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Full text of "Revue des langues romanes"

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REVUE 


LANGUES  ROMANES 


MONTPELLIER 

IrxLpri  m.erie    centrale    dLxi    Midi 
Ancienne  maison  G-ras.  —  Ricatrau,  Hamklinet  G* 


REVUE 

DBS 

LANGUES  ROMANES 

PCBLIBB 

PAR    LA   SOCIÉTÉ 

POUR  L'ÉTUDE  DES  LANGUES  ROMANES 

TOME  QUATRIÈME 


MONTPELLIER  PARIS 

AU   BURBAtI  DS8  PUBLICATIONS  A  LA  UBRAIKIE  DB  A.  PEIANCK 

DB  LA  SOCIETE  (TIBWBe,  propTlèUin) 

ponil'iraiiMiuieiiiB  HOiixia         |  67,  rdb   ricbelibu.S? 

Il  DUUC  LXXm 


REVUE 


DES 


LANGUES  ROMANES 


DIALECTES  ANCIENS 


—  o-/^;oo- 


IV 


LE  CATALOGUE  DES  CHAPELLENIES 

(  Suite  cl  lin  ) 


82)  (F°  25,  V")  Item,  Lo  testamen  fagh  per  sen  Bertholmieu 
Alari,  al.  Gressa,  mazelier,  saj  entras,  de  Montpejlier,  en 
loqual  ordenet  II  capelanias  de  lasquals  la  I  se  décanta 
en  la  gleya  de  sant  Guilhem,  en  Tautar  de  TOstia,  e  Fautra  en 
la  gleya  dels  Frayres  Menors.  Fes  lo  testamen  maistre  Fermin 
Madron,  notari,  Tan  M  CGC  XIX.  Scilicet  ydus  Aprilis.  Dé- 
canta la  mossen  R.  Comonhas,  capela. 

89)  Item.  Lo  testamen  fagh  per  maistre  Philip  Robert,  savi 
en  dreg,  say  entras,  de  Monpeyler,  en  loqual  fes  heretiers 
lo3  senhorns  obriers  per  la  mitât,  e  per  Tautra  mitât  lo  Coven 
dels  frayres  del  Carme  de  Montpeylier.  Fagh  per  maistre  P. 
Alsion,  notari,  Fan  MCCC  XLVIII,  a  IX  de  jun 

84)  Item.  Lo  testamen  fagh  per  dona  Agnes,  molher  de  sen 


167895 


6  DIALECTES   ANCIENS 

Ynart  Homagi,  penheyre,  say  entras,  en  loqual  vole  que  I 
hostal  sieu  fos  vendutz  el  près  d'aquel  se  convertis  en  I  cape- 
lanie.  Festz  lo  testamen  maistre  P.  Ysarn,  notari,  Tan  MCCC 
XXX,  aXXd'Ahost. 

85)  Item,  Lo  testamen  fagh  per  maistre  G.  Cabanis,  notari, 
saj  entras,  de  Montpejlier,  en  loqual  fes  hères  son  fils  et  el 

'  quas  (F°  26,  r°)  que  el^moris  ses  hères,  vole  que  de  sos  bens 
se  feses  una  capelanie,  aprop  los  jorns  de  mossen  Bertran 
Cabanis  son  frajre.  Fes  lo  testamen  maistre  Gili  Daude, 
notari,  Fan  M  CCC  XL VIII,  a  V  de  Maj. 

86)  Deu  se  cantar  a  Sant  Fermin. 

87)  Item,  Lo  testamen.  fagh  per  Dona  Johana,  molher  de  sen 
Johan  Andrieu,  policier,  e  molher  darriejramen  de  maistre 
Berenguier  Guilabert,  notari,  saj  entras,  en  loqual  ordenet 
I  capelanie,  e  laquai  vole  que  se  décantes  per  mossen  Steve 
Bojseyra,  capelan,  a  sa  vida,  et  aprop  sos  jorns  per  I  frajre 
capelan  del  ordre  dels  Carmes  del  coven  de  Montpeylier,  la- 
quai devon  donar  los  senhors  obriers.  Loqual  testamen  fes 
maystre  Johan  Boyer,  notari.  Tan  M  CCC  1,  a  XXI  de  jul, 

88)  Item,  Lo  testamen  fagh  per  dona  Jacma,  molher  de  sen 
Bernart  de  San  Mathieu,  olier,  say  entras,  de  Montpeylier, 
en  loqual  ordenet  I  capelenie,  laquai  .vole  esser  decantada  en 
la  gleya  de  Sant  Cosme  de  Montpeylier,  loqual  testamen  fes 
maistre  Jacme  de  Ozilhan,  Fan  M  CCC  xlv,  a  V  d'avril. 

89)  Item.  Lo  testamen  per  sen  Peyre,  autramen  apelat  Ber- 
nât de  (F°  26,  v°)  sant  Mathieu,  olier,  de  sa  entras,  de  Mon- 
peylier,  en  loqual  fes  heretieyra  la  dicha  dona  Jacma,  mayre 
sieua  ;  local  fes  lo  digh  maistre  Jacme  de  Ozilhan,  notari.  Tan 
M  CCC  VIII,  a  IIII  de  jul.  Décanta  la  mossen  Steve  de 
Treslops,  chantre  de  sant  Fermin . 

90)  Item.  Lo  testamen  de  Mossen  G.  Mounier,  capela  de 
sant-Daunizi,  que  ordenet  I  capelanie  laquai  vole  que  se  dé- 
cantes en  la  gleyza  de  sant  Daunizi,  en  Fautar  de  sant  Ray- 
nier.  Fes  lo  testamen  maistre  Vivia  de  Pradas,  notari.  Fan 
M  CCC  XXIII,  a  X  de  las  Kalendas  de  octobre . 

91)  Item.  Autra  carta  que  pertoca  a  la  dicha  capelanie. 


LE  CATALOGUE  DES  CHaPELLENIES  7 

92)  Item,  I  carta  contenen  la  clausa  del  testamen  de  sen 
Steve  Vidal,  en  laquai  fa  mencion  que  sia  restituit  a  la  cape- 
lanie  et  ordenet. 

93)  (F°  27,  r°)  Item.  I  carta  contenen  la  clausa  del  testamen 
de  sen  Steve  Vidal,  en  laquai  fa  mencion  que  sia  restituit 
a  la  capelanie,  et  ordenet  sen  Johan  Bertholmieu  LXXXV 
libr.  lasquals  avie  donadas  de  I  vinha  que  avie  dada  ad 
acapte  a  la  molher  de  sen  Steve  Sivada.  Fes  la  carta  maistre 
Arnaut  de  Pratz,  notari,  Tan  M  CGC  XXXVIII,  a  III  de  ce- 
tembre. 

94)  Item,  I  carta  de  acapte  dat  per  ios  senhors  obriers, 
patros  de  la  capelanie  de  sen  Johan  Bertholmieu,  a  sen  Steve 
Mercier,  payrolier,  de  la  possession  que  es  als  Grezes,  am 
usatgi  de  XX.  s.  Fâcha  la  carta  per  maistre  G.  Valsiejra, 
notari,  Tan  M  CGC  XLVI,  a  XIII  de  octobre. 

95)  Item.  Très  cartas  que  son  ensemps  en  una,  laquai  con- 
ten  que  sen  Aymeric  Gran,  mercadier,  compret  de  usatgis, 
que  son  a  la  Torrassa,  que  monton  . . .  XX  s.  VI  den.  Fes  la 
carta  maistre  *'G.  Nogaret,  notari.  Tan  M  CCG  XLII,  a  VII 
de  febrier. 

90)  Item.  I  carta  cossi  dona  Rajmunda  Galvella  compret 
una  possession,  que  es  costa  lo  Lez,  laquai  compret  en  alo. 

97)  (F°  27,  v°)  Item.  Diversas  cartas,  tan  de  compras,  quant 
(Fauiras  causas,  que  son  en  una  cayssa  de  noguier,  en  laquai 
son  las  armas  dels  senhors  obriers,  lasquals  cartas  son  de 
pauc  de  valor. 

98)  Item,  ho  testamen  de  sen  Bernât  Gastel,  especiayre,  de 
Montpeylier,  et  codicils  faghts  per  lo  digh  sen  Bernât,  en  los- 
quals  codicils  ordenet  I  capelanie,  laquai  vole  que  se  décantes 
en  Fautar  de  Nostra  Dona  de  la  gleya  do  sant  Fermin  de 
Montpeilier,  e  lajsetper  ladicha  capelanie  VIII  libr.  de  renda 
cascun  an.  Fes  lo  testamen  e'is  codicils  maistre  G.  Cabanis, 
notari,  say  entras.  Tan  M  GGC  XLVllI,  a  XVIII  de  may. 
Décanta  la  mossen  G.  Sermhac,  capelan . 

99)  Item.  Lo  testamen  de  sen  Joan  Aurelha,  canabassier,  de 
Moutpeylier,  en  loqual  testamen  fes  heretiers  Ios  paures  de 


8  DIALECTES   ANCIENS 

Crist,  aquels  bes  quais  sen  Peyre  Tenchurier,  mercadier,  els 
senbors  obriers  de  la  communa  clausura  davan  dicha*.  Loqual 
testamen  fes  maistre  P.  Gili,  notari,  Tan  M  CGC  XL VIII,  a 
XIX  de  may. 

100)  Item.  Mays  una  carta  cossi  los  senbors  obriers  vende- 
ron  I  bostal  que  es  en  la  carrieyra  de  TAgulharie,  loqual 
compret  sen  Luys  de  Felma,  liayre  de  balas.  Am  pencion  de 
VIII  flor.  paguadors  cascun  an,  a  frayre  Joban  Lumbart, 
frayre  prezicador,  loqual  décanta  la  dicha  capelanie  a  Predi- 
cadors,  per  Tarma  del  digb  Joban  Aurelba.  Fes  la  carta  mais- 
tre Relies,  Tan  M  CGC  LXX,  a  XIIII  mars,  de  laquai  capela- 
nie son  patros  los  senbors  obriers,  et  aquestas  cartas  son  en 
una. 

101)  (F®  28,  r**)  Item.  I  carta  cossi  sen  Bernât  de  Pueg,  tbe- 
saurier  e  procurayre  del  rey  de  Malborguas,  vendet  a  sen 
P.  Adbemar  de  usatgis  sobre  IIII  bostals,  dels  quais  la  I  era  d'en 
Duran  Roca-Aumeria,  mazelier,  setuat  sotz  Postal  de  Tabat 

d'Anbana.  E  fa  de  usatgi,  lo  tornes  d'argen  per  XIII  den 

XV  s. 

102)  Item.  L'autre  de  P.  Arnaut,  autramen  apelat  Maurin, 
mazelier,  lo  tornes  d'argen  a  XIÏI  d.,  fa  de  usatgi  . .  XV  s. 

103)  Item.  L'autre  d'en  P.  Gavanon,  fa  de  usatgi,  lo' tornes 
d'argen  per  XIII  den.  . . .  XV  s. 

104)  Item.  L'autre  es  dels  beres  de  messier  P.  de  Taurinban, 
savi  en  dreg,  say  entras,  e  aras  es  de  maistre  Joban  de  Solages, 
notari,  situât  detras  la  Malapagua  de  la  cort  del  Bayle,  fa  de 
usatgi,  lo  tornes  d'argen  per  XIII  den.    .  XX  s. 

105)  Fes  la  carta  maistre  Brenguier  Lombart,  notari,  l'an 
M  CGC  XLVII,  a  XII  de  may. 

106)  Item.  E  la  carta  de  la  procura  del  Rey  de  Malborguas, 
laquai  fes  maistre  Aparissi  de  Fontagnas,  notari,  l'an  M  CGC 
XLV. 

107)  Item .  I  carta  cossi  sen  Joban  Brun  compret  los  digbs 
usatgis  del  digb  sen  P.  Adbemar.  Fes  la  carta  maistre  Brenguier 

'  Phrase  évidemment  incomplète. 


LE  CATALOGUE  DES  CHAPKLLENIES  9 

Lombart,  notari,  Fan  M  CGC  XL VII,  a  derrierjornde  jun,  los- 
quals  usatgis  son  de  la  capelanie;  e  son  las  cartas  ensemps 
liadas. 

108)  Item.  La  carta  cossi  fon  fondatz  lo  monestier  de  las  do- 
nas  de  Sant-Gili  de  Montpellier,  laquai  fes  maistre  Gibert 
(F*»  28,  v°)  Salix,  notari,  ranMCCCLVII,  a  XXVI  d^octobre. 

109)  Item .  I  cajssa  longua  estrecha  en  que  es  la  enforma- 
tion  fâcha  contra  lo  capelan  de  las  dichas  donas  de  Sant-Gili. 

110)  Item,  I  massapan  en  que  ha  II  letras  que  pertocon  al 
fagh  de  sen  Berenguier  de  Meyrueis  dels  usatgis  que  layset  a 
la  dichas  donas  de  Sant-Gili. 

111)  Item.  I  carta  cossi  los  senhors  cossols,  exequtors  del 
testamen  de  sen  Hue  Carrel  *,  assignation  al  monestier  de  las 
dichas  donas  de  Sant-Gili  VI  G  flor.  am  carta  fâcha  per  maistre 
P.  Gili,  notari,  Tan  M  GGG  LXI,  a  XXIV  de  mars. 

\\2)ltem.  L'an  M  GGG  XLIII,  a  XI  de  kalendas  de  jun, 
fon  fâcha  constitution  de  una  capelanie  per  sen  R.  et  P. 
Fabre,  mercadiers,  de  Montpellier,  de  la  fabrie  en  la  gleja 
Sant-Fermin  de  Montpellier,  en  Tautar  de  Sant-Miquel,  e  fes 
patros  de  la  dicha  capelanie  los  hères  sieus  e'is  hères  d'aquels 
procesens  del  mascle.  Et  aprop  los  senhorns  obriers  de  la 
comuna  clausura  de  Montpellier.  Fes  la  carta  maistre  Johan 
Guasc,  notari. 

113)  Ayso  es  estât  denunciat,  may  non  es  a  Tobra  la  carta. 

II 

114)  (F«  29,  r*)  AQUESTAS  cartas  denfra  designadas  son  en 
las  notas  ho  libre  de  maistre  Helies  Lambert,  al,  Ribrer,  no- 
tari, say  entras,  de  Monpeilier,  que  era  notari  dels  senhors 
obriers,  e  son  en  lo  libre  cubert  de  post. 

115)  Primieyramen,  una  carta  cossi  dona  Resplandina,  fîlha 
de  R.  Magalona,  en  say  entras,  e  molher  de  Huguet  del  Mas. 
fustier,  say  entras,  requonoc  als  senhors  obriers  e  patros  de 
I  capelanie  que  ordenet  P.  sen  Bernât  Engilbert,  de  say  entras, 

*  Autre  lacune  évidente  :  deron 


10  DIALECTES  ANCIENS 

pebrier,  e  ha  mossen  Hue  de  Gracia,  capelan,  la  dicha  cape- 
lanie  decantan,  una  vinha  que  es  en  la  parrochia  de  Novegens, 
amusatgide  LX  s.  Fes  la  carta  maistres  Relies  Lambert,  Tan 
M  CGC  LXVII,  a  XXVI  de  juli. 

116)  Item,  Carta  cossi  lossenhors  obriers,  patrosdelacape- 
lanie  que  ordenet  sen  Johan  Salvayre,  canabassier,  say  entras 
deron  ad  acapte  a  dona  Gaujoza,  molher  de  Jacme  Peyre,  sa- 
batier,  una  pessa  de  vinha,  contenen  II  cartayradas  que  son  en 
la  demane  de  sent  Steve  de  Bejanegues,  en  lo  loc  appelât  ah 
Mazes,  am  usatgi  de  XXV  s.  paguadors  a  mossen  G.  de  Blau- 
zac,  la  dicha  capelanie  decantan.  Fes  la  carta,  lo  digh  notari, 
Tan  M  CGC  LXVIII,  a  XXIX  de  may. 

117)  N.  aras  ten  aquesta  possessio  missia.  Léo  Pau,  jutge 
el  palays. 

118)  (F°  29,  V**)  Item,  I  carta  cossi  los  senhors  obriers,  pa- 
tros  de  una  capelanie  ordenada  per  sen  Bernât  Bonoreg,  per- 
gamenier  o  mercier,  de  Montpeylier,  compreron  per  la  cape- 
lanie, de  sen  B.  de  Rocamaura,  cambiador,  de  Montpeylier, 
I  pessa  de  terra  de  vinha  en  franc  alo,  que  es  scituada  ah 
Trencatz.  Fes  la  carta  lo  digh  mestre  Helies  Tan  M  GCC 
LXIIl^. 

119)  Item,  I  carta  cossi  los  senhors  obriers  e  patros  de  la 
dicha  capelanie  deron  ad  acapte  la  dicha  vinha  al  digh  G.  de 
Rocamaura,  am  usatgi  de  XV  s.  Fes  la  carta  lo  dig  notari 
Tan  el  jorn  que  es  desutz. 

120)  Item,  I  carta  cossi  los  senhors  obriers  e  patros  de  I  ca- 
pelanie ordenada  per  sen  P.  de  Ferrieyras,  say  entras,  lauze- 
ron  la  vendicion  fâcha  a  sen  Bernât  Doyen,  de  Latas,  per  sen 
Johan  Boysset,  conresayre,  de  1  pessa  de  terra  de  camp  que 
es  el  terrador  de  Latas,  apelat  ah  Amiers,  e  fa  de  usatgi  VII 
s.  II  d.  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan  desus  digh,  a  XIII  de 
décembre. 

121)  Item.  I  carta  cossi  los  senhors  obriers  e  patros  de  I  ca- 
pelanie ordenada  per  sen  R.  Bedes,  mazelier,  de  Montpeylier, 
lauseron  una  vendition  fâcha  a  P.  Gazelas,  laurador,  per  Agnes 
Macipa  (F°  30,  v»),  molher  de  G.  Calvet,  say  entras,  de  I 


LE  CATALOGUE  DBS  CHAPELLENIBS  11 

camp  que  es  el  terrador  de  Montpeilier  apelat  Via  Croza  e  fa 
de  usatgi  XII  den.  Fes  la  carta  lo  dig  notari,  Tan  desus  dig, 
a  XJIII  de  dezembre . 

122)  Item,  I  carta  cossi  los  senhors  obriers  e  patros  de  I 
capelanie  instituta  et  ordenada  per  mossen  Martin  Aycelin, 
capelan,  say  entras,  lauseron  I  vendicion  fâcha  per  Johan 
Assaus,  sabatier,  de  Montpejlier,  a  P.  Valloncha,  mercadier 
de  vin,  de  I  vinha,  laquai  es  scituada  el  terrador  apelat  a  Pueg 
Rodier,  am  usatgi  de  XX  s.  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan 
de  sus,  a  XIV  de  febrier. 

123)  Item,  I  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  patros 
de  una  capelanie  ordenada  per  mossen  Johan  Vilar,  capelan, 
saj  entras,  deron  ad  acapte  a'n  P.  Hugonin,  sabatier,  de  Mon- 
pejlier,  I  pessa  de  vinha,  contenen  I  cartayrada,  que  es  en 
la  demarie  de  Montels,  sobre  lo  pos  d'en  Valat.  Am  usatgi  de 
X  s.  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan  desus  dig,  a  XIIII  de  fe- 
brier. 

124)  Item.  I  carta  que  conten  que  los  senhors  obriers,  pa- 
tros de  una  capelanie  ordenada  per  sen  Johan  Berthomieu, 
pelicier,  say  entras,  deron  en  acapte  a  sen  P.  Martin,  saba- 
tier, de  Montpeylier,  I  pessa  de  terra  que  es  en  la  demarie  de 
(  F°  30,  v<*)  Sant  Peyre  de  Mont  Alberon ,  en  lo  terrador 
apelat  als  Grezes,  Am  usatgi  de  IIII  s.  Fes  la  carta  maistre 
Helies  Lambert  desus  dig.  Tan  desus,  a  VIII  de  mars. 

125)  Item,  I  carta  contenen  que  los  senhors  obriers  e  pa- 
ires de  una  capelanie  ordenada  per  sen  Johan  Salvayre,  cana- 
bassier,  say  entras,  ratifiqueron  e  lauzeron  una  vendicion 
fâcha  a  sen  R.  Hue,  cambiador,  de  Montpeylier,  per  sen  Johan 
Bruguieyra,  coyratier,  de  Montpeylier,  de  I  pessa  de  terra  de 
camp,  contenen  en  se  VI  cartayradas  scituadas  prop  Tespital 
de  Besanegues.  Am  usatgi  per  cascuna  cartayrada  de  V.  s. 
Fes  la  carta,  lo  dig  notari,  desus  dig,  àX  de  mars. 

126)  Item.  I  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  patros 
de  una  capelanie  ordenada  per  sen  P,  *  ,  drapier, 

'  Nom  illisible. 


12  DIALECTES   ANCIENS 

say  entras,  de  Montpejlier,  deron  ad  acapte  a  sen  P.  Romeri, 
sedier,  de  Montpejlier,  I  pessa  de  terra  que  es  scituada  en 
la  demarie  de  Sant  P.  de  Montarberon,  enlo  claus  de  la  Cape- 
lanie.  Am  usatgi  de  VI  s.  Fes  la  carta  lo  dig  notari,  Tan 
M  CGC  LXV,  a  XXVI  de  mars. 

127)  Item.  I  carta  contenen  que  madona  la  prioressa  de- 
monestier  de  las  donas  de  Notra-Dona-de-Sant-Gili,  de  Mont- 
pellier (  F°  31,  v°  )  e'I  coven  de  las  dichas  donas  deron  ad 
acapte  a  sen  Frances  Gili,  de  Lunel,  I  pessa  de  terra  scituada 
en  la  demarie  de  Sant-Peyre-de-Portz,  en  lo  tenedor  apelat 
a  las  Figuairelas,  am  usatgi  de  I  sestier  d'ordi,  Fes  la  carta  lo 
dig  notari.  Tan  desus,  a  XXI  d'abril. 

128)  Item.  I  carta  cossi  los  senhors  obriers  e  patros  de  la 
capelanie  que  ordenet  sen  R.  Bedos,  maselier,  say  entras,  de 
Montpeylier,  deron  ad  acapte  a  sen  Johan  Paul,  hostalier, 
I  pessa  de  terra  de  vinha  que  es  scituada  en  la  demarie  del 
san  Fermin,  en  lo  luoc  apelat  t07^  de  Serven,  am  usatgi  d^  V  s^ 
Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan  desus  dig,  a  IIII  de  juli. 

129)  Item.  I  carta  contenen  acapte  dat  per  los  senhors 
obriers,  patrons  de  la  capelanie  ordenada  e  fondada  per  sen 
Bernât  de  Milhargues,  orgier,  say  entras,  de  I  pessa  de  terra 
d'ort,  am  la  mitât  del  pos  scituat  prop  la,'  gleya  de  sant  Cosme, 
am  usatgi  de  XVI  s.  Fes  la  carta  maistre  Helies  Lambert, 
notari.  Tan  e'I  jorn  desus  dig. 

130)  Item.  I  carta  contenen  cossi  sen  G.  Folcaut,  policier, 
de  Montpeylier,  heretier  de  sen  Johan  Salelas,  filh  e  heretier 
de  sen  Johan  Salelas,  say  entras,  vendet  als  senhors  obriers  e 
patros  de  la  capelanie  (F®  31,  v°)  d'en  G.  de  Peyrotis,  cambia- 
dor,  de  Montpeylier,  say  entras,  IIII  sestiers  de  fromen  sobre 
jUI  pessas  de  terra,  ensems  contengudas  en  franc  alo,  que 
foron  d'en  P.  dels  Fecz,  scituadas  a  Sant  Marti  de  Sussanre- 
gues. 

131)  Item.  E  dos  sestiers  de  fromen  a  la  mesura  de  Mont- 
peylier, am  la  directa  senhorio  e  lauzimi,  sobre  doas  pessas 
de  terra  scituadas  en  la  demarie  de  sant  P.  de  Belloc,  laquais 
tenon  los  hères  o   bens-tenens  d'en  G.  de  Salelas.  Fes  la 


LE  CATALOGUE  DES  CHAPELLENIES  13 

carta  maestre  Helies  desus  dig,  Tan  que  desus,  a  XXV  de 
octobre. 

132)  Item,  I  carta  que  conten  que  los  senhors  obriers,  pa- 
tros  de  la  capelanie  que  ordenet  mossen  Ricart  Bec,  capelan, 
saj  entras,  deron  ad  acapte  a  sen  Johan  de  Monjuzieu,  blan- 
quier,  I  pessa  de  terra  contenen  V  cartayradas  e  mieia  e  XI 
destres,  scituadas  al  terrador  apelat  al  peras  de  Latas,  am 
usatgi  de  V.  s.  Fes  la  carta  lo  dig  notari,  Tan  M  CGC  IjXV, 
a  XXI  de  novembre . 

133) /^em.  I  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  patros 
de  la  capelanie  ordenada  per  dona  Guilla  Rocaficha,  molher 
de  sen  Daude  Rocaficha,  e  per  sen  P.  Turpin,  primier  marit 
de  la  dicha,  deron  ad  acapte  a  sen  G.  de  la  Balma,  orgier,  de 
Montpeylier,  une  pessa  de  terra  contenen  III  cartayradas 
de  vinha,  scituadas  el  terrador  de  Monpeylier  apelat  Landis- 
sanegues,  am  usatgi  de  XXX  s.  paguadors  a  mossen  R.  Lar- 
guezas,  capelan,  que  decantan  la  dicha  capelanie.  Fes  la  carta 
lo  dig  notari,  Tan  que  desus  (F°  32,  r°)  a  XVI  de  januier. 

134)  Item.  I  carta  cossi  los  senhors  obriers,  patros  de  la 
capelanie  ordenada  per  mossen  Miquel  Sospon,  doctor  en  leys, 
say  entras,  compreron  de  sen  P.  Costa,  orgier,  per  la  dicha 
capelanie  X  s.  d'usatgis  am  directe  senhoria  e  auzismi,  sobre 
1  pessa  de  terra  de  vinha,  scituada  en  la  demarie  de  Sant 
Stephe  de  Sorieg,  en  lo  luoc  apelat  al  Ga  de  la  Folie,  que 
es  de  dona  Guilhalma,  molher  de  sen  Johan  Clari,  laurador. 

135)  Item,  EX  s.  de  usatgi,  am  directe  senhorie  e  lauzimi, 
sobre  1  pessa  de  terra  de  vinha  scituada  en  lo  terrador  apelat 
la  Vabre,  que  es  d'en  Duran  de  Leuzeyra,  mercier. 

136)  Item,  E  X  s.  de  usatgis,am  directe  senhorie  e  lauzimi, 
sobre  una  pessa  de  terra  de  vinha,  scituada  en  la  dicha  dema- 
rie, en  lo  luoc  apelat  al  Gua  de  la  Folie,  que  es  de  Martin 
Combas,  mercier. 

137)  Item.  X  de  usatgis,  am  directe  senhorie  e  lauzimi,  so- 
bre 1  pessa  de  terra  de  vinha  scituada  en  lo  dig  luoc  que  es 
d'en  Johan  Maurel,  laurador. 

138)  Item    XX  de  usatgis  am  directe  senhorie   e  lauzimi. 


14  DIALECTES  ANCIENS 

sobre  una  pessa  de  terra  de  vinha,  que  es   de   la  molher  de 
messier  Bernât  Roqueta. 

139)  Item,  XX  s.  de  usatgi,  am  directe  senhorie,  lauzimi, 
sobre  1  pessa  de  terra  de  vinha  que  es  del  dig  P.  Costa,  sci- 
tuada  en  io  dig  luoc.  Fes  la  carta  to  dig  notari,  Tan 
M  CGC  LXII,  à  XIX  de  jun. 

140)  (Fo  32,  v»)  Item,  1  carta  cossi  los  senhors  obriers  patros 
de  la  capelanie  que  ordenet  sen  Johan  Salvayre,  lauzeron  I 
vendicion  fâcha  a  Steve  Sabatier,  altramen  de  Valentines, 
Sartre,  per  sen  R.  Hue,  cambiador,  de  1  pessa  de  terra  de 
camp  que  es  a  Tospital  de  Bejanegues,  am  usatgi  de  V.  s.  Fes 
la  carta  lo  dig  notari,  Tan  que  desus,  a  X  de  juli. 

141)  Item,  1  carta  cossi  messier  Bernât  Roqueta,  licenciât 
en  leys,  reconoc  al  senhors  obriers,  patros  de  la  capelanie, 
que  ordenet  mossen  Miquel  Sospon,  doctor  en  leys,  una  pessa 
de  terra  de  vinha  de  dona  Agnes,  molher  sieua,  scituada  en 
la  demarie  de  Sant-Esteve  de  Sorieg,  en  lo  luoc  apela  a  la 
Vabre;  am  usatgi  de  XX  s.  Fes  la  carta  lo  dig  notari,  Tan  que 
desus,  a  XXIIII  de  juli. 

142)  Item,  1  carta  cossi  los  senhors  obriers,  patros  de  la 
capelanie  ordenada  per  maestre  Bernât  Matuel,  notari,  say 
entras  e  mossen  Bernât  de  Tomayrols,  capelan,  la  dicha 
capelanie  decantan,  deron  ad  acapte  a'n  P.  Gros,  mercier, 
de  Montpeylier,  una  pessa  de  terra  scituada  a  la  demarie  de 
Montels,  en  lo  luoc  apelat  al  mas  d'en  Valat,  am  usatgi 
de  XX  s.  Fes  la  carta,  lo  dig  notari.  Tan  que  desus,  a  XXII 
d'octobre. 

143)  Item.  I  carta  cossi  los  senhors  obriers,  patros  de  la 
capelanie,  (F°  33,  r°)  ordenada  per  sen  G.  Castel,  cabassier, 
de  Montpeylier,  say  entras,  lauzeron  la  vendicion  fâcha  a  sen 
Berenguier  Pulhan,  mercier,  de  una  vinha  que  fon  de  dona 
Johana,  molher  de  sen  Esteve  Scofier,  say  entras,  scituada  en 
lo  terrador  de  Montpeylier  apelat  a  la  Mota,  am  usatgi  de  X  s. 
Fes  la  carta  lo  dig  notari,  Tan  que^desus,  a  XXIX  de  januier. 

144)  Item,  I  carta  cossi  los  senhors  obriers,  patros  de  la 
capelanie  que  ordenet  dona  Laurensa,  molher  de  sen  Miquel 


LE  CATALOGUE  DES  CHAPELLENIBS         15 

Pelet,  say  entras,  lauzeron  I  lajsa  fâcha  a  dona  Katherina, 
molher  de  sen  Andrieu  Boganho,  bajsa7re,per  mossen  G.  Jo- 
vin,  capelan,  say  entras,  de  Grabels,  de  I  cartayrada  de  vinha, 
que  es  scituada  el  terrador  apelat  Pueq  Avelier,  am  usatgi  de 
XIII  s.  III  d.  Fes  la  carta  lo  '  dig  notari,  l'an  M  CGC  LXVII, 
à  XXIX  de  octobre. 

145)  Item.  I  carta  cossi  los  senhors  obriers,  patros  de  la 
capelanie  ordenada  per  sen  Bernât  Jogos,  pelicier,  say  entras, 
de  Montpeylier,  deron  ad  acapte  a  sen  Bertran  Lauret,  fustier, 
e  a  dona  Alamanda,  molher  de  sen  Johan  Mamet,  de  say  en- 
tras, fustier ,  I  pessa  de  terra  que  fon  III  cartayradas  en  se 
contenen,  scituada  en  lo  terrador  apelat  Tort  de  Serven,  am 
usatgi  de  XXIV  s.  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan  que  desus, 
a  XXIV  de  januier. 

146j  (F**  33,  V®)  Item.  I  carta  contenen  que  los  senhors 
obriers  e  patros  de  la  capelanie  que  ordenet  sen  P.  de  Favars, 
drapier,  say  entras,  lauzeron  I  vendicion  fâcha  a  sen  Esteve 
Beysieyre,  liayre,  de  Montpeylier,  per  R.  Bonel,  laurador,  de  I 
cartayrada  de  plantier,  scituada  en  la  demarie  de  san  P.  de 
Montarberon,  en  lo  luoc  apelat  los  Trencastz^  am  usatgi  de  X  s. 
Fes  la  carta  lo  dig  maestro  Helies,  Tan  que  desus,  a  XX  de 
mars. 

147)  Item.  I  carta  contenen  que  los  senhors  obriers  e  pa- 
tros de  I  capelanie  que  ordenet  sen  Johan  Berthomieu,  peli- 
cier, say  entras,  que  lauzeron  I  vendicion  fâcha  al  sen  R. 
Stuc,  cambiador,  de  Montpeylier,  per  sen  Jacme  Espanhol, 
espazier,  de  doas  pessas  de  vinha  que  son  a  san  P.  de  Mont 
Arberon,  als  Grezes  de  la  Canalada^  V  s.  VI.  d.  Fes  la  carta 
lo  dig  maestro  Helies,  Tan  M  CGC  LXVIIL,  a  XXIV  de  abril. 

148)  Item.  I  carta  contenen  que  los  senhors  obriers  e  pa- 
tros de  la  capelanie  que  ordenet  sen  G.  Gastel,  cabassier,  say 
entras,  de  Montpeylier,  lauzeron  I*  lieuration  fâcha  a  l'en- 
quant  a  Johan  de  Ribauta,  lanternier,  habitador  de  Montpey- 
lier, de  P  pessa  de  terra  de  vinha  de  II  cartayradas,  scitua- 
das  en  lo  terrador  apelat  Egua  longua,  am  usatgi  de  III  s. 
Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan  que  desus,  a  II  de  jun. 


16  DIALECTES   ANCIENS 

149)  (F°  34,  r°)  Item,  I  carta  contenen  que  los  senhors 
obriers  e  patros  de  la  dicha  capelanie  deron  ad  acapte  al  dig 
Johan  de  Ribauta  una  pessa  de  terra  de  vinha  contenen  una 
cartayrada  que  es  scituada  el  dig  terrador  de  Egua  longua, 
am  usatgi  de  XII  d"".  Fes  la  carta  lo  dig  notari,  Tan  e'I  jorn 
que  desus. 

150)  Item .  E  la  carta  de  la  reconoysensa  de  las  dichas  II 
pessas  de  terra. 

151)  Item,  I*  carta  que  los  senhors  obriers  e  patros  de  I* 
capelanie  ordenada  per  mossen  G.  Moneri,  capela,  say  entras, 
deron  ad  acapte  a  sen  Jordan  Rei,  fustier,  I*  pessa  de  camp 
P  carta jrade  e  mieia  contenen,  que  es  lo  paml  d'en  Conquas, 
am  usatgi  de  XXX  s.  Fes  la  carta  lo  dig  notaris,  Tan  que  de- 
sus,  a  V.  de  febrier. 

152)  Item,  P  carta  contenen  que  los  senhors  obriers  e  patros 
de  la  capelanie  que  ordenet  sen  R.  Bedos,  mazelier,  say  entras, 
lauzeron  P  succession  a  dona  Garcens,  molher  de  sen  Johan 
Pauc,  hostalier,  de  Montpeylier,  al  quai  marit  sieu  succesi, 
de  P  pessa  de  terra  V  cartons  contenens,  que  es  en  la  dema- 
rie  de  sant  Fermin,  en  lo  luoc  apelat  Tor  de  Serven,  am  usatgi 
de  V.  s.  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan  M  CGC  LXVIII,  a  IX  de 
mars. 

153)  (F**  34,  v°)  Item.  P  carta  contenen  que  los  senhors 
obriers,  patros  e  governadors  e  amministradors*  del  monestier 
de  las  donas  de  sant  Gili  de  Montpeylier,  e'I  procurayre  del 
dig  monestier,  lauzeron  una  institution  de  hères  per  lo  testa- 
men  fag  per  sen  R.  Terrest,  sedier,  say  entras,  en  lo  quai  tes- 
tamen  fes  heretieyras  dona  Pauleta,  sa  molher,  e  Fermina,  sa 
filha,  per  laquai  institution,  pervenc  a  la  dicha  Pauleta  la 
meitat  per  non  devisa  de  P  pessa  de  terra  de  II  cartayradas, 
que  es  el  terrador  deNovegens,  laquai  se  teng  del  dig  mones- 
tier de  las  dichas  donas,  am  usatgi  de  quatre  d".  Fes  la  carta 
lo  dig  notari.  Tan  M  CGC  LXIX,  a  VIII  de  jun. 

154)  Item,  P  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  pa- 

*  V.  a.  128  et  160.  Tor. 


LE  CATALOGUE  DES  CHAPELLENIES  17 

tros  de  la  capelanie  que  ordenet  mossen  Johan  de  Vilar,  cape- 
lan,  que  deron  ad  acapte  a  dona  Brysa,  molher  de  sen  To- 
mas  Assaut,  speciayre,  de  Montpeylier,  P  pessa  de  terra  de 
vinha  que  conten  v  cartes,  que  es  scituada  el  terrador  del  mas 
(ten  Milaty  am  usatgi  de  X  s.  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan 
M  CGC  LXIX,  al  derrier  jorn  de  octobre. 

155)  Item.  P  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  patros 
de  I*  capelanie  que  ordenet  sen  Gr.  Castelh,  cabassier,  sobredig, 
lauzeron  una  vendition  fâcha  a'n  R.  Marsana,  fustier,  de 
Montpeylier,  per  Esteve  Sospon,  ortolan,  de  P  pessa  de  terra 
de  vinha  que  es  el  terrador  apelat  las  Felissencas,  am  usatgi 
^e  V  s.  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan  que  desus,  a  VII  de  de- 
zembre . 

156)  (F°  35,  r°)  Item.  I  carta  contenen  que  los  senhors 
obriers,  patros  de  la  capelanie  ordenada  per  maistre  Bernât 
Matuel,  notari,  saj  entras,  de  Montpeylier,  lauzeron  la  ven- 
dition fâcha  a  maistre  P.  Roman,  cotelier,  per  senR.  del  Mas, 
mercadier,  de  Montpeylier,  tutor  de  Katherina,  fîlha  de  sen 
Johan  Yssareils,  mercadier,  de  Montpeylier,  per  P  pessa  de 
terra  de  vinha  que  es  el  terrador  de  Montpeylier,  en  lo  luoc 
appelât  al  pahon,  am  usatgi  de  XX  s.  Fes  la  carta  lo  dig  no- 
tari. Tan  que  desus,  a  XIIII  de  novembre. 

157)  Item.  P  carta  contenen  que  los  senhors  obriers  e  patros 
de  la  capelanie  que  ordenet  sen  Johan  Ros,  chandelier,  de 
Montpeylier,  say  entras,  lauzeron  la  vendition  fâcha  a  sen  Jo- 
han Guos,  laurador,  de  Montpeylier,  per  sen  Johan  Carbonel, 
laurador,  de  I  cartayrada  de  camp  que  es  el  terrador  apelat 
Val  de  Vesin,  am  usatgi  de  X  s.  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan 
que  desus,  a  XXIII  de  novembre. 

158)  Item.  P  carta  contenen  que  los  senhors  obriers  e  patros 
de  la  capelanie  que  ordenet  sen  Esteve  Rog,  borzes,  say  en- 
tras, una  peruccion  o  succession  fâcha  à  dona  Mirabels,  mol- 
her de  sen*  P.  Sam,  cabassier,  say  entras,  de  Montpeylier,  que 
era  de  Johan  d'Albapar,  cabassier,  say  entras,  de  doas  car- 
tayradas  de  vinha,  que  son  en  la  demarie  de  sant  Fermin  de 
Montpeylier,  sub  la  reclusa  de  LataSy  am  usatgi  de  XL  s^**. 


18  DIALECTES    ANCIENS 

Fes  la  carta  lo  dig  maistre  Helias  Lambert,  Tan  M  CGC  LXX, 
a  XXV  de  may . 

159)  (F°  35,  v°)  Item.  Una  carta  contenen  que  los  se- 
nhors  obriers,  patros  de  la  capelanie  que  ordenet  sen  Bernât 
Engilbert,  mercadier,  de  Montpellier,  lauzeron  I*  liuration 
fâcha  a  Tencant  public  a  messier  P.  Cabot,  1*  pessa  de  terra 
de  vinha  scituada  en  lo  terrador  appelât  Via  croza,  am  usagi 
de  XX  8^*.  Fes  la  carta  maistre  Helies,  notari,  sobredig,  Tan 
M  CGC  LXX,  a  lUI  de  octobre. 

160)  Item,  I*  carta  cossi  los  senhors  obriers  e  patros  de 
V  capelanie  ordenada  per  sen  R .  Bedos,  mercadier,  saj  en- 
tras, lauzeron  I*  vendicion  fâcha  a  sen  Esteve  Porel  plus 
vielh,  laurador,  per  dona  Garcens,  filha  de  sen  Thomas  Vi- 
cens  e  molher  de  sen  Johan  Sauc,  ostalier,  saj  entras,  de  I* 
pessa  de  terra  de  vinha  que  es  en  la  demarie  de  san  Firmin 
el  terrador  apelat  Tor  de  Serven,  e  de  usatgi  V  s^*,  paguadors 
a  mossen  Salvayre  Ladel,  decantan  la  dicha  capelanie.  Fes  la 
carta  lo  dig  notari.  Tan  M  QCG  LXX,  a  XX  de  dezembre. 

161)  Item,  P  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  patros 
de  la  capelanie  que  ordenet  mossen  RicartBec,  capelan,  say 
entras,  laquai  décanta  mossen  Geneys  Arbossa,  capelan,  de- 
ron  ad  acapte  P  possession  a  na  Margarida,  molher  de  Johan 
Porthier,  mercadier  de  vin,  que  es  que  conten  III  cartos,  sci- 
tuada en  lo  luoc  apelat  a  la  Caupolieyra,  am  usatgi  de  V  s^^  Fes 
la  carta  lo  dig  notari.  Tan  que  desus,  a  XX  de  dezembre. 

162)  (F**  36,  r°)  Item,  P  carta  contenen  que  los  senhors 
obriers,  patros  de  la  capelanie  instituida  e  ordenada  per 
messier  G.  Glari,  savi  en  dreg,  de  saj  entras,  lauzeron  P  ven- 
dicion fâcha  a  sen  R.  Miquel,  fustier,  de  Montpeylier,  per 
sen  G.  de  la  Lequa,  orgier,  de  Montpeylier,  e  Maria,  sa  mo- 
lher, de  P  pessa  de  terra  de  vinha,  que  es  scituada  a  la  fon  de 
san  Bertholmieu,  am  usatgi  de  XX  s.  Fes  la  carta  lo  dig  no- 
tari, Tan  M  CGC  LXXI,  a  VII  de  may . 

163)  Item,  P  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  pa- 
tros de  la  capelanie  que  ordenet  sen  Berthomieu  Greza,  ma- 
zelier,  say  entras,   deron  ad  acapte  P  pessa  de   terra  sci- 


LE  CATALOGUE  DES  CHAPELLENIES  19 

tuada  als  Ortz  de  las  Cortz,  am  usatgi  de  X  s^^  Fes  la  carta  lo 
dig  notari,  Tan  M  CGC  LXX,  a  XIIII  de  mars. 

164)  Item.  P  carta  contenen  que  los  senhors  obriers  e  patros 
de  la  capelanie  ordenada  per  dona  Alamanda,  molher  de^sen 
Johan  Lobier,  drapier,  say  entras,  deron  ad  acapte  a  sen 
Gaucelm  Bonen,  al,  Morrut,  e  a  sen  Paul  Costa,  e  a  sen  Daude 
Morrut,  de  san  Johan  de  Vedas,  so  es  assaber  a  cascun  car- 
tajrada  e  la  tiersa  part  de  P  cartayrada,  am  usatgi  cascun 
de  V  s^*  VIII  d'^*,  laquai  es  scituada  el  terrador  de  Sant  Esteve 
de  Bejanegues.  Fes  la  carta  maistre  Helies  Lambert,  notari. 
Fan  M  CGC  LXX,  a  XIV  de  mars. 

165)  (F°  36,  v°)  Item,  I  carta  contenen  que  los  senhors 
obriers,  patros  de  la  capelanie  que  ordenet  sen  Esteve  de  Lo- 
deva,  filh  e  heretier  de  sen  R.  de  Lodeva,  canabassier,  say 
entras,  de  Montpeylier,  que  deron  ad  acapte  a  sen  Esteve 
Raymon,  laurador,  de  Montpeylier,  I  pessa  de  terra  laquai  es 
scituada  el  terrador  apelat  a  Campmorie7\  Am  usatgi  de  P 
emina  d'ordi.  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan  e'I  jorn  que  desus. 


166)  SEGUN  se  las  notas  o  las  cartas  receupudas,  per  lo  dig 
maistre  Helies  Lambert,  al,  Riber,  notari .dels  digtz  senhors 
obriers,  patros  de  las  capelanias  que  s'ensegun,  que  son  en 
I  cazern  del  libre  en  que  son  las  armas  de  Tobra,  aysi^quant  si 
ensec. 

167j  Premieiramens  P  carta  contenen  que  sen  Jacme  Sy- 
mon,  mersier,  de  Monpeylier,  reconoc  als  senhors  obriers,  pa- 
tros de  P  capelanie  que  ordenet  sen  Bertholmieu  Greza,  ma- 
zelier,^say  entras,  de  una  pessa  de  terra  de  vinha  que  es  el 
terrador  appelât  de  Landissaurgues ,  am  usatgi  de  XVII  s^* 
IX  d'\  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan  M  GCC  LXXI 

168)  Item,  P  carta  cossi  los  senhors  obriers,  patros  de  la 
capelanie  que  ordenet  dona  Johana,  molher  de  sen  Johan 
Andrieu,  mercadier  (F°  37,  r°),  say  entras,  e  mossen  Esteve 
Boysieyra  *,  capela  de  la  dicha  capelania  decantan,  deron  ad 

*  M.  Bansieyra. 


20  DIALECTES   ANCIENS 

acapte  a  sen  Berenguier  Vesian,  et  a  senDuran  Galin,  e  a  sen 
Jacme  Valiejra,  e  a  sen  R.  Bermon,  e  a  sen  Berenguier  Grun, 
lauradorsI*pessa  déterra  laquai  es  scituada el terrador  apelat 
Vort  de  las  Cortz,  am  certz  usatgis.  Fes  la  carta  lo  dig  notari, 
Tan  e'I  jorn  que  desus. 

169)  Item .  P  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  pa- 
tres de  la  capelanie  que  ordenet  sen  Duran  Sacirajre,  dra- 
pier, saj  entras,  de  Montpeylier,  e  mossen  R.  Larguezas, 
capelan  de  la  dicha  capelanie  decantan,  deron  ad  acapte  a 
sen  G.  Thaïes,  manescal,  de  Montpeylier,  P  pessa  de  vinha  de 
III  cartayradas  scituadas  en  la  demarie  de  Montarberon,  en 
lo  terrador  apelat  a  la  Mota^  am  usatgi  de  XXX  s^*.  Fes  la 
carta  lo  dig  notari.  Tan  que  desus,  a  XXIV  de  dezembre . 

M 

III 

170)  (F°  38,  r°)  AQUESTÀS  cartas,  denfra  designadas, 
son  en  lo  libre  de  las  notas  receupudas  per  maestro  Jacme  de 
sant  Johan,  notari  dels  senhors  obriers  de  la  dicha  communa 
clausura  de  Montpejlier,  loqual  libre  es  en  la  dicha  obra  que 
pertocon  a  la  capelanïas  de  lasquals  son  patros  los  dighs 
senhors  obriers. 

171)  Aquestas  cartas  que  s'ensec  escrichas  foron  receupu- 
das de  l'an  M  CGC  LXXII  a. . .  *. 

172)  Premieyramens  I  carta  contenen  que  los  senhors 
obriers,  patros  de  la  capelanie  que  ordenet  dona  Agnes  mo- 
Iher  de  sen  Inart  Homagi,  penhejre,  de  Montpeylier,  e  mos- 
sen Salvayre  Ladel,  capelan  de  la  dicha  capelanie  decantan, 
deron  ad  acapte  a  sen  P.  Borrelh,  fustier,  I  pessa  de  terra 
contenen  IV  cartayradas,  scituadas  en  la  demarie  de  Mont 
Arberon,  en  la  terrador  de  Negua  Castz,  am  usatgi  de  XX  s**. 
Fes  la  carta  lo  dig  maistre  Jacme  de  sant  Johan,  notari.  Tan 
que  desus,  a  XVII  de  dezembre.  Recognovit. 

nS)  Item,   I  carta  de  acapte  dat  per  los  senhors  obriers, 
patros  de  la  capelanie  que   ordenet  maistre  Lambert  de  la 

La  seconde  date  manque. 


LE  CkTKhOOm  .DÏpS  GHAPBl-LENIES  21 

d^  Mâts  iVielh,  ca^^elan,  la  ôicl^a.qapel^^ia46C0ji.tan,  ft  se$i 
Guiraut  Arpin,  mercadier,  de  çMo^tpeyii^r,  de  I  ipe^s^a  de 
terca.jde  yittba  qAiiB  ^3  en  la  dç^n^rie.de  Mqm^lâ,  am  usatgi  de 
XL  fils .  jFes  )la  .«arta  lo  dig  wt^açi,  r^j(F^  SfS,  .v**)  que  d^us, 
a i&]V^IU  defabrier . 

ûl4],Jiem.J.Q0^ksi  l5ontel>^^  qiie  los  ^enhprs^pbriers,  pa^tros 
de  la  oapelanie  que  opdenetsepjJohaivKos,.pasj;içijer^  de  Mont- 
pejlier,  say  entras,  e  mQSsen  4^rasi|s  del  Tro3,  c^s^pelan,  la 
dicha  capelanie  «deoantsui,  lauïôPQn  una  cession  e  riemission 
fâcha  per  sen  Aûddeu  Baoanel,  IauQrador,,a  dona  Johana, 
molher  d^  sen  P  iRacanel,  lauorador,  ss^j^  entras,  >deb  dregs 
et  aooiaque  avia.en  P  pessa  déterra  de, camp  que.es, vçLter- 
Tador  apelat  akortzde  las  Cor/z,am;. usatgi  de  XXs^'.  Fes  la 
earta  lo  dig  notari,  Fan  M  CCCLXXVII,  al  -premier  jour, de 
ftbril.  Recognovit. 

175)  Item,  La  earta  contenen  que  .los  sei^hoics  obriers,  pa- 
tros  de  la  capelanie  que  ordenet  idpua  rLaureiisa,  .molber  de 
8en  Miquel  Pelet,  drapier,  saj  /entras,  ,de  Montpeylier,  e 
mossen  Berenguier  Tornier,  capelan,  Ja  dicha  papelsinie  de- 
cantan,  deron  ad  acapte  a  na  Guilhelma,  molher  de, sen  Ber- 
nât Cabertpina^  lauorador,  saj  entras,  de  P  qartajrada  de 
vinha  que  es  en  lo  terrador  apelat  Pwe^  j4y^/^r,ia,m  usatgi  de 
XX  8*».'Fes  la  earta  lo  dig  notari,  Tan  que  desus,  ial  premier 
jorn  de  abril. 

176)  Item.  La  earta  contenen  que  los  senhors  obriers,  pa- 
tres dela,c^elAmiB,q]ue  orde^,qt  sen  Johan  .^artholn^ieu,  pe- 
Ucier,  deMontpeyJier,  say  entras,  e  mossen  Bernât  Caslar, 
capelan  de  la  dicha  capelanie  <F°  39,  v°),  decantan,  lauzeron 
P  dation  en  p^gua  a  dpna  Katbeyijia,  çaolher  d'en  P.  Martin, 
sabatier,  de  Montpeylier,  de.P  vinha  que  es  en  la  demarie  de 
Montarberon  ois  Grçzçs^  çipi  usatgi  de  V  s'«.  Fes  la  earta  lo 
dig  notari,  T^n  que  desus,  a  Yl  d'ab^il. 

177)  Item.  1  earta  contenen  que  los  senhors  obriers,  pa- 
tres de  la  capelanie  que  prdenet^ maestro  Matuel,  say  entras, 
e  mossen  P.  Costa,  ci^pejia^,  la  dicha  capelanie   decantan, 

2 


■•.^ 


22  DIALECTES    ANCIENS 

deron  ad  acapte  a  sen  Johan  Pastre,  laurador,  I  vinha  que 
es  a  Rafegnan^  am  usatgi  de  V  s*'.  Fes  la  carta  lo  dig  notari. 
Tan  que  desus,  a  XVIII  de  juli. 

178)  Item.  I  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  patros 
de  la  capelanie  que  ordenet  sea  Johan  Bertholmieu,  pelicier, 
saj  entras,  de  Montpejlier,  e  mossen  Bernât  Caslar,  la  dicha 
capelanie  decantan,  lauzeron  I  dation  en  pagua  fâcha  a  dona 
Katherina,  molher  de  sen  P.  Martin,  sabatier,  saj  entras,  de 
una  cartayrada  de  vinha  que  es  als  Grezes:  Am  usatgi  de 
VII  s^*.  Fes  la  carta  lo  dig  notari,  a  VIII  de  may. 

179)  Item.  P  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  patros 
de  la  capelanie  que  ordenet  sen  Duran  Satnayre,  say  entras, 
de  Montpejlier,  e  mossen  Raymon  Larguezas,  capelan,  la 
dicha  capelanie  decantan  (F°  39,  v°),  deron  ad  acapte  8l  sen 
Bernât  Pascal  de  Prunet,  laurador,  I  vinha  que  es  a  la  por- 
talieyra  de  Landissanegues,  am  usatgi  de  V  s^" .  Fes  la  carta  lo 
dig  notari.  Tan  que  desus,  a  XVIII  de  may. 

180)  Item,  I  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  patros 
de  la  capelanie  que  ordenet  dona  Marita,  molher  de  sen 
Johan  Rossonel,  molinier,  say  entras,  de  Montpeylier,  e  mos- 
sen Johan  del  Mas  Vielh,  capelan,  la  dicha  capelanie  decan- 
tan, deron  ad  acapte  a  sen  Berenguier  Papina,  orgier,  de 
Montpeylier,  I  camp  que  es  en  la  demarie  de  san  Martin  de 
Prunet,  en  lo  luoc  apelat  la  Hoqueta,  am  usatgi  de  XXV  s^^ 
Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan  que  desus,  a  XXVI  d'octobre . 


181)  AQUESTAS  cartas  d'enfra  designadas  foron  reccu- 
padas  per  lo  dig  maestre  Jacme  de  san  Johan,  notari,  Tan 
M  CGC  LXXIII. 

182)  Item.  P  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  patros 
de  la  capelanie  que  ordenet  maistre  G.  de  la  Vabre,  notari, 
say  entras,  e  mossen  G.  Costa,  capelan  de  la  dicha  capelanie 
decantan  (F°  40,  r°),  deron  ad  acapte  a  sen  P.  Hugonin  doas 
pessas  de  terra  de  vinha  contengudas  II  cartayradas  que  son 
a  la  Tinetla  de  Latas,  am  usatgi  de  X  s*" .  Fes  la  carta  lo  dig 
notari.  Tan  que  desus,  a  XX  de  octobre. 


LE  CATAJ^OaUE  DES  CHAPELLENIES  23 

183}  Item.  !•  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  patros 
de  la  capelanie  que  ordeuet  dona  Fermina,  molher  saj  en- 
tras de  sen  Johan  de  Rodes,  altramen  Gauzi,  pargamenier,  de 
Montpeylier,  e  mossen  P.  Garrigua,  oapelan,  la  dicha  cape- 
lanie decantan,  deron  ad  acapte  a  sen  Guiraut  Mauran^  lau- 
rador,  de  Montpejlier,  1*^  pessa  de  terra  de  vinha  contenen 
1*  cartajrada,  que  es  en  la  demarie  de  Sant-Daunizi,  en  lo  loc 
apelat  a  la  torre  d'en  Candelon,  am  usatgi  de  X  s**.  Fes  la 
carta  lo  dig  notari,  Tan  que  desus,  a  XXI  de  octobre. 

184)  Item.  1*  carta  contenen  que  los  senhors  obriers  patros 
de  la  dicha  capelanie,  e'I  dig  capelan,  deron  ad  acapte  a  sen 
C.  Rajmon,  una  pessa  de  terra  de  vinha  contenen  en  se 
1*  cartayrada,  que  es  en  lo  luoc  sobre  dig,  am  usatgi  de  X  s**. 
Fes  la  carta  lo  dig  notari,  Tan  e'I  jorn  sobre  dig. 

185)  Item.  1*  carta  contenen  que  los  dighs  senhors  obriers  e 
patros  de  la  dicha  capelanie;  e'I  dig  capelan,  deron  ad  acapte^ 
a  dona  (F®  40,  v")  Johana,  molher  d'en  Pons  Tenel,  sirven,  de 
Montpeylier,  1  pessa  de  terra  de  vinha  contenen  en  se  1*  car- 
tayrada, que  es  en  lo  luoc  sobre  dig,  am  usatgi  de  X  s^".  Fes 
la  carta  le  dig  notari,  l'en  e'I  jorn  que  desus. 

186)  Item.  1*  carta  contenen  que  les  senhors  obriers,  patros 
de  la  dicha  capelanie,  e'I  dig  mossen  S.  Garrigua,  la  dicha 
capelanie  decantan,  deron  ad  acapte  a  dona  Johana,  molher 
de  sen  Johan  Ajnaut,  mazelier,  de  Montpeylier,  et  al  dig  ma- 
rit  sieu,  1  pessa  de  terra  de  vinha,  II  cartayradas  en  se  con- 
tenen, que  es  el  dig  luoc,  am  usatgi  de  XX  s^S  Fes  la  carta 
lo  dig  notari.  Tan  que  desus,  a  XXVI  d'octobre. 

187)  Item.  1*  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  patros 
de  la  dicha  capelanie,  e'I  dig  capelan,  deron  ad  acapte,  a  sen 
Duran  Fetays,  cordier,  de  Montpeylier,  1*  pessa  de  terra  de 
vinha  tenen  en  se  III  cartos,  que  es  en  lo  dig  terrador,  am 
usatgi  de  X  s*".  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan  e'I  jorn  que 
desus. 


188)  (  F*  41,  P°)  AQUESTAS   cartas  que  s'ensegon  foron 


24  1)IALECTES  ANCIENS 

receupudas  per  lo  dig  notari,  maestre  Jacme  de  San-Johan, 
notari,  Tan  M  CGC  LXXIIII. 

189)  Primieyramens  1*  carta  contenen  que  los  senhors 
obriers,  patros  de  la  capelanie  que  ordenet  sen  Bernât  Engil- 
bert,  pelicier,  say  entras,  de  Montpeylier,  e  mossen  R.  Lar- 
guezas,  capelan,  la  dicha  capelanie  decantan,  en  lagleyza  de 
S'aiit-Bertholmiéu,  deron  ad  acapte  a  dona  Guilhalma,  molher 
de  sèn  Johan  Foyset,  cordier,  de  Montpeylier,  1*  pessa  de 
terra  que  es  en  la  demarie  de  Sant-Fermin,  el  terrador  de  Da- 
bian,  am  usatgi  de  X  s^*.  Fes  la  carta  lo  dig  notari  Tan  que 
desus,  a  XII  de  mars. 

190)  Item.  1*  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  patros 
de  la  capelanie  ordenada  per  sen  Johan  Ros,  pastacier,  say 
entras  de  Montpeylier,  e  mossen  Atrasies  *  del  Gros,  capelan, 
la  dicha  capelanie  decantan,  lauzeron  1*  vendition  fâcha  a  sen 
P.  Gregori,  drapier,  de  Montpeylier,  per  Bernât  Huguet  et 
Florencia,  sa  molher,  de  1"  pessa  de  terra  de  vinha  que  es  en 
la  demarie  de  Sant  Fermin,  en  la  Garda  del  val  de  Vezin,  am 
usatgi  de  X  s^".  Fes  la  carta  lo  dig  notari,  Tan  que  desus,  a 
XV  de  mars. 

191)  (P°  41,  v°)  Item.  1*  carta  contenen  que  los  senhors 
obriers,  patros  de  la  capelanie  que  ordenet  sen  G.  Gastel,  ca- 
bassier,  de  Montpeylier,  lauzeron  1*  vendicion  fâcha  a  sen 
Johan  Garin,  mercier,  de  Montpeylier,  per  sen  R.  Ricart,  de 
Montpeylier,  de  1*  vinha  que  conten  una  cartayrada,  que  es 
prop  lo  Molin  de  Tevesque  am  usatgi  de  X  s^*,  laquai  décanta 
mossen  Johan  Palam,  capelan.  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan 
que  desus,  a  XXII  de  octobre. 

192)  Item .  1*  carta  contenen  que  dona  Peyronela  Marale- 
tina,  molher  de  sen  S.  Maraletin,  say  entras,  reconoc  als  se- 
nhors obriers,  patros  de  la  dicha  capelanie,  I  cartayrada  de 
terra,  que  es  en  la  demarie  de  Montels,  en  lo  luoc  apelat  las 
Felissencas,  am  usatgi  de  V  s^*.  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan 
e'I  jorn  que  desus. 

*  V.  art   174,  Arazus. 


LES  GATALOOUB  DBS  COAPËLLb^NIES  25 

193)  Item.  1*  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  pa- 
tros  de  una  capelanie  que  ordenet  sen  Bernai  de  Sant  Idathieu, 
olier,  de  Montpeylier,  e  mossen  Esteve  de  Trelops,  capelan 
de  la  dicha  capelanie  decantan,  lauzeron  un  estauh  fag  a  sen 
R.  Duran,  altramen  Ramier,  per  sen  P.  Nogaret,  ortolan,  de 
1*  pessa  de  terra  de  vinha  que  es  a  San  Milhejs,  am  usatgi  de 
XXX  s^.  Fes  la  carta  lo  dig  notari,.  Tan  que  desus,  a  XXIY 
d'octobre. 


194)  (F*  42,  P*)  AQUESTAS  quartas  que  sen  segon  foron 
receupudas  per  lo  dig  maestro  Jacme  de  Sant  Johan,  notari, 
Fan  M  CGC  LXXVI. 

195)  Premieyramens  P  carta  contenen  que  los  senhors 
obriers  patros  de  la  capelanie  que  ordenet  sen  Andrieu  Tor- 
cubilbas,  pestre,  say  entras,  de  Montpeylier,  compreron  de 
usatges  per  la  capelanie  am  directe  senhorie  e  lauzimi,  de 
sen  Nat  Palmier,  cambiador,  de  Montpeylier,  per  cert  près. 
Fes  la  carta  lo  dig  notari,  Tan  M  CGC  LXXVI,  a  XXX  de 
abril  ;  es  la  carta  a  Tobra. 

\9&)  Item,  I*  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  pa- 
tros de  la  capelanie  que  ordenet  dona  Fermina,  molhe  {sic)  de 
sen  Johan  de  Rodes,  altramen  Gozi ,  pargamenier,  say  entras, 
de  Montpeylier,  e  mossen  P.  Garrigua,  capelan,  la  dicha  ca- 
pelanie decantan,  deron  ad  acapte  a  sen  P.  Romier,  sedier, 
I'  pessa  de  terra  que  es.  ...*....  Am  usatgi  de  X  s^'.  Fes  la 
carta  lo  dig  notari.  Fan  que  desus,  a  XVI  de  may . 

197)  (F®  42,  v°)  Item  •  I*  carta  contenen  que  los  senhors 
obriers,  patros  de  la  capelanie  que  ordenet  dona  Johana,  mo- 
Ihcr  de  sen  Johan  Andrieu,  mercadier,  say  entras,  de  Mont- 
peylier, e  molher  de  maistre  Berengûier  Guilabert,  notari, 
say  entras,  compreron  de  sen  P.  Ribas,  sedier,  de  Montpey- 
lier, de  usatgis  am  directa  senhorie  e  lauzimis  per  la  dicha 
capelanie,  per  sert  près.  Fes  la  carta  lo  dig  notari,  Tan  que 
desus,  a  XVI  de  juli. 

*  L'indication  manque. 


26  DIALECTES  ANCIENS 

198)  Item .  I*  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  patros 
de  la  capelanie  que  ordenet  sen  Bernât  de  Milhangues,  or- 
gier,  say  entras,  de  Montpeylier,  e  mossen  Steve  Boysieyra, 
capelan,  la  dicha  capelanie  decantan,  deron  ad  acapte  a 
mossen  Johan  Melquier,  capelan,  de  Montpeylier,  coma  pri- 
vadapersona,  unepessa  de  terra  de  camp,  contenen  en  se  VII 
cartes  o  entorn,  que  es  prop  lo  cemiteri  de  Sant  Cosme,  am 
usatgi  de  XXX  s**.  Fes la  carta  lo  dig notarié  Tan  que  desus» 
a  XVII  de  juli. 

199) /fem.  I*  carta  contenen  que  los  senhors  obriers  patros 
de  la  capelanie  que  ordenet  que  sen  Bernât  Benezeg,  mercier, 
say  entras,  de  Montpeylier,  deron  ad  acapte  a  Mossen  Johan 
Melquier,  capelan,  coma  privada  persona,  I  prat  contenen  en 
se  III  cartayradas,  que  son  a  Latas  en  lo  luoc  apelat  Lojac,  am 
usatgi  de  XX  s^".  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan  que  desus,  a 
XXXI  de  octobre. 

200)  (F°  43,  p")  Item.  I*  carta  contenen  que  los  senhors 
obriers,  patros  de  la  dicha  capelanie  aordenada  per  lo  dig  sen 
Bernart  Benezeg,  deron  ad  acapte  I  vinha  que  conten  en  se 
IIII  cartayradas,  scituadas  en  la  demarie  de  Montels,  en  lo 
luoc  apelat  Fort  Lauzanha,  am  usatgi  de  V  s^*.  Fes  la  carta 
lo  dig  notari,  Tan  que  desus,  a  XXXI  de  octobre. 


IV 


201)  AQUESTAS  cartas  denfra  designadas  son  notadas  e 
receupudas  per  lo  dig  notari,  en  l'autre  libre. 

202)  Item.  I*  carta  contenen  que  los  senhors  obriers  e  pa- 
tros de  la  capelania  que  ordenet  dona  Johana  Andrieua,  mo- 
Iher  de  son  Nicholau  Andrieu,  say  entras,  e  mossen  Esteve 
Boysieyra  la  dicha  capelania  decantan,  lauzeron  I*  permuta- 
tion fâcha  a  Bernât  de  la  Fabregua,  per  sen  G.  de  Mûries, 
pebrier,  de  II  estais,  am  transcort,  que  son  al  barri  de  Mont- 
peylier,  e  fan  usatgi  XVIII  den.  Fes  la  carta  lo  dig  notari, 
Tan  M  CGC  LXXVI,  a  XIX  de  dezembre. 

202)  Item.  I*  carta  contenen  que  los  [senhors  obriers  epa- 


LE  CATALOGUE  DKS  CHAPELLEKIES  27 

tros  de  la  capelanie  que  ordenet  sen  G.  Castel,  cabassier,  say 
entras,  e  mossen  Johan  Salam,  capela  de  la  dicha  capelania, 
deron  e  lauzeron  I*  vendition  fâcha  a  sen  G.  Fontanes,  lau- 
rador,  per  sen  Bernât  Carbonel,  sirven  exécuter  deltestamen 
de  sen  Johan  de  Ribauta,  lantarnier,  say  entras,  de  P  car- 
tayrada  de  terra  que  es  a  Fgua  Longua,  am  usatgi  de  XII  den. 
Fesla  carta  lo  dig  notari.  Fan  M  CGC  LXXVII,  a  XXIV  de 
abril. 

205)  (F*  43,  V")  Item.  I*  carta  contenen  que  los  senhors 
obriers,  patros  de  la  capelania  que  ordenet  mossen  Martin 
Aycelin,  say  entras,  e  mossen  Jacme  Gaudil,  capela  la  dicha 
capelania  decantan,  lauzeron  P  vendition  fâcha  a  sen  P.  Gau- 
dilh,  mercier,  de  Montpeylier,  per  sen  P.  Valencha,  merca- 
dier  de  vin,  de  P  vinha  contenen  una  cartayrada,  que  es  en 
la  demarie  de  Montels,  en  lo  terrador  apelat  Pueg  Radier,  e  fa 
de  usatgi  XX  s^".  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan  que  desus,  a 
XXIV  d'abrU. 

205)  Item,  P  carta  contenen  que  los  senhors  obriers  e  pa- 
tros de  la  capelanie  que  ordenet  sen  Andrieu  Cortuchas, 
pestre,  say  entras,  lauzeron  P  permutation  fâcha  a  sen  Esteve 
Cosenval,  aventurier,  per  sen  Johan  de  Caranta,  laurador,  de 
I  verdier  que  es  prop  lo  pon  del  Carme,  am  usatgi  de  XII 
den.  Fesla  carta  lo  dig  notari.  Tan  que  desus,  a  XXVI  de  jun. 

206)  Item,  P  carta  contenen  que  los  senhors  obriers  e 
patros  de  la  capelania  que  ordenet  mossen  Martin  Aycelin, 
capelan,  e  mossen  Jacme  Gaudil,  capela,  la  dicha  capelania  de- 
cantan, lauzeron  P  vendition  fâcha  a  sen  Johan  Gitbert,  mer- 
cier, de  Montpeylier,  per  sen  G.  Gaudilh,  mercier,  de  P  car- 
tayrada de  vinha  que  es  a  Pueg.Rodier,  am  usatgi  de  XX  s^". 
Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan  que  desus,  a  XXIV  de  juli. 

207)  (F*  44,  P®)  Item,  P  carta  contenen  que  los  senhors  obriers, 
patros *de  la  capelania  que  ordenet  dona  Johana  Andrieua, 
molher  de  sen  Nicholau  Andrieu,  say  entras,  e  molher  que 
fon  de  maestre  Berenguier  Guilabert,  notari,  e  mossen  Esteve 
Boyssieyra,  capelan  de  la  dicha  capelania  decantan,  lauze- 
ron P  vendition  fâcha  a  S.  Guodet,  bastier,  per  Daunizi  Lon- 


^  DIA^É(3tES  ANCJIBNb 

dras,  de  I*'m^yon,  ata  ti^atiscoi^,  (^Ue  es  prop  lo  Bofdel,  am 
usatgi  de  VÉ  den.  Fes  la  carta  Ib  dig  nôtîari',  Faïi  que  desa», 
a  Xir  d'aoât. 

20Ô)  /^em.  I*  cai^fet'  côntenen  i^ue  Ips  senhors  obrîers,  pairos 
de  la  ciapelania  aordenadà,  pèr  la  dicha  donà  J'ohana  An- 
drieua,  el  dig*  mossen  Estéve*  Boysieira,  capelan  de  la  dicha 
capfelania  decJàntato,  lauze^oit  1*  vèûditiott  fticha  per  I>ftu- 
nizi  de  Londras,  mercier,  a  sen  Bernât  del  Pueg,  pestre,  àe 
t^  il^a^oiï  amverdièt,  d^né  es  éh  lo  dlg»  lu6tî,  am  oâsltgi  de 
XVI  den.  ^és  la  cartà  Ib  dig'  nôtàri,  Tan  e'I  jdrn  qtte  déâùs. 

209)  Itént.  P  cârtâ  côntetieii  que  los  senhôrs  obri^ersy  pati^ôs 
de  la  capelania  que  crrdenet  sen  P.  Albert,  drapier^  say  en- 
tras, e  mt>^séù  P.  Guii^aut,  càpèMn'  hè  di^ôàa  capélanie  âecaa^ 
tan,  lauz'erott  de  P  telidîciott  fei'châ  a  dôtiada*  Johà^à,  moiliér 
de  sen  Johatl  fîana's',  laurâ'doi',  de  I  ôstâl-  que  es  él  bttW»i  de 
Mô^ntpe jlïét,  âl  GoMdï,  en  là  carHéyra  dels  Oiieûs.  AM  ùsîatgi 
de  XIII  s^".  Fes  la  carta  lo  dig  notari,  Tan  que  dé^iïs,  â  XlX 
d'aost. 

èlO)  (F^*  44,  ^*)  Hém .  !•*  câttà  contefe^tt  que  los  senhots 
obriers  e  pati^os  d'é  la  câpéknk  que  ordéttét  dt)i4a  Guilhina 
Tui^pina,  moEbier  de  riiôsàôii  DatUde  Roëàftôhal,  cavaKw,  my 
entras,  laquai  se  déèa:nia'  en  Tàiitai^  de'  Nosti*a  Dônat  dfè  sânt 
Martin  dé  t^runet,  e  Môs^ôti  Estété  ëe  ïréVàliô,  cap^Ià,  la 
dicha  càpeïaitta  decàntâù,  làuzèï»bh  P  hiètitution  Se  hefe»  fâ- 
cha jiér  seri  Jâciiie  de  Salicàttàs,  ôailabassiér,  sày  ëtlti^s,  de 
MontpeyMôi!',  él  qùal  testamen  fés  heréftieyrâmadoiiaBeâtris, 
molhèi»  Sleuhat,  (^ùô  lî  pôrvétid  lï  câ:rtâyrâ,daà  de  vinba  que 
son  àl  Rieù  Coïuin,  ani  usâtgî  de  XV  s*».  Fes  là  dàrtâ  lo  dig 
notàri.  Tan  que  désus,  a  Ô  de  éétèmbre. 

211)  Iterh.  P  carta  côiitèûén  que  los  Senhors  ôbrîèrt,  pati'és 
éé  la  capélàùia  que  ordenèt  dona  Johàhà  Aiidrîeuà,  Éàolher 
dâirieyra  dé  maîstré  Berenguièi»  Ouilabett,  ïi(ytàri,  sày  ètttl^, 
e  inoâsen  Estevé  Bôysieyra,  ôàj^élah,  là  dicha  dapélaiiia  dë- 


'  Ms.idonada.  —  Est-ce  dona  ou  donada^  fém.  de  dùnat,  Comme  ci- 
dessus  (a.  3  )'? 


LE  GATALOGTJBI  DES  CHAPELLENIES  29 

cantan,  làuzeron  I*  vendition  fâcha  a  sen  P.  Teysier,  (îrapier, 
per  Bernât  d'el  Pueg,  de  I  ostal  am  verdier  que  es  prop  &e  Ta 
carrieyra  de  las  Femenas,  am  usatgi  de  XVI  den.  Fes  la  carte 
le  dîg  notari,  Tan  que  desus,  a  XXX  de  setembre. 

2Ï2)  Item.  I*  carta  contenen  que  los  senhors  obriers  e  pa- 
tres de  là  capelanie  ordenada  per  sen  Andrieu  Torculhas,  pe»- 
tre,  saj  entras,  deron  ad  acapte  a  sen  R.  de  Peyras,  merca- 
dfer,  de  Mbntpeylier,  lUr  crozes  contenens,  que  son  foras  Ib 
portaf  de  lia  Blanquarîa,  ara  usatgi  de  l  s*"  e  VI  d'en.  Fes  la 
carta  ïo  dîg  nolari,  Tan  que  desus,  a  XIIII  dte  octobre. 

213)  (!F*  4S,  r**)  Item.  I*  carta  cossi  los*  senhors  obriers,  pa- 
tros  de  Ta  capelania  que  ordenet  dona  Permina,  molher  de 
sen  Johan  Gu'osi,  altramen  de  Rodes,  pergamenier,  say  en- 
tras, e  mossen  P.  Guarriguas,  capelan,  la  dicha  capelania  de- 
cantan,  deron  ad  acapte  a  maestro  Peyre-  Lauzet,  I  pessa  d^ 
terra  que  es  a  la  torr^  cTen  Caïuielon,  ancr  usatgi  de  XX  s*'.  Fes 
la  carta  lo  dig  notari,  Tan  que  desus,  a  XV  de  octobre. 

214)  Item.  I*  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  patros 
de  la  capelania  que  ordenet  sen  Mathieu  de  Canavat,  poli- 
cier, say  entras,  deron  ad  acapte  a  sen  G.  Fornier,  laurador, 
I*  pessa  de  terra  de  camp,  que  es  a  Larian,  am  usatgi  de  X  s^". 
Fe9  fa  carta  lo  dig  notari.  Tan  que  desus,  a  XXIIII  de  octo- 
bre. 

215)  Item.  I*  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  patros 
de  la  capelania  que  ordenet  sen  Guiraut  Joguos,  say  entras, 
e  mossen  Johan  Gaudalet,  capela,  la  dicha  capelania  decan- 
tan,  de  I^  lieuracion  fâcha  a  R.  Gâcha  e  Daudo  Mal,  lauradors, 
de  I*  pessa  de  terra,  vinha  e  camp,  en  se  contenen,  que  es  a 
la  Lova,  am  usatgi  de  XL  s**.  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Tan 
que  destrs,  a  X  de  febrier. 

216)  Item.  P  carta  contenôn  que  los  senhors  obriers,  pa- 
tros de  la  capelania  que  ordenet  mossen  Johan  del  Vilar,  altra- 
men Raynier  {9"  46,  V*),  capelan,  say  entras,  de  Montpey- 
lier,  e  mossen  G.  Costa,  capelan,  la  dicha  capelania  decantan, 
deron  ad  acapte  a  sen  Johan  Pastre,  laurador,  de  Montpey* 
Uer,  P  peMa  de  terra,  que  era  erma,  que  fou  de  doua  Luyza 


30  DIALECTES  ANCIENS 

molher  de  messier  Thomas  Assaut,  que  es  el  terrador  apelat 
Rafegan,  am  usatgi  de  V  s.  Fes  la  carta  lo  dig  notari,  Tan 
M  CGC  LXXVII,  a  XIV  de  mars. 

217)  Item.  P  carta  contenen  que  los  senhors  obriers,  patros 
de  la  capelania  que  ordenet  dona  Johana  Andrieva,  molher 
que  fon  de  maestre  Berenguier  Guilabert,  notari,  say  entras, 
e  mossen  Esteve  capelan  la  dicha  capelania  decantan,  lauze- 
ron  I*  vendicion  fâcha  a  sen  Johan  d'Orlhac,  orgier,  de  Mont- 
peylier,  per  P.  Guodet,  bastier,  de  I  hostal  am  transcort,  que 
es  prop  la  carrieyra  de  las  Femenas,  am  usatgi  de  VII  den. 
Fes  la  carta  lo  dig  notari,  Fan  M  CGC  LXXVIII  a  XII  d'abril. 

218)  Item,  P  carta  contenen  que  los  senhors  obriers  e  patros 
de  la  capelania  que  ordenet  mossen  Johan  del  Vilar,  altra- 
men  Raynier,  capelan,  say  entras  de  Montpeylier,  e  mossen 
G,  Gosta  la  dicha  capelania  decantan,  compreron  per  la  dicha 
capelania  de  sen  Johan  Vezat,  cambiador,  habitador  de  Mont- 
peylier, de  usatgis  IIII  libr.  e  V  s^*.  Am  directa  senhoria  e 
lauzimis.  Fes  la  carta  lo  dig  notari.  Fan  que  desus,  al  primier 
jorn  de  setembre. 

219)  (F°  46,  r*')  Item.  1*  carta  contenen  compromes  fagh 
entre  les  senhors  obriers,  patros  de  la  capelania^que  ordenet 
maestre  Jacme  de  Ozilha,  notari,  say  entras,  de  Montpey- 
lier, de  1*  part,  e  sen  Jacme  Guilhem,  drapier,  say  entras, 
d'autra  part,  sobre  ayso  que  los  distz  senhors  obriers  deman- 
davon  al  dig  sen  Jacme  CGG  floris,  losquals  lo  digtz  sen  Jacme 
Guilhem  el  temps  que  el  era  obrier  e  clavari  de  la  dicha  obra, 
avia  receuputz  dels  bens  que  eron  del  dig  maestre  Jacme  de 
Ozilhan  per  fundar  una  capelania  que  el  avia  ordenada  per  la 
sieua  arma.  Fes  la  carta  maestre  Jacme  de  Sant-Johan,  no- 
tari, Tan  M  CGC  L  XXVIII,  a  II  de  octobre,  e  foron  compro- 
missaris  sen  Esteve  de  Glapiers  e  messier  Daude  Astruc. 

220)  Apres  Tan  que  desus,  a  XXI  de  octobre  estan  denfra 
lo  dig  compromes,  lo  digz  sen  Esteve  de  Glapiers  e'I  digz  mes- 
sier Daude  Astruc,  arbitres  elegistz  per  la  dichas  partidas, 
pronuncieron  : 

Attendut  que  lo  digz  sen  Jacme  Guilhem  volia  repotier  la  dot 


LE  CATALOGUE  DBS  CHAPBLLBNIES  31 

de  dona  Gracioza*,  dona  mayre  sieua,  et  que  los  bens  non 
abastavon  a  paguar  los  deutes,  fonc  pronunciat  que  lo  digz 
sen  Jacme  Guilhem  ôlb,  sia  tengutz  per  toi  temps  a  donar  al 
capelan  que  décanta  la  dicha  capelania,  et  als  sieus  succes- 
sors  per  la  dicha  capelania,  X  fioris  a  pagar  cascun  an,  per 
las  paguadas  acostumadas 

221)  Item,  Que  el  quas  que  el  compraria  la  renda  dels  ditz 
X  floris,  a  voluntat  dels  senhors  obriers,  que  sos  bens  fosson 
quites.  Fes  la  carta  lo  digz  notari.  Fan  e'I  jorn  que  desus. 

222)  Item,  1  testamen  fag  per  sen  Raymon  Cliemons,  pey- 
rier,  say  entras,  de  Montpeylier,  en  loqual  testamen  ordenet 
1*  capelania,  laquai  se  décantes  par  1  senhor  capelan  en  la 
gleyza  de  Sant  Paul,  per  laquai  capelania  layset  per  fondar 
aquela  1  pos  e  Tostal  que  fon  davan  lo  forn  dels  senhors  Cos- 
sols  de  la  Valfera.  Pes  lo  testamen  maestre  P.  Levet,  notari, 
l'an  M  CGC  XLVIH,  a  VI  de  jun. 

223)  (F*  46,  V*)  Item.  Lo  testamen  fag  per  maestre  Lam- 
bert de  la  Fon,  surgian,  de  Montpeylier,  e  loqual  ordenet  que 
de  sos  bes  se  fezes  una  capelania,  laquai  se  décantes  en  la 
glieza  de  Sant-Paul,  laquai  décanta  mossen  P.  Perier,  cape- 
lan, e  son  compradas  las  rendas  ayssi  quant  apar  el  libre  del 
papier  del  manifest.  —  Falh  lo  testamen. 

224)  Item,  Lo  testamen  fag  per  sen  Guilhem  Moynier,  pe- 
brier,  say  entras,  de  Montpeylier,  en  loqual  ordenet  1*  cape- 
lania laquai  se  décantes  per  la  sieua  arma  en  la  glieyza  de 
Sant-Permin,  de  Montpeylier,  per  laquai  capelania  layset  en 
son  testamen  C.  floris,  per  comprar  rendas  alodials.  Fes  lo 
testamen.  L'an  M  CGC.  Décanta  la  dicha  capelania  mossen 
Bernât  de  Arigier,  capelan . 

225)  Item,  Lo  testamen  fag  per  sen  Guilhem  del  Forn,  pes- 
tre,  say  entras,  de  Montpeylier,  en  loqual  testamen  ordenet 
1*  capelania  per  la  sieua  arma,  laquai  vole  que  se  décantes  en 
la  gleyza  de  Sant-Paul  de  Montpeylier.  Décanta  la  mossen 
Johan  Jausseran,  capelan  (F°  47,  v"),  per  laquai  capelania 

*  Mi.  Garcioza. 


3t  DIÂLEGTBS  ÂN0IEN6 

Ifajset  1  hostal  que  es  en  1  canto  sobre  U>  fbrn  de  las  Flamas. 
Fes  lo  testamen . 

226)  Item,  Eo  testamen  fag  per  dona  Mizabels,  molher  de 
sen  Esteve  de  Candilhargues,  drapier,  say  entras,  en  loqual 
testamen  ordenet  1^  oapelania,  laquai  se  décanta  en  la  gljeiza 
de  Sant-Paul. 

227)  Item.  Lo  testamen  fag  pev  doua,  Rossoaela,  molher  de 
sen  Johan  Rossonel^  en  loqual  testamen  ordenet  1*^  capelania 
laquai  se  décantes  en  la  gljeiza  de  Montpejlier,  e  foron  oom- 
pradas  las  rendas  per  la  dicha  capelania  ajsi  quant  apar  en  lo 
libre  del  papier  de  las  denu^ciatios  de  la  capelania.  Fea  lo 
testamen . 

228)  Décanta  la  mossen  P.  Alh,  capelan. 

229)  Hem.  Lo  testamen  fag  per  dona  Dossolina,  molher  de 
sen  Guilhem  Bornhona,  meroadier,  say  entras,  de  MontpeyMer, 
en  loqual  testamen  ordenet  1*  capelania  laquai  se  décantes  en 
la  gleyza  de  Sant-Paul  de  Montpellier,  entre  a  la  renda  de 
C  s^*.  Ten  les  deniers  sen  Andrieu  Tillel,  exequtor  e  bens- 
tenens  de  la  dicha  Dossolina.  Fes  lo  testamen. 

Falh  lo  testamen . 

230)  Décanta  la  mossen  G.  Alazart,  capelan  de  las  donas 
de  Sant  Gili . 

231)  (P«  47,  V*)  A  n  M  CCC  LVII,  a'VIl  de  janvier,  lo  sen 
Raymon  del  Colet,  canabassier,  sajr  entras,  de  Montpejrlier, 
fes  son  testamen,  en  loqual  ordenet  dos  capelanies,  de  las- 
quais  la  una  vole  esse  decantada  en  la  gleya  de  sant  Jacme 
de  Montpeylier  per  I  capelan,  am  renda  de  XV  floris.  ^— 
Item.  B  Tautra  vole  esse  decantada  a  sant  Jolia  de  Buoias,  al- 
tramen  de  Pegayrolas,  entro  a  la  renda  de  xxv  flor.  per  autre 
capela,  fazens  residencia  en  la  dicha  gleyas  eascun.  De  las- 
quais  son  patres  les  senhors  obriers  de  la  communa  clausura 
de  la  viela  de  Montpeylier.  Fes  lo  testamen  M.  Jacme  de 
sant  Jolia,  notari,  maior  de  jorns,  per  se  o  per  autre. 

232)  Item.  Foron  compratz  per  las  diohas  capelanias,  per 
sen  Bernât  Te  jsier,  drapier,  exequtor  del  testamen  del  digh 
sen  Rajmon,  la  mitât  de  la  directa  senhorie^  lausûmis  et  de 


LE  CATÀIAJmm  DBS  GHAPBLLENIES  93 

usatgis  de  xxtoi^e^ies'de  blàt,  lasfdoias-par»^e  fromfen  et  la 
tersa  d'ordi,  e  de  dos  sesties  d'ordi.  Am  carta^lachaiper  mos- 
sen  Salvayre  Qràbels,  notari,  say  entras.  Sèto  las  carias  ée  la 
compra  e  reconoysensas  a  la  obra. 

2^)  Item.  L'an  M  CGC  LXXXV,  a  III  de  maï's,  forôn  com- 
pratz  per  lo  sen  Johan  Daunizi,  obrier  e  clavari  de  la  obra,  am 
SOS  companhos  obries,  patros  de  las  dichas  capelanies,  Tautra 
mittat  del  dich  blat  dels  dos  sesties  d-ordi,  am  la  dicha  se- 
nhorie  e  lauzimi  per  lo  près  de  V  C.  francs.  Et  aysso  del  près 
de  I  hostal  que  fonc  del  dich  sen  Raymon  del  Colet,  que  es 
scituat  a  Castel  Moton,  losquals  usatges  son-subre  diversas 
possessios  scituadas  en  lo  terrado  de  sant  Bres,  de  TAvesquat 
de  Magalona. 

234)  Ffes  la  carta  Jaome  de  sarit  Jolia,  phis^ove,  nôtari 
dels  senhors  obriers. 

235)  Es  en  I  libre  de  papier,  cubért  de  pai*gamin, 
senhat  sus  lo  dos  de  la 

236)  Kan  M  CGC  II,  a  XXII  de  abriel,  mossen  Permin 
Ribas,  capelan  decantan  la  capelania  fundada  per  Bernart  de 
Caux,  a  sant  Fermin,  portet  als  senhors  obriers  patros  de  la 
dicha  capelania  unas  letras  de  Tamortisation  de  la  dicha 
capelania.  Es  en  Fescrin  de  Tobra,  en  I  massapan,  senhat 
de  tal  senhal 


T 


INDEX  TOPOGRAPHIQUES 


AouLHARiB  (P).— Rue  (a.  65.  100).— Auj.  PAiguillèrie. 
Arnibiis  (als),  terrador.  — Téneraent.  (A.  126).  V.  ci -dessous 
Latas  et  £.  Thomas,  Dtc.  top,,  s.  v.  I'Arnbl. 


34  DIALECTES   ANCIENS 

Arsa  (1'),  terrador.  —  Ténement.  (a.  64).  Est-ceV Arsat? 

AvESGATDE  Magalona. — Evêché,  diocèse  de  Maguelone  (a.  238) • 

BALMA(la). — Grotte  voisine  de  la  ville  (a.  133).  Auj.  les  Baumes. 

Barris  (los). — Faubourgs  (a.  202,  209).  11  y  avait  le  barri  des 
murs  et  le  barri  de  la  palissada.  Le  Coureau,  lo  Corral,  dont  il  est 
ici  question,  faisait  partie  de  ce  dernier. 

Bejameques.— Hameau  (a.  125, 144).  Auj.  com.  de  Saint-Jean- 
de-Védas. 

Bellog,  terrador. — ^Ténement  (a.  13i).  Auj.  Beaulieu  (comm.  de 
Ca  stries). 

BoNiEYRAS,  terrador. — ^ïénement  (a.  8,38).  Auj.  Bonnier. 

Bordel  (lo).  —  Les  mauvais  lieux  (a.  207).  Avaient  été  rejetés  à 
l'une  des  extrémités  de  la  ville,  aux  vergers.  V.  Carrieyra  de  las 
femenas  (a.  207) . 

BoTOMET.-^  Hameau  de  la  banlieue  (a.  37.  78),  du  même  nom, 
Boutonnet. 

Gampmorier  (lo),  terrador. —  Ténement  (a.  165.)  N'est  pas  dans 
E*  Thomas,  Dicl.  top. 

Ganalada  (la),  terrador.  —  Ténement  (a.  147.)  n'est  pas  dans 
E.  Thomas,  Dict.  iop.  — V.  aussi  Grezes. 

Ganto  (lo)  sobre  lo  forn  de  las  flamas .  —  Le  coin  du  four  des 
Flammes  (as.  226). 

Garme  (lo).  Le  Garmel,  couvent  des  Garmes,  à  la  Blanquerie 
(a.  Y.  GovEN,  —  Pqn,  —  Portal,  —  Verdier). 

Carrieyra  DE  l*Agulharie.  —  Rue  de  PAiguillerie  (a.  100). 

Carrieyra  d'en  Valentin. —  Rue  voisine  du  portail  Saint-Gilles 
(a.    3). 

Carrieyra  de  las  Femenas. — Rue  des  Filles  de  joie  (a.  211.  217). 
V.  A.  Germain,  Hist,  de  la  Commune  (III,  p.  371). 

Carrieyra  dels  Olieus.  —Rue  des  Oliviers  (a.  209),  au  Courreau. 

Gastel  (lo). — Le  Palais  (a.  11). 

Castel  Moton.— Quartier,  rue  de  la  vieille  ville  (a.  334).  Auj. 
rue  Cas  tel-Mouton. 

Caupolieyra  (la),  terrador.  —  Ténement  (a.  165).  N'est  pas 
dans  E.  Thomas,  Dict,  Iop. 

Ckmiteri  de  s.  Cosme  (lo).  —  Cimetière  de  Téglise  Saint-Côme 
(a.  198).  V.  S.  GosMB. 

Claus  de  la  Capelanie  (lo). —  Clos  delà  Chapellerie,  dîmeriede 
Moiitauberon  (a.  196)  N'est  pas  dans  E,  Thomas,  Dict.  iop. 


Le  catalogue  des  CHAPELLBNIES  35 

Condâmina  d'en  Aybran  (la).  —  La  Gondamiiie  desj  Atbrand 
(a.  67). 

GoRRAL  (lo).  — Le  Gourreau,  quartier  de  la  ville  (a.  209). 

GovENDEL  Garme(Io).  —  Gouvcnt  des  Carmes,  à  la  porte  de  la 
hlanqucrie  (a.  33,  83). 

Grozes  (los).  —  Les  fosses  à  fumier  de  la  porte  de  la  Blanquerie 
(a.  212). 

Dabian,  terrador. —  Ténement  (a.  189),  dîmeriede  Saint-Firmin. 
N'est  pas  dans  Eug.  Thomas,  Dict.  top. 

Demarfes. — Dîmeries.  V.  Montels  {sl.  123,  192,  200),  S.  Daunizi 
Ca.  183),  5.  Esleve  de  Sorieg  (a.  145),  S.  Fermin  (  a.  128,  152,  158, 
189),  S.  Martin  de  Frunet  (a.  180),  S.  Peire  de  Belloc  (a.  131  ), 
S.  P.  de  MontarberonidL.  124,  125,  146,  169,  172,  176),  5.  P.  de 
Porlz  (a.  127). 

EguaLonga,  terrador.  — Ténement  (a.  202),  auj.  Aiguas  longas. 

EspiTAL  DE  Bejanegdes.  — Hospice de  Bejanegues  (a.  125,  144  ). 
V.  ce  mot  ci-dessus. 

Felissencas  (las),  terrador,  —  Ténement  (a.  155,  192),  dîmerie 
de  Montels.  N'est  pas  dans  E.  Thomas,  Dict.  top. 

FrGAYRELAS  (las),  terrador. — Ténement  (a.  127),  dîmerie  de 
St-Pierre  de  Port.  N'est  pas  dans  E.  Thomas,  Dict.  top. 

FoN  Lauzanha. —  Fontaine  rustique  (a.  200),  dîmeriede  Montels. 
N'est  pas  dans  Ë.  Thomas,  Dict.  top. 

FoN  S.  Bertolmieu. — Fontaine  rustique  (a.  162;,  rendue  célèbre 
par  une  chanson  populaire.  N'est  pas  dans  E.  Thomas,  Dict.  top. 

FoRN  DE  LA  Valfera.  —  Le  four  de  la  Valfère  (a.  222),  apparte- 
nait à  .'a  ville. 

FoRN  DE  LAS  Flamas. — Four  des  Flammes  (a.  226).  Une  rue  porte 
encore  ce  nom. 

Frayre  Menors.  —  Les  Frères  Mineurs,  couvent  (a.  52). 

GuA  DE  LA  Folie.  —  Gué  du  Lez  (a.  134,  136),  dîmerie  de  Saint. 
Etienne-de-Sorieg.  N'est  pas  dans  E.  Thomas,  Dict.  top. 

Garda  del  val  de  Vezin.  —  Tour  qui  défendait  du  val  de  Vezin 
(a.  190).  V.  Val  de  Vezin. 

Grezes  (als),  terrador.  —  Ténement  (a.  124,  94,  176),  dîmerie  de 
Montauberon.  N'est  pas  dans  E.Thomas,  Dict.  top. 

Grezes  de  la  Ganalada.  —  Ténement  (a.  147).  N'est  pas  dan  s 
E.  Thomas,  Dict.  top, 

Gleisas.  —  Eglises.  V.  Notra-Dona-de-Taulas,  Nostra-Dona-de 
S.'Gili,  sarit  etsancta. 


36  .DIALECTES  ANCIENS 

Landissargue,  terrador.  —  Ténement  (a.  72).  Notre  ms.  donne 
aussi  les  formes  Landissaurgues  (a.  167)  et  Landissanegues  (a.  133). 
N'est  pas  dans  E.  Thomas,  Dict,  top. 

Lat AS,  Lattes,  village  (a.  120,  58, 182,  199). —  V.  aussi  Feras  de 
Lalas  (a.  132),  Plan  de  Latas{a,.  22),  Tineta  de  Latas  (a.  182). 

Larian,  terrador.  —  Ténement  (a.  214).  Est-ce  Larnan? 

Lez  (Io).  — T-.e  Lez,  rivière  (a.  96). 

LojAC,  terrador.  —  Ténement  (a.  199),  commune  de  Lattes. 
N'est  pas  dans  E.  Thomas,  Dicl.  top. 

Lova  (la),  terrador. — Ténement  (a.  215).  N'est  pas  dans  E. 
Thomas,  Dict.  top . 

Magalona.  —  Maguelone,  ancienne  cité  (a.  223). 

Malapagua  (Ja)  de  la  cort  bel  bayle  .  —  La  prison  pour  dettes 
de  la  baillie  (a.  104),  ce  qui  permet  de  supposer  que  la  rectorie 
avait  aussi  la  sienne.  Malapagua,  littéralement  mauvaise  paye  ;  il  y 
avait  une  prison  ainsi  nommée  dans  presque  toutes  les  villes  du 
Midi. 

Mas  d'en  Milat,  terrador.  —  Ténement  (a.  154.)  N'est  pas  dans 
E.  Thomas,  IJict.  top. 

Mas  d'en  Valat,  terrador.  —  Ténement  (a.  142),  dîmerie  de 
Montel.  V.  aussi  Pos.  N'est  pas  dans  E.  Thomas,  Dicl,  top. 

Mazes  (als).  —  Les  Mazes,  hameau  (a.  116). 

Melguer.  —  Mauguio,  anc.  comté  (a.  14J. 

MoLiN  DE  l'Evesque  (lo).  —  Le  moulin  dePÉvêque  (a.  191).Portc 
encore  le  même  nom,  mouli  de  rEvesque,  ou  simplement  VÈvesque. 

Momels,  terrador.  —  Ténement  (a.  73).  Probablement  Montels. 

Monestier  de  s.  GiLi.  —  Le  monastère  des  Dames  de  S. -Gilles 
(a.  153).  Y^S.GilL 

Montarberon.  —  Montauberon,  hameau  et  dîmerie  (a.  124). 

Montels.  —  Montel,  hameau  et  dîmerie  (a.  123, 142). 

MoTA  (la)  terrador.  —  Ténement  (a.  143,  169),  dîmerie  de  Mon- 
tauberon. N'est  pas  dans  E.  Thomas,  Dict.  top. 

Nequa  Gastz,  terrador.  —  Ténement  (a.  172),  dîmerie  de  Mon- 
tauberon. —  Prenait  son  nom  d'un  petit  ruisseau. 

Nostra-Dona-de-Taulas.  — Église  de  N.-D.-des-Tables  (a.  91, 
21,  23,  79).  —  Autel  de  la  Madalena  (a.  20). 

NosTRA-DoNA-DErS.-GiLi.  —  L'Église  N.-D.  du  monastère  de 
Saint-Gilles  (a.  76,127). 

NovBGENs,  terrador.  —Ténement (a.  153).  V.  Parrochia. 


LE  Catalogue  des  CHAPfîLLENiES  37 

OsTAL  DE  Tabatd'Anhana.  —  Hôtel  de  Tabbé  d'Aiiiane  (a.  iOl). 

Ortz  de  las  Gortz,  terrador. — Ténement  (a.  163,  160, 174).  N'est 
pas  dans  E.  Thomas,  DicL,  iop. 

Paml  d*en  GoNGAs(lo),  terrador.  —  Ténement  (a.  151)  N'est  pas 
dans  Eug.  Thomas,  pict.  top, 

Pahon  (al),  terrador.  —Ténement  (a.  150).  N*est  pas  dans 
E.  Thomas ,  Diot.  top, 

PARROcmA  DE  NovEOENS.  —  Paroîsse  (a.  115),  fait  partie  auj.  de 
là  commune  de  Gazargues. 

Peras  de  Latas  (al),  terrador,  —  Ténement  (a.  132).  N'est  pas 
dans  £.  Thomas,  Dict,  iop. 

Plan  de  Latas  (io),  terrfidor. —  Ténement  (a.  22).  N'est  pas  dans 
E.  Thomas,  Dict.  top, 

PoN  OEL  Garme  (Io).  —  Le  pont-levis  de  la  porte  des  Carmes 
(a.  205). 

PoRTz,  terrador.  — Ténement  (a.  128). 

PoRTALS  (los).  —Les  grandes  portes  ie  la  ville.  Notre  ms.  cite  : 

1.  La  portai  de  S.-Gili  (a.  3)  ; 

2.  La  portai  de  la  Blanquaria  (a.  80); 

3.  Lo  portai  del  Carme  (a.  80).  Avec  la  forme  Cairne, 

PoRTALiEYRA  DE  Lanoissameques  (la) .  —  L'une  des  petites  portes 
(le  la  seconde  enceinte  (a.  179). 
Pos.  —  Puits.  —  Le  ms.  en  cite  plusieurs  : 

1 .  Lo  pos  de  la  Valfera  (a .  '222)  ; 

2.  Lopos  d*en  Valal  (a.  123),  dlmerie  de  Montels  ; 

3.  Lo  pos  de  S.-Jorgi  (a.  1)  ; 

4.  Lo  pos  de  S,'Cosme  (a.  129),  voisin  de  l'église  de  ce  nom. 

Prbzicadors.  —  Gouvent  des  frères  prêcheurs  (a.  100). 
pRUNET,  terrador.  — Ténement  et  dîmerie  (a.    179).  V.  S*- 
Martin  . 

PuEO  AvELiER,  terrador.  —  Ténement  (a.,  175).  N'est  pas  dans 
Ë.  Thomas,  Dict,  top. 

PcEG  RoDiER,  terrador.  —  Ténement  (a.  122,  206).  N'est  pas 
dans  E.  Thomas,  Dict,  top, 

Hapegnan,  lerrador.  —  Ténement  (a.  177.  216).  N'est  pas  dans 
E.  Thomas,  Dict,  top. 

Reclusa  de  Latas.  —  Ténement  (sl,  158).  N'est  pas  dans 
E.  Thomas,  Dict-  iop,  —  Y.  A.  Germain,  Hisl,  du  commerce. 

3 


38  DIALECTES  ANCIENS 

Reu  GoLOM  (al),  terrador. —  Ténement   (a.  210).   Prenait  son 
nom  d*un  petit  ruisseau,  lo  Rini-Coulon. 

RoQDETA  (la),    terrador.  —    Ténement   ;  a.    186  ),  dimerie   de 
Saint- Martin -de-Prunet.  N'est  pas  dans  Ë.  Thomas,  Dict,  iop. 

Salicatas,  terrador.  —  Ténement  (a.  210;.  Auj.  même  nom. 

Sa.nt  Aloy.  —  Église  de  8t-Éloy  (a.  9,  33). 

S,  Augustin.  —  Eglise  du  couvent  de  ce  nom  (a.  32). 

8.  Bertholmibu. —  Église  de  St-Barthélemy,  rustique  (a.  35,  74). 
V.  FoN. 

8.  Brb8.  —  Village  (a.  234). 

S.  GosMB.  —  Église  de  St-Côme,  rustique  (a.  129, 88).  V.  Pos. 

8.  Daunizi.  — Eglise  de  St-Denis  (a.  90).  —  Autel  de  Sl-Raynier 
(a.  90). 

8.  EsTEVE  DE  Bejanegues,  terradof. — Ténement  (a.  116,  164).  V. 
Rejanegues. 

8.  EsTEVB  DE  8oRrEC,  demaria. —  Dîmerie  (a.  134). 

8.  FiRMiN,  demaria.  —  Dîmerie  (a.  190)  et  église  paroissiale.  — 
Autels  de  S.-Miquel (a.  102),  Noslra  Dona  (a.  98),  S.  Andrieu  (a.  66). 

8.  GiLi.  —  Église  et  monastère  de  femmes  (a.  76,  78).  Dans  la 
paroisse  de  Novegens  (a.  153). 

8.  GuiLHEM.  —  Église  de  8t-Guilhem. — ^Autels  de  VOslia  (a.  82). 
N.  D.  de  Tostz  Sans  (a.  45),  S.  Guilhem  (a.  45). 

8.  Jacme.  —  Église  de  8.-Jacques  (a.  231). 

8.  JoHAN.  — Église  et  monastère  des  chevaliers  de  Saint-Jean 
(a.  3). 

8.  JoLiA  DE  BuEiAS.  —  St-JulicH-de-Buéges,  village  (a.  231). 

8.  JoRGi.  — Chapelle  rustique  (a.  1).  V.  Pos, 

8.  Marti  de  Prunet. — Dîmerie  et  église  rustique  (a.  210). — Autel 
:!e  Nostra  Dona  (a.  210).  • 

8.  Marti  de   Saussanegues.  — Ténement  (a.  130).   N'est    pas 
dans  E.  Thomas,  Dict.  top. 

8.  Mathieu.  —Église  (a.  48,  65).  Autel  de  S.  Antoni{di,  43). 

S.  Milheys,  terrador.  —  Ténement  (a.  193). 

8.  Paul.  —  Église  (a.  34,  222,  223). 

S.  Peyre  de  Bellog.  —  Église  et  dîmerie  (a.  131).  V.  Belloc. 

8.  Peire  de  Portz,  demaria. —  Dîmerie  (a.  127).  N'est  pas  dans 
E.  Thomas,  Dict.  top, 
8.  Peire  de  Montauberon.  —  Église  et  dîmerie  (a.  124). 

S.Thomas.  -  Église  (a.  62). 


LE  CATALOGUB  DES  GHAPELLENIES  39 

Saxta  Anna. —  Église  (a.  6,  47). — Autel  de  Nostra  Don»  (a.  46). 

8.  Gathbrina.  —  Église  (a.  18). 

8.  Gros.  —  Église  (a.  76). 

Sadssanegues,  terrador. — Ténement(a.  i  30,  230). 

SoRiEG,  terrador.  — Ténement  (a.  134). 

TiNETA  DE  Latas,  terradoF. —  Ténement  (a.  182).  N'est  pas  dans 
E.  Thomas,  IHcl,  top, 

Terradors. — Ténements.  V.  les  mots  Amiers,  —  ArsUy  — Bel" 
loCy  —  Bonieyras,  —  Campmorier,  —  Canalada,  —  Caupelayra,  — 
Claus  de  la  capelania,  —  Condamina,  —  Dàbian,  —  Egua  longa, 
— Felissenca,  —  FigayrelaSy  —  Forij  —  Gazda,  —  Gua,  —  GrezeSy 
Landissargues.  —  Lariariy  —  Lojac,  —  Lova^  —  Mas,  —  Moliriy  — 
Momels,  —  MonlelSy  —  Moia,  —  Negua  Ca^lZy  —  Novegens,  — Artz, 

—  Pamlf  —  Pahon,  —  Pezas  ,  —  Plan,  —  Porlz,  —  Prunet,  —  Pueg, 

—  Rafegnan,  —  Reclusa,  —  Reu  columy  —  Roquela^  —  SalicalaSy 

—  S.  Marti f  —  S,  Milheys,  —  Saussanèques^  —  Sorieg,  —  Tineta^ 

—  Torre,  —  Vahre,  —  Fa/,  —  Via  Croza. 

ToRRE  d'en  Candelon,  —  TouF  féodale  qui  donnait  son  nom  à  un 
ténement  (a.  183,213),  dîmerie  de  St-Denis.  N'est  pas  dans  E. 
Thomas,  DicU  top. 

ToR  DE  Serven.  —  Tour  et  ténement  du  même  nom  (a.  145, 
128,  152, 160),  dîmerie  de  St-Firmin. 

ToRRAssA,  ténement.  —  Grande  tour  et  ténement  du  môme  nom 
(a.  95). 

Trencastz  (los),  terrador.  — Ténement  (a.  118,  148),  dîmerie  de 
8.  P.  de  Montauberon. 

Vabre  (la),  terrador.  — Ténement  (a.  135).  Il  yen  a  un  de  ce 
nom  dans  la  commune  de  Glaret. 

Val  de  Vezin,  terrador.  — Ténement  (a.  190).  N'est  pas  dans 
E.  Thomas,  Dict.  top. 

Valextines.  —  Le  Valentinois,  pays  de  Valence  (a.  140). 

Valfkra  (la). —  Quartier,  rue  de  l'ancienne  ville  (a.  222).  V. 
Forn  et  Pos. 

Verdier  DEL  Garme.  —  Verger  situé  près  de  la  porte  de  Lattes 
;a.  205;. 

Via  Groza,  terrador.  —  Ténement  (a.  121. 159).  N'est  pas  dans 
t.  Thomas, /^id.  top. 


40  DIALECTES  ANCIENS 


GLOSSAIRE 


Abastar,  V.  —Suffire  (a.  220). 

Alberouier  de  mergadibrs,  loc.  —  Celui  qui  loge  les  marchands 
(L.  àes  privilèges,  a.  13). 

Alberqitador  de  ROMiBus,  loc.  —  Gelui  qui  loge  les  pèlerins  (Id. , 
a.  8). 

Alodial,  adj.  —  Qui  concerne  Taleu  (a.  224). 

Alon,  s.  m.  —  Pour  alo  (a.  72). 

Amministrador,  s.  m.  —  Pour  adfninisirador  (a.  153). 

Amortizamen,  s.   m.  — Amortissement  (a.    56,  48).    Rayn., 
amortissamen . 

Amortization,  s.  f.  —  Action  d'amortir  (a.  136). 

Arbalestieur,  s.  m.  —  Arbalétrier  (a.  24). 

Atenden,  p.  prés.  —  Attendant,  considérant  (a.  1). 

Aventurier,  s.  m.  —  Marchand  colporteur  (a.  205). 

Aysa,  8.  f.  —  Les  aides,  impôts  (a.  63). 

Barralier,  s.  m.  —  Fabricant  de  barils  (a.  69). 

Baysayre,  s.  m.  — ?  (a.  144.) 

Ben  tenen,  s.  m.  — Détenteur  d'un  bien  (a.  131,  229). 

Gabassier,  s.  m.  —  Fabricant  de  cabas  (a.  39,  155,  158). 

Ga-de-l'a,  loc.  —  Bout  de  Tan  (a.  60). 

Gapela  (grand),  loc.  —  Le  grand  chapelain  de  N.-D.  (a.  20). 

Capelanie,  s.  f.  —  Ghapellenie   (a.  1.)  Et  aussi  capelania  (a. 
166). 

Garto,  s.  m.  —  Petite  mesure  de  surface  (a.  155). 

Getembre,  s.  m.  —  Pour  setembre  (a.  93). 

Ghaudelter,  s.  m.  — Fabricant  de  chaudeaux  (a.  157). 

Glavari  dels  obriers,  loc.  —  Le  trésorier  de  l'œuvre  (a.  220). 
CoMPROMissARi,  S.  m.  —  Gclui  qui  fait  un  compromis  (a.  279). 
Gonresayre,  s.  m.  —  Compagnon  scieur  de  long  (a.  120). 
GoNTENGUDA,  adj.  f-  —  Contiguë  (a.  130,  182). 
Gotelier,  s.  m.  — Coutelier  (a.  156). 


LE  CATALOGUB  DBS  CHAPELLlîiNIES  41 

Darkeyramens,  adv.  — Dernièrement  (a.  87).  Rayn.  derreiramen. 

Dation,  s.  f.  —  Remise  en  payement  (a.  176). 

Daus.  —  Vers  (a.  279). 

Decantadoyra,  adj.  f.  —  Qui  doit  être  chantée  (a.  18.  23). 

Degantan,  p..  prés.  —  Desservant  (a.  115). 

Degantar,  V.  —  Desservir  (a.  5). 

Defalhens,  p.  prés.  —  Défaillant,  manquant  (a.  61). 

Demane,  s.  f.  —  Je  pense  qu'il  faut  lire  demarie  (a.  116). 

Destre,  s.  m.  —  Mesure  de  surface  (a.  132). 

Devesa,  s.  f.  —  Devèze  (a.  65).  Rayn.,  devesa, 

DiGTZ.  —  F(mr  ditz  (a.  1). 

Divisa,  adj.  f .  —  Divisée  (a.  12). 

Entorn,  adv.  —  Environ  (a.  198). 

Erma,  adj.  —  Déserte  (a.  216). 

BsPAZiER,  s.  m.  —  Fab.  d'èpées  (a.  147). 

EsTAUH,  s.  m. —  Cession  (a.  193). 

Fabrie,  s.  m.  —  Fabrique  (a.  182). 

Folie,  s.  f.  —  Folie  (a.  134).  Pour  folia. 

Franc  alo,  loc.  —  Franc  aleu  (a.  2). 

Gazier,  s.  m.  —  Exécuteur  testamentaire  (a.  61).  Rayn  ,  ya- 
ziaire. 

GovERNAN,  p.  prés.  —  Dirigeant  (a.  1). 

Ha,  V.  avoir.  —  Pour  a  (a.  31,  45). 

Habit ADOR,  s  m.  —  Habitant  (a.  218). 

Heredetat,  s.  f.  —  Héritage  (a.  45).  Rayn.,  heretat. 

Ho,  adv.  —  Pour  o  (a.  11,  40). 

Institota,  adj.  f.  —  Instituée  (a,  122);  et  instiluida  (a.  162). 

Lantarnier,  s.  m. —  Lanternier  (a.  202.)  ;  et  lanternier  (a.  148). 

Laysa,  s.  f.  —  Donation,  laisse  (a.  144). 

Leuqietramens,  s.  f.  —  Facilement  (a.  1). 

Liayre  de  balas,  loc.  —  Lieur  de  sacs,  sorte  de  fort  de  la  halle 
(a.  100). 

Liayre,  s.  m.  —  Relieur  (a.  147). 

Liedration,  s.  f.  —  Livraison  (a.  159)  ;  et  liuradon  (a.  148). 

Malapagua.  s.  f. —  Litt.,  mauvaise  paye. —  Par  extension,  prison 
pour  dettes  (a.  104). 

Major  de  jorn,  loc.  —  L*aîné,  doyen.  Litt.,  celui  qui  a  le  plus 
de  jours.  (A.  231,  232.)  —  (V.  ci-après,  pour  d'autres  expressions 
du  même  genre,  plus  viel,  plusjove,  etc). 


42  DIALECTES  ANCIENS 

Me!tat,  s.  f.  —  Pour  mitât  (a.  153). 

Mercadier  de  vin,  loc.  —  Marchand  de  vin  (a.  122). 

Messier.  —  Messire  (a.  138). 

MoLHER  darrieyra,  loG.  —  Femme  en  deuxièmes  noces,  ou  rema- 
riée (a.  210,  87). 

MoRRUT,  adj.  f.  —  De  mauvaise  mine  (a.  164). 

Non  devisa,  loc.  —  Indivis  (1,  153). 

Olier,  s.  m.  —  Marchand  d'huile  (a.  88,  89).  Rayn..  OHerj  po- 
tier. —  Les  deux  sont  encore  en  usage. 

Paoua,  s.  f.  —  Paye  (a.  175).  —  Pour  Paga. 

Paguada,  s.  f.  —  Ce  qu'on  paye  en  une  fois  (a.  220). 

Paguador,  s.  m.  —  Celui  qui  paye  (a.  100).  —  Pour  Pagador, 

Paml,  s.  m.  —  Coin,  part  (a.  151).  Lo  paml  d'en  Concas^  la  part 
d'en  Concas. 

Paroamenier,  s.  m.  —  Marchand  de  parchemin  (a.  183,  176); 
et  pergamenier  (a.  il 8). 

Pastigier,  s.  m.  —  Pâtissier  (a.  5);  etpastader  (a.  190). 
•  Pengion,  s.  f.  —  Pension. 

Penheyre,  s.  m    —  Peintre  (a.  172).  —  Pour  Penheire . 

Permutagion,  s.  f.  —  Permutation  (a.  202).  Rayn.,  permutatio. 

Peruggion,  s.  f.  —  Succession. 

Pezas.  — (A.  132).. 

Plantier,  s.  m.  —  Plantation  (a.  146). 

Plus  viel,  loc.  —  L'aîné,  doyen  (a.  160). 

Plus  jove,  loc.  —  Puîné  (a.  234). 

Preferit,  IDA,  p.  passé  —  Préféré  (a.  1). 

Prioressa,  s.  f.  —  Prieure  (a.  137). 

Procura,  s.  f.  — Procuration  (1.  106). 

Progurayre  de  las  armas,  loc.  —  Procureur  qui  défendait  les 
droits  des  âmes  du  purgatoire  (a.  54.),  les  fondations  pieuses  faites 
à  leur  intention. 

Proguraire  del  rey,  loc. —  Procureur  du  roi  de  Majorque  (a.  101). 

Proguraire  del  monestier  de  S.-Gilt.  — Procureur  des  religieu- 
ses de  S. -Gilles  (a.  153). 

Progezen,  p.  prés.  —  Procédant  (a.  102). 

Prunet.  — Verger  de  pruniers  (a.  139). 

Ratifiquar,  V.  —  Ratifier  (a.  125.)  —  Rayn.,  ratificar, 

Requonoisser,  V.  —  Pour  reconoisser  (a.  115). 

Romier,  surn.  —-  Pèlerin  (a.  173), 


LE  CATALOGUE  DBS  CHAPBLLBNIES  43 

Saben,  p.  prés.  — Sachant  (a.  1). 

Sagnayrb,  s.  m.  —  Baigneur  (a.  4). 

8ay  entras,  loc.  —  Autrefois  (a.  212)  ;  et  sa  entras  (a.  89). 

Sen,  s.  m.  —  Pour  seigneur  (a.  46). 

Senhorn,  s.  m.  —  Pour  senhor  (a.  83, 102). 

Sert,  adj.  m.  —  Pour  cerl  (a.  29). 

Sestayrada,  s.  f.  —  Seterée  (a.  14). 

Setuat,  p.  pass.  —  Situé  (a.  102). 

Sons,  adj.  poss.  —  Ses  (a.  24,  36,  46). 

Sotcelier,  —  Sellier  (v.  Livre  des  privilèges,  a.  9). 

SuB,  prop.  —  Sous  (a.  157). 

Sdbstitdi,  adj.  m.  —  Substitué  (a.  157). 

SuMA,  s.  f.  —  Somme  (a.  25).  Pour  soma. 

SuRGiAN,  s.  m.  —  Chirurgien  (a .  233).  Rayn.,  surgier. 

Tenedor,  s.  m.  — Ténement  (a.  127). 

Tenen,  p.  prés.  —  Tenant,  avec  le  sens  de  conlenen  (a.  186). 

Tera,  s.  f.  —  Pour  terra  (a.  194). 

Transcort,  s.  m.  —  Cour  intérieure,  intermédiaire  (a.  202,  207). 

Transcrit,  s.  m.  —  Transcription  (a.  217). 

Torrassa,  augm.  —  Grande  tour  (a.  95). 

Trespartar,  v. — Transporter,  transmettre  (a.l).  Vouv transportar. 

Vabre.  —(A.  135). 

Vendigion,  s.  f.  —  Vente  (a.  144.)  Rayn.,  vendition. 

Variantes  orthographiques,  avec  cinq  formes:  gleyza  (a.  222). 
glieyza(di.21^),  gtyeiza  (&  226),  f/h'cza  (a.  224),  gleya  (a  23i);  — 
avec  quatre,  maiestre  (a.  26),  maistre  (a.  24),  maestre  (a.  40), 
mestre  (a.  9);  —  avec  deux,  abriel(^.  23)  et  abril  (a.  34),  aordenada 
(a.  200)  et  ordenada,  aost  et  alwst  (a.  84),  cert  et  sert  (a  195,  197), 
cetembre  (a.  94)  et  setembre  {dezemhre  a.  121)  et  décembre)  en  et 
«i  (a.  121),  executor  et  exequtor  (a.  230),  espital  et  ospitat  (a. 
144),  ha  et  a  (a.  31,  45),  ho  et  o  (a.  11,  40),  hostalier  et  ostalier 
(a.  152,  160),  hostal  et  ostal{aL.  101),  laurador  et  lauorador  (d^.  174), 
lascals  et  lasquals  (a.  2),  lieuration  et  liuration  (a.  215),  loc  etluoc 
(a.  183),  obrier  et  obrie  (a.  233),  possessyo  et  possession  (a.  2  et  8), 
requonoc  et  reconoc  (a.  115),  quarla  et  carta  (a.  194),  vendicion  et 
vendilion  (a.  120,  121),  cas  et  quas  (a.  85,  23i).  senhor  et  senhorn 
(a.  83),  setuat  etscituat  (a.  101,  104).  Et  celles  qui  résultent  de  la 
chute  du  r  linal  :  molhe  (a.  196),  esse  (a.  221),  obrie  (a.  233),  sestie 
(a.  232),  terrado  (a.  233  ) 


DOCUMENTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE 

DES   ANCIENS    COMTÉS   DE   ROUSSILLON    ET    DE   CERDAGNE 

(Suite) 


IX 


On  ne  possède,  ou  du  moins  on  n*a  signalé  jusqu'ici,  aucune 
œuvre  entièrement  rédigée  en  langue  catalane  avant  la  seconde 
moitié  duXIIP  siècle,  car  la  Chronique  du  roi  Jacques  le  Con- 
quérant n'a  guère  pu  être  composée  avant  Tan  1250,  et  il  est 
difficile  d'admettre  que  Raymond  LuU ,  né  à  Majorque  en 
1235,  ait  pu  écrire  avant  1260  la  prose  ou  les  vers  qui  lui  sont 
attribués.  On  a  publié  aussi  la  Chronique  de  Bernard  Dez  Clôt, 
écrite  vers  la  fin  du  XIIP  siècle,  et  celle  de  Raymond  Mun- 
taner,  composée  aux  approches  de  Fan  1330. 

Cet  ensemble  de  documents  serait  certes  plus  que  suffi- 
sant pour  donner  une  idée  complète  de  la  langue  catalane  au 
XIIP  siècle  ;  mais,  malheureusement,  les  manuscrits  originaux 
ou  les  copies  contemporaines  de  ces  écrits  sont  perdus  ou  in- 
connus. La  Chronique  du  roi  Jacques,  dont  le  plus  ancien  ma- 
nuscrit est  daté  de  Tan  1343,  et  celle  de  Muntaner,  ne  sont 
connues  que  par  des  éditions  du  XVP  siècle^  époque  où  per- 
sonne ne  s'occupait  sérieusement  d'études  linguistiques  en  Es- 
pagne ;  les  œuvres  catalanes  de  LuU  ne  se  sont  conservées  que 
dans  des  manuscrits  de  beaucoup  postérieurs  à  la  mort  de  l'au- 
teur.  Quant  à  la  Chronique  de  B.  Dez  Clôt,  elle  n'a  été  publiée 
par  M.  Buchon  que  d'après  des  manuscrits  i*elativement  mo- 
dernes, qui,  joints  sans  doute  à  l'insuffisance  de  l'éditeur  en  ce 
qui  concerne  le  catalan,  ont  complètement  défiguré  la  physio- 
nomie du  texte  original  et  en  ont  fait  un  document  d'une  uti- 


DOCUMENTS'  SUR  lÎA  LAN^atlE'ÔATALANE  4S 

llté  très- Contestable  pour  la  philologie  *1  On  pourrait  en  dire 
autant  d'une  œuvre  bien  moins  essentielle  pour  la  linguistique, 
de  la  Chrôùlque  du  roi  Pierre  IV  d'Aragon;  transcrite  à  là  fin 
du  XV*  siècle  par  rarchiviste-cht^oniqùëur  Michel  Carbonell, 
et  publiée  seulement  dans  le  siècle  suiVant  *. 

Or  il  est  évident  pour  tous  cèûi  qui  connaissent  les  habi^ 
tudès,  on  pourrait  presque  dire  les  principes  constants  dés 
copistes  de  texteè  catalans,  français  et  autres,  de  tontes  lés 
époques,  que  non*seulementr6rthographe,  niàife  bien  souvent 
les  formes  du  langage,  se  ti'ouvent  déjà  altérées  diatis  les"  di- 
verses copies  d'un  mêtâe  manuscrit  faites  dàtiS  l'intervalle  de 
vingt  ou  trente  ans  les  unes  des  autres^  surtout  lorsque  la' lan- 
gue n'était  pas  encore  déônitiveiïient  fixée. 

La  laiigiie  catalane  ne  peut  être  considérée  coiiime  ayant 
atteint  son  complet  développement  et  sa  forme  définitive 
qu'après  la  mort  de  Pierre  IV,  et  il  eh  résulte  que,  dans  leur 
état  actuel  et  quelle  que  soit  leur  valeur  historique  oii  litté- 
raire, les  œuvres  indiquées  ci-dessus  n'offrent  qu'une  mince 
autorité  pour  la  linguistique  et  rie  sauraient  guère  servir  âé 
texte  à  des  discussions  philologiques.  C'est  d'ailleurs  à  cet 
unique  point  de  vue  que  nous  nous  en  occupons  ici  ;  il  ne 
s'agit  pour  nous  que  de  l'étude  et  de  l'histoire  de  la  langue 
catalane,  pour  lesquelles  les  éditions  des  Chroniques  des  rois 
Jacques  et  Pierre,  de  B.  Dez  Clôt  et  de  Muntaner,  telles  que 
nous  les  possédons,  sont  d'un  secours  tout  à  fait  secondaire 
et  ne  peuvent  ofirir  des  textes  et  des  preuves  dont  la  critique 
puisëe  s'autoriser. 

I  Sans  parler  des  graves  erreurs  de  lecture  que  les  connaisseurs  relève- 
veraient  facilement  à  chaque  page  du  texte  de  B.  Dez  Clôt  édité  par 
M.  Buchon,  on  peut  se  convaincre,  par  la  simple  comparaison  du  chapitre 
premier,  publié  par  Antoine  de  BofaruU  {EstudioSj  sislema  gramatical  y 
erestomcUia  de  la  lengua  catalana,  1865,  page  153),  qu'il  n'y  a  pas,  pour 
chaque  ligne,  quatre  mots  qui  ne  présentent  une  orthographe  ou  des  for- 
mes différentes  dans  les  deux  leçons. 

*  Carbonell  réunissait  toutes  les  qualités  voulues  pour  donner  une  ex- 
celleate  copie  de  la  Chronique  du  roi  Pierre,  et  il  faut  rejeter  les  fautes  du 
lexte  sur  les  éditeurs  du  XVI«  siècle. 


46  DIALECTES  ANCIENS 

Il  faut  donc,  pour  Thistoire  de  la  langue  catalane,  comme 
pour  celle  de  toutes  les  autres  langues  romanes  sans  excep- 
tion *,  recourir  avant  tout  aux  textes  originaux  dont  la  date 
est  parfaitement  sûre  et  dont  on  possède  des  manuscrits  con- 
temporains, si  Ton  veut  suivre  et  étudier  les  origines,  la  for- 
mation, les  variations,  les  progrès  et  les  formes  diverses  des 
mots  et  de  la  syntaxe.  On  peut  dire  que,  sous  ce  rapport,  il 
n'a  été  fait  jusqu'ici  aucun  travail  réellement  important  pour 
la  langue  catalane  avant  sa  formation  définitive,  c'est-à-dire 
pour  la  période  comprise  entre  les  années  1250  et  1380. 

C'est  cette  lacune  que  nous  nous  proposons  de  remplir  par 
la  publication  de  documents  dont  la  date  et  la  transcription 
soient  certaines,  sans  nous  préoccuper  en  rien  de  leur  valeur 
littéraire  ou  de  l'intérêt  qu'ils  peuvent  offrir  pour  l'histoire . 
Nous  n'avons  en  vue  que  l'histoire  de  la  langue,  et  tous  les  do- 
cuments sont  utiles  lorsqu'il  ne  s'agit  que  d'orthographe  et  de 
grammaire.  Nous  pensons  même  que  les  plus  simples  et  les 
plus  infimes  sont  les  meilleurs,  parce  que  les  rédacteurs  d'un 
procès-verbal  de  bornage,  d'un  règlement  rural  ou  d'une  note 
de  dépenses,  écrivent  toujours  leur  langue  telle  qu'ils  la  par- 
lent, tandis  que  les  auteurs  d'un  traité  de  médecine,  d'une 
chronique,  d'un  roman  ou  d'une  chanson  d'amour,  se  trou- 
vent le  plus  souvent  sous  l'influence  d'imitations,  de  rémi- 
niscences, de  traductions,  de  tours  de  phrase  et  de  formes 
étrangères,  inusitées  ou  même  inconnues  dans  le  milieu  où 
ils  vivent. 

Les  archives  et  les  bibliothèques  de  Barcelone  possèdent  des 
documents  catalans  originaux  du  XIIP  siècle  ;  mais  il  ne  pa- 
raît pas  qu'on  en  ait  encore  entrepris  la  publication.  D'autre 
part,  les  archives  de  la  commune  de  Perpignan  et  celles  du 
département  des  Pyrénées- Orientales  ont  conservé  beaucoup 

*  C'est  surtout  pour  la  langue  des  troubadours  qu'il  faudrait  faire  des 
réserves  à  Tinfini,  car  les  poésies  des  plus  anciens  troubadours  ont  été 
longtemps  chantées  avant  d'être  écrites,  et  les  recueils  qui  les  ont  conser- 
vées ont  été  faits  beaucoup  plus  tard  :  c'est  ce  qui  explique  pourquoi 
beaucoup  de  pièces  sont  attribuées  à  divers  auteurs. 


DOCUMENTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE  47 

d*ordonnances  et  autres  documents  administratifs  catalans  à 
partir  de  Tan  1280  environ  ;  mais  comme,  pour  quelques-uns,  il 
ne  reste  aujourd'hui  que  des  copies  des  XV®  et  XVP  siècles, 
nous  ne  pensons  pas  qu'il  soit  utile  de  les  publier  pour  la  ques- 
tion que  nous  avons  en  vue,  et  nous  ne  prendrons  que  les 
pièces  à  date  certaine  dont  il  existe  des  manuscrits  originaux 
ou  contemporains. 

L'un  des  plus  anciens  documents  de  ce  genre  que  nous  puis- 
sions citer  est  le  traité  conclu  entre  le  roi  Jacques  d'Aragon 
et  le  roi  de  Tunis  Abou-abd-IUah,  dont  le  texte  catalan,  ra- 
tifié par  le  roi  d'Aragon,  à  Valence,  le  16  des  calendes  de  mars 
1270  (février  1271),  a  été  publié  par  M.  ChampoUion-Figeac, 
d'après  une  copie  des  ides  de  juin  1278  {Collection  de  docu- 
ments inédits  sur  l'histoire  de  France).  Cette  pièce,  intéressante 
à  divers  points  de  vue,  peut  être  utilement  consultée  en  ce 
qui  concerne  la  philologie. 

Ce  texte  devrait,  dans  tous  les  cas,  être  étudié  sur  le  docu- 
ment original,  que  nous  n'avons  pas  sous  les  yeux,  car  la 
transcription  de  l'éditeur  ne  saurait  inspirer  une  pleine  con- 
fiance; elle  fourmiUe  d'erreurs,  non-seulement  pour  les  mots 
catalans,  mais  même  pour  les  dénominations  géographiques, 
puisqu'on  j  lit  capello  d'Ampuries  pour  castello  d'Ampuries, 
tomaric  au  lieu  de  tamarit  ;  et,  plus  loin,  a  Mallorches  o  a 
Ciusa,  au  lieu  de  a  Mallorches  o  a  luisa. 

Quant  au  texte  catalan,  dans  le  passage  al  loc  qui  es  oppel- 
lat  Torres,  e  parteye  terme  ab  Alacant,  il  faut  lire  :  appellat  et 
parteyx  (divise). 

Le  passage  inintelligible  :  e  de  restituir  tôt  aqueldan  als  pro- 
dons,  alsjura  s  quai  séria  la  prodoa  aquella  o  mostron,  doit  être 
\m'.  e  de  restituir  tôt  aquel  dan  als  perdens,  els  jurans  quai  séria 
la  perdoa  aquella  o  mostran»  —  Traduction  littérale  :  «  et  de 
ï»  restituer  tout  ce  dommage  aux  perdants,  ceux-ci  jurant  ou 
»  prouvant  quelle  serait  la  perte  en  question.  » 

Ailleurs  :  ni  fassen  negun  embarah,  lisez  embarch;  --  au  lieu 
de  ni per  asso  aver  nouer,  lisez  noues;  —  au  lieu  de  ho7i  solon, 


48  DIALECTES   AKCIBNS 

lisez  solenj  —  au  lieu  de  qtn  ixissent  de  la  mar,  il  faut  lire 
ixissen,  etc.,  etc. 

Dans  r  article  :  Que  tôt  a  nau  quisia  en  qualque  port  dels  ports 
de  la  terra  nostra,  dels  homens  de  la  terra  nostra,  ajo  (lisez  aja) 
aquel  dret  quels  nostres  homens  auran,  la  locution  en  qualqtAe 
port  dels  ports  est  une  tournure  arabe  qui  n'a  jamais  été  ad- 
mise en  catalan  ;  elle  semble  indiquer  que  le  texte  primitif  de 
ce  traité  fut  rédigé  en  arabe,  et  le  roi  d'Aragon  en  aurait  seu- 
lement ratifié  la  traduction  catalane. 


CAPBREU  DE  LA  VALLEE  DE  RIBES 

Le  plus  ancien  document  catalan  dont  nous  ayons  pu  dé- 
couvrir le  manuscrit  original  dans  les  archives  du  Roussillon 
est  un  vieux  capbreu^  ou  papier  terrier  de  la  vallée  de  Ribes, 
qui  paraît  avoir  été  fait  entre  les  années  1283  et  1284.  Les 
revenus  de  cette  vallée,  comprise  dans  le  comté  de  Cerdagne 
et  dans  les  dépendances  du  royaume  de  Majorque,  étaient  de 
temps  immémorial  en  partage  entre  le  roi  et  la  famille  dite  de 
Ribes,  à  laquelle  succéda  celle  de  Grleon  ou  de  Durban  vers  le 
milieu  du  XV®  siècle. 

Le  capbreu,  entièrement  rédigé  en  catalan, ne  porte  aucune 
date  et  ne  nomme  que  «  Guillaume  de  Ribes  »  comme  cosei- 
gneur  de  la  vallée.  Or,  par  acte  du  4  des  nones  de  mars  1272, 
le  roi  Jacques  d'Aragon  confirma  à  Sibille,  veuve  de  Raymond 
de  Ribes,  et  à  leur  fils  Guillaume,  héritier  dudit  Raymond, 
la  vente  ou  ferme  de  la  part  royale  des  revenus  de  Ribes, 
faite  précédemment  audit  R.  de  Ribes,  moyennant  la  somme 
de  1300  sols  par  an  *,  ce  qui  semble  indiquer  que  Guillaume  de 
Ribes,  quoique  mineur  peut-être,  venait  de  succéder  depuis  peu 
à  son  père .  On  ne  trouve  ensuite  aucune  mention  de  ce  per- 
sonnage, qui  épousa  Françoise  de  Perella  *,  et,  à  la  veille  des 

*  Arch.  des  Pyr.-Or.  Registre[  l*'  de  la  Procùrado  real,  ^  75. 

*  C'était  un  des  châteaux  de  Prats-de-Mollo,  dans  le  haut  Vallespir. 


DOCUMENTS  SUR  LÀ  LANGUE  CATALANE       49 

nones  d'août  1313,  ceUer-ei,  se  disant  a  veuve  de  Guillaume  de 
Ribes  »  et  tutrice  de  ses  enfants  François,  Raymond,  Guil- 
laume et  Elicsende,  renonça  désormais  à  la  ferme  des  revenus 
royaux  susdits*.  Notre  capbreu  pourrait  donc,  à  la  rigueur, 
avoir  été  fait  entre  1272  et  1313;  mais  il  est  possible  d'en 
mieux  préciser  la  date. 

En  effet,  G.  de  Ribes,  ainsi  que  ses  prédécesseurs  et  suc- 
cesseurs, était  «  châtelain  et  viguier  naturel  »  de  la  vallée  de 
Ribes,  et  comme  Ton  trouve,  au  1*'  février  1293  (1294),  un 
certain  Bemardus^  Tobau,  tenens  locum  domini  régis  Maioricarum 
in  valle  de  Rippis,  et,  à  la  même  date,  un  P,  Menestral,  castlanus 
castrideRippis  pré  domino  rege,  on  doit  présumer  que  Guillaume 
de  Ribes  avait  pris  parti,  en  1285,  contre  le  roi  de  Majorque 
ou  plutôt  contre  la  France,  en  faveur  du  roi  d'Aragon.  Ses 
biens  furent  donc  mis  sous  séquestre  par  le  roi  de  Majorque, 
ainsi  que  ceux  des  nombreux  seigneurs  roussillonnais  qui,  dans 
cette  occasion,  combattirent  avec  les  Catalans  contre  l'armée 
du  roi  de  France  Philippe  III.  Dans  ce  cas,  le  capbreu  serait 
déjà  antérieur  à  l'an  1285.  D'autre  part,  il  n'est  jamais  fait 
mention  que  de  la  monnaie  de  «  Malgone  )>  parmi  les  nom- 
breuses redevances  qui  s'y  trouvent  énumérées.  Le  roi  Jac- 
ques 1"  de  Majorque,  aux  termes  des  constitutions  qui  avaient 
établi  sonroyaume,ne  pouvait  donner  courslégal  dans  ses  États 
qu'à  la  seule  monnaie  c(  barcelonaise  de  ter  h  »,  la  seule,  en 
effet,  qui  se  trouve  énoncée  dans  les  actes  roussillonnais,  pen- 
dant les  premières  années  de  son  règne.  Mais,  à  partir  de  l'an 
1283,  c'est-à-dire  dès  l'époque  où  ce  prince  fut  à  l'état  d'hostilité 
et  de  guerre  ouverte  avec  son  frère  et  ses  neveux,  rois  d'A- 
ragon, jusqu'à  la  conclusion  de  la  paix,  en  1298,  les  actes  du 
Roussillon  ne  stipulent  plus  qu'en  monnaie  de  Malgone.  La 
monnaie  barcelonaise  de  tern  fut  ensuite  la  seule  monnaie 
légale  admise  dans  le  royaume  de  Majorque.  Le  capbreu  de 
Ribes  serait  donc,  d'après  ces  considérations,  de  l'année  1283 
ou  1284,  et  c'est  bien  la  date  qu'il  faut  lui  attribuer  au  point 
de  vue  de  la  paléographie  et  de  la  linguistique. 

•  Arch.  des  Pyr.-Or.,  Liber  feudorum  C,  f»  91,  y* 


50  DULECTES    ANCIENS 

Le  manuscrit  est  écrit  avec  beaucoup  de  soin  sur  parche- 
min, avec  rubriques  et  lettres  initiales  ornées  en  encre  rouge. 
Il  paraît  même  très-correct  ;  cependant,  comme  on  ne  saurait 
répondre  des  négligences  ou  inadvertances  qui  peuvent  échap- 
per même  aux  copistes  les  plus  exercés,  nous  sommes  porté  à 
considérer  comme  des  inadvertances  du  copiste  l'omission  de. 
quelques  traits  servant  à  indiquer  les  voyelles  ou  lettres  sup- 
primées dans  les  mots  e  et  du,  pour  en  et  dun.  Sans  doute,  du 
(pour  de  un)  a  pu  exister  dans  Tancien  catalan,  de  même  que 
Ton  trouve  à  toutes  les  époques  cascu  et  cadahu,  ou  cascun  et 
cadahun;  mais  nous  attribuons  cette  forme  àTomission  d'un 
simple  trait  sur  la  voyelle,  plutôt  que  d'admettre  pour  le  mot 
du  une  terminaison  très-singulière  et  dont  nous  ne  connaissons 
aucun  autre   exemple. 

Il  y  a  aussi  à  noter  dans  ce  manuscrit  la  manière  employée 
par  l'auteur  pour  exprimer  le  ny  catalan,  dans  les  mots  any, 
senyor  et  autres,  qu'il  écrit  ay  et  seyor,  en  mettant  un  point 
sur  l'y.  Cette  notation  n'a  aucune  valeur  dans  la  paléographie 
catalane,  car,  dans  ce  manuscrit  comme  dans  tous  ceux  du 
Roussillon  à  cette  époque,  la  lettre  y  est  toujours  surmon- 
tée d'un  point,  même  lorsqu'elle  n'a  que  la  simple  valeur  de 
Vi.  Au  reste,  le  capbreu  a  écrit  une  fois  le  mot  ans  au  pluriel 
(pour  anys),  et  l'on  y  trouve  assez  souvent  estrayns  (pour  es- 
tranys).  Quant  aux  nombreuses  variantes  employées  pour  ren- 
dre le  y,  le  ^,  et  surtout  le  //  mouillé,  on  les  retrouve  dans  tous 
les  manuscrits  latins  ou  en  langue  vulgaire  de  la  Catalogne 
et  du  Roussillon  au  xiu®  siècle.  Les  tendances  de  l'orthographe 
catalane  étaient  alors  depuis  longtemps  marquées,  mais  il  n'y 
avait  encore  rien  de  définitivement  fixé. 

La  seule  forme  étrangère  ou  peu  usitée  en  catalan  qu'il  y 
ait  à  signaler  dans  ce  manuscrit,  est  celle  de  autre,  qui  y  est 
employée  quelquefois,  bien  que  la  forme  catalane  altre  soit 
dominante. 

Remarquons  aussi  le  pluriel  masculin  rasi,  dont  il  y  a  deux 
exemples  {ras,  rasa,  rasi,  rases);  le  manuscrit-  emploie  le  plus 
souvent  la  terminaison  es  pour  le  pluriel  masculin,  comme 


DOCUMENTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE  51 

dans  mas,  qui  fait  mases.  Enfin  le  capbreu  n'emploie  jamais 
que  les  formes  kom  au  singulier  et  homes  au  pluriel,  au  lieu  de 
homen  et  homens,  qui  sont  presque  toujours  employées  à  la 
même  époque .  Il  vlj  a  pas  un  seul  exemple  de  l'emploi  de 
la  lettre  s  distinguant  le  sujet  du  régime  au  singulier. 

Le  capbreu  de  Ribes  ne  manque  pas  d'intérêt  pour  la  topo- 
graphie historique  de  la  vallée,  car  il  fait  Ténumération  des 
redevances  auxquelles  chaque  habitant  ou  propriétaire  était 
tenu  envers  le  roi  et  Guillaume  de  Ribes.  Les  articles  con- 
sacrés àr  chaque  tenancier  se  suivent  presque  toujours  dans  le 
même  ordre  et  dans  les  mêmes  termes,  et  les  extraits  que 
nous  en  donnons  ici  présenteront  forcément  la  même  mono- 
tonie, bien  que  nous  ayons  cherché  à  reproduire  seulement  les 
passages  qui  peuvent  offrir  des  locutions  ou  des  mots  nou- 
veaux intéressants  pour  les  études  philologiques,  les  seules 
que  nous  ayons  en  vue  dans  cette  publication. 

La  langue  employée  dans  ce  document  offre  quelques  par- 
ticularités peu  communes  dans  le  style  censitaire  du  Rous- 
sillon  au  XIIP  siècle,  mais  qui  se  conservèrent  cependant  dans 
la  viguerie  de  Cerdagne,  dont  la  vallée  de  Ribes  faisait  partie. 
Nous  n'avons  pas  Tidée  de  donner  ici  l'explication  des  locu- 
tions qui  désignent  les  diverses  redevances,  ou  des  droits  pour 
lesquels  on  levait  la  contribution,  parades,  gaytes,  forestage, 
oôlies,  caslania,  civada,  solatge  et  autres,  car  ces  mots  avaient 
à  l'origine  un  sens  déterminé,  tandis  que  dans  le  capbreu  on 
les  applique  souvent,  non  pas  au  droit  lui-même,  mais  à  l'ob- 
jet payé  ou  fourni. 

Ainsi  le  mot  forestatge  désignait  d'abord  la  redevance 
payée  pour  le  droit  de  prendre  du  bois  dans  une  forêt,  et 
nous  voyons  ici  des  individus  qui  payent  des  ous  (œufs)  de  fo- 
restage^  et  un  autre  v.  ous  per  forestage  del  àosc.  Un  autre 
donne  du  blat  de  gaytes  (blé  pour  la  contribution  du  guet). 

On  trouve  de  même  le  blat  de  parades,  les  garbes  de  civada, 
qui  se  rattachent  à  l'ancien  droit  de  parata  du  IX®  siècle, 
généralement  désigné  plus  tard  par  le  nom  d'alberga,  qui 
comprenait  toutes   les  fournitures  de  pain  ou  fogasses,   de 


52  DIALECTES  ANCIENS 

viande,  légumes,  vin,  3.voine  et  ^.utres,  relatives  au  droit  de 

gîte  ou  de  loge,ment.  Mais  chacune  de  ces,  fournitures  pouvait 

être  représentée  par  divers  objets  en  nature  ou  par  une  somine 

en  espèces,  puisque  Ton  pouvait  payer  une  pema  (jambon)  de 

civada  (d'avoine),  et  VobUa^  qui  représentait  primitivement  la 

faurniture  du  pain  ou  de  la  farine,  est  souvent  ps^jée  avec .  du 

vin  :  Guillavjne  de  Ribes  reçoit  15  sols  moins  3  deniers  jp^r 

m$o  devijiolflies. 

Alart. 


Extraits  du  capbreu  de  la  val  de  ribes 

(Vers  1283) 


QUERALBS 

BnMoner  jura  que  es*  hom  del  seyor  rey,  e  fa  al  seyor  rey 
a  la  un  ay  xiii.  diners,  el*  autre  xi.  dr,  e  questa  a  sentMiquel 
de  cominal,  e  tasca  ;  —  fa  an  G .  de  Ribes  una  cartera  de 
ciuada,  e  mig  feys  de  pala,  o  una  galina,  ab  sos  parcers  ■,  el 
ters  ay,  e  un  carto  doblies  *,  e  cols  e  cebes,  per  caslania,  si 

ni  a» 

P.  Marti  jura  ques  hom  del  seyor  rey  e  fa  a  la  tin  ay  n.  se 
I.  diner  e  questa  a  sen  Michel  cominal. . .;  fa  una  migera  de 
ciuada  e  mif  a  oblia  a  la  un  ay,  el  autre  lo  parcer. 

Bn  Alegre  fa  axi  com  so  parcer  en  P.  Marti,  e  mes,  una 
maala  e  v.  ous. 

V  Qu'il  est;  le  plus  souvent  le  manuscrit  écrit  ques, 

^  Ici,  et  souvent  ailleurs,  el  est  pour  e  al. 

^  làQ  mot  parcer  désigne  les  autres  hommes  qui  font,  conjointement 
avec  le  déclarant,  leur  part  de  redevance. 

^  0&/taest  toujours  pris,  dans  ce  capbreu,  dans  le  sens  de  farine  ou 
pain.  ^ 


DOCUMENTS  SVBi  LA  LANGUE  <:?ATALANË  5) 

PjTobefiz  Jiihf^n  j  ura  ^ques  pro^i  del  aejor  i)ej,  e  &  vm  dr  a 
Nadal  a  la  uq  aj*  e  a  JLautre  una  mesala  mes^  e  taseha,  e  un 
îeya  de  pala. . 

G.  Bertran...  £a  umt  qu^artora vde  disraéa,  0  h.  partz  duna 
galin.a,  e  11.  partz  en  un  fey*  de  pala.. 

Bn  Sarrocha  fa...  un  quartal  de  civada  ab  sos  parcers. 

Bn  Font. .  fa  una  quartera  de  civada  al  vin.  aj,  e  una  galina 
a^eap  de  vi.  ays,  e  un  ou. 

Johan  Bernada. . .  fa  una  galina,  el  terz  de  tta  >fe js  de  pala . . 

G.  Bereng.  jura  ques  del  seyoF  rey,  e  fa  a  el,  a  la  un  ay, 
xiiir .  dr,  e  al  autre  xi  dr  ;  e  al  ayn  de  la  parada,  àb  so  parcer, 
una  gaii&a  e  quarta  part  de  una  oblia. 

Arn.  Batle..  fa  11.  migeres  de  civada. .  e  al  segon  ay  una 
galina.. 

P.  Des  Prat  .fa  11.  pugeres  de  civada  e,  en  les  oblies,  sa 
part.. 

Na  Quïreuda.'.  fa  m.  pugeres  de  ciuada  a  cap  de  ii.  ays.. 

Johan  Bag . .  fa  per  cascu  ay  un  quarto  doblies .  .  e  un  fey 
de  pala,  ^e  un  ou  >cascu  ay . 

N  Amar. .  fa  a  la  un  ay  vu.  dr  s  maala  e -^ugesa,  e  al  au- 
tre IX.  dr  e  maala  e  pugesa. .  e  a  cap  de  11.  ay  un  carter  de 
galina. . 

P.  Ramon. .  fa  axi  com  N  Amar. 

Na  Gilia^. .  fa  una  oblia  de  pa  a  ^eap  de  vifi .  ay . 


De  Pardines.  —  xxx.  fey  de  pala  e  xv.  parels  de  galines  e 
X.  naigeres  de  blat  de  parades  a  mesura  censal,  e  xv.  sol. 
Malg.  meyns  m.  dr  per  sis  oblies,  cascu  laoraJor  11.  garbes 
de  civada.  e  si  ve  bestiar  estrayn  de  galarzes*,  per  cascuna 

'  Ca  mot,  qui  s'écrirait  aujourd'hui  feix,  est  écrit  ici  avec  ou  sans  s  au 
singulier  et  au  pluriel.  On  trouve  plus  loin:  xxx  fey  de  pala. 

'Le  bestiar  de  galorça  désigne  encore  aujourd'hui,  dans  les  mpqta^es 
deCerdjgne  et  du  Gonflent,  le  gros  bétail  ou  les  bœufs. 

4 


54  DIALECTES    ANCIENS 

bestia  bassiua^  una  maala.  e  cols  e  cebes .  Ëncara,  en  cascu 
graner  de  Pardines  e  de  Ribes  e  de  Queralbs,  n.  quartals  de 
segle  e  una  quartera  de  forment  e  un  quartal  de  civada,  e 
tota  la  cossura'  del  ordi  de  Queralbs  e  Betet. 

FUSTEYA 

Johan  Dousa  jura  que  es  del  seyor  rey,  e  f a  a  el,  a  la  un  aj 
V.  sol.  mens  maala ',  e  al  autre  ay  vu.  s. 

P .  Guifre . .  fa  una  oblia  mens  un  quarto . . 

Lalberc  den  Suger  fa. .  una  oblia  e  miga<  • 

Johan  de  Rial. .  fa  an  G.  de  Ribes . .  sa  part  en  la  civada  de 
fisc. 

P .  Argemir . .  fa  un  quarto  de  oblia,  e  la  quarta  part  de 
un  iey  de  pala,  e  un  ou,  a  cap  de  ii.  aj. 

P.  Vilana. .  fa  très  migz  canadals  de  vi,  e  un  sester  de  ci- 
vada, e  un  parel  de  galines  . 

Na  Granera  fa  ii.  oblies  de  pa,  el  terz  de  i.  fej  de  pala. . . 

Arn.  G.  jura  que  fa. .  xvi.  dr  per  lo  moli  draper,  e  questa 
a  sen  Miquel  cominal,  e  tasca. 

Encara,  pren  en  G.  de  Ribes  al  graner  de  Queralbs  del 
sejor  rey,  ans  que  lo  graner  se  partesca,  ii.  quartals  de  se- 
gle, e  una  quartera  de  forment,  e  un  quartal  de  sivada.  E 
quan  lo  seyor  rey  a  ix.  mesures,  pren  en  G.  de  Ribes  ol  balle 
seu  II.  mesures  per  el,  e  emfre  Sen  Père*  e  la  Caualaria*,  al- 

'  La  bestia  hassiva,  ou  simplemeut  la  bassivay  désigne  encore  dans  le 
haut  Vallespir  une  brebis  (qui  a  mis  bas)  avec  son  agneau. 

^  La  œssura,  dérivé  de  cossa,  était  un  droit  de  mesurage  pris  ordinai- 
rement par  les  baillis. 

^  Le  sol  de  Malgone  se  décomposait  en  Roussillon  en  dîners  (deniers). 
mesales  ou  maales  (mailles),  obols  (oboles)  et  pugeses. 

*  Il  s'agit  ici  du  desservant  de  la  chapelle  Saint-Pierre  du  château  do 
Ribes. 

*  La  Cavaleria  désigne  toujours,  dans  le  catalan  du  xin*  siècle,  la  mi- 
lice du  Temple;  mais  les  droits  ou  revenus  des  Templiers,  dans  la  vallée 
do  Ribes,  ne  sont  connus  que  par  ce  document. 


DOCUMKNTS   SUR   LA   LANGUE  CATALANE  55 

très  u.  Ë  leva  lo  balle  seu,  per  mengar,  una  migera  de  fro- 
ment per  cascun  mes,  aytant  quant  trigen  los  blatz  a  levar, 
e  très  diners  per  cascu  dia  que  leven,  per  companaye.  En- 
cara,  es  tôt  lordi  de  la  cusura.  en  G.  de  Ribes  de  tôt  a  la  bat- 
lia,  de  Queralbs  e  de  Fustija  e  del  vilar  de  Betet.  Encara,  pren 
en  G.  de  Ribes  so  fisc  en  totz  los  diners  qui  y  ixen  per  iusti- 
cies,  ne  en  questa  gênerai,  si  la  y  faja. 

G.  Sola. .  fa  sa  part  en  la  civada  del  fisc  e  mig  carto  do- 
blia. 

P.  Morera  fa  tôt  axi  com  en  G.  Sola  de  sus  dit. . . 

La  questa  de  sen  Miquel  generalment  puya  entre  Queralbs 
e  Fustaya  c.  un.  s.  Lo  cens  de  Nadal  generalment  ayta*  be 
emfre  aquels  dos  locs,  a  la  un  ay  lx.  e  im.  s.  e  al  altre  ay 

LXXI.  S. 

Los  mases  amdos  de  Rial  fan  emframdos  *  un  fey  de  pala 
an  G.  de  Ribes,  e  cascu  una  ola  de  cols  e  una  ola  de  sebes, 
si  la  an.  Encara,  fan  cascu  mas,  en  P.  de  Rial,  una  galina  al 
seyor  rey,  e  en  P.  Nadal  altra  galina,  cascu  per  so  prat,  a 
Dadal. 

RIBES 

Ayzo  es  memoria  de  tôt  lo  cens  que  pren  en  G.  de  Ribes  en 
la  Val  de  Ribes. 

Primerament,  de  la  parochia  de  Senta  Maria  de  Ribes . 

P.  de  Coma  fa  al  rey  xx.  dr  pel  mas  den  Batle. .  item  ii. 
canades  de  vi,  e  m.  fogasses  de  oblies,  e  una  ola  de  cols,  e 
altra  de  sebes,  si  ni  a.  Lo  cal  P.  Coma  es  hom  propri  del 
seyor  rey,  e  jura  ayso  de  veritat. 

Pons  Cornela  fa  al  rey  nu.  s  meys  un  diner  ;  —  fa  an  G.  de 
Ribes  canada  e  miga  de  vi  e  ii.  oblies  e  miga  de  pa  e  i.  ses- 
ter  e  demig  de  civada,  e  una  cestela  de  cols  e  altra  de  sebes. . 
Tut  ayso  fetz  per  mas  Cornela . 

R.  Bernât  jura  tôt  lo  cens  que  fa  al  seyor  rey  ni  an  G.  de 

•  Pour  aytant. 
'  lîintre  eux  deux. 


56  DIALECTES    ANCIENS 

Ribes.  Fa  al  rej  vi.  ■  mejs  unamesala,  e  la  maytat  en  un  ma. 
gen*. .  E  tôt  ayso  per  lo  mas  den  R.  Bernât  fa  ab  lo  mas  den 
Moreto. . .  E,  ab  en  P.  Galey,  fa  una  canada  de  vi  al  terz  aj,  e 
una  esmina  de  sivada  per  lo  tertz  del  mas  de  Mascarona  que 
te,  e  miga  esmina  per  lo  seu  mas.  Encara  mes,  ab  en  Corneya 

e  ab  en  Galart,  una  esmina  corent  de  sivada per  cast- 

lania. 

P.  Des  Puig. .  *  jura  tôt  lo  cens  que  faalseyor  rej  ne  an  G. 
de  Ribes. . .  fa  per  un  ort  qui  es  al  Pug,  una  galina. ...  e  un 
molto  al  quart  ay. 

M.  Rastaya  jura  que  es  propria  del  seyor  rey. . . 

Johan  Torent. . .  fa  el  terz  de  un  cester  de  blat  de  civada, 
el  terz  de  una  canada  de  vi,  el  terz  de  duna  {sic)  oblia. . . .  per 
caslania. 

R.  Querol. . .  una  canada  de  vi,  e  una  fogassa  depa  doblies. 

Arn.  Mauris  jura  que  es  de  la  casa  *  de  Cornela.  Fa  al  seyor 
rey  un  pol,  e  xii.  dr.  Encara,  an  G.  de  Ribes  fa  lo  quart  e 
una  canada  de  vi,  el  corentim^  ab  mos*  parcers...  e  sa  may- 
tat duna  oblia.  .  . 

G.  de  Parestortes. . .  fa  un  mageyn  e  m.  oblies. . . 

P.  Stremer  jura  que  es  del  despenser*  de  Ripol. . . 

G.  de  Strada. . .  fa  una  cistela  de  cols  e  sebes. . . 

DE    BETET 

Arn.  Toroselafa  les  ii.  partz  du^  fey  de  pala. . . 
Arn.  Torent, . .  fa  mig  canadel  de  vi,  e  II.  ous. . . 
R.  Font. . . .  jura  que  fa  aytant  quo  Na  Cerdana  Pelicera  o 
en  P.  Urgel. . .  e,  per  lalberg  del  Brug,  mig  fey  de  pala. . . 
Encara,  pren  en  G.  de  Ribes  al  graner  de  la  parochia  de 

*  Magen  ou  magench,  un  jeune  mouton. 

-  Prieuré  de  S:iinte-Marie  de-Cornella,  en  Gonflent. 

3  C'est-à-dire  v;  le  complément  ».  Ce  mot  s'écrit  aujourd'hui  correntum. 

*  Inadvertance,  pour  sos. 

^  De  l'économe  de  l'abbaye  de  Ripoll. 

*^  Du  pour  de  un  n'est,  sans  doute,  qu'une  inadvertance  du  copiste. 


DOCUMENTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE  57 

Ribes  del  seyor  rey,  ans  que  lo  graner  se  partesca,  ii.  quar- 
tals  de  cegle  e  una  quartera  de  forment  e  un  quartal  de  ci- 
vada  ;  e  quan  lo  seyor  rey  a  ix.  mesures  a  sos  obs,  prenne  en 
G.  de  Ribes  ii.  a  sos  obs,  e  emfre  sen  Père  e  la  Cavaleria, 
altres  n.  mesures.  E  leva  lo  batle  seu,  per  mengar,  una  mi- 
gera  de  froment  per  cascu  mes,  aytant  quant  trigen  los  blatz 
a  levar,  e  très  diners  per  cascu  dia  que  leven,  per  compa- 
nage. 

Encara,  pren  en  G.  de  Ribes  en  la  balia  de  Ribes  e  de 
Betet,  per  raso  de  totz  los  diners  de  tota  la  Val,  per  so  rere- 
deume,  Lxn.  s  e  mig  de  Malg.  Encara,  de  tots  los  moltos  o 
magens  que  lo  seyor  rey  pren  en  la  Val,  pren  en  G.  de  Ribes, 
per  so  reredeume,  en  la  batlia  de  Ribes  e  de  Betet,  nii. 
moltos  o  mageys. 

Encara,  pren  so  fisc  en  totz  los  diners  que  esquen  en  la 
Val  de  Ribes  per  justicies  o  per  questa  gênerai,  si  la  faja  als 
homes.  E  pren  en  G.  de  Ribes  el  *  graner  de  Ribes,  la  terza 
part  del  ordi,  è  el  vilar  de  Betet  la  meytat  del  ordi  daytant  ce 
s[en]  y  ajust  per  part  del  seyor  rey. 


PARDINES 


P.  Pages fa  mi.  dr  e  maala  Malg.  e  la  maytat  en  un 

molto,  e  m.  sesters  e  mig  de  blat  de  parades. 

P.  Marti. . .  fa  xviii.  dr  e  maala  per  pors  e  per  perna*,  el 
terz  du  sester  de  blat  de  parades,  e  una  puyera  de  gaytes,  e 
al  segon  ay  la  quarta  part  en  una  galina. 

Bn.  Oliba  ....  fa  una  maala  per  vi,  e  un  diner  et  una  pu- 
gesa  en  un  magenc,  e  tasca  e  cusura. 

P.  de  la  Via  Antiga  jura  que  fa v.  *  mens  una  mesala 

Malg.  a  Nadal,  e  ii.  partz  en  un  magen,  e  iiil  sesters  de  blat 
de  parades,  e  un  ras,  e  m.  puyeres  mes,  e  un  fey  de  pala. 

Bn  Molner. . .  fa  v.  dr  e  mesala  Malg.  e  una  pugesa  de  vi, 

'  El  pour  cU,  ou  en  el. 
'Jambon. 


58  DIALECTES   ANCIENS 

e  una  galina  e  ii.  partz  daltras  duas,  e  la  qnarta  part  en  ii . 
partz  du  molto,  e  alcuna  part  en  les  oblies,  e  la  quarta  part 
en  dues  parts  du  molto. 

Muntaner  de  Viantiga. .  .fa  cussura  e  questa  cominal.  E  ay  * 
quascu  escriva  meta  per  tots  a  la  fi  de  cascu. 

Ar.  Jordana. . .  fa  ii.  fogasses  doblies.  e  el  terz  ay  ne  quer 
una,  e  vu.  dr  e  mala. 

P.  Cap  de  vila ...  fa  un  magen  e  n.  sos  [sic)  de  Malg.  e  ayzo 
ab  so  parcer. 

P.  Galen. . .  fa  una  pugera  corent,  e  altra  rasa,  de  blatz  de 
parades. 

Bn  Andreu... .  fa  e  *  un  molto  la  cisenapart,  e  en  ii.  moltos 
mes  cisena  part,  e  ii.  sesters  de  blat  de  parades  rasi,  e  ii . 
pugeres  mes  rases. 

G.  de  Gatins. . .  fa  la  quarta  part  en  la  mayta  du  magen. . . 
per  so  que  venc  '  an  Jacme  Boxa  m.  drMalg.  e  miga  galina. 
Ayzo  deu  pagar  lodit  J.  Boxa. 

Perpeya  de  Gatins  fa  ab  sos  parces  la  mitât  e  *  un  mageyn, 
ab  lo  mas  den  G.  de  Gatins  e  den  G.  Catzacz. 

P.  Tabaii  fa  ii.  parels  de  galines,  e  en  un  molto  lo  terz. 

Johan  Oliba  fa  ii.  s  emfre  vi  e  cens,  e  ii.  sesters  de  blat  de 
parades  rasi. . . 

B.  dAger  fa  la  vin.  part  en  un  molto,  e  la  sisena  part  en 
altre,  mens  lo  terz,  e  vi.  pugeres  de  blat  de  parades  e  una  rasa. 

P.  Rey  fa  m.  dre  pugesa,  e  una  pugera  ras,  e  altra  corent, 
de  blat  de  parades. . . 

Bn  Suger. . .  fa  una  pugera  dordi  cemasal. 

G.  Des  Prat  fa  miga  pugera  dordi  cemensal. 

G.  Guitart. .  fa  un  terz  du  terz  de  molto,  e  la  xii.  part  dal- 
tre  molto . . 

*  Le  mot  ay,  que  le  capbreu  écrit  partout  ailleurs  pour  any,  est  mis  ici 
pour  axi  ou  aixi  (ainsi). 

'  Pour  en. 

^  Le  mot  venc  (il  vint)  au  lieu  de  vene  (il  vendit). 

*  Pour  en. 


DOCUBfBNTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE  59 

Encara,  pren  en  G.  de  Ribes  en  lo  cens  de  sus  dit  xv.  sol. 
mens  m.  dr,  per  raso  de  yi  doblies.  Item  x.  migeres  de  les 
parades,  a  mesura  censal.  Item  xv.  parels  de  galines.  Item 
tota  la  pala  de  cascuna*,  zo  es  asaberxxx  feys;de  pala.  Item 
de  XV.  mases  de  Pardines,  de  cascu  ii.  ous  de  forestage. 
Item  de  cascu  laorador  de  Pardines,  ii.  garbes  de  civada. 
Item  el  graner  del  sejor  rey,  ans  que  re  si  partesca,  ii.  quar- 
tals  de  segle  e  una  quartera  de  forment  e  un quartal  de  civada. 
Encara,  can  lo  seyor  rey  a  près  ix.  mesures,  pren  ne  en  G. 
de  Ribes  ii.  mesures  a  sos  obs  per  solatge;  e  per  reredeume, 
emfre  Sen  Père  e  la  Cavaleria,  altres  ii .  mesures  per  lur  dret- 
e  de  tôt  lo  blat  quis  ajusta  el  graner. 

Jûem  pren  lo  batle  den  G.  de  Ribes,  per  cascu  mes,  aytant 
com  trigen  los  blatz  a  levar,  una  migera  de  forment,  per  men, 
gar,  e  m.  dr  per  cascu  dia  que  leven,  per  companage. 

Item  pren  en  G .  de  Ribes  de  tôt  lo  bestiar  estrayn  de  ga- 
lorzes  qui  ve  en  la  paroquia  de  Pardines,  levât  lo  vilar  de  Vi" 
latiyos,  e  de  cascuna  bestia  leytera  una  maala. 

Memoria  fa  en  G.  de  Ribes  de  tôt  lo  cens  que  pren  en  la 
ribera  de  Ribes,  els  homes  sens.  Prumerament  (set?)  juraP. 
dArmentera  e  dix  que  hera  hom  propri  seu,  e  dix  que  fa  cens 
que  daval  es  contegut.  Jura  que  fa  de  cens  un  parel  de  pois, 
e  que  dona  quart  dalcunes  terres,  e  v.  ous  per  forestage  del 
bosc  de  Mazana.  .  e  fa  de  cens  caday  m."  de  Malg..  exceptât 
un  camp  de  Pla  de  Bêla . 

Fa  en  Bereng.  de  Sent  Père,  per  les  cases  qui  foren  de  Na 
Ventala,  miga  quartera  de  sivada  censal. 

Fa  en  Ferrer  Dez  Carrof,  per  lo  casai  del  moli  m.  galines, 
e  una  per  les  cases  que  foren  de  R.  Celerer. 

En  G.  qui  fo  fil  de  R.  Celerer,  fa,  per  lo  clos... . 

Fa  P.  Say,  per  les  quases  e  per  lort  ques  te  ab  les  cases. 

m.  galines per  les  cases  ques  tenen  ab  Na  Barselona. . 

per  lort  del  prat  noel...  perles  cases  sues,  e  perla  ixemplada 

*  Le  mot  moioda  a  été  omis  ici. 


m  DIALECTBS   /INCTBN8 

qfie  en  Gté  de  Ribes  li  donà  elprat. . .  taiga  quartera  de^citada 
ocyrent. 

Fa  en  P.  Pagulers  (mc),  per  lo  Mas  de  Palers,  vi.  êr  qne 
seyor  no  sen  te  pagat.  Item,  per  lo  prat  ques  te  ab  la  sua 
laurao. . 

Ëncara  pren  en  G.  de  Ribes  pascu  aj  en  lo  moli  den  Sanzifti 
mug  de  blat.  e  pren  en  la  un  terso  del  deume  de  la  pàrocblâ 
de^  Qaeralbs,  del  blat  e  dels  ayels,  lo  terz . 

MA88ANA 

Romeu  Màyol. .  fa  per  lo  cortal  dOrîola  e  per  lafterc  qtte 
fo  den  Arn.  de  Mazana. . 

Item,  Emfre  totz,  fan  v.  fey  depala  e  démig,  per  caslania. 

Encara  fa  en  G.  de  Ribes  totz  ans^  per  les  molis  dé  Ribes,  al 
rey,  xx.  mngs  de  blat  dels  molis,  e  m.  a  Sent  Père. 

(  Ce  qui  suit,  ainsi  que  la  note  latine  qui  teUnîne  le  manuscrit,  est  d'une 
autre  écriture,  du  commencement  du  xiv*  siècle,  entre  1300  et  1313, 
peut-être  de  1294.  Le  capbreu  ne  parle  plus  que  du  «c  seigneur  de  Ribes  », 
sans  nommer  ni  Guillaume  ni  aucun  de  ses  enfants.  ) 

Item .  Fa  Na  Barcelona  den  Coma,  per  lort  qui  esta  en  la 
ribera  de  Segalel,  ii.  galines. 

Item.  En  G.  dArmentera  sartre,  per  les  cases  que  compra 
de  na  Prat,  ab  la  examplada  que  li  dona  en  la  carera,  un  pa- 
reil de  galines. 

Item.  Pren  senyor  de  Ribes  el  graner  de  Pardines  del 
senyor  rey,  per  la  baytlia  d  Espesen  quifo  comprada  den  Jacme 
Tobau  :  primefament,  de  sabut,  un  muig  de  froment.  Item 
una  quartera  de  segale  Item  n.  muigs  de  civada.  Item  pren 
puyâèn  tôtlaltteblàt,  é  al  senz  de  quès  que  sia,  e  en  leâ  xides*, 
la  sisena  part.  Item  pren  tota  la  payla  de  senz  dé  Vila  Tiyoz 
e  dels  altres  locbs  de  là  part*oquia.  Empéfo,  en  res  qui  pertinga 
en  tota  la  dita  baytlia  per  rendes  ne  per  exides  né  per  altres 
raôns,  nô  deU  res  pendre  Sén  Père  del  caStél  de  Ribes  ne  la 
OaValeria» 

^  Lisez  :  exidei. 


DOCUMENTS   SUR  LA  LANGUE  CATALANE  61 

Memoriale  sit  quod  cum  quedam  materia  questionis  fuerit 
inter  homines  de  Vila  Tiyos  parrochie  de  Perdinis  et  alios 
hoinines  ipsius  parrochie  de  Perdinis,  fuit  inter  eos  concorditer 
taliter  conventum  :  quod  dicti  homines  de  Vila  Tiyos  darent  et 
dare  teneantur  anno  quolibet  in  questa  regali,  pro  illis  quibus 
tenentur  nunc  de  dominio  regali,  XX.  denarios,  quos  debent 
dare  inter  se.  Quod  est  actum  III.  Ydus  novembris  anno  Do- 
mini  M.CCC.XIII. 

(Archive fi  du  départ,  des  Pyrénées -OrientcUes.  —  B.  92.) 


DALECTES  MODERNES 


GRAMMAIRE    LIMOUSINE 


DEUXIEME   SECTION.  —  dentales 


l.  —   T  initial 

« 

T'initiai  reste  t  selon  la  règle  générale  :  tabula^  taulo;  -^ 
tradere,  trahi.  Exceptionnellement  il  a  passé,  comme  en  fran- 
çais, à  la  gutturale  de  même  degré  (ce  qui  est  un  renforce- 
ment) dans  cremer  =i  tremere,  dont  nous  n'avons  plus  que  le 
substantif  verbal  crêmo  *. 

II.  —  r  intérieur 

A.  —  Il  devient  d  selon  la  règle  générale  : 
1°  Régulièrement  entre  deux  voyelles.  Ex.  :  peccatorem,  pe- 
chadour;  -  satullus,  sadoû;  —  rotundus,  redoun  ;  — seta,  sedo; 

—  catena,  chadeno  ;  —  maturus,  madur  ;  —  putare,  poudd  ;  — 
rutaj  rudo  ;  —  natalis,  nadau  ; 

2°  Exceptionnellement  entre  m,  n  ou  r  et  une  voyelle.  Ex.  : 
vendita,  vendo;  —  perdita  perdo  *  ;  —  *  semitarellum ,  sendareû  ; 

—  domiium,  dounde  :  —  pentecosta,  pandegoûto  ; 

3°  Exceptionnellement  encore,  entre  une  voyelle  et  r.  Ex.  : 

'  Pour  le  verbe,  nous  diso;is  crânhei,  qui  est  avec  tremere  dans  le  même 
rapport  que  le  français  craindre,  c'est-à-dire  qui  est  construit  comme  ce 
dernier  sur  le  type  des  verbes  en  ngere . 

'  A  Nontron  môme  on  dit  plutôt,  selon  la  règle  (voir  ci-après),  venlo, 
r)erto 


GRAMMAIRE   LIMOUSINE  63 

tonitru,  tounédre  ;  —  metere,  mêdre^  ;  —  succutere,  secoudre;  — 
excutere,  eicoudre, 

B.  —  Au  lieu  de  s'affaiblir,  selon  la  règle  générale  des  con- 
sonnes intérieures,  il  reste  t  si  une  consonne  le  précède,  celle- 
ci  lui  prêtant  un  peu  de  sa  force  pour  le  soutenir.  Ex.:  verita- 
tem,  vertâ; —  retorta,  redorio; — quartarium,  cartiê; — cantare, 
chanta.  A  plus  forte  raison  persiste-t-il  entre  deux  consonnes  : 
fenestra,  fenêtro;  —  turturem,  tourtre.  Il  persiste  aussi  quel- 
quefois, par  exception,  entre  deux  voyelles.  Ex.  :  fota,  touto  ; 

—  vita,  vito  ;  —  nitidare,  netiâ. 

C.  —  Entre  deux  voyelles  dont  la  seconde  est  un  i  suivi 
(Tune  autre  voyelle,  le  t,  au  lieu  de  s'affaiblir  simplement  en 
(/,  change  de  classe  et  devient  s  ou  z,  ramolli  au  contact  de 
l'i*  comme  un  corps  dur  que  baigne  un  liquide.  Ordinairement 
le  :  on  de  Yi  disparaît  entièrement  aussi  bien  que  celui  du  t,  et 
il  n    reste  qu'un  5  ou  s  très-net.  Ex.:  *putiare  (de  puteus),  pouzâ  ; 

—  •  itionem,  sazou .  Mais  souvent  aussi  Yi  persiste  avec  le  t  trans- 
formé par  son  influence,  et  on  a  le  groupe  ci  ou  si,  comme  dans 
(jrô  'io  ^  gralia,  où  il  faut  bien  remarquer  que  Yi  est  devenu 
coi: sonne  et  doit  être  considéré,  non  comme  le  premier  élé- 
ment d'une  diphthongue  io,  ainsi  que  nous  avons  eu  le  tort  de 
l'écrire  ci-dessus  (tome  II,  page  204),  mais  comme  le  second 
élément  d'une  sorte  de  consonne-diphthongue  analogue  à  M, 
nh,  t)\  CTy  etc. 

La  même  mutation  de  ^  en  5  ou  z  devant  1  a  lieu  encore 
quand  il  est  précédé  d'une  autre  consonne,  pourvu  que  cette 
consonne  soit  autre  que  s.  Ex.:  paiientia,  pasinso;  —  *liniiolum, 
Hnsùu  ;  —  ^agendare,  gensd;  —  lecêionem,  leissou;  —  mais 
quœstionem,  questî  ;  —  digestî,  etc, 

I).  —  T  intérieur,  changeant  de  famille  sans  changer  de 
degré,  est  devenu  c  dans  Uclhi  =  mtulare.  C'est  sans  doute 
moyennant  une  pareille  mutation  préalable  que  l'on  voit  le  t 
devenir,  comme  le  c  lui-même  en  pareille  position,  y  (ou  i)  de- 

'  Inusité  à  Noniron,  où  l'on  ne  dit  que  meitwd. 


64  DIALECTES   MODERNES 

vant  /  et  r  * .  Ex.  :  vetula,  viêlho  ;  —  situla,  selho  ;  —  vitrum^ 
veire  ;  ~  petra^  peiro  ;  —  deretro,  darei  ;  —  peccatricem,  pe- 
cheirî,  et  les  nombreux  substantifs  en  aire  =  ator,  tels  que 
chantaire,  percurairCy  etc.  etc.*.  Dans  tous  les  cas,  cette  trans- 
formation —  médiate  ou  non  —  de  ^  en  i  (voyelle  ou  con- 
sonne) est  de  règle  devant  r  et  après  une  voyelle.  Son  main- 
tien à  l'état  ferme,  avec  ou  sans  affaiblissement,  comme  dans 
tounedre  ou  medre  (=  tonitru,  metere),  est  exceptionnelle  ^. 

E,  —  Le  t  intérieur  a  subi  accidentellement  quelques  autres 
mutations.  Je  ne  citerai  que  la  suivante,  où  il  devient  r  : 
putnai  (Raynouard),  purnai.  Cf.  le  latin  mendies  =  medidies  et 
la  forme  archaïque  pères  ==  pedes, 

m.—  r  final 

T  final  tombe  toujours  ;  dans  quelques  mots  cependant  il 
reparaît  en  liaison.  Ex.  :  pitit  einoucen,  vint  an,  huet  ourâ, 
net  e  jour,  tout  ei  fini,  disset-eû,  venguet-elo  ;  et  de  même  à  la 
troisième  personne  du  singulier  et  du  pluriel  à  tous  les  temps 
de  tous  les  verbes,  devant  les  pronoms  personnels.  Le  t,  dans 
tous  ces  cas,  se  lie  étroitement, comme  en  français,  à  la  voyelle 
initiale  du  mot  suivant. 


I.  -  />  initial 

D  initial  reste  d.  Exemple  :  dolere,  dàure;  —  dwmm,  dur  ; 
—  dextrale,  destral,  deitrau;  —  damnare,  dannâ  ;  —  dies  lunœ, 
dilû . 

*  Le  fait  est  certain  pourvetulus,  puisqu'on  trouve  vedus.  Je  ne  sais  si 
l'on  a  des  exemples  de  cr  pour  tr  entre  deux  voyelles  ;  mais  il  n'y  a  aucune 
témérité  à  admettre  que  t  soit  devenu  c  aussi  bien  devant  Tune  que  devant 
l'autre  des  deux  liquides . 

'  11  faut,  je  crois,  expliquer  de  môme  Vi  de  puei  «  pot*  =»  post  (pots). 

^  L'ancienne  langue  offre  pour  ces  deux  mots  les  formes  plus  régulières 
troneyre,  meire. 


aRAMMAmS   UMOUSU^K  65 


IL—  D  intérieur 


A.  —  Tandis  que  t  entre  deux  voyelles  ne  fait  que  s'affaiblir 
en  dy  d  en  la  même  position  tombe  le  plus  souvent.  Ex.: 
*fodire,  foueire ;  —  medulla,  meûlo;  —  sudare,  sud;  — 
média,  mieia,  mia  ;  — fidar^y  fia; —  bodina,  ifoueino  ;  —  podium, 
puei;  —  nodare,  noua.  Cette  chute  avait  déjà  eu  lieu  dans 
Tancienne  langue,  car  les  mots  où  nous  la  constatons  ont  gé- 
néralement deux  formes  dans  les  vieux  textes,  Tune  où  tf  a 
disparu,  l'autre  où  il  s'est  maintenu,  pur  ou  transformé  en  z. 

D  est  encore  tombé  quelquefois  par  exception  entre  n  et 
une  voyelle.  Ex.  :  prendere.,  prend  ;  —  respondere,  reipou- 
nei  ; —  emundare,  emowna  (bas  lim.).  —  Par  une  exceptions 
inverse,  d,  entre  deux  voyelles,  a  persisté  dans  quelques  mots 
tels  que  bladd  de  *bladum,  trido  (fr.  grive),  qu'on  dit  aussi 
trio.  Son  maintien  est  de  règle  entre  une  consonne  et  une 
voyelle  ou  entre  deux  consonnes.  Exemples  :  tardare,  tarda  ; 

—  secunda,  segoundo  ;  —  exscindere,  eicendre  ;  —  ordiri,  urdî  ; 

—  *tundire  (tundei^e),  tundî. 

B.  —  Entre  deux  voyelles  ou  entre  n  ou  r  et  une  voyelle,  d 
devenait  régulièrement  z  dans  plusieurs  dialectes  de  la  vieille 
langue.  Les  mots  où  cette  mutation  se  rencontre  sont  fort 
rares  chez  nous.  On  peut  citer  tarzd  et  lenze,  qui  se  disent  con- 
curremment avec  tardd  et  fenr/e(lat.  lendem).  De  même  guizaubo 
à  côté  de  vidaubo  (vitis  albaj.  Ajoutons  beneizî  (benedicere)  et 
la  plupart  des  formes  de  ordre  (credere)  et  de  veire  (viderej, 
dont  le  d,  vocalisé  à  l'infinitif,  reparaît  transformé  en  z  au 
présent  de  l'indicatif  et  aux  temps  qui  en  dérivent. 

C. —  Presque  toujours,  les  voyelles  que  le  d  séparait  se  sont 
unies  en  diphthongue  après  sa  chute.  Mais,  dans  plusieurs 
mots,  elles  sont  restées  distinctes.  Alors  l'aspiration  s'est  in- 
troduite entre  elles,  et,  ou  elle  est  restée  pure  (oubahî  = 
obedire;  trahi  =.*  tradiré),  ou  bien  elle  s'est  fortifiée  en  atti- 
rant à  elle  l'élément  labial  {b)  qu'elle  aime  à  s'adjoindre,  et 


6ô  DIALECTES   MODERNES 

un  V  {=  ^  -f"  ^)  ^^  ®st  résulté  ^  Exemples  :  *gaudire,  jôuvî;  — 
*  alaudetta,  lôuveto.  Cette  substitution  du  v  au  d,  en  de  pareils 
mots,  est  fort  ancienne.  Elle  remonte  même,  selon  toute 
apparence,  au  premier  âge  de  la  langue,  cai*  on  la  constate 
dans  le  poème  de  Boëce  et  dans  d'autres  textes  qui  ne  sont 
guère  plus  récents  '.  Je  crois  qu'il  faut  la  considérer  comme 
un  indice,  ou  du  moins  comme  une  forte  présomption,  de  rori- 
gine  limousine  de  ces  textes. 

D.  —  D  intérieur  s'est  exceptionnellement  renforcé  en  t 
dans  un  petit  nombre  de  mots.  Ex.  :  virida,  verto,  qu'on  dit 
aussi  et  mieux  verdo  ;  —  pr .  pedassar,  petassâ  ;  —  profunda, 
prigounto  ;  —  undCj  ounte. 

E.  —  îDe  même  que  le  t,  d  peut  aussi  passer  aux  guttu- 
rales. C'est  après  une  voyelle  et  devant  r  que  cela  lui  arrive. 
Ex.  :  cathedra,  chadiegro.  Il  s'arrête  au  g  dans  cet  exemple, 
peut-être  unique  '  ;  mais  en  règle  générale  il  va,  comme  le  t, 
jusqu'à  Vi,  Ex.  :  quadrare,  queird,  —  vider  e,  veire;  —  credere, 
creire;  —  sedere,  sieire  *. 

F.  —  Relevons  ici  quelques  autres  mutations ,  rares  ou 
uniques  :  1°  en  /;  cicada,  cigala,  cigalo.  C'est  par  un  pareil 
changement  qu'on  appelle  en  bas  limousin  pielali  ce  qu'on  dit 


>  C'est  de  la  même  manière  que  *  potere,  en  français,  a  donné 
pouvoir. 

2  Boëi^e,  V.  23,  auvent  [auiientes);  —  trad.  de  l'évangile  de  saint  Jean 
(frag  rent  publié  par  Hofmann  et  Fr.  Michel  et  reproduit  par  Bartsch, 
Chrestomathie,  col.  7  à  16),  auvida^  auvisz,  auvii,  auvirâ,  esjauviraz, 
jauvirâ,  esjauvirâ;  —  anciennes  poésies  religieuses,  pub.  par  Paul 
Meyer,  Confession,  v.  40,  hauvir  [audire).  —  D'autres  faits,  que  ce  n'est 
pas  ici  le  lieu  de  détailler,  se  joigaent  à  la  prés^ince  de  ces  formes  en  v 
(=  3  =3  d  )  pour  mi  déterminer  dans  1  attribution  que  je  crois  pouvoir 
faire  au  dialecte  limousin  des  textes  mentionnés  dans  la  présente  note. 
Je  reviendrai  d'ailleurs  sur  c}  sujet,  dans  un  travail  que  je  prépare  sur  le 
poëme  de  Boëce. 

3  On  dit  aussi  chieiro,  où  le  d  de  cathedra,  selon  la  règle  générale,  s'est 
complètement  vocalisé. 

4  Bas  lim.  -  Ce  mot  est  inusité  à  Nontron,  où  l'on  dit  seulement  sietà. 


GRAMMAIRE    LIMOUSIN^  67 

à  Nontron  peladî  (pelure,  spécialement  de  châtaigne)  ; — 2»  en 
fi^  ;  incudem,  enclun/ie.  La  mutation  normale  serait  en  n  pur. 
Cf.  fr.  ornière  =ordière  ;  — 3**  en  w  ;  vado,  vau.  Cf.  pr.  raure  à 
côté  de  raire,  dérivés  l'un  et  l'autre  de  radere.  On  voit  par  là 
que  le  d,  de  même  que  les  gutturales,  peut  se  vocaliser  égale- 
ment en  u  et  en  i.  Rappelons  que  cette  mutation  de  d  en  w 
est,  comme  aussi  celle  de  t,  très-fréquente  en  catalan  ;  c'est 
un  des  caractères  distinctifs  de  ce  bel  idiome. 

Rebiarque.— Le  t  et  le  d,  intérieurs  ou  en  initiale,  quand  ils 
sont  suivis  d'un  t  ou  d'un  u,  aiment  à  se  doubler,  dans  le  par- 
ler du  bas  Limousin,  spécialement  de  Tulle,  d'un  i  consonne, 
qui  parfois  reste  tel,  mais  qui  le  plus  souvent  se  condense  en 
chj  ;,  5  ou  jz  *.  Ex.  :  tyu,  tchu,  tsit=tu  :  —  partyij  par(si=par' 
tir;  —  tckialOy  tsialo  =  teia ;  —  poudzio  =poifdio  {*potebat);  — 
redzu  =  rendu  (redditum)  ;  —  modzur  ==  maturus  ;  —  coumedjio 
=  comœdia  ;  —  estyudio  =  studia  ;  —  estchimo  =  fr.  estime. 


L  -  5  initial 

S  initial  reste  s.  Exceptionnellement,  il  est  passé  à  l'explo- 
sive correspondante  de  sa  famille  dans  terigô  =  serigot  de 
Tancienne  langue,  qui  se  rattache  à  se^nm. 

IL  —  5  intérieur 
A. —  Entre  deux  voyelles,  s  a  pris  comme  en  français  le  son 

'  Ces  sortes  de  prononciation  sont  inconnues  à  Nontron,  où  l'on  articule 
le  t  et  le  d,  devant  \i  comme  devant  l'u,  avec  une  parfaite  netteté.  Mais  un 
peu  pins  haut,  vers  Piégut,  on  insère  quelquefois  i't  consonne  devant  u, 
disant  par  exemple  tyaà^^îv.  tuer.  Le  t,  dans  celle  combinaison,  a  déjà 
cump.étement  perdu  sa  qualité  de  consonne  explosive,  '  t  l'on  s'explique 
tré'  bien,  quand  on  i'onttind  prononcer  dans  de  pireils  mots,  comment 
le  ti  des  syllabes  latines  tia,  tio,  tiu,  c.3rtainement  dur  à  l'origine,  a  pu 
«levenir,  selon  les  lieux,  dz,  tch,  ts  o\i  s.  —  Notons  ici  que,  comme  le 
ba^limousin,  la  langue  valaque  ou  roumaine  change  i  en  ts,  et  d  en  dx, 
(levant!. 


68  PIALECTES   MODËRlMJiS 

du  z.  Ex.:  mustea^  musico.  Précédé  d'une  consonne,  même 
lorsque  cette  consonne  s'est  vocalisée  ou  a  disparu  (  à  moins, 
dans  ce  dernier  cas,  que  ce  ne  fût  une  n  ),  il  a  gardé  le  son 
dur  qui  lui  est  propre.  Ex.:  coxa,  cueisso;  —  laxare,  leis$â; — 
capsa,  caisso; — versare,  versa. 

B.  —  Entre  une  voyelle  et  une  consonne,  s  disparaît  ordi- 
nairement; mais,  par  compensation,  la  voyelle  précédente 
s'allonge,  et,  si  c'est  un  e,  elle  devient  ee.  Ex.:  esme  {siibsi. 
verbal  d'esmar,  que  nous  n'avons  pkis),  eime  ;  •—  disjvngere, 
desjonher,  deijunhei^,  (Voir  ci-dessus,  chap.  III,  section  L,  E.)- 

A  Nontron,  cette  mutation  de  es  en  ei  souflEre  plus  d'excep- 
tions qu'à  Limoges.  Elle  a  rarement  lieu  devant  ^.  En  cette 
position,  Vs  persiste  ou  tombe  simplement,  ^ans  autre  compen- 
sation de  sa  chute  que  l'allongement  de  la  voyelle.  Ex.:  testa, 
têto;  restare,  resta,  — Si  la  consonne  que  précède  s  est  elle- 
même  une  autre  s,  elles  se  réunissent  en  une  seule,  et  les 
effets  ordinaires  de  la  chute  de  l's  ne  se  font  pas  sentir  sur  la 
voyelle  antécédente.  (Voir  ci-dessus,  chap.  \\^  Quantité ,)  — 
Dans  le  parler  de  Tulle,  l's  se  maintient  après  toutes  les 
voyelles  et  on  dit,  par  exemple,  testo,  pestre,  estre,  bastou, 
costo,  espino,  escoubo. 

Dans  les  mots  où,  chez  nous,  Vs  n'est  pas  tombée,  on  la 
change  fréquemment  en  r.  Cette  mutation  est  habituelle  dans 
les  campagnes  au  nord  de  Nontron  ^.  Elle  est  considérée 
comme  le  signe  d'un  parler  grossier.  Ainsi  on  dit  arpri  pour 
espri,  jurte  ^oviT  juste,  jurquo  ^oxxv  jusquo,  pourtumo(  zzzapos- 
thume)^  etc.  On  sait  que  ce  changement  de  5  en  r  est  un  des 
phénomènes  les  plus  caractéristiques  qui  se  soient  accomplis 
dans  le  passage  de  l'état  archaïque  du  latin  à  son  état  classi- 
que. L'5  avait  donc  une  tendance  naturelle  à  passer  à  l'r.  Rien 
d'étonnant  qu'elle  y  cède  encore  dans  quelques  dialectes. 

*  Le  préfixe  des  (==  lat.  dis)  a  subi  ce  cliangement  en  dei  môme  devant 
les  voyilUes.  Ex.:  deiossâ,  deiaprenei,  deiuflâ,  =3  fr.  désosser f  désap- 
prendre,  désenfler.  On  a  là  une  nouvelle  preuve  de  notre  goût  pour  l'hiatus. 

*  On  la  constate  quelquefois,  mais  fort  rarement,  dans  la  vieille  langue. 
Ex.:  turfar  et  tustar. 


aRAMMÂlH£2   LIMOUSINE  69 

C .  —  L's  géminée,  au  lieu  de  se  simplifier  seulement  dans  la 
prononciation,  a  quelquefois,  par  un  phénomène  inverse  de 
celui  qui  a  souvent  transformé  x  en  ss,  été  elle-même  trans- 
formée en  X  {es).  C'est  ce  qu'on  appelle  dissimilation.  Ce  n'est 
là,  du  reste,  qu'un  état  provisoire  et  passager,  que  l'on  ne 
constate  point  en  fait,  mais  que  l'on  est  forcé  d'admettre  pour 
expliquer  que  ss  ait  donné  se  {sg)  ou  is,  comme  cela  se  voit  dans 
quelques  mots.  Dans  le  premier  cas,  les  éléments  de  es  se  sont 
transposés  ;  dans  le  second,,  le  e  s'est  vocalisé,  comme  dans 
cuetsso  de  eoxa,  leissi  de  laxare,  Ex.:  possum  {'^ poxum),  pose 
ou  posg  (forme  périmée)  ;  —  possim  (*  poxim),  puesea,  pêehe 
^onr  puêehe;  —  *  bassare  Çbaxare),  beissâ.  Les  formes  espa- 
gnoles, telles  que  bajar  (ancienne  orthographe,  baxar)^  confir- 
ment l'explication  ici  proposée. 

Remarque. — A  Limoges,  s,  initial  ou  intérieur,  quelle  qu'en 
soit  la  provenance,  prend  le  son  de  eh  quand  il  précède  un  i  ou 
un  w,  suivi  d'une  autre  voyelle.  Dans  ce  cas,  Vi  ou  Vu  disparaît 
souvent.  Cette  mutation  n'est  pas  constante,  mais  elle  est  plus 
ordinaire  que  le  maintien  de  s  à  l'état  pur.  Ex .  :  poreiehio, 
fumichio,  ehiei,  ehau  plâ,  ehuâ,  ekour  =  pareissio,  fumissio, 
siei  {sic  est),  siùu  plâ  {sius  plas),  suâ,  suour,  comme  nous  pro- 
nonçons ces  mots  à  Nontron.  Je  ne  connais  chez  nous  d'exem- 

a 

pie  de  cette  mutation  que  uekiê  =  fr.  huissier. 

IIL  —  S  final 

Le  s  final  de  l'ancienne  langue,  soit  radical,  soit  flexion- 
nel,  est  toujours  tombé*,  entraînant  même  dans  sa  chute  les 
consonnes  (sauf  les  liquides  et  les  nasales)  qui  le  précédaient. 
La  chute  de  l's  est  sans  compensation  dans  ce  dernier  cas, 
c'est-à-dire  que  la  voyelle  précédant  es,  ts,  ps,  n'est  modifiée, 

*  Il  a  persisté  dans  deux  ou  trois  mots,  après  t.  Ex.  :  Ws  (  «  fr.  lisse 
adj  masculin)  ;  lis,  qui  se  dit  concurremment  avec  liri  {lilium);  anis,  qne 
l'on  prononce  plus  généralement  anir.  Cf.  ci-dessus  jurU,  rerlo  —  jusle^ 
reito. 


70  DIALBGTBS   MODERNES 

par  cette  cause,  ni  dans  son  essence  ni  dans  sa  quantité.  Il  n'j 
a  d'exception  que  pour  ïe  des  finales  verbales  en  ets,  qui  est 
quelquefois  devenu  ee*. 

Qand,  au  contraire,  le  8  final  suit  immédiatement  la  voyelle, 
celle-ci  devient  longue  et,  si  c'est  un  e,  se  diphthongue  en  ei. 
Ex:  homines,  homes,  ômei;  —  tenes,  tenei,  —  En  bas  limousin, 
j'entends  à  Tulle  et  aux  environs,  ïs  finale  tombe  comme  à 
Nontron  et  à  Limoges;  mais  c'est  sans  compensation  pour  la 
voyelle  précédente,  qui,  si  elle  est  un  e,  ne  devient  pas  ei. 


I.  —  Z  initial 

Z  latin  initial  est  devenu  /,  comme  en  français  :  zelosus,  gi- 
los,  jaloû.  Cette  consonne  ne  se  rencontre  guère  en  initiale, 
dans  notre  dialecte,  que  dans  quelques  mots  empruntés  au 
français,  tels  que  zéro,  Zou  (  =  zo),  où  elle  provient  d'un  c  la- 
tin [ecce  hoc),  est,  je  crois,  le  seul  mot  propre  à  la  langue  qui 
la  présente  en  cette  position. 

IL  —  Z  intérieur 

A.  —  Z  intérieur,  souvent  figuré  s,  provient  presque  tou- 
jours de  s,  de  c  ou  de  Centre  deux  voyelles.  Ex  :  causa,  chauso  ; 

—  placeat,  pldze;  —  pulicem,  pâze;  —  sationem,  sazou;  —  ra- 
tionem,  razou; — potionem,  poueizou.  Provenant  de  s,  il  s'est 
changé  en  j  dans  deux  ou  trois  mots,  où  cette  consonne  précé- 
dait un  i  suivi  lui-même  d'une  autre  voyelle,  et  où  cet  i  s'est 
transposé  pour  aller  diphthonguer  une  voyelle  antécédente. 
Ex.  :  mansionem,  maiso,meijou;  —  prensionem,  preiso,  preijou; 

—  *  cerasia,  serisia,  sireijo  ;  —  ecclesia,  eigllieijo.  En  dehors  de 
ces  cas,  c'est-à-dire  quand  z  ne  provient  pas  d'un  s  et  qu'il 

*  Celte  faute,  rare  à  Nontron,  est  générale  à  Limoges.  (Voir  ci-dessus, 
chapit.  ill,  Ë.) 


ORAMMAIRE   LIMOUSINE  71 

n'y  a  pas  transposition  d'un  i  subséquent,  il  reste  z  à  Nontron. 
Mais  à  Limoges  la  mutation  de  z  en  /  a  lieu,  quelle  que  soit 
l'origine  de  cette  consonne,  comme  la  mutation  correspondante 
de  s  en  ch,  toutes  les  fois  qu'un  i  précédant  lui-même  une 
autre  voyelle  vient  à  suivre,  que  cet  i  persiste,  tombe,  ou  se  dé- 
place. Ex.  :  Nont.  :  disio,  fasio,  risio,  cresian,  Lim.  :  dijo,  fajio, 
rijio  crejan  ou  crejian. 

B.  —  On  a  vu  plus  haut  que  le  d  devenait  régulièrement 
2  dans  plusieurs  dialectes  de  la  vieille  langue,  et  que  le  nôtre 
présente  même  quelques  traces  de  ce  phénomène.  La  muta- 
tion inverse  s'y  remarque  aussi,  mais  non  moins  rarement.  On 
la  constate  dans  rounde  =  rounze  (de  rumicem),  qui  du  reste  se 
dit  aussi  et  même  de  préférence,  du  moins  à  Nontron*. 

m.  —  z  final 

Z  final  a  persisté,  mais  seulement  quand  une  voyelle  suit, 
dans  le  nom  de  nombre  diez  =  pr.  deiz  =  decem.  Il  se  lie 
alors  à  la  voyelle  suivante.  Ex.  :  diez  an,  diez  ourà,  diez-ue^ 
prononcez  :  dié-zan,  dié-zourà,  dié'Zue. 

Remarque.  —  Le  «  et  Je  z  de  toute  origine,  en  initiale  ou 
dans  le  corps  des  mots,  prennent  souvent  en  bas  limousin 
le  son  du  ch  et  du/  français.  C'est  là  un  effet  du  voisinage  de 
l'Auvergne,  où  les  articulations  chuintantes  sont,  comme  on 
sait,  l'objet  d'une  prédilection  marquée.  Ex.  :  chin,  houchi,  cai- 
cho,  ujurié^  plajer,  rajou  *  =  cin,  bouci,  caisso,  uzuriê,  plazei,  ra- 
zou,  comme  on  prononce  ces  mots  à  Nontron  et  à  Limoges. 

'  En  haut  limousin,  on  préfère  en  général  le  d  au  z  en  de  pareils  mots. 
Ainsi  OQ  y  dit  sendilho  eijandi  pour  senzUho  et  janzi,  qui  sont  les  formes 
oonironnaises  de  ces  deux  mots,  dont  le  premier  désigne  la  mésange,  et 
dont  le  second,  intraduisible  on  français,  exprime  l'agacement  produit  sur 
les  dents  par  des  fru.ts  verts,  le  bruit  d'une  scie,  etc. 

'  Prononcez  à  la  française,  et  non  pas  tz,  dz,  comme  il  faut  le  faire, 
en  bas  limousin  de  môme  qu*à  Nontron,  dans  les  mots  tels  que  chabi, 
meijou,  où  les  articulations  c/i,  ;,  sont  communes  à  tout  le  dialecte. 


72  DIALBCTBS  MODERNES 


TROISIÈME  SECTION.  —  Labiales 


l.  —  P  initial 

P  initial  reste  p.  Dans  deux  ou  trois  mots  il  s'est  affaibli, 
par  exception,  en  b.  Mais  cet  affaiblissement  n'est  pas  propre 
au  dialecte  limousin;  il  est  commun  à  tous  les  dialectes  d'oc 
comme  à  la  langue  d'oil,  et  il  doit  remonter  au  latin  vul- 
gaire, car  on  le  retrouve  dans  d'autres  langues  romanes.  Ex.  : 
brunhou  de  prunus  *  ;  —  brulâ  (pr.  brmlar)  =  *peru8tulare  *  ; 
—  boueitio  (pr.  bostia)  =  pyxida  ^ . 

II.  —  P  intérieur 

A.  —  Il  s'affaiblit  en  ô,  selon  la  règle  générale,  entre  deux 
voyelles  ou  entre  une  voyelle  et  une  liquide.  Ex.:  tepida,  tê- 
Mo;  —  nepotem,  nebou;  —  lupa,  loubo ;  —  ripa,  ribo;  —  cœpa, 
sâbo;  —  sepelire,  sebelî;  —  super,  subre;  —  separare,  sebrâ 
(dans  eissebrâ)  ;  —  pauper,  paubre.  Cet  affaiblissement  du  p 
intérieur  en  b  eut  lieu,  comme  on  sait,  en  langue  d'oc  dès  les 
premiers  temps,  et  il  doit  être  commun  à  tous  les  dialectes. 

B.  —  Lorsqu'une  consonne  le  précède,  que  cette  consonne 
tombé  ou  demeure,  p  reste  p.  Ex.  :  exemplum,  eisampk;  — 
templum,  temple; — carpinum,  chaupre;  ~*mesp(i)las,  menêplâ; 
— stuppa^  eitoupo; — cappa^  cdpo  ; — trippen,  trepâ.  P  reste  aussi 
assez  souvent  sans  s'affaiblir  dans  l'un  ou  l'autre  des  deux  cas 
indiqués  tout  à  l'heure;  mais  c'est  seulement  dans  les  compo- 
sés ou  dans  les  mots  d'origine  savante,  tels  que  répara,  pre- 
parj^  etc. 

»  Pranç.  brugnon,  ital.  brugna,  port,  brunho. 
Mtal.  briistolare,  î?.  brûler. 
^  Fr.  boUe. 


GRAMMAIRE    LIMOUSINE  73 

C.  —  Devant  les  consonnes,  et  lorsqu'il  suit  immédiate- 
ment une  voyelle,  p  se  vocalise  quelquefois  en  u,  comme  nous 
verrons  que  b  le  fait  souvent,  subissant  ainsi  du  même  coup 
un  triple  affaiblissement  (ô—v — w).  Ex.:  maie  aptus,  malaude*; 
—  pipilare,  piular,  piôulâ.  Mais  ordinairement  il  disparaît  en- 
tièrement, à  moins  que  la  consonne  suivante  ne  soit  /  ou  i\ 
auquel  cas,  comme  on  vient  de  le  voir,  la  règle  est  qu'il  se 
change  en  6. 

D.  —  Changeant  de  famille  dans  le  même  degré  et  la  même 
classe,  p  deviendrait  ^  ou  <?.  Je  ne  connais  pas  d'exemple  en 
limousin  de  la  première  de  ces  mutations,  fort  rare  d'ailleurs 
en  toute  langue  *.  La  seconde  a  dû  avoir  lieu  dans  quelques 
mots  où  p  précédait  une  liquide  ou  une  dentale  (/,  r,  t  ou  5), 
mais  déjà  probablement  dans  le  latin  même. 

Dans  tous  les  cas,  ce  c  en  lequel  j'admets  que  ;?  a  dû  se 
changer  a  subi  aussitôt  les  mêmes  mutations  que  le  c  origi- 
naire en  pareille  position,  c'est-à-dire  qu'il  est  devenu  y,  ch 
ou  î  selon  les  cas.  Ce  changement  préalable  de  ;?  en  c  me  pa- 
rait seul  pouvoir  expliquer  les  formes  suivantes  :  eitoulho  = 
^stupula  *,  eicricho  =  scripta,  cheitivo  =  captiva,  caisse  =  capsa  : 
ajoutons  coire  =  cuprum,  maintenu  en  bas-limousin  (couire), 
mais  dont  on  ne  connaît  plus  à  Nontron  que  la  forme  fran- 
çaise • 


I.  —  i?  initial 

En  cette  position,  B  ne  subit  aucun  changement:  hellwn, 
beù;  —  bladum^  bla, 

*  Dans  la  vieille  langue»  malaut.  Cf.  azaut(^adaptus)  que  nous  n'avons 
plus. 

'  On  la  constate,  en  latin,  dans  studere  »•  <rnsùâetv, 

»  Cf.  fr.  écueil,  it.  scoglio  de  scopulum.  —  Rappelons  ici  que  la  muta- 
tion de  p  en  c  devant  l  est  habituelle  dans  plusieurs  dialectes  italiens,  le 
sicilien  par  exemple,  où  pi  devient  constamment  chi.  Ex  :  chiù,  chiumaf 
eihiana  -«  pm,  piuma,  pi4ina. 


74  DIALECTES   MODERNES 

IL  —  B  intérieur 

A. —  jff  intérieur  reste  b  entre  une  consonne  et  une  vojelle, 
ainsi  qu'entre  deux  liquides.  Ex.:  cannabis,  charbe;—  iurbare, 
tourbâ  ;  —  arbor,  aubre .  Il  s'est  exceptionnellement  renforcé 
en  p  dans  charpai,  dérivé  de  charbe. 

B.  —  Entre  deux  voyelles,  B  devient  v.  Ex.  :  faba,  fâvo;  — 
subinde,  souven;  —  debere,  devei; —  habere,  avei;  —  cribellum, 
cruveû.  Les  mots  tels  que  labour ,  laboura ,  où  il  n'a  pas  subi  de 
changement,  sont  des  mots  savants.  Sa  chute  est  exception- 
nelle. On  la  remarque  dans  couâ  =  cubare  *. 

C. —  Après  une  vojelle,  b,  devenu  final  ou  précédant  une 
liquide,  se  vocalise  en  u.  Ex.:  libra,  liura,  leûro ;  —  bibere, 
beûre;  —  ebrium,  yeûre;  —  tab{u)la,  taulo;  —  febrem,  feûre;  — 
flehilem,  freûle;  —  fabrum,  faure;  —  trabem,  trau; —  sébum, 
seû.  —  Il  est,  par  exception ,  resté  b  devant  les  liquides  dans 
un  petit  nombre  de  mots,  tels  que  eitable  =  stabulum,  diable 
=  diabolum,  litre  =  librum. 

D. —  La  mutation  de  ^  en  w  ne  se  remarque  pas  à  Nontron. 
On  la  constate  en  haut  Limousin,  dans  gomd  =  iv.  gober,  et,  en 
beaucoup  d'endroits,  dans  samadi  =  sabbatidies,  forme  qu'on  a 
peut-être  empruntée  au  français.  A  Nontron,  on  dit  dissâde 
(=  pr.  dissapte). 

E.  —  Changeant  de  famille  dans  la  même  classe  et  le  même 
degré,  b  deviendrait ^  ou rf.  Notre  dialecte  n'offre  pas,  je  crois, 
d'exemple  de  la  première  de  ces  mutations.  La  seconde  se 
remarque  dans  tudeû  =  *tubellum  (fr.  tuyau)  et  dans  de  que  l'on 
dit  souvent  pour  be  (bene),  lorsque  cet  adverbe  commence  la 
phrase.  Ex.  :  De  sountîgentei!  D'ei-Uelo  bravo I  c'est-à-dire  Bien 
sont-ils  gentils!  Bien  est-elle  belle/  Be,  du  reste,  s'emploie,  en 
pareil  cas,  non  moins  fréquemment. 

i  Cette  chute  était  moins  rare  dans  la  langue  classique.  On  y  ^trouve, 
outre  coar,  proar  (probare).  laor  (lahorem)  et  leurs  dérivés,  etc. 


GRAMMAIRE  LIMOUSINE  75 


I.  —  F  initial 

F  initial  reste  f.  Ex  :  feminay  fenno;  — flamma,  flimo;  — 
fica,  fijo;  —  *  fenuculum,  fenolh,  fanouei, 

II.  —  F  intérieur 

n  reste  f  lorsqu'il  suit  ou  précède  une  consonne.  Ex.; 
offictnum,  ofice;  -  cal[e)facere,  chôufâ;  -^  inflare,  ûfli;  — confi- 
cere,  coufî.  Entre  deux  voyelles,  il  disparaît  (  sauf  dans  les 
composés, tels  que  defôro  =  déferas)^  soit  entièrement  comme 
dans  ^ai  (bifacem),  soit  en  laissant  après  lui  l'aspiration*, 
comme  dans  prehon,  de  l'ancienne  langue,  devenu  chez  nous 
prigoun  par  le  durcissement  de  l'A. 

Lorsqu'il  provient  de  ph,  f  intérieur  ne  se  réduit  jamais  à 
h,  n  reste  /*.  Ex.:  raphanum,  râfe;  — Stephanum,  Eitêfe ;  — 
orphanum,  orfe  ;  —  cophinum^  côfre. 


I.  —  V  initial 

A.  —  V  initial  reste  ordinairement  v,  Ex.:  vicem^  vé;  — 
vinum,  vi;  —  ventre,  venî;  —  vacca,  vdcho.  Mais  fréquemment 
aussi  il  se  renforce  en  b.  Ex.:  vervecem^  berbi ; —  viduare, 
houeidâ  (pr.  voidar)  et  boujâ (pr.  voiar)  ;  —  veruculum,  barouei. 

*  On  sait  que  ly  n'était  en  latin  qu'une  forme,  plus  rude  que  1'^,  de 
l'aspiration*.  Aussi  s'est-elle  souvent  réduite,  môme  dans  le  latin  clas- 
fique,  à  cette  dernière.  Parmi  les  idiomes  néo-latins,  deux  dialectes  de  la 
langue  d'oc,  le  béarnais  et  le  gascon,  ont,  avec  le  castillan  de  l'autre  côté 
des  Pyrénées,  développé  dans  leur  sein  cette  tendance  phonique,  et,  géné- 
ralisant un  phénomène  qui  était  resté  accidentel  en  latin,  en  ont  fait  un  de 
leors  caractères  les  plus  distinctifs. 

*  y.  Baadry,  Gh-amm.  eomp.,  p.  124. 


76  DIALECTES  MODERNES 

B.  —  On  sait  que  le  v  n'avait  pas  en  latin  le  son  net  et 
franchement  consonnant  que  nous  lui  donnons.  C'était  une 
semi-vojelle,  qui  devait  différer  fort  peu  du  w  anglais.  Les 
Latins  aimaient  à  associer  cette  semi-vojelle  aux  gutturales 
dures  q  et  g.  Q  ne  se  présente  jamais  sans  elle,  et  g  en  est 
très-fréquemment  accompagné.  Tout  porte  à  croire  que  la 
langue  populaire  avait  multiplié  ces  associations  et  que,  par 
suite,  de  même  que  g  attirait  v,  v  k  son  tour  attira  g.  Cela 
eut  lieu  surtout,  paraît-il,  dans  les  Gaules,  et  Ton  a  des 
raisons  pour  attribuer  ce  phénomène  à  une  influence  cel- 
tique. Quoi  qu'il  en  soit,  en  langue  d'oc  comme  en  langue 
d'oïl,  le  V  initial  s'est  très- souvent  associé  la  gutturale  so- 
nore g,  qui  a  toujours  fini  par  l'éliminer.  Le  w  initial  germa- 
nique, à  la  suite  du  même  renforcement,  a  subi  le  même  sort. 
Ex.:  vadum,  g  a  (fr.  gué)-^  —  vasconem,  gascon;  —  WUhelm^ 
Guilhaume  ;  —  werra,  guêro . 

IL  —  F  intérieur 

A. —  Entre  deux  voyelles,  il  reste  v.  Ex.:  viva,  vivo; — cap- 
tiva, cheitivo;  —  cavare,  chavâ.  Il  tombe  dans  quelques  mots, 
tels  que  bouyê  =  bovarium,  viando  ==  vivanda,  peu  =pavorem; 
mais  ce  dernier  phénomène  est  plus  rare  en  limousin  que 
dans  la  langue  classique. 

B. — Entre  une  consonne  et  une  voyelle,  il  se  renforce  en  b  *. 
Ex.:  curvare,  courba;  —  vervecem,  berbi ;  —  f orviar  {pr.)^ 
fourbid.  La  même  mutation  a  eu  lieu  exceptionnellement  en- 
tre deux  voyelles  dans  gâbio  =  cavea,  où,  pour  compenser 
sans  doute  ce  renforcement  anomal  de  la  consonne  intérieure, 
la  consonne  initiale  s'est  affaiblie.  Il  est  passé  à  Vm  dans 
saumo,  que  l'on  dit  pour  sauvo  [salva]  ;  dans  la  locution  sùwno 
ta  fenno  (sauf  ta  femme),  que  l'on  ne  manque  pas  d'ajouter 
comme  correctif  lorsqu'on  traite  quelqu'un  de  sot  *. 

^  Le  renforcement  est  allé,  comme  en  français,  jusqu'au p  dans  peptdo 

^  Quelques-uns  disent  de  même,  on  initiale  :  Uau  m*en  anâ,  pour  Vau 
m'en  and  (fr.  Je  vais  m'en  aUer). 


GRAMMAIRE   LÎMQUSINB  77 

C.  —  Le  renforcement  de  v  en  gu  n'a  lieu  en  français  qu'en 
initiale.  En  langue  d'pc  et  aussi  dans  un  dialecte  limitrophe 
de  la  langue  d'oïl,  le  poitevin,  ce  phénomène  se  produit  par-  ^ 
fois  également  à  l'intérieur  des  mots,  mais  seulement  devant 
i  et  e.  C'est  ainsi  qu'un  g  y  a  été  attiré  devant  le  v  ou  de- 
vant l'w,  préalablement  semi-consonnitié,  des  flexions  en  vi  ou 
en  ui  du  parfait  latin,  pour  produire  des  formes  telles  que 
tengui,  tengueren  =  fenui,  tenuerunt.  On  verra,  au  chapitre  de 
la  Conjugaison,  que  cette  flexion  giti  s'est  substituée  beau- 
coup plus  généralement  à  Yui  qu'au  vi  classique,  et  qu'on 
l'a  propagée  dans  plusieurs  dialectes,  d'après  quelque  fausse 
analogie,  à  beaucoup  de  verbes  qui  n'avaient  aucun  droit  à 
la  recevoir. 

D. —  Après  une  voyelle,  v  se  vocalise  si  une  consonne  vient 
à  suivre  ou  s'il  est  devenu  final.  Ex.:  *  levjtim  {levium)^  leuje; 
^  viv{€)re,  mure,  veûre  ;  —  clavem,  clhau  ;  —  *av(i)c€llum, 
âuzeû  ;  —  levé,  leû  (dans  beleû);  ^  suave,  souau  ;  — ovum,  y  ou; 
—  vivum,  viuy  veû  ou  vî. 


L'aspiration  existe  virtuellement  devant  toute  voyelle  ini- 
tiale, à  peine  appréciable  devant  a  *,  déjà  plus  perceptible  de- 
vant e,  i  et  0,  toujours  très-sensible  devant  u  et  ow*.  Elle  se 
fait  aussi  toujours  plus  ou  moins  sentir  dans  tous  les  hiatus, 
parce  qu'on  ne  peut  prononcer  deux  voyelles  consécutives  qui 
ne  font  pas  diphthongue  sans  reprendre  haleine.  L'aspiration 
peut  rester  indépendante,  et  c'est  ce  qui  arrive  le  plus  souvent, 
surtout  en  initiale  ;  mais  souvent  aussi  elle  s'associe  avec  l'ar- 
ticulation produite  par  les  lèvres  au  moment  où  elles  lui  li- 

'  J*ai  expliqué  ci -dessus  (tome  III,  page  370)  pourquoi  j*ai  cru  devoir 
De  traiter  de  Vh  qu'après  les  labiales. 

«  C'est  pour  cela  que  l'a  initial  tombe  presque  toujours  (V.  chap.  4*, 
UI,  4  ).  tandis  que  les  autres  voyelles,  mieux  défondues  par  l'asph^allon, 
échappent  à  Taphérèse. 

*  On  sait  qu'en  grec  Tu  reçoit  toujours  l'esprit  rude. 


78  DIALECTES   MODERNES 

vrent  passage,  je  veux  dire  avec  b,  et  un  v  en  résulte.  Ce  v 
représentant  h,  et  qui  est  identique  au  digamma  éolique,  est 
très-fréquemment  émis,  sans  qu'on  y  prenne  garde,  même  en 
français,  par  exemple  dans  oui,  prononcé  souvent  voui  par 
bien  du  monde.  Chez  nous  il  est  très-commun,  mais  en  ini- 
tiale, plus  rare  à  Nontron  même  que  dans  les  campagnes  voi- 
sines. Au  reste,  comme  on  doit  s'y  attendre,  c'est  à  peu  près 
exclusivement  kou  Qiku  (surtout,  dans  ce  dernier  cas,  à  u  en- 
gagé dans  la  triphthongue  tiei)  qu'il  s'associe.  Quand  il  est 
attiré  devant  d'autres  voyelles,  il  ne  l'est,  sauf  devant  Vo  dans 
un  ou  deux  cas  (ex.  :  L'ei  vôro  =  Illa  est  horrida)^  que  grâce  à 
l'influence  d'un  ou  précédent.  Ex.  :  N'ai  vounze  (J'en  ai  onze). 
N'ai  vounto  (J'en  ai  honte].  Ou  vei  (FI  est),  louvidor  (louis  d*or), 
lôuveto,  lôuvdy  ôuvî,  (alouette,  louer,  ouïr  *),  loû  va  (les  os),  moù 
vuei  (mes  yeux),  vuei  (hodie) . 

L'aspiration  qui  existe  virtuellement  aussi  en  association 
avec  r  et  que  les  Grecs,  si  exacts  observateurs  de  ces  délicats 
phénomènes,  n'avaient  pas  manqué  de  noter,  a  pris  dans  deux 
mots  de  notre  langue,  dont  le  second  seul  vit  encore  en  limou- 
sin, une  forme  plus  concrète.  Mais  le  v  en  lequel  elle  a  dû  se 
changer  a  passé  immédiatement  à  l'explosive  correspondante 
(ô),  le  groupe  vr  en  initiale  n'étant  pas  souffert.  Ces  deux  mots 
sont  brugir  =  rugire,  brude  =  rudem.  Cf.,  en  grec,  Ppôâov  =z 

/îô^ov,  jSpt'ïa  =: |3tÇa,  etc.*. 

If,  au  lieu  de  se  changer  en  v  ou  en  sa  suppléante  b,  a,  dans 
deux  ou  trois  mots,  permuté  avec  g  :  haguî  =  fr.  haïr;  — pn- 
goun  =  prehon  =  profundum  ;  —  granoulho.=  *  ranucula . 

On  sait  que  le  s  latin  correspond,  en  grec,  dans  beaucoup 
de  mots,  à  un  esprit  rude,  c'est  dire  k  h,  Ov  h  =  v  onle  di- 
gamma. H  y  a  donc  affinité  entre  v  et  5,  et  ces  consonnes  peu- 

*  Sur  ces  mots,  voir  ci-dessus,  section  u,  Dentales,  D  intérieur 
2  Par  exception,  1;=»^  s'est  durci  encore  en  b  devant  une  voyelle  dans 
olôuheto,  du  bas-limousia  =^l6uveto  de  Nontron,  et  dans  boueivé,  comme 
on  prononce  à  Limoges  notre  interjection  voueivé  (  =«  pr.  ci  veez,  fr.  oh  I 
voyez!).  Dans  le  prov.  mod.  mounte,  c'est  en  m  que  s*est  changé  le  t; 
virtuel  de  ounte  (  «==  unde). 


GRAMMAIRE   LIMOUSINE  79 

vent  permuter  ensemble,  comme  nous  avons  vu  que  le  font 
accidentellement  les  explosives  correspondantes  b  et  d.  C'est 
ainsi  que  Wenceslav  est  devenu  Venceslas,  que  Law  se  pro- 
nonce Las.  C'est  peut-être  ainsi  également  que  plusieurs  par- 
faits latins  en  vi  ou  ui  ont  dû  prendre  dans  le  latin  vulgaire  la 
forme  en  si,  que  suppose  celle  qu'ils  ont  eue  ou  qu'ils  ont 
encore  dans  plusieurs  langues  romanes*.  Cette  forme  en  s 
était  fort  rare  dans  la  vieille  langue  d'oc  ;  je  ne  sais  si  l'on  en 
trouve  actuellement  des  traces  dans  quelque  dialecte,  mais  il 
n'j  en  a  pas  en  limousin. 

La  mutation  inverse,  c'est-à-dire  celle  de  s,  non  point  en 
V  mais  en  sa  suppléante  h,  est  très-fréquente,  entre  deux 
voyelles,  dans  le  catalan,  idiome  très-voisin  de  la  langue  d'oc. 
Ex.  :  plaher  =plaser;  maho  =  maiso  ;  raho  =  raso.  Je  n'en 
connais  pas  d'exemple  chez  nous. 

Remarque.  —  L'A  joue  un  grand  rôle  dans  l'ancienne  or- 
thographe de  la  langue  d'oc.  Cette  lettre  ayant  été  adoptée 
pour  figurer  le  son  de  Vi  consonne  associé  à  /  et  an  (Ih,  nh 
=  it/,  ny),  elle  a  été  par  suite  assez  fréquemment  employée 
pour  représenter  l'i  consonne,  et  même  l'2  voyelle,  dans  leurs 
assocîiations  avec  d'autres  lettres,  consonnes  ou  voyelles*.  De 
là  des  orthographes  telles  que  les  suivantes,  que  j'extrais  du 
dictionnaire  de  rimes  du  Donat  provençal ,  où  l'A  =  i  est 
même  souvent  séparé  par  une  consonne  de  la  voyelle  avec  la- 
quelle il  doit  s'unir  en  diphthongue  ^  :  esglahz  =  esglais,  rathz 
^=rais  [radius),  lethz=  leis  {lex),  lethz  =leitz  [lectus),  pethz  = 
lïeitz  (  pectus  et  pejus  ),  vohtz  =  voitz  (  viduus  ),  poktz  =  pois, 

puetz  (podium).  Camille  Chabaneau. 

(A  suivre.) 

*  Ex.:  V.  fr.  sds,  vols  «  solvi,  volui;  ital.  valsi  =  vcUui. 

*  Cf.  ancien  portugais  mha  =*  mia. 

»  Il  pourrait  se  faire  pourtant  quo  Vh,  dans  les  formes  telles  que  rathz, 
peOiz,  dithz,  aflfoclât,  en  elfet,  le  t  et  non  la  voyelle  antécédente  Ces 
orthographes  représenteraient  alors  une  prononciation  où,  la  voyelle  res- 
tant pure  et  sèche,  c'était  le  t  qui  était  mouillé.  Dithz,  par  exemple,  dans 
cette  hypothèse,  figurerait  une  forme  intermédiaire,  que  nous  devons 
d'ailleurs  logiquement  supposer,  entre  dictus  et  dich.  (Voir,  ci-dessus. 


LA  PERLO 


A  ta  fresco  e  poulido  auriho, 
Pastado  de  roso  e  de  blanc, 
Pèr  pendent  uno  perlo  briho 
Coume  un  plour  d'aubo  tremoulant. 

A  soun  entour  se  recouquiho 
Toun  peu  d'or  en  anèu  galant; 
Me  sèmblo  vèire  uno  couquiho 
Ounte  la  mar  a  mes  plan-plan 

Sa  perlo  fino  la  plus  raro. 
Laisso-me  clinà  sus  ta  caro  I 
Dins  11  couquihage,  d'abord 

Que  l'on  entend  ço  que  dis  l'oundo, 
Vole,  iéu,  0  divino  bloundo, 
Escouta  ço  que  dis  toun  cor  I 

Teodor  AuBANEL 


Avignoun. 


Traduction 

LA  PERLE 

A  ta  jolie  et  fraîche  oreille,  —  pétrie  de  rose  et  de  blanc, —  pour 
pendants  brille  une  perle,  —  comme  un  pleur  d'aube  qui  tremble. 

Autour  d'elle  se  retroussent  —  tes  cheveux  d'or  en  boucles  char- 
mantes ;  —  il  me  semble  voir  une  coquille  —  où  la  mer  a  mis  dou- 
cement 

Sa  perle  fine  la  plus  rare.  —  Laisse-moi  me  pencher  sur  ton  vi- 
sage! —  Puisque  dans  les  coquillages 

On  entend  ce  que  dit  Ponde,  — moi,  je  veux,  ô  blonde  divine, — 

écouter  ce  que  dit  ton  cœur  ! 

Théodore  Aubanel. 


LA  BELLO  MAIO 


Lou  proumié  gour]|d6u{mes  de  mai, 

V'en|souvènt?  erias  pichouneto, 

E  vouesto  tèsto  bloundineto 

Espandissié  sel  proumié  rai. 

Veguéri,  contre  uûo  muraio, 

Rire  voueste  galoi  mourroun. 

Boutas,  me  n'en  souvèni  proun, 

Margai,  fasias  la  bello  Maio. 
Sias  maire  desempièi,  avès  bèn  de  marmaio  ; 
Pamens,  seres  toujours  per  iéu  la  bello  Maio. 


Traduction 


LA  BELLE  MAIE 

Le  premier  jour  du  mois  de  mai,  —  vous  en  souvient-il?  vous 
(lifz  toute  petite,  —  et  votre  tête  blonde  était  dans  son  premier 
rayonnement  !  —  je  vis,  près  d'un  mur,  —  rire  votre  joli  minois.  — 
Allez,  il  m'en  souvient  bien,  —  Margai,  vous  faisiez  la  belle  Maie. 

Vous  êtes  mère,  depuis,  et  vous  avez  pas  mal  d'enfants  ;  —  ce- 
pendant, vous  êtes  toujours  pour  moi  la  belle  Maie. 

*  On  célébrait  en  Provence,  il  y  a  une  vingtaine  d'années,  el  on  célèbre 
eocore  dans  certaines  localités,  la  fête  du  printemps  et  des  fleurs,  gra- 
cieuse réminiscence  du  pagr.nisme,  dont  les  mystères  et  les  pompes  frap  - 
paient  tellement  les  imaginations,  que  son  souvenir  ne  s'est  jamais  en- 
tièrement effacé  dans  les  esprits  méridionaux.  Une  jeune  fille,  vêtue  de 
blanc  et  couronnée  de  fleurs,  est  assise  sur  un  trône  orné  de  guirlandes 
fleuries,  auprès  duquel  est  un  autel  de  verdure,  où  se  trouve  un  plateau 
de  métal  ou  une  soucoupe  de  faïence.  C'est  la  Maioî  Un  essaim  de  fillettes, 
aussi  parées  de  robes  blanches,  forme  sa  cour,  et  demande,  en  riant  et  en 
chaptant,  aux  passants,  quelque  chose  pour  la  bello  Maio,  la  belle  de  Mai. 
Le  produit  de  la  collecte  est  destiné  à  une  œnvre  de  charité  ou  à  une  col- 
latioa. 


82  DIALECTES  IIOOERMBS 

Quand  vèn  lou  mes  ensouleia, 
Lei  ôheto  de  la  Prouvènco 
Fan  reviéadà  la  souvenenço 

De  la  divesso  Maia. 
Eiiié  lei  flous  deis  oortoolaîo 
Trenon  de  redoulènt  capèu, 
Ë  pièi  n'en  courounon  lei  peu 
De  la  plus  bello,  qu^es  la  Maio  ! 
Sias  maire,  etc. 

De  la  flouresoun  dôu  printèms 
£s  uno  fèsto  un  pau  pagano, 
Qu'emé  sel  plasènteis  engano 
Nous  remembre  leis  encian  tèms. 
Au  bord  dei  carriero  o  dei  draio, 
Lei  priéuresso  dôu  mes  de  mai, 
Pimparrado  em'un  pouli  biai. 
Nous  retraton  la  bello  Maio. 
Sias  maire,  etc. 

Avias  un  èr  foueço  agradièu, 
Su'un  sèti  de  moufo  quihado  •  •  • 


Quand  vient  le  mois  ensoleillé,  —  les  fillettes  de  la  Provence  — 
font  revivre  la  souvenance  —  de  la  déesse  Maia.  —  Avec  les  fleurs 
des  jardins  —  elles  tressent  d'odorants  chaperons,  —  dont  elles' 
couronnent  les  cheveux  —  de  la  plus  belle,  qui  est  la  Maie. 

Vous  êtes  mère,  etc. 

De  la  floraison  du  printemps  —  c'est  une  fête  un  peu  païenne,  — 
(lui  nous  rappelle  les  temps  anciens — par  ses  aimables  emblèmes; — 
et  au  bord  des  rues  et  des  chemins,  —  les  prieures  du  mois  de  mai, 
—  parées  avec  autant  d'élégance  que  de  goût,  —  représentent  la  di- 
vine Maie. 

Vous  êtes  mère,  etc. 

Vous  aviez   i'air  bien  séduisant,  —  assise  sur  votre  siège  de 


LA   BBLLO   MAIO  83 


Voueste  vistoun  de  côuquihado 
Trelusie  en  rescountrant  lou  miéu. 
E  subran  dintre  moun  nei  raio 
Uno  sutilo  languisoun . . . 
Moun  couer  ressent  de  fernisoun, 
En  vous  vesènt  faire  la  Maio. 
Sias  maire,  etc. 

Lou  front  cencha  de  frèsquei  flous, 
Dins  lei  pli  d'une  raubo  blanco 
Q'en  flot  de  nèu  toumbo  deis  anco, 
Avias  un  biai  dei  plus  courous . 
Entre  lei  courau,  lei  roucaio, 
Quand  s'aubourè  dôu  toumple  blur, 
Afrodito  èro  pas,  segur. 
Plus  belle  que  vous,  belle  Maio. 
Sias  maire,  etc. 

Subre  voueste  front  enflourà, 
Que  gàubi  tria  !  quinto  amistanço  I 
Emé  quinto  douço  agrandanço 
Voueste  front  me  semble  enaurà  I 


. .  —  Votre  petit  œil  vif  d'alouette  —  s'illumine  en  rencon- 
mien .  —  Et  soudain  dans  mon  œil  —  coule  une  subtile  lan- 

—  Mon  cœur  éprouve  des  frissons,  —  en  vous  voyant  faire 
Maie. 

i  êtes  mère,  etc. 

ont  ceint  de  fraîches  fleurs,  — dans  les  plis  d'une  robe  blan- 
[ui  tombe  des  hanches  à  flots  de  neige,  —  vous  aviez  un  as- 
en  attrayant.  —  Au  milieu  des  coraux  et  des  rocailles, 
que  émergea  du  gouffre  bleu  —  Aphrodite,  elle  n'était 
i&i  certain,  —  plus  belle  que  vous,  belle  Maie. 
{  êtes  mère,  etc. 

le  tournure  exquise,  quelle  aménité,  —  vous  aviez  sur  votre 


84  DIALECTES    MODERNES 

Ennevouli,  moun  uei  varaio, 
E  moun  couer  esmôugu  reçaup 
Un  estrambord  em'un  ressaut, 
En  saludant  la  jouino  Maio. 
Sias  maire,  etc. 

Pièi  vounvounejo,  àvoueste  entour, 

Tout  un  eissame  de  fiheto, 

Pmé  sei  fàci  risouleto 

Coumo  un  voù  de  pichouns  Amour. 

Vanego  Feissame  e  travaio, 

Courrènt,  cantante  cridant, 
A  toute!  lei  passant  demandant 
Quauquarèn  re  per  la  belle  Maio. 
Sias  maire,  etc. 

Galoio  me  pouayre  un  sictoun, 
Uno  bruneto  acoulourido. 
Li  dlsi  :  «  Es  pas  per  tu,  marrido, 
Que  bouti  la  man  au  boussoun.  » 
Dins  ma  pochi  ma  man  rabaio 
Douos  0  très  peceto  d'argent. 


front  tleuri!  —  Avec  quelle  grâce  votre  fro  it  semblait  transfiguré  I 
—   Mon  œil,  couvert  d'un  nuage,  se  trouble. . .  — Mon  cœur  ému 
éprouve  une  secousse  d*enthousiasme,  —  en  saluant  la  belle  Maie. 
Vous  êtes  mère,  etc. 

Puis,  bourdonnait  autour  de  vous  —  tout  un  essaim  de  fillettes 
aux  faces  rieuses,  — pareil  à  un  vol  de  petits  Amours. —  L'essaim 
voltige  et  s'empresse,  —  courant,  chantant,  criant,  —  et  demandant 
à  tous  les  passants  —  quelque  chose  pour  la  belle  Maie. 

Vous  êtes  mère,  etc. 

Une  brunette  au  teint  vermeil  me  présente  une  soucoupe.  —  Je 
lui  dis  :«  Ge  n'est  pas  pour  toi,  friponne,  que  je  mets  la  main  au  gous- 
set. »  —  Ma  main  cherche  dans  ma  poche  deux  ou  ou  trois  petites 


LA  BBLLO   MAIO  95 

£,  m'aprouchant  en  sourrisènt 
D6u  pichoun  sèti  de  la  Maio. .  • . 
Sias  maire,  etc.  « 

a  Divo,  plus  fresco  que  tei  flous, 
Mè  ta  caranchouno  agradivo, 
O  frisado  coumo  uno  andivo, 
Dins  lei  flot  d'or  de  tei  peu  rous, 
Diguèri,  moun  couer  vous  lei  baio 
Lei  peceto  au  risent  trelus. . .  )) 
En  m'ausènt  parla,  li  ves  plus, 
Tremouelo  la  crentousoMaio. 
Sias  maire,  etc. 

a  Fès  pioutà  voueste  parauli, 
Vouestei  bouco  me  fan  lingueto  ! 
Aqueu  pouli  parèu  d'agrueto, 
Me  labro  voudrien  lou  culi. 
Semoundrièu  bèn  mai  de  medaio, 
Se  voulias  semouDdre  un  poutoun.  * .  » 
Vièu  s'aprouchà  de  moun  mourroun 
Lei  doues  agrueto  de  la  Maio. 
Sias  maire,  etc. 


pièces  d'argent. —  Et,  m'approcbant  en  souriant  de  la  belle  Maie.. . 

Vous  êtes  mère,  etc. 

Divine,  plus  fraîche  que  tes  fleurs, —  avec  ton  petit  minois  sédui- 
sant, —  ô  frisée  comme  une  chicorée  endive,  —  dans  les  flots  de  tes 
cheveux,  —  dis-je,  mon  cœur  vous  les  donne,  les  petites  pièces 
au  liant  reûet.  »  —  Elle  n'y  voit  plus,  en  m'entendant  parler,  elle 
tremble,  la  timide  Maie. 

Vous  êtes  mère,  etc. 

«  Faites  gazouiller  votre  douce  parole. — Vos  lèvres  m'al|lèchent. — 
Ma  lèvre  voudrait  cueillir  ces  deux  jolies  petites  cerises.  —  J'offri- 
rais bien  plus  de  monnaie,  si  vous  vouliez  m'accorder  un  baiser.  » 
—  Et  je  vis  s'approcher  de  ma  bouche — les  deux  cerises  de  la  Maie . 

Vous  êtes  mère,  etc. 


86  DIALBCTBS    MODBRNES 

Pecaire  I  que  trefoulimen 
Dintre  moun  couer  que  n'es  plus  vege  I 
Aviè  douge  an,  la  Maio,  ièu  trege, 
Tout  bèn  coumta,  ni  mai  ni  mens  I 
Sèmblo  que  moun  amo  pantaio  ! 
RespiriTalen  melicous 
Deis  agrueto  e  dei  frago  en  flous 
Qu'embèimavon  emè  la  Maio. 
Sias  maire,  etc. 

Leis  èr  soun  plen  de  cant  d'aucèu. 
Crèsi  que  pousso  à  meis  espalo 
,  Coumo  un  parèu  de  blànqueis  alo, 
Per  m'envoulà  d'amount  au  cèu. 
Ma  labro  enfebrado  s'estraio, 
E,  tout  en  clavant  mei  vistoun, 
Empùri  un  sabourous  poutoun 
Ei  labro  que  m'apound  la  Maio , 
Sias  maire,  etc. 

De  joio  manqua  m'avani  ! . . 
Ello  tressano  e  devèn  blavo. 


Ah  I  quel  tressaillement  —  dans  mon  cœur  qui  n*était  plus  vide  1 
—  Elle  avait  douze  ans,  la  Maie,  et  moi  treize,  —  tout  bien  compté, 
ni  plus  ni  moins  I  —  Mon  âme  semble  dans  un  rêve.  —  Je  respire 
l'arôme  de  miel  —  des  cerises  et  des  fraises  épanouies  —  que 
fleure  la  Maie. 

Vous  êtes  mère,  etc. 

Les  airs  sont  pleins  de  chants  d'oiseaux.  — Je  crois  voir  pous- 
ser à  mes  épaules  —  des  ailes  blanches  —  pour  m'envoler  là-haut, 
au  ciel.  —  Ma  lèvre  enivrée  s'égare,  —  et,  tout  en  fermant  les 
yeux,  —  j'attise  un  savoureux  baiser  —  sur  les  lèvres  que  m'offre  la 
Maie. 

Vous  êtes  mère,  etc. 

Je  faillis  m' évanouir  de  joie.  -  -  Elle  tressaille  et  pâlit.  —  Pre- 


LABELLOMAIO  87 


Proumié  poutoun,  o  divo  cavo  I 
Jamai,  jamai,  déurriés  uni  ! 
Pièi,  tramoulant  coumo  uno  paio, 
Prèn  lei  peceto  emé  sa  man, 
La  Maio,  e  dis  :  a  Passas  deman, 
Se  voulès  mai  vèire  la  Maio .  » 
Sias  maire,  etc. 

L'endeman,  e  lou  subre  ende^lan 
lèu  toumamai  li  revenguèri. 
Pamens,  jamai  plus  reveguèri 
La  Maio  e  soun  mourroun  charmant. 
Desempièi  sèmpre  se  retraio 
Sa  caro  dins  moun  couer  plantièu. 
Quand  vèn  lou  printèms  o  Testièu, 
Subretout  pantaihi  la  Maio . 
Sias  maire,  etc. 

La  bello  Maio,  Tai  revisto, 
La  revièu  souvent  desempièi  ; 
Sa  gràci  esbrihaudo  ma  visto, 
E  soun  uei  fa  claure  moun  uei . 


mier  baiser,  6  douce  chose  I  vous  ne  devriez  jamais,  jamais  finir  1 
—  En  tremblant  comme  une  paille,  —  elle  prend  les  petites  pièces 
avec  sa  main,  —  la  Maie,  et  dit  :  «  Repassez  demain  —  si  vous 
voulez  voir  encore  la  Maie. 
Vous  êtes  mère,  etc. 

Le  lendemain  et  le  surlendemain, — je  vins  et  je  revins. — Mais  je 
ne  rencontrai  jamais  plus  —  la  Maie  au  visage  charmant.  —  De- 
puis, son  imago  se  reflète  sans  cesse  —  dans  mon  cœur  mélan- 
colique. —  Lorsque  revient  le  printemps  ou  Télé,  — je  rêve  sur- 
tout à  la  Maie. 

Vous  êtes  mère,  etc. 

Je  Tai  revue  et  la  revois  souvent, —  depuis  lors,  la  belle  Maie  ;  — 


88  DIALBCTB8  MODERNES 

Mai  ramistanco  de  sa  taiho, 
Qu'encenturavon  leis  Amour, 
S'es  envoulado  per  toujour, 
Car  s' es  maridado,  la  Maio. 
Sies  maire,  etc. 

M'è  vouesto  garbo  d'enfantoun, 
Maio,  aves  bèu  èstre  Madamo  : 
Sentrai  sèmpre,  au  found  de  moun  amo,  * 
Lou  coungoust  de  voueste  poutoun. 
E  s'un  cop  la  mouert  me  rabaio, 
Sèmpre,  après  coumo  avant  ma  mouert, 
Recatarai  dintre  moun  couer 
Lou  poutouo  de  la  bello  Maio  ! 
Emai  vous  foûssias  rèiro  au  su  blanc  que  trantaio, 
Pamens  sarias  toujour  pèr  ièu  la  bello  Maio. 

J.-B.  Gaut. 

Âix. 


sa  grâce  éblouit  ma  vue,  —  et  son  œil  fait  éclore  mon    œil.   — 
Mais  les  charmes  de  sa  taille,  —  dont  les  Amours  formaient  la 
ceinture,  —  se  sont  envolées  pour  jamais!  —  car  elle  s'est  mariée, 
la  Maie  ! 
Vous  êtes  mère,  etc. 

Avec  votre  gerbe  d'enfants, —  vous  avez  beau  être  Madame  :  — 
je  garderai  toujours  dans  mon  âme  —  la  saveur  de  votre  baiser.  — 
Et,  lorsque  la  mort  m'emportera, —  après,  comme  avant  la  mort, 
—  je  conserverai  au  fond  du  cœur  —  mon  amour  pour  la  belle 
Maie. 

Et  fussiez-vous  devenue  grand'mère,  à  la  tète  blanchie  et  bran- 
lante, —  vous  seriez  toujours  pour  moi  la  belle  Maie. 

J.-B.  Gaut. 


BIOGRAPHIE 


VINCENT    DE    B  AT  A ILLE-FURÉ 

POETE   BÉARNAIS 


Le  26  mai  dernier  est  mort  à  Pontacq,  dans  les  Basses- 
Pjrénées,  M.  Vincent  de  Bataille-Furé,  avocat,  auteur  de 
poésies  écrites  dans  le  dialecte  du  Béarn.  Personne  n'a  mieux 
connu  ce  dialecte  que  lui  et  ne  Ta  écrit  avec  plus  de  pureté. 
Il  avait  eu  quelques  succès  sux  Jeux  floraux  pour  des  poésies 
françaises;  mais  ces  succès  ne  Fempêchèrent  pas  de  faire  de 
la  langue  de  son  pajs  Tinterprète  ordinaire  de  ses  inspira- 
tions poétiques.  Cette  langue,  fille  du  latin  comme  les  autres 
idiomes  méridionaux,  n'est  inférieure  à  aucun  d'eux  sous  le 
rapport  de  la  douceur  et  de  l'harmonie .  La  première  de  ces 
qualités  résulte  surtout  de  l'emploi  fréquent  de  certaines 
diphthongues  euphoniques  et  de  la  vocalisation  des  lettres 
g  et  j  dans  un  grand  nombre  de  mots,  tels  que  berge,  bilatge, 
jura,  jutjà,  qui  deviennent,  en  béarnais,  heryè,  bilatge,  yurà^ 
yudyâ.  D'autre  part,  l'accent  tonique,  fortement  marqué,  rend 
cet  idiome  très-sonore  et  très-harmonieux.  «  L'harmonie  est 
»  tellement  inhérente  à  notre  dialecte,  m'écrivait,  il  y  a  déjà 
»  longtemps,  M.  de  Bataille,  qu'on  peut  dire  que  ce  qui  n'est 
*  pas  harmonieux  n'est  pas  béarnais.  » 

Lorsque  ce  poëte  publia  ses  premiers  vers,  la  Capère  de 
Bétharram  (c'était  en  1838),  MM.  Mazure  et  Hatoulet  n'avaient 
pas  encore  édité  les  Fors  du  Béarn  *,  qui  auraient  pu  lui  servir 
à  résoudre  quelques  difficultés  orthographiques.  La  Gram- 
maire béarnaise  de  M.  Lespy  n'avait  pas  encore  paru  ;  elle  n'a 


*  Les  Fors  du  Béarn  comprennent  toute  la  législation  de  ce  pays,  du 
Xfau  XIV' siècle. 


94  DIALECTES  MODBRNBS 

Il  exalte,  dans  d'excellents  vers,  la  conduite  héroïque  de 
son  compatriote  : 

Tant  que  lous  moatz  d*haunou,  d'enbencible  couratye, 
Haran  bâte  lou  coo,  trametut  d'atye  en  atye, 
Barbanegrel.toyn  noum  sera  toutz-tems  citât, 
Y  lou  gran  fayt  d'Huningue  autalèu  racountat. 

Je  borne  là  ces  citations.  Elles  suflSront  pour  faire  apprécier 
le  talent  de  M.  de  Bataille,  qui  a  été  un  des  rares  précurseurs 
de  la  renaissance  de  notre  littérature  méridionale.  Ses  poésies 
resteront  comme  des  documents  importants  pour  Thistoire  des 
lettres  dans  le  Béarn,  et  comme  d'excellents  modèles  pour  les 
poètes  qui  viendront  après  lui.  M.  Lespy  regrette  que  l'auteur 
ne  les  ait  pas  réunies  dans  un  volume.  J'exprimerais  le  même 
regret  si  je  n'avais  des  raisons  d'espérer  que  M.  Guillaume 
de  Bataille,  héritier  des  goûts  de  son  père  pour  la  poésie 
béarnaise,  qu'il  cultive  avec  succès,  ne  faillira  pas  à  ce  de- 
voir. Je  l'engage  à  joindre  à  cette  publication,  qui  n'en  sera 
pas  déparée,  son  poème  las  Haunous  de  Gaston  Phehus,  coumte 
de  Foux,  senkou  souhiraa  de  Béarn,  qui  obtint  une  médaille 
au  concours  de  la  Société  archéologique  de  Béziers  de  Tan- 
née 1870. 

Gabribl  Azaïs,        ^ 

Secrétaire  de  la  Société  archéologiqae  de  Béners. 


^■••»« 


LOU  ROUMIEQ 

LE6ENDA  DAU  TBMS  DAS  COMTES  DE  PROUVENÇA 

(Suite.) 


VI 
L'INGRAT 


Quand  lou  miniatre  de  Prouvença 
De  naut  en  bas  de  la  Coumtat 
Trapet  tout  à  sa  counvenença, 
Pople  urous,  trésor  remountat, 
Vertuts  prounadas  e  flouridas, 
Libertats,  tant  qu'es  de  resoun, 
S'entre-metet  pèr  las  manidas 
Que  noun  poudiè  cabi  Ramoun. 
Lou  qu'a  Testée  es  pas  en  pena. 
A  la  lec  teniè,  lou  Roumieu, 
Quatre  rèis  de  la  bella  mena, 
Pèrchaca  Ramoundalou  sieu. 


LE  ROMIEU 

LÉGENDE  DU  TEMPS  DES  COMTES  DE  PROVENCE 


VI 

l'ingrat 

Lorsque  le  ministre  de  Provence,  —  d'une  extrémité  à  l'autre  de 
la  Comté,  —  trouva  tout  selon  ses  désirs,  —  peuple  heureux, 
trésor  rempli, — vertus  honorées  et  florissantes,  — libertés  autant 
qu'en  admet  la  raison,  —  il  s'entremit  pour  les  jeunes  filles  —  que 
Raimond  n  avait  pu  marier.  —  Celui  qui  sait  comment  vont  les 
choses  n'est  pas  en  peine.  —  Le  Romieu  tenait  aux  aguets  — 
quatre  rois  du  plus  haut  parage,  —  pour  que  chaque  fille  de 
Raimond  eût  le  sien . 


96  DIALECTES   MODERNES 

Quand  soun  pas  de  nôvis  de  croia, 

Acord  près,  mariage  entanchat; 

Antau  tout  anet.  Quanta  joia  ! 

Jamai  Roumieu  tant  festejat. 

—  «  D'amis  de  toun  biais,  n'i'a  pas  gaire  », 

Disiè  lou  Comte  ;  «  es  un  bon  sprt 

))  Que  me  siègue  espelit  un  fraire  ! 

»  Nous  quitaren,  vei,  qu'à  la  mort  !  » 

La  Coumtessa  atabé  Fairnava; 

Las  novietSls  lou  benissien  ; 

Lou  pople  à  bon  drech  lou  badava... 

Mes  foca  à  la  court  Tahissien. 

a 

Savès?  lous  dau  partit  d'empougna, 

Toutes  manèfles  e  sournuts, 

Que  soun  de  las  naciouns  la  rougna, 

E  sans  lous  rèis  treparien  nuds; 

D'acô  que  vai  de  gratapautas 

Pèr  avè  ce-z-autre,  e  ce  sieu  ; 

Quand  hou  tèn,  fier,  confia  sas  gantas. 


Quand  ce  ne  sont  pas  des  fiancés  de  plâtre,  —  tout  accord  pris 
est  un  mariage  conclu  ; —  ainsi  les  choses  allèrent-elles.  — Quelle 
joie  !  —  Jamais  Romieu  ne  fut  autant  fêté.  : —  «  Les  amis  tels  que 
toi  sont  rares, «élisait  le  Comte;  «c'est  un  heureux  destin  —  qu'un 
frère  me  soit  venu  1  — Nous  ne  nous  laisserons,.va,  qu'à  la  mortl  » 

—  La  Comtesse  l'aimait  aussi  ;  —  les  nouvelles  fiancées  le  bénis- 
saient ;  —  le  peuple  à  bon  droit  Tadmirait  ;  —  mais  beaucoup  le 
haïssaient  à  la  caur. 

-Savez- vous  ?  c'étaient  ceux  dont  l'opinion  est  de  prendre, —  (qui) 
tous,  flagorneurs  et  sournois,  —  sont  la  lèpYe  des  nations,  — et 
sans  les  rois  s'en  iraient  nus.  —  (Ils  représentent)  un  être  vil, 
marchant  à  quatre  pattes — pour  prendre  son  bien  et  celui  d'autrui  ; 

—  qui,  les  tenant,  fier,  se  rengorge,  —  et  cracherait  sur  le  bon 
Dieu.  —  Fainéant,  l'envie  le  dévore.  —  Si  quelqu'un  d'ingénieux 


LOU  ROUMIEU  97 

Ëscoupiriè  sus  lou  bon  Dieu  ! 
Pôile,  a  Tenveja  que  lou  creva. 
S'un  qu'a  d'idèia  fai  quicon, 
Ce  pus  orre  contra  el  alèva, 
Mes  pèr  lou  péri  se  rescond. 

Es  ac6  lourd,  tout  de  faussige, 
Que  yendriè  maire,  fenna,  nis, 
Pèr  d'argent,  d'ounous,  de  bauchige, 
Qu'entrabet  l'orne  au  roumanis  *. 
Pas  à  pitre  nud  e  mans  netas, 
En  brave  luchaire,  au  sourel  ; 
Nou ,  tras  la  nioch,  de-revaletas, 
Enverinet  tout  autour  d'el. 
Es  quand,  sa  bella  obra  acavada, 
Lou  dau  tant  grand  saupre  vesiè 
Sa  Prouvenca  ben  refoufada. 
Que  s'acousset  la  jalousie. 

Ramoun,  pus  âac  qu'una  bediga 
(D'entre-mièja  que  lou  Roumieu 
Sentissiè  pas,  dins  sa  fatiga, 

fait  une  chose,  — il  invente  contre  lui  les  plus  basses  infamies  ;  — 
mais  il  se  cache,  pour  chercher  à  l'avilir. 

C'est  cet  être  affreux,  plein  de  fausseté, — qui  vendrait  mère,  femme, 
nid, — pour  de  Targent,  des  honneurs,  des  folies, —  qui  fit  obstacle 
à  rhomme  au  romaiin; —  (mais)  pas  à  poitrine  nue,  les  mains  sans 
armes,  —  en  vaillant  athlète,  en  plein  soleil  :  —  non  !  (ce  fut)  par 
derrière,  la  nuit,  en  rampant,  —  (qu')il  répandit  son  venin  autour 
de  lui.—  Ce  fut  lorsque,  sa  grande  œuvre  achevée,  — celui  dont  les 
connaissances  étaient  si  hautes  voyait  —  sa  Provence  si  floris- 
sante, —  que  se  dressa  Tenvie. 

Raimond,  plus  faible  qu'une  brebis  —  (tandis  que  le  Romieu  — 
ne  sentait  pas,  dans  le  feu  d'un  grand  travail, — ga'il  était  exténué  de 

*  Par  rapprochement  de  mots,  le  romarin   {roumanis)  était  devenu 
rembtème  des  pèlerins  (roumieu). 


98  DlÀLBGTliS  M0DBRNB8 

Qu'èra  las  couma  un  prèga-Dieu), 
Ramoun  à  la  court,  sus  soun  sèti, 
Quita^a,  tout  asserenat, 
Traôa  lous  que  li  fasien  plèti, 
Sans  escampà  dau  semenat 
Lous  bels  âaugnards  que  degaugnavou 
Soun  ministre  de  grand  cami, 
Couma  disien;  Tescaraugnavou 
Davant  el,  Ramoun,  soun  ami. 

Que  dise,  soun  ami?  sounfrairel 
Mes  lous  senti  mens,  à  la  court, 
Soun  de  fioquets  ;  duroun,  pecaire  ! 
Tant  qu'un  pougnat  de  legna  au  four. 
L'aparet,  en-premiè,  sans  rire, 
Soun  Roumieu  ;  quand  ne  seguet  las, 
Vai  que  trai,  Ramoun  quitet  dire, 
Amai  seguet  dau  cacalas. 
Imaginas  se  Fembufèrou 
Contra  Tome  qu'ahissien  tant  I 
Un  cop,  tant  lourd  ie  Tesculèrou 
Qu'auriè  mascarat  la  sartan  I 


fatigue), —  Raimondà  la  cour,  sur  son  trône,  — laissait,  avec  séré- 
nité, —  jacasser  ceux  qui  étaient  à  sa  dévotion,  —  sans  rejeter  au 
loin  —  ses  beaux  flatteurs,  qui  tournaienten  ridicule  —  son  ministre 
de  grand  ebemin, —  comme  ils  disaient;  ils l'égratignaient — devant 
lui,  Raimond,  son  ami. 

Que  dis-je,  son  ami?  son  frère  1  —  Mais  les  sentiments,  à  la  cour, 
—  sont  de  petits  feux  ;  ils  durent,  hélas  I  —  autant  qu*une  poignée 
de  menu  bois  dans  un  four.  —  En  premier  lieu,  il  le  défendit,  sans 
rire,  —  son  Romieu.  Quand  il  en  fut  fatigué,  —  va  comme  je  te 
pousse,  Raimond  laissa  dire, — et  même  rit  aux  éclats  avec  eux. — 
Imaginez  s'ils  Texcitèrent  (les  grands) — contreThomme  qu'ils  hws- 
saient  tant.  —  Un  jour,  ils  le  lui  présentèrent  si  noir  —  qu'il  eût 
noirci  la  poêle  à  frire. 


LOTI  ROUMTEU  99 

Paure  Roumieu  I  Taviè  pas  mola. 
N^èra  ni  crestian,  ni  jasiôu; 
Soun  Dieu  èra  la  manipola, 
E  quanta  fe !...  teniè  soun  bôu  ^. 
Un  trésor,  panât  sus  las  talhas, 
Denistat  pèr  lou  margoulin 
Qu'aviè  rabilhat  las  sarralhas 
D'un  cofre  pèr  lou  mètre  alin. 
Aiço  passava  la  mesura 
E  lou  Comte  risiè  pas  pus. 
Endinnat,  fasiè  'na  ûgura  ! 
«  — Menjan,  cridet,  ount  'aquel  gus... .  » 

«  —  Ten  soun  bôu  ?»  —  coupet  la  noublessa, 
Ausiguent  la  demanda  à  mièch, 
Couma  fan  lous  clercs  à  la  messa. 
((  —  A  soun  cambrihou,  jout  lou  lièch  î  » 
«  —  Dieu  me  càstie  !  tournet  lou  Comte, 
»  Se  n'en  prouûta.  Anen  !  de  lum  ! 
»  Seguissès-me  toutes,  ie  monte!...  o 
Lou  Roumieu  intret  ;  e  pas  un 


Pauvre  Romieu!  on  ne  l'épargnait  pas.  —  II  n*était  ni  chrétien, 
Di  juif  ;—  son  Dieu  était  la  rapine  ;  —  et  quelle  foi  I  . .  Il  tenait  son 
magot,  —  C*était  un  trésor  volé  sur  les  impôts,  —  et  vu  par  le 
pauvre  et  mauvais  ouvrier  —  qui  avait  réparé  les  serrures  —  d'un 
coffre  qui  servait  à  renfermer.  —  Ceci  comblait  la  mesure,  —  et  le 

Comte  ne  rit  plus.  —  Irrité,  il  avait  un  visage  ! —  «  Voyons, 

s'écria-t-il,  où  ce  gueux  ...» 

m  Tient  le  magot?  >»  dit  la  noblesse, —  n'écoutant  la  demande  qu'à 
moitié,  —  comme  font  les  clercs  à  la  messe. — «  Dans  son  galetas, 
sous  le  lit.  » — o  Dieu  me  châtie,  reprit  le  Comte,  —  s*il  en  profite. 
Allons  !  que  l'on  m'éclaire  I  —  Suivez-moi  tous  I  je  monte.  »  —  Le 
Romieu  entra,  et  pas  un  —  ne  Taperçut  dans  la  salle. — Lui,  préoc- 

*  Liit.:  coup  de  filet.  '    ;   .%  -/  ■ 


100  DIALECTBS   MODERNES 

De  Tapercebre  dins  la  sala. 
El  pie  d'idèias  passet  lis. 
Era  au  cop  que  Toumbra  davala 
E  dins  la  nioch  tout  s'abalis. 

As  escaliès,  sus  las  airetas 

La  court,  un  coulobre  *  de  lum, 

De  ferre,  d'or,  de  pampalhetas, 

Escalava  en  grand  revoulum. 

Ramoun  fasiè  sa  pegoulada  ! 

El  tant  bon,  tant  amistadous; 

Ker  caïn,  amount  d'àfilada 

Enguliguet  lous  courredous. 

Au  founs  veguet,  drech  de  soun  mourra, 

Una  porteta  de  boi  blanc 

Contra  la  rampa  de  la  tourre  ; 

Se  traguet  dessus  d'un  balans... 

Boumbet  sans  aie  ni  paraula, 
S'espallet  dessus  lou  pestèl 
(E  la  porteta  èra  en  cadaula)  ; 
Fora  d'el,  cridet  :  —  a  Un  martel  !  » 


cupé,  passa  son  chemin.  —  C'était  au  moment  où  descendent  les 
ombres,  —  et  dans  la  nuit  tout  disparaît. 

Dans  Tescalier,  à  tous  les  étages,  —  la  cour,  un  flot  serpentant 
de  lumière,  —  de  fer,  d'or,  de  broderies,  —  montait  en  grand  tu- 
multe.—  Raymond  faisait  sa  course  aux  flambeaux.  —  Lui  si  bon, 
si  affectueux;  —  l'air  cruel,  là-haut  les  uns  après  les  autres,  — 
il  enfilait  les  conloirs.  —  Il  vit,  au  fond,  en  face  de  lui,  —  une 
petite  porte  en  bois  blanc,  —  près  de  la  rampe  de  la. tour;  —  il  s'y 
précipita  d'un  bond. . . 

11  y  heurta,  essoufflé,  sans  parole  ;  —  il  se  meurtrit  l'épaule  con- 
tre le  pêne  —  (et  la  petite  porte  n'était  fermée  qu'au  loquet. . .)  — 
Hors  de  lui,  il  s'écria:  «  Un  marteau  !  » —  Nul  ne  bougea.  Du  côté 

*  Litt.:  un  dragon 


iWtf  RÔttMiÉI»  101 


—  Degus  noun  bfnahlet.  Daùs  la  ràlïi^a 
Sourtissiè  lou  Roiimieu  dati  s6u  ; 
Teniè  sous  chapelets,  salampa, 
E  Ions  dau  sagat  n'avien  p6u. 
«  —  Quau  ses,  cridèt,  que  venès'qtrerre?» 
Ramoun  se  reviret.  — «  Qûau  siôi?  » 
E  se  plantet  davant  el':  «  Tère  î 
))  Quante  mestiè  fas,  o  ntiotin  Rèi?»' 

«  —  Tardieirament  se  tant  naut  monte, 

Es  pas  pèr  te  parla  dau  mieu. 

Fins  de  tout  *,  ioi,  vole  moun  compte  !  » 

((  —  Es  preste  !  »  tournet  lou  Roumieu  ; 

E  descadaulet  la  portëta. 

El,  à  sa  coustuma  ennegrat, 

Rauba,  sandalas  e  b'arfeta, 

Faguet  las  ounous  à  l'ingrat. 

Aqueste,  en  camisa  de  malhas, 

Tunica  escarlata,  espérons, 

Vestit  couma  pèr  sas  bataihas, 

Dins  aquel  cambrihou  terrons 


de  la  rampe,  —  le  Homieu  sortait  du  sol  :  —  il  tenait  les  chapelets, 
sa  lampe,  — et  ceux  de  la  suite  (du  Comte)  avaient  peur.  —  «  Qui 
ètes-vous?  cria-t-il;  que  venez-vous  chercher?» —  Râimond  se 
retourna  :  «  Qui  je  suisP  »  '—  Et  il  se  campa  devant  lui  :  «  Certes! 
quel  métier  fais-tu,  ù  mon  Roi?  » 

«  Si  je  monte  aussi  haut  à  cette  heure  tardive i — ce  n'est  pas  pour 
te  parler  du  mien  I  — Jusqu'au  dernier  sou,  je  veux  mon  compte!  » 

—  c  II  est  prêt!  »  riposta  le  Romiftu  ;  —  et  il  ouvrit  la  petite  porte. 
— Lui,  tout  en  noir,  selon  sa  coutume, —  robe,  sandales  et  barrette, 

—  fit  les  honneurs  à  Tingrat.  — Celui-ci,  en  chemise  de  mailles, 
—tunique  écartate,  éperons,  —  vêtu  comme  au  jour  dés  batailles,— 
dans  ce  réduit  poudreux 

*  LiU.:  tin  de  tout. 


102  DIALBCTBS  MODERNES 

S'assetet  en  miech  quauques  mobles 

Vièls,  quissounats.  —  Dau  courredou 

Lou  seguissien  varlets  e  nobles  ; 

Mes  Tautre  cridet  :  «  Pèd  bourdou  *  ! 

»  Ma  porta  es  sans  barroul  ni  tança  ! . . . 

»  Alande  ! . . .  Mes  soûl  intrara 

»  Quau  tousseira  ma  barba  blanca 

»  E  tras  el  me  ravalarà  1  » 

Pioi  siau  se  viret  lou  Ministre 

Vers  Ramoun.  —  «  Fins  de  tout,  as  dich  ? 

»  Fins  de  tout  sus  aquel  registre 

»  Avé,  dèutes,  veiras  escrich  !  » 

E  davant  el,  sans  ne  mai  dire, 
Traguet  un  fais  de  pergami. 
Ramoun,  emb'un  semblant  de  rire. 
Que  mourtifiet  soun  ami, 
Rebutet  comptes  e  quitanças. 
((  —  Cam^rada,  soui  pas  en  trin  ! 
»  Save  toutas  tas  maniganças  : 
»  M'as  descauquilhat  *,  pèlerin  !  » 


S'assit  parmi  quelques  meubles  —  vieux,  vermoulus.  Dans  le 
couloir,  —  valets  et  nobles  le  suivaient.  —  Mais  Tautre  cria  :  «  De- 
meurez !  —  Ma  porte  est  sans  verroux,  ni  traverse  de  bois,  — 
(puisque)  je  Touvre  toute  grande  !....  Mais  seul  entrera — celui  qui 
tordra  ma  barbe  blanche  et  me  traînera  derrière  lui!  »  —  Puis, 
calme,  le  ministre  se  retourna —  vers  Raimond:  «  Jusqu'au  der- 
nier sou,  as-tu  dit  ?  —  Jusqu'au  dernier  sou,  sur  ce  registre  —  tu 
verras  tout  écrit  :  doit  et  avoir  !  » 

Et  devant  lui,  sans  en  dire  plus, —  il  jeta  une  liasse  de"  parche- 
mins. —  Raimond,  avec  un  demi-sourire  —  qui  mortifia  son  ami, 
repoussa  —  comptes  et  quittances  :  —  «  Camarade,  je  suis  mal  en 

'  Lilt.:  l'un  de  vos  pieds  doit  rester  attaché  à  la  place  que  vous  occupez. 
'  Lilt  :  pris  mes  coquilles 


LOU  ROUMIEU  103 

((  —  leu  ?  S'es  vrai,  trop  de  tèms  s'estrassa. . . 

»  Anen,  vieu!  sona  toun  bourrèl  ! 

»  Anarà  jougà  sus  la  plaça 

»  Embe  ma  testa  au  sautarèl  !  » 

«  —  Pagues  de  frount  !»  —  «  Nou  !  Quand  venguère, 

»  Que  toun  poudé  toumbava  à  flocs, 

»  Es  aqui  que  de  frount  paguère  ! . . . 

»  Troumpassant  planas,  coumbas,  rocs  », 

Souspiret,  a  Tiol  sus  moun  estella, 

»  Paure,  soulet,  sans  cabussau, 

»  Mes  libre  !  en  gagnant  Coumpoustella, 

»  Passère  en  pèïs  prouvençau. 

»  Aquis  èra  un  Comte  minable, 

»  En  grand  vomi  de  sas  grandous, 

»  Sans  ministres,  sans  counestable, 

»  Pèr  alàugeiri  sous  coudons. 

»  Trésor,  justiça  ou  granda  espasa, 
»  Ten  soun  prou  quau  d'un  es  cargat  ; 
»  Ne  eau  mai  à  moun  cor  de  brasa  : 
»  Carga  tout  e  sauva  TEstat. 


irain  ;  — je  connais  tous  tes  tripotages  :  —  tu  m'as  dévalisé,  pèle- 
rin !  »  —  «  Moi!  si  c'est  vrai,  il  s'est  déjà  perdu  trop  de  temps.  — 
Vite,  allons,  appelle  ton  bourreau.  —  Il  ira  sur  la  place  jouer  —  avec 
ma  téta  au  bâtonnet.  » 

« — ^Tu  payes  d'audace  !  » — «  Non  '  Lorsque  je  vins, — que  ton  pou- 
voir tombait  en  lambeaux,  —  c'est  alors  que  je  payai  d'audace!  — 
Franchissant  plaines,  vallons,  rochers,  —  soupira- t-il,  l'œil  (ûxé) 
sur  mon  étoile, —  pauvre,  seul,  sans  chevet,  — mais  libre!  en 
m  acheminant  vers  Gompostelle  — je  passai  en  pays  de  Provence.  — 
Là  était  un  Comte  extrêmement  pauvre,  —  ayant  pris  les  grandeurs 
en  dégoût,  —  sans  ministres,  sans  connétable,  — pour  l'alléger  de 
son  fardeau. 

•  Trésor,  justice  ou  grande  épée,  —  sont  autant  de  charges  suffi- 
sames  pour  quiconque  a  la  responsabilité  de  l'une  d'elles  ;  —  il  en 


104  DIALBCTBS    MODflRNBS 

»  Ramoun  n'a  pas  pus  souvenença  ; 
»  Mes  soun^ople  dis  pas  de  nou, 
»  Sauvère  au  Comte  de  Prouvença 
»  Mai  que  cent  reiaumes,  Founou  ! 
jo  Soun  lùssie  èra  un  tapa-guenilhas. 
»  Dins  un  gourg  de  dèutes  negat, 
))  Era,  pèr  maridà  sas  filhas, 
»  Tant  aisit  qu'un  piot  empegat. 

»  Ë  Fainada,  sans  èstre  ranoa, 

»  De-longa  esperava  lou  sieu ... 

»  La  maridère  au  rèi  de  Franea  *, 

»  Lou  pus  grand  que  siègue  après  Dieu  ! 

»  Leonora  '  au  rèi  d'Anglaterra, 

))  Sancha  '  à  Richard,  rei  das  Roumans. 

»  Quante  brave  canton  de  terra 

))  L'autre  *  rebutet  de  mas  mans  ! 

»  Es  ioi  à  Naples,  glouriousa  ; 

»  Mes  belèu,  Ramoun  VII,  un  jour, 

»  Auriè  fach  la  refastignousa 

»  Beatris  rèina  dau  Miejour  I . . . 

faut  davantage  à  mon  cœur  de  braise  :  —  il  les  accepte  toutes  et 
sauve  rÉtat.  —  Raimond  n'en  a  plus  le  souvenir,  —  mais  son  peu- 
ple ne  le  nie  pas.  —  Je  sauvai  au  Comte  de  Provence  —  plus  que 
cent  royaumes  :  l'honneur!  —  Son  luxe  était  un  cache-misère.  — 
Noyé  dans  un  torrent  de  dettes  ;  —  pour  marier  ses  filles,  il  était 

—  aussi  à  l'aise  qu'un  dindon  pris  de  vin  ^  ; 

»Et  l'aînée,  sans  être  trop  vieille, —  attendait  depuis  longtemps.— 
Je  la  mariai  au  roi  de  France, — le  plus  grand  qui  soit  après  Dieu; — 
Léonor ,  au  roi  d'Angleterre  ; — Sanche,  à  Richard,  roi  des  Romains. 
— Quel  beau  coin  de  terre —  l'autre  refusa  de  mes  mains!  — Aujour- 
d'hui elle  est  à  Naples,  glorieuse,  —  mais  peut-être  Raimond  YII 
un  jour  —  eût  fait  la  dédaigneuse  —  Béatrix   reine  du  Midi. 

'  Marguerite  de  Provence  épousa  saint  Louis;—  *  Eléonor,  Edouard,  roi 
d'Angleterre;—  s  Sanche,  Richard,  duc  de  Gornouailles,  roi  des  Romains; 

—  *  Rôatrix,  Charles  de  France,  duc  d'Anjou,  roi  de  Pouille  et  de  Sicile. 
^  Ou  :  dans  la  poix 


LDU   ROUMIBU  105 


»  Dounc,  entre  sas  apartenençàs 

»  E  las  de  sous  gendres,  Ramoun 

D  A  das  poples  las  avenénças 

»  D'un  bout  de  FEuropa  au  fin  foUn  I 

»  Vei  sa  Prouvença  regrelhada, 

»  Frianda  e  mountada  en  coulons, 

»  Flamejà  touta  ensourelhada, 

))  En  miech  sous  trésors  e  sas  flous  I 

»  Sus  la  fauda  de  la  patria 

»  Un  fier  pople,  sans  ahicioun, 

))  Trima  au  prougrès  ;  de  soun  genia 

»  Raja  la  civilisacioun  1 ...   » 

E  la  voues  dau  Roumieu  mouhtava 

E  brounzinava  à  Tausidou 

Dau  michant  cor  que  Fescoutava, 

Sans  quità  sous  èrs  de  grandou. 

«  —  Ramoun,  tournet  lou  qu'aviè  lenga, 

»  N'as  fach  una  que  crèma  au  lum  ! 

»  Vouliès  de  comptes?  Soun  en  renga; 

»  De  lucre  as  mai  de  cent  per  un. 


')  Donc,  en  comprenant  ses  États  —  et  ceux  de  ses  gendres,  Rai- 
mond  —  reçoit  les  hommages  des  peuples  —  d'un  bout  à  l'autre  de 
'Europe  I  —  Il  voit  sa  Provence  reverdie,  —  splendide  et  haute 
en  couleurs,  —  flamboyer,  inondée  de  soleil,  —  parmi  les  trésors 
et  les  fleurs!  —  Sur  le  giron  de  la  patrie,  —  un  puissant  peuple, 
exempt  de  haine,  —  travaille  avec  acharnement  au  progrès  ;  —  de 
son  génie  —  coule  à  flots  la  civilisation  !  » 

Et  la  voix  du  Romieu  s'élevait  —  et  retentissait  aux  oreilles  — 
du  méchant  quiTécoutait  —  sans  rien  perdre  de  ses  grands  airs. 
«—  Raimond,  reprit  celui  qui  avait  la  parole,  — tu  as  fait  une 
chose  criante!  —  Tu  voulais  des  comptes? Ils  sont  là  (devant  toi)  : 
—  tu  as  cent  pour  cent  de  gain  I  —  Tu  ne  perds  que  l'amour  d'un 
frère  ;  —  mais  assez  de  gens  vont  venir  vers  toi. . .  —  Que  l'argent 


r 

1 


106  DIALECTES  MODMRNES 

))  Noun  perdes  que  Tamour  d'un  fraire, 
))  Mes  prou  gents  van  te  voulountà. . . 
»  Pioi  tout  s'atrove,  aqui  Tafaire  ! 
))  Bernât  es  nobïs  *,  pos  coumptà  !. . . . 

0  leu,  m'en  vau  ;  moun  obra  es  finida. 
))  Tout  çai  ane  pèr  lou  milhou  : 

»  Pès  au  pople  !  A  tus,  longa  vida  ! » 

Confie,  en  mitan  dau  cambrihou, 

Traguet  lous  iols  sus  las  muralhas. 

Sus  sa  crous,  sus  soun  prèga-Dieu. 

Un  cofre  adoubât  de  ferralhas 

Era  jout  soun  lièch  :  a  Aiçôs  mieu  !  » 

Penset,  e  zou  !  lou  rabalava. 

Pioi,  entre  dents  :  «  Es  moun  trésor  1  » 

Ramoun  Tausiguet  :  «  Me  raubava  ! 

»  Aqui  la  caissa  plena  d'or  !  » 

E  Tagairet  :  «  Qu'oun  t'enanaves  ? 
»  T'aurièi  fach  lum  pèr  davalà  ! 
»  Parlantin  d'ounou,  me  raubaves  ! 
»  Aquela  caissa,  douvris-la  !  » 

y  soit ,    voilà  l'affaire  i   —   Bernard    est    pour    nous,    tu  peux 
compter  I 

»Moi,  je  pars  ;  ma  tâche  est  finie.  —  Que  tout  ici  aille  au  mieux. 
—  Paix  au  peuple  I  à  toi  longue  vie  l  »  —  Le  cœur  gros,  au  milieu 
de  sa  petite  chambre,  — il  jeta  les  yeux  sur  les  murs,  —  sur  sa 
croix,  sur  son  prie-Dieu.  —  Un  coffre  garni  de  fer  —  était  sous  le 
lit  :  a  C'est  à  moi  »,  —  pensa-t-il  ;  et  il  se  mit  à  le  traîner.  —  Puis  il 
murmura  :  «  C'est  mon  trésor  ! . . .  »  —  Raymond  l'entendit  :  «  Il 
me  vol^tit  I  —  Voilà  la  caisse  pleine  d'or  II  » 

Et  il  le  poursuivit  d'outrages  :  «  Que  ne  t'en  allais-tu  ?  —  Je  t'au- 
rais éclairé  pour  descendre  i  —  Toi  qui  parles  toujours  d'honneur, 
tu  me  volais  l  —  Cette  caisse,  ouvre-la  I  «  —  Fou  de  méchanceté, 

*lLocution  restée  populaire  et  se  rapportant,  selon  nous,  à  saint 
Bernard- 


LOU  ROUMIBU  107 

Fol  de  michantisa,  guinchava 
Sous  iols  sus  lou  cofre  atissats. . . . 
Entremen,  la  court  espinchava  ; 
Mes,  crenta  d'èstre  matrassats, 
Se  tenièn  lous  dau  grand  défera. 
D'aqui  lou  Comte  fasiè  pou  ; 
Esfoulit,  semblava  una  tora 
Quand  dins  la  âamada  se  dôu. 

Lou  Roumieu,  una  bona  passa, 
S'en  quitet  dire  que-noun-sai, 
Sounjarèl,  mut,  la  testa  bassa. 
Pioi,  s'enredenet  :  «  Venès  cai  !  » 
Faguet  as  segnous,  «  venès  toutes  ! 
»  Lou  destaparai,  moun  trésor  ! 
»  Mes  premiè,  tus,  eau  que  m'escoutes, 
»  Noble  Comte  !  Ai  palejat  Tor 
»  De  lous  qu'avien  las  mans  traucadas. 
»  leu,  ce  pus  trasse  das  mesquins, 
»  Tout  soulet,  coumptave  à  sacadas 
»  Lous  ramoundins  d'or,  lous  sequins. 


il  louchait, —  ses  yeux  attachés  sur  le  coffre. —  Entre  temps,  la 
cour  épiait  ;  —  mais,  de  peur  d'être  maltraités,  —  les  gens  de  haut 
parage  se  tenaient  dehors.  —  De  là,  Raimond  faisait  peur;—  hé- 
rissé, il  ressemblait  à  une  chenille  —  brûlant  dans  les  flammes. 


Pendant  longtemps  le  Romieu  — se  laissa  accabler  d*iDjures, — 
soacieux,  muet,  la  tête  basse  ;  —  puis,  la  redressant  :  «  Venez  çà  ! 
—  fit-il  aux  seigneurs,  venez  tous  !  —  Je  le  montrerai  à  découvert, 
mon  trésor  ;  — mais  avant,  toi!  il  faut  que  tu  m'écoutes,  —  noble 
comte.  J'ai  à  la  pelle  remué  Por  —  de  ceux  dont  les  mains  étaient 
percées.  —  Moi,  le  plus  chétif  entre  les  misérables,  —  seul,  je 
comptais  à  pleins  sacs  —  les  raimondins  d'or,  les  sequins. 


108  DIALECT?;S  ,^OD^BJ^ES 

»  Ministre  de  tout,  tout  meftayia, 

))  L'oustau  dau  Comte,  la  Coup[^t$i(t, 

»  E  dins  Festrange  reme^ave 

»  Las  courounas  à  voulountat. 

»  Tant  avengut  que  se  pogue  èstre,, 

»  Mai  que  la  força,  ère  la  lèi; 

»  E,  se  lou  poude  fai  lou  mèstre, 

»  Eres  comte,  tus  ;  ère  rèi  ! 

»  Hebe  !  de  las  cimas  superbas 

))  Qu'escrajoun  tourres  e  xîlouquiès, 

))  D'ounte  un  grand  bos  sembla  umfàis  d'erbas, 

»  Una  vila  un  nis  de  rouquiès , 

»  D'aquela  aussada  dangeirous^, 

»  Ounte  dau  deve  perd  lou  fiqu, 

»  Lou  qu'a  la  cresença  ourguelhousa, 

»  Car  es  entre  lou  pople  e  Dieu  ; 

j)  Dieu  lapât  dins  soun  abitacle, 

»  Que  lou  quita  à  sa  perdiqioun  ; 

))  L'autre,  esquinat  jout  lou  .pinacle, 

»  Cridant  contra  el  mort  e  passio^n. . .  • 


»  Ministre  de  tout,  je  commandais  à  tout; — la  maison  du  Comte, 
la  Comté,  —  et  hors  du  territoire  j'agitais  —  les  couronnes  à  mon 
gré.  —  Aussi  haut  placé  qu'on  puisse  l'être,  —  j'étais  plus  que  la 
force,  la  loi  ;  — ,et,  si  la  puissance  fait  la  supériorité,  —  tu  étais 
comte  ,  j'étais  roi  !  —  Eh  bien  !  de  ces  cimes  superbes  —  qui 
écrasent  tours  et  clochers^  —  d'où  une  forêt  ressemble  à  une 
touffe  d'herbes,  —  une  ville  à  un  nid  de  moineaux  ; 


»  De  cette  élévation  dangereuse  —  où  du  devoir  il  perd  la  trace, 
—  celui  dont  les  idées  sont  orgueilleuses,  —  parce  qu'il  est  placé 
entre  l'homme  et  Dieu  ;  —  Dieu,  dans  sa  sublime  demeure,  —  qui 
l'abandonne  à  sa  perte  ;  —  l'homme  écrasé  sous  le  pinacle,  criant 
contre  lui  mort  et  passion —  Eh  bien  î  si  l'un   de  ceux  qui 


LOU   nPfOUMîBt  «09 


»  Hebe!  d'acô  naut,  s'unda^ïdla, 
»  Es  pas  de  gaietat  de  cor  ; 
»  Uassegutoun,  mes  lï'enraval*, 
»  Per  jouï,  de  mountagnas  d'or! 

»  Menjan  !  au  Roumieu  que  n'en  l'èsta? 

»  Fera  paure  e  fier  abitat, 

»  Paure  s'entorna  e  naut  la  testa, 

»  Car  es  sauva,  sabravetat! 

»  E  lou  mourgaa!  Trasès  defoca, 

»  Embe  d'afrounts,  aquel  Roumien  ? 

))  Aqui  soun  trésor  !  pa'na  bora, 

»  Pas  un  peu  que  noun  siègue  sieu. 

»  Es  douvert,  vesès  !  de  guenilhas  !  » 

Ramoun,  bèfi,  desalenat, 

Ne  veguettirà  de  cauquilhas. 

Un  capèl  descatalanat, 

Una  biassa,  un  viel  abihage, 
Qu'anet  cargà  lou  Pèlerin 
Pèr  tourna  mai  en  roumaviage, 
Camina  de-longa  e  bon  trin  ! . . . 


y  sont  descend  de  ces  hauteurs, —  ce  n'est  pas  volontiers;  — 
on  le  chasse  ignominieusement,  mais  il  emporte,  —  pour  jouir, 
des  monceaux  d'or! 

»  Voyons  maintenant  ce  qu'il  en  reste]  au  Romieuî  — Pauvre 
et  fier,  (à  ces  hauteurs)  il  s'était  élevé  ;  —  pauvre  il  en  descend,  et 
haut  la  tête, —  car  sa  probité  est  intacte  I — Et  vous  le  tournez 
ea   dérision  1  Vous  jetez    dehors,  —  par  vos  affronts,  ce  Romieu  1 

—  Voici  son  trésor  :  pas  un  fétu,  —  pas  un  cheveu  qui  ne  lui 
apparUenae.  —  Il  est  ouvert,  voyez  :  des  guenilles  1  » — Raimond 
défait,  haletant,  —  vit  qu'il  en  sortait  des  coquilles,-^ un  chapeau 
rabattu, 

Une  besace,  un  vieux  vêtement,  —  que  le  Romieu  alla  revêtir 

-  pour  recommencer  son  pèlerinage,  —  ôheminer  longtemps  et 


110  DIALECTES   MODERNES 

D'escas  s'aviè  passât  la  porta, 
Que  n'aviè,  lou  Comte,  au  pas  vieu 
Contra  sa  court  ;  vouliè,  per  orta, 
Qu'anèsse  querre  lou  Roumieu. 
E  la  mandrènalha  daurada. 
Que  vesiè  sous  quers  dessoutats, 
Fasiè  d'ussas,  èra  embaurada. 
Mes  d'acouti  l'autre,  ah  !  boutas  ! 

Ramoun,  que  lous  regrets  crebavou, 
Metet  sous  cavaliès  en  band  ; 
Taproumetet,  se  lou  menavou.. . . 
Quau  sap  ?  E  gara  de  davant  ! . . . 
Pioienmandet  soun  entourage 
Per  voudre,  el,  soulet  demeura. 
Rescoundut,  doulent,  sans  courage, 
Enmesset  sa  nioch  à  plourà  : 
«  —  Ai  !  souscava,  de  moun  flaquige 
))  Soui  mourtifiat,  devourit  ! 
»  Ounte  à  près  moun  cor  tant  d'agrige, 
))  Lous  malofis  me  Fan  pourrit  ! ...  » 


d'un  bon  pas  I. . . — A  peine  avait-il  passé  la  porte, —  que  le  Comte 
avait  une  vive  altercation  avec  sa  cour.  —  Il  voulait  qua  travers 
champs — on  allât  chercher  le  Romieu. —  Et  la  canaille  dorée, — qui 
voyait  ses  mauvais  tours  dévoilés,  —  fronçait  le  sourcil,  se  trou- 
blait, —  mais  n'avait  garde  d'aller  à  la  recherche  de  l'autre. 

Raimond,  qu'étouffaient  les  regrets,  —  lança  ses  cavaliers ,  — 
leur  promettant,  s'ils  le  lui  ramenaient,  —  que  sais-je?...  Et  gare 
de  devant  I  —  Puis  il  renvoya  ceux  qui  l'entouraient,  —  voulant 
demeurer  seul.  —  Caché  aux  yeux  de  tous,  se  lamentant,  sans 
force,  —  il  passa  la  nuit  à  pleurer  :  —  «  Ah  1  sanglotait-il,  de  ma 
lâcheté  —  je  suis  humilié,  déchiré  î  —  Où  mon  cœur  s'est-il  tant 
aigri  ?  —  Les  maudits  me  l'ont  corrompu  I . .  » 


LOU  ROUMIBU  111 

Enfin,  sous  cavaliès  tustèrou. 

«  —  Biu  !  cridet,  ses  be  demeuras  ! 

»  Lou  menas,  aumens?  »  —  «  Nou  !  »  tournèrou. 

El  mai  ploura  que  plouraras  ! 

Seguet  pas  soula  sa  doulença, 

Pèr  amor  d'un  tant  paoure  gus  ; 

Soun  langui  gagnet  la  Prouvença, 

E  lous  paoures  mai  que  degus  ! .  . . 

En  d'aco,  dran-dran,  caminava, 

Lou  Roumieu,  fier,  sa  barba  au  vent, 

E  la  coumplenta  que  cantava 

Disiè  :  a  Fai  lou  ben  pèr  lou  ben  ! . . .  »  * 

Octavien  Bringuier  . 


Enfln  ses  cavaliers  revinrent. — «  Vite!  cria-t-il,  vous  êtes  restés 
bien  longtemps!  —  Le  ramenez-vous,  au  moins?»  —  «  Non  !  »  re- 
prirent-ils.— Lui  pleura  et  pleura  encore. — Il  ne  fut  pas  seul  à  avoir 
de  la  douleur —  à  cause  du  départ  de  cet  infortuné;  —  son  chagrin 
envahit  la  Provence,  —  et  les  pauvres  plus  que  personne.  — 
Pendant  ce  temps,  sans  se  presser,  il  cheminait,  —  le  Romieu, 
fier,  sa  barbe  au  vent.  —  Et  la  complainte  qu'il  chantait  —  disait  : 
«  Fais  le  bien,  pour  faire  le  bien  ! . . .  » 

*  Nous  reproduisons  à  la  suite  de  cette  légende  une  page  de  la  Chronique 
de  Provence,  de  César  de  Noslradamus,  dont  nous  voulions  la  faire  pré- 
céder 


108  DIALBCWp^S  ,^ODjaiR^BS 

»  Ministre  de  tout,  tout  meftaye, 

))  L'oustau  dau  Comte,  la  Couwtftt, 

»  E  dins  Testrange  reme^ave 

»  Las  courounas  à  voulountat. 

))  Tant  avengut  que  se  pogue  èstre., 

»  Mai  que  la  força,  ère  lalèi; 

»  E,  se  lou  poude  fai  lou  mèstre, 

»  Eres  comte,  tus;  ère  r^i ! 

))  Hebe  !  de  las  cimas  superbas 

»  Qu'escrajoun  tourres  e  tîlouquiès, 

»  D'ounte  un  grand  bos  sembla  un'fàis  d'erbas, 

»  Una  vila  un  nis  de  rouquiès , 

))  D'aquela  aussada  da^geirous^, 

»  Ounte  dau  deve  perd  lou  fieu, 

»  Lou  qu'a  la  cresença  ourguelhousa, 

»  Car  es  entre  lou  pople  e  Dieu  ; 

))  Dieu  lapât  dins  soun  abltacle, 

))  Que  lou  quita  à  sa  perdiqioun  ; 

))  L'autre,  esquinat  jout  lou  ,piuapl0, 

»  Cridant  contra  el  çiorte passio^n. . .. 


»  Ministre  de  tout,  je  commandais  à  tout  ; — la  maison  du  Comte, 
la  Comté,  —  et  hors  du  territoire  j'agitais  —  les  couronnes  à  mon 
gré.  —  Aussi  haut  placé  qu'on  puisse  Têtre,  —  j'étais  plus  que  la 
force,  la  loi  ;  —  et,  si  la  puissance  fait  la  supériorité,  —  tu  étais 
comte  ,  j'étais  roi  I  —  Eh  bien  !  de  ces  cimes  superbes  —  qui 
écrasent  tours  et  clochers-,  —  d'où  une  forêt  ressemble  à  une 
touffe  d'herbes,  —  une  ville  à  un  nid  de  moineaux  ; 


»  De  cette  élévation  dangereuse  —  où  du  devoir  il  perd  la  trace, 
—  celui  dont  les  idées  sont  orgueilleuses,  —  parce  qu'il  est  placé 
entre  l'homme  et  Dieu  ;  —  Dieu,  dans  sa  sublime  demeure,  —  qui 
l'abandonne  à  sa  perte  ;  —  l'homme  écrasé  sous  le  pinacle,  criant 
contre  lui  mort  et  passion —  Eh  bien  I  si  l'un   de  ceux  qui 


CONTES   POBULAIHBS  113 

crabo  à  mil,  —  bii'o,  bouquil  1 —  crabo,  sort  de  per  moun  mil  ! 

La  xunxo  ben  d'aprequi,  —  que  bouliô  xunxà  lou  biôu.  — 
Xunxo  à  biôu,  —  biôu  à  aigo,  —  aigo  à  foc,  —  foc  à  barro,  — 
barro  à  reinart,  —  reinart  à  poul,  —  poul  à  chi,  —  chi  à  loup, 
—  loup  à  crabo,  —  crabo  à  mil,  —  biro,  bouquil  !  —  crabo, 
sort  de  per  maun  mil  ! 

Lou  rat  ben  d'aprequi,  —  que  bouliô  manjâ  la  xunxo.  — 
Rat  à  xunxo,  —  xunxo  à  biôu,  —  biôu  à  aigo,  —  aigo  à  foc,— 
foc  à  barro,  —  barro  à  reinart,  —  reinart  à  poul,  —  poul  à 
chi,  —  chi  à  loup,  —  loup  à  crabo,  —  crabo  à  mil,  —  biro, 
bouquil  !  —  crabo,  sort  de  per  moun  mil  î 

Lou  gat  ben  d'aprequi,  —  que  bouliô  manjà  lou  rat.  —  Gat 
à  rat,  —  rat  à  xunxo,  —  xunxo  à  biôu,  —  biôu  à  aigo,  — 
aigo  à  foc,  —  foc  à. barro,  —  barro. à  reinart,  — reinart.  à 
poul,  —  poul  à  chi,  —  chi  à  loup,  -^  loup  à  crabo,  —  crabo 
à  mil,  —  biro,  bouquil  !  —  crabo,  sort  de  per  moun  mil  ! 

V.  de  M.  Philippe  Miquel, 

Directeur  des  Écoles  chrétiennes  de  Bédarieux  (Hérault). 

Traduction 


J'ai  un  c^amp  de  maïs  —  que  la  chèvre  me  mange.  —  La  chèvre 
attaque  le  maïs;  —  va-t'en^  bouquin I  —  chèvre,  sors  de  mon 
champ  de  maïs  \ 

Le  loup  vint  par  là,  —  et  voulait  manger  la  chèvre.  —  Le  loup 
attaque  la  chèvre,  la  chèvre  le  maïs;  —  va-t'en,  bouquin!  — 
chèvre,  sors  de  mon  champ  de  mais  ! 

Le  chien  vint  par  là,  —  et  voulait  manger  le  loup.  —  Le  chien 
attaque  le  loup,  —  le  loup  la  chèvre,  etc. 

Le  poulet  vint  par  là,  —  et  voulait  piquer  le  chien.  —  Le  poulet 
attaque  le  chien,  — le  chien  le  loup,  etc. 

Le  renard  vint  par  là,  —  et  voulait  manger  le  poulet,  —  Le  re- 
nard attaque  le  poulet,  —  le  poulet  le  chien,  etc. 

U  bâton  vint  paç^à,  —  et  voulait  frapper  le  renard.  —  Le  bâton 
auaque  le  renard,  —  le  renard  le  poulet,  etc. 


CONTES   POPULAIRES 

(5«  série) 

XXVIII.  — LA  CRABO 

leù  ai  un  cantou  de  mil,  —  que  la  crabo  me  menjabo.  — 
Crabo  à  mil, —  biro,  bouquil!  —  crabo,  sort  de  per  moun  mil! 

Lou  loup  ben  d'aprequi,  —  que  bouli6>manjà  la  orabo.  — 
Loup  à  crabo,  —  crabo  à  mil,  —  biro,  bouquil  !  —crabo,  sort 
de  per  moun  mil  ! 

Lou  chi  ben  d'aprequi,  —  que  bouliô  manjà  lou  loup.  — 
Chi  à  loup,  —  loup  à  crabo,  —  crabo  à  mil,  —  biro,  bouquil! 

—  crabo,  sort  de  per  moun  mil  ! 

Lou  poul  ben  d'aprequi,  —  que  bouliô  picà  lou  chi.  —  Poul 
à  chi,  —  chi  à  loup,  —  loup  à  crabo,  —  crabo  à  mil,  —  biro, 
bouquil  !  —  crabo,  sort  de  per  moun  mil! 

Lou  reinart  iben  d*aprequi,  —  que  bouliô  manjà  lou  poul. — 
Reinart  à  poul,  —  'poiïl  à  clii,  —  chi  à  loU'p,  —  loup  à  crâb^» 

—  crabo  à  mil,  —  biro,  bouquil  !  —  crabo,  sort  de  per  moun 
mil! 

La  fcarro  ben  d'aprequi,  —  que  bouliô  tustà'l  reinart.  — 
Barro  à  reinart,  —  reinart  à  poul,  —  poul  à  chi,  —  chi  à  loup, 

—  loup  à  crabo,  —  crabo  à  mil,  —  biro,  bouquil  !  —  crabo, 
sort  de  per  moun  mil  ! 

Lou  foc  ben  d'aprequi,  —  que  bouliô  brulà  la  barro.  —  Poe 
à  barro,  —  barro  à  reinart,  — reinart  à  poul,  —  poul  à  chi, 

—  chi  à  loup,  —  loup  à  crabo,  —  crabo  à  mil,  — r  biro,  bou- 
quil !  —  crabo,  sort  de  per  moun  mil  ! 

L'aigo  ben  d'aprequi,  —  que  bouliô  atudà  lou  foc.  —  Aigo 
à  foc,  —  foc  à  barro,  —  barro  à  reinart,  —  reinart  à  poul, — 
poul  à  chi,  —  chi  à  loup,  —  loup  à  crabo,  —  crabo  à  mil,  — 
biro,  bouquil  ;  -r-  cràbo,  sort  de  per  moun  mil! 

Lou  biôu  ben  d'aprequi,  —  que  bouliô  bèure  Taigo.  —  Biôu 
à  aigo,  —  aigo  à  foc,  —  foc  à  barro,  —  barro  à  reinart,  — 
reinart  à  poul,  —  poul  êi  chi,  —  chi  à  loup,  —  loup  à  crabo, — 


LOU  ROUMIBU  111 

Enfin,  sous  cavaliès  tustèrou. 

«  —  Biu  I  cridet,  ses  be  demouras  ! 

»  Lou  menas,  aumens?  »  —  «  Nou  !  »  tournèrou. 

El  mai  ploura  que  plouraras  ! 

Seguet  pas  soula  sa  doulença, 

Pèr  amor  d'un  tant  paoure  gus  ; 

Soun  langui  gagnet  la  Prouvença, 

E  lous  paoures  mai  que  degus  ! .  . . 

En  d'aco,  dran-dran,  caminava, 

Lou  Roumieu,  fier,  sa  barba  au  vent, 

E  la  coumplenta  que  cantava 

Disiè  :  «  Fai  lou  ben  pèr  lou  ben  ! . . .  »  * 

Octavien  Bringuier  . 


Enfin  ses  cavaliers  revinrent. — «  Vite!  cria-t-il,  vous  êtes  restés 
bien  longtemps  !  —  Le  ramenez-vous,  au  moins?»  —  «  Non  !  »  re- 
prirent-ils.— Lui  pleura  et  pleura  encore. — Il  ne  fut  pas  seul  à  avoir 
de  la  douleur —  à  cause  du  départ  de  cet  infortuné  ;  —  son  chagrin 
envahit  la  Provence,  —  et  les  pauvres  plus  que  personne.  — 
Pendant  ce  temps,  sans  se  presser,  il  cheminait,  —  le  Romieu, 
fier,  sa  barbe  au  vent.  —  Et  la  complainte  qu'il  chantait  —  disait  : 
«  Fais  le  bien,  pour  faire  le  bien  ! . . .  » 

*  Nous  reproduisons  à  la  suite  de  cette  légende  une  page  de  la  Chronique 
de  Provence^  de  César  de  Noslradamus,  dont  nous  voulions  la  faire  pré- 
céder 


114  DIALECTES   MODERNES 

Le  feu  vint  par  là,  —  et  voulait  brûler  le  bâton! —  Le  feu  attaque 
le  bâton,  —  le  bâton  le  renard,  etc. 

L'eau  vint  par  là,  —  et  voulait  éteindre  le  feu.  —  L'eau  attaque 
le  feu,  —  le  feu  le  bâton,  etc. 

Le  boeuf  vint  par  là,  —  et  voulait  boire  l'eau.  —  Le  bœuf  attaque 
l'eau,  —  l'eau  le  feu,  etc. 

'  Le  lien  {xunxo^  )  vint  par  là, —  et  voulait  lier  le  bœuf. —  Le  lien 
attaque  le  bœuf,  —  le  bœuf  l'eau,  etc. 

Le  rat  vint  par  là,  —  et  voulait  manger  le  lien  .^  Le  rat  attaque 
le  lien,  —  le  lien  le  bœuf,  etc. 

Le  chat  vint  par  là,  et  voulai);  manger  le  rat.  — Le  chat  attaque 
le  rat,  —  le  rat  le  lien,  —  le  lien  le  bœuf,  —  le  bœuf  l'eau,  — 
Teau  le  feu,  —  le  feu  le  bâton,  —  le  bâton  le  renard,  —  le  renard 
le  poulet,  —  le  poulet  le  chien,  ' —  le  chien  le  loup,  —  le  loup  la 
chèvre,  —  la  chèvre  le  mil;  —  va-t*en,  bouquin  !  — chèvre,  sors 
de  mon  champ  de  maïs  1 


XXIX  .  —   BOUQUAIRE  BOUQUIL 

leu  n'abiô  un  mil  menut,  —  lou  bouc  me  lou  manjabo  (bis). 
—  Lou  bouc  al  mil,  —  bouquaire  bouquil,  —  tastaras  pas  pus 
de  moun  mil. 

Apei'  ne  ben  lou  loup, —  per  ne  manjà  lou  bouc  {bis},  —  Lou 
loup  al  bouc,  ~  lou  bouc  al  mil,  etc.  jt 

Apei  ne  ben  lou  chi,  —  per  ne  cassa  lou  \o\ii^\bi$),  —  Lou 
chi  al  loup,  —  lou  loup  al  bouc,  etc.  : 

Apei  ne  ben  la  barro,  —  per  ne  battre  lou  chi  {bïs),  —  La 
barro  al  chi,  —  lou  chi  al  loup,  etc.  1 

Apei  ne  ben  lou  foc,  — per  ne  bruUà  la  barro  {bis(),  —  Lou 
foc  à  la  barro,  —  la  barro  al  chi,  etc. 

Apei  ne  ben  Taigueto, —  per  atudà  lou  foc  {bis), —  L'aigueto 
al  foc,  —  lou  foc  à  la  barro,  etc. 

(1)  M.  P.  Miquel  ignore  le  sens  du  mot  a?urwPO,  qui  est  évidemment 
juncho,  et  ci-après  julhos 


COKTBS   POPULAIRES  115 

Apei  ne  ben  lou  biôu,  — per  ne  heure  Taigueto  (bis).  Lou 
biôu  à  Taigueto,  —  Taigueto  al  foc,  etc. 

Apei  ne  ben  las  julhos,  —  per  estacà  lou  biôu  (bis),  —  Las 

julhos  al  biôu,  —  lou  biôu  à  Taigueto,  —  Taigueto  à  la  barro, 

—  la  barro  al  chi,  —  lou  chi  al  loup,  —  lou  loup  al  bouc,  — 

lou  bouc  al  mil,  —  bouquaire  bouquil,  -^  tastaras  pas  pus  de 

moun  mil. 

(V.  de  C.  Gleizes,  d'Arles-sur-Rhône.) 


Traduction 


BOUQUAIRE-BOUQUIL 

J'avais  un  champ  de  mil  —  que  le  bouc  mangeait  (bis).  —  Le 
bouc  au  mil,  —  bouquaire  bouquil,  —  tu  ne  mangeras  plus  de  mon 
mil. 

Puis  vint  le  loup,  —  qui  voulait  manger  le  bouc.  — Le  chien 
pourchasser  le  loup,  —  le  bâton  pour  frapper  le  chien,  — le 
feu  pour  brûler  le  bâton,  —  Peau  pour  éteindre  le  feu,  —  le  bœuf 
l>our  boire  l'eau. 

Puis  vinrent  les  liens  pour  attacher  le  bœuf. — Les  liens  au  bœuf, 
—le  bœuf  à  Peau,  — l'eau  au  feu,  —  le  feu  au  bâton,— le  bâton  au 
chien,  —  le  chien  au  loup,  — le  loup  au  bouc,  —  le  bouc  au  mil, — 
bouquaire  bouquil^,  —  tu  ne  mangeras  plus  de  mon  mil. 


XXX .    —  LA  RABO 

La  bielho  anabo  al  jardin  per  querre  uno  rabo. 
Quand  lou  biel  bejèt  que  la  bielho  beniô  pas,  anèt  al  jardin  ; 
^^jèt  la  bielho  que  tirabo'no  rabo.  Lou  biel  tirabo  la  bielho, 

*  Bouquaire,  qui  sait  donner  de  la  corne  à  la  manière  du  bouc,  boucà  ; 
—  bouquil,  petit  bouc. 


116  DIA<LEGTBS    MODERNES 

—  la  bielho  tirabo  la  rabo,  —  e  la  rabo  toujours  teniô.  ^ 

La  joube  anèt  al  jardin,  —  bejèt  lou  biel  que  tirabo  la 
bielho,  f^etc. 

Lou  joube -anèt  al  jardin,  —  bejèt  la  joube  que  tirabo  lou 
biel,  etc. 

La  sirbento  anèt  al  jardin,  —  bejèt  lou  joube  que  tirabo  la 
joube,  etc. 

Lou  mestre  d'afaires  anèt  al  jardin,  —  bejèt  la  sirbento 
que  tirabo  lou  joube,  etc. 

Lou  bouiè  anèt  al  jardin,  etc. 

Lou  carretiè  anèt  al  jardin,  etc. 

Lou  pastre  anèt  al  jardin,  etc. 

Lou  moutouniè  anèt  al  jardin,  etc. 

L'agneliè  anèt  al  jardin,  etc. 

La  pourquieiro  anèt  al  jardin,  etc. 

Lou  co  anèt  al  jardin,  etc. 

Lou  cat  anèt  al  jardin,  etc. 

Lou  rat  anèt  al  jardin  :  —  bejèt  lou  cat  que  tirabo  lou  co, 

—  lou  co  que  tirabo  la  pourquieiro,  —  là  pourquieiro  que 
tirabo  Tagneliè,  -  Fagneliè  que  tirabo  lou  moutouniè,  —  lou 
moutouniè  que  tirabo  lou  pastre,  —  lou  pastre  que  tirabo 
lou  carretiè,  —  lou  carretiè  que  tirabo  lou  bouiè,  —  lou  bouiè 
que  tirabo  lou  mestre  d'afaires,  —  lou  mestre  d'afaires  que 
tirabo  la  sirbento,  —  la  sirbento  que  tirabo  lou  joube,  —  . 
lou  joube  que  tirabo  la  joube,  —  la  joube  que  tirabo  lou  biel» 

—  lou  biel  que  tirabo  la  bielho,  —  la  bielho  que  tirabo  la 
rabo,  —  et  la  rabo  que  toujours  teniô. 

Lou  poussel  anèt  al  jardin  ;  —  bejèt  que  la  rabo  toujours 
teniô  :  —  d'un  cop  de  mourre  la  soulebet.  -^  Se  Tabiô  pas 
soulebado,  —  la  rabo  tendriô  encaro. 

(V.  de  Saint-Sernin  (Avejron),  communiquée 
parle  F.  Ph.  Miquel. 


CONTES   POPULAIRES  117 


Traduction 


LA    RAVE 

La  vieille  alla  au  jardin  pour  cueillir  une  rave 

Premier.  —  Lorsque  le  vieux  vit  que  la  vieille  ne  venait  pas,  il 
alla  au  jardin;  —  il  vit  la  vieille  qui  tirait  une  rave.  —  Le  vieux 
tirait  la  vieille, — la  vieille  tirait  la  rave, — et  la  rave  toujours  tenait. 

Dernier,  —  Le  rat  alla  au  jardin,  —  et  vit  le  chat  qui  tirait  le 
chien,  —  le  chien  la  porcheronne,  —  la  porcheronne  le  berger  des 
agneaux,  —  le  berger  des  agneaux  celui  des  moutons,  —  le  berger 
des  moutons  le  pâtre,  —  le  pâtre  le  charretier,  —  le  charretier  le 
bouvier,  —  le  bouvier  l'homme  d'affaires,  —  l'homme  d'affaires  la 
servante,  —  la  servante  le  fils,  —  le  fils  la  belle-fille,  —  la  belle- 
fille  le  vieux,  —  le  vieux  la  vieille,  —  la  vieille  la  rave,  —  et  la 
rave  toujours  tenait. 

Le  pourceau  alla  au  jardin,  et  vit  que  la  rave  toujours  tenait  : 
«l'un  coup  de  groin  il  l'arracha. 

S'il  ne  l'avait  pas  arrachée  ainsi,  elle  tiendrait  encore. 


XXXI.    —  MARGARIDOU 

Ai  !  qu'un  poulit  pè  qu'a  la  Margaridou  !  (  bis  )  —  Pè  petitou 
—  qu'a  la  Margaridou. 

Ai  !  qu'une  poulido  cambo,  qu'a  la  Margaridou  1  -  Cambo 
de  solo,  —  pè  petitou,  —  qu'a  la  Margaridou. 

Ai  !  qu'un  poulit  ginoul  qu'a  la  Margaridou  !  —  Ginoul  re- 
doundet,  —  cambo  de  solo,  —  pè  petitou,  —  qu'a  la  Marga- 
ridou. 

Ai  !  qu'une  poulido  cueisso  qu'a  la  Margaridou  !  —  Cueisso 
liseto,  —  ginoul  redoundet,  etc. 

Ai  î  qu'un  poulit  ventre  qu'a  la  Margaridou  !  —  Ventre 
mouflet,  —  ginoul  redoundet,  etc. 

8 


118  DIALECTES   MODERNES 

Ai  I  qu'un  poulit  estoumac  qu'a  la  Margaridou  !  —  Estou- 
mac  riaule,  —  ventre  mouflet,  etc. 
Ai  !  qu'un  poulit  col  qu'a  la  Margaridou  I  — Col  de  tartugo, 

—  estoumac  riaule,  etc. 

Ai  !  qu'une  poulido  barbo  qu'a  la  Margaridou  !  —  Barbo 
pounchudo,  —  col  de  tartugo,  etc. 

Ai  !  qu'une  poulido  gorjo  qu'a  la  Margaridou  !  —  Gorjo 
groumando,  —  barbo  pounchudo,  etc. 

Ai  I  qu'un  poulit  el  qu'a  la  Margaridou  !  —  El  aberit,  — 
gorjo  groumando,  etc. 

Ai  !  qu'un  poulit  front  qu'a  la  Margaridou  !  —  Front  espan- 
dit,  —  el  aberit,  —  etc. 

Ai  !  qu'un  poulit  pel  qu'a  la  Margaridou  I  —  Pelses  de  sedo, 

—  front  espandit,  —  el  aberit,  —  gorjo  groumando,  —  barbo 
pounchudo,  —  col  de  tartugo,  —  estoumac  riaule,  —  ventre 
mouflet,  —  cueisso  liseto,  —  ginoul  redoundet,  —  cambo  de 
solo,  —  pè  petitou,  —  qu'a  la  Margaridou  *. 

(V.  de  M.  Clair  Gleizbs,  d'Arles.) 


Traduction 


MARGARIDOU 

Premier.  —  Ah  !  quel  joli  pied  a  la  gracieuse  Marguerite  1  — 
Pied  tout  petit  —  de  la  gracieuse  Marguerite. 

Dernier.  —  Ah  !  quels  beaux  cheveux  a  la  gracieuse  Marguerite  ! 
—  Cheveux  de  soie,  —  front  large,  —  yeux  éveillés,  —  bouche 
friande,  —  menton  petit,  —  col  de  tortue,  —  sein  rebondi,  — 
ventre  potelé,  —  cuisse  lisse,  —  genou  rond,  — jambe  fine,  —  pied 
petit,  —  qu'a  la  gracieuse  Marguerite  1 

*  Riaule,  solo,  sont  des  termes  qui  ne  se  disent  plus  que  dans  les  exprès* 
sions  susdites,  et  dont  il  est  difficile  de  déterminer  le  sens  original  ;  à 
moins  [que  l'un  ne  soit  pour  reiaul,  royal,  et  le  second,  pour  solo,  poisson. 


CONTES   POPULAIRES  119 

XXXII. QUINQUIHILHET 

Quinquirilhet,  ount  siès  anat  ? 
Quinquirilhet,  abal  al  prat. 
Quinquirilhet,  per  de  que  fà  ? 
Quinquirilhet,  un  oustalet. 
Quinquirilhet,  quai  t'a  ajudat  ? 
Quinquirilhet,  Peire  Bernât. 
Quinquirilhet,  que  Tas  donnât? 
Quinquirilhet,  un  pot  de  lait. 
Quinquirilhet,  d'anount  las  trait  ? 
Quinquirilhet,  de  mas  crabe tos. 
Quinquirilhet,  quai  te  Tas  gardo  ? 
Quinquirilhet,  uno  bastardo. 
Quinquirilhet,  coussi  s'appelo  ? 
Quinquirilhet,  ma  pastourelo 
Es  uno  rose  muscadelo  * . 

(V.  deC.  Gleizes,  d'Arles.) 

Traduction 


QUINQUIRILHET 


Quinquirilhet,  d'où  viens-tu  ?  —  Quinquirilhet,  de  là^bas  du  pré. 

—  Quinquirilhet,  qu'y  faisais-tu? —  Quinquirilhet,  une  maison- 
nette. —  Quinquirilhet,  qui  t'a  aidé?  —  Qninquirilhet,  Pierre 
Bernard.  —  Quinquirilhet,  que  lui  as-tu  donné?  —  Quinquirilhet, 
un  pot  Je  lait.  —  Quinquirilhet,  où  l'as-tu  pris  ?  —  Quinquirilhet, 
à  mes  petites  chèvres  —  Quinquirilhet,  qui  te  les  garde  ?  —  Quin- 
quirilhet, une  bâtarde.  —  Quinquirilhet,  comment  s'appelle-t-elle? 

—  Quinquirilhet,  ma  pastourelle  —  est  une  petite  rose  musquée. 

*  La  muscadelo  est  la  rose  sauvage,  la  fleur  de  l'églantier. 


120  DIALECTES   MODERNES 

XXXIll .  —  LOU  GAL 

Cacaraca  ! 
Moun  paire  me  bat. 

—  De  que  fas  fach  ? 

—  Fai  raubat  un  sac  de  blat. 

—  Ounte  Tas  mes  '( 

—  Dins  un  trauquet. 

—  Pica,  pica,  martelet  ! 

(V.  de  M.  Roques-Ferrier,  de  Montpellier.) 
Traduction 

LE  COQ 

Cacaraca  *,  —  mon  père  me  bat.  —  Que  lui  as-tu  fait  ?  —  Je  lui 
ai  volé  un  sac  de  blé.  — Où  i 'as-tu  caché?  —  Dans  un  petit  trou. 
—  Pique,  pique,  de  ton  bec  (comme  avec  un  marteau.) 


XXXIV .   —  PLÔU   E  SOURÉIO 

Ploôu  e  soureio  ; 
La  damo  es  souto  la  treio  ; 
Lou  moussu  vèn,  li  copo  Taureio. 

(V.  d'Albei-t  Arnaviellç,  d'Alais.) . 
Traduction 

IL  PLEUT  ET  IL  FAIT  SOLEIL 

11  pleut  et  il  fait  soleil  ;  — la  dame  est  «eus  la  treille  ;  ^  le  monr 
sieur  vient  et  lui  coupe  l'oreille. 

*  Surnom  du  coq,  lire  de  son  chant. 


CONTES   POPULAIRi:s  ]21 

XXXV.    -^    PLÔU 

PlÔU,  plôu, 
A  Bagnôu  ; 
La  galino  coco, 
Monto  sus  la  roco, 
Sus  la  roco,  sus  lou  banc, 
Sus  la  roco  dau  galan. 

(V.  d'Albert  Arna vielle,  d'Alais.) 
Traduction 


IL  PLEUT 

Il  pleut,  il  pleut,  —  à  Bagnol.  —  La  poule  fait  Pœuf  ;  —  elle 
monte  sur  le  rocher,  —  sur  le  rocher,  sur  lé  banc,  —  sur  le  rocher 
de  Tamoureux. 


XXXVl     —  LOUS  DETS  (4*   V.  j 

Dins  la  carrieireto 

Faviè  unalebreto. 

Aquel  la  veguè, 

Aquel  Farrapè, 

Aquel  la  couseguè, 

Aquel  la  mangé, 

Aquel  digue  : 

«  Pieu,  pieu,  pieu,  pieu,  pieu, 

Ta  parés  per  ièu.  » 

(V.  d'Albert  Arna  vielle,  d'Alais. 


122  DIALECTES   MODERNES 


Traditction 


LOUS  DETS 

Dans  la  petite  rue,  —  il  y  avait  un  petit  lièvre  :  —  celui-  ci  (  le 
pouce  )  le  vil  ;  —  celui-ci  (  Vindex  )  le  prit  ;  —  celui-ci  (  le  médius  ) 
le  cuisit  ;  —  celui-ci  (  V annulaire)  le  mangea  ;  —  celui-ci  (  V auricu- 
laire )  dit  :  a  Pieu,  etc., —  il  n'y  a  rien  pour  moi.» 

Pendant  les  deux  premières  lignes,  on  fait  passer  une  ou  deux 
fois  légèrement  la  paume  de  la  main  sur  celle  de  Tenfant  ;  on  s'ar- 
rête ensuite  à  chaque  doigt,  comme  il  a  été  expliqué. 


XXX VII.  —LOUS  DETS  (5*  V.) 

A  Azillanet,  on  chante  ce  qui  suit,  en  nommant  les  doigts 
les  uns  après  les  autres  : 

Couinel, 

Méjanel, 

Pus  grand  de  toutes, 

Lupo  farinas, 

Cruco  pezouls. 

Le  petit  doigt  est  appelé  lou  det  coui,  au  diminutif  cowme/; 
le  doigt  qui  se  plaint  (de  com-cowe,  petites  plaintes).  lia, 
parmi  les  enfants,  la  réputation  d'être  curieux  et  surtout 
très-médisant.  Il  reprend,  il  avertit,  il  rapporte.  Le  caractère 
avisé  qu'on  lui  attribue  dans  les  contes  se  retrouve  ici  en 
entier. 

On  connaît  cette  jolie  scène  entre  le  Malade  imaginaire  et 
sa  petite  fille  : 

AR6AN 

—  Il  n'y  a  point  autre  chose  ? 


CONTES   POPULAIRES  123 

LOUISON 

—  Non, mon  papal 

AR6AN 

—  Voici  mon  petit  doigt  pourtant,  qui  gronde  quelque  chose.  (Mettant 
son  doigt  à  son  oreille.  )  Attendez.  He  î  Ah  !  ah  !  Oui  ?  Oh  I  oh  î  Voilà  mon 
petit  doigt  qui  me  dit  quelque  chose  que  vous  avez  vu,  et  que  vous  ne 
m*avez  pas  dit. 

LOUISON 

—  Âh  !  mon  papa  l  votre  petit  doigt  est  un  menteur 

AR6AN 

—  Prenez  garde  l 

LOUISON 

—  Non  1  mon  papa  I  ne  le  croyez  pas  ;  il  ment,  je  vous  assure 

ARGAN 

—  Ohl  bien  l  bien  î  Nous  verrons  cela  ;  allez-vous-en  î 

{Le  Malade  imaginaire,  Aor.  II,  se.  xi.) 

D'où  vient  cette  réputation  ?  Il  est  probable  qu'il  la  doit  à 
son  office  de  doigt  auriculaire.  De  même  que  le  tintouin  avertit, 
d'après  la  croyance  populaire,  que  Ton  tient  de  fâcheux  propos 
contre  nous,  ou  même  simplement  que  Ton  parle  de  nous,  — 
de  même,  Faction  de  frotter  T oreille  avec  le  petit  doigt  pour 
8  en  débarrasser  a  pu  être  considérée  comme  un  avertisse- 
ment du  même  genre. 

L'annulaire  est  dit  me/an,  mejanel,  de  moyenne  longueur  ;  — 
le  médius,  pus  grand  de  toutes^  le  plus  grand  de  tous  ; —  l'index, 
lupo' farinas,  lape-gruau,  de  ce  qu'on  s'en  sert  pour  détacher 
le  gratin  qui  tient  au  chaudron  ;  —  le  pouce,  cruco-pezouls, 
écme-poux. 

A.  M.  et  L.  L. 


Contes  populaires  provençaux 


Voici  quelques  modestes  contributions  aux  Côfités  populaires 
et  pièces  rhythmées  que  M.  A.  Montel  putlie  dans  la  Èevue, 

Elles  sont  tirées  principalement  deTouvrage  si  curieux,  et 
qui  devrait  être  imité  pour  toutes  les  villes  et  villages  du 
Midi,  intitulé  :  les  Cris  populaires  de  ;  Marseille,  locutions,  apo- 
strophes, injures,  expressions  proverbiales,  traits  satiriques  et  jeux 
du  peuple,  cris  des  marchands  dans  les  rues,  préjugés,  recueillis 
par  M.  de  Régis  de  la  Colombière.  —  Marseille,  Lebon,  1868, 
in-8^ 

Les  autres  proviennent  de  notes  manuscrites  qu'on  a  bien 
voulu  nous  communiquer.  Pour  M.  Régis,  nous  citons  la  p.  2. 

Je  commence  par  les  dialogues  relatifs  aux  contes  des 
doigts  : 


On  prend  successivement  les  doigts  d'un  enfant,  en  disant 
au  premier  doigt  : 

(P .  142)  Aquèu  a  fà  Tuou  *  ; 
au  2®,  Aquèu  Tes  anà  cercà*; 
au  3®,  Aquèu  Ta  fà  couina  '  ; 
au  4®,  Aquèu  Ta  manjà; 
au  5®,  Lou  paure  pichoun  *  n'a  ren  tastà. 

T7*aduciion 


Celui-ci  a  fait  Pœuf;  —  celui-ci  Ta  été  chercher;  —  celui-ci  l'a 
cuisiné  ;  —  celui-ci  Ta  mangé.  —  Le  pauvre  petit  n'a  rien  goûté. 

'  Variante:  lôu,  —  '  Querre.  —  *  Gouire.  —  *  Picbot. 


CONTES   POPULAIRES  123 

LOniSON 

—  Non,  mon  papa  1 

AR6AN 

—  Voici  mon  petit  doigt  pourtant,  qui  gronde  quelque  chose.  (Mettant 
son  doigt  à  son  oreille.)  Attendez.  Bel  Ah  !  ah I  Oui?  Ohl  ohî  Voilà  mon 
petit  doigt  qui  me  dit  quelque  chose  que  vous  avez  vu,  et  que  vous  ne 
m*avez  pas  dit. 

LOUISON 

—  Âh  I  mon  papa!  votre  petit  doigt  est  un  menteur 

AR6AN 

—  Prenez  garde  l 

LOUISON 

—  Non  1  mon  papa  l  ne  le  croyez  pas;  il  ment,  je  vous  assure 

ARGAN 

—  Ohî  bien  l  bien  I  Nous  verrons  cela  ;  allez-vous-en  l 

{Le  Malade  imaginaire,  Aor.  II,  se.  xi.) 

D'où  vient  cette  réputation  ?  Il  est  probable  qu'il  la  doit  à 
son  office  de  doigt  auriculaire.  De  même  que  le  tintouin  avertit, 
d'après  la  croyance  populaire,  que  Ton  tient  de  fâcheux  propos 
contre  nous,  ou  même  simplement  que  Ton  parle  de  nous,  — 
de  même,  l'action  de  frotter  l'oreille  avec  le  petit  doigt  pour 
s'en  débarrasser  a  pu  être  considérée  comme  un  avertisse- 
ment du  même  genre. 

L'annulaire  est  dit  mejan,  mejanel,  de  moyenne  longueur  ;  — 
le  médius,  pm  grand  de  toutes^  le  plus  grand  de  tous  ; —  l'index, 
lupO'farinaSy  lape-gruau,  de  ce  qu'on  s'en  sert  pour  détacher 
le  gratin  qui  tient  au  chaudron;  —  le  pouce,  cruco-pezouk, 
écrase-poux. 

A.  M.  et  L.  L. 


126  r  lALBCTES    MODERNES 


Autre  énwnéraHon 

Pichoun  det, 

Rabasset, 

Pus  long  que  tout, 

Curo-mourtier, 

Cacho-pesou. 

Traduction 


Le  petit  doigt,  —  le  ragot,  — le  plus-long-que- tout,  —  le  cure- 
mortier,  —  et  le  1*écrase-poux, 


Autre  de   Bédouim  (Vaucluse) 

Pichot  nanet, 
Anèu  espous, 
Pus  long  que  tous, 
Lico-mourtier, 
Cacho-pesou. 

Traduction 


Le  petit  nain,  — le  doigt  de  l'anneau  des  épousailles,  —  le  plus 
long  de  tous,  —  le  lèche-mortier,  —  le  tue-poux. 


6 


Autre  de  l'Isle 

Aqui  r  a  'no  planeto, 
Ta  passa  'no  lebreto. 


CONTES   POPULAIRES  127 

Aquèu  Ta  visto, 
Aquèu  Ta  tirado, 
Aquèu  Tafacho  couire, 
Aquèu  la  manjado, 
Aquèu  dis  :  Pièu-pièu  ! 
Que  r  a  rèn  per  ièu  ! 


Traduction 


Dans  cette  petite  plaine — un  lièvre  a  passé.  —  Celui-ci  Ta  vu,  — 
celui-ci  Ta  lue,  —  celui-ci  l'a  fait  cuire,  —  celui-ci  Pa  mangé  ;  —  le 
dernier  dit  :  Pièu-pièu ^  il  n'y  a  rien  pour  moi . 


Voici  une  bonne  variante  de  la  Nenia  des  doigts.  Elle  ap- 
partient aux  Basses-Alpes.  C'est  une  excellente  maxime,  vive- 
ment présentée,  sur  Tamour  et  Futilité  du  travail  : 

1"  doigt  (pouce)  :  Aquèu  dis  que  v6u  de  pan  ; 
2*  Aquèu  dis  que  n'avem  gis; 

3*  Aquèu  dis:  Coumo  farem? 

4*  Aquèu  dis  :  Coumo  pourrem  ! 

^*     (petit  doigt)   Aquèu  dis  :  Pieu  !  pieu  !  —  que  travaio  vièu  ! 
Et  on  secoue  doucement  le  petit  doigt. 

Traduction 


^lui-ci  dit  qu'il  veut  du  pain;  —  celui-ci  dit  :  Nous  n'en  avons 
point:  ^  celui-ci  dit:  Comment  ferons-nous  ?  —  celui-ci  dit: 
^nimenous  pourrons  ;  —  celui-ci  dit  :  Pieù^pieùj  qui  travaille  vit. 


128  DIALECTES   MODERNES 


8 


On  dit  aussi,  en  chatouillant  le  creux  de  la  main  d'un  petit 
enfant  : 

Guerin  guin  gaio, 
Martin  de  la  paio. 
Escudeloun 
Plein  de  peissoun. 

Traduction 


G.  g.  g.  (  mots  intraduisibles  )  —  Martin  de  la  paille.  —  Petite 
écuelle —  pleine  de  poissons. 


9 


En  pinçant  à  chaque  vers  le  dessus  des  mains  des  joueurs 
entassées  Tune  sur  l'autre  et  en  les  tapant  fort,  quand  ils 
n'ont  pas  soin  de  les  retirer  au  dernier  vers  : 

Pessu, 
Menu, 
Daurà, 
Sucra, 
Levo  la  man  dôu  plat  ! 

Traduction 


(Une)  pincée,  —  petite,  —  dorée,  —  sucrée,  —  retire  la  main  du 
platl 


CO^NTBS   POPULAIRES  129 


10 


Voici  une  chanson  de  nourrice  où  figure  encore  le   petit 
doigt. 
Son  uniquebut  est  d'endormir: 

(P.  129)     Lou  cousin  doù  pichot  det 
Cantavo  au  pus  pichounet  : 
Anaren  au  barri, 
Cassaren  de  garri, 
Quand  n'aurai,  —  t'en  dounarai  ; 
Quand  n'auras,  —  m'en  dounaras. 

Traduction 


Le  cousin  du  petit  doigt  —  lui  disait  en  chantant  :  —  Nous  irons 
au  rempart,  —nous  chasserons  des  rats. —  Quand  j'en  aurai, — 
je  t'en  donnerai;  —  quand  tu  en  auras,  —  tu  m'en  donneras. 


11 


Les  doigts  ont  aussi  quelque  chose  à  voir  dans  les  jeux 
enfantins.  Pour  commencer  le  jeu  des  barres,  le  plus  délibéré, 
le  boute-en-train,  commence  en  montrant  l'index  de  la  main 
droite  et  en  s' écriant  : 

(P.  94)    Qu'es  aco? 

On  répond  en  chœur  : 

R.  Lou  det. 
D.  Que  l'a  dedins? 
R.  De  rasset. 
D.  E  piei  mai? 
R.  La  coue  de  l'ai. 
I).  Aqueù  qu'agantarai  —  sara  moun  ai. 


130  DIALECTES   MODERNES 

Et  le  jeu  commence  après  qu'on  a  dit  : 
Un,  dous,  très,  senso  pesé. 

Les  mots  :   senso  pesé,   sont  mis  là  comme  préservatifs, 
Quand  ils  sont  omis,  les  joueurs  ont  le  droit  de  frapper. 

Traduction 


D.  Qu'est-ce  que  cela?  —  R.  Le  doigt.  —  D.  Qu'y  a-t-il  dedans? 
—  R.'Du  son.  —  D.  Et  quoi  plus  ? —  R.  La  queue  d'un  àne.  — 
D.  Celui  que  je  saisirai —  sera  en  effet  mon  âne. 

Les  jeux  enfantins  sont  pleins  de  petits  récitatifs  rhythmés. 
En  voici  quelques-uns  tirés,  soit  de  M.  Régis,  soit  des  notes 
précitées,  où  on  les  appelle  des  Nenia.  Nous  nous  servirons 
désormais  de  ce  mot. 

12 

Nenia  du  Petadou 

Les  enfants  pétrissent  en  creux  un  morceau  d'argile,  qui, 
lancé  vivement  sur  une  surface  dure  du  côté  concave,  éclate 
avec  bruit  :  c'est  le  Petadou.  Voici  les  paroles  sacramentelles 
qu'ils  prononcent  en  le"  brandissant  ;  elles  ont  la  vertu  de 
procurer  une  bruyante  détonation  : 

(P   79,  note)  Petadou 

De  San-Vitou, 
Fai  un  trau  que  pete  toujou. 
Petadou  de  San- Vincent, 
Fai  un  trau  que  pete  bèn  ! 

13 

Ou  bien  encore  : 

(P.  78)  Chico  barrau 

Fai  un  bouen  trau  ; 
Que  la  rego  dôu  cùou  saute  en  aut  ! 


CONTES   POPULAIRES  131 

14 

,    Nenia  de  la  Fronde 

L'enfant  balance  la  fronde  en  prononçant  très-lentement, 
c'est-à-dire  une  sjUabe  à  chaque  va-et-vient  : 

(P.  85)  Pej!  pej! 

Vai  me  querre  un  sôu  de  pej, 
Un  sôu  de  clauvisso. 
Sauto  à  la  taulisso  ! 

Et  la  fronde  part  en  même  temps  que  ce  dernier  vers. 


15 


Nenia  du  Combat  à  coups  de  pierre 

Les  paroles  suivantes  sont  le  défi  que  se  portent  les  ga- 
mins de  divers  quartiers,  de  la  ville  ou  du  village,  car  Yaquei- 
ramen  est  pratiqué  partout  en  Provence  sur  une  large 
échelle . 

(P.  87)     Rouvièro  !  Rouvièro  ! 
Sièu  dins  ta  carrièro; 

Ti  fretti 
E  ti  lavi  lei  mailhouet  ! 

Et  des  coups  de  pierre  de  pleuvoir. 

16 
Nenia  du  Sommeil 

(P.  128)  San-Souen, 

Vène,vène,  vènel 
San-Souen, 
Vène,  vène,  que  siès  bouen  ! 


132  DIALECTES    MODBiUSES 

Lou  San-Souen  yôu  pas  veni , 

Lou  pichot  vôu  pas  dourmi. 

San-Souen  —vène,  vène! 

San-Souen    -  vène,  vène,  que  siès  bouen  ! 

Ou  bien,  après  dourmi,  on  ajoute  : 


Lou  papa  vendra  deman, 
Li  darà  de  bouen  pan  blanc. 

Lou  San  Souen  vendra  deman 
Per  ii  pourtà  de  nanan 

17 
Nenia  du  Garde-Chiourme. 


Ou: 


Elle  est  fort  usitée  à  Toulon.  On  la  dit  quand  il  passe,  et 
elle  traduit  les  sentiments  du  peuple  à  son  égard: 

(P.  50)  D.  Si  nègo  un  orne  ! 

R.  Noun,  n'es  pa  'n  ome. 

D.  E  qu'es? 

R.  Es  un  gardo-foussat. 

D.  Lèvo-li  lou  sabre,—  laisso-lou   negà  ! 

18 
Nenia  de  Simon  le  Magicien 

En  voici  une  qui  se  chante  partout,  et  dans  laquelle  je  ne 
serais  pas  éloigné  de  retrouver  la  légende  de  Simon  le  Ma- 
gicien s'élevant  vers  les  cieux  par  magie,  et  précipité  du  haut 
des  airs  par  les  prières  de  saint  Pierre .  On  sait  combien  ce 
fait  a  été  connu  et  exploité  dans  les  légendaires  du  mojen 
âge.  Peut-être  notre  Nenia  n'en  est-elle  que  l'écho  : 


CONTES   POPULAIRES     <  133 

(P.  57)  Jan,  paure  Jan, 

Counfesso  lei  mounino; 
Toumbo  de  cuou, 
Si  roumpe  leis  esquino  ; 
Fau  couire  souh  sang 
Dins  uno  sartan. 

Aujourd'hui,  cette  nenia  sert  à  se  moquer  d'un  pauvre  dia- 
ble que  Ton  a  renversé  en  arrière. 

Voici  deux  autres  nenia  sarcastiques  : 

19 

Pour  se  moquer  de  quelqu'un  dont  la  mise  est  trop  recher- 
chée : 

(P.  33)       Pelicot,  moun  fiéu, 
Vagues  pa'  au  soulèu  ! 
Lou  soulèu  fara 
Que  ti  gastara. 

Moun  Dieu,  mandas  bèu  tèms 
Fer  aquelei  paurei  gens 
Que  soun  dessus  mar, 
E  fan  que  plourà  ! 

Le  dernier  quatrain,  qui   détonne  étrangement,  doit  avoir 
<ité accolé  là  après  coup. 

20 

Contre  un  homme  de  petite  taille  : 

lèu,  sièu  Janet, 
Que  planti,  que  desplanti  ; 
lèu,  sièu  Janet, 
Que  planti  de  caulet. 


134  DIALECTES    MODERNES 

Amarièu  miès  planta  de  bourtoulaigo 

Que  de  caulet! 
Au  mes  de  mai,  quand  li  coupas  la  testo, 
N'en  souarte  plus  ges. 

Il  y  a  aussi  des  séries  de  Nenia  météorologiques.  En  voici 
quelques  mots  : 


21 


iSeniù  du  Temps  de  Marseille 

(P.  150)        Plôu  e  souleio  ! 

Fà  lou  tems  de  Marseio  *  ! 
Se  lou  mounde  va  sabiè, 
Tout  lou  monde  courririè. 
A  forco  de  courre, 
Si  roumprien  lou  mourre  ; 
Se  sabien  pas  caminà , 
Si  roumprien  lou  bout  dou  nas. 


22 


Nenia  de  la  Foudre 

Santo  Barbo,  santo  Flour, 

La  crous  de  Nostre  Segnour  : 
Quand  lou  tonerro  passarà, 
Santo  Barbo  me  gardarà. 

On  sait  que  la  sainte  qui  porte  le  gracieux  nom  de  Flour 

'  Ges  mots  font  allusion  au  climat  de  Marseille,  qui  est  en  effet  assez 
capricieux. 


CONTES   POPULAIRES  135 

appartient    au  Midi,    et  est  spécialement  honorée   dans  le 
Quercj. 

23 

Nenia  de  la  Pluie 

Plou  I  plôu  ! 
Dieu  lou  vôu. 
La  galino  coco,  . 
Mounto  su  la  Roco  *, 
Mounto  su  lou  banc, 
Fai  un  iôu  tout  blanc. 

24 

Les  Nenia  zoologiques  sont  encore  fort  intéressantes.  On 
ne  rencontre  pas  de  bête  du  bon  Dieu  qui  n'ait  sa  Nenia  toute 
prête  :  chauve-souris,  coccinelle,  escargot,  mante  religieuse, 
lézard,  etc.,  etc.  Voici  les  plus  usitées  : 

Nenia  de  la  Chauve-Souri 

On  pourchasse  ces  animaux  dans  les  rues,  à  l'entrée  de  la 
nuit,  en  les  appelant,  à  la  portée  de  longues  cannes,  par  ces 

vers: 

Rato  penado,  vène  lèu  ! 

Te  dounarai  de  pan  nouvèu  ! 

25 
Nenia  du  Lézard  vert 

Lusert,  lusert, 
Aparo-me  de  la  sèr  !1 


*  Ce  vers,  qui  semble  faire  allusion  au  rocher  de  N.-D-des-Doms,  in- 
diquerail,  dans  cette  hypothèse,  l'origine  avignonaise  de  celte  Nenia,  qui, 
du  reste,  a  été  recueillie  dans  le  Gomtat. 


]36  DIALECTES   MODERNES 


26 


Nenia  du  Limaçon 

Mourgo,  mourgueto, 

Sorte  ti  baneto  ! 
Se  li  sortes  pas  lèu, 
Anarai  sounà  lou  manescau, 
T'acrasarà  toun^  oustau. 


Cette  Nenia  a  peut-être  plus  de  cent  variantes,  tant  elle  est 
répandue. 


27 


On  dit  aussi,  à  Beaumont  (Vaucluse),  pour  le  limaçon: 

Buou  bano, 
Presto-me  ti  bano 
Pèr  anà'  Santo-Ano  *  ; 
lèu,  te  prestarai  li  mièu 
Per  anà'  San-Bourtoumièu  ! 

28 

Nenia  de  la  Coccinella  septem-punclata  (Bête  du  Bon-Dieu) 

Catarineto,   ) 
Parpaiolo,    i  ^°l0' ^olo! 
Que  toun  paire  es  à  Tescolo, 
Que  ta  maire  es  à  Toustau. 
Volo,  volo,  eila  moundau! 

*  G'est-à-dire  à  Apt,  ville  qui  n*esl  connue  du"  peuple  que  sous  le  nom  de 
SantO'Ario  ou  Santo-Ano-d'At,  à  cause  des  reliques  de  l'aïeule  r'.u  Sauveur 
qui  y  sont  conservées. 


CONTES    POPULAIRES  1^7 


29 


Il  y  a  encore  la  Nenia  du  voyage.  On  assied  un  enfant  sur 
ses  genoux,  et  on  le  fait  sauter  vivement  à  chaque  syllabe  de 
ces  vers  : 

Arri  !  arri  !  moun  chivau  ! 
Que  deman  anem  à  Sault  *. 
Anarem  à  Perno  ' 
Querre  de  lanterno  ; 
De  lanterno  e  de  siblet, 
Per  amusa  lou  nanet. 

*  Ville  du  département  de  Vaucluse,  jadis  capitale  d'une  vallée  indé- 
pendante, appartenant  à  la  maison  princièrc  d'Agout. 

*  Vaucluse. 

L'abbé  Lieutaud, 
Bibliothécaire  de  la  ville  de  Marseille. 


JANETO 


Janeto  es  linjo  amai  bloundo, 
A  bouqueto  de  coural  ; 
Soun  iuèl,  viéu  coumo  un  mirai, 
A'n  regard  qu'es  cop  de  floundo  ; 
Sus  soun  se  couf  que  fai  Toundo 
Soun  long  peu  tombo  envaral. 

Noun  la  creirias  païsano, 

De  yeire  sa  flno  man, 

Facho  per  pourtà  diamant, 

E  soun  ped  prim. . .  Pamens  Jano, 

De  sen  coumo  de  cors  sano, 

Quand  tant  d'autros  soun  à  mand, 

Per  un  brout  de  poulidesso, 
De  n'en  vira  canturlo,  ai  ! 
En  raivant  bijouts,  palai, 
E  sort  daura  de  coumtesso, 
Jano  acô's  pas  sa  tristesso  : 
D'èstre  pageso  li  plai. 


Jeannette  est  élancée  et  blonde  ; —  elle  a  petite  bouche  de  corail; 
—  vif  comme  un  verre,  son  œil  —  a  un  regard  qui  est  coup  de 
fronde  ;  —  sur  son  sein  gonfle  qui  ondoie  —  sa  longue  chevelure 
tombe  en  désordre.    ' 

Vous  ne  la  croiriez  pas  paysanne,  —  à  voir  sa  main  fine,  —  faite 
pour  porter  diamant,  —  et  son  pied  mince...  Pourtant  Jeanne,  — 
saine  de  sens  comme  de  corps,  —  quand  tant  d'autres  sont  sur  le 
point, 

Pour  un  brin  de  beauté,  —  d*en  perdre  la  tête,  aïe  !  —  en  rêvant 
bijoux,  palais,  —  et  sort  doré  de  comtesse,  —  Jeanne,  là  n*est  pas 
sa  tristesse  :  —  il  lui  plait  d'être  paysanne. 


JANETO  139 

Li  plai  sa  raubo  simpleto 
Mai  que  vèsti  de  damas, 
E  li  plai  soun  pichot  mas, 
E  sous  gents  —  que  la  drouleto 
Lus  en  es  Fefant  souleto  — 
N'en  soun  tendramen  aimas. 

Aimo  sa  lengo  raiolo  ; 
Noun  sap  franchimandejà  ; 
S'hou  vôu  de-fes  ensajà, 
Ren  que  de  s'ausi,  la  drolo 
D'elo  riscoumo  une  folo... 
Zou,  de  cacalassejà  ! 

Fouligaudo  e  prou  fourèjo, 
Sus  lou  serre  vesès-la 
Se  faire  un  jo  d'escalà, 
Campejant  sa  cabro  irèjo, 
Mau-grat  sourel,  mau-grat  plèjo, 
A  travès  faisso  e  valat. 

Emb'acô  bono  oustalièiro 
E  biaissudo  mai-que-mai  : 


Sa  robe  simplette  lui  plaît  —  plus  que  vêtement  de  damas,  —  et 
son  petit  mas  lui  plaît,  —  et  ses  gens  (dont  la  jeune  fille  —  est  l'en- 
fant unique)  —  en  sont  tendrement  aimés. 

Elle  aime  sa  langue  raïole  ;  —  elle  ne  sait  point  franchimander  ; 
—  si  elle  veut  l'essayer  parfois,  —  rien  que  de  s'entendre,  la 
jeune  fille  —  rit  d'elle-même  comme  une  folle. . .  —  Et  allons  !  de 
rire  aux  éclats  I 

Folâfre  et  assez  sauvage,  —  sur  la  montagne  voyez-la  se  faire 
un  jeu  de  grimper,  —  poursuivant  sa  chèvre  capricieuse,  — malgré 
soleil,  malgré  pluie,  —  à  traver-  ij^radiri  et  torrent. 

Avec  cela  bonne  ménagère  — et  plus  qu'adroite,  —  soit  décem- 


UO  DIALECTES   MODERNES 

Siègue  décembre  ou  be  mai, 
Toutlusis  coumo  une  oulièiro, 
De  Testivo  à  la  palièiro, 
Dins  lou  maset.  —  Ha  !  jamai, 

Coumo  floureto  de  Fèrbo 
Espelis  en  plen  printem, 
De  sous  vint  ans  vers  lou  tem, 
S'un  cop  Famour,  flou  supèrbo, 
Dins  soun  amo  se  descuèrbo, 
Dins  soun  cor  pur  e  countent, 

Crespinà  lou  calignaire 
Qu'au  det  li  metrà  Tanèl 
E  desfarà  lou  trenèl 
De  soun  peu  embelinaire. 
01,  que  sarà  gasagnaire 
D'un  trésor,  lou  jouvenèl  ! 

Mai  amour,  nôvi,  per  aro, 
A  Janeto  un  soûl  moumen 
Donou|nado  pessamen. 
En  amour  joio  es  tant  raro, 


bre,  soit  mai,  —  tout  luit  comme  un  huilier  de  verre,  —  de  la  cave 
au  grenier,  —  dans  le  petit  mas.  Ha!  jamais, 

Gomme  fleur  de  l'herbe  —  éclot  en  plein  printemps,  —  vers 
l'époque  de  ses  vingt  ans, —  s'il  se  fait  que  l'amour,  fleur  su- 
perbe, —  dans  son  âme  se  découvre,  —  ainsi  que  dans  son  cœur 
pur  et  content, 

Fortuné  l'amoureux  —  qui  au  doigt  lui  mettra  la  bague  —  et 
dénouera  la  tresse —  de  sa  chevelure  enchanteresse.  —  Oui,  il  aura 
gagné —  un  trésor,  le  jeune  homme! 

Mais  amour  et  fiancé,  pour  l'heure, — à  Jeannette  un  seul  moment 
—  ne  donnent  nul  souci.  —  En  amour  la  joie  est  si  rare,  —  quand 


JANBTO  141 

Quand  la  doulou  Tes  sens  raro, 
Qu'a  be'nca  lésé!...  'Ntramen, 

Au  bonur  tout  la  couvido  ; 
Dins  la  crento  dau  bon  Dieu 
Kn  faguent  tout  d'agradiéu 
Per  sous  parents,  vai  sa  vido 
Qu^es  bello,  claro  e  ravido 
Commo  un  poulit  jour  d'éstiéu. 

Albert  Arnavielle. 
En  À  lès,  setembre  1872. 


Il  douleur  y  est   sans  limite,  —  qu'elle  a  bien  encore  loisir  !..  En 
attendant, 

A  a  bonheur  tout  la  convie  ;  —  dans  la  crainte  du  bon  Dieu  —  et 
on  faisant  tout  pour  être  agréable  —  à  ses  parents,  va  sa  vie  —  qui 
est  belle,  claire  et  ravie  — comme  un  beau  jour  d'été. 


LA  FONT    PUTANELLE 

OU 

JACQUES  CŒUR  A  MONTPELLIER 

PIÈCE   EN   TROIS  ACTES   ET   EN   VERS   FRANÇAIS,    PROVENÇAUX 

ET  LANGUEDOCIENS 

Mél.ÉB  DE  CHANT  ET  TERMINÉE  PAR  DES  DANSES  DU  PAYS 

Autoribée  au  ministère  de  la  police  générale,  à  Paris,  le  6  oclobre  1808 

Représentée  pour  la  première  fois  à  Montpellier, 
le  il  novembre  1808* 


NOTE   DE    L'AUTEUR 


Après  onze  représentations  de  cette  pièce  sur  le  théâtre  de 
Montpellier,  exécutées  durant  l'hiver  de  i808,  Tauteur  l'a  revue, 
corrigée  et  fondue  en  trois  actes,  au  lieu  de  deux  qu'elle  en  eut  pri- 
mitivement ;  des  personnages  y  ont  été  ajoutés,  ainsi  que  de  nou- 
veaux couplets.  ,  . 

Ces  changements  ont  fait  disparaître  certaines  lacunes  indi- 
quées par  des  amateurs,  et  que  trop  de  hâte  avait  produites. 


AVERTISSEMENT  DE  L'AUTEUR 

Une  circonstance  particulière  a  donné  lieu  à  la  pièce  qu'on  va 
lire.  Je  m'entretenais  avec  un  de  mes  amis  sur  la  ville  de  Mont- 
pellier ;  nous  allions  en  promenade  à  l'isle  de  Maguelonne,  d'où 
Montpellier  tire  son  origine.  En  passant  en  revue  les  monuments 
exécutés  par  Jacques  Cœur,  il  fut  question  de  la  fontaine  vulgai- 
rement appelée  la  Fon  Pulanella,  Un  étranger  qui  se  trouvait  avec 
nous,  choqué  sans  doute  de  l'expression,  demanda  ce  que  c'était, 
et  pourquoi  ce  nom  avait  été  donné  à  la  fontaine.  On  l'instruisit  des 

'La  pièce  que  nous  publions  est  l'œuvre  la  plus  importante  d'un  poète 
languedocien  qui  a  laissé  un  grand  nombre  d'œuvres  manuscrites.  Nous 
aurions  voulu  faire  paraître  en  même  temps  une  notice  sur  Auguste 
Guiraud  ;  mais,  cette  notice  devant  être  trop  longue  pour  pouvoir  figurer 
dans  ce  numéro  avec  Jacques  Cœur  à  Montpdlier,  nous  nous  voyons 
obligé  de  la  renvoyer  à  un  numéro  postérieur. 

A.  Glaizb. 


LA  FONT  PUTANELLA  143 

diverses  opinions  émises  à  ce  sujet  .  il  ne  les  approuva  point,  et 
trouva  lui-même  la  cause  la  plus  vraisemblable  que  l'on  puisse  as- 
signer à  cette  dénomination.  En  efiFet,  cette  fontaine,  située  à  une 
certaine  distance  de  la  ville,  dans  un  lieu  retiré  et  propre  à  favo- 
riser les  entrevues  secrètes  des  amants,  ne  peut  devoir  son  nom 
qu'à  la  cause  essentielle  de  ce  genre  de  réunion,  ou  à  quelque  évé- 
nement notable. 

Cette  expression  peu  décente,  mais  que  l'habitude  a  fait  admet- 
tre sans  scrupule  chez  les  habitants  du  pays,  peut  servir  du  moins 
à  nous  rappeler  que  le  mot  dont  elle  est  un  diminutif  était  autre- 
fois familièrement  reçu. 

Il  n'avait  rien  d'offensant  pour  les  oreilles  de  nos  pères,  qui,  dans 
leurs  mœurs  simples  et  innocentes,  étaient  bien  moins  révoltés  du 
nom  que  nous  ne  le  sommes  aujourd'hui.  C'est  ainsi  que  nous  li- 
sons dans  les  écrits  des  anciens,  et  surtout  dans  les  comédies  de 
Nfolièrc,  plusieurs  expressions  qui  de  nos  jours  blesseraient  la  pu- 
deur et  dont  on  ne  rougissait  pas  alors . 

Quoi  qu'il  en  soit  de  Tétymologie  ou  du  motif  qui  a  fait  donner  ce 
nom  à  la  fontaine  dont  il  s'agit,  l'un  des  assistants  imagina  que  ce 
sujet,  qui  primitivement  avait  inspiré  un  grand  nombre  de  chansons 
en  langage  du  pays,  pouvait  présenter  un  intérêt  piquant,  revêtu  des 
formes  dramatiques .  Je  fus  désigné  pour  mettre  ce  projet  à  exécu- 
tion. Je  m'en  défendis,  comme  peu  propre  surtout  à  parler  un  lan- 
gage qui  ne  m'était  pas  familier.  On  insista,  et  il  ne  fallut  rien 
moins,  pour  me  déterminer,  que  l'assurance  qu'une  seule  représen- 
tation relèverait  une  famille  accablée  de  dettes,  et  qu'on  la  don- 
nerait à  son  bénéfice  L'espoir  d'être  utile  l'emporta  sur  toute  autre 
considération,  et  je  me  chargeai  de  l'entreprise. 

L'histoire  de  Jacques  Cœur,*si  fameux  par  ses  richesses  et  sa 
bienfaisance,  mais  plus  encore  par  ses  persécutions  et  sa  disgrâce, 
n'offre  rien  que  de  triste  et  de  sérieux  :  j'ai  donc  choisi,  pour  égayer 
la  scène,  le  jour  où  les  eaux  recueillies  des  environs,  par  les  soins 
de  Jacques  Cœur,  devaient  remplir  le  bassin  qui  leur  était  des- 
tiné. 

L'accueil  que  les  habitants  de  Montpellier  ont  fait  à  cette  faible 
production  a  surpassé  son  mérite.  Le  succès  a  été  d'autant  plus 
flatteur,  que  l'on   devait  moins  l'attendre  dans   un   temps  oiî  le 
parterre  s'était  déchaîné  sans  pitié  contre  plusieurs  pièces  mo- 
dernes. 


144  DIALECTES   MODBItNBS 

ORIGINE  DE  LA  FONT-PUTàNELLA 

Air  :  de  la  ronde  du  3*  acte 


Près  d'un  faubourg  de  Mounpelhè, 
Autras-fes  un  grand  personnage 
Dins  un  agréable  bouscage 
Faguèt  counstruire  un  grand  viviè. 
L'aiga  èra  tant  bona  e  tant  bella 
Qu'ajèt  desuita  un  grand  renoum  : 
Mes  veja  aici  {ter)  d'ount  ven  lou  noum 
De  la  Font  Putanella 

2 

En  d'aquel  poulit  rendè-voue, 
Jouine  garçon,  jouina  filheta, 
Tout  couma  crouchet  e  malheta. 
Se  rencountravoun  dous  à  dons. 
S'endicon  naai  quauqua  querella 
A  vie  troublât  la  pès  dau  cor, 
Tout  finissiè  d'un  bon  acord 
A  la  Font  Putanella. 


Un  souèr,  la  pichotajLisoun, 
Creniguèn  de  se  faire  attendre, 
Un  pau  trop  leu  ^'en  anèt  rendre 
Jout  un  aubre,  sus  lou  gazoun. 
Piquada  d'estre  en  sentinella 
Sans  veire  pas  veni  degus, 
Jurèt  tout  bas  d'anà  pas  pus 
A  la  Font  Putanella. 

4 

Jeannet,  que  veniè  tout  cantan 
Per  anà  joindre  Margarida, 
En  eami  trouvèt  la  manida 
Que  s'entournava  tout  plouran. 
Curions  de  saupre  la  nouvella 
E  per  ie  prene  quauqua  part, 
La  retirèt  un  pau  d'espar 
De  la  Font  Putanella. 


LA  FOl^T  PUTA^'ELJLA  145 

5 

Berthoumiu,  dins  un  moumenet, 
Venper  c^cà  Lîsoun  qu'aîmava  ; 
La  vei  qu'un  autre  l'embrassava, 
Mes  recounouguèt  pas  Jannet. 
A  jet  beu  fréta  la  parpella 
Per  counouisse  aquel  amourous, 
Se  creseguèt  au  ifound  dau  pous 
De  la  Font  Putanella. 

6 

Vouguèt  espinchà  quauque  tems  ; 
Mes  l'iol  en  fioc,  pie  de  coulera, 
Veja  aqui  que  se  désespéra  I 
Sarra  lous  pougnets  e  las  dens  ; 
Pioi  s'avança  e  crîda  :  Infidella  ! 
A  quante  sort  tus  m'as  réduit  ! 
M'attendiei  pas  d'estre  trahit 
A  la  Font  Putanella. 

7 

Dins  aquel  accès  de  furou 
EscuUèt  tout  a  sa  coulera. 
Et  d'une  lengua  de  vipèra 
De  segu  ne  debitèt  prou. 
Dins  tout  aquella  kiriella 
D 'in juras  dichas  a  Lisoun, 
Diguèt  quicon  qu'a  fach  lou  noum 
De  la  Font  Putanelle. 

8 

Quant  ajèt  vis  qu'era  Jannet 
Que  counsoulava  sa  cousina. 
Pensas  qu'alors  changèt  de  mina 
E  jujas  se  seguèt  mouquet. 
Malgré  soun  errou  trop  cruella, 
De  sa  Lisoun  gardét  l'amour  ; 
Mes  aquel  mot  resta  toujour 
A  la  Font  Putanella. 


146  DIALECTES    MODERNES 


A  MOUSSU  LOUIS  GRANIER 


MAIRE  DE  MOUNPELHB 


GHlVALHà  DE  LÀ  LÉGION  D'HOUNOU 


Moussu  Lou  Maire, 

Se  ma  lyra  era  acoustumada 
Sus  lou  toun  de  la  flatariè, 
Quante  bèu  sujet  trouvariè, 
loi  que  per  bous  série  mountada  ! 
Jujas  couma  resounariè  ! 
Mes  ma  musa  es  febla,  pecaire  ! 
E  pot  pas  s'elevà  tant  nâu  ; 
Vendra  pas  doun  mal  à  perpau, 
Sans  moyens  cercà  de  vous  plaire. 
Moun  but,  dins  aqueste  moumen, 
Es  d'obteni  vostre  sufrage 
Sus  un  pichot  amusamen. 
N'ause  pas  vous  en  faire  ôumage  : 
Lou  fait  es  trop  pau  counsequen, 
E  vous  Toufri  série  pas  sage. 
Donnas  un  cop  d'iol  soulamen 
Sus  aquel  simple  badinage  ; 
Proutejas-lou,  serai  counten 
Couma  s'aviei  fach  un  ouvrage 
Que  meritesse  un  monumen. 


A.  G. 


LA  FONT  PUT  AN  ELLA  147 


A  MADAMA  DE  P. . .  M. . .  L  . . 


QUE  VÔU  LEGI   MA   PIEÇA 


Madama, 

De  prouvençau,  de  patois,  de  francés, 
Ai  mesclat  lou  triple  lengage, 
Per  coumpausà  lou  badinage 
Qu'a  fach  rire  mai  d'una  fes 
Un  public  sévère  e  voulage. 
Desiras  legi  moun  ouvrage  ? 
Soui  pus  flattât  qu'oun  n'ou  creirés  ! 
Se  li  dounas  vostre  suffrage, 
Segu  me  manquarà  pas  rés. 


A.  G. 


J4-!  DIALBCTBS   MODBRNES 


VERS    PROVENÇAUX 

ADRESSÉS  A  l' AUTEUR,    AVEC  UNE    COURONNE  DE    LAURIER,    APRÈS 
LA   PREMI'IRE   représentation  BE  LA   PIÈCE 

A  M.  A.  G. 

qui  voulait  garder  l'anonyme  sur  une  pièce  intitulée  :  Jacques  Cœur 

à  Montpellier,  ou  la  Font  Putanella 

Quand  vesi  lou  sen  et  la  rime 

Se  sousteni  de  coumpagniè, 

Et  la  gaità  que  leis  anime 

Fa  lou  charme  de  la  pouesiè, 

Caspi  !  vos  garda  Fanounimo 

E  faire  un  tour  de  toun  mestiè  ! . . . . 

De  tous  vers  la  douco  harmonie, 

Toun  eimable  genre  d'escrimo, 

Ti  descuvrissoun  tout  entiè 

Et  trahissoun  ta  moudestiè. 

Renounca  a  ta  vielho  maximo  ; 

Aquèu  que  couma  tus  s'exprimo 

N'ei  pas  fa  per  estre  en  darniè . 

Si  la  louangi  t'envenime, 

Se  n'aimes  pas  la  flatariè, 

Ace's  d'une  amo  magnanime, 

Te  va  pardeuni  lou  premiè  ;  ^  . 

Mai  daumen  recabi  l'estime 

E  l'aumagi  de  l'amitié 

Dins  aqueste  brout  de  lauriè. 

Que  lou  dieu  de  la  double  cime 

T'oufris,  maugra  la  jalousie. 


LA  FONT    PUTANELLA  149 


» 


RATATET  AU  PARTERRE 
Per  anonnçà  nna  représentationn  de  la  Font  Pùiànella 

A    SOUN   BENEFICE 

Messius, 

Quant  un  actur>  à  soun  prouât, 
Anounça  une  pièça  nouvella, 
Ven  vous  faire  un  joumpous  récit 
Das  fruits  d'una  docta  cervella  ; 
Parla  d'ardou,  de  souens,  de  zèla, 
E  débita  una  kiriela 
De  mots  preparats  embe  esprit. 
Ma  fè  !  seguisse  la  sequèla, 
E  vène,  lou  cor  enclausit, 
Vous  oufri  la  Font  Putanella. 
Per  obtène  vostre  agremen, 
Dins  una  anounca  counvenabla, 
Messius,  au  lioc  de  coumplimen, 
Laissas-me  vous  dire  una  fabla  ; 
Escoutas-m'  un  pichot  moumen. 

Lous  ausselous,  un  jour,  granda  assemblada, 

Entr' elles  voulhen  faire  un  rei 

Qu'à  toutes  dounesse  la  lei; 
Que  la  coumunautat  seguesse  ben  reglada. 

Mes  veja  aici  lou  countra-temps  : 

Quau  meritava  la  couronna? 

Chacun  pensava  à  sa  pérsouna  ; 
Aco's  toujours  ansin  entré  bestias  é  gens. 
Lou  Roussignôu  disié  que  lou  milhoii  cantairë 

As  autres  devîè  coùmmàndà. 

c<  Faù  pas  antau  ne  décida  » , 

10 


150  DIALECTES   MODERNES 

Cridavalou  Vôutour  :  «  es  lou  pu  gros  manjaire.  » 
Lou  Merle  voulhè  lou  pus  fin, 
E  lou  Mouissèt,  lou  pus  malin  ; 
Lou  Courpatas,  lou  vièl  d'âge  ; 
Lou  Passerou,  lou  pus  fringan  ; 
Lou  Paoun,  lou  pus  beu  plumage  I 
Chacun  vantava  soun  talan  : 
Sen  toutes  dins  aquel  usage. 
Per  fini  tout  aquel  cancan, 
L'Aigla  diguèt,  d'un  toun  pus  sage  : 
c(  Es  Tala  que  fai  Tausselou. 
Ensajen-nous,  chacun  de  nautres  : 

Quau  voularà  pus  nàu,  pus  longtemps  e  milhou, 
Aquel  sera  lou  rei  das  autres .  » 
Chacun  se  sentiguèt  ravit 
D'aquela  tant  bonna  pensada. 
A  pena  TAigla  agèt  finit, 
Que  tout  aco  pren  la  voulada. 
Aquel  gros  issan  d'ausselous 
Forma  dins  lous  airs  un  nuage. 
Lous  auriasvistes,  dous  à  dous, 
Se  defià,  prendre  courage . 
Pau  à  pau  chacun  se  lassèt: 
La  força  e  lous  mouyens  manquèrou, 
E  toutes  anfin  dabalèrou. 
Mes  TAigla.  que  lous  surpassât, 
Dins  lous  nibous  faguen  Taleta 
E  mesprisan  la  racalheta, 
Embe  aquestes  mots  s'anouncèt  : 
«  Digas  m' un  pau,  fèbla  voulalha, 
Que  toumbas  couma  de  granalha, 
Quau  creses-ti  qu'aura  lou  gan  ?  » 
Lou  Ratatet,  qu'èra  jout  Tala 
De  TAigla  à  la  voués  trioumphala  : 
((  Es  ieu,  es  ieu  !  »  crida  en  mountan. 
D'aquela  natioun  animala, 


LA   FONT  PUTANBLLA  151 


Lou  Ratatet,  lou  pus  pichot, 
Alors  seguèt  pas  lou  pus  sot, 
Aplicas-vous  à  la  mourala  : 
Vautres  ses  TAigla  e  ieu  lou  Ratatet. 
N'ai  pas  fossa  talan,  pecaire  ! 
Mes,  se  moun  désir  de  vous  plaire 
Fai  que  m'atapes  un  pauquet, 
Farai  tout  ce  que  pode  faire, 
Siegue  de  drech  ou  de  biscaire, 
E  serai  pas  lou  pus  mouquet. 


AUTRE  ANNONCE  AU  PARTERRE 


EN   VERS   PROVENÇAUX 


Uno  muso  de  la  Prouvenco, 

Eme  uno  autre  de  Mounpelhè, 

An  fabricà  d'intelligenço 

Uno  pichoto  droulariè. 

Messius,  vou'  n'en  fasèn  ôumagi  : 

Se  voulès  nous  faire  Thounour 

D'agradà  aqueste  badinagi, 

Nous  boutarès  de  boueno  humour. 

Entendres  parla  tour  à  tour 

De  vouestre  peïs  lou  lengagi 

E  la  lengo  dei  Troubadour. 

Lou  plèsi  de  vous  satisfaire 

Es  lou  but  que  nous  proupousan  ; 

E  ce  que  lou  mai  desiran, 

Es  enfin  de  vous  satisfaire. 


15?  DIALECTES   MODERNES 


PERSONNAGES 


JACQUES  GCEUR,  argentier  du  roi  Cbarles  Vil. 

JEAN  DE  VILLAGE,  facteur  d^  4 a/îoobp  Gcbur,  Prevençal. 

CROC,  vieux  portier,  Normand. 

NICOULAU,  jeune  jardinier,  de   Montpellier,  au  service  de 
Robert. 

RATATET,  cap  dejouven,  interprète  et  orateur  des  députés  de 
divers  quartiers  de  Montpellier  {mis^  grotesque), 

ROBERT,  maître  jardinier  àBoutonnet,  Champenois  d'origine. 

DONNA  COUCARELLA,  jardinière,  de  Montpellier. 

Veuve  ANGÉLA,  fille  de  Donna  Godcarella. 

M  AGUERITE,  surnommée  la  Frandmanda,  épouse  de  Robert. 

Six  quartiers  de  Montpellier  :  le  Courreau,  Boutonnet,  les  Car- 
mes, la  Valfère,  le  plan  de  POm  et  le  plan  de  rOhvier,  chacun  avec 
sa  bannière,  distinctions,  costumes,  etc. 

Jardiniers  et  jardinières,  dansant  le  Chevalet  et  les  Treilles, 


%. 


LA    FONT    PUTANELLA 


PROLOGUB 


LE  DIRECTEUR  DU  THË/^TRE,  en  habit  de  bourgeois. 
RATâTET,  costume  ordinaire  de  jardinier. 

RATATBT 

Eh  bé  !  moussu  lou  Directur, 
Deque  dises  de  la  Font  Putanella? 
Cresès-ti,  digas-me,  que  la  pieça  nouvella 
Pogue  desplaire  à  Tamatur? 

LE  DIRECTEUR 

Mais  je  pense  que  non  ;  Touvrage  est  sat)portab)e . 
n  est  à  craindre,  toutefois, 
Que  ce  baragouin  de  patois 
N'ait  un  effet  désagréable. 
Ceux  du  pays  Tentendront  bien. 
Mais  l'étranger  n'y  comprend  rien . 

RATATET 

Aco's  aco  que  vous  chagrina? 
Nostre  patouès  es  presque  tout  francés  ; 
E,  s'un  mot  n'es  pras  ben  coumprés, 
Un  vesi  coumplesen  l'expliqua  à  sa  vesina. 
Vous  dirai  tout  bas  que  l'autur 
Redouta  be  mai  la  critiqua  ! 
Se  pot  be  que  déjà  sentigue  la  couliqua  ! 
E  qu'en  quauque  canton  tramble  couma  un  vonlur. 

LE  DIRECTEUR        f^ 

La  pièce  est  bonne  ;  elle  est  gaie  et  morale  : 
Cela  devrait  le  rassurer. 
Et,  quand  elle  a  ri,  la  cabale 
Ne  trouve  rien  k  censurer. 


154  DIALECTES    MODERNES 

RATATET 

Es  antau  qu'un  marchand  vanta  sa  marchandisa. 

Pourvu  que  vous  vengue  d'argen, 

Savès  be  que  serès  counten. 

Mes  Tautur  endura  la  crisa  : 
Lou  parterra  toujour  n'est  pas  trop  indulgen  ; 

Quand  bufa  certain  ven  de  bisa, 

Autur,  actur,  tout  ne  depen. 

Air  :  Mon  père  était  pot 

Ai  !  quinte  juge  qu'un  public 

Que  de  pare  s'enrauca  ! 
Porte  dous  cols  de  basalic 
Et  dos  aurelhas  d'auca. 
L'un  vôu  de  serions, 
L'autre  aime  à  se  distraire  :    . 
Per  lous  countentà , 
Quau  pot  se  flatta 
De  saupre  deque  faire  ? 

LE  DIRECTEUR 

On  trouve  ici  de  quoi  contenter  tous  les  goûts  : 
On  y  chante,  on  y  rit,  on  danse . 
De  Jacques  Cœur  la  bienfaisance, 
En  étalant  ses  attraits  les  plus  doux. 
Doit  inspirer  de  la  reconnaissance 
Pour  les  biens  qu'on  verse  sur  nous. 

Air:  Femmes,  votUez-^ous éprouver . 

• 

Quand  on  nous  peint  un  bienfaiteur, 
Quel  sujet  offre  plus  de  charmes  ? 
Doux  sentiment  naît  dans  le  cœur, 
On  est  touché  jusques  aux  larmes. 
Si  Ton  ajoute  à  ce  tableau 
La  gaîté  qui  pare  une  fête. 
On  éprouve  un  plaisir  nouveau 
Et  l'âme  est  toujours  satisfaite. 


LA   FONT  PUTANBLLA  155 


RATATET 

Aco's  ben  dich  ;  avès  resoun,  sans  doute  ; 
Mes  se  sap  qu'auprès  d'un  pus  fort, 
Lou  pus  feble  toujour  a  tort, 
Lou  juge  es  aqui.. . .  lou  redoute  ! 

LE  DIRECTEUR 

Pourquoi  craindre  son  jugement? 
Il  est  juste  ordinairement  ; 
S'il  se  montre  parfois  sévère, 
Oq  la  pièce  ou  Facteur  peut  le  mécontenter  ; 
De  ses  leçons  nous  devons  profiter, 
Son  avis  souvent  nous  éclaire. 

RATATET 

Quauquas  fes  es  mau  prevengut, 
E,  quand  monta  au  nas  la  moustarda, 
Jusqu'as  que  siégue  revengut 
N'aven  be  prou  d'i  prene  garda  ! 
loi,  per  exemple,  se  poudiei, 
Avant  de  coumencà,  ie  dire 
Que  cercas  à  lou  faire  rire, 
Veja  aiçi  ce  que  li  diriei  : 

AU    PARTERRE 

Air  de  la  Ronde 

Messius,  per  vostre  amusamen, 
Aquesta  pièca  es  coumpausada  ; 
E,  per  diverti  l'assemblada, 
Nautres  faren  ce  que  pourren. 
Aico's  une  sourea  nouvella, 
Qu'a  coustat  de  pena  a  trouva. 
Dépen  de  vous  [ter;  de  counservà 
Vostra  Font  Putanelln, 

FIN    DAU   PROLOGUE 


ACTE  PREMIER 

Le  théâtre  représente  une  salle  de  l'hôtel  de  Jacques  Coeur 
On  voit  un  jardin  dans  le  fond 


SCENE  PREMIERE 

NiGOULAU  seul  (il  accourt  portant  des  fleurs  à  la  main) 

Arrive  lou  premiè  I  Languissiei  de  me  rendre, 
E  crenissiei  toujour  de  trop  la  faire  atendre. 
Moun  Angela  I  sans  tus  que  lou  temps  sembla  Ion  ! 
Tant  que  te  vese  pas,  te  crese  toujours  Ihon. 
Veja  aici  toun  bouquet;  quand  ne  seras  parada, 
La  pena  qu'a  constat  sera  dessoublidada. 

Air  :  Jeunes  amants,  cueiUez  des  fleurs 

1 

Quau  jamai  se  fatigariè 

Dau  plesi  d'aquela  cultura  ? 

Fa  pas  de  pus  poulit  mestiè 

Que  lou  qu'ajuda  à  la  natura. 

Per  prix  de  mous  souens,  chaque  jour 

Ma  man  pot  faire  la  culheta, 

E  toutas  las  flous  tour  à  tour 

Espelissou  per  Angeleta. 


L'hiver,  quand  lou  glas  et  la  nèu 
Fan  péri  lous  fruits  de  la  terra, 
La  rosa  e  Tulhet  lou  pus  bèu 
Encara  vivou  dins  ma  serra. 
Couma  lou  soulel  dau  printemps, 
L'amour  ie  servis  d'escaufeta, 
E,  maigre  la  rigou  dau  temps, 
Soui  fleurit  per  moun  Angeleta. 


LA   PONT  PUTANBLLA  1S7 


loi  me  fau  lou  pus  gros  bouquet, 
Car  d'hjmen  celebran  la  festa  ; 
Dins  lou  parterra  e  lou  bousquet 
Vau  maissouna  tout  ce  que  resta. 
Per  travalhà,  quand  serèn  dous, 
Soui  segu  que  jout  sa  maneta 
Naissaran  de  pus  bellas  flous 
Per  embelli  moun  Angeleta. 

Mais  deque  la  reten  ?  la  vese  pas  veni  ! 

De  ce  que  m'a  dich  hier  deu  be  se  souveni  ! 

«  Manques  pas,  Nicoulau,  de  te  rendre  à  bona  houra  !  » 

Faudra  be  qu'ella  vengua  !  Oh  !  sans  doute  ;  mes  qu'oura  ? 

S'encara  dourmissiè  I  L'on  dourmis  pas  antau 

Lou  jour  qu'on  se  marida  ;  e  l'amour  es  un  mau 

Que  revelha  mati.  Pourtant  ounte  potestre? 

Es  mountada,  belèu  ;  s'occupa  per  soun  mestre. 

Jacques  Cœur  es  tan  bon  !  Nous  disiè  l'autre  jour  : 

«  Ze  veux,  mes  sers  enfants,  coronner  votre  amour  ; 

n  Ze  prétends  vous  unir.  Ze  ferai  davantaze  : 

»  Ze  vous  donne  une  adot  le  zour  du  mariaze  ; 

»  De  plus,  mon  amitié.  »  Sans  doute  qu'aco's  grand  ! 

Amai  sieje  un  segnou,  certa  !  es  un,  bon  enfan. 

Aussi  l'aime,  ma  fe,  couma  on  aima  soun  paire. 

Mes  Angèla  ven  pas  I . . . .  Menjan,  de  que  pot  faire  ? 

n  va  sortir;  Croo  parait  ;  Nioolas  l'évite. 

Aqui  Croc,  lou  pourtiè. 

SCÈNE  II 

CROC,    appelant 

Nicolas  !  Nicolas  ! 
Il  m'évite  ;  c'est  clair,  il  ne  m'écoute  pas. 
Je  parîrais  qu'il  court  auprès  de  son  Angèle. 
L'égrillard  est  aimé  comme  il  aime  sa  belle  ! 


158  DIALECTES   MODERNES 

J'aime  aussi  la  petite,  et  c'est,  je  crois,  en  vain. 
Le  drôle  est  bien  alerte  !  Eh  bien  !  soyons  plus  fin. 
J'ai  déjà  fait  mouvoir  certains  ressorts....  Peut-être 
De  la  mère,  à  mon  gré,  je  me  rendrai  le  maître. 
Jacques  Cœur  est  puissant,  libéral,  généreux  ; 
Sa  prodigalité  va  me  servir  au  mieux. 
J'ai  dit  que  ce  seigneur,  en  tout  si  magnifique, 
Ne  tenait  ses  trésors  que  de  son  art  magique  ; 
Qu'il  était  en  commerce  avec  l'esprit  malin, 
Que  par  là  tant  d'argent  se  trouvait  sous  sa  main. . . 
Quelle  excellente  idée  !  Allons,  Croc,  ton  adresse 
Te  rendra  possesseur  de  ta  jeune  maîtresse. 

Air  :  C'est  ttn  enfant 

Bientôt  l'alarme  et  l'épouvante 
Troubleront  ces  petits  esprits  ; 
La  peur  à  chaque  instant  augmente 
Et  leurs  cœurs  en  seront  saisis. 

Sur  ce  noir  mystère, 

La  fille  et  la  mère 
Viendront  à  moi  se  récrier  : 
C'est  un  sorcier. 

2 

Profitant  de  leur  confiance, 
Et  pour  préparer  mon  bonheur. 
J'affaiblirai  la  résistance  ; 
On  s'adoucit  quand  on  a  peur. 

Ma  petite  Angèle, 

Alors  moins  rebelle, 
A  moi  se  laissera  lier 

Par  un  sorcier. 

Que  d'objets  à  l'appui  de  mon  raisonnement! 
Partout  quelque  édifice  ou  quelque  monument  : 
La  Loge  des  marchands,  le  Bureau  des  finances... 
Partout  il  fait  bâtir  avec  magnificence  ; 


LA   PONT  PXJTANFLLA  159 

Et,  du  haut  de  sa  tour,  il  peut  voir  sur  les  eaux 
Flotter  le  pavillon  de  ses  nombreux  vaisseaux. 
Aujourd'hui  c'est  encore  une  fête  nouvelle  : 
Il  remplit  le  bassin  de  la  Font  Putanelle. 
Que  d'argent  pour  ses  eaux  !  c'est  à  faire  trembler  ! 
C'est  utile  pourtant.  Ce  qui  vient  me  troubler, 
C'est  qu'il  unit  ce  drôle  à  sa  chère  Angelette  ; 
Qu'il  leur  donne  une  dot...  Leur  fortune  est  complète  ! 
Et  je  ne  pourrai  point,  par  quelque  empêchement.  . . 
Mais  quelqu'un  vient  ici!  Sauvons-nous  prudemment. 
Allons  faire  mouvoir  certaine  batterie  ; 
Filons  à  la  sourdine;  et  puis..  .  je  me  marie. 


(Il  sort.) 


SCENE  m 

NICOLAS,   ANGÈLB  (par  suite  d'entretien) 
NICOLAS 

Que  venes  de  m'apprene  !  Aco  se  pourriè-ti? 
Vostre  mestre  sourciè!  Pas  ben  de  m' averti. 
Prenguen  pas  soun  argen. 

ANOÉLB 

Aco's  l'argen  dau  diable 

NICOLAS 

Quau  l'auriè  cresegut  !  De  que  l'homme  es  capable 

ANOÈLE 

Escouta,  Nicoulau,  ce  que  m' an  racountat  : 
I^isouque  chaqua  nioch  au  castel  i  a  sabat. 
'^^  fin  foun  de  la  cava,  abal  jout  la  grand'salla, 
E^  lou  rassemblamen  de  la  banda  infernala  : 
^<^u  mestre,  embe  soun  libre  e  lous  mots  qu'ilegis, 
"  un  cop  de  sa  baguetta  apela  lous  esprits . 
I^isou  qu'an  de  serpens  tout  lou  tour  dau  visage, 
^  cornas  à  la  testa. . .  e  que  fan  un  tapage  ! 


» 


160  DIALECTES   MODEKNES  • 

NICOLAS 

Diga,  Tas  entendut? 

ANGÈLB 

Me  sembla  quauquas  fés 
Qu*un  grand  bruch  me  revelha,  et  n'ausisse  pas  res 
Anôn,  quand  sonn  rendus  aqui,  parlou  d'affaires^ 
E  se  tratou  toujours  coamo  s'èrou  de  fraires  ; 
E  pioi,  quand  lou  segnou  li  demanda  d'argen, 
Lous  esprits  ne  fan  pleure ...  ah  !  que  be  talamen 

NICOLAS 

Aussi,  m'estoune  pas  de  sas  grandas  richessas, 
E  sans  pena,  segu,  pot  faire  de  largessas. 
Mes  que  garde  soun  or,  nous  pourtariè  malur. 
Tira  Targeii  dau  diable  ! . . .  oh  I  vostre  servitur  ! 

ANGÈLE 

Se  n'aven  pas  pourtant,  diga,  que  pourrèn  faire  ? 

NICOLAS 

Quand  serèn  mandats,  travalharen,  pecaire  ! 
Aumen  viuren  en  pes. 

ANOÉLE 

Mes,  veja  aici  lou  mau  ; 
Ma  mèra  n'entend  pas  qu'aco  se  fague  antau: 
Vôu  que  renounce  à  tus. 

NICOLAS,  aveofeu 

Me  ravi  mon  Angèla  ! 
Me  veiriès  lèu  péri  de  ma  doulou  moftella. 

ANOÈLB,  tristement 

Aco  nou  veiriei  pas  ;  sentisse  din  lou  cor 
Qu'anariei  la  premieira  au  davan  de  la  mor. 


LA   PONT  PUTANBLLA  161 

Air  :  Aa  kbat  de  l'aurora 

D'una  lampa  alumada 
L'esclat  nous  rejouis; 
Mes,  quand  n'es  pas  soignada, 
Soun  lun  estabanis. 
Es  antau  de  ma  vida  : 
Vive  pas  que  per  tus . 
Seriei  leu  counsemida 
Se  te  vesiei  pas  pus. 

NICOLAS 

E  ieu  !  crese  qu'alors,  que  que  pouguessou  faire, 
Se  passaves  davan,  demourariei  pas  gaire . 

Même  air  : 
Dins  la  sèsou  brulanta, 
Couma  vesèn  la  flou 
Se  flétri  sus  la  planta, 
E  secà  de  calou  ; 
Sans  tus,  dins  ma  fèblessa , 
Coussi  me  soustendriei  ? 
De  pena,  de  tristessa, 
Antau  me  secariei. 

(Ils  s'embrassent,  en  pleurant) 
NICOLAS,  triste 

Angèla  1 

ANGÈLE,  triste 

Nicoulau  ! 

NICOLAS 

Diga,  de  que  farèn 
Se  nous  fau  sépara? 


ANGëLE,  avec  douleur 

Mourirèn  ! 


NICOLAS,  avec  douleur 

Mourirèn  ! 

;  Après  un  moment,  il  reprend  aveo  oonrag^) 


162  DIALECTES   MODERNiîiS 

No,  no!  mouriguèn  pas.  Parla,  tus,  à  ta  mèra; 
leu  à  mestre  Roubert,  que  me  servis  de  pèra  : 
Anen  ie  dire  tout. 

(Il  entraine  Angële. —  Jean  survient) 


SCENE  IV 

NICOLAS,    ANGÊLE,  JEAN  DE  VILLAGE 


JEAN 

Vous  derengi,  bessai  ! 
Quand  es  questièn  d'amour,  un  tiers  counvèn  jamai. 
Mai,  qu'  viou  !  qu'es  aissoto!  e  quante  triste  imagi  ! 
Leis  plours  an  trascoulà  sus  aquèu  bèu  visagi  ! 
Counouissès  lou  chagrin,  senso  estre  maridà? 
Sies  panca  ben  espous  e  n'en  sérias  fachà  ! 
Ai,  ca-de  -noun  !  de  qu'es  aco  que  vous  carquagno  ? 
Parlas-mi  dounc,  enfans,  countas-mi  vouestro  lagno. 
Coumeneo,  Nicoulas,  tus  qu'as  mai  de  resoun. 

NICOLAS 

Parlas  de  mariage,  es  pas  pus  de  sèsoun  : 
Angèla  m'es  ravida,  e  sa  cruella  mèra 
Vôu  que  nous  separèn;  aco  me  désespéra. 


JEAN 


Vous  sépara!  perque  ? 


Angela,  parla,  tus. 


Digo  tout  senso  crento . 


NICOLAS 

N'ause  pas  dire  tout. 

JEAN,    à  Angèle 

Anèn  !  vai  jusqu'où  bout. 


LA    FONT  PUTANELLA  163 

ANGE  LE 

Eh  be  !  vous  oubéisse* 
Ma  mèra  vôu  quitta  lou  mestre  que  servisse. 

JEAN 

Per  lou  quitta,  mi  pensi,  a  de  bouenos  resouns. 

ANGÈLE 

Dis  que  moun  mestre  a  fach  pacte  embe  lous  demouns . 

JEAN 

Que  mi  contes,  ma  fiUa  !  aco  si  pot-i  creire  ? 

ANGÈLE 

Aco's  n'es  pas  pourtant  ben  dificile  à  veire. 

Air:  Nous  nous  marierons  dimanche 

Fai  tout  ce  que  vôu,  dins  tout  réussis  ; 
Mena  un  trin  incouncevable. 
Ce  qu'on  vei  rend  ce  que  s'en  dis 
Crouyable . 

NICOLAS 

Quau  pot  faire  un  rebaladis 
Semblable  ? 


ANGELE 

Oustaus  e  vaisseus, 
Mobles  das  pu  beus, . . 
Et  d'oun  ven  Targen  ? 

NICOLAS 

I^au  diable  ! 


^  mascas,  chaqua  nioch,  vènou  per  l'en  bailà, 


1Ô4  DIALECTES   MODiERNES 

ANGÈLE 

E  finiriè,  belèu,  per  nous  ensourcelà. 

JEAN,  riant  aux  éclats 

Qu'es  tout  aquèu  sagan  !  m'e«toufegue  de  rire. 
Escoutas,  meis  enfans,  ce  que  duvi  vous  dire  : 
De  tout  ce  que  me  dia,  ne  cresegues  pas  rèn. 
Qu'  parlo  deis  sourciè  ne  fa  qu'un  passo-tèm . 
L'a  pas  ren  de  verai  de  tout  ce  que  s'en  dis, 
E  tau  qu'a  de  bouen  sen  e  s'en  trufo  e  s'en  ris. 
Leis  diable,  leis  démouns,  e  leis  malins  esprits, 
D'ounte  vènou?  Ounte  van  ?  Qu'  jamaï  lous  a  vist? 
Es  quauque  segne-grand,  vo  ben  quauquo  nourrisso, 
En  bressan  leis  enfans,  qu'a  fa  aquesto  maliço. 
Fugues  pas  lou  juguet  de  taus  countes  en  l'air  : 
La  résoun  i  répugna  e  lou  cervèu  s'i  perd. 
Mai,  Jacques  Cœur  merito  anmen  vouestro  tendresso, 
Es  un  homme  d'hounour  e  ramplit  de  sagesso. 
Vous  n'en  disi  pas  mai,  cherissès^vous  toujours  ; 
Anas,  e  laissas-mi  servir  vouestreis  amours. 

(Nicolss  et  Angële  se  retixent  contents) 

SCÈNE  V 

JEAN,   seul 

Paures  simples,  qu'  mau  que  vous  fès  à  vous  mémo  ! 
Vous  esfraias  d'un  rèn,  poussas  tout  à  l'extrêmo. 
Mes  la  cauvo  n'es  pas  dins  la  simplicité, 
E  la  trovi  puslèu  dins  la  credulità. 
Creire  tout  es  un  vici  ;  e  ce  que  vous  coundanno, 
Es  lou  marri  t  effet  de  la  feblesso  humano. 
(   Hurous  aquèu  qu'esclairo  uno  sano  rèsoun  ! 

Ajr  :  Ce  mouchoir ^  belle  Raymonde 
Creire  tout  e  ne  rèn  veire 
Es  Talluro  d'un  nigau  ; 


LA    FONT  PUTANELLA  163 

ANGÈLE 

Eh  be  !  vous  oubéisse* 
Ma  mèra  vôu  quitta  lou  mestre  que  servisse. 

JEAN 

Per  lou  quitta,  mi  pensi,  a  de  bouenos  resouns. 

ANGÈLE 

Dis  que  moun  mestre  a  fach  pacte  embe  lous  demouns . 

JEAN 

Que  mi  contes,  ma  fiUa  !  aco  si  pot-i  creire  ? 

ANGÈLE 

Aco's  n'es  pas  pourtant  ben  dificile  à  veire. 

Air:  Nous  nous  marierons  dimanche 

Fai  tout  ce  que  vôu,  dins  tout  réussis  ; 
Mena  un  trin  incouncevable. 
Ce  qu'on  vei  rend  ce  que  s'en  dis 
Crouyable . 

,  NICOLAS 

Quau  pot  faire  un  rebaladis 
Semblable  ? 

ANGÈLE 

Oustaus  e  vaisseus, 
Mobles  das  pu  beus. . . 
Et  d'oun  ven  Targen  ? 

NICOLAS 

Dau  diable  \ 


Las  mascas,  chaqua  nioch,  vènou  per  l'en  bailà 


166  DIALECTES   MODERNES 

Votre  fiUe,  vous,  moi,  sommes  en  grand  danger  ; 
Dans  un  profond  abîme  il  pourrait  nous  plonger. 
Un  grand  poète  a  dit  :  «  Nous  finirions  peut-être 
Par  nous  perdre  de  même.  »  Evitons  ce  malheur. 
Et  rompons  sans  éclat  avec  ce  grand  seignenr. 
Qu'il  garde  ses  trésors  et  le  bien  qu'il  peut  faire  ; 
Pour  notre  sûreté  la  suite  est  nécessaire. 

JEAN,  à  part 

Vieu  Tartufo  ! 

COUCARELLE 

Pourtant  lou  regrete  ;  es  tant  bon  ! 

CROC 

C'est  un  excellent  cœur,  je  ne  puis  dire  non; 
Mais  cette  bonté-là  doit  nous  être  suspecte. 
Moi-même,  en  le  blâmant,  je  F  aime  et  le  respecte. 
Mais,  si  vous  m'en  crojez,  suivons  notre  projet, 
Et  surtout  là-dessus  gardons  bien  le  secret. 
Veillez  sur  votre  Angèle  ;  elle  est  vraiment  gentille. 
J'aurais  brigué  l'honneur  d'être  de  la  famille; 
Mais  contre  mon  rival  je  ne  dispute  pas, 
Et  ses  droits  sur  les  miens  doivent  avoir  le  pas. 

JEAN,  à  part 

Es  amourous,  pecaire  ! 

COUCARELLE 

Oh  !  sera  pas  moun  gendre, 
E  sus  aquel  sujet  vole  pas  res  entendre. 

CROC,  à  part,  avec  joie 

Se  pourrait-il  ?  (Haut)  Comment  !  mais  c'est  un  beau  garçon 
Il  est  vrai  qu'il  est  simple  et  de  pauvre  maison. 

COUCARELLE 

Poussèda  pas  un  liard,  es  michan  travalhaire, 


LA   FONT  PUTANEI^LA  167 

E  crese  qu'en  tout  poun  semble  soun  paurB- paire. 
Diu  Taje  perdounat! 


CROC 


Pour  moi,  j'ai  quelque  argent 
Gagné  par  mon  travail  et  surtout  dignement. 
Je  vous  suis  attaché,  ma  bonne,  et  mon  envie 
Serait  auprès  de  vous  de  terminer  ma  vie. 

COUCARELLE 

leu  vous  aime  tant  ben  ;  aco  pot  s'arenjà. 
Mais  fau  pensa,  d'abord^  à  se  desengajà. 

JEAN,  les  abordant 

Salut  à  Monsieur  Croc.  —  A-diu-sias,  Coucarello  ! 
Que  dites-vous  de  bon  ?  -—  Eh  ben  !  quanto  nouvello  ? 

CROC 

Jacques  Cœur  nous  occupe,  et,  pleins  de  sa  bonté, 

Nous  admirons  tous  deux  sa  générosité. 

« 

COUCARELLE 

Disian  que  sa  richessa  es  sans  doute  ben  grand  a, 
E  qu'acorda  toujour  tout  ce  qu'on  ie  demanda. 


CROC 

Qu'il  fait  beaucoup  de  bien. 

COUCARELLE 

Que  dèu  despensà  fort. 

CROC 

^^ue  son  pouvoir  est  grand. 

COUCARELLE 

Que  jouis  d'un  bèu  sort. 


L 


168  DIALECTES   MODERNES 

JEAN,  à  part 

Amusons-nous  un  peu. 

(D'an  ton  de  mystère  et  de  confiance 

Je  peux  parler  sans  feinte  ; 
D'être  trahis  par  vous,  non,  je  n'ai  pas  la  crainte. 
Je  veux  vous  révéler  un  secret  important. 
Vous  ne  vous  doutez  pas  d'où  lui  vient  tant  d'argent? 
Jacques  Cœur  est  versé  dans  la  noire  magie, 
Et,  pour  parler  plus  clair,  dans  la  sorcellerie . 

11  est,  dans  les  enfers,  connu  du  dieu Plutus . 

Hier  il  a  touché ....  quarante  mille  écus. 
Il  a  le  talisman  de  la  cour  infernale  : 
C'est  ce  qu'on  a  nommé  pierre  philosophale. 
Voilà  la  chose  en  gros . 

CROC,  à  part 

Je  demeure  étonné. 
En  cherchant  à  médire,  aurais-je  deviné? 

COUCARELLE,  rêvant 

Coumprene  pas  aco. 

JEAN 

Le  voici  : 

Air  : 

Avoir  à  son  commandement 
Richesses,  dignités,  puissance  ; 
Sans  crainte  suivre  son  penchant. 
Triompher  de  la  résistance  ; 
Jouir  au  comble  de  ses  vœux 
D'une  fortune  sans  égale  ; 
Enfin  être  toujours  heureux  : 
C'estla  pierre  philosophale. 

CROC 

Cette  pierre. 
Si  je  pouvais  l'avoir,  ferait  bien  mon  affaire. 


LA   PONT   PUTANBLLA  169 

JBAN 

n  ne  tiendrait  qu'à  vous,  Monsieur  Croc . 

CROC 

Et  comment? 

JEAN 

Donnez- vous  aux  démons,  par  accommodement, 
Comme  a  fait  Jacques  Cœur. 

COUCARELLE 

Ai  !  d'aquel  misérable  ! 
Lou  veiren  quauque  jour  arapat  per  lou  diable. 
E  ièu  lou  serviriei  pus  longtemps  !  Ah  !  boutas  ! 
Vau  faire  moun  paquet,  amai  d'aqueste  pas. 

JEAN 

Aumen  fugues  prudens  en  parelho  counduito  ! 
Ièu  mémo  voudriei  ben  poudè  prendre  la  fuito  ; 
Mai  cregni  per  meis  jours.  Caspi  !  s'eri  entendu  ! 
Fouriè  plegà  bagagi  e  tout  sariô  perdu. 
Enmenas  vouestro  Angèlo  ;  es  un  pau  trop  estrangi 
Que  dins  Foustau  dou  diable  on  laisse  viùre  un  angi. 
L'unigues  pas  ôumen  eme  aquèu  Nicoulau  ! 
Ièu  li  savi  un  parti  que  li  counven  pas  mau. 
Perquità  lou  segnour  pretestas  quauque  afaire, 
Epervouestre  bonhur,  anas,  laissas-mi  faire; 
Ièu  prendrai  soin  de  tout 

COUCARELLE 

Ai  I  Moussu,  grand-mecis 
De  votra  counfidenca  e  de  vostres  avis. 
N'en  vau  cercà  ma  filha  en  granda  diligença  ; 
E  dihs  vostre  proujet  métrai  tant  de  prudença, 
Que  degus  sauprà  pas  de  que  sarà  questioun. 


170  DIALBGTES  MODERNES 

Air  :  L'avez-vous  vu,  mon  bien-aimé? 

Paures  agnels  que  souspiras, 
Filhas,  que  vous  planisse  ! 

Sans  i  pensa  toujours  roudas 
Au  bord  dau  précipice. 

(A  Jean) 

Sans  vous,  Tinfernal  ravissur 
Fasiè  nostre  éternel  mattiur. 
Preserven-nous  de  Lucifer  : 

De  qùé  fài4è  dé  nautras  ? 
Se  fau  de  femnas  dins  Tanfer, 
le  manquarà  pas  d'autras. 

Diu  vous  done  santat  e  sa  benedictioun. 

(Elle  saine  plusieurs  fois  et  sort) 
JEAiï   (à  part) 

Pauvre  femme  !  Je  plains  sa  crédule  innocence  ; 
Mais  je  la  guérirai  de  sa  folle  croyance. 
Punissons  ce  vieux  fourbe. 


(U  désigne  Croc.) 


SCÈNE  VII 


JEAN,  CROC 


CROC,  respectueusement 

A  mon  tour,  Monsieur  Jeai 
Je  vous  rends  mon  hommage  et  fais  remercîment 
Des  preuves  de  bonté  que  vous  faites  paraître. 

JEAN 

Quoi  !  Monsieur  Croc  aussi  voudrait  quitter  son  maître  ? 
Un  homme  cependant  doit  être  courageux. 


LA   Fpî^T  PUTANELLA  171 


CROC 


Oh  !  ce  n'est  pas  la  peur  qui  me  fait  fuir  ces  lieux. 
Mais  Coucarelle  part,  et  je  pars  avec  elle. 

JEAN 

Si  la  mère  partait  et  que  restât  Angèle, 
Sortiriez- vous  ? 

CROC,  embarrassé 

Eh!  mais Ce  propos.... 

JEAN 

Vous  surprend  ? 
Il  s'agit  de  s'entendre,  et  c'est  en  s'expliquant. 
Angèle  est  fort  aimable,  et,  selon  l'apparence, 
Vous  ne  la  vojez  pas  avec  indifférence  ? 
Convenez 


CROC 

A  mon  âge  ! . . . 


JEAN 

Eh  !  vous  n  êtes  pas  vieux  ! 

CROC 

Pas  encor  soixante  ans. 

JEAN 

Vous  vous  portez  au  mieux. 
L'ne  femme  avec  vous  ferait  un  bon  ménage. 
J'ai  des  projets. 

CROC,    rayonnant  d'espoir 

Tantôt,  en  fait  de  mariage, 


172  DIALECTES   MODERNES 

Vous  nous  parliez  d'Angèle  et  vouliez  la  pourvoir, 
Sans  indiscrétion 


JBAN 

Vous  allez  tout  savoir  : 
Le  jeune  Nicolas  a  peu  d'expérience, 
Et  je  trouve  entre  eux  deux  bien  peu  de  convenance... 
Pour  rendre  Angèle  heureuse,  il  lui  faut  un  époux 
Mûr,  mais  frais,  raisonnable  :  un  homme ...  tel  que  vous 

CROC,  charmé 

Ah  !  Monsieur  Jean  ! 

JEAN 

Je  veux  arranger  cette  affaire. 

CROC 

Monsieur  Jean  1 

JEAN 

Est- il  vrai  qu' Angèle  a  su  vous  plaire  ? 


Ma  foi  I  oui. 


Ma  foi  !  non. 


Ma  foi  !  oui. 


CROC 
JEAN 

Vous  n'aurez  plus  de  vœux  à  former  ? 

CROC 
JEAN 

Sentez-vous  bien  de  cœur  à  l'aimer? 

CROC 
JEAN 

Mais,  surtout,  oh  !  point  de  jalousie  ! 


LA   PONT  PUTANBLLA  173 

CROC 

Ma  foi  !  non. 

JBAN 

Vous  ferez  le  bonheur  de  sa  vie  ? 

GROC 

Je  veux  vivre  avec  elle  en  époux  complaisant. 

JBAN 

Allez,  soyez  tranquille,  et  vous  serez  content. 

CROC 

Monsieur  Jean,  soyez  sûr  que  ma  reconnaissance.... 

JEAN 

11  suffit. 

CROC,    à  part 

Je  l'aurai  !  Dieu  î  la  douce  espérance  ! 

(Il  sort  enchanté..) 

SCÈNE  VIII 

JEAN,  seul. 

Oui,  moun  vieu  moussu  Croc,  segu  seres  coustiè  ; 
Counouissès  pas  lou  fin  de  vouestre  bon  mestiè. 
Lou  pouiit  Cupidoun  I  lou  charmant  calignaire  ! 
Fariès  de  bèu  travau  se  vous  laissavou  faire  ! 

Air  :  de  la  Catacona 

Tout  es  reglà  dins  la  natura. 

Et  chaqua  cauvo  es  per  soun  tem  : 

Dins  sa  sèsoun  tout  s'amadura, 


174  DIALECTES   MODERNES 

L'annada  n'a  pas  qu'un  printem. 
Qu'un  vieu  rouquiè,  dins  soun  autouna, 
De  plaire  vouegue  se  mèlà, 

A  beu  parla, 

Dissimula, 
Faire  Faimable  et  s'escarabilhà, 
I  a  quouque  rèn  dins  sa  persouna 
Que  tout  bas  li  crida  :  Alto-là  ! 

Eh  ben  !  vous  guérirai  de  vostre  fol  amour. 
Fau  que  d'un  autre  mau  ieu  mi  vengi  à  mountour. 
Aves  un  mauves  couer  envers  la  benfasenca  ! 
Vous  farai  repenti  de  vouestro  medisença. 
Detesti  leis  ingras  autan  que  leis  flattours, 
Et  punirai  surtout  leis  calouinniatours. 

(Il  va  pour  sortir  quand  parait   HJt^rgueritc 

SCÈNE  IX 


JEAN,    MARGUERITE,  NICOLAS,   ANGELE 


NICOLAS     (Il  traîne  Marguerite  par  la  main.  Angèle  sort.) 

Margarida,  âyanças.  La  rancountra  es  hurousa  ; 
Es  aqui  Moussu  Jan,  segues  pas  vergougnousa. 

MARGUERITE,  à  Nicolas 

Le  cor  me  bat,  je  n'ose. . ,  .  autant  de  libertà, 
Parle-tu,  mon  garçon,  et  viens  me  présenta, 

JEAN  va  au-devant 

Approchez,  bonne  femme,  à  votre  compagnie 
Je  vois  de  ces  enfants  que  vous  êtes  l'amie. 
Mon  intérêt  pour  eux  s'étendra  jusqu'à  vous  ; 
Parlez. 

MARGUERITE,  timide 

Mon  bon  Monsieur!  pardon,  excusez-nous. 


LA    FONT  PUTA^ELL\  175 


JBAN 

Votre   nom? 

NICOLAS,  imitant  le  français 

Margueride.  Il  est  la  Francimande, 
Ma  bourzoise.  —  Robert,  mon  bourzois,  vous  la  mande, 
Pour  boiLS  dire  que .... 

(à  Marguerite) 

Anen  !  diguas  ce  que  voudrés  ; 
Mes  fasès-vous  counouisse  e  parlas-ie  francés. 

MARGUERITE,  à  Jean 

:<auf  votre  bon  plaisir,  de  cet  enfant,  pec/ière, 

Ji  sommes  debengue  une  seconde  mère. 

Je  Tons  vu  tout  petiot,  sans  parents,  mal  pourvu.  . . 

Et  je  Tons  pris  cheu  nous,  c'est  là  qu'il  B.crècu, 

Robert,  sauf  vof  respect,  not' homme....  ah!  comme  ilTaime  ! 

Voyez,  ni  pu,  ni  moins  que  not'enfant  lui-même. 

Il  travaille,  ahl  boutas!  comme  au  fait  du  métier, 

Et  je  voulons  en  faire  un  maître  jardinier. 

JEAN 

On  connaît  Nicolas;  il  est  sage,  estimable. 
Vous  n'êtes  pas  la  seule  à  le  trouver  aimable  : 
Ici,  dans  la  maison,  on  le  voit  quelquefois ...      : 
Et,  tenez,  voyez-vous  ? 

(Il  désigne  Nicolas  etAngèle,  qni  causent  à  l'écart) 
MARGUERITE,  haut  À  Nicolas 

Mon  garçon,  je  te  vois  ! 
Ne  fais  pas  comme  aco  devant  monsieur. 

JEAN 

Son  âge 


176  DIALECTES   MODERNES 

Excuse  sa  conduite  :  il  pense  au  mariage . 
Il  faut  les  marier,  et  c'est  là  mon  dessein. 

MARGUERITE 

Et  voilà  tout  Vemboul  qui  cause  mon  chagrin . 

JEAN 

Pourquoi  donc  ? 

MARGUERITE 

Vous  saurez  que  Donne  Coucarelle 
Pour  notre  Nicolas  avait  promis  Angèle. 
Tantôt  j'étions  chez  elle,  et,  sans  douter  de  rien, 
J' allions  à  la  franquette  entamer  T  entretien  ; 
Je  Tons  vu  qui  fougnait,  et  moi,  toute  bestiasse, 
J'ons  dit  :  «  A  quand  la  noce  ?»....  Elle  a  fait  la  grim: 
«  —  Non  I  qui  m'a  dit,  jamais  la  noce  se  fera. 
»  Les  marier  I  qui  dit,  bien  fin  qui  le  verra  ! 
»  Pour  votre  biau  sujet  allez  en  querre  une  autre. 
»  Recatez  vot'enfant,  je  recatons  le  nôtre.  » 
«  —  Ma  commère,  ai-je  fait,  mais  vous  Favez  promis. 
((  —  Si  j'ai  promis,  fait-elle,  eh  bien  !  je  m'en  dédis.  » 
Et  la  voilà  qui  brouille,  et  qui  brise,  et  qui  casse  ; 
Fait  des  paquets  de  linge,  amouloune,  enliasse. 
«  J' allons  quitter,  qui  dit,  Satan  et  Lucifer  ; 
))  Seguirà  qui  voudra  les  démons  et  l'enfer.  » 
Tant  i  a  que  j'ons  fui,  quand  j'ons  vu  ce  tapage  ; 
Mais  ces  pauvres  manis,  quel  sera  leur  partage  ?  ' 
Ils  étiont  si  joyeux  !  et  s'ils  sont  sépara, 
Monsieur  Jean,  de  seguf  Nicolas  mourirà. 

Air  :  Lise  chantait  dans  la  plaine 
L'amour  est  une  maladie 
Qui,  nuit  et  jour,  fait  tant  souffrir! 
Elle  ôte  le  goût  de  la  vie. 
Et  finit  par  faire  mourir. 
Mais,  pour  arrêter  ce  ravage, 


LA    FONT   PUTANBLLA  177 

Il  n'est  qu'un  moyen  de  guérir  ; 
J*en  fis  répreuve  en  mon  jeune  âge  : 
Il  ne  faut  (bis)  que  le  mariage. 

JEAN 

Eh  bien  !  rassurez- vous,  ce  sera  mon  ouvrage. 

Je  sais  ce  qui  se  passe;  et  ce  moment  d'orage 

Par  mes  soins,  dès  ce  jour,  fera  place  au  beau  temps. 

Notre  maître  a  promis  d'unir  ces  deux  enfants. 

Il  leur  tiendra  parole  ;  et,  quant  à  Coucarelle, 

Ne  vous  alarmez  pas,  c'est  une  bagatelle. 

Vous  apprendrez  bientôt  que  c'est  par  mon  avis 

Qu'elle  se  détermine  à  sortir  du  logis  ; 

Mais,  pour  la  retenir,  je  n'ai  qu'un  mot  à  dire. 

De  mon  dessein  secret  je  ne  puis  vous  instruire  ; 

Bientôt  vous  saurez  tout.  Je  peux  vous  assurer 

Que  tout  s'arrangera  ;  vous  pouvez  l'espérer. 

MARGUERITE,  satisfaite 

Grand-mecis,  monsieur  Jean!  vous  me  rendez  la  vida. 

NICOLAS,  àtfargaerile 

Eh  be  I  que  vous  a  dich,  moussu  Jan,  Margarida? 

MARGUERITE,  avec  transport,  à  Nicolas 

Tout  ira  bien,  mon  fils,  tu  seras  maridà. 
Monseigneur  l'a  promis.  Monsieur  Jean  l'obtiendra. 
Viens  me  faire  un  poutou;  embrasse-moi,  ma  fille  ; 
Vous  serez  tous  les  deux  bientôt  de  ma  famille. 

JEAN,  à  Marguerite] 

Marguerite,  à  mon  tour  je  voudrais  vous  prier, 
Vous  et  votre  mari,  comme  étant  du  quartier, 
be  donner  quelques  soins  aux  apprêts  de  la  fête. 
Vous  êtes  jardiniers.  • . 


178 


DIALECTKS    MODERNES 


MARGUERITE,  avec  enthousiasme 

Mon  homme  en  perd  la  tête  : 
Depuis  plus  de  huit  jours  il  ne  rêve  qn'aco; 
Il  boute  tout  en  train,  vous  verrez  que  c'est  beau! 
Rubans,  guirlandes,  fleurs,  c'est  lui  qui  tout  agence  ; 
Vous  serez  enclausit  de  ce  qu'il  manigance. 
Tout  notre  Boutonnet  est  dans  un  grand  baral, 
Et  chacun  pour  la  fête  a  quitté  son  traval. 
Ratatet  nous  enseigne  une  chanson  nouvelle 
Qu'on  vient  de  composer  sur  la  Font  Putanelle. 
Je  l'apprenons  en  chœur. 

:  Bile  danse  une  espèce  de  menuet  en  chantant) 


Am  :  de  la  chanson  de  Nismes 


Elle  prononce  : 

Fillettes  et  garçons, 
Venès  dous  à  dous 
A  la  font  nouvelle; 

Allons-nous  diverti 
Lo  soir,  le  matin  : 

L'aiguette  est  tant  belle! 

S'il  vous  font  la  question 
D'ounte  vient  le  nom 

De  Font  Putanelle, 

Sans  mentir  respoundres 
Qu'encore  vous  n'en  savez  rien. 


Pour  : 

Filhetas  et  garçous. 

Venès  dous  à  dous 

A  la  font  nouvella  ; 
Anen  nous  diverti 

Lou  soir,  lou  mati  : 
L'aiguetta  es  tant  bella! 
Se  vous  fan  la  questioun 

D'ounte  ven  lou  noum 
De  la  Font  Putanella, 
Sans  menti  respoundres 
Qu'encara  ne  saves  pas  res. 

(Elle  parait  vouloir  conlinner  et  dit  :) 


Encore  vingt  couplets. 

JEAN,  l'arrêtant 

C'est  bien  !  n'oubliez  pas  l'auteur  de  vos  bienfaits. 

(Ils  sortent  en  témoignant  leur  joie) 


PIN    DU    PREMIER    ACTE 


ACTE   II 


Même  décoration  qu'au  premier  acte 


SCENE  PREMIERE 


JACQUES  CŒUR,  JEAN    DE  VILLAGE 

(Us  arrivent  en  même  temps  deR  deux  côtés  opposés) 

JACQUES  CŒUR 

Jeté  cherchais  partout. 

JEAN 

Je  sais  qu'un  jour  de  fête 
Nous  ne  faisons  plus  qu'un,  moi  le  corps,  vous  la  tête. 
I^e  quoi  s'agit-il  donc? 

JACQUES  CŒUR 

As-tu  tout  ordonné  ? 

JEAN 

^^h  vous  trouverez  tout  comme  c'est  destiné . 

JACQUES  CŒUR 

*>  épargne  rien,  mon  cher,  pompe,  magnificence  ; 
Qïie  chacun  prenne  part  à  la  réjouissance  ; 
^û  un  mot,  que  ce  jour  brille  d'un  grand  éclat. 

JEAN 

'  e  nouveau  monument  est  utile  à  l'Etat, 
*^Ue  n'oublirai  rien  pour  en  orner  la  gloire. 


180  DIALBGTfiS  MODBRNBb 

L'on  parlera  de  vous,  j'en  suis  sûr,  dans  l'histoire. 

L'on  dira  :  Jacques  Cœur,  cher  à  son  souverain, 

Fidèle  à  ses  devoirs,  servit  le  genre  humain. 

Il  protégea  les  arts,  fit  fleurir  la  science  ; 

Mais  sa  plus  grande  gloire  est  dans  sa  bienfaisance. 

Je  voudrais  bien  aussi  que  l'on  parlât  de  moi  ! 

Pour  un  pareil  honneur,  il  ne  faudrait,  ma  foi. 

Qu'un  seul  événement,  l'occasion  propice 

Où  je  puisse  vous  rendre  un  signalé  service.  • . . 

Et  nos  deux  noms  seraient  gravés  par  le  burin. 

J.    CŒUR 

Va,  ne  sois  point  jaloux  d'un  semblable  destin  ; 
Contentons- nous  d'agir  dignement  dans  la  vie. 
J'aime  à  faire  le  bien,  tu  le  sais,  et  l'envie 
Me  poursuit  :  à  ses  traits  les  hommes  sont  soumis 

JEAN 

Oui,  nous  avons,  dit-on,  chacun  nos  ennemis  : 
Je  vous  en  connais  un,  s'il  faut  que  je  m'explique. 
Mais  j'ai  trouvé  le  bout  de  ce  nœud  gordien. 

J.   CŒUR,  surpria 

Parle,  explique-toi  donc  ! 

JEAN 

Calmez- vous,  ce  n'est  rien* 
Au  jeune  Nicolas  vous  unisssez  Angèle  ? 

J.    CŒUR 

Ëh  bien  ! 

JEAN 

Le  vieux  portier,  qui  soupire  pour  elle, 
S'attend  à  la  ravoir  des  mains  de  son  rival. 

J,  CŒUR,   souriant 

C'eat  plaisant  ! 


ACTE   II 


Même  décoration  qu'au  premier  acle 


SCÈNE  PREMIÈRE 


JACQUES  CŒUR,  JEAN    DE  VILLAGE 

(Us  arrivent  en  même  temps  deft  deux  côtés  opposés) 

JACQUES  CŒUR 

Jeté  cherchais  partout. 

JEAN 

Je  sais  qu'un  jour  de  fèie 
Nous  ne  faisons  plus  qu'un,  moi  le  corps,  vous  la  tête. 
De  quoi  s'agit-il  donc? 

JACQUES  CŒUR 

As-tu  tout  ordonné  ? 

JEAN 

Oui,  vous  trouverez  tout  comme  c'est  destiné. 

JACQUES  CŒUR 

N'épargne  rien,  mon  cher,  pompe,  magnificence  ; 
Que  chacun  prenne  part  à  la  réjouissance  ; 
En  un  mot,  que  ce  jour  brille  d'un  grand  éclat. 

JEAN 

Ce  nouveau  monument  est  utile  à  l'Etat, 
Et  je  n'oublîrai  rien  pour  en  orner  la  gloire. 


180  DIALBGTËS  MODBRNBS 

L'on  parlera  de  vous,  j'en  suis  sûr,  dans  l'histoire. 

L'on  dira  :  Jacques  Cœur,  cher  à  son  souverain, 

Fidèle  à  ses  devoirs,  servit  le  genre  humain. 

Il  protégea  les  arts,  fit  fleurir  la  science  ; 

Mais  sa  plus  grande  gloire  est  dans  sa  bienfaisance. 

Je  voudrais  bien  aussi  que  l'on  parlât  de  moi  ! 

Pour  un  pareil  honneur,  il  ne  faudrait,  ma  foi. 

Qu'un  seul  événement,  l'occasion  propice 

Où  je  puisse  vous  rendre  un  signalé  service. . . . 

Et  nos  deux  noms  seraient  gravés  par  le  burin . 

J.    CŒUR 

Va,  ne  sois  point  jaloux  d'un  semblable  destin  ; 
Contentons-nous  d'agir  dignement  dans  la  vie. 
J'aime  à  faire  le  bien,  tu  le  sais,  et  l'envie 
Me  poursuit  :  à  ses  traits  les  hommes  sont  soumis 

JEAN 

Oui,  nous  avons,  dit-on,  chacun  nos  ennemis  : 
Je  vous  en  connais  un,  s'il  faut  que  je  m'explique, 
Mais  j'ai  trouvé  le  bout  de  ce  no^ud  gordien. 

J.   CŒUR,  surpris 

Parle,  explique-toi  donc  ! 

JEAN 

Calmez-vous,  ce  n'est  rien* 
Au  jeune  Nicolas  vous  unisssez  Angèle  ? 

J.    CŒUR 

Eh  bien  ! 

JEAN 

Le  vieux  portier,  qui  soupire  pour  elle, 
S'attend  à  la  ravoir  des  mains  de  son  rival. 

J.  CŒUR,   souriant 

C'est  plaisant  ! 


LA   FONT  PUTANBLLA  181 

JEAN 

Fort  plaisant,  oui,  mais  voici  le  mal  : 
Pour  venir  à  ses  fins,  son  mauvais  stratagème 
Pourrait  nuire  à  la  mère,  à  la  fille,  à  vous-même. 

J.    CŒUR 

A  moi  ! 

JEAN 

Cet  homme,  enfin,  moins  méchant  que  grossier. 
Veut  vous  faire  passer  pour  un  diable,  un  sorcier. 
Dont  les  enchantements  font  vos  grandes  richesses  ; 
Et  le  motif  secret  de  ses  belles  finesses, 
C'est  d'engager  la  mire  et  sa  fillè  à  vous  fuir. 
Vous  croyant  un  obstacle  à  son  brûlant  désir. 

J.    CŒUR 

Mais  il  faut  éclairer  ces  esprits  trop  crédules; 
Il  naîtrait  bien  du  mal  de  tous  ces  ridicules. 
Il  fallait 

JEAN 

Au  contraire,  abondant  en  leur  sens, 
J'ai  confirmé  le  fait  et  si  bien  pris  mon  temps. 
Que  Croc  sur  son  amour  est  plein  de  confiance. 
Mais  j'entends  le  punir  de  son  extravagance  ! 

J.    CŒUR 

Il  faut  les  détromper,  et,  pour  ma  sûreté. 
Prévenir  les  efie ts  de  la  crédulité  ; 
Au  peuple  qui  l'embrasse  elle  est  souvent  funeste. 
Rassure  les  amants,  je  me  charge  du  reste. 
Allons,  va  disposer  ce  qu'il  faut  pour  ce  jour  : 
Qu'il  soit  tout  à  la  joie. 

JEAN 

A  la  gloire,  à  l'amour. 

V 

(Fausse  sortie) 
12 


182  DIALECTES    MODERNES 

J.   CŒUR 

Ah  !  dis-moi,  cette  fête  animera  ta  verve  ! 
Tu  vas  un  peu  blesser  et  la  rime  et  Minerve. 
Mais  il  faut  des  chansons,  je  t'en  laisse  le  soin, 
Et  tu  peux  t'exprimer  en  ton  beau  baragouin . 

JEAN,   comme  piqué  d*h(nmeiir 

Deque  dià  !  ca-de-noun  !  mespresas  moun  langagi  I 
Au  luéc  de  voun'trufà,  li  duves  vouestre  èumagi  I 
L'appelas  un  jargoun,  e  lou  tratas  for  mau  ? 
Respectas-lou  pus  lèu  !  caspi  !  lou  prouvençau 
Es  uno  lenguo  maire  e  de  grando  ressourço. 
Leîs  lenguos  d'Ourian  an  puisât  dins  sa  sourçà  ; 
A  servit  FEspagnou,  l'Italien,  lou  Francès  ; 
L'ai  légit  dins  l'histori.  Ai  trouvât  qu'autros  fes 
Si  parlavo  à  la  cour  d'Angleterro  e  de  Franco. 
En  Prouvenco  s'es  fa  la  premieiro  alianco 
Deis  lengos  deis  anciens^  grec,  latin  e  gauloues, 
E  l'on  ^duou  pas  tratà  ma  lenguo  de  patouès . 
Leis  gentils  troubadours  soun  sourtis  de  Prouvenco, 
E  l'aimable  pouesiè  mémo  l'i  a  près  naissenço. 
Escoutas  : 

Air  nouveau 

La  barbarie  etjl'ignorance 
Régnaient  sur  des  peuples  divers. 
Lorsque  du  sein  de  la  Provence 
On  vit  éclore  l'art  des  vers. 
Naïveté,  douceur,  génie. 
Signala  ses  premiers  accents. 
Et  des  plus  tendres  sentiments 
Se  composa  la  Poésie. 
L'esprit,  la  grâce  et  les  amours 
Firent  naître  les  troubadours. 


LA  PONT   PUTANBLLA  183 


Le  chantre  célèbre  de  Laure 
Leur  dut  sa  gloire  en  l'art  d'aimer; 
A  leur  exemple  il  sut  encore 
Comment  l'amour  peut  s'exprimer. 
Ce  charme  heureux  de  l'éloquence 
Partout  enfin  s'est  répandu, 
Et  le  premier  hommage  est  dû 
Aux  troubadours  de  la  Provence. 
L'esprit,  la  grâce  et  les  amours 
Sont  compagnons  des  troubadours. 

J.  CŒUR 

C'est  fort  bien,  je  te  trouve  érudit. 
Et  ne  conteste  rien  de  ce  que  tu  m'as  dit. 

JEAN 

Mai  vous,  diga  m'un  pau,  vount  aves  près  la  vide  ? 
En  pais  francilhot?  Cependan  si  publido 
Que  sias  d'eicito  près,  d'un  bourg  noumat  Poussan  ; 
Bessai  l'avès  quittât  que  n'erias  qu'un  enfan?        > 

J.  CŒUR 

Non,  je  suis  du  Berry  :  Bourges  est  ma  patrie. 
Mais  j'ai  longtemps  couru.  Si,  d'après  mon  envie. 
Je  viens  jamais  à  bout  de  tout  concilier 
Je  fixe  mon  séjour. . . . 

JEAN 

Où  donc? 

J.    CŒUR 

» 

AMontpellier. 
J'aime  ses  habitants.  Ils  ont  de  quoi  me  plaire.  | 


184  DIALESCTES   MODERNBS 

Air  :  —  Avec  Les  jeux  dans  le  viUage. 

Je  trouve  dans  leur  'caractère 

Une  agréable  aménité  ; 

Dans  leur  cœur,  amitié  sincère  ; 

Dans  leur  esprit,  vivacité. 

Gaîté,  plaisir,  travail,  science. 

Ils  savent  tout  concilier. 

Oui,  par  goût  et  par  confiance. 

Mon  cœur  s'attache  à  Montpellier. 

JBAN 

Même  air 

leu  que  chérisse  leis  filhetos, 
Demori  tout  embalausi  ; 
Quand  vesi  que  soun  graciousetos, 
Moun  couer  se  n'entrovo  sèsi. 
.  Lou  plèsir  que  leis  acoumpagno 
Me  fa  naisse  uno  fantasiè  : 
Se  fôu  lou  chouès  d'uno  coumpagno, 
La  voli  prene  à  Mounpelhè. 

Mais  le  temps  fuit  ;  il  faut  songer  à  notre  affaire. 

(Il  sort) 

SCÈNE  n 

JACQUES    CŒUR,    seul 

Sonenjoûmentme  charme,  il  est  toujours  content. 
Moi,  j'éprouve  en  mon  cœur  certain  pressentiment 
Qui  ne  me  permet  pas  d'être  un  instant  tranquille . 
J'use  de  mon  pouvoir  en  faveur  de  la  ville. 
Et  je  vois  cependant  des  esprits  prévenus 
Interpréter  à  mal  mes  vœux  trop  méconnus. 
Ce  ridicule  bruit  m'inquiète,  m'agite  ; 
Pour  des  riens  fort  souvent  le  vulgaire  s'irrite. . . . 


LA   pOtîT   PUTAJîEjLLA  1«5 

Quoi  !  pratiquant  le  bien,  servant  Thumanité, 
Devrais-je  encor  m^attendre  à  quelque  adversité? 
Non,  non,  ma  crainte  est  vaine  et  je  dois,  au  contraire, 
Attendre  un  heureux  fruit  du  bien  que  je  veux  faire. 
Ces  habitants  sont  bons,  et  de  tous  mes  moyens 
Il  m'est  doux  d'être  utile  à  mes  concitoyens. 

Air:  des  Bonnes  Gens 

Je  veux  de  ma  puissance 
Retirer  de  bons  effets. 

La  meilleure  alliance 
Vient  des  heureux  qu'on  a  faits. 
Est-il  de  plus  douce  ivresse 
Et  des  plaisirs  plus  piquants 
Que  d'obtenir  la  tendresse 
Et  l'amour  des  bonnes  gens? 

Voici  ces  bonnes  gens. 

SCÈNE  m 

J.    CŒUR,  COUCARBLLE,    ANGBLB,  NICOLAS 

COUCARELLE,  àsafiUe 

Ma  âlha,  anèn,  courage  ! 

ANOÈLE 

Ma  mèra,  parlas,  vous  ;  aco  sera  pu  sage. 

COUCARELLE 

Acoumença  toujour. 

ANGÉLE 

E  dequeli  dirai? 

COUCARELLE 

Acoumença,  te  dise,  e  pioi  t'ajudarai. 

(Elles  ae  consultent) 


186  DIALECTES  MODERNES 

J.    CŒUR 

Approchez,  mes  amis;  qu'avez-vous  à  me  dire? 
D'où  vient  votre  embarras?  quel  motif  vous  l'inspire? 
Rassurez-vous,  parlez. 

AN6ÈLE,    Intimidée 

Moussu  !  sen  ben  fâchas. . . 


J.    CŒUR 

Fâchés  !  et  de  quoi  donc  ? 

COUCARBLLE 

Nostre  mestre  !  excusas . . 
N'aven  fossa  regrets,  segu  !  poudes  ou  creire  ; 
Mais  fau  que  vous  quitèn . 

J.    COEUR 

Me  quitter! 

COUCARBLLE 

Devès  veire 

Que  noun  costa  belcop  ;  mais  la  nécessitât 

N'oublidarèn  jamai.  Moussu,  vostra  bountat. 

J .    CŒUR 

Quelles  sont  vos  raisons?  Avez- vous  à  vous  plaindre? 
Angèle,  mon  enfant,  viens,  parle-moi  sans  feindre. 
Tu  sais  qu'à  tes  amours  je  veux  m'intéresser, 
Et  me  quitter  ainsi,  ce  serait  m'offenser. 
De  quoi  te  plains-tu  donc  ? 

ANGÈLE 

leu,  n'ai  be  prou  de  pena; 
Mes  ma  mèra  coumanda,  es  ela  que  m'emmena. 

J .    CŒUR,  à  la  mère 

Quels  sont  donc  ces  motifs?  Parlez-moi  franchement  : 
Avez-vous  un  sujet  de  mécontentement? 


LA   PONT   PUTANBLLA  187 

COUCARELLE 

Aco's  un  grand  hounou  d'estre  à  vostre  service 

A  contra-cor,  anfin,  me  fau  lou  sacrifice . 

J.    CŒUR 

Ceci  cache  un  dessein  que  je  crois  entrevoir. 
Parlez,  je  vous  Fordonne,  et  je  veux  tout  savoir  ! 
Vous  hésitez  !  (A  la  mie)  Dis-moi  ce  qui  porte  ta  mère 
A  me  quitter  ainsi  ?  Réponds,  et  sois  sincère. 
Ne  crains  rien,  je  suis  prêt  à  te  justifier. 

ANGÈLE 

Vousfacharès  pas? 

J.    CŒUR 

Non. 

ANGÈLE 

Crei  que  ses  un  sourciè. 
leu  ne  crese  pas  res,  car  ses  trop  résounable  ; 
E  moussu  Jan  m'a  dich  qu'aco  n'es  pas  cro niable. 

J.    CŒUR 

Il  t'a  bien  dit,  ma  fille,  et  c'est  la  vérité. 

k  part) 

^  faut  rire,  en  effet,  de  leur  simplicité. 

COUCARELLE,  surprise 

M'aviè  dich  autramen. 

'  J.    CŒUR 

1 

[  Ecoutez ,  bonne  femme  : 

j       Chassez  ce  vain  souci  qui  tourmente  votre  âme  ; 

Que  la  raison  Téclaire,  et  vous  verrez  fort  bien 

Q'Jede  ce  qu'on  suppose  il  ne  peut  être  rien. 


188  DIALBCTE8  MODBRN£S 

Tous  ces  malins  esprits  ne  sont  que  des  chimères; 
Lies  contes  qu^on  en  fait  sont  tous  imag^inaires. 
Propres  à  révolter  le  simple  sens  commun. 
Des  démons  !  Qui  peut  dire  en  avoir  vu  quelqu^on? 
Si  vous  êtes  surpris  des  biens  dont  je  dispose. 
Je  peux  facilement  vous  en  montrer  la  cause  : 
Je  les  tiens  du  travail.  Mon  commerce  s^étend 
De  tous  ces  environs  jusque  dans  le  Levant  ; 
Mes  soins  chez  Tétranger  grossissent  ma  fortune  : 
A  tous  les  commerçants  cette  route  est  commune. 
Ignorez- vous  encor,  pour  tout  justifier. 
Que  Charles,  notre  ami,  m'a  fait  son  argentier? 
Croirez-vous  maintenant  à  la  sorcellerie? 

(Drffc) 

Est-ce  par  sortilège? Est-ce  une  diablerie? 

COUCARELLE 

Ai,  Moussu!  perdounas escusas  moun  errou. 

AN6ÈLB 

leu  vous  Faviei  be  dich  !  per  àra,  creses-ou. 

J.   CŒUR 

N'en  parlons  plus  ;  il  faut  maintenant,  bonne  mère, 
Sur  un  point  principal  éclaircir  cette 'affaire . 
Qui  vous  a  suggéré  ces  perfides  soupçons? 


COUCARELLE  hésite 


Moussu  ! 


J.    CŒUR 


lii 


Pour  le  savoir  j'ai  de  bonnes  raison  i 
C'est  Croc,  je  le  parie. 


COUCARELLE 

Aco's  ben  vrai. 


LA    FONT   PUTANELLA  189 

J.    CŒUR 

Le  traître! 
Je  vais  en  peu  de  mots  vous  le  faire  connaître  : 
Il  aime  votre  fille,  et,  pour  avoir  sa  main. 
Le  fourbe  a  fabriqué  cet  indigne  dessein. 
Jean,  qui  veut  le  punir  de  m' avoir  fait  injure. 
Devant  vous  quelque  temps  a  grossi  Timposture . 
Mais  Croc  aura  son  tour,  (a  Angèie)  Convenons,  entre  nous, 
Qu'un  méchant  n'est  pas  fait  pour  être  ton  époux. 
Ma  fille,  sois  tranquille,  oui,  tu  seras  contente. 
Approche,  Nicolas;  épouse  ton  amante. 
Vous  recevrez  la  dot  comme  il  est  arrêté . 

NICOLAS,  transporté 

Mossie !  ze suis  confeu. , .  de. . .  pour. . .  votre  bonté. . . 
Pour  bous. . .  mon  cur. . .  touzour. . .  de  la  reconnaissance. 

(A  part) 

Aco's  ben  replicat  ! 

J .    CŒUR 

J'entends  cette  éloquence. . . 
Voici  Croc . . .  taisez-vous,  rions  à  ses  dépens . 


SCENE,  IV 


LES  PRÉCÉDENTS,    CROC 


CROC,  à  part,  avec  trouble 

Que  vois-je?  et  d'où  provient  ce  changement  de  temps  ? 
La  vieille  aura  parlé,  peste  de  la  bavarde  ! 

J.  CŒUR 

D'un  œil  un  peu  troublé  monsieur  Croc  nous  regarde  ; 

A-t-il  quelque  secret  à  nous  communiquer  ? 

Nous  fait-il  ses  adieux  ?...  Qu'il  daigne  s'expliquer. 


190  DIALECTES  MODERNES 


CROC 


Seigneur,  un  tel  discours  a  lieu  de  me  surprendre. 
Moi,  vous  quitter  !  pourquoi  ?  Je  ne  le  puis  comprendre. 

J.    CŒUR 

Vous  savez  cependant  que  Coucarelle  part. 
Vous  voulez,  je  le  sais,  courir  même  hasard  ; 
Elle  me  quitte  enfin,  et  vous  voulez  la  suivre. 

CROC,  confas 

Auprès  de  vous.  Seigneur,  j'avais  compté  de  vivre, 
Et  vous  me  renvoyez  ! 

J.  CŒUR 

Vous  avez  résolu 
De  sortir  ;  moi,  je  veux  tout  ce  qu'on  a  voulu. 
N'espérez  pas  du  moins  de  m'enlever  Angèle  : 
J'en  suis  fâché  pour  vous,  ici  j'ai  besoin  d'elle. 

CROC,  bas  à  Coucarelle,  qu'il  menace 

Oh  !  VOUS  m'avez  trahi,  malheureuse  I 

COUCARELLE 

Escoutas  ! 
Quauquas  fes  lous  troumpurs  soun  lous  premiès  troumpas  ; 
N'en  pode  pas  de  mai. 

ANGÈLE  à  Nicolas 

Veja  !  quanta  grimaça  ! 

NICOLAS 

Es  près  dins  sous  filats  ;  bada  couma  una  agaça  ! 

J.  CŒUR 

Eh  bien  !  de  tout  ceci  qu'aura-t-on  décidé  ? 


LA   PONT   PUTANBLLA  191 

Ce  départ  qu'on  demande  est-il  donc  retardé  ? 
La  nuit  est  favorable  à  la  sorcellerie, 
Et  vous  pouvez  risquer... 

CROC 

A  mon  étourderie 
Faites  grâce,  Seigneur  ;  vous  m'en  voyez  confus. 

J.  CŒUR 

Et  les  malins  esprits,  vous  ne  les  craignez  plus? 

CROC 

Pardon,  Seigneur,  pardon  !  Tamour  fait  mon  excuse, 
Et  je  ne  croyais  point. . . 

J.  CŒUR 

Cette  méchante  ruse 
Pouvait  par  son  succès  faire  des  malheureux. 
Doit-on  être  méchant  quand  on  est  amoureux? 

NICOLAS 

Escoutas,  moussu  Croc,  ce  que  dis  la  sourneta 
Que  canta  la  nourissa  à  soun  enfan  que  teta. 

Air  :  Tons  un  curé  patriote 

Lou  reinar  à  la  galina 

Disiè  :  «  Sourtis  de  toun  tràu  ; 

N'ajes  pas  pôu,  ma  vésina, 

Vole  pas  te  faire  mau.  » 

La  galina  li  respon  : 

«  Pode  pas  que  fau  quicon. 

Grand-mecis 

De  Tavis  ! 
Visitas  d'autres  vesis  ; 
Per  nautres,  vous  avèn  prou  vis    » 

(On  rit  aux  dépens  de  Oroo,  qai  enrage) 


192  DIAJiEGTBS  MODBRNBS 

J.  CŒUR 

C'est  assez  plaisanter,  (a  Nicolas)  Retournez  à  Fouvrage. 

(A  Croc) 

Et  VOUS,  que  la  leçon  serve  à  vous  rendre  sage. 

(Ils  sortent,  se  moquant  de  Croc,  qni  se  dépite.  <—  Jean  arrive  du  c6té  opposé) 

SCÈNE  V 
J.  CŒUR,  JEAN 

J.  CŒUR 

Que  n'étais-tu  présent  pour  rire  comme  moi  ! 
Croc  est  humilié....  Mais  qu'as-tu  donc? 

JEAN,  inquiet 

Ma  foi  ! 
J'ai  de  l'inquiétude  ;  éventrez  cette  lettre. 
De  la  part  des  consuls  on  vient  de  la  remettre  ; 
On  la  dit  très-pressante  et  pour  un  grand  objet. 

J.  CŒUR 

Donne,  dans  un  instant  nous  saurons  ce  que  c'est. 

(U  ut  la  lettre) 
JEAN,  impatient 

Qu'en  dites-vous,  Seigneur?  A  quoi  dois-je  m' attendre  ? 

J.  CŒUR 

11  faut  chez  les  consuls  incontinent  me  rendre. 

JEAN 

Puis-je  savoir  pourquoi? 

J.  CŒUR 

L'ordre  ne  le  dit  pas, 

Lis  (Jean  lit) 


LA   FONT  PUTANBIiLA  193 

JEAN 

Que  peuvent  de  vous  vouloir  les  magistrats  ? 

J.  CŒUR 

Je  rignore. 

JEAN 

Seigneur,  permettez  que  sans  feinte 
Je  vous  découvre  ici  le  motif  de  ma  crainte. 
Quelque  trouble  nouveau  doit  agiter  la  cour  ; 
Les  envieux  pourraient  vous  jouer  quelque  tour. 
La  mort  d'Agnès  Sorel  est  encore  un  mystère, 
Et  Charles  irrité  déguise  sa  colère. 
Vous  connaissez  sa  haine  au  sujet  du  Dauphin, 
Qui  forme  avec  Charlotte  un  hymen  clandestin  ! 
Vous  êtes  soupçonné  d'approuver  sa  conduite  : 
Prévenez  le  dessein  que  peut-être  on  médite. 
Payons,  il  en  est  temps. 

J.  CŒUR 

Que  viens-tu  proposer  ? 
Je  brave  les  méchants  !  Que  peuvent-ils  oser  ? 
^es  faits  démentiront  les  torts  que  Ton  m'impute. 

JEAN 

L'honnête  homme  est  connu  parfois  après  sa  chute. 
Evitez,  croyez-moi,  tout  fâcheux  embarras  ; 
La  fuite  à  mon  avis  est  utile  en  ce  cas . 

J.  CŒUR 

^on,  je  ne  fuirai  point,  j'en  donne  ma  parole  ; 
Elle  ne  fut  jamais  ni  vaine  ni  frivole. 
Je  suis  exempt  de  blâme,  aussi  je  ne  crains  rien, 
'^ois  en  paix  à  ton  tour,  cessons  cet  entretien, 
^elon  l'événement  je  saurai  me  conduire. 


194  DlÂLEo-TfiS   MODERNES 


LES  PRECEDENTS*  CROC 


CROC 

L'envoyé  des  consuls  me  charge  de  vous  dire 
Qu'il  attend  la  réponse. 

J.  CŒUR 

Allez  !  il  n'en  faut  pas. 
Dites  au  messager  que  je  vais  sur  ses  pas. 
Et  qu'il  peut  aux  consuls  annoncer  ma  présence. 

(Croc  se  retire) 

SCÈNE  VII 

J.   CŒUR,  JEAN 
JEAN 

Je  ne  peux  qu'admirer  votre  noble  assurance  ; 
Mais  malgré  moi  le  trouble  est  au  fond  de  mon  cœur. 

J.    CŒUR 

Je  ne  reconnais  plus  mon  brave  serviteur. 
Quoi  1  la  crainte  t'obsède  et  la  gaîté  te  laisse  ! 
C'est  manquer  de  courage  et  montrer  de  faiblesse. 
Que  peut-il  m' arriver  de  fâcheux  désormais? 

JEAN 

Je|ne  crains  contre  vous  que  des  pièges  secrets. 
Allez  donc,  s'il  le  faut  ;  mais,  en  cas  d'injustice, 
Je  vais,  en  votre  absence,  user  d'un  artifice 
Qui  pourra  déjouer  les  complots  des  pervers  : 
Je  veux  faire  ferrer  nos  chevaux  à  l'envers. 
Je  ne  vous  quitte  plus,  et  nous  prendrons  la  fuite  : 
Ce  moyen  rendra  nul  l'efifet  de  la  poursuite. 

J.  CŒUR,  souriant 

Eh  !  d'où  l'as-tu  tiré,  celui-là? 


LA   PONT   PUTANELLA  195 

JEAN 

Pour  vos  jours, 
Mon  esprit  inventif  aura  mille  détours. 

J.    CŒUR 

Rassure-toi,  mon  cher  ;  espère  que  ton  maître 
Dans  ces  lieux,  sans  danger,  va  bientôt  reparaître. 

Air  :  de  la  Monaco 

Songe  à  la  fête  : 

Dans  ce  moment. 
Bannis  le  trouble  de  ta  tête. 

Songe  à  la  fête  : 

Dans  ce  moment. 
Pense  au  plaisir  qui  nous  attend. 

JEAN 

Je  songe  à  prévenir  Torage 
Qui  contre  votis  peut  éclater. 
Par  la  prudence  et  le  courage, 
On  vient  à  bout  de  l'éviter. 

Ensemble 

J.  CŒUR  JEAN 

Songe  à  la  fête  :  Non,  point  de  fête  : 

Dans  ce  moment.  Dans  ce  moment, 

bannis  le  trouble  de  ta  tête.  Un  autre  objet  remplit  ma  tête. 
Songe  à  la  fête  :  Non,  point  de  fête  : 

Dans  ce  moment,  Dans  ce  moment, 

Pense  au  plaisir  qui  nous  II  est  un  point  plus  important. 

[attend.] 

PIN    DU    DEUXIÈME    ACTE 
A  suiwe  ) 


BIBLIOGRAPHIE 


Notice  sur  six  maaascrits  de  la  Bibliothèque  nationale,  contenant  le 
texte  de  Geoffroi  de  Ville-Hardouin  (Entrait  du  t.  XXIV,  2«  partie, 
des  Notices  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationcUe  ) .  —  La  Con- 
quête de  Gonstantinople,  par  Geoffroi  de  Ville-Hardouin,  avec  la 
continuation  de  Henri  de  Valenciennes,  texte  original,  accompagné 
d'une  traduction  par  M.  Natalis  de  Wailly,  membre  de  Tlnstitut. 

Le  texte  de  Ville-Hardouin  a  été  édité  à  différentes  reprises,  et 
par  des  savants  d'une  incontestable  compétence,  par  Ducange, 
do  m  Brial,  Buchon  et  M.  Paulin  Paris.  Il  semblait  donc  qu'après 
eux,  une  réédition  de  notre  vieil  historien  fût  tout  à  fait  superflue. 
Mais  le  désaccord  des  deux  derniers  éditeurs,  qui  ne  s'entendaient 
même  pas  sur  la  valeur  des  manuscrits,  indiquait  suffisamment 
qu'il  y  avait  encore  quelque  chose  à  faire;  d'un  autre  côté,  à  l'épo- 
que où  ils  s'étaient  mis  à  Pœuvre,  la  science  philologique  n'était 
pas  mûre  en  France  pour  la  restitution  des  formes  dialectales  de 
nos  anciens  textes.  Il  y  avait  donc  place  pour  un  nouvel  éditeur. 

M.  Natalis  deWailly,  que  ses  travaux  sur  Joinville  avaient  on 
ne  peut  mieux  préparé  pour  une  entreprise  de  ce  genre,  a  repris 
en  sous-œuvre  les  matériaux  déjà  utilisés,  et  s'est  efforcé  de  donner, 
autant  que  cela  était  possible  avec  les  moyens  dont  il  disposait, 
une  édition  définitive  de  Ville-Hardouin,  une  édition  qu'un  succes- 
seur pût  améliorer  ou  compléter,  mais  dont  il  ne  pût  changer  la 
base  ni  modifier  le  plan. 

Disons  tout  d'abord  qu'il  y  a  pleinement  réussi.  On  peut  en  ju- 
ger en  lisant  sa  Notice  sur  six  manuscrits  contenant  le  texte  de 
Geoffroi  de  Ville-Hardouïn,  Dans  ce  travail  préliminaire,  destiné  à 
ceux  qui  voudraient  un  jour  s'occuper  d'une  autre  édition  ou  con- 
trôler la  sienne,  il  commence  par  traiter  du  classement  des  ma- 
nuscrits par  familles,  puis  du  rapport  et  de  la  filiation  de  ces  fa- 
milles. Il  présente  ensuite  deux  séries  d'observations,  portant  les 
unes  sur  le  fond  du  texte,  les  autres  sur  l'orthographe,  et  pose 
ainsi  les  assises  solides  et  véritablement  indestructibles  du  mo- 
nument qu'il  veut  élever  au  père  de  notre  histoire. 

Il  a  collationné  les  six  manuscrits  depuis  le  premier  mot  jusqu'au 
dernier,  et  le  résultat  de  ses  laborieuses  recherches  a  été  qu'un 


BIBLlQaHAPHip  197 

de  ces  manuscrits,  qu'il  désigne  par  la  lettre  A,  écrit  dans  le 
deuxième  tiers  du  XIV*  siècle,  à  Venise,  est  le  représentant  le 
plus  direct  du  manuscrit  original,  et  que  les  autres  appartiennent 
à  des  familles  secondaires. 

Partant  de  là,  il  a  tâché  de  reconnaître  jusqu'à  quel  point  l'or- 
thographe a  pu  être  altérée  par  l'ignorance  et  par  la  prononciation 
du  sciibe  vénitien  ;  besogne  délicate,  où  la  conjecture  doit  être  à 
la  fois  hardie  et  prudente.  Grâce  à  cette  sûreté  de  tact  qu'on 
n'acquiert  qu'à  la  longue,  dans  la  fréquentation  soutenue  des  ma- 
nuscrits, et  qui  s'était  développée  chez  lui  à  l'occasion  de  ses  études 
sur  Joinville,  il  a  pu  déterminer,  avec  une  rare  précision,  la  part 
qu'il  fallait  faire  à  l'intervention  du  copiste.  Il  prouve  que  c'était  un 
homme  consciencieux,  qui  n'a  jamais  modifié  son  texte  de  propos 
délibéré;  qui  s'est  appliqué,  au  contraire,  à  le  reproduire  tel  quel, 
même  quand  il  ne  le  comprenait  pas,  préservé  qu'il  était  contre 
toute  tentation  de  rajeunissement  par  son  peu  d'habitude  de  la 
langue  d'oïl. 

Néanmoins,  M.  de  Wailly  s'est  bien  gardé  de  recourir  exclusi- 
vement au  ms.  A  :  il  l'a  complété  et,  dans  une  certaine  mesure, 
contrôlé  avec  les  manuscrits  des  autres  familles. 

Les  procédés  qu'il  a  suivis  pour  la  restauration  orthographique 
sont  aussi  sûrs  que  ceux  qu'il  a  appliqués  à  la  restauration  du 
texte,  où  il  lui  a  fallu  combler  bien  des  lacunes,  élaguer  bien  dos 
interpolations.  Cependant,  sur  un  point  de  déclinaison,  il  me  soni- 
lile  avoir  conclu  incomplètement  ou  trop  vite. 

Il  a  remarqué  (p.  136),  relativement  à  l'emploi  du  mot  genl 
(gens-genlis),  que  le  ms.  A  l'écrit  onze  fois  gens,  au  nominatif  sin- 
gulier, et  vingt-sept  fois  ^m/.  Il  regarde  cet  emploi  plus  fréquent 
(le  genl  comme  une  faute  imputable  au  copiste,  et  qu'il  faut  cor- 
riger. Je  crois,  au  contraire,  que,  dans  ce  cas  comme  dans  les  au- 
tres, le  copiste  du  ms.  A  a  reproduit  ou  cherché  à  reproduire 
ûdèlement  les  habitudes  de  l'original  qfi'il   avait  sous  les  yeux 

.l'ai  remarqué,  en  elîet,  que  dans  les  textes  écrits  antérieurenienl 
à  la  seconde  moitié  du  Xille  siècle,  les  féminins  à  terminaison 
masculine  prenaient  ou  ne  prenaient  pas  ïs  finale  au  noiniiialif 
singulier,  et  que  la  chute  de  cette  lettre  se  reproduisait  plus  sou- 
vent à  mesure  qu'on  remontait  dans  le  passé.  11  régnait  à  cet 
égard,  comme  à  bien  d'autres,  une  tolérance  vouluiî  et  dont  on 
avait  parfaitement  conscience. 


198  BIBLIOGRAPHIE 

Gela  se  conçoit,  si  l'on  se  reporte  à  l'origine  des  mots  féminins 
à  terminaison  masculine.  Ils  ne  s'étaient  pas  formés  directement 
du  nominatif  lalin,  comme  la  plupart  des  masculins,  mais  de 
l'accusatif.  De  là  une  véritable  répugnance  à  joindre  la  finale  s  à 
l'accusatif  latin;  de  là  cette  habitude  d'affecter  la  forme  du  cas 
oblique  au  nominatif  singulier  des  mots,  comme  :  bontetf  vertui, 
maison.  On  en  trouve  partout  des  traces  dans  les  textes  archaïques, 
notamment  dans  la  Chanson  de  saint  Alexis^  où  M.  Conrad  Hofman 
avait  eu  la  fâcheuse  idée  de  rétablir  partout  Vs  du  nominatif  ;  faute 
que  M .  Gaston  Paris  n'avait  pas  remarquée  lorsqu'il  rendit  compte 
de  cette  édition  de  la  Chanson  de  saint  Alexis  {Revue  critique,  1868, 
p.  105),  mais  qu'il  s'est  bien  gardé  de  commettre  dans  son  édition 
complète  du  même  poème. 

Pour  en  revenir  au  mot  gent,  on  doit  remarquer  qu'étant  mono- 
syllabique, il  pourrait  se  dériver  du  nominatif  gens  aussi  bien  que 
do  l'accusatif  gentem.  Mais,  comme  les  autres  noms  féminins  à 
terminaison  masculine,  dérivés  de  l'accusatif,  sont  infiniment  plus 
nombreux,  il  a  été  le  plus  souvent  soumis  à  la  règle  commune. 

Voilà  pourquoi,  dans  le  ms.  A,  gent  est  plus  employé  au  nomi- 
natif singulier  que  gens. 

Je  crois  cependant  que  de  nouvelles  recherches  ne  seraient  pas 
superflues.  Pour  régler  d'une  manière  définitive  l'emploi  de  ce 
mot  dans  Ville-Hardouin,  il  faudrait  relever  dans  un  certain  nom- 
bre de  paragraphes,  pris  au  hasard,  tous  les  noms  féminins  à  termi- 
naison masculine  qui  sont  au  sujet  singulier,  et  les  diviser  en  deux 
catégories.  La  première  comprendrait  les  noms  de  plus  d'une  syl- 
labe, comme  veriut,  boniet,  maison  ;  les  seconds,  les  noms  mono- 
syllabiques, comme /în,  7iuit.  Puis  on  compterait  combien  de  fois 
l'^du  nominatif  est  restée  ou  a  disparu.  Si  l'emploi  de  cette  lettre 
était  constant,  les  conclusions  de  M.  de  Wailly  devraient  être 
adoptées  ;  s'il  était  intermittent,  il  faudrait  se  conformer  à  la  loi  de 
tolérance  et  conserver  fidèlement  l'orthographe  du  manuscrit. 

Je  conjecture  que  les  monosyllabes,  comme  /în,  nuit,  devaient 
avoir  1'^  finale  plus  souvent  que  les  polysyllabes  ;  parce  que,  comme 
je  l'ai  déjà  dit,  ils  peuvent  se  dériver  du  nominatif  latin,  aussi  bien 
que  de  l'accusatif.  Je  ne  parle  pas  des  monosyllabes  comme  voiz, 
croiz  :  ceux-là  conservaient  le  z  équivalent  du  c  doux  de  leur 
radical  latin,  même  au  cas  oblique,  à  plus  forte  raison  au  nomi- 
natif. 


BIBLIOGRAPHIE  199 

11  reste  maintenant  à  parler  de  l'édition  même  de  la  Conquête  de 
Constantinople.  Comme  au  point  de  vue  philologique,  le  seul  dont 
j'aie  à  me  préoccuper  ici,  elle  n'est  que  le  complément  nécessaire  de 
la  Notice,  je  n'en  dirai  que  quelques  mots. 

Elle  a  été  publiée  parla  librairie  Didot,  avec  beaucoup  de  soin,  de 
luxe  et  de  goût.  Le  texte,  reconstitué  d'après  les  procédés  dont  il 
vient  d'être  rendu  compte,  est  accompagné  d'une  traduction  et  en- 
richi de  variantes  extraites  des  différents  manuscrits.  Après  le 
récit  de  Ville- Hardouin  viennent  V Histoire  de  V empereur  Henri,  qui 
en  est  la  suite  naturelle,  et  un  Extrait  de  la  compilation  de  Baudouin 
d'Avesnes.  Deux  tables,  l'une  des  formes  dialectales,  l'autre  des 
noms  propres,  et  une  excellente  carte,  complètent  cette  belle  publi- 
cation . 

Ajoutons  aussi,  pour  les  bibliophiles,  que  les  en-têtes  des  chapi- 
tres et  les  culs-de-lampe  sont  formés  de  vignettes  empruntées  à  des 
mss.  contemporains  de  Viile-Hardouin. 

A.  B. 


PÉRIODIQUES 


Homania.l,  3.  —  P.  273.  Cr.  Paris,  la  Vie  de  saint  Léger,  texte 
revu  sur  le  ms.  de  Clermont-Ferrand.  Gomme  nous  avons  sur 
plusieurs  points,  et  sur  des  points  essentiels,  des  idées  opposées  à 
celles  de  l'auteur,  nous  renvoyons  à  plus  tard  Texamen  de  son  im- 
portant travail.  Disons  tout  de  suite  que  son  texte  est  infiniment 
meilleur  que  celui  de  son  prédécesseur  Ghampollion-Figeac.  La 
disposition  typographique  est  excellente .  Str.  4,  f.  Don  Deu  servier 
por  bona  fied.  M.  G.  P.  lit  serviei  (serviebat);  lisez,  avec  M.  Gha- 
baneau,  serviet  (serviat).  —  P.  318,  d'Arbois  de  Jubainville,  la 
Phonétique  latine  de  Cépoque  mérovingienne  et  la  Phonétique  fran- 
çaise du  XJ*  siècle  dans  le  Saint-Alexis.  Les  conclusions  de  cet  arti- 
cle ne  sont  pas  toujours  faciles  à  saisir.  On  y  reconnaît  une 
grande  habitude  du  latin  mérovingien,  que  Pauteur  rapproche  avec 
raison  du  français  archaïque.  —  P.  328.  Fr.  Bonnardot,  Docu- 
ment  en  patois  lorrain,  relatif  à  la  guerre  entre  le  comte  de  Bar  et  le 
duc  de  Lormn«  (1337-1338).  Les  documents  de  cette  sorte  sont 
d'autant  plus  intéressants  qu*ils  sont  plus  rares.  Ils  viennent  à 
l'appui  de  la  thèse  ou,  pour  parler  plus  exactement,  de  l'hypo- 
tlièse  repoussée  par  M.  P.  Meyer,  et  que  pour  ma  part  j'admets, 
de  la  coexistence  des  patois  et  des  dialectes.  Les  premiers  consti- 
tituaient,  comme  aujourd'hui,  la  langue  parlée  ou  rarement  écrite 
des  illettrés;  les  seconds,  la  langue  écrite  et  littéraire  des  différentes 
provinces.  Les  patois  actuels  ne  sont  pas  les  restes  des  anciens  dia- 
lectes, mais  la  continuation  plus  ou  moins  altérée  des  anciens  patois. 
Les  textes  édités  par  M.  Fr.  B.  sont  précédés  d'une  étude  phonétique 
instructive,  mais  qui  le  serait  plus  encore  si  la  prononciation  ac- 
tuelle des  paysans  du  Barrois  était  indiquée  régulièrement,  et  non 
accidentellement,  à  côté  des  différentes  combinaisons  orthographi- 
ques dont  il  rend  compte.  —  P.  352.  V.  Smith,  Germine,  la  Porche- 
ronnCy  chansons  foréziennes. —  P.  360.  Mélanges.  A.  Darmsteter, 
Philippus  =i  os-lampadis .  — P.  363.  G.  P.,  Un£  épître  française  de 
saint  Etienne,  copiée  en  Languedoc,  au  XJIh  siècle.  M.  G.  P.  prouve, 
d'après  plusieurs  indices,  et  principalement  par  le  rapport  des  rimes, 
que  cette  pièce  est  une  transcription  en  langue  d*oc  d'un  original 
écrit  en  langue  d'oïl. — P.  364.  P.  M  ,  les  Vers  de  la  mort  d'Hélinand. 


PEKIODIQIJES  m 

L'attribution  de  cette  pièce  à  Hélinand,  conjectiirée  par  Loisel  et 
Fauchet,  est  confirmée  par  M.  P.  M  —  P.  367.  Léopold  Pannier, 
le  Livre  des  cent  ballades  et  la  Réponse  du  bâtard  de  Coucy.  M.  L.  P. 
complète  le  Livre  des  cent  ballades,  du  marquis  de  Queux  de  Saint- 
Hilaire,  en  publiant  une  treizième  ballade  qui  manquait  à  ce  re- 
cueil, et  en  donnant  une  nouvelle  édition  de  la  douzième.  —  P. 
373.  G.  P.,  Une  romance  espagnole,  écrite  en  France,  au  XV^  siècle. — 
P.  379.  Comptes  rendus,  —  P.  393.  Périodiques,  —  P.  400.  Chro- 
nique, 

A.  B. 

Romania.  I,  4. —  P.  401.  P.  Meyer,  Mélanges  de  littérature  pro- 
vençale. C'est  la  première  partie  d'une  série  de  documents  inédits , 
écrits  en  ancien  provençal.  M.  P.  M.  pense,  avec  raison,  qu'on  doit 
recueillir  tous  les  textes  inédits  du  même  genre,  même  les  plus 
médiocres,  car  Thistoire  «le  la  langue  peut  en  tirer  grand  profit.  Il 
adresse  un  appel  en  ce  sens  aux  chercheurs  du  Midi,  et  leur  re- 
commande spécialement  les  couvertures  de  parchemin  des  anciens 
registres,  et  plus  spécialement  encore  «  les  archives  des  notaires, 
qui,  dans  le  Midi,  sont  souvent  très-riches.  » — P.  420.  Le  même,  le 
Bestiaire  de  Gervaise,  traduction  en  vers  octosyllabiques  d'un  orif];i- 
nal  latin  trouvé  dans  «  l'armoire  »  de  Barbery,  abbaye  du  diocèse 
de  Bayeux.  L'auteur,  Gervaise,  probablement  curé  de  Fontenai, 
vivait  au  commencement  du  Xllle  siècle,  et  le  copiste  auquel  nous 
devons  ce  texte  écrivait  dans  la  seconde  moitié  du  même  siècle. 
Les  traces  du  dialecte  normand  sont  visibles,  malgré  l'interven- 
tion inconsciente  du  copiste,  que  M.  P.  M.  croit  originaire  de 
Champagne  ou  de  Lorraine.  M.  P.  M.  a  respecté  son  texte  et  n'y 
a  introduit  que  les  corrections  indispensables,  tout  en  signalant 
les  leçons  fautives.  Système  de  beaucoup  le  meilleur.  Voici  quel- 
ques  observations  que  m'a  suggérées  cette  lecture  : 

(v.  185j         Quant  Jhesu  Crist  fu  sool^z 
Des  gas  es  vies  et  lassez. 

M.  P.  M.  corrige  «  Des  gas  as  Juïs.  »  Pourquoi  ne  pas  laisser  es, 
comme  au  vers  884  :  Kl  es  crestiens  se  torna,  et  ne  pas  lire  Jués"^ 
11  est  vrai  que  Ju'is,et  non  Jués.  se  trouve  bien  certainement  au  vers 
881  ;  mais  la  coexistence  de  ces  doubles  formes  n'est  pas  rare  dans 
les  textes  de  cotte  époque . 

i  v.  317)         Et  quant  il  se  sont  endormi[sj 
Meintenant  les  ont  a5alJi[s] . 


202  PERIODIQUES 

De  ces  deux  corrections,  la  seconde  n*est  pas  nécessaire,  et  la 
première  est  fautive.  En  effet,  l'ancienne  langue  préférait,  mais  n'im- 
posait pas  l'accord  du  participe  passé  avec  son  complément  direct 
(V.  N.  de  Wailly,  Mémoire  sur  la  langue  de  JoinviUe,  p.  45).  D'un 
autre  côté,  elle  n'autorisait  presque  jamais  l'accord  du  pronom 
régime  et  du  participe  passé,  dans  les  verbes  réQéchig.  Ces  verbes 
étaient  considérés  comme  les  équivalents  du  passif  ou  du  neutre 
latin,  et  le  participe  s'accordait  avec  le  sujet,  comme  en  latin.  On 
écrivait  :  t^  se  fait  humbles^  au  singulier  ;  il  se  fait  humble,  au  pluriel, 

(v.  505)         Et  la  tierce  est  de  dragons 
Qui  sunt  félon  et  verimous. 

M.  P.  M  .  propose  de  corriger  en 

Qui  sont  verimous  et  félons. 

La  correction  est  bonne,  mais  l'^  de  félons  est  évidemment  là  par 
inadvertance. 

(v.  709)  Quant  deables  le  ha  lacié 

Et  il  sunt  de  pechié  chargié. 

M.  P.  M.  propose  les  ha  laciés,  mais  avec  doute,  parce  que  la 
rime  cesserait  d'être  exacte.  On  peut  faire  deux  objections.  La 
première  est  que  l'auteur  ou  le  copiste  ne  se  préoccupait  pas  outre 
mesure  de  la  rime  orthographique,  comme  le  prouvent  les  rimes  sui- 
vantes: confession, poons  (v.  591-592);  puissons,  confession{v.  727-728); 
abalu,  descendus  (v.  737-738);  conf ors,  mort,  (v.  1095-i096).  La  se- 
conde est,  ainsi  que  j'ai  eu  occasion  de  le  remarquer  tout  à  l'heure, 
que  l'ancienne  langue  n'exigeait  pas  que  le  participe  passé  s'ac — 
cprdât  toujours  avec  son  complément  direct.  Au  v.  764,  ne  £aat-i 
pas  lire  chnscun  (s), 

Ghascun  prend  1  grain  si  l'emporte  ? 

et  au  v.  1020,  H  félon  juï  au  lieu  de  H  félon  juïs? —  G.  Joret,  p.  444  , 
loi  des  finales  en  espagnol.  Dissertation  faite  avec  soin.  —P.  457- 
P.  Paris,  de  VOrigine  et  du  développement  des  romans  de  la  Table-Ronde^ 
—  Le  Saint-Graal.  Première  partie  d'une  étude  importante.  On  y 
trouve  indiquées  «  les  premières  sources  religieuses  d*où  découlent 
les  romans  de  la  TabJe-Ronde.  Il  n'est  plus  permis  de  voir  chez  les 
auteurs  de  ces  fameuses  compilations  une  intention  suivie  d'élever 
l'Église  sur  les  ruines  de  la  Chevalerie,  ou  la  Chevalerie  sur  les 
ruines  de  l'Église.  Les  Templiers,  les  Albigeois,  n'ont  rien  à  faire 
avec  le  Saint-Graal,  libre  développement  d'une  légende  monas- 


PERIODIQUES  203 

tique  que  le  roi  Henri  II  crut  devoir  favoriser  dans  Tintérêt  de 
sa  politique,  et  que  Gautier  Map,  répondant  assez  mal  aux  pre- 
mières intentions  du  prince,  prit  pour  point  de  départ  de  ses 
doctes  souvenirs  et  de  ses  inventions  tour  à  tour  mystiques,  en- 
jouées, substiles.  »  Telles  sont  les  conclusions  de  M.  P.P.  A  la 
fin  de  son  alinéa  VII,  qui  est  quelque  peu  un  hors-d'œuvre,  mais 
un  hors-d'œuvre  intéressant,  où  il  nous  présente  un  tableau  très- 
exact  de  la  vie  intellectuelle  et  littéraire  au  moyen  âge,  il  ob- 
serve que,  «  par  un  curieux  contraste  avec  ce  qu'on  voit  aujour- 
d'hui, les  prédicateurs,  tenant  àparaître  aussi  étrangers  que  possible 
à  ce  qui  se  passait  dans  le  monde,  no  daubaient  d'ordinaire,  quand 
ils  prêchaient  en  latin,  que  sur  les  désordres  des  gens  d'église; 
tandis  qu'aujourd'hui  les  gens  d'église  sont  seuls  épargnés  dans  les 
invectives  des  prédicateurs.  De  là,  de  fréquentes  méprises  chez  les 
moralistes  modernes,  qui  attachent  trop  d'importance  à  ces  invectives 
pieusement  exagérées,  et  pour  ainsi  dire  exclusives.  »  M.  P.  P.  a 
raison  de  no  pas  tirer  de  ce  fait  les  mêmes  conséquences  que 
certains  modernes  contre  la  moralité  du  clergé  au  moyen  âge  ; 
mais  l'explication  qu'il  en  donne  me  paraît  insuffisante.  Si  les  pré- 
dicateurs en  agissaient  ainsi  à  l'égard  des  gens  d'église,  c'est  que 
le  latin  n'était  lu  et  entendu  que  d'eux  seuls,  et  qu'ils  pou- 
vaient, à  la  faveur  de  cette  langue,  leur  parler  en  toute  liberté 
sans  craindre  le  scandale.  C'était  une  espèce  de  prédication  ésotê- 
rique,  car  il  va  sans  dire  qu'on  n'entretenait  pas  en  latin  le  commun 
des  fidèles,  quoi  qu'en  ait  dit  Génin  à  propos  du  Fragment  de 
Valendennes,  —  P.  483.  Joca  monachormn.  Curieux  échantillon  de 
bas  latin,  sur  lequel  je  reviendrai  plus  tard. — P.  490.  J.  Slorm,ùty- 
mologie  de  trop^  troupe,  troupeau.  — P.  492.  A.  Mussafîa,  Compte 
rendu  de  l'opuscule  de  M.  (\!OVu\\o  sulV  Origine  delV  unica  forma 
flessionale  del  nome  italiano.  — -P.  500.  Analyse  de  différents  pério- 
diques.  La  Revue  des  langues  romanes  n'y  est  pas  oubliée. 

A.  B. 


CHRONIQUE 


Le  bureau  de  la  Société  pour  V élude  des  Langues  romanes  a  été 
ainsi  modifié  :  MM.  le  docteur  Espagne,  professeur  agrégé  à  la 
Faculté  de  médecine,  président;  Octavien  Bringuier,  vice -président. 


*♦* 


Nous  remercions  le  Journal  des  savants  du  compte  rendu  exact 
et  bionveillanl:  qu'il  a  consacré  à  la  Société  et  à  la  Revive  des  Lan- 
gues romanes,  dans  le  numéro  de  1872. 


La  Société  reçoit  actuellement,  par  voie  d'échange,  les  périodiques 
suivants  :  la  Romania,  —  la  Ricisla  de  filologia  romanza,  —  il  Propu- 
gnatore, —  la  Revisla  de  Archivas,  Ribliolecas  y  Musem, — la  Renaxeiua, 
—  Rèvisla  Dakar,  —  The  Academy, — Revue  de  linguistique ,  —  Polyhi- 
blion,  —  Revue  de  Gascogne,  —  A  nnana  prouvençau,  —  Bulletin  de  la 
Société  archéologique  de  Béziers,  —  id.  d^AngouUme,  —  de  la  Société 
statistique,  sciences  et  Icllres  des  Deux-Sèvres,  —  A  cadémie  de  la  Val 
d^  Isère,  —  id.  de  C  1er  mont- Fer  r  and,  etc. 

Ils  sont  tenus  à  la  disposition  du  public,  ainsi  que  tous  les 
autres  livres  appartenant  à  la  Société,  à  la  bibliothèque  du 
Musée  Fabre. 


GoNiiouRs  DK  POÉSIE  PRovKNÇALE. —  Ou  Sait  que,  grâce  à  une  idée 
aussi  clirôLienno  que  patriotique,  sur  la  montagne  Ste- Victoire 
{Santo-Ventùri}^  \)v(}s  d'Aix,  surgit  à  cotte  heure  la  ^roia?  de  Pro- 
vence ^  colossal  monument,  digne  du  piédestal  gigantesque  qui  le 
supporte. 

Acte  de  foi  et  d'espérance,  conçu  au  sein  de  nos  récents  malheurs, 
ce  signe  de  salut  domine  et  bénit  de  ses  bras  étendus  toute  notre 
contrée.  Il  s'élève  déjà  à  neuf  mètres  au-dessus  de  ces  hautes  cimes, 
dont  le  nom  d'heureux  augure  semble  promettre  des  jours  plus 
fortunés  à  notre  pays  redevenu  chrétien.  N'est-ce  pas  là,  en  effet, 
que  Marius  écrasa,  le  premier,  les  féroces  Teutons,  Deulsch  prussiens 
qui  s'essayaient  déjà,  il  y  a  deux  mille  ans,  à  l'invasion  de  la 
France,  et  dont  la  barbarie  ne  s'est  point  adoucie  depuis? 

Bientôt  sera  terminée  et  montera  vers  les  cieiix  cette  prière  de 
pierre,  étendant  sans  cesse,  comme  jadis  Moïse,  ses  bras  suppliants 
pour  le  triomphe  de  son  peuple  et  sa  conversion,  qui,  seule,  l'assu- 
rera à  jamais.  Avec  le  concours  de  généreux  bienfaiteurs  et  des 
populations  qui  vivent  sous  son  ombre,  l'œuvre  marche  d'un  pas 
rapide,  et  le  jour  de  sa  fête  prochaine,  le  24  juin,  en  verra  sans  doute 
le  couronnement. 


CHKONIQUH  205 

Sur  la  base  carrée,  une  large  place  est  réservée  à  quatre  épigra- 
phes, rédigées  en  nos  quatre  langues.  Car,  si  Varron,  il  y  a  vingt 
siècles,  appelait  déjà  les  Provençaux  trilingues,  il  pourrait  aujour- 
d'hui ajouter  à  notre  compte  un  quatrième  idiome,  que  nous  avon^ 
gagné  depuis  1481.  Ainsi  que  le  désirait  le  Psalmiste,  toutes  ces 
langues  vont  louer  le  Seigneur,  chanter  sa  croix  triomphante.  Leur 
emploi  rappellera  en  même  temps  toutes  les  phases  de  notre  his- 
toire :  la  colonisation  grecque,  la  conquête  romaine,  l'annexion 
française,  et,  survivant  à  toutes  ces  transformations,  la  Provence 
toujours  ieune,  vive  et  alerte,  chrétienne,  gardant  ses  mœurs,  sa 
foi,  son  doux  parler  :  Piou!  Pïou!  toujours  vioul  comme  son  pro- 
verbe le  dit  si  bien. 

La  face  qui  regarde  Marseille,  l'antique  fille  de  Phocée,  recevra 
une  inscription  rédigée  dans  Tharmonieux  langage  de  l'ionie. 

Du  côté  de  Rome,  patrie  de  nos  premiers  vainqueurs  et  siège 
de  notre  sainte  Eglise,  inscription  latine. 

Vers  Paris,  la  moderne  capitale,  inscription  en  français,  la  lan- 
gue de  nos  derniers  maîtres. 

Enfin,  le  côté  qui  est  tourné  vers  Aix,  vieille  capitale  du  pays, 
est  destinée  une  inscription  en  provençal. 

Obéissant  à  une  excellente  inspiration,  que  Ton  aimerait  voir 
naître  plus  souvent,  les  promoteurs  de  l'œuvre  ont  voulu  mettre 
cette  dernière  au  concours.  En  voici  les  conditions,  pour  ceux  de 
nos  lecteurs  —  etlectrices  —  qui  désireraient  y  prenare  part,  ce  à 
quoi  nous  ne  saurions  trop  les  inviter. 

On  est  libre  d'adopter  la  prose  ou  la  forme  poétique.  Le  nombre 
de  vers  ne  doit  pas  dépasser  quatorze,  mais  pourra  être  moindre, 
ce  qui  donne  toute  facilité  pour  l'emploi  de  tous  les  rhythmes,  qua- 
train, sixain,  octave,  sonnet,  etc. 

Les  manuscrits  devront  être  écrits  lisiblement.  Ils  doivent  par- 
yrenÏT  franco,  avant  le  1"  mai  1873,  à  M.  le  chanoine  Emery,  curé 
de  Saint-Jérôme,  à  Aix(B.-du-R.),  membre  du  jury  du  concours. 
Xe  nom  et  l'adresse  de  l'auteur  devront  être  renfermés  dans  un  pli 
cacheté,  portant  une  épigraphe  qui  se  répétera  en  tête  de  la  pièce. 
Lie  pli  ne  sera  ouvert  qu'après  la  décision  du  jury. 

Le  lauréat  recevra  une  médaille  en  vermeil,  et,  —  ce  qui  estlwen 
préférable,  —  il  aura  la  gloire  de  voir  ses  vers  gravés  sur  le  monu- 
ment national  qui  domine  la  Provence  tout  entière.  Une  médaille 
«n  argent  et  deux  en  bronze  seront  décernées  comme  second  prix 
«t  mentions  honorables. 

Le  jury  sera  composé  des  représentants  des  cinq  départements 
«ctuels  de  la  Provence  :  Bouches-du-Rhône,  Vaucluse,  Basses- 
.Alpes,  Alpes-Maritimes  et  Var. 

Après  le  concours,  un  volume  sera  publié,  contenant  toutes  les 
pièces  qui  auront  été  envoyées. 

Nous  ne  pouvons  qu'engager  tous  les  nombreux  poètes  qui  floris- 
«ent  dans  notre  patrie,  et  qui  cultivent  notre  belle  langue,  à  pren- 
dre part  à  ce  tournoi  poétique,  par  des  vers  dignes  d'eux  et  de  Pidée 
€5ui  a  fait  surgir  la  Oroix  de  Provence  dans  les  airs. 

Nous  aimons  à  croire  que  la  muse  des  Foulquet  (de  Marseille), 

^esBoniface  (de  Casiellane),  des  Albert  (de  Sisteron),  des  Rainol 

C^'Aptj  et  du  Monge  (des  lles-d'Or),  la  muse  des  troubadours  et  des 

«élibres,  saura  trouver  encore  des  accents  dignes  d'elle,  dignes  du 

k«au  sujet  auquel  on  la  convie. 

14 


206  CHRONIQUE 

Nous  ne  saurions  torminor  ces  quelques  lignes  sans  adresser  à 
nos  lecteurs  un  appel  en  faveur  de  VOÉuvre  de  la  Croix  de  Provence, 
œuvre  qui  doit  leur  être  sympathique  entre  toutes,  puisque  Tamour 
du  pays  et  celui  de  la  religion  s'y  rencontrent  admirablenaent  unis, 
comme  ils  devraient  toujours  faire.  On  est  bientôt  à  bout  de  res- 
sources lorsqu'il  faut  monter  à  1,000  mètres  d'altitude  tout,  abso- 
lument tout  :  sable,  eau,  pierre,  chaux,  etc.,  et  cela  à  dos  de  mulet, 
seule  voie  praticable  sur  ces  hauteurs.  Au  point  où  les  bras  et  le 
fût  de  la  croix  se  rencontrent,  un  grand  cœur  de  bronze  sera  placé. 
C'est  là  que  seront  renfermés  et  conservés  les  noms  de  tous  ceux 
qui  auront  simplement  donné  un  sou  pour  l'œuvre.  Qui  ne  peut 
pas  donner  un  sou?  30,000  noms  sont  déjà  recueillis.  Quel  est  celui 
qui  ne  voudra  pas  contribuer  comme  Provençal,  sinon  comme  chré- 
tien, à  ce  monument  colossal  de  notre  Provence? 

(Envoyer  les  offrandes  à  M.  le  curé  de  Rousset,  par  Trels  (Bou- 
ches-du-Rhône). 

Concours  de  poésie  néo-bomâne  de  Béziers.  —  Dans  la  séance 
solennelle  qu'elle  tiendra  le  jeudi  de  l'Ascension,  22  mai  1873,  la 
Société  archéologique,  scientifique  et  Uttéraire  de  Béziers,  décer- 
nera : 

1®  Une  couronne  de  laurier,  en  argent,  à  l'auteur  d'un  mémoire 
historique  sur  le  Languedoc  ou  sur  quelque  autre  province  du  midi 
de  la  France,  ou  à  Fauteur  d'une  monographie  d  une  localité  du 
département  de  l'Hérault  ; 

z*»  Un  rameau  d'olivier,  en  argent,  à  la  meilleure  poésie  en  lan- 
gue néo-romane.  Tous  les  idiomes  du  Midi  sont  admis  à  con- 
courir. Les  auteurs  devront  suivre  l'orthographe  des  troubadours  et 
joindre  un  glossaire  à  leur  poésie  ; 

3*  Un  rameau  de  chêne,  aussi  en  argent,  à  la  meilleure  pièce  de 
vers  français. 

La  Société  décernera,*   en  outre,   des  médailles  aux  ouvrages» 
qu'elle  jugera  dignes  de  cette  récompense.  . 

Les  sujets  politiques  sont  exclus  du  concours. 

Les  pièces  destinées  au  concours  ne  seront  pas  signées.  EUe^ 
devront  être  lisiblement  écrites^  et  être  adressées  en  double  copie  et 
franches  de  port,  avant  le  !«'  avril  prochain,  terme  de  rigueur,  & 
M .  le  Secrétaire  de  la  Société . 

Chacune  portera  une  épigraphe  qui  sera  répétée  sur  un  billet 
cacheté  renfermant,  avec  le  nom,  la  profession  et  le  domicile  de 
Tauteur,  la  déclaration  qu'elle  est  inédite  et  qu'elle  n'a  pas  été  pré- 
sentés à  d'autres  Sociétés . 

Les  pièces  envoyées  au  concours  ne  seront  pas  rendues . 

Les  lauréats  qui  n'auront  pas  assisté  à  la  séance  publiaue  de- 
vront faire  retirer  leur  prix  au  secrétariat  par  un  fondé  de  pou- 
voirs. 


* 


Concours  de  poésie,  d'histohie  et  d'archéologie  de  Toulon.  — 


CHRONIQUE  207 

1*  concours.  —  Poésie  écrite  dans  un  des  idiomes  dérivant  de  la 
langue  d'Oc,  et  actuellement  parlés  dans  la  région  prenant  part  au 
concours  (Algérie,  Alpes-Maritimes,  Aude,  Bouches -du-Rhône, 
Corse,  Gard,  Hérault,  Pyrénées-Orientales,  Var  et  Yaucluse).  Le 
sujet  de  la  poésie  est  laissé  au  choix  des  concurrents. —  Prix  :  une 
médaille  d'or  de  100  fr.  - 

2«  concours.  —  Poésie  française  :  Puget.  — Prix  :  une  médaille 
d'or  de  100  fr. 

3*,  4*  et  5'  concours.  —  Histoire  y  Archéologie  et  Biographie.  — 
Les  travaux  envoyés  à  ces  deux  concours  devront  traiter  des  sujets 
8e  rattachant  à  l'histoire,  à  Tarchéologie  ou  à  la  biographie  de 
l'un  des  départements  ou  de  tous  les  départements  compris  dans 
la  région. 

Les  ouvrages  couronnés  seront  publiés  aux  frais  de  la  ville  de 
Toulon,  et  les  auteurs  recevront  un  tirage  à  part  de  cent  exem- 
plaires, sur  papier  de  Hollande 

Des  médailles  d'argent  et  des  mentions  honorables  pourront  être 
décernées  aux  auteurs  des  travaux  qui,  par  leur  importance  ou 
le  talent  avec  lequel  ils  auront  été  traités,  paraîtront  mériter  une 
de  ces  distinctions. 

Les  manuscrits  devront  être  adressés,  avant  le  30  avril  1873,  au 
Président  de  la  Société  académique  du  Var,  à  Toulon,  au  siège  de 
la  Société,  rue  de  la  République,  47. 

Chaque  manuscrit  portera  une  épigraphe  reproduite  sur  un 
i)illet  cacheté,  indiquant  le  nom  et  Padresse  de  Tauteur  et  attestant 
que  le  travail  est  inédit. 

Les  billets  des  concurrents  couronnés  seront  seuls  décachetés  ; 
Jes  autres  seront  conservés  pendant  trois  mois,  pour  permettre  de 
restituer  les  manuscrits  aux  auteurs  qui  lés  réclameront;  passé   ce 
4lélai,  les  billets  seront  brûlés  et  les  mémoires  non  réclamés  de- 
viendront la  propriété  de  la  Société  académique  du  Var. 

*    ¥ 

Lb  Saint-Graal,  première  branche  des  romans  de  la  Table  Bonde» 
comprenant  le  Petit  Saint-Graal  en  prose,  inédit  ;  le  Petit  Saint- 
Graal  en  vers,  et  le  Grand  Saint-Graal  en  prose,  d'après  le  manu- 
scrit du  Mans  et  le  manuscrit  n°  2,455  de  Paris,  va  être  publié  en 
3  volumes,  avec  fac-similé  et  gravures,  par  E.  Hucher,  du  Mans. — 
8'adresser  à  M.  Vieweg,  libraire,  67,  rue  Richelieu,  à  Paris. 


Nous  remarquons  dans  le  journal  la  Provence^  du  15  décembre 
1872,  un  remarquable  article  de  M.  de  Yilleneuve-Esclapon,  sur 
la  Littérature  provençale  en  1872,  —  et  dans  le  journal  VÉcho  du 
Vioarais,  celui  de  M .  F.  Boissier,  sur  la  Vigne  de  VHelvie  sous  la 
iomincUion  romaine. 


*  * 


La  Société  pour  Vétude  des  Langues  romanes  avait  conçu  le  pro- 


208  CIIROMQrH 

jet  de  rééditer,  parmi  nos  poètes  méridionaux,  ceux  qui  ont  acquis 
une  certaine  réputation. 

Nous  sommes  heureux  de  pouvoir  annoncer  qu'elle  commencera 
prochainement  sa  Colleetion  de  poêles  de  la  langue  d^oe. 

Des  éditions  de  Le  Sage,  par  Léon  Gandin  ;  de  Dom  Guérin,  de 
Nant,  par  F.  ;  d'Aubanel,  de  Nîmes  ,  par  A.  Montel  ;  du  comi(^ue 
Cabanes,  par  G.  de  Villeneuve-Esclapon,  etc.,  ne  tarderont  pas  à 
paraître. 

I]  en  sera  fait  un  tirage  sur  papier  de  luxe. 


ERRATA 
des  Fragments  d'une  Anthologie  pioarde 


P.  322,  ligne  17  :  énamourée?  lisez  :  énamourée  (?) 
P.  323,  ligne  28  :  che  je  dirai,  lisez  :  che  que  je  dirai. 
P.  324,  ligne  3  :  je  ne  le  dis  pas,  lisez  :  je  ne  le  di  pas. 
—    ,  ligne  5  :  malavisés  ait  trop  paine,  lisez  :  qu'ait  malavisés^ 
trop  paine.  (Correction  indiquée  par  M.  Natalis  de  Wailly-^ 
P.   330,  ligne  7  :  cov[àe\f  lisez  :  cor[ol.  (Correction  indiquée  p«.r 
M.  Revillout.) 
P.  333,  ligne  10  :  vrai  français,  lisez  :  vieux  français. 


Le  Géranl:  Ernijiht  Hamelin. 


Montpellier,  imprimerie  centrale  du  Midi.-  Hicatcau,  Hamelin  et  G*. 


DIALECTES  ANCIENS 


LES  COUTUMES  DE  REMOULINS 


INTRODUCTION    HISTORIQUE 

ï 

A  égale  distance  de  Nîmes  et  d'Avignon,  à  deux  kilomètres 
en  aval  du  Pont  du  Gard  et  au  point  d'intersection  des  deux 
routes  nationales  de  Lyon  à  Beaucaire  et  d'Avignon  à  Mont- 
pellier^ s'élève,  sur  la  rive  gauche  du  Gardon,  le  gracieux  vil- 
lage de  Remoulins,  chef-lieu  de  canton  de  l'arrondissement 
d'Uzès,  bien  connu  des  visiteurs  de  l'aqueduc  romain. 

Cette  localité,  dont  la  population  est  aujourd'hui  de  1,500  ha- 
bitants, doit  son  nom  à  sa  situation  topographique  par  rapport 
au  cours  du  Gardon,  qui,  sur  ce  point,  formait  jadis  un 
brusque  détour*,  fort  atténué  maintenant,  par  suite  du  dé- 
placement de  la  rivière ,  mais  qui  autrefois  enveloppait  les 
deux  tiers  de  l'enceinte  de  l'ancien  village. 

Au  commencement  de  l'occupation  romaine  fut  construit  sur 
le  Gardon,  près  de  Remoulins,  un  pont  en  pierre  dont  les 
traces  subsistent  encore .  La  voie  romaine  de  Nîmes  à  Alba 
Helviorum  franchissait  la  rivière  sur  ce  pont. 

A  proximité  de  Remoulins,  sur  la  rive  opposée  du  Gardon 
et  près  du  hameau  de  Lafoux,  on  trouve  des  vestiges  considé- 
rables d'une  bourgade  gallo-romaine  dont  le  nom  n'est  point 
parvenu  jusqu'à  nous.  Le  christianisme  vint  plus  tard  s'y 
établir;  une  petite  chapelle  dédiée  à  sainte  Colombe  y  fut 
édifiée  et  donna  son  nom  à  la  localité,  que  la  plupart  de  ses 
habitants  abandonnèrent  ensuite  pour  aller  sans  doute  peupler 
les  villages  circonvoisins .  Cette  bourgade  gallo-romaine  était 

1  Remoulin,  eu  langue  romane  (en  catalan,  remoli;  en  italien  et  en  es- 
pagnol, remolino),  signifie  :  tourbillon  d'eau,  tournant  ou  détour  accen- 
tua d'un  cours  d'eau  ;    entonnoir  d'un  gouffre. 

15 


210  DIALECTES   ANCIENS 

elle-même  située  au  pied  du  pic  de  Mardieul  ou  Marduel,  sur 
lequel  M .  Cazalis  de  Fondouce  vient  de  signaler  Texistence 
d'un  oppidum  de  Fépoque  néolithique  *• 

II 

Le  plus  ancien  seigneur  connu  de  Remoulins,  ou  plutôt 
Remolins,  est  Pierre  P'  de  Remoulins,  qui  se  ligue,  en  1140, 
avec  Guillaume  de  Châteaurenard,  en  faveur  de  la  maison  des 
Baux,  contre  Raymond  Bérenger  II,  comte  de  Provence  *. 

Son  fils  Arnauld  P^  apparaît  comme  témoin,  dans  une  charte 
du  mois  d'octobre  1160,  conservée  aux  archives  de  Nîmes,  et 
comprenant  plusieurs  donations  faites  par  le  comte  de  Tou- 
louse Raymond  V,  en  faveur  de  diverses  églises.  Pierre  II, 
son  second  fils,  fut  présent  à  une  donation  faite,  en  1164,  par 
le  même  Raymond  V,  en  faveur  du  monastère  de  Saint- 
Saturnin- du-Port  (Pont-Saint-Esprit) . 

Arnauld  P""  de  Remoulins  eut  trois  fils  :  V  Paul  P'  de  Re- 
moulins, qui  apparaît  en  1239;  2°  Raymond  II  de  Remoulins- 
Carnasse,  dont  il  est  aussi  fait  mention  en  1239  ;  3°  Guillaume 
Hugues  de  Remoulins,  mentionné  comme  défunt  dans  .un 
acte  de  1277  K 

Paul  P^  eut  un  fils  :  Arnaud  II  de  Remoulins,  chevalier, 
qui  apparaît  en  1277  et  laisse  à  son  tour  un  fils,  Paul  II  de 
Remoulins-d'Estagel,  qui  paraît  avoir  possédé,  par  alliance, 
la  seigneurie  d'Estagel,  près  de  Saint- Gilles,  en  1324,  et  dont 
la  descendance  n'est  pas  connue. 

Guillaume-Hugues  de  Remoulins  eut  trois  enfants  :  1°  Ray- 
mond III  de  Remoulins,  qui  apparaît  en  1277  ;  2°  Rostaing  de 
Remoulins,  qui  figure  avec  Marie,  sa  femme,  dans  le  même  acte 
de  1277;  3°  Raymonde  de  Remoulins,  qui  épouse  Pierre  III 
de  Remoulins,  son  cousin,  petit-fils  de  Pierre  II. 

*  C.  de  Fondouce,  les  Temps  préhistoriques  dans  le  sud-est  de  la  France* 
—  L'Homme  dans  la  vallée  inférieure  du  Gardon. 
'  Henri  de  Valori,  Hist.  de  Châteaurenard  en  Provence,  note,  pag/34. 
^  CartiUaire  de  Remoulins,  pag.  31. 


LES   COUTUMES   DE   RËMOULINS  211 

Pierre  II  de  Remoulins  laissa  un  fils,  Raymond  P',  qui  ap- 
paraît en  1213  *  et  en  1239  sous  le  nom  de  Raymond  de  Re- 
moulins-Rabasse  *.  Son  fils,  Pierre  III,  épousa  Raymonde  de 
Remoulins,  sa  cousine,  qui  vivait  encore  en  1282  * .  Il  laissa 
deux  enfants  :  Albert  et  Tiburge. 

Tiburge  de  Remoulins  épousa  Vesian  P'  d' Aigrement  * .  Elle 
était  veuve  en  1239.  Son  fils  Vesian  II  prit  le  titre  de  cosei- 
gneur  de  Remoulins;  il  épousa  Marie  Rabasse,  fille  de 
Raymond  Rabasse,  chevalier,  mort  en  1276,  laissant  un  fils, 
Vesian  III,  orphelin  et  mineur,  en  1284,  sous  la  tutelle  de 
Tiburge  de  Remoulins,  sa  grand'mère.  Avec  Vesian  III  dut 
s'éteindre  cette  branche. 

Albert  de  Remoulins  épousa,  vers  1266,  Esmenjarde,  et 
mourut  avant  1282,  laissant  deux  fils  :  Pierre  IV,  né  vers 
1268,  et  Guillaume,  sous  la  tutelle  de  leur  grand'mère  Ray- 
monde •. 

Pierre  IV  de  Remoulins  mourut  jeune  et  sans  postérité,  et 
son  frère  Guillaume,  qui  lui  succéda,  eut  deux  fils  :  Bertrand 
et  Brémond.  Bertrand  de  Remoulins  épousa,  vers  1315,  Ber- 
trande  Lombard,  d'Aramon.  Il  en  eut  trois  enfants  :  Hugues, 
Bertrand  et  Azalaïs.  Hugues  de  Remoulins  mourut  jeune  et 
sans  enfants  ;  Bertrand  fut  religieux  de  Saint-Augustin  et  cha- 
ûoine  régulier  de  TEglise  de  Nîmes.  Azalaïs  de   Remoulins, 
restée  seule  héritière,  épousa  en  premières  noces  Biaise  des 
\rbres,  coseigneur  d'Aramon,  dont  elle  eut  deux  filles  :  Prime 
des  Arbres,  qui  épousa  Jean  Imbert,  damoisel  de  Nîmes  ;  et 
Sancie  des  Arbres,  qui  fut  mariée,  en  1383,  à  Raymond  Ra- 
basse, damoisel  de  Remoulins. 
Azalaïs  de  Remoulins,  devenue  veuve,  épousa  en  deuxième 

noces,  vers  1350,  Philippe  Bras-Fort,  dit  Albertin,  damoisel, 

'  Gallia  christianay  t.  IV,  col.  625. 
^Cariutaire  de  Remoulins,  pag.  17. 
'  id  ,  pag.  33. 

*Aigr.»mont,  commune  du  canton  de  Lédignan,  arrondissement  d'A- 
lais,  dApart-ment  du  Gard. 

Carlulaire  de  Remoulins,  pag.  33. 


212  DIALECTES    ANCIENS 

jurisconsulte,  coseigneur  de  Nîmes  et  chevaKer  des  Arènes, 
dont  elle  eut  un  fils  rUbertin,  ou  Albertin  Bras-Fort,  qui  épousa, 
en  1374,  Azalaïs  d'Aramon,  et  mourut  jeune,  laissant  un  fils 
unique,  Jacques  Bras-Fort,  en  bas  âge,  sous  la  tutelle  de  sa 
grand'mère  Azalaïs  de  Remoulins,  qui  le  fit  son  héritier  uni- 
versel. Jacques  Bras-Fort  épousa  Marguerite  de  la  Baume- 
Sanilhac  et  en  eut  un  fils,  Pierre,  qui  mourut  sans  postérité. 

Brémond  de  Remoulins,  deuxième  fils  de  Guillaume,  dut 
former  une  branche  cadette  qui  dérogea  ;  car  on  trouTe  dans 
Ménard  un  Raymond  de  Remoulîns,  consul  de  Nîmes  en  1362, 
dont  le  fils  Pierre  V,  nommé  chanoine  de  la  cathédrale  de 
Nîmes  la  même  année,  apparaît  en  1394  comme  prieur  d"Al- 
vernes*  et,  en  1419,  comme  prévôt  de  la  cathédrale  de  Nî- 
mes. Unfrère  de  Pierre  V,  nommé  Jean,  fut  aussi  chanoine  de 
Téglise  de  Nîmes  et  prieur  de  Roquedur  en  1894. 

Un  troisième  fils  de  Raymond,  Jean  de  Remoulins,  fut  con- 
sul de  Nîmes  en  1412,  1429  et  1435  ;  et  Alexis  de  Remoulins, 
fils  de  ce  dernier,  était  marchand  drapier  et  consul  de  la  même 
ville  en  1425,  1434,  1449  et  1460. 

Les  seigneurs  de  Remoulins  portaient  :  coupé  d'azur  eê  fas- 
céondé  d'argent  et  d'azur,  à  ta  meule  de  meuêm  d'argent  percée 
de  sable,  brochant  sur  le  tout;  à  la  bordure  componée  émargent  et 
d'azur  *. 


III 


Remoulins  fut,  parmi  les  communes  du  Midi,  une  des  pre- 
mières à  conquérir  des  franchises  municipales  assez  éten- 
dues .  L'établissement  de  son  consulat  remonte  aux  premières 
années  du  XIII"^®  siècle.  Les  consuls,  au  nombre  de  deux, 
et  pris  Tun  parmi  la  noblesse,  Tautre  dans  la  bourgeoisie, 
administraient  la  communauté,  veillaient  à  Tordre  public, 
avaient  la  garde  des  clés  des  portes  de  la  ville,  et  assemblaient 

*  Saint-Etienne-d'Alvernes,  village  aujourd  hui  détruit,  sur  le  territoire 
de  Clarensac. 
2  Ch.  de  Tourtoulon,  Jacmel'%  t.  II,  p.  663,  col.  2. 


LES    COUTUMFÎS   DE   RRMOULTNS  213 

le  Conseil  au  son  de  la  cloche.  Leur  charge  était  annuelle,  et 
l'élection  des  nouveaux  consuls  et  de  leurs  conseillers  avait 
lieu  le  mardi,  troisième  fête  de  Pâques  de  chaque  année. 
L'installation  des  nouveaux  consuls  était  suivie  d'un  repas 
auquel  prenaient  part  tous  les  administrateurs  de  la  commu- 
nauté, et  où  l'on  mangeait  l'Agneau  pascal.  La  dépense  de  ce 
festin  était  réglée  aux  frais  de  la  commune.  A  partir  du 
XVP  siècle,  les  deux  consuls  furent  pris  dans  la  bourgeoisie. 

Les  assemblées  du  Conseil  politique  se  tenaient,  suivant  la 
saison,  en  divers  endroits  particuliers  :  en  été,  sous  un  or- 
meau planté  en  face  de  la  porte  principale  des  remparts  *  ;  en 
hiver,  soit  sous  la  porche  de  l'église  paroissiale  N.-D.-de- 
Bethléem,  soit  dans  l'église  elle-même,  soit  à  la  Cournilhe, 
large  avenue  située  au  midi  des  remparts  et  qui  a  longtemps 
servi  de  jeu  de  paume;  ou  bien  encore,  quand  les  rigueurs  de 
la  saison  ne  permettaient  pas  de  rester  en  plein  air,  dans  la 
pièce  située  au-dessus  du  four  commun,  et  dans  laquelle 
étaient  déposées  les  archives . 

Les  consuls  sortant  de  charge  remettaient  aux  nouveaux 
consuls  une  copie  des  règlements  de  police,  ou  Coutumes  de  la 
ville,  rédigés  sous  forme  de  proclamation .  Cette  pièce  était 
soumise  à  l'approbation  du  viguier  de  la  communauté,  et  ren- 
due exécutoire  sous  la  sauvegarde  de  son  autorité.  La  plu- 
part des  articles  de  ces  Coutumes^  sagement  conçus,  ne  se- 
raient pas  déplacés  même  à  notre  époque. 


IV 


Sous  les  successeurs  de  Charlemagne,  Remoulins,  comme  le 
reste  du  Languedoc,  passa  sous  la  suzeraineté  des  comtes  de 
Toulouse. 

A  la  suite  de  la  guerre  des  Albigeois  et  de  la  soumission  de 

*  Les  armoiries  municipales  de  Remoulins  sont,  d'après  Gastelier  delà 
Tour:  de  gueules,  à  tm  ormonu  de  sinople  entre  (ipum  fours;  Ip  mot 
MEMO  —  vLiN  partagé. 


214  DIALECTES    ANCIENS 

Raymond  VI,  le  18  juin  1209,  la  suzeraineté  de  Remoulins 
fut  attribuée,  par  Simon  deMontfort,  aux  évêques  d'Uzès;  et 
c'est  à  ce  titre  que  Raymond  VI  fit,  le  11  novembre  1209, 
hommage  à  Tévêque  pour  les  châteaux  de  Moussac,  la  Cal- 
mette,  Remoulins,  Fournès,  Saint-Hilaire  d'Ozilhan  et  autres 
lieux. 

Antérieurement  à  cette  époque,  Raymond  V,  comte  de 
Toulouse,  paraît  avoir  fait  don  du  château  de  Remoulins  aux 
évêques  de  Viviers.  C'est  ce  qui  semble  résulter  d'un  traité 
passé  en  août  1210  entre  Raymond  VI  et  Bernon,  éuêque  de 
Viviers  :  ce  dernier  réclamait  la  restitution  des  châteaux  d'Ai- 
guèze,  de  Grospierres  et  de  Remoulins,  donnés  par  Raymond  V 
à  Tévêque  Nicolas,  son  prédécesseur. 

A  la  suite  de  ce  traité,  Tévêque  de  Viviers  fit  l'abandon  de 
Remoulins,  dont  le  comte  de  Toulouse  avait  fait  hommage, 
l'année  précédente,  à  l'évêque  d'Uzès. 

En  1211,  Philippe -Auguste  confirma  les  donations  faites 
par  son  père  à  l'église  d'Uzès,  en  1156,  et  y  ajouta  Vers, 
Remoulins,  Fontejean  ouBelvezet,  Colias,  Saint-Privat  et  au- 
tres lieux. 

A  la  suite  du  traité  de  Paris  (1229),  le  comte  de  Toulouse, 
Raymond  VII,  céda  à  la  couronne  le  comté  d'Uzès,  dans  le- 
quel se  trouvait  comprisRemoulins.  On  sait  que  le  Languedoc 
ne  fut  définitivement  réuni  à  la  France  qu'en  1271 . 

Par  un  acte  Su  VII  des  kalendes  de  mars  (23  février)  1290 
(1291),  Philippe  le  Bel  cédaàBermondlII  d'Uzès  la  seigneurie 
de  Remoulins  et  autres  lieux  circonvoisins,  en  échange  des  sa- 
lines de  Peccais  et  des  ténements  de  la  Sylve  et  de  Teillan  *. 

Par  des  lettres  patentes  datées  de  Mont-de-Marsan  au  mois 
de  mai  1565,  Charles  IX,  voulant  récompenser  Antoine  de 
Crussol,  érigea  en  sa  faveur  la  vicomte  d'Uzès  en  duché  et  la 
terre  de  Remoulins  en  baronie . 

Durant  les  guerres  de  religion  du  XVI®  et  du  XVII»  siècle. 


'  Cartvlai^'e  de  Remoulins,  p.  45  et  suiv.—  Trésor  des  Chartes,  aux  Ar- 
chives nationales  :  série  J,  295,  n"  33. 


LES   COUTUMES    DE   RBMOULINS  215 

cette  localité  joua  un  rôle  assez  important  comme  position 
militaire,  par  suite  de  sa  situation  au  point  de  croisement 
des  routes  principales  suivies  par  les  armées  belligérantes. 

En  1587,  Montmorencj-Damville,  à  la  tête  de  5,000  hom- 
mes, tint  cette  place  assiégée  pendant  près  de  deux  mois, 
sans  pouvoir  s'en  rendre  maître,  grâce  à  la  vigoureuse  dé- 
fense organisée  par  les  soins  du  colonel  Alphonse  d'Ornano. 

Le  20  avril  1589,  les  huguenots  s'emparèrent  de  Remoulins 
par  escalade,  et  passèrent  au  fil  de  Tépée  la  garnison  et  les 
habitants  qui  n'avaient  pu  se  sauver. 

Lors  de  la  première  rébellion  des  seigneurs,  sous  le 
ministère  de  Richelieu,  Remoulins  éprouva  de  nouveaux  dé- 
sastres : 

Au  mois  de  septembre  1628,  le  duc  Henri  de  Rohan  in- 
vestit le  village  avec  toute  son  armée,  composée  de  4,000  hom- 
mes de  pied,  200  chevaux  et  trois  canons,  et  somma  la  place 
de  se  rendre.  Les  habitants,  n'ayant  pour  se  défendre  qu'une 
garnison  de  30  hommes  d'armes,  entrèrent  en  composition 
avec  Rohan,  qui  leur  promit  la  vie  sauve  et  les  garantit  de 
pillage,  moyennant  une  rançon  de  3,000  livres.  Cette  somme 
était  à  peine  comptée,  qu'au  mépris  du  traité  de  capitulation 
les  assiégeants  pillèrent  le  bétail  des  habitants,  s'emparèrent 
des  meubles,  du  linge  et  des  fruits  ;  ravagèrent  les  vignes, 
burent  le  vin,  brûlèrent  plusieurs  maisons  et  emportèrent  les 
deux  cloches  de  l'église  à  Uzès. 

A  la  suite  de  la  révolte  de  Gaston  d'Orléans,  où  'fut  entraîné 
le  duc  de  Montmorency,  le  duc  d'Elbeuf,  tenant  pour  ce  der- 
nier, vint,  le  2  septembre  1632,  investir  Remoulins  pendant 
que  le  maréchal  se  portait  à  sa  rencontre  par  le  Pont-Saint- 
Esprit.  Au  moment  où  d'Elbeuf  prenait  ses  dispositions  pour 
repasier  le  Gardon  et  se  mettre  à  couvert  avec  ses  bagages, 
le  maréchal  tomba  à  l'improviste  sur  son  arrière-garde  et, 
en  un  instant,  la  mit  en  complète  déroute.  Cet  événement 
<*ut  lieu  le  4  septembre  au  soir,  trois  jours  après  le  combat  de 
Castelnaudary,  où  Montmorency  avait  été  fait  prisonnier. 


216  DIALECTES    ANCIENS 


V 


Il  existe  dans  les  archives  de  Remoulins  six  originaux,  plus 
ou  moins  complets,  des  Coutumes  de  Remoulins,  que  nous  re- 
produisons ci-après  d'après  le  texte  de  1500. 

Le  premier  de  ces  originaux  est  de  Tannée  1358;  le  second 
est  de  1460  :  Jean  de  Foucheran,  seigneur  de  Lussan,  et 
Guillaume  Long,  consuls  sortants,  le  remettent  à  Jehan  de 
Laudun  et  Thonon  Papacuer,  consuls  nouveaux.  Le  troisième 
est  de  L500:  c'est  celui  que  nous  reproduisons  en  entier.  Le 
quatrième  e^t  de  1525  :  il  est  remis  par  Philippe  Dutour  et 
Jehan  Colet,  consuls  vieux,  à  Gilet  Delpuech  et  Jehan  Fabre, 
consuls  nouvellement  élus.  Le  cinquième  est  de  1529  ;  il  est 
remis  par  Gilet  Delpuech  et  Michel  Serre  à  Jean  Fabre  et 
Jean  Jaume.  Le  sixième,  enfin,  daté  de  1583,  est  donné  par 
Jehan  Colomb  et  Elie  du  Mas  à  Claude  Valhen  et  André 
Fabre. 

Dans  le  texte  original  de  1500,  que  nous  reproduisons  ci- 
après  en  entier,  et  on  respectant  scrupuleusement  l'orthogra- 
phe du  document,  malgré  les  divergences  que  présentent  plu- 
sieurs mots,  on  remarquera  les  quadruples  formes  :  consouls, 
consoulz^  consols,  consolz  ;  —  domage,  domaige,  dopmage,  dop- 
matge  ;  les  triples  formes  :  nuyt,  nueg  et  nuech;  degun,  dugun, 
et  deugun  ou  deugum;  les  doubles  formes  :  deguna  eineguna; 
jor  et  jorn  ;  etc .... 

Les  Coutumes  de  Remoulins  sont  destinées  à  prendre  place 
dans  le  Cartulaire  de  cette  localité,  que  nous  nous  disposons 
à  publier  sous  les  auspices  du  Conseil  municipal.- On  ne  saurait 
trop  louer  l'Administration  éclairée  de  cette  commune  pour  son 
intelligente  initiative  et  le  bon  exemple  qu'elle  donne,  dans  le 
Gard,  à  la  plupart  de  ses  pareilles,  qui,  mieux  favorisées  au  point 
de  vue  de  leurs  ressources  communales,  voudront  certaine- 
ment la  suivre  dans  la  voie  qu'elle  vient  de  leur  tracer. 

G.  Charvbt,  d'AlaisfCîard). 


LES   COUTUliIES   DE   REMOULINS  S 17 

ORDONNANCES  ET  RÈGLEMENTS  DE  POLICE 

sous    FOEllE  l)K  l'HOGI.AMATION 

II  usaije  dans  la  cominuuaule  de  liemouliiis  |)e[idaiil  le  moyeu  âge 

Las  ordenances  et  empressas  '  del  luoc  de 
Remolins,  faichas  per  los  Consouls  deid. 
I  luoc  coma  es  acoustuniat  de  fayre  chascun 
;  que  los  Consouls  vielhs  baylont  aux  Con- 
'  soûls  novels,  per  lasquaias  els  se  devant 
g^overnar,  et  son  estadas  fâchas  per  lo  noble 
Nicholau  de  Laudum  et  Bertrand  Delsere, 
Consouls  del  an  mil  iiij'  Ixxxxix  (1499)  et 
bayjadaa  aux  saclies  homes  Jehan  Rovieyre  et  Simon  Plaiiol, 
Consouls  deld.  luoc  de  Remolins  per  lan  présent  rail  V  (1500). 
Premieyrament  ordonont  iosd.  consouls  que  deugum  bes- 
liari,  ne  gros,  ne  raenut,  de  arayre  ne  autre,  intre  au  Pra- 
dor*  de  la  Plana,  ne  de  dos  ayguas  ',  despueys  la  Malau- 
lieyra  '  seguem  lo  chamin  de  BaiioJz  jusques  a  las  partidas  ' 
deCastilhon;  deCaresme  p rené  nt  °  jusques  à  la  featadi'  sainct 
George,  aanslicensa  dead,  consouls,  et  aquo  sur  pena  de  ban'' 
que  es  i;  deniers  torneys   perchascuna  bestie  grossa,  prenent 


'  b'mjirtssas,  empresses,  rmprezes,  einjii'ezies  ou  emprises,  résolulioiis 
prises  arrâlés. 

'  Ce  qu'on  appelle  aujourd'hui  les  Terres  de  !a  ville . 

'■  t  Entre  tlBuu  eaux  t  l'Ile  de  Riimoulins,  appelée  aux  XIII-  et  XIV- 
^\^:\-:i  insaiii  (faroriia,  IleUaronie,  Garogni!  ûu  du  Gardon. 

'  La  Maladrei'ii?  eu  l'U^pilal, 

'  Les  limites  de  CesliihOD. 

"  Leî  ordonnantes  de  1583  portent;  t  Deapuys  lo  jour  de  Notre-Dame- 
I)-4^Ddeleuze  de  tebvricr  (î-révrier]  jusques  à  la  lesl«  sainct  George 
a  avril).  . 

'  Le  mot  dan  a  plusieurs  slgninoations-  Il  est  pris  ici  dan?  le  sens  de 
F*ine  ou  amende  municipale  ou  coutumlère  encourue  par  suite  du  dom- 
ntce  causé  sur  l'héritage  d 'autrui,  soit  par  homme,  soit  par  bête. 


218  DIALECTES    ANCIENS 

X  menudas  per  une  grossa,  et  de  malafacha  per  herbaige  una 
carta  de  blat  à  la  Caritat  *  lo  jor,  et  de  nuech  lo  doble. 

Ordonont  et  deffendont  outra  plus  losd .  consolz  que  de  tout 
lo  demorant  de  Tan,  deugum  bestiari,  minut  ne  autre,  fora 
aquel  del  arayre  solament,  intre  en  lod .  Prador  loqual  es  re- 
tengut  per  deves  ^  del  bestiari  del  arayre,  sub  pena  de  ban  que 
dessus,  sans  licensadesd.  consouls. 

Item,  semblablament  deffendon  losd .  consouls  que  deugum 
bestiari  3,  de  arayre  ne  autre,  intre  en  lo  autre  deves  des  Mo- 
lins  *  que  es  sur  la  Valaguyeyra,  loqual  se  pren  despuys  los 
pratz  del  noble  Nicholau  de  Laudum,  de  Baudran  jusques  al 
chamy  de  Avinhon  *,  de  Caresme  prenent  jusques  al  Magda- 
lena,sur  pena  que  dessus  ;  et  de  tôt  lo  demoran  de  Tan  deugum 
autre  bestiari,  senon  aquel  del  arayre  sans  licence  desd.  con- 
solz e  sur  pena  que  dessus. 

Item,  que  deugum  bestiari,  gros  ne  menut,  de  qualque  calitat 
que  sia,  non  intre  ne  passe  per  blatz,  légumes,  milheyras, 
canabieyras  ne  pratz  deffensatz,  sub  pena  de  ban  vj  den.  t*  per 
bestie  grosa,  et  x  menudas  per  una  grosa,  et  per  escabot  ij  sols 
t*  lo  jor  et  de  nuech  la  doble,  et  autant  de  malafacha  a  lapar- 
tida,  ou  estre  a  la  estima  ou  a  la  guausida^  de  aquel  que  aura 
preslo  domaige. 

Item,  que  deguna  persona  n'ay  a  mètre  ne  laisar  anar  de 
tout  Tan,  degun  bestiari  de  calque  calitat  que  scia  per  las 
vinhas,  sur  pena  de  ban  que  de  sus  ij  sols,  ou  estre  a  Testima 
et  mersi  dez  consoulz. 

Item,  que  deguna  persona  n'aya  a  passar  an  sa  carreta  per 
pratz,  blatz,  vinhas,  légumes,  milheyras,  sur  pena  de  ban  v 


*  La  Garitat,  ou  les  pauvres  <ie  Remoulins 

-  Deves,  rendu  à  tort  par  devais:  terrain,  bois,  pâturage  défensable,  ré- 
servé. 
^  Bétail  aratoire. 

*  Les  moulins  du  Devezon,  aujourd'hui  détruits. 

^  Le  chemin  d'Avignon  passait,  à  cette  époque,  au-devant  du  moulin  de 
Basset. 
8  Au  bon  plaisir. 


LES   COUTUMES   DE    REMOULINS  219 

deniers  lo  jor  et  de  nueg  lo  doble ,  et  auctant  de  malafacha 
a  la  partida,  ou  estre  a  l'estima  et  merci  des  consolz  coma 
desus. 

Item,  que  deguna  persona  non  layse  ahar  degun  bestiari, 
gi»osne  menut,  en  autruys  olivedas,  despuys  Sant-Michel  jus- 
quas  que  tout  sia  olivat,  sur  pena  de  ban  m  den.  per  porc  et  vij 
den .  per  bestia  grossa  et  per  escabot  ij  sols  de  jorn  et  de 
nujtlo  doble  et  auctant  de  malafacha  a  la  partida  ou  estre  à 
Testima  coma  desus. 

Ne  aussi  de  tôt  lo  demorant  de  Tan  sur  pena  de  ban  ij  den. 
per  bestia  grossa  et  ij  den .  per  cabra  et  auctant  de  malafacha 
a  la  partida,  ou  estre  a  Testima,  et  merci  dez  consolz. 

Iterriy  que  deguna  persona  n'aya  a  mètre  bestiari  gros  ne 
menut  en  rostobles  d'autruy,  ne  ause  glenar  sans  licence  de 
aquelos  de  quau  seran  losd.  rostobles,  tant  que  las  garbas  y 
seran,  sur  pena  de  banxi;  den.  lo  jorn.  et  de  nueg  lo  doble, 
et  de  ystar  a  la  merci  desd .  consols  coma  desus. 

Item  y  que  deguna  persona  n'aya  a  tenir  bestiari  estrange  se 
non  que  a  miech-creg*,  sur  pena  de  ban  per  chascun  jorn  que 
lur  cera  notificat  de  xv  sols  per  bestia  grossa,  prenent  x  me- 
nudas  per  una  grossa,  et  de  malafacha  per  Terbage  auctant, 
ou  de  demorar  a  Testima  sans  la  licence   desd.  consols. 

Item,  que  deguna  persona  n'aya  a  tenir  porcelz  per  lospratz 
ne  ayras  de  tout  lan,  sur  pena  de  ban  ij  den.  per  bestia  lo 
jorn,  et  de  nueg  lo  doble,  et  auctant  per  la  malafacha,  ou  estre 
a  la  merci  des  consoulz. 

Item,  que  deguna  persona  n'aya  a  gardar  bestiari  sans  so- 
nalha  de  nueg,  sur  pena  de  ban  zy  den.  chescuna  vegada*. 

Item^  que  neguna  persona  n'aya  a  prene  bestiari  a  mieges 
ne  a  miech-creg,  sans  la  notiffication  desd .  consols  e  que  lo 
nombre  non  passa  quaranta  bestias  menudas  et  quatre  grossas, 
<*oma  es  acostumat  de  tota  ansienetat,  sur  pena  de  ban  et 
confiscation  deld.  bestiari  ansi  près,  sans  lad.  notiffication  et 


'  Demi-crott,  demi-produit,  la  moitié  des  agneaux 
'  Chaque  fois. 


220  DIALECTES  ANCIENS 

licence  ;  et  ausi  que  io  nombre  passara  desusd.  et  aoostumat, 
X  sols  per  bestia  grossa,  prenent  x  menudas  per  una  grossa, 
et  de  malafacha  per  Terbage  auctant,  et  de  estre  a  Testima  et 
merci  dez  consolz  coma  dessus . 

Item,  que  dugun  pastre  n'aya  a  tenir  bestiari  menut  se  non 
lo  nombre  de  xxx  bestias,  ansi  que  es  acostumat  de  tota  an- 
sienetat,  sur  pena  de  ban  de  xx  sols,  sans  la  licence  dels. 
consouls  et  auctant  per  la  malafachura  per  Terbage  totz  los 
jorns  que  lur  sera  defendut,  ou  estre  a  la  merci  des  consolz. 

Item,  que  deguna  persona  n'aya  a  mètre  ne  laysar  anar  son 
bestiari  gros  ne  menut,  de  tôt  Tan,  dedins  lo  cimeteri  de  Nos* 
tra-Dama-de-Belhem*,  sur  pena  de  banû/den.  chascuna  ve" 
gada,  ne  estendre  bugada. 

Item,  que  degun  noyriguié*  n'aya  a  mètre  ne  far  mètre  par- 
gues  près  de  las  vinhas,  despuys  Sanct-Sixt*  jusquas  que  tôt 
sia  vendimiat,  sur  pena  de  ban  v  sols  et  de  estre  a  Testima  de 
la  malafacha  que  s'en  poyrié  seguyr. 

Item,  que  deguna  persona  stranga  n'aya  a  gardar  bestiari, 
gros  ne  menut,  dedins  lo  Prador  de  Remolins  sub  pena  de 
ban,  2yden.  per  bestia  grossa,  prenent  x  menudas  per  una 
grossa,  et  per  escabot  xv  sols,  et  de  malafacha  per  Terbage 
auctant  lo  jorn  et  de  nuech  lo  doble,  reservatz  et  retengutz 
an  tôt  et  pertot  la  grand  merci  voluntatz  dez  consolz  de  creyse 
la  pena  se  bon  luy  sembla,  ou  estar  a  Testima, 

Item,  que  deguna  persona  n'aya  a  culhir  erbas  sans  licence 
des  consols  en  tota  la  juridiction  de  Remolins,  sur  pena  de  ban 
iij  sols  t"  et  auctant  de  malafacha,  ou  estre  a  l'estima  et  merci 
dez  consols  coma  de  sus. 

Iterri,  que  deguna  persona  estranga  non  aia  a  pescar  ne  fayre 
peschazon  en  la  ribieyra  de  Gardon  ne  de  Valeguyeyra,  tant 
que  se  estent  la  juridiction  de  Remolins,  sans  licence  desd. 
consols,  et  aquo  su  pena  de  ban  xvj  sols,  ou  estre  a  la  merci 

*  Le  cimetière  de  l'église  paroist^iale  Notre-Dame-de-Bethlôem  occupait 
le  devant  de  Tôglise  convertie  aujourd'hui  en  hôtel  de  ville, 

*  Nourrisseur,  éleveur  do  bestiaux, 
'  7  août. 


LES   COUTUMES    DE    RBMOULINS  221 

des  consouls  et  voluntat,  sur  pena  que  de  sus  et  confiscation 
des  amejs,  ne  subtanament  cassar. 

ftem,  que  deguna  persona  n'aya  a  fajre  canatz,  ramadas,  ne 
buernada*,  ne  qualque  autra  causa  que  puescha  enpachar 
Tajga,  per  fajre  domage  à  la  causa  publica,  sans  lo  voler  et 
conget,  licensa  desd.  consolz  et  de  lur  conseîlh,  tant  que  dura 
la  jurid»"  de  Remolins,  sur  pena  de  ban  m;  sols  et  auctant 
de  malafacha,  ou  estre  a  Testima  et  merci  dez  consols  coma 
de  sus. 

/tem,  que  deguna  persona  n'aja  a  talhar  ne  fayre  talhar  de- 
«runas  cregudas  *  ne  albres  qualcunquas  que  Ton  veyra  que 
seran  au  profit  et  utilitat  de  conservar  lo  Prador  ;  ne  fayre 
manjar  ne  laysar  manjar  a  degun  bestiari,  tant  que  se  esten  la 
juridiction  de  Remoulins  sur  la  ribieyra  de  Gardon,  despueys 
las  partidas  de  Castilhon  fins  a  las  partidas  de  Fornès  et  Ser- 
nihac,  sur  pena  de  ban  v  sols  et  auctant  per  la  malafachura, 
chascuna  vegada  que  y  seran  trobatz,  au  profit  utilitat  de  la 
communa  et  de  estre  a  Testima  et  merci  dez  consols  coma  de 
sus. 

/fenij  que  deguna  persona  n'aya  a  talhar  ne  fayre  talhar  eu 
tota  risla  degunes  aubres  que  scian  bons  per  maysonar  ^,  sur 
pena  de  ban  ij  sols  et  auctant  per  la  malafachura,  ou  estre  a 
Festima  et  merci  dez  consols. 


*  Buernada,  vuernada  ou  vernado,  palissade  en  fascines,  formée  de 
piqu^Us  et  de  branches  d'aune  {verno,  en  languedocien)  entrelacées,  con- 
stituant des  travaux  de  défense  contre  un  cours  d'eau. 

^Cregudas,  pousses  d'arbre,  végétations,  oseraies,  qui  so  développent 
8pontan>'>ment  dans  les  alluvions  des  rivières.  —  t  Cregudas  coma  sont 
viegeyras  »,  dit  l'ordonnance  do  1529. 

L'article  correspondant  des  ordonnances  de  1583  porte  :  «  Item^  que  deu- 
gune  personne  no  pourra  et  ne  leur  sera  permys  tailher,  coupper  ne  fere 
manger  a  deugun  bestailh  le  creys  tant  que  durera  terre  de  Remoiins,  ne 
gasrtar  arbres,  ne  vesges,  ne  saulzes,  ne  aultres  arbres,  soubs  le  ban  do 
oin»|  sols  six  deniara  per  personne,  et  per  besîie  grosse)  quatre  deniers  et 
auitant  per  dix  menudes,  et  per  escabot  quatre  sois  de  jour  et  le  double 
de  Duict,  et  payer  l'extime  à  qui  apparlien.  » 

Qui  puissent  servir  de  poutres,  de  beis  de  construclioii. 


222  DIALECTES    ANCIENS 

Iterriy  que  deguna  persona  n'aja  a  fayre  lachusclada  *  en 
Gardon  ne  en  Valeguyeyra  tant  que  se  esten  la  juridiction  de 
Remolins,  sur  pena  de  ban  xxv  sols,  et  auctantper  la  malafa- 
chura  anaquel  a  qui  apertendra,  ou  estre  a  Testima  del  ence- 
fiement*  et  dopmage  que  sen  seyra  segui  et  sen  segria*. 

Item,  que  deguna  persona  de  qualque  estât  et  condicion  que 
scia  n'aja  a  mètre  ne  far  mètre  fuoc  en  restobles  ne  autra  part 
sans  licence  dez  consols,  sur  pena  de  ban  iij  sols  et  de  estre  a 
Festima  et  merci  dez  consolz  coma  de  sus. 

Item,  que  deguna  persona  n'aya  a  culir  erbas  en  ribas  d'au- 
truy,  ne  fayre  pastorguar  sas  bestias  près  dels  blatz,  que  por- 
ton  dopmatge  a  degun,  sur  pena  de  ban  vj  deniers  lo  jorn  et  de 
nueg  lo  doble. 

Item,  que  deguna  persona  n'aya  a  culhir  frutz  en  autras 
possessions  sans  licence  de  aquelos  de  qui^seran,  sur  pena  de 
ban  xij  den.  et  autant  per  la  malafacha  lo  jorn  et  de  nuech  lo 
doble,  et  de  estre  a  l'estima  et  merci  dez  consols  coma  de  sus. 

Item,  que  deguna  persona  n'aya  a  garbeiar  en  hora  suspecta 
sur  pena  de  ban  xij  sols,  et  de  estre  a  la  merci  dez  consols. 

Item,  que  deguna  persona  n'aya  a  fayre  deguns  camys  novels 
en  possessions  d'autruy,  ne  rompre  deguns  camys,  sur  pena  de 
ban  iij  sols  t"  chescuna  vegada  et  auctant  per  la  malafachura 
a  la  partida  a  qui  apartendra,  et  de  estar  a  Testima  et  merci 
dez  consouls. 


*  Empoisonnement  des  poissons  au  moyen  de  l*euphorbe  ou  tithymale, 
ai)pel<3e  autrefois  lachusclo  en  languedocien  (du  latin  lactucula,  plante 
laiteuse),  et  aujourd'hui  ginusclo,  (  V.  Mistral,  Mirèio,  cantlnouven, 
stance  1.) 

*  Encenement  ou  encenhement,  substantif  du  verbe  encenher,  encein- 
dre  ;  il  signifie  ici  :  espace,  étendue  de  terrain  endommagé,  portion  du 
cours  d'eau  circonscrite  par  le  dommage  causé. 

3  L'article  des  ordonnances  de  1583  correspondant"  à  ce  dernier  porte; 
<  Item,  que  deugune  personne  non  aye  a  mettre  aulcunes  herbes  en  la 
rivièra  de  Gardon  ne  en  la  Valleguière,  comme  lajuscles  ne  autre  chose 
que  puysse  porter  dommaige  a  las  personnes  ne  au  bestiary  dud.  lieu, 
soubs  le  ban  de  cent  sols  per  chesque  vegade  que  leur  sera  inthimat  et  de 
payer  le  dommage  que  en  pourrayt  venir.  » 


LES   COUTUMES    DE   RBMOULINS  223 

Item,  que  deguna  persona  n'aya  a  rompre  ne  obrir  clau- 
suras  de  autruy  ortz  *,  vinhas  ne  possessions,  sur  pena  de 
bau  ij  sols  chascuna  vegada  de  jorn  et  de  nueg  lo  doMe  et 
autant  de  la  malafachura  a  la  partida,  ou  a  estre  a  Testima 
coma  de  sus. 

Item,  que  deguna  persona  n'aja  a  culir  ortolalha  en  autruy 
ortz,  sur  pena  de  ban  lo  jorn  et  de  nueg  lo  doble,  et  auctant 
de  malafachura  ij  sols,  et  de  estre  a  Testima  et  merci  dez 
consouls. 

Item,  que  deguna  persona  de  calque  estât  et  condicion  que 
sia  ause  cassar  per  los  blatz,  despueys  lo  primier  jorn  de  abril 
jusquas  a  tant  que  tôt  sia  meysonat  *,  ne  ainsi  per  las  vinhas 
despueys  que  ellas  son  en  talha  jusquas  a  tant  que  tôt  sia  ven- 
dimiat,  sur  pena  de  ban  iiij  sols  lo  jorn  et  la  nueg  lo  doble,  et 
auctant  per  la  malafacha  a  la  partida,  ou  estre  a  Testima  et 
merci  dez  consols. 

Item^  que  deguna  persona  n'aya  a  culhir  rayins^,  en  autras 
vinhas  jusquas  que  scian  vendimiades,  sur  pena  de  ban  iij 
sols,  chascuna  vegada  que  y  seran  trobatz  et  autant  per  la 
malafacha  a  la  partida,  et  a  estre  a  Testima  et  merci  dez  con- 
sols. 

Item,  que  deguna  persona  n'aya  a  menar  sos  chins  per  las 

vinhas   despuys   Sant  Sixt  jusquas  que  seran  totas  vende- 

miadas,  ne  laysar   anar   aquelos   dels  pargues  sans  una  so- 

nalha  au  col  que  Ton   los  puescas  ausir,   et  los  autres  ayon  a 

portar  ung  croc   al  col  *,  sur  pena   de  ban  v  den.  chascuna 

vegada  et  autant  per  la  malafacha  a  la  partida  de  jorn  et  de 

nueg  lo  doble,  ou  estre  a  Testima  et  merci  des  consols  coma 

de  sus . 

Itouij  que  deguna  persona  n'aya  a  portar  fuoc  de  ung  ostal 
t*n  autre,  ne  per  las  carrieyras   ne  ayras,  que  non  sia  cobert, 

'  Jardins.     —    *  Mois&mné. 

*  Kaisins. 

*  Leur  attacher  au  cou  un  billot  ou  tronçon  de  bois  appelé  bihouiro  ou 
ff^rabasi,  qu'on  suspend  au  cou  des  animaux  pour  les  empêcher  d'entrer 
***^s  les  vignes . 


224  DIALECTES  ANCIENS 

ne  per  autres  luocz  que  puesca  fayre  dopmage  a  degun,  sur 
pena  de  ban  ij  den.  et  de  ystar  de  la  malafacha  et  del  dopmage 
que  sen  pojra  seguir. 

Item,  que  deguna  persona  non  lajse  anar  son  bestiari 
gros  per  la  villa  sans  estaca,  sur  pena  de  ban  vj  den .  chas- 
cuna  vegada,  ou  d^estre  a  Testima  del  domage  que  sen  poyrié 
seguir. 

Item,  que  degun  carretier  n'aja  a  montar  sobre  sa  carreta 
per  la  villa  jusquas  que  aya  passada  la  barreyra*,  sur  pena  de 
ban  xj  sols  chascuna  vegada,  et  de  estre  a  Festima  del  dop- 
mage, si  pout  n'y  a*. 

Item,  que  deguna  persona  n'aya  a  tenir  sa  carreta  en  luoc 
plubic  {sic)  ne  empachar  los  passages  plubicz,  sur  pena  de  ban 
vj  den.  chascuna  vegada  que  y  seratrobada. 

Item,  que  tôt  cap  de  ostaP  aia  a  netegar  la .  frontieyra  de 
sa  carreyra  *  despueis  Pascas  fins  a  Sant-Michel,  sur  pena 
de  ban  ij  den    chascun  dissapte  et  Vigilias  de  festas  solennas. 

Item,  que  tota  persona  que  a  ayguyer*  encarreyras  publi- 
cas  de  lad .  villa  aya  a  fayre  ung  cros  en  terra  et  lo  cobrir 
.^afficientment  que  non  done  enfesiunt  ne  autra  pugnasaria 
sur  pena  de  ban  ij  sols  chascun  jorn  que  lur  sera  notifïïcat. 

Item,  que  deguna  persona  n'aya  affayre  femorasses  •  en  las 
carreyras  publicas  de  lad.vila  ne  angles  del  PortaP,  sur  pena 
de  ban  iiij  den.  chascuna  vegada  que  lur  sera  notiâcat  de 
ostar  losd.  femorasses  et,  per  la  malafacha,  una  carta  de  blat  à 
\<\  Caritat. 

Item,  que  deguna  persona  n'aya  a  gitar,  laysar,  ne  mètre 
dîgunas    carronihadas  ^  per  las  carreyras  de  lad.  vila,  sub 


'  L'enceinte  des  remparts. 
^  Pour  si  peu  qu'il  y  en  ait. 
3  Tout  chef  de  maison. 

*  Le  devant  de  sa  maison . 

*  Evier  ou  égout  de  cuisine. 
^  Tas  de  fumier. 

'  Dans  l'angle  rentrant  des  pieds-droits  du  Portail  ou  porte  principale  de 
remparts. 
8  Cadavres  d'animaux  morts,  charognes. 


LES   COUTUMES   DE   RBMOULINS  2?5 

pëna  de  bah  t)'iâolz  aqui  tochara,  chascunavegada  que  lur  sera 
notificat  et  de  estre  constrajt  a  hostar  ho  fajre  garar  lasd . 
carronihadas  a  »os  deâpens  et  portar  ho  fajre  portar  luen 
de  lad .  villa  sufficienment  que  non  done  enfeciUnt ,  un  giet 
d'arc*. 

Item,  que  tota  pëi^sôna  que  fay  pàn  per  vendre  que  loifassa 
bon  et  suffîciént  sëgon  lo  près  del  blat,  sur  pena  de  ban  x  sols 
t'et  conficatioti  deld.  pan  a  donâr  per  amor  de  Dieu',  a  la 
otdenansa  delsd .  côtiâols  et  dez  consilhes . 

Item,  que  degun  bochier  n'aya  a  vendre  carn  a  rescos»,  ne 
soflar  aqual  an  la  bocha*,  ne  tuar  bestiàri  que  non  veniha  per 
lur  pesés  ati  thasél  *,  sur  pena  de  ban  xv  sols  t*  et  perdicion  de 
lad.  carn-*. 

« 

Item,  que  tota  persona  que  pren  peyson  tant  que  dura  la 
juridicion  de  Remolins,  non  aia  a  transportar  lod  peyson  en 
autra  part  fora  lod.  luoc  de  Remolins  ne  juridicion,  que  pri- 
mieyrament  non  lo  porte  en  lu  villa  et  lo  tenha  '  en  plassa 
publica  una  hora,  afin  que  en  voldra  aver  que  s'en  puesca 
fornîr  chascun  dé  lad.  villa;  et  que  non  aia  a  vendre  la  lieura 
del  vayron  que  e;  den.  ;  los  goiiz,  loquas,  iij  den.  ;  la  lieura  de 
lassophias  et  anguillas  iiij  den.;  carpos,  cabotz, lucos, t;/  den.; 
trochas,    umbras*,  barbeus,   viij  den.;  sur  pena   de  ban  iij 


'  A  une  portée  de  flèche. 

2  C'est-à  dire  aux  pauvres  par  charité 

^  A  tescos,  en  cachette . 

*  Ne  pas  los  gonfler  en  soufflant  avec  la  bouche,  au  moyen  d'une  sarba- 
cane. 

5  Maseij  boucherie  :  macellum  on  latin . 

«  L'ailic'e  correspondant  des  ordonnances  do  1583  porte  :  Item,  que  aul- 
cung  bouchier  ny  autre  personne  ne  vendra  aulcune  chenie  à  cachettes  ne 
a;resconx,  et  que  led.  bestailh  ne  vienne  à  la  boucherie  par  ses  pieds;  ne 
pourran  bouffer  ne  cofïlar^  à  la  bouche  et  sera  aitetiu  tcnîf  couffltetz  pour 
lo  cofflar,  et  ne  balhera  fede  pour  moutton,  ne  bouc,  ne  cabre  per  men'on, 
niays  balher  ainsi  que  sera  et  non  aultremènt,  soubs  lo  ban  de  ceni  sols 
per  chascune  vegade  que  se  pourra  prouvar  et  confisquaiioti  de  la  chair  et 
la  bailher  aui  pouvres. 

7  Le  tienne,  l'étalé. 

*  Ombre- chevalier. 

16 


226  DIALECTbîS   ANCIENS 

solz  t*  chascuna  vegada,  arest,  detencion  et  confiscacion  del 
pejson,  se  bon  lur  sembla  auxd.  consouls  et  que  lod.  pejson 
sie  bon  et  merchan,  ho  autrament  non  layont  a  vendre  sur  la 
plassa . 

Jlem,  que  touta  persona  que  ha  près  dopmage  en  sas  posses- 
sions per  lors  varletz  logadins*,  affin  que  los  mestres  delsd. 
varletz  ayont  recors  et  avertissament  de  lur  contar  losd.  do- 
mages  et  malaflfachas  sur  lur  gatges  devant  que  scien  a  terme, 
aya  a  bailar  Testima  deld.  dan,  done  entro  ajsi  et  Sant-Michel, 
et  aquo  sur  pena  de  perdre  lasd.  estimas  et  de  non  estre  do- 
uât ne  ajustât  se,  a  lasdichas  stimas. 

Item,  quenulla  persona  aje  faire  nais  de  cambe'  en  la  ri- 
vieyra  de  Gardon  sans  licence  desd .  consouls,  sub  pena  de  v 
sols  tourn. 

Un  article  additionnel  des  ordonnances  de  1358  porte: 
('  Item,  que   deguna  persona  n'aya  a  lavar  bugada  sur  la 
))  resclausa  sur  pena  de  ban  de  vj  deniers  t' .  » 

Un  autre  article  additionnel  des  ordonnances  de  1529  est  ainsi  conçu: 

ultem,  plus  ordenon  losd.  consols  que  denguna persona,  de 
»  calq .  qualitat  que  sia,  non  se  done  permission  de  ventar  deu- 
»  gunas  glenas,  ne  deguns  estobles,  ne  autras  palhas,  ne  far 
))deugunas  orduras  davan  lo  Pos  de  Plassa*,  de  xxv  passes, 
j)  sur  pena  de  ban  xxx  sols  totas  las  fes  que  y  seran  trobatz 
))  de  jorn  et  de  nuech  lo  doble.  » 

L'article  final  des  ordonnances  de  1583,  relatif  au  courtier  ou  mesureur 
public,  porte  : 

ultem,  ne  sera  permys  a  deugune   persone  dud.  lieu  de 

'  Valets  à  gages. 

*  Nais  de  camhe,  routoir  ou  creux  dans  la  rivière,  où  Ton  met  à  rouir  le 
chanvre. 

3  Le  puit?  de  Place,  puits  communal  situé  sur  la  place  du  Cartel- Vieux, 
aujourd'hui  la  Salvctat.  Depuis  quelques  années,  ce  puits  a  été  fermé  et 
remplacé  par  une  pompe.  —  Dans  les  vieilles  légendes  du  pays,  le  puits  de 
Place  —  lou  pous  de  Plaço  —  est  le  théâtre  des  exploits  d'un  malin  génie 
appelé  lou  Fantastis. 


LES   COUTUMES   DE    REMOULINS  227 

»  vendre  bled,  huylle  ne  aultre  merchandise  au  plus  de  neuf 
wejmines  bled, sans  appeller  le  corretier  dud.  lieu,  ou  bien  de 
»  luy  raisonner  son  droict  que  luy  appartien,  et  ne  prendra  que 
»  pour  charge  de  bled  trojs  deniers. 

»  Item,  pour  charge  huylle  ung  sol  trojs  deniers,  i  s.«>'  d. 

»  Item,  pour  vajssel  de  vin  ung  sol  troys  deniers,  i  sJij  d. 

»  Item,  per  quintal  de  layne,  v  d. 

h  Item,  pour  quintal  de  foyn  ou  palhe,  iij  d,  » 


VlSl  FRAGMENT  DE  POÉSIE  PROVENÇALE 


DU    Xlir    SIECLE. 


Le  fragment  que  nous  publions  ne  saurait  avoir  par  lui- 
même  une  grande  importance;  mais,  comme  Ta  observé 
M .  Paul  Meyer,  «  Tidée  que  nous  pourrons  nous  former  de  la 
»  littérature  provençale  sera  encore  bien  incomplète,  lorsque 
»  tous  les  textes  de  cette  littérature  auront  été  imprimés  ; 
»  au  moins  tâchons  de  n'en  laisser  aucun  inédit.  Il  est  cer- 
))  tain  que,  dès  Tinstant  où  la  littérature  originale  des  pays  de 
»  langue  d'oc  se  fut  éteinte,  les  œuvres  littéraires,  n'étant  plus 
»  copiées,  se  sont  trouvées  exposées  à  toutes  les  chances  de 
»  destruction . . .  Mais,  en  j  regardant  de  près,  on  trouverait 
»  bien  des  couvertures  de  registres  tirées  de  mss.  provençaux 
))  dépecés. . .  Il  esta  supposer  que  Texamen  attentif  des  vieil- 
))  les  reliures  dans  les  archives  et  les  bibliothèques  du  Midi 
»  donnerait,  en  ce  qui  concerne  la  littérature  provençale,  des 
»  résultats  considérables .  Il  ne  faudrait  pas  oublier  les  ar- 
»  chives  des  notaires,  qui,  dans  le  Midi,  sont  souvent  très-  ri- 
))ches.  »  {Rojnania,  1872,  p.  401-402.) 

Les  archives  du  département  des  Pyrénées-Orientales  ren- 
ferment près  de  huit  mille  registres,  dont  plus  de  sept  mille 
manuels  ou  notules  de  notaires,  avec  reliures  en  parchemin; 
mais  Texamen  que  nous  en  avons  fait  n'a  offert,  en  fait  de 
parchemins  écrits,  qu'une  immense  quantité  d'actes  notariés, 
le  plus  souvent  sans  intérêt,  quelques  documents  historiques 
importants  (entre  autres  le  testament  de  Jacques  1"  de  Ma- 
jorque) et  beaucoup  de  débris  du  Flores  Sanctorum,  de  missels 
et  autres  livres  d'offices  ecclésiastiques  de  toutes  les  époques, 
mais  rarement  antérieurs  au  XIV*  siècle. 

Quant  aux  manuscrits  littéraires,  nous  n'avons  trouvé  que  le 
fragment  dont  nous  donnons  ici  le  texte.  C'était  la  couverture 


UN    FRAGAfEI^T  DB    POÉSIE    PHOVEKÇALE  22y 

d'un  Fagistre d'unnotaire  de  Perpignan,  dont  le  titre e^t  ain^i 
écrit  sur  une  page  de  vers  romans  : 

Burgat  Joannes  Franciscm.  Notula  prima 
(1557-59.  1560-69.  1570.) 

Il  est  fâcheux  que  le  notaire  Burgat  n'ait  pas  eu  Tidée 
d'employer  pour  ses  autres  registres  les  autres  feuilles  de  son 
vieux  manuscrit. 

C'est  une  grande  feuille  de  parchemin,  dont  le  texte,  en  belle 
écriture  de  la  fin   du  XIIP  siècle,  porte  de  chaque  côté  deux 
cohonnes  contenant  chacune   50  vers.  Les   majuscules  alter- 
nent en  rouge  ou  en  bleu  au  commencement  de  chaque  vers. 
Chaque  couplet  commence  par  une  grande  majuscule,  et  tous 
les  vers  sont  écrits  sur  la  même  ligne,  quelle  que  soit  leur  me- 
sure, même  ceux  de  sept  syllabes  (v.  7  à  10  du  fragment,  et 
autres)  ;  cette  disposition  sera  conservée  dans  l'édition.  Il  y  a 
fort  peu  d'abréviations,  et  le  copiste  n'a  fait  que  deux  ou  trois 
corrections.  Il  n'y  a  pas  d'autre  signe  de  ponctuation  que  le 
point  à  la  fin  de   chaque  vers  :  nous  le  supprimons,  pour  lui 
substituer  la  ponctuation  que  le  sens  paraît  indiquer.  Notre 
t«xte  n'est  d'ailleurs  que  la  reproduction  du  manuscrit,  sauf 
les  apostrophes  que  nous  ajouterons  et  le  changement  de  quel- 
ques M  en  v  ou  i  en/.  Les  leçons  sûres  et  indubitables  seront 
en  caractère  ordinaire  ;  les  lettres  douteuses,  mais  cependant 
probables  d'après  les  traces  ou  traits  apparents  restés  sur  le 
parchemin,  seront  en  italique,  et  les  lettres  entièrement  dé- 
truites ou  devenues  illisibles  seront  marquées  par  des  points. 
\u  reste,  l'une  des  faces  du   parchemin  se  trouve  en  état  de 
parfaite  conservation,  et  le  premier  côté  seul  a  été  usé  par  le 
frottement  en  certains  endroits. 

A.  l'extrémité   supérieure  du   parchemin,  au-dessus  de  la 

«deuxième  colonne  et  assez  loin  du  texte,  se  trouve  la  marque 

*if  pa.riiiation  L,  indiquant  que   ce  parchemin  formait  le  SO*" 

feuillet  du  manuscrit.  On  voit  aussi  au-dessus  de  la  première 

"^lonue  un  G,  sur  la    troisième  un  JJ  et  sur  la  quatrième 


230  DIALECTES  ANCIENS 

un  F,  écrits  d'une  autre  main;  ce  sont  des  signes  dont  on 
ne  s'explique  pas  trop  le  sens. 

Il  serait  assez  difficile  de  déterminer  à  quel  genre  de  com- 
position poétique  ce  fragment  pouvait  appartenir.  Ce  n'est 
pas  un  roman  chevaleresque,  car  on  n'y  trouve  le  nom  d'au- 
cun personnage  historique  ou  romanesque,  bien  que  la  com- 
position prenne  en  certains  endroits  la  forme  d'un  récit.  Ainsi, 
dès  le  premier  vers  : 

El  lirespon. ... 
Et  plus  loin  : 

Ab  tant,  pren  comjad  e  s*en  vay.   . 

La  dompna, . .  t  trames  un  tal  messatgier, . . 

Il  y  a  même  un  passage  : 

leu  vos  avia  he.  vu.  anz 
Estât  leyals  e  drechuriers, 

qui  semblerait  rattacher  ces  deux  cents  vers  à  une  composi- 
tion de  longue  haleine,  embrassant  des  événements  ou  des 
aventures  romanesques  qu'il  serait  inutile  de  rechercher  ici. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  fragment  ne  renferme,  en  somme,  autre 
chose  qu'un  dialogue  et  des  dissertations  amoureuses  entre 
une  dame  et  un  chevalier,  qui  n'est  peut-être  que  le  trouba' 
dour  lui-même.  Ces  conférences  d'amour  n'offrent  guère  d'in- 
térêt par  elles-mêmes,  d'autant  plus  qu'avec  les  lacunes  et  le 
mauvais  état  d'une  partie  du  manuscrit,  il  nous  est  parfois 
difficile,  nous  devons  l'avouer,  de  saisir  la  suite  des  idées  et 
même  l'ordre  du  dialogue. 

Cependant  les  interlocuteurs  citent  une  fois,  pour  justifier 
leurs  explications,  en  Raimons  Vidais  bos  trobayre  molt  avinens, 
et  quatre  fois  en  Miravals  qui  tan  fo  fis  e  franch  e  de  bo  chau' 
zimen.  Raymond  de  Miravals,  des  environs  de  Carcassonne, 
brillait  dans  les  premières  années  du  XIIP  siècle,  et  notre 
fragment  en  parle  évidemment  comme  d'un  personnage  déjà 
décédé  [qui  tan  fo  fis)^  tandis  que  la  mention  de  Raymond 
Vidal  peut  très-bien  se  rapporter  à  un  homme  vivant.  Rai- 
mond  Vidal  de  Bezaudun  appartient  à  la  première  moitié  du 


UN    FRAGMENT  DE    POESIE    PROVENÇALE  231 

XIII*  siècle,  et  rien  n'empêcherait  de  penser  que  notre  frag- 
ment peut  se  rapporter  à  Tan  1250  ou  1260  environ. 

Mais  il  j  a  quelque  chose  de  plus  important  encore,  c'est  la 
citation  de  deux  extraits  de  textes  étrangers  à  la  langue  ro- 
mane provençale. 

Le  premier  (vers  21  et  suivants)  est  attribué  à  un  Catalan 
dont  le  poète  a  ne  saurait  dire  le  nom.  »  Mais  le  mot  Cathalas 
ne  figure  ici  que  par  simple  distraction,  car  les  vers  cités  ne 
sont  que  du  pur  castillan  ou  espagnol,  et  Ton  sait  que  les  trou- 
badours de  la  Catalogne  et  même  de  TAragon  n'ont  laissé  que 
des  poésies  en  langue  romane  provençale. 

Le  second  texte  cité  (vers  62  et  suivants)  est  attribué  à  un 
Frances,  et,  quoique  le  scribe  en  ait  sans  doute  altéré  F  ortho- 
graphe, il  est  facile  d'y  reconnaître,  en  effet,  un  texte  en 
langue  d'oïl  dans  les  passages  : 

Quetn'ha  donea  s'amor... 
Sanz  poyne  e  sans  delay . . . 

et  dans  les  mots  vouldreyent,  fusse  et  autres,  qui  n'appartien- 
nent pas  à  la  langue  d'oc . 

C'est  un  fait  extrêmement  rare  que  de  trouver  des  citations 
originales  en  langue  étrangère  dans  des  compositions  poéti- 
ques romanes  ou  autres  du  XllP  siècle  ;  et  le  passage  où 
Dante  fait  parler  Arnaud  Daniel,  en  sa  propre  langue  lemo- 
àae,  est,  selon  toute  probabilité,  postérieur  à  notre  frag- 
ment. 

Ce  fragment   est-il  réellement  inédit?  Tout  ce  que  je  peux 

dire,  c'est  que  je  l'ai  vainement  cherché   dans  les  recueils  de 

poésies  romanes  qui  sont  à  ma  disposition  ;  et  si,  comme  je  le 

désire,  d'autres  personnes  sont  plus  heureuses  que  je  ne  l'ai 

été  à  cet^gard  et  parviennent  à  découvrir  ce  que  j'ai  cherché 

inutilement,  cette  édition  fournira  toujours  une  seconde  leçon 

assez  correcte  d'un  texte  qui  peut  avoir  été  altéré  et  corrompu 

dans  d'autres  manuscrits.  Je   déclare  encore  une  fois  que  je 

ûe  saisis  pas  facilement  le  sens  général  de  ce  fragment,  et 

la  ponctuation  que  j'en  donne  peut  être  défectueuse  ;  mais  le 


232  DIALECTES  ANCIEN^ 

texte  imprimé   en  caractères   ordinj^ires  ept  la  reproduction 
exacte  et  rigoureuse  du  manuscrit.  Alart. 

(1"  col.)  El  li  respon ors. 

Un  playt  fan  dompnas  qu'es  folors, 

Can  trobon  amig  quis ey  ; 

Per  assay  li  mowon  esfrey, 
5  El  destreinhon  tro  's  vir  ailhors. 

Pueys,  can  s' an  loinhatz  lor  meilhors. 

Pals  entendedor  menud 

Son  chabalmen  receubud  : 

Per  que's  cala'l  cortes  chanz, 
10  On  sort  crims  e  fols  mazanz. 

leu  vos  avia  be  .vij .  anz 

Estât  leyals  e  drechuriers, 

E  s'ieu  fos  fais  ni  mesçongiers, 

Be  m'o  pogradz  aver  trpba^d, 
15  E  que  fais  cor  desesperad 

No  m'aguessatz  enquera  dit 

Anz  me  degratz  aver  mentit, 

Per  SCO  que  m'estegues  plus  plas, 

Aixi  com  dix  us  cathalas 
20  Que  nous  sabria  son  nom  dir  : 

Vers  1.  —  Les  lettres  marquées  par  des  points  sont  illisibles  dans  le 
manuscrit;  la  réunion  de  quelques  traits  apparents  donnerait  dos  trat/k 
es  socors?  qui  ne  nous  offre  aucun  sens. 

V.  2.   -  Un.  Le  ms.  semble  porter  vis,  et  le  mot  pourrait  être  vils  (7) 

V.  3.  —  La  lecture  de  7uw  est  certaine .  Le  mot  suivant,  qui  pourrait 
être  servey,  ne  présente  que  des  traits  affaiblis,  semblant  indiquer 
ueruey  (?) 

V.  4.  —  Le  mauvais  état  du  ms.  permettrait  également  de  lire  affay  et 
menon, 

V.  5.   -  Uir ailhors  en  un  seul  mot  dans  le  ms. 

V.  6.  —  Puey'  au  ms. 

V.  18.  —  Ms.  mes  tegues. 

V.  20.  —  Deux  lettres  presque  effacées  au  premier  mot,  qui  peut  être  lu 
quê  OM  qu'ar. 


UN   FRAGMENT  D^  POESIE   PROVENÇALE  233 

Tal  dona  no  juiero  dezir 

Que  por  mi  nos  quiera  rogar 

De  cavalero,  de  prestar, 

Por  ques  podria  enrequir. 
25  No  li  quiero'l  sujo  pedir  ; 

Pues  tan  dura  mes  de  fablar, 

Vn  poco  deuria  n^entir, 

Por  su  vassallo  meiprar. 

Nom  deuria  tan  fort  esquivar 
30  N a.. 

M 

A^»« •••• 

I 

E  . . .  era  majs  aitals  .  •    .  . . 

1  lo  mie  y  sembl .... 

35  Qixen  Miravals  o  dix  aw 

Per  loinhar  vils  ditz  e  embroncs, 
Yen .  awra  de  colbs  ni  d'estoncs  ; 
No'm  part  d'amor  ni  de  sas  mas, 
C'ab  bels  ditz  avinentz  e  plas 
40  Tainh  que  pros  dompna's  deffenda. 
Car,  si  trop  tenç'  ab  braus  ditz  durs, 
Non  es  son  pretz  tan  cars  ni  purs 
C'om  d'alques  no  la  'n  reprenda. 
E  jeu  feyra  [lo]ng'atenda 

15  Moût  volontiers,  si  njestier^  ïo^  : 

Mas  per  vos  quim os 

E  m'avetz  taQ  fort ad, 

Hay  en  tal  dompna  '1  cor  pausad 
Don  jamays  no  'm  partray  per  re, 

V.  30-33.  —  L'écriture  est  ici  complètement  usée  par  le  frottement, 
'^  '8  i^union  du  peu  de  traits  qu'on  peut  reconnaître  n'offre  aucun  sens. 

V.  37  —  Le  commencement  du  vers  est  douteux  et  semble  offrir  Fcn- 
"Waoïi  Veniaura,  dont  je  ne  saisis  pas  le  sens. 

'^    »i.  —  L«»>  deux  premières  lettres  du  mot  que  je  lis  long*  sont  entiè- 


234  DIALECTSB 

50  Car  ab  lier  Tan  e  ab  liej  re. 
2*  col.).  —    E  b. .  leT  sur  per  tou  majB. 

E  vos  faretz  an  Tiare  /kjs, 

Aital  qae,  can  be  nous  conosca, 

Eras  conoâc  c^amors  es  fosca. 
55  La  dompnal  ditz,  e  mala  e  ùdsa  : 

Com  Tos  m*aTetz  favt  aTtal  fiilsa, 

QaMea  baj  £ach  rie  e  benan  ! 

Car  noas  mostrej  leagiej  talan 

Âl  primier  deman  qae^m  fezes. 
60  Ane  no  aazis  ni  aprezes 

So  qae*n  dis  an  firances  d*amor  : 

Cosseilbatz  mi,  seinbor. 

D'an  jneg  partid  d'amor: 

A  qael*diea8;mt  tendraj  : 
65  Soven  sospir  e'plor 

Por  celi  cay  azor, 

E  grieff  martir  en  tray, 

Mas  un'  autra  peior 

Que  m'ha  donea  s'amor 
70  Sanz  poyne  et  sans  delay . 

Lozengier  mentior 

Vouldreyent  que  de  lor 

Fusse,  may«  no  seray . 

Si  ou  (fêla  m'atur, 

V.  51.  —  Le  sens  parait  exiger  E  ab  ley^  mais  il  n'y  a  aucune  trace  de 
lettre  devant  b,  tandis  qu'il  y  avait  au  moins  une  lettre  après.  Suy  pour- 
rait être  lu  fuy. 

V.  52.  —  lyiys  pourrait  être  lu  bays. 

V.  55.  —  Le  ms.  porte  e  malœ  falsa. 

V.  .^S.  -^  Il  faudrait  sans  doute  leugier,  au  lieu  de  leugiey,  mais  l'y  est 
parfaitement  lisible. 

V.  63.  -  lueg  pourrait  être  lu  iiAog. 

V.  64.  —  Mi  douteux,  pourrait  être  lu  me  ou  men. 

V.  74.  —  Les  trois  lettres  en  italique  sont  incertaines  et  pourrai^t  se 
lire  en  cela . 


UN    FRAGMENT  DE   POESIE    PROVENÇALE  235 

75  le  auraj  fet  traytur 
De  mon  fin  cuer  veray  : 
En  celuy  mi  tendraj 
Per  oui  soy  en   error 
E 


80 


. . .  .drute  par. .  que  no  vos 

Q os 

Qui  i;osvoletz  eras ratz, 

85  Ma. . .  .ossatz  tan  esseinhatz 
Ni  tan  cortes  ni  tan  vassals , 
Aixi  com  dix  en  Miravals, 
Degratz  atendre  joj  valen. 

Grieu  pod  aver  jauzimen 
90  De  dreyt'  amor,  drutz  biays 

Qui  yer  se  det  e  huey  s'es^rays; 

Mas  qui  be  serb  e  aten, 

E  sab  celar  sa  folia, 

E  jau  SOS  pros  els  embria, 
95  Ab  aquels  tortz  si  dons  a  plainh, 

Aquel  es  d'amor  compainh. 

E ....  1 s  qui  no's  complainh 

Ni bon  amor 

A  dit  de  be  sort hov 

100  Avetz  comtad  reyre  cosseilh 
(V°  -i*  col.)      Mas  montre  'm  fuy  en  apareilh 

Cane  no'm  volgues  vos  jorn  amar, 

Per  qu'ieu  non  vueilh  ab  vos  tornar, 

E  faray  sço  quel  mezeis  dix         • 

••79-83.  —Trois  vers  entièrement  détruits  et  les  trois  suivants   fort 

altérés. 

^-  Si.  —  On  pourrait  lire  sesfrays,  mais  la  leçon  sestrays  semble  mieux 
""%^  par  le  ms. 


2U  DIALECTES   ANGIBfiS 

105  En  Miravals,  qui  tan  fo  fis 
E  franch  e  de  bo  chauzimen. 

Pos  ma  dompna  m'a  coven 
C'autr'  amig  no  am  ni  bays, 
la  dieus  no'm  sia  verays, 

110  S'ieuja  pernueilh'  autra'l  men; 
C'ab  liey  hay  tôt  cant  voUa 
D'amor  e  de  drndaria, 
Que  menor  joy  ni  plus  mainh 
No  vueilh,  e  ab  Mey  mi  remainh  : 

1 15  E  vos  remanetz  inz  el  frainh 

Ses  me,  que  ja  no'us  en  trayray. 
Ab  tant  pren  comiad,  e  sen  vay 
A  servir  si  donz  leyalmen, 
Que  Fa  garid  d'aytal  turmen 

120  Com  de  fais'  amor,  per  totz  temps. 
E  la  dompna,  cuy  sço  essemps 
Remazud  enuy  e  pessar, 
Vas  celuy  qui  Ta  fayt  camjar 
Segonz  son  sen  son  chavalier, 

1 25  1  trames  un   tal  messatgier 
Qui  lay  fetz  mantenen  venir, 
Si  hanc  solatz  pogues  auzir 
Ni  vezer  bo  ni  amoros . 
Dentrambas  fo,  e  la  sazos    . 

130  Venc  que  la  dompna'l  dix  amiga: 
Al  cor  me  floris  e  m'espiga 
Em  naix  us  joy  s  per  vostra  vista  , 
E  s'ang  fuy  pessiva  ni  trista 
Ni  vas  re  morna  ni  yrada, 

135  Eras  suy  alegra  e  pagada. 


V.  112.  —  Le  tns.  porte  fainch  avec  un  petit  i  en  interligne,  i 
;  boue)  serait  acceptable  pour  le  sens;  inai#  c'est  une  ftiute  du  Mpiste, 
voulu  d'ailleurs  la  aovnger,  et  la  rime  exige  évidemment  frainh  (fln 


UN    FRAGMENT  DE    POESIE   PROVENÇALE  237 

Per  SCO  c'ar  vosvéy  bêla  e  genta 

E  c'ar  al  cors  no  par  quey  menta 

Ney  failha  pfetz,  segons  c'albir. 

E  pretz  me'n  tnajs,  car  hanc  noyrir 
140  Sabr  aital  dompna  com  vos  ; 

Mas,  fayt  m'avetz  un  enoios 

E  sobrel  mal,  a  escien . 

Car  yeu  say  en  vos  tan  de  sen 

E  de  saber  c'anc  noyfâlhis. 
145  E  sço  que  plus  ila'enfôlêtis 

Ni'm  fay  esperdre  ni  càmjar, 

Es  c'ar  un  jôrn  non  puesc  pessar 

A  ma  perda  restauraitien . 

Vos  sabetz  be ,  segonz  qu'enten 
150  Ni  augh  ni  vey,  quel  mon  non  ha 
(4"'  <•(>! .  )  A  obs  de  dompna  far  certa, 

Ni  bon  son  pretz  tan  rie  chabtal, 

("om  chevalier  pro  e  leyal 

Aentendedor  e  certes. 
155  Per  sço  car  dompna  dos  no  os 

Ses  entendedor  tan  plazenz, 

Ni  tan  coinhda  ni  tan  suffrenz, 

No  s'en  pod  tan  be  enantir; 

Bos  entendeyres  fay  auzir 
160  Als  autres  de  dompna  son  pretz . 

E  pren  Ten  aixi,  sço  sabetz , 

Can  pros   chavaliers  la  chauzis, 

E  com  en  Miravals  lo  fis  dis, 

A  far  conoixer  sa  valor . 

165      Mas  mi  te  hom  per  tan  bo  chauzidor 

Que  sço  qu'ieu  vueilh  te  chascusper  meilhor, 
C'ades  esgardon  li  meilhor 


V.  136.  —  Le  ms.  porte  belœ  yenia, 

V.  144.  —  L'orthogra])hP  ordinaire  cki  manuscrit  devrait  ûonner  failhis . 

V.  145.—  Mp.  inen  foletis. 


2?8  DIALECTES    AKCTENS 

E  cil  qui  pretz  volon  pojar. 
Per  sço  s'en  vaj  cel  qui  sab  far 

170  E  que  s'aten  a  pretz  valen  ; 
El  malvad  gardon  eixamen 
On  son  acuilhid  lor  pareih, 
E  donon  fort  malvad  cosseilh 
A  dompnas  ses  sen  quils  acuilhon  ; 

175  On  mort  dompney,per  que  si  cueilhon 
Mant  blastne  e  manta  grieu  colada, 
C'amors  es  n'a  tort  blasmada, 
Que  noj  ha  poder  ni'n  pod  als, 
Si  com  dix  en  Ramons  Vidais 

180  Bos  trobajre  moltavinens. 

Amors  no  es  vils  ni  desconoixens, 
Ni  val  ni  notz,  ni  es  mala  ni  pros  : 
Amadors  fes  aqwi  es  chabalos 
E  laer'  aitals,  e  camjanz  als  avars. 

185  No  es  a  dir,  niy  deu  venir  cujars, 

Qu'entre'ls  nescis  trob'  om  amor  valen, 
E  cel  qui  pod  s'en  mal  log  atriar 
A  si  mezeys  n'er  dans  e  bauzamenz, 
E  renda'l  mal  qui'n  mallogs'es  donatz. 

190  Dels  amadors  fis  e  prezatz 
E  ses  engan  ve  fin'  amors, 


V.  170.  —  Le  ms.  porte  E  ço  que  saten  a  pretz  valerij  avec  un  point  sur 
le  ç  <le  ço  pour  marquer  sans  doute  que  ce  mot  devait  être  supprimé  Ço 
paraît  en  effet  détruire  le  sens  et  donne  une  syllabe  de  trop  pour  la  mesure 
du  vers. 

V.  183.—  Ce  vers  est  sans  doute  corrompu;  récriture  est  d'ailleurs  al- 
térée, et  les  lettres  mises  en  italique  sont'douteuses . 

V.  184  —  Ms.  ElœraUals  (peut-être  E  ja  e'r'  aitaUt?). 

V.  188.  —  Le  copiste  a  effacé  à  la  fin  du  vers  un  mot  qu*il  a  remplacé 
par  bauzamenz,  sans  doute  pour  rimer  avec  valen;  mais  otrtar  du  vers 
186  ne  rime  avec  rien.  Il  y  a  donc  ici  quelque  lacune. 


UN  FRAGMENT   DE   PORSIE   PROVENÇALE  239 

E  dels  autres  ve  la  flors 

A  far  malvad  chapteinh  e  croj . 

Per  qu'ieu  c'ar  voli'  aver  joy 
195  E  pretz  del  segF,  ajxi  comtainh 

A  dompna  cuy  sens  no  soffrainh 

Ni  valors  no  li  es  loinhada, 

Amiej  e  chauzi  ses  ufana 

Un  chavalier  pei»  mi  servir  ; 
200  Vos  sabetz  de  quai  ovueilh  dir. 


RÈGLEMENT 

sur  la  conduite  des  Consuls  de  Bessières  (Haute-Garonne) 

lorsqu'ils  porteront  la  livrée 

(1480) 

Quoique  ce  monuûient  soit  fort  important  au  point  de  vue 
de  l'histoire  locale,  comme  ce  n'est  ici  ni  le  lieu  ni  le  moment 
de  traiter  cette  question,  nous  la  laisserons  complètement  de 
côté. 

L'original  de  cet  acte,  qui  existe  à  la  mairie  de  Bessières, 
écrit  sur  papier  fort,  est  en  assez  mauvais  état  de  conserva- 
tion, fortement  maculé  par  places  ;  l'écriture,  ronde  cursive, 
surchargée  d'abréviations,  est  très-lisible.  Le  texte,  sans  sur- 
charge, a  six  renvois  à  la  marge,  marqués  par  six  signes  dif- 
férents, quatre  au  recto,  deux  au  verso.  Il  n'y  existe  ni  points 
ni  virgules  ;  les  phrases  cependant  y  sont  détachées  par  des 
traits. 

Dans  la  copie  textuelle  que  nous  en  donnons,  nous  avons 
scrupuleusement  respecté  l'orthographe.  Les  abréviations  que 
nous  avons  laissées  subsister  sont  faciles  à  comprendre:  ainsi, 
vess*^^  ^  vessie jras ,  etc.  Nous  avons  aussi  rétabli  dans  le 
texte  les  phrases  ou  membres  de  phrase  inscrits  à  la  marge. 

Audit  règlement,  fait  et  écrit  à  Bessières,  est  jointe  une 
ordonnance,  datée  de  Buzet  le  3  mai  1480  (3  ans  3  mois  avant 
la  mort  de  Louis  XI),  écrite  sur  parchemin,  sceHée  d'un  scei 
rouge  et  signée  Gaston  du  Lyon,  seigneur  de  Bezaudun,  séné- 
chal de  Toulouse,  autorisant  les  Consuls  de  Bessières  à  faire 
ce  que  dessus. 

BARBE, 

de  Buzet  (Haute-Garonne). 


RÊGLEM.  SUR   LES  CONSÙM  eIK  BBSSIÊRES  2^1' 


Sieguen  sen  las  ordenansas  e  estatutz  fajtz  a  honor  e  gloria 
de  Dieu  e  de  la  Verg-es  Maria  sus  lo  portar  des  capayros 
per  los  senhos  cossols  del  loc  de  Vessie jras  de  la  lieureja 
reai  partida  de  roge  e  nègre  autra^ada  pen  mandameut  de 
moss^'  lo  senesealc  de  Thoksa/  Exequtat  per  moss  Johan  Tere 
liceneiat  en  lej»  /  e  loc  tenant  de  moss  lo  jutga  de  Vila- 
longua  /  e  comisaarij  depputat. 

Et  primo  es  estât  ordenat  e  estatut  /  que  a  honor  e  gloria 
de  Dieu  e  de  la  Verges  Maria  e  tota  la  cort  celestial  de 
paradis  /  e  de  no«tre  sobiran  senhor  lo  rey  de  Fransa  e  de  sa 
justicia  e  causa  publicamaiorment  del  dit  loc  de  Vess**  sera 
fayt  quatre  capayros  mieg  p-artitz  de  drap  roge  e  nègre  de 
conpetent  pretz  que  no  excediscan  dotze  lieuras  tornesas  en 
toi  per  quatre  cossols  del  dit  loc  de  Vess"  e  aysso  p^r  comen- 
sar  a  portar  eascun  an  a  la  festa  de  totz  sans  losquals  se  pa- 
guaran  dels  dinies  enpausadors  eascun  an  sus  los  ditz  cossols 
seguon  que  diuran  de  talka/  sy  no  pot  sufûr  se  paguaran  dels 
autres  dinies  de  la  taiha  e  émolument  del  dit  loc  /  Enorement 
sera  fayt  hun  capayro  mieg  partit  de  drap  vert  e  pers  ho  clar 
per  hun  siruent  dels  ditz  senhors  cossols  /  loqual  siruent 
seruiraals  mandamens  dels  ditz  cossols  per  lan  de  lor  cossolat/ 
It.  es  estât  ordenat  e  estatut  que  eascun  dels  ditz  quatre  cos- 
sols auran  bonetz  de  color  a  lor  despens  lo  jorn  que  prendran 
losditz  capayros,  losquals  bonetz  que  seran  de  una  color  e  del 
pretz  de  sies  soûls  per  eascun  bonet  portaran  tôt  lan  del  dit 
cossolat  portan  los  ditz  capayros  sus  pena  de  sine  soûls  tornes 
aplicadors  als  autres  cossols  sos  conpanhos  per  hun  heure  ho 
dinar,  totas  e  quantas  veguadas  sera  trobat  defalhen  de  so 
desus. 

It.  es  ordenat  e  estatut  que  los  ditz  cossols  portaran  ladita 

iieureya  lo  jorn  de  las  festas  annals  /  dimenge   de  Nostra 

Dama  e  autras  festas  solenpnas  de  moss  sant  Prim  /  maiorment 

a  la  gleysae  autras  honors  de  nouias,  filhols  e   senhoria  /  te- 

i^en  la  cort  de  las  causas  que  se  appoi'ten  a  lor  conoysensa  / 

17 


248  DIALECTES   ANCIENS 

e  aysso  sus  la  pena  de  sine  soûls  ternes  aplicadors  la  mictat 
coma  desus  est  dit  /  e  Tautra  mictat  a  la  repparation  de  las 
clausuras  del  dit  loc  totas  e  quantas  veguadas  seran  trobatz 
fassen  lo  contrarij  ses  neguna  remesion. 

It.  es  estatut  e  ordenat  que  los  ditz  cossols  portan  la  dita 
lieureya  del  dit  loc  no  portaran  capas  uestidas  ny  mandils  nj 
guajrandas  a  las  cambas  /  an  portaran  honestas  raubas  e 
causas  an  sabbatos  que  sia  honor  de  la  dita  lieureja  sus  pena 
contenguda  al  ppda  (propre  dicta  ?)/  item  desus  /  applicadojra 
coma  desus. 

It.  es  ordenat  e  estatut  que  los  ditz  cossols  per  lan  del  dit 
cossolat  estaran  honestament  e  no  diran  paraulas  desonestas  / 
ny  juraran  ho  blasphemaran  Dieu  ny  sans  ny  sanctas  de  pa- 
radis/ maiorment  portant  la  dita  lieureya  del  dit  loc  e  qui 
contra  fara  paguara  coma  desus  es  dit  e  mieya  lieura  de  cera 
a  la  luminaria  de  la  gleysa  parroquial  del  dit  loc  /  am  autra 
pena  que  poyra  estre  punit  per  la  justicia  ordinaria  del  dit 
loc. 

It .  es  ordenat  e  estatut  que  los  cossols  presens  e  auenir  se- 
ran tengutz  de  tenir  losditz  capayros  dedins  ledit  loc  penden 
lan  del  dit  cossolat  commo  que  fos  per  fa  honor  a  nouias  / 
filhols  ho  autras  honors  semblables  ho  maiors  dedins  ledit 
cossolat  sus  pena  de  detz  seuls  ternes  applicaders  la  mictat  a 
la  repparation  del  dit  loc  e  lautra  mictat  als  autres  cossols 
conpanhos  coma  desus  es  dit  totas  veguadas  fara  la  contrarij 
eaysso  per  lo  prumie  cep  e  per  le  seguon  de  detz  seuls  tel.  e 
per  leters  cop  de  vint  seuls  tel  applicaders  coma  desus. 

It.  es  erdenat  e  estatut  que  les  ditz  senhos  de  cossols  se 
arrenguaran  honestament  anan  a  las  processions  ho  autras 
honors  e  se  assetiaran  en  la  gleysa  parroquial  del  dit  loc  en 
hun  banc  per  los  ditz  cossols  ordenat  per  assetiar  /  layssat  lo 
loc  en  ledit  banc  per  assetiar  mess  le  jutge  de  Viilalengua 
(Buzet)  ho   son  loctenent  si  se  uol  assetiar  en  ledit  banc. 

It.  es  ordenat  e  estatut  que  les  ditz  senhos  de  cossols  pre- 
sens e  auenir  se  arreglaran  en  ledit  seti  ho  anan  en  proces- 
sions ho  autras  honors  se  es  que  los  que  seran    estât  cossols 


RÈGLKM.  Sî:R  les  CO^SULS  DE  HESSIERES  tA3 

dautras  ueguadas  ho  aurian  autra  preeminencia  degra  de- 
ciensa  e  precedira  /  ho  si  los  ditz  cossols  elegitz  e  eligidorsne 
son  estatz  plus  cossols  que  lo  plus  anses  ho  biells  de  état  pre- 
cedira /  e  si  los  ditz  cossols  ho  alcun  de  els  no  sen  podian 
accordar  los  autres  an  los  quais  no  sera  débat  apelatz  dos  ho 
très  primes  de  la  villa  ho  ordenaran  seguon  lor  auis''e  guisa  a 
la  quela  ordenansa  los  dits  cossols  auen  lo  dit  débat  seran 
tengutz  de  estar  sus  pena  de  quatre  lieuras  tornesas  applica- 
dojrasalas  clausuras  del  ditloc. 

It.  es  ordenat  e  statut  que  fassen  las  processions  en  lo  dit 
loc  après  moss°'lo  jutge  ho  son  loctenent  an  loqualpojra  anar 
hun  dels  ditz  cossols  e  los  autres  après  /  seran  arenguatz  per 
lo  dit  siruent  dels  ditz  senhos  de  cossols  portan  son  capajro  de 
heure ja  /  los  autres  habitans  anan  a  la  dita  procession  de  do» 
en  dos  /  deuosiosament  en  la  maniera  acostumada  ho  autra 
que  sera  ordenada. 

(Suit  l'autorisation  déjà  mentionnée,  signée  Gaston  du  Lyon,  écrite  en 
français.) 


DOCUMENTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE 

DES   ANCIENS   COMTÉS    DE    RODSSILLON    ET    DE    CERDAGNE 

{Suite) 


X 

LEUDE   DE    COLLIOURE 

(1249) 

La  ville  de  Collioure,  qui,  depuis  les  temps  les  plus  reculés, 
comprenait  dans  son  territoire  T excellent  port  de  Port- 
Vendres  et  les  deux  ports  «  de  la  ville  »  désignés,  dès  le 
XIIP  siècle,  sous  les  noms  de  Port  (T amont  et  (Tavall^  a  été  le 
seul  port  important  du  littoral  roussillonnais  :  c'était,  sous  les 
rois  de  Majorque  et  d'Aragon,  le  seul  débouché  du  commerce 
maritime  de  Perpignan  et  des  comtés  de  Roussillon  et  Cer- 
dagne.  De  temps  immémorial,  on  j  levait  des  droits  de  leude 
ou  de  douane,  au  profit  des  comtes  d'Empories-Roussillon  et  de 
leurs  successeurs,  sur  tous  les  objets  ou  marchandises  qui  y 
arrivaient  par  terre  ou  par  mer,  et  l'existence  de  cette  per- 
ception est  constatée  au  moins  depuis  le  milieu  du  XIP 
siècle*. 

Le  leudaire  primitif  de  Collioure  devait  donc  remonter  à 
une  époque  très-reculée,  et  on  peut  présumer  que,  s'il  ne  pro- 
venait pas  directement  de  celui  de  l'antique  Empories  sa 
voisine,  il  devait  au  moins  se  rattacher  à  ceux  de  Marseille,  ou 
des  anciens  ports  d'Agde  ou  de  Narbonne.  Dans  la  rédaction 
primitive,  les  tarifs  étaient  marqués  en  melgureses,  ou  monnaie 
de  Malgone,  qui  avait  déjà  cours  en  Roussillon  et  Cerdagne 
au  X®  siècle .  Mais  ce  fait  ne  prouve  rien  quant  aux  origines 

^•• 

'  C'est  ce  que  disent  les  délégués  de  Barcelone,  dans  un  mémoire  adressé 
vers  1317  au  roi  Sanche  de  Majorque  :  Dizen  que  la  dita  leuda  de  Cagliure 
en  son  us  antich,  C.  L.  anys  ha  e  mes  ques  leva  (Registre  intitulé:  Leuda  de 
Copliure,  P»  29,  v»). 


DOCUMENTS  SUR   LA  LAlvOUE  CATALAKB  245 

des  tanfe,  car,  dèâ  la  même  époque  et  jusqa  à  la  fin  du 
XVI*  siècle,  les  ineigurtses  forent  la  seale  monnaie  légale  sti- 
pulée dans  les  contrats  publics  de  la  TÎlle  et  du  comté  d'£m- 
pories. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  qu'il  j  a  de  plus  intéressant  pour 
rhistoire  commerciale  du  bassin  occidental  de  la  Méditerra- 
née, c'est  qu'en  1249  le  tarif  des  leudes  de  CoUioure,  tel  qu'il 
existait  à  cette  époque,  avec  les  suppressions  et  additions 
qu'ihavait  dû  subir  dans  le  cours  des  siècles,  sendt  de  tvpe 
pour  les  tarife  des  leudes  de  Xortosa,  et  probablement  de  quel- 
ques autres  ports  du. littoral  de  Catalogne  et  de  rValence.  C'est 
ce  qui  vésultede  la  charte  suivante  du  roi  Jacques  d'Aragon, 
datée  dud4  des  csdendes  de  mars  1248  (février  1249): 

Noverint  universi  quod  nos  lacobus  dei  gracia  rex  Ara- 
gonum  Maioric.et  Valencie  comesque  Barchinone  et  Vrgelliet 
dominus  Montispessulani,  attendentes  dissenciones  plurimas 
et  diversas  rixas  inter  mercatores  transeuntes  cum  navibus 
suisperDertusamtam  per  mare  quamperterram,  fuisse  usque 
in  hodiemum  diem,  super  prestacione  lezdarum  sive  porta- 
tici  aut  pedagii  agravatos,  et  pluries  super  Mis  declarandis 
seu  terminandis  nobis  per  probos  homines  Valencie  fuisse  sup- 
plicatom  ut  nos  finem  dicte  controversie  imponeremus  ;  exau- 
dientes^preces  eorum,  per  nos  et  nostros  concedimus  imper- 
petuuxn  /juod  omnes   homines  regni  Valencie  et  regnorum 
dominacionis  [nostre]  transeuntes  cum  mercibus  suis  cujus- 
cunqae  generis  sint  vel  modi,  per  mare  vel  per  terram,  vel 
Dertusam  vel    ejus    pôrtinencias   vel  jurediccionem ,   dent 
tantummodo  lezdam    sive  pedagium  pro  mercibus  suis  vel 
alienis  secundum  quod  hodie  datur  in  Coq<»libero,  et  nulius 
lezdarius  vel  pedagarius   amplius  ab  ipsis  mercatoribus  vel 
eorum  mercibus  sit  ausus  accipere  nec  exhigere,  nec  ipsi  mer- 
catores teneantur  amplius  eis  dare.  Dat.  Valencie  XIIIP  ka- 
iendas  marcii  anno  domini  MCCXLVIIP. 

Sigiium  -f  lacobi  dei  gracia  régis  Aragonum,  Maioric.  et 
Valencie,  comitis  Barch.  et  Vrgelli  etdni  Montispessulani. 


i 


246  DIALECTKS    ANCIENS 

Testes  sunt  G.  de  Monte  Catheno,  G.  de  Aguilone,  G.  de 
Angularia,  frater  Garcez  de  Roda,  Eximinus  de  Thouia. 

Sig  f  num  Gi  Scribe  domini  régis  notarii  qui  mandate  ipsius 
hec  scribi  fecit  loco  die  et  anno  prefixis. 

(Livre  des  Bans  royaux  et  leude  de  Cullioure,  f*  7.  —  Archives 
du  département  des  Pyrénées  Orientales  ) 

Ce  n'est  pas  qu'il  n'y  eût  déjà  des  leudes  à  Tortosa  avant 
1249  ;  car,  dès  la  conquête  de  cette  ville  au  XIP  siècle,  il  j 
avait  eu  des  conventions  à  ce  sujet  avec  diverses  villes,  notam- 
ment avec  Gênes,  et  l'ordonnance  de  Jacques  le  Conquérant 
ne  pouvait  avoir  d'autre  effet  que  de  supprimer  ces  anciens 
leudaires  de  Tortosa,  en  leur  substituant  désormais  le  tarif 
particulier  de  Collioure. 

Le  texte  primitif  de  la  leude  de  Collioure  était  sans  doute 
rédigé  en  latin,  et  ses  tarifs  étaient  marqués  en  melgureses  ; 
mais  il  ne  s'est  pas  conservé,  et  nous  n'enîpossédons  qu'une  tra- 
duction catalane,  faite  ou  déjà  existante  en  1249,  lorsque  ce  leu- 
daire  fut  adopté  pour  Tortosa.  Nous  n'en  connaissons  qu'une 
seule  transcription,  de  la  fin  du  XIIP  siècle  ;  tous  les  tarifs  y 
sont  marqués  en  sols,  deniers  et  mailles.  Dans  le  leudaire 
d^  Tortosa,  adopté  d'après  celui  de  Collioure  (en  1249),  et 
qui,  selon  Capmany,  est  daté  de  1252,  on  retrouve  à  peu 
près  tous  les  articles  du  leudaire  roussillonnais  ;  mais  tous 
les  tarifs  y  sont  marqués  en  sols  jaques,  qui  n'eurent  jamais 
cours  légal  en  Roussillon.  La  transcription  (du  XV®  siècle) 
que  nous  en  possédons  contient  un  très-petit  nombre  de  dis- 
positions nouvelles  qui  ne  figurent  point  dans  le  leudaire  de 
Collioure,  ce  qui  s'explique  fort  bien  par  la  différence  des  rela- 
tions commerciales  des  deux  localités;  d'autres  indications 
s'y  trouvent  supprimées,  et  notamment  l'article  des  «  figues 
de  Tortosa»,  qui,  on  le  comprend,  n'avaient  rien  à  payer 
dans  cette  ville.  On  y  voit,  au  contraire,  le  quintal  de  ten^a 
de  Canigo,  produit  roussillonnais,  naturellement  exempt  de 
droits  à  Collioure,  qui  ne  le  mentionne  pas  dans  son  leudaire. 
Il  est  donc  évident  que  ces  deux  documents  $ont  contempo- 


])OCUMENTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE  247 

rains  et  calqués  Tun  sur  Tautre,  sauf  de  très-légères  modifi- 
cations, suffisamment  expliquées  par  les  faits  et  observations 
qui  précèdent. 

Voici  le  texte  des  «  articles  de  la  leude  de  Collioure  qui  fut 
))  faite  leude  de  Tortosa  »  en  1249.  Nous  indiquons  en  note  les 
suppressions,  additions  et  variantes  qui  existent  entre  ce 
document  et  le  leudaire  de  Tortosa  de  1252. 

CAPITOLS  DE  LA  LEUDA  DE   COCLIURE,  QUE  FO  FEITA 

LEUDA  DE  TORTOSA 

(  1249  ) 

Primo,  carga  de  pebre il  sol.  ii.  diners*. 

Carga  de  bâta  falua idem. 

—  de  citoal id. 

—  de  cera id. 

—  dalum  de  ploma id.  ' 

—  de  gingibre ii .  s. il  dr. 

—  de  canela id. 

—  de  girofle id . 

—  de  lâcha id. 

—  de  paper id. 

—  de  brasil id. 

—  de  nous  noscades id. 

—  de  nou  dexarch id. 

*  L'article  premier  de  la  leude  de  Tortosa  rédigée  en  1252  porte,  dans 
la  copie  du  XV*  siècle  : 

Primeramcntf  carga  de  pebre,  pach  u.  jacens  :  —  comptant  reyals  que 
rj/j/  correna  raho  dew.  dîners,  — m.  s  nu.  dr. 

Tous  les  autres  tarifs  de  cette  ancienne  leude  de  Tortosa  sont  ainsi 
établis  en  sois  jaques  et  convertis  ensuite  en  reals  de  l'époque  de  la 
copiiî.  Le  tarif  de  Tortosa  porte  ensuite  (art.  2)  : 

Uem  carga  de  cotni  ii.  s  de  jacens. 

Gel  aiticle  manque  dans  le  leudairo  de  Collioure  dô  1249. 

2  Li  leude  de  Tortosa  ajoute  (art.  5  et  7)  : 

llem  carga  de  alum  zuquari.  m.  s  un.  dr, 

item  carga  de  cUuni  de  CasteUa^  ii.  s  de  jacens. 


248  l>IALfîCTES  ,  A^JENS 

Oarga  dindi u.  s^h.  dr. 

—  de  vormelo id. 

—  dorpiment id. 

—  de  coral id . 

—  de  grana  . id .  * 

—  de  gala id . 

—  de  coto id . 

—  dencens id . 

—  dargent  yiu id . 

—  de  sucre id. 

—  de  celiandre ., id.  ' 

—  de  roses id . 

—  de  yiples. id . 

—  d0  safra id. 

—  4>e  cordoa id.  ' 

—  de  peylisseria id,. 

—  d^ynenes ■ id. 

—  dp  pejls  de  cabritz id. 

—  de  merceria id . 

—  dp  corregeria id..  * 

—  de  drap  de  li i^. 

—  de  flassades i^.  * 

—  de  fustanis ,.,.  id,. 

—  de  barragans ^ . . .     id.  ^ 

—  damido.... ,•  •  •  - id- 

—  de  blanquet id . 

—  de  tapitz, dd. 

—  de  verdet id . 

'  ^rticle  répété  deux  fpi^  daps  .le  leudaire.de  Jojctoaa  {^rt.  22  let  lOi). 

«  Article  omis  à  Tortosçi .  -^  3  Jdem .  —  *  Weip . 

•  Le  leudaire  de  Tortosa  ajoute  (art.  27)  : 

Item  carga  de  galangau  m .  s  un.  dr, 

^  Article  omis  dans  le  leudaire  de  TortQsa,  ainsi  que  le3.^uivaDts:  amidOy 

blanquet  (céruse),  tapUz,  verdet.  faces  (œiqtjores  qa  laii^e?),  drçkfj^ies, 
sandUSf  fesluchs.  ennenis,  ^ra  bort,  jbrunSf  s%bo  de  losa,  pintes  obra 
des,  amenlo,  flassades  de  psi  de  b^oc^  et  ^atio  moi^. 


UN   FRAGMENT   DE   POESIE   PROVENÇALE  239 

E  dels  autres  ve  la  flors 

A  far  malvad  chapteinh  e  croy . 

Per  qu^'ieu  c'ar  voli'  aver  joy 
195  E  pretz  del  segF,  ajxi  comtainh 

A  dompna  cuj  sens  no  soffrainh 

Ni  valors  no  li  es  loinhada, 

Amiey  e  chauzi  ses  ufana 

Un  chavalier  pef  mi  servir  ; 
200  Vos  sabetz  de  quai  ovueilh  dir. 


250  DIALECTES    ANCIENS 

Carga  de  flassades  de  pel  de  boch. . . .  i.s.i.  dr. 

—  d3  roja id . 

—  de  sabo  mol id . 

—  de  trementina id . 

—  durxicha id .  * 

—  doli  de  linos. , id . 

—  de  cabotes  de  safra id.  ' 

—  de  grana  de  verniz id . 

—  dalum id . 

—  de  salpetra id . 

—  de  pastel id . 

—  de  pedassols.  .  ,    id . 

—  de  perojne id . 

—  de  grade papagaj id. 

—  de  peix  salât id . 

—  de  pinyons id . 

—  de  datils Id . 

—  de  tartar  d'Urgel vi.dr.  meala*. 

—  de  curs  de  bou im.dr.  m*. 

—  de  curs  de  molto id. 

—  de  curs  de   boch id. 

—  de  rabassa vi.  dr.  m*. 

—  de  mirais id .  * 

—  de  bores  > i.s.  v.dr,  m' 

Quintal  de  ploma iiii.dr.  m*. 

—  de  borra id. 


'  Carga  de  orxicha  au  leudaire  de  Tortosa  (urt.  124). 

2  Cet  article  et  le  suivant  manquent  au  leudaire  de  Tortoso,  ainsi  que 
ceux  du  salpetra,  }yedas sots  {chiiïons),  peroyne,  gra  de  papagay,  rabassa, 
formage,  mantega,  cardo,  ferre  no  obrat,  veyre  et  acer. 

^  Ce  produit  des  contins  de  la  Cerdagne  ne  devait  guère  arriver  à  Tor- 
tosa,  dont  le  leudaire  porte  seulement  :  carga  de  tartar  (art  143). 

♦  Carga  de  vidre  de  mirais^  dans  le  leudaire  de  Tortosa  (art  39). 

*  Manque  au  tarif  de  Tortosa.  Peut-être  est-ce  une  erreur  du  scribe,  et 
faut-il  lire  de  vori  (ivoire),  qui  figure  dans  le  tarif  de  la  leude  de  GoUioure 
modifiée  vers  l'an  1300. 


kH 


DOCUMENTS   SUR   LA    LANGUE   CATALANE  251 

Quintal  de  datil irii.dr.m*. 

—  de  seu  de  sagins id. 

—  de  formages id . 

—  de  lauto  o  de  metayl • .  -. .  id . 

—  de  stajn  o  de  coure id.  * 

—  de  ferre  obrat - id . 

—  de  launes  de  cuyraces id .  ' 

—  de  canem  obrat  o  no  obrat. ...  id. 

—  de  mantega id. 

—  de  sabo  mol .  ; id . 

—  de  cardo ....  id . 

—  de  semola id . 

—  de  li VIII. dr.m*. 

—  de  ferre  no  obrat ii.dr.m*. 

—  de  mel id . 

—  de  fustet id . 

—  derba  cuquera id .  ^ 

—  de  coifol id . 

—  de  sosa id . 

—  de  ve jre id . 

—  de  stopa id . 

•-  de  pel  de  boch id. 

—  de  sofre id . 

—  de  cendre  clavelada id . 

~  de  gra  de  carabassa id .  * 

—  de  melons id . 

*  On  mentionne  aussi  lo  plom  a  Tortosa  (art.  64). 

'  De  lames  ou  plaques  de  cuirasses  ,  omis  à  Tortosa. 

■  Article  répété  dans  la  ieude  de  Tortosa  (art.  69),  et  de  plus  (nrt  42)  • 

Item  quintal  derba  colera^  paga  iiii.  drs  jaqueses. 

*  Dans  la  ieude  de  Tortosa  (articles  52  et  53): 

It-'m  quintal  de  ijrans  de  carabasses,  o  de  cogombres,  o  dalbudeques, 
de  cols,  o  de  tnustuyla,  o  daltres  faujrs^  n    drjacens. 

Item  can/d  de  cabaço<.  palmes  o  joncfis  obratslo  per  obrar.  estores, 
cordes  redones,  c  treueyles,  e  obra  de  terra,  carbo,  paoh  per  carga  \.s  de 
jaqueses. 


262  DIAfLECTHS   ANCIENS 

Quintal  de  ,gleda u.  dr.jB*. 

—  de  pega id 

—  de  terra  tanquera id .  * 

—  de  acer id 

—  de  atzebib id. 

—  de  farina ii.dr. 

Carga  de  lana  de  très  quintars. .  .......  i*s.vi.(/r.m*  • 

Quintal  de  lana.... vi.dr.m*. 

Sporta  de  figa  dAlacant m .  dr .  ' 

—  de  figa  de  Tortosa id. 

—  de  figa  de  Terragona id. 

—  de  figa  de  Dénia id.  , 

—  de  figa  de  Malica id. 

—  de  figajde  Malorcha ..........  u .  dr . 

—  de  figa  de  Valencia id. 

—  de  figa  de  Murcia id. 

Sporta  de  pega fUi . dr. 

—  de  sardina  grossa ii .  dr . 

Esmina  de  forment . vi.dr. m*. 

—  de  ciurons id. 

—  de  linos id. 

—  de  grade roja. . .    .,  id.* 

—  de  mostajla v^n . dr  m*. 

—  dordi id. 


*  La  leude  de  Tortosa  porte  un  article  qui  correspond  sans  doute  à 
celui-ci,  sous  la  forme  suivante  : 

Item  quintal  déterra  u.  dr  (art.  70).  Elle  y  ajoute  les  deux  suivants  : 
Item  quintal  de  terra  de  Canego,  de  jacens  «.  rfr?  <art-  50) 
Item  tera  (sic)  de  Mont  Aragon^  ii.  dr.  jacens  (art  140). 

*  Cet  articly  a  été  ajouté  en  interligne  vers  1430,  avec  la  note  suivante, 
même  écriture  :  Fuit  ihl  adapfatnm  per  me  Bernardum  de  Piano  nota- 
rium-  et  scribam  curie  procuracionis  régie,  quia  sic  fuit  repcrtum  in 
leudario  dici'  lezde  In  archivo  dicte  procuracionis  régie  recondito.  Caiie 
autre  copie  de  l'ancienne  leude  de  Gollioure  ne  nous  est  point  parvenue. 

3  Get  article  etles  sept  suivants  manquent  da^s  la  leude  de  Tortosa. 

*  Graine  de  garance  ;  manque  au  tarif  do  Tortosa. 


DOCUMENTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE      253 

Esmina  de   segle id . 

—  de  mil id. 

—  de  lentiyles id. 

—  de  faues id . 

—  de  pesols id. 

—  de  vesses id. 

—  de  ciuada iiii.dr.m*. 

—  damenles id. 

—  doruga viii.dr.m\ 

Sester  de  forment ii.dr. 

—  de  ciurons id. 

—  de  linos id. 

—  de  segle i.dr.m\ 

—  de  vessa id. 

—  de  faues id. 

—  dordi , id. 

—  de  legum id. 

—  de  lentiles « id. 

—  de  pesols   id, 

—  de  guixes l  dr.  m*. 

—  de  grade  roja id. 

—  damenles id. 

—  doruga id. 

—  de  mostayla id. 

—  de  ciuada id. 

Centenar  de  boquines i  s.   vii.dr.m'. 

—  dampoles nui,  ampoles. 

(jorp  de  veyre  ,  paga m.  anaps. 

Gerra  de  tonina ii .  dr . 

—  doli id. 

— '[^dalquitra id. 

—  de  sabo vi.dr.m*. 

Hodre  dalquitra ii.dr, 

—  doli ,  bot  0  barrai ui.dr. 

Barril  de  sardina ii.dr. 

Cabacet  de  sardina m*. 


254  DIALb^ClES    ANCIENS 

Bacho  de  carnsalada iiii.dr.m*. 

Sach  de  raudor i .  dr . 

—  davelanes viii.dr.m''. 

Fiat  de  li. ii.dr. 

Sarria  dangiles  o  de  peix  salât viii. dr. m*. 

Miler  de  sipies id.* 

—  de  vejrats ix.dr.' 

—  de  Stella  de  boix viii .  dr . 

—  de  sarda ii .  dr . 

—  danaps de  bruch i.s.vii.dr.m*.' 

Trachadexx.  curs  de  bou id. 

Faixs  de  xx.  curs  de  bou  o  vedel xi .  dr 

—  de  boldrons • i.s.vii.dr.m*.* 

Faixs  daynines  o  de  cabritz i.s.ii-dr. 

Tota  sal  paga  lo  vinte . 

Tôt  Juheu  e  Juhia,  e,  si  es  prejns,paga 

lo  prejnat i .  s  i .  dr .  ' 

Tôt  Sarrahin  o Sarrahina id. 

Caval,  paga . . . .  > xx .  s . 

Palafre,  paga vu. s. 

Roci,paga v.s. 

Mul  0  mula,  paga ii. s. 

*  Sèches.  Manque  au  leudaire  de  Tortosa. 

*  Idem.  C'est  sans  doute  le  poisson  vulgairement  appelé  herat  ou  brtU 
(maquereau)  sur  les  côtes  du  Houssillon. 

'  Coupes,  écuelles  ou  vases  en  bois  de  bruyère»  Manque  au  tarif  de 
Tortosa. 

*  Manque  à  Tortosa. 

*  La  leude  de  Tortosa  renferme  les  trois  articles  suivants  sur  les  Juifs 
elles  Sarrasins: 

Item  tôt  Sarrahi  o  Sarrahina,  o  Juheu  o  Juhia,  sie  catiu  o  catiua,  es- 
trayrif  —  pach  i.  sjacens{2irt.  122). 

Item  tôt  Sarrahi  strayn  deu  pagar  lo  vinte  de  les  mercaderies  qui  hi 
port  opas  con  van  en  Barheria  —per  centenar  de  sdl,^  vni.  drsjacens 
(art.  156). 

Item  que  tôt  moro  o  mora  de  Torthosa  paga  per  les  mercaderies  que  hi 
port  con  van  en  Barber ia,  per  centenar  de  sol,  —  vi.  «  wii.  de  jacens 
(art.  157). 


DOCUMENTS  SUR  LA  LANGUE    CATALANE  255 

Egua,  paga i .  s. 

Mul  0  mula  quis  vena  en  la  vila,  dona  lo 

fre  e  paga i.s.* 

Ase  o  saumera,  paga .. .    . , un. dr . m*. 

Bou  o  vacca id. 

Molto,  feda,  boch,  cabra,  cabrit,  aynel 

viu,  paga.    . . m'^. 

Porch  viu,  paga. .    i.dr. 

Bota  de  vi iiii .  dr .  m'' . 

Tota  nau  ab  gabia,  paga v.s.  v.dr. 

Lejn  cubert ,   paga v  s .   ii  dr . 

Barcha  descuberta,  paga i.s.  ii.dr. 

Laut  de  barcha  qui  no  port  gouern.. . .  mi.dr.m*. 

(Archives  (iu  départeim^nt  des   Pyrénées-Orientales.  —   Livre 
des  Bans  royaux  et  lende  dp  Collioure,  f"  7,à  12. ; 


LEUDA    DE    TORTOSA 

(1252) 

Outre  les  variantes  ou  additions  déjà  signalées  dans  les 
notes  qui  précèdent,  nous  donnons  ici  les  autres  articles  de 
la  leude  de  Tortosa  qui  ne  se  trouvent  pas  dans  la  leude 
de  Collioure  de  1249  : 

(  Article? 

(87)  Item  quintal  de  stams ii.dr.  jacens. 

(90)     —     tota  bestia  menuda,  pach  per  pas- 

satge i.dr. 

(92)     —     ferrade  de  ferre,  sens  obrar iii.dr. 

(96)  Item  tôt  lejn  cubert,  pach  per   stacha 

de  Tortosa,  ii .  s  jacens  :  e  de  tôt  aquel 

viatge   no  deu  pus  pagar  fins  que  es 

tornat  en  la  vila. 

*  Manque  au  leudaire  de  Tortosa. 


256  DIALECTES    ANCIEN» 

(97)  Item  baroha,  pach  per  estacha viu.dr.  jacens. 

(98)  Item  barcha  ab  timo,  paeh  per  tôt 

viatgé i.s.vmdr. 

(99)  Item  caxa  de  fula,  despases ii .  s . 

(103)  Item  carga  de  conilheria ii.s.  de  jacens . 

(115)  Item  carga  de  borraix  obrat,  pach i.s.  vi  dr. 

(121)  Item  carga  dalum  de  rocha i.s.  jacens. 

(123)  Item  carga  de  blanch  de  lauar i.s.  jac- 

(135)  Idem  carga  dalum  de  Baltan. v.dr.  jacens. 

(144)  Item  carga  de  fust  de  Castella  quivaen 

Valencia nrf'. dr .  jacens. 

(145)  Item  scales  de  pedra mi.dr.ja*. 

(147)  Item  drap  dAvinyo ....>...  id. 

(148)  Item  drap  de  Leyda. .....    id. 

(149)  Item  drap  de  Jenoua id. 

(150)  Item  drap  de  Flandres id. 

(170)  Item  tota  fusta  paga  quarante. 

(182)  Itemmiler  de  osses  de  bou ii.s^  jacens. 

(183)  Item  carga  de  nirvis  o  de  cervo. . . .     ii  s.  jacens. 

(184  et  dernier,)  —  Item  de  tota  mercaderia  generalment 
qui  passara  per  lo  lezdari,  pach  segons  que  la  dita  merca- 
deria es  en  los  dits  capitols  :  e  si  no  sera  déclarât  que  deu  pa- 
gar,  com  lesdites  mercaderies  porien  esser  diverses,  paguen  a 
coneguda  del  cuylidor  de  la  ditaleuda,  segons  la  valoa  o  la 
carga  que  semblants  causes  o  mercaderies  paguen,  e  no  mes 

avant. 

(Archives du  département  des  Pyrénées-Orientales,  B .  217. — 
Procuracio  real,  rogislro  XI l[.  f"  Gl  à  06.) 


ANNONCES  ET  AVIS  DE  LA  FOIRE  DE  MONTAGNAC 

(HÉRAULT) 
AUX    PRÉPOSÉS    DES    PAREURS    DE    PERPIGNAN 

(t470-t480) 

Nous  avons  trouvé,  parmi  les  papiers  de  Fancienne  corpo- 
ration des  pareurs  de  Perpignan,  deux  lettres  de  Tépoque  de 
Louis  XI  émanées  des  consuls  de  la  ville  de  Montagnac 
située  un  peu  au-dessus  de  Pézenas,  sur  la  rive  gauche  de 
THérault.  Ces  deux  pièces,  qui  ne  sont  guère  autre  chose  que 
des  lettres  circulaires  annonçant  la  tenue  de  la  foire  de  la 
mi-carême  de  Montagnac,  n'ont  pas  d'autre  valeur  historique 
que  de  nous  renseigner  sur  un  des  moyens  usités  dans  Fancien 
temps  pour  attirer  les  acheteur.5  aux  foires  et  marchés,  et, 
par  suite,  écouler  les  marchandisos  et  produits  locaux.  C'est 
une  partie  intéressante  de  l'histoire  des  relations  commercia- 
les, et  elle  est  encore  loin  d'être  élucidée  pour  les  siècles  du 
moyen  âge. 

L'annonce  a  certainement  fait  d'immenses  progrès,  et  l'on 
sait  tout  ce  que  nos  fêtes,  nos  concours  et  nos  expositions, 
doivent  à  l'envoi  multiplié  d'affiches  et  de  programmes,  et 
aux  réclames  des  journaux.  Mais  nos  ancêtres  ne  s'endor- 
maient pas  non  plus,  et,  comme  le  disent  les  consuls  de  Mon- 
tagnac, ayssins  coma  de  say  entras  avem  acostumat,  à  chaque 
nouvelle  foire,  ils  écrivaient  à  tous  leurs  clients,  aux  préposé  g 
des  tori)orations  ouvrières,  à  tous  ceux  qui  étaient  en  rela- 
tions d'affaires  avec  eux,  pour  leur  annoncer  l'époque  de 
l'ouverture  de  la  foire  et  signaler  toutes  les  circonstances  qui 
pouvaient  favoriser  les  opérations  commerciales,  sans  oublier 
les  amateurs  de  bonne  chère,  alléchés  par  la  promesse  de 
boues  victualhas  et  de  bons  vins. 

Les  avis  des  consuls  de  Montagnac,  datés  du  4  mars  1469 
(1470)  et  du  15  mars  1479(1480),  arrivaient,  d'ailleurs,  fort  mal 

18 


2r)S  DIALECTES    ANCIENS 

à  propos  en  ce  qui  concerne  les  pareurs  de  Perpignan,  dont  la 
corporation,  extrêmement  florissante  sous  les  rois  de  Majorque 
et  jusqu'au  milieu  du  XV™®  siècle,  était  en  pleine  décadence 
depuis  l'occupation  du  Roussillon  par  les  troupes  de  Louis  XI, 
en  1462.  Jusqu'en  1476,  le  Roussillon  fut  le  théâtre  de  révoltes 
incessantes  et  de  guerres  désastreuses,  qui  réduisirent  ce  pays 
à  la  misère  la  plus  affreuse .  L'industrie  et  le  commerce  étaient 
à  peu  près  éteints,  et,  dès  l'an  1472,  la  plupart  des  pareurs 
de  Perpignan  étaient  allés  s'établir  sur  divers  points  de  l'Italie, 
et  surtout  à  Florence .  Le  reste  de  la  corporation  était  aux 
abois,  et,  après  avoir  vainement  réclamé  la  protection  de 
Louis  XI  et  de  Boffillo  de  Judice,  vice-roi  de  Roussillon, 
après  avoir  lancé  la  malédiction  contre  les  traîtres  qui  avaient 
transporté  leur  industrie  à  l'étranger,  ils  s'écriaient,  dans  une 
lamentable  supplique  du  27  janvier  1477  :  Los  qui  resten 
affecten  la  mort  per  esser  exhemits  de  tal  viure,  e  fossen  relaxais 
de  tal  ne  tanta  calamitat  e  mtseria.  Som  fets  com  les  animes 
tristes  de  porgatori,  les  qualSy  destituides  de  parents  e  persones 
conjuncteSy  speren  ajude  e  suffragi  tant  solament  de  oracions  gêne- 
rais ecomunes.  Leur  industrie  ne  put  jamais  se  relever  de 
cette  désastreuse  situation. 

Les  deux  lettres  des  consuls  de  Montagnac  portent  encore 
quelques  traces  de  cire  de  cachets  et  ont  au  revers  une  adresse 
que  nous  mettons  en  tête  du  texte.  La  rédaction  en  est  assez 
négligée,  comme  on  le  remarquera  pour  les  mots  :  scriht,  tost 
et  tostZj    consolns,  etc. 

Quant  à  la  linguistique,  bornons-nous  à  signaler  les  for- 
mules tresque  cars  et  de  tresque  bon  cor,  où  le  très,  introduit 
du  français,  est  singulièrement  altéré.  La  marque  du  superla- 
tif français,  tresque,  est  déjà  usitée  en  Languedoc  dans  l'acte 
de  notoriété  de  la  charte  du  consulat  d'Uzès,  du  1"  novembre 
J346,  publié  par  M.  Eugène  de  Rozière  dans  la  Revue  de 
législation  ancienne  et  moderne  (année  1870,  page  187),  article 
16:  item  an  lor  consolât  tresque  antic,  pour  dire  que  l'origine 
de  leur  consulat  est  très-ancienne.  Alart. 


ANNONCES  1>K  LA  POIHE  1>E  MONTAUNAC  259 

Als  lionorables  savis  et  discretz  Senhors   los  sobrepausatz  de 

parayres  de  la  villa  de  Perpinha, 
Sien  les  presens  /)[ades]  et  R[emeses]. 

IhS" 

Honorables,  savis  et  discretz  Senhors,  et  de  nos  tresque  cars 
et  specials  amix,  tant  affectuozamen  et  de  si  bon  cor  coma 
nos  podem  a  vosnos  recomandam.  Et  vos  plassa  assaber  que, 
ayssins  coma  desay  entras  avem  acostumat  de  mandar  als  sen- 
iiors  merchans  compradors  que  an  acostumat  de  frequentar  et 
venir  en  las  liejras  desta  villa,  lus  avem  mandat  que  els  sian 
ajssi  lo  premia  (sic)  digous  aprop  mieja  carema  que  sera  lo 
IX'^  jorn  del  presen  mes  de  mars,  per  entencion  que  lafieyra 
de  la  dîtag"**  carema  se  obrira  et  se  tendra  per  lo  terme 
degut  et  acostumat,  et  passât  lo  dit  terme  ladita  fiejra  sera 
clauza  et  concluza,  talamen  que  dengun  merchan  comprado 
ni  vendedor  non  hi  auzara  ren  comprar  ni  vendre.  Los  quais 
merchans  nos  am  fâcha  resposta  que  els  vendransens  denguna 
fauta  et  seran  ayssi  de  bona  hora.  Et  perso,  honorables  sen- 
hors, vos  preguam  de  venir  de  bona  hora  am  vostras,  car  nos 
avem  speransa  que  la  dita  fieyra  sera  bona,  si  plaj  a  Nostre 
Senhor,  perso  que  lo  pays  per  lo  presen  es  en  bon  stamen 
et  am  bona  sanetat.  Dautra  part,  que  per  lo  presen  non  hi  a 
dengunas  autras  fieyras  que  fasson  empachamen  en  aquesta, 
et  cascun  a  bon  voler  de  hi  venir.  Per  que,  honorables  Sen- 
hors, vos  preguam  que  non  hi  aya  ponhc  (sic)  de  fauta  que  non 
vengas  de  bona  hora,  alin  que  dengun  non  se  ranquer  de  vos- 
autres  per  vostre  tart  venir,  car  ben  sabes  cossi  von  a  près  de 
say  outras  quant  venies  tart.  Per  que,  si  vos  play,  venes  de 
bona  hora.  Et  nosautres  nos  persfossarem(5îc)  de  vos  reculhir 
al  melho  que  nos  poyrem,  et  de  vos  aprestar  de  bones  vic- 
tualhas  et  de  bons  vins,  meyansan  lo  bon  voler  de  Nostre  Sen- 
hor al  quai  preguam  de  vos  gardar   et  conservar.   Et  que  si 

'  Lo  siirne  employé  ici,  assez  semblable  à  un  Z  accompagné  de  la 
I.Uro  a,  n'est  autre  chose  que  îa  lettre  M  à  moitié  renversée  :  c'est  une 
abréviation  du  mot  niieya. 


250  DIALECTES    ANCIE^S 

dengunas  causas  vos  son  plasentas  de  la  part  de  say,  que  nos 
ho  mandes,  per  entencion  de  las  complir  a  nostre  poder  et 
bona  voluntat. 

Scriht  a  Montanhac  a  iiii  de  mars  mil  iiup  lxix. 

los  tostz  Yostres  et  specials  amix, 
Los  Consols  de  Mon*«. 


Als  honorables  Senhos  los  Sobre  pausatz  de  lus  Parayres  de  la 

vilha  de  Perpinha^  sia  R[emesa], 
+  M*. 

Honorables  Senhos,  de  tresque  bon  cor  a  vos  autres  nos  re- 
comandam. 

La  pressent  hes  per  vos  avizar  que  la  fiejra  de  g  *.  carema 
acomensara  lo  xvn®  de  mars  prodanamen  {sic)  venen,  et  per 
tant  vos  pregham  tant  que  nos  podem  que  vos  plassa  de  ho  far 
assaber  a  toust  los  merchans  qui  voldran  venjr  a  Iha  dita 
fyera  {sic).  Et  que  lur  plassa  de  venyr  de  bona  hora,  car  hom 
lur  aprestara  de  bons  vjures,  et  vos  recullyrem  lo  milhor  que 
nos  poyrem,  car  lo  pays  hes  en  bona  sanitat  per  la  grassia 
de  Dyu  al  cal  pregham  que  vos  done  bona  vida  et  longha. 
Et  si  res  voiles  de  part  de  sa,  comandas  la  nos,  car  nos  la 
acomplirem  a  nostre  poder.  Non  plus  per  lo  pressent. 

Escrit  a  Mon**^  a  xv  de  mars  mil  iiii^  lxxix. 
Los  tost  vostres  bons  amist, 
los  consolns  de  la  vilha  de  Mon**. 


DALECTES  MODERNES 

ARNAUD    DAUBASSE 


OUVRIER    ET    POÉÏE   DU    XVIl'  SIÈCLE 


Si  nous  voulons,  en  quelques  lignes,  réveiller  la  mémoire 
d'Arnaud  Daubasse,  ce  n'est  pas  que  sa  valeur  poétique  soit 
exceptionnelle,  ni  que  ses  vers  en  langue  agenaise  aient  jamais 
acquis,  en  dehors  d'un  cercle  assez  restreint,  une  grande  popu- 
larité; mais  il  j  a  dans  la  vie,  dans  le  caractère  comme  dans 
les  œuvres  de  ce  fabricant  de  peignes,  un  naturel,  une  fran- 
chise et  une  bonne  humeur  qui  nous  attirent  :  en  lui  le  poëte 
du  peuple,  aussi  bien  que  Partisan  modeste  et  laborieux,  est 
curieux  à  étudier,  et  plus  d'un  enseignement  serait  à  tirer  de 
raccord  qu'il  avait  su  établir  entre  ses  habitudes  de  travail  et 
de  probité  et  sa  verve  railleuse  de  rimeur  malicieux.  Cet 
homme,  à  peu  près  inculte,  qui  ne  savait,  dit-on,  ni  lire  ni 
écrire,  avait  un  esprit  si  prompt  et  si  gai,  que  ses  bons  mots 
couraient  le  monde,  ses  épigrammes  étaient  partout  répan- 
dues, et  sa  conversation,  pleine  d'entrain  et  de  finesse,  était 
recherchée  des  personnes  les  plus  considérables  de  la  cité  de 
Villeneuve-sur-Lot,  qu'il  habitait.  Il  est  toujours  resté  maître 
peignier  et  même  un  peu  cabaretier.  C'est  sur  les  modestes 
profits  qu'il  pouvait  retirer  de  ses  deux  professions  qu'il  comp- 
tait pour  faire  vivre  et  élever  sa  famille.  Son  intelligence  et 
ses  heureuses  saillies,  qui  l'avaient  rapproché  de  personnages 
de  la  plus  haute  condition,  ne  l'avaient  jamais  trompé  sur  sa 
véritable  vocation.  Il  ne  méprisa  jamais  son  humble  destinée , 
(»t  il  n'aurait  pas  imaginé,  même  dans  ses  plus  beaux  rêves. 


262  DIALECTES   MODERNES 

qu'il  pût  devenir  ambassadeur  ou  gouverneur  de  province . 

Il  était  heureux  de  ses  succès  faciles,  jouissait  le  premier, 
et  plus  qu'un  autre  sans  doute,  de  tout  ce  qu'il  trouvait  dans 
son  imagination  d'idées  comiques  et  réjouissantes  ;  il  en  fai- 
sait volontiers  part  aux  autres,  puis  il  revenait  facilement 
à  la  fabrication  de  ses  peignes  et  réservait  pour  las  clients 
qui  venaient  le  soir  s'attabler  chez  lui,  les  trésors  de  sa 
joyeuse  conversation,  et  donnait  par  là  un  prix  inestimable 
aux  objets  qu'il  leur  servait. 

Arnaud  Daubasse  était  né  à  Moissac  en  Quercy,  en  1664.  . 
Son  père  était  comme  lui  un  pauvre  peignier,  chargé  d'une 
nombreuse  famille.  Dans  sa  modeste  échoppe,  ses  neuf  enfants 
étaient  appliqués  au  travail  de  son  humble  métier  ;  ils  avaient 
à  peine  de  quoi  vivre  et  la  gêne  était  grande  ;  aussi,  dès  qu'ils 
se  sentaient  assez  forts  pour  affronter  les  hasards  d'une  vie 
nomade,  ils  quittaient  le  foyer  paternel  et  s'en  allaient  courir 
le  monde.  On  croit  pourtant  que  notre  poëte  Arnaud  n'aban- 
donna son  père  et  sa  ville  natale  qu'à  l'âge  de  vingt-trois  ans. 

Pendant  dix  ans  on  perd  absolument  sa  trace.  Qu'était-il  de- 
venu? Où  avait-il  porté  sa  gaieté  et  son  amour  du  travail? 
Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  qu'il  avait  heureusement,  dans  ses 
voyages,  cultivé  l'une  et  l'autre.  On  le  retrouve  à  trente-trois 
ans  établi,  rue  Bourgogne,  à  Villeneuve-en-Agenais,  où  il  s'était 
marié,  chef  d'une  industrie  florissante,  occupant  un  assez 
grand  nombre  d'ouvriers,  et  toujours  d'ailleurs  riant  et  chan- 
tant. Qui  avait  pu  le  déterminer  à  fixer  à  Villeneuve  sa  des- 
tinée jusque-là  vagabonde  ?  Quand  on  connaît  la  riche  vallée 
où  est  si  gracieusement  assise  la  ville  d'Alphonse  de  Poitiers, 
sur  les  deux  rives  du  Lot,  on  n'est  pas  surpris  de  la  préférence 
qui  lui  fut  donnée  sur  d^autres  par  notre  spirituel  artisan. 

Placée  entre  l'antique  station  romaine  d'Excisum  (Eysses) 
et  le  château  féodal  de  Pujols,  formée  en  quelque  sorte  des  dé- 
bris de  cette  double  et  puissante  origine,  elle  présente  l'aspect 
le  plus  riant.  Lorsque,  pour  la  première  fois.  Daubasse  des- 
cendit Tune  des  pentes  fleuries  des  collines  qui  y  conduisent, 
ses  yeux  durent  être  ravis  du  spectacle  de  cette  splendide 


ARNAUD   DAUBASSE  263 

• 

végétation  et  de  cet  attrayant  paysage  ;  si  c'était  à  la  saison 
printanière,  il  put  contempler  sur  les  rameaux  des  innom- 
brables arbres  à  fruit  répandus  dans  la  plaine,  cette  opulente 
et  fraîche  couronne  de  fleurs  roses  et  blanches,  a  neige  odo- 
rante du  printemps  »,  comme  a  si  bien  dit  un  poète.  Tout  ce 
qu'il  voyait  devait  séduire  cet  homme  à  l'imagination  vive  et 
aux  instincts  élevés.  Une  fois  arrivé  dans  cette  ville  coquette- 
ment bâtie,  avec  ses  portes  aux  tours  carrées  et  son  pont  si 
original  du  XIIP  siècle,  il  s'y  sentit  retenu  et  y  resta  jusqu'à 
sa  fin,  c'est-à-dire  jusqu'en  1727. 

Une  autre  cause  devait  aussi  lui  faire  aimer  Villeneuve 
comme  une  seconde  patrie:  c'est  l'esprit  de  ses  habitants, 
alerte,  animé,  enthousiaste  et  en  même  temps  cordial  et  sin- 
cère. Il  est  même  à  noter,  et  c'est  ce  qui  dut  plaire  à  Daubasse, 
qu'ils  ont  eu  à  toute  époque  un  goût  très-prononcé  pour  l'épi- 
gramme  et  la  moquerie.  Afin  même  de  donner  plus  de  sel  aux 
quolibets  échangés  entre  eux,  il  a  été  longtemps,  et  il  est  peut- 
être  encore  d'usage  dans  une  certaine  partie  de  la  population, 
de  les  formuler  en  rimes  plus  ou  moins  régulières.  Ces  impro- 
visations peu  correctes  et  fort  libres  ont  donné  lieu  à  cette 
locution  particulière  au  pays  :  —  Fa  de  bers  (faire  des  vers), — 
ce  qui  se  traduit  par  dire  des  injures  et  décocher  toute 
sorte  de  plaisanteries. 

Dans  ce  genre-là,  mais  avec  plus  d'art  et  moins  d'aigreur, 
Daubasse  devait  exceller;  et  il  faut  reconnaître  que,  s'il  n'a  pas 
atteint  de  grandes  hauteurs,  il  a  souvent  lancé  des  traits  heu- 
reux et  piquants. 

Il  y  a  lieu  de  penser  qu'avant  de  quitter  Moissac,  Daubasse 
s'était  exercé  dans  ce  genre  satirique.  On  a  même  dit  que  ces 
dispositions  avaient  mécontenté  son  père  et  blessé  quelques- 
uns  de  ses  compatriotes,  ce  qui  l'avait  déterminé  à  partir. 
C'est  à  cette  époque  qu'on  peut  faire  remonter,  à  ce  qu'il  pa- 
raît, cette  chanson  de  table,  qui  a  été  longtemps  chantée  à 
Villeneuve  : 

OU  de  sirmen, 
Bèno  bistomen 


264  DIALECTES    MODERNES 

Dedins  ma  tasso 
Bailha  la  casso 
A  raoun  pessoraen 
Que  me  jagrino 
Et  met  en  niino 
Moun  enteiidomen . 
Mes  que  lou  boun  bi 
Sur  la  terro  aboundc , 
Alabe  lou  mounde 
Se  porto  a  rabi. 
Tabe  lou  Janet. 
Dins  un  cabaret, 
Quant  la  set  lou  rounjo. 
Beù  coumo  uno  espounjo 
De  blan,  de  claret  : 
Et,  lou  beyre  en  ma. 
l^is  :  Pla  fat  que  sounju 
Al  relendouma. 

Huile  de  sarmont,  —  viens  vilement  —  au  fond  de  ma  lasse  —  donner 
la  chasse  —  à  la  tristesse  —  qui  me  chagrine  —  et  met  en  ruine  —  toute 
ma  raison.—  Pourvu  que  le  bon  vin  —  sur  la  terre  abonde,  —  alors  tout 
le  monde  —  se  porte  à  ravir  —  Aussi  le  petit  Jean,  —  dans  un  cabaret,  — 
quand  la  soif  le  tourmente,  —  boit  comme  une  éponge  —  du  blanc,  du 
clairet;  —  et,  le  verre  en  main,—  dit:  Bien  sot  qui  songe  —  au  surlende- 
main. 

Daubasse  abondait  surtout  en  bons  mots,  en  pointes  fa- 
ciles, qui  lui  venaient  sans  effort,  à  toute  occasion,  à  tout 
bout  de  champ. 

Un  jour  qu'il  sortait  du  cabaret  de  Rebequet,  il  disait  pres- 
tement, pour  se  moquer  d'une  de  ses  voisines  : 

Quant  souy  chè  V  Rebequet. 

Que  la  set  m'assassino, 

You  preni  lou  triquet 

De  la  sajo  Delphine, 
Que  nou  f  ay  qu'un  cot  de  jaûpino, 
Mes  toujours  dus  d'un  soûl  luquet. 

Quand  je  suis  chez  Rebequet,  -que  la  soif  m'assassine,— moi  je  prends 
les  façons  —  de  la  sage  Delphine, —  qui  ne  fait  qu'un  coup  d'une  chopine, 
—  mais  toujours  deux  d'une  seule  allumette . 

D'où  venez-vous,  lui  demandait  un  jour  le  gardien  des  ca- 
pucins ? 


ARNAUD  DAUBASSE  265 

Béni  de  chez  mazelhès, 

(Répondit-il  immédiatement) 

Que  lou  f au  pes  danno  à  milhès  ; 
Amay  prâco  cat  nou  s'alarmo. 
Crezès-bous  que  montoun  al  Cèl, 
Se  san  Miquèl  lour  pèzo  Tarmo 
Dins  la  balance  del  mazel  ? 

Je  viens  de  chez  des  bouchers, —  que  le  faux  poids  damne  par  milliers  ; 

—  et  cependant  nul  ne  s'alarme,  —  Groyez-vous  qu'ils  montent  au  Uiel, — 
si  saint  Michel  leur  pèse  l'âme  —  dans  la  balance  de  la  boucherie. 

Sa  plaisanterie  était  parfois  plus  fine  et  plus  relevée .  Se 
trouvant  un  jour  dans  une  société  fort  élégante,  car  il  y  était 
souvent  admis,  on  s'arrêta,  dans  le  cours  d'une  promenade, 
devant  un  ruisseau  sur  lequel  on  avait  jeté  une  planche  qui 
servait  au  passage.  Daubasse,  présentant  sa  main  aune  belle 
et  noble  demoiselle  du  temps,  M'^®  de  Rigoulières,  pour  l'aider 
à  faire  cette  traversée,  lui  dit  : 

Bous  sèsbèlo  coumo  lo  jour: 
Jamay  la  nèû  sera  ta  blanco  ! 
Per  passa  lou  riûde  l'amour, 
Nou  boudrioy  pas  d'aûtro  palanco  • . 

Vous  êtes  belle  comme  le  jour;  —  jamais  la  neige  ne  sera  si  blanche. 

—  Pour  passer  le   ruisseau  do  l'amour, — je  ne  voudrais  pas   d'autre 
planche . 

Très-apprécié  pour  son  esprit,  très-connu  pour  son  carac- 
XvYo  jovial.  Daubasse  était  de  toutes  les  fêtes,  et  il  s'y  mon- 
trait à  la  hauteur  de  toutes  les  situations  et  de  toutes  les  com- 
l^agnies. 

On  le  rencontrait  chez  le  duc  de  Biron,  le  maréchal  de 
Montre vel,  le  comte  de  Fumel-Montaigu,  en  un  mot  l'élite  de 
la  province.  Son  esprit  et  sa  finesse  y  étaient  fort  appréciés. 
A  ce  contact,  il  forma  son  goiit,  sans  rien  perdre  de  sa  bon- 
homie et  de  sa  simplicité  natives.  Avec  la  souplesse  qui  est  un 
deî<  traits  saillants  de  sa  nature  mobile,  il  savait,  quand  il  le 
fallaii,   tourner  une  louange  délicate  aussi  prestement   qu'il 

'  Palanqiie,  qui  est  plus  exaclemenl  une  planche  servant  de  pont 


266  DIALECTES    MODERNES 

lançait  un  mot  aiguisé  de  malice.  Il  était  un  jour  au  château 
de  Biron,  résidence  magnifique,  qui,  par  ses  vastes  propor- 
tions et  rimposante  beauté  de  son  site,  était,  comme  il  est 
resté,  un  monument  digne  de  la  grandeur  de  cette  famille 
illustre.  Après  avoir  dépensé  beaucoup  de  verve  et  de  gaieté 
en  l'honneur  du  beau  monde  qui  j  était  réuni.  Daubasse  sut 
à  propos  adresser  les  vers  suivants  à  M .  le  duc  de  Biron,  pour 
lui  demander  la  grâce  d'un  pauvre  diable  qui  lui  avait  volé  un 
fagot  de  bois  : 

Moiinsegnur,  bous  bezès  qu'aquel  horae,  à  samino. 

Aiiounço  per  sigur  un  i)aysan  bien  paûras. 

Gaytaz-lou  per  d'aban,  gaytaz-lou  per  l'esquino. 

Non  bezès  qu'un  jipou  tapissât  de  petas. 

Soun  cap  es  sans  capèl ,  sas  cambos  sans  debas  ; 

May  qu'un  benne  affamât  la  paûrièro  lou  mino . 

Per  aquel  malhurous  damandi  pas  de  graço  : 

Per  l'exemple  de  toutz  boli  que  sio  punit  ; 

A  coundissiû  pourtant  que  soun  boy,  mes  en  masso, 

Pezara  lous  laûriès  que  bous  abès  culit . 

Monseigneur,  vous  voyez  que  cet  homme,  à  sa  mine,  —  annonce  pour 
sur  un  paysan  bien  misérable. —  Regardez-le  par  devant,  regardez-le  par 
réchine, —  vous  ne  voyez  qu'une  blouse  tapissée  de  pièces.  —  Sa  tête 
est  sans  chapeau,  ses  jambes  sans  chaussettes;  —  plus  qu'un  ver  affamé 
la  misère  le  mine.  —  Pour  ce  malheureux  je  ne  demande  pas  de  grâce:  — 
pour  l'exemple  de  tous,  je  veux  quil  soit  puni;  —  à  condition  pourtant  que 
son  bois,  mis  en  tas, —  pèsera  les  lauriers  que  vous  avez  cueillis. 

Nous  aimons  à  relever  ici  un  point  de  ressemblance  entre 
Daubasse  et  notre  Jasmin,  simple  artisan  aussi,  plein  de  cœur, 
et  dont  le  génie  n'a  jamais  regardé  que  le  bien, 

Il  voulut  toujours  (et  Daubasse  paraît  avoir  été  animé  du 
même  esprit)  employer  les  relations  puissantes  qu'il  s'était 
faites  au  profit  des  petits  et  des  pauvres,  qui  étaient  ses  vrais 
amis. 

Il  est  resté  un  assez  grand  nombre  de  poésies  françaises 
composées  par  Daubasse.  Nous  reconnaissons  facilement 
qu'elles  n'ont  pas  un  grand  mérite,  et  qu'il  est  inutile  d'y  in- 
sister. 


ARNAUD  DAUBASSE  2.57 

On  ne  peut  contester,  toutefois,  qu'il  est  remarquable  que 
cet  homme  sans  culture  ait  appris,  on  ne  sait  comment,  à 
s'exprimer  fort  couramment  envers  Ces  vers  valent  bien  un 
grand  nombre  de  ceux  qui  se  publiaient  à  cette  époque;  ses 
ëglogues,  ses  sonnets,  ses  odes  religieuses,  ne  sont  pas  trop 
mal  construits  ;  il  j  a  même  un  luxe  de  comparaisons  mytho- 
logiques qui  étonne  de  la  part  de  Partisan  que  nous  connais- 
sons. Nous  croyons  pouvoir  citer  une  épigramme  aux  béné- 
dictins de  Tabbaye  d'Eysses. 

L'âue  que  conduisait  Daubasse  était  entré  dans  la  cour  de 
Tabbayé,  tandis  que  les  moines  se  promenaient  au  dehors  : 

Pardonnez,  s'il  vous  plaît,  Martin, 

(leur  dit  le  poëte) 

S'il  en  agit  de  la  sorte  : 
11  croyait  entrer  au  moulin. 
Voyant  ses  frères  à  la  porte . 

Daubasse  s'est  exercé  longtemps  à  faire  des  poésies  reli- 
gieuses. Il  avait,  dit-on,  deux  filles  qui  avaient  de  belles  voix, 
et  pour  lesquelles  il  composait  des  Noëls  patois  qu'il  leur  fai- 
sait chanter.  Il  en  a  laissé  un  grand  nombre,  qui  rappellent 
ceux  qui  étaient  si  répandus  dans  le  Midi  aux  époques  de  vive 
foi  religieuse  ;  mais,  il  faut  le  dire,  ils  ne  s'en  distinguent  par 
aucune  supériorité,  et  même  ils  sont  inférieurs  aux  Noëls  pro- 
vençaux, si  abondants  dans  la  littérature  romane . 

Ses  œuvres  pieuses  affectent  souvent  plus  de  prétention  en- 
core ;  elles  abordent  de  grands  sujets  :  la  Mort,  les  Quatre  Fins 
de  l'homme,   la  Grandeur  de  Dieu,  etc.,  etc. 

Notre  fabricant  de  peignes  n'était  ni  un  théologien,  ni  un 
lettré,  nous  l'avons  dit  ;  mais  il  était  curieux  de  tout,  et  il 
comprenait  très-vite  ce  que  l'on  disait  devant  lui.  En  bon 
chrétien ,  il  assistait  aux  prônes  et  aux  sermons  de  sa  pa- 
roisse .  Il  ne  pouvait  ni  discuter,  ni  critiquer,  ni  modifier  en 
rien  les  idées  qui  pénétraient  dans  son  esprit,  mais  il  les  re- 
tenait parfaitement,  et  s'appliquait  ensuite  à  les  traduire  en 
vers  gascons.  C'était  une  bonne  pensée,  mais  les  résultats  n'en 
devaient  être  ({ue  fort  ordinaires.  N'était-ce  pas  aussi  quelque- 


268  DIALECTES   MODERNES 

fois  la  faute  de  son  curé?  car,  pour  lui,  c'est  à  peine  8*11  savait 
lire  ses  prières. 

D'ailleurs,  lorsqu'on  a  reçu  du  Ciel  une  humeur  joyeuse,  de 
Tentrain  et  de  la  répartie,  n'est-ce  point  forcer  son  talent  que 
de  vouloir  embrasser  les  sujets  graves  et  devenir  sérieux? 
Celui  qui  rit  bien,  et  qu'on  est  accoutumé  à  voir  rire,  perd 
beaucoup  de  son  succès  et  de  ses  facultés  lorsqu'il  veut  pa- 
raître méditatif  et  sombre .  C'est  pour  cela  sans  doute  que 
notre  artisan  moqueur  n'a  pu  devenir  un  poète  sacré  de  quel- 
que valeur.  Lorsqu'il  est  triste,  il  est  plat,  commun,  et  on  ne 
peut  louer  en  lui  que  l'excellence  des  doctrines  et  la  pureté 
des  intentions.  Qu'on  nous  permette  pourtant  de  citer  ces 
quelques  vers,  que  l'on  dit  avoir  été  faits  par  lui  à  son  lit  de 
mort;  c'est  qu'alors  il  était  dans  son  rôle  : 

Anôi  tu,  belèù  you  douma  ! 
La  mort,  en  sa  dailho  à  la  ma. 
You  nou  la  bezi  pa.s  que  daysse 
Ni  ber,  ni  set,  ni  mol.  ni  dur: 
Cuupo  ço  que  nou  fayt  que  naysse. 
Tapla  coumo  ço  de  madur. 


Aujourd'hui  toi,  peut  être  moi  demain l  —  La  mort,  avec  sa  faux  à  la 
main,  —  je  ne  vois  pas  qu'elle  laisse  —  ni  vert,  ni  sec,  ni  mou,  ni  dur:  — 
elle  coupe  ce  qui  ne  fait  que  naître,  aussi  bien  que  ce  qui  est  mûr 

Le  poète  de  Villeneuve,  à  travers  ses  diverses  inspirations, 
ne  perdait  jamais  de  vue  son  métier  et  ses  affaires,  qu'il  me- 
nait fort  bien  ;  il  savait  même  utiliser  adroitement  ses  talents 
littéraires  au  profit  de  ses  intérêts  :  c'est  ainsi  qu'il  eut  l'oc- 
casion d'aller  à  Bordeaux,  porter  aux  jurats  de  cette  ville  une 
plainte  qui  touchait  à  son  petit  commerce,  et  qui  était  écrite 
en  assez  bon  français.  Il  y  avait  là  une  question  de  liberté,  on 
pourrait  dire  de  libre  échange,  pour  les  ouvrages  en  corne 
qu'il  fabriquait:  il  se  tira  si  spirituellement  de  sarequête,  qu'il 
gagna  sa  cause .  Cette  requête  se  terminait  ainsi  : 

Des  cornes  !  il  y  en  a  partout  : 
1  i'univers,  d'un  à  l'autre  bout, 
En  est  rempli  des  invisibles . 
Ils  voyent  bien,  ces  malheureux. 


ARNAUD  DAUBASSB  289 

Que  je  ne  prends  que  des  visibles 
Pour  laisser  les  autres  pour  eux. 

Une  autre  fois,  il  se  rendit  à  Toulouse  pour  solliciter  en  fa- 
veur d'un  de  ses  amis,  auprès  de  M.Daguin,  président  au  Par- 
lement .  Ce  magistrat  fut  si  charmé  de  le  voir,  qu'il  le  présenta 
dans  plusieurs  sociétés,  où  il  fit  très-bonne  contenance.  Son 
tact  et  son  bon  sens  le  suivaient  partout  et  le  préservaient  de 
toute  vanité  ridicule .  Il  savait  partout  prendre  et  garder  la 
place  qui  lui  était  due,  et,  tout  en  s'attirant  la  bienveillance,  il 
ne  supportait  pas,  sans  les  relever  par  quelque  trait  mordant, 
rimpertinence  et  le  dédain. 

On  se  disputait  à  Villeneuve  les  vers  de  Daubasse  ;  on  les 
récitait,  on  en  prenait  des  copies,  et  Ton  chantait  à  qui  mieux 
mieux  ses  chansons  et  ses  Noëls, 

Plusieurs  familles  de  cette  ville  avaient  gardé  en  manuscrit 
la  plupart  de  ses  pièces  connues.  On  a  pu,  grâce  à  leur  obli- 
geance et  à  leurs  communications,  longtemps  après  la  mort  de 
Daubasse,  en  imprimer  un  recueil.  Il  n'j  a  eu,  à  notre  con- 
naissance, que  deux  éditions  :  l'une  qui  a  passé  sous  nos  jeux, 
mais  dont  nous  n'avons  pu  trouver  la  date  et  qui  n'est  qu'une 
assez  incorrecte  collection   de  pièces   de  notre  auteur  et  de 
récits  sur  son  existence  ;  dans  les  mêmes  proportions,  et  con- 
tenant à  peu  près  les  mêmes  morceaux,  il  en  a  été  fait  une 
seconde   à  Villeneuve,  in-8°,  chez  les  frères  Gladj,  en  1839. 
Celle-ci  est  mieux  entendue  ;  précédée  d'une  assez  bonne  pré- 
face, elle   est   accompagnée  d'un  portrait  qui,  sans  être  un 
chef-d'œuvre  de  lithographie,  doit  donner  une  assez  juste  idée 
de  la  figure  brune,  expressive  et  ouverte,  du  maître  peignier. 

Pour  n'avoir  pas  déployé  de  grandes  ailes,  la  Muse,  qui  quel- 
quefois visita  Daubasse,  n'en  inspira  pas  moins  en  lui  un  esprit 
enjoué,  franc  et  honnête  ;  elle  l'aida  à  passer  sa  vie,  modeste  et 
laborieuse,  plus  allègrement  que  beaucoup  d'autres  ;  elleFéleva 
par  moments  au-dessus  de  sa  condition,  mais  elle  ne  l'en  dé- 
tourna pas.  Il  se  servit  de  son  talent  pour  égayer  ses  amis, 
populariser  des  sentiments  respectables  et  charmer  sa  vie. 


270  DIALl^lCTHÎS    MODERNES 

Ses  succès  ne  lui  soufflèrent  jamais  une  ambition  funeste  et 
déplacée,  et  ne  corrompirent  pas  son  cœur;  aussi  sa  mémoire 
a  toujours  été  estimée,  et  la  justice  et  les  honneurs  qu'il  avait 
mérités  lui  ont  été  rendus. 

Avant  de  clore  cette  notice  sur  Daubasse  et  sur  Villeneuve, 
nous  avons  pensé  qu'on  ne  lirait  pas  sans  intérêt  une  pièce  de 
vers  d'un  ouvrier  de  cette  ville,  que  nous  avons  entendue  ré 
citer  il  j  a  plus  de  vingt  ans,  et  que  le  hasard  a  récemment 
replacée  sous  nos  jeux.  C'est  une  imitation  développée  de  la 
fable  de  la  Fontaine  la  Cigale  et  la  Fourmi,  composée  en  dia- 
lecte villeneu  vois  par  Laborie,  cordonnier;  elle  a  été  imprimée 
à  Agen,  chez  Prosper  Noubel,  en  1836.  Elle  servira  à  dé- 
montrer que  la  tradition  poétique  ne  s'est  pas  perdue  dans  ce 
pays,  où  la  population  ouvrière  est  restée  attachée  aux  choses 
de  l'esprit,  et  fidèle  aux  sentiments  louables  que  Daubasse 
professait  de  son  temps. 

LA    CIGALO    ET  LA     FROUMIT 

La  pu  loungo  *  xoumado 
N'a  que  sa  matinado  ; 
Cado  an  n'a  qu'un  printens, 
La  xouynesso  qu'un  tens 
De  bien  courto  durado. 
Acos,  àmoun  abis, 
Un  lire  que  flouris 
Et  qu'une  souleillado 
Lou  mémo  xour  flétris . 
Cal  prené  à  la  boulado 
Aquel  tens  lèou  f  alit. 
Aouzelet  de  passade, 
A  peine  es  espélit, 

*  A  Villeneuve,  la  lettre  j  se  prononce  ts;  ainsi,  jour  se  prononce  tsour; 
jouinesso,  tsouinesso. 

Dans  l'imprimé  que  nous  reproduisons,  on  marque  cette  prononciation 
par  un  x.  Nous  préférerions  le  ts.  ou  simplement  la  lettre  j  elle-même, 
sauf,  en  ce  cas,  à  indiquer  la  manière  de  la  prononcer  ;  mais  nous  ne 
croyons  d<^voir  rien  changi.'r  au  texto. 


ARNAUD  DAUBASSE  271 

Que  fut  à  tiro-d'alo. 
Per  lou  mètre  à  proufit, 
Escouten  lafroumit, 
Sounxen  à  la  cigalo; 
Et  del  simple  récit 
De  ço  qu'an  feyt  et  dit 
Tiren  quaouquo  moralo . 
Sansrimo  ni  razou, 
Dins  la  bèlo  sazou, 
La  cigalo  cantâbo . 
Res  plus  nou  l'occupâbo  ; 
En  may  fazio  calou, 
May  se  degouzillabo, 
Talomen  qu'ensourdabo 
Las  xens  de  sa  cansou. 

Penden  qu'aquelo  fado 
S'arrandio  de  canta, 
La  froumit,  abisado, 
Al  lot  de  l'escouta, 
Lebâbo  l'estibado. 

L'estion  tout  es  plagnè  : 
De  tout  on  pot  fa  proyo . 
Lou  saxe  que  l'employo 
A  mubla  soun  gragnè 
Passo  riiyber  en  xoyo. 

Quand  lou  fret  arribèt, 
La  cigalo  mouquado 
Chez  elo  nou  troubèt 
Blat,  ni  mil.  ni  cibado, 
Ni  boy  pèr  fa  de  fèt. 
Et  tabè  coumencèt, 
Aganido  et  xelado, 
Un  xime  méritât, 
Un  xune  un  paou  fourçat, 
Cousi  de  la  famino; 
Benguèt  à  fa  piétat  : 
Las  pèls  de  l'estoumat 
Ly  toucâboun  l'esquino. 

Cadun  dins  soun  enclos 
Se  ten  tan  qu'a  de  mico  ; 


?7>  DIALECTES    MODERNES 

Mais,  quan  la  talan  piquo, 
Tiro  Ion  loup  del  bos. 

Minablo,  magro,  étiquo . 
Dans  lou  bentre  aplatit 
Et  la  figuro  palo, 
Nostro  paouro  cigalo 
S'en  bav  chez  la  froumit  : 
L'y  demando  à  crédit 
Vn  paon  de  nonrrituro. 

—  Non  trazes  pas  de  mal  : 
Quand  bendrala  caoudnro. 
Pagarèy  dambe  uzuro 
Tntrêt  et  principal  : 
Aourez  donblo  mezuro. 

—  Torno-t'en  dins  toun  traou 
You  non  souy  pas  prestayro  ; 
N'ey  pas  aquel  defaou  !    . . 
Mais  digas.  à  prepaou. 
Madamo  l'emprountayro , 
Que  fasias  al  ten  caou. 
L'estiou  quand  apilâbi  f 

—  Ço  que  fasioy  l'estiou. 
Net  et  xour  trabaillâbi  : 
Per  la  net,  dins  moun  niou, 
Su  d'airs  caouzits  noutabi, 
Riniilbi .  courrixabi , 

Dans  belcop  d'attentiuu, 
Uno  cansou  que  sabi. 
Et  lou  xour  la  cantabi . 
Bouno  cambo.  boun  èl, 
Xouyno,  lesto,  aberido, 
Grïmpâbi  su  la  guido 
Del  bioule  lou  pu  bel . 
Et  sul  bout  d'un  paysspl 
Souben  m'abez   aouzido 
Cianta  counio  un  aouzèl 
Ma  cansou  tant  poulido. 
Mais  la  fam,  mais  lou  xel. 
M'an  rouvnado  et  bieillido  ; 
Et  bièl  paoure,  bièl  sot, 
Pla  zou  senti ,  paoureto  ! 


ARNAUD  DAUBASSE  273 


Et  ço  que  may  me  pot, 
Que  de  ma  cansouneto 
Me  souben  plus  d'un  mot. 

—  Anen,  paouro  xaneto. 
Tomes  à  ta  sourneto. 
Gayto  à  que  t'an  serbit 
Ta  rimo  et  ta  musico. 

Lous  bers  de  ta  fabriquo 
SQun  d'un  mayssan  débit. 
Te  z'abioy  be  prou  dit, 
Rimayro  à  la  donxeino, 
Quito  toun  rimailla  : 
L'estiou  cal  trabailla, 
Dins  l'estiou  cal  fa  gl'eno. 

—  Parlabias  coumo  cal 
Et  fasias  bien,  besino  ; 
Axessi  fèyt  atal  ! . . . 
Mais  la  besoun  me  mino 
Et  moun  paoure  atiral  ; 
Per  piètat  !  un  brigal 
De  granot  de  farino, 

De  pa,  de  millassino  ! 

Mais  la  froumit  :  —  Ah  ça  î 
Beses  ntm  que  m'arrabes  ! 
Quand  y  caillo  pensa, 
Feignantasso ,  cantabes  : 
Arobay-t'en  dansa! 

La  paouro  musicièno, 
Al  soun  d'aquelo  antièno , 
Cuxèf  se  trouba  mal, 
Et.  counfuso  et  hountouso. 
Se  sentiguèt  hurouso 
De  dintr'  à  l'espital. 

A  bien  bere  oun  tout  mèno, 
V  a  pas  à  s'y  troumpa  : 
Lou  trabal  et  la  peno 
Soun  lou  cami  del  pa. 
La  règlo  es  généralo  ; 
Cal  trabailla  pouli , 
Ou.  coumo  la  cigalo, 


19 


274  DIALBCTBS   MODERNES 

N'en  cal  bere  roussi. 
Xouynè,  courur  de  boto, 
De  cafés  et  de  bal, 
Que  dormes  al  trabal 
Kt  cantés  en  riboto, 
Del  sort  d'aquelo  soto 
Fay-té  doun  un  mirai  : 
Y  beras  toun  imaxé, 
Et  cambidras  de  tren 
En  beyren  Tabantaxé 
De  bioura  saxomen. 
Sans  bien  de  pessomen 
On  pot  tout  a  toun  axé: 
Fegnan,  rand-té  bal  en  I 
Libertin,  fay-té  saxe  ! 

Un  autur  rénoumat, 
En  francès  a  rimât 
La  cigalo  d'Esopo . 
A  soun  récit  trop  nud 
En  patois  eycousut 
Un  brigal  d'enbeloppo. 
Espias  aquel  fouiTèou 
Que  Tassourtis  belèou 
Coumo  uno  bieillo  échoppo 
Trabès  l'espital  nèou. 
Acosmoun  cot  d'assaxé, 
N'ey  xamay  plus  escrit  ; 
Et  se  moun  badinaxé, 
Tenez-bous  zou  per  dit, 
N'es  pas  bien  accuillit, 
Me  prendres  plus  al  biaxé 


LA  CIGALE     ET    LA   FOURMI 


La  plus  longue  journée  —  n'a  que  sa  matinée  ;  — chaque  année  n'a 
qu'un  printemps,  —  la  jeunesse  qu'un  temps  —  de  bien  courte  durée.  — 
C'est,  à  mon  avis,—  un  lis  qui  fleurit  —  et  qu'un  coup  de  soleil  —  le  môme 
jour  flétrit.—  Il  faut  prendre  à  la  volée  —  ce  temps  sitôt  disparu.  —  PetU 
oiseau  de  passage,  —  à  peine  est-il  éclos  —  qu'il  fuit  à  tire  d'aile.  —  Pour 
le  mettre  à  profit,  —  écoutons  la  fourmi,  —  songeons  à  la  cigale;  —  et  du 
simple  récit  —  de  ce  qu'elles  ont  fait  et  dil  —  tirons  quelque  morale. 


ARNAUD  DAUBASSH!  275 

Sans  rime  ni  raison,—  dans  la  belle  saison,  —  la  cigale  chantait.—  Rien 
d'ailleurs  ne  roccupait;  —  et  plus  il  faisait  chand,  —  plus  elle  s'égosillait, 

—  si  bien  qu'elle  assourdissait  —  les  gens  de  sa  chanson . 

Pendant  que  cette  folle  —s'épuisait  à  chanter,  —  la  fourmi  avisée,  —  au 
lieu  de  l'écouter,  —  levait  la  moisson  d'été. 

L'été  tout  est  facile  ;— de  tout  on  peut  faire  sa  proie.  —  Le  sage  qui  rem- 
ploie —  à  meubler  son  grenier  —  passe  ITiiver  en  joie. 

Quand  le  froid  arriva,  —  la  cigale  honteuse,  —  chez  elle  ne  trouva  — 
blé,  ni  mil,  ni  avoine,  —  ni  bois  pour  faire  du  feu  ;  —  et  aussi  elle  com- 
mença, —  épuisée  et  gelée,  —  un  jeûne  mérité,  —  un  jeûne  de  dnrée,  — 
un  jeûne  un  peu  forcé,—  cousin  de  la  famine. —  Elle  en  vint  à  faire  pitié  : 

—  les  peaux  de  Vestomac  —  lui  touchaient  Téchine. 

Chacun  dans  sa  retraite  —  se  tient  tant  qu*il  a  du  pain  ;  —  mais,  quand 
la  faim  le  pique,  —  elle  tire- le  loup  du  bois. 

Idisérable,  maigre,  étique,  —  avec  le  ventre  aplati  —  et  la  figure  pâle,  — 
notre  pauvre  cigale  —  s*en  va  chez  la  fourmi  ;—  elle  lui  demande  à  crédit- 
un  peu  de  nourriture  :  —  «  Ne  vous  inquiétez  |  tas  :  —  quand  viendra  la 
chaleur,  —  je  payerai  avec  usure  —  intérêt  et  prindpsd  :  —  vous  anrez 
double  mesure.  »  —  «  Retourne  dans  ton  trou.  —  Moi,  je  ne  suis  pas  prô- 
teuse  ;—  je  n'ai  pas  co  défaut. — Mais  dites- moi,  à  propos,— madame  Tem- 
prunleuse,  —  que  faisiez-vous  au  temps  chaud,  —  Tété,  quand  j'en- 
tassais? »  —  «  Ce  que  je  %isais  Tété,  -  nuit  et  jour  je  travaillais  :  — 
dans  la  nuit,  dans  mon  lit,  —  sur  des  airs  choisis  je  notais,  — je  rimais, 
je  corrigeais,  —  avec  beaucoup  d'attention,  —  une  chanson  que  je  sais;  — 
et  lo  jour  je  la  chantais.  —  Bonne  jamba,  bon  œil,  — jeune,  leste,  éveillée, 
—je  grimpais  sur  la  plus  haute  branche  —  du  peuplier  le  plus  beau  ;  —  et 
sur  la  pointe  d'un  échaias  —  souvent  vous  m'avez  entendue  —  chanter, 
comme  un  oiseau,  —  ma  chanson  si  jolie.  —  Mais  la  faim,  mais  le  froid, — 
m'ont  ruinée  et  vieillie;  —  et  vieux  pauvre,  vieux  sot.  —  Je  le  sens  bien, 
pauvrette  1  —  et  ce  qui  le  plus  me  fâche,  —  c'est  que  de  ma  chansonnette 

—  il  ne  me  souvient  plus  d'un  mot.  »—  «  Allons,  pauvre  Jeannette, —  rê- 
vions à  tes  sornettes;  —  vois  à  quoi  t'ont  servi  —  ta  rime  et  ta  musique.  — 
Les  vers  de  ta  fabrique  —  sont  d'un  mauvais  déb  t.  —  Je  te  l'avais  bien 
dit,  —  rimeuse  à  la  douzaine:  —  Laisse  ton  rimaîUage;— l'été,  il  faut  tra- 
vailler;—  dans  rété,  il  faut  faire  des  provisions.  »—  c  Vous  parliez 
comme  il  faut,  —  et  vous  faisiez  bien,  voisine.  -  £ussé-je  fait  ainsi  !. . .  - 
Mais  le  besoin  me  mine;  -  voyez  ma  triste  mine  —  et  mon  pauvre  attirail. 

—  Par  pitié  !  un  morceau  —  de  grain,  de  farine,  —  de  pain,  de  tniUaS' 
sime !. .,  0 

Mais  la  fourmi:  a  Ah  çà  1 —  tu  ne  vois  pas  que  tu  m'excèdes 'f— Quand  il 
y  fallait  penser,  —  grande  paresseuse,  tu  chantais:  —  va  -  t'en  danser 
niaio  tenant.» 

La  pauvre  musicienne,  —  au  son  de  cette  antienne,  —  i)ensa  se  trouver 
mal  ;  —  et,  confuse  et  honteuse,  —  elle  se  sentit  heureuse  —  d'entrer  à 
l'hôpital. 

A  bien  voir  où  tout  mène,  —  il  n'y  a  pas  à  s'y  tromper  :  —  le  travail  et 
la  peine  —  sont  le  chemin  du  pain.  —La  règle  est  générale  :  —  il  faut  tra- 


276  DIALKCTES    MODIORNES 

vaiiler  bravement,  —  ou,  comme  la  cigale,  —  il  faut  voir  de  mauvais 
jours.  —  Jeune  coureur  de  fêtes,  —  de  cabarets  et  de  bals,  —  qui  dors  au 
travail  —  ei  chantes  en  joyeuses  parties  :  —  du  sort  de  cette  sotte  fais- toi 
donc  un  miroir  :  —  tu  y  verras  ton  image  —  et  tu  changeras  de  vie,  — 
en  voyant  l'avantage  —  de  vivre  sagement.  Sans  beaucoup  de  soulîranoes 
-  on  peut  tout  à  tout  âge  1  —  paresseux,  rends-toi  vaillant  1  —  libertin, 
fais-toi  sage  ! 

Un  auteur  renommé,—  en  français  a  rimé  -  la  cigale  d'Esope  — A  son 
récit  trop  nu,  —  en  patois  j'ai  cousu  —  un  flragment  d'enveloppe.  -  Re- 
gardez ce  fourreau,  —  qui  l'assortit  peut-être  —  comme  une  vieille 
échoppe  —  devant  l'hôpital  neuf,  —  C'est  mon  coup  d'essai.  —  Je  n'ai  ja- 
mais écrit;  —  et,  si  mon  badinage,  —  tenez-vous  -  le  pour  dit,  ~  n*est 
pas  bien  accueilli,  —  vous  ne  me  prendrez  plus  à  pareil  voyage. 

Nous  étions-nous  trompé  en  estimant  que  ce  morceau  est 
spirituel,  bien  dit  et  bien  pensé  ? 

Adrien  Donnodevie. 


LETTRES   INÉDITES  DE  L^ABBÉ  FAVRE  * 

Rien  n'est  si  populaire  dans  le  Languedoc  et  la  Provence 
que  les  poésie:^  patoises  de  Favre,  et  rien  n'est  moins  connu 
que  sa  vie.  L'avocat  Brunier  lui  a  consacré,  dans  Tédition  de 
1815,  une  courte  notice  qu'il  avait  l'intention  de  compléter 
plus  tard,  au  moyen  des  renseignements  fournis  par  les  con- 
temporains encore  survivants  du  poëte.  Sa  mort  prématurée 
l'empêcha  de  réaliser  ce  projet,  et  l'ignorance  cupide  de  sa 
veuve  vendit  aux  vieux  papiers  toutes  ses  notes,  avec  les  ma- 
nuscrits mêmes  de  Favre,  dont  il  était  possesseur  et  qu'il  avait 
déjà  sauvés  une  première  fois  de  cette  triste  fin.  Habent 
ma  fata  libelli. 

Quand  parut  l'édition  de  1839,  il  était  peut-être  encore 
temps  de  recueillir  quelques  traditions  locales  sur  le  curé  de 
(3elleneuve;  mais  l'éditeur  trouva  plus  commode  de  reproduire, 
sans  y  rien  ajouter,  la  notice  de  Brunier. 

En  présence  de  cette  regrettable  disette  de  documents  bio- 
graphiques, nous  avons  pensé  que  les  lettres  qui  suivent  pour- 
raient présenter  quelque  intérêt.  Elles  permettent,  en  effet, 
malgré  leur  petit  nombre,  de  connaître  dans  certains  détails 
la  vie  intime  de  Favre,  vie  plus  soucieuse  et  plus  tourmentée 
qu'on  ne  le  présumerait  d'après  la  verve  et  la  gaieté  qui  régnent 
dans  ses  œuvres.  Elles  le  montrent  pratiquant  sans  ostentation 
toutes  les  vertus  qui  distinguent  le  bon  prêtre;  s'efforçant  de 
subvenir,  avec  le  faible  revenu  de  sa  cure  de  village,  aux  in- 
fortunes qui  s'agitent  autour  de  lui;  luttant  avec  une  sereine 
énergie  contre  ce  qu'il  appelle  la  maligne  influence  de  sa 
mauvaise  étoile  ;  et,  enfin,  songeant  à  profiter,  moins  pour  lui- 
même  que  pour  le  repos  et  l'avancement  des  siens,  des  hautes 
protections  qu'il  a  sous  la  main. 

Ces  lettres,  au  nombre  de  huit,  appartiennent  à  la  Biblio- 

*  Iju.  liographe   de  son  nom,  relevé  sur  les  registres  de  la  ville  de 
Sjmmièrp?.  où  il  naquit  I«v26  mars  1727,  est  Fabre.  Ce  n'est  qu'à  partir 
le  lanii-e  1780  qu'il  signa  Favre. 


278  DIALECTES   MODERNES 

thèque  de  la  ville  de  Montpellier.  La  première,  datée  de  1761, 
est  adressée  à  M»'  Renaud  de  Villeneuve,  évêque  de  cette 
ville  ;  les  autres,  écrites  de  1774  à  1782,  sont  adressées  au 
neveu  même  du  curé,  qui  servait  dans  les  gardes  du  roi*. 

Peu  de  temps  après  la  dernière,  c'est-à-dire  le  6  mars  1783, 
Favre  mourait  victime  de  son  zèle  à  remplir  ses  devoirs  de 
desservant,  et  consumé  de  chagrin  d'avoir  vu  l'inutilité 
de  tout  les  sacrifices  qu'il  avait  faits  pendant  sa  vie,  pour 
assurer  un  sort  heureux  et  brillant  à  ce  neveu  sur  qui  s'é- 
taient portées  toutes  ses  affections. 

La  perte  des  manuscrits  que  possédait  Brunier  sera  tou- 
jours irréparable  ;  mais  les  poésies  qui  nous  restent  suflSsent 
pour  le  placer  au  premier  rang  de  nos  poètes  languedociens. 
Il  est  à  désirer  qu'on  en  donne  au  plus  tôt  une  édition  com- 
plète et  définitive.  Gr, 

*  A  ces  lettres  se  trouve  joint  le  brouillon  d*une  lettre  du  neveu  à  M»' ..., 
que  nous  transcrivons  ici,  à  cause  des  précieuses  indications  qu'elle  donne 
sur  l'oncle  : 

a  Monseigneur, 

»Le  sieur  Favre  de  St-Castor,  mon  oncle,  âgé  de  cinquante-trois  ans,  à 
présent  curé  de  la  paroisse  de  Gournonlerral,  en  Languedoc,  sert  dans 
l'état  ecclésiastique  depuis  vingt-six  ans,  avec  toute  l'exactitude  et  la  dis- 
tinction qu'un  homme  religieux,  observateur  des  devoirs  de  son  état,  doit 
y  apporter. 

»QuaQt  à  ses  talents,  ils  sont  reconnus  pour  avoir  fructifié  dans  toutes 
les  différentes  places  qu'il  a  occupées. 

)>Mgr  de  Villeneuve,  dernier  évèque  mort,  connu  par  son  zèle  et  sa  piété 
distinguée,  l'avoit  toujours  employé  avec  succès,  môme  dans  les  cas  les 
plus  épmeux  :  il  l'accompagnoit  dans  ses  missions  :  il  soutenoit  avec  ce 
digne  prélat  le  poids  de  la  chaleur  et  du  jour,  et,  ne  se  rebutant  jamais 
par  les  plus  gt  ands  obstacles,  il  les  surmontoit  avec  une  louable  con- 
stance. 

»Y  a-t-il  eu  quelque  sermon  d'éclat,  M.  Favre  en  a  toujours  été  chargé, 
et  il  a  laissé  l'auditoire  dans  l'admiration  de  ses  talents,  autant  qu'ils 
l'étoient  de  son  zèle  à  remplir  ses  devoirs. 

x>A  présent  que  son  zèle  et  quelques  infirmités  l'arrêtent,  malgré  lui,  dans 
son  cabinet,  il  combat  les  erreura,  et  il  vient  d'achever  un  ouvrage  qui  a 
pour  titre:  A^pofi^a  aux  questions  de  Zapata,  ouvrage  dans  lequel  j'ose 


LETTRES  INÉDITES  DE  l'aBBÉ  FAVRB  279 


Monseigneur, 

Quelqu'intérêt  que  je  pusse  avoir  de  solliciter  auprès  de 
Votre  Grandeur  un  établissement  solide  pour  la  nouvelle  con- 
vertie qui  continue  d'édifier  cette  paroisse,  et  pour  laquelle  je 
fais,  depuis  environ  trois  mois,  des  avances  que  je  ne  sçaurois 
soutenir,  ce  seroit  faire  à  votre  charité  une  indigne  surprise 
que  de  lui  proposer  un  objet  aux  dépens  d'un  autre  qui  ne 
mérite  pas  moins  d'j  avoir  part.  Après  avoir  examiné,  avec 
toute  l'exactitude  possible,  le  fonds  des  reproches  dont  cette 
communauté  m'accabloit  contre  la  régente,  j'ay  clairemenjt 
découvert  qu'on  ne  pouvoit  l'accuser  que  d'un  peu  de  négli- 
gence, et  que  tout  le  reste  n'étoit  qu'imposture  et  calomnie. 
Comme  Votre  Grandeur  n'avoit  rien  décidé  sur  son  compte,  je 
lui  fis  entrevoir  que  la  continuation  de  son  emploi  dépendroit 
peut-être  des  bons  témoignages  qu'elle  me  forceroit  de  vous 
rendre  en  remplissant  ses  devoirs  avec  plus  d'attention.   Ce 


dire  qu'il  triomphe  des  erreurs  et  des  blasphèmes  dont  celui  de  son  adver- 
saire est  tissu. 

»Mgr  de  Heaumont,  archevêque  de  Pans,  dont  il  a  l'honneur  d*ôtre  connu, 
a  encouragé  S3s  talents  par  une  lettre  qui  prouve  tout  le  cas  que  ce  digne 
prélat  fait  de  ses  lumières,  et  Mgr  le  cardinal  de  Demis,  connu  partout 
par  ses  lumières  et  son  esprit,  Ta  honoré  d'un  commerce  réglé. 

2>Quant  aux  vertus  qu'il  a  apportées  dans  la  société,  sa  conduite  vers  moi 
en  est  la  preuve.  Après  avoir  perdu  un  père  dans  le  plus  bas  âge,  que  son 
inconduite  a  lait  mourir  pauvre,  il  m'a  accueilli,  m'en  a  servi  lui-même 
d'une  façon  digne  du  père  le  plus  tendre,  et  l'état  que  j'ai,  je  le  tiens  de  lui. 

2>Mais  son  peu  de  fortune  le  mettant  dans  l'impossibilité  non- seulement 
de  pouvoir  m'étre  utile,  mais  môme  de  pouvoir  vivre  avec  décence,  j'ose 
supplier  Votre  Grandeur  de  vouloir  bien  lui  accorder  ou  un  bénéfice,  ou 
une  pension.  Si  c'est  un  bénéfice,  il  le  desservira  avec  le  même  zèle  qu'il  a 
eu  jusqu'à  présent  ;  et,  s'il  faut  une  approbation  ou  des  certificats  de  son 
évoque,  i)  les  a  trop  bien  mérités  pour  qu'il  ne  les  lui  accorde  pas;  et 
Mgr  do  Durfort,  aujourd'hui  archevêque  de  Besançon,  qui  avait  rempli 
la  place  d'évêque  de  Montpellier  avant  Mgr  de  Malide,  et  qui  Thonorait  . 
de  son  estime  particulière,  ne  les  refusera  pas.  » 


280  DIALECTES    MODERNES 

seroit  lui  refuser  la  justice  qui  lui  est  due  que  de  vous  taire 
un  changement  qui  lui  fait  hcmneur;  on  ne  peut  porter  les 
soins  et  la  vigilance  plus  loin  qu'elle  le  fait  depuis  environ 
deux  mois.  Du  reste,  ses  mœurs  et  sa  piété  ont  toujours  été 
exemplaires  ;  les  murmures  contre  elle  ne  sont  plus  aujour- 
d'huj  que  dans  la  bouche  de  deux  ou  trois  personnes  amou- 
reuses de  la  nouveauté,  naturellement  turbulentes,  et  qui 
passent  tous  les  jours  de  Tamitié  à  la  haine  sans  autre  motif 
(jue  leur  caprice.  J'espère  que,  si  Votre  G^randeur  veut  bien  lui 
laisser  le  poste  qu'elle  occupe,  elle  en  remplira  les  obligations 
avec  le  même  zèle  qu'elle  le  fait  à  présent.  Quant  à  Tautre 
personne,  dont  le  sort  fait  pitié,  tandis  que  son  retour  à  Dieu 
continue  à  me  combler  de  joye,  j'avoue  que  son  état  me  pé- 
nètre d'une  vraie  douleur,  d'autant  plus  que  mon  indigence 
propre  ne  peut  être  d'un  grand  secours  à  sa  misère.  Une  per- 
sonne charitable  me  remettoit  6  fr.  tous  les  mois  pour  elle  ;  il 
y  en  a  trois  que  je  n'en  aj  rien  reçu,  et  je  lui  ai  continué 
moi-même  cette  pension  jusqu'à  présent;  mais  ma  petite 
bourse  est  à  sec,  et  je  suis  à  cet  égard  dans  le  plus  cruel  em- 
barras. Mais  vous,  Monseigneur,  qui  êtes  le  père  de  tous  les 
pauvres  et  dont  la  charité  inépuisable  peut  tout  ce  qu'elle 
veut,  et  veut  toujours  le  bonheur  de  la  vertu  affligée,  permettez 
que  je  supplie  Votre  Grandeur,  ou  de  donner  à  cette  pauvre 
fille  une  régence  ailleurs,  s'il  en  est  de  vacante,  ou  une  place 
dans  quelque  maison  religieuse,  ou,  enfin,  ce  que  votre  géné- 
rosité jugera  à  propos  de  faire  en  sa  faveur.   J'ai  l'honneur 

d'être.  Fabre,  prêtre. 

Gastelnau,  le  t"'  niay  1761  '. 

*  L*évêque  répondit  sur  la  môme  feuille  :  «  Je  suis  charmé  d'apprendre 
que  la  régente  de  votre  paroisse  a  profité  de  vos  avis,  et  qu'elle  s'acquitte 
aujourd'hui  de  ses  devoirs  avec  une  application  et  une  assiduité  qui  la 
met  à  couvert  de  tout  reproche.  Tandis  qu'elle  se  soutiendra  de  mesmo, 
je  n'auray  garde  de  la  destituer.  Je  ne  connois  pas  l'état  et  la  situation 
de  l'autre  fille  dont  vous  me  parlez.  Quand  vous  m'en  aurez  instruit,  je 
verray  si  je  puis  faire  quelque  chose  pour  elle.  Je  suis,  Monsieur,  tout  à 
vous 

»  Ce  3  may  1761  f  F.,  évoque  de  Montpellier.  » 


LETTRES  INÉDITES  DE  T-'aBBÉ  FWRP:  281 


II 


A  Counioiit"r!'al  lo  28*  qiay  1774 

J'ai  reçu  hier,  mon  cher  ami,  la  lettre  que  vous  m'avez 
écrite  d'Amiens.  Elle  m'a  fait  autant  de  plaisir  que  la  précé- 
dente nous  avoit  causé  d'inquiétude,  à  votre  mère  et  à  moi. 
Vous  pouvez  continuer  à  les  adresser  chez  M.  Allut,  qui  vous 
salue.  M.  et  M'"'' de  Saint-Priest,  chez  qui  j'eus  l'honneur  de 
diner  hier,  et  qui  prennent  le  plus  vif  intérêt  à  ce  qui  vous 
regarde,  me  firent  part  d'une  lettre  fort  honorable  pour  vous 
que  leur  a  écrit  M  le  chevalier  de  Pontécoulant.  Us  me  témoi- 
gnèrent à  ce  sujet  une  satisfaction  qui  me  combla  de  joje. 

Soutenez,  mon  fils,  ces  heureux  commencemens.  Animez- 
vous  à  bien  faire,  et  honorez  des  protecteurs  qui  ne  se  dé- 
mentiront point  si  vous  ne  les  découragez  vous-même.  Je  sens 
que  les  premières  épreuves  sont  rudes  et  fatigantes,  et  qu'il 
seroit  dangereux  pour  votre  santé  de  pousser  le  désir  de  bien 
faire  trop  au  delà  du  devoir;  mais,  sans  en  excéder  les  bor- 
nes, on  peut  le  remplir  avec  distinction,  quand  on  a  l'amour 
de  son  état;  le  zèle  et  ensuite  l'habitude  rendent  tout  aisé.  Si 
vous  voulez  réussir  infailliblement,  mettez  Dieu  de  votre  côté. 
Le  préjugé  le  plus  odieux  et  le  plus  funeste  seroit  celui  de 
penser  que  la  profession  que  vous  avez  embrassée  dispense 
des  plus  étroites  obligations  du  chrétien.  Souvenez-vous,  aai 
contraire,  que  c'est  dans  cette  position,  plus  encore  que  dans 
toute  autre,  que  les  lumières  et  les  secours  de  la  religion  sont 
nécessaires.  Destiné  au  service  d'un  roi  delà  terre,  n'oubliez 
point  celui  du  roi  des  cieux.  L'un  et  l'autre  font  le  parfait  mi- 
litaire quand  on  sçait  les  réunir,  et  je  n'aurai  jamais  une 
grande  idée  de  la  probité  de  ceux  qui  les  divisent.  Il  est  des 
vertus  (Fétat  dont  la  pratique  vous  est  indispensable,  et  dont 
je  vais  légèrement  vous  tracer  ici  quelques  règles  :  il  faut 
aimer  sa  vocation,  ou  la  regarder  comme  nulle  et  y  renoncer. 
On  se  lasse  bientôt  de  ce  qu'on  ne  fait  point  par  inclination. 
Tâchez  donc  de  soutenir  celle  que  vous  avez  témoignée  jusqu'à 


282  DIALECTES   MODERNES 

présent  pour  le  parti  des  armes.  Ajez  pour  vos  supérieurs, 
quels  qu'ils  soient,  ce  respect  et  cette  docilité  qu'exigent  la 
discipline  et  la  subordination  ;  faites  plus  encore,  allez  au 
devant  de  tout  ce  qui  peut  leur  faire  plaisir,  et  proposez-vous 
en  tout  de  mériter  leurs  bontez  et  leur  confiance.  Quelques 
démarches  ne  suffisent  pas  ;  mais  la  constance  les  obtient  in- 
failliblement. Faire  sa  cour  avec  persévérance  est  un  moyen 
sûr  de  gagner  et,  s'il  est  permis  d'user  de  cette  expression, 
d'apprivoiser  les  hommes,  surtout  quand  le  cœur  est  de  la 
partie.  On  fait  alors  les  choses  de  si  bonne  grâce  que  ce 
piège  innocent  devient  pour  eux  inévitable.  Ayez  pour  vos 
égaux  cette  douceur,  cette  déférence,  qui  fait  le  charme  de  la 
société.  Point  d'humeur,  point  d'amour-propre;  cédez  aisé- 
ment, mais  sans  bassesse.  On  se  tire  mal  d'afî'aire  quand  on  a 
l'imprudence  de  s'entêter,  et  on  perd  tout  le  fruit  d'une  bonne 
conduite  passée,  lorsqu'on  s'engage  trop  avant  pour  des  mi- 
nuties. 

Soyez  tout  à  tous  et  point  d'intimité  particulière,  au  moins 
marquée.  Cette  préférence  expose  à  des  inconvéniens  sans 
nombre  et  occasionne  les  événemens  les  plus  fâcheux  ;  c'est 
là  peut-être,  de  tout  ce  que  je  vous  ai  dit,  ce  qui  mérite  le 
plus  une  attention  scrupuleuse  et  continuelle  de  votre  part. 
M.  de  Saint-Priestmefit  la  grâce  de  me  dire  qu^il  vous  avoit 
donné  ses  conseils  ;  quoique  je  sois  bien  persuadé  que  vous  ne 
les  avez  pas  oubliés,  ils  sont  pour  vous  d'une  telle  consé- 
quence que  je  crois  devoir  ici  vous  les  répéter.  Leurs  ob- 
jets sont  l'économie  ;  pour  en  sentir  la  nécessité,  vous  n'avez 
qu'à  vous  représenter  la  médiocrité  de  vos  ressources.  La 
privation  du  jeu  suit  du  même  principe.  La  régularité  des 
mœurs  ;  ah  !  mon  cher  fils,  armez-vous  sans  cesse  contre  les 
vices  opposez  :  on  n'est  plus  bon  à  rien  quand  on  se  permet  à 
cet  égard  la  moindre  faiblesse,  et  c'est  échouer  de  la  manière 
la  plus  indigne  dès  qu'on  a  cédé  le  moindre  empire  à  cette 
passion  funeste  ;  c'en  est  fait,  le  cœur  se  flétrit,  l'âme  se  dé- 
grade, et  les  objets  de  la  plus  noble  ambition  ne  présentent 
plus  rien  de  flatteur.  Nous  ne  le  voyons   que  trop  tous  les 


LETTRES  INÉDITES  DE  l'aBBÉ  FAVRE  283 

jours  :  on  n'est  ni  bon  ami,  ni  bon  parent,  ni  bon  citoyen, 
moins  encore  bon  militaire,  quand  une  fois  on  a  donné  dans  cet 
écueil  ;  c'est  le  naufrage  de  tous  les  biens  et  la  sentine  de  tous 
les  maux. 

M.  de  Saint-Priest  regarde  comme  très-mal  fondée  la  crainte 
de  vos  messieurs  pour  la  réforme  des  gardes  du  roi.  Ainsi,  je 
crois  que  vous  pouvez  vous  rassurer  à  ce  sujet. . .  Adieu,  mon 
cher  ami,  prends  courage  ;  tout  va  son  petit  train  ordinaire 
chez  nous,  à  Tennui  près.  Nous  ne  parlons  jamais  que  de  toi 
avec  ta  tendre  mère  ;  elle  t'embrasse  un  million  de  fois.  Ne 
nous  laisse  jamais  dans  la  peine  sur  ton  sort,  écris-nous  sou- 
vent  Adieu;  je  suis  toujours  ton  bon  oncle  et  le  plus  affec- 
tionné de  tes  amis. 

Fabre,  p". 

A  M.  DE  Saint-Castor,  garde  du  i^oi  dans  la  com- 
pagnie de  Luxembourg,  en  garnison  en  Picardie 

[Amiens)  * . 

III 

Nous  voilà,  s'il  plaît  à  Dieu,  bientôt  au  terme  de  votre  ab- 
sence, mon  cher  fils  ;  quoique  ce  terme,  tout  prochain  qu'il 
est,  paroisse  encore  bien  éloigné  à  notre  tendresse,  ce  sera 
encore  à  Cornonterral  que  vous  nous  rejoindrez.  Si  je  n'eusse 
pas  joué  de  malheur  à  mon  ordinaire,  j'avais  lieu  de  me  pro- 
mettre que  ce  ne  seroit  pas  là  que  se  ferait  notre  réunion  :  il 
n'a  pas  tenu  à  M.  et  M™®  de  Saint-Priest,  à  MM.  nos  grands 
vicaires,  à  M^^  de  Malides,  notre  évêque,  et  à  mille  honnêtes 
gens  qui  ont  tous  été  forcez,  comme  moi,  que  ce  ne  fût  dans 
un  poste  plus  paisible,  plus  avantageux  et  plus  lucratif.  Mais 
j'espùre  que  le  sort  cessera  de  me  persécuter,  et  que  nos  pro- 
tections corrigeront  la  maligne  influence  de  ma   mauvaise 

'  Pour  faire  meilleure  figure  au  corps,  il  avait  fallu  modifier  un  peu 
le  nom  de  famille  :  Jean-Baptiste-Caslor  Fabre  était  devenu  le  chevalier  de 
Siint-Castor,  et  l'oncle  avait  dû  sigaer  lui-même  daas  ses  lettres  :  Fabie 
de  Saint-Castor. 


284  DIAI  BCTBS    MODERNES 

étoile.  Si  vous  passez  à  Paris  avant  votre  retour  ici,*  ne  man- 
quez point  d'j  saluer  M«^  de  Malides.  Cette  démarche  de  votre 
part  lui  est  due  et  nous  sera  utile.  Il  a  de  très-bonnes  inten- 
tions;  il  est  sage  de  ne  rien  négliger  pour  les  entretenir.  Je 
vis  hier  M.  le  comte  de  Ganges  ;  il  a  fait  de  vous,  à  tout  le 
monde,  Téloge  le  plus  flatteur.  Tâchez  de  ne  le  point  démentir, 
et  forcez  par  votre  bonne  conduite  les  envieux  à  se  taire  et 
nos  bons  amis  à  agir  pour  votre  avancement.  Je  vous  assure 
qu'ils  n'y  ont  jamais  été  mieux  disposez  qu'aujourd'hui.  Je  ne 
puis  vous  cacher  que  j'ai  fait  faire  à  votre  mère  une  démarche 
qui  lui  coùtoit,  mais  dont  elle  a  lieu  de  s'applaudir  et  de  se 
féliciter.  Je  voulus  qu'elle  se  déterminât  à  venir  avec  moi  à 
Château -d'Eau,  remercier  M.  et  M""®  de  Saint-Priest  de  la 
protection  constante  et  très-décidée  dont  ils  nous  honorent  ; 
elle  le  fit.  Je  vous  assure,  mon  fils,  qu'elle  y  reçut  un  accueil 
tel  qu'on  ne  l'eût  peut-être  pas  fait  aux  personnes  de  la  plus 
haute  considération.  La  scène  est  très  récente;  elle  est  de 
mardy  passé,  et  trop  intéressante  pour  ne  pas  vous  en.  faire 
part.  Votre  mère  jouit  d'une  santé  si  brillante,  elle  a  repris 
un  embonpoint  si  picquant  que,  si  je  ne  la  voyois  tous  les 
jours,  j'y  serois  trompé  moi-même,  et  j'imaginerois  qu'elle  s'est 
arrêtée  à  l'âge  de  vingt-cinq  ans  ;  il  semble,  en  vérité,  que  les 
années  ne  coulent  pas  pour  elle,  (^e  jour-là,  elle  se  mit  dans 
un  état  de  décence  qui,  s'il  n'alloit  pas  jusqu'à  la  parure,  et  à 
l'élégance,  étoit  au  moins  dans  toutes  les  règles  du  bon  goût. 
M.  et  M™®  de  Saint-Priest  la  virent  avec  tant  de  surprise,  la 
reçurent  avec  tant  de  marques  d'inclination  et  d'amitié,  lui 
firent  tant  de  politesses,  que  je  n'ai  jamais  été  témoin  d'un 
spectacle  plus  flatteur  pour  moi.  Ma  lettre  serait  trop  longue 
si  j'entrois  dans  le  détail  de  cette  scène  délicieuse.  Vous  en 
tirerez  tout  le  fruit,  s'il  plaît  à  Dieu,  à  votre  retour,  car  vous 
y  avez  gagné  !  Elle  a  beaucoup  sollicité  pour  vous,  et  la  solli- 
citeuse ne  pouvoit  être  plus  au  gré  des  protecteurs.  M.  de 
Saint-Priest  lui  a  promis,  de  la  meilleure  grâce  du  monde  et 
avec  toute  l'effusion  de  sa  sincérité  ordinaire,  qu'il  s'occupe- 
roit  de  votre  avancement,  et  qu'il  espéroit  de  ne  pas  s'em- 


LBTTRB8  INEDITES  i)Ë  L^ABBÉ   FAVRE  t85 

ployer  sans  succès.  J'irai  Tannée  prochaine  à  Paris,  luiditril, 
et  je  ne  négligerai  aucune  occasion  de  Tépauler  de  tout  mon 

pouvoir  :  ce  furent  là  ses  termes  les  moins  expressifs 

Partez,  mon  fils,  le  plus  tôt  qu'il  vous  sera  possible.  Notre 
impatience  augmente  à  mesure  que  Tépoque  de  la  consolation 
et  du  plaisir  approche. . . .  Vous  trouverez  ici  M.  le  chevalier 
de  Saint-Priest,  qui  m'a  parlé  de  vous  avec  le  ton  de  la  véri- 
table amitié.  Je  crois  que  vous  le  verrez  dans  peu  avec  un 
bâton  d'exempt,  dans  votre  compagnie  ;  nouvel  ami  qui  ne  vous 
sera  pas  inutile,  et  à  qui  vous  ne  devez  pas  manquer  de  donner 
ici  toutes  les  preuves  de  votre  bon  cœur  et  d'un  sincère  atta- 
chement. Adieu!  mon  cher  fils;  ouvrez  votre  cœur  à  la  joye. 
Si  vous  nous  aimez,  comme  nous  n'en  doutons  pas,  le  repos  et 
les  plaisirs  d'une  tendresse  réciproque  vous  dédommageront 
bientôt  de  vos  peines  et  nous  de  nos  chagrins.  Adieu  !  nous 
t'embrassons  bien  tendrement  en  idée  ;  juge  de  ce  qu'il  en  sera 
({uand  nous  pourrons  le  faire  dans  la  réalité.  C'est  une  mère, 
c'est  un  oncle  dont  tu  connais  les  sentiments  invariables,  qui 

t'attendent.  Adieu! 

Fabre  dk  St-Castok,  p". 
Cornont»>rral,  le  19*  juin  1775.   , 

A  M.  de  Saint-Castor,  yarik  du  roi  de  la  cofnpaynie  de  Ltuem- 
bourg,  actuellement  à  la  Cour  pour  la  reine;  à  Saint-Ger^ 
main. 


IV 


Cornon terrai,  le  7*  avril  1777. 

Je  ne  doute  pas,  mon  cher  ami,  que  ton  voyage  n!ait  été 
pénible  ;  la  rigueur  du  tems  que  nous  essuyions  ici  et  qui  dure 
encore  nous  a  tenus,  ta  mère  et-  moi,  dans  des  alarmes  con- 
tinuelles sur  ton  compte,  jusqu'à  l'heureux  moment  où  nous 
avons  reçu  de  tes  nouvelles.  Une  gelée  cruelle  a  désolé  telle- 
ment la  campagne  dans  ces  cantons,  que  la  feuille  des  meu- 
riers  est  entièrement  morte,  et  que  nous  pouvons  y  regarder 
la  vendange  comme  déjà  faite.  Te  voilà  arrivé,  après  bien  à%% 


Z86  DIALECTES  MODERNES 

fatigues,  au  pais  des  nouvelles  fatigues.  Je  te  plains,  et  j'eusse 
souhaité  de  tout  mon  cœur  prolonger  pour  toi  les  huit  jours 
de  délices  que  tu  as  goûtés  à  Paris  ;  c'est  autant  de  pris  en 
passant.  Mais,  mon  ami,  nous  éprouverons  toujours  dans  cette 
vie,  que  le  sort  y  est  très  libéral  pour  les  peines  et  d'une  éco- 
nomie qui  tient  de  la  lézine  dans  la  distribution  des  plaisirs. 
Ce  que  tu  m'apprends  des  bonnes  intentions  de  M°®  la  baronne 
me  réjouit  d'autant  plus  que  j'y  vois  au  moins  les  tiennes,  et 
que,  si  toute  autre  chose  manque,  l'essentiel  reste  :  je  veux 
dire  ton  amitié  pour  un  oncle  qui  en  connoît  tout  le  prix. 
Donne-toi  tous  les  mouvements  que  tu  pourras,  je  ne  t'en 
aimerai  pas  davantage  ;  mais,  si  tu  viens  à  réussir,  c'est  toi 
seul  qu'il  sera  question  de  féliciter.  Je  voudrois  bien  que  le 
malheur  qui  me  suit  ne  s'étendît  pas  jusqu'à  toi,  et  que  ce 
fût  ce  que  j'ai  de  plus  cher  au  monde  qui  pût  rompre  l'en- 
chantement. Le  cher  monsieur  de  Laage  te  manque  ;  c'est  une 
perte  que  je  ressens  comme  toi-même  :  on  se  console  plus 
aisément  de  celles  de  la  bourse  que  de  celles  du  cœur,  surtout 
quand  on  est  capable,  comme  toi,  de  faire  la  différence  du  prix 
des  vertus  et  des  sentiments  d'avec  celui  du  métal. ... 

Nos  affaires  avec  le  vénérable  Delort  tirent  à  leur  fin,  et, 
malgré  ses  impostures,  ses  calomnies,  ses  souplesses,  ses  lamen- 
tations et  ses  bravades  ;  malgré  le  soin  qu'il  avait  eu  de  me 
barbouiller  à  l'évêché,  j'ai  lieu  de  croire  que  la  conclusion  ne 
lui  sera  pas  honorable.  On  m'a  délivré  de  lui,  c'est  toujours 
quelque  chose  de  gagné;  et  j'ai  eu  l'avantage  de  le  convaincre 
de  tant  de  mensonges  et  de  turpitudes  devant  M.  Leherissey, 
qu'il  est  à  la  veille  d'être  aussi  avant  dans  les  bonnes 
grâces  des  supérieurs  ecclésiastiques  qu'il  l'était  dans 
celles  des  supérieurs  de  son  corps.  Il  s'était,  en  dernier  lieu, 
tellement  brouillé  avec  notre  prédicateur,  que  la  principale 
querelle  est  aujourd'huy  entre  les  mains  de  ces  deux  généreux 
champions.  Fasse  le  Ciel  qu'ils  ne  poussent  pas  trop  loin  leur 
ressentiment  monastique  ;  mais,  comme  l'un  est  de  Moissac  et 
l'autre  d'Avignon,  on  a  lieu  d'espérer  que  les  choses  se  passe- 
ront sans  risque  et  sans  scandale.  On  m'a  envoyé  à  sa  place  un 


LBTTRBS  LSBDITBS  OS  l'aBBB  FATRB  W 

ecclésiastique  d'un  certain  âge,  qui  me  parott  trèa-faisonnable 
et  très-sensé,  videbùnus  ûi/rà.  Agis  toigours  pour  les  af&ires 
en  question,  ménage  ta  santé;  aimes -nous  toijgours  comme 
nous  t'aimons,  ta  mère  et  moi.  Adieu  !  mon  ami;  je  ne  sais 
quel  nom  te  donner  qui  te  convienne  mieux. 

Fayrb  db  St-Castor,  p**. 

A  M.  le  chevalier  de  St-Gastor,  garde  du  roi  doM  la  corn- 
pagnie  de  Luxembourg  y  en  garnison  en  Picardie;  Amiens. 


J'ai  lu  avec  plaisir,  mon  ami,  la  copie  de  Tarrét  rendu  par 
la  Cour  du  Parlement  de  Paris,  en  faveur  de  ton  aimable 
épouse,  ma  chère  nièce.  J'aurois  bien  voulu  Tavoir  lors  de 
ma  première  visite  à  M.  de  St-Priest  ;  mais  je  lui  en  ferai 
part  demain,  en  lui  portant  son  étrenne  ordinaire  pour  la 
nouvelle  année.  Les  vœux  que  je  fais  pour  lui  sont  sincères  ; 
mais  vous  ne  doutez  pas,  vous  autres,  ou  vous  seriez  in- 
justes, que  ceux  que  je  fais  pour  vous  ne  soient  assez  ar- 
dents pour  mettre  le  ciel  en  feu.  J'ai  tant  à  vous  dire  là- 
dessus  et  sur  mille  autre  choses  qu'il  ne  m'est  pas  loisible 
de  le  confier  au  papier.  Partez  au  plus  tôt  possible,  mescbers 
enfants;  venez  puiser  chez  moi  et  m'y  rendre  des  con- 
solations dont  nous  avons  tous  besoin.  Là,  nous  concerterons 
mieux  ce  que  nous  avons  à  faire  pour  nous  tirer  de  peine. 
Venez  surtout  rendre  à  une  tendre  mère  une  santé  qu'elle 
ne  peut  recouvrer  en  votre  absence;  elle  a  besoin  de  ce 
remède,  que  je  regarde  comme  spécifique.  Où  vous  êtes-vous 
confinés,  bon  Dieu  ?  Pourquoi  ne  pas  pousser  plus  près  de 
nous,  afin  de  nous  rejoindre  avec  plus  de  promptitude  et 
moins  d'embarras?  Narbonne,  Béziers  et  d'autres  endroits 
plus  voisins  encore,  ne  valaient-ils  pas  le  trou  de  la  Gas- 
cogne où  vous  vous  êtes  exilés  ?  Venez  au  plus  tôt  ;  ce  n'est 
pas  de  là  qu'on  fait  ses  affaires;  les  ressources  de  toute  espèce 
sont  ici  plus  abondantes.  Ecoute  toi,  grand  garçon,  je  ne 


288  DIALKCTBS    MODKRNES 

puis  te  souffrir  là-bas  ;  tu  t'y  rouilles,  et  les  circon^nces, 
les  obstacles  que  vous  avez  à  vaincre,  les  ressorts  qu'il  faut 
remuer,  les  résolutions  qu'il  faut  prendre,  demandent  de  ta 
part  plus  d'énergie.  Ne  manquez  pas  de  venir  tous  deux, 
et,  dès  ma  lettre  reçue,  marquez-moi  quels  sont  vos  désirs  et 
vos  besoins.  En  attendant,  mille  tendres  embrassemens  à 
Madame  ,  à  notre  chère  enfant ,  que  vous  aurez  soin  de  re- 
mettre en  des  mains  sûres,  jusqu'à  ce  qu'elle  nous  donne  la 
satisfaction  de  passer  entre  les  nôtres....  Adieu,  moucher 
ami;  adieu,  ma  chère  mère  ;  adieu,  mon  adorable  et  trop 
jeune  Adélaïde  ;  quand  aurois-je  le  bonheur  de  vous  voir  unis 
'  à  moi  par  le  corps  comme  je  vous  le  suis  par  les  plus  tendres 

sentiments  du  cœur  ? 

Favre  de  St-Castor. 

A  Gelleneuve,  le  8'  janvier  1781. 

A    M.   DE  Maret,  capitaine  à   la  suite    de  la  cavalerie j    chez 
Madame  Pontan,  au  port  d'Auoillars,  par  Valence-d'Agen, 

VI 

Tu  dois,  mon  ami,  un  remercîment  àM.le  prince  de  Tingrj, 
pour  une  lettre  qui  t'étoit  adressée  de  sa  part  à  Montpellier, 
en  date  du  8®  février.  Je  t'en  envoie  la  copie.... 

Je  suis  charmé  d'apprendre  que  vous  quittiez  une  ville 
aussi  dispendieuse  que  l'est  Bordeaux,  pour  passer  dans  une 
autre  où  vous  trouverez,  sHl  plaît  à  Dieu,  moins  de  trouble, 
autant  d'agrémens  et  plus  d'aisance.  Tu  te  rapproches, d'ail- 
leurs, d'un  ami  dont  Taifection  t'est  connue  et  ne  peut  t'être 
qu3  très-utile  dans  les  circonstances  présentes.  Assure-le,  de 
mil  part,  de  toute  la  reconnoissance  dont  un  cœur  sensible 
peut  être  capable.  La  fermeté  de  M"®  de  M...  m'enchante. 
Elle  a  raison  de  ne  se  point  laisser  abattre  par  des  revers  trop 
violents  et  trop  cruels  pour  être  durables.  Je  ne  voy  pas,  il 
est  vrai,  que  vous  touchiez  encore  au  terme  de  vos  épreuves. 
L'éloignement  des  lieux  ne  permet  pas  de  se  le  promettre  de 
sitôt;  mais  la  Providence,  qui  conduit  tout,  vous  j  fera  arriver 


LETTRES  INEDITES  DE  l'aBBE  FAVRE  289 

un  jour.  Implorez  avec  moi  son  divin  secours;  soyez  en 
garde  contre  toute  foiblesse  qui  pourroit  F  aigrir  ;  aimez- vous 
Tunet  l'autre,  et  aimez-vous  bien,  cela  est  juste,  et  je  ne  crois 
pas  que  le  ciel  le  désapprouve  ;  sed  pudice,  c'est  le  moyen 
d'obtenir  son  assistance  et  de  n'avoir  un  jour  qu'à  le  bénir  de 
ses  bienfaits.  Dis  à  ton  aimable  moitié  tout  ce  que  tu  sçais 
que  je  sens  pour  elle  :  c'est  lui  faire  connoître  mon  cœur  que 
de  lui  exprimer  ce  qui  se  passe  dans  le  tien;  avec  cette  diffé- 
rence pourtant  que  tu  dois  l'aimer  avec  toute  la  vivacité  de 
l'amour,  et  que  je  l'aime  avec  toute  la  tendresse  de  l'amitié. 
Comme  ce  sentiment  n'a  rien  d'alarmant  pour  elle,  fais-lui 
entendre,  je  te  prie,  qu'elle  daigne  le  payer  de  quelque  retour. 
Adieu,  mou  ami;  veille  à  sa  conservation,  à  son  bien-être,  et 
ménage-toi,  si  tu  comptes  mon  repos  et  ma  santé  pour  quelque 
chose.  Adieu,  ta  mère  va  très-bien  et  vous  embrasse  comme 
le  bon  vieux  oncle. 

Favre  de  St- Castor. 
A  Celleneuve,  le  12*  mars  1781 . 

Yll 

Clelleneuve,  le  7- juillet   1781. 

Je  n'ai  reçu  que  jeudi  passé,  b^  du  courant,  ta  lettre  datée 
du  26*^  juin  dernier.  Ces  délais  sont  fâcheux  et  nous  font  tort. 
J'apprcns  (^ue  ta  situation  est  gênée  et  j'en  suis  au  désespoir, 
sans  en  être  surpris  ;  vous  seriez  moins  malheureux  si  tout 
le  monde  avoit  pour  vous  la  même  bonne  volonté  que  moi,  ou 
si  mes  lacultez  répondoient  à  mon  inclination.  J'en  suis  encore 
aux  mêmes  enseignes  avec  ceux  qui  en  veulent  à  mon  bé- 
uêiicc  ([ue  j'ai  acheté  pour  trois  années,  par  les  avances  qu'il 
a  fallu  faire  la  première.  Je  ne  sçai  comment  tout  ceci  tour- 
nera; mais  tout  au  moins  l'affaire,  qui  ne  fait  que  menacer 
encore,  atout  l'air  d'être  fortlongue,  si  elle  vient  à  s'engager 
sérieusement.  Si  mes  compétiteurs  laissent  encore  passer 
tr(âs  mois,  il  ne  sera  plus  question  de  rien  ;  ceci  m'a  tellement 
in([uiétê,  ainsi  que  ta  mère,  que  notre  santé  en  est  considéra- 

'    20 


290  DIALECTES   MODERNES 

blement  altérée.  Mais  laissons  là  cette  affaire  et  parlons  des 
vôtres,  qui  m'affectent  infiniment  davantage....  Il  ne  me  reste 
qu'un  parti  à  vous  proposer  :  tout  i?nd  à  votre  ruine  ;  je  le 
vois,  c'est  ici  un  jeu  où  Ton  veut  vous  perdre  et  vous  faire, 
pour  ainsi  dire,  périr  à  petit  feu.  Votre  plus  juste  est  de  venir 
chez  moi  et  d'y  rester  jusqu'à  la  fin  de  la  guerre  ;  qu'elle 
dure  ou  non,  nous  en  attendrons  la  fin  avec  patience.  Ma- 
dame de...,  qu'on  ny  connoît  point,  y  passera  pour  une  nièce 
de  ta  mère  qui  la  sera  venue  voir,  et  nous  nous  y  donnerons, 
en  attendant,  les  consolations  dont  nous  avons  besoin  et  que 
la  seule  amitié  peut  procurer.  Si  ce  parti,  que  je  souhaite  que 
vous  preniez,  vous  convient  à  l'un  et  à  l'autre,  assurez  le 
sort  de  notre  chère  petite  Adélaïde,  faites-moi  un  état  de  vos 
dettes  et  marquez-moi  promptement  ce  qu'il  faut  pour  le 
voyage ,  en  me  donnant  ici  le  temps  de  respirer.  J'espère  que 
le  Ciel  me  mettra  à  même  de  pourvoir  à  tout,  et  de  vous  aider 
efficacement  à  terminer  vos  peines  et  les  nôtres.  Qu'au  reste, 
des  ombrages  et  des  craintes  ridicules  ne  vous  arrêtent  point  ; 
la  prudence  les  dissipera,  et  j'espère  que  le  repos  et  le  plaisir 
en  prendront  la  place.  Embrasse  tendrement  de  notre  part, 
mon  ami,  une  épouse  qui  t'achète  cher  et  qui  te  coûte  infini- 
ment moins  qu'elle  ne  vaut,  une  fille  que  nous  adorons  et  qui 
manquera  quelque  tems  à  notre  joye.  Assure  Madame  de 
de  L'Ostande  de  toute  l'affection  de  sa  cousine  et  de  la  mienne, 
et  crois  toujours  comme  un  article  de  foi  que  la  prunelle  de 
nos  yeux  ne  nous  est  pas  plus  chère  que  l'aimable  étourdi 
à  qui  j'adresse  ma  lettre. 

Favre  de  St- Castor. 


VIII 


Quelqu'amers  que  soient  pour  moi  les  reproches  que  tu 
me  fais  sur  mon  silence,  je  te  les  pardonne  ;  mais  je  ne  te 
passe  pas  également  certaines  craintes  que  tu  ne  peux  con- 
cevoir qu'avec  la  dernière  injustice,  et  dont  tu  n'as  pas  craint 
de  me  régaler.  Ah!  mon  ami,  laisse  dévorer  quelques  chagrins 


LETTRES  INÉDITES  DE  l'aBBÉ  FAVRE  291 

prêts  à  finir  à  un  cœur  dont  tu  pris  possession  pour  Téter- 
nité  en  naissant,  et  ne  le  déchire  pas  toi-même,  tandis  que  son 
silence  est  un  témoignage  de  sa  tendresse  pour  toi. 

J'ai  pris  vivement  part  à  la  perte  que  Madame  de  M. . . 
vient  de  faire  dans  la  personne  de  M.  son  grand-père.  Je 
connois  trop  les  sentiments  de  cette  âme  bien  née  pour  douter 
un  moment  de  l'impression  que  cette  triste  nouvelle  a  dû 
lui  faire.  Ce  qui  pourra  peut-être  aider  à  sa  consolation, 
dans  les  circonstances  présentes,  c'est  qu'elle  et  toi  vous 
trouverez  plus  d'acheminement  à  votre  repos  et  un  obstacle 
de  moins  à  surmonter  pour  y   parvenir. 

Je  fis  voir  dernièrement  à  M.  de  St-Priest  la  copie  de 
l'arrêt  rendu  en  faveur  de  Madame  de  M...  et  de  sa  fille  au 
Parlement  de  Paris.  Voici  de  mot  à  mot  ce  qu'il  me  dit  à 
votre  sujet  :  Leur  séjour  à  la  petite  ville  où  ils  sont  est  un 
temps  perdu,  et  ils  pourroient  le  mieux  employer.  Leur  afi^aire 
demande  du  mouvement  et  de  l'énergie.  Avec  un  titre  aussi 
sur  et  aussi  légal  que  cet  arrêt,  il  ne  dépend  que  de  Ma- 
dame de  M. . .  de  se  faire  payer  pur  le  procureur  fondé  de  sa 
partie  adverse,  maisilfaudroit  poui*  cela  qu'elle  se  rendît  elle- 
même  à  Paris  pour  en  presser  l'exécution.  Il  faut  encore 
qu'elle  s'empare  de  sa  fille,  dont  elle  est  tutrice  naturelle  et 
(lu'on  ue  peut  lui  refuser,  non  plus  que  les  1200  fr.  de  pen- 
sion, sous  aucun  prétexte.  Le  sort  de  cet  enfant  est  d'autant 
plus  important  pour  la  mère,  qu'en  cas  de  mort  elle  est  son 
héritière  naturelle,  si  l'enfant  décédoit  après  le  père.  Pour 
votre  neveu,  je  lui  vois  perdre  sa  place  dans  les  gardes  du 
corps,  s'il  ne  va  servir  au  quartier.  Je  sçais  fort  bien  que 
leur  voyage  en  Amérique  est  inévitable ,  mais  il  n'est  rien 
moins  (jue  pressant  ;  qu'ils  fassent  leurs  afiaires  en  France, 
et  je  me  fais  fort,  après  un  quartier  de  service,  d'obtenir 
du  prince  de  Tingry  un  nouveau  congé  aussi  long  que  celui 
(ju'il  a  eu,  et  qui  est  sans  doute  près  d'expirer. 

Voilà,  mou  ami,  sur  quoi  je  vous  prie  de  méditer  sérieuse- 
ment Tuu  et  l'autre.  Quant  à  moi,  l'avis  me  paroit  prudent, 
mais  je  crains  (j[u'il  ne  soit  pas  de  votre   goût.  Quoi  qu'il  en 


296  DIALECTES   MODERNES 

Li  Bouquetiè 
Soun  pas  d'orne,  soun  de  papiè. 

(V.  de  C.  Glbizbs.) 

Les  gens  de  la  Roquette  ne  sont  pas  des  hommes,  —  mais  des 
silhouettes  de  papier. 

2 

Les  habitants  de  Montpellier  disent  des  campagnards  : 

Lou  paysan  dona  un  iôa 

Per  avedre  un  biôu. 
Le  paysan  ne  donne  un  œuf —  que  pour  avoir  un  bœuf. 

Les  campagnards   répondent  à  ce  reproche  d'avarice  par 
une  accusation  de  manque  de  courtoisie  : 

Couvit  de  Mounpeliè, 
Couvidà  à  Tescaliè. 

Les  invitations    (à  dîner)  des  gens  de  Montpellier  —  ne    se 
font  qu  alors  que  vous  avez  franchi  le  seuil  (pour  partir). 

3 

De  pajs  à  pays,  les  Bigordans  disent  : 

Beamés, 
Faus  e  courtes. 
Le  Béarnais  —  est  faux,  quoique  courtois. 

Les  Béarnais  répondent  : 

Bigordan, 

Pir  que  quant. 
Le  begordan  —  est  le  pire  (de  tous  les  hommes). 

On  nomme  aqueiramen  la  bravade  qui  se  dit  pendant  les 
combats  ou  luttes  à  coups  de  pierres  qui  résultent  de  ces  pro- 
vocations. 

III.  —  CHI 

Les  cris  {cnt,  cndada)  des  marchands  se  répètent  et  se 
transmettent  de  génération  en  génération,  sans  beaucoup  de 


CONTES   POPULAIRES  2d7 

changements.  C'est  ce  qui  a  fait  appeler  les  marchandes  des 
rues  repetieiras . 

1 

Cri  des  marchandes  de  tieurs  : 

Viuletas  de  février, 

Per  damas  e  per  cavaliers. 

Violettes  de  février,  —  pour  dames  et  cavaliers. 

2 

Cri  des  marchands  de  salade  : 

Ai  d'ansaladetas, 
Poulidetas, 
Fresquetas. 


Cri  des  marchands  de  limaçons  : 

3 

Ai  de  cacarauletas; 
Soun  caudetas , 
Fumou  ! 


Ou  bien  : 


Ai  des  cacarauletas , 
Des  cacarauletas  [bis], 


Cri  de  Tétameur: 

A  estamà 
Cassarola,  abrazà  ! 


Quelquefois   le  cri  est  une  véritable  chanson.  Tel  est  cet 
autre  de  Tétameur: 

A  estamà 
Cassarola,  abrazà, 
E  blanchi  las  fourchetas, 


296  DIALECTES   MODERNES 

Li  Bouquetiè 
Soun  pas  d'orne,  soun  de  papiè. 

(V.  de  C.  Gleizes.) 

Les  gens  de  la  Roquette  ne  sont  pas  des  hommes,  —  mais  des 
silhouettes  de  papier. 

2 

Les  habitants  de  Montpellier  disent  des  campagnards  : 

Lou  paysan  dona  un  iôa 
Per  avedre  un  biôu. 
Le  paysan  ne  donne  un  œuf —  que  pour  avoir  un  bœuf. 

Les  campagnards  répondent  à  ce  reproche  d'avarice  par 
une  accusation  de  manque  de  courtoisie  : 

Couvit  de  Mounpeliè, 
Couvidà  à  Tescaliè. 

Les  invitations  (à  dîner)  des  gens  de  Montpellier  —  ne  se 
font  qu'alors  que  vous  avez  franchi  le  seuil  (pour  partir). 

3 

De  pays  à  pays,  les  Bigordans  disent  : 

Bearnés, 

Faus  e  courtes. 
Le  Béarnais  —  est  faux,  quoique  courtois. 

Les  Béarnais  répondent  : 

Bigordan, 

Pir  que  quant. 
Le  begordan  —  est  le  pire  (de  tous  les  hommes). 

On  nomme  aqueiramen  la  bravade  qui  se  dit  pendant  les 
combats  ou  luttes  à  coups  de  pierres  qui  résultent  de  ces  pro- 
vocations. 

III.  —  CKI 

Les  cris  [crity  cridada)  des  marchands  se  répètent  et  se 
transmettent  de  génération  en  génération,  sans  beaucoup  de 


CONTES   POPULAIRES  »7 

changements.  C'est  ce  qui  a  fait  appeler  les  marchandes  des 
rues  repetidras . 

1 

Cri  des  marchandes  de  Heurs  : 

Viuletas  de  février, 

Per  damas  e  per  cavaliers. 

Violettes  de  février,  —  pour  dames  et  cavaliers. 

2 

Cri  des  marchands  de  salade  : 

Ai  d'ansaladetas, 
Poulidetas, 
Fresquetas. 


Cri  des  marchands  de  limaçons  : 

Ai  de  cacarauletas; 
Soun  caudetas , 
Fumou  ! 


Ou  bien  : 


Ai  des  cacarauletas , 
Des  cacarauletas  [bis]. 


Cri  de  Tétameur  : 

A  estamà 
Cassarola,  abrazà  ! 


Quelquefois  le  cri  est  une  véritable  chanson.  Tel  est  cet 
autre  de  Tétameur: 

A  estamà 
Cassarola,  abrazà, 
S  blanchi  las  fourchetas, 


298  DIALECTES    MODERNES 

Estamà  lou  peirôu  : 

Lou  travau 
Se  farà  couma  eau  ! 

6 

Et  ce  cri  d'une  marchande  de  fines  herbes  : 

Quauvôu  acheta  d'herbetas 
Ane  à  la  Blancariè, 
Aco  de  Marioun  la  coueta, 
Que  ne  dona  un  plein  paniè. 

La  Marioun  [bis) 
A  d'erbas  pie  soun  coutilhoun. 

IV.  —  CRI    DES   ANIMAUX  ET   DES  CHOSES 

D'après  les  paysans,  les  cris  des  animaux  sont  tous  signi- 
ficatifs. 


Le  coq  dit  aux  étrangers  : 

Cacaraca ! 
Me  tastaraspas! 

Goquerico,  —  tu  ne  me  mangeras  pas  I 

A  ses  maîtres  : 

Cacaraca  ! 
M'acabaras  pas! 

Goquerico,  — tu  ne  pourras  pas  m'achever  en  une  seule  fois! 

A  quoi   les  paysans  répondent  :  «  Ou  veiren  bé  !  —  Nous 
verrons  bien.  » 


Le  rossignol: 

Dur,  dur,  dur;  mol,  mol,  mol. 
Chuco,  chuco  al  roussignol! 


CONTES   POPULAIRES  299 

3 

La  caille  : 

Très  per  un!  — Très  per  un! 
Trois  pour  un  !  (bis) 

Ces  cris  étant  inarticulés  et  en  général  composés  de  po- 
lyphthongues,  et  la  langue  d'oc  rendant  très-bien  leurs  varia- 
tions vocales,  les  paysans  assurent  que  les  animaux,  les  oi- 
seaux surtout,  parlent  languedocien. 

Il  est  à  remarquer  qu'à  part  son  nom  ordinaire,  chaque 
animal  en  a  un  autre  tiré  de  son  cri  :  miau-miau  (le  chat\  ca- 
caraca  (le  coq),  piu-piu  (le  moineau),  chiu-chïu  ou  rechiuchïu 
(l'oiseau  chanteur),  cascalhà  (la  caille),  même  (le  mouton), 
bavhau  (le  chien),  etc. 

4 

Les  cloches  disent  aux  mortels  : 

Venés  lèu  !  —  Venés  léu  ! 

(V.  de  C.  Gleizes.) 
Venez  vite  !  —  Venez  vite  ' 


Les  cloches  de  Rieussec  : 

Que  tèn,  tèn  !  — Que  tèn,  tèn  ! 

(Proverbe .  ) 

Qui  tient,  — tient! 

Les  gens  de  Rieussec  ont  la  réputation  d'être  fort  inté- 
ressés. 

V. —  DIFFICULTÉS    DE    PRONONCIATION 

C'est  ce  qu'on  nomme  repetieiras.  Il  s'agit,  en  effet,  de  ré- 
péter ce  que  quelqu'un  a  dit,  pour  si  difficile  que  ce  soit,  sans 
se  tromper. —  On  a  pour  cela  dos  phrases  toutes  faites. 


Una  pouma  —  giroundenca.  —  Ai  !  —  oouci  me  degiroun. 
dencarài  î 


300  DIALECTES   MODERNES 


Tarascounen,  —  quante  jour  te  detarascounaras ? —  Me  de- 
tarascounarai  —  quand  lous  autres  Tarascounen  s  —  se  seran 
detarascounats. 


Un  coudoun  per  vous,  madama  ;  -  un  coudoun  per  vous, 
moussu;  —  très  coudouns  per  vous,  madama;  —  quatre  cou- 
douns  per  vous,  moussu  ;—  cinq,  etc. 


Coudoun  calha;  — calha,  coudoun.  — (Trois  fois  et  rapide- 
ment) 

On  finit  toujours  par  dire  :  «  Cada  couioun.  »  A  quoi  Ton 
répond  de  suite  :  a  Aube  per  vous  !  » 

yi.  —  DIT 

Lejitat  (trait,  répartie,  de  jitar,  jeter)  est  une  manière  de 
dire  sacramentelle  qui  s'applique  régulièrement  à  tel  ou  tel 
événement  de  la  vie,  à  telle  ou  telle  occasion. 


Ainsi,  lorsque  la  nouvelle  mariée  entre  dans  la  maison  de 
répoux,  la  belle-mère,  ou  à  défaut  la  plus  proche  parente, 
pourvu  qu'elle  soit  mariée,  jette  sur  elle  des  grains  de  fro- 
ment à  poignées,  en  signe  d'abondance  et  de  bonheur,  et  dit  : 

Tant  i'a  aqui  de  gros  de  blat. 
Tant  de  temps  segues  maridat. 

Autant  qu'il  y  a  là  de  grains  de  blé,  —  autant  d'années  soyez- 
vous  mariés. 

2 

Une  jeune  fille  qui  se  laisse  enlever  prononce  le  distique 
suivant,  en  s' arrangeant  de  façon  à  être  entendue  par  les 
voisins  : 


CONTES   POPULAIRES  301 

Adissias,  ma  maire,  —  revendrai  pas  pus. 
Partisse  dissapte,  —  revendrai  dilus. 

Adieu,  ma  mère,  —  je  ne  reviendrai  plus.  — Je  pars  samedi, — 
je  reviendrai  lundi. 

D'après  Tusage  populaire,  Tenlèvement  ne   doit  durer  que 
trois  jours. 

3 

Lorsqu'on  propose  en  mariage  une  jeune  fille  aimable,  mais 
légère,  le  jeune  homme  répond  : 

Dona  Gaia  me  plai  be, 
Mes  que  jamai  noun  me  siè  re. 

La  (lame  Gaie  me  plaît  beaucoup,  —  mais  qu'elle  ne  me  soit 
alliée  en  rien. 


On  dit  à  un  enfant  qu'on  soulève  pour  lui  faire  traverser  un 

ruisseau  : 

Sauta,  alengri, 

Qu'aco'stoun  cami. 
Saute,  alengri  *,  —  que  c'est  là  ton  chemin. 


Un  amant  qui  veut  faire  décider  sa  maîtresse  par  jalousie  , 

dit: 

Digo-mi  se  m'aimes 

Ou  se  m'aimes  pas. 

Ni  sabi  uno  drouleto, 

Galiardeto, 

Que  m'aimaro  be. 

Ou  sabe  be. 

(Y.  de  M.  LiEBiGH.) 

Dis-moi  si  tu  m'aimes  —  ou  si  tu  ne  m'aimes  pas.  —  Je  t^ais 
une  jeune  fille  —  très-aimable,  —  qui  m'aimera  bien,  —  je  le  sais 
Men! 

*  Alengri  ne  se  dit  que  dans  cette  locution,  et  le  sens  en  est  oublié. 


302  DIALKCTES    M01)SR^ES 

6 

Voici  une  invitation  à  un  rendez-vous  : 

Anèn  à  la  fouon, 
Janetoun,  ma  mio  ; 
Anen  à  la  fouon, 
Te  dirai  quicon. 

Allons  à  la  fontaine,  —  Jeanaeton,  ma  mie;  —  allons  à  la  fon- 
taine, -   je  te  dirai  qnolque  chose. 

Si  la  jeune  fille  répond  : 

Lai  bole  pas  anà 
A  la  fouon  touto  souleto  ; 

Lai  bole  pas  anà 
Que  moun  galan  lai  es  pas. 

(V.  de  M.  LiEBicH.) 

Je  no  veux  pas  aller  —  à  la  fontaine  seulette;  — je  ne  veux:    pas 
y  aller,  —  car  mon  amant  n'y  est  pas. 

c'est  qu  elle  n'agrée  pas  cet  amour. 


Lorsque  les  parents  d'une  jeune  fille  mettent  des  obstacles 
à  son  mariage,  elle  se  met  à  la  fenêtre,  le  matin,  en  se  pei- 
gnant, et  fait  connaître  par  un  couplet  la  décision  qu'elle  a 
])rise  de  se  marier  de  son  seul  gré. 

En  voici  un  exemple  : 

Lou  bole,  ma  mèro,  aquel  tounalié; 
Serai  la  mestresso  de  soun  ateliè. 
Pourtarai  oumbrelo,  pourtarai  las  flous, 
Embe  ma  testo  alerte  passarai  per  tout. 
Lou  bole,  ma  mèro,  amai  ieu  l'aurai. 
A  la  fouon  de  Nîmes  ièu  l'espousarai. 

(Y.  de  M.  LiKmcH.) 

Je  le  veux,  ma  mère,  ce  tonnelier.  —  Je  serai  la  maîtresse  de 
son  atelier.  — J'aurai  une  ombrelle  et  des  fleurs  à  la  coiffure.  — 


CONTES   POPULAIRES  303 

Je  passerai  partout  la  tête  haute.  —  Je  le  veux,  ma  mère,  et  je 
l'aurai.  —  Nos  épousailles  se  feront  à  la  Fontaine  de  Nîmes. 

Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  que  les  rendez-vous  aux  fontaines 
étaient  généralement  ceux  des  amoureux . 

8 
Dit  de  mendiant: 

Aguès  piétat  d'un  malurous, 
Que  toujours  pregarà  per  vous. 

Ayez  pitié  d'un  malheureux,  —  qui  toujours  priera  pour  vous. 

Vil.  — DIT    DRAMATIQUE 

On  nomme  aussi /tVane  petit  rôle  que  chaque  petit  acteur 
récite  dans  les  jeux  scéniques  ou  mimiques  qui  ont  lieu  aux 
fêles  de  s^int  Vincent,  de  saint  Sébastien,  en  carnaval,  etc. 

La.  Sant'Vincenada,  jeu  du  martyre  de  saint  Vincent,  est 
fort  en  usage  encore  dans  tout  Tarrondissement  deLodève. — 
Le  saint  est  conduit  au  supplice  par  des  soldats  ;  il  a  les 
épaules  couvertes  d'un  manteau  et  les  mains  liées  derrière  le 
dos.  Les  soldats  se  sont  fait  des  armes  et  un  harnais  mili- 
taire avec  les  premiers  objets,  les  premiers  outils  venus,  ru- 
bans, ceinturons,  haches,  lardoires,  etc.  Le  capitaine  se  dis- 
tingue par  la  plume  qui  est  à  son  chapeau  et  la  longue  broche 
qui  lui  sert  de   lance. 

On  va  ainsi,  en  bande,  de  porte  en  porte,  de  village  en 
vilUage,  récitant  lesjitals,  les  rôles,  et  Ton  reçoit,  en  signe  de- 
remerciements,  des  fruits,  des  gâteaux,  des  confitures,  etc., 
dont  on  fait,  sur  le  tard,  une  pantagruélesque  collation. 


Ces  jitats  sont  fort  longs  et  assez  curieux.  Le  martyr  dit  : 

ièu  siei  sant  Vincèn,  me  van  faire  péri  ; 
Douna-me  ie  quicon  que  fagou  pas  souffri,  etc. 

Jo  suis  saint  Vincent,  on  va  me  faire  périr  ;  —  donnez-leur  quel 
que  chose,  pour  qu'ils  ne  me  fassent  pas  souffrir,  etc. 


304  riALECTES    MODERNES 


Le  capitaine  : 

lèu  siei  lou  capitani  d'aquesta  coumpanhè; 

A  fauta  de  chival,  me  fau  anà  à  pè. 

Aqueste  es  sant  Vincent,  qu'anan  martyrisa,  etc. 

Je  suis  le  capitaine  de  cette  compagnie.  —  Je  ne  vais  à  pied  qu 
parce  que  je  n'ai  pas  de  cheval.  —  Celui-ci  est  saint  Vincent,  qu 
nous  allons  martyriser,  etc. 

3 

Le  plus  petit  de  la  bande  : 

Siei  pichet,  pichot,  couma  una  lentilha  ; 
Se  me  donnas  pas  res,  vous  raube  vostra  filha,  etc 

Je  suis  petit,  petit,  comme  une  lentille  ;r—  si  vous  ne  me  donne 
rien,  je  vous  volerai  votre  fille,  etc. 

Comme  on  voit,  c'est  une  sorte  de  perpétuation  des  mystère 
du  moyen  âge  à  notre  époque .  —  Il  serait  fort  important  d'g 
voir  ces  jitats  en  entier.  Nous  prions  nos  correspondants  d 
vouloir  bien  tâcher  de  les  avoir . 

VIII.  —  EMGME 

Répéter  et  expliquer  des  devinalhas  (énigmes)  est  Tun  de 
joux  les  plus  aimés  des  Méridionaux.  Il  en  est  beaucoup  d 
fort  ingénieuses. 

Elles  commencent  toutes  par  la  demande  :  De  qu'es  aco?  o 
De  qu'es?  De  qu'es?  ou  Que  s' es?  Ques'es?  selon  les  lieux.  C'ei 
même  par  ces  expressions  qu'on  les  désigne  d'ordinaire.  Joug 
à  deques  aco  ?  de  qu'es  aco?  littéralement  :  «  jouer  à  qu'est-c 
que  cela?  qu'est-ce  que  cela?  »  c'est  jouer  aux  énigmes. 


D.  De  qu'es  aco  ?  De  qu'es  aco  : 
Un  camp  laurat. 


CON.TES    POPULAIRES  a05 

Ounte  Taraire  a  jamais  passât? 
R.  Lou  tèulat. 

Demande.  Qu'est-ce  que  cela?  Qu*est -ce  que  cela  : . —  un  champ 
labouré,  — où  la  charrue  n'a  jamais  passé  ?  —  Réponsb.  Le  toit. 

/>.  De  qu'es  aco  ?  De  qu'es  aco  : 

Quatre  doumaiseletas, 
Chacuna  dins  sa  caiiibreta, 
E  dins.  un  même  oustalet? 
R,  Una  noza. 

D,  Qu'est-ce  que  cela  (bis): —  Quatre  petites  demoiselles,  —  ha- 
bitant quatre  petites  chambrettes  —  dans  la  môme  maison? —  li. 
Une  noix. 


D.  De  qu'es  aco  ?  De  qu'es  aco  : 

Grand  couma  lou  ciel, 

Pichot  coum'  un  anel, 

Amar  couma  lou  fel, 

Dous  couma  lou  mel? 
R,  L'ouliviè. 

Z).  Qu'est-ce  que  cela  {bis)  :  —  Grand  comme  le  ciel,  —  petit 
comme  un  anneau,  —  amer  comme  le  fiel, —  doux  comme  le  miel? 
—  H.  L'olivier. 

11  est,  en  effet,  grand  comme  arbre,  —  petit  comme  baie,  — 
amer  comme  fruits  —  doux  comme  huile. 


IJ,  De  qu'es  aco  ?  De  qu'es  aco  : 
Ma  maire  m'a  fach  en  «antan  ; 
Soui  nascut  abilhat  de  blanc  ; 

N'ai  ni  couga  ni  testa; 
Ë  noun  soui  ni  home  ni  bestia  ? 

R,  L'iôu. 

21 


306  DIALECTES    MODERNES 

D.  Qu'est-ce  que  cela  (6w):  —  Ma  mère  m'a  fait  en  chantant.  — 
Je  suis  né  vêtu  de  blanc  ;  —  Je  n'ai  ni  queue  ni  tête,  —  et  ne  suis 
ni  homme  ni  bête.  —  if?.  L'œuf. 


D.  De  qu'es  aco  ?  De  qu'es  aco  : 
Un  oustau  sans  cheminieira, 
Qu'a  gès  d'oustalieira, 
E  que  nourris  pourtant 
Fossa  fenéants 
E  groumands  ? 
/?.  Lagleisa. 

D.  —  Qu'est-ce  que  cela  (bis)  :  —  Une  maison  sans  cheminée, 
—  qui  n'a  point  de  ménagère,  —  et  qui  nourrit  cependant  — 
beaucoup  de  fainéants  —  et  de  gourmands  ?  —  R.  L'église. 

6 

/>.  De  qu'es  aco  ?  De  qu'es  aco: 
Que  fai  balin,  balan, 
Sus  lou  coutilhoun  de  ma  grand? 
R,  Lou  clavier. 

D.  Qu'est-ce  que  cela  (bis)  :  —  Qui  fait  du  bruit  —  sur  les  jupes 
de  ma  grand'mère?  — R,  Le  clavier. 


D.  De  qu'es  aco?  De  qu'es  aco  : 
Un  drap, 
Petassat  et  repetassat, 
Ounte  l'agulha  a  jamai  passât  ? 
R.  Lou  ciel. 

D.  Qu'est-ce  que  cela  (bis)  :  —  Une  tenture,  —  rapiécée  et  tou- 
jours rapiécée,  —  où  l'aiguille  n'a  jamais  passé?  —  i?.  Le  ciel. 

8 
D,  De  qu'es  aco  ?  De  qu'es  aco  : 


CONTES    POPULAIRES  307 

Que  vèn  à  chabal 
E  s'en  vai  a  pè  ? 
R.  Lou  mau. 

D.  Qu'est-ce  que  cela  (bis):  — Qui  vient  à  cheval  (c.-à-d.  vite) 
—  et  s'en  va  à  pied  (c.-à-d.  avec  lenteur)?  —  R.  Le  mal. 

M""®  de  Sévigné,  suivant  en  cela  l'usage  populaire,  en  donne 
un  de  ce  genre. 

IX  —  ÉPIGRAMME 

Les  épigrammes  {escamtmen^  lampoun)  se  répandent  et  se 
perpétuent,  presque  toutes,  soûs  forme  de  couplets  fortement 
rhjthmés  ou  même  chantés. 


Contre  un  homme  de  la  montagne: 

Gavachou  de  la  mountanha 
Rousigavala  castanha. 
La  castanha  se  perdet, 
Lou  gavachou  se  penjet. 

(V.  de  H.  Bouquet,  de  Montpellier.) 

Le  gavach  des  montagnes  —  ne  se  nourrit  que  de  châtaignes. 
La  récolte  des  châtaignes  ayant  manqué,  —  il  se  pendit. 


Contre  un  valet  goulu: 

Varlet,  varlet, 

Manja  croustets 
Darriè  lou  cabinet 
De  moussu  Villaret. 

(V.  du  même.) 

Valet,   valet,   —  mange  croûtons  —  derrière  Tarmoire  —  de 
M .  Villaret. 


r.08  DIALlâCtâS    MODERNES 


Contre  une  femme  gourmande: 

Catarinô, 

La  pesairo, 

De  brouquetos 

Revendairo, 
N'a  vendudo  sa  camiso 
Per  croumpà  de  groumandiso  ; 
N'a  vendut  soun  coutilhoun 
Per  croumpà  de  cambajoun; 
N'a  vendut  un  bastimen 
Per  croumpà  de  coufimen  ! 

(V.  de  C.  Gleizes.) 

Catherine,  ^  ia  peseuse,—  de  petites  herbes  —  revendeuse, — 
;i  voiitUi  sa  chemise  —  pour  acheter  des  friandises;  —  a  vendu  sa 
jupe  —  pour  acheter  du  jambon;  —  a  vendu  une  maison  —  pour 
acheter  des  confitures. 


Contre  les  Meuniers: 

Mouliniè 
Passo-farino, 
D'un  sestiè 
Ne  fa  'n  emino  ; 
D'un  emino  un  pougneirou, 
Lou  mouliniè  ba  raubo  tout  : 

D'un  pougneirou  fa  un  juntat. 
Lou  mouliniè  ou  a  tout  raubat  ! 

(V.  de  C.  Gleizes.) 

Le  meunier  —  passe-farine  —  d'un  setier  —  fait  une  émine, 
—  et  de  cette  émine  une  poignée  ;  —  le  meunier  vole  tout  :  —  d'une 
poignée  il  fait  une  pincée.  —  Le  meunier  a  tout  volé. 


CONTES   ?OPULA^lF!S.  309 


Contre  la,  Communion  des  protestants  : 

Un  cop  de  psi^,  un  cop  cl^  vi^ 
Maissa-negra  ne  vei  la  fi. 

Un  morceau  de  pain,  un  coup  de  vin,  —  sont  bientôt  achevés 
par  les  mâchoires  noires  (les  protestants) . 

6 

On  assure,  par  dérision,  que  voici  les  paroles  sacramentel- 
les de  leur  eucharistie  : 

Crosti,  minosti, 
Envala  aquel  crosti  ! 
Crosti,  mini, 
Envala  aquçl  cop  de  vi  I 

Il  n'y  a  dans  cette  plaisanterie  d'autre  pointe  que  le  rappro- 
chement peu  spirituel  des  mots  crosti  (croûton)  et  Christi. 


Contre  un  niais  : 

Bouneta  de  Catadis 
S'en  vai  à  Paris  ; 
Anèt  dins  sas  braias  : 
Tout  lou  monde  ris. 

(Y.  die  H.  Boui^uBT.) 

Bonnet  de  Catadis  —  alla  à  Paris .  «-  Il  se  laissa  affaisser  dans 
ses  braies  :  —tout le  monde  se  nût  à  rire. 

8 
Contre  plusieurs  villagêB  des  Cévennes  : 

A  Balloraugvo  fôu  Taiaour  ; 
A  la  Salle  Tentretènou. 


310  DIALECTES   MODERNES 

A  Ballorauguo  fôu  T  amour, 
A  Sant  Andrieu  niech  e  jour. 

(V.  de  M.  LiÊBicH.) 

A  Valleraugue,  on  fait  l'amour;  —  à  la  Salle,  on  l'entretient.  — 
A  Valleraugue,  on  fait  l'amour;  — à  Saint- André,  nuit  et  jour. 

9 
Contre  les  filles  de  Saint-Saturnin  (Hérault)  : 

Las  filhos  de  Sant-Satourni, 
Vendou  las  cofos  per  croumpà  de  vi  ; 

Las  nostros  ne  fan  pas  antau , 
Van  à  la  cavo,  buvoun  al  pegau. 

Les  jeunes  filles  de  Saint-Saturniu  —  vendent  leurs  coiffures 
pour  acheter  du  vin  ;  —  les  nôtres  ne  font  pas  ainsi  :  —  elles  des- 
cendent à  la  cave  et  boivent  à  même  à  l'outre. 

10 
Contre  une  jeune  femme  pauvre  : 

Me  soui  maridado, 
M' an  pas  res  donnât 
Que  la  maisso  d'uno  cabro 
E  la  cuo  d'un  rat. 

(V.  de  M.  LiÊBicH.) 

Je  me  suis  mariée,  —  on  ne  m'a  rien  donné  (en  dot),  —  si  ce 
n'est  la  figure  d'une  chèvre  —  et  la  queue  d'un  rat. 

11 

Contre  les  Gavots  : 

Lou  Jon  bouliô  la  Jano  ; 
La  lui  bouliôu  pas  dounà. 
«  Fau  faire,  fau  dire, 
Fau  maridà  lou  Jon  : 


CONTES   POPULAIRES  311 

Ki  dounarèn  lou  castaniè. 
Nous  reservarèn  las  castanos.  » 

(V .  du  même.) 

Le  Jean  aime  la  Jeanne  ;  —  on  ne  voulait  pas  la  lui  donner.  —  «  Il 
faut  faire,  il  faut  dire  (ce  sdnt  les  parents  qui  parlent),  —  il  faut 
marier  le  Jean.  —  Nous  lui  donnerons  le  châtaignier^  nous  nous 
réserverons  les  châtaignes.  » 

12 

Contre  les  gens  cfAgonés: 

Anas-vou'n  en  Agounés, 
Pa  e  peras  ie  troubarés. 
Lou  mati, 
Peras  e  vi. 

Lou  dinà, 
Peras  e  pa. 
Lou  subre  jour, 
Peras  toujours. 
Ela  sera, 
Toujours  pera! 

(V.  de  Tabbé  de  Sauvages.) 

Allez  à  Agonés,  —  on  ne  vous  ofl'rira  que  du  pain  et  des  poires. 
—  Le  matin, —  poires  et  vin. — A  dîner, —  poires  et  pain.  —  Après 
diner,  — poires  toujours. —  Et  le  soir,  —  toujours  poires. 

13 
Contre  les  Cévenols: 

De  gens  de  Cevenas 
Noun  fagues  padenas. 
Que  traucadas  soun. 

(Du  même.) 

De  gens  des  Cévennes,  —  ne  fait  pas  poôle  àfHre,  —  car  ils 
sont  troués  (on  ne  peut  s'y  fierj. 


31«  DIALECTES    MODERNES 

14 

Contre  les  Auvergnats  : 

Espigno  poun,  e  rounzo  esfàto  : 
Gavot  es  fi,  Auvergnat  passo. 

L'épine  point,  la  ronce  déchire;  —  le  Gavach  eslrusé,  mais  l'Au- 
vergnat Test  bien  davantage . 

15 
Contre  une  bavarde: 

Catarino, 

Ma  vesjno, 
Presta-me  vostre  tambour. 
Que  ma  cata  se  marido, 
La  voudriô  fà  dansa  'n  tour. 

(V.  de  M.  LiÊBiCH. 

Catherine,  —ma  voisine,  —  prêtez-moi  votre  tambour; —  ma 
chatte  se  marie,  —  et  je  voudrais  la  faire  danser. 

16 
Contre  une  femme  peu  ménagère: 

Catarina, 

Ma  vesina, 
Dona  de  civada  as  biôus 
E  de  brèn  à  las  galiuas, 
Se  vos  que  te  faguou  d'iôus. 

Catherine,  — ma  voisine,  — donne   de  l'avoine  au  coq — et  du 
son  aux  poules,  —  si  tu  veux  qu'elles  te  fassent  des  œufs. 

17 
Contre  une  jeune  fille  laide  : 

Janeto, 

Pago  de  bi  blanc, 


CONTES   POPTTLAIRBS  î^n 

De  cousteletos, 

Sarai  toun  galan . 

(V.  de  M.  LiÊBiCH.) 

♦lean nette,  —  paye  <lu  vin  blanc  —  et   des  côtelettes,  —   et  je 


serai  ton  amant. 


X.    —    FABLES 


Nos  paysans  savent  un  assee  grand-  nombre  de  fables^.  Elles 
ont  généralement  pour  héros  le  renard  et  le  loup. 

La  fable  populaire  se  borne,  d'ordinaire,  à  une  simple  cita- 
tion^ qui  en  est  comme  le  résmvié  et  Fexplioation.  Amsi  Ton 
dira  d^une  personne  qui  fait  semblant  de  mépriser  une  chose 
qu'elle  ne  peut  avoir  : 

«  T'en  soucites pas...  Antau  disiè Ion reinarddas raisins.  » 
u  Tu  ne  t'en  soucies  pas. ..  Ainsi  faisait  le  renard  des  raisins.  » 

Ce  trait  fait  allusion  évidemment  à  la  réponse  bien  connue 
du  renard,  dont  La  Fontaine  a  donné  une  version  si  amu- 
sante. 


Lou  Reinard  e  lous  Raisins 

Lou  reinard  vejet,  au  pus  bord  d'una  trelha^  de  vasin^  vei- 
rats  que  ie  plasièn  fossa. 

Ënsajet  de  lous  avedre.  Quant  ajet  vis  que  ie  poudiè  pas 
ateni,  diguèt,  enfaguénlou  refastignous  : 

—  M'en  soucite  pas  ! 

Le  Kenàrd  et  les  Raisins.  — *  Le  renard  vit,  tout  au  haut  d'une 
treille,  des  raisins  mûrs,  qui  lui  plurent  fort.  Uessayad'y  atteindre  ; 
quand  il  vit  quil  lui  était  impossible  de  les  avoir,  il  dit:  —  Je  ne 

in*en  soucie  pas  ! 

Le  troubadour  Pojrol  raoonte  la  même  fable  d'an  wensjtû  et 

de  cerises. 


314  DIALECTES    MODERNES 


UAgassa  e  lou  Courpatas 

L'agassa  diguèt  un  jour  au  courpatas  : 

—  Moun  Diu,  couma  siès  negra. 
L'autre  ie  respoundeguèt  : 

—  E  tus  aussi  n'as  de  bon  rodes. 

La  Pie  et  le  Corbeau.  —  Un  jour,  la  pie  dit  au  corbeau  :  — 
«  Mon  Dieu,  comme  tu  es  noir  !  »  —  L'autre  lui  répondit  :  a  Tu 
âs  aussi  tes  bonnes  taches.  » 

Mistral,  dans  la  charmante  préface  qu'il  a  mise  en  tète  de 
la  Farandoulo  (  p .  30)  d'Anselme  Mathieu,  en  a  fait  une  appli- 
cation à  la  manière  rustique  : 

«  Poudriès  bèn  me  respondre  ce  qu'à  l'agasso  respoundeguè 
lou  courpatas  : 

«  —Moun  Dieu!  coume  siès  nègre  !  disiè  l'agassa  au  cour- 
patas. 

»  Aquest  ie  répliqué  : 

))  —  E  tu  n'as  de  bon  rode  !  » 


Lou  Reinard  et  la  Galino 

Lou  reinard  diguèt  à  la  galino  de  sourti  de  soun  trau. 
La  galino  ie  respon  : 
Grand-mecis,  que  fau  quicon. 

Le  Renard  et  la  Poule  .  —  Le  renard  dit  à  la  poule  de  sortir  de 
sa  cachette. —  Celle-ci  lui  répondit  :  —  Grand  merci,  j'ai  du  travail 
à  faire, 

(V.  La  Fontaine,  le  Coq  et  le  Renard,  II,  15.) 

Cette  fable  a  été  mise  en  œuvre  par  le  poëte  A.  Guiraud 
{la  Font  Putanella,  a.  s.).  Après  avoir  fait  dire  à  l'un  de  ses 
personnages  : 

«Escoutas,  moussu  Croc,  ce  que  dis  la  sourneta 
Que  canta  la  nourissa  à  soun  enfan  que  teta,  » 


COKTES   POPULAIRES  815 

Il  la  donne  de  cette  façon  : 

((  Lou  reinard  à  la  galina 

Disiè  :  Sourtis  de  toun  trau  ; 
N'ajes  pas  pôu,  ma  vesina. 
Vole  pas  te  faire  mau . 
La  galina  ie  respon  : 
Pode  pas,  que  fau  quicon. 

Gramecis 

De  Tavis. 
Visitas  d'autres  vesis  ; 
Per  nautres,  vous  avèn  prou  vist. 

lie  ronard  à  la  poule  —  dit  :  Sors  de  ta  cachette.  —  N*aie  pas 
peur,  ma  voisine,  —  je  ne  te  ferai  pas  de  mal.  —  Tja  poule  lui 
répondit  :  —  Je  ne  puis,  je  suis  occupée.  —  Merci  do  votre  avis.  — 
Visiioz  d'autres  voisins  ;  —  pour  nous,  nous  vous  avons  assez  vu! 


La  Mandreto  e  lou  Loup 

Un  cop  i^abiô  uno  mandro  et  un  loup  que  trabalhaboun  à 
Tort. 

La  mandreto,  fino  coumo  tout,  que  sabiô  à  Toustal  un  pot 
de  mel  entier,  disiè  al  loup  : 

—  Entèn,  que  me  cridoun  per  anà  al  filoulet  ! 
-  Eh  bè,  beis-i. 

La  mandro  s'enanèt  à  Toustal  coumensà  le  pot  de  la  mel. 
S'entourno  à  Fort.  Le  loup  i  demande  : 

—  Couci  Tas  feit  apelà? 

—  Coumensadet  !  coumensadet  ! 

Al  cap  d'un  chic,  la  mandro  se  rebiro  e  dis  al  loup  : 

—  Entèn,  que  me  cridoun.  Plêt-i?  —  Haïssables! 

—  E  be  !  tourno-s'i,  le  loup  diguèt. 

S'entourno  al  pot  de  la  mel,  le  metèt  à  mieg,  e  revenguèt 
à  Tort. 

—  Couci  Tas  feit  apelà? 
-•  Miechet  !  Miechet  I 


.'^16  DIALBCTBS    MODERNES 

Al  bout  de  très  ouros,  la  mandro  se  rebiro  en  di^àn  • 

—  Plêt-i?  Entèn,  que  me  tornoun  cridà..  Haïssables  I  tou- 
jours me  bénoun  derenguà  per  anà  al  âloulet* 

La  mandro  s'en  bà  acabà  le  pot  de  la  mel  ;  piei  revèn  al 
trabal. 

—  Qu'un  noum  porto? 
— Acabadet  !  Acabadet  ! 

Quant  le  trabal  fousquèt  fenit,  s'eJd  hs^n  9.  Toustal. 

—  N'aien  pas  res  per  dinnà,  diguèt  le  loup,  entemenènaquel 
pot  de  mel. 

Le   derb,  e  Tabiô   pas  res  dedins.  La  mandro  diguèt  al 
loup  : 
— .  Groumand,  Tas  manjado,  tu  ! 

—  N'es  pas  bertat  ;  aco's  tu,  groumando. 
Per  se  tira  de  dispusto,  la  mandro  diguèt  : 

—  Nous  anan  endourmi  al  soulel,  e  lou  premier  que  las  au- 
relhos  i  susaran,  sira  aquel  que  l'aura  feit. 

Le  loup,  qu'ero  cansat,  s'endourmiguètleprumier.  La  man- 
dro, dins  aquel  temps,  fretèt  las  aurelhos  al  loup,  ainsi  que'l 
mouriTQ.  Qual^d  se  desperto,  la  mandiro  i  dji^  : 

—  Beses  be  qu'es  tu,  groumand,  que  l'as  feit,  que'l  mourre 
te  suso. 

Le  loup  fousquèt  atrapat. 

E  trie,  e  trac, 

Moun  conte  es  acabat. 

(V.  de  M'*"  M.  Lambert,  de  Belestà.) 


TRADUCTOQ?* 


Le  Renard  et  le  Loup 

Il  y  avait  une  fois  une  femelle  de  renard  et  un  loup  qui  travail- 
laient au  jardin.  Cette  femelle,  plus  fine  que  toute  autre  créature. 


CO:^TBS   POPULAIRES  317 

qui  savait  qu'il  y  avait  à  la  maison  un  pot  de  miel  auquel  on  n'a- 
vait pas  encore  touché,  dit  au  loup:  «  Écoute  ces  cris;  on  m'ap- 
pelle pour  aller  à  un  baptême.  —  Eh  bien  !  vas-y.  » 

La  femelle  de  renard  alla  à  la  maison,  et  entama  le  pot  de  miel. 
Elle  revint  au  jardin  ;  le  loup  lui  demanda  :  «  Gomment  l'a-t-on 
nommé  (l'enfant)?  —  Déjà  commencé.'  déjà  commencé!  » 

Au  bout  d'un  moment,  la  femelle  de  renard  se  ravise,  et  dit  au 
loup  :  «  Écoute  ces  cris  ;  on  m'appelle  encore.  Plaît-il  ?  Sont-ils 
haïssables  !  —  Eh  bien  !  reprit  le  renard,  vas-y  de  nouveau.  »  — 
Elle  alla  à  la  maison,  acheva  le  pot  de  ndiel  à  moitié  et  revînt  au 
jardin,  a  Oomment  l'a-t-on  nommé?  —  Déjà  à  moitié!  déjà  à 
moitié  !  » 

Au  bout  de  trois  heures,  la  femelle  de  renard  se  ravisa  encore, 
et  dit:  «  Que  voulez-vous?  Écoute  ces  cris;  on  m'appelle  une  autre 
fois.  Haïssables!  On  vient  toujours  me  déranger  pour  aller  au 
baptême.  » 

Elle  alla  achever  le  pot  de  miel,  puis  revint  reprendre  son  tra- 
vail. «  Quel  nom  a-t-il  ?  —  Déjà  fini  !  déjà  fini  !  » 

Lorsqu'ils  eurent  terminé  leur  travail,  ils  allèrent  à  la  maison. 
«  N'ayant  rien  de  prêt  pour  dîner,  dit  le  loup,  entamons  ce  pot  de 
miel.  »  Il  découvre  le  pot  et  vit  qu'il  ne  contenait  plus  rien.  La 
femelle  de  renard  lui  dit:  «  Gourmand,  c'est  toi  qui  Tas  mangé. 
—  Ce  n'est  pas  moi  ;  c'est  plutôt  toi,  gourmande.  » 

Pour  finir  la  dispute,  la  femelle  de  renard  dit  au  loup  :  «  Nous 
allons  nous  endormir  au  soleil  ;  le  premier  dont  les  oreilles  se  met- 
tront à  suer  sera  celui  qui  aura  fait  le  mal.  »  ^ 

Le  loup,  qui  était  brisé  (de  fatigue),  s'endormit  le  premier.  La 
femelle  de  renard  profita  de  ce  temps,  et  lui  mouifia  les  oreilles  et 
le  museau.  Lorsqu'il  se  réveilla,  la  femelle  de  renard  dit  :  —  «  Tu 
vois  bien,  gourmand,  que  c'est  toi  qui  l'as  fait,  puisque  le  museau 
te  sue.  » 

Ainsi,  le  loup  fut  attrapé.  —  Et  trie  et  trac,  mon  conte  est 
achevé . 


Nadiuel 

Lou   nadiuel   e  lou  roussignôu  u'avièn,  Tun  auiai  Fautre, 
qu'un  ici.  Erou  bons  amies,  e,  quand  aqueste  se  metiè  à  cautà, 


318  DIALECTES  MODERNES 

Fautre  badava  de  plezi.  Un  jour,  lou  roussignou  seguet  de 
couvit  de  batejalhas,  e,  per  Tanà  ambe  dous  iols,  se  faguet 
prestà  riol  soulet  dau  nadiuel . 

Au  retour  de  las  batejalhas,  se  soucitèt  pas  pus  de  lou  ren- 
dre, tant  ie  plasiè  de  ie  bèn  veire.  Alors  lou  nadiuel  s'escri- 
dassèt  antau  : 

—  Se  jamai  t'arape,  tus,  ta  moulhé,  tous  pichots  ou  tous 
iôus,  t'en  farai  repenti. 

Lou  roussignou  respoundeguèt  : 

Tant  n'aut  m'entendras, 
Que  jamai  m'auras. 

Despioi,  lou  nadiuel  es  d'amagatous  au  pè  de  Faubre  per 
lou  susprene,  e  lou  rousignôu  fai  soun  nis  à  la  pus  cima;  e, 
quand  canta,  es  per  douna  de  leze  à  soun  amie,  que  ie  veipus. 

TRADUCTION 


L'Orvet.  —  L'orvet  {nadiuel^  litt.:  sans  yeux)  et  le  rossignol 
n'avaient  l'un  et  l'autre  qu'un  œil.  Ils  étaient  bons  amis,  et,  lorsque 
celui-ci  se  mettait  à  chanter,  l'autre  ouvrait  la  bouche  d'admiration, 
Un  jour,  le  rossignol  étant  invité  à  un  festin  de  baptême,  et  ne 
voulant  y  aller  qu'avec  deux  yeux,  se  fit  prêter  l'œil  unique  de 
Torvet.  —  Au  retour,  il  ne  se  soucia  plus  de  le  rendre,  trouvant 
que  cela  était  fort  agréable  d'avoir  bonne  vue.  Alors  l'orvet  se  mit 
à  crier  après  lui  : 

—  Si  jamais  je  te  prends,  toi.  ta  femme,  tes  petits  ou  tes  œufs^ 
tu  t'en  repentiras. 

« 

Lo  rossignol  répondit  : 

—  Je  serai  si  haut  placé,  lorsque  tu  m'entendras,  —  que  jamais 
tu  me  m'auras. 

C'est  depuis  que  l'orvet  se  tient  caché  au  pied  de  l'arbre,  dans 
l'intention  de  le  surprendre,  et  que  le  rossignol  fait  son  nid  à  la 
plus  haute  cime  des  branches.  Mais,  lorsqu'il  chante,  c'est  pour 
égayer  son  ami,  qui  n'y  voit  plus. 

Nadiuel,  nadiol,  c'est-à-dire  na-d'iuel,  na-d'iol,  signifie  lit- 
téralement sansyeuXj  quirCad'yeux,  C'est  peut-être  par  le  même 


CONTES  POPULAIRES  319 

motif  qu'on  le  nomme  en  berrichon,  aneuil;  en  solognot,  anvot; 
en  breton,  anviou  ;  en  fribourgeois,  anvoy. 

Une  fable  analogue  se  dit  en  Sologne  (V.  Académie  celtique, 
Mém.  II,  p.  205;  IV,  p.  105,  version  de  M.  Legier,  du  Loiret) 
et  dans  le  Berry.  { V.  le  Glossaire  du  centre  de  la  France,  du 
comte  Jaubert,  v.  Aneuil,) 

Les  yeux  de  l'orvet  sont  si  petits  que  le  populaire  a  fini  par 
croire  qu'il  n'en  avait  pas.  D'où  ce  dicton  berrichon  suivant  : 

Si  l'anœil 
Avait  œil. 
Le  serpent 
Avait  dent. 
Il  n'y  aurait  bêtes  ni  gens. 
Mais,  comme  je   l'ai  dit,  ces  fables  se  bornent,  ordinaire- 
ment, à  la  citation  d'un  trait  ou  même  de  la  moralité.  L'abbé 
de  Sauvages  a  placé  beaucoup  de  ses  citations  dans  son  recueil 
de  Proverbes  languedociens  : 

1  A  fach  lou  viage  dau  courpatas. 

(La  Fontaine,  le  Corbeau  et  le  Renard,  liv.  !•',  fable  2.) 

2  Ansin  dis  lou  reinard  das  razins. 

(Id.,  le  Henard  et  les  Raisins,  IIL  II  ) 

3  Aze  demijè  n'es  jamais  ben  enbastat, 

4  Baila  garda  la  feda  au  loup,  e  la  galina  au  reinard. 

(îd.,  le  Loup  et  la  Brebis,  III,  13.) 

5  Bram  de  sauma  monta  pas  au  ciel. 

(Id.,  VAne  etsesmaUres,  VI,  11.) 

6  Degus  noun  vôu  estacà  lou  cascavéu  au  cat. 

(Id.,  Conseil  tenu  par  les  Rats,  II,  2.  ) 

7  Dau  temps  que  lou  chi  pissa,—  lalebra  s'enfugis. 

(Id.,  le  Lièvre  et  la  Tortue,  VI,  tO.) 

8  Disputa  la  pel 
Avant  d'avè  l'agnel. 

(Id.,  l'Ours  et  les  deux  Compagnons,  V,  20.) 

9  Es  de  rassa  de  cigala,  —  viu  de  l'air  dau  temps. 

(Id.,  la  Cigale  el  la  Fourmi,  1, 1.  ) 


380  DIALECTES   MODERNES 

10  Bspelha  me,  dis  l'ouliviè,  te  vestirai. 

11  Fai  la  saussa  à  Taussel,  —  sans  avedre  vis  laplouma. 

(V.  ci-dessus,  n»  8.) 

12  les  avis  au  reinard 

Que  chacun  jogue  de  soun  art. 

(Id.,  le  Renard  et  le  Bouc,  II,  7. 

13  Lou  rat  es  be  bau 

Que  se  fiza  tout  d'un  trau. 

(Id.,  la  Belette  entrée  dans  un  grenier,  III,  17  ) 

(Et  ces  deux  variantes  :  Be  es  neci  lou  ra,  qu'embrun  soûl 
trau  se  fiza. —  La  rata  que  n'a  res  qu'un  trau  es  lèu  presa. 

44  Noun  es  aucel,  ni  rata. 

(Id.,  to  Chauve-souris  et  les  deux  Belettf^s,  II,  5.) 

15  Per  trop  sabè,  lou  reinard  perdet  sa  couga. 

(Id.,  le  Renard  ayant  la  queue  coupée,  V,  5.) 

16  Que  feda  se  fai,  lou  loup  la  manja. 

17  Que  noun  v6u  sembla  lou  loup. 
Que  de  sa  pel  noun  se  vestigue. 

(Id.,  le  Loup  et  le  Renard,  XII,  9.) 

18  Reinard  que  dort  la  matinada 
N'a  pas  la  barba  ounjada. 

19  Se  servis  de  la  pata  dau  cat  per  tira  las  castagnas  dau 

fioc. 

(Id.,  le  Singe  et  le  Chat,  IX,  17.) 


LA  FONT  PUTANELLE 

00 

JACQUES  CŒUR  A  MONTPELLIER 

PIÈCE   EN    TROIS   ACTES    ET   EN   VERS  FRANÇAIS,    PROVENÇAUX 

ET    LANGUEDOCIENS 

MÊLÉE  DE  CHANT  ET  TERMINÉE  PAR  DBS  DANSES  DU  PATS 

Autorisée  au  ministère  de  la  police  générale,  à  Paris,  le  6  octobre  1808 

Représentée  pour  la  première  fois  à  Montpellier 
le  II  novembre  1808. 

(SuUe  et  fin,) 


ACTE  ni 

Le  théâtre  représente  un  bocage  agréable.  Dans  le  fond  est  le  bassin 
(le  la  Font  Putanelle  ;  des  deux  côtés  et  Jusqu'à  l'avant-scène  sont  des 
berceaux  de  feuillage.  A  droite  est  un  arc-de-triorophe  pour  Jacques 
Cœur.  On  y  voit  divers  symboles  hiéroglyphiques  des  mystères  de  Tal- 
chimie  et  les  armoiries  de  Jacques  (3œur  ;  ce  sont:  trois  cœurs,  deux 
ensemble  et  un  seul  ;  au  bas  sont  trais  coquilles,  désignant  le  nom  de 
saint  Jacques. 


SCÈNE  PREMIÈRE 

MARCHE    G^:NËRALR 

Kl  le  est  ouverte  par  des  hautiEK>is  et  leurs  tambourins,  exécutant 
des  airs  du  pays.  Ratatbt,  cap  de  jouverif  paraît  à  la  tète  des  jardiniers 
vêtus  de  blanc  et  parés  de  fleurs.  Viennent  ensuite  les  députés  des 
(iiirérents  quartiers  de  la  ville,  ayant  en  tôte  la  bannière  où  est  inscrit 
le  nom  du  quartier.  La  marche  est  terminée  par  un  chœur  dé  jeunes 
lilles  habillées  de  blanc,  tenant  do  deux  en  deux  des  cerceaux  ornés 
(le  festons,  sous  lesquels  passent  et  rejiassent  deux  hommes,  dont  l'un 
monté  sur  un  cheval  de  carton  qu'il  fait  mouvoir  en  cadence,  au  son 
«les  instruments  rustiques,  et  l'autre  ayant  en  main  un  tambour  de  basque 
ilans  loqii(3l  il  présente  l'avoine  au  cheval.  Après  quelques  tours  et  évo- 
lutions, un  se  range  sur  les  deux  ailes,  pour  faire  plaœuux  acteurs. 


322  DIALECTES   MODERNES 

RATATET 

Enfans  de  Mounpelhè,  fases  un  pau  silença  1 
Filhetas,  s'es  poussible,  un  pau  de  coutenença! 
M'avès  d'un  même  acord  noumat  cap  de  jouven  ; 
Se  voulès  que  tout  ane,  entenden-nous  aumen. 
Sèn  prou  ben  exerças,  e  chacun  sap  soun  roUe  ; 
Lou  miu,  despioi  très  jours,  es  gravât  dinslou  molle. 
N'ajes  pas  pôu  que  manque,  e  veires  couma  vai  : 
Seres  countens,  segu,  de  tout  ce  que  dirai. 
Ai  fach  un  coumplimen . .  que  sera  pas  de  palha. 
Me  soui  mema  avisât  de  faire  de  rimalha; 
Car,  tel  que  me  resès,  save  un  pau  de  latin . 
Ah  !  se,  quand  ère  jouine,  ère  estât  mens  mutin, 

loi  seriei Mes  enfin  pensen  à  nostra  festa  : 

Divertiguen-nous  ben,  mes  perden  pas  la  testa. 
Avant  que  tout  lou  mounde  aici  siège  rendut, 
Voulès  que  coummençen,  digas? 

TOUS 

Ben  entendut  ! 

RATATET 

Filhetas  e  garçous,  anen,  anen  en  dansa  ! 
Vôu  canta  de  couplets  ;  seguisses  la  cadança. 
Vautres  que  sies  aqui,  buffas  dins  vostre  auboi; 
Mes  mainagéjas-vous,  fau  d'alé  per  tout  ioi. 

RONDE 
Air  nouveau 

1 

As  envirouns  de  Mounpelhè, 
Dins  un  bassin,  i'a  d'una  aiguetta 
Que  vous  perfuma  la  bouquetta 
E  guéris  touta  malautiè  ; 
D'aquela  vertut  naturella, 
L'estrangè  demora  surprès. 


LA   FONT    PUTANBLLA  ?23 

(Il  parle)  Es  aqui  quebada  de  plesi,  e  dis  :  «Ai!  qu'es  linda  !  Ai! 
qu'es  bona,  aquela  aiga  !  Soui  presque  guérit.  »  Oh  ! 

Se  parlarà  {ter)  mai  d'una  fès 
De  la  Font  Putanella  ! 

Le  chœur  répète  en  dansant  le  refrain  :  Se  parlarà,  etc. 


Souer  e  mati,  pendan  Testiu, 
Aqui,  dins  aquel  béu  bouscage, 
Lous  ausselous  fan  soun  ramage 
E  Ton  ie  respira  un  air  viu  ; 
De  r amour,  que  tout  ie  rappella, 
Dins  pau  lou  cor  se  sentis  près. 

(Parlé)  Lou  sentimen  i  crei  couma  lou  gramenas,  i'a  pas  à 
dire  ;  lou  cor  s'atendris  :  fau  aima  !  fau  aima!  E,  se  buvès, 
poudes  creire  que. . . 

Se  parlarà  mai  d'un(*  fes 
De  la  Font  Putanella. 

(  f'oranie  dessu*.  ) 

8 

Tout  cantan  lou  pichot  couplet, 
Souven  Tamic,  per  la  maneta, 
Acoumpagna  soun  amiguetta 
Que  va  roumpli  soun  ourjolet. 
Lou  couple,  su  Therba  nouvella, 
Resquilla  e  tomba  quauqua  fes. 

;  Parlé)  Ai,  pecaire  !  paura  manida  !  que  te  planisse  !  Sies  toum- 
bada?  Aco's  pa  res  !  T'en  souvendras  pourtant,  e  pus  tard 

Se  parlarà  mai  d'una  fès 
De  la  Font  Putanella. 


Comme  de^gns 


4 

Se,  per  un  effet  surprenèn, 
D'aquel  admirable  bruvage. 


3^i  DIALEX^TES    UOI^RfJËS 

Femna  que  m  planis  de  l'âge 
Poudiè  txtfiamà  dins  8oun  priniem  ; 
Se  la  lourda  deveniè  foella 
En  n'en  buguèn  quauques  copets, 

(Parlé;  Bpudiou  1  couma  s'i   agantarièn.  Oh!  que  n'iauriè 
que  i  anarièn  s'i  engourgà  !  Es  per  lors  que 

Se  parlariè  mai  d'une  fès 
De  ia  Font  Putanella. 

(Oomme  dMsus) 

5 

Quand  l'aman  se  trova  mouquet 
De  la  rîgou  de  sa  mestressa, 
Se  fasiè  naisse  sa  tendressa 
En  la  faguèn  heure  un  pauquet; 
Surtout  se  la  rendiè  fidella 
De  façoun  a  creni  pas  res, 

(Parlé)  Oh  !  per  lou  cop,  la  font  série  atarida.  Pas  pus  d'aiga, 
e  alors,  mai  que  jamai, 

Se  parlariè  mai  d'une  fès 
De  la  Font  Putanella. 

(^opnme  dessus) 

SCÈNE  II 

LES   PRECEDENTS,    CROC       * 


CROC 

(U  anive  d^ane  démarche  composée,  affectant  un  $àr  de  tristesse.  On  se  range 

autour  de  lui  par  curiosité) 

Vous  VOUS  livrez  gaîment  aux  plaisirs  de  la  danse, 
Et  vous  ne  savez  pas  la  triste  circonstance  ! 

ROBERT 

Comment?  Que  dites-vous  ?  Que  s'est-il  donc  passé  ? 

CROC 

Hélas  ! 


Là   FOBIT   FUTAKBELIiiA  325 


ROBERT 


Parlez,  chacun  »j  trouve  intéressé. 
Où  donc  est  Jacques  Cœur  ? 


CROC 


A  dire  vrai,  j'ignore 
Ce  qu'il  est  devenu;  rien  ne  transpire  encore, 
Mais  je  suis  alarmé. 


ROBERT 

Faites-nous  part  enfin 


De  tout  ce  qui  se  passe. 

CROC 

Ecoutez  :  (On  l'entoure)  Ce  matin, 
De  la  part  des  consuls,  on  envoie  un  message. 
Son  air  sec  et  sournois  portait  mauvais  présage; 
Je  Tai  considéré,  vraiment  il  faisait  peur. 
Il  m'a  dit  :  «  Je  voudrais  parler  à  Jacques  Cœur. 
Les  consuls  m'ont  chargé  pour  lui  de  cette  lettre . 
Elle  presse ...»  Aussitôt  nous  voyons  apparaître 
Monsieur  Jean,  qui  prend  l'ordre  et  l'apporte  au  seigneur. 
Celui-ci,  pour  réponse,  a  suivi  le  porteur, 
Et  chez  les  magistrats  il  est  allé  se  rendre. 
Il  n'est  pas  de  retour  ;  je  venais  pour  apprendre 
S'il  n'était  pas  ici. 

ROBERT 

Nous  ne  l'avons  pas  vu. 
Et  Monsieur  Jean  ? 

CROC 

J'ignore  en  quels  lieux  il  peut  être; 
Mais  vraisemblement  il  a  rejoint  son  maître, 

ROBERT 

Puurrait-on  préstiiiier  que  quelque  trahison?. . . 
Où  pensez«vou8  qu'ils  soieat? 


326  DIALECTES   MODERNES 

CROC 

Eh  !  peut-être ...  en  prison. 

TOUS 

En  prison  ! 

CROC 

Eh!  que  sais- je? 

TOUS 

Il  faut  leur  délivrance . 

Courons,  courons  !    (On  s'agite  avec  confusion) 

ROBERT,  les  arrêtant 

Amis,  un  moment  de  silence . 
Vous  voulez,  comme  moi,  délivrer  Jacques  Cœur? 

UNE   VOIX 

Nous  lui  devons  nos  biens. 

UNE   AUTRE 

C'est  notre  bienfaiteur. 

ROBERT 

Voici  donc  mon  avis  :  qu'à  l'instant  l'on  choisisse 
Six  hommes  d'entre  nous,  qu'un  même  cœur  unisse  ; 
Qu'ils  aillent  aux  consuls  faire  part  de  nos  vœux  : 
Leur  justice  bientôt  nous  rendra  tous  heureux. 

TOUS 

Oui  !  oui  ! 

CROC,  à  part 

Je  suis  perdu. 

ROBERT,  à  la  tête  des  députés 

Mes  amis,  du  courage  ! 
Nous  le  ramènerons;  partons! 

^Ils  ge  disposent  à  sortir.  —  Jean  paraît,  on  s'écrie  :) 

Jean  de  Village  ! 

^On  va  au-devant  de  lai;  Croc  se  cache  dans  la  foule) 


LA   PONT   PUTANELLA.  33? 


SCENE  III 


LES  PRECEDENTS,    JEAN,  ayant  au  bras  COUCARELLE 
ET  MARGUERITE,  NICOLAS  conduit  ANGÊLE 


JBAN 


Eh  bien  !  qu'est  tout  ceci?  D'où  vient  cette  rumeur? 
Je  croyais  vous  trouver  de  bien  meilleure  humeur. 

ROBERT 

L'alarme  est  parmi  nous  ;  nous  sommes  dans  la  peine  : 
On  dit  que  Jacques  Cœur  se  trouve  dans  la  gêne 
Et  qu'un  ordre  fatal  ravit  sa  liberté. 
Nous  aUions  l'enlever  à  sa  captivité. 

JEAN 

Et  de  qui  tenez-vous  cette  fausse  nouvelle  ? 
Ah!  c'est  un  tour  de  Croc  à  légère  cervelle. 

ROBERT 

C'est  lui  qui  tout  à  l'heure . . . 

JEAN 

Ah  !  vieillard  sans  raison  ! . . . 
Mais  parlons  de  mon  maître.  Il  est  dans  sa  maison; 
Vous  le  verrez  bientôt,  et,  sans  nuire  à  sa  gloire. 
Je  veux  de  ses  malheurs  vous  raconter  l'histoire. 

(Il  fait  des  signes  d'intélligenoe  pour  faire  lentir  Tironie) 

Am:  Chansons^  chansons 

On  dit  que,  par  ses  artifices, 
Il  a  commis  des  injustices, 

Des  trahisons  ; 
Qu'en  plusieurs  faits  il  est  coupable, 
Et  qu'enfin  il  est  condamnable . .  • 

(Tons  avec  transport) 

Chansons  I  chansons  ! 


328  DIALECTES  MODERKES 

Même  air  : 

NICOLAS 

Disou  que  rargen  que  despensa 
N'es  pas  gagnât  en  counsciença, 

Per  de  resouns . 
La  trama  es  déjà  descouvèrta, 
Lou  paure  couris  à  sa  pèrta. 

TOUS 

Chansons  !  chansons  ! 
Même  air: 

COUCARBLLE 

Croc  aviè  raisotin  de  me  àite 
Que  lous  esprits  avièn  empire 

Sus  sas  actiouns. 
Mais  Croc  a  sauvât  ma  familha, 
Sera  lou  marit  de  ma  filha 

TOUS  (la  joie  éclate} 

Chansons!  chansons! 

ROBERT,    satisfait 

L'espérance  et  la  pail  rentrent  dans  notre  cœur. 
Mais  quand  i»everroniS-nôiis  enfin  lé  bon  seignear? 

JEAN 

Il  ne  tardera  pas. 

ROBERT  à  seB  amis 

Il  faut  aller  le  prendre. 

JEAN 

Épargnez- vous  ce  soin;  il  est  près  de  se  r&nàt^e. 
Justement,  le  voici. 

f  On  court  au-<îevant  de  lui  en  criant  :  Vive  Jacques  Cœur  !) 


LA  FONT  put A SELLA  3W 

SCÈNE  IV 

LES   PRÉCÉDENTS,    JACQtJÈS  CŒUR  ET    SA  étWfft 

JEAN 

Seigneur,  il  m'est  bien  doux 
De  voir  les  sentiments  qu'on  témoigne  pour  vous. 
Mais  je  dois  à  mon  cœur  de  vous  faire  connaître 
Le  transport  plus  touchant  que  vous  avez  fait  naître. 
Tantôt  un  bruit  fâcheux  ici  s'est  répandu; 
Vous  en  étiez  l'objet:  on  vous  croyait  perdu. 
Et  le  trouble  aussitôt  fermente  en  chaque  tête  ; 
On  quittait  sans  regret  les  plaisirs  de  la  fête; 
On  allait  des  consuls  implorer  l'équité, 
Pour  obtenir  un  terme  à  votre  adversité. 
J'ai  paru,  j'ai  parlé,  la  joie  est  rétablie. 

J.   CŒUR 

Ce  (lue  j'apprends  me  touche,  et  mon  âme  est  saisie... 

Je  n'oublîrai  jamais  cette  preuve  d'amour. 

Mes  enfants,  mes  amours,  je  prétends  à  mon  tour 

Vous  témoigner  mon  zèle  et  ma  reconnaissance  ; 

Ce  vif  attachement  aura  sa  récompense . 

Bannissez  toute  crainte  :  apprenez  que  le  roi 

Vient  de  me  confier  un  glorieux  emploi  ; 

De  ses  faveurs  j'obtiens  une  preuve  nouvelle. 

Par  cet  ordre  aujourd'hui  sa  bonté  me  rappelle. 

De  deux  princes  puissants  me  fait  médiateur. 

Et  pour  les  accorder  me  nomme  ambassadeur. 

Vous  voyez  que  le  poste  où  cet  ordt'e  m'envoie 

Doit,  si  je  vous  suis  cher,  aù^meùter  totré  joie. 

^On  crie  :  Vive  Jacques  Cœur  !) 

Que  ce  jour  soit  donné  tout  entier  au  plaisir; 
Je  viens  y  prendre  part  et  veux  y  concourir. 

(  Léo  instramenta  ae  font  «ntendre.  J.  Oœor  parcourt  la  wène,  acctuillant 

tout  le  monde  àyeo  tioiitl.) 


830  DIALBGTES  MODERNES 

Que  ce  lieu-ci  me  plaît  !  Qu'il  a  pour  moi  de  charmes  ! 
Que  vois-je  ?  en  écusson  je  reconnais  mes  armes. 
Ce  symbole  présente  un  hommage  flatteur. 
Ces  signes  sont  parlants. 

JEAN 

Ils  nomment  Jacques  Cœur. 
Ils  disent  vos  travaux,  vos  bienfaits,  votre  gloire  ; 

ROBERT 

Et  notre  cœur  répond  d'en  garder  la  mémoire. 

J.   CŒUR 

Amis,  je  suis  sensible  et  demeure  interdit. 

JEAN 

Prenez  place.  Seigneur,  nous  n'avons  pas  tout  dit. 

(Jacques  Cœur  se  place  bous  le  dôme  préparé.) 

Renjas-vous,  meis  enfans,  e  fasques  pas  tapagi  ; 
Que  chascun  puissi  en  paix  présenta  soun  oumagi. 
E  tus,  cap  de  jouven,  avance,  moun  garçoun, 
Eme  toun  capel  nôu,  toun  habit  de  froun-froun. 
Es  toun  tour,  Ratatet,  fai  baroulà  ta  lenguo. 
Couragi,  moun  enfant  !  escuUo  ta  harrengo  ; 
Manquarà  pas  de  flours,  perque  sies  jardiniè. 

RATATET 

lé  vau  servi  tout-ara  un  plat  de  moun  mestiè. 

(Il  déclame  avec  affectation  comique,  mais  sans  ridicule.) 

Seigneur,  de  nos  jardins  en  faisant  la  culture. 

Il  nous  faut  par  nos  soins  corriger  la  nature. 

La  terre  produit  tout  ;  mais^  si  nous  la  laissions. 

Elle  ne  produirait  que  ronces  et  chardons  ; 

Les  fruits  seraient  amers,  et  les  mauvaises  herbes. 

Poussant  dans  tous  les  lieux,  s'amasseraient  par  gerbes 

Tout  ce  qu'elle  a  de  bon  se  corromprait  enfin  : 


LA    FONT  PUTÂNETXA  381 

I/art  et  le  soin  font  tout.  Le  monde  est  un  jardin  ; 

On  pense  s'il  est  grand  !  Les  hommes  sont  les  plantes. 

Il  en  est,  comme  on  voit,  de  hautes,  de  rampantes. 

La  nature  et  le  sort  en  forment  la  valeur . 

Sous  un  chêne  parfois  naît  une  belle  fleur, 

Qui,  sans  Theureux  effet  de  cet  abri  propice. 

N'eût  jamais  autre  part  entr'ouvert  son  calice. 

Elle  a  pourtant  son  prix.  Les  chênes  senties  grands, 

Dont  le  pouvoir  soutient  les  faibles  indigents . 

Nous  serions  près  de  vous  des  plantes  inutiles, 

Si  vos  bienfaits.  Seigneur,  ne  nous  rendaient  fertiles. 

Soutenez  des  roseaux,  sans  vous  près  de  plier  : 

Nous  sommes  le  jardin,  soyez  le  jardinier. 

(11  o£Ere  son  bouquet,  et,  se  tournant  vers  les  siens  :) 

Couma  trouvas  aco  ? 

ROBERT 

Est-ce  de  ta  fabrique  ? 

J  .    CŒUR,  à  Ratatet 

C'est  fort  bien,  mon  ami  ;  j'aime  ta  rhétorique  : 
Tu  t'énonces  au  mieux  ;  et  tes  amis,  vraiment. 
Doivent  être  charmés  d'un  tel  représentant. 
J'aurai  soin  de  vous  tous. 

JEAN 

Avanças,  Coucarello, 
Nicoulau,  Margarida,  et  vous,  Roubert,  Angelo  ! 
Anen! 

COUCARELLE 

Air:  Je  le  compare  avec  Louis 

De  ma  soutisa  e  moun  errou 
Poudès  me  creire  repententa. 
Soui  ben  guerida  de  ma  crènta, 
Vene  vous  demanda  perdou . 


3!^$  DIALBCTBÎS    MODÉÏINB* 

Aviéi  mOUn  esprit  en  démènça  : 
Ottànd  sen  vieh ,  tout  se  descadéni^ft. 

Même  air  : 

ANGÈLE    (à^yant  Nicolstt  à  soir  oôté) 

De  vostrès  âoins,  pet»  noâtre  ammir, 
Nous  sentissèn  Pâma  sâisida; 
'toutes  lous  jours  de  nostra  vida 
Nous  souvendrèn  d'aqueste  jour. 
Nostre  bonhur  es  vostre  ouvrage  : 
Vous  aima  fai  nostre  partage. 

J.    CCEUR 

Je  suis  très- satisfait.  Venez,  jeunes  amants; 
Je  vais  récompenser  vos  tendres  sentiments  : 
Je  vous  unis.  Voilà  le  contrat  qui  vous  lie; 
Du  bien  que  je  vous  dois  il  porte  une  partie. 

(A  Concarelle) 

Bonne  mère,  en  ce  don  ne  voyez  rien  de  noir; 
Sans  crainte  et  sans  scrupule  on  peut  le  recevoir. 

JEAN 

Enfans  de  Mountpelhè,  dei  fôubourg  de  la  villo, 
Eicitovouestre  tour,  anen!  venès  en  filo. 

(Les  bannières  avancent) 

Cantaràs  quauquo  rèn,  digo,  moun  Ratatet? 

RATATET 

Vene  de  refrescà  moun  pichot  gargatet. 

JBAN 

Me  manque  pus  que  Croc;  vôu  veire  v'ount  pôt  estre. 

{tl  sort) 
RATATET,   ans  siens 

Aprouchas,  mous  attiife;  aantèll  Aostre  bon  meétre. 


AIR  :  des  Siuoains  de  Montpellier 
1 

Nostra  bella  jouinessa, 
Dins  aqueste  moumen, 
De  sa  viva  tendressa 
Oufris  lou  sentimen . 
Per  marqua  soun  amour , 
Voudriè  poudre  tout  faire . 
Cercarà  chaqua  jour 
Lous  moyens  de  vous  plaire  ; 
Vous  aimarà  sans  effor  ; 

Dau  cor 
Prouva  Festacamèn 

Souvèn 
Es  soun  pu  grand  affaire. 


D'abord,  vesès  en  testa 
Lous  enfans  dau  Courrau, 
Toujour  premiès  en  festa  : 
S'en  donoucouma  fau. 
Boutounet  ven  après  ; 
Lous  Carmes,  la  Beufera, 
Lou  seguissou  de  près  ; 
Lou  plan  de  Loun  espéra  ; 
L'Ouliviè  que  fluris 

Vous  dis 
Que,  se  chacun  poudiè, 

Fariè 
Soun  coumplimen  sincèra. 


Anân  chaqua  fillieta, 

Au  bras  d'un  jouv^uç^u, 


334  DIALBCTES  MODBRNBS 

Vendra  dins  la  rengueta 
Passa  jout  lou  drapèu; 
Sus  soun  minois  malin, 
Veirès  un  doux  sourire, 
Que  met  lou  cor  en  trin, 
E  tout  bas  sembla  dire  : 
Dansen  un  rigaudoun 

Au  soun 
Dau  tambour,  de  Tauboi. 

-Epioi 

Que  chacun  se  retire. 

(Aux  députés) 

Sès-ti  countens,  Messius?  Se  fatigua  quau  cànta, 
Anen  nous  refrescà;  déjà  la  set  m'aganta. 

JEAN  (entraînant  Croc  an  collet) 

Place,  place  au  vieux  Croc,  fabricant  de  sorciers! 
C'est  lui  qui  de  son  chef  nous  a  faits  prisonniers. 

J .    CŒUR,  à  Croc 

Qui  vous  a  pu  porter  à  cette  fourberie  ? 

JEAN 

C'est  sans  doute  un  effet  de  la  sorcellerie. 

CROC,  humblement 

Faites  grâce,  Seigneur,  à  ma  témérité  ; 
Je  n'ai  pas  voulu  nuire  à  votre  autorité . 

J.    CŒUR 

Malheureux  !  vous  semiez  ainsi  la  calomnie  ! 

CROC 

Je  craignais  contre  vous  les  effets  de  l'envie. 
Et  je  n'en  ai  parlé  que  pour  les  prévenir. 
Croyez  que  mes  regrets  savent  bien  me  punir. 
Je  sens  mon  imprudence. 


LA  FONT  PUTâNELLA  335 

J.   CŒUR 

Ëh!  la  dose  était  forte. 
Vous  mériteriez  bien  qu'on  vous  mît  à  la  porte  I 

JEAN 

Ce  fut  toujours  son  poste  ;  ainsi  vous  punissez? 

J .    CŒUR  rît 

Ma  foi  !  Jean  a  raison  :  j'ai  ri,  c'en  est  assez. 
Ne  troublons  point  la  paix  d'une  telle  journée. 
Que  chacun  soit  heureux; la  faute  est  pardonnée. 

CROC 

Mille  grâces,  Seigneur;  ah!  que  vous  êtes  bon  ! 

JEAN 

Eh  bien!  soit  !  qu'il  demeure  et  chante  sa  chanson. 

(Désignant  J.  Cœur) 

Il  ne  se  venge  ainsi  que  par  la  bienfaisance. 

(A  Croc) 

Embrassez  le  rival  pour  votre  pénitence. 

(Croc  embrasse  Nicolas) 
RATATKT 

Laissen,  se  me  cresès,  aquel  viel  roucantin  ; 
Enfans,  anen,  en  dansa  e  metten-nous  en  trin  ! 

VAUDEVILLE 
Air:  du  Petas 

COUCAREIXE 

1 

Perque  tout  lou  mounde  es  en  festa, 
Que  chacun  fai  soun  cacalas , 
Counven  pas  que  me  trove  en  resta. 


336  liIAL>ECTIfiS   MOÇlSIlH^P 

Laissas-me  mettre  moun^.petas  : 
Es  passât  lou  tems  de  ma  dansa, 
Mous  pes  soun  toutes  engourdis ... 
Eh  be  !  marquarai  la  cadança 
As  dansaires  de  moun  peïs . 

2 

L'aven  escapat  d'una  bella  ! 
D'un  pau  mai  quitave  Foustau. 

NICOULAU,  àAngèle 

Se  m'aviè  faugut  perdre  Angèla, 
Sarnipà  !  seriei  vengut  bau . 

ANGÈLE,  finement 

N'aviei  pas  perdut  counfiença  : 
Tôt  ou  tard  devian  estre  unis. 

NICOULAU,  finement 

L'amour  dona  tant  de  sci^nca, 
El  es  mestre  dins  tout  peïs. 

MARGUERITE,  à  Coucarelle 

3 

Ma  commère,  plus  de  rancune, 

J'avons  maridà  nos  enfans  ; 

Je  devons  esprouvà  chacuBie 

Des  souvenirs  toujours  piquants, 

A  Montpellier,  comme  en  Champagne, 

Vient  le  temps  où  le  cor  est  pris . 

Un  garçon  cerqua  sa  compagne.  .... 
Aco  se  fait  en  tout  pays. 

JEAN,  au  parterre 

4 

Messieurs,  contre  ce  badinage 
A  quoi  servirait  la  rigueur  ? 


LA    FONT   PUTANELLA  :337 

Que  le  but  de  ce  faible  ouvrage 
Trouve  indulgence  en  votre  cœur. 
Il  vous  peint  les  mœurs  de  vos  pères , 
On  y  voit  un  peuple  d'amis  : 
Vous  devez  traiter  comme  frères 
Les  enfants  de  votre  pays. 


-•o>a<< 


2.i 


LOU  ROUMIEU 

NOTE   EXTRAITE   DE   CESAR   NOSTRADAMUS 


Un  malentendu  a  empêché,  dans  notre  dernier  numéro,  la 
publication,  à  la  suite  du  Roumieu  de  M.  Octavien  Bringuier, 
de  la  note  suivante  sur  le  héros  de  cette  poétique  légende, 
note  extraite  de  VBistoire  et  Chronique  de  Prouence  de  César 
Nostradamus.  Elle  offre,  à  divars  points  de  vue,  assez  d'in- 
térêt pour  que  nos  lecteurs  nous  sachent  gré  de  la  rattacher 
à  Tœuvre  de  notre  collaborateur. 

Ce  grand  &  magnanime  P.ince  (Raymond  Berenguier)  fut  plein 
de  toute  douceur,  clémence  &  humanité,  éloquent  en  son  parler,  ex- 
collent  &  rare  à  composer  en  rithme  vulgaire  Prouençale:  comme 
celuy  qui  auoit  d'ordinaire  à  sa  Cour  plusieurs  excellents  &  rares 
Poëtes  Prouençaux  qui  faisaient  des  belles,  doctes,  &  ingénieuses 
po-'sies  à  l'exemple  &  imitation   de  leurs  antiques  progeniteurs  & 
Troubadours ,  auec  lesquels   ce  Comte  se  delectoit  tellement,  qu'il 
employoit  vne  bonne  partie  de  son  temps,  &  des  heures  dédiées  à 
l'psbat  de  l'esprit,  en  disputes  &  questions  tres-subtiles  &  Ires-gra- 
cieuses. Quelque  personnage  ayant  escrit  de  luy,  qu'il  estoit  si  libé- 
ral, large  &  prompt  à  donner,  que  tousiours  l'entrée  de  son  reuenu 
esLoit  engagée  pour  les  grands  dons  &  les  magnifiques  présents 
qu'il  faisoit,  ne  se  pouuant  iamais  lasser  de  donner  &  bien  faire. 
De  son  temps  vn  Gentilhomme  pèlerin,  qui  alloil   aux  extrêmes 
parties  de  l'Occident  visiter  l'Eglise  Sainct  Jacques,  arriua  en  Pro- 
uence :  lequel  ayant  apparence  d'estre  homme  de  bien,  &  de  haute 
qualité  (car  son  parler  monstroit  vne  grande  Noblesse,  grandeur  de 
courage,  &  grande  prudence,  auec  vne  représentation  &  physiognomie 
vénérable,  dign^  de   respect  &  d'honneur)  désira  de  sçauoir  les 
moyens  de  son  reuenu,  &  les  ayant  sceu,  il  vint  à  calculer  &  me- 
surer en  son  entendement  ses  affaires  auec  ses  forces,  &  ses  bien- 
faits auec  ses  moyens,  &  sans  longuement  penser,  promit  &  as- 
seura  que  s'il  auoit  le  gouuernement  de  son  bien,  en  peu  de  temps 
il  le  raettroit  hors  de  tant  d'vsures  qui  l'escorchoient,  esquelles  il 
estoit  onueloppé,  payant  iournellement  d'insupportables  interests  & 
surcharges  :  si  qu'auec  vne  tres-conuenable  libéralité  à  sa  gran- 


LOU   ROUMIBU  339 

deur  &  son  rang,  il  rangoroit  son  reuenu  de  façon,  &  par  un  tel 
ordre,  qu'il  s'en  contenteroit,  &  en  receuroit  de  l'honneur. 

Or  quoy  que  ce  pèlerin  ne  voulut  iamais  dire  ne  descouurir  son 
païs  ny  son  nom,  si  qu'on  le  nomma  Lo  Romieu  par  Taduis  toutes 
fois  &  bon  conseil  de  Thomas  Comte  de  Sauoye,  Prince  des  plus 
sages  &  aduisez  de  son  temps,  &  de  plusieurs  autres  Princes  et 
Seigneurs  de  la  Cour  de  Berenguier,  fut  donnée  la  cure,  &  mis 
en  la  main  du  Romieu  le  gouuernement  de  tous  les  biens  &  reuenus 
de  Prouence,  desquels,  comme  il  commença  à  les  manier,  il  fit  beau- 
coup plus  qu'il  n'auoit  promis.  A  tant  qu'en  peu  de  temps  il  ouura  & 
mesnagea  si  bien  par  son  industrie  &  diligence,  que  ses  quatre 
Infantes,  Princesses  de  très  excellente  beauté  &  d'incomparable 
vertu,  furent  mariées,  par  vue  grande  &  suprême  félicité,  à  quatre 
grands  et  puissants  Roys  :  Marguerite  la  première,  au  grand  &  re- 
nommé Sainct  Louys;  Eleonore  ou  Ilelyone,  la  seconde,  à  Henry 
troisiesme  du  nom,  Roy  d'Angleterre:  Sance  ou  Saincte,  la  troi- 
siesme,  au  Comte  de  Vienne,  &  après  sa  mort  à  Richard  Duc  de 
Gordoue  frère  du  Roy  d'Angleterre,  qui  eut  par  après  le  sceptre  de 
ce  Royaume  &  de  son  frère;  &  Beatri;c.  ia  quatriesme,  à  Charles  frère 
de  Sainct  Louys,  qui  fut  Comte  de  Prouence,  &  tost  après  couronné 
&  proclamé  Roy  de  Sicile  &  de  Naples,  qui  ne  fui  vue  moyenne 
gloire  à  Berenguier,  vue  peu  excellente  loiiange  à  Romieu,  ny  vn 
petit  aduantage  à  nostre  Prouence. 

Tous  les  Princes  &  Gentilshommes  de  la  Cour  de  Berenguier  de- 
meurans  en  admiration  &  merueilleux  estonnemént  de  la  sagesse, 
conduite  &  preuoyance  de  ce  sage  &  tant  illustre  pèlerin  &  inten- 
dant, estoient  contraints  de  confesser  ce  qui  estoit  de  luy,  &  la 
vérité  par  les  effects  qu'ils  en  voyoient  sortir  deuât  leurs  yeux.  Mais 
il  ne  falloit  pas  que  ceste  prend' hommie  demeurast  plus  longtemps 
sans  enuie  &  sans  detraction,  il  estoit  besoin  que  ceste  vertu  tant 
héroïque  fust  prouuee,  &  que  le  soupçon  ioiiast  son  roolle  &  sa 
comédie:  voire  ii'esloit  raisonnable  qu'vne  si  claire  &  haute  vertu 
marchast  de  mosme  pas  &  de  mesme  nature  que  la  nîisere  &  l'igno- 
rance, qui  sont  seules  sans  enuie  &  sans  amorce  d'ambition: 
pource  que  ce  qui  n'est  désiré  d'aucun,  ne  peut  estre  enuié  ny 
blasmé.  l^'enuie  donques,  qui  est  vn  vice  très-particulier,  familier 
aux  Cours  des  Princes,  glissant  cautement  &  malicieusement,  enue" 
niuia  tellement  le  cœur  (trop  à  la  vérité  crédule)  de  Berenguier, 
que  le  Romieu  luy  vint  en  soupçon  &  en  quelque  ombrage:   vou- 


340  DIALECTES    MODERNES 

lant&  ordonnant  qu'il  rendroit  compte  de  son  administration  & 
intendance.  Le  sage  &  noble  Romieu,  meu  de  iuste  &  généreux 
desdain,  sans  faire  autre  semblant,  ny  sans  perdre  vn  seul  trait 
(ô  vanité  du  monde!)  de  sa  granité,  sçachant  fort  bien  qu'il  aupit 
administré  en  homme  de  bien,  &  tres-entierement  la  maison  de  son 
Seigneur,  après  auoir  posément  &  sansaltesration  rendu  ses  comp- 
tes, reprenant  ses  premiers  &  simples  vêtements  de  pèlerin,  se 
despartit  &  print  congé  de  Berenguier  auec  ces  graues  mots  &  ces 
courtes  &  sages  paroles  :  Panure  ie  suis  venu,  &  panure  in'en  re- 
tourne. 

Or  quelque  temps  après  ce  pauure  Comte,  qui  revint  à  soy,  des- 
plaisant en  son  cœur,  de  ce  qu'il  auoit  creu  trop  légèrement  aux 
calomnies  &  flagorneries  des  enuieux,  &  de  l'enuie  qu'on  auoit  eu 
sur  ce  sage&  tantaduisé  personnage,  considéra  posément  combien 
droictement,  &  auec  quelle  sincérité,  saincteté  et  candeur  il  auoit 
manié  sa  charge,  &  son  administration,  au  grand  honneur,  aduan- 
tage  &  profit  de  sa  maison  :  si  bien  que  blasmant  grandement  sa 
trop  grande  facilité,  &  recognoissant  la  perte  qu'il  auoit  faicte,  il 
luy  manda  incontinent  messagers  exprez  après  auec  in  tantes  priè- 
res de  ne  vouloir  passer  outre  &  reuenir  continuer  son  intendance 
&  sa  première  charge,  à  quoy  il  ne  vouluct  aucunement  entendre, 
ains  de  propos  délibéré  fît  son  chemin  &  passa  outre,  blasmant 
grandement  l'ingratitude  &  la  legore  créance  de  Berenguier  qui 
s'affligea  merueilleusemont  de  sa  resolution  :  comme  firent  les  plus 
fidelles  et  affection pz  seruiteursd»  sa  maison,  qui  n'ignoroient  pas 
lesdeportemens  &  la  preud'hômie  du  pèlerin  qu'ils  regrettèrent 
tousiours  depuis .  Plusieurs  iouis  se  passèrent  que  Berenguier  en- 
dura &  tiouffrit  beaucouip  de  nécessitez  en  sa  maison,  pour 
l'absence  du  Romieu,  qui  tant  rondement,  de  si  bonne  affection 
&  d^m  si  haut  sens  auoit  conduit  &  remis  ses  affaires  confus  & 
détraquez,  à  tant  qu'il  s'en  blasma  soy  mesme,  &  eut  à  cotre  cœur 

&  detestatiô  les  autheurs  et  les  occasiôs  de  son  départ. 

• 

César  NOSTRADAMUS 

La  Prouence  sous  les  princes  d'Aragon  Raymond  Bërbngoier, 
DERNIER  DU  NOM,  CoMTE  X.  (Histoite  ct  chronîqve  de  Prouence, 

p.  204  6^205.) 


AUTHENTICITÉ  DE  LA  FORME  VES  POUR   VETUS 


On  lit  à  la  page  139  de  la  Romania  {js^nyiev  1873):  «  M.  Bou- 
cherie cite  bien  légèrement,  comme  contenant  le  plus  ancien 
exemple  de  vies  (fr.  vieux  )^  ce  passage  tiré  d'un  ms  de  754  : 
((  Arbor  mala  ves  homo,  arbor  bona  anima  spiritalis.  »  Ce  que 
M.  B.  a  lu  ves  doit  probablement  se  lire  videlicet,  » 

Quoique  je  n'eusse  aucun  doute,  car  j'avais  été  trop  frappé 
de  cette  forme  pour  ne  pas  m' assurer  à  plusieurs  reprises  que 
j'avais  bien  lu,  j'ai  prié  un  ancien  élève  de  l'Ecole  des  chartes, 
M.  Harold  de  Fontenay,  qui  habite  la  ville  d'Autun,  de  vouloir 
bien  jeter  les  jeux  sur  le  passage  controversé  et  me  faire  savoir 
si  c'est  bien  ves  ou  videlicet  qu'il  faut  lire.  Voici  la  réponse  qu'il 
a  bien  voulu  me  faire  :  «  Je  commencerai  par  vous  avouer  fran- 
chement que  la  présence  du  mot  ves,  signalé  par  vous  comme 
se  trouvant  au  milieu  d'un  commentaire  latin  des  Evangiles, 
dans  le  ms  n°  3  de  la  bibliothèque  du  grand  séminaire  d'Autun, 
daté  de  l'an  754,  m'avait  vivement  surpris,  et  je  me  proposais 
de  vérifier  cette  lecture  lorsque  votre  lettre  m'est  parvenue. 
J'ai  examiné  très-attentivement  le  passage  en  question  :  «  Arbor 
mala  veshomo^  arbor  bona  anima  spiritaUs  »  (folio  24,  recto,  et 
non  24,  v°),  et  je  reste  convaincu  qu'il  y  a  ves  et  non  autre 
ohose.Les  lettres  e'  /  sont  exactement  conjointes  comme  dans  le 
moi  est  àe  l'exemple  d'écriture  mixte  du  milieu  du  VHP  siècle, 
cité  par  M.  Natalis  de  Wailly,  dans  ses  Éléments  de  paléogra- 
phie, tom.  II,  pi.  IV,  n°  6,  ligne  4.  D'ailleurs,  notre  manuscrit 
nous  fournit  plusieurs  exemples  du  même  assemblage  de  let- 
tres: ainsi,  au  f"  18,  v°,  ligne  14,  dans  le  motdulces  pour  dul- 
cis,  et  f  19,  r°,  ligne  16,  dans  le  mot  lapides,  lectures  dont 
on  ne  peut  mettre  l'exactitude  en  doute.  Quant  à  voir  dans  le 
mot  ves  une  abréviation,  celle  de  videlicet,  par  exemple,  cela 
est  pnléographiquement  inadmissible  :  le  mot  ves  est  bien  en- 
tier. Au  reste,  l'équilibre  de  la  phrase  exige,  non  un  adverbe, 


.?J2  DIALECTES    MODERNES 

mais  un  adjectif.  Fes  est  en  opposition  "avec  «pirtïafii,  comme 
mala  avec  bona.  J'ai  tenu  à  rechercher  si,  dans  d'autres  pas- 
sages du  même  évangéliaire,  le  mot  ves  ou  le  mot  vettis  se  re- 
présentait de  nouveau.  J*ai  constaté  cette  dernière  forme  au 
f*  26,  r°,  col.  2,  ligne  18,  dans  ce  verset  de  saint  Mathieu 
(IX,  16  )  :  «  Nemo  autem  immittit  commissuram  panni  rudis 
in  vestimentum  vêtus,  etc.. .»;  mais  on  doit  remarquer  que  ce 
n'est  plus  là  le  commentaire,  mais  le  texte  même  de  rËcriture 
qui  a  été  transcrit,  w 

Si  j'insiste  sur  cette  rectification,  et  si  j'ai  tenu  à  reproduire 
in  extenso  le  témoignage  net  et  bien  présenté  de  M.  de  Pon- 
tenay,  ce  n'est  pas  tant  pour  prouver  que  je  n'ai  pas  commis 
d'erreur  de  lecture,  que  pour  appeler  de  nouveau  l'attention 
sur  cette  forme  si  ancienne  et  si  curieuse,  et  en  bien  faire 
constater  l'authenticité. 

A.  Boucherie. 


BIBLIOGRAPHIE 


E/)/x>3V8Û/xaTa  (xat)  Kaôyj/xsptvyj  O/xt^ta  de  Julius  Pollux,  publiés  pour  la 
première  fois,  d'après  les  manuscrits  de  Montpellier  et  de  Paris,  par 
A.  BoDCHERiE,  professeur  au  Lycée  de  Montpellier. —  Paris,  Imprimerie 
nationale,  1872,  in-4°.  —  Extrait  du  tome  XXIII,  2°  partie,  des  Notices 
et  Manuscrits  do  la  Bibliothèque  nationale  et  autres  bibliothèques. 

Sous  ce  titre,  l'un  des  membres  fondateurs  de  la  Société  pour 
ï étude  des  Langues  romanes  vient  de  publier  le  texte  bilingue  de 
trois  ouvrages  que  l'on  peut  considérer  comme  de  véritables  ma- 
nuels de  conversation  grecque  et  latine.  Dans  une  introduction 
claire  et  bien  faite,  M.  Boucherie,  après  avoir  établi  la  parenté  de 
ces  trois  livres,  expose  les  raisons  très-probables  qui  l'autorisent 
à  attribuer  les  deux  premiers  (les  Ép/;i>îV£Û^aTa  et  Popit^ta*)  au  cé- 
lèbre lexicographe  Julius  Pollux,  contemporain  de  l'empereur 
Commode.  Pollux  aurait  ainsi  exécuté  deux  entreprises  bien  diffé- 
rentes. Dans  le  seul  de  ses  ouvrages  qui  fût  encore  connu,  VOno- 
masticon,  il  nfaurait  fait  entrer  que  les  expressions  consacrées 
par  l'usage  dés  écrivains  classiques;  dans  les  textes  publiés  par 
M.  Boucherie;  il  aurait,  au  contraire,  recueilli  et  rapproché  de  leurs 
équivalents  latins  les  mots  de. la  conversation  familière. 

A  la  suite  des  textes  dont  il  s'est  fait  l'éditeur,  M.  Boucherie  a 
placé  de  savants  glossaires,  destinés  à  signaler  et  à  expliquer  les 
formes  et  les  acceptions  nouvelles  que  ces  textes  fournissent  à  la 
lexicographie  grecque  et  latine. 

Cette  publication,  dont  la  riche  bibliothèque  de  notre  Ecole  do 
médecine  a  fourni  l'élément  principal,  et  que  l'Académie  des  in- 
scriptions a  prise  sous  son  patronage,  est  fort  importante  pour  la 
science  de  la  linguistique.  Non-seulement  elle  met  à  sa  disposi- 
tion des  savants  beaucoup  de  documents  inédits,  mais  elle  montre 
encore  ce  qu'étaient,  au  II®  et  au  III*  siècle  de  Tère  chrétienne,  la 
grécité  et  la  latinité  vulgaires,  et  fait  ainsi,  pour  ainsi  dire,  saisir 
sur  le  vif  la  différence  notable  qui  existait  entre  la  langue  écrite 
et  la  langue  parlée. 

'  Le  troisième  contient  des  fables  d'Esope  et  un  fragment  de  droit  ro- 
mani. 


344  BIBLIOGRAPHIE 

Elle  est  sans  doute  plus  intéressante  pour  la  philologie  grecque 
et  latine  que  pour  la  philologie  romane,  mais  elle  apporte  aussi  des 
éléments  nouveaux  à  l'étude  des  langues  néo-latines.  Sans  pader 
des  particularités  relatives  à  la  prononciation  et  à  l'orthographe,  que 
réditeur,  en  maître  qui  connaît  l'importance  de  ces  prétendues 
irrégularités,  relève  avec  un  soin  minutieux,  il  serait  facile  de 
signaler  dans  ce  livre  un  grand  nombre  de  faits  curieux  pour  l'his- 
toire des  idiomes  romans.  11  suffit  d'en  citer  ici  deux  ou  trois 
exemples.  La  cigale  est,  on  le  sait,  nommée  cicada  dans  le  latin 
littéraire  et  dans  les  lexiques.  Le  nouvel  ouvrage  de  PoUux  four- 
nit cica/a.  doublet  qui  nous  explique  les  mots  français  et  italien 
cigale  et  cigala,  et  même  le  mot  espagnol  cigarra.  Les  Italiens  ap- 
pellent pernice  l'oiseau  que  nous  désignons  par  le  mot  de  perdristy 
et  que  Jes  Espagnols,  les  Portugais  et  les  Provençaux  nomment 
perdiz.  Pollux  nous  donne  les  deux  formes  primitives  de  ces  mots 
néo-latins  —  en  grec,  il  est  vrai,  — mais  l'on  peut,  sans  témérité  , 
conjecturer  qu'elles  existaient  également  en  latin .  M.  Boucherie  fait 
venir  le  mot  provenders  de  l'ancien  français,  et  notre  mot  provende 
de  promentarius  et  promentarium»  formes  tout  à  fait  inconnues,  que 
nous  révèle  le  manuscrit  de  Pollux.  L'étymologie  est  contestable  ; 
mais  ce  sont  des  faits  curieux  à  signaler  que  ces  deux  dérivés 
nouveaux  du  verbe  promere.  Ce  mot,  qui  signifie  tirer  de,  a  fourni 
d'abord  promus,  cellerier,  dépensier,  et  promum  (Tertullian.  ad 
Uxor.,  II,  4),  cellier,  dépense.  Il  a  dû  nécessairement  produire 
promentum,  d'où  sont  venus  promentarius  et  promentarium,  qui  ont 
le  môme  sens  que  promus  et  promum,  et  que  deux  autres  mots 
venus  de  la  même  racine ,  prompluarius  etpromptuarium. 

Il  serait  aisé  de  grossir  beaucoup  cette  liste  de  formes  anciennes, 
inconnues  jusqu'ici,  et  servant  à  expliquer  certaines  expressions 
des  langues  néo-latines  ;  mais  cet  échantillon  doit  suffire  pour  at- 
tirer l'attention  des  romanistes  sur  le  travail  de  M.  Boucherie. C'est, 
du  reste,  un  livre  qu'il  faut  étudier  en  détail  pour  en  connaître 
tout  le  mérite  et  pour  rendre  pleine  justice  à  l'érudition,  a  la 
patiente  sagacité,  à  la  scrupuleuse  exactitude  de  notre  laborieux 
confrère. 

G:  R. 


BIBLIOGRAPHI K  .T45 

Œuvres  complètes  du  trouvère  Adam  de  la  Ralle  (poésies 
et  musique),  publiées  par  E.  de  Coussemaker,  correspondant  de 
l'Institut. 

Adam  de  la  Halle  était  connu  comme  Tun  des  trouvères  les  plus 
distingués  delà  célèbre  école  d'Arras,  mais  on  n'avait  pas  encore 
publié  ses  œuvres  complètes  ;  M.  de  Coussemaker  vient  de  s'en 
charger.  11  ne  s'est  pas  contenté  de  reproduire  le  texte  avec  toutes 
les  variantes,  il  y  a  joint  la  notation  musicale  de  l'auteur  et  une 
traduction  en  musique  moderne.  On  sait  que  c'est  là  surtout  la  spé- 
cialité «le  M.  de  Coussemaker. 

N'étîint  pas  compétent  moi-même,  je  ne  puis  que  résumer  les 
conclusions  de  l'éditeur  en  ce  qui  concerne  le  talent  musical  d'Adam 
de  la  Halle.  Il  distingue  en  lui  le  mélodiste  et  l'harmoniste.  De  ses 
raélodif  s,  les  unes,  celles  du  Jeu  de  Robin  et  de  Marion,  sont  na- 
turelles, faciles,  chantantes;  les  autres,  au  contraire,  celles  des 
Chansons  et  des  Jeux-partis,  sont  souvent  maniérées  et  d'une  forme 
difficile  à  retenir.  Comme  trouvère  harmoniste,  il  est  sans  contredit 
le  premier  de  tous.  Quant  à  ses  qualités  comme  poète  et  comme 
écrivain,  je  les  -ai  déjà  signalées  dans  cette  Revue  (t.  III,  p.  311  et 
suivantes);  je  n'ai  donc  pas  à  y  revenir. 

Parmi  les  pièces  de  cet  auteur  que  j'ai  publiées,  deux  se  retrou- 
vent dans  le  recueil  de  M.  de  Coussemaker,  p.  44  et  104.  J'ai  relevé 
les  différences  de  texte  et  je  les  mets  sous  les  yeux  de  nos  lec- 
teurs, qui  pourront  ainsi  compléter,  au  moins  pour  ces  deux  pièces, 
le  Fragment  d^ Anthologie  picarde. 

P.  44.    -    Ja  qui  sera  loiaus  drus 
Bonne  leçon  qu'il  faut  substituer  à  la  mienne. 

P.  45.  —   N'iert  ja  d'amer  recreus. 
Var.  —  N'ert  de  >ervir  recieus. 
Il  faut  lire  recreus  avec  le  ms.  de  Montpellier. 

—  Ains  iert  tous  jours  en  li  graindre. 

IV/r.  —  Ains  est  toudis. .. 

—  Foys  dusque  au  morir. 


Bonne  leron. 


Bonne  leçon. 


—  5*il  ne  l'osera  gehir. 

—  Frans  cuers,  gentiex,  esleus. 

—   Pour  toutes  valours  achaindr^. 


346  BIBLIOGRAPHIE 

M.  de  Goussemaker  n'indique  pas  de  variante  pour  achaindre. 
Le  dérive-t-il  de  *adscandere,  escalader?  Je  n'en  connais  pas  d'au- 
tre exemple. 

P.  46  —  Pour  les  mesdisans  refrcUndre, 

Var,  —  Restraindre.  — Faire  fraindre  (Montp.)- 

—  Cors,  pour  cuers  dedens  ravir. 

Cette  leçon  offre  un  certain  sens,  et  est  préférable  à  celle  du  ms. 
de  Montpellier. 

—  Sage,  humele,  bien  enseignie. 
Var,  —  Humlee^  (Id.  Montp.) 

—  S'eshauhisl  et  humelie . 
Var.  —  8'abaubit.  (Id.  Montp.) 

—  Que  ma  vigour  sench  estraindre. 
Var,  —  Estaindre,  (Id.  Montp.) 

—  Si  que  ne  puis  nés  salus. 

Var,  —  Nis  salus.  — Nus  salus.  (Montp.) 

—  Aussi  que  se  faërie. 
Var.  —  Aussi  com.  (Id.  Montp.) 

—  Quant  je  sui  ou  retour. 
Var.  —  Et  quant  sui  u  retor. 

Dans  les  deux  cas  il  manque  une  syllabe.  C'est  Montp.  qui 
donne  la  bonne  leçon. 

—  Li  reveoir  me  tarie. 
Var,  —  Li  reveoir  (sic). 

Probablement  il  y  a  une  faute  d'impression.  La  variante  doit  être 
reveoirs,  bonne  leçon  qui  est,  en  effet,  celle  de  Montpellier. 

P.  47.  —  Ganchon,  fai  toi  de  maisnie 
A  me  dame  tant  c'oïe*, 
Soies  pardouchour, 
S'on  t'en  cache,  fai  un  tour, 
Si  rentre  '  à  l'autre  partie. 

Cette  leçon  est  plus  complète  et  meilleure  que  celle  de  Mont- 
pellier, mais  elle  ne  donne  pas  encore  un  sens  tout  à  fait  satisfai- 
sant. 


*  Var.  Koye. 
'Var.  Si  va. 


BIBIJOORAPRIE  347 

Soies,  qui  se  trouve  dans  tons  les  manuscrits  et  que  j'avais  rejeté* 
doit  être  maintenu . 

Si  va,  donné  aussi  par  Montp. ,  doit  être  préféré  à  si  rerUre. 
P.  104.  —  D*un  vair  iex  ses  et  agus. 
Var,  —  D'wrw  vair  (5ic)  ieux. 
Montp.  donne  la  bonne  leçon.  D^uns  vairs  iex,  (V.  Rev.  desLang. 

rom,,  p.  335.) 

—  Et  au  droit  jugier. 

P.  105.  —  Si  que  je  fai,  si  me  voeille  aie  aidier. 
Var.  —  Si  co7n,  (Id.  Montp.) 

—  Mais  aine  ne  fu  si  repus 
Mes  cuers  vers  li,  ne  si  mus, 

Tant  m'oUsse  refuser, 
Que  par  sou  doue  regarder 
Ne  me  samblast  jus. 

Var,  —  Vers  moi  ses  cuers,  ne  si  mus. 

La  bonne  leçon  est  évidemment  ses  cuers  versinoi, 

—  De  li  am^  ne  de  merchi  proiier. 
Var,  —  Deli  anter,  (Id.  Montp.) 

—  Quant  sa  bouche  meniache, 

—  En  départant  m'en  convient  repairier. 
'                Var,  —  Au  départir  me  convient,  (Id.  Montp.) 

M.  de  Goussemaker  ne  s'est  pas  aperçu  qu'il  manque  un  vers 
après'celui-ci.  Il  est  remarquable  que  cette  lacune  se  retrouve  dans 
tous  les  manuscrits. 

—  Hé  !  fleurs  d'el  siècle  où  mes  travaus  emploie. 

Emploie  est  une  faute  :  il  faut  emploi,  forme  que  la  rime  exigeait 
en  même  temps  que  la  grammaire. 

—  Essamples  bons  et  biaus  pour  castoiier. 

Assés  de  cacfUer. 

Il  faut  lire  decachier  (repousser). 

P.  106.  —  Que  vous  vaurrés  demander, 

Var.  —  Que  vous  sarés  deviset\  (Id.  Montp  ) 

On  voit  par  ce  qui  précède  que,  si  le  texte  publié  par  la  Revue  des 

Langues  romanes  est  supérieur  sur  certains  points  à  celui  qu'a  édité 

M.  de  G...,  il  lui  est  inférieur  sur  d'autres. 

A.  B. 


34^  BIBLIOGRAPHIE 

Histoire  deâ  origines  de  la  langue  française,  par  A .  Granier 
de  Gassagnac.  —  G'est  im  travail  considérable.  I/aùteur,  et  je 
n'ai  pas  besoin  de  dire  que  je  partage  son  opinion  (V.  Bulletin  de 
la  Société  des  Langues  romanes,  p.  26,  27),  croit  que  les  langues 
néo -latines  ne  sont  pas  nées  seulement  de  la  corruption  delà  lan- 
gue latine,  et  que  leur  ressemblance  avec  elle  indique  un  rapport 
de  fraternité  et  non  de  filiation  ;  en  d'autres  termes,  qu'elles  sont 
les  sœurs  et  non  les  filles  du  latin.  Selon  lui,  la  race  gauloise,  qui 
a  essaimé  par  grandes  masses  en  Italie,  en  Espagne  et  sur  le  Da- 
nube, on  aurait  été  le  principal  propagateur.  Gette  conclusion  est 
aussi  la  mienne,  comme  on  peut  s'en  assurer  en  jetant  les  yeux  sur 
l'article  déjà  cité.  J'y  ai  fait  observer,  en  effet,  «  que,  partout  où  Ton 
retrouve  des  traces  de  la  langue  latine,  en  dehors  de  l'Italie,  Phis- 
toire  nous  montre  une  émigratioti  gauloise  antérieure.  »  (P.  28.) 

M  .  Granier  de  Gassagnac  appuie  sa  thèse  sur  trois  sortes  de  preu- 
ves :  preuves  de  bon  sens,  preuves  historiques,  preuves  philologi- 
ques. 

Son  argumentation,  tant  qu'il  se  renferme  dans  le  domaine  de 
l'induction,  du  bon  sens  et  de  l'histoire,  est  très-forte  et  à  peu 
près  inattaquable  ;  mais  il  n'en  est  plus  de-mème  quand  il  arrive 
aux  preuves  philologiques.  Faute  d'une  préparation  technique  suf- 
fisante, il  a  commis  parfois  des  erreurs  graves,  et  se  trouve  ainsi 
avoir  compromis  l'excellence  do  sa  cause.  Je  n'en  citerai  que  quel- 
ques-unes, mais  elles  suffiront  à  prouver  que  M.  G.  de  G.  ne  peut 
faire  autorité  sur  ce  point.  Ainsi  il  donne  comme  absolument  étran- 
gers au  latin  (p.  275)  des  mots  comme  asciugare  (essuyer),  arres- 
lare  (arrêter),  cogliere  (cueillir),  pezare  (peser),  pagare  (payer),  pa- 
glia  (paille),  salvaggio  (sauvage),  etc.,  lorsqu'il  est  de  toute  évidence 
qu'ils  correspondent  aux  formes  latines  exsuccare^  [ad-restare], 
colligere,  pensare,  pacare,  palea,  silvaticum.  A  ïa  p.  23'Z,  il  traduit 
un  passage  souvent  cité  de  Sulpice  Sévère,  passage  jusqu'ici  mal 
compris,  et  que  je  crois  devoir  expliquer  atvec  quelque  détail,  mal- 
gré le  peu  d'étendue  réservée  au  présent  article. 

Le  passage  auquel  je  fais  allu^sion  se  trouvé  dans  la  Vie  de 
St.  Martin  par  Sulpice  Sévère,  dialogue  I®»".  Les  interlocuteurs  ra- 
content ce  qu'ils  savent  de  la  vie  du  saint  ;  mais  l'un  d'eux,  Gal- 
lus,  né  dans  le  nord  de  la  Gaule,  n'ose  prendre  la  parole  devant 
des  Aquitains.  Il  craint  q.ue  la  rusticité  de  son  langage  ne  choque 
leurs  Oreilles  délicates  :  «  Ego,  inquit  Gallus,, .»  dum  cogito  me 


BIBLIOiiRAPHIE  349 

hominem  Gallum  inter  Aquitanos  verba  facturum,  vereor  ne  offenr 
dat  vestras  nimium  urbanas  aures  sermo  rusticior.  »  Sur  quoi, 
Tun  de  ceux  qui  avaient  parlé  avant  lui,  Posthumianus,  lui  répond  : 
«  Parlez-nous  môme  celtique,  ou,  en  d'autres  termes  (litt.:  si  tu  aimes 
mieux)  gaulois  y  pourvu  que  tu  nous  parles  de  saint  Martin  (nous 
serons  contents].  »  «  Tu  vero,  inquit  Posthumianus,  vel  celtice,  aul, 
si  mavis,  gallice  loquere.  »  Le  sens  est  certainement  celui  que  j'in- 
dique, et  la  preuve  en  est  que  les  Gaulois  du  Centre  et  de  l'Ouest  eux- 
mêmes  s'appelaient  Celtes,  et  que  le  nom  de  GalH  leur  venait  des 
Romains.  «  Gallia  est  omnis  divisa  in  partes  très,  quarum  unam 
incolunt  Belgae,  aliam  Aquitani,  tertiam  qui  ipsorum  lingua  Celtœ, 
nostra  Galli  appellaniur.  »  (César,  Bell,  gall.y  1.  I®»",  c.  I).  C'est  à  peu 
près  comme  si  nous  disions  à  un  Allemand:  «  Parlez-nous  alle- 
mand, ou,  si  vous  aimez  mieux  (aut  si  mavis  j,  deutsch.  »  Ou,  en- 
core, comme  si  nous  disions  d^un  paysan  :  «  Qu'il  nous  parle  ba- 
ragouin ou,  si  on  aime  mieux,  charabia.  » 

Enfin,  ce  qui  achève  de  dissiper  les  doutes,  c'est  un  passage  tout 
à  fait  analogue  que  j'ai  relevé  dans  le  Moine  de  Saint- Gall^où  les  mots 
germanice  et  leutonice  sont  employés  exactement  comme  ici  celtice  et 
gallice.  —  «Chez  nous,  dit-il.  qui  parlons  le  teulonique  ou  germa- 
nique. »  «  Apud  nos  autem  qui  teulonice  vel  germanice  loquimur.  » 
(L.  !•',  c.  x.) 

Évidemment,  on  n'a  jamais  pensé  qu'il  y  eût  deux  langues  en 
Germanie  :  le  p;ermanique  et  le  teutonique.  Le  Moine  deSaint-Gall 
a  voulu  dire  ceci:  a  Nous,  qui  parlons  le  teutonique,  comme  nous 
disons  (en  allemand  deutsch),  ou,  comme  disent  les  Romains,  le 
germanique.  »  Dans  cette  phrase,  germanice  est  à  gallice  ce  que 
leutonice  est  à  celtice.  Du  reste,  cette  rectification  n'infirme  en  rien 
la  théorie  de  M.  G.  de  C. ,  théorie  qui  depuis  longtemps  est  aussi  la 
mienne,  à  savoir  que  les  grandes  divisions  ethnographiques  et  lin- 
guistiques de  la  Gaule,  telles  que  les  indique  Strabon,  conviennent 
parfaitement  à  la  France  actuelle.  Mais  il  n'était  pas  inutile  de  la 
faire,  pour  arrêter  les  tentatives  aventureuses  de  ceux  qui  ont  bâti 
sur  ce  contre-sens  tout  un  système  de  langues  celtiques  et  précel- 
tiques, gaéliques  et  kymriques. 

Malgré  les  erreurs  que  j'ai  signalées,  le  livre  de  M.  G.  de  C. 
fait  honneur  à  sa  perspicacité  et  à  son  bon  sens. 

11  y  a  accumulé  beaucoup  de  travail,  et  épargnera  ainsi  bien  des 
recherches  à  ceux  qui,  après  lui,  traiteront  la  même  question.  11 
voudra  probablement  reprendre  et  améliorer  afin  ouvrage.  Dans  ce 


350  BIBLIOiiRAPHIE 

cas,  qu'il  lise  et  relise  Topuscule  de  M.  G.  Paris,  intitulé  :  du  Rôlede 
Vaccent  lalin,  le  meilleur  guide  que  je  connaisse  pour  qui  veut  étu- 
dier l'organisme  de  notre  langue  ;  qu'il  fasse  derétymologieà  recelé 
de  Diez  et  de  M.  Littré,  et  il  pourra  donner  à  sa  thèse  la  seule  chose 
qui  lui  manque  :  une  solide  base  philologique. 

A .  BoCCHRRrB. 


Grammaire  des  lancées  romanes,  par  Frédéric  Diez,  3«  édi- 
tion, refondue  et  augmentée. — ^Tomel«',  traduit  par  Auguste  Bra- 
chet  et  Gaston  Paris.  Paris,  librairie  Franck,  rue  Richelieu,  67. 

Cet  ouvrage  est  absolument  indispensable  à  tous  ceux  qui  s'occu- 
pent de  philologie  romane  et  de  linguistique  générale.  Nous  ne 
saurions  trop  le  recommander  à  l'attention  de  nos  lecteurs. 

Les  noms  bien  connus  des  deux  traducteurs,  MM.  A.  Brachet  et 
G.  Paris,  ne  donnent  que  plus  de  valeur  à  cette  publication. 


PERIODIQUES 


Hevue  de  Linguistique,  t.  V,  3®  F.,  p.  225;  Emile  Picot.  — 
Documents  pour  servir  à  l'étude  des  dialectes  roumains.  L'auteur  si- 
gnale d'abord,  mais  sans  l'expliquer,  un  fait  très-important,  à  savoir 
que  la  langue  des  Roumains  est  uniforme  dans  toute  l'étendue  de 
son  domaine.  Le  parler  des  ditférentes  provinces  ne  se  distingue 
que  par  des  nuances  de  prononciation  qui  n'entravent  en  rien  les 
communications  orales.  M.  E  P.  classe  les  emprunts  faits  par 
cette  langue  à  ses  voisines,  et  montre  qu'en  général  ils  ne  dé- 
passent pas  la  zone  limitrophe  de  chaque  pays.  Ainsi,  les  termes 
empruntés  au  turc  se  trouvent  en  Valachie,  les  autres  en  Bessa- 
rabie, en  Transylvanie,  selon  qu'ils  viennent  de  la  Russie  ou  de  la 
Hongrie.  Il  s'occupe  particulièrement  du  dialecte  roumain  du  Banat 
et  donne  comme  échantillon  un  conte  populaire,  le  Cordon  d'or, 
recueilli  au  village  de  Gavochdie,  près  de  Lougoch.  C'est  un  travail 
intéressant.  —  P.  263.  Stojan  Novacovic,  Transcription  de  la  langue 


PERIODIQUES  351 

serbe, -^  P.  267.  H.  Ghavée,  les  Huit  G  H  R  de  VArydque,  —  P.  273. 
Girard  de  Rialle,  la  Déesse  mystérieuse  des  bois  dans  le  Rig-Véda.  — 
P.  276.  Julien  Vinson,  Phonétique  basque. —  P.  291.  A.  Hovelacque, 
Questions  de  grammaire  zende, —  P.  295.  Bibliographie.        A.  B. 


CHRONIQUE 

On  annonce  pour  le  lundi  5  mai  et  les  onze  jours  suivants,  à 
sept  heures  et  demie  du  soir,  25,  rue  des  Bons- Enfants,  à  Paris, 
la  vente  de  la  Bibliothèque  patoise  de  M.  Burgaud  des  Marets,  dont 
la  librairie  Maison  neuve  (Paris,  15,  quai  Voltaire)  a  publié  le  ca- 
talogue. Il  y  a  là  une  collection  de  volumes  aussi  rares  que  précieux, 
appartenante  peu  près  à  tous  les  dialectes  des  langues  romanes  et 
otTiaat  les  ouvrages  les  plus  renommés  écrits  dans  ces  dialectes. 
Quelques-uns  des  livres  cités  dans  le  catalogue  que  nous  avons  sous 
les  yeux  sont  uniques  ou  n'ont  été  tirés  qu'à  deux  exemplaires  :  l'un 
pour  M.  Burgaud  des  Marets,  Fautre  pour  le  prince  Lucien  Bona- 
parte. La  partie  théorique  et  la  philologie  comparée  sont  aussi  di- 
gnement représentées.  Ajoutons  que  les  impressions,  et  jusqu'aux 
reliures,  sont  de  nature  à  contenter  l'amateur  le  plus  délicat. 

Quel  dommage  qu'une  collection  aussi  riche,  aussi  impossible 
à  refaire,  soit  à  la  veille  d'être  dispersée  et  que  le  gouvernement  ne 
^onge  pas  à  l'acheter  en  bloc  pour  l'un  de  nos  grands  dépôts 
publics  I  Nous  voudrions  qu'elle  pût  tomber  entre  les  mains  d'un 
bibliophile  intelligent,  digne  de  l'apprécier,  passionné  pour  les 
études  dont  notre  Revue  s'occupe.  Mais  où  trouver  le  romanisant 
assez  favorisé  des  dons  de  la  fortune  pour  pouvoir  se  payer  un 
cadeau  de  cette  importance  ? 

Notre  collèj^ue  M.  Melchior  Barthés,  pharmacien  de  première 
classe,  vient  de  faire  paraître  un  Glossaire  botanique  languedocien, 
français,  latin,  de  V arrondissement  de  Saint-Pons  {Hérault),  précédé 
d'une  étudedu  dialecte  languedocien  (Montpellier,  Imprimerie  centrale 
du  Midi,  Ricateau,  Hamelin  etC^,  1873).  L'auteur  appartient  à  cette 
classe  consciencieuse  et  modeste  des  savants  de  petite  ville  dont  les, 
talents,  peu  connus  en  dehors  du  cercle  restreint  où  ils  se  dévelop- 
pent, mériteraient  de  se  répandre  dans  une  atmosphère  moins 
étroite.  Nous  aurions  désiré  que  M.  Barihez  eût  rappelé,  dans 
un  historique  succinct,  les  tentatives  antérieures  analogues  à  la 
sienne,  et  dont  certaines  sont  signées  de  noms  estimés  dans 
les  sciences  naturelles;  mais  nous  ne  voulons  pas  empiéter  ici  sur 
l'analyse  bibliographique  qui  sera  donnée  dans  une  de  nos  pro- 
chaines Uvraisons  de  ce  livre  instructif,  également  utile  aux  philo- 
loi^ies  et  aux  botanistes.  L'auteur  le  termine  par  une  aimable  rê- 
verie, Uno  belhado  dHber,  ou  lou  Printems  al  pèdal  fioc,  où  il  célèbre 
en  vers  languedociens  les  fleurs  et  les  charmes  de  la  belle  saison. 


♦  ♦ 


Une  plume  autorisée  a  rendu  compte  dans  ce  numéro  môme  de 
l'importante   édition  des  Epft>}yeûf>iaTa  et  du  KaBYiiispivh  ôfiùia.  de 


■Ah'l  CHHONIQUK 

JuUus  Ppllux,  publiés  pour  la  première  fois,  d'après  les  textes 
originaux,  par  M.  Boucnerie.  Nous  n'avons  donc  rien  à  ajouter 
sur  la  valeur  de  ce  beau  livre,  imprimé  à  rJmprimerie  nationale,  sous 
le  haut  patronage  de  T Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres. 
Qu'il  nous  soit  seulement  permis  de  féliciter  notre  modeste  et  infa- 
tigable collègue  de  l'honneur  exceptionnel  qu'il  vient  de  recevoir  : 
la  Société  pour  Vcncouragemenl  des  éludes  grecques  lui  a  décerné, 
ces  jours-ci.  un  prix  do  500  fr.  à  l'occasion  de  cette  publication.  11 
nous  a  semblé  que  la  Société  pour  i élude  des  langues  romanes  rece- 
vait quelque  chose  de  la  distinction,  aussi  flatteuse  que  rare, 
adressée  a  notre  collègue,  qui  reste,  après  avoir  été  un  de  ses 
membres  fondateurs,  un  de  ses  collaborateurs  les  plus  actifs  et  les 
plus  dévoués. 

Sous  le  beau  ciel  de  Cannes  et  de  Nice,  et  aux  bords  de  cette 
mer  si  belle  où  il  est  né  et  où  il  désire  mourir,  un  félibre  provençal, 
brûlant  du  double  enthousiasme  du  patriotisme  local  et  du  patrio- 
tisme national,  M.  Emile  Négrin,  demande  à  la  poésie  l'oubli  de 
ses  longues  souffrances.  Linguistique,  œuvres  poétiques  diverses, 
françaises  et  patoises,  lexicographie,  littérature,  M.  É.  Negrin  a 
touché  à  tout.  Nous  avons  sous  les  yeux  ses  Poésies  provençales 
(  1  vol.  in-12;  Nice,  Verani  et  G®,  1873).  L'état  de  sa  santé  explique 
et  excuse  les  imperfections  typographiques  qui  existent  dans  ce 
recueil,  o/fcrl  et  reco^nmandÉ^  par  une  écriture  enfantine  au  rédacteur 
en  chef  de  \dJ  Revue  des  langues  romanes.  Au-dessous,  l'auteur,  guidé 
par  une  vue  insuffisante,  a  tracé  une  signature  qui  reste  encore 
ferme  et  nette,  malgré  la  disjonction  des  lettres,  et  qui  nous  semble 
indiquer  plus  de  force  et  de  vigueur  qu'il  ne  croit  peut-être  en  pos- . 
séder  lui-même  Nous  lui  souhaitons  et  nous  espérons  pour  lui  de 
tQUt  cœur  le  prompt  rétabUssement  de  sa  santé. 

Les  vers  de  M.  Emile  Négrin  sont  remplis  d'une  rage  patrio- 
tique qui  se  communique  plus  d'une  fois  à  son  lecteur.  Nous  lui 
ferons,  toutefois,  le  reproche  d'avoir  abusé  des  expressions  éner- 
giques du  langage  populaire.  On  ne  trouve  pas  cela  dans  Mistral, 
ni  dans  Roumanille.  Nous  ne  demandons  pas  que  les  muses  pro- 
vençales soient  déguisées  en  bergères  de  Florian.  ni  qu'elles  n'osent 
jamais  lancer  le  juron  qui  s'arrêta  sur  les  lèvres  scrupuleuses  de  Nep- 
tune prononçant  le  quos  ego! . . .;  mais  nous  pensons  qu'en  tout  les 
limites  sont  utiles.  Les  t...,  les /"...,  voltigent  dans  les  vers  de  M.  Né- 
grin comme  sur  le  bec  du  perroquet  chanté  par  Gresset.  Si  une 
expression  énergique,  serait-ce  le  mot  de  Cambronne,  peut,  dans 
certaines  conditions,  s'élever  jusqu'au  sublime,  malgré  sa  trivialité 
et  sa  bassesse,  ce  n'est  qu'à  la  condition  qu'elle  ne  sera  pas  répétée 
trop  souvent. 


*  ♦ 


La  Société  archéologique  de  Montpellier  a  obtenu  un  prix  de 
1,000  fr.  à  la  dernière  réunion  des  Sociétés  savantes  des  départe- 
ments, tenue  à  la  Sorbonne.  A.  Ë. 

Le  Gérant,  Ernest  HAMELIN. 


MontpeUier.  Imprimerie  centrale  du  Midi.  —  Ricateau,  Hamelin  et  G* 


DIALECTES  ANCIENS 


DOCUMENTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE 

DES    ANCIENS    COMTÉS    DE    ROUSSILLON     ET     DE    CERDAGNE 

(  Suite  ) 


XI 


RÈGNE    DE   JACQUES    I®^   DE    MAJORQUE 
(1276-I8lt) 

Jacques  P%  fils  cadet  de  Jacques  le  Conquérant,  roi  d'Ara- 
gon, a  gouverné  le  Roussillon  pendant  plus  de  quarante -cinq 
ans,  d'abord  avec  le  titre  à' héritier  du  royaume  de  Majorque, 
des  comtés  de  Roussillon  et  Cerdagne  et  de  la  seigneurie  de 
Montpellier,  et,  après  la  mort  de  son  père,  en  1276,  avec  le 
titre  de  roi  de  Majorque. 

Les  documents  historiques  et  administratifs  sont  extrême- 
ment abondants,  en  ce  qui  concerne  le  Roussillon  et  la  Cer- 
dagne, pour  toutes  les  parties  de  ce  long  règne  de  près  d'un 
demi-siècle;  mais  toutes  les  chartes  originales  émanées  de 
Jacques  V  ou  de  sa  chancellerie  sont  rédigées  en  latin,  et  il 
en  est  de  même  des  minutes  et  autres  écritures  des  notaires  de 
cette  époque:  on  n'y  trouve  guère  que  des  mots  isolés  ou 
quelques  lambeaux  de  phrases  en  langue  vulgaire.  Cependant 
il  reste  encore  de  ce  règne,  en  dehors  de  ces  documents  offi- 
ciels, un  assez  grand  nombre  de  criées,  d'ordonnances,  de 
règlements  et  d'autres  actes,  qui  permettent  de  suivre  la  lan- 
gue vulgaire  du  Roussillon,  d'année  en  année,  à  partir  de 
Tan  1275.  Ce  sont  les  documents  dont  nous  publions  les 
textes. 

On  y  V  erra  que  la  langue  catalane   du   Roussillon  était,  en 
liUl,  et  ou  pourrait  encore  dire  en  1344,  lors  de  la  chute  du 

24    -  :-  -: 


-     -    •    -i 
•     «    _  - 


354  DIALECTES   ANCIENS 

pojciume  de  Majorque,  ce  qu'elle  était  déjà  dans  la  chroni- 
que de  B.  des  Clôt,  dans  le  traité  de  Tunis  de  1271  et  même 
dans  les  mémoires  de  Jacques  le  Conquérant,  au  milieu  du 
XIII®  siècle.  Les  mots  et  les  formes  grammaticales  sont  absolu- 
ment les  mêmes  pendant  cet  espace  d'un  siècle,  et  il  ne  serait 
guôre  possible  de  relever,  entre  les  textes  de  1275  ou  de  1284 
et  ceux  de  1344,  d'autres  différences  que  des  variantes  ou  des 
modifications  orthographiques. 

Nous  signalerons  en  note,  à  mesure  qu'elles  se  présente- 
ront, les  altérations  ou  améliorations  qui  nous  paraîtront  mo- 
difier le  caractère  de  la  langue  primitive  et  originale  du 
Roussillon. 

Quant  aux  variantes  orthographiques,  elles  portent  princi- 
palement sur  les  lettres  a,  e,  g,  j,  Il  et  ny,  de  l'alphabet  ca- 
talan. 

L'a  final  féminin,  qui  n'est  en  catalan  qu'un  a  bref  ou  plutôt 
un  e  muet  français,  est  souvent  écrit  e  dans  les  textes  des 
XIIP  et  XIV®  siècles,  de  même  que,  à  la  fin  de  certains  temps 
des  verbes,  e  est  quelquefois  écrit  a,  comme  sia  pour  sie  (qu'il 
soit). 

Quant  au  féminin  pluriel,  il  est  toujours  en  es,  La  tenxd-' 
naison  as,  contraire  au  génie  de  la  langue  catalane,  s^est 
introduite  au  XVP  siècle  par  l'infiuence  du  castillan,  et  le» 
Catalans  auraient  dû,  depuis  longtemps,  la  rejeter  complète- 
ment. 

Le  g  au  milieu  d'un  mot  est  tantôt  employé  pour  le  ;, 
comme  dans  âge,  pour  a/e;  tantôt  pour  rendre  \egue  français, 
comme  dans  hageren,  pour  hagueren.  Quelquefois  aussi  il  équi- 
vaut à  rf/ou  tj,  comme  dans  forestage,  qui,  dès  le  XIIP  siècle, 
est  écrit  aussi  forestage  ou  forestatge.  Le  g  final  est  souvent 
remplacé  par  c  ou  ch  dur,  comme  dans  pac  ou  pach,  pour  pag 
(qu'il  paye).  On  trouve  aussi  quelquefois,  mais  très-rarement, 
le  /  représenté  abusivement  par  gu,  comme  dans  guiiar,  pour 
gitar  ou  jitar. 

Le  //  mouillé,  au  milieu  ou  à  la  fin  des  mots,  est  tantôt  rendu 
par  /  simple  ou  double,  tantôt  par  /  précédé  d't  ou  d'y.*  ainsi 


%  •       •  "  •   •••     •     • 

•  •  •  1       •  î  '     •    *     • 


DOCUMENTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE        3f.5 

on  trouve  dans  les  manuscrits/?/,  fUl^  fiyl,  pour  fill;  nul,  null, 
nuil  et  nuyly  pour  null. 

Le  //  initial,  si  fréquent  ou  même  général  dans  le  catalan 
moderne,  est  complètement  inconnu  avant  le  XV*  siècle*. 

Le  ny  catalan  {gne  français)  est  tantôt  rendu  par  Vn  simple 
ou  par  y  fsenor  et  seyorj,  tantôt  par  in  ou  yn,  comme  dans 
Caramatn  et  ayn;  quelquefois  par  n  simple  ou  double,  avec  ou 
sans  y,  puisqu'on  trouve  de  temps  à  autre  sennor,  et  très-sou- 
vent, sous  les  rois  de  Majorque,  senyor[n  avec  tilde).  Dans  ce 
dernier  cas,  le  trait  qui  surmonte  l*w  devrait  évidemment  faire 
transcrire  ce  mot  par  senynor  ou  sennyor.  Ajoutons  qu'il  est 
extrêmement  rare  de  trouver  dans  l'ancien  catalan  le  ny 
représenté  par  Vnh  de  l'ancien  roman  provençal,  qui  s'est 
cependant  conservé  dans  la  plupart  des  dialectes  modernes 
de  la  langue  d'oc. 

Nous  aurions  désiré  supprimer  toutes  ces  variantes  ortho- 
graphiques et  les  réduire,  pour  nos  textes,  à  l'orthographe 
usuelle,  déjà  souvent  employée  au  XIIP  siècle  et  définitive- 
ment adoptée  ensuite  pour  le  catalan;  mais  nous  avons  craint 
de  détruire  le  caractère  historique  des  textes  publiés  et  d'en- 
lever aux  études  philologiques  des  renseignements  dont  l'im- 
portance ne  saurait  être  méconnue.  Nous  ne  pouvons  éprou- 
ver le  même  scrupule  à  l'égard  des  i  et  des  u  des  manuscrits, 
que  nous  changerons  en  /  et  en  v  partout  où  il  le  faudra  ; 
nous  avons  même  cru  devoir ,  dans  le  but  de  faciliter  l'intelli- 
gence des  documents  publiés,  ajouter  des  apostrophes  et  des 
traits  d'union  pour  les  suffixes.  Ces  signes,  qui,  on  le  sait, 
n'existent  pas  dans  les  anciens  manuscrits,  ne  sauraient,  pas 
plus  que  des  additions  ou  des  changements  de  points  et  de 
virgules,  altérer  en  quoi  que  ce  soit  le  caractère  original  des 
documents. 

Les  documents  du  règne  de  Jacques  P*"  que  nous  publions 


*  Oo  trouve  cependant  le  double  M,  à  partir  de  l'an  1330,  au  commence- 
ment des  phrases,  mais  précisément  dans  les  articles  lo,  la,  ios,  les,  qui 
no  l'ont  jamais  pris,  ou  du  moins  ne  l'ont  pas  conservé. 


35d  DI^U.BCTBS  ANCIENS 

vont  de  Tan  1275  à  1311  et  sont  pris,  quelques-uns,  dans  1m 
pièces  originales;  les  autres,  dans  trois  recueils  contempo- 
rains : 

1°  Le  registre  des  privilèges  de  la  ville  de  Perpignan, 
connu  sous  le  nom  de  Livre  vert  mineur,  dont  la  transcription 
fut  commencée  vers  ]  290  {Archives  communales  de  Perpignan}; 

2o  Le  xvu®  registre  de  la  Procuracio  real  de  Roussillon  «t 
Cerdagne ,  commencé  en  1300  (Archives  du  département  des 
Pyrénées-  Orientales)  ; 

3°  Le  livre  de  la  cour  du  bailli  de  Perpignan,  intitulé  :  Livre 
premier  des  Ordinacions,  commencé  en  février  1310  (Archives 
communales  de  Perpignan). 

Le  xvn®  registre  de  la  Procuration  royale  est  une  espèce 
de  livre -journal,  où  la  transcription  a  été  faite,  pour  ainsi 
dire,  à  la  date  de  chacun  des  documents  des  règnes  de  Jao- 
ques  1«'  et  de  Sanche. 

Le  Livre  vert  mineur  et  le  registre  premier  des  Ordinadons 
sont,  au  contraire,  des  collections  de  cahiers  en  parchemin, 
successivement  ajoutés  les  uns  aux  autres,  et  qui  ont  fini  par 
former  d'énormes  volumes.  Dans  le  premier,  les  documents  ne 
se  suivent  à  peu  près  dans  Tordre  chronologique  qu'à  partir 
de  Tan  1315  environ ,  et  dans  le  livre  des  Ordinations,  à  partir 
de  Tan  1350  seulement,  c'est-à-dire  après  le  premier  cahier. 
C'est  dans  ce  premier  cahier  que  sont  contenues  toutes  les 
pièces  antérieures  à  1310. 

Le  scribe  de  ce  premier  cahier  se  proposait,  sans  doute, 
d'insérer  ses  copies  eh  suivant  l'ordre  chronologique,  et  il  a 
mis,  en  effet,  immédiatement  après  le  préambule,  une  pièce 
de  1275,  la  plus  ancienne  qui  soit  contenue  dans  le  recueil. 
Mais  il  fut  bientôt  obligé  de  s'en  tenir  tout  simplement  à 
Tordre  amené  par  le  hasard  de  ses  recherches  ou  de  ses  dé- 
couvertes, et,  dans  cette  prévision,  il  laissa  en  blanc  tous  les 
revers  et  souvent  la  moitié  de  chaque  page.  Ces  vides  ont 
été  remplis  ensuite  par  le  premier  scribe  ou  par  ses  succes- 
seurs, au  moyen  de  documents  ou  de  notes  qui  appartiennent 
à  Tépoque  du  royaume  de  Majorque,  entre  1310  et  1344.  Plus 


DOCUMENTS   STJR   LA  LAÏîGtJE  CATALANE  35T 

tard V  on  a  même  proâté  des  «largea  et  desn^oindres  espaces 
libres  de  cette  première  partie  du  ms.  pour  y  insérer  des 
notes  des  deux  siècles  suivants,  dont  la  plus  récente  est  de 
1510. 

Dans  tous  les  cas,  la  transcription  des  plus  anciens  docu- 
mentsr  catalans  contenus  dans  ce  premier  cahier  a  été  faite  en 
1310  au  plus  tard,  et  il  y  a  lieu  de  croire  que  le  copiste  l^s 
avait  déjà  ainsi  trouvés  rédigés  à  leur  date,  en  langue  vulgaire, 
dans  les  manuscrits  originaux ,  puisqu'il  n'a  fait  aucune  diffi' 
culte  de  les  mêler  aux  documents  latins  dont  il  a  conservé 
le  texte  original.  Ces  traductions  n'appartiennent  donc  pas 
au  copiste,  et  tout  au  plus  peut-on  lui  attribuer  les  titres  ca_ 
talans  mis  en  tête  de  chaque  pièce.  Ces  titres  seront  publiés 
toutes  les  fois  qu'ils  contiendront  des  locutions  qui  n'existe- 
raient pas  déjà  dans  le  texte  même  des  documents. 

Il  était  impossible  de  publier  cette  partie  du  livre  des  Ordi- 
nacions  dans  l'état  où  elle  se  trouve  actuellement,  surtout 
pour  la  question  de  linguistique,  que  nous  avons  principale- 
ment en  vue,  car  les  marges  et  les  moindres  espaces  en  blanc 
des  feuillets  ont  été  couverts  de  transcriptions  et  de  notes  de 
toutes  les  époques,  faciles  à  distinguer  dans  le  manuscrit  ori- 
ginal, mais  dont  il  serait,  dans  bien  des  cas,  impossible  de  dé- 
terminer la  date  dans  l'impression.  Nous  avons  donc  adopté, 
pour  les  documents  datés,  l'ordre  chronologique  que  l'auteur 
du  manuscrit  avait  lui-même  en  vue,  puisqu'il  laissait  en  blanc 
des  pages  qu'il  se  proposait  sans  doute  de  remplir,  en  rap- 
portant ensuite  à  leur  place,  et  selon  leur  date,  les  documents 
nouveaux  à  mesure  qu'il  les  découvrirait.  Quant  aux  textes 
antérieurs  à  1310  dont  la  date  n'est  pas  indiquée,  ils  seront 
mis  à  la  suite  des  documents  qui  les  précèdent  immédiate- 
ment dans  le  manuscrit,  lorsque  d'antres  données  ne  nous 
permettront  pas  d'en  déterminer  la  date  précise. 

Al  ART. 


358  DIALECTES   ANCIENS 

EXTRAITS  DU  LIVRE   I«'  DES  ORDINAClONSi  DE  LA  COUR  DU 

BAILLI  DE  PERPIGNAN. 


(1275) 


Septimo  kls  marc,  anno  domini  m,  ccc,  nono, 

Existentibus  discretis  Berengario  de  Sancto  Paulo  bajulo  et 
Bemardo  Brandini judice  ville  Perpiniani,  liber  iste  fuit  inceptus 
in  quo,  de  mandato  eorum,  constituciones,  statuta  et  banna 
plurima  per  divei^sos  libros  disperse,  fuerunt  in  uno  volumine 
inserte,  videlicet  in  hoc  librOj  prout  tnferius  continetur, 

Octavo  idus  decembris  anno  dni  mxc.lxx,  quinto. 

Primo  es  aquesta  la  ordinacio  del  forn  del  pa,  en  quai  ma- 
nera  deuen  coyre  los  pas,  e  en  quai  mariera  deuen  usar  dels 
forns. 

Bajulus  Perpiniani,  de  consilio  et  voluntate  proborum  hominum 
Perpiniani,  statuit  quod  duo  probi  homines  eligantur. . .  et,,, 
discernatur  de  panibm  qui  fuerint  maie  decocti  et  sadonatt.,,  et 
que  fuerint  comissa,,,  in  decoquendis panibus  et  caseatis  et  pana- 
tis  et  flaonibus  et  aliis,  etc .  {Ordinadons  I,  f*  1,  r*».) 

Ordonament  de  les  causes  menjadores,    e  de  aucels,  e  de  pois,  e  d*ous, 

e  formatges. 

Anno  dni  m.  ce.  Ixx,  v,^  viii.  idus  decembris, 

Stabli  lo  seynor  batle  de  Perpenya,  de  conseyl  de  proho- 
mes,  que  negu  revenedor  ni  regater  no  aus  comprar  alcunes 
causes  de  menjar  en  la  vila  de  Perpenya  per  si  ni  per  altre, 
ni  fassa  comprar  a  sos  obs,  ni  en  los  termes  d'aquela,  ni  de 
fora  per  i*  lega  entorn  la  dita  vila  de  Perpenya,  en  cami  fora 
casteyl,  perdius,  ni  anetz,  ni  folges,  ni  todos,  ni  saxels,  ni 
altra  volateria,  ni  conils,  ni  lebres,  ni  salveines,  ni  ous,  ni 
ormages,  ni  notz,  ni  avelanes,  ni  altres  causes  ; 

E  qui  contre  fara  pagara  per  pena,  cascuna  vegada,  n, 
sol.  de  la  quai  pena  lo  denunciador  aura  Taltra  part,  excep- 
tatz  compradors  e  venedors. 

E  totes  les  d'amont  dites  causes  lausaren  totz  aquestz 
d'aval  escritz,  per  costumes  per  totz  temps  observadores. 


DOCUMENTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE  359 

Primerament  Berthomeu  del  Mas,  tenent  loc  d'En  Sans  de 
Trilar,  batle  de  Perpenja,  e'n  Bii  Dalmau,  tenent  loc  d'en  P. 
Roig,  jutge  de  Perpenja  e  de  Rosseylo. 

Bereng.  Tesa,  G.  Carbo,  P.  Grimau,  Bn  Marti,  Bii  Sabors, 
G.  Andal  (Nadal),  Johan  Sicartz,  G.  de  Bardojl,  Ar.  Lausa, 
hn  Alio,  Joh.  Castelo  parayre,  Perpenja  de  Peralba,  Bn 
Figeres,  Bereng.  Tinart,  P.  Adalbert,  R.  Aurer,  Ar.  Costa, 
Girma  de  Cocliure,.P.  des  Vilar,  Bn  de  Vilardo,  G.  Escuder 
ortola,  Pons  d'Alajna,  Vidal  Maureto,  Hualger  Serda,  Ri- 
colff  Oliba,  Laurens  Redon,  Ferrer  Alexandri,  R.  Talo 
G.  Valespir,  P.  Escarbot,  P.  Fabre  scriva,  Ai*,  de  Forques, 
Bn  Roiger,  G .  Saquet,  Ermengau  Gros,  R.  de  Baidojl, 
R.  Menestral,  Fferrer*  Escot,  G.  Tolza,  G.  Costa,  Johan  de 
laCrou,  P.  Fabre  laurador,  R.  de  Causa,  Pascal  Fabre,  G. 
Brandi,  Johan  Pauch,  Ramon  Caulasses,  P.  Costa,  Steve  de 
Vilarasa,  P.  Girau  fuster,  Bn  de  Puglaurens,  Pejro  Fabre. 

Les  d'amont  dites  causes  foren  establides  tenedores  e  ob- 
servadores  em  per  totz  temps,  servada  empero  la  volentat  del 
senjor  Emfant*.  {Ordin,  I,  f»  13,  v°.) 

(1279) 
Ordonament  del  joch 

Anno  dni  m.  ce.  Ixx.  nono, 

Ffo  establit  per  los  cossols  e  per  los  prohomes  de  Per- 
penja, que  negu  no  gaus  prestar  diners  ni  pejora  ad  aleu 
en  joch.  E  qui  contre  fara  perdra  so  que  prestat  aura,  e  retra 
la  pejora  quitia  a  aquel  de  qui  ^era,  aixi  Juseu  com  Xpia, 
e  pagara   de  pena  X.  sol.  (Ordin,  I,  f°  9,  v».) 

'  L*usagedes  doubles  s  au  commencement  des  mots  s'était  établi 
depuis  longtemps  en  Catalogne,  et  on  en  a  vu  un  exemple,  en  1088,  pour 
le  mot  Sserralonga .  Quant  à  I7,  nous  ne  trouvons  pas  de  traces  du 
doublement,  en  Houssillon,  avant  le  Liber  feudorum  A,  commencé  en 
1265;  l'usage  en  devint  ensuite  très-fréquent  à  partir  de  1270  et  dans 
les  deux  siècles  suivants. 

'  L'infant  Jacques,  qui  n'était  encore  qu'héritier  du  royaume  de  Ma- 
jorque. 


360  DIALECTES    ANCIENS 

Ordonament  que  negu  Juseu  no  gaus  Grestiana  per  noyrissa  ni  per 
serventa  tener,  ni  per  altre  servesi . 

Anno  dni  m,  ce,  Ixx.  nono.  v°,  idusjunii, 
lllustris  dominus  Jacobus  dei gracia  rex  Matoricarum,  ete.  {Or- 
din.  I,  f>  6,  Y\) 

Ordinacio  del  dinnar  dels  maestres 

Xviii,  kls  augusti  anno  dni  m,  ce,  Ixx,  viiii^. 

Défense  du  bailli  de  Perpignan  de  donner  à  manger  ou  de 
vendre  des  vivres  hors  la  ville,  magistris  operantibus  de  petra 
et  cake,  nec  magistris  de  parietibus  de  terra,  nec  manobris 
eorumdem,  nec  boeriis,  nec  ortolanis,  nec  logaderiis.  {Ordin.  I, 
f>  2,  Y\) 

(1280) 
Ordonament  dels  clergues 

In  concilio  Biterrensi  statuit  dns  Petrus  dei  gracia  sce  Narbo- 
nensis  ecclesie  archiepiscopus^  etc .  —  Statuts  contre  les  clercs 
vilia  officia  exercentes  et  vestes  virgatas  continue  portantes,., 
anno  dni  m,  ce,  Ixxx,  {Ordin.  I,  f°  33,  v°.) 

Ordonacio  de  les  fires 

Anno  dni  m.  ce.  Ixxx.  viii^.  kls  septembris. 
lllustris  dns  Jacobus  dei  gracia  rex  Maiorich.  statuit,  etc.  (Or- 
flfm.  I,  f^5,  v°.) 

(Vers  1283) 
Ordonament  dels  conils  nègres  e  blanchs 

Ffo  adordonat  de  part  del  batle  que  negu  hom  no  gaus 
penre,  en  devesa  ni  en  altre  loch,  dels  conils  blanchs,  ni 
bragatz,  ni  nègres,  del  senyor  Rey. 

E  qui  contre  fara  estara  a  causiment  del  senyor  [rey].  {Or- 
din. I,  fo  15,  v\) 

(1284) 
Ordonament  co  toi  Juseu  qui  prest  sobre  peyora  *,  sia  tengut  d'amos- 

trar  de  qui  la  ahuda,  e  que  no  la  nech  ^  e  si  o  fasia  que*n  sia  punit 

aixi  co  si  la  avia  panada. 

Anno  dni  m.  ce.  Ixxx.  iiii.  vi.  idus  julii. 

'  Pour  penyora,  gage. 
^  Quil  ne  la  nie  pas. 


DOCUMENTS  SUït  LA  LaNÔÙÉ  CATALANE  3&1 

Ffuit  per  illustnssimum  dominum  Jacohum  dei  gracitx  regttn 
Maiorich,  ordtnatum,  etc.  (Ordin.  I,  f°  8,  v®.) 

Ordonament  del  joch 

Post  hec  X.  kls  novembris  anno  dm  m,  ce.  Ixxx,  iiii. 

Fo  feyt  altre  establiment  per  lo  senyor  rej  sobre'l  dit  joch, 
aixi  co  segueys. 

Lo  senyor  rey  stabli  e  servar  raana,  que  negu  hom  no  gaus 
jogar  ni  fer  jogar  ni  reversar  en  negun  joch  de  dans,  ex- 
ceptât joch  de  taules,  de  ilujtz  ni  de  dies,  ni  a  joch  de  tin- 
daurevl*,  ni  de  cabraboc,  en  tornia  vila  de  Perpenya  i*  lega. 
—  E  qui  contre  fara  pac  per  cascuna  vegadà  x.  sol. 

Item  mana  lo  senyor  Rey  que,  si  alcu  no  vol  pagar,  sien-li 
donatz  per  cascu  xii.  diners  i.  assot\  en  aixi  que  per  x  sol. 
resebes  x.  assotz  ;  —  e  qui  aquestes  causes  revelara,  aia  la 
terssa  part  dels  ditz  x.  sol.  E  si  alcu  reculira  jogadors  per 
jogar  en  sa  casa,  per  cascuna  vegada  pac  x.  sol. 

(Ordin,  I,  f»  9,  v^) 

Establiment  dels  esculz  (de  fust) 

MU.  kls  decembris  anno  dni  m.  ce.  Ixxx.  quarto. 

Fuit'*  ordinatum  per  Petrum  Adalberti  bajulum  Perpiniani, 
de  voluntate  et  requisicione  Raymundi  de  Sancta  Cruce  et  R. 
Dominici  et  Alfonsi  pictoris  et  R.  Frenerii  et  Berengarii 
Rodrigo  et  magistri  Guillemi  et  Jacobi  Rodrigo,  quod  nul- 
lus  armerius,  pictor  vel  alius,  sit  ausus  facere  clipeos  de  ligno 
quod  vocatur  avet  nec  de  ligno  quod  vocatur  pin.  —  Et  qui 
contra  faceret  solvat  pro  pena  x.  sol.  de  qua  pena  habeat  de- 


*  Le  sons  de  co  mot  est  en  catalan  «  tintement  d'oreille.  » 

'  Coup  de  fouet  ou  de  verge. 

'  Nous  donnons  cet  extrait,  quoiqu'il  soit  rédigé  en  latin,  à  cause  de  l'in- 
térêt qu'il  présente  pour  l'histoire  de  l'art  en  Roussillon.  Les  sept  ar- 
tistes peintres  qui  y  sont  nommés  sont,  en  elTet,  connus  comme  vivant  à 
Perpignan  dans  la  première  partie  du  règne  de  Jacques  !•'.  Le  texte  latin 
contient  d'ailleurs  deux  mots,  w>ei  (sapin^  etptn(pin),qui  sont  purement 
catalans. 


338  DIALECTES    ANCIENS 

nunciator  medietatem  ;  et  si  non  poterit  vel  solvere  noluerit 
dictam  penam,  sit  privatus  officio  suo  continue  per  unum 
annum.  [Ordin.l,  f  2,  v°.) 

(Vers  1284  ou  1285)  '  . 

Ordonament  dels  forns  teulers,  so   es  assaber  en  quai  manera  deuen 

coyre  e  fer  los  cayros  e'is  teules 

Primerament  adordonaren  los  cossols  de  Perpenya  que  tôt 
hom  e  tota  femna  qui  obra  del  mester  de  teularia  d'aquest 
dia  avant,  que  dega  fer  e  sia  tengut  de  fer  los  cajros  e'is 
teules  de  aytal  motle  o  manera  com  son  los  motles  de  la  cort. 

Item  que  negu  obrer  o  obran  qui  fassa  cayros,  no  gaus  trer 
brach  del  motle  ab  ma,  sino  ab  régla,  e  que'n  *  pas  la  dita 
régla  m.  vegades  abans  que'l  cayro  sia  trejt  del  motle. 

Item  que  negu  teuler  o  teulera  no  gaus  mesclar  o  tenir 
obra  prima  ab  obra  grossa,  pujs  que  sia  cuyta. 

Item  que  negu  teuler  o  teulera  no  gaus  mètre  en  son  forn 
cor  X.  sostres  de  cayros  e  ii.  de  teules,  e  si  per  aventura  no-y 
met  II.  sostres  de  teules,  que-y  puga  mètre  xv.  sostres  de 
cayros  :  empero,  no  gaus  mètre  en  lo  dit  forn  neguna  obra 
que  monta  mes  dels  ditz  xv.  sostres  de  cayros. 

Item  que  totz  los  teulers  agen  a  tolre  e  a  mermar  de  totz 
los  forns  teulers  tôt  so  que'ls  ditz  forns  teulers  agen  en  ait, 
part  la  mida  e  mesura  dels  ditz  x.  sostres  de  cayros  e  ii.  sos- 
tres de  teules  ;  e  que  negu  teuler  o  teulera  no  gaus  mètre  en 
cascu  sostre  de  son  forn  sino  D.  cayros,  ni  gaus  fer  corola  ad 
alcu  forn  en  guisa  que-y  poges  mes  obra  caber. 

Item  que  negu  teuler  ni  teulera  no  gaus  mètre  violes*  ni  ra- 
joles  a  neguna  fornada,  part  los  ditz  x.  sostres  de  cayros  e  u. 
sostres  de  teules. 

Item  que  negu  teuler  o  teulera  no  gaus  desenfornar  cay- 

*  Il  faudrait  peut-être  gwc-  y  pas  (qu'il  y  passe) 
^Briques  ou  tuiles  de  petite  dimension. 


DOCUMENTS   SUR   LA    LANGUE    CATALANE  363 

ros  ni  teules,  de  iiu®  dies  ni  de  un.  nujtz,  pus  agen  toit  focal 
forn. 

Item  que  tôt  hom  e  tota  femna  qui  obre  del  mester  de  teu- 
leria,  dega  obrar  e  sia  tengut  obrar  totz  los  cayros  e  teules  e 
violes  e  rajoles  que  fara,  de  bona  argila  e  ben  sasonada,  e  que 
sia  la  obra  ben  cujta,  a  coneguda  dels  sobrepausatz  los  quais 
en  aquela  seran  establitz  per  los  cossols. 

Item  que  si  neguna  obra  de  cajros  o  de  teules  sera  trobada 
mirma  jos  la  mida  o  motle  de  la  cort,  sia  trencada  e  perduda 
al  teuler,  e,  part  ayso,  que  aquel  de  qui  sera  la  dita  obra  pac 
la  pena  d'avayl  escrita. 

Item  que  cascu  teuler  e  teulera  aya  tener  a  cascu  fasedor 
de  car  ros  i.  brageiador,  lo  quai  bragegador  [sic)  no  ause  fer 
altra  fasena  sino  brageiar,  sotz  la  pena  d'aval  escrita. 

Item  que  cascu  teuler  e  teulera  aja  a  tener  lo  motle  dels 
cayros  ferrât,  per  so  que'l  dit  motle  no's  pusqua  mermar. 

Item  que  negu  teuler  no  gaus  mesclar  ni  fer  mesclar,  en 
neguna  obra  de  les  dites  obres,  neguna  terra,  sino  argila 
pura,  exceptât  al  motle  arena  prima  per  levar. 

Item  que  negu  teuler  no  gaus  obrar  de  Martror*  tro  a  Car- 
nestoltes. 

E  tôt  hom  e  tota  femna  qui  en  les  dites  causes  contreven- 
ran  o  en  alcuna  d'aqueles,  pagara  per  cascuna  vegada  x.  sol. 
— de  la  quai  pena  aja  lo  denunciador  la  maytat,  e  la  cort 
Taltra  maytat. 

Volgren  empero  los  ditz  prohomes  quel  dit  adordonament 
dur  aytant  de  temps  com  als  cossols  et  als  prohomes  de  Per- 
penya  playra. 

Ffeyt  fo  aso  per  en  Laurens  de  Vilalonga,  e'n  P.  de  Castelo, 
e'n  Camarada  e'n  G.  Barrau,  cossols  Me  Perpenya,  en presen- 


*  La  Toussaint. 

*  Les  consuls  de  Perpignan  étaient  élus  chaque  année  le  24  juin.  Guil- 
laume Barrau  fut  consul  en  1280  et  en  1287.  Les  noms  des  consuls  qui 
figurent  dans  ce  document  ne  peuvent  être  que  ceux  des  années  1284 
ou  1285,  pour  lesquelles  il  y  a  une  lacune  dans  les  listes  consulaires 
connues. 


364  DIALECTES   ANCIENS 

cia  d'en  Pons  d'Alajna  e  d'en  Vidal  Grimau  e  d'en  Laurms 
Redon  e  d'en  P.  Redon  e  d'en  Toyr  Bosom,  d'en  Huguet  îSe- 
bors  e  d-èn  P.  Amatrich  e  d'en  Johan  Vidal  e  d'en  G-,  de  Cas- 
tela  e  de  moltz  d'autres  prohomes. 

{Ordinations  I,  f*  1,  v*»,  et  2.) 


XII 

LEUDES  ET  REUA  DE  PERPIGNAN 

Les  testes  des  leudes  et  de  la  reua  de  Perpignan  ne  sont  pas 
inédits.  Ils  eurent,  en  effet,  la  mauvaise  chance  d'être  com- 
muniqués au  Comité  des  travaux  historiques,  qui  les  publia 
dans  la  Revue  des  Sociétés  savantes  (novembre-décembre  1864, 
p.  390-399).  «  C'est  un  document  curieux  sur  le  commerce 
))  des  villes  du  Midi  au  moyen  âge,  disait  le  rapport  de  M.Lê- 
»  vasseur  (p.  370);  on  y  rencontre,  à  côté  des  bestiaux  et  des 
»  chevaux  de  la  contrée ,  non-seulement  les  draps  du  Lan- 
))  guedoc,  mais  ceux  de  ht  Flandre,  de  l'Angleterre,  et  l'on 
»  peut  y  prendre  une  juste  idée  de  l'étendue  du  commerce  et 
))  de  la  diversité  des  produits.  C'est  un  texte  qu'il  est  plus 
»  facile  de  reproduire  que  d'analyser.  » 

C'était,  en  effet,  chose  facile  que  de  reproduire  ces  textes; 
mais,  malheureusement,  la  copie  fournie  par  M.  Éd.  de  Bar- 
thélémy est  criblée  de  fautes,  depuis  la  première  ligne  jusqu'à 
la  dernière ,  et  il  serait  fastidieux  de  relever  les  prodigieuses 
bévues,  omissions  et  inexactitudes,  du  texte  imprimé  dans  la 
Revue  des  Sociétés  savantes.  Nous  préférons  donner  une  édition 
correcte  du  texte  de  la  Reua,  qui  offre  un  grand  intérêt  pour 
la  philologie  catalane,  en  regrettant  de  devoir  nous  borner  à 
donner  ici  un  simple  extrait  du  texte  latin  de  la  leuda,  pour  ce 
qui  concerne  le  commerce  des  draps  du  nord  de  la  France. 

Ces  deux  documents  sont  surtout  intéressants  pour  les  ren- 
seignements qu'ils  fournissent  sur  le  commerce  alors  existant 
entre  Perpignan  et  les  provinces  françaises.  Ils  sont,  à  cet 
égard,  beaucoup  plus  détaillés  que  les  tarifs  des  leades  du 


DOCUMBNTS  SUR  LA  .LAItaim  CATAIANB  ^ 

comte  de  Provenoe,  publiés  par  M.  Quérard,  qui  Im  rappofto 
au  milieu  du  XIIP  9ièQle{Cartulaire  de  I^abbtfyede  Sai$t-  Vùtor 
de  Marseille,  1837,  p.  Lxxai-c),et  où  Ton  ne  trouve  men- 
tionnés que  les  draps  de  Narbonne,  d#  Provence,  d'Avignon 
et  t  de  France  ».  On  se  tromperait  de  beaucoup  si  Ton  se  fi- 
gurait que  les  indications  du  tarif  des  leudes  de  Perpignan 
ne  sont  là  que  pour  la  forme  et  pour  de3  cas  extrêmement 
rares  et  tout  à  fait  accidentels,  car  iom  £AS  mêmes  articles 
figurent  encore  dans  un  nouveau  tarif  de  Tan  1295;  et  nous 
publierons  Tinventaire  du  magasin  d*un  marchand  drapier 
de  Perpignan  (fait  en  septembre  1307),  qui,  sur  plus  de  qua- 
tre-vingts articles  de  draps  ou  d'étoffes,  n'en  mentionne  que 
quatre  ou  cinq  de  provenance  languedocienne  ou  catalane; 
le  reste  se  compose  exclusivement  de  produits  de  Châ- 
lons,  Rouen,  Paris,  Saint-Denis,  Malines,  Bruxelles,  Ypres, 
Gand,  Provins,  Nogent,  Arras,  Louviers  et  autres  villes  du 
Nord,  dont  les  noms  sont  assez  difficiles  à  reconnaître  dans 
récriture  d'un  notaire  roussillonnais. 

Le  texte  de  la  rem  a  été  transcrit,  vers  l'an  1^5,  dans  le 
Livre  vert  mineur  des  archives  de  la  commune  de  Perpignan. 
Celui  de  la  leuda  appartient  au  même  registre  et  à  la  même 
époque,  et  c'est  là  qu'il  a  été  pris  pour  les  quatre  copies  qui  en 
ont  été  faites  aux  XIV®  et  XV®  siècles,'  dans  les  registres  de  la 
Procuracio  real  des  archives  départementales  (regist.  XVII, 
f»  92-94  ;  — reg.  XIV,  f>  71-75;  —  reg.  XXIV,  f»  82-92; 
—  reg.  XXIX,  fM9-51). 


EXTRAIT  DU  TARIF  D£S  LBUDJSS  DB  PBRPIGI^Alil 

rédigé  vers  le  milieu  du  XIII'  siêde 

Hec  est  memoria  de  leudis  quas  dûs  Rex  recipit  «t  reeipeire 
débet  et  consuevit  in  villa  Perpiniani. 
Primo  est  certum  quod  recipit  et  recipere  débet  et  consue- 


366  DIALECTES    ANCIENS 

vit  de  quolibet  panno  de  precet  vermeyl^  qui  Yendainr,  m  sol. 
Item  de  quolibet  panno  staminis  forti  de  grana,  n*. 

—  panno  coloris  viridis,  XII. dr. 

—  panno  de  hruneta,  xii.d. 

—  panno  àepers  de  Gant,  xii.d. 

—  panno  de  Doaix,  xn.d. 

—  panno  de  Cambraix,  xii.d. 

—  panno  dipre ,  xii .  d . 

—  panno  staminis  forti  de  Ras,  yiii .  dr. 

—  panno  Sci  Quintini,viii.d. 

—  panno  de  Sant  Tome,  vm.d. 

—  panno  Angles  qui  non  sit  de  grana,  vm.d. 

—  panno  de  Exalon,  vm.d. 

—  panno  de  Doyn*,  vm.d. 

—  panno  de  saya,  vi.d. 

—  panno  raye^  dIpre,  VI. d. 

—  panno  albo  de  Lecamusa*,vi.d. 
Jtem  de  qualibet  ùiffa,  vi.d. 

Item  de  quolibet  panno  de  Prois,  vi .  d. 

—  panno  de  Xartres*,  v.d. 

—  panno  de  Brugia,  mi.d. 

—  barrawan,  iiii .  d . 

—  panno  de  Narbona,  mi .  d . 

—  panno  de  Gordon, im.d. 

—  panno  de  Figach, iiii.d. 

*  Nous  imprimons  en  italique  les  mots  catalans  insérés  dans  le  texte 
latin. 

2  Nous  pensons  que  le  nom  écrit  ici  Doyn  est  le  même  que  celui  de  la 
ville  d'Huy  ou  f/y,  qui  figure  dans  la  reua  et  dans  d'autres  documents  de 
l'époque. 

*  Ce  mot,  que  M.  Ed.  de  Barthélémy  a  lu  leta  musa,  est  écrit  li  Ca^ 
musha  dans  la  reua  de  1284  et  Lecamusa  dans  le  tarif  de  1295.  Ce  lieu 
nous  est  inconnu.  Ne  serait-ce  pas  une  corruption  du  nom  de  Cams,  qui 
figure  dans  l'inventaire  de  1307  et  qui  paraît  être  celui  de  la  ville  de 
Gaen  ? 

*  Orthographe  catalane  du  nom  de  Chartres. 


DOCUMENTS  SUR  LA    LANGUE   CATALANE  367 

Item  de  quolibet  pan  no  de  Albi,  un.  d. 

—  panno  de  Rander  *,  nii .  d. 
barrachan  petit  y  iiii ,  d . 

—  panno  qui  vocantur  rasses ,  im.d. 

Jtem  de  qualibet  bala  de  fustanis  grossis  de  Verona,  v.  sol.  et 
v.d. —  et  v.d.sunt  de  liospite. 
Item  de  qualibet  pecia  de  tela,u.d. 
Item  de  quolibet  poste  de  cendat,  xii.d. 
Item  de  qualibet  pecia  de  cendat,  ii.d. 

—  libra  de  ceta',ii   d. 

—  libra  de  ^/arfîs,  i.d. 

—  pena  cirogrillorum,  ii.d 

—  garnatxada  pellium  agnoram  et  aliomm, 

i.d. 
Item  de  quolibet  centenario  de  pellibus  cirogrillorum  engru" 
natz  abtatis  vel  crudis,  iiii .  d 

—  de  pellibus  de  cabritz,  aptatis . . . 

—  de  moionines,  m.  obol.— 
Item  de  qualibet  pecia  de  panno  bruno,  ii.d. 

—  duodena  de  pannolineo,  ii.d. 
— -         pecia  de  stamenya,  ii.d. 

—  flaciata,  i.d 

Item  de  quolibet  Sarraceno  qui  vendatur  et  Sarracena, 
XII.  d. 

item  de  quolibet  porco  qui  valeat  de  ii.sol.  ultra  -  i.soL  . . 

Item  de  quolibet  furono,  i.d. . . 

Itern  de  qualibet  cargua  muli,  xii .  de. — 

Item  de  quolibet /7a/  de  lino,  de  homine  extraneo,  i.  serre  in 
die  jovis. 

Item  de  qualibet  saumata  de  monayls  gros  ^,  i .  obol .  • . 

'  Ecrit  flauc/er  dans  quelques  copies  de  la  Procuracioreal;  dQsi  quel- 
que ville  du  midi  de  la  France,  peut-être  Rodez  (?) . 

'  Pour  seda  (soie). 

^  Exemple  des  noms  et  adjectifs  masculins  catalans  terminés  par  s  au 
singulier,  sans  changement  au  pluriel.  Plus  loin,  on  trouve  forcx^  pluriel 
de  fore . 


368  DIALECTES   ANCIENS 

Item  de  qualibet  saumata  de  cabironis  minutât .  . . 

—  —        de  dentals^  i.  dental. 

—  —        de  stevis,  i*  stevam. 

—  —        de  aladrigues,  i*  aladriguam. 
Item  de  cifis,  scutellis,  et  grasalibus,  et  talliatoribus,  etcu- 

leriis  ligneis,  et  de  conquis  ligneis. . .  — de  cifis  de  vitro,  et  de 
ampollis,  et  de  omni  opère  vitreo. .  •  — de  caseis  siccis,  xx. 
quintum,  et  auruga  similiter. . 

Item  de  qualibet  saumata  de  lenya  que  aportetur  ab  bomi- 
nibus  forensibus,  i.  troceum  vel  unam  asclam. . .  —  De  cepis, 

I.  fore,  et  in  nundinis  duos  furcos, ...  — de  saumata  alterius 
fi'uyte . . . 

Hec  est  forma  et  memoria  jurium  que  dns  rex  reeipit  et 
débet  recipere  tempore  nundinarum  Perpiniani . . . 

Item  de  qualibet  flaciata,  i.  den.  a  venditore  et  alium  den. 
ab  emptore. 

item  de  qualibet  pecia  de  panno  bruno,  ii.d.  a  venditore  et 
alios  duos  d.  ab  emptore. 

Itmi  de  qualibet  pecia  de  panno  lineo  de  L[u]es  »  et  de  ireslù, 

II.  d.  de  venditore  et  alios  n.d.  ab  emptore 

liem  de  qualibet  saumata  de  aladrigues,  unam. 
Item  de  conchis,  et  cabirons  menutz,  et  circulis . . 
Item  de  qualibet  tina  parva  et  magna . . 

Item  de  quolibet  pare  semalium,  i.  obolum. 

Item  de  qualibet  saumata  de  postibus  et  de  cayratz,  i.  obo- 
lum. 

Item  de  qualibet  saumata  de  cepis,  duos  /brcx*,  unum  par- 
vum  et  alium  magnum. 

Item  de  qualibet  muiiere  honerata  de  cepis,  unum  fore. 

Item  de  qualibet  saumata  de  ollis,  i.d. 


*  Le  manuscrit  porte  Les,  et,  sur  l>,  le  signe  d'abréviation  do  Tw,  de  Ym 
ou  d  une  voyelle,  ce  qui  ne  pourrait  être  lu  que  Lens,  ou  Lems,  ou  Lues, 
C'est  une  erreur  du  copiste  :  nous  lisons  Lues,  el  c'est  évidemment  la  ville 
appelée  Loers  dans  la  reua  de  1284,  ot  Luers  dans  l'inventaire  de  1307, 
c'est-à-dire  Louviers. 


DOCrMENTS   SUR  LA    LANGUE    CATALANE  369 

Item  de  quolibet  flat  de  lino  extraneo,  médium  serre. 


Et  est  sciendum  quod  nundine  iiicipiunt  in  vigilia  sancti 
Bartholomei,  et  durant  per  xv.  dies  ;  et  nundine  kadragesime 
incipiunt  in  média  Quadragesima  et  durant  per  alios  xv.  dies. 
Et  infra  dictas  nundinas  recipiuntur  exite  equorum,  ronci- 
norum,  mulorum,  equarum,  asinorum  et  omnium  animalium 
aiiorum  que  transeunt  et  exeunt  extra  terram,  siçut  infra  an- 
num  sunt  oonsuete  dare  et  recipere.  Emptores  vero  debent 
eligereviii.  dies  ante  vigiliam  sancti  Bartolomei,  vel  viii.  dies 
post  dictes  XV.  dies  nundinarum. 

(Archives  communales  de  Perpignan.  —  Livre  vert  mineur, 
fo  72-82.) 


TARIF  DU  DROIT  DE  lŒUA  DE  PERPIGNAN 

(1284) 

En  nom  de  Deu.  Coneguda  causa  sia  a  totz  que'l  senyor  en 
Jacme,  per  la  gracia  de  Deu  rey  de  Malorcha,  a  aordonat  e 
establit  en  la  vila  de  Perpenja,  que  d'acsi  enant  totz  temps  sia 
donada  reua  en  la  dita  vila,  en  axi  co  de  jos  se  contendra,  e 
que  cascun  morcader  e  autre  hom,  de  tôt  so  que  comprara  ni 
vendra,  que  pac  la  dita  reua  a  son  hoste.  Ffeyt  fo  aiso  lo  pri- 
mer dia  dejuliol  en  Tajn  que  hom  comtava.  M.CC.LXXXIIII: 

Pessa  de  drap  de  Txalon iiii.dr. 

Pessa  de  drap  de  Ras iiii.dr. 

Drap  de  Pariai  o  d(^  Sent  Denis iiii.dr. 

Bittes  e  pers  de  Pruis iiii.dr. 

Dviil)  do  Canibray  e  de  Douay iiii.dr. 

Dra[)  (It;  Tian .    iiii.dr. 

Drap  d'Ipre  de  color .    un  dr . 

Drap  <\e  Sant  Tomer* iiii.dr. 

*  Siiinl-Onior. 

25 


370  DIALECTES   ANCIENS 

Blanc  de  sort* vim.dr. 

Blanc  de  11  camusha mi.dr. 

Pressât  vermejl xvm. dr. 

Escarlata xvui.  dr. 

Ëstam  fort  de  grana xii .  dr. 

Tôt  drap  d'Anglaterra,  ab  que  no  sia 

tint  en  grana vi . dr. 

Cubertes  d'Ipre,  does  per  i.drap vi.dr. 

Vayr  d'Ipre nu .  dr . 

Raiet  de  Pruix mi .  dr . 

Drap  de  Brujdes, im. dr . 

Drap  d'Albenton  * mi . dr. 

Breument,  tôt  drap  qufs  vena  de  c. 

sol.  en  sus,  paga im.dr. 

Valenxines in.dr. 

Drap  d'Uy iii.dr. 

Drap  de  Belvays iii.dr. 

Drap  Lombardesch. .    m.dr. 

Blanc  de  Narbona iii.meales. 

Drap  de  Montoliu ii .  dr . 

Drap  d'Avinjo m. meales. 

Barracan  de  Loers i.dr. 

Draps  de  Frares  Menors,  les  c. canes.  vi.dr. 

Draps  de  Preliicadors,  les  lx. canes. .  vi.dr. 

Drap  gros  de  Baj^noles,  la  pessa i.dr. 

Feutre  d'Ipre i*  meala. 

Item  tôt  mercader  paga   a  son   hoste  reua  dreta,  per  rao 
de  peliceria. 

^  Le  dra))  hianc  de  sort  désigne  sans  doute  le  drap  assorti  do  grande 
dimension.  On  lit  dans  des  criées  faites  en  1424:  a  Tôt  hom  generalment 
qut  voira  fer  draps  de  la  gran  sort  a  la  Florentina  o  ala  guiza  de  Flan- 
des,  0  de  Mostivallers,  o  de  Lers  (Louer s),  de  pint*i  XXV I",  XXV IW, 
XKX%  XXXII%  XXXIII%  XXXVl\  0  de  mayor  nombre,  que  hag.n  haver 
de  lonch  quant  exiran  del  tixedor  XX"  cana  de  Barcelona.  » 

^  Le  drap  d'Albento  est  encore  montioniiy  en  1295.  Ne  serait-ce  pas  la 
ville  d'Alençon  ? 


DOCUMENTS    SUR   LA    LANGUE   CATALANE  371 

Tôt  primerament,  curam  de  conils,  lo 

centenar  vestit u.dr. 

Item  lo .  c .  de  les  lebres,  vestit  atressi.  u.dr. 

Item  lo.c.  dels  esquirols,  vestit  atressi.  ii. dr . 

Item\o,Q,  d'anjines,  vestit  atressi..  u.dr. 

Item  lo.c.  dels  aortons,  vestit u.dr. 

Item  lo .  c .  dels  cabritz,  vestit u. dr . 

E  tôt  asso  es*  tota  amor  fejta. 

Item  tota  peliceria  qui's  vena  a  dotzena,  so  es  assaber  de 
salvazina,  axi  can  son  janetes  faliines,  volps,  gatz  martrins, 

jebelines,  putoys,  erminis,  ventresques  de  luries,  e  tota  altra 

salvajna,  levât  luries,  paga  la  dotzena. .  m.mesales. 

Item  luria  crusha i*  mesala. 

Item  luria  adobada i. dr. 

Item  cobertor  de  salvazina mi.dr. 

Item  cobertor  de  lops u. dr . 

Item  pelots  d'anyels i.dr. 

Item  tôt  autre  pelot  de  salvazina u.dr. 

Item  pena  de  conils i .  dr . 

Item  garnatxa  d'anyels i. dr. 

Itemvsiyre^  abobatz o  cruus,  lomiler  iu.»e  uii.dr. 

o  lo  centenar mi. dr. 

Item  pena  vayra vi.dr. 

Item  pena  de  testes  de  vayrs ui.dr. 

Item  capros*de  testes  de  vayrs,  la  dot- 
zena   m .  dr . 

Item  capros  de  vairsentirs,  la  dotzena.  un.dr, 

/tem  pena  d'esquirols u.dr. 

Item  tôles  del  garp  ^,  e  vintenes,  e  ca- 

'  Peut-être  faudrait-il  565  fsans)? 

^  Mol  douteux,  aiui-i  que  dans  l'article  suivant;  on  pourrait  lire  capzos, 

■^  Ce  mot  se  retrouve  encore  dans  le  tarif  de  1295,  et  nous  sommes  porté 
à  le  faire  venir  de  l'arabe  et  garb  (le  couchant).  Il  s'agirait  donc,  dans  ce 
sens,  des  toiles  de  l'ouest  de  la  France?  Les  marins  de  Collioure  em- 
ploient encore  le  mot  de  garbi  pour  désigner  un  petit  vent  d'est,  et,  par 
conséquent,  dans  un  sens  tout  à  fait  contraire  à  l'étymologie  que  nous 


372  DIALECTES    ANCIENS 

nabas,  e  totes  autres  teles,  tro  a 
xiiu.  sol.  la  corda,  pagen  la  reua 

dreta,         la  corda i .  dr> 

Ehala  corda  vi. canes  de  Monpestler. 

Item  totes  autres  teles,  ode  Campayna, 
o  d'Alamayna,  o  d'autra  terra,  sal 
de  teles  de  Remps,  qui  valen  de 
XIII .  sol .  en  sus,  la  corda ii.dr. 

Item  teles  de  Rems,  per  libre  de  diner.         i.dr. 

Item  tota  tela  tinta,  la  pessa i .  dp . 

Iteni  tôt  fustani,  la  pessa  entira.  i*  meala. 

Item  la  post  de  cendatz,  reforsatz  o 
plans VI. dp. 

/^em  porpra  d'Alest  o  de  Monpestler.         n.dr. 

Item  tôt  drap  ab  aur  de  Venecia  o  de 

Lucha VI. dr. 

/^e/w  bagadels  d'outramar i.dr. 

Item  boquerans  d'outramar i.dr. 

y^em  camelotz  d'outramar iii.dp. 

Item  draps  bortz  d'Alexandria i.dr. 

Item  samitz  totz  vermeyls,  o  ab  aur..        iiii.dr. 

Item  canon  d'aur  filât,  e  d'argent 
filât I"  mesayla. 

Item  caxa  d'or  de  Lucha  filât,  e  d'ar- 
gent de  Lucha  filât iiii.dr. 

Item  argent  pel,  e  or  peil,  la  dotzena.  i*  meala. 

Item  pessa  d'estameyna i.dr. 

Item  fiassades,  cascuna i'  meala. 

Item  cambra  de  tapitz vi. dr. 

Item  astores  blanches  primes  de  Va- 
lencia  e  de  Murcia i*  meala. 

Item  caxa  de  paper  en  que  ha  xvi.raj- 

mes vm.dr. 

attribuons  à  ce  mot.  On  pourrait,  à  la  rigueur,  voir  dans  garh  le  nom  dé- 
figuré de  la  ville  de  Gap  ;  mais  l'article  el^  qui  le  précède  dans  le  texte  cfi- 
talan,  ne  permet  pas  d'accepter  ce  sens . 


DOCUMENTS    SUR   LA   LANGUE   CATALANE  373 

Item  Xalons  listatz  ni  de  colors,  ûonren. 

Item  cordoan  blanc,            la  dotzena.  iii.mesales. 

Item  cordoan  vermeyl ii  .dr . 

Item  branas  *  vermejles i .  dr . 

Item  parties  '  vermeyls i. dr. 

Item  moutos  adobatz i.dr. 

Item  scodatz i .  dr . 

Item  cordoa  de  Bugia i. dr. 

Item  curs  de  bous  e  de  vaques,  a  reua  dreta,  i*meala  lo  cur- 

Item  curs    de   cers,  e  de  cavals,  e  de  rocis,  e  de  muls^  e 
d'azes,  e  d'autres  besties  grosses,       i*  meala  lo  cttr. 

Item  totes  boquines,         lo.c viii.dr. 

Item  motonines  pelozes,  la  dotzena.  .  lîi . lûesales. 

Item  marc  d'or  qui  se  pesa - . .   '  xii.  dr. 

Item  tôt  cambi  fondedor,  qui  sia  .de 

ley  de  casern  aval i*  ineala  lo  march . 

Item  tôt  cambi^  qui  sia  de  mes  de  ca- 
sern   I .dr .  lo  mare'h . 

Item  nuyla  moneda  d'or,,  ne  d'argent, 
ne  de  metajl,  qui's  cambie  a 
nombre,  no  paga  reua. 

Item  d'avers  de  pes,  que  se  venen  a 

carga  de  m. quintals vi. dr . 

Item  pebre,  dona  de  reuadreta vi.dr. 

Item  gingibre  gros  o  menut •  •  vi.dr. 

Item  ensens vi .  dr . 

Item  cera vi .  dr . 

Item  tôt  coton. . vi .  dr . 

Item  tôt  sucre vi. dr 

Breument,  tetz  avers  de  Levantqui's 
venen  a  carga  de  m .  quintals, 

pagen vi..  dr . 

»  Il  fiudrait  sans  doute  basanes  ou  bosanés.  Le  tafifde  1Î95  porte  bo 
sanes  vermeyl' s. 

^  Parges  uermeils,  dons  le  tarif  de  1201^. 


374  DIALECTES    ANCIENS 

Item  indi,  se  vena  quintal,  e  paga.  . . .  m.dr. 

Hem  argent  viu m .  dr. 

Item  vermelo m .  dr . 

Item  mastec m .  dr . 

Breument,  totz  avers  qui  a  quintal 
se  venen,  qui  vayla  lo  quintal 
de  c .  sol .  amont,  pagen  aitant . 

Item  co  jre,  lo  quintal,  de  reua  dreta. . .  ii .  dr . 

Item  estayn,  a  reua  dreta ii.dr. 

Item  tôt  metayl # ii.dr. 

Item  ferre , i .  dr . 

Item  plom * 

Item  fil  d'exarsia,  lo  quintal ...  i.dr. 

Item  caynbe    de  Borguyna,    cruu  e 

batut II. dr. 

Item  tota  exartsia,  obrada,  de  canem . .  i .  dr . 

Item  tota  stopa i .  dr . 

Item  tota  borra i .  dr . 

Item  sporta  de  figues. .    i.dr. 

Item  atzebibs,  lo  quintal i .  dr . 

Item  sporta  de  figues  de  Malorcha. . . . 

Item  alum  de  Bolcan,  lo  quintal i.  dr. 

Item  pel  de  boc,  lo  quintal i. dr. 

Item  rauza  de  vexels,  lo  quintal i.dr 

Item  verdet,  lo  quintal ii .  dr . 

Item  mel,  lo  quintal i. dr. 

Item  pega,  lo  quintal. i.dr . 

Item  sporta  de  pega ii .  dr . 

Item  fustet,  lo  quintal i .  dr . 

Item  erba  cuquera,  lo  quintal i.dr. 

Item  flor  de  formatge,  la  carga vi. dr . 

Item  lana  de  boitorons  *,  lo  quintal. . . . 

Item  bacons,  lo  quintal 

Item  sagins,  lo  quintal . 


I*  meala. 


i*  meala 


m.meales. 
iii.meales, 
lu.meales. 


11  faudrait  sans  doute  hoidrons  ou,  mieux,  hodrons. 


DOCUMENTS    SUR    LA    LANGUE    CATALANE  375 

Iton  seu,  lo  quintal m  .meales . 

Item  formatges,  lo  quintal m. meales. 

Item  sosha,  lo  quintal m. meales . 

Item  alcofol,  lo  quintal m. meales. 

Item  tôt  peix  salât  e  arènes,  levât  tonines,   dona   de  reua, 
del  sou  i""  pugesa. 

Item  jarra  de  tonina m .  dr  • 

Item  oli,  lo  sester ii .  dr . 

Item  cipies  seques,  lo.c i.dr. 

Item  mantega  o  bori,  lo  quintal m. meales 

Item  riz  e  amenles,  la  carga mi .  dr . 

Item  sac  d'avelanes ii.dr. 

Item  notz,  la  ejmina ii.dr. 

Item  amenles  ab  close,  la  ejmina ii .  dr . 

De  totz  avers  leugers  semblants  de  valor  a  aquestz  de  sus, 
dona  hom  de  reua,  m.  meales  del  quintal. 
Item  tota  rauba  qui's  tenga  vénal  en  hostal,  e'I  mercader  de 

qui  es  la-s'en  vol  portar  senes  venda,  so  es  que  no  la 

vujla  vendre  aqui,  deu  pagar  miga  reua. 
Item  tôt  troçel  o  tota  carga  de  qualque  aver  se  si  a,  dona  de 

pasatge,  vi.dr. 
Item  tota  carga  de  merceria  o  d'autres  menuderies,  qui's 

desfassa  en  ostal,  xii.dr. 
Item  totz  avers  sotils  d'especiayria  qui  se  venen  a  liura  sutil, 

pagen  per  liura  de  diners  i*  meala.  E  es-hi  entes 

safra,  e  azur,  e  totz  autres  avers  sutils  qui  se  ven*  a 

liura  sutil. 
Item  tota  céda,  crusa  e  tinta,  la  liura,  i.dr. 
Item  tôt  filadis,  cruu  e  tint,  la  liura,  una.  meala. 
Item  grana,  xii.de.  la  carga  de  iii.quintals. 
Item  comi  e  anis,  iiii.de.  la  carga  de  lu.quintals. 
Item  tots  alums,  levât  de  Bolcan,  m. de.  la  carga. 
Item  tôt  cadars  de  cédas,  viii.de.  la  carga. 
Item  tôt  Sarrai  e  Sarraina,  vu .  dr. 

*  Lisoz  venen. 


376  DIALECTES    ANCIENS 

Item  simi,  o  bogia,  o  raaymon,  cascun  vi.dr. 
Item  tôt  blat  e  tôt  legum  paga  ii.  eymines  per  centenar.  E'I 
hoste  deu-li  aver  botiga.  —  Item,  meyns  de  botiga, 
1*  eymina  per  centenar. 
Item  auruga  e  mostasia,  per  aquest  for  metex. 
Item  totcaval  qui  vaylaL.  libr.  o  pus,  paga  ii.sol.  evi.dr. 
Item,  tota  autra  })estia  cavalina  o  mular,  qui  sia  de  preu  de 

L.  libr.  avayl,  pagaxii.dr. 
Item  azen  o  sauma,  ii .  dr . 
Bous,  ni  porcs,  ni  moutons,  ni  bocs,  non  re. 
Item  escudeles,  e  anaps,  e  vernigatz,  e  tayladors,  e  morters, 
e  picons,  de  totes  aquestes  causes  dona  hom,  de  cas- 
cuna  saumada,  i.pareyl. 
Item  de  brocs,  o  canades,  de  cascuna  saumada,  i.o  una. 
Item  de  culers  d'oies  a  menar*,  de  la  saumada,  ii.culers. 
Item  de  culeres  de  boix,  de  cascuna  saumada,  ii.dr. 
Item  de  gaudals,  ho  de  conces  {pour  conques)  de  fust,  de  la 

saumada,  i.  gaudal. 
Ite^n  lo  quintal  de  pedaces  de  que  hom  fa  paper,  i*  pugesa. 
Totes  serpeleres  grosses  e  cordes  grosses  d'aver  de  pes,  axi 
com  son  d'espart  e  de  palma  e  de  datilers,  hon  son  les  es- 
portes  del  pebre,  e  autres  serpeleres  grosses  d'avers  de  pes, 
e  caxes  de  sucre,  e  botes  de  sucre,  e  cofins  de  verges,  totes 
deuen  esser  del  hoste,  part  la  reua  ;  mes  no  neguna  serpelera, 
ni  sac  de  lin,  ni  de  canem,  ni  de  lana,  ni  cabas  doble  de  Ter- 
ragona.  E'I  hoste  deu  donar  al  mercader  de  qui  aura  reua 
dreta,  lit,  e  foc,  e  lum,  e  salsa  a  i.menjar,  pebre,  gingibre, 
safra,  ails,  e  cebes,  e  vinagre,  e  deu-li  ajudar  a  vendre  e  a 
comprar  ses  mercaderies. 

E  tôt  mercader  estant  ab  son  hoste  qui  fassa  mercat  o  venda 
de  SOS  avers,  ans  que  Paver  sia  vengut  en  Postal,  son  hoste  a 
gasaynada  la  reua,  de  quai  que  part  hon  la  roba  venga. 

E  tôt  senyor  de  nau  qui  nauleg  la  sua  nau,  estant  e  tomant 
ab  son  hoste,  deu  donar  de  reua  a  son  hoste,  si  tant  es  em- 

*  Il  faudrait  sans  doute  a  menjar  (à  manger,  pour  la  cuisine). 


DOCUMENTS   SUR    LA    LANOVE    CATALANE  téf 

pèro  que  la  nau  siau  naulejada  per  passatje  del  senyor,  de 
terra,  de  tôt  nolit  i .  diner  per  liura.  E  tota  nau  o  leyn  o  barca 
o  autre  vaixel  qui's  vena  en  poder  del  hoste,  soes  que'l  patro 
o'I  venedor  sia  albergat  ab  son  hoste,  paga  a  son  hoste  per 
aquela  venda,  i.dr.  per  liura. 

E  totz  avers  que  barata  hom  Fun  ab  l'autre,  no  deu  penre 
Toste  mes,  de  la  una  causa,  de  quai  se  vuyla,  si  doncgno-y  ha 
tornes,  de  xx.sol.  ho  d'aqui  amont. 

Anno  domini  millesimo  CC'*LXXX°  quarto. 

(  Archives  de  la  commime  de  Perpignan.  —  Livre  vert  mineur ^ 
f^'  82,  v^  à  85.) 


Inventaire  du  magasin  de   feu  Jean  de  N'Aldiartz,  marchand   drapier 

merrator)  de  Perpignan,  fait,  à  l'instance  de  son  épouse  et  en  vertu 

de  l'autorité  judiciaire,  le  8  des  ides  de  septembre  1307.  — Nous  y  joi- 

gnoi:s  les  objets  mobiliers  dont  ie  nom  est  en  catalan  dans  l'acte  rédigé 

en  latin. 

(1307) 

Jteni  confitemur  nos  invenisse  in  dictis  bonis  et  hereditate  : 
III.  vasa  vinaria  in  quibus  sunt  L.  saumate  vini  primi  ;  — 
I.  barrai  saumadal,  vu.  botas  vinarias  et  i.  vas  vinarium,  in  qui' 
bus  est  vinum  aquarum  quod  bibit  familia,  —  vi.  archas,  ~ 
I.  arquibanch^  —  iiii.  se  des  sive  celés,  —  i.  caval  fusti  in  quo 
tenentur  celle  equitandi. 

Item  quasdam  capsanes,  —  i. /)6'r)oww/rubeum,  —  quasdam 
genolcres  copertas  de  cirico  rubeo,  —  iiii.  pileos  jubatz,  — 
I.  clipeum,  —  i.  ballistam  de  cornu  cum  circo  suc,  —  vi  lan- 
ceas  cum  suis  lanceriis. 

Item  VII.  lectos  tornegata,  duos  bres,  —  vu.  vanoas,  — 
très  dcack.  -—  un.  sachos  de  trelis,  —  i.  concham  daram,  — 
III.  lusses  ferri,  duo  veru  sive  astz  ferri,  —  i.  forrol,  —  duos 
cirsols^  —  I,  j)Osal  de  cupro  —  unum  pasti^eny,  —  i.  perol,  — 
liii.  tors  tortarum  cere,  —  i.  garlandam  argenti,  -  sex  mos- 
callos,    —   quasdam   osts    et    quosdam    osellos    strictes,   — 

.1.  perpuni  album...  —  i.  zonam  munitam  argenti, 

Item  X.  et  vu.  pecias  pannorum  dEjxalono, 


378  DIALECTES   ANCIENS 

Item  nu,  pecias  pannorum  àAmens  mesclatz  vocatorum  ca- 
me  lins. 

—  II.  pecias  e  mediam  de  sarguis  starainis  deCams  coto- 

nadis. 

—  V.  pecias  pannorum  de  Roam  mesclatz. 

—  I.  peciam  panni  de  Mestre  viles. 

—  XX.  pecias  pannorum  de  Parisio  maybrinas. 

—  XXV.  pecias  pannorum  de  Parisio  plans, 

—  XIII.  pecias  pannorum  lestatz  de  Parisio. 

—  Lxxx.  VII.  pecias  pannorum  de  Sent  Denis  inter  planis 

et  virgatis  sive  listatz. 

—  VIII.  pecias  pannorum  mesclats  de  Melines, 

~  VIII.  pecias  pannorum  mesclatz  de  Bruyxeles. 

—  X.  pecias  pannorum   coloratorum  sive  tentz  dipre, 

—  XI.  pecias  pannorum  de  rayetz  dIpre. 
--*  III .  pecias  pannorum  de  sayes  dlpre . 

—  II.  pecias  pannorum  alborum  dlpre, 
--  c.xu.  cuber  tas  fl?/jore. 

—  xn.  pecias  de  lestât  de  Gant. 

—  L.  pecias  àe  feutres  dlpre. 

—  XX.  m.  pênes  de  testes  et  iiu.  crotades, 

—  II.  pecias  de  biffes  blaues  clares  de  Sen  Denis, 

—  I.  peciam  lividam  escuram  de  biffa  de  Sen  Denis, 

—  I.  peciam  moradam  de  biffa  de  Sen  Denis . 

—  I.  peciam  viridem  de  biffa  de  Sen  Denis. 

—  VII.  canas  et  mediam  de  biffa  blaua  de  Sen  Denis, 

—  X.  cannas  et  u.  palmos  de  biffa  morada  de  Sen  Denis, 

—  XX. m.  cannas  et  v.  palmos  de  biffa  plana  livida  de 

Sen  Denis, 

—  II.  cannas  et  v.  palmos  de  biffes  listades  de  Sen  Denis, 
-■  II.  pecias  intégras  listadas  pannorum  de  Paris, 

—  c.  et  XI.  canas  de  biffes  listades  de  Paris, 

~  XX.  I,  canam  et  i.  palm  de  biffes  de  Paris  maybrines, 

—  I.  peciam  lividam  de  Paris, 

—  XX. VI.  canas  de  bifes  de  Paris  planes, 

—  III.  pecias  listades  de  biffes  de  Porchis  {sic y  Provins). 


DOCUMENTS   SUR   LA    LANGUE    CATALANE  209 

Item  xxx.vn.    (canas)  et    vi.   palmos  de   biffes  listades  de 
Prohis. 

—  XX.  VII.  cubertas  listades  dipre  intégras. 

—  Lx.  cannas  et  mediam  de  cubertes  dipra  listades, 

—  xu.  cannas  de  cubertes  de  Paris  listades, 

—  xiiii.  cannas  et  mediam  de  pannis  listatz  de  Diestre. 

—  I.  peciam  panni  integram  de  Gant. 

—  VIII .  canas  et  mediam  de  listatz  de  Gant, 

—  L.ii.  canas  et  n.  palmos  de  sargues  de  Biam. 

—  xx.vii  cannas  pannorum  tentz   dIpre. 

—  X.  canas  et  ii.  palmos  de  biffa  vermela  de  Paris, 

—  xx.ii.  cannas  et  mediam  de  sargua  de  Cams  cotonada. 

—  VIII.  canas  et  u.  palmos  de. sargua  staminis  prima  de 

Cams. 

—  m.  canas  et  v.  palmos  de  sarga  stricta  nigra  de  Sen 

Denis, 

—  xiiii.  canas  et  vu.  palmos  demesclat  de  Melines, 

—  I.  peciam  integram  panni  mesclat  de  Melines, 

—  -    I.  canam  et  vu.  palmos  de  panno  viridi  de  Roam. 

—  XX. im.   cannas  et  m.  palmos  pannorum  mesclatz  de 

Roam. 

—  II.  pecias  pannorum  de  reyet  de  Prohis  ab  ennp(9iQ)blau, 

—  XX.  cannas  et  m.  palmos  de  reyhet  de  Prohis, 

—  V.  cannas  et  mediam  panni  listât  de  Naugans . 

—  L.viii.  cannas  etii.  palmos  pannorum  de  Xalo. 

—  VIII.    canes  de  presseto  vermel, 

—  VII.  scapolonos  de  biffes  planes  de  Sen  Denis^  in  quibus 

invenimus  im.  canas  et  ii.  palmos. 

—  X.  scapolonos  de  biffes  planes  de  Paris,  in  quibus  inve- 

nimus V.  cannas  et  ii.  palmos. 

—  V.  scapolonos  pannorum  may brins  de  Paris,  in  quibus 

invenimus  ii.  canas  et  m.  palmos. 

—  un.  scapolonos  de  Xalo,  in  quibus  invenimus  ui.  pal- 

mos. 

—  III.  scapolonos  de  sargues  de  Cams  primis,  in  quibus 

invenimus  v.  palmos. 


380  DIALECTES    ANCIENS 

Item  I.  scapolonum  de  sayn  àe  Biam,  in  quo  mwHkuus  vr. 
palmos. 

—  VII.  scapolonos   pannorum  ientz  dfpre,  m   quibus  in- 

venimus  ii  cannas  et  v.  palmos. 

—  I.  scapolonum  panni  dArras,    in    quo  invenimus  vi. 

palmos. 

—  vmi.  scapolonos  pamni  lisiat  àe  Gant,  in  quibus  inve- 

nimus VI  cannas. 

—  im.  scapolonos  panni  li$tat  de  Prohis,  in  quibus  inve- 

nimus m.  cannas  et  ui.  palmos. 

—  X.  scapolonos  pannorum  listatz  de  biffes  de  Paris,  in 

quibus  invenimus  vu.  canas  et  m.  palmos. 

—  xm.  scapolonos  de  cubertes  dipre,  in  quibus  inveni- 

mus V.  cannas  et  m .  palmos. 

—  I.  scapolonum  de  biffa  de  Stn  Denis  listât,  in  .quo  inve- 

nimus V.  palmos . 

—  m.  scapolonos  panni  listât  de  Luers,  in  quibus  inve- 

nimus I.  cannam  et  v.  pahuoB. 
Que  cane  et  palmi  predicti  sunt  omnes  mensurate  cum  suis 

turnis  et  Tenabiles. 
Item  invenimus  in  dicta   hereditate  i.  peciam    de  cirico 
viridi,  et  aliam  peciam  de  cirico  rubeo,  et  aliam  de 
cirico  violât,  et  duas  crotades  de  camelot. 
Item  XVI.  scapolonos  de   cirico,  in  quibus  invenimus  très 

libras  et  novem  uneias. 
Item  c.  xiiii.  camises  de  teles   cum   quibus   camisantur  et 

choperiuntur  panni. 
Item  très  bauecx,  —  . .  unum  comter,  —  quandam  scribaniam 
de  corio  ;  — vi.  cortinas  de  tela,  —  très  sarpileres,  —  i.  ar- 
cham,  —  duos  archibanc,  —  ii.  bancos  operatorii,  in  quibus 
tenentur  panni,  —  i.  tapit,  —  ...  duos  tors  desarpilera,  —  . . 
V.  bancals  in  quibus  tenebantur  panni  botigue,  —  xx.  vim. 
restes  sive  cordes  canabi,  —  i.  flaeiatam  de  pel  de  boc,  —  xvi. 
flaciatas  cardades,  —  vu.  seles  equitandi,  —  v.  frenos,  —  duos 
cabestres,  —  quosdam  travalons  animalis,  —  v .  streups,  — 
I,  estemenyam  de  mostra,  —  qui^ndam  barram  f&Bti  cum  suis 


DOCUMENTS  SUR  LA    LANGUE   GATALANB  3S1 

barris  faetam  ad  mostram,  r-  ires  estrigùk, —  h,  pas  calca- 
rium,  —  mi.  cordes  de  cirico  de  pileo  de  feutre. .. 

Item  invenimus  in  dictis  bonis  r 

Duo  milia  et  c.  lxxxx.  viiu.  turonenseS)  argenti  vetores, 
q^uorum  quilibet  valet  xvi.  denarios  Barchin^ 

Item  X.  viiii.  libras  x.  iiii.  sol.  Barch. 

Item  c,h,yi,  florenos  auri,  quorum  quilibet  valet  xivi.  sol. 
Barch. 

Item  unum  morabatinum. 

Item  mediam  doblam  auri. 

Item  XL,  vil.  turouenses  novos,  quorum  quilibet  vadet  vim. 
(Jenar.  Barch. 

Item  unum  regalem  argenti  Montispessulani. 

Item  XX.  VII.  libr.  et  x.  vmi.  den.  barch.  minutorum  et 
regalium. 

Item  invenimus  in  libris  dicti  Johannis  de  Aldiarde  scripta 
débita  que  sequntur. .  —  {Les  débiteurs  résident  presque  toug  en 
Romsillon  ou  en  Cerdaguej  et  quelques-uns  en  jEmporda  ou  à 
Gerona). 

(Original  sur  parchemin.  —  Papiers  de  la  famille  d'Om»,  —  Archives 
des  Pyr. -Orient.) 

L'intérêt  qui  s'attache  à  l'histoire  de  l'ancienne  industrie 
française  nous  porte  à  donner  une  liste  des  pays  et  des  villes 
dont  les  produits  naturels  ou  manufacturés  sont  signalés,  en 
Roussillon,  depuis  le  milieu  du  XIIP  siècle  jusqu'au  milieu  du 
XV®.  C'est  une  liste  très -incomplète  d'ailleurs,,  dans  laquelle 
nous  ne  signalerons  pas  non  plus  les  objets  désignés,  comme 
provenances  d'outre-mer  ou  du  Levant  : 

Agde.  — Vid'Acde,  1300. 

Alais.  — Porpra  d'Alest,  1284 ;— d'Aletz (1295). 

Albenton.  — Drap  d'Albenton,  1284;  -  d'Albento  (1295). 

Albj.— Drap  d'Albi,  1250. 

Alep?— Alum  d'Alap,  1300*. 

^  Ce  produit  ligure  aussi,  vers  1250^  dans  la  leudede  TaraacoD  iMrna 


382  DIALECTKS   ANCIENS 

Alexandrie.  — Draps  bortz  d'Alexandria,  1284-1295. 

Allemagne. — Teles  d'Alamajna,  1284. 

Almeria.  —Teles  d'Alraaria,  1375. 

Amiens.  —  Draps  d'Amens  raesclatz  yocaft' camelins,  1307. 

Angleterre.  —  Drap  angles,  —  drap  d'Anglaterra,  ab  que  no 
sie  tent  en  grana,  1250-1284-1295. 

Arras  —  Panni  staminis  forti  de  Ras,  1250  ;  —  drap  de 
Ras,  1284-1300;  —drap  de  Roax?  1295:  -^  panni  d' Arras, 
1307. 

Avignon.  — Drap  d^Avinyo,  1284;  —de  Vinyo,  1295-1300. 

Ban  joies  (Catalogne).  -  Drap  gros  de  Banyoles,  J284- 
1295  :  —  cadins  strets  o  draps  Banyolenchs,  1450. 

Barcelona.  —  Fustanis  listatz  de  Barssalona,  1295;  —  obra 
de  terra  de  Barssalona,  1300. 

Beau  vais.  — Drap  de  Belvajs,  1284. 

?)Oi*nay.  — >  Drap  de  Bernaj,  1295. 

Biam?  —  Sargues  de  Biam,  1307. 

Bolcan? — Alumde  Bolcam,r284;— alumde  Bolcami,  1300^ 

Bougie.  —  Cordoa  de  Bugia,  1284 ;  —  de Bogia,  1295. 

Bourgogne .  —  Caynbe  de  Borgujna,  1284  ;  —  eamge  de 
Bergojna  cru  e  batut,  1295. 

Bruges.  —  Drap  de  Brugia,  1250;—  deBruydes,  1284;-^ de 
Brugues,  1295. 

Bruxelles.  —  Draps mesclatz  de  Bruyxelles,  1307. 

Caen?  —  Sargues  de  stam  de  Cams  cotonades;  —sargues 
prims  de  Cams,  1307. 

Castille.  — Teles  de  Castella,  1375. 

Cambray.  — Drap  de  Cambraix,  1250;—  de  Cambray,  1284- 
1295. 


de  alupno  de  pluma  et  de  Alamp  (Carlul.  de  S.-Victor,  p.  84),  alup  de 
Alomp  et  alup  de  Alamp  dans  celle  d'Arles  en  Provence  (ibid.,  p.  91  et 

y5). 

'  L'alun  de  Bolcam  ligure  souvenl  dans  les  leudes  de  Provence:  alup 
de  Bolca  el  de  Balcan,  dans  celles  de  Pennes  et  de  Digne;  alump  de  Bal- 
cano  el  de  Borcano,  dans  celles  d'Arles. 


DOCUMENTS   SUR   LA    LANQUB   CATALANE  38S 

Carcassonne. — Draps  de  Carcassona,  1321. 

Châlons-sur-Marne .  —  Drap  de  Exalon,  1250; —  drap  de 
Txalon,  1284; —  Xalons  listatz,  ni  de  color,  1284; —  draps 
d'Eyxalon,  1307;  -  draps  de  Xalo,  1295-1307. 

Champagne.  — Teles  de  Campanja,  1284. 

Chartres.  — Drap  de  Xartres,  1250. 

Damas.  — Teles  de  Domas,  XIV*  siècle. 

Saint-Denis.  — Drap  de  Sent  Denis,  1283-1295;  —  panni 
planiy  virgatisive  listatz  ;  biffa  blaua,  biffes  blaues  clares,  biffes 
planes,  biffes  listades,  biffa  livida,  biffa  livida  escura,  biffa  mo- 
rada,  sarga  stricta  nigra,  — de  Sent  Denis,  1307. 

Diestre? — Draps  listatz  de  Diestre*,  1307. 

Douay. —  Draps  de  Doaix,  1250;  —  de  Douay,  1284;—  de 
Doay,  1295. 

Fanjeaux.  —  Drap  de  Fanjaus,  1250. 

Figeac .  —  Drap  de  Figach,  1250. 

Flandres.  —  Draps  de  la  gran  sort  a  la  guizade  Flandes, 
1424. 

Florence.  — Draps  de  la  gran  sort  a  la  Florentin  a,  1424. 

France.  —  Draps  de Franssa,  1295-1300. 

Gand.  -  Drap  de  pers  de  Gant,  1250;  —  de  Gan,  1284;  — 
draps  listatz  de  Gant,  1307. 

Garp  (el)?— Teles  delGarp,  1284;— teles  de  Garp,  1295. 

Gênes. — Drap  de  Genoa,  1300. 

Gourdon.  —  Drap  de  Gordon,  1250. 

Grasse  (la).  —  Draps  de  la  Grassa,  1321. 

Huy«.  —  Panno  deDoyn,  1250;  — drap  d'Uy,  1284-1295. 

Lerida.  —  Drap  de  Lerida,  1269-1300. 

Licamusa?  —  Drap  blanc  de  Lecamusa,  1250;—  drap  de  Li- 
camusha,  1284;  — drap  blanc  de  Licamusa,  1295. 

Limoux.  —  Draps  de  Limos,  1321-1384. 

Lombardio.  — Drap  Lombardesch,  1284-1295. 


*  C'est  sans  douto  la  ville  de  Diest  en  Belgique,  arrondissement  de 
Louvain. 


'  lluy  sur  Meuse,  en  Belgique. 


384  DIALECTES    ANCIENS 

Louviers?  —  Drap  de  li  de  Loes  e  de  treslis,  1250;  — barra- 
can  de  Loers,  1284-1295; — drap  listât  de  Luers,  1307;  — 
draps  de  la  grau  sort  à  la  giiiza  de  Lers  {aiiàs  Lieras),  1424. 

Lucques.  —  Caxa  d'or  c  (rargent  de  Lucha,  filât,  1284;  - 
drap  ab  aur  de  Lucha,  1295. 

Malaga.  —  Figues  do  MalicUa,  1249*; —  obra  de  terra  de 
Malicha,  1300. 

Malines.      Draps  mesclatz  de  Melines,  1307. 

Marseille  — Vi  de  Massela,  1300. 

Mestre  viles?  Mostivallers?  (Moustiers??).  -Draps  de  Mestre 
viles,  1307;  — draps  de  la  gran  sort  à  la  guiza  de  Mostivallers 
{allas  Mostivalleres),  1424. 

Montoliou.  Draps  de  Montoliu,  1269-1284-12^-1321- 
1384. 

Montpellier.  — Porpra  de  Monpestler,  1284-1295. 

MontréRl  (Aude). —  Draps  de  Montréal,  1321. 

Murcia.  -  Astores(^/2V/,<j  estures)  blanques  primes  de  Mur- 
cia,  1284-1295. 

Njirbonne.  —  Drap  blanc  de  Narbona,  1250-1269-1284- 
1295-1321  ;      vi  de  Narbona,  1300. 

Nogent.  — Drap  listât  de  Naugans,  1307. 

Saint-Omer.  —  Drap  do  Sant  Tome,  1250; —  de  Sant Tomer, 
1 284  ;  —  de  Sent  Thomer,  1 295. 

Paris.  — Drap  de  Paris,  1281-1295  ;  —  biffes  planes,  biffes  e 
draps  lestatz,  draps  maybrins,  biffes  maybrines,  biffa  vermela, 
Ij^cialioida,  cubertes  listades,  de  Paris,  1307. 

Provins.  — Draps  do  Prois,  —  drap  pers  de  Pruis,  1284;  — 
raiet  de  Pruis,  1284; —  rayet  de  Prouins,  1297; —  reyet  de 
Prohis  ab  ennp  blau,  reyhet  de  Prohis,  pannus  listât,  biffes 
listades,  1307. 

Saint- Quentin.  —  Parmi  S  ci  Quintini,  1250. 

Rander  (Rodez?). — Draps  de  Raiidor,  1250. 


*  Nous  présumons  que  Téditeur  du  Cartulaire  de  Sl-Victor  a  confondu 
Malaga  avec  Malte,  dans  lf*s  articlos  ficubus  de  Meïita  Qi  figas  Melitasde 
la  leude  de  Pennes,  et  ficuhus  de  MalUa  de  la  leude  d'Aix 


DOCUMENTS   SUR   LA   LANGUE   CATALANE  385 

Razès  (pays  de).  —  Draps  de  Rezes,  1321. 

Reims.  — -Teles  de  Remps,  1284;— de  Rems,  1284-1295. 

Romanie .  —  Vels  de  Romania,  1375. 

Rouen. — Drap  vert,  drap  mesclat  de  Roam,  1307. 

Tarascon.  — Vi  de  Tarascho,  1300. 

Tarragona.  —  Cabas  doble  de  Terragona,  1284. 

Trebes  (Aude).— Draps  de  Trebes,  1321. 

Valence  (Espagne),  — Astores  (ou  estures)  blanques  primes 
de  Valencia,  1284-1295;  —  cabassesde  Valencia,  1300;  —  teles 
de  Valencia,  1375. 

Valenciennes.  —  Valenxines,  1284-1295. 

Venise .  —  Drap  ab  aur  de  Venecia,  1284-1295. 

Vérone. — Fustanis  gi^ossis  de  Verona,  1250. 

Vervins.  — Draps  a  la  Vervina,  1424. 

Ypres.  —  Drap  rayet  d'Ipre,  1250; — feutre,  cubertes,  vayr, 
drap  d'Ipre  de  color,  1284-1295  ;  —  panni  colorati  sive  tentz 
d'Ipre,  draps  rayetz,  draps  de  sayes,  draps  blanchs,  feutres, 
cuberteslistades  d'Ipre,1307. 

Zamora?— Pessade  Samorha,  1295. 


i^ 


386  DIALBOTBS   AMCIBN9 


LES  DERNIERS  TROUBADOURS  DE  LA  PROVENCE 

d'après   m.  PAUL   MSTER^ 
I 

J'ai  éprouvé  un  sentiment  de  patriotique  satisfaction  en 
ouvrant  le  volume  intéressant  et  substantiel  dont  je  vais  entre- 
tenir les  lecteurs  de  la  Revue  des  langues  romanes.  Depuis  bien 
des  années,  TAllemagne  semblait  s'être  arrogé  le  privilège 
des  publications  de  quelque  importance  sur  la  langue  de  nos 
provinces  méridionales  au  moyen  âge  ;  M.  Paul  Meyer  re- 
prend vaillamment  possession,  au  nom  de  la  France,  d^un  do- 
maine essentiellement  français:  c'est  comme  le  début  de  la 
revanche  pacifique  de  la  science. 

Les  éléments  de  ce  livre  sont  puisés,  ainsi  que  l'indique  le 
titre,  dans  un  manuscrit  donné,  en  1859,  à  la  Bibliothèque 
nationale  par  M.  Giraud,  membre  de  l'Institut,  ancien  ministre 
de  l'instruction  publique.  Ce  manuscrit  est  un  chansonnier, 
c'est-à-dire  un  recueil  de  poésies  des  troubadours,  qui  porte 
aujourd'hui  le  n°  12472  du  fonds  français.  Il  date  de  la  pre- 
mière moitié  du  XIV®  siècle,  à  l'exception  de  deux  tensons  et 
de  trois  couplets  isolés  écrits,  vers  le  milieu  du  même  siècle, 
par  deux  individus  différents  du  premier  copiste,  et  de  trois 
sonnets  apocryphes  intercalés  environ  deux  cents  ans  plus  tard. 

Le  chansonnier  Giraud  renferme  cent  quatre-vingt-cinq 
pièces  et  un  assez  grand  nombre  de  couplets  isolés  [coblas  es- 
parsas).  Dans  ce  nombre,  trente -deux  pièces  et  une  ving- 
taine de  coblas  étaient  inédites;  M.  Meyer  en  a  fait  le  fonds  de 
son  livre,  qui  se  divise  en  troi  i  parties  :  1°  une  introduction 

*  Les  Derniers  Troubadours  de  la  Provence ,  d'après  le  chansonnier 
donné  à  la  Bibliothèque  impériale  par  M.  Ch.  Giraud;  par  Paul  Meyer. 
1  vol.  in-8»;  Paris,  librairie  Franclc,  1871  (Extrait  de  la  Bibliothèque  de 
VEcok  des  Chartes.) 


DERMERS   TROUBADOURS   I>Ë   PROVENCE  387 

offcaat,  avec  quelques  considéradoo»  sor  la  décadence  de  la 
poéâe  des  troubadours ,  Thistoire  et  la  description  du  chan- 
sonnier Giraud^  et  des  remarques  sur  le  dialecte  de  ce  ma- 
nuscrit ;2o  les  pièces  et  coàias  inédites,  accompagnées  de 
notices  et  d'observations;  3°  un  appendice  comprenant  la 
table  du  chansonnier  Giraud,  celle  du  chansonnier  La  Val- 
lière  ou  d'Urfé,  énorme  manuscrit  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale (n«  22543)  qui  n'a  pas  encore  été  décrit,  et  l'index  alpha- 
bétique des  troubadours  qui  figurent  dans  les  chansonniers 
Giraud  et  d'Urfé.  Cet  appendice  de  64  pages  est,  à  lui  seul,  un 
travail  méritoire,  destiné  à  rendre  de  grands  services  aux  ro- 
manisants. 

II 

Les  pièces  publiées  par  M.  P.  Meyer  paraissent  avoir 
été  composées,  à  l'exception  d'une  seule,  —  une  chanson  de 
Guilhem  de  Saint-Didier  —  dans  la  période  comprise  entre  les 
années  1250  et  1310  environ*,  c'est-à-dire  à  l'époque  où  la 
poésie  des  troubadours  s'éteint,  comme  poésie  de  cour,  avec 
les  grandes  races  féodales  du  Midi  ;  comme  poésie  du  peuple, 
avec  la  vie  politique  qu'entretenaient  nos  vieilles  institutions, 
supprimées  ou  faussées  par  la  domination  française.  Aussi 
l'auteur  a-t-il  raison  d'intituler  son  livre  ies  Deitèiers  Ti^imha- 
dours;  mais  n'est-il  pas  allé  un  peu  loin  lorsqu'il  a  ajouté:  de 
la  Provence?En  effet,  sur  vingt-trois  poètes  dont  il  donne  les 
noms,  l'origine  provençale  de  quatorze  est  au  moins  dou- 
teuse*; elle  est  probable  pour  deux,  et  à  peu  près  certaine 
pour  sept  seulement.  Parmi  les  anonymes,  un  seul  donne  une 
indication  qui  peut  le  faire  supposer  Provençal,  ou  tout  au 
moins  d'un  pays  voisin  de  la  Provence. 

<  M  Meyer  dit  de  1270  à  1310.  Il  n'y  a,  en  effet,  que  les  pièces  des  trois 
premiers  chapitres  qui  soient  certainement  antérieures  à  1270.  Il  est 
probable,  d'autre  part,  que  certaines  de  ces  compositions  sont  postérieures 
^l'année  1310. 

'  Il  est  vrai  que  Daspol,  qui  semble  avoir  coaiposé  une  de  ses  pièces 
dans  les  environs  de  Vauvert  (aujourd'hui  département  du  Gard),  habitait 


388  DIAX.ECTES   ANCIENS 

Je  n'insisterais  pas  sur  ce  point  si  le  titre  du  volume  ne  pré- 
disposait le  lecteur  à  voir  dans  les  textes  publiés  des  échan- 
tillons d'un  seul  dialecte ,  le  provençal.  A  cette  première  iin- 
pression  vient  s'ajouter  une  affirmation  hasardée  :  c'est  que 
le  copiste  du  manuscrit  Giraud  parlait  le  dialecte  de  la  Pro- 
vence. Il  me  semble  qu'on  ne  saurait  toucher  avec  trop  de 
prudence  à  la  question  délicate  des  dialectes  de  la  langue 
d'oc  littéraire  du  moyen  âge. 

Il  est  permis  de  penser  que  la  langue  des  troubadours  — 
celle  du  moins  de  la  bonne  époque  —  était  juqu'à  un  certain 
point  conventionnelle.  Un  dialecte  a  prédominé  certainement 
dans  sa  formation  ;  mais  chaque  poète  y  introduisait  quelques- 
uns  des  caractères  de  l'idiome  qu'il  avait  parlé  dès  le  ber- 
ceau: de  là  des  diversités  de  forme  auxquelles  il  faut  ajouter 
les  variantes  des  chanteurs  ou  des  déclamateurs,  et  surtout  les 
fautes  volontaires  ou  involontaires  des  copistes.  Il  y  a  donc  à 
résoudre  toute  une  série  de  problèmes  sur  ce  point  important 
et  encore  trop  obscur  : 

Quel  dialecte  a  fourni  les  éléments  fondamentaux  de  la 
langue  des  troubadours? 

Quels  emprunts  cette  langue  a-t-elle  faits  à  d'autres  dia- 
lectes ? 

Quelles  sont  les  formes  particulières  à  chaque  poète? 

Quelles  formes  ont  été  introduites  par  les  récitateurs  ou  les 
scribes  dans  les  textes  aujourd'hui  connus? 

Tant  que  l'on  n'aura  pas  de  réponse  précise  à  ces  questions, 
il  sera  difficile  d'affirmer  qu'un  poète  ou  un  copiste  parlaient 
le  dialecte  de  telle  ou  telle  province.  Pour  donner  une  idée 
de  ces  difficultés,  je  prends  trois  exemples  que  m'offre  l'ou- 
vrage même  de  M.  Paul  Meyer  : 

Guilhem,  l'interlocuteur  de  Peire  dans  la  tenson  du  §  IV, 


vraisemblablement  les  bords  du  Rhône,  bien  que  sur  la  rive  droite.  Par 
contre,  on  jieut  affirmer  sans  hésitation  que  Guilhem  de  Saint-Didier, 
Peire  Cardinal,  Guilhem  (interlocuteur  de  Peire),  le  bâtard  d'Aragon, 
Hugo  de  Moensac,  n'étaient  pas  Provençaux- 


DERNIERS   TROUBADOURS   DE   PROVENCE  389 

est  certainement  de  Montpellier,  puisque  Peire,  parlant  des 
bourgeois  de  cette  ville,  lui  dit:  vostre  borzes.  Or,  dans  le  dia- 
lecte de  Montpellier  au  XIIP  siècle,  la  différence  du  cas  su- 
jet et  du  cas  régime  n'était  indiquée  ni  pour  les  noms,  ni  pour 
Tarticle  ;  Vs  était  constamment  le  signe  du  pluriel ,  et  Tar- 
ticle  masculin  pluriel  était  los  (  prononcez  lous  )  pour  le  cas 
direct  comme  pour  le  cas  indirect  * .  Cependant  Gruilhem  dit, 
ou  le  scribe  lui  fait  dire  (v.  48)  H  consoL  II  est  vrai  qu'au  vers 
16  on  lit  sils  consols,  ce  qui  est  évidemment  pour  si  los  con- 
sols,  Guilhem  a-t-il  voulu  composer  d'après  les  règles  de  la 
langue  littéraire  ou  d'après  celles  de  son  dialecte?  Est-ce 
le  scribe  qui  a  ajouté  Vs  au  vers  16  ou  qui  a  écrit  H  consol 
pour  los  consols  au  v.  18? 

Le  second  exemple  nous  est  fourni  par  le  partimen  de  Gi- 
rart  et  Peironet  (§  IX).  Ces  deux  poètes  se  trouvaient  pro- 
bablement en  Provence  lorsqu'ils  ont  écrit  cette  pièce,  la 
seule  que  nous  ayons  d'eux.  On  y  remarque  cependant  plu- 
sieurs fois  los  au  cas  sujet,  M.  Meyer  accuse  le  copiste  de 
cette  irrégularité  ;  mais  comment  un  scribe  provençal  (  c'est 
M .  Meyer  qui  l'affirme)  a-t-il  introduit  une  forme  étrangère, 
je  dirais  presque  antipathique,  à  son  dialecte?  On  ne  peut  tirer 
aucun  argument  de  ce  qu'on  trouve  li  dans  une  autre  copie 
de  la  même  pièce,  puisque  cette  copie  a  été  faite  par  un  Ita- 
lien, non  plus  que  de  la  suppression  de  l'article  au  v.  32, 
suppression  bien  plus  admissible  que  la  diphthongaison  de 
l'article  avec  le  substantif  qui  ^mi{liogll)^  suivant  la  version  du 
copiste  italien.  Girart  et  Peironet,  bien  qu'écrivant  en  Pro- 
vence, n'étaient-ils  pas  d'un  pays  où  los  s'employait  au  cas 
sujet?  Ou  bien  le  scribe  du  manuscrit  Giraud  avait-il  sous  les 
yeux  une  copie  déjà  dénaturée? 

Enfin  dans  plusieurs  pièces,  telles  que  la  complainte  de 
Daspol,  la  tenson  de  Peire  et  de  Guilhem  et  la  pastourelle 
anonyme  du  §  XVII,  nous  voyons  que  les  poètes  ne  pronon- 

*  Voyez  les  intéressants  documents  des  archives  de  Montpellier  publia 
par  M.  Achille  Montel,  dans  la  Revue  des  langues  romanes. 


3^  DIALECTES   ANCIENS 

çaient  pas  Vn  final  de  certains  mots  :  comfianhons  rime  aveeiii 
7^en,  fren,  manten,  ten,  aperfen,  coven,  avec  ve,  $e,  rherse,  bé, 
cre;  gardin,  camin,  vezin,  latin,  matin,  Martin,  avec  mi,  disi, 
M.  Meyer  nous  fait  observer  que  cette  nasale  était  faibleinént 
prononcée,  ou  même  pouvait  ne  pas  se  prononcer  du  tout.'Il 
serait  peut-être  plus  exact  de  dire  qu'il  j  a  des  dialectes  où 
elle  se  fait  très-nettement  sentir,  d'autres  où  elle  disparaît 
tout  à  fait  :  le  provençal  est  dans  le  premier  cas,  le  langue- 
docien et  le  limousin  sont  dans  le  second.  On  ne  pourrait  al- 
léguer sérieusement  que  ces  différences  dialectales  sotit 
modernes  ;  il  suflSt  d'avoir  étudié  d'un  peu  près  les  idiomes 
méridionaux  pour  voir  qu'elles  sont  intimement  liées  à  la 
nature  du  dialecte,  et  je  dirais  presque  au  caractère  des  habi- 
tants. Il  faut  donc  reconnaître,  ou  que  la  suppression  de  Yn 
final  est  une  règle  de  la  langue  des  troubadours,  et,  par  con- 
séquent, que  cette  langue  était  conventionnelle,  puisqu'elle 
renfermait  des  éléments  empruntés  à  divers  dialectes,  ou  bien 
que  les  poésies  où  la  nasale  ne  compte  pas  à  la  rime,  si  elles 
ont  été  écrites  en  Provence,  n'ont  pas  été  composées  dans  le 
dialecte  de  ce  pays. 

.On  voit  quelles  diflScultés  présente  cette  étude.  La  connais- 
sance des  dialectes  modernes,  l'examen  et  la  comparaison  déS 
documents  administratifs  et  diplomatiques,  fourniront  dôs  iddn- 
nées  précieuses  pour  ce  travail,  qui  est  encore  à  tenter  ;  mais 
il  convient  de  se  mettre  en  garde,  dès  le  début,  contre  toute 
conclusion  prématurée. 

III 

Les  troubadours  auxquels  sont  dues  les  pièces  publiées  pio* 
M.  Mejer  peuvent  se  classer  en  quatre  catégories:  !<>  ceux 
qui  étaient  déjà  connus  par  leur  nom  et  par  quelques-unes  de 
Jeurs  œuvres  ;  2**  ceux  dont  le  nom  avait  été  mentionné  par 
les  biographes,  sans  que  Ton  eût  encore  retrouvé  aucune  de 
leurs  compositions  ;  3**  ceux  dont  la  personnalité  et  les  oeuvres, 
également  ignorées  jusqu'ici,  nous  sont  révélées  parle  chaiiQ- 


DERNIERS   TROUBADOURS  DE   PROVENCE  391 

sonnier  Giraud  ;  4*  les  anonymes.  Kauteur  n'a  pas  suivi  cette 
classification.  Il  réunit  dans  un  même  chapitre  les  pièces  d'un 
marne  poëte,  quelle  que  soit  leur  place  dans  le  manuscrit,  et 
il  range  les  chapitres,  autant  qu'il  le  peut,  par  ordre  chrono- 
logique. 

Les  poètes  déjà  connus  par  leurs  œuvres  sont  Giiilhem  de 
Saint-Didier,  Peire  Cardinal,  Guilhem  de  Murs,  Bertran  Car- 
bonel,  Girart  et  Peironet*. 

Le  jeu-parti  (partimen)  de  ces  deux  derniers  n'avait  pas 
encore  été  publié  en  entier  ;  il  était  connu  cependant,  car  il 
sert  de  base  à  la  théorie  des  cours  d'amour,  imaginée  peut-être 
par  Jehan  de  Nostre-Dame  et  reproduite  par  Rajnouard. 
M.  Mejer,  touchant  incidemment  cette  question,  montre  qu'il 
faut  se  tenir  en  garde  contre  une  tradition  trop  ingénieuse . 
Mais,  si  les  cours  d'amour  n'ont  pas  existé  sous  la  forme  d'un 
tribunal  régulier,  tel  qu'a  pu  le  rêver  l'imagination  du  procu- 
reur au  Parlement  à  qui  l'on  doit  les  Vies  des  plus  célèbres  et 
anciens  poètes  provensaux,  tout  n'est  certainement  pas  à  rejeter 
dans  la  poétique  légende,  si  chère  aux  habitants  de  la  Pro- 
vence. 

Je  m'arrêterai  un  instant  sur  les  deux  tensons  qui,  avec  trois 
coblas  espar  sas  y  forment  le  contingent  fourni  par  Bertran  Car- 
bonel  au  recueil  qui  nous  occupe  *. 

Au  v.  6  de  la  première  de  ces  pièces,  M.  Meyer  propose  de 
corriger  s'es^wma  en  tesquina,  et  je  suis  de  son  avis;  mais  il 
semble  insinuer  que  sa  pourrait  tenir  ici  la  place  de  l'article. 
So,  say  pour  lo,  la,  au  XIIP  siècle,  serait  un  catalanisme  3,  et 

•  Les  pièces  de  chacun  de  ces  poètes  publiés  par  M.  Meyer  sont  :  pour 
Guilhem  de  Saint-Didier,  une  chanson;  pour  Peire  Cardinal,  un  couplet 
en  réponse  à  Hugo  de  Moensac  ;  pour  Guilhem  de  Murs,  une  tenson  avec 
un  inconnu;  pour  Bertran  Carbonel,  deux  tensons  et  trois  coblas  esparsas; 
pour  Girart  et  Peironet.  un  partimen. 

•  Dans  ces  deux  tensons,  le  poëte  s'est  donné  pour  interlocuteur  son  ron- 
dn,  c'eft^à-dire  son  cheval. 

^  On  a  dit  so,  sa,  pour  lo,  la,  dans  quelques  pays  où  l'artiole  s'est  formé 
de  ip8€  et  non  de  Ule.  Certains  dialectes  de  la  Catalogne  offraient  cette 
particularité,  dont  les  noms  propres  ont  surtout  gardé  la  tr«ce  :  sa  ou  za 


392  DIALECTES   Al^GIBNS 

viendrait,  dans  ce  cas,  à  Tappui  de  Thypothèse  que  j*ai  éçûse 
ailleurs,  de  la  présence  de  Bertran  Carbonel  aux  expéditioiis 
du  roi  d'Aragon,  Jacques  /e  Conquérant^.  Je  n'insiste  pas  sur 
ce  point,  et  suis  plus  disposé  à  considérer  ici  remploi  de  s  pour 
/  comme  une  simple  faute  de  copiste.  Mais  il  est  remarquable 
que  nous  trouvions  dans  la  même  tenson  deux  formes  castil- 
lanes: que  queres plus?  (v.  21)  et  vos  œs  brugir  (v.  35).  Querer 
a  été  employé,  il  est  vrai,  par  les  troubadours  dans  le  sen»  de 
demander.  Je  ne  sais  s'il  existe  un  exemple  où  il  réponde  aussi 
exactement  que  dans  ce  cas  au  querer  espagnol  :  que  qtneres 
mas  ?  M.  Meyer  paraît  traduire  oes  par  os;  je  ne  vois  dans  ce 
mot  que  le  oiesse  espagnol  (  subjonctif  présent  du  verbe  otr, 
ouïr,  entendre  )  transporté  dans  la  langue  d'oc.  Le  sens  me 
paraît  ainsi  très-clair,  à  la  condition  que  l'on  comprenne 
les  mots  mastais  et  rialguar  autrement  que  M.  Meyer.  Il  est 
vrai  que  Ducange  donne  riagal  avec  le  sens  d'arsenic  rouge  ; 
mais  nous  avons  en  langue  d'oc  rialga,  nom  qui  s'applique  à 
une  espèce  d'aloès,  et  qui  a  pu  désigner  aussi  une  plante  ser- 
vant à  la  nourriture  des  chevaux.  Quant  à  mastais,  je  ne  vois 
d'analogue  que  margai,  ivraie,  foin  sauvage,  appelé  aussi 
dans  le  Languedoc  margaL  Au  lieu  de  supposer  au  poëte 
l'intention  de  se  défaire  de  son  cheval  par  l'arsenic,  et  de 
lui  «  faire  bruire  les  os  »,  je  traduirais  ainsi  ce  passage  :  «  Par 
Dieu!  meurs  donc,  puisque  rien  ne  te  peut  guérir,  méchant 
roncin,  que  jamais  je  ne  te  donne  foin  (?)  ni  herbe  (?)  et  n'en- 
tende votre  bruit  importun  (  mot  à  mot  :  et  ne  vous  en- 
tende bruire).  »  On  m'objectera  peut-être  que  Raynouard  ne 
donne  point  à  ueymais  {hueimais)\e  sens  négatif;  mais,  si  l'on 
considère  que  huei-mais  est  composé  des  mêmes  éléments  que 
ja-mais,  et  que,  dans  ce  dernier  mot,  c'est  la  syllabe  mais  qui 
renferme  la  négation,  on  sera  d'autant  plus  disposé  à  admettre 

Guardia,  sa  Garriga,  ses  ou  ces  Cornes,  ces  Trilles,  etc.;  en  latin  de  ipsa 
Guardia,  de  ipsa  Garrica,  de  ipsis  Comis,  de  ipsis  Trilliis.  (Voyez  lesdccu. 
ments  diplomatiques  des  Memorias  sobre  el  anUguo  comercio  de  Baro^ona 
par  Capmany.) 
»  Voy.  Jacme  /•',  le  Conquérant,  II,  pag.  459,  note  \. 


DERNIERS   TROUBADOURS   DE   PROVENCE  393 

mon  interprétation  que  Rajnouard  lui-même  attribue  au  vieux 
français  hui-mais  le  sens  que  je  propose. 

Nays  (  V.  21  ),  qui  ne  doit  pas  être  corrigé  en  ays,  signifie 
auge.  Voyez  dans  les  Coutumes  de  Remoulim,  publiées  par 
M.  Charvet  dans  la  Revue  des  langues  romanes  (  avril  1873, 
p.  226  ),  nais  de  cambe,  creux  où  Ton  fait  rouir  le  chanvre.  Nays 
pourrait  d'ailleurs  être  là  pour  naus,  de  même  qu'on  trouve  iey 
pour  ieu  (§  XXVI,  7,  23),  dey  pour  rfew  (§  XXV,  14,  30),  eimay 
pour  mau^,  Nau,  auge,  baquet  (Rajnouard,  Lexique j  IV,  304, 
I,  2)  est  employé  de  nos  jours  avec  le  même  sens.  Dans  le. 
Languedoc,  ce  mot  désigne  plus  particulièrement  une  sorte 
d'abreuvoir  pour  les  bêtes  à  laine. 

Fatoejatz  (v.  28  de  la  seconde  tenson)  est  pour  fantolejatz  ou 
fantonejatz,  Fantoulejà,  fantounejà  et  quelquefois  fantoumejà, 
signifie  jouer,  badiner. 

La  correction  proposée  au  v.  46,  tan  pour  can,  ne  ferait 
qu'obscurcir  le  sens  très-clair  d'une  locution  encore  très-usitée 
dans  le  Midi.  «  Motas  ves  can  parlatz^  valria  mais  esiases  suau- 
ment  )>,  dit  le  roncin  à  son  maître.  Il  n'est  pas  rare  d'entendre 
le  même  conseil  sortir  de  la  bouche  d'un  paysan  du  Languedoc 
sous  cette  forme  :  «  Souvent,  quand  parlas,  voudriè  mai  que  res- 
tesses  siau,  » 

IV 

Jacme  Mote  d'Arles  et  Rostanh  Berenguier  de  Marseille 
étaient  connus  par  le  livre  de  Jehan  de  Nostre-Dame;  mais 
aucune  de  leurs  compositions  n'était  encore  parvenue  jusqu'à 
nous .  M .  Meyer  a  eu  la  bonne  fortune  de  rencontrer  dans 
le  chansonnier  Giraud  un  sirvente  du  premier  et  plusieurs 
pièces  du  second. 

Le  nom  de  Jacme  Mote  ressemble  singulièrement  à  celui  de 
Moter,  troubadour  inconnu,  dont  une  chanson  amoureuse  se 
trouve  dans  le  même  manuscrit.  La  pièce  de  Mote  et  celle 
de  Moter  offrent  quelques  particularités  de  langage  qui  leur 

*  El  non  pour  mal,  comme  corrige  M.  Meyer,  g  XXI,  v.  26. 


3M  DIAXECTÉS   ÀNCIBMS 

sont  communes.  Romarquont,  en  outre,  que  les  doax  noms 
sont  également  précédés  du  qualificatif  en ,  et  que  le  soribo, 
après ayoir  inscrit  au  folio  16 cette  indication:  enJacmes  Mote 
dArlCy  a  bien  pu,  au  f*  49,  se  contenter  de  désigner  le  mémo 
poëte  par  ces  seuls  mots,  en  Mote  ou  en  Moter.  Los  formes 
Mote  ou  Moter  n'ont  pas  trop  la  physionomie  provençale  ;  ne 
faudrait-il  pas  lire  Motet,  qui  est  bien  un  nom  du  pays? 

Le  sirvente  de  Jacme  Mote  est  adressé  à  Charles  II  d'An- 
jou ;  c'est  un  éloge  des  devanciers  du  comte  de  Provence,  et 
une  exhortation  à  suivre  leurs  traces.  Je  relèverai,  en  pas- 
sant, le  jugement  de  M.  Meyer  sur  le  comte  Raimond  Beron- 
ger  IV  (appelé  quelquefois  Raimond  Berenger  V).  Si  les  évé- 
nements de  ce  règne  paraissent  insignifiants,  considérés  chez 
les  historiens  qui  ne  tiennent  compte  que  des  faits  d'armes  ot 
des  conquêtes,  la  tradition,  appuyée  sur  les  témoignages  con- 
temporains, nous  montre  le  dernier  des  Raimond  Berenger 
comme  un  prince  vraiment  digne  de  cet  éloge,  que  M.  Meyer 
trouve  exagéré  : 

Quel  pios  coms  Berenguior  fazia 
Tôt  80  que  a  fin  près  tainhia. 

La  notice  consacrée  au  troubadour  RostanhBerenguier  oit, 
sans  contredit,  la  plus  importante  de  Touvrage  qui  nous  oecu{»o. 

Rostanh  était  né  à  Marseille,  de  famille  noble  ;  il  était 
probablement  chevalier,  à  en  juger  par  le  titre  de  Mosen, 
Monsen  ou  Mesier,  que  le  chansonnier  lui  donne  à  plusieurs 
reprises.  Ami  et  protégé  du  grand  maître  de  Thôpital  FV>nl' 
ques  de  ViUaret  (1307-1310),  à  la  louange  duquel  il  consacra 
une  longue  chanson,  il  semble  avoir  été  l'ennemi  des  Tem- 
pliers. Les  couplets  qu'il  composa  contre  les  chevaliers  do 
cet  ordre  rendent  vraisemblable  l'assertion  de  Jehan  de  Nostro- 
Dame,  qu'il  écrivit  sur  la  falsa  vida  deh  Templiers,  Los  quel- 
ques faits  qui  nous  sont  révélés  par  le  manuscrit  Giraoé 
concordent  assez  bien  avec  la  biographie  de  ce  poëte  écrite 
par  Nostre-Dame  ;  mais  l'auteur  des  Vies  des  plus  célèhret  ei 
anciens  poètes  provensaux  y  ajoute  des  détails  romanesques 
dont  il  est  bon  de  se  défier. 


DERNIERS   TROUBADOUI^S   DE  PROVENCE  395 

Berenguier  est  un  des  meilleurs  poëtes  de  son  ëpoique:  Sa 
langue  est  assez  correcte  ;  son  vers,  sans  être  très-original, 
est  facile  et  parfois  élégant.  G-râce  à  M.  Meyer,  nous  con- 
naissons maintenant  de  ce  iroubadour  quatre  pièces  et  une 
série  de  coblm.  L'une  de  ces  pièces  est  la  chanson  dont  j'ai 
parlé  tout  à  Theure,  adressée  au  grand  maître  des  Hospita- 
liers *  ;  les  trois  autres  appartiennent  à  la  poésie  amoureuse  : 
ce  sont  deux  chansons  '  et  une  estampida.  Le  genre  de  poésie 
qui  porte  ce  nom  n'avait  pas  encore  été  étudié  ;  M.  Meyer, 
dans  une  savante  digression,  arrive  à  déterminer  les  carac- 
tères principaux  de  l'estampida^  qui  sont  :  «  1®  la  légèreté 
d'allure  de  la  strophe,  constituée,  au  moins  en  partie,  de 
couplets  coués  ^,  et  par  conséquent  n'observant  point  la  divi- 
sion en  trois  parties  (la  Dreitheiligkeit  des  Allemands).  Par  là, 
r estampida  se  distingue  du  vers  ou  de  la  chanson.  —  2®  La  sy- 
métrie des  strophes,  qui  est  aussi  parfaite  que  dans  une  chan- 
son. Par  là,  V estampida  se  distingue  du  descort  provençal  ou 
du  lai  français,  avec  lesquels  elle  a  d'ailleurs  certaines  ana- 
logies de  rhjthme.  —  3°  Le  changement  de  rimes  à  chaque 
couplet,  caractère  qui  n'est  pas  propre  à  Vestampida,  mais 
qtir  paraît  ici  être  de  règle.  » 

Les  coblas  de  Rostanh  Berenguier  sont  une  série  de  peticios 
(demandes)  ou  de  remissios  (réponses)  à  d'autres  coblas,  dont 
l'auteur  est  désigné  sous  le  nom  de  lo  bort  del  rei  d'Aragon, 
Ce  bâtard  d'Aragon  n'est  probablement  pas  un  fils  de  Jac- 
ques I",  ainsi  que  l'affirme  M.  Meyer.  Le  Conquistador  eut 
deux  fils  d'un  mariage  morganatique,  lesquels  furent  toujours 
considérés  comme  légitimes  ;  il  eut  en  outre  deux  bjltardt, 
dont  l'un  fut  tué  par  l'ordre  de  son  frère,  en  1275;  et,  comme 

'  Au  V.  58  de  cette  pièce,  je  proposerai  la  correction  E  lo  sans  Job; 
on  dit,  dans  la  langue  de  l'Eglise,  h  saint  ïiomme  Job. 

*  M.  Meyer  propose  rpsauton  loiir  resouton^  auv»  3  de  la  pièoe  ni. 
Il  doit  y  avoir  dans  le  manuscril  resonion,  Resontir  ou,  avec  l'orthogra- 
jhe  modornu,  ressounti,  veut  dire  retentir,  et  c'est  bien  le  tens  du  pa8§a|fB. 

^  Le  couplet  cou',  rhythmus  triphthongus    caiÂdattM,  esit  une  fitreplté 
de  six  vo{%  romj'osée  de  deux  moitiés  égaï^. 


396  DIALECTBS  ANCIENS 

Tune  des  coblas  de  Berenguier  ne  peut  pas  être  antérieure  à 
1291,  si  le  bort  auquel  il  s'adresse  était  fils  de  Jacques  feCon* 
quérant,  ce  ne  pourrait  être  que  Pedro  Fernandez  de  Hijar. 
Mais  les  bâtards  de  Pierre  III  sont  bien  plus  nombreux  que 
ceux  de  Jacques  P^,  et  nous  voyons  que  Tun  d'eux,  Fernando, 
à  qui  son  père  avait  donné  la  seigneurie  d'Albarracin,  en  fut 
dépouillé  en  1298  par  le  roi  Jacques  II,  son  frère.  H  ne  se- 
rait pas  étonnant  que  Fernando  eût,  vers  cette  époque,  quitté 
r Aragon  pour  la  Provence,  et  fût  entré  en  relations  avec  le 
troubadour  Berenguier.  Zurita  nous  apprend  que  Pedro, 
autre  bâtard  de  Pierre  III  et  fils,  comme  Fernando,  de  Inès 
Zapata,  se  retira  en  Portugal*. 

Sur  cette  série  de  couplets,  dont  quelques-uns  sont  assez 
bizarres,  je  n'aurai  à  faire  qu'une  observation  :  c'est  que,  au 
V.  14  (il  a),  M.  Meyer  corrige  à  tort  quintz  en  quim.  Le  t  se 
justifie  parfaitement.  On  dit,  dans  quelques  dialectes,  quint, 
quinta^  quel,  quelle. 


Les  poètes  dont  le  chansonnier  Giraud  nous  fait  connaître 
pour  la  première  fois  le  nom  et  les  œuvres  sont:  Hugo  de 
Moensac*,  Daspol,  Johan  de  Pennas' ,  Moter,  qui  pourrait  bien 
être  le  même  que  Jacme  Mote  ;  Berenguier  Trobel,  G.  de  Lo- 
bevier,  Bertran  Albaric,  Peire  Trabustal,  Rajnaut  de  Très 
Sauses,  et  cinq  autres  désignés  seulement  par  un  prénom  : 
Engles*,  Peire,  Guilhem,  Ponson,  Guibert^. 

*  Zurita,  Anales  de  la  corona  de  Aragon,  lib.  V,  cap.  xxxii. 

<  Ce  nom  terminé  en  ac  n'appartient  certainement  pas  à  la  Provence.  Je 
ne  vois  pas  de  raison  de  corriger  Moensac  en  Maensac. 

3  M.  Bartsch  a  publié  dans  sa  Chrestomathie  provençale,  d'après  le  ma- 
nuscrit Giraud,  la  tenson  de  Johan  de  Pennas,  auquel  il  donne,  par 
erreur,  le  nom  de  Johan  de  Pena. 

*  Engles  peut  être  aussi  bien  un  prénom  qu'un  surnom  ou  un  nom  de 
convention.  Le  nom  d^Angles,  Engles,  en  latin  Anglesius,  AnglicuSf  se 
rencontre  dans  le  Midi.  Je  citerai,  entre  autres,  Anglicus  Adhemarii,  Angles 
d'Adhémar,  en  1477. 

^  De  Hugo  de  Moensac,  un  couplet;  de  I>aspol,  une  complainte  et  une 


DERNIERS   TROUBADOURS   DE    PROVENCB  997 

Il  paraît  difficile  d'identifier  aucun  de  ces  troubadours  avec 
un  personnage  déjà  connu.  Je  hasarderai  une  hypothèse  rela- 
tivement à  Daspol  ou  Daspols,  dont  le  nom  devait  se  prononcer 
Daspouls ,  et  qui  a  dédié  sa  complainte  sur  la  mort  de  saint 
Louis  à  une  dame  de  Posquières,  près  de  Vauvert  :  c'est  que 
ce  troubadour  pouvait  être  originaire  d'un  village  du  diocèse 
de  Nîmes  qui  a  porté  le  même  nom  que  lui.  Sanctus  Michaelde 
Pullis,  avant  de  devenir  Poulx,  a  dû  être  certainement  Sant 
Michèu  das  Pouls,  et  plus  tard  lom  Pouis^, 

Outre  la  complainte  assez  médiocre  dont  je  viens  de  parler, 
nous  avons  de  Daspol  une  tenson  avec  Dieu,  dédiée  à  un  roi 
d'Aragon /?air'  e  fil  de prozeza.  M.  Mejer  rapproche  ces  mots 
de  ce  passage  du  roman  de  Jaufre  : 

Lo  rei  d'Aragon 

Paire  de  pretz  et  fi  Hz  de  dorî  ; 

et,  après  avoir  montré  qu'il  s'est  établit,  sans  trop  de  raison, 
une  tradition  qui  place  la  composition  de  ce  roman  au  com- 
mencement du  XIIP  siècle,  il  incline  à  penser  que  le  prince 
désigné  par  l'auteur  de  Jaufre,  et  celui  auquel  Daspol  dédie  sa 
tenson,  sont  également  Jacques  P'  le  Conquistador,  Je  me  per- 
mettrai de  faire  remarquer  à  M.  Mejer  que  les  passages  sur 
lesquels  il  appuie  son  opinion  peuvent  s'appliquer  aussi  bien 
à  Pierre  II  ou  à  Pierre  III  qu'à  Jacques  P'.  Chacun  de  ces  prin- 
ces peut  être  appelé  paire  de  pretz  et  fillz  de  don,  ou  bien  pair'  e 
fill  de  prozeza.  Chacun  d'eux,  comme  le  roi  de  Jaufre,  fut 
vainqueur  dans  la  première  bataille  qu'il  livra  aux  Sarrazins. 
La  tenson  de  Peire  et  de  Guilhem,  d'une  très-faible  valeur 
poétique,  mérite  cependant  de  nous  arrêter  un  instant  à  cause 

tenson;  de  Johan  de  Pennas,  une  tenson;  de  Moter,  une  chanson;  de  Be- 
renguier  Trobel,  deux  pièces;  de  G.  de  Lobevier,  six  cohlas,  dont  une  est 
en  réalité  de  P.  Cardinal;  de  Bertran  Albaric  seul,  deux  coblas\  de  Bertran 
Albaric  et  de  Guibert,  une  tenson;  de  Peire  Trabustal  et  Raynaut  de 
Très  Sa  uses,  une  tenson;  d'Ëngles,  une  tenson  avec  un  inconnu;  de  Peire 
et  de  Guilhem,  une  tenson;  de  Ponson,  deux  chansons. 

'  Voy.  Germer  Durand,  Dictionnaire  topographique  du  Gard, 


3^  DIALECTES   ANCIENS 

d#  riatérét  qu'elle  préôente  pour  Thistoire  de  la  ville  de 
Mantpellier.  M.  Mejer  a  parfaitement  établi  que  les  événe- 
ments de  Pampelune  et  de  Limoges,  auxquels  elle  iaài  allu- 
sion, ne  permettaient  pas  de  la  faire  remonter  au  delà  de 
1276.  J'ai  pu  arriver  à  une  détermination  plus  précise  de  k 
date  de  cette  pièce  et  des  événements  auxquels  elle  se  rap- 
porte, grâce  à  mon  excellent  ami  M.  Achille  Montel,  qui  .a 
bien  voulu  diriger  mes  recherches  dans  le  riche  dépôt  confié  à 
ses  soins. 

En  Tannée  1280,  Tévêque  de  Maguelone  fit  dresser  des 
fourches  patibulaires  au  grau  de  cette  ville,  en  signe  de  aa  juri- 
diction. Les  officiers  du  roi  de  Mayorque,  jugeant  cet  acte  at- 
tentatoire aux  droits  du  seigneur  de  Montpellier,  firent  abattre 
les  fourches.  L'évêque  porta  plainte  au  sénéchal  de  Beaucaire, 
représentant  le  roi  de  France.  Aussitôt,  grand  émoi  dans  la 
population  :  les  uns  embrassent  la  cause  du  roi  de  Majorque, 
les  autres  —  ce  sont  probablement  les  habitants  de  Mont- 
pelliéret — se  rangent  du  côté  de  Tévêque.  Les  consuls,  d'après 
notre  tenson,  paraissent  ne  pas  oser  se  prononcer  entre  le»  deux 
partis;  ils  envoient  cependant  des  messagers  au  voï  de  Major- 
qne  pour  l'instruire  de  ce  qui  se  passe  dans  sa  seigneurie. 
C'est  à  ce  moment,  je  crois,  c'est-à-dire  aux  derniers  mois  de 
Tannée  1280,  qu'il  faut  rapporter  notre  tenson  ;  car,  peu  de 
temps  après,  les  consuls  paraissent  avoir  pris  fait  et  cause  pour 
leur  seigneur*.  L'importance  de  cette  pièce  pour  Thistoire 
particulière  de  la   ville  *  de    Montpellier,    et  quelques  diffé- 

*  Les  documenls  relatifs  à  celte  affaire  sont  cootenus  dans  la  cassette  ix 
de  Tarmoire  A  des  archives  de  la  ville  de  Montpellier.  Ce  sont  des  lettres 
du  roi  Jacques  de  Mayorque,  dont  la  première  est  du  3  septembre  1280, 
Voy.  aussi  les  n"  199  et  217  de  V Inventaire  des  Archives  du  constdat,  pu- 
blié par  II.  Achille  Monteldansla  Revue  des  langues  romanes  (t.  HI,  p.  40  et 
42).  Quant  à  la  chronique  du  petit  ThaloTnus,  voici  la  seule  mention  qu!ony 
rencontre  se  rapportant  à  Tannéo  1260:  «  En  Tan  m  cg  lxxx,  la  nuegdel 
Venres  Santz,  fon  emaginada  la  tracion  del  palays.  »  Puis  vienn<mt  tes 
événements  de  Tannée  1282,  pendant  laquelle,  le  sénéchtl  de  BeaueaUe 
ayant  mis  le  siège  devant  Montpellier,  le  roi  de  Mayorque  consentit  à  ce 
que  les  appels  de  sa  cour  fussent  portés  devant  le  roi  de  Franco.  .    - 


DERNIERS   TROUBADOURS   DE  PROVENCE  399 

férences  entre  mon  interprétation  et  celle  de  M.  Meyer, 
m'engagent  à  doiiner  une  traduction  aussi  littérale  que  possible 
de  la  tenson  de  Peire  et  de  Guilhem,  tout  en  mettant  à  prof  t 
en  quelques  points  la  traduction  qui  se  trouve  dans  les  Ber*- 
niers  Troubadours. 

u  Sur  cet  air  qui  me  plaît  et  me  convient,  je  voudrais 
fort,  ami  Guilhem,  apprendre  de  vous  ce  que  veulent  faire  et 
dire  vos  bourgeois,  lorsqu'il  surgit  entre  eux  ligue,  division 
et  débat*.  Chacun'  se  voit  tant  de  bien-être  qu'il  en  méconnaît 
son  voisin  et  [se  méconnaît]  soi-même.  D'autre  part,  vont  au 
roi 3  les  messagers  qui  feront  sans  doute  du  mal  à  Montpellier, 
et  ce  sera  grand  dommage  s'il  (Montpellier)  se  perd  par  malice. 

))  Ami  Peire,  selon  mon  entendement.  Orgueil  qui  fit  du  ciel 
déchoir  les  anges  éclatants,  et  les  rendit  laids  par  l'envie  et 
l'outrecuidance,  règne  parmi  eux  (les  bourgeois),  avec  vio- 
lence sans  merci  ;  et  jamais  on  ne  vit  Orgueil  finir  en  bien.  Et, 
si  les  consuls  ont  pris  une  résolution  nette  et  bien  arrêtée, 
leurs  ligues  ne  feront  pas  obstacle  ;  car  Dieu  et  le  droit  ont 
prix  et  durée  * . 

»  Ils  n'auront  pas  de  déférence  pour  les  consuls,  seigneur 
Guilhem,  à  en  juger  par  la  conduite  que  je  leur  vois  tenir.  Ils 

■  La  principale  difficullé  qui  ait  arrêté  M  Meyer,  dans  l'interprétation 
de  ce  passage,  me  paraît  se  résoudre  assez  bien  par  la  correction  sui- 
vante: 

Can  sors  entrels  pach'  e  partid'  e  tensa . 

Pacha,  partida,  tensa,  sont  trois  substantifs  qui  ne  se  contredisent  nul»- 
lement  et  signifient  ligue,  division  et  débat 

*  Ajouter  ici  chaque  parti,  et  surtout  chaque  consul,  serait  un  contre- 
sens. Cela  veut  dire  simplement,  à  mon  avis,  que  le  bien-4tre  ^t  si  grand 
à  Montpellier,  les  bourgeois  y  sont  si  riches,  que  la  vanité  les  égftre  et  les 
jette  dans  les  factions. 

3  Les  documents  des  archives  de  Montpellier  prouvent  qu'il  -s'agit  du 
roi  de  Mayorque,  et  non  du  roi  de  Franco 

^  M.  Meyer,  tromp<^  par  l'absence  de  Vs  dans  dreg,  et  regardent  avec 
raison  Vs  de  Dieus  comme  purement  euphonique,  a  fait  de  ces  deux  raots 
le  régime  du  prétendu  verbe  an  prts,  dont  U  ofmsul  serait  le  sujet.  Mais 
l'ai  déjà  dit  que  le  dialecte  de  Montpellier  au  Xllt*  siècle  n'admettait  pas 
la  règle  del's. 


400  DIALECTES   ANCIENS 

feront  venir  Français  et  Catalans.  Chaque  [parti]  est  si  fort, 
que  les  consuls,  par  crainte,  ne  se  veulent^  entremettre  en 
rien.  Ils  se  perdront,  tant  les  freins  leur  sont  lâches.  [Une]  l^e 
a  détruit  Pampelune  Tautre  jour,  et  Limoges,  qui  en  a  eu 
grande  peine  ^;  [une]  ligue  fait  déchoir  maintes  communes.  ' 

))  Droit  et  Pouvoir  finit  par  vaincre,  avec  la  patience,  Tort.', 
seigneur  Peire,  ce  me  semble;  car  je  vois  chaque  jour  s^élever 
Humilité,  et  Orgueil  tombe  avec  ce  qu'il  a  semé.  Et,  s'il  ne 
soutient  les  consuls  en  chassant  Merci,  il  ne  faut  redouter 
ni  Catalans,  ni  Français,  qui  sont  sans  pouvoir  par  eux-mê- 
mes, ni  seigneur  en  paréage,  ni  copropriétaire;  et,  quand  ilâ 
auront  déblayé  leur  gravier,  je  crois  que  chacun  plaindra  sa 
dépense  ♦. 

»  Ami  Guilhem,  cœur  mou  et  nonchaloir,  et  parenté  ou  ami* 
tié,  ou  impuissance,  empêche  de  bons  consuls  d'avoir  courage. 
Ils  n'osent  se  décider  pour  aucun  parti,  et  ainsi  ils  se  perdront 
tous,  je  le  crois.  Au  consulat,  qui  a  la  seigneurie,  il  appar- 
tient d'être  le  roc  (l'éléphant)  en  l'échiquier  :  il  doit  garder^on 
pion  du  cavalier,  et  prendre  le  fou  quand  il  lui  trouble  son  jeu. 

»  C'est  au  seigneur  qu'il  appartient,  ce  me  semble,  de  punir 
la  faute  du  vassal,  seigneur  Peire  ;  et  les  consuls  doivent  prier 
et  dire  de  faire  la  paix,  et  je  crois  que  chacun  y  pense,  et  ils 
défendent  ce  qui  leur  appartient,  et  ils  ont  fait  et  dit  ce  qu'il 
convient.  Que  le  roi  fasse  ensuite  ce  qui  est  nécessaire ,  mais 
que  Dieu  garde  la  commune  de  dommage;  au  surplus,  peu 
m'importe  qui  sera  le  vainqueur  du  jeu. 

^  Et  non  pas  voudront. 

'  Mot  à  mot  :  travail  de  surcroît. 

3  Je  ne  comprends  pas  le  mot  fenial,  et  ne  vois  pas  de  correction  ad- 
missible. 

^  Les  vers  32,  33  et  34  sont  assez  obscurs  et  peut-être  corrompus.  Je 
crois  cependant  que  par  et  parsonier,  qui  signifient  pair  et  cohéritier, 
peuvent  être  rendus  par  seigneur  en  paréage  et  copropriétaire ^  par  allu- 
sion à  la  situation  féodale  du  roi  de  Mayorque  et  de  l'évêque  de  Ma- 
guelone,  et  à  leurs  droits  sur  la  plage  où  avaient  été  élevées  les  four- 
ches, cause  du  débat.  Deliurat  lur  gravier  peut  encore  être  une  allusion 
au  gravier  ou  grava  de  cette  plage. 


DERNIERS  TROUBADOURS  DE  PROVENCE       40) 

))  Donnons  notre  tenson  à  Olivier;  il  la  prendra,  seigneur 
Guilhem,  sans  retard,  et  la  chantera  en  présence  des  consuls. 

»  Le  preux*  Imbert,  qui  est  de  parfait  mérite  2,  je  veux,  sei- 
gneur Peire,  puisqu'il  vit  avec  courtoisie ,  qu'il  entende  le 
premier  si  notre  tenson  lui  plaît.  » 

Peire  voudrait  voir  les  consuls  agir  avec  énergie.  Guilhem 
désire,  au  contraire,  que  les  magistrats  municipaux  ne  com- 
promettent pas  leur  popularité  dans  ces  luttes  entre  deux  pou- 
voirs féodaux.  Au  roi  de  Majorque,  qui  est  le  seigneur,  à  dé- 
ployer la  force  contre  ceux  qui  attentent  à  ses  droits;  le  rôle 
des  consuls  est  d'exhorter  les  partis  à  la  modération  et  à  la 
paix,  La  divergence  d'opinion  des  interlocuteurs  n'est  pas  mar- 
quée assez  nettement  dans  la  traduction  de  M.Meyer.Ainsi, 
à  la  deuxième  strophe ,  Guilhem  souhaite  que  les  consuls 
«  agissent  avec  fermeté  et  délibération  »,  et  à  la  sixième  il  les 
approuve  de  s'être  bornés  à  des  paroles  de  concorde.  C'est  qu'on 
est  trop  disposé  ,  d'ordinaire,  à  rendre  chaque  mot  de  langue 
d'oc  par  un  mot  français  exactement  correspondant  pour  la 
forme,  et  seulement  analogue  pour  le  sens,  /erm  semble  ap- 
peler fermeté,  fermeté  suppose  action,  et  voilà  le  sens  faussé, 
ou  tout  au  moins  flottant  et  incertain. 

Un  second  écueil  des  traducteurs  est  dans  leur  confiance 
aveugle  pour  les  lexiques  et  les  glossaires,  travaux  on  ne  peut 
plus  estimables,  mais  forcément  incomplets.  Ainsi  Raynouard 
traduit  recrezensa  par  fatigue,  lassitude,  découragement;  ce 
qui  est  exact,  mais  certainement  insuffisant.  En  effet,  le  mot 
crezensa,  croyance,  avec  le  préfixe  réduplicatif  ?*e,  a  dû  former 
un  mot  dont  le  sens  est  confiance,  déférence.  C'est  ainsi  que 
je  comprends  recrezensa  au  v.  19.  Avoir  fatigue,  décourage- 
ment à  cause  des  consuls,  reculer  devant  les  consuls,  ne  me 
paraît  pas  exa(;t  dans  une  réponse  à  Guilhem,  qui  demande 
que  les  consuls  se  bornent  à  des  conseils. 

Une  observation  analogue  s'applique  à  un  mot  de  Beren- 

*  Il  l'aiil  erilciidi'D  ici  preux  dans  son  sens  primitif  d'homme  d'honneur 
et  de  probité ,  probus. 
'  Mot  à  mot:  car  il  a  prix  entier. 

27 


402  DIALECTES   ANCIENS 

guier  Trobel(§  XIV,  ii,  7),  envelhir,  que  M.Mejer,  suivant 
Rajnouard,  rend  par  avilir.  Le  sens  me  paraît  être  vieillir. 
Lorsqu'on  voit  envilezir  (  avilir  )  passer  par  les  formes  envelzir, 
envelhir  y  n'est-il  pas  naturel  de  penser  que  envelhezir  a  dû,  à 
plus  forte  raison,  subir  des  transformations  analogues  et  de- 
venir, lui  aussi,  envelhir? Le^  vers  de  Berenguier  Trobel  parais- 
sent plus  clairs  et  plus  logiques  avec  Finterprétation  que  je 
propose  : 

E  pert  son  temps  sel  que  vol  envelhir 
Am  seinhorieu*  don  bens  nol  pot  venir. 

Le  vague,  Findécision,  les  contradictions  que  Ton  croit  voir 
dans  les  œuvres  des  troubadours,  proviennent  souvent  des  deux 
causes  que  je  viens  de  signaler. 

Les  autres  compositions  des  divers  poëtes  jusqu'ici  inconnus, 
dont  j'ai  donné  les  noms  tout  à  l'heure,  n'offrent  d'intérêt  que 
comme  documents  pour  l'histoire  de  la  langue  d'oc,  et  je  ne 
puis  que  renvoyer  au  livre  de  M.  Mejer  le  lecteur  désireux 
de  poursuivre  cette  étude.  Je  me  bornerai  à  proposer  la  cor- 
rection suivante  à  la  tenson  de  Bertran  Albaric  et  de  Guilhem 
(§  XXIV,  1,16): 

Por  qii'icu  vos  prec  mais  sufras  la  maguanha. 

Magagna  signifie  encore  aujourd'hui  ennui,  dégoût. 

Les  pièces  anonymes  sont  au  nombre  de  huit,  auxquelles  il 
faut  joindre  six  coblas  esparsas.  On  ne  peut  guère  signaler  dans 
ce  nombre  qu'une  élégante  pastourelle  et  deux  danses  assez 
facilement  écrites. 

Pour  compléter  la  nomenclature  des  compositions  poétiques 
contenues  dans  ce  recueil,  je  mentionnerai  un  couplet  en 
français  de  Raynaut  de  Très  Sauses  et  trois  sonnets  apocryphes 
portant  les  noms  de  Jacme  Mo  te,  de  Blacasset  et  de  Bertrand 
de  Lamanon,  intercalés  au  XVI«  siècle  sur  un  folio  laissé  en 
blanc.  M.  Meyer  étudiant,  avec  la  sagacité  qui  lui  est  habi- 

^  Seinhorieu  est  une  forme  parfaitement  correcte  et  au  moias  aussi 
classique  que  seinhoriu. 


DERNIERS  TROUBADOURS  DE  PROVENCE       403 

tuelle,  les  caractères  du  manuscrit  Giraud,  rapprochant  les 
données  nouvelles  que  ce  chansonnier  fournit  à  l'histoire  litté- 
raire de  quelques  passages  des  Vies  de  Jehan  de  Nostre-Dame, 
établit  d'une  manière  évidente  que  ce  dernier  a  eu  à  sa  dis- 
position le  chansonnier  Giraud,  et  y  a  intercalé  ces  trois  pièces 
apocryphes.  Le  nom  de  Jehan  de  Nostre-Dame  est  à  chaque 
page  du  livre  que  je  viens  d'analyser,  et  l'on  peut  dire  que, 
dans  son  ensemble,  ce  volume  est  un  vigoureux  plaidoyer  con- 
tre le  vieil  écrivain,  que  M.  Meyer  qualifie  de  «  faussaire  im- 
bécile. »  J'ai  négligé  avec  ptention  ce  côté  de  l'ouvrage  qui 
m'occupe  ;  Nostre-Dame  ayant  fourni  à  M.  Bartsch  le  sujet 
d'une  étude  publiée  dans  la  dernière  livraison  du  Jahrbuch  fur 
romanische  Literatur,  j'espère  pouvoir  résumer,  dans  un  pro- 
chain article,  \e  procès  qui  s'instruit  contre  le  trop  ingénieux 
biographe  «  des  plus  célèbres  et  anciens  poètes  provensaux,  » 

J'en  ai  dit  assez  sur  les  Derniers  Troubadours  de  la  Provence 
pour  montrer  la  haute  valeur  de  ce  livre,  destiné  à  prendre 
rang  parmi  les  œuvres  classiques  sur  l'histoire  littéraire  de  la 
France  méridionale.  Lorsqu'un  auteur  s'est  approché  d'aussi 
près  de  la  perfection,  il  est  particulièrement  utile  d'appeler 
son  attention  sur  les  points  qui  semblent  offrir  quelque  prise 
à  la  critique  ;  mais,  sur  l'ensemble  de  l'ouvrage,  il  ne  peut  y 
avoir  qu'une  opinion  :  celle  dont  l'Académie  des  inscriptions 
s'est  faite  l'interprète,  en  accordant  au  livre  de  M.  Meyer  le 
premier  prix  destiné  à  récompenser  les  travaux  sur  les  anti- 
quités de  la  France. 

Ch.    DE   TOURTOULON. 


DEUX  QUITTANCES  EN  LANGUE  ROMANE 

délivrées 

par  les  abbesses  du  monastère  de  Sainte-Claire  d'Alais,  au  XIV°  âècle 


L'abbaye  connue  d'abord  sous  le  nom  à' abbaye  royale  de 
Notre-Dame  des  Fonts,  et  ensuite  sous  celui  de  Saint^Bemard 
et  Sainte-Claire  d'Alais f  de  l'o7'dre  de  Citeaux,  remonte  à  une 
époque  très -reculée.  Des  possessions  considérables  lui  furent 
données,  en  1229,  par  Raymond  de  Roquefeuil,  comte  d'Ar- 
magnac. Le  monastère  était  alors  situé  au  milieu  des  bois, 
dans  un  site  agréable,  appelé  les  Fonts,  à  cause  ôe  ses  belle  : 
eaux,  et  qui  fait  partie  du  territoire  de  St-Julien-de-Valgal- 
gues,  à  proximité  d'Alais. 

Les  ravages  commis  par  les  routiers  obligèrent  la  commu- 
nauté à  se  réfugier  à  Alais,  au  XIV®  siècle.  Le  presbytère  actuel 
de  la  paroisse  Saint-Jean  d'Alais  était  la  résidence  de  Tab- 
besse. 

Parmi  les  abbesses  de  ce  monastère,  on  peut  citer  :  en  1309, 
Agnès  de  Montpezat;  en  1445,  Mabile  de  Châteauneuf-Ran. 
don  ;  en  1726,  Delphine  de  Vogué  ;  en  1732,  Anne -Elisabeth 
de  Bannes  d'Avéjan.  M™®  de  Vissée,  de  Ganges,  nommée  en 
1774,  en  fut  la  dernière  abbesse. 

Les  originaux  de  ces  deux  pièces  font  partie  des  notes 
et  papiers  laissés  par  M.  J-.P.  des  Ours  de  Mandajors,  qui  fut 
membre  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  au  siècle 
dernier  et  l'autetir  de  l'inscription  latine  gravée  sur  le  piédes- 
tal de  la  statue  équestre  de  Louis  XIV  à  Montpellier,  en  1718. 
M.  Emile  de  Firmas-Periès  les  a  recueillis  en  sa  qualité  d'héri- 
tier, et  a  bien  voulu  en  faire  don  à  la  Société  d'Alais.  Ces  deux 
documents  font  donc  actuellament  partie  des  archives  de  ladite 
Société  ;  ils  sont  écrits  sur  deux  feuilles  de  papier,  ou  plutôt 
sur  deux  fragmerjts  de  feuille  isolés,  paraissant  avoir  fait  par- 
tie d'un  registre  ou  cahier  qui  en  contenait  une  série,  L^  sceau 


DEUX  QUITTANCES  EN  LANGUE  ROMANE  405 

du  monastère  était  apposé  au  bas  de  chaque  pièce  ;  mais  il  n'en 
reste  plus  que  les  traces  de  la  cire  rouge  où  était  F  empreinte.  Ce 
sceau  était  de  forme  ovale,  et,  sous  la  première  des  quittances, 
il  reste  même  un  sixième  environ  de  l'empreinte  qui  est  fort  dé- 
tériorée. On  peut  cependant  y  reconnaître  le  profil  droit  de  la 
robe  d'une  religieuse  ou  abbesse,  tenant  à  la  main  une  crosse, 
dont  on  aperçoit  seulement  la  partie  inférieure  de  la  hampe, 
et  quelques  lettres  à  peine  marquées,  où,  avec  beaucoup  de 
bonne  volonté,  on  peut  lire   . .  STERIV  . . . 


* 


Remembransa  sia  que  en  Fan  de  Nostre  Senhor  m.ccc. 
Lxxiiii,  lo.  xii.  jorn  del  mes  dabrihl,  que  yeu  sorre  Gaya, 
abadessa  de  las  serres  menors  dalest,  ay  receuputs.  x.  s.  per 
larma  {sic)  de  Guilhem  Sabatier,  los  cals  nos  aviam  légats  en 
sonderier  testamen;  e  pagalos  nos  cen  *  Johan  Sabatier,  payre 
sieu,  say  en  reyre  *;  es  ^  en  testimoni  de  veritat,  yeu  sorre 
Gaya,  abadessa  del  sobre  dich  coven,  aduze  e  pauze  lo  sagel 
de  mon  ufissi  en  lan  es  al  jorn  sobre  dich. 

Ti^duction 

Souvenir  soit  gardé  que  Pan  de  N.  S.  mil  trois  cent  soixante- 
quatorze,  le  douzième  jour  du  mois  d'avril,  moi,  sœur  Gaye,  abbesso 
des  religieuses  mineures  d'Alais,  ai  reçu  dix  sols  pour  Târae  de 
Guillaume  Sabatier,  lesquels  il  nous  avait  légués  dans  son  dernier 
testament;  et  le  sieur  Jean  Sabatier,  son  père,  nous  les  a  ci-devant 
payés.  Et.  en  témoignage  de  vérité,  moi  sœur  Gaye,  abbesse 
du  susdit  couvent,  apporte  et  appose  le  sceau  de  mon  office  en  Tan- 
née et  au  jour  susdits. 


Remembransa  sia  que  nos  sore  Guilalmetta  Gausargua,  abadesa 
de  las  sorres  menors  dalest,  avem  reseuputs.  x.  s.  per  l'arma  {sic) 


'  Pour  sen. 

-  V.  le  Dict  (\p  l'abbé  Sauvages,  au  mot  r^irr. 

3  A\v  pour  f» 


406  DIALECTES   ANCIENS 

dona  Raymoneta  Sabatieyra;  e  paga  los  sen  Joan  Sabatier,  phil 
sieu  ;  es  ayso  nos  confesam  de  veritat,  es  en  lestimoni  pauzam  lo 
sagel  de  nostre  bufici*(5îc):  lan  de  Nostre  Senhor  mil  gcc.lxxm: 
lo.  xvir.  jorns  del  mes  d'octobris. 

Traduction 

Souvenir  soit  gardé  que  nous,  sœur  Guiilemette  Gausargue  ab- 
besse  des  religieuses  mineures  d'Alais,  avons  reçu  dix  sols  pour 
rame  de  Raymonette  Sabatier,  et  sieur  Jean  Sabatier,  son  fîls,  les 
a  payés.  Et  ceci  nous  le  confessons  véritable,  et,  en  témoignage,  nous 
apposons  le  sceau  de  notre  dignité,  Tan  de  Notre  Seigneur  rail 
trois  cent  soixante-six,  le  dix-septième  jour  du  mois  d'octobre. 


G.  Charvet. 


Pour  benupci,  sans  doute. 


DIALECTES  MODERNES 


GRAMMAIRE    LIMOUSINE 

QUATRIÈME  SECTION.  —  liquides  et  nasales 

R 
L  --  ^  initial 

R  initial  reste  r.  Il  s'est,  comme  en  français,  renforcé  d'un 
g  d3,ns  granoinlho  =  *ranuncula.  Ce  g  n'est  qu'un  durcissement 
de  l'aspiration  qui  existe  virtuellement,  comme  nous  l'avons 
déjà  rappelé,  en  association  avec  r. 

IL  -  ^  intérieur 

A.  —  Le  plus  ordinaire  est  qu'il  reste  r;  mais,  entre  deux 
voyelles,  il  permute  assez  fréquemment  avec  l'autre  liquide  (/), 
et  aussi  quelquefois  avec  les  autres  consonnes  de  sa  famille , 
n^  s,  d  ou  t. 

a,  —  Avec  /.  Ex.:  arista,  (a)leito;  —  contrarium,  countrâli, 

b,  —  Avec  n.  Ex.:  ros  marinus,  roumani, 

c,  —  Avec  s.  Ex.:  pimrire,  pruser,  mot  éteint,  et  prusour, 
substantif  correspondant  encore  usité  *.  Cette  dernière  muta- 
tion cl  lieu  même  parfois  entre  une  voyelle  et  une  consonne. 
Ainsi  plusieurs  disent  mistre  =  fr.  myrte, 

*  Celte  mutation  est  très-fréquenle  en  français,  où,  à  une  certaine 
époque  (  fin  du  XVI"  siècle),  elle  avait  pris  un  caractère  pour  ainsi  dire 
épidémique.  C'est  d'alors,  pour  citer  un  exemple,  que  date  la  forme  chaise. 
qui  a  supplanté  chaire  dans  l'usage  commun. 


408  DIALECTES   MODERNES 

d.  —  Avec  d  oxx  t,  —  La  mutation  de  /•  en  d  se  remarqué, 
en  italien,  dans  un  assez  grand  nombre  de  mots,  tels  que 
dietro  ■=.  rétro,  chiedere  =  quœrere,  fiede  =  ferit^.  On  la  con- 
state aussi  dans  quelques  variétés  du  dialecte  languedocien*. 
Mais,  en  limousin,  Vr,  lorsqu'elle  passe  aux  explosibles  de  sa 
famille,  ne  s'arrête  pas  au  d;  elle  monte  jusqu'au  t^.  Cela  se 
voit  dans  la  conjugaison,  où  quelques  variétés  de  notre  dia- 
lecte, mais  non  pas  la  nontronnaise,  changent  constamment 
exxtVr  flexionnelle  du  prétérit,  disant,  par  exemple,  mingeten, 
hegueten,  au  lieu  de  mingererij  hegueren,  formes  régulières. 
Cf.  ritalien  allotta  :=  allora. 

B. —  R  s'est  vocalisé  quelquefois  en  u.Ex,:  carpinum,  chou- 
pre;  mais  ce  n'a  dû  être  qu'après  son  changement  préalable 
en  /.  On  en  est  certain  pour  aubi^e  =  arbor,  puisque  la  forme 
albre  se  rencontre. 

On  voit  r  remplacé  par  i  dans  eimari  «=  pr.  armain,  et  dans 
les  formes  aybre,  poyre  =  ai'bor,  porrum,  qu'on  trouve  dans 
Raynouard,  mais  que  nous  n'avons  pas.  Ici  encore  une  muta- 
tion en  /  a  dû  précéder,  parce  que,  comme  on  le  verra  plus 
loin,  /  se  vocalise  aussi  en  i. 

Pour  les  chutes,  insertions  et  transpositions  de  r  intérieur, 
voir  le  chapitre  VI  ci-après. 

III.  —  ^  final 

R  persiste  en  linale  dans  tous  les  mots  qui  se  terminaient 
par  cette  consonne  dans  l'ancienne  langue,  excepté  :  1**  les 
infinitifs  de  tous  les  verbes  ;  2°  les  mots  en  ter  =  ainus,  tels 
que  cavalier,  bergier,  où  elle  s'est  complètement  oblitérée.  Par 

*  Le  phénomène  inverse  a  lieu  dans  le  latin  meridies  =»  medidieSy  ar^ 
guère  ==  adguere,  arbiter  =  adbiter,  etc. 

'  Voir,  dans  la  Revue  des  langues  romanes,  tome  I",  page  123.  la  notice 
de  M.  de  Tourtoulon  sur  le  sous-dialecte  de  Montpellier. 

3  Pareillement,  nous  n'avons  pas  constaté  de  mutation  6e  d  en  r  (voir, 
ci-dessus,  I?(ntales);  mais  nous  en  avons  relevé  une  de  t  en  /'. 


GRAMMAIRE  LIMOUSINE  409 

compensation,  Ve  des  infinitifs  en  er^  tonique  ou  non,  s'est, 
comme  on  Ta  déjà  vu,  diphthongué  en  et;  mais  cela  n'a  pas 
lieu  partout.  Dans  le  parler  de  Tulle  et  d'une  notable  partie 
de  la  Corrèze,  aucune  modification  de  Ve  ne  compense  la  chiite 
de  Yr.  Dans  la  même  contrée,  Tr,  tombée  aux  infinitifs  en  é?% 
persiste  dans  les  mêmes  formes  quand  elles  sont  prises  sub- 
stantivement. 

i^  final  tombe  encore  accidentellement  dans  quelques  au- 
tres mots,  par  exemple  dans  pou  =  paor  =  pavorem  ;  —  à 
Nontron,  dans  sei=-ser  =  sero,  qui  se  dit  ser  à  Tulle  et  même 
dans  certains  lieux  du  haut  Limousin  ;  —  à  Tulle  dans  au  = 
aur  =  auvum,  qui  se  dit,  à  Nontron ,  07%  comme  en  français. 


I.  —  L  initial 

En  règle  générale,  il  reste  /.  Il  est  devenu  r  dans  roussi- 
nhôn  =  *  liisciniolum  (mais  la  mutation  remonte  probablement 
au  latin  vulgaire),  et  n  dans  nentilho=])T.  lentilha,  et  quelques 
autres  mots. 

En  bas  limousin,  /  initial  devant  i  se  fond  quelquefois, 
comme  cela  arrive  souvent  <à  la  même  consonne  dans  le  corps 
et  à  la  fin  des  mots,  en  un  i  consonne.  Ex.:  yinge  =^  linge;  -~ 
f/iôertâ  —  lihertà.  Lorsque  Vi  dont  1'/  est  suivie  précède  lui- 
même  une  autre  voyelle,  il  se  confond  avec  1'?/  provenant  de 
la  fusion  de  17.  Ex .  :  youn  =  lionn  :  —  yé  =  lié  {lectum], 

II.  —  L  intérieur. 

A.  —  Entre  deux  voyelles,  /  reste  ordinairement  /.  Mais 
quelquefois  il  permute,  comme  en  initiale,  avec  r  ou  avec  n. 
Ex  :  liliujn,  liri;  -  miular,  miôunâ;  —  calyculum  {^)^  calelhA^ 
chalei  à  Nontron,  à  Limoges  chonei;  —  fr.  caleçon,   canessou, 

'  Ce  mot  n'est  ni  dans  Raynoiiard,  ni  dans  Rochegude,  mais  il  est 
mentionné,  parmi  les  rimes  en  elhz  estreit,  dans  le  Donat  provençal. 


410  DIALECTES    MODERNES 

Nous  avons  vu  tout  à  Theure  r  passer  au  t.  C'est,  je  pense, 
moyennant  une  mutation  semblable  de  17*  de  Tallem.  schale 
qu'il  faut  expliquer  le  mot  eichato  (pr.  escatà)  =r  fr.  écaille 
(anc.fr.  escale). 

B.  —  Entre  une  consonne  et  une  voyelle,  /,  en  général, 
reste  /,  sauf  à  former,  s'il  y  a  lieu,  avec  la  consonne,  la  com- 
binaison double  Ih  ou  Tune  des  combinaisons  triples  clh  ou 
glh  (voir  ci-dessus,  section  P®  du  présent  chapitre).  Ex.:  ta- 
bfujla,  taulo;  —  placere,  plazei;  —  clavis,  clhau;  —  ungfujla, 
ounglho  ;  —  sit(u)la,  selho . 

Il  est  devenu  r  dans  freûle  =  flebilis,  et  dans  brussî  =  *  blu- 
sire  pour  *ôw&2Ve*.  Titre,  chapitre,  apôtre,  où  la  même  mutation 
a  eu  lieu,  sont  des  mots  empruntés  au  français  ;  peut-être 
aussi  vautra  (^voltulare)^  bien  que  la  présence  de  la  diphthon- 
gue  me  porte  à  considérer  plutôt  ce  dernier  comme  indi- 
gène. 

En  haut  Limousin,  /,  après  r,  permute  avec  n  dans  perno  a= 
perla  {k  Nontron  joer/o). 

C.  —  Entre  une  voyelle  ou  une  consonne,  /,  à  moins  qu'il 
ne  se  transpose  (voir  ci-apiès,  chap.  VI)  se  vocalise  en  u,  ou 
il  tombe.  Il  se  vocalise  après  les  voyelles  graves  *  (a,  e,  o),  il 
tombe  après  les  voyelles  grêles  '  (?,  u,  ou),  Ex.:  salvia,  sauoie ; 

'  La  mutation  normale  serait  en  d.  C'est,  en  effet,  en  la  douce  plutôt 
qu'en  la  forte  que  i,  comme  r,  aime  à  se  changer,  quand  il  passe  aux  ex- 
plosives de  sa  famille  Cette  mutation,  qui  ne  se  constate,  Je  crois,  en 
langue  d'oc,  qu'accidentellement  (p.  e.  gasc.  daissa^  laxare;  cf  esp. 
dejar,  pg.  deixar),  est  caractéristique  de  quelques  idiomes  romans,  par 
exemple,  dans  le  domaine  italien,  du  sicilien,  où  II  devient  toujours  dd,  et, 
du  corse,  où  le  même  couple  se  transforme  en  dr. 

-  *Bulsire  (ou  *bulsere)  est  prouvé  par  hulsella  (fr.  hrusselles  «= 
pince),  forme  vulgaire  de  hulsella,  qui  se  lit  dans  le  E-o^î/yjveûjùtaTa 
de  Pollux,  ouvrage  dont  M.  Boucherie  a  le  premier  signalé  le  haut 
intérêt  et  qui  vient  d'être  publié,  pour  la  première  fois,  par  ses  soins, 
avec  de  savants  commentaires,  dans  le  tome  xxiii  des  Notices  des 
manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale  et  des  autres  bibliothèques. 

^  Qu'elles  soient  telles  ou  qu'elles  le  soient  devenues  Ainsi,  o  prétoni-. 
que  devenant  ou,  selon  la  règle,  moUnarium  donne  mounié  et  non 
môunié,  tandis  que  molere,  dont  To,  toujours  d'après  la  règle,  est  resté  o, 
donne  moure. 


GRAMMAIRE  LIMOUSINE  411 

—  altarCj  ôuiar  ;  —  melsa  {^v,\  meûsso; —  esfelnir  (pr.),  et- 
feûnî;  —  molfejre,  môùre;  —  culiellum,  couteû  ;—  puis,  poû;  r— 
cultura,  couturo  *;  —  pul{i)cem,  pûze. 

Dans  les  mots  empruntés  au  français,  /  en  pareille  position 
ne  se  vocalise  ni  ne  tombe,  mais  il  se  change  ordinairement 
en  r.  Ex  :  armana^  recorto,  insurtâ,  carculâ.  C'est  la  pronon- 
ciation presque  constante  des  gens  de  la  campagne. 

L  intérieur  se  vocalise  aussi  quelquefois  en  i.  Il  faut  re- 
marquer que  là  encore  —  comme  du  reste  dans  tous  les  cas 
de  vocalisation  d'une  consonne  —  la  voyelle  qui  remplace  / 
n'est  pas  une  voyelle  franche,  mais  une  semi-voyelle.  C'est 
en  réalité  avec  1'/  aonsonne  (qui  dans  quelques  mots  se  vocalise 
entièrement  pour  former  diphthongue  avec  la  voyelle  précé- 
dente) que  /  permute  dans  le  cas  qui  nous  occupe,  comme 
nous  l'avons  vu  faire,  à  Tulle,  en  initiale.  Cette  mutation  de  / 
en  i  consonne  est  caractéristique  de  certains  idiomes,  par 
exemple  de  l'italien,  et,  parmi  les  patois  d'oil,  du  saintongeois. 
Mais,  là,  c'est  après  une  muette  et  devant  une  voyelle  qu'elle 
se  produit.  Ex.:  planta,  it.  pianta,  ssiiniong.  piante.  En  li- 
mousin, elle  n'a  lieu,  au  contraire,  qu'après  une  voyelle  et 
devant  une  consonne.  C'est  principalement,  presque  unique 
ment,  quand  /  se  précède  lui-même,  qu'il  passe  ainsi  àl'î*. 
S' unissant  sous  cette  nouvelle  forme  à  son  compagnon,  il 
se  fond  avec  lui  en  Ih.  C'est  ce  qu'on  voit,  par  exemple,  dans 
bolhir  {bullire)  colhir  {colligere),  formes  que  l'ancienne  langue 
nous  offre  simultanément  avec  hulir,  culir,  que  notre  dialecte 
connaît  seules.  L'/  géminée  des  finales  latines  en  a//..,  ell..,  ilL., 
oll. .,  ulL.y  subissait  souvent  cette  modification.  De  là,  pour  la 
plupart  des  mots  de  l'une  ou  l'autre  de  ces  désinences,  deux 
formes  distinctes,  résultant  l'une  de  la  fusion  des  deux  /  en 


*  Par  exception  l  après  o  est  tombé  dans  ûo  ^^  col(a)phum  (pr.  colp)  et 
s'est  changé  en  r,  après  ou,  dans  ourme  «  ûlmus  (pr  olm), 

'  La  mutation  dei  en  t  peut  avoir  lieu  après  toutes  les  voyelles,  sans 
distinction  de  graves  et  de  grêles. 


412  DIALECTES    MODERNES 

Ih  {il),  Tautre  de  la  chute  pure  et  simple  de  la  seconde,  par 
exemple,  pour  castellum,  castelh  et  castel;  pour  metallum,  me- 
talh  et  métal;  pour  *follumy  folh  et  fol;  pour  nullum,  nuil  ou 
nulh  et  nuL  C'est  de  la  forme  en  /  pure  de  l'ancienne  langue 
que  dérive  la  forme  nontronnaise  et,  en  général,  limousine 
de  pareils  mots.  Mais  la  forme  en  /A,  réduite  à  t*,  a  laissé 
quelques  traces  en  haut  et  bas  Limousin. 

En  dehors  du  cas  précédent,  c'est-à-dire  ailleurs  que  dans 
les  désinences  en  a//..,  e//..,  etc.,  /  s'est  rarement  changé  en 
i.  On  peut  citer  les  formes  de  l'ancienne  langue  aitan,  aital  et 
aitre  {alterum)*  q\ï on  trouve  déjà  dans  Boëce*.  Le  limousin 
actuel  n'offre  que  peu  d'exemples  de  cette  mutation  dans  le 
corps  d'un  mot.  Je  ne  sais  si  les  suivants  ne  sont  pas  les  seuls: 
roueiji  (b .  1 .  couija]  =  collocare  (pr .  colgar);  —  coneissi  (b  1 . 
couissi)  ■=*culcitinum  (pr.  coissi), 

IIL  —  L  final 

L  provençal,  suivant  à  la  fin  des  mots  la  même  loi  que  de- 
vant les  consonnes,  est  tombé  chez  nous  après  les  voyelles 
grêles  et  s'est  vocalisé  en  u  (ou)  après  les  voyelles  graves. 
Ex.:  solum,  sol,  sou;  —  filum,  fil,  fî;  —  culum,  cul,  cû  ;  —  na- 
tale, nadal,  nadau  ;  —  cultellum,  coutel,  couieû  ;  —  collum,  col, 
cou,  La  règle  est  sans  exception  après  a  et  o  d'une  part,  u 
et  ou  de  l'autre  ;  elle  en  souffre  au  moins  d'apparentes  après 
e  et  2.  Ainsi  les  formes  telles  que  coûte,  mante  =  pr.  coltel, 
mantel,  signalées  ci-devant,  chap.  III,  Diphthongues,  pour- 
raient, à  la  rigueur,  s'expliquer  par  la  chute  pure  et  simple 

*  Ex.:  et  =  ei/i  (t/te),  comme  on  dit,  par  exemple,  à  Rochechouart;  — 
coué  (pour  couei,  coui)  =  colh  (collum),  à  Treignac  ;  —  dei  =  delh  (cteW), 
à  Tulle,  etc. 

2  Cf.  le  portug  muito  {multum)  Une  forme  pareille,  en  espagnol,  a 
donné  mucho,  par  mélhalhèse  et  durcissement  de  Vi. 

3  La  vocalisation  de  t  en  u  n'est  pas  moins  anciennf^  dans  la  langue. 
Voir  le  fragment  de  la  trad.  de  TEvang.  de  saint  Jean  (Xt"  s.)  reproduit 
dans  Bartsch,  Chreslom.^  col.  7  et  suiv. 


(IRA  MM  AIRE   LIMOUSIN  K  413 

de  17,  bien  qu'il  soit  préférable  d'en  considérer  F^  final  comme 
une  réduction  de  la  diphthongue  eUy  la  même  désinence  ne 
pouvant  avoir  dans  d'autres  mots,  tels  que  mê  =  meum, 
que  cette  origine.  Mais,  d'un  autre  côté,  les  formes  telles  que 
abi'eû  =  pr.  abrieu,  déjà  signalées  à  la  même  place,  résultent 
évidemment  de  la  vocalisation  préalable  de  17  après  i,  et  il  est 
même  probable  que  dans  ce  mot-là  et  dans  tous  ceux  qui  ont 
en  provençal  la  double  forme  il  et  tu,  notre  î  est  plutôt  un  ré- 
sidu de  tu  que  de  il,  la  diphthongue  pr.  iu,  quelle  qu'en  soit 
Forigine,  s'étant  toujours  chez  nous  réduite  ki,  quand  elle  n'est 
pas,  probablement  par  Fintermédiaire  de  ieu,  devenue  eu. 

En  bas  limousin,  F/ finale*,  en  général,  ne  se  vocalise  ni  ne 
tombe  ;  mais  elle  a  une  tendance  marquée  à  passer  à  Yr,  ten- 
dance à  laquelle  on  la  voit  céder  de  plus  en  plus  à  mesure  qu'on 
s'approche  de  l'Auvergne,  où  cette  mutation  est  ordinaire  et 
caractéristique.  En  haut  limousin  et  à  Nontron,  mais  ici  plus 
rarement  encore,  /  final  ne  devient  r  que  dans  un  très-petit 
nombre  de  mots,  et,  dans  la  plupart  des  cas  que  j'ai  notés  de 
ce  changement  exceptionnel,  /  est  le  résidu  d'un  Ih  provençal. 
Ex.:  bullit,  bulJi,  bur^\  —  melim^  mielhs,  mier  (Limoges);  — 
*  peducfujlus,  pezolk,  pur  3  ;  —  milium,  ïnilh,  mir  *  ;  —  enib- 
onilliy  ambounir  ^ , 

Dans  les  mots  empruntés  au  français,  sauf  après  i,  où  il 
tombe  toujours,  /  final  persiste  •*.  Il  se  maintient  aussi  en  état 

'  11  faut  entendre  17  réelleinenl  iinale,  par  exemple,  au  singulier  des 
noms  en  al^  el,  ol,  car  au  pluriel,  grâce  à  V$  qui  suit  VI  et  bien  qu'on  ne 
fasse  plus  sentir  cette  5,  au  moins  le  plus  souvent,  17  se  vocalise  selon  la 
règle  ordinaire. 

'  Un  peu  plus  bas,  à  Ribérac,  par  exemple,  on  dit  bû,  selon  la  règle. 

^  On  dit  aussi  et  plus  souvent,  à  Nontron,  pei.  Ces  deux  formes  doivent 
provenir,  par  bifurcation,  d'une  forme  intermédiaire,  elle-même  déjà  for- 
tement contractée,  "pculh,  réduite  dans  le  premier  cas  à  pulh,  dans  le 
second  à  pelh. 

*  On  dit  aussi  mi,  embouni,  selon  la  règle.  —  Pour  m/,  on  trouve  à  Li- 
moges la  forme  met,  qui  suppose  melh  au  lieu  de  milfi. 

^  Dans  les  campagnes,  il  passe  le  plus  souvent  à  1>;  carnavar,  parasor. 
Clela  a  lieu  surtout  après  a.  —  Lh  final  d'origine  française  subit  aussi 


408  DIALECTES   MODERNES 

d.  —  Avec  d  ou.  t.  —  La  mutation  de  /•  en  rf  se  remarqué, 
en  italien,  dans  un  assez  grand  nombre  de  mots,  tels  que 
dietro  •=■  rétro,  chiedere  =  quœrere,  fiede  =  ferit^.  On  la  con- 
state aussi  dans  quelques  variétés  du  dialecte  languedocien*. 
Mais,  en  limousin,  Vr,  lorsqu'elle  passe  aux  explosibles  de  sa 
famille,  ne  s'arrête  pas  au  d;  elle  monte  jusqu'au  t^.  Cela  se 
voit  dans  la  conjugaison,  où  quelques  variétés  de  notre  dia- 
lecte, mais  non  pas  la  nontronnaise,  changent  constamment 
exxtVr  flexionnelle  du  prétérit,  disant,  par  exemple,  mingeten, 
hegueten,  au  lieu  de  mingererty  begueren,  formes  régulières. 
Cf.  ritalien  nllotta  :=  allora. 

B. —  R  s'est  vocalisé  quelquefois  en  m.  Ex.:  carpinum,  ckati- 
pre  ;maiis  ce  n'a  dû  être  qu'après  son  changement  préalable 
en  /.  On  en  est  certain  pour  aubi^e  î=  arbor,  puisque  la  forme 
alhre  se  rencontre. 

On  voit  ;•  remplacé  par  i  dans  eimari  «=  pr.  arman,  et  dans 
les  formes  aybre,  poyre  =  a7*bor,  pomim,  qu'on  trouve  dans 
Raynouard,  mais  que  nous  n'avons  pas.  Ici  encore  une  muta- 
tion en  /  a  dû  précéder,  parce  que,  comme  on  le  verra  plus 
loin,  /  se  vocalise  aussi  en  i. 

Pour  les  chutes,  insertions  et  transpositions  de  r  intérieur, 
voir  le  chapitre  VI  ci-après. 

III.  —  ^  final 

R  persiste  en  finale  dans  tous  les  mots  qui  se  terminaient 
par  cette  consonne  dans  l'ancienne  langue,  excepté  :  1°  les 
infinitifs  de  tous  les  verbes  ;  2°  les  mots  en  ter  =s  arius,  tels 
que  cavalier,  bergier,  où  elle  s'est  complètement  oblitérée.  Par 

*  Le  phénomène  inverse  a  lieu  dans  le  latin  meridies  ■«  medidiês,  ar- 
guère  =  adguere,  arhiter  =  adbiter,  etc. 

'  Voir,  dans  la  Revue  des  langues  romanes,  tome  I",  page  123.  la  notice 
de  M.  de  Tourtoulon  sur  le  sous-dialecte  de  Montpellier. 

3  Pareillement,  nous  n'avons  pas  constaté  de  mutation  de  rf  en  r  (voir, 
ci-dessus,  Ventales);  mais  nous  en  avons  relevé  une  de  l  en  r. 


GRAMMAIRE  LIMOUSINE  409 

compensation,  Ve  des  infinitifs  en  er,  tonique  ou  non,  s'est, 
comme  on  Ta  déjà  vu,  diphthongué  en  et;  mais  cela  n'a  pas 
lieu  partout.  Dans  le  parler  de  Tulle  et  d'une  notable  partie 
de  la  Corrèze,  aucune  modification  de  Ve  ne  compense  la  chiite 
de  Yr.  Dans  la  même  contrée,  Y?',  tombée  aux  infinitifs  en  éi% 
persiste  dans  les  mêmes  formes  quand  elles  sont  prises  sub- 
stantivement. 

R  final  tombe  encore  accidentellement  dans  quelques  au- 
tres mots,  par  exemple  dans  pou  ^  paor  =  pavorem  ;  —  à 
Nontron,  dans  sei=.ser  =  sero.  qui  se  dit  se?'  à  Tulle  et  même 
dans  certains  lieux  du  haut  Limousin  ;  —  à  Tulle  dans  au  = 
aur  =^  aurwn,  qui  se  dit,  à  Nontron ,  0?%  comme  en  français. 


1.  —  L  initial 

En  règle  générale,  il  reste  /.  Il  est  devenu  r  dans  roussi- 
nhôv  =  *  lusciniolum  (mais  la  mutation  remonte  probablement 
au  latin  vulgaire),  et  n  dans  nentilho  =  ^r,  lentilha,  et  quelques 
autres  mots. 

En  bas  limousin,  /  initial  devant  i  se  fond  quelquefois, 
comme  cela  arrive  souvent  à  la  même  consonne  dans  le  corps 
et  à  la  fin  des  mots,  en  un  i  consonne.  Ex.:  ywge  =^  linge;  -~ 
f/iberta  =  lihertn.  Lorsque  Yi  dont  17  est  suivie  précède  lui- 
raénie  une  auti'e  voyelle,  il  se  confond  avec  l'y  provenant  de 
la  fusion  de  17.  Ex .  :  //oun  =  lionn  :  —  yé  =  lié  {lectum], 

II.  —  L  intérieur. 

A.  —  Entre  deux  voyelles,  /  reste  ordinairement  /.  Mais 
quelquefois  il  permute,  comme  en  initiale,  avec  r  ou  avec  w. 
Ex  :  liliuni,  liri:  -  miular,  miôunâ;  —  calyculurn  {1)^  calelh^^ 
rhalei  à  Nontron,  à  Limoges  clionei;  —  fr.  caleçon^   canessou, 

'  Ce  mot  n'»*st  ni  dans  Raynonard,  ni  dans  Rochegude,  mais  il  est 
mentionné,  parmi  les  rimes  en  elliz  estreit,  dans  le  Donat  provenç^U. 


416  DIALKCTBS    MODERNES 

deux  ou  trois  mots,  tels  qne  boulhôu  =imoiol  et  bigarouet  s=^ 
migarouei^y  qui  se  dit  aussi,  mais  non  pas  dans  les  mêmes 
lieux.  lia  passé  kVn,  comme  en  français  dans  nâpo  =smappa, 
et  dans  menêplâ,  qui  provient  d'une  forme  féminine  de  mespi' 
lum  moyennant  un  redoublement. 

II.  —  3/  intérieur 

A.  —  Entre  deux  voyelles,  m  reste  m.  Ex.:  dumetum,  dutné. 
Il  s'est  exceptionnellement  changé  en  1/  dans  abmâ  =  amusa 
et  quelques  autres  mots.  Il  est  monté  jusqu'au  p  dans  eipou- 
(idây  si  du  moins,  comme  je  suppose,  ce  mot  est  le  même  que 
le  pr.  esmofidar.  Il  est  devenu  /  dans  sôulâ,  qu'on  dit  en  haut 
limousin  pour  sôtimd  (=  salvare)^  et  7i  dans  vendenhâ  =  vinde- 
miare.  rounhâ  (pr.  romiar)^:^  ruminare,  garganelo  ^=pr.  gar- 
gamehy  fanho  (pr.  fanha)  =  *f arnica*. 

Après  une  voyelle  et  devant  une  consonne,  m,  comme  en 
français,  devient  n,  ou  plutôt  il  disparaît  comme  son  distinct, 
en  laissant  par  compensation  le  son  nasal  à  la  voyelle  précé- 
dente. Ex.:  femfijna,  fenno; —  sem(i)nare,  seanâ; —  damnare, 
dannâ  ,  —  *cambiare.  chanjd,  ou,  par  assimilation  du  b,  chan- 
nhâ;      trem(u)lare,  trembla;  —  pr.  sumpsi/\  sunsL 

m.  —  .)/  final 

Le  m  final  de  l'ancienne  langue,  qu'il  fût  ou  non  suivi  d'une 
autre  consonne,  a  toujours  disparu  comme  son  distinct;  mais 
toujours  aussi  il  a  laissé  à  la  voyelle  précédente  le  son  na- 
sal^, ce  quo  Tw  n'a  fait,  en  erénéral,  comme  on  le  verra  plus 

'  On  dirait  en  français  mil  —  garouil.  C'est  le  blé  d'Espagne. 

'  Dans  ce  dernier  exemple,  Vi  (consonne)  qui  est  dans  nh  provient  du 
G,  non  de  i't,  de  fam'ca  (Voir  pour  cette  étymologie  le  Dict.  de  Littré,  au 
mot  fange.) 

^  Je  figurerai  toujours  par  m  tout  son  nasal  final  provenant  d'un  m 
lutin .  Cette  orthographe,  conforme  à  la  tradition  comme  à  l'étymologie, 
ne  pourra  induire  en  erreur,  quant  à  la  prononciation,  le  lecteur  étant. 


aRAMMA'IRB  LIMOUSINE  417 

loin,  que  lorsqu'il  était  originairement  en  position.  La  rai- 
son en  est  vraisemblablement  que  Vm  avait  encore  en  finale, 
dans  l'ancienne  langue,  une  prononciation  distincte.  Les  or- 
thographes telles  que  ramps,  femps  (=  rams,  fems,  Je  ramus, 
fimus)^  qui  ne  sont  pas  rares,  me  paraissent  le  démontrer.  Ce 
qui  le  prouve  encore,  ce  me  semble,  c'est  que  plusieurs  des 
noms  en  m  final  ont  repris  une  voyelle  flexionnelle.  Tels  sont 
cime,  crim€y  semé,  lume.  Ayant  ainsi  conservé  son  existence 
propre  dans  son  passage  du  latin  à  notre  ancienne  langue^  m^ 
devenu  final,  s'est  trouvé  plus  favorisé  que  n,  qui,  tout  le  dé- 
montre, l'avait  perdue,  et,  en  s'afi^aiblissant  à  son  tour  dans 
le  nours  des  âges,  il  a  pu  laisser  trace  de  lui-même,  tandis 
que  n,  en  continuant  de  s'afikiblir,  ne  pouvait  plus  que  dispa 
raître  en  entier. 


N 


1.  —  i\^  initial 

Régulièrement,  n  initial  reste  «.  Ex.:  nomen,  noum;  —  ne- 
poteiu,  nebuu.  Il  est  passé,  dès  l'ancienne  langue,  aux  explo- 
sives de  sa  famille  dans  degn  =  nec  uniis. 

11.  —  N  intérieur 

A.  —  Entre  deux  voyelles,  n  persiste  (Ex.:  carminare,  char- 
mena;  —  ve^nire,  vent;  —  ponei'e^  pounei),  sauf  exceptionnel- 
lement dans  quelques  mots  où  il  devient  : 

tn.  Ex.:  rnemi,  memino  [petit enfant,  petite  fille,  plus  commu- 
n«'*ment  poupée),  adjectif    substantivé  dont   Torigine  est   in- 


averli,  une  lois  pour  toutes,  que  i*m  on  finale  n'a  plus  d'autre  vahmr  que 
celle  de  Vn  à  la  même  place.  Ainsi  les  mots  fum  (fumus),  liam  {liifamen\ 
prim  (primus),  soum  {somnus],  doivent  éire  prononcés  comme  s'ils. 
étai».^nt écrite  fun,  l  an,  prin  et  soun, 

23 


418  DIALECTES   MODBRNBS 

certaine,  mais  qui,  dans  les  autres  idiomes  romans  où  il  m 
rencontre*,  a  toujours  n  au  radical  ; 

r.  Ex.:  venenosus,  verenoû  ; 

L  Je  ne  puis  retrouver  d'exemple  de  cette  mutation,  mais 
il  est  peu  probable  qu'il  ny  en  ait  pas  ;  aussi  crois-je  devoir 
la  noter  pour  mémoire. 

B.  —  Entre  une  consonne  et  une  voyelle,  n  se  comporte 
différemment,  selon  que  la  consonne  est  plus  ou  moins  com- 
patible avec  lui.  Il  reste  n  après  wi,  après  les  liquides  et  après  «. 
Ex.:  damnare,  dannâ;  —  sal(i)narius,  sôuniê; —  *fumaia,  for- 
nadttf  foumado;  —  as(i)nus,  asne,  âne.  Il  se  combine,  pour  for- 
mer nh,  avec  la  gutturale  muette  douce  (gj.  Ex.:  pugnare, 
pounhâ;  —  sangfuijnare,  sannhâ.  Enfînil  se  change  en  r  après 
les  labiales,  les  dentales  explosives  et  après  c.  Ex.:  carpfijnum, 
chaupre; — cophfi)nwn,  côfre ;^ord(i)nemy  ordre;—  diacfojnum, 
diâa^e. 

C.  —  Entre  une  voyelle  et  une  consonne,  n  se  change  au«si 
quelquefois  en  r.  Ex.:  anftjma,  armo  ; — canfnajbim,  charte;— ^ 
ou  encore  en  /;  anfijmalia,  ôumalho  {=  almalha).  Mais  ces 
mutations  sont  exceptionnelles.  Sauf  devant  g,  qui,  ramolli  en 
y,  s'unit  souvent  avec  lui  pour  former  n/t*,  la  règle  est  qu'il 
disparaisse  comme  son  distinct,  en  laissant  seulement,  par 
compensation,  le  son  nasal  à  la  voyelle  antécédente.  Même 
dans  beaucoup  de  mots,  cette  dernière  trace  del'n  s'est  effacée. 
Tels  sont  ceux,  en  général,  où  cette  consonne  était  suivie,  en 
latin,  d'une  spirante  dentale  ou  labiale  (s,  fonv).  L'oblité- 
ration de  Vn  en  de  pareils  mots  *  était  déjà  achevée  dans  l'an- 

^  Par  exemple  en  espagnol  et  en  portugais:  menino,  menina.  Dans 
cette  dernière  langue,  le  féminin  menma,  outre  le  sons  propre,  a  aussi  le 
sens  métaphorique  de  pupille,  prunelle,  que  l'on  donne  chez  nous  au  mas- 
culin memi.  Diez  tire  menino  et  ses  congénères  du  gaélique  min.  (Voir 
Littré  au  mot  menin.  et  Diez  lui-même,  VÔrterbuch.  tome  !•',  au  mot 
mina .  ) 

*  Voir  ci-dessus,  article  du  G,  II,  A,  d. 

^  Il  ne  s*agit  ici,  bien  entendu,  que  des  mots  d'origine  populaire  ,  car, 
dans  les  mots  savants,  Vn  est  restée. 


GRAMMAIRE   LIMOUSINE  419 

cienne  langue  ;  mais  elle  n'était  pas  commune  à  tous  les  dia- 
lectes, comme  le  prouvent  les  doubles  formes  (par  exemple, 
cofir  et  confir)  que  Ton  trouve  de  presque  tous.  Ce  sont  les 
premières,  c'est-à-dire  les  formes  dénasalisées,  qui  ont  prévalu 
en  limousin,  non  pas,  à  la  vérité,  dans  tous  les  mots  de  cette 
catégorie,  car  il  y  en  a,  au  contraire,  un  très-grand  nombre 
où  la  voyelle  est  nasale  ;  mais  il  est  possible  que,  dans  la  plu- 
part de  ces  derniers,  au  lieu  d'être  restée  telle,  elle  le  soit 
seulement  redevenue,  et  que  ceci  soit  dû  à  l'influence  du  fran- 
çais. Quoi  qu'il  en  soit,  voici  des  exemples  de  l'effacement 
complet  de  Yn  après  toutes  les  voyelles  : 

Après  a:  trans,  iras,  trâ;  —  mansum,  mas.  ma;  —  mansio- 
nem,  maiso,  meijou. 

Après  e:  burgensis,  borzeSy  bourjei;  —  prensus,  preSy  prei; — 
pensum  y  pes,  pei^. 

Après  t  :  infante  m,  efant,  efan;  —  inflare,  uflar,  nflâ;  — -  in- 
su la,  isla,  îlo  ^. 

Après  0  ;  conficere,  cofir,  coufî  :  —  *convitarej  covidar,  cou- 
cidà; —  consilium,  cosse Ih,  coussei; —  conscientiay  cossiencta. 
coussinço;  — bonfojs,  bas,  bot). 

Après  y  :  im[o)s,  us,  â  *. 

ni  —  A'  final 

Il  faut  distinguer  deux  cas:  1°  celui  où  l'w  final  de  Tan- 
cienne  langue  était  suivi,  en  latin,  d'une  autre  consonne  ; 
2"  celui  où  il  était  suivi  d'une  voyeLle. 


_  • 

'  Ajouter  set  =  pr.  ses,  forme  uffaiblio  de  sens,  senes,  qui  est  lo  latin 
sine,  accru  du  suffixe  adverbial  s. 

*  Ajouter  di  =  de  intus,  par  rinterraédiaire  du  prov.  dins,  qui  est 
lui-même  un  airaibiissement  de  dintz.  — C'est  dans  les  mots  où  Vn  était, 
en  latin,  précédée  d'un  /  que  l'on  remarque  chez  nous  le  moins  d'exemples 
do  la  chute  de  cette  consonne. 

3  Ajouter  ^i/ii;  déjà  dilus  en  pr.,  par  aflaiblissement  de  diluns  {dies 
lunœ),  où  l'.v  paraît  devoir  être  considéré  comme  un  suffixe  adverbial. 


420  DIALECTES   MODflRNES 

Dans  le  premier  cas,  Vn,  en  disparaissant  toujours  comme 
son  distinct,  a  laissé  à  la  voyelle  précédente  le  son  nasal  * . 
Ex.:  grandeniy  gran*;  —  annum,  an; —  mente,  men  (dans  les 
adverbes);—  de  intus,  dintz ,  dtn  *  ;  — montent ,  moun;  — 
secundum,  segoun.  Au  contraire,  dans  le  second  cas,  sauf  quel- 
ques exceptions  qui  vont  être  spécifiées,  Yn  s'est  complète- 
ment effacée  et  la  voyelle  précédente  est  demeurée  pure. 
Exemples  : 

Après  a:  gennanus,  german  et  gefina,  germo;  -  Mussida- 
num,  Muycida,  Moueicido  ;  —  chnstianus,  crestian  et  cresHa, 
crestio  [k  Tulle)  *.  A  ce  dernier  mot  s'est  substituée,  àNontron, 
la  forme  française.  Quelques  autres  dont  la  forme  en  a  était 
moins  usitée,  à  ce  qu'il  semble,  que  la  forme  en  an,  ou  qui 
n'avaient  que  cette  dernière,  ont  pris  également  chez  nous  la 
désinence  française.  (Voir  ci-dessus,  chapitre  III,  1'*  section, 
A.) 

Après  e :  fenum,  [en  et  fe,  fe;  —  lenem,  len  et  le,  le; — bene, 
ben  et  he,  be;  — plénum,  plen  et  pie,  pie;  —  alen'^  et  aie, 
aie;  — venenum,  veren  etvere,  vere,  Ue,  à  Nontron  du  moins, 
est  resté  nasal  dans  7'en  (lat.  ren)  et  dans  seren. 

Après  /;  finem,  fin  et  fi,  fi  ;  —  vicinum,  vezin  et  vezi,  vezi;  ^- 
iHvinum,  devin  et   devi,   devi;  —  matutinum,  matin  ôt  mati 
matt.  Si  l'on  ne  tient  pas  compte  des  mots  empruntés  au  fran- 
çais, où  Vi,  en  restant  nasal,  a  presque  toujours  pris  le  son  de 
r  e,  les   exceptions  sont  très-rares.  On  en  trouve  une   dans 

*  Excepté,  en  bas  limousin  seulement,  dans  les  désinences  verbales  de 
la  troisième  personne  du  pluriel  ou  (=  unt).  Cet  affaiblissement  remonte 
à  l'ancienne  langue.  Voir,  ci-après,  Conjugaison. 

2  L*a  de  ce  mot  à  perdu  exceptionnellement  le  son  nasal  dans  la  locution 
gramarcei  {grand  merci,  ce  qui  s'explique  assez  par  l'usage  continuel  de 
cette  locution  II  en  est  de  même,  et  par  la  même  raison,  de  celui  de  tan- 
tum,  devenu  ta  ou  to  dans  plusieurs  locutions. 

3  Voir  la  note  2  de  la  page  précédente  pour  la  forme  di,  usitée  concur- 
remment avec  din 

*  Voir  d'autres  exemples  au  chapitre  III,  1"  section,  A.  —  Démo,  cité 
à  cet  endroit,  a  gardé  sa  forme  primitive  dans  la  locution  demano  sei 
(=  deman  a  ser),  qu'on  prononce  comme  un  seul  mot. 

s  Alen  est  le  substantif  verbal  de  alenar  =  anhelare 


GRAMMAIRE   UMOUglNBl  421 

dans  min 'ssmitMs,  forme  éiva.ngère   à  la  langue   classique. 

Après  o:  raiionem,  t^azon  et  razo,  rozoM/î— et  ainsi,  non-seu- 
lement de  tous  les  mots  provençaux  en  on  (o)  final,  mais 
encore  de  tous  ceux  de  la  même  désinence  que  noua  avons 
empruntés  au  français.  Il  n'y  a  qu'un  très-petit  nombre 
(rexceptions,  et  ces  exceptions  n'atteignent,  parmi  les  mots 
non  empruntés,  que  des  monosyllabes*.  Ex.:  bonum,  bon  et 
bo,  boun;  —  tonum,  to  et  ton,  toun;  —  donum,  don,  doun;  — 
leonem,  ieo,  lioun  ;  —  non,  no  et  non,  nou  et  noun^.  Parmi  les 
mots  d'origine  française,  on  peut  citer  minhoun  et  mâroun 
(marron) . 

Après  w.-^  On  trouve  ici  autant  d'exceptions  que  d'applica- 
tions delà  règle:  n  est  tombé  dans  ôrw  (même  origine  germa- 
nique (brun)  que  le  français  brun);  dans  gru,  dérivé  selon 
toute  apparence  d'une  forme  altérée  de  granum,  dont  il  a  le 
sens,  eifdans  degu  '  {nec  unus);  il  est  resté,  au  contraire,  dans 
un  et  son  autre  composé  chacun,  et,  de  plus,  dans  jun  (de  jeju- 
num)  et  dans  coumun  {communem) . 

Remarque  .  —  Une  conséquence  de  la  chute  de  Y71,  comme 
son  distinct,  dans  les  mots  tels  que  fontem,  ardentem,  c'est-à- 
dire  dans  ceux  où  il  était  suivi  d'une  autre  consonne  et  où 
Torthographe  le  maintient  toujours  pour  figurer  le  son  nasal 
qu'il  a  laissé,  en  disparaissant,  à  la  voyelle  qui  le  précédait; 
une  conséquence,  dis-je,  de  sa  chute  a  été  que  cette  voyelle, 
malgré  les  apparences,  a  cessé  d'être  en  position.  Ainsi  s'ex- 
plique que  To  de  pareils   mots  ait  subi,  en  limousin,  comme 

■  Demoun  n'est  pas  une  exception.  La  forme  première  du  mot  est  de^ 
moni,  où  ni,  à  peu  près  identique  à  nA,  a  été  traité  comme  cette  consonne 
composée  dans  lonh.  besonh,  devenus  loun,  besoun,  (Voir  ci-après  Nh.) 

'  Noun  ne  fait  pas  réellement  exception,  car  on  ne  l'emploie  que  devant 
une  particule  négative  {pd,  pouen  ou  gro),  avec  laquelle  la  prononciation 
Tunit  comme  en  un  seul  mot,  et  on  comprend  qhH  échappe  ainsi  à  la 
règle  d'^  Vn  finale  pour  suivre  celle  de  Yn  intérieure. 

^  L'n  repai-aît  dans  degunlio  (nec  uno  loco),  parce  que  le  tout  ne  forme 
qu'une  espèce  de  mot  compos(^.  où  l'n  se  trouve  dès  lors  soumise  à  la  même 
loi  quo  dans  nounqro  de  la  note  précédente. 


422  DIALBCTBS   MODERNES 

déjà  probablement  dans  la  langue  classique,  le  même  traite- 
ment que  Vo  long  par  nature,  et  que  les  rimes  en  en  soient 
uniformément  qualifiées  d'étroites  par  le  Donat  provençal. 
(Voir  ci-dessus,  chap.  III.} 


Nh 


Ou  a  vu  précédemment  les  sources  diverses  de  cette  con- 
sonne double.  Je. les  rappelle  ici  : 

Nh  provient  : 

1"  De  ni  ou  ne  (préalablement  changé  en  ni  )  précédant  une 
voyelle:  ingeniosm,  enginkos,  ginkoû  ;  —  *vinea,  vinka,  vinho; 

2®  De  gn  :  regnare,  renhà; 

3"  De  ng  :  plangere,  plânhei,  ou  wc*.*  punctum,  pr.  ponh. 

y  h  a  aussi  quelquefois  pour  origine  dans  T  ancienne  langue, 
comme  en  espagnol*,  Vn  redoublée.  Ex.:  estanh  =  stannum, 
gronhir  =  grunnire.  Mais  cette  mutation  de  nn  en  nhy  rare 
d'ailleurs,  ne  se  remarque  pas  en  limousin. 

De  même  que  Ih  final  de  l'ancienne  langue  se  réduit  souvent 
à  /,  ce  que  nous  avons  vu,  par  exemple,  en  bas  limousin,  de 
même  nh  final  se  réduit  quelquefois  à  n.  Cette  réduction  est, 
comme  celle  de  /A,  particulière  au  bas  limousin,  bien  qu'on  la 
constate  aussi  parfois  en  haut  limousin.  Ex.:  longe,  lonh, 
loun; — besonh,  besoun.  Chez  nous,  on  préfère,  en  général, 
les  formes  résultant  de  la  dissociation  des  éléments  de  nh 
(n-y)  et  de  leur  transposition,  formes  déjà  usitées  d'ailleurs, 
concurremment  avec  les  premières,  dans  la  langue  classique . 
Ainsi  nous  disons  louen  ou  luen,  besouen  et  plen  (=i  platngj,  où 
la  diphthongue  ai,  probablement  sous  l'infiuence  française,  est 

*  Entre  deux  voyelles,  ne,  par  exception,  a  donné  égalcmeol  nh  dans 
trounho^  si  du  moins,  comme  je  suppose,  ce  moi,  qui  signifie  soudie, 
tronc,  vient  bien  d'une  forme  vulgaire  et  féminisée  de  truncus.  Mais  il 
est  probable  qu'une  mutation  du  c  en  9  avait  dû  précéder.  PareillCTsent 
fanho,  s'il  vient  de  *fan(i)ca  (pour  *famica)  a  dû  passer  par  *fanga, 
comme  le  prouve  d'ailleurs  le  fr.  fange. 

'Ex.:  ano  =annum. 


GRAMMAIRE   LIMOUSINE  423 

devenues*.  DansjMn,  ^=:  junh  de  junius,  nous  avons,  comme 
en  bas  limousin,  rejeté  simplement  Vy  du  nh  •.  Dans  tous  les 
cas,  que  Vy  associé  à  Vn  se  transpose  ou  disparaisse,  cette 
dernière  consonne  se  conforme  toujours  à  la  règle  générale 
de  Vn  finale,  c'est-à-dire  qu'elle  perd  sa  valeur  propre  et 
n'est  plus  que  le  signe  de  la  nasalité  de  la  voyelle  ou  diph- 
thongue  antécédente.  Même,  dans  deux  ou  trois  mots  d'un- 
usage  très-fréquent,  elle  s'est  complètement  effacée.  Tels  sont 
perpai  (poitrine)  =  perpoing  ^,  pouei  'no  et  pei  'no  =  point  (ou 
ponh)  una. 

Les  relations  d'échange,  que  nous  avons  vu  plus  haut  unir 
letn,  existent  aussi  naturellement  entre  là  eink.  Ces  deux 
consonnes  composés  peuvent  donc  permuter  ensemble.  C'est 
ce  qu'on  voit  dans  borlhe,  comparé  au  français  borgne  et  à 
l'italien  bornio,  et  dans  tourlhou,  qui  se  dit  en  bas  limousin 
pour  trounhou  (=  fr.  trognon)^  usité  chez  nous. 

Camille  Chabaneau. 
(.4  suivre.) 


'  De  même  eiten  =  estaing,  autre  forme  de  estanli  (stannum)  et  eitren 
—  estrain  ou  estranh  (extraneus) . 

•  L'ancienne  langue  nous  offre  déjà  cette  forme  réduite  à  côté  de  la 
forme  complète.  —  Eitan  (stagnum),  qu'on  pourrait  ôtre  tenté  de  citer 
comme  un  autre  exemple  du  rejet  de  J'y  de  nh,  provient  non  de  estanh* 
mais  d'une  deuxième  forme  concurremment  usitée,  estanc,  ou  le  g  de 
stagnum,  au  lieu  de  se  ramollir,  s'était  au  contraire  renforcé  en  se 
transposant.  De  cette  forme  estanc  dérive  le  féminin  eitancho  (stanca 
dans  Raynouard). 

^  Cette  étymologie  paraît  certaine,  le  vêtement  qui  recouvrait  la  poitrine 
étant  devenu,  par  métonymie,  le  nom  de  la  poitrine  elle-même.  Voici» 
d'ailleurs,  la  série  des  modifications,  toutes  parfaitement  normales,  que 
supposa  le  passage  de  perpoing  k  perpai  :  perpoig,  perpouei^  perpeij  per- 
pai. Lo  môme  procès  (sauf  la  perte  de  la  nasale)  se  remarque  dans 
(ajpraimo  =  (a)preimo  :=(a)proueimo  =  aproisma  {approximat)  et  dans 
sai  ^  sei   -  souei  =  soi  (sum,. 


NOTE 
SUR  UNE  VARIÉTÉ  DU  SOUS-DIALECTE  DE  MONTPELLIER 


Le  petit  poëme  la  Vù^adona,  dont  nos  lecteurs  apprécie- 
ront le  mérite,  est  Tœuvre  d'un  homme  qui  a  reçu  pour  uni- 
que instruction  littéraire  les  leçons  de  Fécole  primaire  de 
son  village.  Il  est  vrai  que  la  maigre  semence  est  tombée  sur 
un  sol  fertile,  et  que  le  goût  des  lectures  sérieuses  a  contribué, 
à  développer  d'heureuses  dispositions  naturelles.  Mais  ces 
productions,  en  quelque  sorte  spontanées,  de  Tesprit  et  de  la 
langue  méridionale,  n'en  fournissent  pas  moins  un  argument 
sérieux  à  opposer  aux  adversaires  des  idiomes  provinciaux. 
Jamais  un  habitant  de  nos  campagnes,  quelque  bien  doué 
qu'on  le  suppose,  ne  parviendra  à  penser  avec  cette  netteté, 
à  s'exprimer  avec  ce  charme,  dans  une  langue  qui  ne  sera  pas 
celle  de  son  village,  et  qui  ne  s'adaptera  pas  à  la  description 
de  la  nature  telle  qu'il  la  voit  et  la  sent . 

Tandis  que,  pour  l'homme  du  monde,  un  seul  terme  suffît 
à  exprimer,  par  exemple,  l'idée  d'eau  qui  coule,  de  courant, 
le  laboureur,  le  berger,  qui  a  observé  des  courants  de  phy- 
sionomie diverse,  — courent,  Heu,  regola,  rajdu*,  —  éprouve 
le  besoin  de  rendre  chaque  particularité  par  un  mot  distinct 
et  non  par  une  périphrase  pédante.  Pour  lui,  coula,  tresemAlâ, 
régoulà,  de  même  que  regarda,  agachà,  espinchà  et  espinchounâ, 
sont  autant  de  nuances  à  chacune  desquelles  il  faut  un 
terme  correspondant.  Forcez-le  à  s'exprimer  en  françî^s,  il 
transportera  dans  la  langue  imposée  des  expressions  et  des 
tournures  dont  son   esprit  ne  peut  se  passer,  et  qui  varieront 

'  Hieu  signifie  à  la  fois  le  ruisseau  considéré  dans  son  ensemble  et 
l'eau  courante  du  ruisseau.  l{egola  peut  difficilement  se  traduire  par  ri^ 
§ù!e  ;  ce  dernier  mot  ne  désigne  gaère  que  le  lit  «rtlfioldl  d*un  courant 
d'eau,  et  jamais  Teau  elle-même. 


VAR.    DU   SOUS-DIALECTE    DE    MO^TPELLÎKR  425 

d'une  province  à  Tautre  suivant  le  sol,  le  climat,  les  mœurs 
et  le  caractère  des  habitants  ;  vous  aurez  ainsi  remplacé  une 
langue  riche ,  élégante  et  expressive,  par  du  français  cor- 
rompu. C'est  pour  arriver  à  ce  beau  résultat  que  certains 
instituteurs  interdisent  à  leurs  élèves  Tusage  de  lalangue  d'oc^ 
même  hors  de  la  classe.  Il  faut  voir  quelles  tortures  ces  pau- 
vres enfants  infligent  à  leur  cerveau  et  à  la  langue  française ' 
pour  rendre  les  idées  que,  bon  gré  mal  gré,  leur  esprit  ne 
peut  concevoir  que  dans  Tidiome  maternel  !  Ceux  qui  font  à 
leurs  compatriotes  Tinjure  de  les  croire  incapables  de  parler 
deux  langues,  la  langue  du  foyer  et  la  langue  des  affaires, 
et  qui  essayent  de  leur  enlever  le  seul  instrument  dont  ils  sa- 
chent encore  se  servir  pour  exprimer  leurs  pensées,  ceux-là 
sont  des  ennemis  plus  dangereux  pour  la  langue  française 
qu'ils  corrompent  que  pour  la  langue  d'oc  qui  leur  résiste. 

Ce  qui  nous  console  de  ces  inintelligences  brevetées,  c'est  la 
sëve,  la  verdeur,  l'originalité,  que  Ton  rencontre  dans  cer- 
taines compositions  villageoises. 

M.  Langlade  a  écrit  dans  la  variété  du  sous-dialecte  de 
Montpellier  qui  est  parlée  à  Lansargues,  bourg  de  1,700  ha- 
bitants, situé  à  18  kilomètres  E.  du  chef-lieu  du  départe- 
ment. Comme  je  l'ai  déjà  dit  ailleurs,  les  variétés  de  sous- 
dialecte  sont  constituées,  d'ordinaire,  par  des  différences  de 
prononciation  qui ,  pour  la  plupart ,  ne  doivent  pas  altérer 
l'orthographe.  Il  serait  impossible,  en  effet,  de  tracer  la  ligne 
de  démarcation  de  nuances  qui  se  fondent  Tune  dans  l'autre, 
à  tel  point  qu'en  certains  endroits  on  peut  constater  deux 
prononciations  différentes  d'un  même  mot. 

J'ai  fait  connaître,  dans  la  Revue  des  langues  romanes  (t.  P', 
p.  119),  les  principaux  caractères  du  sous-dialecte  de  Mont- 
pellier, tel  du  moins  qu'on  le  parle  dans  cette  ville  ;  la  variété 
de  Lansargues  se  distingue,  dès  l'abord,  de  ce  type  par  une 
teinte  déjà  marquée  de  provençalisme.  Ainsi  l'a  reparaît  dans 
certains  mots  à  la  place  de  Ve:  sian,  saren,  pour  sien,  seren  *.  Il 

'  Les  deux  forinoB  sant  et  seul  (sanctus)  sont  également  usitées. •— 
L'usage  s'est  introduit  ù  Montpellier  de  donner,  à  rimilation  du  français, 


42ft  DIALECTES   MODERNES 

en  est  de  même  de  certaines  diphthongues,  ex.:  aùbUdà ; 
Montp.^  oublidà;  Prov.,  ôublidn.  Mais  le  trait  caractéristique 
est  une  tendance  à  rallongement  des  finales,  qui  fait  que  d'un 
côté  Yn  s'articule  quelquefois  à  la  fin  des  mots,  tels  que  resc&un* 
douïij  camin,  vin,  etc.,  prononcés  à  Montpellier:  rescoundou, 
camij  yi;  tandis  que,  d'autre  part,  le  t^,  le  c  et  le  ch  finals, 
ne  se  font  pas  sentir  ;  passât,  counegut,  planet,  tngoulef,  enfan- 
tounet,  venguèt,  aubourèt,  lach,  nioch,  se  prononcent  passa, 
counegu,  plané,  trigoulé,  enfantouné,  venguè,  auboure,  la,  nio. 
Je  n'oserais  affirmer  que  ces  finales  deviennent  longues, 
comme  elles  paraissent  l'être  en  Provence  ;  mais,  s'il  y  a  une 
différence  de  quantité  entre  le  participe  passé  et  Tinfinîtif 
de  la  première  conjugaison ,  par  exemple  entre  aima,  ai- 
mer, et  aimât  (pron.  aima),  aimé  ,  elle  existe  plutôt  en  théo- 
rie qu'en  réalité.  Je  crois  donc  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  sup- 
primer ces  consonnes  finales  dans  l'écriture,  par  la  seule 
raison  qu'elles  ne  se  prononcent  pas  ;  mais  je  pense,  d'un  autre 
côté,  qu'on  peut  admettre  comme  licence  poétique  la  rime 
d'un  infinitif  avec  un  participe  passé,  qui,  dans  ce  cas,  s'écrira 
exceptionnellement  sans  t. 

Du  reste,  à  côté  des  formes  provençales,  nous  trouvons  les 
formes  purement  languedociennes;  ex.:  capeloueinoncapéloun. 
De  même  pour  la  troisième  personne  du  pluriel  du  présent  dé 
rindicatif,  où  l'on  ne  fait  pas  sentir  Vn:  traçoun,  vènoun;  j^t: 
traçou,  vènou. 

Nous  remarquerons  encore  qu'à  Lansargues,  de  même 
qu'en  Provence,  Ve  venant  de  é  ou  de  i  latin,  en  position,  est 

une  terminaison  unique  à  tous  les  participes  présents,  quelle  que  soit  la 
conjugaison  ;  on  dit  aiment,  cantent,  au  lieu  de  aimant,  cantant.  Les  écri- 
vains ont  généralement  évité  ce  barbarisme,  aujourd'hui  naturalisé  dans 
le  langage  parlé;  mais  dans  la  langue  des  campagnes,  et  en  particulier 
dans  la  variété  dont  nous  nous  occupons  ici,  on  distingue  parfaitement  les 
participes  présents  de  la  première  conjugaison,  qui  doivent  se  former  en 
ant,  de  ceux  des  autres  conjugaisons,  qui  se  terminent  en  ent. 

*.hei  final  ne  se  fait  pas  sentir  non  plus  après  une  consonne:  vist^  aoust, 
se  prononcent  :  tn>,  aous. 


VAR.   DU  SOUS  DIALECTE  DE  MONTPELLIER         .4» 

grave  :  Prouvènça,  arqènt,  ardent  {Provincta,   argentum,  ar- 

dens);  que  le  6  et  le  v  ne  se  confondent  pas  ;  que  le  g  devant 
c  et  i  et  le  /  sont  beaucoup  plus  doux  qu'à  Montpellier  et  se 
distinguent  du  ch:  jour,  laugeira,  brassejant,  se  prononcent  à 
à  peu  près  comme  djour,  laudjèira,  brassedjant  ;  achàs,  chival, 
chagrin,  comme  atchàs,  tchival,  tchagrin.  On  adoucit  autant  que 
possible  les  articulations  c?/  et  tch,  sans  que  cependant  la  der- 
nière  se  confonde  jamais  avec  la  première. 

L'r  se  prononce  très-nettement  et  n'a  jamais  le  son  em- 
pâté qui,  dans  certaines  localités,  le  fait  ressembler  au  d. 

Les  modifications  que  je  viens  d'énumérer  ont  été  produites 
dans  le  langage  de  Lansargues  par  le  voisinage  du  dialecte 
provençal.  Mais  voici  deux  caractères  qui  me  semblent  parti- 
culiers au  pays,  et  dont  je  ne  puis  indiquer  l'origine: 

Le  premier,  c'est  que  Vo  s'y  affaiblit  moins  facilement  en 
nu  que  dans  d'autres  variétés.  Il  est  vrai  que  Ton  constate  déjà 
à  Montpellier  d'assez  nombreuses  exceptions  aux  règles  de  la 
iransformation  d'o  en  ou  dans  le  provençal  moderne  *.  Par 
exemple,  o  persiste  souvent  avant  la  tonique  :  tantossada,  our- 
jolet,  rajoletj  tronada,  lionchou.  Mais,  à  Lansargues  et  dans 
quelques  villages  des  environs,  cette  répugnance  pour  l'alté- 
ration de  la  voyelle  o  est  bien  plus  marquée  encore  ;  bien  des 
gens  y  disent;  longàs,  encordât,  grossi,  crocut;  au  lieu  de  loungas, 
encourdat,  etc.  Il  paraît  difficile  d'attribuer  cette  disposition  à 
l'influence  du  français,  qui  devrait  se  faire  sentir  plus  direc- 
tement à  Montpellier  que  dans  les  campagnes  environnantes. 
Toutes  les  fois  que  la  forme  o  et  la  forme  ou  ont  été  également 
en  usage  pour  le  même  mot,  M.  Langlade  a  préféré  la  der- 
nière, comme  plus  conforme  au  génie  de  la  langue  d'oc. 

Le  deuxième  caractère  spécial  à  la  variété  qui  nous  occupe, 
c'est  que  /  entre  deux  voyelles  se  redouble  et  se  prononce 
à  peu  près  comme  le  groupe  ni:  droite,  dronle;  brulla,  brunlà; 
barullà,  l)nrunlà , 

m 

'  Voy.,  sur  celte  transformation,  l'excellent  travail  de  M.  P.  Meyer,  in- 
iitul»'  Phonétique  provençale,  0.  Mémoires  de  la  Société  de  linguistique 
de  Paris .  ) 


in  DIALECTES  MODERNES 

Les  autres  observations  relatives  au  sous- dialecte  de  Mont- 
pellier peuvent  s'appliquer  à  la  variété  de  Lansargues.  Je 
les  compléterai  en  signalant  dans  ce  sous-dialecte  Texistence 
de  17  mouillé  au  commencement  de  quelques  mots  :  lion,  lion- 
chou,  Hoc,  pron.  ion,  ionchou,  ioc  (à  Lansargues,  io).  Je  rappel- 
lerai ici,  afin  de  faciliter  la  lecture  des  vers  qui  suivent,  que 
IV  du  conditionnel  ne  se  prononce  pas.  On  dit  sa-iè,  di-iàs, 
pour  sariè,  dinàs.  On  a  cru  devoir  écrire  le  son  iu  (prononcez 
tou)  sous  sa  forme  traditionnelle  ieu,  bien  qu'il  y  ait  diver- 
gence d'opinions  sur  ce  point. 

Ch.  de  Tourtoulon. 


.     ■■?••  '. 


LA  VIRADONA 


Noste  cèa  bln,  noste  tenraire, 
Sonn  pèr  nons-antre  nn  paradte. 

(IfiSTRAL,  ton  Canf  di  Feîibre.) 


I 


Dins  lou  baissau  de  la  coustièira, 
Au  pèd  de  la  richa  perièira 
Ounte  tracoun  lou  Maravèls 

a 

Pèr  basti  palais  e  castèls  ; 
Dau  roc  ounte  Fescouda  dinda 
le  sourdis  una  font  tant  linda 
Que,  vista  d'amount  en  aval, 
Diriàs  un  grand  got  de  cristal. 
De  Sant-Ginièis  las  jouinas  filhas, 
Siègue  en  ivèr,  dins  sas  mantilhas, 
Siègue  Festieu,  à  la  calou, 
Couifadas  d'un  blanc  capelou, 

Traduction 


LA  VlRfcDONÉ 

A  la  base  du  cùteau,  -  -  an  pied  de  la  riche  cariière  —  d*où  l'on 
extrait  le  Maravèls  *  —  pour  bâtir  palais  et  châteaux;  —  du  rocher 
où  l'outil  (lu  carrier  retentit,  —  jaillit  une  fontaine  si  limpide, — 
qu'en  la  regardant  d'en  haut —  vous  diriez  un  gmnd  gobelet  de  cris- 
tal.—  De  Saint-Geniés  les  jeunes  filles,  —  soit  en  hiver  dans  leurs 
mantilles*,  —  soit  en  été  parla  chaleur,  —  coiffées  d*un  petit  cha- 

'  Pierre  de  qualité  supèii.'ure  de  Saiut-Geniés. 

^  Manteau  à  ca|iuchoo,  en  usagA  dans  les  environs  de  IlonlpeUfer. 


4B0  DULECTES   MODERNES 

Toujours  gaias  e  fricaudetas, 
Lou  sourrire  sus  las  bouquetas, 
Ohaca  matin  —  se  Dieus  hou  vôu  — 
Van  aqui  roumpli  soun  ourjôu. 
D'una  man  lâugèira  e  sens  pena 
Cabussoun  la  rusta  cadena 
D'un  vihè,  naut  couma  un  gigant, 
Que  rena  e  crida  en  brassejant. 
De  Taiga  frescamen  tirada 
Tetoun  una  bona  lampada, 
Dins  la  font  s'espinchoun  un  pau, 
Pioi,  plan-plan,  prenoun  lou  draiau. 
Souvent  lous  jouines  amourouses, 
Couma  toujours  prou  vergougnouses, 
Quand  es  pèr  se  dire  quicon, 
De  rescoundoun  van  à  la  font. 
La  jouina  filha  —  achàs  la  rusa  !  — 
Pren  soun  ourjou  pèr  desencusa. 
Vous  dirai  pas  à  quau  s'en  pren 
Se  la  nioch  pèr  fes  lous  surpren . 


peau  blanc,  —  toujours  joyeuses  et  coquettes,  —  le  sourire  sur  les 
lèvres,  —  chaque  matin,  si  Dieu  le  veut,  —  vont  y  remplir  leur  cru- 
che. —  D*une  main  légère  et  sans  fatigue,  —  elles  font  plonger  la 
rude  chaîne  —  d'un  levier*  haut  comme  un  géant  qui  gronde  et  crie 
en  agitant  ses  bras.  —  De  Peau,  dès  qu'elle  est  puisée,  elles  tettent 
une  bonne  gorgée,  —  dans  la  fontaine  se  mirent  un  peu,  —  puis,  à 
petit  pas,  suivent  le  sentier.  —  Souvent  les  jeunea  amoureux,  — 
comme  toujours  assez  timides,  —  quand  ils  ont  quelque  chose  à  se 


*  On  appelle  tihè  en  langue  d'oc  —et  Ton  a  traduit  ici  par  levier  —  une 
machine  rustique  servant  à  puiser  de  Teau.  Le  vihè  se  compose  d'une 
longue  perche  faisant  bascule  sur  un  tronc  d'arbre.  A  Tune  des  extré- 
mités de  la  perche  est  suspendu  un  seau,  à  l'autre  extrémité  une  grosse 
ierre  qui  sert  de  contre-poids 


LA    VIRADONA  481 

Que  voulès!  estent  à  Foumbreta,. 

Bèu  droUas  e  jouina  filheta, 

Qu'on  a  sege  ans,  qu'on  s'aima  bèn. . . 

Ai  !  que  passa  vite  lou  tèms  ! 

Chagrin,  trigos,  soucis,  tristessa, 

Aublidàs  tout,  bella  jouinessa. . . 

Quand  de  moun  tèms  seres  venguts, 

La  nioch  vous  surprendra  pas  pus. 

Mes,  se  perdes  de  souvenènça 

Lous  juramens  de  lajouvènça, 

Pèr  tant  ingrats  que  devenguès, 

Oh  !  jamais  noun  oublidarès 

La  font  e  soun  oumbra  tant  bona. 

Que  chacun  aima,  que  tout  prona. 

Qu'as  vièls  fai  gau,  qu'as  jouines  plai. . . . 

Aqui  la  Viradona  jai. 

II 
Es  aqui  que  jai  dedins  sa  bressola, 

dire, —  en  cachette  vont  à  la  fontaine.  —  La  jeune  fille  (voyez  la  ruse) 
—  prend  sa  cruche  pour  prétexte.  —  Je  ne  vous  dirai  pas  à  qui  la 
faute,  —  si  la  nuit  parfois  les  surprend,  —  Que  voulez-vous?,.. 
Lorsqu'on  est  à  l'ombre,  —  beau  garçon  et  jeune  fille,  —  que  l'on  a 
seize  ans,  qu'on  s'aime  bien,  —  ah  !  que  le  temps  passe  vite  î  — 
Chagrins,  fatigues,  soucis,  tristesse,  —  vous  oubliez  tout,  belle  jeu- 
nesse. —  Quand  à  mon  âge  vous  serez  arrivés,  la  nuit  ne  vous  sur- 
prendra plus.  —  Mais,  si  vous  perdez  la  souvenance  — des  serments 
du  jeune  âge,  —  pour  si  ingrats  que  vous  deveniez.  —  oh!  jamais 
vous  n'oublierez  —  la  fontaine  et  son  ombre  si  bonne,  — que  cha- 
cun aime,  que  tous  vantent,  —  qui  réjouit  les  vieillards,  qui  plaît 
aux  jeunes  gens. . .  — C'est  là  que  la  Viredone  gît. 

II 

(^'est  là  qu'elle  est  couchée  dans  son  petit  berceau  ;  —  c^est  là 


488  DiALECTfitf    MODURNES 

ES  aqui  que  nais  ;  mèa  dins  la  regola, 
Ai  !  couma  pigreja  e  s'envai  planet  ! 
Pèr  ma  fe,  dirià^  un  enfantounet 
Que  tout-escasseta  es  sourtil  de  muda. 
Quand  à  sous  penous  la  força   es  yenguda, 
Lou  ^àu1)i  ie  pren  de  s'en  anà  soûl  ; 
De  sa  maire  alor  bandis  lou  ginoul . . . 
Mes  à  chaca  pas  s'abrounca,  trantalha. 
Agroupa  sas  mans  contra  la  muralha; 
Mouquet,  regret ant  lou  repaus  dau  brès, 
Se  tança  en  virant  la  testa  en  arriès. 
Ansinda,  bèu  rieu,  fas  à  ta  salida.. . 
De  que  te  retèn  ?  Es-ti  la  manida 
Qu'ai  vist  un  matin  davalant  dau  piocli 
En  resilha  negra,  apouloun  de  nioch, 
Que*  t'a  d'iols  negrats  couma  d'agrunellas, 
E  que,  pèr  toussi  las  longas  trenellas 
De  soun  peu  floucat,  lusènt,  imourous, 
»  Dins  toun  lin  de  avenc  chaucha  sous  detous? 
Reorrètes  helôu  lou  garnit  tracaire. 


qu'elle  nait.  Mais  dans  sa  rigole,  —  oh  !  la  paresseuse  !  comme  elle 
s'en  va  lentement  I  —  Par  ma  foi,  l'on  dirait  un  petit  enfant  — 
qui  sort  à  peine  du  maillot.  —  Quand  à  ses  petits  pieds  la  force  est 
venue,  —  l'envie  le  prend  de  s'en  aller  seul.  —  De  sa  mère  alors 
il  abandonne  le  genou,  — mais  à  chaque  pas  il  bronche  et  chancelle; 

—  il  applique  ses  mains  contre  le  mur;  —  boudeur,  regrettant 
le  repos  du  berceau,  —  il  s'arrête  en  tournant  la  tôte  en  arrière. 

—  Ainsi,  gentil  ruisseau,  fais-tu  à  ton  départ.  —  Qu'est-ce  qui 
t.p  retient?  Est-ce  la  jeunelille  — que  j'ai  vue  un  matin  descendant  . 
do  la  colline  —  en  résille  noire,  corsage  de  nuit,  —  qui  vous  a  des 
yeux  noirs  comme  des  prunes  sauvages,  — et  qui,  pour  tordre  les 
longues  tresses  —  de  sa  chevelure  bouclée,  brillante,  moelleuse,  — 
dans  fou  eau  limpide  trempe  ses  petits  doigts?  —  Tu  regrettes  peut- 
être  le  vigoureux  carrier  —  qui  frappe  là-haut  en  long  et  en  large 


LA    VIRALOKA  *     433 

Que  tusta  ailamount  de  long  e  de  caire, 
Dau  matin  au  vèspre,  en  toutas  sesouns, 
Derroucant  perpins,  bougets  e  cairouns  ; 
Que  vèn  aiçaval  à  la  caumagnassa 
Emé  soun  flascas  mudat  de  bourrassa; 
Qu'en  sermant  soun  vin  nègre  e  capitous, 
Dins  toun  rajolet  mescla  lous  dégoûts 
Que  soun  front  relent  de-longa  escanapilha. 
S'acù  soûl  te  tèn,  pos  segui  ta  via. 
Bota,  n'en  voiras  belèu  mai  qu'en-naut 
J)e  poulits  mourrets  que  te  faran  gau. 
le  veiràs  tambôn  lou  ruste  trimaire 
(jrimblat  sus  lou  tal,  lou  coutre  e  Taraire. 
Million,  vers  Sent-Jan,  lous  jouines  gavots, 
Es(îapant  voulams,  bandissent  esclops, 
Aucop  demiejour,  quand  lou blads'espoussa, 
Lous  veiràs  veni  toutes  d'una  escoussa 
Pourtant  sus  lou  col  doulhous  e  barraus; 
K  pioi  à  Toumbreta,  en  peu  e  descaus, 


—  (lu  matin  au  soir,  en  toute  saison,  —  détachant  perpins,  hougels 
et,  niirons  *  ;  —  qui  vient  lù-bas  à  (l'heure  de]  la  chaleur  étouffante, 

—  avec  son  içios  llacon  emmailloté  de  feutre,  —  et  qui,  en  ajoutant 
de  l'oau  à  son  vin  noir  et  capiteux,  —  à  ton  courant  mêle  les  gout- 
tes —  (jui  tombent  de  son  front  baigné.  —  Si  cela  seul  te  retient,  tu 
tu  peux  suivre  ta  route.  — Va,  tu  en  verras  peut-être  plus  que  là- 
haiil  —  do  jolis  minois  qui  te  réjouiront.  — Tu  verras  aussi  le  rude 
travailleur  —  courbé  sur  la  terre  qu'il  taille,  sur  le  contre  ^  et  sur  la 
cliai'rii(\  — Bien  miouK.  vers  la  Saint-Jean,  les  jeunes  montagnards 

—  jetant  au  loin  [leurs]  faucilles,  quittant  leurs]  sabots,  —  sur  le 
coup  (le  midi,  (juand  le  blé  s'égrène, —  tu  les  verras  venir  tout 
d'une  course.  —  portant  sur  le  cou  brocs  et  barils; —  et  puis  à  Tom- 

'  Pierres  ilfi  dillérentos  dimensions. 
*  Kspf*co  d«?  chîiiTue. 

^9 


434  DlAl.KCTES  MODERNES 

Veiràs  lous  gouiats,  chacun  sa  gouiada, 
Dansant  la  gavota  e  la  bourelhada. 
Tout  acô  veiràs,  e'ncara  ben  mai . 
S'es  pas  la  beutat  que  farresta  anlai, 
Ni  mai  lou  brassiè,  de  qu'es  que  te  brida? 
Auriès-ti  pôu  d'èstre  aval  engoulida 
Pèr  la  fendasclassa  ou  lou  caraven 
Badant,  altérât  que  be-talamen  ? 
Cregnes-ti  Tarrèst  de  quauca  peissièira. 
Ou  que  la  rasclausa  e  la  martulhèira 
Desviroun  toun  aiga  à  Taise  ou  pèr  saut 
Dins  lou  recantoun  d'un  proufound  agau, 
Pèr  te  fa  passa  dins  Testrecha  trapa 
Qu'un  mouliniè  pigre  à  lésé  destapa, 
Eboumbi,  brusent  à  flac  grumejous, 
Sus  lou  vièl  roudan  d'un  moulin  poussous  ? 
Pèr  acô  toun  aiga  es  pas  destinada, 
E  de  ta  salida  au  founs  de  la  prada 
N'as  pas  res  à  cregne,  o  moun  paure  rieu, 
Res  que  lou  brausent  alo  de  l'estieu. 


bre,  la  tête  et  les  pieds  nus,  — tu  verras  les  jeunes  garçons,  cha- 
cun avec  une  jeune  fille  —  dansant  la  gavotte  el  la  bourrée.  — Tu 
verras  tout  cela,  et  l)ien  d'autres  choses  encore .  —  Si  ce  n'est  pas 
la  beauté  qui  t'arrête,  —  si  ce  n*est  pas  le  travailleur,  qu'est-ce  qui 
te  retient?  — Aurais-tu  peur  d'être  engloutie  dans  ta  course  —  par 
la  crevasse  ou  le  gouffre — béant  et  altéré?  —  Crains-tu  d'être  ar- 
rêtée par  quelque  digue,  —  ou  que  l'écluse  ou  la  vanne  —  dé- 
tournent ton  eau,  doucement  ou  par  bonds,  —  dans  le  recoin  d'un 
profond  réservoir,  —  pour  te  faire  passer  par  l'étroite  ouverture  — 
qu'un  meunier  paresseux  débouche  à  son  gré, —  et  bondir  bruyante, 
en  masse  écumeuse, —  sur  la  vieille  roue  d'un  moulin  poudreux? 
—  A  cela  ton  eau  n'est  pas  destinée,  —  et,  de  ta  source  au  fond 
de  la  prairie,  —  tu  n'as  rien  à  craindre,  mon  pauvre  ruisseau,  — 
rien  que  la  brûlante  haleine  de  l'été. 


LA    VIRADONA  435 


III 


Avant  !  camina  e  regoula  à  grand  èrsa  ! 
Te  veja-aici  trempassant  la  traversa 
Qu'autant  que  tus  d'unpau  mais  conita  d^àris. 
Lous  ditatous  e  lous  consous  rouniaris 
D'aquel  draiau  n'avièn  fach  la  grand  via 
Que  seguissièn,  de  Rouma  en  Iberia, 
Lous  capouliès  de  sas  grandas  légiouns. 
Se  capitant  dins  las  caudas  sesouûs, 
Centuriouns,  souldats  e  caps  d'armada, 
En  bivacant  sus  ta  douga  embaumada, 
Bevièn  toun  aiga  erabé  tant  de  furou 
Que  te  me  tien  presque  à  Tassecadou. 


IV 


As  vist  mai-que-mai  lous  anciens  Graleses, 
Longa-raai  avant  que  d'estre  Franceses, 
Plens  de  foga,  ardits,  parant  pas  à  pas 


111 

Kn  avant!  chemine  et  coule  à  grands  flots I  —  Te  voici  franchis- 
sant le  chemin  —  qui  compte  presque  autant  d^années  que  toi.  — 
Les  dictateurs  et  les  consuls  romains —  de  ce  sentier  avaient  fait 
la  grande  voie  —  que  suivaient ,  de  Rome  en  Ibérie,  —  les  chefe  de 
leurs  grandes  légions.  —  S'ils  se  trouvaient  là  par  les  grandes  cha- 
leu  s, —  centurions,  soldats  et  chefs  d'armée,  — en  bivooacp^anfrt 
s  ir  tes  rives  embaumées, —  ils  buvaient  ton  eau  avec  tant  d'avidité 
—  qu'ils  te  laissaient  presque  desséchée. 

IV 

Tu  as  vu  souvent  les  anciens  Gaulois,  —  bien  longtemps  avant 
que  d'être  Français,  —  pleins  d*ardeur  et  de  courage,  défendant  pas 


436  DIALECTES    MODERNES 

La  Gaula,  sous  dieus  e  sas  libertats. 
Detràs  lous  roucas  qu'esquichoun  ta  rasa, 
Defendièn  tant  ben  toun  estrecha  gasa, 
Que  lous  qu'an  fach  testa  à  tant  de  naciouns 
Toumbavoun  aqui  pèr  rengs  à  moulouns  ; 
E  toun  aiga  linda,  e  sana,  e  clarina, 
Se  tenchava  lèu  coulou  de  sanguina, 
Gourgoulhant  en  miech  d'orres  bastardèls 
De  chivals  matats,  d'ornes  en  moussèls. 
As  encara  vist  la  longassa  tièira 
D'ornes  encourdats  couma  bestia  en  fièira, 
Encadenats,  muts,  soumbres,  Taire  inquiet. 
0  paure  Gales  !  paure  prisouniè  ! 
Lous  as  vist  gasant  toun  aiga  amistousa, 
Saupejant  sous  cops,  sa  fàcia  terrousa, 
Toumbant  sa  lagrema  en  te  bénissent, 
Pèr  lou  cirque  mai  de  força  partent. 


E  Charle- magne  e  soun  armada  franca, 
Couma  un  vièl  tau'qu'an  ferrejat  dins  Tança, 

à  pas  —la  Gaule,  leurs  dieux  et  leurs  libertés. — Derrière  les  rochers 
qui  resserrent  ta  rive,  —  ils  défendaient  si  bien  ton  gué  étroit,  -^ 
que  ceux  qui  ont  tenu  tète  à  tant  de  nations  —  tombaient  là  par 
rangs,  entassés;  —  et  ton  eau  limpide,  saine  et  transparente,  —  se 
teignait  bientôt  couleur  do  sang,  —  écumant  entre  d'horribles  digues 
—  de  chevaux  morts,  d'hommes  en  lambeaux.  —  Tu  as  encore  vu 
la  trop  longue  iile  —  d'hommes  attachés  comme  bétail  en  foire  ,  — 
enchaînés,  muets,  sombres,  le  front  inquiet.  —  0  pauvre  Gaulois  I 
pauvre  prisonnier!  — Tu  les  a  vus  guéant  ton  eau  amie  ;  —  essuyant 
leurs  blessures,  leur  visage  couvert  de  terre,  —  versant  des  larmes 
en  te  bénissant,  —  puis  repartant  de  force  pour  le  cirque. 


Et  Gharlemagne  et  son  armée  franque,  —  comme  un  vieux  tau- 


LA    VIRADOSA 
L'as-ti  pas  vist  fugissènt  Rounçaval! 
Passa  à  Beziès,  Frouutignan,  Mirava!, 
Vei  Magalouna  e  sa  glèisa  en  rou'ma. 
De-l'oura-en-lai  un  penaamen  lou  mina, 
Ni  Mount-pelii',  que  n'èra  alor  qu'un  ma^, 
E  que  pèr  tèms  sera  lou  grand  Clapàs  ; 
Ni  soiin  bèu  36u  couma  se  n'en  vei  gaire. 
Ni  soun  sourel,  l'es  noun  pot,  lou  distraire . 
Passa  lou  Lez  au  pont  de  Sustancioun, 
Gafa  ta  gasa  e,  vers  lou  flèr  Saiasoun, 
Soumbre,  apensi,  camina  en  grnnd  despaeha; 
Couma  toujours,  Tacipa  en  mala-facha, 
L'escrapouchina  e  rel'rcsca  amonndaut 
Sous  rams  paasîta  dîna  nostre  Miejournau. 

VI 

Aqueles  guerrios  bniles,  sauguiiiouses. 
De  la  douça  pas  enemics  ftiriousea, 
Que  t'an  trepilhat  sens  fà  cas  à  t,ua. 


reaii  qu'on  a  frappé  du  trident  à  la  hanche.  —  ne  l'as-lu  pas  vu 
fuyant  Roncevaux?  —  Il  passe  par  Béziers.  Prontignan,  Mireval; — 
il  voit  MagiiElone  et  son  éijlise  en  ruine».  —  De.'!  ce  moment  une 
pensée  le  ronge. —  Ni  Montpellier,  qui  n'était  alors  qu'uue  métairie 
—  et  qui  avec  le  temps  sera  le  fjfand  Cltipih*.  —  ni  son  beau  6o' 
comme  Ton  en  voit  peu,—  ni  son  soleil,  rieu  no  peut  le  distraire. — 
Il  franchit  le  Leï  au  pont  de  Suhstanlioa. —  passe  Ion  gué,  et  vers 
le  lier  Saxon,—  sombre,  pensif,  themine  en  grande  liille.—  Comme 
toujours  il  le  surprend  en  méfait,— l'écrnse,  et  rafFnichit  daii.s  les 
pays  du  Nord  —  ses  lauriers  llètris  dans  noire  Midi. 
VI 

Ces  guerriers  brutaux,  sanKiiinaires,  —  de  la  douce  'pais.  ennemis 
acharnés,  — qui  -t'ont  piétiné  sans  prendre  ^arde  à  loi,  —  par  les 

'  Clapài,  Inide  pierres,  surnom  de  Montpdlier. 


488  DIALECTES  MODERNES 

Pèr  lous  vièl8  escrits  nous  soun  couneguts. 
Lous  vesèn  detràs  lou  fioc,  la  fumada, 
D'un  endrech  rasat,  d'una  vila  usclada, 
Bachuchats  de  sang  das  pès  au  galet .    . . 
Tus,  dins  aquel  tèms,  fastoun  trigoulet: 
Reviscoules  flou,  grel,  fiolha,  aubre,  planta; 
Abéures  Taucèl  qu'au  bord  dau  nis  canta. 
Mema  quand,  pèr  fes,  la  fouliè  te  pren, 
De  toun  gras  limpun  fumes  lou  terren. 
Quand  sus  toun  dougan,  de-vers  las  garrigas, 
Lou  pastre  çai  ven  embé  «as  beligas, 
le  trova  subran  Toumbra  e  la  frescou. 
Ah  !  s'enchauta  be,  lou  paure  pastrou, 
Que  lou  grèu  poussé  que  Tavé  rebala 
Age  poussejat  jouta  lacavala 
Qu'empourtava  anlai  lou  grand  Scipioun.. . 
Ai  !  ai  !  quanta  esc  orna  e  quanta  liçoun  ! 
Proufltas-n'en  donne,  bregouses  destrùcis, 
Vautres  Alemands,  Franceses  e  Rùssis, 
Hou  vesès,  laguerra  es  un  grand  baujun, 
Lou  renoum  que  dona  es  res  que  de  fum  ! . . 

vieux  écrits  nous  sont  connus. —  Nous  les  voyons  à  travers  le  feu, 
la  fumée  — d'un  village  rasé,  d'une  ville  en  ruines. —  souillés  dff 
sang  des  pieds  à  la  gorge.  —  Toi,  pendant  ce  temps,  tu  fais  ton 
petit  murmure  ;—  tu  ravives  la  fleur,  le  bourgeon,  la  feuille,  Tarbre, 
la  plante  ;  —  tu  désaltères  l'oiseau  qui  chante  au  bord  du  nid.  — 
Aième,  si  parfois  la  folie  s* empare  de  toi, —  de  ton  limon  fertile  tu 
engraisses  le  sol. —  Quand  sur  les  bords,  du  côté  des  garrigues,  — 
le  berger  vient  avec  ses  brebis,  —  il  trouve  à  l'instant  l'ombre  et 
la  fraîcheur.  —  Ah  !  il  se  soucie  bien,  le  pauvre  petit  berger, —  cfue 
la  lourde  poussière  que  roulent  ses  brebis — ait  tourbillonné  soas  la 
cavale  —  qui  emportait  au  loin  le  grand  Scipion.  —  Hélas  !  hélas  ! 
quel  affront  et  quelle  leçon  I — Profitez-en  donc,  batailleurs  et  des- 
tructeurs;—  vous  Allemands,  Français,  Russes,  —  vous  le  voyez, 
la  guerre  est  une  grande  folie  ;  —le  renom  qu'elle  donne  n'est  qtie 
fumée. 


LA    VIRADO^A  439 


VII 


Mes,  tout  en  fasent  ]a  chamada, 
Toun  aiga  vai  èstre  arrivada 
A  rintrada  dau  grand  planas. 
Te  seguisse  de  tras-en-tras  ; 
Vese  tas  ribas  escartadas 
Ajougnidas  pèr  dos  arcadas. 
Sus  lou  camin  qu'es  d'anivèl 
Dau  terren  e  dau  parapèl, 
Dous  pareiats  de  longas  rèlas, 
De  la  vapou  soustas  fidèlas, 
S'alongoun  sus  lou  s6u  pèirous 
Couma  de  coulobres  moustrous. 
Tout-d'un-cop,  à  Foura  sounada, 
La  pensada  es  destressounada 
Pèr  lou  sambroun  e  la  bourjou 
Qu'en  baruUant  fai  la  vapou. 
Diriàs  que  la  mar  se  rebilha 
En  fora  de  Tauta  mountilha 
Que  Dieus  aubourèt  tout-de-long, 
Disent:  a  Anaràs  pas  pus  lion.» 

VU 

Mais,  tandis  que  je  parle,  —  ton  eau  va  être  arrivée  —  à  rentrée 
d«  la  grande  plaine.  —  Je  te  suis  pas  à  pas.  —  Je  vois  tes  rivés 
écartéoB, unies  par  doux  arcades. — Sur  le  chemin  qui  est  au  niveau 
-—  du  sol  et  du  parapet, — deux  paires  de  longs  rails,^  de  la  vapeur 
guides  fidèles, —  s'étendent  sur  le  sol  empierré—  comme  des  ser- 
pents monstrueux. —  Tout  à  coup,  à  Theure  sonnée,  —  la  pensée 
est  réveillép  —  par  l'ébranlement  et  le  bruit —  qu'en  roulant  fait  la 
vapeur: —  on  dirait  que  la  mer  se  précipite — au  delà  de  la  haute 
barrière  —  que  Dieu  a  élevée  tout  le  long  devant  elle, — en  disaot: 


440  DIALECTES  MODERNES 

Mes  mai  vai,  mailou  bruch  redoubla. . . 

Bestiau  d'avé,  bouïna,  coubla, 

Preses  d'un  grand  reboulimen, 

N'ausissènt  ni  coumandamen. 

Ni  la  cridada  dau  menaire, 

Aupetoun  pèr  tout  lou  terraire. 

La  sauvagina,  Tauceloun, 

Dins  Taire  ou|vers  lou  rescounfloun 

—  Tant  la  terrou  lous  devaria  — 

A  bel  ime  prenoun  sa  via, 

De  tout  soun  van,  afalenats, 

N'ausant  pas  espinchà  detràs. 

Mes  la  vapou  !..  De  sa  narrilha 

Lou  fum  salis  e  s'escampilha  ! . . . 

Diriàs  que  tout  vai  s'abissà. . . 

Es  en  vista  ! . . .  Vèn  ! . . .  A  passa  !  !  ! . . 

A  passa  couma  la  tronada. 

Ai  !  quante  van  !  quanta  bramada  ! 

Mema  Tome,  soun  creatou, 

Se  tança,  agantat  de  terrou  ! 

E  tus  que  siès  tant  minsourleta, 

Qu'una  mejana  granoulheta 

«  Tu  n'iras  pas  plus  loin.» — Mais  à  chaque  instant  le  bruit  redouble; 
—troupeaux  de  brebis,  bœufs,  attelages, —  pris  d'un  grand  trouble, 
—  n'entendent  ni  le  commandement,—  ni  les  cris  de  celui  qui  les 
conduit, —  et  galopent  à  travers  champs.  —  L'animal  sauvage,  l'oi- 
seau, —  à  travers  les  airs  et  vers  leur  repaire,  —  tant  la  terreur 
les  trouble,  —  s'enfuient  étourdiment,  —  de  tout  leur  élan,  hors 
d'haleine,  —  n'osant  pas  regarder  en  arrière.  —  Mais  la  locomo- 
tive!. . .  De  ses  narines  —  la  fumée  sort  et  se  répand;  —  on  dirait 
(jue  tout  va  s'abimer.  —  Elle  est  en  vue. . .  elle  vient.  .  elle  est 
passée  !..  —  elle  est  passée  comme  la  foudre.  —  Ah  !  quel  élan  et 
quel  bruit! —  L*homme  lui-même,  qui  Ta  créée, —  s'arrête,  saisi  de 
terreur. —  Et  toi  qui  es  si  mignonne, —  qu'une  petite  grenouille  — 
te  franchit  d'un  bond  sans  toucher  l'eau,  —  toi  qu'à  peine  on  voit 


LA    VIRA  DON  A 
Te  sauta  d'un  van  sens  bourla, 
Tus  qu'à  pena  on  vei  trescoul: 
Dins  toun  pichotet  jas  de  grav 
Eh  he  !  quand  la  vapou  siblav 
Quand  tout  tramblava,  tout- 
Tus  soula,  n'aa  ges  fach  de  i;; 
Pèp  que  te  siès  pas  treboulida 
—  Ea  que,  dina  Ion  eoua  de  ta  vida. 
N'as  tant  vist  d'emboudenamens, 
Brounzins,  tremols,  engi'unamens  ! 
As  vistbelèu  sourdre  déterra 
Sant-Loup,  lou  Causse  de  la  Sen-a: 
Quand  lous  rots  que  te  fan  rampai' 
Bourlavoun  dins  la  granda  mar 
E  vesièn  ma  dura  lou  date  ; 
Quand  lou  aerre  vinous  d'en  Ate 
Mandava  dins  l'aire  brausëtit 
De  lamps  de  lioch  mai  trelusèut. 
De  rampeladaa  ben  mai  viva.:- 
Que  toutas  las  louomotivas 
E  lous  auts-fournèls  i-eiinitB. 


couler  —  sur  Ion  petit  lit  île  (yilloux,  —  eh  liionl  i|iiKn(l  l.i  vappur 
sifflait,  —  quand  tout  tremblait  à  l'insianl,  —  toi  seule  lu  n'en  uë 
fiiil.aucuii  cas.  — Pourquoi  ns  t'es-tu  pas  troublée? — U'csl  ((Ue, 
dans  le  cours  de  ta  vie,  —  tu  en  as  tant  vu  d'écroulenieniB,  —  ilu 
hniitf.,  lie  chocs,  d'effondrement!  !  —  Tu  as  \u  peuL-i^Ire  surgir  de 
terre  —  le9iiint-Loup.  le  Ciinsse-de-ln-Serre  *;— quand  !ns  roi^ere 
qui  le  font  un  rempart  —  baignaient  dans  la  gnin<to  iner  —  et 
voyaient  mûrir  la  datte  ;  —  ijuand  In  moiiLaiîne  vineuse  d'Afiile*  — 
lançait  dans  l'air  embrasé —  des  jctii  de  l'eu  plus  L^clatants,  —  dei: 
roulements  bien  plus  vifs  —  que  toutes  le»  locomotives  —  et  les 


'  MonlSRnec  du  l'Hérault, 
'  Volcan  iMeinl. 


44t  DIALECTES  MODSR^ES 

E  toutaoè,  quand  tus  Tas  vist, 
L'ome  èra  encara  un  grand  mistèri. . 
Saren  toutes  au  cementèri, 
D'astres  se  saran  damoussats. 
Qu'encara  tus  bresilharàs. 

VIT 

Aici  Valergues,  bèii  vilage  ; 

Se  miralha  dins  toun  rajôu  ; 
Es  amagat  dins  lou  ôolhage 
Couma  lou  nis  d'un  roussignôu . 


*  ♦ 


Dau  castèl  Toumbrousa  clausada 
Vèn  espinchounà  sus  toun  gourg  : 
Es  tant  espessa,  tant  ramada, 
Que  fai  la  nioch  à  plan  de  jour. 


*     9 


De  la  terrassa  on  vei  Tarcada 
Que  sousta  lou  pichotpountil, 
Ounte  toun  aigueta  esquichada 
Fai  ressounti  soun  dous  bresil, 

hauts-fourneaux  réunis  ;—  et  tout  cela  quand  tu  l'as  vu, — Phomme 
était  encore  un  grand  mystère. —  Nous  serons  tous  au  cimetière, 
—  des  astres  se  seront  éteints.  —  que  tu  gazouilleras  encore. 

VIII 

Voici  Valergues,  beau  village;  —   il  se  mire  dans  ton  eau;  —  il 
est  caché  dans  la  feuillée  —  comme  le  nid  d'un  rossignol. 


* 


Du  château  l'enclos  ombreux  —  vient  regarder  dans  ton  gouffre. 
—  Le  feuillage  en  est  si  épais,  si  touffu, — qu'il  fait  la  nuit  en  plein 
jour. 

m        m 

De  la  terrasse  on  voit  l'arcade  —  qui  soutient  le  petit;  ppnt^-r 
où  ton  eau  resserrée  —  fait  entendre  son  doux  gazouilleoient. 


hA  vifUMiiê.  m 


¥  m 


Dous  bresil  que  la  ValergoU 
De  sa  cansouneta  groussis, 
Quand  passa  ou  que  dins  ta  rigola 
Lava,  bacella  e  retoussis. 


*  * 


E  pioi,  dins  la  plana  infinida, 
Das  iols  seguisse  toun  courrènt, 
Quoura  d'una  granda  espandida, 
Quoura  prim  couma  un  fleu  d'argèftt. 

IX 

Viradona,  siès  ben  noumada. . 
Se  d'aquel  noum  t'an  batejada, 
Es  que,  de  ta  sourça  aiçaval. 
En  passant  la  dona  se  vira, 
S'arrèsta,  s'espincha,  f admira: 
De  la  bèutat  siès  lou  mirai  ! 


«  « 


Doux  gazouillement  que  la  Valergoisc— de  sa  chanson  grossit, — 
quand  elle  passe  ou  que  dans  ton  eau  —  elle  lave,  bat  le  linge  et 
le  tord. 


* 
«  « 


Et  puis,  dans  la  plaine  intinie,  —  des  yeux  je  suis  ton  coumnt, 

—  tantôt  d*une  grande  étendue,  —  tantôt  mince  comme  un  fil 
rl'argent. 

IX 

Viredone,  lu  es  bien  nommée  ;  —  si  de  ce  nonn  on  t'a  bapti«^, 

—  c'est  que  de  ta  source  jusquMci,  —  en  passant  la  femme  se  re- 
tourne, —  s'arrête,  te  regarde  et  t'admire  :  <*•-  de  la  beauté  tu  es  le 
miroir. 


444  DIALECTES   MODERNES 


*  « 


Sariès  encara  mai  poulida, 
S'un  jour  d'autouna  entre-foulida 
Rasaves  toun  gourg  de  Crousé, 
Ounte  dins  de  bauraas  founsudas, 
La  Mort,  em  sas  arpas  croucudas. 
Clava  sa  proia  à  soun  lésé. 


¥    * 


De  rinmensa  plana  vinousa 
Que  toun  courre nt  crousa  e  recrousa 
As  davan  tus  lou  majourau  : 
Lansargues,  lou  gros  travalhairc  ; 
Lansargues,  lou  gai  festejaire  ; . 
Lansargues,  riche  e  liberau. 


«  * 


Lansargue,  aiçai  passât  las  sègas, 

Ausis  lou  trepil  de  las  ègas. 

Dins  sous  baissaus,  au  mes  de  mai. 


♦  * 


Tu  serais  encore  plus  jolie  si,  un  jour  d'automne,  courroucée, 
—  tu  comblais  ton  {^oullre  de  Crouzet.  —  où,  dans  des  grottes  pro- 
fondes,— la  mort,  avec  ses  doigts  crochus, —  saisit  sa  proie  à  loisir. 


*  * 


De  l'immense  plaine  de  vin  — que  Ion  courant  croise  et  recroise 

—  tu  as  devant  toi  le  chef;  —  Lansargues,  le  vaillant  travailleur; 

—  Lansargues.  le  joyeux   festoyeur;  —  Lansargues  riche  et  gé- 
néreux. 


Lansargues,  après   la  moisson,  —  entend  le  piétinement  des 
chevaux  *.  —    Dans  les  bas  fonds,  au  mois  de  mai, —  la  faux 

^  Las  ègas  sont  Ijs  chevaux  do  la  Camargue  dont  on  se   sert  pour 
battre  le  blé. 


LA    VIRADONA  445 

La  dalha  c roussis  dins  lou  fourre, 
Ë,  quand  aoust  s'envai  sens  plôure, 
Ta  de  vin,  de  vin  que-noun-sai. 


Lansargue  !  endrech  de  ma  naissença, 
Te  mon  de  ma  foUa  jouvença. 
De  mous  bèus  jours  disparescuts. 
T'aime,  —  que  servis  d'hou  rescondre  ? 
Mes,  bèu  rieu,  pode  te  respondre 
Qu'es  un  pau  pèr  amor  h  tus. 


Te  quitère  d'un  cop  de  testa  ; 
Lion  de  tus  ai  vist  la  tempèsta. 
Ai  trementit  jout  soun  esfor. 
De  la  fam  oumbrenca  e  mourruda 
Ai  sentit  la  rusta  mourduda, 
Ai  sentit  Talen  de  la  mort. 


craque  dans  le  fourrage,  —  ot,  quand  aoùl  passe  sans  pluie,  — il  y 
a  du  vin.  du  vin  ii  foison. 


I.ansariîues,  lieu  de  ma  naissance,  —  témoin  de  ma  folle  jeu- 
ne>c, —  do  mes  beaux  jours  disparus,  —  je  t'aime;  pourquoi  le 
cacher?  —  Mais,  beau  ruisseau,  je  puis  t'assurer— que  c'est  un  peu 
à  cause  de  toi. 


*    ¥ 


Je  te  quittai  par  un  coup  de  tête.  —  Loin  de  toi  j'ai  vu  la  tempête, 

—  j'ai  frissonné  sous  son  effort  ;  —  de  là  faim  morne  et  farouche 

—  j'ai  st^nti  la  cruelle  morsure,  — j'ai  senti  le  souffle  de  la  mort. 


«M  DIALBCTBS    MODBRNES 

* 

En  trevant  Ift  sabla  movvènta 
Das  déserts  de  TAfrica  ardènta. 
Te  siès  moastrada  bèn  de  fes 
A  moun  idèia  pantaiaira, 
A  travès  la  lionchou  troumpaira, 
Regoulant  dins  tous  verds  rausets. 

Mes  la  fouliè  destimbourlada, 
Un  pau  partout  Tai  semenada  : 
Dins  ma  testa  ara  fai  bèn  siau . 
Pioi,  aici  Tamour  m'encadena  : 
L'amour  de  tus  e  de  ma  fenna, 
Das  enfantous  e  de  Toustau . 


T'aime  quand,  de  ploja  couâada^ 
Fas  tr^menti  la  vièlha  aroada^ 
T'escampilhes,  devapoiOTada, 
Pèr  camp,  pèr  orta,  pèr  camin, 
Alin  ! 


Quand  je  parcourais  les  sables  mouvants  —  des  dései'ts^  de 
r Afrique  brûlante,  —  tu  as  apparu  bien  souvent  —  à  ma  pensée 
rêveuse,  —  à  travers  le  lointain  trompeur, — coulant  dans  tes  verts 

roseaux. 

* 
♦  ♦ 

Mais  la  folie  échevelée, —  un  peu  partout  je  l'ai  semée  ;  —  dans 
ma  tête  maintenant  tout  est  calme.  —  Puis  ici  l'amour  m'enchaîne: 
—  l'amour  de  toi  et  de  ma  femme  ,  —  des  petits  enfants  et  de  la 
maison . 

X 

Je  t'aime  quand,  par  la  pluie  gonflée, —  tu  secoues  la  vieille  ar- 
cade ; — quand  tu  te  répands  échevelée  — par  les  champs,  les  prés, 
les  chemins,  —  au  loin. 


LA    V1RAIX)NA  447 


*  ♦ 


T'aime  quand  vese  jouina  filha. 
Que  dins  soun  cor  Tamoar  bresilha, 
S'engafà  fins  à  la  cavilha, 
Pèr  prene  un  ban  fres  dins  toun  rieu, 
L'estieu. 


♦  ♦ 


T'aime  quand  la  jouina  fenneta, 
A  l'oumbra,  plèga  la  fardeta 
De  soun  prumiè  nascut,  que  teta 
Un  sen  roundelat  pèr  l'amour 
Au  tour. 


♦  ♦ 


T'aime  quand  dins  la  tantossada, 
Suslou  bartàs  de  ta  rasada, 
S'adraca  la  fresca  bugada 
Lusènta  couma  un  blanc  ridèu 
De  nèu. 


*  » 


Ploure  quand  lou  sourel  dardalha 
Dins  ta  maire  que  s'abadalha  ; 


♦  * 


Je  t*aimp  (luand  je  vois  jeune  lille,  —  à  qui  l'amour  gazouille  au 
cœur, — s'enfoncer  jusqu'à  la  cheville, — pour  prendre  un  bain  frais 
dans  ton  courant, —  l'été. 


•n    ♦ 


Je  t'aime  quand  la  jeune  femme,  —  bre,  replie  les  langes 

—  de  son  premier  né,  qui  tette — un  sein  u  rondi  par  les  amours — 
au  tour. 


* 


Je  t'aime  quand,  dans  l'après-midi,  —  sur  les  buissons  de  ta 
rive,  —  sèche  le  linge  moite,  —  luisant  comme  un  blanc  rideau 
—  do  neige. 


Je  pleure  (juainl  le  soleil. danlo  ses  rayons  —  dans  ton  Ht  qui  se 


448  DULBCTBS   MODERNES 

Tout-escas  se  vese  ta  draia 
Nenquelida  pèr  las  calous 
D'aoust. 

IX 

Mola  toun  aiga  !  o  mola  !  mola  encara  ! 
Sian  clins  la  prada,  e  la  mala-aiga  amara 
T'espéra  aval  dins  Tinmense  caniè. 
Revira-te  de-vers  Camp-Centeniè. . . 
Mes  no...  vai,  vai,  seguis  ta  destinada  : 
Siègues  palus,  estang,  plena,  salada  ; 
Au  grat  deToire,  un  bèujour  agandis 
Ounte  tout  coumenca,  ounte  tout  finis. 

Lansargufts  (Krau),  lou  sièls  d'abrieu  de  1873. 

A.  Langlada. 


crovassp  ;  —  à  peine  si  je  suis  ta  trace  —  effacée  par  les  clialeiirs 
—  d'aont. 

XI 

Ralentis  ton  eau.  Ah  !  ralentis,  ralentis  encore!  —  Nous  som- 
mes dans  la  prairie,  et  Teau  stagnante  des  marais —  t'attend  là-bas 
dans  l'immense  plaine  de  roseaux.  —  Retourne  près  de  Camp^ 
Cenlenil'.  *;  —  Mais  non,  va,  va,* suis  la  destinée:  — deviens  ma- 
rais, éiang,  reflux  2,  eau  salée;  —  au  gré  dn  remous^,  un  jour  ar- 
rive,  -  où  tout  commence,  où  tout  finit. 


Lmisargues  (Héraults  le  G  av.il  187:1, 


LANULAIlt: 


'  Tènement  des  environs  de  Lansargues. 

-  La  plena  est  l'eau  d'un  Qeuve  ou  d'un^  rivière  nu  point  où  la  mer  la 
fait  retluer. 
^  Ou  appelle  oire  los  petites  vagues  «les  étangs. 


DE  QUELQUES  IMITATIONS  MODERNES  DE  LA  POÉSIE 

DU  MOYEN  AGE 


La  Cansô  del  prosBernart  et  la  Complanta  d'En  Guillem,  par  M.  Milâ 
y  Fonlanals  ;  -^Sisuald  et  la  Cansô  d'En  Francesch  de  Vilanova  de  Cu- 
bellesy  par  M.  Llorens  de  Gabanyes;  —  la  Cansô  del  comle  dVrgell  En 
Jaume  lo  Desditxal,  par  M.  Albert  de  Quintana^. 

ï 

Les  imitations  dont  je  veux  parler  sont  nées  dans  un  des 
pays  de  l'Europe  où  les  idées  modernes  ont  fait  les  plus  sérieux 
progrès  ;  et  ce  n'est  pas  sans  surprise  que  Ton  voit,  en  plein 
XIX^  siècle,  la  chanson  de  geste  reprendre,  dans  les  pays  ca- 
talans, son  rang  de  poëme  populaire,  pour  se  mêler  même 
parfois,  d'une  manière  plus  ou  moins  directe,  aux  luttes  de 
la  politique. 

L'explication  de  ce  fait,  étrange  en  apparence,  se  trouve 
dans  le  caractère  des  populations  de  la  Catalogne.  Le  Catalan 
a  une  passion  qui  le  domine  :  c'est  l'amour  de  son  pays,  de 
sa  terre,  comme  il  dit.  Cette  terre,  il  l'aime  dans  sa  nature, 
dans  son  histoire,  dans  ses  institutions,  dans  ses  mœurs,  dans 
sa  langue,  dans  sa  poésie.  Sous  quelque  drapeau  qu'il  se  range, 
le  Catalan  est  profondément  traditionaliste,  et  cependant  per- 
sonne n'est  moins  que  lui  esclave  de  la  routine  et  du  préjugé. 
Il  va  mémo  avec  une  certaine  ardeur  au-devant  des  réformes  ; 
mais  son  esprit,  pratique  et  poétique  à  la  fois,  aimeà  conserver 
du  j)assc  ce  qui  n'est  pas  incompatible  avec  les  nécessités  du 
piN'sent.  En  un  mot,  il  sait  être  de  son  siècle,  sans  renier  ce 
qui  fit  dans  tous  les  temps  la  force,  la  grandeur  ou  seulement 

*  Jo  ne  m'occupe  que  des  compositions  que  j'ai  pu  lire.  Ce  ne  sont  pas 
les  Fculos  imitations  de  la  poésie  du  moyen  âge  qui  aient  paru  en  Gata- 
iogne  dans  ces  dernières  années.  On  peut  ranger,  entre  autres,  dans  la 
même  ratégoiie  los  Romanços  del  compte  de  Barcelona  Ramon  Berenguer 
anomenal  lo  Vell,  œuvre  —  si  je  ne  me  trompe  —  de  M.  Ubach  y 
Vinyeta.  couronnée  aux  Jeux  floraux  de  1870,  et  dont  je  ne  connais  que 
le  titre. 

30 


450  DIALECTES   MODERNES 

Toriginalité  de  sa  nation.  Voilà  pourquoi,  tout  en  acceptant 
les  procédés  poétiques  aujourd'hui  à  la  mode,  il  garde  à  côté 
d'eux  une  place  pour  les  vieilles  formes,  dont  se  revêtent  de 
préférence  les  chants  du  foyer  et  les  légendes  du  sol  natal. 

Il  faut  remarquer  cependant  que  parmi  les  anciennes  poésies 
populaires,  si  nombreuses  en  Catalogne,  on  n'en  trouve  peut-être 
pas  une  seule  qui  renferme  le  récit  d'événements  historiques. 

M.  Milà  a  dit,  dans  ses  Observaciones  sobre  la  poesia  popular: 
a  Si  incontestable  que  soit  l'antiquité  de  certaines  chansons, 
cependant  les  données  historiques  qu'elles  renferment  sont 
très-peu  nombreuses.  Bien  que  nous  respirions  dans  notre 
poésie  de  tradition  l'air  de  la  patrie,  et  que  de  rares  noms  et 
de  rares  allusions  rappellent  son  passé,  il  est  à  la  fois  sur- 
prenant et  fâcheux  que,  de  tant  de  vieilles  gloires,  il  n'y  en 
ait  pas  une  seule  dont  le  tableau  complet  soit  parvenu  jus- 
qu'à nous Nous  avons  dans  nos  chants  l'esprit  provincial, 

mais  sans  les  faits  et  les  peintures.  » 

Dans  le  Romancerillo  qui  suit  les  Obse^waciones  de  M.  Milâ, 
dans  la  collection  si  curieuse  des  Gansons  de  la  terra,  publiée 
par  M.  Pelay-Briz,  c'est  à  peine  si  l'on  trouve  quelques  chants 
empreints  d'une  vague  teinte  historique,  et  encore  n'est-ce 
le  plus  souvent  qu'une  allusion  locale  recouvrant  un  thème, 
commun  à  plusieurs  pays.  Ainsi  la  légende  du  Chasseur  noir, 
ou  de  ÏA7ne  damnée,  est  appliquée  à  un  certain  comte  Amau, 
dont  le  peuple  désigne  le  lieu  d'origine  et  la  parenté.  On 
ajoute,  comme  preuve,  que  la  famille  de  ce  comte  faisait  dis- 
tribuer jadis,  par  les  moines  de  RipoU,  une  aumône  à  laquelle 
les  pauvres  ne  répondaient  jamais  par  les  paroles  sacramen- 
telles :  Déu  H pach,  Dieu  le  lui  rende  *;  car,  selon  la  croyance 
du  pays,  les  prières  faites  pour  les  damnés  ne  servent  qu'à 
aggraver  leurs  souffrances  : 

«  Que  corn  mes  me  feu  l'oforta    mes  pena  mVlau.  » 

a  Et  plus  vous  faites  d'offrandes  pour  moi,  plus  vous  me  donnez  de 
tourments  2.  » 

'  Milâ  y  Fontanals,  Muestras  de  romances  catalanes  inéditos. 
'  Pelay-Briz,  Gansons  de  la  terrai  l,  58. 


IMITATIONS   DE   LÀ  POESIE   DU  MOYEN    AGE  451 

Au  même  genre  de  chants  et  de  légendes  on  peut  rattacher 
la  Dama  d'Arago,   los  Estudiants  de  Tortosa  ou  de  Tolosa,  la 

0 

Dama  de  Tolosa,  lo  Compte  Garî,  D.  Joan,  D,  Lluis  de  Mon- 
talbaj  lo  FUI  del  Rey,  etc.;  mais  jamais  on  ne  rencontre  une 
pièce  véritablement  historique.  «  D  n'y  a  aucun  doute  que 
des  chants  de  cette  espèce  ont  existé,  dit  M.  Pelay-Briz  ;  car 
ce  que  tout  peuple  chante  avec  le  plus  de  passion,  c'est  son 
histoire  même  :  c'est  ainsi  qu'il  satisfait  son  amour-propre, 
et  qu'il  obéit  à  cette  voix  secrète  du  cœur  qui  nous  pousse  à 
laisser  quelque  chose  de  nous  sur  cette  terre  où  nous  ne 
faisons  que  passer.  — ^^  Mais  pourquoi  n'en  reste-t-il  à  peu 
près  aucun,  nous  demandera-t-on  ?  —  Pourquoi?  Par  la  môme 
raison  qu'il  n'en  resterait  pas  davantage  de  grecs,  d'espa- 
gnols ou  de  français,  si  trois  poètes  ne  s'étaient  chargés  de 
les  immortaliser  en  les  unissant  dans  une  seule  trame,  pour 
en  faire  V Iliade,  le  poëme  du  Cid  et  la  Chanson  de  Roland. 
Pour  notre  malheur,  il  nous  a  manqué  ce  que  presque  tous 
les  peuples  ont  eu.  Soit  par  le  défaut  d'un  poète  au  souffle 
puissant,  soit  par  cette  espèce  de  réserve  et  de  défiance  de 
soi-même,  propre  au  Catalan,  il  est  certain  que  nous  sommes 
très-pauvres  en  ce  genre  *.  » 

Malgré  l'absence  de  la  poésie  historique  traditionnelle  dans 
la  littérature  de  la  Catalogne,  «  l'air  de  la  patrie  »  qui  circule 
dans  ses  légendes  chantées  formait  comme  une  tradition  flot- 
tante, indécise,  qui  ne  demandait  qu'à  s'incarner  dans  des 
œuvres  sérieuses.  De  plus,  la  forme  archaïque  de  ces  produc- 
tions, chères  aux  peuples  pyrénéens,  assurait  d'avance  le  suc- 
cès au  poète  assez  résolu  pour  rompre  avec  le  genre  ma- 
niéré importé  d'Italie  par  Anias  March,  et  pour  jeter  hardi- 
ment un  sujet  légendaire  ou  historique  dans  le  vieux  moule 
de  la  poésie  populaire.  L'honneur  de  la  première  tentative  de 
ce  genre  revient,  je  crois,  au  professeur  Milâ  y  Fontanals. 

II 

La  Cansô  del  pros  Beimart,  fi  II  de  Ramon,  fetaperEn  Manel 

^  Pelay-Briz,  Gansons  de  la  terra.  Introduction. 


452  DIALECTES   MODERNES 

Vilâ  y  FontanalSj  lo  mes  de  juny  de  l'nny  de  la  Nativitat  del 
Senyor  M  DCCC  LXVII,  est  une  chanson  de  geste  du  cycle  de 
Charlemagne,  écrite  en  catalan  du  XIX®  siècle. 

Pour  le  fond,  c'est  le  récit  des  prouesses  du  paladin  qui 
mérita  la  main  de  la  fille  du  comte  de  Jaca,  la  belle  Teudia, 
«  celle  des  joues  vermeilles,  celle  des  yeux  clairs,  des  che- 
veux fins,  roux  et  bouclés»,  et  qui  chassa  les  Sarrasins  des 
pays  de  Ribagorza  et  de  Pallars.  Pour  la  forme,  c'est  à  peu 
près  le  vers  et  la  coupe  du  Girart  de  Rossilhon,  avec  cette 
différence  que  la  langue  est  du  pur  catalan  littéraire  de  nos 
jours,  assez  soigneusement  expurgé  des  trop  récentes  expor- 
tations castillanes.  Le  vers  a  onze  syllabes,  avec  un  repos 
après  la  septième,  laquelle  est  toujours  atone.  Le  dernier 
mot  de  chaque  vers  est  oxyton^  c'est-à-dire  à  terminaison 
masculine.  Il  n'y  a  pas  de  rime,  mais  seulement  des  asso- 
nances. Le  poëme  se  divise  en  trois  parties  ou  gestes,  et  cha- 
que geste  en  tirades  d'un  nombre  variable  de  vers  sur  une 
seule  assonance.  La  plus  courte  de  ces  tirades  compte  dix- 
neuf  vers  ;  la  plus  longue, quatre-vingt-dix-sept. 

Voici  quelques  passages  qui  donneront  une  idée  de  cette 
coupe  et  de  la  manière  du  poëte  *  : 

Voleu  oir  la  gesta    del  pros  Bernart, 
Compte  de  Ribagorsa    y  de  Pallars. 
Que  tingué  bras  de  ferre    ab  cor  lleal  ? 
Hi  ha  una  vall  tenebrosa,     estreta  y  gran, 
Fer  hon  lo  riu  Noguera    corre  son  an  t, 
Entre  dos  murs  de  roques,     nègres,  clapats  ; 
No  s'hi  veuhen  carreres,     ni  caminals, 
Y  no  mes  s'hi  esbargeixen    Uopsfamejants. 
Volent  fugii  lo  tracte     d'homena  mortals. 

*  Voulez-vous  ouïr  la  geste  du  preux  Bernart,—  comte  de  Ribagorza  et 
de  Pallars,  —  qui  eut  bras  de  fer  et  cœur  loyal  ?  —  Il  y  a  une  vallée  téné- 
breuse, étroite  et  longue,  —  par  où  la  rivière  Noguera  court  retentissante 
—  entre  deux  murs  de  rochers  noirs,  entassés  ;  -  on  n'y  voit  ni  routes,  ni 
sentiers,  —  et  jamais  ne  s*y  ébatient  loups  affamés.  —  Voulant  fuir  la 


IMITATIONS   DE    LA    POESIE   DU    MOYKN    AGE  453 

Aprop  de  les  niuhades    dels  fers  milans, 

Hi  bastia  un'hermita     lo  bon  Vicmar. 

Alli  fa  penitencia     lo  varô  sant 

Vestit  de  pell  de  cabra,     nuu  de  tôt  drap, 

Salmejant  tôt  lo  dia,    la  nit  plorant. 

Un  vespre,  fort  brugian     los  vents  y'is  llamps, 

Pareixia  que'l  segle     volgués  finar. 

Veu  treraolar  la  porta    que  algû  la  bat, 

Sent  una  veu  molt  trista,     gemechs  y  plants. 

Corre  â  traure  la  tança    per  caritat. 


Pel  pont  del  vall  Zaldivar     venia  prest  : 
Vasch  es  de  les  montanyes     del  sol  ponent  ; 
Va  vestit  del  pell  d'onso,     capell  de  fer  ; 
No  enten  llengua  romana    ni  l'arabesch, 
Mes  los  corns  y  les  gralles    be  les  enten . 
Xaf  '  ab  un  colp  de  porra    del  nègre  l'elm  : 
Si  no  fos  sa  ventura    y'is  durs  cabells, 
No  duria  mes  noves     als  infaels. 
Mes  lo  gegant  feréstech     la  destral  pren. 
La  fa  ballar  per  l'ayre,     la  baix'adés  ; 
Parte ix  al  bon  Zaldivar     son  elm  de  fer, 

fréquentation  des  hommes  mortels,  —  près  des  nichées  des  farouches  mi- 
lans, —  y  bâtit  un  ermitage,  le  bon  Vicmar. —  Là  fait  pénitence  l'homme 
saint,  —  vêtu  de  peau  de  chèvre,  nu  de  tout  drap, —  psalmodiant  tout  le 
jour,  la  nuit  pleurant.  —  Un  soir  faisaient  grand  bruit  les  vents  et  les 
éclairs  ;  —  il  semblait  que  le  monde  voulût  finir.  —  Il  voit  trembler  la 
porte  ;  quelqu'un  la  heurte.  —  Il  entend  une  voix  moult  triste,  des  gé- 
missements et  des  plaintes  ;  —  il  court  tirer  le  verrou  par  charité 


Par  le  pont  de  la  vallée  Zaldivar  venait  en  hâte  :  —  il  est  Basque  des 
montagnes  du  soleil  couchant;  —  il  va  vêtu  de  peau  d'ours,  chapeau  de 
for  ;  —  il  n'entend  la  langue  romane  ni  l'arabe,  —  mais  les  cors  et  les 
trompes  il  les  entend  bien.  —  Il  fend  d'un  coup  de  massue  le  heaume  du 
noir. —  N'était  sa  bonne  chance  et  ses  durs  cheveux, —  il  n'apporterait 
plus  de  nouvelles  aux  infidèles.  —  Mais  le  géant  farouche  saisit  la  hache, 
—  la  fait  tourner  dans  l'air  et  l'abaisse  aussitôt:  —il  partage  au  bon  Zal- 
divar son  heaume  do  fer,  —  la  lui  enfonçant  dans  les  os,  près  de  la  cer- 


454  DIALECTES   MODERNES 

Ficantla  fins  als  ossos    prop  del  cervell. 

Qui'l  vol  guarir  que  sia    metje  scient. 

S'asseu  lo  valent  nègre     dessota'l  vern, 

Son  escuder  li  llassa    un  elm  mes  bell. 

Los  miradors  de  Jaca    tots  ne  son  plens. 

Per  veure  dels  pugnaires    los  gentils  fets. 

Lo  pros  Bernart  venia    ab  cor  sencer, 

A  sa'spasa  Preclara    li  va  dient  : 

«  Preclara,  bon'espasa,     mostra  qui  ets. 

Tens  pom  d'obra  molt  bella    d'or  y  d'argent  : 

Set  fils  d'un  mestre  moro    te  varen  fer, 

Per  ferre  despenien     anys  mes  de  set. 

A  un  émir  te  prenia    Ot  à  Pei tiers, 

A  son  germà't  deixava    per  testament, 

Y  son  germa  à  mon  avi,     gendr'era  seu. 

Turpi  te  benehia    bisbe  de  seny, 

A  mon  pare  li  f eyes    quins  bons  serveys  ! 

Ab  tu  vencia  un  patje    de  Desider, 

A  Sansonya  domptaveu    los  pagans  fers, 

A  Espanya  \  quants  f erireu     dels  agarens  I 

Preclara,  bon'espasa    mostra  qui  ets.  « 

On  voit  que  cette  cadence  est  à  peu  près  celle  du  vers  de  dix 
syllabes  dont  le  repos  serait  après  la  sixième;  car  la  septième 
syllabe,  étant  muette,  disparait  presque  dans  la  déclamation 
ou  le  chant.  Cependant  ce  vers  de  onze  syllabes  effectives  est 

velle.  —  Que  celui  qui  veut  le  guérir  soit  médecin  savant — Le  vaillant 
nègre  s'assied  sous  Taulne  ;  —  son  écuyer  lui  attache  un  heaume  plus 
beau.— liCS  terrasses  de  Jaca  sont  toutes  pleines  —  pour  voir  des  combat- 
tants les  gentils  faits.  -  Le  preux  Bernard  venait  avec  un  cœur  sincère;—  à 
son  épée  Preclara,  il  va  disant  :—  «  Preclara,  bonne  épée, montre  qui  lu  es. 

—  Tu  as  un  pommeau  d*œuvre  moult  belle  d'or  et  d'argent  :  —  sept  fils 
d'un  maître  maure  t'ont  faite;  — pour  te  faire,  ils  ont  dépensé  d'années 
plus  de  sept.  —  A  un  émir  te  prit  Eudes,  à  Poitiers;  —  à  son  frère,  il  te 
laissa  par  testament  ;  —  et  son  frère  à  mon  aïeul,  qui  était  son  gendre. 

—  Turpin  te  bénit,  le  sage  évêque.  —  A  mon  père,  que  de  bons  services 
tu  as  rendus  î  —  Avec  toi,  il  a  vaincu  un  page  de  Didier  ;  —  à  Sansonya, 
vous  avez  dompté  les  païens  farouches  ;  —  en  Espagne,  que  vous  en  avez 
frappé  de  Sarrasins  l  —  Preclara,  bonne  épée,  montre  qui  tu  es.» 


IMITATIONS    DK    LA    POESIE    DU   MOYEN    AOE  455 

olassé,  en  Catalogne,  comme  en  Espagne  et  en  Italie,  parmi  les 
vers  de  douze  syllabes.  En  effet,  tandis  que  le  système  pro- 
sodique français  prend  pour  type  de  chaque  espèce  le  vers 
masculin,  et  ne  tient  aucun  compte  de  la  dernière  syllabe  du 
vers  féminin,  le  système  espagnol  et  italien,  au  contraire, 
compte  le  nombre  réel  de  syllabes  du  vers  féminin,  et  donne 
une  valeur  double  à  la  dernière  syllabe  de  chaque  vers  mas- 
culin. La  Causa  del  prosBernarty  où  toutes  les  assonances  sont 
masculines,  est  donc  écrite  en  vers  de  arte  mayor,  comme  on 
dit  en  Espagne,  c'est-à-dire  en  vers  de  douze  syllabes,  qui,  en 
réalité,  n'en  comptent  que  onze. 

Cette  coupe  est  rare  en  Castille  ;  les  pays  de  langue  d'oc  ne 
peuvent  guère  citer  comme  modèle  de  ce  genre  que  le  Girart 
de RossUhon^ .  On  en  trouve  quelques  exemples  dans  les  poèmes 
de  langue  d'oïl  ;  mais  il  semble  que  dans  le  nord  de  la  France 
ce  vers  soit  plus  particulièrement  consacré  aux  compositions 
badines  ou  burlesques '. 

La  Cansu  del  pros  Bernart  comprend  environ  quatre  cents 
vers.  Elle  a  été  ciselée  avec  un  art  remarquable;  la  re- 
cherche de  l'expression,  la  netteté  et  la  sobriété  du  récit,  le 
relief  des  figures,  la  peinture  vivante  des  temps  et  des  lieux, 
en  font  une  vraie  curiosité  littéraire  et  archéologique.  En 
outre,  le  drame  qu'elle  renferme  se  développant  d'une  ma- 
nière simple,  rapide,  sous  une  forme  incisive  qui  pénètre 
l'esprit  et  s'y  grave  aisément,  est  bien  fait  pour  plaire  à  un 
peuple  chez  lequel  les  souvenirs  de  la  reconquista  ne  sont  pas 
encore  effacés. 


*  Il  faut  romarquer  que  la  coupe  de  Girart  de  PossUhon  n'est  pas  par 
faik  ment  uniforme;  le  premier  hcmisliclic  est  quelquefois  de  six  syllabes, 
dont  la  dernière  est  accentuée.  Les  tirades  sont  rimôcs  et  ron  asse- 
nantes. 

^  Cotte  obbervation  m'a  été  communiquée  par  mon  excellent  confrère 
M.  Boucherie. 


456  DIALECTES  MODERNES 


III 


Il  y  a  un  an  environ,  M.  Milàa  donné  une  nouvelle  composi- 
tion d'un  genre  analogue,  mais  de  proportions  infiniment  plus 
réduites  :  c'est  la  Complanta  d'En  Guillem,  écrite  sur  un  air 
populaire  des  montagnes  de  Catalogne. 

Le  vers  est  le  même  que  celui  de  la  Cansà  del  pros  Bernât; 
la  pièce  entière  est  sur  une  seule  assonance  (F assonance  i);  elle 
comprend  treize  couplets  de  trois  vers  chacun.  Le  sujet  est 
encore  de  Tépoque  où  les  chrétiens  repoussaient  pas  à  pas 
la  domination  mulsumane  ;  il  est  traité  avec  le  même  goût  et  le 
même  sentiment. 


IV 


Au  concours  des  Jeux  floraux  de  Barcelone  de  Tannée 
1870,  deux  chansons  de  geste  furent  particulièrement  remar- 
quées :  Tune,  par  Texamen  de  laquelle  nous  terminerons  cette 
étude,  remporta  le  premier  prix,  c'est-à-dire  Téglantine  d'or  ; 
l'autre,  intitulée  Sùuald  et  portant  la  signature  d'En  Llorens 
de  Cabanyes,  obtint  une  mention  honorable.  Elle  a  été  publiée 
dans  le  journal  catalan  la  Renaxensa^. 

Le  sujet  de  ce  dernier  poëme  est  une  légende  du  temps  de 
Ramon  Borell,  comte  de  Barcelone,  c'est-à-dire  de  la  fin  du 
X®  siècle  et  des  premières  années  du  XP.Il  s'agit  toujours 
des  luttes  des  seigneurs  chrétiens  contre  les  mulsulmans.  La 
pièce  comprend  environ  trois  cents  vers,  de  la  même  coupe 
que  ceux  du  Pros  Bemartj  et  divisés  de  même  en  tirades  mcmo- 
assonantes. 

L'auteur  de  Sisuald  a  publié,  en  1872,  la  Cansà  d^En  Fran- 
cesch  de  Vilanova  de  Cubelles,  qui  n'est  point,  à  vrai  dire,  une 
chanson  de  geste,  car  le  héros  n'est  p9<s  un  homme  d'épée, 

*  Numéro  du  f' juillet  1871. 


IMITATIONS   DE   LA    POESIE    DU    MOYEK   AGE  457 

mais  qui  raconte  une  tradition  du  XP  siècle  sous  la  forme  ar- 
chaïque appropriée  au  temps  et  au  sujet. 

Francesch,  un  simple  ouvrier,  vassal  d'En  Galceran  de  Ri- 
bes,  arrache  sa  fiancée  à  Tinfâme  tribut  que  la  coutume  ger- 
manique accordait  au  seigneur  de  la  nouvelle  épouse.  Il  va 
chercher  asile  dans  «  un:3  meilleure  seigneurie)),  où  règne 
«  l'antique  loi  municipale  »,  et  y  bâtit  une  cabane  autour  de 
laquelle  se  développe  peu  à  peu,  grâce  aux  franchises  de  cette 
terre  hospitalière,  la  petite  ville  de  Vilanova-de-Cubelles. 
C'est,  on  le  voit,  une  épisode  de  la  lutte  de  la  vieille  coutume 
romaine  indigène  contre  les  importations  barbares  de  la  féo- 
dalité germanique. 

»  No!  m'ascona, 
»  Tu  faras  guerra  k  Germania,     qu*est  de  Roma  !  >» 

«  Non  !  ma  hache,  tu  feras  la  guerre  à  la  Germanie,  toi  qui  es  de 
Rome  !  » 
s'écrie  Francesch  dans  un  élan  de  courage  téméraire. 

Le  vers  que  je  viens  de  citer  est,  on  le  voit,  d'une  coupe 
toute  différente  de  celle  des  poèmes  dont  j'ai  parlé  jusqu'ici. 
(Test  toujours  un  vers  de  arte  mayor,  c'est-à-dire  de  douze 
syllabes,  en  comptant  à  la  manière  espagnole  ;  mais  le  repos 
est  après  la  huitième,  qui  est  atone,  et  la  dernière  syllabe  du 
vers  est  également  atone  ou  muette.  En  France,  nous  dirions 
que  ce   sont  des  vers  féminins  de  onze  syllabes. 

Antonio  de  Nebrija,  dans  son  Arte  de  la  lengua  castellana\ 
mentionne  ce  vers  comme  usité  en  Castille  ;  mais  l'exemple 
(ju'il  donne  est  rimé, iandls  ([uel^  Canso  d'En Fj'anceschdeVila- 
nova  est  seulement  assenante.  Ce  dernier  poème  renferme  en- 
viron deux  cent  trente  vers,  divisés  en  tirades  monoassonan- 
tes.  Nous  remarquons  ici  l'emploi  des  mots  proparoxytons,  c'est- 
à-dire  accentués  sur  l'antépénultième  ;  c'est  le  sdî'ucciolo  des 
Italiens.  Ces  mots,  peu  nombreux  du  reste  en  Catalogne  et 
presque  tous  d'importation  castillane,  ne  se   rencontrent  pas 

*  Cité  par  M.  Amador  de  les  Rios,  dans  sa  belle  Historia  critica  de  la 
lUeratura  espanola,i.  II,  p.  445. 


458  DIALECTKS  MODERNES 

dans  les  trois  poèmes  dont  j'ai  parlé  tout  à  l'heure *.  Les 
deux  dernières  syllabes  du  sdrucciolo^  lorsqu'elles  se  trouvent  à 
la  fin  d'un  hémistiche,  ne  comptent  que  pour  une;  d'où  il  suit 
qu'un  vers  de  douze  syllabes  peut  en  avoir  en  réalité  treize,  et 
même  quinze  s'il  y  a  deux  sdruccioli.  L'assonance  portant  sur 
la  dernière  syllabe  accentuée,  on  ne  tient  aucun  compte  de  la 
dernière  voyelle  et  quelquefois  même  des  deux  dernières. 
Voici  quelques  vers  d'une  tirade  assenante  en  o*; 

Del  espùs  jo  enamorada     n'era  esposa  ; 

Quan  sortirem  de  l'esglesia    cantâ  l'oliba  : 

u  Nem  a  casa  ? —  a  Manca  un'altra        ceremonia.  » 

Mare  meua.  que  m'en  dava    de  vergoDya! 

Ignoranta   de  oo  qu'ereii     eix«^s  coses 

Dret  al  castell  ens  meuaren     gens  de  tropa; 

Y  en  la  cambra  llit  hi  havia,     llum  al  sostre. 

Mare  mena,  que  m'en  dava    de  vergonya  ! 

Ce  vers  de  douze  syllabes,  constamment  féminin,  est  beau- 
coup moins  vigoureux  que  celui  du  Pros  Bernart  et  de  Sisuald; 
mais  il  a  une  douceur  et  une  souplesse  qui  se  prêtent  mieux 
à  la  peinture  des  actions  de  la  vie  réelle. 

M.  Llorens  de  Cabanyes,  après  avoir  chanté  dans  Sisuald 
les  hauts  faits  de  l'homme  de  guerre,  a  été  heureusement 
inspiré  en  écrivant  la  chanson  de  geste  de  l'homme  du  peuple 
qui  se  soustrait  par  la  ruse  à  la  tyrannie  féodale.  L'auteur  delà 
Cansô  d'En  Francesch  de  Vilanova  s* est  acquis  une  place  dis- 
tinguée parmi  "les  champions  des  vieilles  formes  prosodiques. 

Ch.  DE  TOURTOULON. 

[A  continuer,) 

'  Je  ne  compte  pas  comme  proparoxytons  les  mots  tels  que  héroes, 
pàtria,  tapies^  dans  lesquels  les  deux  dernières  voyelles  forment  une 
diphthongue   et    ne    doivent    pas  être    comptées  pour  deux  syllabes. 

^  «  De  l'époux  j'étais  l'amoureuse  épouse.  — Quand  nous  sortîmes  do 
l'église,  le  hibou  chantait:  —  «  Allons-nous  à  la  maison  ?  »  —  «Il  manque 
une  autre  cérémonie.  »  —  Ma  mère,  que  cela  me  donnait  de  honte  !  — 
Ignorante  de  ce  qu'étaient  ces  choses,  -  droit  au  château  nous  menèrent 
gens  de  troupe;—  et  dans  la  chambre  il  y  avait  un  lit,  la  lampe  au  plafond. 
—  Ma  mère,  que  cela  me  donnait  de  honte  '.  » 


CONTES  ET  PETITES  COMPOSITIONS  KiF'tILAIRES 


XI.  —    FABLIAU 

Le  fabliau  ne  diffère  de  la  fable  qu'en  ce  que  ce  sont  des 
hommes  que  l'on  met  en  autiou  et  non  des  animaux,  car  le  but, 
qui  est  d'en  venir  à  une  moralité,  esprimoo  ou  soua^ntendue. 
est  le  même. 

Laforme  la  plus  ordinaire  est  un  dialogue,  qui,  en  quelques 
mots  ou  même  en  un  simple  trait,  puisse  peindre  un  caractère 
ou  une  situation. 

1 


—  Pereza,  vos  de  favas  f 

—  Oi. 

—  Porta  l'escudela  ! 

—  Ne  vole  pas  ges. 

(Y.  de  l'abbé  de  Sauvages,  fhcl. 

Parkssk.  —  Paresse,  \eux-Lu  des  fuvLis  ?  —  Oui.  —  A]i[ioi 
écuelle  I  —  Je  n'en  veux  point.  , 


—  Janou,  dourmissGB? 

—  l'er  que? 

—  Perque,  se  dourniissitis  pas,  roe  [irestarit-s  Ire*  fran''.s, 

I.K  Pktit  i\i\fi.  —  Polit  .leiin,  dovb-tuî  —  Pourquoi  me  feiis-tu 
cette  demande?— Parte  quo,  si  tu  ne  ilorniais  iias,  lu  me  prcitéraiii 
trois  francs.  —  Je  dors. 


460  DIALKCTKS    MO[)ER^KS 

La  Campann  routa 

—  Moussu  lou  Maire,  la  campana  es  routa. 

—  Que  Ta  routa  que  la  pague. 

—  Mes  es  vostre  fil  qu'où  a  fach. 

—  La  fau  empausà. 

(V.  de  Tabbé  de  Sauvages,  Dict.  lang.) 

La  Cloche  fêlée.  —  Monsieur  le  Maire,  on  a  fêlé  la  cloche. 
—  Que  celui  qui  Ta  fêlée  paye  le  dommage.  —  Mais  c'est  votre  fils 
qui  l'a  fait.  —  Oh!  alors,  que  le  dommage  soit  supporté  par  toute 
la  commune. 


Lou  P astre  pigre 

—  Pierret,  lebo-ti  que  lou  gai  canto  ! 

—  Oh  !  ieu ,  m'atènde  pas  en  aquelo  bestio. 

—  Pierret,  lebo-ti,  souonou  Fangel! 

—  Oh!  ieu,  m'atènde  pas  en  d'aquel  floc  de  ferre.  . 

—  Pierret,  lebo-ti,  lou  sourel  es  pertout  ! 

—  0  be,  mi  levé,  qu'aquel  d'aqui  m'o  pas  jamais  troumpat. 

(V.  de  M.  LiÉBiCH.) 

Le  Pâtre  paresseux.  —  Petit  Pierre,  lève-tdî  que  le  coq  chante  1 
—  Oh!  je  ne  me  fie  pas  à  cette  bète.  —  Petit  Pierre,  lève-toi  que 
l'angekis  tinte  !  —  Oh  !  je  ne  me  fie  pas  à  ce  bruit  de  fer.  —  Petit 
Pierre,  lève-toi  que  le  soleil  resplendit  partout!  —  Oui,  bien,  je  me 
lève,  car  celui-là  ne  m  a  jamais  trompé. 


Guilhaumet 

Guilhaumet,  leva-te  ! 
Per  que  fà  ? 
Per  anàlaurà. 
Pode  pas,  siei  malaute. 


CONTES   POPULAIRES  461 

—  Guilhaumet,  leva-te  ! 

—  Per  que  fà  ? 

—  Per  tuà  lou  verme. 

—  Me  levé  ! 

Petit  Guillaume.  —  Petit  Guillaume,  lève-toi!   —  Pourquoi 
faire?  —  Pour  iiller  labourer.  —  Je  ne  peux  pas,  je  suis  malade. 

—  Petit  Guillaume,  lève-toi  !  —  Pourquoi  faire?  —  Pour  déjeuner. 

—  Attends  un  peu;  je  me  lève. 


6 


Jan 

—  Jan,  vos  te  fà  gras  ? 

—  Oi. 

—  Vejaqui'na  amella. 

Jean.  —  Jean,  veux-tu  devenir  gras? — Oui.  —  Mange  cette 
imande. 

XII.    —   FLEURETTE 

On  nomme/?OMreto,  fleurettes,  de  petits  compliments  d'amour 
dont  les  fleurs  sont  à  la  fois  le  prétexte  et  les  termes  de  com- 
paraison. 

L'usage  en  est  très-ancien  dans  notre  Midi.  Baluze,  dans 
son  HUtoira  d'Auvergne  (p.  222,  preuves),  en  cite  un  exemple 
remarquable  de  Tan  1484. 

La  belle  Blanche  de  Paulet,  aimée  du  comte  Jean  II  d' Au- 
vergne, fut  accusée  d'avoir  ensorcelé  son  amant  en  lui  faisant 
respirer  un  sachet  de  fleurs  aromatiques  qui  portait  cette  in- 
scription : 

Por  ce  te  donne  la  pervenche, 
Que  mon  amour  la  tienne  venche. 


464  DIALECTES   MODERNES 

La  Menthe.  —  La  jeune  fille  qui  aime  à  causer  avec  lès  jeunes 
gens  -^  ne  vaut  pas  un  brin  de  menthe . 


On  dit  aussi  : 

Filha  sans  crenta 
Vôu  pas  un  brout  de  menta. 

La  Menthe.  —  La  jeune  fille  qui  n'a  pas  de  pudeur  —  ne  vaut 
un  brin  de  menthe.  - 


La  Castanha 

La  filha  es  couma  la  castanha  : 
Bella  defora,  dedins  es  la  maganha. 

La  Châtaigne.  —  La  jeune  fille  est  comme  la  châtaigne:  —  sa 
beauté  ne  cache  souvent  que  de  la  pourriture. 

Il  est  facile  de  voir,  par  les  détails  que  je  viens  de  donner, 
que  ces  fleurettes  ne  sont  généralement  que  la  mise  en  action 
du  langage  des  fleurs. 

Chaque  fleur  ayant  une  signification  de  tendresse  ou  de 
haine  déterminée,  la  floureta  ne  fait  guère  que  constater  le 
sentiment  exprimé.  On  peut  donc  dire  exactement,  lorsqu'on 
connaît  la  fleur  oflerte,  où  en  est  la  passion  d'un  amoureux  : 
s'il  est  heureux  ou  malheureux,  accepté  ou  rebuté. 

On  peut  lire,  pour  cette  signification  des  fleurs  en  amour  : 
H  Courouno  de  Roumanille  (OMÔr(?/o,  p.  366). 

D'où  ces  expressions  qui  se  disent  en  riant  aux  jeunes  filles 
et  aux  jeunes  garçons: 

6 

A  la  rosa , 
L'amour  es  esclosa. 

A  la  rose  ,  —  l'amour  est  épanoui. 


CONTES   POPULAIRES  465 


Au  brout  de  menta , 
L'amour  augmenta. 

Au  brin  de  menthe  ,  — l'amour  augmente. 

8 

Au  roumanis, 
L'amour  es  au  nis. 

Au  romarin  ,  —  l'amour  est  au  nid. 

9 

A  la  frigoula, 
L'amour  ne  regoula. 

Au  thym  ,  —  l'amour  déborde  (du  cœur). 

Lorsque  l'amoureux  veut  les  répéter  directement,  elles  sont 
quelque  peu  modifiées. 

10 
La  Rosa 

Bella,  vous  présente  la  rosa, 
Que  fai  que  l'amour  es  esclosa. 

La  Rose.  —  Bellp,  je  vous  présente  la  rose,  — qui  fait  éclore 
l'amour. 

11 

Jm  Menta 

Bella,  vous  présente  la  menta  : 
Ks  prouva  que  l'amour  augmenta. 


464  DIALECTES   MODERNES 

La  Menthe.  —  La  jeune  fille  qui  aime  à  causer  avec  lès  jeunes 
gens  —  ne  vaut  pas  un  brin  de  menthe . 


On  dit  aussi  : 

Filha  sans  crenta 
Vôu  pas  un  brout  de  menta. 

La  Menthe.  —  La  jeune  fille  qui  n'a  pas  de  pudeur^ —  ne  vaut 
un  brin  de  menthe.  • 


La  Castanha 

La  filha  es  couma  la  castanha  : 
Bella  defora,  dedins  es  la  maganha. 

La  Ghataione.  —  La  jeune  fille  est  comme  la  châtaigne:  —  sa 
beauté  ne  cache  souvent  que  de  la  pourriture. 

Il  est  facile  de  voir,  par  les  détails  que  je  viens  de  donner, 
que  ces  fleurettes  ne  sont  généralement  que  la  mise  en  action 
du  langage  des  fleurs. 

Chaque  fleur  ayant  une  signification  de  tendresse  ou  de 
haine  déterminée,  la  floureta  ne  fait  guère  que  constater  le 
sentiment  exprimé.  On  peut  donc  dire  exactement,  lorsqu'on 
connaît  la  fleur  ofierte,  où  en  est  la  passion  d'un  amoureux  : 
s'il  est  heureux  ou  malheureux,  accepté  ou  rebuté. 

On  peut  lire,  pour  cette  signification  des  fleurs  en  amour  : 
li  Courouno  de  Roumanille  (Ow^r^^o,  p.  366). 

D'où  ces  expressions  qui  se  disent  en  riant  aux  jeunes  filles 
et  aux  jeunes  garçons  : 

6 

A  la  rosa , 
L'amour  es  esclosa. 

A  la  rose  ,  —  l'amour  est  épanoui. 


('ONTES    POPULAIRKS  467 

15 
L'Ourtiga 

Bella,  vous  présente  Tourtiga  : 
Nostre  amour  n'es  pus  qu'interiga. 

1/ Ortie.  —  Belle,  je  vous  présente  Tortie  ;  —  notre  amour  ne 
nous  est  plus  qu'une  peine. 

16 

UAmareu 

Bella,  vous  présente  Tamarèu  : 
L'amour  es  amar  couma  fèu. 

L'Olivier  sauvage.  —  Belle,  je  vous  présente  l'olivier  sauvage: 
—  l'amour  est,  pour  nous,  amer  comme  le  fiel. 

En  Provence,  la  floureta  est  plutôt  en  couplets  qu'en  disti» 
ques. 

La  Statistique  des  Bouches-du-Rkône  (i.  III,  p.  258)  donne  les 
renseignements  suivants  : 

«  C'est  encore  pendant  les  belles  nuits  du  mois  de  mai  que 
les  jeunes  gens  chantent,  sous  les  fenêtres  de  leurs  maîtresses, 
des  couplets  improvisés.  Les  fleurs  leur  servent  de  texte  et 
de  terme  de  comparaison.  S'ils  font  leur  déclaration  d'amour, 
ils  choisissent  le  thym.  La  violette  indique  le  doute  et  le  soup- 
çon; le  romarin,  la  plainte  ;  V ortie,  la  rupture.  Cet  usage  pa- 
raît avoir  été  introduit  par  les  Maures,  qui  l'avaient  apporté 
eux-mêmes  de  l'Orient.  Il  est  pratiqué  dans  les  communes  de 
l'intérieur,  et  surtout  le  long  de  la  Durance.  » 

Voici  quelques-uns  de  ces  couplets  en  langue  provençale  : 

17 
Déclaration  cTamour 

Bello,  vous  representi  la  faligouro. 
Sabès  qu'eir  es  bello  en  touto  houro, 
Encaro  mai  quand  es  flourido  : 
Vous  amarai  touto  ma  vido. 


4(k)  DIALECTES    MODERNES 

L\  Menthe.  —  Belle,  je  vous  présente  la  menthe:  — elle  est  la 
prouve  que  notre  amour  augmente. 

12 

Lou  Roumanie 

Bella,  vous  présente  lou  roumanis  : 
Es  ara  que  T amour  fai  soun  nis. 

Le  Romarin  .  —  Belle,  je  vous  présente  le  romarin  :  —  c'est 
à  cette  heure  que  l'amour  fait  son  nid. 

13 
La  Frigoula 

Bella^  vous  présente  la  frigoula  : 
De  moun  cor  Famour  regoula. 

Le  Thym.  —  Belle,  je  vous  présente  le  thym:  —  Tamour  dé- 
borde de  mon  cœur. 

Ces  diverses  présentations  répondent,  il  n'est  pas  besoin  de 
l'observer,  au  premier  aveu,  à  la  déclaration,  aux  plus  ten- 
dres phases  du  sentiment.  La  plainte  a  aussi  ses  fleurettes  ; 
en  voici  quelques-unes  qui  expriment  la  rupture,  la  douleur, 
le  sarcasme  : 

14 

La  Nerta 

Bella,  vous  présente  la  nerta  : 
Nostre  paure  amour  vai  a  perta. 

La  Myrthe.  —  Belle,  je  vous  présente  le  myrthe  :  —  notre  pauvre 
amour  va  se  perdre. 


CONTES   POPULAIRES  467 

» 

15 
LOurtiga 

Bella,  vous  présente  Tourtiga  : 

Nostre  amour  n'es  pus  qu'interiga. 

« 

T/Ortie.  —  Belle,  je  vous  présente  Portie  ;  —  notre  amour  ne 
nous  est  plus  qu'une  peine. 

UAmarèu 

Bella,  vous  présente  ramarèu  : 
L'amour  es  amar  couma  fèu. 

L'Olivier  sauvage.  —  Belle,  je  vous  présente  l'olivier  sauvage: 
—  Tamour  est,  pour  nous,  amer  comme  le  fiel. 

En  Provence,  la  floureta  est  plutôt  en  couplets  qu'en  disti* 
ques. 

La  Statistique  des  Bouches-du-RMne  (t.  III,  p.  258)  donne  les 
renseignements  suivants  : 

«  C'est  encore  pendant  les  belles  nuits  du  mois  de  mai  que 
les  jeunes  gens  chantent,  sous  les  fenêtres  de  leurs  maîtresses, 
des  couplets  improvisés.  Les  fleurs  leur  servent  de  texte  et 
de  terme  de  comparaison.  S'ils  font  leur  déclaration  d'amour, 
ils  choisissent  le  thym.  La  violette  indique  le  doute  et  le  soup- 
çon; le  romarin,  la  plainte  ;  V ortie,  la  rupture.  Cet  usage  pa- 
raît avoir  été  introduit  par  les  Maures,  qui  l'avaient  apporté 
eux-mêmes  de  l'Orient.  Il  est  pratiqué  dans  les  communes  de 
l'intérieur,  et  surtout  le  long  de  la  Durance.  » 

Voici  quelques-uns  de  ces  couplets  en  langue  provençale  : 

17 
Déclaration  d'amour 

Bello,  vous  représenta  lafaligouro* 
Sabès  qu'ell'  es  bello  en  touto  houro, 
Ëncaro  mai  quand  es  flourido  : 
Vous  amarai  touto  ma  vido. 


4ôê  DIALKCTES    MODBRNRS 

Belle,  je  vous  présente  le  thym,  —  Vous  savez  que  cette  fleur 
est  toujours  belle,  —  mais  qu'elle  l'est  encore  plus  quand  elle  est 
fleurie:  —  je  vous  aimerai  toute  ma  vie. 

18 

Doute  ou  soupçon 

Beilo,  vous  representi  la  viuleto. 
Sias  dins  moun  cuer  touto  souleto  ; 
Mai  per  ièu  série  doulourous, 
Se  dins  vouestre  couer  nU  aviè  dous. 

Belle,  je  vous  présente  la  violette.  —  Vous  êtes  dans  mon  cçeur 
toute  seule;  — et  ce  serait  certainement  bien  douloureux  pour  moi, 

—  si  nous  étions  deux  dans  le  vôtre. 

19 
Plainte 

Vous  representi  lou  roumaniu, 
Que  lou  matin  vous  lou  culhiu, 
Et  que  lou  souer  vous  lou  pourtave, 
Per  vous  prouvar  que  vous  aimave . 
Mai,  bello,  se  n'amas  plus  lu, 
Rendès-me  moun  gai  roumaniu. 

Je  vous  présente  le  romarin  —  cueilli  ce  matin,  —  pour  voui« 
l'apporter  ce  soir —  et  vous  prouver  que  je  vous  aime.  —  Mais, 
belle,  si  vous  ne  m'aimez  plus,  —  rendez-moi  mon  gai  romarin. 

Hupture 
lu  vous  representi  Fourtigo  ; 
Bello,  serès  plus  moun  amigo. 
Vese  qu'avès  trop  de  pounchoun  ; 
^arides- \  ous  em'  un  cardoun. 

Je  vous  présente  Vortie  ;  —  belle,  vous  ne  serez  plus  mon  amie. 

—  Je  vois  que  vous  avez  trop  de  piquants  ;  —  mariez-vous  avec  un 
chardon. 


ooNTMt!  i'or'm4iREs 


Diitnase  Arbaod  {Chants  populaire*  de  la  Prùvenee,  t,  I", 
230),  sous  le  nom  ie  Serenados,  en  donne  dix  autres,  que  J9 
crois  devoir  reproduire  aussi  r 

Bello,  voua  représente  lou  bnutuund'or: 
N'en  sias  bello  coum'  un  trésor, 
Coum'  un  trésor  de  gentilhesi^o. 
Voua  prendrlu  bèn  per  ma  mestrosso. 
Belle,  je  vous  présente  le  boulon  ttor  (fleur  de  la  renoncule):  — 
voiiH  êtes  belle  comme  un  trésor, —  un  trésor  de  K^ntUlesse.  — J« 
vous  voudrais  bien  pour  ma  maîtresse. 

22 

Bello,  vous  représente  la  pampo  de  roure, 
Que  trop  longtemps  m'avës  fach  courre  ; 
Ai  tant  courru  e  courrerai, 
Bello,  qu'i  la  an  vous  aurai. 
Belle,  je  vous  présente  un  rameau  de  ckêne  romre. —  Trop  long- 
temps vous  m'avez  fait  courir  :  —  j'w  tant  couru  et  je  courrai  tant 
encore.  —  belle,  qu'à  la  lin  je  vous  aurai. 


Bello,  vous  représente  lou  barioot. 
Que  n'es  un  aubre  bèn  pichot; 
Mai  eu  sérié  bèn  fier,  pecaire, 
S'erias  la  nouero  de  moua  paire. 
Belle,  je  vous  présente  le  batilic,  —  qui  n'est  qu'on, bien  petit 
arbre  ;  —  mais  il  serait  bien  fier,  pour  sûr,  —  si  tons  deveniei  la 
belle-fille  de  mon  père. 


Bello,  vous  représente  la  mentastro: 
Prenès  me  lu,  pren^uèa  pa  'n piètre. 


470  1  lAI.EOTKS    MODKRNBS 

Un  pastre  sente  l'enguèn  : 
Prenès.me  iu  que  sente  rèn. 

Belle ,  je  vous  présente  la  menthe  sauvage  :  —  prenez-moi  (pour 
votre  amoureux),  ne  prenez  pas  un  pâtre:  —  le  pâtre  sent  Pon- 
guent,  —  et  je  n'ai  aucune  mauvaise  odeur. 


25 


Bello,  vous  représente  la  pampo  de  vigno, 
Que  quand  fai  vent  elle  reguigno. 
Fan  trop  ansin  vouestres  amours, 
Bello,  quand  sièu  auprès  de  vous. 

Belle,  je  vous  présente  le  pampre,  —  qui  rue  quand  il  fait  du 
vent.  —  Ainsi  fait  votre  amour,  —  belle,  quand  je  suis  auprès  de 
vous. 

20 

Bello,  vous  représente  la  redouerto. 
L'ià  cinq  couquins  à  vouestro  pouerto  : 

Ni'a  d'eici,  ni'a  d'eilà  ; 
Anes  au  diable  caregnà  I 

Belle,  je  vous  présente  la  renouée,  —  Il  y  a  cinq  coquins  à  votre 
porte:  —  il  y  en  a  d'ici,  il  y  en  a  de  là-bas  ;  —  allez  au  diable  faire 
Famour  I 


27 


Bello,  vous  représente  la  berigouro, 
Avès  un  pau  trop  grosso  gouro  : 
Rèn  que  per  la  bourra  de  pan. 
Me  mangerias  tout  moun  gazan. 

Belle,  je  vous  présente  le  champignon  de  rérynge.— Vous  avex 
une  trop  grande  gorge;  —  rien  que  pour  la  bourrer  de  pain,  —  vous 
dépenseriez  tout  ce  que  je  gagne. 


CONTES    POPULAIRES  471 

28 

Bello,  vous  représente  la  chaussigo. 
Semblés  uno  roso  esbahido: 
Coustarias  mai  à  revenir 
Qu'un  marrit  ai  à  'ntretenir. 

Belle,  je  vous  présente  le  chardon  hémorrhoïdal  (litt.,  herbe  fou- 
lée). —  Vous  ressemblez  ù  une  rose  flétrie  : —  vous  coûteriez,  pour 
vous  faire  soigner, —  plus  qu'il  n'en  coûte  pour  nourrir  un  mauvais 
àne. 

Bello,  vous  représente  lou  cauiet. 
Que  quand  fai  vent  acampo  set. 
Ansin  fai  vouestre  caregnaire, 
Ëici  à  vouestro  pouerto,  pecaire. 

Belle,  je  vous  présente  le  chou,  —  qui  se  meurt  de  soif  quand  il 
fait  du  vent.  —  Ainsi  fait  votre  amoureux,  —  à  votre  porte,  hélas I 

Bello,  aquèu  que  vous  a  cantat 
Deman  mati  vous  lou  dira; 
E,  se  vous  lou  poudièpas  dire, 
D6u  bèu  plus  luenc  se  mettra  à  rire. 

Belle,  celui  qui  vousaclianté  —  demain  matin  vous  le  dira.  »-- 
S'il  ne  pouvait  pas  vous  le  dire, —  de  loin  vous  le  verriez  sourire. 

La  fleur,  symbole  des  sentiments,  était  considérée  comme 
sachant, par  une  sorte  de  divination,  tout  ce  qui  les  concerne; 
d'où  la  botanomancie,  dont  on  peut  citer  pour  nos  pays  plu- 
sieurs sortes. 

Lorsque  Ton  veut  savoir  si  Ton  est  aimé  de  la  personne  que 
Ton  aime ,  on  effeuille  la  margarideta  (pâquerette)  ou,  mieux 
encore,  Vat/ulheta  (l'aiguille  du  berger),  en  prononçant  à  cha- 
que pétalo  l'un  des  mots  suivants: 


472  blALECTES   MODERNES 

—  M'aima,  m'aima  pas  gaire,  m'aima fossa,  m'aima  tendra- 
mèn,  m'aima  pas  ! 
Ce  qui  répond  au  : 

Je  t'aime,  un  peu,  beaucoup. 
Tendrement,  point  du  tout, 

des  provinces  du  Nord  et  de  la  Marguerite  de  Faust. 

E.  Chauffard,  l'un  des  jeunes  félibres,  s'adresse  ainsi  à  une 
jeune  fille  : 

E  tu,  chatouno  riserello, 

Teniès  en  man  aquelo  flour 

Que  fà  tant  gau  ei  vierginello. 

Quand  si  demandon,  sounjarello. 

Se  tout  souris  à  seis  amours. 

Lorsque  l'on  veut  savoir  si  la  passion  à  laquelle  on  va  se 
livrer  sera  heureuse,  on  jette  une  feuille  de  rose  au  courant 
d'une  source  :  selon  qu'elle  surnage  ou  s'engloutit,  on  en  tire 
un  présage  heureux  ou  malheureux.  L'amour  est  un  abîme,  et 
la  feuille  représente  l'existence  qu'on  lui  conûe.  —  C'est  un  jeu 
des  jeunes  filles  à  la  fontaine. 

En  Auvergne,  on  appelle  faire  petà  las  princas  (faire  bruire 
les  pervenches),  jeter  quelques-unes  de  ces  fleurs  au  feu  la 
veille  de  l'Epiphanie ,  pour  tirer  du  bruit  qu'elles  font  en 
brûlant  un  présage  sur  l'avenir,  la  santé,  l'affection  de  telle 
ou  telle  personne. 

Les  anciens  demandaient  au  sort,  eux  aussi,  quel  était  celui 
qui  aimait  le  mieux  (V.  Properce,  II,  X). 

De  même  qu'en  français  le  nom  de  beaucoup  de  plantes 
fait  allusion  au  langage  symbolique  qu'on  leur  attribue  :  la 
pensée,  Vamourette,  le  souci,  Vimmortelle,  le  souvenez-vous-de- 
mo2,  etc.,  on  peut  citer  en  langue  d'oc:  Vei'ba  d'amour  [la, 
brize  moyenne,  —  jalousie),  Verba  dau  lagui  (le  myrte,  —  cha- 
grin, et,  par  extension,  mariage),  Verba  dau  mèu  (le  melilot,  — 
bonheur),  Yerba  dau  cor  (l'ambroisie,  —  tendresse),  etc. 

Parmi  les  significations  les  plus  usuelles,  qu'il  suffîse  de 
citer  la  rosa  (la  rose, —  aveu),  Idifrigoula  (le  thym, — >  passion). 


CONTKS    POFULAIRF.S  473 

Vembriaiga  (l'ivraie,  —  ivresse),  la  margarideta  ou  pimpanela 
(la  pâquerette,  —  amour  naissant,  franchise),  la  menta  (la 
menthe, —  amour  dans  sa  plénitude),  lou  roumanis  (le  romarin, 
—  demande  de  retour),  Vourtiga  (Fortie,  —  rupture),  Vamarèu 
(Folivier  sauvage,  —  amertume),  etc. 

Lorsqu'on  veut  rappeler  les  attraits  ou  les  qualités  d'une 
personne  aimée,  on  a:  la  rosa  espandida  (la rose  épanouie,  — 
beauté  parfaite),  lou  bouton  de  rosa  (le  bouton  de  rose, — beauté 
naissante),  Veli  (le  lys,  —  pureté),  la  viuleta  (la  violette,  — 
modestie),  lou  poumpoun  d'or  (le  bouton  d'or,  —  beauté  splen- 
dide),  etc. 

La  couronne  nuptiale  n'est  pas  en  fleurs  d'oranger,  comme 
dans  le  Nord,  mais  en  feuilles  et  fleurs  de  myrte,  Verba  dau 
laguiy  le  mariage  n'étant  qu'une  dure  épreuve. 

Ou  jette  du  lierre,  èuna,  sur  le  cercueil  d'une  jeune  fille 
vierge,  en  signe  de  stérilité,  et  des  roses  blanches,  en  signe  de 
virginité . 

Il  y  a,  dans  ce  langage  des  fleurs  méridional,  deux  fleurs 
principales  :  la  rose  et  le  romarin.  Chacune  d'elles  a  sa  fête 
particulière.  L'une  au  l^""  mai,  c'est  la  fête  de  l'aveu  :  on  offre 
une  rose,  en  signe  de  déclaration,  à  la  personne  que  l'pn 
aime ,  à  celle  que  l'on  croit  la  plus  belle  et  la  plus  sage. 

Tout  le  monde  connaît  la  chanson  de  la  Rose  de  mai: 

La  rosa  de  mai 
Es  pas  encara  flourida  ; 
A  quau  la  dounarèn  ? 
A. .  .  ma  mia 

La  rose  de  mai  —  n'est  pas  encore  fleurie  ;  —  à  qui  la  donne- 
rons-nous ?  —  A . . .  ma  mie . 

L'autre  à  la  Sexagésime,  Dimenge  dau  Roumanis  ;  c'est  la 
fête  où  l'on  demande  à  être  payé  de  retour.  A  l'aube,  on  at- 
tache un  bouquet  de  romarin  à  la  fenêtre  de  la  bien-aimée  :  si 
elle  l'accepte,  l'amour  est  partagé;  si  elle  le  rejette,  l'amour 
est  rejeté.  (V.  Sauvages,  Dict,  lang,,  V.  Roumanis.) 

Ces   deux  usages  répondent,  dans  le  Nord,  aux  fêtes  des 


474  DIALECi'ES    MODERNES 

Rosières  et  du  Valentinage.  —  On  peut  en  citer  des  exemples 
dans  l'antiquité. 

La  majourano  (marjolaine)  symbolise  Taffection  durable.  — 
On  cite  dans  les  Ar resta  amorum  (Gryphius,  1533)  un  usage  qui 
dure  encore  : 

On  avait  autrefois,  sur  le  rebord  extérieur  des  fenêtres,  un 
ou  plusieurs  pots  de  marjolaine,  soit  parce  qu'on  en  faisait  des 
bouquets  de  senteur,  soit  parce  qu'on  en  jetait  quelques  brins 
dans  le  ragoût.  Elle  a  souvent  besoin  d'être  arrosée.  C'était  un 
motif  tout  naturel  pour  une  jeune  fille  de  ^e  faire  voir  ;  d'où 
l'expression:  faire  semblant  d'arroser  la  marjolaine. 

Chez  nous,  comme  chez  les  anciens,  —  ainsi  qu'on  peut  le 
voir  dans  Juvénal,  c'est  plutôt  le  basilic; — d'où  le  proverbe: 

Filha  fenestriera, 
Seguèt  jamais  bona  meinagieini . 

Pour  l'homme  des  champs,  —  les  bergers  surtout,  —  cha- 
que fleur  a  son  sens.  Celle-ci  (exemple  :  la  carline,  le  souci) 
permet  d'établir  des  pronostics  météorologiques  ;  celle-là 
(exemple  :  la  dame-de -onze-heures^  le  tourne-sol}^  permet  de 
préciser  le  temps.  Il  en  est  qui  sont  vulnéraires,  d'autres  sim- 
plement agréables. 

A  ces  diverses  significations  il  convient  d'ajouter  le  sens 
magique,  qui  n'est  au  fond  qu'un  abus  du  sens  scientifique.  Il 
suffit  d'en  chercher  la  raison  pour  en  trouver  une,  sinon 
très-satisfaisante,  du    moins    assez   acceptable   et  sérieuse. 

D'autres  n'acquièrent  de  sens  que  par  l'acte  qui  les  accom- 
pagne :  une  fleur  pressée  sur  les  lèvres  est  le  signe  d'un 
amour  heureux  ;  une  fleur  brisée  et  jetée  violemment,  d'un 
amour  rebuté . 

Je  ne  parle  que  pour  mémoire  des  sens  politiques.  l/èU  est 
la  fleur  du  parti  légitimiste  ;  la  vîuleta^  du  parti  bonapartiste  ; 
la  rosa,  du  parti  républicain.  —  Cette  dernière  fut  remplacée, 
en  1848,  parle  thym,  pour  ce  seul  motif  que  la  frigoula  est  la 
fleur  de  la  montagne .  Il  y  a  sur  chacune  d'elles  des  chan- 
sons et  des  couplets  qui  ont  eu  quelque   réputation  ;  Rouma- 

nille  cite  celle  de  la  Frigoula. 

(A  suivre.)  A.  M.  et  L.  L. 


BIBLIOGRAPHIE 


Romania,  5  janvier  1873.  —  P.  1.  G.  Groeber,  la  Destruction  de 
Rome,  première  branche  de  la  chanson  de  geste  de  Fierabras.  Ce 
poëme  inédit  est  extrait  d'un  ms.  de  la  bibliothèque  municipale  de 
Hanovre,  écrit  au  XIV*  siècle  en  Angleterre.  Le  texte,  souvent 
défiguré,  appartient  au  dialecte  picard.  M.  Groebor,  sans  prétendre 
en  donner  une  édition  critique,  Ta  néanmoins  corrigé  très-souvent. 
Le  plus  sûr  pour  lui  aurait  été  de  ne  pas  le  corriger  du  tout,  d'autant 
plus  que  ses  corrections,  si  elles  sont  heureuses  quelquefois,  ne  le 
sont  pas  toujours.  Pourquoi,  par  exemple,  ùcnt-ï\  jougloui^s,  v.  5, 
eijougelours,  v.  43?  Le  ms.  àonuçi  jugelour s ,  mais  la  bonne  leçon 
est  évidemment  jw^'/^owr^.  V.  92,  La  bêle  au  viscler,  lisez  od  le  vii 
cler;y.  153,  Et  tiels  se  ard  et  bruit  qui  se  quide  chaufor,  lisez 
rusle;\.  437,  Kar  il  n*out  onkes  d'homme  ne  merci  ne  pité. 
D* homme  est  une  faute.  11  faut  ou  de  homme  ou  d'omme.  h' h  tombait 
toujours  quand  on  voulait  marquer  l'élision  ;  de  même  au  v.  860, 
Un  petitet  d^houre,  Usez  d'oure,  V.  1141.  Il  fu  ajornes,  lisez  ajornet 
ou  ajorné;  le  participe  passé  au  neutre  ne  prend  jamais  Vs  du  mas- 
cuUn.  Pourquoi  il  sujet  pluriel  au  v.  1131,  ci  ils  sujet  pluriel  au 
V.  1142?  Pourquoi  sait  et  garde  au  v.  1144  ?  Il  fallait  grar/,  puisque  le 

verbe  est  au  subjonctif,  elc —  P.  49.  Pio  Rajna,  Ricordi  di  CO' 

dici  francesi  posseduti  dagli  estensi  nel  secolo  XV.  —  P.  59.  Victor 
Smith,  Chants  de  quêtes,  Noël  du  iwemier  de  Van»  Chants  de  Mai. 
Très-intéressante  étude  sur  quelques  chants  et  coutumes  popu- 
laires du  midi  du  Forez  et  du  levant  duVelay. — P.  72.  Hugo  Schu- 
chardt,  de  l Orthographe  du  roumain.  L'auteur  reproche  aux  savants 
roumains  qui  ont  entrepris  de]  former  Porthographe  de  leur  langue, 
d'avoir  trop  sacrifié  au  désir  de  la  rendre  étymologique.  De  la  sorte, 
le  Roumain  peu  lettré  qui  voudra  écrire  sa  langue  ne  saura  comment 
s'y  prendre,  n'étant  plus  guidé  par  sa  prononciation,  et  ne  pouvant 
l'être  par  Tétymologie  qu'il  ignore.  D'un  autre  côté,  l'étranger  se 
trouvera,  dans  certains  cas,  bien  embarrassé  pour  retrouver  la  pro. 
nonciation  sous  l'orthographe.  Ces  objections,  quoique  justes,  ne 


471)  iaBLIO(iRA.PriIE 

sont  pas  décisives.  Il  faut  savoir  gré  aux  Roumains  d'avoir  voulu 
faciliter  l'étude  de  leur  langue  aux  étrangers,  en  substituant  les 
caractères  romains  aux  caractères  cyrilliques.  S'ils  n*ont  pas  trouvé, 
du  premier  coup,  l'adéquation  exacte  do  Porthographe  à  la  pro- 
nonciation, en  n'est  pas  une  raison  pour  renoncer  à  leur  entre- 
prise. Ils  n'ont  qu'à  tenir  compte,  dans  une  juste  mesure,  des  ob- 
servations  qui  leur  sont  adressées,  et  à  rectifier  leur  orthographe 
là  oîi  la  pratique    leur    révélera   les  inconvénients   du  système 
adopté.— P.  SO,  Mélanges,!.  Quisqueet  cada  dans  les  langues  romanes, 
M.  P.  M.  détermine,  avec  une  grande  sûreté  de  critique,  l'origine 
et  l'historique  du  mot  cada,  et  le  montre  persistant  danales  langues 
néo-latines,  même  dans  le  roumain.   Les  patois  de  pure  langue 
d'oïl  semblent  seuls  l'avoir  perdu.  —  P.  85.  Storm.  Courte  disser- 
tation sur  musgode,   qu'il  dérive  du  moyen  haut-allemand  muos- 
gadem.  —  P.  86.  Caroline  Michaelis,  Étymologies  espagnoles ,  Les 
mots  analysés  sont  :  zaherir,  zabullir,  zabucar,  zahor.  Signalons, 
en  passant,  une  faute  d'impression,  p.  87,  note,  ligne  5  :  «  Orient  », 
lisez  :  «  Occident.  »  —  P.  91 .  L.  Delisle,  Noie  sur  le  manuscrU  de 
Tours,  renfermant  des  drames  liturgiques  et  des  légendes  pieuses  en 
vei's  français.  Voici  la  conclusion   de  cet  article  court  et  substan- 
tiel :  «  La  présence  de  ce  texte  provençal  (Épitre  farcie  pour  le  jour 
de  Saint-Etienne  )  dans  le  manuscrit,  la  nature  du  papier  et  le  ca- 
ractère de  l'écriture,  tout  se  réunit  pour  faire  supposer  que  le 
recueil  a  été  copié  dans  le  midi  de  la  France,  vers  le  milieu  du 
XIII*  siècle,  d'après  un  manuscrit  qui  avait  dû  être  exécuté  un 
demi-siècle  plus  tôt,  dans  une  des  provinces  septentrionales  sou- 
mises à  la  domination  des  Plantagenêts.  »  —  P.  96,  Hermann  8u- 
chier,  Odierne. — P.  97.  Comptes  rendus:  la  chanson  de  Roland,  p.  p. 
L.  Gautier  (favorable);  Rencesval.  p.p.  Boehmer  (moins  favorable). 
Suchier,  la  source  d'Ulrich  de  Turlin.  Bonvesin,  Tractato  dei  mesi, 
p.p.  Lidforss.  Braga,  Cancioneiro  e  romanceiro  gérai.  Baechtold, 
Deutsche  Handschriften  in  British  muséum.  Bartoli,  I  Codici  fran- 
cesi délia  marciana.  — P.  138.  Périodiques.  — P.  150.  Chronique^ 

A.  B. 

Rectification.—  M.  P.  M.,  dans  le  n®  5  de  la  Romania,  p.  139, 

rejette  avec  raison  l'étymologie,  par  moi  mal  présentée,  àe  gravats, 

^^gi^avatus.  Le  sens   s'oppose  à   cette  dérivation,   et  je  devais 

dire  que  gravatus^  adopté  par  Burguy  comme  partie  composante 


CHRONIQUE  477 

de  degras,  «  aurait  pu  à  la   rigueur  produire  une   forme  gravatSy 

mais  non  gras.  »  Quant  à  baud,  baude,  que  je  fais  venir  de  validus, 

plutôt  que  de  l'allemand  bald  ou  du  gothique  ballha,  je  persiste 

dans  mon  opinion.  Le  changement  de  aliâus  en  aud  étant  normal, 

cf.  calidus,  chaud,  et  la  substitution  du  &  au  v  latin  initial  étant 

justifiée  par  la  dérivation  incontestable  de  ftrebis  =  vervex,  je  me 

demande  sur  quoi  se  fonde  M.  P.   M.  pour  affirmer  que  baud, 

qui  signifie  gaillard,  vigoureux,    «  ne  peut  aucunement  venir  de 

validus 'f  » 

A.  Boucherie. 


CHRONIQUE 


Nous  sommes  heureux  d'annoncer  à  nos  lecteurs  que,  par  arrêté 
des  2  mai  et  11  juin  derniers,  M.  le  Ministre  de  instruction  pu- 
blique, des  cultes  et  des  beaux-arts,  a  chargé  MM.  0.  Bringuier  et 
Ch.  de  Tourtoulon,  membres  résidents  de  la  Société  pour  Vétude  des 
langues  romanes,  d'une  mission  à  l'effet  de  déterminer  la  limite  qui 
sépare  la  langue  d'oc  de  la  langue  d'oil. 


* 


La  Société  archéologique  de  Béziers  a  tenu  sa  séance  solennelle 
le  22  mai  1873.  Elle  a  décerné  une  médaille  d'argent  à  notre  col- 
lègue, M.  Marius  Bourrely,  pour  son  petit  poëme:  Carle-Quint  en 
Prouvènço. 

Des  médailles  de  bronze  ont  été  accordées:  à  Dom  Garnier,  bé- 
nédictin de  l'abbaye  de  Solesmes,  pour  sa  pièce  :  ASan^o  AScou/a^- 
tico  ;  à  M.  l'abbé  Aberlenc,  vicaire  à  Uzès  (Gard),  pour  la  Roundo 
fantaslico,  en  dialecte  cévenol  ou  raiou. — Li  Blanc  e  li  Blu,  petite 
composition  satirique,  par  M.  Autheman,  de  l'Isle-sur-Sorgue  ; 
Liaurotorso,  par  M.  Malvezin,  et  le  Quistoude  Noslro-Damo,  par  le 
frère  Miquel,  ont  été  honorablement  mentionnés. 

Nous  remarquons  encore  parmi  les  lauréats  notre  collègue 
M.  Victor  Bourrely,  de  Rousset  (Bouches-du-Rhône),  oui  a  obtenu 
une  médaille  de  bronze  pour  sa  pièce:  Cambouliù.  M.  Victor  Bour- 
rely, dit  le  Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  Béziers,  a  mis  en 
vers  provençaux  la  notice  que  M.  A.  M  on  tel  consacra  (7?et)MC  des 
langues  romanes,  t.  !•»•,  p.  74)  à  la  mémoire  de  notre  regretté  pré- 
sident-fondateur. 

Jeux  floraux  de  Barcelone.  —  La  fête  Uttéraire  des  Jeux  floraux 
a  eu  lieu  le  4  mai;  elle  avait  attiré,  comme  toujours,  grande  af- 
fluence  de  peuple,  et  surtout  de  dames  et  jeunes  filles,  en  costume 
national.  Elle  était  présidée  par  D.  Jeronimo  Rosello. 


478  CHRONIQUE 

Après  le  discours  du  président  ot  du  secrétaire,  D.  Luis  Roca, 
le  nom  des  lauréats  a  été  ainsi  proclamé  : 

Prix  (le  la  tleur  naturelle,  à  don  Tomas  Fortoza  de  Mallorca  :  les 
Noces  del  infant.  — xVcccssits,  dona  Victoria  Penya  de  Amer  :  Una 
visita  à  ma  i)atria  ;  et  D.-F.  Ubach  y  Yinyeta  :  Ma  viia  ; 

De  l'cglantine  d'or,  encore  D.  Thomas  Forteza  :  lo  Rey  y  V Arche- 
bisbe.  —  Accessits,  des  compositions  historiques  D.  Ubach  y  Vi- 
nyeta  :  la  Lhuyta  deUeys,  et  D.  J.  Neboty  Casas  :  los  Très RomanseU 
de  la  iiresa  de  Roma  ; 

De  la  violette  d'or,  ])oésies  religieuses,  D.  Jaclnto  Verdaguer: 
Flor  de  la  tortosa.  —  Accessits,  D.-A.  PagOs  de  Puig:  la  Creu,  et 
D.  Ubach  y  Yinyeta  :  Jésus  perdut  ; 

De  la  députation  de  Tarragono,  D.-J.  Marti  y  Folguera:  Tar- 
ragona.  —  Accessit,  D.-F.  Mateu  :  Salva  terra  ; 

Delà  jeune  Catalogne,  D.-J.  Reventos  y  Amiquet.  — Accessits, 
D.-A.  Pages  et  D.  Reventy  ; 

Des  associations  catholiques  de  Barcelone.  D.-J.  Verdaguer:  la 
Batalla  de  Lepant.  — Accessit,  D.-F.  Mateu  :  Lhuis  de  Requesens  ; 

Do  Mayorque,  D.-B.  Pîco  y  Campanar  :  lo  Sait  de  la  BtUa  Dona. 
—  Accessits,  D. -Thomas  Forteza  :  Dissort,  et  D.-B.  Ferré  :  Canso 
de  la  dissort. 

Selon  Tusage  traditionnel,  les  prix  furent  distribués  par  la  reine 
do  la  fête,  la  Reina  de  lafiesla^  choisie  par  le  principal  lauréat  lui- 
même.  Cotte  année,  la  reine  a  été  dona  Oribla  Serra  de  Quintana, 
nom  cher  à  notre  Société.  Les  poëtos  reçurent  successivement  de 
ses  mains  les  fleurs  etjoyas  qui  leur  revenaient.  Après  quoi,  D.-T. 
Forteza  a  été  nommé  main  teneur,  pour  avoir  obtenu  les  trois  prix 
réglementaires. 

Le  discours  final  a  été  prononcé  par  notre  collaborateur  et  ami 
D.  Albert  de  Quintana,  mainteneur. 


La  Société  arcliéologique  de  Béziers  va  reprendre  incessamment  la 
publication  du  Breviari  d'amor,  de  Matfre  Ermengaud,  un  moment 
interrompue  par  les  événements  qui  ont  si  profondément  désolé 
notre  pays. 


* 


La  souscription  à  Volo. . .  Biàuî. . .  Toeuvre  que  vient  d'achever 
M.  Albert  Arnavielle,  l'auteur  des  Can/5  de  VAubo,  est  ouverte  à 
partir  d'aujourd'hui. 

Qui  ne  connaît,  dans  nos  Cévennes,  la  légende  de  Saint-Am- 
broix?  Cette  légende  si  populaire  pouvait  tenter  quelaue  plume 
poétique;  mais,  pour  que  lo  sujet  fût  palpitant  d'intérêt  eta'actualité^ 
il  devait  être  présenté  sous  sa  vraie  couleur  locale  :  il  fallait  dé- 
peindre les  lieux,  les  sites  qui  figurent  dans  la  scène,  sous  leur  as- 
pect essentiellement  particulier,  et  les  désigner  des  noms  que  le 
peuple  leur  a  donnés;  il  fallait  mettre  dans  la  bouche  des  person- 
nages de  Faction  le  langage  propre  qu'ils  ont  parlé.  C'est  ce  qu'a 


CHRONIQUE  479 

fait  l'auteur  de  Volo...  Bioul.. .  et,  pour  rendre  la  peinture  plus  sai- 
sissante encore,  il  a  confié  au  crayon  de  son  frère  Aristide  Arna- 
vielle  l'illustration  du  texte. 

Le  prix  de  chaque  souscription,  donnant  droit  à  un  exemplaire, 
est  de  1  fr  50  c.  La  souscription  sera  close  dès  que  les  souscrip- 
teurs auront  atteint  le  nombre  de  200.  Le  volume  sera  ensuite 
vendu  2  fr.  en  librairie. 

Los  50  premiers  souscripteurs  recevront  le  poëme  Volo...  Biou!... 
imprimé  sur  beau  papier  de  Hollande. 

On  est  libre  de  joindre  le  montant  de  sa  souscription  à 'son 
adhésion  ou  d'attendre  la  réception  du  volume. 

On  souscrit  chez  M.  Albert  Arnavielle,  rue  d'Avéjan,  à  Alais,  et 
à  Timprimerie  J.  Martin,  rue  Bridaine,  4. 


M.  G.  Charvet  vient  de  faire  paraître,  à  Alais  (J.  Martin,  1873) 
la  première  livraison  du  Cartulaire  de  Remoulins,  qui  contient  une 
suite  de  documents  du  XIII^  siècle.  La  i>artie  romane  de  cette  pu- 
blication a  été  insérée  dans  le  dernier  numéro  de  la  Revue,  avec  une 
introduction  historique,  sous  le  titre  :  les  Coutumes  de  Remoulins. 

Le  cartulaire  que  M.  Charvet  a  entrepris  de  mettre  au  jour  est 
publié  sous  les  auspices  du  Conseil  municipal  de  Remoulins.  On 
ne  saurait  trop  encourager  une  pareille  initiative,  et  il  serait  à 
désirer  qu'elle  trouvât  des  imitateurs  aussi  intelligents  dans  toutes 
les  villes  du  Midi.  L'histoire  locale  et  la  linguistique  ne  pourraient 
qu'y  gagner  amplement. 


Notre  collègue,  M.  Paul  Barbe,  de  Buzet  (Haute-Garonne),  vient 
de  publier,  à  Toulouse  (Douladoure,  1873),  un  Ensaj  en  formo  de 
dialogo  sul  las  lengos  en  gênerai  e  lours  prencipalos  attribucius.  Ce 
travail,  écrit  en  dialecte  gascon,  avait  été  communiqué  par  son 
auteur  à  la  Sociélé  pour  l'élude  des  langues  romanes  et  y  avait  été 
remarqué. 


M.  l'abbé  Lieutaud,  bibliothécaire  de  la  ville  de  Marseille,  a  com- 
mencé, sous  le  titre  général  de  Notes  pour  servir  à  Vhistoire  de 
Provence,  une  série  de  petites  publications  mensuelles,  qui  sont 
déjà  au  nombre  de  quatre  : 

I.  Élections  municipales  à  Berre  (6  janvier  1396,  texte  roman).  — 
IL  Un  Diner  officiel  à  Jonquières  (Vauciuse,  17  février  1725). —  III. 
Vente  de  la  ville  de  Moustiers  (27  mars  1313).  —  IV.  Lou  Rouman 
d'Arles,  fragment  de  poome  j)rovencal  (Marseille,  Boy  fils.  In-S®, 
19  p.). 

Ce  fragment  est  emprunté  à  des  copies  modernes,  qui  se  trou- 
vent: à  la  bibliothèque  Méjanes,  d'Aix,  ms.  307  ;  —  aux  archives 
d'Arles,  ms.  de  J.-D.  Vôran,  sur  les  Idiomes  d'Arles,  p.  213  et  59; 
—  et  ms.  de  Bonnemant.  Ce  dernier  le  donne  d'après  une  copie 
de  Bertrand  Boisset,  aujourd'hui  perdue,  mais  qu'on  croit  du 
XlVe  siècle. 


2^ 


480  CHRONIQUE 

L'éditeur  a  essayé  rlo  reconstituer  le  texte  original  du  poome 
[)ar  des  conjectures  et  des  corrections  plus  ou  moins  heureuâes, 
le  texte  actuel  ayant  beaucoup  souffert. —  Nous  n'avons  reçu  que 
les  numéros  1  et  4  de  ces  publications. 


Nous  apprenons  avec  plaisir  que  M.  Gabriel  Azaïs,  secrétaire 
de  la  Socicié  archéologique  de  Héziers,  va  publier  cet  hiver  un  re- 
(îueil  de  poésies  provençales  et  languedociennes  :  Im  Vesprada^  de 
Clûirac,  en  ce  moment  sous  presse  à  Avignon. 

L'ancienne  Sociélé  des  sciences,  lettres  et  arts,  fondée  à  Pau  en 
1841.  et  qui  avait  cessé  ses  travaux,  s'est  reconstituée  on  1871. 

Nous  remarquons  dans  lo  tom.  I«r  de  la  deuxième  série, 
1871-187'2,  p  l  11,  un  texte  du  XVIo  siècle.  C'est  un  lièglemenl  pour 
la  saison  thermale  des  eaux  chaudes^  communiqué  par  M.  Raymond, 
arcbiviste  des  Basses-Pyrénées. 

Cette  ordonnance,  rendue  en  1576  par  Henri  d'Albret,  lieutenant 
général  de  Henri  III,  roi  de  Navarre,  plus  tard  Henri  IV  de 
France,  a  été  trouvée  dans  les  archives  de  Laruns. 

On  sait  combien  il  est  rare  de  trouver  des  documents  de  cette 
époque  écrits  en  langue  d'oc. 

Sip;nalons,  en  terminant,  ({uelques  publications  concernant  This- 
toire  de  nos  provinces  méridionales  : 

Noticesur  les  origines  de  la  maison  d'Albret,  997-1270,  par  A.  Lu- 
chaire.  In-8o  (Ribaut,  à  Pau).  —  Histoire  des  vicomtes  et  de  la 
vicomte  de  Limoges,  par  F.  Marvaud.  Paris,  1873,  tom.  I"*  (in-S®, 
Dumoulin).  —  Essai  sur  le  grand  prieuré  de  Saint-Gilles,  de  V ordre 
de  Saint-Jran-de-Jérusalem,  suivi  du  Catalogue  des  chevaliers  de  la 
langue  de  Provence,  par  le  comte  de  Grasset  (in-4o,  Dumoulin).  — 
Avignon,  le  Gomtat  etla  principauté  d- Or  ange  ^  parM.de  Laincel,  etc. 

Dans  le  dernier  numéro  delà  Romania,  M.  G.  Meyer  attribue  les 
Petites  Compositions  populaires  à  MM.  Martel  et  Liebich.  Cette  publi- 
cation est  de  MM.  Moutel  et  Lambert,  ainsi  que  celle  des   Contes 
populaires,  à  continuer,  et  celle  des  Chants  populaires,  qui  suivra 
bientôt. 


Le  Gmmt,  Ehnest  HAMELIN  . 


Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi.-  Ricateau,  Hamelin  et  O». 


DIALECTES  ANCIENS 


ARCHIVES    DE    MONTPELLIER 


LE    MEMORIAL    DES    NOBLES 


Le  Mémorial  des  Nobles  est  le  plus  ancien  et  aussi  le  plus 
précieux,  sans  contredit,  des  cartulaires  des  archives  munici- 
pales de  Montpellier,  en  ce  sens  surtout  qu'il  est  la  repro- 
duction de  documents  originaux  qui  n'existent  plus. 

Il  se  donne  à  lui-même  le  nom  de  Liber  instrumentorum 
inonorialiasn,  ainsi  que  Ta  fort  bien  observé  M.  A.  Germain*. 

On  no  Ta  appelé  Mémorial  des  Nobles,  aux  XVP  etXVlP  siè- 
cles, que  par  une  sorte  d'opposition  avec  une  longue  série  de 
volumes  d'annales,  dits  Mémoriaujc  consulaires,  que  possèdent 
ces  archives.  De  même  que  ces  derniers  relatent,  année  par 
année,  tout  ce  (|ui  intéresse  la  commune  et  les  charges  muni- 
cipales, de  mémo  le  Mémorial  des  Nobles,  pour  tout  le  temps 
où  la  ville  eut  des  seigneurs,  relate  et  reproduit  tous  les  actes 
(jui  concernent  les  droits  et  les  rapports  de  féodalité  et  de 
propriété  de  ces  derniers. 

Il  contient  donc  à  peu  près  tout  ce  que  nous  savons  de 
l'histoire  de  la  ville  de  Montpellier  de  Tan  1020  à  Tan  1204, 
(jui  est  le  point  de  départ  de  presque  tous  nos  grands  recueils 
municipaux.  A  ce  point  de  vue,  la  dénomination  actuelle  "est 
donc  assez  exacte. 

l^lle  ne  l'est  [dus  en  ceci  que,  tandis  que  les  véritables  Mémo- 
rifittx  sont  des  récits  de  faits  au  jour  le  jour,  dans  ce  stjle 
embarrassé  et  prolixe  des  greffes  que  Ton   connaît,  le  Mémo- 

•  llistoirr  de  (u  Comimiur  do  Monfppllier.  l.  !•',  p.  298. 

32 


482  DIALECTES    ANCIENS 

rial  des  Nobles,  au  contraire,  reproduit  purement  et  simple- 
ment des  chartes  et  des  pièces  originales,  sans  même  y 
ajouter  de  commentaires. 

Si  cette  dénomination  n'était  pas  consacrée,  il  est  évident, 
par  ce  que  je  viens  de  dire,  qu'il  faudrait  lui  substituer  celle 
de  Cartulaiî'e  des  Guillems,  tout  comme  à  la  Bibliothèque  Na- 
tionale on  a  substitué  à  la  dénomination  vulgaire  de  Petit 
Thalamus  celle  de  Cartulaire  de  Montpellier,--  Mais  il  n'y  a  pas 
à  insister  sur  ces  changements,  attendu  que  ces  deul  manu- 
scrits sont  connus  et  cités  partout  sous  leur  nom  vulgaire. 

Le  Mémorial  des  Nobles  est  un  «  magnifique  in-folio,  sur 
vélin,  de  191  feuillets,  où  sont  transcrites,  avec  assez  d'ordre, 
au  nombre  de  613,  toutes  les  bulles  et  toutes  les  chartes  rela- 
tives à  la  seigneurie  des  Guillems.  »  Cet  ordre  consiste  en  ceci 
que,  au  lieu  d'être  rangés  chronologiquement  ou  au  hasard, 
comme  ils  le  sont  dans  presque  tous  les  cartulaires,  les  docu- 
ments sont  groupés  de  telle  façon  que  tous  ceux  qui  concer- 
nent un  même  titre  féodal  se  suivent  sans  interruption,  et  en 
général  par  rang  de  date.  Cet  ordre  est  indiqué  et  rendu  plus 
facile  à  saisir  dans  une  table  très-détaillée,  qui  se  trouve  en 
tête  du  manuscrit. 

Sur  ces  613  documents,  le  sixième  à  peu  près  est  en  langue 
romane  *. 

Mon  intention,  bien  arrêtée  depuis  longtemps,  étant  de 
publier  le  cartulaire  en  entier,  j'avais  résolu  de  ne  donner 
à  la  Revue  qu'un  très-petit  nombre  de  documents,  pris  parmi 
ceux  de  cette  dernière  sorte  ;  d'autant  mieux  que  ces  docu- 
ments —  presque  tous  serments  d'hommage  et  de  fidélité  — 
ne  font  que  reproduire  les  mêmes  formules  et  n'offrent  pas 
le  grand  intérêt  historique  et  la  variété  des  actes  latins. 

Mais,  après  réflexion  faite,  je  me  décide  à  les  donner  entiè- 


'  Les  documents  latins  les  plus  importants  ont  été  publiés  par  M.  A. 
Germain,  dans  ses  grands  travaux  historiques  sur  notre  ville  ;  la  publi<* 
cation  complète,  que  je  l'entreprenne  ou  qu'elle  soit  faite  par  un  autre, 
n'en  demeure  pas  moins  fort  à  désirer. 


LE    MEMORIAL    DES   NOBLES  483 

rement,  pour  deux  raisons,  dont  je  crois  qu'on  appréciera  la 
valeur:  Tune,  c'est  que  ces  documents,  en  général  fort  an- 
ciens —  ils  appartiennent  presque  tous  à  la  seconde  moitié 
du  XP  siècle  ou  au  commencement  du  XIP  —  donnent  des 
exemples  de  prose  en  notre  langage  pour  des  dates  assez 
reculées,  et  avec  des  transformations  successives;  l'autre,  c'est 
que  par  leurs  variantes  d'orthographe  et  d'idiome,  qui  chan- 
gent souvent  avec  le  lieu  dont  il  s'agit,  ils  peuvent  présenter 
des  observations  intéressantes  sur  la  langue  et  la  manière 
de  prononcer  des  divers  pajs  de  notre  contrée . 

Je  ne  puis,  pour  l'heure,  donner  de  plus  longs  détails  sur 
cette  publication.  Des  circonstances  douloureuses  me  forcent  à 
renvoyer  à  plus  tard  la  notice  que  je  me  proposais  de  faire, 
tant  sur  le  manuscrit  en  général  que  sur  les  particularités  de 
chaque  document. 

Il  doit  me  suffire  d'ajouter  que  je  les  édite  dans  l'ordre  où 
ils  se  trouvent  dans  le  manuscrit,  mais  que  j'en  donnerai  à  la 
fin  une  récapitulation  chronologique  et  comparative,  avec  les 
explications  que  nécessite  leur  publication. 

A.   M. 


I 

(F°  29,  r°.  —  Ann.  1130) 

Ch .  68)  Item  convenientia  inter  PRiEDiCTOS 

Aus  tu  Guillelm  de  Montpesler,  fil  d'Ermessent,  si  Bernarts, 
coms  de  Melgor,  filz  de  Maria,  aquels  très  diners  que  t'a  do- 
naz  a  feu  en  la  moneda  de  Melgor,  pos  serant  monedat  a 
Melgor  0  deforas  ab  la  voluntat  del  comte,  siant  denier,  siant 
mezallas,  te  tollia  o  t'en  tollia,  el  o  om  o  femena  per  son  consel 
()  per  son  gien  o  per  sa  art,  si  enfra  xl  dias  pos  tu  l'en  co- 
monrias  o  comonre  l'en  farias  zo  que  toit  t'auria,  el  o  om  o 


484  DIA.LBCTES   ANCIENS 

femena  per  son  consel  o  per  son  gien  o  per  sa  art,  non  t'avia 
emendat  senes  engan.  Eu  enfra  octo  dias  pos  tu  m'en  comon- 
rias  0  comonre  m'en  farias,  e  d'aquel  comoniment  eu  no'm 
vedaria,  a  Montpesler  venria  en  ton  poder,  si  aiz  non  avia  ; 
e  aquel  aiz  non  fos  per  aizo  ni  contra  aizo,  e  Taiz  trapasat 
venrai  a  Montpesler  e  d'aqui  non   iserai  per  negun  gin  ni  per 
nulla  art,  senes  ton  consel,  entro  qu'a  co  que  toit  t'auria  le 
coms  sobrediz  o  om  o  femna  per  son  consel  o  per  son  gien  te 
fos  emendat  ses  lo  teu  engan.  E  sobre  tôt  aizo,  si'l  coms  o  altre 
om  0  femna  la  moneda  de  Melgor  de  la  lei  o  del  pes  que  faita 
deu  esser,  si  con  es  escrit  on  la  carta  del  sacramental  del 
comte,  amcrmava,  ad  aquel  ajudaire  ni  conssellaire  non  serai  ; 
ni  a  ti  ni  a  tos  crez,  qui  sennor  seran  de  Montpesler,  nozeire 
d'aquels  non  serai.  Sobr'aizo  de  la  bailia  quel  comte  t'a  lais- 
sada  del  castel  de  Melgor  et  de   son  terminio  et   de  Mont- 
feran,  si  tornaz  era  al  comte  o   a  son  ère,  nuls  om  o   nulla 
femna  te  tollia  o  t'en  tollia  ad  aquel  ajudaire  nec  consiliator  ero, 
nec  tui  nec  heredihus  tuis  inde  nocuei^o,  Aisi  con  en  aquesta  carta 
es  escrit,  aisi  o  tenrai  et  o  atendrai,  meu  escient,  per  aquestz 
sanz.  Juraverunt  in  ecclesîa  sancti  Jacobi,  Ugo  de  Obillos,  Petrus 
Siguerius  de  Melqoino,  Raimundus  de  Fraires,  Pelrus  Gavcel- 
mus,  Armandus,  Poncius  Aicardus,  Bremundus  de  Obillos,  Bet^- 
trandus  de  Neptis .  —  Testes  sunt  Guilelmus  de  Fabricis,  Poncius 
suus  frater,  Ugo  de  Castro  Movo,  G.  de  Jonchus,  Raimundus  Bas- 
tagniy  Gaucelmus  deClareto,  G,  de  Villanova,  Bemardus  Botberti, 
Raimundus  de  Haura,  Berengarius  filius  Berengarii  Lamberti, 
Amelius  de  Podio,  Archimbaldus,   Guillelmus  Girardi,   Petrus 
Angélus, — Juramrunt  in  ecclesia  sancti  Romani,  Poncius  de  Mon- 
telauro,  Raimundus  frater  suus,  Peti^us  de  Surigariis.  Bertran- 
dus  de  Boissariis,  Petrus  Maltos,  Raimundus  Miro,  Guillelmus 
Rigaldi,  Petrus  Girbeti,  Petits  Gibelinus,  Poncius  Rigaldi,  Guil^ 
lelmus  Bremundus,  Petrus  Rostagni  de  Ozorio,  G,  Boschius, 
BeiHrandus  Jordani,  Petrus  Aloardi,  Raimundus  Gaucelmus  y  Guil" 
lelmus  de  Arsaz. —  De  liis  testes  sunt  isti,  Guillelmus  de  Fabricis^ 
Poncius  de  Fabncis,  Ugo  de  Castro  JSovo,  Raimundus  Rostagni, 
Bemardus  Ebrardi,  Bemardus  Rotberti,  Guillelmus  Troncus, 


LE   MEMORIAL    DES   NOBLES  485 

Berengarius  filius  Berengarii  Lamberti,  Amelius  de  Podio,  Ber-^ 
nardus  de  Ahuria,  Petrus  Deodatus  de  Sancio  Egtdio,  Pondus 
d'Arles,  Petrtis  Ginnactiantii,  Archimbaldus,  Guillelmus  de  Villa- 
nova,  Petrus  Angélus. — Juraverunt  Guillelmus  Miro,  Éaimundus 
de  Maroiol,  Guillelmus  Seguinus,  Bemardusde  Sancto  Juliano, 
Guillelmus  Jordani  de  Ozorio.  —  In  domo  Rainaldi  de  Vienna, 
juraverunt  Bertraridus  Oto,  Ugo  de  Boisseiras,  G.  Tallandus, 
G.  Bertrandus,  G.d'Ossor.  In  videntia  Berengarii  Lamberti,  Bu- 
nonis  de  Tolosa,  Guillelmide  Villanova,  Ponciiàe  Rocha  furcata. 

Cette  convention,  portant  que  le  comte  de  Melgueil  Bernard  IV  promet 
à  (iuillem  VI,  seigneur  de  Montpellier,  de  garder  le  bail  à  fief  qu'il  lui  a 
fait  de  trois  deniers  sur  chaque  vingt  sols  de  monnaie  qui  seraient  frappés 
à  Melgueil,  est  d'avril  1130.- Cette  date  est  indiquée  par  l'accord  (ch.  66) 
qu'il?  eurent  entre  eux  et  un  serment  de  Guillem  VI  (ch.  67),  qui  se  trou- 
vent immédiatement  avant  dans  le  manuscrit.  —  V.,  pour  toute  cette 
affaire,  1«  Mémoire  sur  les  anciennes  monnaies  seigneuriales  de  MelgueU 
et  de  Montpellier,  par  M.  A.  Germain,  Public,  de  la  Soc,  arch.,  lîl  p  135. 


II 


(F°  35,  v\  —  Ann.    1174.) 
Ch.  80)  Sacramentum  a  raimundo  comité  tholosano 

PR^STITUM    GUILLELMO   DOMINO    MONTISPESSULANI 

/"Jgo  RnimunduSy  Dei  gratia  dux  Narbone,  cornes  Tolose,  mar- 
cliio  Provincie,  filz  de  Faidida,  jur  a  te,  G.  sener  de  Monpes- 
Icr,  filz  de  Mathelz,  ta  vida  e  ta  membra,  e  que  d'aquesta 
hora  enant,  eu  non  t'enguanarai  de  ta  honorni  de  ton  aver,  ni 
de  tons  homes,  meu  escient.  E  si  nescis  o  fazia,  lai  on  tu  G. 
sener  de  Monpesler  per  te  o  per  ton  fizel  messatgue  m'en 
comonrias  per  sagramen,  enfra  quaranta  dias,  eu  to  emen- 
daria  sens  engan,  per  aquest  sanz.  Et  oltr'aizo  met  en  n'a- 
({uest  meseis  sagramen,  qu'eu  no't  penrai  nipenre  no't  farai. 
Essi  neguns  hom  te  prendia  ab  aquel  compania  ni  societat 


4SÔ  DIALECTES    ANCIENS 

non  auria,  ni  amistat,  si  per  te  arrecobrar  non  o  avia.  Hoc 
fuit  factura  anno  Dominice  incamntionis  M°  C^  LXXIIII^  mense 
decembris  in  villa  de  Medullo.  In  presentia  Poncii  archieptscopt 
Narbone,  Johanis  episcopi  Magalone,  Raimundi  Gutllemi  abbatis 
Ananie,  Bernardi  de  Andusia,  Bermundi  de  Uzetico,  Raimundi 
Gaucelmi,  Guillelmi  de  Sabrano,  Raimundi  R&scsa^  Bermundi 
de  Someire,  Guidonis  Guerre gat,  Guillelmi  d'Arsaz,  Ermengavi 
de  Melgorio,  Pétri  de  Bernis,  Guillelmi  Rainaldi,  Raimundi  de 
Caslar,  Magistri  Radulfi ,  Ermengavi  de  Piniano,  Raimundi 
Guillelmi  fratris  sui,  Agulloni  de  Castro  Novo,  Porcello  de  Ar- 
lede,  Guillelmi  Raimundi  Gantelmi,  Guillelmi  de  Albaterra,  Guil- 
lelmi Letirici,  Guillelmi  Adalguerii,  Guillelmi  Pétri ,  Guillelmi 
Olrici,  Guiraldi  Atbrandi,  Pétri  de  Casa,  Magistri  Guidonis, 
Stepkani  de  Conchis,  Poncii  de  Berengarii  Lamberti,  Johansi 
Bertulfî,  Guillelmi  de  Cerverio,  Pétri  de  Alegre  et  multorum 
aliorum  et  Silvestri  qui  hec  scripsit. 

Pour  ce  serment,  prêté  par  Raymond  V ,  comte  de  Toulouse,  à  Guil- 
lem  Vin,  de  Montpellier,  et  l'accord  de  Mezoul,  qui  en  fut  la  cause, 
voy.  d'Aigrefeuille,  Hist .  de  la  ville  de  Montp.,  l,  pag.  41. 


m 


(F°  36,   r°.  —  Ann.  1068?) 
Ch.  82).  Sacramentum  factum  a  raimundo  comité  melgoriensi 

GUILI.ELMO   domino    MONTISPESSULANI    SUPER    MELGORIO    ET    DB 
IPSIUS  FIDELITATE 

Deista  hora  in  antea,  ego  Raimundus  filius  Bera  non  dezebrai 
Guilelmum  filium  Ermengardis  de  ipso  castello  quod  vocavit 
Melgorium,  nolli  tolrai  ni  l'en  tolrai  nilli  vedarai  de  illas  forte- 
zas  quw  ibi  kodie  sunt  et  in  antea  erunt,  neque  homo  neque  fcemina 
per  meum  ingenium  nec  per  meam  artem  neque  per  meum  consi- 


LE    MEMORIAL    DBS   NOBLES  487 

lia  m,  et  si  hoc  erat  aut  fœmina  que't  te  tolisset  aut  t'en  tolisset 
cum  illo  societatem  nec  finem  non  habuero  ad  dampnum  de  Guil- 
lelmo  superscripto .  Et  ajudarai  a  Guillelmum  superscriptum 
usque  quod  habuisset  illum  recuperatum  et  cum  illo  et  sine  illo ,  Et 
ajudar  Ten  ai  per  fidem  et  sine  ingano  et  sine  sua  deceptione.  Ego 
Raimundus  ad  te  (luilelmum  superscriptum  sicut  superscriptum 
et  totum  tenebo  per  fidem  et  sine  ingano,  me  sciente,  salva  fide- 
litate  de  Raimundo,  comité  d'Espeluca . 

Ce  serment,  prêté  par  Raymond,  fils  de  Bera,  comte  de  Melgueil,  à  Guil- 
lem  V,  doit  avoir  été  fait  entre  les  années  1068  et  1079,  dates  de  Tavènement 
de  ce  dernier  et  de  la  mort  du  comte. 


IV 
(F°  36,  v\  —  Ann.  1125?) 

Ch.  83)  JUSJURANDUM   FACTUM  A  BERNARDO  COMITE  SUPER 
FIDELITATE  GUILLELMO  DOMINO  MONTISPESSULANI 

Eu  Bernard,  coms  de  Melgor,  filz  de  Maria,  jur  a  te,  Guil- 
lelm  de  Montpestler,  fil  d'Ermessenz,  ta  vida  et  ta  membra, 
e  que  d'aquesta  hora  enant,  eu  non  f  enganarai  de  ta  honor 
ni  de  ton  aver,  meu  escient.  Et  si  nescies  o  fazia,  lai  on  tu, 
Guillelm  de  Montpestler,  per  te  o  per  ton  fizel  messatgue 
m'en  comonrias  per  sagrament,  enfra  xl  dias  eu  to  emen- 
darai  senes  engan  per  aquestz  sanz.  Testes  sunt  isti,  Bemardus 
de  Anduzia,  Guillelmus  de  Omelado,  Gaucelmus  de  Clareto,  Guil" 
leimus  de  Fabricis,  Berengarius  Aeiraz,  Rostagnus  d'Arsaz,  Ber- 
nardus  de  Pinnano,  Berengarius  de  Salve . 

Serment  de  Bernard  III,  comte  de  Melgueil,  à  Guillem  "VI,  qui  doit  être 
placé  à  la  fin  do  leurs  démêlés,  en  1125.  (V.  d'Aigrefeuille,  Hisi.  de  la  ville 
de  Montp.,  1,  pag.  xxxui  et  20.) 


4S8  DIALECTES    ANCIENS 


V 

(Po  63,  v°  —  Ann.  1113.) 

Cil.    ]  10)    Df:  LITE  PROPOSITA  INTER   DOMINUM    GUILLELMUM 
MONTISPESSULAXI   ET    BERNARDUM  GUILLBLMUM 

(.Tuilelms  de  Monpestler  se  clama  d'en  Bernart  Guilelm 
d'aiso  :  qu'enz  Guilelms  de  Monpestler  s'en  clamava  d'en  Ber- 
nart Guilelm  e  demandet  l'en  fermansa.  E'n  Bernars  Guilelms 
no'l  vole  dar  fermansa  entro  ab  lo  degan  de  Posqueiras  et  ab 
n'  Esteve  de  Cervian  ac  assegut  cum  deseiseria  de  sun  poder, 
et  il  lo  agro  covengut.  Et  per  aizo  clamas  sen  en  Guilelms 
de  Monpestler,  quar  ab  aital  gen  li  detla  fermanso.  Et  en  de 
sobre  clamas  sen  en  Guilelms  de  Monpestler  quar  en  Bernars 
Guilelms  se  fez  donar  sun  feu  ab  carta,  que  adoncs  cavaliers 
en  esta  terra  non  donera  son  feu  ad  altre  ab  carta.  E  sobr'aisso 
clamas  en  Guilelms  de  Monpestler,  qu'en  Bernaz  Guilelms 
se  fez  donar  ab  carta  sa  onor  dominia  d'en  Guilelm  de  Mon- 
pestler, que  non  era  del  feu  d'en  Bernart  Guilelm  sobr'esso 
qu'enz  Bernarz  Guilelms  fu  al  guadi  qu'enz  Bernarz  Guilelms 
SOS  paire  d'en  Guilelm  de  Monpestler  donet  adoncs  e'I  ma- 
lavei  de  que  fo  mors.  El  quai  guazi  diss  en  Bernarz  Guilelms 
SOS  paire  do  Guilelm  de  Monpestler  que  don  que  fezes  aquest 
SOS  fils  Guilelms  de  Monpestler,  ans  que  agucs  trent-ans,  non 
fos  estabils,  e  so  auzi  ens  Bernars  Guilelms.  E  quar  en  Ber- 
narz Guilelms  receup  don  de  son  feu  ab  carta,  que  anc  mais 
fait  non  fora  en  aquesta  terra,  e  quar  receup  don  de  cella 
onor  (|U0  de  sun  feu  non  era  ab  aquests  engiens.  E  quar  el  o 
clamava  per  son  feu,  e  non  o  era  :  e  quel  sabra '1  gazi  que 
SOS  paire  donera  :  enz  Guilelms  de  Monpesler  quan  fo  fauz 
lo  dons  anquara  trent-anz  non  aura.  Clama  enz  Guilelms  de 
Monpestler  tôt  lo  plaz.  E  met  l'en  rancura  et  en  vet  et  en 
contradich  e  per  aiso  anquara  quar  l'enganet  ab  ses  amies.  — 
E  clamas  enz  Guilelms  de  Monpestler  d'en  Bernart  Guilelm  de 


LE   MEMORIAL    DES   NOBLBS  489 

las  junchadas  del  sestairalague  de  la  vila  de  Monpestler,  que 
el  e  sel  orne  las  prendon  maiors  que  non  devon,  E  manda  '1  e 
veda  1  ens  Guilelms  de  Monpestler  que  mai3  de  si  enant  non 
las  prenda  ni  prenre  non  las  fassa  maiors  que  non  deu.  Ë 
so  fa,  met  li  tôt  lo  sestairalatgue  en  forfaz.  E  clamas  enz  Gui- 
lelms  de  Monpestler,  quar  en  Bernarz  Guilelms  las  justizias 
pren  dels  forsaz  que  Tom  ad  el  forsa  en  la  vila  de  Monpest- 
ler sans  los  sens  bailes.  E  clama  s'eus  Guillelms  de  Monpestler 
dai  bon  feu  cum  enz  Bernars  Guillems  ten  de  lui,  quar  ben 
no'l  li  serve. 


Ce  débat  entre  Guillem  VI,  fils  d'Ermessende,  et  le  vicaire  Bernard 
Guil!em,  dont  cette  pièce  et  la  suivante  fournissent  les  points  contradic- 
toires, fut  l'un  des  signes  avant- coureurs  de  la  révolto  de  tt71,  suséitôe 
principalement  par  ce  dernier  et  ses  enHaints.  (V.  d'Âigrefeuille,  Hist.f  It 
pag.  25  etsq,)  La  date  1113  q%l  indiquée:  par  laobarte  que  nous  pabliws 
ci  après 


VI 
(F'  63,  v°.    -    Ann.  1113.) 
Cil.  1:;^0)  Item  querimonia  beknardi  ouu^lblmi  &t  DOBiU[r:i 

GUILLELMI   MONTISPJE^SULANI. 

Enz  Bernaz  Guilelms  clamas  d'en  Guilelm  de  Montpesler  : 
(lois  plaz  que  non  son  tengutensa  cort,  e  de'ls  lairuns  quar  el 
iio'ls  ten,  e  dels  plaz  quar  el  no'ls  pot  bais^ar<'ni  levar.  — ETn 
(juilelms  de  Monpesler  respon  Fen  enaisai: — Delà  plaiZ  de 
Monpestler  quar  non  son  plagigat  en  la  cort  d*en  Bernart 
(Tuilclm,  non  lo  deu  demandar,  que  non  es  sos  feus  ni  npn  o  a 
en  sa  carta.  £t  rancuras  Sf^n  ens  Guilelms  de  Monpestler, 
4U  entre  forun  tengut  li  plaz  en  U  cort  d'en  Bernart  Gui- 
lolm  li  sei  ome  Temblerun  lus  p^  et  foron  proat»  E  quar 
enz  Guilelms  de  Monpestler  non  gec  tener  los  lairuns  eii  la 
cort  d'en  Bernart  Guilelqi^fia  p  pec  zo  qu'^nti^  li  lairun  estàUJL 


490  DIALECTES   ANCIENS 

la,  11  orne  d'en  Bernart  Guilelm  los  alargueron  tais  ni  ac,  e 
tais  ni  ag  s'en  annerun  per  lur  mala  garda  ;  per  que  enz  Gtm- 
lelms  de  Monpestler  en  perdet  sas  justizias^  et  an  faz  gran 
messinn  en  condersser  et  en  conduz.  Ë  sei  orne  d'en  Bernart 
Guilelm  aun  alargatz  lairuns  de  sas  dominias  carcers  d^en 
Guilelm  de  Monpestler,  e  clamas  s'en.  E  si  en  Bemarz  Gui- 
lelms  li  rederzia  tôt  lo  mal  e'I  daun  e  Fancta  qu'avengut  Ten 
n'es,  abs  so  qu'a  far  n'auria  si  no's  vol,  giquir  ha  tener  los 
lairons.  E  quar  ens  Guilelms  de  Monpestler  no'l  laissa  las 
platz  batsar  ni  alsar,  fa  o  per  so  que  non  es  feus  d'en  Bernart 
Guilelm.  E'nz  Guilelms  de  Monpestler  vol  tener  lo  sennoriu 
a  SOS  obs.  Totas  aquestas  rancuras  sobrescriptas  et  aquestz 
raspostz  sobrescriz,  Guilelms  de  Monpestler  en  vezensa  et  en 
auzensa  d'en  Bessun  et  d'en  Peiron  Repessiun  e  d'en  Peirun 
Guilelm,  mandet  a  me  Peirun  Jaufre,  archidiague  de  Ma- 
galona,  que  eu  las  fezes  e'is  fezes  a'n  Bernart  Guilelm  el  seu 
loc  e  per  el,  et  eu  testimoni  o  qu'aissi  es  vers  qu'el  m'en  man- 
det. Quando  Petrus  Gaufridiis,  archidiaconm  Magalonensts, 
istas  rancuras  et  ista  responsa  superscripta  retulit  Bemardo 
Guilelmo  expaî'te  Guilhelmi Montispessulani,  aderat  ibi  Gmklmus 
Aimoinus,  filius  Bemardi  Guillelmi,Et,  Fatdttus,  Et  aderant  ibi 
présentes  Petrus  Repeciuns  et  Petrus  Guilelmtis,  qui  hoc  idem 
confirmaverunt  et  testificati  sunt.  Fuit  autemhec  relatio  factaXIII 
kaL  decemhris,  anno  Dominice  incamationts  MCXIII,  in  tn- 
dentia  et  audientia  Guillelmi  de  Lemozin,  Disderiiy  Raimundi 
Gaucelmi,  Bemardi  de  Sancto  Nazario ,  Guillelmi  Ebrardi, 
Pétri  Raimundi,  clericorum,  Poncii  de  Monlaur,  Pétri  Gui- 
lelmi  Ebrardi  et  Bemardi  filii  sui,  Olivarii  de  Castello,  Bemardi 
fzarni,  Bemardi  Berengarii,  Poncii  Berengarii,  militum,  Be- 
rengarii  Lamberti,  Guilelmi  de  Ozorio,  Raimundi  Lamberti 
et  Guilelmi  filii  sui,  Pétri  Guiraldi  de  la  Palada,  Pétri  Guiraldi 
de  Sancto  Géorgie  et  Guilelmi  filii  sui,  Pétri  Guilelmi  de  la 
Peira ,  Pétris  Guiraldi  de  Sancto  Gervasio  et  Gitberti  filii 
suif  Bemardi  Daura,  Adalguerii  de  Campo  novo,  Bruni  de 
Tolosa,  Guilelmi  Fuitberti,  Amelii  filii  Guitberti,  Guerrerii, 
Pétri  Godescalc,  Raimundi  Porcel,  Poncii  Darlen,  Guiraldi  de 


LE    MEMORIAL    DES   NOBLES  491 

la  Pallada,  Guilelmi  Guirardi,  Poncii  Ugonis,  Pétri  Raenfre, 
Guilelmi  Leterict,  Guiraldi  de  Menaz,  Pétri  Albarid,  Pétri 
Samuel,  Bernai'di  Bel,  Guilelmi  Seneucher,  Dalmacii  de  Curia, 
Bertrandi  Donzella,  Guilelmi  de  Carcassona,  Bemardi  Manda- 
menta,  Unaldi, 


VII 


(F°  65,  v\  —  Ann.  1124) 
Ch.  124.)  Sacramentum  fidelitatis  promissum  guilelmo  domino 

MONTISPESSULANI    A  BERENGARIO  AIRRA  ET  RAIMUNDO 

Hoc  est  placitum,  quod  fuit  f'actum  inter  Guilelmum  de 
Montepessulano  et  Berengarium  Airra  :  Berenguers  Airra  fo 
SOS  hom  d'en  Guilelm  de  Monpestler.  E  juretli  aitori  ab  el 
e  sans  el,  per  fe  e  sans  engan,  d'en  Guilelm  de  Monpeslier 
de  la  guerra  del  comte  de  Melgur,  entro  finida  sia.  E  si  d'en 
Guilelm  de  Monpestler  menesfallia,  que  Berenguers  Airra 
ajut  per  fe  e  sans  engan  ad  aquel  sun  fraire  d'en  Guilelm  de 
Monpestler,  que  senner  séria  de  Monpestler  seguentre  lui, 
entro  la  guerra  finida  sia.  Et  aquel  sia'l  sener  et  amies  en 
lug  d'en  Guilelm  de  Monpesler.  E  per  aisso  en  Guilelm  de 
Monpestler  mes  en  poder  d'en  Berenguer  Airra,  tôt  aquo 
qu'enz  Guilelms  de  Monpestler  avia  près  e  ténia  de  sos  enemics 
en  Londras.  Per  aital  convenensa  qu'enz  Berenguer  Airra 
aquo'l  reda  tôt  a  sa  voluntat  afar,  qu'ora  qu'enz  Guilelms  de 
Monpestler  l'en  somonga  per  se  o  per  son  messatgue.  E  Be- 
renguers Airra  a  covengut  a'n  Guilelm  de  Monpestler,  que'l 
recobre'l  castel  de  la  Rocheta,  qu'ora  recobrar  lo  poira,  e  la 
on  recobrat  l'auria,  a  n'Aralms  lacomtessa'l  redra;  el  li  jur, 
e  la  comtessa  reda-lli  a  feu.  E  si  enanz  qu'enz  Berenguers 
Airra  recobre  lo  castel  de  la  Rocheta,  ens  Guilelms  de  Mon- 
pestler lo  podia  penre  per  forsa  o  per  aver,  qu'ens  Guilelms 


492  DIALECTES  ANCIENS 

de  Monpestler  en  fassa  sa  voluntat.  E  si  d'en  Guilelm  de 
Monpestler  menesfalia,  Berenguers  Airra  atenda  e  fassa  totas 
aquestas  cissas  covenensas   ad  aquel  sun  fraire  d'en   Guilelm 
de  Monpestler,  que  auria  Monpestler  seguentrelui.  Et  aquest 
plaz  et  per  aquestas  covenensas  sobrescritas,  ens  Quilelms 
de  Monpestler  donot  an  Berenguer  Airra  m.  d.  sols,  e  deu 
Fesser  bons  senner  e  bons    amies.  Similiter  per  eissa  cove- 
nensaRaimuns  Airra  fez  a'n  Guilelm  de  Monpestler  romenesc 
e'I  sagriiinent,  qu'el  deu  per  fe  e  sans  engan  far  Taitori   ab 
el  e  sans  el,  e  tener  totas  aquestas  covenensas  sobrescrita.s, 
a'n  Guilelm  de  Monpesler,  e  ad  aquel  son  fraire  que  auria 
Monpesler  seguentre  lui.  E  del  castel  de  la  Rocheta  fassa  o 
eisament  con  sobrescriz  es.  E  per  aisso  ens  Guilelms  de  Mon- 
pestler donet  a'n  Raimun  Airra  l  sols,  e  deu  l'esser  bons  sen- 
ner e'  bons    amies.  Fma  III  videlieet  die  Martis  ante  caput 
jejunioruiïi.  Anno  Dominice  Incamationts  Af°  C®  XX^  IIII^.  Be- 
rengarius  Airra  et  Raimundus  Airra  fecerunt  Guilebno  Montis^ 
pessulani  domino  hoc  hominiumet  sacramentum,inecclesiaSancti 
Firmini,  et  fecerunt  et  laudaverunt  ei  convenientias  istctë  cum 
carta  hac.  In  presentia  Bemardi  de  Andusia,   Raimundi  de 
Duabus  Virginibus,  Pétri  Beimardi  de  Claret,  Bemardi  Gtâlelmi 
vicarii,  Pétri  de  Vedenobre,  Guilelmi  de  Giranco,   Guilelmi  de 
Valmala,  Pétri  Malcanet,  Pétri  Guilelmi,  Ebrardi,  PoncH  de 
Puzabii,  Armanni,  Beimardi  Frotardi,  Bemardi  Izarn,  Poncii 
Berengu£rii,  Olivarii,  Raimundi  àQ  Montoliu,  Bemardi  Ebrardi, 
Berardi  de  Lundras,  Faidiii,  Berengaiii  Lamberti,  Pétri  Giraldi 
de  Paleata,  Auge?ni  de  Neirins  et  Girberti  qui  scripsit  hec. 

Ce  traité,  jiar  lequol  Guillem  VI  acheta  les  services  de  Berenftfer  Airra, 
s'explique  par  le  fait  de  la  guerre  qui  existait  alors  entre  lui  et  Bernard  III, 
de  Melgueil.  (V.  d'Aigrefeuille,  Hist..  I,  pag.  20.) 


LE   MEMORIAL   DES    NOBLES  493 

VIII 

(F°*  66  et  67  —  Ann.  1156?) 

Ch.  129  )  ACAPTACIO  PECIE  TERRE  QUAM  ACAPTAVIT  BERNARDUS 
GUILELMUS  AD  OPUS  DOMINI  GUILELMI  MONTISPESSULANI  DE  GUl- 
RAUDO  DE  LEMOSINO. 

Hoc  est  carta  de  una  pecia  de  terra  quam  acaptavit  Ber- 
nardus  Guilelmus  ad  opus  de  domino  suo  Guillelmo  de  Montepes- 
sulano  ad  totas  suas  voluntates  facere  de  Girald  de  Lemozin,  et  de 
SUIS  infantibus  per  nu  m.  libr.  et  dimidia  de  denerssme  inganno. 
Et  istam  ierram  solebat  ipsemet  Giralz  tenire  et  est  ista  terra 
juxta  la  via  de  Prunet,  infra  Tort  de  Gaucelm  Barenger  et  de 
Girald  de  Limozin  :  et  si  apels  ja  exiat  que  Giralz  et  sui  in" 
fautes  Yen  delibrassent  sine  inganno  et  per  Taltre  terre  que 
reraanet  donant  tal  cens  quai  solebat  dare  Giralt  de  Limozin, 
et  istam  ten^am  superscriptam  que  Giralz  de  Lemozin,  et  sui 
infantes  vendederunt  solserent  et  donarent  ipse  sobra  script  in 
manu  de  Guilelm  de  Monpestler  sine  inganno.  Et  de  hoc  sunt 
testimonii  Raimundus  Oldebert  e/  Petrus  Ugo. 

Cet  actr;  d'acquisition  vient  immédiatement,  dans  le  manuscrit,  après 
le  contrat  do  mariage  de  Giiilhem  VI,  en  1156.  et  se, trouve  parmi  des 
documents  do  mémo  sorte  qui  précèdent  ou  suivent  de  fort  près  cette 
dato,  et  se  raiiportenl  tous  à  cet  événement. 


IX 
(F°  68,  v°  —  Ann.  1141?) 

Ch.lll)    JUSJURANDUM  GUILELMO    DOMINO  MONTISPESSULANI 
rii.KSTlTL'M  FILIO  ERMESSENDIS    AB  HOMINIBUS  SUIS 

Ans  tu  iiom  Guillelm  de  Monpestler,  fils  d'Ermessen&,  eu 
iTaquesta  ora  adenant  a  te,  ni  a  ton  fil  Guillem,  maior  fil  de 


494  DIALBGTKS   ANCIENS 

Sybilia,  post  ta  mort,  ni  si  el  era  mortz  ab  anz  que  tu,  ad 
aquel  ton  enfant  a  oui  tu  Monpestleir  laisarias  :  no' us  tolrai 
vostra  vida  ni  vostra  membra  que  a  vostres  cors  juncta  son, 
ni  vos  prendrai  per  preison,  ni  hom  ni  femena  ab  mon  art,  ni 
ab  mon  gen,  ni  ab  mon  consel,  ni  no'us  tolrai  la  vila  de 
Monpestler  ni  la  honor  qu'a  Monpestler  perten,  ni  Taltra  vos- 
tra onor,  on  que  Taiatz,  no  la'us  tolrai,  ni' us  en  tolrai  ni  cm 
ni  femena,  ab  mon  art,  ni  ab  mon  gen,  ni  ab  mon  consel.  E 
si  hom  era  ni  femena  que  la'us  tolges,  ni'us  en  tolgues,  dretz 
aitoris  vos  en  serai  per  fe  e  sans  engan  contra  totz  homes . 
Enaisi  con  en  esta  carta  escriz  es  e  clergues  legir  Vo  pot,  sas 
vostr'  engan,  aisi  vos  o  tenrai  e  vos  o  atendrai  a  la  toa  co- 
noisenza  de  te  Guillelm  de  Monpestler  ûl  d'Ermessens  tôt 
sas  engan,  meun' escient,  per  Deu  e  per  aquestz  sans  quatre 
evangelis. 

Il  faut  rapporter  cet  acte,  non  à  Tavènement  de  Guiilem  VI  (1121),  car  il 
n'était  pas  encore  marié  à  cette  époque,  mais  à  la  soumission  des  habi- 
tants de  Montpellier  après  la  révolte  de  1 141. 


X 

(F»  71,  2o  —  Ann.  1149?  ) 

Ch.    156)     JUSJURANDUM    GUILLBLMO    DOBUNO    M0NTISPE3SULANI 
FILIO  SYBILIE    PRiESTlTUM  AB    HOMINIBUS   SUIS 

Aus  tu  hom  Guillelm  de  Monpestler,  fil  de  Sybilia,  eu  d'a- 
questa  hora  adenant,  no't  tolrai  ta  vida  ni  ta  membra,  que  a 
ton  cors  junch  son,  ni't  prendrai  per  preison,  eu  ni  hom  ni 
femena,  ab  ma  art  ni  ab  mon  engen,  ni  ab  mon  consel,  ni't 
tolrai  la  vila  de  Monpesleir,  ni  la  honor  qu'a  Monpestleir  per- 
ten,  nn  altra  ta  honor,  on  que'l  agas  :  non  la't  tolrai  ni  t^en 
tolrai,  eu  ni  hom  ni  femena,  ab  ma  art,  ni  ab  mon  engen,  ni 
ab  mon  consel.  Et  drez  aitoris  te  serai  per  fe  e  sens  engan 


LE   MEMORIAL   DES  NOBLB^  495 

contra  toz  liomens.  En  aissi  con  en  esta  carta  escrich  es,  e 
clergues  Vo  pot  legir,  sens  ton  engan,  aissi  t'o  tenrai  e  t*o 
atendrai  a  la  toa  conoissensa  de  te  Guillelm  de  Monpestleir, 
fil  de  Sibilia,  sens  engan  meu  escient,  per  Deu  et  per  aquestz 
sanz  quatre  evangelis. 

L'avènement  de  Guillem  VII,  en  1149,  fuL  la  cause  nalnrelle  de  cette 
prestation  de  serment  faite  par  ses  vassaux. 


XI 
(F*  75,  r*.  -  Ann.  1172?) 
Ch   176)  Sacrambntdm  guillblmo  domino  montispessulani»  . . 

PRBSTTTUM    AB   HOBONIBUS  SUIS 

Eu  hom  jur  a  te,  Guillem,  sennor  de  Monpeslier...  que-zieu 
d'aquesta  hora  enan,  no't  tolrai  ta  vida,  ni  to  membre,  ni  tes 
membres  que  a  ton  cors  jonz  son,  ni'  no't  penrai  per  preizon, 
ni  hom  ni  femena,  ni  homes  ni  femenas,  ab  mon  art  ni  ab  mon 
engiegn  ni  ab  mon  cosseill.  Ni  no't  tolrai  Monpeslier,  m*l 
Castel  de  la  Palu,  ni'l  castel  de  Monferrier,  ni  Castelnou,  ni 
tos  castelz,  ni  tas  vilas,  ni  ren  qu'a-z  aquellas  pertenga,  ni  ta 
terra  que  ara  as,  ni  ad  enan  conquerras  ni  auras.  Ni  la't  tolrai, 
ni  t'en  tolrai,  ni  hom  ni  femena,  ni  homes  ni  femenas,  ab  mon 
art  ni  ab  mon  engien  ni  ab  mon  cosseill.  E  que  la't  tolia,  ni 
t'en  tolia,  eu  to  aondarai  a  demandar  a  ben  et  a  fe  leialmenz. 
E  tôt  aizo  aici  com  sobredich  es  :  eu  hom  t'o  jur  e  t'o  aten-f 
drai  a  bona  fe  ses  gien  e  ses  engan,  tan  quant  en  ton  poder 
estarai,  si  Deus  m'ajut  et  aquest  sangte  evangeli. 

Prestation  de  serment  des  vassaux  de  Guillem  VIII  &  son  avènement, 
tout  comme  nous  avous  vu  ci-dessus  de  ceux  de  Guillem  VII  et  Guillem  VI. 
—  Les  mots  qui  manquent  dans  le  titre,  et  à  la  première  ligne,  ont  été 
biffés;  les  ratures  out  été  constatées  et  signées  par  le  juge  mage  Trin- 
quère,  en  1617. 


496  DIALECTES    ANCIENS 

XII 

(F°  85,  r°.  —  Ann.  1201.) 

Ch.  209.  )  SaCRAMENTUM  FIDELITATIS  QUOD  FECIT  AANALDUS  MA8- 
CARONUS  MATHILDI  ET  PETBONILLEFILIABUS  NATIS  ET  NASCITURIS 
BERNARDI  COMITIS  CONVENARUM  ET  MARIE  COMITISSE  UXORI8 
SUE,  SUPER  CASTRO  DE  MURET.  ET  CERTTS  HONORIBUS  AD  EAS 
SPECTANTIBUS. 

Eu  liom,  per  nom  Arnalt  Mascaron,  per  mandamen  de  te 
Bernart,  comte  de  Comenge,  jur  a  Matbelz  et  a  Peironella, 
fillas  do  te  Bernart  comte  de  Comcngc  et  de  la  comtessa 
Maria,  fiUa  d'en  Gruillelm,  sonnor  de  Monpeslier,  que  seguen- 
tre'ls  dias  de  te  Bernard  comte  sobredig,  fizels  om  lur  sia,  e 
lur  vida  e  lur  membra  lui*  gar  e  lur  salve  a  mon  poder,  sens 
gien  e  sens  engan.  Et  Murel  c  lot  lo  pertenemen  e  tota  la 
sennoria  de  Murel  e  tota  la  terra  e  tota  la  lionor  sion  castels, 
sion  vilas,  sion  terras,  sion  honors  de  saves, — e  tota  la  terra  e 
tota  lahonor  sion  castels,  sion  vUas,  sion  bomes,  femenas,  sion 
sennorias  que  tu  Bernart,  coms  de  Comenge,  as  en  Tavesquat 
de  Tolzan,  que  ara  Tas  ni  aver  i  deus  ni  adenant  1'  auras.  Et 
d'aizo  serai  lizels  ajudairc  ad  ellas  o  a  mais  fillas,  si  mais  ni 
avia  de  te  sobredig  comte  e  de  la  sobredicha  comtessa,  salva 
la  beretiit  el  esposalici  que  la  sobrediclia  comtessa  a  el  castel 
de  Murel.  Tôt  aisi  con  os  sobrescrig,  sens  gien  e  sens  engan, 
o  atendrai  per  bona  fe  per  aquestz  sanz  evangelis.  Pero  asa- 
ber  es  que  si  fil  Tavia  del  sobredig  comte  e  de  la  sobredicha 
comtessa,  o  fils  ad  aquel  o  ad  aquels,  faria  sagrament  e  fezel- 
tat  per  bona  fe  e  sens  engan  et  ad  els  o  tenria  et  a  lur  hères. 
Pero  si  menesfalia  d'els  sens  liais  hères,  tenria  o  ad  aquestas 
et  a  lur  hères. 

En  1201,  Bernard  IV,  comte  de  Comniiages,  ordonna  aux  vassaux  qu*il 
avait  soumis  à  sa  femme,  Marie  de  Moatpeliier,  par  contrat  de  mariage, 
de  lui  rendre  hommage.  La  charte  203,  qui  précède  et  qui  est  un  ser- 
ment analogue,  indique  cette  date. 


LE   MEMORIAL   DBS   NOBLES  497 


XIII 


(PM19.  —  Ann.  1168.) 

Ch.  313)  Sacramentum  fidelitatis  promisstjm  guillelmo  do- 
mino MONTISPESSULANI  FILIO  SIBILXE  A  PETRO  DE  CENTRAIRANICIS 
SUPER  VILLA  DE  CENTRAIEANICIS. 

Eu,  Peire  de  Centrairanegues,  filz  de  Guillelma,  jur  a  te 
Gruillelm,  sennor  de  Montpestler,  fil  de  Sibilia,  villa  de  Cen- 
trairagues  e  las  forsas  que  d'ara  i  sun  o  adenant  i  seran  que 
non  la't  tolrai  ni  t'en  tolrai,  ni  las  forsas  no't  tolrai  ni  t'en 
tolrai,  ni  om  ni  femena  ab  mon  art  ni  ab  mon  engen.  Et  si  om 
ni  femena  la  vila  ni  las  forzas  te  tolia  ni  t'en  tolia,  ab  aquel  ni 
ab  aquella  fin  ni  societat  non  auria,  si  non  o  avia  per  la  vila 
o  per  las  forzas  acobrar  :  e  can  cobrada  o  cobradas  las  auria, 
en  ton  poder  las  tornaria  :  e  per  cantas  vegadas  m'en  comon- 
rias,  las  forzas  que  d'ara  i  sun  ni  adenant  i  seraun  te  rendrai 
et  en  ton  poder  tornarai,  sens  frau  e  sens  engen,  a  te  o  a  ton 
mesatgue.  Aisi  con  en  esta  carta  escrig  es  ni  om  ben  legir  ni 
entendre  o  pot,  o  tenrai  et  o  atendrai,  se  Deus  m'ajut  et 
aquez  sans  Deus  evangelis.  Et  encara  eu,  Peire  de  Centraira- 
negues. Jur  a  te,  Guillelm,  sennor  de  Monpestler,  —  ta  vida, 
ta  membra  et  ta  honor,  —  que  non  t'aucisa,  ni  tos  membres 
ni  ta  honor  no't  tola,  ni  om  ni  femena  ab  mon  art  ni  ab  mon 
engen  ni  ab  mon  consel,  e  si  bom  ni  femena  o  fazia,  si  dels 
aitoris  t'en  séria  contra  tots  homes  e  contra  totas  femenas. 
Et  aisi  con  escrit  es  o  tenrai  et  o  atendrai,  se  Deus  m'ajut  et 
aquez  sanz  evangelis.  Hujus  rei  testes  sunt,  Haimundus  Gau- 
cel/nï,  Bf  m  ardus  Guillelmus  archidiaconus  Bùerensis,  Guido 
f rater  cjm,  Petrus  de  Monteferrario,  Guillelmus  de  Texertis, 
Guillelmus  Letericus,  Agullonus  de  Castro  novo,  Maurinus,  Rai- 
mundus  de  Narbona,  Paulus,  Guillelmus  Olrici^  Petrus  de  La- 

33 


498  DIALECTES   ANCIENS 

casa,  et  Fulco,  scriptor  Guillelmi  domini  Monttspessulaniy  qui 
hec  scripsit. 

Cet  acte  est,  non  de  1150,  comme  le  pensait  Gambouliù,  mais  de  1168, 
ainsi  qu'il  résulle  d'une  donation  qui  vient  immédiatement  après  dans  le 
ms.  (ch.  120),  et  qui«  concernant  le  même  fait,  a  été  aussi  contre-signée 
par  les  mêmes  témoins. 

Cette  charte  est  l'une  des  trois  que  notre  regretté  ami  avait  publiées 
dans  le  Jahrb  tch.  —  Sa  version  est  fort  loin  de  Toriginal.  ainsi  qu'on 
pourra  en  juger  par  les  différences  que  je  vais  marquer  ici:' —  ligne  l". 
En  pour  Eu,  fils  p.  filz,  Guittina  p.  Guillelma ; -^  1.  2,  senor  p.  s^nnor; 
—  1.  3:  Centrairanigues  p.  Centrairagues,  forme  particulière  assez  com- 
mune du  nom  de  lieu  Centrairaneques  ;  —  l.  4:  not  l'as  tulrai  p.  non 
la't  to'rai  (le  reste,  c*est-à-dire  deux  ligues,  jusqu'à  et  si  om,  a  été  omis); 
—1.  5,  hom  p.  om;  —1.  6,  vila  p.  v/i/a,  tolra  p.  tolia  avec  l'omission  do  ni 
las  forzas  et  de  ni  t'en  tolia  ;— 1  7,  aquela  p.  aquella,  viila  p-  vUa  ; —  L  8, 
co  cobrada  o  ont  été  omis  ;  —  1.  U,  e  p  et  ;  —  1.  12,  mesatge  p.  mesatgue^ 
corn  p  con.  om  p.  h  m;  —  1.  13,  omission:  Et  o  aiendrai,  y  p.  et;  — 
1.  14,  aquez  p.  aquest,  Oinission  :  Deus,  Le  reste,  j  usqu'à  la  fin  du  texte 
roman,  soit  huit  lignes,  a  été  également  omis. 


XIV 

(F°  121,  v°.  —  Ann.  1111) 
Ch.  317).  Sacramentum  fjdelitatis  super  castello  de  montk- 

FERRARIO,  QUOD  FECIT  BREMUNDUS  FILIUS  GARSENDIS  GUILLELMO 
I      DOMINO  MONTISPESSULANI  FILIO  BRMENIARDIS. 

Eu,  Bremons,  filz  de  Garsent,  et  eu  Guillelms,  filz  d'aquest 
Bremon  e  de  Guideneld,  a  te  Guillelm,  fil  d'Ermeniarz  :  d'a- 
questa  hora  adenant,  del  castel  de  Monferrer,  de  las  forsas 
que  ara  i  son  ni  adenant  fâchas  i  serau,  no't  decebrem,  n'il  te 
tolrem  ni  t'en  tolrem  n'il  te  vedarem,  nos  ni  om  ni  femena  ab 
nostra  art  ni  ab  nostre  engien,  ni  ab  nostre  consentiment, 
nostre  escient.  Et  si  hom  era  ni  femena  que'l  ti  toigues  ne  t'en 
tolgues,  nos  ab  aquel  ni  ab  aquella  fin  ni  societat  non  aurem, 


LE   MÉMORIAL   DES   NOBLES  49^ 

si  per  lo  castel  arecobrar  non  o  aviam  ;  e'I  a  on  recobrat  Tau- 
riam,  en  ton  poder  lo  tornariam,  sens  locre  e  sens  déception. 
E  de-z-aquella  hora  adenant,  eneis  sacrament  testariam.  Et 
aquest  castel  no't  vedarem,  per  quantas  ves  tu  nos  en  somon- 
ras,  per  te  ne  per  ton  mesatgue,  e  del  somos  noz  en  vedarem. 
Aissi  con  en  esta  carta  escrit  es  e  clergues  legir  i'o  pot,  aissi 
to  tendrem  e  to  atendrem,  nostre  escient,  per  est  sainz.  Hoc 
sacramentum  cum  hac  caria  frit  factum  in  presentia  Raimundi 
de  Gmaco,  et  Poncii  de  Montelauro,  et  Guillelmi  Rostagni  de 
Centrairanicis,  et  Pétri  Gaucelmi  de  Monte  Arbezone,  et  Pétri 
Guillelmi  Fbrardi,  et  Guillelmi  de  Operatorio,  et  Raimundi  Por-' 
cc/li.  Régnante  Lodoyco  rege,  Anno  ab  incamatione  M^  C°  XP, 

Bermond  et  son  fils  Guilhem  faisaient  partie  des  coseigneurs  du  château 
de  Montferrier,  pares  de  castello  de  Montfferrario  (ch.  324),  fort  nom- 
breux, ainsi  qu'il  résulte  des  chartes  318-337,  qui  viennent  après  ce  ser- 
ment. —  Luurs  noms  sont  indiqués  par  les  documents  qui  suivent. 

C'est  encore  l'une  des  chartes  copiées  (P  121  et  non  171)  par  Cambouliù 
]jour  le  Jahrbuch,  Cette  publication  ofifre  aussi  de  nombreuses  différences 
avec  l'original  :  ligne  l",  fils  pour  filz  ;  —  1. 2.  E  de  Guideneld  a  été 
omis,  fils  p.  fil;  —  1.  4,  seran  p.  serau;  nil  te  tolrem  a  été  omis;  — 
1.  6,  nostra  p.  nostre;  —  1.  7,  nostre  escient  a  été  omis  ;  —  e  p.  et, 
0  p.  ni  ;  —  I.  8,  aquela  p.  aquella,  ne  p.  nt,  aurai  p.  aurem.  —  Le  reste 
du  texte  roman,  c'est-à-dire  sept  lignes,  a  été  entièrement  omis. 


XV 
(jpo  121,  v°  —  Ann.  1111) 
Cb.  318)  Item    sacramentum  fidelitatis    super   Castro    db 

MOXTEFERRARIO     QUOD     FECIT     (iUILLELMUS     FILIUS     ALDIARDIS 
GUILLELMO   DOMINO   M0NTISPES3ULANI   FITiIO   ERMENIARDIS. 

Eu,  Guillelmi  fils  d'Aldiart,  et  ieu  Raimuns,  fils  d^aquesta 
Aldiart,  a  te  Guillelm,  fil  d'Ermeniarz,  d'aquesta  hora  adenant 
de  castel  de  Montferrer,  de  las  forsas  c*ara  i  son,  ni  adenant 


500  DIALECTES   AJSCIEN8 

faitas  hi  seraut,  no't  decebrem,  ni'l  te  tolrem,  ne  t'en  tolrem, 
nïl  te  vedarem,  nos  ni  hom  ni  femena  ab  nostra  art,  ni  ab 
nostre  engien  ni  ab  nostre  consentiment,  nostre  escient.  Et  si 
hom  era  ni  femena  que'l  te  tolgues,  ni  t'en  tolgues,  nos  ab 
aquel  ni  ab  aquella,  fin  ni  societat  non  aurem,  si  per  le  castel 
arecobrar  non  o  aviam.  E  la  on  recobrat  Tauriam,  en  to  poâer 
lo  tornariam,  sens  locre  e  sens  déception.  E  de-z  aquela  hora 
adenant,  eneis  sacrament  testariam.  Et  aquest  castel  no't  ve- 
darem per  quantas  ves  tu  nos  en  somonras  per  te  ni  par  ton 
mesatgue,  e  del  somos  noz  en  vedarem.  Aissi  con  en  esta 
carta  escrit  es  e  clergues  legir  hi  o  pot,  aissi  to  tenrem  e  to 
atendrem,  nostre  escient,  per  est  sainz.  Boc  sacramentum  cum 
hac  carta  fuit  factum  in  presentia  Poncit  de  Montelauro,  et 
Poncii  Eaimundi  de  Mûries,  et  Ugonis  Casiri  novi,  et  Raimundi 
Rostagni  de  Centrairanicis,  et  Pétri  Guillelmi  Ebrardi,  et  Ar- 
mandi  d'Omelaz,  et  Guillelmi  Poncii  Aimoini.  Régnante  Lo- 
doyco  rege,  Anno  ab  Incamatione  Domini  M^  C*  XP, 

La  filiation  de  ces  petits  seigneurs  est  fort  obscure.  La  diarte  328  donne 
un  serinent  d'un  Raymond,  fils  de  Peironela  ;  mais  on  ne  sait  s'il  était 
fils  de  ce  Guilhem  dont  il  est  question  ici,  ou  du  Peire  qui  suit. 


XVI 
(F"  121,  vo  —  Ann.   1111) 

Ch.  319)  Item   super  eodem  sacramentum   fidelitatis  quod 

FECIT   PETRUS    FILIUS    BRUNISENDIS     GUILLELMO    DOMINO    MON- 
TISPESSULANI   FILIO  ERMENIARDIS. 

Eu,  Peire,  fils  de  Brunisens,  et  eu  Raimons,  fîlz  d'aquesta 
Brunissens,  a  te  Guillelm,  fill  d'Ermeniart,  d'aquesta  hora 
adenant:  del  castel  deMonferrer,  de  laforsas  que  ara  hi  son 
ni  adenant  faitas  hi  serau,  no't  decebrem,  ni'l  te  tolrem,  ne 
t'en  tolrem,  ni'l  te  vedarem,  nos  ni  hom  ni  femena  ab  nostra 


LE    MEMORIAL    DES   NOBLES  501 

art  ni  ab  noatre  engien,  ni  jab  nostre  consentiment,  nostre 
escient.  E  si  hom  era  ni  femenâ  quel  ti  toï'gxies  ne  t'en  tol- 
^ues,  nos  ab  aquel  ni  ab  aquella  fin  ni  societat  non  aurem, 
si  per  lo  castel  arecobrar  non  o  aviam.  Ela  on  recobrat  Tau- 
riam,  en  ton  poder  lo  tornariam,  sens  locre  e  sens  déception. 
E  de-z-aquela  hora  adenant  eneis  sacrament  testariam.  Et 
aquest  castel  no*t  vedarem  per  quantas  ves  tu  nos  en  so- 
monras  per  te  ne  per  to  messatgue,  e  del  somos  nos  enve- 
darem.  En  aissi  con  en  esta  carta  escHt  es,  e  clerg'ûes  legir 
Mo  pot,  aissi  to  tenrem  e  to  atendrem,  nostre  escient,  per 
est  sainz.  Hoc  sacramentum  cum  hac  cai^ta  fuit  factum  inpre- 
sentia  Poncii  de  Montelauro ,  et  Poncii  Raimundi  de  Mûries,  et 
Ugonis  Castri  novi,  et  Raimundi  Rostagni  de  CentraJranicts,  et 
Pétri  Guillelmi  Ebrardi,  et  Armandi  d'Omelas,  et  Guillelmi 
Poncii  Aimoini,  Régnante  Lodoyco  rege.  Anno  ab  incarnation^ 
DominiM^  C'  XP, 


DOCUMENTS  SUR  U  LANGUE  CATALANE 

DES   ANCIENS    COMTÉS   DE    ROUSSILLON    ET    PE    CÇRDAQNK 

(  Suite  ) 


XIII 

l£UDE9  DE  PUIOGERDA  ET  DE  LA  VALL  DE  QUEROt 

(1288). 

La  première  capitale  de  la  Cerdagne  fut  Livta,  remplacée, 
dès  le  XP  siècle,  à.  ce  qu'il  semble,  par  le  lieud'Hix  (aujour- 
d'hui Bourg-Madame),  situé  un  peu  plus  à  l'ouest,  et  dans  lequel* 
les  documents  signalent  l'existence  du  marché  de  la  Cer-» 
dagne  depuis  l'an  950  environ  jusqu'à  l'époque  delà  fondation 
de  Puigcerda.  Cette  dernière  ville  est  unepoblacio,  ou,  comme 
on  disait  peu  après  dans  le  midi  de  la  France,  une  bastide  ou 
Villeneuve,  fondée  en  1181,  par  le  roi  Ildefonse  d'Aragon,  dans 
la  partie  occidentale  de  l'ancienne  paroisse  d'Hix.  Cette  nou-* 
velle  capitale  de  la  Cerdagne,  dotée  Je  foires  et  de  marchés 
dès  son  origine,  prit  de  rapides  développements  et  acquit,  dès 
le  XIIP  siècle,  une  importance  qu'elle  conserve  encore. 

La  vallée  de  Querol  est  formée  par  le  cours  supérieur  de  la 

rivière  d'Aravo,  qui  débouche  à  Puigcerda,  au  sud:  c'est  la 

seule  voie   de   communication  existante  entre  la  Cerdagne  et 

le  pays  de  Foix,  par  le  col  de  Pimorent.  Cette  vallée,  cédée  à 

la  France  par  les  traités  de  1660,  forme  les  trois  communes  de 

Porté,  Porta  et  la  Tour  do  Querol.  Le  tarif  de  ses  leudes  n'est 

pas  daté,  mais  il  est  contemporain  de  celui  de  la  leude   de 

Puigcerda. 

Alart. 


Anno  dominim,  ce.  Ixxx.  octavo. 

Aquestaes  memoria  e  capbreu  quefaferffrareP.  de  Camp» 
redon  del  orde  del  Temple,  procurador  de  les  rendes  del  uo* 


DOCUMENTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE  503 

ble  senyor  Ea  Jacme  per  la  gracia  de  deu  rey  de  Malorcha, 
comte  de  Rossejlo  e  de  Cerdanya  e  senyor  de  Montpesler,  de 
la  leuda  quel  dit  senyor  Rey  pren  e  pendre  ha  acostumat  en 
la  vila  de  Pugcerda. 

Primerament,  pren  e  pendre  deu  e  ha  acostumat  de  pendre 
ledit  S.  Rey  e'is  seus  antecessors,  per  la  leuda,  de  cascunabala 
de  draps  e  de  cascuna  altre  mercaderia,  exceptada  peyrussa, 
e  pella,  e  borra,  e  curs  de  bou,  e  curs  de  boch,  e  cenra  cla- 
villada,  e  erba  caulera,  si  va  ne  ve  de  Pugcerda  a  Perpenya  e 
a  Queragut*,  vi.  dr. 

Item  de  cascuna  bestia  mular  que  vaja  ne  venga  per  ven- 
dre, de  Pugcerda  a  vers*  Perpenya  o  vers  Queragut,  iiii.dr. 

Item  de  cascun  caval  que  vaja  ni  venga  de  Pugc.  a  Perp.  e 
Queragut  per  vendre,  i.  s.  —  De  cascun  rossi,  v.  s  ni.  d.  — 
De  cascuna  bestia  bouina  e  de  cascuna  bestia  asina,  i.  d. — 
De  cascun  porch  e  de  cascuna  truiya,  i.  d.  —  De  cascuna 
ovela,  e  de  cascuna  cabra,  e  de  semblant  bestiar  menut,  i* 
meala. 

Item  per  cascuna  somada  de  vi  que  home  strayn  port  per 
vendre  a  Pugcerda,  i.  d.  — ■  E  si  entra dinsJa vila,  de  die  de 
mercat,ço  es  a  saber,  de  dimecres  pus  es  oranona  al  divenres 
seguent  que  sia  tercia,  i.  dr  m*. 

Item  de  cascuna  somada  de  thea*  que  hom  que  no  sia  de  la 
terra  de   Cerdanya  port  per  vendre   a  Pugcerda,  en  calque 


'  Chef-lieu  du  pays  de  Donazan  (dép.  de  l'Ariége),  entre  le  Gapcir  et  le 
pays  de  Saat,  improprement  appelé  Quérigut  par  les  documents  officiels, 
en  dépit  de  l'étymoiogie  quer  ou  ker  (rocher,  sommet)  et  acutus.  Les 
gens  du  pays  disent  habituellement  Q'ragut,  Les  noms  de  Jieu, formés  du 
cilliquo  qu>r  et  d'un  nom  latin  ou  roman,  sont  innombrables  dans  la 
région  des  Pyrénées  orientales. 

-  .1  rcrs,  (lins  ie  sens  du  français  vers,  est  tout  à  fait  inconnu  dans 
l'ancipa  ratalan.  (jui  dit  toujours  ves  o\xvers:  a  est  donc  une  erreur  du 
scribe;  il  faut  le  remplacer  par  o,  ou  plutôt  le  supprimer. 

3  On  apptMie  encore  tcsa  les  morceaux  de  pin  qui  servent  à  réclairage, 
dans  les  pauvres  ménages  de  la  Cerdagne,  du  Gapcir  et  du  haut  Gon- 
llont. 


504  DIÂLECTBS   ANCIENS 

die  que  la  vene,  i*  m*  ;  e  ai  home  que  sia  de  la  terra  de  Cer- 
danja,  sol  que  no  sie  stadant  de  Pugcerda,  la  porta  par  ven- 
dre a  die  de  mercat  o  de  ares,  o  per  vm .  dies  ans  o  pus  tart  de 
fires,  deu  pagar  exament,  dins  aquost  temps  e  no  en  altre,  per 
cascuna  somada,  i.  d. 

Item  per  cascuna  somada  de  carbo,  ab  que  no  sia  sine 
1.  sach  sol  de  carbo,  i*  m*. 

item  de  cascuna  dotzena  de  pejls  de  squirols,  en  calque 
dia  ni  en  calque  temps  sia,  i.  dr.  Ë  si  home  que  sia  de  la  terra 
de  Cerdanya  la  ponava  per  vendre  en  dimecres,  pus  que  sia 
ora  nona,  tro  al  divenres  a  la  tercia,  o  de  ôres,  e  viu .  dies 
abans  o  vm.  dies  pus  tart,  deu  exament  pagar,  en  aquest  tetnps 
e  no  en  altre. 

Item  cascuna  dotzena  de  peyls  de  cabres  o  de  volps*,  m. 
dr. 

Item  cascuna  peyl  de  luria'  e  cascuna  peyl  de  bou,  si  venen 
sparses  per  vendre,  i.  dr. 

Item  de  una  somada  de  pressechs^  e  de  pères,  e  de  tota 
altra  frujta  que  no  fassa  ^  a  mesurar  ab  mesura,  que  hom 
strayn,  d'on  que  sia,  que  no  sia  stadant  de  Pugcerda,  port  per 
vendre,  a  tôt  die,  i.  dr. 

Item  cascuna  somada  de  sebes,  e  d*ails,  ab  que  no  sia  cor  ' 
una  dotzena  sola,  un  bratz  de  cebes  o  d'ails. 

Item  una  somada  de  pales  e  de  dentals,  ab  que  no  sien  cor 
una  dotzena  sola,  una  pala  o  un  dental . 

Item  de  tôt  oli  que  home  strayn  que  no  sia  stadant  de  Pug- 


*  Renards. 

*  Loutre. 

«Pèches  et  poires. 

^  Fckssa  (de  feVj  faire),  employé  dans  le  sens  de  falloir  ;  on  dirait  au- 
jourd'hui s^haia  a  mesurar.  Oa  trouve  dans  le  môme  sens,  en  1314  :  ^'  la 
mdina.  per  deffaliment  de  lenya,  fasia  a  mudar^  que  ho  puguen  fer, 
{Procur,  realf  xvii,  (^26.) 

*  Seulement,  uniquement,  mot  depuis  longtemps  inusité  en  oatalan. 


DOCUMENTS   SÛR    LA  LAKGÙÊ  CATALANE  &6S 

cerda  compre  ni  vene,  per  cascuna  sèstérada,  el  *  cort*ôtïttito 
de  la  dotzena* mesura;  e  si  aquel  quedeu  pagar  la  leudâ  no 
volia  donarlo  dit  correntum,  deu  donar  perlô  correïituiû  dé  la 
xii*.  mesura,  i,  dr. 

Item  tôt  hom  strajn  qui  vena  blàt  a  Pugcerda  e  fruyta  qnê 
faça  mesurar,  deu  demanar  la  mesura  del  senyor  e  ab  aquela 
deu  mesurar  lo  blat  e  la  frujta  de  calque  linatge  que  sia,  e  deu 
donar  per  mesuratge  de  cascunmug,  mi.  cosses;  e  silo  blat  o 
la  dita  fruyta  era  venuda  en  dimecres  pus  fos  ora  nonsL  tro 
al  divenres  a  tercia,  o  en  fira  o  per  vin .  dies  abans  de  fira  o 
pus  tart,  deu  donar  mes*  una  cossa  per  leuda. 

Item  de  sal,  de  vi.  sesters,  una  aymina  per  mesùi^atge,  a 
tôt  die. 

Item  de  cascuna  somada  de  pex  salât  que  sia  venuda  o  coin- 
prada  a  Pugc.  a  tôt  die,  vi.dr.  E  de  somada  de  pex  fresch, 
axi  metex. 

Item  de  cascuna  somada  de  veyre,  i.dr. 

Item  de  tôt  hom  qui  fassa  corbels  e'is  port  vendre  a  Pug- 
cerda, cascun  ayn  ne  deu  haver  lo  Senyor,  per  leuda,  i.  cor- 
bell. 

Item  tôt  hom  qui  tenga  taula  en  la  plaça  de  Pugcerda  per 
vendre  sa  mercaderia,  si  no  es  hom  stadant  de  la  vila,  deu 
pagar  per  cascun  die  que  tenga  taula,  i*  m*. 

Item  de  cascun  vellor  *  de  lana,  i*  m*. 

Item  de  cascuna  somada  d'oies,  i.dr. 

Item  de  cascun  Juseu  o  Juseua,  si  no  es  stadant  de  Pug- 
cerda, que  vaja  ni  venga  de  Pugcerda  a  Perpenya  o  a  Quer- 
agut,  1.  s.  E  si  Juseu  o  Juseua  ve  de  Catalunya,  e  va  vers 


'  Ely  011  eyl,  et  aujourd'hui  élt,  est  ôrdlûaireittétit  eitïployô  cotûïûe  pro- 
notn  'lui\  mais  ici,  et  dans  bien  d'autres  cas,  aux  Xlll*et  !^IV*  siècles, 
ce  ne  peut  être  qu'un  article  masculin  mis  pour  lo. 

'  Dans  le  sens  de  la  douzième,  et  non  pas  de  (a  douzaine^  ôottfnïd  pftati 
haut 

s  Doit  donner  «n  p\uê. 

'  Aujourd'hui  vello,  dans  le  catalan  vulgaire,  de  fiMui  (toiaen). 


506  DIALECTES    ANCIEI^S 

Perpenja  o  vers  Queragut  e  passa  per  Pugcerda,  exament,  i .  s. 

Iteni  de  cascun  Sarrasin  o  Sarrasina  que  hom  strajn  yene  o 
compre  a  Pugcerda,  i.s. 

Item  de  cascun  baho  ^  que  hom  strajn  vena  en  die  de  mercat 
en  Pugcerda  o  en  lires,  i.dr. 

(A  la  suite,  eadem  manu  ) 

Fforma  de  la  manera  antigua  con  es  acostumada  de  gran 
temps  en  ça  levar  la  leuda  del  seynor  rej  en  la  Val  de  Querol. 

Primerament,  tota  carrega  de  draps  adobatz  qui  sien  cor- 
datz,  mi.d. 

Item  une  bala  de  draps  adobatz  que  sia  cordada,  u.d. 

Item  1  drap  cruu  i.  dr,  e  tota  carrega  de  draps  crus,  nu.d. 

Item  tota  carrega  de  fusta  de  bast  que  sia  obrada,  vi.d.  E  si 
porta  III.  fejs  de  fusta  que  no  sia  obrada  ni  cordada,  m  d. 

Iterri  tota  bala  de  quiyna*  que  roba  sia,  qui  vaja  a  travers', 
n.d. 

Item  tota  bala  de  pestell  cordât,  m.d,  e  si  es  bala  que  vaja 
atraves,  u.d. 

Item  dos  quintals  de  ferre  qui  sia  de  hom  strayn,  i*  m*. 

Item  tota  carrega  de  ferre  obrat  que  sia  cordât,  si'n  porta 
très  balons,  vi.d. 

Item  tota  carrega  de  formages,  mi.d,  e  si'n  porta  m.  far- 
cells  que  no  sien  cordatz,  m  d. 

Item  tota  carrega  de  pella  que  sia  cordada,  nu.d. 

Item  tota  bala  qui  vaja  a  traves,  per  entrada  o  per  exida, 
u.d. 

Item  tota  bestia  bouina,  i.d. 


*  Erreur  du  scribe,  pour  bacho  (jambon). 

^  Équivalent  du  quien  castillan.  Nous  ne  connaissons  aucun  autre 
exemple  de  l'emploi  de  quiyn  ou  quiyna  que  (  pour  quai  que  )  dans  le 
catalan  du  XIII*  siècle  ;  mais  quin  et  qaina  (quel,  quelle)  sont  aujourd'hui 
et  ont  toujours  été  très-usités. 

^À  travers  ou  a  traves  s'applique  ici  à  un  ballot  ou  paquet  plao6  au- 
dessus  ou  en  travers  de  deux  autres. 


POCUMBKTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE  507 

Item  tota  bestia  de  lana,  o  de  cabru*,  per  entrada  o  per 
exida,  m*. 

Item  tôt  porch  o  truja,  i.d. 

Item  tôt  mulat  o  rossi  qui  no  haja  portât  bast,  mi.d. 

Item  tôt  mul  de  fex,  qui  haja  portât  bast,  vm.d. 

Item  tôt  caval  qui  entre  per  vendre,  que  sia  de  hom  strayn, 
v.s. 

Item  tôt  Juseu  que  sia  strajn  e  s'en  vula  passar  deçà  o 
delà,  i.s.  Tota  Juseua,  i.s,  e  si  es  preyns,  i.s  vi.d. 

Item  tota  carrega  de  drap  de  li,  o  de  canem,  o  de  stop  a, 
o  de  treliç,  que  sia  cordada,  iiii.  d,  e  si  no  es  cordada, 
Il  A, 

Item  si  porta  i.balo  a  traves,  ii.d. 

Item  tôt  fex  de  mercaderia  de  qualque  roba  que  sia  *,  vuyla 
sia  cordada  o  no,  qui  vaja  a  traves,  n.d. 

Item  tota  somada  de  vi,  iii.d. 

Item  tôt  fex  de  galda  que  sia  cordât,  ii.d. 

Item  tota  carrega  de  peix  fresch  o  salât,  un.d. 

Item  tota  carrega  de  pells  aynines  o  cabrum,  iiii.d. 

Item  totes  altres  carregues  d'aver  de  pes  que  isquen  o  entren 
al  pas  de  Querol,  e  sien  de  hom  strayn,  que  sien  cordades, 
iiii.d. 

Item  tota  carrega  d'astz,  de  glavis,  o  de  lances,  o  de  dartz, 
iiii.d. 

Item  tota  carrega  de  fuUa,  nu.d,  de  cendra  depaltada'» 
iiii.d. 

Item  tota  carrega  d'orxela,  mi,d,  e  si  no  porta  cor  j.bala 
a  traves,  II. d. 


*  Du  latin  caprinijts.  Le  catalan  dit  cabrum,  et  il  est  probable  qu'ici, 
comme  en  bien  d'autres  endroits,  le  copiste  a  oublié  sur  Vu  le  trait  qui 
indique  les  m  ou  les  n. 

*  Le  m3  porte  roba  que  sia  roba  veyla  sia  cordada.  Le  mot  roba  a  été 
''épété  par  erreur  après  sia,  et  veyla  (vieille)  doit  être  remplacé  par  vuyla 
(veuille). 

^  Nous  ne  connaissons  pas  le  sens  de  ce  mot . 


501  DIALECTES    ANCIENS 

Item  tota  carrega  de  cingles  execurs  *,  o  dé  cDfdazti,  qae 
sia  cordada,  iiu.d;  e  si  porta  m.  balonsvi.d;  et  si  no  d8co:rïài 
u.  d  ;  e  si'n  porta  m.  ballons  que  no  sien  cordatz",  m.  d. 

Item  tota  carrega  de  lana  sutza,  o  lavada,  d'ajnins,  lïxi.  d. 

Item  tôt  coiler  qui  porta  a  coil  neguna  mercaderiâ",  m*. 

Item  tota  carrega  de  calderes  o  d'dram  o  dé  coUre  6  de 
stajn,  que  sia  cordada,  iiii.  d,  e  si  no  es  cordada  u.  d,  e  élu 
porta  m.  farcells,  m.  d,  e  ni  no'n  porta  sino  i.  —  i.  d . 

Item  tota  carrega  d'oli  de  m.  botz,  vi.  d.  ^ 

Item  per  carrega  de  sal,  i.  d. 

Item  per  carrega  de  cardons,  Dfti.  d. 

Item  per  carrega  de  congre  que  sia  cordada,  lui.  d,  e  8i*n 
porta  m.  balons,  m.  d. 

(Procuracio  reoL  registre  I".  ^  71-73.  —  Archives  du 
dôp.  des  Pyreaôes-Orientales^,  B.  138.) 


XIV 


1289) 
Ordonament  contre  aquels  qui  disen  mal  de  Deus  e  de  madbna   ÔatocU 

Maria. 

Viii^.  kls  octohr.  anno  dni  m^.cc^.  Ixxx.  nono. 
Illustris  d,  Jacobus  dei  gracia  rex  Maioricar.  ordinavit  et  staiuit, 
etc.  {Ordtnacions  I,  f*  9,  r*.) 


Ordonamenl  de  tancar  los  obradors  dels  menesterals  en  les  festes  aizi  oo* 

segueys ' . 

Ffo  adordonat  per  lo  sejnor  rej  de  Malorcha,  ab   oonseyl 


*'  Mot  inconnu  et  probablement  mal  écrit.  Peut-dtre  de  our$?ll  s-a^-> 
rait  dans  ce  cas  de  ceintures  en  cuir?  On  trouve,  verft  1296,  une  (}él9BBe 
de  vendre  oordam  negu,  ni  singles  de.  camge  hotcttz. 

*  liBf  date  de  cette  piàce  ne  peut  ôtre  déterminée  que  par  le  nom'  de 
Pierre  Adalbert,  déjà  bailli  de  Perpignan  en  1284  et  qui  l'étail' 
en  1289. 


DOCUMENTS  SUR  LA  LAliOU^  CATALANE  800 

d'En  P.  Adâlbert  batle  de  Perpenya,  e  ^e  u.  nlooieseTB  *  de  la 
glesa  de  Sant  Johan,  e  ab  volentat  de  totz  los  boos  çieneste- 
rals  de  Perpenja,  que  toi  hom,  sia  cresthia  o  juaeu,  ten^a 
tancatz  los  obradors  de  la  yila  de  Pei^enya  los  diiQengçs  e 
les  festes  dels  Apostols  que  an  dejunis,  et  *  a  les  festes  de 
Nostra  Dona  que  hom  dejuna,  exceptât  la  festa  de  sant  Tho- 
mas per  honrament  de  la  festa  de  Nadal,  et  excepta{t]  la  yes- 
pra  de  Nadal  si  en  dimenge  es,  et  exceptât  ûres  e  yenimies  e 
maixons  ^,  et  exceptât  que  hom  puga  portar  blat  a  vendre  a 
la  plassa  de  Perpenja  en  tro  la  festa  de  sant  P.  et  san  Feliu. 

E  negun,  sia  crestia  o  juseu,  qui  vena  en  los  ditzdimenges 
ne  a  les  altres  festes  sobre  dites,  pac  de  pena  lii.  s  lo  dit 
venedor,  e'I  dit  venedor  deu  estar  clavat  lo  digous*;  e'idenun- 
ciador  aura'n  la  terssa  part,  e  la  cort  les  u.  partz,  de  la  dita 
pena. 

Exceptât  que  hom  puga  vendre  causes  menjadbres  e  causes 
necessaries,  tories,  candeles  de  cera,  e  especiajria  a  malal- 
tes',  e  drap  de  lin  a  corses  '  et  a  totz  homes  estrangers  e  a 
homes  de  cami  que  sien  d'altres  terres. 

Jtem  fo  adordonat  per  lo  dit  senyor  rey  de  Malorcha,  que'l 
mercat  dljla  "^  e  de  Cogliure  qui's  fasien  en  dimenge,  que 
fossen  mudatz . 


*  Hebdomadiers  ou  semainiers  de  l'église  Saint*Jean,  seule  paroisse 
alors  existante  à  Perpignan. 

-  Ei,  qui  se  retrouve  assez  souvent  dans  les  documents  catalans  de  celle 
époque,  n'est  autre  chose  que  la  conjonction  latine  epi  mise,  |e  plus  SQUr 
vent  par  pure  distraction  du  scribe,  à  la  place  du  catalan  e. 

s  Vendanges  et  moissons.  Maixons  semble  fort  frrégulier,  et  Ton 
trouve  ordinairement  messes. 

^  Doit  ôlre  fermé  le  jeudi,  Jour  de  marché  à  Perpignan. 

s  Malgré  sa  forme  féminine,  malaltes  ne  peut-être  ici  qu'un  pluriel 
masculin  (malades).  G*j  mot  fut  encore  longtemps  employé  sous  cette 
forme  unique  ou  pluriel  pour  les  deux  genres.  On  dirait  aujourdliui 
malais  Si\i  pluriel  masculin. 

^  L^  mil  corder  ne  s  cntmd  que  d'un  c  choval  de  course  i.  dans  l'an- 
cien catalan  ;  ici  corses  ou  corsers  semble  désigner  des  courriers  ou  cou- 
reurs de  passage  à  Perpignan. 

7  Ille  sur  la  Tet,  en  Houssillon,  à  24  kil.  ouest  '!e  Perpignan. 


51Ô  DIALECTÉè   ANCIENS 

Item  fo  adordotiat  per  lo  dit  senyor  rej  e  per  los  dits  prd- 
homes,  que  tôt  mercer  e  tôt  sabater  e  tôt  peler  qui  portassen 
neguna  rauba  a  vendre  en  dimenges  ni  en  festa  de  dejunis^ 
ni  en  festa  de  Nostra  Dona,  que'ls  banders  de  totz  los  lochs  o 
casteyls  de  Rosse jlo  tolgen  tota  la  lur  rauba  que  porten  a. 
vendre  als  ditz  casteyls  e  lochs  de  Rossejlo,  exceptât  la  festa 
major  dels  ditz  castejls  o  lochs  de  Rosseylo. 

(Ordinacions  I,  f*  34,  v**.) 


XV 

(1292) 


(1292) 
Ordonament  co  los  sobre  pausatz  dels  orlolas  agen  cura  dels  camis. 

Tercw  idm  aprilis  anno  dnim.  ce.  Ixxxx.  seeundo, 

Ffo  adordonat  per  En  G.  Hom  de  deu,  balle  de  Perpenya, 
ab  volentat  del  senyor  Rey  e  ab  volentat  dels  sobre  pausatz 
delsortolas  eab  conseyl  d'altres  moltz  ortolans,  que,  d'aquesta 
ora  anant,  cals  que  sien  sobre  pausatz  dels  ortolas,  agen  cura 
dels  camis  de  la  orta  tener  condretz  de  Tamplesa  que  es  ador- 
donada  per  En  P.  Adalbert  e'N  Gr.  de  Codalet*. 

Item  si'ls  ditz  camis  s'en  gorgaven,  que'ls  ditz  sobre  pausatz 
fassen  aquels  adobar,  e  que  pagen  so  que  cocitaran  d'adobar 
aquels  de  qui  seran  les  fronteres  ;  e  que  los  camis  agen  escor- 
redos,  a  coneguda  dels  ditz  sobre  pausatz.  E  si  aquels  de  qui 
son  les  fronteres  o  altre  hom  avien  affolatz*  los  camis,  que 
aquel  qui  affolatz  los  aura  pac  so  que  costaran  d' adobar. 

Item  si  los  hereters  de  la  orta  avien  contrastz  de  regadares 
o  de  termes,  que'ls  sobre  pausatz  agen  aco  '  a  veser  e  adobar. 


*  Il  y  avait  eu  déjà  des  règlements  fai  f.s  à  ce  sujet  par  les  baillis  G .  dd 
Godalet  (1279)  et  Pierre  Adalbert,  prédécesseurs  de  Guillaume  Homdedeu* 

2  Avaient  foulé,  endommagé  ou  dégradé  les  chemins. 

3  II  faut  lire  aço  :  aco  est  un  mot   languedocien  qui  n'a  j  amais  été 
employé  en  catalan. 


DOCUMENTS   SURLA   LANaUB   CATALANE  511 

segons  que  lur  sera  vigares  lialment  :  e  ayso  entenem,  que  si 
contrast  era  de  termes  e  de  regadures  *  dels  hereters  •  de  la 
orta,  e'is  sobre  pausatz  se'n  ayien  a  destrigar»,  que'ls  sia 
satisfeyt  de  lur  trebajl. 

Ë  si'ls  ditz  sobre  pausatz  avien  mester  saig  *  ad  ops  de  les 
dites  causes  a  fer  e  a  compllr,  que'l  balle  lo'l  '  lur  dega 
liurar.  {Ordinac.  I,  f*  4,  v**.) 

Ordonament  de  les  deveses  del  senyor  Rey. 

^°.  Kls  junii  anno  dni  m ,  ce.  Ixxxx,  secundo. 

Ffo  adordonat  per  lo  S.  Rey  que  negu  hom  no  gaus  pendre 
perdius  ab  tesures  ni  en  altra  manera,  de  carnestoltes  tro  a 
sent  Miquel. 

E  qui  contre  fara  pagara  per  pena  v.  sol. 

Item  fo  adordonat  que  hom  no  gaus  cassar  en  la  devesa  •  del 
S.  Rej  que  s'esten  del  cami  d'Elna  entro  al  cami  del  Volo,  e 
de  Polestres  entro  a  Vilanova,  [e]  axi  com  va  lo  cami  de  Vila- 
nova  a  Sâleles  entro  al  cami  de  Elna;  e  que  negu  hom  no  gaus 
mètre  can  de  cassar,  ni  portar  balestaper  raho  de  cassar  en  la 
dita  devesa. 

E  qui  contre  fara  pac  de  ban  v.  soi. 

[Ordinac.   I,  f»  15,  v*».) 

Quinto  idus  augusti  anno  dni  m.  ce.  Ixxxx.  secundo. 
Ffo  adordonat  per  En  G.  Hom  de  deu,  batle  de  Perpenya, 
qu(?  negu  regater  ni  regatera  no  gaus  comprar  fruyta  entro 


*  Canaux  ou  rigoles  d'arrosage. 

*  Le  mot  hereter  (héritier)  signifie  ici  propriétaire. 

»  Se  dTang*»p,  perdre  sou  temps;   trigar  weni  dire  tarder. 

*  Sergent,  huissier,  du  bas-latio  sagio. 

K  Kégulièroment.  il  faudrait  lo  lur  d^ga  liurar  (que  le  bailli  le  leur 
doive  livrer)  ;  le  second  l  de  loi  a  été  amené  par  le  l  du  mot  suivant. 

^  C'est  la  plus  ancienne  mention  connue  de  la  devèso  de  chasse  des 
rois  de  Majorque,  située  au  sud  de  leur  château  de  Perpignan/  et-  8*éien- 
dant  entre  les  chemins  du  Volo  (à  10.),  d*Élne  (  àTB.)  et  de  Pullestre» 
à  Vilanova-de-Raho  et  Salelles  au  sud. 


5^2  l>ULErTKS    ANCIENS 

que  sîa    sonat  mig   die,   et  qui  contre  fara  que  pac  de  b^m 
n.  s. 

Item  que  negu  regater  ni  regatera  no  gaus  comprar  ni  mer- 
cadejar  frujta,  ni  estar  ni  aturar  en  aquel  loc  on  les  gens 
estrayes  venen  la  frujta,  per  parlar  ab  aquels  o  aqueles  qui 
la  frujta  vendran,  per  comprar  aquela  fruyta,  entre  que  mig 
die  sia  sonat  :  —  pena  u.  s. 

(A  la  suite) 

Ffo  adordonat  que  d'aqui  anant  neguna  femna  ni  home  no 
gaus  comprar  erba  seguada  per  vendre,  en  la  vila  de  Per- 
penya,  en  carrera  ni  en  plassa  ni  en  altre  loch,  per  revendre 
aquela  ;  ni  gaus  descompondre  *  ni  mular  *  ni  macar'  la  dita 
erba.  —  E  qui  contre, ayso  fara,  pagara  per  pena  u.  s  e  per- 
dra la  erba . 

Hem  que  neguna  femna  no  gaus  comprar  paila  ni  rostojl  dins 
la  vila  de  Per.  per  revendre  :  —  pena  ii.  s. 

A  la  suite 

Pridie  nonas  julii.  Ffo  adordonat  de  manament  del  S.  Rey, 
ab  cosseyl  *  del  conseyl  del  senyor  Rey  e  del  veger  e  de 
balle  de  Perpenya,  que  no  n'i  aja  negu  per  ardiment  que  aja 
que  gaus  comprar  paila  ni  fe  *  per  revendre. 

E  qui  contre  fara,  perdra  la  paila  e'I  fe. 

(OrdtnacA,f^  14,  v«.) 

Ordonameat  d'aquels  qui  falen  cant  sou  logatz,  e  de  besties  logades  e  de 

ooacips. 

Anno  dnim,  ce.  Ixxxx.  secundo,  viii,  kls  octobr. 

Fuit  ordinatum  per  Guillemum  Hominis  dei,  bajulum  Per^ 
piniani,  etc.  (Le  premier  article  en  latin,  le  second  en  catalan 
comme  il  suitj  : 


'  Décomposer,  allérer.— '^  Mouiller.—  ^  Gâter,  meurtrir. 

*  Ce  mot  est  écrit  tanlôi  cosseyl^  tantôt  conseyl,  de  môme  que  cossol  ou 
consol  et  beaucoup  d  autres.  Il  ne  faut  y  voir  que  des  négligences  du 
scribe,  qui  a  omis  sur  les  voyelles  le  trait  qui  doit  indiquer  les  n  ou  m. 

^  Fumier. 


DOCUMENTS  SUR  LA  LANGUE    CATALANE  513 

Item  negu  hom  qui  sia  logat  ab  altre  en  alcuna  fasena,  no 
gaus  desemparar  ni  falir  ni  mètre  altre  per  el  en  loc  d'el  ;  e 
([ui  contre  fara  pagara  per  pena  v.  s,  de  la  quai  pena  aura  la 
denunciador  la  tersa  part.  {Ordinac,  I,  f®  3  r°.) 

Nono  kls  januariianno  dnim.  ce.  Ixxxx.  secundo, 

Ffo  adordonat  per  lo  balle  de  Perpenja  ab  conseyl  et  ab 
volentat  dels  cossols  de  Perp.  e  ab  consejl  dels  sobre  pausatz 
dels  ortolas  e  de  motz  *  d'autres  ortolas,  que  d'aquesta  ora 
anant  nul  hom  no  aus  plantar  ajbre  fruter  o  no  fruter,  ni 
canes,  en  la  orta  de  Perpenja  ni  de  Majloles  ni  de  Sant  Es- 
teve  ni  de  Vernet  ni  de  Tayneres  ni  de  Bajoles  ni  de  Castejl 
Rosse jlo  *,  prop  la  teneso  o  ort  de  son  vesi  ajîi  co'l  terme 
partexs,  sino  dinsso  del  seu,  per  miga  cana  de  Montpesler;  e 
totz  les  ajbres  qui  ara  son  plantatz  que  no  son  fruyters,  que'ls 
ag-en  a  tajlar,  e  les  canes  arrancar,  quant  sien  entre  la  dita 
mesura  de  mipra  cana  de  Montpesler  prop  sa  teneso. 

Exceptain-nc  carrera  publica  e  vesinal,  et  exceptam-ne 
regadura  per  que'n  rega  hom  xx.  ajminades  de  terra;  e  si 
iio'n  regava  hom  xx.  ajminades,  que  sien  tajlatz  totz  los  ay- 
bres  no  fruvters. 

Ifern  fo  adordonat  queMs  ditz  aybres  no  fruyters  sien  tay- 
latz  e  les  dites  canes  arrancades  sotz  la  forma  d'avant  dita, 
(l'aqui  a  miga  ^  carema,  e  si  no  era  feyt,  quels  sobre  pausatz 
(ramont  ditz  o  pusquen  e  o  degen  fer  e  destroyer  fer. 

[Ordinac,  I,  fo  G.) 


'  On  troiivo  quelquefois  moatz  et  motz  (beaucoup)  dans  raucien  cala- 
Lin,  mais  \^  phis  souvent  c'est  molt  oa  moltsi,  et  il  est  probable  qu'ici  Tàb- 
sence  du  /  nVsL^iu'une  omission  du  scribe. 

-  L'^s  t'Tiitoin^s  des  anciens  villa^^es,  aujourd'hui  entièrement  détruits, 
d'  Mallol'^s,  V(M-iieL,  Tanyèros,  Bajoles  et  Caslell  RosseHo(  l'antique  Rus- 
ciuo)  sont  compris  «ians  la  commune  de  Perpignan.  Saint-Estève -del -Mo- 
nesljr  forrar»  seal  une  commune  distincte. 

•  Le  m&  por!e  pnr  ei'reur  Oaqui  a  inig  ay>i  carema.  On  pourrait  ce- 
pendant laisser  migana  carema. 

34 


bl4  DIALECTES   ANCIENS 

Ordonameni  co  los  sobrepausatz  del  ortolas  an  licencia  de  taylar  les 
branches  e*l8  rams  dels  aybres  qui's  geten  sobre  la  pocessio  de  son  veà. 

Voluit  et  mandavit  tllustrissimus  dns  Jacobus  dei  gracia  rex 
Maioricharum,  etc.  (sans  date.)  {Oràinac.  I,  f*  6.) 

(1294) 
Ordonament  del  escarseler. 

liii.  nouas  februarii  anno  dni  m,  ce.  Ixxxx,  quarto. 
Dominus  rex  Maiorich.  voluit  et  ordinavit  quoi  si  de  inde  car- 
selarius^  etc.  {Ordin.  I,  f*  30,  v®.) 


(À  suivre). 


CERTIFICAT  DÉUVRÉ  PAR  LES  JURATS  DE  PAU 

(1411} 


DIALECTE   BUARNAIS 


Cette  pièce,  dont  j'ai  Toriginal  sous  les  jeux,  est  un  simple 
certificat  écrit  sur  parchemin  et  délivré  par  le  clavaire,  assisté 
de  huit  jurats  «  tenant  cour  de  Pau  »,  à  Arnaud  de  Sobiole, 
du  lieu  de  Gelos,  pour  recouvrer  l'héritage  de  son  oncle,  dé- 
cédé à  Perpignan.  Le  document  n'a  aucune  importance  histo- 
rique, et  je  ne  le  donne  que  comme  texte  de  langue.  Un  mot 
seulement  sur  l'institution  municipale  des  jurats  dans  le  sud- 
ouest  de  la  France.  «  Dans  le  grand  mouvement  des  communes, 
»  au  moyen  âge,  dit  M.  Bladé,  la  Novempopulanie  se  meut 
»  sous  l'action  de  trois  principes  distincts  d'émancipation  et  se 
»  partage  en  trois  régions.  Dans  la  Gascogne  languedocienne, 
»  c'est  l'influence  voisine  de  Toulouse  et  de  ses  légistes,  le  ré- 
))  gime  consulaire,  vestige  incontestable  des  vieux  municipes 
»  romains,  et  dont  le  Parlement  favorise  la  nomination,  par  le 
»  suffrage  universel,  d'un  nombre  variable  de  consuls  qui  con- 
»  centrent  entre  leurs  mains  tous  les  éléments  du  gouverne- 
»  ment  de  la  cité.  Au  pied  des  Pyrénées,  où  la  primitive  liberté 
»  euscarienne  apparaît  plus  intacte  et  plus  pure,  en  se  rap- 
»  prochant  de  son  berceau,  ce  sont  les  fors,  statuts  municipaux 
»  analogues  aux  fuei^os  d'Espagne.  Quand  ce  n'est  pas,  comme 
))  à  la  cour  de  Lixar(Cow^  de  Sole)  et  dans  quelques  autres 
»  localités,  une  assemblée  de  gentilhommes  juges-nés  de  tous 
))  les  procès,  ce  sont  quatre  ou  six  jurats  qui  sont  investis  du 
))  droit  de  justice  civile  et  criminelle.  Le  nom  de  jurât,  dans 
))  le  Béarn,  la  basse  Navarre,  la  Soûle  et  le  Labourd,  est  d'im- 
»  portation  étrangère.  Lsl  jurade,  association  à  la  mairie,  nous 
»  vient  de  Bordeaux,  et  se  développe  de  proche  en  proche, 


516  DIALECTES    ANCIENS 

))  d'abord  sous  la  protection  des  Plantagenêts  et,   plus  tard, 
»  sous  la  tutelle  du  Parlement  de  Guienne*.  » 
Voici  le  texte  du  certificat  en  dialecte  béarnais  : 

(i4ii) 

Sapien  totz  los  qui  las  presentz  ve jran  ni  audiran  legir,  que 
per  dauant  nos  P.  de  Sacase  clauer  e  los  juratz  de  juus  no- 
miatz  e  cort  de  Pau,  en  la  dioces.  de  Lascar ,  es  viencut  Ar- 
[nau]tde  Sobiole  de  Gelos  prop  lo  dijt  loc  de  Pau,  en  la  medixe 
dioc.  ôlh'  de  Condor,  sor  qui  fo  de  Bosom  deu  Domeg  saen- 
rers  deu  dijt  loc  de  Gelos,  lo  quau  nos  ha  denunciat  que  lo 
dijt  Bosom  es  anat  a  Diu  et  *  es  mort,  e  ha  feit  son  testament 
o  darrere  voluntat  en  lo  loc  de  Perpinhan,  deu  quan  testa- 
ment se  vol  e  enten  ajudar  cum  a  prim  deu  dijt  Bosom  e  de  la 
dijte  *  Condor  sa  may;  nos  prega  e  supplica  que  lo  *  yolossem 
prouedir  e  autreyar  letre  de  testiffication  e  certifâcation,  e 
lo  volossem  declarar  la  parentele  e  aparthenence  qui  ed  ère 
deu  dijt  Bosom.  Nos,  attendudes  las  pregaries  e  supplications 
esser  justes  e  rasonables,  e  per  so  car  clarementz  e  de  serte 
science  at  sabem,  fem  saber  per  vie  testimpniau  e  certiffîca- 
tion  a  totz  aquetz  ab  los   quaus  lo  dijt  Am.  de  Sobiole,  por- 
tador  de  las  presentz,  aura  que  far,  per  dauant  totz  se[n]hors  • 
e  judges  ordinaris  o  extra  ordinaris,  que  lo  dijt  Arn.  es  filh 
de  la  dijte  Condor  sor  germane  deu  dijt  Bosom,  e  que  ed  e 
Mariote,  sa  sor,  eren  nebot  e  nebode  deu  dijt  Bosom,  e  los 
plus  prims  e  conjungs  de  consanguineitat  e  parentele  deu  dijt 

'  Pierre  de  Lobanner  et  les  quatre  chartes  de  Moni-de- Marsan,  par 
M.  J-F.Bladé.  Paris,  Dumoulin,  !86l,  pag.  54. 

*  Le  béarnais  remplace  aujourd'hui  la  lettre  f  au  commeacement  des 
mots  par  Vh  aspirée,  comme  dans  le  gascon. 

3  Le  ms.  écrit  et  et  quelquefois  e. 

*  Le  ms.  écrit  toujours  diit  et  diile,  que  je  lis  dijt  et  dijte,  et,  plus  loin, 
scriif,  que  je  lis  scrijt  :  c'est  le  dicht  et  scricht  de  l'ancien  roman  pro- 
vençal. D*autre3  actes  béarnais  du  XV»  siècle  écrivent  digt. 

^  Lo  (lui,  a  lui);  rien  ne  distinguo  ce  pronom  de  l'article  masculin 
singulier  lo, 
^'  Le  scribe  a  omis  la  lettre  n.  On  trouve  plus  loin  sêBhors 


Bosom.  Et  n03  sue  dijtz  clauer  e  cort,  agut  uosselh  e  delibara- 
tion  ab  mosB.  Oraxs.  de  la  Paîaet,  ractor  patTochiau  deu  dijt 
loû  de  Gelos,  et  entre  nos  medixs,  avem  aiitreyat  las  présente 
sagerade[e]  deu  p'i'opri  sagot  jiidiciau  nostre  au  dijt  Arn.  por 
vie  de  testifflcatioii  e  certifd cation,  en  cadaquegs  en  taUB 
quans  lo  dijt  Arn.  se  enten  ajudar  ci  aura  que  far,  e  per  ma- 
nejre  que  puaque  domanilar  deffener  o  eaiparar,  cum  a  prim 
et  hereter  dau  dijt  Boaom,  laa  causes  qui  vist  ni  meatier  lo 
aeran  domandaderes  o  deffenederes.  Scrijt  en  lo  dijt  loo  de 
Pau,  per  dauant  lo  dijt  clauer  los  juratz  e  cort  deu  dijt  loo, 
en  la  quau  eren  presentz  P.  de  Poe_y  *,  P.  d'Augar,  P.  d'Espa- 
lungue,  Bertran  den*  Luques,  Jagmot  dau  Tiener',  Ruet 
Darroque,  Galhardet  Dernantz  e  Bardot  d'An^r  *,  ji^ft^^ 
cort  thientz  e  motz  d'autea,  lo  aino  joroB  deiLniew  de  oAUl^f^ 
l'an  de  Nostre  Senhor  mil  quoate  eentz  e  «aiw. 

riVMM  d'un  ciichBt>  HrK  OlOO»  t;OA«*- 

{Arclùves  de*  Pijrinéeii-Orientatts.) 


La  Sevw  des  langues  romattet,  qui  a  pifi^^t  ^^ur  \t]ii  Vif^a^^ 
dciS  divers  dialectes  et  aous-di^ctea  roipiuis  ^  Wii  ^  \f 


'  Poey  el  Espalungae,  Tlllaff«>  du  Béara. 

iLems.  indique  fort  bien  d  Ko,  et  non  pqa  l'^j^lç^  (i}<f  )■ 

'  Le  lieu  «  ila  Tisner  »  est  sans  i(qula  le  bamqia  ^e  «  la  Tiwère  ». 
commune  de  Gelo?.  '  ■'    .     ■      -if' 

'La  famille  des  deux  jurots  Pierru  d'Augar  et  Bardot  d'Augnr  tiresKns 
doute  saa  nom  Ou  lieu  uppotf<  aujiiurd'hui  Auga,  en  Bâarn.  li  existe  aux 
archives  du  déparlement  des  Basses  Pyrénéra  un  inventaire  di;8  archives 
'le  la  vicomte  du  Ga^lpllbo,  rfdig*  en  Marnais  en  1405,  par  Bertrand 
il'Augnr  d'Orlhè-:,  nirr^  du  Sninl-Martin  dP-Bonnut;  on  Toir,i  In  onmmen- 
cément  :  ^tw  Mni'n  Dr  mH'iilainBHt  de  w*^»  Archambaud  per  la  gracie 
ite  Diu  comLs  de  l'tn.v,  ivscvmtf  de  Bearit  ilc  Marsan  e  de  Gaïaudin. 
aaptal  de  Buch,  vesmmie  du  flrndfnlts  c  d«  CanMhon,  p  nennor  de  Na- 
valhes,  Van  de  naître  *enj/Dr  M  CCCC  V,  (o  Kroat  e  vùitat  to  eartutari 
deu  coflêl  de  Cauttlbûn.  e  (M  intwnla*^  d'aqwt  per  Berlrau  d'Attgar 
fOpltii-  egfiva'i  *(«  SeW  Harthin  tft  Bo»'lt  per  lu  matimre  qm  i'en  m 


518  DIALECTES  ANCIENS 

France  et  la  détermination  de  leurs  caractères  distinctifs,  a 
souvent  annoncé  qu'elle  publierait  avec  empressement  les  do- 
cuments utiles  pour  la  philologie  historique,  qu'elle  a  princi- 
palement en  vue  ;  mais,  si  je  ne  me  trompe,  elle  n'a  pas  encore 
publié  une  seule  ligne  en  dialecte  béarnais.  Cette  langue  oc- 
cupe une  place  distinguée  dans  les  lettres  romanes  méridio- 
nales, par  les  nombreux  documents  historiques  et  poétiques 
qu'elle  possède  et  par  les  travaux  de  linguistique  dont  elle  a 
été  l'objet.  Il  existe  une  excellente  grammaire  béarnaise  de 
M.  V.  Lespy,  et  on  comprend  que  je  n'ai  pas  la  moindre  idée 
d'indiquer  ici,  même  en  résumé,  les  caractères  particuliers  de 
ce  dialecte  ;  je  me  bornerai  à  signaler  ses  rapports  avec  le 
catalan. 

On  ne  peut  pas  s'occuper  de  l'étude  comparative  des  an- 
ciens dialectes  romans  du  midi  de  la  France,  sans  remarquer 
la  ressemblance  singulière,  ou  plutôt  l'air  de  famille,  qui  existe 
entre  tous  les  dialectes  parlés  sur  le  versant  nord  des  Pyré- 
nées, depuis  le  Béarn  et  à  travers  les  pays  de  Bigorre  et  de 
Foix,  jusqu'aux  dialectes  catalans  plus  ou  moins  purs  de  la 
vallée  d'Andorre,  de  la  Cerdagne,  du  Roussillon,  de  la  Cata- 
logne et  du  pays  de  Valence.  On  dirait  qu'il  y  a  un  courant 
qui  part,  à  l'ouest,  de  la  limite  du  pays  basque  et  se  dirige 
vers  l'est,  en  suivant  toujours  le  versant  nord  de  la  chaîne  des 
Pyrénées  jusqu'à  la  vallée  d'Aran,  où  il  franchit  cet  obstacle 
pour  se  répandre  en  Catalogne,  tout  en  conservant  sa  direc- 
tion sur  le  versant  nord  jusqu'à  la  Méditerranée,  à  travers  les 
pays  de  Foix,  de  Capcir,  de  Fonollet  et  du  Roussillon.  Il  y  a, 
en  effet,  une  véritable  parenté  entre  les  dialectes  parlés  dans 
tous  ces  pays,  soit  pour  le  fond  de  la  langue,  soit  pour  l'ac- 
cent et  les  formes  grammaticales.  La  particularité  essentielle 
de  tous  ces  dialectes  ou  sous-dialectes  paraît  être  la  termi- 
naison en  ec  de  la  troisième  personne  singulière  du  prétérit, 
que  l'on  retrouve  à  toutes  les  époques  dans  le  gascon  de  TAr- 
magnac  (enowc),  dans  les  dialectes  du  Bigorre,  des  pays  de 
Foix  et  de  Fonollet,  de  même  que  dans  l'ancien  catalan,  où 
cette  terminaison   en  ec  existe   déjà  au  XIIP  siècle  (dans 


CERTIFICAT   BEARNAIS  519 

Des  Clot)  et  jusqu'au  milieu  du  XIV®  siècle  au  moins,  mais 
simultanément  avec  Tautre  forme  particulière  du  prétérit 
catalan.  Cette  terminaison  en  ec  disparaît  dans  le  bas  Lan- 
guedoc et  dans  le  bassin  du  Rhône,  où  celle  en  et  domine 
presque  exclusivement*.  On  reconnaît,  d'ailleurs,  que  la  zone 
ou  lisière  béarno-catalane,  dont  je  viens  de  signaler  la  direc- 
tion et  rétendue,  a  subi,  de  la  part  des  dialectes  gascon,  tou- 
lousain et  languedocien,  une  espèce  de  pression  venant  du 
Nord  vers  le  Sud,  et  refoulant  les  dialectes  primitifs  contre  la 
ligne  des  Pyrénées. 

Il  n'y  a  pas  à  exposer  ici  les  relations  séculaires,  les  faits 
historiques  et  sans  doute  aussi  la  communauté  d'origine,  qui 
peuvent,  jusqu'à  un  certain  point,  expliquer  cette  parenté  de 
langage  entre  les  populations  du  versant  septentrional  des 
Pyrénées  et  celles  de  la  Catalogne.  Tout  ce  qu'on  peut  con- 
stater, c'est  qu'il  y  a,  par  exemple,  plus  de  rapports  entre 
l'ancien  catalan  et  le  sous-dialecte  du  pays  de  Foix  qu'entre 
celui-ci  et  le  toulousain  ;  ùq  même  le  béarnais  a  plus  de  rap- 
ports avec  le  catalan  qu'avec  le  gascon  de  l'Armagnac  et  du 
Marsan,  qui  l'avoisine  au  nord. 

Dans  les  derniers  siècles,  le  béarnais  a  nécessairement  subi 
l'influence  du  gascon  et  même,  dans  une  faible  mesure,  celle 
du  castillan' ;  mais  ses  rapports  avec  le  catalan  sont  frappants. 
Le  principal  consiste  dans  la  terminaison  particulière  du  fé- 
minin pluriel,  qui,  dans  l'une  et  l'autre  langue,  est  toujours 
eu  es,  au  lieu  de  la  terminaison  en  as  de  l'ancien  provençal 
et  de  la  plupart  des  dialectes  romans.  Ainsi,  en  prenant  pour 
t(^xte  le  certificat  de  1411,  on  trouve  pregaries,  justes^  atten- 
dudes,  rasonableSy  sagerades,  causes,  comme  dans  le  catalan;  au 


*  Les  textes  toulousains  du  XIV«  siècle  portent,  presque  indififôremment, 
les  terminaisons  ec  et  et,  de  mémo  que  certains  textes  de  Montpellier  vers 
la  même  époque.  Mais  on  peut  se  demander  si  cette  confusion  ne  provient 
pas  du  fait  les  éditeurs,  trompés  par  la  ressemblance  complète  des  lettres 
c  et  t  dans  les  manuscrits  du  XIV»  siècle. 

^  (^rtains  mots  castillans  s'y  sont  introduits,  entre  autres  le  mot 
palaure  ^'parole). 


520  DIALECTES    ANCIENS 

lieu  de  pregarias,  justas,  ou  même  justos,  de  divers  dialectes 
romans,  anciens  ou  modernes.  Il  en  est  de  même  de  la  troisième 
personne  du  pluriel  dans  divers  temps,  sapten,  eren^  comme 
dans  le  catalan  ;  au  lieu  de  sapian,  eran  ou  eron,  des  dialectes 
languedociens  et  provençaux. 

Cette  terminaison  féminine  du  pluriel  en  e  muet  existait 
déjà  en  Catalogne  et  en  Roussillon  au  XI®  siècle  ;  mais  il  faot 
convenir  que  le  béarnais,  qui  Pavait  peut-être  aussi  à  la 
même  époque,  a  poussé  le  principe  beaucoup  plus  loin  que  le 
catalan,  puisqu'il  a  conservé  Ye  final  à  la  troisième  personne 
du  singulier,  comme  par  exemple  dans  ère  (il  était)  et  pusque 
(qu'il  puisse),  tandis  que  le  catalan  écrit  encore  era  et  pusca 
(tout  en  prononçant  Va  comme  un  e  muet).  Il  en  est  de  même 
de  la  terminaison  du  féminin  singulier,  qui  est  toujours  en  e 
en  béarnais  {letre,  serte,  germane,  vie,  nebode)  et  en  a  en  catalan 
(letra,  certa,  germana,  via,  neboda)^  mais  avec  la  valeur  de  Te 
muet  français. 

L'article  est  le  même  dans  le  béarnais  et  dans  le  catalan, 
pour  le  masculin  lo  et  los  et  pour  le  féminin  singulier  la;  mais, 
pour  le  féminin  pluriel,  le  béarnais  a  conservé  Tancien  pro- 
vençal las,  au  lieu  du  catalan  les. 

Quant  aux  cas  indirects  de  l'article,  deu  (du)  au  lieu  du  ca- 
talan del,  au  et  aus  (au,  aux),  au  lieu  du  catalan  al  et  aky  la 
différence  tient  uniquement  à  l'usage  ou  principe  grammatical 
qui  a  porté  le  béarnais  à  changer  en  u  bref  la  lettre  /  que  Ton 
trouve  à  la  fin  des  mots  catalans  et  de  la  plupart  des  autres 
dialectes  romans.  Ainsi,  deu  (pour  del)^  quau  et  quaus  (pour 
quai  et  quals\  reyau,  judiciau,  vescomdau,  etc.  Au  milieu  des 
mots,  la  lettre  /  est  presque  toujours  changée  en  r  dans  le 
béarnais:  aquere  (pour  aquele)^  caperan  (pour  capelan),  sage- 
rades  (pour  sagelades). 

Le  son  ou  semble  représenté  par  uu  (de  juus)  dans  le  certi- 
ficat de  1411,  comme  dans  l'ancien  catalan,  qui  écrivait  cruu, 
nuu,  etc.  Cependant,  dès  le  XV®  siècle,  on  écrit  généralement 
en  béarnais  de  j'ous  (au  lieu  de  fuus),  sous  (siens)  au  lieu  de 
suus. 


CERTIFICAT    BEARNAIS  521 

On  peut  remarquer  que  le  béarnais  a  conservé  la  terminai- 
son du  singulier  des  participes  ou  adjectifs  verbaux  en  or,  de 
Tancien  provençal  et  des  autres  dialectes  romans,  comme  on 
le  voit  par  le  mot  porfador;  mais  il  en  a  changé  le  féminin 
pluriel  en  67%  comme  dans  domandaderes,  deffenederes,  au  lieu 
de  demanadores  et  deffenedores,  du  catalaii. 

Enfin  il  y  a  une  particularité  qu'il  faut  considérer  comme 
un  produit  spécial  du  béarnais  :  c'est  la  suppression  fréquente 
de  la  lettre  n  entre  deux  voyelles  dans  le  corps  d'un  mot, 
comme  dans  nomiatz  (nommés)  et  thientz  (tenants),  pour  notai- 
natz  et  thinentz. 

Il  y  a  d'autres  différences  que  l'on  peut  attribuer  à  l'in- 
duence  du  languedocien  ou  du  gascon,  et  qui  distinguent  par- 
faitement le  béarnais  du  catalan.  Telles  sont  les  formes  dijt  et 
scrjjt,  qui  proviennent  de  l'ancien  provençal;  —  celles  de  vien- 
eut  [\enu)^  may  {mève) ^  maneyre  (manière),  mes^i^  (besoin), /îar 
(faire),  qui  se  rattachent  évidemment  au  languedocien  et  sont 
étrangères  au  catalan,  dit,  scril,  vengut,  mare,  manera,  mester 
et  fer.  Je  rapporte  à  l'influence  du  gascon  la  mutation  en^de 
la  lettre  /  à  la  fin  des  mots ,  comme  castet,  saget,  au  lieu  du 
catalan  castell  et  sagell,  ou  du  languedocien  castel  et  sageL 

Al. A  UT. 


DE  QUELQUES  FORMES  DE  L'ANCIENNE  LANGUE  D'OC 

L'article  H  et  los  en  Provence;  —  ueimais  et  jamais;  —  quint  et  quin 


L  —  M .  Paul  Me  jer  se  trompe  lorsqu'il  me  fait  dire  *  qu'nn 
copiste  provençal  du  XIV*  siècle  n'a  jamais  pM  écrire  los  au  cas 
sujet  de  Tarticle  masculin  pluriel.  J'ai  dit  qu'un  copiste,  dans 
les  fautes  qu'il  commet,  tend  à  se  rapprocher  de  son  dialecte 
et  non  pas  à  s'en  éloigner,  et  qu'un  copiste  provençal  a  bien 
pu  substituer  dans  un  texte  H  à  los,  mais  non  los  à  H. 

Je  répète  que  la  forme  los  est  en  quelque  sorte  antipathique 
au  dialecte  parlé  en  Provence,  parce  que  ce  dialecte  supprime 
le  plus  possible  la  sifflante  ';  et,  comme  il  répugne  à  l'allonge- 
ment des  sjUabes  finales  qui  caractérise  certains  dialectes, 
le  limousin,  par  exemple  {là  fennd,  les  femmes  ;  I6à  rosi,  les 
raisins),  il  a  repoussé  à  la  fois  la  forme  los  {lous)  où  Vs  se  fait 
sentir,  et  la  forme  lo  [lou)  qui  aurait  rendu  le  pluriel  des  noms 
en  tout  semblable  au  singulier  ;  il  a  donc  adopté  de  préférence 
le  cas  sujet  H  pour  le  pluriel.  Peut-on  supposer  sérieusement 
que  cette  adoption  n'ait  eu  lieu  qu'au  XVIP  siècle,  et  que  les 
Provençaux,  après  avoir  dit  los  depuis  la  perte  de  la  déclinai- 

*  Romania,  juillet  1873,  p.  372.  —  Parmi  les  remarques  de  M.  Me3rer 
sur  mon  compte  rendu  des  Derniers  TrouhadourSt  je  ne  relève  que  celles 
qui  me  paraissent  avoir  un  réel  intérêt  scientifique.  Je  ne  reviendrai  pas 
sur  quelques  corrections  proposées  par  moi  et  qu'il  me  semble  difficile 
de  ne  pas  admettre  (par  exemple,  maguanha  pour  mguanha,  fantonejatz 
po[iTfatoejatz)t  non  plus  que  sur  quelques  observations  présentées  à  titre 
de  simple  hypothèse.  Je  dois  faire  remarquer  cependant  que  ces  mots  :  le 
XIII*  siècle,  à  propos  d'une  pièce  de  1280,  signifiaient  dans  ma  pensée  la 
fin  du  XIII*  siècle.  J'ai  eu  tort  sans  doute  de  ne  pas  m'expliquer  plus  clai- 
rement; mais  j'avais  déjà  indiqué,  dans  lo.  Revute  desyangues  romanes 
(I,  8),  l'époque  où  la  déclinaison  à  deux  cas  disparaît  dans  les  documents 
écrits  à  Montpellier. 

^  Les  Provençaux  donnent  à  leurs  voisins  de  Languedoc  le  surnom  de 
siblaire^  siffienrs,  à  cause  de  la  fréquence  de  1'^  dans  les  dialectes  de  la 
rive  droite  du  Rhône. 


FORMES  DE  l' ANCIENNE  LANGUE  d'OG  523 

son  à  deux  cas,  aient  tout  d'un  coup  proscrit  la  forme  du  cas 
régime  pour  ressusciter  le  cas  sujet,  mort  depuis  trois  cents 
ans  ?  Des  documents  rédigés  à  Tarascon,  ville  limitrophe  du 
Languedoc,  ne  prouvent  rien  dans  la  question;  il  est  pos- 
sible qu'on  ne  parlât  pas  le  provençal  à  Tarascon  au  XV°  siè- 
cle. D'ailleurs,  je  ne  nie  pas  que  la  langue  littéraire  et  officielle 
n'ait  conservé  la  forme  ios  à  l'époque  où  le  peuple  employait 
li.  Tout  ce  que  j'ai  dit  à  propos  de  ces  deux  formes  de  l'ar- 
ticle a  pour  but  de  mettre  le  lecteur  en  garde  contre  des 
affirmations  hasardées  au  sujet  des  dialectes  de  l'ancienne 
langue,  question  pour  laquelle  les  données  sont  encore  ob- 
scures et  peu  nombreuses.  Quoi  qu'il  en  soit,  je  serais  recon- 
naissant à  M .  Mejer  s'il  voulait  bien  me  dire  à  quels  carac- 
tères il  a  reconnu  que  «  le  dialecte  du  scribe  qui  a  exécuté 
le  manuscrit  Giraud  était  celui  de  la  Provence.  » 

Je  ferai  remarquer  en  passant  à  mon  savant  contradicteur 
qu'en  donnant  la  forme  Ios  comme  «  la  règle  dans  tous  les 
textes  où  r  usage  de  la  déclinaison  à  deux  cas  est  perdu,  aussi 
bien  en  Provence  qu'ailleurs))^  il  a  oublié  que  le  comté  de 
Foix,  tout  au  moins,  en  perdant  la  déclinaison  à  deux  cas,  a 
certainement  adopté  les  et  non  Ios  pour  l'article  masculin  plu- 
riel, et  que  cette  forme  s'est  maintenue  jusqu'à  nos  jours*. 
(Voj.  Bartsch,  Chrest.,  351,  22, 30,  32,  etc.  ;  Revue  des  langues 
romanes,  I,  p.  302,  303.) 

II .  —  M .  Meyer  affirme  que  ni  ueimais,  ni  jamais,  n'ont  le 
sens  négatif  que  je  leur  attribue.  Comment  expliquer  alors  les 
vers  suivants: 

Que  Dieu  jamai  m'emparadise. 

(Mistral,  Jtfirèù),  chant  II.) 

Pèr  que  l'oundo  jamai  nous  posque  sépara. 

{Ibid.y  ch.  XII.) 

Et  cette  phrase  si  souvent  répétée  à  Montpellier  :  «  Jamai 

•  Quelque  chose  d'analogue  parait  s'être  produit  dans  quelques  par- 
ties de  TAuvergne.  où  l'article  masculin  pluriel  est  lêis.  Mais,  pour  ce  cas 
particulier,  je  n'ai  pas  encore  de  preuves  positives. 


524  DIALIi:CTltîS   A^C1^:^S 

t'avengue  de  faire  acàl  »  Et,  en  français,  ce  pa^sag^  d^  I4^sjiil- 
ion:  «  Les  grands  toujours  loués,  jamais  instruits.  »  ttcc  Cette 
tournure  incorrecte,  dit  M.  Littré,  est  condamnée  par  plu- 
sieurs grammairiens^  mais  elle  a  pour  elle  limage,  »  En  langue 
d'oc,  et  particulièrement  dans  le  dialecte  provençal,  remploi 
de  jamai  avec  le  sens  négatif  est  parfaitement  régulier.  Dans 
jamais  négatif,  c'est  bien  la  syllabe  mais,  pour  plus,  qui  ren- 
ferme la  négation  (Voy .  Littré,  Dict.,  verbo  plus,  17**)  •  Donc 
jamais  peut  avoir  le  sens  négatif,  et  ce  sens  est  renfermé  dans 
la  deuxième  syllabe  ;  donc  mimais,  équivalent  exact  de  jqmc^jf 
peut  avoir  le  même  sens  ;  donc  enfin  Bertran  Carbonel  a  pi; 
dire  avec  le  sens  négatif  : 

. . .  c'  ueymais  ti  don  niastais. 

in.  —  L'auteur  des  Derniers  Troubadours  maintient  inipliçi- 
tement  sa  correction  de  quintz  en  quins ,  probablement  parce 
que,  quint  signifiant  cinquième,  il  lui  parait  difficile  d'admettre 
le  même  mot  avec  le  sens  de  quel.  Quint,  quinte,  appartient 
cependant  à  plusieurs  dialectes,  particulièrement  à  celui  de 
Montpellier.  (Voyez  Œuvres  choisies  de  Roudil'^  XVII*  siècle. 
—  Revue  des  Langues  romanes,  I,  p.  262,  v.  17.  ) 

IV.  On  niera  peut-être  que  les  dialectes  modernes  puissent 
servir  à  T éclaircissement  de  l'ancienne  langue.  H  est  bon  de 
dire  quelques  mots  sur  ce  point.  Lorqu'on  parcourt  par  ordre 
chronologique  la  série  des  textes  en  langue  d'oc  les  plus  connus, 
on  voit  la  langue,  du  XI®  siècle  jusqu'au  milieu  du  XVP,  ne  se 
modifier  qu'insensiblement  et  par  une  progression  régulière . 
Vers  la  fin  du  XVP  siècle,  surgit  presque  tout  à  coup  comme 
une  nouvelle  manière  de  parler,  ou  plutôt  un  ensemble  de  dia- 
lectes se  rattachant  à  l'ancienne  langue,  mais  différant  d'elle  et 
différant  entre  eux  par  des  caractères  bien  tranchés.  Serait-ce 
que  le  langage  de  toutes  nos  provinces  méridionales  aurait  subi 
des  modifications  plus  profondes  en  quelques  années  que  durant 
une  période  de  cinq  siècles?  On  ne  saurait  le  soutenir.  I^  est 
évident  que  la  langue  officielle  de  la  France  du  Midi  au  moyen 


FORMES  DK  lVnCTBNNB  LAKOUE  D*0C  &f5 

âge,  l^giepar  des  grammairietis,  maiiiteirae  par  itne  tradition 
littéraire,  ne  s'est  modifiée  que  très-lentement  dans  les  œuvres 
des  écrivains  et  âous  la  plnme  des  scribes,  des  ^^*e£Ser8<,  des 
hotaÎT^s,  de  tons  ceux  enfin  qui,  constituant  la  gent  lettrée  de 
répoque,  se  piquaient  d'écrire  correctement.  Mai»t  tandis  que 
la  langue  écrite  ne  se  transformait  que  lentement^  la  langue 
parlée,  la  langue  du  peuple,  le  patois,  si  Toq  veut,  se  dévelop- 
pait librement  avec  ses  caractères  dialectanX  particuliers  à 
chaque  pays.  Lorsque  la  langue  officielle  du  Midi  disparait , 
lorsque  les  fonctionnaires  sont  obligés  de  rédiger  leurs  actes 
en  français  et  que  nos  écrivains  s'étudient  à  manier  élégam- 
ment la  langue  du  Nord,  la  tradition  est  rompue,  les  règles 
sont  mortes,  les  maîtres  oubliés,  et,  s'il  surgit  quelque  poète 
qui,  par  manière  de  passe-temps,  veuille  encore  composer  dans 
le  langage  de  sa  province,  il  ne  sait  se  servir  que  de  l'idiome 
local,  qui  fait  dès  lors  son  entrée,  avec  plus  ou  moins  d'éclat, 
dans  le  monde  littéraire.  Telle  est  l'origine  du  brusque  chan- 
gement que  l'on  constate  dans  la  langue  d'oc  écrite  du  XVP 
au  XVIP  siècle.  Je  ne  veux  pas  dire  qu'avant  cette  époque  la 
langue  écrite  et  la  langue  parlée  fussent  tellement  indépen- 
dantes l'une  de  l'autre  qu'elles  ne  se  soient  pas  réciproquement 
influencées.  Si  les  dialectes  proprement  dits  ne  se  montrent 
guère  avec  l'ensemble  de  leurs  caractères  dans  les  documents 
antérieurs  au  XVP  siècleS  ils  fournissent  du  moins  aux  écri- 
vains de  tous  les  temps  un  certain  nombre  de  formes  et  de 
mois,  et  se  décèlent  assez  fréquemment  dans  les  lapsus  des 
copistes.  Toutes  les  fois  donc  qu'une  tournure,  qu'une  expres- 
sion, est  nouvelle  dans  la  langue  littéraire,  ce  n'est  pas  une 
raison  pour  la  proscrire  et  rejeter  la  faute  sur  le  scribe  ;  si  cette 
forme  existe  de  nos  jours  dans  un  dialecte,  il  est  probable  que 
l'auteur  l'a  empruntée  au  langage  parte  autour  de  lui. 

*  On  trouve  parfois,  et  à  une  datesÉseï  reculée,  des'dooumeoto  littéraires 
écrits  en  entier  dans  un  dialecte  qui  s'éloigne  plnstMi  moins  delà  langue 
ofticielle.  La  traduction  d^Àlbucasis,  dont  isiBevtte  des  langues  romanes 
a  publié  des  fragments  (  I,  3, 301  ;,  pëùlétre  rangée  dans  cette  catégorie. 


524  DIALKCTliiS    A^C1^:^S 

t'avengue  de  faire  acof  n  Et,  en  français,  ce  passage  d^  ^asyil- 
Ion:  «  Les  grands  toujours  loués,  jamais  instruits.  »  -ra  Cette 
tournure  incorrecte,  dit  M.  Littré,  est  condamnée  par  plu- 
sieurs grammairiens^  mais  elle  a  pour  elle  fmage.  »  En  langue 
d'oc,  et  particulièrement  dans  le  dialecte  provenç^,  Temploi 
de  jamai  avec  le  sens  négatif  est  parfaitement  rég\iUer.  Dedb 
jamais  négatif,  c'est  bien  la  syllabe  mais,  pqur  plus,  qui  ren- 
ferme la  négation  (Voy .  Littré,  Dict.,  verbo  plus,  17")  •  Donc 
jamais  peut  avoir  le  sens  négatif,  et  ce  sens  est  renfermé  daiis 
la  deuxième  syllabe  ;  donc  ueimais,  équivalent  exact  de  jamofi^^ 
peut  avoir  le  même  sens  ;  donc  enfin  Bertran  Carbonel  a  pi^ 
dire  avec  le  sens  négatif  : 

. . .  c'  ueymais  ti  don  niastais. 

in.  —  L'auteur  des  Derniers  Troubadours  maintient  implici- 
tement sa  correction  de  quintz  en  quins ,  probablement  pacce 
que,  quint  signifiant  cinquième,  il  lui  parait  dif&cile  d'admettre 
le  même  mot  avec  le  sens  de  quel.  Quint,  quinte,  appartient 
cependant  à  plusieurs  dialectes,  particulièrement  à  celui  de 
Montpellier.  (Voyez  Œuvres  choisies  de  Jtoudil'^  XVII*  9i^cle. 
—  Bévue  des  Langues  romanes,  I,  p.  262,  v.  17.  ) 

IV.  On  niera  peut-être  que  les  dialectes  modernes  puissent 
servir  à  l'éclaircissement  de  l'ancienne  langue.  H  est  bon  de 
dire  quelques  mots  sur  ce  point.  Lorqu'on  parcourt  par  ordre 
chronologique  la  série  des  textes  en  langue  d'oc  les  plus  connus, 
on  voit  la  langue,  du  XI®  siècle  jusqu'au  milieu  du  XVP,  ne  se 
modifier  qu'insensiblement  et  par  une  progression  régulière. 
Vers  la  fin  du  XVP  siècle,  surgit  presque  tout  à  coup  comme 
une  nouvelle  manière  de  parler,  ou  plutôt  un  ensemble  de  dia- 
lectes se  rattachant  à  l'ancienne  langue,  mais  différant  d'elle  et 
différant  entre  eux  par  des  caractères  bien  tranchés.  Serait-ce 
que  le  langage  de  toutes  nos  provinces  méridionales  aurait  subi 
des  modifications  pluâ  profondes  en  quelques  années  que  durant 
une  période  de  cinq  siècles?  On  ne  saurait  le  soutenir.  I^  est 
évident  que  la  langue  officielle  de  la  France  du  Midi  au  moyen 


FORMES  DE  i/aNCTBNNE  LANGUE  D*OC  525 

âge,  régie  par  des  grammairiens,  maintenue  par  une  tradition 
littéraire,  ne  s'est  modifiée  que  très -lentement  dans  les  œuvres 
des  écrivains  et  sous  la  plume  des  scribes,  des  greffiers,  des 
notaires,  de  tous  ceux  enfin  qui,  constituant  la  gent  lettrée  de 
Tépoque,  se  piquaient  d'écrire  correctement.  Mais,  tandis  que 
la  langue  écrite  ne  se  transformait  que  lentement,  la  langue 
parlée,  la  langue  du  peuple,  le  patois,  si  Ton  veut,  se  dévelop- 
pait librement  avec  ses  caractères  dialectaux  particuliers  à 
chaque  pays.  Lorsque  la  langue  officielle  du  Midi  disparaît , 
lorsque  les  fonctionnaires  sont  obligés  de  rédiger  leurs  actes 
en  français  et  que  nos  écrivains  s'étudient  à  manier  élégam- 
ment la  langue  du  Nord,  la  tradition  est  rompue,  les  règles 
sont  mortes,  les  maîtres  oubliés,  et,  s'il  surgit  quelque  poëte 
qui,  par  manière  de  passe-temps,  veuille  encore  composer  dans 
le  langage  de  sa  province,  il  ne  sait  se  servir  que  de  l'idiome 
local,  qui  fait  dès  lors  son  entrée,  avec  plus  ou  moins  d'éclat, 
dans  le  monde  littéraire.  Telle  est  l'origine  du  brusque  chan- 
gement que  l'on  constate  dans  la  langue  d'oc  écrite  du  XVP 
au  XVIP  siècle.  Je  ne  veux  pas  dire  qu'avant  cette  époque  la 
langue  écrite  et  la  langue  parlée  fussent  tellement  indépen- 
dantes l'une  de  l'autre  qu'elles  ne  se  soient  pas  réciproquement 
influencées.  Si  les  dialectes  proprement  dits  ne  se  montrent 
guère  avec  l'ensemble  de  leurs  caractères  dans  les  documents 
antérieurs  au  XVP  siècle*,  ils  fournissent  du  moins  aux  écri- 
vains de  tous  les  temps  un  certain  nombre  de  formes  et  de 
mois,  et  se  décèlent  assez  fréquemment  dans  les  lapsus  des 
copistes.  Toutes  les  fois  donc  qu'une  tournure,  qu'une  expres- 
sion, est  nouvelle  dans  la  langue  littéraire,  ce  n'est  pas  une 
raison  pour  la  proscrire  et  rejeter  la  faute  sur  le  scribe  ;  si  cette 
forme  existe  de  nos  jours  dans  un  dialecte,  il  est  probable  que 
l'auteur  l'a  empruntée  au  langage  parlé  autour  de  lui. 

'  On  trouve  parfois,  et  à  une  date  assez  reculée,  des  documents  littéraires 
L'critsen  entier  dans  un  dialecte  qui  s'éloigne  pins  Ou  moins  delà  langue 
ofûcielle.  La  traduction  d'AlbucasiSf  dont  la  Revue  des  langues  romanes 
a  publié  des  fragments  (  F,  3,  301  ;,  peut  être  rangée  dans  cette  catégorie. 


52^  DIALECTES   ANCIENS 

Il  résulte  de  ce  qui  précède  que,  pour  faire  remonter  au 
delà  du  XYIP  siècle  la  ûliation  des  dialectes  pariés  aujourd'hui, 
c'est  moins  aux  œuvres  littéraires  qu'il  faut  s'adresser  qu'à 
ces  écrits  de  la  vie  ordinaire,  comptes,  quittances,  certificats, 
etc.,  insignifiants  en  apparence,  mais  émanés  de  personnes  qui 
s'inquiétaient  peu  de  la  correction  du  langage,  et  qui,  par  leur 
orthographe ,  leurs  fautes  contre  les  règles ,  nous  font  con- 
naître la  vraie  manière  de  parler  de  leur  temps  et  de  leur 
pays. 

Je  signalerai,  en  terminant,  un  fait  singulier,  qui  prouve 
combien  les  différences  d'orthographe  et  de  forme  entre  les 
divers  dialectes  ont  peu  d'importance  pour  les  personnes  dont 
la  langue  d'oc  est  la  langue  maternelle.  J'ai  entendu  une  enfant 
de  dix  à  douze  ans,  fille  d'un  fermier  des  environs  de  Marvé- 
jols,  lire  le  joli  conte  lou  Pèlerinage  de  lafoumigueta  sur  la  ver- 
sion publiée  par  M.  Achille  Montel  dans  la  Revue  des  langues 
romanes  (II,  294  ) .  L'enfant,  sans  s'en  douter  et  croyant  sim- 
plement lire,  traduisait  en  dialecte  de  Marvéjols  le  texte 
de  Montpellier  qu'elle  avait  sous  les  yeux.  Pioi,  foumigueta, 
sourel,  devenaient  dans  sa  bouche  pièi,  fremigeto,  souguel  *.  On 
voit  par  là  combien  il  importait  peu  que  les  actes  offîciels 
fussent  écrits  dans  le  dialecte  même  des  populations  auxquelles 
ils  étaient  destinés  ;  le  précon  *  qui  les  publiait,  ou  le  lecteur 
qui  les  faisait  connaître  à  ses  compatriotes,  les  traduisait 
naturellement  dans  l'idiome  du  pays. 

Ch.  DE  TOURTOULON. 


^  Souguel  pour  soutel,  soulel^  est  un  nouvel  exemple  de  la  transforma- 
tion (ie  la  liquide  en  gutturale,  transformation  que  j'ai  déjà  signalée  à 
propos  des  prétérits  en  égui  pour  éri,  dans  ie  dialecte  du  bas  pays  de  Foix 
(  Revue  des  langues  romanes,  l,  10.232  ). 

^  Ce  mot,  employé  avec  le  sens  du  miit  latin  prœco,  est  usité  dans  le  lan- 
gage administratif  du  midi  de  la  France.  On  appelle  précon  d'une  com- 
mune l'employé  municipal  chargé  de  publier  les  actes  officiels  à  son  de 
trompe  ou  de  tambour. 


ETYMOLOGIES  FRANÇAISES  ET  PATOISES 


En  étudiant  le  Dictionnaire  de  M.  Litiré,  j'ai  relevé  quelques 
étymologies  qui  m'ont  semblé  doutouse»  ou  f&utÎTu.  Je  n'ai 
pas  besoin  d'^joater  que  c'est  là  l'exception,  et  que  l'illaatre 
savant,  malgré  l'immensité  de  sa  tâche,  a  laissé  bien  peu  à  faire 
après  lui. 

Je  publie  aujourd'hui  celles  dont  j'ai  trouTé  ou  crutrourer 
la  clé,  suivant  en  cela  l'exemple  donné  par  M.  Q,  Paris  dans 
le  Recueil  de  la  Société  de  Unguiêtigue  de  Parii.i'j  ai  joint  quel- 
ques étymolo^es  relatives  au  patois  et  au  vieux  français. 

La  plupart  me  paraissent  certaines,  quelques-unes  ne  sont 
que  probables  ;  d'autres,  en  pins  petit  nombre,  ne  simt  que 
possibles.  Je  n'ai  pas  cru  néanmoins  que  je  devais  m'as- 
treindre  à  donner  seulement  celles  dont  j'étais  absolument 
sûr.  En  pareille  matière,  la  conjecture,  même  quand  elle  est 
réduite  à.  ne  s'appuyer  que  sur  l'analogie,  doit  être  considérée 
comme  un  élément  scientiâqne  sérieux.  Cwt  un  pas  de  plus 
vers  la  solution  du  problème,  une  invitation  en  même  temps 
qu'un  secours  pour  qui  peut  mieux  faire. 

L'ordre  alphabétique  étant  plus  familier  au  lecteur,  c'est 
celui  que  j'ai  suivi. 

Chaque  étymologie  est  précédée  de  l'énoncé  en  quelque 
sorte  algébrique  des  principales  lois  de  permutation  qui  la 
régissent.  Delà  sorte,  un  œil  exercé  pourra  du  premier  coup 
deviner  et  contrôler  la  solution  du  problème,  sans  avoir,  à  la  ri- 
gueur, besoin  de  suivre  l'explication  dans  tous  ses  détails. 

DOtJBLE    ORIGINE 

1*  Adare  (latin)  ^éer—  ayer. 
2*  Àdare  (latin)  •■obt  •-  o|P«r. 

Aboyer.  —  M.  Littré  cite  les  formes  archaïques  abaûr, 
aboer,  aboier,  abayer,  et  les  dérive  de  ad  et  de  baubori, 

11  ne  serait  pas  impossible  que  baubare,  forme  active  de 


52S  niALECTE^-   A^CIE^S 

haubariy  eût  formé  boer,  qu'on  retrouve  dans  aboer,  mais  il 
n'aurait  jamais  produit  baier  et  bayer.  Il  faut  donc  chercher 
un  autre  mot  qui  ait  pu  donner  naissance  en  même  temps  à 
ces  deux  formes  différentes,  baier  et  boer. 

Ce  ne  peut  être  que  badare,  d'où  viennent  certainement 
béer,  bayer,  et  qui,  de  plus,  a  pu  très-bien  former  aussi  boer  y 
boxer,  boyer,  comme  natalis  a  formé  noel  et  nouel;  nature, 
nouer,  en  v.  français,  pour  nager.  L'action  d'ouvrir  la  gueule, 

—  car  badare,  comme  le  languedocien  badà,  le  saintongeais 
bade7%  et  le  v.  français  béer,  bayer,  signifiait  tenir  la  gtieule, 
la  bouche  ou  le  bec  ouverts,  —  aura  été  identifiée,  en  ce  qui 
concerne  le  chien,  avec  le  bruit  qui  l'accompagne. 

DOUBLE      ORIGINE 

1"  '^Ad-figicare. 

Afficher.  —  On  le  dérive  de  ad  et  de  figicare,  forme  fré- 
quentative qu'on  est  en  droit  de  supposer  de  fi  gère.  Cette  dé- 
rivation paraît  fondée  quand  afficher*  a  simplement  le  sens  de 
mettre  une  affiche;  mais,  quand  il  est  synonyme  de  a  feindre  », 
comme  dans  cette  expression  «  afficher  de  la  douleur  »,  il  vau- 
drait mieux,  ce  semble,  le  rattacher  à  ad-fictare,  fréquen- 
tatif supposable  formé  de  ad  et  de  fingere.  supin  fictum . 

FORMES   VERBALES   A    THÈME   DE   COMPARATIF 

Agencer,  aiguiser,  alléger,  chasser,  forcer,  haus- 
ser, tarzer,  etc.  —  Je  dérive  ces  verbes  des  comparatife 
latins  *  ad-genitior,  acutior,  *  ad-levior,  captior,  fortior,  aUior, 
tardior . 

M.  Littré  les  dérive  des  types  b.  latins  en  tare:  altiare, 
tardiare,  etc.;  supposition  parfaitement  fondée,  mais  dont  il 
n'indique  pas  le  principe,  à  savoir  que  les  comparatifs  en  ior 
ont  pu  former  des  verbes  qui  tantôt  ont  fait  double  emploi  avec 
ceux  qui  provenaient  de  l'adjectif  simple,  —  ci,  tarder  ei  tarzer 
(patois  français),  provençal,  tardar  et  tarzar,  alléger  et  lever, 

—  tantôt,  et  plus  souvent,  ont  suppléé  à  la  forme  dérivée  de 
l'adjectif,  mais  non  admise  par  l'usage,  ce  qui  est  le  cas  pour 


ETYMOLOGIES    FRA.NÇAI8BS  ET  PAT0ISE8  129 

hausser,  forcer,  agencer.  Le  v/français  avait  ^«nstfr  etgençer, 
rendre  gent,  rendre  joli,  expression  conservée  en  Angoumois, 
où  Ton  dit  gencer  une  chambre,  la  balayer,  la  rendre  propre. 

A  la  même  espèce  appartiennent  approcher  de  propiar,  le 
V.  français  greger  de  gravior,  tandis  que  le  sifnple  grever  se 
dérive  de  gravis  par  gravare,  etc. 

Cette  tendance  à  former  des  verbes  comparatifii  se  manifeste 
même  en  latin,  où  elle  avait  formé  on  mot  très-classiqne,  puis- 
que c'est  le  puriste  Quintilien  qui  remploie,  le  mot  breviare, 
dérivé  de  brevior  et  non  de  brevis.  On  remarquera  que  ces 
verbes  comparatifs  sont  tous  de  la  première  conjugaison. 

C'est  encore  dans  cette  série  de  verbes  à  thème  de  compa- 
ratif que  Ton  doit  ranger  satiare  de  satior,  neutre  satius. 

Enfin  il  n'est  pas  inutile  d'observer  que  l'idée  de  comparai- 
son est  virtuellement  contenue  dans  tout  verbe  dérivé  d'un 
adjectif  et  que  le  langage  est  libre  de  la  dégager.  Ainsi  c  s'-ap- 
procher  de  quelqu'un  »,  c'est  ou  c  aller  près  de  lui  »,  ou  aller 
plits  près  de  lui.  9 

F  (latin)  initial  —  b. 

Baille.  —  «  S.  f.  Terme  de  marine.  Baquet  qui  sert  à  divers 
usages  sur  les  vaisseaux.  — Ettm.  Ital.,  baglia;  du  bas-bret. 
6a/ (/mouillée),  balek  (/  mouillée),  baquet;  anglais,  pail.n 
Littré . 

Ce  mot  est  usité  avec  le  même  sens  dans  les  patois  de 

l'Ouest,  et  se  prononce  bâille.  Je  le  dérive  du  latin  vasctUum^ 

pluriel  vascula.  Ou  sait  que  les  neutres  pluriels  ont  suivent 

formé  des  noms  féminins  en  français  :  cf.  arma^  armes,  etc. 

Quant  au  changement  de  v  latin  initial  en  b,  on  peut  dire  que, 

s'il  est  rare,  il  n'est  pas  sans  exemple:  cf.  baud  de  vaUdus, 

baiser  de  vitiare,  brebis  de  vervex. 

f  l  (laUn;  iniUal  =sM  (?). 
2*  Nasalisation  de  la  voyelle  devant  le  groupe  latin  d. 

3*  et  riatin)  =-  ch. 

Blanc,  blanche.  —  «  Provenç.,  blanc;  espagn.  blanco; 
portug.,  blanco;  ital.  hianco;  de  Pane,  haut  allem.  blanch, 
blanc.  »  Littré. 

36 


532  DIALECTES    ANCIENS 

à  ce  mot  une  origine  latine.  Bramare  viendrait  de  peramarey 
aimer  de  toutes  ses  forces,  désirer  très-vivement.  On  sait  que 
la  combinaison  br  correspond  parfaitement  au  per  du  latin 
suivi  d'un  mot  commençant  par  une  voyelle  :  cf.  ital.  brusto- 
lare,  fr.  brûler j  de  perustulare. 

Le  mot,  destiné  d'abord  à  marquer  le  désir,  aura  servi 
plus  tard  à  exprimer  les  cris  par  lesquels  il  se  manifeste. 

!•  Ver  (latin)  —  hr. 
1"  rica(latinHc/w. 

Broche*  —  «  Wallon,  broke;  picard,  broque,  fourche  en  fer; 
provenç. et  espagn.,  ^oca,  broche,  pointe;  ital.,  brocca;  du 
latin  brocchm  ou  brocctis,  dent  saillante  ;  de  là  les  signiflcations 
pointe,  crochet.  »  Littré . 

N'est-il  pas  plus  simple  de  faire  venir  ce  mot  de  verutum, 
broche,  par  l'intermédiaire  de  la  forme  supposable  *veruit' 
cum,  au  pluriel  *verutica  ?  Là  encore  la  substitution  du  b  fran- 
çais au  V  latin  initial  aurait  sa;  raison  d'être. 

Il  est  bon  d'ajouter  que  l'italien  brocca  ne  signifie  pas  a  bro- 
che )},  mais  a  broc.  » 

1*  Per  (latin)  devant  une  voyelle  ^^  br. 
2*  Uncare  (latin)  =  oncher 

Broncher.  —  «  Norm.,  brucher;  de  l'ancien  français  bron- 
che, qui  signifiait  branche;  ancien  espagn,,  broncha,  même 
sens  ;  ital . ,  bronco,  tronc  ;  d'où  broncher,  parce  que  l'on  se 
heurte  contre  un  tronc  d'arbre.  Origine  inconnue.  On  Ta  rap- 
porté au  latin  bronchm,  le  même  que  brochus,  dent  saillante 
(Voy.  Broche);  mais  le  sens  est  peu  satisfaisant.  Diez  met  en 
avant  l'ancien  haut  allem.  bruch;  flamand,  brokj  quelque 
chose  de  rompu,  fragment;  mais  il  n'y  a  pas  assez  d'intermé- 
diaires pour  que  l'on  sorte  de  la  pure  conjecture.  »  Littré. 

M.  Littré  a  raison  de  faire  des  réserves,  car  il  y  aurait  plus 
(Tune  objection  à  présenter.  Il  faut,  avouer,  du  reste,  que 
l'étymologie  de  ce  mot  n'est  pas  facile  à  trouver;  aussi  ne 
mets-je  la  mienne  en  avant  que  comme  une  conjecture  plus 
plausible  que  les.  autres .  ^ 


ETYMOLOOIES  FRANÇAISES   ET  PATOISBS  531 

Le  changement  du  p  initial  enb  n'est  pas  normal,  ilest  vrai, 
mais  il  n  est  pas  non  plus  sans  exemple.  (V.  Hugo  Schuchardt, 
der  Vokalismus  des  Vulgàrlateins,  t.  I,  p.  124  et  125.)  Enfin,  ce 
qui  rend  encore  plus  probable  cette  étymologie,  c'est  que  le 
limousin  actuel,  comme  me  l'apprend  M.  Chabaneau,  a  gardé 
la  forme  boulen,  seconde  farine,  ce  qui  vient  après  la  fleur, 
mot  qui,  malgré  une  certaine  différence  de  sens,  dérive  visi- 
blement du  latin,  et  où  le  p  latin  initial  est  certainement 
devenu  à. 

Pollen  a  pu  former  *  pollineits,  comme  gluten,  gramen,  ont 
formé  glutineuSy  gramineus,  et  de  *pollinem,  ou  plutôt  de  *po^ 
linea,  s. -entendu  farina,  on  peut  dériver  *  poulenge  =bou- 
lenge,  cf.,  pour  nea=:  ge,  lanea  (vestimenta),  lauige.  De  *pol- 
lineus  dérive  naturellement  *pollineanus  =boulenger,  comme 
lactearnis^^  doublet  de  lactarius,  se  dérive  de  lacteus. 

Ainsi,  cette  étymologie  peut  se  ramener  à  deux  formes 
également- admissibles,  *  polenticarim  et  *  pollinearms . 

Per  (latin)  (Jevant  une  voyelle  =  br. 

Bramer.  — «Du  germanique  ancien'haut  allem.  breman.  » 

Littré . 

M.  Littré  rapproche  de  ce  mot  la  forme  italienne  bramare 
et  la  forme  roumaunsche  ôrammar;  mais  il  oublie  d'en  indiquer 
le  vrai  sens.  Dans  ces  deux  langues,  ôraware  et  ^rammar  signi- 
fient principalement  «  désirer  très-vivement.  » 

Du  reste,  ce  sens  est  à  peu  près  général  dans  les  autres 
langues  et  même  en  français,  où  il  se  dit  surtout  d'un  animal 
qui  crie  pour  satisfaire  un  désir  ;  ainsi  «  nous  voyons  le  cerf 
estant  en  rut  bramer  et  crier  après  les  biches.»  (Parb,  XVIII, 
3.,  ap.  Littré.) 

Dans  le  Languedoc,  on  désigne  par  l'énergique  appellation 
de  brama- pan  le  meadiant  a  qui  crie  pour  avoir  du  pain.  » 

Cette  signification  dominaate   permet,  je  crois,  d'assigner 

'  Lactearius  ligure  dans  les  Ep/x>îvsû/xaTa  de  J.  Pollux  ,  t.  XXllI, 
2"'  partie  des  Notices  des  manuscrits  de  la  Btbl.  nationale,  pag.  386. 


534  DIALECTES   ANCIENS 

vençal,  busca;  sicil. ,  vusca;  de  même  radical  que  bois,  m  Lat- 
tre. 

Ne  vaut-il  pas  mieux  dériver  bûche  de  *busiicum,  et  bûcher 
de  *busticarium,  dérivés  parfaitement  supposables  de  bustum. 
bûcher?  On  s'explique  ainsi  Vu  du  français  et  du  provençal. 

1*  CalXf  ds,  d'où  le  diminutif  *  calciculus  (par  métathèse)  *  eadietdus  s=s 

=  caUlou. 

2*  CcUx,  ciSt  d'où  le  diminutif  calculus,  d'où  *caleulare'=:  Miauler, 

Caillou,  chauler.  —  a  Berry,  chillou,  chaillou,  caille,  cail- 
lotte,  ckillotte,  petit  caillou  ;  Saintonge,  c^atï;  picard,  cailleu; 
wallon,  caie  ;  namurois,  caiau;  rouchi,  caliau;  provenç. ,  calhau; 
portug.,  calhao.  Mot  difficile.  Diez,  faisant  ressortir  Tanalogie 
entre  cailler  et  durcir,  propose  cailler ,  acceptable  pour  le 
sens  ;  mais,  si  caillou  avait  même  origine  que  cailler,  on  trou- 
verait parfois  dans  les  anciens  textes  coaillou  {Yoy ,  rhistori- 
que  de  cailler),  ce  qui  n'arrive  jamais.  Grandgagnage  le  tire 
du  flamand  kai,  kei,  caillou.  A  cause  du  sens,  on  ne  peut  guère, 
jusqu'à  présent  du  moins,  admettre  que  ca/cw/ws  ;  d'où,  par 
suppression  de  l'w  bref,  calclus;  d'oii  ckail  on  chaille;  d'oii^ 
avec  un  suffixe  ou,  caillou  ou  chaillou.  Ce  suffixe  ou,  au  dans  le 
provençal,  fait  difficulté;  car,  représentant  la  finale  latine 
avus  (clavus,  clou),  on  ne  voit  pas  comment  il  s'est  joint  à  caiL 
Au  reste,  les  suffixes  ont  varié  :  il  y  a  eu  o^,  otte,  eul,  iel,  tous 
suffixes  qui  vont  beaucoup  mieux  au  primitif  cail  que  le  suf- 
fixe avus.  Le  celtique  ca/^  dur,  a  été  indiqué.  9  Littré. 

Il  n'y  a  pas  de  doute  sur  le  radical  du  mot,  et  M.  Littré  a 
raison  de  le  rattacher  à  calculus,  mais  il  a  tort  de  conserver 
cette  forme  telle  quelle.  Calculus  n'aurait  pu  former  en  fran- 
çais que  ckauil,  ckauille,  chaul.  Ce  dernier  se  retrouve,  en  effet, 
dans  chauler,  passer  du  blé  à  l'eau  de  chaux,  qui  vient  de 
calculare,  diminutif  d'un  verbe  calcare,  formé  de  calx,  a9(chaux), 
comme  falcare,  de  falx,cis,  et  tombé  de  l'usage  par  suite  de 
sa  ressemblance  avec  calcare  (de  calx,  cis,  talon),  signifiant 
fouler  aux  pieds. 

Ce  n'est  donc  pas  de  ca/culus,mais  bien  de  la  forme  métathé^ 


ETYMOLOGIES  FRANÇAISES    ET  PATOISliS  533 

Nous  remarquerons  d'abord  que  broncher  avait  dans  l'an- 
cienne langue  le  sens  de  tomber,  ei  plus  spécialement  ^e 
tomber  la  tète  en  avant.  On  peut  en  juger  d'après  les  exemples 
suivants,  empruntés  au  Dictionnaire  de  M.  Littré  : 

((  XIV®  s.  Thibaut  ferj  de  la  hache  qu'il  tenoit,  sur  les  es- 
paules  de  Colart  si  grant  cop  qu'il  le  ^%i  b'hxnquiër  [iottj^ér  la  ' 
tête  en  avant)  sur  le  col  de  son  cheval.  Du  Gange,  broquerius, 

»  —  XVp  s.  Le  grant  colosse,  à  ce  coup  estônné,  D'iin  sault 
horrible  alla  bruneker  (tomber  la  tête  en  avant)  par  terre.  Du- 
BELL,  V,  9,  verêo,  —  Le  corps  sans  nom,  sans  chaleur  et  sans 
face,  Comme  un  grand  tronc  broncha  (tomba  la  tête  en  avant) 
dessus  la  place.  RoNS.,  596.» 

Ce  sens  est  confirmé  par  des  exemples  pl«s  ancienis,  où  lé 
verbe  composé  embroncher  et  l'adjectif  em6row<r  signifient  tou- 
jours avoir  la  tête  penchée  en  avant,  et  par  extension  être 
triste,  sombre. 

Le  mot-racine  nous  est  indiqué  par  le  radical  du 'simple,  ' 
broncher  y  bronc,  qui  était  un  adjectif  et  non  pas  Un  noih, 
comme  on  doit  le  conclure  de  l'emploi  du  composé  embroàc^  ' 
qui  est  toujours  adjectif,  ce  qui  permet  de  le  rattacher  direc- 
tement au  type  fictif  *peruncus,  très-recourbé,  dérivé  de  un- 
cu8.De  là  ^peruncare,  qu'on  est  en  droitde'suppoi^erà  côté  du 
simple  uncare,  dont  le  participe  uncahts  existé  réellenient.  ' 

Pour  la  forme,  il  n'y  a  pas  de  difficulté,  j^er  devenant '^r 
normalement  devant  un  composant  qui  commence' par  une 
voyelle:  cf.  ôrûler  de  jo^/'-ustulare;  et  pour  le  sens  il  n'y  eb  a 
pas  davantage.  On  conçoit,  en  effet,  qu'on  soit  passé  dé  l'idée 
de  ce  qui  est  crochu,  recourbé  (comme  le  bec  des  oiseaux, 
rostrum  aduncum\  à  l'idée  de  ce  qui  est  Courbé,  penché  en 
avant.  De  là  les  diô'érents  sens  déjà  signalés  «t  qui  se  tou- 
chent de  très-près:  1°  se  tenir  penché  en 'avant;' 2** 'tomber  !a 
tête  en  avant  ;  3°  trébucher  comme  si  on  allait  tomber  en 
avant. 

Usticum  <\&ivn)  ^ssûche. 

,.  .         r     :  .1.  A     ...     ••!  r  Ul   ,-'.1-         ■.•*..->         Stliv'll»'        .         •    ^»         -' 

Bûche,  bûcher.  —  «  Wallon,  boiche;  rouchi,  boisse;  pro- 


533  DIALECTES   ANCIENS 

M.  Darmseteter  décompose  copoc/ator  en  capo  ^caput  et 
c/fltor  =  calator.  Mais  il  y  a  une  objection  à  faire  :  c'est  que  le 
second  terme  composant,  calaioVy  n'exprime  guère  Tidée  de 
surveillance,  calator  se  disant  des  esclaves  qui  remplissaient 
Tofflce  de  crieurs.  Le  nomenclator,  par  exemple,  était  chargé 
de  répéter  à  son  maître  le  nom  des  visiteurs  ou  de  ceux  qu'il 
rencontrait.  Pour  arriver  de  là  à  Tidée  de  «  surveillant  »,  il 
faudrait  évidemment  forcer  le  sens  du  mot.  Oclator,  au  con- 
traire ,  dont  la  racine  est  oculus,  œil,  se  présente  de  lui-même. 

J'ai  dit  que  ocutonW  pourrait  être  considéré  comme  un  dou- 
blet supposable  de  oculator;  c'est,  en  effet,  ce  qu'on  est  en 
droit  de  conclure  des  formes  analogues,  dont  la  coexistence 
est  constatée  par  les  lexiques  :  torcularius  et  torculator,  ouvrier 
qui  conduit  le  pressoir;  sigillarius  et  sigUlaior,  fabricant  de 
cachets,  etc. 

^Cudiea  de  *cwi%care  de  cudere. 

Coche,  entaille.  —  «  Provenç.,  coca;  ital.,  cocca;  anglais, 
cock  :  Origine  obscure,  mais  peut-être  celtique  ;  car  on  cite  le 
gaélique  sgoch,  coche;  kymri,  cosi;  bas-breton,  coch.  »  Littré. 

11  est  plus  simple  d'j  voir  l'équivalent  d'une  forme  *cudica 
de  *cudicare^  fréquentatif  de  cudere^  frapper,  graver  en  frap- 
pant 

DOUBLE  ORIGINE 

1*  *Correctiare  de  correciu»,  comparatit  correàlÂor. 
2*  *Corruptiare^^  corruptus  (pour  correptu»),  oompar^iit oorrupUor, 

Courroucer,  courroux.  —  L'étymologie  de  ce  mot  est 
difficile  et  controversée.  Voici  ce  qu'en  dit  M.  Littré:  «An- 
cien wallon,  corocAe;  provenç.,  co?ro^z ;  ital . ,  corruccio.  Etj- 
mologie  difficile.  On  a  indiqué  le  latin  comscare,  briller;  mais 
le  sens  ne  convient  pas.  Rajnouard  le  rattache  à  cour,  sans 
indiquer  comment  s'est  faite  la  dérivation.  Diez  le  tire  de 
choiera,  proprement  bile,  et  figurément  colère,  par  Tintermé- 


ETYMOLOGIBS  FRANÇAISES  ET  PATOISBS  53T  < 

diaire  d'une  forme  colerucdo  ;  mais,  s'il  en  est  ainsi,  comment' 
se  fait-il  qu'en  aucune  des  formes  ne  paraisse  17  étymolo^- 
que?  On  devrait  trouver  ce  mot  écrit  quelquefois  co/rowz. 
A.  l'appui  de  son  dire,  Diez  cite  l'ancien  français  courine,  qui 
signifie  aussi  colère,  et  qu'il  dérive  de  choiera^  i^a.r  une  forme 
cholerina;  mais  là  aussi,  d'une  part,  on  regrette  de  ne  pas 
trouver  parfois  coulrine;  et,  d'autre  part,  on  a  dans  le  pro- 
vençal coreilla,  corillay  qui  paraît  le  même  que  coMrme  et  qutA 
dérive  de  ccpwr.  En  étudiant  de  près  les  formes  du  mot,  on  en 
trouve  deux  au  régime  singulier:  l'une  plus  rare,  qui  esi 
corrot,  et  l'autre  plus  commune,  qui  est  corrowz.. La  première 
correspond  à  l'italien  coro//o,  deuil,  et  est  évidemment  un  sub- 
stantif fictif,  corruptus,  dérivé  du  participe -corrM/?^2/s.  Que^or- 
ruptus  ait  pu  dopner  corrot ,  et  ruptus,  rot,  c'est  ce  queiprou-i 
vent  les  exemples  suivants:  Icellui  suppliant  a  congneu 
[avoué]  que  ses  diz  tesmoings  il  avoit  induis  et  corroz  [cor- 
rompus]. Du  Gange,  corrumpere.  Roz  [rompus]  pt  les  laz  del 
heaume  de  Bavière.  Bat.  d'Alesckans,  y.  622..  Corrot  paraît 
entraîner  courroux  et  le  rattacher  à  corruptus,  par  l'intermé- 
diaire d'une  forme  corruptium.  On  conçoit  sans  peine  que  <?or- 
rumpere  ait  pris  le  sens  d'aigrir,  mettre  en  peine,  irriter;  d'ail- 
leurs, le  fait  est  certain  pour  le  français  corrot  et  Titalieu 
corrotto.  » 

Je  pense  que  courroucer  et  courroux  ont  une  double  origine, 
indiquée  par  les  deux  formes  correcious  du  Fragment  de  Va- 
lenciennes,  et  corroptios,  corroaptde  la  PassioA  de  Saint-Légej:*., 
formes  extrêmement  anciennes,  puisqu'elles  datent,  la  pre- 
mière, du  IX^  siècle;  la  seconde,  de  la  fin  du  X®  ou  du  com- 
mencement du  XP. 

1°  Correcious  suppose  coi^ecer,  et  correcer ^e  dérive  très- 
bien,  pour  le  sens  et  pour  la  filiation  phonétique,  de  *eorrec^ 
tiarCy  forme  qu'on  est  en  droit  de  supposer  du  comparatif 
correctior  [correctus,  corrigere).  —  Un  homme  corrigé  n'est 
pas  loin  d'être  courroucé. 

2°  Corroapt  et  corroptios  doivent,  au  contraire,  se  rat- 
tacher  à  corruptior  et  à  la  forme  supposable  *corruptiare . 


538  DIALECTES    ANCIENS 

Mais  le  sens  ne  favorise  pas  cette  attribution.  On  est  donc 
forcé  de  se  rabattre  sur  la  forme  immédiatement  voisine  *cor- 
reptiare  de  correpHor,  comparatif  de  correphis,  participe  de 
corrtpere,  qui  a  presque  le  môme  sens  que  corrigere,  et  qui  si- 
gnifie reprendre,  blâmer.  La  ressemblance  phonique  Taura 
fait  confondre  avec  corruptior  et  *corruptiare^  d'où  courroucer. 
Observons  enfin  que  la  double  origine  correctiare  et  corrup- 
tiare  (pour  correptiare)  rend  compte  non-seulement  des  deux 
formes  iVançaises  correcious  et  corroptios,  mais  encore  des 
deux  formes  italiennes  signalées  par  M.  Littré:  corruccto, 
courroux,  et  corrotto,  deuil,  et  plus  généralement  de  toutes  les 
autres  formes  néo-latines  de  ce  mot,  moins  le  v.  français 
courine,  que  M.  Littré,  du  reste,  rattache  avec  beaucoup  de 
vraisemblance  à  cœur.  Quant  à  la  forme  corrouz,  restée  telle 
même  au  cas  oblique,  dans  Tancienne  langue,  M.  Littré  la 
dérive  justement  du  supposable  *  corrupttum,  nom  formé  de 
rinfinitif  à  thème  de  comparatif  *  corruptiare.  Corrot  et  cor- 
roapt,  au  contraire,  viennent  de  corruptum.  L'ancienne  lan- 
gue, ainsi  que  cela  résulte  de  l'observation  de  M.  Littré,  leur 
préférait  corrouz^  qui  correspond  mieux  à  courroucer^  et  la  lan- 
gue actuelle,  plus  exclusive  ou  plus  conséquente,  les  a  rejetés 
complètement  pour  ne  garder  que  celui-ci. 

Escere  (latin)  par  allongemont  de  la  p«>nultième  ^=^e8cire  =  ctr. 

Durcir,  éclaircir,  noircir,  obscurcir.  —  Je  ne  pré- 
tends pas,  cela  va  sans  dire ,  donner  de  ces  mots  des  étjmo» 
logies  nouvelles,  car  l'homme  le  moins  exercé  au  raisonne- 
ment philologique  voit,  du  premier  coup,  qu'ils  sont  dérivés 
de  duras,  clarus,  niger  et  obscurus.  Je  veux  seulement  rendre 
compte  du  c  intercalé  à  la  suite  du  radical.  M.  Littré  signale 
cette  difficulté,  mais  sans  l'expliquer. 

Les  verbes  formés  d'adjectifs  sont  tous  ou  presque  tous  ter- 
minés en  ir,  ainsi  que  l'a  remarqué  M.  Chabaneau  dans  son 
Histoire  et  théorie  de  la  conjugaison  française,  et  calqués  pour 


BTYMOLOGIES    FRANÇAISES  ET  PATOISES  539 

rinfinitif  sur  les  verbes  en  érCy  b. -latin  ire,  et  pour  les  autres 
temps  ou  modes  sur  ces  mêmes  verbes  conjugués  en  escere,  esco, 
escebam,  escens.  Ainsi  fleurir  vient  de  florere,  {*florire);  mais  je 
fleurisj  je  fleurissais,  florissant,  viennent  de  floresco  (*florisco), 
florescebam  {*floriscebam),  florescens  (*floriscens).  Il  semble  que  la 
langue,  pour  être  plus  uniforme,  aurait  dû  adopter  la  finale 
allongée  escére  à  Tinfinitif.  C'est,  en  effet,  ce  qui  a  eu  lien 
dans  les  dialectes  de  langue  d'oc  et  aussi  dans  les  dialectes 
et  patois  de  langue  d'oïl,  voisins  de  la  langue  d'oc  :  cf.  enrichC' 
zit  (V.  mon  Mémoire  sur  le  dialecte  poitevin  au  XIII*  siècle,  au 
Glossaire)  néyrezi  =  *nigrescire  pour  nigrescere,  (Fables  de 
M.  Burgaud-Desmarets.) 

Les  dialectes  et  patois  de  pure  langue  d'oïl  ont  seuls  échappé 
à  cette  tendance.  Cependant  elle  était  trop  forte  pour  n'y 
avoir  pas  pénétré  quelque  peu,  et  c'est  de  là  que  viennent 
précisément,  selon  moi,  ces  formes  en  cir  pour  ir,  qui  sont  tout 
à  fait  exceptionnelles  ;  car  noircir,  durcir,  éclaircir,  obscurcir, 
correspondent  exactement  à  *nigrescire,  *durescire,  *eX'Clares- 
cire,  *obscurescire,  et  le  c  doux  de  leur  terminaison  n'est  que 
la  reproduction  phonique  du  groupe  se  du  latin. 

Là  ne  s'est  pas  arrêtée  la  langue.  Comme  il  arrive  souvent, 
elle  a  dépassé  le  but  par  l'effort  même  qu'elle  a  fait  pour 
l'atteindre.  Elle  aurait  dû,  pour  se  tenir  plus  près  du  latin, 
garder  le  c  doux,  équivalent  de  se  à  l'infinitif  seul,  et  l'écarter 
(les  autres  modes,  et  dire  je  durissais,  que  je  durisse,  etc.,  = 
durescebam,  durescam  (ou  *durisciam).  Mais,  cette  fois,  il  s'est 
produit  à  peu  près  l'inverse  de  ce  qui  a  lieu  pour  les  autres 
verbes  en  ir,  comme  fleurir.  Dans  ces  verbes,  en  effet,  l'infi- 
nitif n'a  pas  plus  subi  l'infiuence  des  autres  modes  qu'ils 
n'ont  subi  la  sienne.  Ici,  au  contraire,  l'infinitif,  qui  a  em- 
prunté le  groupe  se  aux  modes  en  esco,  escebam,  etc., 
le  leur  impose  une  second  fois,  et  nous  voyons  surgir  les 
formes  imprévues  :  je  durcis  =  *  durescisco,  je  durcissais  = 
" duresciscebam,  que  je^  durcisse  :=  *duresciscam  (ou  *duresci8' 
riam),  au  lieu  de  :  je  duris  =  duresco  (^durisco),  je  durissaM^=^ 
duvescebam  (*dwnscebam)^  etc.,  etc. 


I' 


540  niALECTBS  ANCIENS 

C*est  de  la  même  manière^  que  se  sont  formés  en  français 
les  verbes  dérivés  de  court  et  de  étroit,  étrécir  et  raccourcir, 
Etrécir =1^  *strictescir€,  2*  *  strict' scire;  yétrécis8ai8=l^*8tricte8- 
ci8cebam,  2^^ strict' 8ciscebam,  Laforme  berrichonne  étretzir,  ciléê 
par  M.  Littré  (v.  Etrécir)^  représente  fort  exactement  le  pre- 
mier intermédiaire  fictif  *stricte8ctre,  et  la  forme  française 
étrécir,  le  second  *8tricf8cire. 

Les  formes  anciennes  estrecer  et  estrècier,  acorcèr,  acorcier 
eiacorchier,  se  dérivent  de  primitifs  en  tare,  tirés  liu  thème  des. 
comparatifs  strictior  d'où  *strictiare,  curtior  d'où  ^curitiare.  (V. 
Agencer,  p.  528.) 

La  forme  écourter,  demeurée  seule  en  usage,  est  dérivée 
du  simple  curtus  et  non  du  comparatif  cwrtfor.  De  même,  nous 
avons  vu  tarder  dérivé  de  tardus  et  tarzer  de  tardior, 

DEUX  ALTERNATIVES 

1*  Doublets  de  conjugaison,  appartenant,  Tun  à  la   l'*  en  er,  l'autre,  à 

la  2»  en  ir, 

2»  P.  (  latin  )  initial  =  b. 

Ébahir.  —  M.  Littré  reproduit  avec  doute  l'opinion  des 
étymologistes  qui  regardent  ce  mot  comme  dérivé  de  bah, 
exclamation  naturelle  d'étonnemént. 

Ebahir,  v.  français  esbatr  et  esbahir,  est  très-aûcien,  tandis 

ti  ■ . .    ■  .*    ,    ■• 
-on  aucun 

exemple  antérieur  à  l'époque  actuelle.  Le  plus  sûr  est  donc 

de  suivre  la  route  accoutumée  et  d'en  demander  l'étymolôgie 

au  latin.  Je  ne  vois  que  deux  origines  possibles  :  ou  esbahir 

est  formé  de  la  particule  es  =  ex  et  du  simple  supposé  iotr 

ou  bahir^  qui  aurait  été  à  béer,  baer,  en  v.  français  a  ouvrir  la 

bouche  »,  ce  que  baillir  était  à  bailler  (b.  latin  bajulare);  ou 

bien  il  est  pour  espaîr  ou  espahir,  par  adoucissement  du  p  en  b, 

*  C'est  aussi  de  cette  manière  qu'on  explique  les  formes  comme  gfuo-  , 
resiff^  sUr  lesquelles  M.  Ghabaneau  appelle  Vattention'.fV.  pi  7^  de  rffit- 
toire  et  théorie  de  la  conjng.  française.) 


ÊTYMOLOaiES  FRANÇAISES   ET  PATOISES  Ul 

phénomène  phonique  dont  on  a  plus  d'un  exemple.  Espaîr  ou 
espahir  se  rattache  facilement,  à  tou^s  les  points  de  vue,  v 
ex'pavere,  neutre  en  latin  et  devenu  actif  en  français.  Cette 
seconde  étymologie  a  l'avantage  de  faire  concorder  la  con- 
jugaison française  et  la  conjugaison  latine.  En  effet,  expa- 
vesco,  expavescebam^  rendent  parfaitement  compte  des  formes 
inchoatives  du  français  je  m  ébahis,  je  rn  ébahissais.  Comparez 
je  fleuris,  je  fleurissais,  venant  de  floresco,  florescebam. 

La  chute  du  v  de  ex-pavesco  est  normale,  comme  le  prouve 
du  reste  le  v.  français  dissyllabique  paor,  devenu  le  mono- 
syllabe peur,  qui  vient  du  même  rac^ical  latin  pavorem,  dont 
le  V  est  tombé.  Du  reste,  le  v  originel  n'a  pas  entièrement 
disparu  ;  on  le  retrouve  dans  le  wallon  esbawi. 

FORMES    SIMPLES  DÉRIVÉES    DE    FORMES    COMPOSÉKS 

l"Sp.  (lalin)  =ép. 
2«  Icare  (latin)  =  ter. 

Epier.  —  «  Provenç.  et  espagn.,  espiar;  ital.,  spiare;  du 
germanique  :  anc.  haut  allem.,  spehôn;  allem.,  spaheri;  danois, 
spaa;  angl.,  to  spy.  Comparez  le  latin  spicere.  »  Littré. 

Ici  encore  c'est  au  latin  seul  qu'il  faut  recourir.  Epier,  v. 
français  espier,  vient  de  *spiçare^  pour  ^spicari,  simple  de 
conspicari,  regarder,  qui  est  lui-même  très-classique. 

Cette  étymologie  est  de  M.  Egger.  Diez,  dans  sa  Grammaire 
(3*  édit.,  pag.  29),  ne  la  cite  que  pour  la  combattre.  Il  recon- 
naît bien  qu  il  n'y  a  pas  de  difl3culté  pour  le  sens  et  pour  la 
phonétique ,  mais  il  en  trouve  pour  l'historique,  l'italien  ayant 
spiare,  et  non  spicare  ou  spigare.  L'italien,  en  effet,  conserve 
la  gutturale  latine.  Mais  M.  Diez  n'a  pas  songé  que  spiare 
pourrait  bien  être  un  emprunt  fait  au  provençal  ou  au  fran- 
çais, d'autant  plus  qu'il  ne  paraît  pas  être  très-ancien.  Le  Fo- 
cabulariu  de  TAcadémie  délia  Crusca  n'en  donne  pas  d'exem- 
})le  antérieur  à  Boccace. 

L'étymologie  proposée  par  M.  Egger  doit  donc  être  prise 
eu  sérieuse  considération. 


542  DIALECTES  ANCIENS 

1"  Ex-r  (latin)  =  ér. 
2*  Adicuîare  (latin)  =:  aiUer. 

Erailler.  —  Scheler  le  tire  d'un  type  ûciàf  eradulare,  dérivé 
de  eradere;  M.  Littré  y  voit  plutôt  un  composé  de  es  et  du 
latin  rallum,  râcloir. 

Eradulare  et  exrallare  auraient  plus  probablement  donné 
éraler.  Il  vaut  mieux  supposer  un  type  bas-latin  eayt^adieulare, 
qui  serait  à  radere,  raser,  racler,  ce  que  ^fodiculare,  fouiller, 
est  à  fodere. 

!•  Nasalisation  de  la  voyelle  qui  précède  et  (latin). 

2-  Cf^atin)—  ch. 

Espincha.  —  Regarder  avec  curiosité,  en  dialecte  de 
Montpellier. 

Du  latin  spectare.  Le  changement  de  sp  latin  en  esp  est  nor- 
mal. 11  en  est  de  même  du  changement  de  et  en  ch,  comme  on 
peut  le  voir  au  mot  oinces.  Quant  à  la  nasalisation  de  ect,  le 
même  dialecte  en  donne  un  exemple  certain  :  penchina  de  pec- 
tinare,  où  pecû  est  devenu pench. 

Le  changement  de  e  en  i  devant  et  n'es  pas  non  plus  sans 
exemple  dans  ce  dialecte,  cf.  jùà  de  *jectare, 

V  Ex  l  (laliu)  =  est 
l'  Ere  f ialin  =•  tr. 

Estourbir,  estourmir.  —  Mots  du  langage  populaire,  si- 
gnifiant assommer,  étourdir,  L's  vibrante  indique  un  emprunt 
fait,  soit  aux  dialectes  du  N.-E.  picard,  wallon,  soit  à  ceux 
du  S.-E. 

Je  dériverais  estourmir  de  estourbir,  avec  changement  non 
anormal  de  h  en  m,  et  estourbir  d'un  type  fictif  *exturbesco, 
ïnûmiiî  exturbere.  venant  de  turbidus:eî,fervidm,fervesco,  etc. 

Vdére  (ialin)  -ssiOfooir 

Estovoir,  estuet.  —  Env.  français  falloir,  il  faut,  Diôzi, 
avec   raison,  le  dérive   de  studere,  qui,  exprimant  le   désit*. 


ETYMOLOaiES   bRA^ÇAlSES   ET  PATOISES  543 

Tefifort  vers  un  but,  a  très-bien  pu  arriver  à  exprimer  Tidée 
de  besoin,  et  partant  de  nécessité,  La  phonétique  n'y  contredit 
pas,  car  la  dentale  médiane  isolée  a  plus  d'une  fois  été  rem- 
placée par  V  :  cf.  pouî;oir  de  po^ere ,  et  le  normand  (des  îles) 
s' assiérait  =se  assirfebat. 

La  conjecture  de  Diez  est  très-plausible  et  pour  moi  cer- 
taine. Cependant  des  exemples  où  studere  se  trouverait  em- 
ployé avec  le  sens  de  oportere,  debere^  ne  peuvent  que  lui 
donner  plus  de  force.  Comme  il  est  possible  que  le  savant  phi- 
lologue n'en  ait  pas  remarqué,  je  crois  devoir  citer  le  sui- 
vant: 

Se  hoc  facere  debebat,  de  hac  causa  ipsi  illi  compascere 
debirit:  sin  autem  non  poterit,  quicquid  lex  de  taie  causa  et- 
docet  {sic)  emendare  stodiat, 

(Formules  angevines,  XXIV.) 

On  peut  traduire  :  a  //  faut  qu'il  se  conforme  aux  prescriptions 

de  la  loi  »,  aussi  bien  que  a  qu'il  s' efforce  de ,  qu  il  fasse 

en  sorte  de.  n 

Cette  formule  finale  figure  encore  dans  les  n°*  X,  XI,  XXX, 
et  peut  toujours  se  traduire  des  deux  manières.  Au  n**  XXVIII, 
debeat  est  substitué  à  studeat,  substitution  qui  vient  à  l'appui 
de  mon  observation  : 

V 

Si  hoc  facere  potebat,  quietus  et  securus  resediat  ;  sin  autem 
non  potuerit,  contra  ipso  hominem  satisfacere  debeat. 

Dans  tous  ces  passages,  la  formule  que  nous  citons  termine 
le  prononcé  d'un  jugement.  Chaque  pièce  est  intitulée  :  Incipit 
judicius, 

l    St  (latin)  =  èL 
2°  Alare  =  ayer. 

Étai,  étayer.  —  M.  Littré  dérive  étayer  de  étai,  et  rat- 
tache celui-ci  au  flamand  staede,  staye,  appui. 

Je  crois,  au  contraire,  qu'ici  le  nom  procède  du  verbe,  que 
étai  vient  de  étayer.  Ce  qui  donne,  d'abord,  un  caractère  de 
probabilité  à  cette  conjecture,  c'est  que  les  exemples  pour 


544  DIALECTES    ANCIENS 

le  V.  français  estaier  sont  plus  nombreux  et  beaucoup  plus 
anciens  que  pour  estai.  Or  estaiet'  suppose  un  tjpe  ^stàtare, 
que  Ton  est  en  droit  de  dériver  de  staium,  supin  de  starey 
comme  natare,  du  supin  (inusité)  natum  de  nare.  Estaier  et 
estai  sont  à  *  statare  et  statum  ce  que  delaier  et  délai  sont  à 
dilatare  et  à  dilatum.  Quant  au  sens,  je  n'ai  pas  besoin  de  faire 
remarquer  qu'il  concorde  parfaitement  avec  la  filiation  pho- 
nétique. 

l»  S^  (latin)  «  et 
1"  Ac^um  n-  al. 

Étal.  —  En  V.  français,  ce  mot  désignait  la  position  d'une 
personne  ou  d'une  chose  qui  est  debout,  qui  est  en  équilibre. 

Nous  remaindron  en  Vesial  en  la  }»lace. 

(  Chanson  de  Roi.,  glvii,  ap.  Littré.  ) 

Le  sens  primitif  étant  aussi  nettement  indiqué,  il  semble 
qu'on  aurait  dû  rapprocher  estai  dix  latin  sta?^e,  comme  on  a  fait, 
et  avec  raison,  pour  étage,  v.  français  estage,  qui  indiquait  le 
lieu  où  l'on  stationne,  et  qu'on  a  dérivé  d'un  type  fictif  *5to- 
ticum.  Mais  cette  fois  encore  on  a  préféré  recourir  à  l'allemand. 

Voici  les  renseignements  étymologiques  quedonneM.  Littré  : 
a  Bourguign.,  étau  ;  wal.,  sta;  provenç.,  estai  estau,  place, 
séjour;  anc.  espag.,  estalo ;  portug.,  estao;  ital.,  stalh;  de 
l'anc.  haut  allem.,  stnl,  lieu  clos  et  couvert  ;  angl..  stall,  établi  ; 
hoUand.,  staeL  Comparez  l'allem.  stellen,  placer,  et  le  grec 
a"Ti/>££v,  disposer.  » 

Pour  moi,  je  le  ferais  venir  du  type  supposable  *staeuhm, 
simple  de  ob-staculum. 

La  terminaison  aculum  a  produit,  il  est  vrai,  plutôt  ail  que 
al,  cf.  gubernacM/wm,  gouvernai*/.  Cependant  il  n'est  pas  sans 
exemple  qu'elle  ait  produit  al,  comme  le  prouve  la  forme 
Dumira/,  à  côté  de  DumiraiV,  =  de  —  mivaculo,  Duporta/,  à 
côté  du  nom  commun  portât/. 

Cette  assimilation  de  étal  à  *  staeulum  nous  permet  aussi  de 
retrouver  Tétymologie  de  estai  dans  le  mot  composé  piédestal, 


ETYMOLOGIFS  FRANÇAISES  ET  PAT0I8ES      '       .  $45 

mot  relativement  récent,  comme  on  est  en  droit  de  le  eoîioliire 
de  ce  fait  que  Vs  initiale  du  groupe  8t  ne  s^est  pas  changée  en 
é,  ^iédétaL 

Le  piédestal,  pied  à'estrail,  comme  on  disait  au  XY"  siècle 
(  V.  Littré ),  est  le  pedes  *8tacuU,le  pied,  la  base  de  Tobjet  qui 
est  debout. 

LV  épenthétique  de  estrail  peut  être  considérée  comme  nor- 
male après  5/.'  cf.  Bautis^^  ^  Baptiste  (Chartes  du  moyen 
âge),  tvistre  =  triste  (  dans  Rutebœuf),  etc. 

f  St(  latin  )=  A, 
2*  AtUis  =  aie. 

Étale.  —  Adjectif  qui  désigne  l'immobilité  de  la  mer  lors- 
qu'elle a  cessé  de  monter  et  qu'elle  ne  descend  pas  encore, 
de  Tancre  qui  s'arrête  au  fond,  du  filet  qu'où  laisse  tendu. 
M.  Littré  le  dérive,  ainsi  que  étal,  étaler,  de  l'anc.  haut  allem. 
stal,  lieu  clos  et  couvert.  On  a  déjà  vu  que  étal  doit  plus  vrai- 
semblablement se  rattacher  à  staculum.  Quant  à  étale^  adjectif 
des  deux  genres,  je  le  dériverais  aussi  du  latin,  de  *8tatilis, 
qui  a  pu  être  employé  en  double  à  côté  de  stabiUs  :  cf.  fflexilis 
et  flexibiliSy  et  surtout  versoHlis  et  versabiKs. 

i«Se  (latin)  —  étf. 
2«  Facere  —  ftr. 

Étouffer,  Biffer,  Ébaffer 

Étouffer.  —  Les  savants  ne  sont  pas  d'accord  sur  l'étjmo- 
logie  de  ce  mot.  Voici  ce  qu'en  dit  M.  Littré  :  «  Bourguign. 

étoffai:  wallon,  sitoféy  stofé;  de  es préfixe,  et  un  radical 

tonf,  qui  se  trouve  dans  l'italien  tuffo,  immersion  ;  l'espagnol, 
tiifo,  vapeur;  le  provençal  moderne,  toufe,  vapeur  étouffante; 
le  loiTain  tonfe,  étouffant.  Ce  radical  est  rattaché  parDiez  au 
grec  TÛ^oç,  vapeur.  Scheler  conteste  cette  étymologie,  objec- 
tant que  les  autres  langues  romanes  qui  auraient  le  primitif 
n'auraient  pas  le  dérivé  étouffer,  et  que  toufe  n'est  pas  dçins  le 


54t  DIALliCTES    ANCIENS 

français  (ce  qui  n  est  pas  complètement  exact,  puisqu^il  est 
dans  le  lorrain);  en  conséquence,  il  incline  à  regarder  étouffer 
comme  identique  avec  étouper,  par  l'intermédiaire  du  germa- 
nique: anc.h.  allem.  ,s^w/)Aa?i;  allem.,  stopfen.  Ce  qui  semble 
parler  pour  Diez,  c'est  que  le  français,  le  bourguignon  et  le 
wallon,  gardent  ly  pour  étouffe?^  et  \ep  pour  étouper.  » 

Les  étjmologies  proposées  par  Diez  et  par  Scheler  sont 
suspectes  par  cela  seul  qu'elles  s'appuient  sur  le  grec  et  sur 
l'allemand.  On  ne  doit  recourir  à  l'une  de  ces  deux  langues 
qu'avec  beaucoup  de  précaution,  quand  l'historique  du  mot 
je  permet,  et  surtout  quand  il  est  bien  avéré  qu'il  est  absolu- 
ment impossible  de  le  rattacher  au  latin.  C'est  pour  me  con- 
former à  ce  principe,  et  parce  qu'il  me  paraissait  étrange  que 
l'italien,  l'espagnol  et  le  portugais,  qui  ont  été  si  rarement  les 
débiteurs  philologiques  de  l'allemand,  lui  eussent  emprunté 
ce  mot  en  même  temps  que  le  français,  que  j'ai  cherché  uni- 
quement dans  le  latin  la  solution  du  problème.  J'ai  remarqué 
d'abord  que  la  finale  fer  pouvait,  comme  celle  de  chauffer,  cor- 
respondre à  facere  (ahauf/i?r  =  cale/*acere,  calidum  facere); 
puis,  guidé  par  le  sens  et  par  la  ressemblance  de  forme,  j'ai 
rattaché  la  première  partie  d'étouffer  {étouf  :=  stouf)  au  latin 
stupe  de  stupe-facere,  d'où  évidemment  estouf-fer,  de  même  que 
ckauf'fer  de  cale- facere. 

A  ceux  qui  seraient  tentés  d'objecter  que  le  latin  avait 
toujours  la  signification  active,  tandis  que  son  dérivé  français 
est  tantôt  actif,  tantôt  neutre,  il  suffirait  de  répondre  qu'on  a 
plusieurs  exemples  parfaitement  authentiques  de  ce  double 
emploi  attribué  par  le  français  à  des  verbes  qui,  en  latin,  ne 
l'admettaient  pas. 

Le  V.  français  donne  estofeger  (v.  mon  Dialecte  poitevin  au 
XII I^  siècle,  p.  207),  mot  que  je  dériverais,  non  de  stupefacere, 
mais  de  *stupificare,  analogue  comme  formation  à  vivifîcare. 
Quant  à  ficare,  devenu  ger  en  français,  on  peut  comparer 
aîger  de  œdificare,  dans  deux  textes  du  XIII®  siècle»  (V.  Ro- 
mania,  avril  1872,  p.  166, 169.) 

Le  provençal  a  conservé  cette  forme  : 


BTYMOLOGIBS  FRANÇAISES  ET  PATOISES  547 

((  E  Tentourtouio  e  Vestofego  )>  (et  Tentoure  et  la,  suffoque). 
Mistral,  Calendau,  ch.  XII. 

On  doit  expliquer  de  la  même  manière,  parTidentification  de 
fer  et  de  facere,  les  mots  suivants  :  1**  biffer,  de  ^bife-facere, 
=  bifidum  facere,  2°  épaffer  et  ébaffer  (divers  patois  français), 
de  *  expave- facere  =  pavidum  facere. 

M.  Littré  reconnaît  qu'on  ne  sait  rien  de  certain  relative- 
ment à  l'origine  de  biffer.  «  Ménage,  dit-il,  le  tire  de  blafard, 
parce  qu'en  effaçant  on  rend  pâle  ;  ce  qui  ne  peut  se  soutenir. 
On  a,  dans  le  bas-latin  et  l'ancien  français,  biffa  et  biffe,  signi- 
fiant une  sorte  d'étoffe  qui  était  rayée  :  Et  de  biffes  camelines 
raiées  {Liv,  des  met,,  393).  Qui  veut  sa  robe  de  brunete,  D'es- 
carlate  ou  de  violete,  Ou  biffe  de  bone  manière  (Barbazan, 
Fabliaux,  éd.  Mêon,  t.  IV,  p.  179).  Il  serait  possible  que  delà 
on  eût  fait  biffer  pour  rajer.  » 

L'étjmologie  que  je  propose  a  l'avantage  de  résoudre  toutes 
les  difficultés  de  forme  et  de  sens.  *Bife-facere:=-  bifidum  fa- 
cere, littér.  faire  fendu,  c'est-à-dire  fendre,  représente  bien 
l'effet  produit  par  la  raie  longitudinale  que  trace  la  plume  en 
biffant  un  mot.  De  plus, l'adjectif  féminin  bifida  a  très-bien  pu 
former  le  v.  français  biffe,  étoffe  rayée.  C'est  ainsi  que  vive 
s'est  formé  de  vivida, 

La  racine  de  épaffer  est  paf,  mot  populaire  dont  M.  Littré 
cite  un  exemple  pris  dans  le  romancier  Balzac  :  Vous  avez 
été  joliment  paf  hier  {Un  grand  homme  de  province  à  Paris). 
Epaffer,  ébaffer  et  abaffer,  usités  dans  plusieurs  patois  fran- 
çais et  notamment  dans  le  poitevin,  ont  le  sens  général  de 
«frapper  d'étonnement,  de  stupeur  »,  et  se  disent  surtout  des 
personnes  à  qui  l'extrême  chaleur,  l'épuisement,  l'ivresse,  enlè- 
vent la  conscience  de  leurs  actes. «  J'  seû  ébaffé^  j'en  peu  pu  !» 
dirait  un  paysan  de  l'Ouest;  c'est-à-dire  Je  suis  anéanti,  je 
ji'en  peux  plus!  Ces  trois  mots,  comme  l'indique  sufflsam- 
nicnt  leur  ressemblance  de  sens  et  de  forme,  ont  une  origine 
commune,  <iui  est  pavidus  pourpa/*,  *expave- facere  pour  épaff'er 
et  ébaffer.  Le  seul  rapprochement  des  formes  latines  et  des 
foimes  françaises  rend  cette  dérivation  visible,  et  la  significa- 


548  DIALECTES    ANCIENS 

tion  du  mot  latin  n'y  contredit  pas,  car  on  perd  la  tête,  on 
est  paf,  pavidus,  aussi  bien  d'ivresse  ou  d'épuisement  que  de 
peur. 

Agitare  (latin)  =  atter. 

Flatter.  —  «Bourguign.,  flaittai;  prov. ,  avatar  ;  d'après 
Diez,  du  germanique:  Scandinave, /7a/,  plat,  uni;  anc.  h.  alle- 
mand, flaz;  de  sorte  que  flatter  serait  proprement  rendre  uni, 
comme  quand  on  passe  la  main.  Ainsi  la  série  des  sens  est: 
caresser  avec  la  main,  adoucir,  charmer,  délecter,  aduler.  » 
Littré. 

Il  est  inutile  de  recourir  à  l'allemand  :  le  latin  suffit  à  ren- 
dre compte  de  cette  étjmologie.  Flatter  vient  de  flagitare, 
prier,  solliciter  avec  insistance:  Metuo  ne  te  forte  flagitent,  ego 
autem  mandavi  ut  rogent.  Cic.  Je  crains  qu'on  ne  te  presse; 
j'ai  bien  recommandé  qu'on  se  bornât  à  te  demander  (  ap. 
Quicherat,  Dict.  lat.- français  ).  Flagitare  a  même,  dans  Ulpien 
et  Lactance,  un  sens  plus  rapproché  de  flatte7\  Ces  deux  au- 
teurs l'emploient  avec  la  signification  de  «  solliciter  au  dés- 
honneur, tenter  de  séduire.  »  Il  est  aisé  de  comprendre  que 
l'idée  plus  spéciale  de  «  flatter  »  se  soit  dégagée  de  ces  di- 
verses acceptions,  surtout  de  la  dernière. 

Fr  (latin)  =  /l. 

Flouer.  —  «  Terme  d'argot  devenu  populaire  :  voler,  es- 
croquer, duper. —  Serait-ce  une  corruption  de  filouter?  m 
Littré . 

Le  latin  nous  fournit  l'étjmologie  cherchée.  Flouer  vient  de 
fraudare,  tromper,  duper.  La  substitution  de  ouer  à  audare 
est  de  règle  :  cf.  laudare,  louer,  mais  non  celle  de  /î  à  fr,  qui 
peut  être  considérée  comme  exceptionnelle.  Cependant  elle 
n'est  pas  sans  exemple  :  cf.  /Zamboise  (  genevois,  poitevin  ) 
pour  /"ramboise,  //airer  de  /V'agrare,  le  nom  propre  Floheri 
dérivé  du  b.  latin  /^odebertus.  A  ces  exemples  on  peut  en 
joindre  un  autre  presque  semblable, />/=/?r  ; 


ETYMOLOGIES  FRANÇAISES    ET  PATOISES  549 

Rumple  ni*  farai    e  flagellar. 

{Pass.  du  Chr.,  st.  58,  pour  c  runy>re.  ») 

Et  un  autre  encore  qui  est  beaucoup  plus  ancien  et  tout  à 
fait  semblable  :  VXagilitatis  kumane,  pour  /ragilitatis.  (  Ms. 
13240,  VIP  s.,  f°  185,  v%  Bibl.  nat.,  fonds  latin.) 

R  (latin)  initial  =  gr. 

Gratter.  —  «  Provenc.  et  espagn.,  g j'atar ;  iisA,^  grattare; 
])as  lat.,  cratai^e;  du  germanique  :  anc.  haut  allem.,  ch^azôn; 
isl.,  kratta;  allem.,  kratzen.  »  Littré. 

Le  latin  suffit  à  rendre  compte  de  cette  étymologie.  Radere 
signifie  racler,  gratter;  le  dérivé  ûctii  radùare,  devenu  ^ra- 
f/ita7X'  par  Tépenthèse  du  g,  aurait  pu  donner  naissance  à  grat- 
ter. On  pourrait  aussi,  à  la  rigueur,  rendre  compte  du  g  initial 
en  dérivant  gratter  d'un  tjpe  fictif  *corraditar€.  C'est  ainsi  que 
Diez  tire  creux  de  corrosus 

Grimelé.  —  «  Se  dit  des  vieillards  dont  la  figure  est  cou- 
verte de  rides,  des  fruits  dont  la  peau  est  ridée.  »  (  Gloss. 
poitevin  de  Beauchet-Filleau.) 

Ne  doit-on  pas  le  ramener  à  un  type  *  grimulare,  formé  par 
épeiitlièse  du  g  de  rima,  rimula,  fente,  les  rides  étant  con- 
sidérées comme  autant  de  fentes  sur  la  peau  du  visage  ou 
des  fruits? 

Grimer  {se)  a  un  sens  analogue,  se  peindre  des  rides.  Diez 
le  dérive  de  Tital  grimo,  ridé,  qu'il  dérive  lui-même  de  Tanc. 
h.  allem.  griiiij  colère,  furieux.  On  voit  qu'il  est  plus  sûr  de 
s'en  tenir  au  latin. 

1*»  R  Clatin)  initial  =gfr. 
2o  Nasalisation  de  la  voyelif^  devant  le  groupe  latin  d. 
3»  Ci  flalin)  =^ch  r=^c  (doux). 

Grincer.  —  «  Picard,  grinchei^;  de  l'anc.  haut  allem.  gre- 

////co/<.  grincer  des  dents;  anglo-sax.,  grimetan.  »  Littré. 

Gritirer,  grineher,  en  Poitou  ;  gricer,  en  Saintonge,  viennent 
de  ^ijrictnre,  f<^rme  qu'on    est  en  droit   de   supposer  d'après 

*  Rumple  ni  pour  rumpre  l'en  est  la  vraie  leçon  du  ms. 


550  DIALECTES   ANCIENS 

*rictum,  supin  de  *ringere,  actif  de  ringor:  grogner  en  montrant 
les  dents. 

Pour  Tépenthèse  de  y  devant  r,  cf.  grenouille,  de  ranuncula, 
gnllons  et  rillons.  Nous  savons  que  et  peut  devenir  cA,  c  doux 
français  ,  et,  de  plus,  que  la  voyelle  qui  précède  peut  se  nasa- 
liser ;  cf.  penchina,  de  pectinare,  d'où  *  gnetare  =  gricher  = 
grincher  =  grincer, 

1-  Cor  «  cro  (par  môtathôse)—  gro, 
2<>  Ovula  =  oie  ou  olle. 

GroUe. — «Espèce  de  corbeau.  —  Hist.  xvi*  s.  Je  voyois 
d'autre  part  cueillir  les  noix  aux  groles,  qui  se  resjoyssoient 
en  prenant  leur  repas  et  disner  sur  lesdits  noyers.  Palissy, 
87. —  Etym.  D'après  Diez,  graculm  ou  gracula;  acul  donnant, 
il  est  vrai,  d'ordinaire,  ail,  mais  aussi  oie  ou  eul,  comme  dans 
l'ancien  français  seule,  de  sœculum.  Quelques  dictionnaires 
italiens  donnent  grola,  qu'alors  Diez  suppose  tiré  du  français.  » 
Littré . 

Ce  passage  donne  lieu  à  plusieurs  observations.  Grolle  dé- 
signe bien  le  corbeau,  mais  il  désigne  au  moins  aussi  souvent 
la  corneille  noire  : 

Grolle,  corbeau,  corbeille  noire: 

M  Chaque  grolle  picque  sa  nas.  »  • 
Chaque  corneille  pique  sa  noix. 

(Beauchet-Filleau,  Gloss,  poiteoin,) 

Même  définition  dans  le  glossaire  du  comte  Jaubert. 

Comme  ce  sont  les  corneilles  et  non  les  corbeaux  qui  abat- 
tent les  noix,  il  est  évident  que ,  dans  l'exemple  cité  de  Pa- 
lissy, grolles  désigne  les  corneilles.  C'est  de  ce  mot  que  Rabe- 
lais a  formé  l'adjectif  ^ro//?er,  a  le  noyer  grollier.  » 

Voilà  pour  le  sens. 

L'étymologie  proposée  par  Diez  ne  me  semble  pas  bien 
étayée.  Je  proposerais  de  dériver  ^ro//e  de  *^roîn/fa  =  *cro- 
imla,  forme  métathétique  supposée  de  *corvula,  féminin  de  *co>'- 
vuliis,  diminutif  de  corvus,  Corvulus,  il  est  vrai,  ne  se  trouve 


ETYMOLOGIES  FRANÇAISES   ET  PATOISES  551 

pas  dans  les  lexiques,  pas  plus,  du  reste,  que  corvellus,  que  per- 
sonne cependant  ne  repousse  comme  générateur  immédiat  de 
coî'beau  ;  mRÎs  on  ne  peut  admettre  l'un  sans  présupposer 
r autre.  En  effet,  corvellus  s'est  formé  de  corvulus,  et  corvulus 
de  corvus,  absolument  comme  vitellus  s'est  formé  de  vitulus. 
Cette  filiation  philologique  est  aussi  fatale,  aussi  inéluctable, 
que  la  filiation  animale. 

Le  groupe  vula  (*grovula),  étant  analogue  phonétiquement 
au  groupe  fula  (scro/M/a),a  très-bien  pu,  comme  lui,  permuter 
en  roman  avec  le  groupe  la  ou  lia  (ancien  provençal),  lo  ou 
llo  (provençal  moderne)  ;  cf.  escrolo,  écrouelle,  plus  rapproché 
du  prototype  sa^ofula  qne  le  mot  français,  qui  vient  du  dimu- 
nitif  scj'ofella. 

fV  (latin)  initial  =  flf. 
1"  Adilare  =  aiter  =  eter. 

Guetter. — «  Picard,  va/^er,  regarder;  Bar-le-Duc,  ouaiter; 
norm.,  guetter,  regarder;  wallon,  waiti;  piovenç.,  gaùar, 
gachar;  ital.,  guatare;  de  l'anc.  haut  allem.  wahtân,  veiller, 
garder.  »   Littré. 

Je  dériverais  ce  mot  de  *vaditare,  fréquentatif  supposable 
de  vadere,  aller  souvent,  aller  çà  et  là,  faire  le  guet,  guetter. 
De  cette  acception  primitive  serait  venue  celle  de  surveiller, 
f^iner,  avec  ou  sans  mouvement.  Ce  qui  donne  encore  plus  de 
vraisemblance  à  cette  étymologie,  c'est  que  les  plus  anciens 
textes  conservaient  Xa  originel  :  E  si  aveir  (bestiaux)  trespas- 
sent  per  iloc  ù  il  deivent  waiter.  Lois  de  Guill.  32,  XP  s  — 
Eschargaite,  XIP  s.  —  Gaitoit,  XIIP  s. 

Il  faut  observer  néanmoins  que  cette  étymologie  ne  rend 
pas  compte  du  doublet  provençal  gachar, 

FORMES    SIMPLES    DÉRIVÉES   T>E   FORMES  GOMPOSÊBS. 

et  (latin)  =  ch. 

Licheur.  —  «  Terme  populaire.  Celui  qui  aime  à  boire  et 
ri  bien  manjrer.  •—  Etym.  Le  verbe  populaire  licher,  qui  est 


552  DIALECTES  ANCIE^S 

archaïque  et  qui  est  une  autre  forme  pour  lécher;  Gallis  oïim 
lichard,  dit  du  Cange,  iecator.  »  Littré. 

M.  Littré  a  raison  de  voir  dans  ce  mot,  tombé  aujourd'hui 
dans  le  domaine  des  illettrés,  une  épave  de  notre  plus  ancienne 
langue  littéraire.  Rien  de  plus  fréquent  dans  nos  vieux  poè- 
mes que  licheor,  lecheor,  lechierres,  etc..  Mais  je  ne  suis  plus 
autant  de  son  avis  quand  il  assimile  licher,  aimer  la  bonne 
chère  et  la  débauche,  à  lécher,  et  qu'il  le  dérive  du  germa- 
nique :  anc.h.  allem.,  leechôn;  anglo-sax.,  liccian;  angl.,  to  lick; 
aWem.^lecken,  Pour  moi  licheur,  v.  français  lecheor,  et  licher, 
faire  bombance,  viennent,  Tun  de  de-lectatorem;VB.\ïire^  de  de- 
lectare,  qui  tous  deux  ont  perdu  la  sjUabe  initiale  de. 

J'observe  plus  loin  que  le  groupe  et  latin  pouvait  produire  en 
roman  cA  (v.  le  mot  oinces);  au  moinsjsur  ce  point  il  n'y  a 
donc  pas  de  difficulté.  Il  n'est  pas  aussi  aisé  de  rendre  compte 
de  la  suppression  de  la  particule  de.  Jusqu'ici  on  n'a,  à  ma 
connaissance,  rien  signalé  de  pareil  ;  non  que  les  exemples 
manquent,  mais  on  n'a  pas  remarqué  cette  particularité  qui, 
une  fois  bien  constatée,  s'explique  d'elle-même.  En  effet,  la 
particule  de  ne  contredit  pas  toujours  le  sens  du  mot  auquel 
on  la  joint  ;  souvent,  au  contraire,  elle  l'affirme  encore  plus  : 
cf.  devincerej  debellare,  etc.  Or,  si  on  la  retranche,  le  verbe 
conserve  exactement  le  même  sens,  tout  en  l'exprimant  avec 
moins  de  force.  Il  n'y  a,  par  exemple,  enivevincei'eeidevincere, 
que  la  différence  du  plus  au  moins,  du  comparatif  ou  du  su- 
perlatif au  positif.  La  langue  pouvait  donc,  sans  trop  y  perdret 
abréger  les  mots  ainsi  composés;  elle  le  pouvait  surtout,  et 
devait  être  tentée  de  le  faire,  pour  ceux  dont  le  simple  n'étai, 
pas  usité .  Ainsi,  lectare  n'existant  pas  ou  n'existant  plus  en 
latin,  il  n'était  pas  aussi  nécessaire  de  maintenir  la  particule 
de,  destinée  à  marquer  une  différence  en  plus.  Delicheor  (de- 
lectatorem)  se  trouvait,  par  manque  de  comparaison,  avoir  le 
même  sens  que  licheor  (  lectatorem);  dans  ce  cas,  il  était  na- 
turel que  le  second  prît  le  dessus,  car  l'usage,  toujours  ex- 
péditif,  préfère  d'ordinaire  les  formes  les  plus  courtes. 

C'est  de  la  même  manière  que  j'expliquerais  les  formes  sui- 


ÉTYMOLÔGIE-  FRANÇAISES  KT   PATOTSES  553 

vantes  :  ouvrir  de  de-openre,  ôter  de  de-hattstare.  Ces  deux 
étjmologies,  entrevues  par  Diez  et  par  M.  Littré,  n'ont  pas 
été  nettement  dégagées,  parce  que  ni  Tun  ni  Tautre  n'ont  re- 
marqué la  loi  de  possibilité  qui  régit  la  chute  de  la  par- 
ticule de. 

Le  b.  latin  ieccator  ou  lecator  nVst  pas  autre  chose  que  la 
forme  latinisée  du  v.  français /ecAerres,  imaginée  à  une  époque 
où  Ton  n'avait  plus  conscience  de  la  filiation  étymologique 
qui  rattachait  ce  mot  à  de-lectator. 

et  (latin j  =  ch. 

Mâcher  (a  bref).  —  Ce  mot  s'est  conservé  dans  les  pa- 
tois français  de  l'Ouest  (Saintonge  et  Poitou)  et  dans  des  patois 
de  langue  d'oc,  «mâcha»  (Périgord  et  Limousin). 

Mâcher  (prononcez  l'a  très-bref).  Meurtrir  :  yeux  mâchés, 
c'est-à-dire  yeux  battus. 

Machure.  Contusion,  meurtrissure. 

(Glossaire  du  Poitou,  par  L.  Favre.) 

Ce  mot  s'est  conservé  en  français  dans  certaines  locutions, 
u  Une  viande  tendre,  qui  se  macfie  facilement. —  Les  choses  en 
cet  état,  j'estimai  qu'il  les  fallait  reposer  et  mâcher.  »  Ces 
deux  exemples  sont  empruntés  au  dictionnaire  de  M.  Littré . 
Il  va  sans  dire  que  mâcher  y  figure  avec  l'accent  circonfiexe, 
M.  Littré  le  confondant  avec  mâcher  y  du  lat.  masticare. 

Ce  qui  me  fait  préférer  la  prononciation  abrégée,  c'est  que 
nos  paysans  l'ont  adoptée  dans  des  locutions  analogues.  Les 
savants  n'ignorent  pas  qu'entre  deux  prononciations  diffé- 
rentes, Tune  qui  a  cours  parmi  les  lettrés,  l'autre  parmi  les 
paysans,  c'est  toujours,  ou  presque  toujours,  la  seconde  qui 
est  la  bonne. 

Ainsi  un  paysan  saintongeais  dira  qu'un  fruit  se  mâche, 
quand  il  devient  mou  à  la  suite  d'un  coup  ou  d'une  matura- 
tion prolongée. 

Le  sens  le  plus  usité  est  celui  qu'indique  l'auteur  du  glos- 
saire poitevin  précédemment  cité  :  mâcher  veut  dire  surtout 
meurtrir.  Il  dérive  de  mactare  par  le  changement  normal  du 


554  DIALECTES   ANCIEMS 

groupe  et  en  ch.  C'est  un  doublet  de  mater,  dérivé,  lui  aussi, 
de  maetare. 

U  Métathôse  de  ign  en  ing. 
V  GtUus  •=  fifre. 

Malingre.  —  «  Diez  le  tire  de  mal  et  de  Tancien  français 
heingre,  languissant,  faible  ;  keingre,  à  son  tour,  lui  paraît  ve- 
nir du  latin  œger,  malade,  avec  intercalation  de  la  nasale  n.  Le 
bas  latin  maliginosus  a  le  sens  de  malingre^  mais  il  ne  peut 
donner  malingre.  »  Littré. 

L'étjmologie  proposée  par  Diez  est  très-contestable.  Outre 
que  Vh  et  Ve  de  heingre  ont  complètement  disparu  et  qu'il  eût 
semblé  naturel  qu'au  moins  Tun  des  deux  subsistât  dans  mar 
lingrej  on  ne  comprend  guère  que  mal  puisse  se  joindre  à  un 
adjectif  qui  a  déjà  par  lui-même  le  sens  péjoratif.  C'est  à  peu 
près  comme  si  Ton  disait  :  «  Cet  homme  est  mal  languissant, 
mal  débile.  »  Ce  serait  une  exception,  et  tellement  illogique, 
qu'il  faudrait  plus  d'un  exemple  analogue  pour  la  faire  ac- 
cepter. 

D'un  autre  côté,  maliginosus,  cité  par  M.  Littré,  ne  peut, 
comme  il  le  fait  observer,  former  malingre  ;  mais  ce  rappro- 
chement même  nous  met  sur  la  voie.  Malingre  vient  de  *  mar- 
lignulus,  forme  diminutive  de  malignus,  qu'on  est  parfaitement 
en  droit  de  supposer  :  cf.  blandulus,  pallidulus  de  blandvts,  pal- 
lidus,  ou  plus  exactement  de  ^malingulus,  avec  métathèse  de 
Vn,  comme  dans  malin  =  *malingm  =  malignus. 

J'ai  déjà  eu  occasion  de  remarquer  ailleurs  (TVoftce  des  mss, 
de  la  Bibl.  nat.  et  autres  bibliothèques ^  t.  XXIII,  2®  partie, 
p.  543)  que  les  diminutifs  étaient,  autrefois  comme  aujour- 
d'hui, l'apanage  de  la  langue  familière.  Il  est  donc  très-pos- 
sible que  malignulus  ait  existé  dans  le  langage  courant  des 
Romains,  sans  avoir  trouvé  l'occasion  de  pénétrer  dans  leur 
langue  littéraire,  dans  leur  langue  écrite,  la  seule  où  aient 
pu  puiser  nos  lexiques. 

Pour  le  changement  de  ulus,  ou  plutôt  ulum,  en  re,  comparez 
iiiulum,  titre. 


ÉTYMOLOGIES  FRANÇAISES   ET  PATOISBS  555 

Dicare  (latin)  ■=  ger. 

Manger.  —  On  s'accorde  aie  dériver  directement  du  latin 
manducare,  tout  en  observant  que  cette  dérivation  procède 
d'une  faute  d'accent,  et  que  la  forme  régulière  était  en  v. 
français  rnanjuer  et  en  provençal  manjuiar. 

Je  crois  plutôt  que  manger,  ital.  mangiarey  dérive  du  fré- 
quentatif mandicare,  qu'on  est  en  droit  de  supposer  de  mandere, 
supposition  que  confirme  un  exemple  emprunté  à  un  texte 
transcrit  au  X*'  siècle  :  Posuit  eis  caseum  et  aquam.  Mandi- 
cantibus  autem  eis,  facta  est  congraegatio  multa.  (  Vie  de  saint 
Mammet,  Ms.  156,  f°  31,  v°.  Bibl.  de  la  Faculté  de  médecine 
de  Montpellier.) 

Quant  à  inanjuer,  il  dérive  évidemment  de  manducare. 

Ceci  était  écrit  quand  j'ai  lu  l'article  récemment  paru  de 
M.  Storm  {Mémoires  de  la  Société  de  linguistique  de  Paris,  t.  II, 
2™*"  fascicule),  où  est  présentée  la  même  étymologie.  Je  laisse 
subsister  mon  explication,  quoiqu'elle  fasse  double  emploi  avec 
celle  de  M.  Storm,  car  le  fait  de  se  rencontrer  sans  s'être 
entendus  est  un  argument  de  plus  en  faveur  de  la  thèse  sou- 
tenue. 

et  (latin)  =zch  =5*. 

Massacre.  —  Ce  mot  désignait  d'abord  la  boucherie,  au 
moins  en  Normandie.  C'est  le  sens  que  donne  le  plus  ancien 
exemple  qu'on  en  cite,  exemple  qui  date  du  XIIP  siècle. 

Il  s'écrivait  machacre. 

«  On  le  tire,  dit  M.  Littré,  du  germanique  :  bas  allemand, 
mntsken;  haut  allem.,  metzgem,  égorger.  Cette  étymologie,  plus 
probable  qu'une  inversion  qui,  du  bas  \â.tin  scramasaxus,  cou- 
telas, aurait  donné  massacre,  paraît  d'autant  plus  assurée  que 
masmcre  veut  dire  boucherie,  et  que  metzgem  signifie  égorger 
du  bétail,  et  metzger  boucher.  » 

Je  le  tire  du  latin  *mactacrum,  qui  est  à  mactare,  immoler, 
égorger,  ce  que  lavacrum  est  à  lavare.  Mactacrum  a  formé 
machacre  par  le  changement  de  et  en  ch,  et  tnachacre  est  de- 
venu massacre 'p&v  l'adoucissement  de  ch  en  ss. 


556  DIALECTES   ANCIENS 

1"  nie  (latin)  —  a. 
2«  lUia  (latin)  i-*  ille  (mouillé),  et,  par  exception,  i-*  iUe  (non  mouillé). 

Mil,  mille.  —  «  Dans  la  supputation  ordinaire  des  années, 
quand  mille  est  suivi  d'un  ou  de  plusieurs  autres  nombres,  on 
retranche  la  dernière  syllabe  :  l'an  mil  huit  cent  soixante -deux, 
et  non  pas  mille.  On  n'emploie  mil  que  quand  la  date  com- 
mence par  cet  adjectif  numéral,  et  Mercier  a  donné  pour 
titre  à  son  ouvrage  :  L'an  deux  mille  quatre  cent  quarante . 
Mais  Béranger  a  écrit  par  licence  :  Bénissons  Dieu,  qui  met 
chaque  chose  en  son  lieu  :  Celles-ci  sont  pour  Tan  trois  mil  ; 
Ainsi  soit-il.  Ainsi  soit-il! . . . . —  Etym.  Provenç.,  espagn.  et 
portug.,  mil;  ital.,  mille  ;  du  latin,  mille,  que  Corssen  rattache 
à  un  radical  sanscrit  mil,  réunir,  rassembler.  »  Littré. 

Les  observations  de  M.  Littré  sur  l'emploi  de  mil  et  de 
mille,  et  Tétymologie  qu'il  en  donne,  sont  incomplètes.  Il  dit 
bien  quand,  mais  non  pas  pourquoi  il  faut  écrire  tantôt  mil  et 
tantôt  mille.  Il  ne  nous  dit  pas  non  plus  comment  le  latin 
mille  a  pu  former  en  même  temps  mil  et  mille. 

Voici  comment  on  doit  expliquer  cette  anomalie  : 

D'abord  il  faut  bien  observer  que  le  latin  mille  n'a  pu 
former  en  français  que  mil,  comme  ille,  il,  et  que  mî7fe,v.  fran- 
çais milie,  ne  peut  venir  que  de  millia:  observation  essentielle, 
qui  du  premier  coup  nous  met  sur  la  voie.  En  effet,  mille  seul, 
et  non  millia,  pouvait  s'employer  au  singulier.  Pour  mille,  un 
mille,  on  disait  mille  :  mille  années,  mille  anni,  ou  plus  rare- 
ment annorum,  et  non  millia,  ce  dernier  ayant  exactement  le 
sens  de  notre  mot  millier  employé  au  pluriel.  Par  conséquent, 
les  anciens  auteurs  avaient  raison  d'écrire  invariablement 
mil,  et  non  mille,  toutes  les  fois  que  ce  nombre  était  au  sin- 
gulier, se  conformant  ainsi  à  la  syntaxe  latine,  qui,  dans  ce 
cas,  aurait  exigé  mille  (et  non  millia).  Et  cette  règle,  rigou- 
reusement observée,  ne  s'appliquait  pas  seulement  aux  dates, 
mais  à  tous  les  nombres  où  le  latin  employait  mille. 

Mil  et  mille,  ou  miUe,  n'étaient  jamais  confondus.  Us  cor- 
respondaient toujours  :  1*  mil  à  mille  signifiant  un  millier. 


ÊTYMOLOGIES  FRANÇAISES  ET  PAT0Î8ES  557 

2**  mille  ou  milie  à  millia,  signifiant  plusieurs  milliers.  Il  va 
sans  dire  que  je  n'ai  pas  examiné  tous  nos  anciens  textes 
pour  m'assurer  de  ce  fait.  Ce  serait  un  travail  hors  de  pro- 
portion avec  le  but  à  atteindre.  J'ai  pensé  que  la  Chanson  de 
Roland,  avec  ses  4,002  vers,  fournirait  assez  d'exemples,  et  des 
exemples  assez  certains,  pour  établir  cette  règle.  Voici  les 
résultats  auxquels  je  suis  arrivé: 

Le  nombre  mille  j  est  exprimé 67  fois . 

Milie,  où  le  latin  aurait  mis  millia 47  fois . 

Mil,  où  le  latin  aurait  mis  mille 17  fois. 

Mil,  où  le  latin  aurait  mis  millia  et  où  le 

copiste  aurait  dû  mettre  milie 3  fois. 

La  règle  aurait  donc  été  appliquée  soixante-quatre  fois 
contre  trois  où  elle  ne  l'aurait  pas  été,  ce  qui  justifierait  am- 
plement la  règle  que  j'ai  formulée.  Mais  ce  qui  achève  la  dé- 
monstration, c'est  qu'en  réalité  il  n'y  a  pas  d'exeption,  at- 
tendu que,  dans  les  trois  vers  où  on  a  écrit  mil  pour  milie,  la 
mesure,  d'accord  avec  le  sens  et  avec  la  règle,  exige  cette 
forme  : 

Ensembr  od  11  plus  de  xx.  mil  humes.         v.  2.578. 

Fait  siin  eslais  véant  cent  mil  humes.  v.  2.997. 

C.  mil  humes  i  plurent  ki  's  esguardent.       v.  3.882. 

Ces  trois  vers,  comme  on  le  voit,  sont  faux  si  on  lit  mil,  et 
cessent  de  l'être  si,  avec  M.  Theodor  Millier,  dont  je  suis 
l'édition,  on  réisiblit  milie  =z millia. 

Génin,  l'un  des  éditeurs  et  non  des  moins  méritants  de  ce 
poëme,  n'ayant  ni  connu,  ni  deviné  cette  règle,  a  rétabli  la 
mesure  d'uue  manière  tout  à  fait  arbitraire.  Pour  le  premier 
vers,  il  a  lu  xxx.  mil;  pour  le  second,  dous  cent  mil,  et  pour  le 
troisième,  ce.  mil,  restitution  nullement  justifiée  comme  on  le 
voit. 

Ceci  prouve  une  fois  de  plus  combien  la  tradition,  en  ortho. 
graphe  comme  ailleurs,  est  tenace  même  quand  elle  a  cessé 
d'être  comprise,  et  prouve  aussi  qu'il  faut  bien  se  garder  de  la 
rejeter  d'emblée  et  sans  prendre  la  peine  de  l'examiner. 

(A  continuer.)  A.  Boucherie. 


DIALECTES  MODERNES 


CONTES  ET  PETITES  COMPOSITIONS  POPULAIRES 


Dans  la  livraison  de  juillet  de  la  Romania  (pag.  172),  on 
nous  accuse  d'avoir  pris  à  M.  Damase  Arbaud  (  Chants  popu- 
laires  de  la  Provence^  tom.  P',  pag.  220),  «  un  commentaire 
que  les  nouveaux  éditeurs  ont  reproduit  à  peu  près  en  entier, 
sans  reconnaître  suffisamment  leur  emprunt.  » 

Notre  article  —  pour  la  partie  critiquée  —  se  composait  : 

De  deux  pages  de  généralités  (pag.  461-463),  où,  après  des 
observations  qui  nous  sont  particulières,  nous  résumions  fort 
brièvement,  en  citant  nos  auteurs,  celles  qu'ont  successivement 
faites  la  Statistique  des  Bouches-du- Rhône  (  II,  pag.  258),  Fau- 
riel  {Histoire  de  la  Poésie  provençale,  I,  pag.  108),  et  surtout 
Rathery  (  Revue  des  Deux  Mondes,  mars  1862  )  ; 

De  neuf  pages  de  textes  (pag.  463-471),  dont  quatre  em- 
pruntés, en  citant  nos  auteurs  toujours,  klsiStastistique  et  dix 
à  Damase  Arbaud  {Chants populaires  delà  Provence,  I,  p.  220;, 

Et  de  trois  pages  (pag.  471-474)  de  remarques,  nous  appar- 
tenant, sur  la  signification  des  fieurs  dans  nos  pays 

Où  a-t-il  vu,  M.  Paul  Meyer,  ce  a  commentaire  que  nous 
avons  emprunté  presque  en  entier  »  à  M.  Damase  Arbaud  ? 

A.  M.  et  L.  L* 
XIII.  —  HUÉE 

La  bramada  (huée)  est  le  cri  qui  se  fait,  en  chantant,  après 
celui  ou  celle  qui  a  lésé. 

Pour  la  proférer,  on  se  campe  vis-à-vis  de  sa  demeure  ou, 
mieux  encore,  en  face  de  la  personne  même. 


COMES   POPULAIRES  569 


Contre  quelqu'un  qui  s'est  porté  à  des  voies  de  fait  : 

Aqueste  souèr  ou  dirai  à  moun  pèra, 
Que  m'as  ûcat 
Aval  dins  lou  valat. 
De  que  t'ai  fach?  De  que  f  ai  dich? 
De  que  t'ai  dich  ?  De  que  t'ai  fach, 
Per  que  piquesses? 
De  que  t'ai  dich?  De  que  t'ai  fach 
Per  me  picà? 

Ce  soir,  je  dirai  à  mon  père  —  que  tu  m'as  jeté  —  dans  le 
fossé.  —  Que  t'ai-je  fait?  Que  t'ai-je  dit? —  Que  t'ai -je  dit?  Que 
t'ai-je  fait,  — pour  me  frapper?  — Que  t'ai-je  dit?  Que  t'ai-je  fait, 
—  pour  me  frapper  ? 

2 
Contre  quelqu'un  qui  a  fait  du  tort  : 

A  l'enfer 

Tout  rhiver  ! 
Vai  cercà  Palhassa, 
Que  te  farà  plassa  ! 
Vai  cercà  lou  Babau 
Que  te  fera  mau  î 

Hou!  las  cornas. 

Va  en  enfer  —  tout  cet  hiver  ! —  Va  chercher  Paillasse,  —  qui  te 
fera  place. — Va  chercher  la  Bête  noire, —  qui  te  fera  peur.  —  Hou! 
les  cornes. 


Conti^e  un  bienfait  reproché: 
Gara,  gani  das  anfers; 
l'anaras  quan  saran  douverts. 

(jarc,  gare  dos  enfers  ;  —  tu  iras  dès  qu'ils  seront  ouverts. 
Citée  par  l'abbé  de   Sauvages:    «^.  g'.^et  le  reste,  die toii 


5G0  DIALECTES  MODERNES 

en  forme  de  chant  rimé,  dont  le  sens  est  :  qu'un  service  re- 
proché est  à  demi  payé  ;  ce  dernier  est  si  connu,  qu'Erasme 
l'a  remarqué  dans  les  ouvrages  de  Platon.»  (Dict.  languedocien, 
V.  Garo-Garo). 

4 

Contre  celui  qui  a  fait  des  grimaces: 
Louisa, 
La  maire  das  catous. 
Se  mes  dejout  la  taula, 
Me  fai  de  regaugnous. 
Hou!  houl 

Louise,  —  la  mère  des  petits  chats,  —  se  met  sous  la  table,— -et 
de  là  me  fait  des  grimaces.  —  Hou!  hou! 

C'est  une  façon  de  dénoncer,  qui,  pour  n'être  pas  directe, 
n'en  est  pas  moins  parfaitement  connue  et  pratiquée  par  les 
enfants,  dans  les  familles  où  il  y  a  beaucoup  de  frères  et  de 
sœurs.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  que  le  nom  change 
avec  la  personne  qu'on  accuse. 

5 
Contre  quelquun  qu'on  accuse  d'avoir  volé  un  objet  quelconque  : 

Lou  m'as  agut, 
Lou  coutel  de  la  pocho; 

Lou  m'as  agut, 
Que  t'ero  pas  degut. 

Tu  me  l'as  pris, — le  couteau  qup  j'avais  dans  la  poche  :  —  tu  me 
Tas  pris,—  il  n'était  pas  à  toi. 

A  quoi  l'accusé  répond  : 

Presto-lou-me, 
Te  coustara  pas  gaire  ; 

Presto-lou-me, 
Te  coustara  pas  res. 

(V.  de  C.  Gleizes,  d'Arles.) 

Prête-le-moi,  —  cela  ne  te  coûtera  guère;  —  prête-le-moi,  — 
cela  ne  le  coûtera  rien . 


CONTES    POPULAIRES  561 


6 


M.  Damase  Arbaud  [Chants  popuL  de  Provence,  I,  p.  218) 
,     en  cite  trois  exemples  que  voici  : 

«  Enfin,  c'est  encore  à  Toulon  que  les  jeunes  filles,  dans  un 
moment  de  bouderie,  voulant  narguer  une  de  leurs  compa- 
gnes, viennent  chanter  devant  sa  porte  : 

Sièu  à  ta  carrieiro, 

Peirouriero  ; 
Sièu  à  toun  cantoun, 

Peirouroun. 

Je  suis  dans  ta  rue,  —  chaudronnière;  —  je  suis  à  ton  coin, — 
petit  chaudron . 


»  Et,  si  la  dispute  a  été  plus  vive,  si  la  fâcherie  est  plus  en- 
venimée, elles  ajoutent  : 

Mariano, 

La  piano, 
Fa  soun  liech  de  camp. 
Rescontro  sa  mèro  : 

—  Passo-m0  davant  ! 

—  Ah!  nani,  ma  mèro, 
L'i  voueri  p'anar  : 
Esperi  lou  Mourou 
Por  mi  maridar. 

Marianne,  —  la  fille  pordue,  —  couche  dans  les  champs.  —  Elle 
rencontro  .<a  mère  :  —  «  Passe  devant!  —  Oh  !  non,  ma  mère,  — 
je  ne  veux  pas  aller  à  la  maison  :  — j'attends  le  Maure.  —  pour  me 
marier  avec  lui  !  » 

))  (!e  couplet,  sur  d'autres  points  de  la  Provence,  est  rem- 
placé, dans  les  mêmes  circonstances,  par  le  suivant,  qui  est 
évidemuieut  de  la  même  famille  : 

37 


-i6t  DIALECTES   MODBRHBS 

Mi«to, 
La  gueto, 
Toun  përo  te  battra  ; 
Te  gitara  de  l'eatro  : 
Lou  cat  te  maigarà  ; 
Lou  capelan  fourmlgo 
Te  Tôndrà.'iitarrà. 
Petite  mie,  —  qni  guettes,  —  ton  père  te  battra;  —  il 
de  la  maison  :  —  le  chat  te  mangfira,  —  et  la  founni,  — 
chapelain,  — t'enterrera.  » 


XIV. 


-  INCANTATIONS 


Les  incantations  se  nomment  eu  général  cour^ 
qu'elles  ont  surtout  pour  but  de  conjurev,  d'éo&i 
fluences  pernicieuses.  Elles  figurent,  dans  la  ma 
campagnes,  à  côté  des  charmes  et  des  divinations. 

Le  P.  Amilha  (  Taèléu  de  la  Bido  del  parfet  chrt 
dans  l'examen  qu'il  fait  des  croyances  supertitieus 


As  fait  breu  ni  superstitius. 
Charmes,  counjars,  debinacius. 
(PagelSÎ.) 
Elles  ont  lieu  aussi  pour  dissiper  les  tempêtes  : 
As  couajuradala  trumada. 
(M.) 
Préserver  les  troupeaux  de  maladies  : 

As  oountrofcùt  d'aigo  seignado, 
0  fait  counjurà  toun  troupel. 
(Id.) 
Et,  enfin,  faire  cesser  les  différentes  indispositio 
humain: 

Aurios  fait  de  counjurs  per  gari  la  couliquo, 
Cerbel  bas,  mal  de  dens,  la  luzeto  ni  Tel, 
O  per  gari  le  mal  que  se  pren  al  poupel. 
(id-,  pag.  331.) 


CONTES   POPULAIRES 


La  nuit,  lorsqu'on  est  en  doute  sur  les  intentions  d'une  per- 
sonne que  l'on  redoute  ou  que  l'on  croit  devoir  craindre,  on 
lui  adresse  les  paroles  suivantes.  Uu  ton  le  plus  assuré  et  le 
plus  fier  que  l'on  peut  trouver  : 

Se  ses  de  l'autre,  avalisca  Satanaa  I 
Se  Bès  bona  causa,  parlas! 
Si  vous  êtes  de  l'autre  (du  diab  le) ,  onde  re.lro  Snlannsi —  Si  vous 
êtes  bonne  chose,  parlez  I 

Ainsi  mise  en  demeure,  la  personne  questionnée  est  tenue 
de  répondre  et  de  s'expliquer. 

Avalisca  signifie  absolumenl  :  évanouia-fûi,  disparais,  de 
avait,  qui  a  ce  sens.  — Cette  expression  se  retrouve,  eu  outre, 
dans  presque  tous  les  jurements  (renées  J.  On  dit,  d'habitude  : 
Qu'abalisca!  Qu'il  disparaisse  1  que  le  diable  l'emporte!  Le 
P.  Amilha  s'élève  fort  contre  elle  : 

Tu  bos  donne,  malurous,  qu'el  prouchen  abalisco! 
Tu  bos  dounquos  talie  que  toun  armo  perisco  ! 
Aquo  t'arribarâse  nou  <e  cambios  pas, 
E'  coumo  fa  le  fum  atal  abaliras. 

[Page  803.) 
Ainsi  que  le  fait  fort  bien  remarquer  l'abbé  de  Sauvatres 
{Dict.  lang.,v.  Abalisco),  ce  counjur  a  été  emprunté  en  partie 
par  Rabelais  :  «  Si  vous  êtes  de  Vautre,  dit  Panurge,  avalisco 
Satanas  {Pantagruel),  n 


On  écrit  sur  la  première  pa^e  d'un  livre  : 
Lou  qu'aquel  libre  troubaril 

Me  lou  rondrft. 
Ou  lou  diable  l'empourtarii  ! 
Celui  qui  trouvera  ce  livre  —  me  le  rendra,  - 
portera  ! 


564  DIALECTES   MODERNES 

On  trouve  des  menaces  du  même  genre  dans  des  livres  fort 
anciens.  Il  en  existe  une  semblable  en  français. 

a 

3 

Contre  les  chenilles  : 

Avalisca,  tora  ! 
Défera!  defora! 
Ë  revengues  pas  pus ,  qu'ablaziguas  tout  ! 

(V.  du  canton  de  Gignac.  ) 

Disparaissez,  chenilles!  —  Dehors!  dehors!  —  et  ne  revenez 
plus,  que  vous  détruisez  tout. 

C'est  ce   qu'on  nomme  avali  las  erugas,   avait  las  toras  .* 
conjurer  les  chenilles. 

(V.  Sauvages,  Dict.  lang.,  v.  Abali.  ) 

Conjuration  qui  se  faisait  autrefois,  et  d'une  manière  solen- 
nelle, aux  premiers  jours  du  printemps. 

4 

Pour  faire  pondre  les  poules  : 

Coutitas,  —  mignounas,  —  fasès  —  lou  lèu, 
Aurès  —  de  civada  —  un  plèn  —  cruvèu. 

Petites  poules,  —  mignonnes,  —  faites  vite —  votre  œuf,  —  vous 
aurez  —  de  l'avoine  —  un  plein  —  crible. 

Cette  incantation   se  scande   fortement,  de  façon  à  bien 
indiquer  le  rhythme  marqué . 

5 

Autre  : 

Plôu  !  pl6u  î 
La  galina  que  fai  l'iôu  ; 
La  galina  canta, 
La  galina  blanca. 
(V.  de  H.  Bouquet,  de  Montpellier.  J 

Il  pleut  !  il  pleut!  —  La  poule  qui  fait  Tœuf,  —   la  poule  qui 
chante,  — c'est  la  poule  blancho. 


ro.NTBB   PUPL'LMRKS  ?i]^ 

Lorsqu'une  nourrifte  montre  la  lune  à  son  p&tit  enfaut,  elle 
chante: 

La  luno  barbano. 
Que  most.ro  H  bano; 
Sant  Pei,  saut  Pau- 
Pioo  lou  babau. 

(V,  lie  C.  Gleikes,  d'Arles.) 
La  lune,  comme    lui  spectre,  —  montre  ses  cornes-,  —  snint 
Pierre,  saint  Paul.  —  frappez  ce  fitntôme. 

Au  mot  babau.  elle  met  un  tablier  devant  te  visape  du 
petit,  ou  bien  elle  «e  retourne  pour  aachcr  entièrement  l;i 
lune.  Cela  fait,  on  recommence. 

7 
Autre  : 

Lb  luno  barbano 
Que  pico  de  lano. 
De  fiéu  de  coutoun 
Dàu  pèro  Simoun. 

(V.  de  C.-H.  AltDOtll^,  de  Paria.) 
I,^  lune  barbue  —  ijui  vole  la  laine  —  et  le  fil  île  coton  —  du  pèrn 

8 
Contre  ta  bête  noire  : 
Vfi.i'aqui  lou  babau 

Que  fai  lou  hau  (oh  de  maw), 
Bithau,  coucou  ! 
Voici  la  bète  noire  —  qui  fait  la  folle  (ou  du  mal).  —  Vodà  la 
béte,  vite  cache-toi  i 

En  (lisant  ces  mote,  l'enfant  cache  sa  tète  dans  ses  mains, 
ou  bien  se  fait  un  capuchon  d'un  pan  de  sa  robe.  Il  est  pro- 
bable que  coucou  est  ici  pour  curulus.  —  Bescherelle  le  dérive 
de  l'allomand  kitcken,  regarder  ;  mais  il  ne  dit  pas  si  net  unn^'e 
existe  dans  le  nord  de  la  Fraaee.  {f>icl.,  v.  Coucof.  ) 


566  DIALECTES   MODERKES 

9 

Au  Sourel  et  à  la  Luna 

La  luna 
Cargado  de  prunas. 
Lou  sourel 
Cargat  de  mel. 

La  lune  —  est  chargée  (ou  fait  produire)  des  prunes.  —  Le  soleil 
—  est  chargé  de  miel . 

10 

On  peut  placer  parmi  les  incantations  les  souhaits.  —  On 
dit  au  départ  d'un  voyageur  : 

Bon  pan,  bon  vi  et  bona  cara  d'oste. 

(V.  de  Sauvages,  Dict,  lang,,  v.  Caro.) 

Plaise  à  Dieu  que  vous  trouviez  partout  de  bon  pain,  de  bon  vin 
et  des  figures  avenantes. 

11 

Le  souhait  du  jour  de  Van 

Vous  souhete  la  bonna  annada. 

Que  siegue  milhouno  que  la  passada. 

Je  vous  souhaite  une  bonne  année  ;  —  qu'elle  soit  meilleure  que 
Tannée  passée. 

12 

On  dit  aussi  : 

Vous  souhete  la  bonna  annada, 
Acoumpagnada  de  fossa  d'autras. 

Je  vous  souhaite  une  bonne  année, — et  qu'elle  soit  accompagnée 
de  beaucoup  d'autres. 

XV.   — INCANTATIONS  MÉDICALES 

Les  incantations  médicales  sont  de  plusieurs  sortes.  Nous 
n'en  citerons  ici  que  quelques  exemples,  plusieurs  d'entre 
nous  devant  revenir  plus  au  long  sur  ce  sujet  en  temps  op- 


CONTES   POPULAIRES  567 

portun.  —  Ce  sont  elles  queron  nommait  autrefois  charmes  ; 
ce  terme  n'est  plus  en  usage  dans  ce  sens. 

1 

Contre  une  maladie  quelconque,  la  souffrance  en  général  : 

Avalisca,  avalisca,  mau  ! 
Vai  t'en  fora  de  toun  trau . 

Évanouis-toi,  mal  I  —  Sors  de  ton  refuge. 

2 

Ou   simplement:    Abalisco  mauf   (Sauvages,   Dict.  lang., 
V.  Abau.  ) 

3 

Pour  un  bobo,  on  souffle  sur  la  partie  blessée  et  Ton  dit  : 

Gari,  gari, 
Passo  per  aqui. 
(V.  de  l'abbé  de  Sauvages,  v,  Gari.) 

Rat,  rat,  —  passe  par  là  ! 

Nous  traduisons  gari,  rat  ;  mais  il  est  possible  que  le  sens 
soit  tout  autre .  Gari  n'aurait-il  pas  quelque  liaison  avec  ga- 
rir,  guérir? 

4 

Contre  les  flatuosités  : 

Petou  !  petou  !  sourtis  de  la  vaca  caiola. 
!*etit  pet:  petit  pet!  sors  de  la  vache  grasse. 


Contre  les  maux  que  Von  attribue  à  un  sorcier 

ou  à  une  sorcière: 
Que  t'a  fach  —  que  te  desfague. 
Ou  bien  : 

Que  t'a  fadat  —  que  te  desfade. 

Que  celui  qui  t'a  fait  te  défasse. — Que  celui  qui  t'a  fée  te  dé-fée. 


568  DIALKCTES   MODERNES 

Lorsqu'on  fait  passer  les  bouquets  de  millepertuis  à  travers 
le  feu  de  la  Saint-Jean,  pour  en  préparer  une  huile  vulné- 
raire, on  chante  pendant  trois  fois  : 

Sant  Jan  la  grana(/er)! 

Ou: 

Lou  trescalan 

Bon  per  tout  Tan. 

Saint  Jean  la  i;;rainc  (ler).  — Horbe  de  trescalan  (millepertuis),  — 
bonne  pour  toute  l'année. 

7 

Contre  les  maladies  de  la  matrice  : 
Conjuration  de  Tamarrj  deslouée,  en  langue  agenoise  : 

Maire,  mairis, 

m 

Que  as  cinquante- dos  rasits 
Et  uno  mais  que  Ton  nou  dits, 

Tiro-te  das  constats  : 
Aqui  non  son  pas  tous  estats  ; 
Tiro-te  de  las  esquinas, 
Aqui  non  son  pas  tas  esinas  ; 
Tiro-te  del  fon  del  ventre, 
Aqui  non  te  podes  estendre . 
Mais  bouto-te  à  Tambounil, 
Là  où  la'Tierge  (Marie  porte  son  (car)  fil. 
Cric,  croc, 

Mairo,  torno-te  al  loc. 
Pater  noster.  Ave,  Maria. 

(  //  faut  réitérer  cela  par  trois  fois.  ) 

C'est-à-dire  en  français  :  Amarry,  merasse,  —  qui  as  cinquante 
et  deux  racines,  —  et  une  })lus  que  l'on  ne  dit;  — tire- toy  aux 
coutîtez.  —  ce  ne  sont  pas  là  tes  estres  ou  places  ;  —  tire-toy  vers 
l'eschine,  —  icy  ne  sont  pas  tes  ayses  ;  —  tire-toy  au  fond  du  ventre, 
—  icy  tu  ne  peux  t'estendre  ;  —  mais  boute-toy  au  nombril, —  là  où 
la  Vierge  Marie)  porta  son  cher  fils.  —  Cric,  croc,  —  Maire  (ma- 
trice ),  retourne  en  ton  lieu.  -  Paler  noster,  etc. 

(L.  JouBERT,  des  Erreurs  populaires,  1602,  p.  381.) 


CONTES    POPULAIRES  569 

Cette  incantation  a  été  citée  déjà  par  M.  A.  Germain,  dans 
sa  remarquable  notice  :  de  la  Médecine  et  des  Sciences  occultes 
à  Montpellier,  dans  leurs  rapports  amc  l'astrologie  et  la  magie, 
(  Montpellier,  Boehm  et  fils,  1872,  pag.  33.) 

9 

Le  P.  kmiWidi  [Tablèu,  etc.,  pag.  182  et  231)  indique  les 
conjurs  du  foc  salbatge  (feu  volage),  —  du  cerbel  bas  (lourdeur 
d'esprit),  —  du  perel  ou  mal  del  poupel  (mal  des  mamelles),  — 
de  la  lusetto  (de  la  luette),  —  de  la  couliquo  (colique  )  —  et  des 
maladies  des  dents  et  des  yeux.  —  Nous  prions  nos  correspon- 
dants de  vouloir  bien  faire  tout  leur  possible  pour  se  les  pro- 
curer. 

XVI.  —  INCANTATIONS  DES  ANIMAUX 

11  j  a  une  autre  espèce  d'incantation  très-répandue  et  non 
moins  curieuse  :  nous  voulons  parler  de  celles  qu'on  adresse 
aux  animaux,  soit  pour  les  charmer,  soit  pour  repousser  la 
fatalité  qu'ils  annoncent.  On  l'appelle  sansogna,  ou  plus  sim- 
plement sogna,  sognetta. 

Le  peuple,  comme  partout,  est  persuadé  que  telle  bête 
porte  bonheur  ou  malheur;  que,  par  la  compréhension  con- 
stante qu'elle  a  des  choses  de  la  nature,  elle  en  connaît  mieux 
les  effets  et  les  influences.  Il  est  persuadé  aussi  qu'on  peut 
les  éloigner,  ou  du  moins  les  atténuer,  par  des  enchantements  : 
de  là  les  petites  incantations  suivantes. 

(3n  considère  comme  portant  bonheur  :  l'hirondelle  des 
toits,  r araignée  des  étables,  le  grillon  du  foyer.  —  Ces  petits 
animaux  n'habitant  que  des  maisons  paisibles,  où  le  travail  est 
calme,  régulier,  sans  trouble,  il  est  facile  de  comprendre  pour- 
quoi le  peuple  a  cru  que  leur  présence  était  une  cause  de 
bonheur,  alors  qu'elle  n'en  est  seulement  qu'une  constatation. 

Comme  poirMut  malheur  :  le  corbeau  et  presque  tous  les 
oiseaux  nocturnes,  le  serpent,  la  mflwîra  (papillon  tête-de-mort, 
litt.  :  sorcière),  etc.  Cette  dernière  est  extrêmement  redou^ 


5-0  DIALECTES  MODERNES 

tée  ;  on  ne  croit  pouvoir  se  délivrer  de  ses  maléfices  qu'en 
jetant  de  Teau  bénite  partout  où  elle  a  passé. 

D'autres  portent  malheur  ou  bonheur,  selon  le  cas.  Ainsi 
lou  tavan  (la  sésie,  la  phalène)  :  lorsque  Tinsecte  est  roux,  c'est 
signe  de  richesse,  de  prospérité  ;  lorsqu'il  est  noir,  c'est  signe 
de  misère,  de  mort. 

Le  P.  Amilha  [Tablèu,  etc.),  dans  son  examen  des  supersti- 
tions, constate  cette  croyance  du  peuple  aux  antiques  au- 
gures et  présages  : 

Aurios-tu  counsultat  le  courbas  o  l'agasso. 

Es  te  foundat  sul  cant  de  qualque  aussel  de  passe. 

(Pag.  23.) 

As  counjurat  le  cerbel  bas, 
Crengut  agasso  ni  courbas. 

(Pag.  182.) 


A  lAgnelou 

Las  fedetas  e  lous  agnelous 

Dansabou  sus  l'erbeta  ; 
Las  fedetas  e  lous  agnelous. 
Toutes  dous. 

(V.  du  pasteur  Libbich.) 

A  l'Agneau.  —  Les  petites  brebis  et  les  petits  agneaux— dan- 
saient sur  rherbette  ;  —  les  petites  brebis  et  les  petits  agneaux  — 
dansaient  ensemble. 


A  tAuca 

Fialin,  fialan. 
Las  auquetas  s'en  van. 

(V.  de  C.  Gleizbs,  d'Arles.) 

A  l'Oie.  — Gahin,  caha,  —les  oies  s'en  vont. 


COKTBS    POPULAIRES  571 

A  tAusselou 

Piu-piu 
Toujours  se  plan, 
Toujours  es  viu. 

A  UN  Petit  Oiseau.  — Pîu-piu  (lo  petit  oiseau)  —  toujours  se 
plaint,  —  et  pourtant  toujours  vit. 

Dans  Sauvages  (prov.)  :  Piu-piu,  —  toujours  viu. 

4 
Autre 

Mai  viu 

Piu-piu 
Que  gara-gara. 
(V.  de  Sauvages,  Dict,  lang,,  prov.) 

Autre.—  Plus  vit  —  le  petit  oiseau  (  qui  se  plaint) —  que  celui 
qui  crie  :  gare-gare. 

5 

Au  Cabrit 

Al  crabit 

Mousit, 
Lou  mal  de  crabit 
Lendema  es  guérit. 

(V.  de  C.  Gleizb,  d'Arles.  ) 

Au  Chevreau. — Au  chevreau  —  moisi, —  le  mal  de  chevreau— ne 
dure  qu'un  jour. 

6 
A  laCacaraula 

Cacarauleta, 

Sourtis  ta  baneta, 

Voiras  toun  paire 

E  ta  maire. 

Au  Limaçon. —  Petit  limaçon, — sors  ta  petite  corne  — et  tu  verras 
ton  père  — et  ta  mère. 


5T2  DIALECIES   MODBRNBS 

Les  paysans  sont  persuadés  que  les  jeux  des  limaçons  se 
trouvent  placés  à  l'extrémité  des  tentacules. 

((  Les  enfants  disent  à  un  limaçon  qu'ils  tiennent  à  la  main  : 
Cacarauleto,  etc.  Tous  ceux  de  Paris  chantent  de  même  en 
prose  rimée  : 

«  Colimaçon  borgne, 

»  Montre-moi  tes  cornes,  etc.» 

»Ce  n'est  pas  le  seul  exemple  de  dictons  d'enfants  adressés  à 
d'autres  animaux  et  qui  se  transmettent  d'âge  en  âge,  dans 
des  langues  et  dans  des  pays  différents,  comme  si  ces  enfants 
avaient  été  à  portée  de  se  copier,  de  se  communiquer  leurs 
idées,  comme  le  pourraient  faire  ceux  d'une  même  ville.  » 

(Sauvages,  Dict,  lang.,  V.  Cacaraulbto.) 

7 
Autre 

Cagarauleto, 
Sors  ti  baneto  ; 
Cagarauloun, 
Sors  ti  banoun . 

Petite  limace,  —  sors  tes  petites  cornes  ; —  petit  limaçon, — 
sors  tes  petites  cornes . 

Dans  les  deux  premiers  vers,  les  noms  sont  au  féminin  : 
cagarauleto,  baneto  ;  —  dans  les  deux  derniers  au  masculin  : 
cagarauloun,  banoun,  avec  une  autre  désinence.  C'est  une 
recherche  de  langage  assez  ordinaire  dans  le  parler  de  nos 
paysans.  (V.  ci-dessus,  p.  561,  n°  6,  petrouriero  et  peirouroun,) 

Cette  version  a  été  communiquée  par  M.  C.-H.  Ardouin,  de 
Nîmes,  habitant  aujourd'hui  à  Paris. 

8 
Au  Cat 

Miau!  Miau! 
Te  farà  pas  mau  ! 
Au  Chat.  —  Miau  !  miau  !  —  Gela  ne  te  fera  pas  mal. 


COf^TKS   POPULAIRES 
t- à-dire:  quoique  tu  veuilles  de  ce  que  nous  mangeons,  tu 

(Cf.  Sadvaogs,  Dicl.  long.,  v.  Miaod.  ) 


Autre 
CoumpaJre  guau-^au 
Dit  qu'eg  eau 

Ë  que  i'afacli  mau. 
—  S'ou  aviés  pas  tastat, 
Te  séries  pas  bruUat  {ou  escaudat). 
Autre.  —  Le  compère  gnau-gnau  —  dit  que  ce  qu'il  a  goûté  est 

chaud —  et  qu'il  s'est  fait  mal.  —  Si  tu  ne  l'avais  pas  goûté, — tune 

te  serais  pas  brûlé  (ou  échaudé}. 

10 

Autre 

Lou  cat  es  au  sàu, 

Se  sourelha,  se  Bourelha  ; 

Lou  cat  es  au  sôu, 
Se  sourelha,  dis  que  ploù  ! 

(V,  de  H,  Bouquet,  de  Montpellier. } 
Autre.  —  Le  chat  est  par  terre,  —au  soleil  (bis);  —  le  chat  est 
par  terre,  —au  soleil,  et  dit  qu'il  pleut. 

11 
Autre 

Miuonu,  minetta, 
A  manjat  lou  rat  ; 
A  quitat  la  testa 
Per  souii  dejuaà. 


(«.) 


La  petite  châtie  — 
,  —  afin  de  l'avoir 


574  DIALECTES  MODERNES 

12 

A  la  Cigala 

Cigala, 
Ouvris  toun  ala, 
Que  faras  miralhà  toun  miralhet. 

A  LA  Cigale.  —  Cigale,  —  ouvre  ton  aile  —  et  tu  feras  miroiter  ton 
miroir. 

13 

Al  Conçut 

Coucut,  ent'es  jagut? 

—  Al  roc  pounchut. 
De  que  Tàs  fach  ? 

^  —  Un  oustalet. 

Quau  t'a  ajudat? 

—  Moun  couzinet. 
De  que  i'àsdounat? 

—  De  pan  de  lach. 
D'ounte  Tas  agut? 

—  De  mas  fedetos. 
Quau  te  las  garde  ? 

—  La  pilhardo. 

(V.  du  pasteur  Liébich.) 

Au  Coucou.  —  Coucou,  où  as-tu  couché?  — Sur  le  roc  pointu.  — 
Qu'y  as-tu  fait?—  Une  maisonnette. -Qui  t'a  aidé? -Mon  petit  cou- 
sin.—  Que  lui  as-tu  donné?  —  Du  pain  de  lait.  —  D*où  Tas-tu  pris? 
—  De  mes  petites  brebis.  —  Qui  le  les  garde  ?  —  La  petite  bergère. 

14 

Autre 

En  abriu, 
Cantolou  coucut,  se  viu. 

(Sauvages,  Dict.  lang,^  prov.) 

Autre:.  —  En  avril,  —  le  coucou  chante,  s'il  est  encore  vivant. 


OOiSTES   POPULAIRES  575 

15 

Autre 
Celle-ci  est  une  véritable  chanson. 

Lou  conçut  es  mort, 
Es  mort  en  Espanha. 
Fan  tapât  lou  cùou 
Amb'una  castanha. 

Hup! 
N'as  pas  entendut 
La  voués  dau  conçut? 

Lou  conçut  es  mort, 
Es  mort  en  Afriqua. 
Fan  fach  Fentarà 
Ambe  de  musica. 
Hup  !  etc. 

Lou  conçut  es  mort. 
Es  mort  en  Angleterra. 
Fan  tapât  lou  clôt 
Amb'un  pau  de  terra.' 

Hup  !  etc. 

(Y.  de  H.  Bouquet,  de  Montpellier.) 

Autre. —  Le  coucou  est  mort,  — est  mort  en  Espagne. —  On  lui 
a  couvert  le  eu  —  avec  une  châtaigne.  — Hup  !  —  n'as-tu  pas  en- 
tendu —  la  voix  du  coucou  ? 

Le  coucou  est  mort,  —  est  mort  en  Afrique.  —  On  Fa  enterré  — 
en  musique.  —  Hup  I  etc. 

Le  coucou  est  mort,  —  est  mort  en  Angleterre.  —  On  a  comblé 
la  fosse  —  avec  de  la  terre.  —  Hup  1  etc. 

16 
Au  Courpatas 

Courbatas, 
Niblatas, 
Ounte  vas? 
—  Dins  aquel  carnas. 


Au  (^ORRK, 

:e  charnier. 


DIALECTES    MOnERISES 
-  Vilain  corlieuu,  —  des  nues, — 


Sauvages  {Dict.  lang.),  au  mot  oNiblatab:  grc 
oiseau;  épithët«  de  mépris  que  lee  entants  donnent  ai 
lorsqu'ils  le  voient  planer  dans  les  airs.  Ils  acct 
cette  injure  d'un  couplet  de  chanson  qui  y  est  aasor 

17 

Corp,  eorp, 
Vai  t'en  à  la  mar. 
Es  tu  que  manges  lous  corses 
Tous  petits  manjoun  la  car, 
E  tu  rousigues  lous  oBses. 

(V.de  C,  Gi^izBS,  d'A 

AiiTBB.  —Corbeau,  corbeau,  —  va  à  la  mer{tenoyÉ 
loi  qui  dévores  les  cadavres^  —  tes  peliU  mangent  la  ch 
tu  ronges  les  os. 


Au  Gai 

Cacaraca 

De  Perpignan, 

Uunt'es  toun  paireï 

—  Al  graniè. 
De  que  îk% 

—  PourfTO  de  blâ. 
Ounteloumet? 

—  Al  saquet, 

Souto  la  cueisso  d'al  poulet. 

(V.  de  C.  Gleezes,  d'Ari 

Au  Coo.  —  Goquerico  de  Pprpignan,  —  où  est  ton  p 
;renier.  —  Qu'y  lail-il  î  —  Il  y  porte  du  blé.  —  Où  le  met 
m  pf  it  sac,  —  sous  la  cuisse  du  poulet. 


CONTES   POPULAIRES  577 

19 

Autre 

Deman  es  dimeuge, 
Lou  gai  cantarà. 
Pourtarà  sa  penche 
Per  se  penchinà. 

Autre.  —  C'est  demain  dimanche,  —  le  coq  chantera.  — Avec 
son  peigne  —  il  se  peignera. 

20 

Autre 

Deman  es  dimenge, 
Lou  gai  cantarà; 
Moussu  de  la  Roco 
Lou  farà  cantà. 
(V.  de  C.  de  Tourtoulon,  de  Montpellier.) 

C'est  demain  dimanche,  — le  coq  chantera;  —  Monsieur  de  la 
Roque  —  le  fera  chanter. 

21 
A  Uzès  on  ajoute  : 

Levarà  sa  crèsto, 
S'anarà  negà, 

Il  dressera  sa  crête.  — et  s'ira  nover. 

(V.  de  C.-H.  Ardouin.) 

22 

A  la  Galineta 

(  xalineta  !  galineta  ! 

Ounte  vos  anà  : 
Au  ciel  ou  sus  la  terra  ? 

A  LA  Coccinelle.  —  Petite  poule!  petite  poule!  —  Où  veux-tu 
aller:  —  au  ciel  ou  sur  la  terre? 

La  réponse  est  donnée  par  Tinsecte,  qui  s'envole  du  côté 
où  il  lui  piait. 

38 


578  DIALECTES  MODERNES 

23 

Autre 
Galineta,  monta  au  ciel 
Que  manjaras  de  pan  d'agnel. 
Autre  .  —  Petite  poule,  monte  au  ciel, —  que  tu  mangeras  du  pain 
d*agneau  (manne). 

Autre 

24 

Galineta!  galineta! 

Ounte  vos  anà  : 
Au  ciel  ou  à  la  terra  ? 
Monta  au  ciel 
Que  manjaras  de  pan  d'agnel. 
(V.  de  Roqubs-Ferrier,  de  Montpellier.) 

Autre.  —  Petite  poulette  (bis)  !  —  où  veux-tu  aller  :  —  au  ciel  ou 
sur  la  terre  ?  —  Va  au  ciel  —  où  tu  auras  du  pain  d'agaeau. 
Cette  question  résulte  des  deux  précédentes  réunies. 

25 
Autre 

Parpalhola, 

Vola,  vola, 
Vai-t'en  à  Tescola! 
Vai  à  la  doutrina 
Prene  tas  matinas. 

Autre.  —  Coccinelle,  —  vole,  vole,  —  va-t'en  à  l'école!  — Va- 
t'en  à  la  doctrine —  apprendre  tes  matines. 

26 

Autre 

Galineto, 
Galineto, 
Ensenho-me  lou  cami  dal  cel. 

(V.  de  C.  Gleizes,  d'Arles.) 
Autre.  —  Petite  poule  (bis),  — enseigne-moi  le  chemin  du  ciel. 


CONTES  POPULAIRES  579 

27 

Autre 

Perdigouleto  del  bon  Dieu, 
Ounte  me  maridarai  ièu  : 
En  sai,  en  lai, 
Al  ciel  ou  à  la  terre? 

(V.  du  pasteur  Libbioh.) 

Autre.  —  Petite  perdrix  du  bon  Dieu,  —  où  me  marierai-je  :  — 
Ici  ou  là.  —  au  ciel  ou  sur  la  terre *ï 

La  coccinelle  s'envole  et  donne  la  réponse  de  la  même  façon. 

28 

Autre 

Parpalholo, 

Volo! 

Vai-t'en  à  Fescolo, 

Prene  ti  matino  ; 

Vai  à  la^douctrino. 

(V.  de  F.  Mistral.,  Arm.  prouv.  1861,  p.  38.) 

Autre.— -Petit  papillon, —  vole  ;  —  va-t'en  à  Técole  —  apprendre 
tes  matines;  —  va-t'en  à  la  doctrine. 

29 

A  la  Galina 

Quand  la  galineta 

Vouguet  faire  Tiôu, 

Ausset  la  cambeta, 

Lou  faguet  au  sou . 

(V.  de  H.  Bouquet,  de  Montpellier.) 

A  LA  Poule.  —  Lorsque  la  petite  poule  —  voulut  faire  l'œuf,  — 
elle  haussa  la  jambe  —  et  le  fit  par  terre. 

30 

A  la  Gtroundela 

Giroundelo, 
Passe  bello, 


580  DULBOTJSS  MODERNES 

Digo  m'ount'as  ivernat? 

—  En  Atèno, 

Co  d'Antouèno  • 
Per  que  me  Tas  demandât? 

(V.  de  Gleizbs,  d'Arles.) 

A  l' Hirondelle.  —  Hirondelle,  —  qui  va»  si  vite,  —  où  as-tu 
hiverné?  ^  A  Athènes,  —  chez  Antoine.  —  Pourquoi  me  le  de- 
mandes-tu ? 

31 

On  dit  aussi  : 

La  giroundela  que  vèn, 
Aici  lou  printemps. 

L'arrivée  des  hirondelles —  annonce  le  retour  du  printemps . 

32 

Au  Lauriôu 

Au  lauriôu, 
Fige  maduro. 

(V.  de  Sauvages,  prov.)    . 

Au  Loriot.  —  Lorsque  le  loriot  arrive,  —  la  figue  est  mûre. 

33 

Au  Lazer 

Lazer,  lazer,  lazer, 

Apara-me  de  la  ser. 
Que  quan  vendras  à  moun  oustau. 
Te  dounarai  un  gran  de  sau  ! 

Au  Lézard.  —  Lézard  (/cr),  —  défends-moi  contre  le  serpent;  — 
(en  récompense)  lorsque  tu  viendras  à  ma  maison,  —  je  te  don- 
nerai un  grain  de  sel. 

Anselme  Mathieu  {Armanà  prouvençau,  1860,  préf.)  y  fait 
allusion,  à  propos  de  la  réponse  de  Mistral,  aux  habitants  de 
Nîmes.  Cette  ville  a  pour  armes  un  crocodile  enchaîné  à  un 
palmier.  Le  poëte,  se  souvenant  de  la  croyance  populaire 
avait  dit  : 


CONTES   POPULAIRES  581 

«  Que  de  la  serp  toujours  toun  limbert  te  préserve  !  » 
Que  ton  lézard  te  préserve  toujours  du  serpent  (de  mal)  ! 

34 

J.  Mistral,  dans  un  amusant  récit  intitulé  lou  Plantiè  (FEcole 
buissonnière^  Armanà  prouvençau^  1861,  p.  38),  donne  cette 
variante  : 

Lesert,  lesert,  lesert, 

Aparo-me  di  serp  ; 
Quand  passaras  vers  moun  oustau, 
Te  bailarai  un  ^an  de  sau. 

Lézard  (<er),  —  défends-moi  contre  le  serpent;  —  (en  récom- 
pense )  lorsque  tu  passeras  près  de  ma  maison,  —  je  te  donnerai 
un  grain  de  sel. 

35 

Au  Loup 

A-z-oup  I  a-z-oup  I  a-z-oup  ! 
Foc,  foc,  foc,  àla  cougo  dal  loup. 

(V,  de  C.  Glbizbs.) 

Au  Loup.  —  Au  secours!  {ier)^  —  feu  {Ur)  à  la  queue  du  loup. 
On  dit  aussi  :  A  loup,  etc . 

36 

A  la  Luzeta 

Luzeta, 
Poulideta, 
Presta-me  toun  lum. 
Que  vole  tout  ara 
M'ana  permenà  ! 

Au  ViJR  LUISANT. —  Ver  luisant,  —  joli ,  —  prête-moi  ta  lumière,  — 
que  je  veux  tout  à  Theure  —  m'aller  promener. 

37 

A  tOurtoulan 

Viro,  yir(v4ou. 
S'atrapos  toun  paire, 


582  DIALECTES   MODERNES 

Ëscano-lou  ; 
Se  Fatrapes  pas, 
Laisso-lou  ! 

(V.  de  C.  Gleizes,  d'Arles.) 

A  l'Ortolan.  —  Arrête,  arrête-le.  —  8i  tu  trouves  ton  père,  — 
étouffe-le  ;  —  si  tu  ne  le  trouves  pas,  —  laisse-le. 

38 
Au  Parpalhou 

Parpalhou,  moun  bon  ami, 
Parpalhou,  marida-te. 
Ounte  te  maridarai, 
Aiûi  ou  alai? 

(V.  de  H.  Bouquet,  de  Montpellier.) 

Au  Papillon  .  —  Papillon,  mon  bon  ami,  —  papillon,  marie-toi.  — 
Où  te  marierai-jp.  —  ici  ou  là? 

En  disant  ces  mots  on  le  balance,  et,  lorsqu'on  le  laisse  échap- 
per, il  donne  lui-même  la  réponse  en  allant  du  côté  où  il  lui 
plaît. 

39 

Autre  : 

Parpalhoun,  moun  bon  ami , 

Parpalhoun,  marida-ti. 

(V.  de  F.  Mistral,  Arm.  prouv.,  1861,  p.  38.) 

Papillon,  mon  bon  ami  ;  —  papillon,  marie-toi. 

40 

Au  Prega-Dîu 

Prega-Diu  !  prega-Diu  ! 
Tu  que  saves  tout, 
Ounte  es  lou  loup  ? 

A  LA  Mante  .  —  Prie-Dieu  1  (bis)  —  toi  qui  sais  tout,  —  dis-moi 
où  est  le  loup? 

La  mante  religieuse,  posée  sur  ses  pieds  de  derrière,  prend 
jne  position  verticale,  et,  allongeant  ses  pattes  de  devant,  a 


CONTES   POPULAlRhlS 


l'air  de  gesticuler  i^omme  le  fait  uu  prédicateur:  > 
que  lui  vient  le  surnom  de  prega-Dïu  (prie-Dieu), 


Autre 
Prego-Dlèu, 


Bestieto  segnado, 

Que  ta  maire  es  morto 
Sus  un  ped  de  porto  ; 
Que  toun  paire  es  vièu 
Sus  un  ped  d'oulièu. 

(V.  deC.  Glbizes,  d'Arlet 
Autre.  —  Prie-Dieu,  — inrortunée,  —  petite  béte  bénie,  — 
avec  moi.  —  Ta  mère  est  morte  —  au  bas  d'une  porte;  —  tôt 
est  mort—  au  pied  d'un  olivier. 


Cabro, 
Ounfea  lou  lou  î 
{V.  de  Saitvages,  Dtct.  lang..  v.  Berjheirouneto.) 
Autre.  —  Chèvre,  —  où  est  ie  loup  ï 

XVn.  —   INCANTATION  CONTRK  LES  INDIVIDUS 
Il  est  une  espèce  d'incBDtation  à  peu  près  du  même  genre 
c'est  celle  où,  en  nommant  des  animaux,  on  s'adresse  réelle- 
ment à  des  persoiiiies.  Les  plus  communes  sont  celles  où  la 
femme  est  dite  gaJhin  (poule)  et  l'homme  gai  (coq]. 

1 
On  dit,  contre  une  /minf  gui  a  la  prélenlion  de  toitl  mener: 
Ai  !  que  vai  mau, 
Quand  la  câlina  fai  lou  gaul 
Aht  que  cela  va  mal.—  lorsque  la  poule  veut  imiter  le  coq. 


584  DIALBCTEiS  MODBRl^BS 


Autre 

Aqui  ount'es  lou  gau, 
Fau  pas  que  la  galina  cante. 

Là  où  est  le  coq,  —  il  ne  faut  pas  que  la  poule  chante. 


A  une  femme  qui  fait  la  dédaigneuse: 

Es  be  grassa  la  galina 
Que  se  passa  de  sa  vesina. 

Il  faut  qu'elle  soit  bien  grasse  (riche)— la  poule  qui  veut  se  passer 
de  sa  voisine. 


Sur  des  jeunes  filles  qui  vont  là  où  il  y  des  jeunes  gens  : 

Galinas  que  van  per  Foustau, 
Se  noun  becou,  becat  au. 

Les  poules  qui  vont  par  la  maison,  —  si  elles  ne  becquettent  pas, 
c'est  qu'elles  ont  déjà  becqueté. 


Lorsque  des  jeunes  gens  projettent  une  partie  de  plaisir: 

Las  galinas  auran  mau  temps  : 
Lous  reinards  se  counselhou . 

Les  poules  auront  du  mauvais  temps  :—  les  renards  tiennent  con- 
seil. 

6 

Une  mère  qui  na  que  des  garçons  dit  à  sa  voisine 

qui  na  que  des  filles  : 

N'ai  que  de  gais; 
Vesina,  garda  tas  galinas  ! 

J*^  n'ai  que  des  coqs  ;  —  voisine,  prends  garde  à  tes  poules  î 


CONTES   POPULAIRES  585 


L'assimilation  de  la  femme  à  la  poule  est  complète  dans  le 
proverbe  suivant,  qui  en  explique  le  sens  : 

Femna  de  be  et  de  bona  mina, 
Noun  val  pus  liuèn  que  la  galina. 

La  femme  de  bien  et  de  bonne  mine  —  ne  va  pas  plus  loin  (de  la 
maison)  que  ne  le  fait  la  poule. 

Elles  se  trouvent  toutes  dans  Sauvages  {^Dict,  langued-, 
prov.). 

XVllI.    —  JEU 

Tous  les  jeux  ont  des  formules  rimées.  Comme  elles  sont  trop 
nombreuses  et  trop  longues  pour  figurer  ici,  nous  les  ren- 
voyons à  une  publication  à  part. 

XIX.    —  LOI 

Les  coutumes  et  les  usages  populaires  sont  aussi,  générale- 
ment, renfermés  dans  des  formules  du  même  genre. 

Il  y  en  a  qui  concernent  les  servitudes  rurales,  —  les  épo- 
ques de  bail,  —  les  ventes  et  achats,  —  les  diverses  péripéties 
de  la  lutte,  etc. 

Voici  quelques-unes  de  ces  dernières  : 

A  las  très  sous  luchas. 
Lou  sinne  vôu  lou  cop. 
Au  pus  fort  la  pelha. 
Qu'a  toucat  sôu,  a  perdut. 
Etc.,  etc. 

Lorsqu'il  y  a  contestation,  ces  règles  sont  citées,  et  Ton  dit: 
Aœs  la leil  C'est  la  loi. 

XX.    —   PRIÈRES 

11  j  a  beaucoup  de  prières  rimées.  En  voici  un  certain  nom- 
bre : 


586  DIÂLEGIES   MODERNES 

1 

Pour  prései^ver  du  tonnei^re  : 

Santa  Barba,  sant'Helena, 
Santa  Maria-Madalena, 
Freservas-nous  dau  iioc  e  dau  tounera  ? 

8ainto  Barbe,  sainte  Hélène,  —  sainte  Marie-Madeleine,  —  pré- 
servez-nous du  feu  et  du  tonnerre. 


C mitre  le  hoquet: 

Ai  lou  sanglout, 
Diu  lou  rout  ! 
L'ai  pas  pus, 
Viva  Jésus  ! 

J'ai  le  hoquet,  —  que  Dieu  le  fasse  cesser  I  —  Je  ne  Tai  plus, 
—  vive  Jésus  ! 

n  faut  répéter  trois  fois  cette  prière,  pour  en  être  délivré. 

En  français  :  J'ai  le  hoquet,  —  Dieu  me  Ta  donné.  —  Je  ne  l'ai 
pins,  —  vive  Jésus  ! 

Pour  les  fruits  : 

0  santa  Maria  ! 
Que  lous  ouliviès 
Tenguou  mai  encara 
Que  sous  anounciès  ! 

(V.  du  canton  de  Gignac.) 

0  sainte  Marie  !  —  faites  que  les  oliviers  —  aient  encore  plus  de 
fruits  —  qu'ils  n'en  ont  annoncé  (par  les  fleurs) . 

4 

Benedicite  pour  nre  : 

Benedicite  de  Sant-Guilhem  : 
Sèn  prou  per  manjà  ce  qu'avèn. 


CONTES   POPULAIRES  587 

Se  quaucun  dèu  veni, 
Que  se  cope  las  cambes  en  cami. 

(V.  de  Desplan  père,  de  Montpellier.) 

Benedicils  de  St-Guilhem.  —  Nous  sommes  assez  nombreux 
pour  manger  ce  que  nous  avons. —  Si  quelqu'un  doit  venir, —  qu'il 
se  casse  les  jambes  en  chemin. 

5 

Contre  le  mal  ëe  dents  : 

Grran  sant  Laurens  ! 
Ai  gran  mau  de  dens , 
Que  pode  pas  uachà  lou  pan  ! 

(V.  de  C.-H.  Ardouin,  de  Paris.; 

Grand  saint  Laurent!  —  j'ai  si  grand  mal  de  dents,  —  que  je  ne 
puis  briser  le  pain  ! 

Les  paysans  moqueurs  ajoutent  à  cette  prière  une  réponse 
du  saint,  qui  est  une  plaisanterie  :  Manjade  soupa,  moun  enfan, 

6 

Aime  lou  bon  Dieu 
E  la  santo  Vierjo; 
Aime  lou  bon  Dieu, 
Que  n'es  mort  per  ièu. 
Ai  !  quint  avantage 
De  n'estre  ben  sage  ! 
Anaren  au  ciel 
Ambe  Tanjo  Gabriel. 

(V.  de  C.-H.  Ardouin.) 

J'aime  le  bon  Dieu  —  et  la  sainte  Vierge  ;  —  j'aime  le  bon 
Dieu  —  qui  est  yiort  pour  moi.  —  Ah!  quel  avantage  —  d'être 
bien  sage  î  —  Nous  irons  au  ciel  —  avec  l'ange  Gabriel. 


Il  y  a  un  certain  nombre  de  prières  pour  rire,  —  que  quel- 
ques  paysans  prennent  au  sérieux,  il  est  vrai,  —  et  dont  voici 
deux  exemples  : 


588  DIALBCTËS    MODERNES 

Moun  Diu  !  savès  ce  que  vous  vole  dire  ! 
AmVaco  pas  mai. 

Mon  Dieu  !  vous  savez  à  l'avance  ce  que  je  veux  vous  dire  !  — 
Il  n'est  pas  nécessaire  que  j'en  dise  davantage. 

8 

Moun  Diu  ! 
Sièitiu! 
Fau  très  tours  coumo  ft  ^chin  ;  —  endaco  me  coche. 

(  V.  de  C.-H.  ÂRDOum.) 

Mon  Dieu  !  —  je  suis  à  toi  I  —  Je  tourne  trois  fois  sur  moi- 
même  comme  les  chiens,  —  et  après  cela  je  me  couche. 

9 

On  pourrait  citer  également,  comme  prière  du  même  genre, 
V  Invocation  au  sommeil  des  nourrices  : 

Som,  som, 
Veni,  veni  ! 
Som,  som, 
Veni  d'endicon  ! 

m 

Sommeil,  sommeil,  —  viens,  viens!  — Sommeil,  sommeil,  — 
viens  de  quelque  part  ! 

Mais  c'est  plutôt  un  chant  du  premier  âge,  et  nous  en  parle- 
rons  plus  longuement  en  temps  et  lieu. 

XXI.    —    PRIÈRES   PAÏENNES 

Parmi  ces  prières,  les  plus  curieuses  sont  celles  que  Ton 
adresse  au  soleil.  On  en  cite  un  grand  nombre. 

1 

Sourelhet, 
Levo-te  ! 
Per  tous  paures  enfantets 
Que  soun  à  la  porto  que  crebou  de  ire, 
Per  lur  bono  maire 


CONTES  POPULAIRES  589 

Lou  bon  Diut'esclaire. 
Sourelhet, 
Levo-te  1 
(V.  d'A.  Arnavibllb,  d'Alais.) 

Petit  soleil,  — lève-toi!  —  pour  tes  pauvres  petits  enfents  —  qui 
sont  à  la  porte  mourant  de  froid.  —  Pour  leur  bonne  mère,  —  le 
bon  Dieu  t' éclaire.  —  Petit  soleil,  — lève-toi  ! 


Sourelhet,  leva-te  ! 
Tous  enfants  soun  morts  de  frech  ! 
Lou  sourel  se  leva, 
S'espandis  per  terra. 
Lou  sourel  se  baissa, 
S'espandis  per  faissa. 
Lou  sourel  d'argen 
S'espandis  per  gens. 
(V.  de  H.  Bouquet,  de  Montpellier.) 

Petit  soleil,  lève-toi  I  — tes  enfants  meurent  de  froid  I  —  Le  soleil 
se  lève  —  et  se  répand  sur  toute  la  terre. —  Le  soleil  s'abaisse  — 
et  brille  sur  les  coteaux.  —  Le  soleil  d'argent  —  brille  pour  toutes 
gens. 

3 

Sourelhet,  sourelhet,  moun  fraire  ! 

Que  lou  bon  Diu  t'esclaire  ! 
Ësclaire  pas  lous  de  Toustau, 
Mes  si  be  lous  dau  termenau. 

(V.  du  canton  de  Gignac.) 

Petit  soleil!  petit  soleil,  mon  frère,  —  que  le  i^oleii  t*éclairel  — 
N  éclaire  pas  ceux  qui  sont  restés  à  la  maison,  —  mais  bien  ceux 
qui  sont  aux  limites  (du  territoire). 


Soulèu,  souleiet! 
Levo-te 


."590  DIALECTES   MODERNES 

Per  ti  pàuris  enfantet, 
Que  nen  moron  de  la  fre . 
(V.  de  J.  RouMANiLLB,  Oubreto,  p.  242.) 

Soleil,  petit  soleil!  —  lève-toi  ^  pour  tes  pauvres  petits  enfants 
—  qui  se  meurent  de  froid . 

5 

Sourelhé  ! 
Leva-te 
Per  ti  pauris  enfante, 
Que  soun  sus  la  palho 
Que  moroun  de  fre. 
Un  culhè  de  graisso, 
Lou  sourel  se  baisso  ; 
Un  culhè  de  ris, 
Lou  sourel  s'espandis. 

(V.  de  C.-H.  ARix)um.) 

Petit  soleil,  —  lève- toi  —  pour  tes  pauvres  petits  enfants,  —  qui 
se  meurent  de  froid.  —  Une  cuillerée  de  jzraisse,  —  le  soleil  s'a- 
baisse; —  une  cuillerée  de  riz,  —  le  soleil  s'étend. 

6 

Biro,  campano  ;  biro,  sourel  î 

Fai  te  lèu,  neit,  que  nous  n'anaren  1 

(V.  de  C.  Glei^es.) 

Vire,  cloche:  vire,  soleil'  —Arrive  vite,  nuit!  que  nous  parti- 
rons. 

Les  travailleurs  appellent  ainsi  la  nuit  et  la  fin  du  travail. 
Lorsque  c'est  une  jeune  fille  qui  attend  la  nuit  pour  aller  avec 
son  amant,  elle  dit  au  dernier  vers  : 

Pai  lèu,  neit,  que  m'en  ane  em  el  I 
Arrive  vite,  nuit,  que  j'irai  nvec  mon  amant. 

XXII.  —  PRIÈRES  SUPERSTITIEUSES 

Les  prières  superstitieuses  ou  magiques  forment  un  genre 
à  part,  fort  nombreux. 


CONTBS  POPULAIRES. 

Ainsi  on  cite  beaucoup  de  patenôtres  bizarres,  appelées  :/mi/^ 
nègre  (le  pater  noir),  pater  blanc  (le  pater  blanc),  paterde  loch 
(le  pater  de  lait),  pater  dau petit  (le  pater  du  petit  enfant),  etc.; 
les  oraisons  que  les  femmes  mariées  adressent  à  sainte  Anne, 
les  femmes  en  couches  à  sainte  Marguerite,  les  jeunes  fiUes  à 
sainte  Catherine,  etc. 

En  voici  un  exemple  très-curieux  : 

BrabetodeDiu 

La  barbeto  de  Diu 
Sus  uno  crous  de  Diu, 

Sus  uno  crous  tant  bello,  esplandido  dal  Cel  sus  laterro, — 
ame  sas  plagos  amoustrant,  crido  : 

Paures  pecadous, 
Benés  bese  qu'abés  pas  tant  soufiTert   . 
Couma  ièu  ai  souffert 

Per  bous  aus. 
Ne  passarès  uno  planqueto 

Estreto 
Coumo  le  pel  de  la  teste. 
Que  pla  farà 
La  passarà. 
Que  mal  farà, 
Dira  : 

Maudite  siesque  Touro  que  quand  i^u  n*eri  petit  enfant  ou 
petite  filho,  n'aujo  pas  apreso  la  barbeto  de  Diu  ! 

Que  la  sap  e  nou  Tensegno, 
Soun  corps  ne  passara  peno. 
Que  Tenten  dire  e  nou  Taprèn. 
N'aura  de  reproches  al  jour  dal  jujomèn. 

(V.  du  f.  Phil.  MiQUEL,  de  Toulouse.) 

La  figure  de  Dieu  —  sur  une  croix  de  Dieu,  —  sur  une  croix  si 
belle,  qu'elle  est  venue  du  Ciel  sur  terre,  —  montrant  ses  plaies, 
crie  :  —  Pauvres  pécheurs,  —  venez  voir  que  vous  n'avez  pas 
poutTert  autant  —  que  ce  que  j'ai  souffert  pour  vous.  *--  Vous  serez 


592  DIALECTBS   MODBRNBS 

obligés  de  passer  sur  une  petite  planche  *-  aussi  étroite  —  qu'un 
cheveu  de  la  tête.  —  Qui  bien  fera  —  la  passera.  —  Qui  mal  fera 
—  dira  :  —  Maudite  soit  Tbeure  où,  quand  j'étais  petit  garçon  ou 
petite  fille,  j'ai  négligé  d'apprendre  la  Barbelo  de  Dïu!  —  Celui  qui 
la  sait  el  ne  l'enseigne  pas,  —  son  corps  en  aura  de  la  peine.  — 
Celui  qui  l'entend  dire  et  ne  l'apprend  pas  —  en  aura  des  re- 
proches au  jour  du  jugement. 

Cette  prière,  avec  son  indication  d'un  pont  étroit  jeté  sur 
Tabîme,  d'origine  tout  orientale,  provient  très-probablement 
de  Tune  des  sectes  hérétiques  du  moyen  âge.  Le  nom  barbeto, 
donné  à  la  prière  elle-même,  semble  avoir  quelque  rapport 
avec  celui  de  barba,  qui  désignait  les  prêtres  vaudois. 

Il  est  à  supposer  qu'elle  était  toute  rimée.  Ce  qui  peut  le 
faire  croire,  c'est  que,  dans  le  toulousain  gascon,  on  dit  :  Sus 
uno  crous  tant  berro,  et  que  :  pfir  bous  ans  n'est  qu'une  forme 
pléonastique  de  per  bous. 

XXIII.  —  PRONOSTICS 

Les  pronostics  météorologiques  ou  astronomiques  sont  de 

plusieurs  sortes.  Il  y  a  Vannounciè,  qui  tire  conséquence  d'un 

fait  observé. 

Vent  grec, 

Ploja  au  bec. 

Le  vent  grec  (l'est)  —amène  la  pluie. 

Le  countiè  (comput),  qui,  constatant  le  temps  qu'il  a  fait  pen- 
dant une  certaine  saison,  en  conclut,  par  compensation,  celui 
qui  aura  lieu  dans  la  saison  suivante  : 

Qu'a  Nadal  se  sourelha 
A  Paso  as  crèma  sa  legna. 

Celui  qui  se  soleiUe  à  Noël  —  est  obligé  de  se  chauffer  à  Pâques. 

Et  enfin  le  simple  proverbe,  constatation  ordinaire  : 

Abriu,  abri  va;  mars,  marseja. 

En  avril,  ii  pleut  (il  fait  le  temps  d'avril)  ;  en  mars,  il  vente  (litt.: 
il  fait  le  temps  de  mars),  etc. 

Nous  ne  saurions  trop  insister  pour  que  ces  différente* 
sortes  de  pronostics  soient  recueillis  avec  soin. 


:  CONTES  POPIX&IRES 


XXIV.  —  PROVERBES 


Les  proverbes  sont  on  très-grand  nombre,  etil  ne  peut  nous 
venir  à  l'idée  d'en  donner  présentement  un  recueil. 

Il  doit  noua  suffire  de  constater,  oe  que  tout  le  monde  sait, 
qa'ila  sont  tous  rim<-s  ou  tuut  au  moins  rhj>thmés. 

XXI.   —  SARCASME 
Ltic}-idada{sAPca,iiae]  est,  ou  une  moquerie,  ou  une  provo- 
cation, qui  se  disent,  en  face  de  la  personne  raiUée.  La  bramada 
(huée)  en  diffère  en  ce  qu'elle  a  surtout  pour  but  de  l'aire  du 
bruit. 

I 
Cuntri'  vetui ijiii fait  la  moue: 

Lou  ijue  tounli» 
Fui  la  mounlia 
Per  ôl  aoul, 
Ë  resta  moue  —  coum'un  pezoul. 
Celui  qui  boude  —  fait  la  mine  —  pour  lui  seul,  —  et  reste  sot 

—  comme  un  pou. 

2 
Contre  un  vaniteux  : 
Demau  es  dimengre, 
Lou  gai  oantar&. 
Pourtarà  ga  penche 
Per  se  penchinà.     ' 
(  V.  de  H.  BotuVBT,  de  Montpellier.  ) 
C'est  demain  dimanche,  —  le  coq  chantera.  —  Il  aura  nn  peigne 

—  pour  se  peigner. 


Deman  «t  dimang», 
Lou  gai  (i«ttaT&. 


594  DIALECTES    MODERNES 

Moussu  de  la  Roca 
Lou  farà  cantà. 
Din,  din, 
De  cops  de  toupin  ! 

Dan,  dan, 
De  cops  de  sartan! 

C'est  demain  dimanche.  —  le  coq  chantera.  —  M.  de  la  Roque 

—  le  fera  chanter.  —  Din,  din,  —  à  coups  de  tessons  1  —  dan,  dan, 

—  à  coups  de  poôle  à  frire  I 


Contre  un  montagnard: 

Gabachou  de  la  montanha, , 
Rousigaba  la  castanha; 
La  castanhase  perdet, 
Lou  gabaohou  se  penchet. 

(V.  de  H.  Bouquet.) 

Le  gavach  des  montagnes  —  ne  manîre  que  des  châtaignes  ; 
la  récolte  ayant  manqué,  —  il  se  pendit. 


Contre  un  fâcheux  qui  se  mêle  de  ce  qui  ne  le  regarde  pas  : 

L'amoulaire 
Sap  pas  faire 
Lou  mestiè 
De  courdouniè. 
La  lusena 
le  fai  pena  ; 
Lou  lignôu 
le  fai  pôu . 

(V.  du  même.) 

Le  remouleur  —  ne  sait  pas  faire  —  le  métier  —  de  cordonnier. 
-  L'alêne  —lui  fait  peine  ;  —  le  ligneul  —  lui  fait  peur. 

Ce  qui  revient  à  dire  :  Cordonnier,  fais  ton  métier. 


COUTES   POPULAIRES  595 

XXVI.    —  SERMENTS 
Les  serments  ou  jurements  sont  aussi  rhythmiques  et  rimes. 

1 

Pesé,  pesé  vert, 
La  man  dins  Tenfer 
Tout  dubert. 
(  V.  de  RouMANiLLE,  Oubreto,  p.  244.  ) 

Pois,  pois  vert.  —  la  main  dans  l'enfer  —  tout  ouvert. 

2 

Vole  que  moun  cap  saute 
S' ai  fach  de  cautas. 

Je  veux  que  ma  tête  saute,  —  si  je  les  fais  par  tromperie. 

XX  VII.    —   SORTS 

Les  enfants  ont  Thabitude  de  jeter  les  sorts  pour  savoir  qui 
clignera,  qui  aura  tel  ou  tel  avantage. —  Ils  se  rangent  en  cer- 
cle: celui  qui  est  au  milieu  chante  Tune  des />owma5  (sortilèges) 
suivantes,  s' arrêtant  à  chaque  sjUabe  à  Tun  d'eux,  jusqu'à  ce 
que  la  dernière  indique  celui  qui  doit  sortir  du  cercle  sain  et 
sauf.  Le  chant  recommence  ainsi  pour  chaque  enfant  ;  le  der- 
nier est  le  patient  : 

1 

Una  pouma  —  giroundenca!  —  Ai! —  couci  la  girounden- 
carai  ? 

2 

Una  pouma — mi  donna,  —  mi  très,  —  mi  clos.  — Santa  Cas- 
tilha,  —  sebilha,  — se  bos,  —  ne  me  clos. 

Una  poumetta — mi  cleta,  —  mi  clau.  — Barba  la  bestia  —  e 
fa  babau .  —  Una  gaunhada  —  da  carbounet  ;  —  vira  la  gauta,  — 
un  bon  soufflet. 


59f)  DIALECrKS    MObERKES 

4 

Titassô  la  lia  bachounada  !  — Titassô  la  gorja  lis  I  {ou  splis). 

5 

Una  midoulha,  —  midelha,  —  miclau.  — Toro,  — boro,—  gin" 

gibo, — fenau .  —  Teire,  —  beire  ; — flancassa, —  petassa,  — ma 

clau. 

(Y.  de  M.  LiEBiCH.) 

6 

Uno  poumo  la  debezo,  —  sant  Andrieu  lou  pescadou .  —  Biro 

roso,  biro  flou; —  tant  de  flous  que  viraras, —  cugarèn,  cu- 

garas. 

(Y.  du  même.) 

7 

Uno  oureto  pleno  de  mèu,  —  fon  de  mèu  coumo  de  ciro  ; — 
labello  filho  se  retiro .  —  Dandin,  dandan,  — courneto,  vai  t'an  ! 

(Y.  du  même.) 

XXVIII.     ->    TOAST      .  ' 

Le  brinde  (toast)  est  toujours  en  l'honneur  d'une  personne, 
n  n'est  pas  nécessaire  qu'elle  soit  présente  au  festin;  il  n'est 
pas  non  plus  nécessaire  de  la  nommer. 

Le  plus  connu  est  un  brinde  double,  où  le  toast  est  suivi 
immédiatement  d'une  réponse  : 

I 

Lorsqu'un  jeune  homme  a  dit: 

A  vostra  santat, 
Rara  beùtat  I 

A  votre  santé,  —  rare  beauté  I 

la  jeune  fille  répond  de  suite: 

Diuvous  encanta, 
Belia  planta  ! 

Que  Dieu  vous  enchante, — belle  plante! 


CONTES    POPULAIRES  597 

2 

Entre  deux  bons  viveurs.  L'un  dit: 

A  vostra  santat, 
Moussu  lou  Curât  ! 

A  votre  santé,  —  Monsieur  le  Curé! 
L'autre  répond  : 

Segues  longtemps  viu, 
Moussu  lou  Priu  ! 

Que  votre  précieuse  existence  se  conserve,  —  Monsieur  le 
Prieur. 

XXIX  .    —  TROUVAILLES 

Le  droit  de  ^roôa  (trouvaille)  est  encore  en  plein  usage  parmi 
nos  petits  compatriotes. 

1 

Lorsque  Tun  d'eux  a  perdu  quelque  chose,  — jouet,  fruit, 
objet  de  peu  de  valeur,  —  celui  qui  le  trouve,  après  s'en  être 
saisi,  chante  le  quatrain  suivant  : 

Quau  a  perdut,  que  cerque; 
Que  cerque  troubarà: 

Sou  cerca  pas, 

M'apartendrà. 

Que  celui  qui  a  perdu  (quelque  chose)  cherche  ;  —  en  cherchant 
bien,  il  le  trouvera:  —  s'il  ne  le  cherche  pas,  — il  sera  pour  moi. 

Le  propriétaire  de  l'objet  ne  peut  le  ravoir,  généralement, 
qu'en  faisant  une  minutieuse  description  de  ce  qu'il  a  perdu,  et 
prouvé  que  l'objet  lui  appartient. 


Lorsqu'il  s'agit  d'un  objet  dont  on  ne  connaît  pas  le  proprié- 
tair(\  il  appartient  en  entier  à  celui  qui  s'en  est  emparé,  s'il  a 
ou  le  temps  de  dire  l'une  des  petites  formules  suivantes: 


o98  DIALECTBS    MODERNES 

Piu,  piu,  piu. 
Ce  qu'atrobe  es  miu. 

Piu,  piu,  piu,  —  ce  que  je  trouve  est  à  moi. 

Rechiu-ciiiu, 
Ce  qu'arape  es  miu. 

Rechîu-chîu,  —  ce  que  je  tiens  est  à  moi. 

Ce  que  tomba  diiis  louvalat 
Es  per  lou  souldat. 

Ce  qui  tombe  dans  le  fossé  —  est  pour  le  soldat. 

Sinon,  il  est  tenu  de  partager  avec  celui  de  ses  petits  cama- 
rades qui  Ta  prévenu  en  disant: 

Toque  fiu, 
N'envole  un  mouciu! 

Je  touche /î/,  — je  veux  en  avoir  un  morceau. 

4 
S'il  y  a  doute,  le  premier  riposte  en  disant: 

Toque  ferre, 
N'auras  pas  de  part. 

Je  touche  fer, — tu  n'auras  pas  départ. 

Toque  ferre, 
Veni  la  querre . 

Je  touche  fer,  —  viens  la  chercher  (ta  part). 
Et  le  second  en  ajoutant: 

Toque  ferre, 
Ne  vole  ma  part! 

Je  touche  fer, —  je  veux  ma  part. 
Ou: 

Lèu  ou  tard, 
Ne  vola  ma  part  ! 

Tôl  ou  tard,  —  je  veux  ma  part  ! 

Ce  qui  amène  nécessairement  un  duel  à  coups  de  poing. 


CONTES   POPULAIRES 
XXX.    —    VANTABDISES 

On  appelle  baias  (  ventardises,  baiea)  une  bonrds  quel- 
conque, une  menterie  ùùte  itplMsir,  par  laqaellfl,tout  en  com- 
prenant que  personne  n'est  dupe,  on  a  l'intention  i'éga^et  on 
d'enchérir  sur  ce  qui  a  été  dit. 

Les  gaHconnades  de  M.  de  Crac,  qui  est  d'origine  méridio- 
nale, sont  de  ce  genre. —  Les  exemples  que  Ton  peut  citw  se 
placent  ordinairement  parmi  les  proverbes.  Ainsi,  dans  Sau- 
vages : 

—  La  fourtuno  de  Moussu  Mandari  :  —  de  ourat  derengnet 
segoundari, 

M.  Mandari  eut  un  grand  succès:  —  il  était  curé,  on  le  Gtvi- 

Lafahle  te  Dépositaire  infidHe  (t.  IX,  f.  1"),  de  La  Fontaine, 
donne  un  exemple  du  second  cas,  qui  se  dit  encore  parmi  noua  : 
J'ai  vu,  diUil,  un  chou  plu$  grand  qu'une  maison. 
Et  moi,  dit  l'autre,  un  pot  aussi  greail  qu'une  église. 
Le  premier  Be  moquant,  l'autre  reprit  : 
Tout  doux: 
On  le  fit  pour  cuire  vos  choux. 


Depuis  le  commencement  de  cette  publication,  nous  arons 
trouvé  et  l'on  nous  a  envoyé  un  grand  nombre  d'autres 
versions  et  variantes.  Qr&oe  au  concours  si  dévoué  de  nos 
correspondants,— maintenant  qu'ils  conniùssMitpar  des  exem- 
ples ce  qu'il  est  bon  de  recueillir,  — '  noi»  pouFrona  publier 
bientôt  de  nouvelles  séries  de  pièces  du  mAa»  genre,  tout 
aussi  curieuses. 

A..  M.  «t  L,  L. 


PROVERBES  ET  DICTONS  POPULAIRES 

RECUEILLIS  A  ASPIRAN 


Les  proverbes  sont  bien  moins  encore  la  sagesse  des  na- 
tions que  l'expression  pittoresque,  concise  et  assez  souvent 
rimée,  des  constatations  ou  des  croyances  populaires  sur  un 
sujet  donné.  Au  point  de  vue  philologique,  leur  principale  va- 
leur se  tire  de  la  forme  dialectale  particulière  qu'ils  possè- 
dent, forme  qui  représente  Tétat  réel  de  leur  langue  d'origine, 
lorsqu'ils  ont  été  prononcés  pour  la  première  fois,  et  qui  se 
conserve  à  l'état  d'archaïsmes,  utiles  à  connaître  pour  l'his- 
toire de  cette  langue,  au  milieu  des  altérations  et  des  innova- 
tions que  l'usage  ou  la  mode  lui  font  subir. 

On  a  voulu  différencier  les  sentences  des  proverbes,  suivant 
que  leur  stjle  était  plus  ou  moins  noble  ou  châtié,  et  les  der- 
niers ont  été  dédaignés  comme  indignes  de  figurer  dans  le 
langage  de  la  bonne  compagnie.  Un  des  beaux  esprits  du  règne 
de  Louis  XIV  aurait  même  dit  :  «  Les  sentences  sont  les  pro- 
»  verbes  des  honnêtes  gens,  comme  les  proverbes  sont  les  sen- 
»  tences  du  peuple*.  »  A  ce  titre,  le  vers  de  Joas : 

Le  bonheur  des  méchants  comme  un  torrent  s'écoule, 
serait  une  sentence,  et  celui  de  Petit- Jean  : 

Tel  qui  rit  vendredi,  dimanche  pleurera, 

un  proverbe.  Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  distinction  un  peu 
artificielle,  il  est  bien  certain  que  les  philologues  ne  sauraient 
partager  un  pareil  dédain.  On  conçoit  rigoureusement  qu'il 
ait  pu  exister  au  XVII®  siècle,  lorsque  le  public  littéraire,  tout 
entier  à  l'admiration  d'œuvres  écrites  dans  une  langue  arrivée 
au  plus  haut  degré  de  perfection,  ne  voyait  rien  au  delà,  et 
s'occupait  moins  que  de  nos  jours  de  l'étude  de  ses  origines 
et  de  ses  rapports  avec  les  autres  idiomes.  On  ne  comprendrait 

*  Le  P.  Bouhours,  cité  par  le  Dictionnaire  de  Trévoux. 


% 


PROVERBE»  flST   DlCtOî^  K)l>tJLAIltBS  Wi 

plus,  aujourd'hui  que  Téditeur  d*un  pdéu^  ^ul  nlarq^e  Fèti- 
fance  de  la  littérature  française  fte  S6l6  erû  obligé  de  recourir 
à  des  précautions  oratoires  pour  exctise]*  les  auteurç  de  <$e 
poëme  d'en  avoir  empl'oyé,  et  pour' fidrerenmrquer'ëoiiibien 
les  leurs  diffèrent  des  a  manières  de  parler  basses  et  pop«* 
laires ....  patrimoine  de  la  populace  ^  » ,  alors  surtout  que  ee 
poëme  est  le  Roman  de  la  Rose, 

Les  proverbes  que  je  publie  sont  écrits  dans  unstjiefib- 
milier  et  portent  tous  une  empreinte  rustique,  le  langage 
humain  conservant  toujours  quelque  chose  des  sensations  faa^ 
bituelles  de  celui  qui  le  prononce.  Ils  gardent  «n  général  la 
réserve  caractéristique  de  la  poésie  populairevet  on  ne  sau- 
rait leur  reprocher  une  crudité  de  termes  ]^lus  apparente  que 
réelle,  certains  mots  du  langage  parié  ayant  dans  le  langage 
écrit  une  signification  restreinte,  ou  de  nature  à  être  prise 
en  mauvaise  part.  Encore  les  termes  de  ce  genre  ne  s'j  trou- 
vent-ils que  pour  inspirer  le  mépris  des  si^ëts  qui  y  sont  dési- 
gnés. Ils  n'y  prennent  jamais,  parconséquent,  le  sens  plaisant 
et  scandaleux  employé  par  Jean  de  Meung,  dans  ce  fameux 
quatrain  si  injurieux  pour  la  pudeur  des  femmes,  qui  faillit, 
paraît-il,  lui  attirer  de  la  part  des  dames  de  la  cour  de  France 
une  sanglante  correction,  à  laquelle  il  sut  échapper  par  une 
répartie  aussi  subtile  que  mordante,  ce  qui  prouve  que  Fen^t, 
même  gaulois,  est  toujours  bon  à  quelque  chosequand  on  s'ein 
sert  à  propos. 

Presque  tous  ces  proverbes  ont  été  recmeillifl  à  Aspiran, 
village  de  F  arrondissement  de  Lodève,  situé  non  loin  des  bords 
de  THérault,  au  sud  de  la  région  moyenne  de  cette  rivière  *. 


'  Le  Roman  de  la  Rose^  par  Chitllaume  de  Lorris  et  Jian  dellenng  ^t 
Glopinei,  édition  faite  sur  celle  de  Leogiet-OofiraBnèy  ;  ;  « .  v* .  enrichi  de 4a 
dissertation  sur  les  auteurs,  etc.,  pvâilié  en  1737  par  T.'«»B.  Ltnlin  de  Da- 
merey.  5  vol .  in-8*.  Paris,  Foumier  et  Didot,  an  YU^itè Préface. 

^  Le  cours  de  l'Hérault  peut  être  divisé  en  trois  régions  :  1*  celle  du 
nord,  qui  commence  À  l'entrée  de  eette  riWère  ^ans  ndre  dèparteneDt 
et  finit  au  pont  dé  Saint-Jeannle-FaB  ;  th^a  région  moyeane,  deol  en 
peut  assigner  la  limite  inférieure  mOL  ùtntmxuïm  de  CStm^agoMi  ètMde 


Wi  DIALECTES   MODERNES 

Des  intérêts  médicaux  et  autres  m*appellent  de  tempt  en 
temps  dans  cette  localité  et  dans  ses  environs.  J^ai  écouté 
nos  paysans.  Je  reproduis  leur  dialecte  sans  altération  et  tel 
que  jeFai  entendu.  Si  tous  les  proverbes  que  j'ai  pu  recueillir 
ne  sont  pas  inédits,  il  n'y  a  pas  lieu  d'en  être  étonné.  Les 
peuples  ont  beaucoup  d'idées  communes  et  les  expriment, 
malgré  la  différence  du  langage,  sous  une  forme  analogue, 
comme  un  orchestre  à  l'unisson  rend  la  môme  note  avec  des 
instruments  différents.  Les  mêmes  proverbes  peuvent  donc 
exister  en  plusieurs  provinces  du  même  pays  ou  en  divers 
pays,  sans  être  arrêtés  par  les  démarcations  mobiles  des  fron- 
tières et  des  races.  Cette  diffusion  sans  limite  des  usages,  des 
superstitions  et  des  croyances  populaires,  traduits  par  des 
maximes  et  des  proverbes  correspondants,  peut  être  invoquée 
comme  un  argument  en  faveur  de  l'unité  spécifique  originelle. 
Il  est  vrai  qu'il  faut  aussi  tenir  compte  des  communications 
diverses  établies  de  peuple  à  peuple. 

En  admettant  la  possibilité  d'une  souche  commune,  je  ma 
garde  d'une  confusion  erronée  entre  les  rameaux  qui  en  pro- 
viennent, et  qui,  séparés  du  tronc,  se  sont  développés  avec  des 
caractères  spéciaux  et  héréditaires  pour  former  les  races  hu- 
maines. Un  de  ces  caractères  est  la  conservation  du  langage 
populaire  parlé,  persistant  pendant  plusieurs  siècles  à  côté  de 
la  langue  officielle  écrite.  On  ne  peut  donc  pas  établir  un 
rapport  ethnologique  constant  entre  cette  dernière  et  les  jia- 
tiens  où  elle  règne,  puisqu'une  nation,  dans  l'état  actuel  de 


Paulhan  ;  3*  la  région  méridionale,  qui  s'étend  du  terrsir  de  ces  villages 
à  son  embouchure  dans  la  Méditerranée  au  grau  d*Agde.  Dans  la 
première  région,  THérault  arrose  les  cantons  de  Ganges,  de  Saint- 
Martin-de-Londres  et  d'Âniane,  faisant  partie  de  rarrondissement  de 
Montpellier;  dans  la  deuxième,  ceux  de  Gignac  et  de  Glermont-rHérault, 
faisant  partie  de  l'arrondissement  de  Lodève  ;  dans  la  troisième,  ceux  de 
Montagnac,  de  Pézenas,  de  Florensac  et  d'Agde,  appartenant  à  i'anon- 
dissement  de  Béziers.  Les  personnes  qui  connaissent  notre  département 
se  seront  aperçues  que  le  langage  populaire  de  ces  trois  régions  offre  des 
variétés  assez  sensibles.  A  Aspiran  et  dans  ses  environs,  la  substitution 
u  b  au  V  et  celle  du  d  à  l'r  est  générale  et  souffre  bien  peu  d'exceptions. 


PROVERBES  ET   DICTONS  POPULAIRES  603 

l'histoire,  est  presque  toujours  composée  de  plusieurs  faces 
pariant  chacune  son  idiome  ;  mais  Thabitude,  l'association  et 
les  intérêts  rapprochent  bientôt  ceux  que  la  filiation  semblait 
éloigner,  et  la  langue  officielle  devient  peu  à  peu  Tincarna- 
tion  de  la  patrie.  A  Taide  de  ce  levier  puissant,  une  race 
persévérante  et  active,  qui  n'était  dans  Torigine  ni  la  plus 
étendue,  ni  la  plus  homogène  de  l'agglomération  dans  laquelle 
elle  est  venue  se  fondre,  a  pu  soulever  des  masses  nombreuses 
et  les  entraîner  avec  elle  dans  un  grand  mouvement  na- 
tional.  C'est  au  nom  de  la  langue  et  de  la  race  germaines 
que  la  Prusse  a  accompli  les  événements  des  dix  dernières 
années,  et  pourtant,  au  point  de  vue  purement  ethnologique, 
il  semble  que,  de  tous  les  États  allemands,  c' était  elle  qui| était 
la  moins  autorisée  à  invoquer  ces  principes.  Sa  population 
est  composée  d'éléments  slaves,  germains  et  français.  Un 
neuvième  de  ses  habitants  parle  encore  slave ,  et  les  derniers 
travaux  d'anthropologie  y  ont  même  démontré  la  présence 
d'éléments  finnois,  étrangers  à  la  grande  famille  indo-ger- 
manique et  dérivant  de  la  race  mongole  *.  Ceux  qui  recher- 
chent les  moyens  de  faire  disparaître  les  guerres  internatio- 
nales voudraient  que  la  concorde  existât  entre  les  diverses 
races,  comme  elle  devrait  régner  entre  tous  les  rameaux  d'une 
même  famille.  Malheureusement,  il  y  aura  longtemps  encore 
des  races  et  des  frères  ennemis.  En  attendant,  l'analogie 
universelle  des  croyances  populaires,  dont  les  proverbes  sont 
l'expression,  semble  venir  en  aide  à  la  théorie  chrétienne  de 
l'unité  et  de  la  paix.  Il  est  curieux  de  voir  la  philologie  contri- 
buer pour  sa  part  à  la  démonstration  de  la  communauté  origi- 
nelle, et  rapprocher  ainsi  ceux  que  la  politique  divise.  L'eth- 
nologie ne  pourra  pas  négliger  désormais  cette  source  de 
renseignements. 

La  philologie,  en  effet,  a  reconstruit  nos  origines  d'une  ma- 


'  Vid.,  dans  la  Revue  scientifique  de  la  France  et  de  l'étranger  (n*  42, 
2  avril  1873»,  la  savante  polémique  de  MM.  R.  Virchow  et  de   Quatre- 

fages,  swr  V Anthropologie  de  r Àlh magne  du  Sord . 


m  DIALECTES   MODERNES 

nière  presque  complète.  Elle  démontre  chaque  jour  que  lies 
croyances  de  TEurope,  avant  le  christianisme,  les  idiomes  que 
nous  parlons,  les  contes,  les  récits  et  la  plupart  des  mythes  et 
de"^  superstitions  populaires  qui  existent  encore  dans  nos  con- 
trées, avaient  leurs  équivalents,  et  dans  bien  des  cas  leur 
source,  chez  les  Arjas  de  Tancienne  Asie.  Je  ne  crois  pas  quMl 
soit  téméraire  d'en  dire  autant  des  proverbes,  dont  quelques- 
uns  sont  pour  ainsi  dire  universels  et  se  retrouvent  chez  les 
peuple;  les  plus  étrangers  en  apparence.  C*est  ainsi  que  TÉvan' 
gile  de  saint  Mathieu,  xvi,  2,  3,  donne  ce  proverbe: 

Facto  vespere  dicitis  :  Serenum  crit,  rubieundum  est  enim  oahim.  Mi 
mane  :  Hodie  tempe^kis,  rutUcU  mim  triste  cœlum. 

Le  soir  vous  dites  :  Il  fera  beau,  car  le  dei  est  rouge*  Et  le  matin:  U 
y  aura  de  l'orage  aujourd'hui,  car  le  ciel  est  comme  un  feu  sombre  ^. 

qui  est  le  même  dans  le  pays  basque,  en  Ecosse,  en  Franoe  et 
en  Espagne  *.  Le  Languedoc  et  la  Provence  le  possèdent  en* 
core.  Il  y  existe  avec  une  telle  profusion  de  variantes,  qu'il 
est  impossible  d'y  voir  autre  chose  que  la  constatation  d'une 
remarque  météorologique  qui  a  la  même  signification  en  Ea« 
rope  et  en  Judée. 

Si  la  diffusion  de  ce  proverbe  (comme  aussi  celle  de  quel* 
ques  autres  que  je  pourrais  mentionner)  parmi  des  peuples 
d'une  origine  dissemblable  exclut  évidemment  toute  idée 
d'emprunt,  il  n'en  est  pas  de  même  de  ceux  qui  se  retrouvent 
chez  des  populations  d'origine  japhétique. 

Ainsi  les  Lettres  édifiantes  donnent  ce  proverbe,  que  les  In- 
diens répètent  sans  cesse  : 

«  Qui  fait  bien,  trouvera  bien  ;  qui  fait  mal,  trouvera  main, 
et  qui  est  devenu  pour  nous  : 

Que  ben  farà, 
Ben  troubarà  ; 
Que  mau  farà. 
Mau  troubarà. 

^  Traduction  de  La  Meauais. 

>  Vid,  Fr.  Michel,  le  Pays  basqUe,  p.  39  U  y  donne  denooD^raux  exem- 
ples de  ce  proverbe 


fROVURJlES    ET   DICTONS   POI'I.'I.aIRES 
•  proTerbM  languedociens  au  provençaux  : 


Uoa  jirouDrlelB  l'ai  pas  tau  primtens, 
Ppira  que  roulla 
Aiampa  pas  moussu,  etc., 
étaient  comtnufis  k  l'auciemie  Urëce,  sous  la  inâme  forme  fî- 
^nrée  et  avec  la  même  si giiifl cation  ' , 

De  la  première  afTabulation  de  La  Fontaine  : 

La  raison  iJu  {ilus  fort  est  toiijoura  la  mmlleure, 
on  pourrait,  par  une  série  de  citation»  asMBdaBte»*  remonter 
jusqu'à  la  maxime  de  Calohas,.  qui  forma  le  quatre-vin^ème 
vers  de  l'Iliade:  ' 

Bpitirsu*  yàp  jSaffiïiùc ,  ht*  ^iittrea  ^^fi  x'p*'''' 
Il  existe  enân  un  ordre  de  parenté  bien,  plus  érident  et  plua 
général  que  les  deux  que  je  viens  d«  sicualer  :  c'est  celui  qui 
provient  de  l'étroite  affinité  qui  relie  des  idiomes  voisùis.fBppi, 
nombre  de  proverbes  latins,  en  effet,  nous  sont  venus  parles 
anciens  et  se  sont  continués,  presque  sans  changement  ancun, 
parmi  les  divers   peuples  de  langue  néo^latine.  An: 
Gade  anssel 
Troba  loun  nia  bel, 
qui  est  devenu  la  devise  de  H.  L.'Roti&ùeilX; l'italien  pent op- 
poser son:  ■  '  ■ 

Ad  ogni  oecrilo 

Suo nido  e bdlo.  ....  : 

Le  titre- proverbe  de  la  comédie  dsmAïaili'iélibre : 
Quau  viiii  prene  dos  lebras  a  U'iM 
N'en  prend  gès, 
n'est  autre  que  l'italien  : 

Chi  due  lepri  caocia, 
Una  perde  et  t'allra  lucis, 

*  fui.  BoinvIlMers,  Codenonl.  mr CM»'iU Httmm  tt  dt  pfoMrbu 
priw-iato»»,  etc.  Parla.  1825. ID-H  p.  »,  W,  15-  '"  "'        "''' 


d06  DiALErTËS   M0DBRNE8 

continué  lui-même  du  latin  :  Dhob  qui  sequitur  leporet  neuirum 

capit, 

A  bon  apetis  fau  pas  sauço 

des  Provençaux,  devient,  en  Italie  : 

Appetito  non  vuol  salsa. 

11  en  est  de  même  du  Chi  sta  bene  non  si  muove,  qui  n^est 
autre  que  le  Qtmu  es  àen  que  noun  bouje,  que  Jarjaio,  entré  au 
paradis  par  tromperie,  oppose  à  saint  Pierre  qui  veut  Ten 
chasser.  (V.  le  conte  populaire  de  Mistral,  Artnanaprouvençau, 
ann.  1864,  p.  45  *.) 

Parmi  les  proverbes  italiens,  je  signalerai  ceux-ci: 

Doglio  di  donna  morta 
Dura  fino  alla  porta. 

Loda  il  mare 
B  tienti  alla  terra. 

Salate  sema  danaio 
E  meuo  malo  '. 

que  le  Languedoc  et  la  Provence  possèdent  soin  cetta 

Doulour  de  fenna  morta 
Dura  jusqu'à  la  porta. 

Lausa  la  mar 
Et  ten-té  a  la  terra. 

Saotat  sans  arjent» 
èfiéya  malautlé^. 

11  en  est  de  même  des  proverbes  espagnols  : 

Lo  ordenado  en  el  Gielo 
Forzoso  se  ha  de  cumplir  en  el  suelo. 

Al  medico,  confesser  y  letrado, 
No  le  hayas  enganado. 


*  Une  autre  application  plaisante  de  ce  proveii)e,  qui  met  égaletnent  en 
scène  le  portier  du  paradis,  est  relatée  dans  le  môme  recueil  pour  Tan- 
née 1873,  à  la  page  96. 

^  Vid.  le  P.  Cahier  :  Quelque  six  mille  proverbes.  Paris,  Julien  et  Lanier, 
1856,  in-12,  p.  189,  197  et  209. 

3  Vid.  de  Sauvages.  Dict.  lang,,  t  II,  p.  378,  c.  i^  et  p.  392,  c.  2.— Garcia 
JDict.  pruv.,  p.  362,  2. 


PROYËRBflâ   BT   DICT0K8   POPtlLAlRElS  601 

Paserà  la  fiesta, 
Y  el  looo^resta. 

De  buena  planta,  pdanta  la  vite, 
Y  de  buena  madré  toma  la  hija. 

Del  pan  de  mi  compadre, 
Gran  zatico  a  mi  ahijado. 

Oveja  que  bala, 
Bocada  pierde*. 

qui,  à  quelques  changements  près,  sont  pour  nous: 

Lous  mariajes  soun  escrichs  au  Gel 
Ese  ooumplissou  sus  la  terra*. 

Au  medeci,  au  counfessour,  à  l'avoucat, 
Te  eau  dire  la  veritat'. 

Après  la  festa, 
Lou  fol  resta. 

De  boun  plant  planta  ta  vigna, 
De  bouna  raça  prend  la  iilha. 

De  la  pasta  de  moun  coumpaire 
Bouna  fougassa  a  moun  filhôu. 

Feda  que  biala 
Perd  un  moucel  *. 

Je  signalerai  encore  un  proverbe  à  forme  ternaire  que  Ton 
dit  assez  communément  à  Aspiran,  et  dontràbbé  de  Sauvages  ' 
ne  donne  que  les  deux  premiers  vers  : 

Badalhà  vôu  pas  menti, 
Vôu  manjà  ou  y  (m  dourmi, 
Ou  de  sa  miga  se  aouveni. 

La  Catalogne  le  possède  ainsi  : 

Lo  badall  no  pod  mentir. 
Vol  mènjar  o  vol  dormir, 
0  dolenteria  mantenir  «. 

'  Vid.  le  P.  Cahier:  Quelque  six  miUe  proverbes,  p.  233, 237,  24S,  252, 
268,  269. 

'  Garcin,  Dict.  prov.y  p.  361 ,  c.  2. 

^  Proverbe  cilé,  J.  Azais,  Berses  patoises, 

A  L  abbé  de  Sauvages,  Dict.  lang,,  t.  II,  p.  375,  c.  I,  377,  c.  1,  et  381 
c.  1. 

s  L'abbé  de  Sauvages,  Dict.  lang.,  t.  II.  p.  375,  c.  2. 

«  Vid,  Honnorat.  Dict.  prov.-'franç.,i.  I,  p.  209. 


ti08  DIAt.t^CTES   MODERNES 

La  même  forme  ternaire  du  proverbe  italien  : 

Âspettar  e  non  venire, 
Stare  in  letto  e  non  dormira, 
Servire  e  non  gradire. 
Sono  tre  cose  da  morire. 

a  son  équivalent  presque  littéral  dans  le  recueil  de  Sauvages  : 

Âimà  e  astre  ait, 
EsparÀ  a  noun  vani, 

Estre  au  liach  a  noun  dourmi,  

Soun.  très  causas  qua  fan  mouri  *. 

Il  n'est  pas  inutile  de  rappeler  à  ce  sujet  les  résultats  qui  ont 
été  obtenus  d'abord  par  les  frères  Grimm,  et  en  dernier  lieu 
par  M.  Benfey,  Téminent  orientaliste  de  Gœttingue,  dansFin- 
terprétation  et  la  comparaison  des  contes  et  des  superstitions 
populaires*.  L'application  d'une  méthode  semblable  aux  pro- 
verbes ne  sera  certainement  pas  aussi  facile  et  aussi  digne 
d'attention,  mais  on  peut  encore  s'en  promettre  quelques  ré- 
sultats. Il  existe  pour  la  langue  d'oc  d'assez  nombreux  recueils 
sententiaires,  si  l'on  peut  se  servir  de  cette  expression.  Ce 
serait,  ce  me  semble,  une  chose  utile  de  noter  toutes  les  va- 
riantes que  leurs  proverbes  ont  d'abord  dans  chaque  dialecte 
de  la -langue  d'oc,  et  ensuite  chez  les  autres  peuples  de  race 
néo-latine:  on  arriverait  à  déterminer  ainsi  la  part  qui  est 
commune  à  tous  et  celle  qui  provient  des  influences  particu- 
lières de  milieu,  de  civilisation  et  de  crojance.  Telle  est  la 


*  AÛn  de  ne  pas  multiplier  les  différailoas  dialectales,  j*ai  adopté  ie 
hngage  d'Aspiran  et  de  ses  environs  pour  les  proverbes  que  je  viens  de 
rappeler. 

*  Vid.  à  ce  sujet,  dans  le  Correspondant  (  N*  du  25  juin  1873),  un  très^ 
curieux  et  très-intéressant  mémoire  de  M.  Ëm.  Cîosquin  :  les  Contes  eU^ 
ropéens  et  leur  origirie.  M.  Gosquin  est  lui-même  un  collecteur  aussi 
passionné  qu'intelligent  des  contes  populaires  de  la  Lorraine.  Dans  ilil 
mémoire  lu  au  congrès  de  \* Association  bretonne ^  Tao  dernier)  M.  Lnzet 
avait  déjà  rattaché  aux  contes  de  l'Inde  les  récits  {)opulairas  de  la  Breta- 
gne. Au  moment  même  où  notre  travail  était  à  l'impression,  nous  avons 
retrouvé  l'expression  d*idées  analogues  dans  un  compta  rendu  da  M.  Ra* 
dau  (Revue  des  Deux  Mondes^  15  octobre  1873),  à  propos  é&&  Essais  de 
mythologie  comparée  de  M    MaxMuUer. 


PROVERBES   HT   DlfTONS   I>OPtILAIltBS  609 

méthode  que  j  ai  cru  devoir  suivre  pour  ceux  que  je  publie 
aujourd'hui.  J'ai,  en  outre,  essayé  da  les  ranger  sous  uue  classi- 
fication naturelle  méthodique,  au  lieu  de  l'artificielle  classi- 
fication alphabétique  usitée  dcins  plusieurs  ret^ueils  analogues. 
On  voudra  bien  excuser  un  médecin  de  s'être  essayé  sur 
une  matière  ijui  [nnii  l'uninhuer  aux  progrù*  dp  l'anthro- 
pologie, et  que  n'ontpasdédaignée,  piu'mi  les  contemporains, 
des  confrères  tels  que  les  docteurs  Honnorat,  de  Dign»;  h. 
d'Âatros,  de  Marseille,  et  surtout  A.  Moquin-Tandon,  docteur 
en  médecine  et  es  sciences  des  Facultés  d«:  Montpellier,  pro- 
fesseur à  la  Faculté  des  sciences  de  Toulouse  et  &  la  FftcuHé 
de  médecine  de  Paris. 

Je  saisis  ici  l'occasion  de  remercier  mon  excellent  collègue, 
M.  Aiph.  Roques-Ferrier,  qui  a  bien  voulu  noter  pour  moi 
une  grande  partie  des  variantes  de  mes  proverbes  dans  les 
divers  dialectes  de  la  langue  d'oc*. 


I 
PROVERBES  MÉTÉOROLOGIQUES 


I.   —   Hiver 

Que  per  Noué  se  BoureUia, 

Per  Pascas  créma  sa  legna  *. 

li  pour  Noël  se  chauiïe  ;iu  soli-il,  —pour  Piquer  hrùlp  s 


non»  ont  para  néce«»lrH  pour  facttter  J'IntelUgiipi»  in  l'original. 

'  Celles  des  recueils  publiés  par  Voltaire,  l'abbé  Dslgnon  du  Sendat,  et 
sa  rternipr  lieu  par  MM.  Vignancour  et  Haiouk't,  ne  sont  pas  indiquSeE. 
Il  ne  nous  a  pas  élé  possible  d'i-n  avoir  cnnnai^anci;, 

*  V  l'abbé  da  Sauvage»,  Dictionnaire  languedocien,  t.  II,  p.  3SB,  c  1; 
— Bladé,  Ctutes  etproverbes  rBoueilli»en  àrfnagnae,  p.68,  yereions  &  peu 


rilo  DIA.mOT£S    MUDERNhiS 

ff 

II.  Quand  per  Noué  fo  luna, 

Lou  qu'a  très  fedas  n'a  pas  qu'una  *. 

Quand  pour  Noël  il  fait  lune,  —  celui  qui  a  trois  brebis  n'en 
a  plus  qu'une. 

III.  Quand  Noué  tomba  un  dimécres, 

Semena  camps  et  crésses. 

Quand  Noël  tombe  un  mercredi,  —  sème  champs  et  lisières  (des 
champs). 

IV.  Per  Saut  Nadal, 

Lous  jours  creissou  d'un  ped  de  gai  * . 
Pour  Saint  Noël,  —  les  jours  croissent  d'un  pied  de  coq. 

V.  Per  Sant  Nadau, 

Dau  saut  d'un  brau  '. 

Pour  8aint  Noël  (les  jours  croissent)  —  d'un  saut  de  taureau. 

VI.  Jours  creissents, 

Jours  cousents  * . 

Jours  croissants^  —  jours  cuisants. 

Vil.  Lous  Reis  ventouses. 

(Pour)  les  Rois  (6  janvier),  —  les  vents  soufflent. 

près  identiques.  —  Pour  la  vers,  du  Rouergue,  J.  Duval,  Proverbes 
patois  dons  les  Mém  de  la  Soc.  des  let.  de  VAveyr.,  t  V,  p.  517,  donne 
au  second  vers  : 

Fer  Pascos  se  tonrelho  (se  gèle) . 

V.  dans  un  recueil  où  Ton  ne  s'attendrait  guère  à  trouver  des  proverbes  : 
Statistique  de  la  France,  Agriculture  ;  Strasbourg,  Berger-Levrault, 
1870,  pet.  in-fol.j  t.  XVI,  p.  cxxvii,  c.  3,  plusieurs  autres  versions  (mal- 
heureusement traduites  en  français)  pour  les  pays  de  langue  d*oc 

*  V.  Stat.  de  la  France,  p.  cxxvii,  c.  3,  la  version  dos  Bas.  -Alp.  et  des 
Haut.-Pyrén.  Pour  que  rinflucnce  maligne  s*exerce,  la  nuit  de  Noël  doit 
être  sans  lune. 

'  VArmanaprouvençau  (ann.  1855,  janvier)  donne: 

Au  jour  de  l'an, 
Li  jour  creisson  dou  ped  d'un  can. 

qui  existe  également  en  Gascogne.  V  Armanac  hourdelès  («ann.  1869 ^ 
Dichude.<i  de  janhié . 

3  V.  Bladé,  Cont.  et  prov ,  p.  68,  vers,  ident. 

'  V.  la  Bugad.  prov.,  p  58;  —  Arm.  prouv.  (  ann.  1855,  janv.);—  de 
Sauvages,  Dict.  lang.,t  II.  p.  384,  c.  2:—  Garcin,  Dictionnaire  provençal, 
p.  359,  c.  2:  variantes  insignifiantes. 


PROVERBES   ET    DICTONS   POPULAIRES  611 

VIII.  Per  Sant  Vincent, 

Lou  frech    cousent  * . 

Pour  Saint  Vincent,  —  le  froid  cuisant. 

IX.  Per  iou  dous  de  febrié. 

L'ours  sourtis  de  soun  terrié  *. 

Pour  le  dp   <  de  février,  — Tours  sort  de  son  terrier. 

X.  Fébrié, 

Journal  entié*. 

Février,  —  journal  entier. 

A  la  lin  de  février,  les  jours  sont  déjà  assez  longs  pour 
permettre  de  travailler  sans  lumière  de  six  heures  du  matin 
à   six  heures  du  soir. 

XI.  Dins  lou  mes  de  fébrié, 

Lou  valates  rasié. 

En  mars  es  agoutat  ; 

Abrieu 

Lou  mes  a  soun  fieu  *. 

Dans  le  mois  de  février,  — le  fossé  est  plein  jusqu'aux  bords, — 
mars  le  dessèche  (déjà^,  — avril  — Tépuise  complètement. 

*  L'Arm,  prouv.  (an n.  1855,  janv.)  donne  : 

Per  Saut  Vincent. 
Tout  jalo  0  tout  fend. 

La  Bugad.  prov.   p.  9,  et  la  Stat  de  la  France,  p.  cxvn.  c.  2  : 

A  sant  Vincent 
Leit*  glaceii-ouHR  i)ei*don  leis  dents 
O  lei  rpcobron  i>er  long  ternss . 

^  [j'Àrm    prouv.  ''ann.  1855.  févr.)  donne  : 

Per   la   Candelouso  [2  février],  lou    lonp  fai    très  saut 
Foro  do  sonn  tran. 

V.  deux  vaiiantps:  J.  Duval,  Prov.  pat.,  p.  517,  et  Stat.  delà  France, 
p.  «:xviii,  c.  2.  Dans  tout  le  Languedoc,  dans  le  nord  de  la  France  et 
môni»'  on  I^retagne,  ou  croit  que  le  loup  rentre  dans  sa  tanière  pour  qua- 
r.inl(î  jours,  si  le  «oloil  paraît  avant  midi. 

^  LArm.  prouv  (ann.  1855,  févr.)  donne: 

Mie -fébrié, 
Joumau  entié. 

.1.  Duval.  Prov.  pat.,  donne  une  version  à  peu  près  semblable,  p.  523. 

*  V.  Stat   de  la  France  p.  cxxvni,  c.  \,  version  à  peu  près  semblable. 


6\2  DIALECTES    MODEK^ES 

XII.  Quand  Tiver  es  asagat, 

Vend  toun  oli,  grarda  toun  blat. 

Quand  l'hiver  est  arrosé,  —  vends  ton  huile,  garde  ton  blé. 

II.  —  Printemps 

XIII.  Lou  vent  que  bat  lous  Rams 

Bat  non  mèses  de  Tan  *. 

Le  vent  qui  bat  pour  les  Rameaux  — bat  neuf  mois  de   Tannée. 

XIV.  Pascas  plôujousas, 

Airas  granousas  * . 

Pâques  pluvieuses^  —  aires  chargées  de  grains . 

XV.  Mars  ventous, 

Abrieu  plôujous, 
Mai  sourelhous, 

Fan  lou  paisan  orgoulhous  ». 

Mars  avec  le  vent, — avril  pluvieux,  —  mai  avec  le  soleil ,  —  ren- 
dent le  paysan  orgueilleux. 

*  Croyance  commune  au  nord  et  au  midi  de  la  France  comme  à  la  Bre- 
tagne.  V.  à  ce  sujet  Stat.  de  la  France,  p.  cxxi,  c.  2. 
Ou  dit  dans  le  département  do  la  Lozère  : 

L'auro  qa'es  pcr  Rainpan  aegnado 
Duro  loa  mai  pendent  l'annado. 

-  Se  retrouve  dans  le  Gard.  Stat.  de  la  Franc.,  p.  cxxi,  c.  3. 
3  Proverbe  commun  à  tous  les  dialectes  méridionaux.  En  voici  plusieurs 
versions  : 
De  Sauvages.  Dict.  lang.,  L  II,         De  Sauvages,  Dict.  lang.,  t.   II, 
p.  385,  c.  1.  p.  385,  cl. 

!'•  Version  2*  Version 

Mai  nivoulous,  Mars  aurons, 

Abrieu  plejous,  Abrieu  jIbcous, 

Fan  lou  pajès  orgoulhous.  E  mai  plejous, 

Fan  ana  lou  pajès  jouioiiB. 

Garcin,  Dict,  prov.,  p.  367,  ci:       La  Bugad.  prov.f  p.  65,  elVArtn^ 

prouv.  (anii  1855,  mars)  : 

Mars  ventous,  Mars  aurons, 

Abrieu  pluious,  Abrieu  pluious, 

Fan  lou  bouiè  jouions.  Fan  ana  lou  boniè  jouions. 

Arm.  bourd.  (ann.  1869),  Dich.  de       Bladé,  Conl.  et  prov., p.  67. 
mars  : 

Mars  aurajous,  Mars  sourelhous, 

Abriou  plujous,  Abrion  rousinons 

Feden  veni  lou  bouci  glourious.  Rendoun  lou  paiwant  orgailhous. 


PROVERBES    ET    DICTONS    POPULAIRES  613 

XVI.  Abrieu  es  de  trenta  : 

Quand  plôurié  trenta-un, 

Farié  pas  de  mau  au  legun  * . 

Avril  est  de  trente  (jours)  :  —  quand  il  pleuvrait  pendant  trente- 
un,  —  cela  ne  ferait  pas  de  mal  au  légume. 

On  ajoute  souvent  : 

Quand  plôurié,  que  repiourié, 
Que  tout  lou  mounde  cridarié  : 
Tout  es  negat  !  Tout  es  perdut  ! 
Jamais  n'aurié  pas  prou  plôugut  '. 

(v)uand  il  pleuvrait  et  pleuvrait  encore,  —  quand  tout  le  monde 
crierait  :  —  Tout  est  noyé  !  Tout  est  perdu  I  —  Jamais  il  n'aurait 
plu  assez 

XVII.  Abrieu, 

T'alaujeirigues  pas  d'unfieu^ 

Pendant  le  mois  d'avril,  —  ne  te  dépouille  pas  d'un  fil. 

XVIII.  Es  Jorget, 

Es  Marquer, 

Es  Crouzet, 

Es  Janet, 
Que  t'ai  trepet 
Quand  so  ie  met  * . 

On  peut  encore  voir  deux  variantes  de  ce  proverbe  :  J  Duval,  Prov. 
pat .  p.  52?,  et  Stat.  de  la  France,  p    cxxix,  c.  l. 

«  WArm.  prouv.  (ann.  1855,  avr.);  Garcin,  Dict.  prov.,  p  345,  c.  1,  et 
la  Stat.  de  la  Fiance,  p.  cxxiv,  c.  *2,  donnent  ce  proverbe,  avec  un 
chantonnent  insigiiif  au  troisième  vers  : 

•  Kftriè  Diau  en  ilegun. 

^  L' Arm.  prouv.  (ann.  1855,  avr.)  donne  cette  suite  avec  quelques  va- 
riantes. Il  on  est  de  mémo  do  la  Stat.  delà  France,  p.  cxxni,  c.  1. 

3  V.  Garcin,  Dict.  prov..  p  368,  c.  2;— i4rm  prouv.  (ann.  1855 ,  avr.) 
—  Stat  dp  In  Fr  ince,  p.  cxxni,  c  2;  —Arm  hourd.,  Dich.  d'abr.:  — 
variiiiii.  iiisijznir. 

*  WArm.  prouv.  (ann.  1855.  avr.j  donne  : 


614  OTALPÎCTES    MODERNES 

O'esi  lo  petit  saint  George  (23  avril)..  ..   — c'est  le   petit  saint 

Marc  (25  avril) —  c'est  la  petite  sainte  Croix   (3  mai) — 

c'est  le  petit  saint  Jean  (6  mai),—  qui  fait  tapage — quand  il  s'y  met. 

A  la  un  d'avril  et  dans  la  première  quinzaine  de  mai,  il  fait 
quelques  journées  variables  et  froides,  qui  doivent  prémunir 
les  imprudents  contre  le  désir  trop  hâtif  de  revêtir  les  habits 
d'été.  Ces  journées  variables  ont  lieu  les  jours  mêmes  dé- 
signés par  le  proverbe,  ou  n'en  sont  jamais  bien  éloignées. 
On  les  appelle  les  cavaliers,  parce  que  la  première  d'entre  elles 
correspond  à  la  fête  de  saint  Georges,  que  l'on  représente 
monté  sur  un  cheval  et  terrassant  un  dragon  ;  ou  bien  encore 
parce  que,  semblables  à  des  météores  rapides,  elles  ne  font 
que  traverser  l'atmosphère  sans  pouvoir  arrêter  la  marche 
naturelle  de  l'évolution  printanière.  Il  nous  semble  légitime 
d'associer  les  deux  origines  pour  expliquer  le  sens  de  ce  terçie 
de  la  météorologie  populaire.  Les  quatre  cavaliers  font  sentir 
leur  influence  d'une  manière  assez  contingente,  dont  l'adjonc- 
tion quand  se  ie  met  révèle  la  variété.  Les  abaissements  pas- 
sagers de  température  s'observent,  du  reste,  au  mois  de  mai, 
même  après  le  passage  du  dernier  d'entre  eux.  Le  14  mai,  fête 
de  saint  Boniface,  serait,  dit- on,  un  jour  dangereux  pour  les 
vignes.  Il  n'est  pas  sans  exemple  qu'elles  aient  été  gelées  à 
cette  époque  dans  notre  climat.  Ainsi  s'explique  le  proverbe 
suivant  : 

XIX.  Mai, 

Fai  coume  te  plai, 

Amai 
Ëncara  noun  sai  ^ . 

Jourget,  Marquet,  Troupet,  Crouset , 
Soon  li  quatre  capoulië  de  la  frè . 

V.  aussi  Stat.  delà  France,  p.  cxxix,  c.  1  et  2. 
*  VArm.  prouv.  (ann.   1856,  mai)  et  Garcin,  Dict.  prav.,  p.  368,  c.  2. 
donnent  à  la  fois  : 

Au  mes  de  mai 
Vai  coume  te  plai. 

UArm   bourd,,  ann.  1869,  Dich  de  wa*.— J.  Duval,  Prov.  pat,,  p.  251. 
•—  Stat  de  la  France,  p.  cxxiii,  c  2:  -  variant,  insignif. 


PROVERBES    ET   DICTONS   POPULAIRES  615 

Ail  mois  de  mai, —  fais  comme  il  te  plaît,  —  et  encore  je  ne  sais* 

XX.  Mai,  lou  petassaire. 

Mai,  le  ravaudeur  (  de  toutes  choses,  des  recelés  en  retard  et  des 
santés  délabrées  V 

XXI.  Mai  fomai  dins  una  niooh     - 

Qu'abrieu  dins  vint-e-ioch  *. 

Mai  fait  plus  dans  une  nuit  (  pour  les  récoltes  )  —  qu'avril  dans 
vingt-huit. 

XXII.  «  Te  rogamus,  audi  nos  », 
Las  cerieiras  metou  close. 

«  Te  rogamus,  audi  nos  »,  — les  cerises  mettent  noyau. 

Les  enfants  parodient  ainsi  un  des  répons  des  litanies  des 
saints  que  Ton  chante  les  trois  jours  des  Rogations,  qui  précè- 
dent la  fête  de  TAscension.  Le  durcissement  des  noyaux  des 
cerises,  qui  a  lieu  d'ordinaire  à  cette  époque,  à  moins  queTAs- 
cension  ne  soit  trop  avancée,  leur  fait  espérer  d'avoir  bientôt 
un  dessert  moins  sec  que  celui  qui  est  désigné  dans  le  proverbe 
suivant  : 

XXIII.  De  Pascas  à  Pantacousta, 

Lou  dessert  es  una  crousta*. 

De  Pâques  à  Pentecôte,  —  le  dessert  est  une  croûte  de  pain. 

XXIV.  Quand  plôu  per  Sant-Medard, 

Las  rendas  diminuou  d'un  quart. 

Quanfl  il  pleut  pour  Saint-Médard  (8  juin), — les  rentes  (la  ré- 
colte) diminuent  d'un  quart. 


*  UArm,  prouv.  (  ann.  1856,  mai)  et  l'Arm,  hourd.  (ann.  1869  )  Dich. 
(le  mai,  donnent,  sauf  différences  dialectales,  une  leçon  semblable.  — 
L'Arm.  hourd.  substitue  seulement  dise-ueit  jours  aux  vingt-huit  du  prov. 
proveny. 

'  V.  de  Sauvages.  Dict.  lang.,  t.  II,  p.  379,  cl;  —  Garcin,  Dict.  prov., 
p.  351,  c.  U— L'Arm.  prouv.  (ann.  1855,  avril);— LUrm.  hourd.  (ann.  1869), 
Dich.  de  mars  .  —  BlaJô,  Cont.  et  prov.,  p.  69;  —  J.  Duval,  Proi)  pat., 
p    054:  variant,  insignif. 

V.  plus  loin  uTiP  var.  recueillie  par  M.  G. -H.  Ardouin. 


616  DIALECTEÎS    MODERNES 

Le  premier  vers  étant  conservé,  on  remplace  souvent  le 
second  par  le  suivant  : 

Quaranta  jours  «luralou  bard. 
Quarante  jours  dure  la  boue. 

Et  on  ajoute  : 

A  mens  quesani  Barnabe 
le  cope  Terba  joust  lou  ped  *. 

A  moins  que  saint  Barnabe  (11  juin) — ne  lui  coupe  Therbe  sous 

le  jjied. 

Ce  proverbe  est  populaire  dans  toute  la  France. 

III.  —  Eté. 

XXV.  Semona  quand  vouras, 

Per  Sant-Jan  ségaras. 

Sème  quand  tu  voudras, —  à  la  Saint- Jean  tu  couperas  (  le  blé  ). 

XXVI.  Per  la  Madalena, 

Lou  tens  se  destourmena. 

Pour  la  Madeleine  (  22  juillet  ).  —  le  temps  se  dérange. 
XXVII  Per  la  Madalena  : 

La  nosa  es  plena, 

Lou  rasin  veirat, 

La  figa  madura, 

Lou  blat  estremat  *. 

*  WArm.  prouv.  (  ann.  1855,  juin)  donne  : 

Quand  plôn  i)er  Sant-M^dard, 
])c  la  recordo  emporte  un  quart. 

Quand  pldu  per  Sant-Médard, 
Pldu  quarante  jour  pu  tard, 

Mai  que  sant  Barnabe, 

Noun  ié  coupe  lou  bë. 

V.  L'Arm.  hourd.  (ann.  1869).  Dich.  de  jun,  pour  les  quatre  premiers 
vers  seulement;  —  J.  Duval,  Prov-  pat.,  p.  511,  et  la  Stat.  de  la  France, 
p.  Gxxv,  G.  l,qiii  donne  les  variantes  languedociennes  des  dr^partements 
de  la  Lozère,  de  l'Hérault  et  du  Gard . 

La  tradition,  dit  M.  J.  Duval,  p.  511,  veut  que  le  déluge  ait  commencé 
le  jour  de  Saint-Médard . 

*  V.  de  Sauvages,  Dict.  lang.,  t.  II,  p.  387,  c.  2.  —irm.  bourd.  (ann. 


PROVERBES   ET 
t'our  ta  MaOeleine,  —  la  noiï  esl 
figue  mûre,  —  le  blé  enfermé. 

XXVIIl.        Que  cauca  après  laMadalena 
Cauca  enpena*. 

Qui  dépique  après  la  Madeleine  —  dépique  avec  difBcutté- 
XX.IX.  Dins  lou  mes  d'aoust, 

ha  peira  es  bagnada  dejonst. 
Dans  le  mois  d'août,  —  la  pierre  est  baignée  dessous. 
IV.  —  Automne. 

XXX.  Dins  lou  mes  d'otobre. 

Que  n'a  pas  de  raubas  cal  que  ne  trobe*. 
Dans  le  mois  d'octobre, —  qui  n'a  pas  dérobes  doit  en  trouver. 
XXXI  Per  Sant-Luc, 

La  néu  sus  loti  truc'. 
Pour  Saint-Luc  (18  octobre),  —la  neige  sur  la  montagne. 
XXXII.  Touasantlou  uommenca, 

Sant-Andrieu  lou  finis*. 


1869  J,  Dich  dejuiet,  —  tilat.  de  In  France  p.  c.ixïi,  c.  t  :  vers,  à  peu  près 
ideatiq-,  sauf  diffr'Tenc.  dialecL   —   L'Arm.  prouv.    lann.  1855,  juillnt] 
donne  variant,  pau  importantes.  — J.  Duv:tl.  Pro»   pot-,  p.  S40.  n'a  que 
les  deux  premiers  vers.  Il  en  est  de  mt^xai-  fin  la  Bugad   prnv.,  p.  76. 
<  L'Arm   prouv.  (ann.  1355.  juillet  )  donne  T-<!lti7  variante  ; 


tiilu  se  reproduit  avec  une  diSér.  Insignif.  -  Àrm  bourd.  (  ami,  ltit>9), 
Dkh  ■  de  juiet. 

'  Voy.  Garcin,  Dtcf.  prw.,p.368,  i:.  2,  el  Arm.  pr'iur.  {ann.  IS55,  oct  ) 
variant,  pu  important. 

'De  Sauvages,  Dict  ianjr.,  t.  II,  p.  375,  c.  1,  et  l'irm  {>n}tNi.(ann. 
1S.55,flctflbr)^).  donnant  : 


<  Variïntf.  :  Arm,  prouv.  (  H] 


618  DIALECTES   MODERNES 

La  Toussaint  (!«•  novembre  ^  commence  le  mois.  —  saint  André 
C  30  novembre  )  le  finit. 

XXXIIÏ.  Per  Sant^Marti, 

Tapa  ta  bouta,  t.asta  toun  vi^ 

Pour  la  Saint-Martin  (  Il  novembre),  —  bouche  ton   tonneau. 
goûte  ton  vin. 

XXXIV .  Per  San  t-Marti, 

Semena,  couqui. 

Pour  la  Saint-Martin, —  sème,  coquin  (hàte-toi  d'ensemencer' 
si  tu  ne  Tas  déjà  fait  ). 

XXXV.  Per  Sant-Andrieu, 

La  lata  sus  Toulieu. 

Pour  Saint- André,  — la  perche  sur  l'olivier. 

XXXVI.  Per  Santa- Lucia, 

Lous  jours  creissou  dau  saut  d'una  pucia*. 

Pour  SaintP-Luce  (13  décembre),  — les  jours  croissent  du  saut 
d'une  puce . 


*  Variantes  diverses  : 

De  Sauvages,  Dict,  lang.^h.  II, 
p.  375,  c.  1. 

A  iSant-Martiu, 
Tapo  tonn  yin. 

Àrm.  prouv,  (aqn.  1855,  nov.  ) 

A  Sant-MartÂn  : 
Tapo  ta  bouto, 
Tasto  toun  vin. 

La  BtAgcKi.  prov.,  p.  9  : 

A  Sant-Martin, 
Tasto  tels  vins 
E  tapo-leis. 

*  V.  Garcin,  Dict.  prov.^  p.  345, 
—  J  Duval,  Prnv.  pat,,  p.  523;  — 
deiemb.:  variant,  peu  import. 


Garcin,  Dict  prot;.,  p.  346,  c.  1 . 

A  Sant-SCaitin: 
Tasto  Ids  flgoB, 
Tapo  tonn  vin. 

Àrm   hourd,  (ana.  1869,  Dich.  de 
nowo,): 

Sint-Martin: 
Bonnde  la  tonne, 
E  firoQste  tonn  vin. 

J.  Duval,  Prov  pat.,  p  542 . 

O  Sont-Morti, 
Tuo  tonn  pouorc  et  met  l'anbo  61  toapi, 
Tranoo  ta  pipo,  bion  tonn  vi, 
E  couvido  tonn  vesl. 

C.  l;—  Arm.  prouv.  (  ann.  1855,  déc.); 
Arm.  hourd    ;  ann.  1869  ),  Dich    de 


PROVERBES   ET    DICTONS    POPULiURBS  619 

II 

Etat  du  ciel. 

XXXVII.  Roujéirola de  la Sf^ra, 

Bel  tans  espéra*. 

Rougeur  fhi  soir, —  attente  de  beau  temps. 

XXXVIII.  Roujéii'ola  dau  mati, 

PloJH  011  cami  *. 

Roujçeur  du  matin,  —  pluie  en  chemin. 

XXXIX.  Auba  ferouja, 

Vent  ou  plouja•^ 

Aube  sanglante,  —  venl  ou  pluie. 

XL.  Lou  céucle  de  Sant-Marti, 

Quand  pares  lou  vespre, 
Ia)U  pastre  pot  anji  per  lou  carapestre. 


*  Ce  proverbe  et  les  deux  qui  suivent,  avec  leurs  variantes,  se  retrouvent 
partout.  Judée,  Évang  saint  Mathieu,  XVI,  2  ;  —  pays  basque,  Ecosse, 
France,  Allemagne  V.  le  Pays  basque,  par.  Franc.  Michel,  p.  39..  etc. 

L'abbé  de  Sauvages,  t.  II,  p.  392,  c.  2,  et  la  Hugac^.  prov.,  p.  90  : 

Kouje  de  séro. 
Bel  tenti  espéro. 

Et  Garcin,  Dict.  prov.,  p.  378,  c.    l,  cette  version  remarquable  par 

sa  poésie  : 

Rouje  de  sero, 
Klanc  ddu  matin. 
En  lou  jouman  ddu  pèlerin . 

Il  nous  serait  impossible  de  marquer  les  innombrables  variantes  de  ce 
proverbe.  Nous  renvoyons  donc  à  de  Sauvages,  Dict,  lang.,  t.  II,  p.  382, 
c  2;  J.  Duval,  Prov.  pat.,  p.  506,  et  surtout  à  la  Stat.  de  la  France ^  qui 
en  <ionne  une  multitude  de  versions,  p.  cxxxi  et  suiv. 

«  De  Sauvages,  Dict.  lang.,  t.  Il,  p.  392,  c  2. 

Uouje  de  matin. 
Escoompisso  lou  oamin. 

V.  aussi  la  Hngad.  prov.,  p.  90. 

*  V  le  proverbe  cité.  Saint  Mathieu,  XVI,  3;— var.  insignif..  la  Bugad. 
pror.,  p.  63,  et  Bladé.  Cont.  etprw.,  p.  67. 


620  blALECTKS    MODERNES 

Lo  cercle  do.  Saint-Martin  (  Tare -en-ciel),  —  quand  il  paraît  le 
soir.  —  lo  pâtre  peut  aller  (le  lendemain  )  par  les  champs. 

Quand  pares  lou  mati*, 
Lou  pastre  pot  mettre  lou  toupi. 

Quant  il   paraît  i»^  matin,  —  le  pâtre  peut  mettre  le  pot  au  feu 
(  parce  que  le  temps  est  pluvieux). 

Le  dernier  vers  est  quelquefois  remplacé  par  celui-ci  *• 

Prestes  pas  ta  capa  au  vesi. 
Ne  prête  pas  ton  manteau  à  ton  voisin . 
XLI.         La  luna  era  un  vielh  sourel  autres  cops  : 
Quand  valé  pas  rès  per  lou  jour, 

La  metterou  per  la  nioch. 

La  luhe  était  un  vieux  soleil  autrefois  :  —  quand  elle  ne  valut  plus 
rien  pour  le  jour,  —  on  la  mit  pour  (  éclairer  )  la  nuit. 

Il  y  a  ici  le  reste  de  quelque  ancienne  croyance  supersti- 
tieuse. 

III 
Vents. 

XLII.  Arbounès, 

Terrau  es. 

Le  narbonnais  (vent  du  sud-ouest) —  est  terrai  (vent  du  nord).' 
Le  vent  du  sud-ouest  tourne,  en  effet,  assez  souvent  au  nord- 
ouest  et  au  nord 

XLIII .  La  tremountana, 

Ni  bona,  ni  sana. 
La  tramontane  (;vent  du  nord-ouest),  — ni  bonne,  ni  saine. 
XLIV.  Lou  grec, 

Ploja  au  bec*. 
Le  grec  (vent  de  l'est),  —  pluie  au  bec. 


'  Ce  proverbe  se  retrouve  en  français  et  en  basque.  V.  Pr.  Michel,  le 
Pays  basque,  p  39.  * 

^De  Sauvages,  Dict.  lang.,  l.  II,  p.  396,  cl: 

Vent  grec, 
Plejo  aa  bec 


Pli! ) VERBES    ET    DlGi'OIsS    POPULAlKBîS  621 

Ce  proverbe  est  très-exact.  Lèvent  grec  est  le  plus  humide 
des  vents  de  notre  climat.  Quand  il  persiste,  il  amène  des  pluies 
continuelles  et  fatigantes  par  leur  prolongation .  D'où  la  com- 
paraison suivante  : 

Es  lourd  couma  très  jours  de  grec . 
Il  est  laid  comme  trois  jours  de  grec. 

IV 

Météorologie  locale 

XLV.  Quand  vén  avans  Toussant, 

Ven  nôu  cops  Tan. 

Quand  il  (l'Hérault)  vient  avant  la  Toussaint,  —  il  vient  neuf  fois 
dans  l'année. 

On  dit  chez  nous  :  LErau  est  vengut,  pour  dire  THérault  a 
débordé.  On  prétend  que,  lorsqu'il  sort  de  son  lit  avant  la  un 
du  mois  d'octobre,  il  déborde  plusieurs  fois  dans  Tannée.  Je  ne 
me  fais  nullement  garant  du  chiffre  neuf. 

XLV.  ATressan, 

Lou  vent  lai  bat  tout  Tan . 

A  Tressai! ,  —  le  vent  souflle  toute  l'année. 

Tressan,  commune  du  canton  de  Gignac,  est  situé  sur  un 
tertre  très-aéré,  à  2  kilomètres  environ  de  l'Hérault  et  au- 
dessus  de  la  route  départementale  de  Gignac  à  Montagnac^ 
qu'il  domine.  Il  j  fait  du  vent  presque  toute  l'année. 

XLVI .  A  Aspiran, 

L'er  lai  es  san. 

A  Aspiran,  —  l'air  y  est  sain. 

Je  ne  m'inscrirais  pas  contre  la  vérité  de  ce  proverbe,  si  les 
émanations  que  les  vents  du  sud  dégagent  du  ruisseau  de  la 
Garello,  qui  environne  Aspiran  de  l'ouest  à  l'est,  et  où  se  jet- 
tent toutes  sortes  d'immondices,  ne  le  contredisaient  de  temps 
à  autre  d'une  manière  très-manifeste. 


t'tt2  DIALECTES  MODERKKS 

XL VII.  Longa  secada, 

Longa  plojada. 

Longue  sécheresse,  —  longue  pluie . 

XLVni.  Una  sasou 

Val  unafaicou*. 

Une  saison  (de  pluie)  —  vaut  une  façon  (une  culture). 


11 

PROVERBES  SUR  LES  MARIAGES  ET  LES  ENFANTS 

XLIX .  A  vint  e  un, 

Lou  bon  legun  • 

A  vingt-un  ans, —  le  légume  est  mûr  (c'est-à-dire  la  fille  est  nn- 

bile). 

XL .  De  vint  e  cinq  à  trenta, 

Lou  premié  que  se  présenta. 

De  vingt-cinq  à  trente  (qu'elle  prenne), —  le  premier  qui  se  pré- 
sente. 

XLl .  De  trenta  à  quaranta, 

Lou  sen  manca. 

De  trente  à  quarante, —  le  sens  manque. 

LU.  Per  Sant-Michel 

Ce  pus  bel. 

l^our  la  Saint-Michel  (29  septembre^ — (on  marie)  ce  qu'il  y  a  de 

plus  beau. 

Ne  pourrait- on  pas  aussi  expliquer  ce  proverbe  par  cette 
considération  que,  à  la  Saint-Michel,  le  paysan  étant  sur  le 
point  de  vendre,  ou  même  ayant  vendu  ses  récoltes,  peut, 
mieux  qu'à  une  autre  époque  de  Tannée,  célébrer  des  noces 
riches  et.  brillantes  ? 

*  Var.  de  Sauvages,  Dicl.  tany.,  t.  II,  p.  396,  c.  1. 


PROVJBRBBS   ET   DICTONS    POPULAIRES  683 

LUI .  Al  carnaval, 

Ce  que  res  noun  val. 

Au  carnaval,  —  ce  qui  rien  ne  vaut 

LIV .  Per  Sant  Jousè, 

Lousmichants  sujets. 

Pour  Saint-Joseph  (19  mars),  —  les  mauvais  sujets. 

Il  y  a  ici  une  intention  malicieuse .  On  sait  que  les  catholi- 
ques ne  se  marient  guère  en  carême,  à  moins  d'une  dispense 
spéciale.  L'auteur  suppose  que  ceux  qui  ne  veulent  pas  at- 
tendre après  Pâques  ont  quelques  raisons  de  se  hâter. 

LV .  Per  Pasquetas , 

Las  poulidas  ûlhetas. 

Pour  les  petites  Pâques, — les  jolies  fillettes. 

On  appelle  le  dimanche  de  Pasqitetas  le  dimanche  de  Qua^ 
simodo . 

LVI.  Manjaran  dins  Toula 

Ebieuran  dins  lou  toupi. 

Ils  mangeront  dans  la  marmite  —  et  boiront  dans  le  pot-au-feu. 

Ce  dicton  est  appliqué  aux  nouveaux  mariés  qui  célèbrent 
leurs  noces  un  jour  de  pluie  et  sont  censés  faire  leur  repas 
dans  la  vaisselle  de  la  cuisine,  n'ayant  pu  se  procurer  au 
dehors  un  service  plus  élégant. 

La  superstition  populaire  voit  un  fâcheux  présage  pour  les 
«poux  dans  le  mauvais  temps  survenant  un  jour  de  noces. 

LVll .  Veusa  que  se  marida 

Deu  perdre  lou  veire  e  l'ausida. 
Veuve  qui  se  remarie  —  doit  perdre  la  vue  et  Touïe. 

LVIII .  Pilha  madura 

Lou  porta  à  la  centura*. 


De  Sauvages,  Dict.  lang..  t.  II,  p.  381,  c.  l,  et  Garcin.  D/d.  prot?., 
p.  357,  c.  1,  donnent: 

Fiho  madnro 
Porto  l'enfant  à  U  centaro. 


ôti  OIÀLKCTES    MODERNES 

Fille  mûre  — porte  (l'enfant)  dans  sa  ceinture;  c'est-à-dire  de- 
vient bientôt  enceinte. 

LIX.  Fenna  muda, 

Es  pas  jamais  batuda^. 

Femme  muette  —  n'est  jamais  battue. 

LX .  Pi  chot  s  e  nfants , 

Pichots  lais. 
Urands  enfants, 
(irands  lais. 

Petits  enfants.  >— petits  soucis.  -  (Irands  enfants,  —  grands 
soucis. 

LXl.  Qu*es  fach  quand  nai, 

Toujour  le  dura*. 

Oe  qui  existe  quand  (l'enfant)  naît  —  lui  dure  toujours. 

LXIL  Ce  que  ven  de  la  capelina 

S'en  tourna  al  susaris. 

Ce  qui  vi(Mit  avec  le  béguin  -  ne  s'en  va  qu'avec  le  suaire. 

Les  médecins  ont  plus  d'une  fois  Toccasion  de  constater  la 
vérité  de  ces  deux  proverbes,  à  propos  de  certaines  humeurs, 
de  certaines  maladies  constitutionnelles,  qui  bien  souvent  ac- 
compagnent du  berceau  à  la  to  be  les  sujets  qui  en  sont  at- 
teints. 


»  De  Sauvages,  i)*c^    lang.,  t    il,  p.  381,  à  1,  donne: 

Fenno  mudo 
Fougue  jamais  batudo. 

11  substitue,  p.  383,  c.  2,  lengo  à  fenno.  V.  Bladé,  Cont.  et  prov,  p.  81: 
variant,  insignif. 

Le  même  proverbe  se  retrouve:  J.  Duval,  Prov  pat ,  p.  613,  el  la  Ba- 
gad.  prov.  p.  58. 

^  Variâmes  diverses  do  Sauvages,  Dict.  lang  ,  t.  II,  p.  391,  c.  2,  et 
Duval,  Prov.  pat ,  p.  598. 

5  Variantes  diverses,  la  Bugad.  Prov..  p.  93.  —De  Sauvages,  Dict. 
larïff.,  t.  II,  p.  386,  c.  %  et  393.  2.  —  Garcin,  Dict.  prov  ,  p.  349,  c.2.— 
Duval.  Prov.  pat.,  p.  598  — Fonssagrives,  le  Rôle  des  mères,  in  fine. 


PROVERRES   ET    DICTONS    POPULAIRES  625 

LXllI  Que  léu  endenta 

Léu  desparenta  *. 

(L'enfant^  qui  met  bientôt  des  dents  —  quitte  bientôt  ses  pa- 
rents. 

Je  ne  sais  si  Ton  doit  admettre  la  justesse  de  ce  dicton, 
d'autant  plus  que  j'ai  entendu  dire  tard  desparenta, 

LXIV.  Dins  lou  jas  et  dins  lou  pis, 

Tout  se  fai,  tout  se  nourris*. 

Dans  le  fumier  et  dans  l'urine,  —  tout  se  développe,  tout  se 
nourrit. 

Absurde  et  dangereuse  croyance  d'après  laquelle  on  laisse 
les  enfants  au  maillot  macérer  dans  leurs  ordures,  au  risque 
de  leur  procurer  des  rougeurs,  des  excoriations  et  des  refroi- 
dissements qui  peuvent  être  funestes.  Les  tétées  de  l'enfant 
doivent  être  comptées,  ses  langées  jamais.  L'enfant  doit  être 
changé  chaque  fois  qu'il  est  mouillé  ou  sali. 

LXV  Un, 

N'i  a  pas  per  cadun . 
Un  (seul  enfant),  — il  n'y  en  a  pas  pour  chacun  (de  ses  parents). 

LXVI.  Dous, 

On  n'es  pas  jalons 

Doux,  — on  n'est  pas  jaloux. 

LXVII.  Très, 

La  carii'a  i'es. 

Trois,  —  la  charge  y  est. 

LXVni.  '       Quatre, 

N'ia  per  se   batrc. 

<»)uatre,  —  il  yen  a  ])0ur  se  battre. 

*  V.  (le Sauvages,  Dict.  lang.,  t.  II,  p.  392,  c.  1. 

<^ne  tard  denta 
Tard  desparenta. 

^  Do  Sauvages,  Dict.  larKj.,  t.  II,  p.  172,  c.  t,  donne: 

Entre  la  merdo  et  lou  pis, 
Lou  bel  enfant  se  nouris. 

4i 


t]26  DIALBCTËS    MODERNES 

LXIX.  Cinq, 

Es  un  assassin  * . 
Cinq, — on  est  assassiné. 

Il  est  impossible  de  traduire  exactement  en  français  cette 
boutade  languedocienne . 

LXX.  A  la  mina  d'un  capou, 

Minça  figura  et  lou  quioul  bou . 
11  a  la  mine  d'un  chapon,  —  figure  mince  et  les  hanches  fortes. 
Se  dit  des  enfants  qui  ont  le  corps  bien  développé,  quoique 
leur  figure  soit  petite. 

Divers 

LXXI.  Luna  mecruda, 

Fenna  barbuda: 
De  cent  ans,  una*. 

Lune  de  mercredi, — femme  barbue,  — (assez  d')  une  en  cent  ans. 
LXXII .  Que  de  puta 

Fo  flahuta, 
Tambourin  n'a  pas  boun  soun. 

Qui  se  laisse  conduire  —  par  une  femme  de  mauvaise  vie  —  n'a 
pas  une  bonne  direction  dans  ses  affaires . 

Plus  littéralement: 

Si  on  laisse  une  prostituée  — tenir  la  flûte  (c'est-à-dire  donner  le 
ton  à  Porchestre), —  le  tambourin  n'a  pas  bon  son. 

*  J.  Duval,  Prov.  pat.,  p.  589,  donne  un  très-curieux  proverbe  sur  le 
nombre  des  jeunes  filles  : 

Dins  un  oustal,  uno  âlho,  bravo  filho  ; 
Douos  filho,  prou  filho, 
Très  filho,  trouop  de  filho; 
Quatre  filho  e  la  maire, 
Cinq  diable  countre  un  paire. 

-  Var.  insign.  de  Sauvages,  Dict.  lang.,  t.  11,  p.  384,  c.  2.  —  Garcin, 
Dict.  prov.,  p.  357,  c.  2,  et  p.  364,  c.  1,  et  J.  Duval,  Prov.  pat,,  p.  602. 
Entre  le  deuxième  et  le  dernier  vers,  VArm.  prouv.,  ann.  1855,  p.  6, 
intercale  celui-ci:  E  auro  bruno. 

V.  aussi  Stat.  de  la  France,  p.  cxxxi,  c.  1,  variant,  (trad.  en  fran- 
çais) de  plusieurs  départements  du  Languedoc. 


PROVKKBliiS  iili    lilCTONS  POPULAIRES  ÔT 

LXXIII .         Be  de  puta  ou  de  campana, 

Jamais  noun  fleuris  ni  noungrana*, 

Bien  de  prostituée  ou  de  cloche —  jamais  ne  fleurit  tii  ne  fruc- 
tifie. 

On  explique  quelquefois  : 

Acquis  par  Tinfluence  des  femmes  débauchées  —  ou  des  gens 
d'église. 

LXXIV .  Que  travalha  pas  poulit, 

CaUque  travalhe  roussit. 

Celui  qui  ne  travaille  pas  quand  il  est  jeune  (élégant,  joli)  — 
doit  travailler  quand  ilest  vieux  (ridé,  flétri).  On  dit  aussi,  et  peut- 
être  avec  plus  d'exactitude  : 

Que  travalha  pas  pouli, 
Cal  que  travalhe  roussi. 

Qui  ne  travaille  jeune  (poulain)  —  doit  travailler  vieux  (vieux 
cheval,  rosse*). 

LXXV .  Val  mai  una  limauca 

Quelou  gril  quand  sauta. 
Mieux  vaut  une  limace  —  que  le  grillon  quand  il  saute. 

C'est  la  fable  du  lièvre  et  de  la  tortue  • 


^  GarciQ,  Dict.  prov.,  p.  348,  c.  2,  donne: 

Ben  de  campano 
Ni  âoaris  ni  g^rano. 

La  Bugad.  prov.,  p.  19: 

Argent  de  f  rômo  e  Boon  de  campano 
Noun  flouris  ni  grano. 

De^Sauvages.  Dict.  lany.,  t.  II.  p.  375,  c.  1,  reproduit  cette  dernière 
version,  à  peu  de  chose  près.  Il  a,  p.  375,  c.  2,  une  deuxième  version  sem- 
blable à  celle  de  Garcin.  Il  donne  aussi  (môme  page)  cette  variante  : 

Be  raubà, 
Se  flouri^.  jamaia  nomi  es  griuià. 

V.  aussi  J.  DuvaU  Prov.  pal.,  p.  632. 

«  Variant  :  la  Bugad  prov.,  p.  79;  —  de  Sauv.,  Dict.  lang ,  t.  II,  p.  390, 
c.  î;  —  Garcin,  Dict.  prov.,  p.  384, 2;  —  Bladé,  Cent,  et  prov.,  p.  82;  — 
J.  Du  val.  Prov.  pat.,  p.  565. 


628  DIALECTES    MODERNES 

LXXVI .  Que  garda  per  el  n'es  pas  pastre  * . 

Qui  garde  pour  lui  n'est  pas  berger. 
LXXVII.  Beraubat. 

A  pas  jamais  prousperat. 
Bien  dérobé  —  n'a  jamais  prospéré. 
LXXVIil.  Quau  sap  c^u'una  cansou 

N'a  qu'un  sou. 
Celui  qui  ne  sait  qu'une  chanson  —  n'a  qu'un  sou. 

LXXIX.  Lou  pus  sot 

Es  lou  mort*. 
Le  plus  sot  — est  celui  qui  est  mort, 
L  XXX.  Dominus  vobiscum 

A  pas  jamais  patit  '; 
Et  cum  spiritu  tuo, 
Quauques  cops. 

Dominus  vobiscum  —  n'a  jamais  manqué  de  rien  ; —  El  cum  spi- 
ritu tuo  y  —  quelquefois. 

LXXXI.  Ce  du 

Per  Moussu  ; 

Ce  mol 

Per  moun  col. 

Les  morceaux  durs  pour  le  maître  ;  —  les  morceaux  mous  pour 
mon  gosier. 

(Proverbe  de  domestique  égoïste.) 

*  De  Sauvages,  Dirt.  lawj.,  t.  II,  p.  385,  c.  2,  et  Garda,  Dict.  prov., 
p.  353,  c.  1  (avec  uue  var.  insign.),  donnent  tous  les  deux  : 

Es  pas  pourquié  quau  soob  porcs  gardo. 
'^  Garcin,  Dicl.  pror.,  p.  361,  c.  2: 

Leis  plus  urous  soun  aqueleis  qu'escaponn. 
'Garcin,  Dict.  pror.yp.  351,  c.  2: 

Dominus  vobiscum 

Es  jamais  mou  art  de  fau . 

Bladé,  Cont.  et  proo.y  p.  63,  change  le  deuxième  vers  : 

A  pas  janiès  maiiosit  d'aiTè. 

J.  Duval,  Prov.  pat.^  p.  631,  donne  la  même  version  que  celle  recueil* 
lie  à  iVspiraii. 


PROVERBES   ET   DICTONS    POPULAIRES  629 

LXXXIl.  Quand  l'intei-és  pares 

L'amitié*  t'ai  de  fuses. 
Quand  l'intérêt  se  montre,  — ramitié  s'enfuit  (au  plus  vite). 

LXXXUI.         De  las  péiras  de  toun  endrech 

Bastis  toun  oustau. 
Avec  les  pierres  de  ton  endroit  —  bâtis  ta  maison 
LXXXIV.  Per  vendemias, 

Tout  panié  servis  '-. 
Pendantles  vendanges, —  tout  panier  sert. 
LXXXVI.  Que  de  res  iioun  so  mescla 

De  tout  a  repaus  '. 
Qui  de  rien  ne  se  mêle  —  de  tout  a  repos. 

LXXXVII.         Entre  la  nioch  et  lou  jour 

Fa  pas  près  de  muralhas. 

Entre  la  nuit  et  le  jour  — il  n'y  a  pas  de  murailles 

Le  pajsan  dit  quelquefois,  en  allant  se  coucher  : 

Vau  faire  un  trau  à  la  nioch, 
Per  que  lou  jour  se  ie  veje. 

Je  vais  faire  un  trou  à  la  nuit,  — de  façon  que  le  jour  se  voie  à 
travers. 

LXXXVIII .  La  pou  garda  las  vîgnas  * . 

La  crainte  irarde  les  vip^nes. 

LXXXIX.  Aven  travalhat  per  lou  rei. 

Nous  avons  travaillé  pour  le  roi. 

Les  époux  qui  ont  plus  de  garçons  que  de  filles,  et  à  plus 
forte  raison  ceux  qui  n'ont  que  des  garçons,  s'appliquent  ordi- 
nairement cette  locution  proverbiale.  Elle  rappelle,  d'une  ma- 
nière figurée ,  T obligation  du  service  militaire  qui  devra  in- 
comber un  jour  à  leurs  enfants . 

'  C'est  là  un  exemple  des  nombreux  gallicismes  qui  défigurent  trop  sou- 
v«mt  le  langage  populaire. 

^  Var  J.  Duvîtl.  Prov.  pat.,  p.  561. 

^  V.  de  Sauvages,  Dict.  lang.,  t.  II,  p.  390,  c.  J . 

*  V.  Gajcin,  Dict.  prov.,  p.  36Î,  c  1,  et  Duval,  Prov.  pat.,  p.  637. 


630  DIALECTES   MODERNES 

XC,  Destrech  au  bren. 

Large  à  la  farina  * . 

Avare  de  son,  —  prodigue  de  farine. 

On  applique  ce  proverbe  aux  personnes  qui  dirigent  lenrs 
affaires  avec  une  mauvaise  économie  :  ménagères  des  objets 
9ans  valeur  plutôt  que  de  ceux  qui  ont  du  prix. 

XCI .  Dieu  mentengue  lou  rebaladis 

E  lou  que  lou  mena. 

Dieu  maintienne  le  train  dépensier  —  et  celui  qui  le  mène. 

Ce  dicton  a'toujours  une  acception  ironique. 

Adelphe  ESPAGNE 

Professeur  agrégé  A  la  Faculté  de  médecine  de  MontpeUicr. 


Les  divers  proverbes  qui  suivent  nous  ont  été  communiqués 
par  M.  C.-H.  Ardouin,  qui  les  a  recueillis  dans  les  environs 
de  Nîmes .  Plusieurs  d'entre  eux  sont  de  très- curieuses  va- 
riantes à  ajouter  aux  collections  de  l'abbé  de  Sauvages  et  de 
Garcin. 

I.  Quau  a  fan 

Que  travalbe . 

Que  celui-là  qui  a  faim  —  travaille. 

II .  Quau  dono  e  que  levo 

Lou  diable  bassélo. 

Celui  qui  donne  et  (ensuite)  retire  —  frappe  le  diable. 

III.  Quau  f ai  un  bon  repas 


'  Variantes  peu  sensibles  :  la  Bugad.  prov. ,  p.  40  et  93;  —  de  Sauvages. 
Dict.  lang,,  t.  II,  p.  :I77,  c.  %  et  Garcin,  Dict.prop.^  p.  363,  et. 
Cette  location  proverbiale  est  devenue  un  exemple  populaire  rimé  (Du- 

val,  Prav.  pat.  y  p.  606)  : 

Cbumo  Jauo  la  veaino  : 
Amasso  Ion  hren.  cscampo  la  fanno. 


PROVERBES    ET  DICTONS    POPULAIRES  631 

Patis  pas  touto  sa  vido. 

Celui  qui  fait  un  bon  repas  —  ne  souffre  pas  de  la  faim  toute  sa 
vie. 

IV.  Source  de  jougadour  : 

Tantos  joio,  tantos  doulour*. 

Source  de  joueur:  —  tantôt  joie,  tantôt  douleur. 

V.  Vôu  mai  sot  que  piniastre. 

Le  sot  vaut  mieux  que  Topiniâtre. 

VI  Mau  avisa 

A  toujour  de  peno. 

Malavisé  —  est  toujours  en  peine  (de  tout). 

Vil.  Grand  van, 

Pichot  cop. 

Grand  élan,  —  petit  roup. 

Vlil.  Aussei  que  pieuto 

Vôu  quicon. 

Oiseau  qui  piaule  —  demande  quelque  chose. 

IX  .  Reinard  que  dor  la  matinado 

A  pas  lou  moure  ploumous*. 

Renard  qui  dort  (pendant)  la  matinée  — n'a  pas  de  plumes  au 
museau  (n'a  pas  fait  do  chasse). 

X.  Lou  mau  ven  à  quintau 

*  V.  variante,  J.  Duval,  Prov.  pat.,  p.  597. 
-  De  Sauvages,  Dict.  lang.,  t.  Il,  p.  392,  c.  2: 

Rainard  que  dor  la  matinado 
N'a  pas  la  gorjo  emploumado. 

La  version  deGarcin,  Dict.  prov.,  p.  378,  c.  1,  diffère  pour  le  second 
vers,  qui  est: 

N'a  pas  la  gouro  emploumnssado . 

On  dit  communément  à  Montpellier: 

Rainard  que  dor  la  grassa  matinada 
A  pas  jamais  la  barba  ounchada. 

La  version  de  J.  Duval,  Prov.  pat.,  p.  560,  est  presque  semblable  à 
celle  de  M.  Aidouin. 


63^/  DIALECTES    MODERNES 

E  s'en  vai  à  tarnau*. 
Le  mal  vient  à  quintal  —  et  s'en  va  par  gros  {ternaliSf  latin)  ^. 

XI .  Voulur  (jue  n'en  raubo  un  autre 

A  cent  ans  de  perdoun  ' . 
Larron  qui  en  vole  un  autre  —  a  cent  ans  de  pardon. 

XII.  Per  Pantacousto, 

Lou  pastre  gousto 
D'une  cerieiro 
Embè  uno  crousto  * . 

Pour  la  Pentecôte, — le  pâtre  goûte — d'une  cerise — avec  une 
croûte  (de  pain). 

XIII.  Bos  verd,  fenno  jouino,  escoubo  novo,  paa  caud, 

Arouinoun  Toustau  *. 

*  De  Sauvages;  Dict  lang.,  t.  II,  p.  384,  c.  1  : 

Lou  mauvenù  chival 
B  s'en  tomo  à  ped . 

La  version  de  la  Bugad*  prov.  est  presque  identiq.,  p.  65. 
Garcin,  Dict.  prov^t  p.  361,  c.  1  : 

Lou  mau  arribo  en  poeto 
E  s'en  retonmo  en  tastounian. 

«Ternâou:  un  gros  ou  une  dragme,  huitième  partie  de  l'once.  Le  gros 
pèse  3  deniers,  et  le^denier  24  grains.  Dragme  et  scrupule  sont  termes  de 
pharmacie.  En  latin,  ternalis.  »  (De  Sauvages,  Dict.  lang.,i,  II,  p.  302, 
c.  1 .  )  —  Le  gros  vaut  quatre  grammes . 

3  Garcin,  Didi.  prov.,  p.  374,  c   2  : 

Qu  volo  un  larroun 
Q-agno  soun  pardouu.    ^ 

La  version  de  Monpellier  est  : 

Voulur  que  n'en  rauba  un  autre 
Lou  diable  n<en  ris . 

J.  Du  val,  Prov.  pot.,  p.  635,  a  pour  le  second  vers  : 

Nouostre  Segne  s'en  ris. 

♦  De  Sauvages,  Dict.  Lang.,  t.  II,  p.  379,  c.  1: 

Entre  Fascos  e  Pantacousto, 
Fai  toun  dessert  d'uno  crousto . 

Proverbe  commun  à  tous  les  dialectes  du  Midi, 
8  De  Sauvages,  Dict.  lang.,  t.  II.  p.  376,  c.  1: 

Bos  verd  e  pan  caud 


PROVERBES   ET   DICTONS   POPULAIRES  633 

Bois  vert, —  femme  jeune,  —  balai  neuf,  —  pain  chaud,  —  rui- 
nent  la  maison. 

XIV.  ^     A  bon  apetis 

Cau  pas  sauço^ 

A  bon  ajipétlL  —  sauce  n'est  pas  nécessaire. 

Fan  la  rouino  d'u»  oustau. 

Deuxième  version  empruntée  à  la  Bugad.  prov.,  p.  74  : 

Pan  frèsc,  proun  filho  e  bouosc  verd, 
Metoun  l'oustau  en  en  désert. 

J.  Duval,  Prov.  paL,  p.  557  : 

Boues  vert  e  pa  oald 
Uestruisou  l'oustal. 

'  Garcin,  Dict,  prov. ,  p.  346,  c.  t: 

A  ren 
Noun  fou  sauço. 

J.  Duval  ajoute,  Prov.  pat.,  p  556  : 

Ni  plat  ]XT  ou  nietrc. 

La  Bugad.  prov.,  p.  10  el  20  : 

A  bouen  apetit 

Noun  fau  moustardo. 

Atfamat  nouu  vôu  sauço. 


Documents  inédits  pour  servir  à  Fétude  de  la  langue  d'Oc 

(  !•••     SERIE  ) 


QUE    i'a    de    NÔU 


SOUS-DIALECTE   DE    MONTPELUER    ET    DE    SES    ENVIRONS 

(1830  à  1840) 

Le  dialogue  que  Ton  va  lire  est,  comme  la  Font  ptUanella, 
déjà  publiée  dans  la  Revue  des  Langues  romanes,  Toeuvre  d'Au- 
guste Guiraud.  Deux  bonnes  vieilles  femmes,  Tune,  dona  Dou- 
meniqua,  habitante  du  faubourg  de  Boutonnet  ;  Tautre,  doaa 
Rouberta,  retirée  à  la  campagne,  s'entretiennent  des*  nou- 
veautés de  Montpellier  en  1839*.  A.  Glaize. 

DONA  DOUMENIQUA 

De  qu'es  aiço,  dona  Rouberta, 
Dourmissés  ?  la  porta  es  douverta. 

DONA   ROUBERTA  (Elle  s'éveille  en  sursaut,  se  frotte  \m  yeux 
et  reconnaît  dona  Doumeniqna) 

Aco's  VOUS?  Ai  !  m'avès  fach  pôu. 

DONA   DOUMENIQUA 

Aici  doun  pot  dintra  quau  vôu  ? 

DONA     ROUBERTA 

Un  moumenet  m' ère  assoupida, 
E  me  soui  touta  estrementida 
D'avedre  ausit  parla  quauqus . 
Aici  jamai  vèn  pas  degus. 
Que  voulès  que  çai  vengou  faire  ?. 


Nous  avons  mis  en  italique  les  gallicismes  les  plus  évidents. 


QUE   i'a    de   NÔU  635 

DONA    DOUMENIQUA 

Se  vei  tant  de  causas,  pecaire  ! 
Que  m'estounariei  pas  de  rès. 

DONA  ROUBERTA 

Que  me  countas  aquesta  fès  ? 
Fa  bon  brieu  que  vous  ai  pas  vista. 
E  la  grippa?  a  perdut  la  pista? 
M'oublidet  dins  aqueste  enclàu  *. 

DONA    DOUMENIQUA 

Tant  mius  ;  faguet  prou  d'autre  mau . 

Fa  d'aco..  (comptant  sur  ses  doigt»)  dous  ans  6  tresmèscs. 

DONA  ROUBERTA 

Tout  escas  grelhavou  lous  pèses  ; 
Encara  fasié  raichant  tens 
E  sen  ara  dins  lou  printens. 

DONA    DOUMENIQUA 

Embè  plesi  me  prene  garda 

Que  ses  toujour  fresca  e  galharda. 

DONA  ROUBERTA 

Manje  dins  mous  quatre- vint-dou s; 
Mes  sentisse  as  desnousadous 
Que  dansariei  pas  la  bourreia. 

DONA  DOUMENIQUA 

Degus  vous  dirié  pas  tant  vielha  ; 
Ses  pas  tant  frounsida  que  ièu  : 
Es  as  laguis  qu'aco  se  dèu. 
Lou  benestre  es  à  la  campagna 
E  dins  las  vilas  lamagagna. 

DONA    ROUBERTA 

Fau  prene  tout  coume  Dieu  vôu. 
Anfin,  que  me  countas  de  nôu  ? 

*  Allusion  à  un  antre  dialogue  du  môme  auteur,  entre  les  mômes  per- 
sonnages, sur  l'épidémie  de  grippe  de  1837. 


636  DIALECTES  MODBUNES 


DONA    DOUMENIQUA 


De  nôu  ?  N'auriei  tant  à  vous  dire 
Qu'a  pènaun  jour  pourrie  suffire. 
Mountpelhé  se  counoui  pas  pus  : 
Tout  es  virât  dejout  dessus. 
Traucou  partout  e  desmoulissou 
E  pertout  aderè  bastissou. 
D'un  vielh  casau,  ce  que  s'i'  wi*, 
Dirias  qu'es  lou  palai  d'un  rei*. 
Lous  maçons  n'an  pas  tens  do  mola 

DONA   ROUBERTA 

Rampliran  be  sa  dinieirola  ! 

DONA   DOUMENIQUA 

Se  vesias  lou  Peirou. . . .  boutas  ! 
De  suspresa  aqui  badarias. 
Aco's  un  parterra,  ma  filha  I 
Touta  mena  de  flous  iè  brilha; 
L'iol  e  lou  nas  ne  soun  ravits. 
Ce  que  lou  mai  vous  enclausis 
Es  aquel  gros  chival  de  ferre 
Que  dins  Paris  soun  anats  querre 
E  qu'an  quilhat  au  bèu  mitan. 
Porta  lou  roi,  que  dins  sa  man 
Ten  un  bastou.  Soun  er  barbara 
Sembla  que  vous  dis  :  Gara  !  gara  ! 

DONA   ROUBERTA 

Ai  vist  l'autre «.  Saique  belèu 
Pot  pas  n'i'  avedre  de  pus  bèu. 


'-'  Rimes  inexactes. 

3  La  slatue  de  Louis  XIV,  qui  se  trouvait  au  Peyrou  à  la  fin  du  dernier 
siècle,  ol  qui  fut  détruite  pendant  la  Révolution. 


QUE   i'a    de    NÔU  637 

DONA    DOUMENIQUA 

Aquela  resoun  es  la  mieuna  ; 
Mes,  se  sap,  chacun  à  la  sieuna. 
Se  dis  qu'aqueste  cavalié 
Es  plantât  un  pau  de  coustié, 
E  qu'es  assetat  sus  la  sela 
Couma  n'es  d'una  cabussela 
Que  tapa  pas  ben  sountoupi. 
L'un  tout  naut  vous  vèn  escoupi 
Qu'a  l'er  noble,  la  faça  humèna, 
Mes  qu'es  vestit  à  la  roumena^ 
E  qu'aco's  pas  un  rei  françès. 
L'autre  repren  :  S'antau  l'an  mes 
E  s' an  chanjat  soun  abilhage, 
Aco's  per  moustrà  soun  courage. 

DONA    ROUBERTA 

Digas,  porta  las  pxrs  de  lis'i 

DONA    DOUMENIQUA,  hésitant 

N'ou  save  pas 

DCNA    ROUBERTA 

Lous  abestits  1 
Coussi  counouisse  un  rei  de  Franca 
Se  porta  pas  soun  ourdounanca  ? 

DONA    DOUMENIQUA 

Aquel  dis:  Lou  chival    es  court; 

Soun  croupioun  es  trop  magre  ;  es  lourd. 

L'autre,  per  planta  sa  cabilha. 

Dis  :  Soun  antau  dins  l'Arabia. 

Deçai,  délai,  pertout  s'enten 

Faire  quauquo  resounamen. 

Voja,  cridava  una  filheta, 

(.'ouma  porta  en  l'er  sa  cougueta! 

Sembla  qu'a  besoun  de  quicon  : 


&^  DIALECTES  MODERNES 

Tout  lou  mounde  riguet  de  bon. 
Nostra  lenga  es  lèu  boulegada  ; 
Au  chival  couma  à  la  bugada, 
Chacun  vôu  mètre  soun  petas.  , 
Mes  tout  aco  n'empacha  pas 
Qu'es  un  bèumoucel,  se  pot  creire. 

DONA   ROUBERTA 

L'autre  valié  mai,  sans  ou  veire. 

DONA   DOUliENIQUA 

loi  tant  travalhou  lous  esprits 
Que  tout  enfin  se  descouvris. 
De  que  dirias,  dona  Rouberta, 
D'una  nouvela  descou^erta 
Qu'a  chacun  permet  en  tout  lioc, 
Quand  on  vôu,  d'avedre  de  fioc? 

DONA    ROUBERTA 

Aco  's  pas  malin,  malapesca  ! 
Un  briquet,  una  peira  e  d'esca, 
Pin,  pan,  una  alumeta. . .  es  près. 

DONA    DOUMENEQUA 

Parés  de  tout  aco,  parés. 

DONA    ROUBERTA,  riant 

M'anas  counta  quauqua  banbocha  V 

DONA    DOUMBNIQUA 

Lou  fioc  se  porta  dins  la  pocha  ; 
Sans  peira,  amadou,  ni  briquet, 
Lou  fioc  pren  couma  emb'un  luquet. 
Ë  dins  aquesta  circounstença 
Vau  VOU  'n  faire  Tesperiença. 

(Elle  brûle  quelques  allumettes  à  la  Congrèvo.) 
DONA   ROUBERTA,    étonnée 

Ou  vene  de  veire,  aco  's  vrai. 


QUE   VA   DE   NOU  d39 

Quau,  diansis  !  a  trouvât  lou  biai  ? 
Ai!  dcque  Tome  s'imagina  ! 
Es  coumoda,  aquela  machina. 
Al  !  quante  autis  endustrious  ! 

DONA   DOUMENIQUA 

Aici  quicon  de  pus  curious  : 
Per  ordre  de  lou  que  gouverna, 
Lou  souer  s'aluma  la  lanterna 
Plaçada  dins  chaque  quartiè 
Per  esclaira  tout  Mountpelhè. 

DONA  ROUBERTA 

Eh  be! 

DONA   DOUMENIQUA 

Tout  vai  chanja  de  moda: 
Seguiran  una  autra  metoda  : 
Pas  pus  d'oli  per  la  garni, 
Pas  pus  de  mechas  a  fourni. 

DONA    ROUBERTA 

Farès  couma  on  fai  d'ourdinari, 
Chacun  aura  sou  luminari. 

DONA    DOUMENIQUA 

Nani;  las  lampas  brularan 
E  partout  nous  esclairaran. 

DONA    ROUBERTA 

D'un  lun  sens  oli,  quau  pot  veire? 
Anen,  acose  pot  pas  creire; 
Me  facissès,  ou  vese  prou. 

DONA    DOUMENIQUA 

Sans  oli,  mecha,  mecheirou, 
La  lanterna  ben   alumada 
Esclairarà  touta  Tannada 


640  DIALECTES  MODERNES 

(Noun  pas  lou  jour,  mes  dinsla  nioch) 
Coume  lou  sourel  sus  un  pioch  ! 

DONA  ROUBERTA 

Tè,  veja  !  me  la  dounas  bêla, 
Suffis  d'i  mettre  una  candèla. 

DONA    DOUMENIQUA 

Nani  !  vous  dise  una  autra  fès; 
Ni  cira,  ni  graissa,  pas  gès. 

DONA    ROUBERTA 

Ses  toujour  una  badinaira. 

DONA   DOUMENIQUA 

Soui  pas  encara  repapiaira  ; 
Vous  parle  de  tout  moun  bon  sen. 

DONA   ROUBERTA 

Bénit  siè  lou  que  vous  coumpren  I 
leu,  que  soui  de  la  vielha  estofa, 
Pode  pas  estre  fisalofa. 
Dieu  gardava  à  nostres  enfants 
Mai  que  nautres  d' estre  savants  ; 
Save  pas  se  seran  pus  sages, 
leu  m'en  tene  as  anciens  usages  ; 
Jusqu'ara,  quand  vole  delun, 
lè  mette  d'oli  per  ounchun; 
E  s' un  paù  trop  la  jarra  baissa, 
Emplègue  de  cira  ou  de  graissa, 
E,  quand  moun  fioc  es  damoussat, 
Pratique  Tusage  ensegnat. 
Mes  enfin,  s'  aiço's  pas  per  rire, 
Espère  que  voudrès  me  dire 
De  qu'es  aquel  tant  grand  secret. 
Anen,-digas-m'ou,  si  vous  /)laît? 
Leva-me  d'aquelas  entravas. 


QUE    i'a    1>B    NÔU  tU\ 

DONA    DOUMiENIQUA 

Avès  doun  prou  manjat  de  favas? 
Ëh  be!  dounas  la  lengaau  cat. 
Lou  secret  m'es  pas  esplicat 
E  lou  counouisse  pas  encara, 
Mes  dirai  ce  que  se  prépara. 
An  fach  un  vaste  magasin 
Ount  an  crusat  un  grand  bassin. 
Aco  's  aqui  que  se  fabrica 
Certèna  matieira  magica, 
C'ertèn  quicon. . .,  devignas-ou, 
Que  porta  lou  noun  de  vapou. 
D'aqui,  jout  terra,  per  la  vila, 
Dins  de  canaus  la  vapou  fila, 
Jusqu'à  Tendrecli  ounte  es  plaçât 
Lou  réverbère  destinât. 
<>)uand  sera  plè,  chaque  alumaire, 
Lou  souer  ne  farà  soun  afaire. 
le  mettra  fioc,  veiren  de  fun, 
Un  moument  après  un  grand  lun. 

DONA  ROUBERTA 

Aco  sera,  s'  aco  pot  estre. 
Au  resta,  de  tout  Dieu-s-es  mestre. 
Se  nous  avié  pas  res  après, 
Saique  encara  sauprian  pas  res. 
Lous  anciens  qu'apelou  talosses 
Manjavou  de  fruits,  de  calosses, 
E  pourtant YiYien  fort  longtens, 
Sans  sf^  plani  d'un  mau  de  dents, 
iious   de  ici  soun  friands,  pecaire! 
E  per  aco  vivou  pas  gaire. 
(Ju  savès,  i'a  pas  pus  d'enfants; 
Tanlèu  naissou,  soun  déjà  grands. 
Sîivou  tout,  soun  pas  vergougnouses  : 
Siive  pas  se  soun  pus  urouses. 

42 


(54?  UIALECTUS    MODKRNKS 

Ëren  milhou  dau  tems  passât; 
Ara  lou  mounde  es  renversât. 

DONA   DOUMENIQUA 

Vou'n  souven,  quand  eren  pichotas, 
Coussi  risian  d'aquelas  botas 
Que,  dins  un  quart  d'oura  e  demi, 
Fasien  sèt  legas  de  cami  ? 

DONA  ROUBERTA,  réjouie 

Ë  la  perruqua  de  faïança, 
Que  fasiè  traversa  la  França, 
E  n'é  fasiè  faire  lou  tour 
Dins  lou  soûl  espaci  d'un  jour  ? 

DONA  DOUMENIQUA 

Prenian  aco  per  de  sournetas  ! 
Jujas,  d'après  las  alumetas, 
De  ce  que  Tesprit  ven  à  bout  ? 
Escoutas-me,  n'ai  pas  dicb  tout  : 
Ce  qu'autrasfès  era  de  fablas 
Es  loi  de  causas  veritablas; 
L'orne  es  tant  artificiel 
Qu'anarà  sans  escala  au  cieL 
Aco's  una  facoun  de  dire. 

DONA  ROUBERTA 

Ou  pense  ;  que  dirias  de  pire  ? 
Fau  be  que  ce  qu'on  vanta  tant 
Siéje  poussible  cependant. 

DONA  DOUMENIQUA 

De  que  dirias,  dona  Rouberta, 
D'una  autra  granda  descouverta, 
Qu'attira  dedins  Mountpelhè 
Lous  estràngès  de  tout  mestiè  ? 
Quand  an  ben  vist,  an  pena  à  creire 
La  causa  que  venou  de  veire. 
De  que  dires? 


QUE    î'a    de   NÔU  613 


DON A  ROUBERTA 

De  que  dirai? 
Suivant  ce  qu'es,  vous  respoundrai. 
Fa  fossa  causas  que  susprenou, 
Per  ce  qu'on  sap  pas  d'ounte  vènou. 
Qu'es  aquel  afaire  nouvel 
Que  tarabusta  lou  cervel  ? 
A  vous  entendre,  sen  tournadas 
Au  tens  ounte  vivien  las  fadas  : 
D'una  amelana  sourrissiè 
Un  prince,  un  castel  tout  entiè. 
loi,  per  adressa  ou  per  grimaça. 
Se  fai  de  tours  de  passa-passa  ! . . . 
Se  vei  tant  de  falibustiès 
Que  se  fan  passa  per  sourciès. 
Mes  enfin,  dins  aqueste  empèri, 
Digas-me  qu'es  aquel  mistèri. 

DONA   DOUMENIQUA 

Es  de  veire  un  grand  caroussin 
Que,  sans  chival,  marcha  grand  trin. 

DONA  ROUBERTA,    riant 

Oh  !  per  lou  cop,  n'en  croucas  una, 
Qu'embè  ieu  farà  pas  fourtuna. 
Aquela,  segur!  crema  au  lun. 
Se  prétendes  faci  quaucun, 
N'es  pas  la  tilha  de  ma  maire  ; 
Dounarai  pas  dins  aquel  caire. 

DONA   DOUMENIQUA,  animée 

Quatre  mila  amas  que  Tan  vist 
Vous  soustendran  aquel  avis. 
Aco's  un  certèn  équipage 
Que  n'a  j)as  besoun  d'atalage. 
Oui,  oui,  sans  chivals. 


d44  DIALECTES    MODERNES 

DON  A   ROUBERTA, 

Un  moumen  ! 
Encara  ai  prou  de  jujamen 
Per  counfoundre  aquelas  babiolas. 
S' es  pas  de  chivals,  Ta  de  miolas, 
Ases,  biôus,  tout  aco's  égal  ; 
Touta  bestia  n'es  pas  chival  ! 
De  que  dises  de  ma  replica? 

DONA  DOUMENIQUA,  piquée 

Que  per  s'entendre  Ton  s'esplica. 

DONA  ROUBERTA 

Saique  vous  ai  parlât  prou  clà. 

DONA   DOUMENIQUA 

A  moun  tour  laissa-me  parla  : 
Vous  dise  qu'aquela  voitura 
Vai  touta  soula,  sens  mountura, 
Sans  gès  de  mena  de  bestiau  ; 
L'an  fâcha  esprés  per  estre  antau, 
£  tout  lou  mounde  que  Ta  vista 
Jurarà  qu'es  antau  qu'esista. 

DONA    ROUBERTA 

Se  vai  per  aiga,  es  diferen  ; 
Es  una  barca,  ou'n  bastimen. 

DONA    DOUMENIQUA 

le  tau  de  terra,  amai  ben  dura  ; 
Marchariè  pas  dins  la  moulura, 
S'arrestariè  dins  un  fangas.  . 
Aici  ce  que  n'es,  escoutas  : 
Imagina-vous  una  massa, 
Un  cors  d'una  granda  carcassa  ; 
Sa  figura  es  un  long  carrât 
De  boi  soulida  e  ben  ferrât  ; 
Es  pourtat  sus  de  grossas  rodas. 


QUE   i'a    de   NÔU  645 

Ben  ceucladas  e  ben  coumodas. 
Aco's  lou  chef  dau  batalhoun. 
Save  pas  ben  quante  es  soun  noun. 
Es  el  que  dins  sa  larja  pansa 
Rescond  touta  la  manigança. 

DON  A.    ROUBERTA 

Ai  déjà  pena  a  vous  sèsi  ; 
Coumencas  de  m'embalausi. 

DONA    DOUMENIQUA 

Encara  aeo's  pas  rès,  patiença! 

Aquela  grossa  diligença, 

Per  lou  mouien  de  forts  crouchets, 

Enrabala  tout  à  la  fès  : 

Vint,  trente,  cinquante  voituras 

(Remarquas  que  soun  sans  mounturas), 

E,  suivant  lou  pès  e  las  gens, 

S'en  pourrie  mètre  quatre  cents. 

Chacuna  porta  vint  persounas 

Per  lou  men,  e  semblou  bessounas  : 

Quau  vei  Tuna,  vei  Tautra  en  tout, 

Despioi  Tun  jusqu'à  l'autre  bout. 

DONA   ROUBERTA 

Aco  broulha  un  pau  ma  cabossa, 
Mes  me  pense  que,  se  ni'a  fessa, 
Aco  deu  faire  un  famous  pès  ! 
Quatre  cents  carris  à  la  fès  ! 

DONA    DOUMENIQUA 

E  s'ou  falhé  s'en  metriè  mila. 
Toutes  attalats  a  la  fila. 
Toutes  renjats  au  courdelet 
Couma  lous  grans  d'un  chapelet. 

DONA    ROUBERTA 

Ai  !  moun  Dieu  !  ma  closca  se  vira  ! 
M^s  Hifras-me  donne  quau  lous  tira  i 


646  DIALECTES   MODERNES 

DONA    DOUMENIQUA 

Esperas-vous,  n'ai  pas  finit. 

DONA    ROUBERTA 

Sarnipà  !  que  Dieu  siè  bénit  ! 
Me  fasès  nousà  la  cervela. 

DONA   DOUMENIQUA 

Après  touta^aquela  sequela, 
Suivant  lou  mounde  e  lous  besouns, 
Vèn  ce  qu'appèlou  lous  vagouns. 

DONA   ROUBERTA,    snrj.n.-e 

Qu'es  aco,  dona  Doumeniqua? 
(Riant)  Saique  una  lanterna  masica? 

DONA   DOUMENIQUA 

Aco  's  un  carri  descouvert 
Ount  on  respira  lou  grand  er, 
Ou,  pulèu,  de  grandas  remisas 
Per  lou  puple  e  las  merchandisas. 
r  anarié  cent  mila  quintaus^ 

DONA  ROUBERTA 

Quan  i'  anarié  cent  mila  oustaus, 
Aco  *s  pas  ce  que  me  tracassa; 
Pioi  qu'aves  dich,  se  vou  'n  souvèn^, 
Que  vai  vite  couma  lou  ven*! 
E  per  un  tant  grand  équipage , 
De  que  pot  servi  d'atalage? 
Anfin,  parlas,  esplicas-m'ou  ? 

DONA    DOUMENIQUA,    gravement 

Souvenès-vous  de  la  vapou. 

DONA   ROUBERTA,    dépitée 

Recoumencas  vostras  sournetas  ! 
'  Rimes  inexactes. 


QUE    l  A   DE    NOr  ê\l 

Vous  acorde  las  alumetas; 
Mes  la  lanterna,  lous  vagouns, 
N'entende  pas  gès  de  resouns. 

DONA   DOUMENIQUA 

Poudès  creire  ce  que  vous  dise. 

DONA   ROUBERTA,    en  colère 

E  coussi  voulès  que  me  fise 
A  de  cracas,  à  de  cansous? 

DONA    DOUMENIQUA 

Se  savias  que  soun  las  vapous  ! 

DONA    ROUBERTA 

Vostra  vapou  me  de  varia. 
Oh  !  seriei  be  de  Betania, 
De  creire  ce  que  me  dises. 

(Elle  se  radoucit) 

Mes  me  fâche  pas. . .  se  risès , 
Riguen.  Digas  !  tant  d'embarasses, 
Quand  de  cami  fan?  Quatre  passes? 

DONA    DOUMENIQUA,    sérieusement 

Lou  trin  partis  de  Mountpelhè, 
E  sans  gès  de  cavalariè, 
Arriva  dins  lou  port  de  Ceta 
Au  pus  tard  dins  la  miech-oureta  ; 
Aco  se  fai  très  fes  per  jour. 
Darieiramen,  sus  lou  miech-jour, 
Très  cents  persounas  partiguèrou 
E  dins  dos  ouras  revenguèrou, 
Amai  dins  Ceta  avien  dinnat. 

DONA    R0UBP:RTA,    «e  moquant 

Anen  !  anen!  buffa,  Bernât! 
Monta  sus  Tase  e  veiras  Ceta. 

DONA    DOUMENIQUA,    irritée 

Sentisse  que  moun  sang  s'espèta  ! 


(548  DIALECTES    MODEREES 

N'(^s  pas  ieu  soula  qu'où  dirai  ! 
Mes  per  soustène  qu'aco  's  vrai 
A.urès  lous  très  quarts  de  la  vila, 
E  d'estrangès  mai  de  dous  mila. 
Quau  fai  anà  'co?  La  vapou. 
Desoublidave  ce  milhou  : 
Lou  cami,  sauprès  qu'es  de  ferre. 

DONA  ROUBERTA 

De  ferre,  dises  !  Vai  te  querre  ! 
E  va-t'en  voir  si  btene,  Zenn  I 

DONA    DOUMENIQUA 

E  de  la  larjou  de  la  man. 

An  pratiquât  una  rigola 

E  per  mouien  d'una  virola  . . 

DONA    ROUBEUTA,    iaterrompant 

Sen  amigas;  nous  broulhen  pas 
Rûssirès  pas  à  me  troumpà . 

{ Confidemment) 

Ou,  se  voulès  que  vous  ou  digue. 
Ai  pôu  que  lou  mounde  linigue. 
Vostras  vapous,  vostres  vagouns. 
Tout  aco  's  Yubra  das  demouns. 
Pensas-ti  lou  crestian  capable 
De  faire  un  miracle  semblable  ? 

DONA    DOUMENIQUA 

E  se  Nostre-Segne  ou  permès? 
Venès  à  la  vila,  ou  veirèa. 

DONA    ROUBERTA 

le  vendrai. 

DONA    DOUBfENIQUA 

E  quoura? 

DONA    ROUBERTA 

A  las  ôgas. 
Seguen  toujour  bonas  amigas. 


QUE   i'a    de   NÔU  649 

DONA   DOUMENIQUA 

Adessias  î  prenés  souen  de  vous. 

DONA    ROUBERTA 

Me  souvendrai  de  las  vapous. 

(Elles  se  quittent) 

A.    GUIRAUD. 


GRAMMAIRE    LIMOUSINE] 


CHAPITRE  SIXIEME 

ACCIDENTS    DIVERS    DES    CONSONNES 

SUPPRESSION    ET    ADDITION;    —    COMPENSATION*,    —     ACCOMMODATION;    — 

MÈTATHÈSE 

Comme  nous  l'avons  fait  pour  les  voyelles,  nous  consacre- 
rons ici  un  chapitre  supplémentaire  aux  divers  accidents 
éprouvés  par  les  consonnes,  dont  nous  n'avons  pas  traité  en- 
core ou  dont  nous  n'avons  parlé  qu'accidentellement,  d'une 
manière  incomplète,  et  sans  la  suite  et  l'ensemble  néces- 
saires. 

I.  —  Suppression  de  consonnes 

A.  —  Aphérèse.  —  Cet  accident,  ordinaire  à  l'a,  comme  on 
l'a  vu,  mais  que  les  autres  voyelles  n'ont  subi  qu'exception- 
nellement, atteint  assez  rarement  les  consonnes. 

Le  p  de  ptisana  et  de  psalma  est  tombé,  dès  le  temps  de 
l'ancienne  langue,  en  vertu  d'une  règle  générale  qui  sera 
énoncée  plus  loin.  Le  g  de  grundire  a  également  disparu,  dès 
lors,  bien  qu'aucune  loi  phonique  ne  l'y  contraignît,  puisque, 
au  contraire,  nous  avons  vu  le  g  normalement  appelé  devant 
r,  dans  granoulho.  Après  ces  exemples,  je  citerai  les  deux  sui- 
vants, qui  paraissent  plus  particuliers  à  notre  dialecte  :  Uro  = 
glirem  ;  —  eirisseû  =  petroselinum  (pr.  peiressil)  et  certaines 
prononciations  rustiques  et  mangées  du  pronom  vou,  où  le  v 
disparaît,  phénomène  inverse  de  celui  que  nous  avons  con- 
staté ci-dessus  à  l'article  de  l'A. 

Dans  quelques  mots,  l'aphérèse  atteint  non-seulement  la 
consonne  initiale,  mais  encore  la  syllabe  entière.  Ex.:  lûto  = 
àeluto  (fr.  bluette),  dissime  -^  iv,  grandissime,  La  seconde  syllabe 


GRAMMAIRE   LIMOUSINE  651 

a  même  disparu  avec  la  première  dans  morfàusâ  =  fr.  meta* 
morphoser. 
B.  —  Syncope.  —  Il  faut  distinguer  trois  cas  ; 

a,  —  Consonne  simple  entre  deux  voyelles.  —  En  pareille  po- 
sition, le  d  est  la  seule  muette  dont  la  chute,  dans  notre  dia- 
lecte, soit  constante.  Cela  vient,  je  suppose,  de  la  répugnance 
que  nous  avons  à  l'affaiblir  en  z,  car,  au  lieu  de  tomber,  les 
autres  muettes  à  qui  cela  reste  possible  se  bornent  en  gé- 
néral à  s'affaiblir.  C'est  ce  qu'on  a  vu  pour  les  fortes  c,  t^,  p, 
et  même  pour  les  douces  g  et  b.  Mais  ce  sont  celles-ci  natu- 
rellement qui  devaient  présenter  et  qui  présentent  en  effet  le 
plus  grand  nombre  d'exceptions.  (Voir,  pour  les  développe- 
ments et  les  exemples,  le  chapitre  V  ci-dessus,  l""®,  2«  et  3® 
sections.) 

La  syncope  des  liquides  et  des  spirantes  est  rare  et  excep- 
tionnelle. Ex .  :  recheivâ  =  pr.  recalivar,  hiasso  =*bisaccia. 
C'est  le  V  qui  en  présente  le  plus  grand  nombre  d'exemples. 
Même,  pour  cette  dernière  consonne,  la  règle  est  qu'elle 
tombe  entre  2  et  a.  C'est  ce  qu'on  voit  dans  j&ïb  (dent  de  peigne 
ou  de  râteau)  =  pr.  piva  et  dans  les  imparfaits  en  ta,  où  le  v 
disparu  n'était,  d'ailleurs,  qu'un  affaiblissement  du  b  latin  des 
flexions  ebam^  iebam,  remontant  jusqu'au  latin  vulgaire. 

b.  —  Groupes  de  deux  consonnes.  —  Tout  couple  de  con- 
sonnes dont  la  première  est  une  muette,  et  la  seconde  toute 
autre  qu'une  liquide,  se  réduit  à  l'unité  par  l'élimination  de  la 
première^, lorsqu'il  n'y  a  pas  eu  vocalisation  de  celle-ci.  Ex.: 
october,  otobre  ; —  september,  setembre;  — iielectare,  deletâ;  — 
adversarnus,  aversiè^;  — debfijtum,  dete;^r'  vidva,  vevo;  —  gau- 
dJŒj  jôyo; —  infectio,  infect;  —  et  de  même  dans  les  mots 
empruntés  au  français,  si  la  première  des  deux  consonnes  est 

•  T  est  exceptionnellement  tombé  dans  miallio  {meallia)  =■  metaUa, 
mais  après  s'être  préalablement  changé,  en  d. 

*  La  chute  des  muettes,  en  pareille  position,  a   lieu  aussi  en  initiale, 
comme  on  Ta  vu  ci-dessus  dans  tisane,  saume  =  ptisana,  psalma. 

^  Le  diable,  comme  en  vieux  français. 


i*.r>2  DIALBCTES  MODBRNBS 

une  muette  forte,  tels  que  nciden  =  accident,  adotà  zs^adoptei*. 
Si  <*<ette  première  consonne  est  une  muette  douce,  on  aime 
mieux  ({uolquefois  insérer  une  voyelle  (e)  entre  elle  et  la  sui- 
vante, pour  éviter  leur  concours,  que  de  la  laisser  tomber. 
Ex.:  ademirable  =  admirable.  Cette  prononciation  est  con- 
stante chez  les  paysans,  et  tout  mot  français  qu'ils  adoptent 
doit  se  plier  à  ces  lois. 

Quand  li^s  deux  consonnes  qui  se  suivent  sont  les  mêmes, 
la  règle  s'applique  également  et,  ici,  sans  distinction  de  clas- 
ses, c'est-à-dire  que  les  spirantes  et  les  liquides  s'y  confor- 
ment comme  les  muettes.  Ex.:  ^^ussay  rousso  (on  ne  fait  sonner 
qu'une  8); —  terra,  têro^  ;  — gutta,  gouto;  —  pulla,  poulo;  — 
medulla,  meulo;  —  bella,  héio;  •-  anguilla,  anguilo;  —  mappa, 
ndpo  ;  —  flamma,  fldmo  '. 

Les  couples  composés  de  ;<  et  d'une  autre  consonne  se  ré- 
duisent presque  toujours  à  l'unité  par  là  chute  de  !'«.  D'autres 
fois  aussi,  comme  on  l'a  vu  (  chap.  V,  section  II,  «S  ),  les  deux 
consonnes  persistent  toutes  deux.  C'est  la  règle  à  Tulle  et 
l'exception  à  Limoges. 

Pour  les  couples  dont  la  première  consonne  est  une  liquide 
ou  une  nasale,  voir  la  section  IV  du  précédent  chapitre,  parti- 
culièrement les  articles  de  /  intérieur  et  de  n  intérieur. 

Les  couples  dont  la  seconde  consonne  est  une  liquide  ou  la 
nasale  n,  et  dont  la  première  ne  s'est  pas  vocalisée,  persis- 
tent, sauf  à  changer  en  r  /  ou  n,  si  ces  consonnes  sont  anti- 
pathiques à  la  premièie.  (Voir  le  chapitre  précédent,  sec- 
tion IV.,  Quelquefois  aussi  ils  se  réduisent  à  l'unité;  mais 
alors,  contrairement  à  la  règle  générale,  c'est  la  seconde  et 
non  la  première  consonne  qui  tombe,  et  cela  s'explique  facile- 
ment par  sa  moindre  consistance.  Ex.:  plorare^  purâ  ;  —  plia, 
pu;  —  fr.  plaît'il?,  peti? ;  —  prestre,  pètre ;  —  clavicula, 
chavilho  :  —  laînfijna,  lâmo;  — domfijna,  ddmo. 

^  C'est  la  prononciation  de  Nontron,  mais  elle  n*est  pas  gônôraJo.  Plus 
bas,  fiar  exemple  à  Ribérac,  ob  continue  de  faire  sentir  les  deux  r  dans 
ce  mot  et  dans  Ips  semblables. 

'  Exception  :  annado  {■=■  -^  annota),  dont  l'a  initial  est  resté  nasal. 


GRAMMAIRE   LIMOUSI^E  653 

Le  même  mode  de  réduction  a  été  appliqué  exceptionnel- 
lement à  deux  couples  inversement  composés  (  rv  et  nd)  dans 
gara  =  vervnctum  (  pr.  garag  ),  et  dans  prenei,  reipounei  = 
prenderCy  respondere.  Contrairement  encore  à  la  règle  géné- 
rale, le  V  {  OMU  consonne)  tombe  souvent  après  t  et  5,  comme 
nous  avons  vu  ci-dessus  (chap.  V,  3*"  section)  qu'il  le  fait  tou- 
jours après  g  et  q.  Ex.  :  futuere,  foutei:  —  sua,  sa, 

c.  —  Groupes  de  plits  de  deux  coiisonnes,  —  La  dernière 
consonne  d'un  groupe  persiste,  et  c'est  d'elle  que  dépend 
la  chute  ou  le  maintien  de  ravant-dernière.  Celle-ci,  à  son 
tour,  si  elle  a  pu  se  maintenir,  exerce  sur  l'antécédente  la 
même  action  souveraine  et  ainsi  de  proche  en  proche.  La 
règle  générale  qui  régit  les  groupes  de  deux  consonnes  s'ap- 
plique donc  aussi  aux  groupes  d'un  plus  grand  nombre*.  Il 
suffit  de  les  diviser  par  couples  successifs,  en  commençant  par 
la  dernière  et  en  considérant  chacune  des  autres  tour  à  tour 
comme  la  première  d'un  couple,  et,  si  elle  est  maintenue, 
comme  la  seconde  d'un  autre  couple.  Soit,  par  exemple,  um- 
hra.  Nous  avons  d'abord  br,  qui,  d'après  la  règle,  persiste  ; 
puis  mb,  qui  persiste  également.  Umbra  donne  donc  réguliè- 
rement oumbro.  On  décomposera  de  même  le  groupe  sbtr  de 
presb(y)t(e)rum  Qïi  tr,  qui  persiste;  bty  qui  se  réduit  à ^; 5^,  qui, 
à  Nontron,  dans  ce  mot.  laisse  tomber  l's,  et  l'on  aura/)^^'e. 
Autres  exemples  :  hosi){i)'ale  :pt  se  réduit  à  ^,  «^  persiste  ;  donc 
ousfau:  —  nlterum  :  tr  persiste,  /  devant  /  se  vocalise:  donc 
autre;  —  ordfijnem  :  d  persiste,  moyennant  que  n  consente  à 
se  changer  en  r,  rc?  persiste  ;  donc  ordre;  —  marmfojr:  r  ne 
souffrant  pas  devant  soi  de  nasale,  7n,  pour  éviter  la  chute, 
se  change  en  /a  rb  persiste  ;  donc  marbre  ;  —  monstrare  :  tr 
persiste,  ,s-^  persiste,  ma  se  réduit  à  .s;  donc  mostrar  (pr.  ),  à 
Nontron  montra,  par  réduction  subséquente  de  la  forme  pro- 
vençale. 


'  Elle  y  est  aussi  naturelleraent  sujette  aux  mêmes  exceptions.  Ainsi 
/  lombo  dans  sangu  =.pr.  sanghit  {singultus).  comme  dans  purâ  t= 
plorare  :  v  tomoe  <ians  cmiseï  :=.  consuere,  comme  dans  foutei  =  futuetê. 


6'A  DIALECTES  MODEHKES 

C.  —  Apocope.  —  Les  mots  latins,  dans  leur  passage  en 
langue  d'oc,  en  perdant,  quand  il  y  a  eu  lieu,  leur  voyelle 
désinentielle,  avaient  conservé  intactes  leurs  consonnes  finales, 
tant  radicales  que  flexionnelles*,  excepté  le  m,  déjà  oblitéré, 
d'ailleurs,  en  latin  vulgaire,  de  l'accusatif  singulier.  Ces  con- 
sonnes, il  suffit  ici  de  le  rappeler,  sont  toujours  tombées  en 
limousin^  sauf  les  liquides  et  les  nasales,  dans  les  cas  et  sons 
les  conditions  déterminés  dans  la  section  IV  du  précédent 
ciia])itre.  Lorsqu'il  y  en  a  plusieurs  à  la  fin  d'un  mot,  elles 
tombent  toutes,  à  moins  que  la  première  ne  soit  liquide  ou 
nasale,  auquel  cas  celle-ci  persiste,  toujours  sous  les  condi- 
tions déjà  déterminées.  Ex.:  temps,  tem; —  corps,  cor;  — es- 
sartz^  eissar;  —  /b?*w,  four;  —  serps,  ser;  —  est,  es,  et;  —  sept, 
set,  se. 

Remarquons  ici  que  la  consonne  radicale  (la  dernière,  quand 
il  y  en  avait  deux),  supprimée  ou  vocalisée  à  la  fin  des  mots, 
reparaît  dans  la  dérivation  ou  dans  la  flexion,  sauf  à  subir,  s'il 
y  a  lieu,  les  affaiblissements  imposés  dans  le  corps  des  mots 

'  11  faut  excepter  quelques  mots  proparoxytons,  dans  lesquels,  contrai- 
rement à  la  règle,  la  pénultième  voyelle  ayant  été  maintenue,  la  dernière 
a  entraîné  dans  sa  chute  la  consonne  antécédente.  Tels  sont:  orfe  =  or- 
phanum,  orgue  =  oryanurrif  ias)sale  ~  salicem^  pâle  =  pcUlidus.  are  = 
horridus,  lebe  -  tepidus.  Mais  peut-êlre3  en  de  pareils  mots  la  règle  violée 
est-elle  moins  celle  qui  prescrit  la  chute  de  la  pénultième  voyelle  atone 
que  celle  qui  régit  les  groupes  de  consonnnes:  râfe^  par  exemple,  repré- 
senterait dans  ce  cas,  non  rapha(num)f  mais  raph(a)num,  rafne,  dont 
in,  au  lieu  de  persister  eu  se  transformant  en  r,  comme  dans  oôfre 
(coph(i)num),  ou  en  imposant  la  chute  à  la  consonne  précédente,  selon  la 
règle  générale ,  comme  dans  jaane  ---  gaib(i)num),  serait  elle-même 
tombée. 

^  L'apocope  a  même  alLeinl,  dans  notre  dialecte,  la  syllabe  finale  entière 
de  quelques  mots,  dont  la  dernière  voyelle,  conformément  aux  lois  pho- 
niques, avait  persisté  dans  la  langue  classique.  Ex.:  pai.  maif  frai*]^ 
paire,  maire,  fraire,  qui.  du  reste,  se  disent  aussi  en  quelques  endroits.  De 
même,  eicri  deitrui,  î)1us  usités  que  les  formes  complètes  eicrirBf  deitruire, 

*  On  trouve  déjà /ra/  dans  l'ancienne  langue,  h  côté  de  fraire  et  d'une  troisièine 
forme /rar.  Cf.  faire  et  far  de/acere.  Ponr  ce  «lemier  mot,  c'est  /or,  réduit,  edonla 
règle,  k/â,  qui  a  prévain  à  Nontron. 


URAMMATRB   LIMOUSINE  655 

aux  consonnes  de  son  espèce.  Ex,: peu  (pel),pelâ; — blan,  blan- 
cho;  —  ver  y  verdo  (ou  verto)\  — poû  (pultemj  eipontî;  —  gru 
fgranumj,  engrund  ;  —  gran,  grando;  —  eue  (pr.  cuech),  cuecho. 
Lorsque  la  consonne  finale  était  Tune  des  deux  mouillées, 
Ih  ou  nh,  elle  reparait  également  dans  son  intégrité,  et  pour 
cela  reprend  à  la  voyelle  antécédente  ce  qu'elle  lui  avait  prêté 
d'elle-même,  pour  la  diphthonguer  seulement  si  elle  était  Ih, 
pour  lui  donner  de  plus  le  son  nasal  si  elle  était  nh,  en  sorte 
que  cette  voyelle  redevient  simple  et  pure.  Ex.:  trahalh,  trabai, 
trabalhâ;  — jinolh,  janouei,  janoulhâ  ;  —  besonh,  besouenei  be- 
soun,  besounho. 

C'est  ici  le  lieu  de  parler  des  liaisons.  Notre  dialecte  en  a 
peu  de  souci,  ayant  au  contraire,  comme  on  Ta  vu,  un  goût 
prononcé  pour  Thiatus.  Aussi  n'est-ce  que  par  exception,  dans 
des  cas  rares  et  particuliers,  qu'on  voit  reparaître  dans  la  pro- 
nonciation une  consonne  finale  devant  la  voyelle  initiale  du 
mot  suivant.  Les  consonnes  qui,  absolument  oblitérées  ailleurs, 
reparaissent  ainsi  dans  certaines  positions,  sont  d,  t,  s,  z,  /et  w. 

Le  d  de  la  préposition  ad  reparaît  devant  quelques  mots, 
tels  que  un,  aqueû  :  ad  uno  fenno,  ad  aqueû  pri  ;  mais  cela  n'est 
ni  général  ni  constant. 

T  final  reparaît,  à  la  troisième  personne  du  singulier  et  du 
pluriel,  dans  les  verbes,  devant  les  pronoms  personnels  mas- 
culin et  féminin  eu  et  elo,  à  la  fin  de  net  (noctem)  dans  la  locu- 
tion net  e  jour,  dans  les  noms  de  nombre  set^  huet  *,  vint,  cent, 
devant  deux  ou  trois  mots  seulement,  tels  que  an^  out%  dans 
tout,  devant  toutes  les  voyelles,  et  encore  accidentellement  à 
la  fin  de  quelques  autres  mots,  tels  que  petit,  tant,  quant. 

S  final  reparaît,  mais  en  prenant  le  son  de  z,  entre  les  pro- 
noms nous,  vous,  et  le  pronom  en  dans  les  locutions  nan-nous- 
en,  nd-vous-en  (fr.  allons-nous-en,  allez-vous-en  *.) 

'  Dans  certains  lieux  où  la  forme  huech  a  prévalu,  le  ch  reparaît  égale- 
ment en  liaison. 

'  Kl  bas  limousin,  Vs  rie  rarticle  pluriel,  masculin  et  féminin,  reparait 
aussi  en  liaison  11  on  est  de  môme  dans  certaines  parties  du  Périgord. 
Mais  cela  n'a  li^u  ni  à  Nontron,  ni  en  haut  limousin. 


Ô56  DIAI.BCTKS    MODERNIiîS 

Le  2  anal  de  diez  (detz)  reparait  dans  les  noms  de  nombres 
composés  dieZ'ue,  diez-e-nôu  (18,  19)  et  devant  an  et  ourà. 

Un  de  un,  de  ôoun  et  des  pronoms  moun,  toun,  soun,  reprend 
devant  tous  les  mots  à  voyelle  initiale  une  existence  réelle 
pour  se  lier  à  eux,  et  la  voyelle  antécédente  de  nasale  redevient 
pure.  Ainsi  mm  âme,  boun  ami,  moun  efan^  doivent  être  pro- 
noncés u-nômCf  bou-nami,  mou-nefan. 

Ul  du.  i^ronom  (a)quel,  vocalisée  enu  partout  ailleurs,  reparait 
en  liaison  devant  les  voyelles  :  quel  âme,  quel  efan.  Il  en  est  de 
même,  mais  non  pas  constamment,  de  17  des  pronoms  tal, 
qual^  et  plus  rarement  encore  de  celle  des  adjectifs  soul^  bel. 

Remarque.  —  On  constate  dans  certaines  locutions  très- 
usitées  quelques  suppressions  de  consonnes,  soit  initiales,  soit 
finales,  mais  qui  ont  plutôt  le  caractère  d'une  syncope  que  celui 
d'une  aphérèse  ou  d'une  apocope,  parce  que  le  mot  qui  les 
subit  paraît  toujours,  dans  la  prononciation,  n'en  former  qu'un 
avec  celui  qui  le  précède  ou  celui  qui  le  suit,  quelquefois  même 
avec  tous  les  deux.  La  chute  de  la  consonne  rend  Tunion  plus 
intime  encore,  grâce  à  la  contraction  qui  s'ensuit.  Elx.:  sisset' 
eu  =  se  disset-eû  (  fr.  dit-il);  —  dueinan  =  d'uei  en  un  an  (fr. 
Can  prochain )  ;  —  peino  {poueino  )  =  pouen  uno (  fr, pas  une)* 
J'ajouterai,  comme  autre  exemple  de  contraction  violente,  bien 
qu'ici  la  consonne  disparue  fût  intérieure,  la  locution  dabouro 
=•  de  bouno  ouro  (fr.  de  bonne  heure  ). 


tl.  —  Clompeiisatioii 

4  Ce  phénomène  constitue  une  sorte  de  balancement  orga- 
nique. Les  voyelles  radicales  sont  sujettes  à  s'affaiblir  par 
compensation  devant  des  suffixes  chargés  et  pesants^.  Réci- 
proquement, les  voyelles  sont  sujettes  à  se  renforcer  par 
compensation,  quand  une  consonne  qui  les  suit  vient  à  tomber. 


*  C'est  ce  que  nous  avons  déjà  montré  au  chdpitre  [1.  Nous  y  revioi- 
drons  en  traitant  de<%  noms  et  des  verbes. 


«GRAMMAIRE  LIMOUSINliî  657 

Il  arrive  souvent  alors  qu'à  la  place  de  la  consonne  tombée,  il 
j  a  un  renforcement  de  la  voyelle  précédente,  par  voie  d'al- 
longement ou  de  diphthongue  *.  » 

Les  consonnes  dont  la  chute  est  ainsi  compensée  sont,  en 
limousin,  s,  r,  /,  m,  w,  et  dans  quelques  cas  rares,  d,  c  et  Qé 

S,  en  tombant,  soit  en  finale,  soit  devant  une  consonne  in- 
térieure, allonge  par  compensation  la  voyelle  précédente. 
Ex.:  posta,  pdto ;  — fust,  fû;  — pas,  pâ.  Si  cette  voyelle  est 
un  e,  elle  devient  le  plus  souvent  ei.  Voir  ci-dessus,  aux  cha- 
pitres III  et  V,  les  articles  de  Ve  et  de  Vs,  pour  les  développe- 
ments et  les  exceptions. 

J'ai  expliqué,  au  chapitre  II,  Finfluence  des  consonnes  explo- 
sives finales  sur  la  voyelle  qui  les  précède  immédiatement  et 
qui,  grâce  à  elles,  s'abrège  si  elle  est  longue,  et  si  elle  est 
brève,  reste  telle  sous  Taccent.  Le  même  phénomène  doit  à 
plus  forte  raison  se  produire,  en  vertu  de  la  loi  qui  régit  les 
voyelles  en  position,  lorsque  ces  consonnes  sont  suivies  d'une 
s.  Ainsi,  Yi  d'ami  est  bref  au  pluriel  où  il  représente  tes,  comme 
au  singulier  où  il  représente  ic.  Il  en  est  ainsi  au  pluriel  d'à 
peu  près  tous  les  noms  terminés  au  singulier  par  une  explosive. 
Mais,  dans  beaucoup  de  cas,  Ys  finale  a  exercé,  par-:lessus 
l'explosive  tombée  avec  elle,  son  action  ordinaire  sur  la 
voyelle  antécédente,  en  l'allongeant  ou  l'empêchant  de  s'abré- 
ger. C'est  ce  qui  a  eu  lieu,  par  exemple,  dans  toutes  les 
liexions  verbales  de  la  deuxième  personne  du  pluriel ,  dont  l'a 
et  Ve^  certainement  brefs  dans  l'ancienne  langue  {atz,  etz  = 
atifi,  etis)^  et  restés  tels  dans  les  dialectes  qui  ont  conservé  les 
consonnes  finales,  sont  longs  en  limousin.  Même,  à  certains 
temps,  Ve  de  etz  est  devenue  ei,  comme  celui  de  es;  mais 
c'est  là  une  v«»ritable  corruption  qui  n'est  pas  universelle. 
Ordinairement,  si  le  t  n'a  pu  empêcher  l's  d'allonger  Ve  dont  il 
le  séparait,  il  a,  du  moins,  défendu  celui-ci  de  la  diphthon- 
iraison. 

La  chute   de  r  final  après  e  est  compensée  par  la  diphthon- 

*  Baudry,  (îra/n  comp.,  p  58-59. 

43 


f558  DIALECTES    MODERNES 

gaison  de  cette  voyelle  en  ei.  J'ai  déjà  dit  qu'en  bas  limonsin 
ce  phénomène  ne  se  produit  pas.  Après  la  chute  de  IV,  1> 
reste  e  et  même  il  s'abrège.  Il  en  est  ainsi  dans  la  même 
contrée  de  Va  et  de  Yi  des  infinitifs  en  ar  et  en  tr,  au  con- 
traire de  ce  qui  a  lieu  chez  nous  et  dans  le  haut  Limousin, 
où  ces  voyelles,  en  devenant  anales,  conservent  leur  quantité 
originelle. 

La  chute  de  /  après  une  voyelle  est  compensée  par  la  diph- 
thongaison  de  cette  voyelle  avec  u  ou  avec  t^  ou  par  son  allon- 
jrement.  Voir  ci-dessus,  chapitre  V,  à  l'article  de  1'/. 

La  chute  de  m  (comme  son  distinct)  est  compensée  par  la 
nasalisation  de  la  voyelle  antécédente.  H  en  est  de  même  de 
celle  de  ïn,  mais  non  pas  dans  tous  les  cas.  Voir  ci-dessus, 
chapitre  V,  aux  articles  de  ces  consonnes. 

C'est  probablement  en  raison  de  l'affinité  des  deux  con- 
sonnes d  et  /*,  toutes  les  deux  dentales,  qu'on  voit  la  chute  du 
d  compensée  dans  quelques  mots,  comme  celle  de  1'/,  par  la 
diphthongaison  de  la  voyelle  antécédente  en  u,  Ex.:  crédit, 
creû;  —  videt,  veû;  —  vado,  vau. 

C'est  aussi,  sans  doute,  par  suite  d'une  affinité,  si  anomale 
qu'elle  paraisse, entre  l'/etles  gutturales  dures  g  et  c*,que  Ton 
voit  la  chute  de  ces  consonnes  compensée  dans  quelques  mots 
par  l'insertion  d'un  w'.  Le  fait  est  certain  pour  saumo  et  es* 
marauda  (pr.),  comme  le  prouvent  les  formes  intermédiaires 
b.  lat.  salma,  esp.  esmeralda  et  it.  smeraido,  de  sagma  et*m- 
aragdus . 

Remarque.  — On  pourrait,  à  la  rigueur,  considérer  comme 
(les  compensations  tous  les  phénomènes  mentionnés  dans  les 
précédents  chapitres  sous  le  nom  de  vocalisation  de  consonnes* 

'  Aux   exemples  déjà  allégués^  à  la  page   66,  de  l  ^  d,  ajoutez  pr. 

folrar,  d'an  radical  germanique  fodVf  qui  se  retrouve  intact  dans  ntalien 

fodero,  foderare. 
<  Gf  cacau  et  calau,  qui  sont  deux  formes  du  môme  mot  (fr.  nota), 
3  Aux  exemples  déjà  cités  (p.  67  et70j  ajoutez  ause,  forme  limousine 

du   pr.  classique  ais,  esp.  port.  cat.  asco  (^acso)  =  ananus.  Voir  Ray- 

nouard  au  mot  ais  et  Diez  au  mot  ansia. 


ciRAMMAIRE  LIMOUSINE  659 

Mais  je  crois  devoir  réserver  cette  dénomination  pour  les  cas 
où  une  voyelle  prend  la  place  d'une  consonne  sans  qu'on  puisse 
expliquer  le  fait  par  une  permutation.  Voilà  pourquoi  la  sub- 
stitution d'un  i  k  c,  à  g,  même  kt,kd  ou  k  p,  ne  constitue 
point  pour  moi  une  compensation  proprement  dite.  Il  n'y  a  là 
qu'une  mutation  normale  à  deux  ou  trois  degrés,  par  exemple, 
pour  creire=^credere,  àe  d  en  g^  (dentale  en  gutturale),  de 
g  en  y  (gutturale  en  gutturale),  de  y  en  t  (semi-voyelle  en 
voyelle)  ;  pour  chai  (pr.  cais)  =  capsus,  de  p  en  c*  (labiale 
en  gutturale),  de  c  en  y  (gutturale  en  gutturale),  de  y  en  i 
(semi-voyelle  en  voyelle). 

La  substitution  d'un  2  à  r  et  à  /  pourrait  s'expliquer  de 
même  par  la  mutation  préalable  de  ces  liquides  en  y,  semi- 
voyelle  en  laquelle  j'ai  montré  ci-dessus  qu'elles  aiment  à  se 
fondre.  Mais  je  ne  découvre  aucun  intermédiaire  du  même 
genre  entre  /et  u,  non  plus  qu'entre  s  et  t.  Vu  et  l'i  consonnes 
n'étant  pas  en  rapports  immédiats  d'échange,  le  premier  avec 
/,  le  second  avec  s.  Aussi  la  compensation  paraît-elle  ici  la 
seule  explication  possible  du  phénomène. 


ill.  —  Addition  de  consonnes 

A.  —  Prosthèse.  —  Phénomène  assez  rare.  J'ai  déjà  men- 
tionné (chap.  IV),  la  prosthèso  de  y.  Le  mot  jabj^e  (=  asper) 
nous  offre  un  exemple  unique,  je  crois,  de  celle  de/.  A  Yy  ou  i 
consonne  ajouté  on  prépose  quelquefois z  (Ex.:  ziôu  =  ovum) 
ou  n  (Voir  ci-après  niaure),^ 

Sur  la  prosthèse  de  v,  b,  ou  g  y  voir  ci-dessus,  aux  articles  de 
l'A  et  de  l'r. 

L'ancienne  lan^^ue  avait  préposé  n  à  altm  dans  naut,  forme 

*  La  mutation  préalable  en  gf  du  d  do  credere,  vidcre,  est  prouvée, 
d'ailleurs,  par  les  formes  du  participe  passé  cregu,  vegu. 

»  La  mutation  préalable  en  c  du  p  de  capsus  est  prouvée  par  les 
formes  catalanes  quex,  portugaise  queixo,  castillane  quixada.  Voir  Diez 
au  mot  casso. 


m)  DIALECTES   MODEREES 

usitée  concurremment  avec  aui.  Nous  avons  conservé  Tune 
et  Tautre.  La  prosthèse  de  n  se  remarque  dans  quelques  autres 
mots,  mais  plus  rarement  à  Nontrou  que  dans  le  Limousin 
proprement  dit.  Ex.  :  nen  =  en  yinde);  —  ni  =  i  (ibi);  —  nirai 
=  irai  {ire  habeo);  —  niaure  (à  Limoges)  =  yeure  (ebrius). 

D'autres  exemples  de  prosthèse  sont  celle  de  d  dans  den- 
guêro,  qui  se  dit  plus  fréquemment  en  haut  Limousin  que  chez 
nous,  pour  enquêro  -=  pr.  anquera,  et  celle  de  /  dans  /«'(=  t  =: 
ibi ,  inusité  à  Nontron,  mais  très-commun  en  haut  Limousin. 

B.  —  Epenthèse.  —  Il  faut,  comme  pour  les  insertions  de 
voyelles,  distinguer  quatre  cas  : 

a.  — Entre  devx  voyelles ,  —  K  s'introduit  souvent  (voir  ci- 
dessus,  p .  38)  entre  Vi  tonique  et  Vo  (=  a  ou  e)  des  finales 
des  mots  indigènes  en  ia  ou  des  mots  français  en  ie  trans- 
portés chez  nous.  Ex.:  manîyOy  foulîyo,  patrîyo,  La  même 
insertion  a  toujours  lieu,  à  Nontron  du  moins,  entre  IV  ou  Yu 
tonique  et  Vo  (r=  e)  des  mots  français  que  nous  avons  em- 
pruntés. Ex.:  purêyo,  fncassêyo,  estatûyo. 

Pour  rinsertion  de  r  et  de  ^  (h)  entre  deux  voyelles,  voir 
ci-dessus,  chapitre  IV,  article  de  Vh. 

b.  —  Entre  deux  consonnes ,  —  Lorsqu'une  nasale  est  immé- 
diatement suivie  d'une  liquide,  elle  appelle  entre  elle  et  cette 
dernière,  pour  faciliter  la  prononciation,  la  muette  douce  de 
sa  famille.  Ceci  est  de  règle  générale  dans  toutes  les  langues 
romanes,  comme  en  latin  et  en  grec.  Ex.  : 

ml.  —  *Simulare,  semblar,  sembla 

mr,  —  Numerus,  nombre,  novmbre . 

nr.  —  Minor,  menre,  mindre, 

ni.  —  TV,  ici  comme  devant  r,  appellerait  normalement  d. 
Mais  cette  consonne,  refusant  de  s'associer  avecl'/*,  permute 
avec  la  gutturale  du  même  degré,  et  l'on  a  ngl  au  lieu  de  ndl: 
spinfujla,  eipinyllio  *,  où,  conformément  à  la  règle  qui  va  être 

'  Si  d  ne  so  faisait  pas  suppléer  par  g,  il  imposerait  à  17  suivaDle  l'obli- 
gation (Je  se  changer  en  r»  comme  dans  pr.  escandre  —  scand(a)lum. 

-  Eipinijlho  une  fois  formé,  nous  l'avons  réduit  à  eipingo,  qui  est  la 


GRAMMAIRE   LIMOUSINE  mi 

rappelée  tout  à  Theure,  le  groupe  gl  a  attiré  un  y  pour  former 
la  combinaison  triple  glh.  On  a  peut-être  un  autre  exemple  de 
rinsertion  du  g  entre  n  et  ida>nsjanglh(i  =  *gannillare  (?),  de 
gannirCy  dont  ce  verbe  a  précisément  la  signification  dans 
notre  dialecte*. 

L  et  s  appellent  de  même  quelquefois,  comme  en  français, 
rf  devant  r.  Ex.:  *Vol{é)re  habeo,  voldrai,  voudrai;  -  val{e)re 
habeo,  valdrai,  voudrai  ;  —  *ess{e)re,  estre,  être, 

c.  —  Entre  une  consonne  et  une  voyelle,  —  Les  seules  con- 
sonnes qui  s'introduisent  en  pareille  position  sont  la  semi- 
vojelle  y  et  les  deux  liquides,  c'est-à-dire  les  plus  fiuides  de 
toutes  les  consonnes.  Sur  Tinsertion  de  Vy,  voir  ci-dessus, 
chap.  IV,  p.  58,  dj  et  chap.  V,  P®  section,  aux  articles  du  c  et 
du^.  Quant  aux  liquides,  elles  aiment  à  s'introduire,  /après  les 
labiales,  r  après  les  dentales.  Ex.:  flôucou=  pr.  falco  ffalco- 
nem);  -~sablou^=  saponem;  —  s'eiplàmî=*spasmare; — tartro 
=  fr.  tarte  ;  —  mentrâtre  =  pr.  mentastre; —  6utrijo*=.  urtica 
(pr.  ortiga);  —  assedrà  =  pr.  asseda  (altéré);  —  eicrupi  =  pr. 
escupir  ;  —  froundo  =  funda, 

d, — Entre  une  voyelle  et  une  consonne.  —  La  consonne  qui  s'in- 
troduit le  pins  fréquemment  *  en  pareille  position  est  l'w;  mais 
elle  n'y  a  pas  ou  n'y  a  plus,  dans  les  mots  où  Tépenthèse  re- 
monte à  l'ancienne  langue,  sa  valeur  propre.  Le  phénomène 
se  réduit  à  la  nasalisation  de  la  voyelle  *.  Ex.:  gingn  (fr.  giguer); 

forme  la  plus  iisuoll(\  en  éliminant  VI  mouillée  associée  au  g,  comme 
nous  avons  éliminé  17  simple  en  pareille  position  dans  purd,  pâ,  sangu. 
(Voir  ci-dessus  à  l'article  de  la  syncope.) 

^  Janglfid  vient  plutôt  peut-être  de  jaciUari,  moyennant  la  nasalisation 
de  l'a  radical. 

*  La  (liphthongue  initiale  ou  (^  al  =  or)  prouve  qu'il  n'y  a  pas  eu 
métathèse  de  l'r. 

3  On  ne  constate  que  très-rarement,  en  pareil  cas.  répenthèse  d'autres 
consonnes.  Jargié  (=  gigerium)  nous  offre  un  exemple  de  celle  de  r.  Colle 
de  f  a  tni  lieu  dans  moufle  (pr.  moflet)^  si  du  moins  ce  mot  pst  le  môme 
que  inolel .  concarremmînt  usité  dans  la  vieille  langue,  avec  un  sens 
identique. 

*  Gf ,  dans  la  vieille  langue,  engal  s:,  égal  (œqualis). 


6().'  DIALECTES    MODERNb'.S 

—  cementèn  (déjà  tel  en  provençal)  cœmeterium;  —  benlâ^ 
halnre: —  eiujravmo  (fr.  écrevissé):  —  penche  (le  même  en  pr.) 
=  pecten;  —  linc/tausso  =  Iw-chausso  du  bas  Limousin  (fr.  jar- 
retière) ;  —  maadi,  mandinâ,  mandinadOy  mots  plus  particuliers 
au  parler  du  haut  Limousin  =  à  Nontron,  mati,  matinà,  math' 
tiado,  de  inatutinum. 

Ce  procédé  de  renforcement  des  voyelles  par  nasalisatioD 
est  plus  fréfiuent  en  bas  Limousin  que  chez  nous.  A  Tulle,  on 
dit,  par  exemple,  hlan  nègre,  chominjo,  tominja,  grounh,  au 
lieu  de  hla  nègre  (hlé  noir),  chamiso  (chemise),  tamisa  (tamisé), 
gro**i!o  (mvate). 

C. —  Paragoge. —  Le  limousin  ayant  peu  de  goût  pour  les 
consonnes  finales,  on  conçoit  que  la  paragoge  des  consonnes 
y  soit  fort  rare.  Je  n'y  en  connais   d'exemples  certains   que 
Taddition   d'un  ^  à  la  préposition   din  et  d'un  d  à   la  prépo- 
sition en  {=  pr.  am  ou  amb\  lorrîque  le  mot  suivant  commence 
par  une  voyelle.  Ex.:  dint  un  an,  end  uno  fenno.  Mais  peut- 
être  ai -je  eu  tort  de  considérer,  plus  haut,  comme  organique 
le  t  que  nous  faisons  sentir  en  liaison  à  la  troisième  personne 
du  singulier  ou  du  pluriel  dans  les  verbes,  et  vaudrait-il  mieux 
regarder  aussi,  dans  ce  cas,  cette  consonne  comme  épithéti- 
que.  Ce  qui  peut  induire  à  le  penser,  c'est  que,  dès  l'ancienne 
langue,  le  t  final  des  flexions  latines  était  déjà  complètement 
oblitéré  dans  toutes,  sauf  une  seule,  celle  de  la  troisième  per- 
sonne du  singulier  du  prétérit. 


IV.  —  Accommodation 

Il  arrive  souvent  que,  de  deux  consonnes  consécutives, 
l'une  impose  à  l'autre,  lorsqu'elle  n'en  exige  pas  la  chute, 
l'obligation  de  subir  un  changement,  soit  de  famille,  soit  de 
classe  ou  de  degré,  pour  se  mettre  à  son  unisson  et  rendre  la 
prononciation  plus  facile  :  c'est  ce  qu'on  appelle  accommoda- 
tion. Si  la  consonne  modifiée  s'assimile  complètement  à  l'au- 
tre, le  phénomène  est  dit  assimilation.  On  l'appelle  dissimila- 


GRAMMAIRE    LIMOUSINE  663 

tion  lorsque,  au  contraire,  les  deux  consonnes  étant  origi- 
nairement semblables,  Tune  des  deux  se  modifie,  soit  dans  un 
but  de  renforcement,  soit  pour  éviter  la  monotonie  produite 
par  le  retour  d'une  même  consonne  dans  deux  syllabes  con- 
sécutives. 

La  plupart  des  mutations  de  consonnes  mentionnées,  dans  4e 
chapitre  précédent,  comme  accidentelles,  c'est-à-dire  qui  ne 
trouvent  pas  une  explication  suffisante  dans  la  règle  générale 
énoncée  au  début  de  ce  même  chapitre,  sont  des  phénomènes 
d'accommodation. 

Il  faut,  dans  Faccommodation  proprement  dite,  comme  dans 
l'assimilation  et  la  dissimilation,  distinguer  deux  cas:  P  celui 
où  la  consonne  qui  impose  sa  loi  suit  la  seconde  ;  2°  le  cas  in- 
verse. Dans  le  premier  cas,  le  phénomène  est  dit  régressif; 
dans  le  second,  progressif.  C'est  le  premier  qui  se  rencontre  le 
plus  fréquemment,  en  vertu  de  cette  loi  déjà  mentionnée  que, 
de  deux  consonnes  consécutives,  c'est  en  général  la  seconde 
qui  gouverne  la  première. 

A.  —  Accommodation  proprement  dite 

a. —  Accommodation  régressive.  —  La^consonne  dominante, 
qui  est  ici  la  seconde,  force  la  première  à  changer,  soit  de 
classe,  soit  de  famille,  afin  qu'elle  lui  devienne  plus  sympathi- 
que. Cette  contrainte  est  très-fréquemment  exercée  par  les 
liquides  ou  les  nasales,  malgré  leur  faiblesse  relative,  même 
sur  les  explosives. 

Exemples:  Changement  de  classe.  Gutturale  dure  en  gut- 
turale molle  ou  semi -voyelle  :  pugnare,  pounhâ  {=  pounyâ,  par 
métathèse  pour  pouijnà); —  vig{i)lare,  velhâ(=  velyâ,  par  mé- 
tathèse  pour  veyla);  —  dentale  explosive  en  liquide*:  putnai, 
purnai;  —  *fodrar,  folrar  fpr.);  -   dentale}  sifflante  en  liquide 

*  Cf.  en  latin  arbiter,  arguere  -  adbiter,  adguere,  en   français  bomr 


661  DIALECTES   MODER^ES 

(r):  fr.  esprit ,  arpri;  —  juste,  jurte:  —  dentale  nasale  en  li- 
quide: nn[i)ma,  arma;  —  7mn{i)mf(s,  merme  (pr.); —  an(i)maita, 
oumalho  {=  nlmalha) .  —  Changement  do  famille.  Dentale  en 
gutturale:  ust{u)lare,  ûclhâ;  —  vet{u]la,  *vecla,  d'où  melho;--- 
sit{u]ln,  *sedn,  d'où  selho;  — nod(nJlum,*tioclum,  d'où  nouei(= 
rtolh  ; —  labiale  en  gutturale:  stup{u)la,  *stucla,  d'où  eitotMo*; 
—  labiale  en  dentale  :  vindemiare ,  vendenhâ  ;  —  rum{i)cem, 
rounze; —  gutturale  en  dentale:  sagma,  salma,  d'où  saumo, 

b,  —  Accommodation  progressive,  —  Ce  phénomène,  qui  con- 
stitue une  dérogation  à  la  règle  générale  rappelée  tout  à 
l'heure,  ne  se  produit,  d'ordinaire  que  lorsque  la  seconde  con- 
sonne n'ayant  à  subir,  pour  s'associer  euphoniquement  à  la 
précédente,  qu'un  changement  léger  et  facile,  celle-ci,  au  con- 
traire, ne  peut  se  prêter  à  aucune  mutation  susceptible  de 
détruire  l'antipathie  existante,  ou  qui.  du  moins,  lui  permette 
de  former  avec  la  seconde  consonne  une  société  aussi  intime 
que  dans  le  premier  cas.  Ex.  :  ord[%)nem,  ordre;  —  carp[%)num, 
chaupre  ;  —  volt[u)larey  voutrd. 

B. — Assimilation.  —  L'ancienne  langue  nous  présente,  sur- 
tout dans  le  cas  do  deux  consonnes  consécutives,  d'assez  nom- 
breux exemples  de  ce  phénomène.  Il  en  reste  dans  notre 
dialecte  peu  de  traces  sensibles,  la  consonne  double  résultant 
de  l'assimilation  s'étant  presque  toujours  réduite  à  l'unité. 

a,  —  Assimilation  régressive.  —  Ce  phénomène  doit  être  pai^ 
tout  fort  rare  dans  le  cas  où  les  deux  consonnes  restent  sépa-* 

^  J*Hi  déjà,  p.  73,  note  3,  rapproché  de  eitoulho  le  fr.^cuetlet  Fit.  scoglio, 
qui  supposent  l'un  et  Tautre  un  changement  préalable  de  scopulum  en  une 
forme*5codum  ou  *  scoglum,  prouvée  en  outre  par  les  lormes  castillane 
escollo  et  portugaise  escolho.  C'est  du  reste  un  fait  incontestable  que  pi 
(coramn  U)  a  toujours  donné  dans  ces  deux  langues,  comme  dans  les  au- 
tres idiomes  romans,  les  mêmes  dérivations  que  cl,  d'où,  ce  me  semble,  la 
nécessité  d*admettro  pour  pi  la  même  mutation  préalable  en  cl  dont  on  a 
la  preuve  pQpr  U.  Ainsi  pluere  a  donné  en  castillan  lloiyer,  comme  damare 
Waw</r.  —  en  portugais  chover;  comme  damare,  chamar.  Pareillement 
*  manup(U)lum  (v.  f.  manoil),  a  donné  en  castillan  manojo  comme  oe[u)- 
lum  ojo,  —  en  portugais  manoUio,  comme  oc{u)lum  oUio, 


GRAMMAIRE  LIMOUSINE  665 

Tiées  par  une  voyelle.  Je  n'en  trouve  pas  d'exemple  en  limou- 
sin. Il  est,  au  contraire,  assez  fréquent  quand  les  deux  con- 
sonnes se  suivent  immédiatement.  Ce  sont  exclusivement,  dans 
ce  dernier  cas,  les  liquides,  les  nasales  et  la  sifflante  qui  s'as- 
similent la  consonne  antécédente.  Les  autres  consonnes,  étant 
plus  consistantes  et  ne  se  sentant  pas  dès  lors  le  même  besoin 
d'appui,  la  laissent  tomber. 

/.  —  Rot(u)lumj  pr.  rolle,  aujourd'hui  chez  nous  rôle;  —  mo- 
d(u)lum,  pr.  molle. 

r.  —  Quadraria,  carrier  a,  càrièro;  —  adripare  y  arriàar, 
arihâ. 

w.  —  Adnare,  annar  et  anar,  anâ;  —  columna,  colonna,  cou- 
louno  ;  -  sem(i)nare,  semnar,  sennâ; — signare,  sinnâ, 
m. — S€pti)mana,  setmana,  semmâno, 

s.  —  Considerare,  cossirar  (mot  éteint);  —  adsatis,  assatz;  — 
taxare,  tassar.  J'ai  déjà  dit  plusieurs  fois  qu'en  limousin  deux  « 
ne  sonnent  jamais  que  comme  une  seule. 

h.  -  Assimilation  progressive,  —  Ce  mode  d'assimilation  est 
très-rare.  On  peut  citer,  dans  le  cas  où  les  deux  consonnes 
restent  séparées,  memi  ==  menino ;  dans  le  cas  où  elles  se  sui- 
vent immédiatement,  channhâ  =z  cambiare  (^canbiaré);  —  an- 
goissa {i^r.)  =  angustia.  C*est  peut-être  moyennant  une  assimi- 
lation dudk  l'n,  suivie  de  la  réduction  à  l'unité  du  couple  nn 
ainsi  constitué,  que  prendere  a  formé  prenei  [prener].  Cf.,  dans 
l'ancienne  langue,  les  doubles  formes  bannier  et  bandter, 
baniera  et  bandiera,  et  rapprochez  le  fr.  bannir  de  l'it.  bandire 
et  du  pr.  bandir^, 

*  On  trouve  dans  la  vieille  langue  à  la  fois  banda  et  hana  (fr.  corne^ 
par  ex.,  d'un  bœuf).  Cette  derqière  forme,  seule  survivante  chez 
nous,  est  peut-être  aussi  le  résultat  d'une  assimilation  du  d  à  l'n,  et  d'une 
simplification  conséciUive  de  la  lettre  double  ainsi  obtenue.  En  catalan, 
nd  s'est  aussi  réduit  à  n  (Ex.:  ona=^unda)\  mais  là  aussi,  vir- 
tuellement du  moins,  un  m  double  a  dû  précoder.  Dans  un  autre  idiome 
roman,  le  sicilien,  nd  devient  constamment  nn.  Ex.:  quannu  =  quando, 
Grunnire,  rapproché  de  la  forme  archaïque  et  restée  populaire  grundire, 
d'où  en  limousin  rundi,  nous  offre  en  latin  le  même  phénoraène. 


666  T  lALBCTBS   MODBRKES 

C.  —  DissiMiLATioN.  —  Ici,  comme  pour  Fassimilation,  les 
seules  consonnes  qui  provoquent  le  phénomène  sont  les  li» 
quides,  les  nasales  et  la  sifflante. 

a,  — LHssimilation  régressive,-^  Je  distinguerai  deux  cas: 
celui  où  les  deux  consonnes  semblables  sont  séparées  par  une 
ou  plusieurs  autres  lettres,  celui  où  elles  se  suivent  immé* 
diatement.  La  dissimilation,  dans  le  premier  cas,  n'a  d'autre 
objet  que  l'euphonie;  dans  le  second,  c'est  le  renforcement  de 
la  syllabe  précédant  la  consonne  double  qu'elle  a  pour  but,  ou 
du  moins  pour  effet,  de  procurer. 

Premier  cas. — R  devient  /;  peregrinus,  peleri; — aràor,  aubre 
{albreY; —  armarium,  eimari  i^elmayn);  —  ou  s,  m%rtre{îr. 
myrte),  mistre,  L  devient  n  :  leni%c{u)la,  nentilho.  N  devient  r; 
venenum,  venenosus,  vere,  verenoû. 

Deuxième  cas. — Le  couple  //,  dans  la  plupart  des  mots  où  il 
se  rencontre,  provient,  comme  on  sait,  de  n/*.  On  s'expliquera 
dès  lors  facilement  que  //,  dans  notre  dialecte,  par  un  phéno- 
mène inverse,  devienne  assez  souvent  ni,  c'est-à-dire  que,  1'/ 
double  se  simplifiant,  la  voyelle  précédente  se  nasalise.  Ex.: 
molle  {mod{u)lum),  mounle; —  ul{u)lare,  unlâ  ; —  espalla  (spatula), 
eipanlo;  —  esquilla,  eichinlo.  Cf.  dans  la  Passion  de  Clermont, 
st.  11,  mantenls  :=z*mantellos ,  st.  33,  benlement  =  bellement , 

Le  c  du  groupe  es  {x)  s'est  toujours,  en  langue  d'oc  comme 
en  langue  d'oil,  assimilé  à  Vs,  quand  il  ne  s'est  pas  vocaUsé. 
Inversement,  ss  s'est  quelquefois  dissimilé  en  es.  Je  citerai  ici, 
outre  les  exemples  déjà  allégués,  pag.  69,  l'adjectif  rouei 
=zrussum,  qui  suppose  une  forme  *ruxum,  d'où  pr.  *rois,  forme 
prouvée  d'ailleurs  par  l'espagnol  rojo  (  ancienne  orthographe 
roxo\  et  le  nom  de  ville  Moueissido  (fr.  Mussidan)^  qui  ne  peut 
venir  de  Mussidanum  que  par  l'intermédiaire  d'une  forme  en  x 
{  =  ss), 

b.  —  Dissimilation  progressive, — Ce  phénomène  se  remarque, 

'  Cf.  dans  Tandenne  langue  polpra  à  côté  de  porpra. 
-  Ex.:  Uluminaret  HXustris  ^  irHuminare,  vnlustris. 


GRAMMAIRE    LIMOUSINE  667 

les  deux  consonnes  étant  séparées,  dans  leri  =  lilium,  coun- 
trâliz=  contrariurriy  pruser=sprurire  et  dans  men^/?/b  =  *  même- 
ploy  forme  supposée,  mais  nécessaire,  entre  *  mespila  et  menêplo . 
Je  n'en  trouve  pas  d'exemple  qui  nous  soit  propre,  dans  le 
cas  où  les  deux  consonnes  se  suivent  immédiatement. 


V.  ~  Métathèse 

La  métathèse,  très-fréquente  dans  tous  les  idiomes  popu- 
laires, a  pour  cause,  en  général,  comme  les  phénomènes  qui 
viennent  d'être  décrits,  le  besoin  de  rendre  le  mot  plus  cou- 
lant ou  d'en  renforcer  telle  ou  telle  syllabe.  Mais,  dans  bien 
des  cas,  il  faut  dire  que  la  cause  véritable  est  difficile  à  dé- 
terminer, le  nouvel  arrangement  des  éléments  du  mot  ne  pa- 
raissant préférable  à  celui  qu'on  a  détruit,  ni  au  point  de  vue 
de  l'euphonie,  ni  à  celui  de  la  solidité. 

.Je  distinguerai  cinq  cas  différents  de  métathèse  : 

1°  La  métathèse  sépare  deux  consonnes  unies  ensemble  en 
une  de  ces  associations  que  nous  avons  appelées  précédem- 
ment consonnes'diphthongueSj  comme  pi,  tr,  etc.,  et  introduit 
entre  elles  la  voyelle  qui  les  suivait.  Ex.:  procurator,  perçu- 
raire  ;  —  prominare,  permend;  —  pr.  {a)briaca,  virajo.  C est 
ainsi  qu'on  dit  en  plusieurs  lieux  courchetâ,  bourlâ  ou  burlÂy 
pour  crouchetâ^  brulây  plus  réguliers  et  plus  usités. 

2°  Inversement,  la  métathèse  rapproche  d'une  explosive  et 
lui  associe  une  liquide  qu'une  voyelle  en  séparait.  Ex.:  persi- 
cum,  persica,  pressé,  pressé] o"^;  ^-  sternutare,  eitranudd. 

3°  Elle  transpose  deux  consonnes  immédiatement  consécu- 
tives, pour  leur  procurer  une  union  plus  intime.  Ex  :  Sulpicium, 


*  Remarquez  le  déplacement  de  raccent,  qui.  en  latin,  porte  sur  l'e  ini- 
tial. Pressé  ost  ce  qu'on  appelle  ailleurs,  par  exemple  en  Angoumois, 
perse,  autrement  pêche  mâle,  celle  dont  la  pulpe  est  adhérente  au  noyau. 
La  presséjo  est  la  pèche  femelle,  celle  dont  la  pulpe  se  détache  sans  peine 
du  noyau. 


66S  DIALECTES   MODERNES 

Suplezi;  —  *  acucla,  (a)gulho  (=  *  agulya  =  *aguyla)  ;  —  pu- 
gnare,  pounhd  { =  *  pounijâ  =  *  pouynd  )  *. 

4°  Elle  fait  réciproquement  permuter,  sans  les  unir,  deux 
consonne.-?  séparées,  dont  chacune  est  la  lettre  initiale  de  sa 
syllabe.  C'est,  dans  notre  dialecte,  un  des  cas  les  plus  fré- 
quents de  métathèse.  Ex,:  hatalhy  tabai  (  on  dit  aussi  bâtai)  ;— 
ankelare,  alenâ;  —  fr.  camarade,  caramado;  —  tantequan  {tan- 
tum  et  qtuintum),  tanquetan; —  morbum  (fr.  morve),  vormo.  Quel- 
quefois chacune  des  consonnes,  en  prenant  ainsi  la  place  de 
Tautre,  en  prend  aussi  le  degré,  c'est-à-dire  de  ténue  devient 
moyenne,  ou  réciproquement*.  Ex.:  guespa  {vespa),  bêco; 
pr.  pastenaga,  parcanado, 

b°  Elle  dissout  Tassociation  existant  entre  une  muette  et  une 
liquide  subséquente,  pour  former  avec  celle-ci  et  une  autre 
muette,  dans  la  syllabe  précédente*,  une  association  semblable. 
Ex.  temprare,  trempa-^  —  dubrî  {deoperiré),  et  drubî.  Dans  le 
Quercy,  on  dit  de  même  crobi  pour  cabri,  dans  la  Gascogne 
crambo  pour  cambra^  etc . 

N'ayant  pas,  au  chap.  IV,  consacré  d'article  particulier  aux 
métathèses  de  voyelles,  je  réparerai  ici  cette  omission,  qui  du 
reste,  à  le  bien  prendre ,  comme  on  va  le  voir,  n'en  est  pas 
une. 

Les  seules  voyelles  qui  sont  sujettes  à  se  transposer  sont  Yi 
et  Vu  (ott),  et  cela  tient  sans  doute  à  leur  nature  semi-conson- 
nante.  Cela  paraîtra  probable  si  l'on  remarque  :  1®  que  ces 
deux  voyelles  ne   se  transposent  jamais   que  lorsqu'elles  en 

^  La  mutation  préalable  de  o  ou  de  gi  en  y,  en  de  pareils  mots,  a  été  dé)& 
expliquée. 

2  Cf.,  dans  Tancienae  langue  et  le  languedocien  moderne,  lutih  = 
nvlh^  où  nous  voyons,  en  même  temps  qu'ils  se  transposent^  n  se  fondre 
avec  l'y  [h)  dont  l  se  sépare,  c'est-à-dire  n  se  mouiller  tandis  que  \  s'a- 
sèche  ;  phé  .iOmène  très-comparable  à  une  réaction  chimique  qui  ne  dé- 
truit une  combinaison  que  pour  en  former  immédiatement  une  autre,  en 
substituant  un  élément  disponible  à  celui  qu'elle  a  mis  en  liberté. 

*Qui  est  toujours,  je  crois,  en  pareil  cas,  )a  syllabe  initiale,  ce  qui  permet 
d'assigner  ici  pour  cause  au  phénomène  une  intention  de  renforcement. 


GRAMMAIRfci   LIMOUSIN K  669 

précèdent  un  autre,  et  2°  que,  lorsque,  dans  des  mots  pareils 
à  ceux  où  elles  se  transposent  d'ordinaire ,  elles  sont  restées 
en  place,  elles  se  sont  consonnifiées.  C'est  ce  qu'on  voit  dans 
les  formes  limousines  glôrio,  memôrio,  comme  dans  les  formes 
correspondantes  du  très- vieux  français,  glôrte,  memôrie.  C'est 
ce  qu'on  voit  aussi  dans  vévo  (fr.  veuve)  =  vidua  et  dans  terve 
(v.  fr.  tenue)  =  tenuem  *,  rapprochés,  le  premier  de  boueidâ  (pr. 
voidar,  prononcez  vouidar)  =  viduare  ;  le  second  de  teûne, 
autre  forme, également  limousine*,  du  même  mot.  On  peut 
donc  admettre  sans  témérité  que  la  métathèse  de  ces  voyelles 
a  été  précédée  de  leur  consonnification.  —  Une  fois  trans- 
posées, selon  que  la  voyelle  nouvelle  avec  laquelle  elles  ont  dû 
s'unir  les  précédait  ou  les  suivait,  ou  elles  sont  revenues  à 
leur  premier  état  pour  se  fondre  avec  cette  voyelle  en  une 
diphthongue,  ou  bien  elles  sont,  le  plus  souvent  du  moins, 
restées  consonnes. 

Y^  cas.  —  Tenuem,  teûne;  —  mansionem,  maiso,  meijou;  — 
prensionem,  preiso,  preijou;  -  potionem,  poiso,  poueisou;  — 
feria,  feiro;  —  /bm,  foira,  foueiro, 

2®  cas. — C'est,  en  particulier,  celui  des  noms  enarium,  aria, 
qui,  généralement,  chez  nous  comme  en  français,  ont  donné 
ier,  iero,  où  Xi  est  indubitablement  Vi  consonne. 

La  métathèse  de  Vu  est  beaucoup  plus  rare  que  celle  de  Vi. 
Teune  et  voidar,  cités  tout  à  l'heure,  sont  les  seuls  mots  que  je 
connaisse  où  le  phénomène  remonte  à  l'ancienne  langue.  Elle 
se  remarque  encore,  en  solidarité  avec  celle  de  Vi,  dans  coun- 


*  Pour  le  changement  de  n  oïl  r  devant  une  labiale,  cf.  chdrbe  =  cart" 
nabitn.  -  Il  ne  faut  pas  oublier  que  le  v  de  terve,  comme  celui  de  vevo, 
résulte  de  deux  modifications  successives  de  Vu  latin,  dont  je  n'ai  ici  en 
vue  que  la  première:  i»  transformation  de  Tu  voyelle  en  u  consonne» 
comme  dans  couâ  (monosyllabpj  =  cubare  (c'est  là  que  s'est  arrêté  Tu  de 
Viduare):  2'  durcissement  en  v  (qu'on  peut  ici  appeler  roman)  de  Vu  con- 
sonne. 

'  lewie  est  la  forme  classique  C'est  la  seule  que  donne  Raynouard,  et  je 
n'ai  pas  souvenir  d'avoir  rencontré  l'autre  dans  mes  lectures- 


670  DIALECTES    MODERNES 

tunid,  demuniâ  (prononcez  nhâ)^  formes  qu'ont  prises  dans  la 
bouche  de  beaucoup  de  personnes  les  verbes  continuar,  dimi- 
nuât'. La  difficulté  de  consonnifier  Tw,  non  plus  comme  tout  à 
l'heure  le  pur  u  latin  (ow),  mais  Tw  devenu  français  de  ces  deux 
mots,  en  d'autres  termes  de  prononcer  nuà  d'une  seule  émis- 
sion de  voix,  comme  le  demande  le  génie  de  notre  idiome,  et 
comme  il  est,  au  contraire,  si  facile  de  prononcier  nia,  est 
certainement  la  cause  déterminante  de  cette  permutation 
réciproque . 

C.  Chabaneau. 


FIN  DK  LxV  PliEMlEUI-:  PAHTIE 


DE  QUELQUES  IMITATIONS  MODERNES  DE  LA  POÉSIE 

DU  MOYKN  AGE 


La  Cansô  del  pros  Bemart  et  la  Complanla  d'En  GtiHlem,  par  M.  Mila 
y  Fontanals;  —  Sisuald  et  la  Canso  d'En  Francesch  de  VUanova  de  Cu- 
beUes,  par  M.  Llorens  de  Gabanyes  ;  —  la  Canso  del  comte  à'Urgell  Sn 
Jaum?  lo  Desditxat.  par  M .  Albert  de  Quintana. 

(Suite  *) 


Je  viens  de  montrer  des  poètes  ressuscitant  à  la  fois  la  ver- 
sification des  plus  vieux  jongleurs  et  les  héros  célébrés  par  eux. 
Ces  œuvres  peuvent  intéresser  et ,  jusqu'à  un  certain  point, 
émouvoir  comme  un  spectacle  attachant  ;  mais,  pour  rajeunir 
tout  à  fait  Tantique  prosodie,  pour  tirer  tout  le  parti  possible 
de  cette  robuste  rhythmique,  il  fallait  l'appliquer  à  des  su- 
jets qui  pussent  passionner  la  masse  des  lecteurs,  il  fallait 
introduire  la  chanson  de  geste  dans  la  lutte  de  tous  les  jours. 
De  cette  façon,  on  retrempait  la  poésie  du  XIX"  siècle  aux 
sources  mêmes  de  Tinspiration  populaire  ;  on  lui  rendait  cette 
vigueur  de  contours,  cette  énergie  d'idées,  cette  fraîcheur 
de  sentiments,  qui  revivifient  les  littératures  amollies  par  la  re- 
cherche excessive  de  la  forme  et  les  afféteries  de  la  civilisa- 

'  Voir  le  u»  de  luillet  1873,  p  44Ô.  —  À  la  page  45l.  ligtte  3^  il  faut 
supprimer  les  mots  je  crois.  C'est  bien  le  savant  professeur  Mila  y  Fon- 
tanals  qui  a  remis  en  honneur  la  chanson  de  geste-  —  A  la  page  456) 
lignes  3  et  4,  j'ai  commis  une  autre  inexactitude  :  Tair  de  la  Complanta 
d'En  GuilLemesi  de  la  composition  de  M.  Mila.  La  division  en  couplets  de 
trois  vers  ne  se  rencontre ,  croyons-nous,  ni  en  Catalogne,  ni  dans  le  midi 
de  la  France.  —  Lo  lecteur  aura  corrigé  de  lui-même  la  faute  typogra- 
phique  qui,  à  la  page  451,  ligne  29,  a  transformé  Ausias  March  en  Anias 
Mardi 


(72  DIALECTES    MODERNKS 

tion.  M.  de  Qiiintaiia  Tu  compris,  et,  dans  un  de  ces  moments  de 
calme  qui  ont  précédé  Tagj^tation  actuelle  de  FEspagne,  en  un 
temps  où  Ton  pouvait  espérer  entreprendre  avec  succès  une 
campagne  contre  les  idées  sans  troubler  Tordre  matériel,  le 
poète  ne  craignit  pas  de  faire  briller  au  soleil  son  vers  chevale- 
resque, et  de  jeter  aux  échos  du  Montserrat  ce  chant  de  guerre 
que  Ton  a  pu  appeler  à  bon  droit  la  Cansô  de  tautonomia, 

La  forme  est  celle  de  la  Cansô  del  pros  Bemart.  Le  scget, 
pour  ne  pas  être  tout  à  fait  moderne,  n'en  eât  pas  moins  de 
ceux  qui  passionnent  le  plus  nos  voisins  d'outre-Pyrénées.  Le 
poëme  de  M.  de  Quintanaest  consacré,  en  effet,  à  la  mémoire 
de  Tun  des  héros  les  plus  populaires  de  Findépendance  catalane. 

On  sait  qu'après  la  mort  du  roi  Martin  d'Aragon,  Jacques 
{Jaume)^  comte  d'Urgel,  descendant  en  ligne  masculine  de  la 
dynastie  aragonaise,  fut  reconnu  parla  Catalogne  comme  sou- 
verain légitime,  malgré  la  décision  des  arbitres  réunis  à  Caspe, 
qui  avaient  adjugé  la  couronne  à  l'infant  Ferdinand  de  Castille 
(1412).  Le  comte  d'Urgel  soutint  quelque  temps  la  lutte  con- 
tre son  compétiteur;  mais,  assiégé  dans  la  ville  de  Balaguer,  il 
fut  obligé  de  se  rendre  à  Ferdinand,  qui  le  fit  condamner  à  la 
prison  perpétuelle . 

Vingt  ans  plus  tard ,  Jacques  l'Infortuné,  lo  Desditxat,  gé- 
missait encore  dans  les  fers.  Alphonse  V  avait  succédé  à 
Ferdinand  P*"  ;  pendant  que  le  roi  se  trouvait  dans  ses  états 
d'Italie,  ses  trois  frères  :  Jean,  roi  de  Navarre,  héritier  pré- 
somptif de  la  couronne  d'Aragon  ;  Pierre  et  Henri,  se  rendi- 
rent au  château  de  Xativa,  où  le  comte  était  enfermé,  et  as- 
sassinèrent lâchement  le  royal  prisonnier*. 

La  lutte  de  ce  dernier   descendant  de  l'antique  maison  de 

^  Presque  lous  les  historiens,  se  plaçant  au  point  do  vue  casliiian,  ont 
dénaturé  la  physionomie  de  cette  émouvante  période  de  l'histoire  cata* 
lane.  Un  seul  Ta  comprise  et  magislralement  retracée:  c'est  don  Victor 
Balaguer,  dans  le  tome  III  de  sa  belle  Hisloria  de  Cataluna.  De  volumi- 
neux dossiers,  conservés  aux  archives  de  la  couronne  d'Aragon,  mettent 
ces  événements  dans  leur  vrai  jour.  Ces  documents  ont  été  publiés  dans 
la  Coleccion  de,  docuinentos  ineditos  del  archiva  de  la  conma  de  Àragonf 
dont  ils  forment  les  trois  promi>TS  volumes. 


IMITATIONS  Qf)  ^f  JfP^^  j^  I0YEN  AaB  âfT^ 

Barcelone  contre  U  puissance  enyahls^te  c^f^  l^  ^M1^^  J^ 
Castille,  ^s  malheurs^  s^  fin  tragique,  oni  rçji4^  ^  pvé]X^^rQ 
chère  à  ses  qompatriotes,  et,  de  nos  jours  ei^pre,  Ip  i^çin 
de  /ûMme  lo  Desditxat  ^st  invoqué  copune  celui  4'^^  fliartyr 
de  rindëpendance  catalane. 

Les  événements  que  je  viens  de  raconter  font  le  sujet  de  la 
CwMù  de  M.  de  Quintana.  Le  poëte  les  a  eoadeBsés  en  trois 
gestes,  trois  tableaux  d'un  caractère  grandiose  et  d'une  oirigi* 
nalité  saisissante. 

C'est  d'abord  l'agitation  de  la  Catalogne  après  la  mort  du 
roi  Martin  et  après  la  décision  des  arbitres  de  Caspe*: 

«  Du  testament  naît  un  parlement  ;  —  on  l'appelle  de  Caspe . 
Mère  de  Dieu  !  —  [Plût  au  Ciel]  que  jamais  on  ne  l'eût  nommé  ! 
qu'il  ne  fut  jamais  venu  I  —  La  patrie  n'aurait  pas  un  rei 
étranger  ;  —  la  honte  ne  nous  ferait  pas  rougir  le  front  ;  —  la 
liberté  des  aïeux  ne  serait  pas  au  Ciel 

»  En  Ferran  de  Castille  ils  proclament  roi.  —  Ils  nous  ont 

'  Les  passap^es  que  je  cite  faisant  corps  avec  mon  récit,  j'en  donne 
d'abord  la  traduction,  renvoyant  en  note  les  magnifiques  vers  de  M.  de 
Quintana.  dont  je  n'aurais  garde  de  priver  le  lecteur: 

Del  testament  n'eixia      un  parlament  ; 
De  Caspe  Tanomenan.       j  Mare  de  Dèu  ! . . . 
i  Ni  may  Tanomenassen,       ni  may  vingués  ! .  • 
La  pâtria  no  tindria      rey  foraster; 
Vergonya  no  'ns  faria      lo  front  bermell  ; 
La  llibertat  dels  avis       no  fora  al  Cel  ! 


  *n  Ferran  de  Castella      clamaa  per  Bey; 
Madrastra  'ns  han  donada,      ja  ho  txobaréqoi  1 . . . 
Los  défunts  s'estremeixen      alla  en  Poblet  ; 
Los  vins  pertot  a'ai\ecan      en  so-metent  ; 
La  Uar  calenta.  deixan      pas  lo  colteH, 
Que  en  guerra  s'es  idsada      ja  Balafrer . 

44 


674  DIALBCTBSS  MODBRNBS 

donné  une  marâtre  ;  nous  allons  bien  le  voir.  —  Les  morts 
frémissent  là-bas  à  Poblet  *.  —  Les  vivants  partout  se  soulè- 
vent et  s'arment  ;  —  ils  abandonnent  le  fo  jer  brûlant  pour 
saisir  le  couteau  ;  —  car  en  guerre  Balaguer  s'est  déjà  sou- 
levé ...» 

Dans  une  sorte  d'oratoire  où  brillent  des  lampes  d'argent 
devant  l'image  du  Christ,  la  mère  et  la  femme  du  comte  d'Ur- 
gel  attendent  la  décision  des  arbitres  de  Caspe.Le  caractère 
de  l'ambitieuse  Marguerite,  qui  ne  cessait  de  répéter  à  son 
fils  :  «  Sois  roi,  ou  ne  sois  rien,  rey  o  no  res  »,  celui  de  la  ten- 
dre Isabelle,  sont  remarquablement  peints  en  quelques  mots: 

«  Bru,  mon  fils  le  comte  sersrt-il  roi?  —  Maudite  soit  la 
lenteur  de  son  cheval  !...»  — «Qu'il  revienne  heureusement,  ô 
mère,  monbien-aimé  !...  —  Qu'il  revienne  heureusement  dans 
nos  bras,  cela  vaut  autant.  »  —  «  Que  Dieu  ne  vous  écoute 
point  I  Malheur  I...  —  Il  ne  bout  pas  dans  vos  veines,  il  ne 
bout  pas,  mon  sang!...  *  » 

Le  comte,  arrivé  de  Caspe  à  toute  bride,  paraît  sur  le  seuil 
en  vêtements  noirs,  pâle,  épuisé  d'émotions  et  de  fatigue,  prêt 
à  défaillir. 

«  —  Me  direz-vous,  épouse,  d'où  vient  votre  effroi?»  — 
((Vous  me  sembliez  un  mort  ressuscité  !»  —  «  Pourquoi  ma 
mère  et  maîtresse,  pourquoi  ces  cris?  » —  ((  Les  rois  ne  por- 
tent point  vêtements  de  drap  noir.» — ((Le  parlement  de  Caspe 


'  Lieu  de  sépulture  des  princes  de  la  maison  de  Barcelone-Âragon. 

^  —  ((  Nora^  mon  fill,  le  Comte,      sera  Rey  ja?. . . 

j  Mal  haja  la  tardansa      de  son  caball  ! . . . 

—  Bè  vinga,  nostra  mare,      mon  estimât  ; 

Bè  vinga  â  nostres  brasses,      que  tant  se  val  I . . . 

—  j  Ni  may  Dèu  vos  escolte  I...      \  Malaguanyat  I... 
No  bull  en  vostras  venas,      no  bull  ma  sanch  !» 


IMITATIONS  DE  L  V  POESIE   DU  MOYEN  AGE  675 

a  sacré  En  Ferran  !...)>  —  «  La  tache  deraffront,  nous  la  ren- 
drons en  sang!...»  —  «Couronne  de  sang  arrosée  ne  fleurira 
pas  !...))  —  «  La  patrie  sera  esclave  des  Castillans  1 ...  »  —  Et 
les  lampes  d'argent  s'éteignent. . .  Ah  !  quelle  épouvante  !. . . 
—  Le  comte  tombe  à  terre  évanoui. ..  —  Et  ainsi  s'achève  la 
geste  dans  les  sanglots.  —  Plus  tristes  encore  sont  celles  qui 
vont  venir*.  » 

Telle  est  la  fin  de  la  première  geste.  La  seconde  nous  in- 
troduit dans  Balaguer,  investi  par  les  troupes  de  Ferdinand 
de  Castille. 

«  Mais  quel  langage  parlent-ils?....  s'écrie  le  poète,  je  ne 
le  comprends  pas...  —  [Plût  au  Ciel]  que  nous  ne  l'eussions 
jamais  entendu,  l'accent  étranger*.  » 

Les  Catalans  et  le  comte  dIJrgel  défendent  la  ville  par  des 
prodiges  de  valeur  ;  mais  la  famine  leur  fait  bientôt  pressentir 
le  triste  sort  qui  leur  est  réservé.  Un  jour  le  comte  paraît  sur 
la  place  du  marché;  il  est  vêtu  d'un  froc  noir,  une  corde  lui 
ceint  les  reins,  sa  barbe  et  ses  cheveux  sont  rasés  : 


— 'U  ^  No  'm  dirîaii,  esposa,       lo  vostre  esglay ? 

—  I  Un  défunt  me  semblâvau      ressucitat  ! . . . 

—  l  Per  que,  mare  y  senyora,      per  que  cridau? 

Los  Reys. . .  no  portan  vesta      de  nègre  drap ...  \ 

—  Lo  parlament  de  Caspe      sagrâ  en  Ferran  I . . . 

—  La  taca  de  l'afronta      rentem  en  sanch  ! 

—  Corona  ab  sanch   regada. . .       no  florirâ  ! . . . 

—  ;  La  pâtria  sera  eselava      dels  Castellans  !...>» 

Y  las  liant  ias  s'apagan ...       i  ay  1  quîn  espant  I . . . 
Lo  comte  câu  en  terra      ben  desmayat . . . 

Y  assi  la  gesta  acaba      singlotejant  ; 
Mes  tristas  son  las  altras      qu'ara  vindrân. 

Mes. . .  i  quin  llenguatge  parlan  I      je  no  Us  entench. . . 
;  Ni  may  sentit  n'haguéssem      Textrany  accent  ! 


676  DIALBCTBS    M.ODBRNËâ 

«  Il  faut  accomplir  ce  qui  a  été  juré,  dit-il:  — rifn  ^jfl  jcjcu* 
vous  tous  doit  mourir.  —  Je  vous  recommande  la  mère  et 
ses  filles  ;  —  à  la  patrie  soyez  toujours  fidèles.  »  Et  il  se  livre 
aux  soldats  de  Ferdinand.  «  Mères  qui  avez  des  filles,  pleu- 
rez !  pleurez  !  —  Jamais  plus  elles  n'épouserpnt  des  hommes 
libres.  —  Les  sbires  de  Castille  vont  galopant;  —  prison- 
nière, ils  emportent  la  liberté  !  —  Ils  lui  feront  uq  cerçu^il^ 
s'il  plaît  à  Dieu. —  Ah  !  si  avec  elle  nous  pouvions  tous  y  être 
ensevelis*  î...» 

Vingt  ans  se  sont  écoulés.  Ferdinand  de  Castille  repose  dans 
sa  tombe  à  Poblet;  mais  il  a  laissé  des  enfants  :  «  nichée  de 
loups  donne  loups  affamés.  »  La  femme  et  la  mère  du  camte 
sont  mortes  en  prison.  Le  Desditxat,  traîné  de  cachot  ea  ca- 
chot, est  amené  à  Xativa  ;  c'est  là  que  les  trois  a  loups  cou- 
ronnés »  vont  chercher  leur  proie  : 

a  Dans  une  prison  retirée,  le  comte  est  couché  ;  —  on  lui 
dit  qu'on  le  cherche.  Que  Dieu  me  protège!  —  En  l'ap- 
prenant, le  comte  pousse  un  gémissement  !  —  «  Ma  fin  est 
))  arrivée!....  Adieu,  —  montagnes  de  la  patrie,  que  j'aimais 
»  tant  !  —  Que  la  Vierge  m'assiste  avec  tous  les  Saints  !  » — Il 
monte  à  la  chambre  ;  lorsqu'il  y  entre,  —  deux  Infants  le  sai- 


i 


—  «  Complert  déu  esse  'n  vida      lo  que  's  jura  : 
Hu  sol,  per  tots  vosaltres,  bè  déu  finar  ! . . . 
Mare  y  fillas  vos  deixo      recomanat  ; 
A  la  pâtria. . .  siâuli      sempre  Ueyals. . .  o 


Mares  que  'n  teniu  fillas,      ploraul  plorau  ! . . . 
Ja  ma}'  mes  homes  lliures      csposarân  ! 
Los  sayons  de  Castella      van  galopant  ; 
Presonera  s'emportan      la  llibertat  ! 
Ja  li  f arân  la  caixa,      si  â  Dèu  li  plan  ; 
Ab  ella. . .  tots  hi  fôssem       amortallats  ! . . . 


IMITATIO^  dS  LÂ    Pofesïi  DTJ  MOYEN   AGE  G77 

âïsâèm,  lin  par  chaque  bras.  —  Sur  sa  tête  argentée  ils  posent 
les  mains  :  —  il  tourné  les  yetit  aii  Ciel  et  tomlie  à  terré...  — 
En  Jbàn  lui  a  cloué  lé  fer  Sans  Vés  'enlraiïléà!...  -^  Avec  la 
m6rt,  il  a  trouvé  lia  liberté.  .-^LU  tienne,  ô  ma  pa'trïe  !  aujour- 
d'hui nage  dans  lé  sang  ;  —  dans  un  ceî»'cùeil  Méïi  ferîné  tu 
eè  clouée  ! 

))  Lès  bourreaux  fuient  aussitôt  de  la  chambre  ;— du  château 
ils  se  dirigent  dans  la  vallée.  —  Et  encore  mugit  là  tempête: 

—  il  semblait  que  le  monde  voulût  finir.  — Quand  ils  sortent, 
uû  fantôme  les  arrête  : — de  la  nière  du  comte  c'est  Tâmé  er- 
rante.— D'effroi  s'emportent  les  chevaux;  —  niais  elle....  tou- 
jours derrière,  toujours  criant,  —  dans  le  cdeur  (ïéà  trois 
Infants  pénétrait  —  et  résohiiàit  sa  voix  cdriime  un  glas  : 
«  —  Mauvaise  fin  puissiez-vous  faire,  loups  couronnés  !  — et  toi 
»  plus  que  les  autres,  roi  Joan  :  —  puisses-tu  voir  ton  flls  ago- 
»  nisant.c ..  —  et  que  le  feu  éternel  consume  tes  entrailles  !  — 
»  Maudits  de  la  patrie  qui  vous  rejette  de  son  sein, — que 
))  jamais  repos  sur  la  terre  vous  ne  trouviez  !» 

»  Et  quand,  lassée,  s'apaise  la  tempête,  — -  une  autre  voix 
murmure  d'en-haut  :  —  «  Martyrs  de  Catalogne,  dormez  en 
«  paix;  —  dans  les  enfers  avec  leur  père  ils  brûleront  !...  » 

»  Du  troubadoub,  les  strophes  vous  avez  entendues  ;  —  qui 
ne  sent  de  la  patrie  le  délaissement?.  .  -  La  liberté  perdue, 
ne  l'oublions  jamais  ;  —  celui  qui  l'a  gagnée  l'obtient.  —  Plus 
que  gloires  passées  ou  nouvelles  lois,  —  les  vei'tiisj  ô  peuple  ! 
en  sont  le  gage. 

))  Écoutez,  belles  dames  et  cavaliers,  — •  dii  ifouîiâdour  qui 
chante  la  triste  voix, — à  l'amour  qui  l'inspire  toujours  fidèle  : 

—  Dieu  nous  rende  la  patrie  catalane  *  !  » 

'  En  presû  retirada      lo  comte  jau  ; 

Ja  li  diuhen  que  'I  cercan,       ;  valgam'  Dèu,  vâl  î 
Al  saberho,  lo  comte      n'arranca  un  plau^  ! 
—  «  Ma  fi  n'es  arribada  î . . .       {  â  Dèu  siau. 
Montanyas  de  la  pâtria. . .       que  aymaVà  tant  ! 
;  Que  la  Verp^e  m'ampare      ab  tots  los  Sants  î  » 


678  DIALECTES   MODERNES 

Et  la  Canso  porte  cette  dédicace  :  «  Aux  félibres  :  Frères, 
croyons  et  espérons . . .  Dieu  vous  rende  la  Provence  !  » 

J'ai  insisté  sur  ce  poëme  et  n'ai  pas  craint  d'en  citer  de 
nombreux  passages,  parce  qu'il  semblait  être,  lors  de  sa  publi- 
cation, comme  l'expression  magnifique  d'une  nouvelle  phase 
de  la  vie  littéraire  de  la  Catalogne  :  la  réapparition  de  l'an- 
cienne poésie  au  service  des  idées  et  des  passions  modernes. 
Pour  le  malheur  *de  l'Espagne  et  pour  la  honte  des  pays  la- 
tins, les  partis  ont  appelé  à  leur  aide  des  moyens  plus  bar- 
bares; M.  de  Quintana  n'a  pas  eu  d'imitateurs.  Nous  le  regret- 
tons ;  nous  devons  regretter  particulièrement  qu'il  ne  se  soit 
pas  trouvé  dans  le  midi  de  la  France  un  poète  convaincu  de 
cette  vérité,  que  les  formes  créées  par  le  peuple  seront  tou- 


A  la  cambra  s^en  puja  ;      quant  hi  entra. 

Dos  Infauts  Tagafavan,      un  cada  bras. 

En  sa  testa  argentada      posan  las  mans  ; 

Gira  los  ulls  enlayre ...       y  en  terra  câu. .  . 

;  Lo  f erro  en  sas  entranyas       clavâ  en  Joan  ! . . . 

Ab  la  mort,  ha  trobada      la  llibertat  I . . . 

La  teva  ;  oh  pâtria  mia  ! . . .       vuy  nada  en  sanch  ; 

En  caixa  ben  folrada      clavada  estas  ! 

Los  botxins,  de  la  cambra      fujen  en  tant  ; 

Del  castell  s'en  anavan      cap  k  la  vall . 

Arran  encara  brama      la  tempestat  : 

Semblava  que  volia      lo  mon  finar. . . 

Quant  surten,  un  fantarma      los  deturâ: 

De  la  mare  del  comte       Tânima  errant. 

Del  espant  se  dcsbocan      tots  los  caballs  ; 

Y  ella. . .  sempre  al  derrera,      sempre  cridant. 
En  lo  cor  se  n'entrava      dels  très  Infants, 

Y  dintre  hi  ressonava      sa  veu  de  glas . 

—  tt  i  Mala  fi  pugau  ferne,      Uops  coronats, 

Y  mes  tu  que  los  altres,      lo  rey  Joan  : 
Lo  tèu  fill  pugas  véurer      agonitzant . . . 

Y  encenga  tas  entranyas      f och  eternal  ! 


IMITATIONS  DE   LA  POESIE  DU  MOYEN  AGE  679 

jours  celles  qui  s'adapteront  le  mieux  à  son  esprit,  et  qui  le 
toucheront  davantage. 

Un  mot,  en  terminant,  sur  une  question  brûlante  qu'il  nous 
est  à  peine  permis  d'effleurer  ici  ;  il  ne  faut  point  s'effrayer  de 
la  dédicace  et  du  dernier  vers  de  Tœuvre  que  je  viens  d'ana- 
lyser. Le  poète  n'est  pas  un  séparatiste  ;  il  n'entend  porter 
aucune  atteinte  à  l'unité  espagnole  non  plus  qu'à  l'unité  fran- 
çaise. 11  souhaite  seulement  aux  provinces  une  conception 
plus  exacte  de  leur  tradition,  de  leur  valeur  propre,  de  leur 
personnalité,  en  un  mot.  Il  voudrait  les  voir  unies  comme  des 
sœurs  travaillant  à  l'œuvre  commune,  et  non  comme  des  es- 
claves mettant  tous  leurs  soins  à  annihiler  leur  volonté  dans 
la  volonté  du  maître. 

Ch.    DE   TOURTOULON. 


i  Malehits  de  la  pâtria      f oragitant  ! 
j  May  repos  en  la  terra      pugau  trobar  !  » 
Y  quant  plega  llassada,       la  tempestat, 
Un'  altra  veu  mormolla      desde  lo  ait  : 
—  «  Martres  de  Catalunya,       doiiniuen  pau  ; 
Al  infern  ab  llur  pare      ja  'Is  cremarân  !...)) 
Del  trovador  las  coblas      ja  'Is  enteneu  ; 
;  Qui  no  sent  de  la  pâtria      l'anyorament  ! . . . 
La  llibertat  perduda      may  oblidem  ; 
Aquell  que  l'ha  guanyada,       bè  se  la  pren. 
Mes  que  passadas  glorias,       ô  novas  lleys, 
Son  las  virtuts  ;  oh  poble  !       que  'n  son  Tarrel . 
Ojats,  hermosas  damas      y  caballers, 
Del  trovador  que  canta      la  trista  veu, 
Al  amor  que  la  inspira      sempre  fidel  : 
La  Dâtr^a  catalana      nos  tome  Dèu  ! . . . 


MANIFESTATIONS  DE  LA  LANGUE  PROVENÇALE 


Les  manifestations  de  la  langue  provençale  deviennent  de 
plus  en  plus  fréquentes.  Aux  mois  de  mai  et  de  juin,  il  y  en  a 
eu,  presque  simultanément,  deux  remarquables  par  leur  im- 
portance, par  le  nombre,  la  variété  et  la  beauté  des  produc- 
tions poétiques  qu'elles  ont  provoquées. 

1 

La  ville  de  Toulon,  grâce  à  Tinitiative  de  son  jeune  maire, 
M.  Allègre,  avait  établi,  entre  autres  luttes  intellectuelles,  un 
concours  de  poésie  provençale,  dont  Forganisation  avait  été 
confiée  à  la  Société  académique  du  Var,  et  aux  soins  tout  par- 
ticuliers de  M.  Octave  Teissier,  son  président  honoraire.  Par 
une  heureuse  innovation,  pour  former  les  jurys,  on  avait  fait 
appel  aux  compagnies  savantes  dé  la  région.  La  Commission 
chargée  de  juger  les  pièces  de  poésie  provençale  a  été  com- 
posée de  MM.  J.-B.  Gaut,  délégué  de  l'Académie  d'Aix;  Dol, 
de  la  Société  littéraire  de  Draguignan,  et  Henri  Revoil,  de 
TAcadémie  du  Gard. 

Trente-neuf  pièces  sérieuses  ou  plaisantes  ont  formé  le  con- 
tingent du  concours. 

Voici  quelle  a  été  la  décision  du  jury  : 

Médaille  d'or  à  M.  F.  Martelly,  de  Pertuifl  (Vaucluse),  pour 
sa  pièce  intitulée  :  lei  Dom  Poutoun, 

Quatre  médailles  d'argent  : 

A  M.  A.-B.  Crousillat,  de  Salon  (Bouches-du-Rhône),  au- 
teur de  l'ode  :  la  Frcirié  ; 

M.  Marins  Bourrelly,  d'Aix,  auteur  d'un  petit  poëme  :  ki 
Cimbre  e  lei  Teùtoun; 

M.  Peise,  à  Draguignan,  auteur  du  conte:  lei  Dous  Vèuse; 

M.  Victor  Bourrelly,  de  Roussel  (Bouches-du-Rhône,  au- 
teur du  conte  :  Un  vilage  coumo  n'en  a  ges. 

Quatre  mentions  honorables  : 


MANIPRSTATlëNÔ    DÉ    LA    LA^ÔtJË    PROVENÇALE       Sfl 

A  M™"  Catherine  Romeu,  à  Marseille,  auteur  d'une  élégie  : 
Après  la  bataio; 

M.  Auguste  Verdot,  d'Eyguières  (  Bouches-du-Rhône  ),  à 
Marseille,  auteur  des  stances  :  lu  Oubrié  de  la  crbûà; 

M.  Eugène  Daproty,  aussi  d'Eyguièi^es,  pour  la  traduction, 
en  verâ  provençaux,  de  la  prenilèrë  églo^tlé  dé  Virgile  ; 

M.  Amable  Richier,  ouvrier  iriaréchal-fët^raiit,  à  là  T^ôùr- 
d' Aiguës  (  Vaiicluse),  pour  sa  pièce  siii^  ragriculttire. 

M.  J.-B.  Gaut,  délégué  de  TAcadémie  d'Aix,  ïioiliiïlé  rap- 
porteur, a  présenté  Son  travail  sur  le  cdùcours  fôi^iiïulé  en 
sonnets  provençaux. 

Lés  prix  ont  été  décernée  aux  lauréats  dàris  uhe  séance 
Solennelle,  ati  théâtre  de  ToUlôn,  présidée  par  M.  Allègre, 
mâirè,  qtii  d  prononcé  uA  dîscbUr^  à  là  fôiS  littéraire  et  pa- 
triotique, où  il  a  retracé,  éti  traits  héùrèfti^,  le  glorieul  passé 
de  la  Provence  et  son  rôle  important  dans*  Ttistoire  ifetéltèc- 
tuelle  des  peuples. 

M.  J.-B.  Gaut  a  lu  ensuite  son  rapport  en  vers  provençaux, 
au  sujet  duquel  le  journal  le  Var  s'exp'Miïié  e'ïi  céi  ternies  : 

(t  Les  candidats  qui  ofit  pris  part  à  la  lutte  poétique  et  ont 
mérité  une  récompense  y  sont  finement  appréciés.  A  chaque 
élôgé  est  mêlé  un  mot  de  critique  courtoise'.  La  louange  âînsi 
asfsaisonnée  n'a  que  plus  d'agrément.  » 

Puis  les  principales  pièces  cotironnées  ont  été  lUès  par  leui's 
auteurs,  et  M.  Victor  Gelu,  de  Marseille,  le  doyeù  deâ  poeteé 
provençaux  et  le  peintre  le  plus  énergique  de  nos  mœurs  po- 
pulaires, a  fait  entendre  une  de  ses  ptodifctions  les  pliiâ  origi- 
nales :  lou  Credo  de  Cctssian, 

La  musique,  cette  sœur  de  la  poésfe,  liii  éètvait  Ô'àuxilïàire, 
et  les  nïeilleurs  artistes  du  grand  théâtre  de  Marseille  ont 
exécuté  divers  morceaux  de  Pétrarque',  ojyérà  dé  M.  Dttplrat, 
compositeur  toulonnais. 

La  fête  s'est  terminée  par  un  banquet  offert  patr  le  mà^e  dé 
Toulon,  couronné  par  un  dessert  poétique,  où  l'éfé^ril!,  Tiinai^i- 
Miiàîi^  M  vef vé  et  l'huftîoW  &é  \â  Pi'of  éfrfcé,  oirt  pétfflë  j^hs 
Vivenûfént  que  le  vin  de  Champ â^e. 


662  DIALECTES   MODERNES 


II 


L'érection  d'une  croix  monumentale,  sur  le  mont  Sainte- 
Victoire,  a  été  Toccasion  d'une  autre  manifestation  de  la  langue 
provençale,  qui  représente  un  autre  côté  de  notre  caractère 
méridional  :  le  côté  religieux. 

Le  mont  Sainte-Victoire,  près  d'Aix,  est  célèbre,  dans  This- 
toire,  par  la  défaite  et  le  massacre  des  Cimbres  et  des  Teutons, 
exterminés  à  ses  pieds  par  Caïus  Marins.  Pour  fêter  ce  triom- 
phe de  la  civilisation  sur  la  barbarie,  le  consul  romain  fit 
allumer  un  grand  feu  sur  la  cime  la  plus  élevée  de  ce  grand 
massif  rocheux,  et  l'appela  Mons  Victoriœ,  le  mont  de  la  Vic- 
toire. Le  christianisme  lui  donna  la  dénomination  de  Sainte- 
Victoire,  en  adoptant  et  baptisant  la  tradition  romaine.  On 
vient  d'y  élever  une  grande  croix,  dite  Croix  de  Provence, 
en  reconnaissance  d'avoir  vu  le  Midi  échapper  au  fléau  de  la 
guerre. 

Au  sommet  de  ce  dernier  chaînon  des  montagnes  alpestres, 
qui  domine,  par  son  élévation  de  966  mètres,  les  plus  hautes 
cimes  des  Bouches-du-Rhône,  quatre  inscriptions  doivent  être 
gravées  sur  le  piédestal  de  la  croix  :  l'une  en  provençal,  du  côté 
d'Aix;  l'autre  en  grec,  du  côté  de  Marseille  ;  une  troisième  en 
latin,  du  côté  de  l'Italie  et  de  Rome  ;  et  la  quatrième  en  fran- 
çais, du  côté  du  nord  ou  de  la  France. 

L'inscription  provençale  a  été  mise  au  concours,  et  117  con- 
currents ont  répondu  à  l'appel.  Le  jury,  composé  de  MM.Rou- 
manille,  président;  chanoine  Émerj,  curé  de  l'église  Saint- 
Jérôme,  à  Aix;  Damase  Arbaud,  de  Manosque;  Magloire  Gi- 
raud,  curé  de  Saint-Cyr  (Var),  et  de  Bariême,  des  Alpes-Ma- 
ritimes, s'est  réuni  à  Marseille.  Il  a  été  embarrassé  à  cause  de 
l'abondance  et  de  la  richesse  de  la  moisson  poétique.  Il  paraît 
qu'une  trentaine  de  pièces  sont  hors  ligne,  et  une  quarantaine 
fort  remarquables. 

Après  deux  jours  de  délibération,  le  jurj  a  arrêté  son  choix 
sur  un  quatrain  en  vers  alexandrins.  En  voici  le  texte,  arrangé 


MANIFESTATIONS    DE   LA    LANGUE    PROVENÇALE       683 

en  forme  épigraphique,  sans  tenir  compte  de  la  mesure  et  de 
la  rime,  que  le  lecteur  rétablira  facilement  : 

O  CRVX  AVE  ! 

SOVRGÈNT    d'iNMOVRTALO    LVMIERO  ! 

EME  LOV  SANG  d'vN  DIÉV, 

O    TESTAMEN  ESCRI  ! 

LA  PROVVÈNÇO  A  TI  PED  SE  CLINÈ 

LA  PROVMIERO. 

ASSOVSTO  LA  PROVVENCO, 

0    CROVS  DE  J.-C. 

«  0  croix,  salut  !  source  d'immortelle  lumière  !  avec  le  sang 
d'un  Dieu,  ô  testament  écrit  !  La  Provence  à  tes  pieds  s'in- 
clina la  première.  Protège  la  Provence,  ô  croix  de  Jésus- 
Christ  !  » 

La  proclamation  du  lauréat  devait  être  faite  au  sommet  du 
mont  Sainte- Victoire,  dans  une  solennité  religieuse  et  poéti- 
que à  la  fois.  La  fête  a  eu  lieu  en  présence  d'un  groupe  assez 
nombreux  de  touristes,  qui  avaient  grimpé  jusqu'au  sommet 
de  ce  nouveau  Parnasse.  Les  messes  et  les  cantiques  proven- 
çaux ont  absorbé  une  partie  de  la  matinée.  Puis  M.  l'abbé 
Lieutaud,  bibliothécaire  de  Marseille,  a  glorifié  la  résurrection 
de  la  langue  et  de  la  poésie  provençales,  dans  une  allocution 
tout  à  fait  de  circonstance. 

La  pièce  couronnée  a  été  lue  ensuite.  On  dit  que  ce  n'est 
pas  la  plus  poétique  ni  la  plus  originale,  mais  qu'elle  a  le 
caractère  le  plus  épigraphique.  Le  nom  du  lauréat  n'a  pu  être 
proclamé,  cette  inscription  étant  anonyme. 

On  a  donné  lecture,  au  milieu  des  applaudissements  de 
Tassistance,  d'une  trentaine  d'inscriptions  provençales  d'une 
grande  beauté,  ainsi  que  des  inscriptions  grecque,  latine  et 
française. 

La  poésie  avait  un  sublime  piédestal,  en  prenant  son  vol  de 
la  plus  haute  cime  des  Bouches-du-Rhône,  d'où  l'œil  émerveillé 
contemple  le  splendide  panorama  qui  se  déroule  tout  autour  : 
la  chaîne  azurée  du  Luberon,  la  pointe  vaporeuse  du  mont 


684  t^IALËCTES   MÔDlikNBâ 

Ventoux,  le  pic  de  Notre-Dame-dès-Anges,  àè  ifétkcb'ànt  dé  la 
chaîne  de  TEtole;  lé  bassin  accidenté  d'Aix,  avec  ses  matadelons 
de  collines  moutonnant  comme  des  vagues,  et,  pour  bordure 
à  ce  magnifique  tableau,  F  étang  de  Berre  et  la  mer  bleuissant 
à  Thorizon.  Aussi,  sur  ce  théâtre  inusité,  les  vers  avaient  une 
ampleur  et  un  rhythme  d'une  sonorité  merveilleuse,  en  pla- 
nant au-dessus  du  monde,  dans  ce  vaste  encadrement  de  Fim- 
mensité. 

Quoiqu'elles  ne  soient  que  les  accessoires  de  la  manifesta- 
tion provençale,  nous  croyons  devoir  terminer  et  compléter 
cet  article  par  le  texte  des  inscriptions  grecque,  latine  et 
française,  pour  la  croix  de  Provence. 

L'inscription  grecque  est  anonyme,  comme  rinscription  pro- 
vençale ;  elle  s'exprime  en  ces  termes  : 

lAOV, 

NATTAI,   H   *AP02; 

EMnOPOI,  TO  KEPA02; 

KPrATAI  H   HZVXlA    RAI   O   ÏIAOTTOZ. 

«  Voilà  !  nautonniers,  le  phare  !  Marchands,  le  profit  !  Tra- 
vailleurs, le  repos  et  la  richesse  !  » 

Cette  inscription  s'adresse  plus  spécialement  à  la  population 
maritime,  commerciale  et  industrielle  de  Marseille. 

L'inscription  latine,  formée  de  deux  vers  hexamètres  accou- 
plés, est  due  à  M.  Carbonel,  ancien  professeur  du  collège 
d'Aix  ;  elle  est  ainsi  conçue  : 

E   BELLO  SERVATA,    MEMOR    PROVINCI  A  CHRI8T0 
ERIGIT  HOC  FIDEI  SIGNVM,  SPE  NIXA  TRIVMPHI. 

«  Préservée  de  la  guerre,  la  Provence  reconnaissante  a 
érigé  ce  signe  de  la  foi,  soutenue  par  l'espoir  du  triomphe.  » 

Enfin  l'inscription  française,  dont  l'auteur  est  M.  Humbert 
de  Saboulin,  se  formule  dans  le  quatrain  suivant  : 

o  mont!  que  des  romains  ILLVSTRA  LA  VICTOIRE. 
SVR  TON  SVPERBE  FRONT  LA  CROIX  VIENT  SE  POSER. 
ELLE  A  W  DES  CÉSARS  LES  SCEPTRES  SE  BRISER  : 
ELLE  SEVLE  POVVÀlT  AJOVTÈR  A  TA  GLOlilÉ  !..-.. 

L.  i)KVILLlÈfcs. 


PIECE  LANGUEDOCIENNE 

QUI    A  CONCOURU  A    SAINTB-YICTOIRE 

M.  le  (Jpcteur  A.  Espagne,  président  de  la  Société  pour 
l'étude  des  langues  romanes,  a  reçu  communication  de  la  pièce 
de  vers  suivante,  écrite  dans  le  sous-dialecte  de  Montpellier, 
et  envoyée  de  notre  ville  à  Aix  pour  le  concours  de  Sainte - 
Victoire.  Nous  rappellerions  un  sonnet,  si  sa  prosodie  mono- 
rime ne  constituait  une  violation  flagrante  des  rigoureuses  lois 
de  ce  genre  de  poésie.  Bien  que  Fauteur  ait  évidemment  voulu, 
par  une  répétition  homophone,  imiter  le3  désÂnepcea  analogues 
des  versets  et  de^  strophes  liturgiques,  et  facUit|^r  ainsi  la  con- 
servation de  son  œuvre  dans  la  mémoire  du  lecteur,  nous  n'hé- 
sitons pas  à  la  trouver  trop  longue  pour  être  gravée  sur  le  pié- 
destal d'un  monument  religieux.  Le  peuple  ne  retient  guère  des 
textes  épigraphiques  de  quatorze  vers  ;  la  forme  de  quatrain 
remplit  mieux  le  but  désiré.  Telle  qu'elle  est  pourtant,  nous  ne 
nous  refusons  pas  à  l'insérer,  parce  qu'elle  est  un  nouveau  té- 
jnoignage  de  cette  ardente  sympathie  des  muses  Ungqedocien- 
nés  pour  toutes  les  gloires  de  la  Provence,  suivant  une  tradition 
aimée,  si  brillamment  inaugurée  dan?3  le  premier  volume  de  la 
Revue  parle  beau  poëme  d'Octavien  Bringuieç*;  parce  qi;e 
encore,  par  une  heureuse  association  du  patriotisme  et  de  la 


*  Prouvença,  par  0.  Bringuier,  in  Revue  des  langues  romanes  (2*  et  4« 
livraisons  do  1870j.On  n'a  pas  oublié  U  jugoriient  porté  sur  ce  poëme  à  la 
Crounico  felibrencode  VArmana  prouvençau  de  1872,  par  un  critique  com- 
pétent qui  est  on  môme  temps  un  grand  poêle,  et  dont  le  pseudonyme  trans- 
parent, Gui  de  Mount  Pavoun,  ne  voile  plus  à  personne  l'éminente  person- 
nalité :  a sup?rbo  cantadisso  que  retrais  en  vers  de  flamoli  faste  e  li 

»  grundour  de  nosto  iiasiounalila.  Un  lirisme  resplendènt,  uno  audàci 
»  d'image  qu'es  souvent  magnilico,  uno  ardènto  passioun  pôr  lou  terraire 
»  ounle  vivèn,  un  masclun,  uno  caloiir,  un  estraïubord  que  vous  emporton 
»  joun  à  l'eslùdi  e  au  perças  di  boni  formo  poupulàri,  plaçon  aqueu  feli- 
9  bre  au  balaioun  di  fort.  Lou  ditirambe  de  Prouvença  esdins  lou  mole 
»  —  e  de  la  raço  —  di  bèus  iambe  de  Barbier.  » 


6S6  DIALECTES   MODERNES 

foi,  elle  réunit  dans  une  même  composition  le  fait  le  plus  glo- 
rieux qui  termine  Thistoire  ancienne  de  cette  belle  province  et 
le  grand  événement  qui  en  ouvre  Tère  nouvelle  :  la  défaite  des 
Teutons  et  des  Ambrons  par  Marius,  et  Tintroduction  du  chris- 
tianisme dans  les  Gaules  par  les  premiers  disciples  de  Jésus- 
Christ. 

Nous  insérons  cette  poésie,  avec  les  quelques  modifications 
que  Fauteur  y  a  introduites. 

O  Crous  !  calma  dau  Ciel  la  coulera  embrandada  ! 
De  Satan  jout  tous  peds  que  fremigue  Tarmada  ! 
La  França  devers  tus,  coufla,  s'es  revirada. 
Que  la  Prouvença  t'aime  e  de  tus  siegue  aimada  ! 

Per  Lazare  et  Maria  e  Marta  un  jour  prechada, 
La  Prouvença  despioi  seguet  ta  filha  ainada. 
Toun  sourel  sans  couchant  Ta  ben  illuminada; 
Jout  tous  brasses  de  maire  a  grandit  proutejada. 

Sus  soun  pioch,  dins  lous  airs,  la  mountagna  sacrada, 
D'un  trounfle,  ier  uman,  ioi  divin,  illuslrada, 
Moslra  de  toun  retrai  la  granda  obra  acabada 

A  la  plana  aiçaval  de  sang  teutoun  bagnada. 
0  Crous  l  0  santa  Crous,  sus  la  roca  aubourada, 
D'espouèr,  d'amour,  de  pès,  coumoula  la  countrada. 

O  Croix  l  calme  du  Ciel  la  colère  flamboyante  1  —  De  Satan  sous  tes 
pieds  que  l'armée  frémisse  !  —  La  France  vers  toi,  saturée,  est  revenue  — 
Que  la  Provence  t'aime  et  soit  aimée  de  toi. 

Un  jonr  évangélisée  par  Lazare  et  Marie  et  Marthe,  —  la  Provence  fut 
ta  lilJe  aînée  depuis.  —  Ton  soleil  sans  couchant  Ta  bien  éclairée;  —  elle 
a  grandi,  protégée  sous  tes  bras  de  mère. 

Sur  ton  sommet,  dans  les  airs,  la  montagne  sacrée,  —  honorée  par 
un  triomphe,  hier  humain  et  aujourd'hui  divin,  —  montre  de  ton  image 
la  grande  oeuvre  achevée 

A  la  plame,  là-bas,  baignée  de  sang  teuton.  —  0  Croix  1  0  sainte 
Croix,  arborée  sur  la  roche,  —  d'espoir,  d'amour,  de  paiz^  comble  notre 
pays. 


L^ESCALIE  DI  aiGANT 

Escalié  di  Gigant,  dins  ti  paret  superbo, 
La  reguindoulo  esquiho,  e,  folo,  flouris  Terbo  ; 
Mars  e  Netune,  ôèr,  subre  si  pedestau 
Soun  sèmpre  dre,  mai  res  arribo  dôu  pourtau, 
Ni  lou  Counsèu  di  Dès,  ni  Doge  e  Dougaresso, 
E  ï  es,  i  dieu  de  mabre,  uno  grande  amaresso 
Que  li  papo  e  li  rèi  au  palais  tournon  plus. 
Coume  de  fouletoun,  pèr  fes,  dins  lou  trelus, 
Li  pijoun  famihié  volon  e  vènon  béure 
I  cisterno  de  brounze  ounte  s'agrafo  Téure. 
Dins  ta  clastro  deserto,  o  vièi  palais  ducau. 
S'entend  que  lou  pas  fin  di  chato  à  pèd  descau 
Que  courron  tira  d'aigo,  e  lou  ferrât  que  toumbo. 
Touto  ta  meraviho  es  pèr  iéu  uno  toumbo 
Recatant  noublamen  lou  passât  venician  : 
Palma,  lou  Verounés,  Tintouret,  lou  Tician, 
Ta  Republico  morto  e  sa  terrible  voie, 
0  Venise  toumbado  i  man  de  la  Savoie  ! 


L'ESCALIER  DES  GÉANTS 

Escalier  des  Géants,  dans  tes  murs  superbes,  —  le  lézard  glisse, 
et  fleurit  Therbe  folle  ;  —  Mars  et  Neptune,  fiers,  sur  leurs  piédes- 
taux—  sont  debout  toujours,  mais  personne  n'arrive  du  portique, 
—  ni  le  Conseil  des  Dix,  ni  Doge  et  Dogaresse, —  et  c'est  aux  dieux 
de  marbre  une  grande  amertume  —  que  les  papes  et  les  rois  au 
palais  ne  retournent  plus.  —  Comme  des  tourbillons,  parfois,  dans 
la  lumière, —  les  pigeons  familiers  volent  et  viennent  boire —  aux 
citernes  de  bronze  où  s'attache  le  lierre.  —  Dans  ton  cloître  désert, 
ô  vieux  palais  ducal, —  on  n'entend  que  le  pas  fin  des  filles  aux 
pieds  nus  — qui  courent  puiser  Teau,  et  le  seau  qui  tombe.— 
Toute  ta  splendeur  est  pour  moi  un  tombeau  —  recouvrant  noble- 
ment le  passé  vénitien:  —  Palma,  Véronèse,  Tintoret,  le  Titien,  — 
ta  République  morte  et  sa  vigueur  terrible,  —  ô  Venise  tombée  aux 
mains  de  la  Savoie  1 


088  DIALBCTFS    MODBRNBS 

E,  mau-grat  lou  soulèu  qu'enfioco  ti  paret, 
Quau  trèvo  ta  ciéuta  dins  li  mesoulo  a  fret. 

Mai,  coume  un  chin  fidèu  lipant  li  pèd  dôu  mèstre, 
0  Veniso,  mau-grat  lou  tèms,  lis  escaufèstre, 
La  mar  te  rèsto  amigo  e  d'un  bais  tremoulant 
Poutouno  sènso  fin  ti  pont  de  mabre  blanc. 
Sies  sa  nôvio  fidèlo  encaro,  Adriatico! 
Te  souvèn  de  sa  glôri  e  de  la  noço  antico, 
Te  souvèn,  en  bagnant  lou  ribeirés  latin, 
De  la  rèino  di  mar  e  dôu  poumpous  matin  : 
Quand,  davans  li  jouvènt,  davans  li  blôundi  fiho 
Dins  sa  belour  mesclant  TEuropo  emé  TAslo, 
Davans  lou  Sénat  mut,  davans  li  pescadou 
Lest  à  se  traire  au  founs  dôu  verd  engloutidou, 
Lou  Doge  magnifique,  amount,  dôu  Bucentaure, 
Se  clinavo,  espérant  que  Tounde  à-n-éu  s'enaure, 
E  leissavo  toumba  la  bago  sus  toun  sen  ! 

Ansin  soûl  isto  Tart,  faù  que  nàutri  passen. 

Enterin  lou  lioun^de  sant  Marc  que  te  gârdo, 


Et  malgré  le  soleil  qui  enflamme  tjes  wurailles,  —  celui  qui  hante 
ta  cité  a  froid  dans  les  moelles. 

Mais,  comme  un  chien  fidèle  léchant  les  pieds  du  maijtre,  —  ô 
Venise,  malgré  le  temps  et  les  alarmes,  —  la  mer  te  reste  amie,  et 
d'un  baiser  tremblant  — baise  sans  Cn  tes  ponts  de  marbre  blanc. 

—  Tu  es  sa  fiancée  encore,  Adriatique! — 11  te  souvient  de  sa  gloire 
et  de  la  noce  antique;  —  il  te  souvient,  en  baignant  le  rivage  latin, 
— de  la  reine  des  mers  et  du  matin  pompeux  :  — quand,  devant  les 
jeunes  hommes,  devant  les  blondes  filles — mêlant  dans  leur  beauCô 
TEurope  et  l'Asie,  —  devant  le  Sénat  muec,  devant  les  pêcheurs  — 

—  prêts  à  se  jeter  au  fond  du  gouffre  vert,  —  le  Doge  magnifique, 
du  haut  du  Bucentaure,  —  se  penchait,  attendant  que  Tonde  s'élève 
à  lui,  —  et  laissait  tomber U  bague  sur  ton  sein! 

Ainsi  seul  demeure  l'art,  et  nous  il  faut  passer. 

Cependant  le  lion  de  saint  Marc  qui  te  garde,  —en  frémissant 


l'bSCALIÉ  DI  GIGâNT  eg9 

En  fernissènt  dis  alo,  o  vièi  palais,  regarde 
Li  barrulaire  estrange,  angles,  ameçican, 
Mounta,  pâli  nanet,  Tescalié  di  Ç^igant. 

Teodor  Aubambl. 

Venisos  14  de  juliet  1873. 


des  ailes,  ô  vieux  palais,  regarde —  les  étrangers  errants,  anglais, 
américains, —  monter,  nains  pâles,  l'escalier  des  Géants. 

Théodore^  Aubanel. 
Venise,  14  juillet  1873. 


45 


LA  FLQUR  D'AMOUR 

Pichouno  flour  touto  passidô, 
Tu  que  douermes  dins  moun  înissâu, 
Un.  moumen  laisso  toun  repàus 
E  parlo-me  de  la  poulido 
Que  sa  man  blanco  fa  culido. 

Parlo-me  plan,  pichouno  flour; 
Parlo-me  d'aquelo  vesprado 
Que  sus  la  tepo  enfresqueirado 
Em'  elo  parlàvi  d'amour 
E  bretounejàvi  :  «  Toujour  !  » 

léu,  de  sei  bouqueto  pourpalo, 
Fôu  de  plesi,  beviéu  Talen, 
E  de  mei  bras,  perdu,  relent, 
Tencenturàvi  leis  espalo. 
Elo,  me  regardavo  palo . . . 

Ero  alor  un  vèspre  d'estiéu  ; 
E  seis  ue  nègre  regardavon 
Leis  estello  d'or  que   toumbavon 
Amount  dins  lou  grand  cèu  de  Dieu. 
Soun  regard  s'emplissié  de  niéu. 

LA  FLEUR  D'AMOUR 

Petite  fleur  toute  fanée,  —  toi  qui  dors  dans  mon  missel,  —  pour 
un  instant  quitte  ton  repos — et  parle-moi  de  la  jolie  —  dont  la 
main  blanche  te  cueillit. 

Parle-moi  doucement,  petite  fleur; —  parle-moi  de  cette  soirée 

—  où,  sur  le  pjazon  frais,  — avec  elle  je  parlai  d'amour  —  et  je  mur- 
murai: «  Toujours.'  » 

De  ses  lèvrps  vermeilles,  —  fou  de  plaisir,  je  bus  le  souffle, —  et 
de  mes  bras,  enivré,  transporté, —  je  lui  entourai  les  épaules. — 
Elle  me  regardait  pâle. . . 

C'était  alors  un  soir  d'été;  —  et  ses  yeux  noirs  contemplaient  — 
les  étoiles  d'or  qui  tombaient — là-haut  dans  le  grand  ciel  de  Dieu. 

—  Son  regard  s'emplissait  de  nuages. 


LA    PLOUR   d'amour  691 

E  culiguè  'no  margarido 

Que  blanquejavo  dins  lou  prat  : 

—  «  Un  jour,  digue,  te  restara 

))  D'aquelo  nuech  estavanido 

»  Plus  rèn  qu'aquelo  flour  passido.» 

E  me  dounè  sa  flour  d'amour, 
Sa  blanco  flour  de  souvenènco: 
((  Deis  amour  de  nouesto  jouvènço, 
»  S'  un  cop  s'amoussavo  Tardour», 
Disié,  «regardo  aquelo  flour.» 

Aviés  resoun  :  Terso  ferouno. 
De  nouéstei  vido,  sens  pieta, 
A  divisa  lei  doues  mita 
E  t'a  raubado  à  mei  poutouno. 
Aviés  resoun,  o  ma  chatouno  ! 

Embessouna,  nouéstei  veissèu , 
Dei  mar  estrassant  la  gounello, 
Emé  seis  alo  blanquinello, 
Voulavon  coume  leis  aucèu 
Voion  ei  grand  piano  dôu  cèu. 

Mai  Taragan,  sourne   cassaire, 


Et  elle  cueillit  une  marguerite  — qui  blanchissait  dans  la  prairie: 

—  «  Un  jour,  (lit-elle,  il  ne  te  restera  —  de  cette  nuit  évanouie  — 
»rien  autre  que  cette  fleur  flétrie.  » 

Et  elle  me  donna  sa  fleur  d'amour,  —  sa  blanche  fleur  de  souve- 
nance:—  ti  Des  amours  de  notre  jeunesse, —  si  un  jour  l'ardeur 
»  s'éteignait,  —  disait-elle,  regarde  cette  fleur.  » 

Tu  avais  raison:  la  vague  farouche  —  a,  sans  pitié,  de  notre  vie 

—  séparé  les  deux  moitiés.  —  Elle  t'a  ravie  âmes  baisers. —  Tu 
avais  raison,  (j  ma  jeune  tille! 

Serrés  co:nnio  deux  jumeaux,  nos  vaisseaux, —  des  mers  déchirant 
le  corsage.  —  avec  leurs  ..iles  toutes  blanches,— volaient  comme  les 
oiseaux  —  volent  dans  les  grandes  plaines  du  ciel. 

Mais  l'ouragan,  sombre  chasseur, —  était  aux  aguets.  Noir  et 


692  DIALECTES   MODERNES 

Ero  à  Tespèro.  Nègre  e  rau 
Dôu  veissèu  batè  lou  peitrau. 
Touto  uno  nuech,  ardent  luchaire, 
Mouguè  loutron  emé  Tesclaire. 

E  lou  matin  (matin  amar  ! 

Matin  de  dôu!),  quand  Faubo  primo 

Dou  bastimen  daurè  la  cimo, 

Arregardèri  sus  la  mar .... 

Lou  gai  soulèu  brihavo  clar. 

Mai  à  la  piano  inmènso  e  mudo 
En  van  moun  ue  te  demandé  ; 
A  ma  voues  soulo  respoundè 
Emé  soun  crid  de  plagnitudo 
L'erso  pèr  Perso  coumbatudo  ! 

T'ai  plus  revisto  !  mai  ta  flour, 
Ta  flour  d'amour,  ta  flour  passido, 
Vuei  de  ma  vido  achavanido, 
Coume  Festello  au  vouiajour, 
M'ajudo  a  remounta  lou  cours. 

Crêstian  de  Vilo-novo-Esclapoun. 
Valencolo,  outobro  1872. 


rauquo. —  il  battit  le  flanc  des  vaisseaux.  — Toute  une  nuit,  lutteur 
ardent,  —  il  fit  mouvoir  la  foudre  et  l'éclair. 

Et  le  malin  (matin  amer  !  —  matin  de  deuil  !),  quand  la  première 

aube — dora  la  cime  du  bâtiment,  —  je  regardai  sur  la  mer — 

le  gai  soleil  brillait  clair. 

Mais  à  la  plaine  immense  et  muette  —  en  vain  mon  œil  te  de- 
manda ;  —  à  ma  voix  seule  répondit,  —  avec  son  cri  de  plainte,  —  la 
vague  par  la  vague  combattue . 

Je  ne  t'ai  plus  revue  I  Mais  ta  fleur,  —  ta  fleur  d'amour,  ta  fleur 
flétrie,  —  aujourd'hui  de  ma  vie  ballottée  par  la  tempête ,—- comme 
l'étoile  au  voyageur, — m'aide  à  remonter  le  cours. 

Christian  de  Villeneuve-Esclapon. 
Valensolle,  octobre  1872. 


BIBLIOGRAPHIE 


Glossaire  botanique,  languedocien-français -latin,  de  ^arrondissement 
de  Saint-PonSf  par  Melchior  Barthès.  —  Montpellier,  Imprimerie  cen- 
trale du  Midi,  1873.  l  vol.  in-8»  de  268  pages. 


M.  Melchior  Barthés,  de  Saint-Pons,  un  des  naembres  les  plus 
zélés  de  la  Société  pour  l'étude  des  languesïromanes,  vient  de  pu- 
blier un  Glossaire  botanique,  languedocien- latin- fî^ançais,  de  l'ar- 
rondissement de  Saint-Pons.  L'auteur,  qui  a  fait  une  étude  par- 
ticulière des  plantes  de  son  pays,  pour  leur  demander,  au  profit  de 
ses  malades,  leurs  propriétés,  leurs  vertus,  nous  donne  le  fruit 
de  ses  longues  et  savantes  investigations.  A  côté  des  noms  et  de 
l'histoire  de  chaque  planie  se  trouve  l'étymologie,  le  plus  souvent 
tres-originale  et  très-ingénieuse,  qu'il  a  trouvée  dans  la  langue 
gauloise,  latine  ou  grecque.  Mais  ce  qui  donne  à  cet  ouvrage 
un  cachet  d'originahté  des  plus  intéressants,  qui  le  fait  lire  avec  un 
plaisir  extrême,  c'est  l'élégante  et  pittoresque  description  de  chaque 
plante  sur  son  utilité,  rembième  qu'elle  représente  dans  les  tra- 
ditions populaires,  les  dictons  ou  proverbes  auxquels  elle  a  donné 
lieu. 

Nous  ne  pouvons  résister  au  plaisir  de  citer  quelques  passages 
des  vers  patois  dont  M.  Barthés  a  émaillé  son  ouvrage  : 

1°  Au  mot  Véronique  : 

La  Berounico, 
Al  medeci  ié  fà  la  nico. 

La  Véronique —  se  moque  du  médocln. 

"i"  Au  mot  Hysope  : 

Qui  biùd'isop, 
Biù  trop 

Qui  \  it  d'hysope  —  vit  trop. 

3°  Au  mot  Ciguë  : 

Quand  abalot  la  jalbertasso, 
Socrato  se  sariè  saibat, 


694  BIBLIOGRAPHIE 

S*abia  mes  al  found  de  la  tasso 
Un  pessuc  de  canfre  pilât. 

Quand  il  avala  la  ciguë,  —  Socrate  se  serait  sauvé,  -  s'il  avait  mis  au 
fond  de  la  lasse  —  un  morceau  de  camphre  pilé. 

Et,  ajoute  l'auteur,  ce  n'e^t  pas  Raspail  qui  dira  le  contraire. 
4"  Au  mot  Gland  (traduction  d'une  pensée  d'Ovide): 

Las  herbes,  en  prumié,  serbigueroun  de  pà 
A  rhome,  que  fasio  re  que  las  acampà. 
Pei  l'aglan  arribet  :  Taglan,  bouno  troubalho 
Souguet  dal  dur  garric  un  presen  pi  à  galan . 
La  prumiero,  Cerès,  per  iéfàfà  ripalho, 
Dounet  lou  blat  à  l'home  en  plaço  de  Taglan. 

Les  herbes  d'abord  servirent  de  pain  —  à  l'homme,  qui  n'avait  qu'à  les 
ramasser.  —  Puis  le  gland  arriva:  le  gland,  bonne  découverte,  -  fut  du 
dur  chêne  un  présent  bien  gentiL  —  La  première,  Gérés,  pour  lui  faire 
faire  bombance,  —  donna  le  blé  à  l'homme  au  lieu  du  gland. 

5°  Au  mot  Herho  d'amour  : 

Herbo  d'amour 
Que  brandilho, 
Hrandilho  ; 
Uerbo  d'amour 
Que  brandilho 
Toujour. 

Herbe  d'amour  —  qui  s'agite,  —  s'agite  ;  -  herbe  d*amour—  qui  s'agite 
—  toujours. 

6°  Au  mot  Sauge  : 

L'home  deù-tl  crentà  la  mort, 
Quand  a  la  salbio  dins  soun  ortT 

L'homme  doit-il  craindre  la  mort,  —  lorsqu'il  a  la  sauge  dans  son  jar- 
din? 

70  Au  mot  Rose  : 

Proubenco,  blu  de  cel,  et  tu,  margarideto; 
Pensado,  tu  m'amigo,  en  bestit  de  belous  ; 
Tu,  poumpouso  penolho,  e  tu,  jantio  biuleto, 
M*agradas;  mé  la  rose  es  la  flou  de  las  flous! 

Pervenche,  bleu  de  ciel,  et  toi,  marguerite; —  pensée,  toi,  mon  amie,  en 
habit  de  voleurs  ;  —  toi,  pompeuse  pivoine,  et  toi,  gentille  violette,  —  vous 
me  plaisez  ;  mais  la  rose  est  la  fleur  des  fleurs  ! 


.13 
BIBLIOGRAPHIE  !:95 

M.  Barthés  ne  se  contente  pas  d'être  un  botaniste  habile  et  atta- 
chant ;  il  présente  encore,  dans  l'Introduction  de  son  ouvrage,  une 
étude  particulière  du  patois  local.  II  défend  et  démontre  l'idée 
nouvelle,  déjà  signalée  par  M.  A.  Montel,  que  les  idiomes  néo- ro- 
mans ne  doivent  pas,  dans  une  aussi  large  mesure  qu'on  l'avait 
généralement  cru  jusqu'ici,  leur  origine  au  latin.  L'ancienne  langue 
celtique  ou  gauloise  a  laissé  une  empreinte  importante  aux  idiomes 
vulgaires,  qui  ont  résisté  aux  invasions  du  latin  vainqueur.  Ces 
idiomes  se  sont  conservés  parallèlement  à  la  langue  officielle,  née 
du  latin  et  des  langues  des  derniers  conquérants  germains,  et  lui 
ont  imposé  même  un  certain  nombre  de  leurs  radicaux.  Ce  travail, 
tout  incomplet  qu'il  devait  être,  par  son  caractère  en  quelque  sorte 
de  hors-d'œuvre,  n'en  est  pas  moins  très-savant  et  très  intéressant, 
et  marque,  avec  le  Glossaire,  un  jalon  sérieux  de  la  série  des  études 
qui  entrent  dans  le  programme  de  la  Société  des  langues  ro- 
manes. 

Joignant  la  pratique  à  la  théorie,  M.  Barthés  termine  son  œuvre 
par  un  morceau  intitulé  Uno  belhado  diber,  en  vers  néo-romans  du 
dialecte  de  Saint-Pons,  dans  lequel  il  chante  le  bonheur  qu'on 
trouve  à  étudier  les  plantes  et  les  fleurs.  Assis  au  coin  du  feu,  un 
soir  où  la  neige  et  les  frimas  couvrent  la  terre,  le  poëte  rêve  le 
retour  prochain  du  printemps  et  entretient  un  vivant  et  charmant 
dialogue  avec  ses  chères  fleurs,  qu'il  appelle  de  leur  nom  et  qui 
viennent  successivement  poser  devant  lui,  fières  de  la  beauté  de 
leur  forme  et  de  leur  couleur. 

Placé  au  centre  même  de  la  province  du  Languedoc,  Saint-Pons 
possède   un  dialecte  original,   nettement  tranché,  sans  mélange 
aucun  de  l'influence  du  proven'çal,  mais  où  cependant  semblent  se 
refléter  les  caractères  principaux  des  idiomes  du  bas  Languedoc 
A  ce  titre  surtout,  il  forme  un  sujet  d'étude  fort  intéressant. 

L'extrait  suivant  de  cette  pièce  donnera  au  lecteur  une  idée  de  la 
valeur  sérieuse  de  l'ouvrage  et  le  désir  de  le  posséder  dans  3a 
bibliothèque: 

As  enbit  ouns  dal  mes  de  mai 

Que  tout  es  frescl  que  tout  es  gai  ! 

Un  araourous  per  sa  mèstresso 

Acainpariô  'n  crâne  bouquet, 
Recoumpensat  apèi  d'une  douço  caresse; 
Mes  ieu,  fol  de  las  flous,  ne  bôu  faire  un  paquet 


69rt  BIBLIOGRAPHIE 

Per  ne  cabi  lous  noums  al  founds  de  macabesso. 
Boules  èstre  sapiens  de  ma  recreaciu? 
Lou  bèrs  amme  la  flou  toutarreu  se  marido: 
Lous  unes  dins  l'ibèr,  las  autres  dinsl'estlu, 
Bèrses  ei  flous  se  partajou  ma  bido. 
Bèrses  et  flous,  siès  ma  passlu  ! 
I'  a  pas  enloc  de  cèl  sans  niu, 
Mes  toujour  dins  lou  meu  fasès  uno  esclarcido. 

Gai  a  pintrat  aquel  tablèu 

E  fait  las  raretats  que  besi  *? 

Acô  's  Dius  soûl,  —  amai  ba  cresi, 

E  i'  a  pas  à  dire  :  Belèu. 

Demest  las  fèihos  que  berdejou 

Toutes  las  coulous  se  barrejou  : 
Besi  de  flous  pu  biancos  que  la  nèu, 

De  toutes  roujoS;  de  rougencos, 

De  roses  et  de  biuletencos  ; 

le  n'a  qu'ennairou  *n  froun  roussèl, 

D'unos  de  belous  se  bestissou  ; 

NTa  de  bluos  coumo  lou  cèl, 

Goumo  l'argen  d' autres  lusissou, 
E  de  l'or  dal  soulel  foss'autros  se  tapissou  ; 

Lou  très  quarts  ou  de  casaquins 
Mirgalhats  à-n-un  pun  que  semblou  d'arlequins. 

Mes  couci  lou  soulel  pot  èstre 
Un  pintre  ta  famous*?  Sigur  lou  aeu  plncèl 
Es  pus  adrex  que  lou  de  Rafaèl  : 

Paimens  Rafaèl  n'èro  *n  mèstre  I 
Gouci  pot  tout  al  cop  pintrà  de  flous  en  blanc, 
D'autres  en  jaune,  en  blu,  d'autros  coulou  de  sang? 

Dount  benou  tant  de  difierenços 

Dins  las  coulous,  dins  las  nuenços? 

Abucles  que  sien  !  Mespresan 
Lou  miracles  que  Dius  fa  per  nautres  cad'  an. 


Aux  environs  du  mois  de  mai  —  que  tout  est  frais  I  que  tout  est  gai  1  — 
Un  amoureux  pour  sa  maîtresse  —  cueillerait  un  crâne  bouquet, — ^récom- 
pensé ensuite  d'une  douce  caresse  ;  —  mais  moi,  fou  des  fleurs,  je  vais  en 
faire  un  paquet  —  pour  loger  leurs  noms  au  fond  de  mon  cerveau.  — 
Voulez- vous  savoir  quelle  est  ma  récréation?  —  Les  vers  avec  les  fleurs 
sans  cesse  se  marient:  —  les  uns  en  hiver,  les  autres  en  été,  —  vers  et 
fleurs  se  partagent  ma  vie.  —  Vers  ei  fleurs,  vous  êtes  ma  passion  l  —  Il 
n'y  a  nulle  part  de  ciel  sans  nuage,  —  mais  toujours  dans  le  mien  vous 
faites  une  éclaircie. 


RIBLIOGRÀPHUS  097 

Qai  a  peint  ce  tableau  —  et  fiait  les  raretôô  que  je  voisf  —  C'est  Dieu 
seul,  môme  je  le  crois,  —  et  il  n'y  a  pas  à  dire  :  Peut-être.  —  Parmi  les 
feuilles  qui  verdoient  —  toutes  les  couleurs  se  mêlent  :  —  je  vois  des  fleurs 
plus  blanches  que  la  neige,  —  de  tout  à  fait  rouges,  de  rouge&tres,  —  de 
roses,  de  presque  violettes  ;  --  il  y  en  a  qui  lèvent  un  front  blond;  —  les 
unes  de  velours  s'habillent;  —  il  y  en  a  de  bleues  comme  le  ciel,  —  comme 
l'argent  d'autres  brillent,  —  et  de  l'or  du  soleil  d'autres  se  revêtent;  —  les 
trois  quarts  ont  des  vêtements  ~  bariolés  à  tel  point  qu'elles  ressemblent 
à  des  arlequins. 

Mais  comment  le  soleil  peut-il  être  ~  un  peintre  si  fameux  f  CSertaine- 
ment  son  pinceau  —  est  plus  habile  que  celui  de  Raphaël  ;  —  cependant 
Raphaël  en  était  un  maître  !  —  Gomment  peut-il  tout  à  la  fois  peindre  des 
fleurs  en  blanc,  —  d'autres  en  jaune,  en  bleu,  d'autres  couleur  de  sang? — 
D'où  proviennent  tant  de  différences  —  dans  les  couleurs,  dans  les  nuan- 
ces? —  Aveugles  que  nous  sommes  !  Nous  méprisons  —  le  miracle  que 
Dieu  fait  pour  nous  chaque  année. 

Nous  sommes  heureux,  avant  de  clore  cette  notice,  d'annoncer  à 

nos  lecteurs  que  l'ouvrage  de  M.  Barthés  vient  d*être  l'objet  d'une 

distinction  aussi  honorable  que  méritée  :  la  Société  botanique  de 

l'Hérault,  dans  son  Exposition  locale  du  mois  d'août  dernier,  lui  a 

décerné  une  médaille  d'or. 

Gantagrei.  . 


Catalanes  y  Gatalanades  [parlar  rosselUmés),  per  M.  F.  Rous,  curtU  de 
Banyuls  delà  Marende,  Espira,  Jammet,  1873, ln-12,  207  pages. 

•c  En  Rossellô,  nostre  catala  ten  un  poch  del  françés,  coma  Bar- 
»  celone  del  castilla.  —  A  la  plasse  de  l'a  final,  se  pose  aci  l'e 

«muet  francés.  Mais  axo  n'i  hi  fa  res;  es  sempre  lo  catala » 

dit  l'auteur  dans  une  courte  et  spirituelle  préface.  C'est  en  cher- 
chant à  rattacher  plus  étroitement  l'idiome  du  Roussillon  au  ca- 
talun  des  provinces  espagnoles,  en  Je  dégageant  du  singulier 
système  orthographique  qui  le  défigurait,  que  M.  Roux  a  écrit  son 
nouveau  recueil.  Sa  tentative  est  profitable  au  point  de  vue  litté- 
raire comme  au  point  de  vue  linguistique,  et  il  serait  à  souhaiter 
qu'elle  appelât  l'attention  de  (juelque  romanisant  sur  le  roussil- 
lonnais  lui-même.  11  y  a  une  étude  complètement  nouvelle  à  entre- 
prendre sur  ce  dialecte,  qui  est  peut-être  moins  connu  en  France 


698  BIBLIOGR  APHI K 

»que  celui  du  comté  de  Barcelone.  Après  avoir  pendant  plusieurs 
:8iècles  vécu  sans  littérature  propre,  il  participe  aujourd'hui  dans 
une  certaine  mesure  au  double  mouvement  de  renaissance  delà 
iGatalogne  et  de  la  Provence.  C'est  même  aux  félibres,  et  notam- 
ment à  MM.  Roumanille,  A  Bayle.  deGinestas  et  J.  Saunier,  que 
M.  Tabbé  Houx  a  emprunté  la  plupart  des  poésies  qui  composent 
la  premièn»  partie  de  son  recueil  La  deuxième  :  Faules  y  contes  de 
la  bore  del  foch,  comprend  un  nombre  assez  considérable  de  ces 
récits  populaires  que  l'on  retrouve,  à  peu  près  les  mêmes,  dans  tous 
les  pays  de  langue  d'oc.  Plusieurs  appartiennent  déjà  à  VArmana: 
les  autres  sont  probablement  communs  au  Roussillon.  Il  y  a  beau- 
coup d'agrément  et  de  vivacité  dans  la  versification  de  ces  petites 
pièces.  Nous  signalerons  parmi  elles:  Pamparigousie,  heureuse  et 
parfois  originale  imitation  du  Bon  Sen  de  VArmana  de  1869  ;  la 
Xiulet  et  lo  Petit  benêt,  reproduction  de  deux  contes  de  la  Pro- 
vence et  de  la  Gascogne:  Quin  es  lo  mes  adrelf  Senzillese  d*une 
done,  Jo  sébè  qu'es  pas  jo,  etc. 

Le  recueil  de  M  .  Roux  contient  enfin  une  traduction  du  Stabat 
mater,  qui  est  trop  remarquable  pour  que  nous  n'en  citions  pas 
quelques  fragments.  On  a  bien  rarement  rendu  avec  un  tel  bon- 
heur d'expression,  avec  une  telle  sincérité  d  accent,  la  célèbre  prose 
de  Jacopone  de  Todi  : 

'Stabe  drète.  tote  plorose, 

La  Mare  triste  y  dolorose 

Prop  de  son  Fill,  penjat  en  creu. . . 

Lo  cor  trencat  y  desolade, 

D'une  espase  ère  trebassade 

En  contemplan  Jésus,  son  Deu. 

Oh  l  qu'ère  triste  y  affligide 
La  pobre  Mare  benehide 
Del  Fill  de  Deu  unigenit  ! 
La  cual  dins  lo  cor  se  dolie, 
Veyen  al  llarg  lo  que  sufrie 
Lo  Deu  son  Fill  tantentristit. 


Ay  !  Mare  mie,  font  d'amor  I 
Fes-me  sentir  lo  teu  dolor. . . 
Oue  plori  jo  aempre  embélo. . . 


BIBLIOGRAPHIE  ^^ 

Abrase  en  mon  cor  compungit, 
Bel  foch  d'amor  per  Jésus -Grist 
Y  que  lo  planyo  sempre  jo. . . 


Fes  qu'embé  lo  jo  sempre  plori  ; 
Dès  d'are  fins  à  que  me  mori  ; 
Fes-me  sufrir  embé  ton  Fill. . . 
Prop  de  sa  creu  que  sempre  sigui. 
Embé  to  que  sempre  m'estigui. . . 
Es  axô  mon  desitj  «^ensill. . . 

Verge  de  totes  la  mes  belle. 
No  siguis  pas  à  mi  rebelle, 
Fes-me  com  to  sempre  plorar    . 
Fes  qiiH  del  r4nst  senti  la  mort; 
De  sa  Passiô  T^s-me  consort; 
Fes-me  sas  plagas  sempre  amar. 

Del  seu  sanch  nodreix  me  també . 
Afi  que  l'infern  no  me  pringui. 
Que  ma  défense  de  to  vingui, 
Verge!  en  lojudici  darré*. 


Notre  confrère  prépare  en  ce  moment  un  travail  des  plus  inté- 
ressants. C/est  le  recueil  des  Noëls  et  des  Goigs  catalans  chantés 
dans  les  églises  et  les  dévotions  populaires  du  Roussillon  et  de  la 
Cerdagne.  Il  serait  nécessaire  que  cet  exemple  fût  suivi  pour  tous 
les  dialectes  du  Midi,  qui  possèdent  encore  un  si  grand  nombre  de 
ces  compositions.  Nous  engageons  les  personnes  qui  en  connaî- 
iraient   quelques-unes  aies  communiquera  l'auteur,  à  Banyuls- 

sur-Mer  (Pyrénées-Orientales). 

A.  H. -F. 

*  Il  existe  diverses  traductions  du  Stabat  mater,  entre  lesquelles  on  peut 
mentionner  comme  les  plus  remarquables  celles  du  P.  Amilha  (dialecte 
de  l'Ariége,  arrondissement  de  Pamiers).  la  Bido  del  parfet  chrestia; 
Tolose,  1672,  in-l2,  p.  113;  —de  l'abbé  Nerié  (dialecte  languedocien  du  dé- 
partement de  ÏPLude):  Recueil  de  chants  d'église  en  vers  p<Uois;Gnr' 
cassonne,  1822,  in- 12,  p.  32  ;  —  de  M.  Authemàn  (dialecte  provençal), 
Armanade  1861,  p.  98. 


700  BIBLIOGRAPHIE 


Volo-Bidv,  poome  en  trois  chants,  par  Albert  Amavielle,  illustré  par 
Aristide  Aniavielle.  Alais,  J.  Martin,  1873  — L*Armagna  ceTendn,  per 
Ion  bel  an  de  Dieu  1874.  Alais.  BnigueiroUes  et  Gie.  —  Las  Fados 
en  Gevenos,  poëme  par  M.  Paul  Félix.  Alais,  BnigueiroUes  et  Cie, 
in-8%  IV- 382  pages  et  portr. 


Peu  à  peu  tous  les  idiomes  méridionaux  viendront  prendre  part 
à  la  renaissance  de  la  littérature  et  de  la  philologie  de  la  langue 
d'oc.  C'pst,  à  cette  heure,  le  cévenol  qui  entre  en  lice  avec  plusieurs 
(Buvres  remarquables  :  le  Dictionnaire  languedocien- français  de 
M.  Maximin  d'Hombres, —  le  poëme  Volo-Biàu  d'A.  Arna vielle, — 
las  Fados  en  Cevenos,  de  P.  Félix,  et  la  publication  périodique  PAr- 
magna  cévenôu. 

Nous  avons  déjà  parlé  du  Dictionnaire.  Quand  il  sera  terminé, 
nous  en  rendrons  compte,  en  indiquant  les  services  qu'il  est  appelé 
à  rendre  à  la  science. 

Dire  que  le  poëme  Volo-Biàu  est  du  jeune  et  ardent  félibre  des 
Canls  de  PA  ubo,  c'est  dire  le  style  vigoureux,  net  et  hardi  qui  le 
distingue.  C'est,  en  eiret.  grandement  écrit.  Sans  sortir  des  limites 
restreintes  de  la  légende,  il  donne  des  exemples  frappants  de  ce  que 
la  langue  populaire  a  de  forces  vives  el  de  ressources  ignorées  En 
somme,  de  Tesprit,  de  la  verve,  de  la  gaieté:  c'est  plus  qu'il  n'en 
faut  pour  lui  assurer  un  vrai  et  légitime  succès. 

Nous  trouverons  l'occasion  d'en  parler  plus  longuement,  et  aussi 
de  dire  de  Tœuvre  de  M.  P.  Félix  tout  le  bien  qu'elle  mérite. 

VArmngna  cevendu  s'annonce  comme  devant  être  pour  le  pays 
des  Gôvennes,  la  montagne,  ce  que  VArmana  prouvençau  est  plus 
particulièrement  pour  la  Provence.  Aussi  en  a-t-il  adopté  le  plan, 
les  idées,  les  allures,  et  en  reconnaît-il  l'autorité. 

Les  vers  et  la  prose  y  alternent.  Les  vers  sont  de  A.  Arnavielle, 
Paul  Gaussen,  Marius  Yillar,  d'Alais; — Hipp.  Olivier,  Paul  Félix, 
d'Anduze;  —  F.  Aigon,  Henri  Coulomb,  de  Nîmes,  —  Ernest 
Aberlenc,  d'Uzès  ;  —  Camille  Cavalier,  de  Bességes  ;  —  Laurent 
Cabanis,  d'Avèze; —  A.  Villié,  de  Saint-Geniès  (Aveyron); — Ju- 
nior Sans  et  G.  Donnadieu,  de  Béziers  ;  — Langlade,  de  Lansar- 
gués,  etc.,  sans  parler  de  quelques-uns  des  félibres  provençaux.— 
La  prose,  signée  lou  Bourgal  {lou  Cascarelel  provençal),  se  compose 
surtout  de  bourgalados,  ce  qui  répond  aux  galejados  de  la  Provence 


BIBLIOGRAPHIE  701 

Nous  souhaitons  à  notre  jeune  confrère  le  plus  grand  succès  ; 
nous  serons  heureux  de  pouvoir  constater,  dans  notre  Revue  an- 
nuelle, son  initiative  après  ses  développements, 

A.  M. 


Deux  documents  latins  inédits  des  IX«  et  Vil*  siècles,  par  H.  d'Ârbois 
de  Jubainville  (Extrait  de  la  bibliothèque  de  rEcole  des  chartes, 
tom,  XXXIV.) 

M.  d'A.  de  Jubainville  y  traite  des  mêmes  matières  que  M.  P. 
Meyer  dans  l'article  intitulé:  Joca  monactorum,  et  publié  dans  la 
Rornania  (t.  P',  p.  583  et  suivantes).  Quoique  composées  en  même 
temps  et  sur  le  même  sujet,  ces  deux  études  se  complètent  sans 
que  l'une  fasse  double  emploi  avec  l'autre.  M  d'A.  de  J.  s'est  sur- 
tout attaché  à  relever  les  formes  barbares  dont  fourmillent  ces 
textes,  travail  que  M.  P.  M.  a  volontairement  laissé  de  côté  pour 
n'indiquer  que  les  plus  saillantes.  Cette  statistique  a  plus  d'u- 
tilité qu'il  ne  semble,  car  c'est  en  recueillant  avec  le  plus  grand 
soin  toutes  ces  particultirités  d'orthographe  qu'on  pourra  retrou- 
ver et  rétablir  les  lois  qui  les  régissent.  M.  d'A.  de  J.  avait  déjà 
montré,  dans  sa  Déclinaison  latine  en  Gaule  à  V époque  mérovingienne, 
récemment;  analysée  et  louée  par  lA.  Littré  {Journal  des  Savants, 
octobre  1873),  quel  profit  la  philologie  romane  peut  tirer  de  ce 
genre  de  recherches. 

Une  observation  de  détail  en  finissant.  Pourquoi  dire  (p.  5)  que 
tempus  passe  à  la  deuxième  déclinaison  dans  cet  exemple  quantum 
leinpoi-uni?  Il  est  plus  probable  que  temporum  est  bien  au  génitif 
pluriel.  i)uis(|ue  le  latin  elassiijue  lui-même  employait  parfois  çitan- 
tum  avec  un  génitif  pluriel  :  quantum  hominum  ==  que  d^hommes. 

A.B. 


PÉRIODIQUES 


Romania,  n»  6.  —  P.  1 53,  Pio  Rajna,  Uggeri  il  danese  nella 
leiieralura  romanxesca  degf  Italiani.  Etude  des  compositions  franco- 
italiennes  et  toscanes  du  moyen  âge,  où  figure  Oger  le  Danois.  ^ 
P.  170.  P.  Meyer.  le  roman  de  Btandin  de  Comouailles  H  de  GuUlùt 
Ardu  de  Miramar,  publié  pour  la  première  fois  d'après  le  ms.  unique 
de  Turin.  Court  poëme  provençal  de  2,394  vers  octosyllabiques, 
transcrit  à  la  fin  du  XIV*  ou  au  commencement  duXV«  siècle. 
D'aprèc  cer;;ains  indices,  M.  P.  M.  conjecture  que  l'auteur  était  un 
Catalan  qui  écrivait  en  provençal.  Sans  s^attacher  à  reconstituer 
le  texte  dans  son  entier,  besogne  aussi  fatigante  que  dangereuse, 
il  y  a  introduit  un  grand  nombre  de  corrections*  Il  y  a  joint  un 
court  glossaire,  où  il  a  soin  d'indiquer  même  les  formes  dont  il  ne 
peut  rendre  compte;  bonne  précaution,  qui,  en  appelant  l'attention 
sur  les  difficultés,  en  prépare  la  solution.  Abre.  i.,  du  v.  707,  doit  se 
lire  al  rei  al  re,  cf.  les  vers  779,  1545.  A  la  suite  de  Tarticle 
lombar,  verbe  transitif  =:  renverser,  il  est  bon  d'ajouter  que  le 
patois  actuel  emploie  ce  mot  de  la  même  manière.  —  P.  203,  A. 
Longnon,  François  Villon  et  ses  légataires.  Notice  biographique  très- 
curieuse,  contenant  bon  nombre  de  faits  nouveaux.  M.  A.  L.  dé- 
montre que  le  vrai  nom  du  poëte  était  François  de  Montcorbier. 
—  P.  237,  Mélanges.  Étymologie  du  pr.  gazalj  fr.  jael,  de  l'it. 
guastada^  pr.  engreslara,  des  mots  fr.  mire,  mégissier,  grammaire, 
sommelier,  par  Adolf  Toblor.  —  P.  245,  VaHèlés  lorraines,  M.  P. 
Bonnardot  rolève  certaines  particularités  d'orthographe  et  de  pro- 
nonciation propres  au  dialecte  messin  du  XilP  et  du  XIV  siècle.  ^ 
Signalons,  entre  autres,  la  nasalisation  d'e  atone  final  :  Whommen, 
li  freren  dor  Templen;  le  groupe  en  prononcé  ein  ou  ain  en  Lorraine, 
autrefois  comme  aujourd'hui,  quand  il  provient  de  i  ou  de  e  nasals 
latins  restés  jjurs  ;  ei  mis  pour  e  final  atone,  ont  pour  ent  à  la 
3'  p.  pi.  (le  l'indic.  présent,  qui  prend  alors  la  signification  de  Tin, 
dicatif  parfait.  —  P.  259.  Deux  romani'fù  g. liicicnnes  recueUiles  ^ 
M.  F.-A.  Coelho.  —  P.  261,  Comptes  rmdus  de  l'ouvrage  intitulé. 
Zum  nonnannischen  Rolandsliede;  —  des  Canti  antichi  porloghesi, 
tratti  dal  codice  Vaticano  4803  (  d'Ernesto  Monaci  )  ;  —  des  Saere 


PËKIODIQ^BIS  703 

Rapprezentazioni  dei  secoli  XIV,  XV  et  XVI,  raccolte  eîllustrate 
per  cura  di  Alexandre  d'Ancona  ;  —  des  Documents  historiques 
publiés  par  la  Société  de  V Ecole  des  chartes,  —  P.  268,  Périodiques,  — 
P^  278,  Chronique.  A.  B. 

Le  Musée,  Revue  arlésienne,   historique  et  Wtéraire  ' 

En  1868,  de  jeunes  avocats  d'Arles  fondèrent  sous  ce  titre  une 
revue,  dont  quelques-uns  des  éléments  furent  empruntés  aux  ar- 
chives, aussi  riches  que  peu  connues,  de  leur  ville  natale.  En  même 
temps  que  des  poésies  provençales  de  MM.  Mistral,  Canonge  et 
l'abbé  Lambert,  ils  publièrent  successivement  une  partie  assejj 
considérable  d'un  manuscrit  de  L.  M.  Anibert  iVHisloiredes  troubles 
arrivés  dans  la  ville  d^ Arles  durant  la  Ligue,  et  diverses  éludes 
archéologiques  et  littéraires  par  MM.  Amédée  Pichot,  E.  Fassin, 
Honoré  Clair,  etc. 

Cette  revue,  qui  fut  interrompue  en  1869,  vient  d'être  reprise 
aujourd'hui.  Elle  est  dirigée  par  M.  E.  Fassin  et  conçue  dans  un 
esprit  bien  plus  documentaire  qu'à  son  début.  Elle  imprime 
en  ce  moment  un  manuscrit  de  Didier  Veran  :  les  Annales  de  la 
xnlle  d^Arles^  travail  incomplet,  mais  utile  malgré  ses  lacunes,  et 
donnant,  année  par  année,  de  963  à  1785,  la  mention  de  tous 
les  faits  locaux,  les  noms  des  consuls,  les  actes,  les  donations,  les 
épitaphes,  etc.;  des  Mémoires  de  Le  Pic^wr  tous  les  plus  considérables 
événemenls  d'Arles,  de  1694  à  1712,  et  enfin  une  suite  très-curieuse 
de  notices,  par  M.  E.  Fassin,  sur  les  rues,  les  quartiers,  les  mo- 
numents et  même  les  principaux  mas  du  territoire  d'Arles.  L'au- 
teur a  recherché  les  matériaux  de  son  travail,  non-seulement  dans 
les  archives  communales  et  hos])italières,  mais  encore  dans  les 
papiers  de  procédure  et  dans  les  actes  notariés.  Comme  il  le  dit 
lui  môme,  «  cette  façon  dôtudier  l'histoire  n'a  ni  le  charme,  ni 
"  riiuérèt  des  vieilles  chroniques  »,  mais  elle  est  nouvelle  et  donne 
des  résultats  d'une  «  exactitude  absolue.»  On  ne  peut  que  le  félici- 
ter d'v  avoir  songé. 

A.  R.-F. 

Sociale  .scie)Uifique  et  lillcrnire  d'Alais.  année  1872,  2«  bulletin, 
Costumas  e  leys  municipales  de  Sanct-Gil  /,  pair.  121  à  215. 
La  publication  en  est  due  à  M.  de  Lamothe,  archiviste  du  dépar- 

'  Bertet,  libraire,  place  de  la  Major,  15.  à  Arles. 


704  PRRTODTQUES 

tement  du  Gard.  Originairement,   cette  coutume  a  été  écrite  eA 

latin.  Il  n'en  reste  aujourd'hui  (jue  la  copie,  «  faite  en  langue  vul- 

»  gaire  par  un  jurisconsulte  ou,  tout  au  moins,  par  une  personne 

»  très-versée  dans    la  science   du  droit.  »  Il   serait  donc  utile  de 

l'examiner  au    point  de  vue  de  l'influence  du  texte  primitif  sur  le 

roman .  Le  premier  a  malheureusement  disparu  pendant  les  guerres 

civiles  du  XVI"  siècle.  L'étude  de  ces  coutumes  pourra,  du  reste, 

servir  à  déterminer  bien  des  points  d'histoire   locale.  On  sait  que 

la  ville  de  Saint-Gilles   eut  une   importance  très-considérable  au 

moyen    âge,  et  qu'elle   entretenait  un   commerce   suivi  avec  le 

Levant . 

A.   R.-F. 

L'Artiste.  Histoire  de  l'Art  contemporain.  Rédacteur  en  chef:   Arsène 
HoossAYB.  —  Paris,  à  la  librairie  Henri  Pion,  rue  Garancière,  8. 


Au  moment  où  paraît  VArmana  prouvençau  de  1874,  nous  som- 
mes heureux  de  constater  l'extension  progressive  de  cette  vivace 
et  attrayante  publication,  dont  les  divers  fascicules,  après  avoir 
été,  au  moment  de  leur  apparition  annuelle,  «  la  joie,  la  consola- 
tion et  le  passe-temps  de  tout  le  peuple  du  Midi  »,  auront  un  jour 
une  valeur  si  grande  pour  l'étude  historique  de  la  Renaissance 
provençale  au  XIX*^  siècle.  Déjà,  en  1872,  le  Figaro  avait  traduit 
l'amusante  bouffonnerie  :  li  Quatre  i\as  de  moussu  Ugues,  Cette  an- 
née, nous  trouvons  dans  la  livraison  de  mai  de  V Artiste,  le  bril- 
lant recueil  d'Arsène  Houssaye,  une  bienveillante  appréciation  de 
celui  de  1873,  sous  la  signature  Valéry  Nell. 

Cet  auteur  y  donne  la  traduction  de  quatre  poésies  et  de  deux 
pièces  en  prose. 

Les  poésies  traduites  sont: 

U  Enfant,  d'Alphonse  Ta  van  ; 

UAubado  VIII,  d'A.-B.  Crouzillat,  imitée  de  V.  Balaguer  ; 
Uno  chatouno  di  bord  dou  Rose,  de  Marins  Girard; 
Plang  d'uno  maire,  de  M»»"  Delphine  Roumieux. 

Les  pièces  en  prose  sont  :  la  (Jounversioun  de  sant  Aloi,  par  le 
Cascarelet  et  la,  Mo  unie  lenco,  de  F.  Mistral.  La  première  est  une 
version  provençale  d^me  légende  bien  connue;  la  deuxième  est 
l'histoire  vraie  d'une  chanteuse  née  à  Monteux  (Vaucluse),  qui  a 


pérJODIQUBS  705 

eu.  à  la  fin  de  T Empire  et  sous  le  régime  qui  a  suivi,  son  heure  de 
vogue,  et  que  tous  les  casinos  de  France  ont  entendue. 

La  traduction  de  ces  diverses  pièces  ne  se  distingue  pas  toujours 
par  une  fidélité  parfaite.  Dans  plusieurs  passages,  c'est  plutôt  une 
interprétation  du  sens  qu'une  reproduction  exacte  du  texte.  En  pré- 
sence de  certaines  images  et  de  certains  idiotismes  difficiles  à  trans- 
férer dans  la  langue  française,  l'auteur,  imitant  l'abbé  Desfontaines 
dans  sa  traduction  de  Virgile,  a  quelquefois  recours  au  procédé 
héroïque  de  la  suppression.  Mais,  comme  il  n'a  eu  évidemment 
d'autre  but  que  de  faire  connaître  notre  littérature  à  une  catégorie 
(le  lecteurs  auxquels  elle  pouvait  n'être  pas  bien  familière  et  de 
leur  inspirer  le  désir  de  la  lire  dans  les  œuvres  originales,  il  n'y  a 
pas  lieu  de  lui  tenir  compte  de  ces  quelques  desiderata. 

Nous  nous  permettrons  d'adresser  encore  une  question  au  col- 
laborateur de  Y  Artiste:  est-il  bien  sûr  que  tous  les  articles  de 
lAnnana  signés  lou  Cascarelet  soient  la  propriété  exclusive  de  Rou- 
inanille  ?  Nous  avons  quelques  raisons  de  penser  que  cette  appel- 
lation est  beaucoup  moins  personnelle,  et  qu'elle  représente  un 
pseudonyme  collectif  sous  lequel  plusieurs  auteurs,  au  nombre 
(lesquels  figure,  certes,  Roumanille  pour  une  bonne  et  large  part, 
ont  inséré  jusqu'ici  les  joyeusetés,  les  contes  et  les  histoires  en 
prose,  qui  servent  si  bien  d'intf^rmède  aux  poésies  de  l'Almanach 
provenral.  A.  E. 

Revue  Celtique.  —  La  Hevue  Celtique,  dont  la  publication  fait 
le  plus  grand  honneur  à  son  directeur,  M.  Gaidoz,  ne  traite  pas,  il 
est  vrai,  des  mêmes  matières  que  la  Revue  des  langues  romanes  : 
cependant,  comme  elle  s'occupe,  elle  aussi,  d'une  des  langues 
parlées  dans  notre  pays,  nous  croyons  utile  d'appeler  sur  elle  l'at- 
tention de  ceux  de  nos  lecteurs  qui,  tout  en  s'attachant  plus 
spécialement  aux  dialectes  et  patois  romans,  étudient  en  môme 
temps  l'idiome  breton,  celui  qui,  après  le  latin,  est  le  plus  intime- 
ment lié  à  nos  origines  linguistiques. 

11  suffira  de  citer  les  titres  des  principaux  articles  insérés  dans 
les  deux  derniers  fascicules. 

T.  1'%  fj'^^'ôet  4. —  Les  légendes  des  monnaies  gauloises,  par  M.  A. 
.le  Bartli t'iemy.  —  La  racine  Dru,  dans  les  noms  celtiques  des  riviè- 
res, par  M.  A.  Pictet.— L'ex-votodelaDea  Bibracte  (premier  arti- 
cle), par  M.  BuUiot.—  Inlluence  de  la  déclinaison  gauloise  sur  la 
déclinaison  latine  dans  les  documents  latins  de  l'époque  mérovin- 

46 


706  PERIODIQUES 

gienne,  par  M.  H.  d'Arbois  de  Jubainville.  —  Le  Gatholicon  de 
Lasadeuc,  par  M.  Whitley  Stokes.  —  Proverbes  et  dictons  de  la 
basse  Bretagne,  par  M.  L.  Sauvé.  —  Traditions  et  superstitions  de 
la  basse  Bretagne,  par  M.  R.-F.  Le  Men.  —  La  Véritable  Histoire 
de  la  Bretagne  dedom  Lobineau,  par  M.  P.  Levot, 

T,  II j  n«  1.  —  De  quelques  noms  celtiques  de  rivières  qui  se 
lient  au  culte  des  eaux,  par  iM .  Ad.  Pictet.  —  Nehalennia,  par 
M.  H.  Kern.  —  Un  autel  de  Nehalennia,  trouvé  près  de  Dom- 
bourg  (  Zélande),  par  M.  Albert  Réville.  — L'ex-voto  de  la  Dea 
Bibracte  (deuxième  article),  par  M  Bnlliot.  —  La  poésie  populaire 
en  Bretagne,  par  fou  M.  Guillaume  Lejean.  —  Noms  propres  bre- 
tons commençant  par  Ab  ou  Ap,  par  M.  R.  F.  Le  Men.  —  Pro- 
verbes et  dictons  de  la  basse  Bretagne  (suite),  par  M.  L.  Sauvé. 

A.  B. 


NECROLOGIE 


M.      ADRIEN      DONNODEVIE 

La  Société  pour  l'étude  des  langues  romanes  vient  de  perdre 
un  de  ses  plus  éminents  associés-correspondants,  dans  la  per- 
sonne de  M.  Adrien  Donnodevie,  ancien  premier  avocat  gé- 
néral à  la  Cour  d'appel  d'Agen,  décédé  dans  cette  ville,  le 
6  juillet  dernier,  dans  un  âge  peu  avancé. 

Issu  de  parents  qui  ont  laissé  les  meilleurs  souvenirs  dans 
la  magistrature  de  ce  pays,  où  ils  occupèrent  des  positions 
élevées  (son   père   et   son  aïeul  y   avaient  été  présidents), 
M.  Donnodevie  a  non-seulement  dignement  porté   un   nom 
aimé  et  vénéré  dans  tout  le  département,  mais  il  y  a  ajouté 
un  nouveau  lustre  par  la  distinction  avec  laquelle  il  a  rempli, 
pendant  quatorze  ans,  devant  la  même  Cour,  les  fonctions 
d'avocat  général.  Doué  d'une  intelligence  supérieure,  il  ho- 
nora le  siège  du  ministère  public  par  la  réunion  de  toutes  les 
qualités  qui  recommandent  un  magistrat  à  la  considération  pu- 
blique, mais  plus  particulièrement  par  son  talent  oratoire.  Il 
avait  une  parole  élégante  et  facile,  pleine  de  charme  et  d'élé- 
vation, qui  aurait  été  remarquée  sur  un  plus  grand  théâtre. 
C'est  dans  les  discours  de  rentrée  de  la  Cour  à  laquelle  il  était 
attaché  que  cette  parole  se  montrait  dans  tout  son  éclat.  Elle 
fut  particulièrement  digne  et  magistrale  dans  celui  qu'il  pro- 
nonça lors   de  l'inauguration  du  nouveau   palais  de  justice 
d'Agen.  Aussi  fut-il  souvent  appelé  à  prononcer  ces  discours. 
Ils  ont  tous  été  conservés  comme  ils  méritaient  de  l'être,  car 
ce  sont  d'excellents  modèles  de  ce  genre  de  harangues.  L'avo- 
cat général  d'Agen  aurait  pu  aspirer,  sans  craindre  de  s'y 
montrer  inférieur,  aux  plus  hautes  positions  de  l'ordre  judi- 
ciaire ;  mais  une  terrible  maladie,  qui  avait  frappé  de  para- 
lysie une  partie  de  son  corps,  en  laissant  cependant  à  sa  tête 
toute  sa  puissance,  le  fixait  pour  toujours  à  Agen,  où  l'en- 


708  NÊOROLOaiB 

tourait  la  considération  de  tous  ses  concitoyens.  U  aurait  conti- 
nué à  j  honorer  le  siège  du  ministère  public,  si,  après  le 
4  septembre,  une  destitution,  qui  froissa  la  conscience  de  tous 
les  honnêtes  gens,  ne  Fen  avait  arraché  au  mépris  des  droits  les 
plus  sacrés.  Il  supporta  le  coup  avec  dignité .  Il  écrivit  à  un 
ami  qui  lui  avait  adressé  quelques  paroles  de  consolation  : 
((  Je  vous  assure  que  ma  petite  disgrâce  personnelle  m'occupe 
assez  peu.  Tant  de  malheurs  sont  venus  fondre  sur  notre  pau- 
vre pays,  qu'on  n'a  pas  le  droit  de  penser  à  soi  au  miUeu  de 
ses  immenses  calamités.  » 

L'amitié  dont  m'honora  celui  qui  a  écrit  ces  paroles  m'a 
imposé  le  pieux  devoir  de  mettre  au  jour  sa  brillante  carrière 
de  magistrat.  Je  devais  la  montrer  à  ses  confrères  de  la  So- 
ciété pour  f  étude  des  langues  romanes  pour  leur  faire  mieux 
sentir  l'étendue  de  la  perte  qu'ils  ont  éprouvée. 

L'avocat  général  d'Agen  était  aussi  un  littérateur  distingué 
et  un  écrivain  d'un  rare  mérite.  Il  a  écrit  sur  une  infinité  de 
sujets  et  traité,  avec  une  grande  lucidité,  les  questions  les 
plus  ardues  de  l'économie  sociale.  Quelques  mois  avant  sa 
mort,  il  terminait  une  brillante  série  de  Réflexions  sur  le  temps 
présent,  publiées  dans  le  Jouimal  de  Lot-et-Garonne,  Mais 
c'est  du  littérateur  ami  de  nos  lettres  romanes  et  des  savantes 
études  qu'il  écrivit  dans  la  Revue  contemporaine,  sur  Jasmin, 
Mistral  et  l'auteur  des  Parpaioun  blu,  que  je  dois  plus  parti- 
culièrement m'occuper. 

Né  en  1820,  il  était  fort  jeune  quand  le  coiffeur  d*Agen 
était  arrivé  à  l'apogée  de  sa  renommée  littéraire.  Il  avait  pu- 
blié ses  meilleures  compositions  :  Mous  Soubenis,  tAbuglo  de 
Caste l-Cuillé,  Françouneto,  Maltro  Cinnoucento,  qui  est  datée 
de  1845.  Il  partagea  Tenthousiasme  de  ses  compatriotes  pour 
le  poète  qui  relevait  de  son  abjection  la  langue  de  son  pays , 
et  qui  laissait  bien  loin  derrière  lui  ceux  qui,  sans  en  connaî- 
tre les  rieh'^sses  et  sans  en  utiliser  les  ressources,  en  avaient 
fait  auparavant  l'instrument  de  leurs  pensées  poétiques.  Mais, 
s'il  rendit  hommage  au  génie  du  poète,  il  fut  surtout  émer- 
veillé de  la  vitalité  de  cette  vieille  langue  qui  renaissait  dans 


NfiCltOLOaiB  7(0 

le«  poésies  de  Jasmin,  comme  le  ût  plus  tard  c^é  à&  lu 
Provence  quand  Roumanille,  Mistral,  Aubanel  et  pltisieurs 
autres  lui  rendirent  son  antique  éclat,  que  le  temps  ne^  pourra 
plus  effacer.  «  Le  fait  seul  d'une  lutte  suprémiô  d'une  langod 
vaincue,  dit  le  savant  critique  dans  une  de  ses  étudee,  les  actes 
et  les  manifestations  de  ce  culte  traditionïiei  et  toujours  ré- 
véré, ne  laissent  pas  que  d'avoir  leur  intérêt,  leur  origvialité, 
et,  pour  ceux  qui  les  suivent  et  les  étudient  de  plus  prè»,  un 
charme  auquel  nous  ne  savons  pas  résister.  » 

M.  Donnodevie  appréciait  autant  le  caractère  de  Jasmin 
que  son  talent  de  poëte.  Le  noble  emploi  qu'il  avait  fait  de  ce 
talent,  qui  avait  valu  à  sa  muse  le  suniom  de  Sœur  de  charité, 
avait  touché  son  cœur,  ouvert  à  tous  les  sentiments  élevés. 
Aussi,  lorsque  la  mort  l'eut  enlevé  à  son  affection,  se  montra- 
t-il  des  plus  empressés  pour  la  réalisation  du  projet  de  loi  éle- 
ver une  statue.  Il  fut  nommé  secrétaire  de  la  commission  du 
monument  ;  c'est  dire  que  le  projet  fut  en  peu  de  temps  mené 
à  bonne  fin.  Pour  donner  plus  d'intéré.t  à  l'inauguration,  il 
avait  désiré  que  le  grand  poëte  de  la  Provence  assistât  à  la 
glorification  du  grand  poëte  de  la  Gragoogne.  Mistral  se  rendit 
avec  empressement  à  l'invitation  qu'il  lui  adressa.  Celui  qui 
écrit  ces  lignes,  et  qui  reçut  aussi  chez  M.  Donnodevie  la  plus 
gracieuse  hospitalité,  a  vu  avec  quelle  émotion  l'ami  de  Jas- 
min, se  soulevant  avec  peine  sur  son  fauteuil,  serra  dans  ses 
bras  celui  qui,  par  sa  présence,  venait  donner  un  si  grand 
éclat  à  son  triomphe.  L'inauguration  fut  splendide.  Mistral  j 
récita,  de  sa  belle  voix,  de  magnifiques  strophes,  qui  furent 
le  bouquet  de  la  fête.  M.  Donnodevie,  qui  aimait  à  s'effacer, 
y  assista  presque  incognito.  Il  voulut  jouir  sans  distraction  de 
cette  apothéose  qu'il  avait  si  bien  préparée.  L'élégant  orateur 
resta  silencieux,  lorsqu'il  pouvait  mieux  que  personne  glo- 
rifier son  ami  et  se  montrer  le  meilleur  juge  de  sa  vie  et  de 
son  œuvre.  Il  avait  été  ce  juge  éclairé  dans  une  étude  publiée, 
quelques  années  auparavant,  dans  la  Remie  contempùraine^^ 

^  Ltvrsieoiw  deo  15  mai  et  31  octobre  1S63. 


710  NECROLOGIE 

intitulée  les  Derniers  Troubadours: —  Jasmin,  -^  F,  MistraL 
Quoiqu'elle  ait  paru  après  les  savantes  appréciations  des 
poésies  de  Jasmin  faites  par  Charles  Nodier,  Sainte-Beuve, 
Léonce  de  Lavergne,  Charles  de  Mazade,  Armand  de  Pont- 
martin,  Tétude  de  M.  Donnodevie,  riche  d'aperçus  nouveaux, 
et  qui  n'a  rien  emprunté  à  personne,  est  celle  que  devront 
lire  de  préférence  ceux  qui  voudront  parfaitement  connaître 
le  poëte  et  ses  productions.  Le  bon  goût  sei^  toujours  de  rè- 
gle à  ses  jugements;  son  admiration  n'a  rien  de  vague  et  de 
hasardé  ;  elle  est  toujours  justifiée.  Aussi  nous  devons  adopter 
son  opinion,  lorsqu'il  voit  dans  Marthe  l'idiote  [Maltro  l'innou- 
cento]  l'œuvre  la  plus  parfaite  de  Jasmin.  J'ajoute  qu'il  n'y  a 
jamais  de  l'exagération  dans  ses  éloges ,  et  il  est  loin  de  pen- 
ser, avec  Charles  Nodier,  que  le  Chalihari  (une  des  premières 
compositions  du  poëte)  soit  un  chef-d'œuvre  de  facture  épi- 
que, pouvant  disputer  le  prix  au  Luttin  ou  à  la  Secchia  ra- 
pita.  Il  n'y  voit  qu'une  débauche  de  gaieté  et  de  verve  méri- 
dionales, qui  laisse  au  jeune  poëte  quelques  degrés  de  plus  à 
atteindre. 

Le  critique  ne  se  montre  pas  moins  impartial  lorsqu'il  juge 
dans  la  même  étude  le  poëme  de  Mireio,  admirable  compo- 
sition, dit-il,  qui  pourrait  s'intituler  Provence,  tant,  dans  le 
cercle  embrassé  par  le  poëte,  tout  respire  l'air  de  ce  pays, 
tout  en  exprime  le  suc  et  la  fleur.  Et  il  ajoute  plus  bas  :  «  De 
même  que  Jasmin  nous  a  semblé  personnifier  de  la  manière  la 
plus  digne  et  la  plus  élevée  l'inspiration  moderne  des  an- 
ciennes provinces  de  l'Aquitaine,  Frédéric  Mistral,  le  chantre 
épique  de  la  jeune  fille  du  Mas  des  Micocoules,  est  pour  nous 
la  lyre  d'or  de  la  Provence.  »  Après  une  excellente  analyse 
des  douze  chants  du  poëme,  M.  Donnodevie  conclut  que,  di- 
gne émule  de  Jasmin,  Mistral  a  élevé  la  poésie  méridionale 
aussi  haut  qu'elle  soit  jamais  montée.  »  Le  poëme  de  Calen» 
dau  n'avait  pas  encore  paru . 

Je  sais  que  ce  jugement,  qui  met  à  peu  près  sur  la  même 
ligne  les  deux  auteurs,  n'est  pas,  en  général,  adopté  par  l'école 
provençale  ;  mais  je  sais  aussi  que  Mistral  reconnaît  dans 


NECROLOGIE  711 

Jasmin  les  qualités  d'un  grand  poète.  Il  lui  rend  pleine  jus- 
tice dans  les  vers  qu'il  récita  devant  sa  statue,  quand  il  dit: 

Agèn  nous  a  larga  tau  flum  de  pouesio 
Que  n'en  sian  touti  luminous. 

Ne  cherchons  donc  pas  à  amoindrir  la  gloire  de  Jasmin  pour 
augmenter  celle  de  Mistral,  qui  se  suffit  à  elle-même ,  et  com- 
prenons queM.Donnodevie,  en  élevant  il//mo  jusqu'aux  nues, 
ne  se  soit  pas  déshabitué  de  son  admiration  pour  les  Papil- 
lotteSy  qu'il  a  si  bien  justifiée  dans  son  étude. 

11  s'occupe,  dans  cette  même  étude,  de  la  langue  de  Jasmin, 
qu'il  assure  être  celle  qu'on  parle  à  Agen.  Le  poëte,  suivant 
lui,  ne  l'a  nullement  travestie  ni  arrangée  à  sa  guise.  Il  a  su 
seulement  la  manier  avec  la  plus  grande  habileté.  c<  11  a,  dit 
le  critique,  fait  sur  ce  point  ce  que  font  excellemment  les 
vrais  poètes  :  sentant  le  prix  d'un  idiome  harmonieux  et  ex- 
pressif, il  l'a  élevé  à  la  hauteur  des  idées  qu'il  avait  con- 
çues..., et  lui  a  fait  perdre  toute  sa  vulgarité.  » 

Il  se  borne  à  ces  généralités.  N'écrivant  pas  pour  une  revue 
philologique,  il  n'aborde  pas  les  questions  d'orthographe  et 
d'accentuation.  Sans  cela,  avec  son  impartialité  ordinaire,  il 
aurait  certainement  reconnu  dans  les  productions  de  l'école 
provençale  une  plus  grande  correction  et  des  formes  mieux 
arrêtées. 

M.  Donnodevie  n'écrivit  son  étude  sur  Mirèio  que  quatre 
ans  après  son  apparition.  Il  connaissait  déjà  les  poésies  de 
Roumanille,  d'Aubanel  et  de  Crousillat.  Il  reconnaît,  dans 
cette  étude,  toute  la  valeur  de  ces  poésies  et  en  loue  les  au- 
teurs, et  particulièrement  celui  des  Oubreto*  «Maître  en  divers 
genres,  Roumanille,  dit-il,  a  pris  la  meilleure  manière  de 
démontrer  la  vitalité  du  génie  poétique  de  sa  patrie  :  il  Ta 
prouvée  par  lui-même;  et  les  productions  qu'on  lui  doit.... 
attestent  sa  puissante  coopération  à  l'œuvre  qu'il  a  entreprise, 
et  autour  de  laquelle  il  a  groupé  une  pléiade  de  jeunes  poètes 
formés  sous  son  inspiration.  » 

L'avocat  général,  du  fond  de  son  cabinet  d'Agen,  où  il  pré- 
parait ses  savants  réquisitoires  et  composait  ses  harangues 


712  NECROLOGIE 

d'apparat,  suivait  avec  intérêt  la  marche  de  la  nouvelle  litté- 
rature et  lisait  toutes  ses  productions.  'UA.rmanà,  comme  au- 
trefois les  fous  à  la  cour  des  rois,  grimaçait  toujours  sur  son 
bureau,  sous  la  figure  du  Cascarelet,  à  côté  de  quelque  dossier 
poudreux ,  et  apportait  au  grave  magistrat,  au  malheureux 
valutédinaire,  joio,  soûlas  e  passo-tems.  L'apparition  de  Calen- 
dau  le  frappa  d'étonnement.  On  ne  fait  pas  deux  chefs-d'œuvre 
dans  sa  vie,  comme  on  Ta  souvent  répété.  On  ne  les  fait  pas 
surtout  en  aussi  peu  de  temps.  .Y/tmo  semblait  avoir  épuisé 
l'admiration  générale.  M.  Donnodevie  ne  le  pensa  pas.  Il 
n'attendit  point  quatre  ans  pour  rendre  compte  dans  la  même 
Revue  *  du  nouveau  chet-d'œuvre.  Il  j  écrivit  immédiatement 
son  appréciation,  qui  est  supérieure,  à  mon  avis,  à  tout  ce 
qui  a  été  dit  sur  ce  poëme.  «  Ce  n'est  plus,  s'écrie  le  critique 
enthousiasmé,  TidjUe  de  Mirèio:  ne  comparons  pas  les  deux 
poëmes.  Laissons  à  Mireille  son  rare  mérite,  sa  grâce  et  sa 
touchante  douceur.  Ici,  l'horizon  s'élargit  :  Surmm  cordai  Le 
tableau  est  plus  grand  et,  s'il  est  moins  simple,  il  est  plus 
fort.  » 

M.  Donnodevie  n'est  pas  de  ceux  qui  reprochent  à  Mistral 
la  trop  grande  étendue  du  récit  que  fait  Calendau  au  comte 
Séveran  et  à  ses  compagnons.  Il  le  justifie  pleinement  de  ce 
reproche,  et  prouve  que,  par  les  descriptions  exquises  et  va- 
riées qu'il  jette  dans  sa  narration,  il  tient  constamment  en 
haleine  ses  auditeurs  et  ses  lecteurs.  Il  y  aurait  beaucoup  à 
citer  dans  ce  beau  travail.  Je  n'en  transcrirai  que  quelques 
lignes,  qui  ont  dû  singulièrement  fiatter  celui  pour  qui  elles 
ont  été  écrites  : 

((  Une  foi  vive  peut  accomplir  des  prodiges.  Chez  Mistral, 
c'est  l'amour  du  pays  qui  l'exalte  et  le  fait  chanter  ;  jamais 
plus  tendre  regard  ne  fut  jeté  sur  la  terre  natale,  jamais  fils 
n'aima  mieux  sa  mère.  C'est  par  la  vertu  de  ses  croyances 
profondes,  par  la  sincérité  parfaite  de  son  enthousiasme,  que 
notre  poète  méridional  est  un  grand  poète.  Par  là,  il  se  dis- 

*  Livraison  du  27  septembre  1867 . 


NECROLOGIE  7tS 

tin^e  d'un  très- grand  nombre  de  poëtes  de  notre  temps,  ar- 
tistes habiles,  fins  ciseleurs  de  phrases  ingénieuses,  qui  met- 
tent partout  un  esprit  subtil,  un  art  savant  qui  n'échauffent 
et  ne  touchent  personne.  Il  n'est  pas  froid,  lui,  et,  s'il  ne  vous 
laisse  pas  indifférents,  c'est  qucxla  flamme  vit  dans  son  cœur  ; 
il  aime,  il  croit,  il  défend  de  grandes  et  de  justes  causes  :  la 
religion,  la  patrie,  l'amour.  L'ouvrier  est  égal  à  l'œuvre,  aperi 
par  opifex,  » 

L'étude  sur  Calendau  n'est  pas  la  dernière  que  M.  Donno* 
dévie  a  écrite  dans  la  Revue  contemporaine.  Un  nouveau  poète 
avait  surgi  à  Avignon  ;  il  avait  publié  un  beau  volume  de  poé- 
sies provençales.  Ambitieux  du  suffrage  du  savant  critique  de 
Mirèio  et  de  Calendau,  il  lui  en  adressa  un  exemplaire.  Quel 
était  ce  nouveau  félibre  ?  Un  Irlandais,  qui  s'était  subitement 
épris  d'une  belle  passion  pour  la  langue  de  Roumaniile  et  de 
Mistral,  et  qui,  poète  dans  son  pays,  voulut  l'être  aussi  en 
Provence  et  faire  partie  de  l'association  des  félibres  :  il  s'ap- 
pelait Bonaparte  Wjse,  et  était  petit-flls  de  Lucien  Bona- 
parte. Le  volume  qu'il  envoyait  à  M.  Donnodevie  a  pour  titre: 
li  Parpaioun  blu.  Mistral  l'a  illustré  d'un  avant-propos  plein 
d'intérêt,  comme  le  sont  tous  ceux  qu'il  a  écrits  pour  les 
livres  de  ses  amis.  M.  Donnodevie  s'empressa  d'en  rendre 
compte  dans  la  Revue  contemporaine  *,  citant  avec  éloge  plu- 
sieurs pièces,  parmi  lesquelles  je  suis  étonné  de  ne  point  trou- 
ver la  Felibrejado  soulitanOy  pour  laquelle  on  peut  m'accuser 
de  partialité,  mais  qui  contient  cependant  une  magnifique 
tirade  sur  le  soleil,  lou  grand  Vistoun  de  tunivers,  lou  Paire 
de  l'amadurançOy  lou  Toumple  d'or  de  taboundanço,  comme 
dit  l'auteur.  Il  a  fallu  à  M.  Wyse  de  grands  efforts,  secondés 
par  une  vive  pénétration  d'esprit,  pour  rendre  sienne  la  lan- 
gue d'emprunt  dont  il  s'est  si  bien  servi. 

Les  dernières  études  de  M.  Donnodevie  sur  la  littérature 
méridionale  ont  été  publiées  dans  les  livraisons  d'avril  1872 
et  d'avril  1873  de   cette  Revue.  Elles  n'ont  pas  l'importance 

*  Livraison  du  3t  janvier  1869. 


714  NECROLOGIB 

de  celles  qu'il  a  consacrées  à  Jasmin  et  à  Mistral  ;  les  nou- 
veaux sujets  ne  comportaient  pas  les  mêmes  développements. 
Cependant  ceux  qui  ont  lu  les  pages  qu'il  a  écrites  sur  les 
deux  poëtes  gascons  du  XVIP  siècle,  Cortète  de  Prades,  au- 
teur des  pastorales  de  Ramounet  et  de  Miramondo,  et  Arnaud 
Daubasse,  de  Moissac,  qui  se  distingua  dans  le  genre  épigram- 
matique,  reconnaîtront  que  je  n'ai  pas  surfait  M.  Donnodevie, 
en  le  présentant  comme  un  littérateur  distingué,  un  critique 
judicieux  et  un  élégant  écrivain. 

Les  autres  écrits  qu'il  a  laissés,  et  qui  formeraient  plus  d'un 
volume,  confirmeraient  au  besoin  mon  appréciation  ;  mais  je 
n'en  aborderai  pas  le  long  et  difficile  examen.  J'ai  fait  assez 
connaître  notre  correspondant  pour  faire  apprécier  son  mé- 
rite par  ceux  dont  il  fut  le  confrère.  Ils  déploreront,  comme 
moi,  la  perte  de  l'homme  éminent  qui  eut  toutes  mes  sympa- 
thies et  qui  a  droit  à  tous  mes  regrets. 

Gabriel  Azaïs. 
Béziers,  le  4  août  1873. 


CHRONIQUE 


La  première  partie  de  la  mission  scientifique  que  M.  le  Ministre 
de  l'instruction  publique  avait  confiée  à  MM.  de  Tourtoulon  et 
Bringuier  est  aujourd'hui  terminée.  Nos  deux  confrères,  qui  avaient 
piis  pour  leur  point  de  départ  le  petit  villapçe  des  Huttes  (commune 
de  Soulac),  sur  les  côtes  de  l'Océan,  ont  suivi  jasau*aux  environs 
de  Guéret  et  à  travers  les  départements  de  la  Gironae, — où  la  limite 
décrit  une  courbe  considérable,  —  de  la  Dordojçne,  de  la  Charente, 
de  la  Haute- Vienne  et  de  la  Creuse,  la  fronti'jre  p^éocçraphique  de 
la  langue  d'oc.  Les  résultats  de  cette  mission  sont  consignés  dans 
un  rapport  qui  sera  transmis  à  M.  le  Ministre,  et  dont  la  Revue  des 
langues  romanes  espère  pouvoir  commencer  bientôt  la  publication. 

La  carte  dressée  par  MM.  de  Tourtoulon  et  Bringuier  précisera 
d'une  manière  définitive,  croycns-nous,  les  limites  respectives  de 
la  langue  d'oc  et  de  la  langue  d'oil. 


*  ♦ 


La  Société  pour  Vétude  des  langues  romanes  est  heureuse  d'an- 
noncer qu'elle  publiera  incessamment  un  Dictionnaire  français- 
languedocien  (sous-dialecte  de  Montpellier)  composé  par  deux  de  ses 
membres.  MM.  Octavien  Bringuier  et  Charles  de  Tourtoulon. 


•** 


Il  a  paru  à  Valence  (impr.  Ghenevier)  une  étude  sur  les  Poètes 
patois  du  Dauphiné,  par  MM.  Saint-Remy  et  Lacroix.  Nous  la 
recommandons  à  nos  lecteurs,  ainsi  qu'un  travail  de  M.  Aragon, 
président  à  la  Cour  d'appel  de  notre  ville,  sur  Laurent  Cabanis,  au- 
teur de  poésies  languedociennes  inédites,  dans  le  sous-dialecte  du 
Vigan . 


♦** 


Dans  la  séance  solennelle  qu'elle  tiendra  le  jeudi  de  l'Ascension, 
14  mai  1874,1a  Société  archéologique,  scientifique  et  littéraire  de 
Béziers,  décernera: 

!•  Une  couronne  de  laurier,  en  argent,  à  Tauteur  d'un  mémoire 
historique  sur  le  Languedoc  ou  sur  quelque  autre  province  du 
midi  de  la  France,  ou  à  l'auteur  d'une  monographie  d'une  localité  du 
département  de  l'Hérault; 

2"  Un  rameau  d'olivier,  en  argent,  à  la  meilleure  poésie  en  lan- 
gue néo-romane.  Tous  les  idiomes  du  Midi  sont  admis  à  concourir. 
ÎLes  auteurs  devront  suivre  l'orthographe  des  troubadours  et  joindre 
un  glossaire  à  leurs  poésies  ; 

3°  Un  rameau  de  chône,  aussi  en  argent,  à  la  meilleure  pièce  de 
vers  français. 

La  Société  décernera,  en  outre,  des  médailles  aux  ouvrages 
qu'elle  jugera  dignes  de  cette  récompense. 

Les  sujets  politiques   sont  exclus  du  concours. 


716  CHROMQUE 

Les  auteurs  qui,  dans  les  concours  de  poésie  néo-romane  ou  de 
poésie  française,  auront  obtenu  deux  fois  le  rameau  d'argent  ou 
trois  fois  la  médaille  d'ariient.  ne  seront  plus  admis  à  concourir  dans 
le  même  irenre  do  composition. 

Les  pièces  destinées  au  concours  ne  seront  pas  signées.  Elles 
devront  être  Hsibiemenl  écrites  et  être  adressées  en  double  copie  et 
franches  «le  port,  avant  le  1®'  avril  prochain,  terme  de  rigueur,  à 
M.  le  Secrétaire  de  la  Société. 

Chacune  portera  une  épigraphe  qui  sera  répétée  sur  un  billet  ca- 
cheté renfermant,  avec  le  nom,  la  profession  et  le  domicile  de  l'au- 
teur, la  déclaration  qu'elle  est  inédite  et  qu'elle  n'a  pas  été  présentée 
à  d'autres  sociétés. 

Les  pièces  envoyées  au  concours  ne  seront  pas  rendues. 

Les  lauréats  qui  n'auront  pas  assisté  à  la  séance  publique  de- 
vront faire  retirer  leurs  prix  au  secrétariat  par  un  fondé  de  pou- 
voirs . 

* 

Sous  le  titre:  la  Vérité  sur  la  langue d'O,  notre  confrère,  M.  Paul 
Barbe,  de  Buzet,  vient  de  faire  paraître  (Toulouse  et  Paris,  Doula- 
doure  et  Maisonneuve,  2  vol.  in-12,  tiré  à  200  ex.)  un  livre  qui 
nous  semble  destiné  à  soulever  des  polémiques  semblables  à  celles 
qui  ont  accueilli  V Histoire  des  origiîies  de  la  langue  française,  de 
M.  Granier  de  Cassaiçnac  La  Rffvue  en  rendra  compte  dans  une  de 
ses  prochaines  livraisons. 

*  ♦ 

M.  J.-G.  Magnabal,  membre  correspondant  de  la  Société,  a  reçu 
de  l'Académie  française  (séance  du  28  août  dernier)  le  prix  de  la 
fondation  Langlois,  pour  sa  belle  et  savante  traduction  de  \  Histoire 
de  la  littérature  espagnole,  par  G.  Ticknor. 

♦*♦ 

Sous  le  titre  les  Prud'hommes  pêcheurs  de  Marseille  et  leurs  archives, 
M.  Ch.  Payan,  d'Augery.  vient  de  faire  paraître  (Aix,  Nicot,  in-8«) 
(le  très-curieuses  notes  sur  une  des  plus  anciennes  corporations 
de  la  Provence,  la  seulo  peut-être  qui  ait  encore  conservé  d'une 
manière  officielle  l'usage  du  provençal  pour  ses  jugements. 

L'appendice  de  ce  travail  contient  une  charce-règlement ,  mi- 
partie  latine,  mi-partie  romane,  du  13  octobre  1431. 


« 


Les  Œuvres  de  M  es  te  Verdie,  poëte  gascoun,  dont  le  souvenir  est 
encore  si  populaire  dans  le  Médoc,  ont  été  réimprimées  à  Bordeaux, 
in-12. 


•*» 


Notre  confrère,  M.  Piétro  Fréda,  professeur  à  rAcadémie  de 
Neufchatel  (Suissej,  vient  de  publier  (Neufchatel,  Delahaux  frères) 
un  Premier  livre  de  lectures  italiennes  à  Vusage  des  Français,  qui  est 
fait  avec  beaucoup  de  soin.  Par  l'analyse  grammaticale,  l'autear 
s'est  attaché  à  relever  les  différences  du  français  et  de  ritalien.  Par 


CHRONIQUE  717 

Tétymologie,  au  contraire,  il  a  visé  à  mettre  eo  relief  leur  étroite 
parenté. 

M.  P.  Préda  doit  faire  paraître,  sous  peu,  une  Chrestoniathie  ita- 
lienne. Elle  sera  suivie  d'un  lexique  dans  lequel  Tauteur  se  propose 
de  comparer  l'italien  avec  le  latin,  avec  l'ancien  français  et  avec 
l'espagnol. 

Indépendamment  de  VArynana  prouvençau,  qui  entrera  bientôt 
dans  sa  vingtième  année,  nous  apprenons  la  publication  à  Bor- 
deaux, par  M.  Th.  Blanc,  d'un  petit  Armanac  bourdelés,  que  nous 
nous  promettons  de  signaler  plus  particulièrement  dans  notre  pro- 
chaine livraison. 

*  * 

On  sait  avec  quel  éclat  est  professé  en  Allemagne  —  et  surtout 
en  ce  qui  touche  la  partie  provençah*  —  l'enseignement  des  langues 
et  (les  littératures  romanes.  Il  n'en  a  pas  été  de  même  en  France 
jusqu'ici.  Nous  constatons  que  l'Académie  de  Neufchatel  (Suisse) 
ne  suit  point  cet  exemple.  Notre  confrère,  M.  P.  Préda,  et 
M.  C.  Ayer,  recteur  de  l'Académie,  ont  pris  pour  sujet  de  leurs 
cours  du  somostre  d'hiver:  le  i^vemier,  les  Origines  de  la  lilléralurc 
Italienne  et  ses  rapports  avec  la  littérature  provençale;  le  second, 
V Influence  des  dialectes  dans  la  ronstitulion  de  l'ancien  français. 

*** 

M.  F.  Ubach  y  Vinyeta  vient  de  publier  à  Barcelone  (Obradors 
y  Sulé  in-i'2.  vni-i93  pag.)  et  sous  le  titre  de  Primerenques  Obres 
liriques  en  varietatde  mètres,  un  remarquable  recueil  de  poésies  ca- 
talanes, que  nous  soQimes  parliculièrement  heureux  de  recom- 
mander à  nos  lecteurs. 

L'auteur  prépare  en  ce  moment  un  Romancer  caiald. 

♦*♦ 

La  Romania  (n»  d'avril,  p.  '268  du  t.  II)  dit  qnela. Font  putanella, 
pièce  en  trois  actes  et  en  vers  français,  provençaux  et  languedo- 
ciens, a  été  représentée  à  Paris  le  6  octobre  1808.  11  y  a  là  une  er- 
reur de  lecture  de  M.  P.  Meyer.  La  comédie  de  Guiraud  fut  jouée 
pour  la  première  fois  à  Montpellier,  le  11  novembre  1808;  c'est  le 
6  octobre  1808  qu'elle  avait  été  autorisée  au  ministère  delà  poUce 
générale  à  Paris.  (V.  le  n^  da  janvier  1873  de  la  Revue  des  langues 
romanes, \).  142  du  t.  TV.) 

♦*♦ 

Il  a  paru  à  Bordeaux  (impr.  Gounoulhou,  in-4'*,  vi-119  p.' 
un  Glossaire  des  mots  des  divers  dialectes  gascons,  béarnais,  borde^ 
lais,  etc.,  emrhyês  dans  les  dix  premiers  volumes  publiés  par  la 
Société  des  archives  historiques  du  déparlement  de  la  Gironde.  Ce 
dictionnaire,  quoique  nécessairement  incomplet,  n'en  est  pas  moins 
intéressant  et  utile  à  consulter. 


718  CHRONIQUE 


*** 


L'auteur  de  la  Grèvo  di  feuno  a  publié  à  Nimes,au  commence- 
ment de  1873  (impr.  lîoger  et  Laporte,  in-S®,  20  pag.)»  ^^^  P^^^^ 
comédie  en  un  acte  et  envers  :  louHacho  médecin^  qui  est  imitée,  en 
quelques  endroits,  du  Médecin  malgré  lui  de  Molière. 

—  Vient  de  paraître  à  Montpellier  (Boehm  et  fils,  in-12,  15  pag.) 
la  Famïa  fougassa^  ensach  de  vers  paloitëses,  par  G.  Goulazou. 

—  A  Guéret  (veuve  Beloutte ,  in-12,  24  pag.),  to  Mtise  creusoise. 
Essais  ^n  palais  marchais . 


*  « 


On  a  imprimé  à  Amiens  (Caron,  in-12.  64  pages)  un  Essai  sur 
Vorigine  et  la  forniolion  du  palois  picard,  par  M .  Jouancoux  ; 

A  Francfort  (Allomapçne),  Harneckcr,  in-4o,  21  pages,  une  étude 
linguistique  sur  le  Langage  actuel  de  Paris, 


¥■    ¥■ 


Notre  confrère,  M.  Junior  Sans,  a  publié  à  Béziers  (Granier, 
in-8»,  16  pag.)  une  Epitro  IV.  A  la.  suite  se  trouve  une  réponse  par 
M.  Frédéric  Donnadieu. 


Voici,  d'après  le  Polybiblion,  l'indication  de  diverses  publications 
concernant  l'histoire,  la  littérature  et  l'archéologie  des  provinces  du 
midi  de  la  France  : 

L'abbé  Pardiac(J.-B.):  les  Feux  de  Sainl-Jean.  Bordeaux,  Delmas, 

in-8*,  27  pages. 
G.  Tholin  :  Notice  sur  les  sépultures  anciennes  découvertes   dans  le 

département  du  Lot-et-Garonne.  Agen,  1873,  in-8«,  22  pag. 

L'abbé  Pouech  :  Groupe  de  dolmens  et  demi-dolmens  des  environs  du 
MaS'd'Azil  (Ariége).  Montauban,  Forestié,  in-8o,  32  pag.,  pi. 

Caraven-Cachin  :  Sépultures  gauloises»  romaines  et  franques  du  Tarn, 
avec  une  carte  géologique  aux  époques  anle-historiques,  gauloises, 
romaines  et  franques.  Castres,  Hue.  in-8®,  140 pag.,  pi.  etcart. 

Maffre  :  Etablissements  agricoles  du  Midi  sous  la  domination  romaine. 
Etude  suivie  de  recherches  sur  l'origine  de  plusieurs  communes, 
hameaux,  etc. ,  del  Hérault,  du  Gard  et  de  VAude.  Béziers, Malinas, 
in-8%  80  pag. 

De  Gessac:  le  Cimetière  gallo-romain  de  Reillac^\,Tès  Guéret  (Creuse). 
Caen,  Leblanc,  in-8',  28  pages. 

L'abbé  Vaissière  :  Saint  A  ntonin^  apôtre  du  Rouergue.  Étude  sur  son 
apostolat,  son  martyre  et  son  culte.  Montauban.  Forestié,  in-16, 
200  pages. 

G.ThoUn  :  Les  Eglises  du  haut  Languedoc.  Paris,  1873,  in-8*,  15  pag. 

G.  Tholin  :  Notice  sur  l'église  de Layrac  (Lot-et-Garonne).  Caen.,  1872, 
in-8%  12  pag. 

L'abbé  Chevalier  :  Inventaire  des  archives  des  dauphins  de  Vientiùis 


CHRONIQTTE  719 

à  Saint' André'de 'Grenoble,  en  1346,  d'après  les  registres  origt- 
naux,  etc.  Paris,  Franck,  iii-8»,  xxiv-380  pag. 

Verdier  :  Élude  sur  le  franc-alleu  en  Languedoc,  Nîmes,  Ballivet,  in-8*, 
40  pages . 

Tamizey  de  Larroque  :  Nolice  sur  la  cille  de  Marmande,  Villeneuve- 
sur-Lot,  1872,  in-4o. 

[Mentionné  honorablement  par  T Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.] 

Jauffret:  Mœurs  et  coutumes  du  canton  de  la  Roquebrussane  (Varj, 
publié  par  R.  Reboul,  d'après  le  manuscrit  de  Jauffret,  évêque  de 
Metz.  Draguignan,  Latil,  in -32,  x-2()  pages. 

L'abbé  R (de  Garpentras),  Histoire  du  cardinal  Sadolel^  suivie 

de  pièces  justificatives,  A\ignon,^e^mnj  in-8»,  183  pages. 

Teissier  :  les  Rues  de  Toulon  {^Chroniques  toulonnaises).  Dragui- 
gnan, Lalil,  in. 8".  360  pages. 

L'abbé  Goiffon  :  Notice  historique  sur  la  paroisse  Saint-Charles ^  de 
Nîmes,  d'après  AJénard  et  les  documents  originaux,  Nîmes,  Gri- 
maud,  in-8®,  79  pag.  (L'ouvrage  formera  4  ou  5  vol.) 

Tamizey  de  Larroque  :  Vies  des  poêles  bordelais  et  périgourdins ,  par 
Guillaume  CoUetet,  de  l'A  cadémie  française^  d'après  le  manuscrit 
autographe  du  Louvre.  Paris-Bordeaux,  1873,  in-4*. 

(Mentionné  honorablement  par  TAcadémie  des  inscriptions  et  belles-lettres.) 

Raimon  (  S.  )  :  Études  sur  les  biens  communaux  de  la  Creuse.  Mont- 

luçon,  Prot,  in-8%  19  pag. 
Lecoq  de  la  Marche  :  Extraits  des  comptes  et  mémoriaux  du  Roi  René» 

pour  servir  à  Vhistoire  des  arts  au  XV^ siècle,  Paris,  Picard,  1873, 

gr.  in-8'*,  xvi-368  pag. 

A  partir  de  Tannéo  1874,  la  Revue  des  langues  romanes  donnera  un 
compte  rendu  trimestriel  des  périodiques. 

Pour  les  revues  françaises,  ce  compte  rendu  sera  rédigé  par 
MM.  A.  Boucherie  et  A.  Roque-Ferrier  ;  pour  les  revues  italiennes, 
par  M.  G.  Ghabaneau  ;  pour  les  revues  catalanes,  espagnoles  et 

Portugaises,  par  M.  Montel;  pour  les  revues  anglaises  et  alleman- 
es,  par  M.Gantagrel. —  M.  Léotard  le  complétera  par  un  Bulletin 
bibliographique  annuel  de  la  langue  d'oc. 

Nous  nous  proposons,  enfin,  d'indiquer  dans  la  chronique  les 
publications  qui  intéressent  l'histoire  des  provinces  du  midi  de  la 
France . 


* 


Le  Bulletin  de  la  Société  pour  Vétude  des  langues  romanes,  conte- 
nant les  procès-verbaux  des  séances,  sera  désormais  imprimé  tous 
les  trimestres  dans  la  Revue,  mais  avec  une  pagination  à  part. 

A.  R.-F. 


Le  Gérant:  Ernest  Hameun. 


ERRATA    POUR    LA    PIÈCE  LA   BELLO  MA/0 
publiée  dans  le  tome  IV,  l**  livraison,  janvier  1873 


P.  82,  stance  2,  vers  4  : 

De  la  flivesso  Maia. 
Vers  mal  justifié  dans  la  mise  en  page. 
Id.,  stance  3,  vers  8  : 

Nous  retraton  la  bello  Maio. 
Jl  faut:  retraion,  au  lieu  de  retraton. 
P.  83,  stance  4,  vers  5  : 

Ë  subran  dintre  moun  uioun  raio. 
On  doit  supprimer  E. 
P.  84.  stance  7,  vers  6  : 

Courrènt,  cantanl  e  cridant. 
//  faut  :  En  courrènt,  etc. 
Id.,  stance 8,  vers  1  : 

Galoio,  me  pouayre  un  sictoun. 
//  faut  :  Galoio,  me  pouarge  un  siétoun . 
P.  86,  stance  13,  vers  1  : 

De  joio  manqua  m'avani. 
Il  faut  :  ma n qui. 
y^..  même  strophe,  vers  5  ; 

Piei  tremoulènt  coumo  uno  paio. 
//  faut  :  tremoulant. 
P.  88,  dernière  stance,  vers  1  : 

M'è  vouesto  gaubi  «l'enfantoun. 
//  faut:  ^Mè. 
/d..  dans  la  traduction  de  l'avant-dernièro  strophe,  au  lieu  de: 
Son  œil  fait  éclore  mon  œil,  —  t7  faut  :  Son  œil  fait  clore 
mon  œil. 


Les  Coutumes  de  Remoulinâ 

(  2«  livraison,  avril  1783) 

P.  215,  ligne  29,  au  lieu  de:  le  maréchal  se  portait  à  sa  ren 
contre,  Usez  :  le  maréchal  de  la  Force  se  portait  à  sa  rencontre. 


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TABLE   DES   MATIÈRES 

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PU  QUATRIÈMB  YOhVMB 


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DIALECTES    ANC1BM8       . 

Archives  de  Montpellier.  (A.  Montel.)*  IV.  Le  Gataiogoe 

des  Ghapellenies  (suite  et  fin) 5 

Idem.  —  Le  Mêiûorial  des  Nobles. 481 

Les  Coutumes  de  Remoulins  (G-.  Gharvet.) WS 

Un  fragment  de  poésie  provençale  du  xiii*  siècle.  (A.  Alart.).    228 
Règlement  sur  la  conduite  des  consuls  de  Bessières  (Haute- 
Garonne).  (P.  Barbe.) 240 

Annonces  et  Avis  de  la  foire  de  Montagnac  (  Hérault).  (A. 

Alart.) . . . . . 255 

Deux  Quittances  en  langue  romane  délivrées  par  les  abbesses 

du  monastère  de  Sainte-Glaire,  d*Alais,  ^au,[xiT«  siècle. 

(G.  Charvet  ).... 4^' 

Documents  sur  la  langue  Catalane'  des  anciens  comtés  de 

Roussillon  et  de  Gerdagne  (suite).  (A.  Alart.}.44,  244,  353,  SÛ2 
Un  certificat  délivré  par  les  jurats  de  Pau  en  1411  (dialecte 

béarnais).  (A.  Alart. )....« 515 

Les  Derniers  Troubadours  de  la  Provence,  d'après  M.  Paul 

Meyer.  ( Gh.  de  Tourtoulon.) 386 

De  Qu'elques  Formes  de  rancienndi langue   d'oc.  (Ghaiies 

de  Tourtoulon  .  ) 522 

Authenticité  de  la  forme  ves  pour  vêtus.  (A.  Bougherib.).  . . .    341 
Êtymologies  françaises  et  patoises.  (A .  Boughbrib  .  ) 527' 

DIALBCTE»};M0DBRNB8 

.«•••■  •  . 

Gontes  populaires  (5*  série).  (  A.  Montkl  et  L.  Lambbrt.).  . .  \^  US 

Gontes  populaires  provençaux.  (Abbé  LnuTAUD.). 124 

Petites  compositions  populaires.  (|A.  MoKm  et  L.  Lam- 
bert.)     293,  459,  558 

Proverbes  et"  dictons?  populaires  recueillis  i  Aspiran.  (A. 
Espagne. ) ; . ....    600 

47 


722  TABLE    DBS   MATIBRBS 

Documents  inédits  pour  servir  à  l'étude  de  la  langue  d'oc 
(l**  série).  Q^  i'o,  de  nôu?  par  A.  Guiraud.  (A.  Glaize.).  •     634 

Grammaire  limousine  (suite).  (C.  Ghabaneau.) 62,  407,  650 

Note  sur  une  sous- variété  du  dialecte  de  Montpellier.  (Ch. 

DE  TOURTOULON .  ) 424 

Arnaud  Daubasse,  ouvrier  et  poète  du  xvn»  siècle  .  (  A.  Don- 

NODEVIE .  ) 261 

Lettres  inédites  de  Tabbé  Favre.  (L.  Gaudin.). 277 

Vincent  de  Bataille-Furé,  poëte  béarnais.  (Gab.  Azaïs.) 89 

De  Quelques  Imitations  modernes  de  la  poésie  du  moyen  âge. 

(  Gh.  DE  TouRTOULON.) 447,  671 

Manifestations  de  la  poésie  provençale.  (L.  Devilliers.).   . .  •     680 

Pièce  languedocienne  qui  a  concouru  à  Sainte- Victoire 685 

La  Font  Pulanella,  ou  Jacques  Cœur  à  Montpellier,  comédie 
en  trois  actes  et  en  vers  français,  provençaux  et  languedo- 
ciens. (A.  Guiraud.) 142,  321 

La  Perlo.  (Th.  Aubanel.) • 80 

La  Bello  Maio.  (J.-B.  Gaut.) 81 

Lou  Houmieu  (suite  et  fin).  (Oct.  Bringuier.) 95,  338 

Janeto.  (Alb.  Arnavielle.) 138 

La  Viradona.  (  A.  Langlade.) 429 

VEscaliè  di  Gigant,  (  Th.  Aubanel.) 687 

La  Flour  d'Amour.  (  Ghr.  de  Villeneuve-Esclapon.) 690 

BIBLIOORAPHIB 

Notice  sur  six  manuscrits.  —  La  Conquête  de  Constantinople, 

de  Geoffroy  de  Villehardouin,  p.p.  M.  N.  de  Vailly,  (A. 

Boucherie.  ) 196 

E|9fA)2V£Û|AaTa  (y.cci)  KctOmiispivri  bfxtXta,  de  Julius  PoUux,  publiés 

pour  la  première  fois  par  M.  Boucherie.  (  C.  Revillout.  ).  343 
Œuvres  complètes  du  trouvère  Adam  de  la  Halle,  publiées  par 

M.  de  Goussemaker.  (A.  Boucherie.) 345 

Histoire  des  origines  de  la  langue  française,  par  A.  Granier 

de  Gassagnac.  (A.  Boucherie.) 348 

Grammaire  des  langues  romanes,  par  Frédéric  Diez,  traduction 

de  MM.  Brachet  et  G.  Paris.  .  • 350 

Glossaire  botanique  languedocien,  par  M.  Melchior  Botrthés. . . . 

(Gantagrel.) 693 


TABLE   DBS   MATIÈRES  723 

Fmm 

Catalanes  y  Catalanades,  par  l'abbé  Roux.  (  A .  R.-F.  ) 697 

Volo-Biôu,  poëme  par  A.  Arnavielle,  etc.  (A.  Montel.)*.*.  700 

PÉRIODIQUES 

La  Romania.  (  A .  Boucherib.) 200,  475,  702 

Revue  de  linguistique .  (A .  Boucherie  .  ) 350 

Société  scientifique  et  littéraire  dA  lais,  (  A .  R.-F.) 703 

Le  Musée,  revue  artésienne.  (A.  R.-F.) 703 

h'Ârliste.  (  D»"  A.  Espagne.) 704 

Revue  Celtique.  (  A .  Boucherie .  ) 705 

NÉCROLOOIE 

M .  Adrien  Donnodevie .  (  Gab .  Azaïs  .  ) 707 


Chronique.  (A.  E.,  A.  R.-F.) 204,  351,  477,  7i5 

Errata  et  corrections 208,  720 


FIN    DE    LA    TABLE    DES    MATIÈRES   DU    TOME    QUATRIÈME 


MONTPELT.IER,    IMPRIMERIE    CENTRALE    PU   MIDI 

(  Hicateau,  HameliD  et  G*.  ) 


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