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Full text of "Revue des langues romanes"

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MONTPELLIER,  IMPRIMERIE  CENTRALE  DU  MIDI.  —  HAMELIN    FRERES 


& 


REVUE 


DES 


LANGUES  ROMANES 


PUBLIEE 


PAR     LA    SOCIÉTÉ 

POUR  L'ÉTUDE  DES  LANGUES  ROMANES 


Troisième      Série 
TOME  CINQUIÈME 

(tome    XIX    DE    LA    COLLECTION) 


3 
MONTPELLIER 

AU  BUREAU  DES  PUBLICATIONS 

DE  LA  SOCIÉTÉ 
VOOK   L'ftTQOR   DBS    LANGUBS   R01IANE9 


PARIS    ' 
MAISONNEUVE  ET  O' 

LIBRAIRES-ÉDITEURS      ' 

'25.  QUAI  VOLTAIRE   25 


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REVUE 


DES 


LANGUES  ROMANES 


Dialectes  Anciens 


LO  SERMO  D'EN  MUNTANER 

ADICIÔ 

Lo  nostre  objecte  al  escriure  Tarticle  que  porta  aquest  titol 
no  fou,  j  aixis  ho  declarârem,  fer  un  trevall  definitiu.  Copia- 
rem  lo  text  de  Madrit  per  satisfer  un  antich  desitx,  à  lo  que 
'ns  convidaren  alguns  matins  desfeynats,  que  'ns  restaren  en 
una  estada  en  la  coronada  vila.  No  volguérem  donar  un  text 
rectificat,  coneixent  que  per  aixô  no  teniam  la  preparaciô  ne- 
cesaria,  ni  volent  tampoch  destinar'  hi  '1  temps,  ni'  1  trevall 
ni  la  incubaciô  corresponents.  Jadiguérem  en  la  primera  plana 
lo  modest  résultat  que  podiem  esperar  de  la  nostra  publicaciô. 

En  la  Romania^  IX,  477;  lo  S'  Meyer  feu  de  la  mateixa  una 
critica  d'un  carâcter  molt  gênerai  (exceptât  un  punt).  Al  ma- 
teix  temps  que  diu  que  '1  text  ha  surtit  molt  millorat,  afirma 
que  sols  podia  juotificar  la  dita  publicaciô  un  comentari  filo- 
lôgich  0  histôrich  :  l'ultim  no  entrava  en  nostre  projecte,  del 
primer  alguna  coseta  hi  ha.  Diu  que  resten  molts  passatjes 
obscurs  :  no  tants,  y  alguns  pot  ser  que  sigan  culpa  dels  co- 
pistes, y  qui  sab  si  del  autor  ;  que  mostram  molta  vacilaciô  : 

TOilB  V  DELA  TROISIÈME  SÉRIE. —  JANVIER  1881. 


6  LO   SERMO  d'en  BIUNTÂNER 

com  evitarla  quant  manquen  los  punts  de  comparaciô  *  ?  que 
'1  text  se  ha  establert  d'una  manera  arbitraria  (no '1  restablim  ) 
y  la  causa  d'aixô  es  que  no  explicam  com  nos  representam 
la  relaciô  dels  textos  (ho  explicam).  Diu  ademes  que  la  punc- 
tuaciô  es  molt  descuidada  :  errada  podrâ  ésser*,  mes  savem 
decertque'ns  hi  mirârem  jen  veritat  creyem  que'lS'  Meyer, 
que  no  té  temps  per  perdre,  posa  sois  Tatenciô  en  alguns 
finals  de  cobla  en  que  manca'  1  punt.  Finalment  censura  Tus 
del  catalâ  en  escrits  cientifichs  •*. 

Per  altra  part,  quant  ja  no érem  a  temps  d'aprofitarla,  rebe- 
rem  la  nova  de  que  en  la  Biblioteca  provincial  de  Barcelona, 
hi  havia  un  ms.  (parcial)  de  Muntaner  *  y  sabent  après  que'l 
S'  Sampere  y  Mi  quel  hi  havia  trovat  lo  sermô,  anarem  a  exa  - 
minarlo  —  Ab  aquest  motiu  tornarem  à  mirar  la  nostra  publi- 
caciô  é  hi  notarem  Tomissiô  d'un  vers  (I/. 

*  No  vacilârem  en  moites  coses,  com  en  lo  2  vers  de  la  I'  cobla,  en  lo  a 
Maho  m'es  dit,  en  la  interpretaciô  de  la  paraula  fe  tan  diferentament  entesa 
pels  traductors,  en  la  paraula  terrasiana,  etc. 

2  Pot  ser  que  à  la  Vil»,  5  correspon  do  punt  que  posârem  après  del  vers 
segùent. 

^  En  uno  benévol  judici  de  la  Resenya  dels  antichs poètes  catalans,  escrita 
en  catalâ,  digue  '1  Sr  Meyeor  aquestes  o  semblants  paraules:«  Los  qui  s'inte- 
ressen  per  la  poesia  catalana  deuhen  segurâment  entendre  '1  catalâ.  »  Aquesta 
raho  val  també  encara  que  s'escriga  en  una  Revista  extrangera.  Per  lo  demes 
sempre  avem  pensât  que  entre  nosaltres  los  travails  cientifichs  s'han  d^'escriure 
en  castellâ,  lo  quai  nos  ha  vulgut  la  censura  d'alguns,  com  poch  temps  fa,  del 
penûltim  nombre  del  Gay  Saber.  A  aquesta  régla  gênerai  sols  havem  fet  ex- 
cepcions  quant  ha  sigut  necessariperque  el  llibre  ô  la  revista  en  que  dévia  anar 
l'escrit  no  admitia  res  castellâ.  També  havem  cregut  oportuna  un  altre  excep- 
ciô  en  l'article  qu'adicionam,  tractantse  de  un  assumpte  catalâ  y  escrivent  per 
una  societat  que  's  complau  en  recordar  Tantigua  germandat  del  provensal  y 
de  la  nostra  Uengua. 

*  Coneixiem  aquest  ms.  que  consultârem  mes  d'una  vegada  per  motiu  de 
les  poésies  que  té  al  comensament  (Trov.  en  Esp.,  p.  393,  etc.)  ;  mes  créyem 
que  sols  conteniala  Cron.  de  Desclot  que  jâhaviem  estudiat,  per  la  Uengua, 
en  Buchon  y  en  un  m.  s.  de  la  Bibl ,  episcopal. 

5  Aquest  vers  es  lo  20  de  la  cobla  X«  que  diu  :  A.  Xascus  de  son  conseil  e 
Deus  quel  guiara  ;  B.  Chascun  d.  s.  c.  he  D.  q.  giara  ;  G.  Cascu  d.  s.  c.  e.  D. 
q,  g, —  Encara  que  sempre  havem  pensât  que  aquell  que  fes  la  comparaciô  de 
les  versions  trovariaenla  nostra  ediciô  algunainexactitut,  pera  evitar,  en  quant 
podem,  noves  censures,  afegirem  â  les  correccions  ja  fêtes  (p.  88  del  T.*XVII 
de  la  CoK)  las  seguents.  Introduccio,  T.  XVI  de  la  Col.,  p.  219,  l.  27;  ges  /. 
sens;  p.  221,  falta  senyal  en  la  primeranota;  Ib.,  l.  29  ;  selvar  ent  l  selvazent; 


LO  8ERM0   DBN    BfUNTÂNER  7 

Ultimament  lo  S'  Sampere  en  la  Revista  de  ciencias  histôricas 
(octubre  1880)  ha  publicatun  examen  del  nostre  article,  ahont 
al  mitg  d'expressions  bénévoles  j  corteses  nos  fa  censures, 
unes  fundades,  altres  purament  voluntaries.  Les  primeres  son 
de  la  ignorancia  del  ms.  de  Barc;  de  la  dita  omissiô  y  de  la 
interpretaciô  dels  versos  6-9  de  la  IV*  cobla.  Les  altres  son  de 
que  no  hi  ha  prou  observacions  filologiques  (  ja  diguerem  que 
no  parlariem  dels  llochs  clars),  que  '1  text  de  Madrit  aclara 
poca  cosa,  que  insistim  poch  en  lo  segon  vers  (corn  si  hagues- 
sem  d'haver  endevinatlo  dupte  del  S'  Meyer)  yno  se  que  mes. . 
En  certa  manera  no  es  censura  sinô  cortesia  lo  dir  que  no 
volguérem  fer  lo  que  podiem  per  la  rectificaciô  del  text.  Ni 
ho  ferem  per  les  rahons  dites,  no  pera  no  mostrarnos  falibles, 
que  massa  motius  tenim  per  saber  que  ho  som . 

En  lo  que  devem  posar  mes  punt  es  en  la  defensa  del  text 
de  Madrit,  que  tampoch  es  infalible  pero  que  té  moites  coses 
bones,  sobre  tôt  comparantlo  ab  lo  de  Valencia,  ùnich  que  's 
coneixia*.  Comparem  : 

P,  2.  Gui  NantuU  (genentul),  5.  do  (perdo);  vers  9  (manca), 
11*3.  pallesas  (manca);  8. ait  (altre);  15.  perdet(pert).III%  5. 
ancessor  (secor);  13.  pes  cabrail  (prest  apraill)  ;  14.  mestaill 
(mescaill).  IV,  4*Fara  (E  ara);  17.  allegar  (alegrar);  vers  12 
(manca).  V*,  3.1a  (lia);  9.  donar  (  donar  dany).  VI,.  6.  tar- 
rassana  (taresana);  8.  e  nuyl  aço  no  mut  (e  no  estia  mut). 
VII,  12.  sin  plor  (simplor  );  VIII*,  vers  5  {manca);  6.  es  a  Maho 
m'es  dit  (e  sa  ma  com  es  dit).  IX,  19.  murs  escombraran  (mu- 
rets combatran).  X,  2.  se  paus  (sepans)  ;  7.  que  .1.  gra  (que 
tengra);  16d'Estampaix(descampair).  XI,  15ebuhiya  (abaya). 
XII,  5.  tuyt  Taltre  (e  trestuyet). 

Passem  ara  alms.  de  Barc^  Se  distingeix   dels  altres  per- 

Ib.,  /.  32:  Ans  de  3a  deu  posarse*;  Ib.,  /.  34  :  3a,  Z.  4a;  p.  222:  Al  fi  delpe- 
nûltim  a  partat  deu  posarse  5 .  —  Text.  Punt  al  fi  de  les  cobles  que  no  '1 
duhen.  I»  12,  lait,  /.,  Tait;  VI»,  8.  Xacus,  /.  xascus;  IX,  15,  qu,  L  que  ;  XII, 
4,  e'  /.  e.  Variants,  Illa,  8,  Apres  de  B.  C.  deu  seguir  la  primera  paraula  de  1 
plana  segûent  ;  VII,  4,  E  det  e.  /.  E  det  c;  XI,  16,  20,  /.  16,  2.  B;  Xn,  19, 
alats,  l.  B.  C.  alats. 

6  Ja  indicarem  algunes  correccions  fêtes  pel  Sr  BofaruU. 

^  Per  la  Uetra  sembla  de  ultims  del  XVI  o  principes  del  XV.  Una  de  les  poé- 
sies qu'hi  ha  al  devant  y  que  sembla  de  la  mateixa  ploma  fon  composta  en 
1393.  V.  la  citada  Resenya,  Jochs  florals  de  1865,  p.  131, 


.^^ 


REVUE 


DES 


LANGUES    ROMANES 


14  POESIBS 

E  Tuelh  li  regemis  *,  beleu  pel  premier  cop  : 
Aitals,  emais  sia  dur,  l'aigua  raja  d'un  roc! 

Subran.lou  pabelhou  s'alanda  e  s'ellumena  : 

«  Qu  sei  vol  esser?  —  leu.  Dounc,  coum'una  femena, 

»  Gaifre  puraîMoun  Gaifre?...  »  Et  Hunalt^  (A^qu'ei  ilh,  . 

Qui  torna  d'outra-mar,  per  sujournar  soun  filh.) 

Leva  soun  capussou,  mens  blanc  que  soun  visatge  ; 

E  d'un  aire  enspirat  :  —  a  Gaifre,  Gaifre,  couratge  ! 

»  Te  figuras  trop  leu  d'aver  prou  coumbatut  ; 

»  Veni  per  am  tu  vencre,  ou  per  mourir  am  tu  ! 

»  La  Fourtuna  mairastra  en  coulera  nous  bressa  ; 

»  Bufa-la!  fai  sens  ela!. . .  Ad  un  pople  en  destressa, 

»  La  melhoura  defensa  es  de  res  esperar, 

»  E  de  reguinguarj  '  dur,  e  de  se  re virar  ! 

»  Avertis-me  cop-sec  toun  boucinot  *  d'armada  ; 

»  Avertis  mais  que  mais  nostr'Aquitanha  amada 

))  Qu'Hunalt,  lour  ancian  duc,  a  quitat  soun  moustiet», 

»  Per  n'esser  pus  estranh,  ni  pus  tirar  coustier 

»  Del  gran  perilh  oun  son,  ni  de  lour  desfourtuna, 

»  Ilh  toutjourn  voulountous  per  la  causa  coumuna  î  » 

Mentre  que  parla  aissi,  Gaifre  li  pren  las  mas, 

E  las  sarra,  e  las  bica^  :  «  Oh!  perque  venetz  mas? 

»  Un  quite  journ  pus  leu,  e  mantenen  siam  mestres! 

» — Z'ou  serem  vins  ou  mortz  ! . . .  apela-me  lous  prestres, 

»  Apela-me  l'Evesque. . .  e  demà,  taleu  journ, 

))  Que  lou  crit  :  «  Libertat  !  »  revelhe  lou  Miejourn  !  » 

.Elougraile*  resplan,  e  lou  tabour  ressouna  ! 
Desenpueis  a  Lemotge  entrusca  Carcassouna, 
De  Grenoble  a  Bourdeus,  tout  trépida  e  fernis  ; 
Genz  de  lounc,  genz  de  prep,  que  mesma  lengua  unis, 
Se  rescontron  counsens. .    .  Salut,  Gui  de  Marselha  ! 
Fulcran  de  Mountpeslher,  que  sa  maire  acounselha  ! 
Tu,  Guilhem  de  Peitieus,  a  la  couirassa  d'or. 


*  S'humecte.  Regemir  se  traduit  mal  en  français.  Ce  mot  se  dit  de  la  résine 
qui  distille  du  pin,  de  Teau  qui  sort  goutte  à  goutte  du  rocher,  etc.  —  ^  Hu- 
uald,  forcé  d'abdiquer,  avait  pris  l'habit  de  moine  dans  l'île  de  Ré.  —  ^  Re- 
gimber. -  *  Petit  morceau.—  s  Les  embrasse.  —  s  Clairon. 


POESIES  15 

Doun  un  Franc,  hoste  ingrat,  deshononret  la  sor, 

Injura  venjadouira  !..  E  tu,  Jaufres  de  Tula 

Qui  rizes  del  dangier,  testut  couma  ta  mula  ! 

Salut,  brun  Ramistan,  sanc  e  noum  sarazis, 

Del  temps  de  Cari-Martel  nascut  en  Lemouzis  I 

E  tu,  Pons  de  Caors,  dich  Bratz-de-fer,  qui  mâchas  ' 

Lou  chai^  a  Fenemig  d'un  cop  de  pounh,  si  cachas! 

E  tu  mais,  Leocar,  qui  d'anueg  a  dema 

Viras  aisadamen,  tabastan*dins  la  ma 

A  Pépin,  quan  trioumfa,  a  Gaifre,  quan  prouspera, 

Sens  te  doutar  d'Uzercha,  oun  lou  bourrel  t'espéra!..  *. 

Toutz,  e  d'autres  qu'oblidi,  acouron  a  l'apel, 

Am  chadun  soun  armada,  am  chadun  soun  drapel  1 

Entre  Essandoun  e  Briva  es  una  vasta  plana 
Oun  frojon  ^  al  soulelh  lou  razim  e  l'aulana; 
L'aulana  *,  lou  razim. . .  Passât-temps  n'in  venia  : 
Despueis  un  parelh  d'ans,  a  pena  si  lei  n'ia, 
A  causa  que  Pépin  a  bailat  per  counsinha 
De  pessar  lou  fruchier  e  de  bourlar  la  vinha. 
Loira  e  Vezera,  al  mieg,  debojon  "^  doussamen 
Lours  flotz  mantenen  blues,  rouges  dins  un  moumen. 

Countra  l'ost  de  Pépin  l'ost  de  Gaifre  se  lansa. 
Senhour  Deus  !  de  quai  pan  vai  pesar  la  balansa  ?. . . 
Del  Nort  ou  del  Miejourn,  quanh  es  lou  mais  valen  ? 
Si  lou  Franc  es  genhous  *,  lou  Gascoun  es  malen^  ! 

Gaifre,  a  chaval,  coumanda...  Ardit,  Gaifre  !..  Per  l'aire 
Soun  espaza  d'acier  luzis  couma  l'esclaire. 
Hunalt,  ilh,  seg  lous  rengs,  armât  d'un  crucefis  : 
«  Pensatz  a  la  patria,  efans,  aco  sufis  !  »  « 

Pépin  —  l'an  z'ou  coumpren  a  sa  pala  figura  — 
Un  cop  era,  a  cregut  sa  desfacha  segura. 
Aquitans  !  Aquitans  ! . . .  meritavatz  lou  pretz  ; 
Mas  es  escrich,  pareis,  que  jamais  ganharetz. 

»  Ecrases.  —  2  Tête,  figure.  —  3  p  rappant.—  *  Uzerche,  ville  du  bas 
Limousin,  bâtie  ou  fortifiée  par  Pépin.  Léocaire,  maire  du  palais,  y  fut  déca- 
pité. _  *  Profitent.  —  e  La  noisette.  ^  ^  Dévident.  —  »  Habile.—  »  Vif,  pé- 
tulant. 


16  POESIES 

Un  traite  —  se  noumava. . .  Enquestiunatz  Tistoria! 
Passan  a  Tenemig,  li  porta  la  Victoria. 
E  dounde  mais-que-mais,  lou  boun  pople  aquitan 
Al  col  bota  aquel  joug,  qui  lou  murtrira  tan  !.. . 

Hunalt,  a  Testrangier  s'en  coureguet  enquera*; 
Ermita  emais  soudart,  sounhava  mas  de  guerra  ; 

Tan  que,  despacientat,  lou  pople  Tarouchet  ^. 

Gaifre  de  pan  e  d'autre  enquera  mais  luchet. 

A  la  fl  de  las  fis,  lou  pounhart,  dins  Tourena^, 

La  trauchet  laschamen,  quela  fiera  peitrena  ! . . . 

Oh  !  Gaifre,  dor  en  patz  !  dor  en  patz*,  ohl  vencut! 

La  patriaun  cop  morta,  avias  prou  temps  visent  *  ! 

Josep  Rous. 
XXVll  de  maj  1879. 


AMADAMO  SOUBEYRAN 
AUTOUR  1}  Oiseaux  et  Fleurs,  après  ma   vesito  a  sant-geni^s 

D'ouro  de  bonur  franc,  eiçabas,  quau  n'en  fielo  ? 
Se,  d'asard,  n'apoundèn  quaucuno  à  la  kirielo. 
Tout  à  -  n'elo,  lou  cor  e  Tesperit  countènt, 
Oublidan  nôsti  lagno  e  lis  àrsi  dôu  tèms. 

Quand  pèr  vous  vèire,  aièr,  trespassère  l'Esquielo  ®, 
Emai  de  nostoman  glisson  coume  d'anguielo, 
Agantère  — e,  segur,  m'en  souvendrai  toustèms,  — 
Uno  d'aquéli  joio  escrèto  de  printèms. . . 

Dins  voste  nis  galoi,  tout  piéuto,  tout  bresiho  ; 
Dins  voste  jardinet,  tout  greio,  tout  fiouris  ; 
Dins  voste  oustau  béni,  tout  se  chalo,tout  ris  ; 

Es  que  ie  sias  trasènt  amour  e  pouësio^ 

—  Felibrfllsso  dicant  plen  de  siàvis  oulour, — 

La  sorre  dis  Aucèu  e  la  reino  di  Fiour  \ 

Louis  RouMiEUx. 

1  En  Lombardie,  chez  le  roi  Astolptie  —  *  Le  lapida.  —  ^  Le  château- 
fort  de  Turenne,  en  bas  Limousin.  —  *  Gaifre  fut  enseveli  dans  la  cathédrale 
de  Limoges .  — 8  Limousin,  orthographe  des  Troubadours. 

6  Ruisseau  qui  traverse  Saint-Geniès .  —  ^  Provençal  (  Avignon  et  les  bords 
du  Rhône).  Orthographe  des  félibres  d'Avignon. 


LOU  PIN  E   LÔU  CANIE» 


A    M.  CAMILLE   LAFORGUE 

Un  pin,  amount  dins  las  garrigas, 
Dempioi  belèu  cent  ans  e  mai, 
Maugrat  ious  quatre  vents  e  sas  rustas  coutigas*, 
Viviè,  creissiè,  nautàs  e  rede  que  noun  sai. 

En  mema  tems,  sus  lou  bord  de  la  lona% 
Enracinât  dins  Faiga,  un  ploumet  chaca  grel, 
Un  bèu  caniè  pimpava  lou  sourel. 

La  natura  qu'en  chacun  dona 
E  seloun  qu'es,  gaubi,  força,  desart*, 
A-n-eles  dous  aviè  fach  bona  e  larga  part. 
Dau  tems  qu'un  de  soun  tes  ^  dins  Ious  aires  dardalha 
Sous  jets  ramuts,  linges  e  fiblarels, 
Que  dins  Festanc  lou  farot  se  miralha, 
Brandant  au  ventilhou  sous  prims  e  blancs  cimels, 
Ailamoundaut  lou  rei  das  causses  ®, 
Entre-mitan  das  verts  abausses', 
Dins  lou  ciel  linde  alarga,  magestous, 
Soun  cap  negràs,  inmense,  espetaclous. 
Jout  soun  oumbrassa  refrescaira. 
Qu'à  soun  entour  roda  e  s'alaira  ^, 
Que  cbaca  prima  espessesis, 
•  Dins  soun  brancun  sarrat,  dins  sa  rama  eternala, 
Aubret,  floureta,  aucelou,  nis, 
Avien  souploch  e  bona  cala 
Contra  la  blaïnada  e  lou  frech  e  lou  caud. 
Donne,  sus  lou  grès  couma  dins  lou  baissau  '\ 
Chacun  viviè  sa  bêla  vida, 
Oumbrant  nosta  terra  espoumpida 
Jout  la  gouverna  dau  bon  Dieu. 

*  Touffe  de  roseaux.  —  *  Secousses.-*  3  Étang.—  *  Apparence.  —  ^  Amon- 
cellement de  terre  ou  de  sable  au  bord  •  des  eaux.  —  «  Plateaux  élevés,  mon- 
tagnes^ causses.  —  ^  Chênes  nains  et,  en  général,  arbrisseaux  de  garrigue 
—  8  S'étend,  —  ^  Petite  plaine  basse. 

t 


18  POéSIBS 

Acô  duret  d'aqui  qu'arriva  un  Vacairieu  *, 
Talament  fol  que,  dins  la  plana, 
D'en  magistrau  ou  tremountana, 
Jamai  s'era  vist  lou  parié. 
Lou  pin,  tout  plen  de  galhardiè, 
Sieis  jours,  sieis  niochs,  ten  bandât',  s'enredena, 
N'a  pas  soun  démentit.  Milhou,  dau  fier  testard 
La  sourna  e  pouderousa  ourguena', 
Que  sembla  un  brounziment  de  mar, 
Respond  au  bram  de  la  countesta 
Agarrida  au  tour  de  sa  testa, 
E  n'agroussis  la  senistra  bourchou  *. 
Mais  lou  setenc  jour,  dor  la  fin  de  la  vesprada, 
D'amoundaut  se  derraba  una  grand  maliciada. 
Confia  de  nèu,  de  grella  e  de  frechou. 
Jout  soun  esquich^  lou  ventàs  recaliva, 
A  vira-vôut*  de  tout  caire  s*abriva, 
Enmaliceja  e  corna  à  brandilhà  lous  trucs  ', 

A  nioch-falit,  d'entre  mitan  das  bruchs 
E  dau  roundinament  de  la  mala  chavana  % 
S'auboura  un  immense  croussin  ®, 
Es,  pecaire  !  lou  paure  pin 
Que,  brigoulat*®  per  sôu,  cabana**  ! 

L'endeman,  dins  l'aire  esperlucat  **, 
Lou  caniè,  que  la  velha  à  tout  cop  s'amourrava, 
Crânant,  mougut,  toussit,  terra  e  limpun  lecava. 

Se  rebecina,  escardussat  *^, 

E,  couma  se  de  res  noun  era, 
Pioi  espincha  en  amount  e  devista  per  terra, 
A  soun  darriè  badal  lou  paure  garrigaud. 
—  «  Es  grand  malur,  s'ou  dis,  oui,  mais  acô  ie  eau. 
Aqui  ce  que  reven  de  tant  tesà  **  l'esquina  ; 

S'aviè  biaisât,  eau  s'amagina 

Lous  ans  qu'encara  auriè  visent  !  » 

1  Série  de  sept  jours  où  souffle  le  vent  (mars-avril).  —  2  Tient  ferme.  — 
3  Voix.  —  *  Bruissement.  —  8  Pression.  —  «  A  tourbillons.  —  ^  Montagnes,  à 
pics  élevés.  —  8  Tempête.  —  »  Craquement.  —  ^^  Brisé.  —  <*  Tombe  la  tête 
en  avant.  -    *2  Gai,  rafraîclii.  —  *3  Joyeux,  éveillé. —  **  Raidir. 


19 

Adounc  lou  ruste  e  fier  jagut,  * 

D'un  soun  de  vos  que  raufeleja, 
Respond  :  «  De  vieure  ansinda  ai  pas  enveja; 

S  acô  f  agrada,  per  tus  fas. 

Countugna,  zou,  tant  que  vieuràs; 
Clena  à  tout  vent  toun  ossa  linja  e  flaca, 

Mais  laissa  esta  lou  qu'es  prou  fort 

Per  voulountà  pus  lèu  la  mort 

Que  de  mourrejà  la  boulhaca  ^  !  » 

A.  Langladr. 


MOUN   0USTALET2 

Es  pichoun  l'oustau  de  ma  maire . 
Es  enca  trop  grand  :  sian  tanj  gaire 

Ta  pas,  dis  Aup  enjusqu'au  Rose, 
Castèu  que  me  fague  tant  gau 
Qu'aquest  galant  pichot  oustau, 
Que  dirias  un  cruvèu  de  nose. 

Entre  ma  maire  e  ma  meina, 
Uno  brié  d'ami,  quàuqui  libre, 

LA  MIA  CASETTA 

Picciola  ella  è,  si,  délia  mamma  mia 
La  casa;  ma  ella  èancor  pur  troppo  grande: 
Noi  siam  si  pociii  ! 

Non  vi  ha,  dall'Alpi  al  Rodano,  un  castello 
Che  più  mi  colmi  il  cor  di  dolce  incanto 
Di  esta  casa  gentil,  picciola  tanto, 
Che  ben  di  noce  un  guscio  io  la  dirô. 

Tra  la  mia  figliuolina  e  la  mia  mamma, 
Un  pô  di    amici  e  qualche  libro  eletto, 

*  Boue  ou  vase  liquide.  —  Cette  pièce  est  écrite  dans  le  langage  de  Lan- 
sargues  et  de  ses  environs).  Orthographe   montpeiliéraine. 

*  Pèço  medaiado  au  premié  courreli  tresenau  de  la  Soucieta  di  lengo  rou- 
mano,  tengu  en  1875. 


Aqui,  cade  ivèr,  vive  libre, 
A  tirade  plan...  d'armana. 

Sara  pas  long  pèr  lou  retraire  : 
De  moble  de  Paris  n'i'  a  ges, 
Franc  bessai  d'aquéu  pichoun  brès, 
Souto  lou  pertra  de  moun  paire  ; 

E  pièi,  pèr  marca  li  repas, 
Esto  pendule  que  rabuso  : 
Quand  sias  urous,  troto,  la  guso, 
E,  se  sias  doulènt,  vai  au  pas. 

Vès  mi  libre  sus  moun  pupitre  ! 
N'i'  a  pas  gaire,  diran  li  gènt  ; 
Mai,  lou  sabès,  li  bons  enguènt 
Noun  se  mesuron  à  calitre. 

Es  tout  d'obro  de  Prouvençau. 
Si  vestidur  o  soun  gavoto  ; 
N'i'  a  pamens  dos  d'un  pau  faroto  : 
S'entend,  a  Mirèio  »  e  «  Calendau.» 

Vivo,  ogni  inverno,  io  là  libero  e  schietto, 
Sogni  e  castelli . . .  almanaccando  io  vô. 

Descriverla  non  fia  già  a  lungo  giorne. 
Non  havvi  parigin  mobile  affatto, 
Salvo  del  padre  mio  sotto  il  ritratto, 
Forse  una  brève  cuUa  e  nuUa  più  ; 

E  poi,  per  ricordar  del  pasto  l'ora, 
Questo  oriuol,  che  oscilla  e  il  tempo  invola  : 
Se  sei  felice,  trotta  avaro  e  vola, 
Se  sei  dolente,  a  lento  passo  ei  va. 

Voi  vedete  i  miei  libri  a  me  son  giove  : 
Ma  ve  ne  ha  pochi,  mi  diran  le  genti  ; 
Voi  ben  sapete,  i  preziosi  unguenti 
A  decalitri  niun  misurerà. 

Non  son  che  opre  di  vati  provenzali, 
Lor  veste  è  rusticale.  Eppur  fra  tanti 
Due  soli  ne  vedrai  belli,  eleganti, 
Dir  voglio  «  Mireille  »  e  «  Calendal.  » 


POésiBS  21 

Dins  si  cadre  regardas  vèire 
Ate,  Vau-cluso  e  Four-cauquié, 
Ounte  la  Vierge  dôu  clouquié 
Vous  sourris,  dirias,  sout  soun  vèire. 

Pièi  l'album,  libre  simpati, 
Ounte  ai  acampa  vôsti  caro, 
Tôuti  vàutri  que  vese  encaro, 
Vautre  tambèn  que  sias  parti  ! 

Lou  soulèu  is  èstro  dardaio  ; 
Larg  coumo  la  man,  lou  jardin 
Es  tout  clafi  de  jaussemin 
Qu'escalon  de-long  li  muraio. 

Un  jour,  nous  parara  dôu  caud, 
Lou  marrounié  que  ma  ûheto 
A  semena  dintre  Ferbeto  : 
Es  déjà  coume  un  panicaut. 

Vai  crèisse  emé  li  souleiado  ; 
Bébé,  que  Tasaigo  souvent, 

Chiuse  in  comici,  voi  mirar  potrete 
Apt,  Valclusa  e  Forcalquier  ancora, 
Del  campanil  la  Vergine  qui  ognora 
Par  vi  sorrida,  sotto  il  suo  cristal . 

Poi  un  libro  simpatico,  ecco  VAlbunif 
Dove  io  raccolsi  tutti  i  vostri  visi, 
Voi  che  ancor  veggo  dalla  vita  arrisi; 
Voi  pure,  che  partiste,  ahimè,  da  qui  ! 

11  sole  aile  finestre  e  raggia  e  guizza  : 
Largo  quanto  una  mano,  il  mio  giardiao 
E  si  colmo  di  fior  di  gelsomino, 
Che  lungo  i  mûri  serpeggiando  van. 

Un  giorno  covrirâ  tutta  la  casa 
11  bel  castano,  che  la  mia  figlinola 
Seminato  ha  fra  l'erbe  nell'  aiuola  : 
Siccome  un  fungo  già  venuto  è  su. 

Del  sole  ai  raggi  crescerà  più  svelto. 
E  Bebè,  che  lo  inaffia  ogni  tantino, 


22  POESIES 

Dis  qu'à  sa  sousto,  Tan  que  vèn. 
Se  fara  de  flàmi  goustado. 

Entanterin,  pausas  lou  pèd 
Plan-planet  long  de  la  viseto, 
Que  no  un  boulessias  la  dineto 
Que  s'alestis  pèr  latitè. 

Mai,  vès-eici  cousin,  cousine. 
Lèu,  en  avans  cordo  e  baloun  ! 
E  tant  desbrandon  lou  saloun 
Que  n'en  vèn  sourdo  la  meirino. 

0  moun  galant  pichot  oustau. 
As  ges  d'armarié  ni  de  garde  ; 
En  passant,  pas  res  t'arregardo  ; 
Degun  dis  :  «  Aqui  rèsto  un  tau.  » 

Es  pèr  acô  que  moun  cor  t'amo, 
Car  sies  enveja  de  degun  ; 
Coumo  uno  serro  si  perfum , 
Gardes  li  doulour  de  moun  amo. 

Dice  che  ail'  ombra  sua,  l'anno  vicino, 
Ascîolveri  gustosi  vi  farà. 

Intanto,  pian  pianin  posate  il  piede 
Lungo  la  scalinata,  per  sospetto 
Di  qua  e  la  rovesciare  il  buon  pranzetto 
Che  alla  bambola  li  si  apparecchiô. 

Ma  ecco  arrivar  cugino  e  cuginette  : 
Presto  !  in  avanti,  musica  e  si  balla, 
E  Si  la  sala  sotto  i  pié  traballa, 
Che  Tava  tutta  sorda  ne  divien. 

0  mia  gentile  piccola  casetta. 

Tu  non  hai  scudo,  né  custode  alcuno . 

Quivi  passando,  non  ti  guarda  niuuo  ; 

Altri  non  dice  :  «  Qui  dimora  un  tal  !  » 

Oh!  gli  è  per  questo  che  il  mio  cor  si  ti  ama, 

Chè  non  ti  invidia  alcuno  in  sidla  terra. 

Corne  un'  aiuola  i  suoi  profumi  serra, 

Tu  deir  anima  mia  serbi  i  dolor'. 


POÉSIES  2^ 

luei,  pamens,  toun  umble  lintau 
En  pourtau  triounflant  s'enarco, 
E  sies  un  palais  de  mounarco, 
D'abord  qu'as  assousta  Mistrau  *. 

A.  DB  Gagnaud. 

0ggi  frattanto  Fumile  abituro 

In  arco  di  trionfo  si  ingrandi, 

Tu  sei  un  palagio  di  monarca,  oh  si, 

Poichè  tu  ricovrasti  oggi  Mistral. 

Ab.  Prof.  Giuseppe  Spera. 


REDOUNDEL 

Vai-t'en,  iver,  vai-t'en,  vai-t'en, 
Embe  ta  capo  ennevoulido  ! 
Tus  durant,  es  tristo  ma  vido, 
Tremole  la  mitât  del  tems 
E  ti  maudisse  ben  souvent. 
Ai  prou  de  tus,  prend  la  fugido  ; 
Enmeno  lien  e  vitoment 
Lou  frech  e  soun  orro  seguido. 
Vai-t'en,  iver,  vai-t'en,  vai-t'en, 
Embe  ta  capo  ennevoulido  I 

Toujour  mi  rendes  mau  countent  : 
Mais  quand  de  nèu  vese  acouvrido 
La  terro  touto  agremoulido, 
Sul  cop  ieu  vene  moustardenc 
E  cride  sans  pus  de  sesido  : 
Vai-t'en,  iver,  vai-t'en,  vai-t'en, 
Embe  ta  capo  ennevoulido*  ! 

P.  Pesquet. 

*  Provençal  (Avignon  et  les   bords  du  Rhône).  Orthographe  des  félibres 
d'Avignon. 
^  Languedocien  (Golognac  et  ses  environs).  Orthographe  montpelliéraine. 


VARIETES 

FORMES 

EXTRAITES   DE   LA  DEUXIÈME   SATIRE  DE    PERSE 
TRADUITE  EN    VERS   LODÉVOIS 

Par  M.  Molinier. 


Les  archives  de  la.  Société  pour  Tétude  des  langues  romanes  s'aug- 
mentent annuellement  d'im  nombre  considérable  de  pièces  que  leur 
étendue,' leur  publication  dans  un  autre  recueil,  parfois  aussi  leur  in- 
térêt trop  exclusivement  littéraire,  ne  permettent  pas  d'insérer  dans  la 
Revue,  Il  serait  néanmoins  utile  d'extraire  de  ces  envois  les  formes  et 
les  variantes  locales  qui  n'ont  pas  été  enregistrées  dans  les  diction- 
naires des  idiomes  du  midi  de  la  France,  et  plus  particulièrement  dans 
ceux  de  M.  Honnorat,  Gabriel  Azaïs  et  Mistral. 

Les  notes  qui  suivent  résument  le  dépouillement  philologique  de  la 
deuxième  satire  de  Perse,  traduite  en  vers  lodévois^(  Clermont-l'Hé- 
rault  et  ses  environs),  par  M.  Saint-Just  Molinier.  Cette  pièce  a  été 
communiquée  à  la  Société  des  langues  romanes  dans  sa  séance  du 
18  février  1880. 

Arrita,  irriter  : 

El  que  pourrie,  sans  geina,  ai'vitat  countra  tus. 

Cette  variante  du  verbe  irrita  n'est  pas  inconnue  à  Montpellier. 
On  ne  la  trouve  ni  dans  le  Dictionnaire  d'Honnorat,  ni  dans  ceux  de 
MM.  Azaïs  et  Mistral. 

AuRiEiRA,  oura  de  Vaurieira  ;  le  sens  est  heure  de  la  rosée,  de 
raube,  du  point  du  jour. 

Acôs  es  Nerîus.  Passa  per  ouneste  ome 
E,  pas  mens,  o  déjà  plegat  dins  lou  lençol 
Très  femnas  !  Vesès-lou,  per  espoussà  soun  dol, 
Vo  salli  chaca  jour,  à  ïoura  de  l'aurieira, 
Des  pecats  de  la  nioch  l'aiga  de  la  rivieira . 

Honnorat  et  M.  Azaïs  assignent  à  aurieira  la  signification  de  :  es- 
pace labourable  entre  deux  rangs  de  vigne,  lisière,  bords  de  drap,  ex- 
trémité d'une  chose  quelconque,  et,  dans  le  langage  de  Barcelonnette, 
bord  d'un  champ . 

Le  Trésor  dôu  Felibrige  (I.  181)  ne  donne  aucun  éclaircissement 
sur  le  mot  en  question,  peut-être,  il  est  vrai,  par  suite  d'une  erreur 
typographique. 


VARIÉTÉS  25 

BuDE,  coquillage  appelé  rocher  (traduction  de  F  auteur). 

Lous  budes  purpurins,  l'or  roussel  de  las  minas. 
Bude  manque  dans  Honnorat;  les  dictionnaires  de  MM.  Azaïs  et 
Mistral  ne  l'ont  pas  non  plus . 

CoRCHA,  chemin  détourné,  sentier  de  traverse. 

La  corcka  nous  counven,  quitan  la  ligna  drecha.  - 

Variante  dialectale  qui  manque  à  Honnorat,  ainsi  qu'à  MM.  Azaïs  et 
Mistral . 

Embabougi,  éblouir. 

Vostre  loi  emhabougit  flamba  couma  un  brasàs 

forme  omise  par  Honnorat  (II,  17,  art.  embabouinar),  qui  cependant 
la  signale  (  II,  17  et  71,  art.  enrhooumat)  avec  la  signification  de 
enrhumé,  enchifrené.  M.  Azaïs  suit  Honnorat,  mais  il  comprend 
dans  son  supplément  embabouchi;  rouergat,  embobouchi  =  troubler 
l'esprit,  faire  perdre  les  idées. 
Falourd,  riche,  superbe. 

Aimas  tant  la  grandou,  lou  luxe,  lous  plasés, 
Lous  moucls  recercats,  las  falourdas  paruras. 

Honnorat  et  M.  Azaïs  donnent  à  falourd  le  sens  de  sot,  étourdi. 

Pin,  denier,  sou,  argent. 

Se  derevalharôu  roustits  e  sans  un  pin. 

Ce  mot  manque  à  la  fois  à  M.  Azaïs  et  à  Honnorat.  11  est  d'un  usage 
courant  à  Montpellier:  A  pa'  'n pin;  Il  n'a  pas  le  sou. 
Salamec,  simagrée,  génuflexion,  flatterie,  salutation. 
Faire  lous  salamecs  al  nas  des  immourtels. 

Honnorat  donne  seulement  salamalec,  révérence  profonde,  adula- 
tion. En  dépit  de  son  origine  arabe,  ce  mot  est,  du  moins  à  Mont- 
pellier, d'un  usage  absolument  populaire  :  le  fai  mai  de  salamalecs 
qu'à  degus. 

Notre  dialecte  le  doit  peut-être  au  Bourgeois  gentilhomme  de 
Molière. 

ToDCADOU,  marchand  de  porcs. 

La  marcandejariôu  couma  de  toucadous. 

L'auteur  traduit  «  marchand  de  porcs»,  acception  inconnue  à  Hon- 
norat, qui  rend  (II,  1290)  par  marchand  de  bœufs,  meneur  ou  conduc- 
teur de  bétail,  le  mot  en  question. 

Tou-QUATRE,  trois  ou  quatre  ;  tou-qualre  cantous,  trois  ou  quatre 
coins  de  terre. 

Par  jougne  à  nostre  be  sous  tou-quatre  cantous. 


26  VARIÉTÉS 

L^auteur  ajonte  :  «  dans  ie  langage  trivial,  sent-frusquin.  »  On  dit 
à  Montpellier  :  ir*  ou  quatre,  Octavien  Biinguier  s'est  servi  de  cette 
forme  contractée  dans  le  poëme  du  Roumieu  : 

Ansin,  au  bout  d'una  passada, 

Tr'  ou  quatr*  ans. . .  pas  tant,  saique  mai  (29). 

TuGA,  tuer. 

En  tuguent  chaca  jour  un  centenat  d'agnels. 

Tuguent  pour  tugant. 

Cette  variante  manque  à  Honnorat. 

M.  Azaïs  mentionne  seulement  iw^o-cAm,  colchique  d'automne,  et 
tugo-loup,  aconit  napel. 

On  dit  à  Lunel-Viel  (Hérault),  tuvà  : 

L'un,  per  tuvà  lou  tems,  legissiè  lou  journal; 

D'autres,  mens  forts  en  poulitica, 
Fumavoun  soun  brûlot,  parlavoun  de  musica, 
Ë  toutes  atendien  lou  moument  dau  travail 

lit-on  dans  lou  Gavach  e  lou  Perruquier  pièce  de  M.  A.  Roux,  in- 
sérée dans  V Armai/iac rouman per  Vannada  1881.  (Voyez  page  8.) 
Est-il  nécessaire  de  dire  que  l'omission  des  quelques  formes  qui  pré- 
cèdent n'enlève  rien  au  mérite  de  MM.  Honnorat,  Azaïs  et  Mistral  ? 
Ainsi  que  nous  l'avons  déjà  remarqué* ,  \e  Bictionnaire  de  M.  Littré, 
consacré  à  une  langue  dont  les  textes  sont  généralement  accessibles, 
a  donné  lieu  à  des  suppléments  divers .  Il  ne  peut  qu'en  être  de  même 
en  ce  qui  touche  les  glossaires  des  dialectes  méridionaux. 

A.  Roque-Ferrier. 
*  Revue,  3«  série,  1,  151. 


BIBLIOGRAPHIE 


Essai  svr  l'histoire  dn  soas-dialecte  da  Ronergne,  par  M.  L.  Constans 

(Suite) 

Telfl  sont,  avec  quelques  autres  qu'il  se  borne  à  citer»  les  textes  sur 
lesquels  M.  Constans  a  basé  VÉtude  Mstoriqiie  de  la  langue  du  Rouergue. 
Cette  étude  forme  le  livre  II  de  la  deuxième  partie  et  remplit  les 
quatre-vingt-dix  dernières  pages  du  volume. 

M.  Constans,  parlant  dans  ce  premier  chapitre  des  troubadours  du 
Rouergue,  met  en  tête  de  sa  liste,  ce  qui  m'a  un  peu  surpris,  je  l'avoue, 
et  qui  étonnera,  sans  doute,  maint  autre  lecteur,  le  roi  Alphonse  II 
d'Aragon^  sous  prétexte  que  ce  prince  fut  aussi  vicomte  de  Milhau, 
de  1172  à  1196,  comme  petit-fils  de  Douce,  vicomtesse  de  Milhau,  et 
il  n'hésite  même  pas,  plus  loin,  à  lui  emprunter  des  exemples.  H  en 
prend  aussi  à  Hugues  Brunet  et  à  Daude  de  Prades*.  Parmi  les  titres 
littéraires  du  joyeux  chanoine  de  Maguelone,  il  aurait  dû  ne  pas 
oublier  le  poëme  des  Quatre  Vertus  cardinales. 

M.  Constans  distingue  trois  périodes  (1°  des  origines  à  la  fin  du 
XIIP  siècle  ;  —  2«  de  1300  à  1550  ;  —  3°  de  1550  à  1800)  dans  l'his- 
toire du  dialecte  rouergat,  et  il  étudie  chacune  séparément.  C'est  une 
méthode  à  laquelle  il  y  aurait  beaucoup  à  redire  ;  mais  nous  avons 
coutume  d'accepter  les  livres  comme  on  nous  les  donne,  et^  en  matière 
d'érudition,  nous  nous  préoccupons  plus  de  savoir  si  la  maison  est  bien 
meublée  que  bien  bâtie  ou  bien  distribuée. 

Pour  chaque  période,  M.  Constans  examine  succesivement  les  par- 
ties du  discours,  à  commencer  par  l'article,  la  syntaxe  et  la  phoné- 
tique ;  enregistrant  au  fur  et  à  mesure  les  exemples  fournis  par  les 
textes  reproduits  ou  cités  dans  son  premier  livre .  Ce  dépouillement 
a  été  fait  avec  trop  de  hâte  et  trop  peu  de  critique^.  M.  Constans  ne 

*  Ainsi  «017/  à  Alphonse  II,  nat  au  même  et  à  Daudè  de  Prades,  fasson  à 
Hugue  Brunet,  comme  si  ces  formes  ne  se  trouvaient  pas  dans  les  œuvres  de 
tous  les  troubadours  provençaux,  d'un  bout  à  l'autre  du  domaine  de  la  Jaugue 
d'oc.  J'en  dis  autant  de  celles  en,  Ih^  ch,  g^  «  que  préfèrent,  dit  M.  Constans, 
les  troubadours  rouergats  ».  «  11  est  vrai,  ajoute-t-il,  qu'elles  se  rencontrent 
aussi  chez  d'autres.  » 

^  Ajoutons  que  M.  Constans,  en  procédant  à  ce  dépouillement,  a  négligé 
plusieurs  détails  qui  méritaient  d'être  notés  à  plus  juste  titre  que  beaucoup 
de  ceux  qu'il  a  minutieusement  relevés,  par  exemple  : 

po8  =  pas  {panes)  dans  le  contrat  de  1465  ; 


S8  BIBLIOGRAPHIE 

distingue  pas  assez  ce  qui  est  propre  au  rouergat  de  ce  qui  appar- 
tient à  la  langue  commune .  Il  a  le  tort  plus  grave  d'accepter  comme 
authentiques  des  formes  invraisemblables  ou  impossibles,  dues  à  d'évi- 
dentes fautes  de  copie.  Ainsi,  p.  180,  dei^  déjà  signalé,  que  M.  C.  in- 
terprète delSj  et  qu'il  faut  lire  del;  p.  182,  tosia  où  il  faut  tolta;  ibid.. 
et  p.  201,  daou  (dau)  =  daly  qui  ne  peut  ici  donner  aucun  senssatis- 

dijaux,  nau,  pour  dijous,  nou,  dans  Vlntrada  novela  ; 

noy  =  nodiim^  ou  p.-é.  noclum^  dans  ce  cas  pour  nolh  (1452)  ; 

batz  pour  bas  {iAb2).  Ce  renforcement  de  la  sifflante  est  commun  dans 
certains  textes  d'origine  plus  méridionale,  où  il  est  resté  usuel  ; 

Roumia  pour  roumiva  (fém.  de  roumiu),  dans  Vlntrncla  novela  (1535); 

Aquel=r  a  aquel  (CouUde  Saint-Antonin);  Albi  =  a  Albi (întrada  novela)- 
On  a  des  exemples  très-anciens  et  certains  de  ces  sortes  de  contractions  ; 

La  apostol  (cinq  fois  au  moins),  dans  la  Bulle  de  Clément  VI.  (Cf.  Revue 
des  l.  r.  XII,  98)  ; 

Les  formes  verbales  auceirem  (futur),  faram  et  emendaram  (2e  condi- 
tionnel? dans  les  franchises  de  Prades^  injurias  (si  la  forme  est  sûre)  au  lieu 
du  classique  injuries,  dans  le  contrat  de  1505  ; 

On  =  non  (ou  plutôt  p.-ô  no;  cf.  ne  et  en),  dans  la  trad.  de  Gerson. 
(Cf.  ma  Gram.  limousine,  p.  327,  note  1)  ; 

L'emploi  de  l'article  partitif  devant  les  noms  de  matière,  quand  le  nom  qui 
précède  a  l'article  défini,  là  où  le  fr.  met  seulement  de  :  la  peyra  del  talh 
(1452),  trois  fois  dans  la  même  page  ;  lo  carbo  de  la  peyra  (1415)  ;  los 
senhals  del  plomb  (1381)  ;  lo  marc  de  Vargen  obraf  (1416).  —  Cf.  Revue 
XVIII,  23. 

Le  pronom  lo  ou  la  employé  comme  indéfini,  où  le  français  met  en  :  sa 
moiller  se  Yavia=:  «  sa  femme  s'il  en  avait  une. y)  Gaujal(p.  317). 

Que. . .  lo  (ou  la),  remplaçant  tous  les  cas  du  pronom  relatif  :  La  fenestra 
que  lo  ven  Vavia  rompuda  (1413)  ; 

Que  remplaçant  cui  ou  a  qui,  lorsque  la  prép.  est  exprimée  dans  la  propo- 
sition principale  :  don  quatre  dîners  aquel  (=a  aquel)  que  la  vinna  séria 
(Coût,  de  St.-Antonin).  Cf.  Revue  XVIII,  22. 

Au  point  de  vue  lexicographique,  il  aurait  pu  relever,  entre  autres  mots  : 

Bastenda  (1514)  :  fia  presa  la  charja  de  la  reparatieu  et  la  bastenda  de 
la  gleisa)  ; 

Magestatz  (1398)  ==  image  (de  Dieu  ou  des  saints)  :  ay  paguat  a  M^  For- 
tanier  pengeyre,  per  far  una  magestatz  de  nostra  Dona.  Cf.  Revue,  XII,  97. 
La  môme  expression  se  trouve  plusieurs  fois  dans  le  petit  Thalamus  de 
Montpellier. 

Tradatis  (lis.  tratadis  ?  —  1510)  =  compte,  mémoire,  devis. 

Va^ta  (1341),  qui  paraît  avoir  le  sens  de  manteau  de  cheminée  (pour  vesta?)  : 
en  la  cal  aura  un  forneU  tôt  de  peyra  talhada  am  vasta  convenhable  senes 
elme  dessus.  (L'éditeur  de  ce  texte,  M.  Bion  de  Marlavagne,  donne  à  conve- 
nhableXe  sens  de  foyer,  âtre ;  mais  ce  mot  doit  être  l'adjectif  convenable  ' 

reparaît  d'ailleurs  un  peu  plus  loin  dans  le  môme  texte,  sans  qu'il  puisse 
y  avoir  là  le  moindre  doute  sur  sa  véritable  signification). 


BIBLIOGRAPfflB  29 

faisant,  et  que  M.  Constans  prétend  expliquer  par  une  confusion  avec 
la  particule  dati8  =  dave8;  —  pp.  186,  204,  lairousi,  pour  lairon[i]sfi  ; 
—  p.  190,  iou  et  hiou  pour  ea  dans  un  texte  de  1184  ;  p.  194,  eski- 
blise  pour  estahlisc  (1278)  ;  p.  195,  airo  pour  agro;  agousso,  volgosso 
pour  aguesso,  volguesso;  p.  196,  dévias 'pour  deutas;  ibid.,  et  p.  248, 
couneugut,  dans  une  charte  de  1178,  pour  conogut;^.  196  et  211-212» 
dic8  pour  dits  ou  mieux  ditz  (1184)  ;  p.  198,  panria  pour  panariay  et 
p.  242,  pagrau  pour  pagarau,  comme  si  Va  de  ces  formes  pouvait 
s'élider*  ;  p.  199,  placfaha  pour  pla^ava^:  renre  pour  rendre  ou  redre; 
p.  207,  di  pour  dintz,  dans  un  texte  de  1141  ^  ;  p.  207,  208,  et  déjà 
p.  198,  gadaniuei*  pour  gadanniei;  p.  218,  des  formes  comme  cou«- 
tuma,  dounada  dans  des  textes  de  1178,  1184;  p.  241  et  244,  estudet 
(on  a  vu  plus  haut  qu'il  faut  lire  escridet),  où  M.  Constans  veut  voir 
un  développement  de  estât,  prétérit  de  estar^  à  ce  qu'il  prétend  ^  ; 
p.  242,  assiliet  pour  assitiet ou assitjet ;  p.  244,  a^u^pour  a^uet^. 

Je  ferai  auivre  cette  critique  générale  de  quelques  remarques  déta- 
chées. 

P.  179.  Es,  dans  la  formule  ^«r  es  sainz  evangelis,  est  certainement 

%8t08. 

P.  180.  Li  senhor  ne  saurait  être  sujet  singulier  (dans  un  texte  de 

*  «  Cf.,  dit  M.  Constans,  pogron,  agro^  etc.  »  ;  mais  le  cas  n'est  'pas  le 
même  :  là  où  Ve  atooe  disparaît,'  l'a  doit  rester. 

*  M.  Constans  met  en  note  :  «  plaejaria  dans  Bartsch  [Chrest,  47,  98)  est 
sans  doute  une  faute  d'impression  pour  plaejaria.»  Pourquoi  M.  Constans 
avant  de  donner  ainsi  raison  à  Gaujal  contre  l'imprimeur  de  M.  Bartsch,  nV 
t-il  pas  pris  la  peine  d'ouvrir  son  Raynouard? 

3  «  Cf.  no  la,  so  mal  talent  »,  dit  M.  Constans,  comme  ai  le  cas  était  le 
même.  On  ne  saurait  trop  s'étonner,  pour  le  dire  en  passant,  qu'un  philologue 
habitué,  comme  Test  M.  Constans,  à  la  critique  des  textes,  ait  cru  pouvoir,  en 
ce  cas  comme  en  tant  d'autres,  accorder  une  pareille  confiance  à  des  copies 
(je  parle  de  celles  de  Gaujal)  où  des  énormités  comme  aveizia  pour  aucizia, 
laironiei  pour  laironici,  aguessici  pour  agues  aici^  emoreguts  pour  enco- 
reyuts,  etc.,  auraient  dû  suffire  à  lui  rendre  suspectes  toutes  les  formes  non 
.connues  d'ailleurs. 

*  «La  charte  de  1178  l'écrit  niu:  gadam\xei,y>  Il  s'agit  de  Xn  mouillée. 

5«  Estudet  semble  un  développement  de  es^w^  (prétérit  de  estar),  et  doit 
être  rattaché  à  la  première  conjugaison  par  l'infinitif;  mais  estut  appartient  à 
la  troisième.»  {sic).  M.  Constans  oublie  que  le  rouergat  n'est  pas  un  dialecte 
de  la  langue  d'oil. 

8  «  Assiliet  =  fit  asseoir  est  peut-être  de  la  l'*^  conjugaison  ou  de  la 
2«  faible.» 

'  En  note  :  a  Cette  forme,  dont  je  ne  connais  pas  d'autre  exemple,  est  peut- 
être  une  erreur  de  lecture,  si  on  la  fcomparê  à  ageron^  qui  est  à  côté  ;  mais 
au  fond  elle  n'a  rien  d'impossible.» 


90  BIBLIOaRAPHIE 

1140!),  et  l'on  ne  comprend  pas  que  M.  Conatans  puisse  ici  exprimer 
un  doute. 

P.  181.  Qmlh  n'est  pas  pour  que  lo,  mais  pour  que  li  (où  li  est  l'art, 
féminin,  suj.  sing.).  M .  Constans  oublie  que  Trudso  est  un  substantif 
féminin. 

P.  184.  Pourquoi  M.  Constans  veut-il  (\}i^eglia  ait  été  emprunté  au 
français  ?  Ce  n'est,  si  la  forme  est  sûre,  qu'une  contraction  de  egleia^ 
comme  esvoia  de  enveia,  mia  de  meia  (média) . 

Ihid.  Gfratiaduraj  1.  6  du  bas,  est  sans  doute  une  faute  d'impres- 
sion (pour  gatj,. . .),  qu'on  a  oublié  de  relever  à  l'errata. 

P.  186.  Domini  (domini{cywm)  est  un  adjectif  qui  peut  se  substan- 
tiver,  comme  en  français  propre,  en  sous-entendant  bien ,  Mais  il  n'a 
jamais  signifié,  à  lui  tout  seul,  tente  seigneuriale,  comme  le  dit  ici 
M.  C,  en  renvoyant  à  Raynouard  (sous  quel  mot?)  et  à  la  Croisade 
albigeoise^, 

P.  187.  M.  Constans  remarque  qaela, charte  de  1178  connaît  ch  = 
et,  mais  non  ch  =  ts,  ps,  es.  S'attendrait-il  donc  à  trouver  une  pareille 
graphie  au  XII®  siècle  ? 

Ibid,  ditz=  digitos.  M.  C.  veut  que  ce  soit  un  catalanisme.  A  quoi 
bon  aller  si  loin,  lorsque  l'Agenais  a  cette  forme  ? 

Ibid,  «  det,  plur.  dechs.  ^  Pourquoi  cette  s  f  M.  C.  sait  bien  que  le 
ch^  ici,  est  l'équivalent  de  ts, 

P.  188-189.  «  Pour  les  adjectifs,  la  désinence  e5  semble  être  venue 
plus  tard  que  pour  les  noms.  »  M.  Constans  veut  dire  \qb  pronoms  e^ 
adjectifs  démonstratifs  d'une  part,  et  les  adjectifs  qualificatifs  de 
l'autre,  comme  le  prouvent  les  exemples  qu'il  allègue. 

P.  189,  note  2.   M.  Constans  confond  ici  les  noms  en   ador  = 
atorem  (comme  trabailladour)  avec  ceux  où  la  même  désinence  pro 
vient  àeatorium  (comme  moucadour^^  fr.  mouchoir), 

F .  1 90 .  Les  formes  diner,  sester,  etc . ,  c'est-à-dire  en  er  sec  pour 
arius,  ne  sont  pas  plus  catalanes  que  rouergates.  On  les  trouve  dans 
presque  tous  les  monuments  primitifs  de  la  langue  d'oc.  On  ne  voit 
pas  ce  que  vient  faire  ici  le  Roman  de  Roncevauœ. 

191.  Eus  =  ipseest  tout  autant  languedocien  que  rouergat.  Cette 
forme  et  ses  composés  (meteus,  etc.)  abondent  dans  les  textes  de 
Montpellier.  On  les  rencontre  du  reste,  plus  ou  moins  sporadiquement 

*  «  Domini  =  domaine,  propriété Se  trouve  dans  la  Chanson  de  la 

Croisade  albigeoise,  quia  bien  le  caractère  d'un  texte  populaire,  mais  avec 
le  sens  de  «  tente  seigneuriaie.  »  Voy.  Raynouard  et  P.  Meyer  dans  son 
édition.»  — Ajoutons  que  l'erreur  de  M.  Constans  lui  est  toute  person- 
nelle. Il  y  a  dans  le  glossaire  de  M.  Meyer  :  trap  domini  =  tente  seigneu- 
•  riale. 


BIBLIOGRÂPHIB  31 

à  peu  près  partout,  dans  Flamenca  par  exemple,  aussi  bien  que  dans 
Sainte  Enimie, 

P.  192.  «  La  2e  personne  du  pluriel  est  régulièrement  terminée  en 
5  et  non  z(tz),:»  M.  C.  devrait  ajouter  :  sur  mes  copies.  Cela  est  en 
effet  inadmissible  pour  des  textes  du  Xlle  siècle. 

P .  193.  Do  n'est  pas  le  do  latin,  qui  en  provençal  devient  dau 
(conmie  vau,  estau)^  mais  dono, 

P.  195.  M.  Constans  enregistre,  parmi  les  formes  rouergatee  du 
parfait,  venhet,  qu'il  prétend  avoir  trouvé  dans  Alphonse  II.  Cette 
forme,  d'ailleurs  invraisemblable,  quoi  qu'en  dise  ft .  Constans  (<r  forme 
tout  aussi  légitime  [que  venguaa]  »,  dit-il)  ne  se  trouve  pas,  non  plus 
que  venc  ni  venguet,  dans  l'unique  pièce  qui  nous  reste  d'Alphonse 
d'Aragon.  Puis  quel  rapport  y  a-t-il  entre  ce  prétendu  parfait  et  le 
subjonctif  ? 

P.  196.  M.  C.  fait,  à  propos  de  sapia,  une  remarque  qui  étonne  : 
«  Je  ne  sais,  dit  il,  s'il  ne  faudrait  pas  lire  sapja^  les  scribes  mettant 
assez  souvent  i  pour  J  et  réciproquement.  »  Y  a-t-il  donc  des  mss. 
du  moyen  âge  où  ces  deux  lettres  soient  distinguées?  —  Cf.  p.  199, 
note. 

P.  197,  escrith  et  plus  loin,  223,  drethurier.  M.  Constans  est-il  sûr 
de  sa  lecture  ?  Le  ^  et  le  c  peuvent  si  facilement  être  confondus,  que 
le  doute  est  ici  bien  permis. 

Ibid,  Pourquoi  M .  Constans  veut-il  que,  dans  ;des  documents  du 
Xlle  et  XIIIo  siècle,  son  (sunt),  qui  est  correct,  soit  lu  sou,  qui  ne 
le  serait  pas  ? 

P.  198.  M.  Constans,  mentionnant  le  chansonnier  prov.  7698  (auj. 
1749)  le  qualifie  de  ms,  rouergat.  Si  cems.  est  réellement  rouergat  (sur 
quelles  autorités  M .  Constans  l'affîrme-t-il  ?)  il  aurait  dû  l'étudier  plus 
qu'il  ne  paraît  l'avoir  fait.  Il  n'avait  pour  cela  qu'à  suivre  dans  les 
Gedichteles  pièces,  assez  nombreuses,  publiées  par  Mahn  d'après  ce  ms- 

P.  198.  «  Trohada,  atrobon^  où  il  faudrait  noter  (si  la  copie  de 
M .  de  Doat  est  exacte,  ce  dont  je  doute),  deux  exemples  très-anciens 
de  la  prononciation  dure  du  v  en  rouergat.  »  M.  Constans  oublie  que 
trobar  est  la  seule  forme  normale,  en  provençal,  dans  tous  les  dia- 
lectes. 

P.  199.  «...  la  deuxième  forme  du  conditionnel,  qui  semble  tirée 
du  plus-que-parfait  de  l'indicatif  latin .  »  Pourquoi  ce  semble  f  Tout  le 
monde  sait  bien  que  la  chose  est  sûre . 

P.  201 .  M.  Constans  veut  que  da  Rodez  vienne  d'AmilhaUj  /peu  ana- 
logie, comme  si  ce  da  (=  de  ad)  n'était  pas  alors  répandu  peirtout. 

P.  202*  où  est  sans  doute. une  faute  d'impression.  Le  o  visé  par 
M.  Constans  est  autel  non  ubi, 

Ibid,   a  vsad  ne  peut  ,pas  être  a  impersonnel.  2>  Il  y  a  seulement 


33  BEBLIOGRÂPHIB 

une  confusion  dans  Pesprit  de  Tauteur,  qui,  ayant  commencé  sa  phrase 
au  pluriel, la  continue  jusqu'à  la  fin  au  singulier.  C'est  ce  que  prouve 
clairement  la  suite  :  e  si  o  fadia. . . 

P .  203 .  Hugue  Faidit  ne  dit  nullement  que  la  construction  «  m'en 
tenc  per  pagatz  »  soit  du  langage  familier,  et  il  aurait  tort  de  le  dire, 
comme  le  prouve  l'usage  qu'en  ont  fait  les  troubadours. 

P.  20A.  faittilava, que  M.  Constans marque  d'un  ?  veut  dire  faisait 
un  sortilège.  Le  mot  est  bien  connu  et  se  rencontre  souvent. 

Ibid.  Ce  que  dit  ici  M.  C.  de  l'emploi  de  ni  n'est  pas  aussi  nouveau 
qu'il  le  suppose.  Vo}^z  Diez,  III,  401 . 

P.  216.  n  ne  faut  pas  mettre  sur  la  même  ligne,  comme  le  fait  ici 
M.  Constans,  or  et  on  :  on  a,  été  o  dès  le  principe  {raso,  etc.);  or  ne 
s'est  réduit  à  o  que  tardivement. 

Ibid.  «  La  chute  de  Vn  semble  n'avoir  pas  atteint  l'est  du  domaine 
provençal .  3>  Encore  un  semble .  Mais  c'est  là  un  fait  certain  et  acquis 
depuis  longtemps. 

P.  222.  M.  C.  signale  ici  une  forme  sebelhit  qui  se  trouve,  dit-il, 
dans  la  Bulle  de  Clément  VI.  Mais  le  texte  imprimé  p.  168  donne 
sebeliht.  Quelle  est  la  vraie  leçon  ?  Il  serait  intéressant  de  le  savoir. 
Sebeliht  renverrait  à  sepelictum.  Voy.  un  autre  exemple  de  cette 
forme  dans  les  Préceptes  religieux  que  j'ai  publiés  ici  récemment 
(VI,  23). 

P .  223 .  «  deu  aver  cof essah .  »  La  copie  dont  se  sert  ici  M ,  Con- 
stans est  trop  mauvaise  pour  que  cette  forme  ne  me  soit  pas  sus- 
pecte. Crevantah,  molah,  cités  en  note,  représentent  des  formes  latines 
en  ati  et  ne  prouvent  rien,  par  conséquent,  en  faveur  du  confessah 
ci-dessus,  qu'il  faut  probablemeut  lire  confessât. 

P.  226.  En  quoi  cel,  hc^poble,  semblan,  ves,  vegadas,  et  p.  229,  cert^ 
miels,  capj  sont-ils  des  n  mots  ou  formes  remarquables  ?  » 

P.  227.  Se  alcun  layro  o  layre.  M.  Constans  croit  avoir  affaire  ici 
à  deux  formes  différentes  du  singulier.  C'est  une  erreur.  La  première 
est  le  sujet  pluriel.  Cf.  le  texte  latin  :«  Si  aliqui  prsedones  vel  aliquis 
fur. . .  » 

P.  228.  «  An  l'adries  d'aquela.  »  Il  faut  écrire  ladries  {^laterarios). 
L'éditeur  du  texte  cité  n'avait  pas  commis  cette  faute. 

P.  228.  M.  C.  observe  très- justement,  à  propos  de  om,  que  ce  pro- 
nom conserve  encore,  dans  la  traduction  de  la  bulle  de  ClémentVI, 
c'est-à-dire  au  milieu  du  XI V^  siècle,  quelque  chose  de  son  caractère  de 
substiintif.  C'est  une  remarque  qu'on  peut  faire,  au  reste,  dans  un 
grand  nombre  d'autres  textes. 

P.  229.  greuhs.  L'A,  ici,  n'est  point  «de  signification  douteuse.  » 
Elle  représente  un  t  :  greuh,  comme  greuch  (on  trouve  aussi  greug)  = 
*grevitim,  pour  gravium^  de  même  que  greu  =  *  grève  pour  grave. 


BIBLIOGRAPHIES  ?3 

P. 232.  M.  CoDBtans  mentionne  ici  pagtdey  panni  les  parfaits  forte. 
Ce  n'est  sans  doute  qu'une  inadvertance. 

Ibid,  Cachapiech  (mieux  cacliapietz,  deux  lignes  plus  bas),  mot  qui 
signifie  balustrade,  est  mal  expliqué  par  cache-pieds.  C'est  pectus  que 
représente  le  second  élément  de  ce  mot  composé,  et  cacha  =  presse, 
non  cache, 

P.  234.  Il  est  difiScile  d'admettre  que  scumenga  soit  «  une  forme 
syncopée  de  scumengada  avec  recul  de  l'accent.  »  Si  nous  étions  à 
Lyon,  à  Grenoble,  ou  même  à  Valence,  à  la  bonne  heure,  et  encore  à 
condition  de  laisser  l'accent  à  sa  place.  C'est  évidemment  une  faute 
de  copie  pour  escumengada,  qui  se  trouve  d'ailleurs,  comme  M.Constans 
le  remarque  lui-même,  quelques  lignes  plus  bas,  dans  le  texte  cité«. 

P.  236.  L'emploi  de Zo,  comme  sujet  neutre,  n'est  nullement  «  con- 
forme au  pur  usage  classique  »,  comme  le  veut  M.  C.  Cet  emploi  est 
au  contraire  anti-classique  et  dialectal . 

P.  243.  ((  Notons  exercir  etensegniday  qui  appartiennent  aujourd'hui 
à  la  l^*  conjugaison  y>y  et  plus  loin,  p.  247  :  «  parmi  les  verbes  de  la 
2e  conjugaison  latine  qui  ont  pris  depuis  la  forme  de  la  1'"  conjugaison, 
nous  trouvons  ensegnida. .  »  M.  Constans  croit  donc  que  le  provençal 
a  dit  d'abord  ensenhir  puis  ensenhar.  C'est  une  erreur  :  ensegnida 
d'ailleurs  n'a  pas  ici  le  sens  qu'aurait  ensenhada.  C'est  tout  simple- 
ment insignita,  pur  qualificatif  et  non  participe.  Le  verbe  insignire 
ne  paraît  pas  avoir  passé  en  roman. 

P.  245.  Redegut,  Il  y  a  là  deux  mots  {re  degut),  et  non  pas  un 
seul. 

P.  247.  m  Instruisir,  imprimir,  induisir  ressemblent  plutôt  à 
l'espagnol  qu'au  rouergat.D  En  quoi  et  pourquoi?  Les  verbes  latins 
en  ère  entrés  dans  la  langue  d'oc  après  la  période  des  origines,  y  sont 
régulièrement  devenus  des  verbes  en  ir. 

P.  253.  «  Les  poètes  provençaux  de  cette  époque  (fin  du  XVI®  siècle) 
ont,  pour  la 3e  p.  du  pi.,  à  côté  des  finales  en  ien,  des  finales  plus 
fréquentes  en  iou,  qu'il  faut  peut-être  écrire  iôu  :  aviou,  auriou 
(Pierre  Paul)  ;  cresiou,  mespresariou,  aviou  (Brueys).  »  Cette  obser- 
vation   de    M.   Constans  donne    à    penser   qu'il    a    lu    les  auteurs 

1  Ce  texte  est  un  de  ceux  qu'a  publiés  M.  Bion  de  Marlavagne  et  auxquels 
M.  Constans  se  borne  à  renvoyer.  M.  B.  de  M.  paraît,  en  généra,!  moins 
inexact  dans  ses  transcriptions  que  M.  de  Gaujal.  Mais  il  commet  néanmoins 
assez  de  fautes  évidentes  pour  que  M.  Constans  eût  dû  se  défier  davantage 
des  formes  qu'il  lui  emprunte.  Par  exemple,  M.  B.  de  M.,  p.  317,  imprime 
comadeuras,  qui  n'a  aucun  sens,  où  il  faut  très-probablement  lire  coma 
dejunis  ;  —  p.  392,  cale  pour  cale  ;  p.  375,  san  Jonh  pour  Joanh  ou  Joan; 
p.  391,  refecs  pouf  refets  (re-fecit)^  etc. 


il 


34  BIBLIOaRÀPHIE 

dont  il  parle  dans  un  moment  de  grande  distraction.  Il  est  très- 
vrai  que  les  finales  ien  et  iou  (=  non  pas  tw,  mais  iôu,  alias 
ieu)  se  renconlrent  chez  eux  côte  à  côte .  Mais  elles  ont  des  emplois 
fort  différents  :  ien  est  la  flexion  de  la  3®  pers.  du  pluriel,  iou  celle 
de  la  !*•  pers.  du  singulier. 

C.  0. 

P,-S,  —  On  a  vu,  dans  mon  premier  article,  que  je  n'avais  pu 
utiliser,  pour  la  critique  de  la  Bulle  de  Clément  VI,  publiée  par 
M.  Constans,  que  la  seconde  moitié  du  texte  latin,  la  seule  qui  se 
trouve  dans  Baluze.  Depuis  lors  j'ai  pu,  grâce  à  l'obligeance  de 
M.  Darlu',  professeur  de  philosophie  au  lycée  de  Bordeaux,  avoir 
une  copie  de  la  première  moitié  (=pp.  1-8  du  ms.  rouergat,  156- 
159  du  volume  de  M.  Constans). 

Cette  copie,  prise  dans  le  dictionnaire  d'Albéric  de  Rosate,  diffère 
en  quelques  points  du  texte  sur  lequel  la  traduction  provençale  dut 
être  faite.  Ainsi,  au  lieu  de  deux  messes  de  la  Tiinité(p.  159),  c'est, 
dans  le  texte  d'Albéric,  une  messe  de  la  Sainte  Vierge  que  le  pontife 
célèbre  après  sa  vision.  Nous  savions,  d'ailleurs,  déjà  par  Baluze, 
qu'un  passage  très-important,  à  savoir  l'ordre  donné  anx  anges  par 
le  pape  de  transporter  directement  en  Paradis  les  âmes  de  ceux  qui, 
allant  au  jubilé  ou  en  revenant,  moun'aient  en  chemin,  ordre  qui  se  lit 
dans  la  traduction  provençale,  manque  dans  Albéric  *. 

La  comparaison  du  texte  d'Albéric  avec  la  traduction  provençale 
confirme  les  corrections  que  j'ai  proposées  pour  cette  première  partie 
de  la  bulle.  Elle  en  suggère  aussi  quelques  autres  que  j'indiquerai, 
en  reprenant,  commeVje  vais  le  faire,  l'examen  de  l'édition  de  M.  Cons- 
tans. 

P.  156,  1.  1-3.  —  Manquent  dans  Alb.  C'est  peut-être  un  ajout  du 
trad.  provençal. 

—  1.  5,  «  a  perdurabla  memoria,  redusen.  »  Effacez  la  virgule. 

—  1.  6,  «  ...  cel.  Quar. .  »  Il  faut  une  virgule  au  lieu  d'un  point, 
paraulas  de  la  1.  8  étant  un  second  complément  de  redusen. 

—  1.  11,  «  dels  orgolhos.  »  Le  latin  ajoute  :«  vel  quot  angelimali 
cecidere.  » 

—  1.  13,  «  entant  que  cascu  per  pecat  conoc  la  vida.  »  Au  lieu  de 
ces  mots  qui,  malgré  le  singularité  de  l'expression  conoc  la  vida, 
donnent  un  sens   très-acceptable,  étant  pris  pour  une  allusion  au 

1  «  Mandamus  angelis,..  Hanc  clausulam,  quae  tôt  tragasdias  excitavit 
[de  la  part  des  protestants]  non  habet  editio  quœ  extat  apud  Albericum. 
Extat  tamen  in  codice  2835  Bibliothecœ  Colbertinas  Ex  quo  colligi  débet  in 
aliquot  exemplaribus  fuisse,  defuisse  in  aliis.  »  {Vifœ  paparum  Avenionen- 
sium,  I,  917.) 


BIBLIOaRAPHIE  35 

péché  originel,  le  texte  d'Albéric  a  cette  phrase  :  «  adeo  ut  omnis 
quippe  caro  corruperit  viam  suam  »,  qui  est  une  citation  de  la  Bible 
(G^^n.  VI,  12). 

L .  15-516.  «  De  la  cal  causa  s'alegro  los  cors  dels  angels  am  los 
quais  nos  tenem  cofermar  et  acompanhar.  »  J'avais  proposé  de  cor- 
riger devem.  Le  latin  donne  :  «  Qua  ex  causa  gaudent  chori  ange- 
lorum  nos  consortes  et  concives  eorum  fieri.  » 

L.  21-22.  11  faudrait  une  virgule  après  vertut,  ce  que  j'ai  oublié 
d'indiquer  dans  mon  premier  article,  et  peut-être  un  point  après  hu- 
militât, Ce  qui  suit  immédiatement  {e  per  tantas  gens  coma)  gêne  le 
sens.  Peut-être  y  a-t-il  une  lacune  dans  la  copie  de  M.Constans.  Ces 
cinq  mots  rejetés,  le  reste  serait  très-clair  ;  mais  ils  répondent  évidem- 
ment à  quelque  chose  dans  le  latin.  Le  texte  d'Albéric,  corrompu  en 
cet  endroit,  n'est  pas  d'un  très-grand  secours.  Le  voici  en  regard  du 
provençal,  que  je  reprends  depuis  la  ligne  18.  Je  donne  ce  dernier  tel 
que  je  l'ai  restitué  : 

Superba  namque  natura  sicut  La   orgolhosa  empero    natura 

habet  unam  paradisi  portam   de-  humana,  coma  avia  de  desviar  si 

clinet    disgrediendo ,    ita    habet  del  pays  de  paradis,  passa[n]  los 

unamillam  inveniat,  virtutibus  in-  mandamens,  aysi  lo  pot  trobar  en- 

haerendo,  ad  sedes  vero,   quibus  clLnant  se   a  vertut,  en  tal  guisa 

angeli  persuperbiamsunt  privati,  que  en  las  sesilhas  de  las  quais 

per  humilitatem  conservantur  ex  los  angilhs  per  orguelh  son  pri- 

parte  parentibus  propagande .  Sic  vats  monte  per  humilitat,  e  per 

n.  (?)DominusNoster  Jésus  Chris-  tantas  gens  coma*  Nostre  Sehor 

tus  plus  quam  sitiens  cervus  ad  Dieu  Jhesus    Christ    désire  may 

fontes   aquarum  *   ut  peccatores  que  lo  peccator  puescha  venir  al 

perveniant  ad  pascha  seternarum  pays  perdurable   de  delieg,  may 

delitiarum.  Item  ait  veritas  ipsa  :  que  no  fa  lo  ser,  cant  a  grant  set,  a 

non  veni  vocare  justos  sed  pecca-  la  fon  de  l'ayga. 
tores  ad  pœnitentiam  ^ . 

P.  157,  1.  8-9  :  «  E  non  hy  a  tan  san  vitan  drethurier  (j'ai  déjà 
remarqué  qu'il  faut  coniger  ni  tan  et  probablement  aussi  drechurier) 
de  far  la  virovirnam  (?)  de  la  monarchiamundanal. . .  »  Le  latin 
donne  :  «  nec  est  tam  sanctus  nec  tam  justus  per  ambitum  machinse 

•  Psalm,  XLI,  2  —  Suppl.  ici  de-  '  Peut-être,  dans  l'hypothèse  pro- 

siderat  ?  bable  d'une  lacune  en  cet  endroit,  ce 

2  Cette  dernière   phrase    manque      qui  manque  exprimait-il   l'idée  émise 

dans  la  trad.  provençale.  plus  haut    (1.  11),  que  le  texte  d'Al- 

béric  rend  par  «  quot  angeli  mali  ce- 
cidere.  » 


?6  BIBLIOGRAPHIE 

mundialis. . .  »,  ce  qui  indique  clairement  la  corraction  à  chercher. 
M.  Boucherie  me  suggère  de  per  Vamronamen,  qui  conviendrait 
parfaitement.  L'ancien  français  avait,  avec  le  même  sens,  environe- 
ment. 

—  L.  25  :  «  la  apostol  dis.  »  11  faudrait,  d'après  le  latin  (  apostolus 
qui  diccit),  suppléer  que, 

P.  158,  1.  3-4  :  «  e  veyran  los  nostres  uelhs  e  s'alegira  lo  nostre 
cor.  )>  M.  Constans  a  justement  corrigé  vostre,  et  c'est  seulement 
par  suite  d'une  faute  d'impression,  comme  il  parait  résulter  de  la 
note  sur  ce  passage,  que  nostres  est  resté  dans  son  texte.  Il  y  faut 
aussi  vostres  (  cf.  Isaïe,  LXVI,  14  ).  Pourtant  Albéric  donne,  mais  à 
la  vérité  en  modifiant  le  sens  de  la  citation  :  «  et  videbunt  oculi 
nostri  unde  gaudebit  cor  vestrum,  »  Gaudebit  montre  qu'il  faut  cor- 
riger, dans  le  provençil,  s'alegira  en  s'alegrara, 

L.  7  :  «  ha  sanctificada  e  hornada.  »  C'est  bien  ornata  qu'il  faut 
entendre  :  »  sanctificavit  et  venustate  ornata  perpetim  condeco- 
ravit.  » 

L.  18-20  :  <c  lo  cap  del  cal. . .  Jhesus  Crist  très  vegadas  estudet 
{Yi^,  escridet),  »  Lat.:  «  cujus  os...  Jesum  tribus  ^âcib us  excla- 
mavit.  » 

L.  27-28  :  «  Fam  doncas  a  tost  los  nostres  filhs,  feys  (^lis.  reys), 
ducs,  comtes ...  »  La  copie  de  M.  Constans  présente  ici  une  lacune 
de  plusieurs  lignes.  Voici  le  passage  correspondant  dans  Alberic  : 
«  Significamus  ergo  omnibus  filiis  nostris  regibus,  comitibus,  duci- 
bus,  baronibus,  militibus,  repromissionnem  aeternse  salutis  esse  haec 
quse  per  ordinem  subsequuntur.  i> 

L.  30  :  «  los  vénérables ...  et  amats  de . . .  y>  Nouvelle  lacune . 
Lat.:  «  venerabiles  dilecti  filii  nostri  Jacob.  Savelli,  Bricius  Sauli  et 
Jacob,  de  Columna  cives  nobilissimi  civitatis  romanae  et  sindici  totius 
senatus  ejusdem. . .  d 

P.  159,  1.  2  :  «  e  apelar  nostres  frayres.  »  Ici  encore,  dit  M.  Con- 
stans, lacune  d'une  demi-page  dans  la  copie.  D'après  Alberic,  il  ne 
manquerait  rien,  ou  du  moins  rien  d'essentiel  :  «  in  crastinum  man- 
davimus  consistorium  convocari,  et,  nocte  consistorium  prseexistente, 
apparuit  nobis  in  visione. ...» 

P.  159,  1.  23  :  «  la  quai  a  tost  temps  am  se.  »  Ceci  concorde 
mieux  avec  la  leçon  d'Alberic  {quœ  incessanter  versatur)  qu'avec 
celle  de  Baluze  (  qua  incessanter  vexatur  ) . 

C.  C. 


BIBLIOGRAPHIE  37 

Chants  populaires  du  Langnedoc,  publiés  par  MM.  Achille  Montel  et 
Louis  Lambert,  avec  la  musique  notée.  —  Paris,.Mai8onneuve  ,1880.  IuSp, 
xii-588  pages  *. 

Ce  volume  est  le  premier,  nous  l'espérons,  d'un  recueil  complet  des 
chants  populaires  du  Languedoc,  exécuté  dans  des  vues  vraiment  scien- 
tifiques. Le  présent  volume,  bien  que  d'environ  six  cents  pages  grand 
in-S®,  ne  contient  cependant  que  les  chants  de  la  première  enfance, 
mais  accompagnés  d'éclaircissements  qui  ne  laissent  rien  à  désirer. 
Ces  chants  enfantins,  qui  portent  en  général  le  nom  de  sogna  ou  san- 
sogna,  sont  répartis  par  les  auteurs  en  cinq  catégories .  La  première 
contient  les  Nennas  ou  chants  pour  endormir  les  petits  enfants;  courtes 
poésies  qui,  semblables  aux  nœniœ  des  Latins,  dont  quelques-uns 
les  font  dériver,  invoquent  et  appellent  le  sommeil  pour  qu'il  des- 
cende sur  les  yeux  de  ces  petits  êtres.  La  deuxième  contient  les  Arri- 
arri  ou  Balalin-halalan^  qui,  destinés  à  réveiller  les  enfants  endor- 
mis et  terminés  d'ordinaire  par  le  refrain  lalla,  comme,  suivant  le 
scoliaste  ancien  de  Perse,  disaient  aussi  les  nourrices  latines,  imitent 
le  mouvement  du  cheval,  des  cloches,  des  barques,  d'un  moulin,  etc. 
Les  chants  de  la  troisième  section,  sous  le  nom  général  de  Tintour- 
letosy  sont  destinés  à  enseigner  aux  enfants  à  faire  des  gestes,  à  se 
mouvoir,  à  agir,  en  leur  apprenant  à  se  tenir  droits,  à  garder  l'équi- 
libre, à  remuer  séparément  ou  en  même  temps  leurs  petits  membres, 
à  se  vêtir  et  à  se  déshabiller,  en  accompagnant  d'un  chant  et  d'un 
son  chacun  de  ces  actes  ou  de  ces  mouvements.  La  quatrième  caté- 
gorie contient  les  chants  énumératifs,  c'est-à-dire  l'indication  des 
parties  du  vêtement,  de  la  chaussure,  les  objets  d'une  maison,  les 
biens  possédés,  les  membres  de  l'homme  ou  d'un  animal,  les  remèdes 
à  employer,  les  nombres,  etc.,  avec  diverses  combinaisons,  toutes  soi- 
gneusement distinguées  par  les  auteurs  du  recueil .  Ils  notent  que  ces 
chants  seiTent  spécialement  à  distraire  et  à  divertir  les  petits  enfants  ; 
mais  il  nous  semble  qu'ils  avaient  aussi  pour  but  d'exercer  leur  mé- 
moire, comme  dans  l'énumération  des  jours  de  la  semaine  (  p.  466), 
ou  de  leur  donner  quelques  premières  notions,  comme  par  l'imitation 
des  cris  des  animaux  (p.  517).  La  cinquième  catégorie  enfin,  ou  les 
Rodas,  contient  ces  chants  qui  accompagnent  les  petites  danses  en 


*  Cet  article  est  extrait  de  la  Rassegna  settimanale  de  Rome  (21  novembre 
1880);  il  contient,  non-seulement  un  jugement  sympathique  et  favorable  sur 
un  ouvrage  dont  les  éléments  avaient  déjà  paru  dans  la  Revue  des  langues 
romanes,  mais  aussi  des  remarques  et  des  rapprochements  très-instructifs. 
Nous  pensons  que  les  amateurs  de  la  poésie  populaire  nous  sauront  gré  de 
leur  en  offrir  une  traduction .  F.  C. 


38  BIBLIOGRAPHIE 

rond  des  enfants .  Nous  avons  ainsi  dans  ce  volume  un  traité  véritable 
des  amusements,  des  occupations ,  des  enseignements  que  l'instinct  a 
trouvés  les  plus  appropriés  à  l'âge  et  à  l'intelligence  des  bambini, 
depuis  le  berceau  jusqu'au  moment  où  ils  savent  marcher,  et  repro- 
duire par  l'imitation  ce  qu'ils  voient  faire.  Ce  que  l'instinct  a  trouvé, 
la  tradition  l'a  conservé  dans  le  cours  des  siècles,  chez  les  mères  et 
,les  nourrices  ;  et  ainsi  cette  collection  est  utile,  non-seulement  aux 
amateurs  .de  la  poésie  populaire,  mais  aussi  à  ceux  qui  s'occupent 
de  philologie  et  de  pédagogie,  parce  qu'elle  renferme  les  formes  spon- 
tanées de  l'éducation  de  l'enfant.  Les  auteurs,  sachant  combien  se 
pénètrent  dans  ces  chants  les  paroles  et  la  musique,  et  quelle  action 
l'air  exerce  sur  les  sens  des  petits  enfants,  font  ressortir  soigneuse- 
ment les  relations  intimes  de  ces  deux  éléments,  et  joignent  au  texte 
la  notation  musicale.  Çà  et  là  l'on  rencontre  des  recherches  et  des 
discussions  particulières ,  curieuses  et  importantes  :  ainsi  une  étude 
sur  le  langage  des  muletiers ,  où  sont  comparés  leurs  cris ,  tels  que 
Claudien  les  a  indiqués  et  tels  qu'ils  sont  aujourd'hui  (p.  272);  les 
divers  termes  provençaux  par  lesquels  on  désigne  les  enfants  (p.  381); 
les  dénominations  diverses  de  leurs  premières  actions  (p.  385),  etc. 
Dans  ces  dissertations  et  d'autres  semblables  qui  sont  disséminées 
dans  l'ouvrage,  l'érudition  philologique  et  la  pénétration  philosophi- 
que vont  de  pair. 

Ce  volume  fournirait  l'occasion  de  rapprochements  nombreux  avec 
les  usages  italiens,  et  cela  est  naturel,  puisqu'il  y  est  traité  de  popu- 
lations qui  se  touchent  sur  la  carte  et  dont  l'origine  est  commune. 
Ainsi  l'épouvantail  des  enfants  est ,  en  deçà  comme  au  delà  des  Al- 
pes, le  babau  (p.  300);  en  Provence,  on  berce  les  enfants  sur  les 
genoux  en  imitant  le  son  des  cloches  de  Saussan  ou  de  Salon  (p.  223, 
266  ),  comme  chez  nous  le  son  des  cloches  de  Simon.  Une  ninna- 
nanna  :  la  marna  es  à  la  bigno  (p.  46 ),  correspond  à  un  chant  ita- 
lien: la  tu'  mamma  è  ita  alla  vigna,  etc.,  publiée  par  M.  Corazzini 
(  Componim.  minori  délia  letteraL  popol,  itaL,  p.  30),  C'est  égale- 
ment l'usage  en  Provence  (p.  315),  comme  en  Italie  iibid,,  p  63), 
de  chatouiller  aux  enfants  la  paume  de  la  main  en  imitant  le  passage 
d'un  lièvre,  pendant  que  chacun  des  cinq  doigts,  personnifiés  et  tou- 
chés successivement ,  a  son  office  particulier  dans  la  chasse  qui  se 
fait  ;  c'est  encore  un  jeu  tout  pareil  (p.  318  )  que  celui  de  toucher  les 
doigts  et  de  les  plier  pendant  que  l'on  cherche  du  pain  (  îbid.,^,  65). 
Les  chansons  énumératives  de  la  Margaridou  (  p.  448  )  et  du  Merle 
(  p.  458)  existent  aussi  chez  nous,  sauf  que  la  première  porte  le  nom 
de  Marianna  et  que  l'air  en  est  différent.  De  même  le  chant  provençal 
du  Mois  de  mai  (p.  486)  répond  exactement  au  chant  italien  publié 
par  M.  Corazzini  {ibid,,  p.  378  ) ,  et  le  Mariage  de  Talouette  (p.490) 


BIBLIOGRAPHIE  39 

est  chez  nous  le  Mariage  du  grillon  et  de  la  fourmi  (ibid.,  p.  134, 
140  ).  Le  chant  du  Chevreau,  étudié  en  France  par  Gaston  Paris  et 
en  Italie  par  M.  Foà,  mais  dont  les  diverses  ramifications  n'ont  pas 
encore  été  suffisamment  examinées,  et  dont  parle  aussi  Tylor  (  Civi- 
Usât»  primit.j  1,  101  ),  se  trouve  en  Provence  (  p.  535  )  et  chez  nous 

Nous  poumons  relever  beaucoup  d'autres  choses  dans  cette  pu- 
blication, si  riche  en  matériaux,  qui  nous  fait  assister  aux  modes  et 
aux  formes  du  premier  éveil  de  l'intelligence,  du  premier  passage 
du  pur  instinct  au  raisonnement  et  à  la  réflexion,  tout  en  nous  ra- 
menant aux  afiections,  aux  soucis,  aux  grâces  ingénues  du  premier 
âge.  Nous  espérons  que  ce  volume  sera  suivi  d'autres,  qui,  composés 
suivant  la  même  méthode,  accompagneront  l'homme  dans  les  divers 
épisodes  de  la  vie,  à  travers  les  joies  et  les  douleurs  de  son  exis- 
tence mortelle.  La  méthode  qui  a  été  employée  paraît  nouvelle  par 
rapport  aux  collections  antérieures,  et  elle  mérite  d'être  prise  pour 
modèle  par  tous  ceux  qui,  en  divers  pays,  s'appliqueront  à  une  œuvre 
semblable. 

Privé  malheureusement  de  l'aide  de  son  collaborateur,  M.  Lam- 
bert, nous  l'espérons,  ne  refusera  pas  de  communiquer  au  public  les 
matériaux  nombreux  qu'ils  paraissent  avoir  rassemblés,  et  dont  ce  . 
volume  a  été  extrait  :  c'est  une  introduction  excellente  en  elle-même  ; 
mais  elle  prépare  évidemment  une  série  de  publications  étroitement 
reliées  entre  elles. 

Uno  Siblado  is  Ârqnin  o  sèt  pèço  de  vers  prouvencau  dins  la  manièro  de 
François  Villon  (  1431-1461  )  o  (pèr  miéus  dire  )  emé  la  raesuro  de  quàuqui 
pouësio  d'eu,  etc.  Waterford,  Whalley  lou  jouine,  1880.  ln-8o,  16  pages. 

Dans  une  étude  sur  la  poésie  avignonnaise  hors  de  la  Provence  * , 
nous  avons  dit  que.M.William-C.  Bonaparte  Wyse  était,  panni  les  féli- 
bres  contemporains,  celui  qui  avait  le  plus  souvent  revivifié  les  règles 
de  la  littérature  méridionale  par  des  combinaisons  nouvelles  et  ce- 
pendant déjà  consacrées.  Peut-être  ces  lignes  reconnaissaient-elles 
trop  incomplètement  l'originalité  rhythmique  des  Parpaioun  blu,  de  la 
Cabeladuro  d^or  et  du  Dimenche  dôu  mes  de  Mai.  Quoi  qu'il  en  soit, 
le  recueil  dont  nous  avons  à  parler  aujourd'hui  accentue  encore  cette 
recherche  des  formes  anciennes  ou  peu  connues,  restée  particulière 
aux  vers  de  l'auteur.  11  est  composé,  en  efiet,  de  pièces  écrites  dans 
la  manière  de  Villon  ou,  pour  mieux  dire,  avec  la  mesure  de  quel- 
ques-unes de  ses  poésies  : 

Qui  plus  ?  Où  est  le  tiers  Calixte  \ 

Dernier  décédé  de  ce  nom, 

*  Revue  des  langues  romanes^  2*  série,  IIF,  124,—  *  Le  Pape  Calixte  IIÎ. 


40  BIBLIOaRAPHIB 

Qui  quatre  aus  tint  le  papaliste  '  ? 

Alphonse,  le  roi  d'Aragon... 

Le  gratieux  duc  de  Bourbon, 

Et  Artus,  le  roi  de  Bretaigne, 

Et  Charles  Septiesme  le  bon  ?. ... 

Mais  où  est  le  preux  Charlemaigne  ?..   . 

demande  la  Ballade  des  seigneurs  du  temps  jadis,  qui  fait  suite  à 
celle  des  dames  d'antan.  La  fine  mélancolie  de  ces  strophes  charman- 
tes ne  revit-elle  pas  dans  la  ballade  du  dernier  félibre,  où  M.  B.-W., 
anticipant  sur  la  désillusion  des  années  non  encore  écoulées  aussi  bien 
que  sur  la  disparition  de  ceux  à  qui  la  Provence  doit  son  éclatante 
floraison  littéraire,  s'exprime  de  la  manière  suivante  : 

Touto  causo  nais  pèr  mouri  : 
Lou  rampau,  la  roso  que  briho. 
Gant  d'alauveto  e  de  cri-cri, 

Caresso  de  maire  e  de  mio 

Ounte  es,  vuei,  l'auto  pouësio 
Dôu  Felibrige  que  fasié 
Tant  d'estrambord,  tant  de  sesiho  *? 
Mai  ounte  es  lou  Grand  Capoulié  *?. . . 

Ounte  es  aquel  Aloubati 
Que  dôu  fru  di  milo  graniho 
Se  coumpausè  'n  blasoun  poulit  ^  ? 
Ounte  es  Roumiéu,  cap  di  bon  driho  ? 
Ounte  es  lou  bon  blanc,  Roumaniho, 
Que  fin  amour  pèr  Roumo  avié  ? 
Ounte  es  Verdot,  Vierge  Mario  ? 
Mai  ounte  es  lou  Grand  Capoulié  ? 

La  quatrième  ballade,  consacrée  à  la  plainte  des  «  dames  aux  yeux 
étoiles  );  qui  «  tissèrent  de  si  beaux  livres, ^  »  est  versifiée  avec  le 
mên.e  sentiment  de  mélancolie  discrète  et  voilée  : 

Ounte  es  vuei  la  mouié  dôu  Paire, 
La  bruneto  dôu  franc  parla  *  ? 

*  Le  siège  papal. 

-*  Allusion  à  Théodore  Aubanel  et  à  sa  Miougrano  entre-duberto. 
^  E  digas-nous  en  que  terraire 

Soun,  vuei,  nôsti  sorre  de  la, 

Mignoto  de  la  Lengo-Maire. 

Qu'anavon  à  nôsti  cousta, 

Zounzounant  de  cant  delica 

E  teissènt  de  tant  poulit  libre  ? 

Ounte  soun  lis  iues  estela 

E  lou  vin  divin  di  Felibre  ? 
•»  Madame  Rose-Anaïs  Rgumanille,  sœur  de  Félix  Gras. 


BIBLIOGRA.PHIB  41 

Ounte  ADtounieto  de  Bèu-caire*, 
Que  de  veire  èro  d'adoura  ? 
La  Camardo^,  moustre  afama, 
L'a  jalado  de  soun  jalibre, 
Ë  l'ile  blanc  s'es  enana 
E[mb]louyin  divin  di  Felibre. 

Ounte  es  Leountino  *  ?  E  pecaire  ! 
Lidio  *,  ounte  dounc  l'atrouba  ? 
Mouncor  es  un  gourg  de  desaire. 
En  sounjant  au  tems  envoula, 
Quand  à  Font-frejo  »  arreogueira 
A  l'oumbrage,  en  roudelet  libre, 
Lou  soulèu  nous  fasié  canta 

La  pièce  contre  les  médisants  de  la  langue  provençale  est  un  véri- 
table coup  de  fouet  de  poésie  réaliste  et  satirique  ;  l'auteur  Ta  com- 
posée de  vers  presque  partout  masculins.  On  trouvera  dans  le  lai  du 
Félibrige  des  allusions  aux  commencements  de  la  seconde  période  de 
l'association  provençale,  ou  plutôt  aux  écoles  qu'elle  s'efforça  d'or- 
ganiser trop  prématurément;  dans  la  ballade  des  dialectes  de  la  lan- 
gue d'oc,  enfin,  l'auteur,  tout  en  maintenant  ses  préférences  k  l'endroit 
de  l'idiome  deMaillane,  corrige,  de  manière  à  satisfaire  les  plus  diffi- 
ciles, l'effet  des  vers  humoristiques  que  contenait  sa  Cansoun  capou- 
liero^  touchant  les  paWers  de  Montpellier,  d'Aix  et  de  Nimes. 

La  Sihlado  is  Arquin"^  nous  vient  directement  de  l'Irlande.  L'au- 

*  \ntoinette  Rivière,  de  Beaucaire,  dont  les  poésies  ont  été  publiées  sous 
le  titre  :  li  Belugo  d*Antounieto  delBèu-caire.  Avignon,  Aubanel,  1865,  in-8o, 
326  pages. 

*  Dans  ridiome  populaire  du  Languedoc  et  de  la  Provence,  la  mort  est  pres- 
que toujours  nommée  la  Camarda. 

3  Mademoiselle  Goirand. 

*  Madame  Lydie  de  Ricard,  qui,  — par  une  triste  coïncidence,  —s'éteignait 
à  Paris,  presque  au  moment  où  M.  B.-W.  lui  donnait  place  dan  s  ses  vers. 

c  Château  à  quelques  kilomètres  de  Montpellier.  Sous  ses  ombrages  se  tint 
la  première  Cour  d'Amour  de 'la  maintenance  languedocienne  du.  Félibrige, 

*  Cansoun  capouliero  dôu  Félibrige,  seguido  d'un  brindepourta  lou  jour 
de  Santo-Estello.  Plymouth,  Keys,  1877,  in-8o. 

T  Arquin  est  un  substantif  provençal  (  Aix ,  Tarascon  ,  Beaucaire  et  Mar- 
seille) qui  signifie  bon  diùlle^  gai  vivant,  luron,  dans  la  plupart  des  cas. 
M.  B.-W.  lui  donne  la  signiftcatioa  plus  relevée  de  féAibre  humoriste  et  rail- 
leur. 

Au  XV1™«  siècle,  le  poëte  la  Bellaudière  était,  à  Aix,  le  boute- en -train  ordi- 
naire d'un  cercle  d'Arquins. 

Le  mot  en  question  est  devenu  nom  propre  à  Montpellier. 


42  BIBLIOGRAPHIE 

teur,  n'ayant  pas  trouvé  à  Waterford  les  caractères  nécessaires  à  la 
composition  d'un  texte  provençal,  a  dû  marquer  à  la  main,  sur  les 
exemplaires  qu'il  destinait  à  ses  amis,  l'accentuation  si  compli- 
quée de  l'école  avignonaise.  C'est  en  ayant  sous  les  yeux  un  de  ces 
exemplaires  que  nous  écrivons  le  présent  compte  rendu,  et  que  nous 
tenons  à  remercier  M.  B. -W.de  la  double  et  trop  aimable  mention 
qu'il  a  bien  voulu  faire  de  nous  dans  la  ballade  du  dernier  félibre. 

A.  Roque-Ferrier. 

Anfos,  drame  patriontiqne,  courounat  pèr  la  Cor-d'amour  de  la  Lausa  ^ 
lou  .26  de  septembre  1880,  pèr  Paul  Gourdou,  d'Alzouno.  —  Ais,  Empre- 
marié  prouvençalo,  1880,  in-8o,  28  pages. 

Le  rapport  sur  les  Jeux  floraux  de  la  Maintenance  languedocienne 
du  Félibrige,  tenus  au  château  de  la  Lauze,  le  26  septembre  1880, 
appréciait  en  ces  termes  l'œuvre  dramatique  de  M.  Paul  Gourdou  : 

<c  Anfos  es  un  drame  en  verses,  tout  estelat  de  patrioutige  e 
d'ounou.  La  familha  de  lou  qu'es  partit  espéra,  dins  de  laguis  tou- 
jour  pus  grands,  de  lotras  e  de  nouvelas  que  jamai  noun  arrivoun. 
Es  aladouc  qu'un  souldat  blassat  tusta  la  porta,  demanda  la  retirada, 
e,  tout  en  se  caufant  au  floc  dau  salounet,  conta  la  fin  d'un  amie 
sieu,  couchât,  i'a  vint  jours  déjà,  dins  la  nèu  e  lou  sang  de  l'annada 
maudicha.  Devignàs  qu'aquel  amie  s'atrova  lou  fil  d'Anfos,  e  vesès 
la  desoulacioun  d'aqueste,  la  dau  fraire,  de  la  maire  e  de  la  nobia 
dau  mort.  Se  fan  dire  la  darrieira  batalha,  e  quand,  pount  per  pount 
e  blaasadura  per  blassadura,  an  sajut  qu'es  toumbat  en  arregardant 
l'enemic,  se  souvenoun  de  la  paraula  dai  sages  de  Greça  :  «  Se  loui 
dieus  aimoun  quauqu'un,  lou  fan  mouii  jouine  »,  e  cantoun  d'un  soûl 
cor  la  cansou  de  l'esperança  francesa. 

»  Avès  aqui  Tobra  de  Paul  Gourdou.  Es  bêla,  de  segu  ;  mais  série 
sans  défausses  se  l'autou  aviè  mai  mesclat  lou  natural  de  la  doulou 


'  Lisez  la  Cour  d'amour  de  la  Lauso.  La  Lauze,  en  montpelliérain  la 
Lausa,  est  un  ancien  fief  des  chevaliers  de  Saint-Jean-de- Jérusalem,  situé  dans 
la  commune  de  Saint- Jean-de-Védas,  près  Montpellier.  Le  château,  qui  a  con- 
servé jusqu'à  nos  jours  son  architecture  médiévale,  est  déjà  mentionné  en  1183 
et  1191  (Thomas,  Dictionnaire  topographique  de  l'Hérault.  Paris,  Impri- 
merie impériale,  1865,  in-4o,  page  91). —  iÂ.  G.  a  supposé  que  l'accent 
portait  sur  la  dernière  syllabe  du  mot,  erreur  qu'a  renouvelée  un  felibre 
manteneire  (  M.  Guitton-Talamel  (?)  )  dans  la  préface  provençale  placée  en 
tête  du  drame. 

C'est  sans  doute  par  distraction  que  la  même  préface  contient  la  phrase 

suivante  :  «  La  Patrio  !  aquéu  mot  fantasti  cuerbe  leis  autre »  Jamais 

adjectif  ne  fut  moins  à  sa  place. 


PERIODIQUES  43 

à  -  l'esaltacioun  dau  patrioutisme,  se  lou  despart  per  Tarmada  dau 
viel  Anfos  e  de  soun  segound  fil  era  milhou  apreparat  e  se  l'imne 
que  clava  tout  fasiè  pa'  'n  countraste  cosent  embe  la  tristessa  e  lou 
dôu  de  la  pas  alamanda  *.  » 

Si  nous  n'avons  rien  à  retrancher  de  ce  compte  rendu,  nous  avons 
cependant  à  formuler  un  désir,  celui  de  voir  M.  G.  entreprendre  une 
œuvre  dramatique  dont  le  caractère  soit  à  la  fois  moins  lyrique  et 
plus  varié.  Nous  lui  réclamerions  volontiers  la  traduction  en  vers  de 
quelques-uns  des  drames  de  Lope  ou  de  Calderon.  Ses  brillantes 
qualités  de  poëte  trouveraient  là  des  succès  que  le  théâtre  méri- 
dional n'aurait  pas  à  dédaigner,  quelle  que  soit  la  richesse  relative 
de  son  répertoire. 

A.  Roque-Feerier. 


PÉRIODIQUES 


Romania,  34.  —P.  177.  H.  d'Arbois  de  Jubain ville  et  G.  Paris, 
la  Versification  irlandaise  et  la  versification  romane.  M .  G.  Paris  soutient 
contre  M.  Bai'tsch  l'origine  latine  de  notre  ancienne  versification  po- 
pulaire. En  quoi  je  suis  de  son  avis.  Je  crois  encore  avec  lui  que  notre 
vers  de  quinze  syllabes  dérive  du  septénaire  trochaïque .  P.  187,  le  vers 

Ad  celi  Clara  non  sum  dignus  sidéra 
est  le  eénaire  iambique  si  usité  chez  les  Grecs  et  chez  les  Latins. 
P,  192 .  [P.  Meyer.  Les  Troisièmes  Personnes  du  pluriel  en  provençal. 
Article  très-intéressant,  où  l'histoire  et  la  répartition  géographique  des 
diverses  formes  de  la  3®  pers .  du  pluriel  en  langue  d'oc  sont  étudiées 
avec  le  plus  grand  soin  et  le  plus  grand  détail .  Les  documents  qui 
ont  servi  de  base  à  ce  savant  mémoire  étant,  pour  l'ancienne  langue, 
les  plus  nombreux  qu'il  soit  probablement  possible  de  se  procurer  et, 
dans  tous  les  cas,  a  qu'aucun  philologue  voué  aux  études  provençales 
ait  jamais  eus  à  sa  disposition  »,  comme  le  fait  justement  remarquer 
M.  Meyer  lui-même,  on  peut  en  considérer  les  résultats  comme  suffi- 
samment assurés  dans  leur  ensemble.  Je  le  constate  avec  d'autant  plus 
de  satisfaction,  que  ce  sont  les  mêmes,  ou  à  bien  peu  près,  auxquels 
mes  propres  recherches  m'avaient  conduit.  Le  travail  de  M.  Paul 
Meyer  n'est  pas  cependant  absolument  exempt  d'erreurs.  J'en  relè- 
verai d'abord  une  à  la  rectification  de  laquelle  je  suis  intéressé  per- 

'  A.  Roque-Ferrier,  Rapport  présenté  à  la  Maintenance  du  Languedoc,  le 
26  septembre  1880  ;  imprimé  dans  ïArmanac  Rouman  per  Vannada  1881 . 


44  PERIODIQUES 

sonnellement.  P.  197.  «  Maintenant  encore  la  iorme  au  (habmt)  bo  tb" 
trouve  en  bas-limousin,  selon  M.  Chabaneau^^  Je  dois  dire  toute- 
fois qu'il  eût  été  à  désirer  que  l'auteur  de  la  Grammaire  limousine  eût, 
dans  ce  cas  et  en  maintautre,  précisé  ce  qu'il  entend  par  bas-limousin. 
De  Tulle  àNontron  (que  M.  Chahaneau  fait  entrer,  au  moins  au  point 
de  vue  linguistique,  dans  le  bas^limousin)^  il  y  a  près  de  100  kilo- 
mètres. . .»  Comment  M.  Paul  Meyer,  avant  de  m'attribuer  une  opi- 
nion si  extraordinaire,  n'a-t-il  pas  songé  à  vérifier  si,  en  effet,  je  l'avais 
émise  ?  Il  aurait  trouvé,  à  la  page  2  de  la  Grammaire  qu'il  veut  bien 
citer,  les  lignes  suivantes  :  «  Il  y  faut  distinguer  [dans  le  limousin, 
considéré  comme  espèce  linguistique]  trois  sous- espèces,  correspon- 
dant à  peu  près  aux  divisions  géographiques  du  domaine  de  ce  dia- 
lecte, savoir  le  haut-limousin,  le  bas-limousin  et  le  périgourdin .  Celle-ci 
est,  par  ses  caractères,  intermédiaire  entre  les  deux  autres.  C'est  à  elle 
qu'appartient  la  variété  de  Nontron,  prise  ici  pour  type  de  tout  le 
dialecte.»  Quant  à  ce  que  j'entends  par  bas-limousin,  était-il  néces- 
saire de  le  dire  plus  précisément?  N'est-il  pas  assez  clair,  par  les  lignes 
que  je  viens  de  transcrire,  que  le  bas-limousin  est,  en  gros,  pour  moi 
comme  pour  tout  le  monde,  le  langage  du  Bas  Limousin,  c'est-à-dire 
du  département  de  la  Corrèze,  chef -lieu  Tulle,  de  même  que  le  péri- 
gourdin  est  celui  de  la  Dordogne  et  le  haut-limousin  celui  de  la 
Haute- Vienne  ?  J'aurais  cru  faire  injure  à  mes  lecteurs  de  mettre  tant 
de  points  sur  mes  t. 

P.  198.  Parmi  les  textes  qui  offrent  les  formes  en  aun,  au, 
M.  Meyer  n'aurait  pas  dû  oublier  Flamenca.  Il  aurait  pu  citer  égale- 
ment le  chansonnier  d'Oxford,  et,  parmi  les  documents  purement  lo- 
caux, les  coutumes  de  Cahors  et  celles  de  Saint- Antonin.  Aujourd'hui 
ces  formes,  généralement  affaiblies  en  ou,  se  constatent  dans  l'Hé- 
rault (  Bézîers,  Quarante  ),  l'Aveyron,  le  Tarn,  le  Tam-et-Graronne,  le 
Cantal,  le  Lot,  la  Corrèze,  la  Creuse  orientale  *.  En  Provence,  on  en 
trouve  encore  des  exemples  au  milieu  et  à  la  fin  du  XVI®  siècle. 
(  Chansons  du  Garrateyron,  La  Bellaudière .  ) 

P.  200.  Je  m'étonne  que  M.  Meyer,  qui  cite  estou,  d'après  les  Leys 
d  amors,  avec  hoUy  vou,  fou,  ne  mentionne  pas  les  formes  d'où  ceUe-là 
dérive,  à  savoir  estaun  et  estau  (lat.  *staunt;  cf.  estau  =  *stao), 
Estaun  et  estau  sont  dans  le  Mémorial  des  nobles  de  Montpellier.  J'ai 

*  M.  Paul  Meyer  peut  s'en  assurer  facilement  en  feuilletant  le  dictionnaire 
de  Béronie  ou  en  relisaat  le  poëme  qu'il  cite  dans  la  note  4  de  la  page  205. 

'  Vaount  =  vont^  faount  =  font  (  Jean  Petit,  Essais  en  patois  7nat^ 
chois,  p,  6  eil  )  ;  mais  ibid.,  oun  =  habent;  foroun  =^  feront.  Ces  der- 
nières formes  provienneQt  peut-être  de  formes  antérieures  où  ou  était  diph- 
thongue  (  affaiblissement  de  au). 


PBRIQDIQnBS  45 

troavé  auBsi  cette  dernière  forme  dans  un  document  date  de  Gaillac, 
1221  (Compayré,  374).  On  la  rencontre  enfin  dans  le  descort  dont 
M.  Meyer  parle  p.  198,  au  v.  81.  H  y  a  eatan  dans  son  édition  ;  mais^ 
d'après  une  copie  de  M.  Boucherie  que  j'ai  soas  les  yeux,  le  ms.  porte 
plutôt  estau. 

Ibid,  Pourquoi,  citant  les  LeySy  M.  Meyer  ne  parle-t-il  pas  aussi 
du  Donat  provençaly  qui  mentionne  également  les  futurs  en  au,  sans 
les  donner  pour  fautifs,  comme  les  Leys  f 

P.  202.  Il  eût  été  bon  de  faire  observer  que  la  substitution  de  ien 
à  ian,  en  Provence,  n'est  qu'une  application  de  la  règle  générale  qui, 
dans  le  dialecte  de  cette  province  et  d'une  partie  du  Languedoc,  a  fait 
partout  afEaiblir  en  e  (  et  non  en  o  comme  ailleurs  )  Va  suivant  un  i 
tonique.  Habebat  y  est  devenu  aviey  comme  kabebant  auier»,  formes 
dans  lesquelles,  pour  le  rappeler  en  passant,  l'accent  s'est  porté  de  l't 
consonnifié  sur  Ve, 

P.  202.  M..  Meyer  aurait  pu  ici  ou  un  peu  plus  loin  dire  un  mot 
d'une  modification  de  la  forme  en  io  (  =  *iunt  pour  ianty  eant),  dont  il 
a  signalé  lui-même  autrefois  des  exemples  anciens  :  je  veux  parler  de 
itt,  développé  plus  tard  en  ieu.  Ce  iu  est  plusieurs  fois  dans  Flamenca. 
Je  le  remarque  encore  dans  une  charte  de  1196,  imprimée  dans  les 
Archives  d'Agent  p.  2  {faziu^  auriu^  voliu^  podiu  ).  Raimond  de  Cornet 
(  de  Saint- Antonin)  a  sieu  {=sian)  rimant  avec  vieu  [Lexique  roman  I, 
469).  Je  trouve  la  même  forme  dans  un  document  daté  de  Rodez,  1218, 
mais  publié  d'après  une  copie  postérieure,  etcofioj(S»6udans  une  charte 
du  Tarn  de  1328.  Aujourd'hui  ces  formes  sont  en  usage  en  divers 
lieux,  par  exemple  à  Alais  (Gard). 

P.  206.  Il  n'eût  pas  été  hors  de  propos  de  rappeler  que  Hugue  Fai- 
dit  ne  donne  nulle  part,  dans  ses  paradigmes,  de  formes  en  an.  Les 
seules  qu  il  connaisse,  les  seules  tout  au  moins  qu  'il  considère  comme 
correctes,  puisqu'il  n'en  mentionne  pas  d'autres,  sont  celles  en  on  et 
en  en,  et  il  les  donne  partout,  dans  toutes  les  conjugaisons  et  à  tous 
les  temps,  comme  également  légitimes. 

P.  210.  M.  Meyer  se  trompe  lorsqu'il  dit  que  «le  patois  de  Limoges 
conserve  an  partout  où  il  y  a  en  latin  anU  »  Ruben,  auquel  il  renvoie, 
n'a  pas  commis  cette  erreur.  Là,  comme  en  Périgord,  en  s'est  substitué 
à  an  à  l'indicatif  présent  de  la  première  conjugaison  (chanten  et  non 
chantan). 

P.  211.  M.  Paul  Meyer  explique  ici,  comme  moi,  par  l'analogie  de 
au,  cantarau,  etc.,  les  formes  comme  aviau^  cantarlau,  siau,  etc.;  mais 
il  ne  se  demande  pas  pourquoi  an  est  ainsi  passé  à  au  seulem  ent  après 
1/ pourquoi,  par  exemple,  cantavan  n'est  pas  devenu  cantavau  comme 
avion  est  devenu  aviau.  Je  pense  que  c'est  parce  que  cantavan  est  tou- 
jours resté  paroxyton,  tandis  que  avian  a  dû  de  très-bonne  heure,  dans 


46  PÉRI0D1QT7BS 

le  langage  courant,  devenir  oxyton,  i  se  faisant  consonne  et  l'accent, 
par  suite,  se  portant  sur  Va.  Cette  modification  phonique  une  fois  opé- 
rée, la  finale  an  d^avian  se  trouva  dans  la  même  condition  que  celle  de 
fan,  van,  estan,  han  et  des  futurs,  et  l'on  comprend  que  Panalogie  y 
ait  amené  son  changement  en  au  dans  quelques-unes,  tout  au  moins, 
des  contrées  où  les  formes  classiques  en  an  (han,  fan,  van,  etc.)  avaient 
pour  correspondantes  des  formes   en  au* . 

Je  trouve  dans  mes  notes  que  ces  formes  en  iau  pour  tan  (impar- 
fait, conditionnel,  subjonctif  présent)  vivent  aujourd'hui,  non -seule- 
ment dans  le  parler  du  Cantal  et  de  l'Aveyron,  mais  encore  dans  ce- 
lui du  Lot,  de  la  Corrèze,  du  Tarn  et  d'une  partie  de  l'Hérault  Pour 
l'ancienne  langue,  les  seuls  exemples  que  l'on  eh  connût,  ou  du  moins 
que  j'en  connusse,  avant  l'article  de  M.  Paul  Meyer,  étaient,  avec 
ceux  des  Leys  d^amors,  les  cinq  ou  six  que  fournit  la  Coutume  d'Alais. 
M.  Meyer  en  fait  connaître  trois  de  plus,  relevés  par  lui  dans  des  do- 
cuments de  1183,  1193  et  1201,  qui  sont  datés  de  Dourgne  (Tarn) 
et  de  Rodez.  Ce  sont  faziau  (deux  fois)  et  soliau^. 

D'autres  formes  analogiques  que  M.  Meyer  aurait  pu  signaler  sont 
celles  qui  résultent  de  la  substitution  de  ia  à  Va  pur  dans  les  impar- 
faits de  la  l'«  conjugaison  :  amavian  (d'où  amavien)  pour  amavan 
(Provence,  partie  voisine  du  Languedoc).  Il  serait  naturel  que  des 
formes  pareilles  donnassent  naissance  à  amaviau,  là  où  l'on  dit  amarau. 
Le  plus  ancien  exemple  que  j'en  connaisse  est  de  1408  :  «  E  semhlavian 
maysparaulas  divinas  quehumanals.»(Pe<^^  Thalamus  de  Montpellier 
447.) 

P.  212.  Quelle  nécessité  y  a-t-il  de  faire  absorber  l'une  par  l'autre,, 
dans  le  latin  même,  les  flexions  unt  et  eut?  Dans  l'hypothèse  de 
M  Meyer,  qui  veut  que  ent  ait  disparu  devant  ant,  il  faut  supposer 

*  Ce  doit  être  aussi  &  la  suite  d'une  contraction  que  tuan,  de  tuar,  a  pro- 
duit tuau,  si  cette  forme  que  je  lis  dans  un  extrait  du  Catéchisme  rouergat 
de  1656  est  bien  sûre. 

2  M.  Paul  Meyer,  à  propos  de  ces  formes  en  iau=:  ian,  remarque  qu'elles 
«  sont  loin  d'être  récentes,  comme  il  était  assez  légitime  de  le  supposer  à  pre- 
mière vue  et  comme  on  l'a  en  effet  supposé  »,  et  il  renvoie  à  la  Revue  des  lan- 
gues romanes,  3,  II,  77,  où  ces  formes  sont  en  effet  qualifiées,  non  pas  sim- 
plement de  «  récentes  »,  mais  de  <t  relativement  récentes  ».  L'adverbe  ici  a  son 
importance,  et  je  m'étonne  que  M.  Meyer,  en  me  citant,  l'ait  omis.  Je  m'étonne 
également  qu'il  n'ait  pas  compris  qu'un  soin  plus  pressant  que  celui  de  rele- 
ver une  erreur  de  chronologie,  —  d'ailleurs  imaginaire,  car  les  formes  en  iau 
seront  toujours  relativement  récentes,  —  de  la  Revue  des  langues  romanes, 
devait  l'occuper.  Je  veux  dire  celui  de  rectifier  l'assertion  aussi  absolue  que 
surprenante  («  on  n'a  jamais  dit  aviau  »  [Romania,  VIII,  14)),  à  laquelle  les 
lignes  de   la  Revus  qu'il  vise  faisaient    précisément   allusion. 


PÉRIODIQUES  47 

que  debentj  par  exemple,  changé  d'abord  en  *dehuiUj  est  ensuite  devenu 
deven,  grâce  à  une  nouvelle  modification  qui  a  ramené  cette  forme  de 
debere  à  son  point  de  départ.  Combien  n'est-il  pas  plus  simple  et  plus 
raisonnable  à  la  fois  d'admettre  que  ant^  ent,  unty  existant  encore 
simultanément  au  moment  où  la  langue  d'oc  s'est  dégagée,  ont  pro- 
duit respectivement  an,  en,  on  (o),  qui  ensuite,  selon  les  dialectes, 
ont  gagné  ou  perdu  plus  ou  moins  de  leur  terrain  héréditaire,  en 
sorte  que  an  et  en  se  sont  vus  supplantés  par  on  (o)  dans  le  Quercy, 
le  Rouergue,  etc.;  on  au  contraire,  et  en  partie  an,  par  en^  dans  le 
Limousin,  la  Gascogne  et  tout  le  domaine  catalan. 

P.  213.  Les  formes  gasconnes  en  m,  dont  M.  Paul  Meyer  ne  se 
rend  pas  bien  compte,  sont  pour  moi  le  résultat  de  la  réduction, 
parfaitement  normale  en  cet  idiome,  des  groupes  atones  ia  et  tti  ou 
te  à  i.  Eesponin  :  *re»pondiant  =pre8enci  :  prœsentia;  —  avdin  :  au- 
diunt  =z  remedi  :  remedium.  On  peut  expliquer  de  même  tenin  par 
*teneunt,  ajustin  par  *adjuxteant  ;  mais  cela  n'est  pas  indispensable, 
étant  clair  que  la  flexion  m,  une  fois  dégagée,  a  pu  être  prêtée  par 
analogie  à  des  verbes  qui  n'avaient  aucun  droit,  étymologiquement, 
à  la  recevoir.  Du  reste,  ian  et  mi  existent  aussi  en  gascon,  et  parfois 
concurremment  avec  in  dans  les  mêmes  textes  .  —  C.  C. 

P.  216.  Gaston  Raynaud,  les  Congés  de  Jean  Bodel,  M.  G.  R.  fixe 
la  date  de  cet  opuscule  (1205),  classe  les  sept  mss.  qui  nous  Pont 
conservé,  en  détermine  la  valeur,  et  prouve  que  6  strophes  sur  47 
ne  sont  pas  de  Jean  Bodel.  Cette  étude  préliminaire  est  complétée 
par  des  recherches  détaillées  et  méthodiques  sur  la  langue  et  la  ver- 
sification de  l'auteur,  qu'il  hésite  encore  à  identifier  avec  Pauteur  de 
la  Chanson  des  Saisnes.  Nous  avons  peu  d'observations  à  présenter 
sur  cette  notice  substantielle  et  bien  faite  *. 

*  [  P.  233,  note.  —  M.  R.  hésite  à  séparer  de  la  strophe  XXXll  a,  qui 
rime  en  ers,  puisqu'elle  ne  donne  à  la  rime  que  des  e  ayant  pour  base  un  e 
long  ou  un  i  bref,  la  strophe  VI  a,  qui  rime  en  èrs,  puisqu'elle  n'offre  que  des 
mots  ayant  en  latin  un  e  en  position,  et  il  les  comprend  toutes  deux  sous  la 
rime  èrs.  Nous  croyons  que  c'est  à  tort.  De  même,  la  strophe  XlX  a  rime 
en  et  et  non  en  et,  et  la  strophe  XVIll  a  en  été  et  non  en  ète.  Dans  cette  der- 
nière, 7'ete  =  reputat,  qui  se  trouve  au  milieu  d'e  provenant  d'i  bref  ou  d'e 
long,  ne  fait  difficulté  que  si  l'on  se  croit  obligé  d'admettre  sans  conteste  cette 
étymologie.  N'y  aurait-il  pas  lieu  de  revenir  à  Tétymologie  rejetée  par  Diez, 
à  rectare  (  lat.  moyen  )  ?  La  strophe  serait  ainsi  correcte,  et  la  règle  qui  as- 
signe aux  deux  e  leur  domaine  distinct  ne  serait  point  violée.  L  Constans.J 
—  Rete  =  re[dl  -  putat,  de  même  que  relliquiae,  relligio,  doublets  de 
reliquiae,  religio  =  red-liquiac,  red-ligio%  L'étymologie  proposée  par  Diez 
est  donc  toujours  valable,  à  condition  de  la  compléter;  autrement  il  est 
certain  que  reputat  aurait  produit  riete  et  non  rete.  Quant  à  *  recta,  que 


48  PéRIODIQXTBS 

V.  115.  Tost  monte  uns  hom  corne  amiraus, 
Et  tost  rekiet  corne  orinaus. 

Au  Glossaire,  M.  G.  R.  traduit  orinaus  par  «vase  de  nuit,  pris  au 
sens  dépréciatif .  »  Orinaus  =  urinalis  est  ici  synonyme  de  urinator, 
plongeur.  — P,  248.  J.  Ulrich,  le  Catéchisme  romaunsch  de  Bonifaci. 
—  P.  288.  V.  Smith,  Chants  populaires  du  Velay  et  du  Forez,  Trois 
Retours  de  guerre.  Pièce  I,  v.  2,  le  1«'  hémistiche  est  trop  court  ;  v.  3, 
le  1er  hémistiche  est  trop  long;  v.  9,  le  l®r  hémistiche  se  termine 
exceptionnellement  par  une  syllable  masculine.  Par  quel  artifice  sup- 
plée-t-on  dans  le  chant  à  l'absence  de  l'atone?  Pièce  II,  v.  21,  le 
1°-  hémistiche  est  trop  court.  Est-ce  que  Ve  de  pauvre  ne  s'élide 
pas?  —  P.  294.  Mélanges:  \°  Notes  sur  la  langue  vulgaire  d'Espagne 
et  de  Portugal  au  haut  moyen  âge  (712-1200).  Jules  Tailhan.  2<*  Sui 
ce  Miracles  de  Nostre-Dame en  provençal.  j>  Musbblûh.So  Chevrette,  cre- 
vette. 4o  Tangue,  tangue,  Ch.  Joret.  5o  Les  Filles  des  for  g  es  dePaim- 
pont,  ronde  bretonne,  J.  Fleury.  —  P.  305,  Comptes  rendus.  1»  Cari 
von  Reinhard-Stoettner,  GrarrimatiJc  der  Portugie-sischen  Sprache  auf 
Grundlage  des  lateinischen  und  der  romanischen  Sprachvergfei- 
chung  bearbeitet  (J.  Ulrich).  Petf  favorable.  2o  Charles  Aubertin, 
Histoire  de  la  langue  et  de  la  littérature  françaises  au  moyen  âge, 
d'après  les  travaux  les  plus  récents.  T.  II,  Paris,  Belin,  1878  (G.  P.). 
Sévère.  3^  Ueher  den  Streit  von  Leih  undsecle.  Ein  beitrag  zur  Ent- 

wicklungsgeschichte   der  visio  Fulberti von  Gustav  Kleinert 

(G.  P.  ).  Très-défavorable.  4o  L.  de  Montille,  Chronicques  des  faits  de 
f eurent  Monseigneur  Gerat  de  Rossillon  (P.  M.).  Très-défavorable. 
5o  Guido  Biagi,  Le  Novélle  antihedei  Codici  Paneiatichiano — Palatino 
138®  Laurenziano  —  Gaddiano  193  (P.  M.^  Favorable.  6o  Franz  Mi- 
klosich,  Ueber  die  Wanderungen  der  Rumanen  in  den  dalmatinischen 
Alpen  wnd  den  Karpaten  (Antonio  Ive  ).  Article  très-intéressant.  Favo- 
rable. 7'»  Paul  Sébillot,  Contes  populaires  delà  Haute  Bretagne  (G.  P.). 
Favorable.   —  P.  S30.  Périodiques.  — P.  342.  Chronique. 

A.  B. 

«  Les  deux  articles  que  j'ai  insérés  dans  la  Revue  des  langues  ro- 
manes m'ont  valu  un  compte  rendu  de  M.  Meyer.  Je  me  borne  à 
deux  remarques:  1°  c'est  à  un  article  de  la  Romania  que  j'ai  em- 
prunté les  renseignements  bibliographiques  d'où  j'ai  induit  que  le  fa- 
bliau en  question  était  inédit  ;  2°  j 'ai  relevé  (p .  58-59)  la  confusion 
qui  estfaite,  dans  l'article  de  la  Romania,  entre  les  deux  formes  qu'af- 
fecte le  plus  souvent  cette  légende  :  l'on  a  d'un  côté  Kornmann,  Pros- 

suppose  M.  Gonstans,  il  aurait  donné  reite  ou  roite,  forme  inadmissible  dans 
la  série  des  rimes  en  ete.  —  A.  B. 


GHB0N1QUB  49 

per  Mérimée,  H.  Heine;  de  Tautre,  Vincent  de  Beauvais,  le  Miracle 
provençal,  Gautier  de  Coincy,  entre  deux  la  version  de  la  Vie  des 
Pères  Hey^mites,  M.  Meyer  ne  dit  rien  de  tout  cela.  —  Le  fabliau  se 
trouve  dans  le  Nouveau  Recueil  de  Méon  :  il  suffisait  d'y  renvoyer  le 
lecteur.  Je  ne  cache  pas  que  j'ai  été  surpris  du  ton  de  M.  Meyer  : 
ignore-t-il  que,  depuis  le  moyen  âge,  on  ne  joute  plus  qu'à  armes 
courtoises?  »  —  F.  C.  » 


CHRONIQUE 


Le  Bureau  de  la  Société  pour  l'année  1881  a  été  composé  de  la  ma- 
nière suivante  :  Président,  M.  Antonin  Glaize,  chargé  de  cours  à  la 
Faculté  de  droit;  —  Vice-président,  M.  Mie-Keittinger  ;  —  Secrétaire, 
M.  A.  Roque-Ferrier ;  —  Trésorier,  M.  Louis  Lambert; —  Vice-Se- 
crétaire, M.  P.-J.  Itier;  —Archiviste,  M.  Folie-Desjardins;  — jBi- 
bliothécaire,  M.  Etienne  Gleizes;  —  BibUothécaire-adjoint,  M.  C. 
Gauthier. 


Communications  faites  en  séance  de  la  Société.  —  2  février.  — 
Les  traductions  de  la  bulle  Ineffahilis  dans  les  dialectes  de  langue 
d'oc  et  de  langue  d'oil,  par  M.  V.  Smith; 

Fragments  d'une  comédie  satirique  en  vers  provençaux,  de  feu 
l'abbé  Lambert,  par  M .  Louis  Roumieux  ; 

Une  version  en  vers  lo dévois  du  Sermon  du  curé  de  Pierre-Buf- 
fière,  par  M .  Guichard  ; 

Lettre  en  vers  provençaux  sur  les  représentations  théâtrales  des 
nègres  d'Alger,  par  M.  Louis  Roumieux  ; 

16  février.  —  Lou  Pin  e  lou  Caniè,  fable  languedocienne  (Lan- 
sargues  et  ses  environs),  par  M.  A.  Langlade; 

2  mars .  —  Les  substantifs  français  courtois,  discourtois,  etc . , 
par  M.  A.  Boucherie; 

Le  nom  du  château  de  la  Lauze  (lausa,  la  lausa,  là  lauza,  et 
sa  signification  languedocienne,  par  M.  A.  Roque-Ferrier.; 

A  moun  amie  Bertoumîeu  Bedbs,  poésie  languedocienne  (Mont- 
pellier et  ses  environs),  par  M.  Coulazou; 

16  mars.  —  A  Victor  Hugo,  poésie  provençale  (Avignon  et  les  bords 
du  Rhône),  par  M.  Théodore  Aubanel  ; 

Bernât  de  Ventadour,  poëme  limousin,  par  M.  l'abbé  Joseph  Roux  ; 

Epître  en  vers  languedociens  (Montpellier  et  ses  environs)  (1851), 
par  M .  Louis  Roumieux  ; 

Note  sur  la  déclinaison  du  pronom  relatif  français,  par  M.  Clédat; 

Lettre  en  vers  provençaux  (Nimes  et  ses  environs),  par  M.  Louis 

Roumieux. 

* 
«  * 

La  collection  des  publications  spéciales  de  la  Société  s'est  aug- 
mentée de  deux  volumes.  Le  premier  est  dû   à  M.  J.-F.  Thénard,  et 


50  OHROîïIQUE 

il  renfenne,  avec  un*^  préface  et  des  notes,  les  Mémoires  ou  Livre 
de  raison  d*un  bourgeois  de  Marseille  (1674-1726),  in-8",  xii-196 
pages  ; 

Le  deuxième  comprend  un  poëme  italien  du  XlIIe  siècle,  en  ccxxxii 
sonnets,  imité  du  Roman  de  la  Rose,  par  Durante,  et  publié  pour  la 
première  fois,  ayec  une  introduction,  des  notes  et  un  fac-similé,  par 
M.  Ferdinand  Castets,  in-8**,  xxiv-184  pages  ; 

La  Société  a  fait  distribuer,  en  outre,  le  dernier  fascicule  du 
tome  III  du  Dictionnaire  des  idiomes  romans  du  midi  de  la  France , 
par  M.  Gabriel  Azaïs,  in-8»,  pages  529  à  828. 


Livres  et  manuscrits  donnés  a  la  bibliothèque  de  la  Société.— 
Quatre-vingts  manuscrits  gascons,  languedociens,  provençaux  et  rous- 
sillonnais,  donnés  par  M.  Gabriel  Azaïs,  de  Béziers  ; 

Albumul  macedo-roman,  sub  directiunelui  V.-A.  Urechia.  Bucu- 
resci,  Socecu,  Sanderet  Teclu,  1880,  in-folio,  viii- 144  pages,  fig.  et 
planches  (don  de  M.  V.-A.  Urechia,  député  au  Parlement  roumain); 

Associaciô  d'exursiôns  catalana.  Vettlada  necrolôgica  celebrada  en 
lo  dia  20  de  desembre  de  1878,  pera  honrar  la  memoria  dels  Catalans 
illustres  morts  durant  Fany.  Barcelona,  Ramirez,  1881,  in-8°,  32  pa- 
ges (  don   de  l'Association   catalane   d'excursions  scientifiques); 

Athénée  de  Forcalquier  et  Félibrige  des  Alpes .  Félibrée  de  Saint- 
Maime.  14  juin  1880.  Forcalquier,  Masson,  1880.  in-8o,  16pag.  (don 
du  Félibrige  des  Alpes  )  ; 

Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  Béziers.  Compte  rendu  de 
la  séance  publique  tenue  le  14  mai  1874.  Béziers,  Malinas,  1874, 
in-8e,  60  pages  (don  de   M.  Gabriel  Azaïs); 

Certamen  catalanis ta  de  la  Joventutcatôlica  de  Barcelona.  Any  1880. 
Barcelona,  Estampa  peninsular  [1881],  in-4»,  372  pages  (don  de  la 
Société:  la  Jeunesse  catholique  de  Barcelone)  ; 

Cigalo  d'or  (la), —  publicacioun  del'Escolo  felibrenco  delà  Miôu- 
grano,  espelissènt  lou  dimenche.  Nimes,  Baldy-Riffard,  1877,  dix  nu- 
méros in-folio  (don  de  M.  Gabriel  Azaïs); 

Conférences  cantonales  du  diocèse  d'Auch,  1881-1882-1883.  Histoire 
paroissiale.  Auch,  Cocharaux,  1881,  in-12,  24  pages  (don  de  S.  G. 
l'archevêque  d'Auch); 

Dominique,  journau  dôu  Gai-Sabé,  espelissènt  lou  dimenche.  Ni- 
mes, Baldy-Biifard,  1876  et  1877,  vingt  et  un  numéros  in-folio  (don 
de  M.  Gabriel  Azaïs); 

Prouvençau  (lou),  journau  litèrari,  Ais-en-Prouvenço,  Roumo  e 
Mount-pelié,  1877,  1878  e  1879,  soixante-trois  numéros  in-folio  (don 
de  M.  Gabriel  Azaïs); 

U  reclam  de  mountanhe,  poésies  béarnaises.  Première  partie. 
Lous  Herums,  fables,  sujets  tirés  d'adages,  de  dictons  et  de  lé- 
gendes du  pays.  Deuxième  partie.  D'Espourrii  à  St-Sabii,  pastorale 
philharmonique  en  trois  actes,  musique  avec  accompagnement  de 
lyre  ou  de  piano.  Dictionnaire  béarnais-français  des  mots  ramenés 
dans  cet  ouvrage  avec  des  indications  étymologiques,  par  Jean- 
Louis  Lacontre;  traduction  en  vers  français,  par  Gabriel  Pon-Gondry. 
Dax,  Herbet,  1870,  in-4o,  52-35  pages  (don  de  M.  Gabriel  Azaïs); 

Mémoires  ou  livre  de  raison  d'un  bourgeois  de  Marseille,  publiés 
avec  une  préface  et  des  notes,  par  M.  J.-F.  Thénard.  Montpellier, 


CHRONIQUE  51 

au  Bureau   des  publications  de  la  Société  pour  Tétude  des  langues 
romanes,  1881,  in-S®,  xii- 196  pages  ; 

Statuti  civili  e  criminali  di  Corsica,  pubblicati,  con  addizioni  iné- 
dite e  con  una  introduzione,  per  munificenza  del  Conte  Carlo  Andréa 
Pozzodiborgo,  da  Gio.  Carlo  Gregorj.  Lione,  Dumoulin,  1843,  2  vol. 
in-8»,  cLx-276-196  pages  (don  de  M.  Mie-Keittinger); 

Alvergne  (Louis)  ;  los  Flous  dé  lo  moimtagno,  poésies  patoises 
amusantes,  pastorales,  descriptions,  dialogues  comiques,  etc.  Rodez, 
de  Broca,  1880,  in-12,  284  pages  ; 

Angleviel  :  Poésies  languedociennes  [préface  patoise.  l'Hiver,  le 
Printemps].  Ms.  in-4o..S.  D.  28  pages  (don  de  M.  Louis  Roumieux); 
Azaïs  (Gabriel)  :  Dictionnaire  des  idiomes  romans  du  midi  de  la 
France,  comprenant  les  dialectes  du  haut  et  du  bas  Languedoc,  de 
la  Provence,  de  la  Gascogne,  du  Béam,  du  Quercy,  du  Rouergue, 
du  Limousin,  du  Dauphiné,  etc.,  tome  III  (3e  livraison).  Montpellier, 
Bureau  des  publications  de  la  Société  pour  l'étude  des  langues  ro- 
manes, 1881,  in-8o,  pages  529  à  828  ; 

[Bonaparte- Wyse]  :  Uno  siblado  is  Arquin,  o  sèt  peço  de  ver» 
prouvençau  dins  Ja  manière  de  François  Villon  (1431-1461),  o  (pér 
miéus  dire  )  emé  la  mesure  de  quàuqui  pouësio  d*éu.  Waterford, 
Walley,  1880,  in-8^  16  pages  ; 

Cazos(Bictor):  Claourisses  de  Sen-Bertran.  Saint-Gaudeiis,Abadie, 
1859,  in-8o,  40  pages  (don  de  M.  Gabriel  Azaïs); 

Durante  :  Il  Fiore,  poëme  italien  du  XII le  siècle,  en  ccxxii  son- 
nets, imité  du  Roman  de  la  Rose,  texte  inédit  publié  avec  fac-similé, 
introduction  et  notes,  par  Ferdinand  Castets.  Montpellier,  au  Bureau 
des  publications  de  la  Société  pour  Tétude  des  langues  romanes, 
1881,  in-80,  XXIV- 184  pages  ; 

[Floret(Balthazar)]:  la  Franco  en  1856.  Béziers,  Fuzier,  1856,  in-S®, 
4  pages  (don  de  M.  Gabriel  Azaïs); 

[Floret  (Baltbazar)]:la  Franco  en  1 859.  Béziers,  Fuzier  1,859,  in-80, 
4  pages  (don  de  M.  Gabriel  Azaïs); 

Garbea(G.-0.):  Aurora,  calendaru  ilustratu  pe  1881.  Bucuresci, 
editura  librariei  «  Aurora  »,  1880,  in-4o,  64  pages,  ng.  (don  de  M.  V.-A. 
Urechia,  député  au  Parlement  roumain)  ; 

Malval  (F.)  ;  Étude  des  dialectes  romans  ou  patois  de  la  basse 
Auvergne.  Clermont-Ferrand,  Vigot,  1878,  in-12,  190  pages  (don  de 
M.  Rousseau,  libraire,  à  Clermont); 

Martin  (F.-R.).Histoiradé  moun  Recul  dé  fablas  ou  galimatias  en 
rimas.  Toulouse,  Laboufsse-Rochefort,  1846,  in-80,  12  pages  (tiré  à 
vingt-cinq  exemplaires)  (don  de  M.  Gabriel  Azaïs); 

Martin  :    Essai  d'un  dictionnaire  bayonnais-français.    Manuscrit 
in-8»  de  86  pages  doubles  (  don  de  M.  le  docteur  Noulet)  ; 
.     Monier  (0.)  :   Une  felibrejade,  ou  le  Gai  Savoir  à  Toulon.  Copie 
manuscrite  in-4o  de  12  pages,  1881  (don  de  M.  Frédéric  Mistral)  ; 

Roumieux  (Louis)  :  Bèlli  Santo,  sus  l'èr;  0  Mario!  la  patrio,  etc. 
Avignoun,  Aubanel  [1879],  in-8°,  4  pages; 

Roumieux  (  Louis  );  Bon  Viage!  à  moun  jouine  ami  Adalbert  Char- 
vet,  k  l'oucasioun  de  soun  mariage  emé  la  gènto  Mario  Florisonne. 
Mount-pelié,  1880,  in-80,  4  pages  ; 

Roumieux  (Louis):  Cansoun  nouvialo  pèr  lou  mariage  de  M.  G.  de 
Casamajor,  d  Argié.  Nimes,  Roumieux,  1873,  in  8°,  8  pages  ; 
Roumieux  (Louis):  La  Bisco,  coumèdi  prouvençalo  en  dous  ate  e 


5S  OHROMICIXTE 

en  vers.  Manuscrit  original,  1879,  in-8«  (sans  pagination)  (don  de 
M.  Louis  Roumieux); 

Roumieux  (Louis):  Lou  Grès.  Aies,  Martin,  1879,  in-S»,  4  pages; 

Roumieux  (Louis)  :  Nouvè-charrado .  Aies  , Martin,  1877  ,in-8<», 
4  pages; 

Roumieux  (Louis  )  :  Souto  lis  oume,  balado  d'antan.  Nimes,  Baldy- 
Riffard.  1877,  in  8°,  4  pages; 

Roumieux  (  Louis  )  :  Uno  bello  famiho .  Aies,  Martin,  1878,  in-S®, 
4  pages; 

Roumieux  (  Louis  )  :  Uno  visito .  Pèr  lou  Batèmo  de  moun  fihôu 
Louriset  Marsal.  Nimes,  Baldy,  1879,  in-8°,  4  pages  ; 

Roux  (  l'abbé  Joseph  )  :  l'Inscription  de  ^int-Viance.  Tulle,  Ma- 
zeyrie,  1881,  in-12,  22  pages  ; 

Roux  (l'abbé  Joseph):  Chanson  lemousina.  Cesaren  (avec  la  tra- 
duction française).  Tulle,  Crauffon,  1879.  in-8°,  8  pages; 

Sébillot  (Paul):  Littérature  orale  de  la  haute  Bretagne.  Paris, 
Maisonneuve  et  Cie,  1881,  in-12,  xii-400  pages  (don  de  MM.  Mai- 
sonneuve  )  ; 

Quinze  journaux  renfermant  des  textes  et  des  indications  de  na- 
ture à  intéresser  les  études  philologiques  ou  l'histoire  de  la  littérature 
méridionale,  donnés  par  MM.  Théodore  Aubanel  (1),  Marins  Bour- 
relly(l),  Camille  Laforgue  (1),  Frédéric  Mistral  (2),  Roque-Ferrier  (9) 
et  Louis  Roumieux  (1>. 


Errata  des  numéros  de  novembre  et  de  décembre  1880. 

Sermons  et  préceptes  religieux.  —  P.  118.  III.  I.  31.  «...  de 
Deu.  Aitals.  »  Lis.:  de  Deu,  aitals, 

P.  119,  V,  1.  6.  «  Annua.  »  Lis.:  Anna. 

P.  132,  XVIII,  1.  54,  «  majer.  »  Lis.:  majeir. 

P.  138.  VII,  1.  26.  «  Que  Nostre  Seiner.  »  Ces  mots  doivent  être 
mis  entre  crochets. 

P.  142,  III,  1.  1.  «(  C'om  e...  »  Liz.:  c'om  se, 

P.  143,  IV,  1.  10.  «  Membres.  »  Lis.:  Nembres. 

P.  144,  VI,  1.  44.  Remplacez  les  points  placés  après  maires  par 
eloiniar, 

La  Langue  et  la  littérature  françaises.  Réponse  a  M.Brune- 
TiÈRE.  —  P. 221,  1.  20,  deux  vélites  et  un  hoplite  ;  lisez:  deux 
peltastes  et  un  hoplite. 

P.  233,  1.  14,  l'apanage  exclusif  des  Germains,  Gaulois,  Gallo-ro- 
mains, etc.  ;  —  lisez  :  des  Germains.  Gaulois,  Gallo- Romain  s. 

Description  du  royaume  de  Chernuble. —  P. 291,  1.  3,  c'et^t  la  des- 
cription   du    royaume     de    Chernuble;  lisez   :  description    du 

ROYAUME   de  CHERNUBLE. 

P .  292,  1.  1 1 ,  employée;  lisez  :  employé. 

P.  296  (au  bas  de  lap  .),  au  XIII^  siècle;  lisez  :  an  Xlle  siècle. 

La  Légende  d'Edipe.  —  P.  303,  1.  30,    prison,  forteresse,  etc 

Effacez  etc. 


Le  gérant  responsable  :  Ernest  Hamblin. 


Dialectes  Anciens 

SPÉCIMEN 

DU    LANGÀOE    PARLÉ    DANS   LE   DÉPARTEMENT   DES   HaUTES-ALPES 
VERS  LA  FIN  DU  XII*  SIÈCLE 

«  Les  spécimens  du  dialecte  parlé  autrefois  dans  les  Hautes- 
»  Alpes  sont  extrêmement  rares.  A  notre  connaissance,  il  n'en 
»  existe  aucun  d'antérieur  au  XV*  siècle.  » 

Voilà  ce  que  nous  disions  naguère  en  publiant  un  document 
inédit,  en  langage  vulgaire  des  Hautes- Alpes,  de  l^année  1442, 
et  provenant  de  Savines,  arrondissement  d'Embrun  (v.  Spéci- 
men du  langage  de  Savmes  en  1442  ;  lecture  faite  à  la  séance 
de  ï Athénée  de  Forcalqmer,  du  14  juin  1880.  Forcalquier,  Au- 
guste Masson,  1880,  in-8**,  pag.  6  et  suiv.). 

Depuis  lors,  un  heureux  hasard  nous  a  fait  rencontrer  dans 
les  Archives  départementales  des  Hautes-Alpes  (série  H.  221  ) 
un  document  original,  en  langue  romane,  de  deux  cent  cin- 
quante années  environ  plus  ancien  que  le. précédent. 

Ce  document,  il  est  vrai,  est  sans  date  précise  ;  mais,  eu 
égard  aux  personnages  dont  il  parle,  à  l'écriture  et  à  d'au- 
tres circonstances,  il  remonte  incontestablement  à  la  fin  du 
XII*  siècle  ou,  tout  au  moins,  aux  deux  ou  trois  premières  an- 
nées du  XIII*.  Dans  cet  acte,  en  eflfët,  il  est  question  de  Sarras 
ou  Sara,  prieure  delà  chartreusine  de  Berthaud.  Or,  suivant 
d'autres  actes,  parfaitement  authentiques  {Archiv.  des  Hautes- 
Alpes,  H.  221,  2),  en  1204,  dame  Sara  était  déjà  remplacée  à 
Berthaud  par  la  prieure  Agnès. 

La  chartreusine  de  Berthaud,  à  laquelle  se  rapporte  notre 
document,  était  située  non  loin  de  Q-ap,  sur  le  territoire  de  la 
commune  actuelle  de  Rabou,  au  sein  de  ces  «  hautes  et  âpres 
«montagnes  décharnées»  qui  se  rattachent  au  puissant  massif 
du  Devoluy. 

La  fondation  du  monastère  de  Berthaud  remonte  à  l'an- 
née 1188.  A  cette  époque,  Adélaïde,  femme  d'Arnaud  Flotte, 

Tome  v  de  la  troisième  série.  •  février  1881.  5 


54        LE  LANGAGE  DBS  HAUTES-ALPES  AU  XII'  SIECLE 

seigneur  de  Montmaur,  et  ses  quatre  fils,  donnèrent  le  terroir 
de  Berthaud  aux  religieuses  de  Saint- André-de-Prébaïon  (de 
Prato  Ba%one\  près  Orange  (Vau cluse),  afin  de  s'y  transférer 
(Charte  originale  de  septembre  1188,  Arch.  des  Hautes-Alpes^ 
H.221,  1). 

n  ne  faut  point  confondre,  ainsi  qu'on  le  fait  trop  souvent, 
le  monastère  de  Berthaud,  sis  sur  la  commune  de  Rabou,  can- 
ton de  Gap,  avec  le  quartier  de  Berthaud,  qui  fait  partie  de  la 
commune  de  Yentavon,  canton  de  Laragne  (  Hautes-Alpes  ). 
Berthaud  de  Ventavon,  il  est  vrai,  est  beaucoup  plus  connu 
aujourd'hui  que  l'antique  monastère  de  Rabou,  surtout  à  cause 
de  la  ferme'école  qui  y  a  longtemps  prospéré,  sous  la  direction 
du  regretté  M.  Allier,  et  qui  vient  de  finir  si  tristement  avec 
lui.  Mais,  autrefois,  Berthaud  de  Ventavon  n'était  qu'un  sim- 
ple domaine  du  monastère  de  Rabou;  c'est  même  de  cette  cir- 
constance qu'il  a  pris  son  nom  actuel  de  Berthaud. 

La  chartreusine  de  Berthaud,  fondée  en  1188,  fut  habitée, 
sans  interruption,  par  des  religieuses  de  l'ordre  de  Saint-Bruno, 
jusqu'en  Tannée  1601.  A  cette  époque,  le  monastère  fut  sup- 
primé et  ses  biens  unis  à  ceux  de  la  chartreuse  de  Durbon  (  au- 
jourd'hui de  la  commune  de  Saint-Julien-en-Beauchène,  can- 
ton d'Aspres-lès-Vejnes,  arrondissement  de  Gap),  qui  lésa 
possédés  jusqu'à  la  révolution  de  1789  { v.  Charronnet,  Monas^ 
tères  de  Durbon  et  de  Berthaud.  Grenoble,  Alph.  Merle,  sans 
date,  in -8»,  p.  72  et  suiv.) 

La  charte  en  langue  romane  qui  nous  occupe  est  relative  à 
la  division  des  pâturages  du  territoire  de  Montmaur  (  canton 
de  Veynes,  arrondissement  de  Gap),  entre  divers  particuliers 
et  les  religieuses  du  monastère  de  Berthaud. 

Cette  charte,  de  très-petites  dimensions  (  0*,  237  millimètres 
de  large  sur  0'^,085  de  haut),  renferme  seulement  huit  lignes, 
mais  d'une  belle  et  grande  écriture:  l'écriture  minuscule  de  la 
seconde  moitié  duXlP  siècle.  Chose  singulière,  cette  écriture, 
quoique  évidemment  de  la  môme  main,  a  été  tracée  à  trois  re- 
prises différentes,  parfaitement  distinctes,  ainsi  que  le  prouve 
la  triple  couleur  de  l'encre  dont  on  s'est  servi  :  les  six  pre- 
mières lignes  sont  en  encre  noire  ordinaire  ;  les  deux  suivantes 
sont  en  encre  jaunâtre  ;  enfin  la  dernière  est  en  encre  très- 
noire. 


LE  LANGAOB  DES  HAUTES-ALPES  AU  XIP  SIÈCLE       55 

On  donnera,  d'abord,  une  copie  exacte  de  la  charte,  sans 
faire  subir  aucun  changement  à  la  division  des  mots,  à  la  ponc- 
tuation, aux  majuscules,  etc.  Cette  copie,  que  Ton  pourrait 
dire  photographique,  sera  suivie  d'une  transcription  nouvelle, 
mise  en  harmonie  avec  le  sens  du  document.  On  ajoutera  quel- 
ques notes,  en  dernier  lieu,  pour  Tintelligence  du  texte. 

Nous  nous  abstenons,  à  dessein,  de  faire  des  observations 
philologiques  ou  grammaticales;  observations  que  notre  petite, 
mais  précieuse  charte  alpine,  peut  suggérer  en  grand  nombre. 


DIVISION     DU     PATURAGB     DE    MONTMAUK 

1®  Copie  exacte  delacharie  originale. 

Le  pasquers  de  mont  maur  fait .  xu .  parties  lidionene  an  les 
set.  eles  set  tornont  encinc.  |  de  les  cinc  sont  les  does  den 
Per  rainier  demont  maur  li  terza  den  per  raimon.  eest  de 
bertaut.  li  quar  |  ta  den  aut  de  benevent.  eest  de  bertaut.  11- 
quinta  est  deuz  albertz.  esont  les  does  de  bertaut.  |  deles  au- 
tres cinc  parties,  est  liuna  parz  denfalco  devene.  edel  grimo- 
neh.'&.eestlimeita  de  bertaut^  eliautra  est  delbornos.  |  eliautra 
denoliver.  eliautra  de  père  lager.  edenodo  baudemar.  elipar- 
tia  denodo  baudemar.  est  debertaut.  eliautra  est  denablandina. 
eest  debertaut.  een  guichart  donet  a  dieu  ea  ma  donna  sancta 
maria  e  a  las  donnas  de  bertaut  la  soapart  delpasquerde  mon- 
maur  \  ededevoloi^.  ea  quest  dofez  en  lapresensa  de  la  donna 
prioressa  na  sarras  e  de  tôt  lo  covent'. 

2°  —  Transcinption  modifiée. 

Le  pasquers  de  Montmaur  fait  xu  parties.  Li  Dionene  an 
les  set,  e  les  set  tornont  en  cinc. 

De  les  cinc,  sont  les  does  d'en  Per  Rainier,  de  Montmaur  ; 
li  terza,  d'en  Per  Raimon,  e  est  de  Bertaut  ;  li  quarta,  d'en  , 
Ant[oni]  *  de  Benevent  »,  e  est  de  Bertaut  ;  li  quinta  es  deuz 
Alberz  :  e  sont  les  does  de  Bertaut. 

De  les  autres  cinc  parties,  est  li  una  parz  d'en  Falco  de  Vene  • 
e  del  Grimonehs,  e  est  li  meita  de  Bertaut  ;  e  li  autra  est  de] 
Bornos;  e  li  autra,  d'en  Oliver;  e  li  autra,  de  Père  Lager  e 


56  TRADUCOIO  GATALANA   DBL  FLOS  SANCOTRUIf 

d'6n  Odo  Baudemar,  e  li  partia  d'en  OdoBaudemar  est  doBer- 
taut  ;  e  li  antra  est  de  na  Blandina,  e  est  de  Bertaut. 

Ë  en  Guichart  donet  a  Dieu,  e  a  ma  donna  Sanota  Maria  e 
a  las  donnas  de  Bertaut  la  soa  part  del  pasquer  de  Monmaur 
e  de  Devoloi  ^  ;  e  aquest  do  fez  en  la  presensa  de  la  donna 
prioressa,  na  Barras,  e  de  tôt  lo  covent, 

NOTBS  DIYBRSBS 

*  Ces  mots  sont  en  interligne  au-dessus  de  ceux-ci  :  Falco  devene 
e  del  grimonehs. 

^  Les  mots  soulignés  sont  en  encre  jaunâtre. 

3  Ce  dernier  passage  est  eâ  encre  fort  noire. 

^  Nous  pensons  que  les  mots  dm  aut,  qui  se  lisent  dans  l'original, 
doirent  s'entendre,  non  dans  le  sens  de  en  haut,  mais  dans  celui  de 
sieur  Antoine']' 

^  Bénéventf  commune  du  canton  de  Saint-Bonnet-^n-Ohampsaur, 
arrondissement  de  Gap. 

*  Veynesy  chef-lieu  de  canton,  arrondissement  de  Gap . 

'  Le  2>ei?o/wy,  région  montueuse  et  isolée,  formant  le  canton  actuel 
de  Saint-Etienne-en^Devolny  (Hautes-Alpes). 

Gap,  19  septembre  1880. 

L'abbé  Paul  Guillaume, 
Arcbivisis  des  Hautes-Alpes. 


LA  TRADUCCIO  GATALANA  DEL  FLOS  SANCTORUM,  COMPARADA 
PER  MEQIDE  DOS  DIFERENTS  TEXTOS 


A  la  diligencia  y  erudicîô  dels  sabis  professors  romanistas 
MM.  Boucherie  j  Chabaneau  devem  lo  conéixer,  desde  1878 
en  las  planas  de  la  Bévue  des  langues  romanes^,  un  intéressant 
fragment  de  la  traducciô  catalana  de  la  Llegenda  dorada  dé 
Jaume  de  Yorâgine  que  ^s  guarda  manuscrita  en  la  Biblioteca 
nacional  de  Paris,  ms.  7,265  (avuj  esp.  44).  Aquest  exempla 
nos  ha  animât  à  publicar  un  fragment  d'altre  traducciô  cata- 
lana, quai  ms.  se  conserva  en  la  Biblioteca  provincial  y  uni- 
versitaria  d'esta  Ciutat  de  Barcelona,  baix  la  custodia  de  son 

*  T6me  V,  Se  série,  pag»  209. 


TRABUCOIO  GATÂIfANA.  DBL   FLOS   SANGTORUM  57 

digne  bibliotecari,  nostre  amich  D.  Mariano  Aguilô  y  Fuster. 
A  ell  agrahim  coralment  lo  haver  pogut  estudiarlo  à  nosira 
satisfaccio. 

Gonsisteix  dit  ms.  en  un  côdice  en  paper  y  vitela  interpo- 
sada,  de  296  foleos,  escrit  ab  Uetra  del  eegle  XV,  si  be  lo 
Denguatge  apar  esser  mes  antich.  Se  titula  :  «  Flors  sanctorum 
en  caiald  »,  y  comensa  :  ((  Del  Primer  aveniment  de  Jesuchrùt, 
— r  Tôt  lo  iemp$  d'aquesta  présent  vida  »,•  etc.  Creyem  ab  fona- 
ment,  qu'es  lo  mateîx  ms.  à  que  fa  referencia  Torres  Amat 
{Diecionano  de  escritores  catalanes ^pag,  701,  eol.  1,  lin,  1),  com 
peptanyent  à  la  que  fou  Biblioteca  del  couvent  de  Carmeli- 
tas  descalsos  de  Barcelona. 

LodenominarémtextA.  pera  compararlo  ablotextB.  qu'es 
una  de  las  traduccions  catalanas  estampadas  à  principis  del 
segle  XVI.  Aixo  n'obstant  atribuim  son  lienguatge  al  segle  XV, 
per  esser  igual  al  dels  incunables  catalans  que  havem  vist  del 
mataix  liibre.  La  portada  diu  aixis  :  «  Flos  sanctorum  :  nova- 
ment  fet  e  corregit,  £  afegit  moites  altres  vides  de  sancts  e  sanctes 
ab  la  passto  nostre  mestre  e  redemptor  Jésus»  »  —  Lo  côlofon 
d'aquesta  ediciô  impresa  en  earâcters  gôtichs,  es  lo  segûent  : 
€  A  lahor  e  gloria  de  nostre  Senyor  Deu  Jesuckrist,  e  de  la  sua 
purtssima  mare  senyora  nostra  fonch  stampada  la  présent  obra 
en  la  tnsigna  Ciutat  de  Barcelona  per  Caries  Amoros  provensal, 
a  XXVI  de  febrer  en  lany  Mil  D.eXXIIIL  »  S'inicia  en  lo 
fol.l  per  aquestas  paraulas  :  «  Comensa  lo  prolech  sobre  la 
traducciô  fêta  de  lati  en  vulgar  de  aquella  notable  part  del  mo- 
nothesseron,  que  vol  dir  hu  de  quatre,  del  i^everent  doctor  Johan 
Jerson  malt  digne  canceller  de  la  ciutat  de  Paris ^  etc.  » 

Tbxt  a.  Tbxt  B. 

(fol.  ^).  Dequinqiutgesima,  (fol.  55).—  De  la  quinquagesima, 

Quinquagesima  dura    del    di-  Quinquagesima  dura  del  diu- 

menge  en  lo  quai  se  canta  en  la  meage  :  en  lo  quai  se  canta  en 

missa.  Tu  aies  a  mi  Senyor  deffe-  la  miftsa.  Eu  aies  a  mi  defenedor 

nedor.  E  deu  esser  determenade  senyor  e  Deu  :  e  es  termenada 

en  lo  dia  de  paacha.  Es  stabUda  en  lo  dia  de  pasca.  E  es  establida 

quinquagesima  per  compliment  e  quinquagesima  :  per  compliment 

com  nos  degam  dejunar  XL  dies  e  per  significament.  Per  compli- 

a  semblansa  de  Jesuchrist. — £  en  ment  :  on  com  uosaltres   degam 


58 


TRADUCCIO   CATALANA    DEL  PI-OS   SANCT0RI3M 


la  caresma  no  sien  cor  XXXVI 
dies  dejunadors  perso  car  node- 
junam  enlos  dimenges  per  alegre- 
tat  e  per  reverencia  ço  es  per 
raho  e  per  exempli  de  Jesu- 
christ  qui  en  aytal  dia  de  la  re- 
surreccio  menya  dos  vegades  ço 
es  quant  entra  als  dissipols  les 
portes  clauses.  E  els  li  donaren 
una  part  del  pex  torrat  e  bresca 
de  mel.  E  autra  vegada  quant 
los  dissipols  anaven  en  Emaus. 
E  per  ayso  per  compliment  dels 
dimenges  de  la  caresma  y  son 
aiustats  los  IIII  dies.  Encara 
mes  cols  clergues  vesesen  que 
en  axi  co  els  davant  anaven  al 
pobol  per  orde.  En  axi  devien 
davant  ells  anar  per  santetat  per 
ques  deuen  abstiner  ans  per  II 
dies  de  carn  a  menjar,  los  quais 
son  ans  dels  IIII  dies.  En  los 
quais  deuen  dejunar.  En  axi  y  es 
aiustada  una  semmana  a  la  ca- 
resma que  es  apelada  quinqua- 
gesima.  Altre  raso  es  perque  es 
stablida  quinquagesima  so  es  per 
signifficament  car  quinquagesima 
signiffica  lo  temps  de  remission  so 
es  de  penitencia  en  loqual  totes 
causes  se  perdonen.  Car  lo  L  any 
erainolt  alegre  per  so  car  era  any 
de  perdo.  De  quinquagesima  es 
aquelo  mateix  dit.  Car  tots  los 
deutes  de  peccats  se  perdonen  : 
els  sers  solien  esser  deliurats  axi 
que  tots  sen  tornaven  a  les  lurs 
possessions  per  la  quai  causa  es 
signifficat  que  per  penitencia  son 
perdonats  tots  peccats.  Es  hom 
desliurat  de  servitut  de  dimonis  e 
emtornats  a  les  possessions  dels 
christians.  Escasament  III  eau- 


dejunar.  XL  dies  a  semblança  de 
Jesuchrist  :  e  es  la  quaresma  no 
sien  mes  de  XXXVI  dies  de- 
junadors per  ço  com  no  dejunam 
los  diumenges  per  alegria  :  e  per 
reverencia  :  ço  es  per  raho  e  per 
exemple  de  Jesuchrist  qui  en  lo 
dia  de  la  sua  resurrectio  n;Lenja 
dues  vegades  :  ço  es  com  entra 
als  dexebles  sants  ab  les  portes 
tancades  :  e  li  donaren  una  part 
de  peix  torrat  et  bresca  de  mel. 
E  altra  vegada  com  los  dexebles 
anaren  a  Emaus  :  on  per  aço  per 
compliment  del  diumenges  de  la 
caresma  hi  son  ajustais  los  qua- 
tre dies.  Per  significament  :  on 
com  los  capellans  vessen  que  axi 
com  ells  anaven  davant  lo  poble 
per  orde  :  axi  devien  ells  anar  da- 
vant per  sanctedat  :  per  ques  deu- 
en abstenir  abans  de  dos  dies 
de  carn  a  menjar  :  los  quais  son 
dels  quatre  dies  :  en  los  quais 
deuen  dejunar  e  axi  es  ajustada 
una  setmana  en  la  quaresma  :  que 
es  appellada  de  quinquagesima 
ço  es  per  significament  :  car  quin- 
quagesima per  signifîcança  signi- 
ficalo  temps  deremissîo  :  çoes  de 
penitencia  :  en  lo  quai  totes  coses 
se  perdonen  car  lo  sinquante  any 
era  molt  alegre  :  per  ço  com  era 
any  de  perdo  ;  car  tots  los  deu- 
tes de  peccats  se  perdonen  :  e  los 
catius  solen  esser  desliurats  :  axi 
que  cascu  sen  torna  a  ses  pos- 
sessions per  la  quai  cosa  es  sig- 
nifîcat  que  per  penitencia  son  per- 
donats tots  peccats  e  es  hom  del- 
liurat  de  la  servirtut  del  dimoni 
e  som  retornats  a  les  possessions 
dels   celestials  casaments.   Très 


TRâDUGGIO  GATAIiANA  DBL    FLOS  SANCTORUM 


59 


ses  ne  son  necessaries  les  qaals 
son  a  nos  propaasades  en  lapis- 
tola  e  en  lo  evangeli  en  ayso 
que  les  obres  de  penîtencia  sien 
perfeytes.  So  es  karitat  la  quai 
es  propausada  en  la  epistola. 
En  la  memoria  de  la  divinal  pas- 
sion. E  la  fe  que  es  entesa  per  lo 
enluminament  del  seg.  E  asso  es 
propausat  en  lo  evangeli  :  per  so 
car  fe  fa  les  obres  a  Deu  accep- 
tables. Car  senes  fe  nos  pot  per 
quel  home  placia  a  Deu.  E  la  me- 
moria de  la  passion  faalhomediu 
tûtes  coses  leugeres,  perque  diu 
sent  Gregori.  Si  hom  ha  memoria 
de  la  passio  de  Jesuchrist  neguna 
causa  no  es  que  hom  no  sostenga 
ab  eugual  coratge.  E  caritat  fa 
cer  continua  al  home  bona  obra. 
~-  Car  segons  que  diu  sent  Gre- 
gori. AmordeDeu  no  pot  esser 
ociossa,  car  obra  grans  causes 
en  home  si  j  es  mes  si  noy  ha 
volentat  dobrar  es  négligent  no 
es  amor.  E  en  axi  co  en  lo  co- 
mensament  la  glesa  en  cays  dé- 
sespérât avia  cridat.  Enreviro- 
naren  plors  de  mort  etc.  E  puys 
en  après  toma  assi  matexa  de- 
menamaiutori.  En  axi  asi  y  a 
ha  resebuda  fiansa  e  speransa 
de  perdo  per  penitencia.  Ora  e 
diu  tu  sies  a  mi  en  Deu  aiudador 
etc.  En  lo  quai  cant  demana  IIII 
causes,  ço  es  defEencio  :  E  fer- 
metat  :  E  reffugi  :  E  guisament. 
Car  tots  los  homens  del  mon  : 
o  son  en  gracia  ô  en  celpa  o 
en  causes  de  benesuransa,  an 
aquells  qui  son  en  gracia  de- 
mana la  glesa  fermetat  :  per  ço 
que  en  aquella  gracia  sien  fer- 


coses  nos  son  necessaries  les 
quais  nos  son  preposades  en  la- 
pistola  et  en  levangeli  en  aço  que 
les  obres  de  penitencia  son  per- 
fetes  :  ço  es  caritat  :  la  quai  es 
proposada  en  la  epistola  la  me- 
moria de  la  divinal  passio  :  e  la 
fe  que  es  entesa  pelo  illumina- 
ment  del  cech  :  e  aço  es  posât  en 
levangeli  :  per  ço  com  fe  es  en 
obra  de  Deu  :  Car  sens  fe  no  es 
posible  al  home  que  placia  a 
Deu.  E  la  memoria  de  la  pas- 
sio fa  a  hon  totes  coses  leu- 
geres  :  per  que  diu  sant  Gregori. 
Si  hom  ha  memoria  de  la  passio  : 
neguna  cosa  no  es  que  hom  no 
sostenga  ab  egual  coratge.  E 
caritat  fa  esser  continuament  a 
hom  en  bona  obra.  Car  segons  que 
diu  sant  Gregori.  Amor  de  Deu 
no  pot  esser  ociosa  :  car  obra 
grans  coses  en  home  si  y  es  :  ma 
si  no  ha  voluntat  es  négligent  : 
e  no  es  amor.  Axi  com  en  lo  co- 
mençament  la  sglesia  que  si  dé- 
sespérant havia  cridat.  Encircui- 
ren  me  plors  et  cetera.  E  puix 
en  après  toma  a  si  mateixa  e  de- 
mana adjutori  :  e  axi  ha  rebuda 
fiança  esperança  de  perdo  de  pe- 
nitencia :  e  diu  :  tu  si  es  a  mi 
ajudador  Deu  et  cetera  en  lo  quai 
cant  quatre  coses  demana  :  ço  es 
defencio  :  e  fermament  refugi  :  e 
guiament  :  car  tots  los  homens 
del  mon  :  o  son  en  gracia  :  o  en 
culpa  :  0  en  coses  contrarioses  :  o 
de  benaventurança  :  e  per  aquells 
que  son  en  gracia  demana  la  sgle- 
sia fermetat  :  perço  que  en  aquella 
confermats  sien  :  e  per  aquells 
qui  son  en  culpa  demana  la  sgle- 


60  DECLINAISON  DU  PRONOM  RELATIF  FRANÇAIS 

mats.  E    en   aquells  qui  son  en  sia  que  Deu  sia  ab  ells  refrigeri 

colpa  demana  lesglesa  que  Deus  e   per   lo   semblant  per  aquells 

sia  ab  ells  en  refugi.  E  en  aquells  qui  son  en  contrarietat  :  dema- 

qui  son  en  contrarietat  :  demana  na  la   sglesia  defensio  :  per  ço 

la  glesa  deffencio,  per  so  que  en  que  en  les  lurs  tribulacions  sien 

les  lurs  tribulacions  sien  defeses  defesos  :   e  per  aquells  qui  son 

ad  aquells  qui  son  en  prosperi-  en  prospèritat  demana  la  sglesia 

tat  demana  la  glesa  guiament  per  guiament  :   per  ço   que   en  lurs 

so  que  en  lurs  bens  sien  per  Deu  bens   sien  per   Deu  guiats .    Es 

guisats.  —   Es  termenada  quin-  termenada  quinquagesima  segons 

quagesima  segons  que  es  dit  :  en  que  es  dit  :  en  lo  dia  de  pasca  per 

lo  dia  de  pascha  per  ço  car  pe-  ço  que  penitencia  fa  a  hom  re- 

nitencia  fa  hom  ressucitar  à  la  suscitar  a  la  novella  part  de  Deu  : 

novela  état  de  vida.  Per  que  en  perque  en   aquest   temps   canta 

aquest    temps    canta   hom   molt  hom  sovint  lo  psalm  qui  comen- 

soven  lo  psalm  qui  comensa,  mi-  sa  :    Miserere   mei  Deus  :   e  es 

serere  mei  Deus  qui  es  "psalm  de  psalm  de  penitencia  e  de  perdo 

penitencia  e  de  gracia  perdo .  de  peccats . 

De  Tanterior  comparaciô  de  textes,  nos  sembla  poderse  de- 
duhir,  ademes  de  las  variants  que  las  influencias  del  temps 
imprimeixen  en  la  lien  gua,  que  lo  côdice  de  Barcelona  del 
Flors  sanctorum  es  co^ia.  catalanisada  d'altre  provensal.  Per- 
sonas  mes  inteligents  que  nosaltres  j  udi  carân  si  anem  errats 
al  fer  aquestas  suposicions. 

A.  Balagubr  y  Mbrino 

Barcelona,  novembre  de  1880. 


NOTE 

SUR  LA.  DÉCLINAISON  BU  PRONOM   RRLATIF   FRANÇAIS 


On  sait  que,  si  les  noms  français  n'ont  conservé  que  deux 
des  cas  des  noms  latins,  les  pronoms  en  ont  généralement 
conservé  trois  :  je,  me,  moi;  —  tu,  te,  toi;  —  il,  se,  soi. 

Chacun  de  ces  pronoms  a  donc  deux  cas  régimes.  Le  pre- 
mier (me,  te,  se)  s'employait  devant  le  verbe.  On  se  servait  du 
second  (moi,  toi,  soi)  partout  où  on  pouvait  mettre  le  premier, 
et,  en  outre,  après  le  verbe  et  après  les  prépositions.  Aujour- 
d'hui on  ne  peut  pas  toujours  employer  le  second  cas  régime 


DECLINAISON  DU  PRONOM  RELATIF  FRANÇAIS  61 

à  la  place  du  premier.  Il  n*en  était  point  ainsi  dans  Tancienne 
langue,  comme  le  prouvent  les  exemples  suivants: 

Complément  indirect  sans  préposition 
Roland,  3108  :  <  Se  tei  plaist.  » 
Ibidem,  3717  :  «  Cist  moz  mei  est  estranges.  » 

Complément  direct  devant  le  verbe 

Roland,  2834  :  a  Mei  ai  perdut  e  trestute  ma  gent.  » 
Encore  au  XVIP  siècle,  La  Fontaine  : 

«  Tant  ne  songeaient  au  service  diviû 

Qu'à  «ot  montrer.  » 

—  Le  pronom  relatif  avait  aussi  trois  cas  :  qui,  que,  eut.  Le 
second  cas  régime,  m^  s'est  écrit  ée  bonne  heure  et  prononcé 
comme  le  cas  sujet.  Il  en  est  résulté  une  confusion  qui  a 
nui  à  la  fortune  de  ce  cas  régime.  Nous  ne  l'employons  plus 
aujourd'hui  qu'après  les  prépositions*:  «  L'homme  pour  qui, 
à  qui,  etc.  »  L'ancienne  langue  lui  donnait  les  mêmes  fonc- 
tions qu'au  second  cas  régime  des  pronoms  personnels*.  Elle 
s'ea  servait  : 

P  Après  les  prépositions  ; 
2*  Comme  complément  direct  : 

Serments  de  Strasbourg  :«  Neuls  cuieo  returnar  int  pois  »; 
Couci  (cité  par  Littré):  «  Celé  cmî  j'ai  tousjours  en  remem- 
brance  p; 
3®  Comme  complément  indirect  sans  préposition  : 
Roland,  1279:  «  Qui  qu'en  peist  o  qui  nun.  » 
IMd.,  1405  :  «  De  ç6  qui  calt?  » 

—  Une  autre  forme  de  second  cas  régime  s'est  introduite 
dans  la  déclinaison  du  pronom  relatif,  c'est  la  forme  a  quoi.  » 
A  l'origine,  quoi  (latin  quid)  était  exclusivement  un  pronom 
interrogatif  et  neutre*.  Mais,  de  très-bonne  heure,  comme  on 
confondait  j^m  régime  et  gt^t' sujet,  on  a  pensé  que  quoi  pou- 
vait remplir  la  lacune  apparente  de  la  déclinaison  du  pronom 

^  On  emploie  encore  le  deuxième  cas  régime  de  «  qui  interrogatif  »  comme 
complément  direct  :  «  Qui  demandez-vous?  » 

'  La  ressemblance  de  quoi  avec  moi,  toi,  soi,  a  fait  que,  dès  les  premiers 
temps,  on  a  employé  quoi  après  les  prépositions,  au  lieu  de  «  cui,  qui  »,  forme 
régulière  du  deuxième  cas  régime  du  pronom  interrogatif. 


62  IZALAR  —  AZILAR 

relatif:  (iQui,  que,  quoi)),  répondait  bien  kije,  me,  moi,  —  tu, 
te,  tôt;  etc.»  Qiu)t  est  ainsi  devenu  cas  régime  du  pronom 
relatif  qui. 

Aujourd'hui,  si  quoi  n'est  plus,  comme  à  Torigine»  exclusi- 
yement  interrogatif,  on  lui  a  du  moins  rendu  le  genre  neutre. 
Au  moyen  âge  et  jusqu'au  XVII®  siècle,  on  remployait  cou- 
ramment, comme  second  cas  régime  de  qui,  avec  des  noms 
masculins  et  féminins.  Toutefois,  principalement  aux  époques 
les  plus  voisines  de  nous,  par  un  sentiment  plus  ou  moins 
précis  de  sa  valeur  de  neutre,  on  lui  donnait  surtout  pour  an- 
técédents des  noms  de  chose  : 

Froissart:  «  Ceux  de  Calais  virent  bien  que  le  secours  en 
quoi  ils  avoient  fiance  leur  estoit  failli.  » 

Bourdaloue  :  «  Parmi  les  faiblesses  extrêmes  à  quoi  je  sens 
que  mon  esprit  est  sujet.  » 

Etc. 

Les  exemples  sont  si  nombreux  qu'il  est  superflu  de  les 
citer.  Je  voulais  seulement,  dans  cette  note,  établir  deux 
points: 

V  Le  cas  régime  qui  a  eu  les  mêmes  fonctions  que  le  second 
cas  régime  des  pronoms  personnels  ; 

2o  La  confusion  qui  s'est  produite  entre  qui  sujet  et  qui 
régime,  jointe  à  la  ressemblance  entre  quoi  et  a  moi,  toi,  soi», 
a  amené  la  transformation  du  pronom  interrogatif  quoi  en  un 
pronom  relatif. 

L.  Clbdat. 


IZALAR  —  *  AZILAR 


On  lit  dans  le  Donat  provençal  :  «  Inçatar,  izalar,  =  ad 
boves  pcrtinet,  propter  muscam  fugere.  »  L'édition  Guessard 
(p.  31)  porte  inzalar,  leçon  fort  justifiable,  au  lieu  de  inçatar 
que  donne  M.  Stengel  (p.  31).  L'éditeur  allemand  ayant  l'air 
de  considérer  inçatar  et  izalar  comme  des  variations  d'une 
seule  et  même  racine,  écrit  en  note  (p.  102)  :  a  Ce  mot  n'est  pas 
clair  D,  au  lieu  de  dire  «  Ces  mots  ne  sont  pas  clairs  »  ;  il  les 
rapproche  sans  profit  de  deux  autres  mots  qui  n'ont  avec  eux 
qu'une  vaine  ressemblance  de  son.  Plusieurs  des  mots  donnés 
en  exemple  par  notre  grammairien  ne  se  trouvent  que  chez  lui  ; 


LES  SORTS   DBS  APOTRES  63 

mais,  s'ils  manquent  dans  les  dictionnaires  de  Tancienne  lan- 
gue, on  peut  espérer  assez  souvent  de  les  retrouver,  soifs  une 
forme  ou  sous  une  autre,  dans  les  dictionnaires  de  la  langue 
moderne  et  contemporaine.  C'est  ici  le  cas.  Dans  les  Alpes  Cot- 
tiennes  {Dictionnaire  de  Chabrandet  Rochas.  Grenoble  et  Paris, 
1877,in-8<»),  arizar  signifie  se  précipiter  en  courant;  il  se  dit  des 
vaches  ou  des  bœufs  piqués  par  les  taons.  Dans  les  patois  du 
Queyras,  /  devenant  volontiers  r,  arizar  peut  nous  renvoyer 
à  un  primitif  *  alizar,  qui  ne  diffère  d'izalar  que  par  métathèse. 
Ces  deux  mots  à  leur  tour,  par  métathèse  également,  nous  ra- 
mènent à  un  verbe  'asilare,  formé  de  osiltAS  =  taon,  ce  qui 
convient  à  la  forme  et  à. la  signification. 

*  ASILARE 

izalar  *alizar 

arizar. 

J.  Bauquier. 

LES  SORTS  DES  APOTRES 

DERNIÈRE   ADDITION 


Les  Sorts  des  apôtres^  du  ms.  de  Cordes,  ont  eu  une  édition  de 
plus  que  je  ne  croyais.  La  première,  celle  de  Bruno  Dusan,  don- 
née en  1866,  avait  été  suivie  d'une  seconde,  préparée  par  M.  Jo- 
libois,  archiviste  du  Tarn,  peu  après  la  découverte  du  ms. ,  c'est-à-dire 
vers  1860,  mais  qui  ne  fut  publiée  qu'en  1872,  dans  les  notes  du  tome  III 
de  V  Histoire  des  Albigeois  y  de  M.  Napoléon  Peyrat.  C'est  ce  que 
m'apprend  le  procès- verbal  de  la  séance  du  20  décembre  1880  de  la 
Société  des  Sciences,  Arts  et  Belles-Lettres  du  Tarn  [Revue  duTarn, 
janvier  1881),  sur  lequel  M.  Roque-Ferrier  vient  d'appeler  mon  atten- 
tion. Notre  obligeant  confrère  me  communique  en  même  temps  le 
volume  en  question  de  M.  Peyrat.  Le  texte  provençal,  avec  la  traduc- 
tion qui  l'accompagne,  y  occupe  les  pages  477-483.  Une  letti*e  de 
M.  Jolibois,  datée  du  31  mai  1869,  dans  laquelle  on  s'étonne  à 
bon  droit  de  voir  le  savant  archiviste  présenter  les  Sortes  apostolo- 
rum  du  ms.  de  Pithou  comme  une  version  du  texte  provençal  *, 

1  «  C'est  d'ailleurs  (  le  ms.  de  Cordes  )  une  nouveauté  historique  :  il  n'est 
question  des  Sorts  des  Apôtres  nulle  part  ailleurs  que  dans  le  recueil  de 
François  Pithou,  intitulé  :  Codex  Canonum  vêtus  EcclesUe  romanœ;  mais 
ce  savant  n'en  a  donné  qu'une  traduction  latine  incomplète,  et  il  a  cru  pou- 


64  LBS    SORTS   DBS   APOTRES 

sert  d'introduction.  On  lit  à  la  fin,  p.  483,  la  note  soivante,  où 
Fimagination  de  M.  Pejrat  se  donne  earrière  :  «  Ce  nianascrit  est  très- 
précieux.  II  a  été  probablement  transcrit  par  un  élére  de  Sioard 
Figuéraa  *,  «Ërecteur  du  séminaire  d^Ëlvas .  Ce  séminaire  était  donc 
établi  dans  les  belles  maisons  gothiques  de  Ramon  VU,  et  consé- 
quemilient  Talbigisme  cordouan  placé  sous  le  patronage  immédiat  du 
comte  de  Toulouse.  » 

Dans  le  corps  de  son  ouvrage  (111,367),  M.  Napoléon  Peyrat  con- 
sacre aux  Sorts  des  Apôtres  une  page  où  Timagination  a  aussi  beau- 
coup  plus  de  part  que  la  vérité.  On  ne  sera  peut-être  pas  fâché  de  la 
lire  ici.  Je  la  reproduis  en  entier. 

«  Sous  cette  terreur  des  cieux  et  de  la  terre,  de  la  foudre  et  du 
bûcher,  sans  prêtre,  sans  bible,  sans  culte,  les  pauvres  Albigeois  se 
réunissaient  en  tremblant  la  nuit,  dans  une  grotte  ou  dans  un  fond  de 
tour.  A  la  lueur  d'une  lampe  fameuse,  ils  consultaient  les  sorts  qu'ils 
nommaient  des  Apôtres,  C'était  un  parchemin  bordé  de  lacs  de  soie, 
alternativement  verts  et  jaunes,  qui,  sur  la  tranche  du  rouleau,  for- 
maient une  touffe  latérale  et  multicolore.  Chaque  lacs  correspondait 
à  des  passages  et  peut-être  à  des  figures  symboliques.  Voulait-on 
interroger  l'oracle,  on  prenait  un  cordon  d^ns  ses  deigts;  le  vieillard 
invoquait  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit,  ouvrait  le  livre,  lisait 
les  versets  contigus  à  chaque  fil,  et  ce  langage,  plus  ou  moins  énig- 
matique,  était  reçu  comme  la  parole  de  Dieu.  Voici  quelques-unes  de 
ces  maximes  :  «  Après  le  soleil  se  lèvent  les  étoiles  ;  puis  de  nouveau 
revient  le  soleil.  De  même  ton  courage  qui  fléchit  te  viendra  de  Dieu 
avec  la  lumière.  —  Sur  mer,  le  vaisseau  bien  gouverné  arrive  au 
port.  Tu  atteindras  ton  désir  si  tu  invoques  Dieu.  —  Les  vents  sont 
légers  ;  prends  garde  aux  tempêtes,  ne  te  mets  pas  en  mer.  —  Tu 
veux  te  je:ter  dans  une  forêt  sans  issue  et  pleine  de  serpents.  — 
Garde- toi  du  grand  Lion. . .  Invoque  Dieu. . .  Tu  ne  craindras  pas  la 
mort.  —  Voilà  les  sorts  des  saints  Apôtres  qui  ne  trompent  ja- 
mais !»  C'est  l'accent  honnête  des  Barbes  Vaudois^la  morale  senten- 
cieuse de  Job  et  de  Sirach.  Les  sorts  étaient  proscrits  comme  la  Bible. 
Le  vieillard  qui  les  expliquait  aux  tisserands  de  Cordoue,  effrayé  de 
son  rôle  d'oracle,  scella  dans  un  mur  le  dangereux  parchemin.  La 
tourl'a  dérobé  fidèlement  à  l'Inquisition,  et,  s'écroulant  de  nos  jours, 
nous  a  révélé  cette  pauvre  religion  sibylline  de  l'albigisme  agonisant. 
L'aigle  de  saint  Jean  et  de  Platon,  tombé  du  ciel^se  cache  dans  l'antre 
de  la  Pythonisse.  »  C.  C. 

voir  paraphraser  certains  passages  du  texte  roman,  que  sans  doute  il  ne 
comprenait  pas.  » 
f  )[y*iDterloctttear  de  Tiaquisiteur  Izarn  dans  les  Noi>as  del  heretge. 


Dialectes  Modernes 


LE  PBEMIBR  SONNET  FAIT  PAR  UN  FRANÇAIS 


Les  erreurs  ayant  la  vie  dure,  on  a  cent  fois  répété  que  le 
sonnet  nous  vient  des  troubadours.  Il  suffit  cependant  de  je- 
ter les  yeux  sur  le  sonet  provençal  pour  être  persuadé,  avec 
Raynouard  (  II,  172  J,  que  cette  poésie  lyrique  chantée,  ce  petit 
son,  cette  petite  chanson,  n'a  rien  de  commun  que  le  nom  a  avec 
l'espèce  de  poésie  ainsi  nommée  depuis,  et  qui  joint  à  un  nom- 
bre fixe  de  vers  une  différence  déterminée  dans  la  coupe  des 
strophes.  »  A  la  vérité,  quelques  auteurs  citent  des  sonnets 
provençaux  de  Bertrand  Carbonel  et  de  Guilhem  des  Amalrics, 
ayant  la  forme  moderne  ;  mais  ce  sont  des  faux  de  Jean  de 
Nostre-Dame.  Faux  encore  et  de  la  même  fabrique  trois  son- 
nets attribués,  par  le  manuscrit  12472  de  la  Bibliothèque  na- 
tionale, à  Jacme  Mote  d'Arles,  à  Blacacet  et  à  Bertran  de  La- 
manon  ^ 

Le  sonnet,  au  sens  moderne  du  mot,  est  d'origine  italienne, 
et  son  introduction  en  Franee  est  attribuée  à  plusieurs  poètes  : 
à  Marot,  à  Joachim  du  Bellay,  à  Mellin  de  Saint- Gelais  et 
même  à  Pontus  de  Tyard  { 1521-1605  )  *. 

De  Marot  (1495-1544),  nous  avons  un  sonnet  à  Pomponio 
Trivulce,  daté  de  1529  ;  les  neuf  autres  ne  portent  pas  de 
date. 

*  Ds  riment,  les  deux  premiers  en  abba^  abba,  cde,  cde  ;  le  troisième,  en 
abba,  abba,cde,  dce.  (Paul  Meyer,  les  Detmiers  Troubadours  de  la  Pro- 
vence.) 

*  Pontus  de  Tyard,  Étude  mr  le  XF/«  siècle,  par  M.  Abel  Jeaadet.  Puris, 
1860. 

M.  Frédéric  Godefroy,  compilateur  d'une  chrestomathie  publiée  sous  le  titre 
fallacieux  d*Histoire  de  la  littérature  française,  a  trouvé  le  moyen  de  faire 
«  rapporter  [le  sonnet]  d'Italie  en  France  »  par  Joachim  du  Bellay,  et  en  même 
temps  de  le  faire  «  introduire  chez  nous  »,  pour  la  première  fois,  par  Mellin 
de  Saint*Gelais.  Inutile  d'ajouter  que,  pour  M.  Godefroy,  «  celte  forme  de 
poésie  paraît  bien  être  d*origine  française  provençale.  »  {L'Instruction pu- 
blique, le»  avril  1875,  p.  150,  col.  2.) 


66         LE  PREMIER    SONNWT  PAIT  PAR   UN    FRANÇAIS 

Mellin  de  Saint-Gelais  (  1487-1558  )  ne  publia  ses  œuvres 
qu'en  1547  ;  mais,  ainsi  que  le  remarquent  La  Monnoye  (édi- 
tion de  Saint-Gelais,  par  Blanchemain,  I,  281,  n.  3)  et  A.  Dar- 
mesteter  {Revue  crttiqtie,  3  juin  1876,  p.  377),  il  avait  visité 
ritalie  avant  Marot,  et  les  sonnets  qu*on  a  de  lui  sont  dispo- 
sés à  la  manière  italienne  ;  ceux  de  Marot,  au  contraire,  le 
sont  à  la  manière  française. 

S'il  fallait  une  preuve  de  plus  de  l'origine  italienne  du  son- 
net, nous  la  trouverions  dans  un  semblant  de  sonnet,  anté- 
rieur à  ceux  de  Mellin  de  Saint-Gelais  et  de  Marot,  composé 
en  un  semblant  de  lombard  par  un  poète  français  qui  visita 
l'Italie  sur  la  fin  du  XV®  siècle. 

«  Maistre  Andrieu  de  la  Vigne,  natif  de  la  Rochelle  *  »,  flo- 
rissait  sous  les  règnes  de  Charles  VIII  et  de  Louis  XII;  il  a 
même  prolongé  sa  carrière  jusque  sous  François  P',  et  sem- 
ble être  mort  vers  1527.  Il  aurait  eu  alors  soixante-dix  ans, 
ce  qui  le  ferait  naître  en  1457*.  Il  passait  en  son  temps  pour 
poète.  Mais,  en  vers  comme  en  prose,  s'il  a  visé  le  mieux,  il  a 
atteint  le  pire.  A  l'aube  de  la  Renaissance,  le  style  était  mé- 
taphorique, amphigourique  et  boursouflé  ;  le  galimatias  bar- 
bare de  notre  rimailleur  en  est  une  preuve  déplorable. 

André  de  la  Vigne  a  été  aumônier  et  secrétaire  d'Anne  de 
Bretagne,  du  duc  de  Savoie,  Philippe  II  ou  Philibert  le  Beau, 
et  d'autres  grands  personnages  ;  car,  ainsi  qu'il  le  dît  lui- 
même  : 

Suivre  chacan  voulontiers  m'entremetz, 
Sans  nul  guerdon,  à  plusieurs  m'asservis. 

Lorsque  le  plus  romanesque  des  romanesques  Valois,  Char- 
les VIII,  en  paladin  de  la  décadence,  croyant  aller  à  une  nou- 
velle croisade  «  pour  acquérir  bruit,  los,  honneur  et  famé  »,  fit 
la  campagne  d'Italie,  André  de  la  Vigne  le  suivit  en  qualité 
d'orateur  et  d'historiographe,  ail  coucha  et  mist  par  escritle 

*  Procès-verbal  de  la  représentation  du  mystère  de  Saint-Martin  à  Seure» 
en  1496,  cité  par  Jubinal,  Myst.  inéd,,  I,  p.  xliv.  — Ce  détail  biographique 
était  inconnu  avant  Jubinal,  et  il  a  échappé  depuis  au  bibliophile  Jacob  (  Be- 
cueil  de  farces,.,  du  XV*  s,  Paris,  1859). 

'  Foncemagne,  Mémoires  de  VAcad.  des  Inscriptions,  XVIII,  579; — Weiss, 
Biogr,  univ.  deMichaud;  —  la  Monnoye,  Œuvres  de  Melin  de  Sainct  Ge- 
laySj  édit.  par  P.  Blanchemain;  1873, 1,  194,  en  note. 


LB   PREMIER   80NNBT  FAIT   PAR   UN    FRANÇAIS         67 

voyage  de  Napples  »  a  en  vers,  eoupletz  et  ligne*.  »  Chemin 
faisant,  il  composait  les  devises  et  les  inscriptions  des  arcs 
de  triomphe^  les  épitaphes  et  les  complaintes  pour  les  morts, 
comme  il  ât  plus  tard  aux  funérailles  d'Anne  de  Bretagne  '. 

Il  recevait  des  pensions  du  roi  de  France,  de  Charles  de 
Bourbon,  évêque  de  Clermont  en  Auvergne,  des  ducs  de  Lor- 
raineetde  Savoie,  dé  tous  ceux  enfin  qui  voulaient  bien  ac- 
cepter Thommage  de  ses  vers.  Tout  flatteur  vit  aux  dépens  de 
celui  qui  l'écoute.  Mais  probablement  ne  le  payait-on  ni  grasse- 
ment, ni  régulièrement.  Comme  son  ami  Crétin',  un  autre  poëte 
famélique,  il  se  plaint  toujours,  sollicitant  sans  cesse  de  nou- 
veaux secours.  Il  avoue  qu'il  a«  pas  mal  despencé  w,  «  mais 
vivre  fault  vaille  que  vaille.  »  De  Chambéry  il  adresse  des 
vers  au  roi  de  France,  «  à  Chariot,  petit  roy  » ,  non  sana  le 
prier  de  les  lui  payer,  car  il  désire  grandement  aller  à  la  cour, 
et  ne  le  peut,  faute  d'argent.  Une  autre  fois,  il  lui  manque  des 
habits  et  des  chevaux.  Son  humeur  voyageuse,  ou  plutôt  son 
attachement  à  de  riches  protecteurs,  lui  fait  courir  les  routes 
d'Allemage,  de  Suisse  ou  de  Lorraine  ;  mais  il  se  considère 
comme  exilé,  il  regrette  Paris  : 

Paris,  Paris  raiz  et  vraye  sente 

De  toute  joie  et  plaisance  mondaine  . 

D  ne  peut  se  consoler  de  sa  «  despartie  qu'avec  les  «  dames  », 
«  à  Chambéry,  à  Genève,  à  Lyon.  »  Si  le  clergé,  dont  il  faisait 
partie,  avait  des  mœurs  peu  régulières,  du  moins  il  ne  s'en 
cachait  pas  ;  de  la  Vigne  pas  plus  que  tout  autre  :  tel  triolet 
ou  tel  rondeau  de  sa  composition  n'est  rien  moins  que  ch  aste 
ou  simplement  délicat,  et,  comme  disait  Rollin,dont  se  moque 
Voltaire,  propre  à  former  l'esprit  et  le  cœur  des  jeunes  per- 
sonnes. 
De  la  Vigne  n'est  pas  inconnu  ;  il  est  du  moins  mal  connu  : 

*  Napoléon  III  {du  Passé  et  de  l'avenir  de  r Artillerie  )  est,  croyons-nous, 
le  seul  de  nos  contemporains  qui  ne  pense  pas  que  la  campagne  d'Italie  par 
Charles  VIII  soit  une  de  ces  expéditions  conçues  imprudemment  et  conduites 
sans  calcul  et  sans  réflexion .  » 

*  Commémoration  delà  mort  d'Anne  de  Bretagne,  par  Bretaigne,  ms.826 
de  la  Bibliothèque  de  Lyon  ;  ou  bien  l'édition  de  MM.  Merlet  et  Max  de  Gom- 
bcrt  :  Récit  des  funérailles  d^Anne  de  Bretagne.  Paris,  Aubry. 

9  Les  Poésies  de  Guillaume  Crétin,  éd.  Coustelier.  Paris,  1723,  p.  69. 


68         L£    PREMIBR  SONNBT    FAIT   PAR   UN    FRANÇAIS 

on  ne  le  cite  guère  que  pour  les  quatre  lignes  qu'il  a  consa- 
crées au  médecin  Jean  Michel.  Quelques  écrivains  même, 
trompés  par  le  titre  de  son  ouvrage  principal,  le  Vergier  d'hon- 
neur, qui  porte  son  nom  et  celui  d'Octavien  de  Saint-Gelais, 
attribuent  à  Salnt-Gelais  le  récit  de  la  campagne  de  Naples  '  ; 
et  Godefroy,  sous  le  vain  prétexte  que  l'original  est  mutilé, 
donne  dans  son  Histoire  de  Charles  VIII ^,  au  lieu  du  journal 
d'André  de  la  Vigne,  une  copie  abrégée  et  mise  entièrement 
en  prose  par  Pierre  Desrey,  le  continuateur  des  Chroniques 
de  Gaguin. 

C'est  dans  les  poésies  formant  la  deuxième  partie  du  Ver- 
gier d'honneur  ^  que  se  trouve  le  sonnet  lombard  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut. 


*  Le  Vergief*  d'honneur  ne  contient  qu'une  seule  pièce  d'Octavien  de  Saint- 
Gelais,  à  savoir  une  épitaphe  de  Charles  Vill,  qui  a  été  également  donnée 
dans  les  Hardiesses  des  grands  rois,  du  lyonnais  Pierre  Sala.  —  Colletet 
{Vie  des  poètes  fr,^  B.  Nat.,  ms.  nouv.  acq.  3073)  attribue  le  récit  de  la 
campagne  de  Naples  âOct.  de  St-G.  {Vie  d'Oct,  St-GeL);  ailleurs  {Vie  d'A. 
delà  V.)y  àOct.  de  St-G.  et  k  A.  de  la  V.  réunis.  M.  Pr.  Blanchemain,  qui 
prétend  avoir  trouvé  «  de  nobles  et  fructueux  enseignements  »  dans  le  Ver- 
gier d'honneur^  attribue  cet  ouvrage  à  Oct.  de  St-G.  {Œuvres  de  M,  de 
Saint'Gelais,  I,  4),  quoique  à  la  page  149  une  note  de  la  Monnoye  eût  pu  le 
préserver  de  cette  erreur. 

2  Paris,  1684. 

3  Foncemagne  s'est  occupé  spécialement  de  la  première  partie  du  Vergier 
d'honneur,  c'est-à-dire  du  récit  de  la  campagne  d'Italie  {Mé?n.  de  VAc.  des 
Inscr.y  XVlI,p.  579,  596).  lia  bien  remarqué  (p.  580,581)  que  Majesté  royale, 
personnage  allégorique  qui  figure  dans  le  fastidieux  prologue  de  ce  récit,  n'est 
autre  que  Charles  YIll  ;  mais  il  feUait  ajouter  que  Dame  Noblesse  représente 
Anne  de  Bretagne.  Voici  les  paroles  d'André  de  la  Vigne  :  a  Au  meillieu 
dudit  pourpris  seoit  et  reposoit  une  monarque  paragonne  princese,  magnanime 
par  excellence,  nommée  Dame  Noblesse,  descendue,  yssue,  propaganée  et 
primogénitéede  l'imperialle,  royalle  et  pryamide  lignée  troyenne.  »  De  nos  jours 
on  se  contenterait  de  descendre  des  Croisés  ;  Anne  de  Bretagne  avait  de 
plus  hauts  titres  de  noblesse;  elle  remontait  au  «  preux  roy  Priamus  »  , 
par  Conan  Meriadec,  un  des  prétendus  prjûQes  troyens  qui  succédèrent  à 
Brutus  le  Champion,  fils  de  Silmyus,  fils  d'Ascanius,  fils  d'Eneas,  fils  lui-même 
de  Priam  : 

Aussi  estoit  la  dame  de  lianlt  tems, 
I.es  cronicques  l'ont  ainsi  récité, 

à  ce  que  nous  rapporte  Bretaigne,  premier  hérault  et  l'un  des  roys  d'armes 
d'Anne  de  Bretagne  (Commémoration  et  adoertissement  de  la  mort  de,,, 
Anney  ms.  836  de  la  Biblioth  de  Lyon).  Voilà  donc  une  première  présomption; 


LB  PREMIER  SONMfiT   FAIT  PAR    UN   IPRANÇAIS        69 

Ces  poésies  sont  généralement  précédées  d*une  rubrique, 
et,  suivant  le  cas,  on  lit  en  tête  ballade,  rondeau,  etc.  Le  son- 
net en  question  porte  pour  rubrique  le  seul  mot  Lombart.  Nous 
le  reproduisons  ici,  après  en  avoir  collationné  le  texte  sur 
quatre  éditions  du  Vergter  (f  honneur. 

A.  —  Le  Vergter  dùneur  nouvellement  imprime  a  Paris.  De 
lentreprtseet  voyage  de  Naples...  S.  d.,  petit  in-4*  goth.  à  2  col. 
non  chiffré,  vignettes.  Explicit:  a  Pour  faire  fin  a  ce  verger 
dhonneur.  Explicit.  » 

B.  — Le  Vergter  doneur  nounellement  (sic)...  S.  d.,  gr.  in-4° 
goth.  à  2  col.  de  45 lignes,  ss.  pagin.  Explicit:  a  Cy  fine  le 
Vergter  dhonneur  nouvellement  imprime  a  Paris  par  leham  Trep- 
perel  libraire  demourant  a  Paris  en  la  rue  Neufue  Nostredame  a 
lenseigne  de  lescu  de  France.  » 

C.  —  Le  Vergier  dhonneur (En  dessous  du  titre,  Técu  de 

France.) 

S.  d.,in-fol.  goth.  à  2  coL  de  49  à  51  lignes,  ss.  pagin., 
bois.  Explicit:  ^  pour  faire  fin  a  ce  Jardin  dhonneur.  Explicit. m 

D.  —  Le  Vergier  dhoneur...  (En  dessous  du  titre,  la  marque 
de  lehan  Petit.) 

S.  d.,  in -fol.  goth.  à  2  col.,  ss.  pagin.  Explicit  :  «  pour  faire 
fin  a  ce  vergier  dhonneur.  Explicit.  » 

E.  —  L'édition  de  «  Philippe  le  noir,  libraire...  demourant 
en  la  grant  rue  St- Jacques  a  lêseigne  de  la  Rose  blanche  cou- 
ronnée )) ,  ne  contient  pas  notre  sonnet.  Je  ne  la  cite  donc  que 
pour  mémoire. 


mais  la  suite  ne  permet  aucun  doute  :  Dame  Noblesse  est  «  vestue  d'une 
robe  de  drap  d'or  fourrée  d'ermines  »,  dans  le  pourpris  où  elle  se  trouve 
avec  Majesté  royale^  de  la  Vigne  place  une  fleur  de  lys,  «  laquelle  de  jour  en 
jour  fleurissoit  et  multiplyoit,  croissoyt  et  augmentoit  ses  branches,  enlong, 
en  large  et  en  travers  »  ;  «  de  coste  icelle...  assistoyent  amoureusement  ung  tas 
de  sumptueuses  et  requises  bestelettes,  appelées  herminees,  qui  depuis  certain 
temps  en  ca,  par  le  vouloir  et  consentement  de  la  dicte  Dame  Noblesse... 
toucher,  baiser,  acoUer  et  embrasser  povoyent,  toutes  fois  que  bon  leur  sem- 
bloit,  ce  que  jamais  n'avoyent  fait  »  auparavant.  L'ermine,  comme  chacun  sait, 
figure  dans  les  armes  de  Bretagne;  elle  pouvait  même  personnifier  Anne  de 
Bretagne  ;  c'est  ainsi  que  M.  Firmin  Didot  possédait  un  manuscrit  des  funé- 
railles  d'A.  de  B.  (par  Bretaigne  =  Choque),  intitulé  le  Trépas  de  l'hermine 
regrettée, 

6 


70        LE    PRBMIER  SONNET  FAIT  PAR  UN   FRANÇAIS 

Nous  donnons  le  texte  de  D,  en  y  ajoutant  un  numéro- 
tage ;  nous  rejetons  en  note  les  variantes  de  A  B  C  : 

LOMBART 

peno  no  fu  tanto  dolo  lou  ô  to  riso 
e  tanto  cesero  |  pjace  pompeo 
issimulando  [  quoando  de  tholomeo 
ndit  la  teste  comme  lescripto  diso 
acuida  helena  non  tanto  a  pariso 
jace  I  ne  tanto  la  subito  morto 
gorose  de  la  fratelle  que  si  forto 
nato  fut  I  quel  tu  force  quel  moriso 
n  tanto  a  herculo  ly  piace  il  quauale 
oce  bestie  de  letre  teste  diry 
ando  par  force  com  baston  de  assable 
u  a  lucressia  non  piace  tanto  il  mor  iry 
ntando  tota  de  le  superbe  la  castitade 
Quanto  a  me  elucolante  il  tuo  partirj. 

Le  Vergier  (Thanneur  ne  contient  pas  exclusivement  des 
pièces  d'André  de  la  Vigne  et  d'Octavien  de  Saint-Gelais  ;  il 
en  renferme  de  divers  poètes  anonymes.  J'ignore  si  notre  son- 
net lombartne  serait  pas  revendiqué  par  un  autre  acteur  que  de 
la  Vigne.  Je  l'attribue  provisoirement  à  celui-ci,  parce  que  la 
plupart  des  poésies  du  Vergier  d'honneur  lui  appartiennent, 
parce  qu'il  connaissait  la  littérature  italienne,  et  parce  qu'il  a 
voyagé  en  Italie . 

U  ne  resterait  plus  qu'à  donner  une  traduction  complète  de 
ce  sonnet:  je  n'y  ai  pas  réussi  jusqu'ici,  et  je  souhaite  plus  de 
chance  au  lecteur. 

J.  Bauquibb. 

*Al  peno(AC)»  A  l  peno  (B),  fito  (ABC),  —s  detholomeo  (B).  — 
B  J  a  cuida  (C),  apariso  (C).  —  e  p  y  ace  (B).  —  «  tâlo  (A).  —  *<>  dire  (B). 

—  **  bastÔ  (A).—  1*  moriry  (AC).— *3  tesuperbe  (B),  lesuperbe  lacastitade  (C)- 

—  n  ame  (B). 


1 

Al 

2 

N 

3 

D 

4 

Re 

5 

J 

6 

P 

7 

Ari 

8 

Si 

9 

No 

10 

Ver 

11 

Tu 

12 

0 

13 

So 

14 

Qna: 

TECHNOLOGIE  BOTANIQUE 


M.  littré  s'est  proposé  de  donner  un  répertoire  aussi  complet  que 
possible  de  notre  langue,  au  triple  point  de  vue  des  acceptions,  de 
l'histoire  et  de  l'étymologie  de  chaque  mot.  On  sait  avec  quelle  ad- 
mirable patience  et  quelle  science  consommée  il  a  mené  à  bien  cette 
énorme  tâche.  Cependant  Tœuvre  est  si  vaste,  qu'il  reste  et  qu'il  res- 
tera longtemps  encore  des  lacunes  à  combler  et  des  rectificationB  à 
introduire.  M.  Littré  le  sait  mieux  que  personne.  Aussi  accueille- 
t-il  avec  empressement  les  communications  des  collaborateurs  vo- 
lontaires qui  lui  apportent  l'appoint  d'une  étymologie  nouvelle  ou 
d'une  acception  non  encore  constatée,  ou  de  quelques  exemples  re- 
cueîllîs  dans  les  anciens  textes  et  qu'il  n'avait  pas  cités.  Chacun, 
dans  la  sphère  de  ses  lectures  et  de  ses  aptitudes,  peut  ainsi  lui 
venir  en  aide  et  contribuer  à  édifier  l'historique  de  notre  langue.  Ces 
matériaux  tout  travaillés,  et  dont  il  lui  est  facile  de  constater  la 
provenance  et  la  valeur,  ont  leur  place  marquée  d'avance  dans  une 
future  réédition  de  son  dictionnaire.  Ce  sera  comme  au  moyen  âge, 
où  les  architectes  ont  pu,  grâce  à  la  pieuse  collaboration  des  fidèles, 
élever  les  immensités  de  nos  cathédrales  gothiques,. où  chaque  pierre 
a  été  travaillée  à  part  et  dans  le  plus  minutieux  détail. 

C'est  à  ce  point  de  vue  que  j'ai  étudié  l'ouvrage  composé  par  Ber- 
nard Dessen,  de  Compositione  medicamentorum  hodierno  œvo  apud 
pharmacopolas  passim  eocstantium,  et  publié  en  1556.  Ce  savant  hol- 
landais (né  en  1510,  mort  en  1574  à  Cologne,  où  il  habita  longtemps), 
a  utilisé  les  travaux  des  botanistes  qui  avaient  vécu  avant  lui,  et  a 
trouvé,  soit  dans  leurs  œuvres,  soit  dans  le  langage  courant,  des 
pharmaciens  de  notre  pays,  les  traductions  françaises  dont  il  accom- 
pagne le  nom  latin  des  plantes  utilisées  de  son  temps  pour  les  com- 
positions pharmaceutiques.  Il  a  fait  le  même  travail  et  avec  plus  de 
compétence  encore,  on  le  conçoit,  pour  l'allemand  et  pour  le  hollan- 
dais. Il  n'a  pas  non  plus  négligé  l'italien,  auquel  il  a  fait  la  part  aussi 
large  qu'au  français. 

Je  ne  sais  quel  intérêt  son  ouvrage  peut  ofirir  aux  lexicographes 
allemands  et  italiens,  ni  s'ils  l'ont  mis  à  contribution  pour  l'histoire 
de  leur  technologie  botanique,  et  n'ai  pas,  du  reste,  à  m'en  préoccu- 
per. Mais  pour  nous,  pour  cette  branche  de  notre  lexicologie,  il  a  une 
réelle  importance  à  cause  de  la  spécialité  de  l'auteur,  et  aussi  parce 
qu'il  complète  et,  sur  certains  points,  supplée  les  travaux  contempo- 
rains d'Ambroise  Paré  et  d'Olivier  de  Serres,  les  seuls  que  M.  Littré 


72  TECHNOLOGIE   BOTANIQUE 

ait  pu  consulter  pour  le  XVIe  siècle.  Olivier  de  Serres,  où  il  a  puisé 
le  plus,  est  en  effet  très-riche  pour  ce  qui  concerne  la  botanique  ru- 
rale ou  usuelle,  mais  il  Test  beaucoup  moins  pour  ce  qui  regarde  la 
botanique  médicale. 

Pour  toutes  ces  raisons,  j'ai  cru  qu'on  me  saurait  gré  de  publier  le 
surcroît  d'informations  lexicologiques  quej*y  ai  recueillies,  et  qui  gros- 
siront utilement  le  Dictionnaire  de  la  langue  française  de  M.  Lit- 
tré. 


AcHB.  —  Un  seul  exemple  dans  Littré. 
Petroselinum  palustre.  —  Germ. , Wasser  Eppich,  alii  Merck; 
gall.,  acke  ou  persil  de  Veau;  ital.,  apio  palustre.  P.  40. 

AcHB  large.  —  Cette  locution  n'est  pas  dans  Littré. 

Hipposelinum. — Germ.,  Liebstoeckel;  gall.,  ache  large; 
ital  ,  hipposelino.  P.  41. 

AoBRATON,  «  ageratum.  »  — N'est  pas  dans  Littré. 

Ageratum.  —  Germ.,  Rheinbluem ;  gall.,  ageraton;  ital., 
herba  giulia,  ô  vero  agerato.  P.  336. 

Agoure  de  Un,  — N'est  pas  dans  Littré. 

Cuscutae Materna  lingua  nostra  Flasfeçrn,  quasi  com- 

pedibus  sive  vinculis  linum  constringens,  convolvensque  aliis 
Flachssseiden  (sic);  galUce,  goûte  de  lin,  ou  agoure  de  lin;  ita- 
lice,  cuscuta.  P.  328. 

Aiguille  de  Berger  :  la  première  des  six  espèces  de  géra- 
nium indiquées  par  Fuchs.  —  Cette  locution  n'est  pas  dans 
Littré. 

Primam[geranii  speciem]  germ.  voce  nuncupatStorckensch- 
nabel,  id  est  ciconise  rostrum  ;  gall.,  agueille  de  bergier  ou  bec 
de  cigogne.  P.  626. 

Alkbkbngb.  — «Étym. —  Arabe,  al,  le,  et  kakendj,  mot  d'ori- 
gine incertaine,  qui  est  expliqué  dans  le  dictionnaire  de  Frey- 
tag,  par  résina  arboris  in  montibus  He^mti  crescentis,  cui  usus 
inmedicina  est.  »  (Littré.) 

En  ce  qui  concerne  le  sens,  cette  étymologie  n'est  guère 
vraisemblable.  Quel  rapport  y  a-t-il,  en  effet,  entre  le  co- 
queret  et  cette  résine  d'un  arbre  qui  croit  m  montibus  Heratil 
Il  n'est  pas  non  plus  absolument  nécessaire  de  recourir  à 
l'arabe,  qui,  ainsi  et  plus  encore  que  le  germanique,  doit  être 


TBCHNOLOOIB   BOTANIQUE  73 

considéré  comme  un  pis-aller  en  fait  d'étymologie  française, 
toutes  les  fois  que  le  latin  suffit  à  Texplication  cherchée.  Or 
c*est  ici  le  cas.  Le  latin  halicacabm  (grec,  aXexàxa^ov;  ital.,  ha- 
Ucacabo)  a  pu  former  Tadjectif.  Kalicacabicus  ou  hah'cacabius, 
qui,  employé  au  féminin  avec  herba,  exprimé  ou  s. -entendu, 
sera  devenu  en  français  *alcacage,  et,  avec  insertion  de  la 
nasale,  *alcacange,  *alk€kange,  alkange.  Cette  dernière  forme 
n'est  pas  hypothétique,  comme  le  prouve  Texemple  suivant  : 
Halicacabus,  Physsalis. . .  Coloniae  Juden  Kerssen,  in  Batavia 
Winter  Kerssen  oder  Boberellen  ;  in  galL,  baguenaudes,  al- 
kanges;  in  ital,,  halicacabo  volgare.  P.  526. 

Pour  ce  qui  est  de  Tinsertion  de  la  nasale  devant  Tarticula- 
tion  g  =y,  cf.  ronget'  (saintongeois,  rouger),  de  rodicare. 

Alun  de  plume,  —  Cette  locution  n'est  pas  dans  Littré. 

Ego  interea  malo  amiantum  lapidem  intelligere,  qui  germa- 
nice  Federweiss  Pliant,  et  Salamanderhar  appellatur  ;  gallice, 
alun  déplume.  Is  a  Matthiolo,  alumen  de  pluma  ofôcinarum  ; 
ital.,  alumi  di  piuma.  P.  791. 

Ancolib. — Trois  exemples  dans  Littré,  dont  un  seul  avec 
cette  orthographe. 

Rheuponticum  vulgo  Akeley.  —  Gall.,  anco/i<e;  ital.,  aquile- 
gia.  P.  214. 

Aneth.  — Pas  d'exemple  dans  Littré. 

Anethum.  -r-  GalL,  anet;  ital.,  anetho.  P.  650. 

Apparitoire.  —N'est  pas  dans  Littré. 

Germanis  Gliedkraut,  id  est,  articularis  herba  ;  Gallis,  ap- 
paritoire ;  Italis,  herba  pagana.  P.  805. 

Aquatique. —  Un  seul  exemple  dans  Littré. 

Barbam  sylvanam,  alii  pastoralem  fistulam  appellant.  — 
Germ.,  Wasser  Wegerich;  galL,  plantain  aquatic  ou  de  ma- 
retz  ;  ital.,  piantagine  acquatica.  P.  560. 

Arabice,  troène.  —  N'est  pas  dans  Littré. 

Ligustrum  vulgo  Beinhoetzlin,  Mundtholtz  et  Hartrigel .  — 
GalL,  throene  ou  arabice  ;  ital.,  guistricoô  olivette.  P.  54. 

Aristologie. — Littré  ne  donne  que  les  formes  aristoloche 
et  aristolochie, 

Aristolochia  longa. ....  .GalL,  aristologie  longue.  P.  31.  — 

Aristolochia  faemina. .  .GalL,  aristologie  ronde.  Ibid. 


74  TECHNOLOGIE   BOTANIQUE 

Armoirie,  œillet.  —  N'est  pas  dans  Littré. 

Germ.,  Grassbluomen  oder  Negelin  Bluomen,  Mutwillen, 
Colonieiisibus  Filetten,  Hollandis  Angers  ;  gall.,  des  œillets, 
des  armoiries;  ital.,  garofani.  P.  309. 

Armoise.  — Espergoute,  benoiste,  matricaire,  ienaisie,  atha- 
nasiCf  rosier  d'Inde, 

Prima  simpliciter  artemisia  latifolia  appellatur,  cujus  duo 
sunt  gênera,  colore  tantum  distantia:  unum  caule  et  floribus 
rubens,  germanis  rot  BeyflFiisz  dicitur;  gall.,  armowe;  ital., 
artemisia.  Alterum  candicans  caule,  fioribus  vero  flavis,  olim 
parthenis  vocata,  au  tore  Plinio  lib.  25,  ca.  7.  Altéra  species 
tenuifolia,  officinis  matricaria  ;  germ.,  Muterkraut  ;  holland., 
Maertel;  gall.,  espergoute  ou  benoiste  ou  matricaire  ;  ital.,  ma- 

rella  ô  matricaria Tertia  monoclonos,  tabernis  omnibus 

athanasia ,  anthjUis,  pleris  que  tanacetum  ;  german., 

Reinsarn  et  Wurmkraut  nominatur;  ^2l\.^  tenaisie  ou  atha- 
nasie.  Eandem  quidam  ambrosiam  decernunt,  sed  Hermolaus, 
Marcellus  cum  Plinio,  vagi  nominis  herbam  esse  dicunt.  Ma- 
thiolus  privatim  aliam  viva  imagine  ostendit.  Illi  congenerem 
herbam  esse  constat,  qnsd  elegantissimos  flores  profert,  ga- 
rjophyllos  indos  vocatos. . . .  Fuchsius  violam  flammeam  ap- 
pellat,  vttlgariter  Indianisch  Negelin  ;  gall.,  rosier  ou  gej^ofte 
d'Inde  ;  ital.,  flore  indiono. 

Ces  différentes  déflnitions  de  plantes,  considérées  comme 
assez  semblables  entre  elles,  concordent  avec  les  exemples 
cités  par  Littre  et  justiflent  l'emploi  qu'Amjot  a  fait  du  mot 
espargoute,  par  lequel  il  traduit  le  grec  napQévtov.  Littré  cite 
deux  exemples  d'armoise,  trois  de  tanaisie,  n'en  cite  pas  de  be- 
noîte, n'en  donne  qu'un  de  espargoute,  emprunté,  comme  nous 
venons  de  le  voir,  à  Amjot,  et  un  seul  encore  de  matricaire, 
extrait  d'Ambroise  Paré.  Cf.  ap.  L.  ï)elisle  (Note  sur  un  ms. 
de  Tours  renfermant  des  gloses  françaises  du  XIP  siècle.) 
Tanacheta  =  tanezic,  herba  sancte  Marie, —  artemisia,  mater 
herbarum  =  artemese. 

Artétique  {/ve).  —  N'est  pas  dans  Littré. 

ChamaBpityos. .  .Gall.,  ive  artétique  ou  ive  muscate.  P.  122. 

Asperge. —  Littré  en  cite  trois  exemples  du  XVP  siècle, 
comme  le  suivant,  mais  qui  en  diffèrent  par  l'orthographe. 


TECHNOLOGIE   BOTA.NIQOB  75 

Sparagus.  — Germ.,Spargen  ;  galL,  esparge.  P.  196. 
On  remarquera  que  esparge  se  tient  plus  près  que  asperge 
du  latin  sparagus, 

AuBiFoiN.  —  Un  exemple  dans  Littré. 

Cjanus  flos Trivialis  est,  in  frumentario  nascens 

agro,  calyce  rosarum  sed  squarroso,  tristi,  sine  odore,  qui- 
busdam  baptisecula,  quia  secantibus  metantibusque  officit, 
retusa  in  ejus  occursu  falce,  vulgo,  Blaw  Rocken,  sive  Korn- 
bliimen  ;  gall.,  blaveole  aubifoin,  bluet,  ou  percele;  ital.,  flore 
aliso  et  flore  campese.  P.  499. 

AuLNBB. —  Pas  d'exemple  dans  Littré. 

HsBc  herba  (Inula). — Germ.,  Alant  ;  gdl\.,aulnee;  ital.,  lella, 
enola  ou  enoa.  P.  236. 

Balausties. 

Balaustise. . . .  Gall.,  des  balausties.  P.  540. 

Littré,  bahuste,  balustre  et  balaustier. 

Bassinet  sauvage  simple,  —  Cette  locution  n'est  pas  dans 
Littré. 

Hollandis  Butterbluom  nuncupatur.  —  Germ.,  Ongefiilte 
schmaltzbluom  ;  gall.,  bassinet  sauvage  simple;  ital.,  pie  di  gallo. 
P.  667. 

Baume  crépu.  —Locution  non  citée  par  Littré. 

Mentha  sicca  nostra  lingua  Krause  Miintz;  gall.,  mente,  ou 
baumie  crespu  ;  ii^A..^  mentha  domestica  crespa.  P.  231. 

Bec  de  cigogne. — Sex  geranii  species  pîngit  scitissimus 
Fuchsius.  Primam  german.  voce  nuncupat  Storckenschnabel, 
id  est  ciconise  rostrum  ;  gall.,  agueille  de  bergier  ou  bec  d^ 
cigogne;  ital.,  gruaria  vel  gruina.  P.  626. 

Littré  n'indique  pas  cette  locution. 

Benjoin.  —  Le  plus  ancien  exemple  cité  est  de  Régnier. 

Magistrantia  quamostrutium  offlcinaBvocant,  nostri  Meister- 
wurtz.  —  Gall.,  benjoin  ou  angelique;  ital.,  belgioino.  P.  38. 

On  voit  qu'il  s'agit  ici  de  la  seconde  espèce  de  benjoin  ci- 
tée par  Littré.  2**  Benjoin  français,  un  des  noms  vulgaires  de 
rimpératoire,  dite  aussi  angelique  française. 

Benoîte.  —  V.  plus  haut  armoise,  et  cf.  L.  Delisle  (op.  cit.) 
benedicta,  gariofllata,  sanamunda  =  beneoite. 


76  TECHNOLOGIE    BOTANIQUE 

BiÂRE.  —  Littré  en  cite  un  exemple  (d'Olivier  de  Serres). 
Cervisiam  latini,  nostrates  vulgo  Bier;  galL,  de  la  cervoise 
ou  de  la  bière  dicunt.  P.  870. 
Blayéolb.  —  Littré  n'en  cite  pas  d'exemple. 
V.  plus  haut  Aubifoin. 

Blubt.  — Littré  n'en  cite  pas  d'exemple. 
V.  plus  haut  Aubifoin. 

Bon  Henri.  —  Pas  d'exemple  de  cette  locution  dans  Littré. 

Apud  Germanos  superiores  Guter  Heinrich,  Schmerbel  et 
gemein  Wundtkraut  ;  gall.,  bon  Henri  ou  ozeille  de  Tours;  ital.» 
bombice  di  teza  specie.  P.  525. 

Bonne  [Toute),  orvale.  — Locution  non  indiquée  par  Littré. 
V.  plus  loin  Orvaille. 

Bourse  de  berger.  —  Littré  cite  cette  locution,  mais  sans 
exemple  à  l'appui. 

Bursa  pastoris  germ.  dicta  Teschelkraut  ;  gall.,  bourse  de 
bergiers.  P.  808. 

Branche  ursine,  sorte  d'acanthe,  la  même  que  l'oursine. — 
Littré  ne  donne  pas  cette  locution. 

Acanthus  vulgo  Welsch  Bernkiaw,  propter  similitudinem 
anteriorum  pedum  ursi.  —  Gall.,  branche  ursine;  ital.,  branca 
orsina.  P.  804. 

Carvi,  plante  ombellifère. — Littré  n'en  cite  qu'un  exemple, 
lUud  nostro  idiomate  hoff  Kuym. —  Germ.,  Feldtkirmel  et 
Wisenkiimel  ;  gall.,  carvi;  ital.,  il  caro  ô  carvi.  P.  39. 

Cerfeuil.  —  Un  seul  exemple  dans  Littré. 
Chserefolium  nostris  Kerffélet  Kerbelkraut  pronunciatur. — 
Gall.,  cerfeuil  ou  salucille  ;  ital.,  cerofoglio.  P.  339. 
Cf.  ap.  L,  Delisle  (op.  cit.),  cerfolium,  sermenna  =  cerfoiz. 

Cbrusb.  —  Littré,  en  fait  d'exemples  anciens,  n'en  cite  que 
deux  empruntés  à  Ambroise  Paré. 

Cerussa.  —  Germ.,  Bleyweiss,  quibusdam  Weisse  Cerusz 
nuncupatur;  gall.,  de  la  cerusse  ou  fard.  P.  766. 

Chamaras.  —  Littré  ne  cite  aucun  exemple. 
Genuinum  scordium  cognosci  cœpit. — Germ.,  Wasserbate- 
nig;  gall.,  chamara  ou  germandrée  d'eau  ou  scordion.  P.  100. 


TBCHNOLOaiË   BOTANIQUE  77 

Chajibon  de  pierre,  charbon  de  terre. —  Locution  indiquée 
par  Littré,  mais  sans  exemple  à  Tappui. 

Bitumen  fossile  terrenum. — Germ.,  Steinkol;  galL,  charbon 
de  pierre;  ital.,  carbone  de  pietra.  P.  128. 

a  Charbon  de  pierre  »  est  encore  la  locution  préférée  de 
Montpellier. 

Chardon  à  cent  têtes,  --  Littré  cite  cette  location,  mais  sans 
y  joindre  d'exemple. 

Erjngium.  —  Germ.;  Manstrew,  nostris  Kruys  distel  et 
Wurtzelen  sonder  end;  gall.,  panicaut  ou  chardon  à  cent 
testes.  P.  62. 

Gharpentaire,  un  des  noms  vulgaires  de  la  scille. —  Littré 
n'en  cite  aucun  exemple. 

Scilla.  — Germ.,  Meerzwibel  vel  Meusszwibel;  gall.,  sti- 
poule  (sic),  charpentaire  et  oignon  marin.  P.  840. 

Châtaigne  de  rivière.  —  Littré  ne  donne  pas  cette  locution, 
mais  ((  châtaigne  d'eau,  la  macre.  » 

Tribulus  marinus.—  Germ.,  Wassernuss  ;  gall.,  chastaigne 
derivih*e  ou  truffes  ou  saligos;  ital.,  tribolo  aquatico.  P.  759. 

Chausse-trapb,  ou  chardon  étoile.  —  Littré  n'en  cite  pas 
d'exemple. 

Tribulus  terrester.—  Germ.,  Wegdorn;  gall.,  chausse  trappe. 
P.  759. 

Cf.  ap.  L.  Delisle  (op.  cit.),  saliunca,  ancusa,  paliurus  =s 
cachatrepa. 

Cheveux  de  Vénus.  —  Littré  cite  cette  locution,  mais  sans 
l'appuyer  d'exemples. 

Capillus  veneris. —Germ.,  Venus  har.;  gM.,  cheveux  de 
Venus.  P.  197. 

Chicotrin,  sorte  de  joubarbe. —  Littré  donne  chicotin,  suc 
extrait  de  l'aloès,  et  cite  deux  exemples  du  XVI®  siècle  où 
ce  mot  est  orthographié  cicotrin. 

Le  passage  suivant  présente  une  orthographe  et  une  signi- 
fication différentes:  Sedum  telephium  quod  ego  equidem  in 
HoUandia  vulgo  Hemelslutel,  hoc  est  csbU  clavis,  atque  in 
tabernis,  crassulam  majorem  dici  existimo  ;  gall.,  grassette, 
c^ico^m,  telephion  blanc;  ital.,  telephio  bianco,  fava  grossa 
6  inversa.  P.  802. 


78  TBCHNOLOaiB    BOTANIQUE 

Chicorée.  —  Littré  en  donne  trois  exemples,  tous  extraits 
d'un  même  auteur,  d'Olivier  de  Serres. 

Cicorea  lingua  nostrate  cicorey. — Germ.,  Wegwart;  gall., 
cichorée.  P.  367. 

Chiennéb,  hermodactyle,  sorte  de  colchique.  —  Littré  ne 
donne  que  ckïennée,  la  portée  d'une  chienne. 

Colchici  radix  sive  hermodactylus.  —  Germ,,  Pfaffenboden, 
zeitloss  herbst  blûmen,  Wild  safran  bliimen.  —  Gall.,  mort  au 
chien,  chiennée.  P.  308,  402. 

Chou  crespé,  chou  frisé.  —  Littré  ne  donne  pas  cette  locu- 
tion. 

Nostrates  crîspum  caulem  nuncupant,  hoc  est  Krausz  Koel  ; 
gall.,  chou  crespé,  P.  363. 

Chrysolithb.  — Deux  exemples  dans  Littré. 
Germ.,  ein  Hyacinct;  gall.,  chrysolite.  P.  202. 

CicoTRico,  pied  de  veau,  plante.  — N'est  pas  dans  Littré. 

Est  autem  Aron,  serpentaria  aut  dracunculus  minor:  vul- 
gus  nostrum,  quoniam,  promit  pistillum  exerti  ferme  genitalis 
effigie  (ut  cum  venia  dicam)  sacerdotis  virile;  germ.,  Pfaffén- 
pînt  et  Kalbsfuss,  quasi  vituli  pedem  nuncupat;  gall.,  aco- 
tricOjY. . ,  de  chien,  pied  d.e  veau;  ital.,  aro,  arisaro  b  gigaro. 
P.  73. 

Clou  de  girofle.  —  Un  seul  exemple  de  cette  locution  dans 
Littré. 

Garyophylla  nostris  Negelin,  quasi  clavi.  —  Gall.,  clous  de 
girofle.  P.  153. 

CocuB,  ciguë.  —  Est  cité  accidentellement  au  mot  ciguë, 
par  Littré,  comme  forme  du  Berry.  Je  puis  ajouter  qu'elle  se 
trouve  en  Saintonge  :  V.  Jônain  (Glossaire) ,  et  l'exemple  sui- 
vant prouve  qu'elle  date  au  moins  du  XVP  siècle. 

Cicuta.  —  Germ.,  Schirling  et  Wuoterich;  hoUand.,  Pyp- 
kruyt  ;  gall.,  ciguë  ou  cocue.  P.  519. 

Colle  de  bois,  de  bouche ,  forte,  de  poisson,  d'or. — De  ces  dif- 
férentes locutions  Littré  ne  cite  que  «  colle  forte.  » 

Germ.,  Leim;  coUe  forte  ou  colle  de  ôois;ital.,  colla  di  car- 
niceio.  Est  insuper  piscium  gluten,  Grsecis  ichthyocolla .... 
nostri  Hausenblass  appellant;  gall.,  colle  de  bouche  on  colle  de 


TECHNOLOGIE    BOTANIQUE  79 

poisson;  ital.,  colla  di  pesce,  P.  227-228.  —  Borax vulgo 

borrass  :  gall.,  borras  ou  colk  d'or;  ital.,  borrace.  P.  82. 

CoNSiRB,  espèce  de  consoude.  —  Littré  cite  incidemment 
ce  mot  (sub  voce  consoude)^  mais  sans  lui  consacrer  un  article 
spécial. 

Germ.,Walwurtz  etSchmerwurtz;  gall.,  consire;  ital.,  con- 
solida maggiore.  P.  595. —  Esb  (plant»)  siïit  symphjtum  alte- 
rum,  sive  majus,  bugla,  ac  bellis,  quae  Coloniensibus  Matsoess- 
gen,  Hollandis  Magdalieifen  vocitatur  ;  Germanis,  Masslieben, 
Massuselen  ;  Gallis,  eonsire,  marguerites,  pasquettes;  Italis, 
primo  flore.  P.  596. 

Coq,  espèce  de  menthe.  —  Littré  cite  un  seul  exemple  de 
cette  acception,  d'après  Olivier  de  Serres. 

Est  insuper  eodem  nomine  culinaria  herba,  quam  placentis 
ovorum  indunt  fseminse  nostrates  per  sBStatis  initium;  germ., 
Pfankuochenkraut,  Balsam  et  Kost  ;  gall.,  ducoc;  ital.,  herba 
di  santa  Maria.  P.  166. 

Coquelicot,  -t-  Deux  exemples  dans  Littré. 

Papaver  rubrum.  —  Germ.,  Kornrosen  et  Klapperrosen  ; 
gaM.^  coquelicot  ou  espèce  de  ponceau  ;  ital.,  papavero  salvatico. 
P.  353. 

CoRNAXiNE.  — Deux  exemples  dans  Littré. 
Blacta  Byzantia.  —  G»erm.,  ein  Onychel;  gall.,  cornaline; 
ital.,  onyca.  P.  64. 

CoRNUBTTE,  cousoudc  rojalc.  —  Littré  ne  cite  que  cornuet, 
nom  d'une  plante  corymbifère. 

Germanise  nostrsB  vulgo  Rittersporn  dicitur.  —  Gall.,con- 
soulde  royale  et  cornuette ;  ital.,  consolida  régal.  P.  161.  —  - 
Gall.,  pied    d'alouette,    cornuette;  ital.,    consolida    regale. 
P.  595. 

Crbtonart,  zédoaire.  —  N'est  pas  dans  Littré, 

Zaduaria nostra  lingua  Zeduar  etZenetwurtzel  ;  gall., 

cretonart.  P.  55. 

A  rapprocher  du  v.  français  citoual,  chitoual  et  citonal  (Du 
Cange,  au  mot  zedoaria)^  et  de  cituaux==  zeduarium,  ap.  L« 
Delisle.  (Note  sur  un  ms.  de  Tours  renfermant  des  gloses  fran- 
çaises du  XIP  siècle.) 


80  TBCHNOLOaiB  BOTANIQUE 

CuMAiN  sauvage.  —  Littré  ne  cite  pas  d'exemple  de  cette 
locution. 

Sylvestrem  cyminum  tuchsius  germanice  Wilder  Schwart- 
zer  Kûmich  vocari  testis  est. —  Gall.,  comin  sauvage.  P.  161. 

Curage  sans  macule,  persicaire  acre.  —  Littré  ne  cite  qu'un 
exemple  de  ce  mot  et  l'emprunte  à  Olivier  de  Serres,  qui 
remploie  seul,  et  n- j  joint  pas  «  sans  macule.  » 

Per^carianon  maculata. — Germ.,  Wasser  pfeffer,  Muc- 
kenkraut;  gall.,  poivre  d'eau  on  curage  sans  macule.  P.  30ô. 

Cf.  scurrago,  persicaria  personatia,  =  sewra^^.  Ap.L.  De- 
lisle  (op.  cit.),  p.  13. 

A.  Boucherie. 
(A  suivre.) 


Poésies 


LA  PONT  DE  CARROUSSET 


Vista  d'amount  en  aval, 

Dirias  un  got  de  cristal. 

(A.  Langlade.  La  Viradona.) 


Au  front  dôu  cap  Courouno,  es  un  poulit  endré 
Clafi  d'erbo  marine  e  nouma  Carrousset  : 
La  mar  sT  arredounisen  mignoto  calanco, 
Que  lou  flot  vèn  lipa  de  soun  escumo  blanco . 
A  la  pouncho  de  terro,  au  tremount,  uno  crous 
Estende  sus  la  mar  si  dous  bras  pietadous  ; 
De  roucas,  au  trelus,  uno  bloundo  muraio 
Embarrio  la  calanco,  e  Terso  la  travaio; 
E  la  mar  bluio,  enfin,  acabant  lou  tablèu, 
Pugis  à  Tourizount  e  se  perd  dins  lou  cèu. 

Mai,  o  bèn-fa  !  dins  la  calanco  secarouso 
Un  filet  d'aigo  douço,  e  lindo,  e  fresqueirouso, 
Pèr  li  bon  ribeirôu  e  fourtuno  e  soûlas, 
A  dous  pas  de  la  mar  rajo  d'un  grand  roucas. 
Lis  enfant  de  Carrô  emai  de  la  Courouno, 
Pretouca  dôu  présent  que  lou  bon  Dieu  ie  douno. 
An,  contre  lou  sourgènt,  fa  per  lou  terradou, 
Uno  poulido  font  emé  soun  lavadou  : 
A  toute  euro  dôu  jour,  au  barquiéu,  femo  e  flhe 
Lavon,  lou  bacèu  pico  e  la  lengo  babiho. 

Èro  un  vèspre  d'iver,  e  lou  soulèu  tremount 
Abrasavo  à  la  fes  la  mar  e  Tourizount  ; 
De  si  rai  engalis,  Tastre  d'or  caressavo 
L'oundeto  tremoulanto  e  que  beluguejave; 
Avié  caufa  la  terro,  e  lou  tèms  ère  dous  ; 
Li  roucas  de  la  ribo,  e  qu'en  plen  jour  soun  rous, 
Èron  couleur  de  flamo  emé  d'oumbre  viouleto. 
Tout  èro  tranquilas;  la  font  ère  souleto. 


82  POESIES 

0  sublime  moumen  !  ânicioun  d'un  bèu  jour  ! 
Ouro  d'adouracioun,  de  silènci,  d'amour! 
La  mar  d'azur  e  d'or  douçamen  murmuravo 
Soun  inné  au  Creatour,  e  la  terro  escoutavo  I 
£  moun  cor  au  councert  de  la  naturo  uni, 
Tout  esmougu  se  perdeguè  dins  l'inâni. 

Quant  moun  raive  duré  ?  noun  poudriéu  vous  lou  dire. 
Mai  d'argentine  voues,  defres  esclat  de  rire 
Me  tirèron  de  moun  countemplatiéu  pantai. 
En  re virant  lis  lue,  vese  un  eissame  gai 
De  femo,  d'enfantoun^  de  chato  poulideto, 
Que,  laugiero,  pourtant  chascuno  sa  dourgueto 
O  verdo,  o  jauno,  o  roujo,  e  drecho  sus  soun  front, 
Davalant  di  roucas,  s'en  venien  vers  la  font. 
D'aquéli  qu'èron  liuen,  la  forme  graciouso 
Se  trelucavo  en  oumbrinello  armouniouso 
A  la  cimo  di  ro,  sus  la  pourpro  di  niéu. 
Lis  âutri,  seguissènt  la  draiolo  dôu  riéu, 
Torto  coume  uno  serp,  à  la  filo  arribavon 
Au  sourgènt  de  la  mar  ;  aqui  se  descargavon 
De  soun  vas  vueje  encar©,  e  charravon,  risien, 
De  rampli  si  dourgueto  espérant  lou  moumen. 
Fres  bouquet  de  bèuta  tôuti  dins  sa  jouvènço  ! 
Flour  d'amour,  ournamen,  ourguei  de  la  Prouvenço  ! 
N'i'  avié  de  bloundineto  is  iue  blu  'mé  l'èr  dous, 
E  de  bruno  au  regard  plen  d'uiau,  arderous  ; 
E  chascuno,  à  soun  tour,  emplissié  sa  dourgueto. 

Pièi,  n'en  resté  plus  qu'une,  un  brisounetmoureto, 
Un  pau  palo  tambèn,  mai  au  visage  fin, 
Plante  de  tamaris  nascudo  au  vent  marin  ; 
Li  dous  nègre  bendéu  de  sa  cabeladuro 
Cenchavon  richamen  sa  seriouso  figure  ; 
Li  darrié  rai  dôu  jour  dauravon  si  bras  nus, 
Brunet  coume  sa  caro  ;  enfin,  éro  un  trelus 
De  gràci,  d'innoucénci  en  toute  sa  persouno, 
E  que  ine  retrasié,  vesént  este  chatouno, 
Li  femo  di  tabléu  de  Leopold  Roubert, 
Superbe,  s'enaurant  soute  un  céu  descubert. 


POESIES  83 

Mai  se  veguè  souleto  ;  e,  lèu,  lèu,  sus  sa  testo, 
Crentouso,  meteguè  sa  dourgo  qu'èro  presto; 
Piei,  me  passant  davans  :  «  Bon  vèspre  » ,  me  digue  ; 
E,  de  vers  si  coumpagno,  à  grand  pas  partiguè. 

T'ai  seguido  dôu  cor,  proucessioun  pouetico  ; 
E,  m'en  anant,  disiéu  :  «  Es  uno  sceno  antico  *  !  » 

P.  Dblille. 


A  MOUN  AMIC  BERTOUMIEU  BEDOS 


Dins  la  garriga  e  la  rocalha, 
As  fach  un  poulit  castelet  ; 
Aqul  toun  esprit  se  delaia 
E  se  coumplai,  quand  sies  soûl  et. 
Pas  fugit  esprès  la  calota  *, 
Lapatofia'  e  lou  mau  faràs*  ; 
le  fas  mai  d'un  cop  la  ribota  ^, 
Festa,  dimenche  e  dimàs  gras. 
Quand  ie  vas  embe  ta  familha, 
As  lou  cor  de  joia  coumoul, 
E  tout  aqui  t'escarrabilha 
Couma  lou  gril  dins  un  rastoul. 
Se  quauque  amie  ven  en  vesita, 
Lou  recaves  à  bras  de  cors, 
E  lou  barroul  de  ta  guerita  ^ 
Per  el  se  desfai  sans  esfort. 
Que  sies  uroi^s  dins  ta  demora  ! 
Au  mens  sabes  qu'as  un  endrech 
Que,  quand  maugasta''  per  defora, 

*  Provençal  (Avignon  et  les  bords  du  Rhône),  orthographe  des  félibres 
d'Avignon. 

*  La  calota  est,  surtout  dans  les  campagnes,  la  réunion  des  femmes  qui, 
l'après-midi,  portent  leur  ouvrage  chez  Tune  d'elles  et  s'entretiennent  ensem- 
ble, à  l'exclusion  des  hommes.  —  3  Patofia:  médisance,  caquets,  rapports  in- 
discrets. —  *  Les  méchancetés,  la  malfaisance .  —  ^  Partie  de  plaisir,  pique- 
nique,  repas  aux  champs.  Faire  ribota  signifie  manger  et  boire  avec  excès. 
•—  0  La  maison  de  campagne  à  laquelle  se  rapporte  cette  poésie  est  si  petite, 
qu'on  l'appelle  ^dLVÎois  la  guérite .  —  ^  Qimnd  maugasta:  quand  il  fait  mau* 
vais  temps. 


84  POESIES 

T'abriga  dan  vent  e  dau  frech. 
Vegere  un  jour  aquel  terraire 
Ë  sous  magres  acacias 
Que  la  tremountana,  pecaire  ! 
Aviè  toutes  desenâolhats  ; 
Vegere  sous  rounzes,  sas  blacas^ 
Que  la  nèu  tapa  entre  lous  rocs, 
E,  decai-delai,  sas  barracas  ' 
Esparpalhadas  per  lou  bos. 
Mais  quand  Abrieu,àla  rescoussa, 
Se  sarra  embé  soun  er  tebés 
E  trai  sas  perlas  sus  la  moussa, 
Quand  Mai  espandis  sous  bouquets, 
Las  flous  espigoun  per  tout  caire 
Dins  toun  castel  endimenchat, 
Que  fai  la  gloria  ^  dau  troubaire, 
A  la  façoun  qu'es  arrenjat. 
Bêlas  matas*  de  garda-rauba^ , 
Frigoula®,  aspic  "^ç   douces  perfums, 
Er  embaumât  que  porta  Tauba, 
Sourel  que  mascares  lous  gruns', 
Se  vous  escrive  sus  ma  lista, 
Es  que  me  fagueres  bon  iol; 
M'avès  agut  en  bon  esquiol^, 
E  de  ieu  gardas  la  counquista  *°  I 

COULAZOU. 

*  «  Blacas lits  de  rochers  calcaires,  ou  marneux  qui  se  fondent  à  l'air 

et  qui  composent  les  terrains  propres  aux  chênes.  »  (Honnorat,  Dict,  prov.- 
fr.,  I,  282.)  A  Montpellier,  blaca  signifie  chêne.  C'est  le  sens  que  lui  donne 
la  poésie  de  l'auteur. 

2  Les  environs  de  Castelnau-le-Lez  sont  semés  de  masets  ou  barraqîieSjbkiia 
quelquefois  au  milieu  de  la  garrigue. 

3  Gloria,  que  l'on  prononce  plus  souvent  gloia,  a  ici  le  sens  de  joie, 
plamr,  —  *  La  mata  est  la  réunion  des  tiges  ou  des  touffes  de  la  même 
plante.  —  ^  Santoline,  ou  garde-robe,  arbuste  odorant  —  ^  Le  thym,  que  l'on 
nomme  aussi  pota,  —  ^  Aspic  ou  lavande  —  ^  Grains  de  raisin.  —  »  M'avès 
gaut  en  bon  esquiol  :  Vous  m'avez  eu  en  bon  accueil.  —  *<>  Languedocien 
(Montpellier  et  ses  environs).  Orthographe  montpelliéraine. 


BERNAT    DE    VENTADOURN 
(1195?) 

A  'n  Anpos  Roca-Ferrier 

Al  mouatier  de  Daloun*  perque  sonon  las  laissas  ^  ? 
0  puegs',  vè  de  mourir  ;  vè  de  mourir,  o  baissas  *, 
Lou  que  reinas  e  reis  avian  afourtunat, 
Bernât  de  Ventadourn,  aura  Fraire  Bernât  ! . . . 

De  Tavisar  aqui  dins  sa  rauba  de  bura, 
E  la  testa  pielada^^,  e  lous  peds  sens  c^haussura, 
Qu  recounesseria  lou  galan  chantadour 
Qu'anava  passatrtemps,  tal  coum'  un  troubadour, 
La  cigala  al  chapel,  lou  mantel  sus  Tespalla, 
Un'  arpa  jous  soun  bratz,  qui  brugis  e  qui  bralla, 
Leur  cor  tout  sobroundan  ^  d'amour  emais  d'erguelh, 
Bourlan  Miejourn  e  Nort  a  Tarour  '  de  soun  uelh  ? 

Al  moustier  de  Daloun,  perque  sonon  las  laissas? 
0  puegs,  vè  de  mourir;  vè  de  mourir,  o  baissas, 
Lou  que  reinas  e  reis  avian  afourtunat, 
Bernât  de  Ventadourn,  aura  Fraire  Bernât  ! . . . 

L'ome  a  la  lengua  d'aur,  aitan  renoumat  couma 
Anacreo  de  Greza  e  Vergeli  de  Rouma, 
Madur  d'atge  e  de  sen,  a  finalmen  coumprés 
Qu'a  meqs  d'amar  Dieu  soûl,  amar  aco  n'es  res  ; 
Que  segre  lou  plazer  es  coupabla  feblessa, 
IJue  mantener  soun  ama  es  dever  de  noublessa, 
E  que  l'engenh  fai  mal  quan  fauta  de  far  be, 
E  que  lou  mounde  passa  e  sa  gloria  aitabe  I 

Al  moustier  de  Daloun,  perque  sonon  las  laissas  ? 
0  puegs,  vè  de  mourir;  vè  de  mourir,  o  baissas, 
Lou  que  reinas  e  reis  avian  afourtunat, 
Bernât  de  Ventadourn,  aura  Fraire  Bernât  ! . . . 

^  Abbaye  où  se  retira  Bernard  de  Ventadour:  Et  en  Bematz,  dit  sa  Vie, 
per  aquela  dolor,  si  s'en  rendet  a  Vorde^de  Dalon;  e  lai  definet.  —  *  Glas. 
—  8  Collines.  —  *  Vallées.  —  *  Rasée.  —6  Débordant.  —  '  Feu. 


86  POÉSIES 

«  Beutat  toutjourn  anciana  emais  toutjoum  nouvela, 
»  Soula  vermen*  durabla,  e  soula  vermen  bêla, 
»  Qae  t'ai;  mescouneguda,  o  Beutat  !  o  moan  Dieu  ! 
»  Per  un'  autra  beutat  passagieira  coum'  ieu  I . . .» 
Aital  dizia  Bernât  sus  sa  coustia  ^  de  cendre, 
E  sa  voutz  mourivousa  avia  quicom  de  tendre, 
Oouma  quan  souspirava  un  de  sous  «  planhs  d'amor  » 
A  la  doussa  Alaïs,  a  la  fier'  Aliéner  ! 

Al  moustier  de  Daloun,  perque  sonon  las  laissas? 
0  puegs,  vè  de  mourir;  vè  de  mourir,  o  baissas, 
Lou  que  reinas  e  reis  avian  afourtunat, 
Bernât  de  Ventadourn,  aura  Praire  Bernât  I 

Am  manh  e  manh  couven  couma  Daloun  vezina, 
Lous  mounges  de  pertout  abaston  ^,  d'Obazina, 
Del  Chaslart,  de  Glenic,  de  Caduin^  de  Bellueg  ; 
N'en  vendra  de  Cistels,  ou  n'en  vendria  d'enlueg; 
E  de  femnas,  n'i  a  be  !  Coumtessas  e  barounas 
Cochon  que  coucharan,  amb'  un  fais  de  couronnas 
Pel  mort  qu'an  depausat  dins  l'egleija,  al  mitan, 
Pel  mort  que  chai  velhar  en  puran,  en  chantan  ! 

Al  moustier  de  Daloun,  perque  sonon  las  laissas? 
0  puegs,  vè  de  mourir;  vè  de  mourir,  o  baissas, 
Lou  que  reinas  e  reis  avian  afourtunat, 
Bernât  de  Ventadourn,  aura  Fraire  Bernât  I . . . 

E  toutz  devans  Bernât,  am  de  l'aigua  senhada  * 
Que  gieton  sus  lou  cors,  passon  d'à  reng. . .  Counhada  ^ 
Dins  un  carre  *,  a  despart,  una  femna,  en  gran  dol, 
Plejada  dins  soun  vel  couma  dins  un  linsol, 
S'aprauma'   tout  d'un  cop,  e  muda,  tremoulanta, 
Bernât  I  sus  toun  cor  freg  pausa  sa  ma  bourlanta  ! 
Mas  tu,  coum'  una  serp,  de  te  recauquilhar^, 
E  d'alandar  ^  lous  uelhs,  e  de  vouler  braulhar  *o. 

Al  moustier  de  Daloun,  perque  sonon  las  laissas  ? 
0  puegs,  vè  de  mourir;  vè  de  mourir,  o  baissas, 

^  Vraiment.  —  s  Couettô,  couche.  —  »  Affluent,  arrivent.  ^  *  L'eau  bénite. 
*—  {^Blottie.—  •  Angle.—  '  S'approche.—  •  Tordre.—  »  D'ouvrir.—  *o  Criw, 


POESIES  87 

Lou  que  reinas  e  reis  avian  afourtunat, 
Bernât  de  Ventadourn,  aura  Praire  Bernât  l . . . 

Ailas  !  aquel  supar  qui  fazia  soun  delici, 
N'en  vol  pus,  n'en  vol  pus,  que  faria  soun  suplici  ! 
Reguinha*  dounc,  reguinha  ;  e  pueis,  sens  se  virar, 
Leva  sas  mas  el  cial,  coumaper  lei  moustrar; 
Las  leva  lentamen,  e  lentamen  las  baissa  ; 
Pueis,  couma  dins  un  liet  s'adoba*  dins  la  caissa, 
Per  'mor  '  de  countuniar  soun  bel  som  eternal, 
Doun  Ta  desterroumput  un  soucilh  terrenaJ. 

Al  moustier  de  Daloun,  perque  sonon  las  laissas? 
O  puegs,  vè  de  mourir  ;  vè  de  mourir,  o  baissas, 
Lou  que  reinas  è  reis  avian  afourtunat, 
Bernât  de  Ventadourn,  aura  Fraire  Bernât  ! 

E  lou  pople  cop-sec  *  de  cridar  :  «  Meravilha  ! 
»  QuaP  es,  quai' es  aco  laqu'aital  derevilha? 
»  La  qu'aital  revis  cola?  Aliéner  ?  Alaïs?. . .  » 
Mas  ela,  avans  la  nueg,  avia  fach  del  païs^. 
Remercian  del  reguart  lous  qui  Tavian  seguda, 
D'à  galop  de  chaval,  tal  coum'  era  venguda, 
Landa,  e  ganha  en  Couirous,  oun  troubara,  segur  ^, 
A  l'oumbra  de  l'autar,  la  patz  e  lou  bounur  I 

Al  moustier  de  Daloun,  perque  sonon  las  laissas? 

0  puegs,  vè  de  mourir;  vè  de  mourir,  o  baissas, 

Lou  que  reinas  e  reis  avian  afourtunat. 

Bernât  de  Ventadourn,  aura  Fraire  Bernât  "^  ! 

Josep  Rous. 
V  d'abrial  mdcccîlxxx. 

*  Regimbe.  —  *  S'arrange,  dispose.  —  •  Afin  de.  —  *  Aussitôt.  —  ^  Avait 
fait  du  chemin,  avait  fait  du  pays. — 6  Coiroux,  fondé  par  saint  Etienne,  comme 
Obazine,  fut  un  monastère  de  filles.  Les  plus  nobles  noms  de  Limousin  et 
d'Aquitaine  s'y  couvrirent  d'humilité  devant  les  hommes  et  de  gloire  devant 
Dieu.  L'abbaye  de  Coiroux,  dont  il  reste  des  ruines,  occupait  une  vallée  étroite, 
profonde,  à  une  petite  distance  d'Obazine.  Il  n'était  pas  rare  qu'époux  et  épou- 
ses se  retirassent,  les  uns  à  Obazine,  les  autres  à  Coiroux,  ce  qui  donna  lieu 
au  proverbe  : 

«  Qui  a  fille  à  Coiroux  a  gendre  à  Obazine»  » 

"^  Limousin.  Orthographe  des  troubadours. 


BIBLIOGRAPHIE 


Jonfrois.  Altfiransœsisches  Rittergediclit  zum  ersten  mal  herausgegeben 
von  Konrad  Hofmann  und  Franz  Muncker  ;  Halle,  Niemeyer,  1880,  in-8*, 
vm-134  pages. 

Le  titre  de  ce  volume  fait  penser  tout  de  suite  au  Jaufre  provençal; 
mais  il  n'y  a  rien  de  commun  entre  les  deux  ouvrages.  Le  poëme 
français  n'est  pas  cependant  sans  quelque  rapport  avec  la  littérature 
provençale.  Un  des  personnages  épisodiques  est  le  troubadour  Mar- 
cabru,  et  je  soupçonne  qu'il  faut  voir  dans  le  héros  lui-même,  Joufroi, 
comte  de  Poitiers,  un  autre  troubadour,  le  premier  de  tous  par  la 
date,  à  savoir  Guillaume  VII,  auquel  l'auteur,  confondant  ici,  comme 
il  le  fait  d'un  bout  à  l'autre  de  son  roman,  les  noms,  les  temps  et  les 
lieux,  aura  attribué  le  nom  qu'avait  porté  Guillaume  VI,  son  père, 
que  nous  savons  s'être  appelé  Gui  Geoffroy,  lorsqu'il  n'était  encore  que 
duc  d'Aquitaine. 

Il  ne  serait  nullement  impossible  que  les  aventures  attribuées  à 
Joufroi  dans  le  roman  français  ne  fussent  de  celles  que  les  jongleurs 
devaient  raconter  du  noble  comte  leur  patron,  et  qu'il  avait  peut-être 
lui-même  mises  en  vers,  comme  il  fit  un  jour  de  ses  exploits  amou- 
reux en  Auvergne. 

Elles  sont,  en  tout  cas,  tout  à  fait  dans  son  caractère  :  «  Lo  coms 
de  Peitieus,  dit  la  notice  provençale  qui  précède  ses  chansons  dans 
deux  mss.,  sifo  uns  dels  majors  cortes  del  mon  e  dels  majors  tricha- 
dors  de  dompnas  ;  e  bons  cavalliers  d'armas  e  lares  de  dompneiar. . . 
et  anet  lonc  temps  per  lo  mon  per  enganar  las  domnas.  »  Or  Joufroi, 
dans  notre  roman,  n'a  d'autres  occupations  que  celles-là.  Les  anachro- 
nismes,  les  confusions  de  noms,  ne  sauraient  empêcher  d'être  frappé 
des  ressemblances  que  je  signale.  Les  romanciers  s'en  permettent 
souvent  d'ailleurs  de  bien  plus  graves.  Si  nous  avons,  en  effet,  affaire 
à  Guillaume  VII,  tout  se  borne,  en  fait  d'anachronisme,  à  l'avoir  ra- 
jeuni de  quelques  années.  Il  est  certain  que  tous  les  personnages  du 
roman,  étant  admis  que  Joufroi  est  Guillaume  IX,  ont  été  réellement 
contemporains,  bien  que  les  événements  racontes  n'aient  pu  se  passer 
dans  l'ordre  suivi  par  l'auteur  ou  ne  se  soient  même  pas  passés  du 
tout,  ce  qui  doit  être  le  cas  de  la  plupart. 

Nous  voyons  figurer  dans  le  roman  un  Henri,  roi  d'Angleterre. 
C'est  Henri  1er  (1100-1135),  quoique  l'auteur  le  mette  aux  prises  avec 
les  Écossais  et  les  Irlandais,  le  confondant  ainsi  avec  ses  successeurs 
Etienne  et  Henri  II.  Sa  femme,  en  effet,  qui  joue  <  dans  l'action,  à 


BIBLIOGRAPHIB  89 

deux  reprises,  un  rôle  important,  est  appelée  Alis,  et  noua  savons 
que  tel  fut  le  nom  de  la  deuxième  femme  de  Henri  Ur  (Alice  de  Lou- 
vain,  qu'il  épousa  en  1121,  princesse  connue  pour  avoir  protégé  les 
lettres  et  qui  fut  célébrée  par  plusieurs  trouvères  ). 

Le  troubadour  Marcabru,  que  Fauteur  fait  parler  avec  une  liberté 
qui  est  aussi  on  ne  peut  plus  dans  le  caractère  du  personnage*, 
vivait  encore  en  1147(voy.  Romania,  VI,  123).  Il  n'y  a  rien  d'invrai- 
semblable à  admettre  qu'il  courait  déjà  le  monde  vers  1120. 

Alphonse  [Jourdain],  comte  de  Toulouse,  que  le  roman  nous  repré- 
sente comme  ayant  été  en  guerre  avec  Joufroi,  le  fut  en  effet  avec 
Guillaume  VII  (de  1114  à  1120).  Les  événements  racontés  dans  le 
roman  sont  tout  différents  de  ceux  de  l'histoire  ;  l'auteur  intervertit 

*  Marcabru,  envoyé,  avec  d'autres  messagers,  par  les  Poitevins,  à  la  re- 
cherche de  leur  seigneur,  qui  courait  les  aventures  sous  un  faux  nom,  arrive 
à  la  cour  d'Angleterre  (v.  3599)  : 

Uns  dancheus  que  Talot  querant 
Est  venuz  a  Londres  errant. 
Marchabruns  ot  non  li  messages, 
Qui  molt  par  fu  corteis  et  sages. 
Trovere  fu  molt  de  grant  pris. 
Bien  le  conuit  11  rois  Henris, 
Qu'assez  l'ot  en  sa  cort  veii. . . . 
Entre  li  cuens  par  lo  palais 
Qui  portoit  un  faucon  montais . 
Si  tost  con  Marchabrun  lo  vit, 
Lo  conoit  bien,  au  roi  a  dit  : 
c  Sire,  fait-il,  veez  le  lai, 
Le  truan,  que  en  tel  esmai 
Laisse  toz  cels  de  son  pais.  » 

—  «  Gabes  tu?  »  fait  li  rois  Henris. 

—  tt  Sire  ge  non,  se  Deus  me  vaille.  » 

Puis  s' adressant  au  comte  lui-même  : 

«  Mauvais  cuens  lainiers  et  châtis 
Que  fais  tu  en  cestui  païs? 
Li  cuens  Nanfos  ja  te  destruit 
Tote  ta  terre  jor  et  nuit. 
Tu  n'as  ville  ne  fermeté 
Que  il  nen  ait  ars  et  brusé*. 
Fors  che  Poitiers  tôt  solement. 
Certes  molt  te  fusse  plus  gent 
Que  tu  défendisses  ta  terre 
Que  cha  fusses  folie  querre.  » 

*  Prov.  àruzar.  Les  éditeurs  corrigent  brus[l]€. 


90  BIBLIOaRAPHm 

les  rôles,  transporte  du  Toulousain  dans  le  Poitou  le  théâtre  des 
hostilités  entre  les  deux  princes.  Mais  tout  cela,  dans  une  œuvre  d'ima- 
gination, ne  saurait  surprendre,  et  ce  n'est  pas  une  raison  suffisante 
pour  faire  rejeter  l'identité  que  je  suppose  du  Joufroi  du  roman  et  du 
Guillaume  de  l'histoire.  ' 

J'en  dis  autant  d'un  autre  détail  qui  milite  aussi,  les  mêmes  réserves 
faites,  en  faveur  de  Pidentification  proposée. 

Joufroi,  après  avoir  fait  prisonnier  le  comte  de  Toulouse  et  l'avoir 
retenu  longtemps  «  à  Poitiers  dedens  un  donjon  »,  fait  enfin  sa  paix 
avec  lui.  Il  épouse  Amauberjain,  fille  d'Alphonse,  et  reçoit  Toulouse  en 
dot.  Or  cela  aussi,  tout  inexact  que  ce  soit,  a  un  fondement  historique. 
On  sait  que  Guillaume  VII  avait  épousé,  en  1094,  Philippa,  fille  de 
Guillaume  IV,  comte  de  Toulouse,  et  que  ce  fut  sous  le  prétexte  des 
droits  de  sa  femme  qu'il  s'empara  de  Toulouse  à  deux  reprises  dif- 
férentes, et  l'occupa  quelque  temps  chaque  fois,  la  première,  de  1098 
à  1100  environ; la  seconde,  de  11 14  à  1119. 

L'auteur  de  Joufroi  nous  apprend  que  c'est  à  Saint-Pierre-de-Ma- 
guelonne  qu'il  a  trouvé  la  «  vie  »  de  son  héros.  Voici  le  pasiage  : 

V.  2320.    Si  revoil  del  conte  parler, 

S'il  vos  pleist  que  plus  vos  en  die. 
Escoutez  «moi  si  orrez  sa  vie, 
Einsi  corn  ele  me  fu  dite, 
La  u  ge  la  trovai  escrite 
A  Saint  Peire  de  Maguelone. 
Des  le  main  i  mis  jusqu'à  none 
Âinz  que  j'en  fusse  a  la  fin. 
Iluec  la  getaî  de  latin  ; 
Despuis  si  Tai  en  rime  misse 
Et  en  romanz  Testoire  asisse. 

On  ne  connaît  du  roman  de  Joufroi  qu'un  seul  ms.,  conservé  dans 
la  bibliothèque  de  Copenhague,  et  qui  est,  paraît-il,  du  commence- 
ment du  XIV®  siècle.  L'ouvrage  est  incomplet  ;  il  s'arrête,  dans  l'état 
actuel  du  ms.,  au  v.  4610,  sans  qu'on  puisse  exactement  évaluer 
l'étendue  de  ce  qui  manque. 

Le  nom  de  l'auteur  est  inconnu,  et  c'est  dommage,  car  il  avait  du 
talent.  C'est  un  esprit  subtil  et  précieux,  très-versé  dans  la  méta- 
physique amoureuse,  et  qui  se  plaît  à  le  montrer.  Il  rappelle  souvent 
l'auteur  de  Flamenca, 

La  langue  de  Joufroi  pourrait  donner  lieu  à  des  observations  inté- 
ressantes. Les  éditeurs  y  voient,  sans  motifs  suffisants,  à  mon  avis, 
du  bourguignon.  Les  provençalismes  n'y  manquent  pas  * .  Je  croirais 

*  M.  Boucherie  me  fait  remarquer  que  ce  pourrait  bien  n'être  que  des  poi- 


BIBLIOaRAPHIE  91 

volontiers  que  la  Yie  latine  trouvée  à  Maguelonne  fut  d'abord  mise 
en  vers  provençaux,  et  que  c'est  un  rifacimento  français  de  cette  ver- 
sion provençale,  si  en  effet  il  y  en  a  eu  une,  que  nous  avons  dans  le 
Joufroi  de  Copenhague. 

Quoi  qu'il  en  soit,  et  à  s'en  tenir  à  ce  qui  est  certain,  le  lien  qui 
rattache  ce  roman  à  la  littérature  provençale  est  évident.  Aussi  a-t- 
il  pour  ceux  qui  s'occupent  spécialement  de  l'histoire  de  cette  litté- 
rature un  intérêt  tout  particulier,  et  c'est  pour  cela  que  nous  avons 
tenu  à  y  appeler  sans  retard  l'attention  de  nos  lecteurs. 

C.  C. 

Quattro  Novelline  popolari  livomesi,  accompagnate  da  variant!  Umbre, 
raccolte,  pubblicate  ed  illustrate  cou  note  comparative  da  Stanislao  Prato. 
—  Spoleto,  Bassoni,  1880^  in-4o,  168  pages 

L'ouvrage  de  M.  Prato  a  pour  objet  quatre  contes  livoumais  : 
((  la  Donna  dei  sette  cedri,  le  Tre  Ragazze,  il  Re  e'  su'  tre  figliôli, 

tevinismes  ou  des  santonismes.  Voici,  dans  tous  les  cas,  quelques  exemples  : 

de  les,  a  les,  génitif  et  datif  de  Tarticle  féminin  pluriel,  pour  des,  aus  ou 
a«(4507,  2420,  3231,  etc.); 

el  pronom  maso,  sujet  (663, 703); 

U  pronom  féoainln  sing.  sujet  (23,  24); 

0  pronom  neutre  régime  (3388,  4333); 

3e  pers.  sing.  de  l'imparfait  du  subjonctif  en  sse  (  =  prov.  ssa)  au  lieu  de 
st:  feisse,  meisse,  ftisse,  etc.  (778,  9,  etc,  etc.); 

par  remplaçant  pot^r  (à  cause  du  per  provençal  qui  représente  |3er  etpro?): 
le  tenist  par  fel  (276,  etc.,  etc.).  Au  contraire,  por  remplaçant  par  (280),  con- 
fusion due  sans  doute  à  la  même  cause  ; 

des  formes  en  a  comme  filla  (3539),  veignaz  (2895),  durara  (4137),  mas 
(537); 

des  mots  comme  brusé  (3678),  déjà  relevé  ci-dessus  ;  renevier  (3714)  =  prov. 
renovier,  qu'on  a  imprimé  revevier  et  expliqué  en  note  d'une  façon  bizarre  ; 
faidis  (3820)  =:  banni  ;  croi,  au  vers  3295,  qu'il  faut  corriger  corne  [orné]  de 
croi  ator,  et  non  de  détroit  ator;  conduit  (1671),  au  sens  de  provision  de 
bouche  (prov.  conduch)',  l'emploi  du  futur  antérieur  pour  le  parfait  (cf. 
RevMe,  Xn,  100, 1.  4)  au  vers  3619;  l'emploi  du  génitif  après  une  exclamation 
(3529):  Ai  Deusl  dit-il,  del  lecheor  l  Cf.  ibid,  p.  99;  ensir  =  exire  (151, 
813,  2120,  etc.,  etc.).  Je  ne  me  rappelle  pas  avoir  vu  cette  forme  ailleurs  qu'en 
provençal  (par  ex.  Provenz.  Blumenlese  der  Chigiana,  211,  3). 

Je  termine  cette  note  par  deux  ou  trois  corrections  à  joindre  à  celles  qui 
précèdent.  On  en  trouvera  beaucoup  d'autres  dans  un  article  de  M.  Mussafia 
inséré  au  n»  de  février  du  Literaturblatt , 

1066.  «  que  il  [avi]a  ».  Le  t;  est  de  trop.  Lis.  aja.-^  1869.  «  Deu  en  laï.  » 
Corr.  en  haï,  et  non  en  loa,  comme  on  le  propose  en  note.  (Le  faux  hermite 
était  mécontent  de  voir  arriver  sa  dame  en  compagnie).  —  3385.  «  Tameis- 
sion.  »  Lis.  lameission  (=  dépense).  —  4108.  Lis.  la  tient  et  non  l'aient. 


92  BIBLIOGRAPHIE 

il  Re  serpente.  »  Après  le  texte  de  ces  récits  (p.  11-24)  vient  le 
résumé  des  variantes  ombriennes  (p.  25-45).  Puis,  dans  des  notes 
comparatives  (p.  46-168),  l'auteur  rapproche  ces  quatre  récits  êifis 
légendes  analogues  qu'il  a  pu  relever  en  diverses  littératures.  Cette 
partie  est  de  beaucoup  la  plus  intéressante.  L'auteur  fait  preuve  d'une 
érudition  puisée  aux  meilleures  sources.  C'est  une  chose  aujourd'hui 
démontrée,  que  les  peuples  de  l'Europe  possèdent  de  temps  immé- 
morial un  fonds  commun  de  légendes  qui,  suivant  les  lieux  et  les 
temps,  se  sont  modifiées  à  l'infini  ;  mais  cette  démonstration  acquiert 
une  force  surprenante  quand  on  a  la  patience  de  noter,  chez  tous  les 
peuples  de  l'Europe  et  môme  de  l'Orient,  les  variantes  de  quelques 
fables.  Il  arrive  parfois  que  ces  légendes  se  croisent  et  s'entre- 
mêlent au  point  que,  si  l'on  n'était  renseigné  comme  l'est  M.  Prato, 
on  aurait  grand'peine  à  s'y  reconnaître.  Avec  lui,  on  ne  perd  nulle 
part  le  fil,  et  l'on  suit  sans  difficulté  ces  curieuses  transforma- 
tions, qui,  des  mythes  de  l'Orient,  ont  fini  par  aboutir  aux  contes  de 
M™®  d'Aulnoy.  Je  n'essayerai  pas  de  faire  ici  la  liste  des  ouvrages  que 
M.  Prato  a  consultés  ;  elle  fournirait  une  excellente  bibliographie 
des  légendes  populaires.  De  tels  travaux,  outre  leur  mérite  intrin- 
sèque, permettent  d'apprécier  l'état  de  la  science  sur  un  ensemble 
de  questions  importantes.  L'on  peut  ainsi  constater  ce  caractère  de 
l'imagination  populaire,  qu'elle  se  contente  de  quelques  cadres  tracés 
de  bonne  heure  ;  qu'au  lieu  de  chercher  des  types  nouveaux  et  des 
situations  sans  analogues  dans  la  tradition,  elle  préfère  varier  à  l'in- 
fini le  contenu  et  le  détail.  Par  là,  les  contes  se  rattachent  à  la  poé- 
sie vraie,  qui  revient  éternellement  à  certaines  conceptions  fécondes, 
mais  peu  nombreuses,  comme  ils  se  distinguent  profondément  du 
roman,  qui  vise  à  intéresser  par  la  nouveauté  de  l'intrigue  et  l'im- 
prévu des  péripéties.  L'erreur  des  romantiques  allemands,  et  en  par- 
ticulier de  Tieck,  a  été  de  vouloir  fondre  ensemble  des  germes  aussi 
réfractaires  à  toute  combinaison.  Je  ne  sais  rien  de  plus  impatientant, 
pour  les  amateurs  des  contes  de  Perrault,  que  la  lecture  des  drames 
allemands  de  Barbe-Bleue,  du  Chat-Botté  et  du  Petit-Poucet. 

F.Castets. 

Étude  des  dialectes  romans  on  patois  de  la  basse  Anvergne,  par 

M.  F.  Malval.—  Clermont-Ferrand,  Rousseau,  1877,  in-16, 192  pag. 

Ce  titre  est  de  nature  à  tromper  le  lecteur.  En  réalité,  le  volume  de 
M.  Malval  est  composé  d'un  «  tableau  comparatif  de  mots  du  dia- 
lecte roman-piémontais  et  des  mots  analogues  du  dialecte  roman- 
auvergnat  »  (p.  17  à  189).  Il  est  précédé  de  notes  sur  la  prononcia- 
tion du  premier  de  ces  idiomes,  et  suivi  d'un  appendice  tout   à  fait 


BIBLIOGRAPHIE  93 

insuffîsan  (190-192)  sur  les  mutations  de  consonnes  du  second.  L'au- 
teur nous  apprend  que  les  exemples  auvergnats  ont  été  recueillis  à 
Clermont-Ferrand  et  parmi  les  villages  qui  l'environnent,  tandis  que 
les  exemples  piémontais  proviennent  de  la  deuxième  édition  du  voca- 
bulaire de  Zalli. 

Le  langage  du  département  du  Puy-de-Dôme  et  celui  de  la  partie 
italienne  de  Tancien  royaume  de  Sardaigne  sont  relativement  trop 
dissemblables  pour  donner  beaucoup  d'utilité  à  ces  rapprochements. 
M.  M.  aurait  pu,  en  outre,  exclure  les  expressions  que  le  latin  clas- 
sique fournit  depuis  quatre  siècles  à  toutes  les  langues  romanes. 
Des  deux  côtés  des  Alpes,  abondance,  argent,  armistice,  augmenter, 
produisent  des  formes  identiques  et,  par  cela  même,  d'une  valeur 
presque  illusoire.  Ces  défectuosités  de  méthode  rendront  l'ouvrage 
de  l'auteur  inutile  à  ceux  qui  recherchent  autre  chose  que  des  parti- 
cularités de  dialectologie  locale.  A  ce  titre,  nous  avons  cru  devoir 
relever  les    suivantes  : 

Pages  18,  27  et  98,  aneui^  au  dgiou  d'aneui,  signifient  aujour- 
d'hui à  Clermont-Ferrand,  exemple  à  joindre  à  ceux  que  M.  le  docteur 
Espagne  a  réunis  às.ji^  A-nuit  =  Aujourd'hui  (R&oue^^^  ^étiQ,  II, 
156)  K 

P.  28.  Prendre  la  mounina;  en  piémontais  :  pié  la  mena,  signifie 
s'enivrer.  On  dit  à  Montpellier  :  car  g  à  la  mounina. 

P.  46.  Cristof  que  se  moutcha  mei  na  peira  (Christophe  qui  se 
mouche  avec  une  pierre)  peut  être  rapproché  de  la  comparaison  lan- 
guedocienne :  Drech  couma  moun  couide  quand  se  moca  (droit  comme 
mon  coude,  lorsqu'il  se  mouche)  et  de  la  formule  :  Se  moca  pas  embe 
lou  couide. 

P.  55.  On  lit  un  dicton  rimé  que  l'auteur  a  transcrit  comme  s'il 
était  en  prose  : 

Greissa,  St-Juan, 
Venia  sadge  et  grand . 

P.  56.  Les  braies  gauloises  se  nomment,  en  basse  Auvergne,  bro- 
jas.  M.  M.  signale  en  même  temps  le  substantif  à  demi  français  de 
cullotta.  Bralhas  et  culolas  existent  couramment  à  Montpellier. 

P.  84.  On  trouve  l'auvergnat  Foutriquet,  que  M.  M.  aurait  pu  rap- 
procher du  surnom  donné  à  M.  Thiers  par  le  maréchal  Soult,  lequel 
était,  comme  on  sait,  d'origine  méridionale.  M.  M.  mentionne  le  pié- 
montais Fotrichet  (pron.  Fow),  qu'il  traduit  à   tort  par  petit  homme 

*  A  propos  de  ce  travail,  M.  Paul  Meyer  fait  remarquer,  Romaniaj  IX,  158, 
que  rétymologie  anuit  =  arf  noctem  a  été  déjà  donnée,  Romania^  VI,  129. 
Le  renvoi  est  inexact. 


94  BIBLIOORAPHIE 

nul,  pétulant  et  arrogant.  Le  radical  du  terme  en  question  et  les 
formes  nombreuses  qui  en  ont  été  tirées  indiquent  qu'il  signifie  plutôt 
homme  petit,  remuant  et  libertin. 

P.  85.  Gage  est  accolé  aux  mots  piémontais  roha  et  gctgi,  qui  dé- 
signent les  meubles,  les  troupeaux  et  les  objets  mobiliers  en  général. 
Il  semble  difficile  d'admettre  que  rauha,  qui  s'est  maintenu  en  Pro- 
vence et  en  Languedoc,  ait  disparu  des  montagnes  de  l'Auvergne. 

«  Les  bergers  d'Arles,  dit  Honnorat  (Bict,  prov,'fr,,  II,  1019),  don- 
nent encore  aujourd'hui  le  nom  de  rauha, . .  àla  réunion  des  objets 
qu'ils  transportent  avec  eux.  A  la  rauha  !  crient-ils  à  leurs  chiens, 
quand  ils  s'écartent  de  leur  équipage.  » 

Guiraldenc  l'emploie  avec  un  sens  identique  dans  sa  poésie  mont- 
pelliéraine  la  Blanda: 

Es  tems  de  revenl 
E  d'anà  à  la  rauha, 
Car  n'an,  desempioi  l'auha, 
Tastat  qu'un  cop  de  vi. 

Dans  certaines  chartes  languedociennes  du  XVI*  siècle,  rauha  dé- 
signe les  marchandises  transportées  sur  des  navires. 

P.  104.  Mouègre  couma  un  pic  (maigre  comme  un  pic-vert)  a  son 
équivalent  piémontais  dans  magher  com  un  pich.  On  dit  à  Montpel- 
lier :  Es  magre,  ou  bien  es  sec  couma  un  pic, 

P.  172.  Un  tourmenta-crestian  est,  comme  en  piémontais,  un  im- 
portun, un  ennuyeux.  M.  Pietro  Preda  avait  remarqué  déjà  {Revive, 
2®  série,  V,  215)  qu'à  Milan,  et  surtout  dans  la  campagne  milanaise, 
chrétien  était  synonyme  d'homme.  On  peut  ajouter  qu'il  en  est  de 
même  à  Montpellier,  où  crestian  et  crestiana  signifient  couramment 
homme  et  femms.  Le  gallicisme  cretièn  (es  un  hon  cretièn)  est  de 
plus  en  plus  afiecté  à  ceux  qui  s'acquittent  exactement  de  leurs  obli- 
gations morales  et  religieuses.  La  langue  rumonsche  possède  aussi 
la  première  de  ces  significations,  et  l'un  de  ses  poëtes  en  offre  un 
exemple  trop  curieux  pour  n'être  pas  rapporté  :  Jésus-Christ,  appe- 
lant ses  disciples  et  leur  annonçant  qu'il  désire  sauver  les  pécheurs, 
se  désigne  sous  la  qualification  de  Filg  del  Crastiaun,  qui  répond  au 
Fils  de  V Homme  des  Évangiles  : 

A  se  Discipuls  clama, 

E  'Is  disch  chia  '1  Filg  del  Crastiaun. 

D'  salvaer  ils  pchaeders  brama* . 

A.  Roque-Ferrier. 

'  Testimoniaunza  dalV  amur  stupenda  da  Gesu  Christo  vers  pchiaduors 
uniauns,  par  J.  Frizzun.  Cellerina,  1789,  in-8o,  p.  10. 
Molière,  dans  les  Précieuses  ridicules,  dit  encore  «  Parlez  chrétien  »,  au 


BIBLIOGRâPHIB  '  95 

Les  Correspondants  de  Peiresc—  II.  César  Nostradamns.—  Lettres 
inédites,  écrites  de  Salon  à  Peiresc  en  1628-1629,  publiées  et  annotées  par 
M.  Tamizey  de  Larroque,  1880,  in-8o. 

Voici  encore  une  de  ces  publications  comme  M.  Tamizey  de  Larro- 
que sait  les  faire,  où  le  commentaire  ne  laisse  dans  Tombre  aucun  des 
points  du  texte  sur  lesquels  le  lecteur  puisse  souhaiter  un  éclaircis- 
sement. Ces  lettres  de  Nostredame,  bien  qu'écrites  dans  les  dernières 
années  de  sa  vie,  à  une  époque  où  la  verve  qui  anime  son  Histoire 
de  Provence  avait  dû  beaucoup  s'affaiblir,  sont  d'ailleurs  intéressantes 
par  elles-mêmes,  et  l'on  devrait  encore  savoir  gré  à  l'habile  éditeur 
de  les  avoir  publiées,  n'y  eût-il  pas  joint  l'introduction  et  les  savantes 
notes  qui  y  ajoutent  un  si  grand  prix. 

C.  C. 

Athénée  de  Forcalqnier  et  Félibrige  des  Alpes.  Félibrée  de  Saint- 
Maime.  14  juin  1880.  Forcalquier,  Auguste  Masson,  1880,  in-80,  16  p. 

Ij^ Athénée  de  Forcalquier  et  le  Félihrige  des  Alpes  tiennent  des 
séances  communes,  où  la  langue  d'oc  et  le  français  se  produisent  avec 
des  droits  égaux.  Les  membres  qui  avaient  pris  part  à  celle  du  13  juin 
1880  se  rendirent  le  lendemain  à  Saint-Maime^  ancienne  résidence  des 
comtes  de  Gap  et  de  Forcalquier,  et  y  continuèrent,  au  profit  de  la 
poésie  surtout,  les  lectures  de  la  veille.  Parmi  celles-ci  se  trouvaient 
dix  pièces  provençales  ou  languedociennes  de  MM ,  Marins  Bourrelly, 
Ch.  Boy,  Sylvain  Damaud,  le  colonel  Dumas,  A.  de  Gagnaud,  J.-B. 
Gaut,  Milon,  l'abbé  Pascal,  Eugène  Plauchud  et  William-C.  Bona- 
parte-Wyse,  publiées  dans  la  Félibrée  de  Saint-Maime,  en  même 
temps  que  les  vers  suivants,  dont  la  robuste  gaieté  est  empruntée  au 
thème  d'une  anecdote  populaire  de  la  haute  Provence  : 

Quand  les  penitènt  de  Raiano, 
Que  dounéroun  pu  tard  uno  bèlo  campano, 
S'entournavoun  de  Luro  e  que  plouvie  à  grand  trin, 
Jaque  ané  fa  vesito  à  soun  fraire  Tounin. 
Aquest'  ero  en  grand  dôu,  la  faço  touto  blemo: 
A  quarant'  ans,  pecaire  !  avié  'ntarra  cinq  fremo, 
E  lou  paure  masquin  pareissié  desoura. 

Jaque,  coume  un  bouen  fraire, 

Vourié  lou  counsoura 
E  li  disié  pèr  lou  destraire  : 
Pèr  nôstei  bJa,  per  tout  acô  's  un  riche  tèms  : 

sens  de  t  Parlez  d'une  manière  raisonnable,  parlez  comme  un  homme  »,  accep- 
tion notée  par  le  Dictionnaire  de  V Académie.  M.  Littré  ajoute  que,  familiè- 
rement, chrétien  =  homme. 


96  BIBLIOGRAPHIE 

Aro,  cregnen  plus  la  raiscro: 

Vivo,  vivo  la  Boaeno-Mèro*! 

Sènso  counfianço  To  n'a  rèn. 

Coume  aquelo  pluio  ven  bèn  1 

Fara  lèu  toutsoiirti  de  terro: 
Après  proun  espéra,  tout  lou  mouade  escouotent.  » 
«  Counteat!  digue  lou  vèuse,  iéu  cresi  que  sies  lèri  ! 

Juja  'n  pau  que  vau  deveni 

S'aquelo  pluio  fai  sourti 

Mei  cinq  fremo  dôu  çameatèri  I  » 

Quelques-unes  des  pièces  de  ce  petit  recueil  ont  été  déparées  par 
des  fautes  d'impression  ;  ainsi,  au  douzième  vers  d'un  charmant  son- 
net de  M.  Boy,  il  faut  lire  :  E  s*ai  de  fes,  au  lieu  de:  E  i  'ai  defes. 
Au  quinzième  d'un  madrigal  montpelliérain  de  M.  le  colonel  Dumas  : 
louja,  au  lieu  de  loja.  Le  sonnet  :  Après  avedre  legi  «  lous  Gorhs  » 
d'en  A.  Arnavielle,  par  M.  Bonaparte- Wyse,  a  été  particulièrement 
maltraité  par  les  correcteurs.  ' 

Il  serait  à  désirer  que  le  Félihrige  des  Alpes  ajoutât  à  l'avenir  un 
index  orthographique  et  dialectal  à  la  fin  de  ses  publications.  Il  en 
doublerait  le  mérite  pour  les  philologues  et  les  provençalistes. 

A.  Roque-Ferrier. 


Le  Félibrige  à  Marseille  et  la  Galanco,  par  Eugène  Tavernier.  Aix, 
Marius  Illy,  1881,  in-8o,  16  pages. 

Cette  étude,  qui  est  écrite  avec  beaucoup  de  goût  et  de  distinction, 
fera  très-bonne  figure  à  côté  des  travaux  de  l'auteur  sur  Frédéric 
Mistral,  le  mouvement  littéraire  provençal  et  les  Isclo  d*or, 

La  Calanco  est,  comme  on  le  sait,  la  publication  annuelle  des  fé- 
libres  de  l'École  marseillaise. 

A.  R.-F. 

1  Mero  est  un  gallicisme  que  la  rime  misero  explique,  mais  ne  justifie  pas. 


La  Légende  d'Œdipe 


Mon  excellent  collègue  et  ami,  M.  Boucherie,  a  bien  voulu  con- 
sacrer, dans  le  dernier  numéro  de  la  Revue  y  un  long  et  substantiel 
article  à  mon  travail  sur  la  Légende  d' Œdipe  et  le  Roman  de  Thè- 
bes.  Après  l'avoir  remercié,  bien  sincèrement,  d'avoir  jugé  sérieuse- 
ment un  travail  sérieux,  je  lui  demanderai  la  permission  de  contester 
quelques-unes  de  ses  observations  et  de  rectifier  diverses  erreurs  qui 
lui  sont  échappées,  ce  qui  n'a  rien  d'étonnant  dans  la  critique  d'un 
ouvrage  qui  fourmille  de  détails.  Je  n'aborderai  point  la  question  de 
classification  des  manuscrits,  que  je  compte  traiter  dans  la  préface 
de  l'édition  du  Roman  de  Thèbes.  D'ailleurs,  mon  opinion  première, 
déjà  modifiée  après  l'examen  des  manuscrits  anglais,  comme  on  peut 
le  voir  par  la  Note  additionnelle  placée  à  la  fin  du  volume,  l'a  encore 
été  depuis,  et  mon  jugement  n'est  point  définitivement  fixé  sur  tous 
les  points  après  cinq  ans  d'études,  ce  qui  prouve  peut-être  que  la  ques- 
tion n'est  pas  aussi  facile  à  trancher  qu'elle  en  a  l'air  tout  d'abord. 
Je  suis  l'ordre  de  l'article  de  M.  Boucherie: 

!•  P.  296,  1.  40.  Lisez  XII^  siècle  (faute  d'impression). 

2**  P .  297, 1.  2.  La  confusion  de  Vs  et  du  z  se  trouve,  non  pas  seu- 
lement dans  des  passages  particuliers  au  manuscrit  de  Madot,  mais 
dans  plusieurs  autres,  communs  à  tous  les  mss.  Voir  les  exemples 
cités  p.  293.  Cela  ne  prouve  donc  rien  pour  la  question  d'origine. 

3o  Ibid.j  1.  10.  «  Mais,  comme  il  n'en  cite  point  d'exemples,  on  ne 
peut  vérifier  son  assertion  et,  par  conséquent,  l'accepter  pleinement.  » 
Voir  p.  292,  note  2,  et  V Appendice,  p.  xxi,  1.  10  sqq.  et  note  3. 

4o  Ibid.,  1.  2rsqq.  Le  texte  du  Roman  de  Troie,  tel  que  l'a  publié 
M.  Joly,  n'étant  que  la  reproduction  pure  et  simple  d'un  des  nombreux 
manuscrits  que  nous  avons  de  ce  texte,  ne  peut  fournir  une  base  so- 
lide à  la  comparaison  que  demande  M.  B. 

&>  Ibid.fl,  34  sqq.  «  Il  l'aurait  bien  certainement  fait  picard  d'un 
bout  à  l'autre.  »  Pourquoi  alors  Madot,  qui  a  écrit  ie,  absolument 
toutes  les  formes  féminines  françaises  en  iée,  n'a-t-il  transformé  l'ar- 
ticle féminin  régime  la  en  le  qu'une  fois  sur  cinq  environ,  et  en  li  (au 
sujet)  encore  moins  souvent?  Que  pense  M.  B.  de  la  question  du  trai- 
tement de  la  gutturale  et  des  rimes  bâtardes,  dont  plusieurs  se  trouvent 
aussi  dans  BC,  par  exemple  lices:  rices,  v,  7283?  Ce  sont  là  cepen- 
dant des  faits  emban'assants,  et  qui  méritent  réflexion. 

6o  Ibid,,  1.  dernière.  Les  imparfaits  venant  de  ebam  et  ceux  venant 
de  abam  ne  sont  jamais  confondus  à  la  fois  dans  les  trois  mss.  fran- 


98  Là  LEGENDE   D  ŒDIPE 

çais.  Les  exemples  cités  {Append,,  p.  xxxix)  sont  particuliers  à  A 
(ms.  de  Madot);  il  y  en  a  un  qui  est  particulier  à  BC,  mais  le  passage 
peut  très-bien  être  interpolé. 

70  P.  299, 1.7.  Je  ne  saurais  admettre  la  correction  en  tere  (  =  en 
terre),  qui  fausse  la  rime,  car  Ve  de  matere  est  certainement  différent 
de  celui  de  terre,  comme  le  montrent  les  rimes  matére  :  frère,  etc. 
(V.  notre  tableau  des  rimes .  )  D'ailleurs  la  rime  entière  :  manière  se 
trouve  dans  la  Chronique  des  ducs  de  Normandie. 

S^  Ibid.y  1.  31.  M.  B.  ne  comprend  pas  :  E  fut  uns  luns.  Le  ms.  A 
donne  :  11  fu  uns  Ions,  Pour  u  ^=s  0  devant  nasale  dans  le  ms.  D,  cf. 
porrum,  etc. 

9o  Ibid.,  1.  36.  Je  ne  vois  pas  comment  jocum  pourrait  donner 
joi,  à  côté  de  jeu. 

lOo  Ibid.,  1.  41.  tt  Lisez  :  devers  mei.  »  Me  n*est  pas  plus  étrange 
qneaver  =  aveir  (v.  91),  et  deves  est  très-légitime  d'ailleurs. 

110  p.  300,  1.  2.  Lais  est  certainement  masculin;  mais  je  faisais 
de  ^  un  adverbe . 

120  Ibid.,  1. 11.  S'esmervelle,  suivi  d'un  point-virgule,  est  une  faute 
d'impression,  corrigée  du  reste  à  Y  errata;  il  en  est  de  même  de  hom 
pour  ?Mme,  v.  2742  (V.  V errata).  Il  faut  voir  également  des  fautes 
d'impression  dans  délivre  (p.  260,  v.  499)  et  dans  honnis  et  suis 
(ibid.),  que  j'ai  oublié  de  relever. 

130  Ibid.,  1.  24.  J'ai  dit,  p.  296,  note  1,  que  je  rétablissais  les  for- 
mes françaises  en  iée,  les  formes  picardes  en  ie  n'étant  pas  justifiées 
parles  rimes. 

140  p.  301,  1.  34.  Si  l'on  retranche  de  la  liste  estaïs  ^  stativus, 
il  faut  en  retrancher  également  vis  =  vivus,  qu'on  admet,  il  me  sem- 
ble, parmi  les  mots  en  2. 

150  P.  303, 1.  3.  Dans  Thèbes,  aviere  n'a  que  trois  syllabes  et  rime 
avec  enginiére,  où  Vé  est  fermé  ;  a  viaire  en  a  quatre  et  ne  pourrait 
donner  qu'un  è  ouvert. 

I60  Ibid.,  Blance.  Le  vers  qui  suit  (N'i  ot  escu  ne  connissance)  ne 
justifie  pas  l'hypothèse  de  M.  B.  —  Encovir  n'est  pas  dans  le  texte  ; 
c'est  encovit,  au  parfait  : 

Antigone,  puis  qu'il  le  vit, 
En  son  cuer  forment  l'encovit.  v.  5509-10. 

170  Ibid.,  1.  dern.  «  Engaignier,  se  courroucer,  enrager.  Lisez 
engraignier,  dérivé  de  grain,  irrité,  etc.  »  L'exemple  suivant  de 
V Alexis  du  Xle  siècle,  22  e  :  Or  sui  si  graime  que  ne  pois  estreplus, 
devrait  alors  se  lire  :  Or  sui  si  grainie.  Cf.  cependant  grams  dans  la 
vie  de  Floquet  de  Marseille  (chansonnier  découvert  par  moi  à  Chelten- 
ham,  fo  22,  v*»),  don  Folquet  romas  tris  e  grams  e  dolens,  où  il  faut 


LA    LÉGENDE   d'œDIPE  99 

peut-être  lire  grains,  quoiqu'il  y  ait  bien  grams  dans  le  manuscrit. 

18o  P.  304,  1.  14.  Comment  nugalius  aurait-il  pu  donner  novaus  ? 
Il  faudrait  des  exemples. 

19<>  P .  306.  Nous  n'avons  fait  que  décrire  le  manuscrit  de  Chel- 
tenham  ;  nous  n'avions  donc  pas  à  faire  la  correction  ce,  qui  était 
d'ailleurs  tout  indiquée.  M.  Sachs  a  eu  tort  d'écrire  ce,  sans  préve- 
nir qu'il  substituait  ce  mot  à  la  lettre  ornée  L,  que  porte  le  ms.  J'en 
dirai  autant  de  ctcuseors  et  de  de  nient  :  le  ms.  porte  bien  ctaiseors 
et  dément,  et,  si  j'ai  fait  suivre  ces  mots  de  la  formule  («c),  c'est 
précisément  pour  qu'on  ne  m'accusât  pas  de  mauvaise  lecture,  et  parce 
que  je  pensais  que  la  correction  se  présenterait  naturellement  à 
l'esprit  du  lecteur.  —  Rens,  pour  reûs,  est  une  faute  d'impression; 
je  l'ai  d'autant  plus  regrettée  qu'il  ne  m'était  plus  possible  de  la  re- 
lever à  Y  errata  déjà  imprimé. 

Je  termine  en  renouvelant  mes  remerciements  à  M.  Boucherie  pour 
les  excellentes  corrections  qu'il  m'a  fournies,  et  à  la  Revue,  qui  m'a 
peiinis  de  répondre  si  longuement  à  son  bienveillant  article. 

L.   CONSTANS. 


REPONSE   DE   M.   BOUCHERIE 

lo  Xlle  siècle  pour  XIII®  siècle  est,  en  effet,  à  mon  errata. 

12o  M.  Constans  a  raison   de  rappeler  que  deux  menues  erreurs* 
(p.  300, 1.  11,  et  V.  2742),  que  j'ai  signalées,  avaient  été  rectifiées  par 
lui-même  à  Verrata, 

7o  II  a  également  raison  contre  moi  en  rejetant  ma  correction  de 
en  terre  rimant  avec  matére. 

Maintenant  je  vais  discuter  ses  autres  observations,  et  tâcher  en 
même  temps  de  le  ramener  à  mon  avis. 

2o  Confusion  de  s  et  de  z  à  la  rime.  —  Je  persiste  à  soutenir  que 
les  exemples  de  cette  confusion,  cités  par  M.  Constans,  p .  293,  ne 
sent  pas  concluants  en  ce  qui  concerne  les  mss.  BC.  J'ai  déjà  dit 
{Revue  des  l.  rom.,  décembre  1880,  p. 301)  que  haubers,  ters  {ter- 
sus),  plus,  dus  {dux,  ou  plutôt  *  ducus),  estais,  pats,  ne  prouvaient 
rien  pour  la  thèse  soutenue  par  M.  Constans,  puisque  aucune  de  ces 
formes  n'avait  en  latin  de  dentale  finale.  Reste  mais  {magis),  desfais 
(diS'factos  ou  dit- facis  ?),  benêts,  mis,  qui  se  trouvent  à  la  rime  dans 
BC,  comme  dans  le  picard  A.  A  cela  je  répondrai  que  mais,  ainsi 
écrit,  pouvait,  de  même  qnepais  {pacem),  rimer  avec  des  mots  en  aiz 
=  actus,  tolérance  qui  n'existait  plus  quand  ces  mêmes  mots  étaient 
écrits  pès,  mes. 

Benêts  ne  vient  pas,  comme  on  serait  tenté  de  le  croire  au  premier 
abord,  de  benedictus,  mais  de  *benedisitus  ou  *benedissitus,  participe 


100  LA   LÉGEMDB  D^ŒDTPB 

passé  analogique  de  *benedisere  ou  *benedissere;  cf.  lacensitus  de 
Icicessere,  pour  benedicerey  qui  a  donné  Tinfinitif  beneîstre  {menistre, 
epistre),  ap.  Etienne  de  Fougères,  v.  377.  Le  groupe  situs  produit 
normalement  s  et  non  Zy  comme  on  le  voit  par  conquis  =  conqui^V- 
tus.  Il  est  donc  naturel  que  benêts  rime  avec  mis  (missus). 

3o  J'ai  dit  (Rev.  des  l.  rom.,  décembre  1880,  p.  297)  que  M.  Con- 
stans  ((  retrouvait  des  traces  du  dialecte  picard  même  dans  les  mss. 
français  BC  ;  mais  que,  comme  il  n'en  citait  point  d'exemples,  on  ne 
pouvait  vérifier  son  assertion  ni,  par  conséquent,  l'accepter  pleine- 
ment. » 

M.  Constans  se  borne  à  me  renvoyer  à  la  p.  292,  note  2,  et  à  l'Ap- 
pendice, p.  XXI,  1.  10  et  sqq.,  et  note 3. 

Or,  en  me  reportant  pour  la  seconde  fois  aux  passages  que  me 
signale  M.  Constans,  je  trouve  la  confirmation  de  ma  manière  de  Voir, 
attendu  que  les  rares  picardismes  orthographiques  qu'il  a  relevés  dans 
BC,  et  plus  particulièrement  dans  B,  ne  changent  rien  à  la  rime  et  ne 
peuvent  donc  en  aucune  façon  être  imputés  à  l'auteur  du  roman  de 
Thèbes.  En  effet,  que  prouvent  à  cet  égard  des  formes  telles  que  re- 
cîievras,  rechoivre,  archon,  saudoier,  fiuSy  biauté,  biauœ,  mantiaux^ 
etc.?  En  quoi  peuvent-elles  engager  la  responsabilité  du  premier 
écrivain  ? 

Quant  kchaueie,  gaagnie,  etc.,  ces  formes  sont  également  impu- 
tables aux  copistes,  puisqu'elles  ne  riment  jamais  avec  ie  =  ita,  ainsi 
que  M.  Constans  l'a  remarqué  expressément. 

50  Reste  ce  que  M.  Constans  appelle  des  rimes  bâtardes,  france 
=  franche^  rices  rimant  avec  lices .  Mais  on  trouve  le  même  genre 
de  rimes  ou  leurs  équivalents  dans  d'autres  textes  qui  n'ont  rien  à 
démêler  avec  le  picard  ;  par  exemple  dans  le  Roman  de  Troie,  qui 
nous  donne  à  la  rime  face  (faciat)  et  sace  (sapiat),  v.  8715, 

40  Puisque  M.  C.  reconnaît  (p.  297)  qu'il  n'y  a  pas  trace  de  picard 
dans  Troie,  pourquoi  n'avoir  pas  comparé  ce  texte  avec  cçlui  qu'a 
transciit  Madot?  Il  aurait  vu  si  ce  dernier  avait,  ou  non,  respecté  les 
pTincipales  particularités  dialectales  qu'on  remarque  à  la  rime,  dans 
le  texte  de  M.  Joly.  Cette  édition  n'est  pas  une  édition  critique,  ré- 
pond M.  C.  Sans  doute;  mais,  comme  on  y  retrouve  les  mêmes  ca- 
ractères essentiels  que  dans  la  ChroniquCy  il  y  avait  là  une  base  suf- 
fisante pour  la  comparaison  à  établir  entre  la  copie  de  Madot  et  celle 
dont  s'est  servi  M.  Joly.  Ce  premier  contrôle  n'aurait  pu  qu'éclairer 
et  rendre  plus  facile  la  comparaison  de  la  copie  du  Roman  de  Thèbes, 
faite  par  Madot,  avec  celles  que  nous  ont  conservées  lés  mss.  BC  et 
les  mss.  anglais. 

60  Ce  que  dit  M.  Constans  des  imparfaits  dérivés  de  ebam  et  de 


LA    LÉGENDE   d'œDIPE  101 

àharn.  confirme  mon  observation  et  ne  la  rectifie  pas.  L'exemple  uni- 
que vilanoient^  voulaient^  qui  est  particulier  à  BC,  peut  ne  pas  avoir 
la  signification  qui  lui  est  attribuée  ici.  Yilanoient^  en  efiet,  ne  se- 
rait-il pas  la  3®  pers.  plur.  de  Tindic.  présent  d'une  forme  vilanoier, 
qui  serait  à  vilain  ce  que  foloier  est  à  foly  et  qui  serait  l'exact  équi- 
valent français  du  v.  provençal  vilaneiar  f 

9o  Joi  =  jocum,  rimant  avec  poi  ==  paucum,  peut  être  admis, 
quoi  qu'en  dise  M.  C.  Ce  n'est  certainement  pas  une  orthographe  ré- 
gulière ;  mais  on  rencontre  à  la  rime  de  ces  bizarreries  dont  les  co- 
pistes étaient  probablement  les  éditeurs  responsables.  Joi  ^  jocum 
n'est  pas  plus,  est  même  bien  moins  étonnant  que  loi  =  laudo  :  poiy 
je  loi  (laudo),  Perceval,  II,  v.  1723.  Dans  les  deux  cas,  la  vraie  leçon 
serait  po,  jo;  po,  lo  :  pour  jo  =  jocum;  cf.  33  du  fragment  de  D, 
p.  165c 

lOo  M.  Constans  maintient  la  leçon  deves  me  pour  devers  met.  Des 
exemples  seraient  nécessaires  pour  la  justifier.  Que  donnent  pour  ce 
même  passage  les  trois  mss.  A,  B,  C? 

15oM.  Constans  a  raison  de  maintenir  à  i?iere,non  à  viaire,  puis- 
qu'il est  en  rime  avec  enginiere,  leçon  que  je  n'aurais  pas  suspectée, 
s'il  avait  cité  tout  d'abord  les  deux  rimes  en  même  temps.  Mais  il  a 
tort  de  ne  faire  qu'un  seul  mot  de  à  et  de  viere.  Quant  à  l'objection 
qu'il  me  fait,  à  savoir  que  viaire  ne  pourrait  donner  qu'un  e  ouvert, 
elle  est  erronée  et  provient  de  ce  qu'il  confond  ai  venant  de  <ic  latin 
+  consonne  avec  ai  venant  de  a+  z  latin.  Cette  dernière  combinaison 
produit,  au  contraire,  très-régulièrement  é  sous  l'influence  du  son 
mouillé  ou  i  palatal  ;  cf.  rivaire  rimant  avec  faire,  dans  la  chanson 
du  Chevalier  au  Cygne  (lr«  partie),  p.  20,  tant  qu'il  conserve  Va  ori- 
^nel,  mais  rimant  avec  enginiére,  manière  y  etc.,  dès  qu'il  passe  au 
son  mouillé,  et  s'écrivant  alors  par  e  non  plus  par  a,  rivière.  De 
même,  je  le  répète,  viaire,  écrit  par  ai,  ne  peut  rimer  qu'avec  le  groupe 
semblable  ai,  et  viere,  écrit  par  ie,  ne  peut  rimer  qu'avec  le  même 
groupe  ie.  J'ajoute  que,  dans  le  premier  cas,  cette  forme,  se  tenant 
plus  près  de  son  prototype  latin,  compte  pour  trois  syllabes,  tandis 
que  viere,  plus  éloigné  de  ce  même  texte  et  plus  romanisé  que  viaire, 
ne  compte  que  p^ur  deux  syllabes.  Voir  ap .  VollmOUer  (der  Mûnche^ 
ner  Brut),  p.  xix  et  v.  1205. 

On  remarque  une  particularité  absolument  semblable  et  provenant 
de  la  même  cause,  de  l'influence  du  son  mouillé  ou  i  palatal,  dans 
l'emploi  de  nient  comme  monosyllabe  et  comme  dissyllabe.  Dissyl- 
labe, nient  rime  avec  ent  (argent,  dolent,  etc.),  jamais  avec  ien.  Mono- 
syllabe, il  rime  au  contraire  avec  ien  ou  ient  (bien,  Chanson  de  geste, 
vient,  crient.  Romans  d'aventure),  jamais  avec  ent  non  mouillé. 

8 


102  LA    LEGENDE    D  ŒDIPE 

Il  faut  encore  remarquer,  ce  qui  complète  le  rapprochement,  que, 
à  l'exemple  de  nient,  qui  est  plus  souvent  employé  conmie  dissyllabe, 
viaire  en  trois  syllabes  est  plus  fréquent  que  viére,  dissyllabe. 

16o  Au  mot  blance  (Glossaire),  j'ai  dit  que  M.  Gonstans,  qui  tradui- 
sait le  vers  : 

L'est  des  femmes  estoit  molt  blance, 
par  ((  L'armée  des  femmes  était  dépourvue  d'armes  »,  avait  dû  com- 
mettre une  faute  de  sens,  puisque  ces  mêmes  femmes  sont  repré- 
sentées ailleurs  comme  <c  forsenées  »,  et  qu'on  les  voit  défiler  avec  des 
bâtons,  des  haches,  des  cognées,  des  poutres,  de  grandes  massues,  des 
pics,  des  guisarmes  émoulues,  menus  joujoux  qui  n'annoncent  pour- 
tant pas  des  intentions  bien  «  pacifiques.  »  Il  cite  levers  qui  rime  avec 
celui-ci  : 

N'  i  ot  escu  ni  conissance. 

(Il  n'y  eut  ni  bouclier,  ni  bannière  armoriée.) 

Et  il  ajoute  :  «  Ce  vers  ne  justifie  pas  l'hypothèse  de  M.  Boucherie.  » 

Au  lecteur  de  voir  laquelle  de  nos  deux  hypothèses,  la  mienne  et 
celie  de  M.  Constans,  a  le  plus  à  souffrir  de  cet  ensemble  de  rappro- 
diements. 

Encovie,  me  dit  M.  Gonstans,  n'est  pas  dans  le  texte.  Et  alors  pour- 
quoi le  citer  dans  le  glossaire  ainsi  qu'il  suit  :  «  cf.  3880,  et  de  lui  ser- 
vir $*encovie  ?  »  Gela  prouve,  une  fois  de  plus,  qu'à  ne  pas  publier  le 
texte  in  extenso,  il  fallait,  pour  étayer  solidement  les  formes  citées 
au  glossaire,  y  joindre  les  passages  bien  complets  d'où  elles  avaient 
été  tirées.  Gette  précaution  m'aurait  évité  une  correction  inutile,  et  à 
M.  Gonstans  la  peine  de  se  rectifier  lui-même. 

17o  A  propos  de  engrœigner,  que  je  persiste  à  mettre  au  lieu  de 
engaigner.  M.  Gonstans  fait  observer  que  graime,  féminin  de  grain 
ou  graim  =  triste,  devrait,  si  mon  observation  était  juste,  se  lire 
grainie.  Supposition  nullement  nécessaire  ;  car,  de  même  que  graim 
a  pu  produire  [en'jgramir  et  gramoier,  de  même  graigne  a  pu  donner 
et  a  donné  [en'jgraigner,  forme  orlhographiquement,  mais  non  étymo- 
logiquement,  semblable  à  engraigner,  engranger  =  in-*grandiare, 
croître,  augmenter. 

Ge  n'est  pas  que  engaigner  ne  soit  une  forme  correcte;  mais  le  sens 
de  ce  mot,  que  M.  Gonstans  persiste  à  maintenir  dans  son  texte,  se- 
rait alors  tout  différent,  engaigner  signifiant  tromper,  décevoir. 

Tant  la  conquiert  s'amors  et  déçoit  et  angaigne. 

{Chanson  des  Saisnes,  L.  XVIII.) 

Il  est  vrai  que  Du  Gange  cite  une  forme  engaignier  à  laquelle  il 
donne,  lui  aussi,  le  sens   de  «  aigrir,  irriter  »  ;  mais  c'est  une  erreur 


LA   LEGENDE   D  ŒDIPE  103 

comme  le  prouve  l'exemple  même  qu'il  présente  à  Tappui  «  in  Lit. 
remiss.  ann.  1366  :  Icellui  Jehan  venait  pour  Engaignier  ledit  Robin, 
uuquel  il  avpit  fait  parafant  signifier  une  sauvegarde.,, . • .  Lequel 
Robin  Engaignié  et  esmeu  de  ce,  etc.  »  Il  est  évident  que  engaigner 
signifie  ici  «surprendre,  tromper»,  et  non  pas  «  irriter.»  J'ajoute  que 
M.  Constans  pourrait  encore  m'opposer  l'autorité  de  M.  Gaston  Paris, 
qui  traduit  également  engaine  du  Munchener  Brut,  par  «  colère  » 
{Romania,  1878,  p.  146).  A  quoi  je  répondrai,  comme  pour  Du  Gange, 
que  le  sens  de  «  colère  »  ne  convient  pas,  au  moins  dans  le  texte  du 
Munchener  Brut,  mais  bien  celui  de  «  dommage  »,  et  probablement 
de  fc  dommage  résultant  d'une  tromperie.  »  Voici,  du  reste,  les  quatre 
passages  de  ce  poème  où  se  trouve  employé  le  mot  en  question.  On 
pourra  ainsi  juger  en  connaissance  de  cause  : 

LX  ans  tint  en  pais  Bretaine, 
Nus  ne  li  flst  tort  ne  engaine. 

(Munchener  Brut,  v.  2566.) 

n  tint  vint  et  .v.  ans  Bretaine 
Senz  guerre  et  senz  altrui  engaine, 
{Ibid.,^.  2638.) 

Dient  que  ce  lor  semble  engaine 
Que  feme  règne  en  Bretaine. 

(Ibid.,  V.  3585.) 

Et  sembloit  lor  torz  et  engaine 
Qu'a  nul  homme  partoit  (partageait)  Bretaine. 
(Ibid.,  V.  3647.) 

Pour  en  revenir  à  mon  point  de  départ,  je  demanderai  encore  à 
M.  Constans  quelle  est^  pour  ce  même  mot,  la  leçen  des  autres  mss.? 

18o  «  Comment,  dit  encore  M.  Constans,  nugaUus  a-t-il  pu  pro- 
duire novaus.  Il  faudrait  des  exemples.  »  Lisez  nouaus  par  u  et  non 
novaus  par  un  v. 

A.  Boucherie. 


/ 


CHRONIQUE 


Communications  faites  en  séance  de  la  Société.  —  6  avril .  — 
OomparaÎBons  populaires  usitées  dans  le  Ronssillon,  par  M.  Justin  Pé- 
pratx; 

Amfos  de  Balhasire,  conte  languedocien  (Béziers  et  ses  environs), 
par  M.  Gabriel  Azaïs  ; 

Fragments  extraits  de  la  Bible  romane  de  Carpentras,  par  M.  Henri 
de  la  Combe. 

«  * 

Livres  donnés  a  la  Bibliothèque  de  la  Société. —  Psaltîrea 
publicata  Romanesce  la  1677  de  Diaconulu  Coresi,  reprodusa  eu  unu 
studiu  bibliograficu  si  unu  glosaru  comparativu  de  B.  Petriceicu-Has- 
deu,  editiunea  Academiei  Romane.  Tomulu  I.  Textulu.  Bucuresci,  Ti- 
pografia  Academiei  Romane,  1881;  in-4**,  iv-444  pages  et  66  pages  de 
fac-similé  (don  de  l'Académie  Roumaine)  ; 

Balaguer  y  Merino  e  Salinas  :  di  Un  documente  inedito  relativo 
ad  una  icona  fatta  dipingere  in  Catalogua  da  Pietro  di  Queralt  per  la 
cattedràle  di  Monreale.  Palermo,  Virzi,  1880;  in-4°,  16  pages  (don  de 
M.  Balaguer  y  Merino); 

Coma  (Clémente):  Etude  sur  Andrès  Piquer,  sa  vie,  ses  œuvres,  son 
influence.  MontpeUier,  Imprimerie  centrale  du  Midi,  1881  ;  in-4**, 
140  pages  (don  de  MM.  Hamelin  frères); 

S. -M.  et  J.  D.  Le  Guide  des  Gascons,  ou  Dictionnaire  patois-fran- 
çais, comprenant  un  recueil  de  gasconismes  corrigés,  etc.  Tarbes, 
chez  les  principaux  libraires,  1858,  in-4'»,  180  pages  (don  de  M.  Victor 
Delbergé);  

Errata  du  numéro  de  janvier  1881 

Lo  Sebmo  d'En  Muntanbr. — P.  6,  note  1,1.  2,  diferentament;  Z.  di- 
ferentment.  — Note.  2, 1. 1,  correspon  do;  i.  correspon  lo. 

—  Note 3, 1.  1,  uno;  i.  un  ;  — 1.  3,  Meyeor;  l.  Meyer.  — 
P.  7, 1.  29,  e  trestuy  et;  l,e  trestuy. — Note  7,  1.  1,  sem- 
bla de  ultims  dels  xvi  o  principes  del  xv;  Z.  sembla  d© 
ultims  del  xiv  o  principes  del  xv.  — P.  8, 1.  27,Muntaser; 
l,  Muntaner.  — Note  8, 1.  3,  Fins^  U  Finis;  —  1.  1,  versi- 
ficats;  l.  versificat.  —  P.  9, 1.  15,  11.  que  ss.  a.  fort;  L  11. 
que  so.  a.  fort;—  1.  18,  temts;  Z.  tenits; — 1.  29-30,  tos- 
tem  o  segran;  Z.  tostems  v.  segran;  —  1.  36,  e  Deus 
quill;  Z.  e  Deus  quil.  —  P.  10,  note  10,  1.  2,  al  dels  italia; 
Z.  al  italia.  —  P.  11, 1.  20,  trac  Itanse;  Z.  tractantse.  — 
Note  11,  1.  4,  copia;  Z.  copia.  —  P.  12,  1.  11,  supisiciô; 
Z.  suposiciô  ;  —  1.  18,  Bastu  de  sermon;!,  Basta  de  sermon. 

—  Note  15, 1.  1;  placez  un  point  après  malvestats. 
Bibliographie.  —  P.  28,  rétablir  il  au  commencement  de  Tavant- 

demière  ligne.  — P.  29, 1.  14,  «  estât»,  Z.  estut  ;  —  1. 15, 
mettre  le  chifEre  de  renvoi  6  après  assitjet,  et  7  après  aguet; 
— 29,  1. 16,  auivre;  Z.  suivre. — 1.2  de  la  note  2, 2?Zae;ana; 
1.  plaqjaria. 
Chronique.  —P.  61, 1.  24,  en  ccxxii  sonnets;  Z.  en  ccxxxii  sonnets. 

Le  gérant  responsable  :  Ernest  Hamelin. 


Dialectes  Modernes 


GLOSSAIRE  DES  COMPARAISONS  POPULAIRES 

DU  NARBONNAIS  ET  DU  CARCASSEZ 

(Suite) 


Ba.  —  Acô  ba  coumo  uno  letro  à  la  posto  ;  —  coumo  lou  bast 
à  Tase  ;—  coumo  la  pèiro  à  Tanèl  ;  —  coumo  sus  de  roul- 
letos.  -—S'en  ba  coumo  un  dabanèl.  — Ba  e  ben  coumo 
uno  nabeto  de  teissèire  ;  —  coumo  Taigo  claro  ;  —  coumo 
la  fourmigo  carrejarèlo  en  plen  estiu.  —  Ba  soun  trin 
magnifie  coumo  la  mulo  dal  Papo.  —  Ba  roundomen 
coumo  uno  tarrabastèlo  ; — coumo  qui  lou  foueto  ; —  coumo 
s'abiô  lous  cinq  cents  milo  diables  à  las  pèrnos.  —  S'en  ba 
dal  repaus  coumo  uno  bièlho  ratièro,  ou  unobièlho  rou- 
mano. 

PER    TRUPARIÈ: 

Acô  ba  coumo  uno  pougnado  de  pel  sus  uno  soupo.  — 
I  ba  pla coumo  de  manchetos  à-n-unporc,  ou  coumo  uno 
sounalho  à-n-un  porc  ;  — coumo  la  pipo  à-n-un  poul. 
Baba.  —  Baba  coumo  un  gous  fol  ;  —  coumo  un  cagarau  ;  — 

coumo  un  limauc. 
Babard.  —  Babard  coumo  un  pet  de  mounge  ;  —  coumo  un 

arremountat  de  fresc. 
Babarilhos.  —  Fa  babarilhos  coumo  lou  soulel  en  plen  mièch- 

jour. 
Babilha.  — Babilha  coumo  de  fennos  al  four  ou  al  pesquiè; 

—coumo  de  graullos  dins  un  semenat  ;  —  coumo  uno.  puo 

borgno , 
Babilhard-o.  — Babilhardo  coumo  uno  agasso  borgno. 
Babilho.  —  Aima  la  babilho   ou  la  charradisso  coumo  lous 

bièls  al  cagnard. 
Bada.  —  Eada  coumo  un  estasiat  ;  —  coumo  uno  gruo  ;  — 

coumo  uno   goiro; —  coumo  un   conçut; —  coumo   un 

Tome  v  de  la  troisième  série.  -  mars  1881 .  9 


106  GOBfPARÀISONS   POPULAIRES 

amargassat  qu'espèro  la  becado  ;  —  coumo  un  lausèrt   al 
soulel  ;  —  coumo  un  four, 

SE  dits: 

Tal  bado  que  la  moussegado  es  pas  per  el. 
Badalha.  — Badalha  coumo  un  pourtal  à  dous  bâtants;  — 

coumo  uno  uitro  al  soulel . 
Badant.  —  Badant  coumo  uno  jarrio  sans  oli;  — coumo  uno 

tressairolo  desfounçado. 
Bagnat. — Bagnat  coumo  un  tirou; — coumo  uno  espoungo; 

—  coumo  un  gous  pescat  al  rabech  ou  al  risent  de  Taigo. 

SE  dits: 

Per  coumpagno,  las  aiysos  se  bagnoun  ;  ou  St  Marti  se 
bagnèt  amé  las  aucos. 
Baguetat.  — Baguetat  coumo  un  canou; —  coumo  un  fusil. 
Bailet.  —  Fa  coumo  lou  ballet  dal  diable:  mai  qu'on  nou  i 

demande. 
Balenço.  —  Coumo  Taboucàt  de  Balenço  :  loungo   raubo    e 

courte  sapienço. 
Balent.  — Baient  coumo  Tespaso  que  porto. — Baient  coumo 

la  fourmi  go  ;  —  coumo  Tabelho. 

PER   TRUFARIÈ: 

Balent  coumo  uno  espasoroubilhouso; — coumo  un  truco- 
tauliè . 
Ban.—I  ban  coumo  las  fedos  à  la  sal  ; — coumo  lous  Franceses 

à  la  batalho. 
Bandât.  —  Bandât  coumo  un  arquet  ;  —  coumo  un  cung  ;  — 

coumo  un  tourge; —  coumo  un  carme. 
Baneja.  — Baneja  coumo  un  cagarau  quand  trouno. 
Banta.  —  Banta  quaucun  coumo  un  biôu  al  mercat. 

SE  DITS  : 

A  gourgo  bantado  i'a  pas  de  peis. 

Banut.  —  Banut  coumo  un  cerbi;  —  coumo  lou  diable  en  ba- 
talho. —  Banut,  moustachut  e  pudent  coumo  un  bièl 
bouc. 

Baral.  —  Mena  de  baral  coumo  trento-sièis  milo  homes. 

Baralha  .  —  Baralha  coumo  un  abelhard  ;  —  coumo  un  caga- 
raulou. 


COMPARAISONS   POPULAIRES  107 

Barbo.  — Barbo  blanco  coumo  uno  crabo. 

Barbut.  —  Barbut  coumo  un  capucin  ou  coumo  un  sapur  ;  — 

coumo  un  bouc  ;  — coumo  V  Juif-errant. 
Bardissat.  —  Bardissat  coumo   un  nits  d'agasso.  —  Oustal 

bardissat  coumo  uno.cabano  de  gardo-bignos. 
Bariant.  —  Bariant  coumo  un  baroméstre. 
Barja. — Barja  coumo  uno  sabato  ;  — coumo  un  toupi  asclat. 
Barjaire.  —  Barjaire  ou  parlaire  coumo  uno  bugadièro  ou 

ruscadièro. 
Barricadât.  —  Barricadât   coumo  un  prisouniè  ;  —  coumo  un. 

cago-diniès  quand  coumpto  sous  escuts. 
Basanat.  —  Basanat  coumo  un  Carràcou  ou  Caralh  ;  —  coumc 

unMôroulc 
Bascala.  —  Bascala  coumo  un  fat  ou  un  decerbelat. 
Bastit.  —  Bastit  coumo  un  barri  ;  —  coumo  uno  tourre  ;  •- 

coumo  un  taure. 
Bastou.  — Es  coumo  se  batiots  Faigo  am'  un  bastou.  —  Plantât 

coumo  un  bastou  de  pastre. 

SE  DITS  : 

Cal  pas  serca  lou  bastou  per  se  fa  batre. 
Bat.  —  Lou  cor  i  bat  coumo  un  relotge  ;  — coumo  un  batarèl 

de  mouli. 
Baticor.  —  Un  bati-cor  que  fa  de   bruch  coumo  quatre  pan- 

dulos. 
Batre.  —  Batre  quaucun  coumo  de  gèis;  —  coumo  un  gous. 

—  Batre  e  rebatre  quaucun  coumo  de  blad  berd  . —  Batre 
la  semèlo  coumo  un  gnafre.  —  Se  batre  coumo  un  lioun  ; 

—  coumo  un   désespérât; — coumo  un  bregand.  —  Se 
batre  ou  se  peltira  coumo  de  pelhoroucaires. 

Batut.  —  Batut  e  rebatut  coumo  uno  tiplado  de  mourtiè. 
Bèc.  — Alanda  lou  bèc  coumo  un  four. —  Se  prene  bèc-à-bèc 

coumo  dous  abucles  que  se  disputoun  un  sôu. 
Bedeno.  —  Uno  bedeno  boudenflo  coumo  un  gous  negat  ;  — 

coumo  un  moutou  prèst  à  pela. 

PER   TRUFARIÈ  : 

Beire.  —  S'i  beire  ou  s'i  bese  coumo  uno  sardo  quèito  ;  — 
coumo  uno  pugo  borgno. 


108  COMPARAISONS  POPULAIRES 


SE  dits: 


Bese  béni,  bal  uno  quilho. 
Cal  biure  per  beire. 

Bel.  —  Bel  ou  grand  coumo  paire  e  maire.  — Bel  coumo  lou 
jour  de  Pascos  ow  coumo  un  jour  de  mai.  — Bel  coumo 
un  astre  ou  coumo  un  soulel.  —  Bel  e  siau  coumo  un 
sant  dins  sa  nicho  ;  —  Bel  e  lusent  coumo  un  calici.  —  Bel 
e  fresc  coumo  un  boutou  de  flour. — Bel  d'estaturo  coumo 
un  Bàscou. 

Ero  bèlo,  fresco,  galhardo, 
Coumo  uno  laitugo  loumbardo. 

SE  dits: 

A  l'ase,  Tase  semblo  bel.  —  Bèlo  fenno,  mirai  de  neci  ou 
de  foutrai. —  Bel  orne  à  la  carrièro  porto  pas  pa  dins 
la  panière. 
Belugueja.  —  Belugueja  coumo  For;  -  coumo  Testèlo  al  cèl; 

—  coumo  un  soulelhet. 
Bendre.  — S'en  bend  coumo  de  pebre  ou  coumo  de  taches.  — 
S'en  bend  coumo  s'ero  panât. — Se  bendre  coumo  un  porc 
à  la  fièro . 

PER  TRUFARIÈ  : 

S'en  bend  coumo  de  caissos  de  mort. 
Bengudo.  —  Tout  d'une  bengudo  coumo  las  bragos  d'un  gous. 
Béni.  —  Béni  coumo  la  bolo  al  let. —  Béni  bite  coumo  un  laus- 

set;  — coumo  lou  mal. 

SE  dits: 
Malautiès  benoun  à  chabal,  e  s'entpurnoun   à  péd. 

Beniciens.  —  Arriba  à  punt  coumo  lous  Beniciens  :  très  jours 
après  la  batalho. 

Benjatiu.  —  Benjatiu  coumo  un  Bàscou  ;  —  coumo  un  Espa- 
gnol. 

Bentre. — Un  bentre  coumo  uno  ègo.  —  Bentre  tibat  coumo 
la  pèl  d'un  tambour; —  round  coumo  un  iôu; —  pla 
coumo  uno  bano  de  fougasse. 


COMPARAISONS   POPULAIRES  109 

SE  dits: 

Es  de  la  naturo  de  las  boudègos  :   canto  pas  s'a  pas  lou 
bentre  tibat. 
Bentrut.  — Bentrut  coumo  un  dourc;  — coumo  un  tinèl  ;  — 

coumo  uno  tressairolo  ;  —  coumo  Pontus. 
Bequeteja.  —  Se  bequeteja  coumo  dous  tourtourèls  ;  —  coumo 

dous  nobis. 
Bèr.  —  Nud  coumo  un  bèr  de  terro  ;  —  rampant  coumo  un 

bèr  ;  s'estira  coumo  un  bèr  ;   s'entourtoubilha  ou  se  rebe- 

china  coumo  un  bèr  escapitat. 

SE  DITS  : 

Nostre  ome  abounotacbo:  tuo  lou  bèr,  mes  toujours  i 
regrilho. 

Berd.  —  Berd  coumo  un  mort,  —  coumo  un  parrouquet;  — 
coumo  un  negat;  —  coumo  d'èdro;  — coumo  un  porret  ; 
—  coumo  d'auzèrdo;  —  coumo  de  ferratjo  om  un  fer- 
ra tj  al. 

Bergougnous.  —  Bergougnous  coumo  unpaure;  — coumo  un 
porc  estrange. 

Berinous.  —  Berinous  coumo  uno  blando  ;  —  coumo  uno  pèi- 
regado;  — coumo  un  grapaud  raiat;  —  coumo  un  em 
porto-reputacius . 

Berri.  — -  Marcat  sul  nas  coumo  un  moutou  de  Berri. 

Berrugat.  — Berrugat  coumo  un  coucaril  amé  sous  gras. 

Bertadiè.  —  Bertadiè  coumo  lou  Sant  Ebangeli. 

Bbrtat.  —  Es  bertat  coumo  Ta'n  Dius  al  Cèl;  —  coumo  abèn 
cinq  dets  à  la  ma  ;  —  coumo  un  e  un  fan  dous  ;  —  coumo 
siots  un  brabe  ome  :  escusats,  se  me  troumpi. 

PER    TRUFARIÈ  '. 

Es  bertat  coumo  m'apèli  Pertufas  ;  —  coumo  B,  A,  fa 
BI;  —  coumo  manjan  de  fabos  tendros  per  Sant-Silbès- 
tre  ;  —  coumo  plôu  de  boudins. 

Bkrtèlos.  —  De  bertèlos  coumo  de  sofros. 

Bf.rtut.  —  A  de  bertut  coumo  un  sant;  — coumo  la  rudo. 

SE  DITS  : 

La  bertut  es  coumo  Toli  :  mounto  toujour  dessus. 


110  COMPARAISONS   POPULAIRES 

Besible.  —  Besible  coumo  lou  nas  al  mitan  dal  bisatge  ;  — 
coumo  un  cachet  brenous  al  pandourèl  d'uno  camiso. 

PER  TRUFARIÈ  : 

Besito.  —  Sa  besito  me  fa  plasé  coumo  lo  d'un  garnisàri  ;  — 

coumo  lo  d'un  uchè  ou  d'un  bièl  creanciè. 
Bestio.  —  Bèstio  coumo  un  ase  bastat;  — coumo  un  esclop  ; 

—  coumo  un  toupi  sans  cougo  ;  —  coumo  uno  pocho  ; — 
coumo  raubo-saumos; —  coumo  uno   auco  embucado; 

—  coumo  uno  galino  en  temps  d'ouratge  ; —  coumo  un 
rinocèros  ;  —  coumo  uno  palo  de  foc  ;  —  coumo  uno  choto 
banudo  ;  —  coumo  lou  que  ba  enbentat. 

SB  DITS  : 

Bièl  souldat,  bièlho  bèstio.  —  A  bièlho  bèstio,  pas  de  res- 
source. ~  Fa  mai  de  gens  bèstios  que  d'ases  crestias» 

Quand  Jan- Bèstio  mouriguèt, 

Un  fum  d'airetiès  daissèt. 
Bestit.  —  Bestit  coumo  uno  cebo  ;  —  coumo  un  agîan;  — 
coumo  un  sant  Jordi  ;  —  coumo  un  arlequin  ;  —  coumo 
Carmantran  ;  —  coumo  la  malo  pôu  ;  —  coumo  un  mes  de 
mai.  — Bestit  de  sedo  coumo  un  porc;  —de  gris,  coumo 
un  ase  ou  uno  paret  ;  — de  jaune,  coumo  un  canari  ;  —  de 
bert,  coumo  un  parrouquet  ou  un  papogai;  —de  blanc, 
coumo  un  pijou  ;  — de  rouge,  coumo  un  cardinal  ou  lou 
diable;  —  de  nègre,  coumo  un  beuse  ou  un  croco-morts. 

SE  DITS  : 

En  atendent  aiçô,  s'adisiô  lou  mal  bestit. 

Besiat.  -—  Besiat  coumo  un  pesoul  de  bièlho. 

BEUR.E.  —  Beure  coumo  un  templiè  ;  —  coumo  un  trauc  ;  — 
coumo  uno  espoungo  ;  —  coumo  un  sablas  ;  —  coumo  un 
carme  ;  —  coumo  un  Alemand  ;  —  coumo  un  rassegaire. 

—  Beure  uno  messourgo  coumo  d'aigo-mèl. —  Beure  que 
d'aigo  coumo  un  Turc. 

SE  DITS  : 

Qui  beu  amargant  pot  pas  escoupl  dous. 
Bi.  —  De  bi  fort  coumo  d'ai  go -ardent;  —  clar  coumo  d'aigo; 

—  treboul  ou  treble  coumo  de  bol,  de  poustèmo  ou  de 


COMPARAISONS   POPULAIRES  111 

lessiu  ;  —  rouge  coumo  un  rubis  ;  —  boun  goust  coumo  de 
pouxno. 

SE  dits: 

Beu  lou  bi  coumo  sant  Marti, 
E  daisso  ana  Taigo  al  mouli. 
BiASSEJA. — Biasseja  coumo  un  Sansignol; — coumo  un  bièl 

maquignoun. 
BiASSos.  —Tant  pesoun  las  biassos  coumo  lou  barrai  (l'un  bal 

l'autre) . 
Bicious.  —  Bicious  coumo  un  singe . 

BiDO. —  Abé  nau  bidos  coumo  lous  gats.  —  La  bido  s'esquisso 
coumo  qui  la  bufo,  mes  s'esquisso  pas  coumo  Ton  bol. 

SE  dits: 

Lous  mal  partajats  espèroun  milhou  dins  Tautro  bido. 

BiDOUSSA.  —  Sebidoussa  coumo  un  bèr  escapîtat. 

BiÉL.  —  Bièl  coumo  un  banc  ;  — coumo  un  roucas;  —  coumo 
un  cadastre;  —  coumo  un  prat;  —  coumo  Adam;  — 
coumo  Erodo  ;  —  coumo   Cadiès  ;  —  coumo  lou  delobi  ; 

—  coumo  lou  mounde  ;  —  coumo  lou  paire  dal  Temps  ;  — 
coumo  un  peirard  ; — coumo  uno   branco    cussounado  ; 

—  coumo  lous  cèdres  dal  Liban;  —  coumo  las  arenos 
d'Arles; —  coumo  lou  cap  d'Agde  ;  —  coumo Tase  de  sant 
Jousèp,  qu'abiô  cent  ans  re  que  de  dimenges.  —  Bièl  e 
dur  coumo  lou  gourpatas  de  Tarcho. 

SE  dits: 

Or,  bi  e  serbitou,  lou  pus  bièl  es  lou  milhou. 
En  mai  Taucèl  es  bièl, 
En  mai  ten  à  sa  plumo. 
Bigarrât. —  Bigarrât  coumo  un  arlequin;  —  coumo  un  tigre. 
BiJARRE.  —  Bijarre  ou  cambiadis  coumo  lou  temps; — coumo 

uno  fènno  de  lucre. 
BiMATiÈ.  —  Bimatiè  coumo  un  jounc  de  mar;  —  coumo  un 

cable. 
Biôu.  —  Bantat  coumo  un  biôu  qu'on  ba  fièireja.  —  Marcha 

pesuc  coumo  un  biôu. 

SE  dits: 
Biôu  qu'es  alassat 


114  COMPARAISONS  POPULAIRES 

coumolaperruqueto  d'un  ange  bufarèl. — Bloundejacoumo 
un  ram  de  ginèsto  flourido. 

PER  TRUFARIÈ: 

Blound  coumo  de  palho  de  fabo  ;  —  bloundinèl  coumo  un 
gourgoul. 
Blu,  0 .  —  Blu  coumo  un  canton  dal  cèl  ;  —  coumo  uno  flour 

d'anièlo.  — Bluejant  coumo  un  roumani  flourit. 
Bou,  NO. —  Bou  coumo  loa  boun  pa  ;  —  coumo  lou  boun  Dius  ; 

—  coumo  lou  bounjour; —  coumo  lou  poutou  d'un  amie. — 

Fa  bouno  bouco  coumo  lou  boun  bi  ;  — coumo  uno  poumo- 

fenoulhet. 

PER  TRUFARIÈ: 

Bou  coumo  la  coulico  ou  uno  cinglado  de  mal  de  bentre . 

SE  dits: 

D'èstre  trop  bou,  on  es  Tase   de  peno.  —  Siogos  bou,  e 
plairas. 
BouDÈGO.  —  Es  coumo  la  boudègo,  dits  pas  mot  tant  qu*a  pas 
lou  bentre  pie.  — Couliat  ou  anfle  coumo  uno  boudègo. 

SE  dits: 

Al  sou  de  la  boudègo,  brandiguen  lous  esclops. 
Boudin.  —  Farcit  coumo  un  boudin;  —tendre  coumo  de  bou- 
din. 

PER   TRUFARIÈ: 

Clar  coumo  un  boudin  nègre. 

SE  dits: 

Aquel  afafre  s'en  anira  coumo  d'aigo  de  boudin  :  russira 

pas.  —  Nous  pourtan  pas  de  boudin  :  nostros  flabutos 

s'acordoun  pas. 

BouÈs.  —  Uno  boues  coumo  un  trou  ou  trouneire;  —  coumo 

uno  pédalo  d'orgue  de  catedralo.  —  Uno  boues  restoun- 

dissento  coumo  un  claroun;  —  douceto  coumo  uno  gato 

amourouso  ;  —  fino  coumo  un  gril,  owuno  serineto,  ou  un 

cigalou;  —  enraucado  coumo  un  grapaud; — tramblanto 

coumo  uno  crabo  malauto. 

PER  TRUFARIÈ: 

Boues  claro  coumo  un  toupi  fendut. 


COMPARAISONS   POPULAIRES  115 

BouFA. — ^Boufa,  bourra  ou  manja  coumo  un  Angles;  —  coumo 
un  destrussi  ;  —  coumo  un  ogre  ;  —  coumo  un  mort-de- 
fam.  —  Chapa  à  riflo-bentre  coumo  un  chabal  descoufat. 

BouLATGB.  — Boulatge  coumo  lou  parpalhol. 

PER  TRUFARIÈ  : 

BoTJLEGA.  —  Se  boulega  ou  se  remena  coumo  un  ase  mort  ;  - 

coumo  un  souc; —  coumo  un  buto-rodo. 
Boulet.—  Round  owredound  coumo  un  boulet.  —  Parti  coumo 

un  boulet.  — Trigoussa  lou  boulet  coumo  un  galérien. 
BouLHENT. —  Boulhent  coumo  de  cairado. 
BoQLi.  — Bouli  coumo  de  caus  qu'atudoun. 

SE  dits: 

A  lou  mal  dal  moust,  pot  pas  bouli  sans  s'escampa. 

BouLUR.  —  Boulur  conmo  uno  agasso  ;  —  coumo  uno  gato  ;  — 
coumo  un  Arabo  ;— coumo  un  mouliniè. 

BouMBA.  — Boumbà  quaucun  coumo  un  quèr. 

BouMERCAT.  — Boumercat  ou  àboumercatcoumo  de  marchan- 
dise panade  ;  —  coumo  de  bairat  qu'enfaleno. 

BouMi.  —  Boumi  ou  goumi  foc  e  flamo  coumo  uno  gulo  de 
boulcan;  —  coumo  un  alenadou  d'infèr. 

BouNAS.  —  Bounas  coumo  la  pasto. 

BouNET.  —  Triste  coumo  un  bounet  de  nèit  sans  floc. 

Bourrât.  —  Bourrât  coumo  uno  canardièro  ;  —  coumo  un 
canou  ;  —  coumo  un  coula  d'alaire. 

BouRRÈu.  —  Se  fa  paga  d'abanço  coumo  un  bourrèu.  —  Parât 
coumo  un  bourrèu  en  fèsto. 

PER   TRUFARIÈ  : 

Piètadous  ou  tendre  coumo  un  bourrèu. 
BoussuT.  —  Boussut  coumo  Esopo  ;  —  coumo  un  camèl. 
BouTiouLA.  —  Se  boutioula  coumo  de  pasto  de  bougneto  ;  — 

coumo  de  pescajous  ;  —  coumo  d'aigo  de  plèjo. 
Brabe  —  Brabe  coumo  un  sôu  ;  —  coumo  un  ange  dal  Cèl;  — 

coumo  un  sant  Jan-Baptisto  ;  —  coumo  un  sant  Jousèp  :  i 

manco  que  lou  liri. 
Brama. — Brama  ou  gula  caumo  un   sanaire;  — coumo  un 

brau  ;  -  coumo  un  budèl  qu'a  perdut  sa  maire  ;  —  coumo 

un  biôu  enraumassat  ;  —  coumo  un  ase  en  plen  mercat  ou 


116  OOMPARAISONS  POPULAIRES 

que  Ton  meno  paisse. — Bramo  coumo  se  lou  sannaboun. 

SE  dits: 

Bram  d*ase  mountb  pas  al  cèl. 
Branda.  —  Branda  ou  se  remena  pas  mai  qu'un  code  ou  qu'un 

banc. 
Branda.  — Branda  ou  flamba  coumo  un  foc  bataliè  ou  carra- 

Ihè  ;  —  coumo  un  fougairou  ;  —  coumo  un  boulcan  qu'es- 

coupits  ;  —  coumo  un  foc  de  Sant-Jan. 
Brandi.— Brandi  coumo  uno  barbo  debièl. —  Brandi  quaucun 

coumo  un  pruniè  ;  —  coumo  un  sac  de  quitanços. 
Brandoulha.  —  Brandoulha  coumo  la  sounalho  al  col  d'un 

marra  ou  d'uno  eguetado  ;  —  coumo  un  clâpou  de  mou- 

liniè  ;  —  coumo  las  cimboulos  d'uno  couple  espagnole. 
Branquilhut.   —  Branquilhut    coumo   uno    armadouiro   ou 

paissèl  de  moungetos;  —  coumo  un  aubre  abandounat. 
Braso.  —  Salât  coumo  la  braso  ;  —  caud  coumo  la  braso.  — 

Es  passât  coumo  poul  sus  braso.  —  T'i  cal  passa,  moun 

brabe,  coumo  un  gat perla  braso. 
Brasseja.  —  Brasseja  coumo  un  aboucat  ;  —  coumo  un  predi- 

caire  ou  predicatou  ;  —  coumo  un  courdouniè  ;  —  coumo 

dos   peissounièros  en  countèsto  ;  —  coumo  un  moull  de 

bent  ;  —  coumo  un  telegrafo'à  tourre  ;  —  coumo  un  paure 

ome  que  sèrco  soun  ase  ;  — coumo  un  perdut;  —  coumo 

un  ome  que  se  nègo. 
Brasses.   —  De  brasses  grosses   coumo   de  rasouiros;  —  re- 

douns  coumo  de  bistourtiès  ;  —  petits  coumo  de  flabutos 

à  sièis  traucs  ou  coumo  de  fuses  ;  —  mouflets  coumo  de 

coutou;  —  carnuts  coumo  de  pèchos  ;  —  penjants  coumo 

de  balanciès. 
Bresilha. — Bresilha  coumo  la  lauseto  à  Falbo  dal  mati. 
Bressairolo.  —  E  canto-cantaras  coumo  uno  bressairolo. 
Bretoun.  — Testut  coumo  un  Bretoun.  —  Fa  coumo  lou  Ere- 

toun,  que  menace  quand  a  tustat. 
Bretouneja.  —  Bretouneja  coumo  un  machegaire  d'estoupos  ; 

—  coumo  un  manjo-fabos. 
Brigoulos.  —  Poussa  à  bisto  d'ôl  coumo   las  brigoulos.  — 

Proucèdo  d'el  soûl  coumo  las  brigoulos. 
Brilha.  — Brilha  coumo  l'argent;  — coumo   un  mirai;  — 


COMPARAISONS  POPULAIRES  117 

coumo  un  lum  ;  ~  coumo  un  soulel  d'estiu; — coumo  lous 
sept  bourdons. 

PER  TRUFARIÈ: 

Brilhant  coumo  un  estroun  dins  uno  lantèrno  ou  calelho. 

SE  DITS  : 

Tout  ço  que  brilho  es  pas  d'or. 
Brounzi.  — Brounzi  coumo  un  cop  de  froundo. 
Brounzina.  —  Brounzina  coumo  un  mouscalhou  ;  — coumo  un 

sèrco-pistolos  ; — coumo  un  nisal  d'abelhos. 
Brousesc.  —  Brousesc  coumo  de  pego  rousino;  —  coumo  un 

bastou  de  ciro  roujo. 
Brullant.  —  Brullant  coumo  un  amour  ;  —  coumo  uno  embejo 

de  mounjo. 
Brullo.  -—  Brullo  coumo  d'espic  ;  —  coumo  de  palho  ;  — 

coumo  un  luquet;  —  coumo  d'esco;  —  coumo  de  papiè; 

—  coumo  un  argelat  ;  —  coumo  de  pelhenc  ;  —  coumo  de 
coupèus. 

BuFA.  —  Bufa  coumo  un  bufet  de  forjo  ;  —  coumo  un  ourgan; 

—  coumo  un  bent  de  cèrs  ;  — coumo  lou  dius  de  las  em- 
baissos; —  coumo  Tange  dal  jutjomen  darniè;  —  coumo 
un  auc  ;  —  coumo  un  assèrp  ;  —  coumo  un  chabal  bufèc. 

BuRiDAN.  —  Es  coumo  l'ase  de  Buridan  :  sap  pas  qun  partit 
prene. 

BuRRE.  —  Se  found  coumo  de  burre  al  soulel;  —  tendre  coumo 
de  burre  fresc. —  Lou  coutèl  s'i  planto  coumo  dins  de 
burre.  —La  terro  se  focho  coumo  de  burre. 


I  sara  per  soun  burre  :  per  sas  penos.  —  En  parlant  d'un 
bièlhou  fresque t:  Es  encaro  en  tout  soun  burre. 

A.  MiR. 
(A  suivre.) 


TECHNOLOGIE  BOTANIQUE 

{Suite) 


Eclaire,  chélidoine.— Trois  exemples  dans  Littré,  mais  au- 
cun avec  Torthographe  esclere, 

Chelidonia  nostris  vulgariter  Schelkraut.  —  GalL,  chéli- 
doine ou  esclere.  P.  796. 

Cf.  gallitricum  ==  sclarée  {?).  Ap.  L.  Delisle,  op.  cit.,  p.  12. 

Ellébore  noir,  blanc.  —  Littré  ne  cite  pas  d'exemple  de  ces 
deux  locutions. 

NigrumveratrumlinguanostraschwartzNiesswurtz,  Vrang- 
kraut,  Christwurtz  dicitur.  —  Gall.,  ellébore  noir  ;  ital.,  elle- 
boro  nero,  alterum  Niesswurtz  aut  Pronstelkraut  ;  gall.,  elle- 
bore  blanc  ;  ital.,  elleboro  biancho.  P.  443. 

Epurge,  nom.  vulgaire  de  Veuphorbia  lathyris.  —  Littré'  n'en 
cite  pas  d'exemple. 

Lathyris.  —  Germ.,  Springkraut,  Springkoerner,  Treib- 
koerner  et  aliis  quibusdam  Speikraut  ac  Scheisskraut,  quia 
folia  paucissima  gustatu  vomitum  et  alvum  magna  vi  deji- 
ciunt;  gall.,  espurge ;  ital.,  cataputia  minore.  P.  251. 

Etrangle  -  léopard,  espèce  d'aconit.  —  N'est  pas  dans  Lit- 
tré. 

Pardalianche.—  Germ.,  vocatur  Dollwurtz  ;  gall.,  est7'angle 
léopard  ;  ital.,  aconito  pardalianche.  P.  524. 

Etranglb-/om/),  un  des  noms  vulgaires  du  paris  quadrifolia. 
— Littré  n'en  cite  aucun  exemple. 

Lycoctonon  Wolffswurtz.—  Gall.,  madriettes,  estr angle  loup; 
ital.,  aconito  licoctono. 

EuPATOiRE  bâtard.  —  Littré  ne  parle  que  de  Veupaioire  pro- 
prement dit. 

Eupatorium  verum  Odermenig. — Gall.,  agremoine  ;  ital., 
agrimonia,  adulterinumKuenigundtkraut,  Colonise  Quastkraut; 
gall.,  eupatoire  bastard;  \i^\. y  ^SQwdiO  eupatorio.  P.  337. 

EuFRAiSE,  eupkrasia  officinalis.  —  Littré  n'en  cite  qu'un 
exemple. 


TBCHNOLOaiB  BOTANIQUE  119 

Euphrasia  nostri  Augentrost.  —  GalL,  euphraùe;  ital.,  eu- 
fragia.  P.  500. 

Fene-grec,  fenu  grec.  —  Littré  ne  cite  que  fenu-grec* 
Fœnum  graecum  vulgo  Fenugreck  et  Bockshorn  —  Gall  , 
senegré  ou  Fenegrec  ;iiei\.^  fenogreco.  P.  î^78. 

Feu  ardent,  un  des  noms  vulgaires  de  la  brjone.  —  Littré 
cite  cette  locution  sans  j  joindre  d'exemple. 

Bryonam  vocant. —  Germ.,  Stickwurtz  et  Hundtskûrbs  ; 
gall.,  couleuvres  (1.  couleuvrée)  ou  feu  ardant.  —  P.  758. 

Fiel  de  terre,  centaurée. — Littré  cite  cette  locution,  mais 
sans  y  joindre  d'exemple. 

Germ.,  Klein  Tausentgulden  dicitur;  gall.,  centaures  (1. 
centaurée),  ou  fiel  de  terre  ;  ital.,  centaurea  minore  ô  bion- 
della;  hispan.,fiel  de  tierra.  P.  32. 

Fleur  cTaîVam  y  fleur  de  cuivre. — Cette  locution  est  tombée 
en  désuétude,  puisque  Littré  ne  la  cite  pas. 

Chalcanthon  Graecivocant. — German.,Kupfferbraun;  galL, 
la  fleur  d'airain;  ital.,  flore  del  rame.  P.  77L 

Fraisier.  — Littré  n'en  cite  pas  d'exemple  ancien. 
Fragaria.  —  Germ.,  Erdtbesien  sive  Erdtbeer  ;  gall., /rae- 
^ier ;  ital.,  fragaria.  P.  258. 

Framboisier.  —  Un  seul  exemple  dans  Littré. 
Rubusidaeus. —  Germ.,  Hjmbern.;  gall., /ra/w^ome^v  ital., 
rovo  terregno  ô  ampomola.  P.  259. 

Fumeterre.  ~  Un  seul  exemple  dans  Littré. 

Fumus  terrse  yulgariter  nostris  Duuenkcrifel,  quasi  colum- 
barum  cerefolium^  aliis  Erdtranch.  —  Gall.,  fumeterre  ou  pied 
de  geline.  P.  339. 

Gagate  {pierre),  jais. —  Forme  non  indiquée  par  Littré. 
Comme  on  le  voit,  c'est  le  décalque  du  lat.  gagates  et  du  grec 

Nostr.  Gittenstein,  alii  schwartzer  Agatstein.  —  Gall.,  pierre 
gagate.  P.  128. 

Cette  fois,  c'est  la  forme  populaire  qui  l'a  emporté  sur  la 
forme  savante. 


120  TECHNOLOGIE    BOTANIQUE 

Genêt  petit.  — Locution  non  indiquée  par  Littré. 
Genistella. — Germ.,  Klein  Pfrimmen  oder  Stechend  Pfrim- 
men;  gall.,  genêt  petit;  ital.,  genestra  minore  acuta.  P.  678. 

Genicultèrb,  sceau  de  Salomon.  —  N'est  pas  dans  Littré. 

Poljgonatum.  —  Germ.,  Weisswurtz,  quasi  alba  radix, 
nostr.  Frawen  sigel  ;  gall.,  signet  de  Salomon  ou  geniculière  ; 
ital.,  frascinella  6  ginocchietto.  P.  254. 

Gentiane.  —  Un  seul  exemple  dans  Littré. 
Gentiana. — Germ.,  Gentian  et  Entzian;  gall.,  gentiane; 
ital.,  gentiana.  P.  177. 

Germandrêe  bâtarde,  — Locution  non  indiquée  par  Littré. 
Teucrium. —  Germ.,  gros   Bathengel  ;   gall.,  germandrêe 
bastarde;  ital.,  teucrio.  P.  62. 

Giroflée.  —  Un  seul  exemple  ancien  (XVP  siècle)  dans 
Littré. 

Leucoia  proprie  albas  violas  significant.  —  Germ.,  geel 
Violen;  g&l\,y  gi/roflées  ou  violes  jaunes;  ital.,  viole  gialle. 
P.  669. 

Gletteron,  espèce  de  bardane.  —  Littré  en  cite  un  exem- 
ple emprunté  à  Olivier  de  Serres  dans  l'article  Bardane. 

Lappa  major  et  minor,  gros  Kletten  ac  klein  Kletten, 
germ.'j  gletteron  gt^and  et  petit,  gall.  P.  823. 

Au  XIP  siècle,  amers  fuez  =  glis,  lappa  vel  bardana,  ap. 
L.  Delisle,  op  cit. 

Goutte  de  lin,  la  cuscute.  — Littré  le  cite  sans  exemple. 
Cuscuta. —  Germ.,  Flassfeernet  Flachssseiden (s2c);  gall., 
goutte  de  lin  ou  agoure  de  lin.  P.  328. 

Grâce  Dieu,  herba  gratia  Dei.  — N'est  pas  dans  Littré. 
Germ.,Gots  genad;  gsilL, grâce  Dieu;  ital.,  gratiola,  gratia 
Dei  et  stanca  cavallo.  P.  625,  626. 

Grassette,  plante  aquatique.  —  Pas  d'exemple  dans  Littré. 

Crassula major. —  Gall.,  grassette,  chicotrin,  tel ephion blanc. 
P.  802. 

Grateron.  —  Un  seul  exemple  dans  Littré. 

Germ.,  Klebkraut;  gall.,  rieble  ou  grateron;  ital.,  aparine 
ô  speronella.  P.  808. 


TECHNOLOGIE   BOTANIQUE  121 

Grattoire,  espèce  de  râpe.  —  Pas  cVexemple  de  ce  mot 
dans  Littré,  qui  ne  cite  que  la  forme  masculine. 

Agaricus  aucem  lamina  tenui,  in  sublimi  curvata,  et  fora- 
minibus  multis  aspera  (germanice  ein  Riebeisin  ;  gall.,  wne 
grattoire)  aut  serra  rapaci,  fricando  in  scrobem  non  admodum 
tenuem  agitatur.  P.  406. 

Gremil.  —  Pas  d'exemple  dans  Littré. 

Lithospermum  materne  sermone  nostro  Sonnenkorn. — 
Germ.,  Meerhirss;  gall.,  gremil  ou  herbe  aux  perles.  P.  196. 

D'après  Ménage,  qui  cite  une  forme  greml,  ce  mot  devrait 
se  rattacher  à  granum.  Il  arrive,  en  eifet,  quelquefois  que  Ym 
se  substitue  à  Vn,  et  réciproquement;  cependant  il  me  paraît 
plus  sûr  de  rattacher  ce  mot  à  *griimiculurn,  diminutif  suppo- 
sable  de  grumus,  petit  tas  de  terre,  lequel  a  d'un  autre  côté 
produit  grumeau,  par  l'intermédiaire  de  *grumellus.  De  gremil 
vient  le  saintongeois  gremillons,  petits  tas.  «  Cette  bouillie  est 
toute  à  gremillons,  » 

Hanebane,  jusquiame.  — Un  exemple  dans  Littré. 
TeutonicaBilsenkraut  etDomdill,aliisBilsensamen.  -Gall., 
jusquiame  ou  hanebane.  P.  47. 

HÉMATITE  (  pierre).  — Littré  en  cite  un  exemple  emprunté 
à  Ambroise  Paré,  qui  écrit  «  hœmatiste.  » 

Germ.,  Blutstein;  gsll,,  pïerre  hématite.  P.  556. 

Herbe.  —  Voici  les  différentes  locutions  que  donne  notre 
auteur  et  où  entre  ce  mot:  herbe  à  jaunir,  p.  678;  herbe  à 
foulon,  p.  678;  herbe  au  chat,  p.  317;  herbe  aux  ladres,  p.  62; 
herbe  aux  perles,  p.  196  ;  herbe  aux  poulx,  p.  820  ;  herbe  aux 
puces,  p.  774;  herbe  de  Vestoille,  p.  255  ;  herbe  Robert,^.  620. 

Je  reproduis  les  définitions  seulement  de  celles  qui  ne  figu- 
rent pas  dans  Littré  : 

Herbe  de  l* étoile.  —  Germ.,  braum  Sternkraut;  gall.,  herbe 
de  Vestoile,  petit  muguet,  aspergoutte  mineur.  P.  255. 

Herbe  à  foulon.  —  Germ.,  Speichelwurtz  et  Sejffenkraut; 
gall.,  herbe  d  foulon.  P.  678. 

Herbe  aux  ladres.  —  Germ.,  Ehr  und  preiss;  gall.,  véroni- 
que ou  herbe  aux  ladres .  P .  62 . 

Herbe  aux  puces. — Psyllium.  —Germ.,  Psjlienkraut  et 

10 


122  TECHNOLOGIE  BOTANIQUE 

Welscher  Floehsamen ;  gall.,  herbe  à  puces.  P.  448. — Puli- 
caria.  — Germ.,  Diirrwurtz  ac  Donderwurtz,  aliis  vero  Floeh- 
kraut  ;  gall . ,  herbe  aux  puces .  P .  774 . 

IvE.  — Littré  n'en  cite  pas  d'exemple. 
Chamaepityôs.  —  Germ.,  ye lenger  ye  lieber  ;  gall. ,  ive  ar- 
tetique  ou  ive  muscate;  ital.,  chamepitio  ôiva.  P.  122. 

Joubarbe  petite  feuille ,  —  Locution  non  citée  par  Littré . 

Germ. ,  Mauxpfeffer,  quasi  Mûri  piper  ;  gall. ,  pain  d'oseau 
ou  joubarbe  petite  feuille;  ital.,  vermicularia,  granellosa. 
P.  802. 

Langue  de  cerf, — Cité  par  Littré,  mais  sans  exemple  à 
l'appui. 

Scolopendria.  —  Germ.,  Hirtzzung  [sic)\  gall.,  langue  de 
cerf;  ital.,  hemionite.  P.  378. 

Lierre  noir,  —  Locution  non  citée  par  Littré. 

Germ,,  maur  Ephew,  oder  Eppich,  nostris  Klim  uff,  quasi 
arbores,  aut  altos  muros,  turresque  conscende;  gall.,  lierre 
noir;  ital.,  hedera  nera.  P.  617. 

Lupin.  —  Un  seul  exemple  dans  Littré  qui  soit  antérieur  au 
XVIP  siècle. 

Lupini  quibusdam  nostrum  Wickboenen,  aliis  Weiss  Feig- 
bonem  ;  gall. ,  lupins;  ital. ,  lupini.  P.  551. 

Madriettes,  étrangle-loup.  — N'est  pas  dans  Littré. 
Lycoctonon  Wolffswurtz {sic).  —Gall  ,  madriettes,  étrangle- 
joup.  P.  524- 

Marjolaine  bâtarde,  — Littré  cite  cette  locution  sans  l'ap- 
puyer d'exemples . 

Origanum  persicum.  —  Germ.,  Wolgemuot,  nostris  wilder 
maioran  ;  gall . ,  marjolaine  bastarde  ou  origan  ;  ital . ,  origano . 
P.  139. 

Marone,  marjolaine.  —  N'est  pas  dans  Littré. 
Nostris  maioran.  —  Gall.,  marjolaine  ou  marone;  ital., 
maiorana  et  persa.  P.  230. 

Marrubin,  marrube  et  marrubiastre .  —  N'est  pas  dans 
Littré . 


TECHNOLOGIE   BOTANIQUE  m 

Marrubiastrumvulgo  schwartzer  Andorn.— Gall.,  marrubin 
noir;  ital.,  marrobio  nero  ô  bastardo.  P.  186.  —  Marrubium. 
—  Germ.,  veisser  Andorn;  gall.,  marrubin;  ital.,  marrobio. 
P.  187. 

Matricaire.  —  Un  seul  exemple  dans  Littré . 
Mutterkraut.  —  HolL,  Maertel;  gall.,  espergoute  ou  be- 
noiste  ou  matricaire  ;  lidl . ,  marellaô  matricaria.  P.  303. 

Mauve  de  jardin.  —Locution  non  signalée  par  Littré. 
Sativa  malva  vulgo  Roemsche  Pappeln;  gall.,  maulve  de 
/ûrrfm;  ital.,  mal  va  coltivata.  P.  274. 

MÉLiLOT.  —  Un  seul  exemple  dans  Littré. 

Hollandieis  Malloet,  Coloniensibus  Amloot;  Germania  supe- 
riori  Wildenklee;  gall.,rfw  we'/?*/©^;  ital.,  meliloto,  ghirlandetta 
di  campagna.  P.  640. 

Mélisse.  — Pas  d'exemple  à  Tappui  dans  Littré. 
Melissa.  —  Germ.,  Melissen  et  Mutterkraut;  gall.,  m^/me; 
ital.,  apiastro,  cedronella,  melissa.  P.  805. 

Menthe  domestique,  menthe  cultivée.  — Littré  ne  donne  que 
la  seconde  de  ces  deux  locutions. 

Mentha  hortensis  rubra  sine  crispa.  —  Germ.,  Krauss 
Muntz  ac  rote  Miintz  ;  gall.,  menthe  domestique.  P.  350. 

MÉON   ouméum.  —Littré  ne  cite  pas  d'exemple  à  Tappui. 
Meu  vulgo.  —Germ.,  Beerwurtz;  gall.,  meon;  ital.,  meo. 
P.  50. 

MiLiM' feuille.  —  Un  seul  exemple  dans  Littré. 

Millefolium  nostrate  lingua  garben  et  schaafgarben,  Hol- 
landica  vero  geruw  et  dusentblat.  —  Gall.,  mille- feuille  » 
P.  683. 

MoRELLE  marine,  mortelle,  —  Littré  ne  donne  ni  Tune  ni 
Tajutre  de  ces  deux  locutions. 

Solanum  marinum. — Germ. ,  Dolkraut  ;  gall. ,  morelle  /wa- 
rme;ital.,solatro  marino  ô  somnifero.  P.  526.  —  Solatrum 
mortale .  —  Germ. ,  Rauchœpffelkraut  ;  gall. ,  morelle  mortelle, 
ital.,  solatro  furioso  ô  stramonia.  P.  526, 

Mort  au  chien.  — Pas  d'exemple  dans  Littré. 
Golchicum.— Germ.,  Pfaffenhoden,  zeitloss  herbst  bluomen, 


124  TEOHNOLOGIB   BOTANIQUE 

wild  saffran  bluomen;  galL,   mort  au  chien  ou  chiennée . 
P.  308. 

MuGi'ET  (petit),  —  Cette  locution  n'est  pas  dans  Littré. 

Diversse  ab  astere  attico  sive  ingainali^  quam  saepe  contem- 
platus  sum  in  horto  D.  Echtii.  —  Germanice,  braun  Stern- 
kraut;  gallice,  herbe  de  Festoile,  petit  muguet,  aspergoutte 
mineur;  italice,  Stella  d'Athene,  aster  attico  porporeo,  o  ru- 
bonio  et  inguinale.  P.  255. 

Muscade  {ive).  —Littré  n'indique  pas  cette  locution. 
V.  plus  haut  ive. 

Myrte  sauvage.  — Deux  exemples  dans  Littré,  tirés  d'Oli- 
vier de  Serres,  qui  emploie  comme  ici  la  forme  mur  te, 

Ruscum.  —  Grermani,  Meussdorn,  quasi  mûris  spinam  di- 
cunt;  gall.jbrusco  (1.  brusc),  ou  murte  sauvage  ;  ital.,  pongi 
topi  ô  rusco.  P.  288. 

Napolier,  grateron.  — N'est  pas  dans  Littré. 
Germani,Pestilentzwurtzel  nuncupant;  italiaî  adhuc  ignota 
vidotur  ;  gall.,  espèce  de  napolier.  P.  824. 

Nard  celtique.  — Littré  n'en  cite  qu'un  exemple. 
Nardus  vulgari  idiomate   Magdalenenkraut  nuncupatur; 
gall.,  nard  celtique  ;  ital.,  nardo  celtico  ô  gallico.  P.  59. 

Naron,  nard  sauvage  (pour  nardon?).  —  N'est  pas  dans 
Littré,  qui  ne  donne  que  nard  et  nardet. 

Asarum. —  Germ.,  Haselwurtz  et  Vuildernardus  ;  gall., 
naron.  P.  28. 

Nasitort.  — Littré  n'en  cite  pas  d'exemple. 

Nasturtium  sativum.  —  Germ.,  Gartenkresz;  gall.,  cresson 
de  jardin  ou  nasitort;  ital.,  agretto  degli  horti.  Nasturtium 
sylvestre  ;  germ.,  Welchsamen;  gall.,  cresson  sauvage.  P.  78. 

Nasitort  sauvage,  passerage.  —  Locution  non  signalée  par 
Littré. 

Germ»,  Pfefferkraut;  gall.,  passerage  et  nasitort  sauvage  ; 
ital.,  lepidio.  P.  138. 

Navet  sauvage.  —  Locution  non  indiquée  par  Littré. 
Napus  sjlvester.—  Germ.,  nass  Steckrueben;  galL,  navet 
sauvage.  P.  56. 


TECHNOLOGIE   BOTANIQUE  125 

NÉNUPHAR  blanc  et  Jaune.  — Littré  ne  donné  pas  d'exemple 
de  ces  locutions. 

Grerm.,weiss  oder  geel  Seebluomen,  aliis  Wasserrosen ; 
holland.,  Pompen  et  Plompbloemen  ;  gall.,  nénuphar  blanc  et 
Jaune ^  P.  724. 

Œil  de  bœuf,  sorte  de  camomille.  — Littré  ne  donne  pas 
d'exemple  à  Fappui. 

Germ.,  Rindsaug  et  Kabssaug;  gall.,  œil  de  bœuf ;iia\.^ 
occhiodi  bue.  P.  668. 

Oignon  marin .  —  Littré  n'indique  pas  cette  locution . 
Squilla.  — Germ.,  Meerzwibel,  vel  Meusszwibel(5z*t*);  gall., 
stipoule,  charpentaire  et  oignon  marin.  P.  840. 

Ortie  romaine,  —  Pas  d'exemple  de  cette  locution  dans 
Littré. 

Urtica  romana.  — Gall . ,  wr^zô  (1 .  ortie) romaine ,  P.  215. 

Orv AILLE  et  orvale,  —  Littré  ne  cite  que  la  seconde  forme, 
et  sans  l'appuyer  d'exemples. 

Hanc  Leonhartus  Fuclisius,  et  ante  eum  Ruellius,  hormi- 
num  sylvestre  secernunt,  velut  sativum,  eam  herbam  quam 
Romani geminalem  dieunt,  ac  officinae'nostrae  galetricum,  vul- 
gus  Scharlach  et  Scherley .  —  Gall. ,  orvaille ;  ital.,  scarleggia. 
P.  736.  —  Gallitricum,  vilis  et  hortensis  vinoso  odore  planta. 
— ^ Germ.,  Scharlach,  nostris  Scerley;  gall  ,  orvale,  toute 
bonne;  ital.,  sclarea,  scarleggia,  matrisalvia,  herba  di  san 
Giovanni.  P.  319. 

Oseille  de  Tours.  —  Locution  non  indiquée  par  Littré. 
V.  plus  haut  Bon  Henri. 

Pain  d'oiseau,  — Locution  non  indiquée  par  Littré. 

Tertium  genus  sedi  quod  aliqui  portulacam  sylvestrem  aut 
telephium  vocaverunt,  Romani  illecebram,  quidam  vermicula- 
rem,  nam  vermiculi  instar,  ad  terram  volvitur,  vulgus  Maurp- 
fefTer,  quasi  mûri  piper.  — Gall.,  pain  d'oiseau  ou  joubarbe 
petite  feuille  ;  ital.,  vermicularia,  granellosa.  P.  802. 

Pain  de  pourceau,  —  Locution  indiquée  par  Littré,  mais 
sans  exemple  à  l'appui . 


i 


126  TECHNOLOGIE  BOTANIQUE 

Hanc  igitur  plantam  jure  porcinum  panem  appello,  dis- 
cretam  a  cjclamino,  quam  germanice  vulgus  Sewbrot;  gall., 
pain  de  pourceau;  ital.,  pan  porcino,  P.  779. 

Paisture  de  chameaux,  (j^oïvoç  ^(îuoo-poç,  jonc  odorant  owan- 
dropogon  schénanthe. —  Locution  non  indiquée  par  Littré. 

Schœnu  anthos nostra  appellatione  camelen  stro,  hoc 

est  camelorum  stramen;  gall.,  paisture  de   chameaux;  ital., 
giunco  odorato .  P.  45. 

Panais  sauvage.  —  Littré  n'en  cite  qu'un  exemple  ancien, 
avec  Torthographe  panax, 

Germ. ,  Vogelnest;  gall.,  carotte  sauvage  ou  panet  sauvage; 
ital.,  dauco.  P.  81, 

Littré  donne  de  ce  mot  une  étjmologie  qui  me  paraît  inad- 
missible. ((  Wallon,  pandh  ;  du  lat.  panacem;  grec,  Trava?  et 
îrâvaxeç ,  qui  vient  de  Tràç,  tout,  et  àV.oç,  remède,  parce  qu'on 
lui  attribuait  toute  sorte  de  vertus.  »  On  doit  observer  d'abord 
que  pànàcem  aurait  formé  pance,  et  en  second  lieu  que  panax 
désignait,  en  dehors  de  la  plante  imaginaire  qui  guérissait 
toutes  les  maladies,  la  livèche  (ligusticum  sylvestre)  et  une 
espèce  d'origan (cunilabubula),  et  non  le  panais.  D'un  autre 
côté,  il  faut  tenir  compte  de  ce  fait  que  dans  certains  parlera 
populaires,  au  moins  dans  celui  de  la  Saintonge,  on  prononce 
panais,  ce  qui  suppose  une  s  étymologique  tombée  de  la  pro- 
nonciation, et  plus  tard  de  l'orthographe.  Enfin,  si  nous  rap- 
prochons de  panais  ou  pânaie  {aie  et  ais  sont  tout  un  dans  la 
prononciation)  l'équivalent  latin  pastinaca,  nous  remarquerons 
que,  sauf  la  différence  de  genre,  il  n'y  a  plus  de  difficultés, 
et  qu'en  le  dérivant  du  mot  latin  on  rend  compte  en  même 
temps  des  formes  patenaille  (carotte,  en  patois  de  Genève)  et 
pastenailles  (ap.  Olivier  de  Serres),  citées  par  Littré  au  mot 
Pasienade  :  pastenaille  =  "pastinacula,  et  pânaie = v.  fr.  pasnaie, 
pasnage,  lat.  pastinaca. 

A  ciaus  ne  cont  rien  naie,  naie  ; 

Car  une  truie  une  pasnaie 

Aime  assez  miex  qu'un  marc  d'argent. 

(Gautier  de  Coins  y,  col.  632,  v.  42.) 

Hec  pastinaca.  ^  Pa^wa^e  (lisez  pasnage,)  —  Ap.  P.  Meyer, 
p.  23. 


TECHNOLOGIE   BOTANIQUE  127 

Quant  à  pastenade,  qui  a  le  même  sens  que  pastinaca,  je 
n'hésiterais  pas  non  plus  à  l'en  faire  dériver,  malgré  le  d  de 
la  dernière  syllabe.  J'y  verrais  une  forme  méridionale  repro- 
duite ainsi  par  les  Français  du  Nord  :  i°  parce  que,  le  plus  sou- 
vent, les  noms  féminins  empruntés  au  Midi  sont  en  efiet  ter- 
minés en  ade:  salade,  croisade,  etc. . .;  2°  parce  que  le  d  et  le 
g  (non  chuintant)  tendent  à  se  confondre  dans  leur  bouche,  cf. 
étu^wié  =  étuflfié  (Saintonge,  Berry,  paysans  de  Molière).  La 
filiation  serait  donc  pastinaca,  prov.  pastenaga,  *prov.  fr.  pas- 
tenague,  fr.  pastenade. 

Pour  en  revenir  à  panais,  je  ferai  observer  que  la  diver- 
gence des  trois  orthographes  joawaa?  (Ambroise  Paré),  panet  et 
panais,  prouve  seulement  qu'on  avait  perdu  tout  souvenir 
de  la  filiation  étymologique.  J'ajouterai  aussi  que  l'exemple 
emprunté  à  Ambroise  Paré  par  Littré  peut  ne-  pas  convenir  à 
panais,  car  il  n'y  a  pas  de  raison  pour  ne  pas  voir  dans  ce 
mot  ainsi  orthographié  la  transcription  pure  et  simple  du 
latin  panax,  désignant,  d'après  Pline,  le  ligmticum  sylvestre. 
Dès  lors,  le  rapprochement  entre  panax  et  panais  perdrait  sa 
base  principale , 

L'orthographe  panet,  panais,  est  si  peu  sûre,  que  Ruellins, 
ayant  à  citer  ce  mot  dans  deux  passages  différe'nts,  p.  697  et 
p .  715,  l'écrit  panaia,  ce  qui  suppose  évidemment  la  forme 
populaire  panaie.  Nouvel  indice  en  faveur  de  l'explication  que 
je  propose. 

Panic.  —Littré  n'en  donne  pas  d'exemple. 
Panicum.  —  Germ.,  Fuchssschwantz(szc),  Fench;  —  gall., 
panic;  ital.,  panico  et  panizzo.  P.  864. 

Panicaut.  — Littré,  pas  d'exemple. 

Eryngium.  —  Germ.,  Mansstrew,  nostris  Kruys  distel  et 
wurtzelen  sonder  end;  gall.,  panicaut  ou  chardon  à  cent 
testes;  ital.,  iringo.  P.  62.— Id.,  p.  255. 

Parelle   — Littré  n'en  donne  qu'un  exemple. 

Lapathum.  —  Germ.,  Mengelwurtz  et  Grindtwurtz;  holl., 
Lakenblaen;  gall.,  de  la  patience  ou  de  la  parelle,  P.  524. 

Aux  formes  wallonnes  porâle,  porêle,  citées  par  Littré,  on 
peut  joindre  la  forme  saintongeaise  parielle. 


Î2S  TECHNOLOGIE  BOTANIQUE 

Pastinadb.  —  Litiré  ne  cite  des  exemples  que  de  la  forme 
pastenade . 

Germ.,Pinsternaken  et Pastinaken  ;  galL,  pastinades  ;  ital., 
pastinache.  P.  79. 

Voir  plus  haut  panais . 

FAV^E'Dîeu,  —  Non  indiqué  par  Littré. 

Graecis  xr/.t  etxpoTwv,  officinis palma  Christi. —  Germ.,  Wun- 
derbaum,  nostr.  Mollenkraut,  quoniam  cum  in  hortis  seritup, 
talpas  fugare  vulgo  asseritur;  gall.,  paulme-Dieu  ;  ital.,  gi- 
rasole,  fagioulo  romano.  P.  251. 

Percele,  bluet.  —  N'est  pas  dans  Littré. 
Vulgo  Blaw  Rocken  sive  Kornbluemen.  —  Galh,  blaveole, 
aubifoin,  bluet  ou  percele,  P.  499. 

Perfoliate.  —N'est  pas  dans  Littré. 

Cymbalariam  vel  cymbalarem  herbam. Perfoliatam 

censuit  omnino  appellandam,  germaniaG  superioris  populi 
vernacula  lingua  Durchwachs  .i.  percrescens,  et  Stopffsloch, 
id  est  occludens  foramen  dicunt.-   Gall.,  perfoliate.  P.  824. 

Persil  de  Veau.  —  Cette  locution  n'est  pas  dans  Littré,  qui 
donne  seulement  l'équivalent  «  persil  des  marais.  ») 

Petroselinum  palustre. — Germ. ,  wasser  Eppich,  alii  merck ; 
gall.,  ache  ou  persil  de  Veau.  P.  40. 

PfiucEDANE,  peucédan.  — Littré  ne  cite  ([uq  peucédariy  sans 
exemple  à  l'appui. 

Fœniculumporcinum.  —  Germ.,  Harstrang  et  Sewfenchel  ; 
gall . , /jewcerfawe  ou  queue  de  pourceau.  P.  214. 

Phaséoles  épineuses .  — Qeiie  locution  n'est  pas  dans  Littré 

Germ.,  Gross  stechend  wind;gall.,  phaséoles  espineuses 
ital.,  hedera  spinosa  6  rovo  cervino.  P.  316. 

Pied  d'Alexandre,  pyrèthre.  —  N'est  pas  dans  Littré. 

Sternutamentariam  plerique  rectissime  vocant  ex  re  ipsa, 
vulgo  Bertran  et  Zankraut  ;  gall.,  pyrèthre  ou  pied d' Alexan- 
drie, ital. , pyrethro.  P.  111. 

Pied  de  colomh,  la  seconde  des  six  espèces  de  géranium, 
d'après Fuchs.  —Cette  locution  n'est  pas  dans  Littré. 


TBCHNOLOaiB  BOTANIQUE  120 

Alteram  [speciem  geranii]  Daubenfuoss,  columbinum  pedem  ; 
gall.,  piedde  colomb  ;  itail.,  pie  colombino.  P.  626. 

Pied  de  colomb  menuy  la  quatrième  des  six  espèces  de  géra- 
nium, d'après  Fuchs.  —  Littré  n'a  pas  cité  cette  location. 

Quartam  [speciem  geranii]  Kranichhals,  quasi  gruum  col- 
lum.  —  Gall.,  pied  de  colomb  menu,  P.  626. 

Pied  de  geline,  nom  de  plante.  —  Littré  cite  «  pied  de  gé- 
line  »  seulement  à  l'exemple,  mais  avec  une  signification  toute 
différente . 

Fumus  terrse  vulgariter  nostris  Duuenkerffel,  quasi  colum- 
barum  cerefolium,  aliis  Erdt  ranch,  duplici  ssepeflorum  facie, 
nunc  subalbida  nunc  purpurascente.  —  Gall.,  fumeterre  ou 
pied  de  geline;  ital.,  fumaria.  P.  339. 

Pied  de  veau,  arum  vulgaire.  —  Littré  n'en  cite  pas  d'exem- 
ple. 
V.  plus  haut  cicotrico, 

PiMPiNELLE  petite  y  PiMPiNELLE  grande^  —  Littré  ne  cite  que 
la  première  locution. 

Masculam  herbam  pimpinel .  —  Gall . ,  pimpinelle  grande;  ital . , 
pimpinella  maggiore,  Alteram  bevenel ;  gall.,  pimpinelle  pe- 
tite; ital.,  solle  astrella.  P.  624. 

PiYOESNE.  —  Littré  ne  cite  que  les  formes  pyone  et  pivoine, 
Pœonia  patrio  nonine   dicitur  Peonien.  — •  Gall,  pivoesne  ; 
ital.,  peonia.  P.  61. 

Plantain  grand,  petit,  aquatique  ou  de  marais.  —  Littré  ne 
cite  pas  les  deux  premières  locutions  et  ne  donne  pas  d'exem- 
ple pour  la  troisième . 

Officinis  simpliciter  plantage.  —  Germ.,  Roter,  Colonien- 
sibus  Breyter  Wegerich  ac  Wegebrett;  galL,  grand  plantain. 
P.  558.  —  Plantage  minor,  Grsecis  pentaneuros.  —  Germ., 
Spitziger  Wegerich,  nostris  Fiinfribb  et  Hundtszung;  gall., 
plantain  petit,  /ôîû?.  —  Plantage,  aquatica.  — -Germ.,  Wasser 
Wegerich  ;  gall . ,  plantain  aquatic  ou  de  maretz .  P .  559. 

Pois  gris,  —  Pas  d'exemple  de  cette  locution  dans  Littré . 

Tertium  pisorum  genus  faciem  edit  fuscam  sive  cinericiam. 
Nostro  sermone  graw  Erbsen  nuncupantur;  gall.,  des  pois 
gris.  P.  35, 


130  TEOHNOLOaiE   BOTANIQUE 

PoiVRETTE,  nom  vulgaire  de  la  nigelle  commune .  —  Littré 
n'en  cite  pas  d'exemple. 

Nigella  vernaculo  sermone  Schwartz  nardus  samen. — Germ. , 
vero  Schwartz  Rumich;  gall.,  poyvrette  et  nielle  ;  ital.,  gith  ô 
nigella.  P.  33. 

PoLYPODB.  —  Littré  en  cite  un  seul  exemple. 
Polypodium.  — Germ . ,  Bàumfarn  aut  Eichfarn,  vel  Dropff- 
wurtz;  gall,,  du  polipode,  P.  329, 

PoLYTRic. —  Littré  en  cite  un  seul  exemple,  extrait  comme 
le  suivant  d'une  compilation  botanique  également  du  XVP  siè- 
cle. 

Trichomane  seu  fidicula. — Germ.,  Weiss frawen  har ;  gall., 
politrich;  ital.j  politricho.  P.  319. 

PoNCEAU,  coquelicot. —  Littré  n'en  cite  qu'un  exemple,  em- 
prunté à  Ronsard. 

Papaver  rubrum.  —  Germ.,  Kornrosen  et  Klapperrosen  ; 
gall . ,  coqueliquot  ou  espèce  de  ponceau.  P.  353. 

FoBREW  gros  ou  têtu;  Forkëav petit  ou  sectil.  —Littré  n'in- 
dique aucune  de  ces  locutions. 

Alterum.  —  Germ.,  Lauch;gall.,  porreau  gros  ou  testu; 
ital.,  porro  capitato.  Alterum  Schnittlauch,  nostr.  Biestloech  ; 
gall.,  porreau  petit  ou  seetil  (\.  sectil);  ital.,  porra  piccrolo 
(sic)  ô  sectivo.  P.  489. 

PouLiOT  sauvage,  — Locution  non  indiquée  par  Littré. 
Nostri calamintham  Kornmiintz  vocant.  —  Gall.,  calament 
et  poliot  sauvage  ;  ital.,  calamento  ô  vero  nipotella.  P.  157. 

Pyrethrb.  —  Littré  cite  un  seul  exemple  de  cette  forme, 
extrait  d'O.  de  Serres. 

Pyrethrum.  — Germ.,Bertram,  aliis  Zandtwurtzel,  quoniam 
frequentissimus  earem  usus  vulgo  est  in  dentium  cruciatibus; 
galL^pyrethre.  P.  774. 

V.  plus  haut  pied  d'Alexandre, 

Queue  de  cheval,  prêle  des  marais.  —  Littré  en  cite  un  seul 
exemple. 

Grecis  hippuris,  latinis  salix,  sive  herba  equinalis  in  infe- 


TBCHNOLO0IQ  BOTANIQUE  131 

riore  Germania  Peerden  start,  i  superior  Rossschwants  {sic)  ; 
gall.,  queue  de  cheval.  P.  682. 

Queue  de  pourceau,  peucédan. —Locution  non  citée  par 
liittré. 

Fœniculum  "porcinum.  —  Germ. ,  Harstrang  et  Sewfenchel  ; 
gall.,  peucedane  ou  queue  de  pourceau.  P.  214. 

QuiNTEPfîuiLLB.  —  Un  seul  exemple  dans  Littré. 
Pentaphyllon. —  Germ.,Fiinffblat;  gall.,  quintefeuille ;  itaL, 
cirquefoglio.  P.  195. 

Raifort,  commun,  sauvage.  — Littré,  au  lieu  de  la  locution 
«  raifort  commun  »,  donne  «  raifort  cultivé.  » 

Raphanus. — Germ.,  Radys  sive  Rettich;  gall.,  rave  ou 
refort  commun,  P.  71. 

Radix  piperis.  — Germ.,  Pfèffer  wurtzeln  et  Merrhettich; 
gall.,  raifort  sauvage ,  P.  72. 

A  Angoulême,  on  ne  dit  pas  «  des  raiforts  »,  mais  «  des  ri- 
fôs.  » 

RÉGLISSE.  —Aux  nombreuses  formes  citées  par  Littré  join- 
dre la  suivante,  qui  tient  le  milieu  entre  le  provençal  regalicia 
et  le  genevois-berrichon  arguelisse. 

Dulcis  radicula.  Batavi  verbum  verbo  reddehtes  Suethout, 
quasi  dulce  lignum,  Brabanti  Kalissenhout,  Colonienses  Kla- 
ritz  pronunciant.  —  Gall.,  regalisse.  P.  98. 

Reponchon,  raiponce.  N'est  pas  dans  Littré. 

Vulgus  rapunculum,  quasi  rapum  parvum  nominat. — Germ. , 
Rapuntzelen;  gall.,  reponces  ou  reponchon;  ital.,  raponzeli. 
P.  57, 

RiÈBLE.  —  Littré  en  donne  un  seul  exemple,  extrait  de  Cot- 
grave. 

Germ.,  Klebkraut;  gall.,  rtebk  ou  grateron;  ital.,  aparine 
ô  speronella.  P.  806. 

Riz  .  —  Littré  n'en  cite  pas  d'exemple  antérieur  au  XVIIP 
siècle. 
Orjza  Reiss.  —  Gall.,.rfu  m;  ital.,  riso.  P.  864. 

Rompt-pierre.  —  Littré  n'en  cite  pas  d'exefnple. 


132  TECHNOLOGIE   BOTANIQUE 

Saxifraga  vulgo  Steinbrech.  —  Gall.,  romptpierre,  P.  58. 
Maurrauten,  quasi  dicasrutam(s2c)murariam.—  Gàll.,  rom/?e- 
pierre.  P.  197. 

Roquette.  — Un  seul  exemple  dans  Littré. 
Rucula.  —  Germ.,  Rancken  ;  gall. ,  roquette  ;  ital.,  ruche tta 
et  rucola.  P.  78. 

Rosier  d'Inde,  giroflier.  —  Cette  locution  n'est  pas  dans  Lit- 
tré. 
V.  plus  haut  armoise. 

Salette,  oseille.  —  N'est  pas  dans  Littré. 

Quartum  genus  lapathi. —  Germ.,  Sawrampffer,  nostris  Zii- 
ring;gall.,ozeille,  vinette,  salette.  F.Sôi.—  Sallette.  P.  525. 

Saligot,  Tun  des  noms  vulgaires  du  trapa  natans.  — Littré 
n'en  cite  pas  d'exemple. 

Lacunosus  tribulus. —  Germ.,  Wassermuss;  gall.,  chas-- 
taigne  de  rivière,  ou  trufîes,  ou  saligos;  ital.,  tribolo  aqua- 
tico.  P.  759. 

Saltjcillb,  un  des  noms  du  cerfeuil. —  N'est  pas  dans 
Littré . 

Chserefolium  nostris  Kerffel  et  Kerbelkraut  pronunciatur. 
—  Gall.,  cerfeuil  ou salucille;  ital.,  cerofoglio.  P.  339. 

Sanguinaire  [racine)^  sanguinaire,  la  sixième  espèce  de  gé- 
ranium, d'après  Fuchs.  —  Littré  ne  donne  que  l'adjectif  pris 
substantivement,  sans  y  joindre  d'exemple. 

Sexta  Blutwurtz,  id  est  sanguinariaradix;  gall.,  racine  san- 
guinaire. P.  626, 

Sarriette  de  jardin,  satureia  hortensis.  — Littré  ne  cite 
pas  cette  locution. 

Per  hanc  autores  peculiari  nomine  satureiam,  ac  sativam 
cunilam  significant,  vulgariterKiechend  Kiind,  Sedeney,  aut 
Garten  Ysop.  —  Gall.,  savorrei  ou  sarriette  de  jardin,  ital. , 
coniella,  savoreggiaet  peverella.  P.  164. 

Rapprocher  de  sarree  =  satureia  timbra,  ap.  L.  Delisle 
(Note  sur  un  ms.  de  Tours  renfermant  des  gloses  françaises 
du  XIP  siècle). 

Sative  [roquette).   —  Littré  n'en  cite  pas  d'exemple. 


TECHNOLOGIE   BOTANIQUE  133 

Sinapi  album  teutonice  apud  nos  Weisser  Senff  et  Mostart 
Semen.  —  Gall.,  roquette  sative,  P.  78. 

Satyrion  mâle  à  large  feuille,  Satyrion  mâle  à  feuille 
étroite, —  Littré  ne  fait  pas  la  même  distinction  et  ne  cite  pas 
d'exemple  de  ce  mot. 

Vulgo  Knabenkraut,  hoc  est  masculi  herba,  et  Mannen- 
krafft,  virorum  vis,  et  Pfaffenpint,  quasi  sacerdotum  pénis 
efïertur.  ■—  Gall. ,  satyrium  masie  à  large  feuille  ou  couillon  de 
chien  ;  ital.,  satyrio  maschio  ô  testicolo  di  cane.  P.  70. 

Orchis  quam  Fuchsius  marem  angustifolium. —  Germ., 
Schmal  Knabenkraut  menle,  appellant;  gall.,  satyrium  masle 
à  feuille  estroicte.  P.  70. 

Savinier,  un  des  noms  vulgaires  de  la  Sabine.  —  Littro 
n'en  cite  qu'un  exemple. 

Savina.  —  Germ.,  lingua  Sevenbaum  ;  gaW.ySaviriier;  ital., 
savina.  P.  306. 

Savorrei,  sarriette.— N'est  pas  dans  Littré,  qui  cite  seule- 
ment «  savouret,  —  Gros  os  de  bœuf  ou  de  porc  salé  qu'on 
met  dans  le  pot  pour  donner  du  goût  au  bouillon.)) 

V.  ci- dessus  sarriette. 

Saxifrage.  Littré  n'en  cite  qu'un  exemple. 
Saxifraga  alba. — Germ.,  Weisz   Steinbrech;  gall.,5aj:/- 
frage  ou  espèce  de  bassinet  blanc.  P.  197. 

Stinci  (?),  espèce  de  poisson,  épinoche(?),  tanche  (?).  — 
Pas  d'exemple  dans  Littré. 

Scinci. — Germ.,  wasser  Edechsen  ;  gall.  et  ital.,  stinci  (sic), 
P.  77. 

Fausse  indication?  Cf.  ap.  L.  Delisle,  op.  dt . ,  stingus  = 
stangcunne,  id  est  piscis  incitans venerem.  V.  Du  Cange,  stincius 
et  sticus. 

Scordion.  —  Littré  n'en  donne  qu'un  exemple . 
Genuinum  scordium.  —Germ.,  Wasserbatenig  ;  gall.,  cha- 
mara  ou  germandree  d'eau  ou  scordion.  P.  100. 

Séneçon. —  Littré  n'en  cite  qu'un  exemple. 
Senatio.  —  Germ.,   Creuztwurtz;   galL,  senesson;  ital., 
cardoncello.  P.  38. 


13  <  TECHMOLOaiE   BOTANIQUE 

Rapprocher  de  senechiunz  =  senetion,  id  est  carda  bene- 
dictus,  ap.  L.  Delisle  (Note  sur  un  ms.  de  Tours  renfermant 
des  glosses  françaises  du  XII«  siècle). 

Senevb  large  sauvage,  Sénevé  étroit  sauvage,  —  Cette  dis- 
tinction n'est  pas  dans  Littré. 

Primum  genus  thlaspi.  —  Germ . ,  Bauren  Senff ;  gall. ,  le  sé- 
nevé sauvage  ou  thlaspi  aux  larges  feuilles: . .  •  Alterum  Besem* 
kraut.  —  Gall.,  Vestroit  sénevé  sauvage  ou  thlaspi  aux  feuilles 
larges.  P.  121. 

Sbnbgré,  fenugrec.  — Littré  n'en  cite  pas  d'exemple. 
Fenu  grœcum  vulgo  Fenugreck  et  Bockshorn.  —  Gall.,  se- 
negré  (sic)  ou  fenegrec  ;  ital.,  ôenogreco.  P.  278. 

Sermontain,  livèche.  — Ital.,  siler  montano. 

Nostri  appellationem  corruperunt  siseleos  et  siler  monta- 
num  pro  seseli  dictitantes.  —  Germ . ,  vuilder  Komyn  oder 
Kujm,  alii  Hirtzvurtz  ;gall.,  sermontain;  ital.,  silermontano. 
P.  56. 

Très-forte  contraction  ;  il  semble  que  siler  aurait  dû  pro- 
duire sildre,  on  seldre,  ou  seudre;cL  molere=  moldre,  moudre. 

Freund-sî/er;  sorte  d'osier  vert. 

Sorbier.  —  Littré  n'en  cite  pas  d'exemple. 
Germanise  superioriSperwerbaum,  inferiori  wilde  Mespelen 
nuncupatur.  — Gall.,  cormier,  sorbier ;\idX.^  sorbo.  P.  795. 

Staphisaigre. —  Littré  n'en  cite  qu'un  exemple, emprunté  à 
Olivier  de  Serres,  qui  emploie  ce  mot  en  lui  laissant  la  forme 
latine  a  staphisagria .  » 

Gall.,  Vestaphisagrie  ou  l'herbe  aux  poulx.  P.  820. 

On  voit  que  la  forme  estaphisagrie  est  dérivée  directement 
du  grec,  avec  maintien  de  l'accent  sur  la  pénultième  dra^lç 

Stipoule,  oignon  marin.  — N'est  pas  dans  Littré. 
Cepa  maris. — Germ.,  Meerzwibel  vel  Meusszwibel  {sic)\ 
gall.,  stipoule,  charpentaire  et  oignon  marin.  P.  840. 
Stipoule,  faute  de  lecture,  cour  sciboule,  ciboule? 

Tanaisie.  — V.  plus  haut  armoise. 
Telbphion,  chicotin.  —N'est pas  dans  Littré. 


TECHNOLOGIE    BOTANIQUE  135 

In  Hollandis  vulgo Hemelslatel  hoc  estcœli  clavis. —  Gall., 
grassette,  chicotrin,  telephion  blanc;  ital. ,  telepho  bianco,  fava 
grassa  ô  inversa.  P.  802. 

Thlaspi. —  Littré  n'en  cite  pas  d'exemple. 
V.  plus  haut  au  mot  sénevé. 

Thym.  —  Un  seul  exemple  dans  Littré . 
Vulgariter  nostris  Thym  et  Thjmian  aut  Roemischer  quen- 
del.  — Gall.,  thyn  ou  thym;  ital.,thymo.  P.  329. 

Trique -marfame.  — Littré  n'en  cite  pas  d'exemple. 

Sedum  majus.  —  Germ.,  Hauszwurtz,  quasi  domus  radix, 
nostris  Hauszlouch,  id  est  domus  porrum,  quia  potissimum  in 
œdium  tectis  provenit.  —  Gall.,  joubarbe  ou  trique-madame  ; 
ital.,  semp revive  maggiore.  P.  802. 

Troène.  — Vulgo  Beinhoetzlin,  Mundtholtz  etHartrigel.  — 

Gall.,  throene  ou  arabice ;  ital . ,  guistrico  ô  olivetta.  P.  54. 

Littré  ne  cite  pas  d'exemple  de  la  forme  throene,  par  un  h. 

Truffe  d'eau,  tribule  aquatique,  ou  macre  flottante,  —  Pas 
d'exemple  ancien  dans  Littré . 

Tribulus  lacunosus.  — Germ.,  Wassernuss;  gall.,  chas- 
taigne  de  rivière,  ou  truffes,  ou  saligos;  ital.,  tribolo aquatico. 
P.  759. 

Ce  rapprochement  permet  de  compléter  une  étjmologie 
très-importante,  celle  de  truffe  et  dé  truffer  =  tromper. 

Truffe,  désignant  le  cryptogame  que  l'on  sait,  vient  très- 
probablement  du  pluriel  neutre  tubera,  devenu  féminin  singu- 
lier avec  régression  de  Vr:  *tufr€,  truffe.  C'est  l'explication 
qu'on  trouve  dans  Littré.  Elle  est  vraisemblable  et  ne  soulève 
aucune  objection,  le  changement  de  b'r  en  fr  n'ayant  rien 
d'anormal,  comme  le  prouve  le  v.  fr.  lefre^  =  labrum.  Ajou- 
tons que  les  formes  patoises  tufelle  (Genève)  et  troufle  (Sain- 
tonge),  avec  le  sens  de  «  pommes  de  terre  »,  rentrent  dans  la 
même  explication  et  la  confirment  en  la  complétant  ' . 

Mais  on  comprend  moins  que  truffe,  dérivé  de  tubera,  ait 

*  A  ses  lafres  s'est  atakiez. 

(Marie  de  France^  II,  p.  265.  ) 
Gisus,  labium  vel  terminus.  —  Lefre  ou  terme. 

(Ms.  110  (Montpellier),  fo  120,  v».) 


136  THCHNOLOGIB  BOTANIQUE 

pu  désigner  la  tribule  aquatique,  dont  le  caractère  principal 
est  d'être  garnie  de  piquants.  Au  contraire,  si  Ton  rapproche 
truffe,  ainsi  employé,  du  latin  tnbulus,  chausse-trape,  dérivé  du 
grec  TpiCokoç,  on  voit  clairenaent  que  le  sens  concorde  mieux. 
La  forme  seule  paraît  d'abord  faire  difficulté.  Je  dis  paraît,  car 
avec  un  peu  de  réflexion  on  ne  tarde  pas  à  retrouver  les  inter- 
médiaires supposables  qui  permettent  de  ramener  ces  deux 
mots  Tun  à  T autre. 

On  sait,  en  effet,  que  le  groupe  tbulus  a  pu  produire  en 
français  ufle,  cf.  le  v.  fr.  fonàufte  de  fundibulum,  d'où  trufle  * 
de  tribulus.  De  trufle  on  passe  facilement  à  truffe,  par  suite  de 
la  tendance  qu'a  l'organe  français  à  sacrifier  l'atone  finale  le 
après  les  labiales  jo,  b,  f,  cf.  tube  de  tubidus^  stg.  tuble,  muffe 
(argot  parisien),  pour  muffle. 

L'assimilation  de  truffe,  ajant  le  sens  de  chausse-trape,  au 
Jatin  tribulus^  une  fois  admise,  on  retrouve  sans  peine  l'étj- 
mologie  de  se  truffer,  en  v.  français  «  se  moquer  de  »,  et  du 
languedocien  moderne  truffa,  tromper.  Ils  correspondent  à 
un  type  b. -latin  supposablo,  *  ^n'^w/are  (qu'il  ne  faut  pas  con- 
fondre avec  tribulare,  v.  français  tribler  =  tourmenter).  De 
ridée  de  prendre  à  la  chausse-trape,  c'est-à-dire  attraper,  sera 
venue  celle  de  tromper,  d'où  par  extension  se  moquer. 

C'est  un  exemple  de  plus  d'étymologie  à  origine  multiple 
que  l'on  peut  joindre  à  ceux  que  j'ai  eu  occasion  de  citer  ail- 
leurs dans  la  Revue  des  L  romanes. 

Valériane.  —  Un  seul  exemple  dans  Littré. 

Phu.  —  Germ.  superiores  Welsch  Baldrian,  inferiores  Va- 
leriaen  pronunciant,  Colonienses  Jaergevs^ant  ;  gall.,  valériane 
grande.  P.  46. 

VÉRONIQUE. — Un  seul  exemple  dans  Littré. 
Trissago.  —  Germ.  Ehr  und   preiss;   gall.,    véronique  ou 
herbe  aux  ladres.  P.  62. 

*  Pour  rauthenticité  de  cette  forme,  cf.  l'exemple  suivant,  extrait  du  ms, 
llO  (Montpellier)  : 

Gerra,  re:  a  gero,  ris  dicitur.  —  Poisson,  trufle  de  nulle  faveur,  ou  forces 
de  fer. 
«  Unde  gerratus,  ta,  tum.  »  --  Environnés  de  truffles.  F©  119,  vo. 

«  Gerro,  oais  :  a  gerra  dicitur.  »  —  Tru f fleur ^  desconvenable,  fol  ou  jon- 
gleur. F.  119,  V. 


TBCHNOLOGIB   BOTANIQUE  137 

Y EB.T- de-gris^  — Littré  cite  seulement  verte  grez  et  vert  de 
grice,  le  premier  du  XIII®,  le  second  du  XIV®  siècle. 

Viride  ses,  barbaris  scriptoribus,  vulgo  Spangruen  appella- 
tur;  gall.,  ve7't  de  gris;  ital.,  vert  de  rame.  P.  771. 

Vervaine.  —Deux  exemples  dans  Littré,  mais  avec  Tor- 
thograpbe  actuelle. 

Verbena  vulgo  Eisenkraut,  quasi  ferri  herba,  aliis  Iserhart, 
velut  ferrum  durum.  —  Gall.,  vervaine  ;  ital.,  verminacola  ô 
berbena.  P.  623 

ViNCiBossE,  chèvre-feuille.  —  N'est  pas  dans  Littré . 

Germ . ,  Waldtgilgen,  Gejssblatt,  Brabanti  Wewen  ;  gall . , 
chèvrefeuille,  vincibosse  ;  its] ,  ^  vincibosco  matriselva  ô  capri- 
foglio.  P.  806. 

Vitriol. —  Littré  en  cite  trois  exemples,  mais  tous  extraits 
du  même  auteur,  d' A. Paré. 

Vitriolum. —Germ.,  Vitriol  et  Kupfferwasser;  gall.,  m- 
triol  et  couperose.  P.  637. 

A.  Boucherie. 


II 


Poésies 

LO  LLOP  Y  L'ANYELL* 

Aquell  que  té  la  forsa  aquell  té  la  rahô, 
Noobstant  siga  aixô  la  rahô  del  bastô. 
Probarho  al  instant  sera  cosa  lleugera. 
Un  anyelet  assedegat, 
Y,  no  se  com,  esgarriat 
De  son  ramat, 
Tôt  bebent,  aygua  avall,  seguia  una  ribera. 
Vinguéun  llop,  déju,  anantsén  à  l'espéra, 
Y  perla  fam  en  est  lloch  conduhit  : 
«  Com  podes  esser  tant  ardit 
Que  vingas  turbar  ma  beguda?  » 
Se  li  posa  la  bestia  en  extrem  conmoguda  ; 

«  De  ton  atreviment  seras  tu  castigat.  )> 
(ï  —  Senjor,  respon  lo  xaj,  que  vostra  magestat 
No  siga  tant  amohinada  ; 
Y  de  primer  donga  ella  mirada 
Com  que  jo  pobret  vaig  bebent, 
En  la  corrent, 
De  sa  mercé  vint  passes  al  dessota, 
Y  per  aixô  no  puch  de  cap  modo,  Deu  meu  ! 
Enterbolir  Tajgua  que  ella  beu.  » 
«  —  La  turbas,  replie  à  la  fera  ;  j  tinch  nota 
Com  que  molt  mal  de  mi  parlares  Tany  passât.  » 
«  —  Com  ho  hauria  fet,  puix  no  era  jo  nat, 
Digue  Tanyell,  mamo  avuy  encare.  » 
«  —  Si  no  ets  tu,  es  ton  germa.»  —  «  Ay!  mare» 
No'n  tinch.  »  -7  «  Aigu  dels  tous  llavors  : 
Puix  tots  me  feu  vosaltres  mala  care, 

Vostres  cans  y  vos  très  pastors. 
Me  ho  han  dit.  Ara  es  précis  que  'm  venge.  » 
Aixd  dit,  ab  quatre  mossechs, 
Lo  llop  lo  destrossa  y  se'l  menge 

Sens  altras  rahons  ni  pieds  ^      J.  Pépratx. 

Fable  imitée  de  Lafontaine  {le  Loup  et  l'Agneau).  —  «  Catalan. 


AMFOS  DE  BALBASTRE 

V  CONTE 

Retipe  d*un  conte  rouman 

Era  in  opinione  d'aver  la  più  leal 
donna,  et  el  più  fedel  servidore  che  mai 
avesse  alcun  gentiluomo. 
{Il  Decameron,  giorn.  VII,  nov.  VII.) 

Un  grand  segnoû  de  FAragoun, 
Amfos  de  Balbastre  segoun, 
Aviô  près  uno  gento  filho 
Renoumado  per  sa  bèutat, 
Subre  tout  per  sa  bravetat 
Dins  tout  lou  païs  de  Castilho. 

Uno  damo  sens  amourous 
Ero  quasi  'no  meravilho 
D'aquel  temps  ount  reis  e  barons 
N'aviôu  pas  de  pus  gran  afaire 
Qïie  lou  mestier  de  calignaire. 
Mais  degus  fasiô  pas  la  cour 
A  la  jouino  e  bôlo  Andalouso, 
Don'  Elviro,  d' Amfos  Tespouso  ; 
Cap  gauzabo  i  parla  d'amour, 
Tant  la  cresiôa  refastignouso. 

D'escoundous  se  disio  pamens 
Qu'un  chivalier  des  pus  valons, 
Fi  calignaire  e  bouno  lamo, 
Per  elo  auriô  vendut  soun  amo, 
Tant  l'aimabo,  tant  n'èro  fol  : 
L'appelabou  Ramoun  Bascol 
De  Cotenda,  de  Pennavèro. 
De  Balbastre  teniô  'no  terro, 
Ero  soun  home,  soun  vassal. 
Demourabo  dins  soun  houstal, 
Tout  lou  mounde  aqui  lou  belabo 
Lou  segnoù  mêmes  i  pourtabo 
Autant  d'amour  qu'à  soun  chaval. 


140  POESIES 

El  toujour  pensabo  à  ladamo  ; 
Loaiig  temps  al  cor  gardet  sa  flamo 
Escoundudo.  Pamens,  un  jour 
Qu'à  la  casso  s'èro  esmarrado, 
La  troubet  soulo,  à  la  vesprado, 
E  11  declaret  soun  amour. 

Elviro  n^ajet  desplazenso, 
Soun  aire,  au  mens,  ou  disio  prou, 
Mais  quai  sap  so  que  femno  penso? 
Diguet  pas  resà  soun  segnoù 
^u'auriô  segù  punit  Toufenso 
Per  Bascol  facho  à  soun  hounoù. . . 
Poudem  que  lauzâ  sa  prudenso. 

Mais  quauques  chivaliers  caitiéus 
(Que  lous  punigue  lou  boun  Diéus  ! 
Qu'ajou  jamai  cap  de  mestresso 
Que  noun  trahigue  sa  tendresso!) 
A  Balbastro  anèrou  countâ 
Que  soun  vassal  de  Cotendâ, 
Lou  qu'ambé  tant  de  benvoulenso 
Tratabo  amistous  dins  sa  cour, 
Aviô  Tardiment,  Tinsoulenso 
De  pregâ  sa  damo  d'amour. 

—  «  N'avez  mentit,  gens  de  malastre 
(L'uel  enfioucat,  crido  Balbastre), 

«  Cap  de  vautres  val  pas  Bascol; 
Messourguiers,  n'es  que  vostro  envejo 
Qu'am  de  paraulos  lou  negrejo  ; 
Vous  fôu  mètre  la  cordo  al  col, 
Se  tourna  vostro  lenguo  tiro 
Sus  Bascol  e  ma  damo  Elviro.  » 

Se  calou . . .  Mais  un  pus  ardit  : 

—  «  De  iéu,  dis,  mestre,  poudez  faire 
So  que  voudrez,  mais  per  ma  maire, 
Vous  juri  que  n'ai  pas  mentit  ; 
Voulez  de  probos  per  me  crèire  ? 
Escoutaz-me,  poudez  n'avèire  : 
N'avez  qu'à  faire  lou  semblant 


POESIES  Itî 

D'anâ  guerrejâ  dins  TEspagao, 
E  mandaz  vostre  ordre  al  galant 
De  faire  ambé  vous  la  campagno  ; 
Se  vous  seguis,  perdi  Thounoù, 
Demandi  pas  ges  de  perdoù, 
Poudez  tène  la  cordo  presto.  » 

Balbastre  se  grato  la  teste  ; 
Pei  per  un  servent  affidat 
Mando  à  Bascol  sa  voulountat. 

—  «  Soi  tout  preste  à  sègre  à  a  guerre 
Lou  mestre  dount  tèni  ma  terro 

(Dis  Bascol),  sus  ma  fedeltat, 
Balbastre  a  pas  en  van  coumptat.  » 

Lou  varlet,  que  n'es  pas  musaire, 
Porto  à  soun  segnoû  que  l'attend 
Lou  cap  bas  coumo  un  pénitent, 
Larespounso  qu'i  veh  de  faire. 

—  «  Eh  be  !  dis  à  Taccusatoii, 

De  que  ne  disez ?»  —  «  Ma  pensado, 
Que  qu'aje  dich,  n'es  pas  chanjado, 
Vous  seguirâ  pas.  »  —  Lou  segnoù 
I  dis  :  «  Me  fizi  à  sa  paraulo.  » 
E  sens  mai  voudre  i  tène  jaulo, 
Vavèire  Bascol. .    .  Lou  j  ou  vent, 
Despèi  qu'es  partit  lou  servent. 
Es  tout  treboulat  dins  soun  amo, 
Vol  pas  laissa  soun  mestre  en  plan, 
Ni  mai  soulo  laissa  sa  damo  ; 
D'estre  malaute  fa  semblant. 

A  soun  boun  segnoii  que  lou  trobo 
Sus  soun  leit  al  founds  d'un  alcobo  , 
Fa  vèire  soun  bras  espillat, 
E  dis  :  —  «  Soi  tout  destimbourlat, 
Moun  mal  me  ven  d'une  sannado  ; 
Cresi  qu'ai  perdut  tout  moun  sang 
Per  ma  veno  mal  adoubado 
Que  s'es  subran  adouzilhado  ; 
Ai  mens  de  forso  qu'un  efant. 


142  POESIBS 

Moun  Diéus  !  Quano  causo  marrido, 
Quand  per  vous  dounariô  ma  vido, 
De  pas  poudre  à  vostre  coustat 
Anâ  'n  campagno  !  Ajaz  pietat?  » 

Mais  Vautre  qu'a  martel  en  testo, 
Sens  escoutâ  mai  se  que  dis, 
De  la  cambro  al  pulèu  sourtis, 
S'en  va  dins  la  séuno,  e  s'apresto 
A  delargâ  de  soun  houstal. 
De  gran  mati  monto  à  chaval, 
Un  soûl  servitoù  Tacoumpagno, 
Camino  siau  dins  la  campagno  ; 
Arribo  enfin  sus  un  truquel 
Ounte  s'aubouro  un  séu  castel. 
Passo  aqui,  triste-,  la  journado, 
A  quicon  qu'i  sarro  lou  cor  ; 
Diriaz  un  coundamnat  à  mort 
A  vèire  sa  caro  neblado. 
—  «  Sauprai  se  Bascol  me  trahis, 
S'Elviro  me  troumpo  »,  —  se  penso; 
E  tant  lèu  que  la  neit  coumenso, 
Per  lous  prène  en  faute  partis. 

Arribo  à  Thouro  ount  tout  dourmis 
Sounque  lou  béu-Foli  bufaire 
E  lou  chot  banut,  soun  counfraire. 
Davalo  subran  de  chaval, 
Del  castel  passo  lou  pourtal  ; 
E  coumo  un  laire  qu'à  gran  peno 
Reten  en  marchant  soun  aleno, 
Sens  musâ  se  gandis  plan  plan 
Dèu  la  cambro  ounte  crei  qu'Elviro 
Es  estremado  am  soun  galant. 
Escouto  aqui  tout  tremoulant  ; 
Sas  aurelhos  viro  e  reviro, 
Mais  n'auzis  que  lou  poulsâ  dous 
De  lo  que  dourmis. . .  Trop  urous 
De  la  recounèisse  inoucento, 
Per  soun  repaus  auriô  degut 


POESIES  143 


S'entournâ  coumo  èro  vengut. 
Mais  la  jalousier  lou  tourmento  ; 
Mal  pougnent  que  fa  dins  lou  cor 
Uno  plago  que  res  noun  sano, 
Se  dono  pas  toujour  la  mort, 
Fa  perdre  au  mens  la  tremountano. 
La  perdet  pla,  lou  paure  fol, 
En  se  metent  dins  la  cabesso 
De  fa  coumo  s'èro  Bascol 
Que  ven  calignâ  sa  mestresso. 

Amlou  nous  d'un  det  encroucat, 
Sens  faire  mai  de  bruch  qu'un  cat, 
Tusto  doussomenet  la  porto. 
La  damo,  que  dourmis  de  bou, 
N'auzis  pas  mai  que  s'èro  morto  ; 
Tusto  pus  fort  ;  à  soun  segnoù 
(N'a  res  sachut  de  sa  partenso) 
Elviro  oubris  sens  mesfizenso. . . 
En  dintrant  tombe  à  sous  ginouls  ; 
Am  la  voues  de  Bascol  qu'imito,   • 
(Mais  troumpo  pas  la  cato-mito) 
I  dis  que  per  se  vèire  soûls 
S'es  espauzat  à  la  poutenso, 
En  mancant  à  Toubedienso 
Qu'à  soun  mestre  déu  lou  vassal  ; 
Mais  costro  l'amour  res  noun  val, 
Yen  per  querre  sa  recoumpenso . 
—  «  L'aurez,  chivalier  desleial  », 
Crido  la  damo,  que  l'aganto 
Am  la  ma  gaucho  à  la  garganto  ; 
De  l'autre  lou  ten  de  tustat 
E  lou  graufigno  sens  pietat. 
Mais  el,  mai  la  vei  enrajado 
A  lou  graufignâ,  mai  la  bado, 
Mai  la  miro  e  bénis  soun  sort; 
Quano  femno  !  Quane  trésor  ! 
N'i  a  pas,  segii,  sa  pariouno 
Per  la  vertut  en  Catalougno. 


144  POÉSIES 

Ac6  peusabo  lou  nigau  ; 

Mais  del  temps  qu'essugo  sa  gauto, 

Foro  la  cambro  Elviro  sauto 

E  ri  tanco  d'un  tour  de  cl  au ... . 

Vous  dirai  pas  ount  es  anado . 
Fa  frech,  deforo  es  pas  restado. . . 
Tant  lèu  que  vei  lusi  lou  jour, 
Coumo  s'èro  pas  prou  venjado, 
Se  planto  en  mitan  de  la  'cour  ; 
D'aqui  crido  àla  varletaio, 
Que  dins  un  moument  es  en  aio. 
Qu'un  marrias  a  per  prison 
Sa  cambro,  ount,  dins  la  neit  escuro, 
A  tentât  de  faire  à  l'hounoû 
Coumo  alnoum  de  Balbastre  injuro. 

E  toutes,  à  peno  a  parlât, 
Qu'en  ma  pal,  fourco,  bastoû,  dalho. 
Al  lioc  qu'i  servis  d'escoundalho, 
Per  puni  lou  traite  ou  voulat. 
Ne  trobou  la  porto  tancado. 
Balbastre,  qu'entend  lou  sagan, 
A  m  lous  mobles  la  ten  barrado  ; 
Mais  l'aurôu  lèu  brisado.  —  En  van, 
c(  Soi  vostre  boun  segnoù  »,  —  i  crido. 
Sens  l'auzi  la  troupo  marrido 
A  grans  cops  a  tout  brigoulat. 
Se  sauvo  subran  al  téulat 
Amb  uno  escalo  qu'ajitado 
Dins  la  cour,  de  pôu  d'escalado . 

La  foulo  intrado  am  sous  bastous 
Furo  dins  toutes  lous  cantons, 
*  Vei  pas  degus,  resto  candido, 
E  la  guerre  seriô  finido 
Se  la  damo  (oh  !  lou  michant  tour!) 
Qu'a  vist  l'escalo  dins  la  cour, 
T  aviô  pas  dich  :  a  Aura  sa  pago, 
Lou  traite  qu'ai  téulat  s'amago. 
Anaz-i  vite  l'agantà. 


P0B8IB8  145 

Am  Tescalo  i  poudez  mountà.  » 

Balbastre,  an  aquelo  paraulo, 
Tout  tremoulant  coumo  uno  gaulo, 
Palle  coumo  un  soulel  tremount, 
A  sa  damo  crido  d'amount  : 
— «Me  counèissez  pas?  Soi  Balbastre, 
Ma  dousso  amigo,  moun  bel  astre  ; 
Es  iéu  qu'avez  près  per  Bascol.  » 

E  del  téulat  davalo  al  sol. . . 
Fa  Testounado  don'  Elviro, 
Sousco,  la  lurado,  e  souspiro  ; 
I  freto  lou  frount  tout  sannous, 
E  pei,  ambé  soun  teta-dous  : 

—  «  Ah  !  coussi  Tai  pas  counescudo 
Vostro  voues,  dis  touto  esmougudo. 
De  mafauto,  fin  qu'à  la  mort, 
Dous  amie,  farai  penitenso.  » 

—  «Es  iéu  soûl,  dis  l'autre,  qu'ai  tort; 
Oublidem  tout,  n'ajem  qu'un  cor 

Per  nous  aima  sens  mesfizenso  : 
Vous  demandi  à  ginouls  perdoù.  » 
Elviro  embrasse  soun  segnoù  ; 
Pei  li  dis  d'anâ  faire  escuso 
A  Bascol  d'avé  suspettat 
Soun  hounoù  e  sa  fedeltat. 
E  Balbastre,  que  s'en  accuse, 
Ou  remet  pas  à  l'endemâ, 
Va  sul  cop  i  sarrâ  la  ma. 

Quauques  meses  après,  en  guerre 
Anet  per  aparâ  la  terre 
Del  rei  de  Leoun,  soun  amie, 
Qu'i  vouliô  prène  un  ennemie. 
Elviro  semblet  desoulàdo. 
— «  Counsoulaz-vous,  ma  tant  aimado  », 
I  diguet  penjat  à  soun  col  ; 
«  Tournarai  lèu,  se  Diéus  ou  vol . 
Crentez  pas,  pendent  mon  absenso, 


146  POESIES 

Que  cap  gauze  vous  faire  oufenso; 
Per  vous  garda  laissi  Bascol.  » 

E  la  guerre  une  fes  finido, 
A  soun  castel  tournet  d'auzido, 
E  fouguet  tant  recouneissent 
De  la  troubà  fresco  e  flourado 
Qu'à  Bascol  faguet  un  présent 
Per  Tavèire  tant  pla  gardado  « . 

Gr.  AZAÏS. 


SIAUME  CL 

Dedins  soun  sagriè,  lausas  Dieu  ; 
Lausas,  embé  tout  ce  que  vieu, 

Soun  ciel  que  brilho. 
Lausas-lou  per  sous  bêles  fats, 
Per  sa  grandou  qu'o  pas  de  grads, 

Que  meravilho  ! 

Embé  la  troumpo  al  cla  rebound, 
Lausas-lou,  qu'ausigue  lou  soun 

De  la  museto  ! 
Qu'ai  bruch  de  l'arpo,  del  tambour, 
Davans  el  dansen  tout  lou  jour  ! 

Qu'emb  Tespigueto, 

La  flauto  douço,  lou  fieulel, 
Lou  rebec  e  lou  caramel, 

Lausen  sa  glorio  ! 
Que  tout  ce  qu'aleno,  embé  gaud, 
Vengue  aici  lausa  TEternau 

E  samemorio^! 

P.  Fesquet. 


*  Languedocien  (Béziers  et  ses  environs).  Orthographe  biterroise. 

*  Languedocien  (Colognac  et  ses  environs).  Orthographe  montpelliéraine. 


VARIETES 


LE  DIEU  QUI  LANÇAIT  DES  PIERRES 

M.  J.-F.  Cerquand  a  publié  sous  ce  titre,  dans  le  tome  second  du 
Bulletin  historique  et  archéologique  de  Vaucluse^y  une  étude  fort 
curieuse  sur  quatre  traditions  populaires  de  la  Provence,  du  Béarn, 
des  Vosges  et  de  Skara. 

«Le  dieu  qui  lançait  des  pierres,  dit-il,  a  fait  autrefois  du  bruit  dans 
le  monde .  Il  a  eu  ses  adorateurs,  non  pas  sur  un  coin  de  terre  ignoré, 
mais  dans  toute  l'Europe  occidentale,  du  nord  Scandinave  au  midi 
celtique,  de  la  Baltique  à  la  Méditeri'anée,  et  son  heure  de  célébrité  a 
duré  des  siècles.  Quoique  ce  fût  un  dieu  barbare,  Eschyle  l'a  chanté 
en  lui  donnant  le  costume  de  Zeus.  Les  Romains  lui  ont  accordé 
une  place  à  côté  de  Pluton,  d'Hercule,  de  Sylvain.  Puis  le  moment 
est  venu  où  ^es  autels  ont  été  renversés  et  ses  images  enfouies,  et  le 
silence  s'est  étendu  sur  les  ruines.  » 

La  première  tradition  est  relative  à  la  pierre  d'Aubune  ',  la  se- 
conde à  celle  de  Roland,  la  troisième  de  saint  Bozon,  la  quatrième 
de  Skara,  dont  la  situation  topo  graphique,  à  peine  précisée  par  M.  C, 
semble  néanmoins  être  Scandinave.  L'auteur  les  rapproche  de  la  lutte 
qu'Hercule  soutint  contre  les  Ligyes  sur  les  bords  du  Rhône,  et  de 
la  légende  des  pierres  rondes  que  Zeus  fit  tomber  autour  de  lui,  afin 
qu'il  pût  les  lancer  contre  ses  ennemis . 

Le  conte  de  la  pierre  Roland,  qui  eût  été  plus  intéressant  si  M.  C. 
nous  l'avait  donné  en  béarnais,  s'applique  à  un  monolithe  de  vingt 
mètres  de  hauteur,  situé  sur  le  flanc  de  l'Anthoule*: 

«  Le  roi  Charlemagne  partit  en  guerre  contre  ceux  d'Espagne  et 
arriva  avec  Roland  au  pied  des  Pyrénées. 

'  Avignon,  Séguin  frères,  1880;  in-8o,  p.  331. 

«  D'après  M.  de  Laincel  (Avignon,  le  Comtat,  etc.;  in-l2,  p.  90),  que  M.  C. 
paraît  ne  pas  avoir  consulté,  quelques-uns  attribueraient  à  Charlemagne,  et 
non  à  Charles-Martel,  le  gain  de  la  bataille  qui,  selon  la  tradition  orale,  aurait 
été  livrée  aux  Sarrasins  dans  la  plaine  de  Raveau.  M.  de  L.  dit,  et  ceci  est  en 
accord  avec  la  version  de  M.  Courtet,  que  Satan  voulut  faire  disparaître  la  cha- 
pelle d'Aubune,  sous  une  grêle  de  roches  arrachées  à  la  montagne  ;  mais  il  ne 
put  qu'ébranler  la  première  et  s'enfuit  aussitôt. 

Il  semble  qu'un  combat  s'est  réellement  livré,  à  une  époque  qu'il  n'est  plus 
possible  de  déterminer,  dans  le  voisinage.  Morenas  rapporte  «  que,  lorsqu'on 

répara  le  grand  chemin  papal entre  Baumes  et  Vacqueyras,  quarante  ans 

avant  l'époque  où  il  écrivait  (1779),  on  trouva  dans  le  sol  une  rangée  profonde 


148  VARIETES 

»  Roland,  voulant  intimider  les  ennemis  par  un  témoignage  de  sa 
vigueur,  monta  sur  la  Magdeleine — qui  est  aux  environs  de  Tardets* 
—  et  saisit  une  roche,  avec  l'intention  de  la  lancer,  par-dessus  les  Py- 
rénées, au  milieu  des  villages  espagnols.  Mais,  comme  il  ramenait  le 
bras  en  avant,  son  pied  glissa  sur  le  terrain  humide  et  la  force  du 
coup  fut  amortie.  La  pierre  tomba  en  deçà  des  Pyrénées,  à  douze  kilo- 
mètres de  Tarde ts,  sur  le  flanc  de  l'Anthoule. 

»  La  pierre  porte  encore  les  traces  profondes  de  la  main  qui  l'a  ser- 
rée, et  il  est  facile  de  voir  qu'un  instrument  ne  les  a  pas  creusées.  » 

M.C.  conjecture,  non  sans  vraisemblance,  que  dans  les  quatre  contes 
précités,  le  diable,  Roland,  le  duc  Bozon  et  le  géant  de  Skara,  repré- 
sentent un  dieu  lithohole,  élagué  de  la  tradition  orale  par  l'effet  du 
temps  et  la  modification  des  idées  religieuses. 

Il  aurait  justifié  plus  complètement  ces  inductions,  s'il  avait  eu 
connaissance  d'une  invocation  populaire  que  l'on  répète  aux  environs 
de  Montpellier,  et  par  laquelle  celui  qui  parle  prie  Dieu  d'avoir  pitié 
des  siens  et  de  jeter  des  pierres  sur  autrui: 

0  moun  Dieu,  achàs  pietat  de  nautres 
E  jitàs  de  peiras  as  autres  ! 

Une  pareille  demande  est  trop  incompatible  avec  la  notion  chré- 
tienne de  la  divinité  pour  que  l'on  hésite  à  la  rattacher  à  la  croyance 
du  dievL  lithobole . 

M.  C.  aurait  pu,  enfin,  augmenter  son  travail  d'une  cinquième  ver- 
sion, que  lui  aurait  fournie  la  ville  de  Pierrelatte(Drôme),  laquelle  doit 
son  nom  au  rocher  qui  la  domine.  Ce  rocher,  disent  les  uns,  y  aurait 
été  jeté  par  un  géant.  D'autres  prétendent  que  Gargantua,  cheminant 
le  long  du  Rhône,  aurait  senti  un  gravier  dans  sa  chaussure  et  que 
ce  gravier,  dont  il  se  serait  débarrassé  aussitôt,  ne  serait  autre  que  le 
rocher  de  Pierrelatte. 

11  serait  curieux  de  rechercher  si  Peyreleau  (Aveyron),  le  pic  de  Pey- 
relaud,  qui  est  près  de  Cauterets,  et  l'ancien  comté  catalan  de  Pierre- 
late,  ne  posséderaient  pas  des  légendes  semblables  2. 

d'ossements  humains,  de  plus  de  trente  pieds  de  longueur.  »  (De  Laincel, 
/6id.,90.) 

i  Chef-lieu  de  canton  de  rarrondisBoment  de  Mauléon  (Basses-Pyrénées). 

'  On  pourrait  peut-être  relier  à  la  deuxième  forme  des  traditions  étudiées 
par  M.C.  (le  diable  lançant  des  pierres)  le  proverbe  suivant:  Lou  diable  porto 
peiraSf  qui,  en  Limousin,  signifie,  selon  M.  Clément-Simon  (ReDuCy  3o  série, 
111,89),  qae  le  diable  est  toujours  prêt  à  causer  quelque  malheur,  et  un  second 
proverbe  rimé,  noté  par  l'abbé  de  Sauvages  {Dict.  lang.-fr.,  Il,  387):  Peiro  ira- 
chOflou  diable  Va  facho»  Si,  comme  le  dit  M.  C.  à  propos  d'un  autre  détail,  il 
y  aurait  un  peu  de  subtilité  à  rattacher  ces  adages  à  la  croyance  du  dieu  qui 
lançait  des  pierres,  il  y  aurait  aussi  de  la  négligence  à  ne  pas  les  mentionner. . 


YARlâTÉS  149 

Dans  la  seconde  partie  de  son  étude,  M.  C.  dit  quelques  mots  des 
traditions  relatives  aux  haches  de  silex  qui,  selon  la  croyance  po- 
pulaire de  beaucoup  de  régions,  tombent  du  ciel  avec  la  foudre,  et 
il  signale,  dans  les  Alpes-Maritimes,  l'existence  d'une  particularité 
qu'il  n'avait  nulle  part  remarquée  :«  Un  paysan  avait  réuni  un  certain 
nombre  de  haches  polies  ;  toutes  portaient  des  mutilations  récentes , 
tous  les  tranchants  étaient  ébréchés.  Et,  ajoute-t-il,  comme  nous  nous 
en  étonnions,  il  expliquait  que  les  pierres  de  foudre  devaient  être 
ébréchées  au  moment  où  on  les  trouvait,  «  sans  quoi  elles  retourne- 
raient dans  les  nuages  et  formeraient  un  nouveau  tonnerre .  » 

A.  Roque-Ferrier, 


ODIERNE  ET  BEAUCATRE 

Dans  la.  Romania  de  1873  (p.  96),  M.  H.  Suchier  proposa  de  chan- 
ger e  nom  propre  de  Viema  (Peire  Vidal,  Drogoman  seiner  s'agues 
bon  destrier)  en  celui  d'Avierna,  et  au  sujet  d'Esmeré  à'Odïerne 
[Covenant  Vivien,  v.  1067;  Bataille  d'AliscanSy  éd.  Guessard  et  Mon- 
taiglon,  p.  16-32),  rapprocha  du  nom  delà  ville  méridionale  d'Odie>*ne 
celui  du  bourg  breton  d'Audierne, 

M.  Paul  Meyer  prouva  dans  la  même  Revue  (1873,  p.  433-4)  que 
le  nom  de  Vierna  était  fréquent  au  moyen  âge,  et  que  Ton  rencon- 
trait aussi  la  forme  masculine  Vieme.  Nous  ajouterons  que  ce  dernier 
nom  existe  encore  à  Marseille,  à  Nimes  et  à  Génolhac,  et  qu'à  côté 
d'Audiernai  cité  d'après  Arnaut  Daniel,  par  MM.  Suchier  et  Meyer, 
on  trouve  la  forme  masculine  Audierne  dans  la  Dordogne*. 

Voilà  pour  la  première  hypothèse  de  M.  Suchier  ;  quant  à  la  se- 
conde, elle  fut  examinée  par  M.  E.  Germer-Durand,  l'auteur  du  Dic- 
tionnaire topographique  du  Gard,  La  note  de  M.  Durand  a  échappé 
peut-être  aux  romanistes;  nous  la  plaçons  en  abrégé  sous  leurs  yeux  : 

«  Nous  croyons  que  M.  Het-mann  Suchier  n'aurait  pas  été  chercher, 
dans  im  bourg  du  Finistère,  la  forz  citez  d'Esmeré,  s'il  avait  su 
que,  non  loin  d'Orange,  sur  un  rocher  au  bord  du  Rhône,  et  dans  le 
département  du  Gard,  il  existe  une  ville,  connue  dans  le  monde  en- 
tier sous  le  nom  de  Beaucaire,  mais  qui,  à  l'époque  carlovingienne  et 
jusqu'au  XI®  siècle,  s'appelait  Castrum  de  Ugerno,  Castrum  de  Od- 
jerno^Cest  là  la  fors  citez  d'Esmeré  2.  »  J.  Bauquier 

»  L'abhé  Audierne  a  publié  de  1840  à  1851  divers  ouvrages  sur  le  Périgord. 

2  E.  Germer-Durand,  Découvertes  archéologiques  faites  à  Nimes  et  dans 
le  Gard  pendant  l'année  1871.  Premier  et  second  semestres.  Nimes,  typ. 
Clavel-Ballivet,  1873,  in-80,  p.  26  du  premier  semestre,  en  note. 


BIBLIOGRAPHIE 

Du  Génitif  latin  et  de  la  préposition  de.—  Étude  de  syntaxe  historique, 
sur  la  décomposition  du  latin  et  la  formation  du  français^  par  P.  Clairin, 
ancien  élève  de  l'Ecole  normale  supérieure.  — Paris,  Vieweg,  1880. 

La  thèse,  ou  plutôt  l'ouvrage,  dont  nous  venons  de  donner  le  titre, 
a  valu  à  son  auteur,  Tannée  dernière,  le  titre  de  docteur  es  lettres . 
C'est  un  travail  sérieux,  très -méthodique,  qui  constitue  une  mono- 
graphie utile,  comme  on  voudrait  en  voir  apparaître  un  plus  grand 
nombre  dans  l'intérêt  des  études  romanes,  ce  qui  permettrait  d'éta- 
blir enfin  sur  des  bases  solides  la  syntaxe  de  l'ancien  français.  L'au- 
teur a  divisé  son  ouvrage  en  trois  livres  :  dans  le  premier,  il  étudie 
le  génitif  latin  et  la  préposition  de  successivement  dans  les  deux 
périodes  classiques,  à  l'époque  de  la  décadence,  chez  les  Pères  de 
l'Eglise  et  chez  les  imitateurs  directs  des  classiques  jusqu'à  l'épo- 
que de  Charlemagne  ;  dans  le  second,  il  poursuit  cette  étude  dans  le 
bas-latin  ;  dans  le  troisième,  il  est  question  de  la  préposition  fran- 
çaise de  depuis  les  origines  jusqu'au  XlVe  siècle.  Il  n'aurait  pas  été 
sans  intérêt,  ce  nous  semble,  de  remonter  jusqu'au  second  siècle 
avant  Jésus-Christ,  et  d'étudier  en  particulier  la  syntaxe  des  poètes 
comiques,  qui  a  parfois  gardé  des  traces  incontestables  de  l'influence 
du  parler  populaire  et  se  rapproche  sur  plus  d'un  point  de  celle  des 
auteurs  de  la  décadence.  L'auteur  a  craint  sans  doute  de  donner  une 
place  prépondérante  à  l'élément  latin  dans  un  ouvrage  dont  l'inspi- 
ration première  appartient  certainement  au  français.  A  ce  titre,  pré- 
cisément, nous  pensons  que,  tout  en  maintenant  les  nombreuses  di- 
visions qui  permettent  à  l'auteur  de  distinguer  avec  soin  les  cas  si 
variés  de  l'emploi  du  génitif  et  de  la  préposition  de,  il  aurait  pu  dimi- 
nuer le  nombre  des  exemples  latins,  surtout  pour  les  catégories  qui 
se  reproduisent  sans  altération  sensible  à  toutes  les  époques.  Peut- 
être  aussi  aurait-il  mieux  valu  suivre  l'ordre  chronologique  pur,  et 
étudier  le  développement  des  diflférents  sens  successivement  à  toutes 
les  époques  de  la  latinité.  Nous  reconnaissons,  toutefois,  qu'il  n'était 
guère  possible  de  mettre  dans  un  même  article  les  exemples  français 
à  la  suite  des  exemples  latins,  la  classification  ne  pouvant  être  exac- 
tement la  même  pour  les  deux  langues  ;  mais  l'auteur  aurait  pu 
(procédé  dont  il  a  usé  trop  rarement,  par  exemple  p.  243)  multiplier 
le  rapprochement  entre  les  deux  séries  d'exemples  (latins  et  français), 
afin  de  faciliter  au  lecteur  l'intelligence  de  son  plan  et  de  lui  per- 
mettre d'embrasser  d'un  coup  d'œil,  pour  chaque  ordre  de  faits,  les 


BIBLIOGRÀPHIB  151 

modifications  successives  qui  marquent  le  passage  du  latin  au  fran- 
çais. 

Que  M.  Clairin  nous  permette  encore  quelques  critiques  de  détail. 
Pourquoi  s'est-il  cru  obligé,  pour  l'ancien  français,  de  reproduire  fidè- 
lement le  système  de  chaque  éditeur  en  ce  qui  concerne  l'apostrophe 
et  les  accents  ?  Cela  occasionne  des  disparates  choquantes.  Ainsi  il 
écrit,  avec  M.L.  Gautier,  de  l\  a  V,  quand  il  cite  la  Chanson  de  Ro- 
land; mais  del,  al^  avec  MM.  de  Wailly,  Leroux  de  Lincy,  etc.,  en 
citant  le  Livre  des  Rois,  Villehardouin  et  bien  d'autres  textes  ;  on 
trouve  presque  à  la  môme  page  :  espée  et  espee,  jornées  et  jornee, 
tes  et  tes  (qui  est  une  faute),  pères  et  pères  (qui  est  aussi  une  faute), 
à  (préposition)  et  a,  etc. 

P.  85, 1.  14,  Qui  de  castris processerant  (Sali.,  Cat.  61).  Les  meil- 
leurs manuscrits  ont  e  et  non  de. 

P.  89,  art.  3.  Le  titre  {DE  marque  le  lieu  ou  se  produit  V action) 
est  un  peu  trop  vague.  Il  fallait  mettre  à  part  les  exemples  où  de 
marque  le  point  de  départ  de  l'action.  De  même  pour  les  autres  pé- 
riodes, à  l'article  3. 

P.  93,  note  1.  Avec  refert,  le  génitif  s'explique  plus  simplement 
par  re  contenu  dans  le  composé,  que  par  l'ellipse  de  re. 

P.  103,  1.  23.  Be  insuper  adstantes  (Sali.,  Hist,  /,  65).  Corrigez 
avec  Kritz  {Hist,  I,  73),  dein  super. 

P.  209,  1.  21-2.  Le  premier  dos  exemples  du  Roman  de  Thèbes 
est  tiré  du  manuscrit  n"  375;  le  second,  des  mss.  n°*  60  et  784  ;  dans 
ce  dernier,  le  n°  du  vers  se  rapporte,  non  à  l'ensemble  du  poëme, 
mais  à  un  passage  d'environ  750  vers  particuliers  à  ces  deux  ma- 
nuscrits. Enfin  l'exemple  cité  p.  214,  l.  4,  appartient  au ms.  375,  et  le 
TûP  du  vers  doit  être  lu  6337. 

P.  231,  1.  32.  Cet  exemple  de  Join ville  doit  être  rapproché  des 
exemples  assez  nombreux  où  le  latin,  après  potius  (et  autres  com- 
paratifs), emploie  quam  et  le  subjonctif. 

P.  266,  1.  17  et  286,  §§  7  et  8.  La  syntaxe  de  tant,  qui  est  si  cu- 
rieuse dans  certains  textes,  n'est  pas  nettement  indiquée,  en  ce  qui 
concerne  l'accord.  Je  citerai  seulement  cet  exemple  du  Roman  de 
Thèbes  (v.  5041-53),  qui  nous  montre  tour  à  tour  tant  pris  comme 
adverbe  et  comme  adjectif,  toujours  avec  ellipse  de  la  préposition  de, 
et  de  plus  une  proposition  relative  avec  le  verbe  au  pluriel,  dont  l'an- 
técédent est  un  nom  singulier  accompagné  de  tant  : 

Tant  anstes  y  furent  brisies, 
Tantes  ensegnes  desploies  ; 
Tant  poing,  tant  pié  furent  colpé, 
Et  tant  vassal  jus  cravante  ; 
La  veissiés  tant  capleis,  etc. 


15?  pâRIODIQUBS 


Ta7it  rice  cop  férir  d'espée, 
Tante  teste  del  bu  sevrée  ; 
Tant  gentilhome  d'autre  terre, 
Qui  erent  venu  por  conquerre, 
I  veissiés  mort  en  la  prée. 

P.  285,  §  V.  Cet  emploi  elliptique  de  de  a  son  équivalent  en  latin 
après  les  interjections  qui  expriment  la  joie  ou  la  douleur.  Cf.  Ca- 
tulle, IX,  5  :  venisti.  0  mihi  nuntii  beati  I  Properce,  IV,  (V),  7,  21 
(23),  fœderis  heu  taciti!  Lucain,  II,  45,  o  miserœ  sortis!  et  en  grec, 
ot^oi,  wpoe,  w,  etc.,  avec  le  génitif. 

Nous  nous  plaisons  à  constater,  en  terminant,  que  l'auteur  a  sou- 
vent réussi  à  caractériser  d'une  façon  très-nette  certains  emplois  du 
génitif  et  surtout  (ce  qui  intéresse  plus  directement  nos  lecteurs)  de 
la  préposition  française  de.  Nous  nous  contenterons  de  signaler  l'ar- 
ticle substantiel  consacré  à  la  suppression  de  de  équivalent  au  génitif 
subjectif,  p.  254  sqq.  Espérons  que  M.  Clairin,  après  cet  honorable 
début  dans  les  études  romanes,  ne  s'en  tiendra  pas  là;  nous  serions 
heureux  d'avoir  bientôt  de  lui  une  étude  semblable  sur  la  préposi- 
tion â. 

L.    GONSTANS. 


PÉRIODIQUES 


Homania,  35.  -P..  353,  M.  Mila  y  Fontanals,  el  Càntode  la  Si- 
hila  en  lengua  d^  Oc,  Notre  savant  collaborateur,  qui  avait  publié  der- 
nièrement dans  le  Gay  Saber  (15  décembre  1879),  d'après  un  ms.  de 
Barcelone,  une  version  catalane  de  ce  chant  funèbre,  en  donne  ici, 
d'après  une  copie  de  M.  Morel-Fatio,  prise  sur  lems.  de  notre  B.  N., 
une  version  provençale  (légèrement  catalanisée  pourtant  dans  sa  gra- 
phie), en  l'accompagnant  d'une  introduction,  d'un  commentaire  et  des 
variantes  du  ms.  de  Barcelone.  Il  donne  ensuite  une  nouvelle  édition 
des  versions  déjà  imprimées  du  même  chant,  en  Catalogne,  à  Valence 
et  à  Majorque.  —  P.  366.  A.  Lambrior,  Essai  de  phonétique  roumaine 
(suite).  —  P.  377.  E.  Cosquin,  Contes  populaires  lorrains  recueillis 
dans  un  village  du  Barrois,  à  Montiers-sur-Saulx  (Meuse)  (suite). — 
P.  429.  Mélanges.  1®  Notes  sur  la  langue  vulgaire  d'Espagne  et  de 
Portugal  au  moyen  âge  (712-1200).  Jules  Tailhan.  2°  Chevrette,  Cre- 
vette. G.  Musset.  M.  G.  M.  accepte  l'étymologie  de  M.  Joret  et  ap- 
porte à  l'appui  des  exemples  empruntés  au  patois  de  l'Aunis  et  de 
la  SaintûDge.  3®  Tille.  4°  Nabot,  étymologies  proposées  par  M.  Joret. 


PERIODIQUES  153 

• 

5o  La  Femme  de  Salomon,  G.  P.  6°  Bribes  de  littérature  populaire, 
Kr.  Nyrop. —  P.  445.  Comptes  rendus:  lo  Joûon  des  Longrais,  le 
Roman  d'Aquin  ou  la  Conqueste  de  la  Bretaigne,  par  le  roy  Charlemaigne, 
la  chanson  de  geste  du  XII®  siècle  (G.  P.),  article  bien  fait  et  très-sub- 
stantiel. Éloges  accompagnés  de  réserves.  2o  K.A.Martin  Hartmann, 
Ueher  dos  Altspanische  Dreikoenigsspiel  nebst  einem  Anhamg  enthal- 

tend  eîn  bisher  ungedrucktes  lateinisches  Dreikoenigsspiel 

Bautzen,  1879  (A.  Morel-Fatio) .  3o  Luigi  Gaiter,  il  Tesoro  di  Bru- 
netto  Zafom,  volgarizzato  da  Bono  Giamboni,  raffrontato  col  testo 
autentico  f  rancese  edito  da  P.  Chabaille  emondato  con  mss .  ed  illus- 
trato.  Vol.  I-II.  Bologna,  1878-79  (Thor  Sundby).  Peu  favorable. 
4:0  F.-E.  Bollati,  Chanson  de  Philippe  de  Savoie,  publiée  pour  la  pre- 
mière fois,  avec  préface  et  notes.  Milan,  J.  Civelli,  1879  (P.  M.). 
Favorable.  —  P.  476.  Périodiques,  M.  P.  Meyer  dit,  à  propos  de  Téty- 
mologie  par  moi  proposée  de  es/reer,  esfraer  =  'efferatatus  {Revue 
des  l,  rom,,  janvier-mars  1880,  p.  118),«  qu'elle  n'est  pas  soutenable.» 
Il  ajoute  que  la  vraie  a  été  donnée  par  M.  Gaston  Paris  {Rom^- 
nia,  VII,  p.  121).  En  est-il  bien  sûr?  Où  a-t-il  vu  que  idare  —  M.  G. 
propose  exfridare  —  a  pu  former  aer,  et  cela  dès  le  XII®  siècle  ? 
—  P.  482.  Je  relève  au  passage  deux  remarques  de  M.  G.  Paris  sur 
un  travail  étymologique  de  M.  Flechiâ.  I«  a  Innestare  est  rattaché 
avec  vraisemblance  à  *ininsitare,  comme  le  proposait  Ferrari,  et  non 
kinsitare^  comme  le  voulait  Diez.  »  J'ai  déjà  proposé  une  étymologie 
différente  dans  mon  compte  rendu  de  ce  même  ouvrage  {Revue  des 
langues  romanes^  3e  série,  t.  I,  p.  144-5).  Je  crois  que  cette  forme 
se  rattacherait  plutôt  à  *in-nexitare,  fréquentatif  supposable  de  in- 
nectere,  lequel  convient  pour  le  sens  et  encore  mieux  pour  la  phoné- 
tique. 2®  «  M.  Flechia  explique  fort  bien  les  dérivations  verbales 
d'adjectifs  et  surtout  de  participes  en  iare  que  M.  Boucherie  voudrait 
tirer  de  comparatifs.  »  Voilà  plus  de  trois  ans  que  j'ai  renoncé  à 
cette  explication,  justement  pour  lui  substituer  celle  que  M.  G.  Paris 
approuve  chez  M.  Flechia  (  Re\)ue  des  langues  romanes^  2e  série, 
t.  III,  p.  219  ),  explication  que  j'ai  répétée  en  1879  (  3e  série,  t.  I, 
p.  144-5),  en  rendant  compte  de  ce  travail  du  même  M.  Flechia,  qui 
ignorait  alors,  comme  6.  Paris  aujourd'hui,  que  j'avais  déjà  pris  les 
devants.  On  me  pardonnera  d'insister  sur  ces  détails,  non-seulement 
parce  qu'il  s'agit  d'une  question  de  priorité,  mais  aussi  parce  que 
mon  explication  pourrait  avoir,  si  elle  était  mieux  connue,  une  cer- 
taine importance  pour  les  études  étymologiques.  —  P.  490.  Chro- 
nique. A.  B. 


12 


CHRONIQUE 


MM.  Paul  Meyer  et  Gaston  Paris,  directeurs  du  recueil  trimestriel 
qui  représente  à  Paris  l'étude  des  langues  et  des  littératures  romanes, 
viennent  d'être  durement  éprouvés:  le  premier,  parla  perte  de  sa  jeune 
femme,  morte  après  quelques  mois  de  mariage,  et  le  second,  par  celle 
de  son  père,  M .  Paulin  Paris,  enlevé  à  l'érudition  française  au  terme 
d'une  carrière  aussi  longue  que  laborieusement  remplie. 

Ces  lignes  ne  diminueront  en  rien  la  légitime  tristesse  de  nos  deux 
confrères,  mais  elles  leur  prouveront,  au  moins,  la  part  que  la  rédac- 
tion de  la  Revue  des  langues  romanes  prend  à  des  pertes  que  l'étude 
adoucit  quelquefois,  mni^  n'a  mnlheureusement  pas  le  don  de  faire 

oublier. 

*■ 
*  ♦ 

Trois  membres  de  la  Société,  MM .  Castets,  Constans  et  Roque-Fer- 
rier,  ont  fait  à  la  Sorbonne,  devant  les  délégués  des  Sociétés  savantes 
des  départements  (séance  du  22  avril) ,  des  communications  que  le 
Journal  officiel  apprécie  de  la  manière  suivante  : 

«  M.  Castets,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Montpellier, 
fait  une  exposition  orale  sur  l'influence  qu'eut  le  Roman  de  la  Rose 
sur  les  littératures  étrangères  du  moyen  âge.  Cette  influence  est  at- 
testée par  des  imitations  et  des  traductions  en  Italie,  dans  les  Pays- 
Bas,  en  Angleterre.  M.  Castets  insiste  sur  une  rédaction  italienne  du 
Romnn  de  la  Rose,  qui  est  conservée  à  la  Bibliothèque  universitaire 
de  Montpellier,  dans  un  manuscrit  unique.  C'est  un  poëme  de  plus  de 
trois  mille  vers,  en  deux  cent  trente-deux  sonnets,  qui  semble  anté- 
rieur à  la  Divine  Comédie;  l'auteur  s'appelait  Durante  (  Dante?).  La 
publication  de  ce  texte,  faite  sous  les  auspices  de  la  Société  pour 
l'étude  des  langues  romanes,  comble  une  lacune  de  l'histoire  littéraire 
de  l'Italie.  »  (Journal  officiel  du 23  avril,  p.  2225.) 

oc  M.  L.  Constans,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Poitiers, 
signale  à  la  section  un  nouveau  chansonnier  provençal,  découvert 
par  lui  à  Cheltenham  (Angleterre),  dans  la  bibliothèque  de  feu  sir  Tho- 
mas Phillips,  sous  le  n°  1910.  Ce  chansonnier  se  dissimidait  sous  le 
titre  peu  exact  dePoëmes  en  périgourdin,  et  M.  Mary-Lafon,  le  seul 
qui  en  ait  fait  mention  dans  l'appendice  bibliographique  de  soa  Ta- 
bleau historique  et-  littéraire  de  la  langue  parlée  dans  le  midi  de  la 
France,  ne  l'avait  certainement  pas  vu,  puisqu'il  l'intitule  Poésies  en 
périgourdin,  se  contentant  d'ajouter  cette  indication  :  «  Bibliothèque 
particulière  de  sir  Phillips  à  Middlehill .  » 

j>  C'est  un  mince  registre  in-4°  de  trente-un  centimèt.  sur  vingt-deux, 
avec  une  reliure  moderne  en  parchemin  :  il  est  formé  de  plusieurs  cahiers 
de  gros  papier  gris,  dont  le  premier  est  resté  en  blanc.  Puis  viennent 
vingt-huit  feuillets  remplis,  au  recto  et  au  verso  (sauf  quelques  blancs 
sans  importance),  de  Vies  et  de  Poésies  des  troubadours,  transcrites  au 
XV I®  siècle,  et  quatorze  feuillets  occupés  par  une  série  de  Proverbes  pro- 
vençaux,  rangés  par  ordre  alphabétique,  d'une  écriture  ronde,  assez 
pénible  à  lire,  qui  n'est  pas  antérieure  au  XVII®  siècle . 

3)  La  comparaison  attentive  faite  par  M .  Constans,  entre  le  chan- 
sonnier qui  forme  la  première  partie  du  manuscrit  et  les  listes  de 


CHRONIQUE  155 

pièces  dressées  par  M.  Bartsch  et  d  autres  provençalistes,  a  donné 
les  résultats  suivants:  lo  Les  Vies  se  retrouvent  toutes  dans  d'au- 
tres manuscrits,  sauf  celle  de  Pierre  de  la  Mule,  qui  n'a  pas  plus  de 
quatre  lignes:  elle  nous  apprend  que  ce  troubadour  séjourna  dans  le 
Montferrat  et  en  Piémont.  La  Vie  d'Hugues  de  Saint-Cyr  renferme, 
de  plus  que  les  manuscrits  connus,  une  assez  longue  et  intéressante 
explication  de  la  pièce  :  Longamen  ai  atenduda  ;  2°  la  pièce  de  Ram- 
baut  d'Orange,  qui  n'avait  encore  été  signalée  que  dans  le  chanson- 
nier Mac-Carthy  (même  bibliothèque,  n°  8335),  se  trouve  également 
dans  le  nouveau  chansonnier,  souvent  avec  de  meilleures  leçons  ;  3<*  il 
ne  s'y  trouve  pas  de  pièces  uniques  ;  mais  le  manuscrit,  quoique  l'on 
ait  quelque  raison  de  croire  qu'il  est  italien,  est  assez  bon  et  fournit 
un  assez  grand  nombre  de  variantes  à  l'édition  que  prépare  M.  Con- 
stans.  3>  {Journal  officiel  du  23  avril,  p.  2224.) 

«  Au  nom  de  M.  A.  Roque-Ferrier,  secrétaire  de  la  Société  pour 
T étude  des  langues  romanes,  à  Montpellier,  M.  Castets  lit  un  mémoire 
sur  un  essai  de  restitution  de  quelques  substantifs  romans  (laura  et 
lauza,  lauroun  et  lauzoun,  laurella  et  lauzella,  etc.),  dont  la  significa- 
tion paraît  se  rattacher  à  colle  de  source,  de  ruisseau  et  de  rivière.  Les 
éléments  de  ce  mémoire  sont  empruntés  à  la  langue  topographique 
des  quatre  départements  de  l'Hérault,  du  Gard,  de  la  Dordogne  et  des 
Basses-Pyrénées.  Les  termes  précités  ont  disparu  en  très-grande  partie 
du  vocabulaire  courant,  mais  leur  application  constante  et  régulière  à 
des  cours  d'eau,  ainsi  que  l'existence  du  diminutif  lauroun,  par  lequel 
on  désigne  encore  une  source  en  Provence,  viennent  à  l'appui  de  la 
traduction  que  propose  M.  Roque-Ferrier. 

»  L'auteur  fait  remarquer  qu'il  aurait  pu  accroître  considérablement 
les  listes  de  son  mémoire,  si  tous  les  dictionnaires  topographiques  des 
départements  méridionaux  étaient  publiés  à  l'heure  qu'il  est,  et  sur- 
tout si,  à  côté  de  l'appellation  française,  on  avait  soin  d'ajouter  l'ap- 
pellation locale,  telle  que  la  prononcent  et  l'écrivent  les  habitants  du 
pays. 

D  C'est  le  nom  du  château  de  la  Lauze,  situé  dans  la  commune  de 
St-Jean-de-Védas,  près  de  Montpellier,  qui  a  donné  à  M.  Roque- 
Ferrier  l'idée  d'entreprendre  l'étude  de  ces  substantifs  à  demi  périmés.* 
(Journal  officiel  du  23  avril,  p.  2224.) 

Un  quatrième  membre  du  Conseil  d'administration  de  la  Société, 
M.  B.  Cantagrel,  a  fait  à  la  section  des  sciences  (séance  du  21  avril) 
une  communication  que  le  Journal  officiel  enregistre  en  ces  termes  : 

«  M.  Cantagrel,  ancien  chef  d'institution,  à  Montpellier,  décrit  et 
présente  un  instrument  nouveau,  dit  «héliographe }?>,  qui  peut  montrer 
tous  les  phénomènes  résultant  des  mouvements  apparents  du  soleil.  » 


Communications  faites  en  séance  de  la  Société  .  —  4  mai.  — 

Les  manuscrits  provençaux  de  Cheltenham  (Angleterre),  par  M.  L. 
Constans  ; 

Le  langage  de  Savines  (Hautes- Alpes)  vers  le  milieu  du  XV  siècle, 
par  M.  l'abbé  Paul  Guillaume; 

Traduction  de  la  première  satire  de  Perse  en  vers  lodévois  (Gler- 
montet  ses  environs),  par  M.  Saint- Just  Molinier  ; 

Entouras-me  d'enfant,  poésie  provençale  (Avignon  et  les  bords  du 
Rhône),  par  M.  William-C.  Bonaparte-Wyse. 


156  CHRONIQUE 


Livres  et  manuscrits  donnés  a  la  Bibliothèque  de  la  Société. 
—  Deux  traductions  de  la  parabole  de  l'Enfant  prodigue  en  langage 
de  Mèze  (Hérault)  (don  de  M.  Albert  Fabre); 

L'Iôu  de  Pascas,  armanac  rouman  perl'annada  M  Dccc  Lxxxi.  Mount- 
peliè,  Empremariè  centrala  dau  Miejour,  1881,  in-8<>,  xl-100  pages 
(don  de  M.  Camille  Laforgue); 

Bonaparte- Wyse  (William-C) .  )  :  On  occasion  of  Eoumania  constî- 
tuting  herself  a  Kingdom,  wit  a  french  version  by  Constant  Hennion. 
Plymouth,  Keys,  1881  ;  in-4°,  16  pages  (don  de  M.  William-C.  Bona- 
parte-Wyse); 

Carpenter  (William-H.):  Grundriss der  neuîslândîschen  grammatik. 
Leipzig, Scblicke,  1881;  in-8o,  xvi-130  pages; 

Cbabaneau:  Les  Sorts  des  Apôtres,  texte  provençal  duXlII*  siècle, 
publié  avec  l'original  latin .  Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi, 
1881;  in-80,  40 pages; 

Langlade  :  Malhan  e  Daudet.  Montpellier,  Imprimerie  centrale  du 
Midi,  1881;  in-8°,  12  pages; 

Noulet  (le  docteur):  Un  texte  roman  de  la  légende  religieuse  l'Ange 
et  l'Ermite.  Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi  [1881]  ;  in-8% 
4  pages  ; 

Pélabon  (Louis)  :  La  Lenguo  prouvençalo  en  aquelo  doou  Nord,  vo 
prépaou  familié  d'uno  maire  à  sa  j&lho.  Toulon,  Massone,  1881;  in-8o, 
8  pages  ; 

Roux  (A.)  :  Ville  de  Lunel,  Au  profit  des  pauvres  de  Lunel.  Carita, 
[poésie  languedocienne].  Lunel,  Cros,  [1881];  in-4o,  2  pages; 

Tavernier  (Eugène)  :  Le  Félibrige  à  Marseille  et  «la  Calanco.»  Aix 
Marins  Illy,  1881;  in-8°,  16  pages  ; 

Tocilescù  (Gr.  G.):  Dacia  inainte  de  Romani  cercetari  asuprapo- 
poreloru  carii  au  locuîtu  tierile  romane  de  a  stang'a  Dunarii,  mai 
inainte  de  concuista  acestoru  tieri  de  cotra  imperatoriulu  Traianu. 
Bucuresci,  Tipografi'a  Academiei  Romane,  1880  ;  in-4**,  x-367  à  954 
pages,  cartes  et  planches  (don  de  l'Académie  Roumaine); 

Neuf  journaux  renfermant  des  textes  ou  des  indications  de  na- 
ture à  intéresser  les  études  philologiques  ou  l'histoire  dé  la  littérature 
méridionale,  donnés  par  MM.  William-C.  Bonaparte- Wyse  (1),  Coula- 
zou  (1),  Mistral  (4),  Léon  Ribaut  (1)  et  l'abbé  Joseph  Roux  (2). 


Le  gérant  responsable  :  Ernest  Hamelin. 


Montpeliier,  Imprimerie  centrale  du  Midi.  —  Hamelin  Frères 


Dialectes  Anciens 


COMPUT    EN    VERS    PROVENÇAUX 


Feu  Eugène  Thomas,  archiviste  de  l'Hérault,  publia,  le  premier,  en 
1847,  dans  les  Mémoires  de  la  Société  archéologique  de  Montpellier, 
t.  II,  le  comput  rimé  dont  je  donne  ici  la  seconde  édition.  Comme  «  on 
ne  doit  aux  morts  que  la  vérité  »,  je  n'éprouve  aucun  embarras  à 
déclarer  que,  si  j'ai  songé  à  réimprimer  après  lui  ce  petit  ouvrage, 
c'est  que  son  édition  est  absolument  illisible.  11  est  difficile  d'imaginer, 
joint  à  plus  d'assurance,  autant  d'ignorance  de  la  langue  et  du  sujet 
que  Thomas  n'en  étale  à  chaque  ligne  du  texte,  de  la  traduction  et 
du  commentaire  ;  car  il  ne  s'est  pas  contenté  de  reproduire,  tel  qu'il 
l'avait  su  lire,  le  document  que  le  hasard  lui  avait  fait  rencontrer,  il  a 
voulu  aussi  le  corriger  (ce  qu'il  a  toujours  fait  sans  indiquer  les  le- 
çons modifiées),  le  traduire  et  l'élucider. 

L'existence  de  ce  comput,  malgré  l'édition  de  Thomas,  paraît  être 
restée  ignorée  des  historiens  de  la  littérature  provençale.  M.  Bartsch, 
dans  son  Grundriss,  n'en  parle  pas.  Mon  attention  y  a  été  attirée 
pour  la  première  fois  par  un  court  article  de  M.  Banquier,  inséré  dans 
la  Zeitschrift  fur  romanische  Philologie,  II,  76,  que  j'ai  signalé  en 
son  temps  aux  lecteurs  de  la  Revue  (voy.  t.  XVI,  88). 

J'étais  alors  loin  de  Montpellier  et  ne  pouvais  prendre  connaissance 
ni  du  ms.  ni  môme  de  l'édition  de  Thomas.  J'ai  vu  depuis  l'un  et  l'au- 
tre et  ai  pu  collationner  à  loisir  celle-ci  sur  celui-là,  grâce  à  l'obli- 
geance de  l'archiviste  actuel  de  l'Hérault,  M.  de  la  Pijardière,  qui  a 
bien  voulu  faire  les  recherches  nécessaires  pour  retrouver  le  ms.,  que 
Thomas  avait  désigné  d'une  manière  assez  vague,  et  m'aider  ensuite 
de  son  expérience  paléo graphique  dans  mon  travail  de  collation. 

Le  ms.  dont  notre  comput  fait  partie  forme  un  gros  volume  in-f»lio, 
relié,  qui  est  le  treizième  et  dernier  d'un  recueil  de  copies  de  Lettres 
patentes  de  la  sénéchaussée  de  Nimes,  d'après  le  titre,  mais  qui  ren- 
ferme aussi  des  copies  d'autres  documents.  Ce  volume  comprend,  après 
deux  tables  générales  qui  en  forment  un  peu  plus  du  tiers,  271  feuillets, 
dont  les  39  premiers  seulement  sont  numérotés.  Au  verso  du  fo  162, 
immédiatement  après  un  document  intitulé  Littera  pro  rege  contra 
prœlatos  harones  et  nobiles  senescalliœ  Bellicadri. . ..,  portant   la 

Tome  v  de  la  troisième  série. —  Avril  1881.  13 


158  COMPUT  PROVENÇAL 

date  de  1363,  commence,  en  tête  de  la  page,  une  table  pascale  dont 
f  oici  les  trois  premières  lignes  : 

In  nomine  Domini  amen  mandngote  {aie.  T) 
G.  — F.  1280.  Fac  pascha  die  xxi  aprilia 
E.  1281.  Fac  pascha  die  xxii  apr. 

Cette  table,  qui  va  jusqu'à  Tan  1811  inclus,  occupe  en  tout  18  pages 
pleines.  Elle  est  suivie  de  deux  pages  et  quart  d'explications  [Boc- 
trina  tahulœ  talis  est,  etc.),  f<>  171  v°  — 172  v°.  Vient  ensuite,  sans 
rubrique  ni  séparation,  mais  écrit  en  caractères  plus  gros,  quoique  de 
la  même  main,  et  en  lignes  plus  espacées,  notre  comput  provençal, 
qui  remplit,  outre  les  trois  autres  quarts  de  la  page  (172  v°)  dont  la 
fin  de  la.  Doctrina  tahulœ  occupe  le  premier,  les  feuillets  173,  174  et 
175  en  entier.  Au  176e  feuillet  recommence,  toujours  de  la  même 
main,  la  copie  de  documents  concernant  l'administration  de  la  pro- 
vince, les  droits  du  roi,  etc.,  dont  le  dernier,  qui  termine  le  feuillet  209, 
porte  la  date  de  1453.  Suivent  12  feuillets  blancs,  du  même  papier 
que  la  partie  écrite,  au  milieu  desquels  on  en  a  intercalé  50  d'un 
format  plus  petit,  dont  le  dernier  et  les  deux  premiers  sont  en  blanc, 
et  dont  une  copie,  d'une  écriture  très-belle  et  très-soignée,  de  la  chro- 
nique latine  de  Guillaume  Bardin*,  remplit  le  reste. 

Thomas,  dans  son  édition,  a  fait  précéder  le  comput  d'une  intro- 
duction, marquée  au  même  coin  d'ignorance  et  de  suffisance  que  le 
reste  de  la  publication.  Il  serait  tout  à  fait  oiseux  de  s'y  arrêter.  J'en 
veux  seulement  retenir  et  discuter  le  passage  où  il  cherche  à  prouver 
que  le  comput  a  été  composé  en  1280  au  plus  tard.  Comme  M.  Ban- 
quier a  accepté  cette  date  et  aussi,  paraît-il,  les  calculs  de  Thomas 
(ce  qui  prouve  qu'il  ne  les  a  pas  examinés  de  près),  il  ne  sera  pas 
inutile  de  faire  voir  ici  combien  les  arguments  allégués  par  ce  dernier 
sont  vains  ou  fragiles. 

ce  Le  comput  est  précédé,  dit  Thomas,  dans  le  volume  d'où  je  l'ai 
tiré,  d'une^table  pascale  copiée  de  la  même  main.  Or  la  première  ligne 
de  cette  table  est  ainsi  conçue  : 

»  G.  F.  1280  fac  pascha  die  xxi  aprilis. 

»  Les  années  avec  l'indication  du  jour  de  Pâques  suivent  de  la  même 
manière,  depuis  cette  première  année  1280  jusqu'à  1811  inclusivement. 
C'est  une  preuve  que  le  comput  a  été  composé  dans  le  XlIIe  siècle, 
et,  qui  plus  est,  en  1280  au  plus  tard. Car  pourquoi,  dans  quel  but  d'une 

*  Cette  chronique  a  été  publiée  dans  ['Histoire  de  Langtiedoc  (i'e  édit., 
t.  IV,  p.  1  des  Preuves).  On  peut  voir  ce  qu'en  pensait  dom  Vaissète  dans 
l'avertisse  ment  qui  est  entête  de  ce  4«  volume.  Le  savant  bénédictin  ne  paraît 
pas  avoir  connu  la  copie  de  Montpellier. 


COMPUT   PROVENÇAL  159 

utilité  quelconque,  Fauteur  aurait-il  voulu  dresser  une  table  des  jours 
de  Pâques  pour  les  années  antérieures?  Et,  d'autre  part,  pourquoi 
aurait-il  laissé  maladroitement  une  lacune  entre  l'année  qu'il  n'aurait 
pas  désignée,  où  il  formait  sa  table  pascale,  et  d'autres  années  pos- 
térieures? Il  en  est  évidemment  de  cette  table  comme  des  tables  de 
même  nature  qu'on  place  devant  les  livres  d'église,  et  qui  servent  pré- 
cisément pour  l'année  actuelle  et  pour  plus  ou  moins  d'autres  à  ve- 
nir. » 

Il  n'y  a  certainement  rien  à  dire  à  ce  raisonnement,  si  l'on  ne  con- 
sidère que  la  table  pascale  elle-même.  Mais  le  rapprochement  de 
cette  table  et  du  comput,  dans  le  ms.  qui  nous  les  a  conservés  l'un  et 
l'autre,  peut  n'être  qu'accidentel.  Celui  qui,  dans  la  seconde  moitié 
du  XVIle  siècle  (c'est  l'époque  qu'indique  l'écriture,  de  l'avis  de  M.  de 
la  Pijardière),  a  copié  dans  ce  volume  tant  de  pièces  différentes,  ou 
même  un  copiste  antérieur,  a  pu  tirer  de  deux  originaux  distincts  la 
table  et  le  comput,  que  l'analogie  du  sujet  lui  aura  seule  fait  mettre 
ensemble,  car  rien  n'indique,  à  les  lire,  qu'elles  formassent  deux  par- 
ties connexes  d'un  même  tout. 

D'un  autre  côté,  la  date  de  1280,  attribuée  par  Thomas  'à  la  table 
pascale,  et  qui  résulte  en  effet  de  l'examen  isolé  de  la  table  elle-même,, 
cesse  de  paraître  aussi  sûre,  si  l'on  considère  en  même  temps  la  no- 
tice explicative  qui  la  suit  immédiatement,  notice  dont  Thomas  n'a  pas 
tenu  compte  et  dont  il  n'a  même  pas  parlé. 

On  y  voit  que  l'auteur  a  voulu  faire  un  tableau  présentant  la  ré- 
volution entière  d'une  grande  année  (ou  cycle  pascalj,  qui  comprend 
532  années  communes*.  Ce  cycle  n'a  pas  de  commencement  néces- 
saire. Mais  il  est  naturel  que  celui  qui  veut  en  dresser  le  tableau  le 
commence  à  une  année  qui  soit  la  premièro  de  l'un  des  petits  cy- 
cles qui  en  sont  les  facteurs,  soit  du  cycle  lunaire  (19  ans),  soit  du 
cycle  solaire  (28  ans).  Or  1280  est  précisément  la  première  année 
d'une  des  révolutions  du  cycle  solaire*.  On  comprend  donc  que  ce- 
lui qui  a  dressé  la  table  en  question,  ne  l' ait-il  fait  qu'en  1300,  par 
exemple,  ait  dû  néanmoins  remonter  jusqu'en  1280.  Mais  on  est  con- 

»  a  C'est  une  révolution  de  532  années,  à  la  fin  desquelles  les  deux  cycles 
de  la  lune,  les  réguliers,  les  clefs  des  fêtes  mobiles,  le  cycle  du  soleil,  les  con- 
currens,  les  lettres  dominicales,  le  terme  pascal,  la  pâque,  les  épactes  avec  les 
nouvelles  lunes,  recommencent  comme  toutes  ces  choses  étaient  532  années 
auparavant  et  continuent  le  même  espace  d'années,  en  sortejque  la  seconde  ré- 
volution est  en  tout  semblable  à  la  première,  et  la  troisième  aux  deux  autres.» 
{Art  de  vérifier  les  dates.)  —  Le  cycle  pascal  renferme  28  cycles  lunaires  ou 
19  cycles  solaires,  étant  le  produit  de  28,  nombre  des  années  d'un  cycle  so- 
laire, par  19,  nombre  de  celles  d'un  cycle  lunaire. 

2  Voy.  les  tables  de  VArt  de  véi'ifier  les  dates  et  de  Du  Gange  (sous  a7inus), 


i 


160  COMPUT  PROVENÇAL 

duit  à  supposer  pareillement  que,  s'il  l'avait  composée  en  1308  ou  peu 
après,  c'est  de  cette  année-là  qu'il  l'aurait  plutôt  fait  partir.  Si  donc 
l'on  ne  peut  affirmer,  comme  l'a  fait  Thomas,  que  cette  table  a  été  dres- 
sée en  1280,  on  peut  avec  toute  vraisemblance  admettre  qu'elle  a  été 
composée  entre  les  années  1280  et  13;)7.  Mais  cela,  je  le  répète,  ne 
saurait  rien  prouver  pour  la  datî  du  comput,  qui  peut  être  absolu- 
m(3iit  iadépendant  de  la  table.  Rien,  dans  la  notice  qui  suit  celle-ci,  ne 
l'annonce  et  n'y  fait  la  moindre  allusion,  et  Fauteur  du  comput  ne  se 
réfère  lui-même  à  la  table  ni  à  la  notice  en  aucun  endroit. 

Le  premier  motif  donné  par  Thomas  à  l'appui  de  son  opinion  n'est 
pas  très-solide,  on  vient  de  le  voir,  mais  enfin  il  n'est  pas  absurde. 
On  ne  peut  en  dire  autant  des  deux  autres.  Je  reprends  ma  citation 
au  point  où  je  l'ai  ci-dessus  interrompue. 

«  Mais  toutes  ces  données,  toutes  conjectures  si  l'on  veut  jusque-là, 
deviennent  des  preuves  manifestes  devant  une  troisième  considéra- 
tion puisée  dans  les  calculs  de  Tlndiction  romaine  et  du  cycle  lunaire, 
tels  que  les  présente  notre  auteur.  En  effet,  les  trois  vers  hexamètres 
(132-4)  indiquent  les  règles  qu'il  faut  suivre  pour  trouver  l'an  de  1'/»- 
diction,  et  ces  règles  adoptent  pour  application  des  supputations  con- 
venables l'année  1280  et  l'année  qui  doit  la  suivre,  1281.  Ils  n*ont  pu, 
par  conséquent,  être  composés  qu'en  1280,  à  moins  que  l'on  n'aime 
mieux  dire  que  l'auteur  a  pris  ces  deux  années  au  hasard;  ce  qui  se- 
rait contre  toute  vraisemblance,  outre  que  le  hasard  serait,  cette  fois, 
une  preuve  de  plus  de  probabilité. 

M  Mais  il  ne  reste  plus  de  doute  quand  on  voit  l'auteur,  à  la  fin  de 
son  œuvre,  chercher  le  nombre  du  cycle  lunaire  par  des  calculs  qui 
ne  peuvent  non  plus  s'appliquer  qu'à  l'année  où  il  la  composait,  à 
1280,  ou  plutôt  quand  on  le  voit  lui-même  compter  1280  ans  depuis 
la  venue  du  Christ.  Je  ne  répéterai  pas  ici  ses  calculs,  la  note  que  j'ai 
jointe  au  texte  devant  donner  tous  les  éclaircissements  et  les  détails 
nécessaires  à  ce  sujet.  )> 

Je  montre  plus  loin,  dans  mes  notes  sur  les  trois  vers  latins  précités, 
que  ces  vers,  mal  transcrits  par  le  copiste  et  encore  plus  mal  resti- 
tués par  Thomas,  n'ont  aucunement  le  sens  que  celui-ci  leur  attribue. 
Ils  ne  sont  pas  l'œuvre  de  l'auteur  de  notre  comput;  ce  sont  de  ces 
vers  didactiques,  comme  on  en  faisait  tant  au  moyen  âge  sur  tous  les 
sujets,  certainement  antérieurs  au  poëme  provençal,  et  qui  énoncent 
une  règle  générale,  sans  l'appliquer  le  moins  du  monde  à  une  année 
déterminée  Les  conclusions  que  Thomas  a  prétendu  en  tirer  tom- 
bent d'elles-mêmes  devant  ces  mêmes  vers,  rétablis  comme  ils  doivent 
l'être  et  exactement  interprétés.  Quand  même,  d'ailleurs,  le  nona  du 
v.  133,  qui  sert  de  fondement  à  tout  le  système  de  Thomas,  serait, 
ce  qui  certainement  n'est  pas,  une  leçon  sûre,  on  n'en  saurait  encore 


COMPUT  PROVENÇAL  161 

tirer  la  conséquence  que  l'auteur  (ou  le  transcripteur)  de  ce  vers  en- 
tendait l'appliquer  à  l'année  1281,  plutôt  qu'à  1296  ou  1311,  ou  1326, 
ou  à  toute  autre  dans  le  même  cas,  c'est-à-dire  dont  le  quantième,  di- 
visé par  15  après  adjonction  de  3  unités,  donnerait  9  pour  reste. 

Quant  à  la  dernière  preuve  alléguée  par  Thomas,  et  qui  doit,  d'après 
lui,  dissiper  tous  les  doutes,  elle  est  encore  plus  chimérique,  s'il  est 
possible,  que  la  précédente,  car  celle-ci  se  fonde  au  moins  sur  un 
nombre  précis,  toute  mauvaise  que  soit  la  leçon  qui  le  fournit  et  tout 
excessive  que  soit  la  conséquence  qu'il  en  tire.  L'autre,  au  contraire, 
n'a  pas  môme  pour  elle  ce  fragile  fondement.  Là,  non-seulement 
l'auteur  ou  son  copiste  ne  désigne,  pas  plus  qu'au  v.  137,  l'année  sur 
laquelle  Thomas  prétend  qu*il  opère,  mais  encore  aucun  nombre  n'y 
est  donné  comme  résultat  de  l'opération.  Aquo  que  restar  a,  y  est-il 
dit  simplement,  et  l'on  n'y  saurait  trouver  l'indication  d'une  année 
quelconque  que  par  l'effet  d'une  véritable  hallucination. 

Si  des  raisons  données  par  Thomas,  et  que  je  viens  de  reproduire, 
aucune,  même  la  première,  la  seule  qui  soit  un  peu  spécieuse,  n'est 
recevable,  en  faut-il  conclure  que  la  date  par  lui  attribuée  à  notre 
comput  est  nécessairement  fausse?  Nullement.  S'il  est  impossible  de 
préciser  l'année  dans  laquelle  cet  ouvrage, a  été  composé,  on  peut, 
sans  la  moindre  invraisemblance,  le  faire  remonter  aux  dernières  an- 
nées du  XIII®  siècle,  et  il  n'y  a  dès  lors  aucune  objection  fondamen- 
tale à  faire  à  l'opinion  exprimée  par  M.  Banquier,  dans  l'article  plus 
haut  cité,  que  notre  comput  est  celui  qu'avait  rimé  Raimon  Feraut 
et  qu'il  a  mentionné  lui-même  au  début  de  sa  Vie  de  saint  Honorât*. 

Ce  comput,  en  effet,  a  été  certainement  écrit  à  une  époque  où  les 
règles  de  la  grammaire  classique  étaient  encore  en  vigueur  et  par  un 
homme  qui  s'appliquait  à  les  suivre.  C'est  ce  que  montre  tout  de  suite 
l'examen  des  rimes,  particulièrement  de  celles  où  un  sujet  singulier 
a  pour  correspondant  un  régime  pluriel,  par  ex.,  vv.  29,  61,  71.  Les 
traits  dialectaux  ont  pu  être  effacés  en  partie  ou  modifiés  par  le  co- 
piste. On  peut  noter  pourtant,  comme  l'a  fait  M.  Banquier,  à  l'appui 
de  son  hypothèse,  l'article  féminin  lion,  mieux  encore,  si  (v.  10),  qui 
sous  cette  dernière  forme  est  bien  plus  franchement  provençal,  et  de 
la  région  même  qu'habitait  Féraut.  Mais  il  n'y  en  a  qu'un  seul  exem- 
ple, et  l'article  masculin  sujet  correspondalit,  qui  devrait  être  le  ou 
se,  est  toujours  lo.  Un  instable  est  conservée  partout,  en  rime  comme 
dans  l'intérieur  des  vers,  ce  qui  esl  aussi  un  trait  provençal.  Notons 

*  Cell  que  vole  romanzar  la  vida  sant  Alban 

Els  verses  del  conpot  vole  tornar  en  vers  plan. 
M.  Sardou,  dans  une  note  de  son  édition,  explique  à  tort  comput  par  11* 
Propre  des  saints. 


162  COMPUT  PROVENÇAL 

encore  le  pronom  féminin  sujet  singulier  il  (v.  143),  qui  appartient 
plus  particulièrement  à  la  Provence*  (mais  surtout  sous  les  formes 
ilh,  illi),  et  aquestos  (83),  forme  du  pronom  démonstratif  qui  est  très- 
commune  dans  les  textes  du  même  pays,  entre  autres  dans  la  Vie  de 
saint  Honorât*, 

Ajoutons  que  le  z  final  de  la  deuxième  personne  du  pluriel  dans 
les  verbes  devient  s  et  rime  avec  des  mots  en  s  (par  ex.  trobares:  res, 
après  :  preneSj  etc.),  ce  qui  est  commun  dans  la  Vie  de  saint  Hono- 
rât et  dans  Sainte  Agnès. 

Les  autres  particularités  de  la  langue  de  notre  texte  pourraient 
être,  à  la  rigueur,  du  fait  du  copiste,  la  plupart  se  rencontrant  aussi 
bien  (quelques-unes  même  en  plus  grande  abondance)  dans  les  docu- 
ments du  bas  Languedoc  que  dans  ceux  de  la  Provence.  Telles  sont 
l'insertion  de  s  {z)  pour  obvier  à  l'hiatus,  après  chute  du  y,  dans  ro- 
sasons,  rosarons  =roasons  (cf.  azondos  =  aondos,  etc.,  etc.),  et  r 
remplaçant  s  ou  z,  phénomène  très-commun  dans  les  textes  de  Mont- 
pellier et  de  Béziers,  plus  rare,  à  ce  qu'il  semble,  dans  ceux  de  la 
Provence  3  (rosarons,  1 1 ,  61  bis,  62  ;  far  es  =  fases  «  faites  »,  et  non 
«  vous  ferez  »,  ce  que  la  rime  repousserait,  aux  vv.  26  et  44  ;  espo- 
ralha,  127;  et  peut-être  arautas,  54;  et  devant  une  consonne,  ca- 
rerma*j  54,  qu'exige  la  rime,  au  lieu  de  carema  du  ms.)  Nous  avons 
probablement  un  exemple  du  phénomène  inverse  dans  cest\_a]  du 
V.  127,  qui  paraît  être  pour  certa^. 

Il  n'y  a  pas  de  doute,  d'après  le  second  des  deux  vers  rapportés  ci- 
dessus,  p.  161,  note  i,  que  le  comput  composé  par  Raimon  Feraut  ne 
fût  une  version,  plus  ou  moins  libre,  d'un  comput  latin  envers.  Celui 
que  je  publie,  quel  qu'en  soit  l'auteur,  est  lui-même,  bien  probable- 
ment, une  traduction;  mais  je  n'ai  pu,  malgré  mes  recherches  dans  les 
ouvrages  imprimés  et  manuscrits  qui  sont  à  ma  portée,  en  découvrir 
l'original.  Il  est  possible  qu'il  ne  nous  soit  pas  parvenu  sans  mutila- 
tions. Une  lacune  évidente  s'y  trouve  (après  le  v.  78).  Peut-être  y  en 
a-t-il  çà  et  là  d'autres  moins  apparentes.  Les  six  lignes  ou  vers  latins 
numérotés  129-134  se  sont  aussi  vraisemblablement  substitués,  sous 
la  plume  d'un  copiste  distrait,  à  des  vers  provençaux  exprimant  les 

*  Il  est,  dans  Sainte  Agnès,  la  forme  habituelle.  Voy.  831,  840,  etc. 

2  Je  n'ai  pas  remarqué  cette  forme  dans  le  Petit  Thalamus,  où  aquellos  se 
rencontre  pourtant  très-fréquemment. 

3  M.  Meyer  en  a  relevé  des  exemples  assez  nombreux  dans  un  ms.  exécuté 
à  Arles.  Voyez  Rornania,  IV,  468. 

*  Même  forme  dans  Flamenca,  v.  6980. 

5  Cf.  esguilosa  =  erguillosa  dans  Flamenca;  encozreme7i,  mezmamen  = 
encorremen,  mermamen,  dans  le  Petit  Thalamus  de  Montpellier. 


COMPUT  PROVENÇAL  163 

tQêmes  choses,  peut-être  parce  que,  dans  le  ms.  que  ce  copiste  avait 
sous  les  yeux,  les  lignes  latines  en  question  étaient  à  la  marge,  en 
façon  de  glose  ou  de  sommaire. 

Notre  comput,  comme  il  arrive  souvent  pour  les  ouvrages  didac- 
tiques, est  rédigé  en  forme  de  dialogue.  C'est  de  quoi  Thomas  ne 
s'était  pas  aperçu,  ainsi  que  M.  Banquier  l'a  déjà  fait  voir*.  Les  in- 
terlocuteurs sont  le  prieur  d'un  couvent  et  un  autre  personnage  que 
ce  dernier  qualifie  de  prieu/r  de  la  lune,  sans  doute  à  raison  des  con- 
naissances astronomiques  qui  lui  sont  attribuées.  On  peut  supposer,  si 
Ton  veut  admettre  que  Raimon  Feraut  en  est  l'auteur,  que  le  prior  del 
monstier  qu'il  met  en  scène  n'est  autre  que  lui-même.  Il  fut,  en  effet, 
revêtu  de  la  dignité  de  prieur,  comme  il  nous  l'apprend  à  la  fin  de  sa 
Vie  de  saint  Honorât^. 

En  publiant  à  nouveau  ce  comput,  je  n'ai  pas  voulu  m'astreindre  à 
le  donner  tel  que  le  ms.  nous  l'a  conservé.  J'ai  donc  restitué  toutes 
les  formes  fautives,  en  indiquant  d'ailleurs  en  note,  les  leçons  du  ms.^; 
et,  comme  il  est  clair,  par  les  rimes,  que  l'auteur  observait  les  règles 
de  la  déclinaison,  j'ai  rétabli  1'^  flexionnelle  partout  où  il  était  né- 
cessaire, en  la  mettant  entre  crochets  *.  Les  lettres  ou  les  mots  à  sup- 
primer sont  entre  parenthèses. 

Le  copiste  a  écrit  partout,  sauf  une  fois  ou  deux,  jour  pour  l'ancien 
jorn,  quoique  nulle  autre  part  il  ne  change  en  ou  Vo  estreit.  J'ai  cru 
pouvoir  en  conclure  qu'il  avait  sous  les  yeux  jorn,  qu'il  a  mal  lu,  et 
j'ai  en  conséquence  rétabli  Yn  dans  ce  mot,  excepté  au  v.  30,  où  la 
rime  exige  l'exclusion  de  cette  consonne. 

Je  terminerai  cet  avant-propos  par  quelques  remarques  sur  le  vo- 
cabulaire. 

Aparicio  (21),  la  fête  de  l'Epiphanie.  Raynouard  ne  donne  pas 
cette  acception.  Le  ms.  porte  la  paricia,  attribuant  à  l'article  Va  ini- 
tial (de  même  la  sencion,  12,67)  et  changeant  en  a  Vo  final.  J'ai  rétabli 

*  M.  Bauquier  a  corrigé  en  même  temps  un  certain  nombre  des  fautes  de 
Thomas,  soit  dans  le  texte,  soit  dans  la  traduction,  mais  sans  aller,  sauf  en  un 
seul  cas,  au  delà  des  quinze  premiers  vers. 

2  Hom  Tapella  Raymon  Feraut. 
En  la  Roqua  tenc  sa  mayzon, 
Priols  en  la  val  d'Estaron 

E  de  i'Oliva  près  d'aq^i. 

3  J'indique  aussi  les  leçons  de  Thomas,  lorsqu'elles  diffèrent  de  celles  du  ms. 

*  Je  n'ai  pas  donné  cette  s  à  ôissext  (IH,  114),  parce  qu  elle  devait  pouvoir 
être  omise  aussi  bien  après a?^  qu'après  st,  resté  tel.  Pour  Christus,  par  ex., 
on  pouvait  écrire  indifféremment  ou  Crist  ou  Critz,  sans  compter  la  forme 
pleine  Cristz,  plus  correcte  peut-être,  mais  qui  sent  le  pédantisme. 


164  COMPDT  PROVBNÇA.L 

Torthographe  régulière,  supposant  que  cette  division,  de  même  que  la 
mutation  de  Vo  en  a,  conforme  sans  doute  à  la  prononciation  popn- 
laire,  est  du  fait  d'un  copiste.  Il  y  a  du  reste  d'autres  exemples  des 
deux  phénomènes.  Ainsi  je  trouve  la  festa  de  parissia  dans  un  texte 
écrit  à  Berre(Bouches-du- Rhône)  en  1407. 

Caremantran  (44).  Raynouard  n'a  que  caramantran,  avec  un  seul 
exemple,  emprunté  au  Petit  Thalamus. 

Dommenge  (60),  propre,  propriété  (lat.  dominicum).  Manque  à 
Raynouard  sous  cette  forme. 

Esporalha  (127),  épousaille.  Raynouard  ne  donne  ce  mot  que  sous 
la  forme  du  pluriel. 

Gesta  (56),  livre,  traité.  Dans  Raynouard,  seulement  gestey  histoire. 

Mejansia  (123),  mitoyenneté,  séparation,  intervalle.  Manque  à  Ray- 
nouard. 

Prima  luna  (20,  39),  nouvelle  lune.  Signification  que  Raynouard 
n'indique  pas. 

Rosasos,  rosaros  (11,62,  70),  les  Rogations.  Raynouard  n'a  que 
roasosy  rogasos. 

Sieyssanta-dezena  (33),  soixante-dizaine,  Septuagésime.  Manque  à 
Raynouard. 

Temporal  (83),  saison.  Manque  à  Raynouard  avec  ce  sens. 

C.   C. 


COMPUT  PROVENÇAL  165 


L'Escriptura  mostra  per  ver 
Que  Dieus  dona  sen  et  saber, 
Et  saber[s]  que  non  es  monstrat[z] 
Per  perdut  pot  esser  compta tfz]. 
5     Per  ques  eu  de  vos  vuelh  saber, 
Prier  de  la  luna,  per  ver, 
leu  que  soy  prior  delmonstier, 
Com  trobaray  el  calendier 
DeLXXMaclau, 

10     Quant  siAlleluya  si  clau, 
Caremantran  et  Rosarons, 
E  quai  jorn  es  TAsensions, 
Ny  Pantecosta  el(s)  Avens, 
Car  falhir  y  vech  motas  gens. 

15    Prec  vos  que  m'en  digas  la  somma 
Com  ho  ten  la  glieysa  de  Roma. 

—  Don  prior,  (yeu)  vos  diray  per  ver 
Cossy  tostemps  poyres  saber 
Yertat  de  so  que  demandas. 
20    La  prima  luna  mi  comptas 
Qu'après  TAparicio  sera  ; 
Qui  ho  compta  non  falhira  ; 
Et  d'aqui  .x.  jorns  comptares, 
Ny  mais  ny  mens  non  y  mettres; 


L'Ecriture  montre  par  vérité  que  Dieu  donne  sens  et  savoir  ;  et 
«avoir  qui  n'est  pas  montré  pour  perdu  peut  être  compté.  C'est  pour- 
quoi je  veux  savoir  de  vous,  (5)  prieur  de  la  lune,  par  vérité,  moi 
qui  suis  prieur  du  moûtier,  comment  je  trouverai  dans  le  calendrier 
la  clef  de  la  Septuagésime,  (10)  quand  l'AUeluya  se  clôt.  Carême-en- 
trant et  les  Rogations,  et  quel  jour  est  l'Ascension,  et  Pentecôte  et 
l'A  vent,  car  j'y  vois  faillir  maintes  gens.  (15)  Je  vous  prie  de  m'en  dire 
la  sonmie,  comme  le  tient  l'Église  de  Rome. 

—  Dom  Prieur,  je  vous  dirai  par  vérité  comment  toujours  vous 
pourrez  savoir  le  vrai  de  ce  que  vous  me  demandez.  (20)  Comptez- 
moi  la  nouvelle  lune  qui  sera  après  l'Epiphanie.  Qui  fera  ce  compte 
ne  se  trompera  pas.  Et  de  là  vous  compterez  dix  jours.  Ni  plus  ni 


166  OOMPUT  PROVENÇAL 

25    Al  premier  dimergue  après 

LXX[^  fares. 

(Et)  aqui  AUeluya  es  clausa, 

Entro  al  sapte  sant  se  repausa  ; 

Et  sia  Ion  es  carnal[s]  o  cors, 
30    Tostemps  .lxiiii.  jors 

De  .LXX[»].  trobares 

Tro  Pascas,  ja  non  y  falh  res. 

DE   CAREMANTRAN 

(Et)  d'aquesta  sieyssanta-dezena 

Tro  al  dimenge  intra[n]  carema, 
35    XV.  jorns  aures  per  entier, 

Que  en  ayssi  Tartz  o  requier. 

Un  autre  compte  vos  diray 

Que  atressi  vos  desponray: 

Apres  aquella  prima  luna 
40    Qu(ey  ieu  vos  ay  dich  en  queras  i*, 

La  premieyra  que  trobares, 

Et  d'aqui  .ii.  jorns  comptares. 

Al  dimengue  que  ven  après 

Caremantran  lo  vielh  fares. 

DE   PASQUAS 

45    Apres  estas  .n."  lunasons 
De  que  ay  dicha[s  las]  rasons, 

moins  vous  n'y  en  mettrez.  (25)  Au  premier  dimanche  suivant,  faites 
la  Septuagésime.  Et  là  Alleluya  est  clos  ;  jusqu'au  Samedi  Saint  il  se 
repose.  Et  que  le  carnaval  soit  long  ou  court,  (30)  vous  trouverez  tou- 
jours sans  faute  64  jours  de  la  Septuagésime  à  Pâques. 

DE   CAREME-ENTRANT 

De  cette  Septuagésime  jusqu'au  dimanche  de  Carême-entrant  [  la 
Quinquagésime]  (35)  vous  aurez  quinze  jours  entiers,  car  ainsi  l'art 
le  requiert.  Un  autre  compte  je  vous  dirai  que  je  vous  exposerai  pa- 
reillement :  Après  cette,  nouvelle  lune  (40)  que  je  vous  ai  dit,  cher- 
chez-en une,  la  première  que  vous  trouverez.  Et  de  là  vous  compte- 
rez deux  jours.  Au  dimanche  qui  vient  après,  faites  Carême-entrant  le 
vieux . 

DE    PAQUES 

(45)  Après  ces  denx  lunaisons  dont  je  vous  ai  dit  les  raisons,  cher- 


OOMPUT  PROVENÇAL  167 

Et  vos  queres  Tautra  premie[y]ra 

Que  trobares  en  sella  tieyra. 

D'aqui  .xiiii.  jorns  compta(t)s, 
50    Et  sol  qu'el  compte  non  falhas, 

Al  premier  dimenge  après 

Tostemps  vostra  Pasqua  prenes. 

Encaraus  diray  régla  ferma, 

Car  vos  arautas  de  care[rjma  : 
55    Apres  Sant  Benezech  la  festa, 

Q'aissy  o  trobam  en  la  gesta, 

Comptas  on  sera  quatorzena 

La  luna  que  non  es  pas  plena; 

Apres  en  lo  premier  dimenge 
60    Aures  Pascas  per  son  dommenge. 

DE  ROSARONS 

—  Don  prier,  lo  comptes  es  bons. 
Ar  mi  digas  de  Rosarons 
Trastot  lo  compte  ses  mentir, 
Consy  non  y  pot  hom  falhir. 

65    —  Prier,  saber  deves  per  ver 
.XL.  jorns  deves  aver 
De  Pascha  tro  a  TAsencion  ; 
Et  si  entendes  ben  ma  rason, 

chez  encore  la  première  que  vous  trouverez  en  suivant.  De  là  comptez 
quatorze  jours,  (50)  et,  pourvu  que  vous  ne  vous  trompiez  pas  dans 
le  compte,  au  premier  dimanche  après  prenez  toujours  votre  Pâque. 
Je  vous  dirai  encore  une  règle  certaine,  puisque  vous. ...  (?)  de  ca- 
rême. (55)  Après  la  fête  de  saint  Benoit,  qu*ainsi  le  trouvons -nous 
dans  la  geste*,  comptez  où  sera  à  son  quatorzième  jour  la  lune  qui 
n'est  pas  pleine  ;  au  premier  dimanche  suivant  (60)  vous  aurez  le 
propre  jour  de  Pâques. 

DES   ROGATIONS 

—  Dom  Prieur,  le  compte  est  bon.  Maintenant  dites-moi  des  Ro- 
gations tout  le  compte  sans  mentir,  comment  on  n'y  peut  faillir. 

—  (65)  Prieur,  vous  devez  savoir  par  vérité  que  vous  devez  avoir 
quarante  jours  de  Pâques  jusqu'à  l'Ascension  ;  et,  si  vous  entendez  bien 

*  C'est-à-dire,  ici,  le  traité  latin  que  suit  notre  auteur. 


168  OOMPUT  PROVENÇAL 

Al  ters  jorn  enans  trobares 
70    Rosasons,  ja  non  y  fal  res. 

DE   PANTHECOSTA 

Aquest  comptes  es  vertadiers 
Que  .L.  jorns  tots  entiers 
A  de  Pasca  tro  Panthecosta  ; 
Bon  saber  0  fay  et  pauc  costa. 

DELS   AVENS 

75    —  Prior,  ben  aja  la  rasons. 
Car  bel[s]  es  lo  comptes  e  bons, 
Mays  com  trobarem  los  avçns 
C'om  fay  dejunar  a  las  gens  ? 


DELS   mi.   TEMPS   DE   DEJUNIS 

—  Primavera  tro  Sant  Urban, 
80    Estions  tro  San  [Symp]horian, 
Pueys  tro  la  festa  Sant  Clemen, 
An  tot(s)  fenit(s)  lor  complimen. 

ma  raison,  au  troisième  jour  avant  vous  trouverez  (70)  sans  faute  les 
Rogations . 

DE  LA  PENTECÔTE 

Ce  compte  est  exact  que  cinquante  jours  tout  entiers  il  y  a  de  Pâ- 
(Jues  jusqu'à  la  Penteëôte.  C'est  bon  à  savoir  et  coûte  peu. 

DES    AVENTS 

—  (75)  Prieur,  bien  venue  soit  l'explication,  car  le  compte  est  bel 
et  bon.  Mais  comment  trouverons-nous  les  Avents,  où  l'on  fait  jeûner 
les  gens? 


DES   QUATRE-TEMPS   DE   JEUNE 

Le  printemps  jusqu'à  Saint  Urbain,  (80)  l'été  jusqu'à  St  Sympho- 
rien,  puis  [l'automne]  jusqu'à  St  Clément,  [et  l'hiver  jusqu'à  la  Chaire 
de  St  Pierre]  ont  fini  leur  achèvement.  Suivant  ces  quatre  saisons, 


COMPUT  PROVENÇAL  m 

Segon  aquestos  temporals, 

Fan  .1111.  temporas  égals. 
85    De  caresma  es  la  premiejra, 

E  compta  se  per  tal  manieira  : 

Lo  dimecres  après  las  Cendres 

Et  es  ne  lo  sapte[s]  el  ven[d]res  ; 

Lo  mecres  après  Pantecosta, 
90    El  venre(s)  el  sapte(s)  i  ajosta  ; 

La  Exaltation  qui  querra 

De  la  Gros,  aquitrobara 

Lo  premier  [dimjecres  après  ; 

Lo  vendre  el  sapts  y  metes. 
95    Lo  quart[z]  après  Sancta  Lucia 

Sus  lo  mecres  se  denuncia  ; 

El  vendre[sl  ®1  sapte[s]  y  sia. 

Et  si  sus  lo  mecres  legem 

Las  festas  que  dich  vos  avem, 
100  Tro  l'autre  mecres  en  après 

La  vostra  tempera  prendes. 

Del  bissext  vos  vueilh  aytan  dir 
En  quai  an  deu  esdevenir: 
Quant  rencarnation[s]  es  tais 
105  Que  se  fan  .iiu°.  parts  égals, 
E  mays  ny  mens  non  y  aura, 
Aquel  an  bissext  correra 
La  6'  letra  de  febrier, 

nous  faisons  quatre  Quatre-Temps  égaux.  (85)  Ceux  de  Carême  sont 
les  premiers,  et  ils  se  comptent  de  cette  façon  :  le  mercredi  après  les 
Cendres,  et  le  samedi  et  le  vendredi  en  sont  aussi; —  le  mercredi 
après  la  Pentecôte,  (90)  et  ajoutez-y  vendredi  et  samedi  ;  —  qui  cher- 
chera l'Exaltation  de  la  Croix,  trouvera  là  le  premier  mercredi  après; 
mettez-y  le  vendredi  et  le  samedi  ;  —  (95)  le  mercredi  après  Sainte 
Luce  annonce  les  quatrièmes  ;  que  le  vendredi  et  le  samedi  y  soient. 
Et  si  sur  le  mercredi  nous  lisons  les  fêtes  que  nous  avons  dit  [c'est- 
à-dire  si  l'Exaltation  de  la  Croioa  ou  la  Sainte  Luce  tombent  un 
mercredi'],  (100)  au  mercredi  d'après  prenez  vos  Quatre-Temps. 

Du  bissext  je  vous  veux  dire  aussi  en  quelle  année  il  doit  arriver. 
Quand  [l'année  de]  l'Incarnation  est  telle  (105)  qu'il  s'en  fait  quatre 
parts  égales  et  que  ni  plus  ni  moins  il  n'y  aura,  [c'est-à-dire   sans 


170  COMPUT  PROVENÇAL 

Que  deves  la  fin  se  requier, 
110    Car  sus  la  Fe  [esjdevenra 

Bissext,  aquel  an  que  sera  ; 

E  deu  j  hom  .11.  jorns  estar 

Sus  la  letra,  per  mielhz  comptar, 

L'an  que  bissext  tenra  son  fieu  ; 
115    E  car  la  festa  Sant  Mathieu 

Sus  en  aquel  F  es  pausada, 

Lo  segon  jorn  es  celebrada. 

Pero  mejan  non  deu  aver, 

L'an  que  bissext  se  deu  tener, 
120    Entre  la  vigilia  et  la  festa, 

Aysso  es  vertat  manifesta, 

Se  dimenge  non  0  tolia, 

Que  fos  en  cella  mejansia; 

Car  adonq  Ip  sapte  sera 
125    Vigilia  que  dejuni  aura. 

Bona  es  la  régla  ses  falha. 

—  Don  prior,  de  cest'  esporalha 
Mi  respondes  .1.  pauc  ses  falha. 

d'esposallas 
Conjugium  prohibet  Adventus  Hilarisque  relaxât; 

aucun  reste],  cette  année-là,  la  sixième  lettre  de  février  qui  se  cher- 
che [c'est-à-dire  quil  faut  chercher,  qui  se  trouve]  vers  la  fin  [du 
mois],  courra  bissexte,  (110)  car  c'est  sur  l'F  que  tombera  le  bissexte 
l'année  où  il  arrivera.  Et  l'on  doit  rester  deux  jours  sur  cette  lettre 
pour  mieux  compter,  dans  l'année  où  le  bissexte  tiendra  son  fief. 
(115)  Et  comme  la  fête  de  saint  Mathias  est  posée  sur  cette  F,  elle 
est  célébrée  le  second  jour.  Mais  il  ne  doit  y  avoir  aucun  intervalle. 
Tannée  où  le  bissexte  se  doit  tenir,  (120)  entre  la  vigile  et  la  fête, 
cela  est  vérité  manifeste,  à  moins  qu'un  dimanche  ne  Pempêche,  qui 
soit  entre  les  deux,  car  alors  (125)  la  vigile  qui  aura  le  jeûne  sera  le 
samedi.  Bonne  est  la  règle,  sans  faute. 

—  Dom  Prieur,  concernant  les  épousailles ,  répondez-moi  un  peu 
sans  faute. 

DES    ÉPOUSAILLES 

—  L'Avent  interdit  le  mariage;  St-Hilaire  [ou  [le  jour]  joyeux P] 


COMPUT    PROVENÇAL  171 

130    LXX*  vetat  ;  octava  Pascha  révélât  ; 

Rogamen  vetat;  concedit  Trina  Potestas. 

DE  INDICTIONE 

Si  per  quindenos  Domini  diviseris  annos, 
His  tribus  adjunctis,  indictio  nota  patebit. 
Dum  redit  october  indictio  fit  nova  semper. 

DE  NUBiERO   LUN^ 

135    Si  vo[l]s  de  la  luna  saber 

Cascun  an  son  nombre  per  ver, 

Compta  la  encarnation 

Per  XIX.,  a  nombre  bon  ; 

De  (cascun)  x[i]x.  i.  ne  penres, 
140    E  a  tôt  .1.  ajostares. 

Aquo  que  per  cert  remanra 

Nombre  de  la  luna  sera. 

Tro  .xix.  il  correra, 

Et  pueys  a  .i.  s'en  tornara. 
Amen. 


le  permet;  (130)  la  Septuagésime  le  défend;  l'octave  de  Pâques    le 
permet;  les  Rogations  le  défendent;  la  Trinité  l'autorise. 

DE  l'iNDICTION 

Si  tu  divises  par  quinze  les  années  du  Seigneur,  après  y  en  avoir 
ajouté  trois,  l'indiction  te  sera  connue.  C'est  toujours  au  retour  d'oc- 
tobre que  l'indiction  se  renouvelle. 

DU  NOMBRE   DE    LA  LUNE 

(135)  Si  tu  veux  savoir  chaque  année,  exactement,  le  nombre  de  la 
lune  [c'est-à-dire  Vannée  du  cycle  lunaire],  comi^te  par  19  les  années 
de  l'Incarnation;  de  chaque  dix -neuf  vous  prendrez  un,  (140)  et  au 
tout  vous  ajouterez  un.  Ce  qui  restera  certainement  (c'est-à-dire  le 
reste  exact)  sera  le  nombre  de  la  lune.  Jusqu'à  dix-neuf  elle  courra, 
et  puis  à  un  s'en  retournera. 

Amen. 


172  COMPUT   PROYEBNÇAL 


NOTES 


5.  «  ques  eu.  »  Ms.  que  sen. 

10. «ai.  )>M.  Bauquiera  proposé  de  corriger  li.  Mais  si  peut  rester, 
étant  une  forme  de  l'article  féminin  sujet.  11  y  a  d'autres  exemples' de 
cette  forme  dans  les  textes  de  la  Provence,  entre  autres  Ste  Agnès. 

11.  Le  premier  mot  de  ce  vers  est  écrit  dans  le  ms.  en  caractères 
plus  gros  que  le  reste  et  rentré,  ce  qui  explique  que  Thomas  ait  pris 
le  vers  entier  pour  une  rubrique  et  Tait  imprimé,  comme  tel,  en  ca- 
pitales . 

12.  Ms.  jour —  la  sensions.  — 14.  «  vech.  »  Thomas:  veh.  — 15. 
Ms.  Prêt. —  16.  11  y  a  un  tilde,  dans  le  ms.,  sur  Vo  deRoma. —  \7.yeu 
manque  chez  Thomas.  —  19.  Thomas  :  se. 

20.  u  mi.  »  Ms  .uii.  *  —  21 .  Ms.  la  paricia. 

22.  Ms.  Que.  Peut-être  faudrait-il  aussi  corriger /'lo  en  be,  ou  en- 
core garder  que  et  corriger  lo  compte.  — 23.  Ms.  jours. 

27.  «  clausa.  »  C'est  le  mot  consacré.  Voy,  Du  Gange  sous  alleluya. 
Rappelons,  au  sujet  de  ce  vers  et  du  suivant,  que  Y  Alleluya  a  été  au 
moyen  âge  personnifié.  11  a  eu  son  office  propre  dans  quelques  églises, 
où,  non  content  de  le  laisser  reposer,  on  l'ensevelissait  même  en  ce- 

*  Thomas,  qui  conserve  ces  quatre  i,  est  par  là  conduit  à  ajouter  14  jours  à 
]a  nouvelle  lune  après  l'Epiphanie,  ce  qui,  ainsi  qu'il  le  remarque  lui-même, 
donne  des  résultats  qui  ne  concordent  pas  toujours  avec  la  réalité.  Mais  la 
faute  en  est  simplement  au  copiste  du  ms.  C'est  10  jours,  ou  11  si  l'année  est 
bissextile,  qu'il  faut,  d'après  les  anciens  computistes,  ajouter  à  la  nouvelle  lune 
qui  suit  l'Epiphanie;  le  premier  dimanche-qui  vient  ensuite  est  la  Septuagésime. 
Durand  (Hationale  div.  officiorum,  lib.  VIII,  cap.  xii,  exprime  cela  un  peu 
différemment  : 

«  Accipe  lunam  qiiaecurnque  est  in  festo  Epiphaniae  et  perfice  iliam  proce- 
dendo  per  vices  kaleudarii  ordinate  usque  ad  xl  dies,  et  si  fuerit  bissextus, 
usque  ad  xli,  et  in  primo  die  dominico  subsequenti  erit  initium  lxx*.  Unde 
versus  :  • 

A  festo  Stellœ  numerando  perfice  lunam 

Quadraginta  dies  ;  post  Septuagesima  fiet. 

Bissextus  quando  fuerit,  superaddilur  unus. 

Si  cadit  in  lucem  Domini,  tune  surae  sequentem. 

Si  cadit  in  feriam  septenam,  fitque  bissextus, 

Linque  diena  domini  primum  sumasque  secundum.  » 

Notre  auteur  a  omis  cette  dernière  partie  de  la  règle,  qu'il  était  pourtant 
essentiel  d'exprimer. 


COMPUT  PROVENÇAL  173 

rémonie.  Voy.  là-dessus  les  curieux  détails  rapportés  dans  Du  Cange- 
Henschel,  d'après  Lebœuf  et  d'autres.  De  même  aujourd'hui  encore, 
les  bonnes  femmes  de  la  campagne,  en  Périgord,  personnifient  la 
Pentecôte,  et  disent  sérieusement  qu'elle  laissa  son  jeûne  pour  aller 
danser.  Voilà  comment  se  forment  les  mythologies. 

28.  Ms.  L*entro.  Corr.  Trof  Thomas:  Lentre, —  Ms.  sans, 

29.  «  loncs.)>Ms.  lo  cas, 

31.  Prononcez  Septagesma  ou  corr.  auras  '^ 

32.  Ms.  yssalhires,  Thomas  a  aussi  corrigé  y  falh  res,  mais  en  fai- 
sant un  seul  mot,  qu'il  traduit  tromperez ^  de  ces  deux  derniers. 

33-34.  Thomas  a  omis  Et,  — Corr.  Septuagesma  (Et,  dans  ce  cas, 
serait  à  conserver)  et  care[s]maf  Sieyssanta-dezena^  est  d'ailleurs  un 
substantif  formé  sur  sieissanla-dez,  comme  seissantena  surseissanta. 

35.  Ms.  jours. — 38.  Ms.  attressi;  Thomas:  altressi, 

40.  Ms.  enquaras  ;  Thomas  :  en  quarts^ .  Je  ne  corrige  pas  queres, 
parce  que  l'emploi  du  subjonctif  pour  l'impératif,  même  sans  néga- 
tion, n'est  pas  rare.  Avec  la  négation,  c'est  la  règle  même,  comme  on 
sait. 

42.  «  II.  jorns.  »  Ms.  x.  jours,  ce  qui  est  impossible.  11  n'y  a  que 
trois  semaines  entre  la  Septuagésime  et  la  Quadragésime,  et  10  jours 
ajoutés  à  la  nouvelle  lune  qui  suit  le  premier  de  ces  deux  dimanches 
nous  donneraient  un  mois.  Le  ms.  que  transcrivait  notre  copiste  avait 
probablement,  en  toutes  lettres,  dos,  que  celui-ci  aura  lu  des  et  ex- 
primé dès  lors,  en  chiffres  romains,  par  x^.  Thomas,  qui  conserve  ce 

*  Thomas  traduit  ce  mot  par  sixième  dizaine^  et  y  voit  la  Sexagésime. 
Aussi  est-il  obligé  de  prendre  le  dimenge  du  vers  35  pour  le  dimanche  de  la 
Quadragésime,  nouvelle  erreur  qu'excuse,  il  est  vrai,  Vintra  du  ms.,  tandis 
que  c'est  celui  de  la  Quinquagésime  qui  est  ici  désigné.  Ce  dimanche  est,  en 
effet,  depuis  le  IX«  siècle,  le  vrai  carême  entrant,  le  jour  qui  ouvre  le  carême. 
On  l'appelait,  en  certains  lieux,  carnisprivium  7iovum,  par  opposition  au 
dimanche  de  la  Quadragésime,  qu'on  nommait  carxiisprivium  vêtus  {careman- 
fran  lo  vielh,  comme  dit  plus  loin,  v.  45,  notre  auteur  lui-même).  Voy.  là- 
dessus  Du  Cange-Henschel,  II,  191-192,  ou  Natalis  de  Wailly,  Éléments  de 
paléographie,  1,  117. 

*  Il  traduit  (vv.  40-42)  :  a  Après  cette  première  lune,  que  je  vous  ai  dit  à 
son  quatrième  jour,  première,  la  première  que  vous  trouverez.»  Comprenne  qui 
pourra  ! 

'Cf.  Philippe  de  Thaun,  Comput,  vv.  3379-85  (je  cite  d'après  l'édition  de 
M.  Mail)  : 

E  or  veez  raisun 
Quel  terme  nus  tenum 
De  quaresme  truver 
Cum  le  devum  guarder  : 
Qant  la  lune  en  sun  curs 

14 


174  COBIPUT  PROVENÇAL 

X,  remarque,  ici  comme  au  v.  20,  que  la  règle  n'est  pas  sûre,  et  il  veut 
que  ce  soit  «  la  réforme  du  calendiier  Julien  qui  ait  dérangé  les  calculs 
de  notre  poëte  astronome.  »  La  plus  simple  réflexion  lui  aurait  fait  re- 
connaître que  la  réforme  de  Grégoire  XIll  n'est  ici  pour  rien,  et  qu'il 
était  aussi  impossible  avant  qu'après  cette  réfonne  qu'une  lune  en- 
tière s'écoulât  entre  le  terme  de  la  Septuagésime  et  celui  de  la  Qua- 
dragésime*.  Il  n'y  fallait  que  22  jours.  Les  jours  gras  doivent  tomber 
en  nouvelle  lune  de  février,  comme  Pâques  en  pleine  lune  de  mars. 
C'est  ce  qu'exprime  le  proverbe  suivant,  qui  a  cours  en  Périgord  : 

S'ei  jamai  vu  dimar  lardier 
Sel  primo  luno  de  février. 

44.  Thomas  :  la  vielh,  qu'il  traduit  simplement  là,  Voy.  la  note  1  de 
la  page  173  ci-dessus. 

45.  Ms.  estais.  — 46.  Thomas  a  aussi  suppléé  las. 

48.  Thomas  :  vella  tieyra,  qu'il  traduit  vieille  terre!  Le  ms. porte 
bien  sella.  Le  sens  est  dans  cette  série,  c'est-à-dire  en  suivant  les 
lunaisons  une  à  une. 

49.  Ms.  jours. 

Ibid,  Ce  14e  jour  de  la  lune  (de  mars)  est  ce  qu'on  appelle  le  terme 
pascal,  lequel  a  été  fixé  par  le  concile  de  Nicée.  La  même  dénomi- 
nation de  terme  (terminus)  était  aussi  donnée  (pour  Pâques  comme 
pour  les  autres  fêtes  mobiles)  à  des  dates  fixes,  et  non  plus  variables, 
comme  celle-ci,  à  partir  desquelles  on  comptait  un  certain  nombre 
de  jours,  déterminé  d'avance  pour  chaque  année,  et  portant  le  nom  de 
clef,  afin  de  trouver  le  jour  où  tombait  chacune  de  ces  fêtes.  Voy.  Du 
Cange,  sous  Claves  terminorum,  et  Natalis  de  Wailly,  Elém.  de  pa- 
léogr.,  1,  83.  Notre  auteur,  qui  emploie  pourtant  le  mot  (v.  9),  ne 
parle  pas  de  ces  clefs.  —  53.  Ms.  Encaras  vos.  Thomas  omet  vos. 

54.  «  vos.  9  Corr.  nos  (=  nous  =  no  vos)  t  arautas  est  sans  doute 
pour  azautas.  L'idée   serait,  en   corrigeant   nos,  «  puisque  vous  ne 

Nen  at  mais  de  dous  jurz 
Puis  les  noues  février. 

C'est-à-dire  que  le  terme  de  la  Quadragésime  est  le  deuxième  jour  de  la 
une  qui  est  nouvelle  après  les  nones  (=  le  5)  de  février.  Philippe  de  Thaun 
donne  aussi  la  même  règle  que. notre  auteur  pour  trouver  le  terme  de  la  Sep- 
tuagésime, mais  sans  oublier,  comme  lui,  qu'il  faut  compter  11  au  lieu  de  10,  à 
partir  de  la  nouvelle  lune,  dans  les  années  bissextiles.  Voyez  ci-dessus,  p.  172, 
note  i. 

'  On  peut  encore  remarquer  que  la  Quadragésime  a  toujours  précédé  Pâques 
d'un  nombre  de  jours  fixe,  soit  42  jours.  Par  conséquent,  le  terme  de  cette 
fête  ne  saurait  tomber  84  jours  seulement  avant  celui  de  Pâques,  qui  est,  comme 
on  le  verra  tout  à  l'heure,  le  14®  jour  de  la  lune  suivante. 


COMPUT  PROVENÇAL  175 

vous  accommodez  pas  du  carême,  qu'il  vous  tarde  de  le  voir  finir.  » 
Mais  cela  ne  me  satisfait  guère.  Le  passage  est  peut-être  corrompu. 
Thomas  a  lu,  contre  l'évidence  d'ailleurs,  acautasj  qu'il  a  traduit  ap- 
puyez-vous {du  carême).  On  pourrait  rattacher  arautas  à  raptare  (le 
simple  rautar  est  dans  Hugues  Faidit),  en  corrigeant  Car  en  Can, 
Mais  cela  donnerait,  ce  me  semble,  un  sens  encore  moins  satisfaisant 
que  la  première  correction.  —  Carerma  pour  caresma  est  une  forme 
qu'on  retrouve  ailleurs,  par  exemple  dans  Flamenca. 

55.  «  S.  Benezech  la  festa.  »  Cf.  Paris  la  cité,  etc.  Voici  comment 
la  règle  donnée  ici  est  énoncée  par  Durand  (loc.  cit.):  «  Ubicumque 
post  XII  k.  aprilis  (  =  21  mars,  fête  de  S.  Benoît)  luna  xiiii  re- 
peritur,  in  dominica  proxima  pascha  celebratur.  »  Il  ajoute  :  «  Item 
qualiscumque  luna  fuerit  in  k.  januarii  talem  fac  eam  in  festo  sancti 
Benedicti  sive  xn  k.  aprilis  et  illam  computes  usque  ad  xxiiii  et  ibi 
eiit  Pascha  Hebrseorum  »  (c'est-à-dire  le  terme  pascal  des  Chré- 
tiens ). 

56.  Ms.  troban.  —  «  gesta.  »  Sic  Ms.  Thomas  :  vesta  (qu'il  traduit 
par  veste!),  faute  corrigée  par  M.  Banquier.  ♦ 

57.  Ms.  quatorzene. 

60.  Dommenge,  que  Thomas  rend  à  tort  par  dimanche,  comme  le 
dimenge  qui  précède,  n'a  d'autre  sens  que  celui  de  propre,  propriété. 
L'expression  entière  per  son  dommenge  serait  ici  bien  traduite  par 
proprement,  précisément,  ou  encore  exactement  Mais  l'idée  serait 
mieux  rendue  si  l'on  corrigeait: 

En  après  lo  premier  dimenge 
Aura  Pascas  per  son  dommenge. 

64.  Thomas  :  cousy.  — 66.  Ms.  jours.  — 67.  Ms.  la  sencion. 

68.  Suppr.  Et  ou  hen  ?  —69.  Ms.^owr. 

ll.M.^.  Aquestes  compts.  (On  avait  d'abord  écrit  comptes). ^^72. 
Ms.  jours. — -74.  Ma.paut. 

75.  Thomas  traduit:  «  D'abord  comprenez  bien  la  raison.  »  Le  sens 
est:  Bien  venue  soit  V exposition,  Vexplication,  plus  généralement, 
ce  que  vous  venez  de  me  dire,  votre  raison,  au  sens  ancien  du  mot. 
C'est  une  façon  de  se  déclarer  satisfait  et  de  remercier. 

78.  Ms.  àevinar.  Thomas  :  fan  devinar  a  la  gens»  Mais  le  ms . 
porte  bien  fay  et  las.  Il  y  a  évidemment  une   lacune  après  ce  vers  * . 

*  Thomas,  qui  n'a  pas  reconnu  la  lacune  et  qui  prend  estius  (été)  pour  saint 
Etienne,  traduit  (v.  76-82):  «  car  bel  est  le  compte  et  bon,  de  la  manière  encore 
dont  nous  trouverons  les  Avents,  comme  on  fait  deviner  aux  gens(!).  D'abord 
vers  la  Saint-Urbain,  Estève,  et  vers  la  Saint-Horian,  puis  vers  la  fête  Saint- 
Clément  tout  à  fait  finit  leur  complément.  »  Après  quoi,  il  fait  en  note  dos 
efforts  nécessairement  très-vains  pour  trouver  quelque  coïncidence  enf:"  Ii^s 
quatre  dimanches  de  l'Avent  et  les  fêtes  de  ces  quatre  saints. 


176  COMPUT   PROVENÇAL 

Il  nous  manque  :  1°  la  réponse  du  Prior  de  la  luna  à  la  question 
concernant  l'A  vent;  2°  la  question  du  Prior  del  monstier  relative 
aux  Quatre-Temps  et  peut-être  le  commencement  de  la  réponse.  Le 
titre  de  nu.  temps  de  dejunis  est  placé  dans  le  ms.  entre  les  vers 
83  et  84.  Thomas,  qui  imprime  (en  supprimant  le  second  de):  de  .iiii. 
temps  devins  (le  m%.  a.  deuines),  et  qui  traduit  6^65  Quatre-Temps 
divins,  met  ce  titre  après  le  vers  82. 

79.  Ms.  Prima  vero.  — 80.  Ms.  sans.  11  y  a  certainement  une  nou- 
velle lacune  à  la  suite  de  ce  vers  ou  plutôt  du  suivant.  Cf.  ceux-ci, 
cités  par  Durand  (Rationale  div.  offic,  lib.wm^  cap.  m): 

Festum  Clementis  hyems  caput  est  orientis. 
Cedit  hyems  rétro,  cathedrato  Simone  Petro. 
Ver  fugat  Urbanus  ;  aestatem  Symphorianus. 
Id  tibi  quod  restai  autumni  tempera  praestat. 

83.  temporal  =  a3Àaon.\  iemj?  or  a  (aujourd'hui  tempouro)  =  Quatre- 
Temps.  Thomas  :«  Suivent  ces  époques  (des  Quatre-Temps):  elles  font 
quatre  époques  nouvelles.  » 

84. Fan  doit  être  ici  pour  fam.  — 86.  Corr.  comptan  (oxi  compton)'} 
—  Ms.  manieire, 

88.  «  el  venres.  »  Thomas  a  lu  à  tort  et.  Même  faute  aux  vers  90 
(2  fois),  94  et  97. 

89.  Ms.  mettresj  et  de  même  aux  ms.  93  et  100;  au  v.  98,  seule- 
ment mètres .  Thomas  a  rétabli  partout  la  bonne  forme 

90.  Ms.  si  ajusta.  J'y  vois  un  impératif. 

91.  Ms.  Ly.  Le  substantif  n'étant  pas  sujet,  il  a  fallu  de  toute  ri- 
gueur corriger  la. 

94.  Thomas:  mètres.  Le  ms.  porte  bien  metes  et  aussi  prendes, 
V.  101,  au  lieu  àeprendres,  que  donne  Thomas. — 95-97.  Trois  rimes 
en  ia  de  suite.  Peut-être  manque-t-il  un  vers. 

98-99.  Thomas:  legens,  avens. 

100. «Tro.»  Corr.  En? 

101.  Ms.  vestra. 

102.  Thomas  place  ici  une  rubrique,  del  bissext,  qui  n'est  pas  dans 
le  ms. 

105.  ((  Que.  ))  Ms.  Et.  Cf.  ce  distique  rapporté  par  Durand  (loc,  cit.): 

Anni  divisi  Domini  per  quatuor  œque 
Monstrant  bissextum  qua  ratione  scias. 

107.  Thomas:  carrera.  Même  faute  au  v.  143.  Construisez  ici;  La 
sexta  l.  de  f.  que  deves  la  fin  se  r.  correra  hissext  aquel  an. 

108.  Ms.  6«.  — 109.  Thomas  :  devers.  Il  y  a  bien  deves  dans  le  ms. 
110.  Ms,  Car  sus  la  fe.  devenra.  Thomas  :  Car  sus  la  que  en  de- 


COMPUT  PROVBNÇAlL  177 

venra,  ce  qu'il  traduit:  car  sur  celle  qui  arrivera.  Fe  est  le  nom 
même  de  la  lettre  F.  Cf.v.  116.  Peut-être  vaudrait-il  mieux  corriger 
sus  la  F  els]devenra. 

112.  Ms.  jours.  — On  sait  que  le  bissexte  s'intercale,  dans  le  ca- 
lendrier ecclésiastique,  entre  le  23  et  le  24  février  des  années  com- 
munes. Or  le  24  février  {sexto  kalendas  Martias),  jour  de  la  fête  de 
St  Mathias  (et  non  Mathieu,  cpmme  dit  notre  texte),  a  F  pour  lettre 
dominicale.  (C'est  la  dernière  F  de  février,  ainsi  que  notre  auteur  l'in- 
dique d'une  façon  peu  claire  au  v.  109).  De  là  l'obligation  de  faire 
servir  cette  F  deux  jours  de  suite,  savoir  le  24  et  le  25  février,  le 
24  devenant  le  bissexte  et  le  25  le  sexte. 

116.  ^s  manque  chez  Thomas. 

117.  Ms.  ^'owr.  —  Cf.  Ces  deux  vers  latins,  rapportés  par  Durand 
(lac.  cit.): 

Bissextum  sextœ  martis  tenuere  Calendœ. 
Posteriore  die  eelebrantur  festa  Mathiœ. 

120.  Ms.  entra.  La  vigile  de  St  Mathias,  dans  les  années  bissex- 
tiles, a  lieu  le  24  février,  à  moins  que  ce  jour  ne  soit  un  dimanche, 
auquel  cas  elle  reste  au  23  février. 

125.  «  dejuni.  )>  Ms.  devinj.  Thomas  :  devinq^  qu'il  traduit  par  bis- 
sexte. 

126.  Lacune  après  ce  vers?  Peut-être  a-t-il  été  interpolé. 

127.  «  Cest'  esporalha.  »  J'ai  déjà  dit  (ci-dessus  p.  162)  qu'il  faut 
probablement  entendre  ces  deux  mots  comme  s'il  y  avait  cert'  espo- 
salha.  Peut-être  cependant,  dans  l'hypothèse  d'une  lacune,  pourrait- 
on  laisser  à  cerV  le  sens  de  ista^. 

128.  Ms.  paw^ 

129-134.  Ces  formules  latines  ont  peut-être  été  insérées  ici  par  le 
copiste  du  ms.  d'où  dérive  le  nôtre,  pour  combler  une  lacune  de  celui 
qu'il  transcrivait.  Je  ne  sais  d'où  la  première  a  été  tirée.  J'ignore  aussi 
à  qui  la  seconde  a  été  empruntée  ;  mais  Du  Cange  la  cite  au  mot 
indictio,  sans  indication  d'auteur.  Le  dernier  vers,  seulement,  diffère 
chez  lui  complètement,  pour  le  fond  comme  pour  la  forme,  de  ce  qu'il 
est  ici. 

129.  Ms.  conjugum.  — «  [HJilaris.  »  Corr.  Hilariusf  Ce  serait  la 
Saint-Hilaire,  fête  qui  tombe  le  14  janvier,  lendemain  de  l'octave  de 
l'Epiphanie.  Peut-être  faut-il  garder  hilaris,  en  sous-en tendant  dies, 
et  l'entendre  de  l'Epiphanie  elle-même,  qui  est  le  jour  où  cesse  au- 
jourd'hui la  prohibition.  Mais  je  ne  trouve  pas  que  cette  fête  ait  jamais 


*  Traduction  de  Thomas:  «  dont  d'abord  de  cette  épreuve  vous  me  rcpoa 
(Irez  un  peu  si  elle  est  fausse.  » 


178  COMPUT    PROVENÇAL 

été  désignée  de  la  sorte.— Cette  ligne  en  forme  deux  dans  le  ms.,  la 
première  finissant  à  adventus. 

130.  Thomas:  xl.  Il  y  a  bien  lxx»  dans  le  ms.,  ce  qui  est  conforme 
à  Fusage  ancien  de  l'Eglise . 

131.  Cette  ligne  en  forme  deux  dans  le  ms.;  la  seconde  commence 
à  concedit, 

132.  Ms.  dimiseriSy  leçon  conservée  par  Thomas,  qui  traduit  pour- 
tant divisez.  — 133.  Ms.   Mis in  dicto  nona  patebunt,  Thomas 

corrige  ici,  comme  moi,  his indictio patebit,  mais  il  conserve 

nona.  Au  lieu  de  nota,  par  quoi  jfe  remplace  ce  dernier  mot,  on  pour- 
rait proposer  ver  a,  qai  n'en  serait  pas  graphiquement  beaucoup  plus 
éloigné  et  qui  conviendrait  peut-être  mieux  pour  le  sens.  Il  y  a  certa 
dans  Du  Cange  (loc.  cit.):     ' 

Si  per  quindenos  Domini  diviseris  auDOs, 
His  tribus  adjunctis,  indictio  cefta  patebit. 
Si  nihil  excedit,  quindena  indictio  currit 

134.  Ms.  Dumreddit  octabas  in  dicto  nono  fit  semper;  dont  Tho- 
mas, sans  le  dire,  a  fait  I>um  redit  octavus  indictio  nona  fit  usque^. 
Notre  cort-ection  se  fonde  sur  ce  que,  d'après  les  anciens  compu- 
tistos,  l'indiction  pouvait  commencer  en  effet  au  retour  d'octobre 
(exactement  le  8  des  calendes  d'octobre 2).  Voy.  Du  Cange,  loc.  cit. 
(III,  811,  col.  1  et  2). 

135.  «  vo[l]s.  »  Thomas  :  ves.  J'aurais  pu  à  la  rigueur  garder  vos, 
car  il  y  a  d'autres  exemples  dans  les^nciens  textes  de  la  réduction 
à  5  du  groupe  final  Is. 

137.  C'est-à-dire  :  compte  par  groupes  de  19  les  années  écoulées 
depuis  l'Incarnation  de  J.-C. 

*  Il  traduit  (je  reprends  au  v.  132):  «  Si  vous  divisez  par  quinze  les  années 
du  Seigneur,  après  y  avoir  ajouté  trois,  vous  aurez  neuf  pour  l'indiction  pro- 
chaine. Lorsque  la  huitième  année  de  l'indiction  revient,  la  neuvième  doit  la 
suivre  toujours.  »(!)Et  il  met  en  note  :«  Voilà  qui  démontre  évidemment  que  ce 
comput  a  été  écrit  en  1280.  En  effet,  ces  trois  vers  hexamètres,  baroques,  sur 
l'indiction,  montrent  toutefois  clairement  qu'ils  n'ont  pu  être  composés  que 
pendant  cette  année-là.  On  sait  que,  pour  trouver  l'année  de  l'indiction  ro- 
maine, il  faut  ajouter  3  à  l'année  julienne,  et  diviser  le  total  par  15;  le  reste  de 
la  division  donne  le  chiffre  de  l'indiction.  Or  en  divisant  1280  -\-  3  par  15,  il 
reste  8,  et,  par  conséquent,  9  pour  l'indiction  de  l'année  suivante  1281,  comme 
l'indique  assez  naïvement  notre  auteur.  »  Le  lecteur  jugera  quel  est  le  pluS 
naïf,  de  notre  computiste  ou  de  son  commentateur. 

2  On  l'appelait  dans  ce  cas  impériale  ou  constantinienne,  ou  encore  césa- 
rienne, pour  la  distinguer  de  l'indiction  romaine,  qui  commençait  le  1er  janvier. 
L'indiction  impériale  était  la  plus  commune  en  France.  Voy.  Du  Cange  et  Nat. 
de  Wailly  (op.  cit.) 


COMPUT  PROVENÇAL  179 

139.*('  De  detz  e  nou  un  ne  penres,  »  c'est-à-dire  vous  diviserez 
par  19.  Thomas:  XX  j  ,  qu'il  traduit  par  vingt  jours^. 

140.«atot»,  c'est-à-dire  au  reste,  ou  bien  au  quantième  de  l'an- 
née, avant  l'opération.  Cf.  le  distique  suivant,  cité  dans  le  Rationale 
de  Durand,  qui  éclaircit  notre  texte  et  justifie  notre  correction.  C'est, 
du  reste,  une  règle  que  donnent  tous  les  computistes  : 

Annis  adde  monos  2  Domini  ;  partira  per  unde 
Viginti  ;  lun©  cyclis  et  inde  patet. 

*  «  De  chacun  vingt  jours  vous  prendrez.  »  Voici  comment  Thomas  explique 
ce  vers,  ainsi  traduit  par  lui  :  il  expose  d'abord  de  façon  très-claire  la  règle 
donnée  communément  pour  trouver  le  nombre  d'or  ou  l'année  du  cycle  lunaire, 
et  qui  est  celle  même  de  notre  auteur,  entendu  comme  je  l'entends,  puis  i 
ajoute  .'«Mais  l'auteur  du  comput  s'y  prend  un  peu  différemmeut  pour  arriver  au 
même  résultat.  Voici  sa  méthode:  de  1280,  qu'il  compte  depuis  l'Iacarnation, 
il  retranche  380  jours, ,  soit  20  jours  sur  chaque  année  des  19  qui  composent 
le  cycle  lunaire:  il  a  donc  1280  —  380  =  900,  auxquels  il  ajoute  1  ;  il  divise 
901  par  19,  et  il  a,  comme  précédemment,  8  pour  reste.  »  Voilà  une  méthode 
dont  les  computistes  de  profession  ne  se  seraient  certainement  pas  doutés  ! 
Qui  ne  voit  que  c'est  là  une  complication  inutile,  sans  parler  de  cette  confusion 
invraisemblable  de  nombres  de  jours  et  de  nombres  d'années?  Puisque  380, 
comme  tout  autre  multiple  de  19,  est  exactement  divisible  par  ce  dernier  nom- 
bre, si  on  retranche  380  de  l'année  du  Christ  sur  laquelle  on  opère,  la  division 
par  19  donnera  évidemment  le  même  reste  après  qu'avant  la  soustraction.  Il 
n'y  aura  que  le  quotient  de  changé. 

^  Monos  =:  unum.  Voyez  ce  mot  dans  Du  Gange.  Il  était  considéré  comme 
invariable. 


Dialectes  Modernes 


POESIES  LANGUEDOCIENNES 

DE   LÉON  ROUVIÈRE 


VÉnéide  a  eu  la  bonne,  ou  plutôt  la  mauvaise  fortune,  d'être  tra- 
vestie en  langue  d'oc  par  un  assez  grand  nombre  de  poëtes.  Valès  de 
Mountech,  Bergoing,  d'Estagniol,  l'abbé  Favre,  Jourdan,  se  sont  appro- 
priés différentes  parties  du  poëme  de  Virgile,  et  leurs  essais  mérite- 
raient peut-être  mieux  que  l'étude  insérée  par  M.  G.  Brunet  dans  la 
Revue  du  Midi^, 

Le  travestissement  du  premier  chant  de  VÉnéide  que  nous  pu- 
blions aujourd'hui  provient  de  la  bibliothèque  de  Pierquin  de  Gem- 
bloux,  qui,  à  l'époque  où  il  recueillait  des  documents  pour  son  Histoire 
liùtéraire,philologique  et  bibliographique  des  patois {1S41 ,2^  édition, 
1858  2),  en  avait  sans  doute  obtenu  une  copie  de  son  auteur.  Il  est  dû 
à  Léon  Rouvière,  né  à  Montpellier,  le  2  novembre  1810,  mort  dans  la 
même  ville,  le  3  octobre  1848,  après  y  avoir  fondé  et  dirigé  pendant 
plusieurs  années  le  journal  V Indépendant^, 

Rouvière  était  le  beau-frère  d'Eugène  ViatUès,  à  qui  l'on  doit  aussi 


*  Revue  du  Midi;  Montpellier,  Gras,  1844,  in-8o  (no  du  25  avril  1844). 
La  date  de  cette  étude  indique  qu'il  n'y  est  pas  questioD  de  Jourdan. 

M.  Charles  Cavallier  possède  une  traduction  inédite  en  vers  languedociens 
du  premier  chant  de  Y  Enéide,  laquelle  provient  de  la  bibliothèque  de  feu 
M.  Bory,  de  Marseille.  Elle  appartient  au  XYlIIe  siècle  (1740-1750).  Nous  es- 
pérons qu'il  en  fera  bientôt  profiter  les  romanistes. 

*  II  est  bon  de  prévenir  le  lecteur  que"  le  tirage  de  1858  est  purement  fictif 
et  ne  représente  qu'une  spéculation  de  librairie.  Aubry  devint  Tacquéreur  de 
l'ouvrage  de  P.  de  G.,  et,  pour  mieux  en  écouler  les  exemplaires,  il  fit  imprimer 
un  titre  avec  la  mention:  Deuxième  édition. 

^  Avant  de  devenir  tri-hebdomadaire,  VIndépendant  parut  d'abord  tous  les 
mois  dans  le  format  in-8o.  Voyez,  dans  le  numéro  du  5  octobre  1848,  un  article 
nécrologique  sur  Léon  Rouvière,  avec  quelques  extraits  des  paroles  prononcées 
sur  sa  tombe  par  MM.  Bouchet-Doumenq  et  Lafon.  Celui  du  5  octobre  de  l'an- 
née suivante  contient,  en  outre,  un  second  travail  nécrologique  où  le  rôle  po- 
itique  de  notre  poète  est  presque  exclusivement  mis  en  lumière. 


POÉSIES    DE    ROUVIÉRE  181 

des  vers  montpelliérains  réunis  sous  le  titre  de  las  Récréatiouns  d'un 
Ca^^atre;  Montpellier,  Ricard,  1870;  in-8**,  iv-115pag. 

L'orthographe  de  Rouvière  n'est  ni  meilleure,  ni  plus  défectueuse 
que  celle  de  ses  contemporains.  Elle  procède  de  l'abbé  de  Sauvages, 
en  ce  qui  touche  les  gh  =  gue^  neghe,  finighe,  passighe,  =  negue^  fi- 
nigue,  passigue;  mais  les  vers  de  l'auteur  ont  presque  toujours  de  la 
verve  et  de  la  facilité.  En  dépit  de  quelques  passages  où  le  burlesque 
s'aventure  jusqu'aux  environs  de  la  licence,  les  philologues  trouveront 
dans  la  traduction  du  premier  chant  de  VÉnéide  l'exacte  représen- 
tation du  sous-dialecte  montpelliérain,  tel  qu'on  le  parlait  de  1830  à 
1840.  Beaucoup  d'expressions  et  de  verbes  qui  ont  disparu  ou  qui  sont 
sur  le  point  de  disparaître  sont  fort  heureusement  enchâssés  dans  ses 
vers.  Rouvière  est  peut-être  le  dernier  des  Montpelliérains  à  employer 
certains  archaïsmes  qui  remontent  en  droite  ligne  à  la  langue  du  moyen 
âge,  la  Papa,  pour  lou  Papa,  notamment*: 

Q'a  foundat  la  bel'  anticaia 
Ounté  la  Pap'  a  soun  oustaou. 

On  ne  connaît  aucun  ouvrage  imprimé  de  Rouvière,  si  ce  n'est  une 
thèse  latine  pour  la  licence.  Les  articles  qu'il  donnait  à  VIndépendant 
ne  sont  même  pas  signés  de  ses  initiales.  En  imitant  le  début  du 
Siégé  de  Cadaroussa,  de  l'abbé  Favre,  il  fait  cependant  allusion  à 
des  couplets  politiques  répandus  dans  le  public  antérieurement  à  la 
traduction  de  VÉnéide  : 

Yeou  qe,  d'una  boues  patriota, 

Ai  ^lat  una  cansounota 

Q'a  fach  bisca  maï  d'un  pelaou 

E  q'a  prés  sega  couma  faou  (v.  1-4). 

Mais  nous  ne  croyons  pas  qu'ils  aient  été  imprimés.  M"®  veuve 
Eugène  Vianès,  sœur  de  notre  poëte,  a  bien  voulu,  par  l'intermédiaire 
de  M.  Roque- Ferrier,  nous  faire  connaître  qu'ils  furent  composés  à  la 
suite  des  journées  de  juillet  1830,  et  que  leur  succès  fut  très-grand 
dans  une  partie  de  la  population  montpelliéraine. 

Léon  Rouvière  n'avait  pas  exclusivement  consacré  son  activité  lit- 
téraire à  la  direction  et  à  la  rédaction  de  VIndépendant.  Passionné 
pour  la  numismatique,  l'histoire  naturelle  et  les  recherches  locales, 
il  avait  réservé  une  part  relativement  large  de  son  journal  à  l'élément 
languedocien.  Il  y  accueillit  assez  souvent  des  pièces  montpellié- 
raines  d'Eugène  Vianès  et  de  quelques  autres,  des  vers  lodévois  de 
Peyrottes,  de  Clermont-l'Hérault,  et  des  articles  de  littérature  méri- 
dionale qui,  aujourd'hui  encore,  pourraient  être  lus  avec  intérêt.  Sa 

<  Voyez  Chabaneau,  Grammaire  limousine^  p.  134,  note. 


182  P0BSIE8   DB  ROUVIÈRE 

famille  conserve  un  Dictionnaire  de  Fabbé  de  Sauvages,  augmenté  de 
trois  pages  de  proverbes  languedociens  et  nimois*,  ainsi  qu'une  copie 
du  poëme  de  Fierabras,  transcrite  de  sa  main  sur  l'édition  allemande 
d'Emmanuel  Bekker.  Les  notes  de  celle-ci  ont  été  traduites  en  français 
à  la  suite  du  poëme. 

La  Bibliothèque  de  la  ville  de  Montpellier  possède  enfin  de  Rouvière 
deux  chansons  manuscrites,  qui  faisaient  partie  du  fonds  du  docteur 
Fages  :  lou  Poutou^  musique  d'Adolphe  Boulabert,  et  la  Couquéta 
d'aou  vilagCy  musique  de  Joseph  Jean.  Ces  chansons  sont  très-proba- 
blement inédites,  et,  à  ce  titre,  nous  avons  cru  devoir  les  faire  figurer 
à  la  suite  du  premier  chant  de  V Enéide. 

La  copie  de  celle-ci  est  d'une  écriture  assez  difficile.  Certains  mots 
sont  même  illisibles.  Quelques-uns  ont  été  oubliés,  et  nous  avons  in- 
troduit dans  le  texte  leurs  équivalents  probables,  en  les  plaçant  entre 
crochets  (vers  312,  352,  547).  Les  leçons  rejetées  ont  été  données  au 
bas  de  la  page.  On  remarquera  (749-750)  des  rimes  inexactes  ou,  pour 
mieux  dire,  assonnancées  et  (937-928)  l'omission  de  deux  vers  *. 

C.  DE  Vallat. 


»  M.  Félix  Vianès,  neveu  de  Léon  Rouvière,  nous  a  permis  de  les  joindre  à 
la  présente  publication. 

2  Nous  serions  bien  ingrat  si  nous  ne  disions  pas  que  c'est  à  l'obligeance 
de  M.  Roque-Ferrier  que  sont  dues  les  informations  que  nous  venons  de  ré- 
sumer ;  notre  excellent  confrère  a  bien  voulu  les  recueillir  pour  nous,  alors 
qu'un  deuil  de  famille  nous  empêchait  de  le  faire  :  qu'il  nous  permette  de  r*în 
remercier  publiquement. 


POÂBIBB    DB  ROUVIÉRB  1^ 


L'ENÉIDE 


CHANT     PREMIER 


Yeou  qe,  d'una  boues  patriota, 
Aï  gulat  una  cansounota 
Q'a  fach  bisca  mai  d'un  pelaou, 
E  q'a  près  sega  couma  faou , 
5         Un  prumiè  succès  m'incouracha, 
Me  crésé  pas  una  ganacha, 
E  bole,  d'un  cop  de  rasclaou, 
Ganta  qicon  pu  couma  caou  ; 
Bolé  bous  counta  las  batestas, 

10        Lous  petassaous  e  las  tampestas, 
Quefaghet  endura  Chimoun 
En  d'aqel  moussu  de  renoun, 
Lou  prumié  bengut  de  TAzia 
Per  barca,  chusq'en  Italia. 

15        Aqel  paour'el,  saïq'ou  sabés, 

Finighet  pas  de  plour'aou  brés, 
Car  se  pot  pas  lous  desahisses, 
Lous  laghis,  lous  rebaladisses, 
Q'achet  aqel  brabe  garsou, 

20        Per  basti  pas  q'un  bilachou 
D'ounté  nasqet  la  cassibraia 
Q'a  foundat  la  bel'  anticaia 
Ounté  la  Pap'a  soun  oustaou. 
Musa,  béni  me  dir'unpaou, 

25        Tus  qe  passes  per  un  oubrieïra 
Ben  lengud'e  prou  patoufieira, 
Perqé  la  fenna  daou  bon  Diou 
Prenghet  lacaousatan  aou  biou, 
Qe  faghet  fair'un  michan  biache 

30        Emb'un  home  q'era  tan  sache. 
Councebe  pas  coussi  se  pot 


184  POAsifiS   DE  ROUVIQRB 

Estre  tan  michan  e  debot. 

A  soixanta  legas  de  posta 
D'Alché,  i  abié,  Ion  de  la  costa, 

35        Una  bila  qe  i*es  pa  pus  ; 

Aisso  surprendra  pas  degus, 
Atendut  que  Tan  demoulida. 
Lous|massous]que  Fabien  bastida, 
De  Tyr  s'  T  erou  trigoussas  ; 

40        Chunoun  ne  fasiè  for  gran  cas  ; 
Se  dis  qe  V  abiè  sa  remisa, 
Qe  ié  chanchaba  de  camisa  ; 
Que,  s'abiè  pougut  gouberna, 
La  terra  aqi  bendriè  bouca. 

45  Mes,  per  beïre  las  caouzas  ne  tas, 

Lous  dious  se  passou  de  lunetas. 
Aoussi  besiè  d'estanciurs 
Qe  benien  daou  peïs  das  Turs  ; 
D'élés  s'enchendrab'una  clica 

50        Qe  ficab'  un  lec  à  F Africa  : 
Chuchas  couma  debiè  bisca. 
D'aïurs,  pouiè  pas  oublida 
Q'as  Trouions  abiè,  din  sa  bida, 
Baïlat  mai  d'una  despruzida. 

55        Pioi  se  soubeniè  lous  mespris 
D'aqel  beligas  de  Paris, 
Qe  faghet  pa  cas  de  soun  mourre  : 
Se  rapelaba  qe  lou  pourre, 
Per  faïV  embriaiga  sounmarit, 

60        Er'entre  las  mans  d'un  manit 
Qe,  pu  salop  q'una  bagassa, 
Aouiôch mai  d'un  cop  pren*  sa  plassa. 
De  fés  qe  ia  n'e.i  caou  pas  tan 
Per  bous  fa  fa  di  michan  san. 

65        Aoussi  se  grazia  lou  feche 
E  lou  diable  la  petounecha  ; 
Poudés  me  dire  lou  trabal 


*  Le  ms.  semble  donner  pen,  qui  ne  fourait  aucun  sens.  Nous  substituons 
prerij  que  la  forme  incertaine  du  p  peut  autoriser. 


f 


POBSIBS   DE   ROUVIÉRB  1^5 

Qant,  en  regarden  aiss'  abal, 

Bous  bei,  procha  de  la  Sicilla, 
70        La  flota  das  Trouiens  tranqilla, 

Qe  caminaba  brabamen, 

Per  cuous  butada  d'un  bon  ben. 
Bit'  atala  sa  cariola 

E  bous  galop'  enco  d'Eola , 
75        Lou  diou  de  las  néblas,  das  béns, 

Das  nibous  e  daou  michan  tens. 

Âqeste  diou  a  soun  rouiaoume 

Au  un  foun  d'una  granda  baouma, 

Ounte  de  segu  rounca  pas  ; 
80        Car  qiat  dessus  un  laouzas, 

Ten  en  respec  embe  sa  cana 

Lou  machistraou,  la  tremountana, 

Lou  cers,  l'albichouès,  lou  marin, 

L'aghialas,  lou  grec,  lou  garbin, 
85        E  caou  sap  can  d'autres  buffaïres 

Qe  siblou  mai  que  de  crestaïres. 

S'era  pas  aqel  machuraou, 

Segu  i'  aouriè  de  trabal  baou  : 

Homes,  bestiaous,  aoubres,  muraias, 
90        Boulestrarian  couma  de  paias  ; 

Lous  bens,  lou  sen  clame  daou  chour, 

De  la  baouma  fan  tout  lou  tour. 

Per  maou  fair'^  aqela  guzaïa, 

Cerca  lou  traou  de  la  saraïa  ; 
95        Mes  n'  la  mai  d'un  q'es  atrapat. 

Car  es  barrât  aou  cadenat. 

Aqui  la  deessa  macada 

Arribet  touta  desratada 

E  san  cadaoula  ié  dintret. 
100      Dirai  pa  coussi  s'enzenghet  ; 

Marou,  q'aourié  pougut  ou  faire. 

Passa  lis  sus  aqel  affaire. 

Cbunoun  se  mesâsaba  pa. 

Bêche  aqi  q'entre  ié  dintra, 
105      Achet  las  raoubas  su  la  testa, 

E,  per  tan  qe  seghesse  lesta 


185  POESIES   DE  ROtTYlâKD 

Per  las  baissa,  touchour  moustret 
Beoucop  mai  q'  ela  noun  boughet. 
Lou  diou  Te  dis  :  Perdoun,  escuza. 

110        Mes  aco  n'era  pa  que  ruza; 
Car  aou  foun  n'era  pafachat 
Daou  poulit  cuou  q'aviè  ghinchat. 
La  deessa,  prou  bergougnousa 
(  Sa  camis'  ara  un  paou  moustousa), 

115        Respon  :  «  S'achis  de  qicon  mai  : 
Ta  un  bardot  qe  me  desplaï,. 
Q'  en  sous  souldas,  en  Italia, 
Baï  establi  sa  coulounia. 
Moustran,  qe  s'en  parle  pa  pus  ; 

120        Desbarassa-me  d'aqel  gus, 

En  me  ié  manden  un  ourache 
Qe  bous  lous  assip'aou  passache, 
Lous  néghe  toutes,  tan  qe  soun, 
En  coulan  sous  baisseous  aou  foun. 

125        Ai  set  nimphas  per  mas  chambrieiras  ; 
Soun  saiq'un  paouqet  garsounieiras  ; 
Mes  en  daco,  san  flatariè, 
Mai  d'un  s'en  acoutentariè. 
La  pu  poulida,  Deïopa, 

130        Es  de  toutas  la  men  salopa  : 
Se  tan  soulamen  la  bésias, 
Segu  bon  n'engaouchïarias. 
Sous  iols,  d'un  blu  q'un  paou  grizecha, 
Soun  tan  couqis  qe  fan  embecha; 

135        Son  nas  menut,  prin,  es  ben  fach. 
A  una  pel  coulou  de  lach. 
Flourada  coum'  una  cedieïra  ; 
Sa  bouca  es  touchour  risouieira  ; 
Sous  tetinés  blans,  rouns  et  dus, 

140        Tenoun  pas  dechout  sous  fichus. 
Poutounecharias  sas  manetas 
Donssas,  pallotas  e  douietas. 
A  de  peousses  fins  à  manas, 
Deboutels  qe  sembloun  tournas, 

145        De  penés  pire  que  las  fadas 


POésiES   DR  ROUVIÉRB  18t 

E  dos  ancas  repouteladas. 

Maougré  q'ache  tan  de  beoutas, 

Es  caôda  de  calitas  : 

Sap  faire  la  soup'aôu  froumache  ; 
150        Petassa  ten  ben  un  mainache  ; 

Fai  lous  enfans  en  perfection. 

Bref,  poudés  pa  trouba  mïou. 

Eh  bé  !  bous  la  don'en  mariache, 

Se  mé  boules  fa  moun  ouvrache.  /> 
155  En  l'aouzighen,  lou  beligas, 

Se  sentighet  un  ratigas  ; 

Penset  crida  :  «  Batlas-la  bite.  » 

Mais  se  reprenghet  tout  de  suite 

E  dighet  :  «  Madama  Chunoun, 
160         Segu,  n'era  pas  de  besoun 

D'un  a  manida  tan  frianda 

Per  oubteni  bostra  demanda  ; 

Me  fasés  prou  d'ounestetas  : 

De  fes  qe  i  '  a  me  coubidas  ; 
165        M'abés  fach  abedre  ma  plassa 

E  se  pot  dire  qu'es  patrassa. 

Se  bous  m'abias  pa  proutechat, 

Saiqe  sarieï  destituât. 

S'acos  era,  pourieï,  pecaïré  ! 
170        Drech  à  Tespitaou  m'ana  chaire  ; 

Aoussi,  boutas,  qe  qe  boughés, 

Bous  ou  farai,  mai  qe  badés.  » 

Aqui  dessus,  à  la  mountagna, 

Fic'un  cop  en  dighén  :  «  Caoucagna  !  » 
175        Sabe  pa  coussi  s'enchounget, 

Mes  tant  ia  qe  la  traouqet, 

Mêm'i  faghetuna  brab'ascla. 

Entre  beire  aqela  fendascla, 

Couma  de  parros  afamas, 
180        Can  ié  doubrissèslou  clédas, 

Lous  bens  bous  prenou  Tescourrida, 

En  se  toustan  à  la  sourtida. 

Se  pourrie  chamaï  calcula 
Lous  capels  que  bous,  fan  boula, 


188  P0B8IBS   DB   ROUYIÉRB 

185        Las  chiminieiras  rebaladas, 

Las  bitras  oubertas,  coupadas, 
Lous  coutiouns  reboulumas 
E  toutes  lous  iols  embourgnas  ; 
Anfin  tout  Fourrible  rabâche 
190        Qe  fagheroun  sus  soun  passaché. 

Tron,  grella,  eliaous,  tout  se  ie  met; 
Ploou  decha  gros  couma  lou  det, 
Faï  nègre  nioch,  et  las  oundadas 
Montou  tan  naou  qe  las  Arcadas. 
195       ^neas,  de  la  poou  q'aghet, 
Per  ara  s'estrementighet  ; 
E  bechen  qe  n'ia  pa  per  rire, 
Tout  en  souscan  se  met  à  dire  : 
«  Boou  cen  fés  maï  estre  crebas 
200      Qe  d'estre  ansin  assegutas. 
Santapa  !  couma  boudriei  ara 
Estre  restât  à  la  bagara. 
Achille,  qu'où  sabié  tan  fa, 
Aourié  bé  dégut  me  mata  I  » 
205  Tout  emb'un  cop  la  tremountana 

Bous  ie  samboutis  sa  tartana. 
L'aiga  rechiscla  daou  pertout. 
Tantôt  dessus,  tantôt  dechout. 
Lou  baisseou  toca  lous  nuaches, 
210        Pioï  haï  beire  lous  couqiages. 

D'un  aoutre  constat,  lou  garbin 
E  soun  cousi  calamandrin 
S'endarairou  pa  per  maou  faire  : 
Bous  bufou  coum'un  troumpetaïre. 
215        Chitou  très  baisseous  sus  de  ros 
Ounte  s'en  fai  milanta  flos . 
Au  beou  mitan  de  latampesta, 
La  barca  d'aqel  paour'  Aresta  * 
Achet  aoussi  soun  ce  qe  caou.' 
220        Coum'un  foulas,  lou  machistraou 

*  Est-ce  une  transformation,  commandée  par  la  rime,  du  nom  d'Alethes, 
grandœvus  Alethes? 


P0BSIE8    DE   ROUVIÉRE  189 

Ben,  e  ie  mand'  una  alenada 

Sus  sa  poupa  destrantaiada; 

De  la  tintaina  lou  sambroun 

Faghet  resqilla  lou  patroun, 
225        Qe  d'amoun  cabusset  de.  testa  ! 

Ah  !  poudés  me  dire  la  festa 

Can  lou  baisseou,  tout  fendasclat, 

De  degus  seghet  pas  menât. 

Se  tousta,  per  la  tramountana, 
230        Se  doubris  coum'una  miougrana; 

Poumpa  Taiga  de  tout  coustat, 

Coum'  un  souiè  descourdurat  ; 

Mai  qu'un  bourdet  bira,  rebira, 

S'enfouza. . . Adioussias  !  caou  lou  tira? 
235        Chacun  emballet  per  sa  par 

Mai  d'un  piphet  d'aiga  de  mar. 

De  ion  en  ion,  besias,  pécaïré, 

Ben  penecà  caouqé  nadaïré. 

L'un,  q'era  pa  'stat  tan  talos, 
240        S*er'  espatat  sus  una  pos 

E  se  n'en  serbissié  per  bioure, 

Coum'  un  apendris  fai  d'un  cioure  ; 

Un  aoutre,  din  lou  negafol, 

Per  pas  estre  manchat  daou  chol, 
245        Tan  qe  poudié  se  tremoussaba; 

Mes  de  gaira  noun  abansaba. 
Pourtan,  aou  fin  foun  de  la  mar, 

Neptuna,  qe  fasiè  de  lar, 

Aousis  l'aiga  qe  grumechaba 
250        E  la  tampesta  qe  bufaba  : 

Défera  Taiga  mes  lou  nas  ; 

Mes  l'abié  sourtit  tout  escas 

Q'un'aoura  fol'à  rebaleta 

Bous  i  escamota  sa  casqeta. 
255        Lou  diou,  qu'achet  paou  d'un  raoumas, 

Reiieghet  com'un  tarnagas, 

E  dighet  en  biran  la  garra  : 

«  Tron  d'un  goi  d'aqela  bagarra! 

Quintes  soun  lous  poulissounos 

15 


190  POESIES  DE   ROUVIERB 

260        Qe  fan  aqeste  terigos? 

Aï  Chupiter  me  patafiola  I 
Crese  q'aco's  lous  bens  d'Eola. 
Te  ïe  fou. . .  !  mes  aï  pas  lou  tén. 
Baou  maï  calma  lou  tramblamen, 

265        E  pioï  acouti  ma  couifura  : 
Aprocha-te,  granda  boulura, 
(Aqel  perpaou  er'adressat 
Aou  ben  qe  Tavié  descouifat), 
Dig'à  tous  amis  un  paou  bite 

270        D'arma  lou  galop  tout  de  suite. 
Anas-bou'n  dir'à  bostre  diou 
Qe  ce  q'es  mioune  n'es  pas  siou. 
Se  boou,  dedin  sa  permenada, 
Poudès  benta  touta  Tannada: 

275        Aissi  boulen  pa  prene  maou. 

Q'adounbous  tengh'a  soun  oustaou.  « 
En  barchan  d'aqeia  maniera, 
Neptun'abié  Ter  en  coulera; 
Aoussi  chaca  ben  s'esfraiet, 

280  Tenghet  Talé  tan  qe  poughet 
E  s'ensaoubet  din  sa  remisa, 
En  roundinan  de  michantisa. 

Ansinda,  san  saoupré  perqé, 
Can  lous  counpagnouns  daou  debé 

285        Se  mordou,  se  tustou,  s'anglandou, 
Embe  ce  que  podou  se  mandou, 
E,  per  se  tira  de  detchout, 
La  furou  faï  arma  de  tout. 
Mes  s'  una  bona  remassada 

290        Tomba  dessus  la  moulounada, 
Chacun  que  bouïé  s'assuca 
S'ensaouba  per  pa  se  bagna; 
Antaou  lous  bens  s'encourigherou, 
Amaï  segu  ben  qe  fagherou. 

295  Entremen  qe  s'era  parlât, 

La  casqet'  abiè  caminat, 
E  decha  prou  ion  se  troubaba 
Dounte  soun  mestre  la  cercaba. 


POESIES    DE    ROUVIERB  101 

A  la  fia,  laiat  d'ana  'n  peou, 
300        Lou  diou  s'aprouchet  d'un  baisseou 
E  dighet  d'una  boues  mouqeta  : 
«Aourias  pa  bis  una  casqeta?  » 
— «  Nani,  ié  respon  Famiral, 
Amaï  dinc  aqeste  rambal, 
305        Tamben  se  pot  estre  perduda.... 
E  bous  caou  ana  testa  nuda, 
A  men  qe  me  faghés  Founou 
De  prene  un  bounet  de  coutou  ; 
Embé  gran  plesi  bous  Toufrisse 
310        E  bous  sera  d'un  gran  serbisse; 
Se  lou  cargas,  farias  pa  maou, 
Qe  bous  tendrié  beoucop  [pu]  caou.  » 
Un'  attentioun  tan  paou  coumuna 
Estoumaqet  lou  diou  Neptuna. 
315        Lous  qe  su  mar  besiè  trépa 
Per  aqi  lou  gastabou  pa. 
Aoussi  boughet  pas  estre  en  resta 
E,  can  achet  bounet  en  testa, 
,  Respoundet:  «En  bous  remercian; 
320        Caou  qe  bous  don'  un  cop  de  man.  » 
Dis  e  ié  fiq'una  cridada 
D'una  boues  q'  era  pa  gamada. 
De  suita  un  moulou  de  tritouns, 
D'escambarlous  dessus  de  touns, 
325        Qe  courrissièn  couma  de  lèbres, 
Bengherou  tout  faghen  ténèbres, 
Enbe  de  cournés  à  bouqin: 
«  Anen,  ce  dis  lou  diou  marin, 
Carechas-me  d'un'  escourida 
330        Aqesta  flotta  deglezida. 

Couma  besés,  i  en  caou  pa  tan, 
Ansinda  la  menarés  plan.  » 

Lous  tritouns,  pa  pu  leou  l'entendre, 
S'atalerou  sans  pus  atendre, 
335        E  lous  baïsseous  miech  engrunas 
Ban  couma  s'erou  pa  toucas. 
Lou  diou  mem'  embe  sa  maneta 


19^  POÉSIES  DB  ROUVIÉRB 

Pire  qe  Sansoun  raherméta(?), 
Ne  sousten  su  Taiga  un  parel, 

340        Q'aourien  begut  un  gloup  sans  el, 
Pourtan  la  flota  ansin  butada, 
Aou  bor  seghet  bite  arribada . 
Chacun  sourtis  de  soun  baisseou 
En  cridan  :  o  Era  pas  trop  léou  !  » 

345        E,  salas  couma  una  coudena, 

S'espatou  miech  morts  sus  Tarena. 
S'atroubabou  dedins  un  graou 
An  ounte  tout  se  tenié  siaou . 
L'aiga,  qe  i  era  pa  bentada, 

350        lé  dourmissié  touta  Tannada. 
Dous  ros,  naous  qe  be  talamén, 
le  serbissié[n]  de  paraben. 
r  abié,  sus  aqeles  roucasses, 
Un  bos  roumplit  de  courpatassés*; 

355        Embas  nMa  un  q'èra  traoucat, 
En  dedin  era  tapissât 
De  tan,  d'eoure,  de  coucoumelas, 
De  capilleri,  d'agradelas, 
Qe  Ton  besié  pa  las  parés. 

360        Un  pichotet  riou,  linde  e  frés, 
'  Sourtissié  d'entre  de  peiretas 
De  croissons,  de  margaridetas  ; 
Las  trinqieiras,  lous  courdouniès, 
léfasien  sas  crebas  en  pès. 

365        Aou  fin  foun  d'aqel  ermitache, 
S' era  fatch  un  seti  d'erbache  ; 
Enfin  ér'un  fort  brave  endretch 
Per  frecanta,  caii  faï  pa  frech. 
Aoussi,  sans  estre  débignaïre, 

370        Se  besiè,  sans  debanagaïré, 
Aou  seti  q'era  tout  caouôat, 
Qe  las  nimphas  i  abien  trépat. 
Seghet  aïlai  q'aqest'Acate 


*  Coupalassés,  dans  le  manuscrit  :  mot  qui  ne  présente  aucun  sens  accep- 
table. 


POBSIBS   DE  ROUVIE  193 

Se  sounchet  de  fa  lou  recate. 
375        De  soun  gourdou  tir'un  briqet , 

Se  pica  très  cop  su  lou  det  ; 

Mes,  coumaqicoD,  tanié  manda 

Qé,  ma  foué  !  soun  esca  s'embranda. 

Bité  acampet  de  tout  constat 
380        De  ramia,  de  bruc  secat, 

E  per  preneuna  estourouïada, 

Faghet  una  granda  brazada. 

Alors  chacun  benghet  seca 

Lou  pan  q'abien  poughut  saouba, 
385        De  lar  tout  trempe  de  saoumura, 

De  blat  rounplit  de  mousidura  ; 

Pioï,  faoutade  moulis  à  ben, 

Lou  trisserou  tan  maou  que  ben 

En  de  peîras  ;  mes  soun  aïzina 
390        Fasié  pa  de  flou  de  farina. 

Entremen  qe  fasien  bon  fioc, 

Mné'  escalet  sus  un  roc 

Perbeir'unpaou  se  debistaba 

Lous  coumpagnous  qe  ié  mancaba. 
395        Oh!  boutas  !  bechet  pa  degus, 

Mes  aouzighet  fossa  coucus  : 
((  Acata,  bâcla  ma  flasqeta, 

Sou  dis  à  soun  camaradeta, 

Carghen  moun  fusil  à  dous  cos 
400        E  faghen  un  tour  din  lou  bos  ; 

Beiren  de  faire  caouca  cassa 

Per  abedr'un  paou  de  fricassa.  » 

De  fet,  dins  un  parés  de  ten, 

Couma  s*abié  tira  prou  ben, 
405        Tuetnoous  coucus,  dech  margassas, 

Un  beou  parel  de  tartarassas, 

Très  cabochas  e  qatre  chos. 

Aourié  be  tuât  mai  q'acos. 

Mes,  coum'abié  pas  de  por  d'armas, 
410        Rebenghet,  de  poou  das  chandarmas. 
Entre  que  seghet  arribat, 
Lou  chibié  seghet  leou  plumât, 


194  POESIES    DE  ROUVIBRB 

Pioi  ié  tirerou  Tembounnada. 
Bouïen  ne  fair'un  brouchada  ; 

415        Mes,  couma  n'aourien  p'agutprou, 
S'enzengherou  beoucop  miou  : 
Apresterou  tout  en  ihtrada, 
La  saoussa  seghet  aloungada  ; 
Aco  faghet  mancha  de  pan 

420        E  chacun  sadoulet  la  fan. 

Per  q'achessou  pa  la  pipida, 
La  ribota  seghet  munida 
D'un  sizen  de  bi  de  dous  ans 
Qe  n'era  pa  das  pu  michans, 

425        Mai  q'achess'un  paou  gous  à  bouta  : 
lé  Fabien  donna  din  la  routa, 
E  per  ce  qe  i  abié  constat, 
Era  de  bona  calitat. 
Entre  qe  segueroun  à  taoula, 

430        Lou  chénéral  pren  la  paraoula  ; 
.  Se  moca  d'abord,  escoupis, 
Se  grata  las  ussas  e  dis  : 
c(  Anen,  moustan^  camaradetas, 
Achés  pa  de  minas  mouqetas  ; 

435        Despioï  qe  besès  de  peïs, 

Ses  bé  maï  estas  samboutis. 
Faou  pa  q'aqel  trassa  d'ourache 
Bous  aflaqighe  lou  courache, 
Ou  bous  lebe  bostre  apetis. 

440         Bous  prendran  be  per  d'emperis, 
Se  chunas  après  la  fatiga. 
Moustras  q'abés  pa  Tenteriga. 
Foummida  !  me  surprendrés  ben, 
Se  bous  reformou  per  la  den. 

445        Anen,  foutrais,  biba  la  choïa  ! 
Se  m'en  cresez,  faghen  la  roïa. 
Sans  counta  qe,  san  fa  semblan, 
Touchour  caminan,  caminan 
E  nous  saran  de  la  patria 

450        Qe  nous  aten  en  Italia. 

Nous  sen  be  troumpas  caoucas  fés  ; 


POESIES    DE  ROUVIBRE  195 

Es  pa  Tacourcha  q'aben  prés  ; 

Mes  lous  dious  bous  moustraran  couma 

Toutes  lous  camis  ban  à  Rouma. 
455        Segu,  boutas,  arribaren, 

Mai  qe  marchen  e  qe  marchen.  » 
Après  aqel  tret  d'eloqansa, 

Bailet  a  chacun  de  pitansa 

(  Fossa  saoussa  e  pa  gaïre  car). 
460        El  s'enganet  pa  per  sa  par 

E  boufet  couma  un  acabaïre. 

Lous  aoutres,  de  lou  beïre  faire, 

Sans  counta  q'abien  un  paou  fan, 

Aco,  ma  fouè,  ie  dounet  ban. 
465        Toumberou  dessus  la  fartaïa 

Coum'  un  pudis  su  la  boulaïa, 

E  san  crenta  on  pourrie  chouga 

Qe  mancheron  san  moustriga. 

Can,  a  forsa  d'aoussa  Ibu  couide, 
470        Lou  sizen  seghet  mitât  bouide, 

Qe  lou  bentre  seghet  coumoul 

E  qe  chacun  seghet  sadoul  : 

«  De  qe  I  dis  un  de  Tassemblada, 

Nous  manca  mai  d'un  camarada  : 
475        Es  aco  se  s'  erou  negas  !  » 

«  Au  dianches  I  de  qe  rebecas  ?  » 

le  respon  un  qe  dicheraba 

E  q'aqel  perpaou  derenchaba  : 

«  Bostra  bilena  refleccioun 
480        Pot  nous  coupa  la  dichestioun.  » 

De  fet,  per  moustra  sa  bel'  ama. 

Chacun  se  lèba,  sousca,  brama  ; 

Aqela  banda  de  camels 

Plourabou  couma  de  budels. 
485        Mes  entr' elles  se  counsoulabou 

E  doussamenet  recitabou 

La  priera  de  sen  Ghien  : 

«  S  en  prou  per  mancha  de  q'aben.  » 
Endaco  lou  soureilbaissaba 
490        E  la  fresquieira  se  lebaba. 


96  POESIES   PB   ROUVIÈRE 

Amoundaou,  lou  gran  Chupiter, 
Sus  soun  aireta  preniè  Ter  ; 
Amb'una  luneta  ghinchaba 
De  que  sus  terra  se  passaba. 

495        Couma  era  aqi  fort  afairat 

Per  regarda  de  tout  coustat, 
Benus,  trista,  maou  penchinada, 
Ben,  e  dis  tout  emmouninada  : 
«  Bous  que  sus  tera  coum'  aou  ciel 

500        Abés  lou  pan  e  lou  coutel, 

Digas,  de  q'a  pougu  bous  faire 
Moun  bastardou  per  bous  desplaïre, 
Q'oucasiounnés  tan  de  tracas 
Emb'un  enfan  q'es  tan  bravas  ? 

505        Pecaire  !  de  plesi  bababe, 

De  tant  q'à  bous  iéou  me  fizabe. 
M'abias  tan  dich  qe  lous  Trouiens 
Farien  espeli  lous  Roumens, 
Pople  trafiè  qe,  per  la  guerra, 

510        Doundariè  la  mar  e  la  terra  ; 
Can  aproumetés,  iéou  creiriei 
Q'aco  's  pa  paraula  de  rei. 
Ce  qu'abias  ditch  me  counsoulaba, 
Can  caouqe  malhur  lou  macaba. 

515        Pardiou  !  disiei,  i'  a  pa  de  maou  ; 
Ne  sentira  miou  lou  gaou. 
Mes  à  la  longa  me  fatighe  ; 
Es  tén  anfin  q'aisso  finighe. 
De  qé,  cabalisca  !  Antenor, 

520        Tout  engrunat  e  mitât  mor, 
A  foundat  una  coulounia 
Q'un  chour  débendra  la  patria 
Daou  gran  sent  Antouèna  daou  por; 
E  ieou  que  soui  mai  q' Antenor, 

525        Q'aï  una  prou  poulida  mina, 

Qe  soui  un  paou  vostra  cousina, 
Que  restan  din  lou  mem'  oustaou, 
Perqé  me  tratas  pas  antaou  ? 
Perqé  mas  barcas  maou  menadas. 


POésiBS    DE  ROUVIÉRB  197 

530        Daou  ben  touchours  debariadas, 

Batou  Tantifla  sus  lous  ros? 

De  qe  serbis  d'estre  debos  ?  » 
Antaou  Benus,  touta  doulenta, 

Aou  gran  boun  Diou  portet  sa  plenta. 
535        Soun  er  laïat,  un  paou  michan, 

Rendié  soun  inourre  pu  frian. 

Chupiter,  q'aima  la  manida, 

L'atroubet  talamen  poulida, 

Embe  soun  ieol  tout  aigalous, 
540        Qe  la  rouzighet  de  poutous . . . 

Trouba  lou  conte  es  pa  facile. 

Tout  ce  qe  ia,  es  que  Birchile 

A  dich  poutous  aou  pluriel 

(  Se  poutounecha  redde  aou  ciel  ). 
545        Chupiter  doun,  dis  moun  moudèla, 

Baizet  et  rebaizet  la  bêla; 

[E]  pioi  ié  dighet  en  righen, 

Couma  s'abié  tout  soun  bon  sèn: 

«  Bai  1  acala-bous,  m'amigheta, 
550        Un  diou  n'es  pa  'na  chiroueta  ; 

Qan  aï  dich  qiquon  una  fés, 

Es  taca  d'oli  !  . . .  Doun,  beirés 

La  bila  en  toutas  sas  défensas. 

Sous  barris,  sas  apartenensas, 
555        Q'aï  aproumés  à  vostre  enfan  ; 

Anfin  aqel  gran  galipian, 

Aou  ciel  mountara  sans  escala  .  • . 

Saiqe  me  cresés  pa,  foutrala  î 

Pardiou  !  entremen  qe  ié  sen, 
560        Baou  bous  moustra  ce  qe  reben 

A  bostre  enfan  embé  sa  clica. 

Aïci  ma  lanterna  mazica. 
«  Besés  dabord  bostre  pichot 

Qe  se  counduis  pa  coum'un  sot; 
565        Agachas  couma  se  roussega 

Embé  lous  qe  ié  cercou  brega. 

Lous  Italiens  saran  lécas  ; 

Pioï,  tranquille  din  sous  estas, 


198  POÉSIES  DE  ROUYlâRE 

lé  pourra  chourra  très  annadas. 

570        Entre  qe  las  aoura  passadas, 
Bostre  pichot  ôl  Ascagnou, 
Ou  per  soun  escaï-noun  Chulou, 
Sera  rei  trent'  ans  de  sa  bida. 
Per  el,  Alba  sera  munida 

575        D'una  paret  de  bon  frechaou, 
E  ie  chanchara  soun  oustaou. 
Après  la  mort  d'aquel  mounarca, 
Que  menava  tan  ben  sa  barca, 
Aou  trône  sous  pichos  enfans 

580        Se  carraran  be  tre  cens  ans, 
D'aqui  tan  qu'una  relichousa 
(Bous  preghe  d'estre  pas  chalousa), 
En  fringan  embe  lou  diou  Mars, 
Esculle  dous  bessous  bastars, 

585        Q'aouran  un  loup  per  sa  nourissa, 
Amaï  qe  faran  la  poulissa, 
Un  cop  qe  seran  bengus  grans. 
Aqueles  dous  brabes  enfans, 
Segu  seran  pas  ridicuUes, 

590        Per  abedre  trop  d'escrupulles  : 
Anaran,  su  lous  grans  camis, 
Emb  una  banda  de  couqis, 
E  i  aleouchiran  lou  bagache 
Das  qe  ié  seran  de  passache. 

595        Tout,  ou  sabés,  n'a  pas  qu'un  tens. 
Pioï  seran  de  for  brabas  gens 
E  foundaran  la  coulounia 
Qe  das  Roumens  es  la  patria. 
Qe  dis  Roumeus,  dis  pa  talos  ; 

600        Aoussi  ne  seran  pas  manches. 
Dessus  la  mar  c  )uma  sus  terra, 
A  tout  pertout  faran  la  ghera. 
De  lousbeire  tan  ben  tusta, 
Chunoun  mema  lousj  aimara, 

605        Ela  que  ioï,  tan  lous  détesta, 
lé  farié  presen  de  la  pesta. 
Bous  dire  penden  can  de  tén 


POESIES    DE  ROUVièRE  199 

Durara  soun  goubernamen, 

Aco  sérié  pu  dificile. 
610        (Nota:  Aisso  ben  qe  Birchile, 

Q'ansida  lou  fasié  parla, 

S'entendié  pas  à  debigna.) 

Endaco  ses  tan  amistousa, 

Qe  bous  dirai,  se  ses  curiousa, 
615        Q'aban  qe  siechou  demoulis, 

N'i  a  per  mai  de  qatre  matis.  » 
Chupiter,  après  sa  tirada, 

Ye  tournet  faire  una  brassada, 

Pioï  digheta  soun  messaché 
62(>        De  s'agandi  d'un  cop  de  pe 

Co  de  la  reina  de  Cartacha, 

De  poou  qe  seghesse  pas  sacha 

E  qe  ressaghesse  iSneas 

Couma  Fon  reçap  un  guzas. 
625        Mercura  q'a,  fouches  !  bon'  ala, 

Dins  un  parés  de  tem  dabala 

E  buffa  aou  cor  das  Tiriens 

La  charitat  per  lous  Trouiens. 

Pourtan,  aou  ciel  qe  blanqechaba, 
630        Couma  Taourora  pounchechaba, 

^neas,  q'abié  maou  dourmit, 

Se  rebeiet  tout  abesfcit. 

A  Tembés  carghet  sous  debasses, 

S'embraiet,  noun  sans  embarasses, 
635        E  courighet  destrassouna 

Acata  que  branlaba  pa. 

(A  suivre.) 


BIBLIOGRAPHIE 


Soldat  et  Moine.  ^Vie  de  saint  Guilhem-du-Oésertï  par  l'abbé 
J.-E.  Saumade.-  Montpellier,  Calas,  1878;  in-8°,  xii-416  pages 

La  période  carolingienne  du  midi  de  la  France  est  encore  fort  ob- 
scure ;  mais  il  n'en  est  pas  de  plus  attachante,  malgré  l'apparente  con- 
fusion de  son  développement. 

M.  l'abbé  Saumade  ae  ntrepris  de  raconter,  dans  l'ouvrage  dont  nous 
venons  de  transcrire  le  titre,  al  vie,  d'abord  militaire  et  ensuite  re- 
ligieuse, d'un  des  hommes  qui  participèrent  à  l'évolution  sociale  et 
littéraire  partie  du  ministère  d'Eligius  (  saint  Éloi  )  pour  aboutir ,  à 
travers  les  multiples  péripéties  des  guerres  germaniques,  sarrasines  et 
vasconnes,  au  règne  prodigieux  de  Charlemagne.  Avant  de  devenir  le 
fondateur  du  monastère  de  Gellone,  Guilhem  avait  été  un  des  meilleurs 
capitaines  de  l'empereur  franc  ;  la  conquête  de  Barcelone,  celle  de  la 
Marche  d'Espagne,  furent  en  grande  partie  son  œuvre .  La  vigilance 
et  l'équité  de  son  administration,  comme  duc  de  Toulouse,  pacifièrent 
des  contrées  restées  jusqu'alors  profondément  hostiles  à  la  dynastie 
de  Pépin  le  Bref  ;  mais  celui  que  l'on  devait  nommer  le  «  père  de  la 
patrie  »,  le  «bras  droit  de  Charles  »  et  le  «  prince  de  toute  la  Gaule*  » , 
résolut  de  quitter  le  monde  après  la  diète  de  Thion ville  et  de  se  reti- 
rer à  Saint- Guilhem,  où  il  mourut  en  812.  La  poésie  épique  lui  a  fait 
un  nom  plus  considérable  que  l'histoire  proprement  dite,  et  vingt- trois 
épopées  diverses  ont  été  groupées  autour  de  sa  famille  et  de  son  nom. 
La  mort  de  Koland  à  Roncevaux  a  été,  comme  on  le  sait ,  le  point  de 
départ  de  sa  renommée  dans  les  gestes  de  la  langue  d'oil.  La  bataille 
de  Villedaigne,  perdue  contre  les  Sarrasins  en  793,  semble,  elle  aussi, 
n'avoir  pas  été  étrangère  à  la  fortune  poétique  du  duc  de  Toulouse  et, 
par  conséquent,  à  la  détermination  de  certains  traits  du  cycle  auquel 
il  a  donné  naissance.  La  fertile  imagination  des  trouvères  a  réuni 
ensemble  des  faits  empruntés  à  l'histoire  de  Guilhem,  comte  de  Pro- 
vence; de  Guilhem,  comte  de  Poitiers,  puis  duc  d'Aquitaine;  de  Guil- 
laume, comte  de  Mortreuil-sur-Mer,  au  X^  siècle;  à  celle  de  quelques 
autres  princes  du  même  nom  ;  mais  il  est  curieux  de  constater  que  les 
deux  cycles  concentrent  autour  des  figures  de  deux  vaincus  une  grande 
part  de  la  vie  épique  de  la  France  médiévale . 

*  Princeps  totius  Galliœ  finibicsy  dit  la  charte  assez  douteuse  de  Juliofroi. 
Peut-être, comme  le  remarque  M.  S.,  VdippéilaXion princeps  Gallise  a  été  em- 
ployée, par  uQe  erreur  de  copie,  au  lieu  et  place  de  celle  de  princeps  Gothiœ^ 
que  plusieurs  auteurs  donnent  à  Guilhem. 


BIBLIOÔRAPHIB  ?01 

M.  S.  a  raconté,  dans  un  style  fort  agréable, et  d'une  saveur  toute 
littéraire,  la  vie  de  Guilhem  depuis  sa  naissance  jusqu'à  sa  mort.  Il 
Ta  complétée  au  moyen  de  la  biographie  sommaire  de  ses  enfants , 
parmi  lesquels  le  plus  célèbre  fut  Bernard  de  Septimanie,  décapité  en 
844  par  ordre  de  Charles  le  Chauve ,  et  dont  l'épitaphe  en  vers  octo- 
syllabiques  monorimés  constituerait  le  premier  texte  completen  langue 
du  midi  de  la  France ,  si  l'authenticité  n'en  avait  été  presque  unani- 
mement contestée  * . 

Quoique  la  Vie  de  saint  Chiilhem  ait  été  écrite  dans  un  but  d'édifica- 
tion hagiologique,  l'auteur  y  a  joint  un  appendice  contenant  un  résumé 
de  la  geste  de  Guillaume  d'Orange  et  des  indications  sur  les  sources  de 
l'histoire  du  duc  d'Aquitaine,  ou  la  critique  des  deux  chartes  de  fon- 
dation de  Gellone.  Les  travaux  récents  n'y  sont  pas  oubliés,  et  l'étude 
par  laquelle  M.  Ch.  Revillout  croit  pouvoir  conclure  que  la  composi- 
tion de  la  Vita  sancti  WiUelmi  doit  être  placée  aux  environs  de  l'an- 
née 1 122,  est  mentionnée  avec  éloge  * .  Contrairement  aux  conclusions 
du  savant  professeur  et  conformément  à  celles  des  derniers  annota- 
teurs de  V Histoire  de  Languedoc,  M.  S.  verrait  dans  cette  Vie  «  un 
double  travail  :  une  partie  faite  au  IXe  siècle  ,  peu  après  la  mort  de 
saint  Guilhem,  et  purement  destinée  à  l'édification  des  fidèles,  et 
une  refonte  bien  postérieure,  du  XI©  siècle  peut-être,  qui  aurait  mêlé  à 


*  Pour  être  couforme  à  la  publication  que  Borel  en  fit  pour  la  première  fois 
daus  ses  Antiquités  de  Castres,  cette  épitaphe,  citée  d'ailleurs  par  M.  S.  sous 
toutes  réserves,  doit  être  rétablie  de  la  manière  suivante  : 

Assi  i'ay  lo  comte  Bernad, 
Fisel  credeire  al  sang  sacrât, 
Que  sempre  prud'  hom  es  estât. 
Preguen  la  diuina  bontat 
Qu'aquela  fi  que  lo  tuai 
Posqua  soy  arma  aber  saluât. 

Tout  en  se  référant  à  Borel,  Raynouard  copie  inexactement  ces  six  vers 
dans  son  Choix  despoésies  orig.  des  troub.j  II,  cxxv.  Il  imprime  aissi^jai, 
prud  hom  es,  preguem  et  bountat. 

2  Étude  historique  et  littéraire  sur  l'ouvrage  latin  intitulé  Vie  de  saint 
Guillaume.  Montpellier,  Martel,  1876,  in-4o,  82  pages.  L'opinion  de  M.  Re- 
villout, à  laquelle  M.  G.  Paris  s'est  rallié  {Romania,  Yl,  467),  semble  meilleure 
que  celle  des  récents  éditeurs  de  Y  Histoire  de  Languedoc, 

Dans  la  seconde  édition  de  son  travail,  M.  S.  fera  sagement  de  tenir  compte 
des  conclusions  de  M.  G.  Paris,  en  ce  qui  touche  les  deux  sœurs  du  duc  de 
Toulouse  et  le  bouclier  que  ce  dernier  aurait  déposé  à  Brioude  sur  l'autel  de 
SBÂnt  Julien  {Romania,  VI,  467).  M.  S.  aurait  pu  consulter  également  le  savant 
travail  de  M.  Paris  Sur  un  vers  du  Coronement  Loois  {Remania,  I,  177). 


202  BIBLIOGRAPHIE 

l'ancien  texte  quelques-uns  des  récits  légendaires  qu'on  faisait  sur  le 
vaillant  dompteur  des  Sarrasins.  »  (P.  310.) 

Saint  Guilhem  aurait  fourni  à  M.  S.  un  chapitre  d'histoire  tradi- 
tionnelle qui  eût  été  court ,  sans  doute ,  mais  auquel  l'intérêt  n'aurait 
pas  fait  défaut.  Le  général  de  Charlemagne  n'a  pas,  comme  d'autres 
renommées  militaires  *,  absolument  disparu  du  souvenir  des  popula- 
tions languedociennes.  Est-ce  à  ses  succès  d'homme  de  guerre  ou  à 
son  auréole  de  saint  qu'il  le  doit?  Il  serait  difficile  de  le  dire.  Tou- 
jours est-il  que  l'on  montre  encore,  sur  la  route  d'Aniane  à  Saint-Gui- 
Ihem,  un  kilomètre  et  demi  avant  d'arriver  à  la  deuxième  de  ces  loca- 
lités, un  endroit  nommé  lou  Pahou,  où.  la  chaîne  de  Puéchabon  pré- 
sente à  la  vue  un  avancement  mince  et  large,  suspendu  sur  l'Hérault 
en  forme  de  queue  de  paon.  C'est  là  que  saint  Guilhem,  monté  sur  un 
cheval  noir  et  bardé  de  fer,  passait  en  apportant  à  Gellone  la  relique 
de  la  vraie  Croix.  A  un  détour  du  chemin,  sur  un  rocher  à  pic,  il  en- 
tendit des  cris  et  vit  tout  à  coup  une  troupe  de  Sarrasins  se  précipiter 
sur  lui.  Il  ordonne  alors  à  son  cheval  de  sauter  la  rivière  d'une  en- 
jambée. L'élan  de  celui-ci  fut  si  violent,  que  sa  tête  et  son  pied  droit 
marquèrent  leur  empreinte  sur  le  rocher  de  la  rive  gauche,  tandis  que 
sa  queue  en  laissait  une  seconde  sur  celui  de  la  rive  opposée,  à  la  base 
même  de  la  hauteur  sur  laquelle  les  infidèles  s'arrêtèrent  immédiate- 
ment, pétrifiés  par  le  regard  miraculeux  du  saint. 

L'élargissement  de  la  route  actuelle  a  été  funeste  à  la  persistance 
de  cette  tradition  :  on  distingue  à  peine  l'empreinte  de  la  grande  tête 
et  du  large  pied  du  cheval .  Seules,  les  pointes  tourmentées  des  rochers 
figurent  encore,  d'une  manière  approximative,  les  Sarrasins  que  la  vue 
du  héros  pétrifia  d'épouvante . 

On  répète  aussi  sur  le  château  du  Géant,  qui  domine  Saint-Guilhem 
et  que  le  Voyage  pittoresque  du  baron  Taylor  a  mal  à  propos  trans- 
formé en  château  de  don  Juan  (!!),  une  légende  à  laquelle  feu  l'abbé 

•  Les  contes  historiques  proprement  dits  sont  fort  rares  dans  le  Midi  ;  leur 
origine  est  même  savante  dans  la  plupart  des  cas,  surtout  lorsqu'il  est  ques- 
tion de  personnages  militaires.  Les  comparaisons  et  les  formules  rustiques 
seraient  peut-être  moins  pauvres  en  indications  nominatives.  Les  plus  an- 
ciennes sont  relatives  à  César  :  Es  un  traval  de  César.  Es  fiei^,  —  ardit^  — 
brave  ou  valhent  couma  un  César.  La  plus  récente,  Es  pas  la  mort  de 
Turenna^  encore  très-répandue  en  Languedoc  et  dans  le  Rouergue,  atteste 
l'étendue  des  appréhensions  que  la  mort  du  grand  capitaine  éveilla  dans  toute 
la  France. 

Les  formules  sur  Arthur  et  Roland  sont  peut-être  d'origine  littéraire.  Celles 
qui  concernent  Annibal  et  Marins  ont  été  accréditées  par  les  lettrés  k  l'époque 
de  la  Renaissance. 


! 


BIBLIOGRAPHIE  1^03 

Léon  Vînas  fait  une  allusion  sommaire  dans  sa  Monographie  ds  Gel- 

Au  XVI®  siècle,  les  religieux,  voulant  préserver  de  la  fureur  des  cal- 
vinistes les  reliques  les  plus  précieuses  de  l'abbaye,  renouvelèrent  à 
leur  manière  un  stratagème  dont  Guillaume  au  Court-Nez  avait,  selon 
le  Charroi  de  Nimes^  usé  lors  de  la  prise  de  cette  ville.  On  sait  par 
Catel  '  que  les  moines  de  Gellone  possédaient,  au  commencement  du 
XVII®  siècle,  «  un  grand  tome. . .  .en  vers  français  »  où  se  trouvait  le 
Charroi,  et  qu'ils  y  ont  probablement  puisé  l'idée  de  ce  stratagème  ; 
mais  il  serait  utile  de  rechercher  si  la  tradition  des  environs  de  Saint- 
Guilhem  en  a  conservé  le  souvenir. 

L'habitude  populaire  d'aller  manger  à  la  campagne  l'omelette  au 
jambon  du  lundi  de  Pâques  remonterait  enfin,  selon  quelques-uns, 
au  cuisinier  du  duc  de  Toulouse. 

L'usage  en  question  est  encore  très-répandu  dans  le  midi  de  la 
France,  et  plus  particulièrement  à  Montpellier,  à  Nimeset  à  Béziers. 

On  serait  tenté  de  rattacher  à  Gellone  une  prière  sarcastique  que 
tout  le  monde  connaît  dans  la  première  de  ces  trois  villes: 

Lou  benedicitè  de  Sent  Guilhem  : 
San  prou  per  manjà  ça  qu'aven. 

Se  quauqu'un  dèu  veni, 
Que  se  cope  la  camba  en  cami^  ! 

Faut-il  voir  dans  ces  vers  un  reproche  d'inhospitalité  adressé  à  l'ab- 
baye de  Gellone,  ou  tout  au  moins  à  la  population  d'un  village  vers  le- 
quel se  dirigeaient  tous  les  ans  une  foule  de  visiteurs  et  de  pèlerins  ? 
L'explication  semblerait  naturelle,  et  cependant  je  serais  porté  à  con- 
sidérer ce  quatrain  comme  une  réplique  intéressée,  opposée  par  les 
Montpelliérains,  à  des  accusations  émanant  des  villages  qui  entourent 
le  chef -lieu  du  département  de  l'Hérault  : 

Couvit  de  Mount-peliè, 
Gouvit  de  l'escaliè*. 

*  Visite  rétrospective  à  Saint'Guilhem'-du-Désert .  Monographie  de  Gel- 
lone. Paris,  Bray  et  Retaux,  1875;  in-i2,  p.  170. 

*  Histoire  des  comtes  de  Tolose,  par  M.  Guillaume  Gatel.  Tolose,  Bosc, 
1623,  p.  50.  Catel,  p.  51,  a  noté  le  premier  la  mention  faite  par  Orderic  Vital 
de  la  Vie  de  saint  Guillaume  apportée  à  Saint-Evroul  par  Antoine,  moine  de 
Winchester. 

Le  manuscrit  vu  par  Catel  est  actuellement  à  Paris,  Bibliothèque  nationale, 
n»  774  du  fonds  français.  (Voyez  Romania,  II,  335.) 

'  Publié  pour  la  première  fois  par  MM.  Montel  et  Lambert,  Revue^  l'e  série, 
IV,  586. 

*  Dictionn.  lang,-fr,;  Mais,  1820,  II,  376.  La  version  que  l'abbé  de  Sau- 


204  BIBLIOGRAPHIE 

Dans  une  ville  commerciale  et  d'origine  relativement  récente,  les 
habitudes  hospitalières  des  époques  anciennes  durent  décroître  plus 
promptement  que  dans  les  campagnes,  où,  de  nos  jours  encore,  un 
paysan  croirait  manquer  à  la  première  de  ses  obligations  s'il  n'offrait 
des  rafraîchissements  à  l'étranger  qui  franchit  le  seuil  de  sa  porte.  Il 
ne  serait  donc  pas  impossible  que  l'abandon  de  cet  usage  ait  motivé 
la  composition  du  distique  par  lequel  on  constatait  que  les  Montpel- 
liérains  conviaient  au  repas  de  famille  ceux-là  seulement  qui  ne  po  u- 
vaient  en  profiter.  Le  bas  de  l'escalier  était,  en  effet,  Tendroit  où  le 
visiteur  prenait  congé  de  ses  hôtes  pour  enfourcher  la  monture  qui 
devait  le  ramener  chez  lui.  Los  habitants  de  Montpellier,  eux,  auraient 
répliqué  par  le  quatrain  qui  accuse  les  gens  de  Saint-Guilhem,  non  pas 
de  manquer  aux  devoirs  de  l'hospitalité,  mais  de  souhaiter  la  perte 
d'une  jambe  à  leurs  futurs  visiteurs  : 

Se  quauqu'un  deu  veni, 
Que  se  cope  la  camba  en  cami  ! 

Telle  est  l'explication,  —  peut-être  bien  conjecturale, —  que  je  don- 
nerais de  ces  deux  sarcasmes  populaires. 

A.  Roque-Ferrier. 

Chants  des  félibres.—  Poésies  provençales  modernes,  traduites  en  vers 
français,  avec  de  nombreuses  notes,  par  François  Delille.  Paris,  Auguste 
Ghio,  1881;  in-12,  xiv-3i6  pages. 

Trop  de  membres  de  la  Société  des  langues  romanes  ou  de  collabora- 
teurs de  la  Revue  ont  l'honneur  de  figurer  dans  le  recueil  de  M.  Delille 
pour  qu'il  soit  possible  d'en  donner  ici  une  appréciation  critique.  Mais 
il  nous  sera  permis  de  dire  qu'il  est  de  nature  à  répandre  le  goût  de  la 
littérature  méridionale  et  à  suggérer  le  désir  d'étudier  plus  directement 
les  principaux  poëtes  du  Languedoc  et  de  la  Provence.  Les  notes  bio- 
graphiques de  l'auteur  sont,  dans  leur  brièveté,  aussi  exactes  que  judi- 
cieuses, et  nous  n'avons  guère  trouvé  que  les  points  suivants  à  rectifier 
ou  à  compléter . 

P.  72.  La  Bisca,  de  M.  Louis  Roumieux,  n'a  pas  été  publiée  par  la 
Revu^  en  1879.  L'auteur  de  ces  lignes  en  a  seulement  inséré  quelques 
scènes  dans  une  étude  sur  la  Bisca  et  Vînauguration  du  Théâtre  ro- 
many  3«  série,  III,  237  (numéro  d'avril-juin  1880). 

P.  136.  Lous  Bords  dau  Lez,  par  M°*«  de  Ricard,  indiqués  comme 
ayant  été  publiés  dans  le  recueil  collectif  de  la  Cigale,  ont,  au  con- 
traire, paru  pour  la  première  fois  dans  la  Revue  en  1878, 2®  série,  V, 
p.  84. 

vages  y  a  notée  a  été  recueillie  aux  environs  d'Alais,  ce  qui  prouve  l'extrême 
diffusion  de  ces  deux  vers. 


BIBLIOGRAPHIE  ?05 

P.  177.  Il  est  dit  que  les  poésies  de  feu  l'abbé  Aubert  seront  bientôt 
réunies  en  un  volume  par  l'abbé  Terrier,  son  légataire,  et  qu'elles 
seront  intitulées  li  Pdsso-tèms  d'un  Curât  de  villàgi.  Cette  publics^ 
tion  ne  constituera  qu'une  édition  nouvelle  et  complète  des  vers  que 
M.  Aubert  fit  paraître,  sous  le  même  titre,  il  y  a  vingt-deux  ans  au 
moins.  Voyez  Armana  prpuvençau  de  1858,  p.  92,  un  article  où  M.  Mis- 
tral en  donnait  un  compte  rendu  très-favorable. 

P.  180.  M.  D.  parle  des  poésies  de  feu  le  frère  Théobald  (des 
Écoles  chrétiennes)  avec  l'éloge  qu'elles  méritent.  Les  archives  de  la 
Société  conservent  de  lui,  —  circonstance  qu'ignorait  naturellement 
l'auteur,  —  deux  poëmes  inédits  :  ristdri  d'un  aglan  et  li  Proumiés 
aposto  de  la  Gaulo  miejoumalo.  Quelques  strophes  du  premier  ont  paru 
dans  la  relation  du  Concours  littéraire  et  philologique  de  l'année  1875. 
Paris,  Vieweg,  1875  ;  in-S»,  p.  163. 

P.  196.  Sent  Marsal  à  Tula,  poëme  de  M.  l'abbé  Roux,  que  M.D. 
dit  avoir  été  publié  à  l'Imprimerie  centrale  du  Midi,  a  paru  d'abord 
dans  la  Rew^j  2''  série,  II,  p.  274. 

P.  239.  Avant  d'être  inséré  dans  VArmana  prouvençau  de  1881,  le 
sonnet  de  M.  Ch.  Boy,  la  Jano  d'Arc  de  la  princesso  Mario,  a  été  pu- 
blié à  vingt-cinq  exemplaires.  Lyon,  Albert,  1880;  in-8o,  4  pages. 

C'est  à  l'amabilité  de  M.  Boy  que  je  dois  de  posséder  un  de  ces 
exemplaires  et  de  pouvoir  rectifier  une  assertion  qui  serait  d'autant 
mieux  accréditée,  que  toute  pièce  tirée  à  nombre  restreint  est  con- 
damnée à  disparaître  rapidement  de  la  circulation  littéraire. 

P.  252.  Parlant  des  Bourgadiero  de  M.  Bigot,  M,  D.  dit  qu'elles 
ont  été  écrites  en  languedocien.  Lisez  provençal-nimoispour  être  phi- 
lologiquement  exact.  En  les  qualifiant  comme  il  l'a  fait,  M.D.  s'est 
conformé  à  une  habitude  locale  et  relativement  ancienne.  Tandis  que 
les  philologues  parisiens,  et  même  bon  nombre  de  méridionaux*,  en- 
globent le  provençal,  le  languedocien  et  le  limousin,  sous  la  dénomi- 
nation commune  de  provençal,  un  fait  inverse  se  produit  en  petit  dans 
le  département  du  Gard,  où  l'on  nomme  languedocien  l'idiome  fonciè- 
rement provençal  usité  àNimes  et  aux  environs  de  cette  ville.  Aubanel, 
par  exemple,  a  publié  sous  le  titre  de  l'Anacréon  languedocien  ses  heu- 
reuses imitations  du  poëte  de  Téos. 

P.  271.  C'est  par  eneur  que  M.  D.  dit  que  la  Revue  des  langues  ro- 
manes a  publié  des  poésies  de  M.  Antonin  Glaize.  Une  seule,  —  et 
c'est  vraiment  dommage,  —  a  été  insérée  dans  le  Parage  à  Maguelone, 
Revue,  2*  série,  VI,  148.  Encore  a-t-elle  été  empruntée  à  une  autre  pu- 
blication . 

*  C'est  ce  qu'a  fait  M.  le  docteur  Espagne,  en  intitulant  un  de  ses  plus  inté- 
ressants travai»  :  Influences  provençales  dans  la  langue  de  Molière, 

16       . 


206  PERIODIQUES 

P.  290.  Lou  Plaidejaire,  par  M.  Melchîor  Barthés,  n'a  pas  été  publié 
dans  \sL  Revue.  Len»  de  juillet-septembre  1878,  qu'indique  M.  D.,  ren- 
ferme seulement  un  compte  rendu  des  Flowretos  de  mountagno,  où  se 
lit  cette  charmante  comédie. 

P.  296 .  Une  coquille  d'impression  a  transformé  en  poète  limousin, 
Peyrottes,  qui  était  né  à  Clermont-rHérault,  et  qui  donna  une  certaine 
notoriété  littéraire  au  sous-dialecte  lodévois. 

Ces  rectifications  paraîtront  insignifiantes,  si  l'on  veut  bien  remar- 
quer que  le  recueil  de  M.  D.  contient  des  notes  afférentes  à  plus  de 
cent  poètes  méridionaux. 

A.  Roque-Fbrrier. 


PÉRIODIQUES 

Romania,  36.—  P.  497.  W.  BraghiroUi,  P.  Meyer,  G.  Paris.  Jn- 
ventaire  des  manuscrils  en  langue  française^  possédés  par  Fran- 
cesco  Gonzaga  I,  capitaine  de  Mantoue,  mort  en  1407.  Utile  publica- 
tion, heureusement  complétée  par  un  commentaire  historico-littéraire 
et  bibliographique  très-détaillé,  dû  à  MM.  G.  Paris  et  P.  Meyer.  — 
P.  515,  G,  Paris,  Sur  un  épisode  d'Aimeri  de  Narbonne,  Savante 
et  très-curieuse  dissertation  d'histoire  littéraire.  —  P.  547.  Victor 
Smith,  Un  mariage  dans  le  haut  Forez,  Usages  et  chants.  —  P.  571. 
A.  Bos,  Note  sur  le  créole  que  Von  parle  à  Vile  Maurice^  ancienne 
Ile  de  France.  Cette  courte  notice  est  intéressante,  malgré  quelques 
imperfections  qui  dénotent  un  philologue  novice.  On  regrette  que 
l'auteur  n'y  ait  pas  joint  des  spécimens  un  peu  étendus  du  patois 
créole. —  P.  579.  Mélanges.  1°  Desver  =  de-ex-ripare  (Ulrich).  Ety- 
mologie  qui  me  paraît  d'autant  plus  satisfaisante,  que  je  l'avais  de- 
puis assez  longtemps  consignée  dans  mes  notes.  Elle  a  l'avantage 
de  rendre  compte  en  même  temps  des  deux  formes  desver  et  derver, 
Vs  de  la  première  étant  représenté  par  l'a?,  de  de-ex-ripare  ;  Vr  de 
la  seconde,  par  Vr  de  de-ex-mpare  :  1®  de-ex-(ri)pare.  2°  de-ex-{r)i' 
pare. L'objection  de  M.  G.  Paris,  qui  suppose  un  e  bref  originel  à  cause 
de  la  mouillure  que  présente  le  wallon  dierve  et  dierver^  serait  sans 
valeur,  si  elle  ne  s'appuyait  que  sur  les  exemples  fournis  par  ee  dia- 
lecte, qui  mouillait  d'habitude  Ve  latin  en  position.  Ce  qui  lui  donnerait 
plus  de  force,  ce  serait  de  rencontrer  diervs  à  la  rime  et  dans  un  dia- 
lecte autre  que  le  wallon  ou  le  picard  oriental.Pow^wre(C.  Joret).  Pres- 
que enmême  temps  que  M.  Joret,  M.  F oerster  (Zeitschrift,  1880,  p. 378, 
présentait  la  même  étymologie,  pouture  =  pultura.  3°  Portugais  er, 
ar  =z  fr.  re  (J.  Cornu).  4*  Le  Vent  et  la  Discorde  (Julien  Havet). 
b^Chanson  recueillie  à  MentonÇAndrewa). —  P.  592.  Comptes  rendus. 


CHRONIQUE  207 

1®  Hugo  Andresen,  Maistre  Wace  *s  Roman  de  Rou  et  des  ducs  de 
Normandie.  Érster  Band,  I.  und  II.  Theil,  18T7 ,  3jcvi-238  p.  Zweiter 
Baad,  III- The  il,  1879,  v-828  p.  (G.  P.)  2°  Amédée  Mercier,  His- 
toire des  participes  français  y  1879,  Paris,  Wieweg;  in-8o,  160  p.  — 
J.  Bastin,  le  Participe  passé  dans  la  langue  française  et  son  histoire 
(Kr.  Nyrop).  3"  Francesco  Sab&imi,  Abelar do  ed  Eloisa  secondo  la 
tradizione popolare .  Roma,  MûUer,  1880;  in-8o,  126  p.  [G.  P.  ].  — 
P.  619,  Périodiques .  —  P.  629.  Chronique, 

A.  B. 


CHRONIQUE 

L'activité  des  travailleurs  contemporains,  surexcitée  par  d'inces- 
santes découvertes,  s'exerce  avec  ardeur  dans  toutes  les  branches  de  la 
science.  Plus  que  jamais  les  problèmes  de  l'origine  et  du  développement 
historique  des  races  humaines  attirent  l'attention  générale,  et  rien  de  ce 
qui  touche  aux  mœurs,  aux  habitudes,  aux  langages  de  nos  ancêtres, 
sur  les  différentes  parties  du  globe,  ne  saurait  être  indifférent. 

Parmi  les  sources  d'information  les  plus  précieuses  et  les  moins 
explorées  encore,  peut-être  en  raison  de  la  difficulté  spéciale  qu'elles 
présentent,  l'une  des  plus  importantes  est  constituée  par  les  Litté- 
ratures populaires.  Nous  entendons  par  là  les  produits  spontanés  du 
génie  d'un  peuple,  éclos  en  dehors  de  toute  culture,  de  toute  recherche 
artificielle,  œuvres  naïves  des  campagnards,  des  paysans,  des  soldats  : 
amusements  enfantins  ;  sentences  improvisées  au  milieu  des  diffi- 
cultés de  l'existence  ;  chansons  écloses  aux  heures  trop  rares  des  joies 
champêtres  et  des  fêtes  de  famille. 

Recueillir  et  mettre  à  la  portée  des  hommes  de  science  ces  élé- 
ments si  curieux  d'étude,  c'est  la  tâche  difficile  et  méritoire  à  laquelle 
se  sont  adonnés  un  grand  nombre  de  spécialistes .  Mais  leurs  efforts 
demeurent  souvent  stériles,  et  bien  des  notes  utiles,  bien  des  manu- 
scrits d'un  très-haut  intérêt,  demeurent  enfouis  dans  des  cartons  ou  ne 
sont  imprimés  que  par  fragments  et  à  des  dates  très-espacées,  dans  des 
recueils  provinciaux  trop  peu  connus. 

En  publiant  le  recueil  collectif  qu'ils  intitulent:  les  Littératures 
populaires  de  toutes  les  nations^  MM.  Maisonneuve  et  O  se  sont  pro- 
posé : 

De  faciliter  ce  travail  de  recherche,  de  préparer  les  éléments  d'une 
étude  générale  et  comparative,  de  présenter  au  monde  savant  un  ré- 
sumé aussi  précis,  mais  aussi  complet  que  possible,  de  toutes  les  littés 
ratures  populaires.  Les  contes,  les  chansons,  les  proverbes,  les  pièce- 
de  théâtre,  les  formules  superstitieuses,  y  figureront,  méthodiquement 
classés.  Les  contes  et  les  légendes  en  formeront  la  part  principale  ; 
ces  vieux  récits,  où  les  anciennes  croyances  se  cachent  sous  des  nar- 
rations enfantines,  où  les  faits  historiques,  démesurément  grandis,  se 
dissimulent  sous  l'effort  continu  des  imaginations  vivement  frappées, 
où  le  moindre  trait  peut  livrer  la  clef  de  bien  des  problèmes  ethno- 
graphiques ou  moraux,  préoccuperont  surtout  les  collaborateurs  de 
MM.  Maisonneuve. 

La  collection,  formée  de  textes  en  français,  ou  de  traductions  exé 


208  CHRONIQUE 

entées  avec  une  scrupuleuse  exactitude,  et  accompagnées  de  nom- 
breuses citations  textuelles,  sera  publiée  par  les  spécialistes  les  plus 
compétents.  Nous  citerons  les  noms  de  MM.  Pavet  de  Courteille, 
membre  de  llnstitut,  pour  les  peuplades  turques  de  l'Asie;  Barbier  de 
Meynard,  membre  de  l'Institut,  pour  la  Perse  moderne  ;  G.  Maspéro, 
pour  l'Egypte  ancienne  ;  F.  Lenonnant,  pour  la  Chaldée  et  TAssyrie  ; 
Julien  Vinson,  pour  l'Inde  et  le  pays  basque  ;  F.  M.  Luzel,  pour  la  Bre- 
tagne celtique  ;  Paul  Sébillot,  pour  le  pays  gallot  de  la  Bretagne  fran- 
çaise ;  Emile  Legrand,  pour  la  Grèce  moderne  ;  V.  Lespy,  pour  le  Béarn; 
J.  Bladé,  pour  la  Gascogne,  etc. 

Chacun  de  ces  volumes  se  composera  de  trois  cents  à  trois  cent  cin- 
quante pages,  imprimées  avec  soin,  en  caractères  elzéviriens,  avec  fleu- 
rons, lettres  ornées,  etc.  Tirage  à  petit  nombre  sur  papier  vergé  des 
Vosges,  à  la  cuve,  fabriqué  spécialement  pour  cette  collection. 

Tous  les  volumes  seront  soigneusement  cartonnés  en  toile  et  non 
rognés.  (Note  commvmquée  par  les  éditeurs .) 

*  * 

Communications  faites  en  séance  de  la  Sociiété. —  18  mai.  — 
Proverbes  et  comparaisons  populair,es  recueillis  à  Aspiran  et  à  Mont- 
pellier, par  M .  le  docteur  Adelphe  Espagne  ; 

Le  Petit  Rameau,  conte  populaire  roumain,  écrit  en  vers  français 
par  M.  V.  Alecsandri,  et  traduit  en  vers  provençaux  par  M.  A.  de 
Gagnaud ; 

Lo  Roure  y  la  Canya,  fable  en  vers  catalans,  par  M.  Justin  Pépratx; 

Additions  au  Dictionnaire  de  M.  Littré,  par  M.  Marcel  Devic. 

M.  Camille  Chabaneau  sepropose  de  publier  prochainement  les  poé- 
sies complètes  du  troubadour  Natde  Mons. 

*  ♦ 

Livres  donnés  a  la  Bibliothèque  de  la  Société.  —  Les  Sorts  des 
Apôtres,  texte  provençal  du  XIII^  siècle,  publié  avec  l'original  latin 
par  Camille  Chabaneau.  Paris,  Maisonneuve  et  Cie,  1881;  in»-8<*,  40  p. 

Pastorale  pour  le  temps  de  l'Epiphanie,  mise  en  chants  français  et 
provençaux  sur  des  airs  connus,  en  deux  intermèdes.  Marseille,. 
Achard,  1817;  in- 12,  viii-24  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Un  nouvèou  vengut.  Marseille,  J.  Doucet,  S.  D.  In-8°,  2  pages  (don 
de  M .  Clair  Gleizes)  ; 

Versos  à  las  noyas  catalanas.  [Barcelona],  Imprenta  la  Renaixensa, 
1881;  in-16,  62  pages  (don  de  M.  Balaguer  y  Merino); 

Arnavielle  :  la  Preièro  de  Murcio.  Ais,  Empremarié  prouvençalo,. 
1880;  in-8°,  8 pages; 

Astruc  (Louis):  Albert  Arnavielo.  Ais,  Empremarié  prouvençalo, 
[18811;  in-12,  4 pages  (don  de  M.  Albert  Arnavielle); 

Bellot  (Pierre)  :  Lou  Martegaou  en  vouyagi,  conte  coumique.  Mar- 
seille, Chauffard,  S.  D.  In-8°.  8  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Delille  (François):  Chants  des  Félibres.  Poésies  provençales  mo- 
dernes, traduites  en  vers  français  avec  de  nombreuses  notes,  par  F. 
Delille. Paris,  Auguste  Ghio,  1881;  in-12,  xiv-316  pages. 


Le  gérant  responsable  :  Ernest  Hamelin. 


Dialectes  Anciens 


TRADUCTION  DES  PSAUMES  DE  LA  PÉNITENCE 
E^i  VERS  PROVENÇAUX 


La  traduction  des  psaumes  de  la  pénitence,  publiée  ici  pour  la  pre- 
mière fois,  est  tirée  d'un  ms.  conservé  au  Musée  Calvet,  d'Avignon. 
Ce  ms.  forme  un  petit  volume  relié  en  maroquin  rouge,  du  format  d'un 
in-18  carré,  et  qu'on  a  intitulé  Poésies  rojnanes.  Une  note  inscrite  sur 
l'un  des  feuillets  de  garde  nous  apprend  qu'il  provient  de  la  char- 
treuse de  Villeneuve-lez-Avignon,  et  qu'il  a  été  acquis,  par  le  Musée 
Calvet,  de  M.  Seguin,  libraire  à  Montpellier,  le  13  novembre  1854. 
Il  est  incomplet  du  commencement.  Dans  son  état  actuel,  il  se  com- 
pose de  30  feuillets  et  renferme:  1°  au  folio  11,  quia  été  déplacé  (il 
devrait  être  le  premier),  et  du  folio  1  au  folio  9,  recto,  milieu  de  la 
page,  les  psaumes  de  la  pénitence  traduits  en  vers  provençaux, 
moins  les  trois  premiers  en  entier  et  huit  versets  du  quatrième  ;  2o  du 
folio  9  au  folio  30  (sauf  le  folio  11),  une  paraphrase,  aussi  en  vers 
provençaux,  des  litanies  des  saints.  S'il  ne  contenait,  dans  son  état 
primitif,  que  ces  deux  ouvrages,  il  doit  manquer  au  plus  une  dizaine 
de  feuillets. 

La  paraphrase  des  litanies  fut  publiée  en  1874  par  M.  V.  Lieutaud, 
alors  bibliothécaire  de  la  ville  de  Marseille*,  qui  donna  en  même 
temps  une  description  du  ms.  M.  Damase-Arbaud  dès  1862  {Chants 
populaires  de  la  Provence,  I,  17)  et  un  peu  plus  tard  M.  Bôhmer 
{Jahrbucli  fur  romanische  und  englische  Literatur,  X  (1869),  202) 
avaient  déjà  mentionné  ce  ms.  et  transcrit,  l'un  et  l'autre,  quelques 
vers  des  Litanies.  Mais  ils  li'ont  rien  cité,  non  plus  que  M.  Lieutaud, 
de  la  traduction  des  psaumes. 

Cette  traduction  n'est  pas  sans  mérite.  Elle  est  bien  supérieure  à 
celle  du  psaume  108  que  M.  Bartsch  a  publiée  dans  ses  Denhmâler, 
d'après  un  ms.  de  notre  Bibliothèque  nationale  (n°  1745),  et  que  je 
reproduis  ci-après  en  appendice.  Ce  sont  des  vers  d'une  juste  et  uni- 
forme mesure  (ou  qui  s  y  laissent,  malgré  l'incorrection  du  ms.,  assez 

I  *  Notes  pour  seinnr  à  l'histoire  de  Provence^  no  15.  —  Un   troubadour 

aptésien  de  Voy^dre  de  S.  François.  Marseille  et  Aix,  in-8o.  Voy,  sur  cette  pu- 
blication la  Revue  des  langices  7'omanes,\U,  112. 

Tome  v  de  la  troisièmk  .siïrie.  -   mai  1881 .  17 


210  PSAUMES   DE  LA   PENITENCE 

facilement  ramener),  divisés  presque  toujours  en  stances  de  quatre 
vers  *,  qui  riment,  dans  le  psaume  50,  en  a  &  a  6,  et,  dans  les  trois 
autres,  en  a  a  b  b.  Chaque  stance  correspond  en  général  à  un  verset 
du  texte  de  la  Vulgate  ;  on  conçoit  qu'à  cause  de  la  longueur,  parfois 
très-inégale,  de  ces  versets,  il  n'ait  pu  toujours  en  être  ainsi *. 

L'auteur,  on  s'en  aperçoit  bien  vite  à  l'examen  des  rimes,  connais- 
sait les  règles  de  la  déclinaison  et  les  appliquait.  Aussi  n'ai -je  pas 
hésité  à  rétablir  dans  le  texte  même  les  formes  régulières,  altérées 
par  le  copiste,  partout  où  la  correction  ne  nécessitait  que  l'addition 
ou  la  suppression  d'un  s  ou  d'un  2,  lettres  que  j'ai  placées,  selon  le 
cas,  entre  crochets  ou  entre  parenthèses. 

La  paraphrase  des  litanies  qui  suit  nos  psaumes  dans  le  ms.,  où  la 
même  main  l'a  transcrite,  est-elle  du  même  auteur  que  ceux-ci?  Il  n'y 
a  rien  d'impossible;  mais  on  ne  saurait  l'affirmer,  et  j'incline  à  la 
croire  plus  récente.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  les  Psaumes^  comme 
les  Litanies,  SLimoncent  un  auteur  de  la  Provence',  bien  que  les  traits 
dialectaux  soient  moins  nombreux  et  moins  caractéristiques  dans  le 
premier  que  dans  le  second  de  ces  deux  ouvrages.  Les  plus  probants 
sont  les  rimes  rescont  :  mayson  (ci,  23),  nom  :  gêner  acion  {ibid.y  45), 
non  (pour  nom):  mayson  {ibid,,2S},  Les  rimes  van:  an  (ibid.,  91), 
pélicans:  semblantz  {ibid.,  20),  sont  encore  à  prendre  en  considéra- 
tion. Moins  importantes  à  noter  sont  les  formes  suivantes,  bien  fran- 
chement provençales  pourtant,  parce  que,  n'étant  pas  à  la  rime,  le 
copiste,  qui  était  certainement  Provençal  lui-même,  en  est  peut-être 
seul  responsable  :  aisin,  enaisin  (ci,  33,  40  etpassim*)^  reprennas 
(ci,  89),  pregonea  (cxxi,  1),  renembrei  (cxlii,  17);  l'article  masc. 
sing.  sujet  le  (ci,  101);  cahy  sans  l'article,  traduisant  quis  (cxxix, 
12).  Je  crois  devoir  ajouter  sers  =  servum  (cxlii,  6  et  53),  les  formes 
pareilles  se  rencontrant  surtout  dans  des  textes  de  la  Provence. 

*  Le  commeDcement  de  chaque  stance  est  indiqué  par  le  signe  q  à  l'encre 
rouge.  Quelques-unes  n'ont  que  deux  vers,  par  exemple,  ci,  33-34;  63-64. 

*  Par  ex.,  le  vers  9  de  ci,  qui  correspond  à  la  dernière  partie  d'un  verset, 
commence  une  stance.  Les  vers  17-20  du  même  psaume,  qui  forment  une  autre 
stance,  traduisent  un  verset  entier  et  le  commencement  d'un  autre.  Même  ob- 
servation pour  cxxix,  i-4,  etc. 

3  Peut-être  ces  Psaumes  sont-ils  ceux-là  même  dont  parle  Jean  de  Nostre- 
dame  dans  le  pi^oesme  de  ses  Vies  des  anciens  poètes  provençaux  (p.  il). 
«  De  quelle  sorte,  dit-il,  et  taille  de  rithraes  sont  faicts  les  sept  pseaumes  peni- 
tentiaux,  par  ceux  qui  vont  mendiant  les  aumosnes  par  les  portes,  qu'on  ne 
sçauroit  trouver  une  plus  belle  rithme  !  »  Cf.  César  de  Nostredame,  Histoire 
de  Provence,  p.  584. 

^  enaisin  est  une  fois  à  la  rime  (cxlu,  22);  on  ne  peut  douter  que  ïn  ne  soit 
ici  un  ajout  du  scribe,  la  rime  correspondante  étant  ti. 


PSÂ.UMBS   DE   LA   PENITENCE  211 

Le  ms.,  qui  paraît  être  de  la  fin  du  XlVe  siècle,  est,  je  l'ai  déjà  dit, 
fort  incorrect.  C'ejpt  évidemment  une  copie  faite  par  un  scribe  très- 
négligent,  d'un  texte  antérieur  d'une  centaine  d'années  peut-être,  et 
dont  il  a  souvent  rajeuni  la  graphie,  sinon  la  langue  elle-même.  Un 
relevé  rapide  des  principaux  traits*  de  l'une  et  de  l'autre  ne  sera  pas 
ici  hors  de  propos. 

1 .  Les  groupes  la,  io,  te-,  sont  presque  toujours  de  deux  syllabes, 
conformément  aux  règles  de  la  prosodie  lyrique.  Ps.  ci,  1,  maùra- 
tion  peut  être  l\im*oration;  on  peut  aussi  facilement  faire  disparaître 
la  synérèse  dans  cxxix,  8  et  28,  en  supprimant  et  au  premier  de  ces 
vers,  et  en  substituant  dans  le  second  ma,  sans  élision,  à  la  mieua. 

2.  J*ai  signalé  tout  à  l'heure  la  substitution  habituelle  de  la  triph- 
thongue  ieu  (y eu)  à  la  diphthongue  ew,  et  montré  que  ceci  doit  être 
le  fait  du  scribe.  Il  faut  aussi  probablement  lui  attribuer  l'y,  qui  pres- 
que partout  remplace  l't  devant  une  voyelle,  même,  comme  dans  sya, 
Syon,  là  où  il  n'est  pas  consonne. 

3.  Je  viens  aussi  de  parler  de  Vh  initiale.  Cette  A,  auv.  17  du  ps.a, 
gêne  la  mesure  en  faisant  obstacle  à  l'élision.  Nouvelle  preuve  qu'elle 
n'est  due  qu'au  copiste. 

4.  Ct  latin  nous  donne  partout  ch:  drech^  fach,  frach.  Il  en  est  de 
même  de  gi  atone  (  fuch  =  fugio  etfugit)  et  du  tide  toti  (tuch). 

5.  Le  t  final  (  =  lat.  tum,  tem,  ti  )  est  très-fréquemment,  comme 
dans  les  Litanies  qui  suivent,  écrit  tz.  D'autres  mss.  présentent  la 
même  particularité.  Tel  est,  en  grande  partie,  le  ms.  1745  de  la  B.  N., 
où  cette  bizarre  substitution  àe  tz  k  t  o,  lieu  même  dans  le  corps  des 
mots.  Ceci  répond-il  à  une  réalité  phonique,  ouïe  z  n'est-il  là  qu'une 
sorte  d'enjolivement  calligraphique?  Cette  dernière  hypothèse  peut 
être  en  bien  des  cas  la  plus  admissible.  Mais  la  première  ne  paraît 


^  Les  particulantés  de  langue  ou  de  graphie  à  mettre  au  compte  du  copiste 
se  laissent  assez  facilement  reconnaître,  grâce  à  Tinconséquence  dont  il  a  fait 
preuve  en  maintenant  à  côté  des  formes  nouvelles,  qui  probablement  lui  sont 
propres,  des  formes  plus  anciennes,  que  nous  sommes  autorisés  dès  lors  à 
attribuer  à  l'auteur.  Ainsi,  eu  (ego),  à  côté  de  heu,  hieu,  yeu;  Deu  à  côlé  de 
Dieu  et  Dyeu  ;  pareillement  Ieu  et  gj^eu  rimant  avec  yeu,  mieu,  hyeu  et 
Dieu;  à  côté  de  hos  (ci,  11),  de  hins,  hiest,  horacion,  adhubiHras,  les  formes 
sans  h  de  ces  mêmes  mots  ou  d'analogues.  J'ai  déjà  cité  heu  et  hieu.  Ces  h 
ont  été  sans  doute  ajoutés  par  le  copiste,  conformément  à  Torthographe  qui 
prévalait  de  son  temps,  en  son  pays,  et  qui  devait  d'ailleurs,  en  beaucoup  de 
cas  du  moins,  figurer  une  prononciation  réellement  aspirée,  comme  le  prouve 
le  renforcement  de  cette  h  en  v  dans  plusieurs  textes,  p.  ex.,  vont  =  hont  = 
ont  {unde),  vo  =  ho  =i  o  {hoc  ou  aut),  vueil  =  hueil  =  ueil  =  oil  {peu- 
lum). 


212  PSAUMES   DE  LA    PENITENCE 

pas  pouvoir  être  écartée  par  une  simple  fin  de  non-recevoir  * .  La 
question  est  complexe  ;  elle  a  de  l'intérêt  et  de  l'importance,  et  je  ne 
veux  pas  la  traiter  ici  incidemment.  J'y  reviendrai  prochainement 
dans  une  dissertation  spéciale.  Il  est  d'ailleurs  évident  que  les  tz  = 
t  de  notre  mss.,  qu'ils  soient  calligraphiques  ou  phoniques^  sont  du 
fait  du  copiste  et  non  de  l'auteur. 

6.  Le  d  s'assimile  à  Yn  précédente  dans  reprennas  (ci,  89),  trait 
dialectal  déjà  noté. 

7.  S  médial  tombe  dans  pregonea,  autre  trait  dialectal  pareille- 
ment signalé.  Cette  consonne  est  abusivement  remplacée  par  z  en 
finale-  dans  envez  (cxxix,  28),  francz  (ci,  69),  et  anticz  fcxLii,  17). 
Unie  à  c,  elle  donne  ch  dans  prech  et  antich  (ci,  3  et  76)  =  precs  et 
antics, 

8.  Au  contraire  1'^,  beaucoup  plus  fréquemment,  se  substitue  au  z. 
Mais  l'étude  des  rimes  prouve  que  l'auteur  ne  confondait  pas  ces 
deux  lettres.  On  serait  par  conséquent  autorisé  à  rétablir  le  z  partout 
où  l'étymologie  l'appelle,  p.  ex.,  ps.  l,  vv.l,  13,  24,  26  ;  ps.  ci,  vv.  3, 
4, 7,88-9,  à  la  rime  ;  ps.  cxxix,3-4,  à  la  rime  également;  et  par  suite, 
dans  l'intérieur  du  vers,  ps.  ci,  vv.  5,  6,  35;  etc.,  etc. 

9.  Notre  texte  a  deux  exemples,  déjà  relevés  ci-dessus,  de  la  mu- 
tation de  V  (/)  final  en  s.  C'est  sers  =  servum  aux  vers  6  et  53  du 
ps.  cxLii.  Il  y  en  a  de  pareils  dans  la  Yie  de  saint  Honorât  et  dans 
d'autres  textes  de  la  Provence. 

Le  mot  pregonea  (cxxix,  1)  nous  oifre  un  exemple  de  f  devenant  g, 
non  pas  immédiatement,  bien  entendu,  car  la  série  est  f-h-g.  On  peut 
voir  d'autres  exemples  de  ces  phénomènes,  que  l'on  constate  sporadi- 
quement à  peu  près  partout,  dans  ma  Gramm.  limousine,^.  359. 

10.  M  passe  à  n,  dans  renemhrei,  autre  trait  provençal  également 
signalé  déjà.  En  finale,  même  mutation  dans  an  pour  am  (ci,  18,  34; 
etc.);  et  dans  non  pour  nom  (ci,  28). 

11.  L'w  instable,  c'est-à-dire  celle  qui  n'est  pas  suivie  en  latin  d'une 
autre  consonne,  ne  tombe  pas  dans  notre  texte.  C'est  encore  là  un 
caractère  essentiellement  provençal.  Les  deux  seules  exceptions  qu'on 
remarque  {e  pour  en,  ci,  24,  et  nco  pour  mon,  cxlii,  2)  doivent  proba- 

1  Peut-être  aussi  est-ce  une  fausse  analogie  qui  a  introduit  cette  graphie, 
dans  une  partie,  tout  au  moins,  des  mss.  où  nous  la  rencontrons.  On  peut 
supposer  que  plusieurs  de  ceux  qui  la  pratiquaient  ne  connaissaient  plus  la 
distinction  des  cas,  déjà  tombée,  dans  l'usage  courant  de  la  langue,  en  dé- 
suétude, et  que  trouvant  écrits  par  tz,  dans  les  originaux  qu'ils  transcrivaient» 
des  mots  qui,  de  leur  temps  et  dans  leur  bouche,  ne  prenaient  plus  qu'un 
simple  t,  ils  auront  considéré  tz  comme  un  équivalent  de  t  et  se  seront  crus 
dès  lors  autorisés  à  l'y  substituer. 


PSAUMES   DE   LA   PENITENCE  213 

blement  s'expliquer  par  un   oubli  du  tilde  sur  la  voyelle*.  J'ai  déjà 
parlé  de  la  forme  aysin. 

12.  La  figuration  de  Vn  mouillée  est  toujours  n^;  celle  de  17 
mouillée  Ih.  Les  autres  textes  de  la  Provence  préfèrent  en  général, 
pour  ces  consonnes  doubles,  in  et  ill  (ou  yn,  yll). 

13.  Les  règles  de  la  déclinaison  sont  le  plus  souvent  transgressées 
par  le  copiste.  Se  conformant  à  l'usage  qui  prévalait  de  son  temps,  il 
donne  le  s  au  sujet  pluriel  (l,  42,  46  ;  ci,  3,  58,  77,  97,  108,  106; 
etc.,  etc.)  et  le  retire  au  sujet  singulier  (ci,  14,  cxlii,  16;  etc.).  11  y 
aurait  sans  doute  beaucoup  plus  d'infractions  de  cette  dernière  sorte, 
si  notre  scribe  n'avait  pas  eu  pour  le  groupe  tz  le  goût  maladif  que 
j'ai  déjà  signalé.  Tandis,  en  eifet,  qu'il  supprime  volontiers  Y  s,  il  con- 
serve généralement  le  z  après  t.  J'ai,  comme  il  a  été  dit  plus  haut, 
rétabli  ou  supprimé  ces  consonnes  partout  où  il  était  nécessaire  et 
possible  en  même  temps.  Je  n'ai  pas  ajouté  Vs  à  cor  (ci,  14;  cxlii, 
16),  parce  que,  d'après  le  Donat  provençal  comme  d'après  les  Leys 
d*amors,  ce  mot  était  considéré,  —  par  quelques-uns  du  moins  (car 
les  textes  des  XII*  et  XI II©  siècles  montrent  que  ce  n'était  point  une 
habitude  générale),  —  comme  indéclinable  au  singulier.  Je  ne  l'ai  pas 
ajouté  non  plus  à  antich  (ci,  76),  parce  que,  ainsi  que  je  l'ai  dit  plus 
haut  (7),  je  regarde  ici  le  ch  comme  représentant  lui-même  la  com- 
binaison CS-.  Cf.  le  ch  =  tZy  et  inversement  le  tz  =  c/i,  dont  on  a 
ailleurs  quelques  exemple-;.  (Yoj,  Revue  des  langues  romanes,  XVI, 
79).  Pour  le  même  motif,  je  considère  comme  égal  à  precs,  et  par 
conséquent  comme  devant  être  réduit  à  prec,  le  prech  sujet  pluriel 
qui  se  lit  au  v.  3  du  même  psaume.  —  Quant  à  fach  =  factus  ou 
fados  (ci,  19,  21,  26,  etc.),  à  vist  (ci,  61)  et  à  just  (cxlii,  7),  je  ne 
donne  pas  non  plus  à  ces  mots  Y  s  flexionnelle,  parce  que,  sous  cette 
forme,  l'ancienne  langue  les  traitait  volontiers  comme  intégrais, 
c'est-à-dire  comme  invariables^  au  même  titre  que  les  noms  en  s  ou 
en  0,  tels  que  naz,  braz,crots,  etc.^ 

14.  J'ai  déjà  noté,  comme  trait  provençal,  l'article  le,  sujet  singu- 
lier. Le  correspondant  féminin  li,  qui  se  trouve  plusieurs  fois,  ainsi 
que  le,  dans  les  Litanies,  ne  se  rencontre  pas  dans  notre  texte. 


*  Si  j'ai,  malgré  cela,  proposé  de  corriger  (cxlii,  41),  ^os  plutôt  que  tons, 
forme  qui  se  trouve,  avec  mo?is,  sons,  entre  autres  mss.,  dans  celui  du  Saint 
Honorât  que  M.  Sardou  a  publié,  c'est  parce  que  les  Litanies,  qui  ont  plu- 
sieurs fois  mos,  SOS,  n'offrent  pas  d'exemple  de  mows,  tons,  sons. 

2  Les  Litanies  ont  pareillement  (v.  230)  los  luoch  au  pluriel,  tandis  que  le 
singulier  du  même  mot  y  est  luoc. 

3  Cf.  dans  les  Litanies,  gauch  (72)  régime  pluriel,  et  volguest  (433)  =  vol- 
guetz. 


214  PSADMES  DB  LA.  PENITENCES 

15.  La  forme  du  cas  oblique  pour  les  pronoms  personnels  au 
singulier  est  toujours  en  i  (mi,  ti,  ce  dernier  alternant  avec  tu).  Le 
pronom  masculin  de  la  3e  pers.  au  sujet  pluriel  est  yls  (l,  22)  et  els 
(ci,  T7,  97,  103),  que  j'ai  réduits  k  yl  et  k  el.  Les  exemples  de  cette 
dernière  forme  ne  sont  pas  rares  en  d'autres  textes.  Mais  il  vaudrait 
mieux  probablement  y  substituer,  de  même  qu'à  y^,  ell  ou  elh.  Cf. 
aquelh  (ci,  31). 

16.  L'adjectif  possessif  absolu  est,  au  féminin,  mieua,  tieua  (une 
fois  las  tuas,  ci,  95).  Ce  sont  là  des  formes  qui  abondent  dans  les 
textes  de  la  Provence.  Mais  le  nôtre  n'a  pas  d'exemple  des  mêmes 
formes  féminines,  réduites  à  mieu,  lieu,  comme  on  les  trouve  assez 
fréquemment  ailleurs .  — Le  sujet  pluriel  masculin  est  en  lew,  comme 
le  régime  singulier,  sauf  une  seule  fois  où  il  est  en  iey  {miey,  ci,  30). 
Je  suis  porté  à  croire  que  les  formes  originales  étaient  partout  en  iei 
(ou  ei),et,  pour  le  féminin,  en  ua  plutôt  qu'en  ieua, 

17.  La  3e  personne  du  pluriel,  dans  les  verbes,  est  étymologique  *, 
c'est-à-dire  que  an,  en,  on  (un),  répondent  respectivement  à  des  ant, 
ent,  unt  latins  :  trehalhan,  cxlii,  52  ;  vengan,  ci,  4;  lauzavan  et 
juravan,  ci,  31-32  ;  aconten,  ci,  77;  deysendon,  cxlii,  30  ;  fugun, 
CI,  91 .  Les  seules  exceptions,  sans  doute  imputables  au  copiste,  sont 
recastenaven,  ci,  29,  et  sien,  l,  42,  et  cxxix,  6.  Cette  même  personne 
à  rind.  prés,  des  verbes  faire,  aver  et  estar,  ainsi  que  dans  les  fu- 
turs, est  toujours  en  an. 

Au  prétérit  de  la  1««  conjugaison,  la  2*  pers.  du  sing.  est  une  fois 
en  est  (ci,  38),  une  autre  fois  en  iest  [ihid.,  93).  C'est  toujours  sous 
cette  dernière  forme  que  se  présente  la  même  personne  à  l'ind.  prés, 
de  esser.  Je  pense  que  là,  comme  dans  ieu  (Dieu,  mieu,  etc.),  c'est 
au  copiste  que  Vi  est  dû  et  que  l'auteur  avait  écrit  partout  est.  Aussi 
ai-je  cru  devoir  préférer  ei  k  iei,  à  la  Ire  personne,  en  opérant  les  cor- 
rections exigées  par  la  mesure  et  la  rime  aux  vers  17-18  du  ps.  cxlii. 
Notre  texte  n'offre  qu'un  autre  exemple  du  prétérit  faible  à  la  1»*  pers. 
du  sing.  C'est  au  v.  85  du  ps.  ci,  où  le  copiste  a  commis  une  faute 
d'un  autre  genre,  écrivant  respondieu  pour  respondiey,  que  j'ai  ré- 
tabli. Voy.  ci-après  la  note  sur  ce  vers  2. 

L'imparfait  du  subjonctif  prend  l'a  en  finale  :  desliessa,  salvessa, 
CI,  75-76;  volguessas,  l,  32'. 

Comme  formes  remarquables,  il  faut  noter  suey  =  soi  (sum),  d'où 

*  De  même  dans  les  Litanies^  sauf  sien  deux  ou  trois  fois. 

*  Les  Litanies  n'ont  pas  d'exemple  de  la  l'e  pers.  La  seconde,  qui  s'y  ren- 
contre très-fréquemment,  est  toujours  en  iest.  Aux  vers  448  et  450,  receubest 
et  venguest  doivent  être  corrigés  receubist  et  venguist. 

3  De  même  encore  dans  les  Litanies. 


PSAUMES   DE  LA  PENITENCE  215 

dérivent  attfz  et  set,  qui  se  disent  aujourd'hui  en  divers  lieux,  par  ex., 
sieï  en  Languedoc  (la  Provence  a  sieu),  sei  en  bas  Limousin  (cf.  ma 
Gfam,  limousine f  p.  228),  et  permoyras  (  =  permanere  habes).Je 
n'ai  jusqu'ici  remarqué  de  formes  pareilles  que  dans  des  documents 
gascons  (  armayra  =  remanere  habet;  armayri  =  r émaner e  ha- 
behat,  Bayonne,  1273  ;  Condom,  1314,  etc.).  L'y  doit  probablement  y 
représenter  un  d,  qui,  introduit  par  euphonie,  a  ensuite  repoussé  Vn 
qui  l'avait  appelé.  La  série  des  formes  serait  dans  ce  cas  permanras, 
permandras,  permadras,  permayras,  et  enfin  permoyras,  par  affai- 
blissement en  oi  de  la  diphthongue  protonique  ai,  selon  l'usage  ac- 
tuel de  quelques  dialectes.  Les  formes  gasconnes  d'infinitif,  armader, 
et  d'imparfait,  armaze,  relevées  dans  les  mêmes  documents  que  je 
viens  de  citer  (cf.  encore  ibid.;  armât  =  remanet,  armazeder  =  re- 
tnanendus),  viennent  à  l'appui  de  l'explication  que  je  propose. 

18.  Presque  partout  les  modifications  réclamées  par  la  rime  ont 
pour  effet  de  rétablir  en  même  temps  la  régularité  grammaticale.  C'est 
la  meilleure  preuve  que  notre  auteur  visait  à  être  un  écrivain  correct. 
En  deux  ou  trois  endroits  seulement,  sans  doute  plus  altérés  que  les 
autres  parle  copiste,  et  sur  lesquels  je  renvoie  aux  notes  qui  suivent 
le  texte,  il  ne  m'a  pas  été  possible  de  mettre  à  mon  gré  pleinement 
d'accord  la  grammaire  et  la  rime. 

J'ai  déjà  signalé  la  rime  de  l'a  ou  de  Vo  suivis  de  Vn  instable 
[pélicans,  van,  mayson,  generacion)  avec  les  mêmes  voyelles  suivies 
d'une  nasale  fixe  (semblans,  an,  rescont,  nom).  C'est  là,  je  le  répète, 
un  trait  franchement  provençal.  Les  Litanies  qui  suivent  nos  psaumes 
dans  le  ms.  nous  offrent  un  exemple  du  même  phénomène  au  vers 
470,  où  dan  (damnum)  rime  avec  van,  man  et  Jordan,  tous  mots 
dans  lesquels.an  =  anum  ou  anem, 

19.  Au  point  de  vue  lexico graphique,  notre  texte  peut  aussi  donner 
lieu  à  quelques  remarques.  Voici  la  liste  des  mots,  formes  ou  accep- 
tions, qui  manquent  au  Lexique  roman . 

Alligat  (cxlii,  12),  d'un  verbe  allia ar,  qui  signifierait  Zier,  enchaî- 
ner (Raynouard  n'a  que  alliar,  avec  un  autre  sens).  Mais  il  faut  pro- 
bablement Qom^ev  allô  g  at,  Voy.  la  note  sur  ce  vers. 

Aytrestal  (ci,  22).  Raynouard  n'a  que  atretal  et  altretal.  Mais  il 
donne  atrestan,  Aitre  est  déjà  dans  Boëce. 

Beure  (ci,  34),  breuvage,  boisson.  Raynouard  ne  mentionne  pas 
cette  acception,  dont  il  ne  donne  non  plus  aucun  exemple.  Cf.  le 
vers  qui  termine  la  belle  romance  la  Baga  d'or  {Revue  des  langues 
romanes^  I,  156): 

E  moun  manjâ  sera  d'erbage 
E  moun  beure  sera  de  plous. 
Gant  (pour  quant,  cxlii,  32)  a  ici  la  signification  de  parce  que. 


216  PSAUMBS  DE   LA    PENITENCE 

piilsquej  que  Raynouard  non  plus  n'a  pas  notée.  Cf.  ma  Gram,  li- 
mousine, pp.  344  et  380. 

Codonel  (ci,  12)  =  fr.  cretons  ;  traduit,  avec  le  participe  qui  Tac- 
compagne,  le  subst.  latin  cremium^  sur  lequel  voyez  Du  Gange.  Ro- 
chegude  a  enregistré  ce  mot.  Honorât  le  donne  aussi,  sous  les  deux 
formes  codonel  et  codefhel.  La  dernière  en  indique  peut-être  l'étymo- 
logie  (codena^). 

Efidenh  {cif  37),  traduit  indignatio.  Raynouard  n'indique  d'autre  ac- 
ception que  celle  de  dédain. 

Envelhi(e)ran  (ci,  99)  =  vieilliront,  s'il  ne  faut  pas  corriger  de 
préférence  velheziran,  renverrait  à  un  infinitif  erwelhir.  Raynouard 
n'a  que  des  formes  en  ezir,  tant  pour  le  simple  que  pour  les  com- 
posas. 

Esdifîcar  (ci,  60),  édifier.  Raynouard  n'a  que  la  forme  plus  correcte 
edificar.  La  même  substitution  de  es  k  un  e  initial,  considéré  à  tort 
comme  un  préfixe,  se  remarque  assez  fréquemment  dans  d'autres  tex- 
tes. Cf.  esgleia,  commun  en  catalan,  pour  egleia  (ecclesia), 

Eysohlidar  (ci,  15),  oublier.  Eysohlidatz  mi  siiy  hieu  de.. . .,  lit- 
téralement :  je  me  suis  oublié  de. . .  Pas  d'exemple  dans  Raynouard 
de  cette  tournure  réfléchie,  très-ordinaire  dans  le  langage  actuel. 

Fidar  (l,  12),  si  ma  correction  de  ^5  en  fit  est  la  bonne.  Raynouard 
n'a  que  fizar^  où  renvoie  le  fis  du  ms.,  et  fiar. 

Gemamensf  (ci,  17  et  73)  =  gémissements  ;  traduit  gemitus.  Ms. 
gensamens,  aux  deux  endroits,  ce  qui  ne  pouvant  donner  aucun  sens 
satisfaisant,  est  sans  doute  une  bévue  du  copiste.  Gemamens,  cor- 
rection mieux  indiquée  que  gememens,  ou  gemimens,  qui  sont  dans 
Raynouard,  se  rattache  d'ailleurs  très-régulièrement  au  verbe  gemar, 
que  Raynouard  n'a  pas  non  plus,  il  est  vrai,  mais  qui  est  aujour- 
d'hui très-usité. 

Mulhadura  (cxLii,  24),  humidité,  mouillure.  Raynouard  :  moylla- 
dura,  avec  un  seul  exemple,  tiré  de  Raimon  Féraut. 
Pregonea  (cxxix,  1),  profondeur.  Raynouard  donne  ce  mot    sous 

*  On  lit  dans  une  ancienne  traduction  des  psaumes  en  vers  français,  impri- 
mée à  la  suite  du  Psautier  d'Oxford  (p.  328): 

Car  mi  jour  sicum  funs  faillirent, 
Et  mi  os  cum  chaous  sechirent. 
Ce  chaous  (lis.  chaons?)  a-t-il  quelque  rapport  avec  le  codonel  provençal? 
Dans  ce  cas,  ce  dernier  serait  un  diminutif  d'une  forme  codon.  Le  Psautier 
d'Oxford  traduit  ainsi  le  même  verset  :  «  Kar  defistrent  sicume  fums  li  mien 
jur,  e  li  mien  os  sicume  cretun  seccherent.  »  Celui  de  Cambridge,  qui  suit  la 
version  de  saint  Jtrôme,  où  il  y  a  frixa  au  lieu  de  cremium,  rend  le  mot  par 
fritures . 


PSAUMES   DE  LA   PENITENCE  2!7 

deux  formes;  preondeza,  qu'il  traduit  exactement,  et  pregonessa, 
dont  il  méconnaît  absolument  le  sens,  y  voyant  l'équivalent  et  le  dé- 
rivé du  lat.  prœconium.  Rochegude  n'a  pas  commis  la  même  faute. 

Recastenar  (ci,  2^) j  reprocher,  adresser  des  reproches.  Raynouard: 
recastinar. 

Salutaria  (ci,  28J,  salutaire.  Mais  il  faut  probablement,  comme  il 
est  dit  en  note,  corriger  solîtaria.  Salutari  manque  à  Raynouard  et 
aussi  à  Rochegude . 

Talpen  (ci,  24),  crevasse;  traduit  non  le  domicilio  de  la  Vulgate, 
mais  le  parietinis  d'une  autre  version  latine,  plus  conforme  à  celle 
des  Septante.  Ce  mot  dérive  de  talpa,  qui  a  eu  aussi  le  même  sens, 
comme  on  peut  le  voir  dans  Raynouard,  chez  qui  manque  talpen, 

Tremer  (ci,  55),  trembler.  Raynouard  n'a  que  tremir. 

Je  me  suis  attaché,  comme  on  le  fait  d'ordinaire  pour  les  édi- 
tions princepsy  à  n'introduire  dans  le  texte  même  que  le  moins  possi- 
ble de  corrections,  à  part  celles  qui  consistent  seulement  à  indiquer 
par  des  parenthèses  ou  des  crochets  le  retranchement  ou  l'addition 
.  de  lettres.  Les  plus  importantes  de  celles  qu'exigerait  une  édition 
critique  sont  indiquées,  implicitement  tout  au  moins,  dans  les  remar- 
ques qui  précèdent  ou  proposées  dans  les  notes. 

J'ai  cru  devoir  imprimer  le  texte  de  la  Vulgate  au-dessous  de  la 
version  provençale,  qui  serait  quelquefois,  sans  l'aide  du  latin,  d'une 
intelligence  un  peu  malaisée.  J'ai  aussi,  dans  le  provençal,  distingué 
et  numéroté  les  versets,  sans  égard  à  la  division  strophique  (qui  n'est 
pas  d'ailleurs,  on  l'a  vu  plus  haut,  toujours  uniforme),  comme  ils  le 
sont  dans  les  éditions  de  la  Vulgate,  afin  de  faciliter  les  références. 

M.  G.  Guichard  a  eu  l'obligeance  de  revoir  sur  le  ms.  quelques  pas^ 
sages  de  ma  copie,  et  il  en  a  heureusement  amendé  plusieurs.  Il  a 
aussi  transcrit  pour  moi  les  26  premiers  vers,  qui,  par  suite  du  dépla- 
cement du  folio  qui  les  contient,  m'avaient  échappé.  Le  savant  con- 
servateur du  Musée  Calvet,  M.  Augustin  Delloye,  a  bien  voulu  prêter, 
pour  ce  double  travail,  son  concours  à  M.  Guichard.  C'est  un  devoir 
pour  moi  d'adresser  ici  publiquement  à  l'un  et  à  l'autre  l'expression 
de  ma  gratitude. 

C.  C. 


' 


218  PSAUMES   DE   LA   PÉNITENCE 


fPSALM  L] 


10 

(P*  11,  p*)        Et  alegransasi  ti  plas; 

Gran  gauch  auray,  cant  o  faras, 
Totz  los  osses  humiliatz. 

11.  Senher,  si  (a)  ti  yen  en  plazer, 
5    Ta  fas  torna  dels  mieus  peccatz, 

Et  destruy  per  lo  tie[u]  poder 
Las  mieuas  grans  enequitatz. 

12.  Senher,  tal  cor  mi  faj  aver 
Que  sia  net[z]  con  flor[s]  novella, 

10    Drech  esperit  per  ton  plazer 
Dintre  mon  ventre  reno[ve]lla. 

PSALMUS   L 

3.  Miserere  mei,  Deus,  *  secundum  magnam  misericordiam  tuam. 
Et  secundum  multitudinem  miserationum  tuarum,  *  dele  iniquitatem 

meam. 

4.  AmpUuslava  me  ab  iniquitate  mea,  *et  apeccato  meo  munda  me* 

5.  Quoniam  iniquitatem  meam  ego  cogno'sco,  *  et  peccatum  meum 
contra  me  est  semper. 

6.  Tibi  soli  peccavi,  et  malum  coram  te  feci  :  *  ut  justificeris  in  ser- 
monibus  tuis,  et  vincas  cum  judicaris. 

7.  Ecce  enim  in  iniquitatibus  conceptus  sum  ;  *  et  in  peccatis  con- 
cepit  me  mater  mea. 

8.  Ecce  enim  veritatem  dilexisti  ;  *  incerta  et  occulta  sapientiae  tuae 
manifestasti  mihi. 

9.  Asperges  me  hyssopo,  et  mundabor  ;  *  lavabis  me,  et  super  ni- 
vem  dealbabor. 

10.  Audituimeodabis  gaudium  et  laetitiam,  *  et  exultabunt  ossa  hu- 
miliata. 

11.  Averte  faciem  tuam  à  peccatis  meis,  *  et  omnes  iniquitates  me  as 
dele . 

12.  Cor  mundum  créa  in  me,  Deus,  *  et  spiritum  rectum  innova  in 
visceribus  meis. 


PSAUMES   DE  LA.  PENITEiNGES  219 

18.  G-iorios  Di6u[s]  en  cui  mi  fis, 
Nom  gitar  de  la  tieua  fas, 
[V®]  El  tyeu  sant  honrat  [e]spirit 

15    Non  mi  toUas,  si  a  tu  plaz. 

14.  Rent  mi  lo  gauch  especial, 
Senher,  de  la  tieua  salut, 
D'esperit  ferm  e  principal 
Conforma  mi  e  ma  vertut. 

20        16.  Als  félons  en8enh[ar]ay  yeu, 
Bel[s]  Senher  Dieu[s],  las  tieuas  vias, 
Et  yl(s)  a  tu  tantost  e  leu 
Si  convertran  de  lur  folias. 

16.  Delieura  mi  de[l]s  sancs,  sit(i)plas, 
25    Dieu[s],  Dieu[s]  de  la  mieua  salut  ; 

(Et)  alegrara(s)  ma  lengua  en  pas 
[F»  1,  P°]  Ton  drech  e  la  tieua  vertut(z). 

17.  Mas  lavias  adhubriras, 
Senher,  cant  a  tu  plazera, 

30     E  ta  lauzor,  cant  o  faras, 
La  mieua  boca  (o)  contara. 

18.  Car  situ  volg[u]essa[s]  aver 
Sacrifices,  yeu  donarai  ben  ; 
Ma[s]  yeu  en  os  so  say  ben  ver 

35    Non  ti  delicharas  per  ren. 

13.  Ne  projiciaa  me  a  facie  tua,  *  et  Spiritum  Sanctum  tuum  ne  au- 
feras  a  me. 

14.  Redde  mihi  Isetitiam  salutaris  tui,  *  et  spiritu  principali  con- 
firma me. 

15.  Docebo  iniques  vias  tuas,  *  et  impii  ad  teconvertentur. 

16.  Libéra  me  de  sanguinibus,  Deus,  Deus  salutis  me»,  *  et  exul- 
tabit  lingua  mea  justitiam  tuam. 

17.  Domine,  labia  mea  aperies,  *  et  os  meum  annuntiabit  laudem 
tuam. 

18.  Quoniam  si  voluisses  sacrificium,  dedissem  utique  ;  *  holocaus- 
tis  non  delectaberis. 


220  PSAUMES    DE    LA    PENITENCE 

19.  [E]sp[e]rit[z]  d'orne  trebalhat 
Es  sacriôci  a  Dieu  plazent  ; 
Dieu[s],  cor  frach  et  humeliat(z) 
Non  (en)tendras  en  desprezament. 

[V®]       40        20.  Senher,  a  Sion  francament 
Fay,  en  ta  bona  voluntat(z), 
Quel  mur(s)  sien  complidament(z) 
De  Jeruzalem  acabat(z). 

21 .  Adonx  penras  lo  sacrifis 
45    De  drechura  e  los  dons  grans  ; 
A(n)donx  seran  vedel^s)  complis 
Sobre  lo  tyeu  autar  pauzat(z). 

[PSALM   CI] 

2.  Senher,  aujas  ma  oration 
E  ma  clamor  tota  sazon, 
Que  totz  los  prech  que  heu  ti  fas 
A  ti  vengan,  si  a  tu  plas. 

5        3.  Bel[s]  Senher  Dieus,  si  plas  a  ti, 
[F®  2]  Tu  non  torna  ta  fas  en  mi  ; 

T'aurelha  a  mi,  si  ti  plas, 
Enclina  quant  er  trebalhatz, 
To[t]  jorn  que  apellaray  tu. 


19.  Sacrificium  Deo  spiritus  contribulatus  :  *  cor  contritutn  et  hu- 
miliatum,  Deus,  non  despicies. 

20.  Bénigne  fac,  Domine,  in  bona  voluntate  tua,  Sion,  *  ut  aedifî- 
centur  mûri  Jérusalem. 

21.  Tune  acceptabis  sacrificium  justitiae,  oblationes  et  holocausta; 
*  tune  imponent  super  altare  tuum  vitulos. 

PSALMUS    CI 

2.  Domine,  exaudi  orationem  meam,  *  et  clamor  meus  ad  te  veniat. 

3.  Non  avertas  faciem  tuam  a  me  ;  *  in  quacumque  die  tribulor,  in- 
clina ad  me  aurem  tuam. 


PSAUMES    DE   LA   PENITENCE  221 

4 

10    Aysin  con  fum[s]  que  defalh  leu, 
E  li  mieu  hos  son  tuch  secat(s) 
Ajsi  con  codonel  cremat(z). 

5.  Enaysin  con  fen[s]  sujferit[z], 
Mon  cor  es  secat[z]  efalhit[z], 

15    Car  e7Soblidat[z]  mi  suy  hyeu 
Del  tôt  de  manjar  lo  pan  mieu  . 

6.  Del[s]  gemament[z]  que  heuay  m'eriat[z], 
S'es  an  ma  carn  Tos  ajostatz. 

[V]  7.  Heu  suy  fach  al  àusel  semblantz 

20    De  Tausel  c'a  nom  pelican[s], 
E  sy  suy  [heu]  fach  per  egual 
Enaysin  e  tôt  aytrestal 
Con  nuchola  que  si  rescon(t} 
E  lo  talpen  de  la  mayson. 

25        8.  Heu  ay  velhat  ben  lo[n]gamens 
E  si  suy  fach  tôt  eysamens 
Con  la  pacera  en  mayson, 
Que  salutaria  a  non. 

9.  Recastenaven  mi  tôt  jorn 
30    Myey  enemix  qu'e[ra]n  entorn, 
E  tuch  aquelh  que  mi  lauzavan 
[F**  3]    Ed  contra  mi  ben  fort  juravan . 

In  quacumque  die  invocavero  te,  *  velociter  exaudi  me  : 

4.  Quia  defecerunt  sicut  fumus  dies  moi,  *  et  ossa  mea  sicut  cremium 
aruerunt. 

5.  Percussus  sum  ut  fœnum,  et  aruit  cor  meum,  *  quia  oblitus  sum 
comedere  panem  meum. 

6.  A  voce  gemitus  mei,  *  adhaesit  os  meum  earni  meae. 

7.  Similis  factus  sum  pellicano  solitudinis,  *  factus  sum  sicut  nyc- 
Idcorax  in  domicilio. 

8.  Vigilavi,  *  et  factus  sum  sicut  passer  solitarius  in  tecto. 

9.  Tota  die  exprobrabant  mihi  inimici  mei:  *  et  qui  laudabant  me 
adversum  me  jurabant. 


2Î2  PSAUMES    DE  LA   PBNITENCB 

10.  Car  senre(s)  aysin  con  pan  manjava 
E  lo  mieu  beure  an  plor  mesclava. 

35        1 1 .  De  la  fas  de  ta  ira  greu 
E  de  la  fas  de  Tendenh  t(y)eu, 
Car  cant  tu  mi  aguist  levat(z), 
Mi  deroquest  per  mon  peccat(z). 

12.  Li  mieu  jorn  son  declinat(z)  tuch 
40    Enaysin  con  umbra  [quej  fuch, 

Ett  jeu  suey  en  ajsi  secatz 
Con  es  lo  fen[s]  e  desanatz. 

13.  Mas  tu,  Senher,  sertanamens 
Hi[e]st  e  seras  durablamens  ; 

[Vj     45    El  memorial[s]  del  tieu  nom 
En  tota  generacion. 

14.  Senher,  can  tu  ti  levaras, 
De  Syon  pietat  auras, 

Car  temps  de  [pietat  aver, 
50    Car  vengut[z]  es  lo  temps  en  ver. 

15.  Car  als  sers  que  tu  as  agut(z) 
An  las  peyras  d'ella  plagut(z), 

E  de  sa  terra  bonament 
Auran  mer  ce  e  cauzimen[t]. 

55         16.  Bel|s]  Senher,  las  gens  temeran 
Lo  tieu  sant  nom  e  tr[e]meran, 
E  ta  lauzor  tota  sazon 

10.  Quia  cinerem  tanquam  panem  manducabam,  *  et  potum  meum 
cum  âetu  miscebam. 

1 1 .  A  facie  irse  et  indignationis  tuae  ;  *  quia  elevans  allisisti  me. 

12.  Dies  mei  sicut  umbra  declinaverunt  ;  *  et  ego  sicutfœnum  ami. 

13.  Tu  autem,  Domine,  in  aetemum  permanes,  *et  memoriale  tuum 
in  generationem  et  generationem. 

14.  Tu  exurgens  misereberis    Sion,  *  quia  tempus  miserendi  ejus, 
quia  venit  tempus. 

15.  Quoniam  placuerunt  servis  tuis  lapides  ejus,  *  etterrse  ejusmi- 
serebuntur. 

16.  Et  timebunt  gentes   nomen   tuum,  Domine,  *  et  omnes  reges 
terrse  gloriamtuam. 


PSAUMES    DE    LÀ  PENITENCE  223 

[F<*  4]  Trastotz  los  reys  qu'en  terra  son. 

17.  Car  nostre  Senher  a  fondada 
60    Sjon  e  Ta  esdificada, 

E  sera  vistsertanamens 
En  sa  gloria  honradamens. 

18.  Las  horacions  dels  francz  (re)gardet, 
E  lo  lur  prec  non  mesprezet. 

65        19.  Ayso  sia  escrich  a  bandon 
En  autra  generacion, 
El  pobol[s]  que  creatz  sera 
Nostre  Senhor  en  lausara, 

20.  Car  el  a  vist(z)  [et]  esgardat(z) 
70    Del  sieu  sant  luoc  aut  et  onrat(z); 

[V**]  Nostre  Senhor  del  cel  la  sus 

A  esgardat  en  terra  jus, 

21 .  Quez  el  auzîs  los  gemamens 
Dels  enferriatz  malamens, 

75    E  per  so  quez  el  desliessa 

Los  fils  dels  antich  el[s]  salvessa  ; 

22.  Quez  el(s)  aconten(s)  ad  onor 
En  Sjon  lo  nom  del  Senhor, 

E  ta  lauzor[s]  sancta  et  honrada 
80    Sja  en  Jeruzalem  contada« 

17.  Quia  sedificavit  Dominus  Sion,  *  et  videbitur  in  gloria  sua. 

18.  Respexit  in  orationem  humilium;  *  et  non  sprevit  precem  eo- 
rnm. 

19.  Scribanturhsec  in  generatione  altéra;  *  et  populus,  qui  creabi- 
tur,  laudabit  Dominum, 

20.  quia  prospexit  de  excelso  sancto   suo  ;  *  Dominus  de  cœlo  in 
terram  aspexit, 

21 .  ut  audiret  gemitus   compeditorum,  *  ut  solveret  filios  inter- 
emptorum  ; 

22.  ut  annuntient  in  Sion  nomen  Domini,  *  et  laudem  ejus  in  Jeru- 
galem. 


824  PSAUMES    DS    LÀ    PENITENCE 

23.  En  ajustant  ,i.  cada  un 
Totz  lo  popols  que  son  en  .i. 
Els  reys  que  son  per  terra  onrat(z), 
[F®  5]  Per  servir  lo  Senhor  en  grat(z). 

85        24.  Yeu  respondiey  e  dis  a  Dyeu, 
En  la  via  del  podersieu: 
]Dyeu[s],  la  pauqueza  delsmieus  jors 
Mi  faj  saber  que  son  tan  cors. 

25.  Non  mi  reprennas,  Senber  Dieus, 
90     Hins  en  la  mieytat  dels  jors  mieus, 

Que  tan  tost  fugun  e  son  van, 
En  Tengenrament  del  tieu  an . 

26.  Senber,  tu  fundiest  fermament 
La  terra  en  lo  comensament, 

95     Et  obras  de  las  tuas  mans 

Son  los  cels  que  istan  sobrans. 

[Vo]  27.  El(s)  periran,  mas  tu  seras 

Et  per  totz  segles  permojras  ; 
Tucb  envelbi(e)ran  verament 
100     Ajsi  con  fa  le  vestimens. 
Et  en  ajsin  con  tu  voiras, 
Con  cubertor  los  mudaras. 
Et  el(s)  seran  del  tot(z)  mudat(z). 

28.  Mas  tu,  Senber,  per  veritat(z) 
105    Hiest  un  mezeis  onrat  e  graz 
E  los  tiens  ans  non  falbiran . 

23.  In  conveniendo  populos  in  unum  et  reges,  *ut  serviant  Domino. 

24.  Respondit  ei  in  via  virtutis  suse:  *  Paucitatem  dierum  meorum 
nuntia  mihi. 

25.  Ne  revoces   me  in  dimidio  dierum  meorum;  *  in  generationem 
et  generationem  anni  tui . 

26.  Initio  tu,  Domine,  terram  fundasti,  *  et  opéra  manuum  tuarum 
sunt  cœli. 

27 .  Ipsi  peribunt,  tu  autem  permanes  ;  *  et  omnes  sicut  vestimen- 
tum  veterascent. 

Kt  sicut  opertorium  mutabis  eos,  et  mutabuntur; 

28.  tu  autem  idem  ipse  es,  et  anni  tui  non  déficient. 


PSAUUBS    DE   LA    PBNITENCB  225 

29.  Li  âls  dels  ti&us  sers  estaran 
Et  an  ^an  pas  habitaran. 
(La)  lur  semensa  a  vida  sera 
[F"*  6]    110    Et  el  segle  s'adrejsara. 

[PSALM   CXXIX] 

1.  De  pregonea  de  peccat 
Senher  Dieu[s],  ay  a  tu  cridat(z): 

2.  Aujas,  Senher,  la  mîeua  vos 
E  garda  mi  del  mortal  pos. 

5    Dieu  que  [a]  tot[z]  [los]  precs  ententz, 
Sien  fâchas  ben  enteDdent[z] 
Tas.  aurelhas  tota  sazon, 
En  vos  de  la  mieua  oracion. 

3.  Si  tu  esgardas,  Senher  D(i)eus, 
10    Las  enequitatz  els  fach  greus 

Que  case  uns  fa  tro  al  morir, 
Senher,  cal[s]  poyra  sostenir? 

[V®]  4.  Car  enves  ti  es  pietatz 

E  misericordia  e  pas, 
15    E  per  ta  lej  qu'  yeu  ay  volgut(z), 
Senher,  ti  ay  yeu  sostengut(z). 
En  la  paraula  a  tota  via 
De  Deu  sostengut(z)  Farma  mia  : 

5.  L'arma  mia  a  fort  esperat(z) 
20    En  lo  Senhor  fort(z)  e  onrat(z). 

29,  Filii  servorum  tuorum  habitabunt  ;  *  et  semen  eonim  in  saeculum 
dirigetur. 

PSALMUS  CXXIX 

1.  De  profundis  clama vi  ad  te,  Domii^e  : 

2.  Domine,  exaudi  vocem  meam. 

Fiant  aures  tuse  intendantes  *  in  vocem  deprecationis  mese. 

3.  Si  iniquitates  observaveris,  Domine;  *  Domine,  quis  sustinebit? 

4.  Quia  apud  te  propitatio  est  ;  *  et  propter  legem  tuam  sustinui  te, 
Domine. 

Sustinuit  anima  mea  in  verbo  ejus  : 

5.  speravit  anima  mea  in  Domino. 

18 


226  PSAUMES  DE  LÀ   PÉNITENCE 

6.  De  la  garda  del  bon  matin 
Entro  a  la  nuech  de  la  fin, 
Aîa  Israël  ses  duptansa 
En  notre  Senhor  esperansa. 

25        7.  Car  enves  Dyeu  es  pietat[z] 
[F*  7]  E  misericordia  e  pas, 

Et  aondosa  redempcion[s] 
Es  envez  el  tota[s]  sazon[8]. 

8.  Et  el,  cant  a  luy  plazera, 
30    Tot(z)  Israël  resemera 
De  las  sieuas  enequitas 
E  de  trastotz  los  sjeus  peccatz. 

[PSALM  CXLII  ] 

1.  Senher,  aujas  so  qu'eu  ti  prec, 
An  tas  aurelhas  pren  mo  prec, 
En  ta  veritat(z)  fina  e  pura. 
Mi  aujas  et  enta  drechura. 

5        2.  E  non  intres  en  jugament[z] 
An  lo  tieu  sers,  car  om  viventz 
[V®]  Non  es  trobatz  just  ses  peccat[z] 

Davant  la  tieua  sancta  fas. 

3.  L'enemic[s]  a  m'arma  encausada  j 
10    En  terra  a  ma  vida  baysada  ; 
Aysin  con  mors  que  son  annat(z) 

6.  A  custodia  matutina  usque  ad  noctem  :  *  speret  Israël  in  Do- 
mino. 

7.  Quia  apud    Dominum  misericordia,  *et  copiosa  apud  eum  re- 
demptio. 

8.  Et  ipse  redimet  Israël  ex  omnibus  iniquitatibus  ejus. 

PSALMUS  CXLII 

1 .  Domine,  exaudi  orationem  meam  ;  auribus  percipe  obsecratio- 
nem  meam  in  veiitate  tua  :  *  exaudi  me  in  tua  justitia. 

2.  Et  non  intres  in  judicium  cum  servo  tuo  :  *  quia  non  justificatur 
in  conspectu  tuo  omnis  vivens . 

3.  Quia  persécutas   est  inimicus  animam   meam;  *  bumiliavit  in 
terra  viam  meam. 


PSAUMES  DE  LÀ    PENITENCE  227 

D'aquest  segle  m'a  alligat(z) 

En  luoc  escur  que  es  fort  greu[8]. 

4.  Desobre  mi  resperit[z]  m(i)eu[s] 
15    Fach  angoysos  e  trebalhatz, 

En  mi  es  lo  mieu[s]  cor  torbat[z]. 

5.  Dels  jors  ancticz  mi  reDembr[e]i 
En  totas  tas  obras  (hieu)  pens[e]i  ; 
[Et]  en  los  fach  que  yeu  pensava 

[F®  8]      20    De  las  tieuas  mans  mi  gardava. 

6.  Mas  mans  ay  estendut  a  ti  ; 
La  mieua  arma  es  enaysi(n 

A  tu  con  terra  seca  e  dura, 
Sens  aygua  e  sens  mulhadura. 

25        7.  Aujas  mi  to[s]t,  bel[s]  Senher  Dieu[s], 
Que  falhitz  es  resperit[z]  mieu[s]. 
Dieu  [s],  per  la  tyeua  pietat, 
Tu  non  girar  de  mi  ta  fas, 
Qu'eu  séria  ad  aquels  semblans 

30     Que  deysendon  en  lo  lac  gran. 

8.  Fay  mi  auzir  ta  pietat(zj 
Matin,  cant  ay  ti  esperat(z); 
[V*]  Fay  [a]  mi  conoyser  la  via 

En  que  yeu  venga  tota  dia  ; 
35    Car  a  tu  ay  m'arma  levada 
Que  per  tu  sya  aconselhada. 

Gollocavit  me  in  obscuris  sicut  mortuos  sseculi  : 

4.  et  anxiatus  est  super  me  spiritus  meus,  in  me  turbatum  est  cor 
meum. 

5.  Memor  fui  dierum  antiquorum:  meditatus  sum  in  omnibus  ope- 
ribus  tuis  :  *  in  factis  manuum  tuarum  meditabar. 

6.  Expandi  manus  meas  ad  te  :  *  anima  mea  sicut  terra  sine  aqua  tibi: 

7.  velociter  exaudi  me,  Domine  :  *  defecit  spiritus  meus. 

Non  avertas  faciem  tuam  à  me;  *  et  similis  ero  descendentibus  in 
lacum. 

8.  Auditam  fac  mihi  mane  misericordiam  tuam,  *  quia  in  te  speravi. 
Notam  fac  mihi  yiam  in  qua  ambulem,  *  quia  ad  te  levavi  animam 

meam. 


228  PSAUMES   DB  LA  PÉNITENCB 

9.  Hieu  fuch  a  tu,  bel[8]  Senher  Dieu[sl, 
Tu  mi  tray  dels  enemix  mieus  ; 

10.  Far  m'ensenha  ta  voluntat(z) 
40    Car  jest  mon  Dieu  per  veritat(z) . 
Ton  esperitz  bon[s]  mi  metra 
En  terra  que  drecha  sera. 

11.  Per  lo  tieu  sant  nom,  Senher  mieu, 
Mi  faras  vyeu  en  lo  drech  tieu  ; 

45    De  tôt  trebalh  foras  trayras 
[F<>  9]  La  mieua  arma 

12.  e  destruyras 

En  ta  merce,  bel[s]  Senher  Dieus, 
Totz  ensems  los  enemix  mieus. 
50    Aquels  destruyras  totz  ensems. 
Que  mi  fan  mal  en  alcun  temps, 
Ni  que  trebalhan  Farma  mieua, 
Qu*es  del  tieu  sers^e  sera  tieua. 


9.  Eripe  me  de  inimicis  mais,  Domine  ;  ad  te  confugi  : 

10.  doce  me  facere  voluntatem  tiiam,  quia  Deus  meus  es  tu. 
Spiritus  tuus  bonus  deducet  me  in  terram  rectam  : 

11.  propter  nomen  tuum,  Domine,  vivificabis  me  in  aequitate  tua. 
Educes  de  tribulatione  animam  meam. 

12.  et  in  misericordia  tua  disperdes  inimicos  meos. 

Et  perdes  omnes  qui  tribulant  animam  meam,  *  quoniam  ego  servus 
tuus  sum. 


229  PSAUMES   DE  LA   PfiJNITfiMCE 


NOTES 


PsALM .  L.  —  V.  2-3.  Corr.  auran  ?  ou  En  totz  los  osses  (ou  mieux 
05)  ?  Cette  dernière  correction  donnerait  une  phrase  plus  correcte  ;  la 
première,  une  traduction  plus  littérale. 

V.  12.  «  mi  fis.  »  Corr.  fit j  de  fidar?  Des  formes  analogues  se 
rencontrent  dans  la  Vie  de  S.  Honorât  (p.  ex.,  audida,  131  6,  laut 
=  laudem,  166,  177)  et  d'autres  textes  de  Provence  [vedenza,  au- 
denza,  laudet.  Revue  des  Sociétés  savantes,  1870,  2,  370  ;  1877,  1, 
203).  Le  rfse  maintient  encore  aujourd'hui,  en  de  pareils  mots,  dans 
le  dialecte  de  Nice  (suda,  lauda,  audi,  etc.) —  13.  «  nom  ».  Ms.  non. 

15.  «toUas.  »  Ms.  tollat. 

21 .  «  Bel[8].  »  Ms.  Bel. 

26.  «  alegrara(s).  »  Traduction  servile  du  latin.  Et,  dont  la  mesure 
du  vers  exige  la  suppression,  n'est  pas  dans  la  version  des  Septante, 
non  plus  que  dans  la  traduction  latine  faite  sur  cette  version. 

33.  Corr.  sacrifis?  Cf.  v.  44.  —  Ihid,  <(  donarai.  »  Corr.  donarat 
(=  je  te  donnerais)?  ou  seulement  donara  ou  donaria? 

34.  «  en  os  »  {in  055a),  sous-entendu  crematzf,  Ms.  e  uos, —  35.  Il 
faut  sous  entendre  C[ue  devant  Non  ti. 

36.  «  d*ome.  »  Ms.  dons  e.  Notre  ms.  nous  offre  deux  autres  exem- 
ples de  cette  substitution  fautive  de  ns  à  m.  C'est  aux  vers  17  et  73 
du  ps .  CI,  gensamens  pour  gemamens,  supposé  du  moins  que  ma 
correction  soit  sûre. 

37.  Corr.  sacrifis,..,  plazent[z]  ? 

39.  Corr.  pendras  en  desprexament[z]? 

45.  Corr.  els  dons  en  grat  f 

46.  La  régularité  grammaticale  exigerait  complit.  Mais  la  rime  n'y 
serait  plus.  Le  copiste  a  peut-être  écrit  complis  par  erreur,  au  lieu 
d'un  nom  intégral  en  is  (iz),  ou  d'un  nom  en  ici.  Dans  ce  dernier  cas, 
il  faudrait  corriger  sacrifici  au  v.  44. 

PSA.LM.  CI.  —  V.  3.  «  Que.  »  Ms.De.  —  Corr.  tuch  li  prec.  Dans  la 
graphie  de  notre  scribe,  prech  doit  représenter  precs,  comme  il  a  été 
dit  dans  l'introduction.  Cf.  plus  loin,  v.  76,  dels  antich. 

5.  «  a  ti.  >»  Ms.  a  tu. —  6.  «  en.  »  Corr.  de?  Cf.  le  texte  latin.  — 
8.  «  er.  »  Correction  imposée  par  la  mesure.  Ms.  seray. 

9.  Il  y  a  après  ce  vers  une  lacune  de  deux  vers  au  moins.  Le  ms. 
n'en  indique  aucune  et  fait  une  stance  unique  et  distincte  des  vers 
9-12. 


230  PSAUMES   DE    LA   PENITENCE 

11.  Ms.  secacs. —  14.  «  Mon  cor.  »  Il  n'y  a  pas  lieu  de  coniger 
mos,  Tadjectif  qui  précède  immédiatement  cor  pouvant  rester,  comme 
ce  substantif  (voy.  ci-dessus,  p.  213),  invariable  au  singulier.  C'est  la 
doctrine  des  Leys  d'amors,  II,  176,  qui  donnent  cet  exemple  : /reoZ 
cor  es  le  meus.  Cf.  celui-ci,  tiré  du  Chansonnier  854  de  laB.  N., 
fo  133:  per  autra  no  s'esjau  mon  cor.  On  en  pourrait  citer  beaucoup 
d'autres.  —  17.  Ms.  gensament.  Cf.  ci-dessus  la  note  sur  l,  36.  — 
"  que  heu.  »  Corr.  qu'eu, 

19.  Corr.  semhlans. —  20.  «  del  ausel.  »  Répétition  probablement 
fautive.  Corr.  Bel  désert  ? 

28  Corr.  solitaria  ?  Ou  faut-il  laisser  cette  bévue  sur  le  compte  de 
l'auteur?  Ce  serait  bien  assez  pour  lui  d'avoir  commis  celle  de  prendre 
une  épithète  pour  un  nom  propre . 

30.  Corr.  enemic.  Cette  substitution  de  a;  à  c  se  remarque  assez 
fréquemment  en  d'autres  textes  plus  anciens,  où  l'on  va  par  suite  jus- 
qu'à écrire  xs  pour  es, 

40.  On  pourrait  aussi  corriger  con  [li]  umbra  fuch, 

57,  «  ta  lauzor.  »  Ms.  tota  l,  — 58.  Corr.  Trastuch  li  rey, 

63.  CovT, francs.  — 71.  CovT.Senher,  —  73.  Ms.  gensamem.  Cf. 
V.17. 

79.  »  Eta.  »  Corr.  E  sa, 

85.  Ms.  respondieu.  Cette  forme,  comme  imparfait,  serait  accep- 
table (cf.  ma  Grammaire  limousine,  p.  373);  mais  le  contexte  exige 
ici  le  prétérit*.  Le  traducteur  a  fait  du  reste  un  contre-sens,  ayant  lu 
sans  doute  respondir,  au  lieu  de  respondit,  dans  l'original . 

88 .  «  tan  cors.  »  La  grammaire  exigerait  tant  cort.  Mais  il  n'est 
pas  rare  que  l'attribut,  quand  il  suit  le  verbe,  se  mette  au  cas  régime. 
A  la  rigueur  on  pourrait  corriger  ques  fan. 

91.  «  son  van.  »  La  correction  s'en  van  se  présente  d'elle-même. 
La  rime  serait  meilleure,  l'a  de  van  (vani)  étant  estreit.  Mais  voy.  ci- 
dessus,  p.  210  et  215. 

95-6.  On  pourrait  corriger  de  la  tua  man. , .  li  cel. ,.  sohran.  Mais 
cf.  la  note  sur  le  v .  88,  et  aussi  l,  37. 

99.  Corr.  veramens,  — 105.  «  graz.  »  Corr.  gran  ?  Pour  l'absence 
del'^,  et  du  z  k  onrat,  cf.  88  et  96.  — 106.  Corr.  li  tieu  an,  — 110. 
«  el.  »  Ms.  en  lo, 

PsALM.  CXXIX.  —  17-18.  Construisez:  Varma  mia  a  sostengut 
tota  via  en  la  paraula  de  Deu.  — 28.  Corr.  enves, 

PsALM.  CXLII. — 5.  «  en  jugament[z].))Le  singulier  serait  préférable  ; 

•  Le  copiste  aura  ici  changé  iei  (ou  et)  en  ieu,  entraîné  peut-être  par  l'ha- 
bitude d'opérer  le  même  changement  au  sujet  pluriel  des  pronoms  possessifs. 
Cf.,  dans  les  Litanies  (v.  324),  enblieust  pour  enbliest. 


PSAUMBS  DE   LA   PBNITBNCE  231 

mais  la  rime  exige  ici  le  pluriel.  — 12.  «  alligat.  »  Corr.  allogat?  Cf. 
le  latin  coUocavit  et  voy.  ci-dessus,  p.  215.  —  14.  Corr.  Es  sobre?  ou 
bien  ^5  du  v.  16  sert-il  aussi  pour  le  v.  15? 

17.  CoTT.antics. —  21.  «  ati  )).Ms.  a  tu. — 27.  Corr.  la^s]  tieua[s] 
j)iWai[2]  ?  Ce  pluriel  serait  bien  insolite*;  mais  il  {a.\it  atz  pour  la 
rime. 

29.  Corr.  semblanf  Cf.  l,  37;  ci,  88,  96,  99.  Il  faudrait  autrement 
corriger  lo[s]  lac[s]  gran[s],  ce  qui  paraît  moins  acceptable. 

34.  «  dia.  »  Ms.  die.  —  40.  «  mon  Dieu.  »  On  pourrait  corriger 
mois]  Dieu[s].  Mais  voy.  la  note  sur  ci,  88. 

41 .  «  Ton.  »  Corr.  Tos. 

43-44.  Ms.  SenJier  tieu drech  mieu.  Corr.  mieu[s]   et  Id^s] 

drech  tieu[s]f 

53.  Ms.  Que  del  tieu  sers  es  e  sera  tieua. 


Cf.  pourtant,  dans  l'ancienne  trad.  française  précitée  (ps.  52,  verset  17); 
Mais  les  pitiés  de  Deus  seront 
Tous  jours  sor  ceus  qui  le  criendront. 


PSAUMBS    DE  LA  PBNITBNOB 


APPENDICE 


M.  Karl  Bartsch,  ainsi  que  je  Fai  déjà  rappelé  ci-dessus  (p.  209), 
a  publié  en  1856,  dans  ses  Denkmœler  der  provenzalischen  Lite- 
ratur,  p.  71,  d'après  le  ms.  1745  de  notre  Bibliothèque  nationale, 
une  traduction  en  vers  du  psaume  108.  Je  crois  devoir  la  reproduire*, 
afin  que  le  lecteur  ait  ici  tout  ce  que  l'on  possède,  à  ma  connaissance 
du  moins,  de  traductions  des  Psaumes  envers  provençaux*.  Comme 
je  l'ai  fait  pour  les  Psaumes  de  la  pénitence,  j'imprime  au-dessous 
le  texte  latin  de  la  Vulgate,  en  numérotant  les  versets,  dans  le  pro- 
vençal comme  dans  le  latin. 

Cette  traduction  du  psaume  108  se  distingue  nettement,  à  première 
vue,  de  celle  des  Psaumes  de  la  pénitence,  qu'on  a  lue  plus  haut,  en 
ce  qu'elle  révèle  chez  celui  qui  en  est  l'auteur  un  bien  moindre  souci 
de  la  grammaire  et  de  la  prosodie.  Il  n'y  a  aucune  uniformité  dans  la 
mesure  des  vers,  qui  sont  ad  libitum  de  6,  7,  8,  10  ou  12  syllabes. 
Dans  ce  dernier  cas,  ils  peuvent  avoir  des  rimes  ou  assonnances  in- 
térieures, alternées  ou  non.  Les  rimes  vont  tantôt  par  paires,  tantôt 
par  quatre,  par  cinq  ou  par  six.  Elles  sont  ou  plates  (c'est  l'ordinaire), 
ou  alternées  (74-77,  78-81,  104-107).  Elles  se  réduisent  très-souvent 
à  une  simple  assonnance;  ainsi  plazer^  :  me  (1 1- 12),  eiJ;tnerce  (44-5), 
el:  paren8(4S-9),  destruction:  dolor*  {40-7),  sofraclios :  soy^  (82-3), 


*  Je  fais  cette  reproduction  d'après  la  copie  de  M.  Bartsch,  que  je  suppose 
exacte,  et  que  je  ne  puis  d'ailleurs  contrôler. 

2  Je  dis  traductions  et  vers  provençaux,  parce  que  d'un  côté  il  en  existe 
en  prose,  et  que,  de  l'autre,  je  connais  une  paraphrase,  très-libre,  des  psaumes 
pénitentiaux,  en  vers  de  huit  syllabes  à  rimes  plates,  écrite  ou  tout  au  moins 
transcrite  par  un  Gascon  au  XlVe  siècle.  Cette  paraphrase  sera  publiée  très- 
prochainement  dans  la  Revue.  —  On  connaît  encore  une  autre  paraphrase  eu 
vers,  pareillement  inédite,  si  je  ne  me  trompe  (la  Revue  la  publiera  également, 
au  moins  par  extraits),  de  plusieurs  psaumes.  Mais  cette  paraphrase,  qui  est 
conservée  à  la  bibliothèque  Inguimbert  (ms.  n»  20),  est  en  provençal  mo 
deme  (XVlIe  siècle?),  et  je  n'ai  ici  en  vue  que  l'ancienne  langue,  je  veux  dire 
celle  du  moyen  âge.  Pour  le  même  motif,  il  n'y  a  lieu  de  mentionner  ici  que 
pour  mémoire  les  traductions  complètes  du  Psautier  composées  au  XVI»  siè- 
cle, en  vers  gascons  (ou  néarnais),  parPey  de  Garros  et  Arnaud  de  Salettes. 

3  Sans  doute  prononcé p/azé,  comme  aujourd'hui. 

*  On  devait  prononcer  destructiou:  doulou. 

5  On  prononçait  peut-être  sofrachois,  Voy.  ma  Gramm.  limousine,  p.  368. 
On  pourrait  aussi  obtenir  ici  d'une  autre  façon  une  rime  pleine,  en  changeant 


PSAUMES   DE   LA   PENITENCE  1^ 

ombra:  ^o^osto  (86-8),  fâcha  :  intrada  et  sitada  (&l'-69),  ajudar: 
gastat  (42-3),  venra:  far^\  paguat  (62-64),  fach:  menesprezat:  cap 
(94-6),  benisiras:  alegrara  {104''7),  perseguens  :  salvamen  (119-120), 
Je  ne  parle  pas  des  vers  qui  ne  riment  pas  du  tout.  Il  y  en  a  plusieurs 
dans  le  ms.  Mais  ce  doit  être  par  la  faute  du  copiste,  la  rime  ou 
Tassonnance  se  laissant  partout  rétablir,  comme  on  le  verra  dans  les 
notes,  avec  la  plus  grande  probabilité. 

Quant  aux  règles  de  la  grammaire,  je  parle  surtout  de  celles  des 
cas,  elles  ne  sont  pas  traitées  moins  librement  que  celles  de  la  ver- 
sification. Il  est  visible  que  l'auteur,  aussi  bien  que  le  copiste,  ne  con- 
naissait aux  noms  qu'une  seule  forme  pour  chaque  nombre. 

Tout  se  réunit  ainsi  pour  faire  supposer  que  nous  avons  ici  l'ou- 
vrage d'un  homme  peu  lettré.  Certaines  formes  d'un  caractère  dia- 
lectal très-prononcé  s'ajoutent  à  ces  indices  pour  rendre  l'hypothèse 
plus  probable  encore.  Je  croirais  volontiers  que  ce  psaume  a  été  rimé 
plutôt  par  quelque  sorcier,  pour  servir  à  ses  maléfices,  que  par  un 
moine  ou  un  simple  clerc,  dans  une  intention  pieuse.  Le  psaume  108, 
en  efiTet,  s'il  ne  joue  pas  dans  la  liturgie,  comme  les  Psaumes  de  la 
pénitence,  un  rôle  particulier  et  prépondérant,  de  nature  à  expliquer 
le  choix  qu'en  aurait  fait,  de  préférence  atout  autre,  pour  le  mettre  en 
rimes,  un  poète  dévot,  en  joue  au  contraire,  en  devait  au  moins  jouer 
autrefois,  un  tout  spécial  et  d'une  certaine  importance  dans  les  pra- 
tiques de  sorcellerie.  C'est  ce  qui  résulte  d'un  passage  du  curé  Thiers, 
au  tome  1,  p.  157,  de  son  Traité  des  superstitions.  Cet  écrivain, 
parmi  les  maléfices  qu'il  énumère  en  cet  endroit  de  son  livre,  men- 
tionne, sans  plus  de  détails,  malheureusement,  celui  qui  consiste  à 
«  faire  des  imprécations  contre  quelqu'un  en  éteignant  toutes  les  lu- 
mières du  logis,  en  tournant  le  dos  aux •  voisines,  en  se  roulant 

par  terre  et  en  récitant  le  psaume  108.  »  Si  de  pareilles  pratiques 
étaient  en  usage  au  XVII®  siècle,  on  doit  croire  qu'elles  ne  dataient 
pas  de  la  veille,  et  il  y  a  lieu,  au  contraire,  de  supposer  qu'elles  de- 
vaient être  plus  fréquentes  encore  ti'ois  ou  quatre  cents  ans  plus  tôt  3. 


soy  en  sos.  Cette  forme  est  rare,  mais  non  sans  exemples.  Cf.  Peire  Milon 
{Gedichte,  19,  672  et  673)  :  la  bella  de  oui  sos.  J  ai  trouvé  une  forme  pa- 
reille {siotcs)  dans  des  textes  modernes  de  l'Ardèche,  de  l'Isère,  et  aussi,  sauf 
erreur,  de  l'Aveyron. 

*  On  devrait  prononcer  fa^  comme  aujourd'hui,  et  de  même  pagua,  etc., 
sans  faire  sentir  dans  ces  mots  la  consonne  finale.  Cf.  au  v.  40  usurias  =: 
usuriars. 

*  Lacune  laissée  à  dessein  par  Thiers  lui-même.  Est-ce  maisons  qu'il  faut 
suppléer? 

3  Je  n'ai  pu,  malgré  les  recherches  que  j'ai  faites  dans  les  bibliothèques  à 


234  PSAUMES  DR  LA   PENITENCE 

On  s'expliquerait  ainsi  facilement  et  le  fait  même  de  l'existence  àe 
cette  version  isolée  du  psaume  108,  et  son  infime  condition  littéraire. 

Le  trait  dialectal  le  plus  marqué  de  notre  texte  est  le  renforcement 
qui  s'y  remarque  de  te  en  ta,  dans  usurias  40  =  usuriers,  despiach 
49,  iniach  116,  et^pàssinif  dans  diaus,diau,  tiau,siau.  Si  la  correc- 
tion que  je  propose  aux  vers  78-80  est  la  bonne,  il  faut  admettre  que 
ces  formes  en  iau  étaient  celles  de  l'auteur.  Celles  en  ieu,  qui  alternent 
avec  les  autres,  seraient  alors  du  fait  du  copiste.  Iau  pour  ieu  se 
rencontre  sporadiquement  dans  des  textes  de  l'Auvergne,  delà  Marche, 
du  haut  Limousin*,  du  Toulousain,  du  pays  de  Foix.  Mais  c'est  seule- 
ment dans  des  textes  de  la  Provence  que  cette  mutation  a  lieu  com- 
munément. Voy,  Ste  Agnès,  où  elle  est  constante,  et  St  Honorât. 

Les  formes  en  ia(r)  pour  ter  sont  aujourd'hui  communes  dans 
l'Aveyron  et  la  Lozère.  Les  textes  anciens  de  la  même  contrée,  ainsi 
que  ceux  du  Quercy,  de  l'Albigeois,  du  bas  Languedoc  (Béziers, 
Montpellier,  etc.),  en  offrent  de  nombreux  exemples.  On  en  trouve 
aussi  beaucoup  dans  des  textes  de  la  Provence  propre. 

La  Vie  de  St  Eonoraty  du  moins  dans  lems.  publié  par  M,  Sardou, 
qu'on  sait  avoir  été  exécuté  en  Provence,  présente  fréquemment  le 
renforcement  de  ie  en  ia,  devant  i,  comme  notre  texte  devant  ch,  dans 
les  mêmes  mots  ou  dans  les  pareils.  Ainsi  miay  (=  lat.  mei  et  mé- 
dium), siay,  puaia.  Je  ne  me  rappelle  pas  avoir  remarqué  ce  phéno- 
mène ailleurs.  Aussi  serais-je  facilement  porté  à  conclure  de  la  pré- 
sence simultanée,  dans  notre  version  du  psaume  108,  de  iach  (=  iai  du 
St  Ronorat)et  de  iau  et  ia(r)s  (==  iers),  que  l'auteur  de  cette  version 
était  provençal. 

Les  autres  détails  phoniques  ou  morphologiques  n'ont  rien  d'assez 
particulier  pour  mériter  d'être  relevés.  Notons  pourtant  la  chute  de 
IV  devant  s  dans  usurias  40,  chute  dont  il  y  a  aussi  des  exemples  dès 
la  fin  du  XIIl®  siècle  dans  des  textes  de  la  Provence,  et  la  substitu- 
tion qui  se  fait  d'une  nasale  à  l'autre  dans  an  pour  am,  passim,  em  20 
pour  en,  semblam  13  pour  semblan,  anom  37  pour  anon,  substitution 
qui  prouve  que  Vm  ne  devait  plus  avoir,  pour  le  copiste  du  ms.,  sinon 
pour  l'auteur  lui-même,  d'autre  valeur  que  Vn, 


ma  portée,  trouver  d'autre  témoignage  que  celui  de  Thiers  sur  cet  emploi 
du  psaume  108  comme  instrument  de  maléfice.  On  devait,  au  reste,  user  plus 
souvent  des  psaumes,  en  général,  dans  une  intention  bienfaisante.  Voy.  Du 
Gange  sous  ensalmus.  Ce  mot  est  resté  en  Espagne  (castillan  et  portugais 
ensalmo,  catalan  ensalm),  avec  ses  dérivés  ensalmar,  ensalmador,  au  sens 
purement  favorable  de  charme,  remède  superstitieux. 

*  Aujourd'hui  iau  pour  ieu  ou  iu  est  habituel  dans  la  basse  Auvergne  et 
très-commun  dans  la  Marche  et  le  haut  Limousin. 


PSAUMES    DB   LA  PENITENCE  235 

On  a,  au  verset  14,  à  moins  qu*il  ne  faille  corriger  sian  du  v.  50 
en  sia,  un  exemple  de  syllepse  de  nombre,  le  verbe  étant  régi  par 
ridée  de  pluralité  qui  est  communiquée  au  sujet  singulier  par  le 
complément  de  celui-ci.  —  Que,  au  v.  84,  est  explétif,  comme  il  Test 
quelquefois  ailleurs,  même  hors  de  la  Gascogne.  —  Quant  ka  luy  du 
v.  115,  dernière  particularité  syntactique  qu'il  paraisse  utile  de  re- 
lever, c'est  une  reproduction  servile  du  latin,  et  je  ne  pense  pas  qu'il 
y  faille  voir  un  trait  dialectal,  tel  que  serait  la  substitution  spontanée, 
comme  en  gascon,  du  datif  à  l'accusatif. 

Au  point  de  vue  lexicographique,  quelques  mots  sont  à  noter,  soit 
pour  leur  forme,  soit  pour  leur  acception  : 

Acabar,  v.  28:  Vacabe  =»  (que  cela)  lui  réussisse,  lui  profite.  Ac- 
ception qui  manque  à  Raynouard  et  dont  il  y  a  ailleurs  d'autres  exem- 
ples. 

Aveavar  34,  rendre  veuf.  Cette  forme  est  dans  Raynouard,  qui  n'en 
donne  pas  d'autre  exemple  que  celui  même  de  notre  psaume.  L'accord 
de  Raynouard  et  de  M.  Bartsch  ne  permet  pas  de  douter  qu'il  n'y  ait 
bien  aoesvada  didiH^  lems.,  et  Ton  ne  manque  pas  d'ailleurs  d'exem- 
ples du  changement  du  v  ou  de  l'/^en  z  [s)  en  finale,  sinon,  comme 
ici,  dans  le  corps  d'un  mot  devant  une  consonne.  Mais  peut-être  est-ce 
une  erreur  du  copiste,  pour  aveusada  (car  avefvada  aurait  une  phy- 
sionomie bien  française).  Aveusar  (aveuzar)  manque  à  Raynouard, 
mais  c'est  une  forme  connue.  Elle  est  du  reste  dans  Rochegude. 

Calar  2.  Ici  verbe  actif.  Raynouard  ne  le  connaît  que  comme  in- 
transitif {se  taire). 

Deatramenar  84,  perdre,  tourmenter.  Forme  populaire  de  dester- 
menar,  qui  est  dans  Raynouard  seulement  au  sens  propre.  Voy.  Sau- 
vages, destremena, 

Endignejar  38,  mépriser.  Manque  à  Raynouard,  qui  n'a  que  le  sub- 
stantif correspondant  endenk, 

Lagosta  88,  sauterelle.  Raynouard  n'a  que  des  formes  à  nasale 
(langosta,  leng» . .  ling, . .  ). 

Siau  80  (si  ma  correction  est  sûre),  doux  {suavis),  forme  aujour- 
d'hui très-commune.  Raynouard  n'a  que  suau.  Cf.  pieia  (pour  pueis), 
qu'on  trouve  déjà  da.usJaufre  et  dans  St  Honorât,  et  qui  est  la  forme 
actuelle  de  post  en  Provence. 
,     Sitar  69,  asseoir,  établir.  Manque  à  Raynouard. 

Usurias  40,  usuriers.  Raynouard  :  usurier.  Voir  ci-dessus,  p.  234. 
Vatgar  36,  errer.  Le  t  s'est  introduit  ici  par  analogie,  d'après  des 
formes  telles  que  coratgue,  coratgos.  Raynouard  n'a  que  vagar. 


^^  PSAUM£)S  DB  LA   PÉNITBNGE 


PSALM  CVIII 

(Ms.  B.  N.   1745,  ^  182) 

2.  Senher  Dieus,  per  ta  honor 
Tu  non  cales  ma  lauzor 

Car  boca  de  peccador 
Manifesta  ma  dolor, 
5    E  boca  de  messorguier 
Mi  fer  dans  cascun  ladrier. 

3.  Quar  encontra  me  am  parlât 
E  non  pas  per  veritat, 

Am  lengua  de  iniquitat 
10    Entorn  m'an  esvironat, 

Non  per  drechuras,  per  plazer 
Si  combato  encontra  me . 

4.  Davan  fasian  semblam  d'amar 
E  pueys  detras  de  mal  lausar  ; 

15     leu,  Senher  Diaus  glorios  [e  clar]*, 
Non  cessava  de  te  preguar. 

5.  Mal  an  gitat  encontra  me 
De  so  que  lur  fasia  per  be. 
Tôt  ayssi  m'an  rémunérât* 

20    Qu'em  loc  d'amarm'an  asirat. 

PSALMUS  CVIU 

1.  In  finem,  Psalmus  David. 

2.  Deus,  laudem  meam  netacueris:  quia  os  peccatoris,  et  os  dolosi 
super  me  apertum  est. 

3.  Locuti  sunt  adversum  me  lingua  dolosa,  et  sermonibus  odii  cir 
cumdederunt  me  :  et  expugna venin t  me  gratis . 

4.  Pro  eo  ut  me  diligerent,  detrahebant  mihi  :  ego  autem  orabam. 

5.  Et  posuerunt  adversum  me  mala  pro  bonis  :  et  odium  pro  dilec- 
tione  mea. 


'  M.  Bartsch  :  [Mcis]  ieu,  Senher  Diaus  glorios ^  ce  qui  laisse  le  vçrs  saos 
rime.  —  *  Ms.  reminei^at. 


PSAUMES  DE    LA  PÉNITBNCE  237 

6.  Dieus,  sobre  luj  un  peccador 
Constituiscas  per  senhor, 
E  lo  diable  per  luy  gardar 
Faj  a  la  man  drecha  estar. 

25        7.  E  quant  en  cort  sera  intrat 
Qu'encontra  se  sia  condampnat, 
Et  quant  el  voira  Diaus  pregnar, 
L'acabe  ajtan  com  a  peccar. 

8.  To(u)ts  los  siaus  jorns  sian  leu  passatz* 
30    E  tots  sos  bes  sian  dessipats 

E  per  autrui  gen  siangastats. 

9.  Los  siaus  enfans  sian  orphes  fachs, 
E  sa  molher  sia  trebalhada 

E  del  marit  leu  avesvada. 

35         10.  Los  siaus  efans  sian  pauc  presats, 
Coma  vatgans  sian  transportatz, 
'    Tostemps  anon  endignejati  ■ 
E  sian  de  lur  terra  gitatz. 

11 .  Tôt  quant  aura  en  son  cabal 
40     Per'  usurias  vengua  a  mal  ; 
So  qu'an  trebalh  aura  ganfaat 
Per  autruy  gen  li  sia  gastat. 

12.  No  sia  hom  quel  vulha  ajudar, 

6.  Constitue  super  eum  peccatorem  :  et  diabolus  stet  adextris  ejus. 

7.  Cum  judicatur,  exeat  condemnatus  :  et  oratio  ejus  fiât  in  pecca- 
tum. 

8.  Fiant  dies  ejus  pauci:  et  episcopatum  ejus  accipiat  alter. 

9.  Fiant  filii  ejus  orphani:  et  uxor  ejus  vidua. 

10.  Nutantes  transferantur  filii  ejus  et  mendicent:  et  ejiciantur  de 
habitationibtts  suis. 

11.  Scruteturfœnerator  omnem  substantiam  ejus  :  et  diripiant  alieni 
labores  ejus. 

12.  Non  sitilli  adjutor:nec  sit  qui  misereatur  pupillis  ejus. 

^  M.  Bortsch  écniVenpassatz.—  *  Ms.  a  nomen  digneiar.  M.Bartsch  ;  a 
no  m'en  [ca(\  dignatz. 


238  PSAUMES   DE   LA    PENITENCE 

Ni  als  enfans  per  amor  d'el 
45    No  sia  home  qu'aja  merce. 

13.  Los  ôlz  siaus  ajon  ^an  dolor, 
Totz  vengon  a  destruction, 
£  neguns  bom(e)  desosparens 
Non  port  son  nom  per  despiach  d'el. 

50        14.  L'eniquitat  dels  siaus  payro(n)8 
Sian  membrans  al  rej  glorios, 
Ni  de  sa  mayre  lo  peccat 
Jamay  no  li  sia  perdonat. 

15.  Totz  lur  fatz  sian  Diaus  offendenz^ 
55    Per  tôt  lo  mon  sian  desmembratz. 

16.  Car  non  avia  per  son  peccat 
Misericordia  ni  pietat. 

17.  Los  hommes  fort  a  persegu[i]ts 
He  '  los  paures  *  et  los  me[n]dit8, 
60    Sels  qu'en  lur  cor  eron  greujatz 
E  perseguts  etmalmenats. 

18.  Mal  a  volgut  e  bel  ve[n]ra, 
Jamai  no  vole  ben  dir  ni  far  ; 
Per  que  ne  sera  bepaguat, 
65    Jamaj  negun  be  non  aura, 
Mas  d'el  tostemps  se  lonhara. 

13.  Fiant  natiejus  in  interitum  :  in  generatione  una  deleatur  nomen 
ejus. 

14.  In  memoriam  redeat  iniquitas  patrum  ejus  in  conspectu  Domini: 
et  peccatum  matris  ejus  non  deleatur. 

15.  Fiant  contra  Dominum  semper,  et  dispereat  de  terra  memoria 
eorum  : 

16.  pro  eo  quod  non  est  recordatus  facere  misericordiam. 

17.  Et  persecutus  est  hominem  inopem,  et  mendicum,  etcompunc- 
tum  corde  mortificare. 

18.  Et  dilexit  maledictionem,  et  véniel  ei  :  etnoluit  benedictionem, 
et  elongabitur  ab  eo. 

Corr.  Diaus  offendenz  sian  totz  lur  faiz,  —  i  Hoc,  —  3  Correct,  de 
M.  Bartsch.  Ms.  parens. 


P8ÂUMBS    DB    LA   PENITBNCE  239 

De  maledictio  sa  vestimenta  ha  fâcha, 

Coma  aygua  quant  plou  en  son  cors  es  intrada, 

Si  con  oli  traucan  *  els  osses  s' es  sitada. 

70        19.  Maladictio  lo  tengua     defra  tôt  lo  siau  cors  ; 
Ayssi  com  vestimenta        lo  te  cubert  defor[s], 
Et  ayssi  fort  Testrengua^         tôt  entorn  senturatz 
Ayssi  con  fa  la  senha^        quan  defors  s'es  senhatz. 

20.  Aquesta  obra  es  per  aquels 
75    Que  an  Diau  mi  van  mal  lausan 

E  que  parlo  encontra  me, 

Per  so  que  a  m'arma  tengo  dan. 

21.  Senher  Dieus,  tu  fassas  per  me* 
Perjlo  teu  nom  meravilhos, 

80    Car  tu  ^  iest  [lo]  rey  •  mot  suau 
E  fort  misericordios. 
Desliurame, 

22.  car  paures  soy 
E  de  ta  '  gracia  sofrachos 
E  que  soy  tan  destramenat  * 
85    Que  lo  miau  cor  es  tôt  torbat. 

23.  Si  com  per  lo  solelh  fa  Fombra* 

Et  induit  maledictionem  sicut  vestimentum,  et  intravit  sicut  aqua 
in  interiora  ejus,  et  sicut  oleum  in  ossibus  ejus. 

19.  Fiat  ei   sicut  vestimentum,  quo  operitur:  et  sicut  zona,  qua 
semper  prœcingitur. 

20.  Hoc  opus    eorum,  qui  detrahunt  mibi  apud    Dominum:  et  qui 
loquuntur  mala  adversus  animam  meam. 

21.  Et  tu.  Domine,  Domine,  fac  mecum  propter  nomen  tuum:  quia 
suavis  est  misericordia  tua. 

Libéra  me, 

22.  quia  egenus,  et  pauper  ego  sum  :  et  cor  meum  conturbatum 
est  intra  me. 

*  M.  Bartsch  :  trancan. 

•  Leçon  du  ms.  M.  Bartsch  corrige  estrenha,  —  3  Corr.  senta  7—  *  Corr. 

Tu  fassas  per  me,  Senher  Diaus,  et  au  vers  80, rey  s  mot  siaus  ?  Cette 

dernière  forme  est  aujourd'hui  celle  de  plusieurs  dialectes,  p.  ex.,  du  langue- 
docien. —  ^  ty.  —  6  M.  Bartsch  :  iest  rey  [e]  m.  —  '  Corr.  par  M.  Bartsch. 
Ms.  tota.  T-  *  M.  Bartsch  écrit  d'e:^tra  menât.  —  ^  Corr.  Si  com  pel  solelh 
(ou  per  lo  sol)  l'ombra,  ou  encore  Si  col  solelh  fa  l'ombra  ?  M.  Bartsch  pro- 
pose simplement  de  supprimer  j^er  lo. 


24.0  PSAUMES    DB   LA    PENITBNGR 

Ayssi  soy  decassat; 


Ayssi  con  es  lagosta 
Ayssi  soy  encanssat*. 


90        24.  Mos  gîûols  son  emalautis 
Eper  (se)  dejun'  enfrevolitz, 
E  ma  carn  es  fort  cambiada 
E  per  oli  es  transmutada. 

25.  Tan  soy  as  els  en  anta  fach, 
95    Quant  m'an  vist,  m'an  menesprezat  ; 

Quant  m' an  vist,  an  mogut  lo  cap. 

26.  Senher  Diaus,  vulhas  m'ajudar; 
Salva  me,  Diaus,  per  pietat, 
Vulhas  misericordia  far. 

100         27.  Sapion,  Senher,  qu*ayso  s'es  fach 
C  ar  la  tia  ma  ho  a  obrat, 
La  quai  ma  es  per  te  fâcha  * 
E  tu  ho  as  adordenat*. 

28.  Els  mal  diran^  et  tu  benisiras; 
105    Sels  que  si  levaran  trastuch 


23.  Sicut  umbra  cum  déclinât,  ablatus  sum  :  et  excusaus  sum  sicut 
locustse. 

24.  Genua  mea  infirmata  sunt  a  jejunio  :  et  caro  mea  immutata  est 
propter  oleum. 

25.  Et  ego  factus  sum  opprobrium  illis  :  viderunt  me,  et  moverunt 
capita  sua. 

26.  Adjuva  me,  Domine  Deus  meus  :  salvum  me  fac  secundum  mi- 
sericordiam  tuam. 

27.  Et  sciant  qnia  manus  tua  haec  :  et  tu,  Domine,  fecisti  eam. 

*  J*ai  conservé  ici  la  division  de  M.  Bartsch;  mais  peut-être  vaudrait-il 
mieux  écrire  en  deux  vers,  en  considérant  ombra:  lagosta  comme  des  asson- 
nances  intérieures  : 

Si  com  pel  solelh  Tombra       ayssi  soy  decassat  ; 
Ayssi  com  es  lagosta       ayssi  soy  encaussat. 

*  Corr.  pel  dejun?  —3  Corr.  La  quai  per  te  fâcha  a  estât?  —  *  Corr.  de 
M.  Bartsch.  Ms.  adomenat. 


PSAUMES   DE   Là    PENITENCE  241 

Encontra  me  sian  confondutz, 
E  lo  tiau  sers  s'alegrara. 

29*  Sels  quem  mal  lausaran 
De  vergonha  sian 
110    Totzvestitz  si  con  hom  es  cjibert  de  jupo, 
Ajssi  sian  els  cuberts  delur  confusion*. 

30.  De  tôt  en  tôt  ieu  a  Diau  [me]  redraj, 
Am  ma  boca  a  luj  cofessaray; 
E  miach  de  mots  lo  siau  nomlausaraj. 

115        31.  El  es  lo  quai  a  la  dextra  a  istat 
De  me  paupre  e  m'a  ben  governat 
E  m'a  gardât  de  totz  mos  perseguens, 
Per  que  m'arma  vengues  a  salvamen. 


28.  Maledicent  illi,  et  tu  benedices:  qui  insurgunt  in  me,  confun- 
dantur  :  servus  autem  tuus  lœtabitur. 

29.  Induantur  qui  detrahunt  mihi,  pudore  :  et   operiantur  sicut  di- 
ploïde  confusione  sua. 

30.  Confitebor  Domino  nimis  in  ore  meo  :  et  in  medio  multorum 
laudabo  eum. 

31.  Quia  astitit  a  dextris  pauperis,  ut  salvam  faceret  a  persequen- 
tibus  animam  meam. 


*  Ces  deux  vers  en  foot  quatre  chez  M.  Bartsch,  où,  par  suite,  le  premier 
et  le  troisième  (. . .  hom,. . .  cuberts)  ne  riment  pas. 


19 


Dialectes  modernes 


POÉSIES  LANGUEDOCIENNES 

DE  LÉONROUYlâRE 

(Suite) 


Lou  prince  tiret  la  flassada 
En  cridan  à  soun  camarada  : 
a  Bouleghen  nous  ;  bite,  anen,  daou  î 
640        Q'entremen  qe  fai  pa  tan  caou, 
Anaren  de  Ion  de  la  placha 
Per  beire  un  paouqet  coum'  es  fâcha 
E  per  saoupre  se  lou  peïs 
Es  puplat  d'ornes  ou  de  chis.  » 
645  Acata,  q'aco  derenchaba, 

Tout  en  s'abien  roundinaba, 
E  d'un  paou  mai,  s'aghesse  aouzat, 
A  la  pesca  Taourié  mandat. 
S'aoubouret  doun,  faghen  la  mina  ; 
650        Can  seghet  preste,  sus  Tesqina 
-^neas  ié  metet  tout  beou 
Un  sac  qe,  boutas  !  era  greou  : 
r  abiè  un  parel  de  flasqetas, 
De  nozes  secas,  dos  nabetas, 
655        De  froumache,  un  missou  boulit, 
Emb  un  flascou  de  bi  remplit. 
En  cas  de  beire  caouca  calla, 
El  pren  soun  fusil  sus  respalb., 
E  se  metoun  à  camina, 
660        San  saoupre  ounte  bouien  ana. 
Bech'aqi  qe,  Ion  d*una  dralia, 
Bous  debistoun  una  gandaia 
Qe  cassaba  lous  passerons 
Ni  mai  ni  men  qe  lous  garsous. 


POâsiES    DB  ROUVIIBÎRB  243 

665        Caou  bous  dire  q'aqest'oubrieira 

D'una  alura  tan  cabaieira, 

Era  Benus  que,  brabamen, 

Abié  prés  un  deghisamen. 

Tante  i  a  q'aqela  manida, 
670        Q'abié  Ter  d'estre  pas  mousida, 

Pourtab'un  coutioun  for  cour, 

Fach  d'un'estofa  presq'à  chour. 

Sas  qioissas  eroun  mitât  nudas  ; 

Ah  I  messius,  las  abié  garrudas  I 
675        Soun  sén,  blan  coum'un  amellou, 

Era  nut  chusq'aou  pepelou, 

E  dounaba  lapetelega 

De  ie  faire  una  sesselega. 

S'^nea  ér'  estât  san  segoun, 
680        Saiq'aourié  fach  lou  poulissoun. 

Mes  douten  pas  de  sa  sachessa 

Et  rebenghen  à  ma  Deessa. 

Sous  peoussés,  sans  chés  de  courdils, 

le  toumbabou  chusq'as  poumpils  ; 
685        Armada  d'una  matrassina, 

Pourtaba  dessus  soun  esquina, 

Espandida  coum'un  mantel, 

De  rabas  una  braba  pel, 

E  Ton  besié  dessus  sa  mina 
690        Qe  n'ahissié  pas  la  joughina. 

a  Digas,  s'ou  dis  d'un  er  ardit 

A  ^neas  q'er'enclaousit, 

Aourias  pa,  dedin  la  garriga, 

Rencountrat  una  miouna  amiga?  o 
695        Lou  prince,  après  fossa  salus, 

lé  respon  :  a  Aï  pa  bis  dégus, 

0  ma  fricaoudeta  piouzela  ! 

Fer  moïa  I  en  bous  apelen  tela 

Aï  ben  poou  qe  n'ou  seghés  pas  : 
700        A  la  maniera  qe  marchas, 

Ou  dise  pa  per  poulitessa, 

Créiriéi  pu  leou  qe  ses  Deessa. 

S'ou  ses,  ma  foué  1  per  oucasioun 


244  PoésifiS   DE  ROtJVrilRK 

Demandai!  bostra  proutectioun  ; 

705        Amaï  sera  pas  estrassada, 

Car  ieou,  embé  moun  camarada, 
Sen  campechas  maï  qe  noua  caou 
Per  lou  destin  lou  pu  brutaou. 
Aprenés-nous,  madoumaïzela, 

710        Coussi  lou  ternaire  s'apela; 
Car  couma  de  camels  trépan 
San  saoupre,  fouches  !  ounte  anan. 
E  se  nous  ie  perdian,  pecaïre  I 
Sabé  pas  coussi  pourian  faire. 

715        An  ounte  sen?  Anén,  parlas  ; 

Boutas!  sen  pas  du  tout  ingras, 
E  din  la  prumieira  ghingheta, 
En   bostr'ounou  buouren  trouqeta.  » 
Mos  de  Benus  ie  respoundet 

720        D'un  er  qe  lou  rebiscoulet: 

((  AqeU  ounestetat  m'agrada  ; 
Mes  soui  pa  dioussa,  camarada, 
S'es  à  caousa  de  moun  matras 
Ou  d'aqela  pel  de  rabas 

725        Qe  bous  me  tratas  de  la  sorta, 
Chaca  fieta  aïssi  ne  porta  : 
Aco's  la  moda  daou  peis. 
Ses  en  Lybia,  mous  amis  ; 
La  Reina  Didoun  s' ai  coumanda, 

730        Amai  fai  pa  la  trochamanda. 
S' ai  es  benguda  de  Sidoun 
Per  esqiba  Pjgmalioun  ; 
Soun  histouera  es  trist'e  toucan  ta, 
Mes  es  un  paou  encibetanta  ^ 

735        Pourtan  aimé  tan  à  piaïa 

Qe,  founmé  I  bous  la  baou  counta  : 
«  Didoun,  can  er  'en  Phenicia 
(C  'aco's  lounoun  de  sapatria), 
Per  amour  abié  espousat 

740        Un  ome  q'era  mounedat. 

'  Le  ms.  porte  bien  encibetanta,  mais  qu'est-ce  que  cela  signifie? 


P0BS1JS8    DE    ROUVIERB  245 

Aqel  home,  q'era  tan  riche, 

De  soun  noum  d'oustau  era  Chiche. 

D'aoutrés  que  fa  disoun  Chiche  ; 

Qe  qe  n'en  sieche,  nostr'ouhrié, 
745        Embé  men  de  fe  dins  sas  botas, 

Encara  farié  de  ribotas . 

Lou  rei  d'abal,  Pjgmalioun, 

Era  lou  frera  de  Didoun  ; 

Aqel  rei*  er'un  sarra-piastra 
750        Qe  ne  sabié  mai  qu'un  biel  pastre. 

Can  bechet  sa  sur,  aqel  gus, 

Que  palechaba  lous  escus  ; 

Ma  foué,  sou  dis,  labona  ôeira  ! 

Se  ie  panabe  sa  berqieira? 
755        Un  bespre  doun  qe  soun  cougnat 

Dedin  la  gleiza  n'er'  intrat, 

Per  faire  un  moussel  de  priera, 

De  qe  te  fai  nostre  counpèra  ? 

Lou  mioou  bous  paouza  sous  souiés, 
760        Caouta  à  caouta  per  derriés, 

A  Chiche,  d'un  cop  de  lezena, 

Trauc'  abi,  pel,  car  e  bedena. 

De  tan  de  biai  qe  ie  metet, 

On  bechet  mêma  q'era  aou  fet. 
765        Pensas  qu'  après  ^  un  tret  tan  orre 

Anet  pas  lou  dire  à  sa  sorre  ; 
•    Au  countrari,  la  counsoulet, 

Can  la  noubella  i  arribet, 

E  proumettet  qe  la  poulissa 
770        le  farié  be  rendre  chustissa. 

Aco,  pas  brai,  es  un  paou  for  ! 

Despioï  qe  soun  home  era  mort, 

Didoun,  qe  soula  s'anuiaba, 

Aou  iech  toutroupien  rebaba. 
775         Bêcha  'qi  qe,  sus  lou  mati, 

Una  nioch  te  bei  espeli 

*  Ms*  per"  qui  ne  donne  aucun  sens.  Peut-être  pourrait  on  lire  :  frer\  — 
*  Ms.  qu*aira. 


246  POESIES   DE   ROUVIÉRE 

Soun  home  coum'unbaragogna, 
Qe  dis«  tout  faghen  la  sansogna  : 
«  Mesâsa-te  de  moun  cougnat, 

780        Aco's  el  qe  m'a  sagatat: 

Agach'  un  paou,  din  ma  coudena, 
La  plassa  daou  cop  de  lezena. 
Bota,  achustet,  din  le  a  cabot, 
Aï  rescoundut  moun  esqipot. 

785        Se  m*en  créses,  Tanaras  qerre 
E  deman,  boga  la  galera  I  » 
E  coum'un  fun  se  trascoulet. 
Sa  fenna  se  derebeiet. 
De  suita^  sans  espéra  Taouba, 

790        Passet  sa  camis'e  sa  raouba. 

Couma  counouissié  soun  marit, 
Abié  poou  q'achesse  mentit . 
A  la  caba,  la  degourdida, 
S'agandighet  d'un'escourida, 

795        E  ma  foué  1  tan  furetechet, 
Qe  chout  de  gabels  dessoutet 
Pa  mai  qe  ioch  petassaous  d'oulas 
Qe  de  louis  d'or  eroun  coumoulas . 
Bite  tourna  lous  amaghet 

800        E,  fort  countenta  daou  secret, 
Maougré  sa  lenga,  la  couqina 
Qinqet  pas  mot  à  la  besina. 
Din  caouqes  chours,  de  tout  soun  bén,* 
Sans  bruch,  faghet  un  carghamen . 

805        Cerqet  après,  per  sa  galèra, 

De  cbens  q'ahighessou  soun  frèra, 
E  pensas  be  qe  n'en  troubet 
Beoucop  mai  q'ela  noun  boughet  ; 
Car  es  qicon  d'incountestable 

810        Q'en  lioc  un  rei  n'es  pas  aimable. 
Tout  lou  peis  aourié  chiat. 
Se  la  plassa  abié  pa  mancat. 
Après  noou  meses  de  bouiache, 
Aissi  touqet  soun  eqipache  ; 

815        S' ai  oroumpet  un  floc  daou  terraou 


POésiBS   DB   ROUVIERE  247 

Aoutan  gran  qe  la  pel  d'un  braou, 

Ounte  an  bastit,  dessus  la  placha, 

La  bêla  bila  de  Cartacha. 
))  Ara,  bous,  digas-me  caou  ses, 
820        Ounte  anas,  d'an  ounte  benés  ?  » 

^neas  respon  à  sa  mera 

A  pu  près  d'aqesta  maniera  : 

((  la  Ion  ten  q'aco  sérié  fach, 

Se  bous  i  abias  pa  mes  empach  ; 
825        Can  tenés  lou  lès,  barbaieira, 

On  pot  bé  prendre  una  cadieira: 

Ai  lou  charet  endoulentit. 

Mes  enfin,  pioï  q'abés  finit, 

E  n'era  pa  trop  leou,  per  moia  ! 
830        Bous  aprendrai  que  sen  de  Troia. 

Saïqe  counouissès  ^néas  ? 

Eh  bé  I  soui  el...  De  qe  badas  ? 

Beleou  n'en  doutas,  abestida  ! 

Ou  soui  couma  ses  un'hardida. 
835        Eh  !  baste  qu'où  seghesse  pas, 

Q'aourieï  pas  aoutan  de  tracas  !  » 

<f —  Ses  nascus  embé  la  crispina, 

le  dis  adoun  la  gourgandina  ; 

Certa,  s'eres  un  paou  crebas, 
840        Aco  m'estoumacarié*  pas. 

Ses  erouses  q'on  pot  pas  dire  ; 

CarDidoun,  dedin  soun  ampira, 

De  tan  de  bén  que  bousfara, 

Un  chour  bous  assadoulara . 
845        Sabés  pas  de  qe  bous  espéra? 

A  la  bila  ounte  anas,  counpéra, 

S' ou  boules  saoupre,  regardas, 

Lebasun  paouqet  bostre  nas, 

Achas  aqel  bol  de  laouzetas 
850        Qe  bresiou  cen  cansounetas 

la  pas  q'un  moumen,  un  mouisset 

la  pensât  coupa  lou  siblet; 

*  Le  ms.  semble  donner  nCestounaourié,  qui  ne  présente  aucun  sens . 


248  POésiES   DE  ROUYIBRtt 

S'és  enanat,  é  las  bestiolas 

855        Boulastrechou  couma  de  folas  : 
Aco  boou  dire,  mous  amis, 
Qe  canbous  serés  agandis 
Lon  de  las  doubas  de  Carthache, 
Ta  troubarés  tout  Tesqipache 
Das  baisseous  qe  cresias  negas 

860        E  qe  se  soun  pas  q'ensouras. 
Anas,  aqi  la  routa  bostra  ; 
Marchas,  la  rega  bous  la  mostra.  » 
Tout  en  le  parlen,  soun  coupet 
le  lusissié  coum'  un  quinqet  ; 

865        Soun  fron  semblaba  una  candela  : 
De  poulida  debenghet  bêla; 
Lachet  un  gros  ben  qu'embaoumet, 
E,  patratrac,  s'abalighet. 
Entre  beire  sa  bona  mina 

870        E  senti  la  doussa  bussina, 
^neas  la  recounoughet 
E  de  suita  bous  Tagairet: 
((  De  qe,  sou  dis,  es  bous,  ma  mèra  ! 
Aco's  una  sota  maniera 

875        De  béni  sans  dire  caou  ses. 

S'abiei  fach  quicon  de  trabés  ! 
E  de  segu,  bostra  tournura 
M'a  bouleghat  la  pourritura. 
S'abiei  fachmoun  papa  banut  ! 

880        Oh  !  boutas,  s'en  es  pa  fagut, 
Permoïa!  de  l'ase  de  pica. 
Canie  pense,  n'ai  la  coulica. 
Diou  !  d'un  paou  mai  ère  dannat. 
Anas,  pourtarés  lou  pécat.  » 

885  Apres  aqela  bel'  aoubada, 

^né  embé  soun  camarada, 
Enfilerou  drech  lou  caraou. 
Bonus,  qe  s'en  sachet  pas  maou, 
Lous  amaghet  dins  un  nuache. 

890        Acô's  er'  un  mouien  for  sache, 
Per  qe  manobres,  descroturs 


POBBIES   DE   ROUVIERB  249 

E  Jous  aoutres  estanciups, 

le  traghessou  pas  de  oalosses, 

Ni  qe  ie  cridessou  :  Motit  ! 
895        Ou  qicon  mai  d'aoutan  poulit. 

Lous  dous  Trouiens,  dins  un  nuache, 

Countinuan  doun  soun  bouiatche,  ,       < 

Trempes  de  suzou  coum'  un  gour, 

Toumban  leban  su  lou  miechour, 
900        S'agandigheroun  à  Cartacha, 

Q'encar'era  pa  touta  fâcha. 

De  tout  constat  se  bastissiè; 

Sarraiè,  massous,  menusiè, 

Chacun  aderé  ie  mandaba 
905        E  la  besougna  s'entanchaba. 

Ainsinda  qan  ia  prou  de  tens 

Q'on  a  pas  fach  trissa  las  dens, 

A  taoula  lou  traval  s'entancha: 

Aqeste  serbis,  Taoutre  mancha, 
910        Un  aoutre  destapa  lou  bi, 

Aqel  lou  bouch'a  soun  besi, 

Aqel  entenien'un'intrada 

E  Taoutre  garnis  Tansalada. 

^neas  e  soun  esquié 
915        Anabou  din  chaca  chantiè, 

Bezien  ce  qe  se  ie  passaba 

E  degus  noun  lous  debistaba  : 

Aiço  ben  que  lou  niboulas 

Anounte  s'eroun  amagas 
920        Empachaba  q'on  lous  bechesse, 

San  q'aco  de  reslous  cheinesse. 

Lou  fet,  pa  brai,  bous  sembla  for  ! 

Eh  bé  !  tenés,  n'abés  pa  tort, 

Car  cresé  q'es  una  sonrneta. 
925        Birchile,  en  nous  lou  racountan, 

Dis  qe  lou  cas  es  estounan  *. 


*  Les  vers  927  et  928  manquent  daas  le  ms. 


250  POÉSIES    DE  ROUYIÉlRE 

Tout  anb'un  cop  bous  bei  pintras, 

930        Un  a  un,  toutes  sous  counbas. 
Aissi  das  Grecs  touta  Tarmada 
Ressabié  soun  estiblassada, 
E  lous  Trouions  enfurounas 
Picabou  de  soun  redde  bras. 

935        Pu'  ion,  à  Tentour  de  la  bila. 

Sus  soun  carri,  lou  gus  d' Achila 
Rebalaba  lou  paour'Hector, 
Couma  Ion  rabala  un  biel  qior, 
E  pioï^  tout  macat,  lou  bailaba 

940        A  Priam,  qe  ie  lou  croumpaba. 
En  d'aqel  tableou,  ^neas 
Poughet  pas  retene  un  helas, 
E  mêma  faoughet  qeplouresse, 
Per  tan  redde  qe  se  mouqesse. 

945        Mes  seghet  un  paou  counsoulat 
Can  se  bechet  aoussi  pintrat. 
Tout  de  Ion  daou  riou  Escamandra, 
Tustan  pire  q'un  Alessandre  ; 
Bechet  lou  rei  morou  Menoun 

950        A  la  testa  d'un  bataïoun. 

Aou  mitan  de  la  moulounada, 
Pantelopa  despetrinada. 
En  sous  peousses  esfoulissas, 
Lous  tetinasses  destapas, 

955        Deçaï,  delaï,  engraoufignaba, 
Couma  se  caoucus  la  pagaba, 
E  pas  q^à  soun  er  on  besiè 
Qe  prenié  de  gous  aou  mestiè. 
De  beire  aco,  nostre  cadourla, 

960        Pensas,  manchaba  de  cougourla; 
Badaba  coum'  un  emperit  ; 
Er'  aqi  mitât  enclaouzit. 
Pourtan  dighet  à  soun  compera  : 
<(  Aïssi  counouissou  nostr'  histouera  ; 

965        Acata,  te,  regarda  un  paou 

Chougarieï  qe  ia  pas  un  traou, 
Per  tan  ion  e  pichot  qe  sieche, 


POÉSIES   DE    ROUVIÉRB  251 

Ouûte  noun  counougou  lou  sieche 

Q'aben  soustengut  aou  peïs; 
970        Agacha  Hector,  Priam,  Paris, 

Bêcha  !  caoucus,  aïcî,  per  moia  ! 

Reçap  la  Gazeta  de  Troia. 

Debou  lechi  nostres  papiés, 

A  men  qé  iache  de  sourciés ...» 
975  Couma  parlaba,  la  princessa 

Benghet  aou  mitan  de  chouinessa, 

Qe  la  ghinchaba  sans  aouza 

Un  paouqet  trop  s'en  aproucha  ; 

Ainsinda,  una  china  de  cassa 
980        Propra,  penchinada,  prou  grassa, 

Aou  printen  touchour,  can  sourtis, 

Aou  caou,  a  de  moulons  de  chis  ; 

La  lenga  défera  seghissou , 

Sarrou  lou  mourre,  la  sentissou  ; 
985        Mes  lou  mestre  q'es  à  coustat, 

Manten  lou  troupel  mouderat. 


LA  COUQUETA  D'AOU  BILACHÉ 

Lou  pu  beou  garçon  d'aou  bilaché 

Disou  que  dé  ieou  per  Tesprit. 

Se  lou  bésias,  coum'  es  poulit, 

Coum'  es  aimable,  coum'  es  sache  ! 

Atabé,  Taimé  à  la  fouie, 

Mè  mé  gardé  bé  dé  i'ou  dire. 

Jouisse  tan  de  soun  martyre  ! 

Ai  !  moun  Diou,  moun  Dion,  s'ou  sabiè  ! 

Lou  bespré,  quand  sen  à  la  prada, 
Mé  culis  de  pougnas  dé  flous 
E  mé  las  porta  tout  crentous. 
Ieou,  ne  faon  la  cata  bagnada, 
Couma  ç'aco  noun  mé  plasiè  ; 
Pioi,  dé  rescoundous,  san  c'ou  sache, 
Las  mété  déchout  moun  coursaché . 
Ai!  moun  Diou,  moun  Diou,  s'ou  sabiè  ! 


?52  POBSIBS   DE    ROUVlâRB 

Se  me  risé  de  sa  tendressa, 

Saiqué  cresés  qu'ai  michan  oor? 

Aï!  pecaïre,  coum'  abés  tor: 

Acos  de  poou  de  ma  febléssa. .  • 

Car,besés,is'el  un  chour  bouïè 

Me  démanda  que  que  ség[u]e8sé, 

Crésé  pas  que  i  ou  refiise8[s]é. 

Ai  !  moun  Diou,  moun  Diou,  s'ou  sabiè  ! 


LOU  POUTOU» 

Fai  m'un  poutou,  disiei  à  ma  manida; 
Fai  m'un  poutou,  bota,  te  lou  rendray. 
Quand  Tachet  fach,  me  diguet  :  Fait  'en  lay. 

E  s'era  tout  estrementida  : 

On  aurié  dich,  pas  qu'à  soun  air, 

Qu'aviè  caoussigat  una  ser. 

Es  pa'  'ntaou  qu'on  se  poutounecha: 
A  logua  d'un  poutou,  aco's  donna  Tembecha. 

Bech'  un  poutou,  ma  bêla  Margarida, 
Poutou  d'amour  baylat  couma  se  déou, 
Couma  lous  que  boudriey  te  faire,  ieou. 

Es  lou  pus  grand  ben  de  la  bida. 

Ai  !  sus  ta  bouca,  sus  toun  sen, 

Se  laissés  culi  aquel  ben, 

Caou  pas  que  moun  bonhur  finigue, 
D'aqui  tant  qu'un  dé  dous  d'amour  s'estabanigue. 

Anén,  vénchan,  se  moun  counsél  t'agrada. 

Dé  toun  amie  escouta  las  licous  ; 

Beyras,  beyras,  lou  meou  n'es  pas  pus  dous. 

Siègues  pas  tant  espaoudugada; 

Anen,  escouta  toun  ami. 

Moun  Diou,  moun  Diou,  quinte  plési! 

Toun  iol  mouris;  que  siés  poulida  I 
Ou  bésés  bé,  t'abiei  pas  mentit,  Margarida  ! 

^  L'orthographe  de  ces  deux  chaii.  oqs  est  aussi  flottante  que  différente  de 
celle  du  travestissement  de  VEnéide, 


Poésies 

UNO  AMIGO  D'ANTOUNIETO* 

(remembranço) 

A  dono  Fabre-Sallières 

De  la  vido,  pecaire!  avié  plus  que  Talen, 
E  lou  mège,  en  sourtènt,  moustrant  à  la  mameto 
L'oume  *  que  de  sa  ramo  oumbrejo  lou  balen  % 
Dis  à  la  vièio  en  plour,  palo  coumo  uno  armeto*, 

Que  de  saupre  soun  sort  avié  coumo  talen  : 

«  S'un  cop  tombon  li  fueio,  aurés  plus  d'Antounieto.  » 

—  Uno  enfant  de  dès  an,  qu'istavo  aqui  caieto^, 
Sens  perdre  un  souletmot,  ausis  Farrèst  doulènt. . . 

L'endeman  de-matin,  li  gènt  de  la  manido 

La  veson,  espanta,  dins  Faubre  acrouchounido  ®: 

—  De-que  fas?  —  «  Que  la  mort  vèngue  nous  la  rauba!  » 

Respond,  se  remembrant  lou  prepaus  de  la  vèio. . . 
E  Tuno  à  l'autre,  arditi  courduravo  li  fuèio 
Pèr  lis  empacha  de  toumba.  •  .^ 

L.   ROUMIBUX, 

^  Marie-Antoinette  Rivière,  félibresse  du  Lierre,  née  à  Nimes,  le  21  janvier 
1840,  morte  à  Beaucaire,  le  27  janvier  1865. 

•  Ormeau.  —  3  Balcon. —  *  Ame  en  peine. —  '  Silencieuse.—  •  Accroupie. 
—  7  Provençal  (Avignon  et  les  bords  du  Rhône).  Orthographe  des  félibres 
d^Avignon. 


BIBLIOGRAPHIE 


Autres  Bèit  Telados    del  felibre  de  la  Naveto,  per  Junior  Sans.— Paris, 
librairie  des  Bibliophiles,  1881,  iii-12,  56  pages  (avec  un  fao-simile). 

Cette  élégante  plaquette  sort  des  presses  de  Jouaust,  le  libraire  des 
bibliophiles,  et  continue,  avec  le  même  format  et  les  mêmes  disposi- 
tions typographiques,  le  s  Bèit  Telados  publiées  par  M.  Junior  Sans  en 
1875. 

Elle  renferme  neuf  pièces  :  A  moun  paire,  A  mown  amie  Bemad,  lou 
Darriè  Adieu  à  nostre  paure  amie  JusUnHeirissoun,  A  mestre  JanLaur 
réSf Brinde pourtat  al  banque t  delà mcy'o  fèsto  del  Felibrige (en  1877), 
A  ma  Mu80,  lou  Darriè  Adieu  à  nostre  paure  amie  Francés  Rehoul,  Un 
pastre  e  sous  vesis  *;  et,  enfin,  nous  ne  savons  pourquoi,  le  fac-similé 
d'un  sonnet  injurieux  adressé  à  l'auteur  par  un  jaloux  qui  a  signé  ses 
rimes  du  nom  de  Franquet. 

Lou  Darriè  Adieu  à  Jus  tin  Heirissoun — un  Biterrois  fort  distingué, 
qui  avait  même  donné  quelques  vers  provençaux  à  VArm^ana  de  ISQi 
{Ounte  v(jLs,filhetof  p.  43)  a  été  publié  d'abord  dans  ce  dernier  recueil 
en  1870,  p.  108. 

Les  notes  de  la  bro  chure  de  M.  J.  S.  contiennent,  p.  53,  l'épitaphe 
suivante,  que  son  père,  Julien  Sans,  composa  lui-même  pour  le  tom- 
beau qu'il  s'était  fait  él  ever  dans  le  cimetière  de  Béziers.  Nous  la  cite- 
rons en  entier,  en  la  signalant  à  MM.  le  docteur  Noulet  et  Lieutaud, 
qui  depuis  longtemps  se  préoccupent  de  recueillir  les  textes  épigrapbi- 
ques  du  midi  de  la  France  : 

AISSI,  JOUST  LOBS  CIPRÈS, 

JDLIAN  SANS,  DB  BEZIÉS, 

FA  REPAUSA    SOUS  OSSES. 

SE  MUSC  DIS  :  CAL  SÊS?.  .  . 

PASSANTS,  LOTI  FOUGISSÈS  ! 

MES  SAI  TODRNARÉS  FOSSES. 
PER  TANT  qu'âgés  LOU  FIL  AL  NAS  *, 
LA  MORT  VOUS    DELEMBRARA  PAS. 

Une  autre  face  du  tombeau  porte  une  inscription  complémentaire, 
également  en  vers  : 

EN  1846 

A  PERPETUITAT 
LOU  TOUMBÈU   s'eS  FOUNDAT  ; 

1  Deux  fautes  typographiques  doivent  être  corrigées  :  P.  2,  como,  1.  coumo; 
«S,  loup  cap,  1.  lou  cap.  —  ^  Le  poëte  Julien  Sans  était  tisserand  {telaire), 
détail  qui  explique  ce  vers  et  le  titre  des  Bèit  Telados. 


PÉRIODIQUES  255 

PBEQABÉS  DIÉUS,  PASSANS, 
PER  L0U8  DOUS  FRAIRES  SANS  : 
JULIAN  B  ANTONI. 

Antoine  Sans  était  le  frère  de  Julien  Sans,  et  ceux  qui  liront  ces 

deux  épitaphes, —  la  première  surtout,  —  regretteront  que  l'auteur  de 

las  Bèit  Tdados  n'ait  pas  encore  fait  profiter  le  public  des  vers  de  son 

père. 

A.  Roque-Ferrier. 


PÉRIODIQUES 


Courrier  littéraire  de  TOuest  (novembre-décembre  1880) .  — 
Nous  avons  déjà  eu  occasion  de  parler  de  ce  recueil  {Revue  des  lan- 
gues romanes,  3e  série,  t.  IV,  p.  206)  et  de  signaler  l'intérêt  qu'il  of- 
frait, non-seulement  aux  amis  exclusifs  de  la  littérature,  mais  encore 
aux  philologues  et  plus  particulièrement  à  ceux  qui  s'occupent  des 
idiomes  populaires.  Aujourd'hui  nous  devons  ajouter  que  si,  en  fait  de 
philologie,  une  plus  large  part  y  a  été  faite  aux  dialectes  actuels,  ceux 
d'autrefois  n'y  ont  pas  été  oubliés,  comme  on  peut  le  voir  dans  les  nu- 
méros qui  ont  suivi.  On  y  remarque,  en  effet,  une  étude  très-substan- 
tielle et  très-complète  sur  Deux  Troubadours  pontois  du  XII^  siècle 
(Renaud  et  Geoffroy  de  Pons,  en  Saintonge).  Cette  notice,  qui  en- 
richit notre  histoire  littéraire  d'un  chapitre  tout  à  fait  neuf,  est  de 
notre  collaborateur  et  ami  M.  Chabaneau .  Elle  avait  sa  place  dans  le 
Courrier  littéraire  de  V Ouest,  qui  se  publie  à  Pons  même,  dans  la  patrie 
des  deux  troubadours  dont  il  est  question,  et,  de  plus,  en  l'y  insérant, 
M.  Chabaneau  faisait  acte  de  bonne  confraternité  à  l'égard  du  direc- 
teur de  ce  recueil,  M.  Pierre  Lagarenne,  qui  a  été  et  qui  sera  encore 
un  des  plus  utiles  collaborateurs  de  la  Revue  des  langues  romanes. 
Cette  monographie,  où  nous  retrouvons  les  qualités  habituelles  de 
notre  confrère,  a  déjà  été  appréciée  par  un  érudit  bien  connu,  M.Ta- 
mizey  de  Larroque.  Nos  lecteurs,  à  qui  nous  en  devons  une  analyse, 
nous  sauront  gré  de  reproduire  celle  qu'en  a  faite  ce  savant,  dont  le 
témoignage  a  de  toute  façon  plus  d'autorité  que  le  nôtre. 

«  M .  Camille  Chabaneau,  un  des  érudits  de  notre  temps  qui  con- 
naissent le  mieux  la  littérature  provençale,  ou,  pour  mieux  dire,  limou- 
sine, vient  de  publier  une  étude  de  peu  d'étendue,  mais  de  grande  va- 
leur. On  ne  s'était  encore  jamais  occupé  des  deux  poëtes  pontois,  qui 
nous  ont  laissé  une  pièce  unique,  dont  la  date  semble  devoir  être  pla- 
cée aux  environs  de  l'an  1200,  et  leur  nom  ne  figure  même  pas  dans  V His- 
toire littéraire  de  ia^rawce.  C'est  dire  combien  était  difficile  la  tâche  de 


1^56  PBRlOmQUBS 

M.  Chabaneau.  Aussi  patient  qu'habile  chercheur,  il  a  tiré  parti  do 
tous  les  renseignements  éparsdans  les  recueils  d'autrefois  et  d'aujour- 
d'hui. S'il  n'a  pu  faire  aucune  découverte  en  ce  qui  regarde  Geoffroy 
de  Pons,  il  a  reconstitué  avec  la  plus  heureuse  sagacité  la  biographie 
des  deux  Renaud  de  Pons  (l'oncle  et  le  neveu),  dont  l'un  ou  l'autre 
fut  l'interlocuteur  de  Geoffroy  de  Pons  dans  la  tenson  de  la  fin  du 
Xlle  siècle  ou  du  commencement  du  XlIIe.  A  la  suite  de  cette  étude 
historique,  où  tant  d'autres  mérites  se  joignent  au  mérite  de  la  nou- 
veauté, le  savant  critique  nous  donne  le  texte  et  la  traduction  du 
dialogue,  qui  roule  sur  l'amour  platonique  et  sur  celui  —  qui  ne  l'est 
pas,  dialogue  qui  n'avait  encore  été  publié  qu'une  fois,  dans  un  recueil 
étranger  et  d'après  un  seul  manuscrit.  M.  Chabaneau  a  fort  amélioré 
l'édition  allemande,  en  s'aidant  de  deux  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
nationale .  Texte,  traduction,  notice  et  notes,  font  vivement  désirer 
que  le  philologue  périgourdin,  continuant  ce  qu'il  a  supérieurement 
commencé,  nous  fasse  peu  à  peu  connaître  la  vie  et  les  œuvi-es  de 
tous  les  troubadours  des  diverses  régions  dont  était  formée  notre  fé- 
conde Aquitaine.  »  [Revue  des  BihîiophileSj  avril  1881,  p.  109-110.) 
Le  Courrier  de  l'Ouest  a  donc  bien  mérité  de  la  philologie,  et  nous 
allions  lui  souhaiter  beaucoup  de  lecteurs,  beaucoup  d'abonnés  et  le 
reste,  quand  nous  avons  appris  qu'il  ne  recommencerait  pas  l'année. 
Nous  le  regrettons  bien  vivement  et  nous  voulons  espérer  qu'il  ressus- 
citera avant  peu  et  qu'il  nous  contera  encore  quelques-uns  de  ces  contes 
patois  qu'il  conte  si  bien. 

A.  B. 

Qu'il  me  soit  permis  d'ajouter  quelques  mots  de  rectification  à  l'ar- 
ticle beaucoup  trop  élogieux,  en  ce  qui  me  concerne,  que  l'on  vient  de 
lire .  Je  n'ai  pu,  malheureusement,  pour  mon  étude  sur  les  deux  trou- 
badours pontois,  «  tirer  parti  de  tous  les  renseignements  épars  dans  les 
recueils  d'autrefois  et  d'aujourd'hui»,  parce  que  plusieurs  de  cesrecueilsi 
et  non  pas  les  moins  importants,  quelques-unes  par  exemple  des  grandes 
collections  anglaises,  n'étaient  pas  à  ma  portée.  De  là,  dans  mon  tra- 
vail, des  lacunes  probables,  sans  compter  celles  que  dès  aujourd'hui 
j'y  dois  reconnaître.  Si  j'avais  pu  parcourir,  avant  l'impression  de  ma 
notice,  comme  je  l'ai  fait  depuis,  les  deux  volumes  intitulés  Royal  and 
otherhistorical  Letters  illustraUveof  the  reign  of  Henry  III^  je  n'aurais 
pas  manqué  de  relever  certains  détails,  d'un  très-haut  intérêt  pour  la 
biographie  de  Renaut  de  Pons  que  l'on  y  rencontre.  Je  le  ferai  avant 
peu,  dans  un  travail  d'ensemble  que  je  prépare  siu*  les  troubadours 
de  la  Saintonge,et  où  ma  notice  sur  ceux  de  Pons,  complétée  et,  s'il  y 
a  lieu,  corrigée,  aura  nécessairement  sa  place.  En  attendant,  je  veux 
profiter  de  l'occasion  présente  pour  noter  que  Renaut  de  Pons  eut, 


PÉRIODIQUES  257  ! 

'outre  plusieurs  fils,  dont  j'ai  donné  la  liste  d'après  Courcelles,  une  fille  ; 

appelée  Maheut,  qui  en  1230  était  mariée  depuis  douze  ans*,  et  dont  ; 

le  nom  peut  être  considéré,  ce  me   semble,  comme  une  confirmation 
d'une  conjecture  que  j'ai  émise,  à  savoir  que  la  femme  de  Renaut  de 
Pons  était  la  propre  fille  delà  belle  Maheut  de  Montignac,  qui  fut  ai- 
mée de  Bertran  de  Born.  C'était,  en  effet,  l'usage  alors,  comme  ce  Test       •  i 
encore  aujourd'hui,  de  donner  aux  enfants  le  nom  de  leur  grand-père  1 
ou  deleurgrand'mère.  Voilà  un  lien  que  les  historiens  de  la  littérature  ! 
provençale  ne  soupçonnaient  pas  (honni  soit  d'ailleurs  qui  mal  y  pense) 
entre  Renaut  de  Pons  et  le  grand  troubadour  d'Hautefort. 

C.  C.  , 

i 
Oiornale  di    filologia    romanza,    nP^  5  {t.  II,  fasc.  3-4).  —  i 

P.  121.  F.  Novati,  Una  poesîa  politicadel  cinquecento;  il  Pater  noster 
dei  Lombardi.  — P.  153.  R.  Putelli,  Unnuovo  testo  veneto  del  Renard, 
Ce  fragment  de  703  vers  est  extrait  d'un  ms.  qui  date  de  la  fin  du 
XIV®  siècle  et  qui  se  trouve  à  la  bibliothèque  archiépiscopale  d'Udine. 
—  P.  164.  G.  Bernardi,  Noterella   al  verso  46   del  m   delV  Infemo  :  , 

Questi  non  hanno  speranza  di  morte.  —  P.  172.  F.  Settegast,  Jacos 
de  Forest  e  la  sua  fonte.  M.  Settegast  prépare  une  édition  du  Roman  de  ! 

Julius  César,  œuvre  de  Jacot  de  Forest.  Comme  cette  publication  ne 
paraîtra  pas  de  quelque  temps,  il  croit  devoir  soumettre  en  attendant, 
à  ses  lecteurs,  quelques  observations  relatives  à  ce  texte,  lesquelles 
rectifieront  et  compléteront  sur  certains  points  ce  qui  a  été  dit  de  cet 
auteur.  Il  commence  par  signaler  une  erreur  de  M.  A.  Duval  (His- 
toire littéraire),  qui   avait  estropié  le  nom  de  Jehan  de  Thuin,  auteur 
d'une  translation  o:  de  latin  en  romans  des  x  livres  de  Lucan.»  Puis  il 
rapproche  l'une  de  l'autre  la  rédaction  en  prose  et  la  rédaction  en 
vers,  montre  qu'elles  sont  identiques  pour  le  fond,  et  que  Jacos  de 
Forest,  l'auteur  de  la   rédaction  en  vers,  n'a  été  que  le  traducteur 
du  traducteur  Johan  de  Thuin.  11  parle  aussi  d'une  compilation,  éga- 
lement en  vieux  français,  formée  avec  les  œuvres    de   Salluste,  de 
Lucain  et  de  Suétone,  à  laquelle  il  donne  le  titre  de  Vie,  et  qu'il  at- 
tribue à  ceux  que  Jehan  de  Thuin  appelle  «  Maistres  d'Orliens  »,  com- 
pilation que  celui-ci  aurait  mentionnée   au  cours  de   ses  «  estoires.  y> 
—  P.  179.  A.  d'Ancona,  Sirambotti  di  Leonardo  Griustiniani,  —  P.  194. 
G.  Salvadori,  Storie  popoîari  toscane,  Huit  chansons  narratives  dont 
quatre  sont  en  vers  hendécasyllabes .  —  P.  205.  A.  Thomas,  de  la 
Confusion  entre  R  et  S  Z  en  provençal  et  en  français.  Documents  nou- 
veaux.—  P.  213.  1«  Varietà.  Aneddoto  di  un  codice  dantesco  (J.  Giorgî). 

*  Cela  résulte   de  lettres  de   Renaut  lui-même,  imprimées  dans  le  recueil 
précité. 

20 


258  LA    LÊaBNDB    d'ŒDIPE 

Ajouts  faits  dans  le  courant  du  XIV«  siècle  à  l'œuvre  du  célèbre 
Florentin.  2«  Poésie,  civili  del  secolo  XF(Guido  Leyi).  3o  Due  EispetH 
popoUri  (G.  Salvadori).  4o  Délia  Novella  del  Petit  Poucet  (Antonio 
Ginandrea).—  P.  234.  Baasegna  hihliografica,-^Y .  241.  BulletUno  U- 
Uiografico,  —P.  251.  Periodid.—  P.  254.  Notizie.  A.  B. 


LA  LEGENDE  D'ŒDIPE 

J'espère  arriver  bientôt  à  une  solution  satisfaisante  des  difficiles 
problèmes  d'histoire  littéraire  que  soulève  le  Roman  de  Thèhes;  d'ici 
là,  il  convient,  je  crois,  de  cesser  une  discussion  où,  à  cause  de  l'ab- 
sence du  texte,  il  est  fort  difficile  de  s'entendre  et  de  se  comprendre. 
En  publiant  le  texte,  je  donnerai  mon  opinion  définitive  sur  la  ques- 
tion de  lieu  et  d'attribution;  pour  aujourd'hui,  je  me  contenterai  de 
deux  observations  à  propos  de  la  réplique  de  M.  Boucherie,  insérée 
dans  le  numéro  de  février  : 

10  P.  102.  Encovie.  M.  B.  a  mal  lu  ma  rectification*;  elle  ne  por- 
tait que  sur  le  vers  5510,  dont  le  numéro  était  indiqué  au  glossaire, 
sans  être  suivi  du  vers,  et  où  le  verbe  encovit  est  au  parfait.  Quant 
au  vers  que  j'y  ai  cité  tout  au  long  {Et  de  de  lui  servir  s'encovie),  il 
est  exact,  et  encovie,  au  présent  de  l'indicatif,  rime  avec  compaignie; 
le  sens  est:«  montre  beaucoup  de  zèle  à,  se  fait  gloire  de  ».  Il  s'agit 
du  prêtre-roi  de  Némée,  Lycurgue,  recevant  Adraste,  qu'il  considère 
comme  son  suzerain. 

2o  M.  B.  me  demande,  pour  engraignier  ou  engaignier  (v.  14450), 
la  leçon  des  autres  manuscrits.  La  voici  :  P.  (ms.  de  Cheltenham)  donne 
esraigier;  S(ms.  de  Spalding),  esragier;  B  etC.(ms.  de  Paris)  n'ont 
point  ces  vers  ;  ils  abrègent  en  deux  vers,  de  rédaction  difi'érente, 
l'idée  exprimée  en  quatre  par  les  trois  autres  manuscrits  de  cette  ma- 
nière : 

Quant  ot  11  dus  que  11  rois  dlst, 

De  mautalent  art  et  fremlst. 

11  n'y  a  donc  là  rien  de  décisif  pour  ou  contre  la  leçon  discutée. 

L.    CONSTANS. 

*  Cela  prouve  une  fois  de  plus  qu'il  aurait  mieux  valu  reproduire  chaque 
exemple  in  extenso^  au  lieu  de  se  borner  à  des  renvois  qui,  comme  ici  pour 
le  v.  5510,  n'aboutissaient  à  rien,  puisque  le  vers  indiqué  ne  se  rencontrait 
pas  dans  le  reste  de  l'ouvrage.  Dans  tous  les  cas,  et  c'est  là  l'essentiel,  il  faut 
bien  se  garder  de  considérer,  ainsi  que  l'a  fait  M.  Constans,  encovit  et  encovie 
comme  deux  temps  différents  d'un  même  verbe,  dont  le  type  commun  serait 
*in-cupitare.  Passe  pour  encovie,  si  toutefois  il  ne  faut  pas  lire  en  covie  {con- 
vie). Quant  à  encovit,  je  répète  qu'il  vient  de  *in-cupire.  (A.  B.) 


CHRONIQUE 


Communications  faites  en  séance  de  la  Société.  — 1«'  juin.— 
Sur  un  vers  de  Gormonde  de  Montpellier,  par  MM.  Millet  et  Ghaba- 
neau  ; 

Carabin,  conte  en  vers  provençaux,  par  M.  Louis  Roumieux  ; 

Le  Dictionnaire  provençal-français  de  Jean  de  Nostredame,  par 
MM .  Barrés  et  Chabaneau  ; 

Je  ne  sache  pas ....  que  je  sache ....  par  M.  Rigal . 

15  juin.  — L'origine  arabe  du  mot  alkéhenge,  par  M.  Marcel  Dé- 
vie ; 

Poésies  provençales  extraites  du  chansonnier  Mac-Carthy,  par  M.  L. 
Constans  ; 

Le  sens  de  la  comparaison  populaire  :  Espoulido  coumo  un  sou^  par 
M.  Frédéric  Donnadieu  ; 

Une  poésie  inédite  d'Arnaud  de  Mareuil  et  une  autre  pièce  inédite 
de  Peire  Rogier,  par  M.  C.  Chabaneau  ; 

La  Bataïha  de  Malamort,  poëme  limousin,  par  M.  l'abbé  Joseph 
Roux. 

Livres  donnés  a  la  Bibliothèque  de  la  Société.  — Chansons  et 
lettres  patoises,  bressanes,  bugey siennes  et  dombistes,  avec  une  étude 
sur  le  patois  du  pays  de  Gex  et  la  musique  des  chansons,  textes  re- 
cueillis, traduits  et  annotés  par  Philibert  Le  Duc.  Bourg-en-Bresse, 
Martin-Bottier,  1881;  in-12,  xvi-456-22  pages; 

Lothringischer  Psalter  (Bibl.  Mazarine,  n^  798).  Altfranzôsische 
ûbersetzung  des  xiv.  Jahrhunderts,  etc. ,  zum  ersten  mal  herausgege- 
ben  von  Friedrich  Apfelstedt.  Heilbronn,  Henriinger,  1881,  in-12, 
Lxiv-68  pages  (don  de  M.  Henninger); 

Sammlung  franzôsischer  neudrucke  herausgegeben  von  Karl  Voll- 
môller,  I.  De  Villiers,  le  Festin  de  Pierre  ou  le  Fils  criminel,  neue 
ausgabe  von  W.  Knôrich.  Heilbronn,  Henninger,  1881;  in-12,  xviii- 
88  pages  (don  de  M.  Henninger); 

Bouchon-Brandely  :  Rapport  présenté  à  la  Commission  sénatoriale 
du  repeuplement  des  eaux.  Paris,  Imprimerie  du  Sénat,  1880;  in-4°, 
216  pages  (contient,  pages  208-213,  des  fragments  d'une  poésie  pro- 
vençale: lou  Massacré  dé  la  Mar,]psir  PieiTe  Molinari)  (don  de  M.Vic- 
tor Smith); 

Chailan  (Fortuné)  :  Leis  Bugadiéros,  scène  populaire  en  vers  proven- 
çaux. Marseille,  chez  tous  les  libraires,  S.  D.;  in-8o,  8  pages  (don  de 
M.  Clair  Gleizes); 

Chailan  (Fortuné):  l'Ooubagnen,  vo  Voou  mies  leis  vespros  que  leis 
messos,  counte coumique.  Aubagne,  Jammes,  S.D.;  in-8**,  4  pages  (don 
de  M.  Clair  Gleizes  ; 

Chevalier  (J.- A. -Ulysse):  Notice  historique  sur  la  maladrerie  de 
Voley,  près  Romans,  précédée  de  recherches  sur  la  lèpre,  les  lépreux 
et  les  léproseries,  et  suivie  de  soixante-douze  pièces  justificatives  iné- 
dites. Romans,  Rosier,  1870;  in-8°,  x-166  pages  ; 

Chevalier  (l'abbé):  Actes  capitulaires  de  l'église  Saint -Maurice-de- 
Vienne,  statuts,  infëodations,  comptes,  publiés  d'après  les  registres 
originaux.  1'®  livraison.  Vienne,  Savigné,  1875;  in-8°,  128  pages; 


260  CHRONIQUE 

Chevalier  (l'abbé)  :  Bibliographie  :  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire 
de  l'abbaye  royale  de  St- André- le- Haut-de- Vienne.  Fastes  de  l'église 
de  Vienne.  —  Supplément  à  l'Histoire  de  l'église  de  Vienne,  par  C. 
Charvet,  etc.  (Compte  rendu  extrait  de  la  Revue  critique,  1869).  No- 
gent-le-Rotrou,  Gouverneur,  1869;  in -8*,  4 pages; 

Chevalier  (l'abbé)  :  Cartulaire  de  l'abbaye  de  Saint- André-le- Bas  de 
Vienne,  ordre  de  St-Benoît,  suivi  d'un  appendice  de  chartes  inédites 
sur  le  diocèse  de  Vienne  (IXe-XIIe  siècles).  Vienne,  Savigné,  1869; 
in-8<»,  Ln-368-44  pages  ; 

Chevalier  (l'abbé):  Cartulaire  de  l'abbaye  Notre-Dame-de-Léoncel 
au  diocèse  de  Die — ordre  de  Citeaux,  —  publié  d'après  les  documents 
originaux,  l'*  livraison.  Montélimar,  Bourron,  1869;  in-8®,  320  pages; 

Chevalier  (l'abbé):  Cartulaires  de  l'église  cathédrale  de  Grenoble^ 
publiés  par  M.  Jules  Marion,  etc.  (Compte  rendu).  Nogent-le-Rotrou, 
Gouverneur,  S.  D.;in-4*',  12  pages  ; 

Chevalier  (l'abbé)  :  Cartulaire  des  Hospitaliers  et  des  Templiers  en 
Dauphmé.  Vienne,  E-J.  Savigné,  1875,  în-8*,  136  pages; 

Chevalier  (l'abbé)  :  Cartulaire  municipal  de  la  ville  de  Montélimar 
(Drôme),  publié  d'après  les  documents  originaux,  etc.  Montbéliard 
Hoffmann,  1871;  in-S»,  iv-352  pages. 


Errata  du  numére  de  mars  1881 


Chronique. — P.  155, 1.  3.  La  Fie  de  Peire  de  la  Mula,  signalée  comme 
inédite,  a  été  publiée  dans  leJahrlmch  fUr  rom.  PMI.,  II, 
21,  d'après  le  manuscrit  du  Vatican  n°  5232.  Il  faut  ajouter 
que  plusieurs  de  ces  Vies  offrent  des  passages  importants  qui 
ne  se  rencontrent  pas  ailleurs,  ou  qui  du  moins  sont  inédits. 
— Ihid.,  l.  8,  après  de  Kambaut  d'Orange,  lisez:  Pos  uei  quel 
c/ar«  (omission  àeV Officiel). —  Tbid.,  1.  12  sqq.  Une  tentative 
malheureuse  faite  par  un  correcteur,  pour  abréger  la  fin  de 
la  note  transmise  à  V  Officiel,  a  rendu  inintelligibles  les  der- 
nières lignes.  Il  faut  lire  :  «  et  fournit  un  assez  grand  nom- 
bre de  variantes.  M .  Constans  va  publier  incessamment  une 
notice  détaillée  de  ce  chansonnier.  »  Ajoutons  que  cette  no- 
tice contiendra  toutes  les  parties  de  Yies  inédites,  et  paraîtra 
dans  un  des  plus  prochains  numéros  de  la  Revue,  (l..  C.) 


Le  gérant  responsable  :  Ernest  Hamelin. 


Dialectes  Anciens 

LES  MANUSCRITS  PROVENÇAUX  DE  CHELTENHAM 

I 

UN  NOUVEAU  CHANSONNIER  PROVENÇAL 

On  lit  dans  TAppendice  bibliographique  qui  termine  le  livre 
de  M .  Mar j-Lafon»  intitulé  Tableau  historique  et  littéraire  de 
la  langue  parlée  dans  le  midi  de  la  France,  et  connue  sous  le  nom 
de  langue  romano-provençale,  cette  indication: 

Poésies  en  périgourdin  (bibliothèque  particulière  de  sir 
Phillipps,  àMiddlehill)». 

Depuis  longtemps  notre  attention  avait  été  frappée  par  ce 
titre,  qui  nous  paraissait  suspect  ;  mais  c'est  en  vain  que  nous 
avions  cherché  à  nous  renseigner  à  cet  égard.  Ayant  eu,  il 
y  a  quelques  mois,  Toccasion  de  visiter  la  bibliothèque  de  feu 
sir  Thomas  Phillipps,  aujourd'hui  transportée  à  Cheltenham 
(comté  de  Glocester,  Angleterre),  nous  nous  sommes  empressé 
de  demander  communication  de  ce  manuscrit,  et,  dès  la  pre- 
mière ligne,  nous  avons  pu  constater  que  c'était,  non  un  re- 
cueil de  poésies  modernes,  mais,  comme  nous  l'avions  soup- 
çonné, un  chansonnier  provençal.  N'ayant  pu,  à  cause  du  peu 
de  temps  pendant  lequel  le  manuscrit  a  été  à  notre  disposi- 
tion, le  transcrire  en  entier,  nous  avons,  du  moins,  pris  copie 
des  parties  les  plus  intéressantes  et  recueilli  des  notes  pré- 
cises, de  façon  à  pouvoir  donner  une  notice  détaillée  du  ma- 
nuscrit. C'est  cette  notice  que  nous  ofirons  aux  amis  de  la 
vieille  littérature  provençale. 

Le  manuscrit  dont  nous  nous  occupons  porte,  dans  le  ca- 
talogue imprimé  de  la  bibliothèque  de  sir  Th.  Phillipps,  la- 
quelle contient  plus  de  30,000  manuscrits,  le  numéro  1910.  Le 
catalogue  et  le  volume  lui-même  portent  cette  indication,  due 

*  [M.  Mary-Lafon  n'a  pas  été  le  premier  à  mentionner  le  ms.  qui  fait  l'objet 
de  la  présente  notice.  Cet  écrivain  a  simplement  copié,  aussi  bien  pour  les 
poésies  en  péHgourdin  (p.  306)  que  pour  les  proverbes  provençaux  {^.  307), 
ce  qu'avait  déjà  dit  de  ces  deux  recueils  Pierquin  de  Gembloux  (Hist.  litt. 
des  patois,  310  et  311.)  —CC] 

TOBfE   V  DELA  TROISIÈME  SÉRIE.—  JUIN   1881.  21 


26^  MANUSCRITS  DE   GHELTBNHAM 

au  fameux  bibliophile  anglais  :  ex  biblioth .  Meet^man,  Hagae 
Comùis,  olim  ex  bibl,  collegii  societatis  Jesu  Claromontani,  Pa- 
risiis.  Le  chansonnier  a  donc  appartenu  au  collège  de  Cler- 
mont. 

C'est  un  mince  registre  grand  in-4**,  de  31  centimètres  sur 
22,  avec  une  reliure  moderne   en  parchemin,  portant  au  dos 
ce  titre,  écrit  à  la  main  en  ronde  :  Poème  (sic)  péngourdin   et 
Proverbes  provençaux.  Manuscript.  Il  est  formé  de  plusieurs  ca- 
hiers de  gros  papier  gris,  dont  le  premier  est  resté  en  blanc. 
Puis  viennent  28  feuillets,  remplis  (sauf  quelques  blancs  que 
nous  signalerons  plus  loin)  de  Vies  et  Poésies  des  troubadours. 
L'écriture,  une  cursive  un  peu  raide,  assez  semblable  à  notre 
bâtarde,  est  le  plus  souvent  sur  deux  colonnes,  et  nous  a  paru 
dater  du  XVIe  siècle  ;  il  n'ja  ni  accent,  ni  ponctuation,  seule- 
ment quelques  exemples  de  p=  z*,  et  des  deux-points  rempla- 
çant tous  les  autres  signes.  En  tête,  d'une  écriture  moderne, 
on. lit  ces  mots  :  Poèmes  en  PeHgourdin,  Les  folios  29  r**, — 
42 v<*,  sont  occupés  par  des  Proverbes  provençaux,  rangés  .par 
ordre  alphabétique  d'après  la  première  lettre,  et  transcrits  au 
XVIP  siècle  d'une  écriture  ronde,  assez  pénible  à  lire.  Dans 
sa  dernière  partie,  le  manuscrit  n'est  plus  folioté  à  l'encre 
et  avec  des  chiffres  contemporains  du  texte  lui-même,  comme 
on  le  voit  dans  la  première  partie:  ce  qui  prouve  que  la  fin  du 
registre  est  longtemps  restée  vide  et  n'a  été  utilisée  que  plus 
tard;  mais  une  main  moderne  a  paginé  au  crayon  le  manu- 
scrit, du  commencement  à  la  fin. 
Voici  les  premiers  et  les  derniers  de  ces  proverbes: 

A  Tenfoumar  si  pren  lou  pan  cournut. 

A  las  pichounos  bouillos  y  sfon  loas  bonous  enguens. 

Amour  de  seignour,  escalié  de  veyre. 

Auro  drecho  non  a  abrig,  et  lou  paure  non  a  amig. 

A  tous  cops  son  louchos. 


Vougnas  villain,  vous  pougnira;  pougnas  villain,  vous  vouignira. 
Vidon  vidau,  segon  la  vido  lou  joumau. 
Vay,  fy  couquar,  que  fay  vie(?)  lou  cuou. 

*  Cf.  coçens,  Roembauç^  auçir,  etc. 


MANUSCRITS   DE   CHELTENHAM  263 

Vau  may  calor  que  fouol  parlar. 
Ungjourplou,  l'autre  souleillo. 
Vau  may  ung  plat  de  broim  (?)  q'uno  houllo  de  lautgue  (?)  *. 

[Ce  recueil  de  Proverbes  provençaux  est  probablement  contemporain  de 
ceux  que  formèrent  Voltoire  et  Rulman  pendant  la  première  moitié  du  XVIIe  siè- 
cle. Il  est  antérieur  à  la  Bugado  provençalo,  dont  la  première  édition  remon- 
terait à  l'année  1649,  selon  M.  Mistral  (Trésor  dôu  Felibrige,  I,  392),  et  aux 
environs  de  1660,  d'après  la  préface  mise  en  tête  de  la  réédition  d'Aix  (Ma- 
kaire,  1859,  in-12,  104  pages),  par  M.  Rouard.  Les  extraits  que  leur  emprunte 
M.  Gonstans  sont  de  nature  à  en  faire  souhaiter  la  publication  intégrale  ; 
mais,  en  revanche,  ils  ne  donnent  pas*  une  idée  bien  grande  de  rinteUigence 
du  scribe  qui  nous  les  a  conservés.  Cinq  proverbes  sur  onze  doivent  être 
rectifiés  comme  il  suit: 

I.  A  las  pichounos  bouittos  sy  fon  lous  bouons  enguens  (dans  les  petites 
boîtes  se  font  les  bons  onguents). 

II.  A  très  cops  son  louches  (à  la  troisième  fois,  les  luttes). 

ÏII.  Vai  ty  couquar,  que  fas  veire  lou  cuou  (va  te  coucher,  [parce]  que  tu 
montres  le  derrière). 

IV.  Vau  may  calar  que  fouol  parlar  (mieux  vaut  se  taire  que  parler  folle  _ 
ment).  [Proverbe  déjà  connu  au  moyen  âge  *et  cité,  dans  les  mêmes  termes, 
par  Guillaume  Durand,  dans  son  Spéculum  juris.  Voy.  Histoire  littér,  de  la 
France,  XX,  446.— C.  C] 

V.  Vau  may  ung  plat  de  broueit  q'uno  houllo  de  lavagne  (mieux  vaut  un 
plat  de  brouet  qu'une  marmite  de  soupe  à  l'eau  (?)). 

Cf.,  pour  la  signification  de  lavagne^  Honnorat,  Dfc^.  prov.-fr,,  articles  laic- 
vans  et  lavagnas,  et,  pour  le  dicton  lui-même,  la  Bugado,  p.  99. 

Le  proverbe  :  Amour  de  seignour,  doit  être  complété  de  la  manière  sui- 
vante : 

Amour  de  seigneur,  escalié  de  veire; 
A  fach  de  vous,  noun  vous  pôu  veire. 
(Amour  de  seigneur,  escalier  de  verre. —  Lorsqu'il  a  fait  de  vous,  il  ne  peut 
plus  vous  voir.) 

C'est  un  de  ceux  que  les  recueils  méridionaux  ont  le  plus  souvent  rapportés. 
On  le  trouve,  en  effet,  dans  Rulman  {les  Prov.  du  Languedoc,  édition  Mazel, 
p.  8);  la  Bugado,  p.  18;  Sauvages,  Dict. ,  II,  393;  G[arcin](JVowv.  Dzct.  prov, 
/r.,  348),  etc. 

S'il  m'est  permis  de  donner  à  cette  note  un  développement  peut-être  hors 
de  saison  avec  le  but  qu'elle  avait  tout  d'abord,  je  signalerai,  —  ne  serait-ce 
qu'à  titre  de  curiosité, —  l'air  de  famille  et  la  note  mélancolique,  presque  scep- 
tique, des  proverbes  suivants  : 

Amour  de  segnou, 
Oumbra  de  bouissou. 

(Cf.  Bug.,  20;  Sauvages,  II,  374.) 
Amour  de  paisan, 
Amour  de  can  (chien)» 

(Cf.  Bug,,  19.) 


264  MANUSCRITS   DE   CHELTENHAM 

Nous  avons  dit  que  la  partie  la  plus  ancienne  du  manu- 
scrit renferme  des  Vies  et  des  Poésies  des  troubadours.  Ces  Vtes 
sont,  pour  la  plupart,  semblables  à  celles  qui  ont  déjà  été  im- 
primées par  Raynouard  et  par  Mahn.  Cependant  nous  devons 
signaler  quelques  particularités  importantes  : 

1°  La  Vie  de  Hugues  de  Saint-Cjr  est  augmentée  d'une 
assez  longue  explication  du  sujet  de  la  pièce  :  Longamen  ai 
atenduda , 

2°  La  Vie  de  Giraut  de  Borneil  est  sept  ou  huit  fois  plus 
longue  que  dans  les  manuscrits  utilisés  par  Mahn,  et  nous  ap- 
prend dans  quelles  circonstances  furent  composées  la  plupart 
de  ses  pièces. 

3**  La  Vie  de  Peire  de  la  Mule,  d'ailleurs  très-courte,  ne 
se  trouve  pas  dans  les  recueils  des  Vies  des  troubadours  de  Ray- 
nouard et  de  Mahn;  elle  a  été  publiée  par  M.  Bartsch,  dans 
le  lahrbuch  fur  romanische  Philologie,  II,  21,  d'après  le  ms. 
5232  du  Vatican.  Nous  la  donnons  à  sa  place,  avec  les  va- 
riantes de  Bartsch. 

4°  La  Vie  de  Rambaut  d'Orange  est  inédite,  du  moins  sous 
sa  forme  provençale. 

Quant  aux  poésies,  nous  n'avons  pas  reconnu  d'unica  dans 
le  nouveau  chansonnier.  La  pièce  de  Giraut  de  Borneil,  qui 
porte  le  n»  12,  A  commanc  Dieus  maint,  dont  le  premier  vers 

Amour  de  Dora  e  de  gendre 
Calou  de  cendres, 

(Cf.  Bug.,  19  ;  Sauvages,  II,  374;  Garciu,  347.) 

Amour  de  sorre 
Vau  pas  un  porre 

(Cf.  Sauvages,  11,374;  Garcin,347.) 

Amour  de  fraire. 
De  copa  vau  gaire. 

(Cf.  Sauvages  et  Garcin .  Ibid.) 

Amour  de  courtisan 

Ben  de  vielan  {vilain) 
E  fe  de  femelan 
Noun  duroun  passât  un  an. 

(Cf.  Bug.,  20.) 

Le.^  références  qui  précédent  montrent  que  ces  proverbes  sont  aussi  répan- 
dus que  celui  dout  le  manuscrit  de  Cheltenham  contient  une  version  évidem- 
ment tronquée.]  A.  Roque-Ferribr. 


MANUSCRITS  DK    CHELTBNHAM  265 

seul  est  donné,  doit  certainement  être  la  même  que  celle  que 
ron  trouve  dans  le  chansonnier  Mac-Carthy,  au  f*  183  r*», 
col.  2,  et  dont  le  premier  vers  est  celui-ci:  Aii:on  rnaven Dieus 
majut.  L'erreur  de  transcription  est  évidente.  Mais  la  pièce 
n®  18  de  Rambaut  d'Orange  est  inédite  et  n'a  été  signalée 
jusqu'ici  que  dans  le  chansonnier  Mac-Car thy  :  nous  la  don- 
nons plus  loin.  D'ailleurs,  notre  manuscrit,  quoiqu'il  ne  soit 
pas  irréprochable,  peut  être  considéré  comme  un  des  meil- 
leurs, surtout  si  l'on  tient  compte  de  l'époque  tardive  où  il  a 
été  exécuté,  et  il  offrira  certainement  une  ressource  précieuse 
aux  futurs  éditeurs  de  poésies  des  troubadours. 

Deux  ou  trois  indications  laissent  entrevoir  que  le  copiste 
était  italien  :  par  exemple  (f»  24  r®,  col.  1),  da  pour  de  dans 
Peire  da  la  Mula,  parecle,  au  sens  de  plusieurs  (£^  6  v°,  col.  1), 
et  ces  mots,  par  lesquels  il  répare  une  erreur  qui  lui  avait 
fait  laisser  de  côté  une  grande  partie  de  la  Vie  de  Giraut  de 
Borneil  (f**  22  v**,  col.  2)  :  Guarda  aile  carte  20 j  tris  e  dokns.  Ce 
sont  là,  en  effet,  les  derniers  mots  que  l'on  trouve  au  f»  20  r*, 
col.  2,  bas,  où  la  phrase  est  interrompue. 

Nous  allons  donner  maintenant,  en  suivant  l'ordre  des  pa- 
ges, les  premiers  et  les  derniers  mots  de  chaque  Vie,  et  le 
premier  vers  de  chaque  pièce,  avec  le  nombre  de  vers  qu'elle 
contient.  Dans  le  cas  où  le  premier  vers  seulement  est  donné 
dans  le  manuscrit,  nous  reproduisons  ce  vers,  et  alors,  natu- 
rellement, il  n'y  a  aucune  indication  sur  le  nombre  de  vers. 
Nous  rétablissons  ou  supprimons,  suivant  le  cas,  les  majus- 
cules, dont  l'emploi  est  souvent  arbitraire,  et  nous  usons  de 
l'apostrophe  et  des  signes  de  ponctuation  ordinaires,  pour  plus 
(le  clarté  ;  mais  nous  avons  cru  devoir  être  très-sobre  de  cor- 
rections, pour  ne  pas  trop  altérer  la  physionomie  du  manu- 
scrit. 

'N  Arnautz  Daniels  (/•  1  y*) 

Vie  (12  lignes  pleines)*. 

*  Nous  donnons,  pour  les  Vies,  le  nombre  de  lignes  du  manuscrit,  pourqu'on 
puisse  comparer  avec  les  Vies  correspondantes  de  Mahn  ;  4  demi-lignes  ou 
2  lignes  pleines  du  manuscrit  valent  'S  lignes  de  Mabn.  Nous  donnons  égale- 
ment les  numéros  des  Vies  dans  Mahn. 


266  MANUSCRITS   DE    CHBLTBNHAM 

N'  Arnautz  Daniels  si  fo  d'aqella  encontrada  don  fon  N'  Ar- 
nautz  de  Meruoill. 

Fin:  efetz  manias  bonas  chansos  tais  con  vos  auzirez  (Mahri^ 
xxxvn  ot  xxxviii). 

Pièces^, 

1.  En  est  sonet  coind'  e^  leri  (6  X  7-|-  3)'. 

2.  Sols  soi  qe  sai  lo  sobrafan  qiiem  sortz*  (6  X7  +  3). 

3.  Ar  vei  vermeils,  blaus,  blancs,  gruecs  (6  X  7). 

4.  L'aur*  amara^  fais  brueills  brancutz  clarzir  (6X7+3). 

5.  Anz  qe  sim  veston  de  branchas  (6X7+3). 

6.  Sim  fos  amors  de  joi  donar  tan  larga  (6X  8  +  2). 

7.  Lo  ferm  voler  q'el  cor  m'intra*  (6x6  +  3). 

8.  Dous  braiz  e  critz  e  chans  e  sons  "^  e  voûtas  (5X8  +  2). 

9.  Ane  eu  non  l'ac  mas  ella  m'a  (6X  10). 

10.  Chanson  dont  mot  son  plan  e  *  prim  (6x9+4). 

11.  Autet  et  bas  entrels  prims  fueills  (6X9  +  3). 

12.  En  breu  brisaral  temps  braus  (6X7  +  2). 

PiSTOLBTA   (/'o4t;0) 

Vie. 

Pistoleta  si  fo  cantare  d'En  Arnaut*  de  Meruoill,  e  fo  de 
Proensa  e  puois  trobaire,  e  fez  cansons  con  avinens  sons,  e  fo 
ben  graciz  entre  la  bona  gen.  Mas  hom  fo  de  pauc  solaz  e  de 
paubra  endura  e  de  pauc  valUimen;  e  tolc  mollie  a  Marseilla 
e  fez  mercader*®  {Mahn,  cxiv). 

Pièces, 

1,  Sens  et  sabers  auzirs  e  fin'  amors  (4x8  +  4). 

^  Le  nom  du  troubadour  est  répété  en  tête  de  chaque  pièce  donnée  en  entier. 
Nous  numérotons  les  pièces  données  tout  au  long  pour  faciliter  les  recher- 
che» ;  le  manuscrit  ne  numérote  que  celles  dont  le  premier  vers  seulement  est 
cité. 

^  Ms.  eoin  de. . 

s  Pour  abréger,  nous  indiquons  ainsi  le  nombre  de  vers  de  chaque  pièce. 
Ici,  par  exemple,  6x4+3  signifie  qu'il  y  a  6  couplets  de  4  vers  chacun, 
plus  un  envoi  (ou  couplet  final)  de  3  vers. 

♦  Ms.  sobrassan,,,  soritz.  * 
8  Ms.  Laura  mara. 

*  Ms.  minira, 
■^Ms.  fons, 

8  Mb.  plant. 

9  Ms.  de  Namaut» 

«o  Mahn  ajoute;  evenc  ries,  e  laisset  d'aiiarper  cortz. 


MA.NUSCRITS    DE    CHBLTENHAM  267 

2.  Plus  gai  sui  q'eu  non  sueill  ^  (5x8  +  4). 
'N  Ucs  DE  Saint  Circ  (/^  5  ro,  col.  1) 

Le  texte  de  la  Vie  se  rapproche  beaucoup  de  celui  du  ms.  I 
de  Mahn  (Paris,  B.  N.,  fs.  fr.,  854);  pour  qu'on  puisse  en 
juger,  nous  la  donnons  en  entier.  Quant  à  l'explication  du 
sujet  de  la  pièce  Longamen  ai  atenduda,  nous  ne  l'avons  ren- 
contrée nulle  part,  et  il  y  a  lieu  de  croire  que  ce  morceau  est 
unique. 

Vie. 

'N  Ucs  de  Saint  Circ  si  fo  de  Caersin,  d'un  bore  qe  a  nom 
Tegra,  fils  d'un  paubre  vavasor  qe  ac  nom  'n  Arman  de  Saint 
Circ,  per  so  qel  chastels  don  el  fo  a  nom  Saint  Circ,  q'es  al  pe 
de  Sainta  Maria  de  Rochamador,  que  fo  destruich  per  guerra 
e  derrochat.  Aquest  'nUcs  si  ac  granren  de  fraires  maiors  de 
se.  E  volg[r]on  lo  far  clerc  e  manderon  lo  a  scola  a  Monpellier. 
E  quant  eill  cuideron  qu'el  ampares  letras,  el  amparet  chan- 
sos  e  vers,  e  sirventes,  e  tensons,  e  coblas,  eill[s]  faichs  eills 
dichs  dels  valens  homes  [e  de  las  valens]  dompnas  qe  eron  al 
mon  ni  eron  estât;  et  am^  aquest  saber(s)  el  s'ajoglari ',  el 
coms  de  Rodes  el  vescoms  de  Torena  sil  leveron  *  molt  a  la 
joglaria  con  las  tensons  e  cum  las  coblas  qe  feiren  cum  lui, 
el  bons  Dalfins  d'Alvergna^.  Et  estet  lonc  temps  en  Gascoina 
paubres,  cora  ape,  cora  acaval.  Lonc  temps  estet  cum  la  com- 
tessa  de  Benavias*,  e  per  leis  gazaignet  l'amistat  de  Savaric' 
de  Malleon,  lo  quais  lo  mes  en  arnes  et  en  roba.  Et  estet  lonc 
temps  com  el  en  Poitou  et  en  las  soas  encontradas,  puoia  en 
Cataloina  et  en  Aragon  et  [en]  Espaina,  cum  lo  bon  rei  Anfons 
[d'Aragon]*  e  cum  lo  rei  Anfons  de  Lion  e  col  rei  Peire  d'Ara- 
gon, e  puois  en  Proensa  cum  totz  los  barons,  puois  en  Lom- 
bardia  et  en  la  marcha  [Trevisana  *];  et  tolc  moiller,  e  fez  en 

*  Ms.fueiU. 

2  Ms.  e  cam;  Mahn  et  ab.  Notre  ms.  remplace  presque  toujours  ici  ah  (  =: 
avec)  par  com  ou  cum, 

3  Ms.  sa  ioglari;  Maha  senioglaric  (B),  saioglari  (I). 

*  Ms.  levèrent. 

8  Ms.  Dal  Vergne.  Les  mots  el  bons  Dalfins  d'Alvergna  JQuent  le  rôle  dq 
sujet  de  levei^on,  comme  el  coms  c?e  Rodes ^  etç, 
•Mahn,  benauges. 
'  Ms.  somaric. 
•Cf.  Mahn. 


26«  MANUSCRITS    DE    CHBLTENHAM 

fans.  Gran  rem  amparet  del  autrui  saber,  e  voluntiers  Tensei- 
gnet*  ad  autrui.  Chansos  fez  de  fortbonas  e  de  bons  sons,  e  de 
bonas  coblas  ;  mas  non  fez  gaires  de  las  chansos,  car  anc  no  fo 
fort  enamoratz  de  neguna  ;  mas  ben  se  saup  feigner  enamoratz 
ad  allas  ab  son  bel  parlar.  E  saup  ben  dire  en  las  soas  chansos 
tôt  so  queill  avenia  de  lor;  e  ben  las  saup  levar,e  ben  far  ca- 
zer.  Mas  puois  q'el  ac  moiller,  non  fez  chansos.  {Cf.  Mahn, 

XLV.) 

Pièces  {f^  5  n>,  col.  2). 

1.  Gent  an  saubut  miei  oillrenser  mon  cor  (5x  8  +  4). 

2.  Nuilla  ren  que  mestier  m'aja  (6  X  10  +  6). 

3.  Nuls  hom  no  sap  d'amie  tro  l'a  perdut  (5X8  +  4). 

4.  Anc  enemics  qu'ieu  agues  (6  X  10  +  6). 

Suite  de  la  Vie  {fo  6  »o,  col.  1). 

'N  Ucs  de  Saint  Cire  si  amava  una  dompna  de  Trevisana, 
qe  avia  nom  dompna  Stazailla,  e  si  la  servi  e  la  honoret  de 
lausor  e  de  prez,  e  fez  de  bonas  chansos  d*ella  ;  e  ella  recebia 
en  grat  Tamor  el  prec  e  Tentendemen  el  ben  dich  de  lui,  el 
dis  de  grans  plaisers,  eil  promes  mains  bens  plasens.  Mas  ella 
si  fo  una  dompna  qe  vole  qe  tuich  Tome  qe  la  viren,  qe  fossen 
d'onor  e  de  be,  entendessen  en  ella;  e  a  totz  soffri  los  precs 
e  los  entendemens,  e  a  totz  prometia  plasers  a  far  et  a  dire  :  e 
sinfez  a  parecle.  'N  Ucs  sin  fo  gellos  d*aiso  qen  vi  e  qen  ausi, 
e  yenc  a  gerra  et  a  mescla  enm*  ella.  Mas  ella  era  una  dompna 
qe  no  temia  blasme  ni  rumor  ni  maldit  :  gran  guerra  li  fez 
longa  saison,  et  ella  pauc  la  presava.  E  'n  Ucs  atendia  tôt  dia 
q'ella  queris  patz  e  concordia*  (sic),  e  q'el  entres  entai  raison 
cum  ella  qel  en  feses  una  chanson  avinen.  Ë  vi  qe  noil  venia, 
el  en  fez^  de  la  raison  qel  avia  una  chanson  qe  diz  :  Longamen 
ai  atenduda. 

Autres  pièces  {f>  6  v;  coL  1). 

5.  Longamen  ai  atenduda  (6  X  8  +  7), 

6.  Aissi  cum  es  cointa  ^  e  gai(a)  ^ 

^  Mb.  le  inseignet. 

'Ms.   concordio. 

«  Ms.  enfez. 

*  Ms.  ai...  cointre  gaia. 

s  La  rime  est  en  ai,  par  élision  de  Va. 


MANUSCRITS    DE    CHELTENHAM  269 

E  cortesa  e  plazens  (5  X  10  +  5). 

7.  Ane  mais  non  vi  temps  ni  sason  (5  X  9  +  5). 

8.  Ses  désir  e  ses  rason  (5X8  +  4). 

9.  Enaissi  cum  son  plus  car*  (6  X  10  +  4). 

10.  Servit  aurai  lonjamen  (5x9  +  4  +  4). 

1 1 .  Estât  ai  fort  lonjamen  (5x9+4). 

Cette  dernière  pièce  n'est  qu'un  remaniement  vers  pour 
vers  de  la  précédente  ;  mais  il  manque  l'envoi,  c'est-à-dire 
4  vers  sur  les  8  qui  suivent,  dans  la  précédetote,  les  couplets 
de  9  vers. 

12.  Très  enemics  e  dos  mais*  seingnors  ai  (5x9  +  5). 

Raembautz  de  Vaquetras  (/o9r%  coL  1,  milieu) 

Vie  (20  demi-lignes). 

Raembautz  de  Vaqueiras  si  fo  fils  d'un  paubre  cavallier  de 
Proensa,  del  chastel  de  Vaqueiras 

Fin:  e  det  li  gran  terra  e  gran  renda  en  lo  regisme  de  Sa- 
lonic,  e  lai  el  mori  {Mahn,  xxxi  et  xxxu)'. 

Pièces  (f»  9  r«,  col.  1). 

1.  Savis  e  fols,  humils  et  orgoilos  (5X8  +  4  +  4). 

2.  Leu  pot  hom  gaugz  e  prez  aver  (6  X  10  +  4  +4). 

3.  Ja  non  cuigei  vezer  (8  X  16  +  8). 

4.  Nuills  hom  en  ren  non  faill  (5  X  9  +  4). 

5.  No  m'agrada  yverns  ni  pascors  (6  X  12). 

6.  Eissament*  ai  guerreiat  ab  amor  (6  X  8  4-3+ 3). 

7.  Guerras  ni  plais  non  son  bon  (6  X  12  +  7  +  7). 

8.  Ara  pot  hom  conoiscer  e  proar  (5X11  +3). 

Il  manque  quatre  vers  au  cinquième  couplet. 

9.  Eram  requier  sa  costum'  e  son  us  (5  X  8  +  4)« 
10.  Del  rei  d'Aragon  conssir  (6X8  +  3). 

RoEMBAUZ  d'Aurbnga  {fo  12  v^,  col.  2) 

Vie  (30  demi-lignes). 

Roembauz  d'Aurenga  ^  si  fo  lo  seingnor  d'Aurenga  et  de 

*  Ms.  clar. 

*  Ms.  mats. 

>  Notre  ms.  suit  à  peu  près  le  texte  du  ms.  B.  de  Mahn  (Paris,  B.  N.,  1592). 

*  Ms.  eissamera. 

'  [Cette  notice,  qui  paraît  ici  en  provençal  pour  la  première  fois,  a  été  con^ 


270  MANUSCRITS    DE    GHELTENHAM 

Corteson  e  de  gran  ren  d'autres  castels.  E  fo  adreich  et  esein- 
gnaz  e  bons  cavailliers  d' armas  e  gens  parlans,  et  moût  se 
deleitet  en  domnas  onradas  et  en  domnei  onrat,  e  fo  bons 
trobaires  de  vers  e  de  chansons,  mas  moût  s'entendeit  en  far 
caras  rimas  e  clusas,  et  amet  longa  sason  una  domna  de 
Proensa  que  avia  nom  madomna  Maria  de  Vertfuoil  et  appel- 
lava  [la]  son  joglar  e  sas  chansos.  Longamen  la  amet  e  ella 
lui,  e  fez  maintas  bonas  chansos  d'ella  emainz  autres  bons 
faits.  Et  el  s'ennamoret  puis  délia  bona  contessa  d'Urgel,  que 
fo  Lombarda,  filla  del  marques  de  Busca.  Moût  fon  onrada  e 
presada  sobre  totas  las  pros  domnas  d'Urgel,  e  Rambautz 
senes  veser  leis,  per  lo  gran  ben  qu'en  ausia  dire,  si  s'enamo- 
ret  d'ella  e  ella  dellui,  e  si  fez  puois  sas  chansos  d'ella,  e  sil 
manda  sas  chansos  per  un  joglar  que  avia  nom  Rosignol*,  si 
con  dis  en  una  chanson  :  «  Amies  Rossignol,  Si  tôt  as  gran  dol, 
Per  la  mi'  amor  t'esjau  Ab  una  leu  chanzoneta,  Qem  portaras 
a  iornom  (?)  A  la  contessa  valen,  Lai  en  Urgel  per  presen  ^.  » 
Lonc  temps  entendet  en  aqesta  comtessa  ella  amet  senes  ve- 
ser, et  anc  non  ac  lo  destre  quella  ânes  veser  don  ieu  ausi  dir 
ad  ella,  qu'era  ja  morgua,  que,  c'el  i  fos  venguz,  ella  l'auria 
fait  plaser,  d'aitan  qe  il  agra  sufert  q'el,  corn  l'avia  reversa, 
l'agues  tocada  lacambanuda'.  Aisi  leis  aman,  Rambauz  mori 
senes  fillol  mascle,  e  remas  Aurenga  a  doas  soas  fillas  *.  La 
una  ac  per  moiller  lo  seingner  d'Agout.  De  Tautra  nasquet  'n 

nue  de  Vellutello  et  de  Mario  Equicola.  Le  premier  Ta  traduite,  à  peu  près 
complètement,  dans  son  commentaire  sur  Pétrarque  (fo  177  r©  de  Tèdit.  de 
Venise,  1560);  le  second  en  a  tiré  les  quatre  ou  cinq  lignes  qu'il  consacre  à 
Raimbaut  d'Orange  dans  son  Libro  di  Natura  d'amore  (p.  338  de  l'édit.  de 
Venise,  1554).  —  C.  C] 

1  [Ce  détail  manque  dans  Vellutello,  mais  Equicola  ne  Ta  pas  omis.  — C.  C] 

2  [La  pièce  d'où  ces  vers  sont  tirés  est-elle  perdue  ?  Ce  n'est,  en  tout  cas, 
aucune  de  celles  qu'on  a  publiées  sous  le  nom  de  Raimbaud.  Mais  il  en  reste 
un  assez  grand  nombre  d'inédites,  et  c'est  peut-être  à  l'une  de  celles-ci  que 
ces  vers  appartiennent.  —  C.  C] 

*  [On  pense  involontairement  à  la  bonne  vieille  de  la  chanson  de  Béranger  : 
Combien  je  regrette. , .  Vellutello  ne  parle  pas  de  cette  jambe  nue,  11  dit 
seulement  que  la  comtesse  avait  confessé  que  t  quando  egli  la  fosse  andata  a 
vedere,  l'havrebbe  fatto  appiacere  ed  adempiuto  il  desiderio  suo.  »  —  C.  C] 

^  [Notre  biographe  est  ici  en  désaccord  avec  l'histoire.  Raimbaud  d'Orange 
mourut  sans  postérité.  Ce  fut  son  petit-neveu,  et  non  son  petit-fils,  qui  donna 
a  part  d'Orange  aux  Hospitaliers  de  St4ean-de- Jérusalem.  -*  C.  C] 


MANUSCRITS    DE    CHBLTENHAM  271 

Uc  del  Bauzet  en  Willems  del  Bauz,  e  de  TautraWilems  d'Au- 
renga  que  mori  joves  malamen,  e  Rambauz  lo  cals  det  la  mei- 
tatd'Aurenga  alhospital.  (Manque  dans  Mahn  et  Raynouard,) 
Pièces  (fo  12  vo,  col.  2). 

1.  As8atz*m'es  bel  (5x11+3  +  3). 

2.  En  aital  rimeta  prima  (6x8  +  6). 

3.  Aïs  durs,  crus,  coçens  lauzengiers  (9X7  +  2). 

4.  Ab  nou  joi  et  ab  nou  talen  (8X7  +  2). 

5.  Car  douz  et  feinz  del  beredresc (?)2  (7X9+4). 

6.  Braitz  chantz  qil  critz  (8X6+  3). 

Le  sixième  vers  du  premier  couplet  manque  ;  la  place  en  est 
marquée  par  un  blanc. 

7.  Apres  mon  vers  voil  sempr*  ordre  (10X6  +  3). 

8.  Ar  non  sui  ges  mais  et  astrucs  (6x6  +  2).     • 

9.  Pos  tais  aabers  mi  sors  em  creis  (7X8+  4). 

Le  quatrième  vers  du  premier  couplet  manque. 

10.  Ar  s'espan  la  flors  enversa  (6  X  8)  *. 

11.  Amors,  com  er  qe  farai  (8x7+5)? 

Il  manque  les  cinq  derniers  vers  du  cinquième  couplet, 
laissés  en  blanc,  et  le  deuxième  vers  du  sixième  couplet^  en- 
levé par  une  déchirure  au  bord  supérieur  du  feuillet. 

12.  Assatz  sai  d'amor  ben  parlar  (7X8+2). 

13.  Entre   gel  e  vent  e  franc  (sic)  (8X7  +  3+2). 

14.  Aici  mou*(8xl3  +  3+3). 

Le  deuxième  couplet  est  incomplet. 

15.  Er  m'er  tan  un  vers  a  faire  (8x7). 

16.  Erai  vei  escur  trebolel  (6X9  +  3  +  3). 

17.  Er  quant  s'embloil  foill  del  fraisse"^  (6x8+  3). 

18.  Pos  vei  quel  clars  (9  X  7). 

Cette  dernière  pièce  n'a  encore  été  signalée  que  dans  le 
chansonnier  Mac-Carthy ,  qui  aujourd'hui  fait  partie  de  la 

^  Ms.  astatz. 

^  Ms.  bedresc,  avec  le  sigle  qui  représente  er  ou  resur  le  premier  e. 

3  Devant  les  quatre  derniers  vers  du  quatrième  couplet,  on  lit  en  marge,  de 
la  même  écriture  :  P  str.  20.  Le  manuscrit  contient  deux  ou  trois  autres  indi- 
cations analogues, 

*  Msv  tnon. 

6  Ms.  Et  quand  se  broiU..  laisse,  ^ 


272  MANUSCRITS   DE   CHELTKNHAîrf 

bibliothèque  de  sir  Th.  Phillips,  sous  le  n*  8335.  Nous  la  pu- 
blions ci-dessous  d'après  le  manuscrit  n*  1910  (A),  en  nous 
aidant  du  manuscrit  no  8335  (B),  et  rejetant  en  note  les  leçons 
que  nous  n'admettons  pas  dans  le  texte.  Nous  nous  dispense- 
rons toutefois  de  signaler  trop  minutieusement  les  fautes  du 
scribe,  lorsqu'elles  consistent  uniquement  dans  une  mauvaise 
coupure  des  mots  ;  ces  fautes  reviennent  très-souvent,  par 
suite  de  Tignorance  relative  du  copiste,  auquel  la  langue  n'était 
plus  familière,  et  donnent  au  texte  un  aspect  bizarre.  De  plus, 
récriture  n'est  pas  toujours  bien  claire,  de  sorte  qu'après 
bien  des  peines  et  beaucoup  de  temps  dépensé,  nous  ne  nous 
flattons  pas  d'avoir  toujours  réussi  à  trouver  un  sens  accep- 
table, malgré  le  secours  (fort  insuffisant  d'ailleurs)  que  nous 
offrait  le  chaSisonnier  Mac-Carthy. 

RoEMBAUç  d'Aurenga  (/"^  7  y^,  col.  %  milieu) 

I  Pos  vei  quel  clars 

Temp[s]  s'abravia, 
Dels  aucels  lo  prim  fremirs 
M'es  bels,  e  doz  lur  auçirs. 
Si  que  non  sai  ques  un  viva 
Ses  chantar;  per  qu'eu  comens 
7     Una  chançoneta  gaia. 

II  Mas  los  blanx  clars 

Sols  que  raia 
Canz  gens  faiz  durz  et  ardenz. 
Me  fraing  tot[z]  mos  mais  talenz, 
Mas  una  voluntaz  gaia 
D'un  franc  joi  qe  mos  désirs 
14     No  vol  que  ab  flac  voler  viva. 

III  Ges  no  m'esclars 

Ni  m'esquiva 
.  Gest  jois  don  faz  lez  sospirs, 

Ni  sai  s'anc  me  noc  trop  dira, 
Ni  me  valc  qu'ades  s'aviva 
En  mon  cor  lai  longamens  (/*  18  r<>) 
21     De  l'amor  quel  teig  m'esglaia. 

i.  B  uei  clars.— 4.  A  e  boz.—  5.  B  quos  un.— 6.  A  per  quec;  B  per  quco. 

10.  B  c.  grecs.  Ce  vers  m'est  obscur.  Peut-être  faut-il  lire  :  can  get  rais 
durz  ;  A  ardens.— »11.  A  ne  fraig  tôt;  B  A  tôt.—  13  B  mon  désir.— 14.  A  ablac 
V.;  B  Donol  que  ab  flacuolis. 

15.  A  Gas.  —  16.  ilBnunes  quiua.— 19.  B  quadens. 


MÀKUSCkiTS    i>K    OHiiîL'iJbiNtiAJi  213 

IV  Mos  cors  esclars 

E  s'esmaia; 
Aici  vant  mescladamens 
Pies  enoiz  de  bel  comens, 
Que  Tuna  mitatz  es  gaia, 
E  l'autr'  amador  cosirs, 
28    Ab  voluptat  morta  e  viva. 

V  Us  volera  clars, 

Quem  caliva, 
M'empeing  avan  alsfaillirs, 
Temers  mos  tram  qejauçirs 
Val(s)  mais  pro  al  hom  que  viva. 
Que  corz  gauz,  per  ques  spavens, 
35     S'atremp'ab  voluntat  gaia. 

VI  V[o]slre  amicx  clars 

Nous  asaia, 
Domna,  ni  mostra  parvens, 
Quer  en  vos   es  totz  sos  sens, 
Ni  sap  si  Tes  dur  o  gaia  ; 
Tant  vos  tem  quel  descobri[r]s 
42    L'es  cars,  e  non  sap  cum  viva. 

VII  Que  non  es  clars 

Ab  ques  pliva, 
Ans  mors  e  gems  e  mentirs 
Noi  es,  si  que  l'us  aàirs 
No  ivegna  avan  qu'om  viva; 
Qu'om  non  ama  finamens 
49    Senes  gran  temensa  gaia. 

VIII  A  franx  cor[s]  clars 

Res  er  ai[a] 
Vailam  ab  vos  chauçimens, 

23.  Besmaia.  —  24.  AB  nauc;  B  mes  gram  siauzens.  —  25.  il  pies  e  uers. 

—  26.  il  mistat;  Bmistaz.  —  27.  il  el  autra  cosirs;  B  elautra  mador  cossirs. 

—  28.  il  voluptat. 

30.  A  quera  c. — 31.  A  men  p.;  B  mem  peig. — 35.  A  satrempar;  B  satrempal. 

36.  B  donne:  stre.  Comme  il  manque,  au  commencement  de  chaque  cou- 
plet, de' la  lettre  initiale  laissée  en  blanc  pour  être  peinte^  cela  suppose 
la  leçon  Ustre,  comme  dans  A.  C*est  sans  doute  une  abréviation,  —42. 
B  ihe  cars  avec  un  s  au-dessus  de  l'e). 

45.  il  i  gems;  B  amix  si  gems.  —  47.  B  ueigna.  —  48  B  flna  men. 


m  HANÛSGftlTS    DE   GHËLTENHAM 

S 'eu  non  sui  tant  asapiens, 
Queus  sapch*  ab  voluntat  gaia 
Dir  so  qu'eu  voil,  mas  sofris 
56    Mon  dan,  si  volez  que  viva. 

IX  Domna,  meillar[s] 

Es  que  viva  ; 
Mas  de  tan  loig  m'escompren 
Lo  fox,  prec  mi  siatz  gaia. 
Ha  !  dolça  res,  coind'e  gaia, 
Eram  propcha  lo  morrirs 
Si  nom  faiz  socors  [qu'jom  viva. 

53.  A  tauta  sapiens;  B  tanta  s.—  55.  il  se  queu. 

57.  A  meills;  B  meiller.—  59.  A  de  tal.—  60.  A  fos;  AB  près.— 62.  A  prop 
chalo  ;  B  pros  maral  morirs.  —  63.  B  quom  uiua. 

Suite  des  pièces  de  Raimbaud  d^ Orange  (/*«  18  ro,  col.  2) 

19.  Un  vers  farai  de  tal  mena  (7X7  +  3+3). 

Il  manque  le  quatrième  vers  du  premier  couplet. 

20.  Aram  plai  Giraut  de  Borneil  (8x7  +  2+2). 

Il  manque  le  cinquième  vers  du  premier  couplet. 

GuiLLEMs  DE  Capbstaing  (/*"  18  v*,  coL  2) 

Vie  (61  demi-lignes). 

Guillems  de  Capestaing  si  fo  uns  cavalliers  de  Tencontrada 
de  Rossillon  que  comfina  cum  Catalogua  e  cum  Nerbonez. . . 

Fin:  e  mûri  en  aquella  greu  prison.  Et  aqui  son  de  las 
ôhansons  d'en  Guillembonaa  e  bellas  [Mahn,  ix  et  x)« 

Puis,  sans  donner  aucune  chanson,  le  scribe  passe  à  Jaufre 
Rudel. 

Jaufres  Rudels  {f^l9  r«,  col.  1) 

Vie  (17  demi-lignes). 

Jaufres  Rudels  de  Blaia  si  fo  molt  gentils  hom,  princeps  de 
Blaia. . . 
Fin  :  per  la  dolor  qu'ella  ac  de  la  soa*  mort  {Mahn,  Vi). 

Ms.  soi. 


MANUSCRITS   DB   GHELTEN&ÀM  !^75 

Pièce  unique. 

Quant  lo  rossignol[s]  el  fiioillos  (5X7). 
Le  premier  couplet  a  8  vers  au  lieu  de  7. 

Peire  d'Alvbrnha*  (/**  19  r<»,  coL  2) 

Vie  (23  demi-lignes). 

Peire  d'Alvernha  *  si  fo  de  Tevesquat  de  Clarmon,  savis  hom 
6  ben  letraz ... 

Fin:  e  puois  el  fez  penidenza  e  mori  [Mahn,  viii). 
Pièces. 

1 .  Abanz  queill  blanc  puei  sion  vert  (8x7). 

2.  Dejostals  breus  jorns  els  loncs  sers  (7x7+34-3). 

3.  Bellam'es  la  flors  d'aguilen  (8x6)- 

GiRAUTZ  DE  BORNEIL  {f""  20  r*»,  CoL  1) 

Vie  (/»  20  ro,  col  1,  puis  p  22  ^;^  coLiy.  Cf.  Mahn,  xx,  pour 
cette  première  partie  seulement.  Le  re^te  est  particulier  à  notre 
manuscrit. 

Girautz  de  Borneil  si  fo  de  Lemosi   de  Tencontrada  de  Si- 

duoil,  d'un  rie  chastel  del  vescomte  de  Lemotges 

E  aqui  son  escritas  de  las  chansos  de  Giraud  de  Borneil': 

1.  Alegrar  mi  volgr'en  (e)  chantan*. 

2.  S'era  non  pueia  mos  chanz. 

3.  Quan  la  brunura  s'eslucha. 

4.  A  ben  chantar  coven  amar[s]. 

5.  Jes  desobre  voler  nom  tueill. 


*  Ms.  dal  veme* 

*  Cette  Vie  est  sept  ou  huit  fois  plus  longue  que  celle  que  donne  Mahn.  On 
y  cite  le  premier  vers  d'un  assez  grand  nombre  de  pièces,  et  l'on  explique 
dans  quelles  circonstances  elles  furent  composées.  Le  scribe  fait  de  même  dans 
la  plupart  des  Vies  qui  suivent»  et  les  pièces  ne  sont  pi  us  données  tout  au  long 
qu'exceptionnellement. 

3  Le  manuscrit  numérote,  pour  chaque  auteur,  les  pièces  qui  sont  seulement 
citées  par  le  premier  vers,  et  les  sépare  par  un  trait  vertical  placé  vers  le  milieu 
de  la  ligne. 

*  Ms.  e  sanian.  Je  corrige  d'après  le  second  vers  :  S  chantar  per  qe  rrCale- 
ffres. 


276  MÂMUSOliiTÔ   DB  GHËLTSNHAM 

6-  La  flors  del  verjan*. 

7.  Lo  apleitz  ab  q*eu  sueill*. 

8.  Quan  brancal  brondelz  el  rama. 

9.  Ar  auziretz  enchabalitz  chantars. 

10.  Quarno  ai  joi  qui  m'aon^. 

11.  Ben  cove  pos  ja  *  baissol  ram. 

12.  A!  com  m'ave^,  Dieus  m'ajut. 

13.  Sim  sentie  fizels  amies. 

14.  Jois  e  ehanz  e  solatz. 

G-irautz  de  Borneil  si  avia  amada  una  domna  de  Gascoina 
qi  avia  nom  n'  Alamanda  de  Stancs  *  et  ella  li  avia  faits  plazers, 
et  avenc  si  q'ela  se  penset  qe  sa  valors  avia  trop  descendut, 
qar  avia  soq'el  vole  volgut.  E  sildet  comiat  elF  estrais  s'amor, 
per  tal  don  ella  fo  moût  blasmada,  con  el  erahom  desmesuratz 
e  malvatz,  don  Girautz  de  Borneil  remas  tris  e  dolens. . . . 

A  la  suite  de  ces  mots,  on  trouve  une  pièce  de  Ricard  de 
Barbezieux,  puis  les  Vies  de  Peire  Vidal,  de  Bernard  de  Ven- 
tadour  et  de  Folquet  de  Marseille  ;  et,  après  quelques  indica- 
tions obscures  où  sont  cités  quatre  troubadours  (voy.  p.  82), 
le  scribe  reprend  la  vie  de  Giraut  de  Borneil,  en  ayant  soin  de 
renvoyer  à  la  première  partie,  de  cette  manière  : 

Guarda  aile  carte  20:  tris  e  dolens. 

{F°  22  v^,  col.  2,  bas,) longa  sason  per  lo  dan  de  si  e  par 

lo  blasme  qu'elF  avia  que  no  se  convenia  qu'ella  n'  feses  son 
amador.  Don  el  fetz  aquesta  chanson,  rancuran  se  del  traïmea 

*  Ms.  ver  chian. 

2  Ms.  gen  fueill. 

3  Ms.  on  joi  qui  ma  on, 

*  Ms.  cour  posia. 

5  Ms.  commanc.  Je  corrige  d'après  le  chansonnier  Mac-Carthy  (fo  183  r*, 
coL  2) y  qui  donne:  aj  con  maven, 

6  [Cf.  Equicola,  Libro  di  Natura  d*amore.  Venegia,  1554,  p.  330  :  «  Giraldo 
di  Beane  il  di  Lemosi  amô  madonna  Nolanna  di  Stanes  di  Guascogna.  »  Ce 
passage,  tout  corrompu  qu'il  est,  prouve  qu'Equicoia  a  dû  connaître  les  pré_ 
cieuses  notices  que  le  ms.  de  Cheltenham  nous  a  conservées,  et  qui  viennent 
aujourd'hui  combler,  en  partie  du  moins,  Tune  des  plus  fâcheuses  lacunes  que 
présentait  l'histoire  littéraire  des  troubadours.  Grescimbeni  a  déjà  relevé  le 
passage  précité  d'Equicola  et  a  bien  vu  qu'il  s'y  agit  de  Giraud  de  Borneil. 
Diez  paraît  ne  pas  l'avoir  remarqué  ;  du  moins  n'y  fait-il  aucune  allusion.  — 
G.  G.] 


MANUSCRITS  DE  CHBLTBNHAM  277 

qu'eir  avia  fait  de  lui;  e  car  jois  e  deportz  e  solatz  plus  noil* 
plasia  :  Ges  aissi  del  tôt  nom  lais. 

15.  Ges  aici  del  tôt  no[in|  lais. 

16.  Nom  platz  chanz  de  rosignol. 

17.  Sil  cors  nom  luz  era  dreg«. 

18.  Com  lo  glatz  el  fretz  e  la  neus. 

Puis  la  Vie  et  les  explications  des  pièces  continuent.  Les 
trois  numéros  qui  suivent  sont  cités  séparément  à  la  suite  d'un 
récit  explicatif. 

Per  la  dolor  eper  Tiraq'en  Girautz  de  Borneil  ac  delà  mort 
del  rei  Richart  d'Engleterra,  e  per  Tengan  qe  l'a  fait  la  sua 
dompna  n'Alamanda,  si  s'era  laissatz  de  chantar  e  de  trobar  e 
de  solatz.  Mas  en  Ramons  Bernartz  de  Rovigna  q'eratrop  va- 
lens  hom  de  Gascoingna  e  trop  sos  amies,  com  qui  el  clamava 
[se]  Sobre  totz,  lo  preget  e  vole  q'el  chantes  e  fos  gais,  don  el 
fetz  aquesta  chanso  qe  diz  :  Si  per  mon  Sobre  totz  non  fos. 

19.  Si  per  mon  Sobre  totz  non  fos. 

Girautz  de  Borneil  si  passe t  outra  mar  com  lo  rei  Richart 
e  com  lo  vescomte  de  Lemotges,  lo  cal  avia  nom  n'  Aimars  ;  e 
fo  al  setge  d'Acre.  E  qan  la  ciutatz  ne  fon  presa  et  tuit  li  [baro] 
s'en  torneren,  Girautz  de  Borneil  si  sen  anet  al  bon  prince 
d'Antiocha  q'era  trop  valens  hom.  Moût  fo  honratz  per  lui  e 
servi tz,  e  estet  ab  lui  tôt  un  yvern,  attenden  lo  passatge  qe  se 
dévia  far  al  pascor.  Et  estan  con  el,  el  somniet  un  somni,  lo 
quai  ausiretz  en  aqesta  chanson  qe  diz  :  Non  puesc  sofrir  q'a 

la  dolor. 

20.  No  puesc  sofrir  c'a  la  dolor. 

Girautz  de  Borneil,  qan  Guis  lo  vescoms  de  Lemotges  l'ac 
fait  raubar  la  sua  maiso  de  sos  libres  e  de  tôt  son  arnes  %  e  vi 
qe  pretz  era  fugitz  e  solatz  adormitz  e  dompneis  mortz  e 
proesa  faillida  e  cortezia  perduda,  e  enseignamenz  voFz  en 

^  Ms.  loi. 

•  Lis.,  d'après  Bartsch  (Grundriss):  nom  esta  tan  dreg. 

3  [Le  vicomte  de  Limoges  dont  il  s'agit  ici  est  Gui  V,  fils  et  successeur 
d'AdémarV,  que  Giraut  de  Borneil,  comme  on  l'a  vu  dans  la  raso  précédente, 
avait  accompagné  à  la  croisade.  Le  fait  dut  se  passer  en  décembre  1211,  lors- 
que le  château  d'Exideuil  fut  repris  par  Gui,  ainsi  que  nous  l'apprend  la 
chronique  de  Bernard  Itier.  C'était  là  une  occasion  de  piller  trop  uaturelle 
pour  qu'on  s'en  fît  faute,  et  notre  troubadour  dut  subir  le  sort  commun.  On 
aura  remarqué  la  mention  spéciale   qui  est  faite  de  ses  livres.  C'était  saos 

22 


1 


278  MANUSCRITS    DE    CHBLTBNHAlM 

deschausîmenz,  e  qe  engans  era  entraz  en  amdoas  las  pars  en 
las  amairessas  et  en  los  amanz,  el  se  vole  penar  de  recobrar 
solatz  e  joi  e  pretz,  e  si  fetz  aqesta  chansen  qe  diz  :  Per  solatz 
reveillar. 

21.  Per  solatz  reveîUar. 
Girautz  de  Borneil  si  era  partitz  del  bon  rei  Anfos  de  Cas- 
tella,  e  si  Tavia  dat  lo  reis  un  moût  rie  palafre  ferran  e  autras 
joias  assatz,  e  tuit  li  baron  de  la  sua  cort  11  avian  datz  grans 
dons,  e  venia  s'en  en  Gascoina,  e  passava  per  la  terra  del  rei 
de  Navarra  ;  el  reis  o  saub  qe  Girautz  era  cossi  rie,  e  qe  pas- 
sava per  la  soa  terra,  en  la  frontera  de  Castella  e  d'Aragon  e 
de  Navarra,  e  fetz  lo  raubar  et  tolre  tôt  Famés,  e  près  a  sa 
part  lo  palafren  ferran  e  Tautra  rauba  laiset  ad  aqels  qe 
r  avian  raubat  ^  Don  Girautz  fez  aqest  chantar  qe  diz  :  Lo  dotis 
chant  d'un  auseL 

22.  Lo  dous  chant  d'un  ausel. 

23.  Un  sonet  fas  malvaz  e  bon. 

24.  Gen 
M'aten 

Ses  fallimen 

En  un  chan  valen. 

25.  Nuilla  res  a  chantar  nom  fail*. 

26.  Leu  chansoneta  e  vil. 

27.  Si  sotils  scenz. 

28.  De  chantar  ab  déport. 

29.  Aqûest  terminis  clars  e  genz. 

30.  Ben  deu  en  bona  cort  dir. 

31.  Ops  m*agra,  si  m'o  consentis. 

32.  De  chantar  mi  for''  entremes. 

doute  la  partie  pour  lui  la  plus  précieuse  de  son  mobilier  et  celle  dont  la 
perte,  vu  son  goût  connu  pour  Tétude,  dut  lui  être  le  plus  sensible.  —  C.  C] 
*  [Le  roi  de  Navarre  en  question  ne  peut  être  que  Sanche  le  Fort,  qui  occupa 
ie  trône  de  1194  à  1234.  D'après  ce  récit  et  d'après  ce  qu'on  sait  d'ailleurs 
de  ses  habitudes,  ce  que  dit  un  troubadour  postérieur  de  la  cour  de  l'un  de 
ses  successeurs  n'aurait  pas  mal  convenu  à  la  sienne  : 

A  la  cort  fuy  l'autrier  del  rey  Navar, 
Qu'es  cort  corta  de  tota  cortesia. 

Voy.  Paul  Meyer,  Derniers  Troubadours,  p.  31.  —  C.  Cl 
a  Ms.  fait, 
3  Ms.  far. 


MAIfUSCRITS   DB   CHELT£NHAM  279 

33(35)*.  Ara  simfos  en  grat  tengut. 

34(36).  Jam  vai  revenen. 

35(37).  Can  creis  la  fresca  fueill'  el  rams. 

Ici  encore  un  passage  de  la  Vie,  particulier  à  notre  ma- 
nuscrit, et  à  la  suite,  le  reste  des  pièces  citées: 

Girautz  de  Borneil  si  amava  una  dompna  de  Gascoina  qe 
avia  nom  n' Alamanda  de  Stanc.Mout  era  presiada  dompna  de 
sen,  e  de. . . .  valor  e  de  beutat,  et  ella  si  sofria  los. . .  el  en- 
tendemen  d'en  Girautz  per  lo  gran  enansamen  q'el  li  fazia  de 
pretz  e  d'onor  e  per  las  bonas  chansos  q'el  fasia  d'ella,  don 
ella  s'en  deleita[va]  moût,  per  q'ella  las  entednia  ben.  Lonc 
temps  la  preget,  et  ella  com  bels  ditz  e  com  bels  honramenz 
e  com  bellas  promissions  se  defendet  da  lui  cortezamen,  qe 
anc  noil  fetz  d'amor  nil  det  nuilla  joia,  mas  un  son  gan,  dont 
el  visqet  lonc  temps  gais  e  joios,  e  pueis  n'ac  mantas  tristessas 
qant  Tac  perdut,  q\ie  madomna  n'  Alamanda,  qan  vi  q'el  la 
preissava  fort  q'ella  ]i  feses  plaser  d'amor,  e  saub  q'el  avia 
perdut  lo  gan,  ella  s'en  corozet  del  gan,  dizen  qe  mal  Tavia 
gardât,  e  q'ella  noil  daria  nulla  joia  ni  plaser  noil  faria  mais 
d'amor  e  qe  so  q'ella  li  avia  promes  li  desmandava,  q'ella  vesia 
ben  q'el  era  fort  loing  eissitz  de  sua  comanda.  Qant  Girautz 
ausi  la  novella  [o]caison  el  comiat  qe  la  domna  li  dava,  moût 
fo  dolens  e  tris,  e  ven  s'en  ad  una  donzella  q'ell'avia,  qe  avia 
nom  Alamanda  si  com  la  domna.  La  doncella  si  era  moût 
savia  e  cortesa  e  sabia  trobar  ben  et  entendre.  E  Girautz  sil 
dis  so  qe  la  domna  li  avia  dit,  e  demandet  li  conseil  a  la  don- 
[c]ella  qe  el  dévia  far,  e  dis  :  Sius  quier  conseil,  bellamiga  Ala- 
manda. 

36  (38).  Sius  quier  conseil,  beir  amiga  Alamanda. 
37(39).  Ben  m'erabelz  chantars. 

38  (40).  Un  sonet  novel  faitz. 

39  (41).  M'amigam  mena  estra  lei. 

40  (42).  Qui  chantar  sol  ni  sab  de  cui. 

41  (43).  Ses  valer  de  pascor, 

E  ses  fueill  e  ses  flor. 
42(44).  Ben  for'  oimais2  dreitzel  temps. 

*  Le  ms.  passe  de  82  à  35;  il  oublie  probablement  deux  pièces.  De  même, 
il  passe  de  47  à  49,  oubliant  une  pièce.  Le  numéro  d'ordre  placé  entre  paren- 
thèses est  celui  du  ms. 

'  Ms.  for  o  mais. 


280  MANUSCRITS   DE  GHELTE£4fiÀM 

43  (45).  En  un  cl]^antaF. 

44(46).  Si  plagues  tan  ohantz. 

45  (47).  Era  can  vei  reverdezitz. 

46  (49).  Tôt  soavet  e  del  pas. 

47(50).  Al  plus  leu  q'eu*  sai  far  chansos. 

48(51].  Sol  q'amor  me  plevis. 

49  (52).  Jois  si  a  comenzamenz. 

50(53).  El  honor  Dieu  torn  en  mon  ofaan. 

51  (54).  Ben  fora  dreigz. 

52(55).  Ben  es  dreg  pois  en  aitalport. 

53  (55).  Plaing  e  sospir. 

54  (57).  L'an  cant  son  passât  li  givre. 
55(58).  S'anc  jorn  agui  joi  ni  solaz. 

RiCAUz  DE  Berbesiu  (/^  20  vi^,  col.  1) 

Pas  de  ViCy  mais  seulement  une  pièce  donnée  tout  au  long  : 

Tuit  demandon  qu'es  devengud'amors  (5x8  +  2). 

Peirb  ViDALS  (/^  20  v*»,  col  2) 
Vie  (environ  150  demi-lignes).  Cf.  Mahn,  xxi,  xxii,  xxiii. 

Peire  Vidais  sifo  de  Tolosa  ;  fils  fo  d'un  pelliser 

el  meillor  cavallier  del  mon  erezia  esser,  el  plus  amatz  de 
domnas  : 

12.  Plus  qel  paubres,  qe  jatz^  el  rie  ostal. 

2.  Bem  par  d'invern  e  d'estiu. 

3.  Ajostar  elonjar*. 

don  Peire  Vidais  fez  aquesta  chanson  qe  dis  :  Pos  tor- 

natzsui^  en  Proensa. 

4.  Pos  tornatz  sui  en  Pro(v)ensa. 

5.  S'ieu^  fos  en  cort  on  hom  tengues  dreitura. 

6.  Tan  mi  platz  jois  e  solatz. 

7.  Ane  no  mori  per  amor  ni  per  al. 

8.  Sim  laissava  de  chantar'. 

*  Ms.  gen. 

s  Les  pièces  ne  @0Dt  pas  numérotées  dans  le  manuscrit. 

*  Ms.  ratz. 

*  Mahn:  e  lassar. 
»  Ms.  fui. 

*  Ms.  si  en, 

7  Cf.  Mahn,  à  la  fin  de  la  KiV  (chanson  composée  pour  le  roi  Alphonse  d*Ara' 
gon). 


MAI^USCRITS   DE   GHELTEINHâM  281 

9.  Cant  hom  es  en  autrui  poder. 
10,  Cant  hom  honratz  torna  en  gran  paubrieira*. 

Bbrnartz  de  Vbntador  (/^  21  o^,  eoL  1) 

Vie  (70  demi-lignes). 

Bernartz  de  Ventador  si  fo  de  Lemoisin,  d'un  chastel  de 
Ventador,  de  paubra  génération,  fils  d'un  sirven  e  d'una  for- 
neyeira  {Mahn  :  fils  d'un  sirven  que  era  forniers,  q'escaudava 
le  forn  per  cozer  lo  pan  del  castel) . ,  . 

Fin  .*....  si  se  fetz  monges  en  l'abaïa  de  Dalon,  e  aqui  per- 
severet  tro  a  la  fin  {Mahn,  ii  et  m). 

Il  y  a  37  pièces  citées  par  leur  premier  vers,  soit  dans  la 
Vie,  soit  après. 

FoLQUET  DE  Marsceilla  (/**>  22  r°,  coL  1) 

Vie  (environ  170  demi-lignes).  Cf,  Mahn,  xxvii  et  xxviii. 

Folquet  de  Marsceilla  si  fo  de  Marceilla,  fils  d'un  meroadier 
qe  fo  de  Genova. . . 

(18  pièces  sont  citées  par  le  premier  vers  dans  la  Vie.) 

Fin. . .  don  Folquet  remas  tris  e  grams  e  doléns,  si  oom  el 
dis  que  : 

(/^  22  v%  col  20 

Mais  no  séria  jausenz, 

Puos  que  n'era  mens 

L'emperaris,  qui  jovens 

Apoia  dra(?)  els  aflfbrs  (?)  gratz', 

E  si  cors  non  fos  forfaz, 

Ben  feira  parer 
Con  fols  si  sap  de  cazer. 

19.  Hus  volers  outracuidatz  •. 

De  chantar  m'era  laissatz 
Per  ira  e  per  dolor, 

*  Mb.  paubrieria. 

s  Ce  vers,  d'ailleurs  inintelligible,  semble  faux,  étant  donné  la  o^nposition 
du  couplet,  qui,  dans  le  ms.,  est  écrit  comme  de  la  prose  et,  du  moins  dans 
certains  passages,  est  fort  difficile  à  lire. 

3  Dans  les  lignes  qui  suivent,  le  scribe  semble  avoir  essayé  dMndiquer  quel 
aurait  dû  être,  au  moins  à  partir  de  Folquet,  l'ordre  alphabétique,  ce  qui  ex- 
plique pourquoi  il  reprend  ici  la  suite  de  ce  qui  concerne  Guiraut  de  Borneil. 
Nous  tâchons  de  conserver  la  disposition  irrégulière  du  manuscrit.  Deux  ou 
trois  abréviations  bizarres  nous  échappent. 


282  MANUSCRITS   DB   CHELTBNHÀM 

Ah^   FOLQUET   DE   ROMANS 

e •  Q-uillemsX        Teni^  Guillems  de  Saint  Leidier 
Figera  / 

aqui*  deuria*^  po®  Capestaing  Il(?)  P^. 
4.  Guillems  de  Berguedan 

Nous  avons  rapproché  de  la  première  partie  de  la  Vie  de 
Guiraut  de  Borneil  ce  qui  se  trouve  placé  ici  par  erreur  dans 
le  manuscrit;  nous  reprenons  maintenant  l'ordre  du  manu- 
scrit. 

Peire  RoGiERS  {f  23 1;%  col.  1) 

Vie  (30  demi-lignes). 

Peire  Rogiers  si  fo  d'Alvergne,  de  la  ciutat  de  Clarmon,e  fo 
canorges  deClarmon. . .  [Cf,  Makn,  xii). 

Fin  {qui  n'est  pas  dans  Mahn):  E  fetz  aquestas  chansos  que 
vos  au(t)zirez  scriptas  sai  desotz. 

Le  scribe,  malgré  sa  promesse,  n'a  ni  transcrit,  ni  indiqué 
par  leur  premier  vers  les  chansons  de  Peire  Rogier. 

Peire  Bremonç  (  /»  23  w»,  col,  2f 

Vie  (5  demi-lignes). 

Peire  Bremonç  lo  Torç  si  fo  uns  paubres  cavalliers  de  Via- 
nes,  e  trobet  ben  e  avinenment  ;  et  saup  ben  estre  entre  la 
bona  gen,  et  ac  honor  gran  dels  barons  d'aquella  encontrada. 
Et  aqui  son  de  las  soas  chansos  [Cf.  Mahn,  ex,  qui  donne  un 
texte  un  peu  différent), 

^  Ces  deux  lettres  sont  entourées  d'une  espèce  de  paraphe  partant  de  Vh^ 
et  qui  est  peut-être  destiné  à  les  annuler,  car  il  les  barre. 

2  Ve  est  prolongé  à  droite  en  haut  par  un  trait  horizontal. 

3  L'f  se  termine  par  une  espèce  de  queue  rappelant  le  sigle  qui  représente 
CWW2,  com. 

*Ms.  a  cui. 

5  Ms.  dria  (avec  d  barré) . 

«  Les  deux  dernières  lettres  du  mot  et  une  abréviation  qui  suit  nous  sont 
obscures.  Lisez: pois  esser  (?). 

^  Nous  avons  déjà  signalé  un  renvoi  àP,  qui  désigne  peut-être  un  manuscrit. 

8  Pas  de  pièce  citée  jusqu'à  Gaucelm  Faidit,  et  le  nom,  placé  ordinairement 
en  vedette,  manque. 


MANUSCRITS  DE    CHJBLTBNHAM  283 

Pbirb  Raimonz  {tbt'd.) 

Vie  (10  demi-lignes). 

Peire  Raimonz  de  Tolosa  lo  viellz  si  fo  fiUz  d'un  borges  ;  e 
fez  se  joglar,  et  anet  s'en  en  la  cort  del  rei  Amfos  d'Aragon. 
El  reis  racuilli  eill  fez  gran  honor.  Et  el  era  savis  hom  e  sub- 
tils, e  saup  ben  trobar  e  chantar  ;  e  iez  bonas  chansons  e  estet 
en  la  cort  del  rei  a  grant  honor,  e  del  bon  comte  Raimon  *  e 
d'en  Guillemde  Monpeslier.  Puois  tolc  moiller  a  Parvias  •  e  lai 
definet.  Et  aqui  son  de  las  soas  chansos  (Cf.  Makn,  xvii). 

Peire  de  Bariac  (ibid.) 
Vie  (22  demi-lignes). 

Peire  de  Bariac  si  fos  uns  cavalliers  compaingno  d'en  Guil- 
lem  de  Balaun . . . 
Fin:. . .  e  aqui  es  [es]cript  lo  comiat  q'el  près  de  lei  [Mahn, 

CXIll). 

Peire  de  Bosignac  {ibid.) 

Vie  (5  demi-lignes),  ' 

Peire  de  Bosignac  si  fo  uns  clers  gentils  hom  d'Autafort,  del 
chastel  de  Bertram  de  Born.  Trobaire  fo  de  bons  sirven[tel8, 
de  reprendre  las  domnas  que  fazian  mal  et  de  reprendre  los 
ser ventes  de  Bertram  del  Born  [Mahn,  lxxv). 

GuiRAUTz  de  Salaingnac  {ibid.) 

Vie  (4  demi-lignes). 

Girautz  de  Salaingnac  si  fo  de  Caersin,  del  chastel  de  Salain- 
gnac :  joglars  fo  ben  adregs  ;  hom  fo  e  ben  certes,  et  trobet 
ben  e  gen  chansos  e  descortz  e  sirventes  (Mahn,  ci). 

Peire  Gavaret' 
Peibe  de  Durban  3 
Peire  da  la  Mula  (fo  24  r%  col.  1) 
Vie  (4  demi-lignes). 

*  Mahn  (ms.  B.,  fs.  fr.  Paris,  B.  N.,  1592):  Raimon  de  Tolosa,  lo  sieu  sei. 
gnor,  et  en  la  cort  d'En  Guillem  de  Saint  Leidier  [longa  sazon.  Pois  toi 
moiller  ac  Pomias  e  lai  el  definet]. 

•  Lis.  PamicLS. 

3  II  n'y  a  que  le  titre,  dans  le  manuscrit,  pour  ces  deux  troubadours. 


?84  MANUSCRITS   DE    CHBLTBNHAH 

Peire  da  la  Mula  si  fo  uns  joglars  q'estet  a  Monferrat  et  en 
Poimon  com  meser  Ot  del  Caret  a  Curirmila  (?).  Trobai^re  fo 
de  serventes  et  de  coblas  * . 

Peire  de  la  Caravana* 

Ugo  de  Pbna 

Vie  (9  demi-lignes). 

Ugo  de  Pena  si  fo  d'A(n)genes,  d'un  castel  qe  a  nom  Mon- 
messat^,  fils  d'un  mercadan,  e  fez  se  joglar.  E  cantet  ben,  e 
saup  gran  ren  délias  autrui  chansons,  e  sabia  molt  las  gene- 
racions  dels  grans  homes  d'aqellas*  encontradas,  e  fez  chansos. 
Grans  baratiers  fo  de  jogar  [e  d'estar]*  en  taverna  ;  per  qe 
ades  fo  paubres  e  ses  arnes.  E  venc  se  moillerar  a  Veneissi 
en  Proenssa  {Mahn,  cvii). 

Gauselms  Faidiz  (/*o  24  r®,  coL  1) 

Vie  (Cf.  Mahn,  xxxrx  et  xl,  sauf  pour  la  dernière  partie). 

Gauselms  Faidiz  si  fo  d'un  bore  qe  a  nom  Userchà,  q'es  en 
Fevesqat  de  Lemozin.  E  Messiers  lo  Marques  Bonifasis  de 
Monferrat  mes  lo  en  aver  et  en  roba,  et  en  tan  gran  prez  Itti 
e  sas  chansos  : 

1.  Pel  joi  del  temps  q'es  floritz. 

2.  S'om  pogues  partir  son  voler. 

3.  Mon  cor  e  mi  e  mas  bonas  chansos. 

D'en  Gauselm  Faidit  vos  ai  dich  qi  el  fo  ni  con  venc  ni  com 

estet,  el  comensament  de  las  soas  chansos ...   . 

; . . .  Mas  an[c]  per  prec  ni  per  chansos  maïs 

non  poc  tan  dir  ni  far,  etc.  (v"  coL  2)  qe  anc  madomna  Maria 
li  volgues  SOS  precs  escoutar  ni  ausir. 

4.  Tant  ai  sofert  lonjamen  granafan. 

5.  Nom  alegra  chanz  ni  crltz. 

6.  Al  semblan  del  rei  ties . 

*  Dans  le  texte  publié  par  M.  Barlsch,  on  lit:  «  ....  del  Corret  et  a  Corte- 
milla.  » 

2  II  n'y  a  que  le  titre  dans  le  manuscrit. 
8  Mahn  :  Messat. 

*  Ms.  de  quellas. 

*  Nous  suppléons  ces  mots  d'après  Mahn. 


MANUSCRITS  DB    CHELTENHAM  8^ 

Gauselms  Pàiditi,  qânt  fo  partit^  del  entendemeû  dé  mà- 

domna  Maria  dô  Ventador. 

(/*  25  r*,  col,  1)  Et  aqesta  fo  la  derèana 

chansos  q*6l  fez. 

7.  Si  anc  nuls  hom  per  arer  fin  corage. 

8.  Chant  e  déport,  joi,  domnei  e  solatz. 

9.  Lo  gens  cors  honraz. 

10.  Tôt  me  cuidiei  de  chanson  far  sofrîr. 

11.  Sitôt  m'ai  tarzat  mon  chan. 

12.  Ja  mais  nul  temps  nom  pot  renfar  àmors. 
(col,  2)      13.  Lo  rosignolet  salvage . 

Ai  auvit  que  s'esbaudeia. 

14.  Ara  cove  qem  conort  en  chantan. 

15.  Gen  fora  contra  Tafan  *. 

16.  Cora  qem  des  benenansa. 

17.  Tan  soi  fis  e  ferms  vas  amor. 

18.  Ab  conserier  plaing. 

19.  De  solatz  e  de  chan. 
ÎO.  Ben  for' o[i]mai. 

Gauselms  E*aiditz  si  amaVà  una  domna  del  eVeSqtiàt  de  Gap 
e  d'Ebreun  la  quais  avia  nom  ma  dompna.  Jordatia  d'fibréun. 
Gentils  domna  fo  e  sobre  bella  e  moût  cortesa  e  gen  ensei- 
gnada  e  larga  d'aver  et  en  veiosad'onor  e  de  prez.  Gauselms 
si  la  servi  e  la  honra  moût  e  la  lauset,  e  la  fez  grasir  entre  la[s] 
plus  valens  domnas.  Madomna  Jordana  visquet  moût  gala  e 
moût  legra,  e  moût  s'esforset  de  ben  far  e  de  ben  dir,  per  so 
q'en  Gauselms  non  fos  tengatz  per  mensongier  del  ben  q'el 
disiad'ella.  Efosi  presiada  per  tôt  loing  e  près  qe  negus  valens 
tom  de  Vîanes  ni  de  tota  Proensa  se  presiava  ren  se  no  Tavia 
vista,  ni  non  era  nuUa  bona  dompnà  en  totas  aqellas  encon- 
tradas  qe  noil  agues  enveia  de  la  beutat  e  del  près.  E  si  vos 
«die  d'aiso  vertat.com  per  veser  e  per  ausir.  E  si  fo  la  sua  vo- 
luntatz  qe  Madomna  Jordana  vole  far  plaser  d'amor  an  Gau- 
selm,  e  fez  lo  venir  en  la  sua  chambra  un  ser  a  parlamen  cou 
si;  e  fez  li  tant  eill  dis  q'el  s'en  parti  con  gran  legressa*.  Et 


*  Ms.  la  fan, 

•  [Cette  aventure  de  Gauoelm  Faidit  se  trouve  aussi  racontée  dans  le  ms. 


286  MANUSCRIl^  DE    CHELTENHÂM 

en  aqesta  legressa  lo  marques  de  Monferrat  si  se  croset,  e  fez 

crosar  Gauselm  Faiditz,  per  anar  outra  mar ^  Madomna 

Jordana  ;  don  Gauselm  fez  aquesta  chanson  :  Honratz  jausens 
sers  On  tan  bella  parvensa  Venc  mos  bels  espers,  Gauselms  si 
appellava  Madomna  Jordana  Bel  espers, 

21.  Honratz  jauzenz  sers. 

22.  Tuit  cil  qe  amon  valor. 

23.  Moût  a  poingnat  amors  en  mi  désir. 

24.  Jes  perlo  freiz  temps  no  m'irais. 

25.  Jes  nom  tuoill  nim  recre. 

26.  Moutm'enuiet  ojan  lo  cor  c'es*  mes. 

27.  Ben  plas  e  m'es  gen . 

28.  Montas  fazos  es  hom  plus  volontés. 

29.  0  mais(?)taing  qe  faz  parer. 

30.  De  faire  chanson. 

31.  Razon  e  mandamen. 

32.  Ara  nous  sia  guitz. 

33.  Fortz  chauza  es  qe  tôt  lo  maier  dan. 

La  plus  grande  partie  du  feuillet  25  v<>,  le  feuillet  26  tout 
entier  et  le  recto  du  feuillet  27,  sont  restés  en  blanc.  Puis  vient 
une  chanson  du  vicomte  de  St-Antonin,  Raymond  Jordan. 

F^  27  vo,  col.  1: 

Lo  VBSCOMS  DE  Saint  Antonin 

Per  quai  forfag  o  per  cal  faillimen  (6  couplets  de  8  vers). 

(Col,  2)  Graim  (?)  qe  faiz,  qar  no  Tanaz  vezer, 

Qe  re  no  sap  aqes  met  en  esforz, 
Qui  no  la  ve  e  no  Testai  denan, 
Tan  avinen  sap  far  son  benestan. 

Ces  quatre  vers  semblent  donnés  comme  variante  aux  qua- 
tre derniers  vers   du  sixième  couplet .    Puis  vient  l'envoi  : 


xLi-42  de  la  bibliothèque  laurentienne  de  Florence,  mais  beaucoup  plus  briè- 
vement que  dans  le  ms.  de  Cheltenham,  pour  la  partie  du  moins  qui  leur  est 
commune  ;  car  le  ms.  de  Florence  ajoute  que  Na  Jordana  fut  courtisée  par  le 
comte  de  Provence;  que  Gaucelm  par  jalousie  et  dépit  s'éloigna  d'elle,  et  qu'il 
chercha  ensuite  à  rentrer  dans  ses  bonnes  grâces.  On  peut  voir  tout  ce  récit 
dans  YArchiv  de  Herrig,  t.  L,  p.  242.  —  G.  G.] 

^  Lacune  non  indiquée  dans  le  ms. 

•  Lisez  coindes. 


Manuscrits  de  cheltbnham  287 

Chansos,  vai  t'en,  e  digas  lim  denan 
Qe,  s'a  lei  plaz,  q'il  t'aprendra  e  chan. 

Le  reste  du  feuillet  et  le  recto  du  feuillet  28  sont  vides.  Au 
verso,  on  lit  une  chanson  de  Peire  d'Auvergne,  dont  la  Vie  et 
trois  autres  pièces  se  trouvent  plus  haut,  f>  19. 

Pbirb  d'Alvbknia 
Gantarai  *  d'aqestz  trobadors. 

14  couplets  de  six  vers,  puis  cet  envoi  : 

Lo  vers  faiz  al  enflaboz, 
A  poi  vert  tôt  joganrizen. 

Ici  se  termine  la  première  partie  du  manuscrit,  c'est-à- 
dire  le  Chansonnier.  Au  f»  29  r**,  commencent  les  Proverbes 
provençaux,  dont  nous  avons  donné  les  premiers  et  les  der- 
niers au  début  de  cet  article. 

L.    CONSTANS. 


NOTES  SUPPLÉMENTAIRES 

[P.  271,  n®  16.  Lis.  Er  vei  escur  e  trehol  cet.  Cette  pièce,  qui  se 
trouve  encore  dans  les  mss.  856  et  1749  de  notre B.  N.,  est  attribuée 
par  ces  deux  mss.  à  R.  de  Vaqueiras.  Mais  la  table  du  n»  856  la 
donne,  comme  lems.  de  Gheltenham,  à  R.  d'Orange. 

18.  Cette  pièce  se  trouve  aussi  dans  le  ms.  2814  de  la  Bibl.  Ric- 
cardi  à  Florence,  où  le  premier  vers  diflfère  un  peu  de  ce  qu'il  est  dans 
le  ms.  Mac-Carthy,  ce  qui  a  sans  doute  empêché  M.  Bartsch  de  recon- 
naître Tidentité  des  deux  copies  (voy.  Grundriss,  389,  23  et  38).  — 
V.  2,  lis.  s'dbriva,  conune  l'indique  le  ms.  de  Florence  et  comme 
l'exige  d'ailleurs  le  système  rhythmique  de  la  pièce,  où  deux  couplets 
construits 

abC  C  B  D  E 
ae  D  D  E  C  B 

*  Ms.  cantarei. 


1^88  MJLNt^CRlTS  BB   GHBLTBMHÀM 

alternent  d'un  bout  à  l'autre  de  la  pièce  (la  rime  a  étant  toujours  con- 
Btituée  par  le  môme  mot,  clars) , 

V.  8.  Corr.  lo(s),  —  9.  Je  mettrais  une  virgule  à  la  fin  du  vers.  — 
19.  Corr.  Cant  et  fait  f  —  13.  Une  virgule  après  joi,  — 15.  Lie.  en 
deux  mots  es  clars.  —  17.  Corr.  Uu  ou  losî 

19.  Mettre  une  virgule  après  valc, — 21.  Corr.  teingf  —  22.  lis.es 
clars, — 24.  Corr.  vauc. — ^25.  Corr,  evoiz, —  26.  Lis.  avec  le  ms.  Vun' 
amistatz,  —  27.  Corr.  E  Vautra  m*adwto.*— 28.  Corr.  voluntat.  — 
33.  Supprimez  le  point  :  que  corz  gauz  qui  suit  est  le  complément  de 
mais  (mieux  vaut  jouissance  qui  dure  {viva)  que  courte  joie).  — 34. 
Lis.  per  qu*espavens  et  supprimez  la  virgule. 

39.  Corr.  quar,  —  40.  Lis.  dur*  o  gaia  (es=  etz),—  44.  Corr. 
moretgemf  — 45.  Lis.  lus  (=nuUus}9 

50.  A  est  une  interjection.  —  51.  Corr.  veraia,  —  53.  Corr.  sa- 
piens. —  55.  Corr.  sofrirs, 

57-63.  Ce  dernier  couplet  paraît  corrompu  en  plus  d'un  endroit. 
L'auteur  a-t-il  voulu  y  mêler  les  rimes  qui  alternent  dans  les  autres? 
Le  vers  59  devrait  rimer  en  ens,  le  suivant  en  ens  ou  en  irsf  Dans 
tous  les  cas  gaia,  à  la  fin  de  ce  dernier,  est  évidemment  une  faute. 
—V.  57-8.  Corr.  Domna,  meils  clars  Es  que  nivaf  —  63.  Lis. 
quom  (quomodo). 

Suite  de  R.  d'Orange.  No  20  (p.  274).  Tensonavec  G.  de  Borneil. 
Cette  pièce  se  lit  dans  trois  autres  mss.,  les  n^»  1749  et  22543  de  la 
B.  N.  et  le  ms.  de  Modène.  Ce  dernier  seul  est  d'accord  avec  le  ms. 
de  Cheltenham  en  ce  qui  concerne  l'attribution,  évidemment  erronée  du 
reste,  de  la  tenson  à  R.  d'Orange.  L'interlocuteur  de  G.  de  Borneil 
est,  dans  les  deux  autres,  le  troubadour  Lignaure,  personnage  avan- 
tageusement connu  d'ailleurs,  grâce  au  planh  que  le  même  GKraut 
de  BomeU,  dont  il  fut  l'ami,  composa  à  l'occasion  de  sa  mort  et  qu'on 
peut  lire  dans  les  Gedichte  de  Mahn  (n«"  336,  821). 

P.  280.  N°  51.  Ben  fora  dreigz,  —  Cette  pièce,  si  ce  n'est  pas  une 
répétition  du  n^  42,  ne  se  trouve,  à  ma  connaissance,  dans  aucun  autre 
ms. 

N^  54.  Cette  pièce,  qui  ne  se  trouve  que  dans  deux  autres  mss., 
d'après  le  Grundriss  de  M.  Bartsch,  est  attribuée  par  l'un  d'eux  seu- 
lement (le  ms.  de  Modène)  à  G.  de  Borneil.  L'autre  (vat,  5232)  la 
donne  à  Arnaud  Daniel. 

P.  281,  1.  4-5.  «  fils  d'un  sirven  e  d'una  forneyeira.  »  Ceci  con- 
corde mieux  que  le  passage  correspondant,  dans  Raynouard,  Roche- 
gude  et  Mahn,  avec  les  vers  connus  de  Peire  d'Auvergne  : 

Mas  en  son  paire  ac  bon  sirven 
Fer  traire  ab  arc  manal  d'alborn, 


MANUSCRITS  DB  GHELTëKHAM  289 

E  sa  maire  calfaval  forn 
Et  amassava  TissermeQ. 

Ibid,  L.  16-17.  Ceci,  avec  le  couplet  qui  suit,  est  sans  doute  la 
fin  de  la  raso  de  Us  volers  outracuidatz,  raso  qui  manque  dans  les 
biographies  imprimées  de  Folquet  de  Marseille  et  probablement  aussi 
dans  les  autres  mss.  Le  couplet  cité  appartient  à  cette  chanson.  Les 

vers  3-4  doivent  être  lus  : cui  . , .  a  pojada  els  aussors  graz,^ 

V.  5,  lis.  sil  cors, . , ,  forsatz;  —  v.  7,  decazer  en  un  seul  mot. 

P.  286,  n<*  24.  Jes  per  lo  freit  temps  no  mHrais,  Cette  pièce  est 
attribuée  à  Cercamon  par  trois  mss.  Un  autre  la  donne  à  Bernart 
de  Ventadour,  un  autre  à  Pierre  Vidal.  Le  second  chansonnier  de 
Cheltenham(Mac-Carthy)  s'accorde  seul  avec  le  nôtre  pour  l'attribuer 
à  Gaucelm  Faidit. 

Ibid,  N°  29.  Lis.  Oimais  taing  que  f as  sa  parer.  Cette  pièce  man- 
que dans  la  table  de  M.  Bartsch,  bien  qu'elle  nous  ait  été  conservée 
par  plusieurs  manuscrits  et  que  M.  Mahn  l'ait  publiée  deux  fois  {Ge- 
dichte,  n°»  468  et  469). 

P.  286.  L'envoi  qui  termine  la  chanson  dn  vicomte  de  St-Antonin 
{per  quai  forfag)  manque  dans  les  mss.  1592,  854, 12473  et  22543  de 
la  B.  N.  Je  ne  connais  pas  le  texte  des  autres  mss.  (ils  sont  assez 
nombreux  )  où  cette  chanson  se  trouve  aussi.  Au  dernier  vers,  lis. 
aprenda. 

Les  quatre  vers  précédents  manquent  aussi  dans  les  mss.  précités. 
Je  ne  sais  que  faire  de  Graim,  Serait-ce  un  nom  propre  (JRaimon)! 
Le  vers  qui  suit  doit  sans  doute  se  lire  :  Qe  re  no  sap  a  qes  (=  que 
se)  met*  en  esforz, 

C.  C] 


Poésies 


CARABIN 


A  MIS  AMI  A.  Espagne  b  A.  Roco-Fbrrié 

Carabin  èro  de  Bèu-caire. 
Emai  i'ague  déjà,  pecaire  ! 
Proun  tèms  qu'es  mort,  apereila 
Decesson  pas  de  n'en  parla. 
Es  qu'èro  un  flame  galejaire, 
E  trufarèu,  e  farcejaire  1 . . . 
Em'  acô  brave  orne  ;  n'avié, 
Estent  riche,  d'autre  mestié 
Que  de  bèn  viéure  e  de  rèn  faire. 
Mai,  coume  èro  jamai  coustié, 
Pèr  eisèmple,  quand  s'agissié 
D'enmancha  quauco  talounado, 
De  jouga  quauco  badinado, 
Se  fasié  rèn  dins  soun  quartié, 
Au  Canau,  à  la  permenado, 
A  Sant-Mountant,  à  Nourriguié, 
I  Founteto,  à  la  Coundamino, 
Au  Prat,  sus  la  Banqueto,  i  Mino, 
A  la  Vignasso,  au  Grand-Jardin, 
Que  noun  culpèsson  Carabin  : 
Carabin  avié  bono  esquino. 

Entendias,  tout!  li  matin, 
Pèr  carrière  quauco  vesino 
Dire  en  coulèro  à  soun  vesin  : 

—  Aniue,  m' an  chimarra  ma  porto. 

—  Es  Carabin  1 

—  An  pas  penja 
A  la  miéuno  uno  fedo  morto  !... 


POESIES  291 

—  Es  Carabin  ! 

—  M' an  neteja 

Do  us  rèst  de  cebo  ;  aquelo  ei  forto  I... 

—  An  embreca  mis  escalié . . . 

—  Parèis  qu'an  toumba  li  taulié. . . 

—  Es  Carabin  ! 

—  Dins  la  Redorto 
An  brûla  vint  fais  de  redorto. . . 

—  Es  Carabin,  lou  pantoustié  1 . . . 

Carabin  I  Carabin  1  Falié 

Que  fuguèsse,  eu,  de  touto  sorto, 

Acusa  d'aquéli  foulié. 

Eu  s'enchautavo  e  n'en  risié  : 

— «Bènbadau,  disié,  quau  s'emporto  !» 

Noste  orne,  un  jour  qu'èro  pèr  orto, 
Se  capitavo  àMount-pelié. 
Es  amor  d'acô  que  vous  conte 
Soun  istôri,..  qu'es  pas  un  conte. 
Anas  vèire  lou  poulit  tour  : 

Mèste  Carabin,  aquéu  jour. 
En  flânant  dins  la  Grand'Carriero, 
S'arrèsto  contre  un  magasin 
D'estofo,  e  zôu  I  se  met  en  trin, 
De  la  première  à  la  darriero, 
De  lis  eisamina,  pèr-fln 
Que  lis  emplega  dôu  dedin 
Remarquésson  bèn  si  manière 
E  se  sarrèsson  d'eu.  Enfln, 
Es  ço  qu'arribo  :  quatre  o  cinq, 
Coume  de  cadèu  de  sa  nicho, 
S'acousson  vers  noste  malin. 
Aquest  alor  ço-fai  ^nsin, 
Proun  aut  pèr  qu'ausigon  sa  dicho  : 
—  «  Noun,  es  pas  acô,  l'ase  ficho  I 
Que  me  eau. . .»  E,  l'èr  engana, 
Fai  mand  de  voulé  s'enana. 
Mais  li  coumés,  qu'an  pas  man  peco 
Pèr  aganta  gènt  à  la  leco, 


nft  pojssiËS 


L'arrèston  tôutis  à  la  fes 
Bi6  fan: 

— «  Oh!  que  si, bourgés, 
Auren  voste  afaire ...» 

Eu  rebeco : 

—  a  Nàni,  nàni,  merci,  m'envau  ; 
Vautre  avès  pas  ço  que  me  fau.  » 

— «  Mai,  Moussu,  dounas-rous  la  peno 

De  vèire  dins  lou  magasin  ; 

Sèn  asourti  de  touto  meno 

De  drap,  de  sedo,  de  satin, 

De  bourreto,  de  tarlatane, 

De  madapolam,  de  basin, 

De  percaline,  d'ourgansin, 

De  reps,  de  mérinos,  d'indiano. 

De  coutoun,  de  fiéu  e  de  lano, . .  » 

—  «Mis  ami,  parqué  ses  ansin, 
le  rebeco  mai  Carabin, 

Ta  pas  ço  que  volo;  vous  dise»  » 
— «  Vesès  toujour.  » 

—  «  Cresès  que  rise  î  » 
— a  Moussu,  la  visto  costo  rèn  ; 
Intras  donne.  » 

—  ((  Intrarai  ;  tambèn, 
Ai  pas,  iéu,  grand  besougno  à  faire  ; 
Mai  vous  repetisse,  jouvènt, 
Segur  qu'avès  pas  moun  afaire,  » 
— «  Oh  !  Moussu,  que  ses  brave  gènt! 
Intras,  sarié  que  pèr  nous  plaire.  » 
— «  le  tenès  tant?  intrarai  bèn. 
Mai  anas  perdre  voste  tèm.. . .  » 

—  «  Nous  arribo,  acô,  proun  souvèn  : 
Tout>esitour  n'es  pas  croumpaire.  » 

Li  vaqui  dins  lou  magasin. 
Lou  Bèu-cairen  pago  de  ipino  : 
Capèu  de  sedo,  soulié  prim, 
Gant  de  peu,  g^Ianto  badino, 
Bjpaio  e  ievito  de  la^tii*» 


P06ISIBS  299 

Cadeno  d'or,  camiso  ôno  : 

Un  véritable  muscadin  ; 

Avié  Ter  d'un  Angles,  enfin. . . 

Li  coumés,  uno  fes  dedin, 
Se  pensavon  : 

— «  Ah!  macastino! 
S'es  proun  fa  prega  ;  mai,  couquin  ! 
Faudra  que  baise  lou  patin.  » 

E  zôu  !  d'escarlimpa  li  banco, 
De  courre  coume  d'escourriôu, 
D'adurre  de  balot  tout  nôu . . . 
Souto  lou  pes  que  lis  escranco 
Mai  d'un  cujo  mourreja  'u  sôu. 

— «  Vesès,  Moussu,  perde  lençôu 
S'aquolo  telo  es  souplo  e  blanco.. . 
le  fai  Fun,  se  carrant  sus  Tanco  ; 
La  pagarés  que  trento  sôu. . .  » 

Carabin,  serious  coume  un  iôu, 
Fai  signe  qu'es  pas  ço  que  vôu. 

—  «  Metèn  pancaro  la  restanco, 
Moun  bèu  Moussu;  n'agués  pas  pôu, 
La  marchandiso  es  pas  de  manco, 
Emai  qu'es  pas  de  roussignôu. . .  » 

E  zôu  !  dis  emplega  lou.vôu 
De  pourta  de  nouvéli  pèço, 
D'ana-veni  coume  de  fôu. 
N'en  desplega^de  touto  espèce. 

—  «  Vesès  aquéu  drap  sens  parié. 
Aièr,  Moussu  Roco-Ferrié, 
Qu'amo  Testofo  à  grèindi  raio. 
Nous  n'en  crpumpè  pèr  uni  br^io.  » 
Carabin,  qu'a  tira  si  gant, 
Paupejo  lou  drap  di  dos  man, 

Dis  qu'en  efèt  lou  peu  le  lando  ; 
Mai. . .  es  pas  ac6  que  demando. 
— ce  Moussu,  vès,  espinchas  eiçd, 
Repren  un  nouvèu  coumissot  ; 

23 


294  POÉSIES 


Es  un  pur  article  de  lano. 
N'en  veiideguèn,  Tautro  semano, 
Quinze  pan  au  pintre  Marsal 
Pèr  de  vièsti  de  carnaval.  » 
Un  autre,  countuniant  la  gamo, 
A  soun  tour,  enrauqui,  le  chamo  : 

—  a  Tè,  Moussu,  se  ses  médecin, 
Goume  n'avès  Ter,  sus  moun  amo, 
Quouro  avès  yist  quicon  pu  on 
Qu'aquéu  drap  nègre  ?Es  de  satin. 
Lou  dôutour  Espagne,  uno  lamo 
Qu'a  pas  Tiue  souto  lou  couissin, 
Nous  n'a  fa  pourta  de-matin 
Subre  lou  plan  de  Nosto-Damo 
Noun  sai  s' es  quatre  métro  o  cinq.  » 

E,  tout  fasènt  l'article  ansin, 

Li  pàuri  coumés  déspleguèron 

E  davans  eu  espandiguèron 

Tout  ço  qu'avieji  en  magasin. 

Etoujour  noste  cascarin 

I  bèu  discours  que  ie  faguèron, 

I  bounimen  que  ie  diguèron, 

Refousié  soun  même  refrin  : 

— «  Tout  acô  's  bèu!  tout  acô  's  fin  I 

Voui  ;  mai  es  pas  ço  que  désire.  » 

—  «  Farias  meiour  de  nous  lou  dire  ! 
le  vènon  lis  autre,  enfeta 

E  prenènt  la  besougno  au  pire  ; 
Cresès  de  nous  faire  pita?.. .» 

—  «Vous  trove  drôle  en  verita, 
Replico  Carabin  sens  rire  : 
Passe  siau,  venès  m'arresta; 
Vous  metès  à  me  secuta  ; 

Bèn  tant  me  dounas  enterigo 
Emé  voste  eime  à  me  vanta 
Vôsti  rasin  e  vèsti  ûgo, 
Qu'enfin,  pèr  vous  faire  piesi, 
M'asarde  dins  vosto  boutigo  ; 


POESIES  295 

Urousamen  qu'aviéu  lesi  ; 
Mai  d'uno  ouro  me  fasès  vèire 
Vôsti  peio  ;  vous  laisse  encrèire 
Qu'ai  pas  jamai  rèn  vist  de  tau, 
De  tant  poulit,  de  tant  fricaud. 
Sus  la  porto,  dins  voste  oustau, 
Vous  dise  cent  cop,  bèn  o  mau, 
Vous  cante  fre,  vous  sible  caud 
Que  n'avès  pas  ço  que  me  eau  ; 
£m'  uno  paciènço  angelico 
De-longo  moun  esprit  s'aplico 
  tout  eisamina  d'à-ment, 
A  vous  n'en  faire  coumplimen; 
Pièi,  quand  Touro  dôu  dina  sono, 
Que  vole  parti,  m'agacbas 
Tout  de-galis  e  vous  fâchas!.. . 
Avouarés  qu'aquelo  es  bono  ! . . . 
D'abord  que  ie  ses,  gaudissono, 
Garças-me  de  cop  de  bastonn!!!  » 
Lis  autre  alor,  aussant  lou  toun  : 
—  <(  Nous  aprendrés  au  mens,  bèu  sire, 
Dôu  moumen  qu'es  fiéu,ni  coutoun, 
Ni  percalo,  ni  mouletoun, 
Velout,  sedo  ni  casemire. 
Nous  aprendrés,  vire-que-vire, 
Ço  que  vous  eau?. ..  » 

Dins  soun  cantoun, 
Em'  uno  cagno  de  satire, 
Carabin^  dous  coume  un  moutoun, 
le  respond  : 

—  «  Leissas  que  respire, 
Que  fariei  parti  mi  boutoun  ; 
Me  eau,  —  se  deve  vous  lou  dire,  — 
Me  cau...uncournet  à pistoun  !!!...» 
Louis  RouMiEUX. 

Mount-pelié^  lou  5  de  Juq  de  1881, 
À  Tacamp  de  la  Mantenènço  de  Lengadô. 


VARIÉTÉS 


JE  NE  SACHE  PAS;  QUE  JE  SACHE.... 


Dans  la  première  édition  de  6on  remarquable  livre  :  Histoire  et 
théorie  de  la  conjugaison  française,  M .  Ghabadieau  avait  nettement 
établi  que  saclie  égait  sûpiatUf  et  que  le  latin  sapio  avait  donné  en 
français  je  sai.  Il  avait  fait  une  exception  pour  la  locution  je  ne  sa- 
che pas,  et  admis,  non  sans  hésitation,  qu'ici  sache  est  un  indicatif^* 
M.  Littré  répond  dans  ses  Études  et  glanures,  p.  309  (ou  Journal  des 
savants,  année  1869,  p.  377): 

« Quelque  anormal  qu'il  paraisse,  on   sent  ici  un  subjonctif 

plutôt  qu'un  indicatif;  entre  je  ne  sais  pas  qu'il  ait  fait  cela  et  je  ne 
sache  pas  qu'il  ait  fait  cela,  il  y  a  la  trèé-légère  nuance  de  quelque 
chose  de  moins  affirmatif  dans  là  secondé  forme  que  dans  la  première. 
La  dubitation  jointe  à  la  négation  s'est  rendue  par  un  subjonctif.  Et 
cela  est  si  vrai  que  la  locution  ne  s 'emploie  qu'à  la  première  personne, 
et  qu'on  ne  dit  p'aâ  :  tu  ne  saches  pas,  il  ne  sache  pas.  En  effet,  il 
n'y  a  que  celui  qui  parle  qui  peut  imprimer  à  sa  phrase  ce  que  son 
esprit  contient  de  dubitatif.  Cette  tournure  ne  s'est  point  généralisée  ; 
elle  est  restée  bornée  au  verbe  savoir;  mais  il  est  clair  que  l'on  pour- 
rait dire:  Je  ne  veuille  pas  croire  qu'il  en  soit  ainsi  en  un  sens  moins 
décisif  que  :  je  ne  veux  pas  croire  qu'il  en  soit  ainsi.  » 

Il  serait  curieux,  semble-t-il,  de  savoir  pourquoi  cette  tournure  ne 
s'est  point  généralisée  ;  —  ou,  inverseoient,  pourquoi,  cette  tournure 
ne  s'étendant  pas  aux  autres  verbes,  savoir  a  pu  la  prendre  et  la  con* 
server. 

La  note  qui  suit  essaye  de  répondre  à  ces  deux  questions.  De  plus, 
on  y  étudie  rapidement  l'emploi  du  verbe  savoir  dans  je  ne  sache  pas 
et  dans  les  tournures  analogues. 

10  POURQtïOl  LJk  TOURNURB  NR  S'bST-BLLB  POINT  GÉNÉRALISÉE  ? 

a)  Il  est  évident  d*&bord  qu'elle  ne  pouvait  «'^pliquer  qu'à  un 
petit  nombre  de  Verbes,  ceux  qui  expriment  un  éta4  ou  un  acte  psy- 
chologique, soit  de  l'intelligence^  soit  de  la  voloiUé*  Seuls,  ces  verbes 
peuvent  avoir  à  rendra  la  nuance  de  dubitation  jointe  à  la  négation 
dont  parle  M.  Littré,  et  leur  petit  nombre  même  explique  qu'une  tour- 
nure qui  leur  aurait  été  propre  n'ait  pas  prévalu. 

«  Ceci  a  été  modifié  dans  la  seconde  édition  (Vieweg,  1878). 


&)  Cette  rftison  est  encore  fortifiée  par  ce  fait  :  qu*une  bonne  partie 
des  verbes,  pour  ainsi  dire  psychologiques,  n'ont  pas  on  subjonctif  net- 
tement distinct  de  rindicatif. /«  vem7{6,  même  sans  (Conjonction,  dif- 
fère de  je  veux  ;  je  sache  diffère  de  je  saiè  ;  mais  on  ne  distingue  pas 
je  croie  de  je  crois,  ni,  à  plus  forte  raison,  je  pense  subjonctif  de  je 
pense  indicatif. 

c)  Sans  doute,  si  ces  verbes  n'avaient  auem  autre  moyen  de  ren- 
dre la  dubitation,  la  tournure  par  le  subjonctif  aurait  pu  s'imposer  ; 
mais  cette  nuance  est  rendue, —  quoique  d'une  fa^on  peat4tre  plus 
forte, —  par  le  conditionnel  employé  seul  et  s«flis  «ebndition  sous-en- 
tendue. Ex.  Je  crois  que  aller  vient  du  latm  ad-nare. — Moi^  je  ne  le 
croirais  pas.  Je  ne  le  croirais  pas  =  je  ne  le  crois  pas  avec  une 
nuance  -de  doute.  -^  Je  ne  voudrais  pas  vous  contriirier ,  j^  déclare 
que  vous  avez  raison.  Je  ne  voudrais  ptis  ^^  de  la  mém^  f^çon,  j/e  ne 
veux  pas. 

Snfin  remploi  du  sttlgonctil  d'une  façon  indé^i^ndante^  pour  marquer 
la  dubitation,  est  .un  emploi  anormal  et  difficile,  {puisque  d'habil(efi  et 
savants  grammairiens  s  y  sont  trompés. 

Rien  «d'étonnant  donc  à  ce  qu'il  ne  se  soit  p^s  généralisé;  ;9^s 
alors 

2o  POURQUOI  LE  VERBE  SAVOIR  l'a-T-IL  PRIS  ET  C0NSERV4? 

C'est,  segible-t-il,  que  ce  verbe  ne  connaît  pas  l'emploi  indépendant 
et  dubitatif  du  conditionnel  que  nous  avons  ^nalé  plus]iaut;  —  ou 
que,  le  cas  échéant,  il  n'a  plus  son  sens  propre,  celui  de  connaître, 
de  posséder  dans  son  esprit. 

En  effet,  voici,  sauf  erreur,  comment  s'emploie  le  .co^di^Qnnel  de 
savoir  : 

lo  Avec  une  proposition  conditionnelle  exprimée,  —  remplacée  par 
un  équivalent,  —  ou  spus-entendue . 

—Exprimée,  comme  dans  :  je  ne  saurais  pas,  si  vous  ne  me  Vavie» 
appris  y  que 

—  Remplacée  par  un  équivalent,  comme  dans  ce  vers  de  Boilaau 
(sat.  ix): 

St  qui  aoiiniH,  sans  meit  ap»  Gotin  apiiûhé? 

Bans  moi  =s  si  je  ne  Favslis  dit. 

—  Sous-entendue.  Ex.  Voulez-vous  me  réciter  votre  leçon  f^^  Je 
ne  la  saurais  pas.  En  disant  ^e  ne  la  saurais  pasj  on  sent  très-bien 
qu'cm  a  dans  lesprit  une  proposition  conditionnelle,  quelque  chose 
comme:  si  j^essaifctis  de  vous  la  dire. 

2»  Dans  une  interrogation.  On  pourrait  alors  le  faire  suivre  de  par 
hasard  :  sauriez-vous  ou  ne  sauriex^ous  pas  la  grande  nouvelUtf 


«98  VARIÉTÉS 

30  Je  saurais  n'a  plus  son  sens  propre  lorsqu'il  est  suivi  d'un  infi- 
nitif. Il  prend  alors  les  sens  de  pouvoir  om  à  être  capable  de. 

=i  pouvoir,  Ex.:  On  ne  saurait  avoir  une  taille  mieux  prise ,  un 
plus  beau  teint.  J.-J.  Rousseau,  Emile,  V. —  En  pareil  cas,  la  né- 
gation ne  s'emploie  toujours  avec  ellipse  de  pas  ou  point, 

=  être  capable  de.  Ex.:  Voyons  maintenant  cette  ouverture.  — 
Je  ne  saurais  pas  la  jouer.  Ici,  jpa^  ou  po^n^ sont  le  plus  souvent 
exprimés. 

Dans  les  deux  cas,  l'infinitif  peut  se  trouver  sous-entendu  : 

L'un  dit  :  Je  n*y  vas  point,  je  ne  sais  pas  si  sot  ; 
L'autre  :  Je  ne  saurais. 

(La  Fontaine,  Fables,  II,  2.) 

On  voit  que,  parmi  tous  ces  exemples  die  je  saurais,  il  n'en  est  pas 
d'analogue  à  celui  dont  nous  avons  donné  des  exemples  pour  :  je  ne 
croirais  pas  et  je  ne  voudrais  pas .  Ainsi  le  verbe  savoir,  pris  dans 
son  sens  propre,  ne  pouvant  rendre  la  dubitation  par  le  conditionnel, 
a  dû  prendre  et  conserver  une  nouvelle  tournure,  celle  par  le  sub- 
jonctif. Mais,  très-restreinte  dans  son  usage,  cette  tournure  ne  s'ap- 
plique qu'à  la  première  personne  ;  on  ne  dit  point:  tune  saches  pas, 
il  ne  sache  pas. 

Cette  tournure  est  toujours  négative,  et  M.  Littré  en  a  donné  la 
raison.  Seulement  la  négation  peut  accompagner  sache  lui-même: 

Cause  que  je  ne    sache  pas  qu'on  ait  encore  remarquée  (Montesquieu , 
Esprit  des  lois,  XYII,  3)  ; 
ou  être  représentée  par  le  complément  du  verbe  : 

Je  ne  sache  aucun  orthodoxe  qui  ait  osé  dire  que . . .  (Bossuet,  Avert. 
repr.  Idolâtrie,  17)  ; 

eu  enfin,  et  c'est  le  cas  le  plus  rare,  être  implicitement   contenue 
dans  une  restriction  : 

Je  ne  sache  que  trois  sortes  d'iastruments  à  Taide  desquels  on  puisse 
agir  sur  les  mœurs  d'un  peuple.  (J.-J.  Rousseau,  Lettre  à  M.  d'Àlem- 
bert.) 

Avant  d'examiner  l'origine  de  cette  locution,  disons  un  mot  de  la 
locution  analogue:  que  je  sache. 

M.  Littré  la  définit  ainsi  :  «  Locution  dont  on  se  sert  à  la  fin  d'une 
phrase  (il  faudrait  ajouter  :  ou  en  forme  de  parenthèse)  pour  indiquer 
que,  si  un  fait  est  autrement  qu'on  ne  le  dit,  on  l'ignore.  »  Ex.  Il 
n'est  point  de  destin  plus  cv\xQ\,que  je  sache.  (Molière,  A  mjp%<.«  III, 
1 .) —  Ne  descendant,  que  je  sache,  d'aucun  Franc  qui  ait  ravagé  les 
Gaules.  (Voltaire,  Lettre  à  laChalotais,  11  juillet  1762.) 

Comment  ici  peut-on  expliquer  le  subjonctif?  Comme  lefait.M.  Bes- 
cherelle  dans  son  Dictionnaire  ?  En  disant:  «Que  je  sache  est  un  abrégé 


VARIETES  2W 

de  Texpression  suivante  :  (je  ne  pense  pas)  que  je  (le)  sache?  »  Évi- 
denunent  non  ;  plusieurs  raisons  militent  contre  cette  façon  de  Tana- 
lyser.  L'ellipse  de  je  ne  pense  pas  peut  être  admise  ;  mais  celle  du 
pronom  complément  le  ?  —  De  plus,  l'analogie  avec  je  ne  sache 
pas  est  frappante  ;  comme  cette  dernière,  la  locution  que  je  sache  im- 
plique une  négation.  Elle  ne  s'emploie,  en  effet,  qu'avec  une  phrase 
négative,  —  nous  en  avons  vu  des  exemples,  —  ou  interrogative, 
et  alors  l'interrogation,  étant  lexpression  d'un  doute,  remplace  la 
négation.  Ex.  Autant  vaudrait  être  amoureux  de  la  femme  de  Ma- 
thusalem  !  Etait-elle  jolie,  que  vous  sachiez^  f  (Fontenelle,  Lettres 
gaL,  II,  20.) —  Enfin  et  surtout  que,  dans  que  je  sache,  est  un  pro- 
nom relatif  et  non  une  conjonction.  L'analogie  le  prouve  assez,  puis- 
que, dans  les  exemples  cités  plus  haut,  on  pourrait  remplacer  que 
Je  sache  par  la  locution  familière  que  je  crois . 

Vou3  n'êtes  pas  d'ici,  qiie  je  crois.  (Molière,  G.  Dandin^  I,  2.) 
Mais  nous  ignorons,  que  je  crois,  la  demeure  de  la  postérité;  nous  mettons 
mal  son  adresse.  (Chateaubriand.) 

Voilà  bien  un  emploi  identique  à  celui  de  la  locution  que  nous  étu- 
dions; de  même  pour  l'expression,  plus  familière  encore:  que  je  dis: 

Frère  Nicolas,  qu'il  lui  a  dit,  je  ne  peux  pas  vivre  avec  un  mensonge 
(George  gand), 

que  je  crois  doit  s'expliquer  par  à  ce  que  je  crois,  —  Que  je  dis  par 
d*après  ce  que  je  dis,  comme  je  dis.  De  même  que  je  sache,  à  ce 
que  je  sais,  d'après  ce  que  je  sais.  Le  subjonctif  est  simplement  ici 
pour  marquer  le  doute  ;  son  emploi  est  tout  à  fait  semblable  à  celui 
qu'il  a  dans  je  ne  sache  pas,  et  la  même  explication  devra  convenir 
aux  deux  tournures . 

Nous  n'avons  parlé  jusqu'ici  que  du  singulier  sacAe.  Mais  les  mo- 
ines locutions  peuvent  s'employer  au  pluriel  :  nous  ne  sachons  pas, 
que  nous  sachions.  Ici  les  deux  formes  verbales  sont  différentes  et, 
dans  les  paradigmes  de  nos  grammaires,  sachons  ne  se  trouve  que 
pour  la  lr«  personne  de  l'impératif.  —  Évidemment  il  n'y  a  là  qu'une 
apparence  trompeuse  ;  sachons  ne  peut  être  qu'un  subjonctif,  et 
non-seulement  il  l'est  en  effet,  mais  c'est  la  forme  normale  du  sub- 
jonctif, tandis  que  sachions  est  un  barbarisine  étymologique  :  sap^ 
iamus  =  sapjamus  ==  sachons  ;  sachions  au  contraire,  =  *sapj-ia' 
mus  =  *sap'i-iamus.  Sachons,  comme  subjonctif,  existait  encore  au 
XVI*  siècle,  et  nous  en  citerons  un  exemple  tout  à  l'heure.  Pourquoi 
cette  forme  archaïque  s'est-elle  conservée  ici  ?  Sans  doute  parce  que , 
la  locution  étant  exceptionnelle  et  difficile,  on  n'a  pas   bien  su,  en 

'  Nous  reviendrons  plus  loin  sur  ce  pluriel. 


300  VARÏl^TÉS 

la  prononçant  ou  en  récrivant,  à  quel  temps  du  verbe  on  avait  affaire. 
—  Pourquoi  a-t-elle  été  remplacée  dans  que  nous  sachions  par  la 
forme  moderne  et  ordinaire  du  subjonctif?  Parce  que  le  subjonctif  est 
ici  plus  sensible,  et  parce  qu'à  première  vue  le  relatif,  en  effet,  a  bien 
Tair  d'une  conjonction. 

C'est  là  sans  doute  le  motif  qui  explique  l'extension  à  la  2^  per- 
sonne qi4e  vous  sachiez,  d'une  locution  qui  semblait  réservée  à  la 
première.  Nous  reviendrons  sur  ce  fait  un  peu  plus  loin. 

Et,  maintenant,  quelle  peut  être  l'origine  des  locutions  examinées? 
ou,  pour  simplifier  la  question,  quelle  est  l'origine  de  :  je  ne^sache 
pas? 

Citons  encore  M.  Littré  et  son  savant  Dictionnaire  (art.  Sa.voir, 
Rem,  3).  «  Elle  (cette  tournure)  paraît  être  née  au  XVI'  siècle.  Voj. 
V Historique.  On  peut  conjecturer  que  ceux  qui  les  premiers  Font 
employée  ont  sous-entendu  :  j'ose  dire,  l'usage  étant,  au  XVI*  s.,  de 
mettre  le  subjonctif  avec  direy  quand  Taffirmation  n'était  pas  abso- 
lue. » 

Et,  à  THistorique,  M.  Littré  cite  les  exemples  suivants  :  Le  livre 
n'est  encores  imprimé,  que  je  sçaiche.  Rabelais,  Pant,,  II,  15.  —  On 
y  trouve  des  nations  n'ayant,  que  nous  sçachons,  ouï  nouvelles  de 
nous.  Montaigne,  II,  334.  —  Je  ne  sçaiche  en  ma  vie  l'avoir  offensé. 
Carloix,  IV,  3. —  Aussi  osé-je  dire  que  je  ne  sache  homme  ii  chatouil- 
leux, qui  ne Paré,  Dédicace  au  lecteur.  —  Je  ne  sache  homme 

si  peu  versé  en  astrologie  qui Id.,  IX,  2«  dise.  —  Au  demourant, 

qu'il  ait  esté  en  Afrique  et  en  Espagne,  et  jusques  aux  Indes,  je  ne 
sache  'personne  qui  l'ait  escrit.  Amyot,Zyc.,  6. 

Tels  sont  les  exemples  de  M.  Littré.  Si  nous  les  avons  cités  tous, 
c'est  qu'ils  suffisent,  selon  nous,  à  rendre  bien  improbable  la  conjec- 
ture qui  lès  accompagne. 

Remarquons,  en  effet,  que  l'ellipse  de  fose  dire,  supposée  par 
M.  Littré,  est  assez  hardie  et  assez  extraordinaire  pour  qu'on  s'attende 
à  trouver  de  nombreux  exemples  de  la  locution  complète  précédant 
la  locution  elliptique,  puis  existant  concurremment  avec  elle.  Or,  sur 
six  exemples  cités  par  M.  Littré,  un  seul  renferme  la  prétendue  prQ- 
tposition  principale  fose  dire,  —  et,  ce  qui  est  plus  grave,  cet  exemple 
est  emprunté  à  la  Dédicace  d'A.  Paré.  Cette  Dédicace  a  paru  pour 
la  première  fois  en  1561,  tandis  que  le  deuxième  livre  de  Pantagruel 
a  été  publié  en  1552,  et  les  Yies  d'Amyot  en  1559. 

Secondement,  si  l'ellipse  de  fose  dire  peut  se  suppoisor  devant 
je  né  sache  pas,  comment  la  supposerait^on  devant  que  je  sache  ?  Il 
faudrait  en  revenir  à  l'aoaly^e  de  M.  Be8olierelle,etnous  croyons  avoir 
montré  qu'elle  est  inexacte.  M.  Littré,  d'ailleurs,  est  tout  le  premier 
porté  à  expliquer  que  par  un  relatif,  non  par  tine  conjonction  ;  «  que 


VARIÉTÉS  301 

je  crois,  locution  familière  et  elliptique  pour  :  à  cfe  que  je  crois 

On  dit  de  même  que  je  sache,  à  ce  que  je  sache.  »  Dictionnav^e,  art. 

QUB,    PRONOM  RELATIF,  60. 

Enfin  un  exemple  précieux,  que  je  dois  à  Tobligeance  de  M.  Cha- 
baneau,  nous  montre  la  locution  bien  avant  le  XVI«  siècle.  On  lit 
dans  le  livre  de  Joh  (ligne  3): 

Ki  ne  sachet  que  Us  est  terre  de  païens? 

Pour  finir  donc  et  me  résumer,  je  hasarde  les  conjectures  suivantes, 
mais  je  les  hàfearde  sous  toutes  réserves . 

Le  qui  ne  sace  de  Job  pourrait  se  traduire  en  latin,  sinon  pour  le 
sens,  du  moins  pour  la  forme,  par  la  locution  classique:  quis  non 
sapiat.  Le  latin,  en  effet,  employait  le  subjonctif  pour  marquer  une 
interrogation  dubitative  ;  il  l'employait  encore   pour  une  affirmation 
adoucie  et  mêlée  de  doute  :  velim,  nolim.  De  là  a  dû  naître  en  fran- 
çais un  emploi  analogue   du   subjonctif.  —  Cet  emploi  a  pu  exister 
pour  d'autres  verbes  que  pour  le  verbe   savoir  ;  mais  les   nuances 
qu'il  avait  pour  but  de  rendre  ayant  été  rendues  par  le  conditionnel, 
il  est  bien  vite  tombé  en  désuétude.  Savoir  seul  l'a  conservé,  parce 
qu'il  se  trouvait  que  son  conditionnel,  accaparé  par  d'autres  usages, 
ne  rendait  pas  les  nuances  nécessaires  et  ne  faisait  pas  double  em- 
ploi avec  le  subjonctif.  Néanmoins  cette  tournure  est  rare  pendant 
tout  le  moyen  âge  et  elle  n'a  repris  faveur  qu'au  XVI®  siècle,  grâce 
sans  doute  à  'l'influence  latine  *,  peut-être  aussi  par  suite  de  la  con- 
struction que  M.  Littré  signale:  j*ose  dire  que et  le  subjonctif. 

Non-seulement  la  tournure  était  devenue  rare;  mais,  étant  excep- 
tionnelle et  difficile,  elle  s'était  de  plus  en  plus  restreinte  dans  ses 
usages  ;  de  sorte  qu'on  ne  l'emploie  plus  que  dans  une  phrase  négative 
et  à  la  première  personne  du  singulier  ou  du  pluriel,  surtout  du  sin- 
gulier. Nous  ne  sachons  pas  est  plus  rare  que  je  ne  sache  pas,  parce 
que  la  dubitation  jointe  à  la  négation  se  comprend  surtout  lorsque 
l'on  parle  de  soi-même  ;  si  l'on  parle  de  plusieurs  personnes,  même 
en  se  comprenant  parmi  elles,  la  nuance  paraît  moins  sûre  et  la  lo- 
cution moins  légitime.  —  Que  nous  sachions  est  moins  rare  que  nous 
ne  sachons  pfis,  parce  que,  nous  l'avons  dit,  on  croit  voir  ici  un  sub- 
jonctif ordinaire  précédé  d'une  conjonction,  et  la  tournure  est  moins 
étonnante,.  Ainsi  s'explique-t-on  l'emploi  de  la  deuxième  personne  du 
pluriel  que  vous  sachiez,  seule  exception  à  la  règle  ci-dessus  posée. 
Je  ne  dirai  plus  qu'un  mot  pour  expliquer  qu'après  avoir  employé  la 

^tQue  je  sàcfiCy  par  exemple,  a  pour  correspondant  exact  le  latin  quod 
sciant;  et  cette  analogie  pourrait  être  invoquée  pour  établir  l'analyse  de  la  lo- 
cution française. 


3a«  VARIÉTÉS 

troisième  personne,  comme  dans  Joh,  la  langue  se  soit  réduite  à  la 
première  et  surtout  à  la  première  du  singulier  m  II  n*y  a  que  celui 
qui  parle,  dit  M.  Littré,  qui  peut  imprimer  à  sa  phrase  ce  que  son 
esprit  contient  de  dubitatif.  »  Je  demande  la  permission  de  modifier 
cette  phrase  et  de  dire  :  //  était  surtout  nécessaire  que  celui  qui  parle 
pût  imprimer  à  sa  phrase  ce  que  son  esprit  contient  de  dubitatif.*» 

E.  RiaA.L. 


L'ORIGINE  ARABE  DU  MOT  ALKÉKENGE 


Quelque  répulsion  que  Ton  professe  pour  toute  étymologie  française 
empruntée  à  Tarabe,  il  semble  qu'on  puisse  sans  regret  abandonner 
à  l'idiome  sémitique  un  mot  qni  se  présente  sous  cet  aspect  bizarre  et 
difforme:  alkékenge.  Et,  d'ailleurs,  peut-on  qualifier  de  français  un 
terme  qui  ne  se  rencontre  que  sous  la  plume  des  savants  en  us  et 
dans  les  traités  de  botanique?  Le  peuple  dit  coqueret  et  laisse  alké- 
kenge aux  pharmacopoles. 

Jusqu'ici  donc,  les  romanistes  s'abstenaient  de  toute  prétention  la- 
tine audit  alkékenge.  Un  remords  pourtant  a  saisi  l'un  d'eux,  non 
point  le  premier  venu,  mais  un  des  meilleurs,  des  plus  sages,  des 
plus  sévères  (je  le  qualifierais  plus  librement  s'il  n'était  et  mon  ami 
et  mon  maître).  Dans  un  des  derniers  numéros  de  la  Revue* ^  M.  Bou- 
cherie, relevant  une  série  de  termes  de  botanique  oubliés  ou  incom- 
'  plétement  signalés  dans  le  grand  Dictionnaire  de  Littré,  expose,  en 
passant,  ses  doutes  relativement  à  l'origine  arabe  à^alkéhenge,  et, 
par  une  série  fort  ingénieuse  d'intermédiaires  hypothétiques,  il  dé- 
montre que  le  malheureux  vocable  peut  très-normalement  provenir  du 
grec  latinisé  halicacabus , 

Soit  !  Mais  l'arabe  aUhahendj  ?  dirons-nous  qu'il  dérive  aussi  du 
grec,  et  que  les  altérations,  assurément  remarquables,  subies  par  ce 
terme  grec  dans  les  gosiers  arabes,  ont  conduit  identiquement  au  même 
résultat  que  dans  les  bouches  gauloises?  M.  Boucherie  sait  assez  de 
phonétique  arabe  pour  reconnaître  l'extrême  difficulté  de  cette  hypo- 
thèse. Sera-ce  donc  au  français  que  Tarabe  aura  pris  son  vocable? 
Mais  qui  croira  qu'aux  temps  d'Avicenne,  en  plein  Xle  siècle  (sinon 

*  Cet  article  imprimé,  M.  Chabaneau  appelle  notre  attention  sur  la  locution 
qui  vive?  où  vive  est  certainement  un  subjonctif.  Il  semble  que  son  emploi 
soit  tout  à  fait  analogue  à  celui  de  sache  dans  :  qui  ne  sache.  Ici  la  proposition 
n'est  plus  négative,  mais  elle  est  toujours  dubitative,  et  la  dubitation  .amène 
le  subjonctif. 

«Févr.  1881,  p.  72. 


VARIETES  303 

plus  tôt),  la  terminologie  scientifique  arabe  fît  des  emprunts  au  fran 
çaîs  ?  Est-ce  le  français  ou  Tarabe  qui  le  premier  a  employé  ces  autres 
noms  de  pUntes  :  abutilon,  anil,  auberginCy  azédarac,  bédéguar, 
cétérachy  lilaSy  sumac,  etc.? 

Ce  qui  a  fait  naître  et  justifie,  il  faut  bien  le  dire,  les  scrupules  de 
M.  Boucherie,  c'est  la  définition  fort  mauvaise,  ou  tout  au  moins  fort 
incomplète,  du   terme   arabe  kakendj  qu'il  a  lue  dans  Littré.  Littré 
l'avait  prise  dans  Freytag,  et  Freytag  l'avait  empruntée  à  Firouza- 
bâdi.  Fauteur    du  grand  dictionnaire  arabe  (en  arabe)  appelé  Qamous, 
Assimiler  le  nom  ducoqueret,  avec  sa  jolie  baie  rouge  enfermée  dans 
son  alcôve   orange,  à  celui  de  la  «  résine  d'un    arbre  »,  cet   arbre 
poussât-il  sur  les  montagnes  d'Hérat,  cela  pouvait  bien  passer  pour 
une   hardiesse  d'étymologiste  dans  l'embarras.  Ce  sentiment  ne  fût 
point  né  dans  Tespritde  M.  Boucherie,  si  le  Dictionnaire  de  Littré  eût 
appris  au  lecteur  que  le  kakendj^  chez  Ibn  Beitar,  qui  vécut  à  la  cour 
de   Saladin,  et  chez  Avicenne,  qui  écrivait  vers  Tan  1030,  est  absolu- 
ment identique  à  notre  coqueret  * . 

Donc  abandonnons  à  l'arabe  son  alkékenge^c{\x\  lui  appartient  très- 
légitimement,  et  gardons  notre  coqueret. 

Marcel  Devio. 


SUR  UN  VERS  DE  NA  GORMONDA 

Dans  son  édition  de  Guilhem  Figueira,  M.Emil  Levy  traduit  à  faux 
le  passage  suivant  du  sirventés  de  Gormonda  : 

Fais  heretges  quetz 
Que  non  temon  vetz.  (v.  95  et  96.) 

M.  Levy  met  de  côté  vetz,  dérivé  de  vice  =  fois,  allem..  Mal,  Vetz 
.  provenant  de  vitium  =  coutume,  habitude,  allem . ,  gewohnheit,  ne 
lui  offrant  pas  un  sens  satisfaisant,  il  lui  attribue  la  signification  pri- 
mitive de  vitium  =  vice,  signification  que  ce  mot  n'a  jamais  eue  en 
provençal.  En  conséquence,  il  traduit  :«  die  sich  nicht  vor  Lastern 
acheuen  =qui  ne  reculent  devant  aucun  vice.  » 

M.  Tobler,  de  son  côté  (ibid.,  p.  108),  propose  de  changer  non  te- 
mon vetz  en  nos  tenon  netz,  altération  bien  inutile  d'un  texte  parfai- 
tement intelligible. 

En  effet,  il  ne  s'agit  ici  ni  de  vetz  =  fois,  ni  de  vetz  =  coutume,  mais 
bien  de  vet  =  défense,  prohibition,  interdiction,  substantif  verbal 
formé   sur  vedar   dérivé   de  vetare  =  défendre,  prohiber,  interdire. 


*  Avicenne  préconise  le  suc  extrait  du  kakendj,  et  surtout  des  feuilles,  pour 
les  ulcères  invétérés. 


3Ô4  VARIETES 

Vetz  est  Taccusatif  pluriel  de  vet.  Il  faut  donc  traduire  :  u  hérétiques 
hypocrites  qui  os  craignent  pas  les  défenses  [de  TÉglise]  »;  c'est-à- 
dire  «  qui  méprisent  ces  défenses.»  A.  Millet. 

[L'interprétation  de  M.  Millet  est  oeiptainement  la  vraie.  On  peut,  à 
l'appui,  faire  remarquer  :  \^  que  le  vers  correspondant  du«irventés  de 
G.  Figueira  auquel  Gormonde  répoftd  a,  ^n  riiae,  devei»,  oà  le  seni 
de  défenses  n'est  pas  douteux;  ^  que  'oetz  =^vieem  oixmUwm  et  que 
neU  ont  un  e  fermé  (estrett),  tandis  que  lariine  exigerait  wi  eouvtft 
{larg).  Il  est  vrai  que  cette  dernière  raison,  qui  sevait  sans  réplique 
dans  la  pièce  de  Figueira,  n'a  pas  ia  même  foiice  pour  celle  de  Ger- 
monde,  cette  trouveresse  paraissant  avoir  traité   la  rime  de  façon 
assez  libre.  Ainsi  précisément,  nous  trouvons  rimant  av^e  le  vetz^  qui 
est  l'objet  delà  note  ci-dessus,  trois ma^ {qtietz, siecretz,  décrets),  où 
Ve  est  certainement  fermé,  deux  (pessetz  et  trudets)  où  il  l'est  proba- 
blement (car  pessetz  ne  paraît  pouvoir  être  qu'un  dkminutif  de  pes  ou 
de  pessa  =  pensa),  et  un  seul  (sabetz)  où  il  est  ouvert.  Ailleurs,  Toi- 
zanSj  V.  72,  où  Va  est  fermé,  rime  avec  des  a  ouverts,  «deccc,  v .  24,  rime 
avec  des  mots  à  e  ouvert.  Mais  dans  ce  dernier  cas  xl  est  probable  que 
la  faute  est  imputable  au  copiste  et  qu'il  faut  lire  pecœ  (subst.  ver- 
bal depecar).  Au  vers  27,  on  trouverait  de  même  un  o  fermé  (trossa)  ri- 
mant avec  des  0  ouverts,  s'il  fallait  accepter  la  leçon  adoptée  par  l'édi- 
teur. Mais  l'un  des  deux  mss.  donne  trasdossa, mot  où  l'o  est  ouvert, 
et  que  M.  Levy  aurait  dû  dès  lors  préférer,  d'autant  plus  que  Figueira 
l'emploie  dans  le  vers  correspondant  de  sa  tenson  et  que  Gormonde, 
comme  il  est  facile  de  le  remarquer  en  maint  autre  passage,  et  comme 
je  viens  d'en  citer  un  exemple,  aime  à  reprendre  à  son  compte,  pour  les 
appliquer  à  Figueira    lui-même   ou  aux  hérétiques,   les   rimes   de 
ee  dernier. 

Aux  vers  107  et  108  de  la  même  pièee,  la  leçon  du  ms.  R,  rejetée 
par  M.  Le«vy,  donne  un  sens  excellent  et  une  phrase  irès-fégulière, 
tandis  que  celle  de  0,  qu'il  a  adoptée,  est  inacceptable  à  tous  égards. 
Lé  vers  106  est  corrompu.  Je  pense  que  sous  clauzis  e  sauptftz  se 
cachent  des  noms  de  sectes  et  que  naisson  devrait  être  corrigé  en 
veiremy  ou,  mieux  encore,  vei  hom. 

Le  vers  103  paraît  devoir  être  corrigé  E  lur  toion  lutz  (au  lieu  de 
tolh  aalutz).  Au  vers  105,  il  faut  préférer  la  leçon  de  R  {en  reman 
quecx  nuiz)  ou  corriger  e  reman  en  (au  lieu  de  remanon). 

Le  vers  44  paraît  devoir  être  corrigé  et  poncrtué  ainsi  : 
Heretjes  mesquis  son,  qui  ve  (au  lieu  de  vol)  lur  estatge. 

Un  premier  copiste  aura  écrit  uellur,  qui  aura  été  mal  lu  par  lei 
sdivsuits.  'C.  C.) 


BIBLIOaRAPHIË 


Littérakiiret>pop«lair«t  dt  touitt  1m  nations.  —  Traditions,  lé- 
gendM,  contes,  ohaasons,  provorbos,  dtvinottos.—  T.  !•«.  Littéra- 
ture oràke  de  la  haxde  Bretagne,  par  Paul  SfeiLLOT.  —  Paris,  Maison - 
neuve  etCe,  éditeurs,  ^,  quai  VolUire.  1881.  la-id,  XII400  pages.  Prix: 
7  ff .  50. 

CoUectiott  ad  tuum  bibUophilorumj  formée  de  charmants  volnmes 
(€  elzéviriens,  imprimés  avec  le  pins  grand  soin  sor  papier  de  û\  teinté 
à  Uk  cuve,  fabriqué  spécialement  pour  ladite  collection  et  élégamment 
cartonnés .  »  La  marne  annonce  nous  apprend  que,  outre  le  présent 
volume,  qui  est  le  premier  de  la  série,  trois  autres  vont  suivre,  qui,  con- 
tiendront, Tnn,  les  ConUi  égyptiensy  par  M.Ma8pero,  professeur  au  Col- 
lègue de  France  ;  les  deux  autres,  les  Légendes  ehrétiennes  de  la  basse 
Bretagne,  par  Mi  Luzei. 

A  en  juger  par  l'échantillon  que  nous  avons  sous  les  yeux,  nous 
poQvrons  dire  que  les  bibliophiles  se  déclareront  satisfaits.  Toutes  les 
promesses  de  TanAonce  sont  en  effet  réalisées,  et  rien  n'a  été  négligé 
de  ce  qui  peut  plaire  à  Fseil.  Observons  cependant,  ne  fût-ce  que  pour 
prouver  que  nous  y  avons  regardé  d'assez  près,  qu'il  y  a  des  lettres 
tombées  à  la  fidde  deux  ou  trois  lignes. 

Voilà  pour  l'extérieur, pour  la  toilette  du  livre.  Passons  maintenant 
à  la  lecture,  à  l'examen  de  l'ouvrage  lui-même.  Ici  encore  nousn*avons 
guère  qu'à  louer.  Le  plan  est  simple,  le  cadre  bien  rempli  et  les  sujets 
choisis  vraiment  intéressants. 

M.  Sébillot,  déjà  connu  par  des  travaux  du  même  genre  relatifs  aux 
mêmes  contrées,  notamment  par  ses  Contes  populaire»  de  la  haute 
Brttagne,  étsit  tout  désigné  pour  cette  tftche.  H  s'en  est  acquitté  à 
son  honneur  et  soas  que  ce  second  travail  fasse  double  emploi  avec 
le  premier.  Ou;tre  que  sa  moisson  de  contes,  de  légendes,  de  devinettes, 
etc.,  a  été  grossissant,  il  a  voulu,  dans  ce  volume  conçu  sur  un  autre 
plan,  donner  une  idée  nette  et  suffisamment  complète  de  chaque  genre. 
Il  a  divisé,  comme  il  a  soin  de  le  déclarer  (p.  vi),  son  livre  en  deux 
parties  :  «  la  première  contient  seulement  des  spécimens  des  divers 
genres  de  contes  les  plus  répandus  ;  en  tête  de  chaque  groupe,  il  a 
placé  une  sorte  d'introduction,  où  il  a  essayé  de  déterminer  la  caracté- 
ristique de  chacun  d'eux,  t^ 

Ces  textes  sont  pour  la  presque  totalité  écrits  en  français,  quelques- 
uns,  trop  peu  nombreux  à  notre  gré,  en  patois  gallot.  Il  va  sans  dire 
qae  M.  Sébilloty  en  les  reproduisant  ainsi,  n'a  fait  que  se  conformer 


306  BIBLIOGRAPHIE 

aux  habitudes  des  narrateurs,  sans  prétendre  faire  œuvre  d^artiste  ou 
de  philologue,  c'est-à-dire  sans  corriger  les  défauts  littéraires  et  sans 
exclure  le  français  au  profit  du  patois.  C'est  du  premier  écueil  surtout 
qu'il  faut  se  garer.  Je  sais,  en  efEet,  plus  d'un  patoisant  distingué  qui 
ne  pourrait  se  résoudre  à  imprimer  avec  leur  véritable  physionomie 
ces  productions  souvent  mal  réussies  de  l'imagination  populaire.  Sans 
doute  le  commun  des  lecteurs  leur  saurait  gré>  de  leur  intervention  et 
d'être  en  quelque  sorte  plus  peuple  que  le  peuple,  plus  royalistes  que  le 
roi  ;  mais  le  savant  ou,  plus  simplement,  l'homme  qui  veut  s'instruire, 
qui  tient  plus  à  savoir  le  vrai  du  vrai  que  le  fin  du  fin,  préfère  et  de 
beaucoup,  la  première  manière  à  la  seconde* 

C'est,  d'ailleurs,  dans  cette  voie  que  sont  entrés  depuis  quelque 
temps  ceux  qui  font  collection  de  contes  populaires.  Leur  succès  ne 
peut  qu'encourager  ceux  qui  les  imitent  ou  se  proposent  de  les  imiter. 

M .  Sébillot,  qui  est  très  au  courant  de  la  bibliographie  de  son  sujet, 
fait  suivre  chaque  pièce  des  références  nécessaires  ;  de  sorte  qu'on 
peut  toujours  les  rapprocher  des  textes  plus  ou  moins  semblables  que 
donnent  les  autres  collections. 

Je  regrette  seulement  qu'un  court  glossaire  n'ait  pas  recueilli  et 
expliqué  toutes  les  formes  patoises  un  peu  difficiles  qu'on  rencontre 
dans  quelques  pièces.  Ainsi,  p.  295, 1.13,  que  signifient  emmêle,  et,  1. 20» 
crapé  f 

Quelques  observations  pour  finir  : 

P.  351,  dernière  ligne:  Tu  tombes  à  bas.  Ne  faut-il  pas  lire:  ça 
bas  =  ici-bas  f 

P.  367,  §  83 .  «  La  communauté  de  Saint- José  :  deux  têtes  sus 
l'oreiller  et  deux  pantoufles  sous  le  lit.  »  Cf.  le  dicton  limousin:  Rele- 
jûso  de  sen  Francei,  Doua  têtâ  sur  un  chabei.  —  Religieuse  de  Saint 
François,  deux  têtes  sur  un  chevet.  Reo,  des  l,  rom.y  t.  VII,  p.  442^ 

P.  372,  §  126. «  Sembèle  qu'il  arait  la  Tandourie.»  Sembèle  doit  se 
traduire  littéralement  par  semble  et  non  par  semblerait 

A.  B. 


CHRONIQUE 


Communications  faites  rn  séance  de  la  Société.  —  6  juillet.  — 
La  légende  roumaine  de  la  vieille  Dochia,  par  M.  Henri  Catargi  ; 

La  langue  d'oc  dans  le  cartulairo  de  Notre-Dame  de  Nimes  (834- 
1156),  notes  inédites  réunies  par  feu  Joseph  Bîiuquier; 

^  Vouccbsioun  de  la  counstitucioun  de  la  Roumanio  en  reiaume  inde- 
pendent,  revira  de  l'anglés  de  William-C.  Bonaparte- Wyse,  par  M,  A. 
de  Gagnaud  ; 

Une  paraphrase  en  vers  des  Psaumes  de  la  pénitence,  texte  com- 
muniqué par  M.  Camille  Chabaneau  ; 

JEstivenco,  poésie  provençale  (sous-dialecte  d'Avignon  et  des  bords 
du   Ehône),  par  M.  Paul  Gaussen. 

Les  romanistes  ont  fait  une  perte  sensible  en  la  personne  de  notre 
collègue  et  collaborateur  Joseph  Banquier,  mort  quelques  mois  après 
Ba  nomination  au  poste  de  Conservateur  de  la  Bibliothèque  municipale 
de  Nimes,  rendu  vacant  par  1©  décès  du  savant  et  vénérable  Germer- 
Durand  . 

La  Bévue  aura  l'occasion  d'apprécier  bientôt  les  services  que 
M .  Banquier  rendit  à  la  philologie  méridionale  et  à  l'histoire  littéraire 
proprement  dite,  par  ses  recherches  sur  les  Frovençalistes  du  X Ville 
siècle,  le  Premier  Sonnet  fait  par  un  Français,  Une  lettre  d'Auhanel  de 
Nimes  à  Pierquin  de  Gembloux,  etc .  Les  travaux  qu'il  avait  en  pré- 
paration étaient  aussi  variés  que  nombreux.  Ils  ne  seront  heureuse- 
ment perdus  ni  pour  la  Revue,  qui  doit  en  publier  quelques-uns,  ni 
pour  les  études  qu'elle  représente.  L'auteur  les  a  légués  à  M*  A .  Roque- 
Ferrier,  qui  en  a  disposé  en  faveur  des  archives  de  la  Société  des 
langues  romanes,  où  ils  seront  classés  et  catalogués  sous  la  dénomi- 
nation de  fonds  Bauquier. 


Le  Félihrige  a  introduit  une  importante  modification  dans  ses 
statuts,  en  décidant  que  le  chiffre  des  majoraux  serait  porté  de  cin- 
quante à  cent,  et  que  ce  dernier  nombre  serait  afférent,  par  égales 
moitiés,  à  TËspagne  et  à  la  France.  Les  élections  complémentaires  de 
France  ont  eu  lieu,  et  le  résultat  en  a  été  proclamé  dans  rassemblée 
générale  tenue  à  Marseille  le  22  mai,  sous  la  présidence  de  M.  Mistral. 

Nous  avons  été  heureux  de  constater  que  le  président  de  la  Société 
des  langues  romanes^  M.  Antonin  Glaize  ;  celui  de  la  maintenance  du 
Languedoc,  M.  Camille  Laforgue  ;  ainsi  que  le  secrétaire  de  l'une  et  de 
l'autre,  M.  A.  Roque-Ferrier,  avaient  été  nommés  en  première  ligne 
sur  les  listes  présentées  aux  suffrages  des  majoraux. 

Les  nouveaux  élus  sont  MM.  Melchior  Barthés,  Castela,  Alfred 
Chailan,  François  Delille,  Maurice  Faure,  A.  Fourès,  Malachie  Frizet, 
Paul  Gaussen,  Marius  Girard,  A.  Glaize,  J.  Huot,  G.  Laforgue,  J.  Monné, 
l'abbé  Pascal,  Charles  Poney,  A.  Roque-Ferrier,  E.  Roussel,  Junior 
Sans,  A.-L.  Sardou,  Tamizey  de  Larroqne,  le  comte  de  Tonlouse- 
Laatrec  et  Aug.  Veniot. 


808  CHRONIQUE 


LlVB£S  DONNâS    A  LA  BiBLIOTHàQUB    DE  LA  SOCIÉTÉ.  —  Cudisch  de 

devoziun  ed  instrucziun  per  in  erifitianeivel  pievel,  etc.  Glion,  Woll- 
mar  et  Manetsch,  1866;  in-12,  336  pages  (don  de  M.  Jules  Blancard); 

Le  Jargon  ou  langage  de  Targot  réformé  pour  rinstruction  des 
bons  grivois,  recueilli  des  plus  fameux  argotiers  de  ce  nom.  Boai^caire, 
Ragotin  (?;,  S.  D.;  in-18,  30  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Balaguer  y  Merino  (Andrés):  D.  Pedro,  el  condestable  de  Portugal, 
considerado  como  escritor,  erudito  y  anticuario  (  1429-66  ),  estudio 
hist6rico-bibliogrâfico.  Gerona,  Dorca,  1881;  in-4<^,  70  pages  ; 

Bonneville  (B.)*  Ce  que  speravian  pas,  ou  Jean-Pierre  vengu  de 
Brest,  intermède  provençal  terminé  par  le  Train  de  St-Giniés.  Sur 
l'imprimé  à  Marseille,  Hermitte  aîné,  1790;  in-18,  16  pages  (don  de 
M.  Clair  Gleizes  ; 

Chevalier  (l'abbé)  :  Choix  de  documents  historiques  inédits  sur  le 
Daupliiné,  publiés  d'après  les  originaux.  Montbéliai'd,  Hoffmann,  1874; 
in-8o,  viii-400  pages  ; 

Chevalier  (l'abbé):  Correspondance  politique  et  littéraire  du  marquis 
de  Valbonnais,  président  de  la  Chambre  des  comptes  et  historien  du 
Dauphiné,  publiée  et  annotée.  Grenoble,  Drevet,1872;  in-S®,  iv-84p.; 

Chevalier  (l'abbé)  :  Dante  Alighieri,  biobibliographie.  Montbéliard, 
Hoffmann,  1877;  in-16,  22  pages; 

Chevalier  (l'abbé)  :  François  Pétrarque,  biobibliographie.  Montbé- 
liard, Hoffmann,  1880;  in-16, 16  pages; 

Chevalier  (l'abbé)  :  Inventaire  des  Archives  des  Dauphins  à  Saint- 
André-de-Grenoble  en  1277, publié  d'après  l'original,  avec  table  alpha- 
bétique et  pièces  inédites.  Paris,  Franck,  1869,  in-8'*,  48  pages  ; 

Chevalier  (l'abbéj  :  Inventaire  des  Archives  des  Dauphins  de  Vien- 
nois à  St- André*de-Grenoble  en  1346,  publié  d'après  les  registres  ori- 
ginaux, avec  tables  chronologique  et  alphabétique.  Paris,  Franck,  1871; 
in-8*>,  xxiv-380  pages  ; 

Chevalier  (l'abbé):  Jeanne  d'Arc,  biobibliographie.  Montbéliard,  Hof- 
fmann, 1878;  in-16,  20  pages; 

Chevalier  (l'abbé):  la  Sainte  Vierge  Marie,  biobibliographie.  Montbé- 
liard, Hoffmann,  1879;  in-16,  22  pages  ; 

Chevalier  (l'abbé)  :  les  Deux  Entrées  et  Séjours  du  Très-Chrétien 
Roi  de  France  Charles  VIII  en  la  cité  de  Vienne,  les  années  1491  et 
1494,  publié  d'après  les  maDUScrits  de  Grenoble,  de  Montpellier  e^  de 
Vienne .  Vienne,  Savigné,  1881  ;  in-8*,  20  pages  ; 

Chevalier  (l'abbé)  :  Nécrologe  et  Cartulaire  des  Dominicains  de  Qre- 
noble,  publiés  d'après  les  originaux,  avec  plan  et  table  alphs^bétique. 
Montbéliard,  Homnann,  1870;  in-8°,82  pages  ; 

Chevalier  (l'abbé):  Notice  analytique  sur  le  cartulaire  d'AiiQon  de 
Chissé  aux  archives  de  l'évêché  de  Grenoble,  avec  notes,  tj^ble  et  pfècep 
inédites.  Colmar,  Hoffmann,  1869;  in-8°.  96  pages; 

Chevalier  (l'abbé):  Notice  chronologico-historique  sur  les  archevê- 
ques de  Vienne,  d'après  des  documents  paléographiques  iuédits.  Vie^nç, 
Savîgné,  1879;  in-S»,  20  pages  ; 

Chevalier  (l'abbé)  :  Notice  historique,  littéraire  et  bibliographique 
sur  Letbert,  abbé  de  Saint-Buf  (IIOÛ-IUO),  2« édition.  Paris,  Thorin, 
18,68;  in-80,  20  pages  ; 

Chevalier  (l'abbi^)  :  Notice  eut  UG  missel  de  l'église  d^  Pie,  in^nn^é 
au  XVe  siècle.  Grenoble,  Allier,  S.  D.  ;  in-8**,  8  p^e9  ; 


CHRONIQUE  309 

Chevalier  (l'abbé):  N.-S.  Jésus-Christ,  biobibliographie.  Montbéliard, 
Hoffmann,  1878;  in-16,  60  pages  ; 

Chevalier  (Fabbé):  Ordonnances  des  rois  de  France  et  autres  princes 
Bouverains  relatives  au  Dauphiné,  précédées  d'un  catalogue  des  regis- 
tres de  l'ancienne  Chambre  des  Comptes  de  cette  province.  Colmar, 
Hoffmann,  1871;  in-S^,  Liv-186  pages; 

Chevalier  (l'abbé)  :  Fouillés  des  diocèses  de  la  province  ecclésiasti- 
que de  Lyon,  publiés  d'après  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  impé- 
riale. Lyon,  Vingtrinier.  1869;  in-8°,  32  pages; 

Chevalier  (l'abbé):  Saint  Paul,  apôtre;  biobibliographie.  Montbéliard, 
Hoffmann,  1880  ;  in-16,  16  pages; 

Chevalier  (l'abbé):  Saint  Pierre,  apôtre  ;  biobibliographie.  Montbé- 
liard, Hoffmann,  1880;  in-16,  16  pages  ; 

Chevalier  (l'abbé)  :  Scriptores  rerum  germanicarum  in  usum  scho- 
larum  ex  Alonumentis  Germaniœ  historicis  recudi  fecit  Georgius  Hein- 
ricus  Pertz  (Extrait  do  la  Revue  crilique^  1869).  Nogent-le-Rotrou, Gou- 
verneur, 1869:  in-8<*,  8  pages  ; 

Chevalier  (l'abbé)  :  Statistique  ecclésiastique.  Pouillés  du  diocèse  de 
Vienne.  Romans,  1876;  in-8o,  68  pages; 

Chevalier  (l'abbé)  :  Une  nouvelle  édition  des  Œuvres  complètes  de 
saint  Avit,  évêque  dé  Vienne.  Vienne,  Savigné,  1869;  in-8°,  8  pages; 

Chevalier  (l'abbé)  :  Visites  pastorales  et  ordinations  des  évêques  de 
Grenoble  de  la  maison  do  Chissé  (XIV®-XV«  siècles),  publiées  d'après 
les  registres  originaux.  Montbéliard,  Hoffmann,! 874 ;in-8*»,  xxxvi-184 


Chevalier  (l'abbé)  et  Lacroix  (André):  Inventaire  des  Archives  dau- 
phinoises de  M.  Henry  Morin-Pons.  Dossiers  généalogiques.  A.-C. 
Lyon^  Perrin,  1878,  in-8<»,  viii-308  pages; 

Lacataou  (?):  Eis  électeurs  de  la  villo  de  Grasso.  Grasso,  Foucard, 
8.  D  ;  in-8°,  4  pages  (don  de  M.  Cavalier  jeune); 

Matfre  Ermengaud  :  le  Breviari  d'Amor,  suivi  de  sa  lettre  à  sa 
Boeur,  publié  par  la  Société  archéologique,  scientifique  et  littéraire  de 
Béziers  ;  Introduction  et  glossaire,  par  Gabriel  Azaïs,  secrétaire.  Tome 
second,  4*  et  dernière  livraison.  Béziers  et  Paris,  1881;  in-8o,  pages  678 
k  772  (don  de  M.  Gabriel  Azaïs); 

Milâ  y  Fontanals:  lo  Sermô  d'en  Muntaner,  Adiciô.  Paris,  Maison- 
neuve  et  C*,  1881;  in-8®,  12  pages  ; 

Robert  (A.-C.- M.)  :  Examen  critique  du  poëme  de  Partonopeus. 
Paris,  Crapelet  ;  in-4<»,  64  pages  (don  de  M.  Jules  Blancard); 

Roux  (l'abbé  Joseph):  Bemat  de  Ventadoum,  poëme  limousin. 
Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi,  1881;  in-8®,  8  pages; 

Roux  (l'abbé  Joseph)  :  l'Inscription  du  château  de  Montai,  étude 
épigraphique.  Tulle,  Mazeyrie,  1880;  in-12,  36  pages  ; 

Ruland  (A.)  :  Etude  sur  l'abbé  Trithème  (1462-1616),  traduite  de 
l'allemand,  par  l'abbé  Chevalier.  Versailles,  Beau,  S.  D.;  in-8®,  32  pages 
(don  de  M.  l'abbé  Chevalier); 

Sans  (Junior)  :  Autros  beit  telados  del  felibre  de  la  Naveto.  Paris, 
Jouaust,  1881  ;  in-12, 66  pages; 

Semmola  (Nicola):  Poche  Rime  giovanili.  Napoli,  Jovene,  1878; 
in-16,  124paees; 

Verdot  (A.)  :  Santo  Roso  de  mai.  cantico  sus  uno  meloudio  de  l'abat 
Fauré.  Marsiho,  Mabilly,  1876;  in-4^4page8  (don  de  M. Clair  Gleizes); 

Vidal  (Francés)  :  Festenau  de  Santo  Estello  à  Marsiho.  Brinde  ei 

24 


310  CIIROKIQUK 

tradutour  en  vers  f rancés  deis  obro  dei  f elibre,  emô  doues  cansom  : 
lou  Tambourinaire^  la  Marsihfso  dei  Latin  e  lou  sounet  la  Mignardé 
en  apoundoun.  [Aix,  Remondet- Aubin,  1881]  ;  in-8°,  1(3  pages; 

Vingt-quatre  journaux  renfermant  des  textes  ou  des  indications  de 
nature  à  intéresser  les  études  philologiques  ou  l'histoire  de  la  littérature 
méridionale,  donnés  par  MM.  Gabriel  Azaïs  (1),  de  Berlue- Perussi8(7)l 
Frédéric  Mistral  (6),  Roque-Ferrier  ^9)  et  Louis  Roumieux  (1). 


Corrections  au  numéro  de  mai  1881 


Les  psaumes  de  la.  pénitence.  —  P.  220,  ps.  l,  v.  36,  rétablir 
dans  le  texte  dons  e;  v.  38,  supprimer  les  parenthèses  qui  renferment 
le  «  de  humeliatz. 

P.  221  et  223,  ps.  ci,  vv.  17  et  73,  rétablir  dans  le  texte  gensa- 
inent[z]y  gensamens. 

En  conséquence,  ajouter,  p.  216,  avant  Enrfen^,  1.  91,  rarticle  sui- 
vant : 

Dons  (i^  36),  si  la  leçon  est  bonne,  =  dompté  (domitus).  Raynouard 
a  damdcy  qui  existe  encore  ; 

Même  page,  1.  24,  substituer  à  l'article  de  gemamens  celui  qui  suit: 

Gensamens  (ci,  17  et  73)  =  gémissements  ;  traduit  gemitus*  Du 
verbe  gensar  =  gémir,  que  le  dictionnaire  de  M.  Azaïs  (je  ne  Tai  trouvé 
dans  aucun  autre)  rend  psiT  haleter  et  donne  comme  spécialement  pro- 
vençal. Ce  verbe,  en  effet,  a  cours  en  Provence,  comme  le  prouve  le 
passage  suivant  d'Aubanel  : 

Dins  lerrour  envoula Ils aucèu  de  malastre 
GençoQ  coume  d'enfant,  quilon  à  faire  pôu. 

«. . . .  les  oiseaux  de  malheur ^emessen* comme  des  enfants. ...» 
{Revue,  ix,  298.) 

Mon  ami  A.  Boucherie,  qui  me  signale  ces  deux  vers,  explique' 
très-bien  gensar  par  ^gemitiare,  qu'il  rattache  kgemitus  par  ^gemi- 
tium.  Cf.  exituSy  exitium  ;  initus,  initium,  initiare. 

P.  229,  remplacer  la  note  sur  le  v.  36  du  ps.  l  par  celle-ci  : 

36.  «  dons  e. 3)  Corr.  d'orne,  et,  v.  38,  humeliat[z\f  Si  la  leçon  du 
ms.  est  la  bonne,  il  faudrait  au  contraire  corriger,  v.  36,  trehalhat[»\ 
et  V.  38,  cor[jr],  qui  serait  ainsi  au  pluriel. 

P  230,  ps.  CI,  vv.  17  et  73,  supprimer  les  notes  sur  gensamens. 

C.  C. 


Le  gérant  responsable  :  Ernest  Hamelin. 


TABLE  DES  MATIÈRES 

DU   TOME   CINQUIÈME   DE   LA   TROISIÉMB    SÉRIE 


DIALECTES  ANCIBN3 

Lo  Sermo  d'en  Muntaner,  adiciô  (Mila.  y  Fontanals).  5 
Spécimen  du  langage  parlé  dans  le  département  des  Hautes- 
Alpes  vers  la  fin  du  XII*  siècle  (l'abbé  Paul  Guillaume).  53 
La  Traducciô  catalana  del  Flos  Sanctorum  (Balaguer  y  Mb- 

RINO).  56 

Note  sur  la  déclinaison  du  pronom  relatif  français  (L.  Clkdat).  70 

Izalar-^Azilar  (J.  Bauquier).  62 

Les  Sorts  des  Apôtres,  addition  (C   Chabanbau).  63 

Comput  en  vers  provençaux  (C.  Chabaneau).  157 
Traduction  des  Psaumes  de  la  pénitence  en  vers  provençaux 

(C.  Chabaneau).  209-310 

Les  Manuscrits  provençaux  de  Cheltenham  (L.  Constans).  261 

DIALECTES  MODERNE» 

Le  Premier  Sonnet  fait  par  un  Français  (J.  Bauquier).  65 
Technologie  botanique  (A.  Boucherie).  71-1 18 
Glossaire  des  comparaisons   populaires  du  Narbonnais  et  du 

Carcassez  (A.  Mir).  105 
Poésies    languedociennes  de   Léon    Rouvière  (le  vicomte   du 

Vallat).  180-241 

POÉSIES 

Gâifre  d'Aquitanha  tTabbé  Joseph  Roux).  13 

A  Madamo  Soubeyran  (Louis  Roumieux).  16 

Lbu  Pin  e  lou  Caniè  (A.  Langlade).  17 

Mbun  oustalet  (L.  de  Berluo-Perussis).  19 

La  mia  Casëtta  (l'abbé  Joseph  Spera).  19 

Redoundel  (le  pasteur  Fesquet).  '  23 

La  Font  de  Carrousset  (F.  Delille).  81 

A  moun  amie  Bertouraieu  Bedos  (Coulazou).  83 

Bernât  de  Ventadourn  (l'abbé  Joseph  Roux).  85 

Lo  Llop  yl'Anyell  (J.  Pépratx).  138 

Amfos  de  Balbastre  (G.  Azaïs)  139 

Siaume  CL  (le  pasteur  Fesquef).  146 

Uno  amigo  d'Antounieto  (Louis  Roumieux.)  253 

Carabin  (Louis  Roumieux)  290 

VARIÉTÉS 

Formes  extraites  de  la  deuxième  satire  de  Perse  traduite  en 

vers  lodévois  (A.  Roque-Ferrier).  24 

Le  Dieu  qui  lançait  des  pierres  (A.  Koque-Ferrisr).  147 

Odierne  et  Beaucaire  (J.  Bauquier).  149 

Je  ne  sache  pas;  que  je  sache. . .  (E.  Rigal).  296 

L'origine  arabe  du  mot  alkékenge  (Marcel  Devic)  .  302 

Sur  un  vers  de  Na  Gormonda  (A.  Millet  et  C.  Chabaneau).  303 


312  TABLE   DES   MATIERES 

BIBLIOGRAPHIE 

Essai  sur  l'histoire  du  sous-dialecte  du  Rouergue,  par  M.  Con- 

stans  (Suite  et  fin)  (Chabaneau).  27 
Chants  populaires  du  Languedoc,  par  MM.  Mcntel  et  Lambert 

(d'Ancona).  37 
Uno    siblado  is  arquin,  par  M.  William-C.  Bonaparte- Wyse 

(A.  Roque- Fkrrier).  39 
Anfos,  drame,  par  M.  Paul  GourdoufA.  Roque-Ferrier).  42 
Joufrois,  p.  par  MM.  Hofmann  et  Muncker  (C.  Chabaneau).  88 
Quattro  Novelline  livornesi,  p.  par  M.  Prato  (F.  Castets).  91 
Etude  des  dialectes  romans  de  la  basse  Auvergne,  par  M.  Mal- 
val  (A.  Roque-Ferrier).  92 
Lettres  de  César  de  Nostradamus,  par  M.  Tamizey  de  Larroque 

(C.  Chabaneau).  95 
La  Félibréede  Saint-Maime  (A.  Roquk-Ferrier).                    '  95 
Le   Félibrige   à   Marseille,  par  M.  E.  Tavernier  (A.  Roque- 
Ferrier).  96 
La  Légende  d'Œdipe  (Constans  et  Boucherie).                        97-258 
Du  Génitif  latin,  par  M.  Clairin  (L.  Constaîns).  150 
Vie  de  Saint  Guilhem-du-Désert,  par  l'abbé  Saumade  (A.  Ro- 
que-Ferrier) .  200 
Chants  des  félibres,  par  M.  F.  Delille  (A.  Roque- Fkrrier).  '  205 
Autres  bèit  telados,  par  M.  Junior  Sans  (A.  Roque-Ferrier).  254 
Littérature  orale  de  la  haute  Bretagne,  par  Paul  Sébillot  (A. 
Boucherie).  305 

PÉRIODIQUES 

Remania  (A.  Boucherie,  F.  Castets,  C.  Chabaneau).      43-153-206 
Le  Courrier  littéraire  de  l'Ouest  (Boucherie  et  Chabaneau).  255 

Chronique .  49-104-154-207-259-307 

Errata.  52-104-260-310 

Table  des  matières.  311 


REVUE 


DBS 


LANGUES  ROMANES 


MONTPBLLIBR,  IMPRIMERIE  CENTRALE  DU  MIDI. —  HâMELIN  FRÈRES 


G 


REVUE 


DBS 


LANGUES  ROMANES 


PUBLIEE 


PAR     LA    SOCIETE 

POUR  L'ÉTUDE  DES  LANGUES  ROMANES 


Troisième     Série 
TOME  SIXIÈME 


TOME  XX  DE  LA  COLLECTION 
I 


MONTPELLIER 

kV  BUREAU  DES  PUBLICATIONS 

DE  LA   SOCIÉTÉ 
l*UI7K  L'ftTUDII  OBS    LANaUBS   ROICANBS 


PARIS 
MAISON  NEUVE  ET  €*• 

LIBRAIRKS-ÉUITBURS 

*25,  QUAI  VOLTAIRE,  25 


M    DG(X:   I.XXXI 


REVUE 


DES 


LANGUES  ROMANES 


Dialectes  Anciens 


LE    LANGAGE  DE  SA  VIN  ES  EN  1442 


Le  document  que  l'on  transcrit  plus  loin  est  différent  de  celui  qui 
fut  lu  dans  la  séance  de  V Athénée  de  Forcalquier  du  14  juin  1880, 
et  publié  peu  après  *.  Comme  lui,  cependant,  il  est  relatif  à  divers 
droits  féodaux  que  Jacques  Giraut,  collecteur  des  héritiers  du  noble 
Antoine  Abriva,  percevait,  en  1442,  dans  le  mandement  de  Savines, 
arrondissement  d'Embrun  (Hautes-Alpes). 

Il  se  conserve  dans  les  archives  départementales  des  Hautes- 
Alpes  (E,  29),  en  un  manuscrit,  petit  in-4o,  de  22  feuillets  en  papier 
très-fort.  L'écriture  en  est  généralement  belle  et  assez  lisible,  sauf 
quelques  passages,  d'une  date  un  peu  postérieure,  qui  seront  imprimés 
entre  parenthèses  et  dont  la  lecture  est  tcujours  difficile,  quelquefois 
même  douteuse.  On  s'est  efforcé  de  reproduire  aussi  scrupuleusement 
que  possible  le  manuscrit  original. 

Ce  second  spécimen  du  langage  de  Savines,  plus  considérable  que 
le  précédent,  offre,  à  notre  avis,  un  plus  grand  intérêt.  Il  peut  surtout 


*  Spécimen  du  langage   de  Savines  en  1442.  Forcalquier,  Aug.  Masson, 
1880;  in-8o  de  16  pages. 


6  LE   LANGAGE   DE   SAVINB8 

fournir  un  plus  grand  nombre  de  données  pour  établir  quelques  ré- 
gies sur  le  dialecte  parlé  dans  les  Hautes-Alpes  au  milieu  du  XV®  siè- 
cle. On  le  sait,  les  textes  de  la  langue  autrefois  parlée  dans  ce  dépar- 
tement sont  extrêmement  rares  ^. 

Parmi  les  remarques  qu'oa  pourrait  faire,  signalons  les  suivantes  : 

lo  Le  même  mot  est  souvent  écrit  de  plusieurs  façons  différentes  : 
servisi[2f  17]^^  servizi  [1,  4,  58],  servisy  [73],  ères  et^ere«[l],  svoa 
[4]  et  cyva  [46],  etc.; 

20  Le  total  des  revenus  est  marqué  en  chiffres  arabes  [16,  34,  41, 
52,  68,  74,  91  et  92]; 

3^  Les  noms  de  lieu  se  rapportent  tous  à  des  localités  du  canton 
de  Savines,  lequel  con'espond  à  peu  près  à  l'ancien  mandement  de  ce 
nom  2; 

4o  Au  nombre  des  personnes  citées,  on  trouve  un  Odon  de  Rame 
[31],  qui  appartenait  à  une  noble  et  ancienne  famille  dont  le  nom  rap- 
pelle la  station  romaine  de  Rama,  aujourd'hui  détruite  et  qui  se  trou- 
vait entre  Briançon  et  Embrun  •; 

5o  Enfin  plusieurs  des  mesures  et  des  monnaies  qui  sont  nommées 
présenteront  peut-être  de  l'intérêt.  Parmi  les  mesures,  on  trouve  le 
sétier  [32,  44,  78],  l'émine  [4],  le  sivayer  [47,  54],  la  quartière  [44], 
le  pichier  [90],  etc.  ;  et  parmi  les  monnaies  :  les  gros  d'argent  [15],  les 
tournois  [11],  les  deniers  [4,  7],  les  mailles  ou  médailles  [9,  15,  55, 
84],  la  poyza  de  Viannes  [6,  26,43,  92],  etc. 

L'abbé  Paul  Guillaume, 
Archiviste  des  Hautes-Alpes. 

ROLE  DES  CENS  ET  SERVICES 

APPARTENANT    AUX   HÉRITIERS   DE   NOBLE  ANTOINE   ARRIVA 
en  la  terre  et  mandement  de  Savines  (Hautes-Alpes)  en  1442 

(Archives  départementales  des  Hautes-Alpes,  E,  29) 
(ri).  Segun   c'en  las  censas  et  \j  servizi  que  s'aparte- 

*  Nous  avons  récemment  publié  dans  la  Revite  un  fragment  en  langue  ro- 
mane de  la  fin  du  Xle  ou  du  commencement  du  XUP  siècle,  provenant  des 
Hautes-Alpes.  (Voyez  le  n©  de  février  1881,  p.  53.) 

<  <  Savines  est  un  mandement  du  diocèse  et  du  bailliage  d*Embrun,  et  de 
»  l'élection  de  Gap,  à  deux  lieues  de  la  première  ville  et  à  cinq  de  l'autre, 
»  faisant  vingt-un  feux,  et  composé  des  paroisses  de  Savines,  Saint-ApoUinard^ 
»  Puy-Saint-Eusèbe,  Prunières,  Réallon,  Ctiérines,  Eygoire.  »  (Guy-Allard» 
Diction,  du  Dauphiné,  Grenoble,  1864;  in-8»,  t.  II,  p.  597.) 

>  FoRTiA  d'Urban,  Recueil  des  Itinéraires  anciens.  Paris,  Impr.  royale;  in-4o, 
pp.  101, 1»9, 221,  etc. 


LE   LANGAGE   DR   SAVINBS  7 

non  halla  senhoria  des  eres^dal  noble  Anthoni  Abriva,  los- 
quals  prennon  en  la  terra  he  al  mandament  de  Savina;  com- 
mandas a  my  Jame  G-iraut  de  culhir  per  la  lessencia  des  so  - 
breditz  here«. 

2.  Liqual  servisi  se  demostran  esser  peya  entotz  los  luax 
hont  per  Tordre  de  Vabece  séria  senha.  Et  premierament,  Tan 
de  la  nativita  de  nostre  Senhor,  que  Ton  contan  mil.  IIII.« 
XLIL,  es  senha  per  aquesta  letra  A,  et  los  autres  antz  d'après 
seguentz,  senhasperlas  autras  letras  prosseyent  secont  lodich 
ordre. 

3i  Primo,  los  homes  leges  dal  Conh  d'Eygoara,  so  eis  assa  • 
ber: 

4.  PeyreBeraut  fazent  desensapersonal(a.6.),totz  los  antz, 
so  is  assaber  :  très  sous  de  viannes  ;  idem,  una  emina  de  siva  ; 
idem,  doas  coroas.  Item,  perservizi,  la  terssa  part  d'un  denier 
de  viannes. 

5.  (Item  aquestos  doues  antz,  per  A  et  per  £  senias,  non  ay 
yo  recobra  maie  li  dich  noble  loco  em  quitance,  cant  Rovier 
se  fe'  lor  home  le',  etc.) 

ô  (v<>).  Anthoni  Beraut,  de  sensa  personal,  très  sous  de  vian- 
nes ;  idem,  una  emina  de  siva  ;  idem,  doas  coroas  ;  idem,  de 
servizi,  un  denier,  et  demya  poyza  de  viannes  ;  idem  demy  *si- 
veyer  de  siva. 

7  (fo  2).  Marcellin  Beraut,  de  senssa  personal,  Ireç  sous 
viannes  ;  idem,  una  emina  de  siva  ;  idem,  doas  coroas  ;  idem, 
de  servizi,  très  deniers;  idem,  lataysha  d'un  champ. 

8  (v**).  Si»imont  Faure,  de  senssa  personal,  très  sous  de 
viennes  ;  idem,  una  emina  de  siva  ;  idem,  doas  coroas  ;  idem, 
per  servizi,  un  denier. 

9  (fe  3).  Peyre  Brunacha,  de  senssa  personal,  très  sous  de 
viennes  ;  idem,  de  servisi,  una  mealha  de  viennes  ;  idem,  la 
quarta  part  dal  frut  d'un  siou  pra  des  Crozes. 

10  (P  4).  Segon  s'en  li  pheudai  dal  dich  mas  d'Eygoara  ; 
et  primo  : 

11.  Arnols  Hunbert,  de  servizi,  dos  tornezes  de  monea  cor- 
rent  ;  idem,  nou  deniers  de  viennes. 

12.  Peyre  Bernart,  una  emina  de  siva  ;  idem,  una  mealha  et 
demya  poyza. 


8  LE    LANGAGE    DE    SAVINBS 

13  (v**).  Rous  Lagier,  de  servizi,  dos  deniers  ;  idem,  un  de- 
nier ;  idem,  per  un  ort,  que  a  conpra  de  Johan  Brocho,  que 
fay  de  servizi,  très  sous. 

14.  Mosser  Ten  curas  de  Savina,  de  servisi,  una  emina  de 
siva. 

15  (r  6).  Los  bens  posseurs  de  Florens  Alraut,  de  servizi, 
dos  deniers;  idem,  una  mealha  ;  idem,  un  gros  d'argent. 

16.  Juanna,  molher  de  Juan  Broacha,  un  siveyer  de  siva  ; 
d'aquella  mesma,  una  mealha. 

(Somma  :  19  g[rosses],  9  d[eniers]  un  ters  et  m[ealha].) 

(V«>)  Savina 

17.  Segon  s'en  los  fendais  de  Savina  ;  et  primo  : 

Père  Lagier,  de  servisi,  una  mealha;.  idem,  una  poyza; 
idem,  per  una  siena  terra,  la  meita  de  la  taysha. 

18.  La  confreyria  dal  Sant  Sperit  de  Savina,  dos  deniers. 
19  (r  6).  Peyre   Huvan,   de  servizi,  una    emina  de  civa; 

idem,  un  denier. 

20.  Los  hères  et  ben  posseurs  de  Gulhem  Babol,  de  servizi, 
una  emina  de  siva. 

21.  Juan  Lagier,  de  servizi,  una  poyza. 

22.  Anthoni  Beraut,  scuylher,  una  mealha. 

23  (v°).  Peyre  Lambert,  de  servizi,  dos  deniers  ;  idem,  una 
mealha. 

24.  Rons  Motet,  una  mealha. 

25.  Hugo  et  Jame  Motet,  de  servisi,  un  denier. 

26  (f*  7).  Anthoni  Alraut,  de  servizi,  una  mealha  ;  idem, 
dos  deniers;  idem,  un  denier  ;  idem,  una  mealha;  idem,  un 
denier;  idem,  dos  deniers;  idem,  un  denier;  idem,  demya 
poyza. 

27.  Los  hères  de  Pons  Alraut,  dos  deniers. 

28  (v**).  Los  hères  et  ben  posseurs  de  la  molher  que  hera 
d'Arnols  Lanbert,  dos  deniers. 

29.  a.  6.  La  prebenda  funda  que  era  de  Guilhem,  dal  Poant  *, 
la  quai  ten  mosser  Peyre  Conba,  un  gros  he  demy  d'argent. 

30.  Steve  Alraut,  un  denier. 

*  Lo  poant  de  Durensa^  plus  tard  appelé  la  Charriera,  est  actuellet^®^ 
Je  chef-lieu  de  la  commune  d«  Savines.  (Voy.  Spécimen  cité.  p.  6.) 


LE   LANGAGE   DE    SAVTNES  9 

31.  Lo  noble  Odo  de  Ramma,  doas  siveyars  de  siva;  idem, 
un  gros  d'argent. 

32  (f>  8).  Johan  Senhoret,  al  non  de  sa  molher,  un  gros  de 
moneacorrent;  idem,  un  sestier  de  nozes. 

33.  Los  hères  et  ben  posseurs  de  Bonet  Brimya,  un  denier; 
idem,  un  denier  ;  idem,  dos  deniers. 

34.  a.  Los  hères  d'Alraut  Alraut,  una  poyza  ;  (8er[vé?]  per 
29  antz  passats  s[ens?]  parts.) 

35.  Alraut  Rialon,  la  terza  part  de  .mi.  deniers. 

36  (v°).  a.  Bertrant  Conba,  una  pojza;  idem,  demja  pojza. 

37.  Glaude  Gontart,  dos  deniers. 

38.  Glaude  Chaval,  dos  deniers. 

39.  Johan  Raifart,  una  poyza. 

40.  Mondon  Dotra,  un  denier. 

41  [P  9).  *  Johan  Ros,  filh  de  Martin  des  Rosses,  habitour 
de  las  Sanhiaras  ',  la  quarta  part  de  la  taysha  ;  idem,  un  de- 
nier ;  idem,  demj  cjvayar  de  siva. 

{Somma:  6  g[rosses],  très  d[eniers  et]  demj,  un  tiers. 

[Vo]  Dal  Pubt^ 

42.  Segon  s'en  los  homes  leges  de  la  perrocha  dal  Puej  ;  et 
primo  : 

43.  Guilhem  Costan,  filh  de  Rejmont(a.)de  senssa  personal, 
cinc  SOS  ;  idem,  un  sestiar  de  civa;  idem,  doas  coroas  ;  idem, 
de  servizj,  la  terssa  part  de  cinc  deniers  de  viennes  ;  idem,  la 
terssa  part  d'una  quartiera  de  civa  ;  idem,  la  terssa  part  de 
dos  deniers  ;  idem,  una  mealha,  poysa  he  demjra  ;  idem,  per 
doas  terras,  la  meita  de  la  taisha. 

44  (r  10).  Steve  Costan,  filh  de  Rejmont,  de  senssa  per- 
sona,  cinc  sous  de  viennes  ;  idem,  un  sestier  de  cyva  ;  idem, 
doas  coroas  ;  idem,  de  servizi,  un  denier  ;  idem,  una  poyza  ; 
idem,  la  terssa  part  de  cinc  deniers;  idem,  la  terssa  part  d'una 
quartiera  de  cyva  ;  idem,  la  terssa  part  de  las  doas  partz  de 
dos  deniers  ;  idem,  per  doas  terras,  la  meyta  de  la  tayscha  ; 
idem,  la  terssa  part  d'una  mealha  ;  idem,  las  doas  partz  de  un 
denier. 

/ 
*Dans  le  haut  de  la  page  on  lit:  T[en  ?]  al  Puey. 

•  Le  Puy-Sanièresy  commune  du  canton  de  Savines. 

•  Le  Puy-Saint-Eusèbe,  commune  du  canton  de  Savines. 


10  LB    LâNGA^OB    DB  «AVINES 

45  (V®).  Giraut  Costan*,  de  sensa  personal,  cinc  sos  de 
viennes;  idem,  un  sestier  de  cjva;  idem,  doas  coroas. 

46.  Marcellin  Gostan,  de  senssa  personaP,  cinc  sous  de 
Viennes  ;  idem,  un  sestier  de  cyva  ;  idem,  doas  coroas  ;  idem, 
de  servizi,  nou  deniers;  idem,  demya  poyza  ;  idem,  una  mea- 
Iha  ;  idem,  una  poyza;  idem,  una  mealha  ;  idem,  una  poyza  ; 
idem,  per  doas  possessions,  la  meita  de  la  tayscha. 

47(r  11  ).  Guilhem,  Jame  et  Peyre  Costan,  frayres,  de 
senssa  personal,  cinc  sous  de  viennes  ;  idem,  un  sestier  de 
cyva  ;  idem,  doas  coroas  ;  idem,  de  servizi,  dous  deniers  ; 
idem,  una  poyza;  idem,  un  denier  [et]  mealha;  idem,  un  ras 
cyvaier  de  civa  ;  idem  de  doas  possessions,  la  meita  de  la 
taysha  ;  idem,  la  quarta  part  àe  la  tayscha  ;  idem,  la  terssa 
part  d'una  mealha  ;  idem,  d'una  possession,  la  meyta  de  la 
taysha. 

48  (v*).  Los  hères  de  Poas  Tassil,  de  senssa  personal,  xn  de- 
niers de  viennes  ;  idem,  un  sestiar  de  cyva  ;  idem,  de  servizy, 
dos  deniers  ;  idem,  una  mealha  ;  idem,  dos  deniers  ;  idem,  dos 
cyvaiers  d'anona  ;  idem,  un  denier  ;  idem,  dos  deniers  ;  idem, 
per  doas  possessions,  la  meita  de  la  tayscha. 

49  (f*  12).  Francès  Tacils,  de  sensa  personal,  doze  deniers  ; 
idem,  un  sestier  de  siva;  idem,  d'un  champ,  la  meita  de  la 
taysha. 

50.  Sperit  Meanenc,  de  senssa  personaP,  cinc  sos  de  vien- 
nes ;  idem,  un  sestier  de  cyva  ;  idem,  doas  coroas. 

51  (v**).  Blay  Meanenc,  de  senssa  personal,  cinc  sos  de  vien- 
nes ;  idem,  un  sestier  de  cyva  ;  idem,  doas  coroas. 

52.  Sperit  et  Blay  Meanenc,  fraires,  de  servisi,  dos  deniers; 
idem,  dos  deniers  ;  idem,  un  denier  ;  idem,  dos  deniers  ;  idem, 
per  doas  terras,  la  meita  de  la  taysha. 

{Somma  :  29g[rosses],  un  d[enier],  m[ealha]  et  ters. 

Dal  Puby 
53  (f»  13).  Segon  s'en  los  fendais  dal  Puey  ;  et  primo  : 
54.  Anthoni,  Guilhem  et  Jame  Baridoan,  frayres,  de  servizi, 
dos  cyvayars  de  cyva;  idem,  un  cyvayar  de  cyva;  idem,  la 

*  En  marge  :  Mortutis  est. 

•  En  marge:  Non  la  personal. 
î  En  marge  :  Non  la  personal* 


LB    LANGA0E    DB    SAVINES  11 

quarta  {a)  part  d'un  cyvayar  de  cyva;  idem,  una  mealha  et 
un  cyvayar  d'e  cyva  ;  idem,  un  denief  et  un  cyvayar  d-e  cyva  ; 
idem;  demy  cyvayar  de  cyva  ;  idem,  un  cyvayar  d'annona. 
Item  11  dich  fraire.  mi.  deniers  [et]  demy  ;  idem  una  mealha  ; 
idem,  un  denier  ;  idem  vni  possessions,  que  fan  la  meita  de  la 
taysha  exeta  una,  que  non  fay  mas  la  quarta  part. 

55  (v").  Jamme  et  Anthony  Salva,frayreâ,  de  servi8i(a.),una 
mealha;  idem,  una  mealha;  idem,  una  mealha;  idem,  demya 
poyza  ;  idem,  très  poyzas  :  idem,  un  denier  ;  idem,  cy vayai* 
de  cyva  ;  idem,  un  cyvayar  de  cyvà  ;  idem,  la  terssa  part  d'una 
mealha  ;  idem,  de  très  possessions,  la  meita  de  la  taysha  ; 
idem,  d'una  possession,  la  quarta  part  de  la  taysha.  (Di  que  li 
dicha  taysscha  val  un  quartz  per  an.) 

56  (f*  14).  Barda,  molher  que  era  d'Ësteve  Salva,  una  mea- 
lha ;  qu'er  Juan  Ros,  de  las  Sanhieras,  al  Fualh. 

57.  Anthony  Berlant»  altos  Mdge,de  servisy  (a.),  un  cyvayar 
de  cyva  ;  idem,  un  demy  cyvayar  de  cyva  et  mealha  ;  idem, 
una  mealha  et  poyza  ;  idem,  la  quarta  part  d'un  cyvayar  de 
cyva  ;  (v^)  idem,  de  très  possessions,  la  taysha. 

58.  Peyre  Berlant  et  Jama,  sa  nessa  (a.),  de  servizi,  demya 
poyza  ;  idem,  un  cyvayar  et  quart  de  cyva  ;  idem,  un  denier 
et  poyza  ;  idem,  una  mealha  et  demy  cyvayar  de  cyva  ;  idem, 
un  denier  ;  idem,  una  poyza  ;  idem,  demy  cyvayar  de  cyva  ; 
idem,  una  mealha  ;  idem,  una  poyza  ;  idem,  las  très  partz 
d'una  mealha  ;  idem,  très  poyzas  ;  (f*  15)  idem,  dos  deniers  ; 
idem,  un  cyvayar  et  demy  de  bla  sensa  annona;  idem,  un 
denier;  idem,  un  denier;  Item  de  .vi.  possessions,  la  meita 
de  la  taysha  ;  Idem,  d'una  possession,  la  quarta  part  de  la 
taysha. 

59.  Peyre  Thome,  filh  d'Anthony,  mari  de  la  sobre  dicha 
Jamona,  de  servizi,  una  poyza. 

60.  Juan  Bonardel,  de  servizy,  demya  poyza  (al  pra  hal 
Fraysher)  ;  idem,  la  quarta  part  de  la  taysha  (en  l'Alpello)  ; 
idem,  la  quarta  part  de  la  taysha  (en  TAlo-Blachard);  idem, 
una  poyza  ;  idem,  per  un  champ  (en  TUbac,  la  carta  part  de 
la  taysha;  idem,  pra  à  la  Cassa,  per  que  fay  demya  poyza; 
idem,  un  champ  al  Goeng,per  que  fay  la  demya  taysha;  idem, 
un  ostal  al  Puey,  un  syvayer  de  civa  et  la  terce  de  cinc  de- 
niers.) 


It  LE   LANGAGE    DE    SAVINES 

61  (v*).  Johan  Seart  ah'as  Caffa,  de  servisy,  .xviii.  deniers. 

62.  Glaudo  Navais,  la  quarta  part  de  la  taysha;  idem,  una 
pojza;  idem,  la  quarta  part  de  la  tajsha. 

63.  Juan  Salva  et  Caterina,  sa  molher,  la  meyta  de  la  tayshaî 
idem,  la  mejta  d'un  cyvayar  et  demy  de  cyva;  idem,  una 
mealha  ;  idem,  un  denier  ;  idem,  la  meita  de  la  taysha  ;  idem, 
demya  poyza;  (f*  16)  idem,  la  demya  partia  de  las  très  partz 
de  la  taysha  ;  idem,  un  denier  ;  idem,  una  poyza  ;  idem,  una 
mealha. 

64.  Guilhem  Garcin,  la  meita  de  la  taysha. 

65.  Martin  dal  Boasc,  la  meyta  de  la  taysha. 

66  (v°).  Johan  Tassil,  filh  que  era  d'Esteve  Tacil,  de  servizi, 
set  deniers  et  mealha  ;  idem,  la  viii*  part  d'una  jallina  ;  idem, 
la  meita  de  la  taysha;  idem,  una  poysa  ;  idem,  la  meita  de  la 
tausha;  idem,  una  poysa;  idem,  la  demya  part  de  la  tayscha. 

67.  Peyre  Thome,  de  servisy,  un  sous  he  demy;  idem,  la 
quart  et  la  .vm.*  partia  d'una  jallina;  idem,  très  deniers  et  très 
poyzas;  idem,  la  .xvi.*  partia  d'una  jallina;  (f*  17)  idem,  un 
denier  ;  idem,  la  meita  de  la  taysha  ;  idem,  una  mealha. 

68.  Johan  Brimya  alias  Boys,  de  servizi  demy  cyvayar 
d'annona  ;  idem,  la  meita  de  la  taysha;  idem  plus,  la  meita  de 
la  taysha  ;  idem,  una  mealha  ;  idem,  la  meita  de  la  taysha  ; 
idem  plus,  la  meita  de  la  taysha. 

(Somma  :  6  g[rosses]  et  2  d[eniers]. 

(v**)  Los  Means  et  LOS  Rosses* 

69.  Peyre  Salva,  de  servizi,  una  mealha. 

70.  Peyre  Lonbart,  un  denier  mealha. 

71.  Frances  Ros,  la  meita  de  la  taysha  ;  idem  plus,  la  meita 
de  la  taysha;  idem  plus,  dos  deniers. 

72  (f*  18).  Peyre  Seart,  la  jove,  la  meita  de  la  taysha,  he 
una  mealha. 

73.  Peyre  Seart,  lo  vialh,  de  servizy,  un  denier;  idera,  la 
meita  de  la  taysha. 

74.  Anthony  Seart,  sartor,  la  meyta  de  la  taysha;  idem,  la 
meyta  de  la  taysha  ;  idem,  dos  deniers  ;  idem,  una  mealha. 

(Somma:  7  d[eniers]. 

*  Les  Méans  et  les  Rousses,  deux  hameaux  de  la  commune  de  Réallon, 
c&ntOD  de  Savines. 


LB   LANGAGE    LE    SAVINES  13 

(r  19)  Db  Sant  Polknar* 

75.  Segon  s'en  los  homes  leges  de  la  dicha  senhoria,  li  qaal 
son  dal  didh  luac  de  Sant  Polenar;  et  primo  : 

T6.  Pejre  Brnnacha  Clojssa,  Mathieu  et  Glaudo  Bruna- 
clia,frajres;ArnolsètGuigo,frayres;  JorsetPeyre  Brunacha, 
frayres  ;  Johantz  et  Steves  Brunacha,  frayres;  Johan  Bruna- 
cha, alias  Guemon,  devon  de  la  senssa  personal ,  videUcet  : 
.XVI.  sous  de  viennes;  idem,  per  lo  servizi,  dos  sous. 

77.  Item,  aquel  mesmes  Jors  et  Pejre  Brunacha,  videlicet: 
un  sestier  d'anona  ;  idem,  per  lo  servizj,  très  pojzas. 

76  (vo).  Item,  Peyre  Brunacha  Cloyssa,  Mathiouset  Glaudo 
Brunacha,  frayres  ;  Arnols  he  Guygo  Brunacha,  frayres,  per 
la  senssa  personal,  videlicet:  dos  sous  de  viennes  ;  idem,  très 
sestiars  de  froment;  idem,  très  sestier  s  de  cyva  ;  idem,  per  lo 
pra  La  Font  .mi.  sous. 

79.  Item,  de  Steve  Brunacha,  a/ias  Ancian,  videlicet  :  ào% 
deniers. 

80.  Item,  de  Juan  Brunacha  Guemon,  videlicet:  una  poyza. 

81.  Item,  de  Peyre  Brunacha  Cloissa,  videlicet:  una  poyza. 

82.  (Item,  Matieu  Brunacha,  per  loco  champ  de  Conba-Ch«i- 
nala,  que  tenon  al  non  de  sa  conha  Leyza  que  agu  de  Jan  Mo- 
tet, dos  deniers.) 

83  (r  20).  Item,  de  Frances  Giraut,  per  la  senssa  personal, 
dos  sons,  un  sestier  de  cyva  ;  idem,  doas  coroas  ;  idem,  de 
servizi,  un  denier;  idem,  una  mealha. 

84.  Item,  de  Juan  Brunacha,  lo  vialh,  (a.  b,)  per  lo  servizi, 
una  mealha  ;  idem,  très  mealhas. 

85.  Item,  de  Steve  Brunacha  Dalfin,  videlicet,  dos  deniers. 
86  (v*).  Item,  de  Juan  Giraut,  videUcet  .iiii.  deniers  ;  item, 

una  poyza. 

87.  Item,  de  Stene  Dotra  alias  Pelet,  videlicet,  mealha  et 
poyza  ;  idem,  una  mealha  ;  idem,  sey  deniers. 

88.  Item,  de  Guilhem  Andriou,  (ho  de  Jame  Andriou,  son 
filh,)  videlicet:  una  mealha  et  poya;  idem,  très  poyzas  ;  idem, 
la  quarta  part  d'una  demya  poyza. 

*  Saint-Apollinaire^  commune  du  canton  de  Savines. 


14  LE    LANGAGE   DE   SAVINBS 

89  (fo  21).  Itein,'e  Steve  et  de  R[ous]  Leidet,  fraire  s,  vide- 
hcet,  nna  mealha. 

90.  Item,  de  Pejre  Bertier,  vïdelicet:  vm  pichiers  de  vin  ; 
pejar  ha  la  Laussiera  \ 

91.  (Somma  :  27  gros,  4  d[eniers,  1]  mealha,  3  pojzas.) 

92.  (Somma  grossa  de  l'argent  :  7  fl[orins],  1  gros,  3.4  d[e- 
niers]  et  ters,  1  ters  de  m[ealh]a,  et  très  pojzas.) 

93  (v*).  (Item,  li  servizi  per  my  culhi,  al  non  que  de  sobre, 
et  senssas  personal,  monta  en  somma)  :  très  s[estiars  ?].) 

^  La  Lauzière  ou  l'Ardoisière,  ferme  de  la  commone  de  Savines. 


Dialectes  Modernes 


aLOSSAIRE  DES  COMPARAISONS  POPULAIRES 

DU  NARBONNAIS  ET  DU  CARCASSEZ 

(Suite) 


Cabra.  —  Se  cabra  coumo  un  cbabal  joust  Tesperou. 
Cachats  .  —  Cachais  coumo  d'ancboios  ;  —  coumo  d'alenca- 

doQs;  —  coumo  de  pansos. 
Cadaulo.  —  Es  toujour  en  Faire  coumo  une  cadaulo. 
Cadun.  —  Cadun  sap  ço  que  boulits  dins  soun  oulo,  coumo  la 

fenno  que  fasiô  bouli  un  calhau. 
Cagarau.  —  Fa  coumo  lou  cagarau  :  porto  tout  susTesquino. 

—  Coumo  lou  cagarau,  canto  quand  soun  oustal  se  brullo . 

—  Tapât  coumo  un  cagarau  en  temps  de  secado.  — Laura 
couma  un  cagarau. 

PEB  TBUFARIÈ 

Courrits  coumo  un  cagarau . 
Cairbjât.  —  Cairejat  coumo  un  Sant-Estèbe; — coumo  un  rei- 

nard  qu'a  panât  de  galinos. 
Calât  ou  endimenjat  coumo  un  nobi  sul  trento-un. 
Calhau.  — Dur  coumo  un  calhau. 

SB  DITS  : 

Lous  calhaus  soun  durs  en  pertout. 
Calhol.  —  Calhiil  coumo  margot  ;  —  coumo  de  pa  de  ramou- 

netatge. 

Calici.  —  Daurat propre lusent  coumo  un  calici. 

Callo.  — Amourous gras caud tendre  coumo  uno 

callo. 

SB  dits: 

Espèro  que  las  callos  i  toumboun  toutes  roustidos  coumo 
as  enfants  d'Israël. 
Callou.  --  S'en  ba  coumo  un  callou. 
Cambarut. —  Cambarut  coumo  un  guiraud-pescaire  ;  — coumo 

uno  giraflo. 


16  COMPARAISONS    POPULAIRES 

Cambat.  —  Cambat  coumo  un  poulhastre. 

CambiadIs  ou  chanjadIs  coumo  lou  temps  ;  —  coumo  la©'  fen- 

nos  ;  —  coumo  la  modo  ;  —  coumo  las  oundados. 

SB  dits: 

De  trop  eambîa  on  n'a  que  godos.*-  Cal  pas  cambia  lous 
èls  per  la  cougo. 
Cambos. —  A  de  pecouls  de  cambos  coumo  debarros  de  presse; 

—  de  foutraus  de  cambassos  coume  de  majouriès. 

PBR  TRUFARIÎ  : 

De  cambos  coumo  uno  fedo  ;  —  coumo  uno  iraigno  ;  — 
coumo  de  flabutos. 
Camina.  —  Camînaà  passes  loungaruts  coumo  un  arpentaire. 

—  Camina  lou  darriè  coumo  un  prélat  à  la  proucessiu. 
Camiso.  —  Se  souben  d'acô  coumo  de  sa  première  camiso. 

SB  dits: 

S'aimats  de  plaideja,  aurets  pas  lèu  de  camiso  al  tioul. 
Camus.  —  Camus  coumo  uno  figo  encabassado  ;  —  coumo  un 

gous  artés. 
Cance..  -  Es  toujours  aq[ui  coumo  un  cance. 
Canchou.  —  Un  canchou  de  pa  coumo  lou  bèc  d'un  ase. 
Cande.  —  Cande  coumo  un  liri;—  coumo  uno  garlando   de 

première  coumeniu  ;  —  coumo  un  jour  poulit  ;  —  coumo 

la  âour  das  camps. 
Candelié.  —  Prèst  coumo  un  candeliè.  — Rette drèit.... 

plantât  coumo  un  candeliè. 
Candélo. —Mouca  la  candèlo  coumo   lou   diable  mouquèt  sa 

maire  :  i'  arranquèt  lou  nas.  —  Ana  al  cèl  tout  dreit  coumo 

uno  candèlo. 
Canou.  —  Bourrât  coumo  un  canou.  —  Un  capèl  coumo  un 

canou.  —  Afrountà  lou  foc  coumo  un  canou  de  bufet. 

I^BR  TRUFARIÈ  .* 

Sicrètous  coumo  un  cop  de  canou . 
Canouna.  —  Canouna  couma  lou  blad  ;  — coun:o  un  agassou; 

—  coumo  lous  tirons  :  inetre  plumo. 

Canta.  —  Canta  coùmo  uno  oiirgiieno  ;  —  coùino  un  dliramèl  ; 

—  coumo  uno  serineto  ; —  coumo  un  roussignol  ;-  coumo 


COMPAliAlsiNé    POPliLA'lRHÎé  17 

la  cigalo  ;  -  coumo  uno  sereno;  —  coumo  un  Toulousin. 
—  Canto  que  cantaras  coumo  uno  bressairolo. —  Ganta  de 
boun  mati  coumo  la  lauseto. 

PER  TRUFÂRIÈ: 

Cania  coumo  uno  carrèlo  roubilhouso  ; —  coumo  uno  cano 
asclàdo  ;  ■—  coumo  uno  rassègo  ; —  coumo  uno  limo  que 
griulo  ;— coumo  un  poul  joust  uno  quartièro  ;  — coumo 
un  borgne  ;  —  counîo  un  rôussignol  d'Arcadio,  qu*ape- 
larit  boùrriquèt. 

SB  DITS  : 

Fa  coumo  la  cigalo,  que  s'endourmits  en  cantant. —  Can- 
tats  à  Tase^  bous  fara  de  pets. 

Cap.  -  Cap  gros  coumo  un  semalou  ;  —  coumo  un  souc  de 
Nadal  ;  •—  coumo  un  dourc  ;  —  coumo  uno  bocho.  —  Cap 
lebat  coumo  uno  carabeno  ;  —  coumo  un  liri  ;  -  coumo 
un  coulobre. —  Cap  carrât  coumo  un  Alemand; —  dur 
coumo  uno  masso  ascladouiro  ;  — aplatit  coumo  un  Mô- 
roul  ;  —  pelât  coumo  un  ginoul  de  bièlho  ou  coumo  uno 
coujo.  — Cap  dins  pocho  coumo  uno  prègo-Dius-Bernado 
ou  uno  gato-miaulo. — Doutmî  cap-e-tioul  coumo  la  carra- 
calho  ou  lous  couàrroiis. 

Caparrut  ou  TBSTUT  coumo  un  ase  nègre  ;  —  eoumo  un  miol 
relopi;  — coumo  uno  masso  on  bourro. 

Capâl.  —  Un  capèl  coumo  uno  tourre  ;  —  coumo  un  tuièu  de 
pouèlo  ;  —  coumo  un  cinquième  au  uno  quartièro  ;  — 
coumo  un  estamaire  ;  —  coumo  un  paro-plèjo  ;  ~  coumo 
un  clarinetaire.  — Un  capelou  coumo  un  cascarinet. 

Capurlat. — Capurlat  coumo  un  pijou-patut  ; -i- coumo  uno 
poulo  mahouno  ; — coumo  un  calandre  ou  uno  cûculhado; 
coumo  un  poul  alambert. 

Caqueta.  —  Caqueta  coumo  unoagasso  borgno  ;  —  coumo  un 
abucle  ;  ->-  coumo  dous  borgnes. 

Car  ou  care  coiimo  lou  foc  ;  —  coutno  la  braso. 

Car.  — Achat  menut  coumo  car  à  pastis.  —  Es  coumo  la  car 
de  coumissari  :  car  e  pèis.  —  Las  cars  i  trambloun  coumo 
se  beniè  d'assassina  paire  e  maire , 


18  gompàrajsons  populaires 

PBR  TRUFARIÈ: 

Caressa.—  Caressa  lou  gousiè  coumo  d'aigo-ardent  dito  re- 
passe ;  —  coumo  de  tisane  de  guingassous.  —  Ma  cares- 
sante Goumo  une  estrilho  ; — ceumo  un  garrabiè  ; — coumo 
un  agragnoussiè. 

Cargat.  —  Coume  une  abelho  ;  —  ceumo  Tase  dal  Basacle.  — 
Cargat  de  maladeccius  coumo  lou  bouc  d'Israël. 

PBR  TRUFARIÈ  : 

Cargat  d'argent  coumo  un  grapaud  de  plume  ou  las  gra- 
gnotos  de  oougo. 

SB  dits: 

Trop  de  cargo  toumbo  Tase,  ou  une  palho  toumbo  Tase 
quand  i'a  prou  de  cargo. 
Carra.  —  Se  carra  coumo  un  gros  moussu  ;  —  coumo  un  ase 

qu'estreno  une  bride  ou  dejoust  une  embardo  nobo. 
Carnut.  —  Carnut  coumo  une  prune  de  cor-de-biôu  ;  —  coumo 

un  melou  das  raboulhuts. 
CARRBTiè.  —  Renega  coumo  un  carretiè.  —  Enbloudat  coumo 

un  carretiè.  —  Fa  peta  la  chasse  coumo  un  carretiè. 

SB  DITS  : 

Fagues  pas  tant  peta  la  chasse:  babardejes  pas  tant,  que 
Tase  fout  qui  te  cregnits. 
Carut, — Carut  coumo  un  Jusiu; — coumo  un  Russe  ; — coumo 

un  Judas. 
Cascalheja.  —  Cascalheja  coumo  une  campano  fendudo;  — 

coumo  un  test  ;  —  coumo  une  galino  que  fa  Tiôu. 
Cascarinbt.  —  Un  capèl  de  doumaisèlo  coumo  un  cascarinet. 
Catagan.  —  Un  catagan  coumo  un  salsiçot  i  batiô  sus  Tes- 

quinal. 
Caud.  —  Caud  coumo  lou  foc  ;  —  coumo  la  braso  ;  —  coumo  un 

carbou  rousent;  —  coumo  un  tisou  abrandat;  —  coumo 

un  soulel  agoustenc.  — Abé  caud  coumo  un  sôu  de  pa-. 

tanos  roustidos.  —  Bière  caudo  coumo  de  pis  de  cabale. 

—  I  fa  caud  coumo  dins  une  jasso.  —  Caudet  coumo  une 

espelidouiro. 
Caufa.  ^  Caufa  coumo  un  brasas  ;  —coumo  un  four  de  caus. 


COMPARATSONS    POPULAIRES  19 

Caumount.  —  Coumolou  curât  de  Caumount:  fa  la  demando  e 
se  respound. 

PBR  TRUFARlà: 

Caussat.  —  Caussat  coumo  un  goutous;  — coumo  un  bièl  sa- 
batiè. 

PBR  TRUFARIÈ: 

Caussigoulbja.  —  Caussigouleja  Tausido  coumo  uno  rassègo; 

—  coumo  un  gafou  sans  graisso. 

Cbrca.  —  Cerca  quicon  coumo  uno  espillo  menudo.  —  Cerca 
Toumbro  coumo  un  ase  bermenous. 

SB  dits: 

Bal  mai  un  que  sap  que  cent  que  cèrcoun. 
Chabal.  —  Parla  coumo  un  chabal.  —  Arnescat  coumo  un  cha- 
bal  de  batalho.  —  Un  foutrau  de  chabal  coumo  uno  moun- 
tagno.  — Manja  coumo  un  chabal  descoufat. —  Lou  crin 
al  bent  coumo  un  chabal  descabestrat. 

SB  dits: 

Es  coumo  un  chabal  de  troumpeto,  a  pas  p6u  dal  bruch. 
Chawjant  ou  CHANJADis  coumo  lou  temps;  —  coumo  la  luno  ; 

—  coumo  lou  sort  ;  —  coumo  un  fafiè  de  pijou. 
Chapaire.  —  Chapaire  de  rabets  coumo  un  Aubergnas  ou  un 

Sabouiard. 
Chebinga  ou  fusa  coumo  un  couget  ou  coucoumbre  d'ase  ;  — 

coumo  un  rasin  fouirons. 
Cmc-A-OHic  coumo  qui  pesso  un  passeradou. 
Chicanié  coumo  un  bièl  aboucat  ;  —  coumo  un  sansignol  ;  — 

coumo  un  maquignoun  de  roussatalho. 
Chifra.  —  Chifra  couma  un  sabent;  —  coumo  un  banquiè. 
Choc.  —  Faire  choc  coumo  un  pétard  de  fango. 
Chot.  —  Triste  coumo  un  chot.  —  Retirât  coumo  un  chot.  — 

Biure  coumo  un  chot.  — Bèstio  coumo  uno  choto  banudo. 

— N'abé  un  sadoul  couma  un  chot  de  grils. 
Chuca.  —  Chuca  coumo  unô  sansugo  ou  uno  sangairolo. 
Churla  ou  CHURLUTA  OU  PiNTA  coumo  uu  trauc  ;  —  coumo  un 

amoulaire. 
Chut-chut.  —  a  la  chut-chut  coumo  qui  pano  ;  —  coumo  qui 

dintro  dins  la  crambo  d'un  ago^msant. 


20  COMP^RAiaONS  POPULAIRES 

CiLWps.— Pe   cill^99..çoumo  defaucils;  —  n^gros  coumode 

plumos  de  courbas  ;  —  esturlufados  coun^o  un  bouissou 

mal  penchenat. 
CiMBOULAT. — Cimboulatcoumo  uno  miolo  espagnolo  ;  —  coumo 

un  ase  de  mouliniè  ;  -—  coumo  un  furet. 
Cinglât.  —  Cinglât  coumo  un  capucin  ; —  coumo  uno  trousso 

de  palho. 
CiRAT.  — Cirât  coumo  un  lignol  ;  —  coumo  un  saloun  de  riche  ; 

—  coumo  de  pa  de  sial. 

Clapa.  —  Clapa  coumo  uno  ruscadièro  ;  —  couma  un  sourd.— 

Clapa  quaucun  coumo  de  mil. 
Clar.  —  Clar  coumo    Targ^nt;  —  coumo  d'aigo  de  roc 

—  coumo  de  cristal  ;  •;—  coum  o  lou  jour;  —  coumo  Tel  ; 

—  coumo  un  cèl  estelat.  —  Clar  e  gai  coumo  uno  esca- 
^Ijado  de   soulel.  —  Cèl  clar  coumo  un  beire.  —  Estofo 

j  claro^oumo  de  cjan^bas. 

PBR  TRUFABJB  : 

Clar  coumo  un  estang*  fangous  ;  —  coumo  un  escut  de 

pegp; — c,o,UQio,]Lin  trippu  ou  coumo  un  boudin  ;-  coumo 

.  uflo  b,p.utelho  d'anc^o. 

Closco-pblat.—  Clo^co-pelat  coumo  Tanquiè  d'une  mounino; 

,  —  counçio  un  ginpul  de  bièlho  ; — coumo  un  bièl  mounge  ; 

—  coumo  uno  poumo  de  rampo  d'escaliè. 

CLoyco.  —  Se  rçmeua  pas  mai  qu'uno  clouco  sus  iôus.  —  Aima 
d'apara  sa  mainado  coumo  uno  clouco  sous  pouletous.  — 
Airissado  co,\imo  la  clouco  à  la  bisto  dal  falquet. 

Col.  —  Col  loung  coi^mo  uno  ganto  ;  —  col  toussit  coumo  uno 
flgo  escrito. 

Cor,  :— Cor  p^tit  coumo  i^n  aglan  ;  —  couflat  coumo  un  pa 
rousset;  —  treboulat  coumo  un  gourg  après  uno  aigas- 
.  sado  ;., —  ^ur  coumo  un  ençlumi . 

SB  DITS  : 

Fa  mai  de  cor  que  de  fetge.  —  Countro  marrido  fourtuno, 
boun  cor. 
Couard.  —  Couard  coumo  un  cagnot  ;  —  coumo  un  capou  ba 

gnat. 
Coucha  ou  ooulca.  —  Se  coucha  d'ouro  coumo  las  galinos. 


COMPARAISONS    POPULAIRES  21 

SB  dits: 

Lou  coucha  de  lapoalo  e  lou  leba  dal  gorp 
Escartoun  Tome  de  la  mort. 
Se  bous  couchais  amé  lous  gousses, 
Bous  lebarets  amé  de  piuses. 

Coupât.  —  Coufat  coumo  un  apuput;  —  coumo  un  poul  alam- 
bèrt  ;  —  coumo  ,uno  cuculhado  ;  —  coumo  uno  oounoulho 
ou  fialadouiro. 

CoDPiT.  —  Coufit  coumo  uno  pero-clouco. 

Couplât.—  Confiât  coumo  uno  boudègo  ; —  coumo  un  grapaud; 

—  coumo  un  baloun  ;  —  coumo  un  boutarèl  ;  —  coumo  un 
ouire  ou  embaisso  ;  —  coumo  un  bouc  ;  —  coumo  un  pa- 
^ou;  —  coumo  un  piot  que  falarodo; — coumo  un  pifaut; 

—  coumo  un  pijou-patut;  — coumo  un  rat  sus  un  pa 
caud  ;  —  coumo  un  bentre  d'ègo  sadoulho  ;  —  coumo  un 
rèc-mairal  en  temps  d'auratge.  —  Confiât  coumo  uno 
crabo  qu'a  manjat  d'èrbo  bagnado. 

SE  DITS  : 

Qui  trop  se  couflo  peto  coumo  la  gragnoto. 
Couple.  — Confie  coumo  un  pesoul. 
CouGA.  —  Couga  l'amellat  coumo  uno  fenno  prens. 
CouiouN.  —  Couioun  coumo  la   luno.  —  Couioun  ou  foutrai 

coumo  Raubo-saumos. 
Coula  ou  raja  coumo  d'aigo  olaro. 
Coulant. — Un  abit  coulant  coumo  de  ciro. — Bragos  coulantes 

coumo  de  caussous  nous. 
CouLÉRous.  —  Coulerons  coumo  un  Alemand  ;  —  coumo  un  ase 

qu'a  uno  fusado  al  tioul. 
CouLou  d'or.  —  Coulou  d'or  coumo  uno  fougasse  àl'oli. 

PER  TRUFARIÈ  : 

CouMODE.  —  Coumode  coumo  uno  banco   despecoulhado  ;  — 

coumo  un  esclop  estrèit. 
CouMPLASENT.  —  Coumplascut  coumo  uno  porto  de  prison. 

PER  TRUFARIÈ  : 

CouMPLiMENS.  —  Es  fait  as  coumplimens   coumo  un  biôu   à 


22  COMPARAISONS   POPULAIRES 

mounta  uno  escalo  ;  —  coumo  un  porc  à  rata  ;  —  coumo 
un  gous  à  canta  bèspros. 

PBR   TfiUFARIÈ: 

CouMPRENB.  —  Coumprene  la  rasou  coumo  un  porc  la  musico. 
CouNBissB.-*  Couneisse  coumo  un  agnèl  sa  maire. —  Couneisse 

quaucun  coumo  sa  pocho. 
CoDNESouT.  —  Cîounescut  coumo  un  loup  blanc  ou  coumo  un 

loup  bièl. 

PER  trufarib: 

GouNSCiENço.  —  Counscienço  estreito  coumo  la  margo  d'un 

courdeliè. 
CouNSERBA. —  Se  counserba  coumo  uno  toumio;  —coumo  de 

salmourro  ;  —  coumo  un  salcissot  dins  las  cendres.  — 

Counserba  quicon  coumo  uno  relico  ;  —  coumo  Fanèl  d'or 

de  las  espousalhos. 

PER  TRUPARIÈ; 

Se  counserba  couma  la  sal  dins  Foulo. —  Dius  bous  coun- 
sèrbe  la  bisto  coumo  m'a  fait  à  iéu,  disio  'n  abucle  pen- 
dard. 
CouNSBL.  —  Facille   coumo  de  donna 'n  counsel. —  Ëscouto 
lous  counsels  coumo  s'i  cantaboun. 

SE  dits: 

Qui  soûl  se  counselho,  soûl  se  pentits.—  Qui  counselho 
pago  pas. 

CouNSUBiA  ou  coDNSUMi  (sc)  coumo  uu  tros  dé  boues. 

CouNTENT.  —  Countent  coumo  un  paure  ;—  coumo  un  gus  ;  — 
coumo  un  pèrrou  ;  —  coumo  un  perot  ;  —  coumo  un  duc  ; 
—  coumo  un  rei,  s'es  bertat  que  lous  reises  siogoun 
countens  ;  —  coumo  un  Dius  ;  —  coumo  un  pèis  dins  sa 
gaugno  ; — coumo  un  escoulan  en  bacanços  ;  -  coumo  un 
enfant  que  trobo  un  nits  ou  un  coutèl.  —  Countent  coumo 
un  riatou  ;  —  coumo  un  ase  que  se  sentits  uno  embardo 
nobo  ;  —  coumo  un  gat  que  ba  fa  per  la  braso. 

PER  TRUFARIB  : 

Countent  coumo  un  repoutegaire  ;  —  coumo  s'i  abion 
manjat  soun  dinna;  —  coumo   un  foundeire  qu'a  man- 


COMPARAISONS   POPULAIRES  23 

cat  sa  campano.  ^  Countent  coumo  un  gous  qu'a  trapat 
uno  clau. 
Coupa  ou  talha  coumo  un  rasou  ;  —  coumo  un  coutèl  de  mès- 

tre. 
Coupable.  — S'amaga  coumo  un  coupable. 
CouQui.  —  Couqui  coumo  la  piusagno; 
CouRATJous.  —  Couratjous  coumo  un  lioun. 

PER    TRUPARIÈ: 

Couratjous  coumo  un  souldat  de  la  bièrjo  Mario,  que  nèit 
e'jour  prègo  per  la  pax.  — Couratjous  coumo  uno  fedo 
ou  un  bourrée. 

SB  dits: 

Couratge  de  bourrée,  toujour  lou  nas  à  terro. 

Courre  où  courri  coumo  un  derratat  ;  —  coumo  un  lebriè  ;  — 
coumo  un  lebraut  en  mars  ;  —  coumo  lou  bent  ;  —  coumo 
las  fedos  à  la  sal  ;  —  coumo  un  perdigalhou  amé  lou  clèsc 
al  tioul.  —  Courre  lou  crin  al  bent  coumo  un  pouli  sau- 
batge  ;  —  coumo  un  chabal  de  course.  —  Courre  à  brido 
abatudo  coumo  qui  lou  diable  bous  bufo  ;  —  coumo  s'i 
abiè  ûoc. 

Coursât,  —  Coursât  coumo  un  brau  ;  —  coumo  un  arculo. 

Court.  —  Court  coumo  de  pasto  de  mil. 

Courtes. —  Courtes  coumo  un  Proubençal  ;  —  coumo  un  Pou- 
lounés  ;  —  coumo  un  chibalié  serbicial. 

PBR   TRUFARIÈ: 

Courtes  conmo  un  gous  que  jaupo  à  la  luno.  —  Courtes 
coumo  lous  gous  dal  jardinié,  que  bol  pas  faire  ni  daissa 
faire. 
CoussuT.  —  Coussut  coumo  un  cambo-fi  ;  —  coumo  un  lioun 

parisenc  ;  ~  coumo  un  grand  moussu. 
CouTÈLO.  —Fa  coumo  moussu  Coutèlo  :  quand  a  prou  manjat, 

dits  que  Tapetis  s'en  ba. 
Cracur  (?)  ou  mbssourguiè  coumo  un  cassaire  ;  —  coumo  un 

arrancaire  de  caissals  ;  ^-^  coumo  un  marchand  d'enguent 

ou  d'ourbiatan. 
Cranc.  —Es  coumo  lous  crânes:  marche  amai  pudits. 


24  COMPARAISONS   POPULAIRES 

Crassous. —  Crassouscoumo  un  bièl  arroubinat  ;  —  coumo  uno 

penche  dentegado. 
Crbba.  —  Creba  coumo  un  fabol  ;  —  coumo  un  bièl  mousquet. 

—  Se  creba  coumo  un  flouroun  madur. 

Cregne  ou  cregnI  quaucun  coumo  lou  foc  ;  —  coumo  la  pèsto. 

—  Cregne  lou  freà  coumo  un  rat. 

Creire. —  Creire  en  quicon  coumo  à  soun  Sant-patèr;  — 
coumo  un  Jousiu  à  la  santo  Biblo  ;  —  coumo  Ton  crei  en 
Dius  ;  —  coumo  al  soulel  dins  lou  cèl.  —  Se  creire  coumo 
lou  premiè  moustardiè  dal  papo. 

Creissb  ou  CRBissi  coumo  la  pasto  dins  la  mait.  —  Creissi  à 
bisto  d'èl  coumo  la  michanto  èrbo  ;  —  coumo  lous  boulets 
de  bosc;  —  coumo  lous  espàrgouls. 

Cremal.  — Enfumatat  coumo  un  cremal  ;  —  nègre  coumo  un 
cremal. 

SB  dits: 

Cremal  nou  cregnits  lou  fum. 

Crentous.  —  Crentous  coumo  un  rougnous. 

Crica.  — Crica  coumo  uno  amello-de-damo  ou  de  trinco-dent. 
Fa  crica  las  dents  coumo  de  cliquetos. 

Cbida.  —  Crida  coumo  un  auseliè  ;  —  coumo  un  pelhaire  ;  — 
coumo  un  sourd;  — coumo  un  aigo-ardentiè  ;  —  coumo  un 
diable  salsat  dins  un  benitiè  ;  —  coumo  un  abucle  qu'a 
perdut  soun  bastou  ;  —  coumo  un  sanaire  ;  —  coumo  un 
perdut  ;  —  coumo  uno  aclo  que  desplumassoun  ; —  coumo 
uno  galino  que  bapoundre; — coumo  un  poussedat;  — 
coumo  unborni.  —  Crida  pas  mai  qu'un  gat  qu'espèro  la 
mirgo  ;  — coumo  un  pet  quand  nais. 

Cridalha.  — Cridalha  coumo  las  gragnotos  que  demandaboun 
un  rei  ;  —  coumo  un  encantaire  ; —  coumo  un  gous  escau- 
dat  ;  —  coumo  un  porc  que  sannoun. 

SB  dits: 

La  rodo  la  pus  marrido 
Es  toujour  lo  que  mai  orido. 

Croucut.  —  Croucut  coumo  un  bèc  d'aclo  ;  —  coumo  unes 
cèrcos  de  pouts  ;  —  coumo  uno  roumano  quintalièro  ;  -^ 
coumo  Tarpo  d'un  usuriè. 


COMPARAISONS   POPULAIRES  25 

Crousa.  —  Crousa  coumo  lous  canards.  —  Crousa  lou  coumpte 

coumo  lou  pairoulié  de  la  beuso  e  lou  pourta  sus  un  autre 

fui. 
Croutat.  —  Croutat  coumo  un  barbet  que  sèrco  soun  mèstre 

amé  la  plèjo. 
CRuài..  —  Cruel  coumo  un  tigre  ;  ~  coumo  la  Mort  ;  —  coumo 

la  fam  ; — coumo  lou  besoun  ;  — coumo  un  Cafre  ;  —  coumo 

un  Tartaro.  — Cruel  e  fred  coumo  unbourrèu. 
Crus    ou  curât   coumo  un  bue  ;  —  coumo  uno  carbasso  ;  — 

coumo  un  bièl  sause ,  —  coumo  un  tioul  de  capèl  ;  — 

coumo  un  biouloun. 
CuNG.  —  Un  cung  de  pa  coumo  lou  bèc  d'un  ase.  —  Se  tene 

rette  coumo  un  cung  ; —  plantât,  bandât  coumo  un  cung. 
CuRBÈL.  — Tene  Taigo  coumo  un  curbèl. — Traucat  coumo  un 

curbèl.  —  Round  coumo  un  curbèl. 
CuRious.  —  Curions  coumo  un  coufessiounal ;  —  coumo   uno 

pooho;  —coumo  un  pet;  —  coumo  un  pissadou. 

A.  MiR. 
{A  mhire.) 


Poésies 


LA  FADETA  D'EN'GARRIGA 

A   LA   MBMORIA   d'uNA   FELIBRESSA   MORTA 

Couma  raucelounetviajaire. 
Un  jour  de  prima  s'alarguet 
Abelugada,  à  través  Taire  ; 
Devistant  noste  bèu  terraire  : 

—  «  Farai  ma  pausa  aqui  »,  diguet. 

E  la  cigala  e  Talauseta, 
Emb  un  biaisset  amistadous, 
Van  au  davans  de  la  fadeta, 
E,  bresilhant  sa  cansouneta  : 

—  «  Sorreta,  ie  fan,  aima-nous.  » 

E  la  frigoula  e  la  bouscalha. 
Tout  ce  qu'embaima  de  sentou  ; 
Tout  ce  qu'en  terra,  en  ciel  varalha, 
Ou  qu'en  ribieira  se  miralha: 

—  «  Per  tus,  ie  venoun,faren  tout!  » 

Tant  lèu  la  fada  d'en  garriga, 
Embe  sa  vosseta  de  mèu  : 

—  «  Aubre,  flou,  rieu,  aussel,  espiga, 
De  toutes  vautres  siei  l'amiga, 

Car  n'aime  que  lou  vrai,  lou  bèu. 

Fasès  ressounti  la  ramada, 
Aussels,  emb  vautres  cantarai  ; 
De  nioch  mandas  vosta  bramada, 
Ventasses,  gourgs,  roca  baumada, 
Embe  gaud  vous  escoutarai. 

Zou,  jeta  tas  audous,  floureta. 
Las  sentirai  d'ama  e  de  cor  ; 
Lez,  fai  gourgoulhà  toun  aigueta, 
Jout  tous  ribieirèus,  à  l'oumbreta, 
Vendrai  te  countà  moun  maucori  » 


POESIES  27 

Âdoanc,  per  coumplaire  la  noia, 
Tout  s'afeciouna  e  s'agarris  ; 
Jamai,  dins  Taire  e  jout  la  fiolha, 
S'es  tant  ausit  de  cants  de  joia, 
Jamai  tant  de  flouses  s'es  vist  ! 

Lou  roc  s'atapa  de  verdura, 
La  ôgueîrassa  de  cabrau 
Reten  e  sa  frucha  amadura, 
E  de  Lez  Taïga  linda  e  pura 
Cascalha  e  ris  dins  lou  baissau. 

A  bêles  cops  de  la  cantada, 
Un  soun  d'ourguena  triste  e  dous 
Trauca,  e  la  cigala  espantada 
Dis  au  roussignôu  de  la  prada: 
—  <(  Es  ela,  siegues  pas  jalons  !  » 

Ben  lèu,  dins  touta  Tespandida 
D'en  Abitau  fins  à  la  mar, 
Tout  ce  qu'a  Time,  saba  e  vida, 
Per  sa  mestressa  Ta  causida 
E  s'embraiga  de  soun  regard. 

Mais  lou  bon  ur  sus  nosta  terra, 
Quand  çai  ven,  es  per  quauques  jours, 
El,  tant  pigre  per  quau  Tespera, 
Quand  lou  cercàs  ounte  pioi  era, 
De  fes,  Tatrouvàs  que  de  plours  ! 

Couma  la  flou  de  gironflada 
Que  dins  la  nioch  Torre  vertel 
A  coussit  la  verda  matada, 
Clena,  sus  soun  pecoul  macada, 
As  premiès  dardais  de  sourel, 

Antau  la  magagnousa  fada, 
Dins  un  mau  long  s'alangouris... 
Sans  bruch,souleta,  una  vesprada, 
Paura  alausetouna  blassada, 
S'enfuch  per  mouri  dins  soun  nis. 

Desempioi  la  garriga  es  muda, 
E  sous  trevaires  esmouguts, 


28  POESIES 

En  se  vesent  à  la  sournuda, 

Se  disoun  :  —  «  De  qu'es  devenguda  ?  » 

Ah  I  paureSy  la  veirés  pas  pus  ! 

Quand  una  nioch,  nioch  ben  marcanta, 
Dins  lou  seren,  couma  un  ilbau, 
Parei  una  estela  fusanta 
Qu'emb  grand  redou,  beluguejanta, 
Dralha  e  s'avalis  amount-d'aut. 

—  a  L'ama  d'un  mort  !  »  clama  Luseta, 

La  galineta  dau  bon  Dieu.  | 

Aquela  estela  ?  Ab  !  pecaireta  !  i 

Es  Tama  de  nosta  fadeta  ' 

Que  s'en  retorna  devès  Dieu  *  !  , 
A.  Langladb;. 


UN  DE  MAI 

A'n  Ougbni  Tavernibr 

Es  na  Veofant,  Tenfant  que  teto. 

T.    AUBANBL. 

Autant-lèu  qu'es  nascu,  l'enfant 
Cèrco,  vers  lou  teté  s'aubouro  : 
En  intrant  dins  la  vido  a  fam 
E  pèr  sa  bènvegudo  plouro. 

Crid  de  nistoun,  joio  d'oustau  ! 
La  maire  es  lasso  uno  passado.... 
Mai  la  maire  ôublido  soun  mau 
En  le  pourgissènt  si  brassado. 

E,  mereviho  de  l'amour, 

Lou  paire  doublo  sa  tendresse... 

Bel  enfant  nascu  dins  li  plour, 

Empligues  l'oustau  d'alegresso  *! 

Anfos  Tavan. 
Marsiho,  i^  de  mai  1881. 

*  Languedocien  (Lansargues  et  ses  environs).  Orthographe  montpelliéraine. 
2  Provençal  (Avignon  et  les  bords  du  Rhône).  Orthographe  avignonnaise. 


LA  FEDO  E  LOU  BARTAS 


FABLO 

Bufabo  un  ^and  vent  d'issalop, 
Coumensabo  à  pleure  e  trounabo  ; 
Dins  la  jasso  un  pastre  al  galop 
Soun  troupel,  en  cridant,  butabo. 
Aviô  dins  aquel  embarras, 
Sens  Tausi,  sens  s'en  prene  gardo. 
Laissât  uno  fedo  detras, 
Uno  vielho  fedo  panarde. 

Quand,  per  rejougne  lou  troupel, 
A  fach  esperro  sus  esperro, 
Aquesto,  per  soustà  sa  pel 
Costro  la  pluèjo  e  lou  tonnerre, 
Cerco  dins  lou  bosc  un  abrie. 
Devisto  al  dejonst  d'un  garrie 
Un  bartas,  ount  vei  uno  trido 
S'estremà  toute  espavourdido  : 
((  —  Joust  aquel  fuelhage  abrigous 
Crentarai  pas,  sou  dis,  la  raisso.  » 
Mais  pense  pas  qu'es  espignous  : 
Per  i  dintrà  subran  s'abaisse. 
Sentis  adounc  sousagulhous.... 

A  cessât  enfin  la  plu ej  ado 
E  luzis  l'arc  de  sant  Marti, 
La  fedo  al  pus  l eu  de  sourti 
Del  bartas  ount  s' ère  embarrado. 
Mais  la  pauro  es  toute  pelade; 
Sa  lano  es  restado  as  pounchous, 
Soun  rèble  es  rouge  e  tout  sannoua  : 
Aimariô  mai  s'estre  bagnado. 

Per  se  traire  d'un  marrit  pas 
Mai  d'un  tombe  dins  un  fangas. 
S'as  facb  quauque  michant  afaire 
Petasso-lou  sens  tarda  gaire: 
Que  plavidejo  es  un  nigaud, 
Tombe  de  la  fèbre  en  mal  caud. 


80  POBSIËS 


La  caforno  de  la  chicano 
Es  un  souloumbrous  espiaas  ; 
Lou  qu*i  dintro  ne  sourtis  pas 
Sens  l  laissa  'n  plan-poung  de  lano  *. 

G.  AzAÏs. 


LA  MORT  DE  L'AMOUR 

L'Amour  va  trespassa,  coumo  les  autris  Dieuses. 
Dins  uno  selvo  negro  ount  se  calhoun  les  rieuses, 
Las  imos  ',  les  aucels  e  las  ramos  en  ûous, 
Se  coulco  peF  secum',  tourrat  e  sens  coulous. 
Le  sieu  cor  es  traucat  per  uno  matrassino  *. 
Sanno  à  grosses  pissols^;  trémolo  à  Tescurino. 
Sa  reumo  *  semble  'n  bram  de  cervi  que  mouris  ; 
'  Soun  bel  cos  rose  e  blanc  se  flapo  e  se  péris 
As  peds  des  grandis  faus  que  sa  roujo  sang  bagno. 
Se  rantelhoun  '  sous  uels  virats  vès  la  mountagno 
Qu'a,  darrè,  le  soulelh,  coumo  'n  flambe*,  abrandat, 
E,  dins  un  espefort,  le  Dieus  jouve  a  cridat 
A  'spanta  per  jamai  e  le  cel  e  la  terro. 
Coumo  al  founze  d'un  cros*,  de  la  coumbo  à  la  serro, 
Tout  s'enmudis,  s'atudo  e  s'engruno***  en  d'abord, 
La  vido  n'es  pas  mai,  L'Amour  es  mort,  es  mort"  ! 

Aguste  FouRÉs. 


*  Languedocien  (Béziers  et  ses  environs).  Orthographe  biteiroise. 

a  Brises.—  3  Amas  de  feuilles  sèches.—  *  Flèche.—  b  Jets.  —  «  Râle.—  '  Se 
ferment  malgré  lui.  —  «  Incendie.  —  ^  Fosse.  —  i»  S'égraine. 

1*  Languedocien  (Gastelnaudary  et  ses  environs) .  Orthographe  montpellié- 
raine. 


VARIÉTÉS 


TERMES  DE  CHAPELLERIE 

Qui  pour  la  plupart  mb  se  trouvent  pas  dans  lb  dictionnaire  de  M.  Littré 
ou  n'y  sont  pas  indiqués  avec  leur  sens  spécial 


Adhérent,  m .  —  Chapeau  formé  d'une  carcasse  en  carton  ou  cuir 
léger,  que  l'on  habille  d'une  chemise  de  feutre. 

Apprêt.  —  Matière  collante,  qui  est  dite  imper  pour  les  chapeaux 
imperméables  ou  durs;  souple,  pour  les  chapeaux  mous  légèrement 
gommés.  L'apprêt  imper  est  fait  avec  de  la  gomme  laque  et  des  ré- 
sines dissoutes  dans  de  l'alcool  dénaturé. 

Apprêtàge.  —  Action  d'apprêter. 

Appretbur.  — Ouvrier  qui  apprête. 

Approprier.— Mettre  le  feutre  à  la  forme  du  chapeau,  après  l'avoir 
dressé. 

Appropriâoe,  m.  —Action  d'approprier.    ' 

Arçonner.  ^-  Grouper  les  flocons  de  laine,  de  poils  ou  de  coton,  en 
forme  de  cône,  pour  leur  donner  une  première  forme  et  assez  de  con- 
sistance pour  pouvoir  les  bastir. 

Arçon  a  la  main.  —  Outil  ressemblant  à  une  harpe,  à  ime  seule 
corde  de  boyau,  qui  sert  à  ouvrir  les  matières  premières  (laine,  coton, 
poils)  et  à  les  disposer  pour  en  faire  des  chapeaux.  On  fait  vibrer  la 
corde  à  l'aide  d'un  crochet  en  bois  nommé  coche. 

Arçon  mécanique  .  —  Machine  en  bois  contenant  un  cylindre  tour- 
nant (à  la  vapeur  ou  à  la  main)  entouré  de  cordes  de  boyau  bien  ten- 
dues, qui  sont  dites  batteurs  ou  diviseur^s,  ouvrent  le  poil  et  le  font 
tomber,  par  l'effet  du  vide,  sur  une  forme  en  bois  qui  donne  la  pre- 
mière figure  du  chapeau. 

Arçonnagb.  —  Action  d'arçonner. 

Arçonneur.  —  Ouvrier  qui  arçonne. 

Bastir.  —  Réunir  les  capades  conformément  aux  dimensions  d'un 
patron  en  carton  et  commencer  à  la  feutrer  dans  une  toile  mouillée. 
Cette  opération  précède  le  foulage . 

Bastissage,  m .  —  Rudiment  du  chapeau  fait  de  la  réunion  des  ca- 
pades . 

Bastissbur.  —  Ouvrier  qui  bastit. 

BioHON,  m.  ^~  C'est  la  pièce  de  linge  qui  sert  à  bichonner. 

Bichonner.  —  Passer  un  linge  bien  chaud,  légèrement  empreint 


82  VARIETES 

de  gandin,  sur  le  chapeau,  et  le  finir  au  fer  chaud  pour  lui  donner  de 
Téclat . 

Bridbr  .  —  Action  de  relever,  en  les  raidissant,  les  bords  d'un  cha- 
peau. I 

Brider  cokde  .  —  Roule^r  les  bords   d'un  chapeau  autour  d'une  ' 

corde .  ! 

Bos,  m. —  Maître  chapelier.  Le  chef  de  l'établissement. 

BouRRK,  f.  — De  quoi  travailler.  On  dit:  il  y  a  de  la  bourre,  pour  ' 

il  y  a  du  travail.  Avez-vous  de  la  bourre  à  me  donner?  etc. 

Capade*,  f.  —  Quantité  de  laine  ou  de  poil  déjà  arçonnée.  Il  y  a 
quatre  capades  :  deux  pour  le  fond  du  chapeau,  deux  pour  les  bords. 

Ghiquettb,  f.  —  Petite  agglomération  de  poils  ou  de  laine  qui  se 
forme  à  la  surface  du  feutre,  lorsque  la  matière  a  été  mal  travaillée. 

.Cloche,  f.  — C'est  le  chapeau  foulé,  apprêté  et  teint,  mais  qui  n'a 
pas  encore  été  passé  au  fer  ni  disposé  pour  recevoir  sa  forme  défi- 
nitive. 

DÉBOMBOiR,  m.  ^  Outil  sur  lequel  on  pose  le  chapeau  pour  le  bi- 
chonner. 

DoRSB,  m.  — Nom  d'une  forme  de  tournure.  Repli  que  forme  le 
bord  du  chapeau  à  l'endroit  où  il  se  termine . 

Entrée,  f.— -Mesure  de  la  tête.  On  dit:  un  chapeau  de  cinq  points 
d'entrée. 

FoRBflLLON,  m.  — Petite  forme  plate  servant  surtout  pour  les  en- 
trées des  chapeaux. 

FuMERETTE,  f.  —  Morcoau  de  toile  à  deux  poils;  sorte  de  droguet 
sur  lequel  on  passe  le  fer  pour  s'assurer  de  son  degré  de  chaleur, 
avant  de  l'employer  sur  le  feutre . 

Gandin,  m.  —  Pommade  faite  d'huile  de  laurier  et  de  cire,  qu'on 
étend  sur  un  bichon  pour  donner  de  l'éclat  au  feutre . 

Gniole,  f.  — Chapeau  manqué  ou  à  retaper. 

Gnioleur,  m.—-  Ouvrier  qui  s'occupe  surtout  de  réparations  à  faire 
aux  chapeaux. 

Gode,  f.  — Faux  plis  provenant  d'une  fabrication  défectueuse. 

Jarre  ^,  m.  — Poil  blanc,  dur,  se  feutrant  difficilement,  enlaidissant 
le  feutre .  Il  tombe  presque  totalement  au  soufflage,  étant  plus  lourd 
que  le  bon  poil. 

<  Indiqué  par  M.  Littré,  mais  non  avec  ee  détail. 

*  Cet  article  complète  ceux  que  M.  Littré  a  consacrés  à  ce  même  mot  dans 
son  Dictionnaire  et  dans  le  supplément. 


YARlérJÉS  33 

Manchon,  m.  —  Léger  feutre  de  laine  ou  de  poil,  qui  recouvre  les 
formes  en  bois  sur  lesquelles  on  place  les  chapeaux  pour  les  tra- 
vailler à  l'appropriage  ou  à  la  tournure. 

Marcheuse,  f. — Machine  qui  commence  à  donner  aux  capades  une 
certaine  consistance,  immédiatement  après  Tarçonnage. 

MÉLANGEUSE,  f.  —  MacMue  servant  à  battre,  à  ouvrir  et  à  mélanger 
diverses  sortes  de  poUs. 

Pincé.  — Terme  de  tournure.  Les  bords  d*un  chapeau  sont  pinces 
quand  ils  brident  légèrement.  Il  est  ouvert  ou  pincé. 

Potence,  f. —  Outil  en  bois  ressemblant  à  une  petite  enclume,  dont 
la  surface  est  recouverte  d'un  manchon  en  feutre,  et  qui  sert  à  appro- 
prier et  à  tournurer  les  chapeaux . 

Potencer.  —  Se  servir  de  la  potence. 

Souffleuse,  f.  —  Longue  machine  en  bois,  de  forme  rectangulaire, 
précédée  d'un  mécanisme  spécial  et  servant  à  souffler  le  poil  pour  le 
débarrasser  de  la  poussière  et  du  jarre  qui  s'y  trouvent.  Le  poil,  dé- 
posé sur  une  large  bande  de  cuir,  formant  toile  sans  fin,  est  entraîné, 
puis  chassé  violemment  dans  l'intérieur  de  la  souffleuse.  Il  va  jusqu'au 
bout,  et  revient  d'autant  plus  près  de  Tavant  de  la  machine  qu'il  est 
plus  fin  et  plus  léger.  Les  produits  éti'angers  :  poussière,  jan-e,  tom- 
bent dans  des  tiroirs  placés  dans  les  bas-fonds  de  la  souffleuse. 

SÉMOUSSEUSE,  f .  —  Machine  qui  sert  à  donner  aux  bastissages  de 
laine  un  commencement  de  feutrage,  sous  la  triple  action  de  la  pres- 
sion, de  la  friction  et  de  la  chaleur. 

Tournure,  f .  —  Cette  opération  consiste  à  relever  les  bords  d^ 
chapeau,  de  façon  à  lui  donner  l'aspect  demandé  par  la  mode. 

TouRNURiER»,  m.  —  Ouvriers  spéciaux,  artistes  de  la  chapellerie, 
11  faut  beaucoup  d'habileté  et  surtout  beaucoup  de  goût  pour  faire  un 
bon  tournurier. 

ZÉPHYR,  m.  —  Terme  de  tournure.  Pincé  très-léger.  Il  s'emploie 
surtout  pour  les  chapeaux  souples,  genre  canotiers . 

G.-P, 
fabricant,  à  Laval  (Mayenne). 

L'ESPOZALICI  DE  NOSTRA  DONA 


M.  Pio  Rajna  a  donné,  dans  le  dernier  numéro  du  Giomale  di 
filologia  romanza  (t.  III,  p.  106-9),  une  notice  sur  le  mystère  pro- 
vençal de  la  bibliothèque  de  Séville  VEspozalici  de  Nostra  Dona^ 
dont  nous  avons  entretenu   dernièrement  nos  lecteurs.  Voy .  Revue, 


34  VARIÉTÉS 

XVIII,  199  seq.  La  notice  de  M.  Pio  Rajna  est  un  peu  moins  suc- 
cincte que  celle  de  M.  Francisque  Michel,  que  nous  avons  transcrite, 
et  les  quarante-deux  premiers  vers  du  mystère  y  sont  reproduits. 
M .  Francisque  Michel  s'était  arrêté  au  dixième  {De  Jessé  e  de  son 
parage.  Revue,  ihid.y  201).  Voici  la  suite,  d'après  M.  Rajna: 

y.  11     Maria  a  nom  per  vertat 

Aquesta  de  que  vos^  ay  parlât, 
Et  el  temple  trobaretz  la, 
Horan  tôt  jom,  qu(e)'  ajtres  *  no  fa 
15    Ë  preguft  Dieu  Nostre  Senhor 

Que  l(a)'  adumplisca  de  s(a)'  amor. 

L'avesque  dels  Juzieus  respos 

Bels  Senher  Dieus,  grazitz  ne  sias 
Ë  benezitz  et  adoratz, 
Quar  vos  es  vengut  a  plazer 
20    Que  nos  fassatz,  Senher,  saber 
Quai  es  la  verges  ni  que  fa. 
Ni  cum  a  nom  ni    on  esta, 
Ë  del  linatge  issamen ^ 

Lo  avesque  dis  als  Juzeus 

En  Salamo  e  vos  (en)  Salvat, 
25    E  bon  Judas  e  Samuel, 

Filh  de  Dieu  e  filh  d(e)'Israelh, 

Auzit(z)  avetz  lo  mandamen 

Que  adichl'angel  vos  auzen. 

Per  nulha  res  que  el  mon  sia  * 
30    D'esta  verges  qu(e)'  a  nom  Maria 

Aucitz^,  baros,  ades  anatz, 

E  mens  de  .un.  non  .siatz. 

Et  aduzetz  me  la  donzela. 

Gardatz  que  non  vengatz  ses  ela, 
35    E  pregatz  la  fort  humilmens 

Qu'am  vos  venga  cortezamens, 

*  Lis.  queus. 

2  al  res. 

3  Lacune  de  deux  vers  au  moins. 

*  Il  paraît  y  avoir  ici  une  nouvelle  lacune. 

8  Corr.  auzetz  ?  Ce  peut  être  une  forme  catalane  ou  gasconne,  introduite  par 
le  copiste.  Cf.  auzitz,  quatre  vers  plus  haut.  Celui-ci,  en  écrivant  ce  dernier 
mot,  avait  peut-être  dans  l'idée  plutôt  auditis  que  auditum. 


VARIETES  35 

Car  fort  leu  la  deuretz  trobar, 
Que  no  vos  cal  aires  ponhar, 
Que  el  temple  esta  ades, 
40    Segon  so  que  auzit  aves. 

Dis  *n  Abraam  al  avesque 

Senher,  vostre  comandamen, 
Farem  ses  tôt  alongamen 

L'ouvrage  se  compose  de  850  vers  environ,  selon  M.  Rajnai. 

C.   C. 

^  Puisque  cette  occasion  se  présente  de  parler  ici  de  nouveau  de  Tancien 
théâtre  provençal,  signalons  à  nos  lecteurs  un  article  du  Bulletin  historique 
de  Vaucluse,  mars  1881,  dans  lequel  M.  P.  Achard  énumère,  avec  d'intéres- 
sants détails,  diverses  représentations  dramatiques  qui  eurent  lieu  à  Avignon 
et  dans  les  environs  aux  XVe  et  XVIe  siècles.  11  est  à  supposer  que  la  plupart 
des  pièces  représentées,  sinon  toutes,  étaient  en  langue  d'oc.  Mais  M.  Achard 
est  muet  sur  ce  point  important.  Nous  savions  déjà,  par  des  notices  anté- 
rieures dues  à  MM.  Arnaud,  Albanés,  Mireur  et  Petit  de  Julleville,  que  plu- 
sieurs de  ces  pièces,  ou  du  moins  des  pièces  portant  les  mômes  titres,  furent 
aussi  représentées  à  Foroalquier,  Toulon,  Draguignan  ou  ailleurs. 


BIBLIOGRAPHIE 


Festenan  de  Santo  Bstello  à  Marsiho.  Brinde  ei  tradatonr  en  Ters 
irancés  deis  obro  dei  felibre,  emé  doues  cansoun  :  lou  Tambourinaire» 
—  la  Marsiheso  dei  Latin  (traductions  par  MM.  F.  Delilie  et  C.  Hennion;  e 
lou  sounet  la  Mignardo  en  apoundoun,  pèr  Francés  Vidal.  Ais,  Remondet- 
Aubin,  1881,  in-8o,  16  pages. 

M.  François  Vidal  est  un  des   rares  félibres  qui,  au  culte  de  la 
poésie,  associent  celui  de  l'érudition  locale  et  de  Thistoire  littéraire. 
Son  livre  sur  le  tambourin  est  une  monographie  aussi  curieuse  qu'inté- 
ressante de  l'instrument  provençal  ';  la  traduction  de  la  loi  des  Douze 
Tables^  lui  valut  un  des  prix  de  la  section  de  prose  au  deuxième  con- 
cours de  la  Société  pour  Vétvde  des  langues   romanes,  tenu  en  1878  à 
Montpellier.  Lou  Bèu  Premier  Acamp  de  Vescolo  de  Lar^  est  le  récit, 
écrit  avec  goût  et  distinction,  d'une  réunion  félibrique  qui  eut  lieu 
dans  l'ancienne  capitale  de  la  Provence,  à  l'occasion  d'un  voyage  qu'y 
avait  fait  M.  Mistral.  M.  V.  nous  donne  aujourd'hui  dans  le  Brinde  ei 
traduUmr francés  une  courte  énumération  de  ceux  qui  ont  «translaté  3> 
en  vers  français  des  œuvres  provençales.  La  liste  en  est  plus  nom- 
breuse qu'on  ne  croirait  ;  à  côté  du  premier  président  Rigaud  et  de 
M.  Constant  Hennion, traducteurs  de  Mirèio  l'un  et  l'autre,  de  MM.  F. 
Delilie,  le  colonel  Dumas  et  Jules  Saint- Rémy,  qui  ne   sont  pas  in- 
connus à  nos  lecteurs,  l'auteur  a  soin  de  signaler  le  nom  de  celui  qui 
depuis  dix  ans  surveille  l'impression  de  la  Revue,  M .  Ernest  Hamelin, 
à  qui  l'on  doit  des  traductions  extrêmement  remarquables  de  laPerh* 
d'Aubanel  et  du  Dies  irœ  d'Albert  de  Quintana. 

L'analyse  littéraire  a  depuis  longtemps  contracté  l'habitude  d'ac- 
compagner ses  éloges  de  quelques  restrictions.  Elles  constituent,  a- 
t-on  dit  avec  un  peu  trop  de  complaisance,  les  épines  de  la  rose  et  le 
signe  certain  de  l'impartialité  de  la  critique.  Pour  me  conformer  à 
cet  usage,  je  reprocherai  à  M .  V.de  n'avoir  pas  nommé  un  des  maîtres 


*  Lou  Tambourin,  istàri  de  Vestrumen  prouvençau^  seguido  de  la  metodo 
dôu  galoubet  e  dôu  tambourin  e  deis  ér  naciounau  de  Prouvènço.  Avi- 
gnoun,  Roumanille;  in-8o,  300  pages. 

*  La  Lèidei  Bouge  Taulo^revirado.kis,  Remondet-Aubin.An  de  Roumo, 
MMDGxxxti;  in-8o,  48  pages. 

Wno  felibrejado  à-z-Ais,  Bèu  premier  acamp  de  Vescolo  de  Lar.  A  l'ous- 
tau  dei  Laren,  1879;  in-8o,'24  pages. 
^  Celle-ci  paraît  à  Tinstant  dans  le  t.  1  (90-93)  d'un  charmant  et  minuscule 


BIBLIOGRAPHIE  37 

traducteurs  de  ce  temps,  M.  Léopold  Sergent,  dont  M.  Boucherie  a 
signalé  ici  même  les  premières  poésies  *.  Le  Jowi^iial  de  Forcalquier^, 
où  les  historiens  de  la  littérature  méridionale  trouveront  un  jour 
tant  de  textes  provenço-alpins  et  d'utiles  indications,  contient  (numéro 
du  2  novembre  1879)  sa  magistrale  et  harmonieuse  traduction  des 
Fahre  d'Aubanel. 

Nous  la  reproduisons  ici,  afin  de  signaler  en  même  temps,  et  quel- 
ques-unes des  innovations  que  M .  S.  voulut  introduire  dans  la  poésie 
contemporaine'  et  la  note  française,  le  parfum  de  bonne  langue  — 
—  s'il  est  permis  de  parler  ainsi  —  que  gardent  constamment  ses 
vers  : 

Pareil  au  cavalier  pressé, 
Regardez  donc  le  jour  passer. 
L'ombre  eûvahit  la  route  grise  ; 
Comme  un  brigand  du  bois  touffu. 
La  nuit  traîtresse  est  à  Taffût. 
Du  soir  déjà  fraîcnitla  brise. 

recueil  imprimé  à  Leipzig,  avec  une  correction  typographique  que  beaucoup  de 
presses  françaises  envieront  :  Poésies  françaises,  provençales  et  wallonnes, 
Leipzig,  Otto  Lenz,  1881;  ia-18,  176  pages: 

A  ta  fresco  e  poulido  auriho,  A  ta  fraîche  et  mignonne  oreille, 

Pastado  de  roso  e  de  blanc,  Pétrie  et  derosi^eet  de  blanc, 

Pèr  pendent  uno  perlo  briho  Pend  une  perle  sans  pareille, 

Coumo  un  plour  d'aubo  tremoulant.  Comme  un  pleur  de  Taube  tremblant. 

A  soun  entour  se  recauquiho  Spirale  d'or  qui  l'ensoleille, 

Toun  peu  d'or  en  anèu  galant  ;  Tes  blonds  cheveux  vont  l'entourant, 

Me  semble  vèire  uno  couquiho  ^  Comme  une  coquille  vermeille 
Ounte  la  mar  a  mes  plan  plan  Où  la  mer  aurait  doucement 

Sa  perlo  fino  la  plus  raro.  Posé  sa  perle  la  plus  fine. 

Leisso-me  clina  sus  tacaro!  Permets  que  vers  toi  je  m'incline; 

Oins  li  couquihage,  d'abord  Dans  la  nacre  qui  resplendit, 

Que  Ton  entend  ço  que  dis  l'oundo,        Si  l'on  entend  ce  que  dit  l'onde. 
Vole  iéu,  0  divine  bloundo,  Moi  je  veux,  ô  divine  blonde, 

Escouta  ço  que  dis  toun  cor  I  Ecouter  ce  que  ton  cœur  dit. 

La  Perlo,  d'Aubanel,  a  pour  la  première  fois  paru  en  1873,  dans  la  Revtie  des 
langues  romanes, 

*  La  Complainte  de  Jlfai,par  Lao.  Paris,  Vanier;  in-i2,  36  pages.  L'article 
de  M.  Boucherie  se  lit,  Hevue,  2^  série.  II,  156-157. 

2  Journal  hebdomadaire,  qui  a  M.  Masson,  de  Forcalquier,  pour  imprimeur. 

^«^11  a  pensé,  non  sans  quelque  raison,  qu'il  fallait  se  rapprocher  le  plus 
possible  de  la  prononciation  courante,  de  la  vraie  prononciation.  En  consé- 
quence, il  tolère  l'hiatus,  fait  rimer  des  singuliers    avec  des  pluriels  {éclore, 

3 


38  BIBLIOGRAPHIS 

EUe  fraîchit  et  fait  plier 
Plus  d'an  frémissant  peuplier. 
La  sombre  nue  en  pièces  tombe, 
L'or  jaillit  splendide,  laissant 
Un  long  rideau  couleur  de  sang, 
Qui  flotte,  fouetté  par  la  trombe. 

Voici  l'incendie  au  couchant 
Qui  s'allume  et  va  s'épanchant* 
Sont-ce  des  démons  qui  se  battent  7 
On  croit,  dans  la  nue  en  lambeaux. 
Voir  de  terribles  maréchaux 
Forger  le  soleil  écarlate. 

Droits  et  se  courbant  tour  à  tour, 
Brusques,  fiévreux,  frappant  toujours, 
Dans  les  cieux  les  géants  façonnent. 
Pour  le  matin  jeune  et  riant. 
Les  rayons  d'or  et  de  diamant 
Qui  du  soleil  sont  la  couronne. 

Etincelles,  gerbes  de  feu. 
Font  un  grand  et  terrible  jeu  ; 
La  braise,  elle,  retombe  en  pluie  ; 
Tout  brûle  :  ce  sont  des  .tisons 
Que  pour  feuilles  les  arbres  ont  ; 
Les  petits  des  oiseaux  s'enfuient. 

Sur  les  monts  bleuis,  doucement, 
La  lune,  depuis  un  moment. 
Guette,  peureuse  fiancée. 

multicolores;  Cybèle,  belles,  etc.),  des  troisièmes  personnes  du  pluriel  en 
ent  avec  des  noms  ou   adjectifs  féminins  en  es  (  gentilles,  scintillent;  ac. 
cueillent,  feuilles).  Une  de  ses  pièces,  intitulée  la  Légende  de  V oiseau  invi- 
sible j  est  en  vers  de  quinze  syllabes,  qui  se  partagent  en  deux  hémistiches: 
le  premier  de  huit  avec  la  huitième  atone,  et  le  second  de  sept  avec  la  septième         ^ 
masculine.  Ce  rhythme  est  harmonieux,  mais  il  aurait  fallu  indiquer  la  césure 
par  un    tiret:  c'eût  été  plus  commode  pour  le  lecteur.  D'un  autre  côté,  puis-         | 
que  M.  L.  S.  a  voulu  faire  un  seul  vers  de  ces  deux  longs  hémistiches,  il  au- 
rait dû  conserver  toute  sa  valeur  à  la  huitième  syllabe  atone  du  premier,  en         ' 
ne  mettant  à  cette   place  que  celle   dont  l'e  muet  final  est  précédé  d'une  con- 
sonne. Toute    autre  combinaison  fausse  la  prononciation  ou  compromet  la 
mesure  du  vers.  Ainsi, que  l'on  compare  ces  deux  vers  où  la  huitième  syllabe         | 
n'eat  pas  précédée  d'une  consonne:  «  Au  zénith  rouge  est  la  nue; tout  à 
l'est  est  calme  et  clair. —  Nous  suivons  ta  loi  sacrée,  nous  demeurons  tes         I 
fléatixa,  avec  ceux-ci  dont  la  césure  s'appuie,  au  contraire,  sur  une  consonne  j 

antérieure:  c  //  s'en  va  pensif  et  triste,  le  pâle  bénédictin^ —  dire  au  loin         i 
dans  la  campagne  sa  prière  du  matin  »,  et  l'on  comprendra  la  valeur  de  | 

cette  observation.  »  Boucherie,  Revue,  2e  série,  II,  156 


BIBLIOaRAPHlB  39 

Dans  son  beau  sentier  argenté 
Je  crois  qu'elle  n'ose  monter, 
Tant  cette  fougue  est  insensée  ! 

Noirs  deviennent  les  forgerons  ; 
Le  marteau  lasse  leurs  bras  prompts  ; 
Tout  flambait^  maintenant  tout  fume  ; 
Renversé,  l'astre  furibond 
Dans  la  mer  qui  hurle,  d'un  bond. 
Se  jette  de  Thorrible  enclume  *. 

Ils  sont  rares  ceux  qui,  placés  en  présence  d'un  texte  quelconque, 
ne  plient  pas  leur  version  à  des  exigences  que  répudient  la  langue, 
Thabitude  ou  l'oreille.  Ni  l'une  ni  les  autres,  au  contraire,  ne  me  sem- 
blent blessées  dans  la  traduction  que  l'on  vient  de  lire . 

M.  V .  trouvera,  du  reste,  dans  le  Journal  de  Forcalquier,  une  pièce 
originale  de  M.  L.  S,  (les  I»é{(jrew^,  17  février  1878)  et  la  traduction 
de   VAiHouna  de  M.  Charles  Gros. 

A.    ROQUE-FfiBBIEB. 


Congrès  scientifique  de  France .  Quarante-quatrième  session,  tenue  à  Nice 
(Alpes-Maritimes)  en  janvier  1878 .  Nice,  Malvano-Mignon,  1879;  2  volumes 
in-8o,  368-408  pages  et  planches. 

Ces  deux  volumes  renferment  quelques  travaux  qui  intéressent  les 
études  romanes  et  plus  spécialement  la  philologie  provençale.  En  voici 
rénumération  : 

Tome  !•',  p.  71-81.  F.  Brun,  Étude  sur  l'origine  des  habitants  des 
Alpes-Maritimes .  Dans  la  partie  linguistique  de  son  mémoire,  l'auteur 
cite  une  trentaine  de  mots  du  dialecte  parlé  à  Nice  ;  il  les  rapproche 
de  leurs  équivalents  en  breton  moderne,  et  il  y  voit  la  preuve  que  ce 
dernier  idiome  a  laissé  beaucoup  de  traces  dans  les  Alpes-Maritimes. 
M.  B.  ne  paraît  pas  se  douter  que  cette  opinion  n'a  plus  aujourd'hui 
pour  elle  que  M.  Mary-Lafon  {Tableau  de  la  langue  romano-proven- 
cale,  1842,  in-12),  et  qu'il  est  meilleur  de  considérer  ces  analogies 
comme  le  témoignage  de  la  source  commune  des  langues  entre  les- 
quelles il  veut  établir  des  relations  d'un  ordre  différent .  ce  Jaina  ou 
giaina,  pièce  de  bois  reliant  un  plancher  avec  les  murs»,  se  dit  à  Cler- 
mont-l'Hérault  chasena,  terme  que  nous  n'avons  pas  trouvé  dans  le 
Dictionnaire  de  M.  Mistral. 

*  Comme  la  Perlo,  H  Fabre  ont  paru  tout  d'abord  dans  la  Revue. 

La  traduction  que  nous  publioQs  diffère  un  peu  de  celle  qui  a  paru  dans 
le  Journal  de  Forcalquier.  La  direction  de  cette  feuille  fit,  en  effet,  subir  à 
M.  S.  diverses  retouciies  qui  atténuèrent  largement  la  liberté  de  ses  rimes. 


40  BIBLIOGRAPHIE 

T.  II,  p.  358-360.  Origine  de  l'idiome  niçois,  son  passé  littéraire 
son  état  actuel^  réformes  urgentes.  Généralités  à  propos  de  l'ouvrage 
de  M.  Sardou  sur  VIdiome  niçois,  qui  obtint  une  médaille  au  second 
Concours  de  la  Société  des  langues  romanes,  tenu  en  1878  à  Mont- 
pellier. 

La  dernière  partie  du  titre  de  cette  note  fait  allusion  à  un  travail 
imprimé  depuis  :  Exposé  d'un  système  rationnel  d'orthographe  niçoise, 
terminé  par  une  application  de  ce  système  à  une  fable  inédite  de  Ran- 
cher  et  par  une  déclaration  approbative  de  feu  Eugène  Emmanuel, 
poëte  niçois  (Publication  de  l'^nEscolafelibrenca  de  Bellanda^  »;,  Paris, 
Champion,  1881;  in-8°,  32  pages.  Ce  système,  élaboré  au  moment 
même  où  la  Commission  orthographique  de  Montpellier  préparait  le 
travail  que  lui  avait  confié  la  maintenance  du  Languedoc,  consacre 
l'abandon  de  l'orthographe  italienne,  appliquée  jusqu'ici  au  sous-dia- 
lecte de  Nice.  Sauf  le  maintien  de  la  finale  féminine  a,  il  n'est  guère 
à  un  autre  point  de  vue,  que  l'acceptation  de  la  graphie  des  félibres 
d'Avignon . 

P.  339-347.  Ed.  Blanc,  c?e«  Stations  des  époques  paléolithiques,  néolithi- 
ques et  de  l'âge  du  bronze  dans  les  Alpes-Maritimes.  M.  Bl.  dit  en  trois 
1  ignés,  p .  345-346,  que  la  plus  ancienne  description  que  l'on  ait  des 
murs  néolithiques  d'Agel  se  trouve  dans  Ig,  Vida  de  sant  Honorât. 
poëme  de  Raymond  Féraud,  troubadour  provençal  du  XIII«-XIV«  siè- 
cle*. Quelques  explications  complémentaires,  que  nous  allons  essayer 
de  donner,  n'auraient  pas  ét<é  inutiles  au  lecteur.  On  voit,  en  effet,  au 
haut  de  la  montagne  d'Agel,  -qui  domine  le  village  de  la  Tnrbie,  des 
restes  de  constructions  préhistoriques  que  Raymond  Féraud  décrit 
dans  son  quarante-neuvième  chapitre  ^,  mais  dont  il  semble  exagérer  , 

l'importance  et  les  dimensions.  Elles  furent,  ainsi  que  la  tour  de  la 
Turbie  (le  fameux  trophée  d'Auguste),  élevées  par  le  géant  ApoUo  ou 
Apollin,  le  même  qui  plaça  dans  la  tour  une  idole  rendant  raison  de 
tout  ce  qu'on  lui  demandait.  M.  Bl.  aurait  dû  nous  faire  connaître  si  ' 

l'ensemble  des  murs  d'Agel  concordait  avec  la  description  du  poëte,  i 

qui,  sur  ce  point  comme  sur  bien  d'autres,  a  été  probablement  le  co-  | 

piste  de  la  Vie  latine  qu'il  avait  sous  les  yeux^.  La   tradition  locale  < 


1  Bellanda  était,  au  moyen  âge,   le  nom  4u  château  de  Nice,  et  ce  nom 

s'appliquait  parfois  à  la  ville  elle-même.  ' 

*  La  Vida  de  sant  Honorât,  légende  en  vers  provençaux,  publiée  pour  la  i 
première  fois  en  son  entier,  par  M.  A.-L.  Sardou,  Nice,  Caisson  et  Mignon,  i 
S.  D.;  in-8o,  xx-216  pages.  ■ 

»  P.  91  de  l'édition  de  M.  Sardou. 

*  M.  B.  ne  signale  pas  une  tradition  d'origine  plus  directement  érudite  que  { 
celle  dont  parle  Raymond  Féraud,  et  suivant  laquelle  la  construction  des  murs  j 


BlBL10GRAÏ*niE  4l 

attribue  ces  constructions  à  des  ouvriers  gigantesques,  et  la  région  où 
elles  sont  situées  porte,  en  outre, le  nom  de  quartier  dujayant  (géant). 
n  est  curieux  de  trouver  dans  la  Vida  de  sant  Honorât,  qui  fut  com- 
posée à  la  fin  du  XIII©  siècle,  la  variante,  embellie  et  augmentée,  d*un 
récit  aujourd'hui  réduit  à  sa  plus  simple  expression.  Au  reste,  ce  n'est 
pas  seulement  dans  les  Alpes-Maritimes  que  Ton  attribue  à  des  popu- 
lations de  taille  extraordinaire  les  murs  et  les  tombeaux  de  l'époque 
mégalithique.  Le  département  de  l'Hérault  possède  un  certain  nombre 
de  dolmens  qne  le  peuple  persiste  à  nommer  taula  dau  gigant  on  dut 
giant*. 

Raymond  Féraud  avait  écrit,  probablement  après  la  Vida  de  sant 
Honorât,  un  autre  poëme  intitulé  Vie  de  saint  Armentaire,  qui  exis- 
terait encore,  si  j'en  croyais  l'analyse  d'un  travail  communiqué  par 
M.  Poulie  à  la  trente-troisième  session  du  Congrès  scientifique  de 
France,  tenue  à  Aix  en  1866,  et  une  monographie  locale  dont  il  sera 
parlé  plus  loin.  Le  seul  fragment  qu'en  ait  cité  M.  Poulie  est  emprunté 
à  une  traduction  française,  et  il  contient  justement  la  description 
sommaire  d'un  dolmen  situé  près  de  Draguignan  (Var)  :  «  Et  audit 
lieu  de  Dragoniam,  qu'on  nomme  aujourd'hui  Draguignan,  au  terroir 
d'iceluy,  assés  loin  et  séparé  de  la  ville,  y  avoit  emmy  d'un  bois  une 
fée  nommée  Estserella^,  et  le  lieu  se  nommait  Cyclopera,  où  les  femmes 
des  lieux  circon voisins,  abusées  de  superstition,  alloient  boyre  quelque 

abrevage  que  leur  estoit  administré  par  les  prestros  de  cette  fée 

Saint  Hermentaire  y  alla,  accompagné  des  principaux  de  la  ville,  et 
trouvèrent  quelques  femmes  voylées  le  visage  d'ung  voyle  rouge  et 
vestues  d'habits  incogneus  et  inhusités,  auxquelles  les  prestres  et  sa- 
crificateurs de  la  Fée  administroient  leurs  guinaudes,  estant  assizes 
au  dessoulxd'ugne  grande  et  grosse  pierre  soubstenue  de  trois  grosses 
pointes  en  forme  d'obélisques  f aicts  et  composés  à  la  rustique ...  Et  il 
parla  aussi  avec  une  telle  sévérité  aux  sacrificateurs  de  la  Fée,  les  com- 
mandant de  n'y  retourner  jamais  plus,  et  s'ils  faisoient  le  contraire, 
il  les  faisoit  chastier '  » 

d'Agel  serait  l'œuvre  d'Hercule.  (Carlone,  Étude  sur  les  premiers  temps  his- 
toriques des  Alpes-Maritimes,  insérée  dans  le  t.  III  du  Congrès  scientifique 
de  France,  trente-troisième  session.  Aix,  Remondet-Aubin,  1868,  p.  260 
262.) 

*  L'abbé  Léon  Vinas,  Mémoire  sur  les  monuments  druidiques  de  l'arron- 
dissement de  Lodève.  Lodève,  Grillières,  1867;  in-8o,  20  pages. 

2  Cette  fée  a  donné  son  nom  à  l'héroïne  du  Calendau  de  M,  Mistral.  Voyez 
la  dixième  note  du  premier  chant,  où  l'auteur  en  parle,  d'après  le  Voyage 
dans  le  midi  de  la  France  de  Millin. 

3  Congrès  scientifique  de  France,  trente-troisième  session.  Aix,  Remondet- 
Aubin,  1868;  t.  IL  212-213.  M.  Poulie  a  eu  le  tort  de  ne  pas  dire  qu'il  avait 


42  BIBLIOGRAPHIE 

On  voit  par  cette  citation  que  l'histoire  de  la  constraction  de  la 
tour  de  la  Turbie  par  le  géant  ApoUo  n'est  pas  le  seul  passage  où 
Raymond  Féraud  ait  parlé  des  constructions  mégalithiques  qui  exis- 
taient en  Provence  au  XI  Ile  siècle*. 

M.  Poulie  croit  pouvoir  identifier  le  dolmen  mentionné  dans  la  Vie 
de  scdnt  Armentaire  avec  un  monument  de  même  nature  existant,  à  un 
kilomètre  de  Draguignan,  sur  l'ancienne  voie  romaine  qui  se  dirigeait 
de  Fréjus  sur  Draguignan,  et  aboutissait  à  Riez  2.  Le  peuple  lui  donne 
encore  le  nom  de  pierre  de  la  Fée  (peiro  de  la  Fado) . 

P.  360-364.  En  réponse  à  la  question  supplémentaire  du  programme 
de  Nice  :  Faire  connaître  Us  divers  dialectes  de  la  Provence,  leurs  ca- 
ractères distinctifs  et  leur  périmètre,  M .  de  Berluc-Perussis  soumit  au 
Congrès  une  carte  des  dialectes  et  des  sous-dialectes  provençaux,  la- 
quelle a  figuré  à  l'Exposition  universelle  de  1878,  dans  l'envoi  col- 
lectif de  la  Société  anthropologique  de  France,  Le  résumé  des  p.  360- 
364  mentionne  avec  éloge  le  travail  publié  par  MM.  de  Tourtoulon 
et  Bringuier,  à  la  suite  de  la  mission  que  leur  confia,  en  1873, 
M.Jules  Simon,  alors  ministre  de  l'instruction  publique,  et  il  donne, 
en  outre,  quelques  indications  sur  le  critère  que  M.  de  B.-P.  a  eu  plus 
particulièrement  en  vue  dans  son  œuvre  de  délimitation.  Il  existe 
en  Provence  trois  manières  tranchées  de  conjuguer  la  première  pre- 
sonne  du  singulier  des  principaux  temps  :  àmou,  amàvou,  amérou 
{f  aime f  j'aimais,  j'aimai),  dans  les  Alpeg  ;  àmi,  amàvi,  améri,  dans  la 
Basse-Provence  ;  ame,  amave,  amere,  dans  leComtat.  Cette  différence 
a  été  le  point  de  départ  des  recherches  de  M.  de  B.-P.  «  Chose  cu- 
rieuse, ajoute  l'auteur,  elle  correspond,  dans  son  ensemble,  à  la  vieille 
et  traditionnelle  distinction  de  notre  pays  en  trois  régions  ou  comtés 
indépendants.  1» 

On  ne  peut  que  souhaiter  la  prompte  publication  de  cette  carte, 
qui  par  ses  autres  divisions  contribuera  largement  à  la  classification, 

emprunté  ce  curieux  fragment  à  une  Étude  sur  les  origines  de  Draguignan^ 
par  M.  l'abbé  Barbe,  insérée  dans  le  t.  II  (p.  237-257)  du  Bulletin  de  la 
Société  d'études  scientifiques  et  archéologiques  de  la  ville  de  Draguignan. 
Nous  avons  rectifié  sur  le  travail  de  ce  dernier  quelques  erreurs  de  copie  de 
M.  Poulie,  entre  autresMa  substitution  de  guirlandes  kguinaudes, 

*  Cette  citation  a  échappé  à  M.  B.  De  même  que  celles  du  post-scriptum 
de  cet  article,  elle  ne  semble  pas  avoir  été  plus  connue  de  M .  Sardou  que  de 
M.Paul  Meyer,  qui,  d'ailleurs,  n'avait  pas  à  s'en  occuper  dans  les  deux  notices 
qu'il  a  consacrées  à  la  Vida  de  sant  Honorât  {Remania,  V,  237,  et  VIII,  481). 

^  Cette  identification  paraîtra  problématique,  si  l'on  songe  que  Raymond 
Féraud  donne  trois  supports  au  dolmen  d'Estérelle,  tandis  que  celui  dont 
parle  M.  Poulie  en  a  quatre. 


BIBLIOGRAPHIE  43 

souvent  très-difficile,  des  dialectes  de  la  Provence.  Le  nom  de  Tau- 
teur  dit  par  avance  la  précision  et  l'exactitude  qu'il  aura  mises  au 
service  d*un  pareil  travail . 

Le  t.  II  du  recueil  du  Congrès  de  Nice  contient,  enfin,  p.  387-392, 
une  communication  sur  les  Ligures  et  leur  rôle  dans  les  Alpes-Mari- 
times, où  l'auteur,  M.  Ed.  Blanc,  relève  un  exemple  curieux  des  éty- 
mologies  auxquelles  on  se  laisse  parfois  aller  en  province.  Un  con- 
tradicteur, qu'il  ne  nomme  pas,  combattant  son  opinion  sur  Horrea, 
proposait  d'identifier  cette  localité  avec  le  village  des  Adrets  :  Ad 
SCorrea  =sAd  rets.  L'analogie  lui  paraissait  absolue,  indiscutable. 
M.  Bl.  répondit  avec  raison  qu'aÉ?rcfe,  adrech,  adré,  était  un  mot  qui, 
signifiant  coteau  exposé  au  midi,  désignait  un  village  du  versant  mé- 
ridional de  l'Esterel .  Le  rappel  des  proverbes  suivants  compléta  la  dé- 
faîte du  malencontreux  étymologiste  : 

Lauso  Tubach  (nord) y  ten-ti  à  Tadrech. 

Se  lou  couguou  canto  à  l'uba, 

Deman  pleura  ; 
Se  lou  couguou  canto  à  l'adré, 

Fara  tems  dré. 

Quand  sauras  pas  que  faire, 

Pren  de  terre  dins  toun  bounet 

Et  pourta(sec)-la  de  l'ubach  a  l'adret. 

Ce  dernier  proverbe  nous  était  inconnu,  et  nous  ne  serions  pas  éloi- 
gnés de  le  croire  inédit  ;  mais  le  premier  est  incomplet,  et  il  doit  être 
rétabli  sous  la  forme  ternaire  suivante,  donnée  par  la  Bugado,  p.  63  : 

Lauzo  l'ubac,  et  ten  te  à  l'adrech  ; 
Lauzo  la  mar,  et  ten  te  en  terre  ; 
Lauze  leu  ment,  ten  te  à  la  piano. 

On  ajoute  parfois: 

Lause  la  Franco  e  demere  en  Preuvenço. 

VArmana  prouvengau  de  1865  donne,  p. 79: 

Lause  la  mar, 

Ten-te  à  la  terre 

E  neun  ânes  en  guerre^. 

A.  Boqub-Febbibb. 

*  Nous  aurions  à  signaler  encore  un  excellent  morceau  de  critique  littéraire 
et  biobibliographique:  Laugier  de  Porchères  et  Arbaud  de  Porchères,  deux 
des  quarante  premiers  de  l'Académie  française,  par  M.  de  Berluo-Perussis, 
si  nous  ne  nous  étions  interdits  d'empiéter  sur  le  compte  rendu  que  doit  en 
faire  bientôt  M.  ]e  docteur  Espagne 


44  BIBLIOGRAPHIE 

P. 'S.  —  L'existence  de  la  Vie  de  saint  Armentaire  est  si  peu  con- 
nue, si  douteuse  même  pour  les  provençalistes,  que  je  reproduirai  ici 
trois  autres  fragments  de  ce  poëme,  insérés  déjà  dans  Tétude  de 
M .  Barbe.  Les  deux  premiers  sont  en  français,  et  le  troisième  en  pro- 
vençal. 

Après  sa  victoire  sur  un  énorme  dragon  qui  désolait  le  quartier  de 
ce  nom,  à  quatre  ou  cinq  kilomètres  de  Draguignan,  le  saint  bâtit  une 
chapelle  en  l'honneur  de  saint  Michel.  M.  Barbe  cite  à  ce  propos  le 
passage  suivant  de  la  version  française  : 

c  Quoique  de  longue  main  le  christianisme  f  ust  planté  en  ce  quar- 
tier-là, encore  y  fust-il  mieux  affermi  par  la  doctrine  et  bons  exemples 
de  saint  Hermantaire,  et  ne  faysoient  lors  que  bien  peu  d'estat  de  la 
loy  payenne  et  des  Juifs,  qui  y  estoient,  depuis  que  les  Romains,  jadis 
seigneurs  de  tout  le  monde,  leur  avoient  permis  vivre  en  leur  loy  * .  3> 

Ce  fragment  a  été  peut-être  dénaturé  par  la  traduction,  car  on  n'y 
aperçoit  rien  de  la  métrique  du  texte,  laquelle  semblerait  encore  sen- 
sible sous  la  prose  du  fragment  où  il^est  question  de  la  fée  Estérelle. 

Plus  loin  (p .  253)  se  lisent  les  mots  suivants,  empruntés  à  la  même 
version  : 

«  A  la  baulme  obscure  et  noyre,  où  estoit  vis-à-vis  une  grande 
forest.]» 

Voici  enfin  (p .  257)  le  fragment  qui  intéresse  le  plus  directement 
les  provençalistes .  Il  constitue  le  chant  d'actions  de  grâces  que  Ray- 
mond Féraud  place  dans  la  bouche  du  peuple  après  la  mort  du  dra- 
gon. Le  tour  en  est  coulant  et  tout  à  fait  de  nature  à  compléter  la 
bonne  opinion  que  Ton  avait  déjà  du  poëte: 

Diou  sia  grazit,  que  nous  a  fach 
La  grazia  de  veire  des  fach 
Lou  Dragon  que  nous  destruzia 
Et  que  tant  de  mal  nous  fazia  ! 

5  Diou  sia  grazit  a  grand  soûlas, 
El  que  a  romput  lou  double  las 
Del  quai  lou  Dragon  menassava 
Nous  mangearal  luec  ount  estava! 

Diou  sia  grazit,  car  sa  bountat 
10    Non  nous  a  jamay  desfautat, 
Mais  nous  a  fach  luzir  sa  cara 
Tant  sancta,  preciousa  et  cara  ! 


*  L'abbé  Barbe,  Étude  sur  les  origines  de  Draguignan  [Bulletin  de  la 
Soc,  d*étud.  se.  et  arch,  de  Draguignan,  II,  252). 


PEKIODIQUES  45 

Diou  sia  grazit,  car  a  vougut 
Que  lou  Dragon  non  a  pougut 
15    Nous  engoullar  dedins  sa  goulla, 
Que  jamay  non  era  sadoulla  ! 

Diou  sia  grazit  qu'es  pouderous, 
Car  nous  deven  teni  huroux 
D'estre  escapats  d'aquella  ruda 
20    Fiera  bestia.  traita  et  plaucuda  *  ! 

On  voit  que  le  manuscrit  et  la  traduction  de  la  Vie  de  saint  Ar- 
mentairej  auxquels  ces  divers  fragments  ont  été  empruntés,  doivent 
appartenir  au  XVIe  siècle.  M.  Azam,  secrétaire  de  la  Société  d'études 
de  Draguignany  que  j'avais  prié  de  faire  quelques  recherches  à  l'effet 
de  les  retrouver,  a  bien  voulu,  par  l'intermédiaire  du  savant  archiviste 
du  Var,  M.JMireur,  me  dire  que  M.  Barbe  avait  probablement  obtenu 
communication  d'une  copie  de  la  Vie  de  saint  Armentaire  qui  se  trou- 
vât en  1858  dans  la  bibliothèque  du  regretté  M.  Doublier.  Il  serait  à 
souhaiter  que  l'on  pût  en  retrouver  la  trace  et  que  la  littérature  des 
troubadours  ne  fût  pas  plus  longtemps  privée  d'un  texte  de  cette 
importance. 

A.  R.-F. 


PERIODIQUES 


Bulletin  archéologique  et  historique  de  la  Société  ar- 
chéologique de  Tarn-et-Garonne,  t.  VI.  — P.  235-240.  L'abbé 
Pottier,  Proclamation  lue  à  Piquecos,  sur  la  place  publique  et  dans  les 
rues,  le  dernier  jour  de  novembre  14iS5.  Texte  en  langue  d'oc,  conservé 
dans  les  archives  du  château  de  Piquecos  et  publié  par  M.  P.,  avec 
quelques  remarques  historiques  et  critiques.  Il  renferme  certaines  ex- 
pressions qui  manquent  au  Lexique  rom>an  de  Raynouard,  entre  au- 
tres 77Mimpo/ite  (bas-latin  rr^nipolium),  conspirations,  rassemblements, 
agissements  illicites:  per  fa  neguna  congregacion  (réunion)  ilUdta 
ny  manipolits,  —  P.  324-329.  Le  Lièvre  de   la   Morinière,  Penne  et 

*  Tai  introduit  quelques  corrections' dans  le  texte,  afin  de  le  ramener  à  la 
forme  probable  du  manuscrit  du  XVI*  siècle  qui  nous  Ta  conservé.  Voici  les 
leçons  élaguées  : 

2,  deffach;  3,  destuzia;  6,  Et  que  a;  10,  deffoutat.  On   pourrait,  à  la  ri- 
Sueur,  corriger:  desfoutat. 

Le  seul  mot  difficile  de  ce  cantique  est  plauguda,  qui  manque  au  Lexique 
roman  de  Raynouard  et  qu'il  faut  traduire  par  pesante,  lourde  ou  difforme. 
Cf.  le  plauchut^  uda  d'Honnorat,  qui  a  la  môme  signification. 


46  PÉRIODIQUES 

Bruniquel.  L'auteur  dit  en  note:  <iLa  fonne  étroite  et  aDongée  du 
rocher  qui  constitue  rassise  de  la  ville  et  du  château  a  fait  croire  que 
Tétymologie  de  Penne  était  Pmna,  plume  de  l'aile,  et  a  donné  aux 
armes  du  seigneur  et  de  la  ville  une  ou  plusieurs  plumes  comme 
pièce  principale.  Le  nom  de  Penne  paraît  être  d'origine  celtique  :  pen, 
hauteur,  sommet.  »  M.  de  la  M.  a  raison  ;  mais  il  est  inutile  de  re- 
courir au  celtique  pour  expliquer  un  terme  qui  existe  en  provençal  e* 
en  béarnais  avec  un  sens  absolument  semblable  : 

Que  la  vilo  di  Baus,  sus  si  peno  quihado, 

a  dit,  par  exemple,  M.  Bonaparte- Wyse  dans  une  pièce  de  poésie  im- 
primée en  1876  par  la  R&oue^  2e  série,  II,  92.  —P.  330-333.  Guirondet, 
Notes  sur  Parisot  (canton  de  Saint- Antonin)  tirées  d'un  vieux  manuscrit 
de  Cahrol,  généalogiste  de  Villef  ranche-de- Rouer gue.  Ces  notes  sont 
au  nombre  de  deux.  La  seconde  est  la  copie  d'un  inventaire  des  re- 
liques de  Parisot  fait  en  langue  d'oc  en  1622. 

A.  Roque-Ferrier. 

Bulletin  archéologique  et  historique  de  la  Société  ar- 
chéologique de  Tarn-et-Garonne,t.  VII  (année  1879).  —  P.  63- 

68.  L'abbé  Pottier,  les  Armes  de  la  ville  de  Grenade-suf*- Garonne 
{villa  Granata) .  La  petite  ville  de  Grenade  est  une  bastide  fondée  au 
XIII*  siècle  par  les  moines  de  l'abbaye  cistercienne  de  Granselve . 
Plusieurs  auteurs  croient  que  son  nom  se  rattache  au  souvenir  de 
Grenade  (Espagne).  M.  Tabbé  P.  démontre  le  contraire  par  le  blason 
de  la  communauté,  enregistré  en  1696  dans  l'armoriai  manuscrit  con- 
servé à  la  Bibliothèque  nationale  et  par  les  armes  d'une  cloche  fondue 
en  1623.  Grenade  doit  sa  dénomination  à  l'abondance  en  grains  des 
terres  qui  Tentourent*.  Le  blason  de  1696  est  d'azur  semé  de  graines  de 
froment  et  de  fleurs  de  lys  d'or.  Ces  dernières  sont  au  nombre  de  huit,  et 
les  grains  qui  alternent  de  dix,  chiffre  qui,  dans  la  langue  héraldique, 
indique  ce  que  l'on  appelle  sans  nombre. 

Les  grains  ont  été,  en  outre,  jetés  à  profusion  dans  les  armes  figu- 
rées sur  la  cloche   de  1623.  La  grenade  du  blason  actuel  est  d'intro- 

^  Ainsi  que  le  remarque,  d'ailleurs,  M.  P.,  les  Cisterciens  aimaient  c  les 
noms  fournis  par  la  nature  elle-même.  Sans  chercher  au  loin,  nous  trouvons 
Grandselve,  la  grande  forêt  ;  Bellepercbe,  le  beau  domaine  >;  Beaulieu,  Beau- 
mont,  etc. 

La  bastide  de  Pampelonne,  où  l'on  pourrait,  à  meilleure  raison^  voir  un  sou- 
venir d'Espagne,  a  été  nommée  ainsi  en  mémoire  d'Eustache  de  Beaumarchais, 
sénéchal  de  Toulouse  et  d'Albigeois  de  1272  à  1294,  de  son  gouvernement 
de  Navarre  et  de  son  séjour  à  Pampelune. 


PERIODIQUES  47 

duction  postérieure  ;  on  pourrait  même  ajouter  exclusivement  fran- 
çaise. C'est, qu'on  me  passe  la  définition,  un  gallicisme  en  fait  d'armes 
parlantes . 

P.  69-80.  Henry  de  France,  la  Cour  de  Toulouse.  Intéressant  tra- 
vail sur  une  ancienne  rue  de  Montauban.  On  avait  supposé  qu'elle  de- 
vait sa  dénomination  à  un  massacre  de  huguenots  fait  à  Toulouse  en 
1562,  et  dont  les  survivants  se  seraient  réfugiés  à  Montauban  dans  la 
rue  ainsi  désignée.  Des  terriers  signalés  par  M.  de  F.  constatent  que 
le  nom  de  Cort  de  Tohza  existait  bien  avant,  en  1431,  par  exemple 
M.  de  F.  le  rattache  à  rétablissement  d'un  viguier  qui  rendait  la 
justice  au  nom  du  comte  de  Toulouse,  et  qui  résidait  dans  un  château 
bâti  par  ce  dernier,  tout  près  de  la  rue  en  question.  Les  droits  et  les 
devoirs  de  ce  viguier  sont  énumérés  d'une  manière  fort  explicite  dans 
les  coutumes  dont  Rajrmond  VI  dota,  en  1195  (nouveau  style),  la  pre- 
mière de  ces  deux  villes. 

P.  97-112.  E.  Forestié  neveu,  Étymologie  du  nom  de  Montauban  et 
origine  de  ses  armoiries.  Les  Sceaux  de  l'abbaye  de  Montauriol  et  des 
chapitres  de  Montauban,  L'étymologie  de  Montauban,  fondée  comme 
on  sait  en  1144,  a  été  fort  discutée  depuis  le  XVII®  siècle.  On  l'a  ex- 
pliquée par  Mons  Albanus,  en  langue  romane  Mont-Alban  (Mont- 
Blanc).  Adrien  de  Valois  et  M.  Mary-Lafon  avaient  surtout  accrédité 
cette  étymologie.  Guillaume  Catel,  au  contraire,  attribuait  à  Alban  le 
sens  de  saulcy  et  il  fut  suivi  par  Pierre  Leclerc,  à  qui  l'on  doit  V inven- 
taire des  archives  municipales  de  Montauban.  Comme  on  avait  remar- 
qué que  le  saule  n'affectionne  que  les  terrains  bas  et  humides,  Leclerc 
répondit  à  l'objection  en  disant  que  cet  arbre  «  croissait  naturelle- 
ment à  l'entour  du  mont,  arrosé  d'eau  de  trois  côtés,  à  savoir  :  au 
levant  d'été,  couchant  et  septentrion,  le  ruisseau  de  la  Garrigue  ;  au 
midi,  le  ruisseau  du  Tescou,  et  entre  le  midi  et  le  couchant,  la  ri- 
vière du  Tarn. . .  » 

M.  F.  pense  que  l'explication  de  Catel  et  de  Leclerc  est  la  seule  ac- 
ceptable. Il  l'appuie  principalement  sur  le  blason  de  Montauban,  dont 
le  plus  ancien  spécimen  remonte  aux  premières  années  du  XIII®  siè- 
cle. Un  saule,  —  étrangement  figuré,  il  est  vrai,  — et  planté  sur  un 
mont  d'or,  figure  depuis  cette  époque  dans  les  armes  du  chef -lieu  du 
département  du  Tam-et-Garonne.  M.  F.  aurait  pu  compléter  son  tra- 
vail par  le  relevé  d'un  certain  nombre  de  mots  qui  se  rattachent  à 
Valbà  delà  seconde  partie  de  la  forme  locale  Montalbà,  Cette  expres- 
sion signifie  saule  dans  le  Quercinois,  et  Honnorat  mentionne  aubà 
dans  le  dialecte  bordelais.  Aubar  Qt  aubàs  se  sont  aussi  maintenus. 
M.  Mistral,  dans  son  Trésor  dâu  Felibrige,  I,  169,  cite  un  vers  de 
Jasmin  dont  je  n'ai  pu  contrôler  l'orthographe  : 
Un  vièl  setut  sur  un  fautul  d'auba. 


AS  PERIODIQUBS 

Aubaret,  aubareda,  albareda,  sont  restés  courants,  comme  substan- 
tifs, noms  de  famille  et  noms  de  lieu. 

La  fin  de  la  curieuse  dissertation  de  M.  F.  est  consacrée  à  Montau- 
riol,  souvent  expliqué  par  Mons  aureolus,  en  roman  Montourioî  (mont 
doré  ou  jaune),  tandis  que  le  sceau  de  l'abbaye  porte,  comme  armes 
parlantes:  «de  gueules  à  un  auriol  d'argent  (le  loriot) sans  œil,  perché 
sur  un  mont  de  sinople,  au  chef  cousu  d'azur.  j> 

P.  145-153.  Guirondet,  Notices  biographiques:  Isam,  évêque de  Tou- 
louse; Raymond- Jov/rdain,  troubadour. 

P.  257-278.  L'abbé  Galabert,  l'Église  et  les  Vitraux  de  Caylus.  Ce 
travail  renferme  un  certain  nombre  de  citations  en  langue  d'oc,  et 
parmi  celles-ci  des  formes  qui  manquent  à  Raynouard:  piala,  pile, 
pilier  ;  sequestrania,  sacristie,  etc. 

On  trouve  sacrestania  et  secrestania  dans  la  traduction  rouergate 
d'une  bulle  de  Clément  VI,  publiée  par  M.  Constans  [Essais  sur  le 
sous-dialecte  du  Rouergue,  Montpellier,  1880;  in  8®,  p.  156  et  suiv.). 

P.  296-299.  H.  de  Froxice,  Bibliographie.  Dictionnaire  patois -/rancis 
du  département  de  l'Aveyron,  par  M.  l'abbé  Vayssier.  Compte  rendu 
où  la  Revue  et  la  Société  des  langues  romanes  ont  été  mentionnées . 

A.  Roque-Febribb. 

Bulletin  archéologique  et  historique  de  la  Société  archéo- 
logique de  Tarn-et-6aronne.  T.  VTII  (année  1880).—  P.  13-36, 
104-123,  François  Moulenq,  Corbarieuet  ses  seigneurs.  Cette  localité  est 
actuellement  un  modeste  village  de  l'arrondissement  de  Montauban, 
mais  elle  eut  autrefois  une  très-grande  importance  ;  elle  possédait  de 
vastes  faubourgs,  et  l'une  de  ses  voies  porte  encore  le  nom  significatif 
de  rw€  des  Orfèvres.  Sa  décadence  date  surtout  du  XI Ve  siècle.  Son 
nom  lui  vient,  dit  M.  Moulenq,  d'un  «ruisseau  aux  courbes  capri- 
cieuses, curbus  rivus»  (?),  appelé  aujourd'hui  de  St-Germain  ou  de  la 
Guitardie.  M.  M.  donne  des  détails  historiques  sur  les  seigneurs  de 
Corbarieu,  et  il  imprime  à  la  fin  de  son  travail  le  texte  des  coutumes 
et  privilèges  qu'ils  concédèrent  en  1265  aux  habitants  de  cette  ville. 
La  publication  en  est  faite  d'après  «  une  copie  produite  (en  1458)  par 
les  consuls,  devant  Nicolas  de  Rousergues,  lieutenant  de  Guillaume 
de  Courcelles,  maître  des  eaux  et  forêts  en  Languedoc,  à  l'effet  de  voir 
maintenir  le  droit  de  la  communauté  à  pêcher  librement  dans  les 
eaux  du  Tarn.  M.  M.  a  publié, de  plus,  une  curieuse  lettre  du  XV®  siè- 
cle où  l'on  pourrait  relever  certains  caractères  de  la  langue  actuelle 
(emploi  partiel  du  b  pour  le  t?,  finale  féminine  en  o  (?),  substitution  de 
VhkVfj  etc.),  si  malheureusement  d'évidentes  fautes  typographiques 
n'imposaient  une  grande  réserve  au  point  de  vue  de  l'interprétation 
philologique  de  ce  document. 


PERIODIQUES  49 

P.  85-103,  183-194,  L.Taupiac,  Villelongue,  judicature,  circonscrip- 
tion et  origines.  Un  mot  du  langage  local  :  gaure  (canal  où  Feau  est 
devenue  stagnante),  est  signalé^  p„..  95.  On  peut  le  rapprocher  de 
gaulha  (Honnorat,  Dict  prov.-fr.,  II,  330),  qui  désigne  en  bas-limou- 
sin un  creux  où  séjourne  Teau.  Cf.  gaulhas^  amas  d'eau  dans  les  rues 
ou  les  chemins. 

P.  195-209,  l'abbé  Galabert,  les  Prêtres  dans  les  campctgnes  au 
moyen  âge.  Travail  aussi  neuf  qu'intéressant;  il  a  été  lu  aux  réunions 
des  Sociétés  savantes  à  la  Sorbonne,  en  1880,  et  il  contient  quelques 
courts  extraits  en  langue  d'oc.  On  remarque,  p.  204,  note  1,  un  mot 
qui  manque  à  Honnorat  et  qui  est  encore  usité  dans  les  campagnes  du 
Tarn-et-Garonne  :  encantage,  c'est-à-dire  le  chant  d'un  nocturne,  suivi 
de  la  messe  et  de  l'absoute. 

P.  226-227.  L'abbé  Galabert,  Fanc^.  D^ôt  d'armes  fait  par  Jean 
de  Solatges,  gouverneur  de  Caussade  (1467).  Comptes  des  dépenses  faites 
par  les  deux  envoyés  de  Caylus  en  lUb  pour  aller  prendre  à  Cahors  le 
mande  delà  communauté. — Compte  pour  une  représentation  de  mystère  à 
Caylus  au  XV^ou  XVI^  siècle.  Trois  extraits  en  langue  d'oc  ;  le  der- 
nier, ainsi  que  les  huit  vers  qui  l'accompagnent,  a  été  publié  presque  en 
même  temps  pai-  M.  Petit  de  Juleville,  qui,  dans  son  ouvrage  sur  les 
Mystères  {t.  II,  p.  98),  en  a  déterminé  la  date  exacte  (1510),  d'après  une 
communication  de  M .  Dumas,  archiviste  de  Tain-et-Garonne  * .  Les 
deux  textes  présentent  des  différences  de  détail  assez  nombreuses  ; 
celui  de  M.  Dumas  est,  d'ailleui*s,  préférable  à  celui  de  M.  l'abbé  G. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  tenue  le  10  novembre  1880  par  la 
Société  archéologique  de  Tam-et- Garonne  renferme,  p.  329,  le  texte 
d'une  inscription  romane  qui  existe  à  Lavit  et  permet  de  fixer  d'une 
manière  certaine  la  date  de  l'incendie  de  Lectoure  et  de  la  mort  du 
comte  Jean  d'Armagnac  : 

LO  VI   lOBN  DEV  MARS  MOOCLXXIl 
LAYTOBA  FOC  COMBUS 

(Le  sixième  jour  du  mois  de  mars  mccclxxii,  Lectoure  fut  brûlée.) 
M.  le  docteur  Gardelle  a  communiqué   dans  la  même  séance   un 
sceau  orbiculaire  de  Guillaume  de  Corbarieu  sur  lequel  on  lit  : 

S.    GUILLBM   DE  COBBABIOU 

A.  Roqub-Pebbier. 
*  Cf.  Revue  des  langues  romanes,  3»  série,  IV,  204-205. 


CHRONIQUE 


CÎOMMUNICATIONS    FAITES    EN    SÉANCE    DE  LA  SOCIÉTÉ.  —27  juillet. 

—  Sonnet  provençal  (Avignon  et  les  bords  du  Rhône),  traduction  du 
sonnet  français  placé  en  tête  des  Vies  des  troubadours  de  Jean  de 
Nostre-Dame,  par  M.  de  Berlue- Perussis  ; 

Li  Dos  Estello,  —  Cantinello  de  santo  Aulaio,  poésies  provençales 
(Avignon  et  les  bords  du  Rhône),  par  M .  l'abbé  F.-Xavier  Rieux  ; 

VAtlantiday  poëme  catalan  de  Tabbé  Hyacinthe Verdaguer,  étude 
littéraire,  par  M.  Albert  Savine  ; 

Comédie  en  vers  en  langage  de  Bessan  (Hérault),  par  M.  H.  Bous- 
quet. 

♦ 

Livres  et  manuscrits  donnés  a  la  Bibliothèque  de  la  Société. 

—  Counseils  à  la  Junesso,  cansou  coumiquo .  aïre  de  la  première  scho  - 
tisch.  Castelnaudary,  Labadie,  S.  D.;  1  feuille  in-8<*  à  2  col.  (don  de 
M.  le  vicomte  de  Vallat); 

El  cantare  di  Fierabraccia  et  Uliuieri,  italienische  bearbeitung  der 
chanson  de  geste  Fierabras.  Herausgegeben  von  E.  Stengel.  Voraus- 
geschickt  ist  eine  abhandlung  von  G.  Buhlmann  :  die  gestaltung  der 
chanson  de  geste  Fierabras  im  italienischen.  Marburg,  N.  G.  El- 
wert'sche  1881;  in-8o,  XLiv-192  pages  (don  de  M.  Elwert'sche); 

Inauguration  d'un  monument  à  la  Fontaine  d'Arre  (Gard)  (20  juin 
1880).  Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi,  1880  ;  in-8o,  12  pages 
(contenant  une  poésie  provençale  par  M.  l'abbé  Malignon)  (don  de 
M.  l'abbé  Malignon)  ; 

La  Cançun  de  saint  Alexis  und  einige  kleinere  Altfranzôsîsche  ge- 
dichte  des  11.  und  12.  Jahrh.  Lief.  I.  Texte.  Marburg,  Elwert'sche, 
1881;  in-8°,  80  pages; 

L'Escoumesso,  conte.  S.  L.  ni  date,  ni  nom  d'imprimeur;  in-8<*, 
8  pages  (don  de  M.  le  vicomte  de  Vallat); 

Lou  Fouel  d'Amour,  romance  provençale,  dédiée  à  M.  Vernier  et 
chantée  par  lui  le  jour  de  son  bénéfice.  M!arseille,  1847;  in-8o,  4  pages 
(don  de  M.  le  vicomte  de  Vallat); 

Lou  Gala  de  Moussu  Flari,  pouèmo  prouvençau  en  cinq  trouas  (dia- 
lecte d'Apt),  per  l'ooutour  doou  Boujaroun.  Apt,  J.-S.  Jean,  1853; 
in-16,  40  pages  (don  de  M.  le  vicomte  de  Vallat;  ; 

Poésies  provençales.  Recueil  naanuscrit  copié  vers  1857  etcompre^ 
nant:  L'Aï  bel  esprit,  lou  Ménoun  et  lou  Troupeou,  Chichois,  Jean 
deïs  Pettos.  In-12,  56  pages  (don  de  M.  Charles  Gros); 

Baissac  (G.):  Étude  sur  le  patois  créole  mauricien.  Nancy,  Berger- 
Levrault,  1880;  in-12,  LViii-234  pag.  (don  deMM.Maisonneuve  et  Ce); 

Beaulieu  (D.):  Mémoires  sur  quelques  airs  nationaux  [béarnais, 
poitevins,  bretons  et  flamands]  qui  sont  dans  la  tonalité  grégorienne. 
Niort,  Favre  [1858];  in-S^,  16-8  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Bigot  (A .  )  :  li  Boutoun  dé  guèto,  poésies  patoises.  Nimes,  Manlius 
Salles,  1855  ;  in-12,  24  pages  (don  de  M.  le  vicomte  de  Vallat); 

Bonnet  (Pierre)  :  la  Carlamusou,  poésious  patoisous,  dialectou  dé 
Béoucaïre.  Tomou  I<^^  Nimes,  Durand-Belle,  1846  ;  in-8°,  16  p.  (l'e  li- 
vraison,  la  seule  parue)  (don  de  M.  l'abbé  C.  Malignon); 

Bonnet  (Pierre)  :  lou  Rhosé  dé  1841,  cousin  doue  gearma  doue 


CHRONIQUE  5t 

déluge,  poème  patois.  Tarascon,  Aubanel,  1842  ;  m-8**,  16  pages  (don 
de  M.  Tabbé  C.  Malîgnon); 

Bonnet  (Pierre):  la  Touré-Caradou  de  Beoucaïré  et  la  Villon,  ou  la 
Médayou  et  lou  Rêver,  poème  patois.  Nimes,  Durand-Belle,  1846; 
in-8",  16  pages  (don  de  M.  l'abbé  MBlignon); 

Bonnet  (Pierre)  :  lou  Picho  Mount-Ceni,  ou  leis  Escayé  deis  bras- 
sur,  cansoun.  Nimes,  Ballivet  et  Fabre,  S.  D.;  in-8o,  4  pages  (don  de 
M.  le  vicomte  deVallat); 

Boucherie  (A.):  Additions  au  Dictionnaire  de  Littré  (Lexicologie 
botanique),  d'après  le  de  Compositione  medicamentorum  de  Bernard 
Dessen  (1556).  Paris,  Maisonneuve  et  C*,  1881;  in-8»,  36 pages; 

Briol  (Joseph)  :  lou  Jacot  indiscret.  Morseille,  Imprimerie  Saint- 
Ferréol  [1875];  in-8o,  4  pages  (don  de  M.  le  vicomte  de  Vallat); 

Briol  (Joseph):  lou  Portrait  dé  Nourado.  Marseille,  Camoin,  S.  D.; 
in-8®,  4  pages  (don  de  M.  le  vicomte  de  Vallat); 

Brossard:  lou  Proucèsdé  Coudair,  scène  provençale.  Jean  Lafluto, 
chanson.  Marseille,  Samat,  S.  D.  ;  in -8®,  4  pages  (don  de  M.  le  vicomte 
deVallat): 

Cardona  (Enrico):  dell' Antica  Letteratura  catalana,  studii  seguiti  dal 
testo  e  dalla  traduzione  délia  vita  di  Giacomo  I,  tolta  dalla  Oronaca 
catoZano  di  Ramon  Muntaner.  Napoli,  Gargiulo,  1878;  in-8o,  240pag.; 

Cénac-Moncaut  :  Dictionnaire  gascon-français  (dialecte  du  départe- 
ment du  Gers),  suivi  d'un  abrégé  de  grammaire  gasconne.  Paris, 
Didron,  1863;  in-8o,  viii-144  pages  (don  de  M.  le  Ministre  de  l'instruc- 
tion publique); 

Chastan  (Auguste):  Chansons,  Satires  nouvelles  et  Poésies  en  patois 
valréassien.  Valréas,  Jabert,  1858  ;  in-12,  190  pages  (don  de  M.  le  vi- 
comte de  Vallat); 

Daveau  :  las  Pasquos  d'uno  bierjo  martyro.  Toulouse,  Bonnal  et 
Gibrac,  1848;  in-8»,  16 pages  (don  de  M.  le  vicomte  deVallat); 

Delpech  (Henri)  :  Un  dernier  mot  sur  la  bataille  de  Muret,  avec 
trois  plans  topographiques.  Montpellier,  Firmin  et  Cabirou,  1878; 
in-8o,  1 6  pages  ; 

Désanat  (Joseph)  :  la  Festo  de  Nostro-Damo  de  Casteou  (parla  de 
Tarascoun).  Marseille,  Barlatier-Feissat  et  Demonchy,  S.  D.;  in-8°, 
8  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Desanat  :  lou  Travai  et  la  Finiantiso,  sermoun  dou  cura  Rufi,  mes- 
cla  de  prouverbi,  sentences,  maximos  et  mouralos,  en  vers  prouven- 
çaous;  segoundo  editien,  ooumentado  de  cin-cent  prouverbi.  Tarascon, 
chez  l'auteur  [1847];  in-8°,  32  pages  (don  de  M.  le  vicomte  de 
Vallat); 

Dossi  (Carlo)  :  l'Alti-ieri  nero  su  bianco,  terza  edizione.  Roma,  Pe- 
relli,  1881;  in-16,  xiv-140  pages  ; 

Guiraud  (Auguste):  Jacques  Cœur  à  Montpellier,  ou  la  Font-Puta- 
nella,  pièce  en  deux  actes,  en  vers  français,  languedociens  et  proven- 
çaux, mêlée  de  chants  et  de  danses  du  pays.  Ms.  autographe  de  l'au- 
teur. S.  D.;  in-8o,  68  pages  (don  de  M.  Charles  Gros); 

Lejourdan  (Jules)  :  la  Plainte  de  Misé  Meutte,  suivide  de  l'interro- 
gatoire daou  Nervi.  Marsilho,  Librarié prouvençale,  1850  ;  in-8°,  16  p. 
(don  de  M.  le  vicomte  de  Vallat); 

Long  jLéen)  :  lou  Siéglé  dé  lumière.  Marseille,  Vial,  S.  D.  ;in-8o, 
4  pages  (don  de  M.  le  vicomte  de  Vallat)  ; 

Mallard  (Stanislas):  leis  Peds  de   Pinateou,  cansoun. —  Paouse  ta 


58  CHRONIQUE 

chîqao  e  fai  lou  mouor.  Marseille,  Doucet  [1878];  in-8°,  4  pages  (don 
de  M.  le  vicomte  de  Vallat); 

Mary-Lafon  :  Tableau  historique  et  comparatif  de  la  langue  parlée 
dans  le  midi  de  la  France  et  connue  sous  le  nom  de  langue  romano- 
provençale,  l^«î  édition .  Paris,  René  et  Ce,  1841;  in-8%  56  pages  (don 
de  M .  le  vicomte  de  Vallat); 

Mayan  aîné  :  Pu  rédé  qu'un  claveou  vo  pago  degun,  cansouneto. 
Marseille,  Vial,  S.  D.;  in-8o,  4  pages  (don  de  M.  le  vicomte  de  Vallat); 

Michel  (Anfos):  Discours  prounouncia  à  Tassemblado  generalo  de 
la  mantenénço  de  Prouvenço.  tengudo  en  vile  de  Touloun  lou  6  de 
febrié  1881.  Draguignan,  Latil.  1881;  in-12,  8  pages  ; 

Michel  (Anfos):  Discours  prounouncia  en  vilo  de  Draguignan  lou 
19  de  mai  1881,  à  la  taulejado  de  Tescolo  dôu  Var.  Draguignan,  Latil, 
1881;  in-12,  8 pages; 

Olive  (Paul):  lou  Centenari  de  Voltairo. —  Belzunço.  —  L'Amnistie. 
Marseille,  Doucet,  S.  D.;  in-8',  4  pages  (don  de  M.  le  vicomte  de 
VaUat); 

Payan:  Boueno-Voyo,  declamatien.  Marseille,  Cayer  et  O,  S.  D.; 
in  8o,  4  pages  (don  de  M.  le  vicomte  de  Vallat)  ; 

R. . . .  (H.).  Leissa  leis  poumos  eis  poumiers,  imitation  de  Laissez 
les  roses  aux  rosiers.  Marseille,  Arnaud  et  O,  S.  D.;  in-8«,  4  pages 
(don  de  M.  le  vicomte  de  Vallat); 

Trente  et  un  journaux  renfermant  des  textes  méridionsaux,  des 
travaux  publiés  par  des  membres  de  la  Société  et  des  articles  sur  les 
études  philologiques  ou  l'histoire  de  la  littérature  du  midi  de  la  France, 
donnés  par  MM.  V.  Alecsandri  (l),de  Berluc-Perussis  (2),  Jules  Blan- 
card^l),  Rodolphe  Burgues  (2),  Alexandre  Catargi  (2),  Alfred  Chailan 
(1),  François  DeliIle/2),  Clair  Gleizes  (4),  Frédéric  Mistrsd  (5),  Roque- 
Ferrier  (9)   et  le  vicomte  de  Vallat  (2). 


Errata  du  numéro  de  juin 

Les  manuscrits  provençaux  db  Chbltknham,  par  M.  Constans. 
P.  287-9.  Les  notes  supplémentaires  de  M.  Chabaiieau  ayant 
été  rédigées  sur  une  épreuve  insuffisamment  corrigée  et  non 
conforme  au  manuscrit,  il  y  a  lieu  d'y  supprimer,  pour  les  re- 
porter dans  le  texte,  les  corrections  indiquées  pour  les  vers  8, 
9,  13,  15, 19,  22,  26,  28,  33,  40,  50  et  55  de  la  pièce  de  Raim- 
baud  d'Orange,  et  celle  qui  est  donnée  pour  le  dernier  vers 
de  la  pièce  du  vicomte  de  Saint-Àntonin .  —  P .  266,  note  3, 
au  lieu  de  4,  /mc2  7  (deux  f  ois) .  — P.  268,  1.  27,  effacez  («te).— 
P.  280,  note  7.  au  lieu  de  pour,  lisez  par.  —  P.  286,1 .  23,  lisez 
enveiosa.  L.  Constans. 


Le  gérant  responsable  :  Ernest  Hamblin. 


Dialectes  anciens 


POÉSIES  INÉDITES  D'ARNAUT  DE  MAREUIL 

I 
(Ms.  XC.  26  de  la  Bibliothèque  Laurentienne,  à  Florence)* 

.     [F»  26,  po]  Tant  m'abellis  em  platz 

Jovenz  e  amistaz, 

Cui  per  jasse  m'autrei, 

Nul'  autra  re  non  vei 
5    Don  aia  soing  ni  cura, 

Qu'aitals  es  ma  ventura. 

Pero  la  manentia 

Q'eu  ai  de  druderia 

Es  mos  majers  tesors  *, 
10    E  fes  e  verais  cors, 

E  ma  bona  esperança, 

Don,  si  Dieus  m'o  enansa, 

Crei  que  venga  al  plus  ; 

Ch'aisi  o  fai  chascus 
15    Qis  vol  d'amor  jauçir. 
[V**]  Obs^  Tes  sapcha  sofrir 

Las  penas  els  afans, 

Las  iras  els  bobans, 

L'orgoill  el  [ejspaven 
20     Q*amors  mostra  soen  ; 

EU  vet  ell  escondig 

No  sio  e  mal  es[c]rig*. 

Ab  gen  sofrir  en  paz 

Esta  rorgoill[s]  damnaz, 
25    E  ab  beîlas  preguieras, 

En  diversas  manieras^. 

*  Copie  de  M.  A.  Boucherie,  collationnée  par  M.  A.  Thomas,  de  l'Ecole  fran- 
çaise de  Rome,  qui  a  bien  voulu  aussi  transcrire  pour  nous,  sur  le  même  ms., 
les  trente  derniers  vers  de  Razos  es  e  mesura.  Voir  ci-après,  p.  59,  note  5. 

*  Il  y  a  d'autres  exemples,  dans  de  bons  textes,  de  cette  forme.  L'o,  là 
comme  dans  or  (aur),  peut-être  sous  l'influence  du  français,  a  fini  par  préva- 
oir. —  '  Ms.  Vbs,  —  *  Ms.  es  rig.  —  ^^  Ms.  mairteras, 

TOMB  VI  OB  UL  TROISIÈME  SBRIB  —  AOUT   1881 .  5 


54  POESIES    IN  DITES 

Qi  s'entremet  d'amar 

E  jen  non  sap  preguar 

Enquer  fa  gran  damage  *, 
30    Q'amors  vol  en  corage  * 

Ardit  cortes  e  franc, 

Sol  que  non  sia  estanc. 

Nulha  fol  a  vanansa 

Retorne  en  balansa 
35    Amors  maintas  saços, 

A  cui  non  es  nuls  pros  ; 

Ans  val  moût  mais  assaz 

Jocs  on  es  mais  celaz, 

Qe  pos  el  es  espars 
40    Non  es  tenguz  en  cars. 

Segon  aqest  saber 

Se  devon^  captener 

Cel  qu'amon  finament,  . 

Seguon  mon  essient. 
45    Mais  de  me  s'endeve, 

Qe  mais  am  d'autra  re, 

Q'aissi  com  eu  am  plus 

Tem  plus  fort  que  negus. 

Q'a  penas  aus*  cujar 
50    En  mon  cor,  ni  pensar, 

Qe  seF  amar  mi  deing 

Per  q' amors  mi  destreing. 

Ans  n'ai  lonc  temps  de  sert 

Mon  deçier  cubert, 
55     Q'anc  no  lin  û  semblant  ; 

Mas  des  er  en  avant 

Conosca  be,  sel  plai, 

Qe,  tant  qant  eu  viurai. 

Serai  vas  leis  aclis, 
60    C  ab  un  amoros  ris 

Qem  fec  qan  m'esgardet, 

M'ubri  em  trasforet 

*  Ms.  damaçe.  —  *'M8.  encoraçe,  Corr.  Qe  amors  vol  corage?  —  '  Ms. 
Deu  ho»  —  *  Ms.  aug. 


d'aRNAUT   de    MAREUIL  55 

Mon  cor  juesqa  en  mei  loc. 

Adonc  m'o*  tenc  a  joc 
65    E  paregrom  leugier 

D'amor  li  cossier  ; 

Mas  er  son  tan  cregut 

Q'aissi  m' an  destolgut 

De  nulh'  autra  facenda* 
70    Nom  plaz  que  m'i  entenda, 

Ni,  se  tôt  me  volia 

Entendre,  noi  poiria; 

Q'ades  tenc  en  corage 

Lo  doue  el  bel  estage 
75    Qe  sela  sab  aver, 

Qe  m'a  en  so  poder, 

On  es  tota  ma  sortz. 

Ma  vida  e  ma  mortz. 

La  vida  i  es,  selh  plaz, 
80    A  far  sas  volentatz  ; 

M'a  rentengut  per  ceu 

Q'eulh  jur  elh  don  a  feu 

Qe  ja  no  pens  ni  fassa 

,Mas  80  qe  a  leis  plassa. 
85    Bella  domna  corteça, 

Ensenhada  e  apreça, 

La  vostra  grans  beutaz, 

El  déport  el  solaz. 

Donc  avec  entier  laus, 
90    Mi  fan  tener  enclaus 

Ins  el  cor  un  désir 

Donm'avenra  morir, 

Se  nous  en  pren  merces. 
[F®  26]  A  !  dousa  franca  res, 

95     Per  vos  art  e  aflam. 

Tan  de  bon  cor  vos  am  ; 

Ë  se  merces  nom  val 

Ab  vos,  jamais  non  cal 

Qe  m'esforce  de  viure, 

*  Ms.  me,  —  ^  11  faut  ici  sous-entetidre  que. 


56  POÉSIES    INÉDITES 

100    Qe  non  poria  escriure 

Uns  clers  a  son  viven 

Lo[s]  mais  q'eu  per  vos  sen  ; 

Ni  non  crei  qel[s]  pogues 

Mais  sufrir  nulla  res. 
105    Mas  Amors  mi  fai  creire 

Qe  jes  nom  dei  recreire 

D'amar  vos  a  ma  vida, 

Qeus  es  tant  echernida 

E  pros  e  conoichens 
110    Pe[n]raus  en  chausimens 

De  mi  e  pietaz. 

Por  *  aissi  soi  lassaz 

E  près  de  vostr'  amor, 

Domna,  per  gran  dousor 
115    Vos  voill  merce  ciamar, 

Si  nom  degnaz  amar, 

Consentez  me  qeus  am. 

Per  gran  merceus  o  clam, 

C  ab  sol(a)  bella  semblansa, 
120    Mi  podez  d'esperansa, 

De  so  q'eu  plus  deçir, 

Lonc  temps  suau  noirir  ; 

Qe  mais  am,  fe  qeus  dei, 

Domna,  com  quem  n'estei, 
125    De  vos  lo  bon  esper 

Qe  d'autra  tôt  aver. 

Qe,  si  Deus  mi  secora, 

Pueis  vos  vi,  nulh[a]  ora 

Nos  poc  ^  de  vos  partir 
130    Mos  cors,  don  vos  remir 

En  pensan,  car  estiers 

No  puesc,  ke  volontiers 

Vos  vira  de  mos  oils. 

Jes  no  m'o  tolg  orgoils, 
135    Mas  failh  m'en  ochaiços, 

Domna,  maintas  saços, 

'  Ms.  For.  Por,  ea  quoi  je  corrige  ce  for,  est  pourpos.  —  *  Ms.  pos. 


d'aRNAUT   de    MAREUIL  57 

Qe  non  pose  venir  lai 

On  vostre  cors  estai. 

Pero,  Domna,  on  k'eum  sia, 
140    Vos  m'aves  en  bailia, 

Aisises  part  d' autrui. 

No  fez  ren  Dieus  ab  cui 

Vos  m'aias  a  devire  ; 

Nous  me  pot  contradire 
145    Negun'autr'  amistaz  ; 

Q'anc,  Domna,  ço  sapchaz, 

Non  fo  neguns  amans 

Qe  tant  be  ses  engans 

Ames  com  eu  am  vos, 
150    Neih  Leander*  Eros, 

Ni  Paris  Elenan, 

Ni  Pirramus  Tisban  S 

Ni  Floris  Blanchaflor, 

Q'en  traich  mainta  dolor, 
155    Ni  Lavina  Eneas, 

No  *  neich  Cleopatras 

Cel  qe  fo  reis  de  Tyr 

Non  ac  tan  ferm  désir, 

Ni  crei  qe  tant  âmes 
160     Lo  reis  Etiocles  ♦ 

Salamandra  tan  be, 

*  Ms.  leandier  {Vi  en  interligne  au-dessus  de  Ve).  —  *  Ms.  titban,  — 
3  Corr.  Ne  ves?  Cleopatras  serait  alors  le  régime  indirect  de  ac  du  vers  158. 
Mais, outre  que  la  forme  serait  surprenante  (il  faudrait  au  moins  Cleopatran, 
et  la  rime  s'y  oppose),  on  ne  voit  pas  figurer  dans  l'histoire,  si  goûtée  au 
moyen  âge,  d'Apollonius  de  Tyr  (car  c'est  de  lui  évidemment  qu'il  s'agit  ici), 
de  personnage  de  ce  nom.— Peut-être  dans  le  Cleopatras  du  ms.  faut-il  cher- 
cher deux  noms  dont  le  dernier,  masculin,  serait  le  sujet.  Mais  quels  seraient 
au  juste  ces  noms  et  à  quel  roman  appartiendraient-ils?  Dans  ce  dernier  cas, 
il  suffirait  de  corriger  Ne,  et  il  faudrait  mettre  un  point-et-virgule  à  la  fin  du 
vers.  —  Peut-être  encore,  en  admettant  que  l'auteur  ait  en  effet  employé 
Cleopatras  dans  le  r  Ole  de  régime  singulier,  faudrait-il  corriger  No  neich  en 
N'Antonhs»  Mais  les  amours  d'Antoine  et  de  Cléopâtre  étaient-ils  assez  con- 
nus au  moyen  âge  pour  qu'un  poëte  y  ait  pu  ainsi,  en  passant,  faire  allusion? 
—  *  Ms.  ociocles.  Allusion  à  une  épisode  du  Roman  de  Thèbes,  sur  lequel 
voy.  Constans,  Légende  d*CEdipe,  p.  227.  C'est  la  seule  mention  que  je  con- 
naisse dans  la  littérature  provençale  de  Y  amie  d'Etéocle. 


58  POESIES    INEDITES 

Ni  tan  per  bona  fe, 

Ni  anc  Yseut  Tristan, 

Q'en  sofri  maint  afan, 
165    Ni  Berengaiers  Quendis  ' , 

Ni  Valensa  Seguis*, 

Ni,  pel  meu*  essien, 

Absalon  Florissen*, 
[V**]  Ni  anc  Itis  ^,  ço  cre, 

170    No  amet  Biblis  re, 

Avers  so  q'eu  am  vos, 

Ni  nuls  amans  q'anc  fos 

No  amet  tant  s'amia. 

Ni  no  crei  ke  mais  sia 
175    Cors  d'aman  tant  verais, 

K'eu,  Domna,  no  m'irais. 

Tant  dousamen  mi  seinch 

E  tan  gen  mi  destreinch 

Lo  vostr'  amor[s]  em  lassa 

<  S'agit-il  du  Beringuier  de  Tors,  mentionné  comme  enchanteur  par  G.  de 
St-Gregori*?  Voyez  Fauriel,  111,500.  Le  nom  de  Quendis  (=  Coindis?),  ici  as- 
socié à  celui  de  Berenguier,  n*a  été  encore,  à  ma  connaissance,  relevé  nulle 
part. 

'  On  a  souvent  cité  l'allusion  de  la  comtesse  de  Die  au  même  roman,  d'ail- 
leurs encore  inconnu.  Voy.  Fauriel,  III,  508. 

*  Ms.  me  un.  —  *  S'agit-il  d'Absalon,  flis  de  David?  Une  autre  allusion  au 
même  personnage,  ou  du  moins  à  un  personnage  du  même  nom,  se  trouve 
dans  la  pièce  bien  connue  de  Bertran  de  Paris  (Ni  no  sabes  las  novas  de 
Tristan  Ni  del  rey  Marc  ni  d'Apsalon  lo  bel) .  Giraud  de  Cabreira,  de  son 
côté,  nomme  une  Florisen  (De  Florisen  No  sabs  nient  Ni  de  las  ganas  de 
Milon).  Mais  ce  ne  doit  pas  être  la  même  que  celle  qui  figure  ici. 

*  Ms.  iris.  Je  corrige  d'après  Giraud  de  Cabreira  et  Aimeric  de  Belenoi, 
qui  l'un  et  l'autre  associent  à  Biblis  un  personnage  du  nom  d'Itis  {Ytis, 
Hytié).  Il  y  avait  sans  doute  au  moyen  âge  un  roman  où,  à  côté  de  Caunus, 
objet  de  l'amour  Incestueux  de  Byblis,  on  avait  introduit  un  Ithys,  amoureux 
de  Byblis.  Cf.  G.  de  Cabreira: 

Ni  sabs  d'Ytis, 
Ni  de  Biblis, 
Ni  de  Caumus  {lis,  Caunus)  nuilla  faisson. 

Arnaut  de  Mareuii  a  fait  encore  ailleurs  allusion  à  Biblis.  C'est  au  vers  161 
du  beau  salut  qui  comm,ence:  Domna  genser  que  no  sai  dir,  et  qui  a  été 
publié  maintes  fois. 


d'aRNAUT    de    MARBUIL  59 

180    No  sen  mal  qe  nom  plassa. 

Ë  donc,  Dompna,  cum  er 

D'est  vostr'  home  qeus  quer 

Uns  dons  qe  vos  li  deç  ? 

Nous  *  aus  *  dir  qe  m'amez, 
185    Ni  nous  aus  ^  dir  aitan, 

Mas  *,  seus  plaz,  lo  semblan. 

Dompnam  podez  far  be, 

E  nous  greva  de  re  ; 

Ë  sab  q'a  pauc  d'afan 
190    Podez  tan  fin  aman 

Com  eu  so  retener; 

Moût  o  devez  voler. 

Dompna,  nous  pose  plus  dir, 

Qar  tôt  lo  mon  consir, 
195    Mas  ben  podez  mon  mal 

Ë  ma  dolor  coral 

Conoicher  e  saber. 


(Per  q'eu  de  toz  mos  bes 
Vos  rent  laus  e  merces, 
200    Eus  0  graçisc  ades 

Q'al  corm'estaz  plus  près). 

*  Ms.  Noug. —  *  Ms.  aug.—  ^  Ms.  aug. —  *Ms.  Mous,  Cette  dernière  forme 
n'est  pas  possible  ;  mais  mons  le  serait  à  la  rigueur,  car  on  connaît  d'un  côté 
mos  et  de  l'autre  mans.  On  peut  être  sûr.  dans  tous  les  cas,  qu'Arnaut  de 
Mareuil  n'a  employé   ni  Tune  ni  l'autre  de  ces  formes . 

^  Lacune  non  indiquée  dans  le  ms.  Elle  ne  doit  pas  être  très-considérable. 
Les  quatre  vers  suivants  sont  les  derniers  d'un  autre  ensenhamen,  depuis 
longtemps  publié,  de  notre  poëte,  Razos  es  e  mezura  (Raynouard,  Choix,  IV, 
406;  Mahn,  Werke  der  Troubadours,  I,  176).  Le  copiste  du  ms.  de  Florence, 
ou  plus  probablement  un  copiste  antérieur,  venant  de  transcrire  ce  dernier 
poëme  et  l'ayant  sans  doute  encore  sous  les  yeux,  en  aura,  par  erreur,  repro- 
duit ici  de  nouveau  la  fin .  J'attribue  plutôt  l'erreur  à  un  copiste  antérieur, 
parce  que,  dans  le  ms.  de  Florence,  le  dernier  vers  de  Aazos  es  e  mezura, 
à  sa  vraie  place  (fo  23  r©),  diffère  assez  sensiblement  de  ce  qu'il  est  à  celle 
(fo  26  vo)  où  il  a  été  indûment  répété.  On  y  lit:  Qar  m*es  al  cor  plus  près. 
Le  vers  précédent  est  identique  des  deux  parts.  Les  deux  aiAres  ne  prés  en 
tent  que  des  variantes  de  graphie. 


60  POESIES  INEDITES 

II 

(Bibliothèque  nationale,  ms.  22543) 

[pô  134,  r**]  Dona,  cel  que  no  pot  aver 
Joj  s'a  vos  no  ven  a  plazer, 
L'oms  e  Tamlcx  vers  e  corals 
Que  non  pessa  d'autres  jornals 
5    Mas  com  pogues  so  far  e  dîr 
Don  vos  pogues  en  grat  servir, 
Sel  que  per  vos  languis  e  mor 
£  queus  ama  de  tan  bon  cor, 
Del  melhor  que  anc  non  amet 

10    Nulhs  amans  pueis  quel  mon[s]  renhet, 
Vos  envia  .M.  salutz  lay* 
E  manda  vos  que  reman  saj^, 
Aisi  destreg  per  vostr'  amor 
Que,  si  nol  val  e  nol  secor 

15    L'umilitatz  per  chauzimen, 

Que  tant'  es  la  dolor  qu(e)'  el  sen 
E  la  pena  greus  per  sofrir 
Mens  preza  vieure  que  morir  ; 
Car  vieure  es  trop  pietz  de  mort, 

20    Pus  c'om  non  a  joy  ni  déport. 
Dona,  vos  es  aisela  res 
Que  sobre  can  qu'el  segle  es 
Me  plazetz  e  m'atalentatz, 
E  yeu  soy,  dona,  so  sapchatz, 

25    Sel  hom  el  mon  que  pus  vos  am 
E  que  per  autra  nom  reclam  ; 
Vostre  soi  per  queus  plassa  far, 
E  nous  poiria  tôt  comtar 
Lo  fin  cor  e  la  voluntat 

30    Que  m'avetz  vos  et  amors  dat 
Del  dezir,  com  queus  fos  afans, 
Que  nom  aondaria  .i.  ans. 
Si  no  crezetz  que  sia  ver, 
Aujatz  com  o  podetz  saber: 

Ms,  say.  —  ^  Ms.  lay. 


DARNAUT    DE    MARKUIL  61 

35    Bona  dona,  sol  non  diatz^...; 

Mandatz  me  tôt  can  vos  vulhatz, 

Nom  recreirai  de  vos  amar  ; 

Que  res  als  nom  podetz  mandar 

Qu'ieu  no  segua  vostre  voler, 
40     Mas  so  don  non  ai  ges  poder. 

Perquem  meravilh  mot  de  vos, 

Bêla  dona,  cortez'  e  pros, 

Per  que  reman,  cant  n'avetz  aitz, 

Car  major  amistat  nom  faitz, 
45    Sieus  endeve  per  non  amar 

Ous  en  fa  temensa  laissar; 

Car,  segon  so  quem  es  parven. 

Si  maj  m'aimassetz  finamen, 

En  pauc  d'ora  mi  pogratztan 
50    Far  d'amor  e  de  bel  semblan 

Don  visquera  tota[s]  sazos 

Alegres  e  bautz  e  joios. 

Bona  dona,  per  que  reman, 

Seran  tos  temps  tug  miej  prec  van. 
55    Dieus  !  ta  mal  estet  car  anc  fo 

En  mon  cor  tan  gentil  faisso  '  I 

Dona,  per  Dieu  e  per  merce, 

Adossatz  vostre  cor  vas  me, 

Sostenetz  me  lo  ters  ol  cart 
60    Del  dezir  quem  destruy  em  art  ! 

Dossa  dona,  per  qu'ieu  me  clam, 

S*aisi  finamen  co  jeus  am 

Eus  tenc  sobre  tôt  cant  es  car, 

Vos  pogues  mon  oor  demostrar, 
65    Ab  aitan  me  fora  ben  près, 

Que  non  cre  nim  albir  nim  pes, 

Cane  tan  non  amey  luenh  ni  prop, 

Dona,  ne  mon  cor  non  T  atrop, 


^  Il  doit  manquer  ici  au  moins  deux  vers,  plus  probablement  quatre,  qui 
étaient  le  complément  de  diatz  :  «  pourvu  que  vous  ne  me  disiez  pas  (de  cesser 
de  vous  aimer?).  > 

«  Corr.  gentils  faissos  et,  au  v.  précédent,  /bs?  5* 


62  POESIES   INEDITES 

Que  ieu  nulha  res  tant  âmes 

70    Co  yeu  am  vos,  sim  ajut  fes  I 
Ane,  pus  vos  vi,  ni  nueg  ni  jor, 
Nous  aie  mas  bon  eor  e  melhor. 
Tant  es  ûna  ma  voluntatz 
Vas  vos,  dona,  que  res  nom  platz 

75    Si  nom  pes  c^a  vos  sia  bo  ; 
Ni  ja  Dieus  senes  vos  nom  do, 
Q'ieu  no  vuelh,  dona,  joy  ni  be, 
Mas  segon  la  vostra  meree, 
On  avetz  pausat  et  assis 

80    Mon  eor,  qu'es  mot  liais  e  fis  ; 
Si  que  mos  majers  pessamens 
Bêla  dona,  doss'  e  valens, 
Es  tôt  per  far  vostre  plazer. 
Que  d'als  non  puesc  cossir  aver. 

85    Ieu  nous  poiria  ges  comtar 
Ni  per  negu  escrig  mostrar 
Com  ieu  vos  am  veraiamen, 
Car,  so  sapehatz  certanamen, 
Non  auria  us  escrivas, 

90    Ja  no  séria  tan  certas, 
Eserig  lo  ters  ni  la  mitât 
De  la  dossa,  fin'  amistat 
Don  mon  cor  es  lassatz  per  vos  ; 
Qu'ieu  non  cre  que  nulhs  homs  c'anc  fos 

95    Pogues  sofrir  los  mais  qu'ieu  traj 
Per  vos,  dona,  quem  tenes  lay 
Mon  cor,  que  nos  pot  ges  partir 
De  vos,  sin  sabia  morir  ; 
E  pus  mon  cor  tenetz  en  gatje^ 

100    Car  nous  vey  noi  aia  dampnatje. 
Car  sapehatz,  sitôt  m'estau  say. 
Lai  on  vos  es  mon  cor  estay. 
Vers  es  que  los  cors  *  son  essems 
E  ja  nos  partiran  nulh  temps  ; 
105    A  calque  part  lo  vostres  vir, 

*  Corr.  H  cor. 


DARNAUT   DE   MARBUIL  03 

Lo  mieu[s]  nos  vol  de  vos  partir. 
Dona  lo  foc[s]  qu'ieu  ai  d'amor, 
Quem  fai  blasmar  a  cascun  jor, 
.     Me  toi  c'aras  nous  puesc  may  dir, 
110    Per  quem  n'aven  si  a  gequir. 
Dieus  sal  vos,  en   cuy  es  assis 
Mos  joys,  mos  deportz  e  mos  ris. 
Yalham  chauzimens  e  mer  ces  ! 
Non  puesc  may  dir  ;  falh  me  Taies . 

m* 

(Bibliothèque  nationale,  ms.  22543)  > 

[P*  134,  p**]  Totas  bonas  donas  valons 

Cuy  joy[s]  [e]  deportz  e  jovens, 
Ensenhamen[s]  e  cortezia, 
Jent[z]  aculhir[s],  bella  paria, 
5    Certes  respos  e  bel[sl  solatz, 
Cuy  bel[s]  ris  agrada  e  pi  atz, 
Creis[sa]  Dieu[s]  de  pretz  e  d'onor, 
Bona  dona,  per  vostr'  amor. 
En  cuy  joy[s]  e  jovens  ^  s'atura 
10    May[s]  c'ab  nulh'  autra  creatura  *; 
E  sels  que  de  joy  so  amicx 
Sal|  e  baisse  •  .  s  mou  destricx 
E  los  enuios  els   engres*^. 

>  Raynouard  (Choix,  V,  47-49)  a  publié  seulement  des  fragments  de  cette 
pidce(66  vers  en  tout),  qui  ont  été  reproduits  par  Mahn,  Werke,  I,  174-176. 
—  Raynouard  n'a  non  plus  donné  que  des  extraits  {Ihid.,  46-47)  d'un  autre 
iàlut  d'Arnaut  de  Mareuil  [Cel  om  vos  etz  al  cor  plus  près);  mais  ce  der- 
nier a  été  depuis  publié  m  extenso  dans  YArchiv  de  Herrig,  t.  XXXIV, 
p.  429,  d'après  le  ms.  3207  du  Vatican.  On  ne  devra  donc  pas  s'étonner  de 
ne  pas  le  trouver  ici.  —  %  Le  ms.  est  d'une  lecture  très-difficile  en  certains 
endroits,  par  suite  de  l'effacement  des  caractères,  surtout  à  la  fin  du  folio  134, 
r».  Il  y  a  là  quelques  fins  de  vers  que  ni  moi,  ni  M.  Boucherie,  qui  a  bien  voulu 
revoir  ma  copie  sur  le  ms.,  n'avons  pu  réussir  à  déchiffrer. 

*  Mot  rétabli  par  conjecture.  Le  ms.  ne  laisse  lire  que  la  première  lettre  (j) 
et  la  dernière,  qui  paraît  plutôt  être  un  c  qu'un  s, 

*  Ms.  a,.. a  (j'indique  par  les  points  trois  lettres  illisibles)  cata^  avec  le 
signe  abréviatif  de  ur  au-dessus  du  dernier  a, 

»  Corr.:  Salv,  e  baisse  mova  destricx   , 

Àls  enuios  e  als  engres  ? 


64  POESIES  INEDITES 

Mas  VOS,  que  m'etz*  al  cor  pus  près, 

15    Salv  e  gart  sobre  totas  res 

Eus  don  cor  queus  prenda  merces. 
Dona  ',  d'aisso  qu'ieu  vos  dirai 
Nom  sia  dans  si  pro  noy  ai. 
Uzatjes  es  e  dreitz,  som  par, 

20    Qu'en  bona  cort  deu  ben  parlar 
Messatje[s]  tôt  asseguratz 
De  tôt  aco  que  es  mandatz. 
Mas  pero,  sitôt  s'es  uzatje, 
E  no  m'en  forses  senh  coratje', 

25    Nin  pogues  escapar  estiers, 
No  volgra  esser  messatgiers 
D'aisso  que  eras  vos  dirai. 
E  doncx,  bona  dona«  sieus  plaj, 
Pus  per  forsa  soi  sai  trames, 

30    Aiso  que  vos  dirai  nous  pes  ^, 
Que  amors  c'a  la  senboria 
De  tôt  cant  que  el  segle  sia  ^ 

Me  guida  segu 

Que  nom  siatz  de  breu^ 

35    D'ayso  qu'es  ben  leu  per... 

Car  sabetz  que  nostra^ 

[Po  134,  V*]     Ni  0  faratz*  ni  o  faretz 

A  totz  los  jovns  que  [vos]  vieuretz, 
Denan  vos  me  tramet  aisi 

40    Mon  cor,  que  sap  liai  e  fi, 


*  Mot  illisible  dans  le  ms.  et  rétabli  par  conjecture .  Cf.  la  fin  de  Razos  es 
e  mesura  et  le  premier  vers  du  salut  mentionné  dans  la  note  i  de  la  page 
précédente. 

*  Lecture  très-incertaine.  Le  d  initial  seul  est  sûr;  la  seconde  lettre  paraît 
être  plutôt  a  que  o . 

*  Ms.  coratje  senh.  Corr.  Si  no  m* en ?  ou,  mieux,  Si  nom  forses  sens 

e  coratje? 

*  Mot  illisible,  rétabli  par  conjecture. 

^  ff  segle  sia.  »  Leçon  probable,  mais  lecture  incertaine. 
•Corr.  brau?  Le  moi  qui  doit  suivre  est  peut-être  respos, 
7  Ou  nostre.  Trois  lettres  plus  loin,  on  distingue  un  h, 
^  Corr.  feratz  ou  feiratz  ? 


d'arnaut  de  MARBUIL  «5 

De  bon  engenh  ad  ops  d'amar, 

Per  servir  e  per  tener  car, 

E  per  selar  e  per  sofrir,  • 

Per  honop  ^  e  per  aculhir, 
45    Per  tôt  cant  aman[s]  deu  aver, 

Que  res  noj  falh  de  son  poder, 

E  qui  de  son  poder  es  bos, 

Nol  deu  pus  demandar  razos. 

E  ditz  que  vos  es  sela  res 
50    Guy  cove  maj  honors  e  bes 

Etobesirse  carsteners, 

Servirs  et  honors  *  e  temers, 

C'a  nulh'  autra  ses  contenso  ; 

Per  so  vol  e  manda  que[mj  do 
55    Aisi  a  vos  per  bona  fe 

Que  res  no  y  aia  part  en  me 

Mas  vos  sola,  foras  de  Dieu  ; 

E  si  Dieus  deg[u]es  tener  ûeu, 

De  vos  tengra  la  sua  part. 
60    Per  so  que  non  agues  regart 

Qu'ieus  fos  de  mi  forfatz  pariers, 

Mas  que  fos  ûs  e  drechuriers, 

Que  ja  non  er  contrarios 

Que  no  fassa  totas  sazos 
65    Com  del  tôt  al  vostre  voler, 

Aisim  comanda  remaner 

Amors  ab  vos  e  m^o  ensenha  ; 

Car  el  a  poder  que  destrenha 

Trastot  cant  es  e  pot  o  far  ; 
70    Per  qu'ieu  no  vuelh  fols  contrastar, 

Ni  o  faria  que  pogues, 

Mas  d'aitan  qu*ieu  nous  o  disses 

El  bon  coratje  qu'ieu  vos  ay, 

Si  m'ajut  Dieus,  ver  vos  dirai 
75    Me  platz,  dona,  que  nulha  res 

Nom  plac  mays  tan  quem  avengues, 

E  grazisc  o  de  mon  poder^ 

•  Corr.  honrar. —  '  Corr.  honrars. 


d6  POâsiBS  INBDITBS 

Car  m'a  donat  tanc  rie  voler 
Amors  ab  sol  que  nom  forses 
80    Que  per  paraulas  o  mostres, 
C'amors  me  ditz  que  vostre  sia 
E  no  m'en  parta  nneg  ni  dia, 
Que  nous  o  disser'  a  nulh  for, 
Ans  selera  tostemps  mon  cor, 
85    E  fora  vostre  coma  suy . 

Mas  amors,  dona,  nous  enuj, 
Vas  cuy  non  pot  valer  esfortz 
Que  non  destrenhalos  pus  fortz. 
Non  cossen  pas  amors  selar 
90    Enans  lom  faj  a  vos  mostrar. 
Car  tresaur[s]*  se  pert  a  senhor 
Sitôt  ses  dan  sia  honor  ' 
Trol  senhor  sap  lo  loc  on  es. 
Atressi,  bella  franca  res, 
95    Fora  lo  mieus  fis  cors  perdutz. 
Si  per  vos  no  fos  conogutz . 
Mas  ara  vos  ai  demostrat 
Aisi  com  amors  m'a  mandat  ; 
E  pus  mon  cor  [ara  sabetz], 

100    Per  la  valor  e  per  lo  pretz. 

Que  ieu,  dona,  vos  clam  merce, 
Quel  fin  cor  e  la  bona  fe 
Qu'ieus  ai  non  getes  a  non  cura  ; 
Franca  res,  fina,  car'  e  pura, 

105    Res  nous  quier  de  tôt  quant  avetz 
Mas  so  que  tolre  nom  podetz  ; 
Tolre  nom  podetz  que  nous  am, 
Neys  s'ieu  e  vos  o  voliam, 
Que  no  m'o  cossentri  'amors 

110    Ni  no  m'o  tolria  paors  ; 

Qu'ieu  nous  quier  autre  guizardo 
Mas  solamens  queus  sia  bo 
Qu'ieus  am,  e  sitôt  bo  nous  es, 
Sivals  faitz  semblan  que  nous  pes. 

*  Ma.  treiaur.^  *  Ms.  ?iôr. 


DARNAUT   DE    MAREUIL  67 

115    Si  per  m'amor  non  o  sufretz 

Sufretz  0  endreg  vostre  pretz  ; 

Car  mot  l'es  ops  sapcha  sofrir 

Qui  vol  a  gran  honor  venir; 

Si  m'avetz  mal  cor,  no  me  *  lais; 
120    Greu  m'es,  dona,  mas  non  puesc  mais, 

Que  no  m'en  sai  venjar  estiers, 

Mas  d'aitan  vos  serai  gueriers 

A  vos  aurai  amor  coral 

Et  a  mi  meteys  voirai  mal 
125    E  laissarai  chant  e  déport 

E  marrai  trist  ab  desconort, 

Si  vej  que  vos  plassa  mos  dans 

E  nous  sia  bos  mos  enans. 

Aquesta  venjansan  penrai 
130    Que  jes  autra  penre  non  sai. 
•  Mi  ejs  puesc  ieu  ben  azirar, 

Mas  ja  vos  non  puesc  dezamar, 

Ja  per  res  del  mon  quem  fassatz . 

Tan  m'es  plazens  vostre  solatz 
135    Non  er  jorn[s]  a  tota  ma  vida, 

Dona  cortez,  e  issernida, 

Que  per  uzatj'e  no  sopley 

On  lo  vostre  gen[s]  cors  estey, 

G'amors  m'a  ins  el  cor  enclaus 
140    Vostra  valor  e  vostre  laus, 

L'ensenhamen  e  la  beutat, 

La  franqueza,  l'umilitat, 

La  cortezia  el  gen  parlar, 

Lo  jen  solatz  el  domneyar, 
145    La  vostra  bêla  captenensa, 

Lo  saber  e  la  conoissensa, 

Lo  dos  semblan  gay  amoros, 

Lo  plazen  avinen  respos, 

Lo  vostre  jen  cors  cuend  'e  gay, 
150    Ab  tan  cos  cove  ni  s'eschay 

De  tôt  sen  e  de  tôt  saber 


*eorr.  m'en? 


POESIES    INÉDITES   d'aRNAUT   DE  MARËUIL 

Que  bona  dona  deu  aver. 

Tug  aquest  avinen  plazer, 

Que  negus  no  s'en  pot  mover, 
155    Guardon  a  la  vostra  honor 

Mon  cor  per  mandamen  d'amor, 

El  tenon  si  assolassat 

Ab  aitan  fina  voluntat 

Que  noy  intra  autre  voler 
160    Ni  auzaria  remaner. 

E  pus  de  vos  nom  puesc  partir. 

Si  autre  be  nom  deu  venir, 

Per  Dieu  e  per  merce  vos  clam 

Que  nous  sia  greu  car  vos  am, 
165    Que  no  me  puesc  partir  ni  au  s, 

C'amors  a  près  de  mi  las  claus  ; 

Aisi  a  vostre  salvautôn 

Tôt'  autr'  amistat  mi  defen  : 

Cal  quem  fassatz,  o  mal  o  be, 
170    Vos  am  eus  amarai  jasse  ; 

E  fin'  amor[s]  per  sa  merce 

Metaus  en  cor  que  ametz  me. 

Digatz  tug  amen  per  amor 

La  donas  e  11  amador. 
175  Dona. 

(A  suivre,) 


PARAPHRASE 
DES  PSAUMES  DE  LA  PÉNITENCE 

(Ms.  308  de  la  bibliothèque  d'Angers*) 


[po  300,  r«J  1.  Una  'spina  cruzel 

Dedans  mon  cor  demora, 
Plus  amara  que  fel, 
4    Qui  neyt  e  iorn  m'acora, 
Don  fem  languir 
He  esbayr 
7        Per  sa  punctura. 

2.  Lo  broc  quim  fe  languir, 
So  es  lo  iutyament, 
Au  quai  ey  comparir 
11     Sens  nulh  defalhiment, 
Don  mot  sospir 
Me  fe  sofrir 
14        Quant  mi  re corda. 

,  3.  De  tôt  mon  estament 
Aure  io  redre  conte, 
En  aquel  iutyament, 
18    Ho  syay  rey  o  conte, 
Au  rey  très  gran, 
Diu  sobiran, 
21         Vertaderiutge. 

4.  Iorn  sera  de  iusticia 
He  plen  de  gran  furor. 

0  iorn  de  gran  tristicia 
25    He  plen  de  gran  dolor  I 
Tôt  hom  maubat 
Sera  dampnat 
28        Sens  plus  remedi. 

5.  Tôt  home  peccador 
Deu  aver  gran  temensa 

*  Copie  due  à  l'obligeance  de  M.  L.  Constans. 


70  PARAPHRASE 

[V*]  De  quet  iorn  de  tristor, 

32    He  deu  sa  consciensa 
Ben  [esjpurgar 
He  Dias  pregar 
35        Que  lo  perdone. 

6.  Exemple  nos  donec 
David  gran  peccador, 
Car  a  Dius  demandée 
39    Merce,  fasen  gran  plor, 
Set  saumps  disen 
Devotamen, 
42        Los  qui  s'en  seguen. 


[Saum  VI] 
Domine  ne  [in  furoré]  J. 

1.  Ihesus,  mon  Diu  he  mon  désir, 
Assi  me  volhas  corregir, 

No  pas  lo  iorn  de  iutjament 
46    Lo  quai  faras  yradamen. 

2.  Ihesus,  mon  sen  he  ma  rason 
Passan  granda  turbation  ; 

So  es  car  io  Vej  offendut  ; 
50    Per  ta  merce,  donam  salut. 

3.  Ihesus,  a  ma  inôrmitat 
Donar  tu  podes  sanitat  ; 

Prec  te  donc  sens  plus  demorar 
[po  301]        54    Volhas  me  garir  e  sanar. 

4.  Ihesus,  volhas  me  convertir 
De  mos  peccatz  he  fer  salhir  ; 
Mon  anima  volhas  salvar, 

58     Per  ta  merce,  no  pas  dampnar. 

5.  Ihesu9,  degun,  can  mort  sera, 

Convertir  no  se  podera, 


DES  PSAUMES  DE  LA  PENITENCE  71 

Ni  fer  penitensa  plasent, 
62    Quan  vendra  en  ton  iutyament. 

6.  Ihesus,  per  so  io  yolh  purgar 
Ma  consciensa  he  lavar, 

Fasen  gran  plor  he  gemiment 
66    Estan  en  la  vita  présent. 

7.  Ihesus,  io  sonc  envelhesit 
Per  mos  peccats  don  ej  faJhit  ; 
Turhat  es  mon  entendemen, 

70     Car  ej  venir  au  iutjament. 

8.  Ihesus,  Sathan  he  Beljal 
[Vo]                        M'an  donat  conselh  de  fe  mal. 

Preg  te,  fe  los  de  my  fugir 
74    He  mon  plor  volhas  exausir. 

9.  Ihesus,  mot  grans  defalhimens 
Ey  cometutz  verajamens  ; 

Preg  te  me  syan  remetutz 
78    He  garnes  me  de  tas  virtutz. 

10.  Ihesus,  volhas  illuminar 
Los  peccadors  he  enclinar 
Per  se  convertir  soptament, 

82    Dabant  vengan  au  yutyamen. 


[Saum  XXXI] 
Beati  quorum 

1 .  Ihesus,  baptisme  ordenes 
Au  quai  tu  gran  virtut  don  es, 
Car  tôt  peccat  es  remetut 

86    Lo  iorn  que  hom  Ta  recebut. 

2.  Ihesus,  aquetz  son  ben  huratz 
Qui  seran  estatz  baptizatz, 

[po  302]  Mas  que  se  garden  de  peccar 

90     Ho  que  se  volhan  confessar. 

3.  Ihesus,  per  so  io  ey  peccat 


72  PARAPHRASE 

Car  ben  fasen  me  sonc  vantât  ; 
Mos  peccatz  no  ej  conegut 
94    Ne  confessatz  per  ma  salut. 

4.  IhesuS;  io  t'ej  mes  en  oblit, 
Car  eus  peccatz  me  sonc  dormit, 
He  tu  m'as  batut  asprament, 

98    Per  me  dona  recordament. 

5.  Ihesus,  per  so  quan  m'as  batut, 
Mos  peccatz  io  ej  conegut, 

Los  quais  voli  denunciar 
102    Devotament  he  confessar. 

6.  Ihesus,  io  ey  délibérât 
No  plus  demorar  en  peccat  ; 
Penitensa  voli  portar, 

106    Per  que  me  volhas  perdonar. 

[Vo]  7.  Ihesus,  tôt  sant  o  peccador 

Te  deu  pregar  ab  gran  dolor 
Merce  Io  temps  expédient, 
110    So  es  en  la  vita  présent. 

8.  Ihesus,  los  qui  auran  perdon 
De  tu,  estan  en  aquest  mon, 
Seguramens  poyran  venir 

114    Au  iutyament  he  comparir. 

9.  Ihesus,  tu  has  auctoritat 
De  remete  cascun  peccat  : 
Preg  te  volhas  me  perdonar 

118    He  gardam  de  no  plus  peccar. 

10.  Ihesus,  a  totz  los  penitens 
Tu  as  promes  seguramens 

De  los  ensenhar  los  camys 
122    Per  venir  en  ton  paradys. 

11.  Ihesus,  tais  camys  has  mostrat 
Quascun  fugisque  tôt  peccat, 

[F*  303]  Ho  que  se  volha  corregir 

126    Humilment  he  plus  no  falhir. 

12.  Ihesus,  los  qui  nos  corregiran 


DBS   PSAUMES   DE    LA  PENITENCE  73 

Per  tu  greument  punitz  seran 
De  fams,  guerras,  oppressions , 
130    Malautias,  vexassions. 

13.  Ihesus,  major  mau  los  daras 
Quan  lo  iutyament  tu  faras  : 

En  infern  totz  seran  botatz 
134    Hon  tostemps  seran  turmentatz. 

14.  Ihesus,  qui  se  corregiran 
He  merce  te  demandaran 
Poden  estar  alegrament, 

138    Car  tu  los  daras  saubament. 


Saum  XXXVII 
Domine  ne  in  fu[rore]  .ij, 

1 .  Ihesus,  tu  qui  es  mon  désir, 
Preg  te  volhas  me  corregir 
Segon  ta  merce  dossamen, 

[Vo]  142    He  nom  dampnes  yradamen. 

2.  Ihesus,  grandas  afiietios 
Passi  he  greus  punicios 

Deu  cos  he  de  mon  esperit, 
146    Car  contra  tu  io  ej  falhit. 

3.  Ihesus,  ne  ma  carn  ne  mos  os 
Non  han  sanetat  en  mon  cos  ; 
Totz  mos  esperitz  sonflaquatz 

150    Per  causa  de  mos  grans  peccatz. 

4.  Ihesus,  mon  arma  vexament 
Passa  he  mot  gran  turbament  ; 
Be  sonc  en  grans  penalitatz, 

154    Per  mas  grandas  iniquitatz. 

5.  Ihesus,  deus  peccatz  gariment 
Agu  en  mon  baptizament  ; 

Puys  ey  grans  vicis  cometut 
158    Dont  sonc  pudent  he  corrumput. 


PARAPHRASE 

6.  Ihesus,  car  io  non  ey  servat 
[F®  304]                Tos  mandamens  tu  m'as  curvat  ; 

Sens  dolor  sens  afiigiment 
162    No  serej  en  vita  présent. 

7.  Ihesus,  grandas  illusions 
Passi  he  grans  temptacions^ 
Neyt  he  iorn  per  mos  enemicx, 

166    Los  diables  vilhs  he  anticx. 

8.  Ihesus,  ma  carn,  mon  esperit 
Per  mos  mais  tu  has  affligit  ; 
Mon  cor  plora  fort  he  gémis, 

170    Desiran  lo  ton  paradys. 

9.  Ihesus,  ab  lo  ton  gran  regart 
Tu  beses  en  cascuna  part  ; 
Mon  désir  ves  he  gemiment, 

174    Lo  quai  es  que  volh  salvament. 

10.  Ihesus,  mon  cor  es  ben  turbat, 
Car  per  mon  deshonest  (ey)  peccat 
Lutz  e  virtut  me  defalhis, 

[V^]  178    Per  venir  hen  ton  paradis. 

11.  Ihesus,  per  que  lum  io  agos, 
A  mort  crusel  morir  volgos  ; 

Los  lusyus  don  tu  es  salhit 
182    Ligueren  te  puys  t'an  ferit. 

12.  Ihesus»  temensa  de  morir 
Tos  apostols  fec  totz  fugir  ; 
Grans  obprobris,  escarnimens 

186    Tu  sofris  en  totz  sentimens. 

13.  Ihesus,  quan  fos  lyurat  a  mort, 
Faus  testimonis  fon  d'acort  ; 
Iniustamens  fos  iudicat 

190    He  sens  causa  crucificat. 

14.  Ihesus,  per  ta  gran  la  virtut 
Lavetz  tu  fos  cum  sort  he*  mut, 
Car  sofris  pacientamens 

194    Totz  obprobris  he  totz  turinens. 


DES   PSAUMES  DE   LA  PÉNITENCE 

15.  Ihesus,  cum  fossas  filh  de  Diu, 
[Fo  305]                Home  te  monstres  ben  humiu  ; 

Cum  Tanhel  sofris  passion 
198    Senz  fer  nulha  rébellion. 

16.  Ihesus  mon  Diu  he  mon  sorelh, 
Ma  'speransa  he  mon  conselh, 

Preg  te  volhas  me  exausir, 
202    Pus  que  bas  tant  volut  sofrir. 

17.  Ihesus,  mos  vicis  he  peccatz 
Preg  te  me  syan  perdonatz  ; 

De  mi  nos  puscan  alegrar 
206      Mos  enemicx  ne  s'en  trufar. 

18.  Ihesus,  cum  te  sera  plasent, 
Volh  sustenir  flagellament. 

De  mos  peccatz  ey  gran  dolor 
210    Per  so  que  soj  gran  peccador. 

19.  Ihesus,  io  volh  denunciar 
Mos  peccatz  he  los  confessar  ; 
Deus  vicis  me  volh  corregir 

rv°]  214    He  hobras  de  virtutz  complir. 

20.  Ihesus,  vins  son  mos  enemicx, 
La  carn,  los  demonis  anticx, 

He  lo  mon  qui  me  fen  peccar 
218    Neyt  e  iorn  qua[s]i  sens  cessar. 

21.  Ihesus,  après  confession 
Etz  me  donan  temptation  ; 
Fen  me  leyssar  virtutz  plasens 

222    He  tornar  aus  vicis  pudens. 

22.  Ihesus,  mon  Diu  he  mon  Senhor, 
Mos  enemicx  ban  gran  valor  : 

De  my  not  volhas  espartir 
226    Per  que  los  poscay  resestir. 

23.  Ihesus,  mon  Diu  he  ma  salut, 
Mon  senhor  qui  m'as  redemut, 
Dam  secors  he  aiudament 

230    Per  venir  en  ton  saubament. 


76  PARAPHRASE 

[Saum  L] 
Miserere 

[F®  306]  1.  Ibesus  mon  Diu  he  Salvador, 

lo  soj  gran  he  vilh  peccador; 
Preg  te  volhas  me  perdonar 
234    Per  ta  merce,  no  pas  dampnar. 

2.  Ihesus,  tu  has  donat  perdon 
Ans  qui  sos  peccatz  conegon  : 
Prec  te  donc  per  ta  pietat 

238    Perdones  ma  iniquitat. 

3.  Ihesus,  peccat  ey  doblament 
Per  obra  he  consentiment  ; 
Prec  te  volhas  me  tu  lavar 

242    De  tôt  peccat  he  netejar. 

4.  Ihesus,  ma  gran  iniquitat 
lo  coneg  he  mon  gran  peccat  ; 
Desplatz  me  quar  Tej  cometut, 

246    Preg  te  volhas  me  dar  salut. 

5.  Ihesus,  en  ton  regardament 
Peccat  ey  deshonestament  ; 

[V®]  Preg  te  volhas  me  perdonar 

250    Cum  tu  has  feyt  prophetizar. 

6.  Ihesus,  quan  io  fu  engendrât 
Encontinent  fu  en  peccat, 

Puys  ey  peccat  actualment  ; 
254    Preg  te,  dgnam  perdonament. 

7.  Ihesus,  mon  Diu  he  mon  Senhor, 
Tu  as  bertat  en  gran  amor  ; 

Preg  te  que[m]  dones  donc  salut 
258    Ayssi  cum  tu  has  prometut. 

8.  Ihesus,  per  mon  defalhiment 
lo  soy  meset,  vilh  he  pudent  ; 
Lavar  me  volhas  en  ton  sanc, 
262    He  tornare  plus  que  neu  blanc. 


DBS    PSAUMES    DR  hL  PENITENCE  77 

9.  Ihesus,  mos  génois  enclinatz, 
Preg  te  remetas^os  peccatz  ; 
Pujs  estare  ioyosament, 
266    Demoran  lo  ton  iutyamen. 

[F®  307J  10.  Ihesus,  no  volhas  regardar 

Mos  peccatz  ne  los  recordar  ; 
Preg  te  syan  totz  desfaâSatz, 
270    He  totas^mas  iniquitatz. 

11.  Ihesus,  yolhas  novelament 
Mon  cor  fe.nete  he  plasent, 

He  mon  [e]sperit  dreturer, 
274    Que  tu  sjas  son  desyrer. 

12.  Ihesus,  deu  gracies  regart 
De  ton  visatge  donam  part  ; 

En  aquest  mon  syay  complit 
278    Deus  doos  de  ton  sant  [e]sperit. 

13.  Ihesus,  peccan  io  ey  perdut 
Lo  gran  plaser  de  ta  salut  ; 
Preg  te  volhas  lom  retornar 

282    He  gardam  plus  de  no  peccar. 

.   14.  Ihesus,  quan  serey  perdonat, 
Aus  peccados  sera  donat 
[V®]  Exemple  de  se  convertir 

286    He  tos  commandamens  complîr. 

15.  Ihesus,  mon  Diu  he  ma  salut, 
Penas  d'infern  ey  encorrut  ; 

Preg  te  que  m'en  volhas  gardar 
290    Affin  que  iot  posquay  lausar. 

16.  Ihesus,  per  mos  defalhimens 
Totz  son  barratz  mos  sentimens  ; 
Obre  los  per  ta  gran  dossor 

294    He  disere  ta  gran  lausor. 

17.  Ihesus,  los  anticx  sacramens 
Haras  no  te  son  plus  plasens  ; 
Plus  perfeytz  los  has  ordenatz, 

298    Per  nos  purgar  de  totz  peccatz. 


78  PARAPHRASE 

18.  Ihesus,  a  tu  es  mot  plasent 
Lo  cor  contrit  he  pénitent  ; 
Prec  te  sya  donc  acceptât 
302    Mon  cor  per  sa  humilitat. 

[po  308]  19.  Ihesus,  volhas  benignamens 

Tractar  he  graciosamens 
Totz  peccados  he  perdonar 
306    He  puys  ton  paradys  donar. 

20.  Ihesus,  quan  nos  ab  tu  seram, 
Perfeytamens  te  lausaram, 
Sens  defenir  eternalmens, 
310    De  lausors  quet  seran  plasens. 


[Saum  CI] 
Domine  exaudi  .j. 

1.  Ihesus,  fasen  mot  gran  sospir, 
Preg  te  que  volhas  exausir 

Mas  de  votas  oratios, 
314    Clamors  he  supplicatios. 

2.  Ihesus,  preg  te  io  de  présent, 
Ab  cor  humil  he  pénitent. 

Ver  my  tu  vires  ton  regart, 
318    De  ta  merce  fasen  me  part. 

3.  Ihesus,  tôt  iorn  sonc  tribulat, 
[V  ]                         Mas  so  es  per  mon  gran  peccat  ; 

Preg  te  volhas  me  consolar 
322    Soptamens  sens  trop  demorar. 

4.  Ihesus,  trist  es  mon  esperit 
Car  contra  tu  io  e j  falhit  ; 
Morir  me  falh  sopt[os]ament 

326    He  venir  en  ton  iutyament. 

5.  Ihesus,  mon  cor  es  sens  virtut, 
Gum  es  lo  fen  quan  es  rumput, 
So  es  per  mos  defalhimens 


DES  PSAUMES  DE  LÀ   PENITENCE 
330    Romput  ey  tos  comandamens. 

6.  Ihesus,  lo  djable  perdut 
Mos  sentimens  ha  decebut, 
He  ma  rason  ha  consentit 

334    Aus  sentimens  don  ey  falhit. 

7.  Ihesus,  per  t(ayamor  sobiran, 
Feyt  has  cum  fe  lo  pellican 

Ton  costat  precios  traucar, 
[F**  309]      338     Per  nos  autres  beneficar. 

8.  Ihesus,  très  iorns  tu  has  dormit 
Cum  niticorax  sepelit  ; 

Apres  lo  passer  tu  semblés 
342    Car  valentmens  resuscites. 

9.  Ihesus,  mot  granda  passion, 
Derrisimens,  turbacion, 
Obprobris  he  escarnimens 

346    Tu  sofris  per  mos  falhimens. 

10.  Ihesus,  pan  de  penalitat 
A(d)  dolor  per  mi  has  minyat, 
Begut  potatge  fort  amar  ; 

350     Preg  te  volhas  me  perdonar. 

11.  Ihesus,  tu  es  mon  creator, 
En  après  fos  mon  Salvador  ; 
Puys  tant'  honor  me  as  donat, 

354     Preg  te  que  no  siay  dampnat. 

12.  Ihesus,  per  so  quan  ey  falhit, 
[V°]                         Lo  meu  temps  tantos  es  complit, 

Mos  iorns  passan  leugeramens, 
358    Cum-  fen  la  umbra  he  los  vens. 

13.  Ihesus,  tu  no  has  mudament, 
Ans  demoras  eternalment  ; 

Totas  causas  ve  ton  ulh  gran 
362    Estadas  que  son  he  vendran. 

14.  Ihesus,  merce  tu  has  agut 
De  nos,  quan  a  tu  [a]  plagut, 

He  te  demostres  en  Syon, 


80  PARAPHRASE 

366    Sas  las  mas  de  sent  Sjmeon. 

15.  Ibesus,  primer  fes  predicar 
Tos  apostols  he  explicar 

Aus  lusjus  ton  adveniment, 
370    Per  los  menar  a  salvament. 

16.  Ihesus,  après  etz  convertin 
Los  gentils,  motpoble  mesquin  ; 
Rejs  he  grans  senhors  an  doptat 

[F®  310]      374    Ton  nom  sant  he  ta  podestat. 

17.  Ihesus,  ta  fes  lo  firmament 
De  nostra  fe  he  bastiment 

En  Sjon,  la  on  prediques 
378    He  grans  miracles  demonstres. 

18.  Ihesus,  ab  gran  humilitat 
Los  anticx  pays  t'an  supplicat 
En  lo  mon  volossas  venir, 

382    He  tu  as  complit  lor  désir. 

19.  Ihesus,lo  gran  reparament 
Que  has  feyt  he  consolament 
Scriure  se  deu  he  nunciar 

386    A  totz,  per  te  remerciar. 

20.  Ihesus,  per  ta  benignitat, 
Prees  has  nostra  humanitat, 
He  cum  fossas  Dius  eternal, 

390    Es  de  feyt  home  temporal. 

21.  Ihesus,  tu  per  sot'encames 
[V®1                        Per  nos  deljurar  presones  ; 

Tôt  hom  era  près  he  estacat, 
394    Per  causa  deu  primer  peccat. 

22.  Ihesus,  aquest  misteri  gran 
Que  tu  fes  he  tan  sobiran 

Tu  bos  que  sya  prédicat, 
398    He  lo  ton  nom  glorificat. 

23.  Ihesus,  rejs  he  pobles  petitz, 
Tu  vos  que  totz  sjan  unitz 


DhS   PSAUMES   DE    LA    PBMTBNCE  81 

En  ta  fe  [he]  tos  sacramens 
402    He  te  servescan  sanctamens. 

24.  Ihesus,  perfeyta  es  ta  ley 
En  la  quai  fermamens  io  crey, 
He  darara  sens  aver  fin 

406    Entre  que  sera  segleôn. 

25.  Ihesus,  fem  viure  iustamens 
He  tenir  tos  comandamens, 

En  m  os  petitz  iorns  tempérais 
[F*  31 1]       410    Per  venir  eus  tos  eternals. 

^  26.  Ihesus,  primer  tu  as  créât 

La  terra,  la  quai  es  débat; 
Los  cens  crées  parelhament 
414    He  tôt  quant  es  verayament. 

27.  Ihesus,  quan  lo  mon  desfaras, 
Los  cens  qui  son  tu  mudaras; 

Plus  no  faran  lor  movement 
418    Apres  lo  iorn  deu  iutyament. 

28.  Ihesus,  lavetz  mudatz  seran 
Totz  helemens  he  cessaran  ; 

Tu  duraras  sen  feniment, 
422     Car  tu  es  Dius  eternalment. 

29.  Ihesus,  los  crestians  fiseus 
Habitaran  ab  tu  eus  cens, 
Apres  la  vita  temporau, 

426     En  ton  paradis  eternau. 


[Saum  CXXIX] 
De  profundis 

[V**]  1 .  Ihesus,  en  grans  profunditatz 

Sonc  de  mos  vicis  he  peccatz  ; 
Preg  te,  mon  Diu  he  mon  Senhor, 
430     Volhas  exausir  ma  clamor. 

2.  Ihesus,  ab  lo  ton  ausiment 


S2  PARAPHRASE 

Pietados  he  ben  clément, 
Auyas  ma  depreoation, 
434    Fejta  dab  grau  devocion. 

3.  Ihesus,  mon  Diu  he  mon  Senhor, 
Si  tu  voles  ab  gran  rigor 

Totas  iniquitatz  punir, 
438    Degun  no  pojre  sostenir. 

4.  Ihesus,  en  tu  es  tôt  poder 
De  perdonar  he  lo  voler, 

Car  ta  lej  nos  ditz  claramens 
442     Merce  auras  deus  penitens. 

5.  Ihesus,  car  tu  as  prometut 
A  us  penitens  donar  saluh 

fP"312]  Mon  arma  he  mon  [e]sperit 

446     Confisan  en  so  que  has  dit. 

6.  Ihesus,  despujs  lo  nascement 
Fins  a  la  mortverayament 

Vos  que  en  tu  nos  confisem 
450    He  merce  nos  te  demandem. 

7.  Ihesus,  de  totz  maus  he  périls 
Tu  podes  delyurar  tos  filhs, 

Car  tu  as  habundosament 
454     Merce  per  donar  salvament. 

8.  Ihesus,  misericordios 
Tu  seras  de  totz  peccados 
Que  son  vertades  penitens; 

458     Perdonam  mos  defalhimens. 


[Saum  CXLII] 
Domine  exaudi  .ij. 

1.  Ihesus,  pietadosament 
Ausir  me  volhas  de  présent 
He  perdonar  ab  gran  dossor, 
[V**]  462    No  pas  punir  segon  rigor. 


DBS    PSAUMBS    DE    LA   PENITENCE  83 

2.  Ihesus,  non  volhas  playdejar 
Encontra  my  ne  disputar, 

Car  io  confessi  clarament 
466    Haver  peccat  yjlanament. 

3.  Ihesus,  contra  tu  ey  falhit, 
Lo  diable  m'a  perseguit 

He  feyt  amar  bées  terrenaus 
470    He  leyssar  los  celestiaus. 

4.  Ihesus,  en  las  obscuritatz 
De  totz  vicis  he  de  peccatz 
M'a  coUocat  he  sepelit  ; 

474     Lo  cor  n'ey  trist  he  Tesperit. 

5.  Ihesus,  quan  ey  recordament 
De  so  que  fes  antiquament 
Contra  los  peccados  passatz, 

478    Mos  sentiments  io  ey  turbatz. 

6.  Ihesus,  de  paor  soy  rumput, 
[W^  313]                Cum  terra  quan  no  ha  plagut  ; 

Las  mas  expandi  humilment 
482    A  tu  quem  dones  salvament. 

7.  Ihesus,  quasi  m'es  defalkit 
Degran  paor  mon  esperit  ; 
Preg  te,  mon  Diu  he  mon  désir, 

486    Tantos  me  volhas  exausir. 

8.  Ihesus,  lo  ton  visatge  clar 
Contra  my  no  volhas  virar, 
Ayas  merce  de  mos  peccatz, 

490    No  ressembli  los  desperatz. 

9.  Ihesus,  perdonam  soptamens 
Mos  vils  peccats  he  falhimens  ; 
Ma  'speransa  he  ma  salut 

494    Tu  es,  car  tu  m'as  redemut. 

10.  Ihesus,  monstra  me  los  camis 
Per  venir  en  ton  paradis  ; 

Ver  tu  levi  mon  esperit, 
[V°]  498    Donam  perdon,  car  ey  falhit. 


84  PARAPHRASE 

11.  Diesus,  Yolhas  me  deliurar 
Deus  enemicx  he  defensar  ; 

Cum  syas  mon  Dius  de  vertat, 
502    Monstram  complir  ta  voluntat. 

12.  Ihesus,  yolhas  me  fe  régir 
Au  bon  esperit  sens  falhir  ; 

La  mort  d'infern  io  ey  dessus, 
506    Fem  viure  per  ton  nom,  Ihesus. 

13.  Ihesus,  Yolhas  me  consolar 
Per  ta  merce  he  dely[u]rar, 

He  fe  mos  enemics  fugir, 
510    Nom  fassam  per  tos  temps  périr. 

14.  Ihesus,  tu  es  mon  Salvador 
He  yo  ton  humil  servidor  ; 
Preg  te  volhas  me  donc  salvar 

514    He  mos  enemicx  descipar. 


1 .  O  Vergis  plena  de  dossor, 
[F*  314]  Mayre  de  nostre  Salvador, 

Vostre  car  filh  volhas  pregar 
518    Ihesus  quens  volha  perdonar. 

2.  O  sancs  he  sanctas,  de  présent 
Pregui  vos  totz  devotament 
Ihesu  Crist  volhatz  totz  pregar 
522    Que  totz  nos  volha  perdonar. 


Oratio  Manasse 

0  Payre,  Filh,  Sant  Sperit,  très  personas  .j.  dius  eternal, 
inmortal,  senhor  tôt  poderos,  plan  de  misericordia.  Tu  Sen- 
hor,  per  la  tua  gran  bontat,  ordenes  penitencia  per  los  pec- 
cados,  no  pas  per  los  sancs  homes  cum  son  Abraham,  Ysaac 
he  lacob  qui  no  han  contra  tu  peccat  en  deguna  maneyra.  Tu 
Senhor,  per  la  tua  gran  misericordia,  feyt  has  permission  de 


DBS   PSAUMES   DE   LA    PENITENCE  85 

donar  perdon,  salut,  remission  [V**]  atotz  peccados  qui  peni- 

tencia  fer  voleran,  he  ha  lor  fin  paradis  on  es  la  tua  gloria. 

Tu,   Senhor,  per  mj  has   donc  ordenat  penitencia,  que  sonc 

vilh  peccador  he  sus  totz  plus  abhominable,  car  mos  peccatz 

sobermontan  lo  nombre  de  las  arenas  que  son  en  la  mar,  per 

los  quaus  no  sonc  digne  veser  ne  regardar  lo  ceu  ne  las  es- 

telas.  Senhor,  mos  grans  vicis  me  tenenligat,  greumens  pre- 

mut  et  estaquat,  he  de  lor  no  podi  salhir  ne  estre  delyurat 

sens  de  ton  adjutori.  Senhor,  a  causa  de  mos  grans  peccatz  io 

ey  encorrut  la  tua  yra  he  ta  endignation,  he  sonc  digne  de 

dampnacion  ;  per  so ,  mos  génois  enclinatz,  monstran  humili- 

tat,  recorry  a  la  tua  gran  bontat  [P°  315],  cridan  misericor- 

dia.  Senhor,  contra  tu  ej  peccat,  Senhor,  contra  tu  ey  falhit, 

Senhor  io  coneg  mon  peccat,  preg  te  donc  no  siay  dampnat, 

ab  los  dampnatz   ne  collocat,  qui  son  dejus  la  terra.  Senhor, 

no    sonc  pas  digne  de  haber  ton  paradis,  per  causa  de  mos 

grans  peccatz  ;  mas  preg  te  volhas  me  salvar,  segon  ta  gran 

bontat,  per  ta  misericordia  ;  he  io  lausare  lo  ton  sanct  nom  en 

la  vita  présent,  he  après  ab  los  angels  qui  td  lausan  devota- 

ment  m  secula  seculo9*um.  Amen. 

NOTES 

Vers  5.  «  fem.  «Ms.  son  ou  Ion? 

13.  «  Me.  »  Ms.  oxf 

108.  «  pregar.  »  Corr.  cridarf  ou  merce  est-il  ici, non  pas  le  régime 
direct  du  verbe,  mais  une  préposition  gouvernant  lo  temps  f 

127.  «corregiran^  »  Covt.  pentiran?  On  pourrait  encore  rétablir  la 
mesure  en  supprimant  los.  Cf.  v.  135. 

134.  «  seran. »  Ms.  seram. 

218.  «  qula\si.  «Cf.  v.  483. 

256.  «  tornare.  »  Ms.  tornaxe. 

310.  «seran. »Ms.  seram. 

318.«beneficar.))  Lecture  incertaine  ;  il  parait  y  avoir  buuficar  dans 
le  ms. 

348.  Ms.  Ad  c^o/or,  ainsi  divisé,  sans  doute  pour  addolor  =a  dolor; 
ou  corr.  Ah  dolor? 

Page  84  dernière  1.  <(  senhor.  »  Ms.  henhor, 

—  85  1.  14.  «  mon.  »  Ms.  mot. 

—  85  1.  16.  Corr.  ne  ab  los  dampnatz  collocat,  ou  simplement 
ne  en  nof 

(A  suivre.) 

7 


Dialectes  Modernes 

POÉSIES  LANGUEDOCIENNES 

DE  LÉON  ROirVIÈRE 

(Suite  et  fin) 
PROVERBES  1 


1 .  Qé  rébéia  lou  chi  can  dor, 

Se  lou  mor, 
N'a  pas  tor. 

2.  Që  boou  à  touta  peira  soun  coutel  aguza, 

A  tout  balat  soun  chibal  abuoura, 
A  touta  ûeira  sa  fenna  passécha, 
A  la  fin  de  Tan  noun  a  qu'un  coutelou,  una  rossa  e  una 
p... 

3.  Qé  fai  las  pars  é  qé  s'engana  mérita  de  pati. 

4.  Qé  per  aze  se  loga,  per  aze  caou  que  serbighe. 

5.  Qé  boou  de  pei,  moia  l'arpa. 

6.  Q'émbé  d'enfans  s'en  bai  dourmi, 
M. .  •  se  léba  lou  mati. 

7 .  Qan-t-un  bilén  s'alarga,  tout  jé  bai. 

8.  Qé  mestres  bolou  é  qé  barlés  plourou,  aco  's  de  larmas 

estrassadas. 

9.  Qan-t-on  mancha,  caou  faire  un  es. . . 

10 .  Qan-t-un  aoubre  es  toumbat,  tout  lou  mounde  couris  à 

las  brancas. 

11.  Cassaire  à  las  pantas,  pescaire  d'aiga  doussa, 

Ohamai  n'acampou  moussa. 

12.  Faou  estacaTaze  ounte  lou  mestre  lou  boou. 

13.  Seloun  lou  ben,  faou  métré  la  bêla. 


*  Ils  ODt  été  transcrits  par  Rouvière  sur  quatre  pages  cgoutées  à  la  fin  du 
Dictionnaire  de  l'abbé  de  Sauvages  (Alais,  Martin,  1820,  2  v.  in-S"). 


POESIES    DE  ROUVIÉRK  87 

14 .  So  que  poun, 

Roun. 

15.  Se  metes  toun  bi  dins  una  michanta  tina,  sentira  à  maou 

net. 

16.  On  a  beoa  sibla,  qan  Faze  bôu  pas  buoure. 
17  De  rassa, 

L»ou  chi  cassa. 

18.  Lous  cas  fan  pas  dé  chis. 

19.  P...écMs 
Ménou  pas  qé  rebaladis. 

20 .  Adrech  couma  lou  c. . . .  d'un  por  qé  se  bara  sans  cour- 

dils. 
21  ^      Boou  mai  suza  qé  trambla. 

22 .  Cocha-te  tar  é  léba-té  mati, 

Faras  enracha  toun  bézi. 

23.  Qan  papiés  parlou, 

Barbas  calou. 

24.  Boou  mai  un  qé  sap  qe  cen  qé  cercou. 

25.  Peira  qé  roUa  n'acampa  pas  moussa. 

26.  Nostra-Dama  de  Goura-goura, 

Qé  yé  quita  pas  de  peou,  yé  quita  de  boura. 

27 .  Fenna  morta, 
Archen  porta. 

28.  Fenna  biba, 
Archen  tira. 

29.  Couma  las  castagnas  daou  Bigan,  una  bona  emV  una 

michanta. 

30.  Se  vos  pa  perdre,  té  caoupas  chouga. 

31.  Aco  se  plaidecha  à  Bedarious. 

32.  Chacun  soun  escot,  lou  bi  es  pas  cher. 

33.  San  li  fremos,  leis  omes  sian  d'ours  maou  lipas. 
34       Voou  peta  pus  naou  qe  lou  ki. . . . 

35.  L'aze  de  moussu  Berge  roun,  d'oun  mai  es  cargat,  d'oun 

mai  tira. 

36.  Lous  enfans  de  Jhérusalem, 
D'oun  mai  anan,  d'oun  men  balen. 

37.  A  fach  couma  lous  toupis  de  sen  Qinti,  s'es  perdut  per 

la  coueta. 

38.  Las  paraoulossounde  fumeloS;  lous  cos  soun  de  mascles. 


88  POÉSIES   DE   ROUVIÈRE 

39.  Lamesso  es  dicho,  lou  capélan  s'es  enana. 

40.  Troubarié  pa  d'aigo  à  la  mar. 

41.  Quicon  ja,  can  lou  chi  chapa. 

42.  A  la  porto  d'un  jhougadou, 
Tantô  choio,  tantô  doulou. 

43.  Q'a  mâla  fénna,  la  deou  batre  ; 
Qe  Ta  bona,  la  deou  léca. 

44.  Fenna  blassada 

Es  mitât  empregnada*. 


*  Les  qo»  14,  33  et  34,  —  peut-être  même  30,  où  Bouvière  emploie,  con- 
trairemeut  à  son  habitude,  le  v  pour  le  à  {vos  pour  bos)  —  appartiennent  au 
provençal  (provençal-nimois?). 

Les  finales  féminines  en  o  des  n»*  38,  39,  40  et  42,  ainsi  que  l'article  fé- 
minin pluriel  las  et  masculin  pluriel  lous  (Proverbe  38),  indiqueraient  une 
provenance  cévenole. 

Les  autres  numéros  relèvent  du  langage  de  Montpellier.  (C.  de  Vallat.) 


Poésies 


PEIRE  ROGIER  * 

A    M.    MâRSAL   SOULLIER 

L'an  de  Nostre  Senhour  mil  e  très  cenz  e  trenta  : 
Es  tart,  e^  negra  nueg  ;  defora  plueu  e  venta. 
Countr'  un  chalel  de  couire,  a  sa  clartat  mourenta, 
Un  prestre  velha,  soûl  ;  ia'n  pauc  que  la  serventa 
Es  anada  dourmir:  la  vielhessa  es  dourmenta... 
Toc  !  — «  Qu's  aco?))  —  «Drubetz!  »  dig  una  voutz  doulenta. 
Cour  drubir  ;  e  subran  requiula  d'espaventa  ! 
Un  home  es  devans  ilh,  nut  coum'  un  verme  :  «  Oh  I  senta, 
Senta  maire  de  Dieu  !  .  »  —  «Boun  prestre,  siatz  sens  crenta  ; 
En  gracia,  sauvatz-me  ! 

»  En  gracia,  sauvatz-me  !  More  de  freg,  d'esfrai  ; 
More  mais  que  mais  d'ounta  !...  Apueija  vous  dirai 
So  qui  m'es  arribat'l...  »  —  «  Intratz  viste ,  moun  frai  ! 

PIERRE  ROaiER 
A  M.  Martial  Soullier 

L'an  de  Notre  Seigneur  mil  et  trois  cent  et  trente  :  —  il  est  tard  ; 
il  est  nuit  noire  ;  dehors  il  pleut,  il  vente .  —  Devant  une  lampe  de 
cuivre,  à  sa  mourante  clarté,  —  un  prêtre  veille,  seul  ;  il  y  a  un  mo- 
ment que  la  domestique  —  est  allée  dormir  :  la  vieillesse  dort  volon- 
tiers. . . — Toc  !  «  Qui  est-ce?» — «  Ouvrez!  »  dit  une  voix  plaintive. — 
Il  court  ouvrir  ;  et  soudain  il  recule  d'épouvante  !  —  Un  homme  est 
devant  lui,  nu  comme  un  ver  de  terre:  —«0  sainte,  —  sainte  mère  de 
Dieu! . ...»  — «  Bon  prêtre,  soyez  sans  crainte;  —en  grâce,  sauvez- 
moi! 

3>  En  grâce,  sauvez-moi!  Je  meurs  de  froid,  de  frayeur; — je  meurs 
surtout  de  honte  ! . . . — Après,  je  vous  dirai  — ce  qui  m'est  arrivé  !..  » 
«  —  Entrez  vite,  mon  frère  ! — Tout  ce  qui  est  à  moi  est  à  vous  !  Entrez 

'  Cette  histoire  se  lit  dans  Baluze  {Vie  des  Papes  d'Avignon)  et  dans  F. 
Marvaud  (Hist.  du  bas  Limousin). 


90  POESIES 

Tout  aco  meu  es  vostre  !  Intratz  viste  !  »  Adounc  vai 
Querre  una  soua  soutana  en  raz  de  Tala,  e  fai 
Un  fueg  de  branda  sécha...:  —  «  Apraumatz-vous  mais,  mai  ! . . . 
Estatz-vous  mielhs  abaura?....  E  be,  countatz,  si  us  plai, 

—  E  vous  escoutarai,  e  me  destranharai  !  — 

Vostra  mesaventura , 

»  Vostra  mesaventura  e  voslra  malachansa  ! 
Crejatz  qu'am  vous  lei  vau  sens  deguna  doutansa  ; 
Tout,  vostre  biais,  vostre  aire  e  vostre    maluransa, 
Tout  so  que  pareissetz  me  ganha  per  avansal  » 
L'oste,  amb'  una  doussour  plena  d'asseguransa  : 
«  Counesse  ma  proumessa  emais  vostr'  esperansa. 
Vous  deve  la  vertafc,  Tavetz'qui  sens  balansa; 
Escoutatz  e  saubretz. 

»  Escoutatz  e  saubretz  qui  sui  Peire  Rogier, 
Mounge  benezitin,  nulamen  estrangier, 
Quar  a  la  Chieza-Dieu  m'esperon.  Passagier, 
Me  couchava  soulet,  sens  pensar  al  dangier , 
Quan,  alen,  dins  la  costa,  en  pais  bouscagier, 
Très  ou  quatre  lairous  m' an  tan  boutât  leugier 
Que  me  sobra  res  pus,  aprep  vostre  fougier, 
Mas  aquelabit  vostre. 

vite  ! »  Alors  il  va  quérir  une  de  ses  soutanes  en  drap  de  Tulle 

et  fait — un  feu  de  broutille  sèche  :«  Approchez-vous encore,encore  !..., 
— Vous  vous  trouvez  mieux  à  présent?. . .  Ehl  bien,  contez-moi,  s*il 
vous  plaît  —  (et  je  vous  écouterai,  et  je  me  distr  airai)  votre  mésa- 
venture, 

»  Votre  mésaventure  et  votre  malechance  !..  —  Croyez  que  je  vais 
avec  vous  sans  méfiance  aucune  ;  —  tout,  votre  façon,  votre  air  et 
votre  malheur.  —  tout  ce  que  vous  paraissez  me  gagne  d'avance  !...> 

—  L*hôte,  avec  une  douceur  pleine  d'assurance  :  —  «  Je  connois  ma 
promesse  et  votre  attente.  —  Je  vous  dois  la  vérité,  la  voici  sans  ba- 
lancer ; —  écoutez  et  vous  saurez. 

»  Écoutez  et  vous  saurez  que  je  suis  Pierre  Roger,  moine  bénédic- 
tin, nullement  étranger,  —  car  je  suis  attendu  à  la  Chaise-Dieu* 
Passager,  —  je  me  hâtois  seul,  sans  penser  au  péril,  —  lorsque,  là- 
bas,  dans  la  côte,  en  pays  de  bois,  —  trois  ou  quatre  larrons  m'ont 
mis  si  léger  —  qu'il  ne  me  reste  plus  rien,  après  votre  foyer,  —  que  ce 
vêtement  qui  est  également  à  vous. 


POËSIBS  91 

»   Mas  aquel  abit  vostre  !...  Ingrat!  me  resta  enguera 
Una  recounessensa  inmourtala  e  sencera 
Per  vous,  qu'avetz  pietat  de  ieu  dins  ma  misera; 
Vous,  moun  samaritan  !  vous  ma  vita!..  Ai  coulera 
De  mas  pagar  aital  en  paraulas  !...  Ah  !  s'era 
Rei  de  Fransa,  ou  dalfin  d' Auvernhe  ! . .  d  —  «  Persévéra  ! 
Digiou  prouverb,  auras  mais  que  toun  cor  n'espéra; 
Perseveratz,  moun  fraire  !  e  si  tout  vous  prouspera  ; 
S'apouderatzlou  sort  couma  n'an  Tapoudera, 
Seretz  Papa,  segur  !  » 

Siguet  Papa,  segur!....  Clemens  sieis,  noble  noum, 
Que  Rouma  benezis  aitan  coum'  Avenhoun  !.. . 
Un  cop  Peire  Rogier  amplanat  al  pinhoun, 
Sens  doute  qu'oublidet  lou boun  prestre?  Oh!  que'noun ! 
Mandat  pel  sacre,  agacha,  afourtunat  temoùnh  ; 
Pueislou  Papa  lou  sona  ;«  A  Toulousa  an  besounh 
D'un  evesque...  vai  lei  !  »  E  lou  prestre  respoun 
»  Lauvat  siaDieus  !  »  (un  pounh)*. 

XV.  de  Genier.  m.  d.  c.o.c.  lxxx. 
Josep  Rous. 

3>  Rien  que  ce  vêtement,  qui  est  à  vous  aussi  ! . .  Ingrat  !  Il  me  reste 
encore—  une  reconnoissance  immortelle  et  sincère .— pour  vous,  qui 
avez  pitié  de  moi  dans  ma  misère  ;  —  vous,  mon  samaritain!  vous, 
ma  vie!. . . .  J'ai  dépit  —  de  ne  payer  ainsi  qu'en  paroles!.  ..Ah!  si 
j'étois  —  roi  de  France  ou  dauphin  d'Auvergne  ! . . .  »  —  «  Persévère, 
dit  le  proverbe,  tu  auras  plus  que  n'espère  ton  cœur.  >» —  Persévérez, 
mon  frère  I  Et,  si  tout  vous  réussit  ;  —  si  vous  surmontez  le  sort  comme 
on  le  surmonte, — vous  serez  Pape,  à  coup  sûr!  » 

Il  fut  Pape,  à  coup  sûr  ! Clément  VI,  noble  nom,  —  que  Rome 

bénit  à  l'envi  d'Avignon  !....  —  Une  fois  Pierre  Roger  arrivé  au  pi- 
nacle, —  sans  doute  qu'il  oublia  le  bon  prêtre  ?  Oh  !  que  non  pas  !  — 
Mandé  pour  le  sacre,  il  regarde,  témoin  heureux.  —  Puis  le  Pape 
l'appelle  :  «  A  Toulouse,  il  faut  —  un  évêque. .  .  vas-y  !  «  Et  le  prêtre 
répond  :  «  Dieu  soit  loué  !  »  (un  point) .  Joseph  Roux. 

15  janvier  1880. 

*  Pierre-Roger  de  Beaufort,  petit-fils  de  ce  chevalier  dont  Geoffroi  de  Vigeois 
raconte  la  présence  d'esprit,  lors  de  la  visite  inattendue  du  comte  de  Poitiers 
au  château    de  Ventadour,  naquit  au  château  de  Maumont,  sur  la  paroisse  de 


L'ESTATUETO 


A   MOUN   AMIC   L.-SaVIÈ  DE  RiCARD 

La  nueit,  dins  les  canvalhs  e  les  gourgs,  s'es  rejunto. 
L'albo  clarejo  al  frount  d'un  bel  maitl  de  mai 
E,  per  un  camp  planiè,  le  parelh  fa  'no  junto, 
Sens  estriba'n  boussl,  sens  captira  jamai. 

LA  STATUETTE 

A   MON   AMI   L.-XaVIER    DE    RiCARD 

La  nuit,  dans  les  précipices  et  les  gouffres,  s'est  cachée.  —  L'aube 
brille  au  front  d'un  beau  matin  de  mai,  —  et,  par  un  champ  uni,  la 
paire  [de  bœufs]  fait  une  arure,  — sans  se  serrer  un  peu  [contre  le 
timon  de  la  charrue],  sans  s'en  éloigner  jamais. 

Roziers-d'Egletoiis,  en  bas  Limousin.  D'abord  moine  bénédictin  à  l'abbaye 
de  la  Chaise-Dieu,  près  Brioude,  il  devint  évéque  d'Arras,  puis  archevêque  de 
Sens  et  de  Rouen,  puis  cardinal,  et  enfin  pape.  Il  régna  dix  ans,  du  7  mai  1342 
au  6  décembre  1352 . 

Clément  VI  redisait  volontiers  ce  mot  d'un  empereur  romain  :  «  Personne 
ne  doit  se  retirer  mécontent  de  la  présence  du  prince.  »  Sa  magnificence  resta 
proverbiale:  «Ah  !  répondait-il  gracieusement  à  ceux  qui  lui  reprochaient  ses 
largesses,  mes  prédécesseurs  ne  savoient  pas  être  papes  !  » 

Il  aima  et  honora  Pétrarque. 

Clément  VI  ne  fut  jamais  oublieux  de  son  pays  ni  de  ses  compatriotes.  Un 
jour,  parlant  de  son  cher  Limousin,  il  s'écria:  <(  Je  y  planterey  un  tel  rozier 
»  des  gens  de  nostre  nation  que  il  ne  sera  de  chi  à  chent  ans  que  il  y  en  oit 
des  rachines  et  des  boutons!  »  Ingénieuse  allusion  à  son  nom  de  Roger  (Rogier), 
à  sa  paroisse  natale  de  Roziers  et  à  ses  armes  parlantes,  composées  de  six 
roses. 

Il  tint  parole.  Innocent  VI  et  Grégoire  XI,  l'un  du  village  de  Monts,  pa- 
roisse de  Beyssac,  l'autre  du  château  de  Maumont,  comme  son  oncle  Clé- 
*ment  VI,  ceignirent  la  tiare;  Birel,  le  chartreux  de  Glandier,  faillit  l'obtenir; 
Hugues-Roger  la  refusa.  Les  Legugie,  du  Lonzac  ;  les  Selve  et  les  Cipière,  de 
Donzenac  ;  les  Laporte,  d'Allassac;  les  Fabri,  de  Tulle;  les  Sudre,  de  La- 
guenne;  les  Dumoulin  et  les  Daumar,  de  Lagarde;  les  St-Martia),  les  Roberty, 
les  Besse,  lesLestang,  les  Cros,  les  Vergue,  les  Chanac,etc.,  portèrent  la  pour- 
pre cardinalice.  Un  gros  volume  contiendrait  à  peine  les  noms  de  patriarches^ 
primats,  archevêques,  évéques,  abbés,  sortis  d'une  terre  depuis  longtemps  de- 
venue stérile.  Les  nations  jalouses  chantoient:  a  Credo. ...  in  unam  sànctam 
catholicam  et  lemovicam  Bcdesiam  !  •  (Joseph  Roux.) 


POESIES  93 

Quand  se  pauso,  V  bouiè,  plounchoun  en  Faire,  s'unto 
De  vi  la  gargamelo  e  s'en  va  tourna  mai. 
Les  dous  biôus  lauroun  lins,  e  V  gazelh  de  la  punto 
Dejousterro  un  quicon  que  lusls  dins  un  rai. 

La  rego  flairou  bou,  —  ne  partis  la  lauseto. 
L'ome  s' es  acatat;  —  levo  uno  estatueto 
Cuberto  de  pertout  d'un  verdet  lis  e  vieu  : 

Es  un  brounze  rouman, —  un  pichounet  dieus  Terme. 
Sur  punh  del  gazalha,  pla  quilhat,  rete  e  ferme. 
Semble  dire  :  «  Tenets  coundreit  le  camp  granieu  *.  » 

Auguste  FouRÊs. 
24  mai  1879. 

Quand  elle  se  repose,  le  bouvier,  pichet  en  l'air,  s'humecte  —  de 
vin  le  gosier  et  part  de  nouveau.  —  Les  deux  boeufs  labourent  pro- 
fond, et  le  coutre  de  la  pointe  —  déterre  un  objet  qui  luit  dans  un 
rayon . 

Le  sillon  sent  bon,  l'alouette  s'en  échappe. — L'homme  s'est  baissé; 
il  lève  une  statuette  —  couverte  des  pieds  à  la  tête  d'un  vert-de-gris 
lisse  et  vif  : 

C'est  un  bronze  romain,  un  petit  dieu  Terme.  — Sur  le  poing  du  la- 
boureur, bien  quilleté,  raide  et  ferme,  —  il  semble  dire  :  u  Tenez  en 
bon  ordre,  bien  aligné,  le  champ  fécond.  » 

Auguste  FouRÈs. 

*  Laa^dedocieo  (Gastelnaudary  et  ses  enviroas).  Orthographe  montpellié- 
raine. 


BIBLIOGRAPHIE 


Les  Deux  Entrées  et  Séjoars  du  trôs-chrétien  roi  de  France  en  la 
cité  de  Vienne,  les  années  1491  et  1494,  publiés  d'après  les  manuscrits 
de  Grenoble,  de  Montpellier  et  de  Vienne,  par  le  chanoine  Ulysse  Chevalier. 
—  Vienne,  Savigné,  1881  ;  in-S»,  20  pages. 

Le  théâtre  méridional  fut  asspz  florissant  au  XIV®,  au  XV®  et  au 
XVI®  siècle,  si  Ton  en  juge  par  les  mentions  nombreuses  de  mystères 
ou  de  moralités  jouées  à  Arles,  Avignon,  Grenoble,  Montpellier,  etc., 
que  l'on  rencontre  dans  les  textes  et  les  livres  de  cette  époque.  Les 
petitesvilles,  les  villages  même,  suivant  l'exemple  qui  leur  était  donné, 
contribuèrent  à  généraliser  le  goût  des  exhibitions  scéniques.  Malheu- 
reusement l'idiome  local  n'était  pas  le  seul  à  en  bénéficier,  et  des 
représentations  purement  françaises  ou  à  peine  coupées  de  rôles  dans 
le  parler  vulgaire,  comme  le  Mystère  de  Védification  et  de  la  dédicace  de 
l'église  de  Notre-Dame  du-Puy,  de  Claude  d'Oléson,  comme  celui  des 
Trois  Rois  de  Jean  d'Abondance,  notaire  royal  au  Pont- Saint-Esprit*, 
en  discréditant  peu  à  peu  les  habitudes  dramatiques  du  moyen  âge, 
ouvrirent  la  voie,  d'abord  à  la  seconde  période  du  théâtre  méridional, 
celle  où  écrivirent  Bonnet  et  Michaille  (de  Béziers),  Fizes  (de  Mont- 
pellier), les  Provençaux  Brueys,  Tronc  de  Codolet  et  Jean  de  Cabanes, 
et  enfin  aux  œuvres  de  Corneille,  de  Racine,  de  Molière  et  de  Rotrou. 

Le  Dauphiné  fut,  parmi  les  provinces  de  langue  d'Oc,  une  de  celles 
où  le  français  prit  le  plus  facilement  racine.  Une  publication  de 
M.  Giraud  fit  connaître  en  1848  les  frais  de  composition,  de  mise  en 
scène  et  de  représentation  du  Mystère  des  trois  Doras*,  les  martyrs 


*  Il  existe  de  ce  mystère,  encore  inédit,  des  copies  qui  paraissent  parfois 
dans  les  ventes.  Un  catalogue  de  la  librairie  Jean-Fontaine,  à  Paris,  en  men- 
tionnait une,  il  y  a  cinq  ou  six  mois  : 

«  17.  Le  Joyeux  Mystère  de  Trois  Rois,  à  dix-sept  personnages,  composé 
par  Jean  d'Abondance,  bazochien  et  royal  notaire  de  la  ville  de  Pont-Saint- 
Esprit;  ms.  sur  vélin,  maroq.  bleu,  tranch.  dor.  (Bozerian),  100  fr.  i» 

Cet  exemplaire  a  été  acheté  par  la  Bibliothèque  nationale.  Un  membre  de 
la  Société  en  a  fait  prendre  une  copie,  afin  de  la  publier  dans  la  Revue. 

2  Composition^  mise  en  scène  et  représentation  du  mystère  des  trois 
Doms,  etc.,  d'après  un  manuscrit  du  temps,  publié  et  annoté  par  M.  Giraud. 
Lyon,  Perrin,  1848;  grand  in-8o,  132  pages. 


BIBLIOGRAPHIE  95 

Severin,  Exupère  et  Félicien,  patrons  de  TégUse  et  de  la  ville  de  Ro- 
mans, joué  aux  fêtes  de  la  Pentecôte  de  Tan  1509,  les  27,28  et  29  mai. 
Ce  mystère,  qui  était  divisé  en  trois  journées,  comprenait  environ 
trois  mille  vers  aujourd'hui  perdus,  mais  qui  existaient  encore  en  1787. 
Lie  chanoine  Pra,  de  Grenoble,  en  fut  Tauteur  ;  il  eut  comme  coad- 
jutewr  ou,  pour  parler  plus  exactement,  comme  correcteur  littéraire  de 
certaines  parties  de  son  œuvre,  maître  Antoine  Chevallet,  fatiste  on 
poëte  de  Vienne,  qui  touchait  déjà  à  Tapogée  de  sa  réputation,  et  à 
qui  Ton  doit  le  Mystère  de  saint  Christophe,  représenté  à  Grenoble  en 
1527  et  imprimé  dans  la  même  ville  en  1530. 

En  apportant  un  nouvel  élément  à  l'histoire  du  théâtre  français  parmi 
les  pays  de  langue  d'oc,  une  des  relation  s  publiées  par  M.  l'abbé  Che- 
valier offre  aux  érudits  d'assez  nombreux  extraits  des  histoires  jouées 
devant  Charles  VIII,  lors  de  son  entrée  à  Vienne  en  1491,  mais  le  si- 
lence des  narrateurs  ne  nous  permet  pas  de  connaître  l'auteur  de 
ces  histoires.  On  sait  cependant  que  Chevallet  fut  chargé  de  la  compo- 
sition de  la  pièce  représentée  en  1494,  à  l'arrivée  du  même  monarque* 
à  Lyon.  M.  Ch.  conjecture  que  les  Viennois  utilisèrent  ses  talents 
dès  1491  et  qu'ils  lui  confièrent  les  allégories  dont  ils  voulaient 
régaler  leur  royal  visiteur.  Il  est,  en  effet,  vraisemblable  de  supposer 
que  le  fatiste  dauphinois  dut  faire  preuve  de  talent  parmi  ses  conci- 
toyens, avant  que  les  Lyonnais  songeassent  aie  mettre  à  contribution. 
L'autorité  qui  s'attache  au  savoir  de  M.  Ch.  ne  peut  que  fortifier  une 
supposition  d'ailleurs  tout  à  fait  natmelle. 

A.  Roquê-Ferbieb. 

*  C'est  la  plus  ancienne  mention  connue  de  Chevallet. 


PÉRIODIQUES 


Bulletin  de  la  Société  d'études  scientifiques  et  archéolo- 
giques de  la  ville  de  Draguignan.  t.  XI  (1876-1877).  —  P.  109- 
183.  L'abbé  Dupui,  Monographie  de  la  paroioaedu  Beau88et(VKr),  Ce 
travail  est  intéressant  et  il  a  été  méthodiquement  exécuté.  Mais  Tau- 
teur  se  trompe,  dès  ses  premières  pages,  en  disant  que  le  Beaussetfut 
ainsi  appelé  «  parce  qu'il  faisait  partie  des  terres  de  la  puissante  fa- 
mille des  Baux.  j>  Le  nom  de  cette  petite  ville  vient,  au  contraire,  du 
provençal  baus,  colline,  monticule,  escarpement  ;  diminutif,  batisaet. 
L'auteur  rend  sa  méprise  d'autant  plus  inexplicable  qu'il  écrit  les  li- 
gnes suivantes  à  la  page  1 15  :  cLe  mamelon  sur  lequel  est  établi  au- 
jourd'hui la  ville  du  Beausset non  loin  de  la  pointe  inexpugnable 

du  rocher  du  Beausset-Vieux,  ce  mamelon,  dis-je,  était  une  de  ce»  po- 
sitions avantageuses  qui  ne  pouvaient  manquer  d'être  remarquées.  » 
L'emploi  de  l'article  aurait  dû  le  mettre  encore  plus  en  garde  contre 
une  erreur  déjà  démontrée  par  les  formes  Balcetum  (1 153),  Baucelum 
(1164)  et  Baussetum  (1601),  où  il  est  difficile  de  ne  pas  voir  les  équi- 
valents bas-latins  du  provençal  bausset. 

M.  D.  mentionne,  p.  172,  «  les  Gaudes  (Gaou)de  sainte  Barbe  »,  et 
il  ajoute  que  l'auteur  en  est  inconnu,  mais  que  ses  vers  ne  manquent 
pas  de  mérite.  Ils  relèvent  probablement  de  cette  catégorie  de  poésies 
à  demi  populaires,  à  denli  savantes,  qui,  sous  le  nom  de  joieSy  sont 
très-répandues  en  Espagne,  en  Catalogne,  en  Boussillon  et  dans  l'île 
de  Sardaigne.  Les  romanistes  auraient  désiré  lire  ces  gaudes  parmi  les 
pièces  justificatives  qui  terminent  le  travail  de  l'auteur.  On  les  chante 
tous  les  ans  à  la  fête  de  sainte  Barbe. 

P.  185-631.  Robert  Reboul,  Anonymes,  pseudonymes  et  supercheries 
littéraires  de  la  Provence  ancienne  et  moderne.  L'auteur  avait  publié,  en 
1877  (Bulletin  du  Bibliophile  (241-296  et  390-419)  une  Bibliographie 
des  ouvrages  imprimés  en  patois  du  midi  de  la  France  et  des  travaux 
sur  la  langue  romano-provençale  qui  lui  valut  dans  la  Remania  (t.  VU, 
p.  347)  une  appréciation  sévèrement  justifiée  de  M.  Banquier.  Le  nou- 
veau répertoire  de  M.  Reboul  manque  de  méthode,  et  les  ouvrages 
qu'il  y  décrit  sont  classés,  tantôt  par  l'ordre  alphabétique  des  titres, 
tantôt  par  celui  des  noms  d'auteur,  confusion  qui  rend  les  recherches 
très-difficiles.  Les  romanistes  y  trouveront  cependant  des  indications 
utiles  sur  une  foule  d'ouvrages  provençaux,  français  et  languedociens, 
car  —  il  importe  de  le  remarquer  —  l'auteur  entend  parfois  le  mot  de 
Provence  dans  son  sens  le  plus  général,  et  l'origine  provençale  ou 


PERIODIQUES  97 

comtadine  d'un  anonyme  absolument  français  lui  vaut  presque  tou- 
jours l'honneur  d'une  inscription  raisonnes. 

Nous  mentionnerons  ici  quelques-unes  des  rectifications  que  com- 
porterait le  travail  de  l'auteur. 

P.  261.  La  deuxième  édition  du  Carya  Magalonemis,  cette  spiri- 
tuelle supercherie  littéraire  de  Moquin -Tandon,  n'a  pas  été  imprimée 
cliez  M.  Bochone,  à  Montpellier,  —  ce  nom  est  totalement  inconnu 
dans  notre  ville,  —  mais  chez  MM.  Boehm  et  Oie. 

P.  333.  La  Felibresso  dôu  Cauloun  n'est  pas  M"«  Rose-Anaïs  Eou- 
manille,  mais  M^®  Valère-Martin,  depuis  M™«d'Arbaud. 

L'auteur  oublie  de  signaler  le  très-remarquable  recueil  de  poésies 
provençales  que  cette  dame  publia  en  1863  sous  le  titre:  Us  Amourode 
rihas.  Avignon,  Roumanille;  in-8o,  xxx-312  pages. 

P.  338.  M.  R.  parle  des  poésies  provençales  de  Moquin-Tandon.  Li«e^ 
«montpellîérainesD,  en  dépit  des  modifications  orthographiques  qu'elles 
subirent  dans  l'^rmana  prouvençau.  Aux  recueils  où  l'on  peut  trouver 
des  vers  de  l'auteur  du  Carya  Ma^alonemiSy  il  faut  ajouter  le  t.  V 
(p.  693-695)  des  Mémoires  de  la  Société  des  lettres  de  l'A  veyron  (pièces 
justificatives  des  Proverbes  patois  de  M.  Duval),et  li  Nouvè  de  Micou* 
lau  Saholy,  em*  uno  ckarradisso  de  F.  Mistral,  segul  d'un  pau  d'aquéU 
de  l'abat  Lambert  emai  d'aquéli  di  troubaire  moudeme  (Avignon, 
Aubanel,  S.  D.,  in-12),  où  se  lit,  p.  116,  lenoël  charmant  de  la  Caiari- 
neta: 

Et  d'ount  te  vèn  toun  èr  tant  viéu, 

Catarineta, 

Catarineta?  . . 

Et  d'ount  te  vèn  toun  èr  tant  viéu, 

Catarineta  dôu  bon  Dieu*? 

P.  342.  luAknanach  du  Sonnet,  publié  à  Aix  sous  la  direction  de 
M.  A.  de  Gagnaud  (Léon  de  Berlue- Perussis),  compte  non  pas  un  seul, 
mais  quatre  volumes  (années  1874, 1875, 1876  et  1877).  Les  dialectes 
de  la  Provence  et  du  Languedoc  y  sont  représentés  par  plus  de  quatre^ 
vingts  sonnets. 

P.  363.  Nous  citerons  en  entier  l'article  consacré  au  roman  de 
Pierre  de  Provence  et  de  la  belle  Maguelone  : 

«  Un  poëte  provençal,  Bernard  de  Trevies,  avait  composé  sur  ce 
héros  un  poëme  qui  n'a  pas  été  publié  (Raynouard,  Poésies  des  Trou^ 
badours,  t.  II,  p.  317),  mais  qui,  mis  en  français,  a  eu  de  nombreuses 
éditions.  Voyez  Brunet,  Manuel  du  libraire,  5©  édition,  t.  IV,  col.  643 
à  648,  Barbier,  Dict,  des  anon.  Il  paraîtrait  que  l'œuvre  originale  re- 

1  Ce  noël  se  trouve  peut-être  aussi  dans  VArmana  prouvençau  de  1857.  Je 
ne  puis  vérifier  le  fait. 


98  PERIODIQUES 

monterait  au  XIV*  siècle  et  que  Pétrarque  n'y  serait  pas  étrangler. 
C'est  l'avis  de  Barbier.  » 

Il  ne  devrait  plus  être  permis  d'écrire  d'aussi  singuliers  à-peu- près, 
lorsqu'il  s'agit  d'une  des  œuvres  les  plus  agréables  de  la  littérature 
méridionale . 

P.  506.  L'auteur  demande  si  Le  Sage  ne  serait  pas  l'auteur  du 
PrtmcezdeCoTTneniran,  On  ne  trouve  rien  dans  les  Folies  qui  soit  de 
nature  à  autoriser  une  semblable  supposition . 

A.  Roque-Febrier. 

Bulletin  de  la  Société  d^études  scientifiques  et  «rcliéo- 
logiques  de  la  ville  de  Draguignan.  T.  XII  (1879-1880),  xvi- 
456  p.,  l'abbé  J.-H.  Albanés,  le  Couvent  royal  de  Saint-Maximin,  en 
Provence,  de  l'ordre  des  frères  Prêcheurs,  ses  prieurs  ^  ses  antudes^  ses 
écrivains  y  avec  un  cartulaire  de  quatre-vingt-cinq  documents  inédits. 
«  La  ville  de   Saint-Maximin,  dit  l'auteur,  p.  1,  doit  son  existence  à 
l'église  et  aux  reliques  de  sainte  Marie-Madeleine,  qui  ont  groupé 
autour  d'elles  les  habitants  des  plaines  voisines,  et,  en  y  attirant  de 
toutes  les  parties  du  monde  d'innombrables  pèlerins,  lui  ont  donné  une 
célébrité  hors  de  proportion  avec  sa  population  et  son  importance. . .» 
Le  travail  que  M.  l'abbé  A.  consacre  à  Saint-Maximin  et  à  ses  prieurs 
n'est  pas  un  des  moins  importants  qui  aient  paru  depuis  quelques  an  - 
nées  dans  les  départements  du  Midi,  et  ses  pages  apportent  beaucoup 
d'éléments  nouveaux  à  l'histoire  religieuse  et  artistique  du  Var.  a:  Tous 
les  écrivains  qui  ont  eu  à  s'occuper  de  l'église  de  Saint-Maximin  et 
se  sont  demandé  quel  était  l'architecte  qui  avait  bâti   ce  temple,  le 
premier  parmi  les  monuments  de  la  Provence,  ont  été  contraints  de 
s'avouer  impuissants  à  satisfaire ...  la  légitime  curiosité  de  leurs  lec- 
teurs. . . .  3>  Les  recherches  de  M.  A.  lui  ont  fait  découvrir  le  nom  de 
cet  architecte,  Jean  Baudici,  qui  avait  élevé  quelques  années  aupara- 
vant le  palais  des  Comtes  de  Provence  à  Aix  < .  Dans  les  notes  de  son 
travail,  M.  A.  cite  parfois  des  fragments  en  langue  d'oc,  entre  autres, 
p.  233,  un  reçu  d'Antoni  Rozen,  —  un  second  nom  jusqu'ici  ignoré, — 
à  qui  l'on  doit  les  curieuses  peintures  de  l'autel  du  Crucifix  à  Saint- 
Maximin:  «  -j   Jésus.  A  di  14  octobre  [1520],  io  Antoni  Rozen,  pin- 
tre,  confessi  d'aver,  receudo*  da^  Monsur  lo  prior  de  San  Maximin 

*  Ce  palais  a  été  démoli  à  la  fin  du  dernier  siècle. 
2  Sic. 

*  Da  pour  de,  forme  en  vigueur  sur  certains  points  de  l'ancien  comté  de 
Nice.  Raynouard  et  Honnorat  ne  l'avaient  pas  mentionnée.  M.  Mistral  vient 
de  lui  donner  place  dans  son  Dictionnaire.  Elle  se  rencontre  sporadiquement 
dans  la  Vida  de  sant  Honorât  de  Raymond  Féraud  ; 


PERIODIQUES  99 

cinqiie  scus  dal  solel,  in  dîminucion  de  major  suma,  per  la  pîntura  e 
danradura  del  retaule  del  Crucifix.  Et,  par  milior  cautela,  io  li  f  azi  *  la 
présent  podîza  ^  de  ma  man  proprîa.  Ita  est,  Antoni  Bozen,  pîntre 
(^Arch.  des  B.'du-Rh.,  p.  718».) 

La  principale  contribution  que  le  livre  de  M.  A.  apporte  à  la  litté- 
rature provençale  consiste  en  diverses  indications  sur  la  Scala  Ccdi, 
écrite  entre  les  années  1322  à  1330,  par  Jean  Gobi  le  jeune,  et  dédiée 
à  Hugues  de  Couloubrières,  prévôt  de  l'église  d'Aix.  Cet  ouvrage  qui 
a  été   imprimé  plusieurs   fois  au  XV®  siècle,  à  Lubeck,  Ulm  et  Stras- 

Gomandamentz  fom  fatz  tantost  da  part  le  rey  (II*  chapitre) . 
Amtant  el  vi  venir  da  Tautra  part  son  frayre  (X®  cli.). 
Qu'en  aut  cridavan  rfa  totz  latz  (LXXXVe  ch.). 
Qu'estay  sus  en  la  brasà,  qu'era  grant  da  toz  las  (LXXXVIe  ch.) 

P.  7,  24,  135  et  137  de  réditiondeM.  Sardou. 

1  Cf.  une  forme  céveno-alaisienne  : 

Moussu  trovo,  bélèou,  que  lou  fasé  langui, 
dans  lotLS  Jardignès  de  M.  Paul  Félix»  Alais,  Martin,  1879;  in-S»,  p.  40. 

2  Manque  au  Lexique  roman  de  Raynouard,  qui  donne  seulement  polissia, 
police,  engagement,  contrat.  Honnorat  mentionne  le  substantif  jDoc^ma^  quit- 
tance, mais  en  le  classant  dans  le  vieux  langage.  Il  est  probable  que  cette 
forme  existe  encore,  car  la  mutation  de  17  en  d  n'est  pas  inconnue  en  Pro- 
vence. J'ai  pu  constater,  dans  un  poëme  inédit  sur  l'histoire  du  patriarche 
Joseph,  donné  à  la  bibliothèque  de  la  Société  par  M.  Maurice Faure,  la  forme 
paraudo  pour  paraulo: 

0  paraudo  ben  amaro 

Qu'entendes  d'aquelle  enfans  (Ire  part.,  str.  43). 

Lou  pero  vesen  la  raubo 

Coumencet  a  si  ploura, 

Disent  aquesto  paraudo  (l'e  p.,  str.  51). 

Noun  cresi  pas  la  paraudo 

Que  venés  me  dire  eissi(4'e  p.,  str.  15). 

Des  indications  écrites  sur  les  marges  de  ce  poëme  permettent  de  supposer 
qu'il  a  été  composé,  ou  tout  au  moins  transcrit,  pendant  le  XYIll®  siècle,  à 
Rians,  petite  ville  du  département  du  Var.  Cela  ne  nous  éloigne  guère  de 
Saint-Maximin. 

On  dit  à  Montpellier  dintrà  et  lintrà  (entrer),  daissà  et  laissa  (laisser), 
escedent  et  escelent  (excédant),  etc.  Notre  r  se  changeant,  comme  on  sait,  en 
d,  araire  (charrue)  et  aramqun  (aramon,  espèce  de  raisin),  sont  prononcés 
adaide  et  adamoun,  qui,  à  leur  tour,  deviennent  souvent  alaide  et  alamoun. 
Cf.  encore  dentillos  pour  lentillos  et  densouol  pour  lensouol,  dans  le  Dic- 
tionnaire rouergat  de  feu  M.  l'abbé  Vayssier. 

3  II  est  appelé  Antoine  le  Vénitien  dans  un  autre  document.  Son  origine 
italienne  peut  être  présumée  jusqu'à  nouvel  ordre. 


300  PËHIODIQUES 

bourg,  mais  qui  est  aujourd'hui  à  peu  près  inconnu,  est  un  recueil 
d'exemples  moraux,  de  récits  et  d'extraits  des  Pères,  des  historiene, 
des  philosophes  et  des  poètes,  qui  ont  pour  but  de  porter  à  la  pratique 
de  la  vertu.  «  On  y  rencontre  un  certain  nombre  de  moralités  tirées 
des  fabulistes. . .  .le  Corbeau  et  le  Renard,  le  Singe  priant  le  Reaard 
de  lui  céder  un  morceau  de  sa  queue,  le  Loup  qui  se  fait  ermite. 
l'Ane  essayant  de  voler,  la  Révolte  des  membres  contre  l'estomac,  le 
Lion  et  le  Rat,  l'Aigle  composant  sa  cour,  la  Guerre  des  oiseaux  et  de» 
animaux,  le  Cerf  se  mirant  dans  la  fontaine,  le  Loup  et  le  Chien,  le 
Corbeau  paré  des  plumes  des  autres.  La  gracieuse  fable  de  la  Laitier  v 
et  le  Pot  au  Zatfy  esttout  au  long. . .  .*  »  Quoique  cet  ouvrage  soit  ré- 
digé en  latin,  quelques-unes  de  ses  pages  montrent  que  l'auteur  s'est 
parfois  souvenu  de  son  origine  méridionale,  circonstance  qui  nous  a 
valu  un  certain  nombre  de  phrases  et  de  vers  qu'il  serait  intéressant 
de  réunir  dans  un  opuscule  spécial.  «  Ainsi,  après  avoir  raconté  l'his- 
toire de  celui  qui  avait  donné  son  bien  à  ses  enfants,  et  qui,  méprisé 
par  eux,  avait  dû  simuler,  pour  en  obtenir  un  meilleur  traitement, 
qu'il  possédait  encore  un  gi*and  cofEre  rempli  d'or . . . . ,  il  termine  en 
disant  qu'à  sa  mort  on  n'y  trouva  que  de  lourdes  pierres  et  un  marteau 
sur  lequel  était  écrit  : 

D'aquest  martel  aiat  lo  cap  trussai 

Qui  par  ses  filz  sera  deseretat.  ^  » 

<  La  Scala  Cœli  contient  aussi  une  version  de  VAnge  et  l'Ermite,  lé- 
gende religieuse  qui,  partie  d'une  source  hébraïque,  s*est  transformée  en  une 
multitude  de  textes,  pour  trouver  sa  dernière  expression  dans  le  Zadig  de 
Voltaire. 

M.  le  docteur  Noulet  a  publié  ici  même  {Revue,  3e  série, IV,  261)  la  version 
méridionale  de  cette  légende,  telle  qu'on  la  lit  dans  lo  Doctrinal  de  Sapiensa 
en  lo  lengatge  de  Tholosa;  Toulouse,  1504,  in-fol.  Il  serait  utile  de  la  com- 
parer à  celle  de  Jean  Gobi  et  de  constater  les  affinités  qui  peuvent  exister  entre 
Tune  et  l'autre . 

On  trouvera  quelques  indications  sur  la  dernière  dans  l>xcelient  travail  de 
M.  Gaston  Paris  sur  VAnge  et  l'Ermite  {Revue  politique  et  littéraire  de  la 
France  et  de  l'étranger,  13  novembre  1880.  Paris,  Germer-Baillière,  in-4o) . 

*  On  pourrait  voir  ici  le  verbe  trucat,  frappé,  si  trussat,  écrasé,  broyé,  ne 
donnait  un  sens  plus  énergique  et  mieux  en  rapport  avec  la  douleur  du  père, 
devenu  la  victime  de  l'ingratitude  de  ses  enfants. 

Me  sera-t-il  permis  de  signaler  à  cette  occasion  une  devise  languedocienne 
inscrite  sur  le  marteau  qui  figure  comme  armes  parlantes  dans  la  marque  d'im- 
primeur de  la  maison  Martel,  de  Montpellier,  la  jplus  ancienne  de  cette  ville  : 
May  servis, 
May  lusis. 

Avant  de  s'établir  à  Montpellier,  en  1692,  les  Martel  imprimaient  à  Béziers 
dès  1628. 


PERIODIQUES  101 

Plus  loin^  on  reDcontre  un  sortilège  à  signaier  à  cenz  qui  étudient 
leB  superstitionB  populaires  : 

Lo  cap  ti  dol 
E  dolre  no  ti  sol  ; 

Dol  livenga 

Qui  ben  ti  vol. 

5        Vai  à  ta  mayre 

E  fara-t'en 
E  trante  dyables 

[Tijportaran. 

Ces  huit  vers  ont  leur  intérêt,  car  ils  constituent,  à  ma  connais- 
sance, le  plus  ancien  exemple  d'un  sortilège  populaire  en  langue  d'oc. 
Traduire  un  texte  semblable  est  une  entreprise  d'autant  plus  témé- 
raire, que  l'on  peut  se  demander  si  mayre  a  ici  le  sens  de  mère  ou  celui 
de  siège,  lieu  où  se  tient  habituellement  le  mal  qu'il  s'agit  d'exorciser. 
Sous  le  bénéfice  de  cette  observation,  on  pourrait  hasarder  la  ver- 
sion suivante  : 

«  La  tête  te  fait  mal  —  et  n'a  pas  coutume  de  te  faire  mal. — Que  la 
douleur  lui  vienne  —  à  celui  qui  te  veut  du  bien  !  —  Va  à  ta  mère  (ou 
bien  à  Vendrait  où  tu  gis,  ou  à  ta  matrice)  —  et  elle  t'en  fera  (?)  —  et 
trente  diables—  te  porteront.  » 

Les  deux  premiers  vers  semblent  s'adresser  au  malade,  tandis  que 
le  troisième  et  le  quatrième  contiennent  une  malédiction  à  l'égard  de 
la  douleur  de  tête*- 

Peut-être  serait-il  bon  de  corriger  [fo*]  portaran  en  [t'em]portaran- 
Jean  Gobi,  d'Alais,  oncle  du  précédent  et  prieur  de  Saint-Maxi- 
min  de  1304  à  1328,  est  l'auteur  des  Miracles  de  sainte  Marie-Made- 
leine, ouvrage  en  latin  sur  lequel  M.  A.  donne  d'utiles  indications, 
d'après  un  manuscrit  qui  appartient  aujourd'hui  à  M .  le  marquis  de 
dappiers.  Ce  manuscrit  comprend  trois  appendices  ajoutés  après  coup. 
Le  deuxième  est  presque  exclusivement  composé  de  poésies  latines, 
et,  parmi  celles-ci,  il  s'en  trouve  une  en  provençal,  dont  le  Père  Reboul 
a  publié  seulement  huit  vers  dans  son  ouvrage  sur  la  Madeleine  2, 

1  Nous  aurions  voulu  pouvoir  contrôler  le  texte  de  Jean  Gobi  sur  Tim- 
primé.  Malheureusement  la  ville  de  Montpellier  ne  possède  aucune  des  édi- 
tions de  la  Scala  Cœli.  M.  A.  lui-même  ne  paraît  pas  les  avoir  connues,  car 
il  cite  ce  sortilège  d'après  le  manuscrit  3506  de  la  Bibliothèque  nationale,  et  il 
i^oute  que  le  copiste  n'en  avait  pas  compris  le  sens  :  Supplico  lectori  ut  me- 
lius  ista  inteUigat,  quia  non  intelligo,  nec  quo  ydiomate  dicta  fuerint.. 

*  Le  Pèlerinage  de  Saint-Maximin  et  de  la  Sainte^  Baume,  etc.  Aix,  Char- 
les Nemos,  1662;  in-24,  214-45  pages.  La  première  édition  de   cet  ouvrage 


10?  PKRIODIQUES 

mais  sans  indiquer  qu'elle  avait  été  traduite  librement  du  latin,  parti- 
cularité qui  ressort  de  la  comparaison  qu'en  a  faite  M.  A.  avec  la  qua- 
trième pièce  d'un  des  appendices  du  manuscrit  de  Clappiers. 

Le  Père  Reboul  n'est  pas  le  seul  qui  ait  parlé  de  cette  poésie,  car 
le  Père  Qavoty  *  a  reproduit  à  son  tour  la  citation  du  Pèlerinage  de 
Saint-Maximifiy  en  la  diminuant,  il  est  vrai,  d'un  vers.  Elle  doit  aux 
idées  qui  y  sont  exprimées  une  élévation  que  son  allure  décousue,  ses 
répétitions  et  ses  chevilles,  ne  lui  enlèvent  pas  tout  à  fait. 

Sans  en  avoir  fait  un  texte  irréprochable,  la  version  de  M.  A.  a  no- 
tablement amélioré  celles  de  Reboul  et  de  Gavoty  : 

Aquest  luoc  glorios  d'esta  confession 
Es  de  tan  gran  vertut  e  de  devocion, 
Que  nuls  comtes ,  ni  reys,  ni  autres  principat 
Non  sa  ausa  entrar,  tant  i  es  loc<  sagrat, 
5      Am  nulhas  armaduras,  tro  que  sia  désarmât. 
E  quant  es  désarmât,  am  gran  contricion, 
Puesca  entrar  e  am  devocion 

Pregar  la  Magdelena, 
Que  fon  de  vertus  plena, 
10      Li  acabe  perdon  e  vera  penedensa 

Aysi  con  fes  a[i]ssi3 ,  so  es  nostra  cre[e]nssa. 
Nulha  dona  que  sia,  per  niuguna  santesa, 
Per  riquesa  que  aiha,  ni  per  nulha  noblesa, 
Ni  petita  ni  grans,  sayns  non  deu  entrar. 
15      Àysso  Sant  Maximin  mot  manda  esquivar. 
E  si  nulha  la  intra,  perdra  en  aquelh  an 
Lo  mielh  amie  que  ayha,  o  penra  mot  gran  dan 
Aquest  luoc  d'esta  vila,  on  jac  11  Magdalena, 
A  nom  Sant  Maximin,  e  es  vileta  pleua  ; 
20        Et  en  Tarciviscat  d'Ax,  sitat  sa  Durensa. 

Qui  à  la  Magdalena  ven  am  grand  conftsansa 

A  cent  jorns  de' perdon,  quascun  jorn,  ses  dubtansa  ♦. 


parut  en  1661 ,  sous  le  titre  de  V Histoire  de  la  Vie  et  de  la  Mort  de  sainte 
Marie  Madeleine,  que  xM.  A.  «  s'abstient  de  rapporter  intégralement,  ne 
l'ayant  que  de  seconde  main.  » 

t  Histoire  de  sainte  Marie  Magdeleine,  divisée  en  quinze  chapitres,  etc. 
Marseille,  chez  la  veuve  de  Henry  Martel,  1701;  in-i2,  144  pages.  Elle  a  eu, 
comme  celle  du  Père  Reboul,  un  grand  nombre  d'éditions. 

2  On  lit  luoc  aux  vers  1  et  18. 

»  [Il  faut  rétablir  assi,  c'est-à-dire  a  5i  =  à  soi  (à  elle-même)] .  C.  C. 

*  P.  411-412.  Les  deux  derniers  vers  de  cette  inscription  rappellent  invo- 
lontairement ceUes  qui,  d'après  le  Dictionnaire  de  la  Provence  et  du  comté 


CHRONIQUES  103 

a  II  serait  difficile  de  nier,  ajoute  M.  A.,  que  nous  ayons  là  la  véri- 
table inscription  placée,  dès  l'origine,  à  l'entrée  de  la  confession  de 
sainte  Madeleine .  On  sera  convaincu  qu'elle  appartient  au  commen 
cernent  du  XIV®  siècle,  si  l'on  considère  qu'elle  annonce  seulement 
l'indulgence  de  cent  jours  accordée  par  Bonif  ace  VIII,  indulgence  qui 
dès  l'année  1343,  fut  augmentée  par  le  pape  Clément  VI.  y> 

On  ne  connaît  ni  le  nom  de  l'auteur  latin,  ni  celui  de  son  traduc- 
teur provençal.  L'un  et  l'autre,  —  si  tant  est  que  les  deux  textes  ne 
soient  pas  l'œuvre  d'une  même  personne,  —  appartenaient  probablement 
au  couvent  de  Saint-Maximin  et  à  l'ordre  qui  l'occupait. 

Le  cartulaire  de  documents  inédits  qui  devait  accompagner  le  tra- 
vail de  M.  A.  a  dû,  faute  de  place,  être  renvoyé  au  treizième  volume 
de  la  Société  d'études  scientifiques  et  archéologiques  de  Draguignan. 

A.  Boque-Febribb. 


CHRONIQUE 


L1IVBB8  DONNÉS  à  LA  Bibliothèque  de  la  Société. —  Alart  (B.-J.): 
Documents  sur  la  langue  catalane  des  anciens  comtés  de  Roussillon 
et  de  Cerdagne.  Paris,  Maisonneuve  et  Ce,  1881;  in-8°,  236  pages  ; 

Azaïs  (Gabriel):  Amfos  de  Balbastre,  retipe  d'un  conte  rouman. 
Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi,  1881;  in-8°  12  pages; 

Bladé  (Jean-François)  :  Poésies  populaires  en  langue  française,  re- 
cueillies dans  l'Armagnac  et  l'Agénais.  Paris,  Champion,  1879;  in-8% 
xii-132-12  pages  (don  de  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique); 

Venaissin  (Marseille,.  Mossy,  1786)  se  lisaient  dans  la  coupe  du  roi  René.  La 
première  était  ainsi  conçue  : 

Qu  ben  beura 
Dieu  veira. 
La  seconde,  qui,  de  môme  que  la  première,  était  en  lettres  d'or,  ajoutait  : 
Qu  me  beura  de  tota  son  halena 
Veira  Dieu  e  la  Madelena. 
Au  fond  de  la  coupe  se  trouvaient,  en  effet,  l'image  de  Jésus-Cbrist  et  de  la 
Madeleine. 

Ces  vers  étaient-ils  un  jeu  d'esprit,  ou  bien  faudrait-il  y  voir  quelque  chose 
du  naturalisme  mystique  qui  perce  souvent  à  travers  les  banquets  des  félibres  ? 
La  coupe  existait  encore  au  XVlIe  siècle,  dans  la  collection  d'un  amateur 
d' Aix-en-Provence . 

Les  deux  inscriptions  précitées  ont  été  l'objet  d'une  note  (Armana  prouv, 
de  1867,  p.  66)  et  M.  Mistral  les  a  citées  en  1878  dans  le  discours  qu'il  pro- 
nonça à  Montpellier,  au  moment  où  il  remettait  à  M.  de  Quintana  la  coupe 
que  les  félibres  de  France  offraient  aux  félibres  d'Espagne.  ' 


104  CHRONIQUE 

Eys(J.-W.-J.  van):  Grammaire  comparée  des  dialectes  basques. 
Paris,  Maisonneuve,  1879  ;  in-8o,  xii-ô36  pages  (don  de  M.  le  Ministre 
de  rinstruction  publiai  ue); 

Fabre  (Albert)  :  Histoire  de  Caussignojouls  (arrondissement  de  Bé- 
ziers),  avec  une  notice  géologique  par  M.  Paul  de  Rouville  et  une  no- 
tice sur  la  Flore  par  M.  Sabatier-Désamaud.  Nimes,  Clavel-Ballivet, 
1881;  in-8o,  32  pages  ; 

Fabre  (Albert):  Histoire  de  Mèze  (arrondissement  de  Montpellier), 
avec  une  notice  géologique  par  M.  Paul  de  Rouville  et  une  notice  but 
la  Flore  par  M.  Barrandon.  Nimes,  Clavel-Ballivet,  1881  ;in-8o,  144  p.; 

Gaidan  (Jean):lou  Oarretde  Nimes  (cycle  carlovingien),  dialecte  des 
bords  du  Rhône  et  des  félibres  d'Avignon.  Nimes,  Clavel-Ballivet, 
1880  ;  in-8o,  8  pages  ; 

Gazier  (A.)  :  Lettres  à  Grégoire  sur  les  patois  de  France  (1790- 
1794),  documents  inédits  sur  la  langue,  les  mœurs  et  l'état  des  es- 
prits dans  les  diverses  régions  de  la  France,  au  début  de  la  Révolu- 
.  tion,  suivis  du  rapport  de  Grégoire  à  la  Convention  et  de  lettres  de 
Volney,  Merlet-Laboulaye,  Pougens,  Domergue,  etc.,  avec  une  intro- 
duction et  des  notes.  Paris,  Durand  et  Pedone-Lauriel,  1880  ;  in-8**, 
354  pages  (don  de  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique); 

Guillaume  (l'abbé  Paul):  le  Langage  de  Savines  au  milieu  du 
XVe  siècle  (1442).  Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi,  1881; 
in-8o,  16  pages; 

Luchaire  (Achille):  Etudes  sur  les  idiomes  pyrénéens  de  la  région 
française.  Paris.  Maisonneuve,1879;  in-8®,  xii-374  pages  et  carte  (don 
de  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique); 

Mistral  (Frédéric)  :  lou  Trésor  dôu  Felibrige,  ou  Dictionnaire  pro- 
vençal-français. Aix,  Remondet-Aubin,  1879-1881;  t.  I  (livraisons  1 
à  20  inclus),  iv-800  pages  (don  de  M;  le  Ministre  de  Tlnstruction  pu- 
blique); 

Rampai  (J.)*  ^eis  Councerts  Favettos.  Marseille,  Arnaud  et  C*,  S.  D.; 
in-8*,  4  pages  (don  de  M.  le  vicomte  deVallat); 

Robert  (E  ):  les  Nervis  en  partido  de  casso,  poésie  provençale,  en 
deux  parties.  Marseille,  Arnaud,  S.  D.;  in-8<»,  16  pages  (don  de  M.  le 
vicomte  de  Vallat)  ; 

Thouron  (V.-Q.):  Une  pastorale  et  un  dialogue  en  vers  provençaux, 
avec  la  traduction  en  regard.  Toulon,  S.  D.;  in-8o,  xvi  à  XLvm  pages 
(don  de  M.  le  vicomte  de  Vallat); 

V[estrepain]  (L.)  :  Cansou  burlesque  et  fantastique.  [Toulouse],  La- 
garrigue,  S.  D.;  in-8°,  4  pages  (don  de  M.  le  vicomte  de  Vallat); 

Vizanti  (A.):  Fragment  din  istoria  civilisatiunei  Romanilor.  Ve- 
niamin  Costaki,  mitropolit  Moldovei  si  Sucevei,  Ëpoca,  Viatia  si  ope- 
rile  sale.  1768-1846.  Jasi,  'i'ipo-litografia  Buciumului  Roman,  1881; 
in-8o,  168  pages  ; 

Six  journaux  renfermant  des  indications  sur  la  littérature  méridio- 
nale, donnés  par  MM.  V.  Alecsandri  (1),  A.  Arnavielle  (1),  Roque- 
Ferrier  (3)  et  l'abbé  Joseph  Roux  (1). 


Le  gérant  responsable  :  Ernest  Hamblin. 


Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi.—  Hamelin  frères. 


Dialectes  Anciens 


LES  MANUSCRITS  PROVENÇAUX  DE  CHELTENHAM 

I 

UN  NOUVEAU  CHANSONNIER  PROVENÇAL 

Additions 

Depuis  la  publication  de  notre  première  notice,  nous  avons  pu  nous 
procurer  la  copie  de  quelques  passages  des  biographies  contenues 
dans  le  Chansonnier  de  Cheltenham,  que  nous  soupçonnions  devoir 
apporter  de  nouveaux  renseignements  à  l'histoire  littéraire  des  trou- 
badours ;  nous  les  publions  ici  sans  commentaire.  Le  passage  qui  con- 
cerne Peire  Yidal  àoii  être  rapproché  du  n°  xxiii  de  Mahn;  il  donne 
le  nom  de  deux  amis  intimes  de  ce  troubadour,  et  quelques  variantes 
intéressantes.  11  y  a  également  des  détails  curieux  dans  les  biogra- 
phies de  Bernard  de  Ventadour  et  de  Folquet  de  Marseille.  Cette  der- 
nière contient  en  propre  une  analyse  de  Tappel  à  la  croisade  contre 
les  Maures  et  la  ra^o  de  la  pièce  Uns  volers  outracuidaz. 

Peire  Vidal '(/b/.  21,  r%  col.2) 
«•  >•••.•••.•.••••••.«.•.•  •••••••••••••.••••••••••••• 

Per  la  mort  del  bon  comte  Raimon  de  Tolosa,  Peire  Vidais 
s**  esmarri  molt  es  det  gran  tristessa  e  vestis  ^  de  nègre  ;  e  tail- 
let  las  cozas'  e  las  aureillas  a  totz  los  sieus  cavals,  et  a  si  et 
a  totz  los  sieus  servidors  fez  raire  los  cabeils  de  la  testa  ;  mas 
las  barbas  ni  las  onglas  no  se  feiren  taillar.  Moût  anetlonga 
sazon  a  lei  de  fol  e  d'home  dolen.  Et  avenc  se  en  aqella  sai- 
son q'el  anava  enaissi  dolens  qel  reis  Amfos  d'Aragon  venc  en 
Proensa,  e  venguen  con  lui  Bascols  Romeus,  en  Martis  dau 

*  Ce  passage  termine  la  Vie  de  Paire  Vidal  et  vient  dans  le  ms.  après  la 
dixième  pièce  citée  par  le  premier  vers  :  Cant  hom  honratz  torna  en  gran 
paubrieira  (Revue, ']xï\xi  1881,  p.  281, 1.  2).  Les  articles  de  Bernart  de  Venta- 
dour et  de  Folquet  de  Marseille,  qui  suivent  immédiatement,  sont  reproduits  ici 
in  extenso,  sans  égard  au  peu  que  nous  en  avons  déjà  donné.  Le  tout  est  la 
copie  ininterrompue  des  fol.  21,  r»,  col.2  à  23,  r»,  inclusivement  du  îns.,  moins 
la  valeur  des  quatre  premières  lignes  de  la  page  282  de  la  Revue,  et  doit 
prendre  la  place  de  la  page  281,  dont  les  deux  premières  lignes  seulement  sont 
à  conserver. 

2  Ms.  vestif, 

3  Ms.  cazas, 

TOMK  vu  DE  LA  TROISIÀMB  SÉRIE  ,  —  SEPTEMBRE   1881 . 


106  MANUSCRITS  DE  GHELTEMHÂM 

Carret,  en  Michelz  de  Lusia,  en  Fas  d'Antilon,  en  Guillems 
d'Alcalla,  en  Albertz  de  Castelveill,  en  Raimons  Gauzerans  de 
Pinos,  en  Guillems  Raimon[8  de  Monjcâda,  en  Arnautz  de 
Castelbon,  en  Raimons  de  Zeviera.  E  trobeiren  Peire  Vidal(s) 
enaissi  tris  e  dolens  et  enaissi  appareillât  a  lei  de  dolen(s)  e 
de  fol.  E  lo  reis  lo  preget,  e  tôt  li  soi  baron,  e  Bascols  Ro- 
meus  e  'n  Guillems  d'Alcalla  qu'eren  sei  amie  spécial,  que 
s'entendion  molt  en  chansos,  q'el  se  degues  alegrar  e  chantar 
e  laissar  la  dolor  el  vestir(s)  [nègre],  e  q'el  degues  far  una 
chanson  q'eill  portessen  en  Aragon.  Tan  lo  preget  lo  reis  e  ii 
seu  baron  qeil  dis  d'alegrar  se  e  de  laissar  lo  dol  e  de  far 
chanson. 

Et  el  si  amava  la  Loba  del  Puoinautier,  e  madomna  Ste- 
phania  de  Son  q'era  deSardaigna,  et  aras  de  novel  s*eraena- 
moratz  de  madompna  Roembauda  de  Bioil  q'era  moillier  d'en 
Guillem  Rostaing,  q'era  seignor  de  Bioil.  Biols  si  es  en  Pro- 
ensa,  en  la  montaigna  qe  part  Lombardia  e  Proensa.  La  Loba 
si  era  de  Carcases,  si  con  vos  ai  die  en  autre  loc,  e  Peire  Vi- 
dais si  se  fasi'  appellar  Lop  per  ella,  e  portava  armas  a  lob  ; 
et  en  la  montaigna  si  se  fez  cassar  als  pastors  con  los  mastios 
e  con  los  lebriers,  si  con  se  cassa  lop,  et  en  la  montaigna  el 
vestiuna  pel  de  lop  per  semblar  lop.  Don  li  pastors  con  lor 
cans  lo  casseren  el  bateren  si  qel  en  fo  portatz  per  mort  al 
alberc  de  la  Loba.  El  maritz  lo  fez  medegar*  e  guérir. 

E  si  con  vos  ai  comensat  a  dire  de  Peire  Vidal,  el  promes  al 
rei(s)  et  al[s]  barons  de  chantar  e  de  far  chanson.  El  reis  fez 
far  armas  e  vestirs  a  si  et  a  Peire  Vidal,  e  vesti  se  e  s'agenset, 
e  fez  aqesta  chanson  qe  diz  :  De  chantar  rrCera  laissât  Per  ira 
e  per  dolor, 

Bernartz  de  Ventador  (/°  21,  <;%  col.  1) 

Bernartz  de  Ventador  si  fo  de  Lemoisin,  d'un  chastel  de 
Ventador,  de  paubra  génération,  fils  d'un  sirven  e  d'una  for- 
neyeira,  si  con  dis  Peire  d'Alvergne  ^  de  lui  en  son  chantar, 
quan  dis  mal  de  totz  los  trobadors  :  Lo  terz  Bernartz  de  Venta- 

*  Le  manuscrit  ajoute  e  bainhnar  ;  mais  ces  mots  sont  annulés  par  des  points 
placés  sous  chaque  lettre. 
2  Ms.  dal  vergne. 


Manuscrits  db  cheltenham  io7 

dor[n]y  Q'es  meindre  d'en^  Borneil  un  dom,  [Mas]  en  son  paire 
ac   bon  sirven,  Qe  portava  des  arc  d'alborn  *,  E  sa  mair'  escau- 
daval  forn,  FI  paire  dusia  Vessermen.  Mas  de  qi  q'el  fos  fils, 
Dieus  li  det  bella  persona  et  avinen  e  gentil  cor,  don  fo  el 
comensamen  gentilessa  ;  e  det  li  sen  e  saber  e  cortesia  e  gen 
parlar,  et  av(e)ia  sotilessa  et  art  de  trobar  bos  motz  e  gais 
sons.  Et  enamoret  se  de  la  vescomtessa  de  Ventador,  moillier 
de  so  seingnor.  E  Dieus  li  det  tant  de  ventura  per  son  bel 
captenemen  e  per  son  gai  trobar  q'ella  li  vole  ben  outra  me- 
sura, qe  noi  gardet  sen  ni   gentilessa  ni  honor  ni  valor  ni 
blasme,  mas  fugi  son  sen,  e  seget  sa  voluntat,  si  con  dis  n'Ar- 
nautz  de  Maruoil  :  Consir^  lojoietoblit  la  fondât  y  E  fuc  mon 
sen,  e  sec  ma  voluntat;  e  si  con  dis  Gui  d'Uisel  :  Q'enaissi  s'a- 
ven  de  fin  aman  Qel  sens  non  a  poder  contrai  talan.  Et  el  fo  ho- 
noratz  e  presiatz  per  tota  bona  gen,  e  sas  chansos  honradas 
e  grasidas,  e  fo  vesuz  et  ausiz  e  receubuz  moût  volontiers,  e 
foron  li  faich  grand  honor  et  gran  don,  et  anava  en  gran  ar- 
nes  et  en  gran  honor.  Moût  duret  lor  amors  longa  sason  enans 
qel  vescoms  sos  maritz  s'en  aperceubes.  E  qan  s'en  [fo]  aper- 
ceubut,moutfo  dolens  e  tris.  E  mes  la  vescomtessa  soa  moillier 
en  gran  tristessa  et  en  gran  dolor,  e  fez  dar  cumjat  a  Bernât 
de  Ventador  q'el  issis  de  la  sua  encontrada.  Et  el  s'en  issi,  e 
s'en  anet  en  Normandia  a  la  Dukessa  q'era  adonc  domna  dels 
Normans,  et  era  joves  e  gaia  e  de  gran  valor  e  de  prez  e  de 
gran  poder,  et  entendia  moût  en  honor  et  en  prez.  Et  ella  lo 
receub  con  gran  plaiser  e  con  grant  honor  e  fo  moût  alegra 
de  la  soa  venguda  e  fetz  lo  seignor  e  maistre  de  tota  la  soa  * 
cort.  Et  enaissi  con  el  s'enamoret  de  la  moillier  de  so  sei- 
gnor, enaissi  s'enamoret  de  la  duchessa  et  ella  de  lui.  Lonc 
temps  ac  gran  joia  d'ella  e  gran  benanansa,  entre  q'ella  tolc 
lorei  Snricd'Angleterraper  marit  e  qelan  mena  outra  lobras 
de(l)  mar  d'Angleterra,  si  q'el  no  la  vi  mai  ni  so  mesatge,  don 
el  puois  de  duol  e  de  tristessa  qe  ac  de  lei  si  se  fetz  monges  en 
raba[d]ia  de  Dalon,  et  aqui  persévéra  tro  a  la  fin. 

*  Ms.  dun. 

'  Ce  vers,  d'ailleurs  corrompu,  se  lit  ordinairement:  Per  traire  ah  arc  ma- 
nal  d'albom, 
3  Ms.  confir. 

*  Ms.  sai. 


108  MANUSCRITS   DBS   CHELTËNHAM 

1.  Non  es  meravilla  s'ieu  chan. 

2.  Bel  m'es  q'eu  chant  en  aqel  mes. 

3.  Ara  non  vei  luzir  soleill. 

4.  Ab  joi  mou  lo  vers  el  comenz. 

Bernartz  de  Ventador  si  ama[va]  una  domna  gentil  e  bella,  e 
si  la  servi  tant  e  la  honret  q'ella  fetz  so  q'el  vole  en  dics  et  en 
faichs.  £  duret  longa  sason  lor  jois  en leieutat  et*  en  plasers  ; 
mas  puois  cambiet  voluntatz  a  la  domna  q'ella  vole  autr'ama- 
dor.  Et  el  o  saup,  e  fo  tris  e  dolens,  e  creset  se  partir  d'ella; 
car  moût  Fera  greus  la  eompaignia  del  autre.  Puois  s'en 
penset,  eon  hom  veneus  d'amor,  qe  miels  li  era  q'el  agues  en 
leis  la  meitat  qe  del  tôt  la  perdes;  puois,  cant  era  davan  lei, 
lai  on  era  lautr' amies  e  Tautra  gens,  a  lui  era  semblans  q'ella 
guardes  lui  plus  qe  tota  Tautra  gen,  e  maintas  ves  descresia 
so  qe  avia  eresut,  si  eon  deven  far  tuit  li  fin  amador,  qe  non 
deven  creser  so  qe  vesen  •  dels  oils  qe  sia  faillimenz  a  soa 
domna.  Don  Bernatz  de  Ventador  si  fez  aqesta  chanson  qe 
dis;  Ar  m'acanseillaZy  seignor^, 

5.  Ar  m'aconseillaz,  seignor. 

6.  Can  vei  la  lauzeta  mover. 

7.  A  tantas  bonas  chansos. 

8.  En  consirier  et  en  esmai. 

9.  Tant  ai  mon  cor  plen  de  joîa. 

10.  Lonc  temps  aqu'ieu  non  chantiei  mai. 

1 1 .  Per  descobrir  lo  mal  pes  el  consire  * . 

12.  Conort  era  saieu  ben. 

13.  Pos  mi  preiatz,  seignor. 

14.  Lo  gen  temps  del  pascor. 

15.  Ben  m'an  perdut  en  lai  ves  Ventadorn. 

'  Ms.  en7 
2  Ms.  ne  sen. 

*  [Cette  raso^  qui  manque  dans  toutes  les  éditions  et  sans  doute  aussi  dans 
les  autres  mss.  (du  moins  n'a-t-elle  été  jusqu'à  présent  signalée  nulle  part),  ne 
nous  en  apprend  malheureusement  guère  plus  que  la  chanson  elle-même  sur 
ce  nouvel  (et  dernier?)  objet  de  l'amour  de  Bernard.  On  aurait  voulu  savoir  le 
nom  de  la  dame  qui  put  inspirer  à  notre  tendre  et  délicat  troubadour  des  sen- 
timents si  peu  dignes  de  lui.  Peut-être  était-ce  la  même,  comme  Fauriel  et  d'au- 
tres l'ont  conjecturé,  que  cette  dame  de  Narbonne  à  laquelle  est  adressée  la 
chanson:  La  dousa  votz  ai  auzida.-^C  C] 

*  Ms.  pel  el  confire. 


MANUSCRITS  DE   CHELTBNHAM  109 

16.  Can  vei  la  flor  l'erba  vert'  e  la  fueilla. 

17.  Lancanvei  la  fueilla. 

18.  Estât  ai  com  hom  esperdut[z] . 

19.  Can  parla  flor[s]  jostal  vert  fuo(eJill. 

20.  Cau  l'erba  frescal  fueilla  par. 

21.  Lo  rossignols  s'esbaudej a. 

22.  Tuit  sil  qem  preion  q'eu  chan. 

23.  Ja  mos  chantars  non  m'er  *  honors . 

24.  Lancan  vei  per  miei  la  landa. 

25.  Bel  m'es  cant  eu  ^  vei  la  broilla. 

26.  Pel  dous  chant  qel  rossignols  fai. 

27.  A  mors,  e  qeus  es  vejaire. 

28.  Jes  de  chantar  nom  pren  talan[s]. 

29.  Lo  temps  vai  e  ven  e  vire. 

30.  Amors  enqueraus  ^  preiera . 

31.  Bem  cugei  de  chantar  sofrir. 

32.  Chantars  non  pot  gaires  valer. 

33.  Cant  l'aura  douza  venta. 

34.  Quant  la  vert  fueilla  s'espan. 

35.  En  abril  qan  vei  verdejar  * . 

36.  La  douza  voiz  ai  auzida. 

37.  Cant  la  fueilla*  sobre  l'arbre^  s'espan. 

FoLQUET  DE  Marsceilla  (/<>  22,  r°,  coL  1) 

Folquet  de  Marsceilla  si  fo  de  Marceilla,  fils  d'un  me[r]cadie 
qe  fo  de  Genova,  et  ac  nom  seir  Amfos  ;  e  qant  lo  paire  mûrie, 
sil  laisset  molt  rie  d'aver.  Et  el  entendet  en  pretz  et  en  valor, 
e  mes  se  a  servir  als  valens  barons  et  als  valenz  ornes  et  a  bri- 
gar  com  lor  et  a  dar  et  a  servir  et  a  venir  et  anar,  E  fort  fo 
graçitz  et  onraz  per  lo  rei  Ricbart  e  per  lo  comte  Raimon  de 
Tolosa  e  per  en  Baral,  lo  seu  seignor  de  Marceilla,  Molt  tro- 
bava  ben  e  molt  fo  avinenz  om  de  la  persona  ;  et  entendet  se 

*  Ms.  mei, 

*  Ms.  del  meschaut  ou, 
3  Ms.  en  que  a  tans. 

*  [Cette  pièce  a  été  publiée  par  Raynouard,  ainsi  que  celle  qui  porte  le  no  37, 
sous  le  nom  de  B.  de  Ventadour.  Mais  M.  Bartsch  attribue  la  première  à  Peire 
Bremon  lotort  (Grundriss,  331,  1),  la  seconde  àGaucelm  ï'aidit  (ibid.,  167, 
49),  sur  l'autorité  de  mss.  à  peu  près  égaux  en  nombre  à  ceux  qui  la  donnent 
à  B.  de  Ventadour.  —  C.  C] 

5  Ms.  fusilla. 

*  Ms.  al  arbre. 


110  Manuscrits  db  ghbltbnham 

en  la  muiller  del  sieu  seignor  en  Baral,  e  pregava  la  e  fasia 
sas  chansos  d'cUa.  Mas  anc  per  precs  ni  per  chansos  noi  poc 
trobar  merce  q'ella  li  fezes  nuill  ben  en  dreit  d'amor,  per  qe 
totz  temps  se  plaing  d'amor  en  soas  chansos.  E  avenc  si  qe  la 
domna  mûrie,  et  en  Barals  lo  maritz  d'ellael  seingnor  de  lui, 
qe  tant  li  fasia  d'onor,  el  bons  reis  Richartz,  el  bons  coins  Rai- 
mo[n]s  de  Tolosa,  el  reis  Amfos  d'Arago,  don  el  per  tristesa  de 
la  soa*  domna  e  del[s]  princes  qe  vos  ai  diz  abandonet  lo  mon, 
e  si  s'en  rendet  a  Torde  de  Sistel  cum  sa  muiller  e  cum  dos  fillz 
qu'el  avia.  E  si  fo  faichs  abas  d'una  richa  abadia  q'es  en  Pro- 
ensa,  qe  a  nom  lo  Torondet  ;  e  puois  el  fo  faichs  evesqes  de 
Tolosa  e  lai  el  mûrie. 

Folqetz  de  Marceilla  si  ama[va]  la  muillier  d'en  Baral  so 
seingnor,  madomna  n'Alaïs  de  Roca  Martina,  e  chantava  d'ella 
e  fasia(s)  soas  chansos  e  guardava  s'en  moût  c'om  nol  saubes, 
per  so  q*ella  era  moillier  de  so  seingnor,  qar  li  fora*  tengut 
a  gran  felonia.  E  la  domna  si  sofria  sos  pretz  e  sas  chansos 
per  la  gran  lausor  q'el  fasia  d'ella.  En  Barals  si  avia  du  as  se- 
rors  de  gran  prez  e  de  gran  valor.  La  una  avia  nom  na  Laura 
de  Saing  Jolran,  l'autra  avia  nom  na  Babilla  de  Ponteves. 
Andoas  e(a)staven  con  en  Baral.  En  Folqetz  avia  tan  d'amis- 
tat(z)  com  amdoas  qe  semblans  era  q'el  entendes  en  qual- 
quna  per  amor.  Et  madomna  n'Alaïs  si  creset  q'el  a  na  Laura 
entendes  e  qeil  volgues  ben,  e  si  l'encuset;  e  sil  fon  dit  per 
mantz  cavalliers  e  per  mantz  d'autres  omes,  si  q'ella  li  det 
comjat,  qe  no  volia  plus  son  prec  ni  sos  diz,  e  qe  se  pênes  de  na 
Laura,  e  qe  de  leis  non  espères  mais  bens  ni  onor.  Folqetz  fo 
molt  tristz  e  dolens  quant  sa  domna  l'ac  dat  comjat,  e  laiset 
solaz  e  chant  errire  ;  et  estet  longa  saison  e  gran  marimen, 
plainnen  se  de  la  desaventura  qeil  era  venguda,  q'el  perdia  sa 
domna  qe  amava  mais  qe  ren  del  mon  per  leis  a  cui  el  no  vo- 
lia ben  si  no  per  cortesia,  e  sobr'  aqel  marimen  el  anet  veser 
l'eraperariz^,  la  moillier  q'era  d'en  Guillem  de  Montpellier,  qe 
fo  filla  de  l'emperador  Manuel,  qefo  maestros  e  caps  e  guiz*  de 
tota  valor  e  de  totz  esegnamenz  e  de  tota  cortesia.  E  recla- 

*  Ms.  son. 

*  Ms.  fom. 

*  Ms.  le  petariz. 
Ms.  gez. 


MANUSCRITS    DB    CHBLTBHHAM  111 

me[t]  se  ad  ella  de  la  desaventura  qeil  era  venguda,  et  ella  lo 
comforta  fort  el  preget  q'el  nos  degues  marir  ne  disesperar, 
e  q'el  per  la  sua  amor  deges  chantar  e  far  chanson  ;  dont  el 
per  lo  prec  de  Temperairiz  si  fez  aqesta  cha[n]son  qe  dis:  Tan 
mou  de  cortes(i)a  rason  Mos  cantars  que  noi  puosc  faillir, 

1 .  Tant  mou  de  cortesa  rason. 

2.  Amors,  merce,  non  moira  tan  soven. 

3.  Moût  i  fes  gran  pechat  amor[s]. 

4.  A  pauc  de  cantar  nom  recre. 

5.  Ben  an  mort  mi  e  lor. 

6.  S'al  cor  plagues  ben  fora  oimais  sasos. 

7.  Tan  m'abellis  Tamoros  pensamenz. 

8.  Chantan  volgra  mon  fin  cor  descobrir. 

9.  Per  Dieu,  amors,  ben  sabetz  veramen. 

10.  Chantars  mi  torn'  ad  afan. 

Apres  non  gaire  lonc  temps  qu'en  Foiqet  fo  caseguz  en  ira 
et  en  dolor  de  la  domna  qe  se  fo  anada  e  partida  de  Mon- 
pellier,  en  Barals  lo  seus  seingnor  de  Marceilla,  lo  cal  el 
amava  plus  q'om  del  mon,  mûri,  don  li  dopleren  las  greus  do- 
lors  q'el  avia  de  la  muillier  d'en  Baral  so  seingnor  q'era  morta, 
e  de  la  emperarlz  qe  s'en  era  anada  :  e  fetz  aqest  plainch  que 
dis:  Si  con  sel  q'es  tan  grevatz  Del  mal  qe  non  sen  dolor,  JSon 
sent  ira  ni  iristor, 

11.  Si  con  sel  qu'es  tan  grevatz. 

12.  Si  tôt  mi  sui  a  tart  aperce[u]butz . 

13.  En  chantan  m'aven  a  membrar. 

14.  Meravil  me  con  pot  nuls  hom  çantar. 

15.  A  qan  gen  venz  et  ab  qan  pauc  d'affan. 

16.  Greu  fera  nuls  hom  faillensa. 

17.  Ja  nos  cug  hom  q'eu  camge  mas  çansos. 

Quant  lo  bons  reis  Anfos  de  Castella  fon  estatz  desconfitz 
per  lo  rei  de  Maroc,  lo  cals  era  appellaz  Miramamolin,  elli 
ac  to[l]ta  Calatrava  e  Salvaterra  e[l]  castel  de  Donans,  si  fo 
grans  dolors  e  grans  tristessa  per  tota  Espaina  e  per  totas  las 
bonas  gens  qe  o  ausiren,  per  so  qella  crestiantatz  era  estada 
desonrada  e  per  lo  gran  dan  qel  bons  reis  de  Castella  era  es- 
tatz desconfiz  e  avia  perdudas  de  las  soas  terras.  E  soven  in- 


112  MANUSCRITS    DB    GHBLTEMHÀM 

traven  en  [lo]  seu  règne  raubar  e  [bresar*  et  aisaillion  a  To- 
leta,  don  lo  bons  reis  Anfos  mandet  sos  mesages  al  papa  qel 
degues  far  socore,  et  als  baros  del  regisme  de  Fransa  e  del 
regisme  d'E[n]gleterra,  et  al  re  d'Aragon  ^  Anfos,  et  al  conte  de 
Tolosa.  En  Folqetz  de  Marceilla,  q'era  moût  amies  del  rei  de 
Castella  e  non  era  ancara  rendutz  al  orde  de  Sistel,  si  fez 
una  preiganssa  per  conortar  los  barons  e  la  bona  gen  qe  de- 
guessen  socorre  al  bon  rei  Anfos,  mostran  lo  honor(s)  qe  lor 
séria  lo  socors  que  farion  al  rei,  el  perdon  q'eil  n'aurion  de 
Dieu,  el  gaszaing  q'eil  farian  d'aver,  e  con  li  rei  refarien  los 
dans  e  las  perdas,  et  con  no  lor  besoingnava  a  temer  mar 
ni  ven,  ni  no  lor  avia  ops  naus  ni  ma[ri]niers,  e  qe  toz  hom  qe 
dell  anar  aguesbonavoluntat,  non  estes  per  paubertat  d'aver, 
qe  Deus  lor  en  daria  asatz,  e  con  Dieus  nos  fasia  plus  d'amor, 
qar  el  sofria  qe  Sspaigna  si  perdes^,  qe  s'el  fos  vengutz  morir 
autra  ves  per  nos,  per  so  qar  si  près  de  nos  podiam  trobar 
perdon  e  remision.  E  comenset  'naisi  la  preicansa:  Oimais  noi 
conos\c\  rasonAb  qe  nos  puoscam  cobrir,  Sija  volent  Dieu  servir  y 
Qe  tant  enqier  nostre  pron. 

18.  Oi  mais  noi  conosc  razon. 

D'en  Folquet  de  Marceilla  vos  ai  ben  dich  chi  el  fo  ni  don, 
ni  con  montet  en  pretz  et  en  valor  e  con  reinet  al  mon,  ni 
con  s'en  parti,  e  con  el  amet  la  moillier  de  son  seingnor  en 
Baral,  e  con  el  fez  de  leis  maintas  bonas  cbansos  de  pretz  e 
de  rancuras,  e  con  el  anc  non  ac  joi  ni  plaser  ;  e  aras  voil  vos 
dire  con  el  puois  s'enamoret  de  la  emperariz  qe  fo  moillier 
d'en  Guillem  de  Montpellier,  la  qal  fo  filla  del  emperador  de 
Constantinopol  que  ac  nom  Manuel,  la  cals  fo  mandada  al  rei 
Anfos  d'Aragon  *  si  con  vos  ai  dich  en  l'autre  scrit,  don  el  fez 
aqesta  chanso  qe  dis  :  Uns  volers  outracuidaz  S'es  ins  e[n]  mon 
cor  aders.  E  si  fo  aisi  desaventuraz  q'en  aqela  sason  qe  s'en  fo 
enamoratz,  la  domna  si  fo  encusada  q'ella  agues  mal  fait  de 
Guillem  de  Monpellier  so  marit  ;  e  fo  crezut^  per  el,  si  qu'el  la 

*  Ms.  breson.  Cf.  bresat,  pièce  11,  v.  66,  p.  126^  et  le  v.  fr.  baiser. 
'  Ms.  deragon. 

3  Ms.  Berdes, 

*  Ms.  de  Ragon. 
^  Ms.  crefsit. 


MANUSCRITS   DE    GHBLTBNHAM  113 

mandet  via  e  la  parti  de  si,  et  ella  s'en  anet*.  Don  Folquet  re- 
nias tr(e)is  e  grans  e  dolens,  si  con  el  dis  que  mais  no  séria 
jausenz,  Puos  qenera  mens  Uemperariz,  cui^  Jovens  A  pojad[r]a 
els  a[u^sors  gratz  ;  E  si\l]  cors  non  fos  forsaz,  Ben  feira  parer 
Com  fols  si  sap  decazer. 

19.  Hus  volers  outracuidatz. 


Gausems  Faidits  '  {fol,  24,  7'*^,  col.  1) 


D'en  Gauselm  Faidit  vos  ai  dich  qi  el  fo  ni  con  venc  ni  com 
estet,  el  comensament  de  las  soas  chansos.  Mas  si  ac  tan  cor 
qel  s'enamora  de  madomna  Maria  de  Ventador,  de  la  meillor 
domna  e  de  la  plus  valen  c'om  en  aquella  sason  saubes  en 
nuilla  part,  e  chantava  d'ella  e[n]  fasia  soas  chansos,  ella  pre- 
gava  en  chantan,  et  en  chantan  la  presiava  e  lausava  sa  gran 
valor.  Et  ella  To  soffria  per  la  gran  lausor  q'el  fasia  d'ella, 
mas  anc  noil  fetz  mais  amor  nil  promes.  Et  enaissi  duret 
Tamors  qe  il  li  avia  ben  .vij.  ans  c'anc  non  ac  plaser  en 
dreich  damor;  e  si  venc  un  dia  Gauselms  denant  ella  e  sil  dis 
o  ella  li  faria  tal  plaser  d'amor  don  el  se  tengues  per  pagatz,  o 
ella  lo  perdria,  e  q'el  servira  autra  domna  don  li  venria  bens 
en  dreich  d'amors.  E  si  près  comjat  d'ella.  E  si  s'en  anet  ira- 
damen .  E  madompna  Maria  si  mandet  per  una  dompna  q'avia 
nom  n'Audiarz  de  Malamort,  q'era  gentils  e  bella,  e  sil  dichlo 
faich  de  Gauselm  Faidit  e  de  se  e  q'ella  la  degues  aconseillar 


*  [Si  Ton  ne  voit  pas  là  clairement  quelle,  était  au  juste  l'accusation  portée 
contre  V impératrice,  on  peut,  ce  semble,  ne  fût-ce  que  par  le  contexte,  assez 
facilement  le  deviner.  Aussi  cette  raso  paraît-elle  de  nature  à  jeter  quelque  jour, 
et  un  jour  tout  nouveau,  sur  le  fait  qui  y  est  mentionné,  de  la  répudiation 
d'Eudoxie  par  son  époux  Guillaume  VIII,  répudiation  qu'on  a  expliquée  jus- 
qu'ici par  divers  motifs,  dont  aucun  n'est  celui  que  notre  raso  laisse  entendre. 
-C.C] 

8  Ms.  qui. 

*  Ce  long  fragment  de  la  Vie  de  G.  Faidit,  qui  remplit  à  peu  près  en  entier 
le  fol.  24  du  ms.,  se  place  entre  la  troisième  et  la  septième  des  chansons  citées 
par  leur  premier  vers.  11  faut,  par  conséquent,  le  substituer  à  ce  qui  forme, 
dans  la  Revue  (juin  1881),  les  huit  dernières  lignes  de  la  p.  284  et  les  quatre 
premières  de  la  p.  285. 


114  MANUSCRITS    DE    CHELTENHÀM 

corn  lo  pogues  retener  ses  far  amor.  E  ella  li  dis  q'ella  no  la 
conseillaria  del  retener  ni  del  laissar,  mas  ella  lo  faria  partir 
del  amor  de  leis,  si  q'el  non  se  rancuraria  d'ella,  ni  no  séria 
sos  enemics.  Madompna  Maria  si  fo  moût  [ajlegra  e  si  la  pre- 
guet  moût  q' allai  complis.  Madomna  n'Audiarz  s'en  anet  e 
s'en  parti  de  madomna  Maria  ;  e  pren  un  son  cortes  message 
e  mandet  disen  a  Gauselm  Faidit  q'el  âmes  mais  un  petit  au- 
zel  en  son  poing  c'una  grua  volan  al  cel.  Gauselms  qant  auzi 
a<|est  man,  monta  a  caval  e  venc  s'en  a  madomna  N'Audiarz. 
Et  ella  lo  receup  fort  amorosamen.  E  si,  la  demandet  per  q'ella 
li  avia  mandat  disen  delpauc  ausel  e  de  la  grua.  Et  ella  si  li 
dis  moût  amorosamen  q'ella  avia  gran  pietat  dellui,  car  sabia 
q'ell  amava  madomna  Maria,  e  q'ella  non  amava  lui,  si  no 
per  cortesia,  e  per  las  grans  lausors  q'el  fasia  de'  leis,  e  per  lo 
gran  rie  reson  en  qe  il  l'avia  messa  per  tôt  lo  mon.«  E  sapchaz 
q'ella  es  la  grua  volans  al  cel,  e  eu  son  l'ausels  petitz  qe  vos 
tenetz  el  poing  per  far  e  per  dir  tôt  so  qe  a  vos  plasa,  e  sabez 
ben  q'eu  son  gentils  e  auta  de  riquesa  e  jovens  d'ans.  E  ditz 
hom  q'eu  son  fort  bella  ;  e  anc  mais  no  donei  ni  promesi  ni  en- 
ganei  ni  fui  enganada  e  ai  gran  [vojluntat  de  valer  e  d'esser 
amada  p[er]  tal  don  eu  gasang  prez  e  valor  et  [o]nor  et  hon- 
radas  amistatz,  e  sai  qe  vos  es  aqel  per  q'eu  cre  e  sai  q'eu 
puos  gasaignar  totz  aqest  bes.  E  eu  son  aqella  qui  puos  guier- 
donar  totz  bonratz  servis,  e  voil  vos  per  amador  et  per  servi- 
dor  eper  maistrador,e  faz  vos  don  de  me  e  de  m'amor,ab  tal 
coven,  qe  vos  deviatz  penre  comjat  de  madomna  Maria  de 
Ventedorn,  e  q'en  fasatz  una  chanson  rancuran  d'ella  corte- 
samen,  e  dizen  qe  pos  ella  nous  vol  qe  vos  seguetz  autr'amia, 
qe  vos  avez  trobada  francha  domna  e  leial  e  gentil  qe  vos  re- 
ten  franchamen.  »  En  Gauselms  Faiditz,  qant  ausi  lo[s]  plai- 
sens  plaisers  q'ella  li  disia  e  vi  los  amoros  semblanz  q'ella  li 
mostrava  els  dous  precs  q'ella  li  fasia,  els  grans  be[sl  q'ella 
li  prometia,  e  vi  las  grans  beutas  e  las  frescas  colors,  fo  si  so- 
bre près  d'amorq'elperdetlo  veser  e  l'audir;  e  retornan  a  se, 
el  comensa  regrasiar  madomna  n'Audiarz  aitan  cant  el  poc  ni 
saub,  e  de  far  et  de  dir  tôt  ço  q'ella  comandava,  e  de  partir 
son  cor  e  s'amor  de  madomna  Maria,  e  de  mètre  sos  precs 
e  son  chan  en  l'amor  de  madomna  n'Audiarz,  con  aqesta  pro- 
mession  qe  l'uns  fez  a  l'autre.  Gauselms  s'en  anet  pies  de  j ci 


MANUSCRITS    DE    CHBLTENHAM  115 

e  cargatz  (e)  de  legressa,  pensan  q'el  pogues  far  tal  chanso  qe 
roadomna  Maria  saubes  ben  q'el  s'era  partitz  de  leis,  e  q'en 
avia  trobada  autra  qe  Tavia  retengut  ab  se,  prometen  de  far 
grans  plasers  e  grans  honors.  E  fetz  aqesta  chanson  qe  ditz  : 
Tant  ai  sofert  lonjamen  gran  afan  Qcy  s' estes  mais  qe  no  rnaper- 
ceubes,  Morir  pogra  tost  e  leusim  voigues.  Aquesta  chansos  se 
chantet  e  se  dis.  [E  na  Maria  alegret  s'en  moût],  e  madomna 
n'Audiarz  [atressi],  qant  ausiren  aqesta  chanson,  e  q'el  avia 
partit  son  cor  e  son  chan  de  madomna  Maria,  e  q'el  avia  cres- 
zudas  las  falsas  promessas  de  madomna  n'Audiarz.  E  a  cap 
d'una  longa  sason qella  chanson  fofaitae  retraita,  Gauseims  si 
venc  veser  madomna  n'Audiarz  con  gran  legressa,  si  concel  qe 
cresia  ades  venir  en  chambra  ;  et  ella  lo  receup  fort  ;  en  Gau- 
seims si  fo  ape  d'ella  e  sil  discom  el  avia  faichtot  son  coman- 
dament  e  com  s'era  partitz  de  madomna  Maria  per  ella  e  con 
el  avia  portât  lo  cor  el  sen  el  saber  e  ditz  e  chan  el  mon  ad 
ella,  e  q'ella  li  avia  promes  tant  don  el  fos  meritatz  d'aiso  q'e^ 
avia  fait  per  ella.  E  madomna  n'Audiarz  sil  dis  :  «  Gauseims, 
vers  es  qe  vos  es(tes)  trop  valons  e  trop  presiatz,  e  non  e[s] 
domna  qe  amar  voigues  qe  no  se  degues  tenir  per  pagada  de 
vosaver  per  amador  e  per  servidor,  e  qe  no  se  degues  alegrar 
si  vos  aviaz  [ajlegressa,  e  nos  degues  [ejsmarrir  si  vos  aviaz 
marrimen,  car  vos  es  paire  e  maistre  de  valor  e  d'onor  e  de 
cortesia  ;  e  so  q'eu  vos  promis  ni  dis  non  o  fesi  per  voluntat 
q'eu  agués  de  vos  amar  per  amor,  mas  per  vos  traire  d'aqella 
preison  on  vos  eraz  e  d'aqella  esperansa  qe  vos  aviaz  aguda 
plus  de  vij  ans  son  passatz,  e  q'eu  sabia  la  voluntat  de  ma- 
domna Maria  de  Ventador.  q'ella  vos  menava  per  paraulas  e 
per  promessas  ses  voluntat  d'entendre  en  totz  autre[s]  faichs. 
Eu  vos  sera[i]  amiga  e  ben  volens  en  tôt  cant  vos  comandez 
ni  a  vos  plaisa.»  Quant  Gauseims  ausi  aqellas  paraulas,  fon  tris 
e  grams  e  dolens,  e  comensa  clamar  mers'e  a  la  domna  q'ella 
nol  voigues  ausire,  ni  trair  ni  enganar.  Et  ella  li  dis  q'ella  no 
l'ausizia  ni  l'enganava,  q'an[s]  l'avia  traich  d'engan  e  de  mort. 
Gauseims  si  se  levet  e  si  sen  anet  con  hom  desesperatz  e  trist, 
per  so  q'el  vi  q'el  era  en  aisi  traiz  et  enganatz,  qell  avia  faich 
partir  de  madomna  Maria  e  q'ella  li  avia  dich  per  engan  de 
lui  amar  e  retener.  El  si  penset  ancaras  tornes  a  merces  cla- 
mar a  madomna  Maria  e  fetz  la  chanson  qe  dis  :  No  rnalegra 


116  MANUSCRITS   DB   GHBLTENHAM 

chantz  ni  critz  D'aucels  mon  fel  cor  engres,  Ni  non  sai  per  qem 
chantes,  Mas  an[c]  per  prec  ni  per  chansos  mais  non  poc  tan 
dir  ni  far  qe  anc  madomna  Maria  li  volgues  sos  precs  escou- 
tar  ni  ausir. 

4.  Tant  ai  sofert  lonjamen  gran  afan. 

5.  Nom  alegra  chanz  ni  critz. 

6.  Al  semblan  del  rei  ties. 

Gauselms  Faiditz,  qant  fo  parti tz  del  entendemen  de  ma- 
domna Maria  de  Ventador  per  lo  sen  de  madomna  n'Audiars 
de  Malamort,  si  estet  longamen  marritz  e  dolens  per  lo  grant 
engan  q'el  avia  près  e  recebut.  Mas  madomna  Margarita  dal 
Buson  si  lo  fetz  alegrar  e  chantar  q'ella  li  dis  tans  de  plasers 
eil  mostret  tans  de  semblans  amoros  per  q'el  s'enamoret  d'ella 
e  la  preget  d'amor.  Et  ella,  perq'el  la  meses  en  prez  e  chantes 
d'ella,  si  receup  sos  precs  els  entendet,  eil  promes  de  far 
plaser  en  dret  d'amor.  Longament  duret  lo  precs  de  Gauselm 
e  Tamor  q'el  avia  a  madomna  Margarita  dal  Buson  ;  moût  la 
lausot  e  la  presiet  ;  mas  ella,  cum  so  fos  causa  qe  s'alegres  de 
las  lausors  qeil  fasia  d'ella,  noUavia  nuill  amor  ni  mais  noil 
fez  plaser  en  dret  d'amor,  mas  una  vez  qant  prendia  comjat 
d'el[a],  q'el  li  baizet  lo  col,  et  ella  o  sofri  amorosamen,  don  el 
visquet  longamen  con  gran  legressa.  Mas  ella  si  amava  'n 
Ugo  de  la  Signa  q'era  fils  d'en  Ugo  lo  Brun,  del  comte  de  la 
Marcha,  et  era  moût  amies  d'en  Gauselm.  La  domnasi  estava 
el  chastel  del  Buson,  on  ella  [no]  podia  veser  'n  Ugo  de  la  Si- 
gna ni  far  plaser,  per  qe  ella  s'amalla  de  mal  de  mort,  e  vodet 
se  a  Sainta  Maria  de  Rochamador,  e  mandet  disen  a  'n  Ugo 
de  la  Signa  q'el  venges  a  Uszerca  a  un  bore  on  estava  Gau- 
selms Faiditz,  e  qe  vengues  a  furt,  e  qe  desmontes  en  Talberc 
d'en  Gauselm  e  q'ella  desmontaria  en  aqel  alberg,  e  q'ella  li 
faria  plaser  ;  e  desseinet  li  quai  jorn  el  i  fos.  El  s'en  ven  lai, 
e  la  moillier  de  Gauselm  lo  receup  fort  el  honret  en  gran 
creszensa,  si  con  el  comandet.  E  la  domna  venc  e  desmontet 
laintre  e  trobet  'n  Ugo  de  la  Signa  en  l'alberc,  rescost  en  la 
chambra  on  ella  dévia  jaser.  Aqui  stet  el  dos  jorns  al  anar 
de  Rochamador,  e  l'atendet  tro  qe  venc,  e  pois  estet  autres 
dos  jorns  qan  fo  venguda.  E  chascuna  noit  jasion  ensembre. 
E  no  tarset  gaires  qant  s'en  foron  tornat  q'en  Gauselms  venc, 


MANUSCRITS    DE    GHBLTENHAM  117 

e  la  moillier  de  Gauselm  li  comtet  tôt  lo  faich,  don  el  fo  si 
trist  q'el  volia  morir,  per  so  q'el  cresia  q'ella  no  volgues  [be] 
sino  ad  el,  e  per  q'ella  el  sieu  leit  Favia  colgat,  don  el  fes  una 
mala  chanson  qe  dis  :  Si  anc  nuls  hom  per  aver  fin  corage,  Ni 
per  amar  ses  falsura.  Et  aqesta  fo  la  dereana  chansos  q'el  fez. 


.  La  pièce  Assotz  sai  d'amor  ben  parlar,  mentionnée  sous  le  n°  12 
dans  notre  notice,  à  l'article  Roemrauç  d'Aurenga  (i^evwe, juin  1881, 
p.  271),  attribuée  dans  tous  les  manuscrits  à  Rambaud  d'Orange, 
soulève  une  intéressante  question  d'histoire  littéraire.  Elle  a  été  pu- 
bliée dans  VArchiv  fur  das  Studium  der  neueren  Sprachen  de  Herrig 
(t.  XXXVI,  année  xix,  p.  447,  Brunsweig,  1864),  d'après  le  Chanson- 
nier de  la  bibliothèque  St-Marc,  à  Venise,  coté  App.  Cod.  xi.  Nous 
donnons  ici  le  texte  du  manuscrit  n9  1910  de  Cheltenham,  en  le  cor- 
rigeant, mais  seulement  quand  le  sens  l'exige  absolument,  à  l'aide  du 
texte  publié  par  VArchiv  (C)  et  des  manuscrits  n®^  854  et  856  de  la 
Bibliothèque  nationale  {A  et  B).  Pour  faciliter  la  comparaison,  nous 
donnons  en  note  toutes  les  variantes    de  ces  trois  manuscrits . 

Rambaud  d'Orange  n'était  point  originaire  du  comté  de  ce  nom.  «  Il 
était  fils,  dit  l'abbé  Millot,  de  Guillaume  d'Omelas,  de  la  maison  de 
Montpellier,  et  de  Tiburge,  fille  unique  de  Rambaud,  comte  d'Orange, 
mort  dans  une  expédition  à  la  Terre  Sainte.  Tiburge,  par  son  testa- 
ment, fait  en  1150,  institua  héritiers  ses  deux  fils,  Guillaume  et  Ram- 
baud, qui  partagèrent  entre  eux  le  comté  d*Orange.  Le  dernier  en 
prit  le  nom,  au  lieu  de  celui  d'Omelas,  qu'il  portait  auparavant.  La 
petite  ville  de  Courteson,  dans  ce  pays,  devient  le  chef-lieu  de  sa  ré- 
sidence. »  Ainsi  Rambaud  est  probablement  né  à  Montpellier  on  aux 
environs.  Cependant  trois  manuscrits,  sur  les  quatre  qui,  à  notre  con- 
naissance, contiennent  la  pièce  que  nous  publions,  donnent  l'envoi  de 
deux  vers,  qui  semble  indiquer  clairement  que  notre  troubadour  était 
ûé  à  Rodez.  La  leçon  corrompue  de  C,  qui  est  un  manuscrit  de  valeur 
médiocre  (Arodeus),  ne  saurait  d'ailleurs  admettre  d'autre  correction 
que  celle  qu'indiquent  et  le  manuscrit  de  Cheltenham  et  le  ms.  854 
de  la  Bibliothèque  nationale  (a  Rodes).  Il  reste  à  se  demander  si  le 
mot  naiuraus  signifie  que  Rambaud  était  né  à  Rodez,  ce  qu'il  semble 
impossible  de  prouver,  ou  si,  au  contraire,  il  ne  faut  pas  le  traduire 
par  «vassal  »,  et  admettre,  ce  que  nous  croirions  plus  volontiers,  qu'il 
devait  hommage  au  comte  de  Rodez  pour  quelques-uns  des  domaines 
qu'il  possédait  du  chef  de  son  père.  Alors  la  pièce  en  question  serait 
adressée  à  la  femme  d'Hugues  l^,  Ermengarde  de  Creyssels,  qui,  en 
1170,  se  fit  religieuse  à  Nonenque,  ou  plutôt  à  la  première   femme 


llg  MANUSCRITS    OB   CHELTENHâM 

d'Hugues  II,  qui  était  fils  du  précédent  et  mourut  en  1208,  c'est-à-dire 
à  Agnès,  fille  de  Guillaume,  comte  d*Auvergne.  Nous  livrons  ce  petit 
problème  à  la  curiosité  de  ceux  qu'intéressent  l'histoire  de  nos  pro- 
vinces méridionales  et  la  littérature  provençale. 

ASSATZ   3A1  d'aMOR   BBN  PARLAR 

Manuscrit  de  Paris,  B.  N.,  fs.fr.  854,  f»  146  ro,  col.  1  =  A;  Ms. 
de  Paris,  B.  N.,  fs.  fr.  856,  f»  197  vo,  col.  2=  B;  Ms.  de  Venise,  St- 
Marc,  App.  Cod.  XI,  fo  111  r«,  col.  1  =  0;  texte  de  Raynouard,  qui 
reproduit  B,  sauf  correction  (Lexique  romarin  I,  324)  =  R. 

Roembàuç  d'Aurenoà 

(/•o  16,  r%  col.  1) 

I.      Assatz  sai  d'amor  ben  parlar. 
Ad  obs  dels  autres  amadors  ; 
Mas  al  mieu  pro,  que  m'es  plus  car, 
4     Non  sai  ren  dire  ni  comdar  ; 
C'a  mi  non  val  bes  ni  lauzors, 
Ni  malditz  ni  [laitz]  mot[z]  avars  ; 
Mas  ar  soi  vas  amor  aitaus, 
8    Fis  e  bos  e  frans  e  liaus. 

II.  Fer  qu'enseingnerai  ad  amar 

Los  autres  bons  domnejadors; 

E  sim  creçon  mon  enseingnar, 
12    Lur  farai  d'amor  conquistar 

Tôt  aitan  con  volran  de  cors  ; 

E  si'  ogan  penduz  o  ars 

Qui  no  m'en  croira,  car  bon  laus 
16    N'  auran  oeil  quen  tenran  las  claus. 

V.2,  R  ops,  C  dautres;  3,  Clo  meu....  pus;  4,Afs.  rem, fi  contar,  R  com 
tar;  5,  BR  qua,  C  came  no  ualbe;  6,  À  mais  ditz,  B  motz,  C  ni  mal  dir  ni 
mos  adirrars,   R  ni  los;  7,  AR  soi,  C  leyaus;  8,  A  liais,  C  lis  e  frans  e  fis 
esuaus. 

9,  BR  ensenharai,  C  sejnharaj  ;  10,  C  vos,  BCR  bos,  A  dompneiadors  ;  11, 
B  sin,  ABR  crezon,  C  e  si  cressetz,  B  essenhar,  C  essejnar,  R  ensenharj 
12,  B  far  lor  a,  C  vos  fara;  13,  C  can  uuillatz,  R  quan  ;  14,  C  esia,  B  oguan. 
A  pendutz;  15Bfl  quar,  C  cab  bos;  16,  BR  selhs,  ifcfs.  ten  nan,  B  creiran, 
C  qui  men  crejra  tenra  lasiclaus. 


MANUSCRITS   DE   GHËLTBNHAM  ll9 

III.  Si  volez  domnas  gasaingnar, 
Que  querez  queus  fassan  honors, 
Sias  fan  avol  respos  avar, 

20    Vos  las  prenes  a  menassar  ; 
E  si  vos  fan  respos  [pejors], 
(col.  2)Das  lur  del  pong  permei  sa(r)s  nars  ; 
E  si  son  br[a]vas,  sias  braus  : 
24     Ab  gran  mal  n'aures  gran  repaus. 

IV.  Ancar  vos  voil  mais  enseing[n]ar 
Ab  que  conqueres  las  meillors  : 
Ab  malditz  et  ab  lag  cantar, 

28    Que  fassas  tut,  et  ab  vanar, 

Et  que  honres  las  sordejors, 

Per  lur  anctas  las  levés  pars, 

E  que  guardes  vostres  ostaus, 
32    Quenonsemblon  gleisas  ni  naus. 

V.  Ab  aisso  n'aures  pro,  som  par, 
Mas  ie[u]m  tenrai  d'autras  colors, 
Per  zo  car  no  m'agrad'  amar, 

36     Que  ja  mais  non  voil  castiar 

Que  s'eron  totas  mas  serors  ; 

Per  so  lur  serai  fi(l)s  e  cars, 

Humils  e  simples  e  liaus, 
40    Dous,  amoros,  fis  e  coraus. 


17,  CR  voletz,  B  dompnas  guazanhar,  R  gazanhar;  18,  BR  quan  querretz, 
C  can  uolretz  qeus  fazoa  amors  ;  19,  B  avols,  C  respost,  Ms .  respecs  ;  20, 
BR  prenetz,  Cprendetz  amenazar;  21,  A  laisse,  comme  notre  manusciHt^  le 
mot  pejors  en  blanc  ;  2Z,  BR  datz  lor  del  ponh,  C  les  del  pujn,  BR  mieg, 
CR  las  nars  ;  23,  A  supprime,  comme  notre  manuscrit,  le  premier  a  de 
bravas,  BR  siatz  ;  24,  C  cab,  B  nauretz. 

25,  B  anquaras,  R  enquaras,  BR  vos  vuelh  mais  mostrar,  C  ancar  vos  uuil  ; 
26,  BR  conquerretz,  C  conqueretz,  BR  melhors  ;  27,  BCR  mais,  A  laig,  B 
iagz,  C  mais  chaotars;  28,  C  qen  fazatz  tuit  et  amars,  BR  fassatz  tuyt;  29, 
BCR  honretz;  30^  ABR  lor,  B  anças,  C  lurs  ontas  eleuetz  pars,  A  leuers 
B  leufttz;  31,  BR  giiardelz,  C  e  que  garetz  ;  32,  B  ni  croys  ni  maus. 

33,  C  azo,  BR  nauretz,  C  rom;  34,  C  gem;  35,  C  zo,  BR  quar  no  m'a  grat 
d'amar,  C  nom  agrada  araors;  36,  A  uuelh;  37,  A  sieron,  C  qeseron,  A  masse- 
ros,  Ms.  masseiros,  BR  mas  serors,  C  mas  sorors;  38,£jR  lor,  Cper  zo  lor  séria 
plus  cars,  ^1  fis  ;  39,  £  leyaus,  R  leiaus,  C  suaus  ;  40,  C  amoroz. . .  sers. 


1?0  MANUSCRITS   DB   CHBLTENHAM 

VI.  Mas  d'aissous  sapchatz  ben  gardar, 

Que  so  qu'  ieu  farai  e[r]  folors  ; 

Non  fassaz  ver  que  [non]  si  par, 
44    Mas  so  qu'eu  enseng  tenes  car, 

Si  non  volez  sofrir  dolors, 

Ab  penas  et  ab  loncs  plorar[s]; 

C'assi  lor  for'  envers  e  maus, 
48    Si  mais  m'agrades  lor  ostaus. 

VIL  Mas  per  som  puesc  segur  gabar, 
Qu*eu,  et  es  me  granz  deshonors, 
Non  am  ren,  ni  sai  qu'es  ancar, 

52    Mas  mon  anel,  am  que  m  ten  clar, 
Carfon  el  det.  Ar  son  trop  sors  : 
Lenga,  non  mais  que  trop  parlars, 
Fai  pietzque  pechatz  criminaus  ; 

56     Per  qu'ien  tenrai  mon  cor  en[c]laus. 

VIII.  Mas  bel  sabra,  mos  belhs  jocglars, 
Qu'ilh  val  tant  e  m'es  tant  coraus, 
59    Que  ja  de  lieys  nom  venra  maus. 

IX.  E  mos  (e)  vers  tenra,  qu'eral  paus, 
61     Arrodes,  don  son  naturaus. 

41,  i4  et  Ms.  dais  dus,  C  daizous  sapchatz  tug;  42,  A  qu  {avec  u  barré)^ 
B  quien,  A  er  foUors,  BR  er  folhors;  43,  A  fassatz,  BR  nescis  par,  C  uon 
fazatz  uns  cusipars  ;  44,  BR  qu'ieu,  A  enseing,  BR  ensenh,  C  queu  sim  tenes 
vos  cars  ;  45,  C  no,  BR  voletz  ;  46,  B  locs,  A  plotais,  CR  plorars  ;  47,  A  caissi, 
BR  qu'aissi,  C  caixi,  BR  for'  envers,  C  fora  ferms;  48,  Clur  esclaus. 

VII.  R  supprime  ce  couplet.  —  49,  C  per  zo  no  puesc.  Ms.  puecs,  B  gua- 
bar:  50,  B  quieu,  C  qeu  adesme,  BC  grans,  C  desonors;  51,  C  quem  so  cars, 
B  enquar  ;  52,  B  det  clar,  C  quim  ten  dar  ;  53,  C  e  car  foel  de  tal  serors  ; 
54,  C  lenganon,  B  lengua  non;  55,  B  piegz.  Ms.  pretz,  A  peccatz  crîminals, 
C  sapchatz  ques  pecatz;  56,  Ms.  qui  em,  B  quieum,  C  qeu  tenc,  BC  enclaus. 

VIII.  Ce  couplet  manque  dans  le  Ms.  —  57,  C  sabran  mon  bel  joglars;  58, 
C  quieu  lame  ;  59,  C  qeia  deleis. 

IX.  Ray?îouard  emprunte  les  deux  derniers  vers,  qui  manquent  dans  B, 
à  un  autre  manuscrit,  sans  doute  à  A.  Voici  la  leçon  de  C:  Mon  vers  uenra 
can  filipaus  Arodeus  de  son  naturaus. —  61,  i?  a  Rodes. 


MANUSCRITS   DE    GHBLTENHAM  121 

II 

LE   CHANSONNIER  MAC-CARTHY 

L.^  Chansonnier  Mac-Carthy  est  un  de  ceux  qui  renferment  le  plus 
de  pièces  uniques.  Il  a  été  assez  souvent  décrit  pour  que  nous  soyons 
dispensé  de  le  décrire  à  notre   tour  :  nous  nous  contenterons  donc 
de  donner  quelques  indications  sur  les  pièces  que  nous  publions  ici. 
Quant  au  choix  que  nous  avons  fait  de  ces  pièces,  on  pourra  le  trouver 
bizarre  et  nous  objecter  que  certaines  d*entre  elles  sont  moins  inté- 
ressantes que  d'autres  que  nous  négligeons.  Ce  reproche,  fondé  en 
apparence,  disparaîtra  quand  nous  aurons  déclaré    que  nous  avons 
tenu  à  ne  publier  que  celles  dont  la  publication  n'avait  pas  été  an- 
noncée par  M.  Suchier,  afin  d'éviter  le  reproche  d'aller  sur  les  brisées 
de  qui  que  ce  soit.  Nous  estimons  d'ailleurs  que  les  poésies  des  trou- 
badours, telles  qu'elles  nous  ont  été  conservées,  sont  trop  peu  con- 
sidérables pour  qu'on  ne  profite  pas  de  toutes  les  occasions  d'éditer 
ce  qui  est  encore  inconnu,  ou  de  rééditer  les  pièces  dont  le  texte  peut 
être  amélioré  par  l'emploi  de  manuscrits  non  encore  utilisés. 

La  première  pièce  que  nous  donnons  ici,  Dompna  c*aves  la  segno- 
ria,  vient,  dans  le  manuscîrit,  immédiatement  après  la  pièce  d'Arnaut  de 
Mareuil,  Bompna,  genser  quHeu  non  sai  dir,  sans  indication  d'auteur, 
comme  il  arrive  pour  un  certain  nombre  de  pièces  de  ce  Chansonnier. 
Rien  ne  prouve  donc  qu'elle  soit  de  ce  troubadour*.  D'ailleurs,  nous 
n'en  avons  que  le  commencement;  la  pièce  suivante  est  également  in- 
complète du  commencement  et  se  trouve  en  tête  du  feuillet  26,  sans 
aucune  indication,  ce  qui  semble  prouver  que  le  manuscrit  a  perdu  un 
ou  plusieurs  feuillets,  peut-être  même  un  cahier.  Cette  seconde  pièce, 
écrite  en  vers  de  dix  syllabes   sur  une  seule  rime,  est  une  espèce  de 


*  [Les  mots  que  tan  m'es  prés  Del  aor  (v.  10-11)  autoriseraient  peut-être 
à  la  lui  attribuer.  C'était  là  une  expression  familière  à  Arnaut  de  Mareuil.  Cf. 
ce  début  d'un  de  ses  saluts  :  Cel  eut  vos  etz  al  car  plus  près,  ce  vers  d'un 
autre  salut:  Mas  vos  que  rr^etz  al  cor  plus  près,  la  fin  de  Razos  es  e  me- 
szura:  Carm*etz  al  cor /)to  près,  et  encore,  dans  la  chanson  Vs  gais  amoro- 

orgoils  :  Beffa  domna m'etz  ades  del  cor  plus  près.  Il  convient  pour- 

tani  d'ajouter  que  l'un  des  mss.  dont  Giovanni  Maria  Barbieri  s'est  servi,  celui 
qu'il  appelle  lihro  in  assicelle,  attribuait,  paraît-il,  cette  pièce  à  Alegret.  M.  Sn- 
chier  en  a  déjà  fait  l'observation.  Voyez  Mussafia,  Ueàer  die  prov,  Lieder- 
handsch.des  G.  M,Barbieri,pp.  25  et  37,  et  Barbieri  lui-même,  Origine  délia 

10 


122  MANUSCRITS    DE  GHBLTBNHAM 

dialogue  assez  animé  entre  une  grande  dame  et  un  amoureux  qui  se 
plaint  de  sa  cruauté^. 

Les  pièces  que  nous  publions  sous  les  n°"  4,  5  et  6,  surtout  la  der- 
nière, offrent  d'intéressantes  combinaisons  au  point  de  vue  de  la  rime 
et  de  la  mesure':  elles  sont  anonymes,  comme  les  précédentes.  Dans 
le  manuscrit,  elles  viennent  immédiatement  après  la  pièce  Qi  la  vi  en 
ditÇt  que  la  plupart  des  manuscrits  attribuent  à  Aimeric  de  Peguil- 
lan  (Cf.  Bartsch,  GrrMndrm,  103,55),  laquelle  suit  la  Cour  d'Amour  ^ 
nouvelle  fort  intéressante,  que  nous  publions  à  part  dans  notre  troi- 
sième partie. 

Nous  joignons  àces  pièces  inédites,  sous  le  no  7,  une  pièce  déjà  pu- 
bliée, Ai  con  m'aven,  Dieus  nCajuty  et  nous  en  empruntons  le  texte 
au  Chansonnier  Mac-Carthy,  qui  n'avait  point  encore  été  utilisé  ;  le 
premier  vers  (il  est  vrai,  défiguré  ;  A  comanc  dieus  maint)  est  cité 
dans  la  Vie  de  Girautde  Borneil  du  manuscrit  n<^1910  de  Cheltenham 
décrit  ci-dessus,  et  y  porte  le  n°  12. 

Enfin,  sous  le  no  8,  nous  donnons  un  relevé  des  variantes  du  Chan- 
sonnier Mac-Carthy,  pour  la  pièce  QiJa  ve  enditz,  d'Aimeric  de  Pe- 
guillan,  par  rapport  au  ms.  de  la  Bibliothèque  nationale  no  856,  re- 
produit par  Mahn  (Gedichte,  1171). 

Pour  finir,  un  mot  sur  la  façon  dont  le  texte  de  nos  pièces  a  été 
constitué,  en  ce  qui  regarde  celles  qui  sont  représentées  par  un  seul 
manuscrit.  Le  texte  du  Chansonnier  Mac-Carthy,  quoique  bien  peint, 


poesia  rimatà,  p.  130  ;«  Alegretche  fece. . .  délia  sua  donna  più  yersi  di  rime 
accopiate  a  due  a  due  corne  : 

Domna  c^avetz  la  senhoria 
De  Joven  e  de  cortesia.» 

Mais  ce  libro  in  assicelle  aurait  bien  pu  ne  pas  mériter  ici  plus  de  con^ 
fiance  qu'en  un  autre  endroit,  où  il  attribuait  à  Bertran  de  Born  (Barbieri, 
p.  98,  Mussafia,  p.  40)  une  pièce  qui  ne  peut  aucunement  être  de  lui,  et  que 
le  seul  ms.  qui  nous  l'ait  conservée  place  en  effet  sous  le  nom  d'un  autre 
troubadour,  Raimon  de  Tors,  de  Marseille.  C'est  le  sirventés  Ar  es  ben  dretz 
que  valha  mos  chantars  (Bartsch,   Grundriss,  410,  2).  —  C.  G.] 

*  [Ce  morceau  est  probablemcRt  un  extrait  d'un  roman  perdu,  dont  il  for- 
mait, ou  à  peu  près,  une  laisse  entière,  comme,  dans  le  même  ms.,  un  dcg 
morceaux  précédents  (f  9)  est  un  extrait  de  Jaufre,  Il  est  bien  fâcheux  que 
ce  roman,  qui  devait  offrir,  par  la  forme,  d'une  part,  et  de  l'autre  par  le  siyet, 
ou  du  moios  par  la  manière  dont  l'auteur  y  avait  traité  certains  détails,  les  ca- 
ractères réunis  de  la  chanson  de  geste  et  du  roman  d'aventure,  ne  nous  ait  pas 
été  conservé.  —  G.  G.] 

*  [Ce  sont  des  descorts,  comme  M.  Suchier  l'a  déjà  constaté.  —  C.  G] 


MANUSCRITS   DE   CHBLTBNHAM  123 

offre  d'assez  grandes  difficultés  aux  éditeurs,  non-seulement  à  cause 
des  fautes  graves  qui  s'y  rencontrent,  comme  dans  la  plupart  des 
Chansonniers,  mais  surtout  à  cause  de  la  façon  plus  que  fantaisiste 
dont  les  mots  et  les  syllabes  y  sont  séparés  ou  réunis.  D'ailleurs, 
quelques-unes  des  pièces  que  nous  publions  appartiennent  au  genre 
obscur,  et  il  est  quelquefois  difficile  d'y  trouver  un  sens,  sans  trop 
faire  violence  aux  règles  de  la  paléographie  et  au  texte  réel  du  ma- 
nuscrit. Nous  avons,  du  reste,  marqué  d'un  point  d'interrogation  les 
mots  ou  vers  où  nous  ne  trouvions  aucun  sens  convenable,  et  nous 
les  livrons  aux  méditations  des  provençalistes. 

V  DoMPNA,  o'avbs  la  Segnoria 

(Fo  25,  tjo,  coh  2,  hauU)  Grande  lettre  (D)  rouge,  bleu  et  or,  de  0,045™ 
de  hauteur  et  autant  de  largeur,  encadrant  un  personnage  debout, 
vêtu  de  rouge,  avec  un  manteau  doublé  de  blanc  à  carrés  bleus,  le- 
quel tient  de  sa  main  gauche  le  cordon  qui  agrafe  son  manteau,  et 
de  la  droite  son  poignet  gauche  ;  à  droite  et  à  gauche,  une  fleur  d'or 
ronde . 

Dompna,  c'aves  la  segnoria 

De  joven  e  de  cortesia 

E  de  totas  finas  valors, 

Onrada  sobre  las  meillors, 
5    Fons  de  totas  finas  beutatz. 

Cul  Die  us  a  totz  bons  aips  donatz, 

Per  Dieu  e  per  Franca  Merce, 

Sens  oui  hom  non  pot  valer  re, 

E  pueis  per  Cortesi'apres, 
10    E  per  amor,  que  tan  m'es  près 

Del  cor  quem  fai  languir  sovent, 

E  pueis,  bella  dompna,  eissament, 

Per  tôt  zo  c'az  amor  ataing, 

Car  neguns  bens  no  vos  sofraing, 
15    Vos  prec  que  zo  qu'eu  vos  vueil  dir 

Deignes  escoutar  e  auzir; 

E  s' al  re  ihos  dires  nom  val, 

Al  mentz  no  mo  tengas  per  mal  ; 

Que  tant  es  granz  vostra  valenza, 


V.  14,  ms.  nous,  }li^  situ 


124  BiANUSORITS   DE  GHBLTBNHAM 

20    E  Yostra  beutatz  c'ades  genza, 
Q'eu  non  cre  que  si'homs  viventz, 
Tant  es  granz  mos  fols  ardimentz, 


2°  Que  cil  que  a  tan  ric  prez  comenzat 

(F«  26,  r'^^col.  1.)  «  Que  cil  que  a  tan  rie  prez  comenzat 
Nol  deu  retraire,  tro  que  Taj'  acabat  ; 
Com  acabat  massa  n'aves  cabat, 
C'atretant  vei  que  n'aves  deslivrat, 
5    Col  premier  jorn  quel  aguest  conquestat.  » 
— «  Dompna,  fai  sel,  mal  m'aurias  pagat  ; 
Car  se  ieu  ai  d^una  part  mescabat, 
E  vos  m'aves  a  gran  tort  decazat, 
S'en  m'enconsir  sens  drezurier  unat  *, 
10    Cui  sapcha  bon  e  cui  n'aja  mal  grat  ; 
De  vostra  mort  ai  fag  ja  la  meitat.  » 
— a  Per  Crist,  dis  ela,  de  trie  aves  parlât, 
Ans  en  mentir  aves  bec  aôlat  ; 
Ja  aquest  mot  non  vos  er  perdonat.  » 
15    — «  Ni  s'ieu  die  zo,  non  dei  esser  blasmat. 
Jeu  li  respont,  cant  zo  ac  consirat. 
De  (?)  dire  ver  e  respondre  menbrat, 
S'ieu  vos  am  fort  de  ric  cor  afinat, 
E  vos  mi  pauc,  non  es  donx  meitadat  : 
20    De  vostra  part  son  menudier  li  dat, 
E  de  la  mia  drechurier  entaillât.  » 
—  Ella  li  dis,  can  vei[l]  enrazonat  : 
«  Mal  mi  voles,  car  non  vos  ai  amat.  » 
— «  Non  faz,  ma  dompna,  anz  ai  mil  ven  virât, 
25    Qu'est  la  meillor  et  ab  mais  de  beutat, 
E  la  plus  gaia  e  de  major  rictât, 
E  plus  cortesa  ab  sen  amesurat, 

{Col  2.)  Cane  vestis  porpra  ni  samit(?)  ni  cendat ; 

V.  2,  m^.,  aja;  13,  es  mentir  auos  ;  28,  porpra  ne  cirs. 
Vers  difficile,  que  je  ne  sais  comment  rétablir. 


MiOïUSORITS   DB   CHBLTENHilM  125 

E  car  tenes  tôt  bon  prez  revivat, 
30    El  vostre  faig  son  totz  jornz  mellurat, 
Ë  mi  aves  mot  fort  enamorat. 
Men  prec  lo  rei  seignor  de  Trenitat 
Que  vos  dones  tan  fin  cor  enterrât 
D'aici  enant,  quen  tenguesses  onrat.  » 
35    —  «  Oc  ben^  dis  ella,  zo  cuig  a  vostre  grat.  » 

—  a  Dompna  reïna,  digas  m'en  caritat, 
Car  mi  tenes  tostems  trist  e  lazat, 
Temes  n'aver  vergoingna  ni  peccat  ? 

— «  Com  se  de  que  beus  tenc  per  afaitat, 
40    Retenc  vos  ren  que  m'ajas  comandat? 
Ai  vos  promes  ren  que  [non]  aja  dat? 
Ni  ai  vos  tout  castel  ni  richetat? 
Ni  ai  vos  mort  nul  vostre  parentat  ?  » 

—  «  Pietz  m' aves  faig,  can  m' aves  consirat  ; 
45    Et  ieu  de  que  tenes  m'asegurat?  » 

— a  Si  n'aves  tort  quen  sias  enblasmat  ; 
Digas,  dis  ella,  la  vostra  voluntat.  » 

—  «  Dompna  reïna,  tal  ren  m'aves  emblat, 
Car  sim  donavas  lo  tesor  l'amirat, 

50    Non  m'aurias  la  quinta  amendât.  » 
%         —  ((  Com  zo,  dis  ella,  ai  vos  ieu  ren 

emblat?  » 

—  a  Oc  vos,  mon  cor,  c'aves  encadenati 
Que  per  mon  vol  Taves  si  ostejat, 
Qu'el  non  vol  far  mondig  ni  mon  pensât, 

(  V«,  col,  1 .)  55    Ni  nuUa  ren  mais  sol  vostre  ma[n]dat.  » 

—  a  Dieus  !  et  ieu  com?  De  ren  non  l'ai 

pregat, 
Ni  nol  conosc  ni  mot  non  Tai  sonat, 
Ni  anc  non  vi  cor  de  nul  home  nat  : 
'  Ieu  com  lo  puesc  tener  emprisonat?» 
60    —  «  Per  Crist,  reïna,  sil  tenes  afrenat, 
Quel  jorn  en  son  mil  sospir  redoblat, 
Que  no  me  plaig,  que  ne  sen  la  clartat, 
En  ai  cent  vez  en  plorant  sospirat  ; 

V   36,  dopna;  50,  aman  dat;  62,  que  en  plaig  que  en. 


126  MANUSCRITS   DB  CHBLTBNHÂ 

Que,  can  s'avinc  joves  a  pauc  d'état, 
65    En  ma  terra  laissiei  mon  parentat  : 

Mieilz  mi  fora  qu'el  col  m'ague[s]  bresat*, 
0  que  mei  oil  fossan  enbacinat, 
Que  ren  non  vissan  ;  oc,  miels  agr'  espleitat, 
Qu'el  m'an  trait  d'aizo  c'ai  désirât, 
70    Que  tôt  cant  ai  eu  sempre  sompniat, 
Beltat;  plazer,  merce,  ai  a  celât, 
Ar,  cant  retorn  per  ne  toUer  mon  grat.» 

30   BONA   DOMPNA,    PROS   EZ    ONRADA 

(F®  26,  t?o,  col.  1.)  La  pièce  commence  par  une  grande  majuscule 
ornée,  dans  le  genre  de  celle  que  nous  avons  précédemment  décrite. 
Elle  est  formée  de  deux  figures  superposées  :  celle  du  bas  rappelle 
celle  du  D  du  f"  25,  v»;  celle  du  haut  représente  un  homme  vêtu  d'une 
robe  rouge  brun,  qui  semble  montrer  la  lettre  avec  l'index  levé. 

Bona  dompna,  pros  ez  onrada, 
Humils,  ferma  ez  ensegnada, 
Valens  e  gaia  e  corteça, 
Amezurada  e  ben  apreça, 
(Col.  2.)        5    Gent  parlanz,  savia  e  valens, 
Leial,  adrecha  e  conosens, 
E  qu'est  de  tos  bons  aips  complida, 
E  de  ôna  beltat  garnida, 
Lo  vostre  verais  ancessis^ 
10    Que  cre  conquestar  paradis, 
Per  far  toz  vostres  mandamens, 
Et  amies  vos  obediens, 
E  tant  tem  enves  vos  faillir,   • 
Que  nous  auça  son  talent  dir; 
15    Mas  en  esta  carta  ha  escrig 
Son  pensament  e  tôt  son  dig, 

V.69,  ql  {avec  un  sigle  entre  les  deux  lettres)  man;  70,  en  s.  gopniat;  71,  bel 
det. . . .  ai  acelar;  72,  pretoller. 

V.  2,  ms,  fra  {avec  r  barré);  9,  ancessis  {avec  i  ban^é);  12,  Et  a  (a  barré) 
mies. 

Bresat  =  ipercé  d'un  trait;  cf.  v.  fr.  bersei\ 


MAlïUSGRITS   DB  CHBLTBNHÂ.M  127 

Ni  non  a  ges  tant  d'ardiment 

Que  el  la  carta  vos  présent 

Per  si  ni  per  negun  mesage, 
20    Can  hanc  non  mostret  son  corage 

A  nuilla  persona  fors(?)  Dieu, 

Mais  a  vos  de  cui  ten  en  fieu 

Sa  volontat  e  son  saber, 

Son  sen  e  tôt -son  ferm  voler  ; 
25    Ë  s'el  agues  la  segnoria 

Del  mont,  pur  de  vos  la  tenria  ; 

Ë  ges  trametre  ni  mandar 

Nous  auça  Tescrig  ni  portar, 

Mas  sel  metra  en  un  bel  loc, 
30    En  caminada,  prop  del  foc, 

Ë  dira  li  :  a  Reman  aisi, 
{F°  27,  f*,  col.  l)Tro  ma  do[m]pna  n'aja  merci.  » 

E  vos,  do[m]pna,  Tatrobares, 

E  prec  vos  que,  cant  lo  veires, 
35    Que  lo  lejas  tro  al  fenir. 

Ez  escoutas  so  que  vol  dir  : 

Bona  dompna,  lo  cor  el  sen 

Ë  la  volontat  el  talen 

Ai  mes  en  far  vostre  placer, 
40    Ë  per  vos  lais  tôt  mon  valer  ; 

Car,  cant  vos  disses  q'hîeu  dicia 

Asatz,  e  molt  petit  fazia. 

Mi  dest  delz  fagz  tal  volontat. 

Que  s'ieu  agues  Rolantttrobat, 
45     0  Sanson,  cel  que  fo  tan  forz, 

Cascus  d'elz  fora  près  o  morz. 

Ë  pueis  après  non  tarça  gaire 

Que  nas  fom  az  .i.  pauch  d'affaire, 

Ëz  heu  i  fis,  mais  nous  die  que, 
50     Que  nos  coven  qu'hon^lauçe  se; 

Qu'eu  ai  trobat  mez  el  Salmistre 

Queil  obra  lauca  lo  maïstre. 


V.  21,  soz;  34,  la;  41,  q  (surmonté  d'un  trait)  hu;  45,  que  so;  50,  vos. 


i 


128  MAI|IU9CRi:r$  PS   CHai^TBi^A^ 

Deoans  m' era  daz  .j.  pretans, 

Quen  fo  dig  quel  vostre  corçi  gens, 
55    DompDa,  lo  m'ayia[s]  trames, 

Ez  azoraval  totas  ves. 

Si  Pavia  pendut  al  col  ; 

Mas  cant  vos  m'en  tenguea  per  fol, 
{Col.  2.)  Em  mez  est  lo  don  per  nient, 

60    Heu  lo  gitei  el  foc  arçent, 

Tant  fui  angoisos  ez  iraz. 

Mas  vos  dissest  pueis  per  solaz 

Quem  darias  ses  par[t]  d'autrui 

Jaias  ses  navr'  e  senes  brui, 
65     Cant  el  vos  pjairia  de  faire. 

Per  queus  prec,  dompna  de  bon  aire, 

Queus  plasa  que  tais  jaismen  vegna, 

Que  joi[o]s  e  gai  me  mantegna  ; 

Qu'ieus  vos  a^m  tant  que  tôt  cant  es 
70     Oblit  per  vos,  si  m'ajut  Fes. 

Ni  n'ai  aitan  coral  amie, 

Qu'eu  nol  tengues  per  enemic, 

Dompna,  pur  vos  m'o  disseses  ; 

N'en  lo  mont  tan  grans  homs  non  es, 
75     Que,  si  vos  m'o  deignavas  dir, 

Qu'eu  no  l'anes  ades  aucir  ; 

Ni  anc  homs  non  fo  naz  de  maire  , 

Que,  si  el  m'agues  mort  mon  paire, 

E  vos  disseses  qu'eu  l'ames, 
80    Qu'ieu  nol  servis  e  non  l'onres 

Plus  que  s'el  me  des  tôt  l'onor 

Del  mont,  e  m'en  feçes  segnor. 

Non  creças  queus  port  amistat 

Per  lo  vostre  gran  parentat, 
85    Ni  per  vostra  granda  ricor, 
(  F%  col,  1.)        Can(s)  laus  port  ben  per  fin'  amor; 

Que  si  fosez  dompna  d'Espagna, 

0  emperariz  d'Alamagna, 

V.  52,  laDça;  56,  azaraual;  57,  perdut;  61,  fui;  62,  folaz;  71,  ni  nan  ; 
75,  sius;  76,  at  aucir;  81,  sol. 


H»U8GRlTa   DB   CHEILTB»HAM  129 

Noos  amapia  tan  ni  cant 
90    Per  80  pins,  negou  mon  senblant. 

E  se  ieu  fos  reis  d'Englaterra, 

£  segners  de  tant  cant  Mars  serra, 

E  deges  chausir  la  meillor. 

No»  pe[n]ria  attra  en  dreç  d'amor, 
95    Mas  vos,  que  teneç  en  poder 

Mon  cor,  mo»  son  e  mon  saber, 

Queus  ai  tan  bona  voluntat 

£1  cor  tan  ferm  es  aônat, 

Que  tug  11  altre  amador 
100    Non  saupron  ren  ves  mi  d'amor, 

Queus  am  per  yostra  cortezia, 

E  per  Yostra  plazen  paria, 

Eus  am  per  vostre  enseignamen, 

E  per  vostre  dols^  parlamen, 
105    £  per  vostra  gran  conoisensa, 

E  per  vostra  vera  valensa, 

E  per  toz  los  ben[s]  cb'on  pot  dir, 

Que  son  en  vos,  senes  faillir  ; 

E  car  per  amor  vos  a  me 
1 10    Da  bel  eisam  rendez  merse. 

Segon  lu  veire  Testament, 

Que  dis  :  a  Hoi(e)ll  per  huelj,  dent  per  dent  », 
(CoL  2.)  Atresi  mi  deves  vos  dar, 

Si  la  razon  volez  gardar, 
115    Prez  per  prez,  amor  per  amor, 

Joi  per  joi,  valor  per  valor  ; 

Car  s'agu[ejses]  denan  cercat, 

Non  trobares  tan  afinat, 

Tan  fin  ni  tan  ferm  servidor 
120    Enportar  a  vostra  lauçor  ; 

Ni  quel  cent  an  de  fin'  amansa 

Vos  partes  qu'eu  a  ma  semblansa; 

Que  ieu  vos  am  tan  finament. 

Que  tôt  lo  mont  met  per  nient , 

V.  83,  croças;  97,  ahitan;  109,  ambe;114,  laraxon;  117,dinon;  118,troba- 
ras  ;  121-2,  ces  deux  vers  me  sont  obscurs;  123,  quieu. 


130  MANUSCRITS  DB  CHELTBNHAM 

125    E  vos  sola  met  d'una  part, 

Ez  en  vos  ja  tôt  mon  esgart  ; 

E  pueis  heu  vos  am  mais  que  ren, 

E  plus  queil  autre,  so  sai  ben, 

Dei  aver  major  guizardon  ; 
130    Que  Dieus  dis  :  c  Cel  que  m'amera 

Plus  que  tôt  so  qu'el  mo[n]t  sera 

Aquel  sera  de  mi  amaz, 

Ez  aquel  er  plus  mos  privaz.  » 

E  Salamons  sau[p]  ben  retraire, 
135    Com  âmes  mais  Tamic  quel  fraire, 

Eiija  servidor  ieiali, 

Que  noil  lais  aver  negun  mal, 

Ni  non  lo  laisa  sofraitos 
(A'**  28, 7'°,co/.  l)De  ço  don  sera  poderos. 
140    E  si  vos  creçes  Salamon, 

Gesu  Crist  nil  segnor  del  mon, 

Que  det  lo  veire  testament^ 

Vos^aures  de  mi  causiment. 

Car  de  vos  sui  amies  cabals, 
145    E  serveire  fins  es  leiais  ; 

Car  eu  am  trop  mais  vos  be  me, 

Per  que,  dompna,  eus  quer  merce, 

Anz  que  m'auçian  li  désir, 

Ni  li  afan  nil(i)  greu  sospir  ; 
150    E  s' aras  non  avez  merce. 

Pois  serai  morç,  noi  valra  re, 

Dompna. 

La  fin  de  la  page,  le  v»  et  le  f*  29,  r®  etv*,  sontvides;  puis  vient  la 
Cour  d'amour,  £«  30.  (Voir  plus  loin,  troisième  partie.) 

4*  Lai  uns  fins  preç  nais  e  floris  e  grana 

(F*  46,  t?o,  col.  1,  milieu,) 

Lai  un[s]  fin[s]  preç  nais  e  floris  e  grana, 
A  bels  plaisers  es  ab  valor  certana, 

V.  125,  dona;  131,  fera;  134,  romaire;  138,  sofrai  ços;  141,  cesu;  142,  la; 
144,  duo  sui;  145,  serveiros;  148,  mal  çian;  150,  sanas. 


MANUSCRITS  DE  CHELTBSNHÂJf  131 

Vol  greu  eser  ab  lei  que  [es]  subrana, 
De  toc  los  bens  franca,  dolç'  e  umana  ; 
E  se  tôt  s' es  faita  de  mi  loindana, 
6    Lai  un  prim  eis  (?)  no  fui  ne  no  desana  ; 
Que  sovença 
La  captenença 
El  plasenç  visaje 
10    Port  en  mon  cor,  per  qu'eu  non  vir  estaje. 
Merce  la  vença, 
Que  gran  temença 
M'en  pren,  que  damnaje 
{CoL2.)  14    Me  fai  tal  mal  que  fai  anar  a  raje  ; 
E  cognosença, 
Que  tôt  ben  gença, 
Prec  quel  don  coraje, 
18     Que,  s'en  die  beu,  que  nol  sia  salvaje  ; 
Que  con  remire, 
Ni  pens  ni  consire, 
Lo  sgardar  el  rire, 
El  plaiser  qu'eu  vi  faire, 
23    E  plus  amors  mi  fai  vas  lei  atraire  ; 
Ë  sei  désire 
Mi  volon  au  cire, 
Con  serai  sofrire 
De  tan  greu  maltraire, 
28    Fol  car  sofren  conque  r  los  fins  amaire  ; 
Cal  meu  albire, 
Ni  tan  quel  cor  vire, 
Anz  mi  pois  aucire 
Noi  val  pauc  ni  gaire, 
33    En  ben  amar  lialmenç  senç  cor  vaire  ; 
Amicx  •  sez  bausia 
E  senç  tricharia 
Li  sui  a  m'amia. 
Tant  quel  cor  me  dis  que  d'autra  non  estia 
38    Sol  ab  als  que  li  a  mon  saber  chastia, 
E  dis  qu'eu  séria 

V.  26,  fofrire  ;  37,  mor  estia  ;  38,  sol . . .  lia  munsa  ber. 


132  MANUSCRITS  Di}  GHBLTBMHAIf 

40    Pals,  e  a  la  merce  de  lei  non  atendia  ; 
L'atendrem  plaria, 
Stella  consentia, 
Per  sa  cortesia, 
44    Que  mon  cor  Pauses  dir  e  plus  n'u  queria. 
Non  aja  dotança 
Qu'eu  faça  sQnblança 
(F047,  fO^coL  1.)  Quel  n'aja  pesança', 
Ne  torn'  a  nxermança, 
Mais  Andreu  de  França 
50    Se[m]bla  desperança, 
Que  mori  ses  lança 
Per  un  dolç  désire. 
N'aja  anc  enança(?) 
D'est  preç  et  honrança, 
Per  que  la  mesclança 
56    Descorda  fiança. 


{F^  47,  r%  col.  1.) 


5<>  JOI   B   CHANÇ   E   SOLAÇ 

I.       Joi  e  chanç  e  solaç, 

Et  amors  certana, 

E  cortesiaro  platç, 
4    Em  reviu  em  sana  ; 

E  car  nous  sou  delatç, 

Domna,  per  cui  granda 

Valormot  son  iratç, 
8    Car  m'es  tan  londana  ; 

E  prec  Dieu  que  m'aujaç 

Em  sias  umana, 

Que  nuill  autre  solatç 
12    Nom  platç  un'  avlana, 

IL        Qu'en  vos  es  ma  vida, 
Pros  domn'  ai  servida, 
Car  no  m'es  aisida, 

V.  48,  inermançaj  51,  senes;  53,  naio  anc  nança  {avec  un  sigle  entre  les 
deux  derniers  mots);  55,  teslança. 
V.  9,  dies. 


MANOSCRIIA    DB  CHBLtBNHAM  133 

Mes  joiafaillida; 

Car  la  plus  grasîda 

Est,  cant  fos  vestida. 

Per  que  merceus  crida 
20    Mon  cor,  car  chausîda 

Vos  ai  entre  las  bellaçors, 

Car  sai  qu'es  de  beutaç  flors. 

Siu  platç  eu  cre  queus  er  honors, 
24      S'ueimais  mi  fatç  calque  secors. 

{Col.  2.)        III.         C'atendut  ai 
E  atendrai, 
27    Cane  non  caniei  per  re(n), 
Ni  o  farai, 
Tant  con  viurai  ; 
30    Car  en  vostra  merce 
Son  e  serai  ; 
Que  tôt  verai 
33    Si  m  fares  calque  be(n), 
0  si  morai, 
Car  per  vos  ai 
3Ô    Sufert  gran  mal  ancse(n). 
Mais  per  mal  qu'eu  n'aia, 

Ni  per  afan, 
Mos  cors  non  s'esmaia, 
40  Ni  ai  talan 

Qu'eu  d'elam'estraia, 
Per  nuil  se[n]blan  ; 
Apres,  domna  gaia, 
44        No  veillas  mon  dan. 

IV.         Car  servir 
E  obecir 
Vos  voill,  quom  albir, 
Can  vos  remir 
Ab  oilç,  que  gracir 
50        Dei,  can  sospir  ; 
Nin  dueill 

V.  18,  cane;  2S,  eo  cre;  39,  mon;  41,  queo  de. 


134  MANUSCRITS  DB  CHBLTENHAM 

Per  vos,  mais  rasons 
Fora,  corn  sius  mi  feçes  jois, 
Qu'engoisos 
55    Soa,  car  no  ven  tais  bes. 

6"  0  coN  u  PLUS  fin'  amor  mi  destbenq 

I.       0  com  u  plus  fin'  amor  mi  destreug, 
Em  conort  em  vauc  alegran, 

E  soven  ne  joc  e[n]  chan, 
El  cor  plang  e  plore  et  estreng  I 

5    Mas  per  lauzengiers  de  mal  gein 
Nom  lais  qu'eu  no  m' an  conortan, 

7    Qu'il  an  gaug  can  vezon  mon  dan. 

IL         Entra  s'  ap  joi  mi  capteing, 
Per  qu'eu  atein(z) 
Et  esdevein, 
Mal  {col.  2)  grat  d'enoios  plen  d'enjan, 
12    Qui  si  ben  fan  fais  e  truan  ; 

Uns  non  sap  la  ren  qu'eu  plus  deing, 
Qu'en  totunreing 
Jenser  non  seing, 
16        N'i  a  près  ni  valor  tan  gran. 

III.         Al  meu  cenblan, 
18  Ar  patz  abran(?) 

Qu'  ab  lauzar  dis  hom  con  si  feing, 
Que  tan  d'engen  fatz  deveing 
21     Contra  fin  aman,  e  non  vein 

Un[s]  jorn[s]  qu'es  tratz  c'us 
Quex,  on  plus 
24  Pot,  sin  preng. 

IV.  Q'ieus  m'en  ensein 

Tal  entreceing, 
Don  sion  dolen  lurenfan. 
Ben  0  seran  can  cantarzam, 

V.  53,  cornais  ;  55,  cals    bes  ;  5,  gien  ;  6  et  9,  queo  ;  13,  quio  ;  17,   meo 
19,  que  ab  ;  24,  sien;  25,  qjeos. 


MANUSCRIT  DB  GHBLTBMHâM  135 

29    Qu'eus  non  torn  tut  qui  contra  mor  teing  ; 

S'il  van,  eu  veing, 

En  joi  me  tein, 
E  dezir  la  menda  prezan(t), 
33        Don  sospiran  mor  e  aman. 

V.  Car  del[sj  sieus  bel[s]  bras  non  m'estreing, 
Cals  non  dezir  e 
Mas  del  martire^ 
37  Don  soi  sofrire, 

Non  puesc'  estraire. 
Vos  de  bon  aire, 
Quis  la  bellaire 
Cane  fos  (F®  49,  r°,  col.  1)  de  maire, 
42  Vejas  mon  martir. 

VI.  Eprendaus  de  mi  cura, 

44    Que  negus  joi  nom  po[t]  venir 

Ses  la  vostr'  aventura, 

E  sem  aisi(z)  laisas  morir^ 

Vostr*  erla  forfaitura. 

Pero  jamai  gans  etcentura 


49    Don  mos  fis  cors  s'acegura. 

VII.  E'cant  remir  la  stiba  (?)  dura,     ^ 
51    Non  sen  dolor  ni  rancura  ; 

Per  so  lais  om  deg  esbaudir, 

Sitôt  n'ai  fag  longu'endura, 

Del  vostre  jen  cors  a  tenir  ; 

Ben  far.m'ez  de  vestedura; 

Mas  eu  non  o  aus  jes  dir, 
57    Tan  "  gran  temensa  m' a  tura . 

VIII.    Es  ieu,  per  [ma]  sobretemensa. 
Nous  aus  plainner  ma  rancura  ; 
La  vostra  fina  conoisensa 
61     M'esgart  merce  o  mezura, 

V.  30,  eo;  34,  sieos;  38,  pusec;  44,  non  ;  45,  ces  ;  46,  sen  ;  48,  après  ce 
verSt  il  y  a  sans  dovte  une  lacune  d'un  vers;  49,  mon  fin;  50,  vers  cor- 
rompu; 51,  cen;  55,  devesce dura;  56,  eo;  57,  natura;  58,  es  jeo. 


i 


136  MANUSCRITS  DB  CHALTBNHAM 

Qui  tôt  jorns  oreis,  vostra  y&lensa 
Dieu  laus'  e  puia  e  mesura. 
Per  qu'eu  vos  port  obeziensa 
Mas  c'a  nuilla  oreatura, 
G'ab  bon  es  ménda  e  s'atura 
67    Mos  cors',  que  d'als  non  a  cura. 

7«  Ai  con  m'avbn,  Dieus  m'ajut 

GiRAUT  DE   BrUNEIL* 

(/'^°  183,  r>,  col.  2,  bas.) 
I.      Ai  cou  m'aven,  Dieus  m'ajut, 

C'aras,  cant  cug  chantar,  plor  I 

Séria  ja  per  amor 

Que  {r%  col,  1)  m'a  sobrat  e  vencut, 

E  per  amor  non  ven  jais, 

Si  fais  doux  per  que  mi  rais, 
Ni  quem  fai  marrit* 
8    Que  non  lo  sabria  dir. 
IL    C'aissi  m'es  esdevengut 

Tôt  leu  que  perc  ma  valor, 

E  solaz  non  m'a  aabor  ; 

E  devenc  anc  mais  adrut. 

Son  ieu  drutz,  ni  nom  m'o  Ms 

S'ades  am  forceis  e  mais 
Envej'  e  désir, 
16    Non  sui  drutz  quim  poi  sofrir. 
III.   C'aras,  car  sol  ai  yolgut, 

Me  teing  per  on  amador, 

Amai  res,  si  Dieu  azor, 

Sui  ieu  uns,  e  nom  remut 

Lo  corage  nil  biais 

D'amar  lei  per  cui  son  gais, 

Nim  volvi  nim  vir, 

V.  63,  dieo. . .  paie  ;  64,  queo ;  65, créature  ;  67,  mon. 
V.  13,  non  ni  ;  15,  euueil  ;  18,  tenig. 

>  Dans  le  manuscrit,  le  vers  précédent  est  séparé  ici  seulement  du  dernier 
vers  de  la  pièce. 

^  Alias:  burnel,  bornel.  Ce  Chansonnier  estropie,  du  reste,  la  plupart  des 
noms  des  troubadours. 


UAMUBQHUS  DE   CH&LTBNHAM  1$7 

24    Nim  part  lo  cor  nil  cossir. 

IV.  E  con  non  ai  receubut 
Massa  de  ben  e  d'onor 

De  las  mans  de  mon  seignor, 
Si  a  mas  an  retengut, 
E  que  un  coven  me  frais, 
Car  cel  que  Tira  m'atrais 
E  faram  morir, 
32    Per  ques  una  cor  nol  (col,  2)  vir. 

V.  Desvol  zo  qu'il  a  volgut, 
Non  0  sai  ja  mar  meilor; 

Si  n'ai  mal  com  al  greu  jor, 
Desiran  plus  de  salut 
N'antic  (?),  e  nos  par  assais. 
Auaz  ?  —  Oc,  car  si  jam  bais, 
Segur  pot  plevir 
40    C'aucir  me  pot  o  guérir. 

YI.   Mas  zai  m'a(n)  mon  dol  cregut 

Uns  dams  que  fan  entre  lor 

Cil  d'Urgel,  per  quel  plusor 

Seran  mort  e  dechaigut, 

Quel  comtessa,  on  prez  nais 

E  sabers  e  jois  verais, 
S'en  cuida  eissir, 
48    S'il  0  volon  consentir. 

VU.  Bels  tenrai  totz  per  savais, 

S'elan  lez  eissir, 
51     El  rei,  s'o  vol  consentir. 


8°  Qui  la  ve  en  ditz 

Variantes  du  Chansonnier  Mac-Carthy  par  rapport  au  ms.  B.  N. , 
fs.  fr.,  856,  qui  a  été  employé  par  Mahn,  Gedichte,  1171.  Nous  lais- 
sons de  côté  les  variantes  purement  orthographiques,  du  moins  celles 
qui  sont  sans  importance. 

V.  31,  faran;  38,  oûaz  ;  43,  eil  durgel. 

11 


138  MANUSCRITS  DB  CHBLTBNHÂM 

Ver$l^vi.  —  2,  pos....  tanç. — 4,  e  nabia  trie.  —  7,  gen.  — 
ll,gaug.  — 13,1e sieus. — 17,rendriel  parlais. — 22, ors  autç. 
—  24,  con  deiars. — 27,  deua.  —  28,  si  en.—  29,  dellei*.  — 
33',  lei. — 45,  pos. — 46,  nom  mesdaç.  —  49,  son. — 51,  vol- 
gre  acort.  —  53,  son  agoisos.  —  57,  nam  gran  sas  faisos.  — 
58,Vqueu. — 62,  oilç  neus.  ^  64,  man  lo  bel.  —  66,  ses  seto- 
blança. —  67,  cors  fi. —  68,  vi. — 70,  que  nom  lança.  — 71, 
SOS  oilç  ni  nom  ri.  —  78,  mamer  mança. —  80,  eli.  — 81,  pos. 
•  -  82,  que  ren.  — 84,  lei  el  son.  — 85,  dais  no  mapais.  —  88, 
es  dels.' — 95,  lur.  —  99,  so  que.  — 104,  gaser.  —  105,  fer.  — 
106,  que.  — 108,  li  son  e  liais.  —  111,  non  puesc  faire.  — 114, 
sesals.  — 115,  carça  (avec  un  sigle  sur  k  seconda)  gaire.  — 
117,  son.  —  119,  ues  jaire.  —  122,  ni  mais.  —123,  labelaire. 
— 125,  es  al  bos.  — 126,  chaptals. 

L.   CONSTANS. 

{A  suivre.) 

*  Après  le  vers  32,pe  Chansonnier  Mao-Carthy  donne  les  quatre  vers   sui- 
vants: 

La  bella  caman 
Blan 
Quel  varia 
Si  en  (lis.  sin)  perdia, 
<  Noas  maintenons  les  naméros  d'après  le  ms.  856. 


CHANSON  INÉDITE  DE  PEIRE  ROGIER 
(Ms.  XC-a6  de  la  Bibliothèque  Laurentienne,  à  Florence,  fo  84*) 


I.  Dousa  amiga,  non  puesc  mais  ; 
Moût  me  pesa  qar  vos  lais, 
E  ye  dol[s]  m'en  '  et  esmais, 
Et  teng  m'o  a  gran  pantais 
Qar  nous  abras  et|nous  bais 
6    E  departem'  nostr'  amor. 

IL  D'aitan  sabeos  ^  mon  talan(t) 
Q(eyanc  femna  non  amei  tan(t), 
E  nous  [en]  aus  far  semblan(t), 
Ni  trob  per^cui  vos  o  man. 
Vac  m'en,  a  Dieus  vos  coman, 
12    Al  espirital  senhor. 

III.  Non  puesc  mudar  que  nom  plagna, 
Qar  se  part  nostra  compagna. 

Eu  m'en  vauc  en  terra  estragna  ; 
Mais  am  freidura  et  montagna 
No(s)  fas  ûga  ^  ni  castagna, 
18    Ni  ribeira  ni  calor. 

IV.  Lai  s'en  vai  mos  cors  marritz, 
E  çai  reman  l(es)'  esperitz, 

Et  ai  tant  los  uls  froncitz 
Qe  m'en  dolon  las  raitz. 
Ma[s"|  so  *  fai  qins  "^  a  partitz 
24    E  non  puesc  aver  baudor, 

V.  Sans  e  sais  fora  eu  gueritz, 
Qant  serai  acondormiz, 

Si  fos  d'ela(s)  tant  aisiz 

*  Cette  pièce  ne  se  trouve  pas  ailleurs.  Elle  est  publiée  ici  diaprés  une  copie 
de  M.  Boucherie,  que  M.  A..  Thomas,  de  TÉcole  de  Rome,  a  eu  Tobligeance  de 
collationner  sur  le  ms.  —  •  Ms.  redolmen,  —  ^  Ms.  departen,-^  ♦  Sabeos  est 
pour  sabeus  =  sabetz  vos.  Il  y  a  d'autres  exemples  de  pareilles  contractions. 
—  *  Ms.  figu.  —  6  Ms.  Zo.  —  7  Ms.  qi  us. 


140  CHANSON   DB  PBIRB  ROGIBR 

Q'en  semblant  d'una  perniz  ^ 
Li  baises  sos  oîls  voltitz 
30    E  la  fresqetta  color. 

VI.  Dous  estars  lai  m'es  ardura, 
Ë  bons  conortz  desmesura 
E  saziontat[z]  fraetura^, 
E  dias  clars  (et)  noit  oscura. 
Per  mon  jovent  qar  pejura 
36    Ai  marriment  et  dolor. 

VIL  Parlan  vauc  fasc(?)  forsatz... 

Suivent  dix  lignes  en  blanc,  puis  vient  une  autre  pièce  de  Peire 
Rogier,  Ges  non  puesc  en  bon  vers  faillir. 

C.  C. 


* —  Ma.  peruiz.  Cf.  l'italien  pemice.  Le  tottlousain  a  perlitz.  Voy.  la 
Chanson  de  la  Croisade,  v.  4026,  et  ma  note  sur  ce  vers  {Revice,  IX,  d58) . 

^  a  Et  satiété  dénuement,  d  Raynouard  n'indique  pas  cette  signification  de 
fractura  ou  frachura.  ponrtant  si  commune.  Quant  à  saziontat,  ce  mot  man- 
que dans  le  Lexique  roman.  C'est  un  dérivé  de  saxion,  qu'on  y  peut  voir. 


Poésies 


ENTOURAS-ME  D'ENFANT  ! 
A  Ventura  Ruiz  de  Aguilera 

MOUN   COUNFRAIRE  B   AMI 

Entouras-me  d'enfant,  de  pichots  innoucènt 

Qu'an  lou  cèu  dins  lis  iue  — d'acô  sarai  countènt! 

Siéu  malaut,  siéu  malaut,  e  moun  cor  se  desgorgo 

I  trahisoun  dis  home,  e  di  femo  i^messorgo  ! 

Siéu  triste,  mai  que  triste,  en  vesènt  à  tout  pount 

Lou  sourrire  qu'es  faus,  la  caresso  que  poun  ! 

M'es  en  ôdi  sens  noum  l'entrigo  que  matrasso, 

E  labasso  émbicioun  e  si  façoun  negrasso! 

Lou  mounde  n'es  pèr  iéu  qu'un  bos  plen  de  cat-fèr. 

Un  palunas  afrous  plen  de  siblànti  serp. 

Mai,  Vautre  à  moun  constat,  o  troupo  jougarello, 

Moun  courage"  es  en  flour,  moun  amo  es  cantarello. 

Emé  Vautre  à  l'entour,  o  bèlli  caro  d'or, 

Ai  gagna  lou  calanc,  me  trove  dins  lou  port. 

Liuen  de  tout  ço  qu'es  laid,  me  repause  tranquile 

Au  mitan  di  rouseto,  au  mitan  di  blancs  ile . . . 

Liuen  di  negro  revôu,  liuen  dis  abisme  amar. 

Oh!  qu'es  dous  d'espincha  dins  lou  mirau  d'un  clar, 

Que  retrais  au  fin  founs  lis  estello  divine, 

Lis  auceloun,  li  flour,  li  nivopuro  e  fino! 

Oh^I  qu'es  dous  d'ôublida  loubatas  e  leioun, 

E  d'ausi  soulamen  de  tèndris  agneloun,  ^ 

Quand  l'iver  es  passa,  que  la  vido  boutouno, 

Que  la  terro  e  lou  cèu  se  fan  de  caranchouno  ! . . , 

Venès  donne,  bèus  enfant,  blancleissame  d'anjoun 

Qu'as  leissa  tis  aleto  au  paradis  amount  ! 


142  POÂSIBS 

Venès  m^envirouna,  mi  pichot,  mi  piohoto, 
0  mi  r6si  gauteto,  o  mi  sedoùsi  floto  I 
Vôsti  rire'argentin,  vôsti  mot  beluguet 
Me  soun  verbe  d'Amour,  d'Esperanço,  de  Fe*! 

WiLUAM-C.  Bonaparte- Wtse. 

Manor  of  St.  Jobn^s,  Waterford,  abriéa  1881. 


MOUN  ENFANTOUN 

S'entourtouvihon  en  anèu 
Si  peu  mai  brun  que  la  castagno  ; 
Franc  de  déco  emai  de  magagno, 
Soun  front  es  rose  e  palinèu  ; 

Sa  parpelo  es  telo  d'aragno, 
Sis  usso  soun  coulour  de  mèu; 
E,  quand  lou  belan  de  cantèu, 
Sis  iue  bandisson  toute  lagno. 

Si  bouqueté  soun  de  courau, 
A  sa  barbo  i'a  'n  pichot  trau  : 
Es  un  bèu  drôle  de  tout  caire. 

Mais  subre-tout  m'es  agradiéu 
De  trouba'n  eu  lou  retra  viéu 
De  sa  poulido  e  gento  maire  ^  ! 

P.  Chassary. 
Moant-pelié,  21  de  setembrel881. 

•  Provençal  (sous-dialecte  d'Avignon  et  des  bords  du  Rhône).  Orthograph 
des  félibres  d'Avignon. 


BIBLIOGRAPHIE 


La  Roumanie  dans  la  littératnre  dn  midi  d«  la  France.—  Album  ma- 
cedo -roman,  sub  direclionea  lui  V.-A.  Urechia  ;  Bucuresci,  Socecu,  Sander 
et  Teclu,  1880;  in-fol.  à  2  col.,  Ym-144  pages  ;  —  Ion  Vêla  e  l'Anel^legeiida 
roumana,  par' A.  Roux  ;  Montpellier,  Imprimerie  centrale  dujMidi,  1880; 
in-8046  pages  ;— la  R08O  e  Ion  Soulëu,  legendo  roumano,  pèr  Louis  Rou- 
mieux;  Mount-pelié,  Empremarié  centralo  dôu  Miejour,  1880;in-8o,  6  pages; 

—  riôu  de  Pascas,  armanac  per  Tannada  1881;  Mount-peliè,  Empremarié 
centrala  daa  Miejour  ;  in-80,  jcl-100  pages  ;  —  Blinde  pourta  à  'n  Baseli 
AlecsandrijpèrA.Roque-Ferrier;  Montpellier, Imprimerie  centrale  du  Midi, 
1881;  in-80,  4  pages  ; —Brinde  pourtat  à  la  Roumanio,  etc.,  per  Camille 
Laforgue;  Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi,  1881;  in-80,  l^pages; 

—  On  occasion  of  Ronmania  constituting*herself  a  kingdom,  an  ode 
byWilliam-C.  Bonaparte- Wyse,  with  a  french  version  by  Constant  Hennion. 
Plymouth,  Keys,  1881;  in-4o,  12  pages;—  A  Toucasioun  de  la  Roumanio 
coustituïdo  en  self-reiaume,  revira  de  W.-C.  Bonaparte- Wyse,  pèr  A .  de 
Gagnaud,  dans  lou  Bnisc  d'Aix-en-Provence,  n*  du  21  août  1881;  —  le 
Petit  Rameau,  poésie  française  de  B.  Alecsandri,  dans  le  Monde  lyonnais, 
de  Lyon,  no  du  29  mai  1881;  etc. 

L'idée  du  Chant  du  Latin,  le  concours  qui  en  fut  la  conséquence 
et  Tadmission  à  ce  concours  de  l'universalité  des  langues  et  des 
dialectes  néo-latins,  l'attribution  de  la  coupe  de  M.  de  Quintana  à 
M.  Alecsandri,  ainsi  que  les  fêtes  de  Montpellier  au  mois  de  mai 
1878,  ont  développé  dans  le  midi  de  la  France  de  vifs  sentiments  de 
fraternité  littéraire  à  Tégard  de  la  Roumanie  et  des  populations  vala- 
qnes  de  FOrient  austro-hongrois,  turc  et  moscovite.  M.  Camille  La- 
forgue, un  de  ceux  qui,  par  leur  exemple  et  leur  initiative,  ont  su  le 
mieux  faire  pénétrer  ces  sentiments  en  Languedoc  et  en  Provence,  di- 
sait, le  3  septembre  1879,  en  parlant  des  Roumains  à  l'assemblée  de  la 
Maintenance  languedocienne  du  Félihrige  : 

«  Lous  Roumans,  plassats  sul  bord  dal  mounde  lati,  davant  las  por- 
tos dal  mounde  barbare,  sousteroujloung  temps  Temperi  ounte  Trajan 
lous  faguet  dintra.  An  aparat  mai  loung  temps  encaro  TEuropo  ambé 
Tespazo  d'Esteve  lou  Grand  e  de  Miquel  lou  Brave. 

»  Va  savez,  mais  savez  pas  toutes  qu'en  foro  de  las  mountagnos 
de  Roumanio,  de  sas  coumbos  e  de  sas  pianos,  i  a  d'autros  pianos  e 
d'autres  coumbos  que  nourrisson  d'homes  de  mémo  rasso,  d'homes 
qu'an  uno  lengo,  uno  religioun  e  d'habitudes  parieiros.  e  qu'en  des- 


144  BIBLIOGRAPHIB 

piech  das  mestres  de  soun  sotoul,  podou   dire,  coumo  aqueles    de 
Bucarest,  de  Galatz  e  de  Mircesti  :  «  Sem  Roumans^  1  » 

Et,  en  effet,  si  les  anciennes  principautés  danubiennes  éveillent 
dans  Fesprit  public  des  notions  précises  et  certaines,  on  ignore  assez 
généralement  que  des  populations  de  langue  roumaine  existent  en 
Autriche,  dans  la  Transylvanie,  la  Hongrie,  la  Bucovine,  la  Dalma- 
tie  et  même  l'istrie^;  en  Russie,  dans  la  Bessarabie  et  le  gouver- 
nement de  Kherson;  en  Turquie,  dans  la  Macédoine,  la  Thessalie  et 
l'Épire';  enfin  en  Grèce,  dans  TAcarnanie,  l'Étolie,  TEubéeet  quel- 
ques-unes des  îles  de  la  mer  Egée.  Les  rives  bulgares  et  serbes  du 
Danube  comptent  aussi  des  groupes  semblables,  et  les  cbevriers  vaia- 
ques,  —  car  c'est  ainsi  qu'on  les  nomme  aux  environs  d'Athènes,  — 
descendent  journellement  dans  cette  ville  pour  y  crier  en  roumain  le 
lait  de  leurs  troupeaux. 

De  ces  diverses  agglomérations,  celles  de  Flstrie  et  de  la  Dalmatie 
disparaîtront  bientôt,  pénétrées  par  les  éléments  étrangers  qui  les 
isolent  des  régions  où  leur  langue  est  aujourd'hui  parlée.  Un  pareil 
sort  n'est  pas  à  craindre  pour  celles  de  l'Austro-Hongrié  et  de  la  Rus- 
sie, défendues  qu'elles  sont  par  le  nombre  relativement  considérable 
de  leur  population,  l'importance  de  leur  rôle  littéraire,  —  c'est  le  cas 
de  la  Transylvanie,  —  et  le  contact  immédiat  de  la  Roumanie.  Les 
agglomérations  de  l'Epire,  de  la  Thessalie  et  de  la  Macédoine  sont 
celles  qui  préoccupent  le  plus  les  Roumains;  car  aux  tentatives  déna 
tionalisatrices  dont  elles  sont  l'objet  de  la  part  de  l'élément  hellé- 
nique, àla  rareté  des  écoles  nationales,  est  venue  se  joindre  la  récente 
attribution  à  la  Grèce  d'une  fraction  de  la  Thessalie,  celle-là  même  où 
la  population  de  langue  grecque  est  manifestement  inférieure  à  la 
population  valaque  (!!),  Une  Société  {Societatea  de  culturà  macedo- 
rom^wa)  s'est  constituée  à  Bucarest,  au  mois  de  septembre  1879,  sous 
la  présidence  de  Mgr.  Callinic  Miclescu,  primat  métropolitain  de 
Roumanie,  afin  de  répandre,  comme  l'indique  son  nom,  la  culture  ma- 
cédo-roumaine  de  l'autre  côté  du  Danube.  Elle  a  choisi  pour  secré- 
taire M.  le  député  Alecsandrescu-Urechia ,  depuis  ministre  de  l'in- 
struction publique  et  des  cultes  du  royaume,  et  s'est  immédiatement 
efforcée  d'établir  des  relations  suivies  avec  les  groupes  de  la  Turquie 

*  Brinde  à  la  Roumarào,  p.  4-6. 

*  Voyez,  sur  les  Roumains  de  Tlslrie  et  de  la  Dalmatie,  l'excellent  travail  bi- 
bliographique de  M.  Urechia:  Incercare  bibliografica  pentru  Istria  si  Dal- 
matia.  Bucuresci,  1878;  in-S»,  20  pages. 

3  Celles-ci  sont  assez  connues  en  France,  grâce  à  la  brochure  de  M.  Emile 
Picot:  Les  Roumains  de  la  Macédoine,  Parix,  Leroux,  1875;  grand  in-8o, 
48  pages. 


BlBLlOaRAPHlB  145 

d'Europe,  de  créer  et  de  développer  parmi  eux  des  écoles  primaires  et 
des  établissements  d'instruction.  Le  Parlement  l'a  déclarée  personne 
juridique  et  lui  a  voté  des  subventions  considérables.  Un  journal  heb- 
domadaire, rédigé  en  grec  moderne  et  en  macédo-roumain,  —  la  phi- 
lologie des  dialectes  latins  de  l'Orient  y  trouverait  souvent  d'utiles 
indications,  —  un  journal  hebdomadaire,  dis-je,  est  devenu,  sous  le 
titre  de  Fratilia  intru  Dreptate',  l'organe  de  la  nouvelle  association, 
comme  aussi  parfois  le  messager  des  idées  de  panromanisme,  qui  ne 
pouvaient  manquer  de  s'y  produire,  ne  fût-ce  que  par  l'imitation  des 
théories  similaires  en  faveur  parmi  les  Slaves,  les  Grecs  et  les  Alle- 
mands. On  décida  enfin  qu'un  Album  conçu  à  l'imitation  duParis- 
Murciede  la  presse  parisienne,  mais  autrement  important  par  le  nom- 
bre de  ses  pages  et  la  variété  de  leur  composition,  serait  publié  à  Bu- 
carest, sous  la  direction  de  M.  Urechia,  et  que  la  circulaire  suivante 
serait  adressée  aux  principaux  écrivains  de  la  France,  afin  de  solli- 
citer leur  collaboration  : 

u  Monsieur, 

»  Permettez  à  une  Société  roumaine,  essentiellement  philanthro- 
pique, de  vous  faire  connaître  son  existence,  puis  la  mission  qu'elle 
poursuit,  mission  difficile,  pour  le  succès  de  laquelle  elle  implorera 
votre  bienveillant  concours . 

»  Au  delà  du  Danube  vivent  deux  millions  de  nos  frères,  derniers 
représentants,  dans  la  péninsule  balcanique,  de  la  race  latine.  Épave 
de  l'ancien  empire  romain  d'Orient,  les  Roumains  de  la  Turquie  d'Eu- 
rope ont  pu  émerger  de  l'inondation  des  barbares,  grâce  à  leur  admi- 
rable vitalité.  Au  milieu  de  tant  de  peuples  différents  de  race,  ils  ont 
lutté  pendant  cinq  siècles  pour  la  conservation  de  leur  langue  et  de 
leurs  mœurs  nationales,  et  jusqu'ici  leurs  efforts  et  leur  persévérance 
admirable  ont  vaincu  les  périls  qui  les  menaçaient.  Mais  le  danger  a 
grandi  et  leurs  forces  ont  diminué.  Ils  sont  engagés,  à  cette  heure, 
dans  une  lutte  dont  l'issue  leur  sera  fatale,  si  nous  ne  leur  apportons 
un  prompt  secours  :  ils  devront  oublier  leur  langue,  ils  devront  cesser 
d'appartenir  à  la  race  latine,  race  qui  nous  est  chère,  parce  qu'elle  est 
la  nôtre  ;  race  qui  vous  est  également  chère  à  vous.  Français,  que 
nous  appelons  avec  un  juste  orgueil  nos  frères  aînés  de  l'Occident. 

»  Il  existe  à  Bucarest  une  Société  (Societatea  de  culturà  macedo- 
româna)  dont  le  but  est  d'empêcher  cette  dénationalisation  de  tout  un 
peuple  par  la  construction  et  l'entretien  d'écoles  où  il  apprendra  la 
langue,  la  religion,  l'histoire  et  les  mœurs  de  ses  pères.  Mais  la  con- 
struction et  l'entretien  de  ces  écoles  est  une  lourde  charge  pour  no- 
tre Société,  et,  quoique  le  peuple  roumain  ait  favorablement  accueilli 
notre  appel,  nous  ne  pouvons  faire  face  aux  dépenses  énormes  que 


146  BIBUOOIUPHIB 

cette  mission  nous  impose.  C'est  pour  venir  au  secours  de  notre  im- 
puissance et  pour  faire  triompher  notre  entreprise  que  nous  nous 
adressons  à  la  France,  pays  généreux  qui  aime  à  soutenir  le  faible,  à 
défendre  Topprimé  et  à  faire  part  aux  pauvres  de  ses  grandes  ri- 
chesses. 

»  Un  district  espagnol  a  été  envahi  par  une  inondation,  ses  habi- 
tants ont  été  ruinés.  Mais  ce  coup  terrible  les  avait  à  peine  frappés, 
que  déjà  la  France  leur  envoyait  des  secours .  La  presse  française, 
toujours  unie  pour  faire  le  bien,  a  organisé  un  journal  :  Paris-Afureie, 
et,  grâce  au  concours  bienveillant  de  personnages  éminents  de  toute 
opinion,  des  ressources  considérables  s'entassent  pour  consoler  les 
malheureuses  victimes  de  l'inondation  espagnole. 

»  Et  quand  nous.  Roumains,  amis  dévoués  et  reconnaissants  de 
votre  belle  et  généreuse  France,  nous  viendrons  faire  appel  à  ses  plus 
illustres  écrivains;  quand  nous  implorerons  l'aide  de  leur  talent  pour 
nos  frères  qui  succombent,  envahis  par  une  inondation  dénationalisa- 
trice,  et  sans  espoir,  si  l'on  n'y  prend  garde,  nos  prières  ne  seraient 
pas  écoutées  !  Non,  cela  ne  peut  être,  cela  ne  sera  pas  !  Vous  qui 
n'avez  pas  refusé  de  prendre  la  plume  pour  donner  à  Paris-Murcïe 
la  gloire  d'une  œuvre  inédite  et  l'honneur  de  votre  signature,  vous  ac- 
corderez la  même  gloire  et  le  même  honneur  à  un  Album  macédo- 
roumain,  que  la  Société  de  ce  nom  publiera  en  faveur  des  écoles  d® 
nos  frères  opprimés  de  la  Macédoine.  Oui,  vous  aurez  à  cœur  de  faire 
tous  vos  efforts  pour  qu'ils  puissent  conserver  leur  langue  qu'on  veut 
anéantir,  leur  dernier  titre  de  noblesse  au  sein  de  tant  de  populations 
étemelles  ennemies  de  la  race  latine. 

»  C'est  dans  cet  espoir  que  nous  vous  adressons  notre  humble  et 
fervente  prière  de  nous  envoyer  un  article  inédit  et  signé,  qui  sera  à 
la  fois  une  preuve  nouvelle  de  la  philanthrophie  française  et  de  son 
attachement  à  notre  ancienne  et  immortelle  race,  aussi  bien  qu'un 
gage  du  succès  que  nous  désirons  ardemment  obtenir. 

Alecsandrescu-Urechia  .  » 

Le  souvenir  des  Fêtes  latines  détermina  l'admission  du  provençal  et 
du  languedocien  dans  les  colonnes  de  l'Album  que  l'on  allait  éditer. 
C'était  là  un  [fait  marquant  pour  le  Félibrige,  et  c'eût  été  aussi  un 
motif  sensible  d'étonnement  pour  les  personnes  qui  s'obstinent  encore 
à  désigner  les  idiomes  méridionaux  par  la  qualification  péjorative  de 
patois,  si  le  peu  d'intérêt  dont  témoigne  l'emploi  de  cette  expression 
leur  avait  permis  de  s'occuper  du  recueil  où  les  successeurs  de  Gou- 
delin  et  de  Jasmin  allaient  recevoir  une  si  large  hospitalité. 

Voici,  par  ordre  alphabétique  de  noms  d'auteur,  les  pièces  qu'il  ren- 


ferme.  Elles  sont  tontes  aceompagnées  dHane  vsatOA  €ft  pix^se  frB&> 
çaise*  : 

1.    Amx^rmuJE  (Albert):  As  Manidets  de  Rmnmimw  (Aux.  Jeones 
EjtifaLsts  de  Ronmaiûe},  8-9  ; 

H .  AtTBJLJŒL  (Théodore}:  laSereno  (la  Sirène),  11; 

III.  Ba&be  (Paul):  a  *oî«  Fr aires  halahos,  laCigalo  m(nmdinù{A 
ses  Frères  ralaques,  la  Cigale  toulonsaine),  16-17; 

IV.  BoxApjkETE-WTSE  rWîlliam-C.):  Dif^  ^a  fourèst  de  la  Scunto 
BcittnM  (Dans  la  forêt  de  la  Sainte-Baume)^  l$-22'; 


*  Aiitérieoreiiwnt  à  U  publicatioD  de  cet  Album,  on  aTvt  pa  remarquer 
dans  la  poésie  do  midi  de  la  France  une  sorte  de  tecdanoe  en  fitTenr  de  la 
Romnanie.  Le  plus  aDcien  texle  où  elle  soit  secsîble^  ane  pièce  de  H.  Ch. 
Folie-Desjardins  dans   les  Lys  et   Pervenches  (Avignon,  Roumanille^  1877  ; 
io-8»,  p.  37)  :  Â  rw^fris  fraires  de  Balakio,  a  même  précédé  les  Fêtes  latÎDe^, 
??otoas  ensuite  :  la  traduction  en  vers  toulousains,  par  M.  Paal  Barbe,  de 
YHora  Unirèi  (le  Chœur  de  ITni on),  celle  d^une  Dôme  d'Alecsandri  :  Blowid*- 
neto  ou  la  Pourtairo  d'aiguo  de  Veniso,  par  M.  Gabriel  Azaîs,  insérée  dans 
le  journal  VUnion  nationale,  de  Montpellier,  à  la  fin  du  mois  de  mai  1S79,  et 
reproduite,  p.  74-75,  de  Flou  de  Pascas;  un  sonnet  de  M.  de  Berluc-Penissis  : 
/  Latin  de  la  Rotananio,  p.  44  de  YÀmutna  prour^ençau  de  1880;  la  tra- 
dnction  du  Voile  et  F  Anneau,  devenue  entre  les  mains  de  M.  Antoine  Roux 
un  véritable  poème;  des  versions  du  Chant  de  la  race  latine,  en  vers  lan- 
guedociens, par  M.  A.  Langlade;  provençaux,  par  M.  V.  Lieutaud,  et  fran> 
çais,  par  M.  Ernest  Hamelin.  Celle  de  la  Petite  Brebis,  que  Ton  doit  à  M.  Paul 
Goordon  {Reuue,  3e  série,  111,260),  est  peat-étre  la  meilleure  du  languedocien 
moderne.  A  ces  témoignages  d'une  des  préoccupations  littéraires  du  midi  de 
la  France  en  1877-1880  doivent  être  ajoutées  to  Roso  e  lou  Soulèu^  ainsi  qu'un 
commeneement  de  traduction  des  chants  populaires  de  la  Roumanie^  par 
M.  Roumienx,  et  enfin  quelques  pièces  de  M.  Bonaparte- Wyse,  destinées  à 
prendre  place  dans  li  Piado  de  la  Princesso,  recueil  qui  contiendra  toutes  les 
oeuvres  que  son  auteur  a  disséminées  en  divers  périodiques,  depuis  la  publica- 
tion des  Parpaioun  blu. 

*  D  est  de  mon  devoir  de  signaler  ici  certaines  irrégularités  signographiques 
qui  mettraient  à  la  torture  Tesprit  des  futurs  Saumaises  de  la  littérature  méri- 
dionale, si  même  elles  ne  devenaient  des  présomptions  d'inauthenticité  k]  l'en- 
droit de  quelques-unes  des  poésies  insérées  dans  V Album  macédo-roumain. 
Sauf  la  première  et  la  troisième,  toutes  celles  qui  étaient  destinées  à  y  figurer 
furent  centralisées  à  Montpellier,  au  secrétariat  de  la  Société  des  langues  ro- 
manes, où  la  vérification  de  leurs  manuscrits  fit  constater  que  le  numéro  IV 
n'avait  pas  été  signé,  et  qu'il  en  était  de  même  des  numéros  Vil,  YIII  et  IX,  qui 
avaient  été  préalablement  recopiés.  Les  noms  de  MM.  Bonaparte-Wyse,  Adel- 
phe Espagne,  Clair  Gleizes  et  Laforgue,  furent  en  conséquence  cloutés  au  bas 
de  ces  quatre  pièces  par  celui-là  même  qui  écrit  le  présent  article.  Il  était,  lors- 
qu'il agissait  ainsi,  loin  de  se  douter  que  ces  mentions  lui  reviendraient  auto- 


148  HIBLIOaRâPHia 

V.  Boarrell/  (Mànus):  Lou  Reire  e  lou  Felèn  (rAïeul  et  le  Petit- 
Fils),  22  ; 

VI.  EsPAGNK  (Adelphe):  Au Pople  de Roumanta{kn Peuple  de  Rou- 
manie), 43; 

VIL  Ga6na.ud(A.  de):  A-n-uno  Jouvo Escoulano  latino  (Ten  Ma- 
cedôni  (A  une  Jeune  Ecolière  latine  de  la  Macédoine),  47-48; 

VIII.  6LEizBs(Clair;:  la  Culido  defigo  (la  Cueillette  de  figues),  48; 

IX.  Laforgue  (Camille):  Sounet  (Sonnet),  57; 

X.  Langladb  (Alexandre):  A  la  Mata  escabartada  {A  la.  Touffe 
égarée),  57-58; 

XI .  Mistral  (Frédéric):  A  la  Roumanio  (A  la  Roumanie),  82-83  ; 

XII .  Roque-Fkrribr  (Alphonse):  hu  Bialoc  de  Clarmount  (le  Dia- 
logue de  Clermont),  1 19  ; 

XIII.  RouMiEUx  (Louis)  :  Floureto  (Fleurette),  126-127; 

XIV.  Roux  ^Antoine)  :  VEstela  de  Roumania  (l'Étoile  de  Rouma- 
nie}, 127; 

XV.  Le  Frère  Savinien  (des  Ecoles  chrétiennes) :  J i?ot*man  (Aux 
Roumains),  128-129; 

XVLTavan  (Alph.):  A  Mirèio  Gleize  (A  Mireille  Gleizes),  131-132  *. 

On  peut  y  ajouter,  pour  compléter  le  lot  du  Félihrige^  une  page 
de  M.  de  Quintana,  animée  par  le  souffle  lyrique  des  paroles  qu'il 
prononçait  à  Montpellier,  le  24  mai  1878,  quelques  instants  avant  .que 
Ton  décernât  à  M.  Alecsandri  le  premier  prix  du  Chant  du  Latin. 
Sous  l'uniformité  de  la  prose,  vibre  la  strophe  de  l'ode  que  le  poëte 
catalan  sentait  bouillonner  en  lui. 

Salut,  pople  valhent,  nosta  prima  avant-garda, 
De  l'asempre  latin  subre  aimât  caga-nis  ; 
Lou  sourel  amourous  de  looga  t'arregarda 
Que  dins  la  oegra  nioch  sen  encara  endourmits  ! 

a  dit  M.  le  docteur  Espagne  dans  le  premier  des  deux  quatrains  qui 
forment  sa  pièce  Au  Pople  de  Roumania,  et  ce  salut,  d'une  concep- 
tion tout  orientale,  résume  assez  bien  la  pensée  que  MM.  Arnavielle, 
Barbe,  Langlade,  Roux  et  le  frère  Savinien,  ont  plus  longuement 
développée,  celle  que  M.  Mistral  a  exprimée  dans  le  sonnet  suivant, 

graphiées,  sans  que  le  moindre  erratum  fût  possible.  Ainsi  que  les  précé- 
dentes, la. signature  de  la  traduction  française  de  la  Sirène,  par  M.  Théodore 
Aubanel,  ne  représente  que  l'écriture'du  secrétaire  de  la  Société  des  langues 
romanes, 

*  Quelques-unes  de  ces  pièces  ont  été  reproduites  en  des  publications  méri- 
dionales. Ainsi,  celles  de  MM.  Tavan  et  Arnavielle  se  Wseni,  Armana  prouven- 
çau  de  1881,  p.  25  et  42.  Le  sonnet  du  frère  Savinien  figure  dans  lou  Cacho- 
fio,  annuari  prouvençau  pèr  Van  1881.  Avignon,  in-t2,  p.  46. 


BIBLIOaRAPHlB  149 

avec  la  simplicité  et  la  magistrale  netteté  que  lui  seul  pouvait  y  met- 
tre : 

Quand  lou  chaple  a  près  fin,  que  iou  loup  e  la  rùssi 

An  rousiga  lis  os,  Iou  soulèu  ilamejant, 

Esvalis  gaiamen  Iou  brumage  destrùssi, 

E  lou  prat  bataié  tourno  lèu  verdejant. 

Après  Iou  long  trapé  di  Turc  emai  di  Rùssi, 
Tan  visto  ansin  renaisse,  o  nacioun  de  Trajan, 
Coumo  l'astre  lusènt  que  sort  dôu  nègre  esclùssi 
Emé  lou  Douvelun  di  chato  de  quinge  an  I 

E  li  raço  latino, 
A  ta  lengo  argentino. 
An  couneigu  Tounour  que  dins  toun  sang  i'  avié  ; 

E  fapelant  germano, 
La  Prouvènço  roumano 
Te  mando,  o  Roumanlo,  un  rampau  d*ôulivié. 

M.  Clair  Gleizes  a  fait  de  la  Culido  de  figo  un  petit  tableau  d'une 
grâce  anacréontique  ;  le  sonnet  de  M .  Laforgue  est  d'une  réelle  am  • 
pleur  de  poésie  ;  M.  Bonaparte- Wyse  exalte  dans  ses  vers  la  forêt  de 
la  Sainte-Baume,  ses  «  ckênes  à  mille  feuilles,  ses  hêtres  à  tronc 
lisse  »,ses  taillis  «  remplis  de  rossignols,  de  fleurs  et  d'ombrages  », 
et  il  raconte  comment  son  grand-père,  Lucien  Bonaparte,  lou  sublime 
inchaiènt  dôu  scètre  dis  Espagne,  parvint  à  les  sauver  en  1793  de  la 
hache  des  clubistes  de  Saint-Maximin.  Les  pièces  de  MM.  Aubanel, 
Bourrelly,  Roumieux  et  Tavan,  ne  diminueront  pas  la  réputation  de 
ces  maîtres-poëtes,  toujours  en  quête  du  mieux  littéraire  et  linguis- 
tique. Celle  de  M.  de  Berluc-Perussis  est  l'opposition,  obscure  peut- 
être  en  première  lecture,  mais  à  coup  sûr  fort  heureuse,  des  paroles 
prophétiques  que  sainte  Anne,  l'aïeule  du  Christ,  fait  lire  à  la  Vierge, 
dans  le  beau  groupe  de  la  basilique  d'Apt,  et  des  pensées  d'une  jeune 
écolière  latine  du  Pinde,  sous  le  regard  de  laquelle  l'auteur  croit  lire 
l'espoir,  non  pas  d'un  Alexandre  macédonien,  mais  d'un  Alexandre 
néo-latin,  qui  réunirait  en  un  seul  faisceau  les  populations  roumaines 
aujourd'hui  dispersées,  celles-là  mêmes  que  M.  Camille  Laforgue,  usant 
du  langage  métaphorique  des  poètes  moldaves  et  valaques,  comparait 
aux  «  rameaux  éparpillés  du  chêne  »  qui  fut  jadis  le  roi  de  la  con- 
trée*: 


^  tt  Soueti  que  la  Roumanlo  veje  mai  s'acampa,  seloun  l'image  felibrenco  de 
soun  pople,  «lous  ramels  esparpalhats  dal  garric»;  soueti  qu'oumbrajou  tourna 
soun  viel  trounc  e  querefagou  Taure  majestous,  Iou  rei  antique  de  Tencoun- 
trado.  »  {Brinde  pourtat  à  la  Roumanlo^  p.  6.) 


150  BIBLIOGRiPHIS 

Dintre  Santo-Ano  d'At,  vièio  glèiso  qu'aman, 
Ounte  la  grand  d6u  Crist  bresso,  aseolo,  acourajo, 
S'amiro  an  maubre  pur,  qu'un  Fidias  rouman 
Tremudè  'm'  un  cisèu  d'or,  en  divino  pajo. 

Sus  la  Biblo  duberto  Ano  pauso  uno  man  ; 
Mario,  afeciounado,  en  un  saume  s'assajo 
A  legi  qu'un  Sauvaire  es  proumés  is  uman  : 
Demando  ounle  déu  naisse;  e  le  sourris  la  miy'o. 

Aièr,  davans  la  Vierge,  istere  pensatiéu  : 
Aquéu  front  clin  e  siau  me  semblavo  lou  tiéu, 
0  Levantesco  en  flour  e  digno  dôu  carraro  I 

Sout  riue  meirau  de  Roumo,  au  libre  d'aveni, 
Te  vesiéu  destriha  lou  noum  d'un  que,  tout  aro, 
Nous  rendrié  l'Aleissandre  e  li  tems  avani^. 

Ce  sonnet  est  écrit  dans  le  langage  d'Avignon  et  non  d'Aix  et  de  Marseille, 
comme  l'indique,  par  erreur,  l'attribution  dialectale  de  VAlbum. 

Les  fautes  d'impression  de  ces  diverses  pièces  sont  moins  grandes  qu'on  ne 
le  supposerait  d'abord.  Voici  la  table  de  celles  que  l'on  pourrait  y  relever. 

La  Sbreno.  —  P.  11,  col.  i,  1. 10,  la  Sirène,  /.  la  Sereno  ;  —  1.  16,  d'où,  /. 
dôu  ;  —  1.  19,  sièro,  l.  fièro. 

A  soDS  Praires  balakos.  —  P.  16,  col.  1,  1.  50,  autan,  /.  antan;  —  1.  5J, 
ponderouso,  /.  pouderouso  ;  —  1.  56,  qu'auttes,  /.  qu'autres  ;  —  1.  58,  apilonta, 
/.  apilouta. 

DiNS  LA  FOURÈST  DB  LA  Santo  Bauho.  —  P.  19,  col.  1, 1.  22.  Ce  draiôu,  /. 
0  draiôu;—  1.  30,  autan,  /.  antan;  — 1.  44,  Lieu  per  bono  escascènço,  /.  Siéu 
pèr  bono  escasènço  ;  —  1.  46,  Erné,  /.  emé;  —  1.  52,  teu,  /.  ten  ;  —  1.  53,  si 
fiéu,  /.  li  fiéu.  —  Col.  2, 1.  10,  l' amours,  /.  l'amour;  —  1.  14,  roussignôn,  /. 
roussignôu;  —  1.  18,  is  me,  /.  is  iue;  —  1. 20,  tan,  /.  tau;  —  1. 23,  serre,  /. 
resso. 

Lou  RimE  B  LOU  Felen.—  P.  22,  col.  2, 1. 10,  l'éis,  l.  leis;  —1.  12,  digne, 
/.  digue  ;  —  1.  15,  euo,  /.  acô  ;  —  1.  16,  ni  a'  nearo,  l.  n'  l'a  'ncaro  :  —  1.  17, 
détour,  /.  de  tout;  —  1.  18,  ai,  /.  an  ;  —  1.  20,  signes,  /.  signés. 

A-N-uNO  Jouvo  EscouLANO  LATiNO.—  P.  47,  col.  2, 1. 44,  sur,  l.  sus.  —  P.  48, 
col.  1, 1.  1,  devans,  /.  davans. 

La  CuLiDO  DE  PiGO.  —  P.  48,  col.  2,  1.  10,  voules,  /.  voulès. 

SouNET.  —  P.  57,  col.  2, 1.  14,  mirgacho,  L  mirgalho  ;  — 1.  15,  boissons,  /. 
bouissous;  — 1. 17,  drachau,  l,  dralhau. 

A  LA  Mata  escabartada.  —  P.  57,  1.  40,  mato,  /.  mata  ;  —  1.  44,  l'aubo,  . 
l'auba;  —  58,1.  3,  lau,  l  lèu; — 1.6,  lo  malo  erboulho,  es  encaro,  /.  la  mala- 
erboulha,  es  encara;  —  1.  7,  Ion,  /.  lou. 

Lou  DiALOc  DE  Clarmount.  —P.  119,  1.  10,  coscut,  /.  cosent  ;  —  1.  11,  éclai- 
res, l.  esclaires;  —  1.  13,  m,rcis,  ^mercis;—  1.  14,  aloudats,  /.  aloubats;  — 
1.  22,  je,  /.  ie  ;—  1.  26,  je,  /.se  ;  —  1.  29,  uz,  /.  ur. 

Floureto.  —  p.  126,  col.  2, 1.  38,  das  mai,  /.  pas  mai.—  P.  127,  col.  1, 1.  2 
escampers,  /.  escamperes. 


BIBLIOGRAPHIB  151 

JJ Album  maeédo-roumain  possède,  en  outre,  un  intérêt  qu'il  ne 

nous  serait  pas  permis  d'oublier  dans  la  Revue.  Le  Chant  de  la  race 

latine  d'Alecsandri  *  y  a  été  imprimé  avec  sa  notation  musicale,  et  le 

premier  de  ses  vers:  Latina  ginte-Vo  reginaî  (La  race  latine  est  la 

reine  [de  toutes  les  races])  figure  sur  le  haut  de  TArc  de  Trajan,  qui, 

entouré  de  divers  débris  de  l'architecture  romaine  et  gardé  par  un  des 

jeunes  soldats  de  Plewna,fait  un  beau  frontispice  à  l'œuvre  de  M.  Ure- 

cbia.  On  lit  encore  dans  TAlbum  une  intéressante  étude  de  M.  Nie. 

Densusianu  sur  les  Macédo- Roumains  dans  la  Croatie  et  VEscla- 

vonie;  une  poésie  populaire  recueillie   à  Cruso va  (Macédoine),  par 

M.  Vangeliu  Petrescu,  et  accompagnée  de  notes  philologiques;  des 

articles  sur  les  Roumains  de  la  Turquie  d'Europe,  de  la  Hongrie  et  de 

la  Grèce,  par  MM.  Maniu,  Melidon,  Misail,  Odobescu,  etc.,  et  enfin 

de  curieux  et  navrants  extraits,  par  M.  de  Marcy,  des  dépenses  d'Ab- 

beville,  de  Compiègne  et  de  Rouen,  où  l'on  peut  constater  l'accueil 

que  la  France  faisait,  pendant  les  XVe,  XVI»  et  XYII®  siècles,  à  ceux 

qui  fuyaient  la  domination  ottomane.  Le  chapitre  de  Notre-Dame  de 

Rouen  donne,  en  1467,  une  obole  d'or  à  deux  chevaliers  grecs,  Dimi- 

trius  Gommocy  et  Dorosionus  Cantacosino  ;  le  même  chapitre  accorde, 

en  1582,  un  secours  à  son  petit  «  et  afligé  serviteur  Stamati,  pauvre 

gentilhomme  du  pays  de  Macédoine,  que  les  Turcs  avaient  enlevé 

pour  servir  de  genissaire.  »  En  1458,  la  ville  de  Compiègne  alloue 

vingt-deux  sous  parisis  en  don,  pour  leur  rédemption,  «  à  Ysaachius 

et  Alixis,  son  fils,  cousin  germain  de  l'empereur  de  Constantinople, 

ainsi  qu'il  est  apparu  par  bulles  de  N.  S .  le  Pappe  et  par  mandement 

royal,  lequel  a  été  prins  parles  ennemis  de  la  foi  et  détenu  prisonnier 

au  dit  lieu  de  Constantinople,  dont  il  est  élargy  aux  cautions  de  deux 

de  ses  filles,  ainsi  que  portent  les  dites  bulles.  »  L'éloquence  de  Bos- 

Buet  ne  pàlit-elle  pas  auprès  de  cette  aumône  de  vingt-deux  sous  pa- 

AMiRÈio  Glbize.  —  p.  131,  col.  2, 1. 17,  au,  /,  an. 

C'est  peu,  si  Ton  songe  que  ces  pièces  ont  été  imprimées  à  quatre  cents  lieues 
du  Languedoc,  sur  des  manuscrits  d'une  écriture  difficile  et  sans  qu'il  ait  été 
possible  aux  auteurs  de  réviser  eux-mêmes  leurs  épreuves. 

1  La  poésie  de  M.  Alecsandri  a  obtenu  un  des  plus  grands  succès  que  Ton 
puisse  ambitionner.  Nous  avons  retrouvé  l'œuvre  de  celui  que  ses  compatriotes 
nomment  avec  raison  le  poète  de  la  latinité  dans  le  Risorgimento  de  Turin 
(15 juin  1878);  dans  la  Raza  latina  de  Madrid;  la  Llumanei^ade  New- York; 
le  Repertorio  colombiano  de  Bogota,  etc.  Indépendamment  des  trois  versions 
signalées  plus  haut,  p.  147,  elle  a  été  traduite  à  Bucarest  en  vers  français,  par 
M.  Frédéric  Damé  ;  en  vers  italiens,  par  M.  Domenico  Muti  {Gazzeta  di  Na- 
polij  16  juin  1878);  en  vers  magyares,  par  M.  Vulcan  {la  Familia,  de  Pesth, 
juin  1878);  en  vers  espagnols,  latins,  etc.,  dans  divers  journaux  qui  ne  nous 
sont  pas  parvenus,  et,  enfin,  ce  qui  semble  à  peine  croyable,  en  vers  hébraïques. 


152  BIBUOGRÂPHIB 

risis,  votée  par  le  corps  de  ville  de  Compiègne  aux  derniers  représen- 
tants de  l'empire  de  Trajan  et  de  Théodose? 

Les  indications  qui  précèdent  ne  s'appliquent  qu'à  une  partie  de 
V Album  macédo-roumain,  mais  elles  suffiront  à  montrer  que  la  va- 
riété de  sa  rédaction,  le  nombre  plus  considérable  de  ses  pages,  les 
indications  géographiques  et  linguistiques  qu'elles  renferment,  don- 
nent au  recueil  dont  je  parle  une  supériorité  marquée  sur  le  Raris- 
Murcie  de  la  presse  parisienne. 

La  publication  que  M.  Urechia  menait  à  si  bonne  fin  complète  à  un 
point  de  vue  plus  spécial,  et  dans  un  milieu  différent,  la  conclusion  qui 
se  dégage  des  réunions  où  la  Maintenance  du  Languedoc  a  marqué, 
par  le  langage  de  plusieurs  de  ses  membres,  et  notamment  par  celui 
de  MM.  Laforgue,  Boucherie,  Achille  Mir,  Donnadieu,  l'adhésion  que 
les  efforts  des  Roumains  et  l'œuvre  de  la  Société  macédo-roumaine 
rencontrent  chez  elle .  Cette  adhésion  a  été  fortifiée  par  une  représen- 
tation donnée  le  5  juin  de  cette  année  sur  la  petite  scène  du  Théâtre 
Roman  de  Montpellier,  au  bénéfice  des  établissements  d'instruction 
primaire  de  la  Macédoine.  Détail  à  noter:  le  répertoire  de  la  soi- 
rée appartenait    exclusivement  à  la  langue  d'oc,  et  les  œuvres   de 
MM.  Azaïs,  Aubanel,  Roumieux,Chastanet,  l'abbé  Joseph  Roux,  Paul 
Gaussen,  Bigot  et  Charles  Gros  avaient  contribué  à  le  fonner*.  La 
même  journée  avait  vu  la  Maintenance   du  Languedoc,  réunie  sous 
la  présidence  de  M.  Laforgue,  décider,  à  l'unanimité  des  membres 
présents,  que  son  bureau  solliciterait  de  tous  les  poètes  méridionaux 
le  don  d'autographes  inédits  en  vers  ou  en  prose,  et  que  ceux-ci  consti- 
tueraient le  lot  unique  et  vraiment  inappréciable  d'une  sorte  de  loterie 
philologique  en  faveur  du  but  poursuivi  par  l'association  de  Bucarest. 
On  peut  se  demander  si  l'ensemble  de  ces  manifestations  ne  sera  pas 
le  point  de  départ  d'une  période  nouvelle  dans  l'histoire  de  la  poésie 
méridionale  de  la  France.  A  la  suite  de  l'exil  de  M.Victor  Balaguer, 


*  Voici  les  litres  des  pièces  qui  furent  dites  ou  représentées  : 

Lous  Destorbis  del  mariage  de  Bibal,  coûte  en  vers  languedociens,  par 
M.  Gabriel  Azaïs; 

EstivencOy  poésie  provençale»  par  M.  Paul  Gaussen  ; 

La  Liçoun  de  francés,  saynète  en  un  acte  et  en  vers  provençaux,  par 
M.  Louis  Roumieux  ; 

Lis  Estello,  poésie  provençale,  par  M.  Théodore  Aubanel; 

Bernât  de  Ventadourn,  poëme  limousin,  par  M.  l'abbé  Joseph  Roux; 

Lou  Chavau  de  Batistou,  conte  en  prose  limousine,  par  M.  Auguste  Cha.s- 
ranet  ; 

VOurs  e  li  dotes  Tafaiaire,  —  li  Granouio,  fables  en  provençal-nimois, 
par  M.  Bigot; 


BIBLIOGRAPHIE  153 

du  voyage  de  M.  Mistral  à  Barcelone  et  de  son  Ode  aux  Catalans,  le 
Félibrige  remit  en  honneur  les  souvenirs  communs  de  la  Catalogne 
et  de  la  Provence  ;  la  vieille  fraternité  des  deux  pays  fut  maintes  fois 
célébrée  dans  les  félibrées  de  Saint- Rémy,  d'Avignon  et  de  Montpel- 
lier. 11  est  probable  qu'une  évolution  d'un  caractère  plus  général  sera 
le  fruit  de  la  publication  de  V Album  macédo- roumain  et  des  mar- 
ques de  sympathie  que  la  Maintenance  languedocienne  du  Félibrige  a 
multipliées  à  l'endroit  de  la  Roumanie.  Non  contente  de  mettre  en 
lumière  les  points  communs  de  la  pensée  méridionale  et  de  la  pensée 
roumaine,  cette  évolution  les  fera  probablement  tourner  au  profit  de 
la  conception  du  duc  de  Choiseul  et  de  M.  de  Quintana,  c'est-à-dire 
de  l'idée  confédérative,  respectant,  au  sein  d'un  Latium  plus  vaste  et 
plus  libre  que  l'ancien,  l'autonomie,  les  tendances  et  les  intérêts  des 
différents  peuples  de  l'Europe  et  de  l'Amérique  latines.  C'est  là  un 
point  qui  ressort  avec  discrétion,  mais  avec  une  netteté  déjà  signifi- 
cative ,  de  la  publication  que  nous  entreprenons  de  faire  connaître  aux 
lecteurs  de  la  Revue, 

La  constitution  de  la  Roumanie  en  royaume  indépendant  a  donné 
naissance  à  diverses  poésies,  parmi  lesquelles  nous  emprunterons  deux 
strophes  à  une  pièce  anglaise  de  M.  Bonaparte-Wyse,  traduite  en 
vers  provençaux  par  M.  de  Berluc-Perussis,  avec  une  habileté  qui  est 
loin  d'être  commune,  même  en  ce  temps  de  poètes  à  l'affût  de  tous 
les  secrets  de  la  rime  et  de  la  versification  : 

0  nacioua,  que  d'uno  nôvio  urouso 

As  la  frescour, 
L'espèr  a  mes  sus  touD  front  la  mai  blouso 

De  si  lusour  ! 
Li  pople  vièi,  soun  libre  de  memôri 

De  pôusso  es  plan  ; 
Tu,  tout  bèu  just  touD  pouèmo  de  glôri 

Seduerb  seren*. 

Mais  la  plus  remarquable  et  la  plus  originale  de  ces  pièces,  aussi 
bien  par  la  saveur  légèrement  étrangère,  mais  néanmoins  très-litté- 
raire, de  sa  langue,  que  par  l'origine  populaire  de  son  thème,  est  une 
poésie  française  intitulée  le  Petit  Rameau,  et  dédiée  à  M.  de  Berluc- 

Magalouna,  —  Meste  Nicoulàs,  —  Babau-Coucou,  etc.,  poésies  langue- 
dociennes, par  M.  Ch.  Gros. 

Les  pièces  de  MM.  Azaïs,  Bigot  et  Chastanet,  furent  dites  par  M.  Martin 
(de  Nimes),  YïmmiinYAt  jouglaire  de  la  moderne  langue  d'oc. 

*  Lou  Brusc,  n©  du  21  août  1881. 

12 


154 


BIBLIOGRAPHIE 


Perussis  par  M.  Alecsandri  * .  Elle  a  été  traduite  en  provençal  par  ce- 
lui-là même  àqui  elle  était  offerte,  et  nous  pensons  ne  pouvoir  mieux, 
faire  que  de  donner  la  version  à  côté  de  l'original  : 


0  petit  rameau 
Qui  descends  le  fleuve 
Où  nage  et  s'abreuve 
Le  royal  taureau, 
Ce  flot  qui  scintille, 
Où  t'a-t-il  surpris? 
Quel  est  ton  pays  ? 
Quelle  est  ta  famille  ? 

Par  le  ver  séché, 
Du  poirier  sauvage 
La  main  de  l'orage 
T'a-t-elle  arraché, 
Comme  en  sa  colère 
La  mort,  triomphant, 
Ravit  un  enfant 
Aux  bras  de  sa  mère? 

Pour  bâtir  ses  nids 
Sur  la  roche  aride. 
Dans  sa  serre  avide 
L'aigle  t'a-t-il  pris? 
Et  des  sombres  grottes, 
L'autan  irrité 
T'a-t-il  emporté 
Sur  l'onde  où  tu  flottes  ? 

0  petit  rameau. 
Perdu,  solitaire. 
Ainsi  qu'un  oiseau 
Chassé  de  son  aire  ! 
Triste  et  ballotté 
Sur  la  plaine  verte, 


0  pichoun  rampau 
Carreja  pèr  l'oundo 
Qu'abéuro  prefoundo 
Lou  majestous  brau, 
Aquéu  flot  qu'esbriho 
Ounte  t'a  susprés? 
Toun  pais,  ounte  es? 
Quinte  es  ta  famiho  ? 

Au  perussié  fer 
Seca  pèr  lou  verme, 
L'aurige ,  dins  Terme, 
T'a-ti  près  pèr  l'èr, 
Coume,  traite  laire, 
La  mort,  trioumflant, 
Derrabo  un  enfant 
Di  bras  de  sa  maire? 

L'aiglo,  pèr  basti 
Soun  nis  sus  II  roco, 
Dins  sis  ôrri  croco. 
Ai!  te  raubè-ti? 
Di  baumo  negrasso 
Quauque  veut  catiéu 
T'a-ti  pourta  'u  riéu 
Qu'aro  te  tirasse? 

Pichot  ramelet. 
Perdu,  soulitàri, 
Coume  un  aucelet 
Coucha  pèr  l'auvàri  I 
Triste  e  sagata 
Sus  la  piano  verdo, 


^  M.  Alecsandri  est  depuis  longtemps  coutumier  du  français.  C'est  à  lui  que 
l'on  doit  la  traduction  des  Ballades  et  Chants  populaires  de  la  Roumanie, 
que  M.  Ubicini  fît  précéder  d'une  introduction  (Paris,  Dentu,  1855,in-12).  Le 
Messager  de  Vienne,  journal  [hebdomadaire]  français  d* Autriche-Hongrie, 
a  publié  ,  au  mois  de  juillet  dernier,  un  récit  roumain,  Balta  Alba,  écrit  en 
notre  langue  avec  une  rare  correction  de  style.  On  peut  voir  de  lui,  dans  le 
Journal  de  Forcalquier  (n©  du  10  août  1879)  et  dans  Ylàu  de  Pascas,  p.  xiii- 
XIV  et  suiv . ,  une  lettre  et  des  fragments  de  lettres  françaises  qui  ont  dû  exer- 
cer une  large  partd'influencesur  la  phase  littéraire  à  laquelle  la  présente  étude 
est  consacrée. 


BIBLIOGRAPHIE 


155 


Dans  rimmensité 
Ta  cours  à  ta  perte  ! 

Ne  crains  pas  pour  moi 
Le  flot  qui  m'entraîne  : 
Je  sois  fils  de  roi, 
J'appartiens  au  chêne. 
Atouclierleciel 
Dieu  me  prédestina  ; 
Ma' sève  est  latine, 
Mon  nom  immortel. 

Un  jour,  hors  de  l'onde, 
Sur  ce  bord  sacré, 
Je  redeviendrai 
Grand  comme  le  monde. 
Et  comme  autrefois 
J'aurai  des  couronnes, 
Car  je  suis  du  bois 
Dont  on  fait  les  trônes  I 


Dins  rinmensita 
Courres  vers  ta  perdo  ! 

—  Cregnes  pas  pèr  iéu 
S'  emé  lou  flot  courre  : 
D'un  rèi  siéu  lou  fiéu, 
Apartene  au  roure. 
A  m'aaboura  naut 
Lou  cèu  me  destino  ; 
Ma  sabo  es  latino, 
Moun  noum  inmourtau. 

Passa  lou  desbounde, 
Sus  'quest  bord  sacra, 
Moun  brout  greiara 
Plus  grand  que  lou  mounde. 
Coume  antan,  aurai 
Un  reiau  diadeime  ; 
Car  moun  bos  soûl  fai 
De  trône  à  bel  eime  ! 


Le  chêne  recouvrera-t-il  ses  rameaux,  si  étrangement  dispersés 
loin  de  la  forêt  natale  ?  En  d'autres  termes,  les  petites  Romanies  de 
rOrient  se  grouperont-elles  un  jour  autour  de  la  grande  Romanie  da- 
nubienne, comme  Fespèrent  et  l'appellent  de  leurs  vœux  bon  nombre 
de  Roumains?  Le  poetaet  levâtes  de  leurs  ancêtres  d'Italie  ont  parlé 
souvent  par  la  même  bouche,  et,  malgré  des  tentatives  récentes,  leurs 
noms  ne  sont  pas  près  de  devenir  synonymes  du  moderne  *polititia- 
nus.  Il  ne  nous  est  donc  pas  interdit  de  parler  de  ces  espérances,  et 
d'adresser  à  ceux  qui  nous  en  apportent  l'expression  les  vers  où 
M.  Albert  Amavielle  les  complète  par  l'affirmation  d'un  idéal  encore 
plus  vaste  et  non  moins  légitimement  naturel  : 

Creissès,  croisses,  o  pichot  mounde, 
Per  lou  grand  mounde  que  revan  »  î 

(Croissez,  croissez,  ô  petit  monde,  —  pour  le  grand  monde  que  nous 
rêvons!) 

A.  Roque-Ferrikr. 


•  Album  macédo-roman,  p.  9. 


CHRONIQUE 


Noas  sommes  heureux  d'annoncer  aux  lecteurs  de  la  Revue  des  lan- 
gues romanes  que  M.  Camille  Chabaneau,  membre  résidant  de  la  So- 
ciété, a  été  nommé  officier  de  Tinstruction  publique. 


La  Société  vient  de  faire  distribuer  la  dixième  de  ses  publications 
spéciales  :  Muereglie,  traduction  en  dialecte  dauphinois  de  Mireille,  de 
Frédéric  Mistral^  précédée  de  notes  sur  le  langage  de  Saint-Maurice- 
de-VEodl  et  suivie  d'un  appendice,  par  M.  Maurice  Rivière -Bertrand. 
Cette  publication  forme  un  beau  volume  in-8®  de  200  pages.  Son  prix 
a  été  fixé  à  la  somme  de  6  fr. 


Livres  donnés  a  la  Bibliothèque  de  la  Société.  —  Comput  en 
vers  provençaux,  publié,  traduit  et  annoté  par  Camille  Chabaneau . 
Paris,  Maisonneuve,  1881;  in-8*,  28  pages; 

Traduction  des  Psaumes  de  la  Pénitence  en  vers  provençaux,  pu- 
bliée pour  la  première  fois,  d'après  le  manuscrit  d'Avignon,  par  Ca- 
mille Chabaneau.  Paris,  Maisonneuve,  1881;in-8»,40  pajçes; 

[Deloncle  (Charles)]:  Festo  de  Calderon.  Espagno  e  Franco,  remem - 
branço  histourico,  per  un  felibre  toulousenc.  Tullo,  Mazeyrio,  an  1881  ; 
in-8o,  8  pages  ; 

Gagnaud  (A.  de):  Moun  Oustalet,  pouësio  prouvençalo,  em'  uno  tra- 
ducioun  en  rimo  italiano,  pèr  l'abat  J .  Spera.  Montpellier,  Imprimerie 
centrale  da  Midi,  1881;  in-8°,  12  pages  ; 

Laforgue  (Camille):  Brinde  pourtat  à  la  Boumanio,  lou  vu  de  sep- 
tembre MDCCCLXxix.  Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi,  1881; 
in-8°,  16  pages  ; 

LaiEorgue  (Camille)  :  Brinde  pourtat  à  Mistral  e  Bonaparte-Wy8e> 
lou  VI  de  jun  mdccclxxx  ;  in-8o,  16  pages; 

Laforgue  (Camille)  :  Discours  tengut  davans  la  Court  d'Amour  de  la 
Lauzo,lou  xxvi  de  septembre  mdccclxxx.  Montpellier,  Imprimerie  cen- 
trale du  Midi,  1881;  in-8o,  16  pages  ; 

Laforgue  (Camille)  :  la  Filho  dal  Moulinier,  cansou.  Montpellier,  Im- 
primerie centrale  du  Midi,  1881;  in-8o,  16  pages; 

Rivière-Bertrand  (Maurice):  M uereglie,  traduction  en  dialecte  dau- 
phinois de  Mireille,  de  Frédéric  Mistral,  précédée  de  notes  sur  le  lan- 
gage de  Saint-Maurice-de-l'Exil  et  suivie  d'un  appendice .  Paris,  Mai- 
sonneuve, 1881;  in-8o,  viii-188  pages; 

Rouvière  (Léon):  Poésies  languedociennes,  publiées  par  C.  de  Val- 
lat.  Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Mdi,  1881;  in -8**,  44  pag. 


Le  gérant  responsable  :  Ernest  Hamelin. 


Dialectes  Anciens 


LES  MANUSCRITS  PROVENÇAUX  DE  CHELTENHAM 

in 

Lk  COUR  d'amour 
{Seinor  vos  que  rofes  la  flor) 

Nous  croyons  devoir  donner  une  place  à  part,  dans  ces  glanures 
provençales,  à  une  pièce  du  Chansonnier  Mac-Carthy,  malheureuse- 
ment incomplète  de  la  fin,  qui  mérite  toute  l'attention  des  provença- 
listes,  autant  par  son  étendue  que  par  Tintérèt  du  8i\jet  traité.  Cette 
espèce  d'Art  d'aimer  est  certainement  antérieure  au  Roman  de  la 
Rose^  et  peut  fournir  matière  à  une  comparaison  intéressante  avec  la 
partie  de  cette  curieuse  composition  qui  est  due  à  Guillaume  de  Lorris. 
On  la  comparera  aussi  utilement  avec  le  Sonffc  vert,  poème  (rançais 
que  nous  nous  proposons  de  publier  incessamment  d'après  fe  manu- 
scrit unique  de  Spalding  (AngleteiTe),  ce  qui  nous  fournira  Tocoasion 
de  revenir  sur  le  poëme  provençal . 

Nous  n'osons  nous  flatter  d*avoir  toujours  réussi  à  dissiper  les  obs- 
curités qu'il  est  naturel  de  rencontrer  dans  un  sujet  allégorique  ;  la 
difficulté  était  d'ailleurs  augmentée  par  cette  circonstance,  que  nous 
ne  disposions  que  d'un  manuscrit.  Nous  avons  cependant  fait  tous 
nos  efforts  pour  rendre  le  texte  intelligible,  sans  toutefois  nous  aven- 
turer bien  loin  dans  la  critique  conjecturale,  et  nous  avons  marqué 
d'un  point  d'interrogation  les  mots  ou  les  vers  qui  ne  nous  paraissaient 
pas  offrir  de  sens  acceptable. 

La  Cour  d'amour 

{Po  30,ro,coi.l.)[S*]einor  vos  que  volez  la  flor 
E  la  corteszia  d'amor, 
E  non  avez  soing  dautr'aver, 
Mas  ab  joi  voletz  remaner, 
5      Auzatz  un  romanz  bon  e  bel, 
Bastit  de  joi  fin  e  novel, 
E  gardatz,  quant  Tauresz  auszit, 

*  On  a  laissé  en  blanc,  pour  le  rubricateur,  la  grande  lettre  initiale  S;  de 
même  au  vers  125  et  à  chaque  alinéa. 

TOMS  VI  DB  LA   TR018IÈM1  SÉRIE.   —  OCTOBRE  1881. 


158  MANUSCRITS  DB  CHBLTBNHÂM 

Non  metatz  los  motz  en  oblit: 
Que  za  negus  hom  no  fara 
10      So  quel  romanz  comandara, 
No  sia  plenz  de  cortezia, 
E  que  non  queira  villania. 
Que  lo  .be  que  lo  romanz  di 
Fasson  las  dompnas  el  drutfi, 
15      E  gardon  se  de  la  folitf 

Quel  romanz  deveda  e  castia  : 
Que  vos  sabetz  qu'ab  desmezura 
Per  amors  a  cors  sa  dreitura, 
Que  malvestat  e  putaria 
20      NoUaisson  tener  dreita  via. 
Per  so  han  fag  novella  amor 
(Col.  2.)  D'una  dompna  de  gran  valor 

.viij.  XX.  quedonasqe  pulsellas, 
Q'an  trobat  lurs  raszons  novellas, 
'    25      Coment  amors  sia  liais, 

Fuguon  s'en  las  falsas  els  fais, 
Q[e]  a  tant  amors  parlament, 
Nos  taing  haza  galiament. 
Ora  zuzatz  com  araszona 
30      Sa  gent  Amors  la  dousa  el  bona. 
Mas  premieramens  vos  dirai 
Sos  conpainons,  ni  bon  estai 
Ab  oui  faz[ia]  acordament, 
D'amor  lo  liai  zutgament. 

35      [Bjl  temps  qel  roissignol  faz  nausa, 
Que  de  nueit  ni  de  zor  no  pausa 
Desotz  la  fuella  de  cantar, 
Pel  bel  temps  que  vei  refrescar, 
Aven  que  Fin  Amors  parlet 

40  Ab  SOS  barons  en  son  rescet, 
En  son  del  puei  de  Parnasus  ; 
Zoi  e  Solaszforon  laisus, 


V.12,ms.,  querrez  ;  18,  damorâ  ;  29,orazuzatz  cornent;  30,  e  la  ;  â2,  estaz; 
6,  Dueut. 


MANUSCRITS   DE   CHBLTENHÀM  159 

E  Ardimens  e  Corteszia, 
Qe  de  flors  Ten  zonchon  la  via  ; 
45      Bon'  Esperancha  e  Paors 

Li  porton  de  denant  las  flors  ; 
D'autra  part,  Larguesza  e  Donneis 
Lo  meron  en  un  leit  d'orfrels  ; 
(  F*,  col.  1 .)  Celars  e  Dousa  Conpania 

50      Geton  (de)sus  idesa  floria. 

Lo  cortes  pueih,  de  Tautra  part, 
Delfuoch  d'amor  relusz  es  art: 
D'aqui  mon[ta]  tota  la  joza 
Qu'Ajnors permet  lomond'  envoza. 
55      E  d'autra  part  son  las  floretas, 
La[s]  ruosas  e  las  violetas, 
Qi  trameton  lor  gran  douszor 
Denant  Toleil  de  Fin'Amor. 
E  d'autra  part  ha  cent  pulsellas, 
60      Q'anc  negus  hom  non  vi  plus  bellas; 
E  chascuna  ha  son  amador, 
E  son  vestu  d'una  color, 
[Ez]  baison  ez  braisson  soven, 
E  mantenon  pretz  e  joven  ; 
65      [E]  totz  temps  han  aital  desdug, 
*  Ad  aital  gen  vai  be,  so  cug. 
E  d'autra  part  hac  un  ombrage. 
On  hac  maint  [bel]  auzel  saulvatge. 
Que  canton  la  nueit  e  lo  zor 
70      Voltas  e  lais  de  gran  dousor. 
[E]z  el  mei  loc  ac  un  castel, 
Q'anc  negus  om  non  vi  plus  bel, 
Que  non  ha  una  peira  el  mur 
Non  luisza  con  d'aur  o  d'azur. 
75      D'aqui  guerezon  Vilania, 

Las  clauson  Pretz  e  Drudaria, 
El  gaita  q'es  el  castel  cria  : 
«  Esta  lo  drutz  contra  s'amia, 
E  l'amia  contra  son  drut: 

46,  portent; 54,  pennes;  69,  cantent;  71,  Zel;  76,  Las  clans  son  preti 


160  MANUSCRITS   DB  CHBLTBNHAM 

80      Ëranon  sera  ja  sauput. 
Ar  es  lo  luochs  e  la  saiszos 
Qu'ieu  haz  endormitz  los  gilos.  » 
Davant  la  porte  hac  una  font, 
E  non  a  tan  bella  el  mon, 
85      Qi  sortz  en  una  conca  d'aur; 
De  tôt  lo  mont  val  lo  tesaur  ; 
N'a  om  el  mont,  si  n'a  begut, 
Que,  cant  qe  es  e  cant  [qe]  fut, 
Non  sapchza  de  be  e  d'onor, 
90      Qe  non  oblit  ira  e  dolor. 

Claus'es  de  laurie[r]s  e  de  pis, 
E  de  pomiers  de  paradis  ; 
De  flors  de  lizs  es  coronada, 
Que  nais  menudet  en  la  prada. 

^  95      Aqi  sasis  a  parlament 

Amors,  e  pari  et  bellament, 
(En)aissi  con  deu  far  lo  seingner 
Q'a  tôt  lo  mont  a  destreigner. 
Esgardet  vas  terra  un  petit, 

100       Con  sabis  om,  e  pueis  ha  dit  : 

«  Seinors,  eu  me  lau  be  de  vos, 
Mas  vos  sabetz  qe  totz  om  pros 
(f^31,r%co/.l.)Deu  gardar  q'en  sa  seinoria    • 
Passa  om  sen  e  lais  folia  ; 

105      Qe  vos  sabetz  q'ad  obs  d'amar 
No  val  re  que  vol  follejar, 
Que  Tautrer  nos  dis  Johanitz 
Que  leons  aucis  la  formitz  ; 
Don  ieu  aisso  dig  contra  vos 

110      Que  vos  faitz  aitant  fort  joios: 
«  Us  vassal  qe  no  er  cellatz, 
Si  donna  li  fai  sos  agratz, 
Si  a  el  non  s'ennanara, 
E  lo  blasme  li  remanra.  » 

115      Vec  vos  la  fromitz  el  leon, 

La  donna  es  morta  pel  garchon^ 

98^Qet.  1.  m.  ha  a  destreigner;  109,  Don  iois. 


MANUSCRITS   DB   GHELTBNHAM  161 

Eus  comanc  non  fassatz  mais  re , 
Mas  donatz  zoi  lai  on  conve  ; 
Ais  enfantz  fatz  con  a  d'enfans, 
120      Alsparladors  donatz  parlans, 
E  metetz  en  tôt  tal  meszura 
Q'eu  no  i  perda  ma  dreitura, 
Que  pros  om  i  a  grand  onor, 
Qan  fai  be  Tafar  son  seinor.  » 

125      [A]pres  araiszonet  Solaz, 

Tota  la  cort  estet  en  paz  : 

«  Seinor,  moût  si  deura  sofrir, 

Qe  moût  deu  om  son  cors  cobrir, 

Qe  non  diga  tôt  son  coratge, 
(CoL2.)   130      Ni  non  mostre  grand  alegratge  ; 

Mas  lai  on  es  luechs  e  meszura, 

Q'amors  per  be  cellar  meillura, 

Qe  Tauzel,  cant  el  ve  lo  latz, 

S'en  fui  d'aqi  tost  e  viatz; 
135      Tôt  altretal  fai  de  mânes 

Vilans,  qant  vei  orne  cortes, 

Que  yiu  de  joi  e  de  solatz 

E  porta  trezador  ni  laz, 

Quant  el  lo  ve  serra[r]  sa  porta, 
140      Ë  sa  moiller  es  pesz  qu*a  morta. 

Aisso  die  per  vos,  don  Solatz, 

Qu'ez  mos  amig[sl  e  mos  prevatz, 

Ez  affî  vos  la  mia  fe 

Qe  tôt  lo  mon  non  am  tan  re  ; 
145      Mas  voill  que  laissetz  la  gaies(s}a, 

Qan  non  es  luechs  que  si  beus  pesa. 

Vos  ensegnarai  vostre  pro, 

Qar  eu  n'ai  fort  bel  gaszardo, 

Qe  vos  faitz  amors  comenssar, 
150      Vos  faitz  Tun  a  l'autre  agradar. 

Vos  non  voletz  enuei  ni  plors, 

Viulas  [e]  dansas  e  tanbors 

E  joventz  vos  fan  compania  ; 

127,  si  de  uro,  avec  un  sigle  sur  V\i;  150,  agardar. 


m  MANUSCRITS  DE  GHELTBNHAM 

Seigna  vos  qi  no  s'ablavia 
155      D'amor,  qe  vos  lo  metretz  lai, 
On  om  non  moissonna  mas  jai.  » 

(F%  col.  1.)        [Ajpres  parlet  ab  Ardtment: 

«  De  vos  me  lau  eu  ben  e  gent, 
Que  vos  faiz  toszeta  ardida, 

160      Q'a  paors  neis  d'aucel  qant  crida  ; 
Pueis  laffasseitz  vos  tan  segura 
Q'a  son  drut  vaz  de  nueit  oscura, 
Qe  non  tem  marit  ni  parent 
Batre  ni  menassar  sovent  ; 

165      E  faitz  a  paubre  drut  enquerre 
Donna  q'a  gran  ôeu  e  gran  terre, 
Qel  ditz  :  c  Se  non  laissas  estar, 
Eu  te  farai  ton  envei  far  x>  ; 
E  cel,  que  de  re  non  s'esfreda, 

170      Sitôt  s'a  petit  de  moneda, 
S'adoba  ades  de  ben  servir, 
Pueis  [el]  la  fatz  tant  enardir 
Qu'ela  oblida  son  lignatje, 
Sa  riquesa  e  son  paraje, 

175      E  torna  tôt  son  cor  en  lui, 
£  son  bon  amie  ambedui, 
E  per  vos  vai  a  parlament 
Drutz  a  si  donz  [ab]  ardiment. 
En  amor  non  val  re  paors, 

180      Ardiments  es  la  claus  d'amor. 

[C]ort€szia,  de  vos  non  sai 
Dir[e]  lo[s]  bons  qe  de  vos  hai, 
Ni  non  sai  grazir  las  onors 
(CoL2.)  Q'ieu  hai  de  vos  ni  las  lauszors, 

185      Q*ab  plana  razon  de  sofrir 
Me  fatz  a  tot(z)  mon  abellir  ; 
Ab  lo  sofrir  avetz  mesura, 
Per  qe  vostre  bon  pretz  meillura  ; 
Vos  metetz  mesura  en  parlar, 

163,  ten  ;  176,  ambeduz. 


liÀNUSCRITS   BB  CHBLTBMHAM  163 

190      Envez  no  sabetz  vos  ja  far  ; 
Ni  janegus  om  non  erpros, 
Si  non  ha  compania  ab  vos, 
Que  aqel  que  i  a  compania 
Non  fara  orguoill  ni  foUia. 

195      [B]on*  Esperansa,  grand  ajuda 

Me  fatz,  qar  vostre  cor  nos  muda 

Q'al  premier  que  vol  faire  druda, 

El  ven  a  lois,  si  la  saluda, 

E  pueis  commens'a  la  pregar 
200      Per  Deu  q'ella  lo  déjà  amar. 

Bon'  Esperansa  la  lo  guida, 

E  sitôt  noncha  Tes  gracida 

Sa  pregueira  al  commensar, 

Ades  lo  faz  ben  esperar; 
205      Qe  greu  verreis  jiovella  amia, 

Q'a[l]  premier  non  se  fassa  enia. 

Donna,  per  q'es  q'altr'  amie  hai, 

Qel  dira  :  a  ges  nous  amarai  »  ; 

0  dira  :  «  ges  nous  amaria, 
210      Q'onor  e  marit  eu  perdria  »; 
(/^  32,r*»,  col.l.)  0  dira  qe  «  plens  es  d'engan 

Vas  amador,  per  qeus  soan.  » 

Bonesperansa  ditz  c'aiso(n) 

Non  cal  tôt  prejar  un  boto(n), 
215      Qant  el  se  desditz  ne  s'orguella, 

Q'adoncs  se  descausa  e  despuella. 

lP]aors,  vos  siatz  benedeita  ! 

Per  vos  vai  drutz  la  via  dreita, 

Qe,  quant  vai  a  si  dons  parlar, 
220      Qe  el  li  cuida  desmostrar 

E  dire  qe  per  s'amor  mor, 

E  vos  li  donatz  ins  el  cor, 

Si  qel  non  sab  dire  razo. 

Ni  sab  detriar  oc  ni  no, 
225      Qe  quant  ha  trestot  jorn  parlât, 

198,  Eluen;  206,  (al  premier),  cf.  v.  197;  207,  vers  obscur. 


164  MANUSCRITS  0E  CHBLTBMHAM 

Non  cuja  aver  dit  mas  foudat  ; 
E  qant  Ta  trames  son  message, 
Et  el  pensa  en  son  corage  : 
((  Las  !  aisol  mandes  solamen, 
230      Ben  sabra  q'ieu  hai  pauch  de  sen  ; 
Jamais  non  virara  sol  Fuel, 
Aiso  se  tenra  az  orguel. 
CatieuM  qe  faras,  sit  forana, 

0  si  tos  messages  t'engana? 
235      0  qe  faras,  si  de  tis  lonja, 

01  messages  te  dis  mensonja  ? 
Ben  saz  q'e[la]  m'escanara, 

(CoL  2.)  E  mon  message  me  batra. 

Non  fara,  qe  tan  es  cortesa, 
240      Ja  non  fara  aital  malesa. 

Caitieu  !  mala  la  vi  enanch, 

Sa  plaja  me  toi  tôt  lo  sanch; 

Bem  pesa  qar  loi  ai  trames, 

Que  SOS  maritz  es  malares. 
245      E  dieus  I  com  aura  vergoinat, 

Si  mon  message  auci  ni  bat  !  » 

Aici  vos  die  :  «  on  nos  estem, 

Ren  non  ama  om  qe  non  tem.» 

[L]arguez[a]f  vos  voell  castiar, 
250      E  sim  fatz  vos  tôt  mon  afar, 

Qe  greu  pot  haver  gran  proesa 

Negtts  om,  si  non  ha  larguesa, 

Ni  causa  no  pot  om  trobar 

Qi  tant  vailla  ad  obs  d'amar. 
255      Mais  nott[s]  cell  qe  vostra  proesa 

Metas  en  orda  cobet[e]sa, 

Niu[s]  cell  qe  dones  largament 

A  neguna  dompna  qes  vent, 

Qe  qant  il  vos  atrai  nius  tira, 
260      Ni  del  cor  ne  prec  en  sospira, 

229,  mandetz;  233,  sit  sorma  (sit  forana  =si  elle  te  chasse?  Ce  mot  man- 
que  dans  Raynouard);  253,  ben;  256,  orba  ;  260,  de  prec  sospira  (prec  a  un 
trait  horizontal  sur  le  c) . 


MAMUSCRIDS  DB  CHBLTBNHAII  165 

Il  non  o  fai  mas  feintament, 
Per  8o  quel  dones  de  Targent, 
El  jois,  qan  cobeesa  ajuda, 
Non  es  res  mas  amor  venduda. 
(  F%  coL  1.)    265Per  q'ieu  vos  prec  qel  fais  sospir 
Nous  puoscan  Faver  escotir  ; 
Mais  qant  veires  donna  de  pretz, 
Digas  li  vos  eissa  en  privetz 
270      Qe,  sil  donas,  il  vos  dara, 
E  de  confundreus  gardara  ; 
E  pueis  dara  vos  largament 
Joj  e  proesa  e  ardiment. 

[D]omneù,  quius  vol  mal  sia  onitz  : 

Per  vos  vai  paubres  drat[z]  garnitz, 
275      E  vai  en  ivern  a  la  bisa 

Qe  non  ha  freig  en  sa  camisa, 

E  conten  se  plus  bellament 

Qe  tais  qe  ha  trop  mais  d'argent. 

E  s'el  es  richs,  el  fara  cort 
280      E  torneiament  e  beort, 

E  parla[ra]  plus  bellament 

Ab  lo  paubre  q'ab  lo  manent, 

Per  so  que  [ja]  chadaus  om  diga 

Ben  de  lui  a  sa  dousa  amiga. 

285      [C]elamens,  vos  es  [ben]  la  flors 
Don  nais  e  creis  lo  joy  d'amors  : 
Vos  non  voles  envei  ni  bruda, 
Ni  ja  donna  no  er  batuda 
Per  re  qe  vos  digatz  en  fol; 

290      Vos  non  li  viratz  sol  lo  col, 

Qant  om  0  ve,  ni  fatz  semblant 
{Col,  2.)  Qe  de  ren  mens  alatz  calant  ; 

E  quant  es  la  sasons  nil  loc(s), 
Vos  fatz  pareiser  vostre  joc(s). 

295      Qan  es  partitz,  cuza  cascus 
Qe  siatz  monges  ou  resclus. 

279,  £  cel;  289,  qi  vos. 


166  MANnSGRITB  DB  CHBLTBNHAM 

Vos  Yoletz  vostre  joi  en  pasz 
Vos  mantenez  joi  e  solasz  ; 
Per  cortesia  e  per  onor, 
300      Vos  doin  la  baneira  d'Amor. 

[D]olsa  Compatna,  fîna  druda 

Es  soven  per  vos  ben  venguda  ; 

E  cela  res  qi  plus  11  platz, 

Son  bel  amie  entre  sos  bratz, 
305      El  baisza  mil  ves  en  la  boca, 

Qe,  qant  sos  bel  cors  alsieu  toca, 

Ella  li  ditz  per  plan  solaz  : 

«  Amies,  enveja  vos  mos  braz.  » 

—  El  li  respon  :  a  Donna,  el  non 
310      Tan  qan  vos  mi  faitz  m'es  tan  bon, 

M'arma,  mos  cors,  so  m'es  avis. 

Es  el  met  luec  de  paradis. 

Bels  amies  coindes  e  joios, 

Se  ieu  ren  vaill,  so  es  per  vos, 
315      Q'anch  Gai  vains  no  saup  re  d'amors. 

Ni  anch  Floris  ni  Blanchaflors, 

Ni  Tamors  Ysolt  ni  Tristan, 

Contra  nos  dos  non  valg  un  gan  ^ 
(/^33,r>,co/.l.)^®llft  donna,  tant  qant  viurai, 
320      Sachas  de  fi  vos  servirai, 

Q'ieunonvoellq(e)'amortni  a  vida 

La  nostra  amors  sia  partida.  » 

E  volrion  mais  esser  mort> 

Q' entre  lor  agues  un  descort. 

325  [P]fnidaria,  vos  es  dons  près, 
Qe  del  castel  las  claus  tenes  ; 
Car  das  qes  aquest  dui  baron 
Vos  adviszon  negun  preszon, 
Qe  lo  metas  en  fuec  d'amor, 

315,  ni  sore  damors  ;  327,  dez  barons. 

*  Cf.  Arnaud  de  Mareoil,  Domna  genser  que  no  sai  dir,  et  la  pièce  du 
même  troubadour  récemment  publiée  dans  la  Revue  des  langues  romanes 
(août  1881),  TarU  m*abelis  em  platz,  v.l46  et  suiv. 


MANUSCRITS  DE   GHBLTBNHAM  167 

330      Gardan  lo  la  nueit  e  lo  zor, 
E  zamais  non  hajon  [nul]  be, 
Tro  lor  donnas  n'ajon  merce, 
(Si)  prenon  donnas  dos  tans  plus  fort, 
Las  conduisetz  trus  q'a  la  mort, 

335      Tro  que  mandon  a  lur  amies 
Qe  non  lor  ajon  cor  enics, 
Qe  fort  fer  deu  om  tormentar 
Las  donnas,  car  se  fan  pregar. 
E  si  chai  venon  amador, 

340      Donnas  ni  drutz  de  gran  valor, 
E  vos  lo[r]  fatz  fort  bel  ostal, 
Asetzes  los  al  deis  rial, 
E  colgas  los  lai  dins  la  tor. 
En  la  mia  cambra  de  flor.  » 

345      [Q]ant  Amors  hac  a  gran  leszer 
(Co/.  2.)  Comandat  e  dit  son  plaszer. 

Las  donnas  Fan  ben  autreiat 

Qe  d'aco  qe  ha  comandat 

Li  faran  de  tôt  son  talan, 
350      Qe  ja  mot  non  traspassaran; 

Mais  de  leis  volrion  saber 

Qal  amor  deu  hom  mais  tener, 

E  preigan  lo^  com  lor  seignor, 

Q'el  las  engart  de  desonor, 
355      Qe,  tant  pros  donnas  coma  son, 

Non  hajon  blasme  per  lo  mon, 

Ni  qe  lor  pretz  ni  lor  valor 

Non  lur  destrua  Fais"  Amor, 

E  qe  lur  diga  soltiment 
360      Per  razon  e  per  jugament 

So  qe  fai  d^amor  a  gardar, 

E  aco  q'hom  en  dei  ostar. 

[S]o  dis  Amors:  «  Bon  conseil  sai 
Na  Cortezia,  q'ieu  vez  lai  ; 


390,  la  nuetit;  333,  vers  obscur;  335,  qz  avec  un  trait  horizontal  au-des- 
sus; 337,  fort  sers;  345,  bacs;  355,  com  ellas  son. 


168  MANUSORIIB   DB  CHEOLTENHàM 

365      Voell  qen  fassa  aquest  jutgament, 

Qe  sab  per  on  monta  e  disent 

Amors.  Ë  qar  sab  ben  q'il  es 

Del  mont  la  plus  adreita  res  ; 

Il  lo  fera  be  ses  engan.  » 
37(i       Cortesia  pleigua  son  gan 

E  [a]doba  se  de  jugar  : 

Qom  certes,  se  fai  pauch  pregar, 
(F%  coL  1.)         Qant  vei  qu'ez  luecs  es  avinents, 

Molt  es  grantz  e  preon  son  sens  ; 
375      Puis  parlet  com  savis  e  pros, 

Gent  fon  auszida  sa  razos  : 

«[S]einors,  per  dreig  e  per  usage 

Deu  Amors  gardar  son  parage, 

Qe  paubrezta  ab  gentilesa 
380      Val  mais  que  orgueill  ab  riquesa, 

Ni  a  sa  cort  non  a(m)  res  at 

Mais  servir  ab  humilitat. 

Eu  vos  o  dirai  breu  e  bon, 

E  breviar  voshai  la  raszon. 
385      Fin'  Amors  [dis]  de  qatre  res: 

La  premieira  es  bona  fes, 

Ë  la  segonda  li  altatz, 

Ë  SOS  afars  si  a  cellatz, 

E  la  terza  si  es  mesura 
390      De  parlar  per  la  grant  tafura, 

E  la  qarta  sapchas  es  sens, 

Ab  q'amors  fai  tots  sos  talons. 

Aquesta  devem  mantener 

E  gardar  de  nostre  poder  ; 
395      Mais  la  falsa  via  bastarsa, 

Qe  sec  la  gent  q'el  fuec  fos  arsa, 

Las  trairitz  e  las  venais, 

Las  cantaritz  els  comunals, 

Que  lor  femmes  (?)  e  lor(s)  amors 
(C0/.2.)   400      Es  tôt  chaitiviers  e  dolors, 

369,  nie  ;  387,  cegona,  avec  un  trait  horizontal  sur  Vo  ;  398,  canzaritz 
las. 


MANUSCRITS   DB    GHBLTEaSHÀM  169 

D'aqellas  non  deven  pariar, 
Mas  qant  solament  de  blasmar. 
Aquest  jutgament  fait  d'amor, 
Dreitz  es  c'om  nol  pot  far  meillor; 
405      E  qi  desdire  io  volia, 

Ben  sapchas  q*ieu  loil  defendria, 
En  rendria  mon  cavalier, 
'   Sin  trobava  encontra  guerier.  » 

[Las]  donnas  han  ben  entend  ut, 
410      E  an  en  lor  cor  retengut, 

Lo  zutgament  e  mes  en  brieu, 

Per  so  que  roblide[n]  plus  greu. 

Amors  lo  lor  ha  sajellat 

Ab  son  anel  d'or  niellât  ; 
415      E  segnet  lo  de  sa  man  destre, 

Met  ii  non  Paradis  terestre. 

La  Cortesa  d'amor  lo  pren, 

En  una  caisa  dousamen 

L'a  mult  bellament  estuzat, 
420.      El  mei  loec  d'un  samis  plejat  ; 

E  dis  als  barons  en  rient  : 

«  Aves  auszit  lo  jutgament 

Qe  adreitaments  an  jutgat; 

Mas — qar  saz  qe  m'en  sabreitz  grat 
425       Vos  dirai  d'amor  de  tal  loc, 

Don  maint  plor  tornaran  en  joc, 
(/^  34,  r°,  coLl.)  E  maint  joc  tornaran  en  plor, 

Q'aital  usatge  han  amador, 

Qe  gai  son  qant  be  lor  estai, 
430      E  qant  han  tant  ni  qant  d'esmai, 

Li  plaint  e  li  plor  eill  sospir 

Lur  adviszon  truesq'al  morir. 

Mas  drutz  q' Amors  vol  conqistar 

Deu  de  mantenent  demonstrar 
435      A  si  donz  son  cor  s'esta[l]via(?), 

S'era  plus  rica  qel  reïna, 

415,  man  désire  ;  435-6,  la  fausse  rime  montre  que  le  premier  vers  est 
corrompu. 


170  MANUSCRITS   DB  GHBLTBMHAlf 

Q'una  non  trobares  en  mil 
Qe  nous  en  tengna  per  gentil, 
Ë  q'el  cor  nous  en  sapcha  grat, 

440      Si  ben  non  fai  semblant  irat, 

Q'il  pensara  :  a  Ges  non  soj  laida, 
Pos  aqest  s'en  vol  metra  en  faida, 
E  molt  faria  que  felnesa, 
S'aquest  gentils  om  de  mi  pensa, 

445      Se  ieu  non  pensava  de  lui, 

Caisse  non  sap  re  mas  nos  dui, 
Q'el  es  coberts  en  son  coratge, 
Q'anch  nonvolgtrametre  messatge, 
Ants  m'o  dis  totz  sols  de  sa  boca  : 

450      Ben  conosch  que  m'amors  lo  toca. 
Ben  ai  pus  dur  cor  d'un  leon, 
S'el  m'ama  ez  eu  no  voell  son  pron; 
E  molt  fazia  gran  pecat, 
(CoL  2.)  S'el  moria  per  ma  beltat  ; 

455      Q'el  non  sembla  ges  traidor, 
Qe,  qan  mi  demonstret  Tamor, 
Mudet  très  colors  en  una  ora, 
Q'el  devenc  pus  vers  d'una  mora  ; 
Aqi  eus  devenc  pus  vermels 

460      Qel  matj  qan  leva  solels  ; 

Aqi  eus  devenc  [tan]  pus  blancs 
Qel  color  li  fugi  el  sancs.  » 
—  Vec  la  vous  entrada  en  consir: 
Adoncs  s'adobe  de  servir 

465      Lo  drutz  ;  e  si  plus  non  Teschai, 
El  li  soplei'  ab  cor  verai, 
E  digua  q'il  o  puosca  auszir, 
E  fasa  semblant  de  morir  : 
«  Donna,  ben  vous  dei  adorar 

470      Per  la  gran  beltat  q'en  vos  par, 
El  tera  es  santa,  q'ieu  o  sai, 
Qar  anc  sostenc(s)  vostre  cors  gai.» 
E  las  lacremas  iescan  for, 

439,  uosis;  440,  sai  ;  451,  dru;  467-8, ces  deux  vers  semblent  interverti. 


MANUSCRITS  DB  GHELTENHAM  171 

Per  so  quel  puesca  embla  r  locor  ; 
475      £  giet  s'als  pes  de  genoilos 

E  digua  :  «  Dieus,  reis  glorios, 

Salva  mi  dons  la  gran  proesa  1 

Ë  la  beltat  q'en  lei  s'es  mesa, 

E  voillatz  q'el  haza  merce 
480      Del  caitiu  qe  vez  denant  se. 
■   l^°,  coL  1.)        Dompne  Dieus  e  merces  mi  vailla  ! 

Gitas  me  d'aquesta  batailla. 

Non  yezes  que  denant  vous  mor, 

L'uel(s)  mi  volon  saillir  del  cor, 
485      Tant  vos  hay(z)  cellada  Tamor. 

Mais  s'un  pauch  d'aquesta  dolor 

Sentis  lo  vostre  cors  certes, 

Ben  sai  que  mi  valgra  merces. 

Las  !  qu'  hai  dit  ?  Be  fas  a  blasmar; 
490      Bella  dompna,  Dieus  vous  enguar 

Que  za  per  mi  laisor  color 

Vezas  en  vostre  mirador: 

De  me  non  podes  haver  tort. 

Mais  Toill  traidor  que  m'an  mort 
495      Veiramen  son  ill  traidor  ; 

Mais  aimon  nous  que  lor  seinor, 

Mais  ill  se  raszonon  vas  me 

Q'enquera  mi  fares  gran  be, 

Que  tan  bel  cors  com  m'han  mostrat 
500      No  fo  anch  ses  humelitat. 

Dompna,  aisi  soi  per  Tasajar, 

Ab  un  mot  mi  podez  rie  far, 

Que  sol  que  m'apelletz  amie, 

Vas  mi  son  paubre  li  plus  rie.  d 

505      [La]  dompna  responda  causida  : 
«  D'una  re  non  soi  ges  marrida, 
Q'al  mieu  semblant  be  fora  mesa 
{Col.  2.)  En  voz,  sill  cor  al  re  no  pe(n)sa 

L'amors  de  meillor  qu'eu  non  soi  ; 

510      Mais,  sieus  o  die,  no  voz  enoi, 

481,  Dompna  ;  489,  que  hai. 


172  MANUSCRITS  DB  CHBLTQNHAM 

Ni  me  perpens  que  vous  dirai 
Ab  altra  voz,  quan  vos  verai  ; 
Que  vous,  drutz,  quan  vos  es  jauszit, 
Metes  las  dompnas  en  ublit, 

515      E  tota  dompna  fora  druda, 
Si  non  fos  per  aquella  cuda. 
A  altra  vez,  nous  veiren  be 
Ëz  el  mez  membre  vous  de  me, 
Queus  farai  de  vostre  plazer 

520      Quem  plaira,  sim  venes  vezer.  » 
Que  pro  ha  drutz  ab  donnejar 
De  si  dons  et  ab  gen  parlar  ; 
"E  quant  Ta  un  lonc  temps  servit, 
El  baisa  ben  la  en  riquit; 

525      Qel  menre  amors  que  si  dons  fassa 
A  son  drut,  es  qant  vol  que  jiassa, 
Que  drutz  de  si  dons  aidzinatz, 
El  deve  vilas  e  malvatz, 
E  ublida  se  de  donar^ 

530      De  servir  e  dar  mas  portar. 
E  si  lo  vol  tener  vaillent, 
Ab  respeig  lo  fasa  jausent; 
E  qant  li  dara  son  bel  don, 
Fassa  aquel  [11]  sapcha  tan  bon, 
(f^35,r°,co/.l.)Que,  qantTaura  entre  sosbraz, 

536      El  non  cug  que(l)  sia  vertatz. 
Aiso  queron  li  drut(z)  leial  : 
Qui  pus  en  demanda  fai  mal. 

[A]pres  aqist  hom  convinent, 
540      Conve  q'il  tenga  sor  cor  gent, 
E  que  se  gart  de  fol  parlar, 
Q'hom  non  puesca  en  lui  re  blasmar; 
E  d'una  causa  sia  tricx: 
S'es  paubre  que  se  fengua  ricx, 
545      Q'ab  un  petit  de  bel  garnir 
Pot  hom  sa  paubreza  cobrir; 

525,  si  dompna;  533,  so  avec  le  sigle  de  os  sur  Vo;  534,  oqael. 


MANUSCRITS  DB   GHELTBNHAM  173 

E  gard,  dom(m)entre  q'er  iraz, 

Sa  dompna  nol  veja  en  Tafaz  ; 

Q[e]  totz  hom,  men[tre]  q'es  joios, 
550       N'es  trop  plus  bella  sa  faisso(n)s. 

Als  messages  de  sa  maison 

Serva  e  prometa  e  don, 

Qels  acuella  plus  bellament 

Qe  s'eron  sei  privât  parent, 
555      Per  so  que  sa  dompna  la  bella 

Aja  de  lui  bona  novella, 

E  haja  message  certes  ; 

Mais  gart  que  hom  non  sia  ges, 

Que  miels  dis  dompna  son  talent 
560      A  fem(i)na  que  ad  autra  gent. 

E  fassa  a  si  dons  cembel, 
(Co/.  2.)  Manjas  e  cordon  et  anel. 

Que  tuit  sabem  ad  esient 

Q'amistat  creis  per  lausiment. 
535      Vj  una  causa  non  oblit, 

Ausen  leis  lause  son  marit, 

E  digua  que  molt  fora  pros, 

Si  non  fos  un  petit  gilos  ; 

E  s'ill  s'en  blasma  tant  ni  qant, 
570      Cel  li  pot  be  dir  al[tre]tant  : 

«  Dousa  dompna,  fei  qu'ieu  dei  Deu; 

Vous  lo  conoissetz  mielz  que  eu  ; 

Mais  totz  temps  creirai  qu'el  es  pros, 

Qar  Dieus  vole  ait  en  qu'es  a  voz.  » 
575      E  anso  ven  lai  on  estai, 

E  si  per  aventura  eschai 

Qu'el  Tatrob  sola  mantenent, 

La  bais  e  Tembraspe]  sovent  ; 

E  sill  se  suffre  à  forsar, 
580      Prenda  son  joi  ses  demorar.' 

Or  dompna  vol  per  dreita  escorsa 

Q'hom  li  fasa  un  petit  de  forsa,, 

Q'ill  no  dira  ja:  «  Faces  m'o  »; 

560,  belle;  563,  Cacuella;  566,  avia;  561,  ci;  564,  lausimet ;  573,  que  les. 

14 


174  MANUSCRITS  DB  CHSLTBOmAM 

Mais  qui  la  força,  sofris  o. 

585      Soven  deu  a  si  dons  parlar, 
Si  pot  o  de  loing  esgardar, 
E  mostre  semblant  cellador, 
Q'ill  sapeha  qu'el  viu  de  s'amor  ; 
(  F",  coL  1.)         Enaisi  deu  son  joi  noirir 

590      Drutz  que  d'amor  se  vol  jausir. 

[La]  dompna  que  vol  esser  druda 
Deu  enansi  esser  tenguda, 
Con  gentils  om  se  dona  soin 
Del  sparvier,  qant  Ta  en  son  poin, 
595      Que  garda  quel  plu(s)ma  non  fraina; 
Deu  ill  gardar  que  non  remaina 
En  sa  cara  q'il  desconveigna, 
Mas,  tota  causa  qez  aveigna, 
Noi  meta  causa  que  i  nosa  ; 
600      Mais  be  pot  gitar  aigua  rosa, 
Que  quil  baisza  per  gran  dousor 
Cug  q'haja  l[o]  cors  plende  flor. 
De  si  meteissa  sia  gilosa, 
Tant  vol  esser  coinda  e  ginnosa, 
605      Que  tota  dompna  es  bella  e  cara, 
Ques  ten  cointamen  et  esgara, 
'    E  es  de  tôt  en  tôt  perduda, 
Si  car  e  gent  non  es  tenguda. 
E  loing  sapchon  retener  grat 
610      D'aco  q'il  aura  esgardat  ; 
Ab  vertat  e  ses  tricaria, 
Demostro  bella  compainia, 
E  ill  paresca  sotz  la  gimpla 
G[au]dire,  cortetsa  e  simpla  ; 
615      E  qui  ven  a  lois  cortejar, 
{Col.  2.)  Sapeha  gen  respondr'  e  parlar  ; 

E  gart  per  plana  gentilesa 
Que  no  diga  mot  de  malesa, 
Ni  de  folia  ni  d'orgueil  : 
620      Qui  gent  parla  semena  e  cuell  ; 

584,  sofre  so  ;  593,  dompna  ;  599,  no  iemeta  ;  601,  qui  la  ;  606,  que  s 


5]  l'.LtiJ  .lut}*  *  ir*nî  rtj  jt  4^a\ 
•Sîf      JLJ  'ïïf ira;:  *  ««  'rvr.iruik 

S  mj3l  rksi  irei^  f»  jiA  icr$\ 

<535      El  saTidΣ^ai:«rs>a$i  n$$^ 

Moh  es  Totscre  cors  de  joi  pl*s; 
Moh  sabes  mes%£l;ur  coiai^àiih^ii 
Coftesda,  foadat  mb  sen*  A 

El  orgueil  mb  bomililat* 

640      Ancbeîs  bauriboii  lait  privât 
Un  roissinol,  c*om  to8  mv^es^ 
Par  ni  dir  quensdesconTeiges. 
(F*36,r*,  coLl.)  Yostre  dit  ban  aitan  d'onor, 

L^nn  son  bon  e  lantre  meiUor*  » 

645      [E]  son  amie  non  tricha  ges, 
Nil  digua  mais  so  qne  yers  es. 
Que  dompna  e  polpra  e  samit 
Trobares  al  ques  d'un  aquit, 
Que  la  porpra,  pois  es  solada, 

650      Non  pot  esser  jamais  gensada, 
On  plus  la  non  la  i  sez6s(?), 
E  dompna,  puis  engans  i  es, 
N'i  pot  esser  d^engan  represa, 
Jamais  non  pot  esser  oortosa  ; 

655      Ni,  pus  com  pot  estain  durar, 
Non  pot  jamais  son  prez  oobrar. 
EiU  cabeill  ssion  coindament 

62Bj  gars;  626f  et  coindia;  642,  que  vos. 


176  MANUSCRITS  DB  CHBLTBNHAM 

Estretz  ab  fil  d'aur  o(n)  d'argent  ; 
Une  sotilleta  garlanda 
660      Gart  q'uns  pel  front  no  sen  espenda, 
E  sion  per  plana  gardât 
Ab  vel  de  porpra  e  de  cendat, 
Mais  un  sol  petit  c'om  en  veja 
Qel  mons  digua  de  fina  enveja  : 
665       «  Ben  ha(n)  Tonor  e  la  proesa, 

Dompna,  del  mon  qi  vos  adesa.  » 
E  anon  droit  e  per  un  fil, 
E  coindament  sion  sotil 
Li  sobrecil  sotz  lo  bel  front  ; 
{CoL  2.)  070      Lo  mentonet  bel  et  redont, 

Las  dents  paucas  e  menudetas. 
Bel  nas  et  bocas  vermelletas, 
Ben  faitas  ad  obs  de  baisar, 
Oui  Deus  volria  tan  onrar  ; 
%  675      Blanc  col,  e  port(e)  sas  bellas  mans 

En  gans,  que  nos  veza  vilans  ; 
Bella  borsa,  bella  centura, 
Com  s'era  tôt  fait  en  peintura  ; 
£  paresca  bella  e  delgada 
680      Sotz  la  bella  boc[lla  daurada. 
D'una  re  se  deu  donar  cura, 
Com  Teste!  be  savestidura: 
Gent  vistent  (?)  e  gent  afublans, 
Amorosa  en  totz  son  sembia[n]3. 
685      Bel  sion  li  vestit  defors, 
La  camisa  que  tocal  cors 
Sia  bella,  sotils  (s)e  blanca, 
Col  neus  en  ivern  sor  la  branca. 
Gent  se  cals  e  gent  port  sos  pes  ; 
690      Can[t]  [es]  ab  dompnas  de  gran  près, 
Am  gentils  ornes,  qi  qen  gronda, 
Parle  gent  e  digua  e  responda. 
La  gimpla  non  sia  ges  mesa 
El  cap  a  guisa  de  pagesa, 

658,  sil  daur;  662,  e  volt  de;  6*79,  dolguda  ;  688,  uuern. 


XàlîOSCRnS  DB  GHBLTBNHAM  177 

6d5      Am^s]  sîa  coindamen  pausada,* 

Sobre  las  bellas  crins  planada; 
(  V^,  coL\S)  E  si  deu  anar  en  coasa {?), 

D^un  cordonet  daurat  la  fasa  ; 

Que  Taurplpel  e  li  boton 
700      Rescemblon  tuit  d'una  faison. 

Gent  si  tengua,  sovent  se  baiu^ 

Eab  nedesa  s^acompain  ; 

Yes  (tôt)  lo  mon  cuberta  e  cellada, 

Mais  son  amie  sia  aizinada, 
705      Quant  sera  luecs  ni  d'avinent. 

Eu  haz  ben  dig  al  parlament 

So  que  li  bon  drut  tenran  car, 

E  faral  gilos  enrabchar.  » 

[Cjortesia  ditz  :  «  Dompn[a]  pros, 
710      D'aiso  m'acort  en  ben  ab  vos. 

Que  molt  es  gQos  en  gran  pena, 
Que,  s'el  bat  sa  moiller,  forsena. 
Adoncs  pens'ella  :  ce  Ar  amarai, 
Pois  atrestant  de  blasme  i  bai.  a 
715      E  puis  c'ave  tôt  entr[es]ait 

Que  dis  :«  Mais  esma,  part  e  fait  » , 
Cel  la  baisa  e  la  percola, 
Adons  la  destrui  e  Tafola. 
Q'ella  pensa  :  «  Molt  m'aima  fort, 
720      Ben  sufriria  dreig  e  tort,  » 
Per  nient  serion  gellos, 
Batre  ni  blandir  n'es  ges  bos  ; 
Mais  lais  lor  on  anarlor  pe, 
{Col.  2.)  E  venjalui  bonamerce.  » 

725      Amors  aiso  qel  ven  agrat, 
E  ha  devant  se  esgardat, 
E  vi  Merce venir  corrent, 
Que  volg  esser  el  parlament. 
E  quan  Tan  vista  li  baron 

702,  so  compain  ;  714,  ei;  716,  es  ma  parte  fait  (ce  vers  m'est  obscur);  717, 
perdola;  722,  n  {surmonté  d'un  trait);  725,  qls,  avec  un  trait  sur  /e  q;  il' 
faut  sans  doute  admettre  avaot  ce  vers  une  lacune  de  deux  vers. 


178  MANUSCRITS  DE  CHBLTBNHAM 

730      No  i  a  cel  non  sapcha  bon, 

Montpolsa  son  cavallo  flancs, 
Per  un  pauc  que  non  es  [ejstancs  : 
Aquest  tramonto  Tamador 
Per  faire  clam  a  Fin'Amor 
735      De  las  dompnas,  des  cominals, 
Molt  cuitas  c'a  tost  li  vasals 
Atant  es  a  cort  desendutz. 
Tuit  diçon:  «Ben  siaz  vengutz.  » 
E  el  respon  kcE  Deu[s]  sal  vos, 
740      Amors,  e  tots  vostre  baros, 

E  confonda  aquiels  qes  eu  vei, 
La  cobezesa  ez  orguei, 
Q' entre  c'  aici  m'an  encausat, 
A  qant  loncs  temps  m'an  trabaillat  î 
V45      Amors,  tôt  lo  mont  han  délit 
Dompnas,  vos  an  mes  en  oblit, 
Qe  s'era  fils  d'emperador, 
Ses  paupre  gens  non  a  d'amor  ; 
Mais  aqell  es  onratz  ses  failla, 
750      Que  promet  lor  diniers  ei[s]  bailla  ; 
(/^37,  r^,coLl.)E  qant  ha  lo(r)s  diniers  pagat, 
El  fausa  los  ha  estuchat. 
Il  dis  :  «Enqer  non  es  saso(n)s, 
Autra  ves  trametren  per  vos  »; 
755      E{1)  ten  l'en  aquellabalansa 
E  confont  la  bona  esperansa  ; 
E  qant  non  ha  plus  que  donar, 
Il  lo  gaba  e  laissa  Testar. 
L'orgoilosza,  oui  Deus  abata, 
760      Qant  vei  lo  mantel  d'escarlata, 
E  lo  var  e  lo  cenbelin, 
La  pois  que  mena  lo  train, 
LafiUa  d'un  villan  caitiu 
Vos  fara  de  mil  drutz  esqiu. 
765      E  Amors  deu  esse  umils. 

On  plus  es  rica  e  plus  gentils  ; 

736,  li;747,  cera;  750,  los. 


MANUSCRITS  DB  GHELTENHAM  179 

E  s'ep  filla'd'un  cavaler, 

£  negas  autra  om  Tenqer, 

Ela  dira  :  a  Ges  nom  eschai  ; 
77Q      Ne  ja  vilan  non  amarai.  » 

E  fai  pecat  s*enaisi  (i)clama, 

Que  totz  om  val  lo  rei  qez  ama. 

Aici  intrameton  Tamador 

Que  vos  regardetz  lur  dolor  ; 
775      Per  vos  son  mort  et  enganat , 

De  lor  avetz  torts  e  pecatz  ; 

E  fares  mal  vostra  fasenda, 
(^Col.  2.)  Si  de  vos  non  han  bella  esmenda  ; 

E  c'om  digua  q'a  bon  signer 
780      Han  servit,  membre  vos  de  lor. 


780,  membreus. 


(A  suivre.) 


Dialectes  Modernes 


KATLANTIDE 

Lors  delà  publication  de  rAtlantida,  le  chef-d'œuvre  le  plus 
complet  jusqu'à  ce  jour  de  la  littérature  de  Catalogne,  la  Re- 
vue des  langues  romanes  annonça  brièvement  le  succès  et  l'im- 
portance du  poëme;  il  nous  a  semblé  qu'il  convenait  d'insister 
et,  dans  un  travail  de  quelques  pages,  de  mettre  au  courant  de 
cette  œuvre  ceux  que  des  études  plus  abstraites  ou  d'un  at- 
trait moins  immédiat  et  moins  général  absorbent  tout  entiers . 

L'abbé  Verdaguer,  qui  est  un  des  collaborateurs  de  la  Bé- 
vue dont  nous  recevons  l'hospitalité,  n'a  point  débuté  par  ce 
grand  eflEbrt  lyrique.  S' exerçant,  même  lorsqu'il  s'asseyait  en- 
core sur  les  bancs  de  l'Université  de  Barcelone,  à  des  jeux 
poétiques  bien  indignes  de  sa  gloire  présente,  couronné  main- 
tes fois  aux  Jeux  Floraux,  présenté  à  Frédéric  Mistral  comme 
l'un  des  jeunes  étudiants  qui  donnaient  les  plus  belles  espé- 
rances, il  était  resté,  s'il  faut  l'en  croire,  un  peu  villageois 
et  un  peu  rustique  sous  l'enveloppe  d'érudition  qui  voilait 
son  génie.  Un  jour,  enfin,  il  dépouille  ses  souvenirs  de  viga- 
tan*  :  sa  santé  ébranlée  le  contraint  à  voyager  loin  du  vallon 
natal.  Brusquement,  les  montagnes,  qui  lui  cachaient  le  monde 
et  ses  phénomènes  naturels,  disparaissent  à  ses  yeux:  seul, 
sur  cette  mer  sans  fin,  sur  cet  océan  sans  bornes,  il  songe  au 
passé  du  gouffre  qu'il  traverse.  Les  théories  de  Platon,  les 
réminiscences  du  mystique  Nieremberg,  charment  son  ima- 
gination. Son  sujet  est  trouvé  :  il  redira  la  catastrophe  qui  dé- 
truisit le  continent  mythique  chanté  par  Selon,  ouvrit  les  co- 
lonnes d'Hercule,  découpa  la  côte  Atlantique,  fit  sortir  la 
Grèce  du  sein  des  flots,  renversa  l'orgueil  des  Titans  et  ruina 
leur  tour  gigantesque.  A  la  Havane,  il  s'approche  du  tombeau 
de  Colomb  et,  sur  la  dernière  couche  de  ce  héros,  qui  donna 

*  M.  Verdaguer  est  né  à  Vich. 


l'aTLANTIDB  181 

an  inonde  àFEspagne  et  ne  put  obtenir  d'elle  un  monument 
digne  de  son  génie,  il  rêve  de  couronner  son  poëme   par  une 
large  échappée  sur  les  destinées  de  ce  continent  que  TAtlan- 
tide,  comme  un  pont  d'or,  unissait  à  l'Europe . 

Le  sujet,  par  cela  même  qu'il  était  d'une  grandeur  déme- 
surée, présentait  des  dangers  multiples:  c'était  d'abord  la 
disproportion  du  cadre  à  l'action.  Au  milieu  de  cette  nature 
chaotique,  quels  êtres  faire  vivre  et  agir  qui  ne  fussent  trop 
petits  ?  Il  fallait  des  géants  ;  mais  les  géants  ne  sont  plus  des 
hommes,  et  les  monstres  n'intéressent  pas  longtemps.  Tous 
ces  personnages,  qui  n'ont  rien  d'humain  que  la  parole,  dont 
le  cœur  est  un  abîme  de  vertus  et  de  vices  mêlés  en  amalgame 
confus,  n'ont  point  le  charme  des  héros  d'une  Mirèt'o  ;  mais  à 
ces  défauts,  qui  sont  ceux  des  épopées  indoues,  s'opposent  des 
qualités  que  M.  Y.  a  multipliées  dans  les  pages  de  son  poëme. 
Avec  son  art  de  peindre  la  nature  à  larges  traits  et  à  grands 
coups  de  pinceau,  il  la  fait  palpiter  sous  nos  yeux,  vivante 
sans  réalisme  outré:  elle  seule  nous  captive,  et  c'est  à  cette 
cataracte,  à  cette  houle,  à  cet  incendie,  à  cet  écroulement, 
que  nous  nous  attachons  avec  un  attrait  qui  tient  plus  de  Tad- 
miration  et  del'éblouissementque  de  l'intelligence  absolue  du 
détail. 

L'expression  est  digne  du  sujet  ;  grandiose,  elle  aussi,  d'un 
goût  point  toujours  très-sévère,  d'un  coloris  étrange,  mais  qui 
semble  convenir  à  cette  nature  antédiluvienne;  car  Mistral  a 
trouvé  l'expression  juste  en  comparant  VAtlantida  à  ces  mons- 
tres reconstruits  par  Cuvier.  Ce  que  le  naturaliste  avait  fait 
scientifiquement,  M.  V.  l'exécute  dans  le  domaine  de  la  littéra- 
ture, avec  une  force  de  poésie  qui  arrache  toutes  les  sympa- 
thies et  rend  ses  inventions  vraies,  alors  qu'elles  ne  sont  que 
vraisemblables. 

De  l'idiome,  je  ne  veux  rien  dire.  On  ne  peut  juger  une 
œuvre  à  ce  point  de  vue  que  dans  le  pays  même  où  elle  fut 
effrite,  ou  bien  par  une  puissance  de  savoir  que  je  ne  possède 
pas.  On  dit  en  Catalogne  que  la  langue  de  VAtlantida  est  l'idiome 
le  plus  purde  toute  intrusion  d'éléments  étrangers,  le  plus  con- 
forme à  l'antique  tradition  de  son  génie.  De  là  vient,  ajoute- 
t-on,  les  hésitations  de  ceux  qui  parlent  le  catalan  abâtardi  des 
Barcelonais. 


182  l'aTLâNTIDB 

Je  vais  copier  ici,  ne  pouvant  analyser  tout  le  poëme,  les 
strophes  qui  décrivent  F  Atlantide  quelques  heures  avant  la  ca- 
tastrophe fatale: 

No  hi  hà  sorrenques  vores,  ni  rônegues  carènes, 
Tôt  l'herba  ho  encatifa  rosada  à  bla  ruixim, 
Gronxanthi  entre  lianes  de  nuadisses  trenes 
La  palma  escabellada  son  ensucrat  rahim . 

Encinglantse,  la  cabra  esbrota  un  olm  menjivol 
Des  de  un  cayrell  de  timba  penjada  sobre  '1  riu, 

Y  Ifl  bissonts  s'arramadan  ab  ayre  germanivol 
Dels  Uimoners  y  mangles  al  régalât  ombriu. 

Lo  Pyrineuy  l'Atlas,  titâniques  barreres 
Ab  que  mura  rAltissim  dos  continents  fronters, 
Agermanats  embrancan  aquî  ses  cordillères, 
Dant  al  condor  neus  altes,  al  ros&inyol  vergers. 

Cervos  gegants  rumbejan  ses  banyes  d'alt  brancatge 
Que  pren  Taucell  per  arbres  d'exelsa  magnitut  ; 
Astora  les  gaceles  lo  mastodont  selvatje, 

Y  als  mastodonts  esglaya  lo  corpulent  mammuth. 

Semblava  que,  géloses,  del  mon  â  la  pubilla 
Europa  y  Libia  dassen,  com  noys  petits,  lo  bras, 

Y  que  ella  al  foch  del  geni,  estel  que  al  front  li  brilla, 
Amunt,  per  la  escalada  dels  segles,  les  guiâs. 

Il  n'y  a  ni  plages  sablonneuses,  ni  collines  vagues  ;  l'I^erbe  mouillée 
d'une  tiède  rosée  couvre  tout,  et  le  palmier  échevelé  balance  entre  des 
lianes  aux  tresses  flexibles  ses  grappes  sucrées. 

En  grimpant,  la  chèvre  broute  un  orme  savoureux,  au  bord  d'un 
précipice,  suspendue  sur  la  rivière,  et  d'un  air  de  frères,  les  bisons  s'y 
groupent  à  l'ombre  délicieuse  des  citronniers  et  des  mangliers. 

Les  Pyrénées  et  l'Atlas,  barrières  titâniques  par  lesquelles  Dieu 
mura  deux  continents  frontières,  y  abouchent  leurs  cordillières  sœurs, 
donnant  au  condor  des  crêtes  neigeuses,  au  rossignol  des  vergers. 

Des  cerfs  géants  portent  fièrement  des  bois  si  hauts  que  l'oiseau  les 
prend  pour  des  arbres  d'une  grandeur  supérieure  ;  le  mastodonte  sau- 
vage effarouche  les  gazelles,  et  le  naammouth  corpulent  épouvante  les 
mastodontes. 

Il  semblait  que,  jalouses,  la  Lybie  et  l'Europe,  comme  des  fillettes, 
donnaient  la  main  à  l'héritière  du  monde,  et  que  celle-ci,  à  la  flamme 
du  génie,  étoile  qui  brille  sur  son  front,  les  guidait  pour  gravir  l'esca- 
lier des  siècles. 


L  ATLANTIDE  183 

Guadiana,  Duero  y  Tajo  que  l'or  y  plata  escolan 
Vessants  de  les  planicies  d'Iberia  àgrossos  dolls, 
Per  llits  de  pedres  fines  aDgiiilejant  rodolan, 

Y  dauran  y  perlejan  deveses  yayguamolls. 

Ab  libîques  rieres  s'aplegan  en  Uurs  vies, 
Ab  lo  Riu-d'-or  capdella  ses  aygues  lo  Genil, 

Y  si  du  aqueix  de  Bètica  rumors  y  mélodies, 
Dunhi  l'altre  de  Costa  de  Palmes  y  Marfil. 

Vestida,  enmirallantshi,  de  pôrfir  y  de  marbres, 
Entre  *ls  dos  nus,  com  fêta  de  borrallons  de  neu, 
Mitx  recolzada  al  Atlas  y  à  Tombra  de  ses  arbres, 
Del  Occident  cofada  la  Babilonia  seu. 

Alla  d'allâ,  per  entre  falgueres  ge^antines, 
De  SOS  menhirs  y  terres  blanqueja  Tample  front, 
De  marbres  sobre  marbres  pirâmides  alpines 
Que  volen  ab  llurs  testes  omplir  lo  cel  pregon. 

De  808  inmensos  règnes  la  mar  no  ha  vist  Tamplaria, 

Y  dormen  tots  à  Fombra  del  seu  gegant  escut  ; 

Y  Tângis,  Casitérides,  Albion,  Thule  y  Mel-laria 
Per  cada  riu  envianlibarcades  d'or  batut. . . . 

Los  cînamoms  â  rengles  y  poncemers  altlvols. 

Le  Guadiana,  le  Douro  et  le  Tago,  qui  absorbent  For  et  l'argent, 
coulant  à  gros  bouillons  des  plaines  dlbérie,  serpentent  comme  des 
anguilles  sur  des  lits  de  pierreries,  dorent  et  emperlent  les  prés  et  les 
marais. 

En  leur  cours,  ils  se  joignent  aux  fleuves  de  Lybie  ;  le  fleuve  d'or  et 
le  Génil  mêlent  leurs  eaux,  et,  si  l'un  apporte  les  rumeurs  et  les  mé- 
lodies de  la  Bétique,  l'autre  lui  en  amène  de  la  côte  de  Palmes  et 
*  d'Ivoire. 

Comme  formée  de  flocons  de  neige,  vêtue  de  porphyre  et  de  marbre, 
entre  les  deux  fleuves  et  s'y  mirant,  à  demi  couchée  sur  FAtlas  et  à 
l'ombre  de  ses  arbres,  s'assied  l'orgueilleuse  Babylone  de  l'Occident. 

Dans  le  lointain,  entre  de  gigantesques  fougères,  blanchit  le  large 
front  de  ses  menhirs  et  de  ses  tours,  pyramides  alpestres  de  marbres 
sur  marbres,  qui  de  leur  cime  prétendent  envahir  le  ciel. 

La  mer  n'a  jamais  vu  l'immensité  de  ses  vastes  royaumes,  et  tous 
dorment  à  l'ombre  de  son  écu  géant;  et  Tangis,  Cassiterides,  Albion, 
Thulé  et  Mellaria,  lui  envoient  par  chaque  fleuve  des  batelées  d'or 
battu. . . . 

Les  cinnamomes  en  files  et  les  cèdres  altiers,  fléchissant  sous  le 


184  L  ATLANTIDB 

Al  dois  pes  ajupintse  de  llur  novella  flor, 

De  dos  en  dos  s*acoblan,  en  porxes  verts  y  ombrivols, 

Hont  guayta  '1  rai  g  de  Talba  per  reixes  de  fruyts  d  or. 

Los  cirerers  s'hi  gronxan,  de  flors  viventes  toyes 
Ahont  vessaren  tota  saflayre  Maig  y  Abril, 

Y  '1  fruyt  ja  bermelleja  fent  goig,  entre  les  joyes 
Que  s'enfila  â  penjarhi  d'un  cep  toria  gentil. 

Rieronets  hi  lliscan  y  fonts  arruixadores, 
Llurs  aygues  adormintse  sovint  entre  les  flors, 
Mentre  eixes  mitx  desclouhen  los  Uabis  à  ses  vores 
Per  dar  à  les  abelles  lo  nectar  de  sos  cors. 

Los  brolladors  escupen  un  riu  per  brochs  de  marbres, 

Y  esbrinadîs  al  ploure  lo  ram  de  fos  argent, 
Jugant  l'iris  corona  lo  cimeral  dels  arbres, 

Y  's  veu  entre  ses  tintes  mes  blau  lo  firmament. 
Cascades  mil  esqueixan  ses  ones  de  bromera 
Per  esgrabons  de  pôrfir  y  balmes  de  cristall, 

Y  estols  de  blanques  ninfes  desfan  sa  cabellera 
Pels  remolins  d'escuma,  seguintlos  riu  avall. 

Pels  riberenchs  herbatges,  corn  un  ruixat  de  perles, 
Festivol  saltirona  l'aucell  del  paradis, 

poids  de  leur  floraison  nouvelle,  s'accouplent  deux  à  deux  en  porches 
verts  et  ombreux,  où  le  rayon  de  l'aube  guette  par  le  treillis  des  fruits 
d'or. 

Les  cerisiers  se  balancent, 'vivants  bouquets  de  fleurs,  où  Mai  et 
Avril  versèrent  toutes  leurs  senteurs,  et  déjà  le  fruit  rougit  à  faire 
plaisir  entre  les  joyaux  que  d'un  cep  la  vigne  superbe  vient  y  sus- 
pendre. 

Ruisselets  et  fontaines  y  sourdent  :  souvent  ils  endorment  leurs  flots 
entre  les  fleurs,  tandis  qu'elles  entr'ouvrent  sur  la  rive  leurs  pétales 
pour  donner  aux  abeilles  le  miel  de  leur  cœur. 

Par  des  bouches  de  marbre,  les  sources  rejettent  un  fleuve  en  jet 
d'eau,  et,  tandis  que  le  bouquet  d'argent  liquide  se  dissout  en  pluie 
menue,  l'arc-en-ciel,  en  se  jouant,  couronne  la  cime  des  arbres,  et  en- 
tre ses  nuances  l'on  entrevoit  le  firmament  plus  bleu. 

Mille  cascades  brisent  leurs  flots  écumants  sur  des  escaliers  de  por-. 
phyre  et  dans  de*grottes  de  cristal,  et  des  pléiades  de  blanches  nym- 
phes détnessent  leurs  cheveux  dans  les  tourbillons  d'écume  qu'elles 
suivent  au  gré  du  courant. 

Parmi  les  herbes  de  la  rive,  comme  une  pluie  de  perles,  sautille 


l' ATLANTIDE  185 

Oushi  glosar  joyosos  sinsonts  y  esquives  merles, 
Y  à  estones  gemegarhi  lo  tort  anyoradîs. 

Voilât  une  description  pleine  de  couleur  et  de  vie  que  nous 
empruntons  au  deuxième  chant  du  poëme  ;  les  autres  parties 
ne  sont  pas  moins  brillantes.  L'espace  nous  étant  mesuré,  nous 
ne  pouvons  citer  ni  le  récit  de  T Atlante  assassin,  qui  est  une 
ode   d'un  souffle  très-puissant  ;  ni  la  romance  d'Isabelle,  qui, 
d'ailleurs,  est  à  peu  près  intraduisible  ;  ni  tout  le  chant  de  la 
naissance  de  la  Grèce,  œuvre  sculpturale,  taillée  dans  le  mar- 
bre de  Paros.  Il  est  aussi  un  côté  du  talent  de  M.  V.  que  nous 
devons  mettre  en  lumière  :  c'est  sa  facilité  à  toucher  aux  su- 
jets grandioses,  comme  s'il  lui  était  tout  naturel  d'exprimer 
des  idées  surhumaines.  Je  n'en  veux  pour  exemple   que  ces 
pages  de  la  Cataracte  (chant  V),  dont  je  ne  donne  qu'une  pâle 
traduction  : 

<x  Le  Calpé  n'a  pas  plutôt  cédé  à  l'impulsion  des  flots,  que 
par  cette  porte  ils  se  précipitèrent  en  cascade,  mugissant 
comme  des  fauves,  et  à  chaque  bras  de  sierra  que  la  vague 
pelotonne  avec  elle,  le  goufre  pour  l'engloutir  ouvre  plus  large 
sa  gorge. 

»  Un  enfant  s'écrie:  —  Qu'est-ce  qui  descend  en  troupeau 
de  Gibraltar  ?  Ce  ne  sont  pas  les  agneaux  qui  venaient  paître 
les  pousses  nouvelles  :  ce  sont  des  monstres  rugissants,  les 
crins  hérissés  :  ma  mère  !  ô  ma  mère  chérie  !  ils  vont  nous  écra- 
ser tous. 

»  Tous!  répète -t- elle,  cette  parole  me  brise  le  cœur:  viens 
dans  mes  bras,  mon  flls,  la  fuite  est  inutile.  Fuyez,  fuyez  vous 
autres,  oiseaux  qui  avez  des  ailes  ;  moi,  j'attends  ici,  avec  qui 
j'aime  le  plus,  qu'ils  viennent  me  dévorer. 

»  Le  Volga,  le  Rhône,  le  Gange  et  cent  autres  fleuves  avec 
leurs  sables  et  leurs  quartiers  de  rocs,  semblent  s'abîmer  ici 
en  tourbillons  confus  ;  ainsi,  ténébreuse  éternité,  sans  limites 
et  sans  fond,  ainsi  tu  engloutis,  famélique,  les  générations  et 
les  siècles. 
»  Et  ils  s'entassent,  et  ils  reculent,  et  ils  s'abîment  comme 

gaiement  Toiseau  de  paradis:  Ton  entend  glousser  les  joyeux  sanson- 
nets et  les  merles  craintifs,  et  le  tourdre  plaintif  gémir  par  intervalles. 


186  L*  ATLANTIDE 

une  trombe,  après  avoir  tourné  sur  eux-mêmes;  ils  se  préci- 
pitent, frénétiques,  mer  sur  mer,  dans  ces  creusements  de  la 
vague  ou  dans  les  vents  et  Técume  qui  luttent  de  rage.  Le 
chaos  semble  renaître,  le  chaos,  berceau  et  linceul  du  monde. 

»  Il  semble  que  la  mer  se  précipite  au  fond  de  Tabt^ie,  rou- 
lant de  cordillière  en  cordillière,  pêle-mêle  avec  les  brouillards, 
Fouragan  et  la  foudre,  à  la  recherche  des  os  de  la  terre,  pour 
les  donner  à  ronger  à  ces  vautours  du  ciel. 

»  Et  là-bas,  couvrant  les  plaines  d'Hespéris,  par  moments 
elle  soulève,  ravine  et  ensevelit.  Les  sierras  s'éboulent  et  tom- 
bent; les  tours  qui  touchaient  au  ciel  baisent  la  poussière,  o 

Nous  voudrions  que  ces  quelques  citations  pussent  inspirer 
le  désir  de  lire  le  poëme,  non  pas  dans  la  traduction  inévita- 
blement trop  faible  que  nous  en  donnerons  prochainement, 
mais  dans  le  texte,  dans  ces  vers  pleins  et  sonores, 
De  l'antique  beauté  vision  solennelle. 

Albert  S  aviné. 


Poésies 


urxEXOo 

A  t&,ajo-  un  îour,  à  Siiiii-Cri$i<»xi, 
Èt'oii,  li  dûiio,  àeis  sus  douce: 
Yesif  qï^elo,  nioim  eor  en  don  ; 
Quaiid  me  parlavo,  Teniéu  rouée. 
Anêi-mn.  p^èl,  long  di  calainc. 
Au  jardin  oerca  deTiouleto; 
Frusî^ron,  si  det  fres  e  bl&nc^ 
lia  man  brulanto  e  tremouleto. 

Èron  belèu  vint  dins  li  biad. 
Mai  pèr  iéu  Tenfant  èro  soulo  : 
Un  rai  de  sis  lue  m^'a  giscla 
Coume  on  lamp  an  founs  di  mesoulo. 
Fasié  'n  bouquet  :  dins  la  rumour 
Don  blad  que  la  caud  amaduro, 
Iéu  m^  avance,  e,  pale  d^amour, 
Mete  un  blavet  à  sa  centuro. 

Èron  cinquante  dins  li  prat  : 
N'aviéu  d'iue  que  pèr  la  mignoto; 

LA  SEULE 

A  Madame  E.  Parrocbl 

A  table,  un  jour,  à  Saint-Chnstol, — les  dames  étaient  six  sur  douso  : 
— il  Dévoyait  quelle,moD  cœur  en  deuil; — quand  elle  mo  parlcdtjo 
devenais  rouge. — Nous  allâmes,  puis,  le  long  des  abris, —  au  jardin 
chercher  des  violettes  ;  —  ses  doigta  frais  et  blancs  frôlèrent  —  ma 
main  brûlante  qui  tremblait. 

Elles  étaient  peut-être  vingt  dans  les  blés,  —  mais  pour  moiTenfant 
était  seule:  —  un  rayon  de  ses  yeux.  m*a  jailli  —  comme  un  éclair  au 
fond  des  moelles.  —  Elle  faisait  un  bouquet:  dans  la  rumeur  —  du 
blé  que  la  chaleur  mûrit,  —  moi,  je  m'avance,  et,  pâle  d'amour,  —  jo 
mets  un  bluet  à  sa  ceinture. 

Elles  étaient  cinquaute  dans  les  prés  :  — je  n'avais  d'yeux  que  pour 


188  POÉSIES 

Fifre  e  Tionloun  fasien  vira 
Li  dansarello  de  la  voto. 
Mat,  pantaiave.,..  Yen  à  iéu  : 
0  felibrel  pèr  que  sias  triste? 
Au  soulèu,  canto  tant  que  viéu, 
Lou  cardelin,  qu'es  un  artiste. 

Ami,  vole  dansa  'mé  vous. 

Ë  soun  front  vers  moun  front  se  clino  : 

Sentiéu  d'un  feraimen  bèn  dous 

Plega  sa  taio  mistoulino.  , 

E  sounjave  qu'emé  Zani 

Dansère  uno  fes  de  la  vido, 

E  dins  mi  bras  cresiéu  teni 

Ma  pauro  bello  amourousido. 

Dins  la  glèiso  èron  mai  de  cent, 
Entre  tôuti  n'envesiéu  qu'uno  ; 
Li  fin  revoulun  de  Tencèns 
Courounavon  sa  tèsto  bruno. 
S'arrestè  vers  lou  benechié 
Pèr  me  donna  d'aigo  signado. 
Ohl  qu'èro bravo!  sourrisié... 
E  me  brulè  sa  man  bagnado  \ 

Teodor  Aubanel. 

la  mignonne  ;  —  fifres  et  violons  faisaient  tourner —  les  danseuses  de 
la  vote.  —  Muet,  je  rêvais. . .  Elle  vient  à  moi;  —  0  félibre!  pourquoi 
êtes- vous  triste?  — Au  soleil,  il  chante  tant  qu'il  vit,  —  le  chardon- 
neret, qui  est  un  artiste. 

Ami,  je  veux  danser  avec  vous.  —  Et  son  front  vers  mon  front  s'in- 
cline; —  je  sentais  d'un  frémissement  bien  doux —  plier  sa  taille  frêle. 
—  Et  je  songeais  qu'avec  Zani  —  je  dansai  une  fois  de  la  vie,  —  et 
dans  mes  bras  je  croyais  tenir  —  ma  pauvre  belle  énamourée. 

Dans  l'église  elles  étaient  plus  de  cent,  — entre  toutes  je  n'en  voyais 
qu'une; — les  fins  tourbillons  de  l'encens — couronnaient  sa  tête  brune. 
— Elle  s'arrêta  vers  le  bénitier  — pour  me  donner  de  l'eau  bénite.  — 
Oh  !  qu'elle  était  bravette!  elle  souriait. . .  —  Et  sa  main  mouillée  me 
brûla.  Théodore  AubalNEL. 

*  Provençal  (  Avignon  et  les  bords  du  Rhône  ).  Orthographe  des  félibres 
d' Avignon. 


VARIETES 


LA  COMPARAISON  POPULAIRE 

ES  POULIDO   COUMO.UN   SÔU 

La  traduction  française  de  cette  comparaison  offre  plusieurs  va- 
riantes. La  première  qui  se  présente  à  Tesprit,  et  la  plus  communé- 
ment adoptée,  est  celle-ci:  jolie  comme  un  sou.  C'est  ainsi  que 
M .  François  Delille,  dans  son  recueil  récemment  paru  sous  le  titre 
de  Chants  des  Félibres,  poésies  provençales  modernes  traduites  en 
'oers  français^  a  rendu,  d'après  la  traduction  en  prose  de  l'auteur  lui- 
même,  pou/tV^  couwA)  un  sàu,  par  gentille  «  comme  un  sou  »  (p.  282). 

Avant  cette  publication,  nous  connaissions  une  autre  version,  meil- 
leure à  notre  avis,  et  sans  doute  la  seule  exacte.  Disons  d'abord  que 
les  dictionnaires  ne  nous  fournissent  aucune  lumière  à  ce  sujet.  Sau- 
vages, Honnorat  et  M.  G.  Azaïs,  sont  muets  à  cet  égard.  C'est  en  li- 
sant, il  y  a  déjà  longtemps,  le  volume  de  M.  Crousillat,  la  Bresco. 
que  nous  fûmes  agréablement  surpris  en  y  rencontrant  une  explica- 
tion qui  a  le  mérite  d'avoir  un  sens  logique,  tandis  que  la  traduction 
usuelle  n'en  offre  aucun. 

Voici  donc  ce  que  renferme  le  glossaire  de  cet  ouvrage,  p.  310: 
«  SÔU,  s.  m.  (lat.  sol.),  soleil.  Ce  mot  n'est  usité  en  ce  sens  que  dans 
cette  locution  proverbiale  :  hèu  coumo  un  sdu,  poulit  coumo  un  sdu. 
On  trouve  encore  en  français  sol  pour  soleil  dans  les  mots  :  parasol, 
tournesol.  » 

Et,  en  note,  M.  Crousillat  ajoute:  «  M.  Marins  Trussy, l'auteur  de 
Margarido,  semble  avoir  ignoré  cette  signification  lorsqu'il  traduit  : 
Va  vias,  lou  foutissoun  ero  gent  coumo  un  soou,  par  Vous  voyez,  le 
petit  drôle  était  gentil  comme  un  sou.  » 

Cette  erreur  continuant  son  chemin,  malgré  l'avertissement  de 
M .  Crousillat,  nous  croyons  devoir  la  signaler  aux  lecteurs  de  la  Rc 
vue  des  langues  romanes 

M.  Delille,  à  qui  j'avais  indiqué  cette  note  rectificative,  me  répon- 
dit: «  Le  sens  que  donne  M.  Crousillat  au  mot  sdu  dans  ce  proverbe, 
me  semble  bien  plus  juste  »,  tout  en  constatant  que  la  plupart  des 
gens  de  Provence,  —  et  dans  tout  le  Midi,  aurait-il  pu  dire, —  le  tra- 
duisent par  sou.  Aussi  se  demande-t-il  si  la  traduction  de  sbu  par  sou 
n'aurait  pas  sa  raison  d'être.  «  En  Provence  et  à  Marseille  spéciale- 
ment, dit-il,  j'ai  entendu  souvent  des  gens  dire,  en  riant,  à  une  petite 
fille  :  a  Sies  poulido  coumo  un  sbu nbu  (Tu  es  jolie  comme  un 

15 


190  VAR1BTB8 

o  sou  neuf) .  Et,  en  effet,  un  des  sous  actuels,  tout  neuf  et  brillant 
M  comme  de  Tor,  est  vraiment  joli,  etc.  » 

Pour  nous,  nous  ne  voyons  dans  cette  adjonction,  probablement 
récente,  du  mot  nou  à  la  comparaison  :  poulido  coumo  un  sou,  que  le 
besoin  de  motiver,  de  justifier  aux  yeux  de  ceux  qui  remploient ,  une 
locution  qui  sans  cela  ne  présenterait  aucun  sens. 

La  question  est  d'une  bien  minime  importance.  Cependant,  comme 
cette  locution  est  assez  fréquemment  employée  dans  les  idiomes  mé- 
ridionaux, et  que  les  poètes  et  les  littérateurs  s'en  servent  couram- 
ment, il  ne  serait  peut-être  pas  inutile  d'en  fixer  le  sens.  L'explica- 
tion de  M.  Crousillat  est,  à  notre  avis,  la  seule  rationnelle.  L'objection 
qu'on  pourrait  faire  peut-être  consisterait  à  contester  l'existence  du 
mot  sàu  pour  sol,  soleil.  Mais,  sans  recourir  à  des  exemples  anciens 
du  mot  sdu  employé  dans  le  sens  de  soleil  (voyez  le  glossaire  de  la 
Chrestomathie  provençale  de  Karl  Bartsch),  n'est-il  pas  bien  simple 
de  remarquer  qu'il  n'y  a  là  qu'un  changement  de  terminaison,  tel 
qu'il  en  existe  de  très-nombreux  dans  nos  divers  dialectes  :  bètt  pour 
bel,  capèu  pour  capely  etc. 

Quoi  qu'il  en  soit,  j'appelle  sur  ce  petit  détail  l'attention  de  mes 
confrères  de  la  Société  des  langues  romanes,  persuadé  que,  s'ils 
n'adoptent  pas  la  traduction  que  j'indique,  ils  sauront  en  trouver  une 
meilleure,  avec  de  bonnes  raisons  à  l'appui. 

Frédéric  Donnadieu. 

Le  soleil  est,  en  Languedoc,  le  terme  de  comparaison  le  plus  élevé 
et  le  plus  courant,  en  fait  de  beauté  :  Es  bèu  couma  un  sourel  se  dit 
partout,  et  il  serait  facile  d'en  signaler  l'emploi  fréquent  dans  les 
textes  littéraires  des  deux  derniers  siècles^.  On  ne  peut  donc  opposer 

1  Bouto  I  acô  DouD  m'estouDO, 

Tu  sies  bèu 
Coume  lou  soulèu  ; 
Ta  novio  es  galantouno 
Coume  un  anjounèu. 

(Roumieux,  dans  VArm.  prouv.,  1867,  p.  49.) 
On  lit  dans  un  noël  français  très-connu  en  bas  Languedoc  : 

—  Est-il  beau,  bergère, 

Est-il  beau? 

—  Plus  beau  que  la  lune 
Et  que  le  soleil , 
Jamais  dans  ce  monde 
On  n*a  vu  son  pareil. 

On  dit  aussi  bèu  ou  poulit  couma  un  astre.  Poulif  couma  una  estela  est 
bien  moins  répandu . 


VARBàTés  Wl 

de  question  préalable  à  la  thèse  que  défend  M.  Frédéric  Donnadieu, 
11  resté  à  examiner  quelques-uns  des  points  de  détail  qu'elle  sou- 
lève. 

M.  Crousillat  est  bien  le  premier,  mais  il  n'est  pas  le  seul  qui  ait  eu 
l'idée  de  traduire  bèu  ou  poulit  coumo  un  sbu  par  beau  comme  le 
soleil.  Dans  un  toast  provençal  qu'il  porta  en  1875,  à  la  fin  du  banquet 
qui  suivit  le  premier  concours  philologique  et  littéraire  de  la  Société, 
M .  V.  Lieutaud,  parlant  des  origines  légendaires  de  Montpellier,  a 
dit  :  «  Enterin  dos  gènti  piéucello  se  mostron,  bello  coumo  un  sàu, 
poulido  coumo  dos  Driado  :  iue  blu,  caro  angelico,  courouno  d'or  sus 
la  tèsto  e  cantant  coumo  d'Ourgueno ...» 

Ce  passage  est  rendu  en  français  de  la  manière  suivante  : 
«  Pendant  ce  temps,  deux  jeunes  filles  apparaissent,  belles  comme 
un  soleil,  jolies  comme  deux  Dryades:  yeux  bleus,  visage  angélique, 
couronne  d'or  sur  la  tête  et  chantant  comme  des  Sirènes*. . .  » 

*  Le  Concours  philologique  et  littéraire  de  Vannée  1875.  Paris,  Vieweg, 
1875;  in^o,  p.  67. 

Rien  n'est  plus  persistant  qu'un  terme  fictif,  lorsqu'il  a  été  enregistré  dans 
un  dictionnaire.  Les  ouvrages  de  même  nature  qui  le  suivent  ne  manquent 
pas  de  se  l'approprier  et,  par  cela  même,  de  lui  donner  quelquefois  la  réalité 
dont  il  était  dépourvu.  On  ne  trouvera  donc  pas  inutile  que  je  rectifie  ici  une 
méprise  qui  se  rattache  assez  facilement  à  la  communication  de  M.  Donna- 
dieu.  Auguste  Tandon,  de  Montpellier,  a  dit  dans  une  de  ses  fables  : 

Lou  sourél  se  maridava: 
Las  granoûïas  qu'où  savièn 
Gnoch  et  jour  né  gémissièn, 
«  Se,  soûl,  nous  éndaoumageâva; 
Se,  tout  soûl,  èra  prou  fort 
Per  sécà  nôstras  démôras, 
Nostres  valas,  nôstras  bôras...  » 
(Fables,  contes  et  autres  pièces  en  vers  patois.  Montpellier, 
1813;  in-8o,  p.  4.) 
Les  trois  derniers  de  ces  vers  ont  été  cités  par  Honnorat  (Dict.prov.-fr.^  I, 
295,  art.  bora)  de  la  manière  suivante  : 

Se  lou  soûl  era  prou  fort  (lou  sourel) 
Per  seca  nôstras  demoras, 
Nostres  valas,  nôstras  boras,  etc. 

Qu'elle  provienne  d'une  coquille  typographique  ou  d'une  distraction  d'Hon- 
norat  lui-même,  cette  erreur  pourrait,  à  raison  de  l'autorité  qui  s'attache  à  son 
dictionnaire,  prévaloir  sur  le  texte  de  Tandon,  qui  n'est  guère  connu  en  de- 
hors de  Montpellier,  et  faire  entrer  un  prétendu  terme  soûl  (soleil)  dans  le 
vocabulaire  languedocien. 

Il  est  probable  que  l'imprimeur  est  ici  le  seul  coupable,  car  la  forme  en  ques- 
tion n'a  pas  été  reproduite  à  son  rang  alphabétique. 


m  VARIBTâB 

Ainsi  que  le  remarque  M.  D.,  la  langue  des  troubadours  employait 
le  mot  sol;  solel  était  aussi  en  usage  (Raynouard,  Lexique  roman.  Y, 
250),  et  il  a  presque  exclusivement  survécu  dans  les  dialectes  mo- 
dernes. On  peut  cependant  constater  la  persistance  du  premier  dans 
le  gascon  soulan,  terrain  exposé  au  soleil,  ainsi  que  dans  les  mots 
rouergats  soulauri,  pavillon  placé  à  peu  de  distance  d'une  église, 
pour  abriter  une  croix  ou  une  statue,  quelquefois  vestibule,  porche  ; 
soulcouc,  soleil  couchant,  à  Villefranche  (Aveyron),et  soulenco\  fête 
du  soleil,  repas  collectif  que  Ton  fait  après  la  moisson  ^. 

*% 

*  Soulelhan,  soulelhauri,  soulel-couc  eisoulelhenco,  auraient  été  employés 
dans  le  cas  contraire.  Feu  l'abbé  Vayssier  {Dict.  pat.-fr.  du  dép.  de  L'Avey- 
ron)  voit,  à  tort,  ce  me  semble,  le  radical  solum  {sol)  dans  soulenco. 

Il  est  difficile  de  dire  jusqu'à  quelle  époque  s'est  maiotenu  le  sol  (soleil) 
de  l'ancienne  langue.  Les  deux  exemples  qu'en  cite  le  Lexique  roman  de 
Raynouard  sont  de  Pons  de  Capdueil  et  de  Bertrand  de  Born.  Cette  forme  dut 
probablement  disparaître  d'assez  bonne  heure,  tout  en  persistant  plus  long- 
temps dans  la  langue  monétaire.  On  frappa,  jusqu'à  une  époque  relativement 
récente,  des  écus  portant  le  soleil  sur  une  de  leurs  faces.  Or  nous  voyons,  en 
1520,  le  peintre  Antoine  Rozen  donner  quittance  au  prieur  de  Saint-Maximin 
de  cinque  scus  dal  solel,  sur  le  montant  de  ses  peintures  dans  Téglise  de  cette 
localité  (l'abbé  Albanés,  le  Couvent  royal  de  Saint-Maximin,  Ballet,  de  la 
Soc.  de  Draguignan,  XII,  233),  tandis  que  le  mot  sol  reste  en  usage  à  For- 
calquier  jusqu'en  1546,  au  moins .  Le  fait  résulte  d'un  curieux  récépissé  pro- 
vençal publié  par  le  Journal  de  Forcalquier  {o9  du  25  septembre  1881).  Le 
prêtre  Germain  reconnaît  avoir  reçu  du  trésorier  du  corps  municipal  de  cette 
ville  la  somme  de  deux  écus  au  soleil,  émoluments  de  diverses  messes  dites 
à  l'église  paroissiale: 

«  Ay  agut  en  pagament  per  las  dictas  messas  dal  cosin  Francés  Bandoli, 
thesaurier,  toutas  pagas  inclusas,  dont  ly  en  ay  fach  quitansas,  florins  18. 
gros  8. 

»  Plus,  ay  agut  d'aquellos  qu'avion  promés  per  lo  sermonaire,  oultra  so  que 
ly  ay  beilat,  dos  escus  sol,  que  son  florins  7,  gros  6.  » 

On  voit  par  là  que  le  soleil  qui  figurait  sur  les  louis  d'or  de  Louis  XIV  (an 
1709)  ne  provenait  pas  uniquement  de  la  devise  de  ce  monarque. 

*  Para^sol  (parasol)  et  tourna-sol  (tournesol)  ne  peuvent  être  allégués.  Le 
languedocien  les  a  probablement  oxopruntés  à  l'italien  ou  au  catalan,  surtout 
towna-sol,  qui  désigne  une  plante  originaire  du  Pérou  et,  par  conséquent,  in- 
connue dans  nos  régions  avant  le  XV'  siècle,  époque  à  laquelle  les  Méridio- 
naux la  reçurent  sans  doute  des  Espagnols. 

Le  nom  de  tournesol  est,  il  est  vrai,  donné  dans  le  commerce  à  une  espèce 
de  teinture  que  Ton  obtient  du  suc  d'une  plante  du  genre  croton,  laquelle  est 
indigène  dans  le  midi  de  la  France,  et  plus  particulièrement  au  Grand-Gallar- 
gues  (Gard),  mais  elle  n'y  est  connue  que  sous  le  nom  de  maure  la,  en  sorte 
que  nous  n'avons  pas  à  nous  en  occuper. 

Toutefois  le  mot  en  question  peut,  à  la  rigueur,  avoir  été  emprunté  à  la 


YÀBX&riS  193 

Sàu  (soleil)  serait  ^bmc,  dans  le  cas  qui  nous  occupe,  un  archaïsme 
à  joindre  à  ceux  que  conserve  souvent  la  langue  des  proverbes  et  des 
formules  populaires.  La  mention  de  la  comparaison  elle-même  (pouly 
coume  un  sau)  dans  le  recueil  de  Rulman*,  qui  a  dû  être  formé  aux 
environs  de  1620,  permettrait  de  le  rattacher  jusqu'à  un  certain  point 
au  sol  de  Tidiome  des  troubadours. 

On  pourrait  justifier  la  traduction  de  M.  D.  par  l'existence  d'autres 
formules  renfermant  le  même  mot.  Une  des  plus  communes  est  celle- 
ci:  Es  brave  cauma  un  sàu*,  où  il  ne  faut  pas  traduire  Tadjectif  par 
bravey  mais  par  bon: 

Es  brave  coume  un  sou.  (Roumanille,  dans  VArm,  prouv.  de  1855, 
p.  47.) 

Avèn  aro  un  curât  qu*es  jouine  e  de  bon  biais  :  es  brave  coume  un 
8ÔU  {Àrm.  prouv.  de  1868,  p.  64). 

Ero  bravo,  èro  misloano 
E  poulido  coume  un  s6a. 

'^       (Croasillat,  dans  VArm.  prouv,  de  1872,  p.  25.) 

Le  peuple  répète  ces  comparaisons  par  habitude  ;  mais  il  en  com- 
prend si  peu  la  raison  d'être,  qu'à  l'exemple  des  Marseillais,  disant 
es  poulido  coume  un  sàu  nàu,  il  les  entend  parfois  dans  un  sens  iro- 
nique,* et  que  Brave  couina  un  sàu  est  ordinairement  commenté  par 
vau  pas  una  piastra  (Il  est  bon  comme  un  sou,  il  ne  vaut  pas  un® 
piastre*). 

Une  troisième  comparaison  :  Es  galhard  couma  un  sou,  est  pres- 
que aussi  commune  que  la  précédente  en  bas  Languedoc.  L'abbé 
Favre  s'en  est  servi  avec  beaucoup  d'esprit,  dans  le  passage  suivant 
de  son  Trésor  de  Substantion  : 

«  Dau  tems  de  moun  paure  ome,  ère  galharda  couma  un  sbu^  par 
ça  que  l'on  aviè    toujour  quauque  pau  de  garguil;  e   despioi  qu'es 


angae  d'oil,  qui  en  a  des  exemples  à  partir  du  XV«  siècle  (voyez  le  Diction- 
naire de  M.  Littré).  L'emploi  du  verbe  tourna^  au  lieu  de  virà^  serait  même 
une  raison  à  invoquer  en  faveur  de  cette  origine. 
Remarquons  que,  dans  les  deux  cas,  soleil  est  exprimé  par  sol  et  uoq  sou, 

1  Les  Proverbes  du  Languedoc,  de  Bulman,  annotés  et  publiés  par  le 
docteur  Mazel.  Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi,  1880;  in-S",  p.  21. 

3  La  substitution  de  un  à  lou  est  normale  et  n'a  rien  qui  doive  surprendre. 
On  dit  à  Montpellier  :  pordit  couma  un  jour,  bèu  couma  un  amour,  courrï 
couma  un  vent,  aussi  communément  quepoz^/zY  couma  lou  jour,  bèu  couma 
V amour  et  courrï  couma  lou  vent. 

3  Pièce  de  deux  liards. 


194  VARlÉTâs 

morti  soui  vengada  seca  cooma  una  broca.Vesès  pas  que  semble?*» 
L'idée  de  bonté  et  de  vigueur  se  justifie  mieux  par  le  sens  de  soleil 
que  par  celui  de  sou,  à  moins  que,  par  une  subtilité  tout  à  fait  con- 
traire au  sens  naturel,  que  le  peuple  préfère  ordinairement,  on  n'aimât 
mieux  appliquer  la  gaillardise  de  la  dernière  comparaison  à  Teffigie 
du  souverain,  à  la  monnaie  peut-être,  que  la  circulation  n'altère  qu'à 
la  longue  et  d'une  manière  insensible . 

Si,  d'ailleurs,  le  sens  de  beau  comme  un  sou  est  la  traduction  véri- 
table de  notre  formule,  on  a  le  droit  de  demander  pourquoi  l'on  ne 
dit  pas  bèu  couma  d'or,  poulit  couma  d'argent,  comparaisons  bien 
rares,  si  tant  est  qu'elles  existent,  alors  qu'on  emploie  très-fréquem- 
ment les  suivantes  :  Es  rous  couma  d'or,  lis  couma  d'argent,  lusent 
couma  un  floc  de  loutou  ^ . 

La  valeur  de  ces  raisons  s'accroît,  en  outre,  par  l'existence  de  cinq 
formules  à  sens  identique  auxquelles  le  sou,  le  denier,  la  piastre,  le 
liard  et  le  pin,  ont  donné  lieu  en  bas  Languedoc  : 

Vau  pas  un  sàu, 

Vau  pas  un  deniè 

Vau  pas  una  piastrat 

Vau  pas  un  liard, 

Vau  pas  un  pin  *, 

*  Œuvres  complètes  de  l'abbé  Favre,  publiées  sous  les  auspices  de  la 
Société  des  langues  romanes.  Montpellier,  Goulet,  1878,  t.  I,  p.  190-191. 

>  Voici  les  formules  auxquelles  Tor  et  Targent  ont  donné  naissance  en  bas 
Languedoc  :  Es  rous  (ou  roussel)  couma  Vor,  ou  bien  couma  un  fieu  d'or;— 
Es  franc  couma  Vor, —  ^5  lusent  couma  d'or,~~  Vau  soun  pesant  d*or, — 
Aco's  parla  d'or,  —  Parlariàs  d'or,  s'aviàs  lou  bec  jaune  (V.  la  Bugado, 
p.  74);  —  Es  en  or,  qui  s'emploie  en  parlant  d'une  personne  orgueilleuse. 

On  dit  en  Rouergue,  courajous  couma  l'or,  M.  le  docteur  Mazel  me  si- 
gnale à  ce  propos  le  passage  qui  suit  de  dom  Guérin,  de  Nant  {lou  Testament 
de  CoitchardJ: 

Quand  yeu  fau  reflectieu  sur  Thomme  en  son  néant 

Ë  q'ieu  ay  vist  doux  cops  déjà  remuda  Nant, 

La  fraiou  me  saisis,  et  tout  esquas  ma  vene 

De  ne  fa  lou  récit  me  vol  fourni  l'alêne. 

Quand  yeu  sérié  cent  cops  pus  couratjoux  que  l'or, 

Jamay  non  m'en  souven  qu'on  tge  mal  de  cor. 

Helas  I  qu'ay  yeu  souffert  de  ma  pichote  vide  l 

Es  estade  toujour  d'un  grand  malheur  seguide. 

Es  blanc  couma  d'argent,  —  Lusis  couma  d'argent, — Es  lis  couma  d'ar- 
gent, —  Es  vieu  ou  proumte  couma  d'argent^  —  A  d'argent  vieu  dins  la 
testa  (la  Bugado,  p.  15),— il  pas  ges  d'argent  per  se  faire  fouità  (la  Bu- 
gado^  p.  68),  —  A  d'argent  couma  un  chi  de  nieiras,  etc. 

3  On  dit  aussi  Vau  pa'  'n  sou  et  vau  pa'  'na  piastra. 


TARIBTB8  195 

qiii,  les  unes  et  les  autres,  signifient  II  ne  vaut  rien.  Une  sixième  for- 
miale  :  Sanjar  un  sbu  per  un  deniè,  changer  un  sou  pour  un  denier, 
donner  peu  pour  recevoir  encore  moins,  témoigne  également  du  peu 
d.' estime  du  sou  proprement  dit  dans  les  termes  de  comparaison  de  la 
Istngue  populaire. 

Un  cas  à  peu  près  semblable  nous  est  fourni  par  le  proverbe  :  A 
cJta  sbu  leis  escuts  se  fan  (Sou  par  sou  les  écus  se  font),  cité  par  le 
T>ïct,  prov.'fr.  d'Honnorat,  II,  1192,  et  où  le  sens  de  sou  est  presque 
péjoratif. 

Les  observations  qui  précèdent  s'appliquent  surtout  au  bas  Lan- 
guedoc. Quelle  que  soit  leur  portée,  il  faut  se  demander  si,  en  dehors 
du  rayon  de  Montpellier,  les  comparaisons  beau  comme  un  soleil  et 
beau  comme  un  sou  n'ont  pas  simultanément  existé  jusqu'au  jour  où 
l'on  n'a  plus  eu  la  notion  exacte  du  mot  sàu  (soleil)  et  où,  pour  parler 
plus  exactement,  la  valeur  de  ce  dernier  a  disparu  devant  celle  de  son 
synonyme  de  son  et  de  figuration  scripturaire,  5ôm  (sou).  C'est  un  point 
que  la  curieuse  note  de  M.  D.  n'a  pas  soulevé. 

Raisonnons  donc  en  vue  de  cette  hypothèse,  et,  en  nous  souvenant 
du  sens  méprisant  qui  s'attache  souvent  au  sou  (  Es  poulida  couma 
un  sàu, . . .  nàu;  —  Es  brave  couma  un  sbu,  vau  pas  una  piastra; 
— Sanjar  un  sbuper  un  deniè, —  Yau  pas  un  sbu),  rendons-la  plus 
acceptable  en  supposant  que  le  peuple  n'y  a  pas  visé  notre  vulgaire 
sou  de  cuivre,  mais  le  sou  d'or,  ce  qui  reporterait  l'origine  de  la  com- 
paraison à  quatre  ou  cinq  siècles  avant  l'époque  où  Rulman  notait  le 
premier  exemple  que  la  littérature  languedocienne  nous  en  offre. 
Cette  hypothèse  n'aura  rien  d'invraisemblable,  si  l'on  songe  qu'une 
part  notable  des  proverbes  actuels  se  retrouve  dans  les  poëmes  et  les 
poésies  de  l'âge  classique  * . 

*  C'est  ce  qu'a  mis  en  lumière  un  curieux  travail  sur  lei  Prouverbi  prou- 
vençau  de  Jan  de  Cabano^  inséré  en  1879  dans  lou  Trelus  de  VAubo  prou- 
vençalo,  journal  qui  partageait  à  Marseille  la  publicité  du  Tron  de  Vèr  (  no» 
du  3  août  et  suivants).  Voici  quelques  proverbes  pris  parmi  ceux  que  n'ont 
pas  remaniés  les  troubadours  cités  dans  ce  travail  : 

El  fuec  no  s  fai  tant  preon 
Que  lo  fum  non  ane  fors. 

(Bertrand  Garbonnel,  de  Marseille.) 

En  petit  d'ora,  Deus  laora. 

(Roman  de  Flamenca^  v.  5137.) 

Qui  tôt  vol  tener,  tôt  ho  perd. 

(Folquet  de  Romans.) 

Digas  li  qu'en  i.  jorn  Paris  non  fo  obrat. 

(Guilhem  Anelier,  Guerre  de  Navarre.) 


196  VARIBTÉS 

Avaat  la  découverte  des  mines  de  TAustralie  et  de  la  Californie,  la 
monnaie  d'or  était  si  peu  commune  dans  certains  départements  du 
Languedoc,  et  probablement  aussi  dans  les  autres  parties  du  Midi, 
que  plusieurs  personnes  nous  ont  assuré  avoir  vu  des  paysans  con- 
server pendant  des  années  les  pièces  de  vingt  francs  qui  leur  étaient 
tombées  entre  les  mains.  On  ne  s'en  défaisait  qu'en  présence  d'un 
besoin  pressant  et  inéluctable.  Une  rareté  plus  grande  dut  exister 
certainement  à  la  fin  du  XV«  siècle,  antérieurement  à  l'exploitation 
des  mines  du  Mexique  et  du  Pérou.  Il  ne  serait  donc  pas  étrange  que 
le  désir  de  richesse,  qui  est  naturel  à  tous  et  plus  particulièrement 
aux  classes  rurales,  joint  à  l'extrême  rareté  des  monnaies  d'or,  ait 
fait  naître  la  comparaison  :  Es  poulit  couma  un  sàu  (  Il  est  beau 
comme  un  sou  d'or).  Ne  dit-on  pas  encore  aujourd'hui:  Es  poulit,  es 
bèu  couma  un  loui-d'or  (Il  est  joli,  il  est  beau  comme  un  louis 
d'or)? 

On  trouve  dans  le  Dict.  pat,-fr.  de  VAveyron,  de  feu  l'abbé  Vays- 
sier  (Rodez,  Carrère,  1879  ;  in-4*),  une  formule  :  «  0  gagnât  un  poulit 
sàu,  Il  a  gagné  une  belle  somme  d'argent  »,  qui  est  en  usage  à  Saint- 
Affrique,  et  dont  l'emploi  non  péjoratif  pourrait  s'expliquer  par  ce 
maintien  des  significations  anciennes,  qui  est  général  à  tous  les  pays 
montagneux.  M.  Vayssier  semble  partager  cette  idée,  car  il  fait  sui- 
vre sa  citation  du  rappel  étymologique  suivant  :  «  lat.  solidus,  pièce 
d'or.  )) 

Enfin  il  existe  peut-être  une  formule  intermédiaire  entre  le  sou  d'or 
et  le  sou  de  cuivre  dans  la  comparaison  :  Il  est  joli  comme  cinq-sous^ 
qui,  d'après  le  glossaire  du  comte  Jaubert  *,  se  dit  dans  le  centre  de 
la  France.  Elle  se  rapporterait  aux  pièces  de  cinq  sous  qui  avaient 
cours  sous  le  premier  Empire  et  la  Restauration.  11  est,  toutefois,  per- 
mis de  demander  pourquoi  la  langue  populaire  a  pu  adopter  la  pièce 
de  cinq  sous  comme  type  de  comparaison.  Et,  si  la  forme  monosylla- 
bique du  mot  n'y  a  pas  été  étrangère,  pourquoi  n'a-t-elle  pas  choisi 
plutôt  le  dix-sous  ou  le  vingt-sous,  qui  devaient  être  bien  plus  beaux, 
puisqu'ils  étaient  d'une  valeur  deux  fois  et  quatre  fois  supérieure? 

Mais  la  difficulté  se  complique  tout  à  fait,  lorsqu'on  voit  le  fabuliste 
limousin  Foucaud  dire,  dans  son  imitation  de  la  Laitière  et  le  Pot  au 
lait  : 

Peirouno  pourtavo  6  marcha 
Un  toupi  de  la  sur  so  teito. 
Sur  un  piti  couessi  lo  l'ovio  bien  jucha  ; 
Guessâ  di  qu'ô  lî-èrio  eitocha, 

^  Glossaire  du  centime  de  la  France,  Paris,  1856,  2  v.  in-S». 


YARIÉTBS  197 

Biliado  coumo  un  jojor.de  fQitç, 
Reveliado  coumo  un  cin-sô, 
Legeiro  coumo  un  parpoliô* 

M,  Ruben  fait  suivre  ces  jolis  vers  de  la  glose  suivante  :  «  Cin-so, 
cinq-sous.  Nous  appelons  ainsi  le  carabus  auratus  (Fab.)»  nommé 
encore  jardinière,  petit  coléoptère  vif,  net  et  luisant.  On  dit  aussi 
prope  coumo  un  cin-sô,  M .  le  comte  Jaubert,  qui  cite  le  glossaire 
de  Laisnel  de  la  Salle  et  qui  éoxiijoli  comme  cinq- sous  y  semble  ne  pas 
s'être #rendu  compte  de  l'expression.  Ce^ijoli  comme  un  cinq-sous 
qu'il  fallait  dire.  » 

Il  nous  reste  à  conclure  et  à  dire,  à  notre  tour,  que  nous  admettrions 
volontiers  deux  sens  :  le  premier  et  le  plus  ancien,  de  sou  (soleil);  le  se- 
cond, de  sdu  (sou  d'or),  qui  aurait  bénéficié  des  formules  du  premier, 
lorsque  le  mot  solel  et  ses  variantes  se  substituèrent  presque  partout 
au  sol,  qui  leur  avait  disputé  les  préférences  des  poètes  de  l'âge  clas- 
sique. Iklais  la  disparition  des  sous  d'or  ne  dut  pas  tarder  à  compro- 
mettre la  fusion  des  deux  formules,  et  la  rapidité  avec  laquelle  les 
sous  de  cuivre  salissaient  ^  fit  naître  le  besoin  de  motiver  l'ancienne 
comparaison,  en  l'appliquant  aux  sous  qui  venaient  d'être  frappés  {Es 
poulido  coumo  un  sbu  nbu),  ou  de  la  nuancer  dans  un  sens  ironique, 
par  l'adjonction  de  vau  pas  una  piastra,  La  fprmule  nettement  péjo- 
rative de  vau  pa'  'n  sdu  dut  prendre  cours  et  se  généraliser  presque 
en  même  temps. 

Il  est  probable  que  le  cin-so  de  Foucaud  et  le  vinq-sous  du  comte 
Jaubert,  loin  de  se  rattacher  à  la  pièce  de  cinq  sous  du  système  mo- 
nétaire de  Napoléon  !«»■  représentent  un  terme  local  mal  compris.  Il 
est  impossible  de  supposer  que  le  carabus  auratus  fût  dépourvu  de  nom 
vulgaire  au  commencement  du  XIX*  siècle  et  que,  le  nom  en  ques- 
tion lui  ayant  été  appliqué  à  cette  époque,  il  soit,  dans  l'espace  de 
quelques  années,  devenu  courant,  au  point  de  s'étendre  sur  une  grande 


*  J.  Foucaud,  Poésies  en  patois  limousin,  édition  Ruben.  Paris,  Didot, 
1866;  in-«o,  p.  72. 

(Pétronille  portait  au  marché  —  un  pot  de  lait  sur  sa  tête.  —  Sur  un  petit 
coussin  elle  l'avait  bien  juché  ;  —  (vous)  eussiez  dit  qu'elle  l'y  avait  attaché, 
—  Habillée  comme  un  jour  de  fête,  —  éveillée  comme  un  dnq-sous,  —  légère 
comme  un  papillon. . . .  ) 

'  Les  sous  actuels,  assez  brillants  au  moment  de  la  frappe,  gagnent  en 
quelques  jours  une  enveloppe  qui  est  loin  de  justifier  la  comparaison  populaire. 
Ceux  de  Louis  XV  et  de  Louis  XVI,  retirés  de  la  circulation  au  commence- 
ment du  règne  de  Napoléon  III,  étaient  beaucoup  plus  épais,  et  une  composi- 
tion moins  inférieure  leur  donnait  une  couleur  jaunâtre  qui  n'avait  rien  de 
désagréable  à  l'œil. 


198  YARlâTB 

partie  de  la  France  centrale  et  d'être  proverbialement  employé  par  le 
fabuliste  limousin  qui  Favait  vu  se  former. 

Le  sens  revelhat,  propre  OMpoulit  couma  un  cinq-sdu,  s'explique- 
rait parla  beauté  et  la  vivacité  de  Finsecte  qu'on  désigne  sous  ce  nom. 
L'analogie  populaire  aura,  surtout  dans  les  villes,  étendu  la  compa- 
raison aux  pièces  de  cinq  sous  de  l'ancien  système  monétaire  fran- 
çais ^ 

Les  explications  qui  précèdent  ont  un  inconvénient  réel  :  celui  de 
supposer  que  pouZt7  couma  un  sbu  remonte  au  temps  où  les  sous  d'or 
avaient  cours  en  France,  tandis  que  le  premier  témoignage  écrit  de  la 
comparaison  dont  il  s'agit  est  tout  au  plus  de  l'an  1620,  époque  à 
laquelle  cette  monnaie  avait  absolument  disparu  de  la  circulation. 
Nous  ne  donnerons  donc  nos  conjectures  que  sous  bénéfice  d'inven- 
taire, en  demandant  au  lecteur  compétent  de  vouloir  bien  les  rectifier, 
s'il  y  avait  lieu . 

A.  Boque-Ferrier. 

*  La  netteté  du  denier  au  moment  où  il  venait  d'être  frappé  a-t-elle  motivé  la 
comparaison  que  me  signale  M.  Ghabaneau,  dans  ce  vers  de  Régnier  (Sa^  X): 

Claire  comme  un  bassin,  nette  comme  un  denier; 

ou  bien  est-elle  une  modification  de  la  formule  qui  nous  occupe  ? 

La  question  que  soulève  l'étude  de  M.  D.  se  pose  jusqu'à  un  certain  point  à 
l'égard  du  français,  à  moins  que  l'on  ne  considère  propre  comme  un  sou, 
mentionné  par  le  Dictionnaire  de  M.  Littré,  comme  une  variante  de  la  for- 
mule de  Régnier,  ou  comme  un  emprunt  à  la  langue  d'oc. 


BIBUOGRAPfflE 


laou  Garret  de  Nime  (cycle  carlovingien),  dialecte  des  bords  du  Rhône  et 
des  félihres  d'Avignon,  par  Jean  Gaidan.  Nimes,  Glavel-Ballivet,  1880;  in-8o, 
8  pages,  (Extrait  des  Mémoires  de  l'Académie  de  Nimes,  année  1880.) 

Les  Catalans  excellent  à  faire  revivre  en  de  courts  poëmes  les  faits 
marquants  de  leur  histoire  particulière,  les  prouesses  de  sa  période  che- 
valeresque surtout.  Leur  littérature  contemporaine  en  a  de  vivants 
modèles  dans  la  Cansô  delpros  Bernât  et  la  Complanta  d'En  Guillem^ 
de  M.  Milâ  y  Fontanals  ;  dans  la  dramatique  geste  du  comte  d'Urgel, 
Javme  lo  Desditocat,  de  M.  Albert  de  Quintana,  et  le  Pero  AhoneSy  qui 
fut  une  des  dernières  productions  de  M.  Philippe  Pirozzini  y  Marti, 
mort  il  y  a  quelques  années  en  plein  épanouissement  de  talent  et  d'ave- 
nir poétique. 

Si  le  midi  de  la  France  a,  dans  Mirèio,  Càlendau  et  H  Carbounié, 
trois  œuvres  d'une  valeur  capitale,  on  exagère  peut-être  en  ajoutant 
qu'il  a  bien  peu  de  chose  à  opposer  aux  nombreuses  chansons  épiques 
de  la  Catalogne,  Il  serait  plus  exact  de  dire  que,  sauf  une  exception 
unique  et  vraiment  remarquable*,  il  n'a  rien  qui  rappelle  cette  résur- 
rection dés  formes  de  la  poésie  populaire  et  de  la  poésie  littéraire  du 
moyen  âge,  si  caractéristiques  et  si  heureusement  généralisées  parmi 
les  poètes  barcelonais  et  mayorquins. 

L'époque  médiévale  semble,  au  demeurant,  médiocrement  goûtée 
en  Languedoc,  dans  la  Provence  et  le  Limousin.  On  lui  a  emprunté 
peu  de  sujets.  Quelques  pièces  à  demi  historiques,  à  demi  légendaires» 
de  MM.  Mistral  ^  et  Marins  Girard  3,  ont  ouvert  la  voie  où  devaient 
les  suiyre  M.  Gabriel  Azaïs  avec  Roubert  hu  trouhaire  *,  M.  Octavien 
Brînguier  avec  lou  Roumieu^,  M.  l'abbé  Joseph  Roux  avec  Vaifre 
d'Aquitanha,  Goulfier  de  Lastowra  ^,S,  Esteve  dOhasina,  hu  Mownge  de 


1 11  s*agit  de  M.  Tabbé  Joseph  Roux,  qui,  dans  Gondoval,  Sent  Marsal  à 
Tula, Peire  Rogier,  etc.,  s'est  approprié  la  laisse  monorine  de  Fierabras  et 
de  la  Chanson  de  la  Croisade  albigeoise, 

>  Voyez  lis  Isclo  d*or, 

3  Voyez  lis  Aupiho,  poésies  et  légendes  provençales  (traduction  française 
en  regard  du  texte).  Avignon,  Roumanille,  1877;  in-12,  512  pages. 

*  Ce  petit  poëme  a  été  compris  par  M.  Azaïs  dans  la^  Vesprados  de  Clairac, 

5  Publié  dans  la  Revue  des  langues  romanes,  !'•  série,  et  tiré  à  part  in-8o. 

6  Chansou  limousina.  Goulfier  de  Lastours  (avec  la  traduction  française). 
Tulle,  Crauffon,  1879;  in-8»>8pages. 


200  BIBLIOaRAPHIB 

Gkmdier*  et  Peire  Rogier;  M.  V.Ldeutand  avec  Saumano,  M.  Jean 
Laurès avec  Jano  d'Arc^y  et. enfin  le  frère  Sayinien  (des  Écoles  chré- 
tiennes) avec  une  épopée  de  Liov/nèu  qui  se  développe  pendant  la  pé- 
riode sarrasine  de  la  Provence  *.  ^ 

Le  premier  thème  de  ces  poëmes  n'existant  plus  *  ou  ayant  été  créé 
de  toutes  pièces  5,  les  auteurs  ont  fait  œuvre  originale  en  les  écrivant  ; 
mais  il  n'en  est  pas  de  même  de  quelques  autres,  et  nommément  de 
M.  Mistral  dans  l'épisode  de  Guilhem  au  Court-Nez,  qui  constitue 
une  des  plus  belles  parties  de  CaUndau  et  qui  a  été  emprunté  à  la 
geste  française  à'AliscaMy  publiée  en  1854  par  M.  Jonckbloet;  de 
M.  Félix  Gras, qui,  dans  son  épopée  de  Toloza^,  consacrée  à  la  guerre 

*  Ce  poëme  et  celui  de  Sent  Esteve  d*Ohasina  ont  paru  d'abord  dans  lou 
Brusc,  d'Aix-en-Provence.  Ils  ont  été  tirés  à  part,  le  premier  en  1879,  le  deu- 
xième en  1880. 

*  Compris  par  l'auteur  dans  lou  Campestre,  poésies  languedociennes,  sui- 
vies d'un  glossaire  (dialecte  des  environs  de  Béziers),  avec  une  letUiS  de 
Frédéric  Âfistral  et  une  préface  de  Z'aw/ewr.  Montpellier,  Imprimerie  centrale 
du  Midi,  1878  ;in-12. 

3  Lou  CachO'fio,  Annuàri  prouvençau  pèr  fan  de  gràci  1881,  etc.,  en  a 
publié  un  fragment,  p.  59-60. 

*  C'est  le  cas  du  Goulfier  de  las  Tours.  Le  poëme  provençal  que  Bécbade 
écrivit  sur  le  même  sujet  n'existe  plus  qu'à  l'état  de  souvenir  bibliographique. 

5  Les  principaux  traits  de  la  légende  du  Roumieu  sont  déjà  précisés  ce- 
pendant dans  YHistoire  et  Chronique  de  Provence,  de  César  de  Nostredame, 
p.  204-205. 

6  L* Alliance  latine  en  a  publié  un  fragment  en  1878,  p.  30-33  de  son  tome 
premier,  le  seul  qu'elle  ait  fait  paraître.  Le  titre  du  poëme  était  alors  la  Can- 
soun  latino,ei  l'auteur  a  dû  en  reconnaître  l'impropriété,  car  il  l'a  transformé 
en  celui  de  Toloza  dans  une  sorte  de  prospectus  distribué  en  1880  :  Toloza, 
geste  provençale,  fragment-spécimen  tiré  à  cinquante  exemplaires,  le  12  fé- 
vrier 1880.  Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi,  1880;  in-8o,  28  pages. 

On  me  permettra  de  signaler  ici,  puisque  l'occasion  s'en  présente,  la  parité 
de  situation  et,  jusqu'à  un  certain  point,  de  sentiments,  qui  existe  entre  Guibour, 
parlant  à  son  époux  du  haut  des  murs  d'Orange,  bh  il  voudrait  se  réfugier 
après  avoir  perdu  la  bataille  d'Aliscamps  contre  les  Sarrasins,  et  celle  de  Ray- 
mond de  Toulouse,  passant  avec  l'armée  des  Croisés  devant  la  porte  narbon- 
naise  de  Carcassonne,  sur  laquelle  se  trouve  placé  le  vicomte  Roger  Tren- 
cavel. 

Voici  l'imitation  de  Mistral  : 

«  Douço  mouié,  lou  cor.  me  manco; 
E,  se  fas  pas  leva  la  tanco, 
Toun  Guihèn  vai  plegasouto  lis  estramas 
Di  Maugrabin.  »—■«  N'as  menti  !  crido 
Guibour,  de  la  raço  abourrido, 


albigeoise  et  à  la  mort  de  Simon  deMontfort,  n*a  pas  craint  de  choisir 
un  sujet  où  il  rencontrera  maintes  fois  la  redoutable  concurrence  litté- 
raire de  la  Canso,  mise  à  jour  par  Fauriel  et  rééditée  par  M.  Paul 
Meyer  il  y  a  quelques  années.  Dans  lou  Chapladis  de  sont  Pouhiàri  de 
Zéerins  e  de  ses  cinq  cent  mouine  en  732  ^^  M.  Charles  Descosse,  de  For- 
cal  quier,  a  eu  à  lutter,  —  et  cette  lutte  a  été  tout  à  Tavantage  du  trou- 
badour du  XIII»  siècle, —  avec  un  petit  poëme  que  Raymond  Féraud 
avait  écrit  sur  le  même  fait  *.  Comme  le  fragment  précité  du  Calen- 
iiaUf  le  Carretde  Nime,  dont  nous  avons  à  rendre  compte  aujourd'hui, 
a  été  emprunté  à  la  vie  poétique  de  saint  Guillaume,  mort  en  812  à 
Tabbaye  de  Gellone,  où  il  s'était  retiré  quelques  années  auparavant. 
On  sait  la  multiplicité  des  transformations  que  la  littérature  des 
trouvères  a  fait  subir  au  duc  de  Toulouse,  les  anachronismes  sans 
nombre  et  les  inventions  tour  à  tour  étranges  et  héroïques  qui  ont  per- 
mis de  créer  plus  de  vingt  gestes  autour  de  sa  famille  et  des  souvenirs 
.historiques  de  sa  vie .  La  principale  de  ces  modifications  est  celle  qui 


Bessai  que  sies,  lengo  marrido  1 
Mai  tu  noun  sies  Guibèn  lou  comte  dôu  Court  nas  ; 

Guihèn,  à  vôsti  ctiourmo  vilo, 

Cafèr,  noun  laisse  brûla  vilo, 
Si  sôci,  près  o  mort,  Guihèn  noun  quito  ansin  ; 

Contre  l'audàci  di  coursàri, 

Guihèn  aparo  miéus  qu'un  barri 

L'ounour  di  vierge  ;  e  Guihèn,  àrri  I 
Noun  a  jamai  fugi  davans  lou  Sarrasin  I  » 

(Calendau,  p.  258-260.) 

Le  fonds  de  l'apostrophe  de  Roger  Trencavel  est  presque  identique  dans  le 
poëme  de  M.  Gras  : 

Entre  lou  vèire,  s'enfenestro, 
Lou  vicomte  Rouger,  e  ie  crido  d'amount  : 
f  De  que  veson  mis  iue?  Sarié-ti  vous,  Ramoun  ? 
Nàni  1  Ramoon  es  mort  o  sarro  soun  penoun 

Dintre  sa  valènto  man  destro  ! 
Ramoun  es  à  Toulouso  e  gardo  si  pourtau. 

Nàni!  Ramoun  noun  es  crousairel... 

Ounte  as  rauba  'quel  escut,  laire  ? 

T'alasso  de  faire  vijaire  : 
Te  déu  pesa  l'arnesc,  car  sies  un  Ramoun  fau  î 

*  Forcalquier,  Masson,  1879;  in-8o,  16  pages. 

8  M.  Sardou  Fa  publié  en  appendice  à  la  Vida  de  sant  Honorât.  Nice, 
Caisson  et  Mignon,  S.  D.;  in-»8o,  p.  191-208;  mais  peut-être  M.  Descosse  n'en 
a-t-ii  pas  eu  connaissance. 


20«  BmUOaRÀPHIB 

a  fait  du  lieutenant  de  Gharlemagne  une  sorte  de  maire  du  palais  de 
Louis  le  Débonnaire,  continuellement  occupé  à  défendre  Fempire  con- 
tre des  assauts  multipliés,  et  ne  recueillant  de  ces  luttes  que  l'ingrati- 
tude d'un  maître  inintelligent  de  ses  premiers  devoirs. 

Le  tableau  de  rinsouciance  du  successeur  de  Gharlemagne  constitue 
le  début  du  petit  poëme  de  M.  Gaidan: 

Lou  sucessour  dôu  Grand  Rarle  emperaire 
Fugue  Lovys,  que  noua  ie  semblé  gaire 
Ë  que  mené  pas  trop  ben  lis  afaire. 

Ere  un  foulas  que  viravo  à  tout  vent, 

Coumo  savès,  e  que  passé  souvent 

Dôu  jour  à  l'oumbro  e  dôu  trône  au  couvent. 

Or,  d'aquéu  téms  que  chascun  poutiravo 
Lou  bèu  mantéu  de  Karle  e  Testrifavo, 
Lou  fier  Court-nas  pèr  Lovys  bataiavo. 

Après  avedre  en  jusque  li  dos  mar 
Fa  grand  Tempéri  e  paga  de  sa  car, 
Au  bon  Lovys  digue  :  «  Vole  ma  part. 

»  Vous  ai  counquîs  TAquitano  e  TEspagno; 

»  Que  l'a  pèr  iéu  ?  »  —  Lou  fléu  de  Karle-Magno 

le  respoundè  :  «  Pèr  tu,  l'a  la  Tourmagno 

»  E  lis  Areno  e  Nime,  moun  cousin  ; 
9  Vai-t'en  II  prene  1  Moro-Sarrasin .  » 
—  Souvénti-fes  lou  rèi  pagavo  ansin. 

La  Canso  se  continue  ainsi,  en  strophes  d'allure  familière,  énergique 
et  concise,  jusqu'à  la  prise  de  Nimes  par  Guilhem,  au  moyen  d'un  stra- 
tagème qui  a  de  nombreux  équivalents  dans  la  littérature  des  contes 
populaires  et  de  la  poésie  épique  elle-même.  En  condensant  en  traits 
rapides  et  précis  les  éléments  essentiels  de  la  geste  française  du 
Charroi  y  publiée  en  1864  par  M.  Jonckbloet,  l'auteur  a  le  mérite  de 
ne  lui  avoir  rien  emprunté.  A  parties  brèves  indications  que  V  Histoire 
de  la  langue  française  de  M.  Littré  a  consacrées  au  thème  du  Charroi, 
tout  appartient  à  M.  G.  dans  lou  Carret  de  Nime,  les  détails  narratifs, 
les  indications  locales  et  la  versification  décasyllabique  à  rimes  alter- 
nativement masculines  et  féminines,  mais  disposées  tantôt  par  trois 
vers  et  tantôt  par  quatre. 

L'auteur  adopte  cette  dernière  division  à  la  quatrième  partie  de  son 
poëme,  celle  où  il  montre  les  compagnons  de  Guilhem  cachés  dans 
des  tonneaux,  et  entrant  à  Nimes  conduits  parleur  chef,  déguisé  lui- 
même  en  marchand  et  la  tête  à  demi  dissimulée  sous  les  pans  de  son 
manteau  : 


BIBLIOGRAPHIB  203 

Sus  lou  planas,  li  càrri  s'arranjavon  ; 
Li  Maugrabiiif  que  lis  envirounavon 
Coumo  de  mousco  à  Tentour  vounvounayon. 
Lis  abiha  de  ferré  espinchouDavoun. 

Court-nas  aten  que  tout  siègue  dedin  ; 
Quand  dôu  Palai,  dis  Areno  vesin, 
Marchon  vers  el  li  prince  Sarrasin, 
E  l'un  Tarresto  e  lou  rambaio  ansin  : 

c  Hôu,  lou  marchan,  veire  un  pau  ta  figuro. 
Ount'  as  perdu  tounbè?  —  Pèr  avanturo, 
Dins  la  Calabro  o  dins  TEstramaduro? 
As  de  Court-nas  toute  Testampaduro  I 

Pèr  Mahomet,  parlaras-ti,  moun  bèu?  » 

—  E  dôu  mentoun  ie  derrabo  lou  peu. 
Guilhèm  se  viro,  a  fa  dous  pas  e,  lèu. 
Brandis  Durando,  un  ihau  dins  lou  cèu  : 

<t  Ous  as  permés,  Jésus,  bounta  divino, 
Que  m'estrifesse,  aquéu  rèi  de  mounino  ! 

—  Regardo-me,  siei  bèn  Court-nas,  vermino, 
M'as  vist?  »  E,  vlan!  lou  fend  jusqu'is  esquino. 

Afin  que  la  critique  ne  perde  pas  tout  à  fait  ses  droits,  même  dans 
les  œuvres  où  elle  a  le  moins  à  dire,  signalons  quatre  vers  que  nous 
aimerions  et  que  tous  les  appréciateurs  du  talent  de  M.  G.  aimeraient 
à  voir  disparaître  du  Carret: 

La  ruso  es  vieio  e  d*Ulisso  es  un  trè 

Que  Guielin  renouvelé  dôu  grè. 

Es  proun  verai,  siblas,  n'avès  lou  dré. 

n  n^est  personne  qui  ne  soit  disposé  à  répondre  par  le  contraire  et 
à  souhaiter  que  l'auteur  entreprenne  la  traduction  provençale  de  quel- 
ques-unes des  parties  de  cette  geste  de  Guillaume,  qui  est  peut-être 
d'origine  méridionale  sur  certains  points,  mais  qui,  dans  tous  les  cas, 
reste  une  des  plus  hautes  manifestations  de  la  littérature  épique  de  la 
France. 

A.  Eoque-Febbieb. 


PÉRIODIQUES 


Zeitschrift  mr  romanische  Philologie.— IV  Band, 2-3  Heft. 
— P.  196,  F.  Scholle,  la  Critique  de  la  Chanson  de  Roland,  C'est  sur- 
tout par  la  tradition  orale  que  les  chansons  de  geste  se  sont  transmises 
d'une  génération  à  l'autre  et  ont  pénétré  dans  le  peuple.  L'auteur 
croit  que,  pour  la  Chanson  de  Roland  en  particulier,  beaucoup  de  va- 
riantes sont  dues,  non  aux  copistes,  mais  aux  jongleurs.  —  P.  223, 
Wamke,  Sur  T Époque  de  Marie  de  France.  L'auteur  croit  pouvoir 
placer  Marie  vers  1150;  si  la  date  de  1250,  que  j'avais  donnée,  d'après 
M.  Ed.  Mail,  dans  mon  édition  de  l'Évangile  aux  femmes  (PaniB,  Vie- 
weg,  1876),  est  évidemment  trop  rapprochée,  il  me  semble,  comme 
à  M.  G.  Paris  {Romania^  X,  299),  qu'il  serait  imprudent  de  l'avancer 
d'un  siècle  entier. 

Nous  profiterons  de  l'occasion  qui  se  présente  pour  déclarer  que  nous 
ne  tenons  pas  plus  que  de  raison  à  notre  hypothèse  de  l'identification 
de  Marie  de  France  et  de  Marie  de  Compiègne.  Le  petit  mémoire  en 
question,  qui  nous  a  servi  de  début  dans  les  études  romanes,  a  été 
composé  à  Compiègne  et  imprimé  dans  les  Mémoires  de  la  Société  his- 
torique de  cette  ville  :  cela  explique  suffisamment  la  tentation  que  nous 
avons  eue  de  faire  naître  Marie  de  France  vers  le  confluent  de  FOise 
et  de  l'Aisne.  Il  est  cependant  à  peu  près  certain  que  Marie  était,  non 
de  Normandie,  comme  le  veut  M.  Warnke,  mais  de  l'Ile-de-France, 
et  que  c'est  dans  ce  sens  restreint  qu'il  faut  entendre  Texpression  :  si 
sui  de  France,  dont  elle  se  sert  elle-même. 

P.  248,  Foth,  les  Verbes  auxiliaires  dans  la  formation  des  temps  fran- 
çais. Critique  de  la  théorie  de  M.  Chabaneau  sur  le  même  sujet. — 
P.  256,  A.  von  Mugi,  Poésies  historiques  en  langue  ladine.  L'auteur, 
dans  deux  précédents  articles,  avait  fait  connaître  la  poésie  dramati- 
qu£(Zeit8chrift,  II,  515  sqq.)  et  la  poésie  lyrique  {Zeitschrift,  III,  518 
sqq.)  de  ce  petit  pays,  dont  la  langue  est  si  intéressante  pour  les  ro- 
manistes. — P.  266,  Breymann,Ze«  Altspanîsche  Romanzen  de  Diez 
(remaniements  qu'a  fait  subir  Diez  en  1821  à  ses  traductions  de  vieilles 
romances  espagnoles  parues  en  1818). — P.278,  Jacobstbal,ie  Texte  du 
Chansonnier  de  Montpellier,  H.  196  (avâte  et  fin).~^P.  318,  BeÀst^V  ersion 
catalane  de  la  Visio  Tundali.  — P.  330,  Apfelstedt,  Poésies  religieuses 
des  Vaudois,  Reproduction  diplomatique  de  la  Barca  et  du  Novel  Ser- 
mon d'après  le  manuscrit  de  Genève  207. 

MÉLANGES.  —  I.  Histoire  littéraire,  P.  347,  C.  M  de  Vasconcellos, 
Découverte  sm  la  question  d'Amadis.  Il  s'agit  d'une  chanson  de  Jean 


PERIODIQUES  205 

de  Lobeira,  poëte  portugais  du  temps  du  roi  Denis,  qui   se  retrouve 
dans  le  roman  en  prose  à'AmacUs,  dont  la  rédaction  primitive  est  gé- 
néralement attribuée  à  un  autre  Lobeira,  du  nom  de  Vasco.  —  II.  Bi- 
bliographie. P.351,Grœber,  Lesmss,  B.N.fs./r,  24429  {La  Vall., 
41),  et  Sainte  Geneviève,  fr.fol.H.  6.  Ces  deux  mss.  n'en  formaient 
qu'un  à  Torigine:  la  table  de  la  seconde  partie  (ms.  B.  N.)  se  trouve 
à  la  fin  de  la  première  partie  (ms.Sainte-Gen.). — III.  Textes.  1°  P.  363, 
Bartsch,  le  Chansonnier  provençal  f. —  2°  P.  362,  Suchier,  Fragment 
d'une  Madeleine  en  anglo-normand.  —  3o  P.  364,  Stengel,  Fragment 
É^'Aspremont  (Bibliothèque  nationale  de  Florence,  VII,  932). — 4°  P.  365, 
Stengel,  la  Deputeison  entre  Vame  et  le  cora  (additions  à  un  précé- 
dent article,  voir  Zeitschrift,  IV,  74  sqq.  —  5°  P.  368,  Stengel,  Frag- 
ment  d'un  glossaire  latin-français  du  XIII^  siècle  (un  seul  feuillet,  ap- 
partenant au  docteur  Emile  Pfeiffer  de  Wiesbaden).  —  IV.  Exégèse. 
P.  371,  IJebrecht,  Sur  la  Chanson  de  Roland.  Conjectures  étymologi- 
ques, souvent  risquées,  la  plupart  sur  des  noms  propres.  —  V.  Re- 
cherches étymologiques.  1°  P.  373,  Tobler,  Éiymologies:  \t.  paragone  = 
Trapaxôvïj,  pierre  de  touche  ; — fr.  ponceau  (v.  fr.  ^onceZ),  diminutif  de 
poon=pavone,  ou  ]^hït6t  de pavo(t)  ^=  papaver; — fr.  acariâtre,  a  été 
formé  à  Taide  du  grec  a^apiç,  auquel  on  a  ajouté  une  terminaison,  sur 
le  modèle  de  opiniâtre  {Gî..  G.  Paris,  JRom.,  X,  302,  qui  donne   une 
étymologie  plus  vraisemblable); — es^.cachalote  (d'où  le  fr.  cachalot), 
augmentatif  de  cachuelo,  qui  se  rattache  à  catultis. —  2°  P.  377,  Fœrster, 
Éiymologies  romanes  (VoirZeitschrift,  111,661):  26,  it.  pitnale  =  lat. 
pluviale;  — 26,  fr.  p<mture=^  pultura {Cf.  Joret  et  G.  Paris,  Remania, 
IX,  579);  — 27,  it.  vello  =  veUus; —  28,  fr.  pluriel  =  v.  fr.  plurél, 
puis  pktrier,  prononcé  plurié  (Cf.  ménestrel,  d'où  menestrier),  et  enfin 
pluriel,  par  réaction  étymologique  ;  —  29,  v.  fr.  faire  m^sseant  =  faire 
[à  quelqu'un]  quelque  chose  de  désagréable  (Cf.  Tohler,  Mittheil.,  264, 
et  G.  Paris,  i2o?».,  VIII, 289,  qui  approuve  l'explication  de  M. Tobler; 
M.  Fœrster  donne  à  l'appui  de    cette  même  opinion  de  nombreux 
exemples); — 30,  fr.  verve  =  verha  f  (Cf.  G.  Paris,  Rom, ,  X,  302,  qui 
regarde  cette  étymologie  comme  certaine.  — 3<>  P.  383,  Ulrich,  it.  as- 
8e8tare,eBp.  sesgar,  dérivés  de  sexus^  participe  de  secare  parallèle   à 
secius.  — 4®  Suchier,  fr.  crevette,  chevrette  (Cf.  Zeitschrift,  III,  611,  et 
Romania,  VIII,  441;  IX,  301,  et  X,  238).— VI.  Grammaire.  P.  384, 
Schuchardt,  Note   additionnelle  à  son  article  du  numéro    précédent 
(Zeitschrift,  IY,U3). 

Comptes  rendus. —  P.  386,  Scheler,  Anhang  zu  Diez'  Étymol.  Wœr- 
terbuch  der  roman  Sprachen  (Vollmœller,  indication  de  quelques  omis- 
sions). —  P.  387,  Ad.  Bartoli,  Storia  délia  Letteratura  itaUana,  I-III 
(Gaspary,  article  important,  favorable). —  P.  393, Cari  von  Reinhard- 

16 


206  PERIODIQUES 

Btœttner,  TheoreHscTi-practiscke  Grammatih  der  itaîienischen  Sprcushe 
(Mussafia,  très-défavorable).  —  P.  394,  Salomone-Marino,  Leggende 
popolari  siciliane   (Liebrecht,  long    article   très-élogieux).  —  P.  401, 
Koschwitz,  Sécha  Bearheitungen  des  altfr,  Gedichts  von  Karls  des  Gros- 
sen  Reise  nach  Jenualem  wnd  Conêtantinople  ;  et  Karls  des  Grossen 
Reise,  etc.  (Suchier,  long  article)  (Cl,  Bévue,  XVIII,  196).  L'auteur  ne 
croit  pas  que  le  poème  soit  du  XI*  siècle,  comme  le  veut  M.  G.  Paris. 
(Voir  rintéressant  mémoire  de  ce  dernier,  Rom.,  IX,  1).  —  P.  415, 
Fœrster,  De  Venus  la  déesse  d'amor  (Suchier,  Cf.  Boucherie,  Revue, 
XVIII,  286).— P.  420,  Weber,  Ueher  den  Gehrauch  von  devoir,  laissier, 
pooir,  savoir,  soloir,  voloir,  im  Alifranzcesischen  (Stinmiing)  —P. 422, 
Lachmund,  Ueher  den  Gehrauch  des  reinen  und  des  prœpositionalen  Infi- 
nitifs im  Altfiranzôsischen(Foth,  favorable). — P.  424,  Lubarsch,JFVan» 
Verslehre f'Foth,  Diejranz,  Metrik{LampTecht).^Gh.de  Tourtoulon  et 
0.  Bringuier,  Étude  sur  la  limite  géographique  de  la  langue  d'oc  et  de  la 
langue  d'oïl  (Breymann,  reproches  au  dessinateur  de  la  carte). — P.  430, 
Clédat,  du  Rôle  historique  de  Bertrand  deBom  (Stimming).  — P.  438, 
Levy,  Guilhem  Figueira  (Bartsch,  favorable;  Cf.  Rom.,  X,  261).  — 
P.  443,  Hartmann,  Ueher  dos  altspanischs  Dreikœnigspiel  (  Baist,  ar- 
ticle rectificatif  important,  en  somme  défavorable) . —  P.  456,  A.  Morel- 
Fatio,  l'Espagne  au  XVI*'  et  au  XVII^  siècle  (Baist,  corrections  nom- 
breuses au  Cancionero  de  Wolf enbiittel) . — P.  459,  Ulysse  Robert,  In- 
ventaire sommaire  fies  manuscrits  des  hihliothèques  dé  France  (Bartsch; 
M.  Grœber  ajoute  des  détails  précieux  sur  divers  mss.  contenant  des 
textes  français  du  moyen  âge).  — P.  464,  Romanischs  Studien,  Heft> 
XIV-XV  (IV,  2-3)  (Grœber,  Gaster,  Seeger).— P.  468,  Rom4mia,3S- 
34  (Grœber,  Baist,  Bartsch,  Flugi.  M.  Tabbé  Aymeric  répond  de  son 
mieux  à  M.  Meyer,  qui  a  parfaitement  raison  contre  lui,  quand    il  lui 
reproche  d'avoir  fait  entrer  dans  la  phonétique  du  rouergat  cano,  mot 
purement  français  au  sens  de  bâton  ;  cano,  cana,  au  sens  de  mesure,  est 
particulier  au  sud -est  du  département,  sur  les  confins  du  Gard  et  de 
l'Hérault,  et  par  conséquent  en  dehors  du  domaine  du  vrai  rouergat  . 

L.    CONSTANS. 


CHRONIQUE 


Dons  faits  a  la  Bibliothèque  de  la  Société  .  —  A  l'honneur  de 
Dieu  et  au  salut  du  monde,  etc.  Kécit  de  la  Passion  de  Jésus-Christ.  Aix, 
Xieydet,  S.  D.;  in-8°,  8  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

L'Aube,  prose  et  poésies  françaises  et  provençales  publiées  par 
l'Agora  de  Provence.  Marseille,  au  siège  de  la  Société,  1881;  in-8®, 
16  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Banquet  de  la  f  elibre jada  dau  vint-e-cinq  de  setembre  mdccîclxxxi  . 
—  A.  Chastanet  :  lous  Dous  Cuberts,  poésie  limousine.  Montpellier, 
Iniprimerie  centrale  du  Midi,  1881;  in-8o,  2  pages; 

Pierre  Bellot,  poète  provençal.  Epitaphes.  Marseille,  Boy,  1861; 
iii-8<>,  88  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

AiTiaud  (Joseph):  Nouveau  Recueil  de  noëls  provençaux,  l'e  édition. 
Carpentras,  Gaudibert-Penne  [1815];  in-12,  88  pages  (don  de  M.  Clair 
Gleizes); 

Bard  (Louis):  Nourado  [poésie  provençale].  Montpellier,  Imprimerie 
centrale  du  Midi,  [1881];  in-8°,  4  pages; 

Bellot(Pieire):Nai8sance  de  Notre- Seigneur  Jésus-Christ,  ou  Cièche, 
pastorale  en  quatre  actes  et  sept  tableaux,  en  vers  français  et  proven- 
çaux. Marseille,  Boy,  1851  ;  in-8o,  48  pages  (don  de  M .  Clair  Gleizes); 
Bonaparte-Wyse  (William-C.)  :  Dos  Fantasié  felibrenco  :  lou  Cant 
de  ciéune  de  Bellaudoun  e  la  Deïficacioun  dôu  vènt-terrau.  Montpel- 
lier, Imprimerie  centrale  du  Midi,  1881;  in-8o,  16  pages  ; 

Boudin  (Augustin):  Angelo,  poëme  provençal,  précédé  d'une  Notice 
sur  Touvroir  de  la  bienfaisance  d'Avignon,  Avignon.  Bonnet,  S.  D.  ; 
in-8o,  16  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Boudin  (Augustin):  Garbeto  de  fablo,  avec  une  préface  de  M.  Pa- 
trice Rollet.  Avignon,  Bonnet,  1853;  in-8°,  62  pages  (don  de  M.  Clair 
Gleizes); 

Cazalis  (le  docteur  Frédéric)  et  Foëx  (G,):  Essai  d'une  ampélogra- 
phie  universelle,  par  M.  le  comte  Joseph  de  Rovasenda,  traduit  de 
l'italien,  annoté  et  augmenté,  avec  l'autorisation  et  la  coopération  de 
l'auteur,  par  M.  le  docteur  F.  Cazalis  et  le  professeur  G.  Foëx,  avec 
le  concours  de  M.  H.  Bouschet  de  Bernard,  A.  Pellicot,  PuJliat,  To- 
chon,  etc.  Montpellier,  Camille  Coulet,  1881;in-4®,  xx-242  pages  (don 
de  M.  le  docteur  F.  Cazalis); 

Chailan  (Fortuné):  leis  Quichiés,  sceno  histouriquo.  Marseille,  Es- 
tellon,  1846;  in-8o,  16  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Courdouan  (Biaise):  Mes  Délassements.  Poésies  françaises  et  pro- 
vençales, publiées  par  Courdouan  Biaise,  de  Marseille.  Marseille,  Olive, 
1871;  in.8«,  p.  73-104  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Crousillat  (A.):  Adam  de  Craponne,  ode  en  vers  provençaux  à  l'oc- 
casion du  monument  inauguré  à  Salon  le  22  octobre  1854,  suivie 
d'une  notice  biographique  par  J,-B.  Sardou.  Salon,  Gounelle,  1864; 
in-8o,  16  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Dauphin  (Casimir)  :  leis  Vieils  Camins,  poëme  en  vers  provençaux. 
Marseille,  Gueidon,  1861;  in-8°,  16  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

purbec(F.-H):  la  Tourré  de  Babeou  ou  la  Franco  en  réyoulutien, 
suivido  dé  la  Guerre  émé  la  Prusso,  dialogue  en  très  partidos.  Mar- 
seille, chez  les  principaux  libraires,  1874;  in  8o,  36  pages  (don  de 
M.  Clair  Cleizes); 


208  CHRONIQUE 

Granier  fA.-L.):  Remounto-dégun  vo  leis  amours  d'un  nervi,  épi- 
sode coumiquo.  Marseille,  Arnaud,  S.  D.;  in -8®,  4  pages  (don  de 
M.  Clair  Gleizes); 

Grimaud  (l'abbé):  Ode  à  Notre-Dame  de  Mont-Serrat  (Catalogne), 
pièce  qui  a  obtenu  au  concours  de  Mont-Serrat,  pour  la  langue  pro- 
vençale, un  premier  prix  décerné  par  Mgr  l'évêque  de  Barcelone. 
Avignon,  Séguin,  1880;  in-8o,  16  pages  (don  de  M.  Claii-  Gleizes); 

Lejourdan  (Jules):  lou  Rei  dei  Marchands,  cansoun  coumiquo. 
Marseille,  Boy,  1867  ;  in-8','4  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Maurel  (A.):  l'Antéchrist,  leis  Pescairea,  poésies  provençales,  ré- 
ponse, au  nom  de  la  classe  ouvrière,  à  la  Vie  de  Jésus  et  aux  Apôtres, 
de  M.  Renan.  Marseille,  Olive,  1866;  in-8°,  16 pages  (don  de  M.  Clair 
Gleizes); 

Mazière  (P.):  le  Gros  Souper,  ou  les  Fêtes  de  Noël  à  Marseille;  étude 
locale.  Marseille,  Crespin,  1873;  in-12,  80  pages  (don  de  M.  Clair 
Gleizes)  ; 

Roque-Ferrier  (A.)  :  Brinde  pourta  à  'n  Basèli  Alecsandri  dins  Tas- 
semblado  mantenencialo  dôu  xxv  de  mai  mdccclxxix.  Montpellier, 
Imprimerie  centrale  du  Midi,  1881;  in  8»,  4  pages  ; 

Roux  (l'abbé  Joseph):  Peire  Rogier,  poëme  en  langue  limousine. 
Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi,  1881  ;  in-8o,  8  pages  ; 

Utato  Fuçi  :  Hyms  and  Tunes  in  Japanese.  Yokohama,  printed  at 
the  Mission  printing  press,  1876; in-12,  viii-92  pages  (don  de  M.  Clair 
Gleizes); 

Vianés  (Eugèna):  Récréatiouns  d'un  cassaïre.  Mounpéyé,  Ricard 
frèras,  1870  ;  in-8*',  iv-115  pages  (don  de  MM.  A.  Vianès  et  F.Vianès, 
fils  de  l'auteur); 

Onze  journaux  donnés  par  M.  Olair  Gleizes  (3),  Charles  <jrros  (1)  et 
Roque-Ferrier  (7). 


Le  gérant  responsable  :  Ernest  Hamellx. 


Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi.  —  Hamelin  frères. 


Dialectes  Anciens 


LES  MANUSCRITS  PROVENÇAUX  DE  CHELTENHAM 

m        .. 

LA   COUR  d'amour 

{Suite) 

[S]o  dis  Amors  :  a  La[s]  dompnas  son 

Total(s)  plus  dousa  res  del  mon  ; 

Eu  soi  lor  et  ellas  son  mias, 

E  be  conois  que  lur  follias 
785      Lor  tolon  ganre  de  lur  pron  ; 

Que  quant  om  dis  :  «  A  vos  me  don, 

Bella  dousa  res,  ses  engan, 

A  Dieu  e  ab  vos  mi  coman  ; 

Dompna,  vezas  ma  bona  fe  ; 
790      Si  nom  retenes,  morai  me. 

Caitiu,  qu'hai  dit  ?  Dompna,  nous  pes 

Q'el  grans  deszirers  qem  tenpes  (?) 

Me  fai  lo  maltrait  descobrir  ; 

E  si  vos  mi  fazes  morir, 
795      Mi  plaz,  mas  noi  haures  honor, 

S'auciez  vostre  servidor  ; 

Q'eu  sai  be  que  per  vos  servir 

Nasqiei,  e  qant  li  dous  sospir 

Me  coiton  tan  que  per  vos  plor, 
800      Beu  las  lagremas  de  dousor. 

E  die  :  a  Oillz,  bon(a)  fosses  anc  nat, 

Qar  baves  per  mi  donz  plorat, 

Qen  val  mens.  »  —  S'ellal  respont  gent, 

E  ce  mercei(r)a  coindament, 
(  P,co/.  L)  805  E  dis  :  a  Amicx,  eu  vos  sai  grat 
De  ço  que  m'avetz  présentât. 

Eu  voell  que  per  me  siaz  pros, 

V.  785,  garen;  793,  ne  fai;  801,  feses. 

TOMS  SIXIÈMB  DE   LA  TROISIÈME  SÉRIE.   —  NOVEMBRE  1881.  1 


210  MANUSCRITS  DE   CHELTENHAM 

Ë  VOS  tenrai  gai  e  joios.  » 
Ez  haura(i)  son  près  retengut, 

810      E  l'autra  aura  fait  coinde  drut  ; 
E  pueis  s'il  en  conois  s'onor, 
Pot  en  faire  son  amador. 
Merces,  aitant  farai  per  vos, 
Que  dompnas  metran  orguel  jos, 

815      Mais  amaral  plus  orguilosa 

Son  drut  que  cel  cui  [es]  esposa,    . 
E  li  drut  seran  lur  senior  ; 
E  portas  lur  aquesta  flor, 
Per  entresenia  q'ieu  lur  man, 

820      QMli  auran  tôt  so  qill  voran. 

Las  cobe(ze)sas,  don  vos  clamaz, 
Jamais  non  vos  entremetaz, 
Corteszia,  las  atzinadas, 
Aquellas  qui  queron  soldadas, 

825      Ez  getat  de  ma  compania; 

Non  voell  c'om  lur  son  en  la  via, 
Que  dompna  que  diniers  demanda 
Es  traitris  e  mercaanda, 
E  non  saubon  tant  de  raubar 

830      Li  galiot  de  sobre  mar. 

E  s'ela  me  faz  mon  plazer, 
[CoL  2.)  AJs  diners  en  dei  grat  saber; 

A  leis  non  dei  portar  onor, 
Segond  lo  jutgament  d'Amor.  » 

835      [A]mors  levet  dei  parlament, 
E  tuit  li  baron  eissament. 
La  cortesa  cTamor  lo  sona  : 
«  Senier,  qar  non  portes  corona, 
Que  reis  es  de  trastota  gent, 

840      Apres  Christus  l'omnipotent.  » 
La  corona  Ihan  aportat, 
Jois  Ta  mantenent  coronat. 
La  fontania  près  a  bruir, 

V.  816,  qar;  843,  bruiz 


MANUSCRITS   DE   CHELTENUâM  211 

E  la  conca  a  reten[t]ir, 
845      G'om  no  sap  negun  estrument 

El  mo[n]  qe  s'acordes  tan  gent. 

L'arbre  Tencoron  (a)soplejar. 

Que  ravia[n]  vist  coronar  ; 

Del  prat  11  sailon  per  lo  vis 
850      Violetas  et  flor  de  lis, 

E  en  tôt  lo  mon  non  a  flor 

Nol  fasa  tant  qant  pod  d'onor. 

Qant  venc  al  intrar  del  castel, 

Comenson  a  cantar  Taucel, 
855      El  foc  d'amor  ad  abrasar, 

E  las  donzellas  a  dansar, 

E  Famador  canton  dons  lais  : 

Tan  rica  cort  no  er  jamais. 
(/^38, 7^,  col.  l.jPels  deis  s'asezon  ma[n]tenent, 
860      Las  flors  els  ausels  mesclament  ; 

El  mon  no  es  volta  ni  lais 

L'ausel  non  canto  en  palais. 

Del  manjar  ja  no  er  parlât, 

G'om  no  sap  poison  ni  dintat, 
865      Que  a  cors  d'orne  fasa  ben, 

Noi  aja  tan  quan  i  coven. 

Quant  son  asis,  la  gaita  cri[d]a  : 

«  Cobezesa  es  morta  e  aunida, 

E  haven  Orguel  abatut  : 
870      Ara  si  guardon  li  cornut, 

Que  mossenior  porta  corona, 

A(l)quel  han  joi  cui  el  en  dona; 

E  totz  om  es  malaiiros, 

Que  non  s'  acompaina  ab  vos. 
875      Nos  haven  fag  lo  jugament 

D'Amor  :  fols  es  qui  non  l'aprent.  » 

Amors  comencet  a  seinnar, 

E  anceis  que  volges  manjar, 

El  dis  :  a  Senior  Deu  glorios, 
880      Tôt  aquest  joi  teng  eu  de  vos  ; 

V.  845,  sat  negus;  846,  qa  sa  cordes;  854,  li  aucel ,  859,  si  asezon;  871, 
monsenior. 


212  MANUSCRITS    DE    GHBLTBNHAM 

Seiner,  la  vostra  gran  merces 
De  Tonor  qu'ieu  hai  e  del[s]  bes.  » 
[QJuant  han  lo  premier  mes  a[u]jutz. 
Ris  e  Deport[z]  i  es  vengutz:. 

885      Joglar  foron  a  Fin'  Amor, 
(Col.  2.)  Ab  na  Coindia  sa  seror, 

Qui  vai  per  sol  molt  coindament, 
Dansan  ab  un  cimblos  d'argent. 
Tan  gai  son  que  lor  cor  lu  r  vola; 

890      Kus  ag  arpa,  l'autre  viola: 
Per  las  taulas  viras  los  drutz 
De  la  gran  dousor  esperduiz  ; 
Las  donzellas  cujon  sautar 
Fors  de  las  taulas  per  dansar. 

895      Mais  Amors  o  ha  conogut, 

Q'ha  per  rire  son  cap  mogut  : 
Pel  seneschal  lur  a  mandat 
«  Qel  joglar  sion  escoutat, 
Q'el  vol  pueis  a  tôt  lur  plaszer 

900       Se  deporton  a  lur  voler  ; 

E[l]  fe[s]  qu'il  devon  non  lur  pes, 
Qu'ami  soffrir  vez  om  lo  certes.  » 
[L]i  joglar  s' aprochon  del  rei, 


905      Rire  parle t  enantz  Déport: 

a  Amors,  molt  vos  fan  estrain  tort 
Li  lausengier(s)  de  linvitas(?), 
Oui  mal[sj  fuecs  las  lenguas  abras, 
Que  li  phylosof  el  doctor 

910      Jutguon  lausengier(s)  per  traidor; 
Sia  breus  sa  raszon  ou  longa, 
Lo  tôt  ol  plus  sera  mensonga. 
Ai  Dieus  !  con  lait  han  desconfit, 
(  V°y  col.  1 .)        Com  han  dompnas  e  drutz  partit  I 

915      Qel  drutz  dis  :  «  Dousa  res  causida, 

V.  883,  le  premiers  ;  896,  por;  902,  qainl li  cortos;  903,  se  proschon  ; 

912,  mensoDJa. 
1  Vers  oublié  par  le  scribe. 


]fAKI36CRITS    DB  GHBLTBKHAM  S13 

Moat  vos  avia  ben  servida  ; 

Totz  mos  avers  e  mos  tesors 

Era  lo  vostre  gentil  cors. 

Et  non  seretz  jamai  Fardida. 
920      E  doncs,  dompna,  quem  val  ma  vida  ? 

Ben  m>r  dura  rez  ez  amara(i) 

Sella  *  vostra  convinent  cara, 

Qae  fai  lot  lo  mon  resplandir, 

Se  laissa  que  vas  me  nos  vir. 
925      Fait  o  an  li  lauze[n]jador, 

Com  aqel  que  damnia  la  âor 

Del  vergier  que  vol  solde jar. 

Que  [ja]  non  puesca  pois  frug  far, 

Zois  era  floritz  antre  nos, 
930      Mais  lausengier(s)  Ten  han  secos. 

Que  noi  han  laissât  flor  ni  foilla  : 

Per  que  Faigua  del  cor  mi  moilla 

Mos  oills.  Mas  cant  a  trop  tengut 

Lais  temps,  et  que  za  feit  plogut, 
935      Plaz  mais  lo  sole(a)ls  el  bels  jorns, 

Ez  es  a  tota  cens  sozorns  ; 

Atressi  creis  e  dobla  zais 

Apres  lo  maltraig,  e  val  mais. 

Fer  q'eu,  dompna,  nom  desesper, 
940      Ni  ja  Dieus  no  m'en  don  lezer, 
(Col.  2.)  Que  de  vos  sparton  mei  deszir. 

Nés  lo  zorn  que  voirai  morir. 

Que  qan  per  aventura  ven 

Q'[e]u  dorm[i]  ez  estau  tan  ben, 
945      Dompna,  q'adonc  soi  eu  ab  vos, 

E  remir  las  vostras^faisos, 

E  cug  ades  ab  vos  parlar 

Privadamens,  si  com  soil  far, 

E  cug  q'ades  siatz  enblada 
950      De  la  cambra  en  que  es  gardada, 

V.  922,  convinens  ;  924,  nos  jur  ;  925,  fart  aan  ;  935,  bels  Iods 
*    StlJa  =:  6en  la  =  sine  illa. 


2U  MANUSCRITS  DB  CHBLTfiNHAM 

Lo  grans  zol  me  fai  rie  e  dar(?); 
E  quant  eu  non  vos  puosc  trobar, 
Tan  granda  dolor  men  deven 
Q*ieu  me  mervell  qar  non  forsen. 

955      E  Dieus  !  que  me  pod  conortar? 
Qan  mi  soven  del  embrasar 
E  del  dous  baiszar  e(l)  del  rire, 
Âmiga,  ben  devria  ausire  ; 
Que  vos  estaz  ma  dousa  amiga, 

960      Aisi  com  la  raza  ab  ortiga  ; 
Que  vos  es  dousa  e  plazens, 
Ez  es  pausada  entr'avols  gens.  » 
Enaisi  plaing  lo  drutz,  el  druda 
Es  mil  aitans  morta  e  venduda, 

965      Q'el  non  ausa  ab  ome  parlar, 
Ni  gen  vestir  ni  gen  causar  ; 
Ni  s' ausa  deportar  ni  rire 
(/'"  39,  r«,  co/.l.)Que  non  haja  paor  d'aucire; 
Ez  esta  en  gran  penssamen, 

970      E  ditz  en  son  cor  moût  soven  : 
((  Bels  amies,  haurai  jamai  aisze, 
Que  vos  percoUe  ni  vos  baisze. 
Eu  non  (?)  faillit  son  mei  déport, 
Me  e  vos  han  lauzengier(s)  mort.» 

975      Amors,  penren  en  ja  venjansa, 
Nin  portaren  escut  ni  lansa, 
Sobrels  lausengiers  traidors, 
Que  tolon  las  dousas  amors.  x> 

Plasers,  lo  senescals  d'Amor, 
980      Parlet  en  luoc  de  son  seinor. 

Moltfopros  e  certes  e  vi(a)stes, 
E  savis  hom  e  bon  légistes. 
[E]  li  ha  dit:  a  Bels  amies  bos, 
Gent  aves  dig  vostras  razos  ; 
985      Mais  tôt  quant  aves  devizat, 


V.953,em  deven;957,  dons  (dos  avec  un  sigle  sur  Vo)\  959  et  978,  donsa; 
966,  ome  (avec  un  sigle  sur  /'e);  983,  ha  liz. 


MANUSCRITS   DE   CHELTSNHAM  )tlb 

Ha  hoi  Cortezia  jugat, 

Q'ill  ditz  q'ab  sen  et  ab  mesura 

Pot  hom  aver  amor  segura  ; 

E  si  lausengier  son  Marcos, 
990      Hom  lur  deu  esser  Salamos  . 

Ja  no  er  que  gilos  non  sia, 

Mais  ieu  die  que  re  non  enbria, 

Que  mosseihner  es  poderos, 

Que  ia  l[a]uzengiers  ni  gelos    , 
995      Non  feran  dan  a  drut  certes, 
{Col.  2.)  Ans  [tôt]  lur  pro  mas  be  lur  pes; 

Qar  en  luoc  fan  tan  gran  paor, 

Q'el  non  parlara,  aujen  lor. 

E  si  con  Taurs  el  f(l)uec  s'escura, 
1000      Aques(i)ta  paor  los  meillura, 

Q'el  si  gara  de  fol  parlar, 

E  fai  ab  sen  tôt  son  afar  ; 

E  sil  van  si  don[s]  espian, 

E  ill  fan  vezer  lur  bel  semblan, 
1005      Ab  tal  don  gaire  no  li  cal, 

A  que  cobre  son  joi  coral.  t 

[AJpres  ditz  Deportz  :  «  Gran  faillida 

Fai  aquel  que  si  donz  oblida, 

Quan  de  son  gen  cors  on[o]rat 
1010      El  non  Ta  trait  ni  galiat, 

Antz  Ta  tengut  gai  e  jausen. 

Fait  [de|  tan  envejos  prezen 

Coves,  de  son  bell  acuillir, 

E  Ta  volgut  tan  enreqir 
1015      Que,  si  ag  maltrait  de  s' amor, 

Ar  loi  ha  tornat  en  dousor  ; 

E  donat  de  sas  bellas  res, 

Mangas  [e]  cordes  et  orfres  ; 

V.  995,  ceran;  1005,  gaere. 

*  AllusioQ  aux  Dits  de  Marcoul  et  de  Salomon,  recueil  de  proverbes  don 
la  première  rédaction  en  français  remonte  au  Xlle  siècle.  A  chaque  sentence 
de  Salomon,  Marcoul,  une  espèce  de  Sancho  Pança,  répond  par  un  proverbe 
populaire  et  souvent  licencieux.  De  là  l'idée  de  réciprocité  exprimée  par  nos 
deux  vers;  mais  les  rôles  sont  ici  renversés,  et  l'attaque  est  attribuée  à  Mar- 
coul {Marcon), 


216  MANUSCRITS  DB    GHELTBNHAM 

E  s'il  mostra  puei  cor  truan, 
1020      No  se  pot  desfendre  d'angan, 

Antz  contrafai  lo  traidor 
(  P,  col,  1.)        Qu'es  ries  de  l'aver  son  seinhor  ; 

E  pueis  met  contra  luei  l'aver, 

Es  pena  de  lui  decacer. 
1025      Ges  non  deu  haver  cor  volatge, 

Antz  deu  [el]  tenerferm  coratge, 
,  Que  bona  dompna  non  peijura, 

Antz  enancha  ades  e  meillura  ; 

Qu'eu  prez  mai  la  valpr  el  sen 
1030      De  dompna,  non  faz  lo  joven  ; 

E  si  com  frugs  val  mais  que  flor, 

Val  mais  que  beltat  lavalor. 

Mais  cant  es  bona  la  canchos, 

La  laissai  joglar  enoios  ; 
1035      Aital  fai  que  tota  sazon 

Non  fai  si  donz  quel  sapcha  bon  ; 

E  si  fai  après  autr'  amia, 

Ni  autra  cosa  cui  si  fia. 

EU'  apella  son  amador  \ 


1040 


Que  totz  temps  es  de  joi  de  l'una, 
La  boca  qez  enqier  mas  una.  » 

—  a  [S]i  m'ajut  Dieus,  so  dis  Coindia, 
Ben  fai  mal  que  si  donz  oblia  ; 

1045      E  mal  fai  dompna  que  de  lonja 
Son  amie  pois  per  lui  esconja, 
Que  ja  non  sera  tan  zinnosa, 
Dans  pueis  que  si  fai  vergoinosa 
{Col,  2.)  D'aquel  que  volria  aver  près, 

1050      Non  faza  lo  vilan  cortes, 

E  perja(z)  son  ben  et  s'onor, 
Qu'enantz  que  li  lauzenjador 
0  hajon  saubut  ni  sentit, 

V.  1019,  uuostra;  1037,  e  fi;  1038,  qicosapchatz  si  fia:  1045,  lonza. 
*  Lacune  d'un  ou] plusieurs  vers. 


IfÂMUSCRTEB  DE   GHBL'raSNHAM  217 

Deurian  haver  son  joi  complit. 
1055      Car  tost  passon  lî  mercadier 

Lo  pas  on  torna[D]  li  stradier  ; 

E  qan  (ill)  son  en  via  segura, 

lU  van  bellament  Tanblaûra. 

Atressi  dompnan  deu,  alen 
1060      Penre  son  joi,  mas  tome  (son)  gen  ; 

(E)  deu  gardar  que  Fin'  Amors  gaia 

Per  lonc  en  plaidar  non  dechaia; 

E  nos  deporton  [de]  nos  (oi)mais, 

Eir  auzell  movan  tut  lur  lais. 
1065      Envejan  si  s'acordon  gen 

L'auzell  e  nostri  estrumen, 

Qi  après  aisso  aulaz  voz 

El  joi  que  menon  entr'  els  totz. 

Ben  ha  pus  dur  (lo)  cor  d'aziman  *, 


1070 


Onorse  Vahrs  e  Batllessa 
D'Amor,  que  re  mas  joi  non  pessa, 
Son  vengudas  (ad)  auzir  lo(s)  chan, 
Ë  son  vestudas,  d'un  semblan, 

1075      D'un  blanc  samit  ambe  floretas 
D'aur;  capelz  han  de  violetas. 
(f^40, ro,  coL  l.)Qant  ellas  entron  el  palais, 

Sapchatz  que  la  cortz  en  val  mais. 
La  Baillessa  d' Amor  a  presa 

1080      Honor,  de  jost  Amor  l'a  mesa. 
El  ac  gran  joi  qan  l'ag  veszuda: 
Vas  si  la  streing,  baisar  la  cuda  : 
Mais  sas  gen[s]  lo  feiron  suffrir, 
Per  paor  qen  fezes  mûrir 

1085      De  plan'  enveja  dos  o  très, 

Que  la  dompna  es  tan  bella  res. 
E  ditz  :  ((  Dompna,  ben  fos  onrada 

V.  1059,  dompna  non  ;  1075,  ab  floretas. 

*  Lacune  dont  il  est  difficile  de  déterminer  l'importance  ;  elle  doit  compren- 
dre la  fin  du  discours  de  Coindia,  et  peut-être  d'autres  encore. 


21K  MANUSCRITS   DE   GHVLTBNHÂM 

Ma  bocca,  sîus  hages  baisada^ 


109()      QMeu  non  soi  dignes,  dons'  amiga, 
Que  tanha  d'Onor  vostra  boca, 
Que  tôt  es  sans  qant  a  leis  toca. 
Vos  mi  tenes  en  tal  liam, 
Gon  pus  m'aucises,  no  m'en  clam. 
Per  qu'auciretz  vos,  dompna  bella, 
1095      Celui  que  vas  vos  nos  revella  ? 

Vostra  dousa  amors  m'esperona  ; 
Pos  bella  es,  siatz  me  bona  ; 
E  non  fassatz  Tauszellador, 
Q'apella  e  trai  ab  dousor 
1100      L'auszel,  tro  qe  Ta  en  sa  tela, 
Pueis  Tauci  el  destrui  el  pela. 
Dompna,  Tuell  pus  luszent  qu'estela 
Regardon,  pus  son  cor  nous  cela 
{Col.  2.)  1105     Lo  votre  sers,  que  tant  vos  ama, 
Per  Dieu  e  per  vos  se  reclama  ; 
Per  mil  vez  siatz  ben  venguda, 
Qran  joia  m'es  al  cor  creguda, 
Qar  es  tant  ôna  e  tant  liaus, 
1110      Ja  mos  cors  non  haura  repaus, 
Tro  qem  digas  coment  sera, 
Sill  vostre  bel  cors  m'amera  ; 
Q'ieu  soi  vostr'  hom  en  tota  guisza. 
Que  Fin'  Amor  el  cor  m'atisza 
1115      Un  fuec  don  m'es  suaus  la  flama, 
Que  del  vostre  bel  cors  m'aflama. 
E  regardatz  lo  vostre  bon  or, 
Que  diguen  li  un  amador 
Q'en  vos  non  sap  om  blasmar  re, 
1120      Que  beir  es  e  de  gran  merce. 
De  paor  nous  aus  dire  pus, 
Mais  vostr'  amor  mi  don  Christus, 
Aissi  con  ieu,  per  bona  fe, 

V.  1120,  bella;  1121,  paur. 

*  Ici  nouvelle  lacune,  de  peu  d'importance. 


MANUSCRITS   DE   GHBLTBNHÂM  219 

Laus  qn'er  mi  don  el  de  vos  be  ; 
1125      Q'ieu  nom  puesc  ges  de  vos  défendre, 

Enguazar  mi  podes  o  vendre  ; 

Faitz  en  faire  carias  e  brieus, 

Mos  cors  prenc  de  vos  e  mos  fieiis, 

E  qar  eu  soi  sener  d'amor, 
1130      Ai  causit  lo  pus  rie  seinhor.  » 

Amors  respon:  a  Eu  soi  ben  vostra, 
(  y**,  col,  1.)        Q'ieu  non  soi  ges  aquel  que  mostra 

Orgueil,  montre  q'es  jovencella, 

Q'a  la  color  fresca  e  nov^lla  ; 
1135      E  qant  aqU  colors  li  fail 

Ez  el  se  vei  en  son  mirail 

E  conois  que  trop  s^es  tarzada, 

111  qier  so  don  era  pregada, 

E  ditz  :  a  Ben  ai  mon  tenps  perdut, 
1140      Jamais  non  poirai  haver  drut.  » 

Adoncs  oing  sa  cara  e  la  fréta 

E  cuida  se  faire  toseta  ; 

E  on  pus  se  gensa,  el  peizura, 

Qel  beutat  non  ven  per  natura. 
1145      Que  donnas  i  ha  d'autre  fuel, 

Que  paron  laiden  de  novel. 

Que  negus  gentils  hom  si  ô 

En  dompna  que  laidura  di  ; 

Ants  se  devon(t)  d'aitant  venjar 
1150      Que  francs  hom  non  la  deu  baiszar. 

Dompna  non  deu  parlar  mas  gent 

E  suau  6  causidament, 

E  deu  tant  gent  sos  motz  assire, 

Que  totz  hom  son  solatz  désire, 
1155      Que  las  paraulas  qe  son  fors 

Demostran  los  talens  del  cors  ; 

Per  que  non  deu  dire  folor 

Dompna  que  s'enten  en  valor.  d 

(CoL  2).  [L]a  Baillessa  d'Amor  s'assis 

Y.  1125,  non;  1131,  flors  respon  eia;  1146,  laide  ande  non  nuel. 


eSO  MANUSCRITS  DB  CHBLTBNHAM 

1160      Davant  las  pnlsellas,  e  dis: 

a  Sabetz  que  deu  faire  doncella, 
Qant  SOS  bos  amicx  es  ab  ella, 
E  Fin'  Amors  Ta  tant  onrada, 
Q*ab  son  bon  amie  Ta  colgada? 

1165      Lor  coven  q'al  comensamen 
Li  fassa  d'un  baisar  presen, 
Ë  pueis  ab  rire  et  ab  solaz 
Qel  faissa  coisin  de  son  braz, 
Ez  ab  l'autre  ves  si  l'estrenja, 

1170      E  diga(s)  :  t  Grans  onors  vos  venja, 
Amors  e  gran  bonaventura  ! 
Fols  es  que  de  vos  se  rancura  ; 
Que,  s'anc  me  venc  maltrac[z]  de  vos, 
Bon[s]  m'en  es  rendutz  gazardos. 

1175      Bels  amies,  vos  podez  veder 
Q'ieu  soi  tota  al  vostre  plazer; 
Que  vesetz  qu'eu  nom  gard  de  vos, 
E  vos  es  tan  bels  e  tan  bos, 
Que  gardaretz  de  vilania 

1180      Vostre  bel  cors  et  vostra  amia. 
Endroit  vos  non  désir  lo  rei. 
Al  vostre  causiment  m'autrei  ; 
E  vos  sabetz  que  de  toseta 
No  i  ha  onor  cel  que  l'abeta. 


V.  1169,lautra, 


{A  suivre.) 


Dialectes  Modernes 

GLOSSAIRE  DES  COMPARAISONS  POPULAIRES 
DU  NARBONNAIS  ET  DU  CARCASSEZ 

(Suite) 

Dago.  — Fi  à  daura  coumo  uno  dago  de  ploumb. 
Dalicat.  — Dalicat  coumo  uno  roso  muscadèlo;  —coumo  uno 
garlando  de  c^umeniu. 

PER   TRUFARIÈ: 

Dalicat  coumo  de  car  d'ase. 
Damnât.  —  Damnât  coumo  Gain  ;  —  coumo  Judas  ;    —  coumo 

uno  rabo  (per  Arabo);  —  coumo  uno  asclo. 
Dangêrous.  — Dangèrous  coumo  Caribd  e  Sciila. 
Dansa.  —  Dansa  coumo  un  Bourdelés  ;  — coumo  un  Bàscou. 
Daurat.  —  Daurat  coumo  un  calici  de  catedralo  ;  ~  coumo 

Tabit  d'un  gênerai. 

PER  TRUFARIÈ: 

Dbberti.—  Se  deberti  coumo  un  cofre  ; —  coumo  un  capèl 

defounsat;  — coumo  un  croustet  de  pa  dins  un  tiradou. 
Dbboucassat.  —  Deboucassat  coumo  un  porto-fais  ;  —  coumo 

un  gaupas  ou  gourdimando. 
Debrembat.  —  Debrembat  coumo  uno  bièlbo   crousto  de  pa 

mousit. 
Défait,  Abalat.  —  Coumo  la  semano  penouso  ou  santo. 
Deplourado. — Deflourado  coumo  uno  bièlho  cranco  ; — coumo 

uno  rusco  de  sacamando. 
Degairit.  —Degairit  coumo  un  bièl  moble  dins  un  galatas; — 

coumo  uno  bièlho  semai  après  bendemios. 
Degalhé. — Degalhè  coumo  un  taro-cebos  ;  —  coumo  uno  talpo; 

—  coumo  un  rat-griule. 
Degarlandat.  —  Coumo  uno  pipo  dessauclado. 
Degbsti  ou  Degeri  coumo  un  canard  (à  mesure  que  manjo). 
Dégourdit.  —  Dégourdit  coumo  un  furet  ;  —  coumo  uno  clau- 

de-Sant-Peire  ou  de  Sant-Jordi; — coumo  un  perdigalhou; 


223  COMPARAISONS    POPULAIRES 

—  coumo  un  crabit  de  très  meses  ;  —  coumo  un  courdou- 
niè  d'aigo;  —  coumo  un  lausèrt; — coumo  un  esquîrol. 

PER  TRUFARIÈ: 

Dégourdit  coumo  un  parel  de  bargos;  — coumo  un  rosse. 
Dboouteja. —  Degouteja  coumo  lou  tioul  d'unpescaire. 
Demoura.  — Demeura  aqui  coumo  untanoc. 
Deju.  —  Deju  coumo  un  coumeniant. 
Dbmbsi.  ~  Se  demesl  coumo  un  gratèu;  —  coumo  *un  gra  de 

sucre  dins  Taigo. 
Demoura.  —  Demoura  lous  brasses  crousats  coumo  Jocrisse  ; 

—  coumo  Fabasso;  —  coumo  un  planto-portos;  —  coumo 
toumbat  de  las  nuos. 

SB  dits: 
Demoro  pla  pertout  coumo  Toli  à  toutes  las  salços. 

Dents.  — De  dents  coumo  de  perles;  —  coumo  de  gras  de  mîl- 
grano  ;  —  fines  apuntados  coumo  las  d'un  rat-bufou  ;  — 
blancos  e  pounchudos  coumo  las  d'un  cagnot. 

I  PER   TRUFARIÈ: 

De  dents  blancos  e  grossos  coumo  d'amellos  pelades  ;  — 
coumo  de  touches  de  piano  ;  —  coumo  de  trissous  ou  de 
pilo-sal;  —  loungos  coumo  de  cabilhos  de  biouloun  ou 
coumo  la  famine  ; —  claros  coumo  de  pugos  de  raspino; 
— larjos  coumo  de  pales  de  foc. 

Derranca  ou  se  derraba  coumo  un  porre  ;  —  coumo  de  pau- 

moule  ;  —  coumo  de  crin  de  porc  escaumat. 
Desanat. —  Desanat  d'argent  coumo  un  grapaud  de  plumo. 
Désargentât.  —Désargentât  coumo  un  bièl  cibori  ou  calici  ; 

—  coumo  la  creux  das  capucins. 

Descarnat. —  Descarnat  coumo  une  cambo  d'agasso. 

Désert.  — Desèrt  coumo  un  cementeri. 

Desirat.  —  Désirât  coumo  tout  ço  qu'es  defendut  ;  —  coumo 

lou  Messie  ; —  coumo  lou  printemps. 
Desparrabissat.  — Desparrabissat  coumo  une  bièlho  tourre; 

—  coumo  une  paret  bastide  en  terro-giro. 

Dessaba.  —  Dessaba  coumo  un  tutuit  ou  flabut  de   Semano 

Santé  ;  —  coumo  une  caramèle  de  sause. 
Destrussi.— Destrussi  coumo  laratugne; — coumo  une  talpo; 


COMPARAISONS   POPULAIRES  223 

—  coumo  un  taro-cebos  ;  —  coumo  un  furetaire.— Manja 

coumo  un  destrussi. 
Détestât.  —  Détestât  coumo  un  gous  rougnous  ;  —  detestado 

coumo  la  pèsto. 
Dets.— -De  dets  coumo  de  malhetos  ; —  afilats  coumo  de  fuses  ; 

— moufles  coumo  de  coutou; — couflats  coumo  de  tripous. 

— Dets  à  croc  de  roumano  coumo  lou  diable  ; —  coumo  un 

sarro-piastros. 
DiFiciLLE.  — Dificille  coumo  d'arrapa  la  luno  amé  las  dents  ; — 

coumo  d'atari  un  pouts  am'  un  paniè  sans  tioul  ;  —  coumo 

de  se  fréta  lous  èls  amé  lous  couidçs  ;  —  coumo  de  trouba 

la  source  dal  Nil  ;  —  coumo  d'escarlimpa  la  draio  dal  Pa- 
radis. 
Dire.  —  Dire  coumo  Tautre  ;  —  se  dire  de  soutisos  coumo   de 

luquetiès  ;  —  coumo  de  faissiès. 
Diligent.  —  Diligent  coumo  Tabelho  ;  —  coumo  la  fourmigo. — 

Diligent  e  matiniè  coumo  lou   poul  ;  —  coumo  un  boun 

paire  cargatde  familho. 

SE  DITS  : 

Diligence  passe  sapienço. 
DiNTRA.  —  Dintra  'n  dacon  coumo  la  tempèsto  ;  —  coumo  un 
ouragan;  —  coumo  une  audenco. —  Dintra  aisidoment 
coumo  dins  de  burre. 

PER  TRUFARIÈ  : 

Dintra  coumo  un  cung  de  burre  fresc  dins  uno  fendo  de 
nouguiè,  ou  d'ausi,  ou  de  casse. 
DiSPARi.  —  Dispari  coumo  uno  muscade;  —  coumo  un  fum  ; — 

coumo  uno  pôu  ;  —coumo  un  esprit;  —  coumo  un  lausset. 
Disputa.  —  Se  disputa  coumo  de  peissounièros  ;  —  coumo  de 

ruscadairos  que  se  nègoun  lou  bacèl  ;  —  coumo  de  repe- 

tièros  à  la  plaço  ;  —  coumo  dous  gousses  per  un  os. 
Doubert  ou  Alandat  coumo  un  libre  ;  —  coumo  un  arcèli  ;  — 

coumo  uno  milgrano  ;  —  coumo  la  gibecière  d'un  aboucat. 
DouLBNT  ou  Marrit  coumo  uno  esteringlo  ;  —  coumo  lou  mal 

de  dents  ;  —  coumo  Taigo  boulhento  ;  —  coumo  uno  caus- 

sido  ;  —  coumo  un  resquit  de  soulpre. 

PER  TRUFARIÈ: 

Doulhbt.  —  Pas  mai  doulhet  qu'un  biou  ou  qu'un  bièl  ase  fait 
à  la  trico. 


»4  COMPARAISONS    POPULAIRES 

DouNA..  —  Es  à  n-uu  douna  coamo  Taigo-signado  ou  coumo 
Taigo  de  la  fount.  — Douna  dins  loa  panèu  coamo  un  la- 
pinou. 

SB   DITS  : 

Quand  lou  paire  douno  al  û\,  rits  lou  paire,  rits  lou  fil  ; 
mes  quand  lou  fil  douno  al  paire,  plouro  lou  fil,  plouro 
lou  paire. 

DouRBi. —  Dourbi  d'èls  coumo  un  crestaire; — coumo  de  pour- 
tanèls  ;  —  coumo  de  bochos  ;  —  coumo  un  mainatge  en 
fièro.  —  Dourbi  de  narres  coumo  de  plats-barbiès  ;  — 
dourbi  la  maisso  à  *nfila  mièch  nousel  de  biôu. 

SB  dits: 
A  toujour  la  ma  doubèrto  coumo  la  Caritat. 

DouRici.  —  Dourmi  coumo  un  juste  ;  —  coumo  un  paure  ;  — 
coumo  un  mounge  al  salut,;  —  coumo  uno  marmoto  ;  — 
coumo  uno  missarro  ;  —  coumo  uno  baudufo  ;  —  coumo 
unopèiro  ; — coumo  unsouc  ; — coumo  un  esclop; — coumo 
uno  turro  ;  —  coumo  un  mort;  —  coumo  un  sourd.  — 
Dourmi  de  boun  goust  coumo  un  inoucent  ;  —  coumo  s'èro 
lou  rei  de  la  terro.  —  Dourmi  d'aploumb  coumo  un  mar- 
chand de  bounetos.  —  Dourmi  que  d'un  èl  coumo  las  lè- 
bres.  —  Dourmi  sus  las  dos  aurelhos  coumo  un  sans- 
soucis. 

SE  dits: 

Que  per  dourmi,  segur, 
Fa  res  de  tal  qu'un  bentre  dur. 
Qui  dourmits  à  soulel  lebat 
Mourira  paure  coumo  un  rat. 


Qui  dourmits  grasso  matinado 
Troutara  toute  la  journado. 

Dous. — Dous  coumo  mèl  d'abelho  ou  coumo  de  mèl  narbounés; 
—  coumo  un  muscat  daurat  ;  —  coumo  de  tourrou  en 
barro  ou  un  cabirou  de  nougat. — Dous  al  touca  ou  al  palpa 
coumo  de  belous  de  sedo  ;  —  coumo  uno  pèl  de  talpo.  — 
Dou»  al  cor  coumo  lou  soubenl  d*uno  bonne  acciu  ;  -— 


COMPARAISONS   POPULAIRES  225 

coumo  un  poutounet  de  toustè  ; —  coumo  uno  caresso 
d'amigaeto. 

PBR   TRUFARIÈ: 

Dous  al  gousiè  coumo  un  sirot  de  tachos  ;  —  coumo  de 
tisano  de  guingassous. 

SE   DITS  : 

Douço  es  la  peno 
Que  nous  rameno, 
Après  toui'men, 
Countentomen. 

DouTous  ou  Pauc  sbgur  coumo  Fabeni  ;  —  coumo  lou  temps  ; 

coumo  Tamour  d'une  gourrairo  ou  serco-pistolos. 
Drapât.  —  Drapât  dins  soun  mantèl  coumo  un  grand  d'Es- 

pagno. 
Dreit.—  Dreit  coumo  un  quilli  de  palama;—  coumo  uno  bou- 

zolo  ; —  coumo  un  liri  ; — coumo  uno  brouqueto  ou  luquet; 

—  coumo  un  jounc  de  mar  ; — coumo  uno  quilho  ; —  coumo 
uno  candèlo  ;  —  coumo  un  I;  —  coumo  un  plaussou  de 
sause;  —  coumo  un  piboul  dltalio  ;  —  coumo  un  pal-se- 
maliè.  —  Dreit  e  biu  coumo  un  cop  de  froundo  ;  —  dreit 
e  fi  coumo  un  pel  ;  —  coumo  uno  filato.  —  Dreito  e  fîèro 
coumo  uno  estatuo.  —  Enregat  dreit  coumo  un  cop  de 
courdèl.  —Dreit  plantât  coumo  un  cèdre  ou  supressiè. 

FER   TRUFARIÈ: 

Dreit  coumo  Tesquino  d'un  boussut  ;  —  coumo  un  oulan  ; 
—  coumo  un  faucil-bartassiè  ou  talho-bartos  ;  —  coumo 
de  cordos  dins  un  sac  ;  —  coumo  lou  caçni  de  Dabeja, 
tout  rebirets  ;  —  coumo  un  ariscle  de  tambour. 

SE  DITS  : 

Marchen  lou  dreit  cami 
E  daissen  jaupa  lou  mounde. 

Dur.  — Dur  coumo  un  gabre  ;  —  coumo  une  bano  ; —  coumo  un 
nèrbi  de  biôu  ;  —  coumo  uno  bato  d'ase  ou  de  car  d'ase  j 

—  coumo  uno  gransolo  d'esclop  ;  —  coumo  uno  bièlho  ba- 
sano  ;  —  coumo  un  calbau  ;  — coumo  un  tourol  d'ameliè  ; 

—  coumo  de  car  d'ausino  ;— coumo  un  correjou  ;  — coumo 

18 


226  G0MPARÀIS0M8  POPULAIRES 

un  enclami;  —  coumo  un  martel  testut;  —  coumo  Tamo 
dal  diable; — coumo  un  carrai  ;  — coumo  un  croc  de  calel; 

—  coumo  uno  lasceno  ou  rabuscle  ;  —  coumo  un  coudoun  ; 

—  coumo  de  tijos  de  boto  de  gendarme  en  retrèto. — Dur 
coumo  lou  sort  ou  destin.  —  Dur  coumo  uno  porto  de  pri- 
son. 

SB  dits: 

Pa  dur,  lèit  dur  e  bi  'scaudat, 
Es  la  bido  d'un  bièl  souldat. 

Dura.  — Dura  coumo  Teternitat  ;  — coumo  un  parel  de  souliès 
tachats  à  dos  aigos. 

SB  dits: 

Argent  duro 
Sans  ourduro. 

Quand  bouldrets  croumpa  'n  bestit  nôu,  fasèts  la  resoulu- 
ciu  de  faire  dura  lou  bièl  un  pauc  mai  loungtemps. 

A*  Mm. 
{A  suivre,) 


Poésies 


MOUN  TOUTOUN  GIRAUMOUN 

Er:  Vaut  ben  mieux  moins  d argent 

Monn  toutoun 
Giraumoun, 
Que  pipava 
E  qu'eituflava  ; 
L'autra  net, 
Paubre  che, 
A  mourit  dîns  soun  liet. 

L*aîga  vai  dins  la  baissa  ; 
Loa  fam  vai  dins  lou  cèu  ; 
L*ome  vai  au  toumbèu, 
Goueijat  dins  una  orra  caissa. 
Moun  toutoun,  etc. 

N'i  a  qu'un  ôubleuda  vite  : 
Mas  tu,  paubre  toutoun, 
Qu'eras  'n  orne  si  boun, 
Em  tu  sirai  jamai  quite. 
Moun  toutoun,  etc. 

MON  ONCLE  JEROME 

Mon  oncle  —  Jérôme,  —  qui  fumait  la  pipe  —  et  qui  sifflait,  —  l'au- 
tre nuit, — pauvre  chien,  —  est  mort  dans  son  lit. 

L'eau  va  dans  le  vallon  ;  —  la  fumée  va  dans  le  ciel  ;  — l'homme  va 
au  tombeau,  —  couché  dans  une  laide  caisse. 
Mon  oncle^  etc. 

Il  y  en  a  qu'on  oublie  vite  ; — mais  toi,  pauvre  oncle, -^  qui  étais  un 
homme  si  bon,  —  je  ne  serai  jamais  quitte  avec  toi. 

Mon  oncle,  etc. 


tt8  POâsiBS 

Aura  que  deurt  jous  terra, 
Me  veiqui,  Dieu  marcet, 
Eiretié  de  soun  be 
E  meitre  couma-t-èu  era. 
Moun  toutoun,  etc. 

Qu'  ei  iou,  ne  vous  deiplase, 
Qu'ai  Iou  gouvernament. 
Culirai  soun  froument 
E  mountarai  sur  soun  ase. 

Moun  toutoun  etc. 

Ai  lard,  blat,  fe  mai  palha, 
Moutons,  vedèus  mai  bious. 
Pode  cassa  sous  iôus 
E  fricassà  sa  voulalha. 

Moun  toutoun,  etc. 

Au  diable  la  piqueta, 
Lou  pa  de  meitatun, 
Keipurjun,  lou  retrun  !.   . . 
E  chantan  à  plena  teta  : 

Moun  toutoun,  etc. 

Farai  fa  'na  levita 
Per  prene  lous  dimens; 


A  présent  qu'il  dort  sous  terre,  — me  voilà,  Dieu  merci,  — héritier 
de  son  bien  —  et  maître  comme  il  était. 

Mon  oncle,  etc. 

C'est  moi,  ne  vous  déplaise,  —  qui  ai  le  gouvernement.  —  Je  cueil- 
lerai son  froment  —  et  je  monterai  sur  son  âne. 

Mon  oncle,  etc . 

J'ai  lard,  blé,  foin  et  paille, —  moutons,  veaux  et  bœufs. —  Je  peux 
casser  ses  œufs  —  et  fricasser  sa  volaille. 

Mon  oncle,  etc. 

Au  diable  la  piquette, — le  pain  moitié  maïs,  moitié  froment,  — les 
fruits  mal  mûrs  et  le  rebut!  — et  chantons  à  tae-tôte: 

Mon  oncle,  etc. 

Je  ferai  faire  une  redingote,  —  que  je  prendrai  lesdimahches.  — Je 


POBISIES  S29 

Pourtarai  daus  pendents 
E  m'en  irai  en  visita. 
Moun  toutoni),  etc. 

Aurai  gilet  de  lana, 
Calotas  de  drap  fi, 
Cravata  de  sati, 
E  surtirai  pas  sans  cana. 
Moun  toutoun,  etc. 

Las  fllhas  dau  vilage 
Deijà  me  fan  de  Tei. 
Eiperan  d'être  viei 
Per  parla  de  maridage. 
Moun  toutoun,  etc. 

Vau  fa  na  la  votura 
E  petà  lou  fusil, 
E  chanta  lou  dousil, 
E  pissa  la  chanta  pura. 
Moun  toutoun,  etc. 

Aura,  viva  las  trufas, 
Lous  dindaus,  las  perdris, 
La  joiae  lous  amis 
Toujour  rounds  couma  baudufas  ! 
Moun  toutoun,  etc. 

porterai  des  boucles  d'oreilles, —  et  j'irai  en  visite. 

Mon  oncle,  etc. 

J'aurai  gilet  de  laine,  —  pantalons  de  drap  fin,  —  cravate  de  satin, 
— et  je  ne  sortirai  pas  sans  canne. 

Mon  oncle,  etc. 

Les  filles  du  village —  me  font  déjà  de  l'œil.  —  Attendons  d'être 
vieux  —  pour  parler  de  mariage. 

Mon  oncle,  etc. 

Je  vais  faire  rouler  la  voiture  —  et  partir  le  fusil,  —  et  chanter  la 
clef  du  robinet  du  vin  —  et  couler  la  chantepleure. 

Mon  oncle,  etc. 

A  présent,  vivent  les  truffes,  —  les  dindons,  les  perdrix,  —  la  joie 
et  les  amis  —toujours  ronds  comme  toupies! 

Mon  oncle,  etc. 


230  POÉSIES 

Margarita  mignouna, 
Antd  ei  lou  parçaclau  ? 
Co  nous  farô  pas  mau 
De  goustà  d'una  autra  touna. 

Moun  toutoun 
Giranmoun, 
Que  pipava 
E  qu'  eituflava; 
L' autra  net, 
Paubre  che, 
A  mourit  dîns  soun  liât . 

A.  Chastanet. 

Charmante  Marguerite,  — où  est  la  vrille?  —  Cela  ne  nous  fera  pas 
mal  —  de  goûter  d*un  autre  tonneau! 

Mon  oncle — Jérôme, — qui  fumait  la  pipe — et  qui  sifflait,  —  l'au- 
tre nuit, — pauvre  chien,  —  est  mort  dans  son  lit. 

A.  Chastanet. 


^  Périgourdin  (Mussidan  et  ses  environs) .  Orthographe  montpelliéraine. 
Dans  ce  dialecte, on  prononce  o  Va  de  la  finale  féminine  du  singulier  des  sub- 
stantifs et  des  adjectifs  {aigo,  baisso,  caisso,autro,orro,  etc.)  et  Va  des  troi- 
sièmes personnes  de  Tindicatif  présent  et  de  Timparfait  {ôubleudo,  eitufiavo, 
pipavOy  etc.). 


VARIÉTÉS 


LES  MANUSCRITS  PROVENÇAUX   DB   CHBLTENHAM 

Corrections 

Les  textes  publiés  par  M.  Constans,  dans  le  second  de  ses  intéres- 
sants articles*,  réclament  un  assez  grand  nombre  de  corrections.  Nous 
en  proposons  ici  quelques-unes. 

Pièce  no  2,  p.  124: 

V,  3.  «  n'aves  cabat.  »  Corr.  n'a  mescahat? 

9.  Corr.  S' eu  m'en  consir^  son  drechurier  li  datf  Cf.  v.  20-21 . 

11 .  «  de  vostra  mort.  »  Corr.  de  nostr'  accort  ? 

22.  Corr.  ve  V  enrazonat, 

24.  Corr.  mil  vez  jurât  et  supprimez  la  virgule. 

29.  Corr.  reviu[d\at, 

32.  «Men.  »  Corr.  leu? 

34 .  «  quen.  »  Lis.  quem. 

39.  J'écrirais  Coms,  e  de  que? 

41.  «  [non].»  not<5  vaudrait  mieux. 

44-47.  Je  lirais  : 

—  «  Pietz  m'aves  faig  can  ra'aves  consirat.  » 

—  «  Et  ieu.de  que?»  —  «  Tenes  m'asegurat, 
Sin  aves  tort  *,  (pie  n[on]  sia(s)  cmblasmat  ?  » 

—  a  Digas,  disella,  la  vostra  volontat.  » 

62.  Corr.  plai[n']g  que  no  ? 

64.  Lis.  sa  vinc, 

65.  Suppl.  Et  au  commencement  du  vers. 

66.  Manque  une  syllabe,  peut-être  a  devant  mi.  Je  lirais  quel  col, 

69.  Lis.  QuHl  m' an  traït, 

70.  Lis.  ensempre  (=  ensemble). 

71.  Lis.  aja. 

72.  «  per  ne  tôlier.  »  Lis.  plutôt  avec  le  ms.  (en  supposant  le  p 
barré)  :  per  re  tôlier.  La  phrase  n'est  pas  terminée. 

Pièce  no  3,  p.  126  : 

V.  9.  Remarquer  ancessis,  au  sens  pur  et  simple  d'esclave  dévoué» 
séide.  L'allusion  aux  fidèles  du  Vieux  de  la  montagne  est  évidente. 

^  Revue,  node  septembre  1881,  p,  121-138. 

*  On  pourrait  lire  aussi  si  n'ai  jes  tort,  où  n*  serait  pour  no. 


232  VARlâTBB 

20.  Coït.  Car . 

21 .  Rétablir  sotz  Dieu,  C'est  une  locution  connue. 

48.  Corr.  Qu*eu  assomaz  (pour  assomas  ==  assomes)!  Cf.  51,  tnez 
pour  mes, 

53.  Lis.  precens,  pour  presens, 

54.  Lis.  Quem. — 55.  Lis.  m*avia,  sans  ajouter  d's, 
69.  Lis.  mezest  en  un  seul  mot. 

64.  Corr.  Jotas  ses  naus  ^e, 

86.  Lis.  Cans, 

92.  Lis.  mars,  sans  majuscule. 

109.  Rétablir  am  be  (amo  bene). 

110.  Lis.  Dab  el  (  =  avec  lui);  eisam,  qui  suit,  est  ipsa  mihi.  Il 
faut  une  virgule,  au  lieu  d'un  point,  à  la  fin  du  vers . 

111.  Remarquer  ve?re=:  veterem.  Même  forme  au  vers  142.  Ce 
mot  manque  dans  Raynouardet  dans  Rochegude,ôt  je  ne  me  rappelle 
pas  l'avoir  jusqu'ici  rencontré. 

117.  «  denan.  mMs.  dinon.  Je  corrigerais  lo  mon  ou  tôt  la  mon^  en 
conservant  agses, 

118.  Rétablir  trobaras  (vous  trouveriez  ),  qui  convient,  ici,  mieux 
que  le  futur. 

121 .  Corr.  Ni  que  cen  tan. 

122.  Corr.  parles. 

125.  Je  mettrais  un  point  après  ce  vers,  et  une  virgule  seulement 
après  le  suivant. 

129.  Manque  au  moins  un  vers  après  celui-ci. 
135.  Lis.  Corn. 
146.  Lis.  qe  me. 
151.  «  nol.  »  Corr.  noi. 

Pièce  no  4,  p.  130: 

M.  Constant  n'a  introduit  dans  ce  descort  aucune  division.  Les  ri- 
mes y  laissent  pourtant  reconnaître  cinq  strophes  ou  coWa^;  première, 
du  vers  1  auv.  16;  deuxième,  7-18;  troisième,  19-33;  quatrième,  34- 
44;  cinquième,  45-56. 

V.  2.  Corr.  Ab  bels, 
*  3.  Lis.  Volgr*  eu.  Je  corrigerais  i^luiàt qu'e[s]  sob[ei\rana.  Suppri- 
mer la  virgule  à  la  fin  du  vers. 

6 .  Lis.  primeis  (=  primeirs)!  Le  dernier  mot  du  vers  paraît  devoir 
être  dosana.  Je  ne  sais  que  faire  de  ce  qui  précède. 

7.  Corr.  Qu'en  sovlen]ença. 

14.  Corr.  que[m].  —24.  Corr.  sel  ou  seil.  —  26.  «Con. «Ce  mot  ne 
paraît  guère  convenir  ici.  On  attendrait  quelque  chose  comme  sim  ou 
ieum,  — 27.  Lis.,  en  deux  mots,  mal  traira.  —  28.  Corr.  Sol, ...  lo 


VàRIBTBS  233 

/în5.  — 31.  Corr.  potf—31.  Suppr.  TantfSS.  Corr.  qu'eljaf  Je 
ne  sais  que  faire  de  ab  dis,  —  40.  Corr.  Fais  se,  —  44.  «n'u.  »  Corr. 
^o  ou  nol  ou  not.  —  47.  Corr.  Ouï/.  —  48.  Corr.  iVi7  et  mettez  un 
point  à  la  fin  du  vers. —  50.  Corr.  Semble  (ou  Sembli)  d^esp,  —  53. 
€  anc.  »  Corr.  doncf 

Pièce  no  5,  p.  132  : 

Y.  6.  «  granda.  »  Corr.  grana,  comme  le  veut  la  rime,  et  mettez  une 
virgule  après  valor  du  vers  suivant. 
12.  lis.  aulana, 

14.  Lis.  domna  isernida  et  mettez  deux  points  (ou  seulement  un 
seul)  après  ce  mot. 

16.  Lis.  M'es. 

18.  o  Est,  cant.  •  lÀ'&.Estc^anc. 

23.  Corr.  iSim[5]  et  effacez  la  virgule  à  la  fin  du  vers . 

27.  Lis.  camjei, 

32.  Corr.  to[s]t. 

36.  Après  ce  vers  devrait  commencer  le  quatrième  couplet  (vv.  37- 
44).  Le  cinquième  (quatrième  de  M.  Constans)  doit  peut-être  se  ter- 
miner au  V.  50.  La  pièce  en  aurait  alors  six  au  lieu  de  quatre  que  lui 
donne  la  division  de  notre  confrère. 

47.  «  quom.  »Corr.  quemt 

51-55.  Ce  dernier  couplet  de  la  pièce,  s'il  faut  en  effet  le  détacher 
du  précédent,  se  compose,  à  mon  avis,  de  six  vers  (et  non  de  cinq),  et 
doit  se  lire  : 

Nim  dueill  per  vos, 

Mais  ra&os 

Fora  co  {corr.  que  ?)  mais  mi  feçes 

Joios  ', 

Qu'engoissos 

Son  car  nom  yen  tais  bes. 

Pièce  no  6,  p.  134: 

M.  Constans  donne  huit  couplets  à  ce  descort.  Peut-être  n  y  en  faut- 
il  compter  que  trois  :  le  premier  se  composerait  de  34  vers  ;  le  deuxième, 
de  23  (35-57),  et  le  troisième  de  10  (58-67). 

V.  l.Corr.  Mn(où). 

12.  Corr.  si  bes  fan  et  mettez  une  virgule  à  la  fin  du  vers. 

15.  Corr.  nos. 

16.  Lis.,  en  un  seul  mot,iVt. 
18.  Corr.  auran. 


*  Ou  mieux,  peut-être  :      Fora  qe  mi  feçes 
Mais  joios. 


234 


yASsàrÛB 


19.  Lis.  c*om, 

20.  Ce  vers  doit  probableaient  en  former  deux,  et  peut-être  aussi  le 
avivant. 

22-24.  Je  crois  que  eus,  qui  termine,  chez  M.  Gonstans,  le  v.  22, 
et  les  deux  suivants,  n'en  doivent  former  qu'un  seul,  qu'il  faut  lire  : 

'        C*usquez  on  plus  pot  sin  preng. 

trats,  qui  terminerait  alors  le  v.  22,  doit  être  une  faute  de  copiste. 
Mais  je  ne  vois  pas  la  restitution .  Il  faudrait  une  rime  en  an .  Du 
reste,  tout  ce  passage  m'est  obscur,  aussi  bien  que  ce  qui  suit  immé- 
diatement. 

28.  Corr.  cantaran? 

33.  Il  faut  une  virgule,  au  lieu  d'un  point,  à  la  fin  de  ce  vers,  et  un 
point  après  le  suivant,  qui  termine  évidemment  la  v  strophe,  au  lieu 
d'en  commencer  une,  comme  l'a  cru  M .  Gonstans,  induit  peut-être  en 
erreur  par  le  ms . 

38.  Gorr.  nom,  —  40.  Quis  =  qui  es  {etz), 

42.  Suppr.  le  point  après  ce  vers;  celui  qui  suit  continue  la  phrase 
et  le  couplet. 

50.  Peut-être  faut-il  écrire  en  un  seul  mot,  avec  une  légère  cor- 
rection :  estivaduray  qu'on  traduirait  par  été  (proprement  moisson) . 

55.  Corr.  m*en  deves  ce  (=:  se,  si)  dura. 

58 .  ma  est  une  addition  inutile . 

61 .  Gorr.  e  mezura  et  mettez  une  virgule  après  esgartf 

62.  Suppr.  la  virgule  après  creis  et  mettez  un  point  après  valensa. 

63.  Gorr.  Vaus\.,.  e  w^lura  (pour  melhura),  et  mettez  un  point- 
et- virgule  à  la  fin  du  vers.  — 66.  Lis.  Cah  bon'  esmenda  {e)  s'atura. 

Pièce  n<»  7,  p.  136: 

Gette  chanson  de  G.  de  Bomeil  a  déjà  été  publiée  trois  fois,  d'après 
les  mss.  854,  12474  de  la  B.  N.  *  et  2909  de  la  B.  Riccardi»,  à  Flo- 
rence. G'est  avec  le  premier  de  ces  trois  mss.  que  celui  de  Gheltenham 
aie  plus  d'affinité. 

V.  4.  Il  faut  à  la  fin  de  ce  vers  un  point  d'interrogation. 

5-6.  J'écrirais  : 

E  per  amor  non  ven  jais  ? 

—  Si  fai.  Donx  per  que  m'irais . . . 

8.  Mettre  un  point  d'interrogation  après  ce  vers. 

12.  Gorr.  Esdevenc  anc  mais  a  drutf 

13.  Lis.:  —  Son  ieu  drutzf  — Non,  nim'o  lais,  , 


«  Mahn,  Gedichte,  815  et  816.  —  '  Arckiv.  de  Herrig,  XXXUI,  423. 


YARlBTés  235 

14.  tt  Stades.  »  Les  mss.  1^74  et  2909  donnent  ici  Codes,  qui  vaut 
mieux. 

15.  Rétablir  Eu  vueil  du  ms. 

16.  Corr.  pot,  La  leçon  du  ma.  12474  (5o  c'ara  no  puesc  sufrir) 
suggère  la  correction  :  So  c^ara  nom  pot  sofrir, 

19.  lis.,  en  un  seul  mot,  amaires. 

25-27.  Mettre  un  point  d'interrogation  après  con  et  un  autre  après 
seignor, 

28-30.  Je  lirais  : 

—  Si  ai,  mas  àm  retengut. ... 

—  E  que?  —  Un  coven  quem*  frais, 
Aicel*  que  Tira  m'atrais. 

32.  Vers  évidemment  corrompu.  11  Test  encore  plus  dans  le  ms. 
854:  Per  que  cuna  noill  tor  noill  vir.  Le  ms.  12474  parait  donner  la 
bonne  leçon  :  Solqu'en^  son  atur  nom  vir, 

33.  Ici  encore  il  faudrait,  à  la  fin  du  vers,  un  point  d'interrogation. 
Les  suivants  doivent  être  lus  et  corrigés  : 

— Non  0  sai.  Ja  m'er  meilor, 
Si  n'ai  mal,  que  *  al  greujor 
Désir  'cm  8  plus  de  salut. 

37.  Lis.  *N  Antic.  C'est  sans  doute  un  nom  propre  ou  plutôt  un 
surnom.  Mettre  un  point  d'interrogation  à  la  fin  du  vers. 

38.  Corr.  Digaz,  d'après  les  trois  mss .  précités .  Peut-être  oCj  qui 
suit,  est-il  le  pronom  neutre. 

42.  «  dams.  »  Corr.  clams,  d'après  les  mêmes  mss. 
48.  «  SHl  0.  »  Lis.  Si  Vo, 

— P.  117.  Il  n'y  a  pas  de  doute  qu'il  ne  faille  lire  a  Rodes  à  la  fin  de 
la  pièce  de  Raimbaut  d'Orange,  Assatz  sai  d*amor,  que  M.  Constans 
a  publiée  dans  les  additions  à  son  premier  article.  Quant  à  naturaus, 
ce  mot  doit  s'entendre  au  sens  à'homme  lige ^non  pas  du  comte,  mais 
de  la  comtesse  de  Rodez,  et,  cela  va  sans  dire,  dans  une  acception 
purement  métaphorique.  Cf.  Peire  Vidal,  dans  la  pièce  A  »c  no  mort  per 
amorni  per  al: 

Bela  domna  vostr'  orne  natural 
Podetz,  sius  platz,  leugeiramen  aucïr. 

Raimbaut  d'Orange  adressa,  du  reste,  d'autres  chansons  à  la  com- 
tesse de  Rodez.  On  en  peut  au  moins  citer  deux:  Amors,  cum  er? 
que  farait  et  Lonc  temps  ai  estai  cubertz.  Il  n'est  pas  probable  que 

*  Leçon  dn  ms.  12474.  —  *  /d.—  3  Ou  seulement  que,  comme  dans  2909? 
—  *  Leçon  de  2909.  —  ^  Leçon  de  854.  Celle  de  2909  [n'atend  om)  paraît 
meilleure. 


S96  VARiérâs 

cette  comtesse  fût  la  seconde  de  celles  que  mentionne  M.  Constans, 
Raimbaut  d'Orange  étant  mort  en  1173.  Je  tiens  pour  la  premièie, 
d'autant  plus  qu'elle  se  fit  religieuse  et  que  ceci  concorde,  —  le  nom 
à  part,  où  il  a  pu  s'introduire  quelque  confusion,  —  avec  le  récit  du 
biographe  provençal. 

C.  C. 


SUR   UN     MIRACLE   DE   LA   VIDA   DE     SANT   HONORAT   ET   SUR   L.A 
DATE    PROBABLE   DE   LA    COMPOSITION   DU    SANT   HERMBNTARI 

En  parlant*  de  la  Vida  de  sant  Hermentari^,ysA  dit  que  Raymond 
Féraud  avait  dû  la  composer  après  celle  de  sani  Honorât  Le  fait  sem- 
ble résulter  des  vers  où  il  mentionne  seulement  parmi  ses  ouvrages 
la  Vida  de  santAlban,  la  Passion  ^  une  chanson  sur  la  mort  de  Charles 
d'Anjou  et  imComputqne  feu  Joseph  Banquier  a  proposé  d'identifier^ 
avec  celui  qu'Eugène  Thomas  publia  en  1847,  dans  le  tome  second  des 
Mémoires  de  la  Société  archéologique  de  Montpellier  et  que  M.  Ch,aba- 
neau  a  récemment  réédité*: 

Gel]  que  vole  romanzar  la  Vida  Sant  Alban 
E  'Is  verses  del  Gonpot  vole  tomar  en  vers  plan, 
E  del  rey  Karle  plays  sa  mort  en  sa  ehaoson, 
E  los  verses  del  lay  fetz  de  la  Passion  b. 

M.  Karl   Bartsch  note®  les  renseignements  bibliographiques   que 

'  Revue,  3e  série,  VI,  41-42  et  44-45. 

2  Telle  serait,  croyons-nous,  la  restitution  possible  du  titre  du  poëme.  Dana 
la  Vida  de  sant  Honoraf^  l'auteur,  citant  saint  Hermentaire,  écrit  deux  fois 
sant  Ermentari  et  une  fois  sant  Hermentarù  Gette  dernière  notation  est 
conforme  aux  règles  des  Leys  d'amors  {Monuments  de  la  littérature  romane, 
publiés  par  M.  Gatien  Arnoult.  Toulouse,  1841;  in-4o,  I,  36)  touchant  l'emploi 
de  1';^^  et  aux  habitudes  scripturaires  de  Féraud,  telles  qu'elles  résultent  du 
manuscrit  suivi  par  M.  Sardou.  Le  de  à.\x  titre  que  nous  proposons  pourrait, 
à  la  rigueur,  être  supprimé.  Un  des  manuscrits  du  Sant  Honorât  a  pour  début 
les  lignes  suivantes  :  En  lo  premier  tractât  par  lia  de  lo  comensament  de  la 
sancta  vida  Monsegnor  sant  Honorât,  et  le  poëte  intitule  lui-même  sa  Vie  de 
saint  Alban  la  Vida  sant  Alban. 

3  Zeitschrift  fur  romanische  philologie,  II,  76. 
*  Revue,^Q  série,  V,  157-179. 

5  L'auteur  paraît  avoir  volontairement  négligé  ses  œuvres  profanes,  ces  ri- 
mes d'amour  qu'il  jeta  au  feu  pour  ne  pas  «  donner  mauvais  exemple  à  la  jeu- 
nesse »,  suivant  l'expression  de  Jean  de  Nostredame. 

6  Grundriss  zur  Geschichte  der provenzalischen  literatur.  Elberfeld,  1872, 
in-8o. 


VARIÉTÉS  «37 

contiennent  ces  vers,  mais  ne  parle  pas  de  la  Vida  de  sont  Uermentariy 
qu'il  paraît  n'avoir  pas  plus  connue  que  bon  nombre  d'autres  textes 
édités  ou  mentionnés  dans  les  recueils  des  associations  savantes  du 
midi  de  la  France. 

M.  Sardou  les  cite,  à  son  tour,  dans  la  Notice  sur  Raymond  Féraud 
qu'il  a  placée  en  tête  de  l'édition  du  Sant  Honorât  *,et  il  ajoute  : 

«  Dans  ces  quatre  vers,  Raymond  Féraud  ne  fait  point  mention  d'un 
autre  poëme  de  longue  haleine,  dont  le  sujet  est  la  vie  de  saint  Ar- 
mentaire  ou  Hermentaire,  que  de  vieux  écrivains  ^  lui  attribuent  et  quo 
nous  ne  possédons  plus.  S'il  a  véritablement  composé  cette  autre  Viihi, 
ce  ne  peut  être  qu'après  celle  de  iaint  Honorât,  car  il  l'eût  signalée 
dans  ses  vers,  comme  il  n'a  pas  manqué  de  le  faire  pour  la  Vie  de 
saint  A  Iban,  également  perdue  pour  nous,  ainsi  que  tout  le  reste ^.  » 

Je  crois  avoir  démontré,  au  moyen  des  extraits  reproduits  dans  la 
Revue,  3®  série,  VI,  41-42  et  44-45,  que  l'existence  du  Sant  ffermenlari 
ne  peut  être  mise  en  doute,  et  qu'il  est  permis  d'espérer  que  le  ma- 
nuscrit de  ce  poëme  ne  se  dérobera  pas  plus  longtemps  à  la  curiosité 
des  provénçalistes  ;mais  M.  Sardou  aurait  mieux  justifié  ses  inductions 
s'il  avait  connu  les  fragments  que  nous  a  conservés  M.  l'abbé  Barbe*, 
et  surtout  l'analyse  de  celui  où  Féraud  raconte  comment  le  saint  fit 
périr  un  énorme  dragon  qui  dévastait  les  environs  de  Draguignan,  et 
comment  il  construisit  une  chapelle  en  l'honneur  de  saint  Michel,  à 
l'endroit  même  où  il  avait  triomphé  du  monstre . 

Le  récit  en  question  peut,  en  effet,  n'être  pas  sans  intérêt  au  point 
de  vue  des  conclusions  qu'il  est  permis  d'en  tirer,  car  le  soixante-sei- 
zième chapitre  du  Sant  Honorât  attribue  à  ce  dernier  une  victoire 
absolument  semblable.  Chose  singulière!  saint  Hermentaire  y  appa- 
raît à  titre  de  nom  local,  et  cette  indication  est  la  seule  qui  se  rapporte 
à  l'évêque  d'Antibes,  dans  le  long  poëme  que  M.  Sardou  a  publié  en 
1874: 

A  Eapurs^  a  granz  aspers  e  uoa  gran  clapieira, 

E  boscages  escurs,  espes,  de  fort  eusiera. 

Lay  si  noyri  gran  temps  uns  ferezos  dragons, 

Eo  balma  mot  escura  et  en  pregontz  vallons  ; 


*  La  Vida  de  sant  Honorât,  p.  ix. 

*  M.  Mireur  croit  que  M.  Sardou  a  voulu  désigner  Bouche,  qui,  daos  sa  Des- 
cription et  Chrorographie  de  Provence  (Aix,  1664,  2  v.  in-folio),  parle  lon- 
guement de  la  Vida  de  sant  Hermentari  (I,  747-749). 

3  La  Vida  de  sant  Honorât,  p.  ix-x. 

^  Études  sur  les  origines  de  Draguignan,  dans  le  tome  second  du  Bulle- 
tin de  la  Soc.  d'étude  scient,  et  archéol.  de  la  ville  de  Draguignan. 
5  AmpuB,  près  de  Draguignan. 


238  vARiârés 

5      Mays  un  temps  s'esdevenc  que  ayguas  e  p1uyi[n]as 
Sobrecaupiron  fort  las  yalz  e  las  gaudinas: 
Perque  ieys  le  serpentz  fora  del  gran  boscige  ; 
Près  de  Saot  Ermentari  es  veogut  far  estige. 
Li  serpentz  era  granz,  per  ver,  e  de  mal  ayre, 

10      Guastava  lo  borguet  e  tôt  aquel  repayre  : 

Perque  s'en  van  las  jentz  estar  en  fortz  castells. 
Laysan  Sant  Ermentari  e  los  luecz  plans  e  bellz  ; 
Tut  fuion  lo  vi[l]aje  e  1*  camin  drechurier. 
Li  terra  toma  guasta,  non  y  a  noyriguier 

15      Ni  autra  creatura:  paor  an  del  dragon. 

Mas  un  temps  s'esdevenc  c'  annavan  al  perdon 
En  l'islla  de  Lerins  z  home  gran  et  aut, 
D'un  castel  d'aqui  près,  c'  avia  nom  Arquinaut. 
Près  si  son  a  bon  cor  e  dison  que  de  plan 

20     Aoaran  drecha  via  per  lo  camin  roman*. 
Cant  li  serpentz  los  sent,  tantost  los  assautet, 
Et  a  près  lo  premier  que  anc  si  defendet  ; 
Aqui  mezeis  l'auzi  e  l' maoja  le  dragons 
En  presenza  de  totz  los  autres  compaynons. 

25      Gant  a  sant  Honorât  comptet  hom  la  rancura, 
Gran  dolor  si  donet  de  la  desaventura . 
Un  compaynon  a  près,  e  vay  s'en  manteneot 
El  plan  sant  Hermentari,  on  trobet  la  serpent, 
Fetz  lo  senyal  de  Grist,  non  vol  autra  armadura  : 

30      La  serpent  vay  liar  al  coU  de  sa  centura, 
AI  pe  d'una  gran  roca  la  vay  ben  estacar  ; 
Lay  d'on  era  venguda,  aqui  la  laysa  estar  ; 
On  esteron  li  os  lonc  temps,  c'on  los  mostrava 
De  la  mala  serpent  que  la  terra  guastava. 

35      Et  ancaras  s'apella  le  terrayres  de  plan 

Per  las  jenz  :  al  dragon  de  sobre  Dragaignan. 
E  Draguignan  a  nom  le  castellz  atressi, 
Gar  en  son  terrador  le  mais  dragons  mori. 
Dieus  donet  al  cors  sant  mandament  •  poder 

4Ù     De  totas  creaturas  pogues  far  son  plazer*. 


i  En  marge  et  d*une  autre  main  :  Camyn  roman  Aurelians,  (Note  de  M.  Sar- 
dou.) 

»  P.  122-123  du  Sant  Honorât,  édition  Sardou.  La  correction /)/Mvmas 
m'a  été  signalée  par  M.  G.  Ghabaneau.  Elle  est  justifiée  par  la  rime  et  l'usage 
fréquent  du  mot  plouvina,  pluie,  averse,  dans  le  langage  populaire. 

Quoique  le  sens  de  viajge  =  voyage  soit  à  la  rigueur  acceptable  (vers  13), 
j'ai  cru  devoir  lire  vilage  =  village,  qui  s'accorde  mieux  avec  le  contexte. 

Raymond  Féraud  ne  recule  guère  devant  la  répétition  d'un  terme  quelcon- 
que, en  sorte  que  laysa  estar  (vers  32)  pourrait  être  rendu  par  laisse  à  rester. 


YARIBTBS  239 

A  Ampns,  il  y  a  de  grands  lieux  âpres  (?)  et  an  grand  amas  de 
pierres  —  et  les  bocages  obscurs,  épais,  d^un  vaste  bois  d^yeuses. — Là 
se  nourrit  longtemps  un  dragon  féroce,  —  dans  une  grotte  fort  obscure 
et  en  de  profondes  vallées.  —  Mais  il  vint  un  temps  où  les  pluies  et 
les  averses  —  couvrirent  le  dessus  des  vallons  et  des  taillis.  — C'est 
pourquoi  le  serpent  sort  du  grand  bois  ;  —  près  de  Saint-Hermentaîre 
il  est  venu  prendre  demeure. —  Le  serpent  était  grand,  en  vérité,  et 
d'affreuse  apparence,  —  il  dévastait  le  bourg  et  tout  ce  terroir. —  Et  à 
cause  de  cela,  les  gens  s'en  vont  demeurer  en  des  châteaux-forts,  — 
laissant  Saint-Hermentaire  et  les  lieux  planes  et  beaux. — ^Tous  fuient 
le  village  et  le  droit  chemin .  —  La  terre  devient  stérile  ;  il  n'y  a  plus 
de  cultivateur —  ni  d'autre  créature  :  ils  ont  peur  du  monstre. —  Mais 
il  vint  un  temps  où  allaient  au  pardon  —  dans  l'île  de  Lérins  dix  hom- 
mes grands  et  audacieux — d'un  château  qui  était  là  tout  proche  et  qui 
avait  nom  Arquinaut.  —  Us  se  sont  pris  à  bon  courage  et  ils  disent 
que  tout  uniment  —  ils  iront  en  droite  route  par  le  chemin  romain.— 
Quand  le  serpent  les  sentit  [approcher],  aussitôt  il  les  assaillit. — Et  il 
a  pris  le  premier  qui  se  défendit.  —7 Là  même  il  le  tue,  et  il  le  mange 
le  dragon, —  en  présence  de  tous  ses  autres  compagnons  [de  voyage] . 
— Lorsqu'on  raconta  le  fâcheux  événement  à  saint  Honorât,  —  il  eut 
une  grande  douleur  de  la  mésaventure. — 11  a  pris  un  compagnon  [avec 
lui]  et  s'en  va  maintenant — au  plan  de  Saint-Hermentaire,  où  il  trouve 
le  dragon.  —  Il  fait  le  signe  du  Christ  ;  il  ne  veut  pas  d'autre  armure. 

—  Et  il  va  lier  le  serpent  avec  l'extrémité  de  sa  ceinture  ; —  au  pied 
d'une  grande  roche,  il  va  l'attacher  solidement — Là  d'où  il  était  venu, 
il  le  laisse  à  périr.  —  Et  ses  ossements  y  demeurèrent  longtemps,  car 
on  les  montrait — comme  ceux  du  mauvais  serpent  qui  gâtait  la  terre. 

—  Et  encore  le  territoire  s'appelle  tout  uniment  —  parmi  les  gens  [qui 
l'habitent]  au  dragon,  au-dessus  de  Draguignan, —  et  le  château  a  aussi 
le  nom  de  Draguignan,  — car  en  son  territoire  le  méchant  dragon  mou- 


Je  traduis  laisse  périr ^  qui  a  une  raison  d'être  daus  la  signification  de  mourir, 
périr,  être  tué,  que  les  verbes  esta  et  resta  conserveut  dans  la  langue  popu- 
laire de  la  Provence  et  du  Languedoc. 

P/an,  place  (vers  28),  manque  an  Lexique  romande  Raynouard,mai8  se  jus- 
tifie par  remploi  qu'on  en  a  fait  dans  les  textes  du  moyen  âge  et  spécialement, 
dans  V Inventaire  deS  archives  du  Consulat  de  Moncpellier,  publiépar  M.  A. 
Montel  (Paris,  Franck,  1872,  in-S»,  p.  57).  Ce  mot  sert  encore  à  désigner  quel- 
ques-unes des  places  de  Montpellier  (plan  dau  Palai,  plan  de  VOum,  plan 
de  VOuliviè,  plan  de  NostaDama,  etc.)  et  même  des  points  de  réunion  ou 
vacants  dans  la  campagne,  louplan  das  Quatre-Segnous,  par  exemple.  L'ac- 
ception dont  il  s'agit  semble,  d'ailleurs,  se  prêter  mieux  que  celle  de  plaine 
au  texte  de  Féraud 


240  VÀRiirrâs 

rut.  —  Dieu  donna  au  saint  homme  mandement  et  pouvoir,  -^  afin  qu'il 
pût  faire  son  plaisir  de  toutes  les  créatures. 

Tout  est  identique  dans  le  fond  des  deux  récits  :  position  aux  envi- 
rons de  Draguignan,  apparition  d'un  dragon  qui  dévaste  le  pays,  dé- 
signation plus  particulière  d'un  quartier  qui,  depuis  la  mort  du  monstre, 
garda  l'appellation  de  terraire  dau  Dragoun.  Seule,  la  constructiou 
d'une  chapelle  à  Saint-Michel  fait  défaut.  Saint-Hermen taire  n'est,  en- 
fin, qu'une  plaine  ou,  pour  parler  plus  exactement,  une  place,  un  point 
de  réunion  quelconque,  situé  dans  le  voisinage  d'Ampus. 

Ces  particularités  nous  autoriseraient  avoir  dans  le  miracle  de  Saint- 
Hermentaire  une  tradition  locale  qui  aurait  été  attribuée  plus  tard  h 
saint  Honorât.  La  Vita  sancii  Honorati,  que  Raymond  Féraud  eut  sous 
les  yeux  et  qu'il  a  pour  ainsi  dire  suivie  pas  à  pas,  n'était  au  fond  que 
la  récension  d'une  foule  de  documents  légendaires  sur  l'archevêque 
d'Arles,  sur  son  rôle  historique  et  sur  les  miracles  qu'il  avait  accom- 
plis pendant  son  existence  ou  après  sa  mort.  Son  origine  même  serait 
loin  d'être  provençale,  s'il  fallait  en  croire,  les  vers  si  souvent  cités  : 
La  vida  s'atrobet  en  un  temple  jadis  ; 
De  Roma  la  portet  uns  monges  de  Leris  *. 

Les  circonstances  de  la  vie  de  saint  Hermentaire  sont  aussi  peu 
connues  que  l'époque  où  il  vécut .  Les  uns  croient  qu'il  a  été  le  pre- 
mier évêque  d'Antibes,  et  qu'il  fut  un  des  deux  prélats  du  nom  d'Ar- 
mentarius  qui  signèrent,  en  451,  la  lettre  adressée  au  pape  saint  Léon 
par  les  évêques  des  Gaules.  Les  autres,  moins  sûrs,  il  est  vrai,  dans 
leurs  affirmations,  font  de  lui  un  simple  solitaire  et  reculent  ton 
existence  jusqu'à  la  fin  du  IXe  siècle.  H  ne  serait  donc  pas  impossible 
d'admettre  que  la  tradition  ait  fléchi  à  son  endroit  et  qu'on  ait  fait 
bénéficier  la  Vita  sancti  HonoraM  de  quelques-unes  des  particularités 
de  sa  légende .  En  dehors  de  Draguignan  et  d'Antibes,  le  courant  de 
formation  littéraire  qui  s'était  développé  autour  de  lui  dut  pâlir  de 
bonne  heure  devant  l'auréole  de  savoir  et  de  sainteté  de  l'archevêque 
d'Arles,  du  fondateur  d'une  abbaye  que  les  contemporains  nommaient 
déjà  la  pépinière  des  saints  de  la  Provence.  De  combien  ne  dut  pas 
diminuer  le  souvenir  d'Hermentaire,  lorsque  la  littérature  médiévale 
eut  fait  du  Gallo-Romain  Honorât  le  fils  du  roi  de  Hongrie  et  d'He- 
lemborc,  la  fleur  de  la  Castille,  la  plus  belle  de  -Misage  et  de  formes 
qui  existât  de  son  temps*,  lorsque  non  contente  d'une  semblable  trans- 

*  La  Vida  de  sant  Honorât,  édit.  Sardou,  p.  1. 

î  Son  portrait  est  un  des  morceaux  les  mieux  réussis  du  Sant  Honorât  : 

Herenborc  la  plus  bella  de  cara,  de  fayson, 

Huelltz  vars  e  saura  testa,  con  fil  d'aur  en  viron, 


YARléTâs  241 

formation,  elle  loi  eut  donné  ponr  oncles  rempereor  de  Remanie, 
Léon  le  Grec, et  le  roi  de  Murcie,  de  Tolède  et  de  Sairagosse?  La  vic- 
toire de  saint  Hermentaire  sur  le  dragon  appartenait  à  un  genre  de 
faits  trop  répandu,  trop  uniformément  reproduit  dans  la  littérature 
popidaire,  pour  ne  pas  perdre  toute  valeur  le  jour  où  la  resplendissante 
légende  de  son  contemporain  se  fut  mêlée  à  celle  de  Cliarlemagne,  et 
qu'entre  autres  actions  on  lui  eut  attribué  la  délivrance  du  futur 
empereur  d'Occident,  retenu  dans  les  prisons  de  Tolède  après  la  dé- 
faite, en  bataille  rangée,  de  son  père  Pépin  le  Bref.  Rien  n^est  donc 
plus  naturel  que  Teffacement  de  la  première  tradition  et,  plus  tard, 
son  attribution  à  saint  Honorât.  Rien  qui  explique  mieux  que  Raymond 
Féraud  ait  pu  ignorer  saint  Hermentaire,  au  point  de  ne  le  mentionner 
que  dans  une  seule  circonstance  et  seulement  k  titre  de  nom  de  lieu . 

Le  lecteur  vient  de  voir  que  Raymond  Féraud  avait  versifié  deux 
fois  le  même  récit.  Le  Sont  Honorât  et  le  Sont  Hermmtari  auraient 
des  points  de  contact  bien  plus  nombreux;  la  trame  de  leurs  histoires 
serait  encore  plus  étrangement  mêlée,  s'il  fallait  croire  ce  que  rapporte 
le  grave  et  consciencieux  Bouche  (  la  Chrorographie  de  Provence,  I, 
747-749)  : 

«  En  cette  année  879 ....  vivoit  encore  en  Provence  un  autre  saint 
personnage  nommé  Armentaire,  autant  illustre  et  en  grande  réputa- 
tion en  Provence,  pour  les  grands  miracles  qui  se  font  tous  les  jours  à 
son  sépulchre  dans  la  ville  de  Draguignan.  Comme  sa  vie  est  inconnue 
par  le  défaut  des  écrivains  anciens,  qui  ne  nous  ont  point  laissé  d'in- 
structions de  sa  vie,  et  les  écrivains  modernes  de  la  vie  des  saints  n'en 
disent  mot.  Les  uns  l'écrivent  et  le  nomment  Hermentaire,  les  autres 
Armentaire,  et  cette  dernière  écriture  me  plaît  le  plus,  duquel  nom 
je  trouve  voirement  qu'il  y  a  eu  quelques  evêques  en  cette  province, 
comme  Annentarius,  evêque  d'Embrun,  déposé  au  concile  de  Riez  Tan 
439.  Un  autre  Arm^ntarius,  evêque  en  Provence  l'an  450,  en  l'epitre 
de  Léon,  pape,  écrivant  aux  evêques  de  Provence,  et  une  {8ic)Armen- 
tarius  estant  evêque  de  Pavie,  qualifié  du  titre  de  saint  dans  le  marty- 
rologe romain  le  30  janvier,  qui  vivoit  l'an  720,  comme  Baronius  remar- 
que en  ses  notes  sur  le  martyrologe.  Mais  pas  un  de  tous  ceux-là  n'est 


Bel  vis,  boca  risent  e  colorât  menton, 

Flor  de  tota  Castella  : 
Rosa  fresca  de  may  non  es  plus  colorada  ; 
G^t  cors,  e  bellas  mans  de  fayson  mesurada, 
Gent  parlant  e  plasent,  c'a  totas  gentz  agrada 

E  sas  beutats  retray. 

(La  Vida  de  saut  Honorât,  édit.  Sardou,  p.  4.) 

19 


242  YARIBTâS 

ce  saint  Armentaire  qu'on  révère  à  Draguîgnan,  parce  que  celui-ci  y 
vivoit  en  ce  siècle  environ  Tan  880. 

»  L'on  conserve  dans  cette  ville  une  certaine  légende  de  la  vie  de 
ce  saint,  composée  par  un  Raymond  Feraud ,  gentilhome  provençal, 
qui  vivoit  l'an  1300,  meilleur  poëte  qu'historien,  en  laquelle  légende  il 
y  a  tant  de  faussetez  et  de  contradictions  qu'on  a  grand  peine  de  dé- 
couvrir ce  qui  y  peut  estre  de  véritable  ;  elle  le  fait  contemporain  de 
saint  Honoré  de  Lerins,  avec  lequel  elle  dit  qu'il  a  voyagé,  et  qu'il 
alla  avec  luy  en  Espagne  pour  délivrer  le  roy  Charlemagne  devenu  pri- 
sonnier par  Aigoland,  roy  des  Sarrazins,  après  la  délivrance  duquel  ils 
allèrent  habiter  l'isle  de  Lerins*,  et  chassèrent  les  serpens  qui  y  es- 
toient  dedans  et  entr'autres  deux  démesurément  grands,  leur  faisant 
avaler  des  choses  monstrueuses  ;  elle  le  fait  encore  vivre  du  temps  de 
Charles,  roy  de  Provence,  fils ,  dit-elle,  de  Louis  le  Débonnaire,  r'ôy 
de  France,  et  encore  du  temps  de  Charles  le  Chauve,  roy  de  France  ; 
du  temps  de  Bozo(«tc),roy  de  Provence,  et  du  temps  du  pape  Jean  IX, 
qui  vint  en  Provence  et  demeura  quelque  temps  en  la  ville  d'Arles  ; 
elle  le  fait  encore  vivre  du  temps  du  concile  de  Vienne,  tenu  sous  le 
pontificat  de  Formose,  auquel  concile  il  alla  en  la  compagnie  de  son 
evêque  de  Frejus.  Finalement  elle  dit  qu'il  mourut  en  son  hermitage, 
aux  calendes  de  juin,  régnant  en  Provence  le  roy  Bozon . 

»  Or  il  est  impossible  de  joindre  des  temps  si  éloignez  les  uns  des 
autres  et  de  faire  vivre  ensemblement  des  personnes  qui  ont  esté  en 
divers  siècles 

3>  Et  ainsi  séparant  ce  qui  est  fabuleux,  de  ce  qui  semble  estre  plus 
vray-semblable.  Jediray  seulement  que  je  tiens  pour  fabuleux  tout  ce 
qui  y  est  couché  de  saint  Honoré  de  Lerins,  de  la  délivrance  de  Char- 
lemagne, de  Téglise  et  isle  Auriane,  ou  Aureliane:  parce  que  de  tout 
temps  cette  isle  a  esté  surnommée  Lerins  ;  comme  aussi  je  tiens  pour 
fabuleux  tout  ce  qui  y  est  dit  de  la  défaite  de  ces  serpens  en  cette 
même  isle,  avec  des  pains  faits  avec  des  étoupes  et  de  poix  résine  ; 
estimant  que  c'est  une  fiction  fondée  sur  la  procédure  que  le  prophète 
Daniel,  au  chap.  14,  26,  fit  en  détruisant  le  dragOn  que  le  roy  de  Ba- 
bylone  luy  présenta. 

»  Je  tiens  pour  suspet  tout  ce  qui  y  est  ajouté  de  la  fée  Esterelle, 
et  de  ses  sacrificateurs,  qui  donnoient  à  boire  quelques  breuvages  en- 
chantez aux  femmes  stériles,  pour  avoir  des  enfans,  comme  encore  de 
cette  pierre  vulgairement  dite  la  Lauza  de  la  Fada^  où  se  f  aisoient  les 

*  La  captivité  de  Gharlemagne  à  Tolède,  dans  les  prisons  du  roi  Aygoland, 
sa  délivrance  par  saint  Honorât  et  la  destruction  des  serpents  de  Tîle  de  Le- 
rins figurent  dans  le  Sont  Honorât,  mais  il  ri'y  est  nullement  question  de  saint 
Herm  en  taire. 


YARIETés  243 

sacrifices  de  cette  fausse  divinité.  Car  au  temps  où  vivoit  saint  Armen- 
taire,  la  religion  chrétienne  et  catholique  estoit  si  fort  raffermie  et  si 
universellement  receuë  en  Provence,  que  je  ne  croy  point  qu'il  y  eût 
en  son  temps  aucun  vestige  du  paganisme,  quoy  que  tous  ces  sortilèges 
peuvent  avoir  esté  faits  en  cette  province  au  temps  de  la  gentilité . 

»  Qu'il  ait  esté  Grec  de  nation,  ou  Italien,  natif  de  Pavie,  comme 
deux  différentes  légendes  marquent,  cela  est  indiffèrent  et  incertain, 
bien  que  la  seconde  opinion  se  fonde  peut-estre  sur  ce  qu'il  y  a  eu  un 
saint  Armentaire  evêque  de  Pavie,  comme  j'ay  remarqué  un  peu  au- 
paravant. 

3>  Qu'il  ait  esté  véritablement  evêque  d'Antibe,  ou  ayant  refusé  l'evê- 
ché  ;  qu'il  ait  esté  seulement  hermite  et  solitaire  au  terroir  de  Frejus 
et  de  Praguignan,  comme  ces  deux  légendes  disent,  l'un  et  l'autre  peut 
estre  et  je  n'y  voy  point  de  répugnance. 

j>  Que  de  son  temps  il  y  ait  eu  aux  environs  de  la  contrée  de  la  ville 
de  Draguignan,  et  au  terroir  du  village  d'Ampus,  dans  une  baume,  un 
antre  obscur  et  ténébreux,  prez  d'une  grande  forest,  comme  sa  légende 
porte,  un  grand  et  horrible  serpent,  qui  de  son  souffle  venimeux  inf  ec- 
toit  toute  la  contrée  et  tuoit  toutes  les  personnel  qu'il  avoit  à  sa  ren- 
contre, et  que  par  ses  mérites  et  prières  envers  Dieu,  il  ait  détruit  ce 
furieux  animal  qu'on  surnomme  dragon,  et  que  de  cette  miraculeuse 
victoire  la  ville  de  Draguignan,  qui  auparavant  estoit  surnommée  Gri- 
minum,  comme  disent  quelques-uns,  ou  Arguinaud,  comme  veulent  les 
autres,  ait  esté  surnonamée  Dragomarrit  puis  Draguignan,  cela  peut 

estre,  et  n'est  pas  chose  nouvelle  ny  singulière  à  ce  saint 

»  La  chose  la  plus  asseurée  qu'on  peut  sçavoir  de  ce  saint  est  qu'il 
a  vécu  en  ce  neusiéme  («ic)  siècle,  et  qu'il  est  mort  environ  l'an  900, 
âgé  de  plus  de  80  ans,  s'il  est  vray  qu'il  ait  assisté  au  concile  tenu  à 
Vienne,  avec  son  evêque  de  Frejus,  et  que  sa  vie  et  sa  mort  en  son 
hermitage  ont  esté  agréables  à  Dieu,  puisqu'il  a  fait  beaucoup  de  mira- 
cles, guérissant  plueieurs  malades  de  diverses  infîrmitez  en  sa  vie,  et 
beaucoup  plus  après  sa  mort  ;  au  tombeau  de  qui,  en  la  ville  de  Dra- 
guignan, il  se  fait  tous  les  jours  beaucoup  de  miracles  et  la  guerison 
de  beaucoup  de  sortes  d'infirmitez.  Mais  surtout  Dieu  lui  accorde  cette 
grâce  que  de  remettre  en  bon  état  ceux  qui  sont  égarez  d'esprit,  alié- 
nez de  sens  et  de  raison  ;  accidens  qui  leur  peuvent  estre  survenus  à 
cause  de  quelques  frayeurs,  peurs,  tremblemens  et  terreurs  paniques. 

»Mais  quoy  que  la  légende  marque  que  ce  saint  mourut  aux  calendes 
de  juin,  sa  fête  pourtant  se  célèbre  le  12  novembre.  Et  partant  cet 
Armentaire  doit  eslre  différent  à  cet  autre  de  même  nom  dont  les  re- 
liques estoieat  autrefois  dans  l'église  Saint-Laurens  hors  des  murs  de 
la  ville  d'Aix,  puisque  la  fête  de  celuy-ci  se  f aisoit  le  7  octobre,  comme 


2AA  VARlÉTâs 

marque  une  pierre  écrite,  trouvée  il  y  a  quelque  temp8  dans  une  cave 
du  chapitre  de  Teglise  de  Saint-Sauveur,  conservée  encore  dans  la  sa- 
cristie de  la  même  église *  3> 

J'ai  tenu  à  citer  ces  divers  passages  à  cause  des  indications  qui  s  y 
trouvent.  La  découverte  du  manuscrit  du  Sant  Hermentari  nous  dira 
si  Bouche  a  réellement  confondu  ce  poëme  avec  quelques-uns  des 
chapitres  du  Sant  Honorât,  ou  bien  si  Féraud  a  poussé  l'abnégation 
littéraire  jusqu'à  rimer  une  deuxième  fois  des  récits  qu'il  avait  déjà 
présentés  au  public  lettré  de  son  temps.  En  écartant  ce  point  du  débat 
actuel  et  en  rapprochant  les  particularités  citées  plus  haut  de  l'absence 
de  toute  indication  sur  le  Sa/nt  Hermentari  dans  les  vers  où  Féraud 
énumèresa  Vie  de  saint  Alban,  son  comput,  ses  vers  sur  la  Passion  et 
la  plainte  funèbre  du  roi  Charles,  il  semble  permis  d'en  conclure:  1®  qu'il 
n'avait  pas  encore  songé  à  versifier  la  vie  de  l'évêque  d'Antibes;2*'  que 
la  composition  de  celle-ci  doit  être  placée  entre  l'année  1300,  époque 
à  laquelle  il  termina  la  Vida  de  sant  Honorât^ y  et  l'année  1324  ou  1325 
qui  le  vit  mourir .  Quoique  l'approximation  soit  ici  ti'ès-large,  on  n'a 
guère  le  droit  de  la  dédaigner,  en  présence  du  petit  nombre  de  rensei- 
gnements que  nous  possédons  sur  le  troubadour  préféré  de  la  reine 
Marie  de  Hongrie  et  de  Robert  de  Calabre. 

Peut-être,  —  nous  terminerons  pai-  cette  dernière  conjecture  celles 
que  nous  proposons  au  lecteur,  —  peut-être  la  versification  d'un  mi- 
racle attribué,  par  les  uns  à  saint  Hermentâire,  et  par  les  autres  à 
Saint  Honorât,  détermina-t-elle  notre  troubadour  à  étudier  la  légende 
de  l'évêque  de  Draguignan  et  à  la  mettre  en  vers  après  celle  du  fonda- 
teur du  monastère  de  Lérins  * . 

A.  Roqub-Febribr. 

*  Je  remercie  M.  François  Vidal,  d'Aix-en-Provence,  qui  a  bien  voulu  co- 
pier ces  passages  sur  l'exemplaire  de  la  Bibliothèque  Méjanes. 

*  Mas  ben  vuelh  que  sapiau  las  jens 
Que  l'an  de  Dieu  mil  e  très  cens 
Compli  le  priols  son  romans, 

(Vida  de  sant  Honorat,éd\i.  Sardou,  p.  208.) 
3  J'aurai  bientôt  roccasion  de  parler  de  deux  autres  poëmes  de  Féraud . 


VARIÉTÉS  245 


L  INSCRIPTION  DE   LA   COUPB   DU  ROI  RENE 

L'orthographe  de  rinscription  rapportée  par  Achard,  Dictionnaire 
de  la  Provence,  Hommes  illustres,  t.  I,  p.  109,  et  citée,  Revue, 
3®  série,  VI,  103,  doit  être  rétablie  de  la  manière  suivante  : 

Qu  ben  beoura, 
Dieu  veira. 

Qu  me  beoura  de  touto  soun  haleno, 
Veira  Diou  et  la  Magdeleno. 

Quoi  qu'en  dise  le  Dictionnaire  de  la  Provence,  il  est  probable 
qu'elle  était  rédigée  en  français .  On  lit  dans  V Histoire  de  René 
d* Anjou,  111,  224,  par  le  comte  de  Quatrebarbes  : 

«  Reconnaissants  de  la  protection  éclairée  du  bon  Roi,  les  frères 
Ferry  lui  avaient  fait  présent  d'un  grand  verre  à  boire,  dont  la  forme 
et  la  hauteur  étaient  celles  d'un  calice.  La  coupe  pouvait  contenir 
la  pinte  de  Paris.  Sur  les  parois  intérieures,  l'artiste  avait  peint  un 
Christ  sur  la  Croix  ;  la  Madeleine  était  à  ses  pieds,  et  on  lisait  au 
bord  du  vase,  en  caractères  gothiques,  cette  curieuse  légende: 

«  Qui  bien  beurra, 
Dieu  voira. 

Qui  beurra  tout  d*une  haleine, 
Voira  Dieu  et  la  Magdeleine.  ^ 

Dans  son  travail  sur  les  de  Ferry  et  les  d'Escrivan,  verriers pro- 
vençauœ  (Bulletin  de  la  Société  académique  du  Yar,  nouvelle  série, 
VI,  1873,  291-324),  M.  Reboul  cite  ce  passage  du  comte  de  Quatre- 
barbes, et  il  ajoute  : 

«  Le  Président  de  Saint- Vincens  nous  apprend  que  ce  verre  histo- 
rique était  conservé  dans  le  cabinet  de  Fabri  Borrilly,  à  Aix,  et  il  as- 
sure l'y  avoir  vu  lui-même,  n 

A.   R.-F. 


BIBLIOGRAPHIE 


Société  des  anciens  textes  français.  Daurel  et  Béton,  chanson  de  geste 
provençale,  publiée  pour  la  première  fois  par  Paul  Meyer,  d'après  le  ms. 
unique  appartenant  à  M   A.  Didot.  1  vol.  in-S®,  cxx-110  pages. 

Le  ms.  qui  nous  a  conservé  la  chanson  de  geste  dont  le  titre  figure 
en  tête  du  présent  article  est  le  même  qui  renferme  le  mystère  de  la 
PcLSsion,  dont  il  a  été  plusieurs  fois  question  dans  cette  Reume  et  dont 
la  Société  des  anciens  teintes  a,  dès  «es  débuts,  annoncé  une  édition, 
qu'elle  nous  fait,  soit  dit  en  passant,  bien  longtemps  attendre.  Ce  ms. 
contient  en  outre  huit  autres  pièces  de  médiocre  étendue,  ayant  toutes 
un  caractère  moral  ou  religieux,  et  dont  plusieurs  sont  mutilées.  M.  Paul 
Meyer  les  a  publiées,  en  même  temps  que  Daurel  et  Béton,  dans  le 
volume  dont  nous  rendons  compte . 

Ce  volume  s'ouvre  par  une  introduction  qui  est  un  morceau  étendu 
et  intéressant,  où  les  questions  d'histoire  littéraire  et  de  philologie  qui 
se  rattachent  au  poëme  de  Daurel  et  Béton  sont  traitées  en  détail  * . 

*  Plusieurs  faits  pourtant  n'y  ont  pas  été  relevés,  qui  valaient  peut-être  la 
peine  de  Têtre.  Je  citerai  les  suivants: 

Le  développement  de  ui  eu  uei  dans  fuei  991,  autruei  1593.  Des  formes 
pareilles  se  rencontrent  dans  la  Passion  du  Christ,  ms.  de  Tours  (édit.  Eds- 
trôm,  vv.  72,  73,  392,  420-21).  Cf.  aussi  luey  =  lui  dans  une  charte  du  pays 
de  Soûle,  publiée  il  y  a  quelques  années  par  M.  Meyer  (Romania,  V.  371); 

La  réduction  de  Ih  à  y,  figuré  h,  en  finale,  dans  cosseh  6S3,  nuh  1814  = 
nulh,  vueih  1471  =  vueilh,  à  moins  que  Vh  n'ait  été  dans  ces  mots  oubliée 
par  le  copiste.  (On  lit,  au  contraire,  v.  956,  sielh  pour  sieh  =  siei.)  Mais  on 
a  d'autres  exemples  anciens  du  même  phénomène,  et  les  dialectes  modernes  en 
présentent  en  graud  nombre.  C'est  d'ailleurs  un  fait  analogue  à  la  réduction, 
que  M.  M.  a  notée,  de  nh  à  y; 

ae  pour  ai  dans  palaes  37.  d.  paer,  forme  ordinaire  de  paire  dans  l'an- 
cienne trad.  limousine  de  l'Ev.  de  saint  Jean; 

ou  pour  0  (selon  l'orthographe  actuelle)  dans  ginoulhar  1470,  vou^  148, 157, 
Roulan,  130,  2136.  Peut-être  ce  dernier  mot  devrait-il  être  lu  Ronlan,  con- 
formément à  une  prononciation  que  Ton  constate  en  divers  lieux. 

Parmi  les  exemples  de  la  qhute  de  Vs  devant  une  autre  consonne  (  p.  Ivj.),  il 
eût  été  bon  de  citer  puec  1026,  1034,  1453,  1974,  et  conoc  998. 

M.  Meyer  signale,  p.  liv,  le  passage  de  ai  et  ei  à  au  et  eu.  On  trouve  aussi 
dans  Béton  des  exemples  du  phénomène  inverse,  qu'il  aurait  pu  noter  comme 
il  l'a  fait  plus  loin,  p.  Ixxiij,  pour  le  Débat  de  la  Vierge  et  de  la  Croix.  Voici 
ceux  que  j'ai  relevés  : 

miei  =  mieu  1184, 1524,  1588  (corrigé  mieu  au  premier  seulement  de  ces 


B1BLIO0RAPH1B  247 

Daurd  et  BeUm  est  une  chanson  de  geste.  C'est  cela  surtout  qui  fait 
son  prix.  La  pénurie  de  la  littérature  provençale  en  ce  genre  de  com- 
positions rend  précieux  le  moindre  débris  qu'on  en  ait  pu  sauver .  Le 
sujet  est  intéressant,  et,  traité  par  un  poëte  de  talent,  il  pouvait  don- 
ner matière  à  un  bel  ouvrage.  Mais  l'auteur  paraît  n'avoir  été  qu'un 
jongleur  assez  malhabile.  C'est  l'opinion  de  M .  Meyer,  et  tous  les  lec- 
teurs la  partageront.  «  L'idée  dominante  de  Daurel  et  Béton, —  je  cite 
les  propres  paroles  du  savant  éditeur,  p .  xxvij,  ^-  c'est  le  dévouement 
sans  réserve  d'un  serviteur  envers  son  seigneur.  Cette  idée  est  si  loin 
d'être  nouvelle  qu'on  peut  la  regarder  comme  un  lieu  commun .  Mais 
ce  qui  est  particulier  à  notre  auteur,  c'est  d'avoir  substitué  au  servi- 
teur ou  au  vassal  traditionnel  un  jongleur.  Dawrel  et  Béton  est,  pro- 
prement, la  glorification  du  jongleur.  » 

A  la  suite  de  l'introduction  vient  un  appendice,  dans  lequel,  après 
une  description  détaillée  du  ms.,  M.  Meyer  donne  les  huit  pièces  men- 
tionnées ci-dessus,  en  faisant  précéder  chacune  d'elles  d'une  notice 
substantielle  où  la  langue  et  le  sujet  sont  étudiés  avec  soin,  La  chan- 
son de  geste,  qui  est  l'objet  principal  de  la  publication,  suit  immédia- 
tement, et  le  volume  se  termine  par  un  glossaire,  pour  la  composition 
duquel  on  regrette  que  la  totalité  des  textes  publiés  n'ait  pas  été  mise 
à  contribution  :  le  seul  poëme  de  Daurel  et  Béton  en  a  fourni  la  ma- 
tière .  Ajoutons  que,  dans  les  limites  mêmes  que  l'éditeur  s'était  tra- 
cées, il  aurait  pu  le  faire  plus  complet. 

Le  ms.  Didot  (il  convient  de  lui  laisser  cette  désignation,  bien  qu'il 
appartienne  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  nationale,  car  il  a  été  donné 
à  cet  établissement  par  la  famille  Didot)  est  incomplet  du  commen- 
cement et  de  la  fin.  H  présente  aussi  quelques  lacunes  intérieures. 
M.  Meyer  y  reconnaît  dix  à  douze  mains  différentes,  dont  aucune  n'était 
celle  d'un  copiste  soigneux.  H  suppose,  d'après  des  indications  que 
fournit  le  ms.  lui-même  sur  ses  propriétaires  successifs,  que  le  copiste 
de  Betonj  qui  termine  le  volume  et  dont  par  suite  la  fin  nous  manque, 
était  de  la  région  qui  correspçnd  au  nord  de  la  Haute-Garonne  et  au 
Tarn,  et  que  ceux  qui  ont  transcrit  le  reste  du  ms.  étaient  Gascons . 


trois  vers),  espieyt  190,  Peytiey  175.  On  peut  en  rapprocher  malayratz  du 
V.  990,  bien  qu'ici  ay  ne  soit  pas  diphthongue.  Cf.  une  forme  analogue  [venay- 
rades,  pour  ben.,.)  dans  les  Hécits  d'hist.  sainte  en  béarnais,  II,  138. 

La  substitution  de  au,  eu,  à  ai,  ei,  comme  la  réciproque,  se  rencontre  en 
d'autres  textes  que  ceux  que  nous  a  conservés  le  ms.  Didot;  mais  les  exem- 
ples en  sont  assez  rares  et  assez  clairsemés  pour  qu'il  n'y  ait  pas  lieu  d'être 
surpris  qu'Ut  aient  échappé  à  l'attention  ou  au  souvenir  de  M.  Paul  Meyer ^ 
bien  que  quelques-uni  se  trouvent  dans  des  textes  qu'il  a  publiés  lui-même. 


248  BIBLIOGRâPHIB 

J'irais  volontiers  plus  loin  que  lui  et  ne  ferais  pas  difficulté  d^attribuer 
aussi  à  un  gascon  la  transcription  de  Béton. 

Les  traits  dialectaux  y  sont  sans  doute  moins  nombreux  et  moins 
sensibles  que  dans  la  plupart  des  petits  poëmes  publiés  à  l'appendice 
de  l'introduction  ;  mais  c'est  pourtant  trop  s'avancer  que  d'affirmer, 
comme  M.  Meyer,  que  Béton  «  n'offre  pas  du  tout  les  caractères  du 
gascon .  3>  Le  savant  éditeur  aurait  été  peut-être  moins  af  firmatif  s'il 
y  avait  regardé  d'un  peu  plus  près. 

Voici,  quoi  qu'il  en  soit,  des  traits,  à  mon  avis,  bien  gascons  ;  plu- 
sieurs, il  est  vrai,  ne  sont  pas  exclusivement  propres  à  la  région  d'en- 
tre Garonne  et  Pyrénées,  mais  on  ne  les  trouvera  réimis  que  dans  des 
textes  de  cette  région  : 

Arcuîimen,  v.  64  ;  arcuïhir  116,  pour  rec. . ./ 

Dauretz  651,  pour  Daurels; 

peut-être  dav/nas  495,  pour  donas  (M.  Meyer  a  lu  daimaa); 

Sen  A  lari  749 ,  pour  Saint  A  lari  / 

foft  646,  pour /or«; 

romper  =  rompre,  1318  ; 

ceze  1640  =  sezer;  traje  2038  =  tracher.  La  chute  de  Vr  finale  en 
de  pareils  mots  ne  se  rencontre  guère  à  cette  date  que  dans  des  do- 
cuments gascons , 

ente  438,  ctkte  30,  vaste  52,  etc. ,  etc.,  pour tte.  Il  y  a  des  exem- 
ples plus  anciens  de  cette  réduction  de  tr  à  t,  laquelle  ne  se  produit 
pas  seulement  après  une  consonne,  comme  le  dit  M.  M.,  oubliant  aute 
du  V.  30;  j'eQ  ai  relevé  dans  des  documents  datés  de  1256,  1260, 
1309,  1326,  etc., et  qui  sont  tous  d'origine  gasconne. 

rentado  1292,  pour  rewiawo,  du  verbe  (ar}remader-=^  remaner; 

de  questa  pour  d'aqtiesta,  1189; 

lu  pour  lui,  7,600  ; 

lo8j  datif  pluriel  du  pronom,  1392,  1576  ; 

ha  1437,  va  1241  (?),  pour  o; 

darietz  183,  pour  dariatz; 

pagaram  775,  troharam  1295,  vieurat(z)  214,  auzirat(z)  1918, 
pour rem,retz  ; 

fon  =fuerunt  76  ; 

prétérits  en  ec{lrohec  61,  etc.,  etc.).  M.  Meyer  dit,  à  la  vérité,  que 
cette  forme  n'a  été  usuelle  aux  XIIP  et  XI Ve  s.  que  dans  l'Albigeois, 
le  Toulousain  et  le  pays  de  Foix.  Mais  elle  ne  l'était  pas  moins,  comme 
en  témoignent  les  chartes,  dans  le  territoire  qui  forme  aujourd'hui,  en 
gros,  le  département  du  Gers  et  la  partie  gasconne  de  la  Haute»Ga- 
onne. 

pour  ai  (et)  1185,  trobe  pour  trohei  748. 


BIBLIOGRAPHIE  249 

peuù  47,  pour  pois.  On  a  des  exemples  anciens  de  pareUles  formes 
dans  des  textes  purement  et  franchement  gascons. 

laïns  1395,  1403,  dans  une  tirade  en  enSj  par  conséquent  prononcé 
laens. 

aprot  728,  pour  aprop; 

h  pour  V  (bai  1093,  esparbiers  1135,  etc.),  et  réciproquement  v  pour 
b  (cavelhs  762); 

nk  réduit  à  i  (figuré  quelquefois  h):  compaho  46,  1314,  inutilement 
corrigé  companho  dans  ce  dernier  vers  ;  teih  1226  =  teneo  ;  compays 
397),  etc.  *. 

tz  final  2e  pers.  du  pluriel  réduit  à  t:  podet  211^  etc.,  etc. 

De  cet  ensemble  de  petits  faits  résulte  pour  moi  la  présomption  que 
Tunique  copie  de  Béton  que  Ton  connaisse  est  l'ouvrage  d'un  homme 
qui  parlait  gascon,  ou  qu'elle  dérive  d'un  exemplaire  transcrit  par  un 
Grascon.  Mais  je  partage,  d'ailleurs,  pleinement  l'opinion  de  M.  Meyer 
quant  à  la  langue  dans  laquelle  le  poëme  a  été  composé  :  ce  n'est  ni 
le  gascon,  ni  le  français,  malgré  l'intrusion,  assez  fréquente  à  la  rime, 
d'infinitifs  en  ier^,  de  en  pour  an  et  de  om  pour  em  (1'^  pers.  du  plu- 
riel)*; c'est  le  provençal. 

J'arrive  aux  textes  eux-mêmes .  Ils  sont  pour  la  plupart  extrême- 
ment corrompus,  et  Béton,  s'il  est  possible,  encore  plus  que  les  autres . 
Aussi,  malgré  les  nombreux  amendements  qu'y  a  su  apporter  l'habile 
éditeur,  reste-t-il  encore  beaucoup  à  faire  à  la  critique  pour  les  rendre 
partout  corrects  et  intelligibles.  Puisse  la  tâche  de  ceux  qui  les  exami- 
neront après  moi  se  trouver  un  peu  diminuée  par  l'étude  attentive  que 
j'en  ai  faite,  et  dont  les  résultats  sont  consignés  dans  les  notes  ci- 
après. 

_  I.  Débat  de  la  Vierge  et  de  la  Croix^  p .  Ixxiij.  —  Le  commencement 
fait  défaut.  Pièce  composée  en  provençal  et  transcrite  par  un  Gascon. 


«  Au  contraire,  on  lit  nh  pour  n  aux  vers  18  (venh),  44  {manenh),  et  630 
{efanh}^  ce  qui  est  aussi  un  trait  gascon. 

2  M.  Meyer  donne  de  l'emploi  de  ces  formes  en  ier  {er)  par  des  Provençaux 
une  explication  assez  plausible.  —  Je  crois  que  le  couplet  de  la  chanson  de 
Peyrol,  qu'il  cite  p.  xlj,  a  été  interpolé  ;  du  moins  ne  se  trouve-t-il  pas  dans  un 
des  bons  mss.  (le  n»  1594  de  la  B.  N.)  qui  nous  ont  conservé  cette  chanson,  et 
sans  doute  aussi  dans  quelques  autres.  Il  serait  intéressant  de  vérifier  le  fait* 

3  C'est  du  moins  ce  qu'admet  M.  Meyer  (p.  xlix).  Mais  cet  om  peut  très-bien 
être  le  pronom  indéfini,  sauf  en  un  seul  cas,  v.  26,  pour  lequel  il  y  aurait  à 
chercher  une  correction.  Voir  ci-après  la  remarque  sur  ce  vers.  —  Cette  finale 
om  {(m)  se  trouve  aussi  dans  Blandin  de  Comouailles,  et  toujours,  comme 
ici,  dans  des  futurs. 


2S0  BIBLIOGRAPHIB 

Elle  a  de  Tintérêt.  c  La  Vierge  reproche  à  la  Croix  sa  cruauté  envers 
le  Sauveur.  Celle-ci  se  défend  et  fait  valoir  d^ingénieux  argnments.  » 
M.  Meyer  rapporte  une  pièce  latine  de  Philippe  de  Grève  où  est  traité 
le  même  sujet,  mais  qui  n*a  avec  le  débat  provençal  aucun  rapport  plus 
étroit. 

V.  2.  «  S'a  mi.  »  Je  lirais  Sa  un  (pour  se  un).  Cf.  v.  63  aligir,  70, 
sacrete,  147,  sa»  qui  est  aussi  pour  se. 

3.  Corr.  A  [un]  son 

6.  Corr,ay8i[î\  laysar, 

8.  €  Iay8es(e8).  ]>  Mieux  vaut,  ce  me  semble,  garder  layseses,  que  la 
syntaxe  exige,  et  reporter  ans  au  vers  précédent,  en  ne  donnant  à  de- 
vicu  que  deux  syllabes.  Cf.v.2, 28,  voliey  v.  21  dévies^  qui  n'en  ont  éga- 
lement que  deux. 

66.  Je  corrigerais  plutôt  :  Ne  gesno  von^  (ges)  airessi, 

6d.<r  cres  en.  :»  Corrigez  simplement  creseu.  On  dit  aujourd'hui  orese 
ou  cresi. 

113.  <K  lays  mas.  :»  Exemple  bon  à  noter,  et  que  M.  M.  pouvait  se 
dispenser  de  corriger,  du  développement  de  \H  devant  s,  dans  l'article. 
Cf.  plus  loin,  V.  140,  lay  cuyses. 

127.  c  entendement.  »  Corr.  estendementf 

134.  «  foc.  »  Corr.  fec. 

136-6.  «  fenestre  :  teste.»  Corr.  senesire  :  désire, 

163.  Corr.  seulement  avie  :  can  est  pour  cam.  Cl  cansalado,  joun, 
des  patois  modernes. 

154.  Lis.  que  en  can  {^cam)  hom  er  'et morte  f  ou  corr.  honerefon 
encore  honer'  et  morte  {et  étant  pour  el)? 

156.  «  El  frent.  »  Corr.  simplement  el  front,  en  mettant  une  virgule 
au  lieu  d'un  point,  à  la  fin  du  vers  précédent. 

161.  «  estendut  »,  correction  proposée  en  note,  fausserait  le  sens. 
Lis.  le]reubut,  effacez  la  virgule  après  ce  vers,  et  au  vers  suivant  corri- 
gez perdut.  Il  s'agit  du  péché  originel  et  de  la  rédemption. 

163.  Corr.  dévie.  La  contraction,  ici,  pas  plus  qu'au  vers  72,  où  la 
même  correction  est  tout  indiquée,  ne  saurait  faire  difficulté.  Deve 
est  du  reste  une  forme  gasconne  qu'on  peut  garder,  sauf  à  prononcer 
deve  'sser, 

171.  «  los  sen.»  Je  rétablirais  hseu  dnme.,  en  faisant  rapporter  ce 
possessif  à  resucitar,  considéré  comme  nom. 

174.  «  SOS  seutz.»  M.  Meyer  propose  de  corr.  los  sens.  Je  crois  qu'il 
vaut  mieux  lire  simplement  sentz  (sanctos) .  C'est  une  forme  gasconne 
bien  connue. 

175.  «  leyses.  »  M.  Meyer  corrige  leyset,  à  tort,  paraît-il.  La  croix 
parle  ici  d'elle-même .  Corr.  sim  leyses  oazGT  e  tempsesf 


BIBLIOaRAPHIB  251 

179.  Oorr.  costrengesP 

187.  portée  est  pour  portei.  H  y  a  des  formes  pareilles  dans  un 
curieux  texte  que  M.  G.  Raynaud  a  publié  il  y  a  deux  ou  trois  ans 
dansla^omaraûz. 

188.  «  venques.  7>  Corr.  venqttet,  ou  faut-il  entendre  vicit  ipse  ou 
ipsum  (venc  esjf 

198.  Aucune  correction  ne  paraît  nécessaire.  Il  y  a  une  ellipse  :  «  Je 
suis  par  tout  le  monde  célébrée  ;  vous  honorée  à  cause  de  moi.  » 

199.  «  aforades.  »  Ceci  ne  donne  aucun  sens.  Lis.  asorades  (adorées), 
203.  a:  avietz.  j>  La  corr.  acsetZy  proposée  en  note,  ne  peut  guère 

convenir  :  avetz  est  tout  indiqué  et  vaut  beaucoup  mieux  pour  le  sens 
comme  pour  la  rime.  On  pourrait,  è.  la  rigueur,  remplacer  gran  par  l'ar- 
ticle la. 

210.  «  a  deu  far.  »  Aucune  correction  ne  paraît  nécessaire  :  a=  hoc 
et  deu =dei, CL  danB  Béton,  veuret  =veiretf  etc.,  et  dans  la  pièce  n°7, 
V.  248,  siau  =  siaù 

222.  «  el  tal  bays.  »  Corr.  entai  baye  (  =vai8  ^ssvaa  (tombeau)? 

II.  Deux  chansons  de  Fahre  d'Uzès  et  de  Folquet  de  Romans,  —  Ce 
sont  les  pièces  Locs  esqy/om  se  deu  alegraret  Qtian  he  me  sut  apensat, 
l'une  et  l'autre  plusieurs  fois  publiées.  A  la  suite  (p.  xc)  vient  un  cou- 
plet de  sept  vers,  très-corrompus.  Au  quatrième,  je  corrigerais  baque 
en  mas  que.  Les  trois  suivants  pourraient  être  rétablis  ainsi: 

E  greu  [hom]  per  dret  jutjaria, 
Qui  la  dones  ad  aquel  qui  valdria, 
D'aquel  rie  loc  Tauses  hom  decader. 

III.  Les  Sept  Joies  de  Notre-Dam^e,  p.  xc— Cette  pièce  n'est  aucune 
de  celles  que  l'on  connaissait  déjà  sous  le  même  titre.  Le  texte  en  est 
très-altéré  ;  les  caractères  du  gascon  y  sont  très-marqués  ;  mais  il  ne 
semble  pas,  d'après  les  rimes  des  vers  6-8,  qu'elle  ait  été  composée 
dans  cet  idiome. 

V.  13.  «  vos  cargat.»  Corr.  [ac]  cargat;  virgina,  ici  comme  au  vers 
suivant,  ne  compte  que  pour  deux  syllabes. 

14.  «  nou.  »  Ms.  non,  plutôt  peut-être  nau,  qu'il  fallait  conserver. 
C'est  la  forme  gasconne  de  navem. 

16.  «  pengos.  y>  Cott.  pergos  (yous  perdîtes). 

20.  Je  lirais, sans  virgule  :  agos{=z  habuistis)  acvos,  en  maintenant 
agos  (ssz  habuisset)  au  vers  précédent  et  mettant  un  point  à  la  fin . 

26.  «  ofri[ro]n.  »  ofrin  pouvait  être  conservé,  sauf  à  rétablir  la  me- 
sure en  suppléant,  par  exemple,  a  Jkesu.  C'est  la  forme  normale  en 
gascon. 

27.  «  e  sèment.  »  Corr.  ensem^nt, 

31  •  a  qua[r] .  :»  Il  semble  qiiequan  vaudrait  mieux. 


252  BIBLIOaRÀPHIB 

38.  «  rador[er]eii.  »  Corr.  inutile:  adorén  est,  en  gascon,  la  forme 
normale  de  cette  3*  pers. 

49.  41  quens  amé  (a)  totz  e  (a)  totes.  t>  Ces  a  sont  à  conserver.  C'est 
un  trait  de  la  syntaxe  gasconne,  qui  met  volontiers  au  datif  le  régime 
direct,  et  surtout  ses  accessoires.  On  dit  couramment,  dans  le  pays  : 
d  je  vous  embrasse  à  tous.  J> 

IV.  Début  (Tune  nouvelle  inconnue,  p.  xciv.  — Quarante-huit  vers 
seulement.  C'est  encore  un  Gascon  qui  les  a  transcrits,  comme  le  prouve 
le  redoublement  de  Vo  dans  proos  (v.  6)  et  aussi,  à  un  degré  moindre 
il  est  vrai,  l'emploi  de  le  (v .  34)  dans  le  rôle  du  datif .  — V .  4 .  «  lo .  » 
Corr.  Icis  ou  aof 

V.  Les  quinze  signes  de  la  fin  du  monde,  p.  xcvij.  —  Pièce  mutilée, 
différente  du  petit  poëme  catalan  récemment  étudié  par  M.  Milâ  y 
Fontanals.  M.  Meyer  suppose  qu'elle  n'a  pas  été  composée  en  pro- 
vençal, à  cause  des  rimes  en  ed  =  prov.  at  qu'elle  présente,  et  qu'elle 
ne  l'a  pas  été  non  plus  en  pur  français,  à  cause  de  la  rime  soner  :  quer, 
qu'on  y  remarque  aussi  et  qui  ne  peut  se  ramener,  ni  en  français  ni  en 
provençal,  à  une  rime  correcte.  Mais  un  léger  remaniement  du  vers 
fait  disparaître  cette  dernière  anomalie,  et,  quant  aux  précédentes,  il 
n'y  a  qu'à  substituer  à  la  forme  française  la  forme  provençale  corres- 
pondante pour  qu'elles  disparaissent  également.  Quoi  qu'il  en  soit,  au 
reste,  de  la  forme  première  de  ce  petit  poëme,  il  est  certain  qu'il  a 
été  transcrit  dans  le  ms.  Didot  par  une  main  gasconne. 

Couplet  x:  «  terra  manement.  »  Lis.  mavement,  forme  gasconne, 
comme  maber  pour  movere,  nau,  navere  pour  novum,  novella,  etc.,  etc. 
C'est  le  voisinage  de  la  labiale  qui  produit  ce  renforcement. — Je  met- 
trais un  trait  d'union  après  terra.  Les  deux  mots  n'en  font  qu'un. 

Couplet  XXI  :  «  re »  C'est  sans  doute  trat  (retrat)  qu'il  faut  sup- 
pléer. Cf.  le  vers  suivant. 

Couplet  XXII,  V.  3.  Je  lirais,  pour  rétablir  la  correction  sans  compro- 
mettre la  rime.  D'un  mot  sonar  ardit  non  er.  Cf.  le  troisième  vers  du 
couplet  XX. 

VI.  Le  Traité  des  noms  de  la  mère  de  Dieu,  p.  o.  On  ne  connaît  pas 
d'autre  copie  de  cette  pièce,  dont  nous  n'avons  que  le  commencement  et 
la  fin.  Elle  est  écrite  en  alexandrins  divisés  en  couplets  monorimes  de 
quatre  vers. 

V.  62.  Lis.,  sans  apostrophe  et  en  modifiant  la  ponctuation  : 

Laissus  naut  eu  la  sala  de  paradis,  el  cal. 

71.  «qui.  »Corr.  quis  (=  qui  es). 

73-4 .  Corr.  efreyda  estengent  (éteignant)  La  calor. . . 

84.  Corr.  a^pelest  te.  J'aimerais  mieux  supprimer |7^a  que  de  Dieu. 


BIBUOaRAPHIE  253 

87.  Corr.  bas  setz  (=  vas  ceh)  quet  pregitan  drechamenf 

90.  Corr.  la  quan  (pour  la  quam)  mi  mau  (movet)  guera. 

91.<ïramor(t).  »  J'écrirais  la  mort. 

269.  ce  coraben  (se)  fi.y>  Corr, combenie  a,  ou  simplemeDt  combenie  ou 
combenia, 

272.  Lis.  s'esdignôj  comme  le  propose  M.  M.,  et  suppléez  mi  après 
contra. 

283.  «falhir  de.  »  Correction  inutile.  Lis.  avec  le  ms.  :  «  ses  fait'  en 
sa  careyre.  » 

P.  cviij.  «tehocon.  »  La  note  sur  ce  mot  est  sans  doute  un  lapsus. 
Il  y  a  une  différence  très -sensible,  d'étymologie  comme  de  sens,  entre 
ôeoTOXoç  et  ÔgoOyj/.y3. 

VIL  Les  heures  de  la  croix,  p.  cix.  Poëme  de  274  vers  de  8  syllabes 
rimant  deux  à  deux.  Il  existe  des  compositions  latines  et  françaises 
sur  le  même  sujet.  En  langue  d'oc,  on  n'en  connaît  pas  d'autre  que 
celle  du  ms.  Didot.  Les  caractères  du  gascon  y  sont  plus  fortement 
empreints  qu'en  aucune  des  pièces  jusqu'ici  passées  en  revue.  Je  ne 
serais  pas  éloigné  de  croire  que  Pauteur  lui-même,  et  non  pas  seule- 
ment le  copiste,  était  Gascon.  Les  rimes  volgust:  fust  (v.  3-4),  qui  ne 
peuvent  se  ramener  en  provençal  à  rien  de  correct,  sont  un  argument 
d'un  certain  poids  en  faveur  de  cette  opinion .  Moins  probants  sont 
prometust:  dissust  (131-2),  parce  que  les  mots  correspondants  en  pro- 
vençal rimeraient  également.  Ces  formes,  du  reste,  n'ont  rien  d'excep- 
tionnel, étant  donnée  la  langue  de  l'auteur  ou  seulement  du  copiste. 
Ce  sont,  au  contraire,  des  formes  parfaitement  normales  et  les  seules 
correctes  en  cette  langue. 

M.  Meyer  remarque  et  signale  dans  la  même  pièce,  comme  une  sin- 
gularité, l'addition  d'un  ^  àla  nasale  dans  sobirang,  mong^  etc.  C'est  là 
un  phénomène  qu'on  peut  dire  particulier  à  la  partie  la  plus  occiden- 
tale du  domaine  gascon.  Je  l'ai  constaté  surtout  dans  des  textes  origi- 
naires de  Bayonne  et  des  Landes  (Dax,St-Sever,Gabaret,  Marsan,  La 
Teste).  Je  l'ai  rencontré  aussi  ailleurs, par  exemple  dans  la  coutume  ûe 
Condom,  mais  bien  moins  fréquemment. 

V .  3.  «  mayties.  y>  C'est  une  forme  gasconne  très-correcte,  qu'il  n'y 
avait  pas  lieu  de  corriger.  L'w  médiane  tombe  norm£Jement  dans  cet 
idiome. 

17.  Ne  vaudrait-il  pas  mieux  lire  car*  apagadef  et  de  même  au 
v.  203? 

43.  «  ta[n].  »  ta  pouvait  rester;  c'est  le  latin  tam. 

44.  «  livrest.  »  Lis.  litbrest.  De  même  v.  72.  Au  v.209,  on  a  imprimé 
deliurest. 


254  BIBUOaiUPmB 

69 .  «  dos  (iic),  »  Pourquoi  ce  sic  f  dos  ^  dons  =  dones  est  une  f  onne 
très-ordinaire. 

ÎO.ftlas  craus?»Li8.  crans.  C'est  une  forme  qu'on  trouve  ailleurs, 
même  liors  du  domaine  gascon. 

113.  Je  corrigerais  plutôt  per  estes  :  fe,  supprimé  par  M.  M.,  n'est  pas 
inutile. 

139.  c  Puis  que.  3  Ms.  puis  qui,  trait  gascon  effacé  à  tort. 

164.  €  Gardem. i» Corr.  Oarden  mit 

227.  Corr.  Eram, 

228.  Corr.  venir  en  t'amor, 

271.  n  mes  {sic).  »  C'est  une  forme  gasconne,  comme  mens  ^=-  prov. 
mos, 

VIII.  Mystère  de  la  Passion,  p.  cxix.  —  Les  huit  premiers  vers 
seulement  et  les  huit  derniers. 

V.  2.  cSos  autres  »  La  corr.  seSj  proposée  en  note,  laisserait  le  vers 
trop  long,  n  faut  simplement  supprimer  sos.  Autres  =  aJ  res:  le  t  y 
est  épenthétique. 

Daubbl  et  Bbton,  p.  1-73. 

V.  10.  a  mas  [que],  i»  mas  [quanf]  vaudrait  mieux. 

16.  On  pourrait  peut-être  garder  menague  et  traduire  ce  mot  par 
direction  f  gouvernement  (action  de  mener).  —  «  [lolh].  »  solh  vaudrait 
mieux. 

16.  c  en  gaim.  9  Je  lirais,  n'ajoutant  qu'une  2;  c  E  seret  enga[l]  mi 
segner  de  ma  mayzo  i^,  c'est-à-dire  comme  mm-même. 

17.  Corr.  totz  joms  que  viva  àb  vos  f 

26.  Çorr.  :  «  lo  sagrammt  fairem  »,  lo  duc  Boves  refont  f 

28.  c  sus  el.  D  Je  corrigerais  suL 

45.  «  so(l).  »  A  quoi  bon  supprimer  Vif  sol  =  so  li. 

61.  «  pasen.  »  On  pourrait  corriger  venen, 

68.  ce  c'a  me.  »  Ms.  cam  me.  Pourquoi  dès  lors  ne  pas  écrire  c'am  mef 

76.  cf on.»  Noté,  à  tort,  au  glossaire,  comme  un  singulier.  C'est  la 
3®  pers.  du  pi.,  comme  le  sujet  l'indique.  Forme  gasconne. 

77.  Corr.  gra[n  gau']h  plutôt  que  riclhe"] . 

91.  <r  asi.D  Forme  gasconne  corrigée  aisi  sans  nécessité. 

95.  «de  bertz  clier.  »  Il  paraît  difficile  de  voir  dans  ce  bertz  le  vair 
français.  Ne  pourrait-on  pas  corriger  hestz=vestf  Un  pareil  substantif 
n'aurait  rien  d'anomal. 

100.  «que.  ïMs.  qui,  qu'on  pouvait  garder,  sauf  à  écrire  qu'i. 

108.  «  prendrois.  i>Corr.  prendois.  Faute  d'impression.  Voir  le  voca 
bulaire. 

111.  «a  juster.  »Ms.  vister.  Le  sens  indique  vêtir.  Ne  pourrait-on 
admettre  ici  une  forme  vistiert  Le  mieux  cependant  paraît  être  de 


BIBLIOGRAPHIB  255 

transporter  ce  vers  et  le  précédent  dans  la  laisse  suivante,  en  corri- 
geant esclarir  (on  esclarzir),  et  vestir  ou  instir  (cette  dernière  forme  a 
cours  aujourd'hui). 

122.  «lo  dis  lo  duc.wCorr.  so  dis,  à  moins  que  lone  soit  ici  le  datif 
du  pronom  (fr.  lui),  trait  gascon  qui  serait  fort  acceptable  en  ce  texte. 
Cf.  plus  loin,  V.  1576. 

183.  La  bonne  correction  paraît  être  amenas  mi  ma  sovy  et  de  même 
au  V.  141.  Cf.  plus  loin,  v.  623,  de  sa  sot f ai  mercat.  On  a  d'ailleurs 
des  exemples  bien  plus  anciens  de  l'emploi  de  sor  comme  régime. 

156.  col  »  c'est-à-dire  o  lo.  Cet  o,  qui  figure  déjà  au  v.  142,  où  il 
est  de  trop  (à  moins  que  ce  ne  soit  ah),  manque  au  vocabulaire. 

179.  «  [tuh],  »  K,  ce  semble,  vaudrait  mieux. 

214.  ce  vieurat  »  =  vivrez.  Forme  gasconne  non  relevée  au  vocabu- 
laire. Le  verbe  viure  y  manque. 

239.  «  vo»  =  t705.  Forme  non  relevée  au  vocabulaire.  Cf.  Guerre  de 
Navarre,  v.  1632,  et  ici  vonh  =  vos  ne,  passim. 

294.  Corr.  Pert  tôt  (pour  tous)  loscas? 

318.  c  casarom .  t>  Corr.  casa  hom  f 

321 .  «  conquero. »  Corr.  oonquer  'o[w]  .* 

322.  «eBeto.»  Corr.  oJ?. 

325.  «estrens.  »Corr.  estrenkP  ou  faut-il  ici  garder  Vs{=  «),  en  rap- 
portant cette  forme  à  un  infinitif  estrenzerf  Cf.  derzer,  sorzer,  etc. 

365.  ce  port.  »  Corr.  porc, 

397. a  compays  »  =companhs,  forme  omise  au  vocabulaire. 

403.  «tomatz.B  Peut-être  faudrait-il  lire  torvatz  (troublé). 

414.  «  nosricatz.  »  A.  quoi  bon  conserver  dans  le  texte  cette  forme 
impossible,  lorsque  M.  M.  a  fait  ailleurs  tant  de  corrections  moins  né- 
cessaires ? 

430.  «  more  »  moreiz.  Forme  omise  au  vocabulaire.  Il  y  en  a 
de  pareilles  en  d'autres  textes.  —  «  per  o.  i^  Je  corrigerais  per  que^  ou 
mieux  encore  per  so  (parce  que). 

434.  «ni  ne  manjatz.  y>  Corr.  Si  ne  m, 

443.  Corr.  El  trachera  al  porc  l'espieut  figat, 

445.  «  costel.  »  Corr.  coltel . 

448.  <L  esclasat  d,  et  plus  loin,  v.  856,  «  esclesat.  i»  Corr.  esglaiatf 
L'explication  donnée  au  vocabulaire  (celui  qui  se  hâte  comme  appelé 
par  le  tocsin)  paraît  peu  acceptable. 

464>  c[  Quil  duc.  »  M  s.  qtiel  Correction  qui  ne  s'explique  pas. 

495.  (L  daimas.»  Faute  de  copie  ou  de  lecture,  pour  davnasf  Ce  se- 
rait une  forme  gasconne  des  plus  correctes. 

504  et  530.  <r  tengo  }>  =  tinrent.  Forme  omise  au  vocabulaire,  où, 
d'ailleurs,  tener  manque  entièrement. 


296  BIBLlOaRàPHIE 

562.  La  note  sur  ce  vers  est  évidemment  erronée. 
578.  «  le  rey.  »  Cette  forme  de  l'article  n*a  pas  été  relevée  au  voca- 
bulaire. 

606.  «  litatz.  »  Lis.  cieutatz,  leçon  plus  rapprochée  de  celle  du  ms. 
(cieetatz).  Cf.  d'ailleurs  vv.  192,  424,  1223. 

607.  «  eieu.  »  La  mesure  exige  la  suppression  de  Ve  initial,  comme 
au  V.  148.  Cette  forme,  du  reste,  se  trouve  ailletu-s  Elle  n'est  pas  re- 
levée au  vocabulaire. 

628.  Corr.  [vos]  non  aicU». 

630.  Il  suffit  de  corriger  no,  et  à  la  rigueur  Quel!].  La  contraction 
ne  peut  faire  difficulté. 

633.  c  poestatz.  »  Mot  omis  au  vocabulaire.  On  voudrait  savoir  quel 
sens  M.Meyery  attache.  Est-ce  celui  de  chevalier,  de  simple  châtelain, 
comme  le  contexte  semble  l'indiquer  ? 

641.  «  Flodres  vos  parga.  »  Corr.  Juirga  ou  pergaf  Rien  au  glos- 
saire . 

651 .  «  Daurel.D  Ms.  Dauretz^  forme  gasconne  bonne  à  conserver. 

654.  Corr.  Que  [ei]  Vausiza, 

658.0:  aura.  J>  Corr.  aurai  (ou  at^ra^ pour  auratzf) 

663.  Suppr.  me, 

668.  Corr.  Que  Ida  la  sancper  la  hoca  macadaf 

673.  «  durada.»Mot  omis  au  vocabulaire.  Paraît  ici  signifier  délai. 

677.  ce  non  o  sabra.  «  Corr.  seulement  sabja.  La  corr.  de  M.  M. 
(nolsabfa)  ferait  le  vers  trop  court. 

687.  ^  qu'el  le  soUassa  ]>  =  l'accompagne,  lui  tient  compagnie. 
Verbe  omis  au  vocabulaire  ;  le,  pronom,  pareillement,  bien  que  cette 
forme  se  trouve  encore  au  v.  740. 

710.  «  nolh  falhira.  »  Je  lirais  salhira.  Cf.  Revue,  XIII,  288,  note  sur 
la  ligne  309  de  la  Prise  de  Damiette. 

721.  «lo  leo3>  ou  «  l'olco.  d  Peut-être  pourrait-on  écrire  on  solo 
estar  l'oho,  en  donnant  à  ce  dernier  mot  le  sens  de  barques,  embarca- 
tions, Voy.  Du  Cange  sous  ulcus, 

728.  «  aprot.  »  Mot  omis  au  vocabulaire. 

737.  «  ben  aves  lo  cor  felo.  »  Suppr.  lo. 

738.  4  m'aves  fugit  Beto.  »  Sens  actif,  non  indiqué  au  vocabulaire. 
—  «  per.»  Corr.  parf 

741 .  Corr.  rendra  om,  comme  le  propose  la  note  sur  ce  vers. 

743.  c  estai,  d  C'est  une  des  formes  provençales  de  stat  L'explication 
donnée  au  vocabulaire  {esta  se)  est  donc  inutile. 

748.  «  trobe.  »  ^=  trobei»  Forme  non  relevée  au  vocabulaire. 

754»  <r  finavatz.  »  Ceci  peut,  ce  me  semble,  s'expliquer  sans  donnner 
au  verbe  ^nar,  fr.  Jmer,  une  autre  signification  que  l'ordinaire  :  a:  vous 


BIBLIOGRAPHIE  257 

me  payiez  d'un  plus  grand  mensonge .  »  Inutile  par  conséquent  de 
penser  kfenher, 

755. «lo.3)Corr.  ho, 

764.  Corr.  men  audgatz  {audiati8)f 

817.  «vols»  =  voluit  M.  M.  admet  cette  forme,  qu'il  enregistre  au 
vocabulaire.  J'aurais  corrigé  vole. 

834.  Il  semble  qu'il  manque  ici  un  vers  ou  deux  et  que  le  v.  834  est 
la  réunion  du  premier  hémistiche  d'un  vers  et  du  second  d'un  autre . 
Les  mots  De  far  en  re  magar  sont,  je  pense,  à  mettre  dans  la  bouche 
de  Daurel,  qui  doit  se  les  dire  à  lui-même  à  voix  basse,  et  doivent  être 
lus  :  De  far  en  re  m'agar  (ou  me  gar). 

857.  «que  l'avetz  amenât.»  Je  ne  sais  comment  M.  M.  entend  ceci. 
Le  glossaire  ne  fournit  là-dessus  aucun  éclaircissement.  Est-ce  Que 
(quid)  la  avetz  amenât?  Mais  il  faudrait  plutôt  sa  (sai)  =  ici.  On  pour_ 
rait  corriger  qiien  avetz  amenât  f  Cf.  l'inverse  au  v.  1436. 

879.  «  acabat.  »  M.  M.  propose  de  corriger  appelât  ;  apagat  vaudrait 
mieux  pour  le  sens  et  serait  plus  près  de  la  leçon  du  ms. 

914.  «  maroniers.  »  Ms.  mardriers.  M.  Meyer  aurait  mieux  fait,  ce 
semble,  de  corriger  mariniers.  En  tout  cas,  la  forme  maroniers  n'étant 
pas  sûre,  il  ne  paraît  pas  juste  de  reprocher  ce  gallicisme  au  copiste 
dums.,  comme  M.  M.  l'a  fait  dans  l'introduction,  p.  xlix. 

921.  «aiidas  »,  traduit  au  vocabulaire  par  épines^  est  plutôt,  à  mon 
avis,  un  adjectif  {aiguës)  se  rapportant  à  espinas,  représenté  pare». 

931.  «mas  si  a.»  Lis.  sia.  On  pourrait  ajouter  i:  «pourvu  que  l'en- 
fant y  soit.  » 

949.  «vengo»=  vinrent.  Omis  au  vocabulaire,  qui  donne  seulement 
la  forme  plus  commune  vengro. 

955 .  «  esariat.  »  Corr.  efariat  =  eferiat  (esferat)  ? 

997.  «  oi  »  =  oui.  Mot  omis  au  vocabulaire. 

998.  «  conoc  »  =  conosCy  comme  puec  =  puesc.  Manque  au  vocabu- 
laire, où  conoiss&ry  d'ailleurs,  n'a  pas  d'article. 

1006.  «  mos  filh  propiatz.  »  Non  expliqué  au  vocabulaire,  propiatz 
{  =:propriatzf)  ne  serait-il  pas  ici  un  synonyme  de  propris?  Cf.  voste^ 
uute,  etc.,  etc. 

1019.  «  Ihui.  »  Ms .  Ihiu,  leçon  qu'on  pouvait  garder. 

1051 .  «  fai .  »  Corr.  vai  f 

1066.  «  fai  lo  dol  espasar.  »  Au  glossaire, /ai7  passer  sa  douleur.  Je 
traduirais  plutôt  ici/ai^  éclater. 

1067.  «  degolar.  »  M.  M.  corrige  de  joglar.  Je  doute  que  ce  soit  la 
bonne  correction,  si  une  correction  est  nécessaire .  Mon  sentiment  est 
que  l'auteur  a  voulu  exprimer  cette  pensée  :  «Je  ne  vis  jamais  personne 
témoigner  tant  de  douleur  pour  un  fils»,  c'est-à-dire  «  pour  son  propre 
fils .  » 

20 


258  BIBLIOGRAPHIE! 

1082.  «  esmagar.  »  Mot  mal  rendu  au  vocabulaire  par  se  décourager . 
Le  sens  est  se  désoler,  se  lamenter. 

1185.  «vos  ai  trah.  ]>  Ms.  e,  trait  gascon  qu'on  aurait  dû  conserver. 
Cf.  le  parfait,  trohe,  au  v.  748. 

1187.  «  nos.  :»  Ms.  noUi,  qui  pouvait  rester,  étant  pour  nos  lu 

1189.  «d'aquesta.  »  Ms.  <fo  questa^  autre  trait  dialectal  effacé  à  tort. 

1209.  «pueis  presl[a]  arpa.  »  J'aimerais  mieux  corriger  «pueis  [a] 
près  l'arpa.  3»  Les  autres  verbes  sont  au  passé  indéfini. 

1215.  Peut-être  vaudrait-il  mieux  supprimer  Tu  ie«f  que  rey,  sauf  à 
effacer  le  point  à  la  fin  du  vers  précédent. 

1230*  ce  lo  es.  »  Je  corrigerais  so  es.  Lo,  pronom  sujet,  ne  convien- 
drait guère  ici.  Il  y  a  dans  le  ms .  d'autres  cas  de  substitution  erronée 
de  Z  à  8,  par  exemple  au  v.  1287,  aulhercSj  que  M.  M.  aurait  pu,  sans 
inconvénient,  corriger  ausbercs.  Voy.  encore  v.  464,  al  pour  os.  Cf. 
l'inverse  au  v .  445. 

1241.  «  totz  nos  a.  »  Ms.  tost  uaza.  Peut-être  tôt  vaz  a  [z  euphoni- 
que ?).  Cf.  &a  au  v.  1437. 

1243.  <rs'ieu.  »  Ms.  siel  {=^si  lo),  qu'il  fallait  garder.  Le  redouble- 
ment de  VI  n'a  rien  qui  doive  surprendre.  Cf.  Revue,  XII,  99,  note  2. 

1255.  «  propiatz.  »  A  quoi  bon  corriger  propchatzf  On  pouvait  très- 
bien  prononcer  p-opiafe  en  deux  syllabes.  L'ouvrage  est  plein  de  pa- 
reilles contractions. 

1261 .  «  et  esseties.  »  Corr.  et  es  (ecce)  U  es? 

1288.  (cGuio  bos  brans.»  Corr.  Agujols  brans? 

1292.  «  remano.  y>  Ms.  remado.  Forme  gasconne,  qu'on  pouvait 
garder. 

1354 .  La  correction  la  plus  simple  paraît  être  de  supprimer  per  et 
d'écrire  : 

A  terra  caz  et  non  fa  a  blasmier. 

1364.  «falhier.  »  Faute  d'impression  pour  falsier?  Rien  au  vocabu- 
laire. 

1390.  «bastiso.»  Corr.  hasto,  simplement. 

1392.  «  que  los  fasso.  »  Corr;  quels.  Los  est  ici  datif  pluriel. 

1402.  «  en.  »  Corr.  an,  pour  compléter  l'ingénieuse  restitution  de 
l'éditeur. 

1436  «  quen.  t>  qxiel  vaudrait  mieux,  ce  semble,  que  qu^eul,  proposé 
en  note. 

1441 .  Il  vaudrait  mieux  garder  als  et  suppléer  totz. 

1468.  «  A  cel,  »  Ms.  aicel  =.  (a  aiceD^  que  j'aurais  gardé.  Ces 
sortes  de  contractions  ne  sont  pas  rares. 

1486.  a:  auziram.  i>  J'écrirais  auziran  et  ne  mettrais  pas  de  guillemets, 

1490.  «  ses  ))  =vous  êtes.  Forme  omise  au  vocabulaire. 


BIBLIOGRAPHIE  259 

1493.  Supprimer  ela,  pour  rendre  au  vers  sa  juste  mesure. 

1494 .  «tragitatz .  »  Mot  omis  au  vocabulaire . 

1552.  alonlh.  3>Corr.  lonk  (=  lo  ew,  comme  vonh  •=  vos  en), 

1569.  Ce  vers  n'exige,  ce  me  semble,  aucune  correction.  Il  s'agit  là 
d'autres  exercices  que  celui  de  la  chasse . 

1576.  «  los  viola.  y>  Il  n'y  a  pas  lieu  à  corriger  ;  los  est  ici  au  datif 
ce  qui  est  normal  en  gascon.  Cf.  plus  haut,  v.  1392. 

1592.  «:  escelier.  »  Corr.  esculhir  (recevoir  les  coups  sur  son  écu)f  es- 
quivar  proposé  en  note  paraît  trop  loin  de  la  leçon  du  ms . 

1594.  «  mamenar.  »  Cette  leçon,  pour  laquelle  M.  M.  propose  la 
correction,  d'ailleurs  très-plausible,  maneiar,  est  peut-être  bonne  à  con- 
server, mamenar  pouvant  être  un  composé  régulièrement  formé  de  ma 
et  de  m^nar, 

1620.  «nos.  »  Je  corrigerais  voSy  la  négation  ici  paraissant  inutile . 

1655.  «vo  piire»,  proposé  en  note,  paraît  inacceptable  ;  vost  le  serait 
à  la  rigueur.  Corr.  Vos  ausil paire f 

1660.  «  noh»s=snoi  (  no  li)^  omis  au  vocabulaire.  Cf.  deh  •=^  dei 
au  V.  1660. 

1670.  «senher.  »  Corr.  senhor,  comme  le  veut  la  mesure. 

1672.  ce  wo[w]5.  bL'w  paraît  ici  une  adjonction  inutile  inos  (no  se  ou 
no  vos)  suffit  au  sens. 

1673.  «er'  il.  »  Supprimez  l'apostrophe  :  er  =erit. 

1714.  «  belcatz.  »  Corr.  holcatz  pour  hîocaiz.  Cf.  bloquier  (bouclier). 

1729.  «  c'era.  »  Lis.  cera.  —  ce  cambiat.  »  Inutile  de  corriger  camjat 
Cf.  ci-dessi»,  v.  1255. 

1744.  «  los  espiest.  »  Faute  d'impression  pour  espieitf  Cf .  v.  190. 
Ou  la  faute  existait-elle  déjà  dans  le  ms.? 

1751.  «bon  sap.  i>  Corr.  hom. 

1753.  Ce  qui  concerne  ce  vers,  à  l'errata,  est  évidemment  fautif,  ou 
il  y  a  une  erreur  de  chiffre . 

1852.  «gauh.  »  Ms.  guah^  forme  qui  se  trouve  déjà  au  v.  285,  où 
M.  Meyer  l'a  laissée.  Peut-être  aurait-il  bien  fait  de  la  conserver  éga- 
lement ici.  Au  lieu  d'être  une  transcription  erronée  de  gauh,  guah 
pourrait  bien  n'être  qu'une  autre  graphie  de  gai  (guai) ,  comme  noh  de 
woi,  deh  de  dei,  etc.  Gai,  sans  être  particulier  au  gascon,  y  est  d'un 
emploi  fréquent. 

1859.  «ben  n'es  covinen.»  Le  n  a  été  supprimé  à  tort  dans  le  texte. 

1862.  «menar  l'a vetz.  »  Si  une  correction  est  nécessaire,  la  bonne 
serait  évidemment  menar  lan  etz,  et  non  V  anetz,  proposé  en  n  ote . 

1863.  «  n'est.  »  Corr.  n'es. 

1892.  «  e  son  de  X.  M.»  M.  M.  corrige  dins  M.  Je  supprimerais 
seulement  c/6.  Le  copiste  avait  commencé  d'écrire  detzen  toutes  lettres 


260  BIBLIOGRAPHIE 

et  s'est  repris  sans  effacer  de»  Le  sens  paraît  être  :«il8  sont  dix  mille 
et  300  par-dessus  »,  c'est-à-dire  10300  en  tout. 

1917.  «  dedins.  i>  Ms.  de  dieus,  c'est-à-dire  dediens,  qu'on  pouvait 
garder.  On  a  d'autres  exemples  de  cette  forme  et  de  formes  analogues. 

Tbid,<s:  los  fors  assautar.  »  Ms.  las  forsaa  sautar.  Peut-être  faut-il 
simplement  corriger  lai  fors  assautar , 

1918.  «  Estam. . .  auzirat »  Corr.  Estatz  ou  auziram.  Dans  tous 

les  cas,  auzirat  est  un  futur  (forme  gasconne)  et  non  un  conditionnel, 
comme  il  est  dit  au  vocabulaire . 

2002.  «per  no  vas.  sMs.  ^re.  Même  forme  déjà  au  v.  117,  où  l'édi- 
teur n'a  pas  fait  de  correction . 

201 1 .  «  Dis  o  Daurel.»  Corr.  Dis  af  ou  So  dis? 

2037.  «  drestan.»  La  correction  destretan  paraît  mieux  indiquée  que 
destrecJian.  Cf.,  d'ailleurs,  v.  899. 

2044.  «  puiessas.  »Corr.  pueissas, 

2046 .  «  parca  iù  =  parte .  Omis  au  vocabulaire . 

2047.  «afozat.  »  Corr.  asazat, 

2048 .  Supprimez  vieu. 
2064.  Lis.  Aicest  traire, 

2082.  «  (no)  nolh  vol  cambier.  y>  Corr.  plutôt  no  lolhvoL  Cambier, 
ici,  n'a  que  deux  syllabes . 

2096.  Corr.  Al  fel  traire  que 

2100 .  Le  mot  nenge  (paroxyton)  existe  encore  en  Périgord,  mais  seu- 
lement au  sens  de  vindicatif. 

2114.  «  iretz.  »  Ms.  ret.  On  aurait  pu,  dès  lors,  corriger  seulement 
irei.  Cf.  plus  haut,  v.  238  noi-=.  nois,  nos^  804,  1112,  estais  =  estatz, 
etc. 

'2120.  «  tras[t]or.  »  Mot  omis  au  vocabulaire.  Je  pense  que  c'est  le 
substantif  verbal  de  trastoi^nar,  que  M.  Meyera  voulu  ici  substituer  à 
a  leç  on,  sans  doute  erronée,  du  ms. 

2127.  celui.»  Forme  ici  peu  acceptable.  Ms.  Un,  que  j'aurais  cor- 
rigé lim.  Dans  le  même  vers,  lou,  qai  suit,  est  sans  doute  une  faute 
d'impression  pour  Ion, 

2175.  Corr.  Senhor. 

C.  C. 


Le  gérant  responsable  :  Ernest  H amelin  . 


Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi,  Hamelin  frères. 


Dialectes  Anciens 


LES  MANUSCRITS  PROVENÇAUX  DE  CHELTENHAM 

III 

LA  COUR  d'amour 

{Suite  et  fin) 


1185       «  Grant  maltrait  hai  per  vos  hajut, 
[F^  40,  r®,  col.  l.)Sove]i  n'hai  lo  manjar  perdut  ; 
E]quant  eu  cujava  dormir, 
M'esvellavon  li  dous  sospir, 


Que  pensava,  bels  amicx  dous; 

1190      E  quant  eu  era  desidada, 

Disia  :  «  Mala  fui  anc  nada, 

Seinher  Dieus,  qar  non  dura  (totz)  temps 

Q'adoncs  sivals'estiam  emsens, 

1195      Eu  e  mos  amicx,  per  cui  plor. 
Non  puesc  pus  soffretar  Tarder, 
Q'amors  m'auci  de  fina  enveja.  » 
Mais  ja  non  er  que  Dieus  non  veja, 
Ami[c]s,  se  vos  m'aves  traida, 

1200      Q'ieus  hai  de  mon  poder  servida. 
Non  faissaz  lo  lairon,  que  di, 
Quant  s'encontra  ab  lo  pellegri  : 
«  De  segur  tenez,  bels  amies, 
Sains  es  vostre  dreit[z]  camis  ;  » 

1205      E  quant  Ta  mes  el  bos  preont, 
Li  toi  son  aver  el  confont. 
Amies,  non  si'  eu  ^  confonduda 
Atressi,  qar  vos  hai  seguda. 
Davant  m'estava  ben  e  gent, 

V.  1197,  e  mieia;1203,  de  sains. 
*  Courte  lacune.—  <  Si'eu  =  sia  eu. 
Tome  sixième  de  la  tboisième  sêr[e.    Décembiu:  18S1.  21 


?62  MANUSCRITS   DE   CHBLTBNHAM 

1210      Mais  era  perd  lo  cor  el  sen  ; 

Non  puesc  pus  la  dolor  suffrir, 

Qim  fai  la  color  laideszir. 

Aquestmal  hai  hajut  per  vos, 
(Col.  2.)  Amies,  e  Dieus,  q'es  francs  e  bos 

1215      E  pius  e  plens  de  corteszia, 

Sab  qu'eus  hai  amat  ses  bauzia; 

E  vuella  q'entre  mi  e  vos 

Yivam  lonc  temps  ez  amem  nos. 

Tenes  la  man,  qu'eu  vos  o  jur, 
1220      Ez  enaisi  vos  asegur, 

Que  za  totz  los  jorns  de  ma  vida 

Vous  farai  de  m'amor  genchida  ; 

E  vos  juras  m'o  atressi, 

Que  non  fassas  lo  bel  mati, 
1225      Que  tramet  el  miez  luec  del  jorn 

La  plueja  el  vent  el  temps  morn.  d 

— Ez  el  responda  que  cortes  : 

((  Dompna,  ben  conosch  que  dretz  es, 

E  die  vos,  per  los  sans  que  son, 
1230      Que,  tant  qant  viurai  en  est  mon, 

Non  amarai  autra  mas  vos. 

Ni  a  présent  ni  a  rescos, 

Amors  e  Jous  si  jugirent 

Mi  e  vos  d'aquest  convinent  : 
1235      Aissi  eon  son  bon  e  privât, 

Vuellon  que  tengam  lialtat, 

E  q'entre  nos  non  haja  engan. 

A  Dieu  et  a  vos  mi  coman  ; 

E  baisemnous,  enqar  cove, 
1240      E  nom  de  tota  bona  fe.  » 
(F%  co/.l.)         Enaissi  deu  esser  segura 

Dompna  de  drut,  s' i  met  sa  cura. 

E  quant  verra  al  départir, 

Sitôt  lor  es  mal  a  sufrir, 
/       1245      Gant  ab  hora  s'adob  a  li, 

E  parta  de  lui  tant  mati^ 

V.  1218,  vivan.. .  amen  ;  1219,  lo  man;  1231,  autre  ;  1242,  si  i  ;  1245,  es  11. 


MANUSCRITS    DE    CHELTBNHAM  263 

Que  za  non  sapcha  mais  ni  bos, 

Mais  comassi  anc  re  non  fo(u)s; 

E  sapchia  mesatge  causir, 
1250      Que  la  sapchia  tan  gen  cubrir, 

Que  paraula  sia  ceUada, 

Q'hom  non  sapcha  qant  n*er  tornada  • 

El  matin,  si  vei  en  la  plasa 

Son  amie,  ja  semblan  non  fasa 
1255      Que  anc  enquera  nol  veges, 

Ni  que  sapcha  de  lui  qi  es, 

Qel  jous  d'amor  fruita  e  floris, 

Qi  ab  sen  lo  garda  el  nouris. 

[L]a  cortesa  vallen  Valors 
1260      Enseina  e  ditz  als  amadors  : 

«  Mult  deu  esser  vallens  e  pros 
Totz  hom,  pois  se  feing  amoros. 
Desque  pois  ha  vist  las  bels  mans  (?) 
De  si  dons,  par  que  n'es  villans  S 


1265      Que  prous  dompna  ab  fresca  color 
Es  ruesaiiel  vergier(s)  d'amor; 
E  deu  prenre  de  chiausimen 
(Col,  2.)  Tant  de  leis  e  d'enseinhament 

C'om  digua:  «Ben  tenc  per  onrada 
1270      La  dompna  don  aquest  s'agrada  ; 
E  cill  qu'el  ama  a  ben  causit 
Pro  drut  e  vallent  e  ardit, 
E  hom  en  q'  ades  se  mellura 
En  bon  loc  ha  tornat  sa  cura.  » 
1275      Apres(s)  fasa  tant  de  proessa, 

Que  sa  dompna  franca  e  cortesza 
Parle  privadamens  ab  lui  ; 
Que,  qant  iU  seran  ambedui 


ou. 


V.  1263,  los;  1264,  per  que  pues  {avec  un  sigle  sur  l'u  )  villans;  1274, 


*  Ces  deux  vers  sont  assurément  corrompus,  et  nos  corrections  sont  loin 
de  nous  satisfaire.  D  faut  sans  doute  admettre  à  la  suite  une  lacune  de  deux 
vers. 


264  MANUSCRITS    DE    GHELTËNHAM 

Emseras,  moût  dousamen  li  diga  : 
1280       «  Dieus  vos  sal,  bella  dousa  amiga 
Coma  la  pus  ben  ensenhada, 
E  la  genszer,  qant  fos  amada. 
E  pos  Dieus  ha  en  vos  tramessa 
Honor  e  beutat  e  franquessa, 
1285      Merces  non  sia  ja  ostada, 

Amors  en  pert  tanta  velada  ; 
E  per  tant  angoiss[o]u3  martire, 
Me  sembla  qu'el(la)  mi  vuella  rire, 
0  que  la  dousa  man  del  gan 
1290      Me  lais  baiszar  en  sospiran. 
Bella  dompna,  vostra  faissos 
Me  fai  ardit  e  paoros  : 
Non  soi  ben  arditz,  qu'en  tal  loc 
Ausei  querre  solas  ni  joc. 
(F°42,ro,co/.  1.)  Mei  uell  non  s'auszon  enardir 

1296      D'esgardar,  tro  qem  sen  mûrir; 
Adoncs  vos  esgar  de  paor, 
Corn  lo  sers  son  irat  seinhor, 
Que  non  Tausza  merce  clamar, 
1300      Mais  plora  e  pensa  :  «  S'  ieu  Tesgar, 
Ades  l'en  venra  pietatz, 
Qant  veira  lo  grand  dol  qu'eu  fatz.  » 
Ja  non  aurai  joi  ni  salut, 
Tro  que  vostre  bel  cors  m'ajut  ; 
1305      Que,  per  ma  fe,  trop  m'es  pus  bon, 
Qem  prometaz  q'altra  mi  don. 
Bella  dousa  res,  oui  reblan, 
Totz  temps  vos  semblarai  l'enfan, 
Que  plora  per  la  bella  re, 
1310      Totas  lasoras  qu'el  la  ve, 
Entro  que  l'ha:  aital  farai, 
E,  si  nous  puesc  haver,  morrai. 
E  diran  totz,  quant  m'aures  mort: 
((  Sa  dompna  l'aucis  a  grant  tort, 
1315       Mais  sais  er  al  dia  del  juzizi, 

V.  1288,  mes  enmda  {avec  m  barré )...   uiella ;  1295,  enardit ;  1298,  sors. 


MANUSCRITS    DE    CHELTRNHAM  265 

Que  mort  es  per  son  bel  servizi.  » 

Gran  merceus  clama  vostra  sers 

Que  (per)  vos  lo  ten[ez]  en  gra[n]s  fers, 

Don  zamais  non  sera  el  fors, 
1320      Tro  que  l'en  get  vostre  bels  cors. 

Ses  engan  e  ses  corvolatje 
{Col,  2.)  M'autrei  el  vostre  seinhoratje; 

Las  mans  jointas,  a  genolos, 

A  deu  me  coman  et  a  vos, 
1325       Q'anc,  pos  non  me  donesses(?)  jorn, 

Non  estet  mos  cors  eu  sojorn  ; 

Antz,  se  Dieus  de  vos  m'aconsel, 

Hai  pregat  la  luna  el  solel, 

E[n]  drieg,  com  a  mos  bons  seinors, 
1330      Per  Dieu,  quem  breugesson  lo  cors, 

Q'ieu  vos  volia  vezer  tan 

Q'us  pauchs  jorns  me  scemblava  un  an. 

Ja  per  mal  qem  fassas  suffrir, 

Nom  la  (i)ssarai  de  vos  servir  : 
1335      A  la  gran  valor  et  al  sen 

Ez  al  bel  cors  de  vos  mi  ren.  » 

[E]nasi  ha  parlât  Valors  ; 

Aujen  totz  F  en  merceja  Amors. 

Apres  lui  comeneet  Proessa, 
1340       E  dis  :  «  Eu  nom  soi  entremessa 

Ad  aquesta  cort(z)  de  parlar, 

Ez  hai  auzit  a  totz  comtar, 

Per  Crist,  bonas  raszos  e  bellas  ; 

Mais  eu  vos  comtarai  novellas, 
1345      Que  nos  taignon  ges  entre  vos, 

Que  fan  li  fol  drut  nuallos  ; 

Q'ara  venra  per  aventura 

Un[sl  drutz,  en  q'er  bon'  ave[n]tura, 
(F%  col,  1.)        El  jous  de  fin'amor  entratz, 
1350       Ez  ira  qerre  son  solatz 

A  dompna  q'er  coinda  e  joiousa, 

Etrobara  la  angoisosa; 

V.   1317,  merces  uos  ;  1325,  dones  tes  :  1329,  bons  mos  ;  1351,  quez  er. 


366  MANUSCRITS  DE   GHBLTBNHAM 

E  comensera  a  rogir*, 


1355      Et  il  fara  o  de  talant, 

E  ben  leu  respondral  aitant  : 
((  Amicx,  vous  non  sabetz  ab  cui 
Parlatz  ;  qe  anc  vos  ni  autrui 
Non  amei,  ni  non  sai  ques  es. 

1360      Mais  se  ieu  m'en  entremeses. 
Vos  es  ben  tan  bels  e  tan  pros, 
Q'ieu  fera  mon  amie  de  vos  ; 
E  si  voletz  ha  ver  mon  grat, 
Ins  aisi  on  es  comensat, 

1365      Si  lasat[z]  qu'eu  vos  u  '  encu8(?), 
Que  per  lo  mens  ni  per  lo  pus 
Non  er  fachs  ;  e  die  vilania, 
Qar  eu  non  (es)devenc  vostra  amia.  » 
Ez  el  pa[r]tra  s'en  vergoinos, 

1370      El  dompna,  q'es  valents  e  pros, 
Tenra  lo  per  avilanit, 
E  dira  :  «  Ben  valra  petit 
Aquela  que  vos  amara; 
Mais  valriatz  ad  ermita[tje], 

1375      Vos  es  be  [om]  d'aquel  linatje, 

Don  son  li  fol  drut  [el]  salvatje.  » 
{Col.  2.)  E[c]vech(s)  la  bon'  amor  perduda, 

Qar  non  es  qi  Fajaseguda, 
Que  drutz  i  ha,  que  per  folor 

1380      Demandon  o  queran  amor: 

((  Que  ben  sapehatz  qu'ieu  amaria 
Volenters,  si  trobes  amia.  » 
Venga  sai  cel  que  vol  amar, 
Q'ieu  sai  qu'el  en  porra  trobar, 

1385      Que,  s'el  i  vol  mètre  s'ententa, 
S'el  ne  vol  una,  en  haura  trenta. 
De  drut  conven.  Q'al  comensar 

V.  1358,  qanc;  1360,  sieu;  1361,  ves. 

^  Ici  une  courte  lacune. 

2  U,  prononcez  ou  =  hoc  latin. 


MANUSCRITS  DB   CHBLTENHA  267 

En  prec  tan  o  fassa  pregar, 

Tro  ques  avenga  es  eschaia 
1390      En  pro  dompna  valent  e  gaia  ; 

E  si  nol  pot  tan  tost  trobar, 

Ges  per  so  nos  deu  esfredar; 

Que  cel  que  cercha  Taur,  tant  lava 

Lo  lot  e  trastorna  la  grava, 
1395      Tro  que  trueba  lo  luzant  aur, 

Don  es  ries  e  don  fai  tesaur; 

Per  que  non  deu  haver  nuala 

Que  precs  e  servir  e  trabala  ; 

S'era  del  mon  la  pus  estraigna, 
1400      Si  lui  fara  dousa  compaigna. 

Ez  après  q'ajha  tal  messatje, 

Qel  diga  el  man  son  coratje 

A  cellas  q'han  d'amor  talan, 
(F* 43,  r%  co/.l.)  Mas  bellamen  e  ses  malan; 
1405      E  trobera  aitant  d'aquelas, 

Com  lo  cels  pod  haver  estelas  ; 

Q'una  non  trobares  a  dire, 

Qi  no  am  lo  solaz  el  rire 

D'amor,  si  noncha  vol  lo  pus . 
1410      E  diga  :  «  Ja  nom  sal  Christus, 

S'ieu  non  sai  bella  dompna  e  bona, 

Qi  porta  de  joi  la  corona 

Sobre  lous  {sic)  amadors  del  mon.  » 

E  vos  baiszares  m'en  lo  fron 
1415      Senpre^,  qant  eu  lo  vos  dirai. 

Que  lo  joventz  q'en  vos  estai(z), 

El  vergoigna  qi  ren  non  tria, 

Vos  en  fara  faire  folia  ; 

Q'el  n'es  be  de  .xx.  partz  semos, 
1420      Mais  eu  lo  lauzava  a  vos, 

E  die  vos  que  sots  lo  solel 

Non  haura  bazaler*  parel. 

Ben  seriatz  de  joi  la  soma, 

V.  1391,  non  la;  1400,  lin  ;  1406,  le  ;  1414,  bauszares  ;  1421,  sois . 
*  Bazaler,  pour  bachaler,  bacalar.  Voir  Ducange,  s.  v.  bazalarius. 


Î6S  MANUSCRITS   DE   CHëLTEMHâM 

De  do  US  arbre  chiai  do  usa  poma, 


1425      Q'ambedui  es  molt  avinent. 
A  com  se  conten  ricament! 
Que  s'el  vol  haver  bon  solatz, 
Jamai  non  sera  enojatz, 
E  quant  [el]  es  ab  sabja  gen, 
1430       Los  aprodera  totz  de  sen. 
(CoL  2.)  Ane  els  mieus  zorns  non  fo  tan  bos 

Ni  tanbels,  tan  pauc  orguolos. 
Eu  sai  q'ins  el  cor  vos  sab  bon 
So  qu'eu  die  ;  e  si  dizes  non, 
1435      Eu  sai  que  vos  non  dizes  ver, 
Euz  métrai  [a]  aisz  e  lezer; 
E  pregarai  tan  lo  seinor, 
Si  Dieus  platz,  non  dara  i  s'amor  ; 
E  si  tant  fatz  qu'el  bel  el  bon 
1440      Vos  am  e[n]  lo  mieus  gazardon, 
Non  sia  ges  mes  en  oblit 
Q'ieus  darai  gran  re  per  petit, 
Q'ieu  lo  mogui  raltre[r]  de  loin, 
Per  saber  si  n'hauria  soin. 
1445      E  i  dis,  ses  vostre  saubut, 
Que  vos  li  mandavatz  salut  ; 
E  quant  el  s'auzi  saludar 
De  part  vos,  non  poc  mot  sonar 
D'una  pessa,  pueis  respondet  : 
1450       a  C.  milia  merces  li  ret, 

Com  desson  sers  endompnejatz, 
Ab  son  rirem  teing  per  pagatz  ; 
Ane  mais  nom  entremis  d'amor, 
C'aquesta  m[i]  fai  gran  paor, 
1455      Que  m'ausi  ab  un  dous  esgart  ; 

Que  dompnas  han  en  Tuel  [un]  dart, 
Ab  que  naffron  tan  dousament 

V.  1426,  sa  ;  1428,  ja  hom  ;  1437,  progarai  ;  1448,  poc  mais  ;  1453,  non . 
*  Il  manque  peut-être  ici  deux  vers. 


MANUSCRITS  DE   OHBLTBNHAM  2o9 

(  F®,  col.  1)  Que,  mentre  q'hom  bdop,  non  o  sent, 

Q*el  gai  cors  ausi  drut  certes, 
1460      Com  le  roissinol,  quant  es  près, 
Qe  non  pot  esser  ab  sa  par. 
Per  que  vai  a  mi  dons  pregar, 
Si  com  eir  es  francha  e  corteza, 


1465      M'acuella,  que  sos  ser[s]  se  mor, 
Si  no  me  girofla  l[o]  cor, 
Ab  un  baiszar,  sa  dousa  alena, 
Qu'enaissim  pot  gitar  de  pena.  » 
Lo  zou[s]  de  vos  mi  fai  plorar, 

1470      Quant  eu  lo  vi  color  mudar, 
Qar  conogui  a  son  s(o)enblan 
Queus  amaria  ses  engan. 
Aitant  n'hai  comensat  ses  vos, 
Amatz  lo,  que  bels  es  e  bos , 

1475      E  nol  fassatz  la  vilania 

Que  fan  las  dompnas  p«r  folia, 
Qis  fan  pregar  un  an  o  dos, 
Qez  aquell  pregar  enojos, 
Que  cuzon  que  lur  onor  sia, 

1480      Lur  toi  lor  pretz  el  desenbria.  » 

[L]a  dompna  dira:  «  Nous  mais  pes. 
Sembla  quel  sal  vos  trameses, 
E  per  mesatje[s]  logaditz 
Fan  mantas  dompnas  fols  arditz, 
{Coi.  2.)  En  son  rep[re]szas  e  traidas. 

1485      Ben  hai  vostras  raszos  auzidas, 
E  quant  eu  lo  porai  vezer, 
Eu  sabrai  si  vos  dises  ver  ; 
Que  s'ieu  parle  veszent  la  gent   . 

1490      Ab  lui,  fols  es  que  men  repren.  » 

«  [DJompna,  ben  sai  que  pels  truans, 
Que  fan  las  faias  els  engan  s, 

V.  1482,  sai. 

*  Lacune  dont  il  est  difficile  âe  déterminer  T importance. 


270  BfANUSCRITS  DB  CHELTBNHAM 

Son  li  bon  homen  mescreszut  ; 
Mais,  dompna,  si  Dieus  ja  m'azut, 
1495      Sitôt  me  sai  de  paubra  gent, 
Li  al  homen  son  miei  parent, 
Ez  eu  soi  de  lur  parenta[t],. . . . 


Q'ieu  vos  die,  bella  dompna  e  genta, 
Que,  si  vos  en  fiza(Ta)z  en  me, 

1500      Eu  vos  [di]rai  per  bona  fe 
Q'el  vos  amara  e  vos  lui, 
/  Q'ieu  vez  que  morez  ambedui 

D'amor.  Or  vos  non  sentez  re, 
Mai  si  vos  (no8)o  veiziatz  be, 

1505      A  la  color  q^havez  perduda, 

Vos  diriatz:  t  Pro  Deu[s]  m'ajuda 
Q'el  m*am.  »  Non  digas  oc  ni  no, 
Q*ieu  parlarai  oimais  d^aiso, 
E  farai  vos  la  pus  onrada, 

1510      Dompna,  de  tôt  esta  contrada.  u    . 

[L]  a  do[m]pna  dira:  «  To[s]t  veirai 
{F^  44,  r°,coL  1.)  A  quai  part  vostre  cor  métrai; 
E[n]  vengan[sa]  ou  en  liautat, 
Sim  enganatz,  fares  pecat.  » 

1515       —  «  [D]ompna,  ans  perças  lo  vostre  be . 

Nom  en  crezes  ?  vec  vos  ma  fe, 

Q'ieu  i  regarde  vostra  onor  : 

Maldit  sion  li  traidor. 

Que  per  lur  soi  [eu]  mescrezuda. 
1520      Anseis  fos  ma  lengua  perduda, 

Q^ieus  hages  dit  mas  so  qeus  taing  ; 

Si  tantfatz  q'ieu  vos  acompaing, 

Ab  lui  una  causa  vos  die  : 

a  Amatslo,  mais  c'aja  band  rie. 

V.  1495,  soi  ;  1503,  or  us  vos  non  sintez  ;  1506,  por  ;  1507,  me  am  ;  1517 ,  vo 
tre;  1521,  qes  {avec  e  barré) ,  1524,  bandric. 

^  Encore  une  courte  lacune,  comme  Tindique  le  mélange  d'une  rime  mas 
culine  et  d'une  rime  féminine. 


MANUSCRITS  DE   OHOLTElMnAM  271 

1525      E  que  val,  qant  viu  ses  amor, 

Dompna  qu'es  de  vostra  valor? 

Tôt  es  vostra  color  mudada, 

Eu  cug  que  vos  es  soclamada^ 

Qel  6*ons  no  vos  gieta  calor  : 
1530      Non  es,  anz  es  lo  mal  d'amor, 

Queus  ha  cenguda  longament; 

Mo[r]ta  es  qui  consel  noi  prent. 

Ja  vostra  mort  non  soffrirai, 

A  Dieu  vos  coman.  Vau  men  lai 
1535      Pregar  lo  franc  e  Tamoros; 

E  si  tant  faz  q'el  pari'  a  vos, 

Non  li  siatz  ges  presenteira, 

Mais  vergoinosa  e  pauc  parleira; 
{Col.  2.)  Con  pus  [d'el]  serez  envejosa, 

1540      De  lui  serez  mens  vergoinosa. 

Mais  nol  laises  ges  s'a[fa]mar 

Are  quel  sapchia  demandar, 

Q'adorar  deu  hom  e  grazir 

Dompna,  qan  sab  gen  acuelir. 
1545      S'ieu  podia  aiso  acabar, 

Mais  cujaria  conquistar 

Que  s'era  oultra  mar  romeva  ; 

Ja  negus  om  nom  en  don  trieva. 

Qi  voira  vostra  amor  blasmar, 
1550      [Ja]mais  vengan  a  mi  parlar  ; 

Q'ambedui  es  molt  avinent, 

Bel  et  enfant  e  covinent, 

Ë  tota(s)  gens  la  lausaria 

La  vostra  amor,  si  la  sabia. 
1555       Per  estiers  non  er  za  saubut, 

Ni  jal  veszin  non  faran  brut; 

Si  non  sabra  hom  vostr'  afaire, 

Mais  nos  très,  qui  em  coma  fraire, 

V.  1532,  consol;  1540,  fe  {avec  e  barré)  mes  vergoinosa;  1558,  non  très. 

*  Soclamada  (=  *  subclamata,  au  sens  neutre,  qui  se  plaint)^  semble  si- 
gnifier ici  :  qui  a  le  délire  de  la  fièvre.  Cf.  le  languedocien  soclame,  fièvre 
de  lait. 


212  MANUSCRITS  DE  GHBLTBNHAM 

Es  amers,  qui  fara  lo  qart, 
1560      Qui  nos  gitara  de  regart. 
Ë  qant  Tenra  al  avesprar, 
Yeigna  tôt  son  senor  condar; 
Qant  haura  lo  zorn(s)  espleitat, 
Ja  en  sois  non  sia  laisat, 
1565      Tro  ques.eschiaza  a  Fin'  Âmor, 
(  V^y  coL  1.)        Puis  am  ses  cor  galiador.  » 

[Q]ant  Proessa  hag  dit  son  agrat, 

L'amador  son  en  pes  levât, 

E  fetz  caschus  a  si  dons  (un)  gin  : 

1570      Adoncs  foron  ubert(s)  escrin, 
E  joias  donadas  e  preszas. 
Qui  non  son  ges  en  perdos  meszas, 
Q'hom  non  sap  lo  près  adismar  : 
Cor  e  deszir  e  dous  esgar, 

1575      E  plaszer,  cug,  cil  q'ho  demanda (?), 
E  baiszar,  ab  qu'Amors  abranda 
Lo  coratje  dels  fis  amans 
E  lur  fai  faire  sos  comans. 
Ad  Amor  han  dig  en  rient  : 

1580        t  Nos  volem  nostre  convinent, 
Seiner,  e  per  onor  de  vos 
Dansar,  vejan  vostres  baros.  » 
Amors  lur  o  ha  autrezat(z), 
E  après  lur  ha  commandat(z)  : 

1585       <(  Anatz  suau  e  bellament, 

E  cantatz  clar  et  aut  e  gent.  » 
Trenta  cofres  totz  pies  de  flors 
Lor  fetz  per  sol  gitar  Amors, 
Que  fez  traire  de  son  tesaur, 

1590      Q'el  no  i  ten  argent  ni  aur, 
Ni  non  toca  aur  ni  argent, 
Si  non  sol  joias  q'hom  no  vent, 
[Col.  2.)  Que  non  son  ges  per  aur  gardadas. 

Ans  son  per  Fin'  Amor  baiszadas, 

1595      Et  en  voûtas  de  drap  de  seda 

V.  1571,  jeas;  1574,  dons;  1578,sod;  1592,  sei  joias. 


MANUSCRITS  DB  CHBLTBNHAM  273 

Plaçers  fai  re  seasa  iaoneda(?)  ; 

Ses  tôt  aver,  fai  sa  fazenda, 

Q'el  ha  tôt  qant  se  vol  de  renda, 

Que  tôt  qant  tenon  l'amirant 
1600      Nil  rei,  tôt  es  asson  commant, 

Ni  negun  d'amor  non  adesa, 

Qar  dompnas  en  fan  cobeesa. 

Cascus  drutz  si  dons  la  âor  lansa. 

Do[m]pneis  se  vai  penre  en  la  dansa, 
1605       Q'es  adretz  et  ag  cor  isnel  ; 

E  porta  cascus  un  capel 

De  ruesza,  pueis  dis  en  rizont  : 

«  Amors,  fols  es  qui  se  deflfënt, 

E  qui  totz  los  jorns  de  sa  via 
1610      Non  es  en  vostra  senhoria.  » 

Qi  après  aiso  au  los  sons 

Els  novels  motz  de  las  chansons, 

E  regarda  la  gran  coindia 

Que  cascus  drutz  fai  ab  sa  mia, 
1()15      E  los  dous  rires  els  solatz, 

Els  gins  e  los  baiszars  enblatz, 

E  las  frescas  colors  q'el  hant, 

E  la  beutat  q'en  lor  resplant, 

E  las  bellas  crins  entreszadas*, 

1620       . • 

fF'*45,r°,co/.  l.)Ben  es  sers  (e)  plens  de  felonia, 

Qui  ves  Amor(s)  non  s'umilia.  » 

[L]i  baron  han  Amor  pregat 
Per  Dieu  qel  bal  sion  laisat, 
1625      Que  non  podon  lo  zou  soflfrir, 
Qar  ab  pauc  non  volon  morir, 
Qant  lur  sovent  de  las  onradas  «, 


Que  non  auszon  far  bel  semblan(t) 

V.  1615,  dons. 

*  Lacune  de  quelques  vers.  Les  deux  vers  qui  suivent  doivent  sans  doute 
rattachés  au  vers  1610. 

*  Nouvelle  lacune  de  quelques  vers. 


274  MAHUSCRITS    DE  OHELTBNHA.M 

1630      A  lur  drntz,  corn  aqnestas  faD(t). 

[AJmors  comandet  a  Plaszer 
Que  las  fassa  tornar  sezer, 
E  qae  lur  fassa  bellament 
Ab  drap  de  seda  moure  vent, 

1635      O  de  Taigua  rosa  gitar 

En  lur  caras  per  reffrescar, 
Q'en  la  dansa  han  azut  calor: 
Molt  se  dona  gran  seing  de  lor. 
E  pueis  ha  dig  :  «  Za  Dieus  non  veja, 

1640      Cortesa  gens,  que  vos  guerreja  ! 
Que  re  non  de[u]  hom  tant  onrar 
Com  bona  dompna  a  un  amar. 
Mais,  per  aquest  mieu  blonde[t]  cap, 
Bem  peszara,  s'Orguels  non  sap, 

1645      E  l[i]  garson  als  quais  mante 
Lo  poder  que  ha  contra  me, 
Que  za  non  er  longa  sazons, 
Q*el  en  veran  mil  gonfanons, 
(  Col.  2.)  Que  volrian  en  un  gran  soil 

1650      De  clamar  eser  ab  un  oil  (?)  ; 

Q'ieu  non  voell  soffrir  la  clamor 
Que  fan  dompnas  e  amador; 
E  si  vos,  seinhor,  m'o  laissatz, 
Non  lor  er  pus  suffert  en  patz.  » 

1655      [S\em  estet  en  un  farestol, 

E  platz  li  molt,  qar  Amors  vol 
Gerrejar  per  tenir  dreitura  ; 
El  pensa  que  sos  ôeus  pezura  ; 
E  el  dig  :  «  Anseis  que  movatz, 

1660      Ad  aquest  besoing  me  sonatz, 
E  castias  una  folor. 
Que  fan  li  fol  drut  feinedor  ', 


Que  qant  ill  ha  si  donz  conques, 

V   1638,  dompna  ;1644,  ben  ;  1645,  alaquel  ;  1659,  e  al. 

*  Ici  le  scribe  a  oublié  un  vers  ou  peut-ôtre  un  plus  grand  nombre. 


MANUSCRITS  DE  CHBLTBNHÀM  275 

1665      El  se  feing  tan  fort  e  s*aplaigna 

Q'el  non  cuida  ges  q'hom  remaigna 

En  la  villa,  qant  el  s'en  eis  ; 

E  passa  soen  davan  leis, 

Ëntro  que  la  gens  en  faî  bruda, 
1670      E  q'hom  dis:  «  Àquella  es  sa  drada »; 

E  el  ten  la  bruida  ad  onor 

E  fai  lo  cer,  quel  casador 

El  lebriep  veinon  ateignen, 

Ez  el  vaz  s'en  seguramen  ; 
1675      E  pot  se  denants  tôt  garir, 

E  platz  li  tant  qant  au  glatir 
(r%  col.  1.)        Los  cans,  que  torna  e  non  sap  mot» 

Tro  qu'es  mort  e  rete[n]gutz  (de)  tôt: 

Aital  faz  cel  que,  com  auzis 
1680      Fol  brut,  si  es  si  donz  trais, 

Q'ans  dieujesser  d'aital  escuoil, 

Que,  s'amor[s]  soisep  tant  son  oil^ 

El  fassa  si  dons  esgardar, 

Tost  en  deu  la  cara  virar  ; 
1685      E  folz  semblantz  torn'  e  ament  (?), 

Amors  e  blasme  de  la  gent. 

E  ben  sapchiatz  que  Malparl[t\er[s] 

Estai  enaissi  con  rarchier[s], 

Que  trai  e  naffra  ab  son  qairel, 
1690      Démontre  que  canta,  l'aucel  : 

Atressi  naffron  l'enozos 

Malparl[i]er  los  amans  joios 

Ab  lor  lengas,  oui  Dieus  azir, 

E  los  fan  en  viven  mûrir. 
1695      Per  qelz  ne  castias  (bel)  seinher, 

Que  laissol  fol  drut  el  feiner, 

Q'el  mon  non  es  tan  folla  res, 

Com  feing  drutz  peintenat[z]  plaindres  (?)  *, 

E  la  dompna  q'en  lui  se  fia, 

V.1669,  brada;  1671,  bruit  ;  6172,  fan;  1676,  lan  glatir;  1679,  comz  ;  1685, 
torna  ament;  1692,  mas  parler  ;  1696,  laisson  el  fol  brut; 

*  Peintenat  =  pectinatus?,  peigné;  plaindres  nous  est  inconnu. 


276  MANUSCRITS   DB   CHBLTBNHAM 

1700      Sera  grieU  q'al  derer  s'en  ria. 
Eu  T08  en  hai  dig  mon  vezaire, 
Ë  vos  faî[z]  oimais  vostre  afaire  ; 
E  qant  commandares  :  «  Montatz  »^ 
(Col,  2.)  Eu  serai  delfs]  premiers  armatz  *. 

1705      Totz  francs  hom  veja  la  ve[n]jansa, 
E  prega  Dieu  que  no  los  lansa 
En  foc,  (en)  yoIz,  sebelis,  unis, 
Los  traitors  lausengiers  caitis, 
E  las  traïritz  desonradas, 

1710      Don  li  drut  han  avolz  soudadas  ; 
Qer  cujon  trobar  bona  fe, 
El  falsa  lengua  ditz  lor  be  ; 
E  van  simplas  com  una  monja, 
El  fais  cor  es  plens  de  mensonja. 

1715      Oi  I  bona  gens,  fin(8)  amador, 

Tug  es  mort,  qi  non  vos  socor. 
E  vos  es  plens  de  gentilesa, 
E  trobas  engan  et  (a)malesa. 
E  qi  pot  soffrir  la  dolor, 

1720      Que  ruel[s]  de  bella  dompna  plor 
Per  manasas  e  per  malditz  ? 
E  deves  Fautrapart  l'amictz, 
Qar  sap  q'hom  la  destreing  per  lui, 
Totz  los  deportz  q'el  ha  s'en  fui. 

1725      Amors,  si  aiso  non  venjatz, 

Totz  es  vostre  prez  abaissatz.  » 

[A]pres  Sens  a  parlât  Jovens  : 
Molt  fon  adretz,  francs  e  valens  ; 
Gtent  li  destrein  (sor)  sas  blozas  cris 
1730      La  garlanda  de  flor  de  lis  *... 


V.  1703,  montaitz;  1706,  perda;  1710,  seudadas. 

*  L'écriture  des  dix  vers  qui  précèdent  est  effacée  et  peu  lisible. 
^  La  fin  manque,  mais  la  lacune  doit  être  peu  considérable:  cela  ressort  du 
vers  1669:  Ànseia  que  movatz. 

L.    CONSTANS. 


Dialectes  modernes 


ÉTUDES  SUR  LE  PATOIS  DE  LA  CREUSE 
(Spécimen  dn  dialecte  de  l'est  ou  auvergnat  (sud-est  de  M.  Thomas) 


LB  BOUCAUD  DB  BOULAUD  QUE  MINJAVO  LAS  RABAS 

DB  COULAUD 

(CouQte  en  patois  marchois  dôus  envirouns  dôu  Bus80u(*),  en  quierant  dôu 
coûta  de  var'Ahiu  et  de  Saint-Spize-ias-Champs.) 

Le  ving^^'Auleu  dôu  méi  d'ocquetobre,  gni(^)  o  bin  de  las 
'nadas  de  co,  Piorou  Boulàud,  de  lo  Féyto,  co\inguizhio,  po  le 
vendre,  un  brave  boucàud  o  lo  fiéiro  de  Sainto-Féyro.  Se 
passâvo  davant  et  lemenâvo  pa  lo  coUo  (^);  so  ûelho  Mayou- 
net  le  cwchâvo  par  darié  béi  so  veerjo  de  Bessàu  (^  bis). 

En  chami,  i  z'(*)attraperount(°)  lo  Marioun  Chiebràudo 
que  'nâvo  ànshi  o  lo  fiéiro  po  vendre  dôu  chèu(®).  I  se  de- 
manderount  {^)  lous  pouortoments  et  ensAuito  de  co,se  mette- 
rount  à  parla  de  co  et  de  lo  reesto;  de  lo  pluio,  dôu  beau 
temps,  de  las  tro/7Aas  ('),  dôu  WAa-néi,  de  las  pèras,dôus^win- 
dous,  dôu  shiive^  mai  de  bin  d'ôutras  chôusas  que  shio  trop 
loungde  rappourtâ  éishi. 


LE  BOUC  DE  BOULAUD  QUI  MANGEAIT  LES  RAVES  DE  COULAUD 

(Conte  en  patois  marchois  des  environs  d'Aubusson,  en  tirant  du  côté  d'Ahun 
et  de  St-Sulpice-les-Ghamps.) 


Le  28  du  mois  d'octobre,  il  y  a  bien  des  années  de  cela,  Pierre  Bou- 
làud, de  la  Feyte,  conduisait,  pour  le  vendre,  un  joli  bouc  à  la  foire 
de  Ste-Feyre.  Lui  passait  devant  et  le  menait  par  la  colle  ;  sa  fille 
Mayonnet  (^diminutif  de  Marie)  le  touchait  par  derrière  avec  sa  verge 
de  bouleau. 

En  chemin,  ils  atteignirent  la  Marion  (Marie)  Chiébraude,  qui  allait 
aussi  à  la  foire  pour  vendre  du  cheu.  Ils  se  demandèrent  leurs  por- 
tements (nouvelles  de  leur  santé),  et  ensuite  se  mirent  à  parler  de  ceci 
et  de  cela  (du  reste  )  :  de  la  pluie,  du  beau  temps,  des  pommes  de 
terre,  du  blé  noir,  des  poires,  des  pruneaux,  du  cidre  et  de  bien  d'au- 
tres choses  qu'il  serait  trop  long  de  rapporter  ici . 

22 


278  ÉTUDB8  SOR  LE  PATOIS 

Tout  en  cousant  coumo  co  et  en  marchant  à  pigiutts  pas,  i 
z(*yajount  déijà  déipassa  le  bourg  de  Péirabout  quand  le 
boucàud,  que  lou«  âïo  segu  jusquant'  hôuro  sen  trop  se  faire 
prejâ,  vài  vèire  de  bravas  râbas  ^ttin8(*)  lo  tearo  (•)  de  Cou- 
làud  que  bouordâvo  lo  vio.  Ou  proufito  dôu  moument  que  lo 
counversasAié  (*®)  éi  la  mai  a^nimâdo  po  faire  un  saut  de 
coûta,  casso  so  coUo,  sàuto  jwins  lo  rabiéro  en  trasAimant  (**) 
lo  c6u('*),  et  se  sàuvo  jusqu'où  mitant  po  poudéi  minjâ  las 
râbas  mié  à  soun  aise. 

Jujaz  shi  lo  counversasAié  fuguiet  chabâdo.  Tous  tréis  se 
regardierount  d'abouord  tout  éitounas,  et  en^Auite  entrèrount 
^wins  lo  tearo,  pa  lo  charàu  (**),  po  attrapa quelo  ohéiquivoi**) 
beé^ulo  que  lous  âïo  joua  un  shi  brave  tour.  I  s'avancèrount 
bin  shxxku  po  ne  pas  Téibravijâ. 

Lo  Mayounet  gni  (^)  mouotrâvo  méimo  un  bou^M  de  po  et, 
po  mié  rafl3atâ,  gni  guizhiom  Bêle  tea  !  vène,  vène,  moun  pi- 
^wit  belou  I  »)  Mas,  quand  crezount  le  te^nî,  se  lous  touorno 
las  couornas,  jugno  la«  ôureillas,  lève  lo  quouetto  et  se  sàuvo 
tout  parié. 

I  se  metterount  ^uins  c6u  temps  à  le  parsègre  :  mas  quand 
i  passountd'un  coûtasse  se  sàuvo  de  Tâutre,  etquand  crezount 

Tout  en  causant  comme  cela  et  en  marchant  à  petits  pas,  ils  avaient 
déjà  dépassé  le  bourg  de  Peyrabout,  lorsque  le  bouc,  qui  les  avait  suivis 
jusqu'à  cette  heure  sans  trop  se  faire  prier,  va  voir  de  belles  raves 
dans  la  terre  de  Coulaud,  qui  bordait  le  chemin  (la  voie).  Il  profite  du 
moment  que  la  conversation  est  le  plus  animée  pour  faire  un  saut  de 
côté,  casse  sa  colle,  saute  dans  la  ravière  en  passant  par-dessus  le 
mur  de  clôture,  et  se  sauve  jusqu'au  milieu  pour  pouvoir  manger  les 
raves  plus  à  son  aise. 

Jugez  si  la  conversation  fut  finie  (achevée).  Tous  trois  se  regardè- 
rent d'abord  tout  étonnés  et,  ensuite,  entrèrent  dans  la  terre  par  l'ou- 
verture (l'entrée),  pour  attraper  cette  chétive  bête  qui  leur  avait  joué 
un  si  beau  tour .  Ils  s'avancèrent  doucement  pour  ne  pas  l'effrayer. 
La  Mayonnet  lui  montrait  même  un  morceau  de  pain  et,  pour  mieux 
lui  inspirer  confiance  lui  disait  :«  Belet,  tiens  !  Viens,  viens,  mon  petit 
belou  !  »  Mais  quand  ils  croient  le  tenir,  lui  leur  tourne  (montre)  les 
cornes,  joint  les  oreilles,  lève  la  queue  et  se  sauve  tout  pareillement. 

Ils  se  mirent  alors  à  le  poursuivre  :  mais,  quand  ils  sont  d'un  côté, 
lui  se  sauve  de  l'autre,  et,  quand  ils  croient  l'avoir  cerné  dans  un  coin. 


DB  LA   GRBUSB  279 

Favî  encerna  guïuB  un  coin,  ôa  passo  entremî  i  et  6u  lou^  éi- 
châpo.  Lo  Marioun  o  beau  credâ:»  Achôubri(**)!  vài  le  quâre, 
Baraca  I  Pieco  le,moun  chil  »  Boulàud  o  beau  trepâ,treparas- 
tfu,  s'éibrasAâ,  s'éibrasAaras-cu,  qu'éi  tout  coumo  shi  bessa- 
vount  ràigo.  Ou  lous  fait  feare  viengto-tréis  viégeis(*^)  le  tour 
de  lo  rabiero  sens  poudéi  l'attrapa;  lous  chamiso(")  n'en 
mouillo  et  lous  pées  (")  lous  n'  (')  en  gouttount.  A  lo  û  de  las 
fis,  Boulàud  gâte (*«),déilena,  s'arréito,  éissujo,  béi(")  soun 
mouchanas,  lo  shur  que  devâlo  de  soun  frount  mai  de  sas  jou- 
tas et  ^uie  aprié  avî  pantéisa  un  moument  :  «  Que  le  guiMhe 
le  chabri,  mai  le  chabri  bailla  !  Ou  Téi  (*)  be  escumigna  !  Qu'éi 
le  lebèrou  que  log^ninal*®)  ou  be  quaucu  que  l'ount  soubrevu  I 
Que  Coulàud  le  garde  po  le  couotange  de  las  rabas  qu'eu  gnî 
o  minja;  z'ôu(**)  /Ai  l'abandonne  pisqu'ôu  souos^wino  à  ne  pas 
vouléi  sAouor^wî.  A  lo  fi  ou  me  foïo  attrapa  un  boun  purezAi; 
mai  z'ôu  (2*)  lechoïo  co.  » 

G/Aàume  Bougnat,  de  Péi^ttiillat,  que  'nâvo  ôusAiàlo  fiéiro, 
ero  arriva  ^uins  que  l'entreféitas  et  lous  regardâvo  faire  déi- 
pueu  un  moument,  sAiquia  soubre  soun  bâtou  de  pié  de  cha- 
gne.  Davant  côu  déicourajoment  de  Boulàud,  ou  gni  gfwiesset  : 
(I  Te  gn'i  seez  pu,  couzAi  Boulàud  I  Te  déiparlas.  Càubéigruiso 

il  passe  entre  eux  et  leur  échappe .  La  Marion  a  beau  crier  :  «  A  chô^ 
bri  !  Va  le  chercher,  Baraca  (nom  de  chien  de  bergère)  !  Pique-le,  mon 
chien  !  »  —  Boulàud  a  beau  frapper  du  pied,  fi-apperas-tu,  agiter  ses 
bras,  les  agiteras-tu,  c'est  tout  comme  s'ils  bêchaient  l'eau.  Il  leur 
fait  faire  vingt-trois  fois  le  tour  de  la  ravière  sans  pouvoir  le  prendre. 
Leurs  chemises  s'en  mouillent  et  leurs  cheveux  en  gouttent.  A  la  fin  des 
fins,  Boulàud  fatigué,  hors  d'haleine,  s'arrête,  essuie  avec  son  mou- 
choir (mouche-nez)  la  sueur  qui  coule  de  son  front  et  de  ses  joues,  et 
dit,  après  avoir  respiré  (avec  oppression)  un  moment :«  Que  le  diable, 
le  chevreau  I  et  le  chevreau  donné  I  II  est  bien  excommunié  !  C'est  le 
loup-garou  qui  l'a  bercé  ou  bien  quelqu'un  qui  lui  a  jeté  un  sorti  Que 
Coulaud  le  garde  pour  la  valeur  des  raves  qu'il  lui  a  mangées  ;  je  le 
lui  abandonne,  puisqu'il  s'obstine  à  ne  pas  sortir  ;  à  la  fin  il  me  ferait 
prendre  une  bonne  pleurésie  et  je  lécherai  cela.  » 

Guilhaume  Bougnat,  de  Pétillât,  qui  allait  aussi  à  la  foire,  était  ar- 
rivé sur  (dans)  ces  entrefaites  et  les  regardait  faire  assis  sur  son  bâton 
de  pied  de  chêne.  De¥ant  le  découragement  de  Boulàud,  il  lui  dit  : 
«  Tu  n'y  es  plus,  cousin  Boulàud  !  Tu  parles  de  travers.  Quelle  bêtise 


280  ETUDES  SUR  LB   PATOIS 

d*abandounâ  coumo  co  un  boucànd  que  vàu  be  tréis  bounas 
piestolas("),  mai  beillôube  (*')  de  mai  (**).  Fôut  bin  pàu  de 
chàuso,vài,  po  t'embarrassa.  Vài  douncquâre  le  chi,  que  le  vi- 
roro  be,  se.  » 

I  z'anèrount  dounc  quâre  le  chi  po  vira  le  boucàud  de  Bou- 
làud  que  minjâvo  las  rabas  de  Coulàud.  Z'ôu  ('*)  crî  bin  que 
qu'èro  Pôutas-rougeas  de  Michiàud;  mas  z'ôu  vous  Tacerte- 
narài  pas  mai  que  co,  car  z'ôu  n'en  séi  pas  mai  s^ur  que  co 
d'aqui.  Côu  chi  èro  un  Ihiberku  que  vouillo  que  tout  le  mounde 
viquesso.  Oushï  en  arrivant  ou  sAaquillo(*^)  soubre  soun  darié; 
ou  regarde  le  boucàud,  ou  regarde  Boulàud,  emAuito  lo  Ma- 
rioun  mai  lo  Majounet,  peu  ou  lous  guii  :  «  Qu'éi  que  vous 
me  demandaz?  Vous  valeezqu'i  fase  souorçwî  côu  boucàud  que 
minjo  quelas  rabas  ?  Ou  ne  fait  pas  de  màu.  Le  beau  ma/Aur 
quand  ou  broutoïo  côucas  gourjadas  de  chabesso(2*).  Me  ne 
l'aime  pas  ;  àxishi  co  m'éi  b'éigal  et  m'en  lave  las  pôutas.  Aprié 
tout,  lo  pàubro  beé^wio,  shi  lo  fan,  fôut  be  que  lo  minje.  I  ne 
vâle  pas  lo  vira  î  »  ~  Te  ne  yaleez  pas,  moun  cadet?  Nous  te 
farouns  be  ôubaïr  de  fouorço  ou  de  bouno  omieta  »,  et  i 
z'anèrount  quâre,  po  brejâC'*^)  le  chi,  le  loup  guins  los  boues 
de  Chabriéras,  que  sount  guins  le  vezAinâge. 

d'abandonner  comme  cela  un  bouc  qui  vaut  bien  trois  bonnes  pistoles. 
(Il)  faut  bien  peu  de  chose,  va,  pour  t'embarrasser.  Va,  donc  chercher 
le  chien,  qui  le  fera  bien  sortir,  lui. 

Ils  allèrent  donc  chercher  le  chien  pour  chasser  le  bouc  de  Boulaud 
qui  mangeait  les  raves  de  Coulaud.  Je  crois  bien  que  c'était  Pattes- 
Rouges  de  Michaud  ;  mais  je  ne  vous  le  certifierais  pas,  carje  n'en  suis 
pas  plus  sûr  que  cela.  Ce  chien  était  un  libéral  qui  voulait  que  tout  le 
monde  vécût.  Aussi,  en  arrivant,  il  s'asseoit  sur  son  derrière  ;  il  regarde 
le  bouc,  il  regarde  Boulaud,  ensuite  la  Marion  et  la  Mayonnet,  puis 
il  leur  dit:  «  Que  me  demandez-vous?  Vous  voulez  que  je  fasse  sortir 
ce  bouc  qui  mange  ces  raves  i  II  ne  fait  pas  de  mal.  Quel  beau  mal- 
heur quand  il  brouterait  quelques  bouchées  de  feuilles  de  rave  !  Moi, 
je  ne  les  aime  pas  ;  aussi  ça  m'est  bien  égal,  et  je  m'en  lave  les  pattes. 
Après  tout,  la  pauvre  bête,  si  elle  a  faim,  (il)  faut  bien  qu'elle  mange; 
je  ne  veux  pas  le  faire  sortir.»  —  «  Tu  ne  veux  pas,  mon  cadet?Nous 
te  ferons  bien  obéir  de  force  ou  de  bonne  amitié .  »  Et  ils  allèrent 
chercher,  pour  battre  le  chien,  le  loup  dans  les  bois  de  Chabrières,  qui 
sont  dans  le  voisinage . 


DES   LA   CREUSE  281 

Le  loup  ne  vouguiet  pas  brejâ  le  chi  ;  le  chi  ne  vouguiet 
pas  vira  le  boucàud  de  Boulàud,  que  minjâvo  las  râbas   de 
Coulàud. 
I  z'anèrount(')  quâre  le  bâtou  po  tapa  le  loup  : 
Le  bâtou  ne  vouguiet  pas  tapa  le  loup  ;  le  loup  ne  vouguiet 
pas  brejâ  le  chi  ;  le  chi,  etc.. 
I  z'anèrount  quâre  le  fet  po  brulâ  le  bâtou  : 
Le  fet  ne  vouguiet  pas  brulâ  le  bâtou  ;  le  bâtou,  etc. 
I  z'anèrount  quâre  Tàigo  po  cuâ  le  fet  : 
L'àigo  ne  vouguiet  pas  cuâle  fet  ;  le  fet,  etc. 
I  z'anèrount  quâre  le  biôu  po  beôure  l'àigo  : 
Le  biôu  ne  vouguiet  pas  beôure  l'àigo  ;  l'àigo,  etc* 
I  z'anèrount  quâre  las  juillas  ('^  po  Ihik  le  biôu  : 
Las  juillas  ne  vouguierount  pas  Ihik  le  biôu  ;  le  biôu,  etc. 
I  z'anèrount  quâre  le  rat  po  coupa  las  juillas  : 
Le  rat  ne  vouguiet  pas  coupa  las  juillas  ;  les  juillas  ne  vou- 
guierount pas  Ihïêù  le  biôu;  le  biôu,  etc. 
I  z'anèrount  quâre  le  chat  po  minjâ  le  rat  : 
Le  chat,  quéi  tourjou  éita  la  beéj'uio  dôu  quieib/he  mai  que 
z'ôu  shivo  tourjou,  sàuto  soubre  le  rat;  le  rat  sàuto  soubre  las 

Le  loup  ne  voulut  pas  battre  le  chien  ;  le  chien  ne  voulut  point 
chasser  le  bouc  de  Boulaud,  qui  mangeait  les  raves  de  Coulaud. 

Ils  allèrent  chercher  le  bâton  pour  taper  le  loup: 

Le  bâton  ne  voulut  point  taper  le  loup;  le  loup  ne  voulut  point  bat- 
tre le  chien,  etc. 

Ils  allèrent  chercher  le  feu  pour  brûler  le  bâton  : 

Le  feu  ne  voulut  point  brûler  le  bâton;  le  bâton,  etc. 

Ils  allèrent  chercher  Teau  pour  tuer  (éteindre)  le  feu: 

L'eau  ne  voulut  pas  tuer  le  feu  ;  le  feu,  etc. 

Ils  allèrent  chercher  le  bœuf  pour  boire  l'eau: 

Le  bœuf  ne  voulut  pas  boire  l'eau  ;  l'eau,  etc. 

Ils  allèrent  chercher  les  jouilles  pour  lier  le  bœuf: 

Les  jouilles  ne  voulurent  pas  lier  le  bœuf  ;  le  bœuf,  etc . 

Ils  allèrent  chercher  le  rat  pour  couper  les  jouilles  : 

Le  rat  ne  voulut  pas  couper  les  jouilles;  les  jouilles  ne  voulurent 
pas  lier  le  bœuf;  le  bœuf,  etc. 

Ils  allèrent  chercher  le  chat  pour  manger  le  rat  : 

Le  chat,  qui*a toujours  été  la  bête  du  diable,  et  qui  le  sera  toujours, 
saute  sur  le  rat;  le  rat  saute  sur  les  jouilles  ;  les  jouilles  courent  sur 


282  ETUDB8  SUR  LB   PÂ.T0I8 

juillas;  las  juillas  courount  soubre  le  biôu  po  le  Ihik  ;  le  biôn 
court  soubre  Tàigo  ;  Tàigo  soubre  le  fet  ;  le  fet  soubre  le  bâ  - 
tou  ;  le  bâtou  soubre  le  loup  ;  le  loup  soubre  le  chî  po  le  brejâ  ; 
et  le  chi,  éibravija  de  véire  tant  de  mounde  aprié  se,  vài  vira 
le  boucàud  de  Boulàud,  que  minjâvo  las  rabas  de  Coulàud. 

Le  pàubre  boucàud^  vesant  touto  rezAîstanço  i^nu^uilo,  se 
léisset  fasAiloment  prendre  pa  Boulàud  mai  sas  douas  fennas, 
que  Tattenguiount  à  lo  charàu(**).  Aprié  Tavî  bin  éitocha 
embéi  no  bouno  couordo  de  chiébre,  Boulàud  se  touornet  dôu 
coûta  de  Bougnat  et  gni  ^uiesset  :  «.CouzAi  G/Aàume,  t'aïas  be 
rasou.  Grand  marcéi  po  le  service  que  te  m'as  reng^u.  Po  to 
recoumpenso,  z'ôu  t'envouïarài  démo,  pa  lo  Mayounet,  no 
bouno  sAéitâdo  de  perous  lo  Ihigno  po  faire  dôu  farouillat  (*•). 
Co  ne  shivo  pas  tout;  quand  las  «Airéisas  néirôudassAirount 
mB.guThs,  t'en  tarai  pouortâ  po  faire  dôu  c/AafouyMi(*°).  » 

ËmAito  de  co,  i  parguissèrount  tous  ensemble  po  chabâ 
de  nâ  à  lo  fiéiro.  Quand  i  z'arriverount  qu'èro  déijà  miéjou 
passa  et  le  mounde,  qu'ayount  ven^'M  loû  béi^wiàu,  coumença- 
vount  ('^)àle  déip/Aaçâ.  Cispendant  Boulàud  pougueit  engue- 
ras  vendre  soun  boucàud   un  boun  pris  ;  le  marchand  gnî 


le  bœuf  pour  le  lier  ;  le  bœuf  court  sur  Teau  ;  Feau  sur  le  feu  ;  le  feu 
sur  le  bâton  ;  le  bâton  sur  le  loup  ;  le  loup  sur  le  chien  pour  le  battre, 
et  le  chien,  effrajé  de  voir  tant  de  gens  après  lui,  alla  chasser  le  bouc 
de  Boulàud,  qui  mangeait  les  raves  de  Coulaud. 

Le  pauvre  bouc,  voyant  toute  résistance  inutile,  se  laissa  facilement 
prendre  par  Boulàud  et  ses  deux  femmes,  qui  Tattendaient  à  la  sortie 
(de  la  terre) ,  Après  Tavoir  bien  attaché  (le  bouc)  avec  une  bonne 
corde  de  chanvre,  Boulàud  se  tourna  du  côté  de  Bougnat  et  lui  dit  : 
«  Cousin  Guillaume,  tu  avais  bien  raison.  Grand  merci  du  service  que 
tu  m'as  rendu.  Pour  ta  récompense,  je  t'enverrai,  demain,  par  la 
Mayonnet,  un  panier  de  poirons  la  ligne  pour  faire  du  farrouillat.  Ce 
ne  sera  pas  tout;  quand  les  cerises  noires  seront  mûres,  je  t'en  ferai 
apporter  pour  faire  du  clafouti.  » 

Ensuite  de  cela,  ils  partirent  tous  ensemble  pour  finir  d'aller  à  la 
foire.  Quand  ils  arrivèrent,  il  était  déjà  midi  passe,  et  les  gens  qui 
avaient  vendu  commençaient  à  déplacer  (leurs  bestiaux).  Cependant 
Boulàud  put  encore  vendre  son  bouc  un  bon  prix  ;  le  marchand  le  lui 


DE  Là   creuse  ^83 

Tachotet  guiei  b^us  éicus  d'argent,  viengto-sAinq    sôus  de 
pèço  po  lo  Mayounet,  mai  ou  payet  chopino. 

acheta  dix  bons  écus  d'argent,  vingt-cinq  sous  de  pièce  pourlaMayon- 
net  ;  de  plus,  il  paya  chopine. 


NOTES  PHILOLOGIQUES 


L   —  Prononciation 


A,  —  Le  grand  caractère  phonétique  de  ce  dialecte  est  le  mouille- 
ment  des  consonnes  d,  ^,  n,  c,  5,  j,  /,  qui  transforme  les  six  pre- 
mières en  leurs  gutturales  correspondantes  g^  h  (c  dur  ou  qu)y  gn, 
ch,  j,  devant  les  voyelles  i  et  te,  et  quelquefois  devant  d'autres 
voyelles  ou  diphthongues.  Il  en'résulte  que  les  syllabes: 

Françaises  Patoises  Françaises  Patoises 


Ut, du,     =    gui,  gu.  Ct,  çu; si,  su,  \       ^.    ,    ,»        .. 

Ti,  tu,  =  gui,  gu,  ku,  eu.  Ti  (pron.  ci),  \=  '^'>  ^^"(fr«^Ç*^^) 
Ni,  nu,     =    gni^  gnu.  Zi;  zu,  si,  su 

{s  entre  deux 

voyelles), 

B.  —  Ch  et  j  ou  ge  français,  se  prononçant  tch,  dj  dans  ce  patois, 
pour  éviter  la  confusion,  nous  représenterons  les  consonnes  c,  5,  ti, 
mouillées  par  sh  =  ch  français  et  ^  et  5  entré  deux  voyelles  par  zh 
=s  j  (français).  Par  la  même  raison,  l  mouillé  sera  représenté  très- 
souvent  par  Ih, 

C.  —  Prononciation  des  diphthongues  accentuées  et  des  nasales  : 
au  =s  axm^  bu  =  oom,  eu  =  é-u,  —  àï,  éi  se  prononcent  d'une  seule 
émission  de  voix,  en  appuyant  sur  la  première  voyelle  accentuée  avant 
de  prononcer  i.  —  En  s=s  in  français;  in  =  in  latin. 

D.  —  5  final  se  prononce  toujours  comme  en  français,  quand  le 
mot  suivant  commence  par  une  voyelle.  Dans  les  autres  cas,  il  ne  se 
prononce  jamais.  Exemple  :  las  pèras  =  là  pèrâ  ;  il  ne  sert  alors 
qu'à  exprimer  le  pluriel  et  à  allonger  la  voyelle  qui  le  précède. 

N,-B,  — Dans  le  texte  de  ce  conte,  les  consonnes  représentant  un 
son  mouillé,  et  5  final  quand  il  se  prononce,  sont  soulignés.  Un  autre 
caractère  qu'il  est  inutile  de  souligner  est  rallongement  des  voyelles 
par  l'accent  circonflexe,  ou  l'addition  d'une  voyelle  ou  d'une  diph- 
thongue:  d'où  la  multiplicité,  dans  ce  dialecte,  des  diphthongues  et 
des  thphthongues. 


284  BTUDBS   SUR   LB    PATOIS 

Sur  le  fonds  du  conte,  voyez  l'étude  de  M .  G .  Paris,  la  Chanson 
du  Chevreau  y  Romania^  I,  218-225,  et  celle  de  M.  A.  Roque-Ferrier 
sur  les  Chansons  hébraïco-provençales  des  Juifs  comtadins.  Revue 
des  langues  romanes,  I»«  série,  VI,  p.  51*3-317. 

IL  —  Observations  diverses 

1. —  En  patois,  Auhusson  se  dit  le  Bussou;  var*Ahiu  =  Ahun. 

2.  — 6r«,  dans  gni  ou  gn'io,  n,  l,  dans  du  L*ei,  sont  des  lettres  eu- 
phoniques ;  la  première  est  mise  à  la  place  de  Ih  (Ihi)  pour  adoucir,  et 
la  troisième  pour  éviter  un  hiatus. 

3. — CollOf  ou  coloy  tresse  de  paille  qui  tient  lieu  de  corde  pour 
attacher  ou  conduire  les  bestiaux. 

3  bis, — Bessàu  (bouleau).  Ce  mot  appartient  au  patois  auvergnat, 
et  dans  l'Auvergne  désigne  l'arbre  en  question.  Chez  nous,  son  usage 
s'arrête  net  aux  limites  des  patois  de  Test.  Dans  les  autres  dialectes 
creusois,  le  bouleau  s'appelle  un  betou;  latin  betula, 

4.  — Z  euphonique,  fréquemment  employé  dans  ce  dialecte.  Devant 
la  3e  personne  plurielle  des  verbes  commençant  par  une  voyelle,  il  me 
semble  tenir  la  place  de  s  final  du  pronom  personnel  français  ils.  Dans 
ce  cas,  on  le  supprime  du  reste  assez  souvent  et  on  dit:  i  attrapé- 
rount,  i  anèrount,  ou  simplement  attrapèrount,  anèrount. 

5.  —  La  terminaison  ount  de  la  troisième  personne  du  pluriel  des 
verbes  patois,  comme  dans  attrapèROUKTf  demandèROV^T,  anèROUNT, 
etc. ,  particulière  à  ce  dialecte  dans  la  Creuse,  correspond  à  la  termi- 
naison latine  unt  dec^zâ^eRUNT,  amai;eRUNT,  etc.,  et  appartient  aux 
patois  de  la  basse-Auvergne  (voir  Doniol),  aussi  bien  qu'au  dialecte 
marchois  en  question  ;  preuve  nouvelle  de  l'étroite  parenté  qui  rap- 
proche ces  deux  idiomes.  Dans  notre  dialecte  du  sud  ou  limousin,  cette 
terminaison  devient  ent  ;  exemple  :  i  se  regardèsLKKï,  i  anèRKNT. 

6.  —  Chèu,  dont  j'ignore  l'étymologie  :  résidu  le  plus  grossier  qui 
reste  du  chanvre,  après  qu'on  en  a  retiré  le  brin  et  l'étoupe  par  le  pei- 
gnage. 

7. — Trefloy  troflo  et  troflho  (mouillé),  pomme  déterre. 

8.  —  GuinSy  guin,  guij  guiens,  selon  les  localités:  dans^  dedans, 
Us  final  est  ici  conservé  pour  rappeler  l'analogie  avec  le  français 
dans,  mais  ne  se  prononce  pas. 

9.  — Tearo  (terre)  se  dit  aussi,  selon  les  localités,  teèro,  tiaro,  et 
en  mouillant  le  t  de  ce  dernier,  quiaro  (qui  =  ti)  (est  d'Aubusson, 
Neoux). 

10.  —  Counversaahié  (conversation)  —  alio:  counversashiou. 

11.  —  Trassimâ  (patois  sud)  trasmma(p.  e.j,  signifie  sauter  par- 
dessus et  peut  être  une  corruption  du  latin  transilire.  —Cou  (muraille) 


DE   LA   CREUSB  S85 

me  paraît  exclusif  au  patois  de  Test;  partout  ailleurs  on  dit  mur^ 
muraillo.  J'ignore  son  étymologie. 

12.  —  Charàuj  dont  j'ignore  l 'étymologie,  signifie  une  ouverture 
pratiquée  dans  la  clôture  d'un  champ  par  laquelle  on  peut  y  entrer 
avec  une  voiture.  —  Employé  partout  dans  la  Creuse. 

13. — Chéiqui  (p.  e.),  chéiti  (p.  s.),  chéti  (p.n.),  en  français c^ii/*, 
n'a  pas  en  patois  la  même  signification  qu'en  français.  Dans  la  pre- 
mière langue,  il  signifie  mauvaisj  coquin,  gredin. 

14.  —  A  chdubri!  cri  pour  chasser  les  chèvres. 

15.  —  Viége  (fois),  alio  véi,  co,  couo  (coup). 

16. — Lous  chomiso,  pour  lous  chamisas  (pi.),  idiotisme. 

17.  -^Pées  (cheveux,  poils),  aliô^^é^,  piàux,  peôus;  du  latin  pilus. 

18.  —  Gâte^  fatigué,  origine  inconnue. 

19.  — Béi,  embéi  (avec),  employé  aussi  dans  les  patois  de  l'Au- 
vergne. 

20.  —  Gninâ,  ninâ  bercer. 

21 .  — Z  euphonique,  employé  le  plus  souvent  à  la  ir®  personne  du 
sing.  de  la  conjugaison  des  verbes. 

22.  — Pistolo,  pistole,  dix  francs. —  On  compte  encore  beaucoup, 
dans  la  Creuse,  par  pisioles  et  écus  (3  fr.). 

23.  — Beillbube,  belébe,  peut-être  bien. 

24.  —  Mal,  adv  ,  signifie  ici,  plus;  conj.  comme  le  premier  mai 
de  ce  membre  de  phrase,  il  signifie  et, 

25.  — S*haquillâtS*aquiller,  se  dit  des  animaux  assis  sur  leur  der- 
rière dans  la  position  d'une  quille. 

26.  — Chabesso,  aliô  chapusso,  feuilles  de  la  rave. 

27.  — Brejâ  (broyer),  se  dit  des  chiens  ou  des  loups  qui  se  bat- 
tent. 

28 .  —  Juillas,  lanières  de  cuir  servant  à  attacher  les  bœufs  au 
joug. 

29. — Farouillat^^Bm  de  seigle  dans  la  pâte  duquel  on  a  incorporé 
des  quartiers  de  poire  ou  de  pomme  avant  sa  mise  au  four. 

30.  —  Clhafougui,  clafouti  (p.  s.),  pâtisserie  creusoise  faite  avec 
des  cerises  dans  de  la  pâte  de  blé  noir  ou  de  froment,  que  l'on  fait 
cuire  au  four  dans  un  plat  de  terre  ou  sur  une  plaque  de  tôle. 

31 .  —  Le  mounde  coumençavount  (le  monde  commençaient)  est  une 
expression  analogue  au  turba  ruunt  des  Latins,  c'est-à-dire  des 
verbes  au  pluriel  avec  un  sujet  au  singulier,  mais  représentant  une 
collection.  D'  F.Vincent  (de  Guéret), 

Membre  de  la  Société  des  langues  romanes,  etc. 

Guéret  (Creuse),  l^r  décembre  1880. 


COMPARAISONS  POPULAIRES 

LES  PLUS   USITÊBS  DANS   LE  DIALECTE  CATALAN-R0US81LL0NNAIS 


La  Revue  des  langues  romanes  a  pnblié,  dans  trois  de  ses  fasci- 
cules, les  lettres  A,  B  et  G  du  Glossaire  des  comparaisons  popu- 
laires du  Narbonnaiset  du  Carcassez,  par  M.  Achille  Mir. 

J'ai  fait  moi-môme  une  petite  collection  des  locutions  comparatives 
du  catalan-roussillonnais,  et  je  me  propose  de  les  ajouter  à  la  deu- 
xième édition  de  mes  Ram^llets  de  proverbis,  maximas^  refrans  y 
adagis,  etc.  (Perpignan,  Latrobe,  1880;  in-8«,  168  pages). 

Les  quatre-vingt-dix  comparaisons  qui  suivent  en  ont  été  extraites. 

Justin  Pbpratx. 

1.  Adormit  comun  s<Sch. 

2.  Aixerit  com  un  pesol. 

3.  Aixut  com  una  esca. 

4.  Alegre  (mes)  que  unas  Pascuas. 

5.  Alegre  com  la  primavera. 

6.  Alt  com  un  palier. 

7.  Amarat  com  una  esponja. 

8.  Amarch  (mes)  que  un  fel. 

9.  Apegalôs  (mes)  que  '1  vesch. 

10.  Arronsat  com  un  cuch. 

11.  Arrugat  com  una  vella. 

12.  Astut  (mes)  que  una  guilla. 

13.  Atrevit  (mes)  que  '1  vent. 

14.  Blanch  com  la  llet. 

15.  Blanch  com  la  neu. 

1.  Endormi  comme  un  billot.  —  2.  Remuant  comme  un  pois.  — 
3.  Sec  comme  de  Tamadou.  —  4.  Plus  gai  que  les  fêtes  de  Pâques. 
—  5.  Gai  comme  le  printemps.  —  6.  Grand  comme  une  meule  de 
paille.  —  7.  Imbibé  comme  une  éponge.  — 8.  Plus  amer  que  le  fiel. 
— 9.  Plus  collant  que  la  glu.  —  10.  Ramassé  en  soi-même  comme 
un  ver.  —  II.  Ridé  comme  une  vieille  femme .  — 12.  Plus  rusé  qu'un 
renard.  —  13.  Plus  impertinent  que  le  vent. 

14.  Blanc  comme  du  lait.  — 15.  Blanc  comme  la  neige. — 16.  Meil- 


OOMPARAISpNS  POPUUJRBS  29J 

16.  Bo  (mes)  que  '1  pa. 

17.  Bonîch  com  un  ângel. 

18.  Bonich  (mes)  que  un  sol. 

19.  Borratxo  com  una  sopa. 

20.  Brios  com  un  caball. 

21.  Brut  com  una  aranya. 

22.  Brut  com  una  barra  de  galliner. 

23.  Brut  com  un  forât  de  ajguera. 

24.  Carregatcom  un  ase. 

25.  Clar  com  un  cristall. 

26.  Clar  (mes)  que  la  llum  del  dia. 

27.  Gohent  com  una  ceba. 

28.  Deju  com  lo  dia  de  naixer. 

29.  Despert  com  una  llebra. 

30.  Dolent  (mes)  que  un  gat  borni. 

31.  Dois  (mes)  que  una  mel. 

32.  Dret  com  un  ciri. 

33.  Dur  com  un  roch. 

34.  Esquerb  (mes)  que  un  gat  vell. 

35.  Fart  (mes)  que  un  porch . 

36.  Fi  com  la  seda. 

37.  Fidel  com  un  gos . 

38.  Fort  com  una  roca. 

39.  Fosch  com  una  gola  de  llop. 

40.  Fresch  com  una  rosa. 


leur  que  le  pain. —  17.  Joli  comme  un  ange.  — 18.  Plus  beau  que 
soleil. —  19.  Ivre  comme  une  soupe.  —  20.  Vif  comme  un  cheval.  — 
21 .  Sale  comme  une  araignée. —  22.  Sale  comme  un  bâton  de  poulailler. 
— 23.  Sale  comme  le  trou  d'un  évier. 

24.  Chargé  comme  un  âne.  —  25.  Clair  comme  le  cristal.  —  26.  Plus 
clair  que  la  lumière  du  jour.  — 27.  Cuisant  comme  un  oignon. 

28.  A  jeun  comme  au  jour  de  la  naissance.  —  29.  Éveillé  comme 
un  lièvre.  — 30.  Plus  méchant  qu'un  chat  borgne.  —31.  Plus  doux  que 
le  miel.  — 32.  Droit  comme  un  cierge.  —  33.  Dur  comme  de  la  pierre. 

34.  Plus  farouche  qu'un  vieux  chat. 

35.  Plus  rassasié  qu'un  cochon .  —  36.  Fin  comme  de  la  soie.  — 
37.  Fidèle  comme  un  chien.  —  38.  Fort  comme  un  rocher. — 39.  Obs- 
cur comme  une  gueule  de  loup.  —  40.  Frais  comme  une  rose.  — 


288  COMPARAISONS   POPULAIRES 

41.  Fret  (mes)  que  '1  glas. 

42.  Fret  com  un  marbre. 

43.  Gras  com  un  porch. 

44.  Gras  com  un  toixô. 

45.  Gras  (mes)  que  una  truja. 

46.  Gras  com  un  Tudesch. 

47.  Groch  (mes)  que  una  cera. 

48.  Groch  com  un  safrâ. 

49.  Inflat  com  un  bot. 

50.  Llarch  (mes)  que  la  quaresma. 

51.  Llarch  com  un  dia  sensé  pa. 

52.  Llest  (mes)  que  un  llamp. 

53.  Lleuger  (mes)  que  una  palla. 

54.  Lleuger  com  una  ploma. 

55.  Lleuger  com  un  sospir. 

56.  Lluhent  com  un  mirall. 

57.  Llis  com  una  anguila. 

58.  Magre  com  un  Dijous  Sant. 

59.  Manso  com  un  anjell. 

60.  Mullat  com  un  peix. 

61.  Nègre  (mes)  que  un  corb. 

62.  Nègre  com  una  pega. 

63.  Nègre  (mes)  que  un  pecat. 

64.  Net  com  un  mirall. 

65.  Pansit  com  una  ûga. 

66.  Pacient;com  un  Job. 

41.  Plus  froid  que  la  glace.  —  42.  Froid  comme  du  marbre.  — 
43.  Gras  comme  un  cochon.  — 44.  Gras  comme  un  blaireau. — 
45.  Plus  gras  qu'une  truie. — 46.  Gras  comme  un  Tudesque. — 47.  Plus 
jaune  que  de  la  cire. —  48.  J^une  comme  du  safran. —  49.  Enflé  comme 
une  outre. —  50.  Plus  long  que  le  carême. —  51.  Long  comme  un  jour 
sans  pain.  — 52.  Plus  prompt  que  la  foudre.  — 53.  Plus  léger  qu'une 
paille.-^  54.  Léger  comme  une  plume.  —  55.  Léger  comme  un  soupir. 

—  56.  Luisant  comme  un  miroir.  —  57.  Lisse  comme  une  anguille. 
58.  Maigrejoomme  le  Jeudi-Saint.  — 58.  Doux  comme  un  agneau. 

—  60.  Mouillé  comme  un  poisson. 

61.  Plus    noir  qu'un   corbeau.  —  62.  Noir  comme  de  la  poix.  — 
63 .  Plus  noir  que  le  péché .  —  64.  Propre  comme  un  miroir . 

65.  Mou  comme  une  figue.  —  66.  Patient  comme  Job.  —  67.  Ra- 


COMPARAISONS   POPULAIRES  289 

67.  Pelât  com  un  nap. 

68.  Pelut  com  un  os. 

69.  Picant  com  un  pebre. 

70.  Pla  com  la  ma. 

71.  Pie  com  un  ou. 

72.  Pobre  com  un  rat  de  iglésia. 

73.  Poruch  com  una  Uebra. 

74.  Prim  com  un  tel  de  ceba. 

75.  Pudent  com  una  xinxa. 

76.  Pur  (mes)  que  un  angel. 

77.  Pur  com  un  sol. 

78.  Régalât  com  un  rey . 

79.  Resplandent  com  una  estrella. 

80.  Ros  com  un  fil  d'or. 

81.  Sort  com  una  campana. 

82.  Sort  (mes)  que  un  timbal. 

83.  Tendre  com  un  pesol. 

84.  Tort  com  una  fais. 

85.  Tossut  (mes)  que  un  ase. 

86.  Trempât  com  un  orga. 

87.  Trempât  com  un  ginjol. 

88.  Trist  com  un  mussol. 

89.  Viu  com  una  pôlvora. 

90.  Viu  (mes)  que  una  centella. 

tissé  comme  un  navet.  —  68.  Vêla  comme  un  ours.  —  69.  Piquant 
comme  du  poivre.  —  70.  Plat  comme  la  main.  —  71.  Plein  comme  un 
œuf.  —  72.  Pauvre  comme  un  rat  d'église. — 73.  Poltron  comme  un 
lièvre.  —  74.  Mince  comme  une  pelure  d'oignon.  —  75.  Puant  comme 
une  punaise.  —  76.  Plus  pur  qu'un  ange. — 77.  Pur  comme  le  soleil. 

78.  Riche  et  heureux  comme  un  roi.  —  79.  Resplendissant  comme 
une  étoile.  —  80.  Roux  comme  un  fil  d'or. 

81.  Sourd  comme  une  cloche.  — 82.  Plus  sourd  qu'un  tambour.  — 
83.  Tendre  comme  un  pois. — 84.  Tordu  comme  une  faulx.  —  85.  Plus 
têtu  qu'un  âne.  —  86.  Accordé  comme  un  orgue.  (Dispos.) —  87.  Sain 
comme  une  jujube.  (De  bonne  humeur.)— 88.  Triste  comme  un  hibou. 
—  89.  Vif  comme  la  poudre.  —  90.  Plus  vif  qu'une  étincelle. 


Poésies 


CLAR-ESCUR 
A  MADAmsBLLO  Maroarido  6*'* 

I 

Tout  es  silencious  ;  Tivèr  a  doumta 
Murmur  de  rajôa  e  cansoun  alegro  ; 
Li  corb  planon  aut  dius  Finmensita 
E  sus  lou  cèu  gris  fan  de  taco  negro. 

Li  loup,  nas  auvent,  eu  se  rebalant, 
Sourtisson  di  bos  e  gagnon  li  coumbo  ; 
Lis  aubre  espeia,  vers  lou  s6u  giblant, 
Semblon  de  gigant  plourant  sus  de  toumbo. 

La  terro,  aro,  es  plus  qu'un  fres  camp  de  mort 
Ount  un  jour  pâli  trantraio  emé  crento; 
Di  ciprès  tristas  on  vèi  li  grand  cors 
Yela  coume  autant  de  véuso  doulento. 

Sènso  preveni,  Torro  niue  desfai 
Li  pie  fantasti  de  sa  manto  soumbro. 


CLAIR-OBSCUR 

A  Mademoiselle  Marguerite  B... 

I 

Tout  est  silencieux  ;  l'hiver  a  dompté  —  murmure  de  ruisseaux  et 
chansons  joyeuses  ;  —  les  corbeaux  planent  haut  dans  Timmensité  — 
et  sur  le  ciel  gris  font  des  taches  noires . 

Les  loups,  nez  au  vent,  en  se  traînant,  —  sortent  des  bois  et  ga- 
gnent les  combes  ;  —  les  arbres  dépouillés,  pliant  vers  le  sol,  —  res- 
semblent à  des  géants  pleurant  sur  des  tombeaux. 

La  terre,  maintenant,  n'est  plus  qu'un  froid  champ  de  mort  —  où 
un  jour  pâli  chancelle  avec  crainte  ;  —  des  cyprès  tristes  on  voit  les 
grands  corps  — voilés  comme  autant  de  veuves  éplorées . 

Sans  prévenir,  la  nuit  défait —  les  plis  fantastiques  de  son  sombre 


POÂSIES  291 

A-pèire  lou  bèu!  e  plaço  à  Fesfpai  ! 

La  naturo  muto  :  escouto  lis  oumbro  ... 

II 

Mai  veici  Taubeto  emé  si  peu  blound, 
Aubeto  d'abriéu  que  d'uiau  arroso  ; 
Li  zefir  risènt  couron  li  valoun 
Bcasson  li  âèu  à  grand  cop  de  roso. 

Li  gai  pimparrin  sonon  trefouli 

Tout  ço  qu'es  amour,  jouvènço,  armounio  ; 

A  chasque  moumen  se  vèi  espeli 

De  fueio  e  de  nis  entre  li  ramiho. 

La  voues  dôu  printèms  s'aubouro  e  dis  :  «  Dau  ! 
0  couble  amourous,  subre  li  piboulo 
Ai  mes  de  cansoun.  Dins  li  bos  verdau 
Li  dous  fernimen  fan  la  farandoulo. 

Lou  riéu  cascaiejo  e  lou  soulèu  ris. 
Pleno  de  belu,  la  piano  es  supèrbo, 
E  tout  plan-planet  la  flour  se  durbis 
Coume  uniue  curions  à  travès  de  l'èrbo....  » 


manteau. —  Arrière  le  beau!  et  place  àThorreur!  — La  nature  se  tait  : 
elle  écoute  les  ombres .... 

II 

Mais  voici  Taurore  avec  ses  cheveux  blonds,  — aube  d'avril  qui  ar- 
rose avec  des  éclairs  ;  —  les  riants  zépbirs  parcourent  les  vallons  — 
et  chassent  les  fléaux  à  grands  coups  de  roses. 

Les  gaies  mésanges  appellent,  réjouies,  —  tout  ce  qui  est  amour, 
jeunesse,  harmonie  ;  — à  chaque  moment  on  voit  éclore  —  des  feuilles 
et  des  nids  sous  la  ramée. 

La  voix  du  printemps  s'élève  et  dit  :  '<  Sus  I  —  ô  couples  amoureux, 
sur  les  peupliers  —  j'ai  mis  des  chansons.  Dans  les  bois  verts,  — les 
doux  frissons  font  la  farandole. 

Le  ruisseau  murmure  et  le  soleil  rit.  —  Pleine  de  rayons,  la  plaine 
est  superbe,  —  et  tout  doucement  la  fleur  s'ouvre  —  comme  un  œil 
curieux  à  travers  le  gazon ...» 


Z92  POéstES 

III 
Au  mié  di  blavet  e  di  poumpoun  d'or, 
Li  coable  amoarous  n'en  deviston  uno, 
Uno  flour  que  semblo  un  souleiet  d'or 
Tout  envertouîa  de  raioun  de  luno. 

Reino  dou  campèstre,  o  douço  bèuta, 
Tendro  counfidento,  ah  !  que  sies  poulido  ! 
Quant  i'a  pas  de  cor  qu'un  jour  an  coumta 
Sus  ço  qu'as  proumés,  bello  margarido  : 

a  M*aimo?  m'aimo  pas?  m'aimara  toujour?....  o 
M'aimo?  m'aimo  pas?...  Mai,  de-que  que  digues, 
M'aimo,  m'aimo  pas,  soun  de  mot  d'amour  ; 
Dounc,  es  pèr  l'amour  que  fau  que  flourigues.... 

Passara  lou  tèms  di  joio,  e  louflèu 

Vendra  tournamai  treva  lis  auturo. 

I  cor  sourrisènt  ie  fau  de  soulèu  I 

Mai  11  cor  malaut  aimon  la  sournuro  ^. 

Pau  Gaussbn. 
17  abriéu  de  1881. 

III 

Au  milieu  des  bluets  et  des  boutons  d'or,  —  les  couples  amoureux 
en  découvrent  une,  —  une  fleur  qui  semble  un  petit  soleil  d'or — tout 
environné  de  rayons  de  lune. 

Reine  des  champs,  ô  douce  beauté,  —  tendre  confidente,  ah!  que 
tu  es  jolie  !  —  Combien  n'y  a-t-il  pas  de  coeurs  qui  un  jour  ont  compté 
—  sur  ce  que  tu  as  promis,  belle  marguerite  : 

«  M'aime-t-il?  ne  m'aime-t-il  pas?  m'aimera-t-il  toujours  ?.. . .  »  — 
M'aime-t-il?  ne  m'aime-t-il  pas  ?. . .  Mais,  quoi  que  tu  répondes,  — 
M'aime-t-il f  ne  in*aime-t-il  pasf  sont  des  mots  d'amour: —  donc 
c'est  pour  l'amour  qu'il  faut  que  tu  fleurisses. . . 

Il  passera,  le  temps  des  joies,  et  le  fléau  — viendra  de  nouveau 
hanter  les  hauteurs. —  Aitx  cœurs  souriants  il  faut  du  soleil  ! — Mais 
les  cœurs  malades  aiment  l'obscurité. 

Paul  Gausskn. 
I7avrill881. 

*  Provençal  (Avignon  et  les  bords  du  Rhône).  Orthographe  des  félibres 
d'Avignon. 


A  MARIO  B. . . 

SOUNBT   IMITAT   DE   SOULARY 

Amistouso  à  cadun,  pus  dousso  qu'un  agnel, 
L'uel  siau,  lou  frount  luzent  e  l'amo  rizouleto, 
Es  Diéus  que  coum'  acô  t'a  facho  tant  braveto. 
Un  jour  que  per  nous-aus  èro  clément  lou  Ciel. 

Coumo  l'ordi  se  moundo  en  passant  al  cruvel, 
Dins  ta  bèlo  amo  atal  fa  l'amour,  amigueto; 
Es  uno  flamo  puro ,  e  toun  cor  de  nourieto 
Vei  qu'un  amie  dins  lou  que  t'a  proumés  l'anel. 

A  la  joio  tebezo,  à  l'obro  afeciounado, 

Sens  plagnun,  sens  remord,  coumpliras  ta  journado  ; 

Ë  pèi,  quand  plegara  toun  corps  joust  lou  fardel, 

Tournaras  à  Diéus  que  t'a  facho  tant  braveto, 
L'uel  siau,  lou  front  luzent  e  l'amo  rizouleto, 
Un  vespre  ount  per  nous-aus  sera  marrit  lou  Ciel*. 

Gabriel  Azaïs. 

A  MARIE  B 

SONNET   IMITÉ  DE   SOULARY 

Affectueuse  pour  chacun,  plus  douce  qu'un  agneau  ;  —  l'œil  calme, 
le  front  serein  et  l'âme  en  joie,  —  c'est  Dieu  qui  t'a  faite  si  bonne,  — 
un  jour  que  pour  nous  était  clément  le  Ciel. 

Comme  l'orge  s'épure  en  passant  au  crible,  — dans  ta  belle  âme 
ainsi  fait  l'amour,  jeune  amie  ; —  c'est  une  flamme  pure,  et  ton  cœur 
de  fiancée  —  ne  voit  qu'un  ami  dans  celui  qui  t'a  promis  l'anneau. 

A  la  joie  tiède,  au  travail  empressée, —  sans  plainte,  sans  remords, 
tu  achèveras  ta  journée  ;  —  et  puis,  quand  il  pliera,  ton  corps  sous  le 
fardeau, 

Tu  reviendras  à  Dieu,  qui  t'a  faite  si  bonne,  —  l'œil  calme,  le  front 
serein  et  l'âme  en  joie, —  un  soir  où  pour  nous  sera  mauvais  le  Ciel. 

Gabriel  Azaïs. 

*■  Languedocien  (Béziers  et  ses  environs).  Orthographe  biterroise. 


23 


NOSTRIS  SABUCS 

A   MOUN   VENERABLE   MESTRE  A.-B.    CrOUSILLAT 

Aven  de  sabacs  verts  des  peds  al  cap, 
Nauts,  drets  e  galhards  coumo  n'i  a  pas  cap 
Lenh-lenh  e  se  cal  al  païs  estrange  ; 

Cado  ram  espés  porto  soun  bouquet, 
Blanc  e  suspouscat  de  safra  '*ii  pauquet, 
Qu'a  liairos  de  mel  e  de  ûous  d'irange. 

0  ja  les  aiiuan,  les  nostris  sabucs, 

Que  soun  brounzinants  autant  que  de  bues, 

Toutjoun  abelhats  à  fa  babarilhos, 

Costo  de  qualque  ieis,  al  bord  des  camis, 
La  cimo  en  arvôut  al  caud  qu'endurmis, 
La  ramo  asoumbrant  de  poulidos  fiihos  ! 

Las  dauros  i  van  junquos  as  capelhs  ; 
Sembloun,  aquital,  de  viro-soulelhs 
Quilhats  e  duberts  per  Dono  Nature  ; 

NOS  SUREAUX 
A  mon  vénérable  maître  A.-B.  Gronsillat 


Nous  avons  des  sureaux  verts  des  pieds  à  la  tête,  —  hauts,  droits 
et  vigoureux  comme  il  en  est  peu  —  loin,  loin,  et  même,  s'il  faut  [le 
dire],  au  pays  étranger  ; 

Chaque  rameau  épais  porte  son  bouquet,  — blanc  et  saupoudré  d'un 
peu  de  safran, —  qui  a  senteurs  de  miel  et  de  fleurs  d'oranger. 

Oh  !  que  nous  les  aimons,  nos  sureaux,  —  qui  sont  bourdonnants 
autant  que  des  ruches,  —  toujours  abeilles  à  donner  des  éblouisse- 
ments, 

A  côté  de  quelque  sentier,  au  bord  des  chemins ,  —  la  cime  en  voûte 
au  chaud  qui  endort,  —  la  ramure  couvrant  d'ombre  les  jolies  filles  ! 

Les  accrus  vont  [atteignant]  jusqu'au  sommet;  —  ils  semblent,  lâ- 
môme,  des  parasols —  quilletés  et  ouverts  par  Dame  Nature ,- 


POESIES  ]895 

Fan  sousca  '1  Japoun  lusent  e  sedous 
E  tout  mirgalhat  de  belos  coulous, 
Dambe  un  founze  clar  de  fino  verdure. 

Puei,  fan  roundina  moun  eime  bourdesc 
Vès  ma  jouventut,  pr'  aquel  atge  fresc 
E  gai  coumo  Y  mes  glaufit  de  flouretos. 

Lavés,  i  veniô  coupa  'n  vert  canel 
Que,  demesoulhat,  traucat  al  coutel, 
Jougavo  lèu-lèu  fosso  cansounetos. 

La  mieuno  flavuto  en  sabo  disiô 
Tout  ço  que  vesiô,  tout  ço  qu'ausissiô, 
—  Cantavo,  sigur,  coumo  uno  personne. 

Soun  cap  en  biscalho  à  mous  pots  riplat, 

Un  trauquet  dubert  e  Tautro  tampat, 

De  moun  aie  pleno,  —  oh  mais  qu'ero  bouno  ! 

Urous,  assietat  dedins  Ihour  oumbrieu, 
Jougavi,  gaitant  subre  Tazur  vieu 
Les  belis  ne  vies  de  las  P.iraneos, 

Las  serres,  pus  bas,  dambé  sous  bousquets, 
Rasisos,  plantiès  e  tendris  bladets 
Que  fan  éspeli  tant  gentios  ideos  ; 

Ils  font  songer  au  Japon  briUant  et  soyeux,  —  et  tout  diapré  de 
belles  couleurs,  —  avec  un  fond  clair  de  fine  verdure. 

Ensuite,  ils  font  rôdailler  mon  esprit  fantasque  —  vers  ma  jeunesse, 
par  cet  âge  frais  —  et  gai  comme  le  mois  criblé  de  fleurettes . 

Alors  j'y  venais  couper  un  vert  tuyau  —  qui,  démoellé,  troué  au 
couteau,  —  jouait  bientôt  force  chansonnettes. 

Ma  flûte  en  sève  disait  —  tout  ce  qu'elle  voyait,  tout  ce  qu'elle 
ouïssait  ;  —  elle  chantait,  à  coup  sûr,  comme  une  personne . 

Sa  tête  en  biseau  à  mes  lèvres  rivée,  —  un  trou  ouvert  et  un  autre 
fermé,  —  de  mon  haleine  pleine,  oh  !  comme  elle  était  bonne  ! 

Heureux,  assis  dans  leur  ombre,  —  je  jouais,  regardant  sur  l'azur 
vif  —  les  neiges  si  belles  des  Pyrénées, 

Les  petites  sierras,  plus  bas,  avec  leurs  bosquets,  —leurs  friches, 
leurs  plantiers,  et  leurs  tendres  blés,  —  qui  font  éclore  de  si  gentilles 
idée» ; 


990  POésiBS 

La  piano  granivo  e  sa  plasentat, 

Joubs  ieu  de  mouliès  qu'an  gracio  e  bèutat 

Qu'a  las  Courts  d'amour  tenion  majouressos  ; 

Las  vesiô  passa,  fier  visatge  bru, 

Pel  coulou  d'amouro,  uelhs  d'un  nègre  blu. 

Brasses  e  peds  nuds,  —  ô  fortos  divessos! 

Tournavoun  del  camp,  le  foussou  sul  colh, 
Levant,  en  courrent,  un  blanc  parpalhpl, 
Quoique  babarot,  dos  ou  très  ninotos. 

Pensatieu  dejoubs  moun  teulat  ramut, 
En  las  remirant,  le  cor  emaugut, 
Aviô  debrembat  de  fieula  las  notes. 

0  vielhis  sabucs,  de  vostro  sentou, 
Loung  de  Flourial,  à-n-aquel  canton 

1  a  doutse  ans,  m'avets  embriaigat  Tamo  ! 

Dempuei  aquel  tems,  i  e  'n  eissam  gauchous 
Coumo  les  que  van  cbuca  vostros  flous. 
Embaumant  tourna  subre  vostro  ramo*. 

A.   FOURÈS. 
16  de  mai  1878. 

La  plaine  féconde  en  grains  et  son  séjour  plaisant  ;  —  au-dessous 
de  moi,  des  femmes  qui  ont  la  grâce  et  la  beauté  —  que  possédaient 
aux  Cours  d'amour  les  principales  ; 

Je  les  voyais  passer,  fier  visage  brun,  — cheveux  couleur  de  mûre, 
yeux  d'un  noir  bleu,  —  bras  et  pieds  nus,  ô  fortes  déesses  ! 

Elles  revenaient  du  champ,  la  houe  sur  le  cou,  —  faisant  se  lever, 
en  marchant,  un  blanc  papillon,  —  quelque  insecte,  deux  ou  trois  li- 
notes. 

Pensif  sous  mon  toit  feuillu,  —  en  les  admirant,  le  cœur  ému,  — 
j'avais  oublié  de  siffler  les  notes. 

0  vieux  sureaux,  de  votre  senteur,  —  (tout)  le  long  de  Floréal,  à  ce 
coin,  —  il  y  a  douze  ans,  vous  m'avez  enivré  l'âme! 

Depuis  ce  temps,  j'y  ai  un  essaim  joyeux  —  comme  ceux  qui  vont 
sucer  vos  fleurs, —  embaumant  de  nouveau  sur  votre  ramure. 

A.  FouRÈs. 
16  mai  1878. 

*  Languedocien  (  Castelnaudary  et  ses  environs  ).  Orthographe  montpelîî(5- 
raine . 


BIBLIOGRAPHIE 


Los  nous  dé  lo  Honntagno,  poésies  patoises  amusantes,  pastorales,  des- 
criptions, dialogues  comiques,  élégies  grotesques,  épigrammes,  satires,  fables, 
monorimes*,  etc.,  par  Alvergne  (Louis)  ^;  ouvrage  suivi  de  plusieurs  poésies 
françaises  du  même  auteur  et  d'un  recueil  choisi  d'énigmes,  charades,  logo- 
griphes  et  Calembours.  Rodez,  de  Broca,  1880  ;  in-12,  284  pages. 

La  part  du  rouergat  est,  dans  ce  volume,  plus  considérable  que  celle 
du  français.  Cent  quatre-vingt-dix-huit  pages  appartiennent  au  pre- 
mier, et  soixante-trois  au  second.  Si  l'on  en  croit  la  préface  de  M.  Al- 
vergne, ses  Flous  dé  lo  mountagno  «  renfermeraient,  à  peu  de  chose) 
près,  tous  les  dialectes  du  vieux  Rouergue  »,  et,  par  conséquent,  no 
pourraient  que  sous  toutes  réserves  donner  matière  à  des  constatations 
linguistiques.  L'orthographe  est  déparée  par  la  notation  à  outrance 
de  Vo  {otobéj  oprès^  ognéls,  orribo,  cohono,  etc.*),  l'emploi  de  aou,  eou, 
oow,dans  la  figuration  des  diphthongues aw,  eu,  ou;  l'habitude  presque 
générale  et  non  moins  répréhensible  de  ne  pas  écrire  un  e  sans  le 
surmonter  d'un  accent  grave  ou  aigu,  comme  si  l'usage  de  l'un  ne  dis- 
pensait pas  de  Fautre,  etc . ,  etc. 


*  Le  monorime  est  très-rare  en  langue  d'oc,  de  la  fin  du  XVI«  siècle  à  nos 
dernières  années,  qui  ont  vu  M.  l'abbé  Joseph  Roux  le  remettre  en  honneur 
dans  quelques-uns  de  ses  poëmes  limousins.  M.  A.  ne  s'en  sert  que  pour  les 
vers  de  huit  pieds  (p.  23  et  149)  et  de  six  (97  et  115). 

Il  s'est  parfois  dispensé  de  suivre  la  règle  d'alternance  des  rimes  mascu- 
lines et  féminines. 

'  M.  A.  se  qualifie  de  «  membre  de  la  Société  des  féiibres  »  et  de  «corres- 
pondant de  la  Société  des  langues  romanes.  »  Cette  mention,  —  nous  ne  le 
disons  pas  pour  relever  une  inexactitude  sans  conséquence,  —  est  une  preuve 
de  l'identification  que  beaucoup  de  personnes  établissent  entre  les  deux  asso- 
ciations. 

3  M.  J.-P.  Durand  (de  Gros)  est  le  seul  qui,  dans  son  intéressant  travail  sur 
le  Félibrige  (Rodez,  Carrère,  1879;  in-12)  et  dans  ses  savantes  Études  de  phi- 
lologie et  de  linguistique  aveyronnaises  (Paris,  Maison ueuve,  1879;  in-8o), 
ait  proposé  de  revenir  à  la  notation  des  troubadours;  mais  il  faut  constater  avec 
regret  qu'il  n'a  pas  été  suivi  jusqu'ici  en  Rouergue.  Peut-être  eûl-il  fait  péné- 
trer plus  facilement  ses  idées  en  les  vulgarisant  sous  forme  de  manuel  ortho- 
graphique, avec  de  nombreux  exemples  à  l'appui,  et  en  imaginant  une  sorte 
d'à  accentué  (à  ou  à)  pour  désigner  la  voyelle  que  ses  compatriotes  persistent 
à  figurer  par  un  o.  En  pareille  matière,  le  point  de  transition  est  celui  qu'il 
importe  de  fixer  tout  d'abord.  Voyez,  d'ailleurs,  sur  la  prononciation  ancienne 
de  l'a  et  de  Yo,  les  observations  de  M.  CoustAnSj  Revuej  3e  série,  111,  p.  142. 


298  BIBUOaRAPHIB 

Les  amis  de  Tauteur  se  sont  peut-être  illasionnés  sur  le  mérite  lit- 
téraire des  Flous  dé  lo  mountagno,  qu'ils  ont  d'abord  connues  par  cer- 
tains essais  publiés,  il  y  a  plusieurs  années,  dans  le  Journal  de  Saint- 
Affrique^  mais  ils  ne  se  sont  pas  absolument  abusés.  Dans  la  note 
terre  à  terre,  facile  et  naïve,  parfois  légèrement  malicieuse,  qui  a  été 
jusqu'ici  particulière  à  presque  tous  les  poètes  aveyronnais,  M.  A. 
rencontre  d'assez  bonnes  inspirations,  des  vers  bien  tournés,  quel- 
quefois des  pièces  entières  qu'on  lit  avec  plaisir,  lo  Noço  dé  Piorrou 
(p.  15)  et  une  chanson  de  carnaval  (p.  173),  par  exemple*.  Notre  re- 
grettable ami,  feu  Joseph  Baùquier,  lui  aurait  reproché  de  mettre, 
comme  M .  Vemhet  père  *,  ses  vers  sous  la  protection  des  MuseB,  du 
Temple  de  Mémoire,  de  Pégase,  et  de  parler  de  Mars,  d'Apollon  et  de 
Jupiter,  ni  plus  ni  moins  qu'un  contemporain  de  Louis  XIV  et  de  la 
poésie  du  dernier  siècle  ;  il  aurait  complété  ce  reproche  en  regrettant 
que  les  thèmes  d'une  partie  des  Flous  eussent  été  empruntés  à  des 
médisances,  des  querelles,  parfois  même  des  cancans  de  petite  ville. 
Mais  il  faut  reconnaître  que  M.  A.  eut  pu  répondre  qu'il  était  libre 
de  choisir  ses  sujets  là  où  il  les  trouvait,  sans  s'inquiéter  autrement  de 
leur  importance  ou  de  leur  dignité  poétiques. 

Le  souvenir  de  Claude  Peyrot  est  sensible  en  plus  d'un  passage  des 
Flous  dé  lo  mountagno .  Dans  l'élégie  burlesque  :  Es  mort,  Jean  lou 
Boussélou  (p.  169),  ces  souvenirs  se  transforment  au  point  de  devenir 
l'imitation  directe  ou ,  pour  parler  plus  exactement,  le  décalque  de 
quelques  strophes  d'une  des  meilleures  pièces  du  prieur  de  Pradinas. 
Tout  le  monde  connaît  en  Rouergue  lo  Mort  de  Froncésou  3,  cette  ode 
qui  déplore,  dans  une  langue  irréprochable  et  en  des  vers  d'une  verve 
et  d'une  vigueur  toutes  lyriques,  la  fin  d'un  mendiant  millavois  de  la 
seconde  moitié  du  XVIII*  siècle  : 


*  On  trouve  parfois  dans  les  pièces  de  M.  A.  des  comparaisons  et  des  vers 
frappés  à  la  manière  fine  et  réaliste  d'Alfred  de  Musset  : 

Dé  bous  bèïre  morcha  lou  copèl  sus  l'ooureillo, 
Erén  toutes  chormach! 
*  Filabés  fier  é  drech  coummo  'n  col  dé  bouteillo, 
Lous  souliès  pla  cirach...  (P.  93») 

Un'  aoutro  répétab'  o  cal  boulio  Ténténdré 

Qu'érés  un  boun  éfan. 
Et  qu'obias,  tout  débou,  lou  cur  franc  è  tant  tendre 

Coummo  'n  froumaché  blanc!...  (P.  94.) 

*  Voyez  Revue,  2»  série,  VI,  110. 

3  Œuvres  patoises  complètes  de  C.  Peyrot,  ancien  prieur  de  Pradinas, 
4e  édition.  Millau,  Garrère  jeune,  1823;  in-8o,  p.  110. 


BIBLIOGRAPHIE  299 

Soulél,  éstobonis  ;  Luno,  combio  dé  caro  ; 
Terro,  cargo  lou  dol:  Froncésoii  biou  pas  pus  ; 
Sons  cap  dé  coumpossiou,  lo  doillaïro  borbarô 
Lou  tey  joust  un  tolus 

Lous  échos  dé  Lunsou  *  n'au  gémit  dins  lours  baoumos  : 
Tioutés  lous  combirous  robalou  t'offlictiou  ; 
E  lo  Dympho  del  Tar  rond  pas  pus  que  dé  flammos 
Dins  sa  désoulotiou. 

Mais,  ô  tu  l  sus  que  tout  Froncésou  fo  souffraj;gé, 
Millaou,  quond  tu  l'obios,  dé  joyo  éros  forcit: 
Aro,  triste,  éstounat,  semblos  pas  qu'un  billatge  ;  > 
Toun  lun  s'és  omourcit  ! 

Ces  vers  sont  loin  d'être  égalés  par  les  strophes  suivantes,  qui  au- 
raient dû  être  accompagnées  d'une  note  faisant  connaître  les  obliga- 
tions que  l'auteur  contractait  envers  Claude  Peyrot; 

Cargo  lou  dol,  réunion  millotaino. 

Es  mort,  Jean  lou  Rousséloul... 
Lou  paour'  éfan,  ottroppèt  lo  migraino, 

Sous  grands  omich,  plouras-lou!... 

Nymphos  dé  *  Tarn,  baoutros  qu'ères  chormados 

Dés  èrs  d'un  tal  roussignol, 
Lou  sort  cruel,  n'onas  èss'  ottristados, 
lo  topot  lou  gorgoillol  ! 

E  tu,  Millaou,  qu'èros  dins  l'oUégrésso, 

Pas  que  dé  l'oousi  sipla, 
Aro  seras  plounjat  dins  lo  tristesse. 
Té  pourroou  pas  counsoula  !.. . 

Dé  tout  constat  on  n'oousis  que  dé  pléntos, 

D'oquo  dégusté  ris  pas  ; 
Tout  rOboirou  répèto  los  coumpléntos 

Fourjados  sus  soun  trépas!... 

Les  particularités  de  vocabulaire,  de  traditions  et  de  coutumes,  que 
révèle  le  volume  de  M.  A.,  sont  plus  nombreuses  que  celles  qui  se- 
raient fournies  par  des  ouvrages  supérieurs  en  valeur  littéraire,  mais 
appartenant  à  des  dialectes  moins  négligés  que  le  rouergat. 

Parmi  les  expressions  et  les  formes  rares  ou  curieuses,  il  convient 
de  signaler  les  suivantes,  qui,  sauf  les  exceptions  marquées  d'un  asté- 
risque, 80  retrouvent  dans  le  Dictionnaire  patois-français  du  dépar- 
tement de  l'Aveyron,  de  feu  l'abbé  Vayssier: 

^  Lieu  de  naissance  de  Froncésou,  à  deux  lieues  de  Millau. 
*  Dé  Tarn  est  plus  conforme  à  l'usage  populaire  que  le  del  Tar  de  lo  Mort 
de  Froncésou, 


300  BIBUOaRAPHIB 

Bordou  et  bourrou,  âne,  18  et  45.  -^^B&uda,  vouer,  161.  L'abbé  V. 
ne  cite  que  vouda,  qu'U  constdère  comme  appartenant  à  l'ancienne  lan- 
gue. —  *  Brans,  cris,  104.  — *  Claire,  clair,  peut-être  lumière  (oZ  claïré 
dé  Vésièllo),  44.  L'abbé  V.  donne  seulement  ctor,  clair.  —  (Jobourt,  tête 
stupide,  imbécile,  39.— *Z>fa,  diable,  194*. — Féménello,  îémmme,  43. 
L'abbé  V.  n'applique  cet  adjectif  qu'au  chanvre.  — For  curas,  plaisant, 
farceur,  207: exemple  du  gallicisme /orçwr,  méridionalisé  par  l'adjonc- 
tion de  l'augmentatif  as. —  'Ghget,  caisse  à  jour  destinée  à  recevoir  le 
fromage  de  Roquefort,  69.  — Neno,  jeune  fille,  et  nenow,  enfant,  jeune 
homme,  43,  79  et  94.  L'abbé  V.  ne  donne  à  ces  mots  que  le  sens,  très- 
limité,  de  poupon,  pouponne,  petite  fille  ou  petit  enfant  à  la  mamelle. 
-Panto,  désir,  envie,  111,  114  et  152.  — Parhluro,  féminin  de^ar- 
blu,  152. — Pillars,  pâtres  qui  sont  sous  les  ordres  du  chef  des  berg-ers 
dans  une  grande  bergerie,  90.  — Porlaché,  conversation,  discours,  38 . 

—  Plourit  profond,  190.  —  *  Reberun,  partie  superficielle,  croûte  non 
encore  affermie  du  fromage  de  Roquefort  ;  on  l'enlève  avec  un  couteau 
pour  la  donner  aux  bestiaux,  55 .  —  RicJieso,  richesse,  63.  La  termi- 
naison 680  disparaît  de  plus  en  plus  au  profit  de  esso .  On  dit  encore  à 
Montpellier,  mais  très-rarement,  fte/e«a,  beauté. — i?o«coZa,  racler,  55, 
70.  On  appelle  rascalada,  en  bas  Languedoc,  la  touzelle,  parce  qu'elle 
n'a  pas  de  barbes  comme  le  blé.  (V.  Azaïs,  Dictdes  idiomes  rovfums,  qui 
donne  aussi  les  formes  rascalà  et  rascalhà.)  — *  Roucado,  suite  de  ro- 
chers, chaîne  de  rochers,  52.  —  Eoul,  tronc  d'arbre,  48.  —  Tooutas, 
bourbier,  mare,  amas  d'eau,  37, 187.  Voyez  l'abbé  V.  à  l'article  choutas. 

—  *  Toyo,  jeune  fille,  laideron,  45.  Cf*.  toza,  jeune  fille,  dans  la  langue 
des  troubadours.  Tocha  désigne  à  Montpellier  une  jeune  fille  sans  es- 
prit et  sans  grâce.  L'abbé  V.  a  touillaud,  gros  goujat,  gros  joufflu,  et 
toulzetf  petit  bout  d'homme. —  Trébo,  fantôme,  revenant  qui  hante  les 
maisons,  113,  mot  qui  existe  aussi  à  Montpellier. 

Le  rouergat  de  M.  A.,  si  prononcé  qu'il  soit  en  faveur  de  la  voyelle 
o,  donne  la  préférence  à  l'a  dans  perça  que,  forme  qui  ne  semble  pas 
avoir  été  notée  par  M.  Constans  dans  son  intéressant  Essai  sur  l'his- 
toire du  sous  dialecte  du  Rouergue^: 

Pérçaqué  lou  grand  roc  lous  coubris  de  soud  oumbro  (53). 
Pérçaqu*  o  né  perla,  siou  pas  estât  prou  lesté  (99). 

«  Cal,  joint  à  l'article,  est  à  peu  près  tombé  en  désuétude,  dit  le 


1  L'auteur  écrit  dia...,  ce  qui  ferait  croire  qu'il  considère  le  mot  en  question 
comme  une  abréviation  intentionnelle  de  diaples.  Voyez  lievue,  8e  série,  III, 
144,  ma  note  sur  T7ms  Formes  négligées  du  substantif  diable, 

*  Paris,  Maisonneuve,  1880  ;  in-8o,  264  pages. 


BZBUOGRAPHIB  301 

même  philologue,  p.8  »;  j'en  trouve  un  exemple  dans  les  Flous  dé  lo 
mountagno  : 

0  loquallo  m*oou  dich  qu'as  piatat  coummo  'n  cun  (100); 

circonstance  qui  serait  de  nature  à  restreindre  la  constatation  qui  pré- 
cède*. 

Lou  quau  et  laqualo,  qu'on  essaye  d'introduire,  à  l'heure  qu'il  est, 
dans  le  provençal,  sont  absolument  inconnus  au  montpelliérain  popu- 
laire. 

L'emploi  d'un  adjectif  masculin  devant  un  substantif  féminin  n'a 
laissé  que  cette  trace  dans  le  recueil  de  M.  A.  : 

Tampla,  cocquéttoroou  jusquo's  o  lo  gran*  porto  (^). 

J'ai  entendu  à  Montpellier  :  la  grand  messa,  la  grand  carrieira,  una 
grand  parUda,  tma  grand poriay  la  grand  tanta,  la  grand  mera,  galli- 
cisme. L'adjectif  grand  semblerait  seul  admis  à  bénéficier  du  maintien 
de  cette  ancienne  règle. 

On  trouve  dans  M.  A.  d'assez  nombreux  exemples  de  la  préposition 
à,  devenue  os  devant  une  voyelle  ^i 

01  lioc  dé  perdre  tèns  as  ona  fa  lo  cour  (52) 

Sul  nourabré  n'io  toujour  que  sou  pas  dispoousados, 
Pér  tal  ou  tal  curious  os  essé  trocossados  (54). 
E  dôu  mettre  pla  prèst'oi?  ona  bouyocha  (60j. 

*  Je  signalerai  encore  à  M.  Constans  l'emploi  de  tout  lèou  dans  le  sens  de 
«bientôt  »  (p.  44  et  60;  et  celui  à'ohoun,  là-haut  (p  58),  modification  (ïomoun 
par  la  substitution  tout  à  fait  normale  de  Vm  au  b. 

Parmi  les  adverbes,  les  prépositions  et  les  interjections  que  M.  Constans 
devra  admettre  dans  la  seconde  édition  de  son  travail  figurent  les  suivantes  : 
bos,  vers  ;  caucagno,  cocagne,  cela  est  facile,  cela  est  aisé  ;  demest,  parmi  ; 
diantres,  diable;  dicount,  où;  dinquios,  duntros,  jusques.  M.  C.  ne  men- 
tionne que  jusqu'à;  morcesy  per  amorses,  à  cause  de  ;  nontouro,  avant 
riieure;  d'obegados,  parfois;  odeja,  déjà.  M.  C.  mentionne  seulement  déjà; 
rai^  môme  signification  que  caucagno;  ras^  près,  etc. 

2  Me  sera-t-il  permis  de  constater  l'irrégularité  de  la  figuration  à-z-Âi  dans 
l'orthographe  des  félibres  avignonnais?  Ainsi  que  le  faisait  remarquer  M.  de 
Villeneuve-Esclapon  dans  lou  Prouvençau  d'Aix  (n»  du  il  novembre  1877), 
à  propos  d'un  travail  de  M.  Justin  Michel  sur  le  z  euphonique  et  son  équiva" 
lent  Vs  douce,  en  provençal  et  en  français,  la  notation  as  Ai  ou  az  Ai  est  la 
seule  justifiée.  Il  est  inutile  de  supposer  l'intercalation  d'une  consonne  eupho- 
nique, par  la  raison  que  la  préposition  latine  se  termine  par  un  d  et  que  ce  d 
cocrespond  régulièrement  au  z  de  la  notation  précitée.  J'ai  à  peine  besoin 
d'ajouter  que  ad  et  as  se  trouvent  en  même  temps  dans  les  anciens  textes 
(voyez  dans  la  Vida  de  sant  Honorât,  ad  Arlle,  94  ;  as  Arlle.  93  ;  ad  Ays, 
117),  et  qu'ils  existent  concurremment  dans  certains  dialectes.  Ad  n'a  pas 
tout  à  fait  disparu  du  lodévois  populaire . 


302  BIBLIOGRAPHIE 

L'usage  d'intercaler  entre  le  prénom  et  le  nom  propre  la  préposi- 
tion de  se  montre  pages  86  et  177,  où  on  lit  les  noms  de  Clairo  dé 
Boouméhu  et  de  Cotèt  dé  NicouUt  Cette  habitude  est,  d'ailleurs,  gé- 
nérale à  une  partie  des  classes  populaires  dans  les  campagnes  du  Lan- 
guedoc et  de  la  Provence. 

Une  pièce  de  M.  A.  contient  une  allusion  fort  curieuse,  probable- 
ment unique  dans  la  langue  moderne,  du  sens  de  beau  donné  à  Tad- 
jectif/or«: 

Se  bènés,  onorén  faïr'  uno  posséjado 

0  n'oquél  Roquefort,  poïs  de  g^-and  rénoun, 

Omaï  que  n'ajé  pas  dé  poulit  que  lou  noun  (50)*. 

La  langue  de  M.  A.,  moins  bonne  que  celle  de  Peyrot,  n'est  pas 
aussi  mêlée  de  gallicismes  que  celle  de  M.  Vernhet.  On  regrette  ce- 
pendant d'y  trouver  des  expressions  aussi  peu  régulières  que  les  sui- 
vantes: 0  peno,  cur,  ottendudo^  tout  ofet,  d'aiHurs^  pontoulounSj  jou- 
pouns,  employa,  chomtOj  fèo^  toillur.  C'est  tout  escas,  cor,  esperadOj 
d'ofounsj  piey  (?),  bragos  et  à  la  rigueur  culotos  ;  coutillou,  emplego, 
olaire,  fado  et  sartre^  qu'il  aurait  fallu  adopter .  La  forme  joupoun  est 
d'autant  plus  surprenante,  que  M.  A.  se  sert  de  coutîllou  (p.  84  et  85) 
et  que  clwrrao  est,  p.  61,  immédiatement  précédé  du  mot  olaïré. 

Les  comparaisons  et  les  formules  d'origine  populaire  sont  moins 
fréquentes  que  ne  l'aurait  fait  supposer  la  provenance  dialectale  des 
Flous  dé  lo  mountagno.  On  remarque  cependant  les  suivantes  ;  trempés 
coummo  dé  rach^  mouillés  comme  des  rats  (21  et  37);  fier  coummo  *n 
ségnoUj  fier  comme  un  seigneur  (31);  dé  sourél  ou  dé  luno^  de  soleil  ou 
de  lune,  c'est-à-dire  le  jour  ou  la  nuit  (42)  -;  séc  coummo  un  crémal,  sec 
comme  une  crémaillère  (44);  cap  doloousetto,  tête  d'alouette,  cervelle 
légère  (58)'  ;  tout  un  fun^  toute  une  fumée,  une  grande  quantité  (59)^; 
portas  0  mous  tolous,  parlez  à  mes  talons,  c'est-à-dire  ^ô  vous  quitte  (QS); 
poulit  coummo  'n  soouy  beau  comme  un  sou  [d'or(?)]  ou  comme  un  so- 
leil (83);  négro  coummo)  *n  iochoUj  sallo  coummo  'no  pénjé,  noire  comme 
un  clou  de  soulier,  sale  comme  un  peigne  (108);  ^rai»  d'enduro,  graisse 

*  Peut-être  Tauteur  a-t-il  voulu  dire  que  le  nom  de  Roquefort  était  beau, 
sans  pour  cela  établir  de  rapport  entre  son  appréciation  et  la  signification  du 
nom  de  cette  localité.  Cf.  la  phrase  française:  Ce  n*  est  pas  fortàu.  sens  de  : 
Ce  n'est  pas  bon,  ce  n'est  pas  beau. 

2  Se  Ty  disi  quicon,  foro  Foeureillo  sourde  ! 
Mais,  ou  mé  pogoro  dé  lun'  ou  dé  sourel  (p.  196). 

3  On  dit  à  Montpellier,  dans  le  même  sens  :  testa  de  liJiota 

*  Dé  fénnos  tout  un  fun  que  foou  monto-dobalo 
Pér  lou  trigousséja 

On  trouve  dans  Claude  Peyrot  :  Oco  rendra  d'argent  un  fun. 


BIBLIOGRAPHIE  303 

d^endure^  c'est-à-dire  de  patience  (133)  ^]£Hou  m'oHrmé,  Dieu  m 'en- 
gloutisse, malédiction  habituelle  des  habitants  de  Saint-Affrique(138); 
quand  lo  pouncho  dél  nos  nous  trooucoro  lou  béntré,  quand  la  pointe  du 
nez  nous  trouera  le  ventre,  quand  nous  serons  cassés  et  vieux  à  mourir 
(171),  etc. 

Les  Flous  dé  h  mountagno  présentent,  en  outre,  certaines  particu- 
larités qui  méritent  d'être  signalées . 

Dans  ses  Proverbes  et  Dictons  populaires  recueillis  àAspiran,  M.  le 
docteur  Espagne  a  inséré  trois  vers  d'après  lesquels  la  lune  serait  un 
soleil  déchu  : 

La  luna  era  un  vielh  sourel,  autres  cops  : 

Quand  valé  pas  res  per  lou  jour, 

La  metterou  per  la  nioch  2. 

M.  A.  semble  faire  allusion  à  cette  croyance  dans  ces  vers,  dont  le 
second  contient  peut-être  une  formule  populaire  ; 

Oï  !....  Déqué  mé  dises?  Bous  èspousorio  pas, 

Quand  souèssés  doourat  diquos  ol  cap  dél  nas. 

Perdes  pla  bostré  téns,  bous  poudès  ona  jaïré.... 

Oïmorio  cent  coch  mai  prén'  un  bièl  obrosaïré, 

Que  n'oourio  pas  rés  pus  que  soun  salIé  mèstiè, 

Que  dé  bous  coousi  bous,  omai  soués  rontiét... 

N'obès  pas  prou  sércat....  Doban  que  n'ojés  uno, 

Lou  sourél  se  sèro  combiat  en  bieillo  luno  !. ..  (P.  71-72.) 

Lou  Comohal  (p.  171-178)  est  une  description  réaliste  de  ce  que 
l'on  nomme  vulgairement  rew^errewien^  rfw  Carnaval.  Il  renferme  le  cou 
plet  suivant,  peint,  dit  l'auteur,  sur  un  écriteau  suspendu  à  la  barbe 
d'un  vieux  bouc,  lequel  est  mené  en  laisse  par  les  tapageurs  qui  for- 
ment le  cortège  ordinaire  de  ces  mascarades  : 

Méno  pér  un  courdél  un  bièl  bouc  tout  ploumat, 
Que  port'  oquél  èscrich  0  so  barbo  pénjat  : 

«  Odiou,  paouré  Cornobal, 

01  coréme  cal  fa  plaço  ! 


*  Le  Petit  Vocabulaire  qui  est  à  la  suite  des  Œuvres  de  Peyrot  mentionne 
graïs  de  gulhado ,  coups  de  bâton.  On  dit  à  Montpellier  graissa  de  couide, 
vigueur  de  bras,  force. 

'  Revue,  i^  série,  IV,  620.  M.  Brunet  fait  allusion  à  cette  croyance,  p.  3  de 
ses  Bachiquello  e  prouvèrbi  sus  la  luno;  Avignon,  Aubanel,  [1866] ,  in-80  : 
S'es  verai  qu'es  un  paure  soulèu  amoussa,  nous  esplicarié  pèr  analougîo  lou 
tl,  l'aliiranço  que  li  chin  an  contre  la  luno.  Tôuti  sabon  que  : 

Li  chin  japon  que  contre  li  paure  espeiandra. 


304  BIBLIOORAPHIB 

Fas  piétat  ! ...  0!  que  sios  trasso  ! . . . 
Odiou,  paouré  Cornobal  !  (P.  l"/ 5-176.) 

A  Montpellier,  les  vers  saivants  sont  chantés  par  les  meneurs  de 
l'enterrement,  qui,  à  tour  de  rôle,  font  sauter  en  Pair  un  mannequin 
représentant  le  Carnaval  : 

Adieu,  paare, 
Adieu,  paure, 
Adieu,  paure  Carnaval  ! 
Tus  t'en  vas  e  ieu  demore  l 
Adieu,  paure  Caroaval  ! 

On  n'a  guère  remarqué  que  la  littérature  populaire  comporte  des  mo- 
tifs religieux  aussi  bien  que  des  motifs  poétiques  ;  mais  il  est  rare,  du 
moins  dans  le  midi  de  la  France,  qu'elle  ait  saisi  les  grands  côtés  des 
premiers.  Elle  pc  borne  plus  volontiers  à  les  amplifier  dans  un  sens 
burlesque,  quelquefois  ordurier,  par  instants  même  licencieux.  Tel 
est  le  cas  du  fonds  du  Sermoun  de  moussu  Sistre^  attribué  àTabbé  Fa- 
vre,  tandis  qu'il  était  déjà  connu  d*Henri  Estienne,  qui,  au  XVIe  siè- 
cle, utilisa  une  de  ses  versions  dans  V Apologie  pour  Hérodote^;  telles 
sont  encore  les  histoires  deJarfaio  au  Paradis^ ^  du  curé  et  du  méde- 
cin de  Cucugnan,  qui  ont  eu  les  honneurs  de  VArmana  prouvençau  en 
1867  (p.  33)  et  en  1868  (p.  61);  tel  est,  enfin,  un  autre  motif  ordinai- 
rement désigné  sous  le  titre  de  Sermon  du  curé  de  Pierre- Buffière  *, 
quoiqu'on  n'ait  pas  noté  les  nombreuses  variantes  qui  en  existent 
et  déterminé,  par  conséquent,  le  bien  fondé  de  son  attribution  lo- 
cale .  En  parlant  du  conte  en  vers  qu'a  écrit  sur  le  même  sujet  un 
des  plus  spirituels  poètes  du  Périgord*,  M.  Chabaneau  a  dit  avec 
raison  (  Reume,  2*  série,  V,  48-49  )  que  V Apologie  pour  Hérodote  en 
contenait  la  première  version  limousine.  Le  curé  de  Pierre- Buffière  est 
dans  sa  chaire  et  se  représente  comme  appelé  à  comparaître  devant 
le  tribunal  de  Dieu,  où  on  lui  demande  compte  du  bien  que  n'ont  pas 
fait  ses  ouailles  : 


*  Je  n'ai  pas  le  mérite  de  cette  constatation,  qui  a  été  faite  pour  la  première 
fois  par  Martin, dans  ses  Loisirs  d'un  Languedocien;  Montpellier,  1827, in-So, 
p.  292  (note). 

3  II  s'agit,  non  du  conte  eu  vers  de  M.  Roumieux,  devenu  ensuite  une  des 
parties  de  la  Jarjaiado,  mais  du  conte  en  prose  écrit  par  Mistral,  sous  la 
dictée  deReboul,et  inséré  dhn^V Armana prouvençau  à.e  l'année  1864,  p. 45. 
Comme  beaucoup  d'autres  récits  de  l'auteur  de  Mirèio,  il  est  signé  lou  Cas- 
carelet. 

3  Petite  ville  du  département  de  la  Haute-Vienne. 

*  M.  Auguste  Chastanet,  dans  ses  Counteis  e  Viorlas  Ribérac,  Delacroix, 
1877;  in-8%  32  pages. 


BIBLlOaRAPHUS  305 

«  Qaan  se  vendre  lou  jour  deu  jugamen,  Dieu  me  demandero  que 
you  li  rende  comte  de  vou  autre,  et  me  apelaro:  Chapelo  de  Peyre- 
bufieyro,  en  quai  e3rtat  son  ta  olia?  Et  you  ny  mot.  Et  eu  m'apelaro 
enquero  et  dire:  Chapelo  de  Peyrebufîeyro,  en  quai  eytat  son  ta  olia? 
Et  you  ni  mot.  Et  enquero  eu  me  diro  :  Chapelo  de  Peyrebufieyro,  en 
quai  eytat  son  ta  olia?  Jusque  a  tre  viage.  Et  you  li  reypondrai  : 
Seigne,  beytie  la  m'a  beylada,e  beytia  la  te  rendi  *.  » 

En  entrant  dans  la  littérature  populaire,  le  thème  que  l'on  vient  de 
lire  n'a  pas  sensiblement  changé.  L'auteur  du  Sermou  de  Bideren,  écrit 
en  Béam  dans  la  seconde  moitié  du  dernier  siècle,  s'est  borné  à  l'aug- 
menter de  quelques  détails  d'un  goûta  demi  voltairien.  Il  sacrifiait  au 
genre  et  à  l'idole  du  moment.  Le  curé,  qui  s'entend  appeler  par  Jésus- 
Christ,  doute  l'espace  de  quelques  instants  ;  il  ne  veut  pas  se  fier  à  la 
voix  qui  remplit  la  vallée  de  Josaphat,  car,  remarque-t-il,  le  monde  est 
aujourd'hui  plein  «  de  caneiille.  »  Le  dialogue  recommence  une  seconde 
fois,  et  enfin  le  curé  amène  ses  paroissiens  et  ses  paroissiennes  devant 
le  tribunal  divin: 

«  Labetz  Jesus-Christcoumencera  per  nous,  parce  que  les  derniers 
seront  les  premiers  et  les  premiers  seront  les  derniers  ;  que  m'aperara  a 
you,  coum  estant  boste  pastou,  et  que-m  disera  d'ue  boutz  qui  hara 
trembla  la  circonférence  du  ciel  :  —  <l  Hou,  Curé  de  Bideren,  hoii  ! ...  » 
Boila  ue  fière  boutz  I  Ah  !  la  terrible  boutz  !  Beyam  si  ey  eth  ;  nou  s'y 
eau  pas  trop  hida  ;  hoey  lou  die  tout  qu'ey  plee  de  canalhe. . .  D'ail- 
leurs,  il  est  dit  dans  V Évangile  quCj  dans  les  derniers  temps,  il  y  awa 

de  faim  prophètes  qui  prendront  la  voix  du  "bon  pasteur Si  ey  eth, 

que  s'y  toumara  ;  encoère  lou  boun  Diu  que-m  tournara  apera  mey  hort 
que  lou  prumé  cop,  et  que-m  disera  :  —  Ho,  ho,  hoiil  Curé  de  Bideren, 
ho,  hoii,  houl!. . .  » 

«  Nou  y-ha  pas  mey  a  dise  mon  bel  ami;  respoune  que  eau. —  Plaît- 
il^  mon  Dieu!  —  Sabi  aci.  Curé *. 

j>  Mais,  sans  perdre  de  temps,  à  peine  seroiis-nous  arribatz  debant  lou 
boun  Diu,  que  lou  boun  Diu  me  disera:  —  Adiu,  Curé  de  Bideren  I  — 
Adichatz,  boun  Diu  !  —  Quin  te  portes,  Curé  ?  —  A  boste  serbici  ;  e 
bous,  si-p  platz,  si  nou  8o;uy  pas  trop  curions?  —  Au  tou,  Curé. — 
Que-p  arremarcii  hère,  que-m  hetz  haunou.  — E  bos  bebe  u  cop? —  G 
plaa,  et  dus,  si  eau. . .  Il  me  fera  boire  deux  coups,  pour  vous  montrer 
qu'au  paradis  on  donne  deux  fois  plus  que  sur  la  terre,  et  qus  le  bon 


*  Apologie  pour  Hérodote,  !»•  édition,  1566,  p.  450451,  citée  par  M.  Cha- 
baneau,  Revite,  2»  série,  V,  p.  49. 

s  Nous  supprimons  ici  les  réflexioDS  burlesques  qui  servent  de  trariRition  à 
l'arrivée  devant  Dieu  des  ouailles  du  curé  de  Bideren. 


306  BIBLIOaRAPHIB 

Dieu  n'est  pa$  u  sarre-brouquet. . . .  PuixB,  que-m  demandara:  — Quin 
te  las  bas  birades  dab  aqueste  paropi,  Curé  ? —  Bah  I  que  bouletz  que-p 
digui,  moun  Diul  BèetiH  qu'euB  m'habetz  datz,  et  bèstis  qu'eus  pe 
tourni. . . ,  oun  nou  pot  tira  sang  d'ue  arrabe.  ...*.» 

Un  opuscule  poétique  envers  Iodé  vois:  Très  Sermons  en  patouès, 
praunaunçaisper  un  cudat  d'aï  pay s %dti  à  feu  M.  C[asimir  M[ai8tre], 
contient  une  version  contemporaine  du  même  motif  populaire.  Le  curé 
de  Villeneuvette,  petit  village  situé  aux  portes  de  Clermont-l'Hérault, 
l'encadre  dans  un  sermon  sur  la  fainéantise  et  la  passion  du  jeu  : 

A^  juchaméa  darniè  toutes  coamparétrén, 

Et  malhur  al  mourtel  douot  séro  mécountén. 

Qaand  béndro  nostré  tour,  mé  cridado  :  «  Touènetta, 

Dé  qu'as  fach  del  troupel  de  ta  Billanobetta? 
5      Un  tel,  un  tel,  un  tel,  que  fabio  counâat, 

Costra  ma  sainta  ley  n'oou  pas  jamay  faoutat? 

Obi  pénible  moumén,  question  émbarrassanta 

Fer  un  pastre  souègucus  qu'o  pas  Tâma  michanta  ! 

D'abord  diraï  pas  mot,  mêmes  m'aclatadaï  ; 
10      Mais  cadre  bé  fini  per  parla  se  y  plaï.... 

Que  faîdé  en  padel  cas?... .  En  touta  counsciénça, 

Didé  la  béditat,  malgré  sa  counséquéuça. 

«  Maistre,  l'y  réspoundraï,  parmi  bostrés  éfans. 

M'en  abias  counûat  qu'édou  pla  fénéaDs  I 
15    Afin  dé  y  ébita  la  puoitiou  darnièyda 

Mé  sioy  dégousillat  sus  la  sainta  cadieyda  ; 

Aï  fach  ce  qu'aï  pouscut  për  lous  rendre  mious. 

Mais  lous  malins  esprich  sou  bénguch  jougadous. . . . 

Michans  lous  aï  troubach,  pus  michans  bou  lous  rende  ^.  » 

On  assure  que  M.  Casimir  Maistre  fut  si  satisfait  de  son  œuvre  qu'il 
voulut,  quoique  laïque, la  réciter  lui-même  àrissue  de  la  grand'  messe, 
dans  l'église  de  Villeneuvette,  fantaisie  qui  lui  attira  des  censures  de 
de  la  part  M.Thibaut,  alors  évêque  du  diocèse  de  Montpellier.  Divers 
détails  de  sa  pièce  sembleraient  indiquer  qu'il  connaissait  le  Sermon 

*  Le  Sermon  du  Curé  de  Bideren  (XVIIle  siècle).  Pau,  Léon  Ribaut,  1873; 
in^o,  p.  10-12. 

Bideren  est  un  village  aujourd'hui  aunexé  à  la  commuae  d'Autevielle,  dans 
le  canton  de  Sauveterre,  arroudissemeat  d'Orlhez  (Basses-Pyrénées). 

Le  sermon  porte  la  date  de  1775,  qui  pourrait  bien  être  l'année  de  sa  com- 
position. 

•  Très  Sermous  en  patouès,  prounounçats  per  un  cudat  d'aï  pays,  par 
C  . . .  M. . .  Lodève,  Grillières,  1867;  in-8o,  36  pages.  Le  titre  intérieur  porte: 
del  pays,  diSèrence  qui  s'explique  par  l'emploi  simultané  de  ces  deux  génitifs 
dans  presque  tout  l'ancien  pays  lodévois. 


BIBLIOGRAPHIE  307 

du  cwréde  Bideren.  Toujours  est-il  que  le  thème  en  question  est  resté 
populaire  dans  le  pays  lodévois  *,  On  en  cite  même  une  version  en 
prose  qui  porté  le  titre  de  Sermon  du  curé  des  Plans,  petite  localité 
des  environs  de  Lodève,  d'après  un  renseignement  qui  m*est  fourni 
par  M.  le  docteur  Espagne. 

Mais  là  ne  s'est  pas  arrêtée  sa  dernière  modification,  car  los  Flous  dé 
lo  mountagno  en  contiennent  une  nouvelle  que  je  citerai  ici,  à  cause 
de  son  peu  d'étendue  :  \ 

Mais  oquéllo  porouèsso 
D'éscouta  soun  curât  n'obio  pas  gaïré  presse  I . . . 
Oquél  homme  poudio  dir'  ol  pèr'  Eternel  : 
«  iMoun  Dious  !  Dé  que  foraï  d' oquél  paouré  troupèl  ! 
Se  pér  lou  coumbérti,  mé  ses  pas  sécouraplé, 
Démouroro  coput,  séro  toujour  oïssaplé  ! . . . . 
0  né  tira  quicon,  jomaï  réussirai': 
Bèstio  l'aï  réssochut,  bèstio  lou  loïssoraï  I . . . 
Quand  bostré  Sént-Esprit  sus  aoutrés  dobolabo, 
Oquél  poplé,  cal  sap  oùn  diantrés  se  troubabo?»  (P.  i23-124.) 

Il  est  inutile  de  dire  que  lou  Curet  de  Peiro-Buflero,  de  M.  Chas- 
tanet-,  est  par  la  finesse,  la  facilité  et  le  goût  qui  s'y  montrent,  souvent 
même  par  la  hauteur  de  sa  poésie,  mille  fois  supérieur  aux  sermons 
divers  qui  viennent  d'être  sommairement  signalés  ^ . 

A.  Roque-Ferrier. 


*  Très  Sermons,  p.  5-6.  Il  a  dû  circuler  dans  le  département  de  l'Hérault 
des  copies  manuscrites  du  sermon  auquel  nous  empruntons  cette  citation,  car 
ia  Société  doit  à  M.  Guichard  (communication  faite  en  séance  du  2  février 
1881)  le  don  d'un  Sermoun  contro  la  feneantiso  et  lou  vice  del  joc,  qui 
n'est  autre  que  le  premier  de  ceux  qu'avait  composés  Casimir  Maistre.  11  ne 
contient  que  quatre-vingt-dix-huit  vers,  tandis  que  le  texte  imprimé  en  compte 
cent  trente-quatre. 

Voici  les  variantes  des  vers  cités  plus  haut: 

Vers  3,  Quand  nostre  temps  vendro,  me  dire:  Ou  Pierrette;  6,  plusieurs 
coch  ou  manquât  ;  8,  Per  un  home  de  pais  ;  12,  Cal  be,  mal  gré,  boun  gré  dire 
ce  que  l'on  pensa;  13,  Maistre;  14,  M'en  abés;  18,  Mais  en  resten  fegnans. 

M.  Guichard  avait  recueilli  son  manuscrit  des  mains  d'une  personne  de  Bé- 
darieux  (Hérault). 

*  P*  5  des  Counteis  e  Viorlas. 

3  II  existe  en  Provence  deux  sermons  à  demi  burlesques  où  Ton  tenterait 
vainement  de  chercher  la  persistance  du  thème  qui  constitue  le  sermon  du 
curé  de  Pierre-Buffière  : 

lo  Eou  Travai  et  la  Finiantiso,  Sermoun    doou  cura  Rafi,  mesclade 


CHRONIQUE 


Communications  faites  en  séanck  de  la  Société.  —  9  novembre. 
—  Collation  des  manuscrits  du  Lai  de  l'Ombre,  par  M.  A.  Boucherie  ; 

Les  Premières  Vies  des  troubadours  de  Jean  de  Nostredame,  par 
M.  C.  Chabaneau  ; 

Le  Mystère  de  saint  Eustache  (XV*-XV1«  siècles),  par  M.  Tabbé 
Paul  Guillaume  ; 

La  Fiho  dôu  lausié,  —  à  Louvis  Astruc,  poésies  provençales,  par 
M.  Louis  Roumieux. 

16  novembre.  — De  Lombardo  et  Lumaca^  poésie  latine  attribuée  à 
Ovide  dans  le  ms.  6111  de  la  Bibliothèque  nationale,  par  M.  A.  Bou- 
cherie ; 

Sonnet  languedocien  (  environs  de  Montpellier  )  sur  la  f élibrée  de 
Méric,  par  un  anonyme  ; 

Désastres  dont  Saint- Pons  fut  le  théâtre  en  1709,  poésie  languedo- 
cienne de  Guiraud  dit  Saquet,  par  M .  Melchior  BarÛiés  ; 

Per  le  Frount  d'un  mainatchau,  poésie  languedocienne  (Castelnau- 
dary  et  ses  environ»),  par  M.  Auguste  Fourès. 

7  décembre .  r-  Les  Cas  régimes  des  pronoms  personnels  et  du  pro- 
nom relatif,  par  M.  Léon  Clédat  ; 

Description  et  extraits  du  manuscrit  332  de  la  Bibliothèque  de 
Carpentras. —  Les  poésies  provençales  du  manuscrit  de  Wolfenbiittel, 
par  M.  Emile  Lévy  ; 

Notes  de  philologie  rouergate,  par  M.  Durand  (de  Gros). 


M.  Thomas,  ancien  élève  de  TEcole  française  de  Rome,  vient  d'être 
nommé  maître  de  conférences  de  langue  et  de  littérature  française 
du  moyen  âge  à  la  Faculté  des  lettres  de  Toulouse.  Le  nouveau  titulaire 
est  avantageusement  connudesérudits,etlai?6«wea  déjà  eu  l'occasion 
de  signaler  quelques-unes  de  ses  publications. 


Dons  faits  a  la  Bibliothèque   de   la  Société.  —  Armana  pron- 
vençau  pèr  lou  bel  an  de  Dieu  1882,  adouba  e  publica  de  la  m  an  di 


prouvet'bi^  sentenços,  maximos  et  mouralos  en  vers  prouvençaous,  se- 
goundo  editien^per  Desanat.  (Je  ne  connais  pas  la  première.)  Tarascon,  1847, 
in-8o,  32  pages; 

2°  Lou  Testament  doou  paoure  Mouar,  suivi  d*oou  Sermoun  d'un  cura 
de  uzV/agri,  per  Jules  Lejoardan.  Marsilho,  Librarié  prouvençalo,  1851  ;  in-8o, 
16  pages. 

La  conclusioD  du  sermon  du  curé  est  nettement  visée  par  le  dicton  suivant  : 
c  Bestie  me  las  baillait,  et  bestie  lous  rende  »,  que  donnent  les  Proverbes  du 
Languedoc,  de  Rulman  {ftet^ue,  3e  série,  U,  47). 


CHRONIQUE  309 

felibre.  En  Avignoun,  Roumanille,  1881;  in-12,  112  pages  (don  de 
M.  Roumanille); 

Centre  catalanista  provensalench.  Primer  certamen  literari  célé- 
brât en  S.  Marti  de  Provensals  en  lo  dia  11  de  novembre  de  1880  en  lo 
local  del  Teatro  provensalense.  Barcelona,  la  Renaixensa,  1881;  in-8**, 
128  pages  ; 

Certamen  catalanista  de  la  Joventut  catolica  de  Barcelona,  any  III, 
1881.  Barcelona,  Estampa  penins.ular,  1881;  in-8°,  232  pages; 

Extrait  du  recueil  de  cantiques  spirituels  imprimés  par  ordre  de 
Mgr  •  Jérôme-Marie  Champion  de  Cicé,  etc.,  contenant  les  formules, 
pratiques,  prières  et  cantiques  pour  les  catéchismes,  les  retraites  et 
la  première  communion,  en  français  et  en  provençal.  Marseille,  Mossy, 
1809;  in-12,  228  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Facsimili  di  antichi  manoscritti  peruso  délie  scuole  di  filologia  neo- 
latina,  pubblicati  da  Ernesto  ISJonaci,  fasc.  I.  Roma,  Martelli,  1881; 
in-folio,  2  pages  et  25  planches  ; 

Le  Long  de  l'an,  sansons,  rime  et  fianfiourne  de  Dian  de  la  Jeanna 
(avec  la  traduction  française  en  regard).  Chambéry,  Ménard,  1878; 
in-8<^,  82  pages  (don  de  Fauteur,  M^®  Amélie  Gex,  de  Chambéry)  ; 

Le  Semestre  et  le  Sabre,  relation  des  troubles  du  Semestre  en  Pro- 
vence, publiée  d'après  un  manuscrit  inédit  de  la  Bibliothèque  Mé- 
janes  et  accompagnée  d'une  introduction,  de  notes  et  d'une  table,  par 
Albert  Savine.  Aix-en-Provence,  Guitton-Talamel,  1881;  in-8°,  viii- 
284  pages  ; 

Lo  Rat-penat,  Societat  de  amadors  de  les  glories  valencianes.  Dis- 
eurs del  Président  D.  Rafel  Ferrer  y  Bigné.  Valencia,  Emili  Pasqual, 
1881  ;  in-8o,  8  pages  ; 

Lou  Cacho-fiô,  annuàri  prouvençau  pèr  l'an  de  gràci  1881,  publica- 
cioun  d'uno  tiero  de  felibre.  Avignoun,  Durand,  1880;  in-12, 112  pages 
(don  du  Frère  Savinien,  des  Ecoles  chrétiennes); 

Lou  Cacho-fiô,  annuàri  prouvençau  pèr  l'an  de  gràci  1882,  publica- 
cioun  d'uno  tiero  de  felibre.  Avignoun,  Durand,  1881;  in-12, 120  pages 
(don  du  Frère  Savinien,  des  Ecoles  chrétiennes)  ; 

Ministero  dell'  Interne,  Direzione  générale  di  statistica.  Carte  topo- 
grafiche,  idrografiche  e  geologiche,  annesse  alla  monografia  statistica 
délia  città  di  Roma  et  Campagna  romana,  presentata  ail'  Esposizione 
universale  di  Parigi,1878;  gr.  in-folio,  11  cartes  (don  de  M.  le  docteur 
Obédénare); 

Recueil  de  cantiques  spirituels  seuls  approuvés  par  Mgr.  Jérôme- 
Marie  Champion  de  Cicé,  archevêque  d'Aix  et  d'Arles,  pour  être  en 
usage  dans  son  diocèse.  Marseille,  Jean  Mossy,  1805;  in-12, 120  pages; 
— Cantiques  spirituels  des  missions,  imprimés  par  ordre  de  Mgr.  Jé- 
rôme-Marie Champion  de  Cicé»  archevêque  d'Aix  et  d'Arles,  seuls  à 
l'usage  de  son  diocèse  (en  langue  provençale).  Marseille,  Mossy,  1805; 
in-12,  108  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Briz  (Francesch  Pelay)  :  la  Orientada,  poema.  Barcelona,  Joan  Roca 
y  Bros  [1881];  in-8o,  306  pages  ; 

Chastan  (Auguste):  Commode,  empereur  romain,  satyre  aristopha- 
nisée,  suivie  de  poésies  en  français  et  en  patois  régulier  simplifié. 
Nyons,  Bonnardel,  1874;  in-12,  60  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Conti  (Armand  de  Bourbon  prince  de):  Traité  de  la  Comédie  et  des 
Spectacles,  neue  ausgabe  von  Karl  VoUmôUer.  Heilbronn,  Hennin - 
ger,  1881;  in-12,  xx-104  pages  (don  de  M.  Henninger); 

24 


310  CHRONIQUE 

Courdouan  (Biaise):  Mes  Délassements,  poésies  françaises  et  pro- 
vençales, troisième  livraison.  Marseille,  Olive,  1871;  m-8®,  p.  49-72 
(don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Desanat:  leis  Hépublicaino  prouvençalo,  chansons  nouvelles  de 
circonstance,  en  vers  provençaux.  Arles,  Dumas,  1848;  in'-12,  24  pages 
(don  de  M.  Qair  Gleizes); 

Gaut  (J.-B.):  leis  Set  Pecat  capîtau  en  sounet.  Ais,  Empremarié 
felibrenco,  1881;  in-12,  12  pages; 

Gras  (Félix):  Toloza,  geste  provençale  avec  la  traduction  française 
littérale.  Paris,  Fischbacher,  1882;  in-12,  504  pages; 

Lieutaud  (V.):  la  Cour  d'Amour,  desconortz,  paraulo  d'en  V.Lieu- 
taud,  musico  de  Marius  Audran,  dedicado  à  Misé  J.-F.  Mistral-Ber- 
nard. Marsiho,  Pépin  fraire,  1881;  in-4«,  4  pages  (don  de  M.  Lieu- 
taud); 

Maurel  (Ant.)  :  le  Mystère  de  la  Naissance  de  N.-S.  Jésus -Christ, 
pastorale  en  quatre  actes,  en  vers  français  et  provençaux,  contenant 
Hérode  et  les  Mages,  poëme  dramatique  de  M.  le  baron  Gaston  de 
Flotte ,  précédé  d'une  introduction  par  M.  Tabbé  Bayle.  Marseille, 
Arnaud  et  Cie,  1866;  in-16,  112  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Monard  (Victor):  Résumé  de  rafiaire  Rosette  Tamisier  en  vers  pa- 
tois. Carpentras,  veuve  Proget,  S.D.;  in-16, 16  pages  (don  de  M. Clair 
Gleizes); 

Obédénare  (le  docteur):  Région  danubienne  (Roumanie,  Serbie  et 
Bulgarie)  [Anthropologie,  ethnographie  et  géographie  physique]; Paris, 
Masson,  1881;  in-8°,  p.  536  à 628  (Extrait  du  Dictionnaire  encyclopé- 
dique des  sciences  médicales); 

Pasquier  (F.):  Déclaration  de  Louis  XIV  sur  la  perte  de  Barcelone 
en  1652,  et  autres  documents  sur  les  événements  de  Catalogne  de  1651 
à  1660.  Paris,  Picard,  1881;in-8«,  40  pages; 

Reinaud:  Notice  sur  la  Gazette  arabe  de  Beyrouth,  lue  dans  la 
séance  générale  de  la  Société  asiatique  du  29  juin  1858.  Paris,  Im- 
primerie impériale,  1858;  in-8**,  24  pages  (don  de  M.  Clair  Gleizes); 

Vingt-six  numéros  de  la  Revue  de  Saint- Pons  (a.njiéeelS4:l  à  1867), 
renfermant  des  textes  en  langue  d'oc  et  des  indications  diverses  (don 
de  M.  Clair  Gleizes); 

Neuf  numéros  du  Saini-Ponais  (années  1841,1842  et  1843),  renfer- 
mant des  textes  en  langue  d'oc  et  des  indications  diverses  (don  de 
M.  Clair  Gleizes); 

Trente-trois  journaux  donnés  par  MM.  Louis  Astruc  (1),  Théodore 
Aubanel  (1),  deBerluc-Perussis(3),  Clair  Gleizes  (7),Firmin  Bois8ini2), 
Rodolphe  Burgue8(l),  Auguste  Fourès  (1),  Eustache  Fricon  (4),  Ernest 
Hamelin  (2),  Mistral  (4),  Roque-Ferrier  (6)  et  Albert  Savine  (ij . 


Le  gérant  responsable  :  Ernest  Hambun. 


TABLE  DES  MATIÈRES 

DU   TOME  SIXIÈME   DE   LA   TROISIÈME   SÉRIE 

DIALECTES  ANCIENS 

Le  Langage  de  Savines  en  1442  (l'abbé  Paul  Guillaume).  6 

Poésies  inédites  d'Amaut  de  Mareuil  (C.  Chabaneau).  63 

Paraphrase  des  Psaumes  de  la  Pénitence  (C.  Chabaneau)  .  69 
Les  Manuscrits  provençaux  de  Cheltenham.  — I.  Un  nouveau 

chansonnier  provençal.  Additions  (L.  Constans)  .  106 
Les  Manuscrits  provençaux  de  Cheltenham.  — II.  Le  Chan- 
sonnier Mac-Carthy  (L .  Constans)  .  121 
Chanson  inédite  de  Peire  Rogier  (C.  Chabaneau).  139 
Les  Manuscrits  provençaux  de  Cheltenham .  —  III .  La  Cour 
d'amour  (L.  Constans).                                                   157-209-261 

DIALEÇTBS  MODERNES 

Glossaire  des  Comparaisons   populaires   du  Narbonnais  et  du 

Carcassez  (Suite)  (A.  Mib)  .  16-221 

Poésies  languedociennes  de  Léon  Bouvière  (Suite  et  fin)  (le  vi- 
comte de  Vallat)  .  86 
L'Atlantide  (Albert  Savine).                                                              180 
Etudes  sur  le  patois  de  la  Creuse  (le  docteur  Vincent).                  277 
Comparaisons  populaires  les  plus  usitées   dans  le  dialecte  ca-  ^O/ 
talan-roussillonnais  (J.  Pépbatx).                                                 4U&^2i^^^ 

POÉSIES 

La  Fadeta  d'en  garriga  (A .  Langlade)  .  26 

Un  de  mai  (A.  Tavan)  .  28 

La  Fedo  e  lou  Bartas  (G.  Azaïs).  29 

La  Mort  de  l'Amour  (A.  Foubès)  .  30 

Peire  Rogier  (l'abbé  Joseph  Roux).  89 

L'Estatueto  (A.  Foubès).  92 

Entouras-me  d'enfant  (William-C.  Bonafaete-Wyse)  .  141 

Moun  enfantoun  (P.  Chassabt).  142 

L'Unenco  (Théodore  Aubanel)  187 

Moun  toutoun  Giraumoun  (A.  Chabtanet).  227 

aar-Escur  (Paul  Gaussen)  .  290 

A  Mario  B. . .  (G.  Azaïs).  293 

Nostris  Sabucs  (A.  Foubès).  294 

VARIETES 

Termes  de  chapellerie  qui  ne  se  trouvent  pas  dans  le  Diction- 
naire de  M.  Littré,  ou  n'y  sont  pas  indiqués  avec  leur  sens 
spécial  (C.  P.)  31 


312  TABLE   DES    MATIÈRES 

L'Espozalici  de  Nostra  Dona  (C.  Chabaneau).  83 

La  Comparaison  populaire  Es  poulido  coumo  ua  sbu  (Frédéric 

DoNNADiBU.  —  A.  Roqub-Ferribr).  189 

Les   Manuscrits  provençaux   de  Cheltenham.  CorrectionB  (C. 

Chabansau).  231 

Sur  un  miracle  de  la  c  Vida  de  San!  Honorât  »  et  sur  la  date 

probable  de  la  composition  du€  Sant  Hermentari  »  (A.  Boque- 

Ferrieb).  236 

L'Inscription  de  la  Coupe  du  roi  Bené  (A«  Roque-Ferrier^.  245 

BIBUOORAPHIE 

Brinde  ei  tradutour  en  vers  francés  deis  obro  dei  f elibre,  par 
M.  F.  Vidal  (A.  Roqtje-Ferrier).  36 

Congrès  scientifique  de  France.  Session  de  Nice  (A.  Boque- 
Ferrier).  39 

Les  Deux  Entrées  du  très-chrétien  roi  de  France  à  Vienne,  par 

M.  le  chanoine  U.  Chevalier  (A.  Roque-Ferrier) .  94 

La  Boumanie  dans  la  littérature  du  midi  de  la  France  (A.  Bo- 
que-Ferribr).  143 

Lou  Carret  de  Nime,  par  M.  Jean  Gaidan  (A.  Boque-Ferrier).       199 

Daurel  et  Béton ,  chaiison  de  geste  provençale  p.  par  M.  Paul 
Meyer  (C.  Chabaneau)  .  246 

Los  Flous  dé  lo  mountagno,  par  M.  Alvergne  (A.  Boque-Fer- 
rier). 297 

PÉRIODIQUES 

Bulletin  de  la  Société  de  Tam-et-Garonne  (A.  Boque-Fbrrier),  45 
Bulletin  de  la  Société  d'études  de  la  ville  de  Draguignan  (  A. 

Boque-Fbrrier).  96 

Zeitschrift  fiir  romanische  Philologie  (L.  Constans).  204 

'  Chronique.  60- 103-166-207-308 

Errata.  62 

Table  des  matières.  310 


Montpellier. —  Imprimbrib  centrale  do  Midi  (Hamelin  Frères) 


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