgai-
rement appelée la Fon Pulanella, Un étranger qui se trouvait avec
nous, choqué sans doute de l'expression, demanda ce que c'était,
et pourquoi ce nom avait été donné à la fontaine. On l'instruisit des
'La pièce que nous publions est l'œuvre la plus importante d'un poète
languedocien qui a laissé un grand nombre d'œuvres manuscrites. Nous
aurions voulu faire paraître en même temps une notice sur Auguste
Guiraud ; mais, cette notice devant être trop longue pour pouvoir figurer
dans ce numéro avec Jacques Cœur à Montpdlier, nous nous voyons
obligé de la renvoyer à un numéro postérieur.
A. Glaizb.
LA FONT PUTANELLA 143
diverses opinions émises à ce sujet . il ne les approuva point, et
trouva lui-même la cause la plus vraisemblable que l'on puisse as-
signer à cette dénomination. En efiFet, cette fontaine, située à une
certaine distance de la ville, dans un lieu retiré et propre à favo-
riser les entrevues secrètes des amants, ne peut devoir son nom
qu'à la cause essentielle de ce genre de réunion, ou à quelque évé-
nement notable.
Cette expression peu décente, mais que l'habitude a fait admet-
tre sans scrupule chez les habitants du pays, peut servir du moins
à nous rappeler que le mot dont elle est un diminutif était autre-
fois familièrement reçu.
Il n'avait rien d'offensant pour les oreilles de nos pères, qui, dans
leurs mœurs simples et innocentes, étaient bien moins révoltés du
nom que nous ne le sommes aujourd'hui. C'est ainsi que nous li-
sons dans les écrits des anciens, et surtout dans les comédies de
Nfolièrc, plusieurs expressions qui de nos jours blesseraient la pu-
deur et dont on ne rougissait pas alors .
Quoi qu'il en soit de Tétymologie ou du motif qui a fait donner ce
nom à la fontaine dont il s'agit, l'un des assistants imagina que ce
sujet, qui primitivement avait inspiré un grand nombre de chansons
en langage du pays, pouvait présenter un intérêt piquant, revêtu des
formes dramatiques . Je fus désigné pour mettre ce projet à exécu-
tion. Je m'en défendis, comme peu propre surtout à parler un lan-
gage qui ne m'était pas familier. On insista, et il ne fallut rien
moins, pour me déterminer, que l'assurance qu'une seule représen-
tation relèverait une famille accablée de dettes, et qu'on la don-
nerait à son bénéfice L'espoir d'être utile l'emporta sur toute autre
considération, et je me chargeai de l'entreprise.
L'histoire de Jacques Cœur,*si fameux par ses richesses et sa
bienfaisance, mais plus encore par ses persécutions et sa disgrâce,
n'offre rien que de triste et de sérieux : j'ai donc choisi, pour égayer
la scène, le jour où les eaux recueillies des environs, par les soins
de Jacques Cœur, devaient remplir le bassin qui leur était des-
tiné.
L'accueil que les habitants de Montpellier ont fait à cette faible
production a surpassé son mérite. Le succès a été d'autant plus
flatteur, que l'on devait moins l'attendre dans un temps oiî le
parterre s'était déchaîné sans pitié contre plusieurs pièces mo-
dernes.
144 DIALECTES MODBItNBS
ORIGINE DE LA FONT-PUTàNELLA
Air : de la ronde du 3* acte
Près d'un faubourg de Mounpelhè,
Autras-fes un grand personnage
Dins un agréable bouscage
Faguèt counstruire un grand viviè.
L'aiga èra tant bona e tant bella
Qu'ajèt desuita un grand renoum :
Mes veja aici {ter) d'ount ven lou noum
De la Font Putanella
2
En d'aquel poulit rendè-voue,
Jouine garçon, jouina filheta,
Tout couma crouchet e malheta.
Se rencountravoun dous à dons.
S'endicon naai quauqua querella
A vie troublât la pès dau cor,
Tout finissiè d'un bon acord
A la Font Putanella.
Un souèr, la pichotajLisoun,
Creniguèn de se faire attendre,
Un pau trop leu ^'en anèt rendre
Jout un aubre, sus lou gazoun.
Piquada d'estre en sentinella
Sans veire pas veni degus,
Jurèt tout bas d'anà pas pus
A la Font Putanella.
4
Jeannet, que veniè tout cantan
Per anà joindre Margarida,
En eami trouvèt la manida
Que s'entournava tout plouran.
Curions de saupre la nouvella
E per ie prene quauqua part,
La retirèt un pau d'espar
De la Font Putanella.
LA FOl^T PUTA^'ELJLA 145
5
Berthoumiu, dins un moumenet,
Venper c^cà Lîsoun qu'aîmava ;
La vei qu'un autre l'embrassava,
Mes recounouguèt pas Jannet.
A jet beu fréta la parpella
Per counouisse aquel amourous,
Se creseguèt au ifound dau pous
De la Font Putanella.
6
Vouguèt espinchà quauque tems ;
Mes l'iol en fioc, pie de coulera,
Veja aqui que se désespéra I
Sarra lous pougnets e las dens ;
Pioi s'avança e crîda : Infidella !
A quante sort tus m'as réduit !
M'attendiei pas d'estre trahit
A la Font Putanella.
7
Dins aquel accès de furou
EscuUèt tout a sa coulera.
Et d'une lengua de vipèra
De segu ne debitèt prou.
Dins tout aquella kiriella
D 'in juras dichas a Lisoun,
Diguèt quicon qu'a fach lou noum
De la Font Putanelle.
8
Quant ajèt vis qu'era Jannet
Que counsoulava sa cousina.
Pensas qu'alors changèt de mina
E jujas se seguèt mouquet.
Malgré soun errou trop cruella,
De sa Lisoun gardét l'amour ;
Mes aquel mot resta toujour
A la Font Putanella.
146 DIALECTES MODERNES
A MOUSSU LOUIS GRANIER
MAIRE DE MOUNPELHB
GHlVALHà DE LÀ LÉGION D'HOUNOU
Moussu Lou Maire,
Se ma lyra era acoustumada
Sus lou toun de la flatariè,
Quante bèu sujet trouvariè,
loi que per bous série mountada !
Jujas couma resounariè !
Mes ma musa es febla, pecaire !
E pot pas s'elevà tant nâu ;
Vendra pas doun mal à perpau,
Sans moyens cercà de vous plaire.
Moun but, dins aqueste moumen,
Es d'obteni vostre sufrage
Sus un pichot amusamen.
N'ause pas vous en faire ôumage :
Lou fait es trop pau counsequen,
E vous Toufri série pas sage.
Donnas un cop d'iol soulamen
Sus aquel simple badinage ;
Proutejas-lou, serai counten
Couma s'aviei fach un ouvrage
Que meritesse un monumen.
A. G.
LA FONT PUT AN ELLA 147
A MADAMA DE P. . . M. . . L . .
QUE VÔU LEGI MA PIEÇA
Madama,
De prouvençau, de patois, de francés,
Ai mesclat lou triple lengage,
Per coumpausà lou badinage
Qu'a fach rire mai d'una fes
Un public sévère e voulage.
Desiras legi moun ouvrage ?
Soui pus flattât qu'oun n'ou creirés !
Se li dounas vostre suffrage,
Segu me manquarà pas rés.
A. G.
J4-! DIALBCTBS MODBRNES
VERS PROVENÇAUX
ADRESSÉS A l' AUTEUR, AVEC UNE COURONNE DE LAURIER, APRÈS
LA PREMI'IRE représentation BE LA PIÈCE
A M. A. G.
qui voulait garder l'anonyme sur une pièce intitulée : Jacques Cœur
à Montpellier, ou la Font Putanella
Quand vesi lou sen et la rime
Se sousteni de coumpagniè,
Et la gaità que leis anime
Fa lou charme de la pouesiè,
Caspi ! vos garda Fanounimo
E faire un tour de toun mestiè ! . . . .
De tous vers la douco harmonie,
Toun eimable genre d'escrimo,
Ti descuvrissoun tout entiè
Et trahissoun ta moudestiè.
Renounca a ta vielho maximo ;
Aquèu que couma tus s'exprimo
N'ei pas fa per estre en darniè .
Si la louangi t'envenime,
Se n'aimes pas la flatariè,
Ace's d'une amo magnanime,
Te va pardeuni lou premiè ; ^ .
Mai daumen recabi l'estime
E l'aumagi de l'amitié
Dins aqueste brout de lauriè.
Que lou dieu de la double cime
T'oufris, maugra la jalousie.
LA FONT PUTANELLA 149
»
RATATET AU PARTERRE
Per anonnçà nna représentationn de la Font Pùiànella
A SOUN BENEFICE
Messius,
Quant un actur> à soun prouât,
Anounça une pièça nouvella,
Ven vous faire un joumpous récit
Das fruits d'una docta cervella ;
Parla d'ardou, de souens, de zèla,
E débita una kiriela
De mots preparats embe esprit.
Ma fè ! seguisse la sequèla,
E vène, lou cor enclausit,
Vous oufri la Font Putanella.
Per obtène vostre agremen,
Dins una anounca counvenabla,
Messius, au lioc de coumplimen,
Laissas-me vous dire una fabla ;
Escoutas-m' un pichot moumen.
Lous ausselous, un jour, granda assemblada,
Entr' elles voulhen faire un rei
Qu'à toutes dounesse la lei;
Que la coumunautat seguesse ben reglada.
Mes veja aici lou countra-temps :
Quau meritava la couronna?
Chacun pensava à sa pérsouna ;
Aco's toujours ansin entré bestias é gens.
Lou Roussignôu disié que lou milhoii cantairë
As autres devîè coùmmàndà.
c< Faù pas antau ne décida » ,
10
150 DIALECTES MODERNES
Cridavalou Vôutour : « es lou pu gros manjaire. »
Lou Merle voulhè lou pus fin,
E lou Mouissèt, lou pus malin ;
Lou Courpatas, lou vièl d'âge ;
Lou Passerou, lou pus fringan ;
Lou Paoun, lou pus beu plumage I
Chacun vantava soun talan :
Sen toutes dins aquel usage.
Per fini tout aquel cancan,
L'Aigla diguèt, d'un toun pus sage :
c( Es Tala que fai Tausselou.
Ensajen-nous, chacun de nautres :
Quau voularà pus nàu, pus longtemps e milhou,
Aquel sera lou rei das autres . »
Chacun se sentiguèt ravit
D'aquela tant bonna pensada.
A pena TAigla agèt finit,
Que tout aco pren la voulada.
Aquel gros issan d'ausselous
Forma dins lous airs un nuage.
Lous auriasvistes, dous à dous,
Se defià, prendre courage .
Pau à pau chacun se lassèt:
La força e lous mouyens manquèrou,
E toutes anfin dabalèrou.
Mes TAigla. que lous surpassât,
Dins lous nibous faguen Taleta
E mesprisan la racalheta,
Embe aquestes mots s'anouncèt :
« Digas m' un pau, fèbla voulalha,
Que toumbas couma de granalha,
Quau creses-ti qu'aura lou gan ? »
Lou Ratatet, qu'èra jout Tala
De TAigla à la voués trioumphala :
(( Es ieu, es ieu ! » crida en mountan.
D'aquela natioun animala,
LA FONT PUTANBLLA 151
Lou Ratatet, lou pus pichot,
Alors seguèt pas lou pus sot,
Aplicas-vous à la mourala :
Vautres ses TAigla e ieu lou Ratatet.
N'ai pas fossa talan, pecaire !
Mes, se moun désir de vous plaire
Fai que m'atapes un pauquet,
Farai tout ce que pode faire,
Siegue de drech ou de biscaire,
E serai pas lou pus mouquet.
AUTRE ANNONCE AU PARTERRE
EN VERS PROVENÇAUX
Uno muso de la Prouvenco,
Eme uno autre de Mounpelhè,
An fabricà d'intelligenço
Uno pichoto droulariè.
Messius, vou' n'en fasèn ôumagi :
Se voulès nous faire Thounour
D'agradà aqueste badinagi,
Nous boutarès de boueno humour.
Entendres parla tour à tour
De vouestre peïs lou lengagi
E la lengo dei Troubadour.
Lou plèsi de vous satisfaire
Es lou but que nous proupousan ;
E ce que lou mai desiran,
Es enfin de vous satisfaire.
15? DIALECTES MODERNES
PERSONNAGES
JACQUES GCEUR, argentier du roi Cbarles Vil.
JEAN DE VILLAGE, facteur d^ 4 a/îoobp Gcbur, Prevençal.
CROC, vieux portier, Normand.
NICOULAU, jeune jardinier, de Montpellier, au service de
Robert.
RATATET, cap dejouven, interprète et orateur des députés de
divers quartiers de Montpellier {mis^ grotesque),
ROBERT, maître jardinier àBoutonnet, Champenois d'origine.
DONNA COUCARELLA, jardinière, de Montpellier.
Veuve ANGÉLA, fille de Donna Godcarella.
M AGUERITE, surnommée la Frandmanda, épouse de Robert.
Six quartiers de Montpellier : le Courreau, Boutonnet, les Car-
mes, la Valfère, le plan de POm et le plan de rOhvier, chacun avec
sa bannière, distinctions, costumes, etc.
Jardiniers et jardinières, dansant le Chevalet et les Treilles,
%.
LA FONT PUTANELLA
PROLOGUB
LE DIRECTEUR DU THË/^TRE, en habit de bourgeois.
RATâTET, costume ordinaire de jardinier.
RATATBT
Eh bé ! moussu lou Directur,
Deque dises de la Font Putanella?
Cresès-ti, digas-me, que la pieça nouvella
Pogue desplaire à Tamatur?
LE DIRECTEUR
Mais je pense que non ; Touvrage est sat)portab)e .
n est à craindre, toutefois,
Que ce baragouin de patois
N'ait un effet désagréable.
Ceux du pays Tentendront bien.
Mais l'étranger n'y comprend rien .
RATATET
Aco's aco que vous chagrina?
Nostre patouès es presque tout francés ;
E, s'un mot n'es pras ben coumprés,
Un vesi coumplesen l'expliqua à sa vesina.
Vous dirai tout bas que l'autur
Redouta be mai la critiqua !
Se pot be que déjà sentigue la couliqua !
E qu'en quauque canton tramble couma un vonlur.
LE DIRECTEUR f^
La pièce est bonne ; elle est gaie et morale :
Cela devrait le rassurer.
Et, quand elle a ri, la cabale
Ne trouve rien k censurer.
154 DIALECTES MODERNES
RATATET
Es antau qu'un marchand vanta sa marchandisa.
Pourvu que vous vengue d'argen,
Savès be que serès counten.
Mes Tautur endura la crisa :
Lou parterra toujour n'est pas trop indulgen ;
Quand bufa certain ven de bisa,
Autur, actur, tout ne depen.
Air : Mon père était pot
Ai ! quinte juge qu'un public
Que de pare s'enrauca !
Porte dous cols de basalic
Et dos aurelhas d'auca.
L'un vôu de serions,
L'autre aime à se distraire : .
Per lous countentà ,
Quau pot se flatta
De saupre deque faire ?
LE DIRECTEUR
On trouve ici de quoi contenter tous les goûts :
On y chante, on y rit, on danse .
De Jacques Cœur la bienfaisance,
En étalant ses attraits les plus doux.
Doit inspirer de la reconnaissance
Pour les biens qu'on verse sur nous.
Air: Femmes, votUez-^ous éprouver .
•
Quand on nous peint un bienfaiteur,
Quel sujet offre plus de charmes ?
Doux sentiment naît dans le cœur,
On est touché jusques aux larmes.
Si Ton ajoute à ce tableau
La gaîté qui pare une fête.
On éprouve un plaisir nouveau
Et l'âme est toujours satisfaite.
LA FONT PUTANBLLA 155
RATATET
Aco's ben dich ; avès resoun, sans doute ;
Mes se sap qu'auprès d'un pus fort,
Lou pus feble toujour a tort,
Lou juge es aqui.. . . lou redoute !
LE DIRECTEUR
Pourquoi craindre son jugement?
Il est juste ordinairement ;
S'il se montre parfois sévère,
Oq la pièce ou Facteur peut le mécontenter ;
De ses leçons nous devons profiter,
Son avis souvent nous éclaire.
RATATET
Quauquas fes es mau prevengut,
E, quand monta au nas la moustarda,
Jusqu'as que siégue revengut
N'aven be prou d'i prene garda !
loi, per exemple, se poudiei,
Avant de coumencà, ie dire
Que cercas à lou faire rire,
Veja aiçi ce que li diriei :
AU PARTERRE
Air de la Ronde
Messius, per vostre amusamen,
Aquesta pièca es coumpausada ;
E, per diverti l'assemblada,
Nautres faren ce que pourren.
Aico's une sourea nouvella,
Qu'a coustat de pena a trouva.
Dépen de vous [ter; de counservà
Vostra Font Putanelln,
FIN DAU PROLOGUE
ACTE PREMIER
Le théâtre représente une salle de l'hôtel de Jacques Coeur
On voit un jardin dans le fond
SCENE PREMIERE
NiGOULAU seul (il accourt portant des fleurs à la main)
Arrive lou premiè I Languissiei de me rendre,
E crenissiei toujour de trop la faire atendre.
Moun Angela I sans tus que lou temps sembla Ion !
Tant que te vese pas, te crese toujours Ihon.
Veja aici toun bouquet; quand ne seras parada,
La pena qu'a constat sera dessoublidada.
Air : Jeunes amants, cueiUez des fleurs
1
Quau jamai se fatigariè
Dau plesi d'aquela cultura ?
Fa pas de pus poulit mestiè
Que lou qu'ajuda à la natura.
Per prix de mous souens, chaque jour
Ma man pot faire la culheta,
E toutas las flous tour à tour
Espelissou per Angeleta.
L'hiver, quand lou glas et la nèu
Fan péri lous fruits de la terra,
La rosa e Tulhet lou pus bèu
Encara vivou dins ma serra.
Couma lou soulel dau printemps,
L'amour ie servis d'escaufeta,
E, maigre la rigou dau temps,
Soui fleurit per moun Angeleta.
LA PONT PUTANBLLA 1S7
loi me fau lou pus gros bouquet,
Car d'hjmen celebran la festa ;
Dins lou parterra e lou bousquet
Vau maissouna tout ce que resta.
Per travalhà, quand serèn dous,
Soui segu que jout sa maneta
Naissaran de pus bellas flous
Per embelli moun Angeleta.
Mais deque la reten ? la vese pas veni !
De ce que m'a dich hier deu be se souveni !
« Manques pas, Nicoulau, de te rendre à bona houra ! »
Faudra be qu'ella vengua ! Oh ! sans doute ; mes qu'oura ?
S'encara dourmissiè I L'on dourmis pas antau
Lou jour qu'on se marida ; e l'amour es un mau
Que revelha mati. Pourtant ounte potestre?
Es mountada, belèu ; s'occupa per soun mestre.
Jacques Cœur es tan bon ! Nous disiè l'autre jour :
« Ze veux, mes sers enfants, coronner votre amour ;
n Ze prétends vous unir. Ze ferai davantaze :
» Ze vous donne une adot le zour du mariaze ;
» De plus, mon amitié. » Sans doute qu'aco's grand !
Amai sieje un segnou, certa ! es un, bon enfan.
Aussi l'aime, ma fe, couma on aima soun paire.
Mes Angèla ven pas I . . . . Menjan, de que pot faire ?
n va sortir; Croo parait ; Nioolas l'évite.
Aqui Croc, lou pourtiè.
SCÈNE II
CROC, appelant
Nicolas ! Nicolas !
Il m'évite ; c'est clair, il ne m'écoute pas.
Je parîrais qu'il court auprès de son Angèle.
L'égrillard est aimé comme il aime sa belle !
158 DIALECTES MODERNES
J'aime aussi la petite, et c'est, je crois, en vain.
Le drôle est bien alerte ! Eh bien ! soyons plus fin.
J'ai déjà fait mouvoir certains ressorts.... Peut-être
De la mère, à mon gré, je me rendrai le maître.
Jacques Cœur est puissant, libéral, généreux ;
Sa prodigalité va me servir au mieux.
J'ai dit que ce seigneur, en tout si magnifique,
Ne tenait ses trésors que de son art magique ;
Qu'il était en commerce avec l'esprit malin,
Que par là tant d'argent se trouvait sous sa main. . .
Quelle excellente idée ! Allons, Croc, ton adresse
Te rendra possesseur de ta jeune maîtresse.
Air : C'est ttn enfant
Bientôt l'alarme et l'épouvante
Troubleront ces petits esprits ;
La peur à chaque instant augmente
Et leurs cœurs en seront saisis.
Sur ce noir mystère,
La fille et la mère
Viendront à moi se récrier :
C'est un sorcier.
2
Profitant de leur confiance,
Et pour préparer mon bonheur.
J'affaiblirai la résistance ;
On s'adoucit quand on a peur.
Ma petite Angèle,
Alors moins rebelle,
A moi se laissera lier
Par un sorcier.
Que d'objets à l'appui de mon raisonnement!
Partout quelque édifice ou quelque monument :
La Loge des marchands, le Bureau des finances...
Partout il fait bâtir avec magnificence ;
LA PONT PXJTANFLLA 159
Et, du haut de sa tour, il peut voir sur les eaux
Flotter le pavillon de ses nombreux vaisseaux.
Aujourd'hui c'est encore une fête nouvelle :
Il remplit le bassin de la Font Putanelle.
Que d'argent pour ses eaux ! c'est à faire trembler !
C'est utile pourtant. Ce qui vient me troubler,
C'est qu'il unit ce drôle à sa chère Angelette ;
Qu'il leur donne une dot... Leur fortune est complète !
Et je ne pourrai point, par quelque empêchement. . .
Mais quelqu'un vient ici! Sauvons-nous prudemment.
Allons faire mouvoir certaine batterie ;
Filons à la sourdine; et puis.. . je me marie.
(Il sort.)
SCENE m
NICOLAS, ANGÈLB (par suite d'entretien)
NICOLAS
Que venes de m'apprene ! Aco se pourriè-ti?
Vostre mestre sourciè! Pas ben de m' averti.
Prenguen pas soun argen.
ANOÉLB
Aco's l'argen dau diable
NICOLAS
Quau l'auriè cresegut ! De que l'homme es capable
ANOÈLE
Escouta, Nicoulau, ce que m' an racountat :
I^isouque chaqua nioch au castel i a sabat.
'^^ fin foun de la cava, abal jout la grand'salla,
E^ lou rassemblamen de la banda infernala :
^<^u mestre, embe soun libre e lous mots qu'ilegis,
" un cop de sa baguetta apela lous esprits .
I^isou qu'an de serpens tout lou tour dau visage,
^ cornas à la testa. . . e que fan un tapage !
»
160 DIALECTES MODEKNES •
NICOLAS
Diga, Tas entendut?
ANGÈLB
Me sembla quauquas fés
Qu*un grand bruch me revelha, et n'ausisse pas res
Anôn, quand sonn rendus aqui, parlou d'affaires^
E se tratou toujours coamo s'èrou de fraires ;
E pioi, quand lou segnou li demanda d'argen,
Lous esprits ne fan pleure ... ah ! que be talamen
NICOLAS
Aussi, m'estoune pas de sas grandas richessas,
E sans pena, segu, pot faire de largessas.
Mes que garde soun or, nous pourtariè malur.
Tira Targeii dau diable ! . . . oh I vostre servitur !
ANGÈLE
Se n'aven pas pourtant, diga, que pourrèn faire ?
NICOLAS
Quand serèn mandats, travalharen, pecaire !
Aumen viuren en pes.
ANOÉLE
Mes, veja aici lou mau ;
Ma mèra n'entend pas qu'aco se fague antau:
Vôu que renounce à tus.
NICOLAS, aveofeu
Me ravi mon Angèla !
Me veiriès lèu péri de ma doulou moftella.
ANOÈLB, tristement
Aco nou veiriei pas ; sentisse din lou cor
Qu'anariei la premieira au davan de la mor.
LA PONT PUTANBLLA 161
Air : Aa kbat de l'aurora
D'una lampa alumada
L'esclat nous rejouis;
Mes, quand n'es pas soignada,
Soun lun estabanis.
Es antau de ma vida :
Vive pas que per tus .
Seriei leu counsemida
Se te vesiei pas pus.
NICOLAS
E ieu ! crese qu'alors, que que pouguessou faire,
Se passaves davan, demourariei pas gaire .
Même air :
Dins la sèsou brulanta,
Couma vesèn la flou
Se flétri sus la planta,
E secà de calou ;
Sans tus, dins ma fèblessa ,
Coussi me soustendriei ?
De pena, de tristessa,
Antau me secariei.
(Ils s'embrassent, en pleurant)
NICOLAS, triste
Angèla 1
ANGÈLE, triste
Nicoulau !
NICOLAS
Diga, de que farèn
Se nous fau sépara?
ANGëLE, avec douleur
Mourirèn !
NICOLAS, avec douleur
Mourirèn !
; Après un moment, il reprend aveo oonrag^)
162 DIALECTES MODERNiîiS
No, no! mouriguèn pas. Parla, tus, à ta mèra;
leu à mestre Roubert, que me servis de pèra :
Anen ie dire tout.
(Il entraine Angële. — Jean survient)
SCENE IV
NICOLAS, ANGÊLE, JEAN DE VILLAGE
JEAN
Vous derengi, bessai !
Quand es questièn d'amour, un tiers counvèn jamai.
Mai, qu' viou ! qu'es aissoto! e quante triste imagi !
Leis plours an trascoulà sus aquèu bèu visagi !
Counouissès lou chagrin, senso estre maridà?
Sies panca ben espous e n'en sérias fachà !
Ai, ca-de -noun ! de qu'es aco que vous carquagno ?
Parlas-mi dounc, enfans, countas-mi vouestro lagno.
Coumeneo, Nicoulas, tus qu'as mai de resoun.
NICOLAS
Parlas de mariage, es pas pus de sèsoun :
Angèla m'es ravida, e sa cruella mèra
Vôu que nous separèn; aco me désespéra.
JEAN
Vous sépara! perque ?
Angela, parla, tus.
Digo tout senso crento .
NICOLAS
N'ause pas dire tout.
JEAN, à Angèle
Anèn ! vai jusqu'où bout.
LA FONT PUTANELLA 163
ANGE LE
Eh be ! vous oubéisse*
Ma mèra vôu quitta lou mestre que servisse.
JEAN
Per lou quitta, mi pensi, a de bouenos resouns.
ANGÈLE
Dis que moun mestre a fach pacte embe lous demouns .
JEAN
Que mi contes, ma fiUa ! aco si pot-i creire ?
ANGÈLE
Aco's n'es pas pourtant ben dificile à veire.
Air: Nous nous marierons dimanche
Fai tout ce que vôu, dins tout réussis ;
Mena un trin incouncevable.
Ce qu'on vei rend ce que s'en dis
Crouyable .
NICOLAS
Quau pot faire un rebaladis
Semblable ?
ANGELE
Oustaus e vaisseus,
Mobles das pu beus, . .
Et d'oun ven Targen ?
NICOLAS
I^au diable !
^ mascas, chaqua nioch, vènou per l'en bailà,
1Ô4 DIALECTES MODiERNES
ANGÈLE
E finiriè, belèu, per nous ensourcelà.
JEAN, riant aux éclats
Qu'es tout aquèu sagan ! m'e«toufegue de rire.
Escoutas, meis enfans, ce que duvi vous dire :
De tout ce que me dia, ne cresegues pas rèn.
Qu' parlo deis sourciè ne fa qu'un passo-tèm .
L'a pas ren de verai de tout ce que s'en dis,
E tau qu'a de bouen sen e s'en trufo e s'en ris.
Leis diable, leis démouns, e leis malins esprits,
D'ounte vènou? Ounte van ? Qu' jamaï lous a vist?
Es quauque segne-grand, vo ben quauquo nourrisso,
En bressan leis enfans, qu'a fa aquesto maliço.
Fugues pas lou juguet de taus countes en l'air :
La résoun i répugna e lou cervèu s'i perd.
Mai, Jacques Cœur merito anmen vouestro tendresso,
Es un homme d'hounour e ramplit de sagesso.
Vous n'en disi pas mai, cherissès^vous toujours ;
Anas, e laissas-mi servir vouestreis amours.
(Nicolss et Angële se retixent contents)
SCÈNE V
JEAN, seul
Paures simples, qu' mau que vous fès à vous mémo !
Vous esfraias d'un rèn, poussas tout à l'extrêmo.
Mes la cauvo n'es pas dins la simplicité,
E la trovi puslèu dins la credulità.
Creire tout es un vici ; e ce que vous coundanno,
Es lou marri t effet de la feblesso humano.
( Hurous aquèu qu'esclairo uno sano rèsoun !
Ajr : Ce mouchoir ^ belle Raymonde
Creire tout e ne rèn veire
Es Talluro d'un nigau ;
LA FONT PUTANELLA 163
ANGÈLE
Eh be ! vous oubéisse*
Ma mèra vôu quitta lou mestre que servisse.
JEAN
Per lou quitta, mi pensi, a de bouenos resouns.
ANGÈLE
Dis que moun mestre a fach pacte embe lous demouns .
JEAN
Que mi contes, ma fiUa ! aco si pot-i creire ?
ANGÈLE
Aco's n'es pas pourtant ben dificile à veire.
Air: Nous nous marierons dimanche
Fai tout ce que vôu, dins tout réussis ;
Mena un trin incouncevable.
Ce qu'on vei rend ce que s'en dis
Crouyable .
, NICOLAS
Quau pot faire un rebaladis
Semblable ?
ANGÈLE
Oustaus e vaisseus,
Mobles das pu beus. . .
Et d'oun ven Targen ?
NICOLAS
Dau diable \
Las mascas, chaqua nioch, vènou per l'en bailà
166 DIALECTES MODERNES
Votre fiUe, vous, moi, sommes en grand danger ;
Dans un profond abîme il pourrait nous plonger.
Un grand poète a dit : « Nous finirions peut-être
Par nous perdre de même. » Evitons ce malheur.
Et rompons sans éclat avec ce grand seignenr.
Qu'il garde ses trésors et le bien qu'il peut faire ;
Pour notre sûreté la suite est nécessaire.
JEAN, à part
Vieu Tartufo !
COUCARELLE
Pourtant lou regrete ; es tant bon !
CROC
C'est un excellent cœur, je ne puis dire non;
Mais cette bonté-là doit nous être suspecte.
Moi-même, en le blâmant, je F aime et le respecte.
Mais, si vous m'en crojez, suivons notre projet,
Et surtout là-dessus gardons bien le secret.
Veillez sur votre Angèle ; elle est vraiment gentille.
J'aurais brigué l'honneur d'être de la famille;
Mais contre mon rival je ne dispute pas,
Et ses droits sur les miens doivent avoir le pas.
JEAN, à part
Es amourous, pecaire !
COUCARELLE
Oh ! sera pas moun gendre,
E sus aquel sujet vole pas res entendre.
CROC, à part, avec joie
Se pourrait-il ? (Haut) Comment ! mais c'est un beau garçon
Il est vrai qu'il est simple et de pauvre maison.
COUCARELLE
Poussèda pas un liard, es michan travalhaire,
LA FONT PUTANEI^LA 167
E crese qu'en tout poun semble soun paurB- paire.
Diu Taje perdounat!
CROC
Pour moi, j'ai quelque argent
Gagné par mon travail et surtout dignement.
Je vous suis attaché, ma bonne, et mon envie
Serait auprès de vous de terminer ma vie.
COUCARELLE
leu vous aime tant ben ; aco pot s'arenjà.
Mais fau pensa, d'abord^ à se desengajà.
JEAN, les abordant
Salut à Monsieur Croc. — A-diu-sias, Coucarello !
Que dites-vous de bon ? -— Eh ben ! quanto nouvello ?
CROC
Jacques Cœur nous occupe, et, pleins de sa bonté,
Nous admirons tous deux sa générosité.
«
COUCARELLE
Disian que sa richessa es sans doute ben grand a,
E qu'acorda toujour tout ce qu'on ie demanda.
CROC
Qu'il fait beaucoup de bien.
COUCARELLE
Que dèu despensà fort.
CROC
^^ue son pouvoir est grand.
COUCARELLE
Que jouis d'un bèu sort.
L
168 DIALECTES MODERNES
JEAN, à part
Amusons-nous un peu.
(D'an ton de mystère et de confiance
Je peux parler sans feinte ;
D'être trahis par vous, non, je n'ai pas la crainte.
Je veux vous révéler un secret important.
Vous ne vous doutez pas d'où lui vient tant d'argent?
Jacques Cœur est versé dans la noire magie,
Et, pour parler plus clair, dans la sorcellerie .
11 est, dans les enfers, connu du dieu Plutus .
Hier il a touché .... quarante mille écus.
Il a le talisman de la cour infernale :
C'est ce qu'on a nommé pierre philosophale.
Voilà la chose en gros .
CROC, à part
Je demeure étonné.
En cherchant à médire, aurais-je deviné?
COUCARELLE, rêvant
Coumprene pas aco.
JEAN
Le voici :
Air :
Avoir à son commandement
Richesses, dignités, puissance ;
Sans crainte suivre son penchant.
Triompher de la résistance ;
Jouir au comble de ses vœux
D'une fortune sans égale ;
Enfin être toujours heureux :
C'estla pierre philosophale.
CROC
Cette pierre.
Si je pouvais l'avoir, ferait bien mon affaire.
LA PONT PUTANBLLA 169
JBAN
n ne tiendrait qu'à vous, Monsieur Croc .
CROC
Et comment?
JEAN
Donnez- vous aux démons, par accommodement,
Comme a fait Jacques Cœur.
COUCARELLE
Ai ! d'aquel misérable !
Lou veiren quauque jour arapat per lou diable.
E ièu lou serviriei pus longtemps ! Ah ! boutas !
Vau faire moun paquet, amai d'aqueste pas.
JEAN
Aumen fugues prudens en parelho counduito !
Ièu mémo voudriei ben poudè prendre la fuito ;
Mai cregni per meis jours. Caspi ! s'eri entendu !
Fouriè plegà bagagi e tout sariô perdu.
Enmenas vouestro Angèlo ; es un pau trop estrangi
Que dins Foustau dou diable on laisse viùre un angi.
L'unigues pas ôumen eme aquèu Nicoulau !
Ièu li savi un parti que li counven pas mau.
Perquità lou segnour pretestas quauque afaire,
Epervouestre bonhur, anas, laissas-mi faire;
Ièu prendrai soin de tout
COUCARELLE
Ai I Moussu, grand-mecis
De votra counfidenca e de vostres avis.
N'en vau cercà ma filha en granda diligença ;
E dihs vostre proujet métrai tant de prudença,
Que degus sauprà pas de que sarà questioun.
170 DIALBGTES MODERNES
Air : L'avez-vous vu, mon bien-aimé?
Paures agnels que souspiras,
Filhas, que vous planisse !
Sans i pensa toujours roudas
Au bord dau précipice.
(A Jean)
Sans vous, Tinfernal ravissur
Fasiè nostre éternel mattiur.
Preserven-nous de Lucifer :
De qùé fài4è dé nautras ?
Se fau de femnas dins Tanfer,
le manquarà pas d'autras.
Diu vous done santat e sa benedictioun.
(Elle saine plusieurs fois et sort)
JEAiï (à part)
Pauvre femme ! Je plains sa crédule innocence ;
Mais je la guérirai de sa folle croyance.
Punissons ce vieux fourbe.
(U désigne Croc.)
SCÈNE VII
JEAN, CROC
CROC, respectueusement
A mon tour, Monsieur Jeai
Je vous rends mon hommage et fais remercîment
Des preuves de bonté que vous faites paraître.
JEAN
Quoi ! Monsieur Croc aussi voudrait quitter son maître ?
Un homme cependant doit être courageux.
LA Fpî^T PUTANELLA 171
CROC
Oh ! ce n'est pas la peur qui me fait fuir ces lieux.
Mais Coucarelle part, et je pars avec elle.
JEAN
Si la mère partait et que restât Angèle,
Sortiriez- vous ?
CROC, embarrassé
Eh! mais Ce propos....
JEAN
Vous surprend ?
Il s'agit de s'entendre, et c'est en s'expliquant.
Angèle est fort aimable, et, selon l'apparence,
Vous ne la vojez pas avec indifférence ?
Convenez
CROC
A mon âge ! . . .
JEAN
Eh ! vous n êtes pas vieux !
CROC
Pas encor soixante ans.
JEAN
Vous vous portez au mieux.
L'ne femme avec vous ferait un bon ménage.
J'ai des projets.
CROC, rayonnant d'espoir
Tantôt, en fait de mariage,
172 DIALECTES MODERNES
Vous nous parliez d'Angèle et vouliez la pourvoir,
Sans indiscrétion
JBAN
Vous allez tout savoir :
Le jeune Nicolas a peu d'expérience,
Et je trouve entre eux deux bien peu de convenance...
Pour rendre Angèle heureuse, il lui faut un époux
Mûr, mais frais, raisonnable : un homme ... tel que vous
CROC, charmé
Ah ! Monsieur Jean !
JEAN
Je veux arranger cette affaire.
CROC
Monsieur Jean 1
JEAN
Est- il vrai qu' Angèle a su vous plaire ?
Ma foi I oui.
Ma foi ! non.
Ma foi ! oui.
CROC
JEAN
Vous n'aurez plus de vœux à former ?
CROC
JEAN
Sentez-vous bien de cœur à l'aimer?
CROC
JEAN
Mais, surtout, oh ! point de jalousie !
LA PONT PUTANBLLA 173
CROC
Ma foi ! non.
JBAN
Vous ferez le bonheur de sa vie ?
GROC
Je veux vivre avec elle en époux complaisant.
JBAN
Allez, soyez tranquille, et vous serez content.
CROC
Monsieur Jean, soyez sûr que ma reconnaissance....
JEAN
11 suffit.
CROC, à part
Je l'aurai ! Dieu î la douce espérance !
(Il sort enchanté..)
SCÈNE VIII
JEAN, seul.
Oui, moun vieu moussu Croc, segu seres coustiè ;
Counouissès pas lou fin de vouestre bon mestiè.
Lou pouiit Cupidoun I lou charmant calignaire !
Fariès de bèu travau se vous laissavou faire !
Air : de la Catacona
Tout es reglà dins la natura.
Et chaqua cauvo es per soun tem :
Dins sa sèsoun tout s'amadura,
174 DIALECTES MODERNES
L'annada n'a pas qu'un printem.
Qu'un vieu rouquiè, dins soun autouna,
De plaire vouegue se mèlà,
A beu parla,
Dissimula,
Faire Faimable et s'escarabilhà,
I a quouque rèn dins sa persouna
Que tout bas li crida : Alto-là !
Eh ben ! vous guérirai de vostre fol amour.
Fau que d'un autre mau ieu mi vengi à mountour.
Aves un mauves couer envers la benfasenca !
Vous farai repenti de vouestro medisença.
Detesti leis ingras autan que leis flattours,
Et punirai surtout leis calouinniatours.
(Il va pour sortir quand parait HJt^rgueritc
SCÈNE IX
JEAN, MARGUERITE, NICOLAS, ANGELE
NICOLAS (Il traîne Marguerite par la main. Angèle sort.)
Margarida, âyanças. La rancountra es hurousa ;
Es aqui Moussu Jan, segues pas vergougnousa.
MARGUERITE, à Nicolas
Le cor me bat, je n'ose. . , . autant de libertà,
Parle-tu, mon garçon, et viens me présenta,
JEAN va au-devant
Approchez, bonne femme, à votre compagnie
Je vois de ces enfants que vous êtes l'amie.
Mon intérêt pour eux s'étendra jusqu'à vous ;
Parlez.
MARGUERITE, timide
Mon bon Monsieur! pardon, excusez-nous.
LA FONT PUTA^ELL\ 175
JBAN
Votre nom?
NICOLAS, imitant le français
Margueride. Il est la Francimande,
Ma bourzoise. — Robert, mon bourzois, vous la mande,
Pour boiLS dire que ....
(à Marguerite)
Anen ! diguas ce que voudrés ;
Mes fasès-vous counouisse e parlas-ie francés.
MARGUERITE, à Jean
:<auf votre bon plaisir, de cet enfant, pec/ière,
Ji sommes debengue une seconde mère.
Je Tons vu tout petiot, sans parents, mal pourvu. . .
Et je Tons pris cheu nous, c'est là qu'il B.crècu,
Robert, sauf vof respect, not' homme.... ah! comme ilTaime !
Voyez, ni pu, ni moins que not'enfant lui-même.
Il travaille, ahl boutas! comme au fait du métier,
Et je voulons en faire un maître jardinier.
JEAN
On connaît Nicolas; il est sage, estimable.
Vous n'êtes pas la seule à le trouver aimable :
Ici, dans la maison, on le voit quelquefois ... :
Et, tenez, voyez-vous ?
(Il désigne Nicolas etAngèle, qni causent à l'écart)
MARGUERITE, haut À Nicolas
Mon garçon, je te vois !
Ne fais pas comme aco devant monsieur.
JEAN
Son âge
176 DIALECTES MODERNES
Excuse sa conduite : il pense au mariage .
Il faut les marier, et c'est là mon dessein.
MARGUERITE
Et voilà tout Vemboul qui cause mon chagrin .
JEAN
Pourquoi donc ?
MARGUERITE
Vous saurez que Donne Coucarelle
Pour notre Nicolas avait promis Angèle.
Tantôt j'étions chez elle, et, sans douter de rien,
J' allions à la franquette entamer T entretien ;
Je Tons vu qui fougnait, et moi, toute bestiasse,
J'ons dit : « A quand la noce ?».... Elle a fait la grim:
« — Non I qui m'a dit, jamais la noce se fera.
» Les marier I qui dit, bien fin qui le verra !
» Pour votre biau sujet allez en querre une autre.
» Recatez vot'enfant, je recatons le nôtre. »
« — Ma commère, ai-je fait, mais vous Favez promis.
(( — Si j'ai promis, fait-elle, eh bien ! je m'en dédis. »
Et la voilà qui brouille, et qui brise, et qui casse ;
Fait des paquets de linge, amouloune, enliasse.
« J' allons quitter, qui dit, Satan et Lucifer ;
)) Seguirà qui voudra les démons et l'enfer. »
Tant i a que j'ons fui, quand j'ons vu ce tapage ;
Mais ces pauvres manis, quel sera leur partage ? '
Ils étiont si joyeux ! et s'ils sont sépara,
Monsieur Jean, de seguf Nicolas mourirà.
Air : Lise chantait dans la plaine
L'amour est une maladie
Qui, nuit et jour, fait tant souffrir!
Elle ôte le goût de la vie.
Et finit par faire mourir.
Mais, pour arrêter ce ravage,
LA FONT PUTANBLLA 177
Il n'est qu'un moyen de guérir ;
J*en fis répreuve en mon jeune âge :
Il ne faut (bis) que le mariage.
JEAN
Eh bien ! rassurez- vous, ce sera mon ouvrage.
Je sais ce qui se passe; et ce moment d'orage
Par mes soins, dès ce jour, fera place au beau temps.
Notre maître a promis d'unir ces deux enfants.
Il leur tiendra parole ; et, quant à Coucarelle,
Ne vous alarmez pas, c'est une bagatelle.
Vous apprendrez bientôt que c'est par mon avis
Qu'elle se détermine à sortir du logis ;
Mais, pour la retenir, je n'ai qu'un mot à dire.
De mon dessein secret je ne puis vous instruire ;
Bientôt vous saurez tout. Je peux vous assurer
Que tout s'arrangera ; vous pouvez l'espérer.
MARGUERITE, satisfaite
Grand-mecis, monsieur Jean! vous me rendez la vida.
NICOLAS, àtfargaerile
Eh be I que vous a dich, moussu Jan, Margarida?
MARGUERITE, avec transport, à Nicolas
Tout ira bien, mon fils, tu seras maridà.
Monseigneur l'a promis. Monsieur Jean l'obtiendra.
Viens me faire un poutou; embrasse-moi, ma fille ;
Vous serez tous les deux bientôt de ma famille.
JEAN, à Marguerite]
Marguerite, à mon tour je voudrais vous prier,
Vous et votre mari, comme étant du quartier,
be donner quelques soins aux apprêts de la fête.
Vous êtes jardiniers. • .
178
DIALECTKS MODERNES
MARGUERITE, avec enthousiasme
Mon homme en perd la tête :
Depuis plus de huit jours il ne rêve qn'aco;
Il boute tout en train, vous verrez que c'est beau!
Rubans, guirlandes, fleurs, c'est lui qui tout agence ;
Vous serez enclausit de ce qu'il manigance.
Tout notre Boutonnet est dans un grand baral,
Et chacun pour la fête a quitté son traval.
Ratatet nous enseigne une chanson nouvelle
Qu'on vient de composer sur la Font Putanelle.
Je l'apprenons en chœur.
: Bile danse une espèce de menuet en chantant)
Am : de la chanson de Nismes
Elle prononce :
Fillettes et garçons,
Venès dous à dous
A la font nouvelle;
Allons-nous diverti
Lo soir, le matin :
L'aiguette est tant belle!
S'il vous font la question
D'ounte vient le nom
De Font Putanelle,
Sans mentir respoundres
Qu'encore vous n'en savez rien.
Pour :
Filhetas et garçous.
Venès dous à dous
A la font nouvella ;
Anen nous diverti
Lou soir, lou mati :
L'aiguetta es tant bella!
Se vous fan la questioun
D'ounte ven lou noum
De la Font Putanella,
Sans menti respoundres
Qu'encara ne saves pas res.
(Elle parait vouloir conlinner et dit :)
Encore vingt couplets.
JEAN, l'arrêtant
C'est bien ! n'oubliez pas l'auteur de vos bienfaits.
(Ils sortent en témoignant leur joie)
PIN DU PREMIER ACTE
ACTE II
Même décoration qu'au premier acte
SCENE PREMIERE
JACQUES CŒUR, JEAN DE VILLAGE
(Us arrivent en même temps deR deux côtés opposés)
JACQUES CŒUR
Jeté cherchais partout.
JEAN
Je sais qu'un jour de fête
Nous ne faisons plus qu'un, moi le corps, vous la tête.
I^e quoi s'agit-il donc?
JACQUES CŒUR
As-tu tout ordonné ?
JEAN
^^h vous trouverez tout comme c'est destiné .
JACQUES CŒUR
*> épargne rien, mon cher, pompe, magnificence ;
Qïie chacun prenne part à la réjouissance ;
^û un mot, que ce jour brille d'un grand éclat.
JEAN
' e nouveau monument est utile à l'Etat,
*^Ue n'oublirai rien pour en orner la gloire.
180 DIALBGTfiS MODBRNBb
L'on parlera de vous, j'en suis sûr, dans l'histoire.
L'on dira : Jacques Cœur, cher à son souverain,
Fidèle à ses devoirs, servit le genre humain.
Il protégea les arts, fit fleurir la science ;
Mais sa plus grande gloire est dans sa bienfaisance.
Je voudrais bien aussi que l'on parlât de moi !
Pour un pareil honneur, il ne faudrait, ma foi.
Qu'un seul événement, l'occasion propice
Où je puisse vous rendre un signalé service. • . .
Et nos deux noms seraient gravés par le burin.
J. CŒUR
Va, ne sois point jaloux d'un semblable destin ;
Contentons- nous d'agir dignement dans la vie.
J'aime à faire le bien, tu le sais, et l'envie
Me poursuit : à ses traits les hommes sont soumis
JEAN
Oui, nous avons, dit-on, chacun nos ennemis :
Je vous en connais un, s'il faut que je m'explique.
Mais j'ai trouvé le bout de ce nœud gordien.
J. CŒUR, surpria
Parle, explique-toi donc !
JEAN
Calmez- vous, ce n'est rien*
Au jeune Nicolas vous unisssez Angèle ?
J. CŒUR
Ëh bien !
JEAN
Le vieux portier, qui soupire pour elle,
S'attend à la ravoir des mains de son rival.
J, CŒUR, souriant
C'eat plaisant !
ACTE II
Même décoration qu'au premier acle
SCÈNE PREMIÈRE
JACQUES CŒUR, JEAN DE VILLAGE
(Us arrivent en même temps deft deux côtés opposés)
JACQUES CŒUR
Jeté cherchais partout.
JEAN
Je sais qu'un jour de fèie
Nous ne faisons plus qu'un, moi le corps, vous la tête.
De quoi s'agit-il donc?
JACQUES CŒUR
As-tu tout ordonné ?
JEAN
Oui, vous trouverez tout comme c'est destiné.
JACQUES CŒUR
N'épargne rien, mon cher, pompe, magnificence ;
Que chacun prenne part à la réjouissance ;
En un mot, que ce jour brille d'un grand éclat.
JEAN
Ce nouveau monument est utile à l'Etat,
Et je n'oublîrai rien pour en orner la gloire.
180 DIALBGTËS MODBRNBS
L'on parlera de vous, j'en suis sûr, dans l'histoire.
L'on dira : Jacques Cœur, cher à son souverain,
Fidèle à ses devoirs, servit le genre humain.
Il protégea les arts, fit fleurir la science ;
Mais sa plus grande gloire est dans sa bienfaisance.
Je voudrais bien aussi que l'on parlât de moi !
Pour un pareil honneur, il ne faudrait, ma foi.
Qu'un seul événement, l'occasion propice
Où je puisse vous rendre un signalé service. . . .
Et nos deux noms seraient gravés par le burin .
J. CŒUR
Va, ne sois point jaloux d'un semblable destin ;
Contentons-nous d'agir dignement dans la vie.
J'aime à faire le bien, tu le sais, et l'envie
Me poursuit : à ses traits les hommes sont soumis
JEAN
Oui, nous avons, dit-on, chacun nos ennemis :
Je vous en connais un, s'il faut que je m'explique,
Mais j'ai trouvé le bout de ce no^ud gordien.
J. CŒUR, surpris
Parle, explique-toi donc !
JEAN
Calmez-vous, ce n'est rien*
Au jeune Nicolas vous unisssez Angèle ?
J. CŒUR
Eh bien !
JEAN
Le vieux portier, qui soupire pour elle,
S'attend à la ravoir des mains de son rival.
J. CŒUR, souriant
C'est plaisant !
LA FONT PUTANBLLA 181
JEAN
Fort plaisant, oui, mais voici le mal :
Pour venir à ses fins, son mauvais stratagème
Pourrait nuire à la mère, à la fille, à vous-même.
J. CŒUR
A moi !
JEAN
Cet homme, enfin, moins méchant que grossier.
Veut vous faire passer pour un diable, un sorcier.
Dont les enchantements font vos grandes richesses ;
Et le motif secret de ses belles finesses,
C'est d'engager la mire et sa fillè à vous fuir.
Vous croyant un obstacle à son brûlant désir.
J. CŒUR
Mais il faut éclairer ces esprits trop crédules;
Il naîtrait bien du mal de tous ces ridicules.
Il fallait
JEAN
Au contraire, abondant en leur sens,
J'ai confirmé le fait et si bien pris mon temps.
Que Croc sur son amour est plein de confiance.
Mais j'entends le punir de son extravagance !
J. CŒUR
Il faut les détromper, et, pour ma sûreté.
Prévenir les efie ts de la crédulité ;
Au peuple qui l'embrasse elle est souvent funeste.
Rassure les amants, je me charge du reste.
Allons, va disposer ce qu'il faut pour ce jour :
Qu'il soit tout à la joie.
JEAN
A la gloire, à l'amour.
V
(Fausse sortie)
12
182 DIALECTES MODERNES
J. CŒUR
Ah ! dis-moi, cette fête animera ta verve !
Tu vas un peu blesser et la rime et Minerve.
Mais il faut des chansons, je t'en laisse le soin,
Et tu peux t'exprimer en ton beau baragouin .
JEAN, comme piqué d*h(nmeiir
Deque dià ! ca-de-noun ! mespresas moun langagi I
Au luéc de voun'trufà, li duves vouestre èumagi I
L'appelas un jargoun, e lou tratas for mau ?
Respectas-lou pus lèu ! caspi ! lou prouvençau
Es uno lenguo maire e de grando ressourço.
Leîs lenguos d'Ourian an puisât dins sa sourçà ;
A servit FEspagnou, l'Italien, lou Francès ;
L'ai légit dins l'histori. Ai trouvât qu'autros fes
Si parlavo à la cour d'Angleterro e de Franco.
En Prouvenco s'es fa la premieiro alianco
Deis lengos deis anciens^ grec, latin e gauloues,
E l'on ^duou pas tratà ma lenguo de patouès .
Leis gentils troubadours soun sourtis de Prouvenco,
E l'aimable pouesiè mémo l'i a près naissenço.
Escoutas :
Air nouveau
La barbarie etjl'ignorance
Régnaient sur des peuples divers.
Lorsque du sein de la Provence
On vit éclore l'art des vers.
Naïveté, douceur, génie.
Signala ses premiers accents.
Et des plus tendres sentiments
Se composa la Poésie.
L'esprit, la grâce et les amours
Firent naître les troubadours.
LA PONT PUTANBLLA 183
Le chantre célèbre de Laure
Leur dut sa gloire en l'art d'aimer;
A leur exemple il sut encore
Comment l'amour peut s'exprimer.
Ce charme heureux de l'éloquence
Partout enfin s'est répandu,
Et le premier hommage est dû
Aux troubadours de la Provence.
L'esprit, la grâce et les amours
Sont compagnons des troubadours.
J. CŒUR
C'est fort bien, je te trouve érudit.
Et ne conteste rien de ce que tu m'as dit.
JEAN
Mai vous, diga m'un pau, vount aves près la vide ?
En pais francilhot? Cependan si publido
Que sias d'eicito près, d'un bourg noumat Poussan ;
Bessai l'avès quittât que n'erias qu'un enfan? >
J. CŒUR
Non, je suis du Berry : Bourges est ma patrie.
Mais j'ai longtemps couru. Si, d'après mon envie.
Je viens jamais à bout de tout concilier
Je fixe mon séjour. . . .
JEAN
Où donc?
J. CŒUR
»
AMontpellier.
J'aime ses habitants. Ils ont de quoi me plaire. |
184 DIALESCTES MODERNBS
Air : — Avec Les jeux dans le viUage.
Je trouve dans leur 'caractère
Une agréable aménité ;
Dans leur cœur, amitié sincère ;
Dans leur esprit, vivacité.
Gaîté, plaisir, travail, science.
Ils savent tout concilier.
Oui, par goût et par confiance.
Mon cœur s'attache à Montpellier.
JBAN
Même air
leu que chérisse leis filhetos,
Demori tout embalausi ;
Quand vesi que soun graciousetos,
Moun couer se n'entrovo sèsi.
. Lou plèsir que leis acoumpagno
Me fa naisse uno fantasiè :
Se fôu lou chouès d'uno coumpagno,
La voli prene à Mounpelhè.
Mais le temps fuit ; il faut songer à notre affaire.
(Il sort)
SCÈNE n
JACQUES CŒUR, seul
Sonenjoûmentme charme, il est toujours content.
Moi, j'éprouve en mon cœur certain pressentiment
Qui ne me permet pas d'être un instant tranquille .
J'use de mon pouvoir en faveur de la ville.
Et je vois cependant des esprits prévenus
Interpréter à mal mes vœux trop méconnus.
Ce ridicule bruit m'inquiète, m'agite ;
Pour des riens fort souvent le vulgaire s'irrite. . . .
LA pOtîT PUTAJîEjLLA 1«5
Quoi ! pratiquant le bien, servant Thumanité,
Devrais-je encor m^attendre à quelque adversité?
Non, non, ma crainte est vaine et je dois, au contraire,
Attendre un heureux fruit du bien que je veux faire.
Ces habitants sont bons, et de tous mes moyens
Il m'est doux d'être utile à mes concitoyens.
Air: des Bonnes Gens
Je veux de ma puissance
Retirer de bons effets.
La meilleure alliance
Vient des heureux qu'on a faits.
Est-il de plus douce ivresse
Et des plaisirs plus piquants
Que d'obtenir la tendresse
Et l'amour des bonnes gens?
Voici ces bonnes gens.
SCÈNE m
J. CŒUR, COUCARBLLE, ANGBLB, NICOLAS
COUCARELLE, àsafiUe
Ma âlha, anèn, courage !
ANOÈLE
Ma mèra, parlas, vous ; aco sera pu sage.
COUCARELLE
Acoumença toujour.
ANGÉLE
E dequeli dirai?
COUCARELLE
Acoumença, te dise, e pioi t'ajudarai.
(Elles ae consultent)
186 DIALECTES MODERNES
J. CŒUR
Approchez, mes amis; qu'avez-vous à me dire?
D'où vient votre embarras? quel motif vous l'inspire?
Rassurez-vous, parlez.
AN6ÈLE, Intimidée
Moussu ! sen ben fâchas. . .
J. CŒUR
Fâchés ! et de quoi donc ?
COUCARBLLE
Nostre mestre ! excusas . .
N'aven fossa regrets, segu ! poudes ou creire ;
Mais fau que vous quitèn .
J. COEUR
Me quitter!
COUCARBLLE
Devès veire
Que noun costa belcop ; mais la nécessitât
N'oublidarèn jamai. Moussu, vostra bountat.
J . CŒUR
Quelles sont vos raisons? Avez- vous à vous plaindre?
Angèle, mon enfant, viens, parle-moi sans feindre.
Tu sais qu'à tes amours je veux m'intéresser,
Et me quitter ainsi, ce serait m'offenser.
De quoi te plains-tu donc ?
ANGÈLE
leu, n'ai be prou de pena;
Mes ma mèra coumanda, es ela que m'emmena.
J . CŒUR, à la mère
Quels sont donc ces motifs? Parlez-moi franchement :
Avez-vous un sujet de mécontentement?
LA PONT PUTANBLLA 187
COUCARELLE
Aco's un grand hounou d'estre à vostre service
A contra-cor, anfin, me fau lou sacrifice .
J. CŒUR
Ceci cache un dessein que je crois entrevoir.
Parlez, je vous Fordonne, et je veux tout savoir !
Vous hésitez ! (A la mie) Dis-moi ce qui porte ta mère
A me quitter ainsi ? Réponds, et sois sincère.
Ne crains rien, je suis prêt à te justifier.
ANGÈLE
Vousfacharès pas?
J. CŒUR
Non.
ANGÈLE
Crei que ses un sourciè.
leu ne crese pas res, car ses trop résounable ;
E moussu Jan m'a dich qu'aco n'es pas cro niable.
J. CŒUR
Il t'a bien dit, ma fille, et c'est la vérité.
k part)
^ faut rire, en effet, de leur simplicité.
COUCARELLE, surprise
M'aviè dich autramen.
' J. CŒUR
1
[ Ecoutez , bonne femme :
j Chassez ce vain souci qui tourmente votre âme ;
Que la raison Téclaire, et vous verrez fort bien
Q'Jede ce qu'on suppose il ne peut être rien.
188 DIALBCTE8 MODBRN£S
Tous ces malins esprits ne sont que des chimères;
Lies contes qu^on en fait sont tous imag^inaires.
Propres à révolter le simple sens commun.
Des démons ! Qui peut dire en avoir vu quelqu^on?
Si vous êtes surpris des biens dont je dispose.
Je peux facilement vous en montrer la cause :
Je les tiens du travail. Mon commerce s^étend
De tous ces environs jusque dans le Levant ;
Mes soins chez Tétranger grossissent ma fortune :
A tous les commerçants cette route est commune.
Ignorez- vous encor, pour tout justifier.
Que Charles, notre ami, m'a fait son argentier?
Croirez-vous maintenant à la sorcellerie?
(Drffc)
Est-ce par sortilège? Est-ce une diablerie?
COUCARELLE
Ai, Moussu! perdounas escusas moun errou.
AN6ÈLB
leu vous Faviei be dich ! per àra, creses-ou.
J. CŒUR
N'en parlons plus ; il faut maintenant, bonne mère,
Sur un point principal éclaircir cette 'affaire .
Qui vous a suggéré ces perfides soupçons?
COUCARELLE hésite
Moussu !
J. CŒUR
lii
Pour le savoir j'ai de bonnes raison i
C'est Croc, je le parie.
COUCARELLE
Aco's ben vrai.
LA FONT PUTANELLA 189
J. CŒUR
Le traître!
Je vais en peu de mots vous le faire connaître :
Il aime votre fille, et, pour avoir sa main.
Le fourbe a fabriqué cet indigne dessein.
Jean, qui veut le punir de m' avoir fait injure.
Devant vous quelque temps a grossi Timposture .
Mais Croc aura son tour, (a Angèie) Convenons, entre nous,
Qu'un méchant n'est pas fait pour être ton époux.
Ma fille, sois tranquille, oui, tu seras contente.
Approche, Nicolas; épouse ton amante.
Vous recevrez la dot comme il est arrêté .
NICOLAS, transporté
Mossie ! ze suis confeu. , . de. . . pour. . . votre bonté. . .
Pour bous. . . mon cur. . . touzour. . . de la reconnaissance.
(A part)
Aco's ben replicat !
J . CŒUR
J'entends cette éloquence. . .
Voici Croc . . . taisez-vous, rions à ses dépens .
SCENE, IV
LES PRÉCÉDENTS, CROC
CROC, à part, avec trouble
Que vois-je? et d'où provient ce changement de temps ?
La vieille aura parlé, peste de la bavarde !
J. CŒUR
D'un œil un peu troublé monsieur Croc nous regarde ;
A-t-il quelque secret à nous communiquer ?
Nous fait-il ses adieux ?... Qu'il daigne s'expliquer.
190 DIALECTES MODERNES
CROC
Seigneur, un tel discours a lieu de me surprendre.
Moi, vous quitter ! pourquoi ? Je ne le puis comprendre.
J. CŒUR
Vous savez cependant que Coucarelle part.
Vous voulez, je le sais, courir même hasard ;
Elle me quitte enfin, et vous voulez la suivre.
CROC, confas
Auprès de vous. Seigneur, j'avais compté de vivre,
Et vous me renvoyez !
J. CŒUR
Vous avez résolu
De sortir ; moi, je veux tout ce qu'on a voulu.
N'espérez pas du moins de m'enlever Angèle :
J'en suis fâché pour vous, ici j'ai besoin d'elle.
CROC, bas à Coucarelle, qu'il menace
Oh ! VOUS m'avez trahi, malheureuse I
COUCARELLE
Escoutas !
Quauquas fes lous troumpurs soun lous premiès troumpas ;
N'en pode pas de mai.
ANGÈLE à Nicolas
Veja ! quanta grimaça !
NICOLAS
Es près dins sous filats ; bada couma una agaça !
J. CŒUR
Eh bien ! de tout ceci qu'aura-t-on décidé ?
LA PONT PUTANBLLA 191
Ce départ qu'on demande est-il donc retardé ?
La nuit est favorable à la sorcellerie,
Et vous pouvez risquer...
CROC
A mon étourderie
Faites grâce, Seigneur ; vous m'en voyez confus.
J. CŒUR
Et les malins esprits, vous ne les craignez plus?
CROC
Pardon, Seigneur, pardon ! Tamour fait mon excuse,
Et je ne croyais point. . .
J. CŒUR
Cette méchante ruse
Pouvait par son succès faire des malheureux.
Doit-on être méchant quand on est amoureux?
NICOLAS
Escoutas, moussu Croc, ce que dis la sourneta
Que canta la nourissa à soun enfan que teta.
Air : Tons un curé patriote
Lou reinar à la galina
Disiè : « Sourtis de toun tràu ;
N'ajes pas pôu, ma vésina,
Vole pas te faire mau. »
La galina li respon :
« Pode pas que fau quicon.
Grand-mecis
De Tavis !
Visitas d'autres vesis ;
Per nautres, vous avèn prou vis »
(On rit aux dépens de Oroo, qai enrage)
192 DIAJiEGTBS MODBRNBS
J. CŒUR
C'est assez plaisanter, (a Nicolas) Retournez à Fouvrage.
(A Croc)
Et VOUS, que la leçon serve à vous rendre sage.
(Ils sortent, se moquant de Croc, qni se dépite. <— Jean arrive du c6té opposé)
SCÈNE V
J. CŒUR, JEAN
J. CŒUR
Que n'étais-tu présent pour rire comme moi !
Croc est humilié.... Mais qu'as-tu donc?
JEAN, inquiet
Ma foi !
J'ai de l'inquiétude ; éventrez cette lettre.
De la part des consuls on vient de la remettre ;
On la dit très-pressante et pour un grand objet.
J. CŒUR
Donne, dans un instant nous saurons ce que c'est.
(U ut la lettre)
JEAN, impatient
Qu'en dites-vous, Seigneur? A quoi dois-je m' attendre ?
J. CŒUR
11 faut chez les consuls incontinent me rendre.
JEAN
Puis-je savoir pourquoi?
J. CŒUR
L'ordre ne le dit pas,
Lis (Jean lit)
LA FONT PUTANBIiLA 193
JEAN
Que peuvent de vous vouloir les magistrats ?
J. CŒUR
Je rignore.
JEAN
Seigneur, permettez que sans feinte
Je vous découvre ici le motif de ma crainte.
Quelque trouble nouveau doit agiter la cour ;
Les envieux pourraient vous jouer quelque tour.
La mort d'Agnès Sorel est encore un mystère,
Et Charles irrité déguise sa colère.
Vous connaissez sa haine au sujet du Dauphin,
Qui forme avec Charlotte un hymen clandestin !
Vous êtes soupçonné d'approuver sa conduite :
Prévenez le dessein que peut-être on médite.
Payons, il en est temps.
J. CŒUR
Que viens-tu proposer ?
Je brave les méchants ! Que peuvent-ils oser ?
^es faits démentiront les torts que Ton m'impute.
JEAN
L'honnête homme est connu parfois après sa chute.
Evitez, croyez-moi, tout fâcheux embarras ;
La fuite à mon avis est utile en ce cas .
J. CŒUR
^on, je ne fuirai point, j'en donne ma parole ;
Elle ne fut jamais ni vaine ni frivole.
Je suis exempt de blâme, aussi je ne crains rien,
'^ois en paix à ton tour, cessons cet entretien,
^elon l'événement je saurai me conduire.
194 DlÂLEo-TfiS MODERNES
LES PRECEDENTS* CROC
CROC
L'envoyé des consuls me charge de vous dire
Qu'il attend la réponse.
J. CŒUR
Allez ! il n'en faut pas.
Dites au messager que je vais sur ses pas.
Et qu'il peut aux consuls annoncer ma présence.
(Croc se retire)
SCÈNE VII
J. CŒUR, JEAN
JEAN
Je ne peux qu'admirer votre noble assurance ;
Mais malgré moi le trouble est au fond de mon cœur.
J. CŒUR
Je ne reconnais plus mon brave serviteur.
Quoi 1 la crainte t'obsède et la gaîté te laisse !
C'est manquer de courage et montrer de faiblesse.
Que peut-il m' arriver de fâcheux désormais?
JEAN
Je|ne crains contre vous que des pièges secrets.
Allez donc, s'il le faut ; mais, en cas d'injustice,
Je vais, en votre absence, user d'un artifice
Qui pourra déjouer les complots des pervers :
Je veux faire ferrer nos chevaux à l'envers.
Je ne vous quitte plus, et nous prendrons la fuite :
Ce moyen rendra nul l'efifet de la poursuite.
J. CŒUR, souriant
Eh ! d'où l'as-tu tiré, celui-là?
LA PONT PUTANELLA 195
JEAN
Pour vos jours,
Mon esprit inventif aura mille détours.
J. CŒUR
Rassure-toi, mon cher ; espère que ton maître
Dans ces lieux, sans danger, va bientôt reparaître.
Air : de la Monaco
Songe à la fête :
Dans ce moment.
Bannis le trouble de ta tête.
Songe à la fête :
Dans ce moment.
Pense au plaisir qui nous attend.
JEAN
Je songe à prévenir Torage
Qui contre votis peut éclater.
Par la prudence et le courage,
On vient à bout de l'éviter.
Ensemble
J. CŒUR JEAN
Songe à la fête : Non, point de fête :
Dans ce moment. Dans ce moment,
bannis le trouble de ta tête. Un autre objet remplit ma tête.
Songe à la fête : Non, point de fête :
Dans ce moment, Dans ce moment,
Pense au plaisir qui nous II est un point plus important.
[attend.]
PIN DU DEUXIÈME ACTE
A suiwe )
BIBLIOGRAPHIE
Notice sur six maaascrits de la Bibliothèque nationale, contenant le
texte de Geoffroi de Ville-Hardouin (Entrait du t. XXIV, 2« partie,
des Notices des manuscrits de la Bibliothèque nationcUe ) . — La Con-
quête de Gonstantinople, par Geoffroi de Ville-Hardouin, avec la
continuation de Henri de Valenciennes, texte original, accompagné
d'une traduction par M. Natalis de Wailly, membre de Tlnstitut.
Le texte de Ville-Hardouin a été édité à différentes reprises, et
par des savants d'une incontestable compétence, par Ducange,
do m Brial, Buchon et M. Paulin Paris. Il semblait donc qu'après
eux, une réédition de notre vieil historien fût tout à fait superflue.
Mais le désaccord des deux derniers éditeurs, qui ne s'entendaient
même pas sur la valeur des manuscrits, indiquait suffisamment
qu'il y avait encore quelque chose à faire; d'un autre côté, à l'épo-
que où ils s'étaient mis à Pœuvre, la science philologique n'était
pas mûre en France pour la restitution des formes dialectales de
nos anciens textes. Il y avait donc place pour un nouvel éditeur.
M. Natalis deWailly, que ses travaux sur Joinville avaient on
ne peut mieux préparé pour une entreprise de ce genre, a repris
en sous-œuvre les matériaux déjà utilisés, et s'est efforcé de donner,
autant que cela était possible avec les moyens dont il disposait,
une édition définitive de Ville-Hardouin, une édition qu'un succes-
seur pût améliorer ou compléter, mais dont il ne pût changer la
base ni modifier le plan.
Disons tout d'abord qu'il y a pleinement réussi. On peut en ju-
ger en lisant sa Notice sur six manuscrits contenant le texte de
Geoffroi de Ville-Hardouïn, Dans ce travail préliminaire, destiné à
ceux qui voudraient un jour s'occuper d'une autre édition ou con-
trôler la sienne, il commence par traiter du classement des ma-
nuscrits par familles, puis du rapport et de la filiation de ces fa-
milles. Il présente ensuite deux séries d'observations, portant les
unes sur le fond du texte, les autres sur l'orthographe, et pose
ainsi les assises solides et véritablement indestructibles du mo-
nument qu'il veut élever au père de notre histoire.
Il a collationné les six manuscrits depuis le premier mot jusqu'au
dernier, et le résultat de ses laborieuses recherches a été qu'un
BIBLlQaHAPHip 197
de ces manuscrits, qu'il désigne par la lettre A, écrit dans le
deuxième tiers du XIV* siècle, à Venise, est le représentant le
plus direct du manuscrit original, et que les autres appartiennent
à des familles secondaires.
Partant de là, il a tâché de reconnaître jusqu'à quel point l'or-
thographe a pu être altérée par l'ignorance et par la prononciation
du sciibe vénitien ; besogne délicate, où la conjecture doit être à
la fois hardie et prudente. Grâce à cette sûreté de tact qu'on
n'acquiert qu'à la longue, dans la fréquentation soutenue des ma-
nuscrits, et qui s'était développée chez lui à l'occasion de ses études
sur Joinville, il a pu déterminer, avec une rare précision, la part
qu'il fallait faire à l'intervention du copiste. Il prouve que c'était un
homme consciencieux, qui n'a jamais modifié son texte de propos
délibéré; qui s'est appliqué, au contraire, à le reproduire tel quel,
même quand il ne le comprenait pas, préservé qu'il était contre
toute tentation de rajeunissement par son peu d'habitude de la
langue d'oïl.
Néanmoins, M. de Wailly s'est bien gardé de recourir exclusi-
vement au ms. A : il l'a complété et, dans une certaine mesure,
contrôlé avec les manuscrits des autres familles.
Les procédés qu'il a suivis pour la restauration orthographique
sont aussi sûrs que ceux qu'il a appliqués à la restauration du
texte, où il lui a fallu combler bien des lacunes, élaguer bien dos
interpolations. Cependant, sur un point de déclinaison, il me soni-
lile avoir conclu incomplètement ou trop vite.
Il a remarqué (p. 136), relativement à l'emploi du mot genl
(gens-genlis), que le ms. A l'écrit onze fois gens, au nominatif sin-
gulier, et vingt-sept fois ^m/. Il regarde cet emploi plus fréquent
(le genl comme une faute imputable au copiste, et qu'il faut cor-
riger. Je crois, au contraire, que, dans ce cas comme dans les au-
tres, le copiste du ms. A a reproduit ou cherché à reproduire
ûdèlement les habitudes de l'original qfi'il avait sous les yeux
.l'ai remarqué, en elîet, que dans les textes écrits antérieurenienl
à la seconde moitié du Xille siècle, les féminins à terminaison
masculine prenaient ou ne prenaient pas ïs finale au noiniiialif
singulier, et que la chute de cette lettre se reproduisait plus sou-
vent à mesure qu'on remontait dans le passé. 11 régnait à cet
égard, comme à bien d'autres, une tolérance vouluiî et dont on
avait parfaitement conscience.
198 BIBLIOGRAPHIE
Gela se conçoit, si l'on se reporte à l'origine des mots féminins
à terminaison masculine. Ils ne s'étaient pas formés directement
du nominatif lalin, comme la plupart des masculins, mais de
l'accusatif. De là une véritable répugnance à joindre la finale s à
l'accusatif latin; de là cette habitude d'affecter la forme du cas
oblique au nominatif singulier des mots, comme : bontetf vertui,
maison. On en trouve partout des traces dans les textes archaïques,
notamment dans la Chanson de saint Alexis^ où M. Conrad Hofman
avait eu la fâcheuse idée de rétablir partout Vs du nominatif ; faute
que M . Gaston Paris n'avait pas remarquée lorsqu'il rendit compte
de cette édition de la Chanson de saint Alexis {Revue critique, 1868,
p. 105), mais qu'il s'est bien gardé de commettre dans son édition
complète du même poème.
Pour en revenir au mot gent, on doit remarquer qu'étant mono-
syllabique, il pourrait se dériver du nominatif gens aussi bien que
do l'accusatif gentem. Mais, comme les autres noms féminins à
terminaison masculine, dérivés de l'accusatif, sont infiniment plus
nombreux, il a été le plus souvent soumis à la règle commune.
Voilà pourquoi, dans le ms. A, gent est plus employé au nomi-
natif singulier que gens.
Je crois cependant que de nouvelles recherches ne seraient pas
superflues. Pour régler d'une manière définitive l'emploi de ce
mot dans Ville-Hardouin, il faudrait relever dans un certain nom-
bre de paragraphes, pris au hasard, tous les noms féminins à termi-
naison masculine qui sont au sujet singulier, et les diviser en deux
catégories. La première comprendrait les noms de plus d'une syl-
labe, comme veriut, boniet, maison ; les seconds, les noms mono-
syllabiques, comme /în, 7iuit. Puis on compterait combien de fois
l'^du nominatif est restée ou a disparu. Si l'emploi de cette lettre
était constant, les conclusions de M. de Wailly devraient être
adoptées ; s'il était intermittent, il faudrait se conformer à la loi de
tolérance et conserver fidèlement l'orthographe du manuscrit.
Je conjecture que les monosyllabes, comme /în, nuit, devaient
avoir 1'^ finale plus souvent que les polysyllabes ; parce que, comme
je l'ai déjà dit, ils peuvent se dériver du nominatif latin, aussi bien
que de l'accusatif. Je ne parle pas des monosyllabes comme voiz,
croiz : ceux-là conservaient le z équivalent du c doux de leur
radical latin, même au cas oblique, à plus forte raison au nomi-
natif.
BIBLIOGRAPHIE 199
11 reste maintenant à parler de l'édition même de la Conquête de
Constantinople. Comme au point de vue philologique, le seul dont
j'aie à me préoccuper ici, elle n'est que le complément nécessaire de
la Notice, je n'en dirai que quelques mots.
Elle a été publiée parla librairie Didot, avec beaucoup de soin, de
luxe et de goût. Le texte, reconstitué d'après les procédés dont il
vient d'être rendu compte, est accompagné d'une traduction et en-
richi de variantes extraites des différents manuscrits. Après le
récit de Ville- Hardouin viennent V Histoire de V empereur Henri, qui
en est la suite naturelle, et un Extrait de la compilation de Baudouin
d'Avesnes. Deux tables, l'une des formes dialectales, l'autre des
noms propres, et une excellente carte, complètent cette belle publi-
cation .
Ajoutons aussi, pour les bibliophiles, que les en-têtes des chapi-
tres et les culs-de-lampe sont formés de vignettes empruntées à des
mss. contemporains de Viile-Hardouin.
A. B.
PÉRIODIQUES
Homania.l, 3. — P. 273. Cr. Paris, la Vie de saint Léger, texte
revu sur le ms. de Clermont-Ferrand. Gomme nous avons sur
plusieurs points, et sur des points essentiels, des idées opposées à
celles de l'auteur, nous renvoyons à plus tard Texamen de son im-
portant travail. Disons tout de suite que son texte est infiniment
meilleur que celui de son prédécesseur Ghampollion-Figeac. La
disposition typographique est excellente . Str. 4, f. Don Deu servier
por bona fied. M. G. P. lit serviei (serviebat); lisez, avec M. Gha-
baneau, serviet (serviat). — P. 318, d'Arbois de Jubainville, la
Phonétique latine de Cépoque mérovingienne et la Phonétique fran-
çaise du XJ* siècle dans le Saint-Alexis. Les conclusions de cet arti-
cle ne sont pas toujours faciles à saisir. On y reconnaît une
grande habitude du latin mérovingien, que Pauteur rapproche avec
raison du français archaïque. — P. 328. Fr. Bonnardot, Docu-
ment en patois lorrain, relatif à la guerre entre le comte de Bar et le
duc de Lormn« (1337-1338). Les documents de cette sorte sont
d'autant plus intéressants qu*ils sont plus rares. Ils viennent à
l'appui de la thèse ou, pour parler plus exactement, de l'hypo-
tlièse repoussée par M. P. Meyer, et que pour ma part j'admets,
de la coexistence des patois et des dialectes. Les premiers consti-
tituaient, comme aujourd'hui, la langue parlée ou rarement écrite
des illettrés; les seconds, la langue écrite et littéraire des différentes
provinces. Les patois actuels ne sont pas les restes des anciens dia-
lectes, mais la continuation plus ou moins altérée des anciens patois.
Les textes édités par M. Fr. B. sont précédés d'une étude phonétique
instructive, mais qui le serait plus encore si la prononciation ac-
tuelle des paysans du Barrois était indiquée régulièrement, et non
accidentellement, à côté des différentes combinaisons orthographi-
ques dont il rend compte. — P. 352. V. Smith, Germine, la Porche-
ronnCy chansons foréziennes. — P. 360. Mélanges. A. Darmsteter,
Philippus =i os-lampadis . — P. 363. G. P., Un£ épître française de
saint Etienne, copiée en Languedoc, au XJIh siècle. M. G. P. prouve,
d'après plusieurs indices, et principalement par le rapport des rimes,
que cette pièce est une transcription en langue d*oc d'un original
écrit en langue d'oïl. — P. 364. P. M , les Vers de la mort d'Hélinand.
PEKIODIQIJES m
L'attribution de cette pièce à Hélinand, conjectiirée par Loisel et
Fauchet, est confirmée par M. P. M — P. 367. Léopold Pannier,
le Livre des cent ballades et la Réponse du bâtard de Coucy. M. L. P.
complète le Livre des cent ballades, du marquis de Queux de Saint-
Hilaire, en publiant une treizième ballade qui manquait à ce re-
cueil, et en donnant une nouvelle édition de la douzième. — P.
373. G. P., Une romance espagnole, écrite en France, au XV^ siècle. —
P. 379. Comptes rendus, — P. 393. Périodiques, — P. 400. Chro-
nique,
A. B.
Romania. I, 4. — P. 401. P. Meyer, Mélanges de littérature pro-
vençale. C'est la première partie d'une série de documents inédits ,
écrits en ancien provençal. M. P. M. pense, avec raison, qu'on doit
recueillir tous les textes inédits du même genre, même les plus
médiocres, car Thistoire «le la langue peut en tirer grand profit. Il
adresse un appel en ce sens aux chercheurs du Midi, et leur re-
commande spécialement les couvertures de parchemin des anciens
registres, et plus spécialement encore « les archives des notaires,
qui, dans le Midi, sont souvent très-riches. » — P. 420. Le même, le
Bestiaire de Gervaise, traduction en vers octosyllabiques d'un orif];i-
nal latin trouvé dans « l'armoire » de Barbery, abbaye du diocèse
de Bayeux. L'auteur, Gervaise, probablement curé de Fontenai,
vivait au commencement du Xllle siècle, et le copiste auquel nous
devons ce texte écrivait dans la seconde moitié du même siècle.
Les traces du dialecte normand sont visibles, malgré l'interven-
tion inconsciente du copiste, que M. P. M. croit originaire de
Champagne ou de Lorraine. M. P. M. a respecté son texte et n'y
a introduit que les corrections indispensables, tout en signalant
les leçons fautives. Système de beaucoup le meilleur. Voici quel-
ques observations que m'a suggérées cette lecture :
(v. 185j Quant Jhesu Crist fu sool^z
Des gas es vies et lassez.
M. P. M. corrige « Des gas as Juïs. » Pourquoi ne pas laisser es,
comme au vers 884 : Kl es crestiens se torna, et ne pas lire Jués"^
11 est vrai que Ju'is,et non Jués. se trouve bien certainement au vers
881 ; mais la coexistence de ces doubles formes n'est pas rare dans
les textes de cotte époque .
i v. 317) Et quant il se sont endormi[sj
Meintenant les ont a5alJi[s] .
202 PERIODIQUES
De ces deux corrections, la seconde n*est pas nécessaire, et la
première est fautive. En effet, l'ancienne langue préférait, mais n'im-
posait pas l'accord du participe passé avec son complément direct
(V. N. de Wailly, Mémoire sur la langue de JoinviUe, p. 45). D'un
autre côté, elle n'autorisait presque jamais l'accord du pronom
régime et du participe passé, dans les verbes réQéchig. Ces verbes
étaient considérés comme les équivalents du passif ou du neutre
latin, et le participe s'accordait avec le sujet, comme en latin. On
écrivait : t^ se fait humbles^ au singulier ; il se fait humble, au pluriel,
(v. 505) Et la tierce est de dragons
Qui sunt félon et verimous.
M. P. M . propose de corriger en
Qui sont verimous et félons.
La correction est bonne, mais l'^ de félons est évidemment là par
inadvertance.
(v. 709) Quant deables le ha lacié
Et il sunt de pechié chargié.
M. P. M. propose les ha laciés, mais avec doute, parce que la
rime cesserait d'être exacte. On peut faire deux objections. La
première est que l'auteur ou le copiste ne se préoccupait pas outre
mesure de la rime orthographique, comme le prouvent les rimes sui-
vantes: confession, poons (v. 591-592); puissons, confession{v. 727-728);
abalu, descendus (v. 737-738); conf ors, mort, (v. 1095-i096). La se-
conde est, ainsi que j'ai eu occasion de le remarquer tout à l'heure,
que l'ancienne langue n'exigeait pas que le participe passé s'ac —
cprdât toujours avec son complément direct. Au v. 764, ne £aat-i
pas lire chnscun (s),
Ghascun prend 1 grain si l'emporte ?
et au v. 1020, H félon juï au lieu de H félon juïs? — G. Joret, p. 444 ,
loi des finales en espagnol. Dissertation faite avec soin. —P. 457-
P. Paris, de VOrigine et du développement des romans de la Table-Ronde^
— Le Saint-Graal. Première partie d'une étude importante. On y
trouve indiquées « les premières sources religieuses d*où découlent
les romans de la TabJe-Ronde. Il n'est plus permis de voir chez les
auteurs de ces fameuses compilations une intention suivie d'élever
l'Église sur les ruines de la Chevalerie, ou la Chevalerie sur les
ruines de l'Église. Les Templiers, les Albigeois, n'ont rien à faire
avec le Saint-Graal, libre développement d'une légende monas-
PERIODIQUES 203
tique que le roi Henri II crut devoir favoriser dans Tintérêt de
sa politique, et que Gautier Map, répondant assez mal aux pre-
mières intentions du prince, prit pour point de départ de ses
doctes souvenirs et de ses inventions tour à tour mystiques, en-
jouées, substiles. » Telles sont les conclusions de M. P.P. A la
fin de son alinéa VII, qui est quelque peu un hors-d'œuvre, mais
un hors-d'œuvre intéressant, où il nous présente un tableau très-
exact de la vie intellectuelle et littéraire au moyen âge, il ob-
serve que, « par un curieux contraste avec ce qu'on voit aujour-
d'hui, les prédicateurs, tenant àparaître aussi étrangers que possible
à ce qui se passait dans le monde, no daubaient d'ordinaire, quand
ils prêchaient en latin, que sur les désordres des gens d'église;
tandis qu'aujourd'hui les gens d'église sont seuls épargnés dans les
invectives des prédicateurs. De là, de fréquentes méprises chez les
moralistes modernes, qui attachent trop d'importance à ces invectives
pieusement exagérées, et pour ainsi dire exclusives. » M. P. P. a
raison de no pas tirer de ce fait les mêmes conséquences que
certains modernes contre la moralité du clergé au moyen âge ;
mais l'explication qu'il en donne me paraît insuffisante. Si les pré-
dicateurs en agissaient ainsi à l'égard des gens d'église, c'est que
le latin n'était lu et entendu que d'eux seuls, et qu'ils pou-
vaient, à la faveur de cette langue, leur parler en toute liberté
sans craindre le scandale. C'était une espèce de prédication ésotê-
rique, car il va sans dire qu'on n'entretenait pas en latin le commun
des fidèles, quoi qu'en ait dit Génin à propos du Fragment de
Valendennes, — P. 483. Joca monachormn. Curieux échantillon de
bas latin, sur lequel je reviendrai plus tard. — P. 490. J. Slorm,ùty-
mologie de trop^ troupe, troupeau. — P. 492. A. Mussafîa, Compte
rendu de l'opuscule de M. (\!OVu\\o sulV Origine delV unica forma
flessionale del nome italiano. — -P. 500. Analyse de différents pério-
diques. La Revue des langues romanes n'y est pas oubliée.
A. B.
CHRONIQUE
Le bureau de la Société pour V élude des Langues romanes a été
ainsi modifié : MM. le docteur Espagne, professeur agrégé à la
Faculté de médecine, président; Octavien Bringuier, vice -président.
*♦*
Nous remercions le Journal des savants du compte rendu exact
et bionveillanl: qu'il a consacré à la Société et à la Revive des Lan-
gues romanes, dans le numéro de 1872.
La Société reçoit actuellement, par voie d'échange, les périodiques
suivants : la Romania, — la Ricisla de filologia romanza, — il Propu-
gnatore, — la Revisla de Archivas, Ribliolecas y Musem, — la Renaxeiua,
— Rèvisla Dakar, — The Academy, — Revue de linguistique , — Polyhi-
blion, — Revue de Gascogne, — A nnana prouvençau, — Bulletin de la
Société archéologique de Béziers, — id. d^AngouUme, — de la Société
statistique, sciences et Icllres des Deux-Sèvres, — A cadémie de la Val
d^ Isère, — id. de C 1er mont- Fer r and, etc.
Ils sont tenus à la disposition du public, ainsi que tous les
autres livres appartenant à la Société, à la bibliothèque du
Musée Fabre.
GoNiiouRs DK POÉSIE PRovKNÇALE. — Ou Sait que, grâce à une idée
aussi clirôLienno que patriotique, sur la montagne Ste- Victoire
{Santo-Ventùri}^ \)v(}s d'Aix, surgit à cotte heure la ^roia? de Pro-
vence ^ colossal monument, digne du piédestal gigantesque qui le
supporte.
Acte de foi et d'espérance, conçu au sein de nos récents malheurs,
ce signe de salut domine et bénit de ses bras étendus toute notre
contrée. Il s'élève déjà à neuf mètres au-dessus de ces hautes cimes,
dont le nom d'heureux augure semble promettre des jours plus
fortunés à notre pays redevenu chrétien. N'est-ce pas là, en effet,
que Marius écrasa, le premier, les féroces Teutons, Deulsch prussiens
qui s'essayaient déjà, il y a deux mille ans, à l'invasion de la
France, et dont la barbarie ne s'est point adoucie depuis?
Bientôt sera terminée et montera vers les cieiix cette prière de
pierre, étendant sans cesse, comme jadis Moïse, ses bras suppliants
pour le triomphe de son peuple et sa conversion, qui, seule, l'assu-
rera à jamais. Avec le concours de généreux bienfaiteurs et des
populations qui vivent sous son ombre, l'œuvre marche d'un pas
rapide, et le jour de sa fête prochaine, le 24 juin, en verra sans doute
le couronnement.
CHKONIQUH 205
Sur la base carrée, une large place est réservée à quatre épigra-
phes, rédigées en nos quatre langues. Car, si Varron, il y a vingt
siècles, appelait déjà les Provençaux trilingues, il pourrait aujour-
d'hui ajouter à notre compte un quatrième idiome, que nous avon^
gagné depuis 1481. Ainsi que le désirait le Psalmiste, toutes ces
langues vont louer le Seigneur, chanter sa croix triomphante. Leur
emploi rappellera en même temps toutes les phases de notre his-
toire : la colonisation grecque, la conquête romaine, l'annexion
française, et, survivant à toutes ces transformations, la Provence
toujours ieune, vive et alerte, chrétienne, gardant ses mœurs, sa
foi, son doux parler : Piou! Pïou! toujours vioul comme son pro-
verbe le dit si bien.
La face qui regarde Marseille, l'antique fille de Phocée, recevra
une inscription rédigée dans Tharmonieux langage de l'ionie.
Du côté de Rome, patrie de nos premiers vainqueurs et siège
de notre sainte Eglise, inscription latine.
Vers Paris, la moderne capitale, inscription en français, la lan-
gue de nos derniers maîtres.
Enfin, le côté qui est tourné vers Aix, vieille capitale du pays,
est destinée une inscription en provençal.
Obéissant à une excellente inspiration, que Ton aimerait voir
naître plus souvent, les promoteurs de l'œuvre ont voulu mettre
cette dernière au concours. En voici les conditions, pour ceux de
nos lecteurs — etlectrices — qui désireraient y prenare part, ce à
quoi nous ne saurions trop les inviter.
On est libre d'adopter la prose ou la forme poétique. Le nombre
de vers ne doit pas dépasser quatorze, mais pourra être moindre,
ce qui donne toute facilité pour l'emploi de tous les rhythmes, qua-
train, sixain, octave, sonnet, etc.
Les manuscrits devront être écrits lisiblement. Ils doivent par-
yrenÏT franco, avant le 1" mai 1873, à M. le chanoine Emery, curé
de Saint-Jérôme, à Aix(B.-du-R.), membre du jury du concours.
Xe nom et l'adresse de l'auteur devront être renfermés dans un pli
cacheté, portant une épigraphe qui se répétera en tête de la pièce.
Lie pli ne sera ouvert qu'après la décision du jury.
Le lauréat recevra une médaille en vermeil, et, — ce qui estlwen
préférable, — il aura la gloire de voir ses vers gravés sur le monu-
ment national qui domine la Provence tout entière. Une médaille
«n argent et deux en bronze seront décernées comme second prix
«t mentions honorables.
Le jury sera composé des représentants des cinq départements
«ctuels de la Provence : Bouches-du-Rhône, Vaucluse, Basses-
.Alpes, Alpes-Maritimes et Var.
Après le concours, un volume sera publié, contenant toutes les
pièces qui auront été envoyées.
Nous ne pouvons qu'engager tous les nombreux poètes qui floris-
«ent dans notre patrie, et qui cultivent notre belle langue, à pren-
dre part à ce tournoi poétique, par des vers dignes d'eux et de Pidée
€5ui a fait surgir la Oroix de Provence dans les airs.
Nous aimons à croire que la muse des Foulquet (de Marseille),
^esBoniface (de Casiellane), des Albert (de Sisteron), des Rainol
C^'Aptj et du Monge (des lles-d'Or), la muse des troubadours et des
«élibres, saura trouver encore des accents dignes d'elle, dignes du
k«au sujet auquel on la convie.
14
206 CHRONIQUE
Nous ne saurions torminor ces quelques lignes sans adresser à
nos lecteurs un appel en faveur de VOÉuvre de la Croix de Provence,
œuvre qui doit leur être sympathique entre toutes, puisque Tamour
du pays et celui de la religion s'y rencontrent admirablenaent unis,
comme ils devraient toujours faire. On est bientôt à bout de res-
sources lorsqu'il faut monter à 1,000 mètres d'altitude tout, abso-
lument tout : sable, eau, pierre, chaux, etc., et cela à dos de mulet,
seule voie praticable sur ces hauteurs. Au point où les bras et le
fût de la croix se rencontrent, un grand cœur de bronze sera placé.
C'est là que seront renfermés et conservés les noms de tous ceux
qui auront simplement donné un sou pour l'œuvre. Qui ne peut
pas donner un sou? 30,000 noms sont déjà recueillis. Quel est celui
qui ne voudra pas contribuer comme Provençal, sinon comme chré-
tien, à ce monument colossal de notre Provence?
(Envoyer les offrandes à M. le curé de Rousset, par Trels (Bou-
ches-du-Rhône).
Concours de poésie néo-bomâne de Béziers. — Dans la séance
solennelle qu'elle tiendra le jeudi de l'Ascension, 22 mai 1873, la
Société archéologique, scientifique et Uttéraire de Béziers, décer-
nera :
1® Une couronne de laurier, en argent, à l'auteur d'un mémoire
historique sur le Languedoc ou sur quelque autre province du midi
de la France, ou à Fauteur d'une monographie d une localité du
département de l'Hérault ;
z*» Un rameau d'olivier, en argent, à la meilleure poésie en lan-
gue néo-romane. Tous les idiomes du Midi sont admis à con-
courir. Les auteurs devront suivre l'orthographe des troubadours et
joindre un glossaire à leur poésie ;
3* Un rameau de chêne, aussi en argent, à la meilleure pièce de
vers français.
La Société décernera,* en outre, des médailles aux ouvrages»
qu'elle jugera dignes de cette récompense. .
Les sujets politiques sont exclus du concours.
Les pièces destinées au concours ne seront pas signées. EUe^
devront être lisiblement écrites^ et être adressées en double copie et
franches de port, avant le !«' avril prochain, terme de rigueur, &
M . le Secrétaire de la Société .
Chacune portera une épigraphe qui sera répétée sur un billet
cacheté renfermant, avec le nom, la profession et le domicile de
Tauteur, la déclaration qu'elle est inédite et qu'elle n'a pas été pré-
sentés à d'autres Sociétés .
Les pièces envoyées au concours ne seront pas rendues .
Les lauréats qui n'auront pas assisté à la séance publiaue de-
vront faire retirer leur prix au secrétariat par un fondé de pou-
voirs.
*
Concours de poésie, d'histohie et d'archéologie de Toulon. —
CHRONIQUE 207
1* concours. — Poésie écrite dans un des idiomes dérivant de la
langue d'Oc, et actuellement parlés dans la région prenant part au
concours (Algérie, Alpes-Maritimes, Aude, Bouches -du-Rhône,
Corse, Gard, Hérault, Pyrénées-Orientales, Var et Yaucluse). Le
sujet de la poésie est laissé au choix des concurrents. — Prix : une
médaille d'or de 100 fr. -
2« concours. — Poésie française : Puget. — Prix : une médaille
d'or de 100 fr.
3*, 4* et 5' concours. — Histoire y Archéologie et Biographie. —
Les travaux envoyés à ces deux concours devront traiter des sujets
8e rattachant à l'histoire, à Tarchéologie ou à la biographie de
l'un des départements ou de tous les départements compris dans
la région.
Les ouvrages couronnés seront publiés aux frais de la ville de
Toulon, et les auteurs recevront un tirage à part de cent exem-
plaires, sur papier de Hollande
Des médailles d'argent et des mentions honorables pourront être
décernées aux auteurs des travaux qui, par leur importance ou
le talent avec lequel ils auront été traités, paraîtront mériter une
de ces distinctions.
Les manuscrits devront être adressés, avant le 30 avril 1873, au
Président de la Société académique du Var, à Toulon, au siège de
la Société, rue de la République, 47.
Chaque manuscrit portera une épigraphe reproduite sur un
i)illet cacheté, indiquant le nom et Padresse de Tauteur et attestant
que le travail est inédit.
Les billets des concurrents couronnés seront seuls décachetés ;
Jes autres seront conservés pendant trois mois, pour permettre de
restituer les manuscrits aux auteurs qui lés réclameront; passé ce
4lélai, les billets seront brûlés et les mémoires non réclamés de-
viendront la propriété de la Société académique du Var.
* ¥
Lb Saint-Graal, première branche des romans de la Table Bonde»
comprenant le Petit Saint-Graal en prose, inédit ; le Petit Saint-
Graal en vers, et le Grand Saint-Graal en prose, d'après le manu-
scrit du Mans et le manuscrit n° 2,455 de Paris, va être publié en
3 volumes, avec fac-similé et gravures, par E. Hucher, du Mans. —
8'adresser à M. Vieweg, libraire, 67, rue Richelieu, à Paris.
Nous remarquons dans le journal la Provence^ du 15 décembre
1872, un remarquable article de M. de Yilleneuve-Esclapon, sur
la Littérature provençale en 1872, — et dans le journal VÉcho du
Vioarais, celui de M . F. Boissier, sur la Vigne de VHelvie sous la
iomincUion romaine.
* *
La Société pour Vétude des Langues romanes avait conçu le pro-
208 CIIROMQrH
jet de rééditer, parmi nos poètes méridionaux, ceux qui ont acquis
une certaine réputation.
Nous sommes heureux de pouvoir annoncer qu'elle commencera
prochainement sa Colleetion de poêles de la langue d^oe.
Des éditions de Le Sage, par Léon Gandin ; de Dom Guérin, de
Nant, par F. ; d'Aubanel, de Nîmes , par A. Montel ; du comi(^ue
Cabanes, par G. de Villeneuve-Esclapon, etc., ne tarderont pas à
paraître.
I] en sera fait un tirage sur papier de luxe.
ERRATA
des Fragments d'une Anthologie pioarde
P. 322, ligne 17 : énamourée? lisez : énamourée (?)
P. 323, ligne 28 : che je dirai, lisez : che que je dirai.
P. 324, ligne 3 : je ne le dis pas, lisez : je ne le di pas.
— , ligne 5 : malavisés ait trop paine, lisez : qu'ait malavisés^
trop paine. (Correction indiquée par M. Natalis de Wailly-^
P. 330, ligne 7 : cov[àe\f lisez : cor[ol. (Correction indiquée p«.r
M. Revillout.)
P. 333, ligne 10 : vrai français, lisez : vieux français.
Le Géranl: Ernijiht Hamelin.
Montpellier, imprimerie centrale du Midi.- Hicatcau, Hamelin et G*.
DIALECTES ANCIENS
LES COUTUMES DE REMOULINS
INTRODUCTION HISTORIQUE
ï
A égale distance de Nîmes et d'Avignon, à deux kilomètres
en aval du Pont du Gard et au point d'intersection des deux
routes nationales de Lyon à Beaucaire et d'Avignon à Mont-
pellier^ s'élève, sur la rive gauche du Gardon, le gracieux vil-
lage de Remoulins, chef-lieu de canton de l'arrondissement
d'Uzès, bien connu des visiteurs de l'aqueduc romain.
Cette localité, dont la population est aujourd'hui de 1,500 ha-
bitants, doit son nom à sa situation topographique par rapport
au cours du Gardon, qui, sur ce point, formait jadis un
brusque détour*, fort atténué maintenant, par suite du dé-
placement de la rivière , mais qui autrefois enveloppait les
deux tiers de l'enceinte de l'ancien village.
Au commencement de l'occupation romaine fut construit sur
le Gardon, près de Remoulins, un pont en pierre dont les
traces subsistent encore . La voie romaine de Nîmes à Alba
Helviorum franchissait la rivière sur ce pont.
A proximité de Remoulins, sur la rive opposée du Gardon
et près du hameau de Lafoux, on trouve des vestiges considé-
rables d'une bourgade gallo-romaine dont le nom n'est point
parvenu jusqu'à nous. Le christianisme vint plus tard s'y
établir; une petite chapelle dédiée à sainte Colombe y fut
édifiée et donna son nom à la localité, que la plupart de ses
habitants abandonnèrent ensuite pour aller sans doute peupler
les villages circonvoisins . Cette bourgade gallo-romaine était
1 Remoulin, eu langue romane (en catalan, remoli; en italien et en es-
pagnol, remolino), signifie : tourbillon d'eau, tournant ou détour accen-
tua d'un cours d'eau ; entonnoir d'un gouffre.
15
210 DIALECTES ANCIENS
elle-même située au pied du pic de Mardieul ou Marduel, sur
lequel M . Cazalis de Fondouce vient de signaler Texistence
d'un oppidum de Fépoque néolithique *•
II
Le plus ancien seigneur connu de Remoulins, ou plutôt
Remolins, est Pierre P' de Remoulins, qui se ligue, en 1140,
avec Guillaume de Châteaurenard, en faveur de la maison des
Baux, contre Raymond Bérenger II, comte de Provence *.
Son fils Arnauld P^ apparaît comme témoin, dans une charte
du mois d'octobre 1160, conservée aux archives de Nîmes, et
comprenant plusieurs donations faites par le comte de Tou-
louse Raymond V, en faveur de diverses églises. Pierre II,
son second fils, fut présent à une donation faite, en 1164, par
le même Raymond V, en faveur du monastère de Saint-
Saturnin- du-Port (Pont-Saint-Esprit) .
Arnauld P"" de Remoulins eut trois fils : V Paul P' de Re-
moulins, qui apparaît en 1239; 2° Raymond II de Remoulins-
Carnasse, dont il est aussi fait mention en 1239 ; 3° Guillaume
Hugues de Remoulins, mentionné comme défunt dans .un
acte de 1277 K
Paul P^ eut un fils : Arnaud II de Remoulins, chevalier,
qui apparaît en 1277 et laisse à son tour un fils, Paul II de
Remoulins-d'Estagel, qui paraît avoir possédé, par alliance,
la seigneurie d'Estagel, près de Saint- Gilles, en 1324, et dont
la descendance n'est pas connue.
Guillaume-Hugues de Remoulins eut trois enfants : 1° Ray-
mond III de Remoulins, qui apparaît en 1277 ; 2° Rostaing de
Remoulins, qui figure avec Marie, sa femme, dans le même acte
de 1277; 3° Raymonde de Remoulins, qui épouse Pierre III
de Remoulins, son cousin, petit-fils de Pierre II.
* C. de Fondouce, les Temps préhistoriques dans le sud-est de la France*
— L'Homme dans la vallée inférieure du Gardon.
' Henri de Valori, Hist. de Châteaurenard en Provence, note, pag/34.
^ CartiUaire de Remoulins, pag. 31.
LES COUTUMES DE RËMOULINS 211
Pierre II de Remoulins laissa un fils, Raymond P', qui ap-
paraît en 1213 * et en 1239 sous le nom de Raymond de Re-
moulins-Rabasse *. Son fils, Pierre III, épousa Raymonde de
Remoulins, sa cousine, qui vivait encore en 1282 * . Il laissa
deux enfants : Albert et Tiburge.
Tiburge de Remoulins épousa Vesian P' d' Aigrement * . Elle
était veuve en 1239. Son fils Vesian II prit le titre de cosei-
gneur de Remoulins; il épousa Marie Rabasse, fille de
Raymond Rabasse, chevalier, mort en 1276, laissant un fils,
Vesian III, orphelin et mineur, en 1284, sous la tutelle de
Tiburge de Remoulins, sa grand'mère. Avec Vesian III dut
s'éteindre cette branche.
Albert de Remoulins épousa, vers 1266, Esmenjarde, et
mourut avant 1282, laissant deux fils : Pierre IV, né vers
1268, et Guillaume, sous la tutelle de leur grand'mère Ray-
monde •.
Pierre IV de Remoulins mourut jeune et sans postérité, et
son frère Guillaume, qui lui succéda, eut deux fils : Bertrand
et Brémond. Bertrand de Remoulins épousa, vers 1315, Ber-
trande Lombard, d'Aramon. Il en eut trois enfants : Hugues,
Bertrand et Azalaïs. Hugues de Remoulins mourut jeune et
sans enfants ; Bertrand fut religieux de Saint-Augustin et cha-
ûoine régulier de TEglise de Nîmes. Azalaïs de Remoulins,
restée seule héritière, épousa en premières noces Biaise des
\rbres, coseigneur d'Aramon, dont elle eut deux filles : Prime
des Arbres, qui épousa Jean Imbert, damoisel de Nîmes ; et
Sancie des Arbres, qui fut mariée, en 1383, à Raymond Ra-
basse, damoisel de Remoulins.
Azalaïs de Remoulins, devenue veuve, épousa en deuxième
noces, vers 1350, Philippe Bras-Fort, dit Albertin, damoisel,
' Gallia christianay t. IV, col. 625.
^Cariutaire de Remoulins, pag. 17.
' id , pag. 33.
*Aigr.»mont, commune du canton de Lédignan, arrondissement d'A-
lais, dApart-ment du Gard.
Carlulaire de Remoulins, pag. 33.
212 DIALECTES ANCIENS
jurisconsulte, coseigneur de Nîmes et chevaKer des Arènes,
dont elle eut un fils rUbertin, ou Albertin Bras-Fort, qui épousa,
en 1374, Azalaïs d'Aramon, et mourut jeune, laissant un fils
unique, Jacques Bras-Fort, en bas âge, sous la tutelle de sa
grand'mère Azalaïs de Remoulins, qui le fit son héritier uni-
versel. Jacques Bras-Fort épousa Marguerite de la Baume-
Sanilhac et en eut un fils, Pierre, qui mourut sans postérité.
Brémond de Remoulins, deuxième fils de Guillaume, dut
former une branche cadette qui dérogea ; car on trouTe dans
Ménard un Raymond de Remoulîns, consul de Nîmes en 1362,
dont le fils Pierre V, nommé chanoine de la cathédrale de
Nîmes la même année, apparaît en 1394 comme prieur d"Al-
vernes* et, en 1419, comme prévôt de la cathédrale de Nî-
mes. Unfrère de Pierre V, nommé Jean, fut aussi chanoine de
Téglise de Nîmes et prieur de Roquedur en 1894.
Un troisième fils de Raymond, Jean de Remoulins, fut con-
sul de Nîmes en 1412, 1429 et 1435 ; et Alexis de Remoulins,
fils de ce dernier, était marchand drapier et consul de la même
ville en 1425, 1434, 1449 et 1460.
Les seigneurs de Remoulins portaient : coupé d'azur eê fas-
céondé d'argent et d'azur, à ta meule de meuêm d'argent percée
de sable, brochant sur le tout; à la bordure componée émargent et
d'azur *.
III
Remoulins fut, parmi les communes du Midi, une des pre-
mières à conquérir des franchises municipales assez éten-
dues . L'établissement de son consulat remonte aux premières
années du XIII"^® siècle. Les consuls, au nombre de deux,
et pris Tun parmi la noblesse, Tautre dans la bourgeoisie,
administraient la communauté, veillaient à Tordre public,
avaient la garde des clés des portes de la ville, et assemblaient
* Saint-Etienne-d'Alvernes, village aujourd hui détruit, sur le territoire
de Clarensac.
2 Ch. de Tourtoulon, Jacmel'% t. II, p. 663, col. 2.
LES COUTUMFÎS DE RRMOULTNS 213
le Conseil au son de la cloche. Leur charge était annuelle, et
l'élection des nouveaux consuls et de leurs conseillers avait
lieu le mardi, troisième fête de Pâques de chaque année.
L'installation des nouveaux consuls était suivie d'un repas
auquel prenaient part tous les administrateurs de la commu-
nauté, et où l'on mangeait l'Agneau pascal. La dépense de ce
festin était réglée aux frais de la commune. A partir du
XVP siècle, les deux consuls furent pris dans la bourgeoisie.
Les assemblées du Conseil politique se tenaient, suivant la
saison, en divers endroits particuliers : en été, sous un or-
meau planté en face de la porte principale des remparts * ; en
hiver, soit sous la porche de l'église paroissiale N.-D.-de-
Bethléem, soit dans l'église elle-même, soit à la Cournilhe,
large avenue située au midi des remparts et qui a longtemps
servi de jeu de paume; ou bien encore, quand les rigueurs de
la saison ne permettaient pas de rester en plein air, dans la
pièce située au-dessus du four commun, et dans laquelle
étaient déposées les archives .
Les consuls sortant de charge remettaient aux nouveaux
consuls une copie des règlements de police, ou Coutumes de la
ville, rédigés sous forme de proclamation . Cette pièce était
soumise à l'approbation du viguier de la communauté, et ren-
due exécutoire sous la sauvegarde de son autorité. La plu-
part des articles de ces Coutumes^ sagement conçus, ne se-
raient pas déplacés même à notre époque.
IV
Sous les successeurs de Charlemagne, Remoulins, comme le
reste du Languedoc, passa sous la suzeraineté des comtes de
Toulouse.
A la suite de la guerre des Albigeois et de la soumission de
* Les armoiries municipales de Remoulins sont, d'après Gastelier delà
Tour: de gueules, à tm ormonu de sinople entre (ipum fours; Ip mot
MEMO — vLiN partagé.
214 DIALECTES ANCIENS
Raymond VI, le 18 juin 1209, la suzeraineté de Remoulins
fut attribuée, par Simon deMontfort, aux évêques d'Uzès; et
c'est à ce titre que Raymond VI fit, le 11 novembre 1209,
hommage à Tévêque pour les châteaux de Moussac, la Cal-
mette, Remoulins, Fournès, Saint-Hilaire d'Ozilhan et autres
lieux.
Antérieurement à cette époque, Raymond V, comte de
Toulouse, paraît avoir fait don du château de Remoulins aux
évêques de Viviers. C'est ce qui semble résulter d'un traité
passé en août 1210 entre Raymond VI et Bernon, éuêque de
Viviers : ce dernier réclamait la restitution des châteaux d'Ai-
guèze, de Grospierres et de Remoulins, donnés par Raymond V
à Tévêque Nicolas, son prédécesseur.
A la suite de ce traité, Tévêque de Viviers fit l'abandon de
Remoulins, dont le comte de Toulouse avait fait hommage,
l'année précédente, à l'évêque d'Uzès.
En 1211, Philippe -Auguste confirma les donations faites
par son père à l'église d'Uzès, en 1156, et y ajouta Vers,
Remoulins, Fontejean ouBelvezet, Colias, Saint-Privat et au-
tres lieux.
A la suite du traité de Paris (1229), le comte de Toulouse,
Raymond VII, céda à la couronne le comté d'Uzès, dans le-
quel se trouvait comprisRemoulins. On sait que le Languedoc
ne fut définitivement réuni à la France qu'en 1271 .
Par un acte Su VII des kalendes de mars (23 février) 1290
(1291), Philippe le Bel cédaàBermondlII d'Uzès la seigneurie
de Remoulins et autres lieux circonvoisins, en échange des sa-
lines de Peccais et des ténements de la Sylve et de Teillan *.
Par des lettres patentes datées de Mont-de-Marsan au mois
de mai 1565, Charles IX, voulant récompenser Antoine de
Crussol, érigea en sa faveur la vicomte d'Uzès en duché et la
terre de Remoulins en baronie .
Durant les guerres de religion du XVI® et du XVII» siècle.
' Cartvlai^'e de Remoulins, p. 45 et suiv.— Trésor des Chartes, aux Ar-
chives nationales : série J, 295, n" 33.
LES COUTUMES DE RBMOULINS 215
cette localité joua un rôle assez important comme position
militaire, par suite de sa situation au point de croisement
des routes principales suivies par les armées belligérantes.
En 1587, Montmorencj-Damville, à la tête de 5,000 hom-
mes, tint cette place assiégée pendant près de deux mois,
sans pouvoir s'en rendre maître, grâce à la vigoureuse dé-
fense organisée par les soins du colonel Alphonse d'Ornano.
Le 20 avril 1589, les huguenots s'emparèrent de Remoulins
par escalade, et passèrent au fil de Tépée la garnison et les
habitants qui n'avaient pu se sauver.
Lors de la première rébellion des seigneurs, sous le
ministère de Richelieu, Remoulins éprouva de nouveaux dé-
sastres :
Au mois de septembre 1628, le duc Henri de Rohan in-
vestit le village avec toute son armée, composée de 4,000 hom-
mes de pied, 200 chevaux et trois canons, et somma la place
de se rendre. Les habitants, n'ayant pour se défendre qu'une
garnison de 30 hommes d'armes, entrèrent en composition
avec Rohan, qui leur promit la vie sauve et les garantit de
pillage, moyennant une rançon de 3,000 livres. Cette somme
était à peine comptée, qu'au mépris du traité de capitulation
les assiégeants pillèrent le bétail des habitants, s'emparèrent
des meubles, du linge et des fruits ; ravagèrent les vignes,
burent le vin, brûlèrent plusieurs maisons et emportèrent les
deux cloches de l'église à Uzès.
A la suite de la révolte de Gaston d'Orléans, où 'fut entraîné
le duc de Montmorency, le duc d'Elbeuf, tenant pour ce der-
nier, vint, le 2 septembre 1632, investir Remoulins pendant
que le maréchal se portait à sa rencontre par le Pont-Saint-
Esprit. Au moment où d'Elbeuf prenait ses dispositions pour
repasier le Gardon et se mettre à couvert avec ses bagages,
le maréchal tomba à l'improviste sur son arrière-garde et,
en un instant, la mit en complète déroute. Cet événement
<*ut lieu le 4 septembre au soir, trois jours après le combat de
Castelnaudary, où Montmorency avait été fait prisonnier.
216 DIALECTES ANCIENS
V
Il existe dans les archives de Remoulins six originaux, plus
ou moins complets, des Coutumes de Remoulins, que nous re-
produisons ci-après d'après le texte de 1500.
Le premier de ces originaux est de Tannée 1358; le second
est de 1460 : Jean de Foucheran, seigneur de Lussan, et
Guillaume Long, consuls sortants, le remettent à Jehan de
Laudun et Thonon Papacuer, consuls nouveaux. Le troisième
est de L500: c'est celui que nous reproduisons en entier. Le
quatrième e^t de 1525 : il est remis par Philippe Dutour et
Jehan Colet, consuls vieux, à Gilet Delpuech et Jehan Fabre,
consuls nouvellement élus. Le cinquième est de 1529 ; il est
remis par Gilet Delpuech et Michel Serre à Jean Fabre et
Jean Jaume. Le sixième, enfin, daté de 1583, est donné par
Jehan Colomb et Elie du Mas à Claude Valhen et André
Fabre.
Dans le texte original de 1500, que nous reproduisons ci-
après en entier, et on respectant scrupuleusement l'orthogra-
phe du document, malgré les divergences que présentent plu-
sieurs mots, on remarquera les quadruples formes : consouls,
consoulz^ consols, consolz ; — domage, domaige, dopmage, dop-
matge ; les triples formes : nuyt, nueg et nuech; degun, dugun,
et deugun ou deugum; les doubles formes : deguna eineguna;
jor et jorn ; etc ....
Les Coutumes de Remoulins sont destinées à prendre place
dans le Cartulaire de cette localité, que nous nous disposons
à publier sous les auspices du Conseil municipal.- On ne saurait
trop louer l'Administration éclairée de cette commune pour son
intelligente initiative et le bon exemple qu'elle donne, dans le
Gard, à la plupart de ses pareilles, qui, mieux favorisées au point
de vue de leurs ressources communales, voudront certaine-
ment la suivre dans la voie qu'elle vient de leur tracer.
G. Charvbt, d'AlaisfCîard).
LES COUTUliIES DE REMOULINS S 17
ORDONNANCES ET RÈGLEMENTS DE POLICE
sous FOEllE l)K l'HOGI.AMATION
II usaije dans la cominuuaule de liemouliiis |)e[idaiil le moyeu âge
Las ordenances et empressas ' del luoc de
Remolins, faichas per los Consouls deid.
I luoc coma es acoustuniat de fayre chascun
; que los Consouls vielhs baylont aux Con-
' soûls novels, per lasquaias els se devant
g^overnar, et son estadas fâchas per lo noble
Nicholau de Laudum et Bertrand Delsere,
Consouls del an mil iiij' Ixxxxix (1499) et
bayjadaa aux saclies homes Jehan Rovieyre et Simon Plaiiol,
Consouls deld. luoc de Remolins per lan présent rail V (1500).
Premieyrament ordonont iosd. consouls que deugum bes-
liari, ne gros, ne raenut, de arayre ne autre, intre au Pra-
dor* de la Plana, ne de dos ayguas ', despueys la Malau-
lieyra ' seguem lo chamin de BaiioJz jusques a las partidas '
deCastilhon; deCaresme p rené nt ° jusques à la featadi' sainct
George, aanslicensa dead, consouls, et aquo sur pena de ban''
que es i; deniers torneys perchascuna bestie grossa, prenent
' b'mjirtssas, empresses, rmprezes, einjii'ezies ou emprises, résolulioiis
prises arrâlés.
' Ce qu'on appelle aujourd'hui les Terres de !a ville .
'■ t Entre tlBuu eaux t l'Ile de Riimoulins, appelée aux XIII- et XIV-
^\^:\-:i insaiii (faroriia, IleUaronie, Garogni! ûu du Gardon.
' La Maladrei'ii? eu l'U^pilal,
' Les limites de CesliihOD.
" Leî ordonnantes de 1583 portent; t Deapuys lo jour de Notre-Dame-
I)-4^Ddeleuze de tebvricr (î-révrier] jusques à la lesl« sainct George
a avril). .
' Le mot dan a plusieurs slgninoations- Il est pris ici dan? le sens de
F*ine ou amende municipale ou coutumlère encourue par suite du dom-
ntce causé sur l'héritage d 'autrui, soit par homme, soit par bête.
218 DIALECTES ANCIENS
X menudas per une grossa, et de malafacha per herbaige una
carta de blat à la Caritat * lo jor, et de nuech lo doble.
Ordonont et deffendont outra plus losd . consolz que de tout
lo demorant de Tan, deugum bestiari, minut ne autre, fora
aquel del arayre solament, intre en lod . Prador loqual es re-
tengut per deves ^ del bestiari del arayre, sub pena de ban que
dessus, sans licensadesd. consouls.
Item, semblablament deffendon losd . consouls que deugum
bestiari 3, de arayre ne autre, intre en lo autre deves des Mo-
lins * que es sur la Valaguyeyra, loqual se pren despuys los
pratz del noble Nicholau de Laudum, de Baudran jusques al
chamy de Avinhon *, de Caresme prenent jusques al Magda-
lena,sur pena que dessus ; et de tôt lo demoran de Tan deugum
autre bestiari, senon aquel del arayre sans licence desd. con-
solz e sur pena que dessus.
Item, que deugum bestiari, gros ne menut, de qualque calitat
que sia, non intre ne passe per blatz, légumes, milheyras,
canabieyras ne pratz deffensatz, sub pena de ban vj den. t* per
bestie grosa, et x menudas per una grosa, et per escabot ij sols
t* lo jor et de nuech la doble, et autant de malafacha a lapar-
tida, ou estre a la estima ou a la guausida^ de aquel que aura
preslo domaige.
Item, que deguna persona n'ay a mètre ne laisar anar de
tout Tan, degun bestiari de calque calitat que scia per las
vinhas, sur pena de ban que de sus ij sols, ou estre a Testima
et mersi dez consoulz.
Item, que deguna persona n'aya a passar an sa carreta per
pratz, blatz, vinhas, légumes, milheyras, sur pena de ban v
* La Garitat, ou les pauvres <ie Remoulins
- Deves, rendu à tort par devais: terrain, bois, pâturage défensable, ré-
servé.
^ Bétail aratoire.
* Les moulins du Devezon, aujourd'hui détruits.
^ Le chemin d'Avignon passait, à cette époque, au-devant du moulin de
Basset.
8 Au bon plaisir.
LES COUTUMES DE REMOULINS 219
deniers lo jor et de nueg lo doble , et auctant de malafacha
a la partida, ou estre a l'estima et merci des consolz coma
desus.
Item, que deguna persona non layse ahar degun bestiari,
gi»osne menut, en autruys olivedas, despuys Sant-Michel jus-
quas que tout sia olivat, sur pena de ban m den. per porc et vij
den . per bestia grossa et per escabot ij sols de jorn et de
nujtlo doble et auctant de malafacha a la partida ou estre à
Testima coma desus.
Ne aussi de tôt lo demorant de Tan sur pena de ban ij den.
per bestia grossa et ij den . per cabra et auctant de malafacha
a la partida, ou estre a Testima, et merci dez consolz.
Iterriy que deguna persona n'aya a mètre bestiari gros ne
menut en rostobles d'autruy, ne ause glenar sans licence de
aquelos de quau seran losd. rostobles, tant que las garbas y
seran, sur pena de banxi; den. lo jorn. et de nueg lo doble,
et de ystar a la merci desd . consols coma desus.
Item y que deguna persona n'aya a tenir bestiari estrange se
non que a miech-creg*, sur pena de ban per chascun jorn que
lur cera notificat de xv sols per bestia grossa, prenent x me-
nudas per una grossa, et de malafacha per Terbage auctant,
ou de demorar a Testima sans la licence desd. consols.
Item, que deguna persona n'aya a tenir porcelz per lospratz
ne ayras de tout lan, sur pena de ban ij den. per bestia lo
jorn, et de nueg lo doble, et auctant per la malafacha, ou estre
a la merci des consoulz.
Item, que deguna persona n'aya a gardar bestiari sans so-
nalha de nueg, sur pena de ban zy den. chescuna vegada*.
Item^ que neguna persona n'aya a prene bestiari a mieges
ne a miech-creg, sans la notiffication desd . consols e que lo
nombre non passa quaranta bestias menudas et quatre grossas,
<*oma es acostumat de tota ansienetat, sur pena de ban et
confiscation deld. bestiari ansi près, sans lad. notiffication et
' Demi-crott, demi-produit, la moitié des agneaux
' Chaque fois.
220 DIALECTES ANCIENS
licence ; et ausi que io nombre passara desusd. et aoostumat,
X sols per bestia grossa, prenent x menudas per una grossa,
et de malafacha per Terbage auctant, et de estre a Testima et
merci dez consolz coma dessus .
Item, que dugun pastre n'aya a tenir bestiari menut se non
lo nombre de xxx bestias, ansi que es acostumat de tota an-
sienetat, sur pena de ban de xx sols, sans la licence dels.
consouls et auctant per la malafachura per Terbage totz los
jorns que lur sera defendut, ou estre a la merci des consolz.
Item, que deguna persona n'aya a mètre ne laysar anar son
bestiari gros ne menut, de tôt Tan, dedins lo cimeteri de Nos*
tra-Dama-de-Belhem*, sur pena de banû/den. chascuna ve"
gada, ne estendre bugada.
Item, que degun noyriguié* n'aya a mètre ne far mètre par-
gues près de las vinhas, despuys Sanct-Sixt* jusquas que tôt
sia vendimiat, sur pena de ban v sols et de estre a Testima de
la malafacha que s'en poyrié seguyr.
Item, que deguna persona stranga n'aya a gardar bestiari,
gros ne menut, dedins lo Prador de Remolins sub pena de
ban, 2yden. per bestia grossa, prenent x menudas per una
grossa, et per escabot xv sols, et de malafacha per Terbage
auctant lo jorn et de nuech lo doble, reservatz et retengutz
an tôt et pertot la grand merci voluntatz dez consolz de creyse
la pena se bon luy sembla, ou estar a Testima,
Item, que deguna persona n'aya a culhir erbas sans licence
des consols en tota la juridiction de Remolins, sur pena de ban
iij sols t" et auctant de malafacha, ou estre a l'estima et merci
dez consols coma de sus.
Iterri, que deguna persona estranga non aia a pescar ne fayre
peschazon en la ribieyra de Gardon ne de Valeguyeyra, tant
que se estent la juridiction de Remolins, sans licence desd.
consols, et aquo su pena de ban xvj sols, ou estre a la merci
* Le cimetière de l'église paroist^iale Notre-Dame-de-Bethlôem occupait
le devant de Tôglise convertie aujourd'hui en hôtel de ville,
* Nourrisseur, éleveur do bestiaux,
' 7 août.
LES COUTUMES DE RBMOULINS 221
des consouls et voluntat, sur pena que de sus et confiscation
des amejs, ne subtanament cassar.
ftem, que deguna persona n'aya a fajre canatz, ramadas, ne
buernada*, ne qualque autra causa que puescha enpachar
Tajga, per fajre domage à la causa publica, sans lo voler et
conget, licensa desd. consolz et de lur conseîlh, tant que dura
la jurid»" de Remolins, sur pena de ban m; sols et auctant
de malafacha, ou estre a Testima et merci dez consols coma
de sus.
/tem, que deguna persona n'aja a talhar ne fayre talhar de-
«runas cregudas * ne albres qualcunquas que Ton veyra que
seran au profit et utilitat de conservar lo Prador ; ne fayre
manjar ne laysar manjar a degun bestiari, tant que se esten la
juridiction de Remoulins sur la ribieyra de Gardon, despueys
las partidas de Castilhon fins a las partidas de Fornès et Ser-
nihac, sur pena de ban v sols et auctant per la malafachura,
chascuna vegada que y seran trobatz, au profit utilitat de la
communa et de estre a Testima et merci dez consols coma de
sus.
/fenij que deguna persona n'aya a talhar ne fayre talhar eu
tota risla degunes aubres que scian bons per maysonar ^, sur
pena de ban ij sols et auctant per la malafachura, ou estre a
Festima et merci dez consols.
* Buernada, vuernada ou vernado, palissade en fascines, formée de
piqu^Us et de branches d'aune {verno, en languedocien) entrelacées, con-
stituant des travaux de défense contre un cours d'eau.
^Cregudas, pousses d'arbre, végétations, oseraies, qui so développent
8pontan>'>ment dans les alluvions des rivières. — t Cregudas coma sont
viegeyras », dit l'ordonnance do 1529.
L'article correspondant des ordonnances de 1583 porte : « Item^ que deu-
gune personne no pourra et ne leur sera permys tailher, coupper ne fere
manger a deugun bestailh le creys tant que durera terre de Remoiins, ne
gasrtar arbres, ne vesges, ne saulzes, ne aultres arbres, soubs le ban do
oin»| sols six deniara per personne, et per besîie grosse) quatre deniers et
auitant per dix menudes, et per escabot quatre sois de jour et le double
de Duict, et payer l'extime à qui apparlien. »
Qui puissent servir de poutres, de beis de construclioii.
222 DIALECTES ANCIENS
Iterriy que deguna persona n'aja a fayre lachusclada * en
Gardon ne en Valeguyeyra tant que se esten la juridiction de
Remolins, sur pena de ban xxv sols, et auctantper la malafa-
chura anaquel a qui apertendra, ou estre a Testima del ence-
fiement* et dopmage que sen seyra segui et sen segria*.
Item, que deguna persona de qualque estât et condicion que
scia n'aja a mètre ne far mètre fuoc en restobles ne autra part
sans licence dez consols, sur pena de ban iij sols et de estre a
Festima et merci dez consolz coma de sus.
Item, que deguna persona n'aya a culir erbas en ribas d'au-
truy, ne fayre pastorguar sas bestias près dels blatz, que por-
ton dopmatge a degun, sur pena de ban vj deniers lo jorn et de
nueg lo doble.
Item, que deguna persona n'aya a culhir frutz en autras
possessions sans licence de aquelos de qui^seran, sur pena de
ban xij den. et autant per la malafacha lo jorn et de nuech lo
doble, et de estre a l'estima et merci dez consols coma de sus.
Item, que deguna persona n'aya a garbeiar en hora suspecta
sur pena de ban xij sols, et de estre a la merci dez consols.
Item, que deguna persona n'aya a fayre deguns camys novels
en possessions d'autruy, ne rompre deguns camys, sur pena de
ban iij sols t" chescuna vegada et auctant per la malafachura
a la partida a qui apartendra, et de estar a Testima et merci
dez consouls.
* Empoisonnement des poissons au moyen de l*euphorbe ou tithymale,
ai)pel<3e autrefois lachusclo en languedocien (du latin lactucula, plante
laiteuse), et aujourd'hui ginusclo, ( V. Mistral, Mirèio, cantlnouven,
stance 1.)
* Encenement ou encenhement, substantif du verbe encenher, encein-
dre ; il signifie ici : espace, étendue de terrain endommagé, portion du
cours d'eau circonscrite par le dommage causé.
3 L'article des ordonnances de 1583 correspondant" à ce dernier porte;
< Item, que deugune personne non aye a mettre aulcunes herbes en la
rivièra de Gardon ne en la Valleguière, comme lajuscles ne autre chose
que puysse porter dommaige a las personnes ne au bestiary dud. lieu,
soubs le ban de cent sols per chesque vegade que leur sera inthimat et de
payer le dommage que en pourrayt venir. »
LES COUTUMES DE RBMOULINS 223
Item, que deguna persona n'aya a rompre ne obrir clau-
suras de autruy ortz *, vinhas ne possessions, sur pena de
bau ij sols chascuna vegada de jorn et de nueg lo doMe et
autant de la malafachura a la partida, ou a estre a Testima
coma de sus.
Item, que deguna persona n'aja a culir ortolalha en autruy
ortz, sur pena de ban lo jorn et de nueg lo doble, et auctant
de malafachura ij sols, et de estre a Testima et merci dez
consouls.
Item, que deguna persona de calque estât et condicion que
sia ause cassar per los blatz, despueys lo primier jorn de abril
jusquas a tant que tôt sia meysonat *, ne ainsi per las vinhas
despueys que ellas son en talha jusquas a tant que tôt sia ven-
dimiat, sur pena de ban iiij sols lo jorn et la nueg lo doble, et
auctant per la malafacha a la partida, ou estre a Testima et
merci dez consols.
Item^ que deguna persona n'aya a culhir rayins^, en autras
vinhas jusquas que scian vendimiades, sur pena de ban iij
sols, chascuna vegada que y seran trobatz et autant per la
malafacha a la partida, et a estre a Testima et merci dez con-
sols.
Item, que deguna persona n'aya a menar sos chins per las
vinhas despuys Sant Sixt jusquas que seran totas vende-
miadas, ne laysar anar aquelos dels pargues sans una so-
nalha au col que Ton los puescas ausir, et los autres ayon a
portar ung croc al col *, sur pena de ban v den. chascuna
vegada et autant per la malafacha a la partida de jorn et de
nueg lo doble, ou estre a Testima et merci des consols coma
de sus .
Itouij que deguna persona n'aya a portar fuoc de ung ostal
t*n autre, ne per las carrieyras ne ayras, que non sia cobert,
' Jardins. — * Mois&mné.
* Kaisins.
* Leur attacher au cou un billot ou tronçon de bois appelé bihouiro ou
ff^rabasi, qu'on suspend au cou des animaux pour les empêcher d'entrer
***^s les vignes .
224 DIALECTES ANCIENS
ne per autres luocz que puesca fayre dopmage a degun, sur
pena de ban ij den. et de ystar de la malafacha et del dopmage
que sen pojra seguir.
Item, que deguna persona non lajse anar son bestiari
gros per la villa sans estaca, sur pena de ban vj den . chas-
cuna vegada, ou d^estre a Testima del domage que sen poyrié
seguir.
Item, que degun carretier n'aja a montar sobre sa carreta
per la villa jusquas que aya passada la barreyra*, sur pena de
ban xj sols chascuna vegada, et de estre a Festima del dop-
mage, si pout n'y a*.
Item, que deguna persona n'aya a tenir sa carreta en luoc
plubic {sic) ne empachar los passages plubicz, sur pena de ban
vj den. chascuna vegada que y seratrobada.
Item, que tôt cap de ostaP aia a netegar la . frontieyra de
sa carreyra * despueis Pascas fins a Sant-Michel, sur pena
de ban ij den chascun dissapte et Vigilias de festas solennas.
Item, que tota persona que a ayguyer* encarreyras publi-
cas de lad . villa aya a fayre ung cros en terra et lo cobrir
.^afficientment que non done enfesiunt ne autra pugnasaria
sur pena de ban ij sols chascun jorn que lur sera notifïïcat.
Item, que deguna persona n'aya affayre femorasses • en las
carreyras publicas de lad.vila ne angles del PortaP, sur pena
de ban iiij den. chascuna vegada que lur sera notiâcat de
ostar losd. femorasses et, per la malafacha, una carta de blat à
\<\ Caritat.
Item, que deguna persona n'aya a gitar, laysar, ne mètre
dîgunas carronihadas ^ per las carreyras de lad. vila, sub
' L'enceinte des remparts.
^ Pour si peu qu'il y en ait.
3 Tout chef de maison.
* Le devant de sa maison .
* Evier ou égout de cuisine.
^ Tas de fumier.
' Dans l'angle rentrant des pieds-droits du Portail ou porte principale de
remparts.
8 Cadavres d'animaux morts, charognes.
LES COUTUMES DE RBMOULINS 2?5
pëna de bah t)'iâolz aqui tochara, chascunavegada que lur sera
notificat et de estre constrajt a hostar ho fajre garar lasd .
carronihadas a »os deâpens et portar ho fajre portar luen
de lad . villa sufficienment que non done enfeciUnt , un giet
d'arc*.
Item, que tota pëi^sôna que fay pàn per vendre que loifassa
bon et suffîciént sëgon lo près del blat, sur pena de ban x sols
t'et conficatioti deld. pan a donâr per amor de Dieu', a la
otdenansa delsd . côtiâols et dez consilhes .
Item, que degun bochier n'aya a vendre carn a rescos», ne
soflar aqual an la bocha*, ne tuar bestiàri que non veniha per
lur pesés ati thasél *, sur pena de ban xv sols t* et perdicion de
lad. carn-*.
«
Item, que tota persona que pren peyson tant que dura la
juridicion de Remolins, non aia a transportar lod peyson en
autra part fora lod. luoc de Remolins ne juridicion, que pri-
mieyrament non lo porte en lu villa et lo tenha ' en plassa
publica una hora, afin que en voldra aver que s'en puesca
fornîr chascun dé lad. villa; et que non aia a vendre la lieura
del vayron que e; den. ; los goiiz, loquas, iij den. ; la lieura de
lassophias et anguillas iiij den.; carpos, cabotz, lucos, t;/ den.;
trochas, umbras*, barbeus, viij den.; sur pena de ban iij
' A une portée de flèche.
2 C'est-à dire aux pauvres par charité
^ A tescos, en cachette .
* Ne pas los gonfler en soufflant avec la bouche, au moyen d'une sarba-
cane.
5 Maseij boucherie : macellum on latin .
« L'ailic'e correspondant des ordonnances do 1583 porte : Item, que aul-
cung bouchier ny autre personne ne vendra aulcune chenie à cachettes ne
a;resconx, et que led. bestailh ne vienne à la boucherie par ses pieds; ne
pourran bouffer ne cofïlar^ à la bouche et sera aitetiu tcnîf couffltetz pour
lo cofflar, et ne balhera fede pour moutton, ne bouc, ne cabre per men'on,
niays balher ainsi que sera et non aultremènt, soubs lo ban de ceni sols
per chascune vegade que se pourra prouvar et confisquaiioti de la chair et
la bailher aui pouvres.
7 Le tienne, l'étalé.
* Ombre- chevalier.
16
226 DIALECTbîS ANCIENS
solz t* chascuna vegada, arest, detencion et confiscacion del
pejson, se bon lur sembla auxd. consouls et que lod. pejson
sie bon et merchan, ho autrament non layont a vendre sur la
plassa .
Jlem, que touta persona que ha près dopmage en sas posses-
sions per lors varletz logadins*, affin que los mestres delsd.
varletz ayont recors et avertissament de lur contar losd. do-
mages et malaflfachas sur lur gatges devant que scien a terme,
aya a bailar Testima deld. dan, done entro ajsi et Sant-Michel,
et aquo sur pena de perdre lasd. estimas et de non estre do-
uât ne ajustât se, a lasdichas stimas.
Item, quenulla persona aje faire nais de cambe' en la ri-
vieyra de Gardon sans licence desd . consouls, sub pena de v
sols tourn.
Un article additionnel des ordonnances de 1358 porte:
(' Item, que deguna persona n'aya a lavar bugada sur la
)) resclausa sur pena de ban de vj deniers t' . »
Un autre article additionnel des ordonnances de 1529 est ainsi conçu:
ultem, plus ordenon losd. consols que denguna persona, de
» calq . qualitat que sia, non se done permission de ventar deu-
» gunas glenas, ne deguns estobles, ne autras palhas, ne far
))deugunas orduras davan lo Pos de Plassa*, de xxv passes,
j) sur pena de ban xxx sols totas las fes que y seran trobatz
)) de jorn et de nuech lo doble. »
L'article final des ordonnances de 1583, relatif au courtier ou mesureur
public, porte :
ultem, ne sera permys a deugune persone dud. lieu de
' Valets à gages.
* Nais de camhe, routoir ou creux dans la rivière, où Ton met à rouir le
chanvre.
3 Le puit? de Place, puits communal situé sur la place du Cartel- Vieux,
aujourd'hui la Salvctat. Depuis quelques années, ce puits a été fermé et
remplacé par une pompe. — Dans les vieilles légendes du pays, le puits de
Place — lou pous de Plaço — est le théâtre des exploits d'un malin génie
appelé lou Fantastis.
LES COUTUMES DE REMOULINS 227
» vendre bled, huylle ne aultre merchandise au plus de neuf
wejmines bled, sans appeller le corretier dud. lieu, ou bien de
» luy raisonner son droict que luy appartien, et ne prendra que
» pour charge de bled trojs deniers.
» Item, pour charge huylle ung sol trojs deniers, i s.«>' d.
» Item, pour vajssel de vin ung sol troys deniers, i sJij d.
» Item, per quintal de layne, v d.
h Item, pour quintal de foyn ou palhe, iij d, »
VlSl FRAGMENT DE POÉSIE PROVENÇALE
DU Xlir SIECLE.
Le fragment que nous publions ne saurait avoir par lui-
même une grande importance; mais, comme Ta observé
M . Paul Meyer, « Tidée que nous pourrons nous former de la
» littérature provençale sera encore bien incomplète, lorsque
» tous les textes de cette littérature auront été imprimés ;
» au moins tâchons de n'en laisser aucun inédit. Il est cer-
)) tain que, dès Tinstant où la littérature originale des pays de
» langue d'oc se fut éteinte, les œuvres littéraires, n'étant plus
» copiées, se sont trouvées exposées à toutes les chances de
» destruction . . . Mais, en j regardant de près, on trouverait
» bien des couvertures de registres tirées de mss. provençaux
)) dépecés. . . Il esta supposer que Texamen attentif des vieil-
)) les reliures dans les archives et les bibliothèques du Midi
» donnerait, en ce qui concerne la littérature provençale, des
» résultats considérables . Il ne faudrait pas oublier les ar-
» chives des notaires, qui, dans le Midi, sont souvent très- ri-
))ches. » {Rojnania, 1872, p. 401-402.)
Les archives du département des Pyrénées-Orientales ren-
ferment près de huit mille registres, dont plus de sept mille
manuels ou notules de notaires, avec reliures en parchemin;
mais Texamen que nous en avons fait n'a offert, en fait de
parchemins écrits, qu'une immense quantité d'actes notariés,
le plus souvent sans intérêt, quelques documents historiques
importants (entre autres le testament de Jacques 1" de Ma-
jorque) et beaucoup de débris du Flores Sanctorum, de missels
et autres livres d'offices ecclésiastiques de toutes les époques,
mais rarement antérieurs au XIV* siècle.
Quant aux manuscrits littéraires, nous n'avons trouvé que le
fragment dont nous donnons ici le texte. C'était la couverture
UN FRAGAfEI^T DB POÉSIE PHOVEKÇALE 22y
d'un Fagistre d'unnotaire de Perpignan, dont le titre e^t ain^i
écrit sur une page de vers romans :
Burgat Joannes Franciscm. Notula prima
(1557-59. 1560-69. 1570.)
Il est fâcheux que le notaire Burgat n'ait pas eu Tidée
d'employer pour ses autres registres les autres feuilles de son
vieux manuscrit.
C'est une grande feuille de parchemin, dont le texte, en belle
écriture de la fin du XIIP siècle, porte de chaque côté deux
cohonnes contenant chacune 50 vers. Les majuscules alter-
nent en rouge ou en bleu au commencement de chaque vers.
Chaque couplet commence par une grande majuscule, et tous
les vers sont écrits sur la même ligne, quelle que soit leur me-
sure, même ceux de sept syllabes (v. 7 à 10 du fragment, et
autres) ; cette disposition sera conservée dans l'édition. Il y a
fort peu d'abréviations, et le copiste n'a fait que deux ou trois
corrections. Il n'y a pas d'autre signe de ponctuation que le
point à la fin de chaque vers : nous le supprimons, pour lui
substituer la ponctuation que le sens paraît indiquer. Notre
t«xte n'est d'ailleurs que la reproduction du manuscrit, sauf
les apostrophes que nous ajouterons et le changement de quel-
ques M en v ou i en/. Les leçons sûres et indubitables seront
en caractère ordinaire ; les lettres douteuses, mais cependant
probables d'après les traces ou traits apparents restés sur le
parchemin, seront en italique, et les lettres entièrement dé-
truites ou devenues illisibles seront marquées par des points.
\u reste, l'une des faces du parchemin se trouve en état de
parfaite conservation, et le premier côté seul a été usé par le
frottement en certains endroits.
A. l'extrémité supérieure du parchemin, au-dessus de la
«deuxième colonne et assez loin du texte, se trouve la marque
*if pa.riiiation L, indiquant que ce parchemin formait le SO*"
feuillet du manuscrit. On voit aussi au-dessus de la première
"^lonue un G, sur la troisième un JJ et sur la quatrième
230 DIALECTES ANCIENS
un F, écrits d'une autre main; ce sont des signes dont on
ne s'explique pas trop le sens.
Il serait assez difficile de déterminer à quel genre de com-
position poétique ce fragment pouvait appartenir. Ce n'est
pas un roman chevaleresque, car on n'y trouve le nom d'au-
cun personnage historique ou romanesque, bien que la com-
position prenne en certains endroits la forme d'un récit. Ainsi,
dès le premier vers :
El lirespon. ...
Et plus loin :
Ab tant, pren comjad e s*en vay. .
La dompna, . . t trames un tal messatgier, . .
Il y a même un passage :
leu vos avia he. vu. anz
Estât leyals e drechuriers,
qui semblerait rattacher ces deux cents vers à une composi-
tion de longue haleine, embrassant des événements ou des
aventures romanesques qu'il serait inutile de rechercher ici.
Quoi qu'il en soit, le fragment ne renferme, en somme, autre
chose qu'un dialogue et des dissertations amoureuses entre
une dame et un chevalier, qui n'est peut-être que le trouba'
dour lui-même. Ces conférences d'amour n'offrent guère d'in-
térêt par elles-mêmes, d'autant plus qu'avec les lacunes et le
mauvais état d'une partie du manuscrit, il nous est parfois
difficile, nous devons l'avouer, de saisir la suite des idées et
même l'ordre du dialogue.
Cependant les interlocuteurs citent une fois, pour justifier
leurs explications, en Raimons Vidais bos trobayre molt avinens,
et quatre fois en Miravals qui tan fo fis e franch e de bo chau'
zimen. Raymond de Miravals, des environs de Carcassonne,
brillait dans les premières années du XIIP siècle, et notre
fragment en parle évidemment comme d'un personnage déjà
décédé [qui tan fo fis)^ tandis que la mention de Raymond
Vidal peut très-bien se rapporter à un homme vivant. Rai-
mond Vidal de Bezaudun appartient à la première moitié du
UN FRAGMENT DE POESIE PROVENÇALE 231
XIII* siècle, et rien n'empêcherait de penser que notre frag-
ment peut se rapporter à Tan 1250 ou 1260 environ.
Mais il j a quelque chose de plus important encore, c'est la
citation de deux extraits de textes étrangers à la langue ro-
mane provençale.
Le premier (vers 21 et suivants) est attribué à un Catalan
dont le poète a ne saurait dire le nom. » Mais le mot Cathalas
ne figure ici que par simple distraction, car les vers cités ne
sont que du pur castillan ou espagnol, et Ton sait que les trou-
badours de la Catalogne et même de TAragon n'ont laissé que
des poésies en langue romane provençale.
Le second texte cité (vers 62 et suivants) est attribué à un
Frances, et, quoique le scribe en ait sans doute altéré F ortho-
graphe, il est facile d'y reconnaître, en effet, un texte en
langue d'oïl dans les passages :
Quetn'ha donea s'amor...
Sanz poyne e sans delay . . .
et dans les mots vouldreyent, fusse et autres, qui n'appartien-
nent pas à la langue d'oc .
C'est un fait extrêmement rare que de trouver des citations
originales en langue étrangère dans des compositions poéti-
ques romanes ou autres du XllP siècle ; et le passage où
Dante fait parler Arnaud Daniel, en sa propre langue lemo-
àae, est, selon toute probabilité, postérieur à notre frag-
ment.
Ce fragment est-il réellement inédit? Tout ce que je peux
dire, c'est que je l'ai vainement cherché dans les recueils de
poésies romanes qui sont à ma disposition ; et si, comme je le
désire, d'autres personnes sont plus heureuses que je ne l'ai
été à cet^gard et parviennent à découvrir ce que j'ai cherché
inutilement, cette édition fournira toujours une seconde leçon
assez correcte d'un texte qui peut avoir été altéré et corrompu
dans d'autres manuscrits. Je déclare encore une fois que je
ûe saisis pas facilement le sens général de ce fragment, et
la ponctuation que j'en donne peut être défectueuse ; mais le
232 DIALECTES ANCIEN^
texte imprimé en caractères ordinj^ires ept la reproduction
exacte et rigoureuse du manuscrit. Alart.
(1" col.) El li respon ors.
Un playt fan dompnas qu'es folors,
Can trobon amig quis ey ;
Per assay li mowon esfrey,
5 El destreinhon tro 's vir ailhors.
Pueys, can s' an loinhatz lor meilhors.
Pals entendedor menud
Son chabalmen receubud :
Per que's cala'l cortes chanz,
10 On sort crims e fols mazanz.
leu vos avia be .vij . anz
Estât leyals e drechuriers,
E s'ieu fos fais ni mesçongiers,
Be m'o pogradz aver trpba^d,
15 E que fais cor desesperad
No m'aguessatz enquera dit
Anz me degratz aver mentit,
Per SCO que m'estegues plus plas,
Aixi com dix us cathalas
20 Que nous sabria son nom dir :
Vers 1. — Les lettres marquées par des points sont illisibles dans le
manuscrit; la réunion de quelques traits apparents donnerait dos trat/k
es socors? qui ne nous offre aucun sens.
V. 2. - Un. Le ms. semble porter vis, et le mot pourrait être vils (7)
V. 3. — La lecture de 7uw est certaine . Le mot suivant, qui pourrait
être servey, ne présente que des traits affaiblis, semblant indiquer
ueruey (?)
V. 4. — Le mauvais état du ms. permettrait également de lire affay et
menon,
V. 5. - Uir ailhors en un seul mot dans le ms.
V. 6. — Puey' au ms.
V. 18. — Ms. mes tegues.
V. 20. — Deux lettres presque effacées au premier mot, qui peut être lu
quê OM qu'ar.
UN FRAGMENT D^ POESIE PROVENÇALE 233
Tal dona no juiero dezir
Que por mi nos quiera rogar
De cavalero, de prestar,
Por ques podria enrequir.
25 No li quiero'l sujo pedir ;
Pues tan dura mes de fablar,
Vn poco deuria n^entir,
Por su vassallo meiprar.
Nom deuria tan fort esquivar
30 N a..
M
A^»« ••••
I
E . . . era majs aitals . • . . .
1 lo mie y sembl ....
35 Qixen Miravals o dix aw
Per loinhar vils ditz e embroncs,
Yen . awra de colbs ni d'estoncs ;
No'm part d'amor ni de sas mas,
C'ab bels ditz avinentz e plas
40 Tainh que pros dompna's deffenda.
Car, si trop tenç' ab braus ditz durs,
Non es son pretz tan cars ni purs
C'om d'alques no la 'n reprenda.
E jeu feyra [lo]ng'atenda
15 Moût volontiers, si njestier^ ïo^ :
Mas per vos quim os
E m'avetz taQ fort ad,
Hay en tal dompna '1 cor pausad
Don jamays no 'm partray per re,
V. 30-33. — L'écriture est ici complètement usée par le frottement,
'^ '8 i^union du peu de traits qu'on peut reconnaître n'offre aucun sens.
V. 37 — Le commencement du vers est douteux et semble offrir Fcn-
"Waoïi Veniaura, dont je ne saisis pas le sens.
'^ »i. — L«»> deux premières lettres du mot que je lis long* sont entiè-
234 DIALECTSB
50 Car ab lier Tan e ab liej re.
2* col.). — E b. . leT sur per tou majB.
E vos faretz an Tiare /kjs,
Aital qae, can be nous conosca,
Eras conoâc c^amors es fosca.
55 La dompnal ditz, e mala e ùdsa :
Com Tos m*aTetz favt aTtal fiilsa,
QaMea baj £ach rie e benan !
Car noas mostrej leagiej talan
Âl primier deman qae^m fezes.
60 Ane no aazis ni aprezes
So qae*n dis an firances d*amor :
Cosseilbatz mi, seinbor.
D'an jneg partid d'amor:
A qael*diea8;mt tendraj :
65 Soven sospir e'plor
Por celi cay azor,
E grieff martir en tray,
Mas un' autra peior
Que m'ha donea s'amor
70 Sanz poyne et sans delay .
Lozengier mentior
Vouldreyent que de lor
Fusse, may« no seray .
Si ou (fêla m'atur,
V. 51. — Le sens parait exiger E ab ley^ mais il n'y a aucune trace de
lettre devant b, tandis qu'il y avait au moins une lettre après. Suy pour-
rait être lu fuy.
V. 52. — lyiys pourrait être lu bays.
V. 55. — Le ms. porte e malœ falsa.
V. .^S. -^ Il faudrait sans doute leugier, au lieu de leugiey, mais l'y est
parfaitement lisible.
V. 63. - lueg pourrait être lu iiAog.
V. 64. — Mi douteux, pourrait être lu me ou men.
V. 74. — Les trois lettres en italique sont incertaines et pourrai^t se
lire en cela .
UN FRAGMENT DE POESIE PROVENÇALE 235
75 le auraj fet traytur
De mon fin cuer veray :
En celuy mi tendraj
Per oui soy en error
E
80
. . . .drute par. . que no vos
Q os
Qui i;osvoletz eras ratz,
85 Ma. . . .ossatz tan esseinhatz
Ni tan cortes ni tan vassals ,
Aixi com dix en Miravals,
Degratz atendre joj valen.
Grieu pod aver jauzimen
90 De dreyt' amor, drutz biays
Qui yer se det e huey s'es^rays;
Mas qui be serb e aten,
E sab celar sa folia,
E jau SOS pros els embria,
95 Ab aquels tortz si dons a plainh,
Aquel es d'amor compainh.
E .... 1 s qui no's complainh
Ni bon amor
A dit de be sort hov
100 Avetz comtad reyre cosseilh
(V° -i* col.) Mas montre 'm fuy en apareilh
Cane no'm volgues vos jorn amar,
Per qu'ieu non vueilh ab vos tornar,
E faray sço quel mezeis dix •
••79-83. —Trois vers entièrement détruits et les trois suivants fort
altérés.
^- Si. — On pourrait lire sesfrays, mais la leçon sestrays semble mieux
""%^ par le ms.
2U DIALECTES ANGIBfiS
105 En Miravals, qui tan fo fis
E franch e de bo chauzimen.
Pos ma dompna m'a coven
C'autr' amig no am ni bays,
la dieus no'm sia verays,
110 S'ieuja pernueilh' autra'l men;
C'ab liey hay tôt cant voUa
D'amor e de drndaria,
Que menor joy ni plus mainh
No vueilh, e ab Mey mi remainh :
1 15 E vos remanetz inz el frainh
Ses me, que ja no'us en trayray.
Ab tant pren comiad, e sen vay
A servir si donz leyalmen,
Que Fa garid d'aytal turmen
120 Com de fais' amor, per totz temps.
E la dompna, cuy sço essemps
Remazud enuy e pessar,
Vas celuy qui Ta fayt camjar
Segonz son sen son chavalier,
1 25 1 trames un tal messatgier
Qui lay fetz mantenen venir,
Si hanc solatz pogues auzir
Ni vezer bo ni amoros .
Dentrambas fo, e la sazos .
130 Venc que la dompna'l dix amiga:
Al cor me floris e m'espiga
Em naix us joy s per vostra vista ,
E s'ang fuy pessiva ni trista
Ni vas re morna ni yrada,
135 Eras suy alegra e pagada.
V. 112. — Le tns. porte fainch avec un petit i en interligne, i
; boue) serait acceptable pour le sens; inai# c'est une ftiute du Mpiste,
voulu d'ailleurs la aovnger, et la rime exige évidemment frainh (fln
UN FRAGMENT DE POESIE PROVENÇALE 237
Per SCO c'ar vosvéy bêla e genta
E c'ar al cors no par quey menta
Ney failha pfetz, segons c'albir.
E pretz me'n tnajs, car hanc noyrir
140 Sabr aital dompna com vos ;
Mas, fayt m'avetz un enoios
E sobrel mal, a escien .
Car yeu say en vos tan de sen
E de saber c'anc noyfâlhis.
145 E sço que plus ila'enfôlêtis
Ni'm fay esperdre ni càmjar,
Es c'ar un jôrn non puesc pessar
A ma perda restauraitien .
Vos sabetz be , segonz qu'enten
150 Ni augh ni vey, quel mon non ha
(4"' <•(>! . ) A obs de dompna far certa,
Ni bon son pretz tan rie chabtal,
("om chevalier pro e leyal
Aentendedor e certes.
155 Per sço car dompna dos no os
Ses entendedor tan plazenz,
Ni tan coinhda ni tan suffrenz,
No s'en pod tan be enantir;
Bos entendeyres fay auzir
160 Als autres de dompna son pretz .
E pren Ten aixi, sço sabetz ,
Can pros chavaliers la chauzis,
E com en Miravals lo fis dis,
A far conoixer sa valor .
165 Mas mi te hom per tan bo chauzidor
Que sço qu'ieu vueilh te chascusper meilhor,
C'ades esgardon li meilhor
V. 136. — Le ms. porte belœ yenia,
V. 144. — L'orthogra])hP ordinaire cki manuscrit devrait ûonner failhis .
V. 145.— Mp. inen foletis.
2?8 DIALECTES AKCTENS
E cil qui pretz volon pojar.
Per sço s'en vaj cel qui sab far
170 E que s'aten a pretz valen ;
El malvad gardon eixamen
On son acuilhid lor pareih,
E donon fort malvad cosseilh
A dompnas ses sen quils acuilhon ;
175 On mort dompney,per que si cueilhon
Mant blastne e manta grieu colada,
C'amors es n'a tort blasmada,
Que noj ha poder ni'n pod als,
Si com dix en Ramons Vidais
180 Bos trobajre moltavinens.
Amors no es vils ni desconoixens,
Ni val ni notz, ni es mala ni pros :
Amadors fes aqwi es chabalos
E laer' aitals, e camjanz als avars.
185 No es a dir, niy deu venir cujars,
Qu'entre'ls nescis trob' om amor valen,
E cel qui pod s'en mal log atriar
A si mezeys n'er dans e bauzamenz,
E renda'l mal qui'n mallogs'es donatz.
190 Dels amadors fis e prezatz
E ses engan ve fin' amors,
V. 170. — Le ms. porte E ço que saten a pretz valerij avec un point sur
le ç <le ço pour marquer sans doute que ce mot devait être supprimé Ço
paraît en effet détruire le sens et donne une syllabe de trop pour la mesure
du vers.
V. 183.— Ce vers est sans doute corrompu; récriture est d'ailleurs al-
térée, et les lettres mises en italique sont'douteuses .
V. 184 — Ms. ElœraUals (peut-être E ja e'r' aitaUt?).
V. 188. — Le copiste a effacé à la fin du vers un mot qu*il a remplacé
par bauzamenz, sans doute pour rimer avec valen; mais otrtar du vers
186 ne rime avec rien. Il y a donc ici quelque lacune.
UN FRAGMENT DE PORSIE PROVENÇALE 239
E dels autres ve la flors
A far malvad chapteinh e croj .
Per qu'ieu c'ar voli' aver joy
195 E pretz del segF, ajxi comtainh
A dompna cuy sens no soffrainh
Ni valors no li es loinhada,
Amiej e chauzi ses ufana
Un chavalier pei» mi servir ;
200 Vos sabetz de quai ovueilh dir.
RÈGLEMENT
sur la conduite des Consuls de Bessières (Haute-Garonne)
lorsqu'ils porteront la livrée
(1480)
Quoique ce monuûient soit fort important au point de vue
de l'histoire locale, comme ce n'est ici ni le lieu ni le moment
de traiter cette question, nous la laisserons complètement de
côté.
L'original de cet acte, qui existe à la mairie de Bessières,
écrit sur papier fort, est en assez mauvais état de conserva-
tion, fortement maculé par places ; l'écriture, ronde cursive,
surchargée d'abréviations, est très-lisible. Le texte, sans sur-
charge, a six renvois à la marge, marqués par six signes dif-
férents, quatre au recto, deux au verso. Il n'y existe ni points
ni virgules ; les phrases cependant y sont détachées par des
traits.
Dans la copie textuelle que nous en donnons, nous avons
scrupuleusement respecté l'orthographe. Les abréviations que
nous avons laissées subsister sont faciles à comprendre: ainsi,
vess*^^ ^ vessie jras , etc. Nous avons aussi rétabli dans le
texte les phrases ou membres de phrase inscrits à la marge.
Audit règlement, fait et écrit à Bessières, est jointe une
ordonnance, datée de Buzet le 3 mai 1480 (3 ans 3 mois avant
la mort de Louis XI), écrite sur parchemin, sceHée d'un scei
rouge et signée Gaston du Lyon, seigneur de Bezaudun, séné-
chal de Toulouse, autorisant les Consuls de Bessières à faire
ce que dessus.
BARBE,
de Buzet (Haute-Garonne).
RÊGLEM. SUR LES CONSÙM eIK BBSSIÊRES 2^1'
Sieguen sen las ordenansas e estatutz fajtz a honor e gloria
de Dieu e de la Verg-es Maria sus lo portar des capayros
per los senhos cossols del loc de Vessie jras de la lieureja
reai partida de roge e nègre autra^ada pen mandameut de
moss^' lo senesealc de Thoksa/ Exequtat per moss Johan Tere
liceneiat en lej» / e loc tenant de moss lo jutga de Vila-
longua / e comisaarij depputat.
Et primo es estât ordenat e estatut / que a honor e gloria
de Dieu e de la Verges Maria e tota la cort celestial de
paradis / e de no«tre sobiran senhor lo rey de Fransa e de sa
justicia e causa publicamaiorment del dit loc de Vess** sera
fayt quatre capayros mieg p-artitz de drap roge e nègre de
conpetent pretz que no excediscan dotze lieuras tornesas en
toi per quatre cossols del dit loc de Vess" e aysso p^r comen-
sar a portar eascun an a la festa de totz sans losquals se pa-
guaran dels dinies enpausadors eascun an sus los ditz cossols
seguon que diuran de talka/ sy no pot sufûr se paguaran dels
autres dinies de la taiha e émolument del dit loc / Enorement
sera fayt hun capayro mieg partit de drap vert e pers ho clar
per hun siruent dels ditz senhors cossols / loqual siruent
seruiraals mandamens dels ditz cossols per lan de lor cossolat/
It. es estât ordenat e estatut que eascun dels ditz quatre cos-
sols auran bonetz de color a lor despens lo jorn que prendran
losditz capayros, losquals bonetz que seran de una color e del
pretz de sies soûls per eascun bonet portaran tôt lan del dit
cossolat portan los ditz capayros sus pena de sine soûls tornes
aplicadors als autres cossols sos conpanhos per hun heure ho
dinar, totas e quantas veguadas sera trobat defalhen de so
desus.
It. es ordenat e estatut que los ditz cossols portaran ladita
iieureya lo jorn de las festas annals / dimenge de Nostra
Dama e autras festas solenpnas de moss sant Prim / maiorment
a la gleysae autras honors de nouias, filhols e senhoria / te-
i^en la cort de las causas que se appoi'ten a lor conoysensa /
17
248 DIALECTES ANCIENS
e aysso sus la pena de sine soûls ternes aplicadors la mictat
coma desus est dit / e Tautra mictat a la repparation de las
clausuras del dit loc totas e quantas veguadas seran trobatz
fassen lo contrarij ses neguna remesion.
It. es estatut e ordenat que los ditz cossols portan la dita
lieureya del dit loc no portaran capas uestidas ny mandils nj
guajrandas a las cambas / an portaran honestas raubas e
causas an sabbatos que sia honor de la dita lieureja sus pena
contenguda al ppda (propre dicta ?)/ item desus / applicadojra
coma desus.
It. es ordenat e estatut que los ditz cossols per lan del dit
cossolat estaran honestament e no diran paraulas desonestas /
ny juraran ho blasphemaran Dieu ny sans ny sanctas de pa-
radis/ maiorment portant la dita lieureya del dit loc e qui
contra fara paguara coma desus es dit e mieya lieura de cera
a la luminaria de la gleysa parroquial del dit loc / am autra
pena que poyra estre punit per la justicia ordinaria del dit
loc.
It . es ordenat e estatut que los cossols presens e auenir se-
ran tengutz de tenir losditz capayros dedins ledit loc penden
lan del dit cossolat commo que fos per fa honor a nouias /
filhols ho autras honors semblables ho maiors dedins ledit
cossolat sus pena de detz seuls ternes applicaders la mictat a
la repparation del dit loc e lautra mictat als autres cossols
conpanhos coma desus es dit totas veguadas fara la contrarij
eaysso per lo prumie cep e per le seguon de detz seuls tel. e
per leters cop de vint seuls tel applicaders coma desus.
It. es erdenat e estatut que les ditz senhos de cossols se
arrenguaran honestament anan a las processions ho autras
honors e se assetiaran en la gleysa parroquial del dit loc en
hun banc per los ditz cossols ordenat per assetiar / layssat lo
loc en ledit banc per assetiar mess le jutge de Viilalengua
(Buzet) ho son loctenent si se uol assetiar en ledit banc.
It. es ordenat e estatut que les ditz senhos de cossols pre-
sens e auenir se arreglaran en ledit seti ho anan en proces-
sions ho autras honors se es que los que seran estât cossols
RÈGLKM. Sî:R les CO^SULS DE HESSIERES tA3
dautras ueguadas ho aurian autra preeminencia degra de-
ciensa e precedira / ho si los ditz cossols elegitz e eligidorsne
son estatz plus cossols que lo plus anses ho biells de état pre-
cedira / e si los ditz cossols ho alcun de els no sen podian
accordar los autres an los quais no sera débat apelatz dos ho
très primes de la villa ho ordenaran seguon lor auis''e guisa a
la quela ordenansa los dits cossols auen lo dit débat seran
tengutz de estar sus pena de quatre lieuras tornesas applica-
dojrasalas clausuras del ditloc.
It. es ordenat e statut que fassen las processions en lo dit
loc après moss°'lo jutge ho son loctenent an loqualpojra anar
hun dels ditz cossols e los autres après / seran arenguatz per
lo dit siruent dels ditz senhos de cossols portan son capajro de
heure ja / los autres habitans anan a la dita procession de do»
en dos / deuosiosament en la maniera acostumada ho autra
que sera ordenada.
(Suit l'autorisation déjà mentionnée, signée Gaston du Lyon, écrite en
français.)
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE
DES ANCIENS COMTÉS DE RODSSILLON ET DE CERDAGNE
{Suite)
X
LEUDE DE COLLIOURE
(1249)
La ville de Collioure, qui, depuis les temps les plus reculés,
comprenait dans son territoire T excellent port de Port-
Vendres et les deux ports « de la ville » désignés, dès le
XIIP siècle, sous les noms de Port (T amont et (Tavall^ a été le
seul port important du littoral roussillonnais : c'était, sous les
rois de Majorque et d'Aragon, le seul débouché du commerce
maritime de Perpignan et des comtés de Roussillon et Cer-
dagne. De temps immémorial, on j levait des droits de leude
ou de douane, au profit des comtes d'Empories-Roussillon et de
leurs successeurs, sur tous les objets ou marchandises qui y
arrivaient par terre ou par mer, et l'existence de cette per-
ception est constatée au moins depuis le milieu du XIP
siècle*.
Le leudaire primitif de Collioure devait donc remonter à
une époque très-reculée, et on peut présumer que, s'il ne pro-
venait pas directement de celui de l'antique Empories sa
voisine, il devait au moins se rattacher à ceux de Marseille, ou
des anciens ports d'Agde ou de Narbonne. Dans la rédaction
primitive, les tarifs étaient marqués en melgureses, ou monnaie
de Malgone, qui avait déjà cours en Roussillon et Cerdagne
au X® siècle . Mais ce fait ne prouve rien quant aux origines
^••
' C'est ce que disent les délégués de Barcelone, dans un mémoire adressé
vers 1317 au roi Sanche de Majorque : Dizen que la dita leuda de Cagliure
en son us antich, C. L. anys ha e mes ques leva (Registre intitulé: Leuda de
Copliure, P» 29, v»).
DOCUMENTS SUR LA LAlvOUE CATALAKB 245
des tanfe, car, dèâ la même époque et jusqa à la fin du
XVI* siècle, les ineigurtses forent la seale monnaie légale sti-
pulée dans les contrats publics de la TÎlle et du comté d'£m-
pories.
Quoi qu'il en soit, ce qu'il j a de plus intéressant pour
rhistoire commerciale du bassin occidental de la Méditerra-
née, c'est qu'en 1249 le tarif des leudes de CoUioure, tel qu'il
existait à cette époque, avec les suppressions et additions
qu'ihavait dû subir dans le cours des siècles, sendt de tvpe
pour les tarife des leudes de Xortosa, et probablement de quel-
ques autres ports du. littoral de Catalogne et de rValence. C'est
ce qui vésultede la charte suivante du roi Jacques d'Aragon,
datée dud4 des csdendes de mars 1248 (février 1249):
Noverint universi quod nos lacobus dei gracia rex Ara-
gonum Maioric.et Valencie comesque Barchinone et Vrgelliet
dominus Montispessulani, attendentes dissenciones plurimas
et diversas rixas inter mercatores transeuntes cum navibus
suisperDertusamtam per mare quamperterram, fuisse usque
in hodiemum diem, super prestacione lezdarum sive porta-
tici aut pedagii agravatos, et pluries super Mis declarandis
seu terminandis nobis per probos homines Valencie fuisse sup-
plicatom ut nos finem dicte controversie imponeremus ; exau-
dientes^preces eorum, per nos et nostros concedimus imper-
petuuxn /juod omnes homines regni Valencie et regnorum
dominacionis [nostre] transeuntes cum mercibus suis cujus-
cunqae generis sint vel modi, per mare vel per terram, vel
Dertusam vel ejus pôrtinencias vel jurediccionem , dent
tantummodo lezdam sive pedagium pro mercibus suis vel
alienis secundum quod hodie datur in Coq<»libero, et nulius
lezdarius vel pedagarius amplius ab ipsis mercatoribus vel
eorum mercibus sit ausus accipere nec exhigere, nec ipsi mer-
catores teneantur amplius eis dare. Dat. Valencie XIIIP ka-
iendas marcii anno domini MCCXLVIIP.
Sigiium -f lacobi dei gracia régis Aragonum, Maioric. et
Valencie, comitis Barch. et Vrgelli etdni Montispessulani.
i
246 DIALECTKS ANCIENS
Testes sunt G. de Monte Catheno, G. de Aguilone, G. de
Angularia, frater Garcez de Roda, Eximinus de Thouia.
Sig f num Gi Scribe domini régis notarii qui mandate ipsius
hec scribi fecit loco die et anno prefixis.
(Livre des Bans royaux et leude de Cullioure, f* 7. — Archives
du département des Pyrénées Orientales )
Ce n'est pas qu'il n'y eût déjà des leudes à Tortosa avant
1249 ; car, dès la conquête de cette ville au XIP siècle, il j
avait eu des conventions à ce sujet avec diverses villes, notam-
ment avec Gênes, et l'ordonnance de Jacques le Conquérant
ne pouvait avoir d'autre effet que de supprimer ces anciens
leudaires de Tortosa, en leur substituant désormais le tarif
particulier de Collioure.
Le texte primitif de la leude de Collioure était sans doute
rédigé en latin, et ses tarifs étaient marqués en melgureses ;
mais il ne s'est pas conservé, et nous n'enîpossédons qu'une tra-
duction catalane, faite ou déjà existante en 1249, lorsque ce leu-
daire fut adopté pour Tortosa. Nous n'en connaissons qu'une
seule transcription, de la fin du XIIP siècle ; tous les tarifs y
sont marqués en sols, deniers et mailles. Dans le leudaire
d^ Tortosa, adopté d'après celui de Collioure (en 1249), et
qui, selon Capmany, est daté de 1252, on retrouve à peu
près tous les articles du leudaire roussillonnais ; mais tous
les tarifs y sont marqués en sols jaques, qui n'eurent jamais
cours légal en Roussillon. La transcription (du XV® siècle)
que nous en possédons contient un très-petit nombre de dis-
positions nouvelles qui ne figurent point dans le leudaire de
Collioure, ce qui s'explique fort bien par la différence des rela-
tions commerciales des deux localités; d'autres indications
s'y trouvent supprimées, et notamment l'article des « figues
de Tortosa», qui, on le comprend, n'avaient rien à payer
dans cette ville. On y voit, au contraire, le quintal de ten^a
de Canigo, produit roussillonnais, naturellement exempt de
droits à Collioure, qui ne le mentionne pas dans son leudaire.
Il est donc évident que ces deux documents $ont contempo-
])OCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 247
rains et calqués Tun sur Tautre, sauf de très-légères modifi-
cations, suffisamment expliquées par les faits et observations
qui précèdent.
Voici le texte des « articles de la leude de Collioure qui fut
)) faite leude de Tortosa » en 1249. Nous indiquons en note les
suppressions, additions et variantes qui existent entre ce
document et le leudaire de Tortosa de 1252.
CAPITOLS DE LA LEUDA DE COCLIURE, QUE FO FEITA
LEUDA DE TORTOSA
( 1249 )
Primo, carga de pebre il sol. ii. diners*.
Carga de bâta falua idem.
— de citoal id.
— de cera id.
— dalum de ploma id. '
— de gingibre ii . s. il dr.
— de canela id.
— de girofle id .
— de lâcha id.
— de paper id.
— de brasil id.
— de nous noscades id.
— de nou dexarch id.
* L'article premier de la leude de Tortosa rédigée en 1252 porte, dans
la copie du XV* siècle :
Primeramcntf carga de pebre, pach u. jacens : — comptant reyals que
rj/j/ correna raho dew. dîners, — m. s nu. dr.
Tous les autres tarifs de cette ancienne leude de Tortosa sont ainsi
établis en sois jaques et convertis ensuite en reals de l'époque de la
copiiî. Le tarif de Tortosa porte ensuite (art. 2) :
Uem carga de cotni ii. s de jacens.
Gel aiticle manque dans le leudairo de Collioure dô 1249.
2 Li leude de Tortosa ajoute (art. 5 et 7) :
llem carga de alum zuquari. m. s un. dr,
item carga de cUuni de CasteUa^ ii. s de jacens.
248 l>IALfîCTES , A^JENS
Oarga dindi u. s^h. dr.
— de vormelo id.
— dorpiment id.
— de coral id .
— de grana . id . *
— de gala id .
— de coto id .
— dencens id .
— dargent yiu id .
— de sucre id.
— de celiandre ., id. '
— de roses id .
— de yiples. id .
— d0 safra id.
— 4>e cordoa id. '
— de peylisseria id,.
— d^ynenes ■ id.
— dp pejls de cabritz id.
— de merceria id .
— dp corregeria id.. *
— de drap de li i^.
— de flassades i^. *
— de fustanis ,.,. id,.
— de barragans ^ . . . id. ^
— damido.... ,• • • - id-
— de blanquet id .
— de tapitz, dd.
— de verdet id .
' ^rticle répété deux fpi^ daps .le leudaire.de Jojctoaa {^rt. 22 let lOi).
« Article omis à Tortosçi . -^ 3 Jdem . — * Weip .
• Le leudaire de Tortosa ajoute (art. 27) :
Item carga de galangau m . s un. dr,
^ Article omis dans le leudaire de TortQsa, ainsi que le3.^uivaDts: amidOy
blanquet (céruse), tapUz, verdet. faces (œiqtjores qa laii^e?), drçkfj^ies,
sandUSf fesluchs. ennenis, ^ra bort, jbrunSf s%bo de losa, pintes obra
des, amenlo, flassades de psi de b^oc^ et ^atio moi^.
UN FRAGMENT DE POESIE PROVENÇALE 239
E dels autres ve la flors
A far malvad chapteinh e croy .
Per qu^'ieu c'ar voli' aver joy
195 E pretz del segF, ajxi comtainh
A dompna cuj sens no soffrainh
Ni valors no li es loinhada,
Amiey e chauzi ses ufana
Un chavalier pef mi servir ;
200 Vos sabetz de quai ovueilh dir.
250 DIALECTES ANCIENS
Carga de flassades de pel de boch. . . . i.s.i. dr.
— d3 roja id .
— de sabo mol id .
— de trementina id .
— durxicha id . *
— doli de linos. , id .
— de cabotes de safra id. '
— de grana de verniz id .
— dalum id .
— de salpetra id .
— de pastel id .
— de pedassols. . , id .
— de perojne id .
— de grade papagaj id.
— de peix salât id .
— de pinyons id .
— de datils Id .
— de tartar d'Urgel vi.dr. meala*.
— de curs de bou im.dr. m*.
— de curs de molto id.
— de curs de boch id.
— de rabassa vi. dr. m*.
— de mirais id . *
— de bores > i.s. v.dr, m'
Quintal de ploma iiii.dr. m*.
— de borra id.
' Carga de orxicha au leudaire de Tortosa (urt. 124).
2 Cet article et le suivant manquent au leudaire de Tortoso, ainsi que
ceux du salpetra, }yedas sots {chiiïons), peroyne, gra de papagay, rabassa,
formage, mantega, cardo, ferre no obrat, veyre et acer.
^ Ce produit des contins de la Cerdagne ne devait guère arriver à Tor-
tosa, dont le leudaire porte seulement : carga de tartar (art 143).
♦ Carga de vidre de mirais^ dans le leudaire de Tortosa (art 39).
* Manque au tarif de Tortosa. Peut-être est-ce une erreur du scribe, et
faut-il lire de vori (ivoire), qui figure dans le tarif de la leude de GoUioure
modifiée vers l'an 1300.
kH
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 251
Quintal de datil irii.dr.m*.
— de seu de sagins id.
— de formages id .
— de lauto o de metayl • . -. . id .
— de stajn o de coure id. *
— de ferre obrat - id .
— de launes de cuyraces id . '
— de canem obrat o no obrat. ... id.
— de mantega id.
— de sabo mol . ; id .
— de cardo .... id .
— de semola id .
— de li VIII. dr.m*.
— de ferre no obrat ii.dr.m*.
— de mel id .
— de fustet id .
— derba cuquera id . ^
— de coifol id .
— de sosa id .
— de ve jre id .
— de stopa id .
•- de pel de boch id.
— de sofre id .
— de cendre clavelada id .
~ de gra de carabassa id . *
— de melons id .
* On mentionne aussi lo plom a Tortosa (art. 64).
' De lames ou plaques de cuirasses , omis à Tortosa.
■ Article répété dans la ieude de Tortosa (art. 69), et de plus (nrt 42) •
Item quintal derba colera^ paga iiii. drs jaqueses.
* Dans la ieude de Tortosa (articles 52 et 53):
It-'m quintal de ijrans de carabasses, o de cogombres, o dalbudeques,
de cols, o de tnustuyla, o daltres faujrs^ n drjacens.
Item can/d de cabaço<. palmes o joncfis obratslo per obrar. estores,
cordes redones, c treueyles, e obra de terra, carbo, paoh per carga \.s de
jaqueses.
262 DIAfLECTHS ANCIENS
Quintal de ,gleda u. dr.jB*.
— de pega id
— de terra tanquera id . *
— de acer id
— de atzebib id.
— de farina ii.dr.
Carga de lana de très quintars. . ....... i*s.vi.(/r.m* •
Quintal de lana.... vi.dr.m*.
Sporta de figa dAlacant m . dr . '
— de figa de Tortosa id.
— de figa de Terragona id.
— de figa de Dénia id. ,
— de figa de Malica id.
— de figajde Malorcha .......... u . dr .
— de figa de Valencia id.
— de figa de Murcia id.
Sporta de pega fUi . dr.
— de sardina grossa ii . dr .
Esmina de forment . vi.dr. m*.
— de ciurons id.
— de linos id.
— de grade roja. . . ., id.*
— de mostajla v^n . dr m*.
— dordi id.
* La leude de Tortosa porte un article qui correspond sans doute à
celui-ci, sous la forme suivante :
Item quintal déterra u. dr (art. 70). Elle y ajoute les deux suivants :
Item quintal de terra de Canego, de jacens «. rfr? <art- 50)
Item tera (sic) de Mont Aragon^ ii. dr. jacens (art 140).
* Cet articly a été ajouté en interligne vers 1430, avec la note suivante,
même écriture : Fuit ihl adapfatnm per me Bernardum de Piano nota-
rium- et scribam curie procuracionis régie, quia sic fuit repcrtum in
leudario dici' lezde In archivo dicte procuracionis régie recondito. Caiie
autre copie de l'ancienne leude de Gollioure ne nous est point parvenue.
3 Get article etles sept suivants manquent da^s la leude de Tortosa.
* Graine de garance ; manque au tarif do Tortosa.
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 253
Esmina de segle id .
— de mil id.
— de lentiyles id.
— de faues id .
— de pesols id.
— de vesses id.
— de ciuada iiii.dr.m*.
— damenles id.
— doruga viii.dr.m\
Sester de forment ii.dr.
— de ciurons id.
— de linos id.
— de segle i.dr.m\
— de vessa id.
— de faues id.
— dordi , id.
— de legum id.
— de lentiles « id.
— de pesols id,
— de guixes l dr. m*.
— de grade roja id.
— damenles id.
— doruga id.
— de mostayla id.
— de ciuada id.
Centenar de boquines i s. vii.dr.m'.
— dampoles nui, ampoles.
(jorp de veyre , paga m. anaps.
Gerra de tonina ii . dr .
— doli id.
— '[^dalquitra id.
— de sabo vi.dr.m*.
Hodre dalquitra ii.dr,
— doli , bot 0 barrai ui.dr.
Barril de sardina ii.dr.
Cabacet de sardina m*.
254 DIALb^ClES ANCIENS
Bacho de carnsalada iiii.dr.m*.
Sach de raudor i . dr .
— davelanes viii.dr.m''.
Fiat de li. ii.dr.
Sarria dangiles o de peix salât viii. dr. m*.
Miler de sipies id.*
— de vejrats ix.dr.'
— de Stella de boix viii . dr .
— de sarda ii . dr .
— danaps de bruch i.s.vii.dr.m*.'
Trachadexx. curs de bou id.
Faixs de xx. curs de bou o vedel xi . dr
— de boldrons • i.s.vii.dr.m*.*
Faixs daynines o de cabritz i.s.ii-dr.
Tota sal paga lo vinte .
Tôt Juheu e Juhia, e, si es prejns,paga
lo prejnat i . s i . dr . '
Tôt Sarrahin o Sarrahina id.
Caval, paga . . . . > xx . s .
Palafre, paga vu. s.
Roci,paga v.s.
Mul 0 mula, paga ii. s.
* Sèches. Manque au leudaire de Tortosa.
* Idem. C'est sans doute le poisson vulgairement appelé herat ou brtU
(maquereau) sur les côtes du Houssillon.
' Coupes, écuelles ou vases en bois de bruyère» Manque au tarif de
Tortosa.
* Manque à Tortosa.
* La leude de Tortosa renferme les trois articles suivants sur les Juifs
elles Sarrasins:
Item tôt Sarrahi o Sarrahina, o Juheu o Juhia, sie catiu o catiua, es-
trayrif — pach i. sjacens{2irt. 122).
Item tôt Sarrahi strayn deu pagar lo vinte de les mercaderies qui hi
port opas con van en Barheria —per centenar de sdl,^ vni. drsjacens
(art. 156).
Item que tôt moro o mora de Torthosa paga per les mercaderies que hi
port con van en Barber ia, per centenar de sol, — vi. « wii. de jacens
(art. 157).
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 255
Egua, paga i . s.
Mul 0 mula quis vena en la vila, dona lo
fre e paga i.s.*
Ase o saumera, paga .. . . , un. dr . m*.
Bou o vacca id.
Molto, feda, boch, cabra, cabrit, aynel
viu, paga. . . m'^.
Porch viu, paga. . i.dr.
Bota de vi iiii . dr . m'' .
Tota nau ab gabia, paga v.s. v.dr.
Lejn cubert , paga v s . ii dr .
Barcha descuberta, paga i.s. ii.dr.
Laut de barcha qui no port gouern.. . . mi.dr.m*.
(Archives (iu départeim^nt des Pyrénées-Orientales. — Livre
des Bans royaux et lende dp Collioure, f" 7,à 12. ;
LEUDA DE TORTOSA
(1252)
Outre les variantes ou additions déjà signalées dans les
notes qui précèdent, nous donnons ici les autres articles de
la leude de Tortosa qui ne se trouvent pas dans la leude
de Collioure de 1249 :
( Article?
(87) Item quintal de stams ii.dr. jacens.
(90) — tota bestia menuda, pach per pas-
satge i.dr.
(92) — ferrade de ferre, sens obrar iii.dr.
(96) Item tôt lejn cubert, pach per stacha
de Tortosa, ii . s jacens : e de tôt aquel
viatge no deu pus pagar fins que es
tornat en la vila.
* Manque au leudaire de Tortosa.
256 DIALECTES ANCIEN»
(97) Item baroha, pach per estacha viu.dr. jacens.
(98) Item barcha ab timo, paeh per tôt
viatgé i.s.vmdr.
(99) Item caxa de fula, despases ii . s .
(103) Item carga de conilheria ii.s. de jacens .
(115) Item carga de borraix obrat, pach i.s. vi dr.
(121) Item carga dalum de rocha i.s. jacens.
(123) Item carga de blanch de lauar i.s. jac-
(135) Idem carga dalum de Baltan. v.dr. jacens.
(144) Item carga de fust de Castella quivaen
Valencia nrf'. dr . jacens.
(145) Item scales de pedra mi.dr.ja*.
(147) Item drap dAvinyo ....>... id.
(148) Item drap de Leyda. ..... id.
(149) Item drap de Jenoua id.
(150) Item drap de Flandres id.
(170) Item tota fusta paga quarante.
(182) Itemmiler de osses de bou ii.s^ jacens.
(183) Item carga de nirvis o de cervo. . . . ii s. jacens.
(184 et dernier,) — Item de tota mercaderia generalment
qui passara per lo lezdari, pach segons que la dita merca-
deria es en los dits capitols : e si no sera déclarât que deu pa-
gar, com lesdites mercaderies porien esser diverses, paguen a
coneguda del cuylidor de la ditaleuda, segons la valoa o la
carga que semblants causes o mercaderies paguen, e no mes
avant.
(Archives du département des Pyrénées-Orientales, B . 217. —
Procuracio real, rogislro XI l[. f" Gl à 06.)
ANNONCES ET AVIS DE LA FOIRE DE MONTAGNAC
(HÉRAULT)
AUX PRÉPOSÉS DES PAREURS DE PERPIGNAN
(t470-t480)
Nous avons trouvé, parmi les papiers de Fancienne corpo-
ration des pareurs de Perpignan, deux lettres de Tépoque de
Louis XI émanées des consuls de la ville de Montagnac
située un peu au-dessus de Pézenas, sur la rive gauche de
THérault. Ces deux pièces, qui ne sont guère autre chose que
des lettres circulaires annonçant la tenue de la foire de la
mi-carême de Montagnac, n'ont pas d'autre valeur historique
que de nous renseigner sur un des moyens usités dans Fancien
temps pour attirer les acheteur.5 aux foires et marchés, et,
par suite, écouler les marchandisos et produits locaux. C'est
une partie intéressante de l'histoire des relations commercia-
les, et elle est encore loin d'être élucidée pour les siècles du
moyen âge.
L'annonce a certainement fait d'immenses progrès, et l'on
sait tout ce que nos fêtes, nos concours et nos expositions,
doivent à l'envoi multiplié d'affiches et de programmes, et
aux réclames des journaux. Mais nos ancêtres ne s'endor-
maient pas non plus, et, comme le disent les consuls de Mon-
tagnac, ayssins coma de say entras avem acostumat, à chaque
nouvelle foire, ils écrivaient à tous leurs clients, aux préposé g
des tori)orations ouvrières, à tous ceux qui étaient en rela-
tions d'affaires avec eux, pour leur annoncer l'époque de
l'ouverture de la foire et signaler toutes les circonstances qui
pouvaient favoriser les opérations commerciales, sans oublier
les amateurs de bonne chère, alléchés par la promesse de
boues victualhas et de bons vins.
Les avis des consuls de Montagnac, datés du 4 mars 1469
(1470) et du 15 mars 1479(1480), arrivaient, d'ailleurs, fort mal
18
2r)S DIALECTES ANCIENS
à propos en ce qui concerne les pareurs de Perpignan, dont la
corporation, extrêmement florissante sous les rois de Majorque
et jusqu'au milieu du XV™® siècle, était en pleine décadence
depuis l'occupation du Roussillon par les troupes de Louis XI,
en 1462. Jusqu'en 1476, le Roussillon fut le théâtre de révoltes
incessantes et de guerres désastreuses, qui réduisirent ce pays
à la misère la plus affreuse . L'industrie et le commerce étaient
à peu près éteints, et, dès l'an 1472, la plupart des pareurs
de Perpignan étaient allés s'établir sur divers points de l'Italie,
et surtout à Florence . Le reste de la corporation était aux
abois, et, après avoir vainement réclamé la protection de
Louis XI et de Boffillo de Judice, vice-roi de Roussillon,
après avoir lancé la malédiction contre les traîtres qui avaient
transporté leur industrie à l'étranger, ils s'écriaient, dans une
lamentable supplique du 27 janvier 1477 : Los qui resten
affecten la mort per esser exhemits de tal viure, e fossen relaxais
de tal ne tanta calamitat e mtseria. Som fets com les animes
tristes de porgatori, les qualSy destituides de parents e persones
conjuncteSy speren ajude e suffragi tant solament de oracions gêne-
rais ecomunes. Leur industrie ne put jamais se relever de
cette désastreuse situation.
Les deux lettres des consuls de Montagnac portent encore
quelques traces de cire de cachets et ont au revers une adresse
que nous mettons en tête du texte. La rédaction en est assez
négligée, comme on le remarquera pour les mots : scriht, tost
et tostZj consolns, etc.
Quant à la linguistique, bornons-nous à signaler les for-
mules tresque cars et de tresque bon cor, où le très, introduit
du français, est singulièrement altéré. La marque du superla-
tif français, tresque, est déjà usitée en Languedoc dans l'acte
de notoriété de la charte du consulat d'Uzès, du 1" novembre
J346, publié par M. Eugène de Rozière dans la Revue de
législation ancienne et moderne (année 1870, page 187), article
16: item an lor consolât tresque antic, pour dire que l'origine
de leur consulat est très-ancienne. Alart.
ANNONCES 1>K LA POIHE 1>E MONTAUNAC 259
Als lionorables savis et discretz Senhors los sobrepausatz de
parayres de la villa de Perpinha,
Sien les presens /)[ades] et R[emeses].
IhS"
Honorables, savis et discretz Senhors, et de nos tresque cars
et specials amix, tant affectuozamen et de si bon cor coma
nos podem a vosnos recomandam. Et vos plassa assaber que,
ayssins coma desay entras avem acostumat de mandar als sen-
iiors merchans compradors que an acostumat de frequentar et
venir en las liejras desta villa, lus avem mandat que els sian
ajssi lo premia (sic) digous aprop mieja carema que sera lo
IX'^ jorn del presen mes de mars, per entencion que lafieyra
de la dîtag"** carema se obrira et se tendra per lo terme
degut et acostumat, et passât lo dit terme ladita fiejra sera
clauza et concluza, talamen que dengun merchan comprado
ni vendedor non hi auzara ren comprar ni vendre. Los quais
merchans nos am fâcha resposta que els vendransens denguna
fauta et seran ayssi de bona hora. Et perso, honorables sen-
hors, vos preguam de venir de bona hora am vostras, car nos
avem speransa que la dita fieyra sera bona, si plaj a Nostre
Senhor, perso que lo pays per lo presen es en bon stamen
et am bona sanetat. Dautra part, que per lo presen non hi a
dengunas autras fieyras que fasson empachamen en aquesta,
et cascun a bon voler de hi venir. Per que, honorables Sen-
hors, vos preguam que non hi aya ponhc (sic) de fauta que non
vengas de bona hora, alin que dengun non se ranquer de vos-
autres per vostre tart venir, car ben sabes cossi von a près de
say outras quant venies tart. Per que, si vos play, venes de
bona hora. Et nosautres nos persfossarem(5îc) de vos reculhir
al melho que nos poyrem, et de vos aprestar de bones vic-
tualhas et de bons vins, meyansan lo bon voler de Nostre Sen-
hor al quai preguam de vos gardar et conservar. Et que si
' Lo siirne employé ici, assez semblable à un Z accompagné de la
I.Uro a, n'est autre chose que îa lettre M à moitié renversée : c'est une
abréviation du mot niieya.
250 DIALECTES ANCIE^S
dengunas causas vos son plasentas de la part de say, que nos
ho mandes, per entencion de las complir a nostre poder et
bona voluntat.
Scriht a Montanhac a iiii de mars mil iiup lxix.
los tostz Yostres et specials amix,
Los Consols de Mon*«.
Als honorables Senhos los Sobre pausatz de lus Parayres de la
vilha de Perpinha^ sia R[emesa],
+ M*.
Honorables Senhos, de tresque bon cor a vos autres nos re-
comandam.
La pressent hes per vos avizar que la fiejra de g *. carema
acomensara lo xvn® de mars prodanamen {sic) venen, et per
tant vos pregham tant que nos podem que vos plassa de ho far
assaber a toust los merchans qui voldran venjr a Iha dita
fyera {sic). Et que lur plassa de venyr de bona hora, car hom
lur aprestara de bons vjures, et vos recullyrem lo milhor que
nos poyrem, car lo pays hes en bona sanitat per la grassia
de Dyu al cal pregham que vos done bona vida et longha.
Et si res voiles de part de sa, comandas la nos, car nos la
acomplirem a nostre poder. Non plus per lo pressent.
Escrit a Mon**^ a xv de mars mil iiii^ lxxix.
Los tost vostres bons amist,
los consolns de la vilha de Mon**.
DALECTES MODERNES
ARNAUD DAUBASSE
OUVRIER ET POÉÏE DU XVIl' SIÈCLE
Si nous voulons, en quelques lignes, réveiller la mémoire
d'Arnaud Daubasse, ce n'est pas que sa valeur poétique soit
exceptionnelle, ni que ses vers en langue agenaise aient jamais
acquis, en dehors d'un cercle assez restreint, une grande popu-
larité; mais il j a dans la vie, dans le caractère comme dans
les œuvres de ce fabricant de peignes, un naturel, une fran-
chise et une bonne humeur qui nous attirent : en lui le poëte
du peuple, aussi bien que Partisan modeste et laborieux, est
curieux à étudier, et plus d'un enseignement serait à tirer de
raccord qu'il avait su établir entre ses habitudes de travail et
de probité et sa verve railleuse de rimeur malicieux. Cet
homme, à peu près inculte, qui ne savait, dit-on, ni lire ni
écrire, avait un esprit si prompt et si gai, que ses bons mots
couraient le monde, ses épigrammes étaient partout répan-
dues, et sa conversation, pleine d'entrain et de finesse, était
recherchée des personnes les plus considérables de la cité de
Villeneuve-sur-Lot, qu'il habitait. Il est toujours resté maître
peignier et même un peu cabaretier. C'est sur les modestes
profits qu'il pouvait retirer de ses deux professions qu'il comp-
tait pour faire vivre et élever sa famille. Son intelligence et
ses heureuses saillies, qui l'avaient rapproché de personnages
de la plus haute condition, ne l'avaient jamais trompé sur sa
véritable vocation. Il ne méprisa jamais son humble destinée ,
(»t il n'aurait pas imaginé, même dans ses plus beaux rêves.
262 DIALECTES MODERNES
qu'il pût devenir ambassadeur ou gouverneur de province .
Il était heureux de ses succès faciles, jouissait le premier,
et plus qu'un autre sans doute, de tout ce qu'il trouvait dans
son imagination d'idées comiques et réjouissantes ; il en fai-
sait volontiers part aux autres, puis il revenait facilement
à la fabrication de ses peignes et réservait pour las clients
qui venaient le soir s'attabler chez lui, les trésors de sa
joyeuse conversation, et donnait par là un prix inestimable
aux objets qu'il leur servait.
Arnaud Daubasse était né à Moissac en Quercy, en 1664. .
Son père était comme lui un pauvre peignier, chargé d'une
nombreuse famille. Dans sa modeste échoppe, ses neuf enfants
étaient appliqués au travail de son humble métier ; ils avaient
à peine de quoi vivre et la gêne était grande ; aussi, dès qu'ils
se sentaient assez forts pour affronter les hasards d'une vie
nomade, ils quittaient le foyer paternel et s'en allaient courir
le monde. On croit pourtant que notre poëte Arnaud n'aban-
donna son père et sa ville natale qu'à l'âge de vingt-trois ans.
Pendant dix ans on perd absolument sa trace. Qu'était-il de-
venu? Où avait-il porté sa gaieté et son amour du travail?
Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il avait heureusement, dans ses
voyages, cultivé l'une et l'autre. On le retrouve à trente-trois
ans établi, rue Bourgogne, à Villeneuve-en-Agenais, où il s'était
marié, chef d'une industrie florissante, occupant un assez
grand nombre d'ouvriers, et toujours d'ailleurs riant et chan-
tant. Qui avait pu le déterminer à fixer à Villeneuve sa des-
tinée jusque-là vagabonde ? Quand on connaît la riche vallée
où est si gracieusement assise la ville d'Alphonse de Poitiers,
sur les deux rives du Lot, on n'est pas surpris de la préférence
qui lui fut donnée sur d^autres par notre spirituel artisan.
Placée entre l'antique station romaine d'Excisum (Eysses)
et le château féodal de Pujols, formée en quelque sorte des dé-
bris de cette double et puissante origine, elle présente l'aspect
le plus riant. Lorsque, pour la première fois. Daubasse des-
cendit Tune des pentes fleuries des collines qui y conduisent,
ses yeux durent être ravis du spectacle de cette splendide
ARNAUD DAUBASSE 263
•
végétation et de cet attrayant paysage ; si c'était à la saison
printanière, il put contempler sur les rameaux des innom-
brables arbres à fruit répandus dans la plaine, cette opulente
et fraîche couronne de fleurs roses et blanches, a neige odo-
rante du printemps », comme a si bien dit un poète. Tout ce
qu'il voyait devait séduire cet homme à l'imagination vive et
aux instincts élevés. Une fois arrivé dans cette ville coquette-
ment bâtie, avec ses portes aux tours carrées et son pont si
original du XIIP siècle, il s'y sentit retenu et y resta jusqu'à
sa fin, c'est-à-dire jusqu'en 1727.
Une autre cause devait aussi lui faire aimer Villeneuve
comme une seconde patrie: c'est l'esprit de ses habitants,
alerte, animé, enthousiaste et en même temps cordial et sin-
cère. Il est même à noter, et c'est ce qui dut plaire à Daubasse,
qu'ils ont eu à toute époque un goût très-prononcé pour l'épi-
gramme et la moquerie. Afin même de donner plus de sel aux
quolibets échangés entre eux, il a été longtemps, et il est peut-
être encore d'usage dans une certaine partie de la population,
de les formuler en rimes plus ou moins régulières. Ces impro-
visations peu correctes et fort libres ont donné lieu à cette
locution particulière au pays : — Fa de bers (faire des vers), —
ce qui se traduit par dire des injures et décocher toute
sorte de plaisanteries.
Dans ce genre-là, mais avec plus d'art et moins d'aigreur,
Daubasse devait exceller; et il faut reconnaître que, s'il n'a pas
atteint de grandes hauteurs, il a souvent lancé des traits heu-
reux et piquants.
Il y a lieu de penser qu'avant de quitter Moissac, Daubasse
s'était exercé dans ce genre satirique. On a même dit que ces
dispositions avaient mécontenté son père et blessé quelques-
uns de ses compatriotes, ce qui l'avait déterminé à partir.
C'est à cette époque qu'on peut faire remonter, à ce qu'il pa-
raît, cette chanson de table, qui a été longtemps chantée à
Villeneuve :
OU de sirmen,
Bèno bistomen
264 DIALECTES MODERNES
Dedins ma tasso
Bailha la casso
A raoun pessoraen
Que me jagrino
Et met en niino
Moun enteiidomen .
Mes que lou boun bi
Sur la terro aboundc ,
Alabe lou mounde
Se porto a rabi.
Tabe lou Janet.
Dins un cabaret,
Quant la set lou rounjo.
Beù coumo uno espounjo
De blan, de claret :
Et, lou beyre en ma.
l^is : Pla fat que sounju
Al relendouma.
Huile de sarmont, — viens vilement — au fond de ma lasse — donner
la chasse — à la tristesse — qui me chagrine — et met en ruine — toute
ma raison.— Pourvu que le bon vin — sur la terre abonde, — alors tout
le monde — se porte à ravir — Aussi le petit Jean, — dans un cabaret, —
quand la soif le tourmente, — boit comme une éponge — du blanc, du
clairet; — et, le verre en main,— dit: Bien sot qui songe — au surlende-
main.
Daubasse abondait surtout en bons mots, en pointes fa-
ciles, qui lui venaient sans effort, à toute occasion, à tout
bout de champ.
Un jour qu'il sortait du cabaret de Rebequet, il disait pres-
tement, pour se moquer d'une de ses voisines :
Quant souy chè V Rebequet.
Que la set m'assassino,
You preni lou triquet
De la sajo Delphine,
Que nou f ay qu'un cot de jaûpino,
Mes toujours dus d'un soûl luquet.
Quand je suis chez Rebequet, -que la soif m'assassine,— moi je prends
les façons — de la sage Delphine, — qui ne fait qu'un coup d'une chopine,
— mais toujours deux d'une seule allumette .
D'où venez-vous, lui demandait un jour le gardien des ca-
pucins ?
ARNAUD DAUBASSE 265
Béni de chez mazelhès,
(Répondit-il immédiatement)
Que lou f au pes danno à milhès ;
Amay prâco cat nou s'alarmo.
Crezès-bous que montoun al Cèl,
Se san Miquèl lour pèzo Tarmo
Dins la balance del mazel ?
Je viens de chez des bouchers, — que le faux poids damne par milliers ;
— et cependant nul ne s'alarme, — Groyez-vous qu'ils montent au Uiel, —
si saint Michel leur pèse l'âme — dans la balance de la boucherie.
Sa plaisanterie était parfois plus fine et plus relevée . Se
trouvant un jour dans une société fort élégante, car il y était
souvent admis, on s'arrêta, dans le cours d'une promenade,
devant un ruisseau sur lequel on avait jeté une planche qui
servait au passage. Daubasse, présentant sa main aune belle
et noble demoiselle du temps, M'^® de Rigoulières, pour l'aider
à faire cette traversée, lui dit :
Bous sèsbèlo coumo lo jour:
Jamay la nèû sera ta blanco !
Per passa lou riûde l'amour,
Nou boudrioy pas d'aûtro palanco • .
Vous êtes belle comme le jour; — jamais la neige ne sera si blanche.
— Pour passer le ruisseau do l'amour, — je ne voudrais pas d'autre
planche .
Très-apprécié pour son esprit, très-connu pour son carac-
XvYo jovial. Daubasse était de toutes les fêtes, et il s'y mon-
trait à la hauteur de toutes les situations et de toutes les com-
l^agnies.
On le rencontrait chez le duc de Biron, le maréchal de
Montre vel, le comte de Fumel-Montaigu, en un mot l'élite de
la province. Son esprit et sa finesse y étaient fort appréciés.
A ce contact, il forma son goiit, sans rien perdre de sa bon-
homie et de sa simplicité natives. Avec la souplesse qui est un
deî< traits saillants de sa nature mobile, il savait, quand il le
fallaii, tourner une louange délicate aussi prestement qu'il
' Palanqiie, qui est plus exaclemenl une planche servant de pont
266 DIALECTES MODERNES
lançait un mot aiguisé de malice. Il était un jour au château
de Biron, résidence magnifique, qui, par ses vastes propor-
tions et rimposante beauté de son site, était, comme il est
resté, un monument digne de la grandeur de cette famille
illustre. Après avoir dépensé beaucoup de verve et de gaieté
en l'honneur du beau monde qui j était réuni. Daubasse sut
à propos adresser les vers suivants à M . le duc de Biron, pour
lui demander la grâce d'un pauvre diable qui lui avait volé un
fagot de bois :
Moiinsegnur, bous bezès qu'aquel horae, à samino.
Aiiounço per sigur un i)aysan bien paûras.
Gaytaz-lou per d'aban, gaytaz-lou per l'esquino.
Non bezès qu'un jipou tapissât de petas.
Soun cap es sans capèl , sas cambos sans debas ;
May qu'un benne affamât la paûrièro lou mino .
Per aquel malhurous damandi pas de graço :
Per l'exemple de toutz boli que sio punit ;
A coundissiû pourtant que soun boy, mes en masso,
Pezara lous laûriès que bous abès culit .
Monseigneur, vous voyez que cet homme, à sa mine, — annonce pour
sur un paysan bien misérable. — Regardez-le par devant, regardez-le par
réchine, — vous ne voyez qu'une blouse tapissée de pièces. — Sa tête
est sans chapeau, ses jambes sans chaussettes; — plus qu'un ver affamé
la misère le mine. — Pour ce malheureux je ne demande pas de grâce: —
pour l'exemple de tous, je veux quil soit puni; — à condition pourtant que
son bois, mis en tas, — pèsera les lauriers que vous avez cueillis.
Nous aimons à relever ici un point de ressemblance entre
Daubasse et notre Jasmin, simple artisan aussi, plein de cœur,
et dont le génie n'a jamais regardé que le bien,
Il voulut toujours (et Daubasse paraît avoir été animé du
même esprit) employer les relations puissantes qu'il s'était
faites au profit des petits et des pauvres, qui étaient ses vrais
amis.
Il est resté un assez grand nombre de poésies françaises
composées par Daubasse. Nous reconnaissons facilement
qu'elles n'ont pas un grand mérite, et qu'il est inutile d'y in-
sister.
ARNAUD DAUBASSE 2.57
On ne peut contester, toutefois, qu'il est remarquable que
cet homme sans culture ait appris, on ne sait comment, à
s'exprimer fort couramment envers Ces vers valent bien un
grand nombre de ceux qui se publiaient à cette époque; ses
ëglogues, ses sonnets, ses odes religieuses, ne sont pas trop
mal construits ; il j a même un luxe de comparaisons mytho-
logiques qui étonne de la part de Partisan que nous connais-
sons. Nous croyons pouvoir citer une épigramme aux béné-
dictins de Tabbaye d'Eysses.
L'âue que conduisait Daubasse était entré dans la cour de
Tabbayé, tandis que les moines se promenaient au dehors :
Pardonnez, s'il vous plaît, Martin,
(leur dit le poëte)
S'il en agit de la sorte :
11 croyait entrer au moulin.
Voyant ses frères à la porte .
Daubasse s'est exercé longtemps à faire des poésies reli-
gieuses. Il avait, dit-on, deux filles qui avaient de belles voix,
et pour lesquelles il composait des Noëls patois qu'il leur fai-
sait chanter. Il en a laissé un grand nombre, qui rappellent
ceux qui étaient si répandus dans le Midi aux époques de vive
foi religieuse ; mais, il faut le dire, ils ne s'en distinguent par
aucune supériorité, et même ils sont inférieurs aux Noëls pro-
vençaux, si abondants dans la littérature romane .
Ses œuvres pieuses affectent souvent plus de prétention en-
core ; elles abordent de grands sujets : la Mort, les Quatre Fins
de l'homme, la Grandeur de Dieu, etc., etc.
Notre fabricant de peignes n'était ni un théologien, ni un
lettré, nous l'avons dit ; mais il était curieux de tout, et il
comprenait très-vite ce que l'on disait devant lui. En bon
chrétien , il assistait aux prônes et aux sermons de sa pa-
roisse . Il ne pouvait ni discuter, ni critiquer, ni modifier en
rien les idées qui pénétraient dans son esprit, mais il les re-
tenait parfaitement, et s'appliquait ensuite à les traduire en
vers gascons. C'était une bonne pensée, mais les résultats n'en
devaient être ({ue fort ordinaires. N'était-ce pas aussi quelque-
268 DIALECTES MODERNES
fois la faute de son curé? car, pour lui, c'est à peine 8*11 savait
lire ses prières.
D'ailleurs, lorsqu'on a reçu du Ciel une humeur joyeuse, de
Tentrain et de la répartie, n'est-ce point forcer son talent que
de vouloir embrasser les sujets graves et devenir sérieux?
Celui qui rit bien, et qu'on est accoutumé à voir rire, perd
beaucoup de son succès et de ses facultés lorsqu'il veut pa-
raître méditatif et sombre . C'est pour cela sans doute que
notre artisan moqueur n'a pu devenir un poète sacré de quel-
que valeur. Lorsqu'il est triste, il est plat, commun, et on ne
peut louer en lui que l'excellence des doctrines et la pureté
des intentions. Qu'on nous permette pourtant de citer ces
quelques vers, que l'on dit avoir été faits par lui à son lit de
mort; c'est qu'alors il était dans son rôle :
Anôi tu, belèù you douma !
La mort, en sa dailho à la ma.
You nou la bezi pa.s que daysse
Ni ber, ni set, ni mol. ni dur:
Cuupo ço que nou fayt que naysse.
Tapla coumo ço de madur.
Aujourd'hui toi, peut être moi demain l — La mort, avec sa faux à la
main, — je ne vois pas qu'elle laisse — ni vert, ni sec, ni mou, ni dur: —
elle coupe ce qui ne fait que naître, aussi bien que ce qui est mûr
Le poète de Villeneuve, à travers ses diverses inspirations,
ne perdait jamais de vue son métier et ses affaires, qu'il me-
nait fort bien ; il savait même utiliser adroitement ses talents
littéraires au profit de ses intérêts : c'est ainsi qu'il eut l'oc-
casion d'aller à Bordeaux, porter aux jurats de cette ville une
plainte qui touchait à son petit commerce, et qui était écrite
en assez bon français. Il y avait là une question de liberté, on
pourrait dire de libre échange, pour les ouvrages en corne
qu'il fabriquait: il se tira si spirituellement de sarequête, qu'il
gagna sa cause . Cette requête se terminait ainsi :
Des cornes ! il y en a partout :
1 i'univers, d'un à l'autre bout,
En est rempli des invisibles .
Ils voyent bien, ces malheureux.
ARNAUD DAUBASSB 289
Que je ne prends que des visibles
Pour laisser les autres pour eux.
Une autre fois, il se rendit à Toulouse pour solliciter en fa-
veur d'un de ses amis, auprès de M.Daguin, président au Par-
lement . Ce magistrat fut si charmé de le voir, qu'il le présenta
dans plusieurs sociétés, où il fit très-bonne contenance. Son
tact et son bon sens le suivaient partout et le préservaient de
toute vanité ridicule . Il savait partout prendre et garder la
place qui lui était due, et, tout en s'attirant la bienveillance, il
ne supportait pas, sans les relever par quelque trait mordant,
rimpertinence et le dédain.
On se disputait à Villeneuve les vers de Daubasse ; on les
récitait, on en prenait des copies, et Ton chantait à qui mieux
mieux ses chansons et ses Noëls,
Plusieurs familles de cette ville avaient gardé en manuscrit
la plupart de ses pièces connues. On a pu, grâce à leur obli-
geance et à leurs communications, longtemps après la mort de
Daubasse, en imprimer un recueil. Il n'j a eu, à notre con-
naissance, que deux éditions : l'une qui a passé sous nos jeux,
mais dont nous n'avons pu trouver la date et qui n'est qu'une
assez incorrecte collection de pièces de notre auteur et de
récits sur son existence ; dans les mêmes proportions, et con-
tenant à peu près les mêmes morceaux, il en a été fait une
seconde à Villeneuve, in-8°, chez les frères Gladj, en 1839.
Celle-ci est mieux entendue ; précédée d'une assez bonne pré-
face, elle est accompagnée d'un portrait qui, sans être un
chef-d'œuvre de lithographie, doit donner une assez juste idée
de la figure brune, expressive et ouverte, du maître peignier.
Pour n'avoir pas déployé de grandes ailes, la Muse, qui quel-
quefois visita Daubasse, n'en inspira pas moins en lui un esprit
enjoué, franc et honnête ; elle l'aida à passer sa vie, modeste et
laborieuse, plus allègrement que beaucoup d'autres ; elleFéleva
par moments au-dessus de sa condition, mais elle ne l'en dé-
tourna pas. Il se servit de son talent pour égayer ses amis,
populariser des sentiments respectables et charmer sa vie.
270 DIALl^lCTHÎS MODERNES
Ses succès ne lui soufflèrent jamais une ambition funeste et
déplacée, et ne corrompirent pas son cœur; aussi sa mémoire
a toujours été estimée, et la justice et les honneurs qu'il avait
mérités lui ont été rendus.
Avant de clore cette notice sur Daubasse et sur Villeneuve,
nous avons pensé qu'on ne lirait pas sans intérêt une pièce de
vers d'un ouvrier de cette ville, que nous avons entendue ré
citer il j a plus de vingt ans, et que le hasard a récemment
replacée sous nos jeux. C'est une imitation développée de la
fable de la Fontaine la Cigale et la Fourmi, composée en dia-
lecte villeneu vois par Laborie, cordonnier; elle a été imprimée
à Agen, chez Prosper Noubel, en 1836. Elle servira à dé-
montrer que la tradition poétique ne s'est pas perdue dans ce
pays, où la population ouvrière est restée attachée aux choses
de l'esprit, et fidèle aux sentiments louables que Daubasse
professait de son temps.
LA CIGALO ET LA FROUMIT
La pu loungo * xoumado
N'a que sa matinado ;
Cado an n'a qu'un printens,
La xouynesso qu'un tens
De bien courto durado.
Acos, àmoun abis,
Un lire que flouris
Et qu'une souleillado
Lou mémo xour flétris .
Cal prené à la boulado
Aquel tens lèou f alit.
Aouzelet de passade,
A peine es espélit,
* A Villeneuve, la lettre j se prononce ts; ainsi, jour se prononce tsour;
jouinesso, tsouinesso.
Dans l'imprimé que nous reproduisons, on marque cette prononciation
par un x. Nous préférerions le ts. ou simplement la lettre j elle-même,
sauf, en ce cas, à indiquer la manière de la prononcer ; mais nous ne
croyons d<^voir rien changi.'r au texto.
ARNAUD DAUBASSE 271
Que fut à tiro-d'alo.
Per lou mètre à proufit,
Escouten lafroumit,
Sounxen à la cigalo;
Et del simple récit
De ço qu'an feyt et dit
Tiren quaouquo moralo .
Sansrimo ni razou,
Dins la bèlo sazou,
La cigalo cantâbo .
Res plus nou l'occupâbo ;
En may fazio calou,
May se degouzillabo,
Talomen qu'ensourdabo
Las xens de sa cansou.
Penden qu'aquelo fado
S'arrandio de canta,
La froumit, abisado,
Al lot de l'escouta,
Lebâbo l'estibado.
L'estion tout es plagnè :
De tout on pot fa proyo .
Lou saxe que l'employo
A mubla soun gragnè
Passo riiyber en xoyo.
Quand lou fret arribèt,
La cigalo mouquado
Chez elo nou troubèt
Blat, ni mil. ni cibado,
Ni boy pèr fa de fèt.
Et tabè coumencèt,
Aganido et xelado,
Un xime méritât,
Un xune un paou fourçat,
Cousi de la famino;
Benguèt à fa piétat :
Las pèls de l'estoumat
Ly toucâboun l'esquino.
Cadun dins soun enclos
Se ten tan qu'a de mico ;
?7> DIALECTES MODERNES
Mais, quan la talan piquo,
Tiro Ion loup del bos.
Minablo, magro, étiquo .
Dans lou bentre aplatit
Et la figuro palo,
Nostro paouro cigalo
S'en bav chez la froumit :
L'y demando à crédit
Vn paon de nonrrituro.
— Non trazes pas de mal :
Quand bendrala caoudnro.
Pagarèy dambe uzuro
Tntrêt et principal :
Aourez donblo mezuro.
— Torno-t'en dins toun traou
You non souy pas prestayro ;
N'ey pas aquel defaou ! . .
Mais digas. à prepaou.
Madamo l'emprountayro ,
Que fasias al ten caou.
L'estiou quand apilâbi f
— Ço que fasioy l'estiou.
Net et xour trabaillâbi :
Per la net, dins moun niou,
Su d'airs caouzits noutabi,
Riniilbi . courrixabi ,
Dans belcop d'attentiuu,
Uno cansou que sabi.
Et lou xour la cantabi .
Bouno cambo. boun èl,
Xouyno, lesto, aberido,
Grïmpâbi su la guido
Del bioule lou pu bel .
Et sul bout d'un paysspl
Souben m'abez aouzido
Cianta counio un aouzèl
Ma cansou tant poulido.
Mais la fam, mais lou xel.
M'an rouvnado et bieillido ;
Et bièl paoure, bièl sot,
Pla zou senti , paoureto !
ARNAUD DAUBASSE 273
Et ço que may me pot,
Que de ma cansouneto
Me souben plus d'un mot.
— Anen, paouro xaneto.
Tomes à ta sourneto.
Gayto à que t'an serbit
Ta rimo et ta musico.
Lous bers de ta fabriquo
SQun d'un mayssan débit.
Te z'abioy be prou dit,
Rimayro à la donxeino,
Quito toun rimailla :
L'estiou cal trabailla,
Dins l'estiou cal fa gl'eno.
— Parlabias coumo cal
Et fasias bien, besino ;
Axessi fèyt atal ! . . .
Mais la besoun me mino
Et moun paoure atiral ;
Per piètat ! un brigal
De granot de farino,
De pa, de millassino !
Mais la froumit : — Ah ça î
Beses ntm que m'arrabes !
Quand y caillo pensa,
Feignantasso , cantabes :
Arobay-t'en dansa!
La paouro musicièno,
Al soun d'aquelo antièno ,
Cuxèf se trouba mal,
Et. counfuso et hountouso.
Se sentiguèt hurouso
De dintr' à l'espital.
A bien bere oun tout mèno,
V a pas à s'y troumpa :
Lou trabal et la peno
Soun lou cami del pa.
La règlo es généralo ;
Cal trabailla pouli ,
Ou. coumo la cigalo,
19
274 DIALBCTBS MODERNES
N'en cal bere roussi.
Xouynè, courur de boto,
De cafés et de bal,
Que dormes al trabal
Kt cantés en riboto,
Del sort d'aquelo soto
Fay-té doun un mirai :
Y beras toun imaxé,
Et cambidras de tren
En beyren Tabantaxé
De bioura saxomen.
Sans bien de pessomen
On pot tout a toun axé:
Fegnan, rand-té bal en I
Libertin, fay-té saxe !
Un autur rénoumat,
En francès a rimât
La cigalo d'Esopo .
A soun récit trop nud
En patois eycousut
Un brigal d'enbeloppo.
Espias aquel fouiTèou
Que Tassourtis belèou
Coumo uno bieillo échoppo
Trabès l'espital nèou.
Acosmoun cot d'assaxé,
N'ey xamay plus escrit ;
Et se moun badinaxé,
Tenez-bous zou per dit,
N'es pas bien accuillit,
Me prendres plus al biaxé
LA CIGALE ET LA FOURMI
La plus longue journée — n'a que sa matinée ; — chaque année n'a
qu'un printemps, — la jeunesse qu'un temps — de bien courte durée. —
C'est, à mon avis,— un lis qui fleurit — et qu'un coup de soleil — le môme
jour flétrit.— Il faut prendre à la volée — ce temps sitôt disparu. — PetU
oiseau de passage, — à peine est-il éclos — qu'il fuit à tire d'aile. — Pour
le mettre à profit, — écoutons la fourmi, — songeons à la cigale; — et du
simple récit — de ce qu'elles ont fait et dil — tirons quelque morale.
ARNAUD DAUBASSH! 275
Sans rime ni raison,— dans la belle saison, — la cigale chantait.— Rien
d'ailleurs ne roccupait; — et plus il faisait chand, — plus elle s'égosillait,
— si bien qu'elle assourdissait — les gens de sa chanson .
Pendant que cette folle —s'épuisait à chanter, — la fourmi avisée, — au
lieu de l'écouter, — levait la moisson d'été.
L'été tout est facile ;— de tout on peut faire sa proie. — Le sage qui rem-
ploie — à meubler son grenier — passe ITiiver en joie.
Quand le froid arriva, — la cigale honteuse, — chez elle ne trouva —
blé, ni mil, ni avoine, — ni bois pour faire du feu ; — et aussi elle com-
mença, — épuisée et gelée, — un jeûne mérité, — un jeûne de dnrée, —
un jeûne un peu forcé,— cousin de la famine. — Elle en vint à faire pitié :
— les peaux de Vestomac — lui touchaient Téchine.
Chacun dans sa retraite — se tient tant qu*il a du pain ; — mais, quand
la faim le pique, — elle tire- le loup du bois.
Idisérable, maigre, étique, — avec le ventre aplati — et la figure pâle, —
notre pauvre cigale — s*en va chez la fourmi ;— elle lui demande à crédit-
un peu de nourriture : — « Ne vous inquiétez | tas : — quand viendra la
chaleur, — je payerai avec usure — intérêt et prindpsd : — vous anrez
double mesure. » — « Retourne dans ton trou. — Moi, je ne suis pas prô-
teuse ;— je n'ai pas co défaut. — Mais dites- moi, à propos,— madame Tem-
prunleuse, — que faisiez-vous au temps chaud, — Tété, quand j'en-
tassais? » — « Ce que je %isais Tété, - nuit et jour je travaillais : —
dans la nuit, dans mon lit, — sur des airs choisis je notais, — je rimais,
je corrigeais, — avec beaucoup d'attention, — une chanson que je sais; —
et lo jour je la chantais. — Bonne jamba, bon œil, — jeune, leste, éveillée,
—je grimpais sur la plus haute branche — du peuplier le plus beau ; — et
sur la pointe d'un échaias — souvent vous m'avez entendue — chanter,
comme un oiseau, — ma chanson si jolie. — Mais la faim, mais le froid, —
m'ont ruinée et vieillie; — et vieux pauvre, vieux sot. — Je le sens bien,
pauvrette 1 — et ce qui le plus me fâche, — c'est que de ma chansonnette
— il ne me souvient plus d'un mot. »— « Allons, pauvre Jeannette, — rê-
vions à tes sornettes; — vois à quoi t'ont servi — ta rime et ta musique. —
Les vers de ta fabrique — sont d'un mauvais déb t. — Je te l'avais bien
dit, — rimeuse à la douzaine: — Laisse ton rimaîUage;— l'été, il faut tra-
vailler;— dans rété, il faut faire des provisions. »— c Vous parliez
comme il faut, — et vous faisiez bien, voisine. - £ussé-je fait ainsi !. . . -
Mais le besoin me mine; - voyez ma triste mine — et mon pauvre attirail.
— Par pitié ! un morceau — de grain, de farine, — de pain, de tniUaS'
sime !. ., 0
Mais la fourmi: a Ah çà 1 — tu ne vois pas que tu m'excèdes 'f— Quand il
y fallait penser, — grande paresseuse, tu chantais: — va - t'en danser
niaio tenant.»
La pauvre musicienne, — au son de cette antienne, — i)ensa se trouver
mal ; — et, confuse et honteuse, — elle se sentit heureuse — d'entrer à
l'hôpital.
A bien voir où tout mène, — il n'y a pas à s'y tromper : — le travail et
la peine — sont le chemin du pain. —La règle est générale : — il faut tra-
276 DIALKCTES MODIORNES
vaiiler bravement, — ou, comme la cigale, — il faut voir de mauvais
jours. — Jeune coureur de fêtes, — de cabarets et de bals, — qui dors au
travail — ei chantes en joyeuses parties : — du sort de cette sotte fais- toi
donc un miroir : — tu y verras ton image — et tu changeras de vie, —
en voyant l'avantage — de vivre sagement. Sans beaucoup de soulîranoes
- on peut tout à tout âge 1 — paresseux, rends-toi vaillant 1 — libertin,
fais-toi sage !
Un auteur renommé,— en français a rimé - la cigale d'Esope — A son
récit trop nu, — en patois j'ai cousu — un flragment d'enveloppe. - Re-
gardez ce fourreau, — qui l'assortit peut-être — comme une vieille
échoppe — devant l'hôpital neuf, — C'est mon coup d'essai. — Je n'ai ja-
mais écrit; — et, si mon badinage, — tenez-vous - le pour dit, ~ n*est
pas bien accueilli, — vous ne me prendrez plus à pareil voyage.
Nous étions-nous trompé en estimant que ce morceau est
spirituel, bien dit et bien pensé ?
Adrien Donnodevie.
LETTRES INÉDITES DE L^ABBÉ FAVRE *
Rien n'est si populaire dans le Languedoc et la Provence
que les poésie:^ patoises de Favre, et rien n'est moins connu
que sa vie. L'avocat Brunier lui a consacré, dans Tédition de
1815, une courte notice qu'il avait l'intention de compléter
plus tard, au moyen des renseignements fournis par les con-
temporains encore survivants du poëte. Sa mort prématurée
l'empêcha de réaliser ce projet, et l'ignorance cupide de sa
veuve vendit aux vieux papiers toutes ses notes, avec les ma-
nuscrits mêmes de Favre, dont il était possesseur et qu'il avait
déjà sauvés une première fois de cette triste fin. Habent
ma fata libelli.
Quand parut l'édition de 1839, il était peut-être encore
temps de recueillir quelques traditions locales sur le curé de
(3elleneuve; mais l'éditeur trouva plus commode de reproduire,
sans y rien ajouter, la notice de Brunier.
En présence de cette regrettable disette de documents bio-
graphiques, nous avons pensé que les lettres qui suivent pour-
raient présenter quelque intérêt. Elles permettent, en effet,
malgré leur petit nombre, de connaître dans certains détails
la vie intime de Favre, vie plus soucieuse et plus tourmentée
qu'on ne le présumerait d'après la verve et la gaieté qui régnent
dans ses œuvres. Elles le montrent pratiquant sans ostentation
toutes les vertus qui distinguent le bon prêtre; s'efforçant de
subvenir, avec le faible revenu de sa cure de village, aux in-
fortunes qui s'agitent autour de lui; luttant avec une sereine
énergie contre ce qu'il appelle la maligne influence de sa
mauvaise étoile ; et, enfin, songeant à profiter, moins pour lui-
même que pour le repos et l'avancement des siens, des hautes
protections qu'il a sous la main.
Ces lettres, au nombre de huit, appartiennent à la Biblio-
* Iju. liographe de son nom, relevé sur les registres de la ville de
Sjmmièrp?. où il naquit I«v26 mars 1727, est Fabre. Ce n'est qu'à partir
le lanii-e 1780 qu'il signa Favre.
278 DIALECTES MODERNES
thèque de la ville de Montpellier. La première, datée de 1761,
est adressée à M»' Renaud de Villeneuve, évêque de cette
ville ; les autres, écrites de 1774 à 1782, sont adressées au
neveu même du curé, qui servait dans les gardes du roi*.
Peu de temps après la dernière, c'est-à-dire le 6 mars 1783,
Favre mourait victime de son zèle à remplir ses devoirs de
desservant, et consumé de chagrin d'avoir vu l'inutilité
de tout les sacrifices qu'il avait faits pendant sa vie, pour
assurer un sort heureux et brillant à ce neveu sur qui s'é-
taient portées toutes ses affections.
La perte des manuscrits que possédait Brunier sera tou-
jours irréparable ; mais les poésies qui nous restent suflSsent
pour le placer au premier rang de nos poètes languedociens.
Il est à désirer qu'on en donne au plus tôt une édition com-
plète et définitive. Gr,
* A ces lettres se trouve joint le brouillon d*une lettre du neveu à M»' ...,
que nous transcrivons ici, à cause des précieuses indications qu'elle donne
sur l'oncle :
a Monseigneur,
»Le sieur Favre de St-Castor, mon oncle, âgé de cinquante-trois ans, à
présent curé de la paroisse de Gournonlerral, en Languedoc, sert dans
l'état ecclésiastique depuis vingt-six ans, avec toute l'exactitude et la dis-
tinction qu'un homme religieux, observateur des devoirs de son état, doit
y apporter.
»QuaQt à ses talents, ils sont reconnus pour avoir fructifié dans toutes
les différentes places qu'il a occupées.
)>Mgr de Villeneuve, dernier évèque mort, connu par son zèle et sa piété
distinguée, l'avoit toujours employé avec succès, môme dans les cas les
plus épmeux : il l'accompagnoit dans ses missions : il soutenoit avec ce
digne prélat le poids de la chaleur et du jour, et, ne se rebutant jamais
par les plus gt ands obstacles, il les surmontoit avec une louable con-
stance.
»Y a-t-il eu quelque sermon d'éclat, M. Favre en a toujours été chargé,
et il a laissé l'auditoire dans l'admiration de ses talents, autant qu'ils
l'étoient de son zèle à remplir ses devoirs.
x>A présent que son zèle et quelques infirmités l'arrêtent, malgré lui, dans
son cabinet, il combat les erreura, et il vient d'achever un ouvrage qui a
pour titre: A^pofi^a aux questions de Zapata, ouvrage dans lequel j'ose
LETTRES INÉDITES DE l'aBBÉ FAVRB 279
Monseigneur,
Quelqu'intérêt que je pusse avoir de solliciter auprès de
Votre Grandeur un établissement solide pour la nouvelle con-
vertie qui continue d'édifier cette paroisse, et pour laquelle je
fais, depuis environ trois mois, des avances que je ne sçaurois
soutenir, ce seroit faire à votre charité une indigne surprise
que de lui proposer un objet aux dépens d'un autre qui ne
mérite pas moins d'j avoir part. Après avoir examiné, avec
toute l'exactitude possible, le fonds des reproches dont cette
communauté m'accabloit contre la régente, j'ay clairemenjt
découvert qu'on ne pouvoit l'accuser que d'un peu de négli-
gence, et que tout le reste n'étoit qu'imposture et calomnie.
Comme Votre Grandeur n'avoit rien décidé sur son compte, je
lui fis entrevoir que la continuation de son emploi dépendroit
peut-être des bons témoignages qu'elle me forceroit de vous
rendre en remplissant ses devoirs avec plus d'attention. Ce
dire qu'il triomphe des erreurs et des blasphèmes dont celui de son adver-
saire est tissu.
»Mgr de Heaumont, archevêque de Pans, dont il a l'honneur d*ôtre connu,
a encouragé S3s talents par une lettre qui prouve tout le cas que ce digne
prélat fait de ses lumières, et Mgr le cardinal de Demis, connu partout
par ses lumières et son esprit, Ta honoré d'un commerce réglé.
2>Quant aux vertus qu'il a apportées dans la société, sa conduite vers moi
en est la preuve. Après avoir perdu un père dans le plus bas âge, que son
inconduite a lait mourir pauvre, il m'a accueilli, m'en a servi lui-même
d'une façon digne du père le plus tendre, et l'état que j'ai, je le tiens de lui.
2>Mais son peu de fortune le mettant dans l'impossibilité non- seulement
de pouvoir m'étre utile, mais môme de pouvoir vivre avec décence, j'ose
supplier Votre Grandeur de vouloir bien lui accorder ou un bénéfice, ou
une pension. Si c'est un bénéfice, il le desservira avec le même zèle qu'il a
eu jusqu'à présent ; et, s'il faut une approbation ou des certificats de son
évoque, i) les a trop bien mérités pour qu'il ne les lui accorde pas; et
Mgr do Durfort, aujourd'hui archevêque de Besançon, qui avait rempli
la place d'évêque de Montpellier avant Mgr de Malide, et qui Thonorait .
de son estime particulière, ne les refusera pas. »
280 DIALECTES MODERNES
seroit lui refuser la justice qui lui est due que de vous taire
un changement qui lui fait hcmneur; on ne peut porter les
soins et la vigilance plus loin qu'elle le fait depuis environ
deux mois. Du reste, ses mœurs et sa piété ont toujours été
exemplaires ; les murmures contre elle ne sont plus aujour-
d'huj que dans la bouche de deux ou trois personnes amou-
reuses de la nouveauté, naturellement turbulentes, et qui
passent tous les jours de Tamitié à la haine sans autre motif
(jue leur caprice. J'espère que, si Votre G^randeur veut bien lui
laisser le poste qu'elle occupe, elle en remplira les obligations
avec le même zèle qu'elle le fait à présent. Quant à Tautre
personne, dont le sort fait pitié, tandis que son retour à Dieu
continue à me combler de joye, j'avoue que son état me pé-
nètre d'une vraie douleur, d'autant plus que mon indigence
propre ne peut être d'un grand secours à sa misère. Une per-
sonne charitable me remettoit 6 fr. tous les mois pour elle ; il
y en a trois que je n'en aj rien reçu, et je lui ai continué
moi-même cette pension jusqu'à présent; mais ma petite
bourse est à sec, et je suis à cet égard dans le plus cruel em-
barras. Mais vous, Monseigneur, qui êtes le père de tous les
pauvres et dont la charité inépuisable peut tout ce qu'elle
veut, et veut toujours le bonheur de la vertu affligée, permettez
que je supplie Votre Grandeur, ou de donner à cette pauvre
fille une régence ailleurs, s'il en est de vacante, ou une place
dans quelque maison religieuse, ou, enfin, ce que votre géné-
rosité jugera à propos de faire en sa faveur. J'ai l'honneur
d'être. Fabre, prêtre.
Gastelnau, le t"' niay 1761 '.
* L*évêque répondit sur la môme feuille : « Je suis charmé d'apprendre
que la régente de votre paroisse a profité de vos avis, et qu'elle s'acquitte
aujourd'hui de ses devoirs avec une application et une assiduité qui la
met à couvert de tout reproche. Tandis qu'elle se soutiendra de mesmo,
je n'auray garde de la destituer. Je ne connois pas l'état et la situation
de l'autre fille dont vous me parlez. Quand vous m'en aurez instruit, je
verray si je puis faire quelque chose pour elle. Je suis, Monsieur, tout à
vous
» Ce 3 may 1761 f F., évoque de Montpellier. »
LETTRES INÉDITES DE T-'aBBÉ FWRP: 281
II
A Counioiit"r!'al lo 28* qiay 1774
J'ai reçu hier, mon cher ami, la lettre que vous m'avez
écrite d'Amiens. Elle m'a fait autant de plaisir que la précé-
dente nous avoit causé d'inquiétude, à votre mère et à moi.
Vous pouvez continuer à les adresser chez M. Allut, qui vous
salue. M. et M'"'' de Saint-Priest, chez qui j'eus l'honneur de
diner hier, et qui prennent le plus vif intérêt à ce qui vous
regarde, me firent part d'une lettre fort honorable pour vous
que leur a écrit M le chevalier de Pontécoulant. Us me témoi-
gnèrent à ce sujet une satisfaction qui me combla de joje.
Soutenez, mon fils, ces heureux commencemens. Animez-
vous à bien faire, et honorez des protecteurs qui ne se dé-
mentiront point si vous ne les découragez vous-même. Je sens
que les premières épreuves sont rudes et fatigantes, et qu'il
seroit dangereux pour votre santé de pousser le désir de bien
faire trop au delà du devoir; mais, sans en excéder les bor-
nes, on peut le remplir avec distinction, quand on a l'amour
de son état; le zèle et ensuite l'habitude rendent tout aisé. Si
vous voulez réussir infailliblement, mettez Dieu de votre côté.
Le préjugé le plus odieux et le plus funeste seroit celui de
penser que la profession que vous avez embrassée dispense
des plus étroites obligations du chrétien. Souvenez-vous, aai
contraire, que c'est dans cette position, plus encore que dans
toute autre, que les lumières et les secours de la religion sont
nécessaires. Destiné au service d'un roi delà terre, n'oubliez
point celui du roi des cieux. L'un et l'autre font le parfait mi-
litaire quand on sçait les réunir, et je n'aurai jamais une
grande idée de la probité de ceux qui les divisent. Il est des
vertus (Fétat dont la pratique vous est indispensable, et dont
je vais légèrement vous tracer ici quelques règles : il faut
aimer sa vocation, ou la regarder comme nulle et y renoncer.
On se lasse bientôt de ce qu'on ne fait point par inclination.
Tâchez donc de soutenir celle que vous avez témoignée jusqu'à
282 DIALECTES MODERNES
présent pour le parti des armes. Ajez pour vos supérieurs,
quels qu'ils soient, ce respect et cette docilité qu'exigent la
discipline et la subordination ; faites plus encore, allez au
devant de tout ce qui peut leur faire plaisir, et proposez-vous
en tout de mériter leurs bontez et leur confiance. Quelques
démarches ne suffisent pas ; mais la constance les obtient in-
failliblement. Faire sa cour avec persévérance est un moyen
sûr de gagner et, s'il est permis d'user de cette expression,
d'apprivoiser les hommes, surtout quand le cœur est de la
partie. On fait alors les choses de si bonne grâce que ce
piège innocent devient pour eux inévitable. Ayez pour vos
égaux cette douceur, cette déférence, qui fait le charme de la
société. Point d'humeur, point d'amour-propre; cédez aisé-
ment, mais sans bassesse. On se tire mal d'afî'aire quand on a
l'imprudence de s'entêter, et on perd tout le fruit d'une bonne
conduite passée, lorsqu'on s'engage trop avant pour des mi-
nuties.
Soyez tout à tous et point d'intimité particulière, au moins
marquée. Cette préférence expose à des inconvéniens sans
nombre et occasionne les événemens les plus fâcheux ; c'est
là peut-être, de tout ce que je vous ai dit, ce qui mérite le
plus une attention scrupuleuse et continuelle de votre part.
M. de Saint-Priestmefit la grâce de me dire qu^il vous avoit
donné ses conseils ; quoique je sois bien persuadé que vous ne
les avez pas oubliés, ils sont pour vous d'une telle consé-
quence que je crois devoir ici vous les répéter. Leurs ob-
jets sont l'économie ; pour en sentir la nécessité, vous n'avez
qu'à vous représenter la médiocrité de vos ressources. La
privation du jeu suit du même principe. La régularité des
mœurs ; ah ! mon cher fils, armez-vous sans cesse contre les
vices opposez : on n'est plus bon à rien quand on se permet à
cet égard la moindre faiblesse, et c'est échouer de la manière
la plus indigne dès qu'on a cédé le moindre empire à cette
passion funeste ; c'en est fait, le cœur se flétrit, l'âme se dé-
grade, et les objets de la plus noble ambition ne présentent
plus rien de flatteur. Nous ne le voyons que trop tous les
LETTRES INÉDITES DE l'aBBÉ FAVRE 283
jours : on n'est ni bon ami, ni bon parent, ni bon citoyen,
moins encore bon militaire, quand une fois on a donné dans cet
écueil ; c'est le naufrage de tous les biens et la sentine de tous
les maux.
M. de Saint-Priest regarde comme très-mal fondée la crainte
de vos messieurs pour la réforme des gardes du roi. Ainsi, je
crois que vous pouvez vous rassurer à ce sujet. . . Adieu, mon
cher ami, prends courage ; tout va son petit train ordinaire
chez nous, à Tennui près. Nous ne parlons jamais que de toi
avec ta tendre mère ; elle t'embrasse un million de fois. Ne
nous laisse jamais dans la peine sur ton sort, écris-nous sou-
vent Adieu; je suis toujours ton bon oncle et le plus affec-
tionné de tes amis.
Fabre, p".
A M. DE Saint-Castor, garde du i^oi dans la com-
pagnie de Luxembourg, en garnison en Picardie
[Amiens) * .
III
Nous voilà, s'il plaît à Dieu, bientôt au terme de votre ab-
sence, mon cher fils ; quoique ce terme, tout prochain qu'il
est, paroisse encore bien éloigné à notre tendresse, ce sera
encore à Cornonterral que vous nous rejoindrez. Si je n'eusse
pas joué de malheur à mon ordinaire, j'avais lieu de me pro-
mettre que ce ne seroit pas là que se ferait notre réunion : il
n'a pas tenu à M. et M™® de Saint-Priest, à MM. nos grands
vicaires, à M^^ de Malides, notre évêque, et à mille honnêtes
gens qui ont tous été forcez, comme moi, que ce ne fût dans
un poste plus paisible, plus avantageux et plus lucratif. Mais
j'espùre que le sort cessera de me persécuter, et que nos pro-
tections corrigeront la maligne influence de ma mauvaise
' Pour faire meilleure figure au corps, il avait fallu modifier un peu
le nom de famille : Jean-Baptiste-Caslor Fabre était devenu le chevalier de
Siint-Castor, et l'oncle avait dû sigaer lui-même daas ses lettres : Fabie
de Saint-Castor.
284 DIAI BCTBS MODERNES
étoile. Si vous passez à Paris avant votre retour ici,* ne man-
quez point d'j saluer M«^ de Malides. Cette démarche de votre
part lui est due et nous sera utile. Il a de très-bonnes inten-
tions; il est sage de ne rien négliger pour les entretenir. Je
vis hier M. le comte de Ganges ; il a fait de vous, à tout le
monde, Téloge le plus flatteur. Tâchez de ne le point démentir,
et forcez par votre bonne conduite les envieux à se taire et
nos bons amis à agir pour votre avancement. Je vous assure
qu'ils n'y ont jamais été mieux disposez qu'aujourd'hui. Je ne
puis vous cacher que j'ai fait faire à votre mère une démarche
qui lui coùtoit, mais dont elle a lieu de s'applaudir et de se
féliciter. Je voulus qu'elle se déterminât à venir avec moi à
Château -d'Eau, remercier M. et M""® de Saint-Priest de la
protection constante et très-décidée dont ils nous honorent ;
elle le fit. Je vous assure, mon fils, qu'elle y reçut un accueil
tel qu'on ne l'eût peut-être pas fait aux personnes de la plus
haute considération. La scène est très récente; elle est de
mardy passé, et trop intéressante pour ne pas vous en. faire
part. Votre mère jouit d'une santé si brillante, elle a repris
un embonpoint si picquant que, si je ne la voyois tous les
jours, j'y serois trompé moi-même, et j'imaginerois qu'elle s'est
arrêtée à l'âge de vingt-cinq ans ; il semble, en vérité, que les
années ne coulent pas pour elle, (^e jour-là, elle se mit dans
un état de décence qui, s'il n'alloit pas jusqu'à la parure, et à
l'élégance, étoit au moins dans toutes les règles du bon goût.
M. et M™® de Saint-Priest la virent avec tant de surprise, la
reçurent avec tant de marques d'inclination et d'amitié, lui
firent tant de politesses, que je n'ai jamais été témoin d'un
spectacle plus flatteur pour moi. Ma lettre serait trop longue
si j'entrois dans le détail de cette scène délicieuse. Vous en
tirerez tout le fruit, s'il plaît à Dieu, à votre retour, car vous
y avez gagné ! Elle a beaucoup sollicité pour vous, et la solli-
citeuse ne pouvoit être plus au gré des protecteurs. M. de
Saint-Priest lui a promis, de la meilleure grâce du monde et
avec toute l'effusion de sa sincérité ordinaire, qu'il s'occupe-
roit de votre avancement, et qu'il espéroit de ne pas s'em-
LBTTRB8 INEDITES i)Ë L^ABBÉ FAVRE t85
ployer sans succès. J'irai Tannée prochaine à Paris, luiditril,
et je ne négligerai aucune occasion de Tépauler de tout mon
pouvoir : ce furent là ses termes les moins expressifs
Partez, mon fils, le plus tôt qu'il vous sera possible. Notre
impatience augmente à mesure que Tépoque de la consolation
et du plaisir approche. . . . Vous trouverez ici M. le chevalier
de Saint-Priest, qui m'a parlé de vous avec le ton de la véri-
table amitié. Je crois que vous le verrez dans peu avec un
bâton d'exempt, dans votre compagnie ; nouvel ami qui ne vous
sera pas inutile, et à qui vous ne devez pas manquer de donner
ici toutes les preuves de votre bon cœur et d'un sincère atta-
chement. Adieu! mon cher fils; ouvrez votre cœur à la joye.
Si vous nous aimez, comme nous n'en doutons pas, le repos et
les plaisirs d'une tendresse réciproque vous dédommageront
bientôt de vos peines et nous de nos chagrins. Adieu ! nous
t'embrassons bien tendrement en idée ; juge de ce qu'il en sera
({uand nous pourrons le faire dans la réalité. C'est une mère,
c'est un oncle dont tu connais les sentiments invariables, qui
t'attendent. Adieu!
Fabre dk St-Castok, p".
Cornont»>rral, le 19* juin 1775. ,
A M. de Saint-Castor, yarik du roi de la cofnpaynie de Ltuem-
bourg, actuellement à la Cour pour la reine; à Saint-Ger^
main.
IV
Cornon terrai, le 7* avril 1777.
Je ne doute pas, mon cher ami, que ton voyage n!ait été
pénible ; la rigueur du tems que nous essuyions ici et qui dure
encore nous a tenus, ta mère et- moi, dans des alarmes con-
tinuelles sur ton compte, jusqu'à l'heureux moment où nous
avons reçu de tes nouvelles. Une gelée cruelle a désolé telle-
ment la campagne dans ces cantons, que la feuille des meu-
riers est entièrement morte, et que nous pouvons y regarder
la vendange comme déjà faite. Te voilà arrivé, après bien à%%
Z86 DIALECTES MODERNES
fatigues, au pais des nouvelles fatigues. Je te plains, et j'eusse
souhaité de tout mon cœur prolonger pour toi les huit jours
de délices que tu as goûtés à Paris ; c'est autant de pris en
passant. Mais, mon ami, nous éprouverons toujours dans cette
vie, que le sort y est très libéral pour les peines et d'une éco-
nomie qui tient de la lézine dans la distribution des plaisirs.
Ce que tu m'apprends des bonnes intentions de M°® la baronne
me réjouit d'autant plus que j'y vois au moins les tiennes, et
que, si toute autre chose manque, l'essentiel reste : je veux
dire ton amitié pour un oncle qui en connoît tout le prix.
Donne-toi tous les mouvements que tu pourras, je ne t'en
aimerai pas davantage ; mais, si tu viens à réussir, c'est toi
seul qu'il sera question de féliciter. Je voudrois bien que le
malheur qui me suit ne s'étendît pas jusqu'à toi, et que ce
fût ce que j'ai de plus cher au monde qui pût rompre l'en-
chantement. Le cher monsieur de Laage te manque ; c'est une
perte que je ressens comme toi-même : on se console plus
aisément de celles de la bourse que de celles du cœur, surtout
quand on est capable, comme toi, de faire la différence du prix
des vertus et des sentiments d'avec celui du métal. ...
Nos affaires avec le vénérable Delort tirent à leur fin, et,
malgré ses impostures, ses calomnies, ses souplesses, ses lamen-
tations et ses bravades ; malgré le soin qu'il avait eu de me
barbouiller à l'évêché, j'ai lieu de croire que la conclusion ne
lui sera pas honorable. On m'a délivré de lui, c'est toujours
quelque chose de gagné; et j'ai eu l'avantage de le convaincre
de tant de mensonges et de turpitudes devant M. Leherissey,
qu'il est à la veille d'être aussi avant dans les bonnes
grâces des supérieurs ecclésiastiques qu'il l'était dans
celles des supérieurs de son corps. Il s'était, en dernier lieu,
tellement brouillé avec notre prédicateur, que la principale
querelle est aujourd'huy entre les mains de ces deux généreux
champions. Fasse le Ciel qu'ils ne poussent pas trop loin leur
ressentiment monastique ; mais, comme l'un est de Moissac et
l'autre d'Avignon, on a lieu d'espérer que les choses se passe-
ront sans risque et sans scandale. On m'a envoyé à sa place un
LBTTRBS LSBDITBS OS l'aBBB FATRB W
ecclésiastique d'un certain âge, qui me parott trèa-faisonnable
et très-sensé, videbùnus ûi/rà. Agis toigours pour les af&ires
en question, ménage ta santé; aimes -nous toijgours comme
nous t'aimons, ta mère et moi. Adieu ! mon ami; je ne sais
quel nom te donner qui te convienne mieux.
Fayrb db St-Castor, p**.
A M. le chevalier de St-Gastor, garde du roi doM la corn-
pagnie de Luxembourg y en garnison en Picardie; Amiens.
J'ai lu avec plaisir, mon ami, la copie de Tarrét rendu par
la Cour du Parlement de Paris, en faveur de ton aimable
épouse, ma chère nièce. J'aurois bien voulu Tavoir lors de
ma première visite à M. de St-Priest ; mais je lui en ferai
part demain, en lui portant son étrenne ordinaire pour la
nouvelle année. Les vœux que je fais pour lui sont sincères ;
mais vous ne doutez pas, vous autres, ou vous seriez in-
justes, que ceux que je fais pour vous ne soient assez ar-
dents pour mettre le ciel en feu. J'ai tant à vous dire là-
dessus et sur mille autre choses qu'il ne m'est pas loisible
de le confier au papier. Partez au plus tôt possible, mescbers
enfants; venez puiser chez moi et m'y rendre des con-
solations dont nous avons tous besoin. Là, nous concerterons
mieux ce que nous avons à faire pour nous tirer de peine.
Venez surtout rendre à une tendre mère une santé qu'elle
ne peut recouvrer en votre absence; elle a besoin de ce
remède, que je regarde comme spécifique. Où vous êtes-vous
confinés, bon Dieu ? Pourquoi ne pas pousser plus près de
nous, afin de nous rejoindre avec plus de promptitude et
moins d'embarras? Narbonne, Béziers et d'autres endroits
plus voisins encore, ne valaient-ils pas le trou de la Gas-
cogne où vous vous êtes exilés ? Venez au plus tôt ; ce n'est
pas de là qu'on fait ses affaires; les ressources de toute espèce
sont ici plus abondantes. Ecoute toi, grand garçon, je ne
288 DIALKCTBS MODKRNES
puis te souffrir là-bas ; tu t'y rouilles, et les circon^nces,
les obstacles que vous avez à vaincre, les ressorts qu'il faut
remuer, les résolutions qu'il faut prendre, demandent de ta
part plus d'énergie. Ne manquez pas de venir tous deux,
et, dès ma lettre reçue, marquez-moi quels sont vos désirs et
vos besoins. En attendant, mille tendres embrassemens à
Madame , à notre chère enfant , que vous aurez soin de re-
mettre en des mains sûres, jusqu'à ce qu'elle nous donne la
satisfaction de passer entre les nôtres.... Adieu, moucher
ami; adieu, ma chère mère ; adieu, mon adorable et trop
jeune Adélaïde ; quand aurois-je le bonheur de vous voir unis
' à moi par le corps comme je vous le suis par les plus tendres
sentiments du cœur ?
Favre de St-Castor.
A Gelleneuve, le 8' janvier 1781.
A M. DE Maret, capitaine à la suite de la cavalerie j chez
Madame Pontan, au port d'Auoillars, par Valence-d'Agen,
VI
Tu dois, mon ami, un remercîment àM.le prince de Tingrj,
pour une lettre qui t'étoit adressée de sa part à Montpellier,
en date du 8® février. Je t'en envoie la copie....
Je suis charmé d'apprendre que vous quittiez une ville
aussi dispendieuse que l'est Bordeaux, pour passer dans une
autre où vous trouverez, sHl plaît à Dieu, moins de trouble,
autant d'agrémens et plus d'aisance. Tu te rapproches, d'ail-
leurs, d'un ami dont Taifection t'est connue et ne peut t'être
qu3 très-utile dans les circonstances présentes. Assure-le, de
mil part, de toute la reconnoissance dont un cœur sensible
peut être capable. La fermeté de M"® de M... m'enchante.
Elle a raison de ne se point laisser abattre par des revers trop
violents et trop cruels pour être durables. Je ne voy pas, il
est vrai, que vous touchiez encore au terme de vos épreuves.
L'éloignement des lieux ne permet pas de se le promettre de
sitôt; mais la Providence, qui conduit tout, vous j fera arriver
LETTRES INEDITES DE l'aBBE FAVRE 289
un jour. Implorez avec moi son divin secours; soyez en
garde contre toute foiblesse qui pourroit F aigrir ; aimez- vous
Tunet l'autre, et aimez-vous bien, cela est juste, et je ne crois
pas que le ciel le désapprouve ; sed pudice, c'est le moyen
d'obtenir son assistance et de n'avoir un jour qu'à le bénir de
ses bienfaits. Dis à ton aimable moitié tout ce que tu sçais
que je sens pour elle : c'est lui faire connoître mon cœur que
de lui exprimer ce qui se passe dans le tien; avec cette diffé-
rence pourtant que tu dois l'aimer avec toute la vivacité de
l'amour, et que je l'aime avec toute la tendresse de l'amitié.
Comme ce sentiment n'a rien d'alarmant pour elle, fais-lui
entendre, je te prie, qu'elle daigne le payer de quelque retour.
Adieu, mou ami; veille à sa conservation, à son bien-être, et
ménage-toi, si tu comptes mon repos et ma santé pour quelque
chose. Adieu, ta mère va très-bien et vous embrasse comme
le bon vieux oncle.
Favre de St- Castor.
A Celleneuve, le 12* mars 1781 .
Yll
Clelleneuve, le 7- juillet 1781.
Je n'ai reçu que jeudi passé, b^ du courant, ta lettre datée
du 26*^ juin dernier. Ces délais sont fâcheux et nous font tort.
J'apprcns (^ue ta situation est gênée et j'en suis au désespoir,
sans en être surpris ; vous seriez moins malheureux si tout
le monde avoit pour vous la même bonne volonté que moi, ou
si mes lacultez répondoient à mon inclination. J'en suis encore
aux mêmes enseignes avec ceux qui en veulent à mon bé-
uêiicc ([ue j'ai acheté pour trois années, par les avances qu'il
a fallu faire la première. Je ne sçai comment tout ceci tour-
nera; mais tout au moins l'affaire, qui ne fait que menacer
encore, atout l'air d'être fortlongue, si elle vient à s'engager
sérieusement. Si mes compétiteurs laissent encore passer
tr(âs mois, il ne sera plus question de rien ; ceci m'a tellement
in([uiétê, ainsi que ta mère, que notre santé en est considéra-
' 20
290 DIALECTES MODERNES
blement altérée. Mais laissons là cette affaire et parlons des
vôtres, qui m'affectent infiniment davantage.... Il ne me reste
qu'un parti à vous proposer : tout i?nd à votre ruine ; je le
vois, c'est ici un jeu où Ton veut vous perdre et vous faire,
pour ainsi dire, périr à petit feu. Votre plus juste est de venir
chez moi et d'y rester jusqu'à la fin de la guerre ; qu'elle
dure ou non, nous en attendrons la fin avec patience. Ma-
dame de..., qu'on ny connoît point, y passera pour une nièce
de ta mère qui la sera venue voir, et nous nous y donnerons,
en attendant, les consolations dont nous avons besoin et que
la seule amitié peut procurer. Si ce parti, que je souhaite que
vous preniez, vous convient à l'un et à l'autre, assurez le
sort de notre chère petite Adélaïde, faites-moi un état de vos
dettes et marquez-moi promptement ce qu'il faut pour le
voyage , en me donnant ici le temps de respirer. J'espère que
le Ciel me mettra à même de pourvoir à tout, et de vous aider
efficacement à terminer vos peines et les nôtres. Qu'au reste,
des ombrages et des craintes ridicules ne vous arrêtent point ;
la prudence les dissipera, et j'espère que le repos et le plaisir
en prendront la place. Embrasse tendrement de notre part,
mon ami, une épouse qui t'achète cher et qui te coûte infini-
ment moins qu'elle ne vaut, une fille que nous adorons et qui
manquera quelque tems à notre joye. Assure Madame de
de L'Ostande de toute l'affection de sa cousine et de la mienne,
et crois toujours comme un article de foi que la prunelle de
nos yeux ne nous est pas plus chère que l'aimable étourdi
à qui j'adresse ma lettre.
Favre de St- Castor.
VIII
Quelqu'amers que soient pour moi les reproches que tu
me fais sur mon silence, je te les pardonne ; mais je ne te
passe pas également certaines craintes que tu ne peux con-
cevoir qu'avec la dernière injustice, et dont tu n'as pas craint
de me régaler. Ah! mon ami, laisse dévorer quelques chagrins
LETTRES INÉDITES DE l'aBBÉ FAVRE 291
prêts à finir à un cœur dont tu pris possession pour Téter-
nité en naissant, et ne le déchire pas toi-même, tandis que son
silence est un témoignage de sa tendresse pour toi.
J'ai pris vivement part à la perte que Madame de M. . .
vient de faire dans la personne de M. son grand-père. Je
connois trop les sentiments de cette âme bien née pour douter
un moment de l'impression que cette triste nouvelle a dû
lui faire. Ce qui pourra peut-être aider à sa consolation,
dans les circonstances présentes, c'est qu'elle et toi vous
trouverez plus d'acheminement à votre repos et un obstacle
de moins à surmonter pour y parvenir.
Je fis voir dernièrement à M. de St-Priest la copie de
l'arrêt rendu en faveur de Madame de M... et de sa fille au
Parlement de Paris. Voici de mot à mot ce qu'il me dit à
votre sujet : Leur séjour à la petite ville où ils sont est un
temps perdu, et ils pourroient le mieux employer. Leur afi^aire
demande du mouvement et de l'énergie. Avec un titre aussi
sur et aussi légal que cet arrêt, il ne dépend que de Ma-
dame de M. . . de se faire payer pur le procureur fondé de sa
partie adverse, maisilfaudroit poui* cela qu'elle se rendît elle-
même à Paris pour en presser l'exécution. Il faut encore
qu'elle s'empare de sa fille, dont elle est tutrice naturelle et
(lu'on ue peut lui refuser, non plus que les 1200 fr. de pen-
sion, sous aucun prétexte. Le sort de cet enfant est d'autant
plus important pour la mère, qu'en cas de mort elle est son
héritière naturelle, si l'enfant décédoit après le père. Pour
votre neveu, je lui vois perdre sa place dans les gardes du
corps, s'il ne va servir au quartier. Je sçais fort bien que
leur voyage en Amérique est inévitable , mais il n'est rien
moins (jue pressant ; qu'ils fassent leurs afiaires en France,
et je me fais fort, après un quartier de service, d'obtenir
du prince de Tingry un nouveau congé aussi long que celui
(ju'il a eu, et qui est sans doute près d'expirer.
Voilà, mou ami, sur quoi je vous prie de méditer sérieuse-
ment Tuu et l'autre. Quant à moi, l'avis me paroit prudent,
mais je crains (j[u'il ne soit pas de votre goût. Quoi qu'il en
296 DIALECTES MODERNES
Li Bouquetiè
Soun pas d'orne, soun de papiè.
(V. de C. Glbizbs.)
Les gens de la Roquette ne sont pas des hommes, — mais des
silhouettes de papier.
2
Les habitants de Montpellier disent des campagnards :
Lou paysan dona un iôa
Per avedre un biôu.
Le paysan ne donne un œuf — que pour avoir un bœuf.
Les campagnards répondent à ce reproche d'avarice par
une accusation de manque de courtoisie :
Couvit de Mounpeliè,
Couvidà à Tescaliè.
Les invitations (à dîner) des gens de Montpellier — ne se
font qu alors que vous avez franchi le seuil (pour partir).
3
De pajs à pays, les Bigordans disent :
Beamés,
Faus e courtes.
Le Béarnais — est faux, quoique courtois.
Les Béarnais répondent :
Bigordan,
Pir que quant.
Le begordan — est le pire (de tous les hommes).
On nomme aqueiramen la bravade qui se dit pendant les
combats ou luttes à coups de pierres qui résultent de ces pro-
vocations.
III. — CHI
Les cris {cnt, cndada) des marchands se répètent et se
transmettent de génération en génération, sans beaucoup de
CONTES POPULAIRES 2d7
changements. C'est ce qui a fait appeler les marchandes des
rues repetieiras .
1
Cri des marchandes de tieurs :
Viuletas de février,
Per damas e per cavaliers.
Violettes de février, — pour dames et cavaliers.
2
Cri des marchands de salade :
Ai d'ansaladetas,
Poulidetas,
Fresquetas.
Cri des marchands de limaçons :
3
Ai de cacarauletas;
Soun caudetas ,
Fumou !
Ou bien :
Ai des cacarauletas ,
Des cacarauletas [bis],
Cri de Tétameur:
A estamà
Cassarola, abrazà !
Quelquefois le cri est une véritable chanson. Tel est cet
autre de Tétameur:
A estamà
Cassarola, abrazà,
E blanchi las fourchetas,
296 DIALECTES MODERNES
Li Bouquetiè
Soun pas d'orne, soun de papiè.
(V. de C. Gleizes.)
Les gens de la Roquette ne sont pas des hommes, — mais des
silhouettes de papier.
2
Les habitants de Montpellier disent des campagnards :
Lou paysan dona un iôa
Per avedre un biôu.
Le paysan ne donne un œuf — que pour avoir un bœuf.
Les campagnards répondent à ce reproche d'avarice par
une accusation de manque de courtoisie :
Couvit de Mounpeliè,
Couvidà à Tescaliè.
Les invitations (à dîner) des gens de Montpellier — ne se
font qu'alors que vous avez franchi le seuil (pour partir).
3
De pays à pays, les Bigordans disent :
Bearnés,
Faus e courtes.
Le Béarnais — est faux, quoique courtois.
Les Béarnais répondent :
Bigordan,
Pir que quant.
Le begordan — est le pire (de tous les hommes).
On nomme aqueiramen la bravade qui se dit pendant les
combats ou luttes à coups de pierres qui résultent de ces pro-
vocations.
III. — CKI
Les cris [crity cridada) des marchands se répètent et se
transmettent de génération en génération, sans beaucoup de
CONTES POPULAIRES »7
changements. C'est ce qui a fait appeler les marchandes des
rues repetidras .
1
Cri des marchandes de Heurs :
Viuletas de février,
Per damas e per cavaliers.
Violettes de février, — pour dames et cavaliers.
2
Cri des marchands de salade :
Ai d'ansaladetas,
Poulidetas,
Fresquetas.
Cri des marchands de limaçons :
Ai de cacarauletas;
Soun caudetas ,
Fumou !
Ou bien :
Ai des cacarauletas ,
Des cacarauletas [bis].
Cri de Tétameur :
A estamà
Cassarola, abrazà !
Quelquefois le cri est une véritable chanson. Tel est cet
autre de Tétameur:
A estamà
Cassarola, abrazà,
S blanchi las fourchetas,
298 DIALECTES MODERNES
Estamà lou peirôu :
Lou travau
Se farà couma eau !
6
Et ce cri d'une marchande de fines herbes :
Quauvôu acheta d'herbetas
Ane à la Blancariè,
Aco de Marioun la coueta,
Que ne dona un plein paniè.
La Marioun [bis)
A d'erbas pie soun coutilhoun.
IV. — CRI DES ANIMAUX ET DES CHOSES
D'après les paysans, les cris des animaux sont tous signi-
ficatifs.
Le coq dit aux étrangers :
Cacaraca !
Me tastaraspas!
Goquerico, — tu ne me mangeras pas I
A ses maîtres :
Cacaraca !
M'acabaras pas!
Goquerico, — tu ne pourras pas m'achever en une seule fois!
A quoi les paysans répondent : « Ou veiren bé ! — Nous
verrons bien. »
Le rossignol:
Dur, dur, dur; mol, mol, mol.
Chuco, chuco al roussignol!
CONTES POPULAIRES 299
3
La caille :
Très per un! — Très per un!
Trois pour un ! (bis)
Ces cris étant inarticulés et en général composés de po-
lyphthongues, et la langue d'oc rendant très-bien leurs varia-
tions vocales, les paysans assurent que les animaux, les oi-
seaux surtout, parlent languedocien.
Il est à remarquer qu'à part son nom ordinaire, chaque
animal en a un autre tiré de son cri : miau-miau (le chat\ ca-
caraca (le coq), piu-piu (le moineau), chiu-chïu ou rechiuchïu
(l'oiseau chanteur), cascalhà (la caille), même (le mouton),
bavhau (le chien), etc.
4
Les cloches disent aux mortels :
Venés lèu ! — Venés léu !
(V. de C. Gleizes.)
Venez vite ! — Venez vite '
Les cloches de Rieussec :
Que tèn, tèn ! — Que tèn, tèn !
(Proverbe . )
Qui tient, — tient!
Les gens de Rieussec ont la réputation d'être fort inté-
ressés.
V. — DIFFICULTÉS DE PRONONCIATION
C'est ce qu'on nomme repetieiras. Il s'agit, en effet, de ré-
péter ce que quelqu'un a dit, pour si difficile que ce soit, sans
se tromper. — On a pour cela dos phrases toutes faites.
Una pouma — giroundenca. — Ai ! — oouci me degiroun.
dencarài î
300 DIALECTES MODERNES
Tarascounen, — quante jour te detarascounaras ? — Me de-
tarascounarai — quand lous autres Tarascounen s — se seran
detarascounats.
Un coudoun per vous, madama ; - un coudoun per vous,
moussu; — très coudouns per vous, madama; — quatre cou-
douns per vous, moussu ;— cinq, etc.
Coudoun calha; — calha, coudoun. — (Trois fois et rapide-
ment)
On finit toujours par dire : « Cada couioun. » A quoi Ton
répond de suite : a Aube per vous ! »
yi. — DIT
Lejitat (trait, répartie, de jitar, jeter) est une manière de
dire sacramentelle qui s'applique régulièrement à tel ou tel
événement de la vie, à telle ou telle occasion.
Ainsi, lorsque la nouvelle mariée entre dans la maison de
répoux, la belle-mère, ou à défaut la plus proche parente,
pourvu qu'elle soit mariée, jette sur elle des grains de fro-
ment à poignées, en signe d'abondance et de bonheur, et dit :
Tant i'a aqui de gros de blat.
Tant de temps segues maridat.
Autant qu'il y a là de grains de blé, — autant d'années soyez-
vous mariés.
2
Une jeune fille qui se laisse enlever prononce le distique
suivant, en s' arrangeant de façon à être entendue par les
voisins :
CONTES POPULAIRES 301
Adissias, ma maire, — revendrai pas pus.
Partisse dissapte, — revendrai dilus.
Adieu, ma mère, — je ne reviendrai plus. — Je pars samedi, —
je reviendrai lundi.
D'après Tusage populaire, Tenlèvement ne doit durer que
trois jours.
3
Lorsqu'on propose en mariage une jeune fille aimable, mais
légère, le jeune homme répond :
Dona Gaia me plai be,
Mes que jamai noun me siè re.
La (lame Gaie me plaît beaucoup, — mais qu'elle ne me soit
alliée en rien.
On dit à un enfant qu'on soulève pour lui faire traverser un
ruisseau :
Sauta, alengri,
Qu'aco'stoun cami.
Saute, alengri *, — que c'est là ton chemin.
Un amant qui veut faire décider sa maîtresse par jalousie ,
dit:
Digo-mi se m'aimes
Ou se m'aimes pas.
Ni sabi uno drouleto,
Galiardeto,
Que m'aimaro be.
Ou sabe be.
(Y. de M. LiEBiGH.)
Dis-moi si tu m'aimes — ou si tu ne m'aimes pas. — Je t^ais
une jeune fille — très-aimable, — qui m'aimera bien, — je le sais
Men!
* Alengri ne se dit que dans cette locution, et le sens en est oublié.
302 DIALKCTES M01)SR^ES
6
Voici une invitation à un rendez-vous :
Anèn à la fouon,
Janetoun, ma mio ;
Anen à la fouon,
Te dirai quicon.
Allons à la fontaine, — Jeanaeton, ma mie; — allons à la fon-
taine, - je te dirai qnolque chose.
Si la jeune fille répond :
Lai bole pas anà
A la fouon touto souleto ;
Lai bole pas anà
Que moun galan lai es pas.
(V. de M. LiEBicH.)
Je no veux pas aller — à la fontaine seulette; — je ne veux: pas
y aller, — car mon amant n'y est pas.
c'est qu elle n'agrée pas cet amour.
Lorsque les parents d'une jeune fille mettent des obstacles
à son mariage, elle se met à la fenêtre, le matin, en se pei-
gnant, et fait connaître par un couplet la décision qu'elle a
])rise de se marier de son seul gré.
En voici un exemple :
Lou bole, ma mèro, aquel tounalié;
Serai la mestresso de soun ateliè.
Pourtarai oumbrelo, pourtarai las flous,
Embe ma testo alerte passarai per tout.
Lou bole, ma mèro, amai ieu l'aurai.
A la fouon de Nîmes ièu l'espousarai.
(Y. de M. LiKmcH.)
Je le veux, ma mère, ce tonnelier. — Je serai la maîtresse de
son atelier. — J'aurai une ombrelle et des fleurs à la coiffure. —
CONTES POPULAIRES 303
Je passerai partout la tête haute. — Je le veux, ma mère, et je
l'aurai. — Nos épousailles se feront à la Fontaine de Nîmes.
Je n'ai pas besoin de dire que les rendez-vous aux fontaines
étaient généralement ceux des amoureux .
8
Dit de mendiant:
Aguès piétat d'un malurous,
Que toujours pregarà per vous.
Ayez pitié d'un malheureux, — qui toujours priera pour vous.
Vil. — DIT DRAMATIQUE
On nomme aussi /tVane petit rôle que chaque petit acteur
récite dans les jeux scéniques ou mimiques qui ont lieu aux
fêles de s^int Vincent, de saint Sébastien, en carnaval, etc.
La. Sant'Vincenada, jeu du martyre de saint Vincent, est
fort en usage encore dans tout Tarrondissement deLodève. —
Le saint est conduit au supplice par des soldats ; il a les
épaules couvertes d'un manteau et les mains liées derrière le
dos. Les soldats se sont fait des armes et un harnais mili-
taire avec les premiers objets, les premiers outils venus, ru-
bans, ceinturons, haches, lardoires, etc. Le capitaine se dis-
tingue par la plume qui est à son chapeau et la longue broche
qui lui sert de lance.
On va ainsi, en bande, de porte en porte, de village en
vilUage, récitant lesjitals, les rôles, et Ton reçoit, en signe de-
remerciements, des fruits, des gâteaux, des confitures, etc.,
dont on fait, sur le tard, une pantagruélesque collation.
Ces jitats sont fort longs et assez curieux. Le martyr dit :
ièu siei sant Vincèn, me van faire péri ;
Douna-me ie quicon que fagou pas souffri, etc.
Jo suis saint Vincent, on va me faire périr ; — donnez-leur quel
que chose, pour qu'ils ne me fassent pas souffrir, etc.
304 riALECTES MODERNES
Le capitaine :
lèu siei lou capitani d'aquesta coumpanhè;
A fauta de chival, me fau anà à pè.
Aqueste es sant Vincent, qu'anan martyrisa, etc.
Je suis le capitaine de cette compagnie. — Je ne vais à pied qu
parce que je n'ai pas de cheval. — Celui-ci est saint Vincent, qu
nous allons martyriser, etc.
3
Le plus petit de la bande :
Siei pichet, pichot, couma una lentilha ;
Se me donnas pas res, vous raube vostra filha, etc
Je suis petit, petit, comme une lentille ;r— si vous ne me donne
rien, je vous volerai votre fille, etc.
Comme on voit, c'est une sorte de perpétuation des mystère
du moyen âge à notre époque . — Il serait fort important d'g
voir ces jitats en entier. Nous prions nos correspondants d
vouloir bien tâcher de les avoir .
VIII. — EMGME
Répéter et expliquer des devinalhas (énigmes) est Tun de
joux les plus aimés des Méridionaux. Il en est beaucoup d
fort ingénieuses.
Elles commencent toutes par la demande : De qu'es aco? o
De qu'es? De qu'es? ou Que s' es? Ques'es? selon les lieux. C'ei
même par ces expressions qu'on les désigne d'ordinaire. Joug
à deques aco ? de qu'es aco? littéralement : « jouer à qu'est-c
que cela? qu'est-ce que cela? » c'est jouer aux énigmes.
D. De qu'es aco ? De qu'es aco :
Un camp laurat.
CON.TES POPULAIRES a05
Ounte Taraire a jamais passât?
R. Lou tèulat.
Demande. Qu'est-ce que cela? Qu*est -ce que cela : . — un champ
labouré, — où la charrue n'a jamais passé ? — Réponsb. Le toit.
/>. De qu'es aco ? De qu'es aco :
Quatre doumaiseletas,
Chacuna dins sa caiiibreta,
E dins. un même oustalet?
R, Una noza.
D, Qu'est-ce que cela (bis): — Quatre petites demoiselles, — ha-
bitant quatre petites chambrettes — dans la môme maison? — li.
Une noix.
D. De qu'es aco ? De qu'es aco :
Grand couma lou ciel,
Pichot coum' un anel,
Amar couma lou fel,
Dous couma lou mel?
R, L'ouliviè.
Z). Qu'est-ce que cela {bis) : — Grand comme le ciel, — petit
comme un anneau, — amer comme le fiel, — doux comme le miel?
— H. L'olivier.
11 est, en effet, grand comme arbre, — petit comme baie, —
amer comme fruits — doux comme huile.
IJ, De qu'es aco ? De qu'es aco :
Ma maire m'a fach en «antan ;
Soui nascut abilhat de blanc ;
N'ai ni couga ni testa;
Ë noun soui ni home ni bestia ?
R, L'iôu.
21
306 DIALECTES MODERNES
D. Qu'est-ce que cela (6w): — Ma mère m'a fait en chantant. —
Je suis né vêtu de blanc ; — Je n'ai ni queue ni tête, — et ne suis
ni homme ni bête. — if?. L'œuf.
D. De qu'es aco ? De qu'es aco :
Un oustau sans cheminieira,
Qu'a gès d'oustalieira,
E que nourris pourtant
Fossa fenéants
E groumands ?
/?. Lagleisa.
D. — Qu'est-ce que cela (bis) : — Une maison sans cheminée,
— qui n'a point de ménagère, — et qui nourrit cependant —
beaucoup de fainéants — et de gourmands ? — R. L'église.
6
/>. De qu'es aco ? De qu'es aco:
Que fai balin, balan,
Sus lou coutilhoun de ma grand?
R, Lou clavier.
D. Qu'est-ce que cela (bis) : — Qui fait du bruit — sur les jupes
de ma grand'mère? — R, Le clavier.
D. De qu'es aco? De qu'es aco :
Un drap,
Petassat et repetassat,
Ounte l'agulha a jamai passât ?
R. Lou ciel.
D. Qu'est-ce que cela (bis) : — Une tenture, — rapiécée et tou-
jours rapiécée, — où l'aiguille n'a jamais passé? — i?. Le ciel.
8
D, De qu'es aco ? De qu'es aco :
CONTES POPULAIRES 307
Que vèn à chabal
E s'en vai a pè ?
R. Lou mau.
D. Qu'est-ce que cela (bis): — Qui vient à cheval (c.-à-d. vite)
— et s'en va à pied (c.-à-d. avec lenteur)? — R. Le mal.
M""® de Sévigné, suivant en cela l'usage populaire, en donne
un de ce genre.
IX — ÉPIGRAMME
Les épigrammes {escamtmen^ lampoun) se répandent et se
perpétuent, presque toutes, soûs forme de couplets fortement
rhjthmés ou même chantés.
Contre un homme de la montagne:
Gavachou de la mountanha
Rousigavala castanha.
La castanha se perdet,
Lou gavachou se penjet.
(V. de H. Bouquet, de Montpellier.)
Le gavach des montagnes — ne se nourrit que de châtaignes.
La récolte des châtaignes ayant manqué, — il se pendit.
Contre un valet goulu:
Varlet, varlet,
Manja croustets
Darriè lou cabinet
De moussu Villaret.
(V. du même.)
Valet, valet, — mange croûtons — derrière Tarmoire — de
M . Villaret.
r.08 DIALlâCtâS MODERNES
Contre une femme gourmande:
Catarinô,
La pesairo,
De brouquetos
Revendairo,
N'a vendudo sa camiso
Per croumpà de groumandiso ;
N'a vendut soun coutilhoun
Per croumpà de cambajoun;
N'a vendut un bastimen
Per croumpà de coufimen !
(V. de C. Gleizes.)
Catherine, ^ ia peseuse,— de petites herbes — revendeuse, —
;i voiitUi sa chemise — pour acheter des friandises; — a vendu sa
jupe — pour acheter du jambon; — a vendu une maison — pour
acheter des confitures.
Contre les Meuniers:
Mouliniè
Passo-farino,
D'un sestiè
Ne fa 'n emino ;
D'un emino un pougneirou,
Lou mouliniè ba raubo tout :
D'un pougneirou fa un juntat.
Lou mouliniè ou a tout raubat !
(V. de C. Gleizes.)
Le meunier — passe-farine — d'un setier — fait une émine,
— et de cette émine une poignée ; — le meunier vole tout : — d'une
poignée il fait une pincée. — Le meunier a tout volé.
CONTES ?OPULA^lF!S. 309
Contre la, Communion des protestants :
Un cop de psi^, un cop cl^ vi^
Maissa-negra ne vei la fi.
Un morceau de pain, un coup de vin, — sont bientôt achevés
par les mâchoires noires (les protestants) .
6
On assure, par dérision, que voici les paroles sacramentel-
les de leur eucharistie :
Crosti, minosti,
Envala aquel crosti !
Crosti, mini,
Envala aquçl cop de vi I
Il n'y a dans cette plaisanterie d'autre pointe que le rappro-
chement peu spirituel des mots crosti (croûton) et Christi.
Contre un niais :
Bouneta de Catadis
S'en vai à Paris ;
Anèt dins sas braias :
Tout lou monde ris.
(Y. die H. Boui^uBT.)
Bonnet de Catadis — alla à Paris . «- Il se laissa affaisser dans
ses braies : —tout le monde se nût à rire.
8
Contre plusieurs villagêB des Cévennes :
A Balloraugvo fôu Taiaour ;
A la Salle Tentretènou.
310 DIALECTES MODERNES
A Ballorauguo fôu T amour,
A Sant Andrieu niech e jour.
(V. de M. LiÊBicH.)
A Valleraugue, on fait l'amour; — à la Salle, on l'entretient. —
A Valleraugue, on fait l'amour; — à Saint- André, nuit et jour.
9
Contre les filles de Saint-Saturnin (Hérault) :
Las filhos de Sant-Satourni,
Vendou las cofos per croumpà de vi ;
Las nostros ne fan pas antau ,
Van à la cavo, buvoun al pegau.
Les jeunes filles de Saint-Saturniu — vendent leurs coiffures
pour acheter du vin ; — les nôtres ne font pas ainsi : — elles des-
cendent à la cave et boivent à même à l'outre.
10
Contre une jeune femme pauvre :
Me soui maridado,
M' an pas res donnât
Que la maisso d'uno cabro
E la cuo d'un rat.
(V. de M. LiÊBicH.)
Je me suis mariée, — on ne m'a rien donné (en dot), — si ce
n'est la figure d'une chèvre — et la queue d'un rat.
11
Contre les Gavots :
Lou Jon bouliô la Jano ;
La lui bouliôu pas dounà.
« Fau faire, fau dire,
Fau maridà lou Jon :
CONTES POPULAIRES 311
Ki dounarèn lou castaniè.
Nous reservarèn las castanos. »
(V . du même.)
Le Jean aime la Jeanne ; — on ne voulait pas la lui donner. — « Il
faut faire, il faut dire (ce sdnt les parents qui parlent), — il faut
marier le Jean. — Nous lui donnerons le châtaignier^ nous nous
réserverons les châtaignes. »
12
Contre les gens cfAgonés:
Anas-vou'n en Agounés,
Pa e peras ie troubarés.
Lou mati,
Peras e vi.
Lou dinà,
Peras e pa.
Lou subre jour,
Peras toujours.
Ela sera,
Toujours pera!
(V. de Tabbé de Sauvages.)
Allez à Agonés, — on ne vous ofl'rira que du pain et des poires.
— Le matin, — poires et vin. — A dîner, — poires et pain. — Après
diner, — poires toujours. — Et le soir, — toujours poires.
13
Contre les Cévenols:
De gens de Cevenas
Noun fagues padenas.
Que traucadas soun.
(Du même.)
De gens des Cévennes, — ne fait pas poôle àfHre, — car ils
sont troués (on ne peut s'y fierj.
31« DIALECTES MODERNES
14
Contre les Auvergnats :
Espigno poun, e rounzo esfàto :
Gavot es fi, Auvergnat passo.
L'épine point, la ronce déchire; — le Gavach eslrusé, mais l'Au-
vergnat Test bien davantage .
15
Contre une bavarde:
Catarino,
Ma vesjno,
Presta-me vostre tambour.
Que ma cata se marido,
La voudriô fà dansa 'n tour.
(V. de M. LiÊBiCH.
Catherine, —ma voisine, — prêtez-moi votre tambour; — ma
chatte se marie, — et je voudrais la faire danser.
16
Contre une femme peu ménagère:
Catarina,
Ma vesina,
Dona de civada as biôus
E de brèn à las galiuas,
Se vos que te faguou d'iôus.
Catherine, — ma voisine, — donne de l'avoine au coq — et du
son aux poules, — si tu veux qu'elles te fassent des œufs.
17
Contre une jeune fille laide :
Janeto,
Pago de bi blanc,
CONTES POPTTLAIRBS î^n
De cousteletos,
Sarai toun galan .
(V. de M. LiÊBiCH.)
♦lean nette, — paye <lu vin blanc — et des côtelettes, — et je
serai ton amant.
X. — FABLES
Nos paysans savent un assee grand- nombre de fables^. Elles
ont généralement pour héros le renard et le loup.
La fable populaire se borne, d'ordinaire, à une simple cita-
tion^ qui en est comme le résmvié et Fexplioation. Amsi Ton
dira d^une personne qui fait semblant de mépriser une chose
qu'elle ne peut avoir :
« T'en soucites pas... Antau disiè Ion reinarddas raisins. »
u Tu ne t'en soucies pas. .. Ainsi faisait le renard des raisins. »
Ce trait fait allusion évidemment à la réponse bien connue
du renard, dont La Fontaine a donné une version si amu-
sante.
Lou Reinard e lous Raisins
Lou reinard vejet, au pus bord d'una trelha^ de vasin^ vei-
rats que ie plasièn fossa.
Ënsajet de lous avedre. Quant ajet vis que ie poudiè pas
ateni, diguèt, enfaguénlou refastignous :
— M'en soucite pas !
Le Kenàrd et les Raisins. — * Le renard vit, tout au haut d'une
treille, des raisins mûrs, qui lui plurent fort. Uessayad'y atteindre ;
quand il vit quil lui était impossible de les avoir, il dit: — Je ne
in*en soucie pas !
Le troubadour Pojrol raoonte la même fable d'an wensjtû et
de cerises.
314 DIALECTES MODERNES
UAgassa e lou Courpatas
L'agassa diguèt un jour au courpatas :
— Moun Diu, couma siès negra.
L'autre ie respoundeguèt :
— E tus aussi n'as de bon rodes.
La Pie et le Corbeau. — Un jour, la pie dit au corbeau : —
« Mon Dieu, comme tu es noir ! » — L'autre lui répondit : a Tu
âs aussi tes bonnes taches. »
Mistral, dans la charmante préface qu'il a mise en tète de
la Farandoulo ( p . 30) d'Anselme Mathieu, en a fait une appli-
cation à la manière rustique :
« Poudriès bèn me respondre ce qu'à l'agasso respoundeguè
lou courpatas :
« —Moun Dieu! coume siès nègre ! disiè l'agassa au cour-
patas.
» Aquest ie répliqué :
)) — E tu n'as de bon rode ! »
Lou Reinard et la Galino
Lou reinard diguèt à la galino de sourti de soun trau.
La galino ie respon :
Grand-mecis, que fau quicon.
Le Renard et la Poule . — Le renard dit à la poule de sortir de
sa cachette. — Celle-ci lui répondit : — Grand merci, j'ai du travail
à faire,
(V. La Fontaine, le Coq et le Renard, II, 15.)
Cette fable a été mise en œuvre par le poëte A. Guiraud
{la Font Putanella, a. s.). Après avoir fait dire à l'un de ses
personnages :
«Escoutas, moussu Croc, ce que dis la sourneta
Que canta la nourissa à soun enfan que teta, »
COKTES POPULAIRES 815
Il la donne de cette façon :
(( Lou reinard à la galina
Disiè : Sourtis de toun trau ;
N'ajes pas pôu, ma vesina.
Vole pas te faire mau .
La galina ie respon :
Pode pas, que fau quicon.
Gramecis
De Tavis.
Visitas d'autres vesis ;
Per nautres, vous avèn prou vist.
lie ronard à la poule — dit : Sors de ta cachette. — N*aie pas
peur, ma voisine, — je ne te ferai pas de mal. — Tja poule lui
répondit : — Je ne puis, je suis occupée. — Merci do votre avis. —
Visiioz d'autres voisins ; — pour nous, nous vous avons assez vu!
La Mandreto e lou Loup
Un cop i^abiô uno mandro et un loup que trabalhaboun à
Tort.
La mandreto, fino coumo tout, que sabiô à Toustal un pot
de mel entier, disiè al loup :
— Entèn, que me cridoun per anà al filoulet !
- Eh bè, beis-i.
La mandro s'enanèt à Toustal coumensà le pot de la mel.
S'entourno à Fort. Le loup i demande :
— Couci Tas feit apelà?
— Coumensadet ! coumensadet !
Al cap d'un chic, la mandro se rebiro e dis al loup :
— Entèn, que me cridoun. Plêt-i? — Haïssables!
— E be ! tourno-s'i, le loup diguèt.
S'entourno al pot de la mel, le metèt à mieg, e revenguèt
à Tort.
— Couci Tas feit apelà?
-• Miechet ! Miechet I
.'^16 DIALBCTBS MODERNES
Al bout de très ouros, la mandro se rebiro en di^àn •
— Plêt-i? Entèn, que me tornoun cridà.. Haïssables I tou-
jours me bénoun derenguà per anà al âloulet*
La mandro s'en bà acabà le pot de la mel ; piei revèn al
trabal.
— Qu'un noum porto?
— Acabadet ! Acabadet !
Quant le trabal fousquèt fenit, s'eJd hs^n 9. Toustal.
— N'aien pas res per dinnà, diguèt le loup, entemenènaquel
pot de mel.
Le derb, e Tabiô pas res dedins. La mandro diguèt al
loup :
— . Groumand, Tas manjado, tu !
— N'es pas bertat ; aco's tu, groumando.
Per se tira de dispusto, la mandro diguèt :
— Nous anan endourmi al soulel, e lou premier que las au-
relhos i susaran, sira aquel que l'aura feit.
Le loup, qu'ero cansat, s'endourmiguètleprumier. La man-
dro, dins aquel temps, fretèt las aurelhos al loup, ainsi que'l
mouriTQ. Qual^d se desperto, la mandiro i dji^ :
— Beses be qu'es tu, groumand, que l'as feit, que'l mourre
te suso.
Le loup fousquèt atrapat.
E trie, e trac,
Moun conte es acabat.
(V. de M'*" M. Lambert, de Belestà.)
TRADUCTOQ?*
Le Renard et le Loup
Il y avait une fois une femelle de renard et un loup qui travail-
laient au jardin. Cette femelle, plus fine que toute autre créature.
CO:^TBS POPULAIRES 317
qui savait qu'il y avait à la maison un pot de miel auquel on n'a-
vait pas encore touché, dit au loup: « Écoute ces cris; on m'ap-
pelle pour aller à un baptême. — Eh bien ! vas-y. »
La femelle de renard alla à la maison, et entama le pot de miel.
Elle revint au jardin ; le loup lui demanda : « Gomment l'a-t-on
nommé (l'enfant)? — Déjà commencé.' déjà commencé! »
Au bout d'un moment, la femelle de renard se ravise, et dit au
loup : « Écoute ces cris ; on m'appelle encore. Plaît-il ? Sont-ils
haïssables ! — Eh bien ! reprit le renard, vas-y de nouveau. » —
Elle alla à la maison, acheva le pot de ndiel à moitié et revînt au
jardin, a Oomment l'a-t-on nommé? — Déjà à moitié! déjà à
moitié ! »
Au bout de trois heures, la femelle de renard se ravisa encore,
et dit: « Que voulez-vous? Écoute ces cris; on m'appelle une autre
fois. Haïssables! On vient toujours me déranger pour aller au
baptême. »
Elle alla achever le pot de miel, puis revint reprendre son tra-
vail. « Quel nom a-t-il ? — Déjà fini ! déjà fini ! »
Lorsqu'ils eurent terminé leur travail, ils allèrent à la maison.
« N'ayant rien de prêt pour dîner, dit le loup, entamons ce pot de
miel. » Il découvre le pot et vit qu'il ne contenait plus rien. La
femelle de renard lui dit: « Gourmand, c'est toi qui Tas mangé.
— Ce n'est pas moi ; c'est plutôt toi, gourmande. »
Pour finir la dispute, la femelle de renard dit au loup : « Nous
allons nous endormir au soleil ; le premier dont les oreilles se met-
tront à suer sera celui qui aura fait le mal. » ^
Le loup, qui était brisé (de fatigue), s'endormit le premier. La
femelle de renard profita de ce temps, et lui mouifia les oreilles et
le museau. Lorsqu'il se réveilla, la femelle de renard dit : — « Tu
vois bien, gourmand, que c'est toi qui l'as fait, puisque le museau
te sue. »
Ainsi, le loup fut attrapé. — Et trie et trac, mon conte est
achevé .
Nadiuel
Lou nadiuel e lou roussignôu u'avièn, Tun auiai Fautre,
qu'un ici. Erou bons amies, e, quand aqueste se metiè à cautà,
318 DIALECTES MODERNES
Fautre badava de plezi. Un jour, lou roussignou seguet de
couvit de batejalhas, e, per Tanà ambe dous iols, se faguet
prestà riol soulet dau nadiuel .
Au retour de las batejalhas, se soucitèt pas pus de lou ren-
dre, tant ie plasiè de ie bèn veire. Alors lou nadiuel s'escri-
dassèt antau :
— Se jamai t'arape, tus, ta moulhé, tous pichots ou tous
iôus, t'en farai repenti.
Lou roussignou respoundeguèt :
Tant n'aut m'entendras,
Que jamai m'auras.
Despioi, lou nadiuel es d'amagatous au pè de Faubre per
lou susprene, e lou rousignôu fai soun nis à la pus cima; e,
quand canta, es per douna de leze à soun amie, que ie veipus.
TRADUCTION
L'Orvet. — L'orvet {nadiuel^ litt.: sans yeux) et le rossignol
n'avaient l'un et l'autre qu'un œil. Ils étaient bons amis, et, lorsque
celui-ci se mettait à chanter, l'autre ouvrait la bouche d'admiration,
Un jour, le rossignol étant invité à un festin de baptême, et ne
voulant y aller qu'avec deux yeux, se fit prêter l'œil unique de
Torvet. — Au retour, il ne se soucia plus de le rendre, trouvant
que cela était fort agréable d'avoir bonne vue. Alors l'orvet se mit
à crier après lui :
— Si jamais je te prends, toi. ta femme, tes petits ou tes œufs^
tu t'en repentiras.
«
Lo rossignol répondit :
— Je serai si haut placé, lorsque tu m'entendras, — que jamais
tu me m'auras.
C'est depuis que l'orvet se tient caché au pied de l'arbre, dans
l'intention de le surprendre, et que le rossignol fait son nid à la
plus haute cime des branches. Mais, lorsqu'il chante, c'est pour
égayer son ami, qui n'y voit plus.
Nadiuel, nadiol, c'est-à-dire na-d'iuel, na-d'iol, signifie lit-
téralement sansyeuXj quirCad'yeux, C'est peut-être par le même
CONTES POPULAIRES 319
motif qu'on le nomme en berrichon, aneuil; en solognot, anvot;
en breton, anviou ; en fribourgeois, anvoy.
Une fable analogue se dit en Sologne (V. Académie celtique,
Mém. II, p. 205; IV, p. 105, version de M. Legier, du Loiret)
et dans le Berry. { V. le Glossaire du centre de la France, du
comte Jaubert, v. Aneuil,)
Les yeux de l'orvet sont si petits que le populaire a fini par
croire qu'il n'en avait pas. D'où ce dicton berrichon suivant :
Si l'anœil
Avait œil.
Le serpent
Avait dent.
Il n'y aurait bêtes ni gens.
Mais, comme je l'ai dit, ces fables se bornent, ordinaire-
ment, à la citation d'un trait ou même de la moralité. L'abbé
de Sauvages a placé beaucoup de ses citations dans son recueil
de Proverbes languedociens :
1 A fach lou viage dau courpatas.
(La Fontaine, le Corbeau et le Renard, liv. !•', fable 2.)
2 Ansin dis lou reinard das razins.
(Id., le Henard et les Raisins, IIL II )
3 Aze demijè n'es jamais ben enbastat,
4 Baila garda la feda au loup, e la galina au reinard.
(îd., le Loup et la Brebis, III, 13.)
5 Bram de sauma monta pas au ciel.
(Id., VAne etsesmaUres, VI, 11.)
6 Degus noun vôu estacà lou cascavéu au cat.
(Id., Conseil tenu par les Rats, II, 2. )
7 Dau temps que lou chi pissa,— lalebra s'enfugis.
(Id., le Lièvre et la Tortue, VI, tO.)
8 Disputa la pel
Avant d'avè l'agnel.
(Id., l'Ours et les deux Compagnons, V, 20.)
9 Es de rassa de cigala, — viu de l'air dau temps.
(Id., la Cigale el la Fourmi, 1, 1. )
380 DIALECTES MODERNES
10 Bspelha me, dis l'ouliviè, te vestirai.
11 Fai la saussa à Taussel, — sans avedre vis laplouma.
(V. ci-dessus, n» 8.)
12 les avis au reinard
Que chacun jogue de soun art.
(Id., le Renard et le Bouc, II, 7.
13 Lou rat es be bau
Que se fiza tout d'un trau.
(Id., la Belette entrée dans un grenier, III, 17 )
(Et ces deux variantes : Be es neci lou ra, qu'embrun soûl
trau se fiza. — La rata que n'a res qu'un trau es lèu presa.
44 Noun es aucel, ni rata.
(Id., to Chauve-souris et les deux Belettf^s, II, 5.)
15 Per trop sabè, lou reinard perdet sa couga.
(Id., le Renard ayant la queue coupée, V, 5.)
16 Que feda se fai, lou loup la manja.
17 Que noun v6u sembla lou loup.
Que de sa pel noun se vestigue.
(Id., le Loup et le Renard, XII, 9.)
18 Reinard que dort la matinada
N'a pas la barba ounjada.
19 Se servis de la pata dau cat per tira las castagnas dau
fioc.
(Id., le Singe et le Chat, IX, 17.)
LA FONT PUTANELLE
00
JACQUES CŒUR A MONTPELLIER
PIÈCE EN TROIS ACTES ET EN VERS FRANÇAIS, PROVENÇAUX
ET LANGUEDOCIENS
MÊLÉE DE CHANT ET TERMINÉE PAR DBS DANSES DU PATS
Autorisée au ministère de la police générale, à Paris, le 6 octobre 1808
Représentée pour la première fois à Montpellier
le II novembre 1808.
(SuUe et fin,)
ACTE ni
Le théâtre représente un bocage agréable. Dans le fond est le bassin
(le la Font Putanelle ; des deux côtés et Jusqu'à l'avant-scène sont des
berceaux de feuillage. A droite est un arc-de-triorophe pour Jacques
Cœur. On y voit divers symboles hiéroglyphiques des mystères de Tal-
chimie et les armoiries de Jacques (3œur ; ce sont: trois cœurs, deux
ensemble et un seul ; au bas sont trais coquilles, désignant le nom de
saint Jacques.
SCÈNE PREMIÈRE
MARCHE G^:NËRALR
Kl le est ouverte par des hautiEK>is et leurs tambourins, exécutant
des airs du pays. Ratatbt, cap de jouverif paraît à la tète des jardiniers
vêtus de blanc et parés de fleurs. Viennent ensuite les députés des
(iiirérents quartiers de la ville, ayant en tôte la bannière où est inscrit
le nom du quartier. La marche est terminée par un chœur dé jeunes
lilles habillées de blanc, tenant do deux en deux des cerceaux ornés
(le festons, sous lesquels passent et rejiassent deux hommes, dont l'un
monté sur un cheval de carton qu'il fait mouvoir en cadence, au son
«les instruments rustiques, et l'autre ayant en main un tambour de basque
ilans loqii(3l il présente l'avoine au cheval. Après quelques tours et évo-
lutions, un se range sur les deux ailes, pour faire plaœuux acteurs.
322 DIALECTES MODERNES
RATATET
Enfans de Mounpelhè, fases un pau silença 1
Filhetas, s'es poussible, un pau de coutenença!
M'avès d'un même acord noumat cap de jouven ;
Se voulès que tout ane, entenden-nous aumen.
Sèn prou ben exerças, e chacun sap soun roUe ;
Lou miu, despioi très jours, es gravât dinslou molle.
N'ajes pas pôu que manque, e veires couma vai :
Seres countens, segu, de tout ce que dirai.
Ai fach un coumplimen . . que sera pas de palha.
Me soui mema avisât de faire de rimalha;
Car, tel que me resès, save un pau de latin .
Ah ! se, quand ère jouine, ère estât mens mutin,
loi seriei Mes enfin pensen à nostra festa :
Divertiguen-nous ben, mes perden pas la testa.
Avant que tout lou mounde aici siège rendut,
Voulès que coummençen, digas?
TOUS
Ben entendut !
RATATET
Filhetas e garçous, anen, anen en dansa !
Vôu canta de couplets ; seguisses la cadança.
Vautres que sies aqui, buffas dins vostre auboi;
Mes mainagéjas-vous, fau d'alé per tout ioi.
RONDE
Air nouveau
1
As envirouns de Mounpelhè,
Dins un bassin, i'a d'una aiguetta
Que vous perfuma la bouquetta
E guéris touta malautiè ;
D'aquela vertut naturella,
L'estrangè demora surprès.
LA FONT PUTANBLLA ?23
(Il parle) Es aqui quebada de plesi, e dis : «Ai! qu'es linda ! Ai!
qu'es bona, aquela aiga ! Soui presque guérit. » Oh !
Se parlarà {ter) mai d'una fès
De la Font Putanella !
Le chœur répète en dansant le refrain : Se parlarà, etc.
Souer e mati, pendan Testiu,
Aqui, dins aquel béu bouscage,
Lous ausselous fan soun ramage
E Ton ie respira un air viu ;
De r amour, que tout ie rappella,
Dins pau lou cor se sentis près.
(Parlé) Lou sentimen i crei couma lou gramenas, i'a pas à
dire ; lou cor s'atendris : fau aima ! fau aima! E, se buvès,
poudes creire que. . .
Se parlarà mai d'un(* fes
De la Font Putanella.
( f'oranie dessu*. )
8
Tout cantan lou pichot couplet,
Souven Tamic, per la maneta,
Acoumpagna soun amiguetta
Que va roumpli soun ourjolet.
Lou couple, su Therba nouvella,
Resquilla e tomba quauqua fes.
; Parlé) Ai, pecaire ! paura manida ! que te planisse ! Sies toum-
bada? Aco's pa res ! T'en souvendras pourtant, e pus tard
Se parlarà mai d'una fès
De la Font Putanella.
Comme de^gns
4
Se, per un effet surprenèn,
D'aquel admirable bruvage.
3^i DIALEX^TES UOI^RfJËS
Femna que m planis de l'âge
Poudiè txtfiamà dins 8oun priniem ;
Se la lourda deveniè foella
En n'en buguèn quauques copets,
(Parlé; Bpudiou 1 couma s'i agantarièn. Oh! que n'iauriè
que i anarièn s'i engourgà ! Es per lors que
Se parlariè mai d'une fès
De ia Font Putanella.
(Oomme dMsus)
5
Quand l'aman se trova mouquet
De la rîgou de sa mestressa,
Se fasiè naisse sa tendressa
En la faguèn heure un pauquet;
Surtout se la rendiè fidella
De façoun a creni pas res,
(Parlé) Oh ! per lou cop, la font série atarida. Pas pus d'aiga,
e alors, mai que jamai,
Se parlariè mai d'une fès
De la Font Putanella.
(^opnme dessus)
SCÈNE II
LES PRECEDENTS, CROC *
CROC
(U anive d^ane démarche composée, affectant un $àr de tristesse. On se range
autour de lui par curiosité)
Vous VOUS livrez gaîment aux plaisirs de la danse,
Et vous ne savez pas la triste circonstance !
ROBERT
Comment? Que dites-vous ? Que s'est-il donc passé ?
CROC
Hélas !
Là FOBIT FUTAKBELIiiA 325
ROBERT
Parlez, chacun »j trouve intéressé.
Où donc est Jacques Cœur ?
CROC
A dire vrai, j'ignore
Ce qu'il est devenu; rien ne transpire encore,
Mais je suis alarmé.
ROBERT
Faites-nous part enfin
De tout ce qui se passe.
CROC
Ecoutez : (On l'entoure) Ce matin,
De la part des consuls, on envoie un message.
Son air sec et sournois portait mauvais présage;
Je Tai considéré, vraiment il faisait peur.
Il m'a dit : « Je voudrais parler à Jacques Cœur.
Les consuls m'ont chargé pour lui de cette lettre .
Elle presse ...» Aussitôt nous voyons apparaître
Monsieur Jean, qui prend l'ordre et l'apporte au seigneur.
Celui-ci, pour réponse, a suivi le porteur,
Et chez les magistrats il est allé se rendre.
Il n'est pas de retour ; je venais pour apprendre
S'il n'était pas ici.
ROBERT
Nous ne l'avons pas vu.
Et Monsieur Jean ?
CROC
J'ignore en quels lieux il peut être;
Mais vraisemblement il a rejoint son maître,
ROBERT
Puurrait-on préstiiiier que quelque trahison?. . .
Où pensez«vou8 qu'ils soieat?
326 DIALECTES MODERNES
CROC
Eh ! peut-être ... en prison.
TOUS
En prison !
CROC
Eh! que sais- je?
TOUS
Il faut leur délivrance .
Courons, courons ! (On s'agite avec confusion)
ROBERT, les arrêtant
Amis, un moment de silence .
Vous voulez, comme moi, délivrer Jacques Cœur?
UNE VOIX
Nous lui devons nos biens.
UNE AUTRE
C'est notre bienfaiteur.
ROBERT
Voici donc mon avis : qu'à l'instant l'on choisisse
Six hommes d'entre nous, qu'un même cœur unisse ;
Qu'ils aillent aux consuls faire part de nos vœux :
Leur justice bientôt nous rendra tous heureux.
TOUS
Oui ! oui !
CROC, à part
Je suis perdu.
ROBERT, à la tête des députés
Mes amis, du courage !
Nous le ramènerons; partons!
^Ils ge disposent à sortir. — Jean paraît, on s'écrie :)
Jean de Village !
^On va au-devant de lai; Croc se cache dans la foule)
LA PONT PUTANELLA. 33?
SCENE III
LES PRECEDENTS, JEAN, ayant au bras COUCARELLE
ET MARGUERITE, NICOLAS conduit ANGÊLE
JBAN
Eh bien ! qu'est tout ceci? D'où vient cette rumeur?
Je croyais vous trouver de bien meilleure humeur.
ROBERT
L'alarme est parmi nous ; nous sommes dans la peine :
On dit que Jacques Cœur se trouve dans la gêne
Et qu'un ordre fatal ravit sa liberté.
Nous aUions l'enlever à sa captivité.
JEAN
Et de qui tenez-vous cette fausse nouvelle ?
Ah! c'est un tour de Croc à légère cervelle.
ROBERT
C'est lui qui tout à l'heure . . .
JEAN
Ah ! vieillard sans raison ! . . .
Mais parlons de mon maître. Il est dans sa maison;
Vous le verrez bientôt, et, sans nuire à sa gloire.
Je veux de ses malheurs vous raconter l'histoire.
(Il fait des signes d'intélligenoe pour faire lentir Tironie)
Am: Chansons^ chansons
On dit que, par ses artifices,
Il a commis des injustices,
Des trahisons ;
Qu'en plusieurs faits il est coupable,
Et qu'enfin il est condamnable . . •
(Tons avec transport)
Chansons I chansons !
328 DIALECTES MODERKES
Même air :
NICOLAS
Disou que rargen que despensa
N'es pas gagnât en counsciença,
Per de resouns .
La trama es déjà descouvèrta,
Lou paure couris à sa pèrta.
TOUS
Chansons ! chansons !
Même air:
COUCARBLLE
Croc aviè raisotin de me àite
Que lous esprits avièn empire
Sus sas actiouns.
Mais Croc a sauvât ma familha,
Sera lou marit de ma filha
TOUS (la joie éclate}
Chansons! chansons!
ROBERT, satisfait
L'espérance et la pail rentrent dans notre cœur.
Mais quand i»everroniS-nôiis enfin lé bon seignear?
JEAN
Il ne tardera pas.
ROBERT à seB amis
Il faut aller le prendre.
JEAN
Épargnez- vous ce soin; il est près de se r&nàt^e.
Justement, le voici.
f On court au-<îevant de lui en criant : Vive Jacques Cœur !)
LA FONT put A SELLA 3W
SCÈNE IV
LES PRÉCÉDENTS, JACQtJÈS CŒUR ET SA étWfft
JEAN
Seigneur, il m'est bien doux
De voir les sentiments qu'on témoigne pour vous.
Mais je dois à mon cœur de vous faire connaître
Le transport plus touchant que vous avez fait naître.
Tantôt un bruit fâcheux ici s'est répandu;
Vous en étiez l'objet: on vous croyait perdu.
Et le trouble aussitôt fermente en chaque tête ;
On quittait sans regret les plaisirs de la fête;
On allait des consuls implorer l'équité,
Pour obtenir un terme à votre adversité.
J'ai paru, j'ai parlé, la joie est rétablie.
J. CŒUR
Ce (lue j'apprends me touche, et mon âme est saisie...
Je n'oublîrai jamais cette preuve d'amour.
Mes enfants, mes amours, je prétends à mon tour
Vous témoigner mon zèle et ma reconnaissance ;
Ce vif attachement aura sa récompense .
Bannissez toute crainte : apprenez que le roi
Vient de me confier un glorieux emploi ;
De ses faveurs j'obtiens une preuve nouvelle.
Par cet ordre aujourd'hui sa bonté me rappelle.
De deux princes puissants me fait médiateur.
Et pour les accorder me nomme ambassadeur.
Vous voyez que le poste où cet ordt'e m'envoie
Doit, si je vous suis cher, aù^meùter totré joie.
^On crie : Vive Jacques Cœur !)
Que ce jour soit donné tout entier au plaisir;
Je viens y prendre part et veux y concourir.
( Léo instramenta ae font «ntendre. J. Oœor parcourt la wène, acctuillant
tout le monde àyeo tioiitl.)
830 DIALBGTES MODERNES
Que ce lieu-ci me plaît ! Qu'il a pour moi de charmes !
Que vois-je ? en écusson je reconnais mes armes.
Ce symbole présente un hommage flatteur.
Ces signes sont parlants.
JEAN
Ils nomment Jacques Cœur.
Ils disent vos travaux, vos bienfaits, votre gloire ;
ROBERT
Et notre cœur répond d'en garder la mémoire.
J. CŒUR
Amis, je suis sensible et demeure interdit.
JEAN
Prenez place. Seigneur, nous n'avons pas tout dit.
(Jacques Cœur se place bous le dôme préparé.)
Renjas-vous, meis enfans, e fasques pas tapagi ;
Que chascun puissi en paix présenta soun oumagi.
E tus, cap de jouven, avance, moun garçoun,
Eme toun capel nôu, toun habit de froun-froun.
Es toun tour, Ratatet, fai baroulà ta lenguo.
Couragi, moun enfant ! escuUo ta harrengo ;
Manquarà pas de flours, perque sies jardiniè.
RATATET
lé vau servi tout-ara un plat de moun mestiè.
(Il déclame avec affectation comique, mais sans ridicule.)
Seigneur, de nos jardins en faisant la culture.
Il nous faut par nos soins corriger la nature.
La terre produit tout ; mais^ si nous la laissions.
Elle ne produirait que ronces et chardons ;
Les fruits seraient amers, et les mauvaises herbes.
Poussant dans tous les lieux, s'amasseraient par gerbes
Tout ce qu'elle a de bon se corromprait enfin :
LA FONT PUTÂNETXA 381
I/art et le soin font tout. Le monde est un jardin ;
On pense s'il est grand ! Les hommes sont les plantes.
Il en est, comme on voit, de hautes, de rampantes.
La nature et le sort en forment la valeur .
Sous un chêne parfois naît une belle fleur,
Qui, sans Theureux effet de cet abri propice.
N'eût jamais autre part entr'ouvert son calice.
Elle a pourtant son prix. Les chênes senties grands,
Dont le pouvoir soutient les faibles indigents .
Nous serions près de vous des plantes inutiles,
Si vos bienfaits. Seigneur, ne nous rendaient fertiles.
Soutenez des roseaux, sans vous près de plier :
Nous sommes le jardin, soyez le jardinier.
(11 o£Ere son bouquet, et, se tournant vers les siens :)
Couma trouvas aco ?
ROBERT
Est-ce de ta fabrique ?
J . CŒUR, à Ratatet
C'est fort bien, mon ami ; j'aime ta rhétorique :
Tu t'énonces au mieux ; et tes amis, vraiment.
Doivent être charmés d'un tel représentant.
J'aurai soin de vous tous.
JEAN
Avanças, Coucarello,
Nicoulau, Margarida, et vous, Roubert, Angelo !
Anen!
COUCARELLE
Air: Je le compare avec Louis
De ma soutisa e moun errou
Poudès me creire repententa.
Soui ben guerida de ma crènta,
Vene vous demanda perdou .
3!^$ DIALBCTBÎS MODÉÏINB*
Aviéi mOUn esprit en démènça :
Ottànd sen vieh , tout se descadéni^ft.
Même air :
ANGÈLE (à^yant Nicolstt à soir oôté)
De vostrès âoins, pet» noâtre ammir,
Nous sentissèn Pâma sâisida;
'toutes lous jours de nostra vida
Nous souvendrèn d'aqueste jour.
Nostre bonhur es vostre ouvrage :
Vous aima fai nostre partage.
J. CCEUR
Je suis très- satisfait. Venez, jeunes amants;
Je vais récompenser vos tendres sentiments :
Je vous unis. Voilà le contrat qui vous lie;
Du bien que je vous dois il porte une partie.
(A Concarelle)
Bonne mère, en ce don ne voyez rien de noir;
Sans crainte et sans scrupule on peut le recevoir.
JEAN
Enfans de Mountpelhè, dei fôubourg de la villo,
Eicitovouestre tour, anen! venès en filo.
(Les bannières avancent)
Cantaràs quauquo rèn, digo, moun Ratatet?
RATATET
Vene de refrescà moun pichot gargatet.
JBAN
Me manque pus que Croc; vôu veire v'ount pôt estre.
{tl sort)
RATATET, ans siens
Aprouchas, mous attiife; aantèll Aostre bon meétre.
AIR : des Siuoains de Montpellier
1
Nostra bella jouinessa,
Dins aqueste moumen,
De sa viva tendressa
Oufris lou sentimen .
Per marqua soun amour ,
Voudriè poudre tout faire .
Cercarà chaqua jour
Lous moyens de vous plaire ;
Vous aimarà sans effor ;
Dau cor
Prouva Festacamèn
Souvèn
Es soun pu grand affaire.
D'abord, vesès en testa
Lous enfans dau Courrau,
Toujour premiès en festa :
S'en donoucouma fau.
Boutounet ven après ;
Lous Carmes, la Beufera,
Lou seguissou de près ;
Lou plan de Loun espéra ;
L'Ouliviè que fluris
Vous dis
Que, se chacun poudiè,
Fariè
Soun coumplimen sincèra.
Anân chaqua fillieta,
Au bras d'un jouv^uç^u,
334 DIALBCTES MODBRNBS
Vendra dins la rengueta
Passa jout lou drapèu;
Sus soun minois malin,
Veirès un doux sourire,
Que met lou cor en trin,
E tout bas sembla dire :
Dansen un rigaudoun
Au soun
Dau tambour, de Tauboi.
-Epioi
Que chacun se retire.
(Aux députés)
Sès-ti countens, Messius? Se fatigua quau cànta,
Anen nous refrescà; déjà la set m'aganta.
JEAN (entraînant Croc an collet)
Place, place au vieux Croc, fabricant de sorciers!
C'est lui qui de son chef nous a faits prisonniers.
J . CŒUR, à Croc
Qui vous a pu porter à cette fourberie ?
JEAN
C'est sans doute un effet de la sorcellerie.
CROC, humblement
Faites grâce, Seigneur, à ma témérité ;
Je n'ai pas voulu nuire à votre autorité .
J. CŒUR
Malheureux ! vous semiez ainsi la calomnie !
CROC
Je craignais contre vous les effets de l'envie.
Et je n'en ai parlé que pour les prévenir.
Croyez que mes regrets savent bien me punir.
Je sens mon imprudence.
LA FONT PUTâNELLA 335
J. CŒUR
Ëh! la dose était forte.
Vous mériteriez bien qu'on vous mît à la porte I
JEAN
Ce fut toujours son poste ; ainsi vous punissez?
J . CŒUR rît
Ma foi ! Jean a raison : j'ai ri, c'en est assez.
Ne troublons point la paix d'une telle journée.
Que chacun soit heureux; la faute est pardonnée.
CROC
Mille grâces, Seigneur; ah! que vous êtes bon !
JEAN
Eh bien! soit ! qu'il demeure et chante sa chanson.
(Désignant J. Cœur)
Il ne se venge ainsi que par la bienfaisance.
(A Croc)
Embrassez le rival pour votre pénitence.
(Croc embrasse Nicolas)
RATATKT
Laissen, se me cresès, aquel viel roucantin ;
Enfans, anen, en dansa e metten-nous en trin !
VAUDEVILLE
Air: du Petas
COUCAREIXE
1
Perque tout lou mounde es en festa,
Que chacun fai soun cacalas ,
Counven pas que me trove en resta.
336 liIAL>ECTIfiS MOÇlSIlH^P
Laissas-me mettre moun^.petas :
Es passât lou tems de ma dansa,
Mous pes soun toutes engourdis ...
Eh be ! marquarai la cadança
As dansaires de moun peïs .
2
L'aven escapat d'una bella !
D'un pau mai quitave Foustau.
NICOULAU, àAngèle
Se m'aviè faugut perdre Angèla,
Sarnipà ! seriei vengut bau .
ANGÈLE, finement
N'aviei pas perdut counfiença :
Tôt ou tard devian estre unis.
NICOULAU, finement
L'amour dona tant de sci^nca,
El es mestre dins tout peïs.
MARGUERITE, à Coucarelle
3
Ma commère, plus de rancune,
J'avons maridà nos enfans ;
Je devons esprouvà chacuBie
Des souvenirs toujours piquants,
A Montpellier, comme en Champagne,
Vient le temps où le cor est pris .
Un garçon cerqua sa compagne. ....
Aco se fait en tout pays.
JEAN, au parterre
4
Messieurs, contre ce badinage
A quoi servirait la rigueur ?
LA FONT PUTANELLA :337
Que le but de ce faible ouvrage
Trouve indulgence en votre cœur.
Il vous peint les mœurs de vos pères ,
On y voit un peuple d'amis :
Vous devez traiter comme frères
Les enfants de votre pays.
-•o>a<<
2.i
LOU ROUMIEU
NOTE EXTRAITE DE CESAR NOSTRADAMUS
Un malentendu a empêché, dans notre dernier numéro, la
publication, à la suite du Roumieu de M. Octavien Bringuier,
de la note suivante sur le héros de cette poétique légende,
note extraite de VBistoire et Chronique de Prouence de César
Nostradamus. Elle offre, à divars points de vue, assez d'in-
térêt pour que nos lecteurs nous sachent gré de la rattacher
à Tœuvre de notre collaborateur.
Ce grand & magnanime P.ince (Raymond Berenguier) fut plein
de toute douceur, clémence & humanité, éloquent en son parler, ex-
collent & rare à composer en rithme vulgaire Prouençale: comme
celuy qui auoit d'ordinaire à sa Cour plusieurs excellents & rares
Poëtes Prouençaux qui faisaient des belles, doctes, & ingénieuses
po-'sies à l'exemple & imitation de leurs antiques progeniteurs &
Troubadours , auec lesquels ce Comte se delectoit tellement, qu'il
employoit vne bonne partie de son temps, & des heures dédiées à
l'psbat de l'esprit, en disputes & questions tres-subtiles & Ires-gra-
cieuses. Quelque personnage ayant escrit de luy, qu'il estoit si libé-
ral, large & prompt à donner, que tousiours l'entrée de son reuenu
esLoit engagée pour les grands dons & les magnifiques présents
qu'il faisoit, ne se pouuant iamais lasser de donner & bien faire.
De son temps vn Gentilhomme pèlerin, qui alloil aux extrêmes
parties de l'Occident visiter l'Eglise Sainct Jacques, arriua en Pro-
uence : lequel ayant apparence d'estre homme de bien, & de haute
qualité (car son parler monstroit vne grande Noblesse, grandeur de
courage, & grande prudence, auec vne représentation & physiognomie
vénérable, dign^ de respect & d'honneur) désira de sçauoir les
moyens de son reuenu, & les ayant sceu, il vint à calculer & me-
surer en son entendement ses affaires auec ses forces, & ses bien-
faits auec ses moyens, & sans longuement penser, promit & as-
seura que s'il auoit le gouuernement de son bien, en peu de temps
il le raettroit hors de tant d'vsures qui l'escorchoient, esquelles il
estoit onueloppé, payant iournellement d'insupportables interests &
surcharges : si qu'auec vne tres-conuenable libéralité à sa gran-
LOU ROUMIBU 339
deur & son rang, il rangoroit son reuenu de façon, & par un tel
ordre, qu'il s'en contenteroit, & en receuroit de l'honneur.
Or quoy que ce pèlerin ne voulut iamais dire ne descouurir son
païs ny son nom, si qu'on le nomma Lo Romieu par Taduis toutes
fois & bon conseil de Thomas Comte de Sauoye, Prince des plus
sages & aduisez de son temps, & de plusieurs autres Princes et
Seigneurs de la Cour de Berenguier, fut donnée la cure, & mis
en la main du Romieu le gouuernement de tous les biens & reuenus
de Prouence, desquels, comme il commença à les manier, il fit beau-
coup plus qu'il n'auoit promis. A tant qu'en peu de temps il ouura &
mesnagea si bien par son industrie & diligence, que ses quatre
Infantes, Princesses de très excellente beauté & d'incomparable
vertu, furent mariées, par vue grande & suprême félicité, à quatre
grands et puissants Roys : Marguerite la première, au grand & re-
nommé Sainct Louys; Eleonore ou Ilelyone, la seconde, à Henry
troisiesme du nom, Roy d'Angleterre: Sance ou Saincte, la troi-
siesme, au Comte de Vienne, & après sa mort à Richard Duc de
Gordoue frère du Roy d'Angleterre, qui eut par après le sceptre de
ce Royaume & de son frère; & Beatri;c. ia quatriesme, à Charles frère
de Sainct Louys, qui fut Comte de Prouence, & tost après couronné
& proclamé Roy de Sicile & de Naples, qui ne fui vue moyenne
gloire à Berenguier, vue peu excellente loiiange à Romieu, ny vn
petit aduantage à nostre Prouence.
Tous les Princes & Gentilshommes de la Cour de Berenguier de-
meurans en admiration & merueilleux estonnemént de la sagesse,
conduite & preuoyance de ce sage & tant illustre pèlerin & inten-
dant, estoient contraints de confesser ce qui estoit de luy, & la
vérité par les effects qu'ils en voyoient sortir deuât leurs yeux. Mais
il ne falloit pas que ceste prend' hommie demeurast plus longtemps
sans enuie & sans detraction, il estoit besoin que ceste vertu tant
héroïque fust prouuee, & que le soupçon ioiiast son roolle & sa
comédie: voire ii'esloit raisonnable qu'vne si claire & haute vertu
marchast de mosme pas & de mesme nature que la nîisere & l'igno-
rance, qui sont seules sans enuie & sans amorce d'ambition:
pource que ce qui n'est désiré d'aucun, ne peut estre enuié ny
blasmé. l^'enuie donques, qui est vn vice très-particulier, familier
aux Cours des Princes, glissant cautement & malicieusement, enue"
niuia tellement le cœur (trop à la vérité crédule) de Berenguier,
que le Romieu luy vint en soupçon & en quelque ombrage: vou-
340 DIALECTES MODERNES
lant& ordonnant qu'il rendroit compte de son administration &
intendance. Le sage & noble Romieu, meu de iuste & généreux
desdain, sans faire autre semblant, ny sans perdre vn seul trait
(ô vanité du monde!) de sa granité, sçachant fort bien qu'il aupit
administré en homme de bien, & tres-entierement la maison de son
Seigneur, après auoir posément & sansaltesration rendu ses comp-
tes, reprenant ses premiers & simples vêtements de pèlerin, se
despartit & print congé de Berenguier auec ces graues mots & ces
courtes & sages paroles : Panure ie suis venu, & panure in'en re-
tourne.
Or quelque temps après ce pauure Comte, qui revint à soy, des-
plaisant en son cœur, de ce qu'il auoit creu trop légèrement aux
calomnies & flagorneries des enuieux, & de l'enuie qu'on auoit eu
sur ce sage& tantaduisé personnage, considéra posément combien
droictement, & auec quelle sincérité, saincteté et candeur il auoit
manié sa charge, & son administration, au grand honneur, aduan-
tage & profit de sa maison : si bien que blasmant grandement sa
trop grande facilité, & recognoissant la perte qu'il auoit faicte, il
luy manda incontinent messagers exprez après auec in tantes priè-
res de ne vouloir passer outre & reuenir continuer son intendance
& sa première charge, à quoy il ne vouluct aucunement entendre,
ains de propos délibéré fît son chemin & passa outre, blasmant
grandement l'ingratitude & la legore créance de Berenguier qui
s'affligea merueilleusemont de sa resolution : comme firent les plus
fidelles et affection pz seruiteursd» sa maison, qui n'ignoroient pas
lesdeportemens & la preud'hômie du pèlerin qu'ils regrettèrent
tousiours depuis . Plusieurs iouis se passèrent que Berenguier en-
dura & tiouffrit beaucouip de nécessitez en sa maison, pour
l'absence du Romieu, qui tant rondement, de si bonne affection
& d^m si haut sens auoit conduit & remis ses affaires confus &
détraquez, à tant qu'il s'en blasma soy mesme, & eut à cotre cœur
& detestatiô les autheurs et les occasiôs de son départ.
•
César NOSTRADAMUS
La Prouence sous les princes d'Aragon Raymond Bërbngoier,
DERNIER DU NOM, CoMTE X. (Histoite ct chronîqve de Prouence,
p. 204 6^205.)
AUTHENTICITÉ DE LA FORME VES POUR VETUS
On lit à la page 139 de la Romania {js^nyiev 1873): « M. Bou-
cherie cite bien légèrement, comme contenant le plus ancien
exemple de vies (fr. vieux )^ ce passage tiré d'un ms de 754 :
(( Arbor mala ves homo, arbor bona anima spiritalis. » Ce que
M. B. a lu ves doit probablement se lire videlicet, »
Quoique je n'eusse aucun doute, car j'avais été trop frappé
de cette forme pour ne pas m' assurer à plusieurs reprises que
j'avais bien lu, j'ai prié un ancien élève de l'Ecole des chartes,
M. Harold de Fontenay, qui habite la ville d'Autun, de vouloir
bien jeter les jeux sur le passage controversé et me faire savoir
si c'est bien ves ou videlicet qu'il faut lire. Voici la réponse qu'il
a bien voulu me faire : « Je commencerai par vous avouer fran-
chement que la présence du mot ves, signalé par vous comme
se trouvant au milieu d'un commentaire latin des Evangiles,
dans le ms n° 3 de la bibliothèque du grand séminaire d'Autun,
daté de l'an 754, m'avait vivement surpris, et je me proposais
de vérifier cette lecture lorsque votre lettre m'est parvenue.
J'ai examiné très-attentivement le passage en question : « Arbor
mala veshomo^ arbor bona anima spiritaUs » (folio 24, recto, et
non 24, v°), et je reste convaincu qu'il y a ves et non autre
ohose.Les lettres e' / sont exactement conjointes comme dans le
moi est àe l'exemple d'écriture mixte du milieu du VHP siècle,
cité par M. Natalis de Wailly, dans ses Éléments de paléogra-
phie, tom. II, pi. IV, n° 6, ligne 4. D'ailleurs, notre manuscrit
nous fournit plusieurs exemples du même assemblage de let-
tres: ainsi, au f" 18, v°, ligne 14, dans le motdulces pour dul-
cis, et f 19, r°, ligne 16, dans le mot lapides, lectures dont
on ne peut mettre l'exactitude en doute. Quant à voir dans le
mot ves une abréviation, celle de videlicet, par exemple, cela
est pnléographiquement inadmissible : le mot ves est bien en-
tier. Au reste, l'équilibre de la phrase exige, non un adverbe,
.?J2 DIALECTES MODERNES
mais un adjectif. Fes est en opposition "avec «pirtïafii, comme
mala avec bona. J'ai tenu à rechercher si, dans d'autres pas-
sages du même évangéliaire, le mot ves ou le mot vettis se re-
présentait de nouveau. J*ai constaté cette dernière forme au
f* 26, r°, col. 2, ligne 18, dans ce verset de saint Mathieu
(IX, 16 ) : « Nemo autem immittit commissuram panni rudis
in vestimentum vêtus, etc.. .»; mais on doit remarquer que ce
n'est plus là le commentaire, mais le texte même de rËcriture
qui a été transcrit, w
Si j'insiste sur cette rectification, et si j'ai tenu à reproduire
in extenso le témoignage net et bien présenté de M. de Pon-
tenay, ce n'est pas tant pour prouver que je n'ai pas commis
d'erreur de lecture, que pour appeler de nouveau l'attention
sur cette forme si ancienne et si curieuse, et en bien faire
constater l'authenticité.
A. Boucherie.
BIBLIOGRAPHIE
E/)/x>3V8Û/xaTa (xat) Kaôyj/xsptvyj O/xt^ta de Julius Pollux, publiés pour la
première fois, d'après les manuscrits de Montpellier et de Paris, par
A. BoDCHERiE, professeur au Lycée de Montpellier. — Paris, Imprimerie
nationale, 1872, in-4°. — Extrait du tome XXIII, 2° partie, des Notices
et Manuscrits do la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques.
Sous ce titre, l'un des membres fondateurs de la Société pour
ï étude des Langues romanes vient de publier le texte bilingue de
trois ouvrages que l'on peut considérer comme de véritables ma-
nuels de conversation grecque et latine. Dans une introduction
claire et bien faite, M. Boucherie, après avoir établi la parenté de
ces trois livres, expose les raisons très-probables qui l'autorisent
à attribuer les deux premiers (les Ép/;i>îV£Û^aTa et Popit^ta*) au cé-
lèbre lexicographe Julius Pollux, contemporain de l'empereur
Commode. Pollux aurait ainsi exécuté deux entreprises bien diffé-
rentes. Dans le seul de ses ouvrages qui fût encore connu, VOno-
masticon, il nfaurait fait entrer que les expressions consacrées
par l'usage dés écrivains classiques; dans les textes publiés par
M. Boucherie; il aurait, au contraire, recueilli et rapproché de leurs
équivalents latins les mots de. la conversation familière.
A la suite des textes dont il s'est fait l'éditeur, M. Boucherie a
placé de savants glossaires, destinés à signaler et à expliquer les
formes et les acceptions nouvelles que ces textes fournissent à la
lexicographie grecque et latine.
Cette publication, dont la riche bibliothèque de notre Ecole do
médecine a fourni l'élément principal, et que l'Académie des in-
scriptions a prise sous son patronage, est fort importante pour la
science de la linguistique. Non-seulement elle met à sa disposi-
tion des savants beaucoup de documents inédits, mais elle montre
encore ce qu'étaient, au II® et au III* siècle de Tère chrétienne, la
grécité et la latinité vulgaires, et fait ainsi, pour ainsi dire, saisir
sur le vif la différence notable qui existait entre la langue écrite
et la langue parlée.
' Le troisième contient des fables d'Esope et un fragment de droit ro-
mani.
344 BIBLIOGRAPHIE
Elle est sans doute plus intéressante pour la philologie grecque
et latine que pour la philologie romane, mais elle apporte aussi des
éléments nouveaux à l'étude des langues néo-latines. Sans pader
des particularités relatives à la prononciation et à l'orthographe, que
réditeur, en maître qui connaît l'importance de ces prétendues
irrégularités, relève avec un soin minutieux, il serait facile de
signaler dans ce livre un grand nombre de faits curieux pour l'his-
toire des idiomes romans. 11 suffit d'en citer ici deux ou trois
exemples. La cigale est, on le sait, nommée cicada dans le latin
littéraire et dans les lexiques. Le nouvel ouvrage de PoUux four-
nit cica/a. doublet qui nous explique les mots français et italien
cigale et cigala, et même le mot espagnol cigarra. Les Italiens ap-
pellent pernice l'oiseau que nous désignons par le mot de perdristy
et que Jes Espagnols, les Portugais et les Provençaux nomment
perdiz. Pollux nous donne les deux formes primitives de ces mots
néo-latins — en grec, il est vrai, — mais l'on peut, sans témérité ,
conjecturer qu'elles existaient également en latin . M. Boucherie fait
venir le mot provenders de l'ancien français, et notre mot provende
de promentarius et promentarium» formes tout à fait inconnues, que
nous révèle le manuscrit de Pollux. L'étymologie est contestable ;
mais ce sont des faits curieux à signaler que ces deux dérivés
nouveaux du verbe promere. Ce mot, qui signifie tirer de, a fourni
d'abord promus, cellerier, dépensier, et promum (Tertullian. ad
Uxor., II, 4), cellier, dépense. Il a dû nécessairement produire
promentum, d'où sont venus promentarius et promentarium, qui ont
le môme sens que promus et promum, et que deux autres mots
venus de la même racine , prompluarius etpromptuarium.
Il serait aisé de grossir beaucoup cette liste de formes anciennes,
inconnues jusqu'ici, et servant à expliquer certaines expressions
des langues néo-latines ; mais cet échantillon doit suffire pour at-
tirer l'attention des romanistes sur le travail de M. Boucherie. C'est,
du reste, un livre qu'il faut étudier en détail pour en connaître
tout le mérite et pour rendre pleine justice à l'érudition, a la
patiente sagacité, à la scrupuleuse exactitude de notre laborieux
confrère.
G: R.
BIBLIOGRAPHI K .T45
Œuvres complètes du trouvère Adam de la Ralle (poésies
et musique), publiées par E. de Coussemaker, correspondant de
l'Institut.
Adam de la Halle était connu comme Tun des trouvères les plus
distingués delà célèbre école d'Arras, mais on n'avait pas encore
publié ses œuvres complètes ; M. de Coussemaker vient de s'en
charger. 11 ne s'est pas contenté de reproduire le texte avec toutes
les variantes, il y a joint la notation musicale de l'auteur et une
traduction en musique moderne. On sait que c'est là surtout la spé-
cialité «le M. de Coussemaker.
N'étîint pas compétent moi-même, je ne puis que résumer les
conclusions de l'éditeur en ce qui concerne le talent musical d'Adam
de la Halle. Il distingue en lui le mélodiste et l'harmoniste. De ses
raélodif s, les unes, celles du Jeu de Robin et de Marion, sont na-
turelles, faciles, chantantes; les autres, au contraire, celles des
Chansons et des Jeux-partis, sont souvent maniérées et d'une forme
difficile à retenir. Comme trouvère harmoniste, il est sans contredit
le premier de tous. Quant à ses qualités comme poète et comme
écrivain, je les -ai déjà signalées dans cette Revue (t. III, p. 311 et
suivantes); je n'ai donc pas à y revenir.
Parmi les pièces de cet auteur que j'ai publiées, deux se retrou-
vent dans le recueil de M. de Coussemaker, p. 44 et 104. J'ai relevé
les différences de texte et je les mets sous les yeux de nos lec-
teurs, qui pourront ainsi compléter, au moins pour ces deux pièces,
le Fragment d^ Anthologie picarde.
P. 44. - Ja qui sera loiaus drus
Bonne leçon qu'il faut substituer à la mienne.
P. 45. — N'iert ja d'amer recreus.
Var. — N'ert de >ervir recieus.
Il faut lire recreus avec le ms. de Montpellier.
— Ains iert tous jours en li graindre.
IV/r. — Ains est toudis. ..
— Foys dusque au morir.
Bonne leron.
Bonne leçon.
— 5*il ne l'osera gehir.
— Frans cuers, gentiex, esleus.
— Pour toutes valours achaindr^.
346 BIBLIOGRAPHIE
M. de Goussemaker n'indique pas de variante pour achaindre.
Le dérive-t-il de *adscandere, escalader? Je n'en connais pas d'au-
tre exemple.
P. 46 — Pour les mesdisans refrcUndre,
Var, — Restraindre. — Faire fraindre (Montp.)-
— Cors, pour cuers dedens ravir.
Cette leçon offre un certain sens, et est préférable à celle du ms.
de Montpellier.
— Sage, humele, bien enseignie.
Var, — Humlee^ (Id. Montp.)
— S'eshauhisl et humelie .
Var. — 8'abaubit. (Id. Montp.)
— Que ma vigour sench estraindre.
Var, — Estaindre, (Id. Montp.)
— Si que ne puis nés salus.
Var, — Nis salus. — Nus salus. (Montp.)
— Aussi que se faërie.
Var. — Aussi com. (Id. Montp.)
— Quant je sui ou retour.
Var. — Et quant sui u retor.
Dans les deux cas il manque une syllabe. C'est Montp. qui
donne la bonne leçon.
— Li reveoir me tarie.
Var, — Li reveoir (sic).
Probablement il y a une faute d'impression. La variante doit être
reveoirs, bonne leçon qui est, en effet, celle de Montpellier.
P. 47. — Ganchon, fai toi de maisnie
A me dame tant c'oïe*,
Soies pardouchour,
S'on t'en cache, fai un tour,
Si rentre ' à l'autre partie.
Cette leçon est plus complète et meilleure que celle de Mont-
pellier, mais elle ne donne pas encore un sens tout à fait satisfai-
sant.
* Var. Koye.
'Var. Si va.
BIBIJOORAPRIE 347
Soies, qui se trouve dans tons les manuscrits et que j'avais rejeté*
doit être maintenu .
Si va, donné aussi par Montp. , doit être préféré à si rerUre.
P. 104. — D*un vair iex ses et agus.
Var, — D'wrw vair (5ic) ieux.
Montp. donne la bonne leçon. D^uns vairs iex, (V. Rev. desLang.
rom,, p. 335.)
— Et au droit jugier.
P. 105. — Si que je fai, si me voeille aie aidier.
Var. — Si co7n, (Id. Montp.)
— Mais aine ne fu si repus
Mes cuers vers li, ne si mus,
Tant m'oUsse refuser,
Que par sou doue regarder
Ne me samblast jus.
Var, — Vers moi ses cuers, ne si mus.
La bonne leçon est évidemment ses cuers versinoi,
— De li am^ ne de merchi proiier.
Var, — Deli anter, (Id. Montp.)
— Quant sa bouche meniache,
— En départant m'en convient repairier.
' Var, — Au départir me convient, (Id. Montp.)
M. de Goussemaker ne s'est pas aperçu qu'il manque un vers
après'celui-ci. Il est remarquable que cette lacune se retrouve dans
tous les manuscrits.
— Hé ! fleurs d'el siècle où mes travaus emploie.
Emploie est une faute : il faut emploi, forme que la rime exigeait
en même temps que la grammaire.
— Essamples bons et biaus pour castoiier.
Assés de cacfUer.
Il faut lire decachier (repousser).
P. 106. — Que vous vaurrés demander,
Var. — Que vous sarés deviset\ (Id. Montp )
On voit par ce qui précède que, si le texte publié par la Revue des
Langues romanes est supérieur sur certains points à celui qu'a édité
M. de G..., il lui est inférieur sur d'autres.
A. B.
34^ BIBLIOGRAPHIE
Histoire deâ origines de la langue française, par A . Granier
de Gassagnac. — G'est im travail considérable. I/aùteur, et je
n'ai pas besoin de dire que je partage son opinion (V. Bulletin de
la Société des Langues romanes, p. 26, 27), croit que les langues
néo -latines ne sont pas nées seulement de la corruption delà lan-
gue latine, et que leur ressemblance avec elle indique un rapport
de fraternité et non de filiation ; en d'autres termes, qu'elles sont
les sœurs et non les filles du latin. Selon lui, la race gauloise, qui
a essaimé par grandes masses en Italie, en Espagne et sur le Da-
nube, on aurait été le principal propagateur. Gette conclusion est
aussi la mienne, comme on peut s'en assurer en jetant les yeux sur
l'article déjà cité. J'y ai fait observer, en effet, « que, partout où Ton
retrouve des traces de la langue latine, en dehors de l'Italie, Phis-
toire nous montre une émigratioti gauloise antérieure. » (P. 28.)
M . Granier de Gassagnac appuie sa thèse sur trois sortes de preu-
ves : preuves de bon sens, preuves historiques, preuves philologi-
ques.
Son argumentation, tant qu'il se renferme dans le domaine de
l'induction, du bon sens et de l'histoire, est très-forte et à peu
près inattaquable ; mais il n'en est plus de-mème quand il arrive
aux preuves philologiques. Faute d'une préparation technique suf-
fisante, il a commis parfois des erreurs graves, et se trouve ainsi
avoir compromis l'excellence do sa cause. Je n'en citerai que quel-
ques-unes, mais elles suffiront à prouver que M. G. de G. ne peut
faire autorité sur ce point. Ainsi il donne comme absolument étran-
gers au latin (p. 275) des mots comme asciugare (essuyer), arres-
lare (arrêter), cogliere (cueillir), pezare (peser), pagare (payer), pa-
glia (paille), salvaggio (sauvage), etc., lorsqu'il est de toute évidence
qu'ils correspondent aux formes latines exsuccare^ [ad-restare],
colligere, pensare, pacare, palea, silvaticum. A ïa p. 23'Z, il traduit
un passage souvent cité de Sulpice Sévère, passage jusqu'ici mal
compris, et que je crois devoir expliquer atvec quelque détail, mal-
gré le peu d'étendue réservée au présent article.
Le passage auquel je fais allu^sion se trouvé dans la Vie de
St. Martin par Sulpice Sévère, dialogue I®»". Les interlocuteurs ra-
content ce qu'ils savent de la vie du saint ; mais l'un d'eux, Gal-
lus, né dans le nord de la Gaule, n'ose prendre la parole devant
des Aquitains. Il craint q.ue la rusticité de son langage ne choque
leurs Oreilles délicates : « Ego, inquit Gallus,, .» dum cogito me
BIBLIOiiRAPHIE 349
hominem Gallum inter Aquitanos verba facturum, vereor ne offenr
dat vestras nimium urbanas aures sermo rusticior. » Sur quoi,
Tun de ceux qui avaient parlé avant lui, Posthumianus, lui répond :
« Parlez-nous môme celtique, ou, en d'autres termes (litt.: si tu aimes
mieux) gaulois y pourvu que tu nous parles de saint Martin (nous
serons contents]. » « Tu vero, inquit Posthumianus, vel celtice, aul,
si mavis, gallice loquere. » Le sens est certainement celui que j'in-
dique, et la preuve en est que les Gaulois du Centre et de l'Ouest eux-
mêmes s'appelaient Celtes, et que le nom de GalH leur venait des
Romains. « Gallia est omnis divisa in partes très, quarum unam
incolunt Belgae, aliam Aquitani, tertiam qui ipsorum lingua Celtœ,
nostra Galli appellaniur. » (César, Bell, gall.y 1. I®»", c. I). C'est à peu
près comme si nous disions à un Allemand: « Parlez-nous alle-
mand, ou, si vous aimez mieux (aut si mavis j, deutsch. » Ou, en-
core, comme si nous disions d^un paysan : « Qu'il nous parle ba-
ragouin ou, si on aime mieux, charabia. »
Enfin, ce qui achève de dissiper les doutes, c'est un passage tout
à fait analogue que j'ai relevé dans le Moine de Saint- Gall^où les mots
germanice et leutonice sont employés exactement comme ici celtice et
gallice. — «Chez nous, dit-il. qui parlons le teulonique ou germa-
nique. » « Apud nos autem qui teulonice vel germanice loquimur. »
(L. !•', c. x.)
Évidemment, on n'a jamais pensé qu'il y eût deux langues en
Germanie : le p;ermanique et le teutonique. Le Moine deSaint-Gall
a voulu dire ceci: a Nous, qui parlons le teutonique, comme nous
disons (en allemand deutsch), ou, comme disent les Romains, le
germanique. » Dans cette phrase, germanice est à gallice ce que
leutonice est à celtice. Du reste, cette rectification n'infirme en rien
la théorie de M. G. de C. , théorie qui depuis longtemps est aussi la
mienne, à savoir que les grandes divisions ethnographiques et lin-
guistiques de la Gaule, telles que les indique Strabon, conviennent
parfaitement à la France actuelle. Mais il n'était pas inutile de la
faire, pour arrêter les tentatives aventureuses de ceux qui ont bâti
sur ce contre-sens tout un système de langues celtiques et précel-
tiques, gaéliques et kymriques.
Malgré les erreurs que j'ai signalées, le livre de M. G. de C.
fait honneur à sa perspicacité et à son bon sens.
11 y a accumulé beaucoup de travail, et épargnera ainsi bien des
recherches à ceux qui, après lui, traiteront la même question. 11
voudra probablement reprendre et améliorer afin ouvrage. Dans ce
350 BIBLIOiiRAPHIE
cas, qu'il lise et relise Topuscule de M. G. Paris, intitulé : du Rôlede
Vaccent lalin, le meilleur guide que je connaisse pour qui veut étu-
dier l'organisme de notre langue ; qu'il fasse derétymologieà recelé
de Diez et de M. Littré, et il pourra donner à sa thèse la seule chose
qui lui manque : une solide base philologique.
A . BoCCHRRrB.
Grammaire des lancées romanes, par Frédéric Diez, 3« édi-
tion, refondue et augmentée. — ^Tomel«', traduit par Auguste Bra-
chet et Gaston Paris. Paris, librairie Franck, rue Richelieu, 67.
Cet ouvrage est absolument indispensable à tous ceux qui s'occu-
pent de philologie romane et de linguistique générale. Nous ne
saurions trop le recommander à l'attention de nos lecteurs.
Les noms bien connus des deux traducteurs, MM. A. Brachet et
G. Paris, ne donnent que plus de valeur à cette publication.
PERIODIQUES
Hevue de Linguistique, t. V, 3® F., p. 225; Emile Picot. —
Documents pour servir à l'étude des dialectes roumains. L'auteur si-
gnale d'abord, mais sans l'expliquer, un fait très-important, à savoir
que la langue des Roumains est uniforme dans toute l'étendue de
son domaine. Le parler des ditférentes provinces ne se distingue
que par des nuances de prononciation qui n'entravent en rien les
communications orales. M. E P. classe les emprunts faits par
cette langue à ses voisines, et montre qu'en général ils ne dé-
passent pas la zone limitrophe de chaque pays. Ainsi, les termes
empruntés au turc se trouvent en Valachie, les autres en Bessa-
rabie, en Transylvanie, selon qu'ils viennent de la Russie ou de la
Hongrie. Il s'occupe particulièrement du dialecte roumain du Banat
et donne comme échantillon un conte populaire, le Cordon d'or,
recueilli au village de Gavochdie, près de Lougoch. C'est un travail
intéressant. — P. 263. Stojan Novacovic, Transcription de la langue
PERIODIQUES 351
serbe, -^ P. 267. H. Ghavée, les Huit G H R de VArydque, — P. 273.
Girard de Rialle, la Déesse mystérieuse des bois dans le Rig-Véda. —
P. 276. Julien Vinson, Phonétique basque. — P. 291. A. Hovelacque,
Questions de grammaire zende, — P. 295. Bibliographie. A. B.
CHRONIQUE
On annonce pour le lundi 5 mai et les onze jours suivants, à
sept heures et demie du soir, 25, rue des Bons- Enfants, à Paris,
la vente de la Bibliothèque patoise de M. Burgaud des Marets, dont
la librairie Maison neuve (Paris, 15, quai Voltaire) a publié le ca-
talogue. Il y a là une collection de volumes aussi rares que précieux,
appartenante peu près à tous les dialectes des langues romanes et
otTiaat les ouvrages les plus renommés écrits dans ces dialectes.
Quelques-uns des livres cités dans le catalogue que nous avons sous
les yeux sont uniques ou n'ont été tirés qu'à deux exemplaires : l'un
pour M. Burgaud des Marets, Fautre pour le prince Lucien Bona-
parte. La partie théorique et la philologie comparée sont aussi di-
gnement représentées. Ajoutons que les impressions, et jusqu'aux
reliures, sont de nature à contenter l'amateur le plus délicat.
Quel dommage qu'une collection aussi riche, aussi impossible
à refaire, soit à la veille d'être dispersée et que le gouvernement ne
^onge pas à l'acheter en bloc pour l'un de nos grands dépôts
publics I Nous voudrions qu'elle pût tomber entre les mains d'un
bibliophile intelligent, digne de l'apprécier, passionné pour les
études dont notre Revue s'occupe. Mais où trouver le romanisant
assez favorisé des dons de la fortune pour pouvoir se payer un
cadeau de cette importance ?
Notre collèj^ue M. Melchior Barthés, pharmacien de première
classe, vient de faire paraître un Glossaire botanique languedocien,
français, latin, de V arrondissement de Saint-Pons {Hérault), précédé
d'une étudedu dialecte languedocien (Montpellier, Imprimerie centrale
du Midi, Ricateau, Hamelin etC^, 1873). L'auteur appartient à cette
classe consciencieuse et modeste des savants de petite ville dont les,
talents, peu connus en dehors du cercle restreint où ils se dévelop-
pent, mériteraient de se répandre dans une atmosphère moins
étroite. Nous aurions désiré que M. Barihez eût rappelé, dans
un historique succinct, les tentatives antérieures analogues à la
sienne, et dont certaines sont signées de noms estimés dans
les sciences naturelles; mais nous ne voulons pas empiéter ici sur
l'analyse bibliographique qui sera donnée dans une de nos pro-
chaines Uvraisons de ce livre instructif, également utile aux philo-
loi^ies et aux botanistes. L'auteur le termine par une aimable rê-
verie, Uno belhado dHber, ou lou Printems al pèdal fioc, où il célèbre
en vers languedociens les fleurs et les charmes de la belle saison.
♦ ♦
Une plume autorisée a rendu compte dans ce numéro môme de
l'importante édition des Epft>}yeûf>iaTa et du KaBYiiispivh ôfiùia. de
■Ah'l CHHONIQUK
JuUus Ppllux, publiés pour la première fois, d'après les textes
originaux, par M. Boucnerie. Nous n'avons donc rien à ajouter
sur la valeur de ce beau livre, imprimé à rJmprimerie nationale, sous
le haut patronage de T Académie des inscriptions et belles-lettres.
Qu'il nous soit seulement permis de féliciter notre modeste et infa-
tigable collègue de l'honneur exceptionnel qu'il vient de recevoir :
la Société pour Vcncouragemenl des éludes grecques lui a décerné,
ces jours-ci. un prix do 500 fr. à l'occasion de cette publication. 11
nous a semblé que la Société pour i élude des langues romanes rece-
vait quelque chose de la distinction, aussi flatteuse que rare,
adressée a notre collègue, qui reste, après avoir été un de ses
membres fondateurs, un de ses collaborateurs les plus actifs et les
plus dévoués.
Sous le beau ciel de Cannes et de Nice, et aux bords de cette
mer si belle où il est né et où il désire mourir, un félibre provençal,
brûlant du double enthousiasme du patriotisme local et du patrio-
tisme national, M. Emile Négrin, demande à la poésie l'oubli de
ses longues souffrances. Linguistique, œuvres poétiques diverses,
françaises et patoises, lexicographie, littérature, M. É. Negrin a
touché à tout. Nous avons sous les yeux ses Poésies provençales
( 1 vol. in-12; Nice, Verani et G®, 1873). L'état de sa santé explique
et excuse les imperfections typographiques qui existent dans ce
recueil, o/fcrl et reco^nmandÉ^ par une écriture enfantine au rédacteur
en chef de \dJ Revue des langues romanes. Au-dessous, l'auteur, guidé
par une vue insuffisante, a tracé une signature qui reste encore
ferme et nette, malgré la disjonction des lettres, et qui nous semble
indiquer plus de force et de vigueur qu'il ne croit peut-être en pos- .
séder lui-même Nous lui souhaitons et nous espérons pour lui de
tQUt cœur le prompt rétabUssement de sa santé.
Les vers de M. Emile Négrin sont remplis d'une rage patrio-
tique qui se communique plus d'une fois à son lecteur. Nous lui
ferons, toutefois, le reproche d'avoir abusé des expressions éner-
giques du langage populaire. On ne trouve pas cela dans Mistral,
ni dans Roumanille. Nous ne demandons pas que les muses pro-
vençales soient déguisées en bergères de Florian. ni qu'elles n'osent
jamais lancer le juron qui s'arrêta sur les lèvres scrupuleuses de Nep-
tune prononçant le quos ego! . . .; mais nous pensons qu'en tout les
limites sont utiles. Les t..., les /"..., voltigent dans les vers de M. Né-
grin comme sur le bec du perroquet chanté par Gresset. Si une
expression énergique, serait-ce le mot de Cambronne, peut, dans
certaines conditions, s'élever jusqu'au sublime, malgré sa trivialité
et sa bassesse, ce n'est qu'à la condition qu'elle ne sera pas répétée
trop souvent.
* ♦
La Société archéologique de Montpellier a obtenu un prix de
1,000 fr. à la dernière réunion des Sociétés savantes des départe-
ments, tenue à la Sorbonne. A. Ë.
Le Gérant, Ernest HAMELIN.
MontpeUier. Imprimerie centrale du Midi. — Ricateau, Hamelin et G*
DIALECTES ANCIENS
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE
DES ANCIENS COMTÉS DE ROUSSILLON ET DE CERDAGNE
( Suite )
XI
RÈGNE DE JACQUES I®^ DE MAJORQUE
(1276-I8lt)
Jacques P% fils cadet de Jacques le Conquérant, roi d'Ara-
gon, a gouverné le Roussillon pendant plus de quarante -cinq
ans, d'abord avec le titre à' héritier du royaume de Majorque,
des comtés de Roussillon et Cerdagne et de la seigneurie de
Montpellier, et, après la mort de son père, en 1276, avec le
titre de roi de Majorque.
Les documents historiques et administratifs sont extrême-
ment abondants, en ce qui concerne le Roussillon et la Cer-
dagne, pour toutes les parties de ce long règne de près d'un
demi-siècle; mais toutes les chartes originales émanées de
Jacques V ou de sa chancellerie sont rédigées en latin, et il
en est de même des minutes et autres écritures des notaires de
cette époque: on n'y trouve guère que des mots isolés ou
quelques lambeaux de phrases en langue vulgaire. Cependant
il reste encore de ce règne, en dehors de ces documents offi-
ciels, un assez grand nombre de criées, d'ordonnances, de
règlements et d'autres actes, qui permettent de suivre la lan-
gue vulgaire du Roussillon, d'année en année, à partir de
Tan 1275. Ce sont les documents dont nous publions les
textes.
On y V erra que la langue catalane du Roussillon était, en
liUl, et ou pourrait encore dire en 1344, lors de la chute du
24 - :- -:
- - • -i
• « _ -
354 DIALECTES ANCIENS
pojciume de Majorque, ce qu'elle était déjà dans la chroni-
que de B. des Clôt, dans le traité de Tunis de 1271 et même
dans les mémoires de Jacques le Conquérant, au milieu du
XIII® siècle. Les mots et les formes grammaticales sont absolu-
ment les mêmes pendant cet espace d'un siècle, et il ne serait
guôre possible de relever, entre les textes de 1275 ou de 1284
et ceux de 1344, d'autres différences que des variantes ou des
modifications orthographiques.
Nous signalerons en note, à mesure qu'elles se présente-
ront, les altérations ou améliorations qui nous paraîtront mo-
difier le caractère de la langue primitive et originale du
Roussillon.
Quant aux variantes orthographiques, elles portent princi-
palement sur les lettres a, e, g, j, Il et ny, de l'alphabet ca-
talan.
L'a final féminin, qui n'est en catalan qu'un a bref ou plutôt
un e muet français, est souvent écrit e dans les textes des
XIIP et XIV® siècles, de même que, à la fin de certains temps
des verbes, e est quelquefois écrit a, comme sia pour sie (qu'il
soit).
Quant au féminin pluriel, il est toujours en es, La tenxd-'
naison as, contraire au génie de la langue catalane, s^est
introduite au XVP siècle par l'infiuence du castillan, et le»
Catalans auraient dû, depuis longtemps, la rejeter complète-
ment.
Le g au milieu d'un mot est tantôt employé pour le ;,
comme dans âge, pour a/e; tantôt pour rendre \egue français,
comme dans hageren, pour hagueren. Quelquefois aussi il équi-
vaut à rf/ou tj, comme dans forestage, qui, dès le XIIP siècle,
est écrit aussi forestage ou forestatge. Le g final est souvent
remplacé par c ou ch dur, comme dans pac ou pach, pour pag
(qu'il paye). On trouve aussi quelquefois, mais très-rarement,
le / représenté abusivement par gu, comme dans guiiar, pour
gitar ou jitar.
Le // mouillé, au milieu ou à la fin des mots, est tantôt rendu
par / simple ou double, tantôt par / précédé d't ou d'y.* ainsi
% • • " • ••• • •
• • • 1 • î ' • * •
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 3f.5
on trouve dans les manuscrits/?/, fUl^ fiyl, pour fill; nul, null,
nuil et nuyly pour null.
Le // initial, si fréquent ou même général dans le catalan
moderne, est complètement inconnu avant le XV* siècle*.
Le ny catalan {gne français) est tantôt rendu par Vn simple
ou par y fsenor et seyorj, tantôt par in ou yn, comme dans
Caramatn et ayn; quelquefois par n simple ou double, avec ou
sans y, puisqu'on trouve de temps à autre sennor, et très-sou-
vent, sous les rois de Majorque, senyor[n avec tilde). Dans ce
dernier cas, le trait qui surmonte l*w devrait évidemment faire
transcrire ce mot par senynor ou sennyor. Ajoutons qu'il est
extrêmement rare de trouver dans l'ancien catalan le ny
représenté par Vnh de l'ancien roman provençal, qui s'est
cependant conservé dans la plupart des dialectes modernes
de la langue d'oc.
Nous aurions désiré supprimer toutes ces variantes ortho-
graphiques et les réduire, pour nos textes, à l'orthographe
usuelle, déjà souvent employée au XIIP siècle et définitive-
ment adoptée ensuite pour le catalan; mais nous avons craint
de détruire le caractère historique des textes publiés et d'en-
lever aux études philologiques des renseignements dont l'im-
portance ne saurait être méconnue. Nous ne pouvons éprou-
ver le même scrupule à l'égard des i et des u des manuscrits,
que nous changerons en / et en v partout où il le faudra ;
nous avons même cru devoir , dans le but de faciliter l'intelli-
gence des documents publiés, ajouter des apostrophes et des
traits d'union pour les suffixes. Ces signes, qui, on le sait,
n'existent pas dans les anciens manuscrits, ne sauraient, pas
plus que des additions ou des changements de points et de
virgules, altérer en quoi que ce soit le caractère original des
documents.
Les documents du règne de Jacques P*" que nous publions
* Oo trouve cependant le double M, à partir de l'an 1330, au commence-
ment des phrases, mais précisément dans les articles lo, la, ios, les, qui
no l'ont jamais pris, ou du moins ne l'ont pas conservé.
35d DI^U.BCTBS ANCIENS
vont de Tan 1275 à 1311 et sont pris, quelques-uns, dans 1m
pièces originales; les autres, dans trois recueils contempo-
rains :
1° Le registre des privilèges de la ville de Perpignan,
connu sous le nom de Livre vert mineur, dont la transcription
fut commencée vers ] 290 {Archives communales de Perpignan};
2o Le xvu® registre de la Procuracio real de Roussillon «t
Cerdagne , commencé en 1300 (Archives du département des
Pyrénées- Orientales) ;
3° Le livre de la cour du bailli de Perpignan, intitulé : Livre
premier des Ordinacions, commencé en février 1310 (Archives
communales de Perpignan).
Le xvn® registre de la Procuration royale est une espèce
de livre -journal, où la transcription a été faite, pour ainsi
dire, à la date de chacun des documents des règnes de Jao-
ques 1«' et de Sanche.
Le Livre vert mineur et le registre premier des Ordinadons
sont, au contraire, des collections de cahiers en parchemin,
successivement ajoutés les uns aux autres, et qui ont fini par
former d'énormes volumes. Dans le premier, les documents ne
se suivent à peu près dans Tordre chronologique qu'à partir
de Tan 1315 environ , et dans le livre des Ordinations, à partir
de Tan 1350 seulement, c'est-à-dire après le premier cahier.
C'est dans ce premier cahier que sont contenues toutes les
pièces antérieures à 1310.
Le scribe de ce premier cahier se proposait, sans doute,
d'insérer ses copies eh suivant l'ordre chronologique, et il a
mis, en effet, immédiatement après le préambule, une pièce
de 1275, la plus ancienne qui soit contenue dans le recueil.
Mais il fut bientôt obligé de s'en tenir tout simplement à
Tordre amené par le hasard de ses recherches ou de ses dé-
couvertes, et, dans cette prévision, il laissa en blanc tous les
revers et souvent la moitié de chaque page. Ces vides ont
été remplis ensuite par le premier scribe ou par ses succes-
seurs, au moyen de documents ou de notes qui appartiennent
à Tépoque du royaume de Majorque, entre 1310 et 1344. Plus
DOCUMENTS STJR LA LAÏîGtJE CATALANE 35T
tard V on a même proâté des «largea et desn^oindres espaces
libres de cette première partie du ms. pour y insérer des
notes des deux siècles suivants, dont la plus récente est de
1510.
Dans tous les cas, la transcription des plus anciens docu-
mentsr catalans contenus dans ce premier cahier a été faite en
1310 au plus tard, et il y a lieu de croire que le copiste l^s
avait déjà ainsi trouvés rédigés à leur date, en langue vulgaire,
dans les manuscrits originaux , puisqu'il n'a fait aucune diffi'
culte de les mêler aux documents latins dont il a conservé
le texte original. Ces traductions n'appartiennent donc pas
au copiste, et tout au plus peut-on lui attribuer les titres ca_
talans mis en tête de chaque pièce. Ces titres seront publiés
toutes les fois qu'ils contiendront des locutions qui n'existe-
raient pas déjà dans le texte même des documents.
Il était impossible de publier cette partie du livre des Ordi-
nacions dans l'état où elle se trouve actuellement, surtout
pour la question de linguistique, que nous avons principale-
ment en vue, car les marges et les moindres espaces en blanc
des feuillets ont été couverts de transcriptions et de notes de
toutes les époques, faciles à distinguer dans le manuscrit ori-
ginal, mais dont il serait, dans bien des cas, impossible de dé-
terminer la date dans l'impression. Nous avons donc adopté,
pour les documents datés, l'ordre chronologique que l'auteur
du manuscrit avait lui-même en vue, puisqu'il laissait en blanc
des pages qu'il se proposait sans doute de remplir, en rap-
portant ensuite à leur place, et selon leur date, les documents
nouveaux à mesure qu'il les découvrirait. Quant aux textes
antérieurs à 1310 dont la date n'est pas indiquée, ils seront
mis à la suite des documents qui les précèdent immédiate-
ment dans le manuscrit, lorsque d'antres données ne nous
permettront pas d'en déterminer la date précise.
Al ART.
358 DIALECTES ANCIENS
EXTRAITS DU LIVRE I«' DES ORDINAClONSi DE LA COUR DU
BAILLI DE PERPIGNAN.
(1275)
Septimo kls marc, anno domini m, ccc, nono,
Existentibus discretis Berengario de Sancto Paulo bajulo et
Bemardo Brandini judice ville Perpiniani, liber iste fuit inceptus
in quo, de mandato eorum, constituciones, statuta et banna
plurima per divei^sos libros disperse, fuerunt in uno volumine
inserte, videlicet in hoc librOj prout tnferius continetur,
Octavo idus decembris anno dni mxc.lxx, quinto.
Primo es aquesta la ordinacio del forn del pa, en quai ma-
nera deuen coyre los pas, e en quai mariera deuen usar dels
forns.
Bajulus Perpiniani, de consilio et voluntate proborum hominum
Perpiniani, statuit quod duo probi homines eligantur. . . et,,,
discernatur de panibm qui fuerint maie decocti et sadonatt.,, et
que fuerint comissa,,, in decoquendis panibus et caseatis et pana-
tis et flaonibus et aliis, etc . {Ordinadons I, f* 1, r*».)
Ordonament de les causes menjadores, e de aucels, e de pois, e d*ous,
e formatges.
Anno dni m. ce. Ixx, v,^ viii. idus decembris,
Stabli lo seynor batle de Perpenya, de conseyl de proho-
mes, que negu revenedor ni regater no aus comprar alcunes
causes de menjar en la vila de Perpenya per si ni per altre,
ni fassa comprar a sos obs, ni en los termes d'aquela, ni de
fora per i* lega entorn la dita vila de Perpenya, en cami fora
casteyl, perdius, ni anetz, ni folges, ni todos, ni saxels, ni
altra volateria, ni conils, ni lebres, ni salveines, ni ous, ni
ormages, ni notz, ni avelanes, ni altres causes ;
E qui contre fara pagara per pena, cascuna vegada, n,
sol. de la quai pena lo denunciador aura Taltra part, excep-
tatz compradors e venedors.
E totes les d'amont dites causes lausaren totz aquestz
d'aval escritz, per costumes per totz temps observadores.
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 359
Primerament Berthomeu del Mas, tenent loc d'En Sans de
Trilar, batle de Perpenja, e'n Bii Dalmau, tenent loc d'en P.
Roig, jutge de Perpenja e de Rosseylo.
Bereng. Tesa, G. Carbo, P. Grimau, Bn Marti, Bii Sabors,
G. Andal (Nadal), Johan Sicartz, G. de Bardojl, Ar. Lausa,
hn Alio, Joh. Castelo parayre, Perpenja de Peralba, Bn
Figeres, Bereng. Tinart, P. Adalbert, R. Aurer, Ar. Costa,
Girma de Cocliure,.P. des Vilar, Bn de Vilardo, G. Escuder
ortola, Pons d'Alajna, Vidal Maureto, Hualger Serda, Ri-
colff Oliba, Laurens Redon, Ferrer Alexandri, R. Talo
G. Valespir, P. Escarbot, P. Fabre scriva, Ai*, de Forques,
Bn Roiger, G . Saquet, Ermengau Gros, R. de Baidojl,
R. Menestral, Fferrer* Escot, G. Tolza, G. Costa, Johan de
laCrou, P. Fabre laurador, R. de Causa, Pascal Fabre, G.
Brandi, Johan Pauch, Ramon Caulasses, P. Costa, Steve de
Vilarasa, P. Girau fuster, Bn de Puglaurens, Pejro Fabre.
Les d'amont dites causes foren establides tenedores e ob-
servadores em per totz temps, servada empero la volentat del
senjor Emfant*. {Ordin, I, f» 13, v°.)
(1279)
Ordonament del joch
Anno dni m. ce. Ixx. nono,
Ffo establit per los cossols e per los prohomes de Per-
penja, que negu no gaus prestar diners ni pejora ad aleu
en joch. E qui contre fara perdra so que prestat aura, e retra
la pejora quitia a aquel de qui ^era, aixi Juseu com Xpia,
e pagara de pena X. sol. (Ordin, I, f° 9, v».)
' L*usagedes doubles s au commencement des mots s'était établi
depuis longtemps en Catalogne, et on en a vu un exemple, en 1088, pour
le mot Sserralonga . Quant à I7, nous ne trouvons pas de traces du
doublement, en Houssillon, avant le Liber feudorum A, commencé en
1265; l'usage en devint ensuite très-fréquent à partir de 1270 et dans
les deux siècles suivants.
' L'infant Jacques, qui n'était encore qu'héritier du royaume de Ma-
jorque.
360 DIALECTES ANCIENS
Ordonament que negu Juseu no gaus Grestiana per noyrissa ni per
serventa tener, ni per altre servesi .
Anno dni m, ce, Ixx. nono. v°, idusjunii,
lllustris dominus Jacobus dei gracia rex Matoricarum, ete. {Or-
din. I, f> 6, Y\)
Ordinacio del dinnar dels maestres
Xviii, kls augusti anno dni m, ce, Ixx, viiii^.
Défense du bailli de Perpignan de donner à manger ou de
vendre des vivres hors la ville, magistris operantibus de petra
et cake, nec magistris de parietibus de terra, nec manobris
eorumdem, nec boeriis, nec ortolanis, nec logaderiis. {Ordin. I,
f> 2, Y\)
(1280)
Ordonament dels clergues
In concilio Biterrensi statuit dns Petrus dei gracia sce Narbo-
nensis ecclesie archiepiscopus^ etc . — Statuts contre les clercs
vilia officia exercentes et vestes virgatas continue portantes,.,
anno dni m, ce, Ixxx, {Ordin. I, f° 33, v°.)
Ordonacio de les fires
Anno dni m. ce. Ixxx. viii^. kls septembris.
lllustris dns Jacobus dei gracia rex Maiorich. statuit, etc. (Or-
flfm. I, f^5, v°.)
(Vers 1283)
Ordonament dels conils nègres e blanchs
Ffo adordonat de part del batle que negu hom no gaus
penre, en devesa ni en altre loch, dels conils blanchs, ni
bragatz, ni nègres, del senyor Rey.
E qui contre fara estara a causiment del senyor [rey]. {Or-
din. I, fo 15, v\)
(1284)
Ordonament co toi Juseu qui prest sobre peyora *, sia tengut d'amos-
trar de qui la ahuda, e que no la nech ^ e si o fasia que*n sia punit
aixi co si la avia panada.
Anno dni m. ce. Ixxx. iiii. vi. idus julii.
' Pour penyora, gage.
^ Quil ne la nie pas.
DOCUMENTS SUït LA LaNÔÙÉ CATALANE 3&1
Ffuit per illustnssimum dominum Jacohum dei gracitx regttn
Maiorich, ordtnatum, etc. (Ordin. I, f° 8, v®.)
Ordonament del joch
Post hec X. kls novembris anno dm m, ce. Ixxx, iiii.
Fo feyt altre establiment per lo senyor rej sobre'l dit joch,
aixi co segueys.
Lo senyor rey stabli e servar raana, que negu hom no gaus
jogar ni fer jogar ni reversar en negun joch de dans, ex-
ceptât joch de taules, de ilujtz ni de dies, ni a joch de tin-
daurevl*, ni de cabraboc, en tornia vila de Perpenya i* lega.
— E qui contre fara pac per cascuna vegadà x. sol.
Item mana lo senyor Rey que, si alcu no vol pagar, sien-li
donatz per cascu xii. diners i. assot\ en aixi que per x sol.
resebes x. assotz ; — e qui aquestes causes revelara, aia la
terssa part dels ditz x. sol. E si alcu reculira jogadors per
jogar en sa casa, per cascuna vegada pac x. sol.
(Ordin, I, f» 9, v^)
Establiment dels esculz (de fust)
MU. kls decembris anno dni m. ce. Ixxx. quarto.
Fuit'* ordinatum per Petrum Adalberti bajulum Perpiniani,
de voluntate et requisicione Raymundi de Sancta Cruce et R.
Dominici et Alfonsi pictoris et R. Frenerii et Berengarii
Rodrigo et magistri Guillemi et Jacobi Rodrigo, quod nul-
lus armerius, pictor vel alius, sit ausus facere clipeos de ligno
quod vocatur avet nec de ligno quod vocatur pin. — Et qui
contra faceret solvat pro pena x. sol. de qua pena habeat de-
* Le sons de co mot est en catalan « tintement d'oreille. »
' Coup de fouet ou de verge.
' Nous donnons cet extrait, quoiqu'il soit rédigé en latin, à cause de l'in-
térêt qu'il présente pour l'histoire de l'art en Roussillon. Les sept ar-
tistes peintres qui y sont nommés sont, en elTet, connus comme vivant à
Perpignan dans la première partie du règne de Jacques !•'. Le texte latin
contient d'ailleurs deux mots, w>ei (sapin^ etptn(pin),qui sont purement
catalans.
338 DIALECTES ANCIENS
nunciator medietatem ; et si non poterit vel solvere noluerit
dictam penam, sit privatus officio suo continue per unum
annum. [Ordin.l, f 2, v°.)
(Vers 1284 ou 1285) ' .
Ordonament dels forns teulers, so es assaber en quai manera deuen
coyre e fer los cayros e'is teules
Primerament adordonaren los cossols de Perpenya que tôt
hom e tota femna qui obra del mester de teularia d'aquest
dia avant, que dega fer e sia tengut de fer los cajros e'is
teules de aytal motle o manera com son los motles de la cort.
Item que negu obrer o obran qui fassa cayros, no gaus trer
brach del motle ab ma, sino ab régla, e que'n * pas la dita
régla m. vegades abans que'l cayro sia trejt del motle.
Item que negu teuler o teulera no gaus mesclar o tenir
obra prima ab obra grossa, pujs que sia cuyta.
Item que negu teuler o teulera no gaus mètre en son forn
cor X. sostres de cayros e ii. de teules, e si per aventura no-y
met II. sostres de teules, que-y puga mètre xv. sostres de
cayros : empero, no gaus mètre en lo dit forn neguna obra
que monta mes dels ditz xv. sostres de cayros.
Item que totz los teulers agen a tolre e a mermar de totz
los forns teulers tôt so que'ls ditz forns teulers agen en ait,
part la mida e mesura dels ditz x. sostres de cayros e ii. sos-
tres de teules ; e que negu teuler o teulera no gaus mètre en
cascu sostre de son forn sino D. cayros, ni gaus fer corola ad
alcu forn en guisa que-y poges mes obra caber.
Item que negu teuler ni teulera no gaus mètre violes* ni ra-
joles a neguna fornada, part los ditz x. sostres de cayros e u.
sostres de teules.
Item que negu teuler o teulera no gaus desenfornar cay-
* Il faudrait peut-être gwc- y pas (qu'il y passe)
^Briques ou tuiles de petite dimension.
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 363
ros ni teules, de iiu® dies ni de un. nujtz, pus agen toit focal
forn.
Item que tôt hom e tota femna qui obre del mester de teu-
leria, dega obrar e sia tengut obrar totz los cayros e teules e
violes e rajoles que fara, de bona argila e ben sasonada, e que
sia la obra ben cujta, a coneguda dels sobrepausatz los quais
en aquela seran establitz per los cossols.
Item que si neguna obra de cajros o de teules sera trobada
mirma jos la mida o motle de la cort, sia trencada e perduda
al teuler, e, part ayso, que aquel de qui sera la dita obra pac
la pena d'avayl escrita.
Item que cascu teuler e teulera aya tener a cascu fasedor
de car ros i. brageiador, lo quai bragegador [sic) no ause fer
altra fasena sino brageiar, sotz la pena d'aval escrita.
Item que cascu teuler e teulera aja a tener lo motle dels
cayros ferrât, per so que'l dit motle no's pusqua mermar.
Item que negu teuler no gaus mesclar ni fer mesclar, en
neguna obra de les dites obres, neguna terra, sino argila
pura, exceptât al motle arena prima per levar.
Item que negu teuler no gaus obrar de Martror* tro a Car-
nestoltes.
E tôt hom e tota femna qui en les dites causes contreven-
ran o en alcuna d'aqueles, pagara per cascuna vegada x. sol.
— de la quai pena aja lo denunciador la maytat, e la cort
Taltra maytat.
Volgren empero los ditz prohomes quel dit adordonament
dur aytant de temps com als cossols et als prohomes de Per-
penya playra.
Ffeyt fo aso per en Laurens de Vilalonga, e'n P. de Castelo,
e'n Camarada e'n G. Barrau, cossols Me Perpenya, en presen-
* La Toussaint.
* Les consuls de Perpignan étaient élus chaque année le 24 juin. Guil-
laume Barrau fut consul en 1280 et en 1287. Les noms des consuls qui
figurent dans ce document ne peuvent être que ceux des années 1284
ou 1285, pour lesquelles il y a une lacune dans les listes consulaires
connues.
364 DIALECTES ANCIENS
cia d'en Pons d'Alajna e d'en Vidal Grimau e d'en Laurms
Redon e d'en P. Redon e d'en Toyr Bosom, d'en Huguet îSe-
bors e d-èn P. Amatrich e d'en Johan Vidal e d'en G-, de Cas-
tela e de moltz d'autres prohomes.
{Ordinations I, f* 1, v*», et 2.)
XII
LEUDES ET REUA DE PERPIGNAN
Les testes des leudes et de la reua de Perpignan ne sont pas
inédits. Ils eurent, en effet, la mauvaise chance d'être com-
muniqués au Comité des travaux historiques, qui les publia
dans la Revue des Sociétés savantes (novembre-décembre 1864,
p. 390-399). « C'est un document curieux sur le commerce
)) des villes du Midi au moyen âge, disait le rapport de M.Lê-
» vasseur (p. 370); on y rencontre, à côté des bestiaux et des
» chevaux de la contrée , non-seulement les draps du Lan-
)) guedoc, mais ceux de ht Flandre, de l'Angleterre, et l'on
» peut y prendre une juste idée de l'étendue du commerce et
)) de la diversité des produits. C'est un texte qu'il est plus
» facile de reproduire que d'analyser. »
C'était, en effet, chose facile que de reproduire ces textes;
mais, malheureusement, la copie fournie par M. Éd. de Bar-
thélémy est criblée de fautes, depuis la première ligne jusqu'à
la dernière , et il serait fastidieux de relever les prodigieuses
bévues, omissions et inexactitudes, du texte imprimé dans la
Revue des Sociétés savantes. Nous préférons donner une édition
correcte du texte de la Reua, qui offre un grand intérêt pour
la philologie catalane, en regrettant de devoir nous borner à
donner ici un simple extrait du texte latin de la leuda, pour ce
qui concerne le commerce des draps du nord de la France.
Ces deux documents sont surtout intéressants pour les ren-
seignements qu'ils fournissent sur le commerce alors existant
entre Perpignan et les provinces françaises. Ils sont, à cet
égard, beaucoup plus détaillés que les tarifs des leades du
DOCUMBNTS SUR LA .LAItaim CATAIANB ^
comte de Provenoe, publiés par M. Quérard, qui Im rappofto
au milieu du XIIP 9ièQle{Cartulaire de I^abbtfyede Sai$t- Vùtor
de Marseille, 1837, p. Lxxai-c),et où Ton ne trouve men-
tionnés que les draps de Narbonne, d# Provence, d'Avignon
et t de France ». On se tromperait de beaucoup si Ton se fi-
gurait que les indications du tarif des leudes de Perpignan
ne sont là que pour la forme et pour de3 cas extrêmement
rares et tout à fait accidentels, car iom £AS mêmes articles
figurent encore dans un nouveau tarif de Tan 1295; et nous
publierons Tinventaire du magasin d*un marchand drapier
de Perpignan (fait en septembre 1307), qui, sur plus de qua-
tre-vingts articles de draps ou d'étoffes, n'en mentionne que
quatre ou cinq de provenance languedocienne ou catalane;
le reste se compose exclusivement de produits de Châ-
lons, Rouen, Paris, Saint-Denis, Malines, Bruxelles, Ypres,
Gand, Provins, Nogent, Arras, Louviers et autres villes du
Nord, dont les noms sont assez difficiles à reconnaître dans
récriture d'un notaire roussillonnais.
Le texte de la rem a été transcrit, vers l'an 1^5, dans le
Livre vert mineur des archives de la commune de Perpignan.
Celui de la leuda appartient au même registre et à la même
époque, et c'est là qu'il a été pris pour les quatre copies qui en
ont été faites aux XIV® et XV® siècles,' dans les registres de la
Procuracio real des archives départementales (regist. XVII,
f» 92-94 ; — reg. XIV, f> 71-75; — reg. XXIV, f» 82-92;
— reg. XXIX, fM9-51).
EXTRAIT DU TARIF D£S LBUDJSS DB PBRPIGI^Alil
rédigé vers le milieu du XIII' siêde
Hec est memoria de leudis quas dûs Rex recipit «t reeipeire
débet et consuevit in villa Perpiniani.
Primo est certum quod recipit et recipere débet et consue-
366 DIALECTES ANCIENS
vit de quolibet panno de precet vermeyl^ qui Yendainr, m sol.
Item de quolibet panno staminis forti de grana, n*.
— panno coloris viridis, XII. dr.
— panno de hruneta, xii.d.
— panno àepers de Gant, xii.d.
— panno de Doaix, xn.d.
— panno de Cambraix, xii.d.
— panno dipre , xii . d .
— panno staminis forti de Ras, yiii . dr.
— panno Sci Quintini,viii.d.
— panno de Sant Tome, vm.d.
— panno Angles qui non sit de grana, vm.d.
— panno de Exalon, vm.d.
— panno de Doyn*, vm.d.
— panno de saya, vi.d.
— panno raye^ dIpre, VI. d.
— panno albo de Lecamusa*,vi.d.
Jtem de qualibet ùiffa, vi.d.
Item de quolibet panno de Prois, vi . d.
— panno de Xartres*, v.d.
— panno de Brugia, mi.d.
— barrawan, iiii . d .
— panno de Narbona, mi . d .
— panno de Gordon, im.d.
— panno de Figach, iiii.d.
* Nous imprimons en italique les mots catalans insérés dans le texte
latin.
2 Nous pensons que le nom écrit ici Doyn est le même que celui de la
ville d'Huy ou f/y, qui figure dans la reua et dans d'autres documents de
l'époque.
* Ce mot, que M. Ed. de Barthélémy a lu leta musa, est écrit li Ca^
musha dans la reua de 1284 et Lecamusa dans le tarif de 1295. Ce lieu
nous est inconnu. Ne serait-ce pas une corruption du nom de Cams, qui
figure dans l'inventaire de 1307 et qui paraît être celui de la ville de
Gaen ?
* Orthographe catalane du nom de Chartres.
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 367
Item de quolibet pan no de Albi, un. d.
— panno de Rander *, nii . d.
barrachan petit y iiii , d .
— panno qui vocantur rasses , im.d.
Jtem de qualibet bala de fustanis grossis de Verona, v. sol. et
v.d. — et v.d.sunt de liospite.
Item de qualibet pecia de tela,u.d.
Item de quolibet poste de cendat, xii.d.
Item de qualibet pecia de cendat, ii.d.
— libra de ceta',ii d.
— libra de ^/arfîs, i.d.
— pena cirogrillorum, ii.d
— garnatxada pellium agnoram et aliomm,
i.d.
Item de quolibet centenario de pellibus cirogrillorum engru"
natz abtatis vel crudis, iiii . d
— de pellibus de cabritz, aptatis . . .
— de moionines, m. obol.—
Item de qualibet pecia de panno bruno, ii.d.
— duodena de pannolineo, ii.d.
— - pecia de stamenya, ii.d.
— flaciata, i.d
Item de quolibet Sarraceno qui vendatur et Sarracena,
XII. d.
item de quolibet porco qui valeat de ii.sol. ultra - i.soL . .
Item de quolibet furono, i.d. . .
Itern de qualibet cargua muli, xii . de. —
Item de quolibet /7a/ de lino, de homine extraneo, i. serre in
die jovis.
Item de qualibet saumata de monayls gros ^, i . obol . • .
' Ecrit flauc/er dans quelques copies de la Procuracioreal; dQsi quel-
que ville du midi de la France, peut-être Rodez (?) .
' Pour seda (soie).
^ Exemple des noms et adjectifs masculins catalans terminés par s au
singulier, sans changement au pluriel. Plus loin, on trouve forcx^ pluriel
de fore .
368 DIALECTES ANCIENS
Item de qualibet saumata de cabironis minutât . . .
— — de dentals^ i. dental.
— — de stevis, i* stevam.
— — de aladrigues, i* aladriguam.
Item de cifis, scutellis, et grasalibus, et talliatoribus, etcu-
leriis ligneis, et de conquis ligneis. . . — de cifis de vitro, et de
ampollis, et de omni opère vitreo. . • — de caseis siccis, xx.
quintum, et auruga similiter. .
Item de qualibet saumata de lenya que aportetur ab bomi-
nibus forensibus, i. troceum vel unam asclam. . . — De cepis,
I. fore, et in nundinis duos furcos, ... — de saumata alterius
fi'uyte . . .
Hec est forma et memoria jurium que dns rex reeipit et
débet recipere tempore nundinarum Perpiniani . . .
Item de qualibet flaciata, i. den. a venditore et alium den.
ab emptore.
item de qualibet pecia de panno bruno, ii.d. a venditore et
alios duos d. ab emptore.
Itmi de qualibet pecia de panno lineo de L[u]es » et de ireslù,
II. d. de venditore et alios n.d. ab emptore
liem de qualibet saumata de aladrigues, unam.
Item de conchis, et cabirons menutz, et circulis . .
Item de qualibet tina parva et magna . .
Item de quolibet pare semalium, i. obolum.
Item de qualibet saumata de postibus et de cayratz, i. obo-
lum.
Item de qualibet saumata de cepis, duos /brcx*, unum par-
vum et alium magnum.
Item de qualibet muiiere honerata de cepis, unum fore.
Item de qualibet saumata de ollis, i.d.
* Le manuscrit porte Les, et, sur l>, le signe d'abréviation do Tw, de Ym
ou d une voyelle, ce qui ne pourrait être lu que Lens, ou Lems, ou Lues,
C'est une erreur du copiste : nous lisons Lues, el c'est évidemment la ville
appelée Loers dans la reua de 1284, ot Luers dans l'inventaire de 1307,
c'est-à-dire Louviers.
DOCrMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 369
Item de quolibet flat de lino extraneo, médium serre.
Et est sciendum quod nundine iiicipiunt in vigilia sancti
Bartholomei, et durant per xv. dies ; et nundine kadragesime
incipiunt in média Quadragesima et durant per alios xv. dies.
Et infra dictas nundinas recipiuntur exite equorum, ronci-
norum, mulorum, equarum, asinorum et omnium animalium
aiiorum que transeunt et exeunt extra terram, siçut infra an-
num sunt oonsuete dare et recipere. Emptores vero debent
eligereviii. dies ante vigiliam sancti Bartolomei, vel viii. dies
post dictes XV. dies nundinarum.
(Archives communales de Perpignan. — Livre vert mineur,
fo 72-82.)
TARIF DU DROIT DE lŒUA DE PERPIGNAN
(1284)
En nom de Deu. Coneguda causa sia a totz que'l senyor en
Jacme, per la gracia de Deu rey de Malorcha, a aordonat e
establit en la vila de Perpenja, que d'acsi enant totz temps sia
donada reua en la dita vila, en axi co de jos se contendra, e
que cascun morcader e autre hom, de tôt so que comprara ni
vendra, que pac la dita reua a son hoste. Ffeyt fo aiso lo pri-
mer dia dejuliol en Tajn que hom comtava. M.CC.LXXXIIII:
Pessa de drap de Txalon iiii.dr.
Pessa de drap de Ras iiii.dr.
Drap de Pariai o d(^ Sent Denis iiii.dr.
Bittes e pers de Pruis iiii.dr.
Dviil) do Canibray e de Douay iiii.dr.
Dra[) (It; Tian . iiii.dr.
Drap d'Ipre de color . un dr .
Drap <\e Sant Tomer* iiii.dr.
* Siiinl-Onior.
25
370 DIALECTES ANCIENS
Blanc de sort* vim.dr.
Blanc de 11 camusha mi.dr.
Pressât vermejl xvm. dr.
Escarlata xvui. dr.
Ëstam fort de grana xii . dr.
Tôt drap d'Anglaterra, ab que no sia
tint en grana vi . dr.
Cubertes d'Ipre, does per i.drap vi.dr.
Vayr d'Ipre nu . dr .
Raiet de Pruix mi . dr .
Drap de Brujdes, im. dr .
Drap d'Albenton * mi . dr.
Breument, tôt drap qufs vena de c.
sol. en sus, paga im.dr.
Valenxines in.dr.
Drap d'Uy iii.dr.
Drap de Belvays iii.dr.
Drap Lombardesch. . m.dr.
Blanc de Narbona iii.meales.
Drap de Montoliu ii . dr .
Drap d'Avinjo m. meales.
Barracan de Loers i.dr.
Draps de Frares Menors, les c. canes. vi.dr.
Draps de Preliicadors, les lx. canes. . vi.dr.
Drap gros de Baj^noles, la pessa i.dr.
Feutre d'Ipre i* meala.
Item tôt mercader paga a son hoste reua dreta, per rao
de peliceria.
^ Le dra)) hianc de sort désigne sans doute le drap assorti do grande
dimension. On lit dans des criées faites en 1424: a Tôt hom generalment
qut voira fer draps de la gran sort a la Florentina o ala guiza de Flan-
des, 0 de Mostivallers, o de Lers (Louer s), de pint*i XXV I", XXV IW,
XKX% XXXII% XXXIII% XXXVl\ 0 de mayor nombre, que hag.n haver
de lonch quant exiran del tixedor XX" cana de Barcelona. »
^ Le drap d'Albento est encore montioniiy en 1295. Ne serait-ce pas la
ville d'Alençon ?
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 371
Tôt primerament, curam de conils, lo
centenar vestit u.dr.
Item lo . c . de les lebres, vestit atressi. u.dr.
Item lo.c. dels esquirols, vestit atressi. ii. dr .
Item\o,Q, d'anjines, vestit atressi.. u.dr.
Item lo.c. dels aortons, vestit u.dr.
Item lo . c . dels cabritz, vestit u. dr .
E tôt asso es* tota amor fejta.
Item tota peliceria qui's vena a dotzena, so es assaber de
salvazina, axi can son janetes faliines, volps, gatz martrins,
jebelines, putoys, erminis, ventresques de luries, e tota altra
salvajna, levât luries, paga la dotzena. . m.mesales.
Item luria crusha i* mesala.
Item luria adobada i. dr.
Item cobertor de salvazina mi.dr.
Item cobertor de lops u. dr .
Item pelots d'anyels i.dr.
Item tôt autre pelot de salvazina u.dr.
Item pena de conils i . dr .
Item garnatxa d'anyels i. dr.
Itemvsiyre^ abobatz o cruus, lomiler iu.»e uii.dr.
o lo centenar mi. dr.
Item pena vayra vi.dr.
Item pena de testes de vayrs ui.dr.
Item capros*de testes de vayrs, la dot-
zena m . dr .
Item capros de vairsentirs, la dotzena. un.dr,
/tem pena d'esquirols u.dr.
Item tôles del garp ^, e vintenes, e ca-
' Peut-être faudrait-il 565 fsans)?
^ Mol douteux, aiui-i que dans l'article suivant; on pourrait lire capzos,
■^ Ce mot se retrouve encore dans le tarif de 1295, et nous sommes porté
à le faire venir de l'arabe et garb (le couchant). Il s'agirait donc, dans ce
sens, des toiles de l'ouest de la France? Les marins de Collioure em-
ploient encore le mot de garbi pour désigner un petit vent d'est, et, par
conséquent, dans un sens tout à fait contraire à l'étymologie que nous
372 DIALECTES ANCIENS
nabas, e totes autres teles, tro a
xiiu. sol. la corda, pagen la reua
dreta, la corda i . dr>
Ehala corda vi. canes de Monpestler.
Item totes autres teles, ode Campayna,
o d'Alamayna, o d'autra terra, sal
de teles de Remps, qui valen de
XIII . sol . en sus, la corda ii.dr.
Item teles de Rems, per libre de diner. i.dr.
Item tota tela tinta, la pessa i . dp .
Iteni tôt fustani, la pessa entira. i* meala.
Item la post de cendatz, reforsatz o
plans VI. dp.
/^em porpra d'Alest o de Monpestler. n.dr.
Item tôt drap ab aur de Venecia o de
Lucha VI. dr.
/^e/w bagadels d'outramar i.dr.
Item boquerans d'outramar i.dr.
y^em camelotz d'outramar iii.dp.
Item draps bortz d'Alexandria i.dr.
Item samitz totz vermeyls, o ab aur.. iiii.dr.
Item canon d'aur filât, e d'argent
filât I" mesayla.
Item caxa d'or de Lucha filât, e d'ar-
gent de Lucha filât iiii.dr.
Item argent pel, e or peil, la dotzena. i* meala.
Item pessa d'estameyna i.dr.
Item fiassades, cascuna i' meala.
Item cambra de tapitz vi. dr.
Item astores blanches primes de Va-
lencia e de Murcia i* meala.
Item caxa de paper en que ha xvi.raj-
mes vm.dr.
attribuons à ce mot. On pourrait, à la rigueur, voir dans garh le nom dé-
figuré de la ville de Gap ; mais l'article el^ qui le précède dans le texte cfi-
talan, ne permet pas d'accepter ce sens .
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 373
Item Xalons listatz ni de colors, ûonren.
Item cordoan blanc, la dotzena. iii.mesales.
Item cordoan vermeyl ii .dr .
Item branas * vermejles i . dr .
Item parties ' vermeyls i. dr.
Item moutos adobatz i.dr.
Item scodatz i . dr .
Item cordoa de Bugia i. dr.
Item curs de bous e de vaques, a reua dreta, i*meala lo cur-
Item curs de cers, e de cavals, e de rocis, e de muls^ e
d'azes, e d'autres besties grosses, i* meala lo cttr.
Item totes boquines, lo.c viii.dr.
Item motonines pelozes, la dotzena. . lîi . lûesales.
Item marc d'or qui se pesa - . . ' xii. dr.
Item tôt cambi fondedor, qui sia .de
ley de casern aval i* ineala lo march .
Item tôt cambi^ qui sia de mes de ca-
sern I .dr . lo mare'h .
Item nuyla moneda d'or,, ne d'argent,
ne de metajl, qui's cambie a
nombre, no paga reua.
Item d'avers de pes, que se venen a
carga de m. quintals vi. dr .
Item pebre, dona de reuadreta vi.dr.
Item gingibre gros o menut • • vi.dr.
Item ensens vi . dr .
Item cera vi . dr .
Item tôt coton. . vi . dr .
Item tôt sucre vi. dr
Breument, tetz avers de Levantqui's
venen a carga de m . quintals,
pagen vi.. dr .
» Il fiudrait sans doute basanes ou bosanés. Le tafifde 1Î95 porte bo
sanes vermeyl' s.
^ Parges uermeils, dons le tarif de 1201^.
374 DIALECTES ANCIENS
Item indi, se vena quintal, e paga. . . . m.dr.
Hem argent viu m . dr.
Item vermelo m . dr .
Item mastec m . dr .
Breument, totz avers qui a quintal
se venen, qui vayla lo quintal
de c . sol . amont, pagen aitant .
Item co jre, lo quintal, de reua dreta. . . ii . dr .
Item estayn, a reua dreta ii.dr.
Item tôt metayl # ii.dr.
Item ferre , i . dr .
Item plom *
Item fil d'exarsia, lo quintal ... i.dr.
Item caynbe de Borguyna, cruu e
batut II. dr.
Item tota exartsia, obrada, de canem . . i . dr .
Item tota stopa i . dr .
Item tota borra i . dr .
Item sporta de figues. . i.dr.
Item atzebibs, lo quintal i . dr .
Item sporta de figues de Malorcha. . . .
Item alum de Bolcan, lo quintal i. dr.
Item pel de boc, lo quintal i. dr.
Item rauza de vexels, lo quintal i.dr
Item verdet, lo quintal ii . dr .
Item mel, lo quintal i. dr.
Item pega, lo quintal. i.dr .
Item sporta de pega ii . dr .
Item fustet, lo quintal i . dr .
Item erba cuquera, lo quintal i.dr.
Item flor de formatge, la carga vi. dr .
Item lana de boitorons *, lo quintal. . . .
Item bacons, lo quintal
Item sagins, lo quintal .
I* meala.
i* meala
m.meales.
iii.meales,
lu.meales.
11 faudrait sans doute hoidrons ou, mieux, hodrons.
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 375
Iton seu, lo quintal m .meales .
Item formatges, lo quintal m. meales.
Item sosha, lo quintal m. meales .
Item alcofol, lo quintal m. meales.
Item tôt peix salât e arènes, levât tonines, dona de reua,
del sou i"" pugesa.
Item jarra de tonina m . dr •
Item oli, lo sester ii . dr .
Item cipies seques, lo.c i.dr.
Item mantega o bori, lo quintal m. meales
Item riz e amenles, la carga mi . dr .
Item sac d'avelanes ii.dr.
Item notz, la ejmina ii.dr.
Item amenles ab close, la ejmina ii . dr .
De totz avers leugers semblants de valor a aquestz de sus,
dona hom de reua, m. meales del quintal.
Item tota rauba qui's tenga vénal en hostal, e'I mercader de
qui es la-s'en vol portar senes venda, so es que no la
vujla vendre aqui, deu pagar miga reua.
Item tôt troçel o tota carga de qualque aver se si a, dona de
pasatge, vi.dr.
Item tota carga de merceria o d'autres menuderies, qui's
desfassa en ostal, xii.dr.
Item totz avers sotils d'especiayria qui se venen a liura sutil,
pagen per liura de diners i* meala. E es-hi entes
safra, e azur, e totz autres avers sutils qui se ven* a
liura sutil.
Item tota céda, crusa e tinta, la liura, i.dr.
Item tôt filadis, cruu e tint, la liura, una. meala.
Item grana, xii.de. la carga de iii.quintals.
Item comi e anis, iiii.de. la carga de lu.quintals.
Item tots alums, levât de Bolcan, m. de. la carga.
Item tôt cadars de cédas, viii.de. la carga.
Item tôt Sarrai e Sarraina, vu . dr.
* Lisoz venen.
376 DIALECTES ANCIENS
Item simi, o bogia, o raaymon, cascun vi.dr.
Item tôt blat e tôt legum paga ii. eymines per centenar. E'I
hoste deu-li aver botiga. — Item, meyns de botiga,
1* eymina per centenar.
Item auruga e mostasia, per aquest for metex.
Item totcaval qui vaylaL. libr. o pus, paga ii.sol. evi.dr.
Item, tota autra })estia cavalina o mular, qui sia de preu de
L. libr. avayl, pagaxii.dr.
Item azen o sauma, ii . dr .
Bous, ni porcs, ni moutons, ni bocs, non re.
Item escudeles, e anaps, e vernigatz, e tayladors, e morters,
e picons, de totes aquestes causes dona hom, de cas-
cuna saumada, i.pareyl.
Item de brocs, o canades, de cascuna saumada, i.o una.
Item de culers d'oies a menar*, de la saumada, ii.culers.
Item de culeres de boix, de cascuna saumada, ii.dr.
Item de gaudals, ho de conces {pour conques) de fust, de la
saumada, i. gaudal.
Ite^n lo quintal de pedaces de que hom fa paper, i* pugesa.
Totes serpeleres grosses e cordes grosses d'aver de pes, axi
com son d'espart e de palma e de datilers, hon son les es-
portes del pebre, e autres serpeleres grosses d'avers de pes,
e caxes de sucre, e botes de sucre, e cofins de verges, totes
deuen esser del hoste, part la reua ; mes no neguna serpelera,
ni sac de lin, ni de canem, ni de lana, ni cabas doble de Ter-
ragona. E'I hoste deu donar al mercader de qui aura reua
dreta, lit, e foc, e lum, e salsa a i.menjar, pebre, gingibre,
safra, ails, e cebes, e vinagre, e deu-li ajudar a vendre e a
comprar ses mercaderies.
E tôt mercader estant ab son hoste qui fassa mercat o venda
de SOS avers, ans que Paver sia vengut en Postal, son hoste a
gasaynada la reua, de quai que part hon la roba venga.
E tôt senyor de nau qui nauleg la sua nau, estant e tomant
ab son hoste, deu donar de reua a son hoste, si tant es em-
* Il faudrait sans doute a menjar (à manger, pour la cuisine).
DOCUMENTS SUR LA LANOVE CATALANE téf
pèro que la nau siau naulejada per passatje del senyor, de
terra, de tôt nolit i . diner per liura. E tota nau o leyn o barca
o autre vaixel qui's vena en poder del hoste, soes que'l patro
o'I venedor sia albergat ab son hoste, paga a son hoste per
aquela venda, i.dr. per liura.
E totz avers que barata hom Fun ab l'autre, no deu penre
Toste mes, de la una causa, de quai se vuyla, si doncgno-y ha
tornes, de xx.sol. ho d'aqui amont.
Anno domini millesimo CC'*LXXX° quarto.
( Archives de la commime de Perpignan. — Livre vert mineur ^
f^' 82, v^ à 85.)
Inventaire du magasin de feu Jean de N'Aldiartz, marchand drapier
merrator) de Perpignan, fait, à l'instance de son épouse et en vertu
de l'autorité judiciaire, le 8 des ides de septembre 1307. — Nous y joi-
gnoi:s les objets mobiliers dont ie nom est en catalan dans l'acte rédigé
en latin.
(1307)
Jteni confitemur nos invenisse in dictis bonis et hereditate :
III. vasa vinaria in quibus sunt L. saumate vini primi ; —
I. barrai saumadal, vu. botas vinarias et i. vas vinarium, in qui'
bus est vinum aquarum quod bibit familia, — vi. archas, ~
I. arquibanch^ — iiii. se des sive celés, — i. caval fusti in quo
tenentur celle equitandi.
Item quasdam capsanes, — i. /)6'r)oww/rubeum, — quasdam
genolcres copertas de cirico rubeo, — iiii. pileos jubatz, —
I. clipeum, — i. ballistam de cornu cum circo suc, — vi lan-
ceas cum suis lanceriis.
Item VII. lectos tornegata, duos bres, — vu. vanoas, —
très dcack. -— un. sachos de trelis, — i. concham daram, —
III. lusses ferri, duo veru sive astz ferri, — i. forrol, — duos
cirsols^ — I, j)Osal de cupro — unum pasti^eny, — i. perol, —
liii. tors tortarum cere, — i. garlandam argenti, - sex mos-
callos, — quasdam osts et quosdam osellos strictes, —
.1. perpuni album... — i. zonam munitam argenti,
Item X. et vu. pecias pannorum dEjxalono,
378 DIALECTES ANCIENS
Item nu, pecias pannorum àAmens mesclatz vocatorum ca-
me lins.
— II. pecias e mediam de sarguis starainis deCams coto-
nadis.
— V. pecias pannorum de Roam mesclatz.
— I. peciam panni de Mestre viles.
— XX. pecias pannorum de Parisio maybrinas.
— XXV. pecias pannorum de Parisio plans,
— XIII. pecias pannorum lestatz de Parisio.
— Lxxx. VII. pecias pannorum de Sent Denis inter planis
et virgatis sive listatz.
— VIII. pecias pannorum mesclats de Melines,
~ VIII. pecias pannorum mesclatz de Bruyxeles.
— X. pecias pannorum coloratorum sive tentz dipre,
— XI. pecias pannorum de rayetz dIpre.
--* III . pecias pannorum de sayes dlpre .
— II. pecias pannorum alborum dlpre,
-- c.xu. cuber tas fl?/jore.
— xn. pecias de lestât de Gant.
— L. pecias àe feutres dlpre.
— XX. m. pênes de testes et iiu. crotades,
— II. pecias de biffes blaues clares de Sen Denis,
— I. peciam lividam escuram de biffa de Sen Denis,
— I. peciam moradam de biffa de Sen Denis .
— I. peciam viridem de biffa de Sen Denis.
— VII. canas et mediam de biffa blaua de Sen Denis,
— X. cannas et u. palmos de biffa morada de Sen Denis,
— XX. m. cannas et v. palmos de biffa plana livida de
Sen Denis,
— II. cannas et v. palmos de biffes listades de Sen Denis,
-■ II. pecias intégras listadas pannorum de Paris,
— c. et XI. canas de biffes listades de Paris,
~ XX. I, canam et i. palm de biffes de Paris maybrines,
— I. peciam lividam de Paris,
— XX. VI. canas de bifes de Paris planes,
— III. pecias listades de biffes de Porchis {sic y Provins).
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 209
Item xxx.vn. (canas) et vi. palmos de biffes listades de
Prohis.
— XX. VII. cubertas listades dipre intégras.
— Lx. cannas et mediam de cubertes dipra listades,
— xu. cannas de cubertes de Paris listades,
— xiiii. cannas et mediam de pannis listatz de Diestre.
— I. peciam panni integram de Gant.
— VIII . canas et mediam de listatz de Gant,
— L.ii. canas et n. palmos de sargues de Biam.
— xx.vii cannas pannorum tentz dIpre.
— X. canas et ii. palmos de biffa vermela de Paris,
— xx.ii. cannas et mediam de sargua de Cams cotonada.
— VIII. canas et u. palmos de. sargua staminis prima de
Cams.
— m. canas et v. palmos de sarga stricta nigra de Sen
Denis,
— xiiii. canas et vu. palmos demesclat de Melines,
— I. peciam integram panni mesclat de Melines,
— - I. canam et vu. palmos de panno viridi de Roam.
— XX. im. cannas et m. palmos pannorum mesclatz de
Roam.
— II. pecias pannorum de reyet de Prohis ab ennp(9iQ)blau,
— XX. cannas et m. palmos de reyhet de Prohis,
— V. cannas et mediam panni listât de Naugans .
— L.viii. cannas etii. palmos pannorum de Xalo.
— VIII. canes de presseto vermel,
— VII. scapolonos de biffes planes de Sen Denis^ in quibus
invenimus im. canas et ii. palmos.
— X. scapolonos de biffes planes de Paris, in quibus inve-
nimus V. cannas et ii. palmos.
— V. scapolonos pannorum may brins de Paris, in quibus
invenimus ii. canas et m. palmos.
— un. scapolonos de Xalo, in quibus invenimus ui. pal-
mos.
— III. scapolonos de sargues de Cams primis, in quibus
invenimus v. palmos.
380 DIALECTES ANCIENS
Item I. scapolonum de sayn àe Biam, in quo mwHkuus vr.
palmos.
— VII. scapolonos pannorum ientz dfpre, m quibus in-
venimus ii cannas et v. palmos.
— I. scapolonum panni dArras, in quo invenimus vi.
palmos.
— vmi. scapolonos pamni lisiat àe Gant, in quibus inve-
nimus VI cannas.
— im. scapolonos panni li$tat de Prohis, in quibus inve-
nimus m. cannas et ui. palmos.
— X. scapolonos pannorum listatz de biffes de Paris, in
quibus invenimus vu. canas et m. palmos.
— xm. scapolonos de cubertes dipre, in quibus inveni-
mus V. cannas et m . palmos.
— I. scapolonum de biffa de Stn Denis listât, in .quo inve-
nimus V. palmos .
— m. scapolonos panni listât de Luers, in quibus inve-
nimus I. cannam et v. pahuoB.
Que cane et palmi predicti sunt omnes mensurate cum suis
turnis et Tenabiles.
Item invenimus in dicta hereditate i. peciam de cirico
viridi, et aliam peciam de cirico rubeo, et aliam de
cirico violât, et duas crotades de camelot.
Item XVI. scapolonos de cirico, in quibus invenimus très
libras et novem uneias.
Item c. xiiii. camises de teles cum quibus camisantur et
choperiuntur panni.
Item très bauecx, — . . unum comter, — quandam scribaniam
de corio ; — vi. cortinas de tela, — très sarpileres, — i. ar-
cham, — duos archibanc, — ii. bancos operatorii, in quibus
tenentur panni, — i. tapit, — ... duos tors desarpilera, — . .
V. bancals in quibus tenebantur panni botigue, — xx. vim.
restes sive cordes canabi, — i. flaeiatam de pel de boc, — xvi.
flaciatas cardades, — vu. seles equitandi, — v. frenos, — duos
cabestres, — quosdam travalons animalis, — v . streups, —
I, estemenyam de mostra, — qui^ndam barram f&Bti cum suis
DOCUMENTS SUR LA LANGUE GATALANB 3S1
barris faetam ad mostram, r- ires estrigùk, — h, pas calca-
rium, — mi. cordes de cirico de pileo de feutre. ..
Item invenimus in dictis bonis r
Duo milia et c. lxxxx. viiu. turonenseS) argenti vetores,
q^uorum quilibet valet xvi. denarios Barchin^
Item X. viiii. libras x. iiii. sol. Barch.
Item c,h,yi, florenos auri, quorum quilibet valet xivi. sol.
Barch.
Item unum morabatinum.
Item mediam doblam auri.
Item XL, vil. turouenses novos, quorum quilibet vadet vim.
(Jenar. Barch.
Item unum regalem argenti Montispessulani.
Item XX. VII. libr. et x. vmi. den. barch. minutorum et
regalium.
Item invenimus in libris dicti Johannis de Aldiarde scripta
débita que sequntur. . — {Les débiteurs résident presque toug en
Romsillon ou en Cerdaguej et quelques-uns en jEmporda ou à
Gerona).
(Original sur parchemin. — Papiers de la famille d'Om», — Archives
des Pyr. -Orient.)
L'intérêt qui s'attache à l'histoire de l'ancienne industrie
française nous porte à donner une liste des pays et des villes
dont les produits naturels ou manufacturés sont signalés, en
Roussillon, depuis le milieu du XIIP siècle jusqu'au milieu du
XV®. C'est une liste très -incomplète d'ailleurs,, dans laquelle
nous ne signalerons pas non plus les objets désignés, comme
provenances d'outre-mer ou du Levant :
Agde. — Vid'Acde, 1300.
Alais. — Porpra d'Alest, 1284 ;— d'Aletz (1295).
Albenton. — Drap d'Albenton, 1284; - d'Albento (1295).
Albj.— Drap d'Albi, 1250.
Alep?— Alum d'Alap, 1300*.
^ Ce produit ligure aussi, vers 1250^ dans la leudede TaraacoD iMrna
382 DIALECTKS ANCIENS
Alexandrie. — Draps bortz d'Alexandria, 1284-1295.
Allemagne. — Teles d'Alamajna, 1284.
Almeria. —Teles d'Alraaria, 1375.
Amiens. — Draps d'Amens raesclatz yocaft' camelins, 1307.
Angleterre. — Drap angles, — drap d'Anglaterra, ab que no
sie tent en grana, 1250-1284-1295.
Arras — Panni staminis forti de Ras, 1250 ; — drap de
Ras, 1284-1300; —drap de Roax? 1295: -^ panni d' Arras,
1307.
Avignon. — Drap d^Avinyo, 1284; —de Vinyo, 1295-1300.
Ban joies (Catalogne). - Drap gros de Banyoles, J284-
1295 : — cadins strets o draps Banyolenchs, 1450.
Barcelona. — Fustanis listatz de Barssalona, 1295; — obra
de terra de Barssalona, 1300.
Beau vais. — Drap de Belvajs, 1284.
?)Oi*nay. — > Drap de Bernaj, 1295.
Biam? — Sargues de Biam, 1307.
Bolcan? — Alumde Bolcam,r284;— alumde Bolcami, 1300^
Bougie. — Cordoa de Bugia, 1284 ; — de Bogia, 1295.
Bourgogne . — Caynbe de Borgujna, 1284 ; — eamge de
Bergojna cru e batut, 1295.
Bruges. — Drap de Brugia, 1250;— deBruydes, 1284;-^ de
Brugues, 1295.
Bruxelles. — Draps mesclatz de Bruyxelles, 1307.
Caen? — Sargues de stam de Cams cotonades; —sargues
prims de Cams, 1307.
Castille. — Teles de Castella, 1375.
Cambray. — Drap de Cambraix, 1250;— de Cambray, 1284-
1295.
de alupno de pluma et de Alamp (Carlul. de S.-Victor, p. 84), alup de
Alomp et alup de Alamp dans celle d'Arles en Provence (ibid., p. 91 et
y5).
' L'alun de Bolcam ligure souvenl dans les leudes de Provence: alup
de Bolca el de Balcan, dans celles de Pennes et de Digne; alump de Bal-
cano el de Borcano, dans celles d'Arles.
DOCUMENTS SUR LA LANQUB CATALANE 38S
Carcassonne. — Draps de Carcassona, 1321.
Châlons-sur-Marne . — Drap de Exalon, 1250; — drap de
Txalon, 1284; — Xalons listatz, ni de color, 1284; — draps
d'Eyxalon, 1307; - draps de Xalo, 1295-1307.
Champagne. — Teles de Campanja, 1284.
Chartres. — Drap de Xartres, 1250.
Damas. — Teles de Domas, XIV* siècle.
Saint-Denis. — Drap de Sent Denis, 1283-1295; — panni
planiy virgatisive listatz ; biffa blaua, biffes blaues clares, biffes
planes, biffes listades, biffa livida, biffa livida escura, biffa mo-
rada, sarga stricta nigra, — de Sent Denis, 1307.
Diestre? — Draps listatz de Diestre*, 1307.
Douay. — Draps de Doaix, 1250; — de Douay, 1284;— de
Doay, 1295.
Fanjeaux. — Drap de Fanjaus, 1250.
Figeac . — Drap de Figach, 1250.
Flandres. — Draps de la gran sort a la guizade Flandes,
1424.
Florence. — Draps de la gran sort a la Florentin a, 1424.
France. — Draps de Franssa, 1295-1300.
Gand. - Drap de pers de Gant, 1250; — de Gan, 1284; —
draps listatz de Gant, 1307.
Garp (el)?— Teles delGarp, 1284;— teles de Garp, 1295.
Gênes. — Drap de Genoa, 1300.
Gourdon. — Drap de Gordon, 1250.
Grasse (la). — Draps de la Grassa, 1321.
Huy«. — Panno deDoyn, 1250; — drap d'Uy, 1284-1295.
Lerida. — Drap de Lerida, 1269-1300.
Licamusa? — Drap blanc de Lecamusa, 1250;— drap de Li-
camusha, 1284; — drap blanc de Licamusa, 1295.
Limoux. — Draps de Limos, 1321-1384.
Lombardio. — Drap Lombardesch, 1284-1295.
* C'est sans douto la ville de Diest en Belgique, arrondissement de
Louvain.
' lluy sur Meuse, en Belgique.
384 DIALECTES ANCIENS
Louviers? — Drap de li de Loes e de treslis, 1250; — barra-
can de Loers, 1284-1295; — drap listât de Luers, 1307; —
draps de la grau sort à la giiiza de Lers {aiiàs Lieras), 1424.
Lucques. — Caxa d'or c (rargent de Lucha, filât, 1284; -
drap ab aur de Lucha, 1295.
Malaga. — Figues do MalicUa, 1249*; — obra de terra de
Malicha, 1300.
Malines. Draps mesclatz de Melines, 1307.
Marseille — Vi de Massela, 1300.
Mestre viles? Mostivallers? (Moustiers??). -Draps de Mestre
viles, 1307; — draps de la gran sort à la guiza de Mostivallers
{allas Mostivalleres), 1424.
Montoliou. Draps de Montoliu, 1269-1284-12^-1321-
1384.
Montpellier. — Porpra de Monpestler, 1284-1295.
MontréRl (Aude). — Draps de Montréal, 1321.
Murcia. - Astores(^/2V/,<j estures) blanques primes de Mur-
cia, 1284-1295.
Njirbonne. — Drap blanc de Narbona, 1250-1269-1284-
1295-1321 ; vi de Narbona, 1300.
Nogent. — Drap listât de Naugans, 1307.
Saint-Omer. — Drap do Sant Tome, 1250; — de Sant Tomer,
1 284 ; — de Sent Thomer, 1 295.
Paris. — Drap de Paris, 1281-1295 ; — biffes planes, biffes e
draps lestatz, draps maybrins, biffes maybrines, biffa vermela,
Ij^cialioida, cubertes listades, de Paris, 1307.
Provins. — Draps do Prois, — drap pers de Pruis, 1284; —
raiet de Pruis, 1284; — rayet de Prouins, 1297; — reyet de
Prohis ab ennp blau, reyhet de Prohis, pannus listât, biffes
listades, 1307.
Saint- Quentin. — Parmi S ci Quintini, 1250.
Rander (Rodez?). — Draps de Raiidor, 1250.
* Nous présumons que Téditeur du Cartulaire de Sl-Victor a confondu
Malaga avec Malte, dans lf*s articlos ficubus de Meïita Qi figas Melitasde
la leude de Pennes, et ficuhus de MalUa de la leude d'Aix
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 385
Razès (pays de). — Draps de Rezes, 1321.
Reims. — -Teles de Remps, 1284;— de Rems, 1284-1295.
Romanie . — Vels de Romania, 1375.
Rouen. — Drap vert, drap mesclat de Roam, 1307.
Tarascon. — Vi de Tarascho, 1300.
Tarragona. — Cabas doble de Terragona, 1284.
Trebes (Aude).— Draps de Trebes, 1321.
Valence (Espagne), — Astores (ou estures) blanques primes
de Valencia, 1284-1295; — cabassesde Valencia, 1300; — teles
de Valencia, 1375.
Valenciennes. — Valenxines, 1284-1295.
Venise . — Drap ab aur de Venecia, 1284-1295.
Vérone. — Fustanis gi^ossis de Verona, 1250.
Vervins. — Draps a la Vervina, 1424.
Ypres. — Drap rayet d'Ipre, 1250; — feutre, cubertes, vayr,
drap d'Ipre de color, 1284-1295 ; — panni colorati sive tentz
d'Ipre, draps rayetz, draps de sayes, draps blanchs, feutres,
cuberteslistades d'Ipre,1307.
Zamora?— Pessade Samorha, 1295.
i^
386 DIALBOTBS AMCIBN9
LES DERNIERS TROUBADOURS DE LA PROVENCE
d'après m. PAUL MSTER^
I
J'ai éprouvé un sentiment de patriotique satisfaction en
ouvrant le volume intéressant et substantiel dont je vais entre-
tenir les lecteurs de la Revue des langues romanes. Depuis bien
des années, TAllemagne semblait s'être arrogé le privilège
des publications de quelque importance sur la langue de nos
provinces méridionales au moyen âge ; M. Paul Meyer re-
prend vaillamment possession, au nom de la France, d^un do-
maine essentiellement français: c'est comme le début de la
revanche pacifique de la science.
Les éléments de ce livre sont puisés, ainsi que l'indique le
titre, dans un manuscrit donné, en 1859, à la Bibliothèque
nationale par M. Giraud, membre de l'Institut, ancien ministre
de l'instruction publique. Ce manuscrit est un chansonnier,
c'est-à-dire un recueil de poésies des troubadours, qui porte
aujourd'hui le n° 12472 du fonds français. Il date de la pre-
mière moitié du XIV® siècle, à l'exception de deux tensons et
de trois couplets isolés écrits, vers le milieu du même siècle,
par deux individus différents du premier copiste, et de trois
sonnets apocryphes intercalés environ deux cents ans plus tard.
Le chansonnier Giraud renferme cent quatre-vingt-cinq
pièces et un assez grand nombre de couplets isolés [coblas es-
parsas). Dans ce nombre, trente -deux pièces et une ving-
taine de coblas étaient inédites; M. Meyer en a fait le fonds de
son livre, qui se divise en troi i parties : 1° une introduction
* Les Derniers Troubadours de la Provence , d'après le chansonnier
donné à la Bibliothèque impériale par M. Ch. Giraud; par Paul Meyer.
1 vol. in-8»; Paris, librairie Franclc, 1871 (Extrait de la Bibliothèque de
VEcok des Chartes.)
DERMERS TROUBADOURS I>Ë PROVENCE 387
offcaat, avec quelques considéradoo» sor la décadence de la
poéâe des troubadours , Thistoire et la description du chan-
sonnier Giraud^ et des remarques sur le dialecte de ce ma-
nuscrit ;2o les pièces et coàias inédites, accompagnées de
notices et d'observations; 3° un appendice comprenant la
table du chansonnier Giraud, celle du chansonnier La Val-
lière ou d'Urfé, énorme manuscrit de la Bibliothèque natio-
nale (n« 22543) qui n'a pas encore été décrit, et l'index alpha-
bétique des troubadours qui figurent dans les chansonniers
Giraud et d'Urfé. Cet appendice de 64 pages est, à lui seul, un
travail méritoire, destiné à rendre de grands services aux ro-
manisants.
II
Les pièces publiées par M. P. Meyer paraissent avoir
été composées, à l'exception d'une seule, — une chanson de
Guilhem de Saint-Didier — dans la période comprise entre les
années 1250 et 1310 environ*, c'est-à-dire à l'époque où la
poésie des troubadours s'éteint, comme poésie de cour, avec
les grandes races féodales du Midi ; comme poésie du peuple,
avec la vie politique qu'entretenaient nos vieilles institutions,
supprimées ou faussées par la domination française. Aussi
l'auteur a-t-il raison d'intituler son livre ies Deitèiers Ti^imha-
dours; mais n'est-il pas allé un peu loin lorsqu'il a ajouté: de
la Provence?En effet, sur vingt-trois poètes dont il donne les
noms, l'origine provençale de quatorze est au moins dou-
teuse*; elle est probable pour deux, et à peu près certaine
pour sept seulement. Parmi les anonymes, un seul donne une
indication qui peut le faire supposer Provençal, ou tout au
moins d'un pays voisin de la Provence.
< M Meyer dit de 1270 à 1310. Il n'y a, en effet, que les pièces des trois
premiers chapitres qui soient certainement antérieures à 1270. Il est
probable, d'autre part, que certaines de ces compositions sont postérieures
^l'année 1310.
' Il est vrai que Daspol, qui semble avoir coaiposé une de ses pièces
dans les environs de Vauvert (aujourd'hui département du Gard), habitait
388 DIAX.ECTES ANCIENS
Je n'insisterais pas sur ce point si le titre du volume ne pré-
disposait le lecteur à voir dans les textes publiés des échan-
tillons d'un seul dialecte , le provençal. A cette première iin-
pression vient s'ajouter une affirmation hasardée : c'est que
le copiste du manuscrit Giraud parlait le dialecte de la Pro-
vence. Il me semble qu'on ne saurait toucher avec trop de
prudence à la question délicate des dialectes de la langue
d'oc littéraire du moyen âge.
Il est permis de penser que la langue des troubadours —
celle du moins de la bonne époque — était juqu'à un certain
point conventionnelle. Un dialecte a prédominé certainement
dans sa formation ; mais chaque poète y introduisait quelques-
uns des caractères de l'idiome qu'il avait parlé dès le ber-
ceau: de là des diversités de forme auxquelles il faut ajouter
les variantes des chanteurs ou des déclamateurs, et surtout les
fautes volontaires ou involontaires des copistes. Il y a donc à
résoudre toute une série de problèmes sur ce point important
et encore trop obscur :
Quel dialecte a fourni les éléments fondamentaux de la
langue des troubadours?
Quels emprunts cette langue a-t-elle faits à d'autres dia-
lectes ?
Quelles sont les formes particulières à chaque poète?
Quelles formes ont été introduites par les récitateurs ou les
scribes dans les textes aujourd'hui connus?
Tant que l'on n'aura pas de réponse précise à ces questions,
il sera difficile d'affirmer qu'un poète ou un copiste parlaient
le dialecte de telle ou telle province. Pour donner une idée
de ces difficultés, je prends trois exemples que m'offre l'ou-
vrage même de M. Paul Meyer :
Guilhem, l'interlocuteur de Peire dans la tenson du § IV,
vraisemblablement les bords du Rhône, bien que sur la rive droite. Par
contre, on jieut affirmer sans hésitation que Guilhem de Saint-Didier,
Peire Cardinal, Guilhem (interlocuteur de Peire), le bâtard d'Aragon,
Hugo de Moensac, n'étaient pas Provençaux-
DERNIERS TROUBADOURS DE PROVENCE 389
est certainement de Montpellier, puisque Peire, parlant des
bourgeois de cette ville, lui dit: vostre borzes. Or, dans le dia-
lecte de Montpellier au XIIP siècle, la différence du cas su-
jet et du cas régime n'était indiquée ni pour les noms, ni pour
Tarticle ; Vs était constamment le signe du pluriel , et Tar-
ticle masculin pluriel était los ( prononcez lous ) pour le cas
direct comme pour le cas indirect * . Cependant Gruilhem dit,
ou le scribe lui fait dire (v. 48) H consoL II est vrai qu'au vers
16 on lit sils consols, ce qui est évidemment pour si los con-
sols, Guilhem a-t-il voulu composer d'après les règles de la
langue littéraire ou d'après celles de son dialecte? Est-ce
le scribe qui a ajouté Vs au vers 16 ou qui a écrit H consol
pour los consols au v. 18?
Le second exemple nous est fourni par le partimen de Gi-
rart et Peironet (§ IX). Ces deux poètes se trouvaient pro-
bablement en Provence lorsqu'ils ont écrit cette pièce, la
seule que nous ayons d'eux. On y remarque cependant plu-
sieurs fois los au cas sujet, M. Meyer accuse le copiste de
cette irrégularité ; mais comment un scribe provençal ( c'est
M . Meyer qui l'affirme) a-t-il introduit une forme étrangère,
je dirais presque antipathique, à son dialecte? On ne peut tirer
aucun argument de ce qu'on trouve li dans une autre copie
de la même pièce, puisque cette copie a été faite par un Ita-
lien, non plus que de la suppression de l'article au v. 32,
suppression bien plus admissible que la diphthongaison de
l'article avec le substantif qui ^mi{liogll)^ suivant la version du
copiste italien. Girart et Peironet, bien qu'écrivant en Pro-
vence, n'étaient-ils pas d'un pays où los s'employait au cas
sujet? Ou bien le scribe du manuscrit Giraud avait-il sous les
yeux une copie déjà dénaturée?
Enfin dans plusieurs pièces, telles que la complainte de
Daspol, la tenson de Peire et de Guilhem et la pastourelle
anonyme du § XVII, nous voyons que les poètes ne pronon-
* Voyez les intéressants documents des archives de Montpellier publia
par M. Achille Montel, dans la Revue des langues romanes.
3^ DIALECTES ANCIENS
çaient pas Vn final de certains mots : comfianhons rime aveeiii
7^en, fren, manten, ten, aperfen, coven, avec ve, $e, rherse, bé,
cre; gardin, camin, vezin, latin, matin, Martin, avec mi, disi,
M. Meyer nous fait observer que cette nasale était faibleinént
prononcée, ou même pouvait ne pas se prononcer du tout.'Il
serait peut-être plus exact de dire qu'il j a des dialectes où
elle se fait très-nettement sentir, d'autres où elle disparaît
tout à fait : le provençal est dans le premier cas, le langue-
docien et le limousin sont dans le second. On ne pourrait al-
léguer sérieusement que ces différences dialectales sotit
modernes ; il suflSt d'avoir étudié d'un peu près les idiomes
méridionaux pour voir qu'elles sont intimement liées à la
nature du dialecte, et je dirais presque au caractère des habi-
tants. Il faut donc reconnaître, ou que la suppression de Yn
final est une règle de la langue des troubadours, et, par con-
séquent, que cette langue était conventionnelle, puisqu'elle
renfermait des éléments empruntés à divers dialectes, ou bien
que les poésies où la nasale ne compte pas à la rime, si elles
ont été écrites en Provence, n'ont pas été composées dans le
dialecte de ce pays.
.On voit quelles diflScultés présente cette étude. La connais-
sance des dialectes modernes, l'examen et la comparaison déS
documents administratifs et diplomatiques, fourniront dôs iddn-
nées précieuses pour ce travail, qui est encore à tenter ; mais
il convient de se mettre en garde, dès le début, contre toute
conclusion prématurée.
III
Les troubadours auxquels sont dues les pièces publiées pio*
M. Mejer peuvent se classer en quatre catégories: !<> ceux
qui étaient déjà connus par leur nom et par quelques-unes de
Jeurs œuvres ; 2** ceux dont le nom avait été mentionné par
les biographes, sans que Ton eût encore retrouvé aucune de
leurs compositions ; 3** ceux dont la personnalité et les oeuvres,
également ignorées jusqu'ici, nous sont révélées parle chaiiQ-
DERNIERS TROUBADOURS DE PROVENCE 391
sonnier Giraud ; 4* les anonymes. Kauteur n'a pas suivi cette
classification. Il réunit dans un même chapitre les pièces d'un
marne poëte, quelle que soit leur place dans le manuscrit, et
il range les chapitres, autant qu'il le peut, par ordre chrono-
logique.
Les poètes déjà connus par leurs œuvres sont Giiilhem de
Saint-Didier, Peire Cardinal, Guilhem de Murs, Bertran Car-
bonel, Girart et Peironet*.
Le jeu-parti (partimen) de ces deux derniers n'avait pas
encore été publié en entier ; il était connu cependant, car il
sert de base à la théorie des cours d'amour, imaginée peut-être
par Jehan de Nostre-Dame et reproduite par Rajnouard.
M. Mejer, touchant incidemment cette question, montre qu'il
faut se tenir en garde contre une tradition trop ingénieuse .
Mais, si les cours d'amour n'ont pas existé sous la forme d'un
tribunal régulier, tel qu'a pu le rêver l'imagination du procu-
reur au Parlement à qui l'on doit les Vies des plus célèbres et
anciens poètes provensaux, tout n'est certainement pas à rejeter
dans la poétique légende, si chère aux habitants de la Pro-
vence.
Je m'arrêterai un instant sur les deux tensons qui, avec trois
coblas espar sas y forment le contingent fourni par Bertran Car-
bonel au recueil qui nous occupe *.
Au v. 6 de la première de ces pièces, M. Meyer propose de
corriger s'es^wma en tesquina, et je suis de son avis; mais il
semble insinuer que sa pourrait tenir ici la place de l'article.
So, say pour lo, la, au XIIP siècle, serait un catalanisme 3, et
• Les pièces de chacun de ces poètes publiés par M. Meyer sont : pour
Guilhem de Saint-Didier, une chanson; pour Peire Cardinal, un couplet
en réponse à Hugo de Moensac ; pour Guilhem de Murs, une tenson avec
un inconnu; pour Bertran Carbonel, deux tensons et trois coblas esparsas;
pour Girart et Peironet. un partimen.
• Dans ces deux tensons, le poëte s'est donné pour interlocuteur son ron-
dn, c'eft^à-dire son cheval.
^ On a dit so, sa, pour lo, la, dans quelques pays où l'artiole s'est formé
de ip8€ et non de Ule. Certains dialectes de la Catalogne offraient cette
particularité, dont les noms propres ont surtout gardé la tr«ce : sa ou za
392 DIALECTES Al^GIBNS
viendrait, dans ce cas, à Tappui de Thypothèse que j*ai éçûse
ailleurs, de la présence de Bertran Carbonel aux expéditioiis
du roi d'Aragon, Jacques /e Conquérant^. Je n'insiste pas sur
ce point, et suis plus disposé à considérer ici remploi de s pour
/ comme une simple faute de copiste. Mais il est remarquable
que nous trouvions dans la même tenson deux formes castil-
lanes: que queres plus? (v. 21) et vos œs brugir (v. 35). Querer
a été employé, il est vrai, par les troubadours dans le sen» de
demander. Je ne sais s'il existe un exemple où il réponde aussi
exactement que dans ce cas au querer espagnol : que qtneres
mas ? M. Meyer paraît traduire oes par os; je ne vois dans ce
mot que le oiesse espagnol ( subjonctif présent du verbe otr,
ouïr, entendre ) transporté dans la langue d'oc. Le sens me
paraît ainsi très-clair, à la condition que l'on comprenne
les mots mastais et rialguar autrement que M. Meyer. Il est
vrai que Ducange donne riagal avec le sens d'arsenic rouge ;
mais nous avons en langue d'oc rialga, nom qui s'applique à
une espèce d'aloès, et qui a pu désigner aussi une plante ser-
vant à la nourriture des chevaux. Quant à mastais, je ne vois
d'analogue que margai, ivraie, foin sauvage, appelé aussi
dans le Languedoc margaL Au lieu de supposer au poëte
l'intention de se défaire de son cheval par l'arsenic, et de
lui « faire bruire les os », je traduirais ainsi ce passage : « Par
Dieu! meurs donc, puisque rien ne te peut guérir, méchant
roncin, que jamais je ne te donne foin (?) ni herbe (?) et n'en-
tende votre bruit importun ( mot à mot : et ne vous en-
tende bruire). » On m'objectera peut-être que Raynouard ne
donne point à ueymais {hueimais)\e sens négatif; mais, si l'on
considère que huei-mais est composé des mêmes éléments que
ja-mais, et que, dans ce dernier mot, c'est la syllabe mais qui
renferme la négation, on sera d'autant plus disposé à admettre
Guardia, sa Garriga, ses ou ces Cornes, ces Trilles, etc.; en latin de ipsa
Guardia, de ipsa Garrica, de ipsis Comis, de ipsis Trilliis. (Voyez lesdccu.
ments diplomatiques des Memorias sobre el anUguo comercio de Baro^ona
par Capmany.)
» Voy. Jacme /•', le Conquérant, II, pag. 459, note \.
DERNIERS TROUBADOURS DE PROVENCE 393
mon interprétation que Rajnouard lui-même attribue au vieux
français hui-mais le sens que je propose.
Nays ( V. 21 ), qui ne doit pas être corrigé en ays, signifie
auge. Voyez dans les Coutumes de Remoulim, publiées par
M. Charvet dans la Revue des langues romanes ( avril 1873,
p. 226 ), nais de cambe, creux où Ton fait rouir le chanvre. Nays
pourrait d'ailleurs être là pour naus, de même qu'on trouve iey
pour ieu (§ XXVI, 7, 23), dey pour rfew (§ XXV, 14, 30), eimay
pour mau^, Nau, auge, baquet (Rajnouard, Lexique j IV, 304,
I, 2) est employé de nos jours avec le même sens. Dans le.
Languedoc, ce mot désigne plus particulièrement une sorte
d'abreuvoir pour les bêtes à laine.
Fatoejatz (v. 28 de la seconde tenson) est pour fantolejatz ou
fantonejatz, Fantoulejà, fantounejà et quelquefois fantoumejà,
signifie jouer, badiner.
La correction proposée au v. 46, tan pour can, ne ferait
qu'obscurcir le sens très-clair d'une locution encore très-usitée
dans le Midi. « Motas ves can parlatz^ valria mais esiases suau-
ment )>, dit le roncin à son maître. Il n'est pas rare d'entendre
le même conseil sortir de la bouche d'un paysan du Languedoc
sous cette forme : « Souvent, quand parlas, voudriè mai que res-
tesses siau, »
IV
Jacme Mote d'Arles et Rostanh Berenguier de Marseille
étaient connus par le livre de Jehan de Nostre-Dame; mais
aucune de leurs compositions n'était encore parvenue jusqu'à
nous . M . Meyer a eu la bonne fortune de rencontrer dans
le chansonnier Giraud un sirvente du premier et plusieurs
pièces du second.
Le nom de Jacme Mote ressemble singulièrement à celui de
Moter, troubadour inconnu, dont une chanson amoureuse se
trouve dans le même manuscrit. La pièce de Mote et celle
de Moter offrent quelques particularités de langage qui leur
* El non pour mal, comme corrige M. Meyer, g XXI, v. 26.
3M DIAXECTÉS ÀNCIBMS
sont communes. Romarquont, en outre, que les doax noms
sont également précédés du qualificatif en , et que le soribo,
après ayoir inscrit au folio 16 cette indication: enJacmes Mote
dArlCy a bien pu, au f* 49, se contenter de désigner le mémo
poëte par ces seuls mots, en Mote ou en Moter. Los formes
Mote ou Moter n'ont pas trop la physionomie provençale ; ne
faudrait-il pas lire Motet, qui est bien un nom du pays?
Le sirvente de Jacme Mote est adressé à Charles II d'An-
jou ; c'est un éloge des devanciers du comte de Provence, et
une exhortation à suivre leurs traces. Je relèverai, en pas-
sant, le jugement de M. Meyer sur le comte Raimond Beron-
ger IV (appelé quelquefois Raimond Berenger V). Si les évé-
nements de ce règne paraissent insignifiants, considérés chez
les historiens qui ne tiennent compte que des faits d'armes ot
des conquêtes, la tradition, appuyée sur les témoignages con-
temporains, nous montre le dernier des Raimond Berenger
comme un prince vraiment digne de cet éloge, que M. Meyer
trouve exagéré :
Quel pios coms Berenguior fazia
Tôt 80 que a fin près tainhia.
La notice consacrée au troubadour RostanhBerenguier oit,
sans contredit, la plus importante de Touvrage qui nous oecu{»o.
Rostanh était né à Marseille, de famille noble ; il était
probablement chevalier, à en juger par le titre de Mosen,
Monsen ou Mesier, que le chansonnier lui donne à plusieurs
reprises. Ami et protégé du grand maître de Thôpital FV>nl'
ques de ViUaret (1307-1310), à la louange duquel il consacra
une longue chanson, il semble avoir été l'ennemi des Tem-
pliers. Les couplets qu'il composa contre les chevaliers do
cet ordre rendent vraisemblable l'assertion de Jehan de Nostro-
Dame, qu'il écrivit sur la falsa vida deh Templiers, Los quel-
ques faits qui nous sont révélés par le manuscrit Giraoé
concordent assez bien avec la biographie de ce poëte écrite
par Nostre-Dame ; mais l'auteur des Vies des plus célèhret ei
anciens poètes provensaux y ajoute des détails romanesques
dont il est bon de se défier.
DERNIERS TROUBADOUI^S DE PROVENCE 395
Berenguier est un des meilleurs poëtes de son ëpoique: Sa
langue est assez correcte ; son vers, sans être très-original,
est facile et parfois élégant. G-râce à M. Meyer, nous con-
naissons maintenant de ce iroubadour quatre pièces et une
série de coblm. L'une de ces pièces est la chanson dont j'ai
parlé tout à Theure, adressée au grand maître des Hospita-
liers * ; les trois autres appartiennent à la poésie amoureuse :
ce sont deux chansons ' et une estampida. Le genre de poésie
qui porte ce nom n'avait pas encore été étudié ; M. Meyer,
dans une savante digression, arrive à déterminer les carac-
tères principaux de l'estampida^ qui sont : « 1® la légèreté
d'allure de la strophe, constituée, au moins en partie, de
couplets coués ^, et par conséquent n'observant point la divi-
sion en trois parties (la Dreitheiligkeit des Allemands). Par là,
r estampida se distingue du vers ou de la chanson. — 2® La sy-
métrie des strophes, qui est aussi parfaite que dans une chan-
son. Par là, V estampida se distingue du descort provençal ou
du lai français, avec lesquels elle a d'ailleurs certaines ana-
logies de rhjthme. — 3° Le changement de rimes à chaque
couplet, caractère qui n'est pas propre à Vestampida, mais
qtir paraît ici être de règle. »
Les coblas de Rostanh Berenguier sont une série de peticios
(demandes) ou de remissios (réponses) à d'autres coblas, dont
l'auteur est désigné sous le nom de lo bort del rei d'Aragon,
Ce bâtard d'Aragon n'est probablement pas un fils de Jac-
ques I", ainsi que l'affirme M. Meyer. Le Conquistador eut
deux fils d'un mariage morganatique, lesquels furent toujours
considérés comme légitimes ; il eut en outre deux bjltardt,
dont l'un fut tué par l'ordre de son frère, en 1275; et, comme
' Au V. 58 de cette pièce, je proposerai la correction E lo sans Job;
on dit, dans la langue de l'Eglise, h saint ïiomme Job.
* M. Meyer propose rpsauton loiir resouton^ auv» 3 de la pièoe ni.
Il doit y avoir dans le manuscril resonion, Resontir ou, avec l'orthogra-
jhe modornu, ressounti, veut dire retentir, et c'est bien le tens du pa8§a|fB.
^ Le couplet cou', rhythmus triphthongus caiÂdattM, esit une fitreplté
de six vo{% romj'osée de deux moitiés égaï^.
396 DIALECTBS ANCIENS
Tune des coblas de Berenguier ne peut pas être antérieure à
1291, si le bort auquel il s'adresse était fils de Jacques feCon*
quérant, ce ne pourrait être que Pedro Fernandez de Hijar.
Mais les bâtards de Pierre III sont bien plus nombreux que
ceux de Jacques P^, et nous voyons que Tun d'eux, Fernando,
à qui son père avait donné la seigneurie d'Albarracin, en fut
dépouillé en 1298 par le roi Jacques II, son frère. H ne se-
rait pas étonnant que Fernando eût, vers cette époque, quitté
r Aragon pour la Provence, et fût entré en relations avec le
troubadour Berenguier. Zurita nous apprend que Pedro,
autre bâtard de Pierre III et fils, comme Fernando, de Inès
Zapata, se retira en Portugal*.
Sur cette série de couplets, dont quelques-uns sont assez
bizarres, je n'aurai à faire qu'une observation : c'est que, au
V. 14 (il a), M. Meyer corrige à tort quintz en quim. Le t se
justifie parfaitement. On dit, dans quelques dialectes, quint,
quinta^ quel, quelle.
Les poètes dont le chansonnier Giraud nous fait connaître
pour la première fois le nom et les œuvres sont: Hugo de
Moensac*, Daspol, Johan de Pennas' , Moter, qui pourrait bien
être le même que Jacme Mote ; Berenguier Trobel, G. de Lo-
bevier, Bertran Albaric, Peire Trabustal, Rajnaut de Très
Sauses, et cinq autres désignés seulement par un prénom :
Engles*, Peire, Guilhem, Ponson, Guibert^.
* Zurita, Anales de la corona de Aragon, lib. V, cap. xxxii.
< Ce nom terminé en ac n'appartient certainement pas à la Provence. Je
ne vois pas de raison de corriger Moensac en Maensac.
3 M. Bartsch a publié dans sa Chrestomathie provençale, d'après le ma-
nuscrit Giraud, la tenson de Johan de Pennas, auquel il donne, par
erreur, le nom de Johan de Pena.
* Engles peut être aussi bien un prénom qu'un surnom ou un nom de
convention. Le nom d^Angles, Engles, en latin Anglesius, AnglicuSf se
rencontre dans le Midi. Je citerai, entre autres, Anglicus Adhemarii, Angles
d'Adhémar, en 1477.
^ De Hugo de Moensac, un couplet; de I>aspol, une complainte et une
DERNIERS TROUBADOURS DE PROVENCB 997
Il paraît difficile d'identifier aucun de ces troubadours avec
un personnage déjà connu. Je hasarderai une hypothèse rela-
tivement à Daspol ou Daspols, dont le nom devait se prononcer
Daspouls , et qui a dédié sa complainte sur la mort de saint
Louis à une dame de Posquières, près de Vauvert : c'est que
ce troubadour pouvait être originaire d'un village du diocèse
de Nîmes qui a porté le même nom que lui. Sanctus Michaelde
Pullis, avant de devenir Poulx, a dû être certainement Sant
Michèu das Pouls, et plus tard lom Pouis^,
Outre la complainte assez médiocre dont je viens de parler,
nous avons de Daspol une tenson avec Dieu, dédiée à un roi
d'Aragon /?air' e fil de prozeza. M. Mejer rapproche ces mots
de ce passage du roman de Jaufre :
Lo rei d'Aragon
Paire de pretz et fi Hz de dorî ;
et, après avoir montré qu'il s'est établit, sans trop de raison,
une tradition qui place la composition de ce roman au com-
mencement du XIIP siècle, il incline à penser que le prince
désigné par l'auteur de Jaufre, et celui auquel Daspol dédie sa
tenson, sont également Jacques P' le Conquistador, Je me per-
mettrai de faire remarquer à M. Mejer que les passages sur
lesquels il appuie son opinion peuvent s'appliquer aussi bien
à Pierre II ou à Pierre III qu'à Jacques P'. Chacun de ces prin-
ces peut être appelé paire de pretz et fillz de don, ou bien pair' e
fill de prozeza. Chacun d'eux, comme le roi de Jaufre, fut
vainqueur dans la première bataille qu'il livra aux Sarrazins.
La tenson de Peire et de Guilhem, d'une très-faible valeur
poétique, mérite cependant de nous arrêter un instant à cause
tenson; de Johan de Pennas, une tenson; de Moter, une chanson; de Be-
renguier Trobel, deux pièces; de G. de Lobevier, six cohlas, dont une est
en réalité de P. Cardinal; de Bertran Albaric seul, deux coblas\ de Bertran
Albaric et de Guibert, une tenson; de Peire Trabustal et Raynaut de
Très Sa uses, une tenson; d'Ëngles, une tenson avec un inconnu; de Peire
et de Guilhem, une tenson; de Ponson, deux chansons.
' Voy. Germer Durand, Dictionnaire topographique du Gard,
3^ DIALECTES ANCIENS
d# riatérét qu'elle préôente pour Thistoire de la ville de
Mantpellier. M. Mejer a parfaitement établi que les événe-
ments de Pampelune et de Limoges, auxquels elle iaài allu-
sion, ne permettaient pas de la faire remonter au delà de
1276. J'ai pu arriver à une détermination plus précise de k
date de cette pièce et des événements auxquels elle se rap-
porte, grâce à mon excellent ami M. Achille Montel, qui .a
bien voulu diriger mes recherches dans le riche dépôt confié à
ses soins.
En Tannée 1280, Tévêque de Maguelone fit dresser des
fourches patibulaires au grau de cette ville, en signe de aa juri-
diction. Les officiers du roi de Mayorque, jugeant cet acte at-
tentatoire aux droits du seigneur de Montpellier, firent abattre
les fourches. L'évêque porta plainte au sénéchal de Beaucaire,
représentant le roi de France. Aussitôt, grand émoi dans la
population : les uns embrassent la cause du roi de Majorque,
les autres — ce sont probablement les habitants de Mont-
pelliéret — se rangent du côté de Tévêque. Les consuls, d'après
notre tenson, paraissent ne pas oser se prononcer entre le» deux
partis; ils envoient cependant des messagers au voï de Major-
qne pour l'instruire de ce qui se passe dans sa seigneurie.
C'est à ce moment, je crois, c'est-à-dire aux derniers mois de
Tannée 1280, qu'il faut rapporter notre tenson ; car, peu de
temps après, les consuls paraissent avoir pris fait et cause pour
leur seigneur*. L'importance de cette pièce pour Thistoire
particulière de la ville * de Montpellier, et quelques diffé-
* Les documenls relatifs à celte affaire sont cootenus dans la cassette ix
de Tarmoire A des archives de la ville de Montpellier. Ce sont des lettres
du roi Jacques de Mayorque, dont la première est du 3 septembre 1280,
Voy. aussi les n" 199 et 217 de V Inventaire des Archives du constdat, pu-
blié par II. Achille Monteldansla Revue des langues romanes (t. HI, p. 40 et
42). Quant à la chronique du petit ThaloTnus, voici la seule mention qu!ony
rencontre se rapportant à Tannéo 1260: « En Tan m cg lxxx, la nuegdel
Venres Santz, fon emaginada la tracion del palays. » Puis vienn<mt tes
événements de Tannée 1282, pendant laquelle, le sénéchtl de BeaueaUe
ayant mis le siège devant Montpellier, le roi de Mayorque consentit à ce
que les appels de sa cour fussent portés devant le roi de Franco. . -
DERNIERS TROUBADOURS DE PROVENCE 399
férences entre mon interprétation et celle de M. Meyer,
m'engagent à doiiner une traduction aussi littérale que possible
de la tenson de Peire et de Guilhem, tout en mettant à prof t
en quelques points la traduction qui se trouve dans les Ber*-
niers Troubadours.
u Sur cet air qui me plaît et me convient, je voudrais
fort, ami Guilhem, apprendre de vous ce que veulent faire et
dire vos bourgeois, lorsqu'il surgit entre eux ligue, division
et débat*. Chacun' se voit tant de bien-être qu'il en méconnaît
son voisin et [se méconnaît] soi-même. D'autre part, vont au
roi 3 les messagers qui feront sans doute du mal à Montpellier,
et ce sera grand dommage s'il (Montpellier) se perd par malice.
)) Ami Peire, selon mon entendement. Orgueil qui fit du ciel
déchoir les anges éclatants, et les rendit laids par l'envie et
l'outrecuidance, règne parmi eux (les bourgeois), avec vio-
lence sans merci ; et jamais on ne vit Orgueil finir en bien. Et,
si les consuls ont pris une résolution nette et bien arrêtée,
leurs ligues ne feront pas obstacle ; car Dieu et le droit ont
prix et durée * .
» Ils n'auront pas de déférence pour les consuls, seigneur
Guilhem, à en juger par la conduite que je leur vois tenir. Ils
■ La principale difficullé qui ait arrêté M Meyer, dans l'interprétation
de ce passage, me paraît se résoudre assez bien par la correction sui-
vante:
Can sors entrels pach' e partid' e tensa .
Pacha, partida, tensa, sont trois substantifs qui ne se contredisent nul»-
lement et signifient ligue, division et débat
* Ajouter ici chaque parti, et surtout chaque consul, serait un contre-
sens. Cela veut dire simplement, à mon avis, que le bien-4tre ^t si grand
à Montpellier, les bourgeois y sont si riches, que la vanité les égftre et les
jette dans les factions.
3 Les documents des archives de Montpellier prouvent qu'il -s'agit du
roi de Mayorque, et non du roi de Franco
^ M. Meyer, tromp<^ par l'absence de Vs dans dreg, et regardent avec
raison Vs de Dieus comme purement euphonique, a fait de ces deux raots
le régime du prétendu verbe an prts, dont U ofmsul serait le sujet. Mais
l'ai déjà dit que le dialecte de Montpellier au Xllt* siècle n'admettait pas
la règle del's.
400 DIALECTES ANCIENS
feront venir Français et Catalans. Chaque [parti] est si fort,
que les consuls, par crainte, ne se veulent^ entremettre en
rien. Ils se perdront, tant les freins leur sont lâches. [Une] l^e
a détruit Pampelune Tautre jour, et Limoges, qui en a eu
grande peine ^; [une] ligue fait déchoir maintes communes. '
)) Droit et Pouvoir finit par vaincre, avec la patience, Tort.',
seigneur Peire, ce me semble; car je vois chaque jour s^élever
Humilité, et Orgueil tombe avec ce qu'il a semé. Et, s'il ne
soutient les consuls en chassant Merci, il ne faut redouter
ni Catalans, ni Français, qui sont sans pouvoir par eux-mê-
mes, ni seigneur en paréage, ni copropriétaire; et, quand ilâ
auront déblayé leur gravier, je crois que chacun plaindra sa
dépense ♦.
» Ami Guilhem, cœur mou et nonchaloir, et parenté ou ami*
tié, ou impuissance, empêche de bons consuls d'avoir courage.
Ils n'osent se décider pour aucun parti, et ainsi ils se perdront
tous, je le crois. Au consulat, qui a la seigneurie, il appar-
tient d'être le roc (l'éléphant) en l'échiquier : il doit garder^on
pion du cavalier, et prendre le fou quand il lui trouble son jeu.
» C'est au seigneur qu'il appartient, ce me semble, de punir
la faute du vassal, seigneur Peire ; et les consuls doivent prier
et dire de faire la paix, et je crois que chacun y pense, et ils
défendent ce qui leur appartient, et ils ont fait et dit ce qu'il
convient. Que le roi fasse ensuite ce qui est nécessaire , mais
que Dieu garde la commune de dommage; au surplus, peu
m'importe qui sera le vainqueur du jeu.
^ Et non pas voudront.
' Mot à mot : travail de surcroît.
3 Je ne comprends pas le mot fenial, et ne vois pas de correction ad-
missible.
^ Les vers 32, 33 et 34 sont assez obscurs et peut-être corrompus. Je
crois cependant que par et parsonier, qui signifient pair et cohéritier,
peuvent être rendus par seigneur en paréage et copropriétaire ^ par allu-
sion à la situation féodale du roi de Mayorque et de l'évêque de Ma-
guelone, et à leurs droits sur la plage où avaient été élevées les four-
ches, cause du débat. Deliurat lur gravier peut encore être une allusion
au gravier ou grava de cette plage.
DERNIERS TROUBADOURS DE PROVENCE 40)
)) Donnons notre tenson à Olivier; il la prendra, seigneur
Guilhem, sans retard, et la chantera en présence des consuls.
» Le preux* Imbert, qui est de parfait mérite 2, je veux, sei-
gneur Peire, puisqu'il vit avec courtoisie , qu'il entende le
premier si notre tenson lui plaît. »
Peire voudrait voir les consuls agir avec énergie. Guilhem
désire, au contraire, que les magistrats municipaux ne com-
promettent pas leur popularité dans ces luttes entre deux pou-
voirs féodaux. Au roi de Majorque, qui est le seigneur, à dé-
ployer la force contre ceux qui attentent à ses droits; le rôle
des consuls est d'exhorter les partis à la modération et à la
paix, La divergence d'opinion des interlocuteurs n'est pas mar-
quée assez nettement dans la traduction de M.Meyer.Ainsi,
à la deuxième strophe , Guilhem souhaite que les consuls
« agissent avec fermeté et délibération », et à la sixième il les
approuve de s'être bornés à des paroles de concorde. C'est qu'on
est trop disposé , d'ordinaire, à rendre chaque mot de langue
d'oc par un mot français exactement correspondant pour la
forme, et seulement analogue pour le sens, /erm semble ap-
peler fermeté, fermeté suppose action, et voilà le sens faussé,
ou tout au moins flottant et incertain.
Un second écueil des traducteurs est dans leur confiance
aveugle pour les lexiques et les glossaires, travaux on ne peut
plus estimables, mais forcément incomplets. Ainsi Raynouard
traduit recrezensa par fatigue, lassitude, découragement; ce
qui est exact, mais certainement insuffisant. En effet, le mot
crezensa, croyance, avec le préfixe réduplicatif ?*e, a dû former
un mot dont le sens est confiance, déférence. C'est ainsi que
je comprends recrezensa au v. 19. Avoir fatigue, décourage-
ment à cause des consuls, reculer devant les consuls, ne me
paraît pas exa(;t dans une réponse à Guilhem, qui demande
que les consuls se bornent à des conseils.
Une observation analogue s'applique à un mot de Beren-
* Il l'aiil erilciidi'D ici preux dans son sens primitif d'homme d'honneur
et de probité , probus.
' Mot à mot: car il a prix entier.
27
402 DIALECTES ANCIENS
guier Trobel(§ XIV, ii, 7), envelhir, que M.Mejer, suivant
Rajnouard, rend par avilir. Le sens me paraît être vieillir.
Lorsqu'on voit envilezir ( avilir ) passer par les formes envelzir,
envelhir y n'est-il pas naturel de penser que envelhezir a dû, à
plus forte raison, subir des transformations analogues et de-
venir, lui aussi, envelhir? Le^ vers de Berenguier Trobel parais-
sent plus clairs et plus logiques avec Finterprétation que je
propose :
E pert son temps sel que vol envelhir
Am seinhorieu* don bens nol pot venir.
Le vague, Findécision, les contradictions que Ton croit voir
dans les œuvres des troubadours, proviennent souvent des deux
causes que je viens de signaler.
Les autres compositions des divers poëtes jusqu'ici inconnus,
dont j'ai donné les noms tout à l'heure, n'offrent d'intérêt que
comme documents pour l'histoire de la langue d'oc, et je ne
puis que renvoyer au livre de M. Mejer le lecteur désireux
de poursuivre cette étude. Je me bornerai à proposer la cor-
rection suivante à la tenson de Bertran Albaric et de Guilhem
(§ XXIV, 1,16):
Por qii'icu vos prec mais sufras la maguanha.
Magagna signifie encore aujourd'hui ennui, dégoût.
Les pièces anonymes sont au nombre de huit, auxquelles il
faut joindre six coblas esparsas. On ne peut guère signaler dans
ce nombre qu'une élégante pastourelle et deux danses assez
facilement écrites.
Pour compléter la nomenclature des compositions poétiques
contenues dans ce recueil, je mentionnerai un couplet en
français de Raynaut de Très Sauses et trois sonnets apocryphes
portant les noms de Jacme Mo te, de Blacasset et de Bertrand
de Lamanon, intercalés au XVI« siècle sur un folio laissé en
blanc. M. Meyer étudiant, avec la sagacité qui lui est habi-
^ Seinhorieu est une forme parfaitement correcte et au moias aussi
classique que seinhoriu.
DERNIERS TROUBADOURS DE PROVENCE 403
tuelle, les caractères du manuscrit Giraud, rapprochant les
données nouvelles que ce chansonnier fournit à l'histoire litté-
raire de quelques passages des Vies de Jehan de Nostre-Dame,
établit d'une manière évidente que ce dernier a eu à sa dis-
position le chansonnier Giraud, et y a intercalé ces trois pièces
apocryphes. Le nom de Jehan de Nostre-Dame est à chaque
page du livre que je viens d'analyser, et l'on peut dire que,
dans son ensemble, ce volume est un vigoureux plaidoyer con-
tre le vieil écrivain, que M. Meyer qualifie de « faussaire im-
bécile. » J'ai négligé avec ptention ce côté de l'ouvrage qui
m'occupe ; Nostre-Dame ayant fourni à M. Bartsch le sujet
d'une étude publiée dans la dernière livraison du Jahrbuch fur
romanische Literatur, j'espère pouvoir résumer, dans un pro-
chain article, \e procès qui s'instruit contre le trop ingénieux
biographe « des plus célèbres et anciens poètes provensaux, »
J'en ai dit assez sur les Derniers Troubadours de la Provence
pour montrer la haute valeur de ce livre, destiné à prendre
rang parmi les œuvres classiques sur l'histoire littéraire de la
France méridionale. Lorsqu'un auteur s'est approché d'aussi
près de la perfection, il est particulièrement utile d'appeler
son attention sur les points qui semblent offrir quelque prise
à la critique ; mais, sur l'ensemble de l'ouvrage, il ne peut y
avoir qu'une opinion : celle dont l'Académie des inscriptions
s'est faite l'interprète, en accordant au livre de M. Meyer le
premier prix destiné à récompenser les travaux sur les anti-
quités de la France.
Ch. DE TOURTOULON.
DEUX QUITTANCES EN LANGUE ROMANE
délivrées
par les abbesses du monastère de Sainte-Claire d'Alais, au XIV° âècle
L'abbaye connue d'abord sous le nom à' abbaye royale de
Notre-Dame des Fonts, et ensuite sous celui de Saint^Bemard
et Sainte-Claire d'Alais f de l'o7'dre de Citeaux, remonte à une
époque très -reculée. Des possessions considérables lui furent
données, en 1229, par Raymond de Roquefeuil, comte d'Ar-
magnac. Le monastère était alors situé au milieu des bois,
dans un site agréable, appelé les Fonts, à cause ôe ses belle :
eaux, et qui fait partie du territoire de St-Julien-de-Valgal-
gues, à proximité d'Alais.
Les ravages commis par les routiers obligèrent la commu-
nauté à se réfugier à Alais, au XIV® siècle. Le presbytère actuel
de la paroisse Saint-Jean d'Alais était la résidence de Tab-
besse.
Parmi les abbesses de ce monastère, on peut citer : en 1309,
Agnès de Montpezat; en 1445, Mabile de Châteauneuf-Ran.
don ; en 1726, Delphine de Vogué ; en 1732, Anne -Elisabeth
de Bannes d'Avéjan. M™® de Vissée, de Ganges, nommée en
1774, en fut la dernière abbesse.
Les originaux de ces deux pièces font partie des notes
et papiers laissés par M. J-.P. des Ours de Mandajors, qui fut
membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres au siècle
dernier et l'autetir de l'inscription latine gravée sur le piédes-
tal de la statue équestre de Louis XIV à Montpellier, en 1718.
M. Emile de Firmas-Periès les a recueillis en sa qualité d'héri-
tier, et a bien voulu en faire don à la Société d'Alais. Ces deux
documents font donc actuellament partie des archives de ladite
Société ; ils sont écrits sur deux feuilles de papier, ou plutôt
sur deux fragmerjts de feuille isolés, paraissant avoir fait par-
tie d'un registre ou cahier qui en contenait une série, L^ sceau
DEUX QUITTANCES EN LANGUE ROMANE 405
du monastère était apposé au bas de chaque pièce ; mais il n'en
reste plus que les traces de la cire rouge où était F empreinte. Ce
sceau était de forme ovale, et, sous la première des quittances,
il reste même un sixième environ de l'empreinte qui est fort dé-
tériorée. On peut cependant y reconnaître le profil droit de la
robe d'une religieuse ou abbesse, tenant à la main une crosse,
dont on aperçoit seulement la partie inférieure de la hampe,
et quelques lettres à peine marquées, où, avec beaucoup de
bonne volonté, on peut lire . . STERIV . . .
*
Remembransa sia que en Fan de Nostre Senhor m.ccc.
Lxxiiii, lo. xii. jorn del mes dabrihl, que yeu sorre Gaya,
abadessa de las serres menors dalest, ay receuputs. x. s. per
larma {sic) de Guilhem Sabatier, los cals nos aviam légats en
sonderier testamen; e pagalos nos cen * Johan Sabatier, payre
sieu, say en reyre *; es ^ en testimoni de veritat, yeu sorre
Gaya, abadessa del sobre dich coven, aduze e pauze lo sagel
de mon ufissi en lan es al jorn sobre dich.
Ti^duction
Souvenir soit gardé que Pan de N. S. mil trois cent soixante-
quatorze, le douzième jour du mois d'avril, moi, sœur Gaye, abbesso
des religieuses mineures d'Alais, ai reçu dix sols pour Târae de
Guillaume Sabatier, lesquels il nous avait légués dans son dernier
testament; et le sieur Jean Sabatier, son père, nous les a ci-devant
payés. Et. en témoignage de vérité, moi sœur Gaye, abbesse
du susdit couvent, apporte et appose le sceau de mon office en Tan-
née et au jour susdits.
Remembransa sia que nos sore Guilalmetta Gausargua, abadesa
de las sorres menors dalest, avem reseuputs. x. s. per l'arma {sic)
' Pour sen.
- V. le Dict (\p l'abbé Sauvages, au mot r^irr.
3 A\v pour f»
406 DIALECTES ANCIENS
dona Raymoneta Sabatieyra; e paga los sen Joan Sabatier, phil
sieu ; es ayso nos confesam de veritat, es en lestimoni pauzam lo
sagel de nostre bufici*(5îc): lan de Nostre Senhor mil gcc.lxxm:
lo. xvir. jorns del mes d'octobris.
Traduction
Souvenir soit gardé que nous, sœur Guiilemette Gausargue ab-
besse des religieuses mineures d'Alais, avons reçu dix sols pour
rame de Raymonette Sabatier, et sieur Jean Sabatier, son fîls, les
a payés. Et ceci nous le confessons véritable, et, en témoignage, nous
apposons le sceau de notre dignité, Tan de Notre Seigneur rail
trois cent soixante-six, le dix-septième jour du mois d'octobre.
G. Charvet.
Pour benupci, sans doute.
DIALECTES MODERNES
GRAMMAIRE LIMOUSINE
QUATRIÈME SECTION. — liquides et nasales
R
L -- ^ initial
R initial reste r. Il s'est, comme en français, renforcé d'un
g d3,ns granoinlho = *ranuncula. Ce g n'est qu'un durcissement
de l'aspiration qui existe virtuellement, comme nous l'avons
déjà rappelé, en association avec r.
IL - ^ intérieur
A. — Le plus ordinaire est qu'il reste r; mais, entre deux
voyelles, il permute assez fréquemment avec l'autre liquide (/),
et aussi quelquefois avec les autres consonnes de sa famille ,
n^ s, d ou t.
a, — Avec /. Ex.: arista, (a)leito; — contrarium, countrâli,
b, — Avec n. Ex.: ros marinus, roumani,
c, — Avec s. Ex.: pimrire, pruser, mot éteint, et prusour,
substantif correspondant encore usité *. Cette dernière muta-
tion cl lieu même parfois entre une voyelle et une consonne.
Ainsi plusieurs disent mistre = fr. myrte,
* Celte mutation est très-fréquenle en français, où, à une certaine
époque ( fin du XVI" siècle), elle avait pris un caractère pour ainsi dire
épidémique. C'est d'alors, pour citer un exemple, que date la forme chaise.
qui a supplanté chaire dans l'usage commun.
408 DIALECTES MODERNES
d. — Avec d oxx t, — La mutation de /• en d se remarqué,
en italien, dans un assez grand nombre de mots, tels que
dietro ■=. rétro, chiedere = quœrere, fiede = ferit^. On la con-
state aussi dans quelques variétés du dialecte languedocien*.
Mais, en limousin, Vr, lorsqu'elle passe aux explosibles de sa
famille, ne s'arrête pas au d; elle monte jusqu'au t^. Cela se
voit dans la conjugaison, où quelques variétés de notre dia-
lecte, mais non pas la nontronnaise, changent constamment
exxtVr flexionnelle du prétérit, disant, par exemple, mingeten,
hegueten, au lieu de mingererij hegueren, formes régulières.
Cf. ritalien allotta := allora.
B. — R s'est vocalisé quelquefois en u.Ex,: carpinum, chou-
pre; mais ce n'a dû être qu'après son changement préalable
en /. On en est certain pour aubi^e = arbor, puisque la forme
albre se rencontre.
On voit r remplacé par i dans eimari «= pr. armain, et dans
les formes aybre, poyre = ai'bor, porrum, qu'on trouve dans
Raynouard, mais que nous n'avons pas. Ici encore une muta-
tion en / a dû précéder, parce que, comme on le verra plus
loin, / se vocalise aussi en i.
Pour les chutes, insertions et transpositions de r intérieur,
voir le chapitre VI ci-après.
III. — ^ final
R persiste en linale dans tous les mots qui se terminaient
par cette consonne dans l'ancienne langue, excepté : 1** les
infinitifs de tous les verbes ; 2° les mots en ter = ainus, tels
que cavalier, bergier, où elle s'est complètement oblitérée. Par
* Le phénomène inverse a lieu dans le latin meridies =» medidieSy ar^
guère == adguere, arbiter = adbiter, etc.
' Voir, dans la Revue des langues romanes, tome I", page 123. la notice
de M. de Tourtoulon sur le sous-dialecte de Montpellier.
3 Pareillement, nous n'avons pas constaté de mutation 6e d en r (voir,
ci-dessus, I?(ntales); mais nous en avons relevé une de t en /'.
GRAMMAIRE LIMOUSINE 409
compensation, Ve des infinitifs en er^ tonique ou non, s'est,
comme on Ta déjà vu, diphthongué en et; mais cela n'a pas
lieu partout. Dans le parler de Tulle et d'une notable partie
de la Corrèze, aucune modification de Ve ne compense la chiite
de Yr. Dans la même contrée, Tr, tombée aux infinitifs en é?%
persiste dans les mêmes formes quand elles sont prises sub-
stantivement.
i^ final tombe encore accidentellement dans quelques au-
tres mots, par exemple dans pou = paor = pavorem ; — à
Nontron, dans sei=-ser = sero, qui se dit ser à Tulle et même
dans certains lieux du haut Limousin ; — à Tulle dans au =
aur = auvum, qui se dit, à Nontron , 07% comme en français.
I. — L initial
En règle générale, il reste /. Il est devenu r dans roussi-
nhôn = * liisciniolum (mais la mutation remonte probablement
au latin vulgaire), et n dans nentilho=])T. lentilha, et quelques
autres mots.
En bas limousin, / initial devant i se fond quelquefois,
comme cela arrive souvent <à la même consonne dans le corps
et à la fin des mots, en un i consonne. Ex.: yinge =^ linge; -~
f/iôertâ — lihertà. Lorsque Vi dont 1'/ est suivie précède lui-
même une autre voyelle, il se confond avec 1'?/ provenant de
la fusion de 17. Ex . : youn = lionn : — yé = lié {lectum],
II. — L intérieur.
A. — Entre deux voyelles, / reste ordinairement /. Mais
quelquefois il permute, comme en initiale, avec r ou avec n.
Ex : liliujn, liri; - miular, miôunâ; — calyculum {^)^ calelhA^
chalei à Nontron, à Limoges chonei; — fr. caleçon, canessou,
' Ce mot n'est ni dans Raynoiiard, ni dans Rochegude, mais il est
mentionné, parmi les rimes en elhz estreit, dans le Donat provençal.
410 DIALECTES MODERNES
Nous avons vu tout à Theure r passer au t. C'est, je pense,
moyennant une mutation semblable de 17* de Tallem. schale
qu'il faut expliquer le mot eichato (pr. escatà) =r fr. écaille
(anc.fr. escale).
B. — Entre une consonne et une voyelle, /, en général,
reste /, sauf à former, s'il y a lieu, avec la consonne, la com-
binaison double Ih ou Tune des combinaisons triples clh ou
glh (voir ci-dessus, section P® du présent chapitre). Ex.: ta-
bfujla, taulo; — placere, plazei; — clavis, clhau; — ungfujla,
ounglho ; — sit(u)la, selho .
Il est devenu r dans freûle = flebilis, et dans brussî = * blu-
sire pour *ôw&2Ve*. Titre, chapitre, apôtre, où la même mutation
a eu lieu, sont des mots empruntés au français ; peut-être
aussi vautra (^voltulare)^ bien que la présence de la diphthon-
gue me porte à considérer plutôt ce dernier comme indi-
gène.
En haut Limousin, /, après r, permute avec n dans perno a=
perla {k Nontron joer/o).
C. — Entre une voyelle ou une consonne, /, à moins qu'il
ne se transpose (voir ci-apiès, chap. VI) se vocalise en u, ou
il tombe. Il se vocalise après les voyelles graves * (a, e, o), il
tombe après les voyelles grêles ' (?, u, ou), Ex.: salvia, sauoie ;
' La mutation normale serait en d. C'est, en effet, en la douce plutôt
qu'en la forte que i, comme r, aime à se changer, quand il passe aux ex-
plosives de sa famille Cette mutation, qui ne se constate, Je crois, en
langue d'oc, qu'accidentellement (p. e. gasc. daissa^ laxare; cf esp.
dejar, pg. deixar), est caractéristique de quelques idiomes romans, par
exemple, dans le domaine italien, du sicilien, où II devient toujours dd, et,
du corse, où le même couple se transforme en dr.
- *Bulsire (ou *bulsere) est prouvé par hulsella (fr. hrusselles «=
pince), forme vulgaire de hulsella, qui se lit dans le E-o^î/yjveûjùtaTa
de Pollux, ouvrage dont M. Boucherie a le premier signalé le haut
intérêt et qui vient d'être publié, pour la première fois, par ses soins,
avec de savants commentaires, dans le tome xxiii des Notices des
manuscrits de la Bibliothèque nationale et des autres bibliothèques.
^ Qu'elles soient telles ou qu'elles le soient devenues Ainsi, o prétoni-.
que devenant ou, selon la règle, moUnarium donne mounié et non
môunié, tandis que molere, dont To, toujours d'après la règle, est resté o,
donne moure.
GRAMMAIRE LIMOUSINE 411
— altarCj ôuiar ; — melsa {^v,\ meûsso; — esfelnir (pr.), et-
feûnî; — molfejre, môùre; — culiellum, couteû ;— puis, poû; r—
cultura, couturo *; — pul{i)cem, pûze.
Dans les mots empruntés au français, / en pareille position
ne se vocalise ni ne tombe, mais il se change ordinairement
en r. Ex : armana^ recorto, insurtâ, carculâ. C'est la pronon-
ciation presque constante des gens de la campagne.
L intérieur se vocalise aussi quelquefois en i. Il faut re-
marquer que là encore — comme du reste dans tous les cas
de vocalisation d'une consonne — la voyelle qui remplace /
n'est pas une voyelle franche, mais une semi-voyelle. C'est
en réalité avec 1'/ aonsonne (qui dans quelques mots se vocalise
entièrement pour former diphthongue avec la voyelle précé-
dente) que / permute dans le cas qui nous occupe, comme
nous l'avons vu faire, à Tulle, en initiale. Cette mutation de /
en i consonne est caractéristique de certains idiomes, par
exemple de l'italien, et, parmi les patois d'oil, du saintongeois.
Mais, là, c'est après une muette et devant une voyelle qu'elle
se produit. Ex.: planta, it. pianta, ssiiniong. piante. En li-
mousin, elle n'a lieu, au contraire, qu'après une voyelle et
devant une consonne. C'est principalement, presque unique
ment, quand / se précède lui-même, qu'il passe ainsi àl'î*.
S' unissant sous cette nouvelle forme à son compagnon, il
se fond avec lui en Ih. C'est ce qu'on voit, par exemple, dans
bolhir {bullire) colhir {colligere), formes que l'ancienne langue
nous offre simultanément avec hulir, culir, que notre dialecte
connaît seules. L'/ géminée des finales latines en a//.., ell.., ilL.,
oll. ., ulL.y subissait souvent cette modification. De là, pour la
plupart des mots de l'une ou l'autre de ces désinences, deux
formes distinctes, résultant l'une de la fusion des deux / en
* Par exception l après o est tombé dans ûo ^^ col(a)phum (pr. colp) et
s'est changé en r, après ou, dans ourme « ûlmus (pr olm),
' La mutation dei en t peut avoir lieu après toutes les voyelles, sans
distinction de graves et de grêles.
412 DIALECTES MODERNES
Ih {il), Tautre de la chute pure et simple de la seconde, par
exemple, pour castellum, castelh et castel; pour metallum, me-
talh et métal; pour *follumy folh et fol; pour nullum, nuil ou
nulh et nuL C'est de la forme en / pure de l'ancienne langue
que dérive la forme nontronnaise et, en général, limousine
de pareils mots. Mais la forme en /A, réduite à t*, a laissé
quelques traces en haut et bas Limousin.
En dehors du cas précédent, c'est-à-dire ailleurs que dans
les désinences en a//.., e//.., etc., / s'est rarement changé en
i. On peut citer les formes de l'ancienne langue aitan, aital et
aitre {alterum)* q\ï on trouve déjà dans Boëce*. Le limousin
actuel n'offre que peu d'exemples de cette mutation dans le
corps d'un mot. Je ne sais si les suivants ne sont pas les seuls:
roueiji (b . 1 . couija] = collocare (pr . colgar); — coneissi (b 1 .
couissi) ■=*culcitinum (pr. coissi),
IIL — L final
L provençal, suivant à la fin des mots la même loi que de-
vant les consonnes, est tombé chez nous après les voyelles
grêles et s'est vocalisé en u (ou) après les voyelles graves.
Ex.: solum, sol, sou; — filum, fil, fî; — culum, cul, cû ; — na-
tale, nadal, nadau ; — cultellum, coutel, couieû ; — collum, col,
cou, La règle est sans exception après a et o d'une part, u
et ou de l'autre ; elle en souffre au moins d'apparentes après
e et 2. Ainsi les formes telles que coûte, mante = pr. coltel,
mantel, signalées ci-devant, chap. III, Diphthongues, pour-
raient, à la rigueur, s'expliquer par la chute pure et simple
* Ex.: et = ei/i (t/te), comme on dit, par exemple, à Rochechouart; —
coué (pour couei, coui) = colh (collum), à Treignac ; — dei = delh (cteW),
à Tulle, etc.
2 Cf. le portug muito {multum) Une forme pareille, en espagnol, a
donné mucho, par mélhalhèse et durcissement de Vi.
3 La vocalisation de t en u n'est pas moins anciennf^ dans la langue.
Voir le fragment de la trad. de TEvang. de saint Jean (Xt" s.) reproduit
dans Bartsch, Chreslom.^ col. 7 et suiv.
(IRA MM AIRE LIMOUSIN K 413
de 17, bien qu'il soit préférable d'en considérer F^ final comme
une réduction de la diphthongue eUy la même désinence ne
pouvant avoir dans d'autres mots, tels que mê = meum,
que cette origine. Mais, d'un autre côté, les formes telles que
abi'eû = pr. abrieu, déjà signalées à la même place, résultent
évidemment de la vocalisation préalable de 17 après i, et il est
même probable que dans ce mot-là et dans tous ceux qui ont
en provençal la double forme il et tu, notre î est plutôt un ré-
sidu de tu que de il, la diphthongue pr. iu, quelle qu'en soit
Forigine, s'étant toujours chez nous réduite ki, quand elle n'est
pas, probablement par Fintermédiaire de ieu, devenue eu.
En bas limousin, F/ finale*, en général, ne se vocalise ni ne
tombe ; mais elle a une tendance marquée à passer à Yr, ten-
dance à laquelle on la voit céder de plus en plus à mesure qu'on
s'approche de l'Auvergne, où cette mutation est ordinaire et
caractéristique. En haut limousin et à Nontron, mais ici plus
rarement encore, / final ne devient r que dans un très-petit
nombre de mots, et, dans la plupart des cas que j'ai notés de
ce changement exceptionnel, / est le résidu d'un Ih provençal.
Ex.: bullit, bulJi, bur^\ — melim^ mielhs, mier (Limoges); —
* peducfujlus, pezolk, pur 3 ; — milium, ïnilh, mir * ; — enib-
onilliy ambounir ^ ,
Dans les mots empruntés au français, sauf après i, où il
tombe toujours, / final persiste •*. Il se maintient aussi en état
' 11 faut entendre 17 réelleinenl iinale, par exemple, au singulier des
noms en al^ el, ol, car au pluriel, grâce à V$ qui suit VI et bien qu'on ne
fasse plus sentir cette 5, au moins le plus souvent, 17 se vocalise selon la
règle ordinaire.
' Un peu plus bas, à Ribérac, par exemple, on dit bû, selon la règle.
^ On dit aussi et plus souvent, à Nontron, pei. Ces deux formes doivent
provenir, par bifurcation, d'une forme intermédiaire, elle-même déjà for-
tement contractée, "pculh, réduite dans le premier cas à pulh, dans le
second à pelh.
* On dit aussi mi, embouni, selon la règle. — Pour m/, on trouve à Li-
moges la forme met, qui suppose melh au lieu de milfi.
^ Dans les campagnes, il passe le plus souvent à 1>; carnavar, parasor.
Clela a lieu surtout après a. — Lh final d'origine française subit aussi
408 DIALECTES MODERNES
d. — Avec d ou. t. — La mutation de /• en rf se remarqué,
en italien, dans un assez grand nombre de mots, tels que
dietro •=■ rétro, chiedere = quœrere, fiede = ferit^. On la con-
state aussi dans quelques variétés du dialecte languedocien*.
Mais, en limousin, Vr, lorsqu'elle passe aux explosibles de sa
famille, ne s'arrête pas au d; elle monte jusqu'au t^. Cela se
voit dans la conjugaison, où quelques variétés de notre dia-
lecte, mais non pas la nontronnaise, changent constamment
exxtVr flexionnelle du prétérit, disant, par exemple, mingeten,
hegueten, au lieu de mingererty begueren, formes régulières.
Cf. ritalien nllotta := allora.
B. — R s'est vocalisé quelquefois en m. Ex.: carpinum, ckati-
pre ;maiis ce n'a dû être qu'après son changement préalable
en /. On en est certain pour aubi^e î= arbor, puisque la forme
alhre se rencontre.
On voit ;• remplacé par i dans eimari «= pr. arman, et dans
les formes aybre, poyre = a7*bor, pomim, qu'on trouve dans
Raynouard, mais que nous n'avons pas. Ici encore une muta-
tion en / a dû précéder, parce que, comme on le verra plus
loin, / se vocalise aussi en i.
Pour les chutes, insertions et transpositions de r intérieur,
voir le chapitre VI ci-après.
III. — ^ final
R persiste en finale dans tous les mots qui se terminaient
par cette consonne dans l'ancienne langue, excepté : 1° les
infinitifs de tous les verbes ; 2° les mots en ter =s arius, tels
que cavalier, bergier, où elle s'est complètement oblitérée. Par
* Le phénomène inverse a lieu dans le latin meridies ■« medidiês, ar-
guère = adguere, arhiter = adbiter, etc.
' Voir, dans la Revue des langues romanes, tome I", page 123. la notice
de M. de Tourtoulon sur le sous-dialecte de Montpellier.
3 Pareillement, nous n'avons pas constaté de mutation de rf en r (voir,
ci-dessus, Ventales); mais nous en avons relevé une de l en r.
GRAMMAIRE LIMOUSINE 409
compensation, Ve des infinitifs en er, tonique ou non, s'est,
comme on Ta déjà vu, diphthongué en et; mais cela n'a pas
lieu partout. Dans le parler de Tulle et d'une notable partie
de la Corrèze, aucune modification de Ve ne compense la chiite
de Yr. Dans la même contrée, Y?', tombée aux infinitifs en éi%
persiste dans les mêmes formes quand elles sont prises sub-
stantivement.
R final tombe encore accidentellement dans quelques au-
tres mots, par exemple dans pou ^ paor = pavorem ; — à
Nontron, dans sei=.ser = sero. qui se dit se?' à Tulle et même
dans certains lieux du haut Limousin ; — à Tulle dans au =
aur =^ aurwn, qui se dit, à Nontron , 0?% comme en français.
1. — L initial
En règle générale, il reste /. Il est devenu r dans roussi-
nhôv = * lusciniolum (mais la mutation remonte probablement
au latin vulgaire), et n dans nentilho = ^r, lentilha, et quelques
autres mots.
En bas limousin, / initial devant i se fond quelquefois,
comme cela arrive souvent à la même consonne dans le corps
et à la fin des mots, en un i consonne. Ex.: ywge =^ linge; -~
f/iberta = lihertn. Lorsque Yi dont 17 est suivie précède lui-
raénie une auti'e voyelle, il se confond avec l'y provenant de
la fusion de 17. Ex . : //oun = lionn : — yé = lié {lectum],
II. — L intérieur.
A. — Entre deux voyelles, / reste ordinairement /. Mais
quelquefois il permute, comme en initiale, avec r ou avec w.
Ex : liliuni, liri: - miular, miôunâ; — calyculurn {1)^ calelh^^
rhalei à Nontron, à Limoges clionei; — fr. caleçon^ canessou,
' Ce mot n'»*st ni dans Raynonard, ni dans Rochegude, mais il est
mentionné, parmi les rimes en elliz estreit, dans le Donat provenç^U.
416 DIALKCTBS MODERNES
deux ou trois mots, tels qne boulhôu =imoiol et bigarouet s=^
migarouei^y qui se dit aussi, mais non pas dans les mêmes
lieux. lia passé kVn, comme en français dans nâpo =smappa,
et dans menêplâ, qui provient d'une forme féminine de mespi'
lum moyennant un redoublement.
II. — 3/ intérieur
A. — Entre deux voyelles, m reste m. Ex.: dumetum, dutné.
Il s'est exceptionnellement changé en 1/ dans abmâ = amusa
et quelques autres mots. Il est monté jusqu'au p dans eipou-
(idây si du moins, comme je suppose, ce mot est le même que
le pr. esmofidar. Il est devenu / dans sôulâ, qu'on dit en haut
limousin pour sôtimd (= salvare)^ et 7i dans vendenhâ = vinde-
miare. rounhâ (pr. romiar)^:^ ruminare, garganelo ^=pr. gar-
gamehy fanho (pr. fanha) = *f arnica*.
Après une voyelle et devant une consonne, m, comme en
français, devient n, ou plutôt il disparaît comme son distinct,
en laissant par compensation le son nasal à la voyelle précé-
dente. Ex.: femfijna, fenno; — sem(i)nare, seanâ; — damnare,
dannâ , — *cambiare. chanjd, ou, par assimilation du b, chan-
nhâ; trem(u)lare, trembla; — pr. sumpsi/\ sunsL
m. — .)/ final
Le m final de l'ancienne langue, qu'il fût ou non suivi d'une
autre consonne, a toujours disparu comme son distinct; mais
toujours aussi il a laissé à la voyelle précédente le son na-
sal^, ce quo Tw n'a fait, en erénéral, comme on le verra plus
' On dirait en français mil — garouil. C'est le blé d'Espagne.
' Dans ce dernier exemple, Vi (consonne) qui est dans nh provient du
G, non de i't, de fam'ca (Voir pour cette étymologie le Dict. de Littré, au
mot fange.)
^ Je figurerai toujours par m tout son nasal final provenant d'un m
lutin . Cette orthographe, conforme à la tradition comme à l'étymologie,
ne pourra induire en erreur, quant à la prononciation, le lecteur étant.
aRAMMA'IRB LIMOUSINE 417
loin, que lorsqu'il était originairement en position. La rai-
son en est vraisemblablement que Vm avait encore en finale,
dans l'ancienne langue, une prononciation distincte. Les or-
thographes telles que ramps, femps (= rams, fems, Je ramus,
fimus)^ qui ne sont pas rares, me paraissent le démontrer. Ce
qui le prouve encore, ce me semble, c'est que plusieurs des
noms en m final ont repris une voyelle flexionnelle. Tels sont
cime, crim€y semé, lume. Ayant ainsi conservé son existence
propre dans son passage du latin à notre ancienne langue^ m^
devenu final, s'est trouvé plus favorisé que n, qui, tout le dé-
montre, l'avait perdue, et, en s'afi^aiblissant à son tour dans
le nours des âges, il a pu laisser trace de lui-même, tandis
que n, en continuant de s'afikiblir, ne pouvait plus que dispa
raître en entier.
N
1. — i\^ initial
Régulièrement, n initial reste «. Ex.: nomen, noum; — ne-
poteiu, nebuu. Il est passé, dès l'ancienne langue, aux explo-
sives de sa famille dans degn = nec uniis.
11. — N intérieur
A. — Entre deux voyelles, n persiste (Ex.: carminare, char-
mena; — ve^nire, vent; — ponei'e^ pounei), sauf exceptionnel-
lement dans quelques mots où il devient :
tn. Ex.: rnemi, memino [petit enfant, petite fille, plus commu-
n«'*ment poupée), adjectif substantivé dont Torigine est in-
averli, une lois pour toutes, que i*m on finale n'a plus d'autre vahmr que
celle de Vn à la même place. Ainsi les mots fum (fumus), liam {liifamen\
prim (primus), soum {somnus], doivent éire prononcés comme s'ils.
étai».^nt écrite fun, l an, prin et soun,
23
418 DIALECTES MODBRNBS
certaine, mais qui, dans les autres idiomes romans où il m
rencontre*, a toujours n au radical ;
r. Ex.: venenosus, verenoû ;
L Je ne puis retrouver d'exemple de cette mutation, mais
il est peu probable qu'il ny en ait pas ; aussi crois-je devoir
la noter pour mémoire.
B. — Entre une consonne et une voyelle, n se comporte
différemment, selon que la consonne est plus ou moins com-
patible avec lui. Il reste n après wi, après les liquides et après «.
Ex.: damnare, dannâ; — sal(i)narius, sôuniê; — *fumaia, for-
nadttf foumado; — as(i)nus, asne, âne. Il se combine, pour for-
mer nh, avec la gutturale muette douce (gj. Ex.: pugnare,
pounhâ; — sangfuijnare, sannhâ. Enfînil se change en r après
les labiales, les dentales explosives et après c. Ex.: carpfijnum,
chaupre; — cophfi)nwn, côfre ;^ord(i)nemy ordre;— diacfojnum,
diâa^e.
C. — Entre une voyelle et une consonne, n se change au«si
quelquefois en r. Ex.: anftjma, armo ; — canfnajbim, charte;— ^
ou encore en /; anfijmalia, ôumalho {= almalha). Mais ces
mutations sont exceptionnelles. Sauf devant g, qui, ramolli en
y, s'unit souvent avec lui pour former n/t*, la règle est qu'il
disparaisse comme son distinct, en laissant seulement, par
compensation, le son nasal à la voyelle antécédente. Même
dans beaucoup de mots, cette dernière trace del'n s'est effacée.
Tels sont ceux, en général, où cette consonne était suivie, en
latin, d'une spirante dentale ou labiale (s, fonv). L'oblité-
ration de Vn en de pareils mots * était déjà achevée dans l'an-
^ Par exemple en espagnol et en portugais: menino, menina. Dans
cette dernière langue, le féminin menma, outre le sons propre, a aussi le
sens métaphorique de pupille, prunelle, que l'on donne chez nous au mas-
culin memi. Diez tire menino et ses congénères du gaélique min. (Voir
Littré au mot menin. et Diez lui-même, VÔrterbuch. tome !•', au mot
mina . )
* Voir ci-dessus, article du G, II, A, d.
^ Il ne s*agit ici, bien entendu, que des mots d'origine populaire , car,
dans les mots savants, Vn est restée.
GRAMMAIRE LIMOUSINE 419
cienne langue ; mais elle n'était pas commune à tous les dia-
lectes, comme le prouvent les doubles formes (par exemple,
cofir et confir) que Ton trouve de presque tous. Ce sont les
premières, c'est-à-dire les formes dénasalisées, qui ont prévalu
en limousin, non pas, à la vérité, dans tous les mots de cette
catégorie, car il y en a, au contraire, un très-grand nombre
où la voyelle est nasale ; mais il est possible que, dans la plu-
part de ces derniers, au lieu d'être restée telle, elle le soit
seulement redevenue, et que ceci soit dû à l'influence du fran-
çais. Quoi qu'il en soit, voici des exemples de l'effacement
complet de Yn après toutes les voyelles :
Après a: trans, iras, trâ; — mansum, mas. ma; — mansio-
nem, maiso, meijou.
Après e: burgensis, borzeSy bourjei; — prensus, preSy prei; —
pensum y pes, pei^.
Après t : infante m, efant, efan; — inflare, uflar, nflâ; — - in-
su la, isla, îlo ^.
Après 0 ; conficere, cofir, coufî : — *convitarej covidar, cou-
cidà; — consilium, cosse Ih, coussei; — conscientiay cossiencta.
coussinço; — bonfojs, bas, bot).
Après y : im[o)s, us, â *.
ni — A' final
Il faut distinguer deux cas: 1° celui où l'w final de Tan-
cienne langue était suivi, en latin, d'une autre consonne ;
2" celui où il était suivi d'une voyeLle.
_ •
' Ajouter set = pr. ses, forme uffaiblio de sens, senes, qui est lo latin
sine, accru du suffixe adverbial s.
* Ajouter di = de intus, par rinterraédiaire du prov. dins, qui est
lui-même un airaibiissement de dintz. — C'est dans les mots où Vn était,
en latin, précédée d'un / que l'on remarque chez nous le moins d'exemples
do la chute de cette consonne.
3 Ajouter ^i/ii; déjà dilus en pr., par aflaiblissement de diluns {dies
lunœ), où l'.v paraît devoir être considéré comme un suffixe adverbial.
420 DIALECTES MODflRNES
Dans le premier cas, Vn, en disparaissant toujours comme
son distinct, a laissé à la voyelle précédente le son nasal * .
Ex.: grandeniy gran*; — annum, an; — mente, men (dans les
adverbes);— de intus, dintz , dtn * ; — montent , moun; —
secundum, segoun. Au contraire, dans le second cas, sauf quel-
ques exceptions qui vont être spécifiées, Yn s'est complète-
ment effacée et la voyelle précédente est demeurée pure.
Exemples :
Après a: gennanus, german et gefina, germo; - Mussida-
num, Muycida, Moueicido ; — chnstianus, crestian et cresHa,
crestio [k Tulle) *. A ce dernier mot s'est substituée, àNontron,
la forme française. Quelques autres dont la forme en a était
moins usitée, à ce qu'il semble, que la forme en an, ou qui
n'avaient que cette dernière, ont pris également chez nous la
désinence française. (Voir ci-dessus, chapitre III, 1'* section,
A.)
Après e : fenum, [en et fe, fe; — lenem, len et le, le; — bene,
ben et he, be; — plénum, plen et pie, pie; — alen'^ et aie,
aie; — venenum, veren etvere, vere, Ue, à Nontron du moins,
est resté nasal dans 7'en (lat. ren) et dans seren.
Après /; finem, fin et fi, fi ; — vicinum, vezin et vezi, vezi; ^-
iHvinum, devin et devi, devi; — matutinum, matin ôt mati
matt. Si l'on ne tient pas compte des mots empruntés au fran-
çais, où Vi, en restant nasal, a presque toujours pris le son de
r e, les exceptions sont très-rares. On en trouve une dans
* Excepté, en bas limousin seulement, dans les désinences verbales de
la troisième personne du pluriel ou (= unt). Cet affaiblissement remonte
à l'ancienne langue. Voir, ci-après, Conjugaison.
2 L*a de ce mot à perdu exceptionnellement le son nasal dans la locution
gramarcei {grand merci, ce qui s'explique assez par l'usage continuel de
cette locution II en est de même, et par la même raison, de celui de tan-
tum, devenu ta ou to dans plusieurs locutions.
3 Voir la note 2 de la page précédente pour la forme di, usitée concur-
remment avec din
* Voir d'autres exemples au chapitre III, 1" section, A. — Démo, cité
à cet endroit, a gardé sa forme primitive dans la locution demano sei
(= deman a ser), qu'on prononce comme un seul mot.
s Alen est le substantif verbal de alenar = anhelare
GRAMMAIRE UMOUglNBl 421
dans min 'ssmitMs, forme éiva.ngère à la langue classique.
Après o: raiionem, t^azon et razo, rozoM/î— et ainsi, non-seu-
lement de tous les mots provençaux en on (o) final, mais
encore de tous ceux de la même désinence que noua avons
empruntés au français. Il n'y a qu'un très-petit nombre
(rexceptions, et ces exceptions n'atteignent, parmi les mots
non empruntés, que des monosyllabes*. Ex.: bonum, bon et
bo, boun; — tonum, to et ton, toun; — donum, don, doun; —
leonem, ieo, lioun ; — non, no et non, nou et noun^. Parmi les
mots d'origine française, on peut citer minhoun et mâroun
(marron) .
Après w.-^ On trouve ici autant d'exceptions que d'applica-
tions delà règle: n est tombé dans ôrw (même origine germa-
nique (brun) que le français brun); dans gru, dérivé selon
toute apparence d'une forme altérée de granum, dont il a le
sens, eifdans degu ' {nec unus); il est resté, au contraire, dans
un et son autre composé chacun, et, de plus, dans jun (de jeju-
num) et dans coumun {communem) .
Remarque . — Une conséquence de la chute de Y71, comme
son distinct, dans les mots tels que fontem, ardentem, c'est-à-
dire dans ceux où il était suivi d'une autre consonne et où
Torthographe le maintient toujours pour figurer le son nasal
qu'il a laissé, en disparaissant, à la voyelle qui le précédait;
une conséquence, dis-je, de sa chute a été que cette voyelle,
malgré les apparences, a cessé d'être en position. Ainsi s'ex-
plique que To de pareils mots ait subi, en limousin, comme
■ Demoun n'est pas une exception. La forme première du mot est de^
moni, où ni, à peu près identique à nA, a été traité comme cette consonne
composée dans lonh. besonh, devenus loun, besoun, (Voir ci-après Nh.)
' Noun ne fait pas réellement exception, car on ne l'emploie que devant
une particule négative {pd, pouen ou gro), avec laquelle la prononciation
Tunit comme en un seul mot, et on comprend qhH échappe ainsi à la
règle d'^ Vn finale pour suivre celle de Yn intérieure.
^ L'n repai-aît dans degunlio (nec uno loco), parce que le tout ne forme
qu'une espèce de mot compos(^. où l'n se trouve dès lors soumise à la même
loi quo dans nounqro de la note précédente.
422 DIALBCTBS MODERNES
déjà probablement dans la langue classique, le même traite-
ment que Vo long par nature, et que les rimes en en soient
uniformément qualifiées d'étroites par le Donat provençal.
(Voir ci-dessus, chap. III.}
Nh
Ou a vu précédemment les sources diverses de cette con-
sonne double. Je. les rappelle ici :
Nh provient :
1" De ni ou ne (préalablement changé en ni ) précédant une
voyelle: ingeniosm, enginkos, ginkoû ; — *vinea, vinka, vinho;
2® De gn : regnare, renhà;
3" De ng : plangere, plânhei, ou wc*.* punctum, pr. ponh.
y h a aussi quelquefois pour origine dans T ancienne langue,
comme en espagnol*, Vn redoublée. Ex.: estanh = stannum,
gronhir = grunnire. Mais cette mutation de nn en nhy rare
d'ailleurs, ne se remarque pas en limousin.
De même que Ih final de l'ancienne langue se réduit souvent
à /, ce que nous avons vu, par exemple, en bas limousin, de
même nh final se réduit quelquefois à n. Cette réduction est,
comme celle de /A, particulière au bas limousin, bien qu'on la
constate aussi parfois en haut limousin. Ex.: longe, lonh,
loun; — besonh, besoun. Chez nous, on préfère, en général,
les formes résultant de la dissociation des éléments de nh
(n-y) et de leur transposition, formes déjà usitées d'ailleurs,
concurremment avec les premières, dans la langue classique .
Ainsi nous disons louen ou luen, besouen et plen (=i platngj, où
la diphthongue ai, probablement sous l'infiuence française, est
* Entre deux voyelles, ne, par exception, a donné égalcmeol nh dans
trounho^ si du moins, comme je suppose, ce moi, qui signifie soudie,
tronc, vient bien d'une forme vulgaire et féminisée de truncus. Mais il
est probable qu'une mutation du c en 9 avait dû précéder. PareillCTsent
fanho, s'il vient de *fan(i)ca (pour *famica) a dû passer par *fanga,
comme le prouve d'ailleurs le fr. fange.
'Ex.: ano =annum.
GRAMMAIRE LIMOUSINE 423
devenues*. DansjMn, ^=: junh de junius, nous avons, comme
en bas limousin, rejeté simplement Vy du nh •. Dans tous les
cas, que Vy associé à Vn se transpose ou disparaisse, cette
dernière consonne se conforme toujours à la règle générale
de Vn finale, c'est-à-dire qu'elle perd sa valeur propre et
n'est plus que le signe de la nasalité de la voyelle ou diph-
thongue antécédente. Même, dans deux ou trois mots d'un-
usage très-fréquent, elle s'est complètement effacée. Tels sont
perpai (poitrine) = perpoing ^, pouei 'no et pei 'no = point (ou
ponh) una.
Les relations d'échange, que nous avons vu plus haut unir
letn, existent aussi naturellement entre là eink. Ces deux
consonnes composés peuvent donc permuter ensemble. C'est
ce qu'on voit dans borlhe, comparé au français borgne et à
l'italien bornio, et dans tourlhou, qui se dit en bas limousin
pour trounhou (= fr. trognon)^ usité chez nous.
Camille Chabaneau.
(.4 suivre.)
' De même eiten = estaing, autre forme de estanli (stannum) et eitren
— estrain ou estranh (extraneus) .
• L'ancienne langue nous offre déjà cette forme réduite à côté de la
forme complète. — Eitan (stagnum), qu'on pourrait ôtre tenté de citer
comme un autre exemple du rejet de J'y de nh, provient non de estanh*
mais d'une deuxième forme concurremment usitée, estanc, ou le g de
stagnum, au lieu de se ramollir, s'était au contraire renforcé en se
transposant. De cette forme estanc dérive le féminin eitancho (stanca
dans Raynouard).
^ Cette étymologie paraît certaine, le vêtement qui recouvrait la poitrine
étant devenu, par métonymie, le nom de la poitrine elle-même. Voici»
d'ailleurs, la série des modifications, toutes parfaitement normales, que
supposa le passage de perpoing k perpai : perpoig, perpouei^ perpeij per-
pai. Lo môme procès (sauf la perte de la nasale) se remarque dans
(ajpraimo = (a)preimo :=(a)proueimo = aproisma {approximat) et dans
sai ^ sei - souei = soi (sum,.
NOTE
SUR UNE VARIÉTÉ DU SOUS-DIALECTE DE MONTPELLIER
Le petit poëme la Vù^adona, dont nos lecteurs apprécie-
ront le mérite, est Tœuvre d'un homme qui a reçu pour uni-
que instruction littéraire les leçons de Fécole primaire de
son village. Il est vrai que la maigre semence est tombée sur
un sol fertile, et que le goût des lectures sérieuses a contribué,
à développer d'heureuses dispositions naturelles. Mais ces
productions, en quelque sorte spontanées, de Tesprit et de la
langue méridionale, n'en fournissent pas moins un argument
sérieux à opposer aux adversaires des idiomes provinciaux.
Jamais un habitant de nos campagnes, quelque bien doué
qu'on le suppose, ne parviendra à penser avec cette netteté,
à s'exprimer avec ce charme, dans une langue qui ne sera pas
celle de son village, et qui ne s'adaptera pas à la description
de la nature telle qu'il la voit et la sent .
Tandis que, pour l'homme du monde, un seul terme suffît
à exprimer, par exemple, l'idée d'eau qui coule, de courant,
le laboureur, le berger, qui a observé des courants de phy-
sionomie diverse, — courent, Heu, regola, rajdu*, — éprouve
le besoin de rendre chaque particularité par un mot distinct
et non par une périphrase pédante. Pour lui, coula, tresemAlâ,
régoulà, de même que regarda, agachà, espinchà et espinchounâ,
sont autant de nuances à chacune desquelles il faut un
terme correspondant. Forcez-le à s'exprimer en françî^s, il
transportera dans la langue imposée des expressions et des
tournures dont son esprit ne peut se passer, et qui varieront
' Hieu signifie à la fois le ruisseau considéré dans son ensemble et
l'eau courante du ruisseau. l{egola peut difficilement se traduire par ri^
§ù!e ; ce dernier mot ne désigne gaère que le lit «rtlfioldl d*un courant
d'eau, et jamais Teau elle-même.
VAR. DU SOUS-DIALECTE DE MO^TPELLÎKR 425
d'une province à Tautre suivant le sol, le climat, les mœurs
et le caractère des habitants ; vous aurez ainsi remplacé une
langue riche , élégante et expressive, par du français cor-
rompu. C'est pour arriver à ce beau résultat que certains
instituteurs interdisent à leurs élèves Tusage de lalangue d'oc^
même hors de la classe. Il faut voir quelles tortures ces pau-
vres enfants infligent à leur cerveau et à la langue française '
pour rendre les idées que, bon gré mal gré, leur esprit ne
peut concevoir que dans Tidiome maternel ! Ceux qui font à
leurs compatriotes Tinjure de les croire incapables de parler
deux langues, la langue du foyer et la langue des affaires,
et qui essayent de leur enlever le seul instrument dont ils sa-
chent encore se servir pour exprimer leurs pensées, ceux-là
sont des ennemis plus dangereux pour la langue française
qu'ils corrompent que pour la langue d'oc qui leur résiste.
Ce qui nous console de ces inintelligences brevetées, c'est la
sëve, la verdeur, l'originalité, que Ton rencontre dans cer-
taines compositions villageoises.
M. Langlade a écrit dans la variété du sous-dialecte de
Montpellier qui est parlée à Lansargues, bourg de 1,700 ha-
bitants, situé à 18 kilomètres E. du chef-lieu du départe-
ment. Comme je l'ai déjà dit ailleurs, les variétés de sous-
dialecte sont constituées, d'ordinaire, par des différences de
prononciation qui , pour la plupart , ne doivent pas altérer
l'orthographe. Il serait impossible, en effet, de tracer la ligne
de démarcation de nuances qui se fondent Tune dans l'autre,
à tel point qu'en certains endroits on peut constater deux
prononciations différentes d'un même mot.
J'ai fait connaître, dans la Revue des langues romanes (t. P',
p. 119), les principaux caractères du sous-dialecte de Mont-
pellier, tel du moins qu'on le parle dans cette ville ; la variété
de Lansargues se distingue, dès l'abord, de ce type par une
teinte déjà marquée de provençalisme. Ainsi l'a reparaît dans
certains mots à la place de Ve: sian, saren, pour sien, seren *. Il
' Les deux forinoB sant et seul (sanctus) sont également usitées. •—
L'usage s'est introduit ù Montpellier de donner, à rimilation du français,
42ft DIALECTES MODERNES
en est de même de certaines diphthongues, ex.: aùbUdà ;
Montp.^ oublidà; Prov., ôublidn. Mais le trait caractéristique
est une tendance à rallongement des finales, qui fait que d'un
côté Yn s'articule quelquefois à la fin des mots, tels que resc&un*
douïij camin, vin, etc., prononcés à Montpellier: rescoundou,
camij yi; tandis que, d'autre part, le t^, le c et le ch finals,
ne se font pas sentir ; passât, counegut, planet, tngoulef, enfan-
tounet, venguèt, aubourèt, lach, nioch, se prononcent passa,
counegu, plané, trigoulé, enfantouné, venguè, auboure, la, nio.
Je n'oserais affirmer que ces finales deviennent longues,
comme elles paraissent l'être en Provence ; mais, s'il y a une
différence de quantité entre le participe passé et Tinfinîtif
de la première conjugaison , par exemple entre aima, ai-
mer, et aimât (pron. aima), aimé , elle existe plutôt en théo-
rie qu'en réalité. Je crois donc qu'il n'y a pas lieu de sup-
primer ces consonnes finales dans l'écriture, par la seule
raison qu'elles ne se prononcent pas ; mais je pense, d'un autre
côté, qu'on peut admettre comme licence poétique la rime
d'un infinitif avec un participe passé, qui, dans ce cas, s'écrira
exceptionnellement sans t.
Du reste, à côté des formes provençales, nous trouvons les
formes purement languedociennes; ex.: capeloueinoncapéloun.
De même pour la troisième personne du pluriel du présent dé
rindicatif, où l'on ne fait pas sentir Vn: traçoun, vènoun; j^t:
traçou, vènou.
Nous remarquerons encore qu'à Lansargues, de même
qu'en Provence, Ve venant de é ou de i latin, en position, est
une terminaison unique à tous les participes présents, quelle que soit la
conjugaison ; on dit aiment, cantent, au lieu de aimant, cantant. Les écri-
vains ont généralement évité ce barbarisme, aujourd'hui naturalisé dans
le langage parlé; mais dans la langue des campagnes, et en particulier
dans la variété dont nous nous occupons ici, on distingue parfaitement les
participes présents de la première conjugaison, qui doivent se former en
ant, de ceux des autres conjugaisons, qui se terminent en ent.
*.hei final ne se fait pas sentir non plus après une consonne: vist^ aoust,
se prononcent : tn>, aous.
VAR. DU SOUS DIALECTE DE MONTPELLIER .4»
grave : Prouvènça, arqènt, ardent {Provincta, argentum, ar-
dens); que le 6 et le v ne se confondent pas ; que le g devant
c et i et le / sont beaucoup plus doux qu'à Montpellier et se
distinguent du ch: jour, laugeira, brassejant, se prononcent à
à peu près comme djour, laudjèira, brassedjant ; achàs, chival,
chagrin, comme atchàs, tchival, tchagrin. On adoucit autant que
possible les articulations c?/ et tch, sans que cependant la der-
nière se confonde jamais avec la première.
L'r se prononce très-nettement et n'a jamais le son em-
pâté qui, dans certaines localités, le fait ressembler au d.
Les modifications que je viens d'énumérer ont été produites
dans le langage de Lansargues par le voisinage du dialecte
provençal. Mais voici deux caractères qui me semblent parti-
culiers au pays, et dont je ne puis indiquer l'origine:
Le premier, c'est que Vo s'y affaiblit moins facilement en
nu que dans d'autres variétés. Il est vrai que Ton constate déjà
à Montpellier d'assez nombreuses exceptions aux règles de la
iransformation d'o en ou dans le provençal moderne *. Par
exemple, o persiste souvent avant la tonique : tantossada, our-
jolet, rajoletj tronada, lionchou. Mais, à Lansargues et dans
quelques villages des environs, cette répugnance pour l'alté-
ration de la voyelle o est bien plus marquée encore ; bien des
gens y disent; longàs, encordât, grossi, crocut; au lieu de loungas,
encourdat, etc. Il paraît difficile d'attribuer cette disposition à
l'influence du français, qui devrait se faire sentir plus direc-
tement à Montpellier que dans les campagnes environnantes.
Toutes les fois que la forme o et la forme ou ont été également
en usage pour le même mot, M. Langlade a préféré la der-
nière, comme plus conforme au génie de la langue d'oc.
Le deuxième caractère spécial à la variété qui nous occupe,
c'est que / entre deux voyelles se redouble et se prononce
à peu près comme le groupe ni: droite, dronle; brulla, brunlà;
barullà, l)nrunlà ,
m
' Voy., sur celte transformation, l'excellent travail de M. P. Meyer, in-
iitul»' Phonétique provençale, 0. Mémoires de la Société de linguistique
de Paris . )
in DIALECTES MODERNES
Les autres observations relatives au sous- dialecte de Mont-
pellier peuvent s'appliquer à la variété de Lansargues. Je
les compléterai en signalant dans ce sous-dialecte Texistence
de 17 mouillé au commencement de quelques mots : lion, lion-
chou, Hoc, pron. ion, ionchou, ioc (à Lansargues, io). Je rappel-
lerai ici, afin de faciliter la lecture des vers qui suivent, que
IV du conditionnel ne se prononce pas. On dit sa-iè, di-iàs,
pour sariè, dinàs. On a cru devoir écrire le son iu (prononcez
tou) sous sa forme traditionnelle ieu, bien qu'il y ait diver-
gence d'opinions sur ce point.
Ch. de Tourtoulon.
. ■■?•• '.
LA VIRADONA
Noste cèa bln, noste tenraire,
Sonn pèr nons-antre nn paradte.
(IfiSTRAL, ton Canf di Feîibre.)
I
Dins lou baissau de la coustièira,
Au pèd de la richa perièira
Ounte tracoun lou Maravèls
a
Pèr basti palais e castèls ;
Dau roc ounte Fescouda dinda
le sourdis una font tant linda
Que, vista d'amount en aval,
Diriàs un grand got de cristal.
De Sant-Ginièis las jouinas filhas,
Siègue en ivèr, dins sas mantilhas,
Siègue Festieu, à la calou,
Couifadas d'un blanc capelou,
Traduction
LA VlRfcDONÉ
A la base du cùteau, - - an pied de la riche cariière — d*où l'on
extrait le Maravèls * — pour bâtir palais et châteaux; — du rocher
où l'outil (lu carrier retentit, — jaillit une fontaine si limpide, —
qu'en la regardant d'en haut — vous diriez un gmnd gobelet de cris-
tal.— De Saint-Geniés les jeunes filles, — soit en hiver dans leurs
mantilles*, — soit en été parla chaleur, — coiffées d*un petit cha-
' Pierre de qualité supèii.'ure de Saiut-Geniés.
^ Manteau à ca|iuchoo, en usagA dans les environs de IlonlpeUfer.
4B0 DULECTES MODERNES
Toujours gaias e fricaudetas,
Lou sourrire sus las bouquetas,
Ohaca matin — se Dieus hou vôu —
Van aqui roumpli soun ourjôu.
D'una man lâugèira e sens pena
Cabussoun la rusta cadena
D'un vihè, naut couma un gigant,
Que rena e crida en brassejant.
De Taiga frescamen tirada
Tetoun una bona lampada,
Dins la font s'espinchoun un pau,
Pioi, plan-plan, prenoun lou draiau.
Souvent lous jouines amourouses,
Couma toujours prou vergougnouses,
Quand es pèr se dire quicon,
De rescoundoun van à la font.
La jouina filha — achàs la rusa ! —
Pren soun ourjou pèr desencusa.
Vous dirai pas à quau s'en pren
Se la nioch pèr fes lous surpren .
peau blanc, — toujours joyeuses et coquettes, — le sourire sur les
lèvres, — chaque matin, si Dieu le veut, — vont y remplir leur cru-
che. — D*une main légère et sans fatigue, — elles font plonger la
rude chaîne — d'un levier* haut comme un géant qui gronde et crie
en agitant ses bras. — De Peau, dès qu'elle est puisée, elles tettent
une bonne gorgée, — dans la fontaine se mirent un peu, — puis, à
petit pas, suivent le sentier. — Souvent les jeunea amoureux, —
comme toujours assez timides, — quand ils ont quelque chose à se
* On appelle tihè en langue d'oc —et Ton a traduit ici par levier — une
machine rustique servant à puiser de Teau. Le vihè se compose d'une
longue perche faisant bascule sur un tronc d'arbre. A Tune des extré-
mités de la perche est suspendu un seau, à l'autre extrémité une grosse
ierre qui sert de contre-poids
LA VIRADONA 481
Que voulès! estent à Foumbreta,.
Bèu droUas e jouina filheta,
Qu'on a sege ans, qu'on s'aima bèn. . .
Ai ! que passa vite lou tèms !
Chagrin, trigos, soucis, tristessa,
Aublidàs tout, bella jouinessa. . .
Quand de moun tèms seres venguts,
La nioch vous surprendra pas pus.
Mes, se perdes de souvenènça
Lous juramens de lajouvènça,
Pèr tant ingrats que devenguès,
Oh ! jamais noun oublidarès
La font e soun oumbra tant bona.
Que chacun aima, que tout prona.
Qu'as vièls fai gau, qu'as jouines plai. . . .
Aqui la Viradona jai.
II
Es aqui que jai dedins sa bressola,
dire, — en cachette vont à la fontaine. — La jeune fille (voyez la ruse)
— prend sa cruche pour prétexte. — Je ne vous dirai pas à qui la
faute, — si la nuit parfois les surprend, — Que voulez-vous?,..
Lorsqu'on est à l'ombre, — beau garçon et jeune fille, — que l'on a
seize ans, qu'on s'aime bien, — ah ! que le temps passe vite î —
Chagrins, fatigues, soucis, tristesse, — vous oubliez tout, belle jeu-
nesse. — Quand à mon âge vous serez arrivés, la nuit ne vous sur-
prendra plus. — Mais, si vous perdez la souvenance — des serments
du jeune âge, — pour si ingrats que vous deveniez. — oh! jamais
vous n'oublierez — la fontaine et son ombre si bonne, — que cha-
cun aime, que tous vantent, — qui réjouit les vieillards, qui plaît
aux jeunes gens. . . — C'est là que la Viredone gît.
II
(^'est là qu'elle est couchée dans son petit berceau ; — c^est là
488 DiALECTfitf MODURNES
ES aqui que nais ; mèa dins la regola,
Ai ! couma pigreja e s'envai planet !
Pèr ma fe, dirià^ un enfantounet
Que tout-escasseta es sourtil de muda.
Quand à sous penous la força es yenguda,
Lou ^àu1)i ie pren de s'en anà soûl ;
De sa maire alor bandis lou ginoul . . .
Mes à chaca pas s'abrounca, trantalha.
Agroupa sas mans contra la muralha;
Mouquet, regret ant lou repaus dau brès,
Se tança en virant la testa en arriès.
Ansinda, bèu rieu, fas à ta salida.. .
De que te retèn ? Es-ti la manida
Qu'ai vist un matin davalant dau piocli
En resilha negra, apouloun de nioch,
Que* t'a d'iols negrats couma d'agrunellas,
E que, pèr toussi las longas trenellas
De soun peu floucat, lusènt, imourous,
» Dins toun lin de avenc chaucha sous detous?
Reorrètes helôu lou garnit tracaire.
qu'elle nait. Mais dans sa rigole, — oh ! la paresseuse ! comme elle
s'en va lentement I — Par ma foi, l'on dirait un petit enfant —
qui sort à peine du maillot. — Quand à ses petits pieds la force est
venue, — l'envie le prend de s'en aller seul. — De sa mère alors
il abandonne le genou, — mais à chaque pas il bronche et chancelle;
— il applique ses mains contre le mur; — boudeur, regrettant
le repos du berceau, — il s'arrête en tournant la tôte en arrière.
— Ainsi, gentil ruisseau, fais-tu à ton départ. — Qu'est-ce qui
t.p retient? Est-ce la jeunelille — que j'ai vue un matin descendant .
do la colline — en résille noire, corsage de nuit, — qui vous a des
yeux noirs comme des prunes sauvages, — et qui, pour tordre les
longues tresses — de sa chevelure bouclée, brillante, moelleuse, —
dans fou eau limpide trempe ses petits doigts? — Tu regrettes peut-
être le vigoureux carrier — qui frappe là-haut en long et en large
LA VIRALOKA * 433
Que tusta ailamount de long e de caire,
Dau matin au vèspre, en toutas sesouns,
Derroucant perpins, bougets e cairouns ;
Que vèn aiçaval à la caumagnassa
Emé soun flascas mudat de bourrassa;
Qu'en sermant soun vin nègre e capitous,
Dins toun rajolet mescla lous dégoûts
Que soun front relent de-longa escanapilha.
S'acù soûl te tèn, pos segui ta via.
Bota, n'en voiras belèu mai qu'en-naut
J)e poulits mourrets que te faran gau.
le veiràs tambôn lou ruste trimaire
(jrimblat sus lou tal, lou coutre e Taraire.
Million, vers Sent-Jan, lous jouines gavots,
Es(îapant voulams, bandissent esclops,
Aucop demiejour, quand lou blads'espoussa,
Lous veiràs veni toutes d'una escoussa
Pourtant sus lou col doulhous e barraus;
K pioi à Toumbreta, en peu e descaus,
— (lu matin au soir, en toute saison, — détachant perpins, hougels
et, niirons * ; — qui vient lù-bas à (l'heure de] la chaleur étouffante,
— avec son içios llacon emmailloté de feutre, — et qui, en ajoutant
de l'oau à son vin noir et capiteux, — à ton courant mêle les gout-
tes — (jui tombent de son front baigné. — Si cela seul te retient, tu
tu peux suivre ta route. — Va, tu en verras peut-être plus que là-
haiil — do jolis minois qui te réjouiront. — Tu verras aussi le rude
travailleur — courbé sur la terre qu'il taille, sur le contre ^ et sur la
cliai'rii(\ — Bien miouK. vers la Saint-Jean, les jeunes montagnards
— jetant au loin [leurs] faucilles, quittant leurs] sabots, — sur le
coup (le midi, (juand le blé s'égrène, — tu les verras venir tout
d'une course. — portant sur le cou brocs et barils; — et puis à Tom-
' Pierres ilfi dillérentos dimensions.
* Kspf*co d«? chîiiTue.
^9
434 DlAl.KCTES MODERNES
Veiràs lous gouiats, chacun sa gouiada,
Dansant la gavota e la bourelhada.
Tout acô veiràs, e'ncara ben mai .
S'es pas la beutat que farresta anlai,
Ni mai lou brassiè, de qu'es que te brida?
Auriès-ti pôu d'èstre aval engoulida
Pèr la fendasclassa ou lou caraven
Badant, altérât que be-talamen ?
Cregnes-ti Tarrèst de quauca peissièira.
Ou que la rasclausa e la martulhèira
Desviroun toun aiga à Taise ou pèr saut
Dins lou recantoun d'un proufound agau,
Pèr te fa passa dins Testrecha trapa
Qu'un mouliniè pigre à lésé destapa,
Eboumbi, brusent à flac grumejous,
Sus lou vièl roudan d'un moulin poussous ?
Pèr acô toun aiga es pas destinada,
E de ta salida au founs de la prada
N'as pas res à cregne, o moun paure rieu,
Res que lou brausent alo de l'estieu.
bre, la tête et les pieds nus, — tu verras les jeunes garçons, cha-
cun avec une jeune fille — dansant la gavotte el la bourrée. — Tu
verras tout cela, et l)ien d'autres choses encore . — Si ce n'est pas
la beauté qui t'arrête, — si ce n*est pas le travailleur, qu'est-ce qui
te retient? — Aurais-tu peur d'être engloutie dans ta course — par
la crevasse ou le gouffre — béant et altéré? — Crains-tu d'être ar-
rêtée par quelque digue, — ou que l'écluse ou la vanne — dé-
tournent ton eau, doucement ou par bonds, — dans le recoin d'un
profond réservoir, — pour te faire passer par l'étroite ouverture —
qu'un meunier paresseux débouche à son gré, — et bondir bruyante,
en masse écumeuse, — sur la vieille roue d'un moulin poudreux?
— A cela ton eau n'est pas destinée, — et, de ta source au fond
de la prairie, — tu n'as rien à craindre, mon pauvre ruisseau, —
rien que la brûlante haleine de l'été.
LA VIRADONA 435
III
Avant ! camina e regoula à grand èrsa !
Te veja-aici trempassant la traversa
Qu'autant que tus d'unpau mais conita d^àris.
Lous ditatous e lous consous rouniaris
D'aquel draiau n'avièn fach la grand via
Que seguissièn, de Rouma en Iberia,
Lous capouliès de sas grandas légiouns.
Se capitant dins las caudas sesouûs,
Centuriouns, souldats e caps d'armada,
En bivacant sus ta douga embaumada,
Bevièn toun aiga erabé tant de furou
Que te me tien presque à Tassecadou.
IV
As vist mai-que-mai lous anciens Graleses,
Longa-raai avant que d'estre Franceses,
Plens de foga, ardits, parant pas à pas
111
Kn avant! chemine et coule à grands flots I — Te voici franchis-
sant le chemin — qui compte presque autant d^années que toi. —
Les dictateurs et les consuls romains — de ce sentier avaient fait
la grande voie — que suivaient , de Rome en Ibérie, — les chefe de
leurs grandes légions. — S'ils se trouvaient là par les grandes cha-
leu s, — centurions, soldats et chefs d'armée, — en bivooacp^anfrt
s ir tes rives embaumées, — ils buvaient ton eau avec tant d'avidité
— qu'ils te laissaient presque desséchée.
IV
Tu as vu souvent les anciens Gaulois, — bien longtemps avant
que d'être Français, — pleins d*ardeur et de courage, défendant pas
436 DIALECTES MODERNES
La Gaula, sous dieus e sas libertats.
Detràs lous roucas qu'esquichoun ta rasa,
Defendièn tant ben toun estrecha gasa,
Que lous qu'an fach testa à tant de naciouns
Toumbavoun aqui pèr rengs à moulouns ;
E toun aiga linda, e sana, e clarina,
Se tenchava lèu coulou de sanguina,
Gourgoulhant en miech d'orres bastardèls
De chivals matats, d'ornes en moussèls.
As encara vist la longassa tièira
D'ornes encourdats couma bestia en fièira,
Encadenats, muts, soumbres, Taire inquiet.
0 paure Gales ! paure prisouniè !
Lous as vist gasant toun aiga amistousa,
Saupejant sous cops, sa fàcia terrousa,
Toumbant sa lagrema en te bénissent,
Pèr lou cirque mai de força partent.
E Charle- magne e soun armada franca,
Couma un vièl tau'qu'an ferrejat dins Tança,
à pas —la Gaule, leurs dieux et leurs libertés. — Derrière les rochers
qui resserrent ta rive, — ils défendaient si bien ton gué étroit, -^
que ceux qui ont tenu tète à tant de nations — tombaient là par
rangs, entassés; — et ton eau limpide, saine et transparente, — se
teignait bientôt couleur do sang, — écumant entre d'horribles digues
— de chevaux morts, d'hommes en lambeaux. — Tu as encore vu
la trop longue iile — d'hommes attachés comme bétail en foire , —
enchaînés, muets, sombres, le front inquiet. — 0 pauvre Gaulois I
pauvre prisonnier! — Tu les a vus guéant ton eau amie ; — essuyant
leurs blessures, leur visage couvert de terre, — versant des larmes
en te bénissant, — puis repartant de force pour le cirque.
Et Gharlemagne et son armée franque, — comme un vieux tau-
LA VIRADOSA
L'as-ti pas vist fugissènt Rounçaval!
Passa à Beziès, Frouutignan, Mirava!,
Vei Magalouna e sa glèisa en rou'ma.
De-l'oura-en-lai un penaamen lou mina,
Ni Mount-pelii', que n'èra alor qu'un ma^,
E que pèr tèms sera lou grand Clapàs ;
Ni soiin bèu 36u couma se n'en vei gaire.
Ni soun sourel, l'es noun pot, lou distraire .
Passa lou Lez au pont de Sustancioun,
Gafa ta gasa e, vers lou flèr Saiasoun,
Soumbre, apensi, camina en grnnd despaeha;
Couma toujours, Tacipa en mala-facha,
L'escrapouchina e rel'rcsca amonndaut
Sous rams paasîta dîna nostre Miejournau.
VI
Aqueles guerrios bniles, sauguiiiouses.
De la douça pas enemics ftiriousea,
Que t'an trepilhat sens fà cas à t,ua.
reaii qu'on a frappé du trident à la hanche. — ne l'as-lu pas vu
fuyant Roncevaux? — Il passe par Béziers. Prontignan, Mireval; —
il voit MagiiElone et son éijlise en ruine». — De.'! ce moment une
pensée le ronge. — Ni Montpellier, qui n'était alors qu'uue métairie
— et qui avec le temps sera le fjfand Cltipih*. — ni son beau 6o'
comme Ton en voit peu,— ni son soleil, rieu no peut le distraire. —
Il franchit le Leï au pont de Suhstanlioa. — passe Ion gué, et vers
le lier Saxon,— sombre, pensif, themine en grande liille.— Comme
toujours il le surprend en méfait,— l'écrnse, et rafFnichit daii.s les
pays du Nord — ses lauriers llètris dans noire Midi.
VI
Ces guerriers brutaux, sanKiiinaires, — de la douce 'pais. ennemis
acharnés, — qui -t'ont piétiné sans prendre ^arde à loi, — par les
' Clapài, Inide pierres, surnom de Montpdlier.
488 DIALECTES MODERNES
Pèr lous vièl8 escrits nous soun couneguts.
Lous vesèn detràs lou fioc, la fumada,
D'un endrech rasat, d'una vila usclada,
Bachuchats de sang das pès au galet . . .
Tus, dins aquel tèms, fastoun trigoulet:
Reviscoules flou, grel, fiolha, aubre, planta;
Abéures Taucèl qu'au bord dau nis canta.
Mema quand, pèr fes, la fouliè te pren,
De toun gras limpun fumes lou terren.
Quand sus toun dougan, de-vers las garrigas,
Lou pastre çai ven embé «as beligas,
le trova subran Toumbra e la frescou.
Ah ! s'enchauta be, lou paure pastrou,
Que lou grèu poussé que Tavé rebala
Age poussejat jouta lacavala
Qu'empourtava anlai lou grand Scipioun.. .
Ai ! ai ! quanta esc orna e quanta liçoun !
Proufltas-n'en donne, bregouses destrùcis,
Vautres Alemands, Franceses e Rùssis,
Hou vesès, laguerra es un grand baujun,
Lou renoum que dona es res que de fum ! . .
vieux écrits nous sont connus. — Nous les voyons à travers le feu,
la fumée — d'un village rasé, d'une ville en ruines. — souillés dff
sang des pieds à la gorge. — Toi, pendant ce temps, tu fais ton
petit murmure ;— tu ravives la fleur, le bourgeon, la feuille, Tarbre,
la plante ; — tu désaltères l'oiseau qui chante au bord du nid. —
Aième, si parfois la folie s* empare de toi, — de ton limon fertile tu
engraisses le sol. — Quand sur les bords, du côté des garrigues, —
le berger vient avec ses brebis, — il trouve à l'instant l'ombre et
la fraîcheur. — Ah ! il se soucie bien, le pauvre petit berger, — cfue
la lourde poussière que roulent ses brebis — ait tourbillonné soas la
cavale — qui emportait au loin le grand Scipion. — Hélas ! hélas !
quel affront et quelle leçon I — Profitez-en donc, batailleurs et des-
tructeurs;— vous Allemands, Français, Russes, — vous le voyez,
la guerre est une grande folie ; —le renom qu'elle donne n'est qtie
fumée.
LA VIRADO^A 439
VII
Mes, tout en fasent ]a chamada,
Toun aiga vai èstre arrivada
A rintrada dau grand planas.
Te seguisse de tras-en-tras ;
Vese tas ribas escartadas
Ajougnidas pèr dos arcadas.
Sus lou camin qu'es d'anivèl
Dau terren e dau parapèl,
Dous pareiats de longas rèlas,
De la vapou soustas fidèlas,
S'alongoun sus lou s6u pèirous
Couma de coulobres moustrous.
Tout-d'un-cop, à Foura sounada,
La pensada es destressounada
Pèr lou sambroun e la bourjou
Qu'en baruUant fai la vapou.
Diriàs que la mar se rebilha
En fora de Tauta mountilha
Que Dieus aubourèt tout-de-long,
Disent: a Anaràs pas pus lion.»
VU
Mais, tandis que je parle, — ton eau va être arrivée — à rentrée
d« la grande plaine. — Je te suis pas à pas. — Je vois tes rivés
écartéoB, unies par doux arcades. — Sur le chemin qui est au niveau
-— du sol et du parapet, — deux paires de longs rails,^ de la vapeur
guides fidèles, — s'étendent sur le sol empierré— comme des ser-
pents monstrueux. — Tout à coup, à Theure sonnée, — la pensée
est réveillép — par l'ébranlement et le bruit — qu'en roulant fait la
vapeur: — on dirait que la mer se précipite — au delà de la haute
barrière — que Dieu a élevée tout le long devant elle, — en disaot:
440 DIALECTES MODERNES
Mes mai vai, mailou bruch redoubla. . .
Bestiau d'avé, bouïna, coubla,
Preses d'un grand reboulimen,
N'ausissènt ni coumandamen.
Ni la cridada dau menaire,
Aupetoun pèr tout lou terraire.
La sauvagina, Tauceloun,
Dins Taire ou|vers lou rescounfloun
— Tant la terrou lous devaria —
A bel ime prenoun sa via,
De tout soun van, afalenats,
N'ausant pas espinchà detràs.
Mes la vapou !.. De sa narrilha
Lou fum salis e s'escampilha ! . . .
Diriàs que tout vai s'abissà. . .
Es en vista ! . . . Vèn ! . . . A passa ! ! ! . .
A passa couma la tronada.
Ai ! quante van ! quanta bramada !
Mema Tome, soun creatou,
Se tança, agantat de terrou !
E tus que siès tant minsourleta,
Qu'una mejana granoulheta
« Tu n'iras pas plus loin.» — Mais à chaque instant le bruit redouble;
—troupeaux de brebis, bœufs, attelages, — pris d'un grand trouble,
— n'entendent ni le commandement,— ni les cris de celui qui les
conduit, — et galopent à travers champs. — L'animal sauvage, l'oi-
seau, — à travers les airs et vers leur repaire, — tant la terreur
les trouble, — s'enfuient étourdiment, — de tout leur élan, hors
d'haleine, — n'osant pas regarder en arrière. — Mais la locomo-
tive!. . . De ses narines — la fumée sort et se répand; — on dirait
(jue tout va s'abimer. — Elle est en vue. . . elle vient. . elle est
passée !.. — elle est passée comme la foudre. — Ah ! quel élan et
quel bruit! — L*homme lui-même, qui Ta créée, — s'arrête, saisi de
terreur. — Et toi qui es si mignonne, — qu'une petite grenouille —
te franchit d'un bond sans toucher l'eau, — toi qu'à peine on voit
LA VIRA DON A
Te sauta d'un van sens bourla,
Tus qu'à pena on vei trescoul:
Dins toun pichotet jas de grav
Eh he ! quand la vapou siblav
Quand tout tramblava, tout-
Tus soula, n'aa ges fach de i;;
Pèp que te siès pas treboulida
— Ea que, dina Ion eoua de ta vida.
N'as tant vist d'emboudenamens,
Brounzins, tremols, engi'unamens !
As vistbelèu sourdre déterra
Sant-Loup, lou Causse de la Sen-a:
Quand lous rots que te fan rampai'
Bourlavoun dins la granda mar
E vesièn ma dura lou date ;
Quand lou aerre vinous d'en Ate
Mandava dins l'aire brausëtit
De lamps de lioch mai trelusèut.
De rampeladaa ben mai viva.:-
Que toutas las louomotivas
E lous auts-fournèls i-eiinitB.
couler — sur Ion petit lit île (yilloux, — eh liionl i|iiKn(l l.i vappur
sifflait, — quand tout tremblait à l'insianl, — toi seule lu n'en uë
fiiil.aucuii cas. — Pourquoi ns t'es-tu pas troublée? — U'csl ((Ue,
dans le cours de ta vie, — tu en as tant vu d'écroulenieniB, — ilu
hniitf., lie chocs, d'effondrement! ! — Tu as \u peuL-i^Ire surgir de
terre — le9iiint-Loup. le Ciinsse-de-ln-Serre *;— quand !ns roi^ere
qui le font un rempart — baignaient dans la gnin<to iner — et
voyaient mûrir la datte ; — ijuand In moiiLaiîne vineuse d'Afiile* —
lançait dans l'air embrasé — des jctii de l'eu plus L^clatants, — dei:
roulements bien plus vifs — que toutes le» locomotives — et les
' MonlSRnec du l'Hérault,
' Volcan iMeinl.
44t DIALECTES MODSR^ES
E toutaoè, quand tus Tas vist,
L'ome èra encara un grand mistèri. .
Saren toutes au cementèri,
D'astres se saran damoussats.
Qu'encara tus bresilharàs.
VIT
Aici Valergues, bèii vilage ;
Se miralha dins toun rajôu ;
Es amagat dins lou ôolhage
Couma lou nis d'un roussignôu .
* ♦
Dau castèl Toumbrousa clausada
Vèn espinchounà sus toun gourg :
Es tant espessa, tant ramada,
Que fai la nioch à plan de jour.
* 9
De la terrassa on vei Tarcada
Que sousta lou pichotpountil,
Ounte toun aigueta esquichada
Fai ressounti soun dous bresil,
hauts-fourneaux réunis ;— et tout cela quand tu l'as vu, — Phomme
était encore un grand mystère. — Nous serons tous au cimetière,
— des astres se seront éteints. — que tu gazouilleras encore.
VIII
Voici Valergues, beau village; — il se mire dans ton eau; — il
est caché dans la feuillée — comme le nid d'un rossignol.
*
Du château l'enclos ombreux — vient regarder dans ton gouffre.
— Le feuillage en est si épais, si touffu, — qu'il fait la nuit en plein
jour.
m m
De la terrasse on voit l'arcade — qui soutient le petit; ppnt^-r
où ton eau resserrée — fait entendre son doux gazouilleoient.
hA vifUMiiê. m
¥ m
Dous bresil que la ValergoU
De sa cansouneta groussis,
Quand passa ou que dins ta rigola
Lava, bacella e retoussis.
* *
E pioi, dins la plana infinida,
Das iols seguisse toun courrènt,
Quoura d'una granda espandida,
Quoura prim couma un fleu d'argèftt.
IX
Viradona, siès ben noumada. .
Se d'aquel noum t'an batejada,
Es que, de ta sourça aiçaval.
En passant la dona se vira,
S'arrèsta, s'espincha, f admira:
De la bèutat siès lou mirai !
« «
Doux gazouillement que la Valergoisc— de sa chanson grossit, —
quand elle passe ou que dans ton eau — elle lave, bat le linge et
le tord.
*
« «
Et puis, dans la plaine intinie, — des yeux je suis ton coumnt,
— tantôt d*une grande étendue, — tantôt mince comme un fil
rl'argent.
IX
Viredone, lu es bien nommée ; — si de ce nonn on t'a bapti«^,
— c'est que de ta source jusquMci, — en passant la femme se re-
tourne, — s'arrête, te regarde et t'admire : <*•- de la beauté tu es le
miroir.
444 DIALECTES MODERNES
* «
Sariès encara mai poulida,
S'un jour d'autouna entre-foulida
Rasaves toun gourg de Crousé,
Ounte dins de bauraas founsudas,
La Mort, em sas arpas croucudas.
Clava sa proia à soun lésé.
¥ *
De rinmensa plana vinousa
Que toun courre nt crousa e recrousa
As davan tus lou majourau :
Lansargues, lou gros travalhairc ;
Lansargues, lou gai festejaire ; .
Lansargues, riche e liberau.
« *
Lansargue, aiçai passât las sègas,
Ausis lou trepil de las ègas.
Dins sous baissaus, au mes de mai.
♦ *
Tu serais encore plus jolie si, un jour d'automne, courroucée,
— tu comblais ton {^oullre de Crouzet. — où, dans des grottes pro-
fondes,— la mort, avec ses doigts crochus, — saisit sa proie à loisir.
* *
De l'immense plaine de vin — que Ion courant croise et recroise
— tu as devant toi le chef; — Lansargues, le vaillant travailleur;
— Lansargues. le joyeux festoyeur; — Lansargues riche et gé-
néreux.
Lansargues, après la moisson, — entend le piétinement des
chevaux *. — Dans les bas fonds, au mois de mai, — la faux
^ Las ègas sont Ijs chevaux do la Camargue dont on se sert pour
battre le blé.
LA VIRADONA 445
La dalha c roussis dins lou fourre,
Ë, quand aoust s'envai sens plôure,
Ta de vin, de vin que-noun-sai.
Lansargue ! endrech de ma naissença,
Te mon de ma foUa jouvença.
De mous bèus jours disparescuts.
T'aime, — que servis d'hou rescondre ?
Mes, bèu rieu, pode te respondre
Qu'es un pau pèr amor h tus.
Te quitère d'un cop de testa ;
Lion de tus ai vist la tempèsta.
Ai trementit jout soun esfor.
De la fam oumbrenca e mourruda
Ai sentit la rusta mourduda,
Ai sentit Talen de la mort.
craque dans le fourrage, — ot, quand aoùl passe sans pluie, — il y
a du vin. du vin ii foison.
I.ansariîues, lieu de ma naissance, — témoin de ma folle jeu-
ne>c, — do mes beaux jours disparus, — je t'aime; pourquoi le
cacher? — Mais, beau ruisseau, je puis t'assurer— que c'est un peu
à cause de toi.
* ¥
Je te quittai par un coup de tête. — Loin de toi j'ai vu la tempête,
— j'ai frissonné sous son effort ; — de là faim morne et farouche
— j'ai st^nti la cruelle morsure, — j'ai senti le souffle de la mort.
«M DIALBCTBS MODBRNES
*
En trevant Ift sabla movvènta
Das déserts de TAfrica ardènta.
Te siès moastrada bèn de fes
A moun idèia pantaiaira,
A travès la lionchou troumpaira,
Regoulant dins tous verds rausets.
Mes la fouliè destimbourlada,
Un pau partout Tai semenada :
Dins ma testa ara fai bèn siau .
Pioi, aici Tamour m'encadena :
L'amour de tus e de ma fenna,
Das enfantous e de Toustau .
T'aime quand, de ploja couâada^
Fas tr^menti la vièlha aroada^
T'escampilhes, devapoiOTada,
Pèr camp, pèr orta, pèr camin,
Alin !
Quand je parcourais les sables mouvants — des dései'ts^ de
r Afrique brûlante, — tu as apparu bien souvent — à ma pensée
rêveuse, — à travers le lointain trompeur, — coulant dans tes verts
roseaux.
*
♦ ♦
Mais la folie échevelée, — un peu partout je l'ai semée ; — dans
ma tête maintenant tout est calme. — Puis ici l'amour m'enchaîne:
— l'amour de toi et de ma femme , — des petits enfants et de la
maison .
X
Je t'aime quand, par la pluie gonflée, — tu secoues la vieille ar-
cade ; — quand tu te répands échevelée — par les champs, les prés,
les chemins, — au loin.
LA V1RAIX)NA 447
* ♦
T'aime quand vese jouina filha.
Que dins soun cor Tamoar bresilha,
S'engafà fins à la cavilha,
Pèr prene un ban fres dins toun rieu,
L'estieu.
♦ ♦
T'aime quand la jouina fenneta,
A l'oumbra, plèga la fardeta
De soun prumiè nascut, que teta
Un sen roundelat pèr l'amour
Au tour.
♦ ♦
T'aime quand dins la tantossada,
Suslou bartàs de ta rasada,
S'adraca la fresca bugada
Lusènta couma un blanc ridèu
De nèu.
* »
Ploure quand lou sourel dardalha
Dins ta maire que s'abadalha ;
♦ *
Je t*aimp (luand je vois jeune lille, — à qui l'amour gazouille au
cœur, — s'enfoncer jusqu'à la cheville, — pour prendre un bain frais
dans ton courant, — l'été.
•n ♦
Je t'aime quand la jeune femme, — bre, replie les langes
— de son premier né, qui tette — un sein u rondi par les amours —
au tour.
*
Je t'aime quand, dans l'après-midi, — sur les buissons de ta
rive, — sèche le linge moite, — luisant comme un blanc rideau
— do neige.
Je pleure (juainl le soleil. danlo ses rayons — dans ton Ht qui se
448 DULBCTBS MODERNES
Tout-escas se vese ta draia
Nenquelida pèr las calous
D'aoust.
IX
Mola toun aiga ! o mola ! mola encara !
Sian clins la prada, e la mala-aiga amara
T'espéra aval dins Tinmense caniè.
Revira-te de-vers Camp-Centeniè. . .
Mes no... vai, vai, seguis ta destinada :
Siègues palus, estang, plena, salada ;
Au grat deToire, un bèujour agandis
Ounte tout coumenca, ounte tout finis.
Lansargufts (Krau), lou sièls d'abrieu de 1873.
A. Langlada.
crovassp ; — à peine si je suis ta trace — effacée par les clialeiirs
— d'aont.
XI
Ralentis ton eau. Ah ! ralentis, ralentis encore! — Nous som-
mes dans la prairie, et Teau stagnante des marais — t'attend là-bas
dans l'immense plaine de roseaux. — Retourne près de Camp^
Cenlenil'. *; — Mais non, va, va,* suis la destinée: — deviens ma-
rais, éiang, reflux 2, eau salée; — au gré dn remous^, un jour ar-
rive, - où tout commence, où tout finit.
Lmisargues (Héraults le G av.il 187:1,
LANULAIlt:
' Tènement des environs de Lansargues.
- La plena est l'eau d'un Qeuve ou d'un^ rivière nu point où la mer la
fait retluer.
^ Ou appelle oire los petites vagues «les étangs.
DE QUELQUES IMITATIONS MODERNES DE LA POÉSIE
DU MOYEN AGE
La Cansô del prosBernart et la Complanta d'En Guillem, par M. Milâ
y Fonlanals ; -^Sisuald et la Cansô d'En Francesch de Vilanova de Cu-
bellesy par M. Llorens de Gabanyes; — la Cansô del comle dVrgell En
Jaume lo Desditxal, par M. Albert de Quintana^.
ï
Les imitations dont je veux parler sont nées dans un des
pays de l'Europe où les idées modernes ont fait les plus sérieux
progrès ; et ce n'est pas sans surprise que Ton voit, en plein
XIX^ siècle, la chanson de geste reprendre, dans les pays ca-
talans, son rang de poëme populaire, pour se mêler même
parfois, d'une manière plus ou moins directe, aux luttes de
la politique.
L'explication de ce fait, étrange en apparence, se trouve
dans le caractère des populations de la Catalogne. Le Catalan
a une passion qui le domine : c'est l'amour de son pays, de
sa terre, comme il dit. Cette terre, il l'aime dans sa nature,
dans son histoire, dans ses institutions, dans ses mœurs, dans
sa langue, dans sa poésie. Sous quelque drapeau qu'il se range,
le Catalan est profondément traditionaliste, et cependant per-
sonne n'est moins que lui esclave de la routine et du préjugé.
Il va mémo avec une certaine ardeur au-devant des réformes ;
mais son esprit, pratique et poétique à la fois, aimeà conserver
du j)assc ce qui n'est pas incompatible avec les nécessités du
piN'sent. En un mot, il sait être de son siècle, sans renier ce
qui fit dans tous les temps la force, la grandeur ou seulement
* Jo ne m'occupe que des compositions que j'ai pu lire. Ce ne sont pas
les Fculos imitations de la poésie du moyen âge qui aient paru en Gata-
iogne dans ces dernières années. On peut ranger, entre autres, dans la
même ratégoiie los Romanços del compte de Barcelona Ramon Berenguer
anomenal lo Vell, œuvre — si je ne me trompe — de M. Ubach y
Vinyeta. couronnée aux Jeux floraux de 1870, et dont je ne connais que
le titre.
30
450 DIALECTES MODERNES
Toriginalité de sa nation. Voilà pourquoi, tout en acceptant
les procédés poétiques aujourd'hui à la mode, il garde à côté
d'eux une place pour les vieilles formes, dont se revêtent de
préférence les chants du foyer et les légendes du sol natal.
Il faut remarquer cependant que parmi les anciennes poésies
populaires, si nombreuses en Catalogne, on n'en trouve peut-être
pas une seule qui renferme le récit d'événements historiques.
M. Milà a dit, dans ses Observaciones sobre la poesia popular:
a Si incontestable que soit l'antiquité de certaines chansons,
cependant les données historiques qu'elles renferment sont
très-peu nombreuses. Bien que nous respirions dans notre
poésie de tradition l'air de la patrie, et que de rares noms et
de rares allusions rappellent son passé, il est à la fois sur-
prenant et fâcheux que, de tant de vieilles gloires, il n'y en
ait pas une seule dont le tableau complet soit parvenu jus-
qu'à nous Nous avons dans nos chants l'esprit provincial,
mais sans les faits et les peintures. »
Dans le Romancerillo qui suit les Obse^waciones de M. Milâ,
dans la collection si curieuse des Gansons de la terra, publiée
par M. Pelay-Briz, c'est à peine si l'on trouve quelques chants
empreints d'une vague teinte historique, et encore n'est-ce
le plus souvent qu'une allusion locale recouvrant un thème,
commun à plusieurs pays. Ainsi la légende du Chasseur noir,
ou de ÏA7ne damnée, est appliquée à un certain comte Amau,
dont le peuple désigne le lieu d'origine et la parenté. On
ajoute, comme preuve, que la famille de ce comte faisait dis-
tribuer jadis, par les moines de RipoU, une aumône à laquelle
les pauvres ne répondaient jamais par les paroles sacramen-
telles : Déu H pach, Dieu le lui rende *; car, selon la croyance
du pays, les prières faites pour les damnés ne servent qu'à
aggraver leurs souffrances :
« Que corn mes me feu l'oforta mes pena mVlau. »
a Et plus vous faites d'offrandes pour moi, plus vous me donnez de
tourments 2. »
' Milâ y Fontanals, Muestras de romances catalanes inéditos.
' Pelay-Briz, Gansons de la terrai l, 58.
IMITATIONS DE LÀ POESIE DU MOYEN AGE 451
Au même genre de chants et de légendes on peut rattacher
la Dama d'Arago, los Estudiants de Tortosa ou de Tolosa, la
0
Dama de Tolosa, lo Compte Garî, D. Joan, D, Lluis de Mon-
talbaj lo FUI del Rey, etc.; mais jamais on ne rencontre une
pièce véritablement historique. « D n'y a aucun doute que
des chants de cette espèce ont existé, dit M. Pelay-Briz ; car
ce que tout peuple chante avec le plus de passion, c'est son
histoire même : c'est ainsi qu'il satisfait son amour-propre,
et qu'il obéit à cette voix secrète du cœur qui nous pousse à
laisser quelque chose de nous sur cette terre où nous ne
faisons que passer. — ^^ Mais pourquoi n'en reste-t-il à peu
près aucun, nous demandera-t-on ? — Pourquoi? Par la môme
raison qu'il n'en resterait pas davantage de grecs, d'espa-
gnols ou de français, si trois poètes ne s'étaient chargés de
les immortaliser en les unissant dans une seule trame, pour
en faire V Iliade, le poëme du Cid et la Chanson de Roland.
Pour notre malheur, il nous a manqué ce que presque tous
les peuples ont eu. Soit par le défaut d'un poète au souffle
puissant, soit par cette espèce de réserve et de défiance de
soi-même, propre au Catalan, il est certain que nous sommes
très-pauvres en ce genre *. »
Malgré l'absence de la poésie historique traditionnelle dans
la littérature de la Catalogne, « l'air de la patrie » qui circule
dans ses légendes chantées formait comme une tradition flot-
tante, indécise, qui ne demandait qu'à s'incarner dans des
œuvres sérieuses. De plus, la forme archaïque de ces produc-
tions, chères aux peuples pyrénéens, assurait d'avance le suc-
cès au poète assez résolu pour rompre avec le genre ma-
niéré importé d'Italie par Anias March, et pour jeter hardi-
ment un sujet légendaire ou historique dans le vieux moule
de la poésie populaire. L'honneur de la première tentative de
ce genre revient, je crois, au professeur Milâ y Fontanals.
II
La Cansô del pros Beimart, fi II de Ramon, fetaperEn Manel
^ Pelay-Briz, Gansons de la terra. Introduction.
452 DIALECTES MODERNES
Vilâ y FontanalSj lo mes de juny de l'nny de la Nativitat del
Senyor M DCCC LXVII, est une chanson de geste du cycle de
Charlemagne, écrite en catalan du XIX® siècle.
Pour le fond, c'est le récit des prouesses du paladin qui
mérita la main de la fille du comte de Jaca, la belle Teudia,
« celle des joues vermeilles, celle des yeux clairs, des che-
veux fins, roux et bouclés», et qui chassa les Sarrasins des
pays de Ribagorza et de Pallars. Pour la forme, c'est à peu
près le vers et la coupe du Girart de Rossilhon, avec cette
différence que la langue est du pur catalan littéraire de nos
jours, assez soigneusement expurgé des trop récentes expor-
tations castillanes. Le vers a onze syllabes, avec un repos
après la septième, laquelle est toujours atone. Le dernier
mot de chaque vers est oxyton^ c'est-à-dire à terminaison
masculine. Il n'y a pas de rime, mais seulement des asso-
nances. Le poëme se divise en trois parties ou gestes, et cha-
que geste en tirades d'un nombre variable de vers sur une
seule assonance. La plus courte de ces tirades compte dix-
neuf vers ; la plus longue, quatre-vingt-dix-sept.
Voici quelques passages qui donneront une idée de cette
coupe et de la manière du poëte * :
Voleu oir la gesta del pros Bernart,
Compte de Ribagorsa y de Pallars.
Que tingué bras de ferre ab cor lleal ?
Hi ha una vall tenebrosa, estreta y gran,
Fer hon lo riu Noguera corre son an t,
Entre dos murs de roques, nègres, clapats ;
No s'hi veuhen carreres, ni caminals,
Y no mes s'hi esbargeixen Uopsfamejants.
Volent fugii lo tracte d'homena mortals.
* Voulez-vous ouïr la geste du preux Bernart,— comte de Ribagorza et
de Pallars, — qui eut bras de fer et cœur loyal ? — Il y a une vallée téné-
breuse, étroite et longue, — par où la rivière Noguera court retentissante
— entre deux murs de rochers noirs, entassés ; - on n'y voit ni routes, ni
sentiers, — et jamais ne s*y ébatient loups affamés. — Voulant fuir la
IMITATIONS DE LA POESIE DU MOYKN AGE 453
Aprop de les niuhades dels fers milans,
Hi bastia un'hermita lo bon Vicmar.
Alli fa penitencia lo varô sant
Vestit de pell de cabra, nuu de tôt drap,
Salmejant tôt lo dia, la nit plorant.
Un vespre, fort brugian los vents y'is llamps,
Pareixia que'l segle volgués finar.
Veu treraolar la porta que algû la bat,
Sent una veu molt trista, gemechs y plants.
Corre â traure la tança per caritat.
Pel pont del vall Zaldivar venia prest :
Vasch es de les montanyes del sol ponent ;
Va vestit del pell d'onso, capell de fer ;
No enten llengua romana ni l'arabesch,
Mes los corns y les gralles be les enten .
Xaf ' ab un colp de porra del nègre l'elm :
Si no fos sa ventura y'is durs cabells,
No duria mes noves als infaels.
Mes lo gegant feréstech la destral pren.
La fa ballar per l'ayre, la baix'adés ;
Parte ix al bon Zaldivar son elm de fer,
fréquentation des hommes mortels, — près des nichées des farouches mi-
lans, — y bâtit un ermitage, le bon Vicmar. — Là fait pénitence l'homme
saint, — vêtu de peau de chèvre, nu de tout drap, — psalmodiant tout le
jour, la nuit pleurant. — Un soir faisaient grand bruit les vents et les
éclairs ; — il semblait que le monde voulût finir. — Il voit trembler la
porte ; quelqu'un la heurte. — Il entend une voix moult triste, des gé-
missements et des plaintes ; — il court tirer le verrou par charité
Par le pont de la vallée Zaldivar venait en hâte : — il est Basque des
montagnes du soleil couchant; — il va vêtu de peau d'ours, chapeau de
for ; — il n'entend la langue romane ni l'arabe, — mais les cors et les
trompes il les entend bien. — Il fend d'un coup de massue le heaume du
noir. — N'était sa bonne chance et ses durs cheveux, — il n'apporterait
plus de nouvelles aux infidèles. — Mais le géant farouche saisit la hache,
— la fait tourner dans l'air et l'abaisse aussitôt: —il partage au bon Zal-
divar son heaume do fer, — la lui enfonçant dans les os, près de la cer-
454 DIALECTES MODERNES
Ficantla fins als ossos prop del cervell.
Qui'l vol guarir que sia metje scient.
S'asseu lo valent nègre dessota'l vern,
Son escuder li llassa un elm mes bell.
Los miradors de Jaca tots ne son plens.
Per veure dels pugnaires los gentils fets.
Lo pros Bernart venia ab cor sencer,
A sa'spasa Preclara li va dient :
« Preclara, bon'espasa, mostra qui ets.
Tens pom d'obra molt bella d'or y d'argent :
Set fils d'un mestre moro te varen fer,
Per ferre despenien anys mes de set.
A un émir te prenia Ot à Pei tiers,
A son germà't deixava per testament,
Y son germa à mon avi, gendr'era seu.
Turpi te benehia bisbe de seny,
A mon pare li f eyes quins bons serveys !
Ab tu vencia un patje de Desider,
A Sansonya domptaveu los pagans fers,
A Espanya \ quants f erireu dels agarens I
Preclara, bon'espasa mostra qui ets. «
On voit que cette cadence est à peu près celle du vers de dix
syllabes dont le repos serait après la sixième; car la septième
syllabe, étant muette, disparait presque dans la déclamation
ou le chant. Cependant ce vers de onze syllabes effectives est
velle. — Que celui qui veut le guérir soit médecin savant — Le vaillant
nègre s'assied sous Taulne ; — son écuyer lui attache un heaume plus
beau.— liCS terrasses de Jaca sont toutes pleines — pour voir des combat-
tants les gentils faits. - Le preux Bernard venait avec un cœur sincère;— à
son épée Preclara, il va disant :— « Preclara, bonne épée, montre qui lu es.
— Tu as un pommeau d*œuvre moult belle d'or et d'argent : — sept fils
d'un maître maure t'ont faite; — pour te faire, ils ont dépensé d'années
plus de sept. — A un émir te prit Eudes, à Poitiers; — à son frère, il te
laissa par testament ; — et son frère à mon aïeul, qui était son gendre.
— Turpin te bénit, le sage évêque. — A mon père, que de bons services
tu as rendus î — Avec toi, il a vaincu un page de Didier ; — à Sansonya,
vous avez dompté les païens farouches ; — en Espagne, que vous en avez
frappé de Sarrasins l — Preclara, bonne épée, montre qui tu es.»
IMITATIONS DK LA POESIE DU MOYEN AOE 455
olassé, en Catalogne, comme en Espagne et en Italie, parmi les
vers de douze syllabes. En effet, tandis que le système pro-
sodique français prend pour type de chaque espèce le vers
masculin, et ne tient aucun compte de la dernière syllabe du
vers féminin, le système espagnol et italien, au contraire,
compte le nombre réel de syllabes du vers féminin, et donne
une valeur double à la dernière syllabe de chaque vers mas-
culin. La Causa del prosBernarty où toutes les assonances sont
masculines, est donc écrite en vers de arte mayor, comme on
dit en Espagne, c'est-à-dire en vers de douze syllabes, qui, en
réalité, n'en comptent que onze.
Cette coupe est rare en Castille ; les pays de langue d'oc ne
peuvent guère citer comme modèle de ce genre que le Girart
de RossUhon^ . On en trouve quelques exemples dans les poèmes
de langue d'oïl ; mais il semble que dans le nord de la France
ce vers soit plus particulièrement consacré aux compositions
badines ou burlesques '.
La Cansu del pros Bernart comprend environ quatre cents
vers. Elle a été ciselée avec un art remarquable; la re-
cherche de l'expression, la netteté et la sobriété du récit, le
relief des figures, la peinture vivante des temps et des lieux,
en font une vraie curiosité littéraire et archéologique. En
outre, le drame qu'elle renferme se développant d'une ma-
nière simple, rapide, sous une forme incisive qui pénètre
l'esprit et s'y grave aisément, est bien fait pour plaire à un
peuple chez lequel les souvenirs de la reconquista ne sont pas
encore effacés.
* Il faut romarquer que la coupe de Girart de PossUhon n'est pas par
faik ment uniforme; le premier hcmisliclic est quelquefois de six syllabes,
dont la dernière est accentuée. Les tirades sont rimôcs et ron asse-
nantes.
^ Cotte obbervation m'a été communiquée par mon excellent confrère
M. Boucherie.
456 DIALECTES MODERNES
III
Il y a un an environ, M. Milàa donné une nouvelle composi-
tion d'un genre analogue, mais de proportions infiniment plus
réduites : c'est la Complanta d'En Guillem, écrite sur un air
populaire des montagnes de Catalogne.
Le vers est le même que celui de la Cansà del pros Bernât;
la pièce entière est sur une seule assonance (F assonance i); elle
comprend treize couplets de trois vers chacun. Le sujet est
encore de Tépoque où les chrétiens repoussaient pas à pas
la domination mulsumane ; il est traité avec le même goût et le
même sentiment.
IV
Au concours des Jeux floraux de Barcelone de Tannée
1870, deux chansons de geste furent particulièrement remar-
quées : Tune, par Texamen de laquelle nous terminerons cette
étude, remporta le premier prix, c'est-à-dire Téglantine d'or ;
l'autre, intitulée Sùuald et portant la signature d'En Llorens
de Cabanyes, obtint une mention honorable. Elle a été publiée
dans le journal catalan la Renaxensa^.
Le sujet de ce dernier poëme est une légende du temps de
Ramon Borell, comte de Barcelone, c'est-à-dire de la fin du
X® siècle et des premières années du XP.Il s'agit toujours
des luttes des seigneurs chrétiens contre les mulsulmans. La
pièce comprend environ trois cents vers, de la même coupe
que ceux du Pros Bemartj et divisés de même en tirades mcmo-
assonantes.
L'auteur de Sisuald a publié, en 1872, la Cansà d^En Fran-
cesch de Vilanova de Cubelles, qui n'est point, à vrai dire, une
chanson de geste, car le héros n'est p9<s un homme d'épée,
* Numéro du f' juillet 1871.
IMITATIONS DE LA POESIE DU MOYEK AGE 457
mais qui raconte une tradition du XP siècle sous la forme ar-
chaïque appropriée au temps et au sujet.
Francesch, un simple ouvrier, vassal d'En Galceran de Ri-
bes, arrache sa fiancée à Tinfâme tribut que la coutume ger-
manique accordait au seigneur de la nouvelle épouse. Il va
chercher asile dans « un:3 meilleure seigneurie)), où règne
« l'antique loi municipale », et y bâtit une cabane autour de
laquelle se développe peu à peu, grâce aux franchises de cette
terre hospitalière, la petite ville de Vilanova-de-Cubelles.
C'est, on le voit, une épisode de la lutte de la vieille coutume
romaine indigène contre les importations barbares de la féo-
dalité germanique.
» No! m'ascona,
» Tu faras guerra k Germania, qu*est de Roma ! >»
« Non ! ma hache, tu feras la guerre à la Germanie, toi qui es de
Rome ! »
s'écrie Francesch dans un élan de courage téméraire.
Le vers que je viens de citer est, on le voit, d'une coupe
toute différente de celle des poèmes dont j'ai parlé jusqu'ici.
(Test toujours un vers de arte mayor, c'est-à-dire de douze
syllabes, en comptant à la manière espagnole ; mais le repos
est après la huitième, qui est atone, et la dernière syllabe du
vers est également atone ou muette. En France, nous dirions
que ce sont des vers féminins de onze syllabes.
Antonio de Nebrija, dans son Arte de la lengua castellana\
mentionne ce vers comme usité en Castille ; mais l'exemple
(ju'il donne est rimé, iandls ([uel^ Canso d'En Fj'anceschdeVila-
nova est seulement assenante. Ce dernier poème renferme en-
viron deux cent trente vers, divisés en tirades monoassonan-
tes. Nous remarquons ici l'emploi des mots proparoxytons, c'est-
à-dire accentués sur l'antépénultième ; c'est le sdî'ucciolo des
Italiens. Ces mots, peu nombreux du reste en Catalogne et
presque tous d'importation castillane, ne se rencontrent pas
* Cité par M. Amador de les Rios, dans sa belle Historia critica de la
lUeratura espanola,i. II, p. 445.
458 DIALECTKS MODERNES
dans les trois poèmes dont j'ai parlé tout à l'heure *. Les
deux dernières syllabes du sdrucciolo^ lorsqu'elles se trouvent à
la fin d'un hémistiche, ne comptent que pour une; d'où il suit
qu'un vers de douze syllabes peut en avoir en réalité treize, et
même quinze s'il y a deux sdruccioli. L'assonance portant sur
la dernière syllabe accentuée, on ne tient aucun compte de la
dernière voyelle et quelquefois même des deux dernières.
Voici quelques vers d'une tirade assenante en o*;
Del espùs jo enamorada n'era esposa ;
Quan sortirem de l'esglesia cantâ l'oliba :
u Nem a casa ? — a Manca un'altra ceremonia. »
Mare meua. que m'en dava de vergoDya!
Ignoranta de oo qu'ereii eix«^s coses
Dret al castell ens meuaren gens de tropa;
Y en la cambra llit hi havia, llum al sostre.
Mare mena, que m'en dava de vergonya !
Ce vers de douze syllabes, constamment féminin, est beau-
coup moins vigoureux que celui du Pros Bernart et de Sisuald;
mais il a une douceur et une souplesse qui se prêtent mieux
à la peinture des actions de la vie réelle.
M. Llorens de Cabanyes, après avoir chanté dans Sisuald
les hauts faits de l'homme de guerre, a été heureusement
inspiré en écrivant la chanson de geste de l'homme du peuple
qui se soustrait par la ruse à la tyrannie féodale. L'auteur delà
Cansô d'En Francesch de Vilanova s* est acquis une place dis-
tinguée parmi "les champions des vieilles formes prosodiques.
Ch. DE TOURTOULON.
[A continuer,)
' Je ne compte pas comme proparoxytons les mots tels que héroes,
pàtria, tapies^ dans lesquels les deux dernières voyelles forment une
diphthongue et ne doivent pas être comptées pour deux syllabes.
^ « De l'époux j'étais l'amoureuse épouse. — Quand nous sortîmes do
l'église, le hibou chantait: — « Allons-nous à la maison ? » — «Il manque
une autre cérémonie. » — Ma mère, que cela me donnait de honte ! —
Ignorante de ce qu'étaient ces choses, - droit au château nous menèrent
gens de troupe;— et dans la chambre il y avait un lit, la lampe au plafond.
— Ma mère, que cela me donnait de honte '. »
CONTES ET PETITES COMPOSITIONS KiF'tILAIRES
XI. — FABLIAU
Le fabliau ne diffère de la fable qu'en ce que ce sont des
hommes que l'on met en autiou et non des animaux, car le but,
qui est d'en venir à une moralité, esprimoo ou soua^ntendue.
est le même.
Laforme la plus ordinaire est un dialogue, qui, en quelques
mots ou même en un simple trait, puisse peindre un caractère
ou une situation.
1
— Pereza, vos de favas f
— Oi.
— Porta l'escudela !
— Ne vole pas ges.
(Y. de l'abbé de Sauvages, fhcl.
Parkssk. — Paresse, \eux-Lu des fuvLis ? — Oui. — A]i[ioi
écuelle I — Je n'en veux point. ,
— Janou, dourmissGB?
— l'er que?
— Perque, se dourniissitis pas, roe [irestarit-s Ire* fran''.s,
I.K Pktit i\i\fi. — Polit .leiin, dovb-tuî — Pourquoi me feiis-tu
cette demande?— Parte quo, si tu ne ilorniais iias, lu me prcitéraiii
trois francs. — Je dors.
460 DIALKCTKS MO[)ER^KS
La Campann routa
— Moussu lou Maire, la campana es routa.
— Que Ta routa que la pague.
— Mes es vostre fil qu'où a fach.
— La fau empausà.
(V. de Tabbé de Sauvages, Dict. lang.)
La Cloche fêlée. — Monsieur le Maire, on a fêlé la cloche.
— Que celui qui Ta fêlée paye le dommage. — Mais c'est votre fils
qui l'a fait. — Oh! alors, que le dommage soit supporté par toute
la commune.
Lou P astre pigre
— Pierret, lebo-ti que lou gai canto !
— Oh ! ieu , m'atènde pas en aquelo bestio.
— Pierret, lebo-ti, souonou Fangel!
— Oh! ieu, m'atènde pas en d'aquel floc de ferre. .
— Pierret, lebo-ti, lou sourel es pertout !
— 0 be, mi levé, qu'aquel d'aqui m'o pas jamais troumpat.
(V. de M. LiÉBiCH.)
Le Pâtre paresseux. — Petit Pierre, lève-tdî que le coq chante 1
— Oh! je ne me fie pas à cette bète. — Petit Pierre, lève-toi que
l'angekis tinte ! — Oh ! je ne me fie pas à ce bruit de fer. — Petit
Pierre, lève-toi que le soleil resplendit partout! — Oui, bien, je me
lève, car celui-là ne m a jamais trompé.
Guilhaumet
Guilhaumet, leva-te !
Per que fà ?
Per anàlaurà.
Pode pas, siei malaute.
CONTES POPULAIRES 461
— Guilhaumet, leva-te !
— Per que fà ?
— Per tuà lou verme.
— Me levé !
Petit Guillaume. — Petit Guillaume, lève-toi! — Pourquoi
faire? — Pour iiller labourer. — Je ne peux pas, je suis malade.
— Petit Guillaume, lève-toi ! — Pourquoi faire? — Pour déjeuner.
— Attends un peu; je me lève.
6
Jan
— Jan, vos te fà gras ?
— Oi.
— Vejaqui'na amella.
Jean. — Jean, veux-tu devenir gras? — Oui. — Mange cette
imande.
XII. — FLEURETTE
On nomme/?OMreto, fleurettes, de petits compliments d'amour
dont les fleurs sont à la fois le prétexte et les termes de com-
paraison.
L'usage en est très-ancien dans notre Midi. Baluze, dans
son HUtoira d'Auvergne (p. 222, preuves), en cite un exemple
remarquable de Tan 1484.
La belle Blanche de Paulet, aimée du comte Jean II d' Au-
vergne, fut accusée d'avoir ensorcelé son amant en lui faisant
respirer un sachet de fleurs aromatiques qui portait cette in-
scription :
Por ce te donne la pervenche,
Que mon amour la tienne venche.
464 DIALECTES MODERNES
La Menthe. — La jeune fille qui aime à causer avec lès jeunes
gens -^ ne vaut pas un brin de menthe .
On dit aussi :
Filha sans crenta
Vôu pas un brout de menta.
La Menthe. — La jeune fille qui n'a pas de pudeur — ne vaut
un brin de menthe. -
La Castanha
La filha es couma la castanha :
Bella defora, dedins es la maganha.
La Châtaigne. — La jeune fille est comme la châtaigne: — sa
beauté ne cache souvent que de la pourriture.
Il est facile de voir, par les détails que je viens de donner,
que ces fleurettes ne sont généralement que la mise en action
du langage des fleurs.
Chaque fleur ayant une signification de tendresse ou de
haine déterminée, la floureta ne fait guère que constater le
sentiment exprimé. On peut donc dire exactement, lorsqu'on
connaît la fleur oflerte, où en est la passion d'un amoureux :
s'il est heureux ou malheureux, accepté ou rebuté.
On peut lire, pour cette signification des fleurs en amour :
H Courouno de Roumanille (OMÔr(?/o, p. 366).
D'où ces expressions qui se disent en riant aux jeunes filles
et aux jeunes garçons:
6
A la rosa ,
L'amour es esclosa.
A la rose , — l'amour est épanoui.
CONTES POPULAIRES 465
Au brout de menta ,
L'amour augmenta.
Au brin de menthe , — l'amour augmente.
8
Au roumanis,
L'amour es au nis.
Au romarin , — l'amour est au nid.
9
A la frigoula,
L'amour ne regoula.
Au thym , — l'amour déborde (du cœur).
Lorsque l'amoureux veut les répéter directement, elles sont
quelque peu modifiées.
10
La Rosa
Bella, vous présente la rosa,
Que fai que l'amour es esclosa.
La Rose. — Bellp, je vous présente la rose, — qui fait éclore
l'amour.
11
Jm Menta
Bella, vous présente la menta :
Ks prouva que l'amour augmenta.
464 DIALECTES MODERNES
La Menthe. — La jeune fille qui aime à causer avec lès jeunes
gens — ne vaut pas un brin de menthe .
On dit aussi :
Filha sans crenta
Vôu pas un brout de menta.
La Menthe. — La jeune fille qui n'a pas de pudeur^ — ne vaut
un brin de menthe. •
La Castanha
La filha es couma la castanha :
Bella defora, dedins es la maganha.
La Ghataione. — La jeune fille est comme la châtaigne: — sa
beauté ne cache souvent que de la pourriture.
Il est facile de voir, par les détails que je viens de donner,
que ces fleurettes ne sont généralement que la mise en action
du langage des fleurs.
Chaque fleur ayant une signification de tendresse ou de
haine déterminée, la floureta ne fait guère que constater le
sentiment exprimé. On peut donc dire exactement, lorsqu'on
connaît la fleur ofierte, où en est la passion d'un amoureux :
s'il est heureux ou malheureux, accepté ou rebuté.
On peut lire, pour cette signification des fleurs en amour :
li Courouno de Roumanille (Ow^r^^o, p. 366).
D'où ces expressions qui se disent en riant aux jeunes filles
et aux jeunes garçons :
6
A la rosa ,
L'amour es esclosa.
A la rose , — l'amour est épanoui.
('ONTES POPULAIRKS 467
15
L'Ourtiga
Bella, vous présente Tourtiga :
Nostre amour n'es pus qu'interiga.
1/ Ortie. — Belle, je vous présente Tortie ; — notre amour ne
nous est plus qu'une peine.
16
UAmareu
Bella, vous présente Tamarèu :
L'amour es amar couma fèu.
L'Olivier sauvage. — Belle, je vous présente l'olivier sauvage:
— l'amour est, pour nous, amer comme le fiel.
En Provence, la floureta est plutôt en couplets qu'en disti»
ques.
La Statistique des Bouches-du-Rkône (i. III, p. 258) donne les
renseignements suivants :
« C'est encore pendant les belles nuits du mois de mai que
les jeunes gens chantent, sous les fenêtres de leurs maîtresses,
des couplets improvisés. Les fleurs leur servent de texte et
de terme de comparaison. S'ils font leur déclaration d'amour,
ils choisissent le thym. La violette indique le doute et le soup-
çon; le romarin, la plainte ; V ortie, la rupture. Cet usage pa-
raît avoir été introduit par les Maures, qui l'avaient apporté
eux-mêmes de l'Orient. Il est pratiqué dans les communes de
l'intérieur, et surtout le long de la Durance. »
Voici quelques-uns de ces couplets en langue provençale :
17
Déclaration cTamour
Bello, vous representi la faligouro.
Sabès qu'eir es bello en touto houro,
Encaro mai quand es flourido :
Vous amarai touto ma vido.
4(k) DIALECTES MODERNES
L\ Menthe. — Belle, je vous présente la menthe: — elle est la
prouve que notre amour augmente.
12
Lou Roumanie
Bella, vous présente lou roumanis :
Es ara que T amour fai soun nis.
Le Romarin . — Belle, je vous présente le romarin : — c'est
à cette heure que l'amour fait son nid.
13
La Frigoula
Bella^ vous présente la frigoula :
De moun cor Famour regoula.
Le Thym. — Belle, je vous présente le thym: — Tamour dé-
borde de mon cœur.
Ces diverses présentations répondent, il n'est pas besoin de
l'observer, au premier aveu, à la déclaration, aux plus ten-
dres phases du sentiment. La plainte a aussi ses fleurettes ;
en voici quelques-unes qui expriment la rupture, la douleur,
le sarcasme :
14
La Nerta
Bella, vous présente la nerta :
Nostre paure amour vai a perta.
La Myrthe. — Belle, je vous présente le myrthe : — notre pauvre
amour va se perdre.
CONTES POPULAIRES 467
»
15
LOurtiga
Bella, vous présente Tourtiga :
Nostre amour n'es pus qu'interiga.
«
T/Ortie. — Belle, je vous présente Portie ; — notre amour ne
nous est plus qu'une peine.
UAmarèu
Bella, vous présente ramarèu :
L'amour es amar couma fèu.
L'Olivier sauvage. — Belle, je vous présente l'olivier sauvage:
— Tamour est, pour nous, amer comme le fiel.
En Provence, la floureta est plutôt en couplets qu'en disti*
ques.
La Statistique des Bouches-du-RMne (t. III, p. 258) donne les
renseignements suivants :
« C'est encore pendant les belles nuits du mois de mai que
les jeunes gens chantent, sous les fenêtres de leurs maîtresses,
des couplets improvisés. Les fleurs leur servent de texte et
de terme de comparaison. S'ils font leur déclaration d'amour,
ils choisissent le thym. La violette indique le doute et le soup-
çon; le romarin, la plainte ; V ortie, la rupture. Cet usage pa-
raît avoir été introduit par les Maures, qui l'avaient apporté
eux-mêmes de l'Orient. Il est pratiqué dans les communes de
l'intérieur, et surtout le long de la Durance. »
Voici quelques-uns de ces couplets en langue provençale :
17
Déclaration d'amour
Bello, vous représenta lafaligouro*
Sabès qu'ell' es bello en touto houro,
Ëncaro mai quand es flourido :
Vous amarai touto ma vido.
4ôê DIALKCTES MODBRNRS
Belle, je vous présente le thym, — Vous savez que cette fleur
est toujours belle, — mais qu'elle l'est encore plus quand elle est
fleurie: — je vous aimerai toute ma vie.
18
Doute ou soupçon
Beilo, vous representi la viuleto.
Sias dins moun cuer touto souleto ;
Mai per ièu série doulourous,
Se dins vouestre couer nU aviè dous.
Belle, je vous présente la violette. — Vous êtes dans mon cçeur
toute seule; — et ce serait certainement bien douloureux pour moi,
— si nous étions deux dans le vôtre.
19
Plainte
Vous representi lou roumaniu,
Que lou matin vous lou culhiu,
Et que lou souer vous lou pourtave,
Per vous prouvar que vous aimave .
Mai, bello, se n'amas plus lu,
Rendès-me moun gai roumaniu.
Je vous présente le romarin — cueilli ce matin, — pour voui«
l'apporter ce soir — et vous prouver que je vous aime. — Mais,
belle, si vous ne m'aimez plus, — rendez-moi mon gai romarin.
Hupture
lu vous representi Fourtigo ;
Bello, serès plus moun amigo.
Vese qu'avès trop de pounchoun ;
^arides- \ ous em' un cardoun.
Je vous présente Vortie ; — belle, vous ne serez plus mon amie.
— Je vois que vous avez trop de piquants ; — mariez-vous avec un
chardon.
ooNTMt! i'or'm4iREs
Diitnase Arbaod {Chants populaire* de la Prùvenee, t, I",
230), sous le nom ie Serenados, en donne dix autres, que J9
crois devoir reproduire aussi r
Bello, voua représente lou bnutuund'or:
N'en sias bello coum' un trésor,
Coum' un trésor de gentilhesi^o.
Voua prendrlu bèn per ma mestrosso.
Belle, je vous présente le boulon ttor (fleur de la renoncule): —
voiiH êtes belle comme un trésor, — un trésor de K^ntUlesse. — J«
vous voudrais bien pour ma maîtresse.
22
Bello, vous représente la pampo de roure,
Que trop longtemps m'avës fach courre ;
Ai tant courru e courrerai,
Bello, qu'i la an vous aurai.
Belle, je vous présente un rameau de ckêne romre. — Trop long-
temps vous m'avez fait courir : — j'w tant couru et je courrai tant
encore. — belle, qu'à la lin je vous aurai.
Bello, vous représente lou barioot.
Que n'es un aubre bèn pichot;
Mai eu sérié bèn fier, pecaire,
S'erias la nouero de moua paire.
Belle, je vous présente le batilic, — qui n'est qu'on, bien petit
arbre ; — mais il serait bien fier, pour sûr, — si tons deveniei la
belle-fille de mon père.
Bello, vous représente la mentastro:
Prenès me lu, pren^uèa pa 'n piètre.
470 1 lAI.EOTKS MODKRNBS
Un pastre sente l'enguèn :
Prenès.me iu que sente rèn.
Belle , je vous présente la menthe sauvage : — prenez-moi (pour
votre amoureux), ne prenez pas un pâtre: — le pâtre sent Pon-
guent, — et je n'ai aucune mauvaise odeur.
25
Bello, vous représente la pampo de vigno,
Que quand fai vent elle reguigno.
Fan trop ansin vouestres amours,
Bello, quand sièu auprès de vous.
Belle, je vous présente le pampre, — qui rue quand il fait du
vent. — Ainsi fait votre amour, — belle, quand je suis auprès de
vous.
20
Bello, vous représente la redouerto.
L'ià cinq couquins à vouestro pouerto :
Ni'a d'eici, ni'a d'eilà ;
Anes au diable caregnà I
Belle, je vous présente la renouée, — Il y a cinq coquins à votre
porte: — il y en a d'ici, il y en a de là-bas ; — allez au diable faire
Famour I
27
Bello, vous représente la berigouro,
Avès un pau trop grosso gouro :
Rèn que per la bourra de pan.
Me mangerias tout moun gazan.
Belle, je vous présente le champignon de rérynge.— Vous avex
une trop grande gorge; — rien que pour la bourrer de pain, — vous
dépenseriez tout ce que je gagne.
CONTES POPULAIRES 471
28
Bello, vous représente la chaussigo.
Semblés uno roso esbahido:
Coustarias mai à revenir
Qu'un marrit ai à 'ntretenir.
Belle, je vous présente le chardon hémorrhoïdal (litt., herbe fou-
lée). — Vous ressemblez ù une rose flétrie : — vous coûteriez, pour
vous faire soigner, — plus qu'il n'en coûte pour nourrir un mauvais
àne.
Bello, vous représente lou cauiet.
Que quand fai vent acampo set.
Ansin fai vouestre caregnaire,
Ëici à vouestro pouerto, pecaire.
Belle, je vous présente le chou, — qui se meurt de soif quand il
fait du vent. — Ainsi fait votre amoureux, — à votre porte, hélas I
Bello, aquèu que vous a cantat
Deman mati vous lou dira;
E, se vous lou poudièpas dire,
D6u bèu plus luenc se mettra à rire.
Belle, celui qui vousaclianté — demain matin vous le dira. »--
S'il ne pouvait pas vous le dire, — de loin vous le verriez sourire.
La fleur, symbole des sentiments, était considérée comme
sachant, par une sorte de divination, tout ce qui les concerne;
d'où la botanomancie, dont on peut citer pour nos pays plu-
sieurs sortes.
Lorsque Ton veut savoir si Ton est aimé de la personne que
Ton aime , on effeuille la margarideta (pâquerette) ou, mieux
encore, Vat/ulheta (l'aiguille du berger), en prononçant à cha-
que pétalo l'un des mots suivants:
472 blALECTES MODERNES
— M'aima, m'aima pas gaire, m'aima fossa, m'aima tendra-
mèn, m'aima pas !
Ce qui répond au :
Je t'aime, un peu, beaucoup.
Tendrement, point du tout,
des provinces du Nord et de la Marguerite de Faust.
E. Chauffard, l'un des jeunes félibres, s'adresse ainsi à une
jeune fille :
E tu, chatouno riserello,
Teniès en man aquelo flour
Que fà tant gau ei vierginello.
Quand si demandon, sounjarello.
Se tout souris à seis amours.
Lorsque l'on veut savoir si la passion à laquelle on va se
livrer sera heureuse, on jette une feuille de rose au courant
d'une source : selon qu'elle surnage ou s'engloutit, on en tire
un présage heureux ou malheureux. L'amour est un abîme, et
la feuille représente l'existence qu'on lui conûe. — C'est un jeu
des jeunes filles à la fontaine.
En Auvergne, on appelle faire petà las princas (faire bruire
les pervenches), jeter quelques-unes de ces fleurs au feu la
veille de l'Epiphanie , pour tirer du bruit qu'elles font en
brûlant un présage sur l'avenir, la santé, l'affection de telle
ou telle personne.
Les anciens demandaient au sort, eux aussi, quel était celui
qui aimait le mieux (V. Properce, II, X).
De même qu'en français le nom de beaucoup de plantes
fait allusion au langage symbolique qu'on leur attribue : la
pensée, Vamourette, le souci, Vimmortelle, le souvenez-vous-de-
mo2, etc., on peut citer en langue d'oc: Vei'ba d'amour [la,
brize moyenne, — jalousie), Verba dau lagui (le myrte, — cha-
grin, et, par extension, mariage), Verba dau mèu (le melilot, —
bonheur), Yerba dau cor (l'ambroisie, — tendresse), etc.
Parmi les significations les plus usuelles, qu'il suffîse de
citer la rosa (la rose, — aveu), Idifrigoula (le thym, — > passion).
CONTKS POFULAIRF.S 473
Vembriaiga (l'ivraie, — ivresse), la margarideta ou pimpanela
(la pâquerette, — amour naissant, franchise), la menta (la
menthe, — amour dans sa plénitude), lou roumanis (le romarin,
— demande de retour), Vourtiga (Fortie, — rupture), Vamarèu
(Folivier sauvage, — amertume), etc.
Lorsqu'on veut rappeler les attraits ou les qualités d'une
personne aimée, on a: la rosa espandida (la rose épanouie, —
beauté parfaite), lou bouton de rosa (le bouton de rose, — beauté
naissante), Veli (le lys, — pureté), la viuleta (la violette, —
modestie), lou poumpoun d'or (le bouton d'or, — beauté splen-
dide), etc.
La couronne nuptiale n'est pas en fleurs d'oranger, comme
dans le Nord, mais en feuilles et fleurs de myrte, Verba dau
laguiy le mariage n'étant qu'une dure épreuve.
Ou jette du lierre, èuna, sur le cercueil d'une jeune fille
vierge, en signe de stérilité, et des roses blanches, en signe de
virginité .
Il y a, dans ce langage des fleurs méridional, deux fleurs
principales : la rose et le romarin. Chacune d'elles a sa fête
particulière. L'une au l^"" mai, c'est la fête de l'aveu : on offre
une rose, en signe de déclaration, à la personne que l'pn
aime , à celle que l'on croit la plus belle et la plus sage.
Tout le monde connaît la chanson de la Rose de mai:
La rosa de mai
Es pas encara flourida ;
A quau la dounarèn ?
A. . . ma mia
La rose de mai — n'est pas encore fleurie ; — à qui la donne-
rons-nous ? — A . . . ma mie .
L'autre à la Sexagésime, Dimenge dau Roumanis ; c'est la
fête où l'on demande à être payé de retour. A l'aube, on at-
tache un bouquet de romarin à la fenêtre de la bien-aimée : si
elle l'accepte, l'amour est partagé; si elle le rejette, l'amour
est rejeté. (V. Sauvages, Dict, lang,, V. Roumanis.)
Ces deux usages répondent, dans le Nord, aux fêtes des
474 DIALECi'ES MODERNES
Rosières et du Valentinage. — On peut en citer des exemples
dans l'antiquité.
La majourano (marjolaine) symbolise Taffection durable. —
On cite dans les Ar resta amorum (Gryphius, 1533) un usage qui
dure encore :
On avait autrefois, sur le rebord extérieur des fenêtres, un
ou plusieurs pots de marjolaine, soit parce qu'on en faisait des
bouquets de senteur, soit parce qu'on en jetait quelques brins
dans le ragoût. Elle a souvent besoin d'être arrosée. C'était un
motif tout naturel pour une jeune fille de ^e faire voir ; d'où
l'expression: faire semblant d'arroser la marjolaine.
Chez nous, comme chez les anciens, — ainsi qu'on peut le
voir dans Juvénal, c'est plutôt le basilic; — d'où le proverbe:
Filha fenestriera,
Seguèt jamais bona meinagieini .
Pour l'homme des champs, — les bergers surtout, — cha-
que fleur a son sens. Celle-ci (exemple : la carline, le souci)
permet d'établir des pronostics météorologiques ; celle-là
(exemple : la dame-de -onze-heures^ le tourne-sol}^ permet de
préciser le temps. Il en est qui sont vulnéraires, d'autres sim-
plement agréables.
A ces diverses significations il convient d'ajouter le sens
magique, qui n'est au fond qu'un abus du sens scientifique. Il
suffit d'en chercher la raison pour en trouver une, sinon
très-satisfaisante, du moins assez acceptable et sérieuse.
D'autres n'acquièrent de sens que par l'acte qui les accom-
pagne : une fleur pressée sur les lèvres est le signe d'un
amour heureux ; une fleur brisée et jetée violemment, d'un
amour rebuté .
Je ne parle que pour mémoire des sens politiques. l/èU est
la fleur du parti légitimiste ; la vîuleta^ du parti bonapartiste ;
la rosa, du parti républicain. — Cette dernière fut remplacée,
en 1848, parle thym, pour ce seul motif que la frigoula est la
fleur de la montagne . Il y a sur chacune d'elles des chan-
sons et des couplets qui ont eu quelque réputation ; Rouma-
nille cite celle de la Frigoula.
(A suivre.) A. M. et L. L.
BIBLIOGRAPHIE
Romania, 5 janvier 1873. — P. 1. G. Groeber, la Destruction de
Rome, première branche de la chanson de geste de Fierabras. Ce
poëme inédit est extrait d'un ms. de la bibliothèque municipale de
Hanovre, écrit au XIV* siècle en Angleterre. Le texte, souvent
défiguré, appartient au dialecte picard. M. Groebor, sans prétendre
en donner une édition critique, Ta néanmoins corrigé très-souvent.
Le plus sûr pour lui aurait été de ne pas le corriger du tout, d'autant
plus que ses corrections, si elles sont heureuses quelquefois, ne le
sont pas toujours. Pourquoi, par exemple, ùcnt-ï\ jougloui^s, v. 5,
eijougelours, v. 43? Le ms. àonuçi jugelour s , mais la bonne leçon
est évidemment jw^'/^owr^. V. 92, La bêle au viscler, lisez od le vii
cler;y. 153, Et tiels se ard et bruit qui se quide chaufor, lisez
rusle;\. 437, Kar il n*out onkes d'homme ne merci ne pité.
D* homme est une faute. 11 faut ou de homme ou d'omme. h' h tombait
toujours quand on voulait marquer l'élision ; de même au v. 860,
Un petitet d^houre, Usez d'oure, V. 1141. Il fu ajornes, lisez ajornet
ou ajorné; le participe passé au neutre ne prend jamais Vs du mas-
cuUn. Pourquoi il sujet pluriel au v. 1131, ci ils sujet pluriel au
V. 1142? Pourquoi sait et garde au v. 1144 ? Il fallait grar/, puisque le
verbe est au subjonctif, elc — P. 49. Pio Rajna, Ricordi di CO'
dici francesi posseduti dagli estensi nel secolo XV. — P. 59. Victor
Smith, Chants de quêtes, Noël du iwemier de Van» Chants de Mai.
Très-intéressante étude sur quelques chants et coutumes popu-
laires du midi du Forez et du levant duVelay. — P. 72. Hugo Schu-
chardt, de l Orthographe du roumain. L'auteur reproche aux savants
roumains qui ont entrepris de] former Porthographe de leur langue,
d'avoir trop sacrifié au désir de la rendre étymologique. De la sorte,
le Roumain peu lettré qui voudra écrire sa langue ne saura comment
s'y prendre, n'étant plus guidé par sa prononciation, et ne pouvant
l'être par Tétymologie qu'il ignore. D'un autre côté, l'étranger se
trouvera, dans certains cas, bien embarrassé pour retrouver la pro.
nonciation sous l'orthographe. Ces objections, quoique justes, ne
471) iaBLIO(iRA.PriIE
sont pas décisives. Il faut savoir gré aux Roumains d'avoir voulu
faciliter l'étude de leur langue aux étrangers, en substituant les
caractères romains aux caractères cyrilliques. S'ils n*ont pas trouvé,
du premier coup, l'adéquation exacte do Porthographe à la pro-
nonciation, en n'est pas une raison pour renoncer à leur entre-
prise. Ils n'ont qu'à tenir compte, dans une juste mesure, des ob-
servations qui leur sont adressées, et à rectifier leur orthographe
là oîi la pratique leur révélera les inconvénients du système
adopté.— P. SO, Mélanges,!. Quisqueet cada dans les langues romanes,
M. P. M. détermine, avec une grande sûreté de critique, l'origine
et l'historique du mot cada, et le montre persistant danales langues
néo-latines, même dans le roumain. Les patois de pure langue
d'oïl semblent seuls l'avoir perdu. — P. 85. Storm. Courte disser-
tation sur musgode, qu'il dérive du moyen haut-allemand muos-
gadem. — P. 86. Caroline Michaelis, Étymologies espagnoles , Les
mots analysés sont : zaherir, zabullir, zabucar, zahor. Signalons,
en passant, une faute d'impression, p. 87, note, ligne 5 : « Orient »,
lisez : « Occident. » — P. 91 . L. Delisle, Noie sur le manuscrU de
Tours, renfermant des drames liturgiques et des légendes pieuses en
vei's français. Voici la conclusion de cet article court et substan-
tiel : « La présence de ce texte provençal (Épitre farcie pour le jour
de Saint-Etienne ) dans le manuscrit, la nature du papier et le ca-
ractère de l'écriture, tout se réunit pour faire supposer que le
recueil a été copié dans le midi de la France, vers le milieu du
XIII* siècle, d'après un manuscrit qui avait dû être exécuté un
demi-siècle plus tôt, dans une des provinces septentrionales sou-
mises à la domination des Plantagenêts. » — P. 96, Hermann 8u-
chier, Odierne. — P. 97. Comptes rendus: la chanson de Roland, p. p.
L. Gautier (favorable); Rencesval. p.p. Boehmer (moins favorable).
Suchier, la source d'Ulrich de Turlin. Bonvesin, Tractato dei mesi,
p.p. Lidforss. Braga, Cancioneiro e romanceiro gérai. Baechtold,
Deutsche Handschriften in British muséum. Bartoli, I Codici fran-
cesi délia marciana. — P. 138. Périodiques. — P. 150. Chronique^
A. B.
Rectification.— M. P. M., dans le n® 5 de la Romania, p. 139,
rejette avec raison l'étymologie, par moi mal présentée, àe gravats,
^^gi^avatus. Le sens s'oppose à cette dérivation, et je devais
dire que gravatus^ adopté par Burguy comme partie composante
CHRONIQUE 477
de degras, « aurait pu à la rigueur produire une forme gravatSy
mais non gras. » Quant à baud, baude, que je fais venir de validus,
plutôt que de l'allemand bald ou du gothique ballha, je persiste
dans mon opinion. Le changement de aliâus en aud étant normal,
cf. calidus, chaud, et la substitution du & au v latin initial étant
justifiée par la dérivation incontestable de ftrebis = vervex, je me
demande sur quoi se fonde M. P. M. pour affirmer que baud,
qui signifie gaillard, vigoureux, « ne peut aucunement venir de
validus 'f »
A. Boucherie.
CHRONIQUE
Nous sommes heureux d'annoncer à nos lecteurs que, par arrêté
des 2 mai et 11 juin derniers, M. le Ministre de instruction pu-
blique, des cultes et des beaux-arts, a chargé MM. 0. Bringuier et
Ch. de Tourtoulon, membres résidents de la Société pour Vétude des
langues romanes, d'une mission à l'effet de déterminer la limite qui
sépare la langue d'oc de la langue d'oil.
*
La Société archéologique de Béziers a tenu sa séance solennelle
le 22 mai 1873. Elle a décerné une médaille d'argent à notre col-
lègue, M. Marius Bourrely, pour son petit poëme: Carle-Quint en
Prouvènço.
Des médailles de bronze ont été accordées: à Dom Garnier, bé-
nédictin de l'abbaye de Solesmes, pour sa pièce : ASan^o AScou/a^-
tico ; à M. l'abbé Aberlenc, vicaire à Uzès (Gard), pour la Roundo
fantaslico, en dialecte cévenol ou raiou. — Li Blanc e li Blu, petite
composition satirique, par M. Autheman, de l'Isle-sur-Sorgue ;
Liaurotorso, par M. Malvezin, et le Quistoude Noslro-Damo, par le
frère Miquel, ont été honorablement mentionnés.
Nous remarquons encore parmi les lauréats notre collègue
M. Victor Bourrely, de Rousset (Bouches-du-Rhône), oui a obtenu
une médaille de bronze pour sa pièce: Cambouliù. M. Victor Bour-
rely, dit le Bulletin de la Société archéologique de Béziers, a mis en
vers provençaux la notice que M. A. M on tel consacra (7?et)MC des
langues romanes, t. !•»•, p. 74) à la mémoire de notre regretté pré-
sident-fondateur.
Jeux floraux de Barcelone. — La fête Uttéraire des Jeux floraux
a eu lieu le 4 mai; elle avait attiré, comme toujours, grande af-
fluence de peuple, et surtout de dames et jeunes filles, en costume
national. Elle était présidée par D. Jeronimo Rosello.
478 CHRONIQUE
Après le discours du président ot du secrétaire, D. Luis Roca,
le nom des lauréats a été ainsi proclamé :
Prix (le la tleur naturelle, à don Tomas Fortoza de Mallorca : les
Noces del infant. — xVcccssits, dona Victoria Penya de Amer : Una
visita à ma i)atria ; et D.-F. Ubach y Yinyeta : Ma viia ;
De l'cglantine d'or, encore D. Thomas Forteza : lo Rey y V Arche-
bisbe. — Accessits, des compositions historiques D. Ubach y Vi-
nyeta : la Lhuyta deUeys, et D. J. Neboty Casas : los Très RomanseU
de la iiresa de Roma ;
De la violette d'or, ])oésies religieuses, D. Jaclnto Verdaguer:
Flor de la tortosa. — Accessits, D.-A. PagOs de Puig: la Creu, et
D. Ubach y Yinyeta : Jésus perdut ;
De la députation de Tarragono, D.-J. Marti y Folguera: Tar-
ragona. — Accessit, D.-F. Mateu : Salva terra ;
Delà jeune Catalogne, D.-J. Reventos y Amiquet. — Accessits,
D.-A. Pages et D. Reventy ;
Des associations catholiques de Barcelone. D.-J. Verdaguer: la
Batalla de Lepant. — Accessit, D.-F. Mateu : Lhuis de Requesens ;
Do Mayorque, D.-B. Pîco y Campanar : lo Sait de la BtUa Dona.
— Accessits, D. -Thomas Forteza : Dissort, et D.-B. Ferré : Canso
de la dissort.
Selon Tusage traditionnel, les prix furent distribués par la reine
do la fête, la Reina de lafiesla^ choisie par le principal lauréat lui-
même. Cotte année, la reine a été dona Oribla Serra de Quintana,
nom cher à notre Société. Les poëtos reçurent successivement de
ses mains les fleurs etjoyas qui leur revenaient. Après quoi, D.-T.
Forteza a été nommé main teneur, pour avoir obtenu les trois prix
réglementaires.
Le discours final a été prononcé par notre collaborateur et ami
D. Albert de Quintana, mainteneur.
La Société arcliéologique de Béziers va reprendre incessamment la
publication du Breviari d'amor, de Matfre Ermengaud, un moment
interrompue par les événements qui ont si profondément désolé
notre pays.
*
La souscription à Volo. . . Biàuî. . . Toeuvre que vient d'achever
M. Albert Arnavielle, l'auteur des Can/5 de VAubo, est ouverte à
partir d'aujourd'hui.
Qui ne connaît, dans nos Cévennes, la légende de Saint-Am-
broix? Cette légende si populaire pouvait tenter quelaue plume
poétique; mais, pour que lo sujet fût palpitant d'intérêt eta'actualité^
il devait être présenté sous sa vraie couleur locale : il fallait dé-
peindre les lieux, les sites qui figurent dans la scène, sous leur as-
pect essentiellement particulier, et les désigner des noms que le
peuple leur a donnés; il fallait mettre dans la bouche des person-
nages de Faction le langage propre qu'ils ont parlé. C'est ce qu'a
CHRONIQUE 479
fait l'auteur de Volo... Bioul.. . et, pour rendre la peinture plus sai-
sissante encore, il a confié au crayon de son frère Aristide Arna-
vielle l'illustration du texte.
Le prix de chaque souscription, donnant droit à un exemplaire,
est de 1 fr 50 c. La souscription sera close dès que les souscrip-
teurs auront atteint le nombre de 200. Le volume sera ensuite
vendu 2 fr. en librairie.
Los 50 premiers souscripteurs recevront le poëme Volo... Biou!...
imprimé sur beau papier de Hollande.
On est libre de joindre le montant de sa souscription à 'son
adhésion ou d'attendre la réception du volume.
On souscrit chez M. Albert Arnavielle, rue d'Avéjan, à Alais, et
à Timprimerie J. Martin, rue Bridaine, 4.
M. G. Charvet vient de faire paraître, à Alais (J. Martin, 1873)
la première livraison du Cartulaire de Remoulins, qui contient une
suite de documents du XIII^ siècle. La i>artie romane de cette pu-
blication a été insérée dans le dernier numéro de la Revue, avec une
introduction historique, sous le titre : les Coutumes de Remoulins.
Le cartulaire que M. Charvet a entrepris de mettre au jour est
publié sous les auspices du Conseil municipal de Remoulins. On
ne saurait trop encourager une pareille initiative, et il serait à
désirer qu'elle trouvât des imitateurs aussi intelligents dans toutes
les villes du Midi. L'histoire locale et la linguistique ne pourraient
qu'y gagner amplement.
Notre collègue, M. Paul Barbe, de Buzet (Haute-Garonne), vient
de publier, à Toulouse (Douladoure, 1873), un Ensaj en formo de
dialogo sul las lengos en gênerai e lours prencipalos attribucius. Ce
travail, écrit en dialecte gascon, avait été communiqué par son
auteur à la Sociélé pour l'élude des langues romanes et y avait été
remarqué.
M. l'abbé Lieutaud, bibliothécaire de la ville de Marseille, a com-
mencé, sous le titre général de Notes pour servir à Vhistoire de
Provence, une série de petites publications mensuelles, qui sont
déjà au nombre de quatre :
I. Élections municipales à Berre (6 janvier 1396, texte roman). —
IL Un Diner officiel à Jonquières (Vauciuse, 17 février 1725). — III.
Vente de la ville de Moustiers (27 mars 1313). — IV. Lou Rouman
d'Arles, fragment de poome j)rovencal (Marseille, Boy fils. In-S®,
19 p.).
Ce fragment est emprunté à des copies modernes, qui se trou-
vent: à la bibliothèque Méjanes, d'Aix, ms. 307 ; — aux archives
d'Arles, ms. de J.-D. Vôran, sur les Idiomes d'Arles, p. 213 et 59;
— et ms. de Bonnemant. Ce dernier le donne d'après une copie
de Bertrand Boisset, aujourd'hui perdue, mais qu'on croit du
XlVe siècle.
2^
480 CHRONIQUE
L'éditeur a essayé rlo reconstituer le texte original du poome
[)ar des conjectures et des corrections plus ou moins heureuâes,
le texte actuel ayant beaucoup souffert. — Nous n'avons reçu que
les numéros 1 et 4 de ces publications.
Nous apprenons avec plaisir que M. Gabriel Azaïs, secrétaire
de la Socicié archéologique de Héziers, va publier cet hiver un re-
(îueil de poésies provençales et languedociennes : Im Vesprada^ de
Clûirac, en ce moment sous presse à Avignon.
L'ancienne Sociélé des sciences, lettres et arts, fondée à Pau en
1841. et qui avait cessé ses travaux, s'est reconstituée on 1871.
Nous remarquons dans lo tom. I«r de la deuxième série,
1871-187'2, p l 11, un texte du XVIo siècle. C'est un lièglemenl pour
la saison thermale des eaux chaudes^ communiqué par M. Raymond,
arcbiviste des Basses-Pyrénées.
Cette ordonnance, rendue en 1576 par Henri d'Albret, lieutenant
général de Henri III, roi de Navarre, plus tard Henri IV de
France, a été trouvée dans les archives de Laruns.
On sait combien il est rare de trouver des documents de cette
époque écrits en langue d'oc.
Sip;nalons, en terminant, ({uelques publications concernant This-
toire de nos provinces méridionales :
Noticesur les origines de la maison d'Albret, 997-1270, par A. Lu-
chaire. In-8o (Ribaut, à Pau). — Histoire des vicomtes et de la
vicomte de Limoges, par F. Marvaud. Paris, 1873, tom. I"* (in-S®,
Dumoulin). — Essai sur le grand prieuré de Saint-Gilles, de V ordre
de Saint-Jran-de-Jérusalem, suivi du Catalogue des chevaliers de la
langue de Provence, par le comte de Grasset (in-4o, Dumoulin). —
Avignon, le Gomtat etla principauté d- Or ange ^ parM.de Laincel, etc.
Dans le dernier numéro delà Romania, M. G. Meyer attribue les
Petites Compositions populaires à MM. Martel et Liebich. Cette publi-
cation est de MM. Moutel et Lambert, ainsi que celle des Contes
populaires, à continuer, et celle des Chants populaires, qui suivra
bientôt.
Le Gmmt, Ehnest HAMELIN .
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi.- Ricateau, Hamelin et O».
DIALECTES ANCIENS
ARCHIVES DE MONTPELLIER
LE MEMORIAL DES NOBLES
Le Mémorial des Nobles est le plus ancien et aussi le plus
précieux, sans contredit, des cartulaires des archives munici-
pales de Montpellier, en ce sens surtout qu'il est la repro-
duction de documents originaux qui n'existent plus.
Il se donne à lui-même le nom de Liber instrumentorum
inonorialiasn, ainsi que Ta fort bien observé M. A. Germain*.
On no Ta appelé Mémorial des Nobles, aux XVP etXVlP siè-
cles, que par une sorte d'opposition avec une longue série de
volumes d'annales, dits Mémoriaujc consulaires, que possèdent
ces archives. De même que ces derniers relatent, année par
année, tout ce (|ui intéresse la commune et les charges muni-
cipales, de mémo le Mémorial des Nobles, pour tout le temps
où la ville eut des seigneurs, relate et reproduit tous les actes
(jui concernent les droits et les rapports de féodalité et de
propriété de ces derniers.
Il contient donc à peu près tout ce que nous savons de
l'histoire de la ville de Montpellier de Tan 1020 à Tan 1204,
(jui est le point de départ de presque tous nos grands recueils
municipaux. A ce point de vue, la dénomination actuelle "est
donc assez exacte.
l^lle ne l'est [dus en ceci que, tandis que les véritables Mémo-
rifittx sont des récits de faits au jour le jour, dans ce stjle
embarrassé et prolixe des greffes que Ton connaît, le Mémo-
• llistoirr de (u Comimiur do Monfppllier. l. !•', p. 298.
32
482 DIALECTES ANCIENS
rial des Nobles, au contraire, reproduit purement et simple-
ment des chartes et des pièces originales, sans même y
ajouter de commentaires.
Si cette dénomination n'était pas consacrée, il est évident,
par ce que je viens de dire, qu'il faudrait lui substituer celle
de Cartulaiî'e des Guillems, tout comme à la Bibliothèque Na-
tionale on a substitué à la dénomination vulgaire de Petit
Thalamus celle de Cartulaire de Montpellier,-- Mais il n'y a pas
à insister sur ces changements, attendu que ces deul manu-
scrits sont connus et cités partout sous leur nom vulgaire.
Le Mémorial des Nobles est un « magnifique in-folio, sur
vélin, de 191 feuillets, où sont transcrites, avec assez d'ordre,
au nombre de 613, toutes les bulles et toutes les chartes rela-
tives à la seigneurie des Guillems. » Cet ordre consiste en ceci
que, au lieu d'être rangés chronologiquement ou au hasard,
comme ils le sont dans presque tous les cartulaires, les docu-
ments sont groupés de telle façon que tous ceux qui concer-
nent un même titre féodal se suivent sans interruption, et en
général par rang de date. Cet ordre est indiqué et rendu plus
facile à saisir dans une table très-détaillée, qui se trouve en
tête du manuscrit.
Sur ces 613 documents, le sixième à peu près est en langue
romane *.
Mon intention, bien arrêtée depuis longtemps, étant de
publier le cartulaire en entier, j'avais résolu de ne donner
à la Revue qu'un très-petit nombre de documents, pris parmi
ceux de cette dernière sorte ; d'autant mieux que ces docu-
ments — presque tous serments d'hommage et de fidélité —
ne font que reproduire les mêmes formules et n'offrent pas
le grand intérêt historique et la variété des actes latins.
Mais, après réflexion faite, je me décide à les donner entiè-
' Les documents latins les plus importants ont été publiés par M. A.
Germain, dans ses grands travaux historiques sur notre ville ; la publi<*
cation complète, que je l'entreprenne ou qu'elle soit faite par un autre,
n'en demeure pas moins fort à désirer.
LE MEMORIAL DES NOBLES 483
rement, pour deux raisons, dont je crois qu'on appréciera la
valeur: Tune, c'est que ces documents, en général fort an-
ciens — ils appartiennent presque tous à la seconde moitié
du XP siècle ou au commencement du XIP — donnent des
exemples de prose en notre langage pour des dates assez
reculées, et avec des transformations successives; l'autre, c'est
que par leurs variantes d'orthographe et d'idiome, qui chan-
gent souvent avec le lieu dont il s'agit, ils peuvent présenter
des observations intéressantes sur la langue et la manière
de prononcer des divers pajs de notre contrée .
Je ne puis, pour l'heure, donner de plus longs détails sur
cette publication. Des circonstances douloureuses me forcent à
renvoyer à plus tard la notice que je me proposais de faire,
tant sur le manuscrit en général que sur les particularités de
chaque document.
Il doit me suffire d'ajouter que je les édite dans l'ordre où
ils se trouvent dans le manuscrit, mais que j'en donnerai à la
fin une récapitulation chronologique et comparative, avec les
explications que nécessite leur publication.
A. M.
I
(F° 29, r°. — Ann. 1130)
Ch . 68) Item convenientia inter PRiEDiCTOS
Aus tu Guillelm de Montpesler, fil d'Ermessent, si Bernarts,
coms de Melgor, filz de Maria, aquels très diners que t'a do-
naz a feu en la moneda de Melgor, pos serant monedat a
Melgor 0 deforas ab la voluntat del comte, siant denier, siant
mezallas, te tollia o t'en tollia, el o om o femena per son consel
() per son gien o per sa art, si enfra xl dias pos tu l'en co-
monrias o comonre l'en farias zo que toit t'auria, el o om o
484 DIA.LBCTES ANCIENS
femena per son consel o per son gien o per sa art, non t'avia
emendat senes engan. Eu enfra octo dias pos tu m'en comon-
rias 0 comonre m'en farias, e d'aquel comoniment eu no'm
vedaria, a Montpesler venria en ton poder, si aiz non avia ;
e aquel aiz non fos per aizo ni contra aizo, e Taiz trapasat
venrai a Montpesler e d'aqui non iserai per negun gin ni per
nulla art, senes ton consel, entro qu'a co que toit t'auria le
coms sobrediz o om o femna per son consel o per son gien te
fos emendat ses lo teu engan. E sobre tôt aizo, si'l coms o altre
om 0 femna la moneda de Melgor de la lei o del pes que faita
deu esser, si con es escrit on la carta del sacramental del
comte, amcrmava, ad aquel ajudaire ni conssellaire non serai ;
ni a ti ni a tos crez, qui sennor seran de Montpesler, nozeire
d'aquels non serai. Sobr'aizo de la bailia quel comte t'a lais-
sada del castel de Melgor et de son terminio et de Mont-
feran, si tornaz era al comte o a son ère, nuls om o nulla
femna te tollia o t'en tollia ad aquel ajudaire nec consiliator ero,
nec tui nec heredihus tuis inde nocuei^o, Aisi con en aquesta carta
es escrit, aisi o tenrai et o atendrai, meu escient, per aquestz
sanz. Juraverunt in ecclesîa sancti Jacobi, Ugo de Obillos, Petrus
Siguerius de Melqoino, Raimundus de Fraires, Pelrus Gavcel-
mus, Armandus, Poncius Aicardus, Bremundus de Obillos, Bet^-
trandus de Neptis . — Testes sunt Guilelmus de Fabricis, Poncius
suus frater, Ugo de Castro Movo, G. de Jonchus, Raimundus Bas-
tagniy Gaucelmus deClareto, G, de Villanova, Bemardus Botberti,
Raimundus de Haura, Berengarius filius Berengarii Lamberti,
Amelius de Podio, Archimbaldus, Guillelmus Girardi, Petrus
Angélus, — Juramrunt in ecclesia sancti Romani, Poncius de Mon-
telauro, Raimundus frater suus, Peti^us de Surigariis. Bertran-
dus de Boissariis, Petrus Maltos, Raimundus Miro, Guillelmus
Rigaldi, Petrus Girbeti, Petits Gibelinus, Poncius Rigaldi, Guil^
lelmus Bremundus, Petrus Rostagni de Ozorio, G, Boschius,
BeiHrandus Jordani, Petrus Aloardi, Raimundus Gaucelmus y Guil"
lelmus de Arsaz. — De liis testes sunt isti, Guillelmus de Fabricis^
Poncius de Fabncis, Ugo de Castro JSovo, Raimundus Rostagni,
Bemardus Ebrardi, Bemardus Rotberti, Guillelmus Troncus,
LE MEMORIAL DES NOBLES 485
Berengarius filius Berengarii Lamberti, Amelius de Podio, Ber-^
nardus de Ahuria, Petrus Deodatus de Sancio Egtdio, Pondus
d'Arles, Petrtis Ginnactiantii, Archimbaldus, Guillelmus de Villa-
nova, Petrus Angélus. — Juraverunt Guillelmus Miro, Éaimundus
de Maroiol, Guillelmus Seguinus, Bemardusde Sancto Juliano,
Guillelmus Jordani de Ozorio. — In domo Rainaldi de Vienna,
juraverunt Bertraridus Oto, Ugo de Boisseiras, G. Tallandus,
G. Bertrandus, G.d'Ossor. In videntia Berengarii Lamberti, Bu-
nonis de Tolosa, Guillelmide Villanova, Ponciiàe Rocha furcata.
Cette convention, portant que le comte de Melgueil Bernard IV promet
à (iuillem VI, seigneur de Montpellier, de garder le bail à fief qu'il lui a
fait de trois deniers sur chaque vingt sols de monnaie qui seraient frappés
à Melgueil, est d'avril 1130.- Cette date est indiquée par l'accord (ch. 66)
qu'il? eurent entre eux et un serment de Guillem VI (ch. 67), qui se trou-
vent immédiatement avant dans le manuscrit. — V., pour toute cette
affaire, 1« Mémoire sur les anciennes monnaies seigneuriales de MelgueU
et de Montpellier, par M. A. Germain, Public, de la Soc, arch., lîl p 135.
II
(F° 35, v\ — Ann. 1174.)
Ch. 80) Sacramentum a raimundo comité tholosano
PR^STITUM GUILLELMO DOMINO MONTISPESSULANI
/"Jgo RnimunduSy Dei gratia dux Narbone, cornes Tolose, mar-
cliio Provincie, filz de Faidida, jur a te, G. sener de Monpes-
Icr, filz de Mathelz, ta vida e ta membra, e que d'aquesta
hora enant, eu non t'enguanarai de ta honorni de ton aver, ni
de tons homes, meu escient. E si nescis o fazia, lai on tu G.
sener de Monpesler per te o per ton fizel messatgue m'en
comonrias per sagramen, enfra quaranta dias, eu to emen-
daria sens engan, per aquest sanz. Et oltr'aizo met en n'a-
({uest meseis sagramen, qu'eu no't penrai nipenre no't farai.
Essi neguns hom te prendia ab aquel compania ni societat
4SÔ DIALECTES ANCIENS
non auria, ni amistat, si per te arrecobrar non o avia. Hoc
fuit factura anno Dominice incamntionis M° C^ LXXIIII^ mense
decembris in villa de Medullo. In presentia Poncii archieptscopt
Narbone, Johanis episcopi Magalone, Raimundi Gutllemi abbatis
Ananie, Bernardi de Andusia, Bermundi de Uzetico, Raimundi
Gaucelmi, Guillelmi de Sabrano, Raimundi R&scsa^ Bermundi
de Someire, Guidonis Guerre gat, Guillelmi d'Arsaz, Ermengavi
de Melgorio, Pétri de Bernis, Guillelmi Rainaldi, Raimundi de
Caslar, Magistri Radulfi , Ermengavi de Piniano, Raimundi
Guillelmi fratris sui, Agulloni de Castro Novo, Porcello de Ar-
lede, Guillelmi Raimundi Gantelmi, Guillelmi de Albaterra, Guil-
lelmi Letirici, Guillelmi Adalguerii, Guillelmi Pétri , Guillelmi
Olrici, Guiraldi Atbrandi, Pétri de Casa, Magistri Guidonis,
Stepkani de Conchis, Poncii de Berengarii Lamberti, Johansi
Bertulfî, Guillelmi de Cerverio, Pétri de Alegre et multorum
aliorum et Silvestri qui hec scripsit.
Pour ce serment, prêté par Raymond V , comte de Toulouse, à Guil-
lem Vin, de Montpellier, et l'accord de Mezoul, qui en fut la cause,
voy. d'Aigrefeuille, Hist . de la ville de Montp., l, pag. 41.
m
(F° 36, r°. — Ann. 1068?)
Ch. 82). Sacramentum factum a raimundo comité melgoriensi
GUILI.ELMO domino MONTISPESSULANI SUPER MELGORIO ET DB
IPSIUS FIDELITATE
Deista hora in antea, ego Raimundus filius Bera non dezebrai
Guilelmum filium Ermengardis de ipso castello quod vocavit
Melgorium, nolli tolrai ni l'en tolrai nilli vedarai de illas forte-
zas quw ibi kodie sunt et in antea erunt, neque homo neque fcemina
per meum ingenium nec per meam artem neque per meum consi-
LE MEMORIAL DBS NOBLES 487
lia m, et si hoc erat aut fœmina que't te tolisset aut t'en tolisset
cum illo societatem nec finem non habuero ad dampnum de Guil-
lelmo superscripto . Et ajudarai a Guillelmum superscriptum
usque quod habuisset illum recuperatum et cum illo et sine illo , Et
ajudar Ten ai per fidem et sine ingano et sine sua deceptione. Ego
Raimundus ad te (luilelmum superscriptum sicut superscriptum
et totum tenebo per fidem et sine ingano, me sciente, salva fide-
litate de Raimundo, comité d'Espeluca .
Ce serment, prêté par Raymond, fils de Bera, comte de Melgueil, à Guil-
lem V, doit avoir été fait entre les années 1068 et 1079, dates de Tavènement
de ce dernier et de la mort du comte.
IV
(F° 36, v\ — Ann. 1125?)
Ch. 83) JUSJURANDUM FACTUM A BERNARDO COMITE SUPER
FIDELITATE GUILLELMO DOMINO MONTISPESSULANI
Eu Bernard, coms de Melgor, filz de Maria, jur a te, Guil-
lelm de Montpestler, fil d'Ermessenz, ta vida et ta membra,
e que d'aquesta hora enant, eu non f enganarai de ta honor
ni de ton aver, meu escient. Et si nescies o fazia, lai on tu,
Guillelm de Montpestler, per te o per ton fizel messatgue
m'en comonrias per sagrament, enfra xl dias eu to emen-
darai senes engan per aquestz sanz. Testes sunt isti, Bemardus
de Anduzia, Guillelmus de Omelado, Gaucelmus de Clareto, Guil"
leimus de Fabricis, Berengarius Aeiraz, Rostagnus d'Arsaz, Ber-
nardus de Pinnano, Berengarius de Salve .
Serment de Bernard III, comte de Melgueil, à Guillem "VI, qui doit être
placé à la fin do leurs démêlés, en 1125. (V. d'Aigrefeuille, Hisi. de la ville
de Montp., 1, pag. xxxui et 20.)
4S8 DIALECTES ANCIENS
V
(Po 63, v° — Ann. 1113.)
Cil. ] 10) Df: LITE PROPOSITA INTER DOMINUM GUILLELMUM
MONTISPESSULAXI ET BERNARDUM GUILLBLMUM
(.Tuilelms de Monpestler se clama d'en Bernart Guilelm
d'aiso : qu'enz Guilelms de Monpestler s'en clamava d'en Ber-
nart Guilelm e demandet l'en fermansa. E'n Bernars Guilelms
no'l vole dar fermansa entro ab lo degan de Posqueiras et ab
n' Esteve de Cervian ac assegut cum deseiseria de sun poder,
et il lo agro covengut. Et per aizo clamas sen en Guilelms
de Monpestler, quar ab aital gen li detla fermanso. Et en de
sobre clamas sen en Guilelms de Monpestler quar en Bernars
Guilelms se fez donar sun feu ab carta, que adoncs cavaliers
en esta terra non donera son feu ad altre ab carta. E sobr'aisso
clamas en Guilelms de Monpestler, qu'en Bernaz Guilelms
se fez donar ab carta sa onor dominia d'en Guilelm de Mon-
pestler, que non era del feu d'en Bernart Guilelm sobr'esso
qu'enz Bernarz Guilelms fu al guadi qu'enz Bernarz Guilelms
SOS paire d'en Guilelm de Monpestler donet adoncs e'I ma-
lavei de que fo mors. El quai guazi diss en Bernarz Guilelms
SOS paire do Guilelm de Monpestler que don que fezes aquest
SOS fils Guilelms de Monpestler, ans que agucs trent-ans, non
fos estabils, e so auzi ens Bernars Guilelms. E quar en Ber-
narz Guilelms receup don de son feu ab carta, que anc mais
fait non fora en aquesta terra, e quar receup don de cella
onor (|U0 de sun feu non era ab aquests engiens. E quar el o
clamava per son feu, e non o era : e quel sabra '1 gazi que
SOS paire donera : enz Guilelms de Monpesler quan fo fauz
lo dons anquara trent-anz non aura. Clama enz Guilelms de
Monpestler tôt lo plaz. E met l'en rancura et en vet et en
contradich e per aiso anquara quar l'enganet ab ses amies. —
E clamas enz Guilelms de Monpestler d'en Bernart Guilelm de
LE MEMORIAL DES NOBLBS 489
las junchadas del sestairalague de la vila de Monpestler, que
el e sel orne las prendon maiors que non devon, E manda '1 e
veda 1 ens Guilelms de Monpestler que mai3 de si enant non
las prenda ni prenre non las fassa maiors que non deu. Ë
so fa, met li tôt lo sestairalatgue en forfaz. E clamas enz Gui-
lelms de Monpestler, quar en Bernarz Guilelms las justizias
pren dels forsaz que Tom ad el forsa en la vila de Monpest-
ler sans los sens bailes. E clama s'eus Guillelms de Monpestler
dai bon feu cum enz Bernars Guillems ten de lui, quar ben
no'l li serve.
Ce débat entre Guillem VI, fils d'Ermessende, et le vicaire Bernard
Guil!em, dont cette pièce et la suivante fournissent les points contradic-
toires, fut l'un des signes avant- coureurs de la révolto de tt71, suséitôe
principalement par ce dernier et ses enHaints. (V. d'Âigrefeuille, Hist.f It
pag. 25 etsq,) La date 1113 q%l indiquée: par laobarte que nous pabliws
ci après
VI
(F' 63, v°. - Ann. 1113.)
Cil. 1:;^0) Item querimonia beknardi ouu^lblmi &t DOBiU[r:i
GUILLELMI MONTISPJE^SULANI.
Enz Bernaz Guilelms clamas d'en Guilelm de Montpesler :
(lois plaz que non son tengutensa cort, e de'ls lairuns quar el
iio'ls ten, e dels plaz quar el no'ls pot bais^ar<'ni levar. — ETn
(juilelms de Monpesler respon Fen enaisai: — Delà plaiZ de
Monpestler quar non son plagigat en la cort d*en Bernart
(Tuilclm, non lo deu demandar, que non es sos feus ni npn o a
en sa carta. £t rancuras Sf^n ens Guilelms de Monpestler,
4U entre forun tengut li plaz en U cort d'en Bernart Gui-
lolm li sei ome Temblerun lus p^ et foron proat» E quar
enz Guilelms de Monpestler non gec tener los lairuns eii la
cort d'en Bernart Guilelqi^fia p pec zo qu'^nti^ li lairun estàUJL
490 DIALECTES ANCIENS
la, 11 orne d'en Bernart Guilelm los alargueron tais ni ac, e
tais ni ag s'en annerun per lur mala garda ; per que enz Gtm-
lelms de Monpestler en perdet sas justizias^ et an faz gran
messinn en condersser et en conduz. Ë sei orne d'en Bernart
Guilelm aun alargatz lairuns de sas dominias carcers d^en
Guilelm de Monpestler, e clamas s'en. E si en Bemarz Gui-
lelms li rederzia tôt lo mal e'I daun e Fancta qu'avengut Ten
n'es, abs so qu'a far n'auria si no's vol, giquir ha tener los
lairons. E quar ens Guilelms de Monpestler no'l laissa las
platz batsar ni alsar, fa o per so que non es feus d'en Bernart
Guilelm. E'nz Guilelms de Monpestler vol tener lo sennoriu
a SOS obs. Totas aquestas rancuras sobrescriptas et aquestz
raspostz sobrescriz, Guilelms de Monpestler en vezensa et en
auzensa d'en Bessun et d'en Peiron Repessiun e d'en Peirun
Guilelm, mandet a me Peirun Jaufre, archidiague de Ma-
galona, que eu las fezes e'is fezes a'n Bernart Guilelm el seu
loc e per el, et eu testimoni o qu'aissi es vers qu'el m'en man-
det. Quando Petrus Gaufridiis, archidiaconm Magalonensts,
istas rancuras et ista responsa superscripta retulit Bemardo
Guilelmo expaî'te Guilhelmi Montispessulani, aderat ibi Gmklmus
Aimoinus, filius Bemardi Guillelmi,Et, Fatdttus, Et aderant ibi
présentes Petrus Repeciuns et Petrus Guilelmtis, qui hoc idem
confirmaverunt et testificati sunt. Fuit autemhec relatio factaXIII
kaL decemhris, anno Dominice incamationts MCXIII, in tn-
dentia et audientia Guillelmi de Lemozin, Disderiiy Raimundi
Gaucelmi, Bemardi de Sancto Nazario , Guillelmi Ebrardi,
Pétri Raimundi, clericorum, Poncii de Monlaur, Pétri Gui-
lelmi Ebrardi et Bemardi filii sui, Olivarii de Castello, Bemardi
fzarni, Bemardi Berengarii, Poncii Berengarii, militum, Be-
rengarii Lamberti, Guilelmi de Ozorio, Raimundi Lamberti
et Guilelmi filii sui, Pétri Guiraldi de la Palada, Pétri Guiraldi
de Sancto Géorgie et Guilelmi filii sui, Pétri Guilelmi de la
Peira , Pétris Guiraldi de Sancto Gervasio et Gitberti filii
suif Bemardi Daura, Adalguerii de Campo novo, Bruni de
Tolosa, Guilelmi Fuitberti, Amelii filii Guitberti, Guerrerii,
Pétri Godescalc, Raimundi Porcel, Poncii Darlen, Guiraldi de
LE MEMORIAL DES NOBLES 491
la Pallada, Guilelmi Guirardi, Poncii Ugonis, Pétri Raenfre,
Guilelmi Leterict, Guiraldi de Menaz, Pétri Albarid, Pétri
Samuel, Bernai'di Bel, Guilelmi Seneucher, Dalmacii de Curia,
Bertrandi Donzella, Guilelmi de Carcassona, Bemardi Manda-
menta, Unaldi,
VII
(F° 65, v\ — Ann. 1124)
Ch. 124.) Sacramentum fidelitatis promissum guilelmo domino
MONTISPESSULANI A BERENGARIO AIRRA ET RAIMUNDO
Hoc est placitum, quod fuit f'actum inter Guilelmum de
Montepessulano et Berengarium Airra : Berenguers Airra fo
SOS hom d'en Guilelm de Monpestler. E juretli aitori ab el
e sans el, per fe e sans engan, d'en Guilelm de Monpeslier
de la guerra del comte de Melgur, entro finida sia. E si d'en
Guilelm de Monpestler menesfallia, que Berenguers Airra
ajut per fe e sans engan ad aquel sun fraire d'en Guilelm de
Monpestler, que senner séria de Monpestler seguentre lui,
entro la guerra finida sia. Et aquel sia'l sener et amies en
lug d'en Guilelm de Monpesler. E per aisso en Guilelm de
Monpestler mes en poder d'en Berenguer Airra, tôt aquo
qu'enz Guilelms de Monpestler avia près e ténia de sos enemics
en Londras. Per aital convenensa qu'enz Berenguer Airra
aquo'l reda tôt a sa voluntat afar, qu'ora qu'enz Guilelms de
Monpestler l'en somonga per se o per son messatgue. E Be-
renguers Airra a covengut a'n Guilelm de Monpestler, que'l
recobre'l castel de la Rocheta, qu'ora recobrar lo poira, e la
on recobrat l'auria, a n'Aralms lacomtessa'l redra; el li jur,
e la comtessa reda-lli a feu. E si enanz qu'enz Berenguers
Airra recobre lo castel de la Rocheta, ens Guilelms de Mon-
pestler lo podia penre per forsa o per aver, qu'ens Guilelms
492 DIALECTES ANCIENS
de Monpestler en fassa sa voluntat. E si d'en Guilelm de
Monpestler menesfalia, Berenguers Airra atenda e fassa totas
aquestas cissas covenensas ad aquel sun fraire d'en Guilelm
de Monpestler, que auria Monpestler seguentrelui. Et aquest
plaz et per aquestas covenensas sobrescritas, ens Quilelms
de Monpestler donot an Berenguer Airra m. d. sols, e deu
Fesser bons senner e bons amies. Similiter per eissa cove-
nensaRaimuns Airra fez a'n Guilelm de Monpestler romenesc
e'I sagriiinent, qu'el deu per fe e sans engan far Taitori ab
el e sans el, e tener totas aquestas covenensas sobrescrita.s,
a'n Guilelm de Monpesler, e ad aquel son fraire que auria
Monpesler seguentre lui. E del castel de la Rocheta fassa o
eisament con sobrescriz es. E per aisso ens Guilelms de Mon-
pestler donet a'n Raimun Airra l sols, e deu l'esser bons sen-
ner e' bons amies. Fma III videlieet die Martis ante caput
jejunioruiïi. Anno Dominice Incamationts Af° C® XX^ IIII^. Be-
rengarius Airra et Raimundus Airra fecerunt Guilebno Montis^
pessulani domino hoc hominiumet sacramentum,inecclesiaSancti
Firmini, et fecerunt et laudaverunt ei convenientias istctë cum
carta hac. In presentia Bemardi de Andusia, Raimundi de
Duabus Virginibus, Pétri Beimardi de Claret, Bemardi Gtâlelmi
vicarii, Pétri de Vedenobre, Guilelmi de Giranco, Guilelmi de
Valmala, Pétri Malcanet, Pétri Guilelmi, Ebrardi, PoncH de
Puzabii, Armanni, Beimardi Frotardi, Bemardi Izarn, Poncii
Berengu£rii, Olivarii, Raimundi àQ Montoliu, Bemardi Ebrardi,
Berardi de Lundras, Faidiii, Berengaiii Lamberti, Pétri Giraldi
de Paleata, Auge?ni de Neirins et Girberti qui scripsit hec.
Ce traité, jiar lequol Guillem VI acheta les services de Berenftfer Airra,
s'explique par le fait de la guerre qui existait alors entre lui et Bernard III,
de Melgueil. (V. d'Aigrefeuille, Hist.. I, pag. 20.)
LE MEMORIAL DES NOBLES 493
VIII
(F°* 66 et 67 — Ann. 1156?)
Ch. 129 ) ACAPTACIO PECIE TERRE QUAM ACAPTAVIT BERNARDUS
GUILELMUS AD OPUS DOMINI GUILELMI MONTISPESSULANI DE GUl-
RAUDO DE LEMOSINO.
Hoc est carta de una pecia de terra quam acaptavit Ber-
nardus Guilelmus ad opus de domino suo Guillelmo de Montepes-
sulano ad totas suas voluntates facere de Girald de Lemozin, et de
SUIS infantibus per nu m. libr. et dimidia de denerssme inganno.
Et istam ierram solebat ipsemet Giralz tenire et est ista terra
juxta la via de Prunet, infra Tort de Gaucelm Barenger et de
Girald de Limozin : et si apels ja exiat que Giralz et sui in"
fautes Yen delibrassent sine inganno et per Taltre terre que
reraanet donant tal cens quai solebat dare Giralt de Limozin,
et istam ten^am superscriptam que Giralz de Lemozin, et sui
infantes vendederunt solserent et donarent ipse sobra script in
manu de Guilelm de Monpestler sine inganno. Et de hoc sunt
testimonii Raimundus Oldebert e/ Petrus Ugo.
Cet actr; d'acquisition vient immédiatement, dans le manuscrit, après
le contrat do mariage de Giiilhem VI, en 1156. et se, trouve parmi des
documents do mémo sorte qui précèdent ou suivent de fort près cette
dato, et se raiiportenl tous à cet événement.
IX
(F° 68, v° — Ann. 1141?)
Ch.lll) JUSJURANDUM GUILELMO DOMINO MONTISPESSULANI
rii.KSTlTL'M FILIO ERMESSENDIS AB HOMINIBUS SUIS
Ans tu iiom Guillelm de Monpestler, fils d'Ermessen&, eu
iTaquesta ora adenant a te, ni a ton fil Guillem, maior fil de
494 DIALBGTKS ANCIENS
Sybilia, post ta mort, ni si el era mortz ab anz que tu, ad
aquel ton enfant a oui tu Monpestleir laisarias : no' us tolrai
vostra vida ni vostra membra que a vostres cors juncta son,
ni vos prendrai per preison, ni hom ni femena ab mon art, ni
ab mon gen, ni ab mon consel, ni no'us tolrai la vila de
Monpestler ni la honor qu'a Monpestler perten, ni Taltra vos-
tra onor, on que Taiatz, no la'us tolrai, ni' us en tolrai ni cm
ni femena, ab mon art, ni ab mon gen, ni ab mon consel. E
si hom era ni femena que la'us tolges, ni'us en tolgues, dretz
aitoris vos en serai per fe e sans engan contra totz homes .
Enaisi con en esta carta escriz es e clergues legir Vo pot, sas
vostr' engan, aisi vos o tenrai e vos o atendrai a la toa co-
noisenza de te Guillelm de Monpestler ûl d'Ermessens tôt
sas engan, meun' escient, per Deu e per aquestz sans quatre
evangelis.
Il faut rapporter cet acte, non à Tavènement de Guiilem VI (1121), car il
n'était pas encore marié à cette époque, mais à la soumission des habi-
tants de Montpellier après la révolte de 1 141.
X
(F» 71, 2o — Ann. 1149? )
Ch. 156) JUSJURANDUM GUILLBLMO DOBUNO M0NTISPE3SULANI
FILIO SYBILIE PRiESTlTUM AB HOMINIBUS SUIS
Aus tu hom Guillelm de Monpestler, fil de Sybilia, eu d'a-
questa hora adenant, no't tolrai ta vida ni ta membra, que a
ton cors junch son, ni't prendrai per preison, eu ni hom ni
femena, ab ma art ni ab mon engen, ni ab mon consel, ni't
tolrai la vila de Monpesleir, ni la honor qu'a Monpestleir per-
ten, nn altra ta honor, on que'l agas : non la't tolrai ni t^en
tolrai, eu ni hom ni femena, ab ma art, ni ab mon engen, ni
ab mon consel. Et drez aitoris te serai per fe e sens engan
LE MEMORIAL DES NOBLB^ 495
contra toz liomens. En aissi con en esta carta escrich es, e
clergues Vo pot legir, sens ton engan, aissi t'o tenrai e t*o
atendrai a la toa conoissensa de te Guillelm de Monpestleir,
fil de Sibilia, sens engan meu escient, per Deu et per aquestz
sanz quatre evangelis.
L'avènement de Guillem VII, en 1149, fuL la cause nalnrelle de cette
prestation de serment faite par ses vassaux.
XI
(F* 75, r*. - Ann. 1172?)
Ch 176) Sacrambntdm guillblmo domino montispessulani» . .
PRBSTTTUM AB HOBONIBUS SUIS
Eu hom jur a te, Guillem, sennor de Monpeslier... que-zieu
d'aquesta hora enan, no't tolrai ta vida, ni to membre, ni tes
membres que a ton cors jonz son, ni' no't penrai per preizon,
ni hom ni femena, ni homes ni femenas, ab mon art ni ab mon
engiegn ni ab mon cosseill. Ni no't tolrai Monpeslier, m*l
Castel de la Palu, ni'l castel de Monferrier, ni Castelnou, ni
tos castelz, ni tas vilas, ni ren qu'a-z aquellas pertenga, ni ta
terra que ara as, ni ad enan conquerras ni auras. Ni la't tolrai,
ni t'en tolrai, ni hom ni femena, ni homes ni femenas, ab mon
art ni ab mon engien ni ab mon cosseill. E que la't tolia, ni
t'en tolia, eu to aondarai a demandar a ben et a fe leialmenz.
E tôt aizo aici com sobredich es : eu hom t'o jur e t'o aten-f
drai a bona fe ses gien e ses engan, tan quant en ton poder
estarai, si Deus m'ajut et aquest sangte evangeli.
Prestation de serment des vassaux de Guillem VIII & son avènement,
tout comme nous avous vu ci-dessus de ceux de Guillem VII et Guillem VI.
— Les mots qui manquent dans le titre, et à la première ligne, ont été
biffés; les ratures out été constatées et signées par le juge mage Trin-
quère, en 1617.
496 DIALECTES ANCIENS
XII
(F° 85, r°. — Ann. 1201.)
Ch. 209. ) SaCRAMENTUM FIDELITATIS QUOD FECIT AANALDUS MA8-
CARONUS MATHILDI ET PETBONILLEFILIABUS NATIS ET NASCITURIS
BERNARDI COMITIS CONVENARUM ET MARIE COMITISSE UXORI8
SUE, SUPER CASTRO DE MURET. ET CERTTS HONORIBUS AD EAS
SPECTANTIBUS.
Eu liom, per nom Arnalt Mascaron, per mandamen de te
Bernart, comte de Comenge, jur a Matbelz et a Peironella,
fillas do te Bernart comte de Comcngc et de la comtessa
Maria, fiUa d'en Gruillelm, sonnor de Monpeslier, que seguen-
tre'ls dias de te Bernard comte sobredig, fizels om lur sia, e
lur vida e lur membra lui* gar e lur salve a mon poder, sens
gien e sens engan. Et Murel c lot lo pertenemen e tota la
sennoria de Murel e tota la terra e tota la lionor sion castels,
sion vilas, sion terras, sion honors de saves, — e tota la terra e
tota lahonor sion castels, sion vUas, sion bomes, femenas, sion
sennorias que tu Bernart, coms de Comenge, as en Tavesquat
de Tolzan, que ara Tas ni aver i deus ni adenant 1' auras. Et
d'aizo serai lizels ajudairc ad ellas o a mais fillas, si mais ni
avia de te sobredig comte e de la sobredicha comtessa, salva
la beretiit el esposalici que la sobrediclia comtessa a el castel
de Murel. Tôt aisi con os sobrescrig, sens gien e sens engan,
o atendrai per bona fe per aquestz sanz evangelis. Pero asa-
ber es que si fil Tavia del sobredig comte e de la sobredicha
comtessa, o fils ad aquel o ad aquels, faria sagrament e fezel-
tat per bona fe e sens engan et ad els o tenria et a lur hères.
Pero si menesfalia d'els sens liais hères, tenria o ad aquestas
et a lur hères.
En 1201, Bernard IV, comte de Comniiages, ordonna aux vassaux qu*il
avait soumis à sa femme, Marie de Moatpeliier, par contrat de mariage,
de lui rendre hommage. La charte 203, qui précède et qui est un ser-
ment analogue, indique cette date.
LE MEMORIAL DBS NOBLES 497
XIII
(PM19. — Ann. 1168.)
Ch. 313) Sacramentum fidelitatis promisstjm guillelmo do-
mino MONTISPESSULANI FILIO SIBILXE A PETRO DE CENTRAIRANICIS
SUPER VILLA DE CENTRAIEANICIS.
Eu, Peire de Centrairanegues, filz de Guillelma, jur a te
Gruillelm, sennor de Montpestler, fil de Sibilia, villa de Cen-
trairagues e las forsas que d'ara i sun o adenant i seran que
non la't tolrai ni t'en tolrai, ni las forsas no't tolrai ni t'en
tolrai, ni om ni femena ab mon art ni ab mon engen. Et si om
ni femena la vila ni las forzas te tolia ni t'en tolia, ab aquel ni
ab aquella fin ni societat non auria, si non o avia per la vila
o per las forzas acobrar : e can cobrada o cobradas las auria,
en ton poder las tornaria : e per cantas vegadas m'en comon-
rias, las forzas que d'ara i sun ni adenant i seraun te rendrai
et en ton poder tornarai, sens frau e sens engen, a te o a ton
mesatgue. Aisi con en esta carta escrig es ni om ben legir ni
entendre o pot, o tenrai et o atendrai, se Deus m'ajut et
aquez sans Deus evangelis. Et encara eu, Peire de Centraira-
negues. Jur a te, Guillelm, sennor de Monpestler, — ta vida,
ta membra et ta honor, — que non t'aucisa, ni tos membres
ni ta honor no't tola, ni om ni femena ab mon art ni ab mon
engen ni ab mon consel, e si bom ni femena o fazia, si dels
aitoris t'en séria contra tots homes e contra totas femenas.
Et aisi con escrit es o tenrai et o atendrai, se Deus m'ajut et
aquez sanz evangelis. Hujus rei testes sunt, Haimundus Gau-
cel/nï, Bf m ardus Guillelmus archidiaconus Bùerensis, Guido
f rater cjm, Petrus de Monteferrario, Guillelmus de Texertis,
Guillelmus Letericus, Agullonus de Castro novo, Maurinus, Rai-
mundus de Narbona, Paulus, Guillelmus Olrici^ Petrus de La-
33
498 DIALECTES ANCIENS
casa, et Fulco, scriptor Guillelmi domini Monttspessulaniy qui
hec scripsit.
Cet acte est, non de 1150, comme le pensait Gambouliù, mais de 1168,
ainsi qu'il résulle d'une donation qui vient immédiatement après dans le
ms. (ch. 120), et qui« concernant le même fait, a été aussi contre-signée
par les mêmes témoins.
Cette charte est l'une des trois que notre regretté ami avait publiées
dans le Jahrb tch. — Sa version est fort loin de Toriginal. ainsi qu'on
pourra en juger par les différences que je vais marquer ici:' — ligne l".
En pour Eu, fils p. filz, Guittina p. Guillelma ; -^ 1. 2, senor p. s^nnor;
— 1. 3: Centrairanigues p. Centrairagues, forme particulière assez com-
mune du nom de lieu Centrairaneques ; — l. 4: not l'as tulrai p. non
la't to'rai (le reste, c*est-à-dire deux ligues, jusqu'à et si om, a été omis);
—1. 5, hom p. om; —1. 6, vila p. v/i/a, tolra p. tolia avec l'omission do ni
las forzas et de ni t'en tolia ;— 1 7, aquela p. aquella, viila p- vUa ; — L 8,
co cobrada o ont été omis ; — 1. U, e p et ; — 1. 12, mesatge p. mesatgue^
corn p con. om p. h m; — 1. 13, omission: Et o aiendrai, y p. et; —
1. 14, aquez p. aquest, Oinission : Deus, Le reste, j usqu'à la fin du texte
roman, soit huit lignes, a été également omis.
XIV
(F° 121, v°. — Ann. 1111)
Ch. 317). Sacramentum fjdelitatis super castello de montk-
FERRARIO, QUOD FECIT BREMUNDUS FILIUS GARSENDIS GUILLELMO
I DOMINO MONTISPESSULANI FILIO BRMENIARDIS.
Eu, Bremons, filz de Garsent, et eu Guillelms, filz d'aquest
Bremon e de Guideneld, a te Guillelm, fil d'Ermeniarz : d'a-
questa hora adenant, del castel de Monferrer, de las forsas
que ara i son ni adenant fâchas i serau, no't decebrem, n'il te
tolrem ni t'en tolrem n'il te vedarem, nos ni om ni femena ab
nostra art ni ab nostre engien, ni ab nostre consentiment,
nostre escient. Et si hom era ni femena que'l ti toigues ne t'en
tolgues, nos ab aquel ni ab aquella fin ni societat non aurem,
LE MÉMORIAL DES NOBLES 49^
si per lo castel arecobrar non o aviam ; e'I a on recobrat Tau-
riam, en ton poder lo tornariam, sens locre e sens déception.
E de-z-aquella hora adenant, eneis sacrament testariam. Et
aquest castel no't vedarem, per quantas ves tu nos en somon-
ras, per te ne per ton mesatgue, e del somos noz en vedarem.
Aissi con en esta carta escrit es e clergues legir i'o pot, aissi
to tendrem e to atendrem, nostre escient, per est sainz. Hoc
sacramentum cum hac caria frit factum in presentia Raimundi
de Gmaco, et Poncii de Montelauro, et Guillelmi Rostagni de
Centrairanicis, et Pétri Gaucelmi de Monte Arbezone, et Pétri
Guillelmi Fbrardi, et Guillelmi de Operatorio, et Raimundi Por-'
cc/li. Régnante Lodoyco rege, Anno ab incamatione M^ C° XP,
Bermond et son fils Guilhem faisaient partie des coseigneurs du château
de Montferrier, pares de castello de Montfferrario (ch. 324), fort nom-
breux, ainsi qu'il résulte des chartes 318-337, qui viennent après ce ser-
ment. — Luurs noms sont indiqués par les documents qui suivent.
C'est encore l'une des chartes copiées (P 121 et non 171) par Cambouliù
]jour le Jahrbuch, Cette publication ofifre aussi de nombreuses différences
avec l'original : ligne l", fils pour filz ; — 1. 2. E de Guideneld a été
omis, fils p. fil; — 1. 4, seran p. serau; nil te tolrem a été omis; —
1. 6, nostra p. nostre; — 1. 7, nostre escient a été omis ; — e p. et,
0 p. ni ; — I. 8, aquela p. aquella, ne p. nt, aurai p. aurem. — Le reste
du texte roman, c'est-à-dire sept lignes, a été entièrement omis.
XV
(jpo 121, v° — Ann. 1111)
Cb. 318) Item sacramentum fidelitatis super Castro db
MOXTEFERRARIO QUOD FECIT (iUILLELMUS FILIUS ALDIARDIS
GUILLELMO DOMINO M0NTISPES3ULANI FITiIO ERMENIARDIS.
Eu, Guillelmi fils d'Aldiart, et ieu Raimuns, fils d^aquesta
Aldiart, a te Guillelm, fil d'Ermeniarz, d'aquesta hora adenant
de castel de Montferrer, de las forsas c*ara i son, ni adenant
500 DIALECTES AJSCIEN8
faitas hi seraut, no't decebrem, ni'l te tolrem, ne t'en tolrem,
nïl te vedarem, nos ni hom ni femena ab nostra art, ni ab
nostre engien ni ab nostre consentiment, nostre escient. Et si
hom era ni femena que'l te tolgues, ni t'en tolgues, nos ab
aquel ni ab aquella, fin ni societat non aurem, si per le castel
arecobrar non o aviam. E la on recobrat Tauriam, en to poâer
lo tornariam, sens locre e sens déception. E de-z aquela hora
adenant, eneis sacrament testariam. Et aquest castel no't ve-
darem per quantas ves tu nos en somonras per te ni par ton
mesatgue, e del somos noz en vedarem. Aissi con en esta
carta escrit es e clergues legir hi o pot, aissi to tenrem e to
atendrem, nostre escient, per est sainz. Boc sacramentum cum
hac carta fuit factum in presentia Poncit de Montelauro, et
Poncii Eaimundi de Mûries, et Ugonis Casiri novi, et Raimundi
Rostagni de Centrairanicis, et Pétri Guillelmi Ebrardi, et Ar-
mandi d'Omelaz, et Guillelmi Poncii Aimoini. Régnante Lo-
doyco rege, Anno ab Incamatione Domini M^ C* XP,
La filiation de ces petits seigneurs est fort obscure. La diarte 328 donne
un serinent d'un Raymond, fils de Peironela ; mais on ne sait s'il était
fils de ce Guilhem dont il est question ici, ou du Peire qui suit.
XVI
(F" 121, vo — Ann. 1111)
Ch. 319) Item super eodem sacramentum fidelitatis quod
FECIT PETRUS FILIUS BRUNISENDIS GUILLELMO DOMINO MON-
TISPESSULANI FILIO ERMENIARDIS.
Eu, Peire, fils de Brunisens, et eu Raimons, fîlz d'aquesta
Brunissens, a te Guillelm, fill d'Ermeniart, d'aquesta hora
adenant: del castel deMonferrer, de laforsas que ara hi son
ni adenant faitas hi serau, no't decebrem, ni'l te tolrem, ne
t'en tolrem, ni'l te vedarem, nos ni hom ni femena ab nostra
LE MEMORIAL DES NOBLES 501
art ni ab noatre engien, ni jab nostre consentiment, nostre
escient. E si hom era ni femenâ quel ti toï'gxies ne t'en tol-
^ues, nos ab aquel ni ab aquella fin ni societat non aurem,
si per lo castel arecobrar non o aviam. Ela on recobrat Tau-
riam, en ton poder lo tornariam, sens locre e sens déception.
E de-z-aquela hora adenant eneis sacrament testariam. Et
aquest castel no*t vedarem per quantas ves tu nos en so-
monras per te ne per to messatgue, e del somos nos enve-
darem. En aissi con en esta carta escHt es, e clerg'ûes legir
Mo pot, aissi to tenrem e to atendrem, nostre escient, per
est sainz. Hoc sacramentum cum hac cai^ta fuit factum inpre-
sentia Poncii de Montelauro , et Poncii Raimundi de Mûries, et
Ugonis Castri novi, et Raimundi Rostagni de CentraJranicts, et
Pétri Guillelmi Ebrardi, et Armandi d'Omelas, et Guillelmi
Poncii Aimoini, Régnante Lodoyco rege. Anno ab incarnation^
DominiM^ C' XP,
DOCUMENTS SUR U LANGUE CATALANE
DES ANCIENS COMTÉS DE ROUSSILLON ET PE CÇRDAQNK
( Suite )
XIII
l£UDE9 DE PUIOGERDA ET DE LA VALL DE QUEROt
(1288).
La première capitale de la Cerdagne fut Livta, remplacée,
dès le XP siècle, à. ce qu'il semble, par le lieud'Hix (aujour-
d'hui Bourg-Madame), situé un peu plus à l'ouest, et dans lequel*
les documents signalent l'existence du marché de la Cer-»
dagne depuis l'an 950 environ jusqu'à l'époque delà fondation
de Puigcerda. Cette dernière ville est unepoblacio, ou, comme
on disait peu après dans le midi de la France, une bastide ou
Villeneuve, fondée en 1181, par le roi Ildefonse d'Aragon, dans
la partie occidentale de l'ancienne paroisse d'Hix. Cette nou-*
velle capitale de la Cerdagne, dotée Je foires et de marchés
dès son origine, prit de rapides développements et acquit, dès
le XIIP siècle, une importance qu'elle conserve encore.
La vallée de Querol est formée par le cours supérieur de la
rivière d'Aravo, qui débouche à Puigcerda, au sud: c'est la
seule voie de communication existante entre la Cerdagne et
le pays de Foix, par le col de Pimorent. Cette vallée, cédée à
la France par les traités de 1660, forme les trois communes de
Porté, Porta et la Tour do Querol. Le tarif de ses leudes n'est
pas daté, mais il est contemporain de celui de la leude de
Puigcerda.
Alart.
Anno dominim, ce. Ixxx. octavo.
Aquestaes memoria e capbreu quefaferffrareP. de Camp»
redon del orde del Temple, procurador de les rendes del uo*
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 503
ble senyor Ea Jacme per la gracia de deu rey de Malorcha,
comte de Rossejlo e de Cerdanya e senyor de Montpesler, de
la leuda quel dit senyor Rey pren e pendre ha acostumat en
la vila de Pugcerda.
Primerament, pren e pendre deu e ha acostumat de pendre
ledit S. Rey e'is seus antecessors, per la leuda, de cascunabala
de draps e de cascuna altre mercaderia, exceptada peyrussa,
e pella, e borra, e curs de bou, e curs de boch, e cenra cla-
villada, e erba caulera, si va ne ve de Pugcerda a Perpenya e
a Queragut*, vi. dr.
Item de cascuna bestia mular que vaja ne venga per ven-
dre, de Pugcerda a vers* Perpenya o vers Queragut, iiii.dr.
Item de cascun caval que vaja ni venga de Pugc. a Perp. e
Queragut per vendre, i. s. — De cascun rossi, v. s ni. d. —
De cascuna bestia bouina e de cascuna bestia asina, i. d. —
De cascun porch e de cascuna truiya, i. d. — De cascuna
ovela, e de cascuna cabra, e de semblant bestiar menut, i*
meala.
Item per cascuna somada de vi que home strayn port per
vendre a Pugcerda, i. d. — ■ E si entra dinsJa vila, de die de
mercat,ço es a saber, de dimecres pus es oranona al divenres
seguent que sia tercia, i. dr m*.
Item de cascuna somada de thea* que hom que no sia de la
terra de Cerdanya port per vendre a Pugcerda, en calque
' Chef-lieu du pays de Donazan (dép. de l'Ariége), entre le Gapcir et le
pays de Saat, improprement appelé Quérigut par les documents officiels,
en dépit de l'étymoiogie quer ou ker (rocher, sommet) et acutus. Les
gens du pays disent habituellement Q'ragut, Les noms de Jieu, formés du
cilliquo qu>r et d'un nom latin ou roman, sont innombrables dans la
région des Pyrénées orientales.
- .1 rcrs, (lins ie sens du français vers, est tout à fait inconnu dans
l'ancipa ratalan. (jui dit toujours ves o\xvers: a est donc une erreur du
scribe; il faut le remplacer par o, ou plutôt le supprimer.
3 On apptMie encore tcsa les morceaux de pin qui servent à réclairage,
dans les pauvres ménages de la Cerdagne, du Gapcir et du haut Gon-
llont.
504 DIÂLECTBS ANCIENS
die que la vene, i* m* ; e ai home que sia de la terra de Cer-
danja, sol que no sie stadant de Pugcerda, la porta par ven-
dre a die de mercat o de ares, o per vm . dies ans o pus tart de
fires, deu pagar exament, dins aquost temps e no en altre, per
cascuna somada, i. d.
Item per cascuna somada de carbo, ab que no sia sine
1. sach sol de carbo, i* m*.
item de cascuna dotzena de pejls de squirols, en calque
dia ni en calque temps sia, i. dr. Ë si home que sia de la terra
de Cerdanya la ponava per vendre en dimecres, pus que sia
ora nona, tro al divenres a la tercia, o de ôres, e viu . dies
abans o vm. dies pus tart, deu exament pagar, en aquest tetnps
e no en altre.
Item cascuna dotzena de peyls de cabres o de volps*, m.
dr.
Item cascuna peyl de luria' e cascuna peyl de bou, si venen
sparses per vendre, i. dr.
Item de una somada de pressechs^ e de pères, e de tota
altra frujta que no fassa ^ a mesurar ab mesura, que hom
strayn, d'on que sia, que no sia stadant de Pugcerda, port per
vendre, a tôt die, i. dr.
Item cascuna somada de sebes, e d*ails, ab que no sia cor '
una dotzena sola, un bratz de cebes o d'ails.
Item una somada de pales e de dentals, ab que no sien cor
una dotzena sola, una pala o un dental .
Item de tôt oli que home strayn que no sia stadant de Pug-
* Renards.
* Loutre.
«Pèches et poires.
^ Fckssa (de feVj faire), employé dans le sens de falloir ; on dirait au-
jourd'hui s^haia a mesurar. Oa trouve dans le môme sens, en 1314 : ^' la
mdina. per deffaliment de lenya, fasia a mudar^ que ho puguen fer,
{Procur, realf xvii, (^26.)
* Seulement, uniquement, mot depuis longtemps inusité en oatalan.
DOCUMENTS SÛR LA LAKGÙÊ CATALANE &6S
cerda compre ni vene, per cascuna sèstérada, el * cort*ôtïttito
de la dotzena* mesura; e si aquel quedeu pagar la leudâ no
volia donarlo dit correntum, deu donar perlô correïituiû dé la
xii*. mesura, i, dr.
Item tôt hom strajn qui vena blàt a Pugcerda e fruyta qnê
faça mesurar, deu demanar la mesura del senyor e ab aquela
deu mesurar lo blat e la frujta de calque linatge que sia, e deu
donar per mesuratge de cascunmug, mi. cosses; e silo blat o
la dita fruyta era venuda en dimecres pus fos ora nonsL tro
al divenres a tercia, o en fira o per vin . dies abans de fira o
pus tart, deu donar mes* una cossa per leuda.
Item de sal, de vi. sesters, una aymina per mesùi^atge, a
tôt die.
Item de cascuna somada de pex salât que sia venuda o coin-
prada a Pugc. a tôt die, vi.dr. E de somada de pex fresch,
axi metex.
Item de cascuna somada de veyre, i.dr.
Item de tôt hom qui fassa corbels e'is port vendre a Pug-
cerda, cascun ayn ne deu haver lo Senyor, per leuda, i. cor-
bell.
Item tôt hom qui tenga taula en la plaça de Pugcerda per
vendre sa mercaderia, si no es hom stadant de la vila, deu
pagar per cascun die que tenga taula, i* m*.
Item de cascun vellor * de lana, i* m*.
Item de cascuna somada d'oies, i.dr.
Item de cascun Juseu o Juseua, si no es stadant de Pug-
cerda, que vaja ni venga de Pugcerda a Perpenya o a Quer-
agut, 1. s. E si Juseu o Juseua ve de Catalunya, e va vers
' Ely 011 eyl, et aujourd'hui élt, est ôrdlûaireittétit eitïployô cotûïûe pro-
notn 'lui\ mais ici, et dans bien d'autres cas, aux Xlll*et !^IV* siècles,
ce ne peut être qu'un article masculin mis pour lo.
' Dans le sens de la douzième, et non pas de (a douzaine^ ôottfnïd pftati
haut
s Doit donner «n p\uê.
' Aujourd'hui vello, dans le catalan vulgaire, de fiMui (toiaen).
506 DIALECTES ANCIEI^S
Perpenja o vers Queragut e passa per Pugcerda, exament, i . s.
Iteni de cascun Sarrasin o Sarrasina que hom strajn yene o
compre a Pugcerda, i.s.
Item de cascun baho ^ que hom strajn vena en die de mercat
en Pugcerda o en lires, i.dr.
(A la suite, eadem manu )
Fforma de la manera antigua con es acostumada de gran
temps en ça levar la leuda del seynor rej en la Val de Querol.
Primerament, tota carrega de draps adobatz qui sien cor-
datz, mi.d.
Item une bala de draps adobatz que sia cordada, u.d.
Item 1 drap cruu i. dr, e tota carrega de draps crus, nu.d.
Item tota carrega de fusta de bast que sia obrada, vi.d. E si
porta III. fejs de fusta que no sia obrada ni cordada, m d.
Iterri tota bala de quiyna* que roba sia, qui vaja a travers',
n.d.
Item tota bala de pestell cordât, m.d, e si es bala que vaja
atraves, u.d.
Item dos quintals de ferre qui sia de hom strayn, i* m*.
Item tota carrega de ferre obrat que sia cordât, si'n porta
très balons, vi.d.
Item tota carrega de formages, mi.d, e si'n porta m. far-
cells que no sien cordatz, m d.
Item tota carrega de pella que sia cordada, nu.d.
Item tota bala qui vaja a traves, per entrada o per exida,
u.d.
Item tota bestia bouina, i.d.
* Erreur du scribe, pour bacho (jambon).
^ Équivalent du quien castillan. Nous ne connaissons aucun autre
exemple de l'emploi de quiyn ou quiyna que ( pour quai que ) dans le
catalan du XIII* siècle ; mais quin et qaina (quel, quelle) sont aujourd'hui
et ont toujours été très-usités.
^À travers ou a traves s'applique ici à un ballot ou paquet plao6 au-
dessus ou en travers de deux autres.
POCUMBKTS SUR LA LANGUE CATALANE 507
Item tota bestia de lana, o de cabru*, per entrada o per
exida, m*.
Item tôt porch o truja, i.d.
Item tôt mulat o rossi qui no haja portât bast, mi.d.
Item tôt mul de fex, qui haja portât bast, vm.d.
Item tôt caval qui entre per vendre, que sia de hom strayn,
v.s.
Item tôt Juseu que sia strajn e s'en vula passar deçà o
delà, i.s. Tota Juseua, i.s, e si es preyns, i.s vi.d.
Item tota carrega de drap de li, o de canem, o de stop a,
o de treliç, que sia cordada, iiii. d, e si no es cordada,
Il A,
Item si porta i.balo a traves, ii.d.
Item tôt fex de mercaderia de qualque roba que sia *, vuyla
sia cordada o no, qui vaja a traves, n.d.
Item tota somada de vi, iii.d.
Item tôt fex de galda que sia cordât, ii.d.
Item tota carrega de peix fresch o salât, un.d.
Item tota carrega de pells aynines o cabrum, iiii.d.
Item totes altres carregues d'aver de pes que isquen o entren
al pas de Querol, e sien de hom strayn, que sien cordades,
iiii.d.
Item tota carrega d'astz, de glavis, o de lances, o de dartz,
iiii.d.
Item tota carrega de fuUa, nu.d, de cendra depaltada'»
iiii.d.
Item tota carrega d'orxela, mi,d, e si no porta cor j.bala
a traves, II. d.
* Du latin caprinijts. Le catalan dit cabrum, et il est probable qu'ici,
comme en bien d'autres endroits, le copiste a oublié sur Vu le trait qui
indique les m ou les n.
* Le m3 porte roba que sia roba veyla sia cordada. Le mot roba a été
''épété par erreur après sia, et veyla (vieille) doit être remplacé par vuyla
(veuille).
^ Nous ne connaissons pas le sens de ce mot .
501 DIALECTES ANCIENS
Item tota carrega de cingles execurs *, o dé cDfdazti, qae
sia cordada, iiu.d; e si porta m. balonsvi.d; et si no d8co:rïài
u. d ; e si'n porta m. ballons que no sien cordatz", m. d.
Item tota carrega de lana sutza, o lavada, d'ajnins, lïxi. d.
Item tôt coiler qui porta a coil neguna mercaderiâ", m*.
Item tota carrega de calderes o d'dram o dé coUre 6 de
stajn, que sia cordada, iiii. d, e si no es cordada u. d, e élu
porta m. farcells, m. d, e ni no'n porta sino i. — i. d .
Item tota carrega d'oli de m. botz, vi. d. ^
Item per carrega de sal, i. d.
Item per carrega de cardons, Dfti. d.
Item per carrega de congre que sia cordada, lui. d, e 8i*n
porta m. balons, m. d.
(Procuracio reoL registre I". ^ 71-73. — Archives du
dôp. des Pyreaôes-Orientales^, B. 138.)
XIV
1289)
Ordonament contre aquels qui disen mal de Deus e de madbna ÔatocU
Maria.
Viii^. kls octohr. anno dni m^.cc^. Ixxx. nono.
Illustris d, Jacobus dei gracia rex Maioricar. ordinavit et staiuit,
etc. {Ordtnacions I, f* 9, r*.)
Ordonamenl de tancar los obradors dels menesterals en les festes aizi oo*
segueys ' .
Ffo adordonat per lo sejnor rej de Malorcha, ab oonseyl
*' Mot inconnu et probablement mal écrit. Peut-dtre de our$?ll s-a^->
rait dans ce cas de ceintures en cuir? On trouve, verft 1296, une (}él9BBe
de vendre oordam negu, ni singles de. camge hotcttz.
* liBf date de cette piàce ne peut ôtre déterminée que par le nom' de
Pierre Adalbert, déjà bailli de Perpignan en 1284 et qui l'étail'
en 1289.
DOCUMENTS SUR LA LAliOU^ CATALANE 800
d'En P. Adâlbert batle de Perpenya, e ^e u. nlooieseTB * de la
glesa de Sant Johan, e ab volentat de totz los boos çieneste-
rals de Perpenja, que toi hom, sia cresthia o juaeu, ten^a
tancatz los obradors de la yila de Pei^enya los diiQengçs e
les festes dels Apostols que an dejunis, et * a les festes de
Nostra Dona que hom dejuna, exceptât la festa de sant Tho-
mas per honrament de la festa de Nadal, et excepta{t] la yes-
pra de Nadal si en dimenge es, et exceptât ûres e yenimies e
maixons ^, et exceptât que hom puga portar blat a vendre a
la plassa de Perpenja en tro la festa de sant P. et san Feliu.
E negun, sia crestia o juseu, qui vena en los ditzdimenges
ne a les altres festes sobre dites, pac de pena lii. s lo dit
venedor, e'I dit venedor deu estar clavat lo digous*; e'idenun-
ciador aura'n la terssa part, e la cort les u. partz, de la dita
pena.
Exceptât que hom puga vendre causes menjadbres e causes
necessaries, tories, candeles de cera, e especiajria a malal-
tes', e drap de lin a corses ' et a totz homes estrangers e a
homes de cami que sien d'altres terres.
Jtem fo adordonat per lo dit senyor rey de Malorcha, que'l
mercat dljla "^ e de Cogliure qui's fasien en dimenge, que
fossen mudatz .
* Hebdomadiers ou semainiers de l'église Saint*Jean, seule paroisse
alors existante à Perpignan.
- Ei, qui se retrouve assez souvent dans les documents catalans de celle
époque, n'est autre chose que la conjonction latine epi mise, |e plus SQUr
vent par pure distraction du scribe, à la place du catalan e.
s Vendanges et moissons. Maixons semble fort frrégulier, et Ton
trouve ordinairement messes.
^ Doit ôlre fermé le jeudi, Jour de marché à Perpignan.
s Malgré sa forme féminine, malaltes ne peut-être ici qu'un pluriel
masculin (malades). G*j mot fut encore longtemps employé sous cette
forme unique ou pluriel pour les deux genres. On dirait aujourdliui
malais Si\i pluriel masculin.
^ L^ mil corder ne s cntmd que d'un c choval de course i. dans l'an-
cien catalan ; ici corses ou corsers semble désigner des courriers ou cou-
reurs de passage à Perpignan.
7 Ille sur la Tet, en Houssillon, à 24 kil. ouest '!e Perpignan.
51Ô DIALECTÉè ANCIENS
Item fo adordotiat per lo dit senyor rej e per los dits prd-
homes, que tôt mercer e tôt sabater e tôt peler qui portassen
neguna rauba a vendre en dimenges ni en festa de dejunis^
ni en festa de Nostra Dona, que'ls banders de totz los lochs o
casteyls de Rosse jlo tolgen tota la lur rauba que porten a.
vendre als ditz casteyls e lochs de Rossejlo, exceptât la festa
major dels ditz castejls o lochs de Rosseylo.
(Ordinacions I, f* 34, v**.)
XV
(1292)
(1292)
Ordonament co los sobre pausatz dels orlolas agen cura dels camis.
Tercw idm aprilis anno dnim. ce. Ixxxx. seeundo,
Ffo adordonat per En G. Hom de deu, balle de Perpenya,
ab volentat del senyor Rey e ab volentat dels sobre pausatz
delsortolas eab conseyl d'altres moltz ortolans, que, d'aquesta
ora anant, cals que sien sobre pausatz dels ortolas, agen cura
dels camis de la orta tener condretz de Tamplesa que es ador-
donada per En P. Adalbert e'N Gr. de Codalet*.
Item si'ls ditz camis s'en gorgaven, que'ls ditz sobre pausatz
fassen aquels adobar, e que pagen so que cocitaran d'adobar
aquels de qui seran les fronteres ; e que los camis agen escor-
redos, a coneguda dels ditz sobre pausatz. E si aquels de qui
son les fronteres o altre hom avien affolatz* los camis, que
aquel qui affolatz los aura pac so que costaran d' adobar.
Item si los hereters de la orta avien contrastz de regadares
o de termes, que'ls sobre pausatz agen aco ' a veser e adobar.
* Il y avait eu déjà des règlements fai f.s à ce sujet par les baillis G . dd
Godalet (1279) et Pierre Adalbert, prédécesseurs de Guillaume Homdedeu*
2 Avaient foulé, endommagé ou dégradé les chemins.
3 II faut lire aço : aco est un mot languedocien qui n'a j amais été
employé en catalan.
DOCUMENTS SURLA LANaUB CATALANE 511
segons que lur sera vigares lialment : e ayso entenem, que si
contrast era de termes e de regadures * dels hereters • de la
orta, e'is sobre pausatz se'n ayien a destrigar», que'ls sia
satisfeyt de lur trebajl.
Ë si'ls ditz sobre pausatz avien mester saig * ad ops de les
dites causes a fer e a compllr, que'l balle lo'l ' lur dega
liurar. {Ordinac. I, f* 4, v**.)
Ordonament de les deveses del senyor Rey.
^°. Kls junii anno dni m , ce. Ixxxx, secundo.
Ffo adordonat per lo S. Rey que negu hom no gaus pendre
perdius ab tesures ni en altra manera, de carnestoltes tro a
sent Miquel.
E qui contre fara pagara per pena v. sol.
Item fo adordonat que hom no gaus cassar en la devesa • del
S. Rej que s'esten del cami d'Elna entro al cami del Volo, e
de Polestres entro a Vilanova, [e] axi com va lo cami de Vila-
nova a Sâleles entro al cami de Elna; e que negu hom no gaus
mètre can de cassar, ni portar balestaper raho de cassar en la
dita devesa.
E qui contre fara pac de ban v. soi.
[Ordinac. I, f» 15, v*».)
Quinto idus augusti anno dni m. ce. Ixxxx. secundo.
Ffo adordonat per En G. Hom de deu, batle de Perpenya,
qu(? negu regater ni regatera no gaus comprar fruyta entro
* Canaux ou rigoles d'arrosage.
* Le mot hereter (héritier) signifie ici propriétaire.
» Se dTang*»p, perdre sou temps; trigar weni dire tarder.
* Sergent, huissier, du bas-latio sagio.
K Kégulièroment. il faudrait lo lur d^ga liurar (que le bailli le leur
doive livrer) ; le second l de loi a été amené par le l du mot suivant.
^ C'est la plus ancienne mention connue de la devèso de chasse des
rois de Majorque, située au sud de leur château de Perpignan/ et- 8*éien-
dant entre les chemins du Volo (à 10.), d*Élne ( àTB.) et de Pullestre»
à Vilanova-de-Raho et Salelles au sud.
5^2 l>ULErTKS ANCIENS
que sîa sonat mig die, et qui contre fara que pac de b^m
n. s.
Item que negu regater ni regatera no gaus comprar ni mer-
cadejar frujta, ni estar ni aturar en aquel loc on les gens
estrayes venen la frujta, per parlar ab aquels o aqueles qui
la frujta vendran, per comprar aquela fruyta, entre que mig
die sia sonat : — pena u. s.
(A la suite)
Ffo adordonat que d'aqui anant neguna femna ni home no
gaus comprar erba seguada per vendre, en la vila de Per-
penya, en carrera ni en plassa ni en altre loch, per revendre
aquela ; ni gaus descompondre * ni mular * ni macar' la dita
erba. — E qui contre, ayso fara, pagara per pena u. s e per-
dra la erba .
Hem que neguna femna no gaus comprar paila ni rostojl dins
la vila de Per. per revendre : — pena ii. s.
A la suite
Pridie nonas julii. Ffo adordonat de manament del S. Rey,
ab cosseyl * del conseyl del senyor Rey e del veger e de
balle de Perpenya, que no n'i aja negu per ardiment que aja
que gaus comprar paila ni fe * per revendre.
E qui contre fara, perdra la paila e'I fe.
(OrdtnacA,f^ 14, v«.)
Ordonameat d'aquels qui falen cant sou logatz, e de besties logades e de
ooacips.
Anno dnim, ce. Ixxxx. secundo, viii, kls octobr.
Fuit ordinatum per Guillemum Hominis dei, bajulum Per^
piniani, etc. (Le premier article en latin, le second en catalan
comme il suitj :
' Décomposer, allérer.— '^ Mouiller.— ^ Gâter, meurtrir.
* Ce mot est écrit tanlôi cosseyl^ tantôt conseyl, de môme que cossol ou
consol et beaucoup d autres. Il ne faut y voir que des négligences du
scribe, qui a omis sur les voyelles le trait qui doit indiquer les n ou m.
^ Fumier.
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 513
Item negu hom qui sia logat ab altre en alcuna fasena, no
gaus desemparar ni falir ni mètre altre per el en loc d'el ; e
([ui contre fara pagara per pena v. s, de la quai pena aura la
denunciador la tersa part. {Ordinac, I, f® 3 r°.)
Nono kls januariianno dnim. ce. Ixxxx. secundo,
Ffo adordonat per lo balle de Perpenja ab conseyl et ab
volentat dels cossols de Perp. e ab consejl dels sobre pausatz
dels ortolas e de motz * d'autres ortolas, que d'aquesta ora
anant nul hom no aus plantar ajbre fruter o no fruter, ni
canes, en la orta de Perpenja ni de Majloles ni de Sant Es-
teve ni de Vernet ni de Tayneres ni de Bajoles ni de Castejl
Rosse jlo *, prop la teneso o ort de son vesi ajîi co'l terme
partexs, sino dinsso del seu, per miga cana de Montpesler; e
totz les ajbres qui ara son plantatz que no son fruyters, que'ls
ag-en a tajlar, e les canes arrancar, quant sien entre la dita
mesura de mipra cana de Montpesler prop sa teneso.
Exceptain-nc carrera publica e vesinal, et exceptam-ne
regadura per que'n rega hom xx. ajminades de terra; e si
iio'n regava hom xx. ajminades, que sien tajlatz totz los ay-
bres no fruvters.
Ifern fo adordonat queMs ditz aybres no fruyters sien tay-
latz e les dites canes arrancades sotz la forma d'avant dita,
(l'aqui a miga ^ carema, e si no era feyt, quels sobre pausatz
(ramont ditz o pusquen e o degen fer e destroyer fer.
[Ordinac, I, fo G.)
' On troiivo quelquefois moatz et motz (beaucoup) dans raucien cala-
Lin, mais \^ phis souvent c'est molt oa moltsi, et il est probable qu'ici Tàb-
sence du / nVsL^iu'une omission du scribe.
- L'^s t'Tiitoin^s des anciens villa^^es, aujourd'hui entièrement détruits,
d' Mallol'^s, V(M-iieL, Tanyèros, Bajoles et Caslell RosseHo( l'antique Rus-
ciuo) sont compris «ians la commune de Perpignan. Saint-Estève -del -Mo-
nesljr forrar» seal une commune distincte.
• Le m& por!e pnr ei'reur Oaqui a inig ay>i carema. On pourrait ce-
pendant laisser migana carema.
34
bl4 DIALECTES ANCIENS
Ordonameni co los sobrepausatz del ortolas an licencia de taylar les
branches e*l8 rams dels aybres qui's geten sobre la pocessio de son veà.
Voluit et mandavit tllustrissimus dns Jacobus dei gracia rex
Maioricharum, etc. (sans date.) {Oràinac. I, f* 6.)
(1294)
Ordonament del escarseler.
liii. nouas februarii anno dni m, ce. Ixxxx, quarto.
Dominus rex Maiorich. voluit et ordinavit quoi si de inde car-
selarius^ etc. {Ordin. I, f* 30, v®.)
(À suivre).
CERTIFICAT DÉUVRÉ PAR LES JURATS DE PAU
(1411}
DIALECTE BUARNAIS
Cette pièce, dont j'ai Toriginal sous les jeux, est un simple
certificat écrit sur parchemin et délivré par le clavaire, assisté
de huit jurats « tenant cour de Pau », à Arnaud de Sobiole,
du lieu de Gelos, pour recouvrer l'héritage de son oncle, dé-
cédé à Perpignan. Le document n'a aucune importance histo-
rique, et je ne le donne que comme texte de langue. Un mot
seulement sur l'institution municipale des jurats dans le sud-
ouest de la France. « Dans le grand mouvement des communes,
» au moyen âge, dit M. Bladé, la Novempopulanie se meut
» sous l'action de trois principes distincts d'émancipation et se
» partage en trois régions. Dans la Gascogne languedocienne,
» c'est l'influence voisine de Toulouse et de ses légistes, le ré-
)) gime consulaire, vestige incontestable des vieux municipes
» romains, et dont le Parlement favorise la nomination, par le
» suffrage universel, d'un nombre variable de consuls qui con-
» centrent entre leurs mains tous les éléments du gouverne-
» ment de la cité. Au pied des Pyrénées, où la primitive liberté
» euscarienne apparaît plus intacte et plus pure, en se rap-
» prochant de son berceau, ce sont les fors, statuts municipaux
» analogues aux fuei^os d'Espagne. Quand ce n'est pas, comme
)) à la cour de Lixar(Cow^ de Sole) et dans quelques autres
» localités, une assemblée de gentilhommes juges-nés de tous
)) les procès, ce sont quatre ou six jurats qui sont investis du
)) droit de justice civile et criminelle. Le nom de jurât, dans
)) le Béarn, la basse Navarre, la Soûle et le Labourd, est d'im-
» portation étrangère. Lsl jurade, association à la mairie, nous
» vient de Bordeaux, et se développe de proche en proche,
516 DIALECTES ANCIENS
)) d'abord sous la protection des Plantagenêts et, plus tard,
» sous la tutelle du Parlement de Guienne*. »
Voici le texte du certificat en dialecte béarnais :
(i4ii)
Sapien totz los qui las presentz ve jran ni audiran legir, que
per dauant nos P. de Sacase clauer e los juratz de juus no-
miatz e cort de Pau, en la dioces. de Lascar , es viencut Ar-
[nau]tde Sobiole de Gelos prop lo dijt loc de Pau, en la medixe
dioc. ôlh' de Condor, sor qui fo de Bosom deu Domeg saen-
rers deu dijt loc de Gelos, lo quau nos ha denunciat que lo
dijt Bosom es anat a Diu et * es mort, e ha feit son testament
o darrere voluntat en lo loc de Perpinhan, deu quan testa-
ment se vol e enten ajudar cum a prim deu dijt Bosom e de la
dijte * Condor sa may; nos prega e supplica que lo * yolossem
prouedir e autreyar letre de testiffication e certifâcation, e
lo volossem declarar la parentele e aparthenence qui ed ère
deu dijt Bosom. Nos, attendudes las pregaries e supplications
esser justes e rasonables, e per so car clarementz e de serte
science at sabem, fem saber per vie testimpniau e certiffîca-
tion a totz aquetz ab los quaus lo dijt Am. de Sobiole, por-
tador de las presentz, aura que far, per dauant totz se[n]hors •
e judges ordinaris o extra ordinaris, que lo dijt Arn. es filh
de la dijte Condor sor germane deu dijt Bosom, e que ed e
Mariote, sa sor, eren nebot e nebode deu dijt Bosom, e los
plus prims e conjungs de consanguineitat e parentele deu dijt
' Pierre de Lobanner et les quatre chartes de Moni-de- Marsan, par
M. J-F.Bladé. Paris, Dumoulin, !86l, pag. 54.
* Le béarnais remplace aujourd'hui la lettre f au commeacement des
mots par Vh aspirée, comme dans le gascon.
3 Le ms. écrit et et quelquefois e.
* Le ms. écrit toujours diit et diile, que je lis dijt et dijte, et, plus loin,
scriif, que je lis scrijt : c'est le dicht et scricht de l'ancien roman pro-
vençal. D*autre3 actes béarnais du XV» siècle écrivent digt.
^ Lo (lui, a lui); rien ne distinguo ce pronom de l'article masculin
singulier lo,
^' Le scribe a omis la lettre n. On trouve plus loin sêBhors
Bosom. Et n03 sue dijtz clauer e cort, agut uosselh e delibara-
tion ab mosB. Oraxs. de la Paîaet, ractor patTochiau deu dijt
loû de Gelos, et entre nos medixs, avem aiitreyat las présente
sagerade[e] deu p'i'opri sagot jiidiciau nostre au dijt Arn. por
vie de testifflcatioii e certifd cation, en cadaquegs en taUB
quans lo dijt Arn. se enten ajudar ci aura que far, e per ma-
nejre que puaque domanilar deffener o eaiparar, cum a prim
et hereter dau dijt Boaom, laa causes qui vist ni meatier lo
aeran domandaderes o deffenederes. Scrijt en lo dijt loo de
Pau, per dauant lo dijt clauer los juratz e cort deu dijt loo,
en la quau eren presentz P. de Poe_y *, P. d'Augar, P. d'Espa-
lungue, Bertran den* Luques, Jagmot dau Tiener', Ruet
Darroque, Galhardet Dernantz e Bardot d'An^r *, ji^ft^^
cort thientz e motz d'autea, lo aino joroB deiLniew de oAUl^f^
l'an de Nostre Senhor mil quoate eentz e «aiw.
riVMM d'un ciichBt> HrK OlOO» t;OA«*-
{Arclùves de* Pijrinéeii-Orientatts.)
La Sevw des langues romattet, qui a pifi^^t ^^ur \t]ii Vif^a^^
dciS divers dialectes et aous-di^ctea roipiuis ^ Wii ^ \f
' Poey el Espalungae, Tlllaff«> du Béara.
iLems. indique fort bien d Ko, et non pqa l'^j^lç^ (i}<f )■
' Le lieu « ila Tisner » est sans i(qula le bamqia ^e « la Tiwère ».
commune de Gelo?. ' ■' . ■ -if'
'La famille des deux jurots Pierru d'Augar et Bardot d'Augnr tiresKns
doute saa nom Ou lieu uppotf< aujiiurd'hui Auga, en Bâarn. li existe aux
archives du déparlement des Basses Pyrénéra un inventaire di;8 archives
'le la vicomte du Ga^lpllbo, rfdig* en Marnais en 1405, par Bertrand
il'Augnr d'Orlhè-:, nirr^ du Sninl-Martin dP-Bonnut; on Toir,i In onmmen-
cément : ^tw Mni'n Dr mH'iilainBHt de w*^» Archambaud per la gracie
ite Diu comLs de l'tn.v, ivscvmtf de Bearit ilc Marsan e de Gaïaudin.
aaptal de Buch, vesmmie du flrndfnlts c d« CanMhon, p nennor de Na-
valhes, Van de naître *enj/Dr M CCCC V, (o Kroat e vùitat to eartutari
deu coflêl de Cauttlbûn. e (M intwnla*^ d'aqwt per Berlrau d'Attgar
fOpltii- egfiva'i *(« SeW Harthin tft Bo»'lt per lu matimre qm i'en m
518 DIALECTES ANCIENS
France et la détermination de leurs caractères distinctifs, a
souvent annoncé qu'elle publierait avec empressement les do-
cuments utiles pour la philologie historique, qu'elle a princi-
palement en vue ; mais, si je ne me trompe, elle n'a pas encore
publié une seule ligne en dialecte béarnais. Cette langue oc-
cupe une place distinguée dans les lettres romanes méridio-
nales, par les nombreux documents historiques et poétiques
qu'elle possède et par les travaux de linguistique dont elle a
été l'objet. Il existe une excellente grammaire béarnaise de
M. V. Lespy, et on comprend que je n'ai pas la moindre idée
d'indiquer ici, même en résumé, les caractères particuliers de
ce dialecte ; je me bornerai à signaler ses rapports avec le
catalan.
On ne peut pas s'occuper de l'étude comparative des an-
ciens dialectes romans du midi de la France, sans remarquer
la ressemblance singulière, ou plutôt l'air de famille, qui existe
entre tous les dialectes parlés sur le versant nord des Pyré-
nées, depuis le Béarn et à travers les pays de Bigorre et de
Foix, jusqu'aux dialectes catalans plus ou moins purs de la
vallée d'Andorre, de la Cerdagne, du Roussillon, de la Cata-
logne et du pays de Valence. On dirait qu'il y a un courant
qui part, à l'ouest, de la limite du pays basque et se dirige
vers l'est, en suivant toujours le versant nord de la chaîne des
Pyrénées jusqu'à la vallée d'Aran, où il franchit cet obstacle
pour se répandre en Catalogne, tout en conservant sa direc-
tion sur le versant nord jusqu'à la Méditerranée, à travers les
pays de Foix, de Capcir, de Fonollet et du Roussillon. Il y a,
en effet, une véritable parenté entre les dialectes parlés dans
tous ces pays, soit pour le fond de la langue, soit pour l'ac-
cent et les formes grammaticales. La particularité essentielle
de tous ces dialectes ou sous-dialectes paraît être la termi-
naison en ec de la troisième personne singulière du prétérit,
que l'on retrouve à toutes les époques dans le gascon de TAr-
magnac (enowc), dans les dialectes du Bigorre, des pays de
Foix et de Fonollet, de même que dans l'ancien catalan, où
cette terminaison en ec existe déjà au XIIP siècle (dans
CERTIFICAT BEARNAIS 519
Des Clot) et jusqu'au milieu du XIV® siècle au moins, mais
simultanément avec Tautre forme particulière du prétérit
catalan. Cette terminaison en ec disparaît dans le bas Lan-
guedoc et dans le bassin du Rhône, où celle en et domine
presque exclusivement*. On reconnaît, d'ailleurs, que la zone
ou lisière béarno-catalane, dont je viens de signaler la direc-
tion et rétendue, a subi, de la part des dialectes gascon, tou-
lousain et languedocien, une espèce de pression venant du
Nord vers le Sud, et refoulant les dialectes primitifs contre la
ligne des Pyrénées.
Il n'y a pas à exposer ici les relations séculaires, les faits
historiques et sans doute aussi la communauté d'origine, qui
peuvent, jusqu'à un certain point, expliquer cette parenté de
langage entre les populations du versant septentrional des
Pyrénées et celles de la Catalogne. Tout ce qu'on peut con-
stater, c'est qu'il y a, par exemple, plus de rapports entre
l'ancien catalan et le sous-dialecte du pays de Foix qu'entre
celui-ci et le toulousain ; ùq même le béarnais a plus de rap-
ports avec le catalan qu'avec le gascon de l'Armagnac et du
Marsan, qui l'avoisine au nord.
Dans les derniers siècles, le béarnais a nécessairement subi
l'influence du gascon et même, dans une faible mesure, celle
du castillan' ; mais ses rapports avec le catalan sont frappants.
Le principal consiste dans la terminaison particulière du fé-
minin pluriel, qui, dans l'une et l'autre langue, est toujours
eu es, au lieu de la terminaison en as de l'ancien provençal
et de la plupart des dialectes romans. Ainsi, en prenant pour
t(^xte le certificat de 1411, on trouve pregaries, justes^ atten-
dudes, rasonableSy sagerades, causes, comme dans le catalan; au
* Les textes toulousains du XIV« siècle portent, presque indififôremment,
les terminaisons ec et et, de mémo que certains textes de Montpellier vers
la même époque. Mais on peut se demander si cette confusion ne provient
pas du fait les éditeurs, trompés par la ressemblance complète des lettres
c et t dans les manuscrits du XIV» siècle.
^ (^rtains mots castillans s'y sont introduits, entre autres le mot
palaure ^'parole).
520 DIALECTES ANCIENS
lieu de pregarias, justas, ou même justos, de divers dialectes
romans, anciens ou modernes. Il en est de même de la troisième
personne du pluriel dans divers temps, sapten, eren^ comme
dans le catalan ; au lieu de sapian, eran ou eron, des dialectes
languedociens et provençaux.
Cette terminaison féminine du pluriel en e muet existait
déjà en Catalogne et en Roussillon au XI® siècle ; mais il faot
convenir que le béarnais, qui Pavait peut-être aussi à la
même époque, a poussé le principe beaucoup plus loin que le
catalan, puisqu'il a conservé Ye final à la troisième personne
du singulier, comme par exemple dans ère (il était) et pusque
(qu'il puisse), tandis que le catalan écrit encore era et pusca
(tout en prononçant Va comme un e muet). Il en est de même
de la terminaison du féminin singulier, qui est toujours en e
en béarnais {letre, serte, germane, vie, nebode) et en a en catalan
(letra, certa, germana, via, neboda)^ mais avec la valeur de Te
muet français.
L'article est le même dans le béarnais et dans le catalan,
pour le masculin lo et los et pour le féminin singulier la; mais,
pour le féminin pluriel, le béarnais a conservé Tancien pro-
vençal las, au lieu du catalan les.
Quant aux cas indirects de l'article, deu (du) au lieu du ca-
talan del, au et aus (au, aux), au lieu du catalan al et aky la
différence tient uniquement à l'usage ou principe grammatical
qui a porté le béarnais à changer en u bref la lettre / que Ton
trouve à la fin des mots catalans et de la plupart des autres
dialectes romans. Ainsi, deu (pour del)^ quau et quaus (pour
quai et quals\ reyau, judiciau, vescomdau, etc. Au milieu des
mots, la lettre / est presque toujours changée en r dans le
béarnais: aquere (pour aquele)^ caperan (pour capelan), sage-
rades (pour sagelades).
Le son ou semble représenté par uu (de juus) dans le certi-
ficat de 1411, comme dans l'ancien catalan, qui écrivait cruu,
nuu, etc. Cependant, dès le XV® siècle, on écrit généralement
en béarnais de j'ous (au lieu de fuus), sous (siens) au lieu de
suus.
CERTIFICAT BEARNAIS 521
On peut remarquer que le béarnais a conservé la terminai-
son du singulier des participes ou adjectifs verbaux en or, de
Tancien provençal et des autres dialectes romans, comme on
le voit par le mot porfador; mais il en a changé le féminin
pluriel en 67% comme dans domandaderes, deffenederes, au lieu
de demanadores et deffenedores, du catalaii.
Enfin il y a une particularité qu'il faut considérer comme
un produit spécial du béarnais : c'est la suppression fréquente
de la lettre n entre deux voyelles dans le corps d'un mot,
comme dans nomiatz (nommés) et thientz (tenants), pour notai-
natz et thinentz.
Il y a d'autres différences que l'on peut attribuer à l'in-
duence du languedocien ou du gascon, et qui distinguent par-
faitement le béarnais du catalan. Telles sont les formes dijt et
scrjjt, qui proviennent de l'ancien provençal; — celles de vien-
eut [\enu)^ may {mève) ^ maneyre (manière), mes^i^ (besoin), /îar
(faire), qui se rattachent évidemment au languedocien et sont
étrangères au catalan, dit, scril, vengut, mare, manera, mester
et fer. Je rapporte à l'influence du gascon la mutation en^de
la lettre / à la fin des mots , comme castet, saget, au lieu du
catalan castell et sagell, ou du languedocien castel et sageL
Al. A UT.
DE QUELQUES FORMES DE L'ANCIENNE LANGUE D'OC
L'article H et los en Provence; — ueimais et jamais; — quint et quin
L — M . Paul Me jer se trompe lorsqu'il me fait dire * qu'nn
copiste provençal du XIV* siècle n'a jamais pM écrire los au cas
sujet de Tarticle masculin pluriel. J'ai dit qu'un copiste, dans
les fautes qu'il commet, tend à se rapprocher de son dialecte
et non pas à s'en éloigner, et qu'un copiste provençal a bien
pu substituer dans un texte H à los, mais non los à H.
Je répète que la forme los est en quelque sorte antipathique
au dialecte parlé en Provence, parce que ce dialecte supprime
le plus possible la sifflante '; et, comme il répugne à l'allonge-
ment des sjUabes finales qui caractérise certains dialectes,
le limousin, par exemple {là fennd, les femmes ; I6à rosi, les
raisins), il a repoussé à la fois la forme los {lous) où Vs se fait
sentir, et la forme lo [lou) qui aurait rendu le pluriel des noms
en tout semblable au singulier ; il a donc adopté de préférence
le cas sujet H pour le pluriel. Peut-on supposer sérieusement
que cette adoption n'ait eu lieu qu'au XVIP siècle, et que les
Provençaux, après avoir dit los depuis la perte de la déclinai-
* Romania, juillet 1873, p. 372. — Parmi les remarques de M. Me3rer
sur mon compte rendu des Derniers TrouhadourSt je ne relève que celles
qui me paraissent avoir un réel intérêt scientifique. Je ne reviendrai pas
sur quelques corrections proposées par moi et qu'il me semble difficile
de ne pas admettre (par exemple, maguanha pour mguanha, fantonejatz
po[iTfatoejatz)t non plus que sur quelques observations présentées à titre
de simple hypothèse. Je dois faire remarquer cependant que ces mots : le
XIII* siècle, à propos d'une pièce de 1280, signifiaient dans ma pensée la
fin du XIII* siècle. J'ai eu tort sans doute de ne pas m'expliquer plus clai-
rement; mais j'avais déjà indiqué, dans lo. Revute desyangues romanes
(I, 8), l'époque où la déclinaison à deux cas disparaît dans les documents
écrits à Montpellier.
^ Les Provençaux donnent à leurs voisins de Languedoc le surnom de
siblaire^ siffienrs, à cause de la fréquence de 1'^ dans les dialectes de la
rive droite du Rhône.
FORMES DE l' ANCIENNE LANGUE d'OG 523
son à deux cas, aient tout d'un coup proscrit la forme du cas
régime pour ressusciter le cas sujet, mort depuis trois cents
ans ? Des documents rédigés à Tarascon, ville limitrophe du
Languedoc, ne prouvent rien dans la question; il est pos-
sible qu'on ne parlât pas le provençal à Tarascon au XV° siè-
cle. D'ailleurs, je ne nie pas que la langue littéraire et officielle
n'ait conservé la forme ios à l'époque où le peuple employait
li. Tout ce que j'ai dit à propos de ces deux formes de l'ar-
ticle a pour but de mettre le lecteur en garde contre des
affirmations hasardées au sujet des dialectes de l'ancienne
langue, question pour laquelle les données sont encore ob-
scures et peu nombreuses. Quoi qu'il en soit, je serais recon-
naissant à M . Mejer s'il voulait bien me dire à quels carac-
tères il a reconnu que « le dialecte du scribe qui a exécuté
le manuscrit Giraud était celui de la Provence. »
Je ferai remarquer en passant à mon savant contradicteur
qu'en donnant la forme Ios comme « la règle dans tous les
textes où r usage de la déclinaison à deux cas est perdu, aussi
bien en Provence qu'ailleurs))^ il a oublié que le comté de
Foix, tout au moins, en perdant la déclinaison à deux cas, a
certainement adopté les et non Ios pour l'article masculin plu-
riel, et que cette forme s'est maintenue jusqu'à nos jours*.
(Voj. Bartsch, Chrest., 351, 22, 30, 32, etc. ; Revue des langues
romanes, I, p. 302, 303.)
II . — M . Meyer affirme que ni ueimais, ni jamais, n'ont le
sens négatif que je leur attribue. Comment expliquer alors les
vers suivants:
Que Dieu jamai m'emparadise.
(Mistral, Jtfirèù), chant II.)
Pèr que l'oundo jamai nous posque sépara.
{Ibid.y ch. XII.)
Et cette phrase si souvent répétée à Montpellier : « Jamai
• Quelque chose d'analogue parait s'être produit dans quelques par-
ties de TAuvergne. où l'article masculin pluriel est lêis. Mais, pour ce cas
particulier, je n'ai pas encore de preuves positives.
524 DIALIi:CTltîS A^C1^:^S
t'avengue de faire acàl » Et, en français, ce pa^sag^ d^ I4^sjiil-
ion: « Les grands toujours loués, jamais instruits. » ttcc Cette
tournure incorrecte, dit M. Littré, est condamnée par plu-
sieurs grammairiens^ mais elle a pour elle limage, » En langue
d'oc, et particulièrement dans le dialecte provençal, remploi
de jamai avec le sens négatif est parfaitement régulier. Dans
jamais négatif, c'est bien la syllabe mais, pour plus, qui ren-
ferme la négation (Voy . Littré, Dict., verbo plus, 17**) • Donc
jamais peut avoir le sens négatif, et ce sens est renfermé dans
la deuxième syllabe ; donc mimais, équivalent exact de jqmc^jf
peut avoir le même sens ; donc enfin Bertran Carbonel a pi;
dire avec le sens négatif :
. . . c' ueymais ti don niastais.
in. — L'auteur des Derniers Troubadours maintient inipliçi-
tement sa correction de quintz en quins , probablement parce
que, quint signifiant cinquième, il lui parait difficile d'admettre
le même mot avec le sens de quel. Quint, quinte, appartient
cependant à plusieurs dialectes, particulièrement à celui de
Montpellier. (Voyez Œuvres choisies de Roudil'^ XVII* siècle.
— Revue des Langues romanes, I, p. 262, v. 17. )
IV. On niera peut-être que les dialectes modernes puissent
servir à T éclaircissement de l'ancienne langue. H est bon de
dire quelques mots sur ce point. Lorqu'on parcourt par ordre
chronologique la série des textes en langue d'oc les plus connus,
on voit la langue, du XI® siècle jusqu'au milieu du XVP, ne se
modifier qu'insensiblement et par une progression régulière .
Vers la fin du XVP siècle, surgit presque tout à coup comme
une nouvelle manière de parler, ou plutôt un ensemble de dia-
lectes se rattachant à l'ancienne langue, mais différant d'elle et
différant entre eux par des caractères bien tranchés. Serait-ce
que le langage de toutes nos provinces méridionales aurait subi
des modifications plus profondes en quelques années que durant
une période de cinq siècles? On ne saurait le soutenir. I^ est
évident que la langue officielle de la France du Midi au moyen
FORMES DK lVnCTBNNB LAKOUE D*0C &f5
âge, l^giepar des grammairietis, maiiiteirae par itne tradition
littéraire, ne s'est modifiée que très-lentement dans les œuvres
des écrivains et âous la plnme des scribes, des ^^*e£Ser8<, des
hotaÎT^s, de tons ceux enfin qui, constituant la gent lettrée de
répoque, se piquaient d'écrire correctement. Mai»t tandis que
la langue écrite ne se transformait que lentement^ la langue
parlée, la langue du peuple, le patois, si Toq veut, se dévelop-
pait librement avec ses caractères dialectanX particuliers à
chaque pays. Lorsque la langue officielle du Midi disparait ,
lorsque les fonctionnaires sont obligés de rédiger leurs actes
en français et que nos écrivains s'étudient à manier élégam-
ment la langue du Nord, la tradition est rompue, les règles
sont mortes, les maîtres oubliés, et, s'il surgit quelque poète
qui, par manière de passe-temps, veuille encore composer dans
le langage de sa province, il ne sait se servir que de l'idiome
local, qui fait dès lors son entrée, avec plus ou moins d'éclat,
dans le monde littéraire. Telle est l'origine du brusque chan-
gement que l'on constate dans la langue d'oc écrite du XVP
au XVIP siècle. Je ne veux pas dire qu'avant cette époque la
langue écrite et la langue parlée fussent tellement indépen-
dantes l'une de l'autre qu'elles ne se soient pas réciproquement
influencées. Si les dialectes proprement dits ne se montrent
guère avec l'ensemble de leurs caractères dans les documents
antérieurs au XVP siècleS ils fournissent du moins aux écri-
vains de tous les temps un certain nombre de formes et de
mois, et se décèlent assez fréquemment dans les lapsus des
copistes. Toutes les fois donc qu'une tournure, qu'une expres-
sion, est nouvelle dans la langue littéraire, ce n'est pas une
raison pour la proscrire et rejeter la faute sur le scribe ; si cette
forme existe de nos jours dans un dialecte, il est probable que
l'auteur l'a empruntée au langage parte autour de lui.
* On trouve parfois, et à une datesÉseï reculée, des'dooumeoto littéraires
écrits en entier dans un dialecte qui s'éloigne plnstMi moins delà langue
ofticielle. La traduction d^Àlbucasis, dont isiBevtte des langues romanes
a publié des fragments ( I, 3, 301 ;, pëùlétre rangée dans cette catégorie.
524 DIALKCTliiS A^C1^:^S
t'avengue de faire acof n Et, en français, ce passage d^ ^asyil-
Ion: « Les grands toujours loués, jamais instruits. » -ra Cette
tournure incorrecte, dit M. Littré, est condamnée par plu-
sieurs grammairiens^ mais elle a pour elle fmage. » En langue
d'oc, et particulièrement dans le dialecte provenç^, Temploi
de jamai avec le sens négatif est parfaitement rég\iUer. Dedb
jamais négatif, c'est bien la syllabe mais, pqur plus, qui ren-
ferme la négation (Voy . Littré, Dict., verbo plus, 17") • Donc
jamais peut avoir le sens négatif, et ce sens est renfermé daiis
la deuxième syllabe ; donc ueimais, équivalent exact de jamofi^^
peut avoir le même sens ; donc enfin Bertran Carbonel a pi^
dire avec le sens négatif :
. . . c' ueymais ti don niastais.
in. — L'auteur des Derniers Troubadours maintient implici-
tement sa correction de quintz en quins , probablement pacce
que, quint signifiant cinquième, il lui parait dif&cile d'admettre
le même mot avec le sens de quel. Quint, quinte, appartient
cependant à plusieurs dialectes, particulièrement à celui de
Montpellier. (Voyez Œuvres choisies de Jtoudil'^ XVII* 9i^cle.
— Bévue des Langues romanes, I, p. 262, v. 17. )
IV. On niera peut-être que les dialectes modernes puissent
servir à l'éclaircissement de l'ancienne langue. H est bon de
dire quelques mots sur ce point. Lorqu'on parcourt par ordre
chronologique la série des textes en langue d'oc les plus connus,
on voit la langue, du XI® siècle jusqu'au milieu du XVP, ne se
modifier qu'insensiblement et par une progression régulière.
Vers la fin du XVP siècle, surgit presque tout à coup comme
une nouvelle manière de parler, ou plutôt un ensemble de dia-
lectes se rattachant à l'ancienne langue, mais différant d'elle et
différant entre eux par des caractères bien tranchés. Serait-ce
que le langage de toutes nos provinces méridionales aurait subi
des modifications pluâ profondes en quelques années que durant
une période de cinq siècles? On ne saurait le soutenir. I^ est
évident que la langue officielle de la France du Midi au moyen
FORMES DE i/aNCTBNNE LANGUE D*OC 525
âge, régie par des grammairiens, maintenue par une tradition
littéraire, ne s'est modifiée que très -lentement dans les œuvres
des écrivains et sous la plume des scribes, des greffiers, des
notaires, de tous ceux enfin qui, constituant la gent lettrée de
Tépoque, se piquaient d'écrire correctement. Mais, tandis que
la langue écrite ne se transformait que lentement, la langue
parlée, la langue du peuple, le patois, si Ton veut, se dévelop-
pait librement avec ses caractères dialectaux particuliers à
chaque pays. Lorsque la langue officielle du Midi disparaît ,
lorsque les fonctionnaires sont obligés de rédiger leurs actes
en français et que nos écrivains s'étudient à manier élégam-
ment la langue du Nord, la tradition est rompue, les règles
sont mortes, les maîtres oubliés, et, s'il surgit quelque poëte
qui, par manière de passe-temps, veuille encore composer dans
le langage de sa province, il ne sait se servir que de l'idiome
local, qui fait dès lors son entrée, avec plus ou moins d'éclat,
dans le monde littéraire. Telle est l'origine du brusque chan-
gement que l'on constate dans la langue d'oc écrite du XVP
au XVIP siècle. Je ne veux pas dire qu'avant cette époque la
langue écrite et la langue parlée fussent tellement indépen-
dantes l'une de l'autre qu'elles ne se soient pas réciproquement
influencées. Si les dialectes proprement dits ne se montrent
guère avec l'ensemble de leurs caractères dans les documents
antérieurs au XVP siècle*, ils fournissent du moins aux écri-
vains de tous les temps un certain nombre de formes et de
mois, et se décèlent assez fréquemment dans les lapsus des
copistes. Toutes les fois donc qu'une tournure, qu'une expres-
sion, est nouvelle dans la langue littéraire, ce n'est pas une
raison pour la proscrire et rejeter la faute sur le scribe ; si cette
forme existe de nos jours dans un dialecte, il est probable que
l'auteur l'a empruntée au langage parlé autour de lui.
' On trouve parfois, et à une date assez reculée, des documents littéraires
L'critsen entier dans un dialecte qui s'éloigne pins Ou moins delà langue
ofûcielle. La traduction d'AlbucasiSf dont la Revue des langues romanes
a publié des fragments ( F, 3, 301 ;, peut être rangée dans cette catégorie.
52^ DIALECTES ANCIENS
Il résulte de ce qui précède que, pour faire remonter au
delà du XYIP siècle la ûliation des dialectes pariés aujourd'hui,
c'est moins aux œuvres littéraires qu'il faut s'adresser qu'à
ces écrits de la vie ordinaire, comptes, quittances, certificats,
etc., insignifiants en apparence, mais émanés de personnes qui
s'inquiétaient peu de la correction du langage, et qui, par leur
orthographe , leurs fautes contre les règles , nous font con-
naître la vraie manière de parler de leur temps et de leur
pays.
Je signalerai, en terminant, un fait singulier, qui prouve
combien les différences d'orthographe et de forme entre les
divers dialectes ont peu d'importance pour les personnes dont
la langue d'oc est la langue maternelle. J'ai entendu une enfant
de dix à douze ans, fille d'un fermier des environs de Marvé-
jols, lire le joli conte lou Pèlerinage de lafoumigueta sur la ver-
sion publiée par M. Achille Montel dans la Revue des langues
romanes (II, 294 ) . L'enfant, sans s'en douter et croyant sim-
plement lire, traduisait en dialecte de Marvéjols le texte
de Montpellier qu'elle avait sous les yeux. Pioi, foumigueta,
sourel, devenaient dans sa bouche pièi, fremigeto, souguel *. On
voit par là combien il importait peu que les actes offîciels
fussent écrits dans le dialecte même des populations auxquelles
ils étaient destinés ; le précon * qui les publiait, ou le lecteur
qui les faisait connaître à ses compatriotes, les traduisait
naturellement dans l'idiome du pays.
Ch. DE TOURTOULON.
^ Souguel pour soutel, soulel^ est un nouvel exemple de la transforma-
tion (ie la liquide en gutturale, transformation que j'ai déjà signalée à
propos des prétérits en égui pour éri, dans ie dialecte du bas pays de Foix
( Revue des langues romanes, l, 10.232 ).
^ Ce mot, employé avec le sens du miit latin prœco, est usité dans le lan-
gage administratif du midi de la France. On appelle précon d'une com-
mune l'employé municipal chargé de publier les actes officiels à son de
trompe ou de tambour.
ETYMOLOGIES FRANÇAISES ET PATOISES
En étudiant le Dictionnaire de M. Litiré, j'ai relevé quelques
étymologies qui m'ont semblé doutouse» ou f&utÎTu. Je n'ai
pas besoin d'^joater que c'est là l'exception, et que l'illaatre
savant, malgré l'immensité de sa tâche, a laissé bien peu à faire
après lui.
Je publie aujourd'hui celles dont j'ai trouTé ou crutrourer
la clé, suivant en cela l'exemple donné par M. Q, Paris dans
le Recueil de la Société de Unguiêtigue de Parii.i'j ai joint quel-
ques étymolo^es relatives au patois et au vieux français.
La plupart me paraissent certaines, quelques-unes ne sont
que probables ; d'autres, en pins petit nombre, ne simt que
possibles. Je n'ai pas cru néanmoins que je devais m'as-
treindre à donner seulement celles dont j'étais absolument
sûr. En pareille matière, la conjecture, même quand elle est
réduite à. ne s'appuyer que sur l'analogie, doit être considérée
comme un élément scientiâqne sérieux. Cwt un pas de plus
vers la solution du problème, une invitation en même temps
qu'un secours pour qui peut mieux faire.
L'ordre alphabétique étant plus familier au lecteur, c'est
celui que j'ai suivi.
Chaque étymologie est précédée de l'énoncé en quelque
sorte algébrique des principales lois de permutation qui la
régissent. Delà sorte, un œil exercé pourra du premier coup
deviner et contrôler la solution du problème, sans avoir, à la ri-
gueur, besoin de suivre l'explication dans tous ses détails.
DOtJBLE ORIGINE
1* Adare (latin) ^éer— ayer.
2* Àdare (latin) •■obt •- o|P«r.
Aboyer. — M. Littré cite les formes archaïques abaûr,
aboer, aboier, abayer, et les dérive de ad et de baubori,
11 ne serait pas impossible que baubare, forme active de
52S niALECTE^- A^CIE^S
haubariy eût formé boer, qu'on retrouve dans aboer, mais il
n'aurait jamais produit baier et bayer. Il faut donc chercher
un autre mot qui ait pu donner naissance en même temps à
ces deux formes différentes, baier et boer.
Ce ne peut être que badare, d'où viennent certainement
béer, bayer, et qui, de plus, a pu très-bien former aussi boer y
boxer, boyer, comme natalis a formé noel et nouel; nature,
nouer, en v. français, pour nager. L'action d'ouvrir la gueule,
— car badare, comme le languedocien badà, le saintongeais
bade7% et le v. français béer, bayer, signifiait tenir la gtieule,
la bouche ou le bec ouverts, — aura été identifiée, en ce qui
concerne le chien, avec le bruit qui l'accompagne.
DOUBLE ORIGINE
1" '^Ad-figicare.
Afficher. — On le dérive de ad et de figicare, forme fré-
quentative qu'on est en droit de supposer de fi gère. Cette dé-
rivation paraît fondée quand afficher* a simplement le sens de
mettre une affiche; mais, quand il est synonyme de a feindre »,
comme dans cette expression « afficher de la douleur », il vau-
drait mieux, ce semble, le rattacher à ad-fictare, fréquen-
tatif supposable formé de ad et de fingere. supin fictum .
FORMES VERBALES A THÈME DE COMPARATIF
Agencer, aiguiser, alléger, chasser, forcer, haus-
ser, tarzer, etc. — Je dérive ces verbes des comparatife
latins * ad-genitior, acutior, * ad-levior, captior, fortior, aUior,
tardior .
M. Littré les dérive des types b. latins en tare: altiare,
tardiare, etc.; supposition parfaitement fondée, mais dont il
n'indique pas le principe, à savoir que les comparatifs en ior
ont pu former des verbes qui tantôt ont fait double emploi avec
ceux qui provenaient de l'adjectif simple, — ci, tarder ei tarzer
(patois français), provençal, tardar et tarzar, alléger et lever,
— tantôt, et plus souvent, ont suppléé à la forme dérivée de
l'adjectif, mais non admise par l'usage, ce qui est le cas pour
ETYMOLOGIES FRA.NÇAI8BS ET PAT0ISE8 129
hausser, forcer, agencer. Le v/français avait ^«nstfr etgençer,
rendre gent, rendre joli, expression conservée en Angoumois,
où Ton dit gencer une chambre, la balayer, la rendre propre.
A la même espèce appartiennent approcher de propiar, le
V. français greger de gravior, tandis que le sifnple grever se
dérive de gravis par gravare, etc.
Cette tendance à former des verbes comparatifii se manifeste
même en latin, où elle avait formé on mot très-classiqne, puis-
que c'est le puriste Quintilien qui remploie, le mot breviare,
dérivé de brevior et non de brevis. On remarquera que ces
verbes comparatifs sont tous de la première conjugaison.
C'est encore dans cette série de verbes à thème de compa-
ratif que Ton doit ranger satiare de satior, neutre satius.
Enfin il n'est pas inutile d'observer que l'idée de comparai-
son est virtuellement contenue dans tout verbe dérivé d'un
adjectif et que le langage est libre de la dégager. Ainsi c s'-ap-
procher de quelqu'un », c'est ou c aller près de lui », ou aller
plits près de lui. 9
F (latin) initial — b.
Baille. — « S. f. Terme de marine. Baquet qui sert à divers
usages sur les vaisseaux. — Ettm. Ital., baglia; du bas-bret.
6a/ (/mouillée), balek (/ mouillée), baquet; anglais, pail.n
Littré .
Ce mot est usité avec le même sens dans les patois de
l'Ouest, et se prononce bâille. Je le dérive du latin vasctUum^
pluriel vascula. Ou sait que les neutres pluriels ont suivent
formé des noms féminins en français : cf. arma^ armes, etc.
Quant au changement de v latin initial en b, on peut dire que,
s'il est rare, il n'est pas sans exemple: cf. baud de vaUdus,
baiser de vitiare, brebis de vervex.
f l (laUn; iniUal =sM (?).
2* Nasalisation de la voyelle devant le groupe latin d.
3* et riatin) =- ch.
Blanc, blanche. — « Provenç., blanc; espagn. blanco;
portug., blanco; ital. hianco; de Pane, haut allem. blanch,
blanc. » Littré.
36
532 DIALECTES ANCIENS
à ce mot une origine latine. Bramare viendrait de peramarey
aimer de toutes ses forces, désirer très-vivement. On sait que
la combinaison br correspond parfaitement au per du latin
suivi d'un mot commençant par une voyelle : cf. ital. brusto-
lare, fr. brûler j de perustulare.
Le mot, destiné d'abord à marquer le désir, aura servi
plus tard à exprimer les cris par lesquels il se manifeste.
!• Ver (latin) — hr.
1" rica(latinHc/w.
Broche* — « Wallon, broke; picard, broque, fourche en fer;
provenç. et espagn., ^oca, broche, pointe; ital., brocca; du
latin brocchm ou brocctis, dent saillante ; de là les signiflcations
pointe, crochet. » Littré .
N'est-il pas plus simple de faire venir ce mot de verutum,
broche, par l'intermédiaire de la forme supposable *veruit'
cum, au pluriel *verutica ? Là encore la substitution du b fran-
çais au V latin initial aurait sa; raison d'être.
Il est bon d'ajouter que l'italien brocca ne signifie pas a bro-
che )}, mais a broc. »
1* Per (latin) devant une voyelle ^^ br.
2* Uncare (latin) = oncher
Broncher. — « Norm., brucher; de l'ancien français bron-
che, qui signifiait branche; ancien espagn,, broncha, même
sens ; ital . , bronco, tronc ; d'où broncher, parce que l'on se
heurte contre un tronc d'arbre. Origine inconnue. On Ta rap-
porté au latin bronchm, le même que brochus, dent saillante
(Voy. Broche); mais le sens est peu satisfaisant. Diez met en
avant l'ancien haut allem. bruch; flamand, brokj quelque
chose de rompu, fragment; mais il n'y a pas assez d'intermé-
diaires pour que l'on sorte de la pure conjecture. » Littré.
M. Littré a raison de faire des réserves, car il y aurait plus
(Tune objection à présenter. Il faut, avouer, du reste, que
l'étymologie de ce mot n'est pas facile à trouver; aussi ne
mets-je la mienne en avant que comme une conjecture plus
plausible que les. autres . ^
ETYMOLOOIES FRANÇAISES ET PATOISBS 531
Le changement du p initial enb n'est pas normal, ilest vrai,
mais il n est pas non plus sans exemple. (V. Hugo Schuchardt,
der Vokalismus des Vulgàrlateins, t. I, p. 124 et 125.) Enfin, ce
qui rend encore plus probable cette étymologie, c'est que le
limousin actuel, comme me l'apprend M. Chabaneau, a gardé
la forme boulen, seconde farine, ce qui vient après la fleur,
mot qui, malgré une certaine différence de sens, dérive visi-
blement du latin, et où le p latin initial est certainement
devenu à.
Pollen a pu former * pollineits, comme gluten, gramen, ont
formé glutineuSy gramineus, et de *pollinem, ou plutôt de *po^
linea, s. -entendu farina, on peut dériver * poulenge =bou-
lenge, cf., pour nea=: ge, lanea (vestimenta), lauige. De *pol-
lineus dérive naturellement *pollineanus =boulenger, comme
lactearnis^^ doublet de lactarius, se dérive de lacteus.
Ainsi, cette étymologie peut se ramener à deux formes
également- admissibles, * polenticarim et * pollinearms .
Per (latin) (Jevant une voyelle = br.
Bramer. — «Du germanique ancien'haut allem. breman. »
Littré .
M. Littré rapproche de ce mot la forme italienne bramare
et la forme roumaunsche ôrammar; mais il oublie d'en indiquer
le vrai sens. Dans ces deux langues, ôraware et ^rammar signi-
fient principalement « désirer très-vivement. »
Du reste, ce sens est à peu près général dans les autres
langues et même en français, où il se dit surtout d'un animal
qui crie pour satisfaire un désir ; ainsi « nous voyons le cerf
estant en rut bramer et crier après les biches.» (Parb, XVIII,
3., ap. Littré.)
Dans le Languedoc, on désigne par l'énergique appellation
de brama- pan le meadiant a qui crie pour avoir du pain. »
Cette signification dominaate permet, je crois, d'assigner
' Lactearius ligure dans les Ep/x>îvsû/xaTa de J. Pollux , t. XXllI,
2"' partie des Notices des manuscrits de la Btbl. nationale, pag. 386.
534 DIALECTES ANCIENS
vençal, busca; sicil. , vusca; de même radical que bois, m Lat-
tre.
Ne vaut-il pas mieux dériver bûche de *busiicum, et bûcher
de *busticarium, dérivés parfaitement supposables de bustum.
bûcher? On s'explique ainsi Vu du français et du provençal.
1* CalXf ds, d'où le diminutif * calciculus (par métathèse) * eadietdus s=s
= caUlou.
2* CcUx, ciSt d'où le diminutif calculus, d'où *caleulare'=: Miauler,
Caillou, chauler. — a Berry, chillou, chaillou, caille, cail-
lotte, ckillotte, petit caillou ; Saintonge, c^atï; picard, cailleu;
wallon, caie ; namurois, caiau; rouchi, caliau; provenç. , calhau;
portug., calhao. Mot difficile. Diez, faisant ressortir Tanalogie
entre cailler et durcir, propose cailler , acceptable pour le
sens ; mais, si caillou avait même origine que cailler, on trou-
verait parfois dans les anciens textes coaillou {Yoy , rhistori-
que de cailler), ce qui n'arrive jamais. Grandgagnage le tire
du flamand kai, kei, caillou. A cause du sens, on ne peut guère,
jusqu'à présent du moins, admettre que ca/cw/ws ; d'où, par
suppression de l'w bref, calclus; d'oii ckail on chaille; d'oii^
avec un suffixe ou, caillou ou chaillou. Ce suffixe ou, au dans le
provençal, fait difficulté; car, représentant la finale latine
avus (clavus, clou), on ne voit pas comment il s'est joint à caiL
Au reste, les suffixes ont varié : il y a eu o^, otte, eul, iel, tous
suffixes qui vont beaucoup mieux au primitif cail que le suf-
fixe avus. Le celtique ca/^ dur, a été indiqué. 9 Littré.
Il n'y a pas de doute sur le radical du mot, et M. Littré a
raison de le rattacher à calculus, mais il a tort de conserver
cette forme telle quelle. Calculus n'aurait pu former en fran-
çais que ckauil, ckauille, chaul. Ce dernier se retrouve, en effet,
dans chauler, passer du blé à l'eau de chaux, qui vient de
calculare, diminutif d'un verbe calcare, formé de calx, a9(chaux),
comme falcare, de falx,cis, et tombé de l'usage par suite de
sa ressemblance avec calcare (de calx, cis, talon), signifiant
fouler aux pieds.
Ce n'est donc pas de ca/culus,mais bien de la forme métathé^
ETYMOLOGIES FRANÇAISES ET PATOISliS 533
Nous remarquerons d'abord que broncher avait dans l'an-
cienne langue le sens de tomber, ei plus spécialement ^e
tomber la tète en avant. On peut en juger d'après les exemples
suivants, empruntés au Dictionnaire de M. Littré :
(( XIV® s. Thibaut ferj de la hache qu'il tenoit, sur les es-
paules de Colart si grant cop qu'il le ^%i b'hxnquiër [iottj^ér la '
tête en avant) sur le col de son cheval. Du Gange, broquerius,
» — XVp s. Le grant colosse, à ce coup estônné, D'iin sault
horrible alla bruneker (tomber la tête en avant) par terre. Du-
BELL, V, 9, verêo, — Le corps sans nom, sans chaleur et sans
face, Comme un grand tronc broncha (tomba la tête en avant)
dessus la place. RoNS., 596.»
Ce sens est confirmé par des exemples pl«s ancienis, où lé
verbe composé embroncher et l'adjectif em6row<r signifient tou-
jours avoir la tête penchée en avant, et par extension être
triste, sombre.
Le mot-racine nous est indiqué par le radical du 'simple, '
broncher y bronc, qui était un adjectif et non pas Un noih,
comme on doit le conclure de l'emploi du composé embroàc^ '
qui est toujours adjectif, ce qui permet de le rattacher direc-
tement au type fictif *peruncus, très-recourbé, dérivé de un-
cu8.De là ^peruncare, qu'on est en droitde'suppoi^erà côté du
simple uncare, dont le participe uncahts existé réellenient. '
Pour la forme, il n'y a pas de difficulté, j^er devenant '^r
normalement devant un composant qui commence' par une
voyelle: cf. ôrûler de jo^/'-ustulare; et pour le sens il n'y eb a
pas davantage. On conçoit, en effet, qu'on soit passé dé l'idée
de ce qui est crochu, recourbé (comme le bec des oiseaux,
rostrum aduncum\ à l'idée de ce qui est Courbé, penché en
avant. De là les diô'érents sens déjà signalés «t qui se tou-
chent de très-près: 1° se tenir penché en 'avant;' 2** 'tomber !a
tête en avant ; 3° trébucher comme si on allait tomber en
avant.
Usticum <\&ivn) ^ssûche.
,. . r : .1. A ... ••! r Ul ,-'.1- ■.•*..-> Stliv'll»' . • ^» -'
Bûche, bûcher. — « Wallon, boiche; rouchi, boisse; pro-
533 DIALECTES ANCIENS
M. Darmseteter décompose copoc/ator en capo ^caput et
c/fltor = calator. Mais il y a une objection à faire : c'est que le
second terme composant, calaioVy n'exprime guère Tidée de
surveillance, calator se disant des esclaves qui remplissaient
Tofflce de crieurs. Le nomenclator, par exemple, était chargé
de répéter à son maître le nom des visiteurs ou de ceux qu'il
rencontrait. Pour arriver de là à Tidée de « surveillant », il
faudrait évidemment forcer le sens du mot. Oclator, au con-
traire , dont la racine est oculus, œil, se présente de lui-même.
J'ai dit que ocutonW pourrait être considéré comme un dou-
blet supposable de oculator; c'est, en effet, ce qu'on est en
droit de conclure des formes analogues, dont la coexistence
est constatée par les lexiques : torcularius et torculator, ouvrier
qui conduit le pressoir; sigillarius et sigUlaior, fabricant de
cachets, etc.
^Cudiea de *cwi%care de cudere.
Coche, entaille. — « Provenç., coca; ital., cocca; anglais,
cock : Origine obscure, mais peut-être celtique ; car on cite le
gaélique sgoch, coche; kymri, cosi; bas-breton, coch. » Littré.
11 est plus simple d'j voir l'équivalent d'une forme *cudica
de *cudicare^ fréquentatif de cudere^ frapper, graver en frap-
pant
DOUBLE ORIGINE
1* *Correctiare de correciu», comparatit correàlÂor.
2* *Corruptiare^^ corruptus (pour correptu»), oompar^iit oorrupUor,
Courroucer, courroux. — L'étymologie de ce mot est
difficile et controversée. Voici ce qu'en dit M. Littré: «An-
cien wallon, corocAe; provenç., co?ro^z ; ital . , corruccio. Etj-
mologie difficile. On a indiqué le latin comscare, briller; mais
le sens ne convient pas. Rajnouard le rattache à cour, sans
indiquer comment s'est faite la dérivation. Diez le tire de
choiera, proprement bile, et figurément colère, par Tintermé-
ETYMOLOGIBS FRANÇAISES ET PATOISBS 53T <
diaire d'une forme colerucdo ; mais, s'il en est ainsi, comment'
se fait-il qu'en aucune des formes ne paraisse 17 étymolo^-
que? On devrait trouver ce mot écrit quelquefois co/rowz.
A. l'appui de son dire, Diez cite l'ancien français courine, qui
signifie aussi colère, et qu'il dérive de choiera^ i^a.r une forme
cholerina; mais là aussi, d'une part, on regrette de ne pas
trouver parfois coulrine; et, d'autre part, on a dans le pro-
vençal coreilla, corillay qui paraît le même que coMrme et qutA
dérive de ccpwr. En étudiant de près les formes du mot, on en
trouve deux au régime singulier: l'une plus rare, qui esi
corrot, et l'autre plus commune, qui est corrowz.. La première
correspond à l'italien coro//o, deuil, et est évidemment un sub-
stantif fictif, corruptus, dérivé du participe -corrM/?^2/s. Que^or-
ruptus ait pu dopner corrot , et ruptus, rot, c'est ce queiprou-i
vent les exemples suivants: Icellui suppliant a congneu
[avoué] que ses diz tesmoings il avoit induis et corroz [cor-
rompus]. Du Gange, corrumpere. Roz [rompus] pt les laz del
heaume de Bavière. Bat. d'Alesckans, y. 622.. Corrot paraît
entraîner courroux et le rattacher à corruptus, par l'intermé-
diaire d'une forme corruptium. On conçoit sans peine que <?or-
rumpere ait pris le sens d'aigrir, mettre en peine, irriter; d'ail-
leurs, le fait est certain pour le français corrot et Titalieu
corrotto. »
Je pense que courroucer et courroux ont une double origine,
indiquée par les deux formes correcious du Fragment de Va-
lenciennes, et corroptios, corroaptde la PassioA de Saint-Légej:*.,
formes extrêmement anciennes, puisqu'elles datent, la pre-
mière, du IX^ siècle; la seconde, de la fin du X® ou du com-
mencement du XP.
1° Correcious suppose coi^ecer, et correcer ^e dérive très-
bien, pour le sens et pour la filiation phonétique, de *eorrec^
tiarCy forme qu'on est en droit de supposer du comparatif
correctior [correctus, corrigere). — Un homme corrigé n'est
pas loin d'être courroucé.
2° Corroapt et corroptios doivent, au contraire, se rat-
tacher à corruptior et à la forme supposable *corruptiare .
538 DIALECTES ANCIENS
Mais le sens ne favorise pas cette attribution. On est donc
forcé de se rabattre sur la forme immédiatement voisine *cor-
reptiare de correpHor, comparatif de correphis, participe de
corrtpere, qui a presque le môme sens que corrigere, et qui si-
gnifie reprendre, blâmer. La ressemblance phonique Taura
fait confondre avec corruptior et *corruptiare^ d'où courroucer.
Observons enfin que la double origine correctiare et corrup-
tiare (pour correptiare) rend compte non-seulement des deux
formes iVançaises correcious et corroptios, mais encore des
deux formes italiennes signalées par M. Littré: corruccto,
courroux, et corrotto, deuil, et plus généralement de toutes les
autres formes néo-latines de ce mot, moins le v. français
courine, que M. Littré, du reste, rattache avec beaucoup de
vraisemblance à cœur. Quant à la forme corrouz, restée telle
même au cas oblique, dans Tancienne langue, M. Littré la
dérive justement du supposable * corrupttum, nom formé de
rinfinitif à thème de comparatif * corruptiare. Corrot et cor-
roapt, au contraire, viennent de corruptum. L'ancienne lan-
gue, ainsi que cela résulte de l'observation de M. Littré, leur
préférait corrouz^ qui correspond mieux à courroucer^ et la lan-
gue actuelle, plus exclusive ou plus conséquente, les a rejetés
complètement pour ne garder que celui-ci.
Escere (latin) par allongemont de la p«>nultième ^=^e8cire = ctr.
Durcir, éclaircir, noircir, obscurcir. — Je ne pré-
tends pas, cela va sans dire , donner de ces mots des étjmo»
logies nouvelles, car l'homme le moins exercé au raisonne-
ment philologique voit, du premier coup, qu'ils sont dérivés
de duras, clarus, niger et obscurus. Je veux seulement rendre
compte du c intercalé à la suite du radical. M. Littré signale
cette difficulté, mais sans l'expliquer.
Les verbes formés d'adjectifs sont tous ou presque tous ter-
minés en ir, ainsi que l'a remarqué M. Chabaneau dans son
Histoire et théorie de la conjugaison française, et calqués pour
BTYMOLOGIES FRANÇAISES ET PATOISES 539
rinfinitif sur les verbes en érCy b. -latin ire, et pour les autres
temps ou modes sur ces mêmes verbes conjugués en escere, esco,
escebam, escens. Ainsi fleurir vient de florere, {*florire); mais je
fleurisj je fleurissais, florissant, viennent de floresco (*florisco),
florescebam {*floriscebam), florescens (*floriscens). Il semble que la
langue, pour être plus uniforme, aurait dû adopter la finale
allongée escére à Tinfinitif. C'est, en effet, ce qui a eu lien
dans les dialectes de langue d'oc et aussi dans les dialectes
et patois de langue d'oïl, voisins de la langue d'oc : cf. enrichC'
zit (V. mon Mémoire sur le dialecte poitevin au XIII* siècle, au
Glossaire) néyrezi = *nigrescire pour nigrescere, (Fables de
M. Burgaud-Desmarets.)
Les dialectes et patois de pure langue d'oïl ont seuls échappé
à cette tendance. Cependant elle était trop forte pour n'y
avoir pas pénétré quelque peu, et c'est de là que viennent
précisément, selon moi, ces formes en cir pour ir, qui sont tout
à fait exceptionnelles ; car noircir, durcir, éclaircir, obscurcir,
correspondent exactement à *nigrescire, *durescire, *eX'Clares-
cire, *obscurescire, et le c doux de leur terminaison n'est que
la reproduction phonique du groupe se du latin.
Là ne s'est pas arrêtée la langue. Comme il arrive souvent,
elle a dépassé le but par l'effort même qu'elle a fait pour
l'atteindre. Elle aurait dû, pour se tenir plus près du latin,
garder le c doux, équivalent de se à l'infinitif seul, et l'écarter
(les autres modes, et dire je durissais, que je durisse, etc., =
durescebam, durescam (ou *durisciam). Mais, cette fois, il s'est
produit à peu près l'inverse de ce qui a lieu pour les autres
verbes en ir, comme fleurir. Dans ces verbes, en effet, l'infi-
nitif n'a pas plus subi l'infiuence des autres modes qu'ils
n'ont subi la sienne. Ici, au contraire, l'infinitif, qui a em-
prunté le groupe se aux modes en esco, escebam, etc.,
le leur impose une second fois, et nous voyons surgir les
formes imprévues : je durcis = * durescisco, je durcissais =
" duresciscebam, que je^ durcisse := *duresciscam (ou *duresci8'
riam), au lieu de : je duris = duresco (^durisco), je durissaM^=^
duvescebam (*dwnscebam)^ etc., etc.
I'
540 niALECTBS ANCIENS
C*est de la même manière^ que se sont formés en français
les verbes dérivés de court et de étroit, étrécir et raccourcir,
Etrécir =1^ *strictescir€, 2* * strict' scire; yétrécis8ai8=l^*8tricte8-
ci8cebam, 2^^ strict' 8ciscebam, Laforme berrichonne étretzir, ciléê
par M. Littré (v. Etrécir)^ représente fort exactement le pre-
mier intermédiaire fictif *stricte8ctre, et la forme française
étrécir, le second *8tricf8cire.
Les formes anciennes estrecer et estrècier, acorcèr, acorcier
eiacorchier, se dérivent de primitifs en tare, tirés liu thème des.
comparatifs strictior d'où *strictiare, curtior d'où ^curitiare. (V.
Agencer, p. 528.)
La forme écourter, demeurée seule en usage, est dérivée
du simple curtus et non du comparatif cwrtfor. De même, nous
avons vu tarder dérivé de tardus et tarzer de tardior,
DEUX ALTERNATIVES
1* Doublets de conjugaison, appartenant, Tun à la l'* en er, l'autre, à
la 2» en ir,
2» P. ( latin ) initial = b.
Ébahir. — M. Littré reproduit avec doute l'opinion des
étymologistes qui regardent ce mot comme dérivé de bah,
exclamation naturelle d'étonnemént.
Ebahir, v. français esbatr et esbahir, est très-aûcien, tandis
ti ■ . . ■ .* , ■•
-on aucun
exemple antérieur à l'époque actuelle. Le plus sûr est donc
de suivre la route accoutumée et d'en demander l'étymolôgie
au latin. Je ne vois que deux origines possibles : ou esbahir
est formé de la particule es = ex et du simple supposé iotr
ou bahir^ qui aurait été à béer, baer, en v. français a ouvrir la
bouche », ce que baillir était à bailler (b. latin bajulare); ou
bien il est pour espaîr ou espahir, par adoucissement du p en b,
* C'est aussi de cette manière qu'on explique les formes comme gfuo- ,
resiff^ sUr lesquelles M. Ghabaneau appelle Vattention'.fV. pi 7^ de rffit-
toire et théorie de la conjng. française.)
ÊTYMOLOaiES FRANÇAISES ET PATOISES Ul
phénomène phonique dont on a plus d'un exemple. Espaîr ou
espahir se rattache facilement, à tou^s les points de vue, v
ex'pavere, neutre en latin et devenu actif en français. Cette
seconde étymologie a l'avantage de faire concorder la con-
jugaison française et la conjugaison latine. En effet, expa-
vesco, expavescebam^ rendent parfaitement compte des formes
inchoatives du français je m ébahis, je rn ébahissais. Comparez
je fleuris, je fleurissais, venant de floresco, florescebam.
La chute du v de ex-pavesco est normale, comme le prouve
du reste le v. français dissyllabique paor, devenu le mono-
syllabe peur, qui vient du même rac^ical latin pavorem, dont
le V est tombé. Du reste, le v originel n'a pas entièrement
disparu ; on le retrouve dans le wallon esbawi.
FORMES SIMPLES DÉRIVÉES DE FORMES COMPOSÉKS
l"Sp. (lalin) =ép.
2« Icare (latin) = ter.
Epier. — « Provenç. et espagn., espiar; ital., spiare; du
germanique : anc. haut allem., spehôn; allem., spaheri; danois,
spaa; angl., to spy. Comparez le latin spicere. » Littré.
Ici encore c'est au latin seul qu'il faut recourir. Epier, v.
français espier, vient de *spiçare^ pour ^spicari, simple de
conspicari, regarder, qui est lui-même très-classique.
Cette étymologie est de M. Egger. Diez, dans sa Grammaire
(3* édit., pag. 29), ne la cite que pour la combattre. Il recon-
naît bien qu il n'y a pas de difl3culté pour le sens et pour la
phonétique , mais il en trouve pour l'historique, l'italien ayant
spiare, et non spicare ou spigare. L'italien, en effet, conserve
la gutturale latine. Mais M. Diez n'a pas songé que spiare
pourrait bien être un emprunt fait au provençal ou au fran-
çais, d'autant plus qu'il ne paraît pas être très-ancien. Le Fo-
cabulariu de TAcadémie délia Crusca n'en donne pas d'exem-
})le antérieur à Boccace.
L'étymologie proposée par M. Egger doit donc être prise
eu sérieuse considération.
542 DIALECTES ANCIENS
1" Ex-r (latin) = ér.
2* Adicuîare (latin) =: aiUer.
Erailler. — Scheler le tire d'un type ûciàf eradulare, dérivé
de eradere; M. Littré y voit plutôt un composé de es et du
latin rallum, râcloir.
Eradulare et exrallare auraient plus probablement donné
éraler. Il vaut mieux supposer un type bas-latin eayt^adieulare,
qui serait à radere, raser, racler, ce que ^fodiculare, fouiller,
est à fodere.
!• Nasalisation de la voyelle qui précède et (latin).
2- Cf^atin)— ch.
Espincha. — Regarder avec curiosité, en dialecte de
Montpellier.
Du latin spectare. Le changement de sp latin en esp est nor-
mal. 11 en est de même du changement de et en ch, comme on
peut le voir au mot oinces. Quant à la nasalisation de ect, le
même dialecte en donne un exemple certain : penchina de pec-
tinare, où pecû est devenu pench.
Le changement de e en i devant et n'es pas non plus sans
exemple dans ce dialecte, cf. jùà de *jectare,
V Ex l (laliu) = est
l' Ere f ialin =• tr.
Estourbir, estourmir. — Mots du langage populaire, si-
gnifiant assommer, étourdir, L's vibrante indique un emprunt
fait, soit aux dialectes du N.-E. picard, wallon, soit à ceux
du S.-E.
Je dériverais estourmir de estourbir, avec changement non
anormal de h en m, et estourbir d'un type fictif *exturbesco,
ïnûmiiî exturbere. venant de turbidus:eî,fervidm,fervesco, etc.
Vdére (ialin) -ssiOfooir
Estovoir, estuet. — Env. français falloir, il faut, Diôzi,
avec raison, le dérive de studere, qui, exprimant le désit*.
ETYMOLOaiES bRA^ÇAlSES ET PATOISES 543
Tefifort vers un but, a très-bien pu arriver à exprimer Tidée
de besoin, et partant de nécessité, La phonétique n'y contredit
pas, car la dentale médiane isolée a plus d'une fois été rem-
placée par V : cf. pouî;oir de po^ere , et le normand (des îles)
s' assiérait =se assirfebat.
La conjecture de Diez est très-plausible et pour moi cer-
taine. Cependant des exemples où studere se trouverait em-
ployé avec le sens de oportere, debere^ ne peuvent que lui
donner plus de force. Comme il est possible que le savant phi-
lologue n'en ait pas remarqué, je crois devoir citer le sui-
vant:
Se hoc facere debebat, de hac causa ipsi illi compascere
debirit: sin autem non poterit, quicquid lex de taie causa et-
docet {sic) emendare stodiat,
(Formules angevines, XXIV.)
On peut traduire : a // faut qu'il se conforme aux prescriptions
de la loi », aussi bien que a qu'il s' efforce de , qu il fasse
en sorte de. n
Cette formule finale figure encore dans les n°* X, XI, XXX,
et peut toujours se traduire des deux manières. Au n** XXVIII,
debeat est substitué à studeat, substitution qui vient à l'appui
de mon observation :
V
Si hoc facere potebat, quietus et securus resediat ; sin autem
non potuerit, contra ipso hominem satisfacere debeat.
Dans tous ces passages, la formule que nous citons termine
le prononcé d'un jugement. Chaque pièce est intitulée : Incipit
judicius,
l St (latin) = èL
2° Alare = ayer.
Étai, étayer. — M. Littré dérive étayer de étai, et rat-
tache celui-ci au flamand staede, staye, appui.
Je crois, au contraire, qu'ici le nom procède du verbe, que
étai vient de étayer. Ce qui donne, d'abord, un caractère de
probabilité à cette conjecture, c'est que les exemples pour
544 DIALECTES ANCIENS
le V. français estaier sont plus nombreux et beaucoup plus
anciens que pour estai. Or estaiet' suppose un tjpe ^stàtare,
que Ton est en droit de dériver de staium, supin de starey
comme natare, du supin (inusité) natum de nare. Estaier et
estai sont à * statare et statum ce que delaier et délai sont à
dilatare et à dilatum. Quant au sens, je n'ai pas besoin de faire
remarquer qu'il concorde parfaitement avec la filiation pho-
nétique.
l» S^ (latin) « et
1" Ac^um n- al.
Étal. — En V. français, ce mot désignait la position d'une
personne ou d'une chose qui est debout, qui est en équilibre.
Nous remaindron en Vesial en la }»lace.
( Chanson de Roi., glvii, ap. Littré. )
Le sens primitif étant aussi nettement indiqué, il semble
qu'on aurait dû rapprocher estai dix latin sta?^e, comme on a fait,
et avec raison, pour étage, v. français estage, qui indiquait le
lieu où l'on stationne, et qu'on a dérivé d'un type fictif *5to-
ticum. Mais cette fois encore on a préféré recourir à l'allemand.
Voici les renseignements étymologiques quedonneM. Littré :
a Bourguign., étau ; wal., sta; provenç., estai estau, place,
séjour; anc. espag., estalo ; portug., estao; ital., stalh; de
l'anc. haut allem., stnl, lieu clos et couvert ; angl.. stall, établi ;
hoUand., staeL Comparez l'allem. stellen, placer, et le grec
a"Ti/>££v, disposer. »
Pour moi, je le ferais venir du type supposable *staeuhm,
simple de ob-staculum.
La terminaison aculum a produit, il est vrai, plutôt ail que
al, cf. gubernacM/wm, gouvernai*/. Cependant il n'est pas sans
exemple qu'elle ait produit al, comme le prouve la forme
Dumira/, à côté de DumiraiV, = de — mivaculo, Duporta/, à
côté du nom commun portât/.
Cette assimilation de étal à * staeulum nous permet aussi de
retrouver Tétymologie de estai dans le mot composé piédestal,
ETYMOLOGIFS FRANÇAISES ET PAT0I8ES ' . $45
mot relativement récent, comme on est en droit de le eoîioliire
de ce fait que Vs initiale du groupe 8t ne s^est pas changée en
é, ^iédétaL
Le piédestal, pied à'estrail, comme on disait au XY" siècle
( V. Littré ), est le pedes *8tacuU,le pied, la base de Tobjet qui
est debout.
LV épenthétique de estrail peut être considérée comme nor-
male après 5/.' cf. Bautis^^ ^ Baptiste (Chartes du moyen
âge), tvistre = triste ( dans Rutebœuf), etc.
f St( latin )= A,
2* AtUis = aie.
Étale. — Adjectif qui désigne l'immobilité de la mer lors-
qu'elle a cessé de monter et qu'elle ne descend pas encore,
de Tancre qui s'arrête au fond, du filet qu'où laisse tendu.
M. Littré le dérive, ainsi que étal, étaler, de l'anc. haut allem.
stal, lieu clos et couvert. On a déjà vu que étal doit plus vrai-
semblablement se rattacher à staculum. Quant à étale^ adjectif
des deux genres, je le dériverais aussi du latin, de *8tatilis,
qui a pu être employé en double à côté de stabiUs : cf. fflexilis
et flexibiliSy et surtout versoHlis et versabiKs.
i«Se (latin) — étf.
2« Facere — ftr.
Étouffer, Biffer, Ébaffer
Étouffer. — Les savants ne sont pas d'accord sur l'étjmo-
logie de ce mot. Voici ce qu'en dit M. Littré : « Bourguign.
étoffai: wallon, sitoféy stofé; de es préfixe, et un radical
tonf, qui se trouve dans l'italien tuffo, immersion ; l'espagnol,
tiifo, vapeur; le provençal moderne, toufe, vapeur étouffante;
le loiTain tonfe, étouffant. Ce radical est rattaché parDiez au
grec TÛ^oç, vapeur. Scheler conteste cette étymologie, objec-
tant que les autres langues romanes qui auraient le primitif
n'auraient pas le dérivé étouffer, et que toufe n'est pas dçins le
54t DIALliCTES ANCIENS
français (ce qui n est pas complètement exact, puisqu^il est
dans le lorrain); en conséquence, il incline à regarder étouffer
comme identique avec étouper, par l'intermédiaire du germa-
nique: anc.h. allem. ,s^w/)Aa?i; allem., stopfen. Ce qui semble
parler pour Diez, c'est que le français, le bourguignon et le
wallon, gardent ly pour étouffe?^ et \ep pour étouper. »
Les étjmologies proposées par Diez et par Scheler sont
suspectes par cela seul qu'elles s'appuient sur le grec et sur
l'allemand. On ne doit recourir à l'une de ces deux langues
qu'avec beaucoup de précaution, quand l'historique du mot
je permet, et surtout quand il est bien avéré qu'il est absolu-
ment impossible de le rattacher au latin. C'est pour me con-
former à ce principe, et parce qu'il me paraissait étrange que
l'italien, l'espagnol et le portugais, qui ont été si rarement les
débiteurs philologiques de l'allemand, lui eussent emprunté
ce mot en même temps que le français, que j'ai cherché uni-
quement dans le latin la solution du problème. J'ai remarqué
d'abord que la finale fer pouvait, comme celle de chauffer, cor-
respondre à facere (ahauf/i?r = cale/*acere, calidum facere);
puis, guidé par le sens et par la ressemblance de forme, j'ai
rattaché la première partie d'étouffer {étouf := stouf) au latin
stupe de stupe-facere, d'où évidemment estouf-fer, de même que
ckauf'fer de cale- facere.
A ceux qui seraient tentés d'objecter que le latin avait
toujours la signification active, tandis que son dérivé français
est tantôt actif, tantôt neutre, il suffirait de répondre qu'on a
plusieurs exemples parfaitement authentiques de ce double
emploi attribué par le français à des verbes qui, en latin, ne
l'admettaient pas.
Le V. français donne estofeger (v. mon Dialecte poitevin au
XII I^ siècle, p. 207), mot que je dériverais, non de stupefacere,
mais de *stupificare, analogue comme formation à vivifîcare.
Quant à ficare, devenu ger en français, on peut comparer
aîger de œdificare, dans deux textes du XIII® siècle» (V. Ro-
mania, avril 1872, p. 166, 169.)
Le provençal a conservé cette forme :
BTYMOLOGIBS FRANÇAISES ET PATOISES 547
(( E Tentourtouio e Vestofego )> (et Tentoure et la, suffoque).
Mistral, Calendau, ch. XII.
On doit expliquer de la même manière, parTidentification de
fer et de facere, les mots suivants : 1** biffer, de ^bife-facere,
= bifidum facere, 2° épaffer et ébaffer (divers patois français),
de * expave- facere = pavidum facere.
M. Littré reconnaît qu'on ne sait rien de certain relative-
ment à l'origine de biffer. « Ménage, dit-il, le tire de blafard,
parce qu'en effaçant on rend pâle ; ce qui ne peut se soutenir.
On a, dans le bas-latin et l'ancien français, biffa et biffe, signi-
fiant une sorte d'étoffe qui était rayée : Et de biffes camelines
raiées {Liv, des met,, 393). Qui veut sa robe de brunete, D'es-
carlate ou de violete, Ou biffe de bone manière (Barbazan,
Fabliaux, éd. Mêon, t. IV, p. 179). Il serait possible que delà
on eût fait biffer pour rajer. »
L'étjmologie que je propose a l'avantage de résoudre toutes
les difficultés de forme et de sens. *Bife-facere:=- bifidum fa-
cere, littér. faire fendu, c'est-à-dire fendre, représente bien
l'effet produit par la raie longitudinale que trace la plume en
biffant un mot. De plus, l'adjectif féminin bifida a très-bien pu
former le v. français biffe, étoffe rayée. C'est ainsi que vive
s'est formé de vivida,
La racine de épaffer est paf, mot populaire dont M. Littré
cite un exemple pris dans le romancier Balzac : Vous avez
été joliment paf hier {Un grand homme de province à Paris).
Epaffer, ébaffer et abaffer, usités dans plusieurs patois fran-
çais et notamment dans le poitevin, ont le sens général de
«frapper d'étonnement, de stupeur », et se disent surtout des
personnes à qui l'extrême chaleur, l'épuisement, l'ivresse, enlè-
vent la conscience de leurs actes. « J' seû ébaffé^ j'en peu pu !»
dirait un paysan de l'Ouest; c'est-à-dire Je suis anéanti, je
ji'en peux plus! Ces trois mots, comme l'indique sufflsam-
nicnt leur ressemblance de sens et de forme, ont une origine
commune, <iui est pavidus pourpa/*, *expave- facere pour épaff'er
et ébaffer. Le seul rapprochement des formes latines et des
foimes françaises rend cette dérivation visible, et la significa-
548 DIALECTES ANCIENS
tion du mot latin n'y contredit pas, car on perd la tête, on
est paf, pavidus, aussi bien d'ivresse ou d'épuisement que de
peur.
Agitare (latin) = atter.
Flatter. — «Bourguign., flaittai; prov. , avatar ; d'après
Diez, du germanique: Scandinave, /7a/, plat, uni; anc. h. alle-
mand, flaz; de sorte que flatter serait proprement rendre uni,
comme quand on passe la main. Ainsi la série des sens est:
caresser avec la main, adoucir, charmer, délecter, aduler. »
Littré.
Il est inutile de recourir à l'allemand : le latin suffit à ren-
dre compte de cette étjmologie. Flatter vient de flagitare,
prier, solliciter avec insistance: Metuo ne te forte flagitent, ego
autem mandavi ut rogent. Cic. Je crains qu'on ne te presse;
j'ai bien recommandé qu'on se bornât à te demander ( ap.
Quicherat, Dict. lat.- français ). Flagitare a même, dans Ulpien
et Lactance, un sens plus rapproché de flatte7\ Ces deux au-
teurs l'emploient avec la signification de « solliciter au dés-
honneur, tenter de séduire. » Il est aisé de comprendre que
l'idée plus spéciale de « flatter » se soit dégagée de ces di-
verses acceptions, surtout de la dernière.
Fr (latin) = /l.
Flouer. — « Terme d'argot devenu populaire : voler, es-
croquer, duper. — Serait-ce une corruption de filouter? m
Littré .
Le latin nous fournit l'étjmologie cherchée. Flouer vient de
fraudare, tromper, duper. La substitution de ouer à audare
est de règle : cf. laudare, louer, mais non celle de /î à fr, qui
peut être considérée comme exceptionnelle. Cependant elle
n'est pas sans exemple : cf. /Zamboise ( genevois, poitevin )
pour /"ramboise, //airer de /V'agrare, le nom propre Floheri
dérivé du b. latin /^odebertus. A ces exemples on peut en
joindre un autre presque semblable, />/=/?r ;
ETYMOLOGIES FRANÇAISES ET PATOISES 549
Rumple ni* farai e flagellar.
{Pass. du Chr., st. 58, pour c runy>re. »)
Et un autre encore qui est beaucoup plus ancien et tout à
fait semblable : VXagilitatis kumane, pour /ragilitatis. ( Ms.
13240, VIP s., f° 185, v% Bibl. nat., fonds latin.)
R (latin) initial = gr.
Gratter. — « Provenc. et espagn., g j'atar ; iisA,^ grattare;
])as lat., cratai^e; du germanique : anc. haut allem., ch^azôn;
isl., kratta; allem., kratzen. » Littré.
Le latin suffit à rendre compte de cette étymologie. Radere
signifie racler, gratter; le dérivé ûctii radùare, devenu ^ra-
f/ita7X' par Tépenthèse du g, aurait pu donner naissance à grat-
ter. On pourrait aussi, à la rigueur, rendre compte du g initial
en dérivant gratter d'un tjpe fictif *corraditar€. C'est ainsi que
Diez tire creux de corrosus
Grimelé. — « Se dit des vieillards dont la figure est cou-
verte de rides, des fruits dont la peau est ridée. » ( Gloss.
poitevin de Beauchet-Filleau.)
Ne doit-on pas le ramener à un type * grimulare, formé par
épeiitlièse du g de rima, rimula, fente, les rides étant con-
sidérées comme autant de fentes sur la peau du visage ou
des fruits?
Grimer {se) a un sens analogue, se peindre des rides. Diez
le dérive de Tital grimo, ridé, qu'il dérive lui-même de Tanc.
h. allem. griiiij colère, furieux. On voit qu'il est plus sûr de
s'en tenir au latin.
1*» R Clatin) initial =gfr.
2o Nasalisation de la voyelif^ devant le groupe latin d.
3» Ci flalin) =^ch r=^c (doux).
Grincer. — « Picard, grinchei^; de l'anc. haut allem. gre-
////co/<. grincer des dents; anglo-sax., grimetan. » Littré.
Gritirer, grineher, en Poitou ; gricer, en Saintonge, viennent
de ^ijrictnre, f<^rme qu'on est en droit de supposer d'après
* Rumple ni pour rumpre l'en est la vraie leçon du ms.
550 DIALECTES ANCIENS
*rictum, supin de *ringere, actif de ringor: grogner en montrant
les dents.
Pour Tépenthèse de y devant r, cf. grenouille, de ranuncula,
gnllons et rillons. Nous savons que et peut devenir cA, c doux
français , et, de plus, que la voyelle qui précède peut se nasa-
liser ; cf. penchina, de pectinare, d'où * gnetare = gricher =
grincher = grincer,
1- Cor « cro (par môtathôse)— gro,
2<> Ovula = oie ou olle.
GroUe. — «Espèce de corbeau. — Hist. xvi* s. Je voyois
d'autre part cueillir les noix aux groles, qui se resjoyssoient
en prenant leur repas et disner sur lesdits noyers. Palissy,
87. — Etym. D'après Diez, graculm ou gracula; acul donnant,
il est vrai, d'ordinaire, ail, mais aussi oie ou eul, comme dans
l'ancien français seule, de sœculum. Quelques dictionnaires
italiens donnent grola, qu'alors Diez suppose tiré du français. »
Littré .
Ce passage donne lieu à plusieurs observations. Grolle dé-
signe bien le corbeau, mais il désigne au moins aussi souvent
la corneille noire :
Grolle, corbeau, corbeille noire:
M Chaque grolle picque sa nas. » •
Chaque corneille pique sa noix.
(Beauchet-Filleau, Gloss, poiteoin,)
Même définition dans le glossaire du comte Jaubert.
Comme ce sont les corneilles et non les corbeaux qui abat-
tent les noix, il est évident que , dans l'exemple cité de Pa-
lissy, grolles désigne les corneilles. C'est de ce mot que Rabe-
lais a formé l'adjectif ^ro//?er, a le noyer grollier. »
Voilà pour le sens.
L'étymologie proposée par Diez ne me semble pas bien
étayée. Je proposerais de dériver ^ro//e de *^roîn/fa = *cro-
imla, forme métathétique supposée de *corvula, féminin de *co>'-
vuliis, diminutif de corvus, Corvulus, il est vrai, ne se trouve
ETYMOLOGIES FRANÇAISES ET PATOISES 551
pas dans les lexiques, pas plus, du reste, que corvellus, que per-
sonne cependant ne repousse comme générateur immédiat de
coî'beau ; mRÎs on ne peut admettre l'un sans présupposer
r autre. En effet, corvellus s'est formé de corvulus, et corvulus
de corvus, absolument comme vitellus s'est formé de vitulus.
Cette filiation philologique est aussi fatale, aussi inéluctable,
que la filiation animale.
Le groupe vula (*grovula), étant analogue phonétiquement
au groupe fula (scro/M/a),a très-bien pu, comme lui, permuter
en roman avec le groupe la ou lia (ancien provençal), lo ou
llo (provençal moderne) ; cf. escrolo, écrouelle, plus rapproché
du prototype sa^ofula qne le mot français, qui vient du dimu-
nitif scj'ofella.
fV (latin) initial = flf.
1" Adilare = aiter = eter.
Guetter. — « Picard, va/^er, regarder; Bar-le-Duc, ouaiter;
norm., guetter, regarder; wallon, waiti; piovenç., gaùar,
gachar; ital., guatare; de l'anc. haut allem. wahtân, veiller,
garder. » Littré.
Je dériverais ce mot de *vaditare, fréquentatif supposable
de vadere, aller souvent, aller çà et là, faire le guet, guetter.
De cette acception primitive serait venue celle de surveiller,
f^iner, avec ou sans mouvement. Ce qui donne encore plus de
vraisemblance à cette étymologie, c'est que les plus anciens
textes conservaient Xa originel : E si aveir (bestiaux) trespas-
sent per iloc ù il deivent waiter. Lois de Guill. 32, XP s —
Eschargaite, XIP s. — Gaitoit, XIIP s.
Il faut observer néanmoins que cette étymologie ne rend
pas compte du doublet provençal gachar,
FORMES SIMPLES DÉRIVÉES T>E FORMES GOMPOSÊBS.
et (latin) = ch.
Licheur. — « Terme populaire. Celui qui aime à boire et
ri bien manjrer. •— Etym. Le verbe populaire licher, qui est
552 DIALECTES ANCIE^S
archaïque et qui est une autre forme pour lécher; Gallis oïim
lichard, dit du Cange, iecator. » Littré.
M. Littré a raison de voir dans ce mot, tombé aujourd'hui
dans le domaine des illettrés, une épave de notre plus ancienne
langue littéraire. Rien de plus fréquent dans nos vieux poè-
mes que licheor, lecheor, lechierres, etc.. Mais je ne suis plus
autant de son avis quand il assimile licher, aimer la bonne
chère et la débauche, à lécher, et qu'il le dérive du germa-
nique : anc.h. allem., leechôn; anglo-sax., liccian; angl., to lick;
aWem.^lecken, Pour moi licheur, v. français lecheor, et licher,
faire bombance, viennent, Tun de de-lectatorem;VB.\ïire^ de de-
lectare, qui tous deux ont perdu la sjUabe initiale de.
J'observe plus loin que le groupe et latin pouvait produire en
roman cA (v. le mot oinces); au moinsjsur ce point il n'y a
donc pas de difficulté. Il n'est pas aussi aisé de rendre compte
de la suppression de la particule de. Jusqu'ici on n'a, à ma
connaissance, rien signalé de pareil ; non que les exemples
manquent, mais on n'a pas remarqué cette particularité qui,
une fois bien constatée, s'explique d'elle-même. En effet, la
particule de ne contredit pas toujours le sens du mot auquel
on la joint ; souvent, au contraire, elle l'affirme encore plus :
cf. devincerej debellare, etc. Or, si on la retranche, le verbe
conserve exactement le même sens, tout en l'exprimant avec
moins de force. Il n'y a, par exemple, enivevincei'eeidevincere,
que la différence du plus au moins, du comparatif ou du su-
perlatif au positif. La langue pouvait donc, sans trop y perdret
abréger les mots ainsi composés; elle le pouvait surtout, et
devait être tentée de le faire, pour ceux dont le simple n'étai,
pas usité . Ainsi, lectare n'existant pas ou n'existant plus en
latin, il n'était pas aussi nécessaire de maintenir la particule
de, destinée à marquer une différence en plus. Delicheor (de-
lectatorem) se trouvait, par manque de comparaison, avoir le
même sens que licheor ( lectatorem); dans ce cas, il était na-
turel que le second prît le dessus, car l'usage, toujours ex-
péditif, préfère d'ordinaire les formes les plus courtes.
C'est de la même manière que j'expliquerais les formes sui-
ÉTYMOLÔGIE- FRANÇAISES KT PATOTSES 553
vantes : ouvrir de de-openre, ôter de de-hattstare. Ces deux
étjmologies, entrevues par Diez et par M. Littré, n'ont pas
été nettement dégagées, parce que ni Tun ni Tautre n'ont re-
marqué la loi de possibilité qui régit la chute de la par-
ticule de.
Le b. latin ieccator ou lecator nVst pas autre chose que la
forme latinisée du v. français /ecAerres, imaginée à une époque
où Ton n'avait plus conscience de la filiation étymologique
qui rattachait ce mot à de-lectator.
et (latin j = ch.
Mâcher (a bref). — Ce mot s'est conservé dans les pa-
tois français de l'Ouest (Saintonge et Poitou) et dans des patois
de langue d'oc, «mâcha» (Périgord et Limousin).
Mâcher (prononcez l'a très-bref). Meurtrir : yeux mâchés,
c'est-à-dire yeux battus.
Machure. Contusion, meurtrissure.
(Glossaire du Poitou, par L. Favre.)
Ce mot s'est conservé en français dans certaines locutions,
u Une viande tendre, qui se macfie facilement. — Les choses en
cet état, j'estimai qu'il les fallait reposer et mâcher. » Ces
deux exemples sont empruntés au dictionnaire de M. Littré .
Il va sans dire que mâcher y figure avec l'accent circonfiexe,
M. Littré le confondant avec mâcher y du lat. masticare.
Ce qui me fait préférer la prononciation abrégée, c'est que
nos paysans l'ont adoptée dans des locutions analogues. Les
savants n'ignorent pas qu'entre deux prononciations diffé-
rentes, Tune qui a cours parmi les lettrés, l'autre parmi les
paysans, c'est toujours, ou presque toujours, la seconde qui
est la bonne.
Ainsi un paysan saintongeais dira qu'un fruit se mâche,
quand il devient mou à la suite d'un coup ou d'une matura-
tion prolongée.
Le sens le plus usité est celui qu'indique l'auteur du glos-
saire poitevin précédemment cité : mâcher veut dire surtout
meurtrir. Il dérive de mactare par le changement normal du
554 DIALECTES ANCIEMS
groupe et en ch. C'est un doublet de mater, dérivé, lui aussi,
de maetare.
U Métathôse de ign en ing.
V GtUus •= fifre.
Malingre. — « Diez le tire de mal et de Tancien français
heingre, languissant, faible ; keingre, à son tour, lui paraît ve-
nir du latin œger, malade, avec intercalation de la nasale n. Le
bas latin maliginosus a le sens de malingre^ mais il ne peut
donner malingre. » Littré.
L'étjmologie proposée par Diez est très-contestable. Outre
que Vh et Ve de heingre ont complètement disparu et qu'il eût
semblé naturel qu'au moins Tun des deux subsistât dans mar
lingrej on ne comprend guère que mal puisse se joindre à un
adjectif qui a déjà par lui-même le sens péjoratif. C'est à peu
près comme si Ton disait : « Cet homme est mal languissant,
mal débile. » Ce serait une exception, et tellement illogique,
qu'il faudrait plus d'un exemple analogue pour la faire ac-
cepter.
D'un autre côté, maliginosus, cité par M. Littré, ne peut,
comme il le fait observer, former malingre ; mais ce rappro-
chement même nous met sur la voie. Malingre vient de * mar-
lignulus, forme diminutive de malignus, qu'on est parfaitement
en droit de supposer : cf. blandulus, pallidulus de blandvts, pal-
lidus, ou plus exactement de ^malingulus, avec métathèse de
Vn, comme dans malin = *malingm = malignus.
J'ai déjà eu occasion de remarquer ailleurs (TVoftce des mss,
de la Bibl. nat. et autres bibliothèques ^ t. XXIII, 2® partie,
p. 543) que les diminutifs étaient, autrefois comme aujour-
d'hui, l'apanage de la langue familière. Il est donc très-pos-
sible que malignulus ait existé dans le langage courant des
Romains, sans avoir trouvé l'occasion de pénétrer dans leur
langue littéraire, dans leur langue écrite, la seule où aient
pu puiser nos lexiques.
Pour le changement de ulus, ou plutôt ulum, en re, comparez
iiiulum, titre.
ÉTYMOLOGIES FRANÇAISES ET PATOISBS 555
Dicare (latin) ■= ger.
Manger. — On s'accorde aie dériver directement du latin
manducare, tout en observant que cette dérivation procède
d'une faute d'accent, et que la forme régulière était en v.
français rnanjuer et en provençal manjuiar.
Je crois plutôt que manger, ital. mangiarey dérive du fré-
quentatif mandicare, qu'on est en droit de supposer de mandere,
supposition que confirme un exemple emprunté à un texte
transcrit au X*' siècle : Posuit eis caseum et aquam. Mandi-
cantibus autem eis, facta est congraegatio multa. ( Vie de saint
Mammet, Ms. 156, f° 31, v°. Bibl. de la Faculté de médecine
de Montpellier.)
Quant à inanjuer, il dérive évidemment de manducare.
Ceci était écrit quand j'ai lu l'article récemment paru de
M. Storm {Mémoires de la Société de linguistique de Paris, t. II,
2™*" fascicule), où est présentée la même étymologie. Je laisse
subsister mon explication, quoiqu'elle fasse double emploi avec
celle de M. Storm, car le fait de se rencontrer sans s'être
entendus est un argument de plus en faveur de la thèse sou-
tenue.
et (latin) =zch =5*.
Massacre. — Ce mot désignait d'abord la boucherie, au
moins en Normandie. C'est le sens que donne le plus ancien
exemple qu'on en cite, exemple qui date du XIIP siècle.
Il s'écrivait machacre.
« On le tire, dit M. Littré, du germanique : bas allemand,
mntsken; haut allem., metzgem, égorger. Cette étymologie, plus
probable qu'une inversion qui, du bas \â.tin scramasaxus, cou-
telas, aurait donné massacre, paraît d'autant plus assurée que
masmcre veut dire boucherie, et que metzgem signifie égorger
du bétail, et metzger boucher. »
Je le tire du latin *mactacrum, qui est à mactare, immoler,
égorger, ce que lavacrum est à lavare. Mactacrum a formé
machacre par le changement de et en ch, et tnachacre est de-
venu massacre 'p&v l'adoucissement de ch en ss.
556 DIALECTES ANCIENS
1" nie (latin) — a.
2« lUia (latin) i-* ille (mouillé), et, par exception, i-* iUe (non mouillé).
Mil, mille. — « Dans la supputation ordinaire des années,
quand mille est suivi d'un ou de plusieurs autres nombres, on
retranche la dernière syllabe : l'an mil huit cent soixante -deux,
et non pas mille. On n'emploie mil que quand la date com-
mence par cet adjectif numéral, et Mercier a donné pour
titre à son ouvrage : L'an deux mille quatre cent quarante .
Mais Béranger a écrit par licence : Bénissons Dieu, qui met
chaque chose en son lieu : Celles-ci sont pour Tan trois mil ;
Ainsi soit-il. Ainsi soit-il! . . . . — Etym. Provenç., espagn. et
portug., mil; ital., mille ; du latin, mille, que Corssen rattache
à un radical sanscrit mil, réunir, rassembler. » Littré.
Les observations de M. Littré sur l'emploi de mil et de
mille, et Tétymologie qu'il en donne, sont incomplètes. Il dit
bien quand, mais non pas pourquoi il faut écrire tantôt mil et
tantôt mille. Il ne nous dit pas non plus comment le latin
mille a pu former en même temps mil et mille.
Voici comment on doit expliquer cette anomalie :
D'abord il faut bien observer que le latin mille n'a pu
former en français que mil, comme ille, il, et que mî7fe,v. fran-
çais milie, ne peut venir que de millia: observation essentielle,
qui du premier coup nous met sur la voie. En effet, mille seul,
et non millia, pouvait s'employer au singulier. Pour mille, un
mille, on disait mille : mille années, mille anni, ou plus rare-
ment annorum, et non millia, ce dernier ayant exactement le
sens de notre mot millier employé au pluriel. Par conséquent,
les anciens auteurs avaient raison d'écrire invariablement
mil, et non mille, toutes les fois que ce nombre était au sin-
gulier, se conformant ainsi à la syntaxe latine, qui, dans ce
cas, aurait exigé mille (et non millia). Et cette règle, rigou-
reusement observée, ne s'appliquait pas seulement aux dates,
mais à tous les nombres où le latin employait mille.
Mil et mille, ou miUe, n'étaient jamais confondus. Us cor-
respondaient toujours : 1* mil à mille signifiant un millier.
ÊTYMOLOGIES FRANÇAISES ET PAT0Î8ES 557
2** mille ou milie à millia, signifiant plusieurs milliers. Il va
sans dire que je n'ai pas examiné tous nos anciens textes
pour m'assurer de ce fait. Ce serait un travail hors de pro-
portion avec le but à atteindre. J'ai pensé que la Chanson de
Roland, avec ses 4,002 vers, fournirait assez d'exemples, et des
exemples assez certains, pour établir cette règle. Voici les
résultats auxquels je suis arrivé:
Le nombre mille j est exprimé 67 fois .
Milie, où le latin aurait mis millia 47 fois .
Mil, où le latin aurait mis mille 17 fois.
Mil, où le latin aurait mis millia et où le
copiste aurait dû mettre milie 3 fois.
La règle aurait donc été appliquée soixante-quatre fois
contre trois où elle ne l'aurait pas été, ce qui justifierait am-
plement la règle que j'ai formulée. Mais ce qui achève la dé-
monstration, c'est qu'en réalité il n'y a pas d'exeption, at-
tendu que, dans les trois vers où on a écrit mil pour milie, la
mesure, d'accord avec le sens et avec la règle, exige cette
forme :
Ensembr od 11 plus de xx. mil humes. v. 2.578.
Fait siin eslais véant cent mil humes. v. 2.997.
C. mil humes i plurent ki 's esguardent. v. 3.882.
Ces trois vers, comme on le voit, sont faux si on lit mil, et
cessent de l'être si, avec M. Theodor Millier, dont je suis
l'édition, on réisiblit milie =z millia.
Génin, l'un des éditeurs et non des moins méritants de ce
poëme, n'ayant ni connu, ni deviné cette règle, a rétabli la
mesure d'uue manière tout à fait arbitraire. Pour le premier
vers, il a lu xxx. mil; pour le second, dous cent mil, et pour le
troisième, ce. mil, restitution nullement justifiée comme on le
voit.
Ceci prouve une fois de plus combien la tradition, en ortho.
graphe comme ailleurs, est tenace même quand elle a cessé
d'être comprise, et prouve aussi qu'il faut bien se garder de la
rejeter d'emblée et sans prendre la peine de l'examiner.
(A continuer.) A. Boucherie.
DIALECTES MODERNES
CONTES ET PETITES COMPOSITIONS POPULAIRES
Dans la livraison de juillet de la Romania (pag. 172), on
nous accuse d'avoir pris à M. Damase Arbaud ( Chants popu-
laires de la Provence^ tom. P', pag. 220), « un commentaire
que les nouveaux éditeurs ont reproduit à peu près en entier,
sans reconnaître suffisamment leur emprunt. »
Notre article — pour la partie critiquée — se composait :
De deux pages de généralités (pag. 461-463), où, après des
observations qui nous sont particulières, nous résumions fort
brièvement, en citant nos auteurs, celles qu'ont successivement
faites la Statistique des Bouches-du- Rhône ( II, pag. 258), Fau-
riel {Histoire de la Poésie provençale, I, pag. 108), et surtout
Rathery ( Revue des Deux Mondes, mars 1862 ) ;
De neuf pages de textes (pag. 463-471), dont quatre em-
pruntés, en citant nos auteurs toujours, klsiStastistique et dix
à Damase Arbaud {Chants populaires delà Provence, I, p. 220;,
Et de trois pages (pag. 471-474) de remarques, nous appar-
tenant, sur la signification des fieurs dans nos pays
Où a-t-il vu, M. Paul Meyer, ce a commentaire que nous
avons emprunté presque en entier » à M. Damase Arbaud ?
A. M. et L. L*
XIII. — HUÉE
La bramada (huée) est le cri qui se fait, en chantant, après
celui ou celle qui a lésé.
Pour la proférer, on se campe vis-à-vis de sa demeure ou,
mieux encore, en face de la personne même.
COMES POPULAIRES 569
Contre quelqu'un qui s'est porté à des voies de fait :
Aqueste souèr ou dirai à moun pèra,
Que m'as ûcat
Aval dins lou valat.
De que t'ai fach? De que f ai dich?
De que t'ai dich ? De que t'ai fach,
Per que piquesses?
De que t'ai dich? De que t'ai fach
Per me picà?
Ce soir, je dirai à mon père — que tu m'as jeté — dans le
fossé. — Que t'ai-je fait? Que t'ai-je dit? — Que t'ai -je dit? Que
t'ai-je fait, — pour me frapper? — Que t'ai-je dit? Que t'ai-je fait,
— pour me frapper ?
2
Contre quelqu'un qui a fait du tort :
A l'enfer
Tout rhiver !
Vai cercà Palhassa,
Que te farà plassa !
Vai cercà lou Babau
Que te fera mau î
Hou! las cornas.
Va en enfer — tout cet hiver ! — Va chercher Paillasse, — qui te
fera place. — Va chercher la Bête noire, — qui te fera peur. — Hou!
les cornes.
Conti^e un bienfait reproché:
Gara, gani das anfers;
l'anaras quan saran douverts.
(jarc, gare dos enfers ; — tu iras dès qu'ils seront ouverts.
Citée par l'abbé de Sauvages: «^. g'.^et le reste, die toii
5G0 DIALECTES MODERNES
en forme de chant rimé, dont le sens est : qu'un service re-
proché est à demi payé ; ce dernier est si connu, qu'Erasme
l'a remarqué dans les ouvrages de Platon.» (Dict. languedocien,
V. Garo-Garo).
4
Contre celui qui a fait des grimaces:
Louisa,
La maire das catous.
Se mes dejout la taula,
Me fai de regaugnous.
Hou! houl
Louise, — la mère des petits chats, — se met sous la table,— -et
de là me fait des grimaces. — Hou! hou!
C'est une façon de dénoncer, qui, pour n'être pas directe,
n'en est pas moins parfaitement connue et pratiquée par les
enfants, dans les familles où il y a beaucoup de frères et de
sœurs. Nous n'avons pas besoin de dire que le nom change
avec la personne qu'on accuse.
5
Contre quelquun qu'on accuse d'avoir volé un objet quelconque :
Lou m'as agut,
Lou coutel de la pocho;
Lou m'as agut,
Que t'ero pas degut.
Tu me l'as pris, — le couteau qup j'avais dans la poche : — tu me
Tas pris,— il n'était pas à toi.
A quoi l'accusé répond :
Presto-lou-me,
Te coustara pas gaire ;
Presto-lou-me,
Te coustara pas res.
(V. de C. Gleizes, d'Arles.)
Prête-le-moi, — cela ne te coûtera guère; — prête-le-moi, —
cela ne le coûtera rien .
CONTES POPULAIRES 561
6
M. Damase Arbaud [Chants popuL de Provence, I, p. 218)
, en cite trois exemples que voici :
« Enfin, c'est encore à Toulon que les jeunes filles, dans un
moment de bouderie, voulant narguer une de leurs compa-
gnes, viennent chanter devant sa porte :
Sièu à ta carrieiro,
Peirouriero ;
Sièu à toun cantoun,
Peirouroun.
Je suis dans ta rue, — chaudronnière; — je suis à ton coin, —
petit chaudron .
» Et, si la dispute a été plus vive, si la fâcherie est plus en-
venimée, elles ajoutent :
Mariano,
La piano,
Fa soun liech de camp.
Rescontro sa mèro :
— Passo-m0 davant !
— Ah! nani, ma mèro,
L'i voueri p'anar :
Esperi lou Mourou
Por mi maridar.
Marianne, — la fille pordue, — couche dans les champs. — Elle
rencontro .<a mère : — « Passe devant! — Oh ! non, ma mère, —
je ne veux pas aller à la maison : — j'attends le Maure. — pour me
marier avec lui ! »
)) (!e couplet, sur d'autres points de la Provence, est rem-
placé, dans les mêmes circonstances, par le suivant, qui est
évidemuieut de la même famille :
37
-i6t DIALECTES MODBRHBS
Mi«to,
La gueto,
Toun përo te battra ;
Te gitara de l'eatro :
Lou cat te maigarà ;
Lou capelan fourmlgo
Te Tôndrà.'iitarrà.
Petite mie, — qni guettes, — ton père te battra; — il
de la maison : — le chat te mangfira, — et la founni, —
chapelain, — t'enterrera. »
XIV.
- INCANTATIONS
Les incantations se nomment eu général cour^
qu'elles ont surtout pour but de conjurev, d'éo&i
fluences pernicieuses. Elles figurent, dans la ma
campagnes, à côté des charmes et des divinations.
Le P. Amilha ( Taèléu de la Bido del parfet chrt
dans l'examen qu'il fait des croyances supertitieus
As fait breu ni superstitius.
Charmes, counjars, debinacius.
(PagelSÎ.)
Elles ont lieu aussi pour dissiper les tempêtes :
As couajuradala trumada.
(M.)
Préserver les troupeaux de maladies :
As oountrofcùt d'aigo seignado,
0 fait counjurà toun troupel.
(Id.)
Et, enfin, faire cesser les différentes indispositio
humain:
Aurios fait de counjurs per gari la couliquo,
Cerbel bas, mal de dens, la luzeto ni Tel,
O per gari le mal que se pren al poupel.
(id-, pag. 331.)
CONTES POPULAIRES
La nuit, lorsqu'on est en doute sur les intentions d'une per-
sonne que l'on redoute ou que l'on croit devoir craindre, on
lui adresse les paroles suivantes. Uu ton le plus assuré et le
plus fier que l'on peut trouver :
Se ses de l'autre, avalisca Satanaa I
Se Bès bona causa, parlas!
Si vous êtes de l'autre (du diab le) , onde re.lro Snlannsi — Si vous
êtes bonne chose, parlez I
Ainsi mise en demeure, la personne questionnée est tenue
de répondre et de s'expliquer.
Avalisca signifie absolumenl : évanouia-fûi, disparais, de
avait, qui a ce sens. — Cette expression se retrouve, eu outre,
dans presque tous les jurements (renées J. On dit, d'habitude :
Qu'abalisca! Qu'il disparaisse 1 que le diable l'emporte! Le
P. Amilha s'élève fort contre elle :
Tu bos donne, malurous, qu'el prouchen abalisco!
Tu bos dounquos talie que toun armo perisco !
Aquo t'arribarâse nou <e cambios pas,
E' coumo fa le fum atal abaliras.
[Page 803.)
Ainsi que le fait fort bien remarquer l'abbé de Sauvatres
{Dict. lang.,v. Abalisco), ce counjur a été emprunté en partie
par Rabelais : « Si vous êtes de Vautre, dit Panurge, avalisco
Satanas {Pantagruel), n
On écrit sur la première pa^e d'un livre :
Lou qu'aquel libre troubaril
Me lou rondrft.
Ou lou diable l'empourtarii !
Celui qui trouvera ce livre — me le rendra, -
portera !
564 DIALECTES MODERNES
On trouve des menaces du même genre dans des livres fort
anciens. Il en existe une semblable en français.
a
3
Contre les chenilles :
Avalisca, tora !
Défera! defora!
Ë revengues pas pus , qu'ablaziguas tout !
(V. du canton de Gignac. )
Disparaissez, chenilles! — Dehors! dehors! — et ne revenez
plus, que vous détruisez tout.
C'est ce qu'on nomme avali las erugas, avait las toras .*
conjurer les chenilles.
(V. Sauvages, Dict. lang., v. Abali. )
Conjuration qui se faisait autrefois, et d'une manière solen-
nelle, aux premiers jours du printemps.
4
Pour faire pondre les poules :
Coutitas, — mignounas, — fasès — lou lèu,
Aurès — de civada — un plèn — cruvèu.
Petites poules, — mignonnes, — faites vite — votre œuf, — vous
aurez — de l'avoine — un plein — crible.
Cette incantation se scande fortement, de façon à bien
indiquer le rhythme marqué .
5
Autre :
Plôu ! pl6u î
La galina que fai l'iôu ;
La galina canta,
La galina blanca.
(V. de H. Bouquet, de Montpellier. J
Il pleut ! il pleut! — La poule qui fait Tœuf, — la poule qui
chante, — c'est la poule blancho.
ro.NTBB PUPL'LMRKS ?i]^
Lorsqu'une nourrifte montre la lune à son p&tit enfaut, elle
chante:
La luno barbano.
Que most.ro H bano;
Sant Pei, saut Pau-
Pioo lou babau.
(V, lie C. Gleikes, d'Arles.)
La lune, comme lui spectre, — montre ses cornes-, — snint
Pierre, saint Paul. — frappez ce fitntôme.
Au mot babau. elle met un tablier devant te visape du
petit, ou bien elle «e retourne pour aachcr entièrement l;i
lune. Cela fait, on recommence.
7
Autre :
Lb luno barbano
Que pico de lano.
De fiéu de coutoun
Dàu pèro Simoun.
(V. de C.-H. AltDOtll^, de Paria.)
I,^ lune barbue — ijui vole la laine — et le fil île coton — du pèrn
8
Contre ta bête noire :
Vfi.i'aqui lou babau
Que fai lou hau (oh de maw),
Bithau, coucou !
Voici la bète noire — qui fait la folle (ou du mal). — Vodà la
béte, vite cache-toi i
En (lisant ces mote, l'enfant cache sa tète dans ses mains,
ou bien se fait un capuchon d'un pan de sa robe. Il est pro-
bable que coucou est ici pour curulus. — Bescherelle le dérive
de l'allomand kitcken, regarder ; mais il ne dit pas si net unn^'e
existe dans le nord de la Fraaee. {f>icl., v. Coucof. )
566 DIALECTES MODERKES
9
Au Sourel et à la Luna
La luna
Cargado de prunas.
Lou sourel
Cargat de mel.
La lune — est chargée (ou fait produire) des prunes. — Le soleil
— est chargé de miel .
10
On peut placer parmi les incantations les souhaits. — On
dit au départ d'un voyageur :
Bon pan, bon vi et bona cara d'oste.
(V. de Sauvages, Dict, lang,, v. Caro.)
Plaise à Dieu que vous trouviez partout de bon pain, de bon vin
et des figures avenantes.
11
Le souhait du jour de Van
Vous souhete la bonna annada.
Que siegue milhouno que la passada.
Je vous souhaite une bonne année ; — qu'elle soit meilleure que
Tannée passée.
12
On dit aussi :
Vous souhete la bonna annada,
Acoumpagnada de fossa d'autras.
Je vous souhaite une bonne année, — et qu'elle soit accompagnée
de beaucoup d'autres.
XV. — INCANTATIONS MÉDICALES
Les incantations médicales sont de plusieurs sortes. Nous
n'en citerons ici que quelques exemples, plusieurs d'entre
nous devant revenir plus au long sur ce sujet en temps op-
CONTES POPULAIRES 567
portun. — Ce sont elles queron nommait autrefois charmes ;
ce terme n'est plus en usage dans ce sens.
1
Contre une maladie quelconque, la souffrance en général :
Avalisca, avalisca, mau !
Vai t'en fora de toun trau .
Évanouis-toi, mal I — Sors de ton refuge.
2
Ou simplement: Abalisco mauf (Sauvages, Dict. lang.,
V. Abau. )
3
Pour un bobo, on souffle sur la partie blessée et Ton dit :
Gari, gari,
Passo per aqui.
(V. de l'abbé de Sauvages, v, Gari.)
Rat, rat, — passe par là !
Nous traduisons gari, rat ; mais il est possible que le sens
soit tout autre . Gari n'aurait-il pas quelque liaison avec ga-
rir, guérir?
4
Contre les flatuosités :
Petou ! petou ! sourtis de la vaca caiola.
!*etit pet: petit pet! sors de la vache grasse.
Contre les maux que Von attribue à un sorcier
ou à une sorcière:
Que t'a fach — que te desfague.
Ou bien :
Que t'a fadat — que te desfade.
Que celui qui t'a fait te défasse. — Que celui qui t'a fée te dé-fée.
568 DIALKCTES MODERNES
Lorsqu'on fait passer les bouquets de millepertuis à travers
le feu de la Saint-Jean, pour en préparer une huile vulné-
raire, on chante pendant trois fois :
Sant Jan la grana(/er)!
Ou:
Lou trescalan
Bon per tout Tan.
Saint Jean la i;;rainc (ler). — Horbe de trescalan (millepertuis), —
bonne pour toute l'année.
7
Contre les maladies de la matrice :
Conjuration de Tamarrj deslouée, en langue agenoise :
Maire, mairis,
m
Que as cinquante- dos rasits
Et uno mais que Ton nou dits,
Tiro-te das constats :
Aqui non son pas tous estats ;
Tiro-te de las esquinas,
Aqui non son pas tas esinas ;
Tiro-te del fon del ventre,
Aqui non te podes estendre .
Mais bouto-te à Tambounil,
Là où la'Tierge (Marie porte son (car) fil.
Cric, croc,
Mairo, torno-te al loc.
Pater noster. Ave, Maria.
( // faut réitérer cela par trois fois. )
C'est-à-dire en français : Amarry, merasse, — qui as cinquante
et deux racines, — et une })lus que l'on ne dit; — tire- toy aux
coutîtez. — ce ne sont pas là tes estres ou places ; — tire-toy vers
l'eschine, — icy ne sont pas tes ayses ; — tire-toy au fond du ventre,
— icy tu ne peux t'estendre ; — mais boute-toy au nombril, — là où
la Vierge Marie) porta son cher fils. — Cric, croc, — Maire (ma-
trice ), retourne en ton lieu. - Paler noster, etc.
(L. JouBERT, des Erreurs populaires, 1602, p. 381.)
CONTES POPULAIRES 569
Cette incantation a été citée déjà par M. A. Germain, dans
sa remarquable notice : de la Médecine et des Sciences occultes
à Montpellier, dans leurs rapports amc l'astrologie et la magie,
( Montpellier, Boehm et fils, 1872, pag. 33.)
9
Le P. kmiWidi [Tablèu, etc., pag. 182 et 231) indique les
conjurs du foc salbatge (feu volage), — du cerbel bas (lourdeur
d'esprit), — du perel ou mal del poupel (mal des mamelles), —
de la lusetto (de la luette), — de la couliquo (colique ) — et des
maladies des dents et des yeux. — Nous prions nos correspon-
dants de vouloir bien faire tout leur possible pour se les pro-
curer.
XVI. — INCANTATIONS DES ANIMAUX
11 j a une autre espèce d'incantation très-répandue et non
moins curieuse : nous voulons parler de celles qu'on adresse
aux animaux, soit pour les charmer, soit pour repousser la
fatalité qu'ils annoncent. On l'appelle sansogna, ou plus sim-
plement sogna, sognetta.
Le peuple, comme partout, est persuadé que telle bête
porte bonheur ou malheur; que, par la compréhension con-
stante qu'elle a des choses de la nature, elle en connaît mieux
les effets et les influences. Il est persuadé aussi qu'on peut
les éloigner, ou du moins les atténuer, par des enchantements :
de là les petites incantations suivantes.
(3n considère comme portant bonheur : l'hirondelle des
toits, r araignée des étables, le grillon du foyer. — Ces petits
animaux n'habitant que des maisons paisibles, où le travail est
calme, régulier, sans trouble, il est facile de comprendre pour-
quoi le peuple a cru que leur présence était une cause de
bonheur, alors qu'elle n'en est seulement qu'une constatation.
Comme poirMut malheur : le corbeau et presque tous les
oiseaux nocturnes, le serpent, la mflwîra (papillon tête-de-mort,
litt. : sorcière), etc. Cette dernière est extrêmement redou^
5-0 DIALECTES MODERNES
tée ; on ne croit pouvoir se délivrer de ses maléfices qu'en
jetant de Teau bénite partout où elle a passé.
D'autres portent malheur ou bonheur, selon le cas. Ainsi
lou tavan (la sésie, la phalène) : lorsque Tinsecte est roux, c'est
signe de richesse, de prospérité ; lorsqu'il est noir, c'est signe
de misère, de mort.
Le P. Amilha [Tablèu, etc.), dans son examen des supersti-
tions, constate cette croyance du peuple aux antiques au-
gures et présages :
Aurios-tu counsultat le courbas o l'agasso.
Es te foundat sul cant de qualque aussel de passe.
(Pag. 23.)
As counjurat le cerbel bas,
Crengut agasso ni courbas.
(Pag. 182.)
A lAgnelou
Las fedetas e lous agnelous
Dansabou sus l'erbeta ;
Las fedetas e lous agnelous.
Toutes dous.
(V. du pasteur Libbich.)
A l'Agneau. — Les petites brebis et les petits agneaux— dan-
saient sur rherbette ; — les petites brebis et les petits agneaux —
dansaient ensemble.
A tAuca
Fialin, fialan.
Las auquetas s'en van.
(V. de C. Gleizbs, d'Arles.)
A l'Oie. — Gahin, caha, —les oies s'en vont.
COKTBS POPULAIRES 571
A tAusselou
Piu-piu
Toujours se plan,
Toujours es viu.
A UN Petit Oiseau. — Pîu-piu (lo petit oiseau) — toujours se
plaint, — et pourtant toujours vit.
Dans Sauvages (prov.) : Piu-piu, — toujours viu.
4
Autre
Mai viu
Piu-piu
Que gara-gara.
(V. de Sauvages, Dict, lang,, prov.)
Autre.— Plus vit — le petit oiseau ( qui se plaint) — que celui
qui crie : gare-gare.
5
Au Cabrit
Al crabit
Mousit,
Lou mal de crabit
Lendema es guérit.
(V. de C. Gleizb, d'Arles. )
Au Chevreau. — Au chevreau — moisi, — le mal de chevreau— ne
dure qu'un jour.
6
A laCacaraula
Cacarauleta,
Sourtis ta baneta,
Voiras toun paire
E ta maire.
Au Limaçon. — Petit limaçon, — sors ta petite corne — et tu verras
ton père — et ta mère.
5T2 DIALECIES MODBRNBS
Les paysans sont persuadés que les jeux des limaçons se
trouvent placés à l'extrémité des tentacules.
(( Les enfants disent à un limaçon qu'ils tiennent à la main :
Cacarauleto, etc. Tous ceux de Paris chantent de même en
prose rimée :
« Colimaçon borgne,
» Montre-moi tes cornes, etc.»
»Ce n'est pas le seul exemple de dictons d'enfants adressés à
d'autres animaux et qui se transmettent d'âge en âge, dans
des langues et dans des pays différents, comme si ces enfants
avaient été à portée de se copier, de se communiquer leurs
idées, comme le pourraient faire ceux d'une même ville. »
(Sauvages, Dict, lang., V. Cacaraulbto.)
7
Autre
Cagarauleto,
Sors ti baneto ;
Cagarauloun,
Sors ti banoun .
Petite limace, — sors tes petites cornes ; — petit limaçon, —
sors tes petites cornes .
Dans les deux premiers vers, les noms sont au féminin :
cagarauleto, baneto ; — dans les deux derniers au masculin :
cagarauloun, banoun, avec une autre désinence. C'est une
recherche de langage assez ordinaire dans le parler de nos
paysans. (V. ci-dessus, p. 561, n° 6, petrouriero et peirouroun,)
Cette version a été communiquée par M. C.-H. Ardouin, de
Nîmes, habitant aujourd'hui à Paris.
8
Au Cat
Miau! Miau!
Te farà pas mau !
Au Chat. — Miau ! miau ! — Gela ne te fera pas mal.
COf^TKS POPULAIRES
t- à-dire: quoique tu veuilles de ce que nous mangeons, tu
(Cf. Sadvaogs, Dicl. long., v. Miaod. )
Autre
CoumpaJre guau-^au
Dit qu'eg eau
Ë que i'afacli mau.
— S'ou aviés pas tastat,
Te séries pas bruUat {ou escaudat).
Autre. — Le compère gnau-gnau — dit que ce qu'il a goûté est
chaud — et qu'il s'est fait mal. — Si tu ne l'avais pas goûté, — tune
te serais pas brûlé (ou échaudé}.
10
Autre
Lou cat es au sàu,
Se sourelha, se Bourelha ;
Lou cat es au sôu,
Se sourelha, dis que ploù !
(V, de H, Bouquet, de Montpellier. }
Autre. — Le chat est par terre, —au soleil (bis); — le chat est
par terre, —au soleil, et dit qu'il pleut.
11
Autre
Miuonu, minetta,
A manjat lou rat ;
A quitat la testa
Per souii dejuaà.
(«.)
La petite châtie —
, — afin de l'avoir
574 DIALECTES MODERNES
12
A la Cigala
Cigala,
Ouvris toun ala,
Que faras miralhà toun miralhet.
A LA Cigale. — Cigale, — ouvre ton aile — et tu feras miroiter ton
miroir.
13
Al Conçut
Coucut, ent'es jagut?
— Al roc pounchut.
De que Tàs fach ?
^ — Un oustalet.
Quau t'a ajudat?
— Moun couzinet.
De que i'àsdounat?
— De pan de lach.
D'ounte Tas agut?
— De mas fedetos.
Quau te las garde ?
— La pilhardo.
(V. du pasteur Liébich.)
Au Coucou. — Coucou, où as-tu couché? — Sur le roc pointu. —
Qu'y as-tu fait?— Une maisonnette. -Qui t'a aidé? -Mon petit cou-
sin.— Que lui as-tu donné? — Du pain de lait. — D*où Tas-tu pris?
— De mes petites brebis. — Qui le les garde ? — La petite bergère.
14
Autre
En abriu,
Cantolou coucut, se viu.
(Sauvages, Dict. lang,^ prov.)
Autre:. — En avril, — le coucou chante, s'il est encore vivant.
OOiSTES POPULAIRES 575
15
Autre
Celle-ci est une véritable chanson.
Lou conçut es mort,
Es mort en Espanha.
Fan tapât lou cùou
Amb'una castanha.
Hup!
N'as pas entendut
La voués dau conçut?
Lou conçut es mort,
Es mort en Afriqua.
Fan fach Fentarà
Ambe de musica.
Hup ! etc.
Lou conçut es mort.
Es mort en Angleterra.
Fan tapât lou clôt
Amb'un pau de terra.'
Hup ! etc.
(Y. de H. Bouquet, de Montpellier.)
Autre. — Le coucou est mort, — est mort en Espagne. — On lui
a couvert le eu — avec une châtaigne. — Hup ! — n'as-tu pas en-
tendu — la voix du coucou ?
Le coucou est mort, — est mort en Afrique. — On Fa enterré —
en musique. — Hup I etc.
Le coucou est mort, — est mort en Angleterre. — On a comblé
la fosse — avec de la terre. — Hup 1 etc.
16
Au Courpatas
Courbatas,
Niblatas,
Ounte vas?
— Dins aquel carnas.
Au (^ORRK,
:e charnier.
DIALECTES MOnERISES
- Vilain corlieuu, — des nues, —
Sauvages {Dict. lang.), au mot oNiblatab: grc
oiseau; épithët« de mépris que lee entants donnent ai
lorsqu'ils le voient planer dans les airs. Ils acct
cette injure d'un couplet de chanson qui y est aasor
17
Corp, eorp,
Vai t'en à la mar.
Es tu que manges lous corses
Tous petits manjoun la car,
E tu rousigues lous oBses.
(V.de C, Gi^izBS, d'A
AiiTBB. —Corbeau, corbeau, — va à la mer{tenoyÉ
loi qui dévores les cadavres^ — tes peliU mangent la ch
tu ronges les os.
Au Gai
Cacaraca
De Perpignan,
Uunt'es toun paireï
— Al graniè.
De que îk%
— PourfTO de blâ.
Ounteloumet?
— Al saquet,
Souto la cueisso d'al poulet.
(V. de C. Gleezes, d'Ari
Au Coo. — Goquerico de Pprpignan, — où est ton p
;renier. — Qu'y lail-il î — Il y porte du blé. — Où le met
m pf it sac, — sous la cuisse du poulet.
CONTES POPULAIRES 577
19
Autre
Deman es dimeuge,
Lou gai cantarà.
Pourtarà sa penche
Per se penchinà.
Autre. — C'est demain dimanche, — le coq chantera. — Avec
son peigne — il se peignera.
20
Autre
Deman es dimenge,
Lou gai cantarà;
Moussu de la Roco
Lou farà cantà.
(V. de C. de Tourtoulon, de Montpellier.)
C'est demain dimanche, — le coq chantera; — Monsieur de la
Roque — le fera chanter.
21
A Uzès on ajoute :
Levarà sa crèsto,
S'anarà negà,
Il dressera sa crête. — et s'ira nover.
(V. de C.-H. Ardouin.)
22
A la Galineta
( xalineta ! galineta !
Ounte vos anà :
Au ciel ou sus la terra ?
A LA Coccinelle. — Petite poule! petite poule! — Où veux-tu
aller: — au ciel ou sur la terre?
La réponse est donnée par Tinsecte, qui s'envole du côté
où il lui piait.
38
578 DIALECTES MODERNES
23
Autre
Galineta, monta au ciel
Que manjaras de pan d'agnel.
Autre . — Petite poule, monte au ciel, — que tu mangeras du pain
d*agneau (manne).
Autre
24
Galineta! galineta!
Ounte vos anà :
Au ciel ou à la terra ?
Monta au ciel
Que manjaras de pan d'agnel.
(V. de Roqubs-Ferrier, de Montpellier.)
Autre. — Petite poulette (bis) ! — où veux-tu aller : — au ciel ou
sur la terre ? — Va au ciel — où tu auras du pain d'agaeau.
Cette question résulte des deux précédentes réunies.
25
Autre
Parpalhola,
Vola, vola,
Vai-t'en à Tescola!
Vai à la doutrina
Prene tas matinas.
Autre. — Coccinelle, — vole, vole, — va-t'en à l'école! — Va-
t'en à la doctrine — apprendre tes matines.
26
Autre
Galineto,
Galineto,
Ensenho-me lou cami dal cel.
(V. de C. Gleizes, d'Arles.)
Autre. — Petite poule (bis), — enseigne-moi le chemin du ciel.
CONTES POPULAIRES 579
27
Autre
Perdigouleto del bon Dieu,
Ounte me maridarai ièu :
En sai, en lai,
Al ciel ou à la terre?
(V. du pasteur Libbioh.)
Autre. — Petite perdrix du bon Dieu, — où me marierai-je : —
Ici ou là. — au ciel ou sur la terre *ï
La coccinelle s'envole et donne la réponse de la même façon.
28
Autre
Parpalholo,
Volo!
Vai-t'en à Fescolo,
Prene ti matino ;
Vai à la^douctrino.
(V. de F. Mistral., Arm. prouv. 1861, p. 38.)
Autre.— -Petit papillon, — vole ; — va-t'en à Técole — apprendre
tes matines; — va-t'en à la doctrine.
29
A la Galina
Quand la galineta
Vouguet faire Tiôu,
Ausset la cambeta,
Lou faguet au sou .
(V. de H. Bouquet, de Montpellier.)
A LA Poule. — Lorsque la petite poule — voulut faire l'œuf, —
elle haussa la jambe — et le fit par terre.
30
A la Gtroundela
Giroundelo,
Passe bello,
580 DULBOTJSS MODERNES
Digo m'ount'as ivernat?
— En Atèno,
Co d'Antouèno •
Per que me Tas demandât?
(V. de Gleizbs, d'Arles.)
A l' Hirondelle. — Hirondelle, — qui va» si vite, — où as-tu
hiverné? ^ A Athènes, — chez Antoine. — Pourquoi me le de-
mandes-tu ?
31
On dit aussi :
La giroundela que vèn,
Aici lou printemps.
L'arrivée des hirondelles — annonce le retour du printemps .
32
Au Lauriôu
Au lauriôu,
Fige maduro.
(V. de Sauvages, prov.) .
Au Loriot. — Lorsque le loriot arrive, — la figue est mûre.
33
Au Lazer
Lazer, lazer, lazer,
Apara-me de la ser.
Que quan vendras à moun oustau.
Te dounarai un gran de sau !
Au Lézard. — Lézard (/cr), — défends-moi contre le serpent; —
(en récompense) lorsque tu viendras à ma maison, — je te don-
nerai un grain de sel.
Anselme Mathieu {Armanà prouvençau, 1860, préf.) y fait
allusion, à propos de la réponse de Mistral, aux habitants de
Nîmes. Cette ville a pour armes un crocodile enchaîné à un
palmier. Le poëte, se souvenant de la croyance populaire
avait dit :
CONTES POPULAIRES 581
« Que de la serp toujours toun limbert te préserve ! »
Que ton lézard te préserve toujours du serpent (de mal) !
34
J. Mistral, dans un amusant récit intitulé lou Plantiè (FEcole
buissonnière^ Armanà prouvençau^ 1861, p. 38), donne cette
variante :
Lesert, lesert, lesert,
Aparo-me di serp ;
Quand passaras vers moun oustau,
Te bailarai un ^an de sau.
Lézard (<er), — défends-moi contre le serpent; — (en récom-
pense ) lorsque tu passeras près de ma maison, — je te donnerai
un grain de sel.
35
Au Loup
A-z-oup I a-z-oup I a-z-oup !
Foc, foc, foc, àla cougo dal loup.
(V, de C. Glbizbs.)
Au Loup. — Au secours! {ier)^ — feu {Ur) à la queue du loup.
On dit aussi : A loup, etc .
36
A la Luzeta
Luzeta,
Poulideta,
Presta-me toun lum.
Que vole tout ara
M'ana permenà !
Au ViJR LUISANT. — Ver luisant, — joli , — prête-moi ta lumière, —
que je veux tout à Theure — m'aller promener.
37
A tOurtoulan
Viro, yir(v4ou.
S'atrapos toun paire,
582 DIALECTES MODERNES
Ëscano-lou ;
Se Fatrapes pas,
Laisso-lou !
(V. de C. Gleizes, d'Arles.)
A l'Ortolan. — Arrête, arrête-le. — 8i tu trouves ton père, —
étouffe-le ; — si tu ne le trouves pas, — laisse-le.
38
Au Parpalhou
Parpalhou, moun bon ami,
Parpalhou, marida-te.
Ounte te maridarai,
Aiûi ou alai?
(V. de H. Bouquet, de Montpellier.)
Au Papillon . — Papillon, mon bon ami, — papillon, marie-toi. —
Où te marierai-jp. — ici ou là?
En disant ces mots on le balance, et, lorsqu'on le laisse échap-
per, il donne lui-même la réponse en allant du côté où il lui
plaît.
39
Autre :
Parpalhoun, moun bon ami ,
Parpalhoun, marida-ti.
(V. de F. Mistral, Arm. prouv., 1861, p. 38.)
Papillon, mon bon ami ; — papillon, marie-toi.
40
Au Prega-Dîu
Prega-Diu ! prega-Diu !
Tu que saves tout,
Ounte es lou loup ?
A LA Mante . — Prie-Dieu 1 (bis) — toi qui sais tout, — dis-moi
où est le loup?
La mante religieuse, posée sur ses pieds de derrière, prend
jne position verticale, et, allongeant ses pattes de devant, a
CONTES POPULAlRhlS
l'air de gesticuler i^omme le fait uu prédicateur: >
que lui vient le surnom de prega-Dïu (prie-Dieu),
Autre
Prego-Dlèu,
Bestieto segnado,
Que ta maire es morto
Sus un ped de porto ;
Que toun paire es vièu
Sus un ped d'oulièu.
(V. deC. Glbizes, d'Arlet
Autre. — Prie-Dieu, — inrortunée, — petite béte bénie, —
avec moi. — Ta mère est morte — au bas d'une porte; — tôt
est mort— au pied d'un olivier.
Cabro,
Ounfea lou lou î
{V. de Saitvages, Dtct. lang.. v. Berjheirouneto.)
Autre. — Chèvre, — où est ie loup ï
XVn. — INCANTATION CONTRK LES INDIVIDUS
Il est une espèce d'incBDtation à peu près du même genre
c'est celle où, en nommant des animaux, on s'adresse réelle-
ment à des persoiiiies. Les plus communes sont celles où la
femme est dite gaJhin (poule) et l'homme gai (coq].
1
On dit, contre une /minf gui a la prélenlion de toitl mener:
Ai ! que vai mau,
Quand la câlina fai lou gaul
Aht que cela va mal.— lorsque la poule veut imiter le coq.
584 DIALBCTEiS MODBRl^BS
Autre
Aqui ount'es lou gau,
Fau pas que la galina cante.
Là où est le coq, — il ne faut pas que la poule chante.
A une femme qui fait la dédaigneuse:
Es be grassa la galina
Que se passa de sa vesina.
Il faut qu'elle soit bien grasse (riche)— la poule qui veut se passer
de sa voisine.
Sur des jeunes filles qui vont là où il y des jeunes gens :
Galinas que van per Foustau,
Se noun becou, becat au.
Les poules qui vont par la maison, — si elles ne becquettent pas,
c'est qu'elles ont déjà becqueté.
Lorsque des jeunes gens projettent une partie de plaisir:
Las galinas auran mau temps :
Lous reinards se counselhou .
Les poules auront du mauvais temps :— les renards tiennent con-
seil.
6
Une mère qui na que des garçons dit à sa voisine
qui na que des filles :
N'ai que de gais;
Vesina, garda tas galinas !
J*^ n'ai que des coqs ; — voisine, prends garde à tes poules î
CONTES POPULAIRES 585
L'assimilation de la femme à la poule est complète dans le
proverbe suivant, qui en explique le sens :
Femna de be et de bona mina,
Noun val pus liuèn que la galina.
La femme de bien et de bonne mine — ne va pas plus loin (de la
maison) que ne le fait la poule.
Elles se trouvent toutes dans Sauvages {^Dict, langued-,
prov.).
XVllI. — JEU
Tous les jeux ont des formules rimées. Comme elles sont trop
nombreuses et trop longues pour figurer ici, nous les ren-
voyons à une publication à part.
XIX. — LOI
Les coutumes et les usages populaires sont aussi, générale-
ment, renfermés dans des formules du même genre.
Il y en a qui concernent les servitudes rurales, — les épo-
ques de bail, — les ventes et achats, — les diverses péripéties
de la lutte, etc.
Voici quelques-unes de ces dernières :
A las très sous luchas.
Lou sinne vôu lou cop.
Au pus fort la pelha.
Qu'a toucat sôu, a perdut.
Etc., etc.
Lorsqu'il y a contestation, ces règles sont citées, et Ton dit:
Aœs la leil C'est la loi.
XX. — PRIÈRES
11 j a beaucoup de prières rimées. En voici un certain nom-
bre :
586 DIÂLEGIES MODERNES
1
Pour prései^ver du tonnei^re :
Santa Barba, sant'Helena,
Santa Maria-Madalena,
Freservas-nous dau iioc e dau tounera ?
8ainto Barbe, sainte Hélène, — sainte Marie-Madeleine, — pré-
servez-nous du feu et du tonnerre.
C mitre le hoquet:
Ai lou sanglout,
Diu lou rout !
L'ai pas pus,
Viva Jésus !
J'ai le hoquet, — que Dieu le fasse cesser I — Je ne Tai plus,
— vive Jésus !
n faut répéter trois fois cette prière, pour en être délivré.
En français : J'ai le hoquet, — Dieu me Ta donné. — Je ne l'ai
pins, — vive Jésus !
Pour les fruits :
0 santa Maria !
Que lous ouliviès
Tenguou mai encara
Que sous anounciès !
(V. du canton de Gignac.)
0 sainte Marie ! — faites que les oliviers — aient encore plus de
fruits — qu'ils n'en ont annoncé (par les fleurs) .
4
Benedicite pour nre :
Benedicite de Sant-Guilhem :
Sèn prou per manjà ce qu'avèn.
CONTES POPULAIRES 587
Se quaucun dèu veni,
Que se cope las cambes en cami.
(V. de Desplan père, de Montpellier.)
Benedicils de St-Guilhem. — Nous sommes assez nombreux
pour manger ce que nous avons. — Si quelqu'un doit venir, — qu'il
se casse les jambes en chemin.
5
Contre le mal ëe dents :
Grran sant Laurens !
Ai gran mau de dens ,
Que pode pas uachà lou pan !
(V. de C.-H. Ardouin, de Paris.;
Grand saint Laurent! — j'ai si grand mal de dents, — que je ne
puis briser le pain !
Les paysans moqueurs ajoutent à cette prière une réponse
du saint, qui est une plaisanterie : Manjade soupa, moun enfan,
6
Aime lou bon Dieu
E la santo Vierjo;
Aime lou bon Dieu,
Que n'es mort per ièu.
Ai ! quint avantage
De n'estre ben sage !
Anaren au ciel
Ambe Tanjo Gabriel.
(V. de C.-H. Ardouin.)
J'aime le bon Dieu — et la sainte Vierge ; — j'aime le bon
Dieu — qui est yiort pour moi. — Ah! quel avantage — d'être
bien sage î — Nous irons au ciel — avec l'ange Gabriel.
Il y a un certain nombre de prières pour rire, — que quel-
ques paysans prennent au sérieux, il est vrai, — et dont voici
deux exemples :
588 DIALBCTËS MODERNES
Moun Diu ! savès ce que vous vole dire !
AmVaco pas mai.
Mon Dieu ! vous savez à l'avance ce que je veux vous dire ! —
Il n'est pas nécessaire que j'en dise davantage.
8
Moun Diu !
Sièitiu!
Fau très tours coumo ft ^chin ; — endaco me coche.
( V. de C.-H. ÂRDOum.)
Mon Dieu ! — je suis à toi I — Je tourne trois fois sur moi-
même comme les chiens, — et après cela je me couche.
9
On pourrait citer également, comme prière du même genre,
V Invocation au sommeil des nourrices :
Som, som,
Veni, veni !
Som, som,
Veni d'endicon !
m
Sommeil, sommeil, — viens, viens! — Sommeil, sommeil, —
viens de quelque part !
Mais c'est plutôt un chant du premier âge, et nous en parle-
rons plus longuement en temps et lieu.
XXI. — PRIÈRES PAÏENNES
Parmi ces prières, les plus curieuses sont celles que Ton
adresse au soleil. On en cite un grand nombre.
1
Sourelhet,
Levo-te !
Per tous paures enfantets
Que soun à la porto que crebou de ire,
Per lur bono maire
CONTES POPULAIRES 589
Lou bon Diut'esclaire.
Sourelhet,
Levo-te 1
(V. d'A. Arnavibllb, d'Alais.)
Petit soleil, — lève-toi! — pour tes pauvres petits enfents — qui
sont à la porte mourant de froid. — Pour leur bonne mère, — le
bon Dieu t' éclaire. — Petit soleil, — lève-toi !
Sourelhet, leva-te !
Tous enfants soun morts de frech !
Lou sourel se leva,
S'espandis per terra.
Lou sourel se baissa,
S'espandis per faissa.
Lou sourel d'argen
S'espandis per gens.
(V. de H. Bouquet, de Montpellier.)
Petit soleil, lève-toi I — tes enfants meurent de froid I — Le soleil
se lève — et se répand sur toute la terre. — Le soleil s'abaisse —
et brille sur les coteaux. — Le soleil d'argent — brille pour toutes
gens.
3
Sourelhet, sourelhet, moun fraire !
Que lou bon Diu t'esclaire !
Ësclaire pas lous de Toustau,
Mes si be lous dau termenau.
(V. du canton de Gignac.)
Petit soleil! petit soleil, mon frère, — que le i^oleii t*éclairel —
N éclaire pas ceux qui sont restés à la maison, — mais bien ceux
qui sont aux limites (du territoire).
Soulèu, souleiet!
Levo-te
."590 DIALECTES MODERNES
Per ti pàuris enfantet,
Que nen moron de la fre .
(V. de J. RouMANiLLB, Oubreto, p. 242.)
Soleil, petit soleil! — lève-toi ^ pour tes pauvres petits enfants
— qui se meurent de froid .
5
Sourelhé !
Leva-te
Per ti pauris enfante,
Que soun sus la palho
Que moroun de fre.
Un culhè de graisso,
Lou sourel se baisso ;
Un culhè de ris,
Lou sourel s'espandis.
(V. de C.-H. ARix)um.)
Petit soleil, — lève- toi — pour tes pauvres petits enfants, — qui
se meurent de froid. — Une cuillerée de jzraisse, — le soleil s'a-
baisse; — une cuillerée de riz, — le soleil s'étend.
6
Biro, campano ; biro, sourel î
Fai te lèu, neit, que nous n'anaren 1
(V. de C. Glei^es.)
Vire, cloche: vire, soleil' —Arrive vite, nuit! que nous parti-
rons.
Les travailleurs appellent ainsi la nuit et la fin du travail.
Lorsque c'est une jeune fille qui attend la nuit pour aller avec
son amant, elle dit au dernier vers :
Pai lèu, neit, que m'en ane em el I
Arrive vite, nuit, que j'irai nvec mon amant.
XXII. — PRIÈRES SUPERSTITIEUSES
Les prières superstitieuses ou magiques forment un genre
à part, fort nombreux.
CONTBS POPULAIRES.
Ainsi on cite beaucoup de patenôtres bizarres, appelées :/mi/^
nègre (le pater noir), pater blanc (le pater blanc), paterde loch
(le pater de lait), pater dau petit (le pater du petit enfant), etc.;
les oraisons que les femmes mariées adressent à sainte Anne,
les femmes en couches à sainte Marguerite, les jeunes fiUes à
sainte Catherine, etc.
En voici un exemple très-curieux :
BrabetodeDiu
La barbeto de Diu
Sus uno crous de Diu,
Sus uno crous tant bello, esplandido dal Cel sus laterro, —
ame sas plagos amoustrant, crido :
Paures pecadous,
Benés bese qu'abés pas tant soufiTert .
Couma ièu ai souffert
Per bous aus.
Ne passarès uno planqueto
Estreto
Coumo le pel de la teste.
Que pla farà
La passarà.
Que mal farà,
Dira :
Maudite siesque Touro que quand i^u n*eri petit enfant ou
petite filho, n'aujo pas apreso la barbeto de Diu !
Que la sap e nou Tensegno,
Soun corps ne passara peno.
Que Tenten dire e nou Taprèn.
N'aura de reproches al jour dal jujomèn.
(V. du f. Phil. MiQUEL, de Toulouse.)
La figure de Dieu — sur une croix de Dieu, — sur une croix si
belle, qu'elle est venue du Ciel sur terre, — montrant ses plaies,
crie : — Pauvres pécheurs, — venez voir que vous n'avez pas
poutTert autant — que ce que j'ai souffert pour vous. *-- Vous serez
592 DIALECTBS MODBRNBS
obligés de passer sur une petite planche *- aussi étroite — qu'un
cheveu de la tête. — Qui bien fera — la passera. — Qui mal fera
— dira : — Maudite soit Tbeure où, quand j'étais petit garçon ou
petite fille, j'ai négligé d'apprendre la Barbelo de Dïu! — Celui qui
la sait el ne l'enseigne pas, — son corps en aura de la peine. —
Celui qui l'entend dire et ne l'apprend pas — en aura des re-
proches au jour du jugement.
Cette prière, avec son indication d'un pont étroit jeté sur
Tabîme, d'origine tout orientale, provient très-probablement
de Tune des sectes hérétiques du moyen âge. Le nom barbeto,
donné à la prière elle-même, semble avoir quelque rapport
avec celui de barba, qui désignait les prêtres vaudois.
Il est à supposer qu'elle était toute rimée. Ce qui peut le
faire croire, c'est que, dans le toulousain gascon, on dit : Sus
uno crous tant berro, et que : pfir bous ans n'est qu'une forme
pléonastique de per bous.
XXIII. — PRONOSTICS
Les pronostics météorologiques ou astronomiques sont de
plusieurs sortes. Il y a Vannounciè, qui tire conséquence d'un
fait observé.
Vent grec,
Ploja au bec.
Le vent grec (l'est) —amène la pluie.
Le countiè (comput), qui, constatant le temps qu'il a fait pen-
dant une certaine saison, en conclut, par compensation, celui
qui aura lieu dans la saison suivante :
Qu'a Nadal se sourelha
A Paso as crèma sa legna.
Celui qui se soleiUe à Noël — est obligé de se chauffer à Pâques.
Et enfin le simple proverbe, constatation ordinaire :
Abriu, abri va; mars, marseja.
En avril, ii pleut (il fait le temps d'avril) ; en mars, il vente (litt.:
il fait le temps de mars), etc.
Nous ne saurions trop insister pour que ces différente*
sortes de pronostics soient recueillis avec soin.
: CONTES POPIX&IRES
XXIV. — PROVERBES
Les proverbes sont on très-grand nombre, etil ne peut nous
venir à l'idée d'en donner présentement un recueil.
Il doit noua suffire de constater, oe que tout le monde sait,
qa'ila sont tous rim<-s ou tuut au moins rhj>thmés.
XXI. — SARCASME
Ltic}-idada{sAPca,iiae] est, ou une moquerie, ou une provo-
cation, qui se disent, en face de la personne raiUée. La bramada
(huée) en diffère en ce qu'elle a surtout pour but de l'aire du
bruit.
I
Cuntri' vetui ijiii fait la moue:
Lou ijue tounli»
Fui la mounlia
Per ôl aoul,
Ë resta moue — coum'un pezoul.
Celui qui boude — fait la mine — pour lui seul, — et reste sot
— comme un pou.
2
Contre un vaniteux :
Demau es dimengre,
Lou gai oantar&.
Pourtarà ga penche
Per se penchinà. '
( V. de H. BotuVBT, de Montpellier. )
C'est demain dimanche, — le coq chantera. — Il aura nn peigne
— pour se peigner.
Deman «t dimang»,
Lou gai (i«ttaT&.
594 DIALECTES MODERNES
Moussu de la Roca
Lou farà cantà.
Din, din,
De cops de toupin !
Dan, dan,
De cops de sartan!
C'est demain dimanche. — le coq chantera. — M. de la Roque
— le fera chanter. — Din, din, — à coups de tessons 1 — dan, dan,
— à coups de poôle à frire I
Contre un montagnard:
Gabachou de la montanha, ,
Rousigaba la castanha;
La castanhase perdet,
Lou gabaohou se penchet.
(V. de H. Bouquet.)
Le gavach des montagnes — ne manîre que des châtaignes ;
la récolte ayant manqué, — il se pendit.
Contre un fâcheux qui se mêle de ce qui ne le regarde pas :
L'amoulaire
Sap pas faire
Lou mestiè
De courdouniè.
La lusena
le fai pena ;
Lou lignôu
le fai pôu .
(V. du même.)
Le remouleur — ne sait pas faire — le métier — de cordonnier.
- L'alêne —lui fait peine ; — le ligneul — lui fait peur.
Ce qui revient à dire : Cordonnier, fais ton métier.
COUTES POPULAIRES 595
XXVI. — SERMENTS
Les serments ou jurements sont aussi rhythmiques et rimes.
1
Pesé, pesé vert,
La man dins Tenfer
Tout dubert.
( V. de RouMANiLLE, Oubreto, p. 244. )
Pois, pois vert. — la main dans l'enfer — tout ouvert.
2
Vole que moun cap saute
S' ai fach de cautas.
Je veux que ma tête saute, — si je les fais par tromperie.
XX VII. — SORTS
Les enfants ont Thabitude de jeter les sorts pour savoir qui
clignera, qui aura tel ou tel avantage. — Ils se rangent en cer-
cle: celui qui est au milieu chante Tune des />owma5 (sortilèges)
suivantes, s' arrêtant à chaque sjUabe à Tun d'eux, jusqu'à ce
que la dernière indique celui qui doit sortir du cercle sain et
sauf. Le chant recommence ainsi pour chaque enfant ; le der-
nier est le patient :
1
Una pouma — giroundenca! — Ai! — couci la girounden-
carai ?
2
Una pouma — mi donna, — mi très, — mi clos. — Santa Cas-
tilha, — sebilha, — se bos, — ne me clos.
Una poumetta — mi cleta, — mi clau. — Barba la bestia — e
fa babau . — Una gaunhada — da carbounet ; — vira la gauta, —
un bon soufflet.
59f) DIALECrKS MObERKES
4
Titassô la lia bachounada ! — Titassô la gorja lis I {ou splis).
5
Una midoulha, — midelha, — miclau. — Toro, — boro,— gin"
gibo, — fenau . — Teire, — beire ; — flancassa, — petassa, — ma
clau.
(Y. de M. LiEBiCH.)
6
Uno poumo la debezo, — sant Andrieu lou pescadou . — Biro
roso, biro flou; — tant de flous que viraras, — cugarèn, cu-
garas.
(Y. du même.)
7
Uno oureto pleno de mèu, — fon de mèu coumo de ciro ; —
labello filho se retiro . — Dandin, dandan, — courneto, vai t'an !
(Y. du même.)
XXVIII. -> TOAST . '
Le brinde (toast) est toujours en l'honneur d'une personne,
n n'est pas nécessaire qu'elle soit présente au festin; il n'est
pas non plus nécessaire de la nommer.
Le plus connu est un brinde double, où le toast est suivi
immédiatement d'une réponse :
I
Lorsqu'un jeune homme a dit:
A vostra santat,
Rara beùtat I
A votre santé, — rare beauté I
la jeune fille répond de suite:
Diuvous encanta,
Belia planta !
Que Dieu vous enchante, — belle plante!
CONTES POPULAIRES 597
2
Entre deux bons viveurs. L'un dit:
A vostra santat,
Moussu lou Curât !
A votre santé, — Monsieur le Curé!
L'autre répond :
Segues longtemps viu,
Moussu lou Priu !
Que votre précieuse existence se conserve, — Monsieur le
Prieur.
XXIX . — TROUVAILLES
Le droit de ^roôa (trouvaille) est encore en plein usage parmi
nos petits compatriotes.
1
Lorsque Tun d'eux a perdu quelque chose, — jouet, fruit,
objet de peu de valeur, — celui qui le trouve, après s'en être
saisi, chante le quatrain suivant :
Quau a perdut, que cerque;
Que cerque troubarà:
Sou cerca pas,
M'apartendrà.
Que celui qui a perdu (quelque chose) cherche ; — en cherchant
bien, il le trouvera: — s'il ne le cherche pas, — il sera pour moi.
Le propriétaire de l'objet ne peut le ravoir, généralement,
qu'en faisant une minutieuse description de ce qu'il a perdu, et
prouvé que l'objet lui appartient.
Lorsqu'il s'agit d'un objet dont on ne connaît pas le proprié-
tair(\ il appartient en entier à celui qui s'en est emparé, s'il a
ou le temps de dire l'une des petites formules suivantes:
o98 DIALECTBS MODERNES
Piu, piu, piu.
Ce qu'atrobe es miu.
Piu, piu, piu, — ce que je trouve est à moi.
Rechiu-ciiiu,
Ce qu'arape es miu.
Rechîu-chîu, — ce que je tiens est à moi.
Ce que tomba diiis louvalat
Es per lou souldat.
Ce qui tombe dans le fossé — est pour le soldat.
Sinon, il est tenu de partager avec celui de ses petits cama-
rades qui Ta prévenu en disant:
Toque fiu,
N'envole un mouciu!
Je touche /î/, — je veux en avoir un morceau.
4
S'il y a doute, le premier riposte en disant:
Toque ferre,
N'auras pas de part.
Je touche fer, — tu n'auras pas départ.
Toque ferre,
Veni la querre .
Je touche fer, — viens la chercher (ta part).
Et le second en ajoutant:
Toque ferre,
Ne vole ma part!
Je touche fer, — je veux ma part.
Ou:
Lèu ou tard,
Ne vola ma part !
Tôl ou tard, — je veux ma part !
Ce qui amène nécessairement un duel à coups de poing.
CONTES POPULAIRES
XXX. — VANTABDISES
On appelle baias ( ventardises, baiea) une bonrds quel-
conque, une menterie ùùte itplMsir, par laqaellfl,tout en com-
prenant que personne n'est dupe, on a l'intention i'éga^et on
d'enchérir sur ce qui a été dit.
Les gaHconnades de M. de Crac, qui est d'origine méridio-
nale, sont de ce genre. — Les exemples que Ton peut citw se
placent ordinairement parmi les proverbes. Ainsi, dans Sau-
vages :
— La fourtuno de Moussu Mandari : — de ourat derengnet
segoundari,
M. Mandari eut un grand succès: — il était curé, on le Gtvi-
Lafahle te Dépositaire infidHe (t. IX, f. 1"), de La Fontaine,
donne un exemple du second cas, qui se dit encore parmi noua :
J'ai vu, diUil, un chou plu$ grand qu'une maison.
Et moi, dit l'autre, un pot aussi greail qu'une église.
Le premier Be moquant, l'autre reprit :
Tout doux:
On le fit pour cuire vos choux.
Depuis le commencement de cette publication, nous arons
trouvé et l'on nous a envoyé un grand nombre d'autres
versions et variantes. Qr&oe au concours si dévoué de nos
correspondants,— maintenant qu'ils conniùssMitpar des exem-
ples ce qu'il est bon de recueillir, — ' noi» pouFrona publier
bientôt de nouvelles séries de pièces du mAa» genre, tout
aussi curieuses.
A.. M. «t L, L.
PROVERBES ET DICTONS POPULAIRES
RECUEILLIS A ASPIRAN
Les proverbes sont bien moins encore la sagesse des na-
tions que l'expression pittoresque, concise et assez souvent
rimée, des constatations ou des croyances populaires sur un
sujet donné. Au point de vue philologique, leur principale va-
leur se tire de la forme dialectale particulière qu'ils possè-
dent, forme qui représente Tétat réel de leur langue d'origine,
lorsqu'ils ont été prononcés pour la première fois, et qui se
conserve à l'état d'archaïsmes, utiles à connaître pour l'his-
toire de cette langue, au milieu des altérations et des innova-
tions que l'usage ou la mode lui font subir.
On a voulu différencier les sentences des proverbes, suivant
que leur stjle était plus ou moins noble ou châtié, et les der-
niers ont été dédaignés comme indignes de figurer dans le
langage de la bonne compagnie. Un des beaux esprits du règne
de Louis XIV aurait même dit : « Les sentences sont les pro-
» verbes des honnêtes gens, comme les proverbes sont les sen-
» tences du peuple*. » A ce titre, le vers de Joas :
Le bonheur des méchants comme un torrent s'écoule,
serait une sentence, et celui de Petit- Jean :
Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera,
un proverbe. Quoi qu'il en soit de cette distinction un peu
artificielle, il est bien certain que les philologues ne sauraient
partager un pareil dédain. On conçoit rigoureusement qu'il
ait pu exister au XVII® siècle, lorsque le public littéraire, tout
entier à l'admiration d'œuvres écrites dans une langue arrivée
au plus haut degré de perfection, ne voyait rien au delà, et
s'occupait moins que de nos jours de l'étude de ses origines
et de ses rapports avec les autres idiomes. On ne comprendrait
* Le P. Bouhours, cité par le Dictionnaire de Trévoux.
%
PROVERBE» flST DlCtOî^ K)l>tJLAIltBS Wi
plus, aujourd'hui que Téditeur d*un pdéu^ ^ul nlarq^e Fèti-
fance de la littérature française fte S6l6 erû obligé de recourir
à des précautions oratoires pour exctise]* les auteurç de <$e
poëme d'en avoir empl'oyé, et pour' fidrerenmrquer'ëoiiibien
les leurs diffèrent des a manières de parler basses et pop«*
laires .... patrimoine de la populace ^ » , alors surtout que ee
poëme est le Roman de la Rose,
Les proverbes que je publie sont écrits dans unstjiefib-
milier et portent tous une empreinte rustique, le langage
humain conservant toujours quelque chose des sensations faa^
bituelles de celui qui le prononce. Ils gardent «n général la
réserve caractéristique de la poésie populairevet on ne sau-
rait leur reprocher une crudité de termes ]^lus apparente que
réelle, certains mots du langage parié ayant dans le langage
écrit une signification restreinte, ou de nature à être prise
en mauvaise part. Encore les termes de ce genre ne s'j trou-
vent-ils que pour inspirer le mépris des si^ëts qui y sont dési-
gnés. Ils n'y prennent jamais, parconséquent, le sens plaisant
et scandaleux employé par Jean de Meung, dans ce fameux
quatrain si injurieux pour la pudeur des femmes, qui faillit,
paraît-il, lui attirer de la part des dames de la cour de France
une sanglante correction, à laquelle il sut échapper par une
répartie aussi subtile que mordante, ce qui prouve que Fen^t,
même gaulois, est toujours bon à quelque chosequand on s'ein
sert à propos.
Presque tous ces proverbes ont été recmeillifl à Aspiran,
village de F arrondissement de Lodève, situé non loin des bords
de THérault, au sud de la région moyenne de cette rivière *.
' Le Roman de la Rose^ par Chitllaume de Lorris et Jian dellenng ^t
Glopinei, édition faite sur celle de Leogiet-OofiraBnèy ; ; « . v* . enrichi de 4a
dissertation sur les auteurs, etc., pvâilié en 1737 par T.'«»B. Ltnlin de Da-
merey. 5 vol . in-8*. Paris, Foumier et Didot, an YU^itè Préface.
^ Le cours de l'Hérault peut être divisé en trois régions : 1* celle du
nord, qui commence À l'entrée de eette riWère ^ans ndre dèparteneDt
et finit au pont dé Saint-Jeannle-FaB ; th^a région moyeane, deol en
peut assigner la limite inférieure mOL ùtntmxuïm de CStm^agoMi ètMde
Wi DIALECTES MODERNES
Des intérêts médicaux et autres m*appellent de tempt en
temps dans cette localité et dans ses environs. J^ai écouté
nos paysans. Je reproduis leur dialecte sans altération et tel
que jeFai entendu. Si tous les proverbes que j'ai pu recueillir
ne sont pas inédits, il n'y a pas lieu d'en être étonné. Les
peuples ont beaucoup d'idées communes et les expriment,
malgré la différence du langage, sous une forme analogue,
comme un orchestre à l'unisson rend la môme note avec des
instruments différents. Les mêmes proverbes peuvent donc
exister en plusieurs provinces du même pays ou en divers
pays, sans être arrêtés par les démarcations mobiles des fron-
tières et des races. Cette diffusion sans limite des usages, des
superstitions et des croyances populaires, traduits par des
maximes et des proverbes correspondants, peut être invoquée
comme un argument en faveur de l'unité spécifique originelle.
Il est vrai qu'il faut aussi tenir compte des communications
diverses établies de peuple à peuple.
En admettant la possibilité d'une souche commune, je ma
garde d'une confusion erronée entre les rameaux qui en pro-
viennent, et qui, séparés du tronc, se sont développés avec des
caractères spéciaux et héréditaires pour former les races hu-
maines. Un de ces caractères est la conservation du langage
populaire parlé, persistant pendant plusieurs siècles à côté de
la langue officielle écrite. On ne peut donc pas établir un
rapport ethnologique constant entre cette dernière et les jia-
tiens où elle règne, puisqu'une nation, dans l'état actuel de
Paulhan ; 3* la région méridionale, qui s'étend du terrsir de ces villages
à son embouchure dans la Méditerranée au grau d*Agde. Dans la
première région, THérault arrose les cantons de Ganges, de Saint-
Martin-de-Londres et d'Âniane, faisant partie de rarrondissement de
Montpellier; dans la deuxième, ceux de Gignac et de Glermont-rHérault,
faisant partie de l'arrondissement de Lodève ; dans la troisième, ceux de
Montagnac, de Pézenas, de Florensac et d'Agde, appartenant à i'anon-
dissement de Béziers. Les personnes qui connaissent notre département
se seront aperçues que le langage populaire de ces trois régions offre des
variétés assez sensibles. A Aspiran et dans ses environs, la substitution
u b au V et celle du d à l'r est générale et souffre bien peu d'exceptions.
PROVERBES ET DICTONS POPULAIRES 603
l'histoire, est presque toujours composée de plusieurs faces
pariant chacune son idiome ; mais Thabitude, l'association et
les intérêts rapprochent bientôt ceux que la filiation semblait
éloigner, et la langue officielle devient peu à peu Tincarna-
tion de la patrie. A Taide de ce levier puissant, une race
persévérante et active, qui n'était dans Torigine ni la plus
étendue, ni la plus homogène de l'agglomération dans laquelle
elle est venue se fondre, a pu soulever des masses nombreuses
et les entraîner avec elle dans un grand mouvement na-
tional. C'est au nom de la langue et de la race germaines
que la Prusse a accompli les événements des dix dernières
années, et pourtant, au point de vue purement ethnologique,
il semble que, de tous les États allemands, c' était elle qui| était
la moins autorisée à invoquer ces principes. Sa population
est composée d'éléments slaves, germains et français. Un
neuvième de ses habitants parle encore slave , et les derniers
travaux d'anthropologie y ont même démontré la présence
d'éléments finnois, étrangers à la grande famille indo-ger-
manique et dérivant de la race mongole *. Ceux qui recher-
chent les moyens de faire disparaître les guerres internatio-
nales voudraient que la concorde existât entre les diverses
races, comme elle devrait régner entre tous les rameaux d'une
même famille. Malheureusement, il y aura longtemps encore
des races et des frères ennemis. En attendant, l'analogie
universelle des croyances populaires, dont les proverbes sont
l'expression, semble venir en aide à la théorie chrétienne de
l'unité et de la paix. Il est curieux de voir la philologie contri-
buer pour sa part à la démonstration de la communauté origi-
nelle, et rapprocher ainsi ceux que la politique divise. L'eth-
nologie ne pourra pas négliger désormais cette source de
renseignements.
La philologie, en effet, a reconstruit nos origines d'une ma-
' Vid., dans la Revue scientifique de la France et de l'étranger (n* 42,
2 avril 1873», la savante polémique de MM. R. Virchow et de Quatre-
fages, swr V Anthropologie de r Àlh magne du Sord .
m DIALECTES MODERNES
nière presque complète. Elle démontre chaque jour que lies
croyances de TEurope, avant le christianisme, les idiomes que
nous parlons, les contes, les récits et la plupart des mythes et
de"^ superstitions populaires qui existent encore dans nos con-
trées, avaient leurs équivalents, et dans bien des cas leur
source, chez les Arjas de Tancienne Asie. Je ne crois pas quMl
soit téméraire d'en dire autant des proverbes, dont quelques-
uns sont pour ainsi dire universels et se retrouvent chez les
peuple; les plus étrangers en apparence. C*est ainsi que TÉvan'
gile de saint Mathieu, xvi, 2, 3, donne ce proverbe:
Facto vespere dicitis : Serenum crit, rubieundum est enim oahim. Mi
mane : Hodie tempe^kis, rutUcU mim triste cœlum.
Le soir vous dites : Il fera beau, car le dei est rouge* Et le matin: U
y aura de l'orage aujourd'hui, car le ciel est comme un feu sombre ^.
qui est le même dans le pays basque, en Ecosse, en Franoe et
en Espagne *. Le Languedoc et la Provence le possèdent en*
core. Il y existe avec une telle profusion de variantes, qu'il
est impossible d'y voir autre chose que la constatation d'une
remarque météorologique qui a la même signification en Ea«
rope et en Judée.
Si la diffusion de ce proverbe (comme aussi celle de quel*
ques autres que je pourrais mentionner) parmi des peuples
d'une origine dissemblable exclut évidemment toute idée
d'emprunt, il n'en est pas de même de ceux qui se retrouvent
chez des populations d'origine japhétique.
Ainsi les Lettres édifiantes donnent ce proverbe, que les In-
diens répètent sans cesse :
« Qui fait bien, trouvera bien ; qui fait mal, trouvera main,
et qui est devenu pour nous :
Que ben farà,
Ben troubarà ;
Que mau farà.
Mau troubarà.
^ Traduction de La Meauais.
> Vid, Fr. Michel, le Pays basqUe, p. 39 U y donne denooD^raux exem-
ples de ce proverbe
fROVURJlES ET DICTONS POI'I.'I.aIRES
• proTerbM languedociens au provençaux :
Uoa jirouDrlelB l'ai pas tau primtens,
Ppira que roulla
Aiampa pas moussu, etc.,
étaient comtnufis k l'auciemie Urëce, sous la inâme forme fî-
^nrée et avec la même si giiifl cation ' ,
De la première afTabulation de La Fontaine :
La raison iJu {ilus fort est toiijoura la mmlleure,
on pourrait, par une série de citation» asMBdaBte»* remonter
jusqu'à la maxime de Calohas,. qui forma le quatre-vin^ème
vers de l'Iliade: '
Bpitirsu* yàp jSaffiïiùc , ht* ^iittrea ^^fi x'p*''''
Il existe enân un ordre de parenté bien, plus érident et plua
général que les deux que je viens d« sicualer : c'est celui qui
provient de l'étroite affinité qui relie des idiomes voisùis.fBppi,
nombre de proverbes latins, en effet, nous sont venus parles
anciens et se sont continués, presque sans changement ancun,
parmi les divers peuples de langue néo^latine. An:
Gade anssel
Troba loun nia bel,
qui est devenu la devise de H. L.'Roti&ùeilX; l'italien pent op-
poser son: ■ ' ■
Ad ogni oecrilo
Suo nido e bdlo. .... :
Le titre- proverbe de la comédie dsmAïaili'iélibre :
Quau viiii prene dos lebras a U'iM
N'en prend gès,
n'est autre que l'italien :
Chi due lepri caocia,
Una perde et t'allra lucis,
* fui. BoinvIlMers, Codenonl. mr CM»'iU Httmm tt dt pfoMrbu
priw-iato»», etc. Parla. 1825. ID-H p. », W, 15- '" "' "'''
d06 DiALErTËS M0DBRNE8
continué lui-même du latin : Dhob qui sequitur leporet neuirum
capit,
A bon apetis fau pas sauço
des Provençaux, devient, en Italie :
Appetito non vuol salsa.
11 en est de même du Chi sta bene non si muove, qui n^est
autre que le Qtmu es àen que noun bouje, que Jarjaio, entré au
paradis par tromperie, oppose à saint Pierre qui veut Ten
chasser. (V. le conte populaire de Mistral, Artnanaprouvençau,
ann. 1864, p. 45 *.)
Parmi les proverbes italiens, je signalerai ceux-ci:
Doglio di donna morta
Dura fino alla porta.
Loda il mare
B tienti alla terra.
Salate sema danaio
E meuo malo '.
que le Languedoc et la Provence possèdent soin cetta
Doulour de fenna morta
Dura jusqu'à la porta.
Lausa la mar
Et ten-té a la terra.
Saotat sans arjent»
èfiéya malautlé^.
11 en est de même des proverbes espagnols :
Lo ordenado en el Gielo
Forzoso se ha de cumplir en el suelo.
Al medico, confesser y letrado,
No le hayas enganado.
* Une autre application plaisante de ce proveii)e, qui met égaletnent en
scène le portier du paradis, est relatée dans le môme recueil pour Tan-
née 1873, à la page 96.
^ Vid. le P. Cahier : Quelque six mille proverbes. Paris, Julien et Lanier,
1856, in-12, p. 189, 197 et 209.
3 Vid. de Sauvages. Dict. lang,, t II, p. 378, c. i^ et p. 392, c. 2.— Garcia
JDict. pruv., p. 362, 2.
PROYËRBflâ BT DICT0K8 POPtlLAlRElS 601
Paserà la fiesta,
Y el looo^resta.
De buena planta, pdanta la vite,
Y de buena madré toma la hija.
Del pan de mi compadre,
Gran zatico a mi ahijado.
Oveja que bala,
Bocada pierde*.
qui, à quelques changements près, sont pour nous:
Lous mariajes soun escrichs au Gel
Ese ooumplissou sus la terra*.
Au medeci, au counfessour, à l'avoucat,
Te eau dire la veritat'.
Après la festa,
Lou fol resta.
De boun plant planta ta vigna,
De bouna raça prend la iilha.
De la pasta de moun coumpaire
Bouna fougassa a moun filhôu.
Feda que biala
Perd un moucel *.
Je signalerai encore un proverbe à forme ternaire que Ton
dit assez communément à Aspiran, et dontràbbé de Sauvages '
ne donne que les deux premiers vers :
Badalhà vôu pas menti,
Vôu manjà ou y (m dourmi,
Ou de sa miga se aouveni.
La Catalogne le possède ainsi :
Lo badall no pod mentir.
Vol mènjar o vol dormir,
0 dolenteria mantenir «.
' Vid. le P. Cahier: Quelque six miUe proverbes, p. 233, 237, 24S, 252,
268, 269.
' Garcin, Dict. prov.y p. 361 , c. 2.
^ Proverbe cilé, J. Azais, Berses patoises,
A L abbé de Sauvages, Dict. lang,, t. II, p. 375, c. I, 377, c. 1, et 381
c. 1.
s L'abbé de Sauvages, Dict. lang., t. II. p. 375, c. 2.
« Vid, Honnorat. Dict. prov.-'franç.,i. I, p. 209.
ti08 DIAt.t^CTES MODERNES
La même forme ternaire du proverbe italien :
Âspettar e non venire,
Stare in letto e non dormira,
Servire e non gradire.
Sono tre cose da morire.
a son équivalent presque littéral dans le recueil de Sauvages :
Âimà e astre ait,
EsparÀ a noun vani,
Estre au liach a noun dourmi,
Soun. très causas qua fan mouri *.
Il n'est pas inutile de rappeler à ce sujet les résultats qui ont
été obtenus d'abord par les frères Grimm, et en dernier lieu
par M. Benfey, Téminent orientaliste de Gœttingue, dansFin-
terprétation et la comparaison des contes et des superstitions
populaires*. L'application d'une méthode semblable aux pro-
verbes ne sera certainement pas aussi facile et aussi digne
d'attention, mais on peut encore s'en promettre quelques ré-
sultats. Il existe pour la langue d'oc d'assez nombreux recueils
sententiaires, si l'on peut se servir de cette expression. Ce
serait, ce me semble, une chose utile de noter toutes les va-
riantes que leurs proverbes ont d'abord dans chaque dialecte
de la -langue d'oc, et ensuite chez les autres peuples de race
néo-latine: on arriverait à déterminer ainsi la part qui est
commune à tous et celle qui provient des influences particu-
lières de milieu, de civilisation et de crojance. Telle est la
* AÛn de ne pas multiplier les différailoas dialectales, j*ai adopté ie
hngage d'Aspiran et de ses environs pour les proverbes que je viens de
rappeler.
* Vid. à ce sujet, dans le Correspondant ( N* du 25 juin 1873), un très^
curieux et très-intéressant mémoire de M. Ëm. Cîosquin : les Contes eU^
ropéens et leur origirie. M. Gosquin est lui-même un collecteur aussi
passionné qu'intelligent des contes populaires de la Lorraine. Dans ilil
mémoire lu au congrès de \* Association bretonne ^ Tao dernier) M. Lnzet
avait déjà rattaché aux contes de l'Inde les récits {)opulairas de la Breta-
gne. Au moment même où notre travail était à l'impression, nous avons
retrouvé l'expression d*idées analogues dans un compta rendu da M. Ra*
dau (Revue des Deux Mondes^ 15 octobre 1873), à propos é&& Essais de
mythologie comparée de M MaxMuUer.
PROVERBES HT DlfTONS I>OPtILAIltBS 609
méthode que j ai cru devoir suivre pour ceux que je publie
aujourd'hui. J'ai, en outre, essayé da les ranger sous uue classi-
fication naturelle méthodique, au lieu de l'artificielle classi-
fication alphabétique usitée dcins plusieurs ret^ueils analogues.
On voudra bien excuser un médecin de s'être essayé sur
une matière ijui [nnii l'uninhuer aux progrù* dp l'anthro-
pologie, et que n'ontpasdédaignée, piu'mi les contemporains,
des confrères tels que les docteurs Honnorat, de Dign»; h.
d'Âatros, de Marseille, et surtout A. Moquin-Tandon, docteur
en médecine et es sciences des Facultés d«: Montpellier, pro-
fesseur à la Faculté des sciences de Toulouse et & la FftcuHé
de médecine de Paris.
Je saisis ici l'occasion de remercier mon excellent collègue,
M. Aiph. Roques-Ferrier, qui a bien voulu noter pour moi
une grande partie des variantes de mes proverbes dans les
divers dialectes de la langue d'oc*.
I
PROVERBES MÉTÉOROLOGIQUES
I. — Hiver
Que per Noué se BoureUia,
Per Pascas créma sa legna *.
li pour Noël se chauiïe ;iu soli-il, —pour Piquer hrùlp s
non» ont para néce«»lrH pour facttter J'IntelUgiipi» in l'original.
' Celles des recueils publiés par Voltaire, l'abbé Dslgnon du Sendat, et
sa rternipr lieu par MM. Vignancour et Haiouk't, ne sont pas indiquSeE.
Il ne nous a pas élé possible d'i-n avoir cnnnai^anci;,
* V l'abbé da Sauvage», Dictionnaire languedocien, t. II, p. 3SB, c 1;
— Bladé, Ctutes etproverbes rBoueilli»en àrfnagnae, p.68, yereions & peu
rilo DIA.mOT£S MUDERNhiS
ff
II. Quand per Noué fo luna,
Lou qu'a très fedas n'a pas qu'una *.
Quand pour Noël il fait lune, — celui qui a trois brebis n'en
a plus qu'une.
III. Quand Noué tomba un dimécres,
Semena camps et crésses.
Quand Noël tombe un mercredi, — sème champs et lisières (des
champs).
IV. Per Saut Nadal,
Lous jours creissou d'un ped de gai * .
Pour Saint Noël, — les jours croissent d'un pied de coq.
V. Per Sant Nadau,
Dau saut d'un brau '.
Pour 8aint Noël (les jours croissent) — d'un saut de taureau.
VI. Jours creissents,
Jours cousents * .
Jours croissants^ — jours cuisants.
Vil. Lous Reis ventouses.
(Pour) les Rois (6 janvier), — les vents soufflent.
près identiques. — Pour la vers, du Rouergue, J. Duval, Proverbes
patois dons les Mém de la Soc. des let. de VAveyr., t V, p. 517, donne
au second vers :
Fer Pascos se tonrelho (se gèle) .
V. dans un recueil où Ton ne s'attendrait guère à trouver des proverbes :
Statistique de la France, Agriculture ; Strasbourg, Berger-Levrault,
1870, pet. in-fol.j t. XVI, p. cxxvii, c. 3, plusieurs autres versions (mal-
heureusement traduites en français) pour les pays de langue d*oc
* V. Stat. de la France, p. cxxvii, c. 3, la version dos Bas. -Alp. et des
Haut.-Pyrén. Pour que rinflucnce maligne s*exerce, la nuit de Noël doit
être sans lune.
' VArmanaprouvençau (ann. 1855, janvier) donne:
Au jour de l'an,
Li jour creisson dou ped d'un can.
qui existe également en Gascogne. V Armanac hourdelès («ann. 1869 ^
Dichude.<i de janhié .
3 V. Bladé, Cont. et prov , p. 68, vers, ident.
' V. la Bugad. prov., p 58; — Arm. prouv. ( ann. 1855, janv.);— de
Sauvages, Dict. lang.,t II. p. 384, c. 2:— Garcin, Dictionnaire provençal,
p. 359, c. 2: variantes insignifiantes.
PROVERBES ET DICTONS POPULAIRES 611
VIII. Per Sant Vincent,
Lou frech cousent * .
Pour Saint Vincent, — le froid cuisant.
IX. Per iou dous de febrié.
L'ours sourtis de soun terrié *.
Pour le dp < de février, — Tours sort de son terrier.
X. Fébrié,
Journal entié*.
Février, — journal entier.
A la lin de février, les jours sont déjà assez longs pour
permettre de travailler sans lumière de six heures du matin
à six heures du soir.
XI. Dins lou mes de fébrié,
Lou valates rasié.
En mars es agoutat ;
Abrieu
Lou mes a soun fieu *.
Dans le mois de février, — le fossé est plein jusqu'aux bords, —
mars le dessèche (déjà^, — avril — Tépuise complètement.
* L'Arm, prouv. (an n. 1855, janv.) donne :
Per Saut Vincent.
Tout jalo 0 tout fend.
La Bugad. prov. p. 9, et la Stat de la France, p. cxvn. c. 2 :
A sant Vincent
Leit* glaceii-ouHR i)ei*don leis dents
O lei rpcobron i>er long ternss .
^ [j'Àrm prouv. ''ann. 1855. févr.) donne :
Per la Candelouso [2 février], lou lonp fai très saut
Foro do sonn tran.
V. deux vaiiantps: J. Duval, Prov. pat., p. 517, et Stat. delà France,
p. «:xviii, c. 2. Dans tout le Languedoc, dans le nord de la France et
môni»' on I^retagne, ou croit que le loup rentre dans sa tanière pour qua-
r.inl(î jours, si le «oloil paraît avant midi.
^ LArm. prouv (ann. 1855, févr.) donne:
Mie -fébrié,
Joumau entié.
.1. Duval. Prov. pat., donne une version à peu près semblable, p. 523.
* V. Stat de la France p. cxxvni, c. \, version à peu près semblable.
6\2 DIALECTES MODEK^ES
XII. Quand Tiver es asagat,
Vend toun oli, grarda toun blat.
Quand l'hiver est arrosé, — vends ton huile, garde ton blé.
II. — Printemps
XIII. Lou vent que bat lous Rams
Bat non mèses de Tan *.
Le vent qui bat pour les Rameaux — bat neuf mois de Tannée.
XIV. Pascas plôujousas,
Airas granousas * .
Pâques pluvieuses^ — aires chargées de grains .
XV. Mars ventous,
Abrieu plôujous,
Mai sourelhous,
Fan lou paisan orgoulhous ».
Mars avec le vent, — avril pluvieux, — mai avec le soleil , — ren-
dent le paysan orgueilleux.
* Croyance commune au nord et au midi de la France comme à la Bre-
tagne. V. à ce sujet Stat. de la France, p. cxxi, c. 2.
Ou dit dans le département do la Lozère :
L'auro qa'es pcr Rainpan aegnado
Duro loa mai pendent l'annado.
- Se retrouve dans le Gard. Stat. de la Franc., p. cxxi, c. 3.
3 Proverbe commun à tous les dialectes méridionaux. En voici plusieurs
versions :
De Sauvages. Dict. lang., L II, De Sauvages, Dict. lang., t. II,
p. 385, c. 1. p. 385, cl.
!'• Version 2* Version
Mai nivoulous, Mars aurons,
Abrieu plejous, Abrieu jIbcous,
Fan lou pajès orgoulhous. E mai plejous,
Fan ana lou pajès jouioiiB.
Garcin, Dict, prov., p. 367, ci: La Bugad. prov.f p. 65, elVArtn^
prouv. (anii 1855, mars) :
Mars ventous, Mars aurons,
Abrieu pluious, Abrieu pluious,
Fan lou bouiè jouions. Fan ana lou boniè jouions.
Arm. bourd. (ann. 1869), Dich. de Bladé, Conl. et prov., p. 67.
mars :
Mars aurajous, Mars sourelhous,
Abriou plujous, Abrion rousinons
Feden veni lou bouci glourious. Rendoun lou paiwant orgailhous.
PROVERBES ET DICTONS POPULAIRES 613
XVI. Abrieu es de trenta :
Quand plôurié trenta-un,
Farié pas de mau au legun * .
Avril est de trente (jours) : — quand il pleuvrait pendant trente-
un, — cela ne ferait pas de mal au légume.
On ajoute souvent :
Quand plôurié, que repiourié,
Que tout lou mounde cridarié :
Tout es negat ! Tout es perdut !
Jamais n'aurié pas prou plôugut '.
(v)uand il pleuvrait et pleuvrait encore, — quand tout le monde
crierait : — Tout est noyé ! Tout est perdu I — Jamais il n'aurait
plu assez
XVII. Abrieu,
T'alaujeirigues pas d'unfieu^
Pendant le mois d'avril, — ne te dépouille pas d'un fil.
XVIII. Es Jorget,
Es Marquer,
Es Crouzet,
Es Janet,
Que t'ai trepet
Quand so ie met * .
On peut encore voir deux variantes de ce proverbe : J Duval, Prov.
pat . p. 52?, et Stat. de la France, p cxxix, c. l.
« WArm. prouv. (ann. 1855, avr.); Garcin, Dict. prov., p 345, c. 1, et
la Stat. de la Fiance, p. cxxiv, c. *2, donnent ce proverbe, avec un
chantonnent insigiiif au troisième vers :
• Kftriè Diau en ilegun.
^ L' Arm. prouv. (ann. 1855, avr.) donne cette suite avec quelques va-
riantes. Il on est de mémo do la Stat. delà France, p. cxxni, c. 1.
3 V. Garcin, Dict. prov.. p 368, c. 2;— i4rm prouv. (ann. 1855 , avr.)
— Stat dp In Fr ince, p. cxxni, c 2; —Arm hourd., Dich. d'abr.: —
variiiiii. iiisijznir.
* WArm. prouv. (ann. 1855. avr.j donne :
614 OTALPÎCTES MODERNES
O'esi lo petit saint George (23 avril).. .. — c'est le petit saint
Marc (25 avril) — c'est la petite sainte Croix (3 mai) —
c'est le petit saint Jean (6 mai),— qui fait tapage — quand il s'y met.
A la un d'avril et dans la première quinzaine de mai, il fait
quelques journées variables et froides, qui doivent prémunir
les imprudents contre le désir trop hâtif de revêtir les habits
d'été. Ces journées variables ont lieu les jours mêmes dé-
signés par le proverbe, ou n'en sont jamais bien éloignées.
On les appelle les cavaliers, parce que la première d'entre elles
correspond à la fête de saint Georges, que l'on représente
monté sur un cheval et terrassant un dragon ; ou bien encore
parce que, semblables à des météores rapides, elles ne font
que traverser l'atmosphère sans pouvoir arrêter la marche
naturelle de l'évolution printanière. Il nous semble légitime
d'associer les deux origines pour expliquer le sens de ce terçie
de la météorologie populaire. Les quatre cavaliers font sentir
leur influence d'une manière assez contingente, dont l'adjonc-
tion quand se ie met révèle la variété. Les abaissements pas-
sagers de température s'observent, du reste, au mois de mai,
même après le passage du dernier d'entre eux. Le 14 mai, fête
de saint Boniface, serait, dit- on, un jour dangereux pour les
vignes. Il n'est pas sans exemple qu'elles aient été gelées à
cette époque dans notre climat. Ainsi s'explique le proverbe
suivant :
XIX. Mai,
Fai coume te plai,
Amai
Ëncara noun sai ^ .
Jourget, Marquet, Troupet, Crouset ,
Soon li quatre capoulië de la frè .
V. aussi Stat. delà France, p. cxxix, c. 1 et 2.
* VArm. prouv. (ann. 1856, mai) et Garcin, Dict. prav., p. 368, c. 2.
donnent à la fois :
Au mes de mai
Vai coume te plai.
UArm bourd,, ann. 1869, Dich de wa*.— J. Duval, Prov. pat,, p. 251.
•— Stat de la France, p. cxxiii, c 2: - variant, insignif.
PROVERBES ET DICTONS POPULAIRES 615
Ail mois de mai, — fais comme il te plaît, — et encore je ne sais*
XX. Mai, lou petassaire.
Mai, le ravaudeur ( de toutes choses, des recelés en retard et des
santés délabrées V
XXI. Mai fomai dins una niooh -
Qu'abrieu dins vint-e-ioch *.
Mai fait plus dans une nuit ( pour les récoltes ) — qu'avril dans
vingt-huit.
XXII. « Te rogamus, audi nos »,
Las cerieiras metou close.
« Te rogamus, audi nos », — les cerises mettent noyau.
Les enfants parodient ainsi un des répons des litanies des
saints que Ton chante les trois jours des Rogations, qui précè-
dent la fête de TAscension. Le durcissement des noyaux des
cerises, qui a lieu d'ordinaire à cette époque, à moins queTAs-
cension ne soit trop avancée, leur fait espérer d'avoir bientôt
un dessert moins sec que celui qui est désigné dans le proverbe
suivant :
XXIII. De Pascas à Pantacousta,
Lou dessert es una crousta*.
De Pâques à Pentecôte, — le dessert est une croûte de pain.
XXIV. Quand plôu per Sant-Medard,
Las rendas diminuou d'un quart.
Quanfl il pleut pour Saint-Médard (8 juin), — les rentes (la ré-
colte) diminuent d'un quart.
* UArm, prouv. ( ann. 1856, mai) et l'Arm, hourd. (ann. 1869 ) Dich.
(le mai, donnent, sauf différences dialectales, une leçon semblable. —
L'Arm. hourd. substitue seulement dise-ueit jours aux vingt-huit du prov.
proveny.
' V. de Sauvages. Dict. lang., t. II, p. 379, cl; — Garcin, Dict. prov.,
p. 351, c. U— L'Arm. prouv. (ann. 1855, avril);— LUrm. hourd. (ann. 1869),
Dich. de mars . — BlaJô, Cont. et prov., p. 69; — J. Duval, Proi) pat.,
p 054: variant, insignif.
V. plus loin uTiP var. recueillie par M. G. -H. Ardouin.
616 DIALECTEÎS MODERNES
Le premier vers étant conservé, on remplace souvent le
second par le suivant :
Quaranta jours «luralou bard.
Quarante jours dure la boue.
Et on ajoute :
A mens quesani Barnabe
le cope Terba joust lou ped *.
A moins que saint Barnabe (11 juin) — ne lui coupe Therbe sous
le jjied.
Ce proverbe est populaire dans toute la France.
III. — Eté.
XXV. Semona quand vouras,
Per Sant-Jan ségaras.
Sème quand tu voudras, — à la Saint- Jean tu couperas ( le blé ).
XXVI. Per la Madalena,
Lou tens se destourmena.
Pour la Madeleine ( 22 juillet ). — le temps se dérange.
XXVII Per la Madalena :
La nosa es plena,
Lou rasin veirat,
La figa madura,
Lou blat estremat *.
* WArm. prouv. ( ann. 1855, juin) donne :
Quand plôn i)er Sant-M^dard,
])c la recordo emporte un quart.
Quand pldu per Sant-Médard,
Pldu quarante jour pu tard,
Mai que sant Barnabe,
Noun ié coupe lou bë.
V. L'Arm. hourd. (ann. 1869). Dich. de jun, pour les quatre premiers
vers seulement; — J. Duval, Prov- pat., p. 511, et la Stat. de la France,
p. Gxxv, G. l,qiii donne les variantes languedociennes des dr^partements
de la Lozère, de l'Hérault et du Gard .
La tradition, dit M. J. Duval, p. 511, veut que le déluge ait commencé
le jour de Saint-Médard .
* V. de Sauvages, Dict. lang., t. II, p. 387, c. 2. —irm. bourd. (ann.
PROVERBES ET
t'our ta MaOeleine, — la noiï esl
figue mûre, — le blé enfermé.
XXVIIl. Que cauca après laMadalena
Cauca enpena*.
Qui dépique après la Madeleine — dépique avec difBcutté-
XX.IX. Dins lou mes d'aoust,
ha peira es bagnada dejonst.
Dans le mois d'août, — la pierre est baignée dessous.
IV. — Automne.
XXX. Dins lou mes d'otobre.
Que n'a pas de raubas cal que ne trobe*.
Dans le mois d'octobre, — qui n'a pas dérobes doit en trouver.
XXXI Per Sant-Luc,
La néu sus loti truc'.
Pour Saint-Luc (18 octobre), —la neige sur la montagne.
XXXII. Touasantlou uommenca,
Sant-Andrieu lou finis*.
1869 J, Dich dejuiet, — tilat. de In France p. c.ixïi, c. t : vers, à peu près
ideatiq-, sauf diffr'Tenc. dialecL — L'Arm. prouv. lann. 1855, juillnt]
donne variant, pau importantes. — J. Duv:tl. Pro» pot-, p. S40. n'a que
les deux premiers vers. Il en est de mt^xai- fin la Bugad prnv., p. 76.
< L'Arm prouv. (ann. 1355. juillet ) donne T-<!lti7 variante ;
tiilu se reproduit avec une diSér. Insignif. - Àrm bourd. ( ami, ltit>9),
Dkh ■ de juiet.
' Voy. Garcin, Dtcf. prw.,p.368, i:. 2, el Arm. pr'iur. {ann. IS55, oct )
variant, pu important.
'De Sauvages, Dict ianjr., t. II, p. 375, c. 1, et l'irm {>n}tNi.(ann.
1S.55,flctflbr)^). donnant :
< Variïntf. : Arm, prouv. ( H]
618 DIALECTES MODERNES
La Toussaint (!«• novembre ^ commence le mois. — saint André
C 30 novembre ) le finit.
XXXIIÏ. Per Sant^Marti,
Tapa ta bouta, t.asta toun vi^
Pour la Saint-Martin ( Il novembre), — bouche ton tonneau.
goûte ton vin.
XXXIV . Per San t-Marti,
Semena, couqui.
Pour la Saint-Martin, — sème, coquin (hàte-toi d'ensemencer'
si tu ne Tas déjà fait ).
XXXV. Per Sant-Andrieu,
La lata sus Toulieu.
Pour Saint- André, — la perche sur l'olivier.
XXXVI. Per Santa- Lucia,
Lous jours creissou dau saut d'una pucia*.
Pour SaintP-Luce (13 décembre), — les jours croissent du saut
d'une puce .
* Variantes diverses :
De Sauvages, Dict, lang.^h. II,
p. 375, c. 1.
A iSant-Martiu,
Tapo tonn yin.
Àrm. prouv, (aqn. 1855, nov. )
A Sant-MartÂn :
Tapo ta bouto,
Tasto toun vin.
La BtAgcKi. prov., p. 9 :
A Sant-Martin,
Tasto tels vins
E tapo-leis.
* V. Garcin, Dict. prov.^ p. 345,
— J Duval, Prnv. pat,, p. 523; —
deiemb.: variant, peu import.
Garcin, Dict prot;., p. 346, c. 1 .
A Sant-SCaitin:
Tasto Ids flgoB,
Tapo tonn vin.
Àrm hourd, (ana. 1869, Dich. de
nowo,):
Sint-Martin:
Bonnde la tonne,
E firoQste tonn vin.
J. Duval, Prov pat., p 542 .
O Sont-Morti,
Tuo tonn pouorc et met l'anbo 61 toapi,
Tranoo ta pipo, bion tonn vi,
E couvido tonn vesl.
C. l;— Arm. prouv. ( ann. 1855, déc.);
Arm. hourd ; ann. 1869 ), Dich de
PROVERBES ET DICTONS POPULiURBS 619
II
Etat du ciel.
XXXVII. Roujéirola de la Sf^ra,
Bel tans espéra*.
Rougeur fhi soir, — attente de beau temps.
XXXVIII. Roujéii'ola dau mati,
PloJH 011 cami *.
Roujçeur du matin, — pluie en chemin.
XXXIX. Auba ferouja,
Vent ou plouja•^
Aube sanglante, — venl ou pluie.
XL. Lou céucle de Sant-Marti,
Quand pares lou vespre,
Ia)U pastre pot anji per lou carapestre.
* Ce proverbe et les deux qui suivent, avec leurs variantes, se retrouvent
partout. Judée, Évang saint Mathieu, XVI, 2 ; — pays basque, Ecosse,
France, Allemagne V. le Pays basque, par. Franc. Michel, p. 39.. etc.
L'abbé de Sauvages, t. II, p. 392, c. 2, et la Hugac^. prov., p. 90 :
Kouje de séro.
Bel tenti espéro.
Et Garcin, Dict. prov., p. 378, c. l, cette version remarquable par
sa poésie :
Rouje de sero,
Klanc ddu matin.
En lou jouman ddu pèlerin .
Il nous serait impossible de marquer les innombrables variantes de ce
proverbe. Nous renvoyons donc à de Sauvages, Dict, lang., t. II, p. 382,
c 2; J. Duval, Prov. pat., p. 506, et surtout à la Stat. de la France ^ qui
en <ionne une multitude de versions, p. cxxxi et suiv.
« De Sauvages, Dict. lang., t. Il, p. 392, c 2.
Uouje de matin.
Escoompisso lou oamin.
V. aussi la Hngad. prov., p. 90.
* V le proverbe cité. Saint Mathieu, XVI, 3;— var. insignif.. la Bugad.
pror., p. 63, et Bladé. Cont. etprw., p. 67.
620 blALECTKS MODERNES
Lo cercle do. Saint-Martin ( Tare -en-ciel), — quand il paraît le
soir. — lo pâtre peut aller (le lendemain ) par les champs.
Quand pares lou mati*,
Lou pastre pot mettre lou toupi.
Quant il paraît i»^ matin, — le pâtre peut mettre le pot au feu
( parce que le temps est pluvieux).
Le dernier vers est quelquefois remplacé par celui-ci *•
Prestes pas ta capa au vesi.
Ne prête pas ton manteau à ton voisin .
XLI. La luna era un vielh sourel autres cops :
Quand valé pas rès per lou jour,
La metterou per la nioch.
La luhe était un vieux soleil autrefois : — quand elle ne valut plus
rien pour le jour, — on la mit pour ( éclairer ) la nuit.
Il y a ici le reste de quelque ancienne croyance supersti-
tieuse.
III
Vents.
XLII. Arbounès,
Terrau es.
Le narbonnais (vent du sud-ouest) — est terrai (vent du nord).'
Le vent du sud-ouest tourne, en effet, assez souvent au nord-
ouest et au nord
XLIII . La tremountana,
Ni bona, ni sana.
La tramontane (;vent du nord-ouest), — ni bonne, ni saine.
XLIV. Lou grec,
Ploja au bec*.
Le grec (vent de l'est), — pluie au bec.
' Ce proverbe se retrouve en français et en basque. V. Pr. Michel, le
Pays basque, p 39. *
^De Sauvages, Dict. lang., l. II, p. 396, cl:
Vent grec,
Plejo aa bec
Pli! ) VERBES ET DlGi'OIsS POPULAlKBîS 621
Ce proverbe est très-exact. Lèvent grec est le plus humide
des vents de notre climat. Quand il persiste, il amène des pluies
continuelles et fatigantes par leur prolongation . D'où la com-
paraison suivante :
Es lourd couma très jours de grec .
Il est laid comme trois jours de grec.
IV
Météorologie locale
XLV. Quand vén avans Toussant,
Ven nôu cops Tan.
Quand il (l'Hérault) vient avant la Toussaint, — il vient neuf fois
dans l'année.
On dit chez nous : LErau est vengut, pour dire THérault a
débordé. On prétend que, lorsqu'il sort de son lit avant la un
du mois d'octobre, il déborde plusieurs fois dans Tannée. Je ne
me fais nullement garant du chiffre neuf.
XLV. ATressan,
Lou vent lai bat tout Tan .
A Tressai! , — le vent souflle toute l'année.
Tressan, commune du canton de Gignac, est situé sur un
tertre très-aéré, à 2 kilomètres environ de l'Hérault et au-
dessus de la route départementale de Gignac à Montagnac^
qu'il domine. Il j fait du vent presque toute l'année.
XLVI . A Aspiran,
L'er lai es san.
A Aspiran, — l'air y est sain.
Je ne m'inscrirais pas contre la vérité de ce proverbe, si les
émanations que les vents du sud dégagent du ruisseau de la
Garello, qui environne Aspiran de l'ouest à l'est, et où se jet-
tent toutes sortes d'immondices, ne le contredisaient de temps
à autre d'une manière très-manifeste.
t'tt2 DIALECTES MODERKKS
XL VII. Longa secada,
Longa plojada.
Longue sécheresse, — longue pluie .
XLVni. Una sasou
Val unafaicou*.
Une saison (de pluie) — vaut une façon (une culture).
11
PROVERBES SUR LES MARIAGES ET LES ENFANTS
XLIX . A vint e un,
Lou bon legun •
A vingt-un ans, — le légume est mûr (c'est-à-dire la fille est nn-
bile).
XL . De vint e cinq à trenta,
Lou premié que se présenta.
De vingt-cinq à trente (qu'elle prenne), — le premier qui se pré-
sente.
XLl . De trenta à quaranta,
Lou sen manca.
De trente à quarante, — le sens manque.
LU. Per Sant-Michel
Ce pus bel.
l^our la Saint-Michel (29 septembre^ — (on marie) ce qu'il y a de
plus beau.
Ne pourrait- on pas aussi expliquer ce proverbe par cette
considération que, à la Saint-Michel, le paysan étant sur le
point de vendre, ou même ayant vendu ses récoltes, peut,
mieux qu'à une autre époque de Tannée, célébrer des noces
riches et. brillantes ?
* Var. de Sauvages, Dicl. tany., t. II, p. 396, c. 1.
PROVJBRBBS ET DICTONS POPULAIRES 683
LUI . Al carnaval,
Ce que res noun val.
Au carnaval, — ce qui rien ne vaut
LIV . Per Sant Jousè,
Lousmichants sujets.
Pour Saint-Joseph (19 mars), — les mauvais sujets.
Il y a ici une intention malicieuse . On sait que les catholi-
ques ne se marient guère en carême, à moins d'une dispense
spéciale. L'auteur suppose que ceux qui ne veulent pas at-
tendre après Pâques ont quelques raisons de se hâter.
LV . Per Pasquetas ,
Las poulidas ûlhetas.
Pour les petites Pâques, — les jolies fillettes.
On appelle le dimanche de Pasqitetas le dimanche de Qua^
simodo .
LVI. Manjaran dins Toula
Ebieuran dins lou toupi.
Ils mangeront dans la marmite — et boiront dans le pot-au-feu.
Ce dicton est appliqué aux nouveaux mariés qui célèbrent
leurs noces un jour de pluie et sont censés faire leur repas
dans la vaisselle de la cuisine, n'ayant pu se procurer au
dehors un service plus élégant.
La superstition populaire voit un fâcheux présage pour les
«poux dans le mauvais temps survenant un jour de noces.
LVll . Veusa que se marida
Deu perdre lou veire e l'ausida.
Veuve qui se remarie — doit perdre la vue et Touïe.
LVIII . Pilha madura
Lou porta à la centura*.
De Sauvages, Dict. lang.. t. II, p. 381, c. l, et Garcin. D/d. prot?.,
p. 357, c. 1, donnent:
Fiho madnro
Porto l'enfant à U centaro.
ôti OIÀLKCTES MODERNES
Fille mûre — porte (l'enfant) dans sa ceinture; c'est-à-dire de-
vient bientôt enceinte.
LIX. Fenna muda,
Es pas jamais batuda^.
Femme muette — n'est jamais battue.
LX . Pi chot s e nfants ,
Pichots lais.
Urands enfants,
(irands lais.
Petits enfants. >— petits soucis. - (Irands enfants, — grands
soucis.
LXl. Qu*es fach quand nai,
Toujour le dura*.
Oe qui existe quand (l'enfant) naît — lui dure toujours.
LXIL Ce que ven de la capelina
S'en tourna al susaris.
Ce qui vi(Mit avec le béguin - ne s'en va qu'avec le suaire.
Les médecins ont plus d'une fois Toccasion de constater la
vérité de ces deux proverbes, à propos de certaines humeurs,
de certaines maladies constitutionnelles, qui bien souvent ac-
compagnent du berceau à la to be les sujets qui en sont at-
teints.
» De Sauvages, i)*c^ lang., t il, p. 381, à 1, donne:
Fenno mudo
Fougue jamais batudo.
11 substitue, p. 383, c. 2, lengo à fenno. V. Bladé, Cont. et prov, p. 81:
variant, insignif.
Le même proverbe se retrouve: J. Duval, Prov pat , p. 613, el la Ba-
gad. prov. p. 58.
^ Variâmes diverses do Sauvages, Dict. lang , t. II, p. 391, c. 2, et
Duval, Prov. pat , p. 598.
5 Variantes diverses, la Bugad. Prov.. p. 93. —De Sauvages, Dict.
larïff., t. II, p. 386, c. % et 393. 2. — Garcin, Dict. prov , p. 349, c.2.—
Duval. Prov. pat., p. 598 — Fonssagrives, le Rôle des mères, in fine.
PROVERRES ET DICTONS POPULAIRES 625
LXllI Que léu endenta
Léu desparenta *.
(L'enfant^ qui met bientôt des dents — quitte bientôt ses pa-
rents.
Je ne sais si Ton doit admettre la justesse de ce dicton,
d'autant plus que j'ai entendu dire tard desparenta,
LXIV. Dins lou jas et dins lou pis,
Tout se fai, tout se nourris*.
Dans le fumier et dans l'urine, — tout se développe, tout se
nourrit.
Absurde et dangereuse croyance d'après laquelle on laisse
les enfants au maillot macérer dans leurs ordures, au risque
de leur procurer des rougeurs, des excoriations et des refroi-
dissements qui peuvent être funestes. Les tétées de l'enfant
doivent être comptées, ses langées jamais. L'enfant doit être
changé chaque fois qu'il est mouillé ou sali.
LXV Un,
N'i a pas per cadun .
Un (seul enfant), — il n'y en a pas pour chacun (de ses parents).
LXVI. Dous,
On n'es pas jalons
Doux, — on n'est pas jaloux.
LXVII. Très,
La carii'a i'es.
Trois, — la charge y est.
LXVni. ' Quatre,
N'ia per se batrc.
<»)uatre, — il yen a ])0ur se battre.
* V. (le Sauvages, Dict. lang., t. II, p. 392, c. 1.
<^ne tard denta
Tard desparenta.
^ Do Sauvages, Dict. larKj., t. II, p. 172, c. t, donne:
Entre la merdo et lou pis,
Lou bel enfant se nouris.
4i
t]26 DIALBCTËS MODERNES
LXIX. Cinq,
Es un assassin * .
Cinq, — on est assassiné.
Il est impossible de traduire exactement en français cette
boutade languedocienne .
LXX. A la mina d'un capou,
Minça figura et lou quioul bou .
11 a la mine d'un chapon, — figure mince et les hanches fortes.
Se dit des enfants qui ont le corps bien développé, quoique
leur figure soit petite.
Divers
LXXI. Luna mecruda,
Fenna barbuda:
De cent ans, una*.
Lune de mercredi, — femme barbue, — (assez d') une en cent ans.
LXXII . Que de puta
Fo flahuta,
Tambourin n'a pas boun soun.
Qui se laisse conduire — par une femme de mauvaise vie — n'a
pas une bonne direction dans ses affaires .
Plus littéralement:
Si on laisse une prostituée — tenir la flûte (c'est-à-dire donner le
ton à Porchestre), — le tambourin n'a pas bon son.
* J. Duval, Prov. pat., p. 589, donne un très-curieux proverbe sur le
nombre des jeunes filles :
Dins un oustal, uno âlho, bravo filho ;
Douos filho, prou filho,
Très filho, trouop de filho;
Quatre filho e la maire,
Cinq diable countre un paire.
- Var. insign. de Sauvages, Dict. lang., t. 11, p. 384, c. 2. — Garcin,
Dict. prov., p. 357, c. 2, et p. 364, c. 1, et J. Duval, Prov. pat,, p. 602.
Entre le deuxième et le dernier vers, VArm. prouv., ann. 1855, p. 6,
intercale celui-ci: E auro bruno.
V. aussi Stat. de la France, p. cxxxi, c. 1, variant, (trad. en fran-
çais) de plusieurs départements du Languedoc.
PROVKKBliiS iili lilCTONS POPULAIRES ÔT
LXXIII . Be de puta ou de campana,
Jamais noun fleuris ni noungrana*,
Bien de prostituée ou de cloche — jamais ne fleurit tii ne fruc-
tifie.
On explique quelquefois :
Acquis par Tinfluence des femmes débauchées — ou des gens
d'église.
LXXIV . Que travalha pas poulit,
CaUque travalhe roussit.
Celui qui ne travaille pas quand il est jeune (élégant, joli) —
doit travailler quand ilest vieux (ridé, flétri). On dit aussi, et peut-
être avec plus d'exactitude :
Que travalha pas pouli,
Cal que travalhe roussi.
Qui ne travaille jeune (poulain) — doit travailler vieux (vieux
cheval, rosse*).
LXXV . Val mai una limauca
Quelou gril quand sauta.
Mieux vaut une limace — que le grillon quand il saute.
C'est la fable du lièvre et de la tortue •
^ GarciQ, Dict. prov., p. 348, c. 2, donne:
Ben de campano
Ni âoaris ni g^rano.
La Bugad. prov., p. 19:
Argent de f rômo e Boon de campano
Noun flouris ni grano.
De^Sauvages. Dict. lany., t. II. p. 375, c. 1, reproduit cette dernière
version, à peu de chose près. Il a, p. 375, c. 2, une deuxième version sem-
blable à celle de Garcin. Il donne aussi (môme page) cette variante :
Be raubà,
Se flouri^. jamaia nomi es griuià.
V. aussi J. DuvaU Prov. pal., p. 632.
« Variant : la Bugad prov., p. 79; — de Sauv., Dict. lang , t. II, p. 390,
c. î; — Garcin, Dict. prov., p. 384, 2; — Bladé, Cent, et prov., p. 82; —
J. Du val. Prov. pat., p. 565.
628 DIALECTES MODERNES
LXXVI . Que garda per el n'es pas pastre * .
Qui garde pour lui n'est pas berger.
LXXVII. Beraubat.
A pas jamais prousperat.
Bien dérobé — n'a jamais prospéré.
LXXVIil. Quau sap c^u'una cansou
N'a qu'un sou.
Celui qui ne sait qu'une chanson — n'a qu'un sou.
LXXIX. Lou pus sot
Es lou mort*.
Le plus sot — est celui qui est mort,
L XXX. Dominus vobiscum
A pas jamais patit ';
Et cum spiritu tuo,
Quauques cops.
Dominus vobiscum — n'a jamais manqué de rien ; — El cum spi-
ritu tuo y — quelquefois.
LXXXI. Ce du
Per Moussu ;
Ce mol
Per moun col.
Les morceaux durs pour le maître ; — les morceaux mous pour
mon gosier.
(Proverbe de domestique égoïste.)
* De Sauvages, Dirt. lawj., t. II, p. 385, c. 2, et Garda, Dict. prov.,
p. 353, c. 1 (avec uue var. insign.), donnent tous les deux :
Es pas pourquié quau soob porcs gardo.
'^ Garcin, Dicl. pror., p. 361, c. 2:
Leis plus urous soun aqueleis qu'escaponn.
'Garcin, Dict. pror.yp. 351, c. 2:
Dominus vobiscum
Es jamais mou art de fau .
Bladé, Cont. et proo.y p. 63, change le deuxième vers :
A pas janiès maiiosit d'aiTè.
J. Duval, Prov. pat.^ p. 631, donne la même version que celle recueil*
lie à iVspiraii.
PROVERBES ET DICTONS POPULAIRES 629
LXXXIl. Quand l'intei-és pares
L'amitié* t'ai de fuses.
Quand l'intérêt se montre, — ramitié s'enfuit (au plus vite).
LXXXUI. De las péiras de toun endrech
Bastis toun oustau.
Avec les pierres de ton endroit — bâtis ta maison
LXXXIV. Per vendemias,
Tout panié servis '-.
Pendantles vendanges, — tout panier sert.
LXXXVI. Que de res iioun so mescla
De tout a repaus '.
Qui de rien ne se mêle — de tout a repos.
LXXXVII. Entre la nioch et lou jour
Fa pas près de muralhas.
Entre la nuit et le jour — il n'y a pas de murailles
Le pajsan dit quelquefois, en allant se coucher :
Vau faire un trau à la nioch,
Per que lou jour se ie veje.
Je vais faire un trou à la nuit, — de façon que le jour se voie à
travers.
LXXXVIII . La pou garda las vîgnas * .
La crainte irarde les vip^nes.
LXXXIX. Aven travalhat per lou rei.
Nous avons travaillé pour le roi.
Les époux qui ont plus de garçons que de filles, et à plus
forte raison ceux qui n'ont que des garçons, s'appliquent ordi-
nairement cette locution proverbiale. Elle rappelle, d'une ma-
nière figurée , T obligation du service militaire qui devra in-
comber un jour à leurs enfants .
' C'est là un exemple des nombreux gallicismes qui défigurent trop sou-
v«mt le langage populaire.
^ Var J. Duvîtl. Prov. pat., p. 561.
^ V. de Sauvages, Dict. lang., t. II, p. 390, c. J .
* V. Gajcin, Dict. prov., p. 36Î, c 1, et Duval, Prov. pat., p. 637.
630 DIALECTES MODERNES
XC, Destrech au bren.
Large à la farina * .
Avare de son, — prodigue de farine.
On applique ce proverbe aux personnes qui dirigent lenrs
affaires avec une mauvaise économie : ménagères des objets
9ans valeur plutôt que de ceux qui ont du prix.
XCI . Dieu mentengue lou rebaladis
E lou que lou mena.
Dieu maintienne le train dépensier — et celui qui le mène.
Ce dicton a'toujours une acception ironique.
Adelphe ESPAGNE
Professeur agrégé A la Faculté de médecine de MontpeUicr.
Les divers proverbes qui suivent nous ont été communiqués
par M. C.-H. Ardouin, qui les a recueillis dans les environs
de Nîmes . Plusieurs d'entre eux sont de très- curieuses va-
riantes à ajouter aux collections de l'abbé de Sauvages et de
Garcin.
I. Quau a fan
Que travalbe .
Que celui-là qui a faim — travaille.
II . Quau dono e que levo
Lou diable bassélo.
Celui qui donne et (ensuite) retire — frappe le diable.
III. Quau f ai un bon repas
' Variantes peu sensibles : la Bugad. prov. , p. 40 et 93; — de Sauvages.
Dict. lang,, t. II, p. :I77, c. % et Garcin, Dict.prop.^ p. 363, et.
Cette location proverbiale est devenue un exemple populaire rimé (Du-
val, Prav. pat. y p. 606) :
Cbumo Jauo la veaino :
Amasso Ion hren. cscampo la fanno.
PROVERBES ET DICTONS POPULAIRES 631
Patis pas touto sa vido.
Celui qui fait un bon repas — ne souffre pas de la faim toute sa
vie.
IV. Source de jougadour :
Tantos joio, tantos doulour*.
Source de joueur: — tantôt joie, tantôt douleur.
V. Vôu mai sot que piniastre.
Le sot vaut mieux que Topiniâtre.
VI Mau avisa
A toujour de peno.
Malavisé — est toujours en peine (de tout).
Vil. Grand van,
Pichot cop.
Grand élan, — petit roup.
Vlil. Aussei que pieuto
Vôu quicon.
Oiseau qui piaule — demande quelque chose.
IX . Reinard que dor la matinado
A pas lou moure ploumous*.
Renard qui dort (pendant) la matinée — n'a pas de plumes au
museau (n'a pas fait do chasse).
X. Lou mau ven à quintau
* V. variante, J. Duval, Prov. pat., p. 597.
- De Sauvages, Dict. lang., t. Il, p. 392, c. 2:
Rainard que dor la matinado
N'a pas la gorjo emploumado.
La version deGarcin, Dict. prov., p. 378, c. 1, diffère pour le second
vers, qui est:
N'a pas la gouro emploumnssado .
On dit communément à Montpellier:
Rainard que dor la grassa matinada
A pas jamais la barba ounchada.
La version de J. Duval, Prov. pat., p. 560, est presque semblable à
celle de M. Aidouin.
63^/ DIALECTES MODERNES
E s'en vai à tarnau*.
Le mal vient à quintal — et s'en va par gros {ternaliSf latin) ^.
XI . Voulur (jue n'en raubo un autre
A cent ans de perdoun ' .
Larron qui en vole un autre — a cent ans de pardon.
XII. Per Pantacousto,
Lou pastre gousto
D'une cerieiro
Embè uno crousto * .
Pour la Pentecôte, — le pâtre goûte — d'une cerise — avec une
croûte (de pain).
XIII. Bos verd, fenno jouino, escoubo novo, paa caud,
Arouinoun Toustau *.
* De Sauvages; Dict lang., t. II, p. 384, c. 1 :
Lou mauvenù chival
B s'en tomo à ped .
La version de la Bugad* prov. est presque identiq., p. 65.
Garcin, Dict. prov^t p. 361, c. 1 :
Lou mau arribo en poeto
E s'en retonmo en tastounian.
«Ternâou: un gros ou une dragme, huitième partie de l'once. Le gros
pèse 3 deniers, et le^denier 24 grains. Dragme et scrupule sont termes de
pharmacie. En latin, ternalis. » (De Sauvages, Dict. lang.,i, II, p. 302,
c. 1 . ) — Le gros vaut quatre grammes .
3 Garcin, Didi. prov., p. 374, c 2 :
Qu volo un larroun
Q-agno soun pardouu. ^
La version de Monpellier est :
Voulur que n'en rauba un autre
Lou diable n<en ris .
J. Du val, Prov. pot., p. 635, a pour le second vers :
Nouostre Segne s'en ris.
♦ De Sauvages, Dict. Lang., t. II, p. 379, c. 1:
Entre Fascos e Pantacousto,
Fai toun dessert d'uno crousto .
Proverbe commun à tous les dialectes du Midi,
8 De Sauvages, Dict. lang., t. II. p. 376, c. 1:
Bos verd e pan caud
PROVERBES ET DICTONS POPULAIRES 633
Bois vert, — femme jeune, — balai neuf, — pain chaud, — rui-
nent la maison.
XIV. ^ A bon apetis
Cau pas sauço^
A bon ajipétlL — sauce n'est pas nécessaire.
Fan la rouino d'u» oustau.
Deuxième version empruntée à la Bugad. prov., p. 74 :
Pan frèsc, proun filho e bouosc verd,
Metoun l'oustau en en désert.
J. Duval, Prov. paL, p. 557 :
Boues vert e pa oald
Uestruisou l'oustal.
' Garcin, Dict, prov. , p. 346, c. t:
A ren
Noun fou sauço.
J. Duval ajoute, Prov. pat., p 556 :
Ni plat ]XT ou nietrc.
La Bugad. prov., p. 10 el 20 :
A bouen apetit
Noun fau moustardo.
Atfamat nouu vôu sauço.
Documents inédits pour servir à Fétude de la langue d'Oc
( !••• SERIE )
QUE i'a de NÔU
SOUS-DIALECTE DE MONTPELUER ET DE SES ENVIRONS
(1830 à 1840)
Le dialogue que Ton va lire est, comme la Font ptUanella,
déjà publiée dans la Revue des Langues romanes, Toeuvre d'Au-
guste Guiraud. Deux bonnes vieilles femmes, Tune, dona Dou-
meniqua, habitante du faubourg de Boutonnet ; Tautre, doaa
Rouberta, retirée à la campagne, s'entretiennent des* nou-
veautés de Montpellier en 1839*. A. Glaize.
DONA DOUMENIQUA
De qu'es aiço, dona Rouberta,
Dourmissés ? la porta es douverta.
DONA ROUBERTA (Elle s'éveille en sursaut, se frotte \m yeux
et reconnaît dona Doumeniqna)
Aco's VOUS? Ai ! m'avès fach pôu.
DONA DOUMENIQUA
Aici doun pot dintra quau vôu ?
DONA ROUBERTA
Un moumenet m' ère assoupida,
E me soui touta estrementida
D'avedre ausit parla quauqus .
Aici jamai vèn pas degus.
Que voulès que çai vengou faire ?.
Nous avons mis en italique les gallicismes les plus évidents.
QUE i'a de NÔU 635
DONA DOUMENIQUA
Se vei tant de causas, pecaire !
Que m'estounariei pas de rès.
DONA ROUBERTA
Que me countas aquesta fès ?
Fa bon brieu que vous ai pas vista.
E la grippa? a perdut la pista?
M'oublidet dins aqueste enclàu *.
DONA DOUMENIQUA
Tant mius ; faguet prou d'autre mau .
Fa d'aco.. (comptant sur ses doigt») dous ans 6 tresmèscs.
DONA ROUBERTA
Tout escas grelhavou lous pèses ;
Encara fasié raichant tens
E sen ara dins lou printens.
DONA DOUMENIQUA
Embè plesi me prene garda
Que ses toujour fresca e galharda.
DONA ROUBERTA
Manje dins mous quatre- vint-dou s;
Mes sentisse as desnousadous
Que dansariei pas la bourreia.
DONA DOUMENIQUA
Degus vous dirié pas tant vielha ;
Ses pas tant frounsida que ièu :
Es as laguis qu'aco se dèu.
Lou benestre es à la campagna
E dins las vilas lamagagna.
DONA ROUBERTA
Fau prene tout coume Dieu vôu.
Anfin, que me countas de nôu ?
* Allusion à un antre dialogue du môme auteur, entre les mômes per-
sonnages, sur l'épidémie de grippe de 1837.
636 DIALECTES MODBUNES
DONA DOUMENIQUA
De nôu ? N'auriei tant à vous dire
Qu'a pènaun jour pourrie suffire.
Mountpelhé se counoui pas pus :
Tout es virât dejout dessus.
Traucou partout e desmoulissou
E pertout aderè bastissou.
D'un vielh casau, ce que s'i' wi*,
Dirias qu'es lou palai d'un rei*.
Lous maçons n'an pas tens do mola
DONA ROUBERTA
Rampliran be sa dinieirola !
DONA DOUMENIQUA
Se vesias lou Peirou. . . . boutas !
De suspresa aqui badarias.
Aco's un parterra, ma filha I
Touta mena de flous iè brilha;
L'iol e lou nas ne soun ravits.
Ce que lou mai vous enclausis
Es aquel gros chival de ferre
Que dins Paris soun anats querre
E qu'an quilhat au bèu mitan.
Porta lou roi, que dins sa man
Ten un bastou. Soun er barbara
Sembla que vous dis : Gara ! gara !
DONA ROUBERTA
Ai vist l'autre «. Saique belèu
Pot pas n'i' avedre de pus bèu.
'-' Rimes inexactes.
3 La slatue de Louis XIV, qui se trouvait au Peyrou à la fin du dernier
siècle, ol qui fut détruite pendant la Révolution.
QUE i'a de NÔU 637
DONA DOUMENIQUA
Aquela resoun es la mieuna ;
Mes, se sap, chacun à la sieuna.
Se dis qu'aqueste cavalié
Es plantât un pau de coustié,
E qu'es assetat sus la sela
Couma n'es d'una cabussela
Que tapa pas ben sountoupi.
L'un tout naut vous vèn escoupi
Qu'a l'er noble, la faça humèna,
Mes qu'es vestit à la roumena^
E qu'aco's pas un rei françès.
L'autre repren : S'antau l'an mes
E s' an chanjat soun abilhage,
Aco's per moustrà soun courage.
DONA ROUBERTA
Digas, porta las pxrs de lis'i
DONA DOUMENIQUA, hésitant
N'ou save pas
DCNA ROUBERTA
Lous abestits 1
Coussi counouisse un rei de Franca
Se porta pas soun ourdounanca ?
DONA DOUMENIQUA
Aquel dis: Lou chival es court;
Soun croupioun es trop magre ; es lourd.
L'autre, per planta sa cabilha.
Dis : Soun antau dins l'Arabia.
Deçai, délai, pertout s'enten
Faire quauquo resounamen.
Voja, cridava una filheta,
(.'ouma porta en l'er sa cougueta!
Sembla qu'a besoun de quicon :
&^ DIALECTES MODERNES
Tout lou mounde riguet de bon.
Nostra lenga es lèu boulegada ;
Au chival couma à la bugada,
Chacun vôu mètre soun petas. ,
Mes tout aco n'empacha pas
Qu'es un bèumoucel, se pot creire.
DONA ROUBERTA
L'autre valié mai, sans ou veire.
DONA DOUliENIQUA
loi tant travalhou lous esprits
Que tout enfin se descouvris.
De que dirias, dona Rouberta,
D'una nouvela descou^erta
Qu'a chacun permet en tout lioc,
Quand on vôu, d'avedre de fioc?
DONA ROUBERTA
Aco 's pas malin, malapesca !
Un briquet, una peira e d'esca,
Pin, pan, una alumeta. . . es près.
DONA DOUMENEQUA
Parés de tout aco, parés.
DONA ROUBERTA, riant
M'anas counta quauqua banbocha V
DONA DOUMBNIQUA
Lou fioc se porta dins la pocha ;
Sans peira, amadou, ni briquet,
Lou fioc pren couma emb'un luquet.
Ë dins aquesta circounstença
Vau VOU 'n faire Tesperiença.
(Elle brûle quelques allumettes à la Congrèvo.)
DONA ROUBERTA, étonnée
Ou vene de veire, aco 's vrai.
QUE VA DE NOU d39
Quau, diansis ! a trouvât lou biai ?
Ai! dcque Tome s'imagina !
Es coumoda, aquela machina.
Al ! quante autis endustrious !
DONA DOUMENIQUA
Aici quicon de pus curious :
Per ordre de lou que gouverna,
Lou souer s'aluma la lanterna
Plaçada dins chaque quartiè
Per esclaira tout Mountpelhè.
DONA ROUBERTA
Eh be!
DONA DOUMENIQUA
Tout vai chanja de moda:
Seguiran una autra metoda :
Pas pus d'oli per la garni,
Pas pus de mechas a fourni.
DONA ROUBERTA
Farès couma on fai d'ourdinari,
Chacun aura sou luminari.
DONA DOUMENIQUA
Nani; las lampas brularan
E partout nous esclairaran.
DONA ROUBERTA
D'un lun sens oli, quau pot veire?
Anen, acose pot pas creire;
Me facissès, ou vese prou.
DONA DOUMENIQUA
Sans oli, mecha, mecheirou,
La lanterna ben alumada
Esclairarà touta Tannada
640 DIALECTES MODERNES
(Noun pas lou jour, mes dinsla nioch)
Coume lou sourel sus un pioch !
DONA ROUBERTA
Tè, veja ! me la dounas bêla,
Suffis d'i mettre una candèla.
DONA DOUMENIQUA
Nani ! vous dise una autra fès;
Ni cira, ni graissa, pas gès.
DONA ROUBERTA
Ses toujour una badinaira.
DONA DOUMENIQUA
Soui pas encara repapiaira ;
Vous parle de tout moun bon sen.
DONA ROUBERTA
Bénit siè lou que vous coumpren I
leu, que soui de la vielha estofa,
Pode pas estre fisalofa.
Dieu gardava à nostres enfants
Mai que nautres d' estre savants ;
Save pas se seran pus sages,
leu m'en tene as anciens usages ;
Jusqu'ara, quand vole delun,
lè mette d'oli per ounchun;
E s' un paù trop la jarra baissa,
Emplègue de cira ou de graissa,
E, quand moun fioc es damoussat,
Pratique Tusage ensegnat.
Mes enfin, s' aiço's pas per rire,
Espère que voudrès me dire
De qu'es aquel tant grand secret.
Anen,-digas-m'ou, si vous /)laît?
Leva-me d'aquelas entravas.
QUE i'a 1>B NÔU tU\
DONA DOUMiENIQUA
Avès doun prou manjat de favas?
Ëh be! dounas la lengaau cat.
Lou secret m'es pas esplicat
E lou counouisse pas encara,
Mes dirai ce que se prépara.
An fach un vaste magasin
Ount an crusat un grand bassin.
Aco 's aqui que se fabrica
Certèna matieira magica,
C'ertèn quicon. . ., devignas-ou,
Que porta lou noun de vapou.
D'aqui, jout terra, per la vila,
Dins de canaus la vapou fila,
Jusqu'à Tendrecli ounte es plaçât
Lou réverbère destinât.
<>)uand sera plè, chaque alumaire,
Lou souer ne farà soun afaire.
le mettra fioc, veiren de fun,
Un moument après un grand lun.
DONA ROUBERTA
Aco sera, s' aco pot estre.
Au resta, de tout Dieu-s-es mestre.
Se nous avié pas res après,
Saique encara sauprian pas res.
Lous anciens qu'apelou talosses
Manjavou de fruits, de calosses,
E pourtant YiYien fort longtens,
Sans sf^ plani d'un mau de dents,
iious de ici soun friands, pecaire!
E per aco vivou pas gaire.
(Ju savès, i'a pas pus d'enfants;
Tanlèu naissou, soun déjà grands.
Sîivou tout, soun pas vergougnouses :
Siive pas se soun pus urouses.
42
(54? UIALECTUS MODKRNKS
Ëren milhou dau tems passât;
Ara lou mounde es renversât.
DONA DOUMENIQUA
Vou'n souven, quand eren pichotas,
Coussi risian d'aquelas botas
Que, dins un quart d'oura e demi,
Fasien sèt legas de cami ?
DONA ROUBERTA, réjouie
Ë la perruqua de faïança,
Que fasiè traversa la França,
E n'é fasiè faire lou tour
Dins lou soûl espaci d'un jour ?
DONA DOUMENIQUA
Prenian aco per de sournetas !
Jujas, d'après las alumetas,
De ce que Tesprit ven à bout ?
Escoutas-me, n'ai pas dicb tout :
Ce qu'autrasfès era de fablas
Es loi de causas veritablas;
L'orne es tant artificiel
Qu'anarà sans escala au cieL
Aco's una facoun de dire.
DONA ROUBERTA
Ou pense ; que dirias de pire ?
Fau be que ce qu'on vanta tant
Siéje poussible cependant.
DONA DOUMENIQUA
De que dirias, dona Rouberta,
D'una autra granda descouverta,
Qu'attira dedins Mountpelhè
Lous estràngès de tout mestiè ?
Quand an ben vist, an pena à creire
La causa que venou de veire.
De que dires?
QUE î'a de NÔU 613
DON A ROUBERTA
De que dirai?
Suivant ce qu'es, vous respoundrai.
Fa fossa causas que susprenou,
Per ce qu'on sap pas d'ounte vènou.
Qu'es aquel afaire nouvel
Que tarabusta lou cervel ?
A vous entendre, sen tournadas
Au tens ounte vivien las fadas :
D'una amelana sourrissiè
Un prince, un castel tout entiè.
loi, per adressa ou per grimaça.
Se fai de tours de passa-passa ! . . .
Se vei tant de falibustiès
Que se fan passa per sourciès.
Mes enfin, dins aqueste empèri,
Digas-me qu'es aquel mistèri.
DONA DOUMENIQUA
Es de veire un grand caroussin
Que, sans chival, marcha grand trin.
DONA ROUBERTA, riant
Oh ! per lou cop, n'en croucas una,
Qu'embè ieu farà pas fourtuna.
Aquela, segur! crema au lun.
Se prétendes faci quaucun,
N'es pas la tilha de ma maire ;
Dounarai pas dins aquel caire.
DONA DOUMENIQUA, animée
Quatre mila amas que Tan vist
Vous soustendran aquel avis.
Aco's un certèn équipage
Que n'a j)as besoun d'atalage.
Oui, oui, sans chivals.
d44 DIALECTES MODERNES
DON A ROUBERTA,
Un moumen !
Encara ai prou de jujamen
Per counfoundre aquelas babiolas.
S' es pas de chivals, Ta de miolas,
Ases, biôus, tout aco's égal ;
Touta bestia n'es pas chival !
De que dises de ma replica?
DONA DOUMENIQUA, piquée
Que per s'entendre Ton s'esplica.
DONA ROUBERTA
Saique vous ai parlât prou clà.
DONA DOUMENIQUA
A moun tour laissa-me parla :
Vous dise qu'aquela voitura
Vai touta soula, sens mountura,
Sans gès de mena de bestiau ;
L'an fâcha esprés per estre antau,
£ tout lou mounde que Ta vista
Jurarà qu'es antau qu'esista.
DONA ROUBERTA
Se vai per aiga, es diferen ;
Es una barca, ou'n bastimen.
DONA DOUMENIQUA
le tau de terra, amai ben dura ;
Marchariè pas dins la moulura,
S'arrestariè dins un fangas. .
Aici ce que n'es, escoutas :
Imagina-vous una massa,
Un cors d'una granda carcassa ;
Sa figura es un long carrât
De boi soulida e ben ferrât ;
Es pourtat sus de grossas rodas.
QUE i'a de NÔU 645
Ben ceucladas e ben coumodas.
Aco's lou chef dau batalhoun.
Save pas ben quante es soun noun.
Es el que dins sa larja pansa
Rescond touta la manigança.
DON A. ROUBERTA
Ai déjà pena a vous sèsi ;
Coumencas de m'embalausi.
DONA DOUMENIQUA
Encara aeo's pas rès, patiença!
Aquela grossa diligença,
Per lou mouien de forts crouchets,
Enrabala tout à la fès :
Vint, trente, cinquante voituras
(Remarquas que soun sans mounturas),
E, suivant lou pès e las gens,
S'en pourrie mètre quatre cents.
Chacuna porta vint persounas
Per lou men, e semblou bessounas :
Quau vei Tuna, vei Tautra en tout,
Despioi Tun jusqu'à l'autre bout.
DONA ROUBERTA
Aco broulha un pau ma cabossa,
Mes me pense que, se ni'a fessa,
Aco deu faire un famous pès !
Quatre cents carris à la fès !
DONA DOUMENIQUA
E s'ou falhé s'en metriè mila.
Toutes attalats a la fila.
Toutes renjats au courdelet
Couma lous grans d'un chapelet.
DONA ROUBERTA
Ai ! moun Dieu ! ma closca se vira !
M^s Hifras-me donne quau lous tira i
646 DIALECTES MODERNES
DONA DOUMENIQUA
Esperas-vous, n'ai pas finit.
DONA ROUBERTA
Sarnipà ! que Dieu siè bénit !
Me fasès nousà la cervela.
DONA DOUMENIQUA
Après touta^aquela sequela,
Suivant lou mounde e lous besouns,
Vèn ce qu'appèlou lous vagouns.
DONA ROUBERTA, snrj.n.-e
Qu'es aco, dona Doumeniqua?
(Riant) Saique una lanterna masica?
DONA DOUMENIQUA
Aco 's un carri descouvert
Ount on respira lou grand er,
Ou, pulèu, de grandas remisas
Per lou puple e las merchandisas.
r anarié cent mila quintaus^
DONA ROUBERTA
Quan i' anarié cent mila oustaus,
Aco *s pas ce que me tracassa;
Pioi qu'aves dich, se vou 'n souvèn^,
Que vai vite couma lou ven*!
E per un tant grand équipage ,
De que pot servi d'atalage?
Anfin, parlas, esplicas-m'ou ?
DONA DOUMENIQUA, gravement
Souvenès-vous de la vapou.
DONA ROUBERTA, dépitée
Recoumencas vostras sournetas !
' Rimes inexactes.
QUE l A DE NOr ê\l
Vous acorde las alumetas;
Mes la lanterna, lous vagouns,
N'entende pas gès de resouns.
DONA DOUMENIQUA
Poudès creire ce que vous dise.
DONA ROUBERTA, en colère
E coussi voulès que me fise
A de cracas, à de cansous?
DONA DOUMENIQUA
Se savias que soun las vapous !
DONA ROUBERTA
Vostra vapou me de varia.
Oh ! seriei be de Betania,
De creire ce que me dises.
(Elle se radoucit)
Mes me fâche pas. . . se risès ,
Riguen. Digas ! tant d'embarasses,
Quand de cami fan? Quatre passes?
DONA DOUMENIQUA, sérieusement
Lou trin partis de Mountpelhè,
E sans gès de cavalariè,
Arriva dins lou port de Ceta
Au pus tard dins la miech-oureta ;
Aco se fai très fes per jour.
Darieiramen, sus lou miech-jour,
Très cents persounas partiguèrou
E dins dos ouras revenguèrou,
Amai dins Ceta avien dinnat.
DONA R0UBP:RTA, «e moquant
Anen ! anen! buffa, Bernât!
Monta sus Tase e veiras Ceta.
DONA DOUMENIQUA, irritée
Sentisse que moun sang s'espèta !
(548 DIALECTES MODEREES
N'(^s pas ieu soula qu'où dirai !
Mes per soustène qu'aco 's vrai
A.urès lous très quarts de la vila,
E d'estrangès mai de dous mila.
Quau fai anà 'co? La vapou.
Desoublidave ce milhou :
Lou cami, sauprès qu'es de ferre.
DONA ROUBERTA
De ferre, dises ! Vai te querre !
E va-t'en voir si btene, Zenn I
DONA DOUMENIQUA
E de la larjou de la man.
An pratiquât una rigola
E per mouien d'una virola . .
DONA ROUBEUTA, iaterrompant
Sen amigas; nous broulhen pas
Rûssirès pas à me troumpà .
{ Confidemment)
Ou, se voulès que vous ou digue.
Ai pôu que lou mounde linigue.
Vostras vapous, vostres vagouns.
Tout aco 's Yubra das demouns.
Pensas-ti lou crestian capable
De faire un miracle semblable ?
DONA DOUMENIQUA
E se Nostre-Segne ou permès?
Venès à la vila, ou veirèa.
DONA ROUBERTA
le vendrai.
DONA DOUBfENIQUA
E quoura?
DONA ROUBERTA
A las ôgas.
Seguen toujour bonas amigas.
QUE i'a de NÔU 649
DONA DOUMENIQUA
Adessias î prenés souen de vous.
DONA ROUBERTA
Me souvendrai de las vapous.
(Elles se quittent)
A. GUIRAUD.
GRAMMAIRE LIMOUSINE]
CHAPITRE SIXIEME
ACCIDENTS DIVERS DES CONSONNES
SUPPRESSION ET ADDITION; — COMPENSATION*, — ACCOMMODATION; —
MÈTATHÈSE
Comme nous l'avons fait pour les voyelles, nous consacre-
rons ici un chapitre supplémentaire aux divers accidents
éprouvés par les consonnes, dont nous n'avons pas traité en-
core ou dont nous n'avons parlé qu'accidentellement, d'une
manière incomplète, et sans la suite et l'ensemble néces-
saires.
I. — Suppression de consonnes
A. — Aphérèse. — Cet accident, ordinaire à l'a, comme on
l'a vu, mais que les autres voyelles n'ont subi qu'exception-
nellement, atteint assez rarement les consonnes.
Le p de ptisana et de psalma est tombé, dès le temps de
l'ancienne langue, en vertu d'une règle générale qui sera
énoncée plus loin. Le g de grundire a également disparu, dès
lors, bien qu'aucune loi phonique ne l'y contraignît, puisque,
au contraire, nous avons vu le g normalement appelé devant
r, dans granoulho. Après ces exemples, je citerai les deux sui-
vants, qui paraissent plus particuliers à notre dialecte : Uro =
glirem ; — eirisseû = petroselinum (pr. peiressil) et certaines
prononciations rustiques et mangées du pronom vou, où le v
disparaît, phénomène inverse de celui que nous avons con-
staté ci-dessus à l'article de l'A.
Dans quelques mots, l'aphérèse atteint non-seulement la
consonne initiale, mais encore la syllabe entière. Ex.: lûto =
àeluto (fr. bluette), dissime -^ iv, grandissime, La seconde syllabe
GRAMMAIRE LIMOUSINE 651
a même disparu avec la première dans morfàusâ = fr. meta*
morphoser.
B. — Syncope. — Il faut distinguer trois cas ;
a, — Consonne simple entre deux voyelles. — En pareille po-
sition, le d est la seule muette dont la chute, dans notre dia-
lecte, soit constante. Cela vient, je suppose, de la répugnance
que nous avons à l'affaiblir en z, car, au lieu de tomber, les
autres muettes à qui cela reste possible se bornent en gé-
néral à s'affaiblir. C'est ce qu'on a vu pour les fortes c, t^, p,
et même pour les douces g et b. Mais ce sont celles-ci natu-
rellement qui devaient présenter et qui présentent en effet le
plus grand nombre d'exceptions. (Voir, pour les développe-
ments et les exemples, le chapitre V ci-dessus, l""®, 2« et 3®
sections.)
La syncope des liquides et des spirantes est rare et excep-
tionnelle. Ex . : recheivâ = pr. recalivar, hiasso =*bisaccia.
C'est le V qui en présente le plus grand nombre d'exemples.
Même, pour cette dernière consonne, la règle est qu'elle
tombe entre 2 et a. C'est ce qu'on voit dans j&ïb (dent de peigne
ou de râteau) = pr. piva et dans les imparfaits en ta, où le v
disparu n'était, d'ailleurs, qu'un affaiblissement du b latin des
flexions ebam^ iebam, remontant jusqu'au latin vulgaire.
b. — Groupes de deux consonnes. — Tout couple de con-
sonnes dont la première est une muette, et la seconde toute
autre qu'une liquide, se réduit à l'unité par l'élimination de la
première^, lorsqu'il n'y a pas eu vocalisation de celle-ci. Ex.:
october, otobre ; — september, setembre; — iielectare, deletâ; —
adversarnus, aversiè^; — debfijtum, dete;^r' vidva, vevo; — gau-
dJŒj jôyo; — infectio, infect; — et de même dans les mots
empruntés au français, si la première des deux consonnes est
• T est exceptionnellement tombé dans miallio {meallia) =■ metaUa,
mais après s'être préalablement changé, en d.
* La chute des muettes, en pareille position, a lieu aussi en initiale,
comme on Ta vu ci-dessus dans tisane, saume = ptisana, psalma.
^ Le diable, comme en vieux français.
i*.r>2 DIALBCTES MODBRNBS
une muette forte, tels que nciden = accident, adotà zs^adoptei*.
Si <*<ette première consonne est une muette douce, on aime
mieux ({uolquefois insérer une voyelle (e) entre elle et la sui-
vante, pour éviter leur concours, que de la laisser tomber.
Ex.: ademirable = admirable. Cette prononciation est con-
stante chez les paysans, et tout mot français qu'ils adoptent
doit se plier à ces lois.
Quand li^s deux consonnes qui se suivent sont les mêmes,
la règle s'applique également et, ici, sans distinction de clas-
ses, c'est-à-dire que les spirantes et les liquides s'y confor-
ment comme les muettes. Ex.: ^^ussay rousso (on ne fait sonner
qu'une 8); — terra, têro^ ; — gutta, gouto; — pulla, poulo; —
medulla, meulo; — bella, héio; •- anguilla, anguilo; — mappa,
ndpo ; — flamma, fldmo '.
Les couples composés de ;< et d'une autre consonne se ré-
duisent presque toujours à l'unité par là chute de !'«. D'autres
fois aussi, comme on l'a vu ( chap. V, section II, «S ), les deux
consonnes persistent toutes deux. C'est la règle à Tulle et
l'exception à Limoges.
Pour les couples dont la première consonne est une liquide
ou une nasale, voir la section IV du précédent chapitre, parti-
culièrement les articles de / intérieur et de n intérieur.
Les couples dont la seconde consonne est une liquide ou la
nasale n, et dont la première ne s'est pas vocalisée, persis-
tent, sauf à changer en r / ou n, si ces consonnes sont anti-
pathiques à la premièie. (Voir le chapitre précédent, sec-
tion IV., Quelquefois aussi ils se réduisent à l'unité; mais
alors, contrairement à la règle générale, c'est la seconde et
non la première consonne qui tombe, et cela s'explique facile-
ment par sa moindre consistance. Ex.: plorare^ purâ ; — plia,
pu; — fr. plaît'il?, peti? ; — prestre, pètre ; — clavicula,
chavilho : — laînfijna, lâmo; — domfijna, ddmo.
^ C'est la prononciation de Nontron, mais elle n*est pas gônôraJo. Plus
bas, fiar exemple à Ribérac, ob continue de faire sentir les deux r dans
ce mot et dans Ips semblables.
' Exception : annado {■=■ -^ annota), dont l'a initial est resté nasal.
GRAMMAIRE LIMOUSI^E 653
Le même mode de réduction a été appliqué exceptionnel-
lement à deux couples inversement composés ( rv et nd) dans
gara = vervnctum ( pr. garag ), et dans prenei, reipounei =
prenderCy respondere. Contrairement encore à la règle géné-
rale, le V { OMU consonne) tombe souvent après t et 5, comme
nous avons vu ci-dessus (chap. V, 3*" section) qu'il le fait tou-
jours après g et q. Ex. : futuere, foutei: — sua, sa,
c. — Groupes de plits de deux coiisonnes, — La dernière
consonne d'un groupe persiste, et c'est d'elle que dépend
la chute ou le maintien de ravant-dernière. Celle-ci, à son
tour, si elle a pu se maintenir, exerce sur l'antécédente la
même action souveraine et ainsi de proche en proche. La
règle générale qui régit les groupes de deux consonnes s'ap-
plique donc aussi aux groupes d'un plus grand nombre*. Il
suffit de les diviser par couples successifs, en commençant par
la dernière et en considérant chacune des autres tour à tour
comme la première d'un couple, et, si elle est maintenue,
comme la seconde d'un autre couple. Soit, par exemple, um-
hra. Nous avons d'abord br, qui, d'après la règle, persiste ;
puis mb, qui persiste également. Umbra donne donc réguliè-
rement oumbro. On décomposera de même le groupe sbtr de
presb(y)t(e)rum Qïi tr, qui persiste; bty qui se réduit à ^; 5^, qui,
à Nontron, dans ce mot. laisse tomber l's, et l'on aura/)^^'e.
Autres exemples : hosi){i)'ale :pt se réduit à ^, «^ persiste ; donc
ousfau: — nlterum : tr persiste, / devant / se vocalise: donc
autre; — ordfijnem : d persiste, moyennant que n consente à
se changer en r, rc? persiste ; donc ordre; — marmfojr: r ne
souffrant pas devant soi de nasale, 7n, pour éviter la chute,
se change en /a rb persiste ; donc marbre ; — monstrare : tr
persiste, ,s-^ persiste, ma se réduit à .s; donc mostrar (pr. ), à
Nontron montra, par réduction subséquente de la forme pro-
vençale.
' Elle y est aussi naturelleraent sujette aux mêmes exceptions. Ainsi
/ lombo dans sangu =.pr. sanghit {singultus). comme dans purâ t=
plorare : v tomoe <ians cmiseï :=. consuere, comme dans foutei = futuetê.
6'A DIALECTES MODEHKES
C. — Apocope. — Les mots latins, dans leur passage en
langue d'oc, en perdant, quand il y a eu lieu, leur voyelle
désinentielle, avaient conservé intactes leurs consonnes finales,
tant radicales que flexionnelles*, excepté le m, déjà oblitéré,
d'ailleurs, en latin vulgaire, de l'accusatif singulier. Ces con-
sonnes, il suffit ici de le rappeler, sont toujours tombées en
limousin^ sauf les liquides et les nasales, dans les cas et sons
les conditions déterminés dans la section IV du précédent
ciia])itre. Lorsqu'il y en a plusieurs à la fin d'un mot, elles
tombent toutes, à moins que la première ne soit liquide ou
nasale, auquel cas celle-ci persiste, toujours sous les condi-
tions déjà déterminées. Ex.: temps, tem; — corps, cor; — es-
sartz^ eissar; — /b?*w, four; — serps, ser; — est, es, et; — sept,
set, se.
Remarquons ici que la consonne radicale (la dernière, quand
il y en avait deux), supprimée ou vocalisée à la fin des mots,
reparaît dans la dérivation ou dans la flexion, sauf à subir, s'il
y a lieu, les affaiblissements imposés dans le corps des mots
' 11 faut excepter quelques mots proparoxytons, dans lesquels, contrai-
rement à la règle, la pénultième voyelle ayant été maintenue, la dernière
a entraîné dans sa chute la consonne antécédente. Tels sont: orfe = or-
phanum, orgue = oryanurrif ias)sale ~ salicem^ pâle = pcUlidus. are =
horridus, lebe - tepidus. Mais peut-êlre3 en de pareils mots la règle violée
est-elle moins celle qui prescrit la chute de la pénultième voyelle atone
que celle qui régit les groupes de consonnnes: râfe^ par exemple, repré-
senterait dans ce cas, non rapha(num)f mais raph(a)num, rafne, dont
in, au lieu de persister eu se transformant en r, comme dans oôfre
(coph(i)num), ou en imposant la chute à la consonne précédente, selon la
règle générale , comme dans jaane --- gaib(i)num), serait elle-même
tombée.
^ L'apocope a même alLeinl, dans notre dialecte, la syllabe finale entière
de quelques mots, dont la dernière voyelle, conformément aux lois pho-
niques, avait persisté dans la langue classique. Ex.: pai. maif frai*]^
paire, maire, fraire, qui. du reste, se disent aussi en quelques endroits. De
même, eicri deitrui, î)1us usités que les formes complètes eicrirBf deitruire,
* On trouve déjà /ra/ dans l'ancienne langue, h côté de fraire et d'une troisièine
forme /rar. Cf. faire et far de/acere. Ponr ce «lemier mot, c'est /or, réduit, edonla
règle, k/â, qui a prévain à Nontron.
URAMMATRB LIMOUSINE 655
aux consonnes de son espèce. Ex,: peu (pel),pelâ; — blan, blan-
cho; — ver y verdo (ou verto)\ — poû (pultemj eipontî; — gru
fgranumj, engrund ; — gran, grando; — eue (pr. cuech), cuecho.
Lorsque la consonne finale était Tune des deux mouillées,
Ih ou nh, elle reparait également dans son intégrité, et pour
cela reprend à la voyelle antécédente ce qu'elle lui avait prêté
d'elle-même, pour la diphthonguer seulement si elle était Ih,
pour lui donner de plus le son nasal si elle était nh, en sorte
que cette voyelle redevient simple et pure. Ex.: trahalh, trabai,
trabalhâ; — jinolh, janouei, janoulhâ ; — besonh, besouenei be-
soun, besounho.
C'est ici le lieu de parler des liaisons. Notre dialecte en a
peu de souci, ayant au contraire, comme on Ta vu, un goût
prononcé pour Thiatus. Aussi n'est-ce que par exception, dans
des cas rares et particuliers, qu'on voit reparaître dans la pro-
nonciation une consonne finale devant la voyelle initiale du
mot suivant. Les consonnes qui, absolument oblitérées ailleurs,
reparaissent ainsi dans certaines positions, sont d, t, s, z, /et w.
Le d de la préposition ad reparaît devant quelques mots,
tels que un, aqueû : ad uno fenno, ad aqueû pri ; mais cela n'est
ni général ni constant.
T final reparaît, à la troisième personne du singulier et du
pluriel, dans les verbes, devant les pronoms personnels mas-
culin et féminin eu et elo, à la fin de net (noctem) dans la locu-
tion net e jour, dans les noms de nombre set^ huet *, vint, cent,
devant deux ou trois mots seulement, tels que an^ out% dans
tout, devant toutes les voyelles, et encore accidentellement à
la fin de quelques autres mots, tels que petit, tant, quant.
S final reparaît, mais en prenant le son de z, entre les pro-
noms nous, vous, et le pronom en dans les locutions nan-nous-
en, nd-vous-en (fr. allons-nous-en, allez-vous-en *.)
' Dans certains lieux où la forme huech a prévalu, le ch reparaît égale-
ment en liaison.
' Kl bas limousin, Vs rie rarticle pluriel, masculin et féminin, reparait
aussi en liaison 11 on est de môme dans certaines parties du Périgord.
Mais cela n'a li^u ni à Nontron, ni en haut limousin.
Ô56 DIAI.BCTKS MODERNIiîS
Le 2 anal de diez (detz) reparait dans les noms de nombres
composés dieZ'ue, diez-e-nôu (18, 19) et devant an et ourà.
Un de un, de ôoun et des pronoms moun, toun, soun, reprend
devant tous les mots à voyelle initiale une existence réelle
pour se lier à eux, et la voyelle antécédente de nasale redevient
pure. Ainsi mm âme, boun ami, moun efan^ doivent être pro-
noncés u-nômCf bou-nami, mou-nefan.
Ul du. i^ronom (a)quel, vocalisée enu partout ailleurs, reparait
en liaison devant les voyelles : quel âme, quel efan. Il en est de
même, mais non pas constamment, de 17 des pronoms tal,
qual^ et plus rarement encore de celle des adjectifs soul^ bel.
Remarque. — On constate dans certaines locutions très-
usitées quelques suppressions de consonnes, soit initiales, soit
finales, mais qui ont plutôt le caractère d'une syncope que celui
d'une aphérèse ou d'une apocope, parce que le mot qui les
subit paraît toujours, dans la prononciation, n'en former qu'un
avec celui qui le précède ou celui qui le suit, quelquefois même
avec tous les deux. La chute de la consonne rend Tunion plus
intime encore, grâce à la contraction qui s'ensuit. Elx.: sisset'
eu = se disset-eû ( fr. dit-il); — dueinan = d'uei en un an (fr.
Can prochain ) ; — peino {poueino ) = pouen uno ( fr, pas une)*
J'ajouterai, comme autre exemple de contraction violente, bien
qu'ici la consonne disparue fût intérieure, la locution dabouro
=• de bouno ouro (fr. de bonne heure ).
tl. — Clompeiisatioii
4 Ce phénomène constitue une sorte de balancement orga-
nique. Les voyelles radicales sont sujettes à s'affaiblir par
compensation devant des suffixes chargés et pesants^. Réci-
proquement, les voyelles sont sujettes à se renforcer par
compensation, quand une consonne qui les suit vient à tomber.
* C'est ce que nous avons déjà montré au chdpitre [1. Nous y revioi-
drons en traitant de<% noms et des verbes.
«GRAMMAIRE LIMOUSINliî 657
Il arrive souvent alors qu'à la place de la consonne tombée, il
j a un renforcement de la voyelle précédente, par voie d'al-
longement ou de diphthongue *. »
Les consonnes dont la chute est ainsi compensée sont, en
limousin, s, r, /, m, w, et dans quelques cas rares, d, c et Qé
S, en tombant, soit en finale, soit devant une consonne in-
térieure, allonge par compensation la voyelle précédente.
Ex.: posta, pdto ; — fust, fû; — pas, pâ. Si cette voyelle est
un e, elle devient le plus souvent ei. Voir ci-dessus, aux cha-
pitres III et V, les articles de Ve et de Vs, pour les développe-
ments et les exceptions.
J'ai expliqué, au chapitre II, Finfluence des consonnes explo-
sives finales sur la voyelle qui les précède immédiatement et
qui, grâce à elles, s'abrège si elle est longue, et si elle est
brève, reste telle sous Taccent. Le même phénomène doit à
plus forte raison se produire, en vertu de la loi qui régit les
voyelles en position, lorsque ces consonnes sont suivies d'une
s. Ainsi, Yi d'ami est bref au pluriel où il représente tes, comme
au singulier où il représente ic. Il en est ainsi au pluriel d'à
peu près tous les noms terminés au singulier par une explosive.
Mais, dans beaucoup de cas, Ys finale a exercé, par-:lessus
l'explosive tombée avec elle, son action ordinaire sur la
voyelle antécédente, en l'allongeant ou l'empêchant de s'abré-
ger. C'est ce qui a eu lieu, par exemple, dans toutes les
liexions verbales de la deuxième personne du pluriel , dont l'a
et Ve^ certainement brefs dans l'ancienne langue {atz, etz =
atifi, etis)^ et restés tels dans les dialectes qui ont conservé les
consonnes finales, sont longs en limousin. Même, à certains
temps, Ve de etz est devenue ei, comme celui de es; mais
c'est là une v«»ritable corruption qui n'est pas universelle.
Ordinairement, si le t n'a pu empêcher l's d'allonger Ve dont il
le séparait, il a, du moins, défendu celui-ci de la diphthon-
iraison.
La chute de r final après e est compensée par la diphthon-
* Baudry, (îra/n comp., p 58-59.
43
f558 DIALECTES MODERNES
gaison de cette voyelle en ei. J'ai déjà dit qu'en bas limonsin
ce phénomène ne se produit pas. Après la chute de IV, 1>
reste e et même il s'abrège. Il en est ainsi dans la même
contrée de Va et de Yi des infinitifs en ar et en tr, au con-
traire de ce qui a lieu chez nous et dans le haut Limousin,
où ces voyelles, en devenant anales, conservent leur quantité
originelle.
La chute de / après une voyelle est compensée par la diph-
thongaison de cette voyelle avec u ou avec t^ ou par son allon-
jrement. Voir ci-dessus, chapitre V, à l'article de 1'/.
La chute de m (comme son distinct) est compensée par la
nasalisation de la voyelle antécédente. H en est de même de
celle de ïn, mais non pas dans tous les cas. Voir ci-dessus,
chapitre V, aux articles de ces consonnes.
C'est probablement en raison de l'affinité des deux con-
sonnes d et /*, toutes les deux dentales, qu'on voit la chute du
d compensée dans quelques mots, comme celle de 1'/, par la
diphthongaison de la voyelle antécédente en u, Ex.: crédit,
creû; — videt, veû; — vado, vau.
C'est aussi, sans doute, par suite d'une affinité, si anomale
qu'elle paraisse, entre l'/etles gutturales dures g et c*,que Ton
voit la chute de ces consonnes compensée dans quelques mots
par l'insertion d'un w'. Le fait est certain pour saumo et es*
marauda (pr.), comme le prouvent les formes intermédiaires
b. lat. salma, esp. esmeralda et it. smeraido, de sagma et*m-
aragdus .
Remarque. — On pourrait, à la rigueur, considérer comme
(les compensations tous les phénomènes mentionnés dans les
précédents chapitres sous le nom de vocalisation de consonnes*
' Aux exemples déjà allégués^ à la page 66, de l ^ d, ajoutez pr.
folrar, d'an radical germanique fodVf qui se retrouve intact dans ntalien
fodero, foderare.
< Gf cacau et calau, qui sont deux formes du môme mot (fr. nota),
3 Aux exemples déjà cités (p. 67 et70j ajoutez ause, forme limousine
du pr. classique ais, esp. port. cat. asco (^acso) = ananus. Voir Ray-
nouard au mot ais et Diez au mot ansia.
ciRAMMAIRE LIMOUSINE 659
Mais je crois devoir réserver cette dénomination pour les cas
où une voyelle prend la place d'une consonne sans qu'on puisse
expliquer le fait par une permutation. Voilà pourquoi la sub-
stitution d'un i k c, à g, même kt,kd ou k p, ne constitue
point pour moi une compensation proprement dite. Il n'y a là
qu'une mutation normale à deux ou trois degrés, par exemple,
pour creire=^credere, àe d en g^ (dentale en gutturale), de
g en y (gutturale en gutturale), de y en t (semi-voyelle en
voyelle) ; pour chai (pr. cais) = capsus, de p en c* (labiale
en gutturale), de c en y (gutturale en gutturale), de y en i
(semi-voyelle en voyelle).
La substitution d'un 2 à r et à / pourrait s'expliquer de
même par la mutation préalable de ces liquides en y, semi-
voyelle en laquelle j'ai montré ci-dessus qu'elles aiment à se
fondre. Mais je ne découvre aucun intermédiaire du même
genre entre /et u, non plus qu'entre s et t. Vu et l'i consonnes
n'étant pas en rapports immédiats d'échange, le premier avec
/, le second avec s. Aussi la compensation paraît-elle ici la
seule explication possible du phénomène.
ill. — Addition de consonnes
A. — Prosthèse. — Phénomène assez rare. J'ai déjà men-
tionné (chap. IV), la prosthèso de y. Le mot jabj^e (= asper)
nous offre un exemple unique, je crois, de celle de/. A Yy ou i
consonne ajouté on prépose quelquefois z (Ex.: ziôu = ovum)
ou n (Voir ci-après niaure),^
Sur la prosthèse de v, b, ou g y voir ci-dessus, aux articles de
l'A et de l'r.
L'ancienne lan^^ue avait préposé n à altm dans naut, forme
* La mutation préalable en gf du d do credere, vidcre, est prouvée,
d'ailleurs, par les formes du participe passé cregu, vegu.
» La mutation préalable en c du p de capsus est prouvée par les
formes catalanes quex, portugaise queixo, castillane quixada. Voir Diez
au mot casso.
m) DIALECTES MODEREES
usitée concurremment avec aui. Nous avons conservé Tune
et Tautre. La prosthèse de n se remarque dans quelques autres
mots, mais plus rarement à Nontrou que dans le Limousin
proprement dit. Ex. : nen = en yinde); — ni = i (ibi); — nirai
= irai {ire habeo); — niaure (à Limoges) = yeure (ebrius).
D'autres exemples de prosthèse sont celle de d dans den-
guêro, qui se dit plus fréquemment en haut Limousin que chez
nous, pour enquêro -= pr. anquera, et celle de / dans /«'(= t =:
ibi , inusité à Nontron, mais très-commun en haut Limousin.
B. — Epenthèse. — Il faut, comme pour les insertions de
voyelles, distinguer quatre cas :
a. — Entre devx voyelles , — K s'introduit souvent (voir ci-
dessus, p . 38) entre Vi tonique et Vo (= a ou e) des finales
des mots indigènes en ia ou des mots français en ie trans-
portés chez nous. Ex.: manîyOy foulîyo, patrîyo, La même
insertion a toujours lieu, à Nontron du moins, entre IV ou Yu
tonique et Vo (r= e) des mots français que nous avons em-
pruntés. Ex.: purêyo, fncassêyo, estatûyo.
Pour rinsertion de r et de ^ (h) entre deux voyelles, voir
ci-dessus, chapitre IV, article de Vh.
b. — Entre deux consonnes , — Lorsqu'une nasale est immé-
diatement suivie d'une liquide, elle appelle entre elle et cette
dernière, pour faciliter la prononciation, la muette douce de
sa famille. Ceci est de règle générale dans toutes les langues
romanes, comme en latin et en grec. Ex. :
ml. — *Simulare, semblar, sembla
mr, — Numerus, nombre, novmbre .
nr. — Minor, menre, mindre,
ni. — TV, ici comme devant r, appellerait normalement d.
Mais cette consonne, refusant de s'associer avecl'/*, permute
avec la gutturale du même degré, et l'on a ngl au lieu de ndl:
spinfujla, eipinyllio *, où, conformément à la règle qui va être
' Si d ne so faisait pas suppléer par g, il imposerait à 17 suivaDle l'obli-
gation (Je se changer en r» comme dans pr. escandre — scand(a)lum.
- Eipinijlho une fois formé, nous l'avons réduit à eipingo, qui est la
GRAMMAIRE LIMOUSINE mi
rappelée tout à Theure, le groupe gl a attiré un y pour former
la combinaison triple glh. On a peut-être un autre exemple de
rinsertion du g entre n et ida>nsjanglh(i = *gannillare (?), de
gannirCy dont ce verbe a précisément la signification dans
notre dialecte*.
L et s appellent de même quelquefois, comme en français,
rf devant r. Ex.: *Vol{é)re habeo, voldrai, voudrai; - val{e)re
habeo, valdrai, voudrai ; — *ess{e)re, estre, être,
c. — Entre une consonne et une voyelle, — Les seules con-
sonnes qui s'introduisent en pareille position sont la semi-
vojelle y et les deux liquides, c'est-à-dire les plus fiuides de
toutes les consonnes. Sur Tinsertion de Vy, voir ci-dessus,
chap. IV, p. 58, dj et chap. V, P® section, aux articles du c et
du^. Quant aux liquides, elles aiment à s'introduire, /après les
labiales, r après les dentales. Ex.: flôucou= pr. falco ffalco-
nem); -~sablou^= saponem; — s'eiplàmî=*spasmare; — tartro
= fr. tarte ; — mentrâtre = pr. mentastre; — 6utrijo*=. urtica
(pr. ortiga); — assedrà = pr. asseda (altéré); — eicrupi = pr.
escupir ; — froundo = funda,
d, — Entre une voyelle et une consonne. — La consonne qui s'in-
troduit le pins fréquemment * en pareille position est l'w; mais
elle n'y a pas ou n'y a plus, dans les mots où Tépenthèse re-
monte à l'ancienne langue, sa valeur propre. Le phénomène
se réduit à la nasalisation de la voyelle *. Ex.: gingn (fr. giguer);
forme la plus iisuoll(\ en éliminant VI mouillée associée au g, comme
nous avons éliminé 17 simple en pareille position dans purd, pâ, sangu.
(Voir ci-dessus à l'article de la syncope.)
^ Janglfid vient plutôt peut-être de jaciUari, moyennant la nasalisation
de l'a radical.
* La (liphthongue initiale ou (^ al = or) prouve qu'il n'y a pas eu
métathèse de l'r.
3 On ne constate que très-rarement, en pareil cas. répenthèse d'autres
consonnes. Jargié (= gigerium) nous offre un exemple de celle de r. Colle
de f a tni lieu dans moufle (pr. moflet)^ si du moins ce mot pst le môme
que inolel . concarremmînt usité dans la vieille langue, avec un sens
identique.
* Gf , dans la vieille langue, engal s:, égal (œqualis).
6().' DIALECTES MODERNb'.S
— cementèn (déjà tel en provençal) cœmeterium; — benlâ^
halnre: — eiujravmo (fr. écrevissé): — penche (le même en pr.)
= pecten; — linc/tausso = Iw-chausso du bas Limousin (fr. jar-
retière) ; — maadi, mandinâ, mandinadOy mots plus particuliers
au parler du haut Limousin = à Nontron, mati, matinà, math'
tiado, de inatutinum.
Ce procédé de renforcement des voyelles par nasalisatioD
est plus fréfiuent en bas Limousin que chez nous. A Tulle, on
dit, par exemple, hlan nègre, chominjo, tominja, grounh, au
lieu de hla nègre (hlé noir), chamiso (chemise), tamisa (tamisé),
gro**i!o (mvate).
C. — Paragoge. — Le limousin ayant peu de goût pour les
consonnes finales, on conçoit que la paragoge des consonnes
y soit fort rare. Je n'y en connais d'exemples certains que
Taddition d'un ^ à la préposition din et d'un d à la prépo-
sition en {= pr. am ou amb\ lorrîque le mot suivant commence
par une voyelle. Ex.: dint un an, end uno fenno. Mais peut-
être ai -je eu tort de considérer, plus haut, comme organique
le t que nous faisons sentir en liaison à la troisième personne
du singulier ou du pluriel dans les verbes, et vaudrait-il mieux
regarder aussi, dans ce cas, cette consonne comme épithéti-
que. Ce qui peut induire à le penser, c'est que, dès l'ancienne
langue, le t final des flexions latines était déjà complètement
oblitéré dans toutes, sauf une seule, celle de la troisième per-
sonne du singulier du prétérit.
IV. — Accommodation
Il arrive souvent que, de deux consonnes consécutives,
l'une impose à l'autre, lorsqu'elle n'en exige pas la chute,
l'obligation de subir un changement, soit de famille, soit de
classe ou de degré, pour se mettre à son unisson et rendre la
prononciation plus facile : c'est ce qu'on appelle accommoda-
tion. Si la consonne modifiée s'assimile complètement à l'au-
tre, le phénomène est dit assimilation. On l'appelle dissimila-
GRAMMAIRE LIMOUSINE 663
tion lorsque, au contraire, les deux consonnes étant origi-
nairement semblables, Tune des deux se modifie, soit dans un
but de renforcement, soit pour éviter la monotonie produite
par le retour d'une même consonne dans deux syllabes con-
sécutives.
La plupart des mutations de consonnes mentionnées, dans 4e
chapitre précédent, comme accidentelles, c'est-à-dire qui ne
trouvent pas une explication suffisante dans la règle générale
énoncée au début de ce même chapitre, sont des phénomènes
d'accommodation.
Il faut, dans Faccommodation proprement dite, comme dans
l'assimilation et la dissimilation, distinguer deux cas: P celui
où la consonne qui impose sa loi suit la seconde ; 2° le cas in-
verse. Dans le premier cas, le phénomène est dit régressif;
dans le second, progressif. C'est le premier qui se rencontre le
plus fréquemment, en vertu de cette loi déjà mentionnée que,
de deux consonnes consécutives, c'est en général la seconde
qui gouverne la première.
A. — Accommodation proprement dite
a. — Accommodation régressive. — La^consonne dominante,
qui est ici la seconde, force la première à changer, soit de
classe, soit de famille, afin qu'elle lui devienne plus sympathi-
que. Cette contrainte est très-fréquemment exercée par les
liquides ou les nasales, malgré leur faiblesse relative, même
sur les explosives.
Exemples: Changement de classe. Gutturale dure en gut-
turale molle ou semi -voyelle : pugnare, pounhâ {= pounyâ, par
métathèse pour pouijnà); — vig{i)lare, velhâ(= velyâ, par mé-
tathèse pour veyla); — dentale explosive en liquide*: putnai,
purnai; — *fodrar, folrar fpr.); - dentale} sifflante en liquide
* Cf. en latin arbiter, arguere - adbiter, adguere, en français bomr
661 DIALECTES MODER^ES
(r): fr. esprit , arpri; — juste, jurte: — dentale nasale en li-
quide: nn[i)ma, arma; — 7mn{i)mf(s, merme (pr.); — an(i)maita,
oumalho {= nlmalha) . — Changement do famille. Dentale en
gutturale: ust{u)lare, ûclhâ; — vet{u]la, *vecla, d'où melho;---
sit{u]ln, *sedn, d'où selho; — nod(nJlum,*tioclum, d'où nouei(=
rtolh ; — labiale en gutturale: stup{u)la, *stucla, d'où eitotMo*;
— labiale en dentale : vindemiare , vendenhâ ; — rum{i)cem,
rounze; — gutturale en dentale: sagma, salma, d'où saumo,
b, — Accommodation progressive, — Ce phénomène, qui con-
stitue une dérogation à la règle générale rappelée tout à
l'heure, ne se produit, d'ordinaire que lorsque la seconde con-
sonne n'ayant à subir, pour s'associer euphoniquement à la
précédente, qu'un changement léger et facile, celle-ci, au con-
traire, ne peut se prêter à aucune mutation susceptible de
détruire l'antipathie existante, ou qui. du moins, lui permette
de former avec la seconde consonne une société aussi intime
que dans le premier cas. Ex. : ord[%)nem, ordre; — carp[%)num,
chaupre ; — volt[u)larey voutrd.
B. — Assimilation. — L'ancienne langue nous présente, sur-
tout dans le cas do deux consonnes consécutives, d'assez nom-
breux exemples de ce phénomène. Il en reste dans notre
dialecte peu de traces sensibles, la consonne double résultant
de l'assimilation s'étant presque toujours réduite à l'unité.
a, — Assimilation régressive. — Ce phénomène doit être pai^
tout fort rare dans le cas où les deux consonnes restent sépa-*
^ J*Hi déjà, p. 73, note 3, rapproché de eitoulho le fr.^cuetlet Fit. scoglio,
qui supposent l'un et Tautre un changement préalable de scopulum en une
forme*5codum ou * scoglum, prouvée en outre par les lormes castillane
escollo et portugaise escolho. C'est du reste un fait incontestable que pi
(coramn U) a toujours donné dans ces deux langues, comme dans les au-
tres idiomes romans, les mêmes dérivations que cl, d'où, ce me semble, la
nécessité d*admettro pour pi la même mutation préalable en cl dont on a
la preuve pQpr U. Ainsi pluere a donné en castillan lloiyer, comme damare
Waw</r. — en portugais chover; comme damare, chamar. Pareillement
* manup(U)lum (v. f. manoil), a donné en castillan manojo comme oe[u)-
lum ojo, — en portugais manoUio, comme oc{u)lum oUio,
GRAMMAIRE LIMOUSINE 665
Tiées par une voyelle. Je n'en trouve pas d'exemple en limou-
sin. Il est, au contraire, assez fréquent quand les deux con-
sonnes se suivent immédiatement. Ce sont exclusivement, dans
ce dernier cas, les liquides, les nasales et la sifflante qui s'as-
similent la consonne antécédente. Les autres consonnes, étant
plus consistantes et ne se sentant pas dès lors le même besoin
d'appui, la laissent tomber.
/. — Rot(u)lumj pr. rolle, aujourd'hui chez nous rôle; — mo-
d(u)lum, pr. molle.
r. — Quadraria, carrier a, càrièro; — adripare y arriàar,
arihâ.
w. — Adnare, annar et anar, anâ; — columna, colonna, cou-
louno ; - sem(i)nare, semnar, sennâ; — signare, sinnâ,
m. — S€pti)mana, setmana, semmâno,
s. — Considerare, cossirar (mot éteint); — adsatis, assatz; —
taxare, tassar. J'ai déjà dit plusieurs fois qu'en limousin deux «
ne sonnent jamais que comme une seule.
h. - Assimilation progressive, — Ce mode d'assimilation est
très-rare. On peut citer, dans le cas où les deux consonnes
restent séparées, memi == menino ; dans le cas où elles se sui-
vent immédiatement, channhâ =z cambiare (^canbiaré); — an-
goissa {i^r.) = angustia. C*est peut-être moyennant une assimi-
lation dudk l'n, suivie de la réduction à l'unité du couple nn
ainsi constitué, que prendere a formé prenei [prener]. Cf., dans
l'ancienne langue, les doubles formes bannier et bandter,
baniera et bandiera, et rapprochez le fr. bannir de l'it. bandire
et du pr. bandir^,
* On trouve dans la vieille langue à la fois banda et hana (fr. corne^
par ex., d'un bœuf). Cette derqière forme, seule survivante chez
nous, est peut-être aussi le résultat d'une assimilation du d à l'n, et d'une
simplification conséciUive de la lettre double ainsi obtenue. En catalan,
nd s'est aussi réduit à n (Ex.: ona=^unda)\ mais là aussi, vir-
tuellement du moins, un m double a dû précoder. Dans un autre idiome
roman, le sicilien, nd devient constamment nn. Ex.: quannu = quando,
Grunnire, rapproché de la forme archaïque et restée populaire grundire,
d'où en limousin rundi, nous offre en latin le même phénoraène.
666 T lALBCTBS MODBRKES
C. — DissiMiLATioN. — Ici, comme pour Fassimilation, les
seules consonnes qui provoquent le phénomène sont les li»
quides, les nasales et la sifflante.
a, — LHssimilation régressive,-^ Je distinguerai deux cas:
celui où les deux consonnes semblables sont séparées par une
ou plusieurs autres lettres, celui où elles se suivent immé*
diatement. La dissimilation, dans le premier cas, n'a d'autre
objet que l'euphonie; dans le second, c'est le renforcement de
la syllabe précédant la consonne double qu'elle a pour but, ou
du moins pour effet, de procurer.
Premier cas. — R devient /; peregrinus, peleri; — aràor, aubre
{albreY; — armarium, eimari i^elmayn); — ou s, m%rtre{îr.
myrte), mistre, L devient n : leni%c{u)la, nentilho. N devient r;
venenum, venenosus, vere, verenoû.
Deuxième cas. — Le couple //, dans la plupart des mots où il
se rencontre, provient, comme on sait, de n/*. On s'expliquera
dès lors facilement que //, dans notre dialecte, par un phéno-
mène inverse, devienne assez souvent ni, c'est-à-dire que, 1'/
double se simplifiant, la voyelle précédente se nasalise. Ex.:
molle {mod{u)lum), mounle; — ul{u)lare, unlâ ; — espalla (spatula),
eipanlo; — esquilla, eichinlo. Cf. dans la Passion de Clermont,
st. 11, mantenls :=z*mantellos , st. 33, benlement = bellement ,
Le c du groupe es {x) s'est toujours, en langue d'oc comme
en langue d'oil, assimilé à Vs, quand il ne s'est pas vocaUsé.
Inversement, ss s'est quelquefois dissimilé en es. Je citerai ici,
outre les exemples déjà allégués, pag. 69, l'adjectif rouei
=zrussum, qui suppose une forme *ruxum, d'où pr. *rois, forme
prouvée d'ailleurs par l'espagnol rojo ( ancienne orthographe
roxo\ et le nom de ville Moueissido (fr. Mussidan)^ qui ne peut
venir de Mussidanum que par l'intermédiaire d'une forme en x
{ = ss),
b. — Dissimilation progressive, — Ce phénomène se remarque,
' Cf. dans Tandenne langue polpra à côté de porpra.
- Ex.: Uluminaret HXustris ^ irHuminare, vnlustris.
GRAMMAIRE LIMOUSINE 667
les deux consonnes étant séparées, dans leri = lilium, coun-
trâliz= contrariurriy pruser=sprurire et dans men^/?/b = * même-
ploy forme supposée, mais nécessaire, entre * mespila et menêplo .
Je n'en trouve pas d'exemple qui nous soit propre, dans le
cas où les deux consonnes se suivent immédiatement.
V. ~ Métathèse
La métathèse, très-fréquente dans tous les idiomes popu-
laires, a pour cause, en général, comme les phénomènes qui
viennent d'être décrits, le besoin de rendre le mot plus cou-
lant ou d'en renforcer telle ou telle syllabe. Mais, dans bien
des cas, il faut dire que la cause véritable est difficile à dé-
terminer, le nouvel arrangement des éléments du mot ne pa-
raissant préférable à celui qu'on a détruit, ni au point de vue
de l'euphonie, ni à celui de la solidité.
.Je distinguerai cinq cas différents de métathèse :
1° La métathèse sépare deux consonnes unies ensemble en
une de ces associations que nous avons appelées précédem-
ment consonnes'diphthongueSj comme pi, tr, etc., et introduit
entre elles la voyelle qui les suivait. Ex.: procurator, perçu-
raire ; — prominare, permend; — pr. {a)briaca, virajo. C est
ainsi qu'on dit en plusieurs lieux courchetâ, bourlâ ou burlÂy
pour crouchetâ^ brulây plus réguliers et plus usités.
2° Inversement, la métathèse rapproche d'une explosive et
lui associe une liquide qu'une voyelle en séparait. Ex.: persi-
cum, persica, pressé, pressé] o"^; ^- sternutare, eitranudd.
3° Elle transpose deux consonnes immédiatement consécu-
tives, pour leur procurer une union plus intime. Ex : Sulpicium,
* Remarquez le déplacement de raccent, qui. en latin, porte sur l'e ini-
tial. Pressé ost ce qu'on appelle ailleurs, par exemple en Angoumois,
perse, autrement pêche mâle, celle dont la pulpe est adhérente au noyau.
La presséjo est la pèche femelle, celle dont la pulpe se détache sans peine
du noyau.
66S DIALECTES MODERNES
Suplezi; — * acucla, (a)gulho (= * agulya = *aguyla) ; — pu-
gnare, pounhd { = * pounijâ = * pouynd ) *.
4° Elle fait réciproquement permuter, sans les unir, deux
consonne.-? séparées, dont chacune est la lettre initiale de sa
syllabe. C'est, dans notre dialecte, un des cas les plus fré-
quents de métathèse. Ex,: hatalhy tabai ( on dit aussi bâtai) ;—
ankelare, alenâ; — fr. camarade, caramado; — tantequan {tan-
tum et qtuintum), tanquetan; — morbum (fr. morve), vormo. Quel-
quefois chacune des consonnes, en prenant ainsi la place de
Tautre, en prend aussi le degré, c'est-à-dire de ténue devient
moyenne, ou réciproquement*. Ex.: guespa {vespa), bêco;
pr. pastenaga, parcanado,
b° Elle dissout Tassociation existant entre une muette et une
liquide subséquente, pour former avec celle-ci et une autre
muette, dans la syllabe précédente*, une association semblable.
Ex. temprare, trempa-^ — dubrî {deoperiré), et drubî. Dans le
Quercy, on dit de même crobi pour cabri, dans la Gascogne
crambo pour cambra^ etc .
N'ayant pas, au chap. IV, consacré d'article particulier aux
métathèses de voyelles, je réparerai ici cette omission, qui du
reste, à le bien prendre , comme on va le voir, n'en est pas
une.
Les seules voyelles qui sont sujettes à se transposer sont Yi
et Vu (ott), et cela tient sans doute à leur nature semi-conson-
nante. Cela paraîtra probable si l'on remarque : 1® que ces
deux voyelles ne se transposent jamais que lorsqu'elles en
^ La mutation préalable de o ou de gi en y, en de pareils mots, a été dé)&
expliquée.
2 Cf., dans Tancienae langue et le languedocien moderne, lutih =
nvlh^ où nous voyons, en même temps qu'ils se transposent^ n se fondre
avec l'y [h) dont l se sépare, c'est-à-dire n se mouiller tandis que \ s'a-
sèche ; phé .iOmène très-comparable à une réaction chimique qui ne dé-
truit une combinaison que pour en former immédiatement une autre, en
substituant un élément disponible à celui qu'elle a mis en liberté.
*Qui est toujours, je crois, en pareil cas, )a syllabe initiale, ce qui permet
d'assigner ici pour cause au phénomène une intention de renforcement.
GRAMMAIRfci LIMOUSIN K 669
précèdent un autre, et 2° que, lorsque, dans des mots pareils
à ceux où elles se transposent d'ordinaire , elles sont restées
en place, elles se sont consonnifiées. C'est ce qu'on voit dans
les formes limousines glôrio, memôrio, comme dans les formes
correspondantes du très- vieux français, glôrte, memôrie. C'est
ce qu'on voit aussi dans vévo (fr. veuve) = vidua et dans terve
(v. fr. tenue) = tenuem *, rapprochés, le premier de boueidâ (pr.
voidar, prononcez vouidar) = viduare ; le second de teûne,
autre forme, également limousine*, du même mot. On peut
donc admettre sans témérité que la métathèse de ces voyelles
a été précédée de leur consonnification. — Une fois trans-
posées, selon que la voyelle nouvelle avec laquelle elles ont dû
s'unir les précédait ou les suivait, ou elles sont revenues à
leur premier état pour se fondre avec cette voyelle en une
diphthongue, ou bien elles sont, le plus souvent du moins,
restées consonnes.
Y^ cas. — Tenuem, teûne; — mansionem, maiso, meijou; —
prensionem, preiso, preijou; - potionem, poiso, poueisou; —
feria, feiro; — /bm, foira, foueiro,
2® cas. — C'est, en particulier, celui des noms enarium, aria,
qui, généralement, chez nous comme en français, ont donné
ier, iero, où Xi est indubitablement Vi consonne.
La métathèse de Vu est beaucoup plus rare que celle de Vi.
Teune et voidar, cités tout à l'heure, sont les seuls mots que je
connaisse où le phénomène remonte à l'ancienne langue. Elle
se remarque encore, en solidarité avec celle de Vi, dans coun-
* Pour le changement de n oïl r devant une labiale, cf. chdrbe = cart"
nabitn. - Il ne faut pas oublier que le v de terve, comme celui de vevo,
résulte de deux modifications successives de Vu latin, dont je n'ai ici en
vue que la première: i» transformation de Tu voyelle en u consonne»
comme dans couâ (monosyllabpj = cubare (c'est là que s'est arrêté Tu de
Viduare): 2' durcissement en v (qu'on peut ici appeler roman) de Vu con-
sonne.
' lewie est la forme classique C'est la seule que donne Raynouard, et je
n'ai pas souvenir d'avoir rencontré l'autre dans mes lectures-
670 DIALECTES MODERNES
tunid, demuniâ (prononcez nhâ)^ formes qu'ont prises dans la
bouche de beaucoup de personnes les verbes continuar, dimi-
nuât'. La difficulté de consonnifier Tw, non plus comme tout à
l'heure le pur u latin (ow), mais Tw devenu français de ces deux
mots, en d'autres termes de prononcer nuà d'une seule émis-
sion de voix, comme le demande le génie de notre idiome, et
comme il est, au contraire, si facile de prononcier nia, est
certainement la cause déterminante de cette permutation
réciproque .
C. Chabaneau.
FIN DK LxV PliEMlEUI-: PAHTIE
DE QUELQUES IMITATIONS MODERNES DE LA POÉSIE
DU MOYKN AGE
La Cansô del pros Bemart et la Complanla d'En GtiHlem, par M. Mila
y Fontanals; — Sisuald et la Canso d'En Francesch de VUanova de Cu-
beUes, par M. Llorens de Gabanyes ; — la Canso del comte à'Urgell Sn
Jaum? lo Desditxat. par M . Albert de Quintana.
(Suite *)
Je viens de montrer des poètes ressuscitant à la fois la ver-
sification des plus vieux jongleurs et les héros célébrés par eux.
Ces œuvres peuvent intéresser et , jusqu'à un certain point,
émouvoir comme un spectacle attachant ; mais, pour rajeunir
tout à fait Tantique prosodie, pour tirer tout le parti possible
de cette robuste rhythmique, il fallait l'appliquer à des su-
jets qui pussent passionner la masse des lecteurs, il fallait
introduire la chanson de geste dans la lutte de tous les jours.
De cette façon, on retrempait la poésie du XIX" siècle aux
sources mêmes de Tinspiration populaire ; on lui rendait cette
vigueur de contours, cette énergie d'idées, cette fraîcheur
de sentiments, qui revivifient les littératures amollies par la re-
cherche excessive de la forme et les afféteries de la civilisa-
' Voir le u» de luillet 1873, p 44Ô. — À la page 45l. ligtte 3^ il faut
supprimer les mots je crois. C'est bien le savant professeur Mila y Fon-
tanals qui a remis en honneur la chanson de geste- — A la page 456)
lignes 3 et 4, j'ai commis une autre inexactitude : Tair de la Complanta
d'En GuilLemesi de la composition de M. Mila. La division en couplets de
trois vers ne se rencontre , croyons-nous, ni en Catalogne, ni dans le midi
de la France. — Lo lecteur aura corrigé de lui-même la faute typogra-
phique qui, à la page 451, ligne 29, a transformé Ausias March en Anias
Mardi
(72 DIALECTES MODERNKS
tion. M. de Qiiintaiia Tu compris, et, dans un de ces moments de
calme qui ont précédé Tagj^tation actuelle de FEspagne, en un
temps où Ton pouvait espérer entreprendre avec succès une
campagne contre les idées sans troubler Tordre matériel, le
poète ne craignit pas de faire briller au soleil son vers chevale-
resque, et de jeter aux échos du Montserrat ce chant de guerre
que Ton a pu appeler à bon droit la Cansô de tautonomia,
La forme est celle de la Cansô del pros Bemart. Le scget,
pour ne pas être tout à fait moderne, n'en eât pas moins de
ceux qui passionnent le plus nos voisins d'outre-Pyrénées. Le
poëme de M. de Quintanaest consacré, en effet, à la mémoire
de Tun des héros les plus populaires de Findépendance catalane.
On sait qu'après la mort du roi Martin d'Aragon, Jacques
{Jaume)^ comte d'Urgel, descendant en ligne masculine de la
dynastie aragonaise, fut reconnu parla Catalogne comme sou-
verain légitime, malgré la décision des arbitres réunis à Caspe,
qui avaient adjugé la couronne à l'infant Ferdinand de Castille
(1412). Le comte d'Urgel soutint quelque temps la lutte con-
tre son compétiteur; mais, assiégé dans la ville de Balaguer, il
fut obligé de se rendre à Ferdinand, qui le fit condamner à la
prison perpétuelle .
Vingt ans plus tard , Jacques l'Infortuné, lo Desditxat, gé-
missait encore dans les fers. Alphonse V avait succédé à
Ferdinand P*" ; pendant que le roi se trouvait dans ses états
d'Italie, ses trois frères : Jean, roi de Navarre, héritier pré-
somptif de la couronne d'Aragon ; Pierre et Henri, se rendi-
rent au château de Xativa, où le comte était enfermé, et as-
sassinèrent lâchement le royal prisonnier*.
La lutte de ce dernier descendant de l'antique maison de
^ Presque lous les historiens, se plaçant au point do vue casliiian, ont
dénaturé la physionomie de cette émouvante période de l'histoire cata*
lane. Un seul Ta comprise et magislralement retracée: c'est don Victor
Balaguer, dans le tome III de sa belle Hisloria de Cataluna. De volumi-
neux dossiers, conservés aux archives de la couronne d'Aragon, mettent
ces événements dans leur vrai jour. Ces documents ont été publiés dans
la Coleccion de, docuinentos ineditos del archiva de la conma de Àragonf
dont ils forment les trois promi>TS volumes.
IMITATIONS Qf) ^f JfP^^ j^ I0YEN AaB âfT^
Barcelone contre U puissance enyahls^te c^f^ l^ ^M1^^ J^
Castille, ^s malheurs^ s^ fin tragique, oni rçji4^ ^ pvé]X^^rQ
chère à ses qompatriotes, et, de nos jours ei^pre, Ip i^çin
de /ûMme lo Desditxat ^st invoqué copune celui 4'^^ fliartyr
de rindëpendance catalane.
Les événements que je viens de raconter font le sujet de la
CwMù de M. de Quintana. Le poëte les a eoadeBsés en trois
gestes, trois tableaux d'un caractère grandiose et d'une oirigi*
nalité saisissante.
C'est d'abord l'agitation de la Catalogne après la mort du
roi Martin et après la décision des arbitres de Caspe*:
« Du testament naît un parlement ; — on l'appelle de Caspe .
Mère de Dieu ! — [Plût au Ciel] que jamais on ne l'eût nommé !
qu'il ne fut jamais venu I — La patrie n'aurait pas un rei
étranger ; — la honte ne nous ferait pas rougir le front ; — la
liberté des aïeux ne serait pas au Ciel
» En Ferran de Castille ils proclament roi. — Ils nous ont
' Les passap^es que je cite faisant corps avec mon récit, j'en donne
d'abord la traduction, renvoyant en note les magnifiques vers de M. de
Quintana. dont je n'aurais garde de priver le lecteur:
Del testament n'eixia un parlament ;
De Caspe Tanomenan. j Mare de Dèu ! . . .
i Ni may Tanomenassen, ni may vingués ! . •
La pâtria no tindria rey foraster;
Vergonya no 'ns faria lo front bermell ;
La llibertat dels avis no fora al Cel !
 *n Ferran de Castella clamaa per Bey;
Madrastra 'ns han donada, ja ho txobaréqoi 1 . . .
Los défunts s'estremeixen alla en Poblet ;
Los vins pertot a'ai\ecan en so-metent ;
La Uar calenta. deixan pas lo colteH,
Que en guerra s'es idsada ja Balafrer .
44
674 DIALBCTBSS MODBRNBS
donné une marâtre ; nous allons bien le voir. — Les morts
frémissent là-bas à Poblet *. — Les vivants partout se soulè-
vent et s'arment ; — ils abandonnent le fo jer brûlant pour
saisir le couteau ; — car en guerre Balaguer s'est déjà sou-
levé ...»
Dans une sorte d'oratoire où brillent des lampes d'argent
devant l'image du Christ, la mère et la femme du comte d'Ur-
gel attendent la décision des arbitres de Caspe.Le caractère
de l'ambitieuse Marguerite, qui ne cessait de répéter à son
fils : « Sois roi, ou ne sois rien, rey o no res », celui de la ten-
dre Isabelle, sont remarquablement peints en quelques mots:
« Bru, mon fils le comte sersrt-il roi? — Maudite soit la
lenteur de son cheval !...» — «Qu'il revienne heureusement, ô
mère, monbien-aimé !... — Qu'il revienne heureusement dans
nos bras, cela vaut autant. » — « Que Dieu ne vous écoute
point I Malheur I... — Il ne bout pas dans vos veines, il ne
bout pas, mon sang!... * »
Le comte, arrivé de Caspe à toute bride, paraît sur le seuil
en vêtements noirs, pâle, épuisé d'émotions et de fatigue, prêt
à défaillir.
« — Me direz-vous, épouse, d'où vient votre effroi?» —
((Vous me sembliez un mort ressuscité !» — « Pourquoi ma
mère et maîtresse, pourquoi ces cris? » — (( Les rois ne por-
tent point vêtements de drap noir.» — ((Le parlement de Caspe
' Lieu de sépulture des princes de la maison de Barcelone-Âragon.
^ — (( Nora^ mon fill, le Comte, sera Rey ja?. . .
j Mal haja la tardansa de son caball ! . . .
— Bè vinga, nostra mare, mon estimât ;
Bè vinga â nostres brasses, que tant se val I . . .
— j Ni may Dèu vos escolte I... \ Malaguanyat I...
No bull en vostras venas, no bull ma sanch !»
IMITATIONS DE L V POESIE DU MOYEN AGE 675
a sacré En Ferran !...)> — « La tache deraffront, nous la ren-
drons en sang!...» — «Couronne de sang arrosée ne fleurira
pas !...)) — « La patrie sera esclave des Castillans 1 ... » — Et
les lampes d'argent s'éteignent. . . Ah ! quelle épouvante !. . .
— Le comte tombe à terre évanoui. .. — Et ainsi s'achève la
geste dans les sanglots. — Plus tristes encore sont celles qui
vont venir*. »
Telle est la fin de la première geste. La seconde nous in-
troduit dans Balaguer, investi par les troupes de Ferdinand
de Castille.
« Mais quel langage parlent-ils?.... s'écrie le poète, je ne
le comprends pas... — [Plût au Ciel] que nous ne l'eussions
jamais entendu, l'accent étranger*. »
Les Catalans et le comte dIJrgel défendent la ville par des
prodiges de valeur ; mais la famine leur fait bientôt pressentir
le triste sort qui leur est réservé. Un jour le comte paraît sur
la place du marché; il est vêtu d'un froc noir, une corde lui
ceint les reins, sa barbe et ses cheveux sont rasés :
— 'U ^ No 'm dirîaii, esposa, lo vostre esglay ?
— I Un défunt me semblâvau ressucitat ! . . .
— l Per que, mare y senyora, per que cridau?
Los Reys. . . no portan vesta de nègre drap ... \
— Lo parlament de Caspe sagrâ en Ferran I . . .
— La taca de l'afronta rentem en sanch !
— Corona ab sanch regada. . . no florirâ ! . . .
— ; La pâtria sera eselava dels Castellans !...>»
Y las liant ias s'apagan ... i ay 1 quîn espant I . . .
Lo comte câu en terra ben desmayat . . .
Y assi la gesta acaba singlotejant ;
Mes tristas son las altras qu'ara vindrân.
Mes. . . i quin llenguatge parlan I je no Us entench. . .
; Ni may sentit n'haguéssem Textrany accent !
676 DIALBCTBS M.ODBRNËâ
« Il faut accomplir ce qui a été juré, dit-il: — rifn ^jfl jcjcu*
vous tous doit mourir. — Je vous recommande la mère et
ses filles ; — à la patrie soyez toujours fidèles. » Et il se livre
aux soldats de Ferdinand. « Mères qui avez des filles, pleu-
rez ! pleurez ! — Jamais plus elles n'épouserpnt des hommes
libres. — Les sbires de Castille vont galopant; — prison-
nière, ils emportent la liberté ! — Ils lui feront uq cerçu^il^
s'il plaît à Dieu. — Ah ! si avec elle nous pouvions tous y être
ensevelis* î...»
Vingt ans se sont écoulés. Ferdinand de Castille repose dans
sa tombe à Poblet; mais il a laissé des enfants : « nichée de
loups donne loups affamés. » La femme et la mère du camte
sont mortes en prison. Le Desditxat, traîné de cachot ea ca-
chot, est amené à Xativa ; c'est là que les trois a loups cou-
ronnés » vont chercher leur proie :
a Dans une prison retirée, le comte est couché ; — on lui
dit qu'on le cherche. Que Dieu me protège! — En l'ap-
prenant, le comte pousse un gémissement ! — « Ma fin est
)) arrivée!.... Adieu, — montagnes de la patrie, que j'aimais
» tant ! — Que la Vierge m'assiste avec tous les Saints ! » — Il
monte à la chambre ; lorsqu'il y entre, — deux Infants le sai-
i
— « Complert déu esse 'n vida lo que 's jura :
Hu sol, per tots vosaltres, bè déu finar ! . . .
Mare y fillas vos deixo recomanat ;
A la pâtria. . . siâuli sempre Ueyals. . . o
Mares que 'n teniu fillas, ploraul plorau ! . . .
Ja ma}' mes homes lliures csposarân !
Los sayons de Castella van galopant ;
Presonera s'emportan la llibertat !
Ja li f arân la caixa, si â Dèu li plan ;
Ab ella. . . tots hi fôssem amortallats ! . . .
IMITATIO^ dS LÂ Pofesïi DTJ MOYEN AGE G77
âïsâèm, lin par chaque bras. — Sur sa tête argentée ils posent
les mains : — il tourné les yetit aii Ciel et tomlie à terré... —
En Jbàn lui a cloué lé fer Sans Vés 'enlraiïléà!... -^ Avec la
m6rt, il a trouvé lia liberté. .-^LU tienne, ô ma pa'trïe ! aujour-
d'hui nage dans lé sang ; — dans un ceî»'cùeil Méïi ferîné tu
eè clouée !
)) Lès bourreaux fuient aussitôt de la chambre ;— du château
ils se dirigent dans la vallée. — Et encore mugit là tempête:
— il semblait que le monde voulût finir. — Quand ils sortent,
uû fantôme les arrête : — de la nière du comte c'est Tâmé er-
rante.— D'effroi s'emportent les chevaux; — niais elle.... tou-
jours derrière, toujours criant, — dans le cdeur (ïéà trois
Infants pénétrait — et résohiiàit sa voix cdriime un glas :
« — Mauvaise fin puissiez-vous faire, loups couronnés ! — et toi
» plus que les autres, roi Joan : — puisses-tu voir ton flls ago-
» nisant.c .. — et que le feu éternel consume tes entrailles ! —
» Maudits de la patrie qui vous rejette de son sein, — que
)) jamais repos sur la terre vous ne trouviez !»
» Et quand, lassée, s'apaise la tempête, — - une autre voix
murmure d'en-haut : — « Martyrs de Catalogne, dormez en
« paix; — dans les enfers avec leur père ils brûleront !... »
» Du troubadoub, les strophes vous avez entendues ; — qui
ne sent de la patrie le délaissement?. . - La liberté perdue,
ne l'oublions jamais ; — celui qui l'a gagnée l'obtient. — Plus
que gloires passées ou nouvelles lois, — les vei'tiisj ô peuple !
en sont le gage.
)) Écoutez, belles dames et cavaliers, — • dii ifouîiâdour qui
chante la triste voix, — à l'amour qui l'inspire toujours fidèle :
— Dieu nous rende la patrie catalane * ! »
' En presû retirada lo comte jau ;
Ja li diuhen que 'I cercan, ; valgam' Dèu, vâl î
Al saberho, lo comte n'arranca un plau^ !
— « Ma fi n'es arribada î . . . { â Dèu siau.
Montanyas de la pâtria. . . que aymaVà tant !
; Que la Verp^e m'ampare ab tots los Sants î »
678 DIALECTES MODERNES
Et la Canso porte cette dédicace : « Aux félibres : Frères,
croyons et espérons . . . Dieu vous rende la Provence ! »
J'ai insisté sur ce poëme et n'ai pas craint d'en citer de
nombreux passages, parce qu'il semblait être, lors de sa publi-
cation, comme l'expression magnifique d'une nouvelle phase
de la vie littéraire de la Catalogne : la réapparition de l'an-
cienne poésie au service des idées et des passions modernes.
Pour le malheur *de l'Espagne et pour la honte des pays la-
tins, les partis ont appelé à leur aide des moyens plus bar-
bares; M. de Quintana n'a pas eu d'imitateurs. Nous le regret-
tons ; nous devons regretter particulièrement qu'il ne se soit
pas trouvé dans le midi de la France un poète convaincu de
cette vérité, que les formes créées par le peuple seront tou-
A la cambra s^en puja ; quant hi entra.
Dos Infauts Tagafavan, un cada bras.
En sa testa argentada posan las mans ;
Gira los ulls enlayre ... y en terra câu. . .
; Lo f erro en sas entranyas clavâ en Joan ! . . .
Ab la mort, ha trobada la llibertat I . . .
La teva ; oh pâtria mia ! . . . vuy nada en sanch ;
En caixa ben folrada clavada estas !
Los botxins, de la cambra fujen en tant ;
Del castell s'en anavan cap k la vall .
Arran encara brama la tempestat :
Semblava que volia lo mon finar. . .
Quant surten, un fantarma los deturâ:
De la mare del comte Tânima errant.
Del espant se dcsbocan tots los caballs ;
Y ella. . . sempre al derrera, sempre cridant.
En lo cor se n'entrava dels très Infants,
Y dintre hi ressonava sa veu de glas .
— tt i Mala fi pugau ferne, Uops coronats,
Y mes tu que los altres, lo rey Joan :
Lo tèu fill pugas véurer agonitzant . . .
Y encenga tas entranyas f och eternal !
IMITATIONS DE LA POESIE DU MOYEN AGE 679
jours celles qui s'adapteront le mieux à son esprit, et qui le
toucheront davantage.
Un mot, en terminant, sur une question brûlante qu'il nous
est à peine permis d'effleurer ici ; il ne faut point s'effrayer de
la dédicace et du dernier vers de Tœuvre que je viens d'ana-
lyser. Le poète n'est pas un séparatiste ; il n'entend porter
aucune atteinte à l'unité espagnole non plus qu'à l'unité fran-
çaise. 11 souhaite seulement aux provinces une conception
plus exacte de leur tradition, de leur valeur propre, de leur
personnalité, en un mot. Il voudrait les voir unies comme des
sœurs travaillant à l'œuvre commune, et non comme des es-
claves mettant tous leurs soins à annihiler leur volonté dans
la volonté du maître.
Ch. DE TOURTOULON.
i Malehits de la pâtria f oragitant !
j May repos en la terra pugau trobar ! »
Y quant plega llassada, la tempestat,
Un' altra veu mormolla desde lo ait :
— « Martres de Catalunya, doiiniuen pau ;
Al infern ab llur pare ja 'Is cremarân !...))
Del trovador las coblas ja 'Is enteneu ;
; Qui no sent de la pâtria l'anyorament ! . . .
La llibertat perduda may oblidem ;
Aquell que l'ha guanyada, bè se la pren.
Mes que passadas glorias, ô novas lleys,
Son las virtuts ; oh poble ! que 'n son Tarrel .
Ojats, hermosas damas y caballers,
Del trovador que canta la trista veu,
Al amor que la inspira sempre fidel :
La Dâtr^a catalana nos tome Dèu ! . . .
MANIFESTATIONS DE LA LANGUE PROVENÇALE
Les manifestations de la langue provençale deviennent de
plus en plus fréquentes. Aux mois de mai et de juin, il y en a
eu, presque simultanément, deux remarquables par leur im-
portance, par le nombre, la variété et la beauté des produc-
tions poétiques qu'elles ont provoquées.
1
La ville de Toulon, grâce à Tinitiative de son jeune maire,
M. Allègre, avait établi, entre autres luttes intellectuelles, un
concours de poésie provençale, dont Forganisation avait été
confiée à la Société académique du Var, et aux soins tout par-
ticuliers de M. Octave Teissier, son président honoraire. Par
une heureuse innovation, pour former les jurys, on avait fait
appel aux compagnies savantes dé la région. La Commission
chargée de juger les pièces de poésie provençale a été com-
posée de MM. J.-B. Gaut, délégué de l'Académie d'Aix; Dol,
de la Société littéraire de Draguignan, et Henri Revoil, de
TAcadémie du Gard.
Trente-neuf pièces sérieuses ou plaisantes ont formé le con-
tingent du concours.
Voici quelle a été la décision du jury :
Médaille d'or à M. F. Martelly, de Pertuifl (Vaucluse), pour
sa pièce intitulée : lei Dom Poutoun,
Quatre médailles d'argent :
A M. A.-B. Crousillat, de Salon (Bouches-du-Rhône), au-
teur de l'ode : la Frcirié ;
M. Marins Bourrelly, d'Aix, auteur d'un petit poëme : ki
Cimbre e lei Teùtoun;
M. Peise, à Draguignan, auteur du conte: lei Dous Vèuse;
M. Victor Bourrelly, de Roussel (Bouches-du-Rhône, au-
teur du conte : Un vilage coumo n'en a ges.
Quatre mentions honorables :
MANIPRSTATlëNÔ DÉ LA LA^ÔtJË PROVENÇALE Sfl
A M™" Catherine Romeu, à Marseille, auteur d'une élégie :
Après la bataio;
M. Auguste Verdot, d'Eyguières ( Bouches-du-Rhône ), à
Marseille, auteur des stances : lu Oubrié de la crbûà;
M. Eugène Daproty, aussi d'Eyguièi^es, pour la traduction,
en verâ provençaux, de la prenilèrë églo^tlé dé Virgile ;
M. Amable Richier, ouvrier iriaréchal-fët^raiit, à là T^ôùr-
d' Aiguës ( Vaiicluse), pour sa pièce siii^ ragriculttire.
M. J.-B. Gaut, délégué de TAcadémie d'Aix, ïioiliiïlé rap-
porteur, a présenté Son travail sur le cdùcours fôi^iiïulé en
sonnets provençaux.
Lés prix ont été décernée aux lauréats dàris uhe séance
Solennelle, ati théâtre de ToUlôn, présidée par M. Allègre,
mâirè, qtii d prononcé uA dîscbUr^ à là fôiS littéraire et pa-
triotique, où il a retracé, éti traits héùrèfti^, le glorieul passé
de la Provence et son rôle important dans* Ttistoire ifetéltèc-
tuelle des peuples.
M. J.-B. Gaut a lu ensuite son rapport en vers provençaux,
au sujet duquel le journal le Var s'exp'Miïié e'ïi céi ternies :
(t Les candidats qui ofit pris part à la lutte poétique et ont
mérité une récompense y sont finement appréciés. A chaque
élôgé est mêlé un mot de critique courtoise'. La louange âînsi
asfsaisonnée n'a que plus d'agrément. »
Puis les principales pièces cotironnées ont été lUès par leui's
auteurs, et M. Victor Gelu, de Marseille, le doyeù deâ poeteé
provençaux et le peintre le plus énergique de nos mœurs po-
pulaires, a fait entendre une de ses ptodifctions les pliiâ origi-
nales : lou Credo de Cctssian,
La musique, cette sœur de la poésfe, liii éètvait Ô'àuxilïàire,
et les nïeilleurs artistes du grand théâtre de Marseille ont
exécuté divers morceaux de Pétrarque', ojyérà dé M. Dttplrat,
compositeur toulonnais.
La fête s'est terminée par un banquet offert patr le mà^e dé
Toulon, couronné par un dessert poétique, où l'éfé^ril!, Tiinai^i-
Miiàîi^ M vef vé et l'huftîoW &é \â Pi'of éfrfcé, oirt pétfflë j^hs
Vivenûfént que le vin de Champ â^e.
662 DIALECTES MODERNES
II
L'érection d'une croix monumentale, sur le mont Sainte-
Victoire, a été Toccasion d'une autre manifestation de la langue
provençale, qui représente un autre côté de notre caractère
méridional : le côté religieux.
Le mont Sainte-Victoire, près d'Aix, est célèbre, dans This-
toire, par la défaite et le massacre des Cimbres et des Teutons,
exterminés à ses pieds par Caïus Marins. Pour fêter ce triom-
phe de la civilisation sur la barbarie, le consul romain fit
allumer un grand feu sur la cime la plus élevée de ce grand
massif rocheux, et l'appela Mons Victoriœ, le mont de la Vic-
toire. Le christianisme lui donna la dénomination de Sainte-
Victoire, en adoptant et baptisant la tradition romaine. On
vient d'y élever une grande croix, dite Croix de Provence,
en reconnaissance d'avoir vu le Midi échapper au fléau de la
guerre.
Au sommet de ce dernier chaînon des montagnes alpestres,
qui domine, par son élévation de 966 mètres, les plus hautes
cimes des Bouches-du-Rhône, quatre inscriptions doivent être
gravées sur le piédestal de la croix : l'une en provençal, du côté
d'Aix; l'autre en grec, du côté de Marseille ; une troisième en
latin, du côté de l'Italie et de Rome ; et la quatrième en fran-
çais, du côté du nord ou de la France.
L'inscription provençale a été mise au concours, et 117 con-
currents ont répondu à l'appel. Le jury, composé de MM.Rou-
manille, président; chanoine Émerj, curé de l'église Saint-
Jérôme, à Aix; Damase Arbaud, de Manosque; Magloire Gi-
raud, curé de Saint-Cyr (Var), et de Bariême, des Alpes-Ma-
ritimes, s'est réuni à Marseille. Il a été embarrassé à cause de
l'abondance et de la richesse de la moisson poétique. Il paraît
qu'une trentaine de pièces sont hors ligne, et une quarantaine
fort remarquables.
Après deux jours de délibération, le jurj a arrêté son choix
sur un quatrain en vers alexandrins. En voici le texte, arrangé
MANIFESTATIONS DE LA LANGUE PROVENÇALE 683
en forme épigraphique, sans tenir compte de la mesure et de
la rime, que le lecteur rétablira facilement :
O CRVX AVE !
SOVRGÈNT d'iNMOVRTALO LVMIERO !
EME LOV SANG d'vN DIÉV,
O TESTAMEN ESCRI !
LA PROVVÈNÇO A TI PED SE CLINÈ
LA PROVMIERO.
ASSOVSTO LA PROVVENCO,
0 CROVS DE J.-C.
« 0 croix, salut ! source d'immortelle lumière ! avec le sang
d'un Dieu, ô testament écrit ! La Provence à tes pieds s'in-
clina la première. Protège la Provence, ô croix de Jésus-
Christ ! »
La proclamation du lauréat devait être faite au sommet du
mont Sainte- Victoire, dans une solennité religieuse et poéti-
que à la fois. La fête a eu lieu en présence d'un groupe assez
nombreux de touristes, qui avaient grimpé jusqu'au sommet
de ce nouveau Parnasse. Les messes et les cantiques proven-
çaux ont absorbé une partie de la matinée. Puis M. l'abbé
Lieutaud, bibliothécaire de Marseille, a glorifié la résurrection
de la langue et de la poésie provençales, dans une allocution
tout à fait de circonstance.
La pièce couronnée a été lue ensuite. On dit que ce n'est
pas la plus poétique ni la plus originale, mais qu'elle a le
caractère le plus épigraphique. Le nom du lauréat n'a pu être
proclamé, cette inscription étant anonyme.
On a donné lecture, au milieu des applaudissements de
Tassistance, d'une trentaine d'inscriptions provençales d'une
grande beauté, ainsi que des inscriptions grecque, latine et
française.
La poésie avait un sublime piédestal, en prenant son vol de
la plus haute cime des Bouches-du-Rhône, d'où l'œil émerveillé
contemple le splendide panorama qui se déroule tout autour :
la chaîne azurée du Luberon, la pointe vaporeuse du mont
684 t^IALËCTES MÔDlikNBâ
Ventoux, le pic de Notre-Dame-dès-Anges, àè ifétkcb'ànt dé la
chaîne de TEtole; lé bassin accidenté d'Aix, avec ses matadelons
de collines moutonnant comme des vagues, et, pour bordure
à ce magnifique tableau, F étang de Berre et la mer bleuissant
à Thorizon. Aussi, sur ce théâtre inusité, les vers avaient une
ampleur et un rhythme d'une sonorité merveilleuse, en pla-
nant au-dessus du monde, dans ce vaste encadrement de Fim-
mensité.
Quoiqu'elles ne soient que les accessoires de la manifesta-
tion provençale, nous croyons devoir terminer et compléter
cet article par le texte des inscriptions grecque, latine et
française, pour la croix de Provence.
L'inscription grecque est anonyme, comme rinscription pro-
vençale ; elle s'exprime en ces termes :
lAOV,
NATTAI, H *AP02;
EMnOPOI, TO KEPA02;
KPrATAI H HZVXlA RAI O ÏIAOTTOZ.
« Voilà ! nautonniers, le phare ! Marchands, le profit ! Tra-
vailleurs, le repos et la richesse ! »
Cette inscription s'adresse plus spécialement à la population
maritime, commerciale et industrielle de Marseille.
L'inscription latine, formée de deux vers hexamètres accou-
plés, est due à M. Carbonel, ancien professeur du collège
d'Aix ; elle est ainsi conçue :
E BELLO SERVATA, MEMOR PROVINCI A CHRI8T0
ERIGIT HOC FIDEI SIGNVM, SPE NIXA TRIVMPHI.
« Préservée de la guerre, la Provence reconnaissante a
érigé ce signe de la foi, soutenue par l'espoir du triomphe. »
Enfin l'inscription française, dont l'auteur est M. Humbert
de Saboulin, se formule dans le quatrain suivant :
o mont! que des romains ILLVSTRA LA VICTOIRE.
SVR TON SVPERBE FRONT LA CROIX VIENT SE POSER.
ELLE A W DES CÉSARS LES SCEPTRES SE BRISER :
ELLE SEVLE POVVÀlT AJOVTÈR A TA GLOlilÉ !..-..
L. i)KVILLlÈfcs.
PIECE LANGUEDOCIENNE
QUI A CONCOURU A SAINTB-YICTOIRE
M. le (Jpcteur A. Espagne, président de la Société pour
l'étude des langues romanes, a reçu communication de la pièce
de vers suivante, écrite dans le sous-dialecte de Montpellier,
et envoyée de notre ville à Aix pour le concours de Sainte -
Victoire. Nous rappellerions un sonnet, si sa prosodie mono-
rime ne constituait une violation flagrante des rigoureuses lois
de ce genre de poésie. Bien que Fauteur ait évidemment voulu,
par une répétition homophone, imiter le3 désÂnepcea analogues
des versets et de^ strophes liturgiques, et facUit|^r ainsi la con-
servation de son œuvre dans la mémoire du lecteur, nous n'hé-
sitons pas à la trouver trop longue pour être gravée sur le pié-
destal d'un monument religieux. Le peuple ne retient guère des
textes épigraphiques de quatorze vers ; la forme de quatrain
remplit mieux le but désiré. Telle qu'elle est pourtant, nous ne
nous refusons pas à l'insérer, parce qu'elle est un nouveau té-
jnoignage de cette ardente sympathie des muses Ungqedocien-
nés pour toutes les gloires de la Provence, suivant une tradition
aimée, si brillamment inaugurée dan?3 le premier volume de la
Revue parle beau poëme d'Octavien Bringuieç*; parce qi;e
encore, par une heureuse association du patriotisme et de la
* Prouvença, par 0. Bringuier, in Revue des langues romanes (2* et 4«
livraisons do 1870j.On n'a pas oublié U jugoriient porté sur ce poëme à la
Crounico felibrencode VArmana prouvençau de 1872, par un critique com-
pétent qui est on môme temps un grand poêle, et dont le pseudonyme trans-
parent, Gui de Mount Pavoun, ne voile plus à personne l'éminente person-
nalité : a sup?rbo cantadisso que retrais en vers de flamoli faste e li
» grundour de nosto iiasiounalila. Un lirisme resplendènt, uno audàci
» d'image qu'es souvent magnilico, uno ardènto passioun pôr lou terraire
» ounle vivèn, un masclun, uno caloiir, un estraïubord que vous emporton
» joun à l'eslùdi e au perças di boni formo poupulàri, plaçon aqueu feli-
9 bre au balaioun di fort. Lou ditirambe de Prouvença esdins lou mole
» — e de la raço — di bèus iambe de Barbier. »
6S6 DIALECTES MODERNES
foi, elle réunit dans une même composition le fait le plus glo-
rieux qui termine Thistoire ancienne de cette belle province et
le grand événement qui en ouvre Tère nouvelle : la défaite des
Teutons et des Ambrons par Marius, et Tintroduction du chris-
tianisme dans les Gaules par les premiers disciples de Jésus-
Christ.
Nous insérons cette poésie, avec les quelques modifications
que Fauteur y a introduites.
O Crous ! calma dau Ciel la coulera embrandada !
De Satan jout tous peds que fremigue Tarmada !
La França devers tus, coufla, s'es revirada.
Que la Prouvença t'aime e de tus siegue aimada !
Per Lazare et Maria e Marta un jour prechada,
La Prouvença despioi seguet ta filha ainada.
Toun sourel sans couchant Ta ben illuminada;
Jout tous brasses de maire a grandit proutejada.
Sus soun pioch, dins lous airs, la mountagna sacrada,
D'un trounfle, ier uman, ioi divin, illuslrada,
Moslra de toun retrai la granda obra acabada
A la plana aiçaval de sang teutoun bagnada.
0 Crous l 0 santa Crous, sus la roca aubourada,
D'espouèr, d'amour, de pès, coumoula la countrada.
O Croix l calme du Ciel la colère flamboyante 1 — De Satan sous tes
pieds que l'armée frémisse ! — La France vers toi, saturée, est revenue —
Que la Provence t'aime et soit aimée de toi.
Un jonr évangélisée par Lazare et Marie et Marthe, — la Provence fut
ta lilJe aînée depuis. — Ton soleil sans couchant Ta bien éclairée; — elle
a grandi, protégée sous tes bras de mère.
Sur ton sommet, dans les airs, la montagne sacrée, — honorée par
un triomphe, hier humain et aujourd'hui divin, — montre de ton image
la grande oeuvre achevée
A la plame, là-bas, baignée de sang teuton. — 0 Croix 1 0 sainte
Croix, arborée sur la roche, — d'espoir, d'amour, de paiz^ comble notre
pays.
L^ESCALIE DI aiGANT
Escalié di Gigant, dins ti paret superbo,
La reguindoulo esquiho, e, folo, flouris Terbo ;
Mars e Netune, ôèr, subre si pedestau
Soun sèmpre dre, mai res arribo dôu pourtau,
Ni lou Counsèu di Dès, ni Doge e Dougaresso,
E ï es, i dieu de mabre, uno grande amaresso
Que li papo e li rèi au palais tournon plus.
Coume de fouletoun, pèr fes, dins lou trelus,
Li pijoun famihié volon e vènon béure
I cisterno de brounze ounte s'agrafo Téure.
Dins ta clastro deserto, o vièi palais ducau.
S'entend que lou pas fin di chato à pèd descau
Que courron tira d'aigo, e lou ferrât que toumbo.
Touto ta meraviho es pèr iéu uno toumbo
Recatant noublamen lou passât venician :
Palma, lou Verounés, Tintouret, lou Tician,
Ta Republico morto e sa terrible voie,
0 Venise toumbado i man de la Savoie !
L'ESCALIER DES GÉANTS
Escalier des Géants, dans tes murs superbes, — le lézard glisse,
et fleurit Therbe folle ; — Mars et Neptune, fiers, sur leurs piédes-
taux— sont debout toujours, mais personne n'arrive du portique,
— ni le Conseil des Dix, ni Doge et Dogaresse, — et c'est aux dieux
de marbre une grande amertume — que les papes et les rois au
palais ne retournent plus. — Comme des tourbillons, parfois, dans
la lumière, — les pigeons familiers volent et viennent boire — aux
citernes de bronze où s'attache le lierre. — Dans ton cloître désert,
ô vieux palais ducal, — on n'entend que le pas fin des filles aux
pieds nus — qui courent puiser Teau, et le seau qui tombe.—
Toute ta splendeur est pour moi un tombeau — recouvrant noble-
ment le passé vénitien: — Palma, Véronèse, Tintoret, le Titien, —
ta République morte et sa vigueur terrible, — ô Venise tombée aux
mains de la Savoie 1
088 DIALBCTFS MODBRNBS
E, mau-grat lou soulèu qu'enfioco ti paret,
Quau trèvo ta ciéuta dins li mesoulo a fret.
Mai, coume un chin fidèu lipant li pèd dôu mèstre,
0 Veniso, mau-grat lou tèms, lis escaufèstre,
La mar te rèsto amigo e d'un bais tremoulant
Poutouno sènso fin ti pont de mabre blanc.
Sies sa nôvio fidèlo encaro, Adriatico!
Te souvèn de sa glôri e de la noço antico,
Te souvèn, en bagnant lou ribeirés latin,
De la rèino di mar e dôu poumpous matin :
Quand, davans li jouvènt, davans li blôundi fiho
Dins sa belour mesclant TEuropo emé TAslo,
Davans lou Sénat mut, davans li pescadou
Lest à se traire au founs dôu verd engloutidou,
Lou Doge magnifique, amount, dôu Bucentaure,
Se clinavo, espérant que Tounde à-n-éu s'enaure,
E leissavo toumba la bago sus toun sen !
Ansin soûl isto Tart, faù que nàutri passen.
Enterin lou lioun^de sant Marc que te gârdo,
Et malgré le soleil qui enflamme tjes wurailles, — celui qui hante
ta cité a froid dans les moelles.
Mais, comme un chien fidèle léchant les pieds du maijtre, — ô
Venise, malgré le temps et les alarmes, — la mer te reste amie, et
d'un baiser tremblant — baise sans Cn tes ponts de marbre blanc.
— Tu es sa fiancée encore, Adriatique! — 11 te souvient de sa gloire
et de la noce antique; — il te souvient, en baignant le rivage latin,
— de la reine des mers et du matin pompeux : — quand, devant les
jeunes hommes, devant les blondes filles — mêlant dans leur beauCô
TEurope et l'Asie, — devant le Sénat muec, devant les pêcheurs —
— prêts à se jeter au fond du gouffre vert, — le Doge magnifique,
du haut du Bucentaure, — se penchait, attendant que Tonde s'élève
à lui, — et laissait tomber U bague sur ton sein!
Ainsi seul demeure l'art, et nous il faut passer.
Cependant le lion de saint Marc qui te garde, —en frémissant
l'bSCALIÉ DI GIGâNT eg9
En fernissènt dis alo, o vièi palais, regarde
Li barrulaire estrange, angles, ameçican,
Mounta, pâli nanet, Tescalié di Ç^igant.
Teodor Aubambl.
Venisos 14 de juliet 1873.
des ailes, ô vieux palais, regarde — les étrangers errants, anglais,
américains, — monter, nains pâles, l'escalier des Géants.
Théodore^ Aubanel.
Venise, 14 juillet 1873.
45
LA FLQUR D'AMOUR
Pichouno flour touto passidô,
Tu que douermes dins moun înissâu,
Un. moumen laisso toun repàus
E parlo-me de la poulido
Que sa man blanco fa culido.
Parlo-me plan, pichouno flour;
Parlo-me d'aquelo vesprado
Que sus la tepo enfresqueirado
Em' elo parlàvi d'amour
E bretounejàvi : « Toujour ! »
léu, de sei bouqueto pourpalo,
Fôu de plesi, beviéu Talen,
E de mei bras, perdu, relent,
Tencenturàvi leis espalo.
Elo, me regardavo palo . . .
Ero alor un vèspre d'estiéu ;
E seis ue nègre regardavon
Leis estello d'or que toumbavon
Amount dins lou grand cèu de Dieu.
Soun regard s'emplissié de niéu.
LA FLEUR D'AMOUR
Petite fleur toute fanée, — toi qui dors dans mon missel, — pour
un instant quitte ton repos — et parle-moi de la jolie — dont la
main blanche te cueillit.
Parle-moi doucement, petite fleur; — parle-moi de cette soirée
— où, sur le pjazon frais, — avec elle je parlai d'amour — et je mur-
murai: « Toujours.' »
De ses lèvrps vermeilles, — fou de plaisir, je bus le souffle, — et
de mes bras, enivré, transporté, — je lui entourai les épaules. —
Elle me regardait pâle. . .
C'était alors un soir d'été; — et ses yeux noirs contemplaient —
les étoiles d'or qui tombaient — là-haut dans le grand ciel de Dieu.
— Son regard s'emplissait de nuages.
LA PLOUR d'amour 691
E culiguè 'no margarido
Que blanquejavo dins lou prat :
— « Un jour, digue, te restara
)) D'aquelo nuech estavanido
» Plus rèn qu'aquelo flour passido.»
E me dounè sa flour d'amour,
Sa blanco flour de souvenènco:
(( Deis amour de nouesto jouvènço,
» S' un cop s'amoussavo Tardour»,
Disié, «regardo aquelo flour.»
Aviés resoun : Terso ferouno.
De nouéstei vido, sens pieta,
A divisa lei doues mita
E t'a raubado à mei poutouno.
Aviés resoun, o ma chatouno !
Embessouna, nouéstei veissèu ,
Dei mar estrassant la gounello,
Emé seis alo blanquinello,
Voulavon coume leis aucèu
Voion ei grand piano dôu cèu.
Mai Taragan, sourne cassaire,
Et elle cueillit une marguerite — qui blanchissait dans la prairie:
— « Un jour, (lit-elle, il ne te restera — de cette nuit évanouie —
»rien autre que cette fleur flétrie. »
Et elle me donna sa fleur d'amour, — sa blanche fleur de souve-
nance:— ti Des amours de notre jeunesse, — si un jour l'ardeur
» s'éteignait, — disait-elle, regarde cette fleur. »
Tu avais raison: la vague farouche — a, sans pitié, de notre vie
— séparé les deux moitiés. — Elle t'a ravie âmes baisers. — Tu
avais raison, (j ma jeune tille!
Serrés co:nnio deux jumeaux, nos vaisseaux, — des mers déchirant
le corsage. — avec leurs ..iles toutes blanches,— volaient comme les
oiseaux — volent dans les grandes plaines du ciel.
Mais l'ouragan, sombre chasseur, — était aux aguets. Noir et
692 DIALECTES MODERNES
Ero à Tespèro. Nègre e rau
Dôu veissèu batè lou peitrau.
Touto uno nuech, ardent luchaire,
Mouguè loutron emé Tesclaire.
E lou matin (matin amar !
Matin de dôu!), quand Faubo primo
Dou bastimen daurè la cimo,
Arregardèri sus la mar ....
Lou gai soulèu brihavo clar.
Mai à la piano inmènso e mudo
En van moun ue te demandé ;
A ma voues soulo respoundè
Emé soun crid de plagnitudo
L'erso pèr Perso coumbatudo !
T'ai plus revisto ! mai ta flour,
Ta flour d'amour, ta flour passido,
Vuei de ma vido achavanido,
Coume Festello au vouiajour,
M'ajudo a remounta lou cours.
Crêstian de Vilo-novo-Esclapoun.
Valencolo, outobro 1872.
rauquo. — il battit le flanc des vaisseaux. — Toute une nuit, lutteur
ardent, — il fit mouvoir la foudre et l'éclair.
Et le malin (matin amer ! — matin de deuil !), quand la première
aube — dora la cime du bâtiment, — je regardai sur la mer —
le gai soleil brillait clair.
Mais à la plaine immense et muette — en vain mon œil te de-
manda ; — à ma voix seule répondit, — avec son cri de plainte, — la
vague par la vague combattue .
Je ne t'ai plus revue I Mais ta fleur, — ta fleur d'amour, ta fleur
flétrie, — aujourd'hui de ma vie ballottée par la tempête ,—- comme
l'étoile au voyageur, — m'aide à remonter le cours.
Christian de Villeneuve-Esclapon.
Valensolle, octobre 1872.
BIBLIOGRAPHIE
Glossaire botanique, languedocien-français -latin, de ^arrondissement
de Saint-PonSf par Melchior Barthès. — Montpellier, Imprimerie cen-
trale du Midi, 1873. l vol. in-8» de 268 pages.
M. Melchior Barthés, de Saint-Pons, un des naembres les plus
zélés de la Société pour l'étude des languesïromanes, vient de pu-
blier un Glossaire botanique, languedocien- latin- fî^ançais, de l'ar-
rondissement de Saint-Pons. L'auteur, qui a fait une étude par-
ticulière des plantes de son pays, pour leur demander, au profit de
ses malades, leurs propriétés, leurs vertus, nous donne le fruit
de ses longues et savantes investigations. A côté des noms et de
l'histoire de chaque planie se trouve l'étymologie, le plus souvent
tres-originale et très-ingénieuse, qu'il a trouvée dans la langue
gauloise, latine ou grecque. Mais ce qui donne à cet ouvrage
un cachet d'originahté des plus intéressants, qui le fait lire avec un
plaisir extrême, c'est l'élégante et pittoresque description de chaque
plante sur son utilité, rembième qu'elle représente dans les tra-
ditions populaires, les dictons ou proverbes auxquels elle a donné
lieu.
Nous ne pouvons résister au plaisir de citer quelques passages
des vers patois dont M. Barthés a émaillé son ouvrage :
1° Au mot Véronique :
La Berounico,
Al medeci ié fà la nico.
La Véronique — se moque du médocln.
"i" Au mot Hysope :
Qui biùd'isop,
Biù trop
Qui \ it d'hysope — vit trop.
3° Au mot Ciguë :
Quand abalot la jalbertasso,
Socrato se sariè saibat,
694 BIBLIOGRAPHIE
S*abia mes al found de la tasso
Un pessuc de canfre pilât.
Quand il avala la ciguë, — Socrate se serait sauvé, - s'il avait mis au
fond de la lasse — un morceau de camphre pilé.
Et, ajoute l'auteur, ce n'e^t pas Raspail qui dira le contraire.
4" Au mot Gland (traduction d'une pensée d'Ovide):
Las herbes, en prumié, serbigueroun de pà
A rhome, que fasio re que las acampà.
Pei l'aglan arribet : Taglan, bouno troubalho
Souguet dal dur garric un presen pi à galan .
La prumiero, Cerès, per iéfàfà ripalho,
Dounet lou blat à l'home en plaço de Taglan.
Les herbes d'abord servirent de pain — à l'homme, qui n'avait qu'à les
ramasser. — Puis le gland arriva: le gland, bonne découverte, - fut du
dur chêne un présent bien gentiL — La première, Gérés, pour lui faire
faire bombance, — donna le blé à l'homme au lieu du gland.
5° Au mot Herho d'amour :
Herbo d'amour
Que brandilho,
Hrandilho ;
Uerbo d'amour
Que brandilho
Toujour.
Herbe d'amour — qui s'agite, — s'agite ; - herbe d*amour— qui s'agite
— toujours.
6° Au mot Sauge :
L'home deù-tl crentà la mort,
Quand a la salbio dins soun ortT
L'homme doit-il craindre la mort, — lorsqu'il a la sauge dans son jar-
din?
70 Au mot Rose :
Proubenco, blu de cel, et tu, margarideto;
Pensado, tu m'amigo, en bestit de belous ;
Tu, poumpouso penolho, e tu, jantio biuleto,
M*agradas; mé la rose es la flou de las flous!
Pervenche, bleu de ciel, et toi, marguerite; — pensée, toi, mon amie, en
habit de voleurs ; — toi, pompeuse pivoine, et toi, gentille violette, — vous
me plaisez ; mais la rose est la fleur des fleurs !
.13
BIBLIOGRAPHIE !:95
M. Barthés ne se contente pas d'être un botaniste habile et atta-
chant ; il présente encore, dans l'Introduction de son ouvrage, une
étude particulière du patois local. II défend et démontre l'idée
nouvelle, déjà signalée par M. A. Montel, que les idiomes néo- ro-
mans ne doivent pas, dans une aussi large mesure qu'on l'avait
généralement cru jusqu'ici, leur origine au latin. L'ancienne langue
celtique ou gauloise a laissé une empreinte importante aux idiomes
vulgaires, qui ont résisté aux invasions du latin vainqueur. Ces
idiomes se sont conservés parallèlement à la langue officielle, née
du latin et des langues des derniers conquérants germains, et lui
ont imposé même un certain nombre de leurs radicaux. Ce travail,
tout incomplet qu'il devait être, par son caractère en quelque sorte
de hors-d'œuvre, n'en est pas moins très-savant et très intéressant,
et marque, avec le Glossaire, un jalon sérieux de la série des études
qui entrent dans le programme de la Société des langues ro-
manes.
Joignant la pratique à la théorie, M. Barthés termine son œuvre
par un morceau intitulé Uno belhado diber, en vers néo-romans du
dialecte de Saint-Pons, dans lequel il chante le bonheur qu'on
trouve à étudier les plantes et les fleurs. Assis au coin du feu, un
soir où la neige et les frimas couvrent la terre, le poëte rêve le
retour prochain du printemps et entretient un vivant et charmant
dialogue avec ses chères fleurs, qu'il appelle de leur nom et qui
viennent successivement poser devant lui, fières de la beauté de
leur forme et de leur couleur.
Placé au centre même de la province du Languedoc, Saint-Pons
possède un dialecte original, nettement tranché, sans mélange
aucun de l'influence du proven'çal, mais où cependant semblent se
refléter les caractères principaux des idiomes du bas Languedoc
A ce titre surtout, il forme un sujet d'étude fort intéressant.
L'extrait suivant de cette pièce donnera au lecteur une idée de la
valeur sérieuse de l'ouvrage et le désir de le posséder dans 3a
bibliothèque:
As enbit ouns dal mes de mai
Que tout es frescl que tout es gai !
Un araourous per sa mèstresso
Acainpariô 'n crâne bouquet,
Recoumpensat apèi d'une douço caresse;
Mes ieu, fol de las flous, ne bôu faire un paquet
69rt BIBLIOGRAPHIE
Per ne cabi lous noums al founds de macabesso.
Boules èstre sapiens de ma recreaciu?
Lou bèrs amme la flou toutarreu se marido:
Lous unes dins l'ibèr, las autres dinsl'estlu,
Bèrses ei flous se partajou ma bido.
Bèrses et flous, siès ma passlu !
I' a pas enloc de cèl sans niu,
Mes toujour dins lou meu fasès uno esclarcido.
Gai a pintrat aquel tablèu
E fait las raretats que besi *?
Acô 's Dius soûl, — amai ba cresi,
E i' a pas à dire : Belèu.
Demest las fèihos que berdejou
Toutes las coulous se barrejou :
Besi de flous pu biancos que la nèu,
De toutes roujoS; de rougencos,
De roses et de biuletencos ;
le n'a qu'ennairou *n froun roussèl,
D'unos de belous se bestissou ;
NTa de bluos coumo lou cèl,
Goumo l'argen d' autres lusissou,
E de l'or dal soulel foss'autros se tapissou ;
Lou très quarts ou de casaquins
Mirgalhats à-n-un pun que semblou d'arlequins.
Mes couci lou soulel pot èstre
Un pintre ta famous*? Sigur lou aeu plncèl
Es pus adrex que lou de Rafaèl :
Paimens Rafaèl n'èro *n mèstre I
Gouci pot tout al cop pintrà de flous en blanc,
D'autres en jaune, en blu, d'autros coulou de sang?
Dount benou tant de difierenços
Dins las coulous, dins las nuenços?
Abucles que sien ! Mespresan
Lou miracles que Dius fa per nautres cad' an.
Aux environs du mois de mai — que tout est frais I que tout est gai 1 —
Un amoureux pour sa maîtresse — cueillerait un crâne bouquet, — ^récom-
pensé ensuite d'une douce caresse ; — mais moi, fou des fleurs, je vais en
faire un paquet — pour loger leurs noms au fond de mon cerveau. —
Voulez- vous savoir quelle est ma récréation? — Les vers avec les fleurs
sans cesse se marient: — les uns en hiver, les autres en été, — vers et
fleurs se partagent ma vie. — Vers ei fleurs, vous êtes ma passion l — Il
n'y a nulle part de ciel sans nuage, — mais toujours dans le mien vous
faites une éclaircie.
RIBLIOGRÀPHUS 097
Qai a peint ce tableau — et fiait les raretôô que je voisf — C'est Dieu
seul, môme je le crois, — et il n'y a pas à dire : Peut-être. — Parmi les
feuilles qui verdoient — toutes les couleurs se mêlent : — je vois des fleurs
plus blanches que la neige, — de tout à fait rouges, de rouge&tres, — de
roses, de presque violettes ; -- il y en a qui lèvent un front blond; — les
unes de velours s'habillent; — il y en a de bleues comme le ciel, — comme
l'argent d'autres brillent, — et de l'or du soleil d'autres se revêtent; — les
trois quarts ont des vêtements ~ bariolés à tel point qu'elles ressemblent
à des arlequins.
Mais comment le soleil peut-il être ~ un peintre si fameux f CSertaine-
ment son pinceau — est plus habile que celui de Raphaël ; — cependant
Raphaël en était un maître ! — Gomment peut-il tout à la fois peindre des
fleurs en blanc, — d'autres en jaune, en bleu, d'autres couleur de sang? —
D'où proviennent tant de différences — dans les couleurs, dans les nuan-
ces? — Aveugles que nous sommes ! Nous méprisons — le miracle que
Dieu fait pour nous chaque année.
Nous sommes heureux, avant de clore cette notice, d'annoncer à
nos lecteurs que l'ouvrage de M. Barthés vient d*être l'objet d'une
distinction aussi honorable que méritée : la Société botanique de
l'Hérault, dans son Exposition locale du mois d'août dernier, lui a
décerné une médaille d'or.
Gantagrei. .
Catalanes y Gatalanades [parlar rosselUmés), per M. F. Rous, curtU de
Banyuls delà Marende, Espira, Jammet, 1873, ln-12, 207 pages.
•c En Rossellô, nostre catala ten un poch del françés, coma Bar-
» celone del castilla. — A la plasse de l'a final, se pose aci l'e
«muet francés. Mais axo n'i hi fa res; es sempre lo catala »
dit l'auteur dans une courte et spirituelle préface. C'est en cher-
chant à rattacher plus étroitement l'idiome du Roussillon au ca-
talun des provinces espagnoles, en Je dégageant du singulier
système orthographique qui le défigurait, que M. Roux a écrit son
nouveau recueil. Sa tentative est profitable au point de vue litté-
raire comme au point de vue linguistique, et il serait à souhaiter
qu'elle appelât l'attention de (juelque romanisant sur le roussil-
lonnais lui-même. 11 y a une étude complètement nouvelle à entre-
prendre sur ce dialecte, qui est peut-être moins connu en France
698 BIBLIOGR APHI K
»que celui du comté de Barcelone. Après avoir pendant plusieurs
:8iècles vécu sans littérature propre, il participe aujourd'hui dans
une certaine mesure au double mouvement de renaissance delà
iGatalogne et de la Provence. C'est même aux félibres, et notam-
ment à MM. Roumanille, A Bayle. deGinestas et J. Saunier, que
M. Tabbé Houx a emprunté la plupart des poésies qui composent
la premièn» partie de son recueil La deuxième : Faules y contes de
la bore del foch, comprend un nombre assez considérable de ces
récits populaires que l'on retrouve, à peu près les mêmes, dans tous
les pays de langue d'oc. Plusieurs appartiennent déjà à VArmana:
les autres sont probablement communs au Roussillon. Il y a beau-
coup d'agrément et de vivacité dans la versification de ces petites
pièces. Nous signalerons parmi elles: Pamparigousie, heureuse et
parfois originale imitation du Bon Sen de VArmana de 1869 ; la
Xiulet et lo Petit benêt, reproduction de deux contes de la Pro-
vence et de la Gascogne: Quin es lo mes adrelf Senzillese d*une
done, Jo sébè qu'es pas jo, etc.
Le recueil de M . Roux contient enfin une traduction du Stabat
mater, qui est trop remarquable pour que nous n'en citions pas
quelques fragments. On a bien rarement rendu avec un tel bon-
heur d'expression, avec une telle sincérité d accent, la célèbre prose
de Jacopone de Todi :
'Stabe drète. tote plorose,
La Mare triste y dolorose
Prop de son Fill, penjat en creu. . .
Lo cor trencat y desolade,
D'une espase ère trebassade
En contemplan Jésus, son Deu.
Oh l qu'ère triste y affligide
La pobre Mare benehide
Del Fill de Deu unigenit !
La cual dins lo cor se dolie,
Veyen al llarg lo que sufrie
Lo Deu son Fill tantentristit.
Ay ! Mare mie, font d'amor I
Fes-me sentir lo teu dolor. . .
Oue plori jo aempre embélo. . .
BIBLIOGRAPHIE ^^
Abrase en mon cor compungit,
Bel foch d'amor per Jésus -Grist
Y que lo planyo sempre jo. . .
Fes qu'embé lo jo sempre plori ;
Dès d'are fins à que me mori ;
Fes-me sufrir embé ton Fill. . .
Prop de sa creu que sempre sigui.
Embé to que sempre m'estigui. . .
Es axô mon desitj «^ensill. . .
Verge de totes la mes belle.
No siguis pas à mi rebelle,
Fes-me com to sempre plorar .
Fes qiiH del r4nst senti la mort;
De sa Passiô T^s-me consort;
Fes-me sas plagas sempre amar.
Del seu sanch nodreix me també .
Afi que l'infern no me pringui.
Que ma défense de to vingui,
Verge! en lojudici darré*.
Notre confrère prépare en ce moment un travail des plus inté-
ressants. C/est le recueil des Noëls et des Goigs catalans chantés
dans les églises et les dévotions populaires du Roussillon et de la
Cerdagne. Il serait nécessaire que cet exemple fût suivi pour tous
les dialectes du Midi, qui possèdent encore un si grand nombre de
ces compositions. Nous engageons les personnes qui en connaî-
iraient quelques-unes aies communiquera l'auteur, à Banyuls-
sur-Mer (Pyrénées-Orientales).
A. H. -F.
* Il existe diverses traductions du Stabat mater, entre lesquelles on peut
mentionner comme les plus remarquables celles du P. Amilha (dialecte
de l'Ariége, arrondissement de Pamiers). la Bido del parfet chrestia;
Tolose, 1672, in-l2, p. 113; —de l'abbé Nerié (dialecte languedocien du dé-
partement de ÏPLude): Recueil de chants d'église en vers p<Uois;Gnr'
cassonne, 1822, in- 12, p. 32 ; — de M. Authemàn (dialecte provençal),
Armanade 1861, p. 98.
700 BIBLIOGRAPHIE
Volo-Bidv, poome en trois chants, par Albert Amavielle, illustré par
Aristide Aniavielle. Alais, J. Martin, 1873 — L*Armagna ceTendn, per
Ion bel an de Dieu 1874. Alais. BnigueiroUes et Gie. — Las Fados
en Gevenos, poëme par M. Paul Félix. Alais, BnigueiroUes et Cie,
in-8% IV- 382 pages et portr.
Peu à peu tous les idiomes méridionaux viendront prendre part
à la renaissance de la littérature et de la philologie de la langue
d'oc. C'pst, à cette heure, le cévenol qui entre en lice avec plusieurs
(Buvres remarquables : le Dictionnaire languedocien- français de
M. Maximin d'Hombres, — le poëme Volo-Biàu d'A. Arna vielle, —
las Fados en Cevenos, de P. Félix, et la publication périodique PAr-
magna cévenôu.
Nous avons déjà parlé du Dictionnaire. Quand il sera terminé,
nous en rendrons compte, en indiquant les services qu'il est appelé
à rendre à la science.
Dire que le poëme Volo-Biàu est du jeune et ardent félibre des
Canls de PA ubo, c'est dire le style vigoureux, net et hardi qui le
distingue. C'est, en eiret. grandement écrit. Sans sortir des limites
restreintes de la légende, il donne des exemples frappants de ce que
la langue populaire a de forces vives el de ressources ignorées En
somme, de Tesprit, de la verve, de la gaieté: c'est plus qu'il n'en
faut pour lui assurer un vrai et légitime succès.
Nous trouverons l'occasion d'en parler plus longuement, et aussi
de dire de Tœuvre de M. P. Félix tout le bien qu'elle mérite.
VArmngna cevendu s'annonce comme devant être pour le pays
des Gôvennes, la montagne, ce que VArmana prouvençau est plus
particulièrement pour la Provence. Aussi en a-t-il adopté le plan,
les idées, les allures, et en reconnaît-il l'autorité.
Les vers et la prose y alternent. Les vers sont de A. Arnavielle,
Paul Gaussen, Marius Yillar, d'Alais; — Hipp. Olivier, Paul Félix,
d'Anduze; — F. Aigon, Henri Coulomb, de Nîmes, — Ernest
Aberlenc, d'Uzès ; — Camille Cavalier, de Bességes ; — Laurent
Cabanis, d'Avèze; — A. Villié, de Saint-Geniès (Aveyron); — Ju-
nior Sans et G. Donnadieu, de Béziers ; — Langlade, de Lansar-
gués, etc., sans parler de quelques-uns des félibres provençaux.—
La prose, signée lou Bourgal {lou Cascarelel provençal), se compose
surtout de bourgalados, ce qui répond aux galejados de la Provence
BIBLIOGRAPHIE 701
Nous souhaitons à notre jeune confrère le plus grand succès ;
nous serons heureux de pouvoir constater, dans notre Revue an-
nuelle, son initiative après ses développements,
A. M.
Deux documents latins inédits des IX« et Vil* siècles, par H. d'Ârbois
de Jubainville (Extrait de la bibliothèque de rEcole des chartes,
tom, XXXIV.)
M. d'A. de Jubainville y traite des mêmes matières que M. P.
Meyer dans l'article intitulé: Joca monactorum, et publié dans la
Rornania (t. P', p. 583 et suivantes). Quoique composées en même
temps et sur le même sujet, ces deux études se complètent sans
que l'une fasse double emploi avec l'autre. M d'A. de J. s'est sur-
tout attaché à relever les formes barbares dont fourmillent ces
textes, travail que M. P. M. a volontairement laissé de côté pour
n'indiquer que les plus saillantes. Cette statistique a plus d'u-
tilité qu'il ne semble, car c'est en recueillant avec le plus grand
soin toutes ces particultirités d'orthographe qu'on pourra retrou-
ver et rétablir les lois qui les régissent. M. d'A. de J. avait déjà
montré, dans sa Déclinaison latine en Gaule à V époque mérovingienne,
récemment; analysée et louée par lA. Littré {Journal des Savants,
octobre 1873), quel profit la philologie romane peut tirer de ce
genre de recherches.
Une observation de détail en finissant. Pourquoi dire (p. 5) que
tempus passe à la deuxième déclinaison dans cet exemple quantum
leinpoi-uni? Il est plus probable que temporum est bien au génitif
pluriel. i)uis(|ue le latin elassiijue lui-même employait parfois çitan-
tum avec un génitif pluriel : quantum hominum == que d^hommes.
A.B.
PÉRIODIQUES
Romania, n» 6. — P. 1 53, Pio Rajna, Uggeri il danese nella
leiieralura romanxesca degf Italiani. Etude des compositions franco-
italiennes et toscanes du moyen âge, où figure Oger le Danois. ^
P. 170. P. Meyer. le roman de Btandin de Comouailles H de GuUlùt
Ardu de Miramar, publié pour la première fois d'après le ms. unique
de Turin. Court poëme provençal de 2,394 vers octosyllabiques,
transcrit à la fin du XIV* ou au commencement duXV« siècle.
D'aprèc cer;;ains indices, M. P. M. conjecture que l'auteur était un
Catalan qui écrivait en provençal. Sans s^attacher à reconstituer
le texte dans son entier, besogne aussi fatigante que dangereuse,
il y a introduit un grand nombre de corrections* Il y a joint un
court glossaire, où il a soin d'indiquer même les formes dont il ne
peut rendre compte; bonne précaution, qui, en appelant l'attention
sur les difficultés, en prépare la solution. Abre. i., du v. 707, doit se
lire al rei al re, cf. les vers 779, 1545. A la suite de Tarticle
lombar, verbe transitif =: renverser, il est bon d'ajouter que le
patois actuel emploie ce mot de la même manière. — P. 203, A.
Longnon, François Villon et ses légataires. Notice biographique très-
curieuse, contenant bon nombre de faits nouveaux. M. A. L. dé-
montre que le vrai nom du poëte était François de Montcorbier.
— P. 237, Mélanges. Étymologie du pr. gazalj fr. jael, de l'it.
guastada^ pr. engreslara, des mots fr. mire, mégissier, grammaire,
sommelier, par Adolf Toblor. — P. 245, VaHèlés lorraines, M. P.
Bonnardot rolève certaines particularités d'orthographe et de pro-
nonciation propres au dialecte messin du XilP et du XIV siècle. ^
Signalons, entre autres, la nasalisation d'e atone final : Whommen,
li freren dor Templen; le groupe en prononcé ein ou ain en Lorraine,
autrefois comme aujourd'hui, quand il provient de i ou de e nasals
latins restés jjurs ; ei mis pour e final atone, ont pour ent à la
3' p. pi. (le l'indic. présent, qui prend alors la signification de Tin,
dicatif parfait. — P. 259. Deux romani'fù g. liicicnnes recueUiles ^
M. F.-A. Coelho. — P. 261, Comptes rmdus de l'ouvrage intitulé.
Zum nonnannischen Rolandsliede; — des Canti antichi porloghesi,
tratti dal codice Vaticano 4803 ( d'Ernesto Monaci ) ; — des Saere
PËKIODIQ^BIS 703
Rapprezentazioni dei secoli XIV, XV et XVI, raccolte eîllustrate
per cura di Alexandre d'Ancona ; — des Documents historiques
publiés par la Société de V Ecole des chartes, — P. 268, Périodiques, —
P^ 278, Chronique. A. B.
Le Musée, Revue arlésienne, historique et Wtéraire '
En 1868, de jeunes avocats d'Arles fondèrent sous ce titre une
revue, dont quelques-uns des éléments furent empruntés aux ar-
chives, aussi riches que peu connues, de leur ville natale. En même
temps que des poésies provençales de MM. Mistral, Canonge et
l'abbé Lambert, ils publièrent successivement une partie assejj
considérable d'un manuscrit de L. M. Anibert iVHisloiredes troubles
arrivés dans la ville d^ Arles durant la Ligue, et diverses éludes
archéologiques et littéraires par MM. Amédée Pichot, E. Fassin,
Honoré Clair, etc.
Cette revue, qui fut interrompue en 1869, vient d'être reprise
aujourd'hui. Elle est dirigée par M. E. Fassin et conçue dans un
esprit bien plus documentaire qu'à son début. Elle imprime
en ce moment un manuscrit de Didier Veran : les Annales de la
xnlle d^Arles^ travail incomplet, mais utile malgré ses lacunes, et
donnant, année par année, de 963 à 1785, la mention de tous
les faits locaux, les noms des consuls, les actes, les donations, les
épitaphes, etc.; des Mémoires de Le Pic^wr tous les plus considérables
événemenls d'Arles, de 1694 à 1712, et enfin une suite très-curieuse
de notices, par M. E. Fassin, sur les rues, les quartiers, les mo-
numents et même les principaux mas du territoire d'Arles. L'au-
teur a recherché les matériaux de son travail, non-seulement dans
les archives communales et hos])italières, mais encore dans les
papiers de procédure et dans les actes notariés. Comme il le dit
lui môme, « cette façon dôtudier l'histoire n'a ni le charme, ni
" riiuérèt des vieilles chroniques », mais elle est nouvelle et donne
des résultats d'une « exactitude absolue.» On ne peut que le félici-
ter d'v avoir songé.
A. R.-F.
Sociale .scie)Uifique et lillcrnire d'Alais. année 1872, 2« bulletin,
Costumas e leys municipales de Sanct-Gil /, pair. 121 à 215.
La publication en est due à M. de Lamothe, archiviste du dépar-
' Bertet, libraire, place de la Major, 15. à Arles.
704 PRRTODTQUES
tement du Gard. Originairement, cette coutume a été écrite eA
latin. Il n'en reste aujourd'hui (jue la copie, « faite en langue vul-
» gaire par un jurisconsulte ou, tout au moins, par une personne
» très-versée dans la science du droit. » Il serait donc utile de
l'examiner au point de vue de l'influence du texte primitif sur le
roman . Le premier a malheureusement disparu pendant les guerres
civiles du XVI" siècle. L'étude de ces coutumes pourra, du reste,
servir à déterminer bien des points d'histoire locale. On sait que
la ville de Saint-Gilles eut une importance très-considérable au
moyen âge, et qu'elle entretenait un commerce suivi avec le
Levant .
A. R.-F.
L'Artiste. Histoire de l'Art contemporain. Rédacteur en chef: Arsène
HoossAYB. — Paris, à la librairie Henri Pion, rue Garancière, 8.
Au moment où paraît VArmana prouvençau de 1874, nous som-
mes heureux de constater l'extension progressive de cette vivace
et attrayante publication, dont les divers fascicules, après avoir
été, au moment de leur apparition annuelle, « la joie, la consola-
tion et le passe-temps de tout le peuple du Midi », auront un jour
une valeur si grande pour l'étude historique de la Renaissance
provençale au XIX*^ siècle. Déjà, en 1872, le Figaro avait traduit
l'amusante bouffonnerie : li Quatre i\as de moussu Ugues, Cette an-
née, nous trouvons dans la livraison de mai de V Artiste, le bril-
lant recueil d'Arsène Houssaye, une bienveillante appréciation de
celui de 1873, sous la signature Valéry Nell.
Cet auteur y donne la traduction de quatre poésies et de deux
pièces en prose.
Les poésies traduites sont:
U Enfant, d'Alphonse Ta van ;
UAubado VIII, d'A.-B. Crouzillat, imitée de V. Balaguer ;
Uno chatouno di bord dou Rose, de Marins Girard;
Plang d'uno maire, de M»»" Delphine Roumieux.
Les pièces en prose sont : la (Jounversioun de sant Aloi, par le
Cascarelet et la, Mo unie lenco, de F. Mistral. La première est une
version provençale d^me légende bien connue; la deuxième est
l'histoire vraie d'une chanteuse née à Monteux (Vaucluse), qui a
pérJODIQUBS 705
eu. à la fin de T Empire et sous le régime qui a suivi, son heure de
vogue, et que tous les casinos de France ont entendue.
La traduction de ces diverses pièces ne se distingue pas toujours
par une fidélité parfaite. Dans plusieurs passages, c'est plutôt une
interprétation du sens qu'une reproduction exacte du texte. En pré-
sence de certaines images et de certains idiotismes difficiles à trans-
férer dans la langue française, l'auteur, imitant l'abbé Desfontaines
dans sa traduction de Virgile, a quelquefois recours au procédé
héroïque de la suppression. Mais, comme il n'a eu évidemment
d'autre but que de faire connaître notre littérature à une catégorie
(le lecteurs auxquels elle pouvait n'être pas bien familière et de
leur inspirer le désir de la lire dans les œuvres originales, il n'y a
pas lieu de lui tenir compte de ces quelques desiderata.
Nous nous permettrons d'adresser encore une question au col-
laborateur de Y Artiste: est-il bien sûr que tous les articles de
lAnnana signés lou Cascarelet soient la propriété exclusive de Rou-
inanille ? Nous avons quelques raisons de penser que cette appel-
lation est beaucoup moins personnelle, et qu'elle représente un
pseudonyme collectif sous lequel plusieurs auteurs, au nombre
(lesquels figure, certes, Roumanille pour une bonne et large part,
ont inséré jusqu'ici les joyeusetés, les contes et les histoires en
prose, qui servent si bien d'intf^rmède aux poésies de l'Almanach
provenral. A. E.
Revue Celtique. — La Hevue Celtique, dont la publication fait
le plus grand honneur à son directeur, M. Gaidoz, ne traite pas, il
est vrai, des mêmes matières que la Revue des langues romanes :
cependant, comme elle s'occupe, elle aussi, d'une des langues
parlées dans notre pays, nous croyons utile d'appeler sur elle l'at-
tention de ceux de nos lecteurs qui, tout en s'attachant plus
spécialement aux dialectes et patois romans, étudient en môme
temps l'idiome breton, celui qui, après le latin, est le plus intime-
ment lié à nos origines linguistiques.
11 suffira de citer les titres des principaux articles insérés dans
les deux derniers fascicules.
T. 1'% fj'^^'ôet 4. — Les légendes des monnaies gauloises, par M. A.
.le Bartli t'iemy. — La racine Dru, dans les noms celtiques des riviè-
res, par M. A. Pictet.— L'ex-votodelaDea Bibracte (premier arti-
cle), par M. BuUiot.— Inlluence de la déclinaison gauloise sur la
déclinaison latine dans les documents latins de l'époque mérovin-
46
706 PERIODIQUES
gienne, par M. H. d'Arbois de Jubainville. — Le Gatholicon de
Lasadeuc, par M. Whitley Stokes. — Proverbes et dictons de la
basse Bretagne, par M. L. Sauvé. — Traditions et superstitions de
la basse Bretagne, par M. R.-F. Le Men. — La Véritable Histoire
de la Bretagne dedom Lobineau, par M. P. Levot,
T, II j n« 1. — De quelques noms celtiques de rivières qui se
lient au culte des eaux, par iM . Ad. Pictet. — Nehalennia, par
M. H. Kern. — Un autel de Nehalennia, trouvé près de Dom-
bourg ( Zélande), par M. Albert Réville. — L'ex-voto de la Dea
Bibracte (deuxième article), par M Bnlliot. — La poésie populaire
en Bretagne, par fou M. Guillaume Lejean. — Noms propres bre-
tons commençant par Ab ou Ap, par M. R. F. Le Men. — Pro-
verbes et dictons de la basse Bretagne (suite), par M. L. Sauvé.
A. B.
NECROLOGIE
M. ADRIEN DONNODEVIE
La Société pour l'étude des langues romanes vient de perdre
un de ses plus éminents associés-correspondants, dans la per-
sonne de M. Adrien Donnodevie, ancien premier avocat gé-
néral à la Cour d'appel d'Agen, décédé dans cette ville, le
6 juillet dernier, dans un âge peu avancé.
Issu de parents qui ont laissé les meilleurs souvenirs dans
la magistrature de ce pays, où ils occupèrent des positions
élevées (son père et son aïeul y avaient été présidents),
M. Donnodevie a non-seulement dignement porté un nom
aimé et vénéré dans tout le département, mais il y a ajouté
un nouveau lustre par la distinction avec laquelle il a rempli,
pendant quatorze ans, devant la même Cour, les fonctions
d'avocat général. Doué d'une intelligence supérieure, il ho-
nora le siège du ministère public par la réunion de toutes les
qualités qui recommandent un magistrat à la considération pu-
blique, mais plus particulièrement par son talent oratoire. Il
avait une parole élégante et facile, pleine de charme et d'élé-
vation, qui aurait été remarquée sur un plus grand théâtre.
C'est dans les discours de rentrée de la Cour à laquelle il était
attaché que cette parole se montrait dans tout son éclat. Elle
fut particulièrement digne et magistrale dans celui qu'il pro-
nonça lors de l'inauguration du nouveau palais de justice
d'Agen. Aussi fut-il souvent appelé à prononcer ces discours.
Ils ont tous été conservés comme ils méritaient de l'être, car
ce sont d'excellents modèles de ce genre de harangues. L'avo-
cat général d'Agen aurait pu aspirer, sans craindre de s'y
montrer inférieur, aux plus hautes positions de l'ordre judi-
ciaire ; mais une terrible maladie, qui avait frappé de para-
lysie une partie de son corps, en laissant cependant à sa tête
toute sa puissance, le fixait pour toujours à Agen, où l'en-
708 NÊOROLOaiB
tourait la considération de tous ses concitoyens. U aurait conti-
nué à j honorer le siège du ministère public, si, après le
4 septembre, une destitution, qui froissa la conscience de tous
les honnêtes gens, ne Fen avait arraché au mépris des droits les
plus sacrés. Il supporta le coup avec dignité . Il écrivit à un
ami qui lui avait adressé quelques paroles de consolation :
(( Je vous assure que ma petite disgrâce personnelle m'occupe
assez peu. Tant de malheurs sont venus fondre sur notre pau-
vre pays, qu'on n'a pas le droit de penser à soi au miUeu de
ses immenses calamités. »
L'amitié dont m'honora celui qui a écrit ces paroles m'a
imposé le pieux devoir de mettre au jour sa brillante carrière
de magistrat. Je devais la montrer à ses confrères de la So-
ciété pour f étude des langues romanes pour leur faire mieux
sentir l'étendue de la perte qu'ils ont éprouvée.
L'avocat général d'Agen était aussi un littérateur distingué
et un écrivain d'un rare mérite. Il a écrit sur une infinité de
sujets et traité, avec une grande lucidité, les questions les
plus ardues de l'économie sociale. Quelques mois avant sa
mort, il terminait une brillante série de Réflexions sur le temps
présent, publiées dans le Jouimal de Lot-et-Garonne, Mais
c'est du littérateur ami de nos lettres romanes et des savantes
études qu'il écrivit dans la Revue contemporaine, sur Jasmin,
Mistral et l'auteur des Parpaioun blu, que je dois plus parti-
culièrement m'occuper.
Né en 1820, il était fort jeune quand le coiffeur d*Agen
était arrivé à l'apogée de sa renommée littéraire. Il avait pu-
blié ses meilleures compositions : Mous Soubenis, tAbuglo de
Caste l-Cuillé, Françouneto, Maltro Cinnoucento, qui est datée
de 1845. Il partagea Tenthousiasme de ses compatriotes pour
le poète qui relevait de son abjection la langue de son pays ,
et qui laissait bien loin derrière lui ceux qui, sans en connaî-
tre les rieh'^sses et sans en utiliser les ressources, en avaient
fait auparavant l'instrument de leurs pensées poétiques. Mais,
s'il rendit hommage au génie du poète, il fut surtout émer-
veillé de la vitalité de cette vieille langue qui renaissait dans
NfiCltOLOaiB 7(0
le« poésies de Jasmin, comme le ût plus tard c^é à& lu
Provence quand Roumanille, Mistral, Aubanel et pltisieurs
autres lui rendirent son antique éclat, que le temps ne^ pourra
plus effacer. « Le fait seul d'une lutte suprémiô d'une langod
vaincue, dit le savant critique dans une de ses étudee, les actes
et les manifestations de ce culte traditionïiei et toujours ré-
véré, ne laissent pas que d'avoir leur intérêt, leur origvialité,
et, pour ceux qui les suivent et les étudient de plus prè», un
charme auquel nous ne savons pas résister. »
M. Donnodevie appréciait autant le caractère de Jasmin
que son talent de poëte. Le noble emploi qu'il avait fait de ce
talent, qui avait valu à sa muse le suniom de Sœur de charité,
avait touché son cœur, ouvert à tous les sentiments élevés.
Aussi, lorsque la mort l'eut enlevé à son affection, se montra-
t-il des plus empressés pour la réalisation du projet de loi éle-
ver une statue. Il fut nommé secrétaire de la commission du
monument ; c'est dire que le projet fut en peu de temps mené
à bonne fin. Pour donner plus d'intéré.t à l'inauguration, il
avait désiré que le grand poëte de la Provence assistât à la
glorification du grand poëte de la Gragoogne. Mistral se rendit
avec empressement à l'invitation qu'il lui adressa. Celui qui
écrit ces lignes, et qui reçut aussi chez M. Donnodevie la plus
gracieuse hospitalité, a vu avec quelle émotion l'ami de Jas-
min, se soulevant avec peine sur son fauteuil, serra dans ses
bras celui qui, par sa présence, venait donner un si grand
éclat à son triomphe. L'inauguration fut splendide. Mistral j
récita, de sa belle voix, de magnifiques strophes, qui furent
le bouquet de la fête. M. Donnodevie, qui aimait à s'effacer,
y assista presque incognito. Il voulut jouir sans distraction de
cette apothéose qu'il avait si bien préparée. L'élégant orateur
resta silencieux, lorsqu'il pouvait mieux que personne glo-
rifier son ami et se montrer le meilleur juge de sa vie et de
son œuvre. Il avait été ce juge éclairé dans une étude publiée,
quelques années auparavant, dans la Remie contempùraine^^
^ Ltvrsieoiw deo 15 mai et 31 octobre 1S63.
710 NECROLOGIE
intitulée les Derniers Troubadours: — Jasmin, -^ F, MistraL
Quoiqu'elle ait paru après les savantes appréciations des
poésies de Jasmin faites par Charles Nodier, Sainte-Beuve,
Léonce de Lavergne, Charles de Mazade, Armand de Pont-
martin, Tétude de M. Donnodevie, riche d'aperçus nouveaux,
et qui n'a rien emprunté à personne, est celle que devront
lire de préférence ceux qui voudront parfaitement connaître
le poëte et ses productions. Le bon goût sei^ toujours de rè-
gle à ses jugements; son admiration n'a rien de vague et de
hasardé ; elle est toujours justifiée. Aussi nous devons adopter
son opinion, lorsqu'il voit dans Marthe l'idiote [Maltro l'innou-
cento] l'œuvre la plus parfaite de Jasmin. J'ajoute qu'il n'y a
jamais de l'exagération dans ses éloges , et il est loin de pen-
ser, avec Charles Nodier, que le Chalihari (une des premières
compositions du poëte) soit un chef-d'œuvre de facture épi-
que, pouvant disputer le prix au Luttin ou à la Secchia ra-
pita. Il n'y voit qu'une débauche de gaieté et de verve méri-
dionales, qui laisse au jeune poëte quelques degrés de plus à
atteindre.
Le critique ne se montre pas moins impartial lorsqu'il juge
dans la même étude le poëme de Mireio, admirable compo-
sition, dit-il, qui pourrait s'intituler Provence, tant, dans le
cercle embrassé par le poëte, tout respire l'air de ce pays,
tout en exprime le suc et la fleur. Et il ajoute plus bas : « De
même que Jasmin nous a semblé personnifier de la manière la
plus digne et la plus élevée l'inspiration moderne des an-
ciennes provinces de l'Aquitaine, Frédéric Mistral, le chantre
épique de la jeune fille du Mas des Micocoules, est pour nous
la lyre d'or de la Provence. » Après une excellente analyse
des douze chants du poëme, M. Donnodevie conclut que, di-
gne émule de Jasmin, Mistral a élevé la poésie méridionale
aussi haut qu'elle soit jamais montée. » Le poëme de Calen»
dau n'avait pas encore paru .
Je sais que ce jugement, qui met à peu près sur la même
ligne les deux auteurs, n'est pas, en général, adopté par l'école
provençale ; mais je sais aussi que Mistral reconnaît dans
NECROLOGIE 711
Jasmin les qualités d'un grand poète. Il lui rend pleine jus-
tice dans les vers qu'il récita devant sa statue, quand il dit:
Agèn nous a larga tau flum de pouesio
Que n'en sian touti luminous.
Ne cherchons donc pas à amoindrir la gloire de Jasmin pour
augmenter celle de Mistral, qui se suffit à elle-même , et com-
prenons queM.Donnodevie, en élevant il//mo jusqu'aux nues,
ne se soit pas déshabitué de son admiration pour les Papil-
lotteSy qu'il a si bien justifiée dans son étude.
11 s'occupe, dans cette même étude, de la langue de Jasmin,
qu'il assure être celle qu'on parle à Agen. Le poëte, suivant
lui, ne l'a nullement travestie ni arrangée à sa guise. Il a su
seulement la manier avec la plus grande habileté. c< 11 a, dit
le critique, fait sur ce point ce que font excellemment les
vrais poètes : sentant le prix d'un idiome harmonieux et ex-
pressif, il l'a élevé à la hauteur des idées qu'il avait con-
çues..., et lui a fait perdre toute sa vulgarité. »
Il se borne à ces généralités. N'écrivant pas pour une revue
philologique, il n'aborde pas les questions d'orthographe et
d'accentuation. Sans cela, avec son impartialité ordinaire, il
aurait certainement reconnu dans les productions de l'école
provençale une plus grande correction et des formes mieux
arrêtées.
M. Donnodevie n'écrivit son étude sur Mirèio que quatre
ans après son apparition. Il connaissait déjà les poésies de
Roumanille, d'Aubanel et de Crousillat. Il reconnaît, dans
cette étude, toute la valeur de ces poésies et en loue les au-
teurs, et particulièrement celui des Oubreto* «Maître en divers
genres, Roumanille, dit-il, a pris la meilleure manière de
démontrer la vitalité du génie poétique de sa patrie : il Ta
prouvée par lui-même; et les productions qu'on lui doit....
attestent sa puissante coopération à l'œuvre qu'il a entreprise,
et autour de laquelle il a groupé une pléiade de jeunes poètes
formés sous son inspiration. »
L'avocat général, du fond de son cabinet d'Agen, où il pré-
parait ses savants réquisitoires et composait ses harangues
712 NECROLOGIE
d'apparat, suivait avec intérêt la marche de la nouvelle litté-
rature et lisait toutes ses productions. 'UA.rmanà, comme au-
trefois les fous à la cour des rois, grimaçait toujours sur son
bureau, sous la figure du Cascarelet, à côté de quelque dossier
poudreux , et apportait au grave magistrat, au malheureux
valutédinaire, joio, soûlas e passo-tems. L'apparition de Calen-
dau le frappa d'étonnement. On ne fait pas deux chefs-d'œuvre
dans sa vie, comme on Ta souvent répété. On ne les fait pas
surtout en aussi peu de temps. .Y/tmo semblait avoir épuisé
l'admiration générale. M. Donnodevie ne le pensa pas. Il
n'attendit point quatre ans pour rendre compte dans la même
Revue * du nouveau chet-d'œuvre. Il j écrivit immédiatement
son appréciation, qui est supérieure, à mon avis, à tout ce
qui a été dit sur ce poëme. « Ce n'est plus, s'écrie le critique
enthousiasmé, TidjUe de Mirèio: ne comparons pas les deux
poëmes. Laissons à Mireille son rare mérite, sa grâce et sa
touchante douceur. Ici, l'horizon s'élargit : Surmm cordai Le
tableau est plus grand et, s'il est moins simple, il est plus
fort. »
M. Donnodevie n'est pas de ceux qui reprochent à Mistral
la trop grande étendue du récit que fait Calendau au comte
Séveran et à ses compagnons. Il le justifie pleinement de ce
reproche, et prouve que, par les descriptions exquises et va-
riées qu'il jette dans sa narration, il tient constamment en
haleine ses auditeurs et ses lecteurs. Il y aurait beaucoup à
citer dans ce beau travail. Je n'en transcrirai que quelques
lignes, qui ont dû singulièrement fiatter celui pour qui elles
ont été écrites :
(( Une foi vive peut accomplir des prodiges. Chez Mistral,
c'est l'amour du pays qui l'exalte et le fait chanter ; jamais
plus tendre regard ne fut jeté sur la terre natale, jamais fils
n'aima mieux sa mère. C'est par la vertu de ses croyances
profondes, par la sincérité parfaite de son enthousiasme, que
notre poète méridional est un grand poète. Par là, il se dis-
* Livraison du 27 septembre 1867 .
NECROLOGIE 7tS
tin^e d'un très- grand nombre de poëtes de notre temps, ar-
tistes habiles, fins ciseleurs de phrases ingénieuses, qui met-
tent partout un esprit subtil, un art savant qui n'échauffent
et ne touchent personne. Il n'est pas froid, lui, et, s'il ne vous
laisse pas indifférents, c'est qucxla flamme vit dans son cœur ;
il aime, il croit, il défend de grandes et de justes causes : la
religion, la patrie, l'amour. L'ouvrier est égal à l'œuvre, aperi
par opifex, »
L'étude sur Calendau n'est pas la dernière que M. Donno*
dévie a écrite dans la Revue contemporaine. Un nouveau poète
avait surgi à Avignon ; il avait publié un beau volume de poé-
sies provençales. Ambitieux du suffrage du savant critique de
Mirèio et de Calendau, il lui en adressa un exemplaire. Quel
était ce nouveau félibre ? Un Irlandais, qui s'était subitement
épris d'une belle passion pour la langue de Roumaniile et de
Mistral, et qui, poète dans son pays, voulut l'être aussi en
Provence et faire partie de l'association des félibres : il s'ap-
pelait Bonaparte Wjse, et était petit-flls de Lucien Bona-
parte. Le volume qu'il envoyait à M. Donnodevie a pour titre:
li Parpaioun blu. Mistral l'a illustré d'un avant-propos plein
d'intérêt, comme le sont tous ceux qu'il a écrits pour les
livres de ses amis. M. Donnodevie s'empressa d'en rendre
compte dans la Revue contemporaine *, citant avec éloge plu-
sieurs pièces, parmi lesquelles je suis étonné de ne point trou-
ver la Felibrejado soulitanOy pour laquelle on peut m'accuser
de partialité, mais qui contient cependant une magnifique
tirade sur le soleil, lou grand Vistoun de tunivers, lou Paire
de l'amadurançOy lou Toumple d'or de taboundanço, comme
dit l'auteur. Il a fallu à M. Wyse de grands efforts, secondés
par une vive pénétration d'esprit, pour rendre sienne la lan-
gue d'emprunt dont il s'est si bien servi.
Les dernières études de M. Donnodevie sur la littérature
méridionale ont été publiées dans les livraisons d'avril 1872
et d'avril 1873 de cette Revue. Elles n'ont pas l'importance
* Livraison du 3t janvier 1869.
714 NECROLOGIB
de celles qu'il a consacrées à Jasmin et à Mistral ; les nou-
veaux sujets ne comportaient pas les mêmes développements.
Cependant ceux qui ont lu les pages qu'il a écrites sur les
deux poëtes gascons du XVIP siècle, Cortète de Prades, au-
teur des pastorales de Ramounet et de Miramondo, et Arnaud
Daubasse, de Moissac, qui se distingua dans le genre épigram-
matique, reconnaîtront que je n'ai pas surfait M. Donnodevie,
en le présentant comme un littérateur distingué, un critique
judicieux et un élégant écrivain.
Les autres écrits qu'il a laissés, et qui formeraient plus d'un
volume, confirmeraient au besoin mon appréciation ; mais je
n'en aborderai pas le long et difficile examen. J'ai fait assez
connaître notre correspondant pour faire apprécier son mé-
rite par ceux dont il fut le confrère. Ils déploreront, comme
moi, la perte de l'homme éminent qui eut toutes mes sympa-
thies et qui a droit à tous mes regrets.
Gabriel Azaïs.
Béziers, le 4 août 1873.
CHRONIQUE
La première partie de la mission scientifique que M. le Ministre
de l'instruction publique avait confiée à MM. de Tourtoulon et
Bringuier est aujourd'hui terminée. Nos deux confrères, qui avaient
piis pour leur point de départ le petit villapçe des Huttes (commune
de Soulac), sur les côtes de l'Océan, ont suivi jasau*aux environs
de Guéret et à travers les départements de la Gironae, — où la limite
décrit une courbe considérable, — de la Dordojçne, de la Charente,
de la Haute- Vienne et de la Creuse, la fronti'jre p^éocçraphique de
la langue d'oc. Les résultats de cette mission sont consignés dans
un rapport qui sera transmis à M. le Ministre, et dont la Revue des
langues romanes espère pouvoir commencer bientôt la publication.
La carte dressée par MM. de Tourtoulon et Bringuier précisera
d'une manière définitive, croycns-nous, les limites respectives de
la langue d'oc et de la langue d'oil.
* ♦
La Société pour Vétude des langues romanes est heureuse d'an-
noncer qu'elle publiera incessamment un Dictionnaire français-
languedocien (sous-dialecte de Montpellier) composé par deux de ses
membres. MM. Octavien Bringuier et Charles de Tourtoulon.
•**
Il a paru à Valence (impr. Ghenevier) une étude sur les Poètes
patois du Dauphiné, par MM. Saint-Remy et Lacroix. Nous la
recommandons à nos lecteurs, ainsi qu'un travail de M. Aragon,
président à la Cour d'appel de notre ville, sur Laurent Cabanis, au-
teur de poésies languedociennes inédites, dans le sous-dialecte du
Vigan .
♦**
Dans la séance solennelle qu'elle tiendra le jeudi de l'Ascension,
14 mai 1874,1a Société archéologique, scientifique et littéraire de
Béziers, décernera:
!• Une couronne de laurier, en argent, à Tauteur d'un mémoire
historique sur le Languedoc ou sur quelque autre province du
midi de la France, ou à l'auteur d'une monographie d'une localité du
département de l'Hérault;
2" Un rameau d'olivier, en argent, à la meilleure poésie en lan-
gue néo-romane. Tous les idiomes du Midi sont admis à concourir.
ÎLes auteurs devront suivre l'orthographe des troubadours et joindre
un glossaire à leurs poésies ;
3° Un rameau de chône, aussi en argent, à la meilleure pièce de
vers français.
La Société décernera, en outre, des médailles aux ouvrages
qu'elle jugera dignes de cette récompense.
Les sujets politiques sont exclus du concours.
716 CHROMQUE
Les auteurs qui, dans les concours de poésie néo-romane ou de
poésie française, auront obtenu deux fois le rameau d'argent ou
trois fois la médaille d'ariient. ne seront plus admis à concourir dans
le même irenre do composition.
Les pièces destinées au concours ne seront pas signées. Elles
devront être Hsibiemenl écrites et être adressées en double copie et
franches «le port, avant le 1®' avril prochain, terme de rigueur, à
M. le Secrétaire de la Société.
Chacune portera une épigraphe qui sera répétée sur un billet ca-
cheté renfermant, avec le nom, la profession et le domicile de l'au-
teur, la déclaration qu'elle est inédite et qu'elle n'a pas été présentée
à d'autres sociétés.
Les pièces envoyées au concours ne seront pas rendues.
Les lauréats qui n'auront pas assisté à la séance publique de-
vront faire retirer leurs prix au secrétariat par un fondé de pou-
voirs .
*
Sous le titre: la Vérité sur la langue d'O, notre confrère, M. Paul
Barbe, de Buzet, vient de faire paraître (Toulouse et Paris, Doula-
doure et Maisonneuve, 2 vol. in-12, tiré à 200 ex.) un livre qui
nous semble destiné à soulever des polémiques semblables à celles
qui ont accueilli V Histoire des origiîies de la langue française, de
M. Granier de Cassaiçnac La Rffvue en rendra compte dans une de
ses prochaines livraisons.
* ♦
M. J.-G. Magnabal, membre correspondant de la Société, a reçu
de l'Académie française (séance du 28 août dernier) le prix de la
fondation Langlois, pour sa belle et savante traduction de \ Histoire
de la littérature espagnole, par G. Ticknor.
♦*♦
Sous le titre les Prud'hommes pêcheurs de Marseille et leurs archives,
M. Ch. Payan, d'Augery. vient de faire paraître (Aix, Nicot, in-8«)
(le très-curieuses notes sur une des plus anciennes corporations
de la Provence, la seulo peut-être qui ait encore conservé d'une
manière officielle l'usage du provençal pour ses jugements.
L'appendice de ce travail contient une charce-règlement , mi-
partie latine, mi-partie romane, du 13 octobre 1431.
«
Les Œuvres de M es te Verdie, poëte gascoun, dont le souvenir est
encore si populaire dans le Médoc, ont été réimprimées à Bordeaux,
in-12.
•*»
Notre confrère, M. Piétro Fréda, professeur à rAcadémie de
Neufchatel (Suissej, vient de publier (Neufchatel, Delahaux frères)
un Premier livre de lectures italiennes à Vusage des Français, qui est
fait avec beaucoup de soin. Par l'analyse grammaticale, l'autear
s'est attaché à relever les différences du français et de ritalien. Par
CHRONIQUE 717
Tétymologie, au contraire, il a visé à mettre eo relief leur étroite
parenté.
M. P. Préda doit faire paraître, sous peu, une Chrestoniathie ita-
lienne. Elle sera suivie d'un lexique dans lequel Tauteur se propose
de comparer l'italien avec le latin, avec l'ancien français et avec
l'espagnol.
Indépendamment de VArynana prouvençau, qui entrera bientôt
dans sa vingtième année, nous apprenons la publication à Bor-
deaux, par M. Th. Blanc, d'un petit Armanac bourdelés, que nous
nous promettons de signaler plus particulièrement dans notre pro-
chaine livraison.
* *
On sait avec quel éclat est professé en Allemagne — et surtout
en ce qui touche la partie provençah* — l'enseignement des langues
et (les littératures romanes. Il n'en a pas été de même en France
jusqu'ici. Nous constatons que l'Académie de Neufchatel (Suisse)
ne suit point cet exemple. Notre confrère, M. P. Préda, et
M. C. Ayer, recteur de l'Académie, ont pris pour sujet de leurs
cours du somostre d'hiver: le i^vemier, les Origines de la lilléralurc
Italienne et ses rapports avec la littérature provençale; le second,
V Influence des dialectes dans la ronstitulion de l'ancien français.
***
M. F. Ubach y Vinyeta vient de publier à Barcelone (Obradors
y Sulé in-i'2. vni-i93 pag.) et sous le titre de Primerenques Obres
liriques en varietatde mètres, un remarquable recueil de poésies ca-
talanes, que nous soQimes parliculièrement heureux de recom-
mander à nos lecteurs.
L'auteur prépare en ce moment un Romancer caiald.
♦*♦
La Romania (n» d'avril, p. '268 du t. II) dit qnela. Font putanella,
pièce en trois actes et en vers français, provençaux et languedo-
ciens, a été représentée à Paris le 6 octobre 1808. 11 y a là une er-
reur de lecture de M. P. Meyer. La comédie de Guiraud fut jouée
pour la première fois à Montpellier, le 11 novembre 1808; c'est le
6 octobre 1808 qu'elle avait été autorisée au ministère delà poUce
générale à Paris. (V. le n^ da janvier 1873 de la Revue des langues
romanes, \). 142 du t. TV.)
♦*♦
Il a paru à Bordeaux (impr. Gounoulhou, in-4'*, vi-119 p.'
un Glossaire des mots des divers dialectes gascons, béarnais, borde^
lais, etc., emrhyês dans les dix premiers volumes publiés par la
Société des archives historiques du déparlement de la Gironde. Ce
dictionnaire, quoique nécessairement incomplet, n'en est pas moins
intéressant et utile à consulter.
718 CHRONIQUE
***
L'auteur de la Grèvo di feuno a publié à Nimes,au commence-
ment de 1873 (impr. lîoger et Laporte, in-S®, 20 pag.)» ^^^ P^^^^
comédie en un acte et envers : louHacho médecin^ qui est imitée, en
quelques endroits, du Médecin malgré lui de Molière.
— Vient de paraître à Montpellier (Boehm et fils, in-12, 15 pag.)
la Famïa fougassa^ ensach de vers paloitëses, par G. Goulazou.
— A Guéret (veuve Beloutte , in-12, 24 pag.), to Mtise creusoise.
Essais ^n palais marchais .
* «
On a imprimé à Amiens (Caron, in-12. 64 pages) un Essai sur
Vorigine et la forniolion du palois picard, par M . Jouancoux ;
A Francfort (Allomapçne), Harneckcr, in-4o, 21 pages, une étude
linguistique sur le Langage actuel de Paris,
¥■ ¥■
Notre confrère, M. Junior Sans, a publié à Béziers (Granier,
in-8», 16 pag.) une Epitro IV. A la. suite se trouve une réponse par
M. Frédéric Donnadieu.
Voici, d'après le Polybiblion, l'indication de diverses publications
concernant l'histoire, la littérature et l'archéologie des provinces du
midi de la France :
L'abbé Pardiac(J.-B.): les Feux de Sainl-Jean. Bordeaux, Delmas,
in-8*, 27 pages.
G. Tholin : Notice sur les sépultures anciennes découvertes dans le
département du Lot-et-Garonne. Agen, 1873, in-8«, 22 pag.
L'abbé Pouech : Groupe de dolmens et demi-dolmens des environs du
MaS'd'Azil (Ariége). Montauban, Forestié, in-8o, 32 pag., pi.
Caraven-Cachin : Sépultures gauloises» romaines et franques du Tarn,
avec une carte géologique aux époques anle-historiques, gauloises,
romaines et franques. Castres, Hue. in-8®, 140 pag., pi. etcart.
Maffre : Etablissements agricoles du Midi sous la domination romaine.
Etude suivie de recherches sur l'origine de plusieurs communes,
hameaux, etc. , del Hérault, du Gard et de VAude. Béziers, Malinas,
in-8% 80 pag.
De Gessac: le Cimetière gallo-romain de Reillac^\,Tès Guéret (Creuse).
Caen, Leblanc, in-8', 28 pages.
L'abbé Vaissière : Saint A ntonin^ apôtre du Rouergue. Étude sur son
apostolat, son martyre et son culte. Montauban. Forestié, in-16,
200 pages.
G.ThoUn : Les Eglises du haut Languedoc. Paris, 1873, in-8*, 15 pag.
G. Tholin : Notice sur l'église de Layrac (Lot-et-Garonne). Caen., 1872,
in-8% 12 pag.
L'abbé Chevalier : Inventaire des archives des dauphins de Vientiùis
CHRONIQTTE 719
à Saint' André'de 'Grenoble, en 1346, d'après les registres origt-
naux, etc. Paris, Franck, iii-8», xxiv-380 pag.
Verdier : Élude sur le franc-alleu en Languedoc, Nîmes, Ballivet, in-8*,
40 pages .
Tamizey de Larroque : Nolice sur la cille de Marmande, Villeneuve-
sur-Lot, 1872, in-4o.
[Mentionné honorablement par T Académie des inscriptions et belles-lettres.]
Jauffret: Mœurs et coutumes du canton de la Roquebrussane (Varj,
publié par R. Reboul, d'après le manuscrit de Jauffret, évêque de
Metz. Draguignan, Latil, in -32, x-2() pages.
L'abbé R (de Garpentras), Histoire du cardinal Sadolel^ suivie
de pièces justificatives, A\ignon,^e^mnj in-8», 183 pages.
Teissier : les Rues de Toulon {^Chroniques toulonnaises). Dragui-
gnan, Lalil, in. 8". 360 pages.
L'abbé Goiffon : Notice historique sur la paroisse Saint-Charles ^ de
Nîmes, d'après AJénard et les documents originaux, Nîmes, Gri-
maud, in-8®, 79 pag. (L'ouvrage formera 4 ou 5 vol.)
Tamizey de Larroque : Vies des poêles bordelais et périgourdins , par
Guillaume CoUetet, de l'A cadémie française^ d'après le manuscrit
autographe du Louvre. Paris-Bordeaux, 1873, in-4*.
(Mentionné honorablement par TAcadémie des inscriptions et belles-lettres.)
Raimon ( S. ) : Études sur les biens communaux de la Creuse. Mont-
luçon, Prot, in-8% 19 pag.
Lecoq de la Marche : Extraits des comptes et mémoriaux du Roi René»
pour servir à Vhistoire des arts au XV^ siècle, Paris, Picard, 1873,
gr. in-8'*, xvi-368 pag.
A partir de Tannéo 1874, la Revue des langues romanes donnera un
compte rendu trimestriel des périodiques.
Pour les revues françaises, ce compte rendu sera rédigé par
MM. A. Boucherie et A. Roque-Ferrier ; pour les revues italiennes,
par M. G. Ghabaneau ; pour les revues catalanes, espagnoles et
Portugaises, par M. Montel; pour les revues anglaises et alleman-
es, par M.Gantagrel. — M. Léotard le complétera par un Bulletin
bibliographique annuel de la langue d'oc.
Nous nous proposons, enfin, d'indiquer dans la chronique les
publications qui intéressent l'histoire des provinces du midi de la
France .
*
Le Bulletin de la Société pour Vétude des langues romanes, conte-
nant les procès-verbaux des séances, sera désormais imprimé tous
les trimestres dans la Revue, mais avec une pagination à part.
A. R.-F.
Le Gérant: Ernest Hameun.
ERRATA POUR LA PIÈCE LA BELLO MA/0
publiée dans le tome IV, l** livraison, janvier 1873
P. 82, stance 2, vers 4 :
De la flivesso Maia.
Vers mal justifié dans la mise en page.
Id., stance 3, vers 8 :
Nous retraton la bello Maio.
Jl faut: retraion, au lieu de retraton.
P. 83, stance 4, vers 5 :
Ë subran dintre moun uioun raio.
On doit supprimer E.
P. 84. stance 7, vers 6 :
Courrènt, cantanl e cridant.
// faut : En courrènt, etc.
Id., stance 8, vers 1 :
Galoio, me pouayre un sictoun.
// faut : Galoio, me pouarge un siétoun .
P. 86, stance 13, vers 1 :
De joio manqua m'avani.
Il faut : ma n qui.
y^.. même strophe, vers 5 ;
Piei tremoulènt coumo uno paio.
// faut : tremoulant.
P. 88, dernière stance, vers 1 :
M'è vouesto gaubi «l'enfantoun.
// faut: ^Mè.
/d.. dans la traduction de l'avant-dernièro strophe, au lieu de:
Son œil fait éclore mon œil, — t7 faut : Son œil fait clore
mon œil.
Les Coutumes de Remoulinâ
( 2« livraison, avril 1783)
P. 215, ligne 29, au lieu de: le maréchal se portait à sa ren
contre, Usez : le maréchal de la Force se portait à sa rencontre.
■ ■ ■ ■ . • ■!;'i ■'•î"( ï ■ ■
TABLE DES MATIÈRES
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PU QUATRIÈMB YOhVMB
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DIALECTES ANC1BM8 .
Archives de Montpellier. (A. Montel.)* IV. Le Gataiogoe
des Ghapellenies (suite et fin) 5
Idem. — Le Mêiûorial des Nobles. 481
Les Coutumes de Remoulins (G-. Gharvet.) WS
Un fragment de poésie provençale du xiii* siècle. (A. Alart.). 228
Règlement sur la conduite des consuls de Bessières (Haute-
Garonne). (P. Barbe.) 240
Annonces et Avis de la foire de Montagnac ( Hérault). (A.
Alart.) . . . . . 255
Deux Quittances en langue romane délivrées par les abbesses
du monastère de Sainte-Glaire, d*Alais, ^au,[xiT« siècle.
(G. Charvet ).... 4^'
Documents sur la langue Catalane' des anciens comtés de
Roussillon et de Gerdagne (suite). (A. Alart.}.44, 244, 353, SÛ2
Un certificat délivré par les jurats de Pau en 1411 (dialecte
béarnais). (A. Alart. )....« 515
Les Derniers Troubadours de la Provence, d'après M. Paul
Meyer. ( Gh. de Tourtoulon.) 386
De Qu'elques Formes de rancienndi langue d'oc. (Ghaiies
de Tourtoulon . ) 522
Authenticité de la forme ves pour vêtus. (A. Bougherib.). . . . 341
Êtymologies françaises et patoises. (A . Boughbrib . ) 527'
DIALBCTE»};M0DBRNB8
.«•••■ • .
Gontes populaires (5* série). ( A. Montkl et L. Lambbrt.). . . \^ US
Gontes populaires provençaux. (Abbé LnuTAUD.). 124
Petites compositions populaires. (|A. MoKm et L. Lam-
bert.) 293, 459, 558
Proverbes et" dictons? populaires recueillis i Aspiran. (A.
Espagne. ) ; . .... 600
47
722 TABLE DBS MATIBRBS
Documents inédits pour servir à l'étude de la langue d'oc
(l** série). Q^ i'o, de nôu? par A. Guiraud. (A. Glaize.). • 634
Grammaire limousine (suite). (C. Ghabaneau.) 62, 407, 650
Note sur une sous- variété du dialecte de Montpellier. (Ch.
DE TOURTOULON . ) 424
Arnaud Daubasse, ouvrier et poète du xvn» siècle . ( A. Don-
NODEVIE . ) 261
Lettres inédites de Tabbé Favre. (L. Gaudin.). 277
Vincent de Bataille-Furé, poëte béarnais. (Gab. Azaïs.) 89
De Quelques Imitations modernes de la poésie du moyen âge.
( Gh. DE TouRTOULON.) 447, 671
Manifestations de la poésie provençale. (L. Devilliers.). . . • 680
Pièce languedocienne qui a concouru à Sainte- Victoire 685
La Font Pulanella, ou Jacques Cœur à Montpellier, comédie
en trois actes et en vers français, provençaux et languedo-
ciens. (A. Guiraud.) 142, 321
La Perlo. (Th. Aubanel.) • 80
La Bello Maio. (J.-B. Gaut.) 81
Lou Houmieu (suite et fin). (Oct. Bringuier.) 95, 338
Janeto. (Alb. Arnavielle.) 138
La Viradona. ( A. Langlade.) 429
VEscaliè di Gigant, ( Th. Aubanel.) 687
La Flour d'Amour. ( Ghr. de Villeneuve-Esclapon.) 690
BIBLIOORAPHIB
Notice sur six manuscrits. — La Conquête de Constantinople,
de Geoffroy de Villehardouin, p.p. M. N. de Vailly, (A.
Boucherie. ) 196
E|9fA)2V£Û|AaTa (y.cci) KctOmiispivri bfxtXta, de Julius PoUux, publiés
pour la première fois par M. Boucherie. ( C. Revillout. ). 343
Œuvres complètes du trouvère Adam de la Halle, publiées par
M. de Goussemaker. (A. Boucherie.) 345
Histoire des origines de la langue française, par A. Granier
de Gassagnac. (A. Boucherie.) 348
Grammaire des langues romanes, par Frédéric Diez, traduction
de MM. Brachet et G. Paris. . • 350
Glossaire botanique languedocien, par M. Melchior Botrthés. . . .
(Gantagrel.) 693
TABLE DBS MATIÈRES 723
Fmm
Catalanes y Catalanades, par l'abbé Roux. ( A . R.-F. ) 697
Volo-Biôu, poëme par A. Arnavielle, etc. (A. Montel.)*.*. 700
PÉRIODIQUES
La Romania. ( A . Boucherib.) 200, 475, 702
Revue de linguistique . (A . Boucherie . ) 350
Société scientifique et littéraire dA lais, ( A . R.-F.) 703
Le Musée, revue artésienne. (A. R.-F.) 703
h'Ârliste. ( D»" A. Espagne.) 704
Revue Celtique. ( A . Boucherie . ) 705
NÉCROLOOIE
M . Adrien Donnodevie . ( Gab . Azaïs . ) 707
Chronique. (A. E., A. R.-F.) 204, 351, 477, 7i5
Errata et corrections 208, 720
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES DU TOME QUATRIÈME
MONTPELT.IER, IMPRIMERIE CENTRALE PU MIDI
( Hicateau, HameliD et G*. )
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