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MONTPELLIER, IMPRIMERIE CENTRALE DU MIDI. — HAMELIN FRERES
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REVUE
DES
LANGUES ROMANES
PUBLIEE
PAR LA SOCIÉTÉ
POUR L'ÉTUDE DES LANGUES ROMANES
Troisième Série
TOME CINQUIÈME
(tome XIX DE LA COLLECTION)
3
MONTPELLIER
AU BUREAU DES PUBLICATIONS
DE LA SOCIÉTÉ
VOOK L'ftTQOR DBS LANGUBS R01IANE9
PARIS '
MAISONNEUVE ET O'
LIBRAIRES-ÉDITEURS '
'25. QUAI VOLTAIRE 25
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REVUE
DES
LANGUES ROMANES
Dialectes Anciens
LO SERMO D'EN MUNTANER
ADICIÔ
Lo nostre objecte al escriure Tarticle que porta aquest titol
no fou, j aixis ho declarârem, fer un trevall definitiu. Copia-
rem lo text de Madrit per satisfer un antich desitx, à lo que
'ns convidaren alguns matins desfeynats, que 'ns restaren en
una estada en la coronada vila. No volguérem donar un text
rectificat, coneixent que per aixô no teniam la preparaciô ne-
cesaria, ni volent tampoch destinar' hi '1 temps, ni' 1 trevall
ni la incubaciô corresponents. Jadiguérem en la primera plana
lo modest résultat que podiem esperar de la nostra publicaciô.
En la Romania^ IX, 477; lo S' Meyer feu de la mateixa una
critica d'un carâcter molt gênerai (exceptât un punt). Al ma-
teix temps que diu que '1 text ha surtit molt millorat, afirma
que sols podia juotificar la dita publicaciô un comentari filo-
lôgich 0 histôrich : l'ultim no entrava en nostre projecte, del
primer alguna coseta hi ha. Diu que resten molts passatjes
obscurs : no tants, y alguns pot ser que sigan culpa dels co-
pistes, y qui sab si del autor ; que mostram molta vacilaciô :
TOilB V DELA TROISIÈME SÉRIE. — JANVIER 1881.
6 LO SERMO d'en BIUNTÂNER
com evitarla quant manquen los punts de comparaciô * ? que
'1 text se ha establert d'una manera arbitraria (no '1 restablim )
y la causa d'aixô es que no explicam com nos representam
la relaciô dels textos (ho explicam). Diu ademes que la punc-
tuaciô es molt descuidada : errada podrâ ésser*, mes savem
decertque'ns hi mirârem jen veritat creyem que'lS' Meyer,
que no té temps per perdre, posa sois Tatenciô en alguns
finals de cobla en que manca' 1 punt. Finalment censura Tus
del catalâ en escrits cientifichs •*.
Per altra part, quant ja no érem a temps d'aprofitarla, rebe-
rem la nova de que en la Biblioteca provincial de Barcelona,
hi havia un ms. (parcial) de Muntaner * y sabent après que'l
S' Sampere y Mi quel hi havia trovat lo sermô, anarem a exa -
minarlo — Ab aquest motiu tornarem à mirar la nostra publi-
caciô é hi notarem Tomissiô d'un vers (I/.
* No vacilârem en moites coses, com en lo 2 vers de la I' cobla, en lo a
Maho m'es dit, en la interpretaciô de la paraula fe tan diferentament entesa
pels traductors, en la paraula terrasiana, etc.
2 Pot ser que à la Vil», 5 correspon do punt que posârem après del vers
segùent.
^ En uno benévol judici de la Resenya dels antichs poètes catalans, escrita
en catalâ, digue '1 Sr Meyeor aquestes o semblants paraules:« Los qui s'inte-
ressen per la poesia catalana deuhen segurâment entendre '1 catalâ. » Aquesta
raho val també encara que s'escriga en una Revista extrangera. Per lo demes
sempre avem pensât que entre nosaltres los travails cientifichs s'han d^'escriure
en castellâ, lo quai nos ha vulgut la censura d'alguns, com poch temps fa, del
penûltim nombre del Gay Saber. A aquesta régla gênerai sols havem fet ex-
cepcions quant ha sigut necessariperque el llibre ô la revista en que dévia anar
l'escrit no admitia res castellâ. També havem cregut oportuna un altre excep-
ciô en l'article qu'adicionam, tractantse de un assumpte catalâ y escrivent per
una societat que 's complau en recordar Tantigua germandat del provensal y
de la nostra Uengua.
* Coneixiem aquest ms. que consultârem mes d'una vegada per motiu de
les poésies que té al comensament (Trov. en Esp., p. 393, etc.) ; mes créyem
que sols conteniala Cron. de Desclot que jâhaviem estudiat, per la Uengua,
en Buchon y en un m. s. de la Bibl , episcopal.
5 Aquest vers es lo 20 de la cobla X« que diu : A. Xascus de son conseil e
Deus quel guiara ; B. Chascun d. s. c. he D. q. giara ; G. Cascu d. s. c. e. D.
q, g, — Encara que sempre havem pensât que aquell que fes la comparaciô de
les versions trovariaenla nostra ediciô algunainexactitut, pera evitar, en quant
podem, noves censures, afegirem â les correccions ja fêtes (p. 88 del T.*XVII
de la CoK) las seguents. Introduccio, T. XVI de la Col., p. 219, l. 27; ges /.
sens; p. 221, falta senyal en la primeranota; Ib., l. 29 ; selvar ent l selvazent;
LO 8ERM0 DBN BfUNTÂNER 7
Ultimament lo S' Sampere en la Revista de ciencias histôricas
(octubre 1880) ha publicatun examen del nostre article, ahont
al mitg d'expressions bénévoles j corteses nos fa censures,
unes fundades, altres purament voluntaries. Les primeres son
de la ignorancia del ms. de Barc; de la dita omissiô y de la
interpretaciô dels versos 6-9 de la IV* cobla. Les altres son de
que no hi ha prou observacions filologiques ( ja diguerem que
no parlariem dels llochs clars), que '1 text de Madrit aclara
poca cosa, que insistim poch en lo segon vers (corn si hagues-
sem d'haver endevinatlo dupte del S' Meyer) yno se que mes. .
En certa manera no es censura sinô cortesia lo dir que no
volguérem fer lo que podiem per la rectificaciô del text. Ni
ho ferem per les rahons dites, no pera no mostrarnos falibles,
que massa motius tenim per saber que ho som .
En lo que devem posar mes punt es en la defensa del text
de Madrit, que tampoch es infalible pero que té moites coses
bones, sobre tôt comparantlo ab lo de Valencia, ùnich que 's
coneixia*. Comparem :
P, 2. Gui NantuU (genentul), 5. do (perdo); vers 9 (manca),
11*3. pallesas (manca); 8. ait (altre); 15. perdet(pert).III% 5.
ancessor (secor); 13. pes cabrail (prest apraill) ; 14. mestaill
(mescaill). IV, 4*Fara (E ara); 17. allegar (alegrar); vers 12
(manca). V*, 3.1a (lia); 9. donar ( donar dany). VI,. 6. tar-
rassana (taresana); 8. e nuyl aço no mut (e no estia mut).
VII, 12. sin plor (simplor ); VIII*, vers 5 {manca); 6. es a Maho
m'es dit (e sa ma com es dit). IX, 19. murs escombraran (mu-
rets combatran). X, 2. se paus (sepans) ; 7. que .1. gra (que
tengra); 16d'Estampaix(descampair). XI, 15ebuhiya (abaya).
XII, 5. tuyt Taltre (e trestuyet).
Passem ara alms. de Barc^ Se distingeix dels altres per-
Ib., /. 32: Ans de 3a deu posarse*; Ib., /. 34 : 3a, Z. 4a; p. 222: Al fi delpe-
nûltim a partat deu posarse 5 . — Text. Punt al fi de les cobles que no '1
duhen. I» 12, lait, /., Tait; VI», 8. Xacus, /. xascus; IX, 15, qu, L que ; XII,
4, e' /. e. Variants, Illa, 8, Apres de B. C. deu seguir la primera paraula de 1
plana segûent ; VII, 4, E det e. /. E det c; XI, 16, 20, /. 16, 2. B; Xn, 19,
alats, l. B. C. alats.
6 Ja indicarem algunes correccions fêtes pel Sr BofaruU.
^ Per la Uetra sembla de ultims del XVI o principes del XV. Una de les poé-
sies qu'hi ha al devant y que sembla de la mateixa ploma fon composta en
1393. V. la citada Resenya, Jochs florals de 1865, p. 131,
.^^
REVUE
DES
LANGUES ROMANES
14 POESIBS
E Tuelh li regemis *, beleu pel premier cop :
Aitals, emais sia dur, l'aigua raja d'un roc!
Subran.lou pabelhou s'alanda e s'ellumena :
« Qu sei vol esser? — leu. Dounc, coum'una femena,
» Gaifre puraîMoun Gaifre?... » Et Hunalt^ (A^qu'ei ilh, .
Qui torna d'outra-mar, per sujournar soun filh.)
Leva soun capussou, mens blanc que soun visatge ;
E d'un aire enspirat : — a Gaifre, Gaifre, couratge !
» Te figuras trop leu d'aver prou coumbatut ;
» Veni per am tu vencre, ou per mourir am tu !
» La Fourtuna mairastra en coulera nous bressa ;
» Bufa-la! fai sens ela!. . . Ad un pople en destressa,
» La melhoura defensa es de res esperar,
» E de reguinguarj ' dur, e de se re virar !
» Avertis-me cop-sec toun boucinot * d'armada ;
» Avertis mais que mais nostr'Aquitanha amada
)) Qu'Hunalt, lour ancian duc, a quitat soun moustiet»,
» Per n'esser pus estranh, ni pus tirar coustier
» Del gran perilh oun son, ni de lour desfourtuna,
» Ilh toutjourn voulountous per la causa coumuna î »
Mentre que parla aissi, Gaifre li pren las mas,
E las sarra, e las bica^ : « Oh! perque venetz mas?
» Un quite journ pus leu, e mantenen siam mestres!
» — Z'ou serem vins ou mortz ! . . . apela-me lous prestres,
» Apela-me l'Evesque. . . e demà, taleu journ,
)) Que lou crit : « Libertat ! » revelhe lou Miejourn ! »
.Elougraile* resplan, e lou tabour ressouna !
Desenpueis a Lemotge entrusca Carcassouna,
De Grenoble a Bourdeus, tout trépida e fernis ;
Genz de lounc, genz de prep, que mesma lengua unis,
Se rescontron counsens. . . Salut, Gui de Marselha !
Fulcran de Mountpeslher, que sa maire acounselha !
Tu, Guilhem de Peitieus, a la couirassa d'or.
* S'humecte. Regemir se traduit mal en français. Ce mot se dit de la résine
qui distille du pin, de Teau qui sort goutte à goutte du rocher, etc. — ^ Hu-
uald, forcé d'abdiquer, avait pris l'habit de moine dans l'île de Ré. — ^ Re-
gimber. - * Petit morceau.— s Les embrasse. — s Clairon.
POESIES 15
Doun un Franc, hoste ingrat, deshononret la sor,
Injura venjadouira !.. E tu, Jaufres de Tula
Qui rizes del dangier, testut couma ta mula !
Salut, brun Ramistan, sanc e noum sarazis,
Del temps de Cari-Martel nascut en Lemouzis I
E tu, Pons de Caors, dich Bratz-de-fer, qui mâchas '
Lou chai^ a Fenemig d'un cop de pounh, si cachas!
E tu mais, Leocar, qui d'anueg a dema
Viras aisadamen, tabastan*dins la ma
A Pépin, quan trioumfa, a Gaifre, quan prouspera,
Sens te doutar d'Uzercha, oun lou bourrel t'espéra!.. *.
Toutz, e d'autres qu'oblidi, acouron a l'apel,
Am chadun soun armada, am chadun soun drapel 1
Entre Essandoun e Briva es una vasta plana
Oun frojon ^ al soulelh lou razim e l'aulana;
L'aulana *, lou razim. . . Passât-temps n'in venia :
Despueis un parelh d'ans, a pena si lei n'ia,
A causa que Pépin a bailat per counsinha
De pessar lou fruchier e de bourlar la vinha.
Loira e Vezera, al mieg, debojon "^ doussamen
Lours flotz mantenen blues, rouges dins un moumen.
Countra l'ost de Pépin l'ost de Gaifre se lansa.
Senhour Deus ! de quai pan vai pesar la balansa ?. . .
Del Nort ou del Miejourn, quanh es lou mais valen ?
Si lou Franc es genhous *, lou Gascoun es malen^ !
Gaifre, a chaval, coumanda... Ardit, Gaifre !.. Per l'aire
Soun espaza d'acier luzis couma l'esclaire.
Hunalt, ilh, seg lous rengs, armât d'un crucefis :
« Pensatz a la patria, efans, aco sufis ! » «
Pépin — l'an z'ou coumpren a sa pala figura —
Un cop era, a cregut sa desfacha segura.
Aquitans ! Aquitans ! . . . meritavatz lou pretz ;
Mas es escrich, pareis, que jamais ganharetz.
» Ecrases. — 2 Tête, figure. — 3 p rappant.— * Uzerche, ville du bas
Limousin, bâtie ou fortifiée par Pépin. Léocaire, maire du palais, y fut déca-
pité. _ * Profitent. — e La noisette. ^ ^ Dévident. — » Habile.— » Vif, pé-
tulant.
16 POESIES
Un traite — se noumava. . . Enquestiunatz Tistoria!
Passan a Tenemig, li porta la Victoria.
E dounde mais-que-mais, lou boun pople aquitan
Al col bota aquel joug, qui lou murtrira tan !.. .
Hunalt, a Testrangier s'en coureguet enquera*;
Ermita emais soudart, sounhava mas de guerra ;
Tan que, despacientat, lou pople Tarouchet ^.
Gaifre de pan e d'autre enquera mais luchet.
A la fl de las fis, lou pounhart, dins Tourena^,
La trauchet laschamen, quela fiera peitrena ! . . .
Oh ! Gaifre, dor en patz ! dor en patz*, ohl vencut!
La patriaun cop morta, avias prou temps visent * !
Josep Rous.
XXVll de maj 1879.
AMADAMO SOUBEYRAN
AUTOUR 1} Oiseaux et Fleurs, après ma vesito a sant-geni^s
D'ouro de bonur franc, eiçabas, quau n'en fielo ?
Se, d'asard, n'apoundèn quaucuno à la kirielo.
Tout à - n'elo, lou cor e Tesperit countènt,
Oublidan nôsti lagno e lis àrsi dôu tèms.
Quand pèr vous vèire, aièr, trespassère l'Esquielo ®,
Emai de nostoman glisson coume d'anguielo,
Agantère — e, segur, m'en souvendrai toustèms, —
Uno d'aquéli joio escrèto de printèms. . .
Dins voste nis galoi, tout piéuto, tout bresiho ;
Dins voste jardinet, tout greio, tout fiouris ;
Dins voste oustau béni, tout se chalo,tout ris ;
Es que ie sias trasènt amour e pouësio^
— Felibrfllsso dicant plen de siàvis oulour, —
La sorre dis Aucèu e la reino di Fiour \
Louis RouMiEUx.
1 En Lombardie, chez le roi Astolptie — * Le lapida. — ^ Le château-
fort de Turenne, en bas Limousin. — * Gaifre fut enseveli dans la cathédrale
de Limoges . — 8 Limousin, orthographe des Troubadours.
6 Ruisseau qui traverse Saint-Geniès . — ^ Provençal ( Avignon et les bords
du Rhône). Orthographe des félibres d'Avignon.
LOU PIN E LÔU CANIE»
A M. CAMILLE LAFORGUE
Un pin, amount dins las garrigas,
Dempioi belèu cent ans e mai,
Maugrat ious quatre vents e sas rustas coutigas*,
Viviè, creissiè, nautàs e rede que noun sai.
En mema tems, sus lou bord de la lona%
Enracinât dins Faiga, un ploumet chaca grel,
Un bèu caniè pimpava lou sourel.
La natura qu'en chacun dona
E seloun qu'es, gaubi, força, desart*,
A-n-eles dous aviè fach bona e larga part.
Dau tems qu'un de soun tes ^ dins Ious aires dardalha
Sous jets ramuts, linges e fiblarels,
Que dins Festanc lou farot se miralha,
Brandant au ventilhou sous prims e blancs cimels,
Ailamoundaut lou rei das causses ®,
Entre-mitan das verts abausses',
Dins lou ciel linde alarga, magestous,
Soun cap negràs, inmense, espetaclous.
Jout soun oumbrassa refrescaira.
Qu'à soun entour roda e s'alaira ^,
Que cbaca prima espessesis,
• Dins soun brancun sarrat, dins sa rama eternala,
Aubret, floureta, aucelou, nis,
Avien souploch e bona cala
Contra la blaïnada e lou frech e lou caud.
Donne, sus lou grès couma dins lou baissau '\
Chacun viviè sa bêla vida,
Oumbrant nosta terra espoumpida
Jout la gouverna dau bon Dieu.
* Touffe de roseaux. — * Secousses.-* 3 Étang.— * Apparence. — ^ Amon-
cellement de terre ou de sable au bord • des eaux. — « Plateaux élevés, mon-
tagnes^ causses. — ^ Chênes nains et, en général, arbrisseaux de garrigue
— 8 S'étend, — ^ Petite plaine basse.
t
18 POéSIBS
Acô duret d'aqui qu'arriva un Vacairieu *,
Talament fol que, dins la plana,
D'en magistrau ou tremountana,
Jamai s'era vist lou parié.
Lou pin, tout plen de galhardiè,
Sieis jours, sieis niochs, ten bandât', s'enredena,
N'a pas soun démentit. Milhou, dau fier testard
La sourna e pouderousa ourguena',
Que sembla un brounziment de mar,
Respond au bram de la countesta
Agarrida au tour de sa testa,
E n'agroussis la senistra bourchou *.
Mais lou setenc jour, dor la fin de la vesprada,
D'amoundaut se derraba una grand maliciada.
Confia de nèu, de grella e de frechou.
Jout soun esquich^ lou ventàs recaliva,
A vira-vôut* de tout caire s*abriva,
Enmaliceja e corna à brandilhà lous trucs ',
A nioch-falit, d'entre mitan das bruchs
E dau roundinament de la mala chavana %
S'auboura un immense croussin ®,
Es, pecaire ! lou paure pin
Que, brigoulat*® per sôu, cabana** !
L'endeman, dins l'aire esperlucat **,
Lou caniè, que la velha à tout cop s'amourrava,
Crânant, mougut, toussit, terra e limpun lecava.
Se rebecina, escardussat *^,
E, couma se de res noun era,
Pioi espincha en amount e devista per terra,
A soun darriè badal lou paure garrigaud.
— « Es grand malur, s'ou dis, oui, mais acô ie eau.
Aqui ce que reven de tant tesà ** l'esquina ;
S'aviè biaisât, eau s'amagina
Lous ans qu'encara auriè visent ! »
1 Série de sept jours où souffle le vent (mars-avril). — 2 Tient ferme. —
3 Voix. — * Bruissement. — 8 Pression. — « A tourbillons. — ^ Montagnes, à
pics élevés. — 8 Tempête. — » Craquement. — ^^ Brisé. — <* Tombe la tête
en avant. - *2 Gai, rafraîclii. — *3 Joyeux, éveillé. — ** Raidir.
19
Adounc lou ruste e fier jagut, *
D'un soun de vos que raufeleja,
Respond : « De vieure ansinda ai pas enveja;
S acô f agrada, per tus fas.
Countugna, zou, tant que vieuràs;
Clena à tout vent toun ossa linja e flaca,
Mais laissa esta lou qu'es prou fort
Per voulountà pus lèu la mort
Que de mourrejà la boulhaca ^ ! »
A. Langladr.
MOUN 0USTALET2
Es pichoun l'oustau de ma maire .
Es enca trop grand : sian tanj gaire
Ta pas, dis Aup enjusqu'au Rose,
Castèu que me fague tant gau
Qu'aquest galant pichot oustau,
Que dirias un cruvèu de nose.
Entre ma maire e ma meina,
Uno brié d'ami, quàuqui libre,
LA MIA CASETTA
Picciola ella è, si, délia mamma mia
La casa; ma ella èancor pur troppo grande:
Noi siam si pociii !
Non vi ha, dall'Alpi al Rodano, un castello
Che più mi colmi il cor di dolce incanto
Di esta casa gentil, picciola tanto,
Che ben di noce un guscio io la dirô.
Tra la mia figliuolina e la mia mamma,
Un pô di amici e qualche libro eletto,
* Boue ou vase liquide. — Cette pièce est écrite dans le langage de Lan-
sargues et de ses environs). Orthographe montpeiliéraine.
* Pèço medaiado au premié courreli tresenau de la Soucieta di lengo rou-
mano, tengu en 1875.
Aqui, cade ivèr, vive libre,
A tirade plan... d'armana.
Sara pas long pèr lou retraire :
De moble de Paris n'i' a ges,
Franc bessai d'aquéu pichoun brès,
Souto lou pertra de moun paire ;
E pièi, pèr marca li repas,
Esto pendule que rabuso :
Quand sias urous, troto, la guso,
E, se sias doulènt, vai au pas.
Vès mi libre sus moun pupitre !
N'i' a pas gaire, diran li gènt ;
Mai, lou sabès, li bons enguènt
Noun se mesuron à calitre.
Es tout d'obro de Prouvençau.
Si vestidur o soun gavoto ;
N'i' a pamens dos d'un pau faroto :
S'entend, a Mirèio » e « Calendau.»
Vivo, ogni inverno, io là libero e schietto,
Sogni e castelli . . . almanaccando io vô.
Descriverla non fia già a lungo giorne.
Non havvi parigin mobile affatto,
Salvo del padre mio sotto il ritratto,
Forse una brève cuUa e nuUa più ;
E poi, per ricordar del pasto l'ora,
Questo oriuol, che oscilla e il tempo invola :
Se sei felice, trotta avaro e vola,
Se sei dolente, a lento passo ei va.
Voi vedete i miei libri a me son giove :
Ma ve ne ha pochi, mi diran le genti ;
Voi ben sapete, i preziosi unguenti
A decalitri niun misurerà.
Non son che opre di vati provenzali,
Lor veste è rusticale. Eppur fra tanti
Due soli ne vedrai belli, eleganti,
Dir voglio « Mireille » e « Calendal. »
POésiBS 21
Dins si cadre regardas vèire
Ate, Vau-cluso e Four-cauquié,
Ounte la Vierge dôu clouquié
Vous sourris, dirias, sout soun vèire.
Pièi l'album, libre simpati,
Ounte ai acampa vôsti caro,
Tôuti vàutri que vese encaro,
Vautre tambèn que sias parti !
Lou soulèu is èstro dardaio ;
Larg coumo la man, lou jardin
Es tout clafi de jaussemin
Qu'escalon de-long li muraio.
Un jour, nous parara dôu caud,
Lou marrounié que ma ûheto
A semena dintre Ferbeto :
Es déjà coume un panicaut.
Vai crèisse emé li souleiado ;
Bébé, que Tasaigo souvent,
Chiuse in comici, voi mirar potrete
Apt, Valclusa e Forcalquier ancora,
Del campanil la Vergine qui ognora
Par vi sorrida, sotto il suo cristal .
Poi un libro simpatico, ecco VAlbunif
Dove io raccolsi tutti i vostri visi,
Voi che ancor veggo dalla vita arrisi;
Voi pure, che partiste, ahimè, da qui !
11 sole aile finestre e raggia e guizza :
Largo quanto una mano, il mio giardiao
E si colmo di fior di gelsomino,
Che lungo i mûri serpeggiando van.
Un giorno covrirâ tutta la casa
11 bel castano, che la mia figlinola
Seminato ha fra l'erbe nell' aiuola :
Siccome un fungo già venuto è su.
Del sole ai raggi crescerà più svelto.
E Bebè, che lo inaffia ogni tantino,
22 POESIES
Dis qu'à sa sousto, Tan que vèn.
Se fara de flàmi goustado.
Entanterin, pausas lou pèd
Plan-planet long de la viseto,
Que no un boulessias la dineto
Que s'alestis pèr latitè.
Mai, vès-eici cousin, cousine.
Lèu, en avans cordo e baloun !
E tant desbrandon lou saloun
Que n'en vèn sourdo la meirino.
0 moun galant pichot oustau.
As ges d'armarié ni de garde ;
En passant, pas res t'arregardo ;
Degun dis : « Aqui rèsto un tau. »
Es pèr acô que moun cor t'amo,
Car sies enveja de degun ;
Coumo uno serro si perfum ,
Gardes li doulour de moun amo.
Dice che ail' ombra sua, l'anno vicino,
Ascîolveri gustosi vi farà.
Intanto, pian pianin posate il piede
Lungo la scalinata, per sospetto
Di qua e la rovesciare il buon pranzetto
Che alla bambola li si apparecchiô.
Ma ecco arrivar cugino e cuginette :
Presto ! in avanti, musica e si balla,
E Si la sala sotto i pié traballa,
Che Tava tutta sorda ne divien.
0 mia gentile piccola casetta.
Tu non hai scudo, né custode alcuno .
Quivi passando, non ti guarda niuuo ;
Altri non dice : « Qui dimora un tal ! »
Oh! gli è per questo che il mio cor si ti ama,
Chè non ti invidia alcuno in sidla terra.
Corne un' aiuola i suoi profumi serra,
Tu deir anima mia serbi i dolor'.
POÉSIES 2^
luei, pamens, toun umble lintau
En pourtau triounflant s'enarco,
E sies un palais de mounarco,
D'abord qu'as assousta Mistrau *.
A. DB Gagnaud.
0ggi frattanto Fumile abituro
In arco di trionfo si ingrandi,
Tu sei un palagio di monarca, oh si,
Poichè tu ricovrasti oggi Mistral.
Ab. Prof. Giuseppe Spera.
REDOUNDEL
Vai-t'en, iver, vai-t'en, vai-t'en,
Embe ta capo ennevoulido !
Tus durant, es tristo ma vido,
Tremole la mitât del tems
E ti maudisse ben souvent.
Ai prou de tus, prend la fugido ;
Enmeno lien e vitoment
Lou frech e soun orro seguido.
Vai-t'en, iver, vai-t'en, vai-t'en,
Embe ta capo ennevoulido I
Toujour mi rendes mau countent :
Mais quand de nèu vese acouvrido
La terro touto agremoulido,
Sul cop ieu vene moustardenc
E cride sans pus de sesido :
Vai-t'en, iver, vai-t'en, vai-t'en,
Embe ta capo ennevoulido* !
P. Pesquet.
* Provençal (Avignon et les bords du Rhône). Orthographe des félibres
d'Avignon.
^ Languedocien (Golognac et ses environs). Orthographe montpelliéraine.
VARIETES
FORMES
EXTRAITES DE LA DEUXIÈME SATIRE DE PERSE
TRADUITE EN VERS LODÉVOIS
Par M. Molinier.
Les archives de la. Société pour Tétude des langues romanes s'aug-
mentent annuellement d'im nombre considérable de pièces que leur
étendue,' leur publication dans un autre recueil, parfois aussi leur in-
térêt trop exclusivement littéraire, ne permettent pas d'insérer dans la
Revue, Il serait néanmoins utile d'extraire de ces envois les formes et
les variantes locales qui n'ont pas été enregistrées dans les diction-
naires des idiomes du midi de la France, et plus particulièrement dans
ceux de M. Honnorat, Gabriel Azaïs et Mistral.
Les notes qui suivent résument le dépouillement philologique de la
deuxième satire de Perse, traduite en vers lodévois^( Clermont-l'Hé-
rault et ses environs), par M. Saint-Just Molinier. Cette pièce a été
communiquée à la Société des langues romanes dans sa séance du
18 février 1880.
Arrita, irriter :
El que pourrie, sans geina, ai'vitat countra tus.
Cette variante du verbe irrita n'est pas inconnue à Montpellier.
On ne la trouve ni dans le Dictionnaire d'Honnorat, ni dans ceux de
MM. Azaïs et Mistral.
AuRiEiRA, oura de Vaurieira ; le sens est heure de la rosée, de
raube, du point du jour.
Acôs es Nerîus. Passa per ouneste ome
E, pas mens, o déjà plegat dins lou lençol
Très femnas ! Vesès-lou, per espoussà soun dol,
Vo salli chaca jour, à ïoura de l'aurieira,
Des pecats de la nioch l'aiga de la rivieira .
Honnorat et M. Azaïs assignent à aurieira la signification de : es-
pace labourable entre deux rangs de vigne, lisière, bords de drap, ex-
trémité d'une chose quelconque, et, dans le langage de Barcelonnette,
bord d'un champ .
Le Trésor dôu Felibrige (I. 181) ne donne aucun éclaircissement
sur le mot en question, peut-être, il est vrai, par suite d'une erreur
typographique.
VARIÉTÉS 25
BuDE, coquillage appelé rocher (traduction de F auteur).
Lous budes purpurins, l'or roussel de las minas.
Bude manque dans Honnorat; les dictionnaires de MM. Azaïs et
Mistral ne l'ont pas non plus .
CoRCHA, chemin détourné, sentier de traverse.
La corcka nous counven, quitan la ligna drecha. -
Variante dialectale qui manque à Honnorat, ainsi qu'à MM. Azaïs et
Mistral .
Embabougi, éblouir.
Vostre loi emhabougit flamba couma un brasàs
forme omise par Honnorat (II, 17, art. embabouinar), qui cependant
la signale ( II, 17 et 71, art. enrhooumat) avec la signification de
enrhumé, enchifrené. M. Azaïs suit Honnorat, mais il comprend
dans son supplément embabouchi; rouergat, embobouchi = troubler
l'esprit, faire perdre les idées.
Falourd, riche, superbe.
Aimas tant la grandou, lou luxe, lous plasés,
Lous moucls recercats, las falourdas paruras.
Honnorat et M. Azaïs donnent à falourd le sens de sot, étourdi.
Pin, denier, sou, argent.
Se derevalharôu roustits e sans un pin.
Ce mot manque à la fois à M. Azaïs et à Honnorat. 11 est d'un usage
courant à Montpellier: A pa' 'n pin; Il n'a pas le sou.
Salamec, simagrée, génuflexion, flatterie, salutation.
Faire lous salamecs al nas des immourtels.
Honnorat donne seulement salamalec, révérence profonde, adula-
tion. En dépit de son origine arabe, ce mot est, du moins à Mont-
pellier, d'un usage absolument populaire : le fai mai de salamalecs
qu'à degus.
Notre dialecte le doit peut-être au Bourgeois gentilhomme de
Molière.
ToDCADOU, marchand de porcs.
La marcandejariôu couma de toucadous.
L'auteur traduit « marchand de porcs», acception inconnue à Hon-
norat, qui rend (II, 1290) par marchand de bœufs, meneur ou conduc-
teur de bétail, le mot en question.
Tou-QUATRE, trois ou quatre ; tou-qualre cantous, trois ou quatre
coins de terre.
Par jougne à nostre be sous tou-quatre cantous.
26 VARIÉTÉS
L^auteur ajonte : « dans ie langage trivial, sent-frusquin. » On dit
à Montpellier : ir* ou quatre, Octavien Biinguier s'est servi de cette
forme contractée dans le poëme du Roumieu :
Ansin, au bout d'una passada,
Tr' ou quatr* ans. . . pas tant, saique mai (29).
TuGA, tuer.
En tuguent chaca jour un centenat d'agnels.
Tuguent pour tugant.
Cette variante manque à Honnorat.
M. Azaïs mentionne seulement iw^o-cAm, colchique d'automne, et
tugo-loup, aconit napel.
On dit à Lunel-Viel (Hérault), tuvà :
L'un, per tuvà lou tems, legissiè lou journal;
D'autres, mens forts en poulitica,
Fumavoun soun brûlot, parlavoun de musica,
Ë toutes atendien lou moument dau travail
lit-on dans lou Gavach e lou Perruquier pièce de M. A. Roux, in-
sérée dans V Armai/iac rouman per Vannada 1881. (Voyez page 8.)
Est-il nécessaire de dire que l'omission des quelques formes qui pré-
cèdent n'enlève rien au mérite de MM. Honnorat, Azaïs et Mistral ?
Ainsi que nous l'avons déjà remarqué* , \e Bictionnaire de M. Littré,
consacré à une langue dont les textes sont généralement accessibles,
a donné lieu à des suppléments divers . Il ne peut qu'en être de même
en ce qui touche les glossaires des dialectes méridionaux.
A. Roque-Ferrier.
* Revue, 3« série, 1, 151.
BIBLIOGRAPHIE
Essai svr l'histoire dn soas-dialecte da Ronergne, par M. L. Constans
(Suite)
Telfl sont, avec quelques autres qu'il se borne à citer» les textes sur
lesquels M. Constans a basé VÉtude Mstoriqiie de la langue du Rouergue.
Cette étude forme le livre II de la deuxième partie et remplit les
quatre-vingt-dix dernières pages du volume.
M. Constans, parlant dans ce premier chapitre des troubadours du
Rouergue, met en tête de sa liste, ce qui m'a un peu surpris, je l'avoue,
et qui étonnera, sans doute, maint autre lecteur, le roi Alphonse II
d'Aragon^ sous prétexte que ce prince fut aussi vicomte de Milhau,
de 1172 à 1196, comme petit-fils de Douce, vicomtesse de Milhau, et
il n'hésite même pas, plus loin, à lui emprunter des exemples. H en
prend aussi à Hugues Brunet et à Daude de Prades*. Parmi les titres
littéraires du joyeux chanoine de Maguelone, il aurait dû ne pas
oublier le poëme des Quatre Vertus cardinales.
M. Constans distingue trois périodes (1° des origines à la fin du
XIIP siècle ; — 2« de 1300 à 1550 ; — 3° de 1550 à 1800) dans l'his-
toire du dialecte rouergat, et il étudie chacune séparément. C'est une
méthode à laquelle il y aurait beaucoup à redire ; mais nous avons
coutume d'accepter les livres comme on nous les donne, et^ en matière
d'érudition, nous nous préoccupons plus de savoir si la maison est bien
meublée que bien bâtie ou bien distribuée.
Pour chaque période, M. Constans examine succesivement les par-
ties du discours, à commencer par l'article, la syntaxe et la phoné-
tique ; enregistrant au fur et à mesure les exemples fournis par les
textes reproduits ou cités dans son premier livre . Ce dépouillement
a été fait avec trop de hâte et trop peu de critique^. M. Constans ne
* Ainsi «017/ à Alphonse II, nat au même et à Daudè de Prades, fasson à
Hugue Brunet, comme si ces formes ne se trouvaient pas dans les œuvres de
tous les troubadours provençaux, d'un bout à l'autre du domaine de la Jaugue
d'oc. J'en dis autant de celles en, Ih^ ch, g^ « que préfèrent, dit M. Constans,
les troubadours rouergats ». « 11 est vrai, ajoute-t-il, qu'elles se rencontrent
aussi chez d'autres. »
^ Ajoutons que M. Constans, en procédant à ce dépouillement, a négligé
plusieurs détails qui méritaient d'être notés à plus juste titre que beaucoup
de ceux qu'il a minutieusement relevés, par exemple :
po8 = pas {panes) dans le contrat de 1465 ;
S8 BIBLIOGRAPHIE
distingue pas assez ce qui est propre au rouergat de ce qui appar-
tient à la langue commune . Il a le tort plus grave d'accepter comme
authentiques des formes invraisemblables ou impossibles, dues à d'évi-
dentes fautes de copie. Ainsi, p. 180, dei^ déjà signalé, que M. C. in-
terprète delSj et qu'il faut lire del; p. 182, tosia où il faut tolta; ibid..
et p. 201, daou (dau) = daly qui ne peut ici donner aucun senssatis-
dijaux, nau, pour dijous, nou, dans Vlntrada novela ;
noy = nodiim^ ou p.-é. noclum^ dans ce cas pour nolh (1452) ;
batz pour bas {iAb2). Ce renforcement de la sifflante est commun dans
certains textes d'origine plus méridionale, où il est resté usuel ;
Roumia pour roumiva (fém. de roumiu), dans Vlntrncla novela (1535);
Aquel=r a aquel (CouUde Saint-Antonin); Albi = a Albi (întrada novela)-
On a des exemples très-anciens et certains de ces sortes de contractions ;
La apostol (cinq fois au moins), dans la Bulle de Clément VI. (Cf. Revue
des l. r. XII, 98) ;
Les formes verbales auceirem (futur), faram et emendaram (2e condi-
tionnel? dans les franchises de Prades^ injurias (si la forme est sûre) au lieu
du classique injuries, dans le contrat de 1505 ;
On = non (ou plutôt p.-ô no; cf. ne et en), dans la trad. de Gerson.
(Cf. ma Gram. limousine, p. 327, note 1) ;
L'emploi de l'article partitif devant les noms de matière, quand le nom qui
précède a l'article défini, là où le fr. met seulement de : la peyra del talh
(1452), trois fois dans la même page ; lo carbo de la peyra (1415) ; los
senhals del plomb (1381) ; lo marc de Vargen obraf (1416). — Cf. Revue
XVIII, 23.
Le pronom lo ou la employé comme indéfini, où le français met en : sa
moiller se Yavia=: « sa femme s'il en avait une. y) Gaujal(p. 317).
Que. . . lo (ou la), remplaçant tous les cas du pronom relatif : La fenestra
que lo ven Vavia rompuda (1413) ;
Que remplaçant cui ou a qui, lorsque la prép. est exprimée dans la propo-
sition principale : don quatre dîners aquel (=a aquel) que la vinna séria
(Coût, de St.-Antonin). Cf. Revue XVIII, 22.
Au point de vue lexicographique, il aurait pu relever, entre autres mots :
Bastenda (1514) : fia presa la charja de la reparatieu et la bastenda de
la gleisa) ;
Magestatz (1398) == image (de Dieu ou des saints) : ay paguat a M^ For-
tanier pengeyre, per far una magestatz de nostra Dona. Cf. Revue, XII, 97.
La môme expression se trouve plusieurs fois dans le petit Thalamus de
Montpellier.
Tradatis (lis. tratadis ? — 1510) = compte, mémoire, devis.
Va^ta (1341), qui paraît avoir le sens de manteau de cheminée (pour vesta?) :
en la cal aura un forneU tôt de peyra talhada am vasta convenhable senes
elme dessus. (L'éditeur de ce texte, M. Bion de Marlavagne, donne à conve-
nhableXe sens de foyer, âtre ; mais ce mot doit être l'adjectif convenable '
reparaît d'ailleurs un peu plus loin dans le môme texte, sans qu'il puisse
y avoir là le moindre doute sur sa véritable signification).
BIBLIOGRAPfflB 29
faisant, et que M. Constans prétend expliquer par une confusion avec
la particule dati8 = dave8; — pp. 186, 204, lairousi, pour lairon[i]sfi ;
— p. 190, iou et hiou pour ea dans un texte de 1184 ; p. 194, eski-
blise pour estahlisc (1278) ; p. 195, airo pour agro; agousso, volgosso
pour aguesso, volguesso; p. 196, dévias 'pour deutas; ibid., et p. 248,
couneugut, dans une charte de 1178, pour conogut;^. 196 et 211-212»
dic8 pour dits ou mieux ditz (1184) ; p. 198, panria pour panariay et
p. 242, pagrau pour pagarau, comme si Va de ces formes pouvait
s'élider* ; p. 199, placfaha pour pla^ava^: renre pour rendre ou redre;
p. 207, di pour dintz, dans un texte de 1141 ^ ; p. 207, 208, et déjà
p. 198, gadaniuei* pour gadanniei; p. 218, des formes comme cou«-
tuma, dounada dans des textes de 1178, 1184; p. 241 et 244, estudet
(on a vu plus haut qu'il faut lire escridet), où M. Constans veut voir
un développement de estât, prétérit de estar^ à ce qu'il prétend ^ ;
p. 242, assiliet pour assitiet ou assitjet ; p. 244, a^u^pour a^uet^.
Je ferai auivre cette critique générale de quelques remarques déta-
chées.
P. 179. Es, dans la formule ^«r es sainz evangelis, est certainement
%8t08.
P. 180. Li senhor ne saurait être sujet singulier (dans un texte de
* « Cf., dit M. Constans, pogron, agro^ etc. » ; mais le cas n'est 'pas le
même : là où Ve atooe disparaît,' l'a doit rester.
* M. Constans met en note : « plaejaria dans Bartsch [Chrest, 47, 98) est
sans doute une faute d'impression pour plaejaria.» Pourquoi M. Constans
avant de donner ainsi raison à Gaujal contre l'imprimeur de M. Bartsch, nV
t-il pas pris la peine d'ouvrir son Raynouard?
3 « Cf. no la, so mal talent », dit M. Constans, comme ai le cas était le
même. On ne saurait trop s'étonner, pour le dire en passant, qu'un philologue
habitué, comme Test M. Constans, à la critique des textes, ait cru pouvoir, en
ce cas comme en tant d'autres, accorder une pareille confiance à des copies
(je parle de celles de Gaujal) où des énormités comme aveizia pour aucizia,
laironiei pour laironici, aguessici pour agues aici^ emoreguts pour enco-
reyuts, etc., auraient dû suffire à lui rendre suspectes toutes les formes non
.connues d'ailleurs.
* «La charte de 1178 l'écrit niu: gadam\xei,y> Il s'agit de Xn mouillée.
5« Estudet semble un développement de es^w^ (prétérit de estar), et doit
être rattaché à la première conjugaison par l'infinitif; mais estut appartient à
la troisième.» {sic). M. Constans oublie que le rouergat n'est pas un dialecte
de la langue d'oil.
8 « Assiliet = fit asseoir est peut-être de la l'*^ conjugaison ou de la
2« faible.»
' En note : a Cette forme, dont je ne connais pas d'autre exemple, est peut-
être une erreur de lecture, si on la fcomparê à ageron^ qui est à côté ; mais
au fond elle n'a rien d'impossible.»
90 BIBLIOaRAPHIE
1140!), et l'on ne comprend pas que M. Conatans puisse ici exprimer
un doute.
P. 181. Qmlh n'est pas pour que lo, mais pour que li (où li est l'art,
féminin, suj. sing.). M . Constans oublie que Trudso est un substantif
féminin.
P. 184. Pourquoi M. Constans veut-il (\}i^eglia ait été emprunté au
français ? Ce n'est, si la forme est sûre, qu'une contraction de egleia^
comme esvoia de enveia, mia de meia (média) .
Ihid. Gfratiaduraj 1. 6 du bas, est sans doute une faute d'impres-
sion (pour gatj,. . .), qu'on a oublié de relever à l'errata.
P. 186. Domini (domini{cywm) est un adjectif qui peut se substan-
tiver, comme en français propre, en sous-entendant bien , Mais il n'a
jamais signifié, à lui tout seul, tente seigneuriale, comme le dit ici
M. C, en renvoyant à Raynouard (sous quel mot?) et à la Croisade
albigeoise^,
P. 187. M. Constans remarque qaela, charte de 1178 connaît ch =
et, mais non ch = ts, ps, es. S'attendrait-il donc à trouver une pareille
graphie au XII® siècle ?
Ibid, ditz= digitos. M. C. veut que ce soit un catalanisme. A quoi
bon aller si loin, lorsque l'Agenais a cette forme ?
Ibid, « det, plur. dechs. ^ Pourquoi cette s f M. C. sait bien que le
ch^ ici, est l'équivalent de ts,
P. 188-189. « Pour les adjectifs, la désinence e5 semble être venue
plus tard que pour les noms. » M. Constans veut dire \qb pronoms e^
adjectifs démonstratifs d'une part, et les adjectifs qualificatifs de
l'autre, comme le prouvent les exemples qu'il allègue.
P. 189, note 2. M. Constans confond ici les noms en ador =
atorem (comme trabailladour) avec ceux où la même désinence pro
vient àeatorium (comme moucadour^^ fr. mouchoir),
F . 1 90 . Les formes diner, sester, etc . , c'est-à-dire en er sec pour
arius, ne sont pas plus catalanes que rouergates. On les trouve dans
presque tous les monuments primitifs de la langue d'oc. On ne voit
pas ce que vient faire ici le Roman de Roncevauœ.
191. Eus = ipseest tout autant languedocien que rouergat. Cette
forme et ses composés (meteus, etc.) abondent dans les textes de
Montpellier. On les rencontre du reste, plus ou moins sporadiquement
* « Domini = domaine, propriété Se trouve dans la Chanson de la
Croisade albigeoise, quia bien le caractère d'un texte populaire, mais avec
le sens de « tente seigneuriaie. » Voy. Raynouard et P. Meyer dans son
édition.» — Ajoutons que l'erreur de M. Constans lui est toute person-
nelle. Il y a dans le glossaire de M. Meyer : trap domini = tente seigneu-
• riale.
BIBLIOGRÂPHIB 31
à peu près partout, dans Flamenca par exemple, aussi bien que dans
Sainte Enimie,
P. 192. « La 2e personne du pluriel est régulièrement terminée en
5 et non z(tz),:» M. C. devrait ajouter : sur mes copies. Cela est en
effet inadmissible pour des textes du Xlle siècle.
P . 193. Do n'est pas le do latin, qui en provençal devient dau
(conmie vau, estau)^ mais dono,
P. 195. M. Constans enregistre, parmi les formes rouergatee du
parfait, venhet, qu'il prétend avoir trouvé dans Alphonse II. Cette
forme, d'ailleurs invraisemblable, quoi qu'en dise ft . Constans (<r forme
tout aussi légitime [que venguaa] », dit-il) ne se trouve pas, non plus
que venc ni venguet, dans l'unique pièce qui nous reste d'Alphonse
d'Aragon. Puis quel rapport y a-t-il entre ce prétendu parfait et le
subjonctif ?
P. 196. M. C. fait, à propos de sapia, une remarque qui étonne :
« Je ne sais, dit il, s'il ne faudrait pas lire sapja^ les scribes mettant
assez souvent i pour J et réciproquement. » Y a-t-il donc des mss.
du moyen âge où ces deux lettres soient distinguées? — Cf. p. 199,
note.
P. 197, escrith et plus loin, 223, drethurier. M. Constans est-il sûr
de sa lecture ? Le ^ et le c peuvent si facilement être confondus, que
le doute est ici bien permis.
Ibid, Pourquoi M . Constans veut-il que, dans ;des documents du
Xlle et XIIIo siècle, son (sunt), qui est correct, soit lu sou, qui ne
le serait pas ?
P. 198. M. Constans, mentionnant le chansonnier prov. 7698 (auj.
1749) le qualifie de ms, rouergat. Si cems. est réellement rouergat (sur
quelles autorités M . Constans l'affîrme-t-il ?) il aurait dû l'étudier plus
qu'il ne paraît l'avoir fait. Il n'avait pour cela qu'à suivre dans les
Gedichteles pièces, assez nombreuses, publiées par Mahn d'après ce ms-
P. 198. « Trohada, atrobon^ où il faudrait noter (si la copie de
M . de Doat est exacte, ce dont je doute), deux exemples très-anciens
de la prononciation dure du v en rouergat. » M. Constans oublie que
trobar est la seule forme normale, en provençal, dans tous les dia-
lectes.
P. 199. «... la deuxième forme du conditionnel, qui semble tirée
du plus-que-parfait de l'indicatif latin . » Pourquoi ce semble f Tout le
monde sait bien que la chose est sûre .
P. 201 . M. Constans veut que da Rodez vienne d'AmilhaUj /peu ana-
logie, comme si ce da (= de ad) n'était pas alors répandu peirtout.
P. 202* où est sans doute. une faute d'impression. Le o visé par
M. Constans est autel non ubi,
Ibid, a vsad ne peut ,pas être a impersonnel. 2> Il y a seulement
33 BEBLIOGRÂPHIB
une confusion dans Pesprit de Tauteur, qui, ayant commencé sa phrase
au pluriel, la continue jusqu'à la fin au singulier. C'est ce que prouve
clairement la suite : e si o fadia. . .
P . 203 . Hugue Faidit ne dit nullement que la construction « m'en
tenc per pagatz » soit du langage familier, et il aurait tort de le dire,
comme le prouve l'usage qu'en ont fait les troubadours.
P. 20A. faittilava, que M. Constans marque d'un ? veut dire faisait
un sortilège. Le mot est bien connu et se rencontre souvent.
Ibid. Ce que dit ici M. C. de l'emploi de ni n'est pas aussi nouveau
qu'il le suppose. Vo}^z Diez, III, 401 .
P. 216. n ne faut pas mettre sur la même ligne, comme le fait ici
M. Constans, or et on : on a, été o dès le principe {raso, etc.); or ne
s'est réduit à o que tardivement.
Ibid. « La chute de Vn semble n'avoir pas atteint l'est du domaine
provençal . 3> Encore un semble . Mais c'est là un fait certain et acquis
depuis longtemps.
P. 222. M. C. signale ici une forme sebelhit qui se trouve, dit-il,
dans la Bulle de Clément VI. Mais le texte imprimé p. 168 donne
sebeliht. Quelle est la vraie leçon ? Il serait intéressant de le savoir.
Sebeliht renverrait à sepelictum. Voy. un autre exemple de cette
forme dans les Préceptes religieux que j'ai publiés ici récemment
(VI, 23).
P . 223 . « deu aver cof essah . » La copie dont se sert ici M , Con-
stans est trop mauvaise pour que cette forme ne me soit pas sus-
pecte. Crevantah, molah, cités en note, représentent des formes latines
en ati et ne prouvent rien, par conséquent, en faveur du confessah
ci-dessus, qu'il faut probablemeut lire confessât.
P. 226. En quoi cel, hc^poble, semblan, ves, vegadas, et p. 229, cert^
miels, capj sont-ils des n mots ou formes remarquables ? »
P. 227. Se alcun layro o layre. M. Constans croit avoir affaire ici
à deux formes différentes du singulier. C'est une erreur. La première
est le sujet pluriel. Cf. le texte latin :« Si aliqui prsedones vel aliquis
fur. . . »
P. 228. « An l'adries d'aquela. » Il faut écrire ladries {^laterarios).
L'éditeur du texte cité n'avait pas commis cette faute.
P. 228. M. C. observe très- justement, à propos de om, que ce pro-
nom conserve encore, dans la traduction de la bulle de ClémentVI,
c'est-à-dire au milieu du XI V^ siècle, quelque chose de son caractère de
substiintif. C'est une remarque qu'on peut faire, au reste, dans un
grand nombre d'autres textes.
P. 229. greuhs. L'A, ici, n'est point «de signification douteuse. »
Elle représente un t : greuh, comme greuch (on trouve aussi greug) =
*grevitim, pour gravium^ de même que greu = * grève pour grave.
BIBLIOGRAPHIES ?3
P. 232. M. CoDBtans mentionne ici pagtdey panni les parfaits forte.
Ce n'est sans doute qu'une inadvertance.
Ibid, Cachapiech (mieux cacliapietz, deux lignes plus bas), mot qui
signifie balustrade, est mal expliqué par cache-pieds. C'est pectus que
représente le second élément de ce mot composé, et cacha = presse,
non cache,
P. 234. Il est difiScile d'admettre que scumenga soit « une forme
syncopée de scumengada avec recul de l'accent. » Si nous étions à
Lyon, à Grenoble, ou même à Valence, à la bonne heure, et encore à
condition de laisser l'accent à sa place. C'est évidemment une faute
de copie pour escumengada, qui se trouve d'ailleurs, comme M.Constans
le remarque lui-même, quelques lignes plus bas, dans le texte cité«.
P. 236. L'emploi de Zo, comme sujet neutre, n'est nullement « con-
forme au pur usage classique », comme le veut M. C. Cet emploi est
au contraire anti-classique et dialectal .
P. 243. (( Notons exercir etensegniday qui appartiennent aujourd'hui
à la l^* conjugaison y>y et plus loin, p. 247 : « parmi les verbes de la
2e conjugaison latine qui ont pris depuis la forme de la 1'" conjugaison,
nous trouvons ensegnida. . » M. Constans croit donc que le provençal
a dit d'abord ensenhir puis ensenhar. C'est une erreur : ensegnida
d'ailleurs n'a pas ici le sens qu'aurait ensenhada. C'est tout simple-
ment insignita, pur qualificatif et non participe. Le verbe insignire
ne paraît pas avoir passé en roman.
P. 245. Redegut, Il y a là deux mots {re degut), et non pas un
seul.
P. 247. m Instruisir, imprimir, induisir ressemblent plutôt à
l'espagnol qu'au rouergat.D En quoi et pourquoi? Les verbes latins
en ère entrés dans la langue d'oc après la période des origines, y sont
régulièrement devenus des verbes en ir.
P. 253. « Les poètes provençaux de cette époque (fin du XVI® siècle)
ont, pour la 3e p. du pi., à côté des finales en ien, des finales plus
fréquentes en iou, qu'il faut peut-être écrire iôu : aviou, auriou
(Pierre Paul) ; cresiou, mespresariou, aviou (Brueys). » Cette obser-
vation de M. Constans donne à penser qu'il a lu les auteurs
1 Ce texte est un de ceux qu'a publiés M. Bion de Marlavagne et auxquels
M. Constans se borne à renvoyer. M. B. de M. paraît, en généra,! moins
inexact dans ses transcriptions que M. de Gaujal. Mais il commet néanmoins
assez de fautes évidentes pour que M. Constans eût dû se défier davantage
des formes qu'il lui emprunte. Par exemple, M. B. de M., p. 317, imprime
comadeuras, qui n'a aucun sens, où il faut très-probablement lire coma
dejunis ; — p. 392, cale pour cale ; p. 375, san Jonh pour Joanh ou Joan;
p. 391, refecs pouf refets (re-fecit)^ etc.
il
34 BIBLIOaRÀPHIE
dont il parle dans un moment de grande distraction. Il est très-
vrai que les finales ien et iou (= non pas tw, mais iôu, alias
ieu) se renconlrent chez eux côte à côte . Mais elles ont des emplois
fort différents : ien est la flexion de la 3® pers. du pluriel, iou celle
de la !*• pers. du singulier.
C. 0.
P,-S, — On a vu, dans mon premier article, que je n'avais pu
utiliser, pour la critique de la Bulle de Clément VI, publiée par
M. Constans, que la seconde moitié du texte latin, la seule qui se
trouve dans Baluze. Depuis lors j'ai pu, grâce à l'obligeance de
M. Darlu', professeur de philosophie au lycée de Bordeaux, avoir
une copie de la première moitié (=pp. 1-8 du ms. rouergat, 156-
159 du volume de M. Constans).
Cette copie, prise dans le dictionnaire d'Albéric de Rosate, diffère
en quelques points du texte sur lequel la traduction provençale dut
être faite. Ainsi, au lieu de deux messes de la Tiinité(p. 159), c'est,
dans le texte d'Albéric, une messe de la Sainte Vierge que le pontife
célèbre après sa vision. Nous savions, d'ailleurs, déjà par Baluze,
qu'un passage très-important, à savoir l'ordre donné anx anges par
le pape de transporter directement en Paradis les âmes de ceux qui,
allant au jubilé ou en revenant, moun'aient en chemin, ordre qui se lit
dans la traduction provençale, manque dans Albéric *.
La comparaison du texte d'Albéric avec la traduction provençale
confirme les corrections que j'ai proposées pour cette première partie
de la bulle. Elle en suggère aussi quelques autres que j'indiquerai,
en reprenant, commeVje vais le faire, l'examen de l'édition de M. Cons-
tans.
P. 156, 1. 1-3. — Manquent dans Alb. C'est peut-être un ajout du
trad. provençal.
— 1. 5, « a perdurabla memoria, redusen. » Effacez la virgule.
— 1. 6, « ... cel. Quar. . » Il faut une virgule au lieu d'un point,
paraulas de la 1. 8 étant un second complément de redusen.
— 1. 11, « dels orgolhos. » Le latin ajoute :« vel quot angelimali
cecidere. »
— 1. 13, « entant que cascu per pecat conoc la vida. » Au lieu de
ces mots qui, malgré le singularité de l'expression conoc la vida,
donnent un sens très-acceptable, étant pris pour une allusion au
1 « Mandamus angelis,.. Hanc clausulam, quae tôt tragasdias excitavit
[de la part des protestants] non habet editio quœ extat apud Albericum.
Extat tamen in codice 2835 Bibliothecœ Colbertinas Ex quo colligi débet in
aliquot exemplaribus fuisse, defuisse in aliis. » {Vifœ paparum Avenionen-
sium, I, 917.)
BIBLIOaRAPHIE 35
péché originel, le texte d'Albéric a cette phrase : « adeo ut omnis
quippe caro corruperit viam suam », qui est une citation de la Bible
(G^^n. VI, 12).
L . 15-516. « De la cal causa s'alegro los cors dels angels am los
quais nos tenem cofermar et acompanhar. » J'avais proposé de cor-
riger devem. Le latin donne : « Qua ex causa gaudent chori ange-
lorum nos consortes et concives eorum fieri. »
L. 21-22. 11 faudrait une virgule après vertut, ce que j'ai oublié
d'indiquer dans mon premier article, et peut-être un point après hu-
militât, Ce qui suit immédiatement {e per tantas gens coma) gêne le
sens. Peut-être y a-t-il une lacune dans la copie de M.Constans. Ces
cinq mots rejetés, le reste serait très-clair ; mais ils répondent évidem-
ment à quelque chose dans le latin. Le texte d'Albéric, corrompu en
cet endroit, n'est pas d'un très-grand secours. Le voici en regard du
provençal, que je reprends depuis la ligne 18. Je donne ce dernier tel
que je l'ai restitué :
Superba namque natura sicut La orgolhosa empero natura
habet unam paradisi portam de- humana, coma avia de desviar si
clinet disgrediendo , ita habet del pays de paradis, passa[n] los
unamillam inveniat, virtutibus in- mandamens, aysi lo pot trobar en-
haerendo, ad sedes vero, quibus clLnant se a vertut, en tal guisa
angeli persuperbiamsunt privati, que en las sesilhas de las quais
per humilitatem conservantur ex los angilhs per orguelh son pri-
parte parentibus propagande . Sic vats monte per humilitat, e per
n. (?)DominusNoster Jésus Chris- tantas gens coma* Nostre Sehor
tus plus quam sitiens cervus ad Dieu Jhesus Christ désire may
fontes aquarum * ut peccatores que lo peccator puescha venir al
perveniant ad pascha seternarum pays perdurable de delieg, may
delitiarum. Item ait veritas ipsa : que no fa lo ser, cant a grant set, a
non veni vocare justos sed pecca- la fon de l'ayga.
tores ad pœnitentiam ^ .
P. 157, 1. 8-9 : « E non hy a tan san vitan drethurier (j'ai déjà
remarqué qu'il faut coniger ni tan et probablement aussi drechurier)
de far la virovirnam (?) de la monarchiamundanal. . . » Le latin
donne : « nec est tam sanctus nec tam justus per ambitum machinse
• Psalm, XLI, 2 — Suppl. ici de- ' Peut-être, dans l'hypothèse pro-
siderat ? bable d'une lacune en cet endroit, ce
2 Cette dernière phrase manque qui manque exprimait-il l'idée émise
dans la trad. provençale. plus haut (1. 11), que le texte d'Al-
béric rend par « quot angeli mali ce-
cidere. »
?6 BIBLIOGRAPHIE
mundialis. . . », ce qui indique clairement la corraction à chercher.
M. Boucherie me suggère de per Vamronamen, qui conviendrait
parfaitement. L'ancien français avait, avec le même sens, environe-
ment.
— L. 25 : « la apostol dis. » 11 faudrait, d'après le latin ( apostolus
qui diccit), suppléer que,
P. 158, 1. 3-4 : « e veyran los nostres uelhs e s'alegira lo nostre
cor. )> M. Constans a justement corrigé vostre, et c'est seulement
par suite d'une faute d'impression, comme il parait résulter de la
note sur ce passage, que nostres est resté dans son texte. Il y faut
aussi vostres ( cf. Isaïe, LXVI, 14 ). Pourtant Albéric donne, mais à
la vérité en modifiant le sens de la citation : « et videbunt oculi
nostri unde gaudebit cor vestrum, » Gaudebit montre qu'il faut cor-
riger, dans le provençil, s'alegira en s'alegrara,
L. 7 : « ha sanctificada e hornada. » C'est bien ornata qu'il faut
entendre : » sanctificavit et venustate ornata perpetim condeco-
ravit. »
L. 18-20 : <c lo cap del cal. . . Jhesus Crist très vegadas estudet
{Yi^, escridet), » Lat.: « cujus os... Jesum tribus ^âcib us excla-
mavit. »
L. 27-28 : « Fam doncas a tost los nostres filhs, feys (^lis. reys),
ducs, comtes ... » La copie de M. Constans présente ici une lacune
de plusieurs lignes. Voici le passage correspondant dans Alberic :
« Significamus ergo omnibus filiis nostris regibus, comitibus, duci-
bus, baronibus, militibus, repromissionnem aeternse salutis esse haec
quse per ordinem subsequuntur. i>
L. 30 : « los vénérables ... et amats de . . . y> Nouvelle lacune .
Lat.: « venerabiles dilecti filii nostri Jacob. Savelli, Bricius Sauli et
Jacob, de Columna cives nobilissimi civitatis romanae et sindici totius
senatus ejusdem. . . d
P. 159, 1. 2 : « e apelar nostres frayres. » Ici encore, dit M. Con-
stans, lacune d'une demi-page dans la copie. D'après Alberic, il ne
manquerait rien, ou du moins rien d'essentiel : « in crastinum man-
davimus consistorium convocari, et, nocte consistorium prseexistente,
apparuit nobis in visione. ...»
P. 159, 1. 23 : « la quai a tost temps am se. » Ceci concorde
mieux avec la leçon d'Alberic {quœ incessanter versatur) qu'avec
celle de Baluze ( qua incessanter vexatur ) .
C. C.
BIBLIOGRAPHIE 37
Chants populaires du Langnedoc, publiés par MM. Achille Montel et
Louis Lambert, avec la musique notée. — Paris,.Mai8onneuve ,1880. IuSp,
xii-588 pages *.
Ce volume est le premier, nous l'espérons, d'un recueil complet des
chants populaires du Languedoc, exécuté dans des vues vraiment scien-
tifiques. Le présent volume, bien que d'environ six cents pages grand
in-S®, ne contient cependant que les chants de la première enfance,
mais accompagnés d'éclaircissements qui ne laissent rien à désirer.
Ces chants enfantins, qui portent en général le nom de sogna ou san-
sogna, sont répartis par les auteurs en cinq catégories . La première
contient les Nennas ou chants pour endormir les petits enfants; courtes
poésies qui, semblables aux nœniœ des Latins, dont quelques-uns
les font dériver, invoquent et appellent le sommeil pour qu'il des-
cende sur les yeux de ces petits êtres. La deuxième contient les Arri-
arri ou Balalin-halalan^ qui, destinés à réveiller les enfants endor-
mis et terminés d'ordinaire par le refrain lalla, comme, suivant le
scoliaste ancien de Perse, disaient aussi les nourrices latines, imitent
le mouvement du cheval, des cloches, des barques, d'un moulin, etc.
Les chants de la troisième section, sous le nom général de Tintour-
letosy sont destinés à enseigner aux enfants à faire des gestes, à se
mouvoir, à agir, en leur apprenant à se tenir droits, à garder l'équi-
libre, à remuer séparément ou en même temps leurs petits membres,
à se vêtir et à se déshabiller, en accompagnant d'un chant et d'un
son chacun de ces actes ou de ces mouvements. La quatrième caté-
gorie contient les chants énumératifs, c'est-à-dire l'indication des
parties du vêtement, de la chaussure, les objets d'une maison, les
biens possédés, les membres de l'homme ou d'un animal, les remèdes
à employer, les nombres, etc., avec diverses combinaisons, toutes soi-
gneusement distinguées par les auteurs du recueil . Ils notent que ces
chants seiTent spécialement à distraire et à divertir les petits enfants ;
mais il nous semble qu'ils avaient aussi pour but d'exercer leur mé-
moire, comme dans l'énumération des jours de la semaine ( p. 466),
ou de leur donner quelques premières notions, comme par l'imitation
des cris des animaux (p. 517). La cinquième catégorie enfin, ou les
Rodas, contient ces chants qui accompagnent les petites danses en
* Cet article est extrait de la Rassegna settimanale de Rome (21 novembre
1880); il contient, non-seulement un jugement sympathique et favorable sur
un ouvrage dont les éléments avaient déjà paru dans la Revue des langues
romanes, mais aussi des remarques et des rapprochements très-instructifs.
Nous pensons que les amateurs de la poésie populaire nous sauront gré de
leur en offrir une traduction . F. C.
38 BIBLIOGRAPHIE
rond des enfants . Nous avons ainsi dans ce volume un traité véritable
des amusements, des occupations , des enseignements que l'instinct a
trouvés les plus appropriés à l'âge et à l'intelligence des bambini,
depuis le berceau jusqu'au moment où ils savent marcher, et repro-
duire par l'imitation ce qu'ils voient faire. Ce que l'instinct a trouvé,
la tradition l'a conservé dans le cours des siècles, chez les mères et
,les nourrices ; et ainsi cette collection est utile, non-seulement aux
amateurs .de la poésie populaire, mais aussi à ceux qui s'occupent
de philologie et de pédagogie, parce qu'elle renferme les formes spon-
tanées de l'éducation de l'enfant. Les auteurs, sachant combien se
pénètrent dans ces chants les paroles et la musique, et quelle action
l'air exerce sur les sens des petits enfants, font ressortir soigneuse-
ment les relations intimes de ces deux éléments, et joignent au texte
la notation musicale. Çà et là l'on rencontre des recherches et des
discussions particulières , curieuses et importantes : ainsi une étude
sur le langage des muletiers , où sont comparés leurs cris , tels que
Claudien les a indiqués et tels qu'ils sont aujourd'hui (p. 272); les
divers termes provençaux par lesquels on désigne les enfants (p. 381);
les dénominations diverses de leurs premières actions (p. 385), etc.
Dans ces dissertations et d'autres semblables qui sont disséminées
dans l'ouvrage, l'érudition philologique et la pénétration philosophi-
que vont de pair.
Ce volume fournirait l'occasion de rapprochements nombreux avec
les usages italiens, et cela est naturel, puisqu'il y est traité de popu-
lations qui se touchent sur la carte et dont l'origine est commune.
Ainsi l'épouvantail des enfants est , en deçà comme au delà des Al-
pes, le babau (p. 300); en Provence, on berce les enfants sur les
genoux en imitant le son des cloches de Saussan ou de Salon (p. 223,
266 ), comme chez nous le son des cloches de Simon. Une ninna-
nanna : la marna es à la bigno (p. 46 ), correspond à un chant ita-
lien: la tu' mamma è ita alla vigna, etc., publiée par M. Corazzini
( Componim. minori délia letteraL popol, itaL, p. 30), C'est égale-
ment l'usage en Provence (p. 315), comme en Italie iibid,, p 63),
de chatouiller aux enfants la paume de la main en imitant le passage
d'un lièvre, pendant que chacun des cinq doigts, personnifiés et tou-
chés successivement , a son office particulier dans la chasse qui se
fait ; c'est encore un jeu tout pareil (p. 318 ) que celui de toucher les
doigts et de les plier pendant que l'on cherche du pain ( îbid.,^, 65).
Les chansons énumératives de la Margaridou ( p. 448 ) et du Merle
( p. 458) existent aussi chez nous, sauf que la première porte le nom
de Marianna et que l'air en est différent. De même le chant provençal
du Mois de mai (p. 486) répond exactement au chant italien publié
par M. Corazzini {ibid,, p. 378 ) , et le Mariage de Talouette (p.490)
BIBLIOGRAPHIE 39
est chez nous le Mariage du grillon et de la fourmi (ibid., p. 134,
140 ). Le chant du Chevreau, étudié en France par Gaston Paris et
en Italie par M. Foà, mais dont les diverses ramifications n'ont pas
encore été suffisamment examinées, et dont parle aussi Tylor ( Civi-
Usât» primit.j 1, 101 ), se trouve en Provence ( p. 535 ) et chez nous
Nous poumons relever beaucoup d'autres choses dans cette pu-
blication, si riche en matériaux, qui nous fait assister aux modes et
aux formes du premier éveil de l'intelligence, du premier passage
du pur instinct au raisonnement et à la réflexion, tout en nous ra-
menant aux afiections, aux soucis, aux grâces ingénues du premier
âge. Nous espérons que ce volume sera suivi d'autres, qui, composés
suivant la même méthode, accompagneront l'homme dans les divers
épisodes de la vie, à travers les joies et les douleurs de son exis-
tence mortelle. La méthode qui a été employée paraît nouvelle par
rapport aux collections antérieures, et elle mérite d'être prise pour
modèle par tous ceux qui, en divers pays, s'appliqueront à une œuvre
semblable.
Privé malheureusement de l'aide de son collaborateur, M. Lam-
bert, nous l'espérons, ne refusera pas de communiquer au public les
matériaux nombreux qu'ils paraissent avoir rassemblés, et dont ce .
volume a été extrait : c'est une introduction excellente en elle-même ;
mais elle prépare évidemment une série de publications étroitement
reliées entre elles.
Uno Siblado is Ârqnin o sèt pèço de vers prouvencau dins la manièro de
François Villon ( 1431-1461 ) o (pèr miéus dire ) emé la raesuro de quàuqui
pouësio d'eu, etc. Waterford, Whalley lou jouine, 1880. ln-8o, 16 pages.
Dans une étude sur la poésie avignonnaise hors de la Provence * ,
nous avons dit que.M.William-C. Bonaparte Wyse était, panni les féli-
bres contemporains, celui qui avait le plus souvent revivifié les règles
de la littérature méridionale par des combinaisons nouvelles et ce-
pendant déjà consacrées. Peut-être ces lignes reconnaissaient-elles
trop incomplètement l'originalité rhythmique des Parpaioun blu, de la
Cabeladuro d^or et du Dimenche dôu mes de Mai. Quoi qu'il en soit,
le recueil dont nous avons à parler aujourd'hui accentue encore cette
recherche des formes anciennes ou peu connues, restée particulière
aux vers de l'auteur. 11 est composé, en efiet, de pièces écrites dans
la manière de Villon ou, pour mieux dire, avec la mesure de quel-
ques-unes de ses poésies :
Qui plus ? Où est le tiers Calixte \
Dernier décédé de ce nom,
* Revue des langues romanes^ 2* série, IIF, 124,— * Le Pape Calixte IIÎ.
40 BIBLIOaRAPHIB
Qui quatre aus tint le papaliste ' ?
Alphonse, le roi d'Aragon...
Le gratieux duc de Bourbon,
Et Artus, le roi de Bretaigne,
Et Charles Septiesme le bon ?. ...
Mais où est le preux Charlemaigne ?.. .
demande la Ballade des seigneurs du temps jadis, qui fait suite à
celle des dames d'antan. La fine mélancolie de ces strophes charman-
tes ne revit-elle pas dans la ballade du dernier félibre, où M. B.-W.,
anticipant sur la désillusion des années non encore écoulées aussi bien
que sur la disparition de ceux à qui la Provence doit son éclatante
floraison littéraire, s'exprime de la manière suivante :
Touto causo nais pèr mouri :
Lou rampau, la roso que briho.
Gant d'alauveto e de cri-cri,
Caresso de maire e de mio
Ounte es, vuei, l'auto pouësio
Dôu Felibrige que fasié
Tant d'estrambord, tant de sesiho *?
Mai ounte es lou Grand Capoulié *?. . .
Ounte es aquel Aloubati
Que dôu fru di milo graniho
Se coumpausè 'n blasoun poulit ^ ?
Ounte es Roumiéu, cap di bon driho ?
Ounte es lou bon blanc, Roumaniho,
Que fin amour pèr Roumo avié ?
Ounte es Verdot, Vierge Mario ?
Mai ounte es lou Grand Capoulié ?
La quatrième ballade, consacrée à la plainte des « dames aux yeux
étoiles ); qui « tissèrent de si beaux livres, ^ » est versifiée avec le
mên.e sentiment de mélancolie discrète et voilée :
Ounte es vuei la mouié dôu Paire,
La bruneto dôu franc parla * ?
* Le siège papal.
-* Allusion à Théodore Aubanel et à sa Miougrano entre-duberto.
^ E digas-nous en que terraire
Soun, vuei, nôsti sorre de la,
Mignoto de la Lengo-Maire.
Qu'anavon à nôsti cousta,
Zounzounant de cant delica
E teissènt de tant poulit libre ?
Ounte soun lis iues estela
E lou vin divin di Felibre ?
•» Madame Rose-Anaïs Rgumanille, sœur de Félix Gras.
BIBLIOGRA.PHIB 41
Ounte ADtounieto de Bèu-caire*,
Que de veire èro d'adoura ?
La Camardo^, moustre afama,
L'a jalado de soun jalibre,
Ë l'ile blanc s'es enana
E[mb]louyin divin di Felibre.
Ounte es Leountino * ? E pecaire !
Lidio *, ounte dounc l'atrouba ?
Mouncor es un gourg de desaire.
En sounjant au tems envoula,
Quand à Font-frejo » arreogueira
A l'oumbrage, en roudelet libre,
Lou soulèu nous fasié canta
La pièce contre les médisants de la langue provençale est un véri-
table coup de fouet de poésie réaliste et satirique ; l'auteur Ta com-
posée de vers presque partout masculins. On trouvera dans le lai du
Félibrige des allusions aux commencements de la seconde période de
l'association provençale, ou plutôt aux écoles qu'elle s'efforça d'or-
ganiser trop prématurément; dans la ballade des dialectes de la lan-
gue d'oc, enfin, l'auteur, tout en maintenant ses préférences k l'endroit
de l'idiome deMaillane, corrige, de manière à satisfaire les plus diffi-
ciles, l'effet des vers humoristiques que contenait sa Cansoun capou-
liero^ touchant les paWers de Montpellier, d'Aix et de Nimes.
La Sihlado is Arquin"^ nous vient directement de l'Irlande. L'au-
* \ntoinette Rivière, de Beaucaire, dont les poésies ont été publiées sous
le titre : li Belugo d*Antounieto delBèu-caire. Avignon, Aubanel, 1865, in-8o,
326 pages.
* Dans ridiome populaire du Languedoc et de la Provence, la mort est pres-
que toujours nommée la Camarda.
3 Mademoiselle Goirand.
* Madame Lydie de Ricard, qui, — par une triste coïncidence, —s'éteignait
à Paris, presque au moment où M. B.-W. lui donnait place dan s ses vers.
c Château à quelques kilomètres de Montpellier. Sous ses ombrages se tint
la première Cour d'Amour de 'la maintenance languedocienne du. Félibrige,
* Cansoun capouliero dôu Félibrige, seguido d'un brindepourta lou jour
de Santo-Estello. Plymouth, Keys, 1877, in-8o.
T Arquin est un substantif provençal ( Aix , Tarascon , Beaucaire et Mar-
seille) qui signifie bon diùlle^ gai vivant, luron, dans la plupart des cas.
M. B.-W. lui donne la signiftcatioa plus relevée de féAibre humoriste et rail-
leur.
Au XV1™« siècle, le poëte la Bellaudière était, à Aix, le boute- en -train ordi-
naire d'un cercle d'Arquins.
Le mot en question est devenu nom propre à Montpellier.
42 BIBLIOGRAPHIE
teur, n'ayant pas trouvé à Waterford les caractères nécessaires à la
composition d'un texte provençal, a dû marquer à la main, sur les
exemplaires qu'il destinait à ses amis, l'accentuation si compli-
quée de l'école avignonaise. C'est en ayant sous les yeux un de ces
exemplaires que nous écrivons le présent compte rendu, et que nous
tenons à remercier M. B. -W.de la double et trop aimable mention
qu'il a bien voulu faire de nous dans la ballade du dernier félibre.
A. Roque-Ferrier.
Anfos, drame patriontiqne, courounat pèr la Cor-d'amour de la Lausa ^
lou .26 de septembre 1880, pèr Paul Gourdou, d'Alzouno. — Ais, Empre-
marié prouvençalo, 1880, in-8o, 28 pages.
Le rapport sur les Jeux floraux de la Maintenance languedocienne
du Félibrige, tenus au château de la Lauze, le 26 septembre 1880,
appréciait en ces termes l'œuvre dramatique de M. Paul Gourdou :
<c Anfos es un drame en verses, tout estelat de patrioutige e
d'ounou. La familha de lou qu'es partit espéra, dins de laguis tou-
jour pus grands, de lotras e de nouvelas que jamai noun arrivoun.
Es aladouc qu'un souldat blassat tusta la porta, demanda la retirada,
e, tout en se caufant au floc dau salounet, conta la fin d'un amie
sieu, couchât, i'a vint jours déjà, dins la nèu e lou sang de l'annada
maudicha. Devignàs qu'aquel amie s'atrova lou fil d'Anfos, e vesès
la desoulacioun d'aqueste, la dau fraire, de la maire e de la nobia
dau mort. Se fan dire la darrieira batalha, e quand, pount per pount
e blaasadura per blassadura, an sajut qu'es toumbat en arregardant
l'enemic, se souvenoun de la paraula dai sages de Greça : « Se loui
dieus aimoun quauqu'un, lou fan mouii jouine », e cantoun d'un soûl
cor la cansou de l'esperança francesa.
» Avès aqui Tobra de Paul Gourdou. Es bêla, de segu ; mais série
sans défausses se l'autou aviè mai mesclat lou natural de la doulou
' Lisez la Cour d'amour de la Lauso. La Lauze, en montpelliérain la
Lausa, est un ancien fief des chevaliers de Saint-Jean-de- Jérusalem, situé dans
la commune de Saint- Jean-de-Védas, près Montpellier. Le château, qui a con-
servé jusqu'à nos jours son architecture médiévale, est déjà mentionné en 1183
et 1191 (Thomas, Dictionnaire topographique de l'Hérault. Paris, Impri-
merie impériale, 1865, in-4o, page 91). — iÂ. G. a supposé que l'accent
portait sur la dernière syllabe du mot, erreur qu'a renouvelée un felibre
manteneire ( M. Guitton-Talamel (?) ) dans la préface provençale placée en
tête du drame.
C'est sans doute par distraction que la même préface contient la phrase
suivante : « La Patrio ! aquéu mot fantasti cuerbe leis autre » Jamais
adjectif ne fut moins à sa place.
PERIODIQUES 43
à - l'esaltacioun dau patrioutisme, se lou despart per Tarmada dau
viel Anfos e de soun segound fil era milhou apreparat e se l'imne
que clava tout fasiè pa' 'n countraste cosent embe la tristessa e lou
dôu de la pas alamanda *. »
Si nous n'avons rien à retrancher de ce compte rendu, nous avons
cependant à formuler un désir, celui de voir M. G. entreprendre une
œuvre dramatique dont le caractère soit à la fois moins lyrique et
plus varié. Nous lui réclamerions volontiers la traduction en vers de
quelques-uns des drames de Lope ou de Calderon. Ses brillantes
qualités de poëte trouveraient là des succès que le théâtre méri-
dional n'aurait pas à dédaigner, quelle que soit la richesse relative
de son répertoire.
A. Roque-Feerier.
PÉRIODIQUES
Romania, 34. —P. 177. H. d'Arbois de Jubain ville et G. Paris,
la Versification irlandaise et la versification romane. M . G. Paris soutient
contre M. Bai'tsch l'origine latine de notre ancienne versification po-
pulaire. En quoi je suis de son avis. Je crois encore avec lui que notre
vers de quinze syllabes dérive du septénaire trochaïque . P. 187, le vers
Ad celi Clara non sum dignus sidéra
est le eénaire iambique si usité chez les Grecs et chez les Latins.
P, 192 . [P. Meyer. Les Troisièmes Personnes du pluriel en provençal.
Article très-intéressant, où l'histoire et la répartition géographique des
diverses formes de la 3® pers . du pluriel en langue d'oc sont étudiées
avec le plus grand soin et le plus grand détail . Les documents qui
ont servi de base à ce savant mémoire étant, pour l'ancienne langue,
les plus nombreux qu'il soit probablement possible de se procurer et,
dans tous les cas, a qu'aucun philologue voué aux études provençales
ait jamais eus à sa disposition », comme le fait justement remarquer
M. Meyer lui-même, on peut en considérer les résultats comme suffi-
samment assurés dans leur ensemble. Je le constate avec d'autant plus
de satisfaction, que ce sont les mêmes, ou à bien peu près, auxquels
mes propres recherches m'avaient conduit. Le travail de M. Paul
Meyer n'est pas cependant absolument exempt d'erreurs. J'en relè-
verai d'abord une à la rectification de laquelle je suis intéressé per-
' A. Roque-Ferrier, Rapport présenté à la Maintenance du Languedoc, le
26 septembre 1880 ; imprimé dans ïArmanac Rouman per Vannada 1881 .
44 PERIODIQUES
sonnellement. P. 197. « Maintenant encore la iorme au (habmt) bo tb"
trouve en bas-limousin, selon M. Chabaneau^^ Je dois dire toute-
fois qu'il eût été à désirer que l'auteur de la Grammaire limousine eût,
dans ce cas et en maintautre, précisé ce qu'il entend par bas-limousin.
De Tulle àNontron (que M. Chahaneau fait entrer, au moins au point
de vue linguistique, dans le bas^limousin)^ il y a près de 100 kilo-
mètres. . .» Comment M. Paul Meyer, avant de m'attribuer une opi-
nion si extraordinaire, n'a-t-il pas songé à vérifier si, en effet, je l'avais
émise ? Il aurait trouvé, à la page 2 de la Grammaire qu'il veut bien
citer, les lignes suivantes : « Il y faut distinguer [dans le limousin,
considéré comme espèce linguistique] trois sous- espèces, correspon-
dant à peu près aux divisions géographiques du domaine de ce dia-
lecte, savoir le haut-limousin, le bas-limousin et le périgourdin . Celle-ci
est, par ses caractères, intermédiaire entre les deux autres. C'est à elle
qu'appartient la variété de Nontron, prise ici pour type de tout le
dialecte.» Quant à ce que j'entends par bas-limousin, était-il néces-
saire de le dire plus précisément? N'est-il pas assez clair, par les lignes
que je viens de transcrire, que le bas-limousin est, en gros, pour moi
comme pour tout le monde, le langage du Bas Limousin, c'est-à-dire
du département de la Corrèze, chef -lieu Tulle, de même que le péri-
gourdin est celui de la Dordogne et le haut-limousin celui de la
Haute- Vienne ? J'aurais cru faire injure à mes lecteurs de mettre tant
de points sur mes t.
P. 198. Parmi les textes qui offrent les formes en aun, au,
M. Meyer n'aurait pas dû oublier Flamenca. Il aurait pu citer égale-
ment le chansonnier d'Oxford, et, parmi les documents purement lo-
caux, les coutumes de Cahors et celles de Saint- Antonin. Aujourd'hui
ces formes, généralement affaiblies en ou, se constatent dans l'Hé-
rault ( Bézîers, Quarante ), l'Aveyron, le Tarn, le Tam-et-Graronne, le
Cantal, le Lot, la Corrèze, la Creuse orientale *. En Provence, on en
trouve encore des exemples au milieu et à la fin du XVI® siècle.
( Chansons du Garrateyron, La Bellaudière . )
P. 200. Je m'étonne que M. Meyer, qui cite estou, d'après les Leys
d amors, avec hoUy vou, fou, ne mentionne pas les formes d'où ceUe-là
dérive, à savoir estaun et estau (lat. *staunt; cf. estau = *stao),
Estaun et estau sont dans le Mémorial des nobles de Montpellier. J'ai
* M. Paul Meyer peut s'en assurer facilement en feuilletant le dictionnaire
de Béronie ou en relisaat le poëme qu'il cite dans la note 4 de la page 205.
' Vaount = vont^ faount = font ( Jean Petit, Essais en patois 7nat^
chois, p, 6 eil ) ; mais ibid., oun = habent; foroun =^ feront. Ces der-
nières formes provienneQt peut-être de formes antérieures où ou était diph-
thongue ( affaiblissement de au).
PBRIQDIQnBS 45
troavé auBsi cette dernière forme dans un document date de Gaillac,
1221 (Compayré, 374). On la rencontre enfin dans le descort dont
M. Meyer parle p. 198, au v. 81. H y a eatan dans son édition ; mais^
d'après une copie de M. Boucherie que j'ai soas les yeux, le ms. porte
plutôt estau.
Ibid, Pourquoi, citant les LeySy M. Meyer ne parle-t-il pas aussi
du Donat provençaly qui mentionne également les futurs en au, sans
les donner pour fautifs, comme les Leys f
P. 202. Il eût été bon de faire observer que la substitution de ien
à ian, en Provence, n'est qu'une application de la règle générale qui,
dans le dialecte de cette province et d'une partie du Languedoc, a fait
partout afEaiblir en e ( et non en o comme ailleurs ) Va suivant un i
tonique. Habebat y est devenu aviey comme kabebant auier», formes
dans lesquelles, pour le rappeler en passant, l'accent s'est porté de l't
consonnifié sur Ve,
P. 202. M.. Meyer aurait pu ici ou un peu plus loin dire un mot
d'une modification de la forme en io ( = *iunt pour ianty eant), dont il
a signalé lui-même autrefois des exemples anciens : je veux parler de
itt, développé plus tard en ieu. Ce iu est plusieurs fois dans Flamenca.
Je le remarque encore dans une charte de 1196, imprimée dans les
Archives d'Agent p. 2 {faziu^ auriu^ voliu^ podiu ). Raimond de Cornet
( de Saint- Antonin) a sieu {=sian) rimant avec vieu [Lexique roman I,
469). Je trouve la même forme dans un document daté de Rodez, 1218,
mais publié d'après une copie postérieure, etcofioj(S»6udans une charte
du Tarn de 1328. Aujourd'hui ces formes sont en usage en divers
lieux, par exemple à Alais (Gard).
P. 206. Il n'eût pas été hors de propos de rappeler que Hugue Fai-
dit ne donne nulle part, dans ses paradigmes, de formes en an. Les
seules qu il connaisse, les seules tout au moins qu 'il considère comme
correctes, puisqu'il n'en mentionne pas d'autres, sont celles en on et
en en, et il les donne partout, dans toutes les conjugaisons et à tous
les temps, comme également légitimes.
P. 210. M. Meyer se trompe lorsqu'il dit que «le patois de Limoges
conserve an partout où il y a en latin anU » Ruben, auquel il renvoie,
n'a pas commis cette erreur. Là, comme en Périgord, en s'est substitué
à an à l'indicatif présent de la première conjugaison (chanten et non
chantan).
P. 211. M. Paul Meyer explique ici, comme moi, par l'analogie de
au, cantarau, etc., les formes comme aviau^ cantarlau, siau, etc.; mais
il ne se demande pas pourquoi an est ainsi passé à au seulem ent après
1/ pourquoi, par exemple, cantavan n'est pas devenu cantavau comme
avion est devenu aviau. Je pense que c'est parce que cantavan est tou-
jours resté paroxyton, tandis que avian a dû de très-bonne heure, dans
46 PÉRI0D1QT7BS
le langage courant, devenir oxyton, i se faisant consonne et l'accent,
par suite, se portant sur Va. Cette modification phonique une fois opé-
rée, la finale an d^avian se trouva dans la même condition que celle de
fan, van, estan, han et des futurs, et l'on comprend que Panalogie y
ait amené son changement en au dans quelques-unes, tout au moins,
des contrées où les formes classiques en an (han, fan, van, etc.) avaient
pour correspondantes des formes en au* .
Je trouve dans mes notes que ces formes en iau pour tan (impar-
fait, conditionnel, subjonctif présent) vivent aujourd'hui, non -seule-
ment dans le parler du Cantal et de l'Aveyron, mais encore dans ce-
lui du Lot, de la Corrèze, du Tarn et d'une partie de l'Hérault Pour
l'ancienne langue, les seuls exemples que l'on eh connût, ou du moins
que j'en connusse, avant l'article de M. Paul Meyer, étaient, avec
ceux des Leys d^amors, les cinq ou six que fournit la Coutume d'Alais.
M. Meyer en fait connaître trois de plus, relevés par lui dans des do-
cuments de 1183, 1193 et 1201, qui sont datés de Dourgne (Tarn)
et de Rodez. Ce sont faziau (deux fois) et soliau^.
D'autres formes analogiques que M. Meyer aurait pu signaler sont
celles qui résultent de la substitution de ia à Va pur dans les impar-
faits de la l'« conjugaison : amavian (d'où amavien) pour amavan
(Provence, partie voisine du Languedoc). Il serait naturel que des
formes pareilles donnassent naissance à amaviau, là où l'on dit amarau.
Le plus ancien exemple que j'en connaisse est de 1408 : « E semhlavian
maysparaulas divinas quehumanals.»(Pe<^^ Thalamus de Montpellier
447.)
P. 212. Quelle nécessité y a-t-il de faire absorber l'une par l'autre,,
dans le latin même, les flexions unt et eut? Dans l'hypothèse de
M Meyer, qui veut que ent ait disparu devant ant, il faut supposer
* Ce doit être aussi & la suite d'une contraction que tuan, de tuar, a pro-
duit tuau, si cette forme que je lis dans un extrait du Catéchisme rouergat
de 1656 est bien sûre.
2 M. Paul Meyer, à propos de ces formes en iau=: ian, remarque qu'elles
« sont loin d'être récentes, comme il était assez légitime de le supposer à pre-
mière vue et comme on l'a en effet supposé », et il renvoie à la Revue des lan-
gues romanes, 3, II, 77, où ces formes sont en effet qualifiées, non pas sim-
plement de « récentes », mais de <t relativement récentes ». L'adverbe ici a son
importance, et je m'étonne que M. Meyer, en me citant, l'ait omis. Je m'étonne
également qu'il n'ait pas compris qu'un soin plus pressant que celui de rele-
ver une erreur de chronologie, — d'ailleurs imaginaire, car les formes en iau
seront toujours relativement récentes, — de la Revue des langues romanes,
devait l'occuper. Je veux dire celui de rectifier l'assertion aussi absolue que
surprenante (« on n'a jamais dit aviau » [Romania, VIII, 14)), à laquelle les
lignes de la Revus qu'il vise faisaient précisément allusion.
PÉRIODIQUES 47
que debentj par exemple, changé d'abord en *dehuiUj est ensuite devenu
deven, grâce à une nouvelle modification qui a ramené cette forme de
debere à son point de départ. Combien n'est-il pas plus simple et plus
raisonnable à la fois d'admettre que ant^ ent, unty existant encore
simultanément au moment où la langue d'oc s'est dégagée, ont pro-
duit respectivement an, en, on (o), qui ensuite, selon les dialectes,
ont gagné ou perdu plus ou moins de leur terrain héréditaire, en
sorte que an et en se sont vus supplantés par on (o) dans le Quercy,
le Rouergue, etc.; on au contraire, et en partie an, par en^ dans le
Limousin, la Gascogne et tout le domaine catalan.
P. 213. Les formes gasconnes en m, dont M. Paul Meyer ne se
rend pas bien compte, sont pour moi le résultat de la réduction,
parfaitement normale en cet idiome, des groupes atones ia et tti ou
te à i. Eesponin : *re»pondiant =pre8enci : prœsentia; — avdin : au-
diunt =z remedi : remedium. On peut expliquer de même tenin par
*teneunt, ajustin par *adjuxteant ; mais cela n'est pas indispensable,
étant clair que la flexion m, une fois dégagée, a pu être prêtée par
analogie à des verbes qui n'avaient aucun droit, étymologiquement,
à la recevoir. Du reste, ian et mi existent aussi en gascon, et parfois
concurremment avec in dans les mêmes textes . — C. C.
P. 216. Gaston Raynaud, les Congés de Jean Bodel, M. G. R. fixe
la date de cet opuscule (1205), classe les sept mss. qui nous Pont
conservé, en détermine la valeur, et prouve que 6 strophes sur 47
ne sont pas de Jean Bodel. Cette étude préliminaire est complétée
par des recherches détaillées et méthodiques sur la langue et la ver-
sification de l'auteur, qu'il hésite encore à identifier avec Pauteur de
la Chanson des Saisnes. Nous avons peu d'observations à présenter
sur cette notice substantielle et bien faite *.
* [ P. 233, note. — M. R. hésite à séparer de la strophe XXXll a, qui
rime en ers, puisqu'elle ne donne à la rime que des e ayant pour base un e
long ou un i bref, la strophe VI a, qui rime en èrs, puisqu'elle n'offre que des
mots ayant en latin un e en position, et il les comprend toutes deux sous la
rime èrs. Nous croyons que c'est à tort. De même, la strophe XlX a rime
en et et non en et, et la strophe XVIll a en été et non en ète. Dans cette der-
nière, 7'ete = reputat, qui se trouve au milieu d'e provenant d'i bref ou d'e
long, ne fait difficulté que si l'on se croit obligé d'admettre sans conteste cette
étymologie. N'y aurait-il pas lieu de revenir à Tétymologie rejetée par Diez,
à rectare ( lat. moyen ) ? La strophe serait ainsi correcte, et la règle qui as-
signe aux deux e leur domaine distinct ne serait point violée. L Constans.J
— Rete = re[dl - putat, de même que relliquiae, relligio, doublets de
reliquiae, religio = red-liquiac, red-ligio% L'étymologie proposée par Diez
est donc toujours valable, à condition de la compléter; autrement il est
certain que reputat aurait produit riete et non rete. Quant à * recta, que
48 PéRIODIQXTBS
V. 115. Tost monte uns hom corne amiraus,
Et tost rekiet corne orinaus.
Au Glossaire, M. G. R. traduit orinaus par «vase de nuit, pris au
sens dépréciatif . » Orinaus = urinalis est ici synonyme de urinator,
plongeur. — P, 248. J. Ulrich, le Catéchisme romaunsch de Bonifaci.
— P. 288. V. Smith, Chants populaires du Velay et du Forez, Trois
Retours de guerre. Pièce I, v. 2, le 1«' hémistiche est trop court ; v. 3,
le 1er hémistiche est trop long; v. 9, le l®r hémistiche se termine
exceptionnellement par une syllable masculine. Par quel artifice sup-
plée-t-on dans le chant à l'absence de l'atone? Pièce II, v. 21, le
1°- hémistiche est trop court. Est-ce que Ve de pauvre ne s'élide
pas? — P. 294. Mélanges: \° Notes sur la langue vulgaire d'Espagne
et de Portugal au haut moyen âge (712-1200). Jules Tailhan. 2<* Sui
ce Miracles de Nostre-Dame en provençal. j> Musbblûh.So Chevrette, cre-
vette. 4o Tangue, tangue, Ch. Joret. 5o Les Filles des for g es dePaim-
pont, ronde bretonne, J. Fleury. — P. 305, Comptes rendus. 1» Cari
von Reinhard-Stoettner, GrarrimatiJc der Portugie-sischen Sprache auf
Grundlage des lateinischen und der romanischen Sprachvergfei-
chung bearbeitet (J. Ulrich). Petf favorable. 2o Charles Aubertin,
Histoire de la langue et de la littérature françaises au moyen âge,
d'après les travaux les plus récents. T. II, Paris, Belin, 1878 (G. P.).
Sévère. 3^ Ueher den Streit von Leih undsecle. Ein beitrag zur Ent-
wicklungsgeschichte der visio Fulberti von Gustav Kleinert
(G. P. ). Très-défavorable. 4o L. de Montille, Chronicques des faits de
f eurent Monseigneur Gerat de Rossillon (P. M.). Très-défavorable.
5o Guido Biagi, Le Novélle antihedei Codici Paneiatichiano — Palatino
138® Laurenziano — Gaddiano 193 (P. M.^ Favorable. 6o Franz Mi-
klosich, Ueber die Wanderungen der Rumanen in den dalmatinischen
Alpen wnd den Karpaten (Antonio Ive ). Article très-intéressant. Favo-
rable. 7'» Paul Sébillot, Contes populaires delà Haute Bretagne (G. P.).
Favorable. — P. S30. Périodiques. — P. 342. Chronique.
A. B.
« Les deux articles que j'ai insérés dans la Revue des langues ro-
manes m'ont valu un compte rendu de M. Meyer. Je me borne à
deux remarques: 1° c'est à un article de la Romania que j'ai em-
prunté les renseignements bibliographiques d'où j'ai induit que le fa-
bliau en question était inédit ; 2° j 'ai relevé (p . 58-59) la confusion
qui estfaite, dans l'article de la Romania, entre les deux formes qu'af-
fecte le plus souvent cette légende : l'on a d'un côté Kornmann, Pros-
suppose M. Gonstans, il aurait donné reite ou roite, forme inadmissible dans
la série des rimes en ete. — A. B.
GHB0N1QUB 49
per Mérimée, H. Heine; de Tautre, Vincent de Beauvais, le Miracle
provençal, Gautier de Coincy, entre deux la version de la Vie des
Pères Hey^mites, M. Meyer ne dit rien de tout cela. — Le fabliau se
trouve dans le Nouveau Recueil de Méon : il suffisait d'y renvoyer le
lecteur. Je ne cache pas que j'ai été surpris du ton de M. Meyer :
ignore-t-il que, depuis le moyen âge, on ne joute plus qu'à armes
courtoises? » — F. C. »
CHRONIQUE
Le Bureau de la Société pour l'année 1881 a été composé de la ma-
nière suivante : Président, M. Antonin Glaize, chargé de cours à la
Faculté de droit; — Vice-président, M. Mie-Keittinger ; — Secrétaire,
M. A. Roque-Ferrier ; — Trésorier, M. Louis Lambert; — Vice-Se-
crétaire, M. P.-J. Itier; —Archiviste, M. Folie-Desjardins; — jBi-
bliothécaire, M. Etienne Gleizes; — BibUothécaire-adjoint, M. C.
Gauthier.
Communications faites en séance de la Société. — 2 février. —
Les traductions de la bulle Ineffahilis dans les dialectes de langue
d'oc et de langue d'oil, par M. V. Smith;
Fragments d'une comédie satirique en vers provençaux, de feu
l'abbé Lambert, par M . Louis Roumieux ;
Une version en vers lo dévois du Sermon du curé de Pierre-Buf-
fière, par M . Guichard ;
Lettre en vers provençaux sur les représentations théâtrales des
nègres d'Alger, par M. Louis Roumieux ;
16 février. — Lou Pin e lou Caniè, fable languedocienne (Lan-
sargues et ses environs), par M. A. Langlade;
2 mars . — Les substantifs français courtois, discourtois, etc . ,
par M. A. Boucherie;
Le nom du château de la Lauze (lausa, la lausa, là lauza, et
sa signification languedocienne, par M. A. Roque-Ferrier.;
A moun amie Bertoumîeu Bedbs, poésie languedocienne (Mont-
pellier et ses environs), par M. Coulazou;
16 mars. — A Victor Hugo, poésie provençale (Avignon et les bords
du Rhône), par M. Théodore Aubanel ;
Bernât de Ventadour, poëme limousin, par M. l'abbé Joseph Roux ;
Epître en vers languedociens (Montpellier et ses environs) (1851),
par M . Louis Roumieux ;
Note sur la déclinaison du pronom relatif français, par M. Clédat;
Lettre en vers provençaux (Nimes et ses environs), par M. Louis
Roumieux.
*
« *
La collection des publications spéciales de la Société s'est aug-
mentée de deux volumes. Le premier est dû à M. J.-F. Thénard, et
50 OHROîïIQUE
il renfenne, avec un*^ préface et des notes, les Mémoires ou Livre
de raison d*un bourgeois de Marseille (1674-1726), in-8", xii-196
pages ;
Le deuxième comprend un poëme italien du XlIIe siècle, en ccxxxii
sonnets, imité du Roman de la Rose, par Durante, et publié pour la
première fois, ayec une introduction, des notes et un fac-similé, par
M. Ferdinand Castets, in-8**, xxiv-184 pages ;
La Société a fait distribuer, en outre, le dernier fascicule du
tome III du Dictionnaire des idiomes romans du midi de la France ,
par M. Gabriel Azaïs, in-8», pages 529 à 828.
Livres et manuscrits donnés a la bibliothèque de la Société.—
Quatre-vingts manuscrits gascons, languedociens, provençaux et rous-
sillonnais, donnés par M. Gabriel Azaïs, de Béziers ;
Albumul macedo-roman, sub directiunelui V.-A. Urechia. Bucu-
resci, Socecu, Sanderet Teclu, 1880, in-folio, viii- 144 pages, fig. et
planches (don de M. V.-A. Urechia, député au Parlement roumain);
Associaciô d'exursiôns catalana. Vettlada necrolôgica celebrada en
lo dia 20 de desembre de 1878, pera honrar la memoria dels Catalans
illustres morts durant Fany. Barcelona, Ramirez, 1881, in-8°, 32 pa-
ges ( don de l'Association catalane d'excursions scientifiques);
Athénée de Forcalquier et Félibrige des Alpes . Félibrée de Saint-
Maime. 14 juin 1880. Forcalquier, Masson, 1880. in-8o, 16pag. (don
du Félibrige des Alpes ) ;
Bulletin de la Société archéologique de Béziers. Compte rendu de
la séance publique tenue le 14 mai 1874. Béziers, Malinas, 1874,
in-8e, 60 pages (don de M. Gabriel Azaïs);
Certamen catalanis ta de la Joventutcatôlica de Barcelona. Any 1880.
Barcelona, Estampa peninsular [1881], in-4», 372 pages (don de la
Société: la Jeunesse catholique de Barcelone) ;
Cigalo d'or (la), — publicacioun del'Escolo felibrenco delà Miôu-
grano, espelissènt lou dimenche. Nimes, Baldy-Riffard, 1877, dix nu-
méros in-folio (don de M. Gabriel Azaïs);
Conférences cantonales du diocèse d'Auch, 1881-1882-1883. Histoire
paroissiale. Auch, Cocharaux, 1881, in-12, 24 pages (don de S. G.
l'archevêque d'Auch);
Dominique, journau dôu Gai-Sabé, espelissènt lou dimenche. Ni-
mes, Baldy-Biifard, 1876 et 1877, vingt et un numéros in-folio (don
de M. Gabriel Azaïs);
Prouvençau (lou), journau litèrari, Ais-en-Prouvenço, Roumo e
Mount-pelié, 1877, 1878 e 1879, soixante-trois numéros in-folio (don
de M. Gabriel Azaïs);
U reclam de mountanhe, poésies béarnaises. Première partie.
Lous Herums, fables, sujets tirés d'adages, de dictons et de lé-
gendes du pays. Deuxième partie. D'Espourrii à St-Sabii, pastorale
philharmonique en trois actes, musique avec accompagnement de
lyre ou de piano. Dictionnaire béarnais-français des mots ramenés
dans cet ouvrage avec des indications étymologiques, par Jean-
Louis Lacontre; traduction en vers français, par Gabriel Pon-Gondry.
Dax, Herbet, 1870, in-4o, 52-35 pages (don de M. Gabriel Azaïs);
Mémoires ou livre de raison d'un bourgeois de Marseille, publiés
avec une préface et des notes, par M. J.-F. Thénard. Montpellier,
CHRONIQUE 51
au Bureau des publications de la Société pour Tétude des langues
romanes, 1881, in-S®, xii- 196 pages ;
Statuti civili e criminali di Corsica, pubblicati, con addizioni iné-
dite e con una introduzione, per munificenza del Conte Carlo Andréa
Pozzodiborgo, da Gio. Carlo Gregorj. Lione, Dumoulin, 1843, 2 vol.
in-8», cLx-276-196 pages (don de M. Mie-Keittinger);
Alvergne (Louis) ; los Flous dé lo moimtagno, poésies patoises
amusantes, pastorales, descriptions, dialogues comiques, etc. Rodez,
de Broca, 1880, in-12, 284 pages ;
Angleviel : Poésies languedociennes [préface patoise. l'Hiver, le
Printemps]. Ms. in-4o..S. D. 28 pages (don de M. Louis Roumieux);
Azaïs (Gabriel) : Dictionnaire des idiomes romans du midi de la
France, comprenant les dialectes du haut et du bas Languedoc, de
la Provence, de la Gascogne, du Béam, du Quercy, du Rouergue,
du Limousin, du Dauphiné, etc., tome III (3e livraison). Montpellier,
Bureau des publications de la Société pour l'étude des langues ro-
manes, 1881, in-8o, pages 529 à 828 ;
[Bonaparte- Wyse] : Uno siblado is Arquin, o sèt peço de ver»
prouvençau dins Ja manière de François Villon (1431-1461), o (pér
miéus dire ) emé la mesure de quàuqui pouësio d*éu. Waterford,
Walley, 1880, in-8^ 16 pages ;
Cazos(Bictor): Claourisses de Sen-Bertran. Saint-Gaudeiis,Abadie,
1859, in-8o, 40 pages (don de M. Gabriel Azaïs);
Durante : Il Fiore, poëme italien du XII le siècle, en ccxxii son-
nets, imité du Roman de la Rose, texte inédit publié avec fac-similé,
introduction et notes, par Ferdinand Castets. Montpellier, au Bureau
des publications de la Société pour Tétude des langues romanes,
1881, in-80, XXIV- 184 pages ;
[Floret(Balthazar)]: la Franco en 1856. Béziers, Fuzier, 1856, in-S®,
4 pages (don de M. Gabriel Azaïs);
[Floret (Baltbazar)]:la Franco en 1 859. Béziers, Fuzier 1,859, in-80,
4 pages (don de M. Gabriel Azaïs);
Garbea(G.-0.): Aurora, calendaru ilustratu pe 1881. Bucuresci,
editura librariei « Aurora », 1880, in-4o, 64 pages, ng. (don de M. V.-A.
Urechia, député au Parlement roumain) ;
Malval (F.) ; Étude des dialectes romans ou patois de la basse
Auvergne. Clermont-Ferrand, Vigot, 1878, in-12, 190 pages (don de
M. Rousseau, libraire, à Clermont);
Martin (F.-R.).Histoiradé moun Recul dé fablas ou galimatias en
rimas. Toulouse, Laboufsse-Rochefort, 1846, in-80, 12 pages (tiré à
vingt-cinq exemplaires) (don de M. Gabriel Azaïs);
Martin : Essai d'un dictionnaire bayonnais-français. Manuscrit
in-8» de 86 pages doubles ( don de M. le docteur Noulet) ;
. Monier (0.) : Une felibrejade, ou le Gai Savoir à Toulon. Copie
manuscrite in-4o de 12 pages, 1881 (don de M. Frédéric Mistral) ;
Roumieux (Louis) : Bèlli Santo, sus l'èr; 0 Mario! la patrio, etc.
Avignoun, Aubanel [1879], in-8°, 4 pages;
Roumieux ( Louis ); Bon Viage! à moun jouine ami Adalbert Char-
vet, k l'oucasioun de soun mariage emé la gènto Mario Florisonne.
Mount-pelié, 1880, in-80, 4 pages ;
Roumieux (Louis): Cansoun nouvialo pèr lou mariage de M. G. de
Casamajor, d Argié. Nimes, Roumieux, 1873, in 8°, 8 pages ;
Roumieux (Louis): La Bisco, coumèdi prouvençalo en dous ate e
5S OHROMICIXTE
en vers. Manuscrit original, 1879, in-8« (sans pagination) (don de
M. Louis Roumieux);
Roumieux (Louis): Lou Grès. Aies, Martin, 1879, in-S», 4 pages;
Roumieux (Louis) : Nouvè-charrado . Aies , Martin, 1877 ,in-8<»,
4 pages;
Roumieux (Louis ) : Souto lis oume, balado d'antan. Nimes, Baldy-
Riffard. 1877, in 8°, 4 pages;
Roumieux ( Louis ) : Uno bello famiho . Aies, Martin, 1878, in-S®,
4 pages;
Roumieux ( Louis ) : Uno visito . Pèr lou Batèmo de moun fihôu
Louriset Marsal. Nimes, Baldy, 1879, in-8°, 4 pages ;
Roux ( l'abbé Joseph ) : l'Inscription de ^int-Viance. Tulle, Ma-
zeyrie, 1881, in-12, 22 pages ;
Roux (l'abbé Joseph): Chanson lemousina. Cesaren (avec la tra-
duction française). Tulle, Crauffon, 1879. in-8°, 8 pages;
Sébillot (Paul): Littérature orale de la haute Bretagne. Paris,
Maisonneuve et Cie, 1881, in-12, xii-400 pages (don de MM. Mai-
sonneuve ) ;
Quinze journaux renfermant des textes et des indications de na-
ture à intéresser les études philologiques ou l'histoire de la littérature
méridionale, donnés par MM. Théodore Aubanel (1), Marins Bour-
relly(l), Camille Laforgue (1), Frédéric Mistral (2), Roque-Ferrier (9)
et Louis Roumieux (1>.
Errata des numéros de novembre et de décembre 1880.
Sermons et préceptes religieux. — P. 118. III. I. 31. «... de
Deu. Aitals. » Lis.: de Deu, aitals,
P. 119, V, 1. 6. « Annua. » Lis.: Anna.
P. 132, XVIII, 1. 54, « majer. » Lis.: majeir.
P. 138. VII, 1. 26. « Que Nostre Seiner. » Ces mots doivent être
mis entre crochets.
P. 142, III, 1. 1. «( C'om e... » Liz.: c'om se,
P. 143, IV, 1. 10. « Membres. » Lis.: Nembres.
P. 144, VI, 1. 44. Remplacez les points placés après maires par
eloiniar,
La Langue et la littérature françaises. Réponse a M.Brune-
TiÈRE. — P. 221, 1. 20, deux vélites et un hoplite ; lisez: deux
peltastes et un hoplite.
P. 233, 1. 14, l'apanage exclusif des Germains, Gaulois, Gallo-ro-
mains, etc. ; — lisez : des Germains. Gaulois, Gallo- Romain s.
Description du royaume de Chernuble. — P. 291, 1. 3, c'et^t la des-
cription du royaume de Chernuble; lisez : description du
ROYAUME de CHERNUBLE.
P . 292, 1. 1 1 , employée; lisez : employé.
P. 296 (au bas de lap .), au XIII^ siècle; lisez : an Xlle siècle.
La Légende d'Edipe. — P. 303, 1. 30, prison, forteresse, etc
Effacez etc.
Le gérant responsable : Ernest Hamblin.
Dialectes Anciens
SPÉCIMEN
DU LANGÀOE PARLÉ DANS LE DÉPARTEMENT DES HaUTES-ALPES
VERS LA FIN DU XII* SIÈCLE
« Les spécimens du dialecte parlé autrefois dans les Hautes-
» Alpes sont extrêmement rares. A notre connaissance, il n'en
» existe aucun d'antérieur au XV* siècle. »
Voilà ce que nous disions naguère en publiant un document
inédit, en langage vulgaire des Hautes- Alpes, de l^année 1442,
et provenant de Savines, arrondissement d'Embrun (v. Spéci-
men du langage de Savmes en 1442 ; lecture faite à la séance
de ï Athénée de Forcalqmer, du 14 juin 1880. Forcalquier, Au-
guste Masson, 1880, in-8**, pag. 6 et suiv.).
Depuis lors, un heureux hasard nous a fait rencontrer dans
les Archives départementales des Hautes-Alpes (série H. 221 )
un document original, en langue romane, de deux cent cin-
quante années environ plus ancien que le. précédent.
Ce document, il est vrai, est sans date précise ; mais, eu
égard aux personnages dont il parle, à l'écriture et à d'au-
tres circonstances, il remonte incontestablement à la fin du
XII* siècle ou, tout au moins, aux deux ou trois premières an-
nées du XIII*. Dans cet acte, en eflfët, il est question de Sarras
ou Sara, prieure delà chartreusine de Berthaud. Or, suivant
d'autres actes, parfaitement authentiques {Archiv. des Hautes-
Alpes, H. 221, 2), en 1204, dame Sara était déjà remplacée à
Berthaud par la prieure Agnès.
La chartreusine de Berthaud, à laquelle se rapporte notre
document, était située non loin de Q-ap, sur le territoire de la
commune actuelle de Rabou, au sein de ces « hautes et âpres
«montagnes décharnées» qui se rattachent au puissant massif
du Devoluy.
La fondation du monastère de Berthaud remonte à l'an-
née 1188. A cette époque, Adélaïde, femme d'Arnaud Flotte,
Tome v de la troisième série. • février 1881. 5
54 LE LANGAGE DBS HAUTES-ALPES AU XII' SIECLE
seigneur de Montmaur, et ses quatre fils, donnèrent le terroir
de Berthaud aux religieuses de Saint- André-de-Prébaïon (de
Prato Ba%one\ près Orange (Vau cluse), afin de s'y transférer
(Charte originale de septembre 1188, Arch. des Hautes-Alpes^
H.221, 1).
n ne faut point confondre, ainsi qu'on le fait trop souvent,
le monastère de Berthaud, sis sur la commune de Rabou, can-
ton de Gap, avec le quartier de Berthaud, qui fait partie de la
commune de Yentavon, canton de Laragne ( Hautes-Alpes ).
Berthaud de Ventavon, il est vrai, est beaucoup plus connu
aujourd'hui que l'antique monastère de Rabou, surtout à cause
de la ferme'école qui y a longtemps prospéré, sous la direction
du regretté M. Allier, et qui vient de finir si tristement avec
lui. Mais, autrefois, Berthaud de Ventavon n'était qu'un sim-
ple domaine du monastère de Rabou; c'est même de cette cir-
constance qu'il a pris son nom actuel de Berthaud.
La chartreusine de Berthaud, fondée en 1188, fut habitée,
sans interruption, par des religieuses de l'ordre de Saint-Bruno,
jusqu'en Tannée 1601. A cette époque, le monastère fut sup-
primé et ses biens unis à ceux de la chartreuse de Durbon ( au-
jourd'hui de la commune de Saint-Julien-en-Beauchène, can-
ton d'Aspres-lès-Vejnes, arrondissement de Gap), qui lésa
possédés jusqu'à la révolution de 1789 { v. Charronnet, Monas^
tères de Durbon et de Berthaud. Grenoble, Alph. Merle, sans
date, in -8», p. 72 et suiv.)
La charte en langue romane qui nous occupe est relative à
la division des pâturages du territoire de Montmaur ( canton
de Veynes, arrondissement de Gap), entre divers particuliers
et les religieuses du monastère de Berthaud.
Cette charte, de très-petites dimensions ( 0*, 237 millimètres
de large sur 0'^,085 de haut), renferme seulement huit lignes,
mais d'une belle et grande écriture: l'écriture minuscule de la
seconde moitié duXlP siècle. Chose singulière, cette écriture,
quoique évidemment de la môme main, a été tracée à trois re-
prises différentes, parfaitement distinctes, ainsi que le prouve
la triple couleur de l'encre dont on s'est servi : les six pre-
mières lignes sont en encre noire ordinaire ; les deux suivantes
sont en encre jaunâtre ; enfin la dernière est en encre très-
noire.
LE LANGAOB DES HAUTES-ALPES AU XIP SIÈCLE 55
On donnera, d'abord, une copie exacte de la charte, sans
faire subir aucun changement à la division des mots, à la ponc-
tuation, aux majuscules, etc. Cette copie, que Ton pourrait
dire photographique, sera suivie d'une transcription nouvelle,
mise en harmonie avec le sens du document. On ajoutera quel-
ques notes, en dernier lieu, pour Tintelligence du texte.
Nous nous abstenons, à dessein, de faire des observations
philologiques ou grammaticales; observations que notre petite,
mais précieuse charte alpine, peut suggérer en grand nombre.
DIVISION DU PATURAGB DE MONTMAUK
1® Copie exacte delacharie originale.
Le pasquers de mont maur fait . xu . parties lidionene an les
set. eles set tornont encinc. | de les cinc sont les does den
Per rainier demont maur li terza den per raimon. eest de
bertaut. li quar | ta den aut de benevent. eest de bertaut. 11-
quinta est deuz albertz. esont les does de bertaut. | deles au-
tres cinc parties, est liuna parz denfalco devene. edel grimo-
neh.'&.eestlimeita de bertaut^ eliautra est delbornos. | eliautra
denoliver. eliautra de père lager. edenodo baudemar. elipar-
tia denodo baudemar. est debertaut. eliautra est denablandina.
eest debertaut. een guichart donet a dieu ea ma donna sancta
maria e a las donnas de bertaut la soapart delpasquerde mon-
maur \ ededevoloi^. ea quest dofez en lapresensa de la donna
prioressa na sarras e de tôt lo covent'.
2° — Transcinption modifiée.
Le pasquers de Montmaur fait xu parties. Li Dionene an
les set, e les set tornont en cinc.
De les cinc, sont les does d'en Per Rainier, de Montmaur ;
li terza, d'en Per Raimon, e est de Bertaut ; li quarta, d'en ,
Ant[oni] * de Benevent », e est de Bertaut ; li quinta es deuz
Alberz : e sont les does de Bertaut.
De les autres cinc parties, est li una parz d'en Falco de Vene •
e del Grimonehs, e est li meita de Bertaut ; e li autra est de]
Bornos; e li autra, d'en Oliver; e li autra, de Père Lager e
56 TRADUCOIO GATALANA DBL FLOS SANCOTRUIf
d'6n Odo Baudemar, e li partia d'en OdoBaudemar est doBer-
taut ; e li antra est de na Blandina, e est de Bertaut.
Ë en Guichart donet a Dieu, e a ma donna Sanota Maria e
a las donnas de Bertaut la soa part del pasquer de Monmaur
e de Devoloi ^ ; e aquest do fez en la presensa de la donna
prioressa, na Barras, e de tôt lo covent,
NOTBS DIYBRSBS
* Ces mots sont en interligne au-dessus de ceux-ci : Falco devene
e del grimonehs.
^ Les mots soulignés sont en encre jaunâtre.
3 Ce dernier passage est eâ encre fort noire.
^ Nous pensons que les mots dm aut, qui se lisent dans l'original,
doirent s'entendre, non dans le sens de en haut, mais dans celui de
sieur Antoine']'
^ Bénéventf commune du canton de Saint-Bonnet-^n-Ohampsaur,
arrondissement de Gap.
* Veynesy chef-lieu de canton, arrondissement de Gap .
' Le 2>ei?o/wy, région montueuse et isolée, formant le canton actuel
de Saint-Etienne-en^Devolny (Hautes-Alpes).
Gap, 19 septembre 1880.
L'abbé Paul Guillaume,
Arcbivisis des Hautes-Alpes.
LA TRADUCCIO GATALANA DEL FLOS SANCTORUM, COMPARADA
PER MEQIDE DOS DIFERENTS TEXTOS
A la diligencia y erudicîô dels sabis professors romanistas
MM. Boucherie j Chabaneau devem lo conéixer, desde 1878
en las planas de la Bévue des langues romanes^, un intéressant
fragment de la traducciô catalana de la Llegenda dorada dé
Jaume de Yorâgine que ^s guarda manuscrita en la Biblioteca
nacional de Paris, ms. 7,265 (avuj esp. 44). Aquest exempla
nos ha animât à publicar un fragment d'altre traducciô cata-
lana, quai ms. se conserva en la Biblioteca provincial y uni-
versitaria d'esta Ciutat de Barcelona, baix la custodia de son
* T6me V, Se série, pag» 209.
TRABUCOIO GATÂIfANA. DBL FLOS SANGTORUM 57
digne bibliotecari, nostre amich D. Mariano Aguilô y Fuster.
A ell agrahim coralment lo haver pogut estudiarlo à nosira
satisfaccio.
Gonsisteix dit ms. en un côdice en paper y vitela interpo-
sada, de 296 foleos, escrit ab Uetra del eegle XV, si be lo
Denguatge apar esser mes antich. Se titula : « Flors sanctorum
en caiald », y comensa : (( Del Primer aveniment de Jesuchrùt,
— r Tôt lo iemp$ d'aquesta présent vida »,• etc. Creyem ab fona-
ment, qu'es lo mateîx ms. à que fa referencia Torres Amat
{Diecionano de escritores catalanes ^pag, 701, eol. 1, lin, 1), com
peptanyent à la que fou Biblioteca del couvent de Carmeli-
tas descalsos de Barcelona.
LodenominarémtextA. pera compararlo ablotextB. qu'es
una de las traduccions catalanas estampadas à principis del
segle XVI. Aixo n'obstant atribuim son lienguatge al segle XV,
per esser igual al dels incunables catalans que havem vist del
mataix liibre. La portada diu aixis : « Flos sanctorum : nova-
ment fet e corregit, £ afegit moites altres vides de sancts e sanctes
ab la passto nostre mestre e redemptor Jésus» » — Lo côlofon
d'aquesta ediciô impresa en earâcters gôtichs, es lo segûent :
€ A lahor e gloria de nostre Senyor Deu Jesuckrist, e de la sua
purtssima mare senyora nostra fonch stampada la présent obra
en la tnsigna Ciutat de Barcelona per Caries Amoros provensal,
a XXVI de febrer en lany Mil D.eXXIIIL » S'inicia en lo
fol.l per aquestas paraulas : « Comensa lo prolech sobre la
traducciô fêta de lati en vulgar de aquella notable part del mo-
nothesseron, que vol dir hu de quatre, del i^everent doctor Johan
Jerson malt digne canceller de la ciutat de Paris ^ etc. »
Tbxt a. Tbxt B.
(fol. ^). Dequinqiutgesima, (fol. 55).— De la quinquagesima,
Quinquagesima dura del di- Quinquagesima dura del diu-
menge en lo quai se canta en la meage : en lo quai se canta en
missa. Tu aies a mi Senyor deffe- la miftsa. Eu aies a mi defenedor
nedor. E deu esser determenade senyor e Deu : e es termenada
en lo dia de paacha. Es stabUda en lo dia de pasca. E es establida
quinquagesima per compliment e quinquagesima : per compliment
com nos degam dejunar XL dies e per significament. Per compli-
a semblansa de Jesuchrist. — £ en ment : on com uosaltres degam
58
TRADUCCIO CATALANA DEL PI-OS SANCT0RI3M
la caresma no sien cor XXXVI
dies dejunadors perso car node-
junam enlos dimenges per alegre-
tat e per reverencia ço es per
raho e per exempli de Jesu-
christ qui en aytal dia de la re-
surreccio menya dos vegades ço
es quant entra als dissipols les
portes clauses. E els li donaren
una part del pex torrat e bresca
de mel. E autra vegada quant
los dissipols anaven en Emaus.
E per ayso per compliment dels
dimenges de la caresma y son
aiustats los IIII dies. Encara
mes cols clergues vesesen que
en axi co els davant anaven al
pobol per orde. En axi devien
davant ells anar per santetat per
ques deuen abstiner ans per II
dies de carn a menjar, los quais
son ans dels IIII dies. En los
quais deuen dejunar. En axi y es
aiustada una semmana a la ca-
resma que es apelada quinqua-
gesima. Altre raso es perque es
stablida quinquagesima so es per
signifficament car quinquagesima
signiffica lo temps de remission so
es de penitencia en loqual totes
causes se perdonen. Car lo L any
erainolt alegre per so car era any
de perdo. De quinquagesima es
aquelo mateix dit. Car tots los
deutes de peccats se perdonen :
els sers solien esser deliurats axi
que tots sen tornaven a les lurs
possessions per la quai causa es
signifficat que per penitencia son
perdonats tots peccats. Es hom
desliurat de servitut de dimonis e
emtornats a les possessions dels
christians. Escasament III eau-
dejunar. XL dies a semblança de
Jesuchrist : e es la quaresma no
sien mes de XXXVI dies de-
junadors per ço com no dejunam
los diumenges per alegria : e per
reverencia : ço es per raho e per
exemple de Jesuchrist qui en lo
dia de la sua resurrectio n;Lenja
dues vegades : ço es com entra
als dexebles sants ab les portes
tancades : e li donaren una part
de peix torrat et bresca de mel.
E altra vegada com los dexebles
anaren a Emaus : on per aço per
compliment del diumenges de la
caresma hi son ajustais los qua-
tre dies. Per significament : on
com los capellans vessen que axi
com ells anaven davant lo poble
per orde : axi devien ells anar da-
vant per sanctedat : per ques deu-
en abstenir abans de dos dies
de carn a menjar : los quais son
dels quatre dies : en los quais
deuen dejunar e axi es ajustada
una setmana en la quaresma : que
es appellada de quinquagesima
ço es per significament : car quin-
quagesima per signifîcança signi-
ficalo temps deremissîo : çoes de
penitencia : en lo quai totes coses
se perdonen car lo sinquante any
era molt alegre : per ço com era
any de perdo ; car tots los deu-
tes de peccats se perdonen : e los
catius solen esser desliurats : axi
que cascu sen torna a ses pos-
sessions per la quai cosa es sig-
nifîcat que per penitencia son per-
donats tots peccats e es hom del-
liurat de la servirtut del dimoni
e som retornats a les possessions
dels celestials casaments. Très
TRâDUGGIO GATAIiANA DBL FLOS SANCTORUM
59
ses ne son necessaries les qaals
son a nos propaasades en lapis-
tola e en lo evangeli en ayso
que les obres de penîtencia sien
perfeytes. So es karitat la quai
es propausada en la epistola.
En la memoria de la divinal pas-
sion. E la fe que es entesa per lo
enluminament del seg. E asso es
propausat en lo evangeli : per so
car fe fa les obres a Deu accep-
tables. Car senes fe nos pot per
quel home placia a Deu. E la me-
moria de la passion faalhomediu
tûtes coses leugeres, perque diu
sent Gregori. Si hom ha memoria
de la passio de Jesuchrist neguna
causa no es que hom no sostenga
ab eugual coratge. E caritat fa
cer continua al home bona obra.
~- Car segons que diu sent Gre-
gori. AmordeDeu no pot esser
ociossa, car obra grans causes
en home si j es mes si noy ha
volentat dobrar es négligent no
es amor. E en axi co en lo co-
mensament la glesa en cays dé-
sespérât avia cridat. Enreviro-
naren plors de mort etc. E puys
en après toma assi matexa de-
menamaiutori. En axi asi y a
ha resebuda fiansa e speransa
de perdo per penitencia. Ora e
diu tu sies a mi en Deu aiudador
etc. En lo quai cant demana IIII
causes, ço es defEencio : E fer-
metat : E reffugi : E guisament.
Car tots los homens del mon :
o son en gracia ô en celpa o
en causes de benesuransa, an
aquells qui son en gracia de-
mana la glesa fermetat : per ço
que en aquella gracia sien fer-
coses nos son necessaries les
quais nos son preposades en la-
pistola et en levangeli en aço que
les obres de penitencia son per-
fetes : ço es caritat : la quai es
proposada en la epistola la me-
moria de la divinal passio : e la
fe que es entesa pelo illumina-
ment del cech : e aço es posât en
levangeli : per ço com fe es en
obra de Deu : Car sens fe no es
posible al home que placia a
Deu. E la memoria de la pas-
sio fa a hon totes coses leu-
geres : per que diu sant Gregori.
Si hom ha memoria de la passio :
neguna cosa no es que hom no
sostenga ab egual coratge. E
caritat fa esser continuament a
hom en bona obra. Car segons que
diu sant Gregori. Amor de Deu
no pot esser ociosa : car obra
grans coses en home si y es : ma
si no ha voluntat es négligent :
e no es amor. Axi com en lo co-
mençament la sglesia que si dé-
sespérant havia cridat. Encircui-
ren me plors et cetera. E puix
en après toma a si mateixa e de-
mana adjutori : e axi ha rebuda
fiança esperança de perdo de pe-
nitencia : e diu : tu si es a mi
ajudador Deu et cetera en lo quai
cant quatre coses demana : ço es
defencio : e fermament refugi : e
guiament : car tots los homens
del mon : o son en gracia : o en
culpa : 0 en coses contrarioses : o
de benaventurança : e per aquells
que son en gracia demana la sgle-
sia fermetat : perço que en aquella
confermats sien : e per aquells
qui son en culpa demana la sgle-
60 DECLINAISON DU PRONOM RELATIF FRANÇAIS
mats. E en aquells qui son en sia que Deu sia ab ells refrigeri
colpa demana lesglesa que Deus e per lo semblant per aquells
sia ab ells en refugi. E en aquells qui son en contrarietat : dema-
qui son en contrarietat : demana na la sglesia defensio : per ço
la glesa deffencio, per so que en que en les lurs tribulacions sien
les lurs tribulacions sien defeses defesos : e per aquells qui son
ad aquells qui son en prosperi- en prospèritat demana la sglesia
tat demana la glesa guiament per guiament : per ço que en lurs
so que en lurs bens sien per Deu bens sien per Deu guiats . Es
guisats. — Es termenada quin- termenada quinquagesima segons
quagesima segons que es dit : en que es dit : en lo dia de pasca per
lo dia de pascha per ço car pe- ço que penitencia fa a hom re-
nitencia fa hom ressucitar à la suscitar a la novella part de Deu :
novela état de vida. Per que en perque en aquest temps canta
aquest temps canta hom molt hom sovint lo psalm qui comen-
soven lo psalm qui comensa, mi- sa : Miserere mei Deus : e es
serere mei Deus qui es "psalm de psalm de penitencia e de perdo
penitencia e de gracia perdo . de peccats .
De Tanterior comparaciô de textes, nos sembla poderse de-
duhir, ademes de las variants que las influencias del temps
imprimeixen en la lien gua, que lo côdice de Barcelona del
Flors sanctorum es co^ia. catalanisada d'altre provensal. Per-
sonas mes inteligents que nosaltres j udi carân si anem errats
al fer aquestas suposicions.
A. Balagubr y Mbrino
Barcelona, novembre de 1880.
NOTE
SUR LA. DÉCLINAISON BU PRONOM RRLATIF FRANÇAIS
On sait que, si les noms français n'ont conservé que deux
des cas des noms latins, les pronoms en ont généralement
conservé trois : je, me, moi; — tu, te, toi; — il, se, soi.
Chacun de ces pronoms a donc deux cas régimes. Le pre-
mier (me, te, se) s'employait devant le verbe. On se servait du
second (moi, toi, soi) partout où on pouvait mettre le premier,
et, en outre, après le verbe et après les prépositions. Aujour-
d'hui on ne peut pas toujours employer le second cas régime
DECLINAISON DU PRONOM RELATIF FRANÇAIS 61
à la place du premier. Il n*en était point ainsi dans Tancienne
langue, comme le prouvent les exemples suivants:
Complément indirect sans préposition
Roland, 3108 : < Se tei plaist. »
Ibidem, 3717 : « Cist moz mei est estranges. »
Complément direct devant le verbe
Roland, 2834 : a Mei ai perdut e trestute ma gent. »
Encore au XVIP siècle, La Fontaine :
« Tant ne songeaient au service diviû
Qu'à «ot montrer. »
— Le pronom relatif avait aussi trois cas : qui, que, eut. Le
second cas régime, m^ s'est écrit ée bonne heure et prononcé
comme le cas sujet. Il en est résulté une confusion qui a
nui à la fortune de ce cas régime. Nous ne l'employons plus
aujourd'hui qu'après les prépositions*: « L'homme pour qui,
à qui, etc. » L'ancienne langue lui donnait les mêmes fonc-
tions qu'au second cas régime des pronoms personnels*. Elle
s'ea servait :
P Après les prépositions ;
2* Comme complément direct :
Serments de Strasbourg :« Neuls cuieo returnar int pois »;
Couci (cité par Littré): « Celé cmî j'ai tousjours en remem-
brance p;
3® Comme complément indirect sans préposition :
Roland, 1279: « Qui qu'en peist o qui nun. »
IMd., 1405 : « De ç6 qui calt? »
— Une autre forme de second cas régime s'est introduite
dans la déclinaison du pronom relatif, c'est la forme a quoi. »
A l'origine, quoi (latin quid) était exclusivement un pronom
interrogatif et neutre*. Mais, de très-bonne heure, comme on
confondait j^m régime et gt^t' sujet, on a pensé que quoi pou-
vait remplir la lacune apparente de la déclinaison du pronom
^ On emploie encore le deuxième cas régime de « qui interrogatif » comme
complément direct : « Qui demandez-vous? »
' La ressemblance de quoi avec moi, toi, soi, a fait que, dès les premiers
temps, on a employé quoi après les prépositions, au lieu de « cui, qui », forme
régulière du deuxième cas régime du pronom interrogatif.
62 IZALAR — AZILAR
relatif: (iQui, que, quoi)), répondait bien kije, me, moi, — tu,
te, tôt; etc.» Qiu)t est ainsi devenu cas régime du pronom
relatif qui.
Aujourd'hui, si quoi n'est plus, comme à Torigine» exclusi-
yement interrogatif, on lui a du moins rendu le genre neutre.
Au moyen âge et jusqu'au XVII® siècle, on remployait cou-
ramment, comme second cas régime de qui, avec des noms
masculins et féminins. Toutefois, principalement aux époques
les plus voisines de nous, par un sentiment plus ou moins
précis de sa valeur de neutre, on lui donnait surtout pour an-
técédents des noms de chose :
Froissart: « Ceux de Calais virent bien que le secours en
quoi ils avoient fiance leur estoit failli. »
Bourdaloue : « Parmi les faiblesses extrêmes à quoi je sens
que mon esprit est sujet. »
Etc.
Les exemples sont si nombreux qu'il est superflu de les
citer. Je voulais seulement, dans cette note, établir deux
points:
V Le cas régime qui a eu les mêmes fonctions que le second
cas régime des pronoms personnels ;
2o La confusion qui s'est produite entre qui sujet et qui
régime, jointe à la ressemblance entre quoi et a moi, toi, soi»,
a amené la transformation du pronom interrogatif quoi en un
pronom relatif.
L. Clbdat.
IZALAR — * AZILAR
On lit dans le Donat provençal : « Inçatar, izalar, = ad
boves pcrtinet, propter muscam fugere. » L'édition Guessard
(p. 31) porte inzalar, leçon fort justifiable, au lieu de inçatar
que donne M. Stengel (p. 31). L'éditeur allemand ayant l'air
de considérer inçatar et izalar comme des variations d'une
seule et même racine, écrit en note (p. 102) : a Ce mot n'est pas
clair D, au lieu de dire « Ces mots ne sont pas clairs » ; il les
rapproche sans profit de deux autres mots qui n'ont avec eux
qu'une vaine ressemblance de son. Plusieurs des mots donnés
en exemple par notre grammairien ne se trouvent que chez lui ;
LES SORTS DBS APOTRES 63
mais, s'ils manquent dans les dictionnaires de Tancienne lan-
gue, on peut espérer assez souvent de les retrouver, soifs une
forme ou sous une autre, dans les dictionnaires de la langue
moderne et contemporaine. C'est ici le cas. Dans les Alpes Cot-
tiennes {Dictionnaire de Chabrandet Rochas. Grenoble et Paris,
1877,in-8<»), arizar signifie se précipiter en courant; il se dit des
vaches ou des bœufs piqués par les taons. Dans les patois du
Queyras, / devenant volontiers r, arizar peut nous renvoyer
à un primitif * alizar, qui ne diffère d'izalar que par métathèse.
Ces deux mots à leur tour, par métathèse également, nous ra-
mènent à un verbe 'asilare, formé de osiltAS = taon, ce qui
convient à la forme et à. la signification.
* ASILARE
izalar *alizar
arizar.
J. Bauquier.
LES SORTS DES APOTRES
DERNIÈRE ADDITION
Les Sorts des apôtres^ du ms. de Cordes, ont eu une édition de
plus que je ne croyais. La première, celle de Bruno Dusan, don-
née en 1866, avait été suivie d'une seconde, préparée par M. Jo-
libois, archiviste du Tarn, peu après la découverte du ms. , c'est-à-dire
vers 1860, mais qui ne fut publiée qu'en 1872, dans les notes du tome III
de V Histoire des Albigeois y de M. Napoléon Peyrat. C'est ce que
m'apprend le procès- verbal de la séance du 20 décembre 1880 de la
Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres du Tarn [Revue duTarn,
janvier 1881), sur lequel M. Roque-Ferrier vient d'appeler mon atten-
tion. Notre obligeant confrère me communique en même temps le
volume en question de M. Peyrat. Le texte provençal, avec la traduc-
tion qui l'accompagne, y occupe les pages 477-483. Une letti*e de
M. Jolibois, datée du 31 mai 1869, dans laquelle on s'étonne à
bon droit de voir le savant archiviste présenter les Sortes apostolo-
rum du ms. de Pithou comme une version du texte provençal *,
1 « C'est d'ailleurs ( le ms. de Cordes ) une nouveauté historique : il n'est
question des Sorts des Apôtres nulle part ailleurs que dans le recueil de
François Pithou, intitulé : Codex Canonum vêtus EcclesUe romanœ; mais
ce savant n'en a donné qu'une traduction latine incomplète, et il a cru pou-
64 LBS SORTS DBS APOTRES
sert d'introduction. On lit à la fin, p. 483, la note soivante, où
Fimagination de M. Pejrat se donne earrière : « Ce nianascrit est très-
précieux. II a été probablement transcrit par un élére de Sioard
Figuéraa *, «Ërecteur du séminaire d^Ëlvas . Ce séminaire était donc
établi dans les belles maisons gothiques de Ramon VU, et consé-
quemilient Talbigisme cordouan placé sous le patronage immédiat du
comte de Toulouse. »
Dans le corps de son ouvrage (111,367), M. Napoléon Peyrat con-
sacre aux Sorts des Apôtres une page où Timagination a aussi beau-
coup plus de part que la vérité. On ne sera peut-être pas fâché de la
lire ici. Je la reproduis en entier.
« Sous cette terreur des cieux et de la terre, de la foudre et du
bûcher, sans prêtre, sans bible, sans culte, les pauvres Albigeois se
réunissaient en tremblant la nuit, dans une grotte ou dans un fond de
tour. A la lueur d'une lampe fameuse, ils consultaient les sorts qu'ils
nommaient des Apôtres, C'était un parchemin bordé de lacs de soie,
alternativement verts et jaunes, qui, sur la tranche du rouleau, for-
maient une touffe latérale et multicolore. Chaque lacs correspondait
à des passages et peut-être à des figures symboliques. Voulait-on
interroger l'oracle, on prenait un cordon d^ns ses deigts; le vieillard
invoquait le Père, le Fils et le Saint-Esprit, ouvrait le livre, lisait
les versets contigus à chaque fil, et ce langage, plus ou moins énig-
matique, était reçu comme la parole de Dieu. Voici quelques-unes de
ces maximes : « Après le soleil se lèvent les étoiles ; puis de nouveau
revient le soleil. De même ton courage qui fléchit te viendra de Dieu
avec la lumière. — Sur mer, le vaisseau bien gouverné arrive au
port. Tu atteindras ton désir si tu invoques Dieu. — Les vents sont
légers ; prends garde aux tempêtes, ne te mets pas en mer. — Tu
veux te je:ter dans une forêt sans issue et pleine de serpents. —
Garde- toi du grand Lion. . . Invoque Dieu. . . Tu ne craindras pas la
mort. — Voilà les sorts des saints Apôtres qui ne trompent ja-
mais !» C'est l'accent honnête des Barbes Vaudois^la morale senten-
cieuse de Job et de Sirach. Les sorts étaient proscrits comme la Bible.
Le vieillard qui les expliquait aux tisserands de Cordoue, effrayé de
son rôle d'oracle, scella dans un mur le dangereux parchemin. La
tourl'a dérobé fidèlement à l'Inquisition, et, s'écroulant de nos jours,
nous a révélé cette pauvre religion sibylline de l'albigisme agonisant.
L'aigle de saint Jean et de Platon, tombé du ciel^se cache dans l'antre
de la Pythonisse. » C. C.
voir paraphraser certains passages du texte roman, que sans doute il ne
comprenait pas. »
f )[y*iDterloctttear de Tiaquisiteur Izarn dans les Noi>as del heretge.
Dialectes Modernes
LE PBEMIBR SONNET FAIT PAR UN FRANÇAIS
Les erreurs ayant la vie dure, on a cent fois répété que le
sonnet nous vient des troubadours. Il suffit cependant de je-
ter les yeux sur le sonet provençal pour être persuadé, avec
Raynouard ( II, 172 J, que cette poésie lyrique chantée, ce petit
son, cette petite chanson, n'a rien de commun que le nom a avec
l'espèce de poésie ainsi nommée depuis, et qui joint à un nom-
bre fixe de vers une différence déterminée dans la coupe des
strophes. » A la vérité, quelques auteurs citent des sonnets
provençaux de Bertrand Carbonel et de Guilhem des Amalrics,
ayant la forme moderne ; mais ce sont des faux de Jean de
Nostre-Dame. Faux encore et de la même fabrique trois son-
nets attribués, par le manuscrit 12472 de la Bibliothèque na-
tionale, à Jacme Mote d'Arles, à Blacacet et à Bertran de La-
manon ^
Le sonnet, au sens moderne du mot, est d'origine italienne,
et son introduction en Franee est attribuée à plusieurs poètes :
à Marot, à Joachim du Bellay, à Mellin de Saint- Gelais et
même à Pontus de Tyard { 1521-1605 ) *.
De Marot (1495-1544), nous avons un sonnet à Pomponio
Trivulce, daté de 1529 ; les neuf autres ne portent pas de
date.
* Ds riment, les deux premiers en abba^ abba, cde, cde ; le troisième, en
abba, abba,cde, dce. (Paul Meyer, les Detmiers Troubadours de la Pro-
vence.)
* Pontus de Tyard, Étude mr le XF/« siècle, par M. Abel Jeaadet. Puris,
1860.
M. Frédéric Godefroy, compilateur d'une chrestomathie publiée sous le titre
fallacieux d*Histoire de la littérature française, a trouvé le moyen de faire
« rapporter [le sonnet] d'Italie en France » par Joachim du Bellay, et en même
temps de le faire « introduire chez nous », pour la première fois, par Mellin
de Saint*Gelais. Inutile d'ajouter que, pour M. Godefroy, « celte forme de
poésie paraît bien être d*origine française provençale. » {L'Instruction pu-
blique, le» avril 1875, p. 150, col. 2.)
66 LE PREMIER SONNWT PAIT PAR UN FRANÇAIS
Mellin de Saint-Gelais ( 1487-1558 ) ne publia ses œuvres
qu'en 1547 ; mais, ainsi que le remarquent La Monnoye (édi-
tion de Saint-Gelais, par Blanchemain, I, 281, n. 3) et A. Dar-
mesteter {Revue crttiqtie, 3 juin 1876, p. 377), il avait visité
ritalie avant Marot, et les sonnets qu*on a de lui sont dispo-
sés à la manière italienne ; ceux de Marot, au contraire, le
sont à la manière française.
S'il fallait une preuve de plus de l'origine italienne du son-
net, nous la trouverions dans un semblant de sonnet, anté-
rieur à ceux de Mellin de Saint-Gelais et de Marot, composé
en un semblant de lombard par un poète français qui visita
l'Italie sur la fin du XV® siècle.
« Maistre Andrieu de la Vigne, natif de la Rochelle * », flo-
rissait sous les règnes de Charles VIII et de Louis XII; il a
même prolongé sa carrière jusque sous François P', et sem-
ble être mort vers 1527. Il aurait eu alors soixante-dix ans,
ce qui le ferait naître en 1457*. Il passait en son temps pour
poète. Mais, en vers comme en prose, s'il a visé le mieux, il a
atteint le pire. A l'aube de la Renaissance, le style était mé-
taphorique, amphigourique et boursouflé ; le galimatias bar-
bare de notre rimailleur en est une preuve déplorable.
André de la Vigne a été aumônier et secrétaire d'Anne de
Bretagne, du duc de Savoie, Philippe II ou Philibert le Beau,
et d'autres grands personnages ; car, ainsi qu'il le dît lui-
même :
Suivre chacan voulontiers m'entremetz,
Sans nul guerdon, à plusieurs m'asservis.
Lorsque le plus romanesque des romanesques Valois, Char-
les VIII, en paladin de la décadence, croyant aller à une nou-
velle croisade « pour acquérir bruit, los, honneur et famé », fit
la campagne d'Italie, André de la Vigne le suivit en qualité
d'orateur et d'historiographe, ail coucha et mist par escritle
* Procès-verbal de la représentation du mystère de Saint-Martin à Seure»
en 1496, cité par Jubinal, Myst. inéd,, I, p. xliv. — Ce détail biographique
était inconnu avant Jubinal, et il a échappé depuis au bibliophile Jacob ( Be-
cueil de farces,., du XV* s, Paris, 1859).
' Foncemagne, Mémoires de VAcad. des Inscriptions, XVIII, 579; — Weiss,
Biogr, univ. deMichaud; — la Monnoye, Œuvres de Melin de Sainct Ge-
laySj édit. par P. Blanchemain; 1873, 1, 194, en note.
LB PREMIER 80NNBT FAIT PAR UN FRANÇAIS 67
voyage de Napples » a en vers, eoupletz et ligne*. » Chemin
faisant, il composait les devises et les inscriptions des arcs
de triomphe^ les épitaphes et les complaintes pour les morts,
comme il ât plus tard aux funérailles d'Anne de Bretagne '.
Il recevait des pensions du roi de France, de Charles de
Bourbon, évêque de Clermont en Auvergne, des ducs de Lor-
raineetde Savoie, dé tous ceux enfin qui voulaient bien ac-
cepter Thommage de ses vers. Tout flatteur vit aux dépens de
celui qui l'écoute. Mais probablement ne le payait-on ni grasse-
ment, ni régulièrement. Comme son ami Crétin', un autre poëte
famélique, il se plaint toujours, sollicitant sans cesse de nou-
veaux secours. Il avoue qu'il a« pas mal despencé w, « mais
vivre fault vaille que vaille. » De Chambéry il adresse des
vers au roi de France, « à Chariot, petit roy » , non sana le
prier de les lui payer, car il désire grandement aller à la cour,
et ne le peut, faute d'argent. Une autre fois, il lui manque des
habits et des chevaux. Son humeur voyageuse, ou plutôt son
attachement à de riches protecteurs, lui fait courir les routes
d'Allemage, de Suisse ou de Lorraine ; mais il se considère
comme exilé, il regrette Paris :
Paris, Paris raiz et vraye sente
De toute joie et plaisance mondaine .
D ne peut se consoler de sa « despartie qu'avec les « dames »,
« à Chambéry, à Genève, à Lyon. » Si le clergé, dont il faisait
partie, avait des mœurs peu régulières, du moins il ne s'en
cachait pas ; de la Vigne pas plus que tout autre : tel triolet
ou tel rondeau de sa composition n'est rien moins que ch aste
ou simplement délicat, et, comme disait Rollin,dont se moque
Voltaire, propre à former l'esprit et le cœur des jeunes per-
sonnes.
De la Vigne n'est pas inconnu ; il est du moins mal connu :
* Napoléon III {du Passé et de l'avenir de r Artillerie ) est, croyons-nous,
le seul de nos contemporains qui ne pense pas que la campagne d'Italie par
Charles VIII soit une de ces expéditions conçues imprudemment et conduites
sans calcul et sans réflexion . »
* Commémoration delà mort d'Anne de Bretagne, par Bretaigne, ms.826
de la Bibliothèque de Lyon ; ou bien l'édition de MM. Merlet et Max de Gom-
bcrt : Récit des funérailles d^Anne de Bretagne. Paris, Aubry.
9 Les Poésies de Guillaume Crétin, éd. Coustelier. Paris, 1723, p. 69.
68 L£ PREMIBR SONNBT FAIT PAR UN FRANÇAIS
on ne le cite guère que pour les quatre lignes qu'il a consa-
crées au médecin Jean Michel. Quelques écrivains même,
trompés par le titre de son ouvrage principal, le Vergier d'hon-
neur, qui porte son nom et celui d'Octavien de Saint-Gelais,
attribuent à Salnt-Gelais le récit de la campagne de Naples ' ;
et Godefroy, sous le vain prétexte que l'original est mutilé,
donne dans son Histoire de Charles VIII ^, au lieu du journal
d'André de la Vigne, une copie abrégée et mise entièrement
en prose par Pierre Desrey, le continuateur des Chroniques
de Gaguin.
C'est dans les poésies formant la deuxième partie du Ver-
gier d'honneur ^ que se trouve le sonnet lombard dont nous
avons parlé plus haut.
* Le Vergief* d'honneur ne contient qu'une seule pièce d'Octavien de Saint-
Gelais, à savoir une épitaphe de Charles Vill, qui a été également donnée
dans les Hardiesses des grands rois, du lyonnais Pierre Sala. — Colletet
{Vie des poètes fr,^ B. Nat., ms. nouv. acq. 3073) attribue le récit de la
campagne de Naples âOct. de St-G. {Vie d'Oct, St-GeL); ailleurs {Vie d'A.
delà V.)y àOct. de St-G. et k A. de la V. réunis. M. Pr. Blanchemain, qui
prétend avoir trouvé « de nobles et fructueux enseignements » dans le Ver-
gier d'honneur^ attribue cet ouvrage à Oct. de St-G. {Œuvres de M, de
Saint'Gelais, I, 4), quoique à la page 149 une note de la Monnoye eût pu le
préserver de cette erreur.
2 Paris, 1684.
3 Foncemagne s'est occupé spécialement de la première partie du Vergier
d'honneur, c'est-à-dire du récit de la campagne d'Italie {Mé?n. de VAc. des
Inscr.y XVlI,p. 579, 596). lia bien remarqué (p. 580,581) que Majesté royale,
personnage allégorique qui figure dans le fastidieux prologue de ce récit, n'est
autre que Charles YIll ; mais il feUait ajouter que Dame Noblesse représente
Anne de Bretagne. Voici les paroles d'André de la Vigne : a Au meillieu
dudit pourpris seoit et reposoit une monarque paragonne princese, magnanime
par excellence, nommée Dame Noblesse, descendue, yssue, propaganée et
primogénitéede l'imperialle, royalle et pryamide lignée troyenne. » De nos jours
on se contenterait de descendre des Croisés ; Anne de Bretagne avait de
plus hauts titres de noblesse; elle remontait au « preux roy Priamus » ,
par Conan Meriadec, un des prétendus prjûQes troyens qui succédèrent à
Brutus le Champion, fils de Silmyus, fils d'Ascanius, fils d'Eneas, fils lui-même
de Priam :
Aussi estoit la dame de lianlt tems,
I.es cronicques l'ont ainsi récité,
à ce que nous rapporte Bretaigne, premier hérault et l'un des roys d'armes
d'Anne de Bretagne (Commémoration et adoertissement de la mort de,,,
Anney ms. 836 de la Biblioth de Lyon). Voilà donc une première présomption;
LB PREMIER SONMfiT FAIT PAR UN IPRANÇAIS 69
Ces poésies sont généralement précédées d*une rubrique,
et, suivant le cas, on lit en tête ballade, rondeau, etc. Le son-
net en question porte pour rubrique le seul mot Lombart. Nous
le reproduisons ici, après en avoir collationné le texte sur
quatre éditions du Vergter (f honneur.
A. — Le Vergter dùneur nouvellement imprime a Paris. De
lentreprtseet voyage de Naples... S. d., petit in-4* goth. à 2 col.
non chiffré, vignettes. Explicit: a Pour faire fin a ce verger
dhonneur. Explicit. »
B. — Le Vergter doneur nounellement (sic)... S. d., gr. in-4°
goth. à 2 col. de 45 lignes, ss. pagin. Explicit: a Cy fine le
Vergter dhonneur nouvellement imprime a Paris par leham Trep-
perel libraire demourant a Paris en la rue Neufue Nostredame a
lenseigne de lescu de France. »
C. — Le Vergier dhonneur (En dessous du titre, Técu de
France.)
S. d.,in-fol. goth. à 2 coL de 49 à 51 lignes, ss. pagin.,
bois. Explicit: ^ pour faire fin a ce Jardin dhonneur. Explicit. m
D. — Le Vergier dhoneur... (En dessous du titre, la marque
de lehan Petit.)
S. d., in -fol. goth. à 2 col., ss. pagin. Explicit : « pour faire
fin a ce vergier dhonneur. Explicit. »
E. — L'édition de « Philippe le noir, libraire... demourant
en la grant rue St- Jacques a lêseigne de la Rose blanche cou-
ronnée )) , ne contient pas notre sonnet. Je ne la cite donc que
pour mémoire.
mais la suite ne permet aucun doute : Dame Noblesse est « vestue d'une
robe de drap d'or fourrée d'ermines », dans le pourpris où elle se trouve
avec Majesté royale^ de la Vigne place une fleur de lys, « laquelle de jour en
jour fleurissoit et multiplyoit, croissoyt et augmentoit ses branches, enlong,
en large et en travers » ; « de coste icelle... assistoyent amoureusement ung tas
de sumptueuses et requises bestelettes, appelées herminees, qui depuis certain
temps en ca, par le vouloir et consentement de la dicte Dame Noblesse...
toucher, baiser, acoUer et embrasser povoyent, toutes fois que bon leur sem-
bloit, ce que jamais n'avoyent fait » auparavant. L'ermine, comme chacun sait,
figure dans les armes de Bretagne; elle pouvait même personnifier Anne de
Bretagne ; c'est ainsi que M. Firmin Didot possédait un manuscrit des funé-
railles d'A. de B. (par Bretaigne = Choque), intitulé le Trépas de l'hermine
regrettée,
6
70 LE PRBMIER SONNET FAIT PAR UN FRANÇAIS
Nous donnons le texte de D, en y ajoutant un numéro-
tage ; nous rejetons en note les variantes de A B C :
LOMBART
peno no fu tanto dolo lou ô to riso
e tanto cesero | pjace pompeo
issimulando [ quoando de tholomeo
ndit la teste comme lescripto diso
acuida helena non tanto a pariso
jace I ne tanto la subito morto
gorose de la fratelle que si forto
nato fut I quel tu force quel moriso
n tanto a herculo ly piace il quauale
oce bestie de letre teste diry
ando par force com baston de assable
u a lucressia non piace tanto il mor iry
ntando tota de le superbe la castitade
Quanto a me elucolante il tuo partirj.
Le Vergier (Thanneur ne contient pas exclusivement des
pièces d'André de la Vigne et d'Octavien de Saint-Gelais ; il
en renferme de divers poètes anonymes. J'ignore si notre son-
net lombartne serait pas revendiqué par un autre acteur que de
la Vigne. Je l'attribue provisoirement à celui-ci, parce que la
plupart des poésies du Vergier d'honneur lui appartiennent,
parce qu'il connaissait la littérature italienne, et parce qu'il a
voyagé en Italie .
U ne resterait plus qu'à donner une traduction complète de
ce sonnet: je n'y ai pas réussi jusqu'ici, et je souhaite plus de
chance au lecteur.
J. Bauquibb.
*Al peno(AC)» A l peno (B), fito (ABC), —s detholomeo (B). —
B J a cuida (C), apariso (C). — e p y ace (B). — « tâlo (A). — *<> dire (B).
— ** bastÔ (A).— 1* moriry (AC).— *3 tesuperbe (B), lesuperbe lacastitade (C)-
— n ame (B).
1
Al
2
N
3
D
4
Re
5
J
6
P
7
Ari
8
Si
9
No
10
Ver
11
Tu
12
0
13
So
14
Qna:
TECHNOLOGIE BOTANIQUE
M. littré s'est proposé de donner un répertoire aussi complet que
possible de notre langue, au triple point de vue des acceptions, de
l'histoire et de l'étymologie de chaque mot. On sait avec quelle ad-
mirable patience et quelle science consommée il a mené à bien cette
énorme tâche. Cependant Tœuvre est si vaste, qu'il reste et qu'il res-
tera longtemps encore des lacunes à combler et des rectificationB à
introduire. M. Littré le sait mieux que personne. Aussi accueille-
t-il avec empressement les communications des collaborateurs vo-
lontaires qui lui apportent l'appoint d'une étymologie nouvelle ou
d'une acception non encore constatée, ou de quelques exemples re-
cueîllîs dans les anciens textes et qu'il n'avait pas cités. Chacun,
dans la sphère de ses lectures et de ses aptitudes, peut ainsi lui
venir en aide et contribuer à édifier l'historique de notre langue. Ces
matériaux tout travaillés, et dont il lui est facile de constater la
provenance et la valeur, ont leur place marquée d'avance dans une
future réédition de son dictionnaire. Ce sera comme au moyen âge,
où les architectes ont pu, grâce à la pieuse collaboration des fidèles,
élever les immensités de nos cathédrales gothiques,. où chaque pierre
a été travaillée à part et dans le plus minutieux détail.
C'est à ce point de vue que j'ai étudié l'ouvrage composé par Ber-
nard Dessen, de Compositione medicamentorum hodierno œvo apud
pharmacopolas passim eocstantium, et publié en 1556. Ce savant hol-
landais (né en 1510, mort en 1574 à Cologne, où il habita longtemps),
a utilisé les travaux des botanistes qui avaient vécu avant lui, et a
trouvé, soit dans leurs œuvres, soit dans le langage courant, des
pharmaciens de notre pays, les traductions françaises dont il accom-
pagne le nom latin des plantes utilisées de son temps pour les com-
positions pharmaceutiques. Il a fait le même travail et avec plus de
compétence encore, on le conçoit, pour l'allemand et pour le hollan-
dais. Il n'a pas non plus négligé l'italien, auquel il a fait la part aussi
large qu'au français.
Je ne sais quel intérêt son ouvrage peut ofirir aux lexicographes
allemands et italiens, ni s'ils l'ont mis à contribution pour l'histoire
de leur technologie botanique, et n'ai pas, du reste, à m'en préoccu-
per. Mais pour nous, pour cette branche de notre lexicologie, il a une
réelle importance à cause de la spécialité de l'auteur, et aussi parce
qu'il complète et, sur certains points, supplée les travaux contempo-
rains d'Ambroise Paré et d'Olivier de Serres, les seuls que M. Littré
72 TECHNOLOGIE BOTANIQUE
ait pu consulter pour le XVIe siècle. Olivier de Serres, où il a puisé
le plus, est en effet très-riche pour ce qui concerne la botanique ru-
rale ou usuelle, mais il Test beaucoup moins pour ce qui regarde la
botanique médicale.
Pour toutes ces raisons, j'ai cru qu'on me saurait gré de publier le
surcroît d'informations lexicologiques quej*y ai recueillies, et qui gros-
siront utilement le Dictionnaire de la langue française de M. Lit-
tré.
AcHB. — Un seul exemple dans Littré.
Petroselinum palustre. — Germ. , Wasser Eppich, alii Merck;
gall., acke ou persil de Veau; ital., apio palustre. P. 40.
AcHB large. — Cette locution n'est pas dans Littré.
Hipposelinum. — Germ., Liebstoeckel; gall., ache large;
ital , hipposelino. P. 41.
AoBRATON, « ageratum. » — N'est pas dans Littré.
Ageratum. — Germ., Rheinbluem ; gall., ageraton; ital.,
herba giulia, ô vero agerato. P. 336.
Agoure de Un, — N'est pas dans Littré.
Cuscutae Materna lingua nostra Flasfeçrn, quasi com-
pedibus sive vinculis linum constringens, convolvensque aliis
Flachssseiden (sic); galUce, goûte de lin, ou agoure de lin; ita-
lice, cuscuta. P. 328.
Aiguille de Berger : la première des six espèces de géra-
nium indiquées par Fuchs. — Cette locution n'est pas dans
Littré.
Primam[geranii speciem] germ. voce nuncupatStorckensch-
nabel, id est ciconise rostrum ; gall., agueille de bergier ou bec
de cigogne. P. 626.
Alkbkbngb. — «Étym. — Arabe, al, le, et kakendj, mot d'ori-
gine incertaine, qui est expliqué dans le dictionnaire de Frey-
tag, par résina arboris in montibus He^mti crescentis, cui usus
inmedicina est. » (Littré.)
En ce qui concerne le sens, cette étymologie n'est guère
vraisemblable. Quel rapport y a-t-il, en effet, entre le co-
queret et cette résine d'un arbre qui croit m montibus Heratil
Il n'est pas non plus absolument nécessaire de recourir à
l'arabe, qui, ainsi et plus encore que le germanique, doit être
TBCHNOLOOIB BOTANIQUE 73
considéré comme un pis-aller en fait d'étymologie française,
toutes les fois que le latin suffit à Texplication cherchée. Or
c*est ici le cas. Le latin halicacabm (grec, aXexàxa^ov; ital., ha-
Ucacabo) a pu former Tadjectif. Kalicacabicus ou hah'cacabius,
qui, employé au féminin avec herba, exprimé ou s. -entendu,
sera devenu en français *alcacage, et, avec insertion de la
nasale, *alcacange, *alk€kange, alkange. Cette dernière forme
n'est pas hypothétique, comme le prouve Texemple suivant :
Halicacabus, Physsalis. . . Coloniae Juden Kerssen, in Batavia
Winter Kerssen oder Boberellen ; in galL, baguenaudes, al-
kanges; in ital,, halicacabo volgare. P. 526.
Pour ce qui est de Tinsertion de la nasale devant Tarticula-
tion g =y, cf. ronget' (saintongeois, rouger), de rodicare.
Alun de plume, — Cette locution n'est pas dans Littré.
Ego interea malo amiantum lapidem intelligere, qui germa-
nice Federweiss Pliant, et Salamanderhar appellatur ; gallice,
alun déplume. Is a Matthiolo, alumen de pluma ofôcinarum ;
ital., alumi di piuma. P. 791.
Ancolib. — Trois exemples dans Littré, dont un seul avec
cette orthographe.
Rheuponticum vulgo Akeley. — Gall., anco/i<e; ital., aquile-
gia. P. 214.
Aneth. — Pas d'exemple dans Littré.
Anethum. -r- GalL, anet; ital., anetho. P. 650.
Apparitoire. —N'est pas dans Littré.
Germanis Gliedkraut, id est, articularis herba ; Gallis, ap-
paritoire ; Italis, herba pagana. P. 805.
Aquatique. — Un seul exemple dans Littré.
Barbam sylvanam, alii pastoralem fistulam appellant. —
Germ., Wasser Wegerich; galL, plantain aquatic ou de ma-
retz ; ital., piantagine acquatica. P. 560.
Arabice, troène. — N'est pas dans Littré.
Ligustrum vulgo Beinhoetzlin, Mundtholtz et Hartrigel . —
GalL, throene ou arabice ; ital., guistricoô olivette. P. 54.
Aristologie. — Littré ne donne que les formes aristoloche
et aristolochie,
Aristolochia longa. .... .GalL, aristologie longue. P. 31. —
Aristolochia faemina. . .GalL, aristologie ronde. Ibid.
74 TECHNOLOGIE BOTANIQUE
Armoirie, œillet. — N'est pas dans Littré.
Germ., Grassbluomen oder Negelin Bluomen, Mutwillen,
Colonieiisibus Filetten, Hollandis Angers ; gall., des œillets,
des armoiries; ital., garofani. P. 309.
Armoise. — Espergoute, benoiste, matricaire, ienaisie, atha-
nasiCf rosier d'Inde,
Prima simpliciter artemisia latifolia appellatur, cujus duo
sunt gênera, colore tantum distantia: unum caule et floribus
rubens, germanis rot BeyflFiisz dicitur; gall., armowe; ital.,
artemisia. Alterum candicans caule, fioribus vero flavis, olim
parthenis vocata, au tore Plinio lib. 25, ca. 7. Altéra species
tenuifolia, officinis matricaria ; germ., Muterkraut ; holland.,
Maertel; gall., espergoute ou benoiste ou matricaire ; ital., ma-
rella ô matricaria Tertia monoclonos, tabernis omnibus
athanasia , anthjUis, pleris que tanacetum ; german.,
Reinsarn et Wurmkraut nominatur; ^2l\.^ tenaisie ou atha-
nasie. Eandem quidam ambrosiam decernunt, sed Hermolaus,
Marcellus cum Plinio, vagi nominis herbam esse dicunt. Ma-
thiolus privatim aliam viva imagine ostendit. Illi congenerem
herbam esse constat, qnsd elegantissimos flores profert, ga-
rjophyllos indos vocatos. . . . Fuchsius violam flammeam ap-
pellat, vttlgariter Indianisch Negelin ; gall., rosier ou gej^ofte
d'Inde ; ital., flore indiono.
Ces différentes déflnitions de plantes, considérées comme
assez semblables entre elles, concordent avec les exemples
cités par Littre et justiflent l'emploi qu'Amjot a fait du mot
espargoute, par lequel il traduit le grec napQévtov. Littré cite
deux exemples d'armoise, trois de tanaisie, n'en cite pas de be-
noîte, n'en donne qu'un de espargoute, emprunté, comme nous
venons de le voir, à Amjot, et un seul encore de matricaire,
extrait d'Ambroise Paré. Cf. ap. L. ï)elisle (Note sur un ms.
de Tours renfermant des gloses françaises du XIP siècle.)
Tanacheta = tanezic, herba sancte Marie, — artemisia, mater
herbarum = artemese.
Artétique {/ve). — N'est pas dans Littré.
ChamaBpityos. . .Gall., ive artétique ou ive muscate. P. 122.
Asperge. — Littré en cite trois exemples du XVP siècle,
comme le suivant, mais qui en diffèrent par l'orthographe.
TECHNOLOGIE BOTA.NIQOB 75
Sparagus. — Germ.,Spargen ; galL, esparge. P. 196.
On remarquera que esparge se tient plus près que asperge
du latin sparagus,
AuBiFoiN. — Un exemple dans Littré.
Cjanus flos Trivialis est, in frumentario nascens
agro, calyce rosarum sed squarroso, tristi, sine odore, qui-
busdam baptisecula, quia secantibus metantibusque officit,
retusa in ejus occursu falce, vulgo, Blaw Rocken, sive Korn-
bliimen ; gall., blaveole aubifoin, bluet, ou percele; ital., flore
aliso et flore campese. P. 499.
AuLNBB. — Pas d'exemple dans Littré.
HsBc herba (Inula). — Germ., Alant ; gdl\.,aulnee; ital., lella,
enola ou enoa. P. 236.
Balausties.
Balaustise. . . . Gall., des balausties. P. 540.
Littré, bahuste, balustre et balaustier.
Bassinet sauvage simple, — Cette locution n'est pas dans
Littré.
Hollandis Butterbluom nuncupatur. — Germ., Ongefiilte
schmaltzbluom ; gall., bassinet sauvage simple; ital., pie di gallo.
P. 667.
Baume crépu. —Locution non citée par Littré.
Mentha sicca nostra lingua Krause Miintz; gall., mente, ou
baumie crespu ; ii^A..^ mentha domestica crespa. P. 231.
Bec de cigogne. — Sex geranii species pîngit scitissimus
Fuchsius. Primam german. voce nuncupat Storckenschnabel,
id est ciconise rostrum ; gall., agueille de bergier ou bec d^
cigogne; ital., gruaria vel gruina. P. 626.
Littré n'indique pas cette locution.
Benjoin. — Le plus ancien exemple cité est de Régnier.
Magistrantia quamostrutium offlcinaBvocant, nostri Meister-
wurtz. — Gall., benjoin ou angelique; ital., belgioino. P. 38.
On voit qu'il s'agit ici de la seconde espèce de benjoin ci-
tée par Littré. 2** Benjoin français, un des noms vulgaires de
rimpératoire, dite aussi angelique française.
Benoîte. — V. plus haut armoise, et cf. L. Delisle (op. cit.)
benedicta, gariofllata, sanamunda = beneoite.
76 TECHNOLOGIE BOTANIQUE
BiÂRE. — Littré en cite un exemple (d'Olivier de Serres).
Cervisiam latini, nostrates vulgo Bier; galL, de la cervoise
ou de la bière dicunt. P. 870.
Blayéolb. — Littré n'en cite pas d'exemple.
V. plus haut Aubifoin.
Blubt. — Littré n'en cite pas d'exemple.
V. plus haut Aubifoin.
Bon Henri. — Pas d'exemple de cette locution dans Littré.
Apud Germanos superiores Guter Heinrich, Schmerbel et
gemein Wundtkraut ; gall., bon Henri ou ozeille de Tours; ital.»
bombice di teza specie. P. 525.
Bonne [Toute), orvale. — Locution non indiquée par Littré.
V. plus loin Orvaille.
Bourse de berger. — Littré cite cette locution, mais sans
exemple à l'appui.
Bursa pastoris germ. dicta Teschelkraut ; gall., bourse de
bergiers. P. 808.
Branche ursine, sorte d'acanthe, la même que l'oursine. —
Littré ne donne pas cette locution.
Acanthus vulgo Welsch Bernkiaw, propter similitudinem
anteriorum pedum ursi. — Gall., branche ursine; ital., branca
orsina. P. 804.
Carvi, plante ombellifère. — Littré n'en cite qu'un exemple,
lUud nostro idiomate hoff Kuym. — Germ., Feldtkirmel et
Wisenkiimel ; gall., carvi; ital., il caro ô carvi. P. 39.
Cerfeuil. — Un seul exemple dans Littré.
Chserefolium nostris Kerffélet Kerbelkraut pronunciatur. —
Gall., cerfeuil ou salucille ; ital., cerofoglio. P. 339.
Cf. ap. L, Delisle (op. cit.), cerfolium, sermenna = cerfoiz.
Cbrusb. — Littré, en fait d'exemples anciens, n'en cite que
deux empruntés à Ambroise Paré.
Cerussa. — Germ., Bleyweiss, quibusdam Weisse Cerusz
nuncupatur; gall., de la cerusse ou fard. P. 766.
Chamaras. — Littré ne cite aucun exemple.
Genuinum scordium cognosci cœpit. — Germ., Wasserbate-
nig; gall., chamara ou germandrée d'eau ou scordion. P. 100.
TBCHNOLOaiË BOTANIQUE 77
Chajibon de pierre, charbon de terre. — Locution indiquée
par Littré, mais sans exemple à Tappui.
Bitumen fossile terrenum. — Germ., Steinkol; galL, charbon
de pierre; ital., carbone de pietra. P. 128.
a Charbon de pierre » est encore la locution préférée de
Montpellier.
Chardon à cent têtes, -- Littré cite cette location, mais sans
y joindre d'exemple.
Erjngium. — Germ.; Manstrew, nostris Kruys distel et
Wurtzelen sonder end; gall., panicaut ou chardon à cent
testes. P. 62.
Gharpentaire, un des noms vulgaires de la scille. — Littré
n'en cite aucun exemple.
Scilla. — Germ., Meerzwibel vel Meusszwibel; gall., sti-
poule (sic), charpentaire et oignon marin. P. 840.
Châtaigne de rivière. — Littré ne donne pas cette locution,
mais (( châtaigne d'eau, la macre. »
Tribulus marinus.— Germ., Wassernuss ; gall., chastaigne
derivih*e ou truffes ou saligos; ital., tribolo aquatico. P. 759.
Chausse-trapb, ou chardon étoile. — Littré n'en cite pas
d'exemple.
Tribulus terrester.— Germ., Wegdorn; gall., chausse trappe.
P. 759.
Cf. ap. L. Delisle (op. cit.), saliunca, ancusa, paliurus =s
cachatrepa.
Cheveux de Vénus. — Littré cite cette locution, mais sans
l'appuyer d'exemples.
Capillus veneris. —Germ., Venus har.; gM., cheveux de
Venus. P. 197.
Chicotrin, sorte de joubarbe. — Littré donne chicotin, suc
extrait de l'aloès, et cite deux exemples du XVI® siècle où
ce mot est orthographié cicotrin.
Le passage suivant présente une orthographe et une signi-
fication différentes: Sedum telephium quod ego equidem in
HoUandia vulgo Hemelslutel, hoc est csbU clavis, atque in
tabernis, crassulam majorem dici existimo ; gall., grassette,
c^ico^m, telephion blanc; ital., telephio bianco, fava grossa
6 inversa. P. 802.
78 TBCHNOLOaiB BOTANIQUE
Chicorée. — Littré en donne trois exemples, tous extraits
d'un même auteur, d'Olivier de Serres.
Cicorea lingua nostrate cicorey. — Germ., Wegwart; gall.,
cichorée. P. 367.
Chiennéb, hermodactyle, sorte de colchique. — Littré ne
donne que ckïennée, la portée d'une chienne.
Colchici radix sive hermodactylus. — Germ,, Pfaffenboden,
zeitloss herbst blûmen, Wild safran bliimen. — Gall., mort au
chien, chiennée. P. 308, 402.
Chou crespé, chou frisé. — Littré ne donne pas cette locu-
tion.
Nostrates crîspum caulem nuncupant, hoc est Krausz Koel ;
gall., chou crespé, P. 363.
Chrysolithb. — Deux exemples dans Littré.
Germ., ein Hyacinct; gall., chrysolite. P. 202.
CicoTRico, pied de veau, plante. — N'est pas dans Littré.
Est autem Aron, serpentaria aut dracunculus minor: vul-
gus nostrum, quoniam, promit pistillum exerti ferme genitalis
effigie (ut cum venia dicam) sacerdotis virile; germ., Pfaffén-
pînt et Kalbsfuss, quasi vituli pedem nuncupat; gall., aco-
tricOjY. . , de chien, pied d.e veau; ital., aro, arisaro b gigaro.
P. 73.
Clou de girofle. — Un seul exemple de cette locution dans
Littré.
Garyophylla nostris Negelin, quasi clavi. — Gall., clous de
girofle. P. 153.
CocuB, ciguë. — Est cité accidentellement au mot ciguë,
par Littré, comme forme du Berry. Je puis ajouter qu'elle se
trouve en Saintonge : V. Jônain (Glossaire) , et l'exemple sui-
vant prouve qu'elle date au moins du XVP siècle.
Cicuta. — Germ., Schirling et Wuoterich; hoUand., Pyp-
kruyt ; gall., ciguë ou cocue. P. 519.
Colle de bois, de bouche , forte, de poisson, d'or. — De ces dif-
férentes locutions Littré ne cite que « colle forte. »
Germ., Leim; coUe forte ou colle de ôois;ital., colla di car-
niceio. Est insuper piscium gluten, Grsecis ichthyocolla ....
nostri Hausenblass appellant; gall., colle de bouche on colle de
TECHNOLOGIE BOTANIQUE 79
poisson; ital., colla di pesce, P. 227-228. — Borax vulgo
borrass : gall., borras ou colk d'or; ital., borrace. P. 82.
CoNSiRB, espèce de consoude. — Littré cite incidemment
ce mot (sub voce consoude)^ mais sans lui consacrer un article
spécial.
Germ.,Walwurtz etSchmerwurtz; gall., consire; ital., con-
solida maggiore. P. 595. — Esb (plant») siïit symphjtum alte-
rum, sive majus, bugla, ac bellis, quae Coloniensibus Matsoess-
gen, Hollandis Magdalieifen vocitatur ; Germanis, Masslieben,
Massuselen ; Gallis, eonsire, marguerites, pasquettes; Italis,
primo flore. P. 596.
Coq, espèce de menthe. — Littré cite un seul exemple de
cette acception, d'après Olivier de Serres.
Est insuper eodem nomine culinaria herba, quam placentis
ovorum indunt fseminse nostrates per sBStatis initium; germ.,
Pfankuochenkraut, Balsam et Kost ; gall., ducoc; ital., herba
di santa Maria. P. 166.
Coquelicot, -t- Deux exemples dans Littré.
Papaver rubrum. — Germ., Kornrosen et Klapperrosen ;
gaM.^ coquelicot ou espèce de ponceau ; ital., papavero salvatico.
P. 353.
CoRNAXiNE. — Deux exemples dans Littré.
Blacta Byzantia. — G»erm., ein Onychel; gall., cornaline;
ital., onyca. P. 64.
CoRNUBTTE, cousoudc rojalc. — Littré ne cite que cornuet,
nom d'une plante corymbifère.
Germanise nostrsB vulgo Rittersporn dicitur. — Gall.,con-
soulde royale et cornuette ; ital., consolida régal. P. 161. — -
Gall., pied d'alouette, cornuette; ital., consolida regale.
P. 595.
Crbtonart, zédoaire. — N'est pas dans Littré,
Zaduaria nostra lingua Zeduar etZenetwurtzel ; gall.,
cretonart. P. 55.
A rapprocher du v. français citoual, chitoual et citonal (Du
Cange, au mot zedoaria)^ et de cituaux== zeduarium, ap. L«
Delisle. (Note sur un ms. de Tours renfermant des gloses fran-
çaises du XIP siècle.)
80 TBCHNOLOaiB BOTANIQUE
CuMAiN sauvage. — Littré ne cite pas d'exemple de cette
locution.
Sylvestrem cyminum tuchsius germanice Wilder Schwart-
zer Kûmich vocari testis est. — Gall., comin sauvage. P. 161.
Curage sans macule, persicaire acre. — Littré ne cite qu'un
exemple de ce mot et l'emprunte à Olivier de Serres, qui
remploie seul, et n- j joint pas « sans macule. »
Per^carianon maculata. — Germ., Wasser pfeffer, Muc-
kenkraut; gall., poivre d'eau on curage sans macule. P. 30ô.
Cf. scurrago, persicaria personatia, = sewra^^. Ap.L. De-
lisle (op. cit.), p. 13.
A. Boucherie.
(A suivre.)
Poésies
LA PONT DE CARROUSSET
Vista d'amount en aval,
Dirias un got de cristal.
(A. Langlade. La Viradona.)
Au front dôu cap Courouno, es un poulit endré
Clafi d'erbo marine e nouma Carrousset :
La mar sT arredounisen mignoto calanco,
Que lou flot vèn lipa de soun escumo blanco .
A la pouncho de terro, au tremount, uno crous
Estende sus la mar si dous bras pietadous ;
De roucas, au trelus, uno bloundo muraio
Embarrio la calanco, e Terso la travaio;
E la mar bluio, enfin, acabant lou tablèu,
Pugis à Tourizount e se perd dins lou cèu.
Mai, o bèn-fa ! dins la calanco secarouso
Un filet d'aigo douço, e lindo, e fresqueirouso,
Pèr li bon ribeirôu e fourtuno e soûlas,
A dous pas de la mar rajo d'un grand roucas.
Lis enfant de Carrô emai de la Courouno,
Pretouca dôu présent que lou bon Dieu ie douno.
An, contre lou sourgènt, fa per lou terradou,
Uno poulido font emé soun lavadou :
A toute euro dôu jour, au barquiéu, femo e flhe
Lavon, lou bacèu pico e la lengo babiho.
Èro un vèspre d'iver, e lou soulèu tremount
Abrasavo à la fes la mar e Tourizount ;
De si rai engalis, Tastre d'or caressavo
L'oundeto tremoulanto e que beluguejave;
Avié caufa la terro, e lou tèms ère dous ;
Li roucas de la ribo, e qu'en plen jour soun rous,
Èron couleur de flamo emé d'oumbre viouleto.
Tout èro tranquilas; la font ère souleto.
82 POESIES
0 sublime moumen ! ânicioun d'un bèu jour !
Ouro d'adouracioun, de silènci, d'amour!
La mar d'azur e d'or douçamen murmuravo
Soun inné au Creatour, e la terro escoutavo I
£ moun cor au councert de la naturo uni,
Tout esmougu se perdeguè dins l'inâni.
Quant moun raive duré ? noun poudriéu vous lou dire.
Mai d'argentine voues, defres esclat de rire
Me tirèron de moun countemplatiéu pantai.
En re virant lis lue, vese un eissame gai
De femo, d'enfantoun^ de chato poulideto,
Que, laugiero, pourtant chascuno sa dourgueto
O verdo, o jauno, o roujo, e drecho sus soun front,
Davalant di roucas, s'en venien vers la font.
D'aquéli qu'èron liuen, la forme graciouso
Se trelucavo en oumbrinello armouniouso
A la cimo di ro, sus la pourpro di niéu.
Lis âutri, seguissènt la draiolo dôu riéu,
Torto coume uno serp, à la filo arribavon
Au sourgènt de la mar ; aqui se descargavon
De soun vas vueje encar©, e charravon, risien,
De rampli si dourgueto espérant lou moumen.
Fres bouquet de bèuta tôuti dins sa jouvènço !
Flour d'amour, ournamen, ourguei de la Prouvenço !
N'i' avié de bloundineto is iue blu 'mé l'èr dous,
E de bruno au regard plen d'uiau, arderous ;
E chascuno, à soun tour, emplissié sa dourgueto.
Pièi, n'en resté plus qu'une, un brisounetmoureto,
Un pau palo tambèn, mai au visage fin,
Plante de tamaris nascudo au vent marin ;
Li dous nègre bendéu de sa cabeladuro
Cenchavon richamen sa seriouso figure ;
Li darrié rai dôu jour dauravon si bras nus,
Brunet coume sa caro ; enfin, éro un trelus
De gràci, d'innoucénci en toute sa persouno,
E que ine retrasié, vesént este chatouno,
Li femo di tabléu de Leopold Roubert,
Superbe, s'enaurant soute un céu descubert.
POESIES 83
Mai se veguè souleto ; e, lèu, lèu, sus sa testo,
Crentouso, meteguè sa dourgo qu'èro presto;
Piei, me passant davans : « Bon vèspre » , me digue ;
E, de vers si coumpagno, à grand pas partiguè.
T'ai seguido dôu cor, proucessioun pouetico ;
E, m'en anant, disiéu : « Es uno sceno antico * ! »
P. Dblille.
A MOUN AMIC BERTOUMIEU BEDOS
Dins la garriga e la rocalha,
As fach un poulit castelet ;
Aqul toun esprit se delaia
E se coumplai, quand sies soûl et.
Pas fugit esprès la calota *,
Lapatofia' e lou mau faràs* ;
le fas mai d'un cop la ribota ^,
Festa, dimenche e dimàs gras.
Quand ie vas embe ta familha,
As lou cor de joia coumoul,
E tout aqui t'escarrabilha
Couma lou gril dins un rastoul.
Se quauque amie ven en vesita,
Lou recaves à bras de cors,
E lou barroul de ta guerita ^
Per el se desfai sans esfort.
Que sies uroi^s dins ta demora !
Au mens sabes qu'as un endrech
Que, quand maugasta'' per defora,
* Provençal (Avignon et les bords du Rhône), orthographe des félibres
d'Avignon.
* La calota est, surtout dans les campagnes, la réunion des femmes qui,
l'après-midi, portent leur ouvrage chez Tune d'elles et s'entretiennent ensem-
ble, à l'exclusion des hommes. — 3 Patofia: médisance, caquets, rapports in-
discrets. — * Les méchancetés, la malfaisance . — ^ Partie de plaisir, pique-
nique, repas aux champs. Faire ribota signifie manger et boire avec excès.
•— 0 La maison de campagne à laquelle se rapporte cette poésie est si petite,
qu'on l'appelle ^dLVÎois la guérite . — ^ Qimnd maugasta: quand il fait mau*
vais temps.
84 POESIES
T'abriga dan vent e dau frech.
Vegere un jour aquel terraire
Ë sous magres acacias
Que la tremountana, pecaire !
Aviè toutes desenâolhats ;
Vegere sous rounzes, sas blacas^
Que la nèu tapa entre lous rocs,
E, decai-delai, sas barracas '
Esparpalhadas per lou bos.
Mais quand Abrieu,àla rescoussa,
Se sarra embé soun er tebés
E trai sas perlas sus la moussa,
Quand Mai espandis sous bouquets,
Las flous espigoun per tout caire
Dins toun castel endimenchat,
Que fai la gloria ^ dau troubaire,
A la façoun qu'es arrenjat.
Bêlas matas* de garda-rauba^ ,
Frigoula®, aspic "^ç douces perfums,
Er embaumât que porta Tauba,
Sourel que mascares lous gruns',
Se vous escrive sus ma lista,
Es que me fagueres bon iol;
M'avès agut en bon esquiol^,
E de ieu gardas la counquista *° I
COULAZOU.
* « Blacas lits de rochers calcaires, ou marneux qui se fondent à l'air
et qui composent les terrains propres aux chênes. » (Honnorat, Dict, prov.-
fr., I, 282.) A Montpellier, blaca signifie chêne. C'est le sens que lui donne
la poésie de l'auteur.
2 Les environs de Castelnau-le-Lez sont semés de masets ou barraqîieSjbkiia
quelquefois au milieu de la garrigue.
3 Gloria, que l'on prononce plus souvent gloia, a ici le sens de joie,
plamr, — * La mata est la réunion des tiges ou des touffes de la même
plante. — ^ Santoline, ou garde-robe, arbuste odorant — ^ Le thym, que l'on
nomme aussi pota, — ^ Aspic ou lavande — ^ Grains de raisin. — » M'avès
gaut en bon esquiol : Vous m'avez eu en bon accueil. — *<> Languedocien
(Montpellier et ses environs). Orthographe montpelliéraine.
BERNAT DE VENTADOURN
(1195?)
A 'n Anpos Roca-Ferrier
Al mouatier de Daloun* perque sonon las laissas ^ ?
0 puegs', vè de mourir ; vè de mourir, o baissas *,
Lou que reinas e reis avian afourtunat,
Bernât de Ventadourn, aura Fraire Bernât ! . . .
De Tavisar aqui dins sa rauba de bura,
E la testa pielada^^, e lous peds sens c^haussura,
Qu recounesseria lou galan chantadour
Qu'anava passatrtemps, tal coum' un troubadour,
La cigala al chapel, lou mantel sus Tespalla,
Un' arpa jous soun bratz, qui brugis e qui bralla,
Leur cor tout sobroundan ^ d'amour emais d'erguelh,
Bourlan Miejourn e Nort a Tarour ' de soun uelh ?
Al moustier de Daloun, perque sonon las laissas?
0 puegs, vè de mourir; vè de mourir, o baissas,
Lou que reinas e reis avian afourtunat,
Bernât de Ventadourn, aura Fraire Bernât ! . . .
L'ome a la lengua d'aur, aitan renoumat couma
Anacreo de Greza e Vergeli de Rouma,
Madur d'atge e de sen, a finalmen coumprés
Qu'a meqs d'amar Dieu soûl, amar aco n'es res ;
Que segre lou plazer es coupabla feblessa,
IJue mantener soun ama es dever de noublessa,
E que l'engenh fai mal quan fauta de far be,
E que lou mounde passa e sa gloria aitabe I
Al moustier de Daloun, perque sonon las laissas ?
0 puegs, vè de mourir; vè de mourir, o baissas,
Lou que reinas e reis avian afourtunat,
Bernât de Ventadourn, aura Fraire Bernât ! . . .
^ Abbaye où se retira Bernard de Ventadour: Et en Bematz, dit sa Vie,
per aquela dolor, si s'en rendet a Vorde^de Dalon; e lai definet. — * Glas.
— 8 Collines. — * Vallées. — * Rasée. —6 Débordant. — ' Feu.
86 POÉSIES
« Beutat toutjourn anciana emais toutjoum nouvela,
» Soula vermen* durabla, e soula vermen bêla,
» Qae t'ai; mescouneguda, o Beutat ! o moan Dieu !
» Per un' autra beutat passagieira coum' ieu I . . .»
Aital dizia Bernât sus sa coustia ^ de cendre,
E sa voutz mourivousa avia quicom de tendre,
Oouma quan souspirava un de sous « planhs d'amor »
A la doussa Alaïs, a la fier' Aliéner !
Al moustier de Daloun, perque sonon las laissas?
0 puegs, vè de mourir; vè de mourir, o baissas,
Lou que reinas e reis avian afourtunat,
Bernât de Ventadourn, aura Praire Bernât I
Am manh e manh couven couma Daloun vezina,
Lous mounges de pertout abaston ^, d'Obazina,
Del Chaslart, de Glenic, de Caduin^ de Bellueg ;
N'en vendra de Cistels, ou n'en vendria d'enlueg;
E de femnas, n'i a be ! Coumtessas e barounas
Cochon que coucharan, amb' un fais de couronnas
Pel mort qu'an depausat dins l'egleija, al mitan,
Pel mort que chai velhar en puran, en chantan !
Al moustier de Daloun, perque sonon las laissas?
0 puegs, vè de mourir; vè de mourir, o baissas,
Lou que reinas e reis avian afourtunat,
Bernât de Ventadourn, aura Fraire Bernât I . . .
E toutz devans Bernât, am de l'aigua senhada *
Que gieton sus lou cors, passon d'à reng. . . Counhada ^
Dins un carre *, a despart, una femna, en gran dol,
Plejada dins soun vel couma dins un linsol,
S'aprauma' tout d'un cop, e muda, tremoulanta,
Bernât I sus toun cor freg pausa sa ma bourlanta !
Mas tu, coum' una serp, de te recauquilhar^,
E d'alandar ^ lous uelhs, e de vouler braulhar *o.
Al moustier de Daloun, perque sonon las laissas ?
0 puegs, vè de mourir; vè de mourir, o baissas,
^ Vraiment. — s Couettô, couche. — » Affluent, arrivent. ^ * L'eau bénite.
*— {^Blottie.— • Angle.— ' S'approche.— • Tordre.— » D'ouvrir.— *o Criw,
POESIES 87
Lou que reinas e reis avian afourtunat,
Bernât de Ventadourn, aura Praire Bernât l . . .
Ailas ! aquel supar qui fazia soun delici,
N'en vol pus, n'en vol pus, que faria soun suplici !
Reguinha* dounc, reguinha ; e pueis, sens se virar,
Leva sas mas el cial, coumaper lei moustrar;
Las leva lentamen, e lentamen las baissa ;
Pueis, couma dins un liet s'adoba* dins la caissa,
Per 'mor ' de countuniar soun bel som eternal,
Doun Ta desterroumput un soucilh terrenaJ.
Al moustier de Daloun, perque sonon las laissas?
O puegs, vè de mourir ; vè de mourir, o baissas,
Lou que reinas è reis avian afourtunat,
Bernât de Ventadourn, aura Fraire Bernât !
E lou pople cop-sec * de cridar : « Meravilha !
» QuaP es, quai' es aco laqu'aital derevilha?
» La qu'aital revis cola? Aliéner ? Alaïs?. . . »
Mas ela, avans la nueg, avia fach del païs^.
Remercian del reguart lous qui Tavian seguda,
D'à galop de chaval, tal coum' era venguda,
Landa, e ganha en Couirous, oun troubara, segur ^,
A l'oumbra de l'autar, la patz e lou bounur I
Al moustier de Daloun, perque sonon las laissas?
0 puegs, vè de mourir; vè de mourir, o baissas,
Lou que reinas e reis avian afourtunat.
Bernât de Ventadourn, aura Fraire Bernât "^ !
Josep Rous.
V d'abrial mdcccîlxxx.
* Regimbe. — * S'arrange, dispose. — • Afin de. — * Aussitôt. — ^ Avait
fait du chemin, avait fait du pays. — 6 Coiroux, fondé par saint Etienne, comme
Obazine, fut un monastère de filles. Les plus nobles noms de Limousin et
d'Aquitaine s'y couvrirent d'humilité devant les hommes et de gloire devant
Dieu. L'abbaye de Coiroux, dont il reste des ruines, occupait une vallée étroite,
profonde, à une petite distance d'Obazine. Il n'était pas rare qu'époux et épou-
ses se retirassent, les uns à Obazine, les autres à Coiroux, ce qui donna lieu
au proverbe :
« Qui a fille à Coiroux a gendre à Obazine» »
"^ Limousin. Orthographe des troubadours.
BIBLIOGRAPHIE
Jonfrois. Altfiransœsisches Rittergediclit zum ersten mal herausgegeben
von Konrad Hofmann und Franz Muncker ; Halle, Niemeyer, 1880, in-8*,
vm-134 pages.
Le titre de ce volume fait penser tout de suite au Jaufre provençal;
mais il n'y a rien de commun entre les deux ouvrages. Le poëme
français n'est pas cependant sans quelque rapport avec la littérature
provençale. Un des personnages épisodiques est le troubadour Mar-
cabru, et je soupçonne qu'il faut voir dans le héros lui-même, Joufroi,
comte de Poitiers, un autre troubadour, le premier de tous par la
date, à savoir Guillaume VII, auquel l'auteur, confondant ici, comme
il le fait d'un bout à l'autre de son roman, les noms, les temps et les
lieux, aura attribué le nom qu'avait porté Guillaume VI, son père,
que nous savons s'être appelé Gui Geoffroy, lorsqu'il n'était encore que
duc d'Aquitaine.
Il ne serait nullement impossible que les aventures attribuées à
Joufroi dans le roman français ne fussent de celles que les jongleurs
devaient raconter du noble comte leur patron, et qu'il avait peut-être
lui-même mises en vers, comme il fit un jour de ses exploits amou-
reux en Auvergne.
Elles sont, en tout cas, tout à fait dans son caractère : « Lo coms
de Peitieus, dit la notice provençale qui précède ses chansons dans
deux mss., sifo uns dels majors cortes del mon e dels majors tricha-
dors de dompnas ; e bons cavalliers d'armas e lares de dompneiar. . .
et anet lonc temps per lo mon per enganar las domnas. » Or Joufroi,
dans notre roman, n'a d'autres occupations que celles-là. Les anachro-
nismes, les confusions de noms, ne sauraient empêcher d'être frappé
des ressemblances que je signale. Les romanciers s'en permettent
souvent d'ailleurs de bien plus graves. Si nous avons, en effet, affaire
à Guillaume VII, tout se borne, en fait d'anachronisme, à l'avoir ra-
jeuni de quelques années. Il est certain que tous les personnages du
roman, étant admis que Joufroi est Guillaume IX, ont été réellement
contemporains, bien que les événements racontes n'aient pu se passer
dans l'ordre suivi par l'auteur ou ne se soient même pas passés du
tout, ce qui doit être le cas de la plupart.
Nous voyons figurer dans le roman un Henri, roi d'Angleterre.
C'est Henri 1er (1100-1135), quoique l'auteur le mette aux prises avec
les Écossais et les Irlandais, le confondant ainsi avec ses successeurs
Etienne et Henri II. Sa femme, en effet, qui joue < dans l'action, à
BIBLIOGRAPHIB 89
deux reprises, un rôle important, est appelée Alis, et noua savons
que tel fut le nom de la deuxième femme de Henri Ur (Alice de Lou-
vain, qu'il épousa en 1121, princesse connue pour avoir protégé les
lettres et qui fut célébrée par plusieurs trouvères ).
Le troubadour Marcabru, que Fauteur fait parler avec une liberté
qui est aussi on ne peut plus dans le caractère du personnage*,
vivait encore en 1147(voy. Romania, VI, 123). Il n'y a rien d'invrai-
semblable à admettre qu'il courait déjà le monde vers 1120.
Alphonse [Jourdain], comte de Toulouse, que le roman nous repré-
sente comme ayant été en guerre avec Joufroi, le fut en effet avec
Guillaume VII (de 1114 à 1120). Les événements racontés dans le
roman sont tout différents de ceux de l'histoire ; l'auteur intervertit
* Marcabru, envoyé, avec d'autres messagers, par les Poitevins, à la re-
cherche de leur seigneur, qui courait les aventures sous un faux nom, arrive
à la cour d'Angleterre (v. 3599) :
Uns dancheus que Talot querant
Est venuz a Londres errant.
Marchabruns ot non li messages,
Qui molt par fu corteis et sages.
Trovere fu molt de grant pris.
Bien le conuit 11 rois Henris,
Qu'assez l'ot en sa cort veii. . . .
Entre li cuens par lo palais
Qui portoit un faucon montais .
Si tost con Marchabrun lo vit,
Lo conoit bien, au roi a dit :
c Sire, fait-il, veez le lai,
Le truan, que en tel esmai
Laisse toz cels de son pais. »
— « Gabes tu? » fait li rois Henris.
— tt Sire ge non, se Deus me vaille. »
Puis s' adressant au comte lui-même :
« Mauvais cuens lainiers et châtis
Que fais tu en cestui païs?
Li cuens Nanfos ja te destruit
Tote ta terre jor et nuit.
Tu n'as ville ne fermeté
Que il nen ait ars et brusé*.
Fors che Poitiers tôt solement.
Certes molt te fusse plus gent
Que tu défendisses ta terre
Que cha fusses folie querre. »
* Prov. àruzar. Les éditeurs corrigent brus[l]€.
90 BIBLIOaRAPHm
les rôles, transporte du Toulousain dans le Poitou le théâtre des
hostilités entre les deux princes. Mais tout cela, dans une œuvre d'ima-
gination, ne saurait surprendre, et ce n'est pas une raison suffisante
pour faire rejeter l'identité que je suppose du Joufroi du roman et du
Guillaume de l'histoire. '
J'en dis autant d'un autre détail qui milite aussi, les mêmes réserves
faites, en faveur de Pidentification proposée.
Joufroi, après avoir fait prisonnier le comte de Toulouse et l'avoir
retenu longtemps « à Poitiers dedens un donjon », fait enfin sa paix
avec lui. Il épouse Amauberjain, fille d'Alphonse, et reçoit Toulouse en
dot. Or cela aussi, tout inexact que ce soit, a un fondement historique.
On sait que Guillaume VII avait épousé, en 1094, Philippa, fille de
Guillaume IV, comte de Toulouse, et que ce fut sous le prétexte des
droits de sa femme qu'il s'empara de Toulouse à deux reprises dif-
férentes, et l'occupa quelque temps chaque fois, la première, de 1098
à 1100 environ; la seconde, de 11 14 à 1119.
L'auteur de Joufroi nous apprend que c'est à Saint-Pierre-de-Ma-
guelonne qu'il a trouvé la « vie » de son héros. Voici le pasiage :
V. 2320. Si revoil del conte parler,
S'il vos pleist que plus vos en die.
Escoutez «moi si orrez sa vie,
Einsi corn ele me fu dite,
La u ge la trovai escrite
A Saint Peire de Maguelone.
Des le main i mis jusqu'à none
Âinz que j'en fusse a la fin.
Iluec la getaî de latin ;
Despuis si Tai en rime misse
Et en romanz Testoire asisse.
On ne connaît du roman de Joufroi qu'un seul ms., conservé dans
la bibliothèque de Copenhague, et qui est, paraît-il, du commence-
ment du XIV® siècle. L'ouvrage est incomplet ; il s'arrête, dans l'état
actuel du ms., au v. 4610, sans qu'on puisse exactement évaluer
l'étendue de ce qui manque.
Le nom de l'auteur est inconnu, et c'est dommage, car il avait du
talent. C'est un esprit subtil et précieux, très-versé dans la méta-
physique amoureuse, et qui se plaît à le montrer. Il rappelle souvent
l'auteur de Flamenca,
La langue de Joufroi pourrait donner lieu à des observations inté-
ressantes. Les éditeurs y voient, sans motifs suffisants, à mon avis,
du bourguignon. Les provençalismes n'y manquent pas * . Je croirais
* M. Boucherie me fait remarquer que ce pourrait bien n'être que des poi-
BIBLIOaRAPHIE 91
volontiers que la Yie latine trouvée à Maguelonne fut d'abord mise
en vers provençaux, et que c'est un rifacimento français de cette ver-
sion provençale, si en effet il y en a eu une, que nous avons dans le
Joufroi de Copenhague.
Quoi qu'il en soit, et à s'en tenir à ce qui est certain, le lien qui
rattache ce roman à la littérature provençale est évident. Aussi a-t-
il pour ceux qui s'occupent spécialement de l'histoire de cette litté-
rature un intérêt tout particulier, et c'est pour cela que nous avons
tenu à y appeler sans retard l'attention de nos lecteurs.
C. C.
Quattro Novelline popolari livomesi, accompagnate da variant! Umbre,
raccolte, pubblicate ed illustrate cou note comparative da Stanislao Prato.
— Spoleto, Bassoni, 1880^ in-4o, 168 pages
L'ouvrage de M. Prato a pour objet quatre contes livoumais :
(( la Donna dei sette cedri, le Tre Ragazze, il Re e' su' tre figliôli,
tevinismes ou des santonismes. Voici, dans tous les cas, quelques exemples :
de les, a les, génitif et datif de Tarticle féminin pluriel, pour des, aus ou
a«(4507, 2420, 3231, etc.);
el pronom maso, sujet (663, 703);
U pronom féoainln sing. sujet (23, 24);
0 pronom neutre régime (3388, 4333);
3e pers. sing. de l'imparfait du subjonctif en sse ( = prov. ssa) au lieu de
st: feisse, meisse, ftisse, etc. (778, 9, etc, etc.);
par remplaçant pot^r (à cause du per provençal qui représente |3er etpro?):
le tenist par fel (276, etc., etc.). Au contraire, por remplaçant par (280), con-
fusion due sans doute à la même cause ;
des formes en a comme filla (3539), veignaz (2895), durara (4137), mas
(537);
des mots comme brusé (3678), déjà relevé ci-dessus ; renevier (3714) = prov.
renovier, qu'on a imprimé revevier et expliqué en note d'une façon bizarre ;
faidis (3820) =: banni ; croi, au vers 3295, qu'il faut corriger corne [orné] de
croi ator, et non de détroit ator; conduit (1671), au sens de provision de
bouche (prov. conduch)', l'emploi du futur antérieur pour le parfait (cf.
RevMe, Xn, 100, 1. 4) au vers 3619; l'emploi du génitif après une exclamation
(3529): Ai Deusl dit-il, del lecheor l Cf. ibid, p. 99; ensir = exire (151,
813, 2120, etc., etc.). Je ne me rappelle pas avoir vu cette forme ailleurs qu'en
provençal (par ex. Provenz. Blumenlese der Chigiana, 211, 3).
Je termine cette note par deux ou trois corrections à joindre à celles qui
précèdent. On en trouvera beaucoup d'autres dans un article de M. Mussafia
inséré au n» de février du Literaturblatt ,
1066. « que il [avi]a ». Le t; est de trop. Lis. aja.-^ 1869. « Deu en laï. »
Corr. en haï, et non en loa, comme on le propose en note. (Le faux hermite
était mécontent de voir arriver sa dame en compagnie). — 3385. « Tameis-
sion. » Lis. lameission (= dépense). — 4108. Lis. la tient et non l'aient.
92 BIBLIOGRAPHIE
il Re serpente. » Après le texte de ces récits (p. 11-24) vient le
résumé des variantes ombriennes (p. 25-45). Puis, dans des notes
comparatives (p. 46-168), l'auteur rapproche ces quatre récits êifis
légendes analogues qu'il a pu relever en diverses littératures. Cette
partie est de beaucoup la plus intéressante. L'auteur fait preuve d'une
érudition puisée aux meilleures sources. C'est une chose aujourd'hui
démontrée, que les peuples de l'Europe possèdent de temps immé-
morial un fonds commun de légendes qui, suivant les lieux et les
temps, se sont modifiées à l'infini ; mais cette démonstration acquiert
une force surprenante quand on a la patience de noter, chez tous les
peuples de l'Europe et môme de l'Orient, les variantes de quelques
fables. Il arrive parfois que ces légendes se croisent et s'entre-
mêlent au point que, si l'on n'était renseigné comme l'est M. Prato,
on aurait grand'peine à s'y reconnaître. Avec lui, on ne perd nulle
part le fil, et l'on suit sans difficulté ces curieuses transforma-
tions, qui, des mythes de l'Orient, ont fini par aboutir aux contes de
M™® d'Aulnoy. Je n'essayerai pas de faire ici la liste des ouvrages que
M. Prato a consultés ; elle fournirait une excellente bibliographie
des légendes populaires. De tels travaux, outre leur mérite intrin-
sèque, permettent d'apprécier l'état de la science sur un ensemble
de questions importantes. L'on peut ainsi constater ce caractère de
l'imagination populaire, qu'elle se contente de quelques cadres tracés
de bonne heure ; qu'au lieu de chercher des types nouveaux et des
situations sans analogues dans la tradition, elle préfère varier à l'in-
fini le contenu et le détail. Par là, les contes se rattachent à la poé-
sie vraie, qui revient éternellement à certaines conceptions fécondes,
mais peu nombreuses, comme ils se distinguent profondément du
roman, qui vise à intéresser par la nouveauté de l'intrigue et l'im-
prévu des péripéties. L'erreur des romantiques allemands, et en par-
ticulier de Tieck, a été de vouloir fondre ensemble des germes aussi
réfractaires à toute combinaison. Je ne sais rien de plus impatientant,
pour les amateurs des contes de Perrault, que la lecture des drames
allemands de Barbe-Bleue, du Chat-Botté et du Petit-Poucet.
F.Castets.
Étude des dialectes romans on patois de la basse Anvergne, par
M. F. Malval.— Clermont-Ferrand, Rousseau, 1877, in-16, 192 pag.
Ce titre est de nature à tromper le lecteur. En réalité, le volume de
M. Malval est composé d'un « tableau comparatif de mots du dia-
lecte roman-piémontais et des mots analogues du dialecte roman-
auvergnat » (p. 17 à 189). Il est précédé de notes sur la prononcia-
tion du premier de ces idiomes, et suivi d'un appendice tout à fait
BIBLIOGRAPHIE 93
insuffîsan (190-192) sur les mutations de consonnes du second. L'au-
teur nous apprend que les exemples auvergnats ont été recueillis à
Clermont-Ferrand et parmi les villages qui l'environnent, tandis que
les exemples piémontais proviennent de la deuxième édition du voca-
bulaire de Zalli.
Le langage du département du Puy-de-Dôme et celui de la partie
italienne de Tancien royaume de Sardaigne sont relativement trop
dissemblables pour donner beaucoup d'utilité à ces rapprochements.
M. M. aurait pu, en outre, exclure les expressions que le latin clas-
sique fournit depuis quatre siècles à toutes les langues romanes.
Des deux côtés des Alpes, abondance, argent, armistice, augmenter,
produisent des formes identiques et, par cela même, d'une valeur
presque illusoire. Ces défectuosités de méthode rendront l'ouvrage
de l'auteur inutile à ceux qui recherchent autre chose que des parti-
cularités de dialectologie locale. A ce titre, nous avons cru devoir
relever les suivantes :
Pages 18, 27 et 98, aneui^ au dgiou d'aneui, signifient aujour-
d'hui à Clermont-Ferrand, exemple à joindre à ceux que M. le docteur
Espagne a réunis às.ji^ A-nuit = Aujourd'hui (R&oue^^^ ^étiQ, II,
156) K
P. 28. Prendre la mounina; en piémontais : pié la mena, signifie
s'enivrer. On dit à Montpellier : car g à la mounina.
P. 46. Cristof que se moutcha mei na peira (Christophe qui se
mouche avec une pierre) peut être rapproché de la comparaison lan-
guedocienne : Drech couma moun couide quand se moca (droit comme
mon coude, lorsqu'il se mouche) et de la formule : Se moca pas embe
lou couide.
P. 55. On lit un dicton rimé que l'auteur a transcrit comme s'il
était en prose :
Greissa, St-Juan,
Venia sadge et grand .
P. 56. Les braies gauloises se nomment, en basse Auvergne, bro-
jas. M. M. signale en même temps le substantif à demi français de
cullotta. Bralhas et culolas existent couramment à Montpellier.
P. 84. On trouve l'auvergnat Foutriquet, que M. M. aurait pu rap-
procher du surnom donné à M. Thiers par le maréchal Soult, lequel
était, comme on sait, d'origine méridionale. M. M. mentionne le pié-
montais Fotrichet (pron. Fow), qu'il traduit à tort par petit homme
* A propos de ce travail, M. Paul Meyer fait remarquer, Romaniaj IX, 158,
que rétymologie anuit = arf noctem a été déjà donnée, Romania^ VI, 129.
Le renvoi est inexact.
94 BIBLIOORAPHIE
nul, pétulant et arrogant. Le radical du terme en question et les
formes nombreuses qui en ont été tirées indiquent qu'il signifie plutôt
homme petit, remuant et libertin.
P. 85. Gage est accolé aux mots piémontais roha et gctgi, qui dé-
signent les meubles, les troupeaux et les objets mobiliers en général.
Il semble difficile d'admettre que rauha, qui s'est maintenu en Pro-
vence et en Languedoc, ait disparu des montagnes de l'Auvergne.
« Les bergers d'Arles, dit Honnorat (Bict, prov,'fr,, II, 1019), don-
nent encore aujourd'hui le nom de rauha, . . àla réunion des objets
qu'ils transportent avec eux. A la rauha ! crient-ils à leurs chiens,
quand ils s'écartent de leur équipage. »
Guiraldenc l'emploie avec un sens identique dans sa poésie mont-
pelliéraine la Blanda:
Es tems de revenl
E d'anà à la rauha,
Car n'an, desempioi l'auha,
Tastat qu'un cop de vi.
Dans certaines chartes languedociennes du XVI* siècle, rauha dé-
signe les marchandises transportées sur des navires.
P. 104. Mouègre couma un pic (maigre comme un pic-vert) a son
équivalent piémontais dans magher com un pich. On dit à Montpel-
lier : Es magre, ou bien es sec couma un pic,
P. 172. Un tourmenta-crestian est, comme en piémontais, un im-
portun, un ennuyeux. M. Pietro Preda avait remarqué déjà {Revive,
2® série, V, 215) qu'à Milan, et surtout dans la campagne milanaise,
chrétien était synonyme d'homme. On peut ajouter qu'il en est de
même à Montpellier, où crestian et crestiana signifient couramment
homme et femms. Le gallicisme cretièn (es un hon cretièn) est de
plus en plus afiecté à ceux qui s'acquittent exactement de leurs obli-
gations morales et religieuses. La langue rumonsche possède aussi
la première de ces significations, et l'un de ses poëtes en offre un
exemple trop curieux pour n'être pas rapporté : Jésus-Christ, appe-
lant ses disciples et leur annonçant qu'il désire sauver les pécheurs,
se désigne sous la qualification de Filg del Crastiaun, qui répond au
Fils de V Homme des Évangiles :
A se Discipuls clama,
E 'Is disch chia '1 Filg del Crastiaun.
D' salvaer ils pchaeders brama* .
A. Roque-Ferrier.
' Testimoniaunza dalV amur stupenda da Gesu Christo vers pchiaduors
uniauns, par J. Frizzun. Cellerina, 1789, in-8o, p. 10.
Molière, dans les Précieuses ridicules, dit encore « Parlez chrétien », au
BIBLIOGRâPHIB ' 95
Les Correspondants de Peiresc— II. César Nostradamns.— Lettres
inédites, écrites de Salon à Peiresc en 1628-1629, publiées et annotées par
M. Tamizey de Larroque, 1880, in-8o.
Voici encore une de ces publications comme M. Tamizey de Larro-
que sait les faire, où le commentaire ne laisse dans Tombre aucun des
points du texte sur lesquels le lecteur puisse souhaiter un éclaircis-
sement. Ces lettres de Nostredame, bien qu'écrites dans les dernières
années de sa vie, à une époque où la verve qui anime son Histoire
de Provence avait dû beaucoup s'affaiblir, sont d'ailleurs intéressantes
par elles-mêmes, et l'on devrait encore savoir gré à l'habile éditeur
de les avoir publiées, n'y eût-il pas joint l'introduction et les savantes
notes qui y ajoutent un si grand prix.
C. C.
Athénée de Forcalqnier et Félibrige des Alpes. Félibrée de Saint-
Maime. 14 juin 1880. Forcalquier, Auguste Masson, 1880, in-80, 16 p.
Ij^ Athénée de Forcalquier et le Félihrige des Alpes tiennent des
séances communes, où la langue d'oc et le français se produisent avec
des droits égaux. Les membres qui avaient pris part à celle du 13 juin
1880 se rendirent le lendemain à Saint-Maime^ ancienne résidence des
comtes de Gap et de Forcalquier, et y continuèrent, au profit de la
poésie surtout, les lectures de la veille. Parmi celles-ci se trouvaient
dix pièces provençales ou languedociennes de MM , Marins Bourrelly,
Ch. Boy, Sylvain Damaud, le colonel Dumas, A. de Gagnaud, J.-B.
Gaut, Milon, l'abbé Pascal, Eugène Plauchud et William-C. Bona-
parte-Wyse, publiées dans la Félibrée de Saint-Maime, en même
temps que les vers suivants, dont la robuste gaieté est empruntée au
thème d'une anecdote populaire de la haute Provence :
Quand les penitènt de Raiano,
Que dounéroun pu tard uno bèlo campano,
S'entournavoun de Luro e que plouvie à grand trin,
Jaque ané fa vesito à soun fraire Tounin.
Aquest' ero en grand dôu, la faço touto blemo:
A quarant' ans, pecaire ! avié 'ntarra cinq fremo,
E lou paure masquin pareissié desoura.
Jaque, coume un bouen fraire,
Vourié lou counsoura
E li disié pèr lou destraire :
Pèr nôstei bJa, per tout acô 's un riche tèms :
sens de t Parlez d'une manière raisonnable, parlez comme un homme », accep-
tion notée par le Dictionnaire de V Académie. M. Littré ajoute que, familiè-
rement, chrétien = homme.
96 BIBLIOGRAPHIE
Aro, cregnen plus la raiscro:
Vivo, vivo la Boaeno-Mèro*!
Sènso counfianço To n'a rèn.
Coume aquelo pluio ven bèn 1
Fara lèu toutsoiirti de terro:
Après proun espéra, tout lou mouade escouotent. »
« Counteat! digue lou vèuse, iéu cresi que sies lèri !
Juja 'n pau que vau deveni
S'aquelo pluio fai sourti
Mei cinq fremo dôu çameatèri I »
Quelques-unes des pièces de ce petit recueil ont été déparées par
des fautes d'impression ; ainsi, au douzième vers d'un charmant son-
net de M. Boy, il faut lire : E s*ai de fes, au lieu de: E i 'ai defes.
Au quinzième d'un madrigal montpelliérain de M. le colonel Dumas :
louja, au lieu de loja. Le sonnet : Après avedre legi « lous Gorhs »
d'en A. Arnavielle, par M. Bonaparte- Wyse, a été particulièrement
maltraité par les correcteurs. '
Il serait à désirer que le Félihrige des Alpes ajoutât à l'avenir un
index orthographique et dialectal à la fin de ses publications. Il en
doublerait le mérite pour les philologues et les provençalistes.
A. Roque-Ferrier.
Le Félibrige à Marseille et la Galanco, par Eugène Tavernier. Aix,
Marius Illy, 1881, in-8o, 16 pages.
Cette étude, qui est écrite avec beaucoup de goût et de distinction,
fera très-bonne figure à côté des travaux de l'auteur sur Frédéric
Mistral, le mouvement littéraire provençal et les Isclo d*or,
La Calanco est, comme on le sait, la publication annuelle des fé-
libres de l'École marseillaise.
A. R.-F.
1 Mero est un gallicisme que la rime misero explique, mais ne justifie pas.
La Légende d'Œdipe
Mon excellent collègue et ami, M. Boucherie, a bien voulu con-
sacrer, dans le dernier numéro de la Revue y un long et substantiel
article à mon travail sur la Légende d' Œdipe et le Roman de Thè-
bes. Après l'avoir remercié, bien sincèrement, d'avoir jugé sérieuse-
ment un travail sérieux, je lui demanderai la permission de contester
quelques-unes de ses observations et de rectifier diverses erreurs qui
lui sont échappées, ce qui n'a rien d'étonnant dans la critique d'un
ouvrage qui fourmille de détails. Je n'aborderai point la question de
classification des manuscrits, que je compte traiter dans la préface
de l'édition du Roman de Thèbes. D'ailleurs, mon opinion première,
déjà modifiée après l'examen des manuscrits anglais, comme on peut
le voir par la Note additionnelle placée à la fin du volume, l'a encore
été depuis, et mon jugement n'est point définitivement fixé sur tous
les points après cinq ans d'études, ce qui prouve peut-être que la ques-
tion n'est pas aussi facile à trancher qu'elle en a l'air tout d'abord.
Je suis l'ordre de l'article de M. Boucherie:
!• P. 296, 1. 40. Lisez XII^ siècle (faute d'impression).
2** P . 297, 1. 2. La confusion de Vs et du z se trouve, non pas seu-
lement dans des passages particuliers au manuscrit de Madot, mais
dans plusieurs autres, communs à tous les mss. Voir les exemples
cités p. 293. Cela ne prouve donc rien pour la question d'origine.
3o Ibid.j 1. 10. « Mais, comme il n'en cite point d'exemples, on ne
peut vérifier son assertion et, par conséquent, l'accepter pleinement. »
Voir p. 292, note 2, et V Appendice, p. xxi, 1. 10 sqq. et note 3.
4o Ibid., 1. 2rsqq. Le texte du Roman de Troie, tel que l'a publié
M. Joly, n'étant que la reproduction pure et simple d'un des nombreux
manuscrits que nous avons de ce texte, ne peut fournir une base so-
lide à la comparaison que demande M. B.
&> Ibid.fl, 34 sqq. « Il l'aurait bien certainement fait picard d'un
bout à l'autre. » Pourquoi alors Madot, qui a écrit ie, absolument
toutes les formes féminines françaises en iée, n'a-t-il transformé l'ar-
ticle féminin régime la en le qu'une fois sur cinq environ, et en li (au
sujet) encore moins souvent? Que pense M. B. de la question du trai-
tement de la gutturale et des rimes bâtardes, dont plusieurs se trouvent
aussi dans BC, par exemple lices: rices, v, 7283? Ce sont là cepen-
dant des faits emban'assants, et qui méritent réflexion.
6o Ibid,, 1. dernière. Les imparfaits venant de ebam et ceux venant
de abam ne sont jamais confondus à la fois dans les trois mss. fran-
98 Là LEGENDE D ŒDIPE
çais. Les exemples cités {Append,, p. xxxix) sont particuliers à A
(ms. de Madot); il y en a un qui est particulier à BC, mais le passage
peut très-bien être interpolé.
70 P. 299, 1.7. Je ne saurais admettre la correction en tere ( = en
terre), qui fausse la rime, car Ve de matere est certainement différent
de celui de terre, comme le montrent les rimes matére : frère, etc.
(V. notre tableau des rimes . ) D'ailleurs la rime entière : manière se
trouve dans la Chronique des ducs de Normandie.
S^ Ibid.y 1. 31. M. B. ne comprend pas : E fut uns luns. Le ms. A
donne : 11 fu uns Ions, Pour u ^=s 0 devant nasale dans le ms. D, cf.
porrum, etc.
9o Ibid., 1. 36. Je ne vois pas comment jocum pourrait donner
joi, à côté de jeu.
lOo Ibid., 1. 41. tt Lisez : devers mei. » Me n*est pas plus étrange
qneaver = aveir (v. 91), et deves est très-légitime d'ailleurs.
110 p. 300, 1. 2. Lais est certainement masculin; mais je faisais
de ^ un adverbe .
120 Ibid., 1. 11. S'esmervelle, suivi d'un point-virgule, est une faute
d'impression, corrigée du reste à Y errata; il en est de même de hom
pour ?Mme, v. 2742 (V. V errata). Il faut voir également des fautes
d'impression dans délivre (p. 260, v. 499) et dans honnis et suis
(ibid.), que j'ai oublié de relever.
130 Ibid., 1. 24. J'ai dit, p. 296, note 1, que je rétablissais les for-
mes françaises en iée, les formes picardes en ie n'étant pas justifiées
parles rimes.
140 p. 301, 1. 34. Si l'on retranche de la liste estaïs ^ stativus,
il faut en retrancher également vis = vivus, qu'on admet, il me sem-
ble, parmi les mots en 2.
150 P. 303, 1. 3. Dans Thèbes, aviere n'a que trois syllabes et rime
avec enginiére, où Vé est fermé ; a viaire en a quatre et ne pourrait
donner qu'un è ouvert.
I60 Ibid., Blance. Le vers qui suit (N'i ot escu ne connissance) ne
justifie pas l'hypothèse de M. B. — Encovir n'est pas dans le texte ;
c'est encovit, au parfait :
Antigone, puis qu'il le vit,
En son cuer forment l'encovit. v. 5509-10.
170 Ibid., 1. dern. « Engaignier, se courroucer, enrager. Lisez
engraignier, dérivé de grain, irrité, etc. » L'exemple suivant de
V Alexis du Xle siècle, 22 e : Or sui si graime que ne pois estreplus,
devrait alors se lire : Or sui si grainie. Cf. cependant grams dans la
vie de Floquet de Marseille (chansonnier découvert par moi à Chelten-
ham, fo 22, v*»), don Folquet romas tris e grams e dolens, où il faut
LA LÉGENDE d'œDIPE 99
peut-être lire grains, quoiqu'il y ait bien grams dans le manuscrit.
18o P. 304, 1. 14. Comment nugalius aurait-il pu donner novaus ?
Il faudrait des exemples.
19<> P . 306. Nous n'avons fait que décrire le manuscrit de Chel-
tenham ; nous n'avions donc pas à faire la correction ce, qui était
d'ailleurs tout indiquée. M. Sachs a eu tort d'écrire ce, sans préve-
nir qu'il substituait ce mot à la lettre ornée L, que porte le ms. J'en
dirai autant de ctcuseors et de de nient : le ms. porte bien ctaiseors
et dément, et, si j'ai fait suivre ces mots de la formule («c), c'est
précisément pour qu'on ne m'accusât pas de mauvaise lecture, et parce
que je pensais que la correction se présenterait naturellement à
l'esprit du lecteur. — Rens, pour reûs, est une faute d'impression;
je l'ai d'autant plus regrettée qu'il ne m'était plus possible de la re-
lever à Y errata déjà imprimé.
Je termine en renouvelant mes remerciements à M. Boucherie pour
les excellentes corrections qu'il m'a fournies, et à la Revue, qui m'a
peiinis de répondre si longuement à son bienveillant article.
L. CONSTANS.
REPONSE DE M. BOUCHERIE
lo Xlle siècle pour XIII® siècle est, en effet, à mon errata.
12o M. Constans a raison de rappeler que deux menues erreurs*
(p. 300, 1. 11, et V. 2742), que j'ai signalées, avaient été rectifiées par
lui-même à Verrata,
7o II a également raison contre moi en rejetant ma correction de
en terre rimant avec matére.
Maintenant je vais discuter ses autres observations, et tâcher en
même temps de le ramener à mon avis.
2o Confusion de s et de z à la rime. — Je persiste à soutenir que
les exemples de cette confusion, cités par M. Constans, p . 293, ne
sent pas concluants en ce qui concerne les mss. BC. J'ai déjà dit
{Revue des l. rom., décembre 1880, p. 301) que haubers, ters {ter-
sus), plus, dus {dux, ou plutôt * ducus), estais, pats, ne prouvaient
rien pour la thèse soutenue par M. Constans, puisque aucune de ces
formes n'avait en latin de dentale finale. Reste mais {magis), desfais
(diS'factos ou dit- facis ?), benêts, mis, qui se trouvent à la rime dans
BC, comme dans le picard A. A cela je répondrai que mais, ainsi
écrit, pouvait, de même qnepais {pacem), rimer avec des mots en aiz
= actus, tolérance qui n'existait plus quand ces mêmes mots étaient
écrits pès, mes.
Benêts ne vient pas, comme on serait tenté de le croire au premier
abord, de benedictus, mais de *benedisitus ou *benedissitus, participe
100 LA LÉGEMDB D^ŒDTPB
passé analogique de *benedisere ou *benedissere; cf. lacensitus de
Icicessere, pour benedicerey qui a donné Tinfinitif beneîstre {menistre,
epistre), ap. Etienne de Fougères, v. 377. Le groupe situs produit
normalement s et non Zy comme on le voit par conquis = conqui^V-
tus. Il est donc naturel que benêts rime avec mis (missus).
3o J'ai dit (Rev. des l. rom., décembre 1880, p. 297) que M. Con-
stans (( retrouvait des traces du dialecte picard même dans les mss.
français BC ; mais que, comme il n'en citait point d'exemples, on ne
pouvait vérifier son assertion ni, par conséquent, l'accepter pleine-
ment. »
M. Constans se borne à me renvoyer à la p. 292, note 2, et à l'Ap-
pendice, p. XXI, 1. 10 et sqq., et note 3.
Or, en me reportant pour la seconde fois aux passages que me
signale M. Constans, je trouve la confirmation de ma manière de Voir,
attendu que les rares picardismes orthographiques qu'il a relevés dans
BC, et plus particulièrement dans B, ne changent rien à la rime et ne
peuvent donc en aucune façon être imputés à l'auteur du roman de
Thèbes. En effet, que prouvent à cet égard des formes telles que re-
cîievras, rechoivre, archon, saudoier, fiuSy biauté, biauœ, mantiaux^
etc.? En quoi peuvent-elles engager la responsabilité du premier
écrivain ?
Quant kchaueie, gaagnie, etc., ces formes sont également impu-
tables aux copistes, puisqu'elles ne riment jamais avec ie = ita, ainsi
que M. Constans l'a remarqué expressément.
50 Reste ce que M. Constans appelle des rimes bâtardes, france
= franche^ rices rimant avec lices . Mais on trouve le même genre
de rimes ou leurs équivalents dans d'autres textes qui n'ont rien à
démêler avec le picard ; par exemple dans le Roman de Troie, qui
nous donne à la rime face (faciat) et sace (sapiat), v. 8715,
40 Puisque M. C. reconnaît (p. 297) qu'il n'y a pas trace de picard
dans Troie, pourquoi n'avoir pas comparé ce texte avec cçlui qu'a
transciit Madot? Il aurait vu si ce dernier avait, ou non, respecté les
pTincipales particularités dialectales qu'on remarque à la rime, dans
le texte de M. Joly. Cette édition n'est pas une édition critique, ré-
pond M. C. Sans doute; mais, comme on y retrouve les mêmes ca-
ractères essentiels que dans la ChroniquCy il y avait là une base suf-
fisante pour la comparaison à établir entre la copie de Madot et celle
dont s'est servi M. Joly. Ce premier contrôle n'aurait pu qu'éclairer
et rendre plus facile la comparaison de la copie du Roman de Thèbes,
faite par Madot, avec celles que nous ont conservées lés mss. BC et
les mss. anglais.
60 Ce que dit M. Constans des imparfaits dérivés de ebam et de
LA LÉGENDE d'œDIPE 101
àharn. confirme mon observation et ne la rectifie pas. L'exemple uni-
que vilanoient^ voulaient^ qui est particulier à BC, peut ne pas avoir
la signification qui lui est attribuée ici. Yilanoient^ en efiet, ne se-
rait-il pas la 3® pers. plur. de Tindic. présent d'une forme vilanoier,
qui serait à vilain ce que foloier est à foly et qui serait l'exact équi-
valent français du v. provençal vilaneiar f
9o Joi = jocum, rimant avec poi == paucum, peut être admis,
quoi qu'en dise M. C. Ce n'est certainement pas une orthographe ré-
gulière ; mais on rencontre à la rime de ces bizarreries dont les co-
pistes étaient probablement les éditeurs responsables. Joi ^ jocum
n'est pas plus, est même bien moins étonnant que loi = laudo : poiy
je loi (laudo), Perceval, II, v. 1723. Dans les deux cas, la vraie leçon
serait po, jo; po, lo : pour jo = jocum; cf. 33 du fragment de D,
p. 165c
lOo M. Constans maintient la leçon deves me pour devers met. Des
exemples seraient nécessaires pour la justifier. Que donnent pour ce
même passage les trois mss. A, B, C?
15oM. Constans a raison de maintenir à i?iere,non à viaire, puis-
qu'il est en rime avec enginiere, leçon que je n'aurais pas suspectée,
s'il avait cité tout d'abord les deux rimes en même temps. Mais il a
tort de ne faire qu'un seul mot de à et de viere. Quant à l'objection
qu'il me fait, à savoir que viaire ne pourrait donner qu'un e ouvert,
elle est erronée et provient de ce qu'il confond ai venant de <ic latin
+ consonne avec ai venant de a+ z latin. Cette dernière combinaison
produit, au contraire, très-régulièrement é sous l'influence du son
mouillé ou i palatal ; cf. rivaire rimant avec faire, dans la chanson
du Chevalier au Cygne (lr« partie), p. 20, tant qu'il conserve Va ori-
^nel, mais rimant avec enginiére, manière y etc., dès qu'il passe au
son mouillé, et s'écrivant alors par e non plus par a, rivière. De
même, je le répète, viaire, écrit par ai, ne peut rimer qu'avec le groupe
semblable ai, et viere, écrit par ie, ne peut rimer qu'avec le même
groupe ie. J'ajoute que, dans le premier cas, cette forme, se tenant
plus près de son prototype latin, compte pour trois syllabes, tandis
que viere, plus éloigné de ce même texte et plus romanisé que viaire,
ne compte que p^ur deux syllabes. Voir ap . VollmOUer (der Mûnche^
ner Brut), p. xix et v. 1205.
On remarque une particularité absolument semblable et provenant
de la même cause, de l'influence du son mouillé ou i palatal, dans
l'emploi de nient comme monosyllabe et comme dissyllabe. Dissyl-
labe, nient rime avec ent (argent, dolent, etc.), jamais avec ien. Mono-
syllabe, il rime au contraire avec ien ou ient (bien, Chanson de geste,
vient, crient. Romans d'aventure), jamais avec ent non mouillé.
8
102 LA LEGENDE D ŒDIPE
Il faut encore remarquer, ce qui complète le rapprochement, que,
à l'exemple de nient, qui est plus souvent employé conmie dissyllabe,
viaire en trois syllabes est plus fréquent que viére, dissyllabe.
16o Au mot blance (Glossaire), j'ai dit que M. Gonstans, qui tradui-
sait le vers :
L'est des femmes estoit molt blance,
par (( L'armée des femmes était dépourvue d'armes », avait dû com-
mettre une faute de sens, puisque ces mêmes femmes sont repré-
sentées ailleurs comme <c forsenées », et qu'on les voit défiler avec des
bâtons, des haches, des cognées, des poutres, de grandes massues, des
pics, des guisarmes émoulues, menus joujoux qui n'annoncent pour-
tant pas des intentions bien « pacifiques. » Il cite levers qui rime avec
celui-ci :
N' i ot escu ni conissance.
(Il n'y eut ni bouclier, ni bannière armoriée.)
Et il ajoute : « Ce vers ne justifie pas l'hypothèse de M. Boucherie. »
Au lecteur de voir laquelle de nos deux hypothèses, la mienne et
celie de M. Constans, a le plus à souffrir de cet ensemble de rappro-
diements.
Encovie, me dit M. Gonstans, n'est pas dans le texte. Et alors pour-
quoi le citer dans le glossaire ainsi qu'il suit : « cf. 3880, et de lui ser-
vir $*encovie ? » Gela prouve, une fois de plus, qu'à ne pas publier le
texte in extenso, il fallait, pour étayer solidement les formes citées
au glossaire, y joindre les passages bien complets d'où elles avaient
été tirées. Gette précaution m'aurait évité une correction inutile, et à
M. Gonstans la peine de se rectifier lui-même.
17o A propos de engrœigner, que je persiste à mettre au lieu de
engaigner. M. Gonstans fait observer que graime, féminin de grain
ou graim = triste, devrait, si mon observation était juste, se lire
grainie. Supposition nullement nécessaire ; car, de même que graim
a pu produire [en'jgramir et gramoier, de même graigne a pu donner
et a donné [en'jgraigner, forme orlhographiquement, mais non étymo-
logiquement, semblable à engraigner, engranger = in-*grandiare,
croître, augmenter.
Ge n'est pas que engaigner ne soit une forme correcte; mais le sens
de ce mot, que M. Gonstans persiste à maintenir dans son texte, se-
rait alors tout différent, engaigner signifiant tromper, décevoir.
Tant la conquiert s'amors et déçoit et angaigne.
{Chanson des Saisnes, L. XVIII.)
Il est vrai que Du Gange cite une forme engaignier à laquelle il
donne, lui aussi, le sens de « aigrir, irriter » ; mais c'est une erreur
LA LEGENDE D ŒDIPE 103
comme le prouve l'exemple même qu'il présente à Tappui « in Lit.
remiss. ann. 1366 : Icellui Jehan venait pour Engaignier ledit Robin,
uuquel il avpit fait parafant signifier une sauvegarde.,, . • . Lequel
Robin Engaignié et esmeu de ce, etc. » Il est évident que engaigner
signifie ici «surprendre, tromper», et non pas « irriter.» J'ajoute que
M. Constans pourrait encore m'opposer l'autorité de M. Gaston Paris,
qui traduit également engaine du Munchener Brut, par « colère »
{Romania, 1878, p. 146). A quoi je répondrai, comme pour Du Gange,
que le sens de « colère » ne convient pas, au moins dans le texte du
Munchener Brut, mais bien celui de « dommage », et probablement
de fc dommage résultant d'une tromperie. » Voici, du reste, les quatre
passages de ce poème où se trouve employé le mot en question. On
pourra ainsi juger en connaissance de cause :
LX ans tint en pais Bretaine,
Nus ne li flst tort ne engaine.
(Munchener Brut, v. 2566.)
n tint vint et .v. ans Bretaine
Senz guerre et senz altrui engaine,
{Ibid.,^. 2638.)
Dient que ce lor semble engaine
Que feme règne en Bretaine.
(Ibid., V. 3585.)
Et sembloit lor torz et engaine
Qu'a nul homme partoit (partageait) Bretaine.
(Ibid., V. 3647.)
Pour en revenir à mon point de départ, je demanderai encore à
M. Constans quelle est^ pour ce même mot, la leçen des autres mss.?
18o « Comment, dit encore M. Constans, nugaUus a-t-il pu pro-
duire novaus. Il faudrait des exemples. » Lisez nouaus par u et non
novaus par un v.
A. Boucherie.
/
CHRONIQUE
Communications faites en séance de la Société. — 6 avril . —
OomparaÎBons populaires usitées dans le Ronssillon, par M. Justin Pé-
pratx;
Amfos de Balhasire, conte languedocien (Béziers et ses environs),
par M. Gabriel Azaïs ;
Fragments extraits de la Bible romane de Carpentras, par M. Henri
de la Combe.
« *
Livres donnés a la Bibliothèque de la Société. — Psaltîrea
publicata Romanesce la 1677 de Diaconulu Coresi, reprodusa eu unu
studiu bibliograficu si unu glosaru comparativu de B. Petriceicu-Has-
deu, editiunea Academiei Romane. Tomulu I. Textulu. Bucuresci, Ti-
pografia Academiei Romane, 1881; in-4**, iv-444 pages et 66 pages de
fac-similé (don de l'Académie Roumaine) ;
Balaguer y Merino e Salinas : di Un documente inedito relativo
ad una icona fatta dipingere in Catalogua da Pietro di Queralt per la
cattedràle di Monreale. Palermo, Virzi, 1880; in-4°, 16 pages (don de
M. Balaguer y Merino);
Coma (Clémente): Etude sur Andrès Piquer, sa vie, ses œuvres, son
influence. MontpeUier, Imprimerie centrale du Midi, 1881 ; in-4**,
140 pages (don de MM. Hamelin frères);
S. -M. et J. D. Le Guide des Gascons, ou Dictionnaire patois-fran-
çais, comprenant un recueil de gasconismes corrigés, etc. Tarbes,
chez les principaux libraires, 1858, in-4'», 180 pages (don de M. Victor
Delbergé);
Errata du numéro de janvier 1881
Lo Sebmo d'En Muntanbr. — P. 6, note 1,1. 2, diferentament; Z. di-
ferentment. — Note. 2, 1. 1, correspon do; i. correspon lo.
— Note 3, 1. 1, uno; i. un ; — 1. 3, Meyeor; l. Meyer. —
P. 7, 1. 29, e trestuy et; l,e trestuy. — Note 7, 1. 1, sem-
bla de ultims dels xvi o principes del xv; Z. sembla d©
ultims del xiv o principes del xv. — P. 8, 1. 27,Muntaser;
l, Muntaner. — Note 8, 1. 3, Fins^ U Finis; — 1. 1, versi-
ficats; l. versificat. — P. 9, 1. 15, 11. que ss. a. fort; L 11.
que so. a. fort;— 1. 18, temts; Z. tenits; — 1. 29-30, tos-
tem o segran; Z. tostems v. segran; — 1. 36, e Deus
quill; Z. e Deus quil. — P. 10, note 10, 1. 2, al dels italia;
Z. al italia. — P. 11, 1. 20, trac Itanse; Z. tractantse. —
Note 11, 1. 4, copia; Z. copia. — P. 12, 1. 11, supisiciô;
Z. suposiciô ; — 1. 18, Bastu de sermon;!, Basta de sermon.
— Note 15, 1. 1; placez un point après malvestats.
Bibliographie. — P. 28, rétablir il au commencement de Tavant-
demière ligne. — P. 29, 1. 14, « estât», Z. estut ; — 1. 15,
mettre le chifEre de renvoi 6 après assitjet, et 7 après aguet;
— 29, 1. 16, auivre; Z. suivre. — 1.2 de la note 2, 2?Zae;ana;
1. plaqjaria.
Chronique. —P. 61, 1. 24, en ccxxii sonnets; Z. en ccxxxii sonnets.
Le gérant responsable : Ernest Hamelin.
Dialectes Modernes
GLOSSAIRE DES COMPARAISONS POPULAIRES
DU NARBONNAIS ET DU CARCASSEZ
(Suite)
Ba. — Acô ba coumo uno letro à la posto ; — coumo lou bast
à Tase ;— coumo la pèiro à Tanèl ; — coumo sus de roul-
letos. -—S'en ba coumo un dabanèl. — Ba e ben coumo
uno nabeto de teissèire ; — coumo Taigo claro ; — coumo
la fourmigo carrejarèlo en plen estiu. — Ba soun trin
magnifie coumo la mulo dal Papo. — Ba roundomen
coumo uno tarrabastèlo ; — coumo qui lou foueto ; — coumo
s'abiô lous cinq cents milo diables à las pèrnos. — S'en ba
dal repaus coumo uno bièlho ratièro, ou unobièlho rou-
mano.
PER TRUPARIÈ:
Acô ba coumo uno pougnado de pel sus uno soupo. —
I ba pla coumo de manchetos à-n-unporc, ou coumo uno
sounalho à-n-un porc ; — coumo la pipo à-n-un poul.
Baba. — Baba coumo un gous fol ; — coumo un cagarau ; —
coumo un limauc.
Babard. — Babard coumo un pet de mounge ; — coumo un
arremountat de fresc.
Babarilhos. — Fa babarilhos coumo lou soulel en plen mièch-
jour.
Babilha. — Babilha coumo de fennos al four ou al pesquiè;
—coumo de graullos dins un semenat ; — coumo uno. puo
borgno ,
Babilhard-o. — Babilhardo coumo uno agasso borgno.
Babilho. — Aima la babilho ou la charradisso coumo lous
bièls al cagnard.
Bada. — Eada coumo un estasiat ; — coumo uno gruo ; —
coumo uno goiro; — coumo un conçut; — coumo un
Tome v de la troisième série. - mars 1881 . 9
106 GOBfPARÀISONS POPULAIRES
amargassat qu'espèro la becado ; — coumo un lausèrt al
soulel ; — coumo un four,
SE dits:
Tal bado que la moussegado es pas per el.
Badalha. — Badalha coumo un pourtal à dous bâtants; —
coumo uno uitro al soulel .
Badant. — Badant coumo uno jarrio sans oli; — coumo uno
tressairolo desfounçado.
Bagnat. — Bagnat coumo un tirou; — coumo uno espoungo;
— coumo un gous pescat al rabech ou al risent de Taigo.
SE dits:
Per coumpagno, las aiysos se bagnoun ; ou St Marti se
bagnèt amé las aucos.
Baguetat. — Baguetat coumo un canou; — coumo un fusil.
Bailet. — Fa coumo lou ballet dal diable: mai qu'on nou i
demande.
Balenço. — Coumo Taboucàt de Balenço : loungo raubo e
courte sapienço.
Balent. — Baient coumo Tespaso que porto. — Baient coumo
la fourmi go ; — coumo Tabelho.
PER TRUFARIÈ:
Balent coumo uno espasoroubilhouso; — coumo un truco-
tauliè .
Ban.—I ban coumo las fedos à la sal ; — coumo lous Franceses
à la batalho.
Bandât. — Bandât coumo un arquet ; — coumo un cung ; —
coumo un tourge; — coumo un carme.
Baneja. — Baneja coumo un cagarau quand trouno.
Banta. — Banta quaucun coumo un biôu al mercat.
SE DITS :
A gourgo bantado i'a pas de peis.
Banut. — Banut coumo un cerbi; — coumo lou diable en ba-
talho. — Banut, moustachut e pudent coumo un bièl
bouc.
Baral. — Mena de baral coumo trento-sièis milo homes.
Baralha . — Baralha coumo un abelhard ; — coumo un caga-
raulou.
COMPARAISONS POPULAIRES 107
Barbo. — Barbo blanco coumo uno crabo.
Barbut. — Barbut coumo un capucin ou coumo un sapur ; —
coumo un bouc ; — coumo V Juif-errant.
Bardissat. — Bardissat coumo un nits d'agasso. — Oustal
bardissat coumo uno.cabano de gardo-bignos.
Bariant. — Bariant coumo un baroméstre.
Barja. — Barja coumo uno sabato ; — coumo un toupi asclat.
Barjaire. — Barjaire ou parlaire coumo uno bugadièro ou
ruscadièro.
Barricadât. — Barricadât coumo un prisouniè ; — coumo un.
cago-diniès quand coumpto sous escuts.
Basanat. — Basanat coumo un Carràcou ou Caralh ; — coumc
unMôroulc
Bascala. — Bascala coumo un fat ou un decerbelat.
Bastit. — Bastit coumo un barri ; — coumo uno tourre ; •-
coumo un taure.
Bastou. — Es coumo se batiots Faigo am' un bastou. — Plantât
coumo un bastou de pastre.
SE DITS :
Cal pas serca lou bastou per se fa batre.
Bat. — Lou cor i bat coumo un relotge ; — coumo un batarèl
de mouli.
Baticor. — Un bati-cor que fa de bruch coumo quatre pan-
dulos.
Batre. — Batre quaucun coumo de gèis; — coumo un gous.
— Batre e rebatre quaucun coumo de blad berd . — Batre
la semèlo coumo un gnafre. — Se batre coumo un lioun ;
— coumo un désespérât; — coumo un bregand. — Se
batre ou se peltira coumo de pelhoroucaires.
Batut. — Batut e rebatut coumo uno tiplado de mourtiè.
Bèc. — Alanda lou bèc coumo un four. — Se prene bèc-à-bèc
coumo dous abucles que se disputoun un sôu.
Bedeno. — Uno bedeno boudenflo coumo un gous negat ; —
coumo un moutou prèst à pela.
PER TRUFARIÈ :
Beire. — S'i beire ou s'i bese coumo uno sardo quèito ; —
coumo uno pugo borgno.
108 COMPARAISONS POPULAIRES
SE dits:
Bese béni, bal uno quilho.
Cal biure per beire.
Bel. — Bel ou grand coumo paire e maire. — Bel coumo lou
jour de Pascos ow coumo un jour de mai. — Bel coumo
un astre ou coumo un soulel. — Bel e siau coumo un
sant dins sa nicho ; — Bel e lusent coumo un calici. — Bel
e fresc coumo un boutou de flour. — Bel d'estaturo coumo
un Bàscou.
Ero bèlo, fresco, galhardo,
Coumo uno laitugo loumbardo.
SE dits:
A l'ase, Tase semblo bel. — Bèlo fenno, mirai de neci ou
de foutrai. — Bel orne à la carrièro porto pas pa dins
la panière.
Belugueja. — Belugueja coumo For; - coumo Testèlo al cèl;
— coumo un soulelhet.
Bendre. — S'en bend coumo de pebre ou coumo de taches. —
S'en bend coumo s'ero panât. — Se bendre coumo un porc
à la fièro .
PER TRUFARIÈ :
S'en bend coumo de caissos de mort.
Bengudo. — Tout d'une bengudo coumo las bragos d'un gous.
Béni. — Béni coumo la bolo al let. — Béni bite coumo un laus-
set; — coumo lou mal.
SE dits:
Malautiès benoun à chabal, e s'entpurnoun à péd.
Beniciens. — Arriba à punt coumo lous Beniciens : très jours
après la batalho.
Benjatiu. — Benjatiu coumo un Bàscou ; — coumo un Espa-
gnol.
Bentre. — Un bentre coumo uno ègo. — Bentre tibat coumo
la pèl d'un tambour; — round coumo un iôu; — pla
coumo uno bano de fougasse.
COMPARAISONS POPULAIRES 109
SE dits:
Es de la naturo de las boudègos : canto pas s'a pas lou
bentre tibat.
Bentrut. — Bentrut coumo un dourc; — coumo un tinèl ; —
coumo uno tressairolo ; — coumo Pontus.
Bequeteja. — Se bequeteja coumo dous tourtourèls ; — coumo
dous nobis.
Bèr. — Nud coumo un bèr de terro ; — rampant coumo un
bèr ; s'estira coumo un bèr ; s'entourtoubilha ou se rebe-
china coumo un bèr escapitat.
SE DITS :
Nostre ome abounotacbo: tuo lou bèr, mes toujours i
regrilho.
Berd. — Berd coumo un mort, — coumo un parrouquet; —
coumo un negat; — coumo d'èdro; — coumo un porret ;
— coumo d'auzèrdo; — coumo de ferratjo om un fer-
ra tj al.
Bergougnous. — Bergougnous coumo unpaure; — coumo un
porc estrange.
Berinous. — Berinous coumo uno blando ; — coumo uno pèi-
regado; — coumo un grapaud raiat; — coumo un em
porto-reputacius .
Berri. — - Marcat sul nas coumo un moutou de Berri.
Berrugat. — Berrugat coumo un coucaril amé sous gras.
Bertadiè. — Bertadiè coumo lou Sant Ebangeli.
Bbrtat. — Es bertat coumo Ta'n Dius al Cèl; — coumo abèn
cinq dets à la ma ; — coumo un e un fan dous ; — coumo
siots un brabe ome : escusats, se me troumpi.
PER TRUFARIÈ '.
Es bertat coumo m'apèli Pertufas ; — coumo B, A, fa
BI; — coumo manjan de fabos tendros per Sant-Silbès-
tre ; — coumo plôu de boudins.
Bkrtèlos. — De bertèlos coumo de sofros.
Bf.rtut. — A de bertut coumo un sant; — coumo la rudo.
SE DITS :
La bertut es coumo Toli : mounto toujour dessus.
110 COMPARAISONS POPULAIRES
Besible. — Besible coumo lou nas al mitan dal bisatge ; —
coumo un cachet brenous al pandourèl d'uno camiso.
PER TRUFARIÈ :
Besito. — Sa besito me fa plasé coumo lo d'un garnisàri ; —
coumo lo d'un uchè ou d'un bièl creanciè.
Bestio. — Bèstio coumo un ase bastat; — coumo un esclop ;
— coumo un toupi sans cougo ; — coumo uno pocho ; —
coumo raubo-saumos; — coumo uno auco embucado;
— coumo uno galino en temps d'ouratge ; — coumo un
rinocèros ; — coumo uno palo de foc ; — coumo uno choto
banudo ; — coumo lou que ba enbentat.
SB DITS :
Bièl souldat, bièlho bèstio. — A bièlho bèstio, pas de res-
source. ~ Fa mai de gens bèstios que d'ases crestias»
Quand Jan- Bèstio mouriguèt,
Un fum d'airetiès daissèt.
Bestit. — Bestit coumo uno cebo ; — coumo un agîan; —
coumo un sant Jordi ; — coumo un arlequin ; — coumo
Carmantran ; — coumo la malo pôu ; — coumo un mes de
mai. — Bestit de sedo coumo un porc; —de gris, coumo
un ase ou uno paret ; — de jaune, coumo un canari ; — de
bert, coumo un parrouquet ou un papogai; —de blanc,
coumo un pijou ; — de rouge, coumo un cardinal ou lou
diable; — de nègre, coumo un beuse ou un croco-morts.
SE DITS :
En atendent aiçô, s'adisiô lou mal bestit.
Besiat. -— Besiat coumo un pesoul de bièlho.
BEUR.E. — Beure coumo un templiè ; — coumo un trauc ; —
coumo uno espoungo ; — coumo un sablas ; — coumo un
carme ; — coumo un Alemand ; — coumo un rassegaire.
— Beure uno messourgo coumo d'aigo-mèl. — Beure que
d'aigo coumo un Turc.
SE DITS :
Qui beu amargant pot pas escoupl dous.
Bi. — De bi fort coumo d'ai go -ardent; — clar coumo d'aigo;
— treboul ou treble coumo de bol, de poustèmo ou de
COMPARAISONS POPULAIRES 111
lessiu ; — rouge coumo un rubis ; — boun goust coumo de
pouxno.
SE dits:
Beu lou bi coumo sant Marti,
E daisso ana Taigo al mouli.
BiASSEJA. — Biasseja coumo un Sansignol; — coumo un bièl
maquignoun.
BiASSos. —Tant pesoun las biassos coumo lou barrai (l'un bal
l'autre) .
Bicious. — Bicious coumo un singe .
BiDO. — Abé nau bidos coumo lous gats. — La bido s'esquisso
coumo qui la bufo, mes s'esquisso pas coumo Ton bol.
SE dits:
Lous mal partajats espèroun milhou dins Tautro bido.
BiDOUSSA. — Sebidoussa coumo un bèr escapîtat.
BiÉL. — Bièl coumo un banc ; — coumo un roucas; — coumo
un cadastre; — coumo un prat; — coumo Adam; —
coumo Erodo ; — coumo Cadiès ; — coumo lou delobi ;
— coumo lou mounde ; — coumo lou paire dal Temps ; —
coumo un peirard ; — coumo uno branco cussounado ;
— coumo lous cèdres dal Liban; — coumo las arenos
d'Arles; — coumo lou cap d'Agde ; — coumo Tase de sant
Jousèp, qu'abiô cent ans re que de dimenges. — Bièl e
dur coumo lou gourpatas de Tarcho.
SE dits:
Or, bi e serbitou, lou pus bièl es lou milhou.
En mai Taucèl es bièl,
En mai ten à sa plumo.
Bigarrât. — Bigarrât coumo un arlequin; — coumo un tigre.
BiJARRE. — Bijarre ou cambiadis coumo lou temps; — coumo
uno fènno de lucre.
BiMATiÈ. — Bimatiè coumo un jounc de mar; — coumo un
cable.
Biôu. — Bantat coumo un biôu qu'on ba fièireja. — Marcha
pesuc coumo un biôu.
SE dits:
Biôu qu'es alassat
114 COMPARAISONS POPULAIRES
coumolaperruqueto d'un ange bufarèl. — Bloundejacoumo
un ram de ginèsto flourido.
PER TRUFARIÈ:
Blound coumo de palho de fabo ; — bloundinèl coumo un
gourgoul.
Blu, 0 . — Blu coumo un canton dal cèl ; — coumo uno flour
d'anièlo. — Bluejant coumo un roumani flourit.
Bou, NO. — Bou coumo loa boun pa ; — coumo lou boun Dius ;
— coumo lou bounjour; — coumo lou poutou d'un amie. —
Fa bouno bouco coumo lou boun bi ; — coumo uno poumo-
fenoulhet.
PER TRUFARIÈ:
Bou coumo la coulico ou uno cinglado de mal de bentre .
SE dits:
D'èstre trop bou, on es Tase de peno. — Siogos bou, e
plairas.
BouDÈGO. — Es coumo la boudègo, dits pas mot tant qu*a pas
lou bentre pie. — Couliat ou anfle coumo uno boudègo.
SE dits:
Al sou de la boudègo, brandiguen lous esclops.
Boudin. — Farcit coumo un boudin; —tendre coumo de bou-
din.
PER TRUFARIÈ:
Clar coumo un boudin nègre.
SE dits:
Aquel afafre s'en anira coumo d'aigo de boudin : russira
pas. — Nous pourtan pas de boudin : nostros flabutos
s'acordoun pas.
BouÈs. — Uno boues coumo un trou ou trouneire; — coumo
uno pédalo d'orgue de catedralo. — Uno boues restoun-
dissento coumo un claroun; — douceto coumo uno gato
amourouso ; — fino coumo un gril, owuno serineto, ou un
cigalou; — enraucado coumo un grapaud; — tramblanto
coumo uno crabo malauto.
PER TRUFARIÈ:
Boues claro coumo un toupi fendut.
COMPARAISONS POPULAIRES 115
BouFA. — ^Boufa, bourra ou manja coumo un Angles; — coumo
un destrussi ; — coumo un ogre ; — coumo un mort-de-
fam. — Chapa à riflo-bentre coumo un chabal descoufat.
BouLATGB. — Boulatge coumo lou parpalhol.
PER TRUFARIÈ :
BoTJLEGA. — Se boulega ou se remena coumo un ase mort ; -
coumo un souc; — coumo un buto-rodo.
Boulet.— Round owredound coumo un boulet. — Parti coumo
un boulet. — Trigoussa lou boulet coumo un galérien.
BouLHENT. — Boulhent coumo de cairado.
BoQLi. — Bouli coumo de caus qu'atudoun.
SE dits:
A lou mal dal moust, pot pas bouli sans s'escampa.
BouLUR. — Boulur conmo uno agasso ; — coumo uno gato ; —
coumo un Arabo ;— coumo un mouliniè.
BouMBA. — Boumbà quaucun coumo un quèr.
BouMERCAT. — Boumercat ou àboumercatcoumo de marchan-
dise panade ; — coumo de bairat qu'enfaleno.
BouMi. — Boumi ou goumi foc e flamo coumo uno gulo de
boulcan; — coumo un alenadou d'infèr.
BouNAS. — Bounas coumo la pasto.
BouNET. — Triste coumo un bounet de nèit sans floc.
Bourrât. — Bourrât coumo uno canardièro ; — coumo un
canou ; — coumo un coula d'alaire.
BouRRÈu. — Se fa paga d'abanço coumo un bourrèu. — Parât
coumo un bourrèu en fèsto.
PER TRUFARIÈ :
Piètadous ou tendre coumo un bourrèu.
BoussuT. — Boussut coumo Esopo ; — coumo un camèl.
BouTiouLA. — Se boutioula coumo de pasto de bougneto ; —
coumo de pescajous ; — coumo d'aigo de plèjo.
Brabe — Brabe coumo un sôu ; — coumo un ange dal Cèl; —
coumo un sant Jan-Baptisto ; — coumo un sant Jousèp : i
manco que lou liri.
Brama. — Brama ou gula caumo un sanaire; — coumo un
brau ; - coumo un budèl qu'a perdut sa maire ; — coumo
un biôu enraumassat ; — coumo un ase en plen mercat ou
116 OOMPARAISONS POPULAIRES
que Ton meno paisse. — Bramo coumo se lou sannaboun.
SE dits:
Bram d*ase mountb pas al cèl.
Branda. — Branda ou se remena pas mai qu'un code ou qu'un
banc.
Branda. — Branda ou flamba coumo un foc bataliè ou carra-
Ihè ; — coumo un fougairou ; — coumo un boulcan qu'es-
coupits ; — coumo un foc de Sant-Jan.
Brandi.— Brandi coumo uno barbo debièl. — Brandi quaucun
coumo un pruniè ; — coumo un sac de quitanços.
Brandoulha. — Brandoulha coumo la sounalho al col d'un
marra ou d'uno eguetado ; — coumo un clâpou de mou-
liniè ; — coumo las cimboulos d'uno couple espagnole.
Branquilhut. — Branquilhut coumo uno armadouiro ou
paissèl de moungetos; — coumo un aubre abandounat.
Braso. — Salât coumo la braso ; — caud coumo la braso. —
Es passât coumo poul sus braso. — T'i cal passa, moun
brabe, coumo un gat perla braso.
Brasseja. — Brasseja coumo un aboucat ; — coumo un predi-
caire ou predicatou ; — coumo un courdouniè ; — coumo
dos peissounièros en countèsto ; — coumo un moull de
bent ; — coumo un telegrafo'à tourre ; — coumo un paure
ome que sèrco soun ase ; — coumo un perdut; — coumo
un ome que se nègo.
Brasses. — De brasses grosses coumo de rasouiros; — re-
douns coumo de bistourtiès ; — petits coumo de flabutos
à sièis traucs ou coumo de fuses ; — mouflets coumo de
coutou; — carnuts coumo de pèchos ; — penjants coumo
de balanciès.
Bresilha. — Bresilha coumo la lauseto à Falbo dal mati.
Bressairolo. — E canto-cantaras coumo uno bressairolo.
Bretoun. — Testut coumo un Bretoun. — Fa coumo lou Ere-
toun, que menace quand a tustat.
Bretouneja. — Bretouneja coumo un machegaire d'estoupos ;
— coumo un manjo-fabos.
Brigoulos. — Poussa à bisto d'ôl coumo las brigoulos. —
Proucèdo d'el soûl coumo las brigoulos.
Brilha. — Brilha coumo l'argent; — coumo un mirai; —
COMPARAISONS POPULAIRES 117
coumo un lum ; ~ coumo un soulel d'estiu; — coumo lous
sept bourdons.
PER TRUFARIÈ:
Brilhant coumo un estroun dins uno lantèrno ou calelho.
SE DITS :
Tout ço que brilho es pas d'or.
Brounzi. — Brounzi coumo un cop de froundo.
Brounzina. — Brounzina coumo un mouscalhou ; — coumo un
sèrco-pistolos ; — coumo un nisal d'abelhos.
Brousesc. — Brousesc coumo de pego rousino; — coumo un
bastou de ciro roujo.
Brullant. — Brullant coumo un amour ; — coumo uno embejo
de mounjo.
Brullo. -— Brullo coumo d'espic ; — coumo de palho ; —
coumo un luquet; — coumo d'esco; — coumo de papiè;
— coumo un argelat ; — coumo de pelhenc ; — coumo de
coupèus.
BuFA. — Bufa coumo un bufet de forjo ; — coumo un ourgan;
— coumo un bent de cèrs ; — coumo lou dius de las em-
baissos; — coumo Tange dal jutjomen darniè; — coumo
un auc ; — coumo un assèrp ; — coumo un chabal bufèc.
BuRiDAN. — Es coumo l'ase de Buridan : sap pas qun partit
prene.
BuRRE. — Se found coumo de burre al soulel; — tendre coumo
de burre fresc. — Lou coutèl s'i planto coumo dins de
burre. —La terro se focho coumo de burre.
I sara per soun burre : per sas penos. — En parlant d'un
bièlhou fresque t: Es encaro en tout soun burre.
A. MiR.
(A suivre.)
TECHNOLOGIE BOTANIQUE
{Suite)
Eclaire, chélidoine.— Trois exemples dans Littré, mais au-
cun avec Torthographe esclere,
Chelidonia nostris vulgariter Schelkraut. — GalL, chéli-
doine ou esclere. P. 796.
Cf. gallitricum == sclarée {?). Ap. L. Delisle, op. cit., p. 12.
Ellébore noir, blanc. — Littré ne cite pas d'exemple de ces
deux locutions.
NigrumveratrumlinguanostraschwartzNiesswurtz, Vrang-
kraut, Christwurtz dicitur. — Gall., ellébore noir ; ital., elle-
boro nero, alterum Niesswurtz aut Pronstelkraut ; gall., elle-
bore blanc ; ital., elleboro biancho. P. 443.
Epurge, nom. vulgaire de Veuphorbia lathyris. — Littré' n'en
cite pas d'exemple.
Lathyris. — Germ., Springkraut, Springkoerner, Treib-
koerner et aliis quibusdam Speikraut ac Scheisskraut, quia
folia paucissima gustatu vomitum et alvum magna vi deji-
ciunt; gall., espurge ; ital., cataputia minore. P. 251.
Etrangle - léopard, espèce d'aconit. — N'est pas dans Lit-
tré.
Pardalianche.— Germ., vocatur Dollwurtz ; gall., est7'angle
léopard ; ital., aconito pardalianche. P. 524.
Etranglb-/om/), un des noms vulgaires du paris quadrifolia.
— Littré n'en cite aucun exemple.
Lycoctonon Wolffswurtz.— Gall., madriettes, estr angle loup;
ital., aconito licoctono.
EuPATOiRE bâtard. — Littré ne parle que de Veupaioire pro-
prement dit.
Eupatorium verum Odermenig. — Gall., agremoine ; ital.,
agrimonia, adulterinumKuenigundtkraut, Colonise Quastkraut;
gall., eupatoire bastard; \i^\. y ^SQwdiO eupatorio. P. 337.
EuFRAiSE, eupkrasia officinalis. — Littré n'en cite qu'un
exemple.
TBCHNOLOaiB BOTANIQUE 119
Euphrasia nostri Augentrost. — GalL, euphraùe; ital., eu-
fragia. P. 500.
Fene-grec, fenu grec. — Littré ne cite que fenu-grec*
Fœnum graecum vulgo Fenugreck et Bockshorn — Gall ,
senegré ou Fenegrec ;iiei\.^ fenogreco. P. î^78.
Feu ardent, un des noms vulgaires de la brjone. — Littré
cite cette locution sans j joindre d'exemple.
Bryonam vocant. — Germ., Stickwurtz et Hundtskûrbs ;
gall., couleuvres (1. couleuvrée) ou feu ardant. — P. 758.
Fiel de terre, centaurée. — Littré cite cette locution, mais
sans y joindre d'exemple.
Germ., Klein Tausentgulden dicitur; gall., centaures (1.
centaurée), ou fiel de terre ; ital., centaurea minore ô bion-
della; hispan.,fiel de tierra. P. 32.
Fleur cTaîVam y fleur de cuivre. — Cette locution est tombée
en désuétude, puisque Littré ne la cite pas.
Chalcanthon Graecivocant. — German.,Kupfferbraun; galL,
la fleur d'airain; ital., flore del rame. P. 77L
Fraisier. — Littré n'en cite pas d'exemple ancien.
Fragaria. — Germ., Erdtbesien sive Erdtbeer ; gall., /rae-
^ier ; ital., fragaria. P. 258.
Framboisier. — Un seul exemple dans Littré.
Rubusidaeus. — Germ., Hjmbern.; gall., /ra/w^ome^v ital.,
rovo terregno ô ampomola. P. 259.
Fumeterre. ~ Un seul exemple dans Littré.
Fumus terrse yulgariter nostris Duuenkcrifel, quasi colum-
barum cerefolium^ aliis Erdtranch. — Gall., fumeterre ou pied
de geline. P. 339.
Gagate {pierre), jais. — Forme non indiquée par Littré.
Comme on le voit, c'est le décalque du lat. gagates et du grec
Nostr. Gittenstein, alii schwartzer Agatstein. — Gall., pierre
gagate. P. 128.
Cette fois, c'est la forme populaire qui l'a emporté sur la
forme savante.
120 TECHNOLOGIE BOTANIQUE
Genêt petit. — Locution non indiquée par Littré.
Genistella. — Germ., Klein Pfrimmen oder Stechend Pfrim-
men; gall., genêt petit; ital., genestra minore acuta. P. 678.
Genicultèrb, sceau de Salomon. — N'est pas dans Littré.
Poljgonatum. — Germ., Weisswurtz, quasi alba radix,
nostr. Frawen sigel ; gall., signet de Salomon ou geniculière ;
ital., frascinella 6 ginocchietto. P. 254.
Gentiane. — Un seul exemple dans Littré.
Gentiana. — Germ., Gentian et Entzian; gall., gentiane;
ital., gentiana. P. 177.
Germandrêe bâtarde, — Locution non indiquée par Littré.
Teucrium. — Germ., gros Bathengel ; gall., germandrêe
bastarde; ital., teucrio. P. 62.
Giroflée. — Un seul exemple ancien (XVP siècle) dans
Littré.
Leucoia proprie albas violas significant. — Germ., geel
Violen; g&l\,y gi/roflées ou violes jaunes; ital., viole gialle.
P. 669.
Gletteron, espèce de bardane. — Littré en cite un exem-
ple emprunté à Olivier de Serres dans l'article Bardane.
Lappa major et minor, gros Kletten ac klein Kletten,
germ.'j gletteron gt^and et petit, gall. P. 823.
Au XIP siècle, amers fuez = glis, lappa vel bardana, ap.
L. Delisle, op cit.
Goutte de lin, la cuscute. — Littré le cite sans exemple.
Cuscuta. — Germ., Flassfeernet Flachssseiden (s2c); gall.,
goutte de lin ou agoure de lin. P. 328.
Grâce Dieu, herba gratia Dei. — N'est pas dans Littré.
Germ.,Gots genad; gsilL, grâce Dieu; ital., gratiola, gratia
Dei et stanca cavallo. P. 625, 626.
Grassette, plante aquatique. — Pas d'exemple dans Littré.
Crassula major. — Gall., grassette, chicotrin, tel ephion blanc.
P. 802.
Grateron. — Un seul exemple dans Littré.
Germ., Klebkraut; gall., rieble ou grateron; ital., aparine
ô speronella. P. 808.
TECHNOLOGIE BOTANIQUE 121
Grattoire, espèce de râpe. — Pas cVexemple de ce mot
dans Littré, qui ne cite que la forme masculine.
Agaricus aucem lamina tenui, in sublimi curvata, et fora-
minibus multis aspera (germanice ein Riebeisin ; gall., wne
grattoire) aut serra rapaci, fricando in scrobem non admodum
tenuem agitatur. P. 406.
Gremil. — Pas d'exemple dans Littré.
Lithospermum materne sermone nostro Sonnenkorn. —
Germ., Meerhirss; gall., gremil ou herbe aux perles. P. 196.
D'après Ménage, qui cite une forme greml, ce mot devrait
se rattacher à granum. Il arrive, en eifet, quelquefois que Ym
se substitue à Vn, et réciproquement; cependant il me paraît
plus sûr de rattacher ce mot à *griimiculurn, diminutif suppo-
sable de grumus, petit tas de terre, lequel a d'un autre côté
produit grumeau, par l'intermédiaire de *grumellus. De gremil
vient le saintongeois gremillons, petits tas. « Cette bouillie est
toute à gremillons, »
Hanebane, jusquiame. — Un exemple dans Littré.
TeutonicaBilsenkraut etDomdill,aliisBilsensamen. -Gall.,
jusquiame ou hanebane. P. 47.
HÉMATITE ( pierre). — Littré en cite un exemple emprunté
à Ambroise Paré, qui écrit « hœmatiste. »
Germ., Blutstein; gsll,, pïerre hématite. P. 556.
Herbe. — Voici les différentes locutions que donne notre
auteur et où entre ce mot: herbe à jaunir, p. 678; herbe à
foulon, p. 678; herbe au chat, p. 317; herbe aux ladres, p. 62;
herbe aux perles, p. 196 ; herbe aux poulx, p. 820 ; herbe aux
puces, p. 774; herbe de Vestoille, p. 255 ; herbe Robert,^. 620.
Je reproduis les définitions seulement de celles qui ne figu-
rent pas dans Littré :
Herbe de l* étoile. — Germ., braum Sternkraut; gall., herbe
de Vestoile, petit muguet, aspergoutte mineur. P. 255.
Herbe à foulon. — Germ., Speichelwurtz et Sejffenkraut;
gall., herbe d foulon. P. 678.
Herbe aux ladres. — Germ., Ehr und preiss; gall., véroni-
que ou herbe aux ladres . P . 62 .
Herbe aux puces. — Psyllium. —Germ., Psjlienkraut et
10
122 TECHNOLOGIE BOTANIQUE
Welscher Floehsamen ; gall., herbe à puces. P. 448. — Puli-
caria. — Germ., Diirrwurtz ac Donderwurtz, aliis vero Floeh-
kraut ; gall . , herbe aux puces . P . 774 .
IvE. — Littré n'en cite pas d'exemple.
Chamaepityôs. — Germ., ye lenger ye lieber ; gall. , ive ar-
tetique ou ive muscate; ital., chamepitio ôiva. P. 122.
Joubarbe petite feuille , — Locution non citée par Littré .
Germ. , Mauxpfeffer, quasi Mûri piper ; gall. , pain d'oseau
ou joubarbe petite feuille; ital., vermicularia, granellosa.
P. 802.
Langue de cerf, — Cité par Littré, mais sans exemple à
l'appui.
Scolopendria. — Germ., Hirtzzung [sic)\ gall., langue de
cerf; ital., hemionite. P. 378.
Lierre noir, — Locution non citée par Littré.
Germ,, maur Ephew, oder Eppich, nostris Klim uff, quasi
arbores, aut altos muros, turresque conscende; gall., lierre
noir; ital., hedera nera. P. 617.
Lupin. — Un seul exemple dans Littré qui soit antérieur au
XVIP siècle.
Lupini quibusdam nostrum Wickboenen, aliis Weiss Feig-
bonem ; gall. , lupins; ital. , lupini. P. 551.
Madriettes, étrangle-loup. — N'est pas dans Littré.
Lycoctonon Wolffswurtz {sic). —Gall , madriettes, étrangle-
joup. P. 524-
Marjolaine bâtarde, — Littré cite cette locution sans l'ap-
puyer d'exemples .
Origanum persicum. — Germ., Wolgemuot, nostris wilder
maioran ; gall . , marjolaine bastarde ou origan ; ital . , origano .
P. 139.
Marone, marjolaine. — N'est pas dans Littré.
Nostris maioran. — Gall., marjolaine ou marone; ital.,
maiorana et persa. P. 230.
Marrubin, marrube et marrubiastre . — N'est pas dans
Littré .
TECHNOLOGIE BOTANIQUE m
Marrubiastrumvulgo schwartzer Andorn.— Gall., marrubin
noir; ital., marrobio nero ô bastardo. P. 186. — Marrubium.
— Germ., veisser Andorn; gall., marrubin; ital., marrobio.
P. 187.
Matricaire. — Un seul exemple dans Littré .
Mutterkraut. — HolL, Maertel; gall., espergoute ou be-
noiste ou matricaire ; lidl . , marellaô matricaria. P. 303.
Mauve de jardin. —Locution non signalée par Littré.
Sativa malva vulgo Roemsche Pappeln; gall., maulve de
/ûrrfm; ital., mal va coltivata. P. 274.
MÉLiLOT. — Un seul exemple dans Littré.
Hollandieis Malloet, Coloniensibus Amloot; Germania supe-
riori Wildenklee; gall.,rfw we'/?*/©^; ital., meliloto, ghirlandetta
di campagna. P. 640.
Mélisse. — Pas d'exemple à Tappui dans Littré.
Melissa. — Germ., Melissen et Mutterkraut; gall., m^/me;
ital., apiastro, cedronella, melissa. P. 805.
Menthe domestique, menthe cultivée. — Littré ne donne que
la seconde de ces deux locutions.
Mentha hortensis rubra sine crispa. — Germ., Krauss
Muntz ac rote Miintz ; gall., menthe domestique. P. 350.
MÉON ouméum. —Littré ne cite pas d'exemple à Tappui.
Meu vulgo. —Germ., Beerwurtz; gall., meon; ital., meo.
P. 50.
MiLiM' feuille. — Un seul exemple dans Littré.
Millefolium nostrate lingua garben et schaafgarben, Hol-
landica vero geruw et dusentblat. — Gall., mille- feuille »
P. 683.
MoRELLE marine, mortelle, — Littré ne donne ni Tune ni
Tajutre de ces deux locutions.
Solanum marinum. — Germ. , Dolkraut ; gall. , morelle /wa-
rme;ital.,solatro marino ô somnifero. P. 526. — Solatrum
mortale . — Germ. , Rauchœpffelkraut ; gall. , morelle mortelle,
ital., solatro furioso ô stramonia. P. 526,
Mort au chien. — Pas d'exemple dans Littré.
Golchicum.— Germ., Pfaffenhoden, zeitloss herbst bluomen,
124 TEOHNOLOGIB BOTANIQUE
wild saffran bluomen; galL, mort au chien ou chiennée .
P. 308.
MuGi'ET (petit), — Cette locution n'est pas dans Littré.
Diversse ab astere attico sive ingainali^ quam saepe contem-
platus sum in horto D. Echtii. — Germanice, braun Stern-
kraut; gallice, herbe de Festoile, petit muguet, aspergoutte
mineur; italice, Stella d'Athene, aster attico porporeo, o ru-
bonio et inguinale. P. 255.
Muscade {ive). —Littré n'indique pas cette locution.
V. plus haut ive.
Myrte sauvage. — Deux exemples dans Littré, tirés d'Oli-
vier de Serres, qui emploie comme ici la forme mur te,
Ruscum. — Grermani, Meussdorn, quasi mûris spinam di-
cunt; gall.jbrusco (1. brusc), ou murte sauvage ; ital., pongi
topi ô rusco. P. 288.
Napolier, grateron. — N'est pas dans Littré.
Germani,Pestilentzwurtzel nuncupant; italiaî adhuc ignota
vidotur ; gall., espèce de napolier. P. 824.
Nard celtique. — Littré n'en cite qu'un exemple.
Nardus vulgari idiomate Magdalenenkraut nuncupatur;
gall., nard celtique ; ital., nardo celtico ô gallico. P. 59.
Naron, nard sauvage (pour nardon?). — N'est pas dans
Littré, qui ne donne que nard et nardet.
Asarum. — Germ., Haselwurtz et Vuildernardus ; gall.,
naron. P. 28.
Nasitort. — Littré n'en cite pas d'exemple.
Nasturtium sativum. — Germ., Gartenkresz; gall., cresson
de jardin ou nasitort; ital., agretto degli horti. Nasturtium
sylvestre ; germ., Welchsamen; gall., cresson sauvage. P. 78.
Nasitort sauvage, passerage. — Locution non signalée par
Littré.
Germ», Pfefferkraut; gall., passerage et nasitort sauvage ;
ital., lepidio. P. 138.
Navet sauvage. — Locution non indiquée par Littré.
Napus sjlvester.— Germ., nass Steckrueben; galL, navet
sauvage. P. 56.
TECHNOLOGIE BOTANIQUE 125
NÉNUPHAR blanc et Jaune. — Littré ne donné pas d'exemple
de ces locutions.
Grerm.,weiss oder geel Seebluomen, aliis Wasserrosen ;
holland., Pompen et Plompbloemen ; gall., nénuphar blanc et
Jaune ^ P. 724.
Œil de bœuf, sorte de camomille. — Littré ne donne pas
d'exemple à Fappui.
Germ., Rindsaug et Kabssaug; gall., œil de bœuf ;iia\.^
occhiodi bue. P. 668.
Oignon marin . — Littré n'indique pas cette locution .
Squilla. — Germ., Meerzwibel, vel Meusszwibel(5z*t*); gall.,
stipoule, charpentaire et oignon marin. P. 840.
Ortie romaine, — Pas d'exemple de cette locution dans
Littré.
Urtica romana. — Gall . , wr^zô (1 . ortie) romaine , P. 215.
Orv AILLE et orvale, — Littré ne cite que la seconde forme,
et sans l'appuyer d'exemples.
Hanc Leonhartus Fuclisius, et ante eum Ruellius, hormi-
num sylvestre secernunt, velut sativum, eam herbam quam
Romani geminalem dieunt, ac officinae'nostrae galetricum, vul-
gus Scharlach et Scherley . — Gall. , orvaille ; ital., scarleggia.
P. 736. — Gallitricum, vilis et hortensis vinoso odore planta.
— ^ Germ., Scharlach, nostris Scerley; gall , orvale, toute
bonne; ital., sclarea, scarleggia, matrisalvia, herba di san
Giovanni. P. 319.
Oseille de Tours. — Locution non indiquée par Littré.
V. plus haut Bon Henri.
Pain d'oiseau, — Locution non indiquée par Littré.
Tertium genus sedi quod aliqui portulacam sylvestrem aut
telephium vocaverunt, Romani illecebram, quidam vermicula-
rem, nam vermiculi instar, ad terram volvitur, vulgus Maurp-
fefTer, quasi mûri piper. — Gall., pain d'oiseau ou joubarbe
petite feuille ; ital., vermicularia, granellosa. P. 802.
Pain de pourceau, — Locution indiquée par Littré, mais
sans exemple à l'appui .
i
126 TECHNOLOGIE BOTANIQUE
Hanc igitur plantam jure porcinum panem appello, dis-
cretam a cjclamino, quam germanice vulgus Sewbrot; gall.,
pain de pourceau; ital., pan porcino, P. 779.
Paisture de chameaux, (j^oïvoç ^(îuoo-poç, jonc odorant owan-
dropogon schénanthe. — Locution non indiquée par Littré.
Schœnu anthos nostra appellatione camelen stro, hoc
est camelorum stramen; gall., paisture de chameaux; ital.,
giunco odorato . P. 45.
Panais sauvage. — Littré n'en cite qu'un exemple ancien,
avec Torthographe panax,
Germ. , Vogelnest; gall., carotte sauvage ou panet sauvage;
ital., dauco. P. 81,
Littré donne de ce mot une étjmologie qui me paraît inad-
missible. (( Wallon, pandh ; du lat. panacem; grec, Trava? et
îrâvaxeç , qui vient de Tràç, tout, et àV.oç, remède, parce qu'on
lui attribuait toute sorte de vertus. » On doit observer d'abord
que pànàcem aurait formé pance, et en second lieu que panax
désignait, en dehors de la plante imaginaire qui guérissait
toutes les maladies, la livèche (ligusticum sylvestre) et une
espèce d'origan (cunilabubula), et non le panais. D'un autre
côté, il faut tenir compte de ce fait que dans certains parlera
populaires, au moins dans celui de la Saintonge, on prononce
panais, ce qui suppose une s étymologique tombée de la pro-
nonciation, et plus tard de l'orthographe. Enfin, si nous rap-
prochons de panais ou pânaie {aie et ais sont tout un dans la
prononciation) l'équivalent latin pastinaca, nous remarquerons
que, sauf la différence de genre, il n'y a plus de difficultés,
et qu'en le dérivant du mot latin on rend compte en même
temps des formes patenaille (carotte, en patois de Genève) et
pastenailles (ap. Olivier de Serres), citées par Littré au mot
Pasienade : pastenaille = "pastinacula, et pânaie = v. fr. pasnaie,
pasnage, lat. pastinaca.
A ciaus ne cont rien naie, naie ;
Car une truie une pasnaie
Aime assez miex qu'un marc d'argent.
(Gautier de Coins y, col. 632, v. 42.)
Hec pastinaca. ^ Pa^wa^e (lisez pasnage,) — Ap. P. Meyer,
p. 23.
TECHNOLOGIE BOTANIQUE 127
Quant à pastenade, qui a le même sens que pastinaca, je
n'hésiterais pas non plus à l'en faire dériver, malgré le d de
la dernière syllabe. J'y verrais une forme méridionale repro-
duite ainsi par les Français du Nord : i° parce que, le plus sou-
vent, les noms féminins empruntés au Midi sont en efiet ter-
minés en ade: salade, croisade, etc. . .; 2° parce que le d et le
g (non chuintant) tendent à se confondre dans leur bouche, cf.
étu^wié = étuflfié (Saintonge, Berry, paysans de Molière). La
filiation serait donc pastinaca, prov. pastenaga, *prov. fr. pas-
tenague, fr. pastenade.
Pour en revenir à panais, je ferai observer que la diver-
gence des trois orthographes joawaa? (Ambroise Paré), panet et
panais, prouve seulement qu'on avait perdu tout souvenir
de la filiation étymologique. J'ajouterai aussi que l'exemple
emprunté à Ambroise Paré par Littré peut ne- pas convenir à
panais, car il n'y a pas de raison pour ne pas voir dans ce
mot ainsi orthographié la transcription pure et simple du
latin panax, désignant, d'après Pline, le ligmticum sylvestre.
Dès lors, le rapprochement entre panax et panais perdrait sa
base principale ,
L'orthographe panet, panais, est si peu sûre, que Ruellins,
ayant à citer ce mot dans deux passages différe'nts, p. 697 et
p . 715, l'écrit panaia, ce qui suppose évidemment la forme
populaire panaie. Nouvel indice en faveur de l'explication que
je propose.
Panic. —Littré n'en donne pas d'exemple.
Panicum. — Germ., Fuchssschwantz(szc), Fench; — gall.,
panic; ital., panico et panizzo. P. 864.
Panicaut. — Littré, pas d'exemple.
Eryngium. — Germ., Mansstrew, nostris Kruys distel et
wurtzelen sonder end; gall., panicaut ou chardon à cent
testes; ital., iringo. P. 62.— Id., p. 255.
Parelle — Littré n'en donne qu'un exemple.
Lapathum. — Germ., Mengelwurtz et Grindtwurtz; holl.,
Lakenblaen; gall., de la patience ou de la parelle, P. 524.
Aux formes wallonnes porâle, porêle, citées par Littré, on
peut joindre la forme saintongeaise parielle.
Î2S TECHNOLOGIE BOTANIQUE
Pastinadb. — Litiré ne cite des exemples que de la forme
pastenade .
Germ.,Pinsternaken et Pastinaken ; galL, pastinades ; ital.,
pastinache. P. 79.
Voir plus haut panais .
FAV^E'Dîeu, — Non indiqué par Littré.
Graecis xr/.t etxpoTwv, officinis palma Christi. — Germ., Wun-
derbaum, nostr. Mollenkraut, quoniam cum in hortis seritup,
talpas fugare vulgo asseritur; gall., paulme-Dieu ; ital., gi-
rasole, fagioulo romano. P. 251.
Percele, bluet. — N'est pas dans Littré.
Vulgo Blaw Rocken sive Kornbluemen. — Galh, blaveole,
aubifoin, bluet ou percele, P. 499.
Perfoliate. —N'est pas dans Littré.
Cymbalariam vel cymbalarem herbam. Perfoliatam
censuit omnino appellandam, germaniaG superioris populi
vernacula lingua Durchwachs .i. percrescens, et Stopffsloch,
id est occludens foramen dicunt.- Gall., perfoliate. P. 824.
Persil de Veau. — Cette locution n'est pas dans Littré, qui
donne seulement l'équivalent « persil des marais. »)
Petroselinum palustre. — Germ. , wasser Eppich, alii merck ;
gall., ache ou persil de Veau. P. 40.
PfiucEDANE, peucédan. — Littré ne cite ([uq peucédariy sans
exemple à l'appui.
Fœniculumporcinum. — Germ., Harstrang et Sewfenchel ;
gall . , /jewcerfawe ou queue de pourceau. P. 214.
Phaséoles épineuses . — Qeiie locution n'est pas dans Littré
Germ., Gross stechend wind;gall., phaséoles espineuses
ital., hedera spinosa 6 rovo cervino. P. 316.
Pied d'Alexandre, pyrèthre. — N'est pas dans Littré.
Sternutamentariam plerique rectissime vocant ex re ipsa,
vulgo Bertran et Zankraut ; gall., pyrèthre ou pied d' Alexan-
drie, ital. , pyrethro. P. 111.
Pied de colomh, la seconde des six espèces de géranium,
d'après Fuchs. —Cette locution n'est pas dans Littré.
TBCHNOLOaiB BOTANIQUE 120
Alteram [speciem geranii] Daubenfuoss, columbinum pedem ;
gall., piedde colomb ; itail., pie colombino. P. 626.
Pied de colomb menuy la quatrième des six espèces de géra-
nium, d'après Fuchs. — Littré n'a pas cité cette location.
Quartam [speciem geranii] Kranichhals, quasi gruum col-
lum. — Gall., pied de colomb menu, P. 626.
Pied de geline, nom de plante. — Littré cite « pied de gé-
line » seulement à l'exemple, mais avec une signification toute
différente .
Fumus terrse vulgariter nostris Duuenkerffel, quasi colum-
barum cerefolium, aliis Erdt ranch, duplici ssepeflorum facie,
nunc subalbida nunc purpurascente. — Gall., fumeterre ou
pied de geline; ital., fumaria. P. 339.
Pied de veau, arum vulgaire. — Littré n'en cite pas d'exem-
ple.
V. plus haut cicotrico,
PiMPiNELLE petite y PiMPiNELLE grande^ — Littré ne cite que
la première locution.
Masculam herbam pimpinel . — Gall . , pimpinelle grande; ital . ,
pimpinella maggiore, Alteram bevenel ; gall., pimpinelle pe-
tite; ital., solle astrella. P. 624.
PiYOESNE. — Littré ne cite que les formes pyone et pivoine,
Pœonia patrio nonine dicitur Peonien. — • Gall, pivoesne ;
ital., peonia. P. 61.
Plantain grand, petit, aquatique ou de marais. — Littré ne
cite pas les deux premières locutions et ne donne pas d'exem-
ple pour la troisième .
Officinis simpliciter plantage. — Germ., Roter, Colonien-
sibus Breyter Wegerich ac Wegebrett; galL, grand plantain.
P. 558. — Plantage minor, Grsecis pentaneuros. — Germ.,
Spitziger Wegerich, nostris Fiinfribb et Hundtszung; gall.,
plantain petit, /ôîû?. — Plantage, aquatica. — -Germ., Wasser
Wegerich ; gall . , plantain aquatic ou de maretz . P . 559.
Pois gris, — Pas d'exemple de cette locution dans Littré .
Tertium pisorum genus faciem edit fuscam sive cinericiam.
Nostro sermone graw Erbsen nuncupantur; gall., des pois
gris. P. 35,
130 TEOHNOLOaiE BOTANIQUE
PoiVRETTE, nom vulgaire de la nigelle commune . — Littré
n'en cite pas d'exemple.
Nigella vernaculo sermone Schwartz nardus samen. — Germ. ,
vero Schwartz Rumich; gall., poyvrette et nielle ; ital., gith ô
nigella. P. 33.
PoLYPODB. — Littré en cite un seul exemple.
Polypodium. — Germ . , Bàumfarn aut Eichfarn, vel Dropff-
wurtz; gall,, du polipode, P. 329,
PoLYTRic. — Littré en cite un seul exemple, extrait comme
le suivant d'une compilation botanique également du XVP siè-
cle.
Trichomane seu fidicula. — Germ., Weiss frawen har ; gall.,
politrich; ital.j politricho. P. 319.
PoNCEAU, coquelicot. — Littré n'en cite qu'un exemple, em-
prunté à Ronsard.
Papaver rubrum. — Germ., Kornrosen et Klapperrosen ;
gall . , coqueliquot ou espèce de ponceau. P. 353.
FoBREW gros ou têtu; Forkëav petit ou sectil. —Littré n'in-
dique aucune de ces locutions.
Alterum. — Germ., Lauch;gall., porreau gros ou testu;
ital., porro capitato. Alterum Schnittlauch, nostr. Biestloech ;
gall., porreau petit ou seetil (\. sectil); ital., porra piccrolo
(sic) ô sectivo. P. 489.
PouLiOT sauvage, — Locution non indiquée par Littré.
Nostri calamintham Kornmiintz vocant. — Gall., calament
et poliot sauvage ; ital., calamento ô vero nipotella. P. 157.
Pyrethrb. — Littré cite un seul exemple de cette forme,
extrait d'O. de Serres.
Pyrethrum. — Germ.,Bertram, aliis Zandtwurtzel, quoniam
frequentissimus earem usus vulgo est in dentium cruciatibus;
galL^pyrethre. P. 774.
V. plus haut pied d'Alexandre,
Queue de cheval, prêle des marais. — Littré en cite un seul
exemple.
Grecis hippuris, latinis salix, sive herba equinalis in infe-
TBCHNOLO0IQ BOTANIQUE 131
riore Germania Peerden start, i superior Rossschwants {sic) ;
gall., queue de cheval. P. 682.
Queue de pourceau, peucédan. —Locution non citée par
liittré.
Fœniculum "porcinum. — Germ. , Harstrang et Sewfenchel ;
gall., peucedane ou queue de pourceau. P. 214.
QuiNTEPfîuiLLB. — Un seul exemple dans Littré.
Pentaphyllon. — Germ.,Fiinffblat; gall., quintefeuille ; itaL,
cirquefoglio. P. 195.
Raifort, commun, sauvage. — Littré, au lieu de la locution
« raifort commun », donne « raifort cultivé. »
Raphanus. — Germ., Radys sive Rettich; gall., rave ou
refort commun, P. 71.
Radix piperis. — Germ., Pfèffer wurtzeln et Merrhettich;
gall., raifort sauvage , P. 72.
A Angoulême, on ne dit pas « des raiforts », mais « des ri-
fôs. »
RÉGLISSE. —Aux nombreuses formes citées par Littré join-
dre la suivante, qui tient le milieu entre le provençal regalicia
et le genevois-berrichon arguelisse.
Dulcis radicula. Batavi verbum verbo reddehtes Suethout,
quasi dulce lignum, Brabanti Kalissenhout, Colonienses Kla-
ritz pronunciant. — Gall., regalisse. P. 98.
Reponchon, raiponce. N'est pas dans Littré.
Vulgus rapunculum, quasi rapum parvum nominat. — Germ. ,
Rapuntzelen; gall., reponces ou reponchon; ital., raponzeli.
P. 57,
RiÈBLE. — Littré en donne un seul exemple, extrait de Cot-
grave.
Germ., Klebkraut; gall., rtebk ou grateron; ital., aparine
ô speronella. P. 806.
Riz . — Littré n'en cite pas d'exemple antérieur au XVIIP
siècle.
Orjza Reiss. — Gall.,.rfu m; ital., riso. P. 864.
Rompt-pierre. — Littré n'en cite pas d'exefnple.
132 TECHNOLOGIE BOTANIQUE
Saxifraga vulgo Steinbrech. — Gall., romptpierre, P. 58.
Maurrauten, quasi dicasrutam(s2c)murariam.— Gàll., rom/?e-
pierre. P. 197.
Roquette. — Un seul exemple dans Littré.
Rucula. — Germ., Rancken ; gall. , roquette ; ital., ruche tta
et rucola. P. 78.
Rosier d'Inde, giroflier. — Cette locution n'est pas dans Lit-
tré.
V. plus haut armoise.
Salette, oseille. — N'est pas dans Littré.
Quartum genus lapathi. — Germ., Sawrampffer, nostris Zii-
ring;gall.,ozeille, vinette, salette. F.Sôi.— Sallette. P. 525.
Saligot, Tun des noms vulgaires du trapa natans. — Littré
n'en cite pas d'exemple.
Lacunosus tribulus. — Germ., Wassermuss; gall., chas--
taigne de rivière, ou trufîes, ou saligos; ital., tribolo aqua-
tico. P. 759.
Saltjcillb, un des noms du cerfeuil. — N'est pas dans
Littré .
Chserefolium nostris Kerffel et Kerbelkraut pronunciatur.
— Gall., cerfeuil ou salucille; ital., cerofoglio. P. 339.
Sanguinaire [racine)^ sanguinaire, la sixième espèce de gé-
ranium, d'après Fuchs. — Littré ne donne que l'adjectif pris
substantivement, sans y joindre d'exemple.
Sexta Blutwurtz, id est sanguinariaradix; gall., racine san-
guinaire. P. 626,
Sarriette de jardin, satureia hortensis. — Littré ne cite
pas cette locution.
Per hanc autores peculiari nomine satureiam, ac sativam
cunilam significant, vulgariterKiechend Kiind, Sedeney, aut
Garten Ysop. — Gall., savorrei ou sarriette de jardin, ital. ,
coniella, savoreggiaet peverella. P. 164.
Rapprocher de sarree = satureia timbra, ap. L. Delisle
(Note sur un ms. de Tours renfermant des gloses françaises
du XIP siècle).
Sative [roquette). — Littré n'en cite pas d'exemple.
TECHNOLOGIE BOTANIQUE 133
Sinapi album teutonice apud nos Weisser Senff et Mostart
Semen. — Gall., roquette sative, P. 78.
Satyrion mâle à large feuille, Satyrion mâle à feuille
étroite, — Littré ne fait pas la même distinction et ne cite pas
d'exemple de ce mot.
Vulgo Knabenkraut, hoc est masculi herba, et Mannen-
krafft, virorum vis, et Pfaffenpint, quasi sacerdotum pénis
efïertur. ■— Gall. , satyrium masie à large feuille ou couillon de
chien ; ital., satyrio maschio ô testicolo di cane. P. 70.
Orchis quam Fuchsius marem angustifolium. — Germ.,
Schmal Knabenkraut menle, appellant; gall., satyrium masle
à feuille estroicte. P. 70.
Savinier, un des noms vulgaires de la Sabine. — Littro
n'en cite qu'un exemple.
Savina. — Germ., lingua Sevenbaum ; gaW.ySaviriier; ital.,
savina. P. 306.
Savorrei, sarriette.— N'est pas dans Littré, qui cite seule-
ment « savouret, — Gros os de bœuf ou de porc salé qu'on
met dans le pot pour donner du goût au bouillon.))
V. ci- dessus sarriette.
Saxifrage. Littré n'en cite qu'un exemple.
Saxifraga alba. — Germ., Weisz Steinbrech; gall.,5aj:/-
frage ou espèce de bassinet blanc. P. 197.
Stinci (?), espèce de poisson, épinoche(?), tanche (?). —
Pas d'exemple dans Littré.
Scinci. — Germ., wasser Edechsen ; gall. et ital., stinci (sic),
P. 77.
Fausse indication? Cf. ap. L. Delisle, op. dt . , stingus =
stangcunne, id est piscis incitans venerem. V. Du Cange, stincius
et sticus.
Scordion. — Littré n'en donne qu'un exemple .
Genuinum scordium. —Germ., Wasserbatenig ; gall., cha-
mara ou germandree d'eau ou scordion. P. 100.
Séneçon. — Littré n'en cite qu'un exemple.
Senatio. — Germ., Creuztwurtz; galL, senesson; ital.,
cardoncello. P. 38.
13 < TECHMOLOaiE BOTANIQUE
Rapprocher de senechiunz = senetion, id est carda bene-
dictus, ap. L. Delisle (Note sur un ms. de Tours renfermant
des glosses françaises du XII« siècle).
Senevb large sauvage, Sénevé étroit sauvage, — Cette dis-
tinction n'est pas dans Littré.
Primum genus thlaspi. — Germ . , Bauren Senff ; gall. , le sé-
nevé sauvage ou thlaspi aux larges feuilles: . . • Alterum Besem*
kraut. — Gall., Vestroit sénevé sauvage ou thlaspi aux feuilles
larges. P. 121.
Sbnbgré, fenugrec. — Littré n'en cite pas d'exemple.
Fenu grœcum vulgo Fenugreck et Bockshorn. — Gall., se-
negré (sic) ou fenegrec ; ital., ôenogreco. P. 278.
Sermontain, livèche. — Ital., siler montano.
Nostri appellationem corruperunt siseleos et siler monta-
num pro seseli dictitantes. — Germ . , vuilder Komyn oder
Kujm, alii Hirtzvurtz ;gall., sermontain; ital., silermontano.
P. 56.
Très-forte contraction ; il semble que siler aurait dû pro-
duire sildre, on seldre, ou seudre;cL molere= moldre, moudre.
Freund-sî/er; sorte d'osier vert.
Sorbier. — Littré n'en cite pas d'exemple.
Germanise superioriSperwerbaum, inferiori wilde Mespelen
nuncupatur. — Gall., cormier, sorbier ;\idX.^ sorbo. P. 795.
Staphisaigre. — Littré n'en cite qu'un exemple, emprunté à
Olivier de Serres, qui emploie ce mot en lui laissant la forme
latine a staphisagria . »
Gall., Vestaphisagrie ou l'herbe aux poulx. P. 820.
On voit que la forme estaphisagrie est dérivée directement
du grec, avec maintien de l'accent sur la pénultième dra^lç
Stipoule, oignon marin. — N'est pas dans Littré.
Cepa maris. — Germ., Meerzwibel vel Meusszwibel {sic)\
gall., stipoule, charpentaire et oignon marin. P. 840.
Stipoule, faute de lecture, cour sciboule, ciboule?
Tanaisie. — V. plus haut armoise.
Telbphion, chicotin. —N'est pas dans Littré.
TECHNOLOGIE BOTANIQUE 135
In Hollandis vulgo Hemelslatel hoc estcœli clavis. — Gall.,
grassette, chicotrin, telephion blanc; ital. , telepho bianco, fava
grassa ô inversa. P. 802.
Thlaspi. — Littré n'en cite pas d'exemple.
V. plus haut au mot sénevé.
Thym. — Un seul exemple dans Littré .
Vulgariter nostris Thym et Thjmian aut Roemischer quen-
del. — Gall., thyn ou thym; ital.,thymo. P. 329.
Trique -marfame. — Littré n'en cite pas d'exemple.
Sedum majus. — Germ., Hauszwurtz, quasi domus radix,
nostris Hauszlouch, id est domus porrum, quia potissimum in
œdium tectis provenit. — Gall., joubarbe ou trique-madame ;
ital., semp revive maggiore. P. 802.
Troène. — Vulgo Beinhoetzlin, Mundtholtz etHartrigel. —
Gall., throene ou arabice ; ital . , guistrico ô olivetta. P. 54.
Littré ne cite pas d'exemple de la forme throene, par un h.
Truffe d'eau, tribule aquatique, ou macre flottante, — Pas
d'exemple ancien dans Littré .
Tribulus lacunosus. — Germ., Wassernuss; gall., chas-
taigne de rivière, ou truffes, ou saligos; ital., tribolo aquatico.
P. 759.
Ce rapprochement permet de compléter une étjmologie
très-importante, celle de truffe et dé truffer = tromper.
Truffe, désignant le cryptogame que l'on sait, vient très-
probablement du pluriel neutre tubera, devenu féminin singu-
lier avec régression de Vr: *tufr€, truffe. C'est l'explication
qu'on trouve dans Littré. Elle est vraisemblable et ne soulève
aucune objection, le changement de b'r en fr n'ayant rien
d'anormal, comme le prouve le v. fr. lefre^ = labrum. Ajou-
tons que les formes patoises tufelle (Genève) et troufle (Sain-
tonge), avec le sens de « pommes de terre », rentrent dans la
même explication et la confirment en la complétant ' .
Mais on comprend moins que truffe, dérivé de tubera, ait
* A ses lafres s'est atakiez.
(Marie de France^ II, p. 265. )
Gisus, labium vel terminus. — Lefre ou terme.
(Ms. 110 (Montpellier), fo 120, v».)
136 THCHNOLOGIB BOTANIQUE
pu désigner la tribule aquatique, dont le caractère principal
est d'être garnie de piquants. Au contraire, si Ton rapproche
truffe, ainsi employé, du latin tnbulus, chausse-trape, dérivé du
grec TpiCokoç, on voit clairenaent que le sens concorde mieux.
La forme seule paraît d'abord faire difficulté. Je dis paraît, car
avec un peu de réflexion on ne tarde pas à retrouver les inter-
médiaires supposables qui permettent de ramener ces deux
mots Tun à T autre.
On sait, en effet, que le groupe tbulus a pu produire en
français ufle, cf. le v. fr. fonàufte de fundibulum, d'où trufle *
de tribulus. De trufle on passe facilement à truffe, par suite de
la tendance qu'a l'organe français à sacrifier l'atone finale le
après les labiales jo, b, f, cf. tube de tubidus^ stg. tuble, muffe
(argot parisien), pour muffle.
L'assimilation de truffe, ajant le sens de chausse-trape, au
Jatin tribulus^ une fois admise, on retrouve sans peine l'étj-
mologie de se truffer, en v. français « se moquer de », et du
languedocien moderne truffa, tromper. Ils correspondent à
un type b. -latin supposablo, * ^n'^w/are (qu'il ne faut pas con-
fondre avec tribulare, v. français tribler = tourmenter). De
ridée de prendre à la chausse-trape, c'est-à-dire attraper, sera
venue celle de tromper, d'où par extension se moquer.
C'est un exemple de plus d'étymologie à origine multiple
que l'on peut joindre à ceux que j'ai eu occasion de citer ail-
leurs dans la Revue des L romanes.
Valériane. — Un seul exemple dans Littré.
Phu. — Germ. superiores Welsch Baldrian, inferiores Va-
leriaen pronunciant, Colonienses Jaergevs^ant ; gall., valériane
grande. P. 46.
VÉRONIQUE. — Un seul exemple dans Littré.
Trissago. — Germ. Ehr und preiss; gall., véronique ou
herbe aux ladres. P. 62.
* Pour rauthenticité de cette forme, cf. l'exemple suivant, extrait du ms,
llO (Montpellier) :
Gerra, re: a gero, ris dicitur. — Poisson, trufle de nulle faveur, ou forces
de fer.
« Unde gerratus, ta, tum. » -- Environnés de truffles. F© 119, vo.
« Gerro, oais : a gerra dicitur. » — Tru f fleur ^ desconvenable, fol ou jon-
gleur. F. 119, V.
TBCHNOLOGIB BOTANIQUE 137
Y EB.T- de-gris^ — Littré cite seulement verte grez et vert de
grice, le premier du XIII®, le second du XIV® siècle.
Viride ses, barbaris scriptoribus, vulgo Spangruen appella-
tur; gall., ve7't de gris; ital., vert de rame. P. 771.
Vervaine. —Deux exemples dans Littré, mais avec Tor-
thograpbe actuelle.
Verbena vulgo Eisenkraut, quasi ferri herba, aliis Iserhart,
velut ferrum durum. — Gall., vervaine ; ital., verminacola ô
berbena. P. 623
ViNCiBossE, chèvre-feuille. — N'est pas dans Littré .
Germ . , Waldtgilgen, Gejssblatt, Brabanti Wewen ; gall . ,
chèvrefeuille, vincibosse ; its] , ^ vincibosco matriselva ô capri-
foglio. P. 806.
Vitriol. — Littré en cite trois exemples, mais tous extraits
du même auteur, d' A. Paré.
Vitriolum. —Germ., Vitriol et Kupfferwasser; gall., m-
triol et couperose. P. 637.
A. Boucherie.
II
Poésies
LO LLOP Y L'ANYELL*
Aquell que té la forsa aquell té la rahô,
Noobstant siga aixô la rahô del bastô.
Probarho al instant sera cosa lleugera.
Un anyelet assedegat,
Y, no se com, esgarriat
De son ramat,
Tôt bebent, aygua avall, seguia una ribera.
Vinguéun llop, déju, anantsén à l'espéra,
Y perla fam en est lloch conduhit :
« Com podes esser tant ardit
Que vingas turbar ma beguda? »
Se li posa la bestia en extrem conmoguda ;
« De ton atreviment seras tu castigat. )>
(ï — Senjor, respon lo xaj, que vostra magestat
No siga tant amohinada ;
Y de primer donga ella mirada
Com que jo pobret vaig bebent,
En la corrent,
De sa mercé vint passes al dessota,
Y per aixô no puch de cap modo, Deu meu !
Enterbolir Tajgua que ella beu. »
« — La turbas, replie à la fera ; j tinch nota
Com que molt mal de mi parlares Tany passât. »
« — Com ho hauria fet, puix no era jo nat,
Digue Tanyell, mamo avuy encare. »
« — Si no ets tu, es ton germa.» — « Ay! mare»
No'n tinch. » -7 « Aigu dels tous llavors :
Puix tots me feu vosaltres mala care,
Vostres cans y vos très pastors.
Me ho han dit. Ara es précis que 'm venge. »
Aixd dit, ab quatre mossechs,
Lo llop lo destrossa y se'l menge
Sens altras rahons ni pieds ^ J. Pépratx.
Fable imitée de Lafontaine {le Loup et l'Agneau). — « Catalan.
AMFOS DE BALBASTRE
V CONTE
Retipe d*un conte rouman
Era in opinione d'aver la più leal
donna, et el più fedel servidore che mai
avesse alcun gentiluomo.
{Il Decameron, giorn. VII, nov. VII.)
Un grand segnoû de FAragoun,
Amfos de Balbastre segoun,
Aviô près uno gento filho
Renoumado per sa bèutat,
Subre tout per sa bravetat
Dins tout lou païs de Castilho.
Uno damo sens amourous
Ero quasi 'no meravilho
D'aquel temps ount reis e barons
N'aviôu pas de pus gran afaire
Qïie lou mestier de calignaire.
Mais degus fasiô pas la cour
A la jouino e bôlo Andalouso,
Don' Elviro, d' Amfos Tespouso ;
Cap gauzabo i parla d'amour,
Tant la cresiôa refastignouso.
D'escoundous se disio pamens
Qu'un chivalier des pus valons,
Fi calignaire e bouno lamo,
Per elo auriô vendut soun amo,
Tant l'aimabo, tant n'èro fol :
L'appelabou Ramoun Bascol
De Cotenda, de Pennavèro.
De Balbastre teniô 'no terro,
Ero soun home, soun vassal.
Demourabo dins soun houstal,
Tout lou mounde aqui lou belabo
Lou segnoù mêmes i pourtabo
Autant d'amour qu'à soun chaval.
140 POESIES
El toujour pensabo à ladamo ;
Loaiig temps al cor gardet sa flamo
Escoundudo. Pamens, un jour
Qu'à la casso s'èro esmarrado,
La troubet soulo, à la vesprado,
E 11 declaret soun amour.
Elviro n^ajet desplazenso,
Soun aire, au mens, ou disio prou,
Mais quai sap so que femno penso?
Diguet pas resà soun segnoù
^u'auriô segù punit Toufenso
Per Bascol facho à soun hounoù. . .
Poudem que lauzâ sa prudenso.
Mais quauques chivaliers caitiéus
(Que lous punigue lou boun Diéus !
Qu'ajou jamai cap de mestresso
Que noun trahigue sa tendresso!)
A Balbastro anèrou countâ
Que soun vassal de Cotendâ,
Lou qu'ambé tant de benvoulenso
Tratabo amistous dins sa cour,
Aviô Tardiment, Tinsoulenso
De pregâ sa damo d'amour.
— « N'avez mentit, gens de malastre
(L'uel enfioucat, crido Balbastre),
« Cap de vautres val pas Bascol;
Messourguiers, n'es que vostro envejo
Qu'am de paraulos lou negrejo ;
Vous fôu mètre la cordo al col,
Se tourna vostro lenguo tiro
Sus Bascol e ma damo Elviro. »
Se calou . . . Mais un pus ardit :
— « De iéu, dis, mestre, poudez faire
So que voudrez, mais per ma maire,
Vous juri que n'ai pas mentit ;
Voulez de probos per me crèire ?
Escoutaz-me, poudez n'avèire :
N'avez qu'à faire lou semblant
POESIES Itî
D'anâ guerrejâ dins TEspagao,
E mandaz vostre ordre al galant
De faire ambé vous la campagno ;
Se vous seguis, perdi Thounoù,
Demandi pas ges de perdoù,
Poudez tène la cordo presto. »
Balbastre se grato la teste ;
Pei per un servent affidat
Mando à Bascol sa voulountat.
— « Soi tout preste à sègre à a guerre
Lou mestre dount tèni ma terro
(Dis Bascol), sus ma fedeltat,
Balbastre a pas en van coumptat. »
Lou varlet, que n'es pas musaire,
Porto à soun segnoû que l'attend
Lou cap bas coumo un pénitent,
Larespounso qu'i veh de faire.
— « Eh be ! dis à Taccusatoii,
De que ne disez ?» — « Ma pensado,
Que qu'aje dich, n'es pas chanjado,
Vous seguirâ pas. » — Lou segnoù
I dis : « Me fizi à sa paraulo. »
E sens mai voudre i tène jaulo,
Vavèire Bascol. . . Lou j ou vent,
Despèi qu'es partit lou servent.
Es tout treboulat dins soun amo,
Vol pas laissa soun mestre en plan,
Ni mai soulo laissa sa damo ;
D'estre malaute fa semblant.
A soun boun segnoii que lou trobo
Sus soun leit al founds d'un alcobo ,
Fa vèire soun bras espillat,
E dis : — « Soi tout destimbourlat,
Moun mal me ven d'une sannado ;
Cresi qu'ai perdut tout moun sang
Per ma veno mal adoubado
Que s'es subran adouzilhado ;
Ai mens de forso qu'un efant.
142 POESIBS
Moun Diéus ! Quano causo marrido,
Quand per vous dounariô ma vido,
De pas poudre à vostre coustat
Anâ 'n campagno ! Ajaz pietat? »
Mais Vautre qu'a martel en testo,
Sens escoutâ mai se que dis,
De la cambro al pulèu sourtis,
S'en va dins la séuno, e s'apresto
A delargâ de soun houstal.
De gran mati monto à chaval,
Un soûl servitoù Tacoumpagno,
Camino siau dins la campagno ;
Arribo enfin sus un truquel
Ounte s'aubouro un séu castel.
Passo aqui, triste-, la journado,
A quicon qu'i sarro lou cor ;
Diriaz un coundamnat à mort
A vèire sa caro neblado.
— « Sauprai se Bascol me trahis,
S'Elviro me troumpo », — se penso;
E tant lèu que la neit coumenso,
Per lous prène en faute partis.
Arribo à Thouro ount tout dourmis
Sounque lou béu-Foli bufaire
E lou chot banut, soun counfraire.
Davalo subran de chaval,
Del castel passo lou pourtal ;
E coumo un laire qu'à gran peno
Reten en marchant soun aleno,
Sens musâ se gandis plan plan
Dèu la cambro ounte crei qu'Elviro
Es estremado am soun galant.
Escouto aqui tout tremoulant ;
Sas aurelhos viro e reviro,
Mais n'auzis que lou poulsâ dous
De lo que dourmis. . . Trop urous
De la recounèisse inoucento,
Per soun repaus auriô degut
POESIES 143
S'entournâ coumo èro vengut.
Mais la jalousier lou tourmento ;
Mal pougnent que fa dins lou cor
Uno plago que res noun sano,
Se dono pas toujour la mort,
Fa perdre au mens la tremountano.
La perdet pla, lou paure fol,
En se metent dins la cabesso
De fa coumo s'èro Bascol
Que ven calignâ sa mestresso.
Amlou nous d'un det encroucat,
Sens faire mai de bruch qu'un cat,
Tusto doussomenet la porto.
La damo, que dourmis de bou,
N'auzis pas mai que s'èro morto ;
Tusto pus fort ; à soun segnoù
(N'a res sachut de sa partenso)
Elviro oubris sens mesfizenso. . .
En dintrant tombe à sous ginouls ;
Am la voues de Bascol qu'imito, •
(Mais troumpo pas la cato-mito)
I dis que per se vèire soûls
S'es espauzat à la poutenso,
En mancant à Toubedienso
Qu'à soun mestre déu lou vassal ;
Mais costro l'amour res noun val,
Yen per querre sa recoumpenso .
— « L'aurez, chivalier desleial »,
Crido la damo, que l'aganto
Am la ma gaucho à la garganto ;
De l'autre lou ten de tustat
E lou graufigno sens pietat.
Mais el, mai la vei enrajado
A lou graufignâ, mai la bado,
Mai la miro e bénis soun sort;
Quano femno ! Quane trésor !
N'i a pas, segii, sa pariouno
Per la vertut en Catalougno.
144 POÉSIES
Ac6 peusabo lou nigau ;
Mais del temps qu'essugo sa gauto,
Foro la cambro Elviro sauto
E ri tanco d'un tour de cl au ... .
Vous dirai pas ount es anado .
Fa frech, deforo es pas restado. . .
Tant lèu que vei lusi lou jour,
Coumo s'èro pas prou venjado,
Se planto en mitan de la 'cour ;
D'aqui crido àla varletaio,
Que dins un moument es en aio.
Qu'un marrias a per prison
Sa cambro, ount, dins la neit escuro,
A tentât de faire à l'hounoû
Coumo alnoum de Balbastre injuro.
E toutes, à peno a parlât,
Qu'en ma pal, fourco, bastoû, dalho.
Al lioc qu'i servis d'escoundalho,
Per puni lou traite ou voulat.
Ne trobou la porto tancado.
Balbastre, qu'entend lou sagan,
A m lous mobles la ten barrado ;
Mais l'aurôu lèu brisado. — En van,
c( Soi vostre boun segnoù », — i crido.
Sens l'auzi la troupo marrido
A grans cops a tout brigoulat.
Se sauvo subran al téulat
Amb uno escalo qu'ajitado
Dins la cour, de pôu d'escalado .
La foulo intrado am sous bastous
Furo dins toutes lous cantons,
* Vei pas degus, resto candido,
E la guerre seriô finido
Se la damo (oh ! lou michant tour!)
Qu'a vist l'escalo dins la cour,
T aviô pas dich : a Aura sa pago,
Lou traite qu'ai téulat s'amago.
Anaz-i vite l'agantà.
P0B8IB8 145
Am Tescalo i poudez mountà. »
Balbastre, an aquelo paraulo,
Tout tremoulant coumo uno gaulo,
Palle coumo un soulel tremount,
A sa damo crido d'amount :
— «Me counèissez pas? Soi Balbastre,
Ma dousso amigo, moun bel astre ;
Es iéu qu'avez près per Bascol. »
E del téulat davalo al sol. . .
Fa Testounado don' Elviro,
Sousco, la lurado, e souspiro ;
I freto lou frount tout sannous,
E pei, ambé soun teta-dous :
— « Ah ! coussi Tai pas counescudo
Vostro voues, dis touto esmougudo.
De mafauto, fin qu'à la mort,
Dous amie, farai penitenso. »
— «Es iéu soûl, dis l'autre, qu'ai tort;
Oublidem tout, n'ajem qu'un cor
Per nous aima sens mesfizenso :
Vous demandi à ginouls perdoù. »
Elviro embrasse soun segnoù ;
Pei li dis d'anâ faire escuso
A Bascol d'avé suspettat
Soun hounoù e sa fedeltat.
E Balbastre, que s'en accuse,
Ou remet pas à l'endemâ,
Va sul cop i sarrâ la ma.
Quauques meses après, en guerre
Anet per aparâ la terre
Del rei de Leoun, soun amie,
Qu'i vouliô prène un ennemie.
Elviro semblet desoulàdo.
— « Counsoulaz-vous, ma tant aimado »,
I diguet penjat à soun col ;
« Tournarai lèu, se Diéus ou vol .
Crentez pas, pendent mon absenso,
146 POESIES
Que cap gauze vous faire oufenso;
Per vous garda laissi Bascol. »
E la guerre une fes finido,
A soun castel tournet d'auzido,
E fouguet tant recouneissent
De la troubà fresco e flourado
Qu'à Bascol faguet un présent
Per Tavèire tant pla gardado « .
Gr. AZAÏS.
SIAUME CL
Dedins soun sagriè, lausas Dieu ;
Lausas, embé tout ce que vieu,
Soun ciel que brilho.
Lausas-lou per sous bêles fats,
Per sa grandou qu'o pas de grads,
Que meravilho !
Embé la troumpo al cla rebound,
Lausas-lou, qu'ausigue lou soun
De la museto !
Qu'ai bruch de l'arpo, del tambour,
Davans el dansen tout lou jour !
Qu'emb Tespigueto,
La flauto douço, lou fieulel,
Lou rebec e lou caramel,
Lausen sa glorio !
Que tout ce qu'aleno, embé gaud,
Vengue aici lausa TEternau
E samemorio^!
P. Fesquet.
* Languedocien (Béziers et ses environs). Orthographe biterroise.
* Languedocien (Colognac et ses environs). Orthographe montpelliéraine.
VARIETES
LE DIEU QUI LANÇAIT DES PIERRES
M. J.-F. Cerquand a publié sous ce titre, dans le tome second du
Bulletin historique et archéologique de Vaucluse^y une étude fort
curieuse sur quatre traditions populaires de la Provence, du Béarn,
des Vosges et de Skara.
«Le dieu qui lançait des pierres, dit-il, a fait autrefois du bruit dans
le monde . Il a eu ses adorateurs, non pas sur un coin de terre ignoré,
mais dans toute l'Europe occidentale, du nord Scandinave au midi
celtique, de la Baltique à la Méditeri'anée, et son heure de célébrité a
duré des siècles. Quoique ce fût un dieu barbare, Eschyle l'a chanté
en lui donnant le costume de Zeus. Les Romains lui ont accordé
une place à côté de Pluton, d'Hercule, de Sylvain. Puis le moment
est venu où ^es autels ont été renversés et ses images enfouies, et le
silence s'est étendu sur les ruines. »
La première tradition est relative à la pierre d'Aubune ', la se-
conde à celle de Roland, la troisième de saint Bozon, la quatrième
de Skara, dont la situation topo graphique, à peine précisée par M. C,
semble néanmoins être Scandinave. L'auteur les rapproche de la lutte
qu'Hercule soutint contre les Ligyes sur les bords du Rhône, et de
la légende des pierres rondes que Zeus fit tomber autour de lui, afin
qu'il pût les lancer contre ses ennemis .
Le conte de la pierre Roland, qui eût été plus intéressant si M. C.
nous l'avait donné en béarnais, s'applique à un monolithe de vingt
mètres de hauteur, situé sur le flanc de l'Anthoule*:
« Le roi Charlemagne partit en guerre contre ceux d'Espagne et
arriva avec Roland au pied des Pyrénées.
' Avignon, Séguin frères, 1880; in-8o, p. 331.
« D'après M. de Laincel (Avignon, le Comtat, etc.; in-l2, p. 90), que M. C.
paraît ne pas avoir consulté, quelques-uns attribueraient à Charlemagne, et
non à Charles-Martel, le gain de la bataille qui, selon la tradition orale, aurait
été livrée aux Sarrasins dans la plaine de Raveau. M. de L. dit, et ceci est en
accord avec la version de M. Courtet, que Satan voulut faire disparaître la cha-
pelle d'Aubune, sous une grêle de roches arrachées à la montagne ; mais il ne
put qu'ébranler la première et s'enfuit aussitôt.
Il semble qu'un combat s'est réellement livré, à une époque qu'il n'est plus
possible de déterminer, dans le voisinage. Morenas rapporte « que, lorsqu'on
répara le grand chemin papal entre Baumes et Vacqueyras, quarante ans
avant l'époque où il écrivait (1779), on trouva dans le sol une rangée profonde
148 VARIETES
» Roland, voulant intimider les ennemis par un témoignage de sa
vigueur, monta sur la Magdeleine — qui est aux environs de Tardets*
— et saisit une roche, avec l'intention de la lancer, par-dessus les Py-
rénées, au milieu des villages espagnols. Mais, comme il ramenait le
bras en avant, son pied glissa sur le terrain humide et la force du
coup fut amortie. La pierre tomba en deçà des Pyrénées, à douze kilo-
mètres de Tarde ts, sur le flanc de l'Anthoule.
» La pierre porte encore les traces profondes de la main qui l'a ser-
rée, et il est facile de voir qu'un instrument ne les a pas creusées. »
M.C. conjecture, non sans vraisemblance, que dans les quatre contes
précités, le diable, Roland, le duc Bozon et le géant de Skara, repré-
sentent un dieu lithohole, élagué de la tradition orale par l'effet du
temps et la modification des idées religieuses.
Il aurait justifié plus complètement ces inductions, s'il avait eu
connaissance d'une invocation populaire que l'on répète aux environs
de Montpellier, et par laquelle celui qui parle prie Dieu d'avoir pitié
des siens et de jeter des pierres sur autrui:
0 moun Dieu, achàs pietat de nautres
E jitàs de peiras as autres !
Une pareille demande est trop incompatible avec la notion chré-
tienne de la divinité pour que l'on hésite à la rattacher à la croyance
du dievL lithobole .
M. C. aurait pu, enfin, augmenter son travail d'une cinquième ver-
sion, que lui aurait fournie la ville de Pierrelatte(Drôme), laquelle doit
son nom au rocher qui la domine. Ce rocher, disent les uns, y aurait
été jeté par un géant. D'autres prétendent que Gargantua, cheminant
le long du Rhône, aurait senti un gravier dans sa chaussure et que
ce gravier, dont il se serait débarrassé aussitôt, ne serait autre que le
rocher de Pierrelatte.
11 serait curieux de rechercher si Peyreleau (Aveyron), le pic de Pey-
relaud, qui est près de Cauterets, et l'ancien comté catalan de Pierre-
late, ne posséderaient pas des légendes semblables 2.
d'ossements humains, de plus de trente pieds de longueur. » (De Laincel,
/6id.,90.)
i Chef-lieu de canton de rarrondisBoment de Mauléon (Basses-Pyrénées).
' On pourrait peut-être relier à la deuxième forme des traditions étudiées
par M.C. (le diable lançant des pierres) le proverbe suivant: Lou diable porto
peiraSf qui, en Limousin, signifie, selon M. Clément-Simon (ReDuCy 3o série,
111,89), qae le diable est toujours prêt à causer quelque malheur, et un second
proverbe rimé, noté par l'abbé de Sauvages {Dict. lang.-fr., Il, 387): Peiro ira-
chOflou diable Va facho» Si, comme le dit M. C. à propos d'un autre détail, il
y aurait un peu de subtilité à rattacher ces adages à la croyance du dieu qui
lançait des pierres, il y aurait aussi de la négligence à ne pas les mentionner. .
YARlâTÉS 149
Dans la seconde partie de son étude, M. C. dit quelques mots des
traditions relatives aux haches de silex qui, selon la croyance po-
pulaire de beaucoup de régions, tombent du ciel avec la foudre, et
il signale, dans les Alpes-Maritimes, l'existence d'une particularité
qu'il n'avait nulle part remarquée :« Un paysan avait réuni un certain
nombre de haches polies ; toutes portaient des mutilations récentes ,
tous les tranchants étaient ébréchés. Et, ajoute-t-il, comme nous nous
en étonnions, il expliquait que les pierres de foudre devaient être
ébréchées au moment où on les trouvait, « sans quoi elles retourne-
raient dans les nuages et formeraient un nouveau tonnerre . »
A. Roque-Ferrier,
ODIERNE ET BEAUCATRE
Dans la. Romania de 1873 (p. 96), M. H. Suchier proposa de chan-
ger e nom propre de Viema (Peire Vidal, Drogoman seiner s'agues
bon destrier) en celui d'Avierna, et au sujet d'Esmeré à'Odïerne
[Covenant Vivien, v. 1067; Bataille d'AliscanSy éd. Guessard et Mon-
taiglon, p. 16-32), rapprocha du nom delà ville méridionale d'Odie>*ne
celui du bourg breton d'Audierne,
M. Paul Meyer prouva dans la même Revue (1873, p. 433-4) que
le nom de Vierna était fréquent au moyen âge, et que Ton rencon-
trait aussi la forme masculine Vieme. Nous ajouterons que ce dernier
nom existe encore à Marseille, à Nimes et à Génolhac, et qu'à côté
d'Audiernai cité d'après Arnaut Daniel, par MM. Suchier et Meyer,
on trouve la forme masculine Audierne dans la Dordogne*.
Voilà pour la première hypothèse de M. Suchier ; quant à la se-
conde, elle fut examinée par M. E. Germer-Durand, l'auteur du Dic-
tionnaire topographique du Gard, La note de M. Durand a échappé
peut-être aux romanistes; nous la plaçons en abrégé sous leurs yeux :
« Nous croyons que M. Het-mann Suchier n'aurait pas été chercher,
dans im bourg du Finistère, la forz citez d'Esmeré, s'il avait su
que, non loin d'Orange, sur un rocher au bord du Rhône, et dans le
département du Gard, il existe une ville, connue dans le monde en-
tier sous le nom de Beaucaire, mais qui, à l'époque carlovingienne et
jusqu'au XI® siècle, s'appelait Castrum de Ugerno, Castrum de Od-
jerno^Cest là la fors citez d'Esmeré 2. » J. Bauquier
» L'abhé Audierne a publié de 1840 à 1851 divers ouvrages sur le Périgord.
2 E. Germer-Durand, Découvertes archéologiques faites à Nimes et dans
le Gard pendant l'année 1871. Premier et second semestres. Nimes, typ.
Clavel-Ballivet, 1873, in-80, p. 26 du premier semestre, en note.
BIBLIOGRAPHIE
Du Génitif latin et de la préposition de.— Étude de syntaxe historique,
sur la décomposition du latin et la formation du français^ par P. Clairin,
ancien élève de l'Ecole normale supérieure. — Paris, Vieweg, 1880.
La thèse, ou plutôt l'ouvrage, dont nous venons de donner le titre,
a valu à son auteur, Tannée dernière, le titre de docteur es lettres .
C'est un travail sérieux, très -méthodique, qui constitue une mono-
graphie utile, comme on voudrait en voir apparaître un plus grand
nombre dans l'intérêt des études romanes, ce qui permettrait d'éta-
blir enfin sur des bases solides la syntaxe de l'ancien français. L'au-
teur a divisé son ouvrage en trois livres : dans le premier, il étudie
le génitif latin et la préposition de successivement dans les deux
périodes classiques, à l'époque de la décadence, chez les Pères de
l'Eglise et chez les imitateurs directs des classiques jusqu'à l'épo-
que de Charlemagne ; dans le second, il poursuit cette étude dans le
bas-latin ; dans le troisième, il est question de la préposition fran-
çaise de depuis les origines jusqu'au XlVe siècle. Il n'aurait pas été
sans intérêt, ce nous semble, de remonter jusqu'au second siècle
avant Jésus-Christ, et d'étudier en particulier la syntaxe des poètes
comiques, qui a parfois gardé des traces incontestables de l'influence
du parler populaire et se rapproche sur plus d'un point de celle des
auteurs de la décadence. L'auteur a craint sans doute de donner une
place prépondérante à l'élément latin dans un ouvrage dont l'inspi-
ration première appartient certainement au français. A ce titre, pré-
cisément, nous pensons que, tout en maintenant les nombreuses di-
visions qui permettent à l'auteur de distinguer avec soin les cas si
variés de l'emploi du génitif et de la préposition de, il aurait pu dimi-
nuer le nombre des exemples latins, surtout pour les catégories qui
se reproduisent sans altération sensible à toutes les époques. Peut-
être aussi aurait-il mieux valu suivre l'ordre chronologique pur, et
étudier le développement des diflférents sens successivement à toutes
les époques de la latinité. Nous reconnaissons, toutefois, qu'il n'était
guère possible de mettre dans un même article les exemples français
à la suite des exemples latins, la classification ne pouvant être exac-
tement la même pour les deux langues ; mais l'auteur aurait pu
(procédé dont il a usé trop rarement, par exemple p. 243) multiplier
le rapprochement entre les deux séries d'exemples (latins et français),
afin de faciliter au lecteur l'intelligence de son plan et de lui per-
mettre d'embrasser d'un coup d'œil, pour chaque ordre de faits, les
BIBLIOGRÀPHIB 151
modifications successives qui marquent le passage du latin au fran-
çais.
Que M. Clairin nous permette encore quelques critiques de détail.
Pourquoi s'est-il cru obligé, pour l'ancien français, de reproduire fidè-
lement le système de chaque éditeur en ce qui concerne l'apostrophe
et les accents ? Cela occasionne des disparates choquantes. Ainsi il
écrit, avec M.L. Gautier, de l\ a V, quand il cite la Chanson de Ro-
land; mais del, al^ avec MM. de Wailly, Leroux de Lincy, etc., en
citant le Livre des Rois, Villehardouin et bien d'autres textes ; on
trouve presque à la môme page : espée et espee, jornées et jornee,
tes et tes (qui est une faute), pères et pères (qui est aussi une faute),
à (préposition) et a, etc.
P. 85, 1. 14, Qui de castris processerant (Sali., Cat. 61). Les meil-
leurs manuscrits ont e et non de.
P. 89, art. 3. Le titre {DE marque le lieu ou se produit V action)
est un peu trop vague. Il fallait mettre à part les exemples où de
marque le point de départ de l'action. De même pour les autres pé-
riodes, à l'article 3.
P. 93, note 1. Avec refert, le génitif s'explique plus simplement
par re contenu dans le composé, que par l'ellipse de re.
P. 103, 1. 23. Be insuper adstantes (Sali., Hist, /, 65). Corrigez
avec Kritz {Hist, I, 73), dein super.
P. 209, 1. 21-2. Le premier dos exemples du Roman de Thèbes
est tiré du manuscrit n" 375; le second, des mss. n°* 60 et 784 ; dans
ce dernier, le n° du vers se rapporte, non à l'ensemble du poëme,
mais à un passage d'environ 750 vers particuliers à ces deux ma-
nuscrits. Enfin l'exemple cité p. 214, l. 4, appartient au ms. 375, et le
TûP du vers doit être lu 6337.
P. 231, 1. 32. Cet exemple de Join ville doit être rapproché des
exemples assez nombreux où le latin, après potius (et autres com-
paratifs), emploie quam et le subjonctif.
P. 266, 1. 17 et 286, §§ 7 et 8. La syntaxe de tant, qui est si cu-
rieuse dans certains textes, n'est pas nettement indiquée, en ce qui
concerne l'accord. Je citerai seulement cet exemple du Roman de
Thèbes (v. 5041-53), qui nous montre tour à tour tant pris comme
adverbe et comme adjectif, toujours avec ellipse de la préposition de,
et de plus une proposition relative avec le verbe au pluriel, dont l'an-
técédent est un nom singulier accompagné de tant :
Tant anstes y furent brisies,
Tantes ensegnes desploies ;
Tant poing, tant pié furent colpé,
Et tant vassal jus cravante ;
La veissiés tant capleis, etc.
15? pâRIODIQUBS
Ta7it rice cop férir d'espée,
Tante teste del bu sevrée ;
Tant gentilhome d'autre terre,
Qui erent venu por conquerre,
I veissiés mort en la prée.
P. 285, § V. Cet emploi elliptique de de a son équivalent en latin
après les interjections qui expriment la joie ou la douleur. Cf. Ca-
tulle, IX, 5 : venisti. 0 mihi nuntii beati I Properce, IV, (V), 7, 21
(23), fœderis heu taciti! Lucain, II, 45, o miserœ sortis! et en grec,
ot^oi, wpoe, w, etc., avec le génitif.
Nous nous plaisons à constater, en terminant, que l'auteur a sou-
vent réussi à caractériser d'une façon très-nette certains emplois du
génitif et surtout (ce qui intéresse plus directement nos lecteurs) de
la préposition française de. Nous nous contenterons de signaler l'ar-
ticle substantiel consacré à la suppression de de équivalent au génitif
subjectif, p. 254 sqq. Espérons que M. Clairin, après cet honorable
début dans les études romanes, ne s'en tiendra pas là; nous serions
heureux d'avoir bientôt de lui une étude semblable sur la préposi-
tion â.
L. GONSTANS.
PÉRIODIQUES
Homania, 35. -P.. 353, M. Mila y Fontanals, el Càntode la Si-
hila en lengua d^ Oc, Notre savant collaborateur, qui avait publié der-
nièrement dans le Gay Saber (15 décembre 1879), d'après un ms. de
Barcelone, une version catalane de ce chant funèbre, en donne ici,
d'après une copie de M. Morel-Fatio, prise sur lems. de notre B. N.,
une version provençale (légèrement catalanisée pourtant dans sa gra-
phie), en l'accompagnant d'une introduction, d'un commentaire et des
variantes du ms. de Barcelone. Il donne ensuite une nouvelle édition
des versions déjà imprimées du même chant, en Catalogne, à Valence
et à Majorque. — P. 366. A. Lambrior, Essai de phonétique roumaine
(suite). — P. 377. E. Cosquin, Contes populaires lorrains recueillis
dans un village du Barrois, à Montiers-sur-Saulx (Meuse) (suite). —
P. 429. Mélanges. 1® Notes sur la langue vulgaire d'Espagne et de
Portugal au moyen âge (712-1200). Jules Tailhan. 2° Chevrette, Cre-
vette. G. Musset. M. G. M. accepte l'étymologie de M. Joret et ap-
porte à l'appui des exemples empruntés au patois de l'Aunis et de
la SaintûDge. 3® Tille. 4° Nabot, étymologies proposées par M. Joret.
PERIODIQUES 153
•
5o La Femme de Salomon, G. P. 6° Bribes de littérature populaire,
Kr. Nyrop. — P. 445. Comptes rendus: lo Joûon des Longrais, le
Roman d'Aquin ou la Conqueste de la Bretaigne, par le roy Charlemaigne,
la chanson de geste du XII® siècle (G. P.), article bien fait et très-sub-
stantiel. Éloges accompagnés de réserves. 2o K.A.Martin Hartmann,
Ueher dos Altspanische Dreikoenigsspiel nebst einem Anhamg enthal-
tend eîn bisher ungedrucktes lateinisches Dreikoenigsspiel
Bautzen, 1879 (A. Morel-Fatio) . 3o Luigi Gaiter, il Tesoro di Bru-
netto Zafom, volgarizzato da Bono Giamboni, raffrontato col testo
autentico f rancese edito da P. Chabaille emondato con mss . ed illus-
trato. Vol. I-II. Bologna, 1878-79 (Thor Sundby). Peu favorable.
4:0 F.-E. Bollati, Chanson de Philippe de Savoie, publiée pour la pre-
mière fois, avec préface et notes. Milan, J. Civelli, 1879 (P. M.).
Favorable. — P. 476. Périodiques, M. P. Meyer dit, à propos de Téty-
mologie par moi proposée de es/reer, esfraer = 'efferatatus {Revue
des l, rom,, janvier-mars 1880, p. 118),« qu'elle n'est pas soutenable.»
Il ajoute que la vraie a été donnée par M. Gaston Paris {Rom^-
nia, VII, p. 121). En est-il bien sûr? Où a-t-il vu que idare — M. G.
propose exfridare — a pu former aer, et cela dès le XII® siècle ?
— P. 482. Je relève au passage deux remarques de M. G. Paris sur
un travail étymologique de M. Flechiâ. I« a Innestare est rattaché
avec vraisemblance à *ininsitare, comme le proposait Ferrari, et non
kinsitare^ comme le voulait Diez. » J'ai déjà proposé une étymologie
différente dans mon compte rendu de ce même ouvrage {Revue des
langues romanes^ 3e série, t. I, p. 144-5). Je crois que cette forme
se rattacherait plutôt à *in-nexitare, fréquentatif supposable de in-
nectere, lequel convient pour le sens et encore mieux pour la phoné-
tique. 2® « M. Flechia explique fort bien les dérivations verbales
d'adjectifs et surtout de participes en iare que M. Boucherie voudrait
tirer de comparatifs. » Voilà plus de trois ans que j'ai renoncé à
cette explication, justement pour lui substituer celle que M. G. Paris
approuve chez M. Flechia ( Re\)ue des langues romanes^ 2e série,
t. III, p. 219 ), explication que j'ai répétée en 1879 ( 3e série, t. I,
p. 144-5), en rendant compte de ce travail du même M. Flechia, qui
ignorait alors, comme 6. Paris aujourd'hui, que j'avais déjà pris les
devants. On me pardonnera d'insister sur ces détails, non-seulement
parce qu'il s'agit d'une question de priorité, mais aussi parce que
mon explication pourrait avoir, si elle était mieux connue, une cer-
taine importance pour les études étymologiques. — P. 490. Chro-
nique. A. B.
12
CHRONIQUE
MM. Paul Meyer et Gaston Paris, directeurs du recueil trimestriel
qui représente à Paris l'étude des langues et des littératures romanes,
viennent d'être durement éprouvés: le premier, parla perte de sa jeune
femme, morte après quelques mois de mariage, et le second, par celle
de son père, M . Paulin Paris, enlevé à l'érudition française au terme
d'une carrière aussi longue que laborieusement remplie.
Ces lignes ne diminueront en rien la légitime tristesse de nos deux
confrères, mais elles leur prouveront, au moins, la part que la rédac-
tion de la Revue des langues romanes prend à des pertes que l'étude
adoucit quelquefois, mni^ n'a mnlheureusement pas le don de faire
oublier.
*■
* ♦
Trois membres de la Société, MM . Castets, Constans et Roque-Fer-
rier, ont fait à la Sorbonne, devant les délégués des Sociétés savantes
des départements (séance du 22 avril) , des communications que le
Journal officiel apprécie de la manière suivante :
« M. Castets, professeur à la Faculté des lettres de Montpellier,
fait une exposition orale sur l'influence qu'eut le Roman de la Rose
sur les littératures étrangères du moyen âge. Cette influence est at-
testée par des imitations et des traductions en Italie, dans les Pays-
Bas, en Angleterre. M. Castets insiste sur une rédaction italienne du
Romnn de la Rose, qui est conservée à la Bibliothèque universitaire
de Montpellier, dans un manuscrit unique. C'est un poëme de plus de
trois mille vers, en deux cent trente-deux sonnets, qui semble anté-
rieur à la Divine Comédie; l'auteur s'appelait Durante ( Dante?). La
publication de ce texte, faite sous les auspices de la Société pour
l'étude des langues romanes, comble une lacune de l'histoire littéraire
de l'Italie. » (Journal officiel du 23 avril, p. 2225.)
oc M. L. Constans, professeur à la Faculté des lettres de Poitiers,
signale à la section un nouveau chansonnier provençal, découvert
par lui à Cheltenham (Angleterre), dans la bibliothèque de feu sir Tho-
mas Phillips, sous le n° 1910. Ce chansonnier se dissimidait sous le
titre peu exact dePoëmes en périgourdin, et M. Mary-Lafon, le seul
qui en ait fait mention dans l'appendice bibliographique de soa Ta-
bleau historique et- littéraire de la langue parlée dans le midi de la
France, ne l'avait certainement pas vu, puisqu'il l'intitule Poésies en
périgourdin, se contentant d'ajouter cette indication : « Bibliothèque
particulière de sir Phillips à Middlehill . »
j> C'est un mince registre in-4° de trente-un centimèt. sur vingt-deux,
avec une reliure moderne en parchemin : il est formé de plusieurs cahiers
de gros papier gris, dont le premier est resté en blanc. Puis viennent
vingt-huit feuillets remplis, au recto et au verso (sauf quelques blancs
sans importance), de Vies et de Poésies des troubadours, transcrites au
XV I® siècle, et quatorze feuillets occupés par une série de Proverbes pro-
vençaux, rangés par ordre alphabétique, d'une écriture ronde, assez
pénible à lire, qui n'est pas antérieure au XVII® siècle .
3) La comparaison attentive faite par M . Constans, entre le chan-
sonnier qui forme la première partie du manuscrit et les listes de
CHRONIQUE 155
pièces dressées par M. Bartsch et d autres provençalistes, a donné
les résultats suivants: lo Les Vies se retrouvent toutes dans d'au-
tres manuscrits, sauf celle de Pierre de la Mule, qui n'a pas plus de
quatre lignes: elle nous apprend que ce troubadour séjourna dans le
Montferrat et en Piémont. La Vie d'Hugues de Saint-Cyr renferme,
de plus que les manuscrits connus, une assez longue et intéressante
explication de la pièce : Longamen ai atenduda ; 2° la pièce de Ram-
baut d'Orange, qui n'avait encore été signalée que dans le chanson-
nier Mac-Carthy (même bibliothèque, n° 8335), se trouve également
dans le nouveau chansonnier, souvent avec de meilleures leçons ; 3<* il
ne s'y trouve pas de pièces uniques ; mais le manuscrit, quoique l'on
ait quelque raison de croire qu'il est italien, est assez bon et fournit
un assez grand nombre de variantes à l'édition que prépare M. Con-
stans. 3> {Journal officiel du 23 avril, p. 2224.)
« Au nom de M. A. Roque-Ferrier, secrétaire de la Société pour
T étude des langues romanes, à Montpellier, M. Castets lit un mémoire
sur un essai de restitution de quelques substantifs romans (laura et
lauza, lauroun et lauzoun, laurella et lauzella, etc.), dont la significa-
tion paraît se rattacher à colle de source, de ruisseau et de rivière. Les
éléments de ce mémoire sont empruntés à la langue topographique
des quatre départements de l'Hérault, du Gard, de la Dordogne et des
Basses-Pyrénées. Les termes précités ont disparu en très-grande partie
du vocabulaire courant, mais leur application constante et régulière à
des cours d'eau, ainsi que l'existence du diminutif lauroun, par lequel
on désigne encore une source en Provence, viennent à l'appui de la
traduction que propose M. Roque-Ferrier.
» L'auteur fait remarquer qu'il aurait pu accroître considérablement
les listes de son mémoire, si tous les dictionnaires topographiques des
départements méridionaux étaient publiés à l'heure qu'il est, et sur-
tout si, à côté de l'appellation française, on avait soin d'ajouter l'ap-
pellation locale, telle que la prononcent et l'écrivent les habitants du
pays.
D C'est le nom du château de la Lauze, situé dans la commune de
St-Jean-de-Védas, près de Montpellier, qui a donné à M. Roque-
Ferrier l'idée d'entreprendre l'étude de ces substantifs à demi périmés.*
(Journal officiel du 23 avril, p. 2224.)
Un quatrième membre du Conseil d'administration de la Société,
M. B. Cantagrel, a fait à la section des sciences (séance du 21 avril)
une communication que le Journal officiel enregistre en ces termes :
« M. Cantagrel, ancien chef d'institution, à Montpellier, décrit et
présente un instrument nouveau, dit «héliographe }?>, qui peut montrer
tous les phénomènes résultant des mouvements apparents du soleil. »
Communications faites en séance de la Société . — 4 mai. —
Les manuscrits provençaux de Cheltenham (Angleterre), par M. L.
Constans ;
Le langage de Savines (Hautes- Alpes) vers le milieu du XV siècle,
par M. l'abbé Paul Guillaume;
Traduction de la première satire de Perse en vers lodévois (Gler-
montet ses environs), par M. Saint- Just Molinier ;
Entouras-me d'enfant, poésie provençale (Avignon et les bords du
Rhône), par M. William-C. Bonaparte-Wyse.
156 CHRONIQUE
Livres et manuscrits donnés a la Bibliothèque de la Société.
— Deux traductions de la parabole de l'Enfant prodigue en langage
de Mèze (Hérault) (don de M. Albert Fabre);
L'Iôu de Pascas, armanac rouman perl'annada M Dccc Lxxxi. Mount-
peliè, Empremariè centrala dau Miejour, 1881, in-8<>, xl-100 pages
(don de M. Camille Laforgue);
Bonaparte- Wyse (William-C) . ) : On occasion of Eoumania constî-
tuting herself a Kingdom, wit a french version by Constant Hennion.
Plymouth, Keys, 1881 ; in-4°, 16 pages (don de M. William-C. Bona-
parte-Wyse);
Carpenter (William-H.): Grundriss der neuîslândîschen grammatik.
Leipzig, Scblicke, 1881; in-8o, xvi-130 pages;
Cbabaneau: Les Sorts des Apôtres, texte provençal duXlII* siècle,
publié avec l'original latin . Montpellier, Imprimerie centrale du Midi,
1881; in-80, 40 pages;
Langlade : Malhan e Daudet. Montpellier, Imprimerie centrale du
Midi, 1881; in-8°, 12 pages;
Noulet (le docteur): Un texte roman de la légende religieuse l'Ange
et l'Ermite. Montpellier, Imprimerie centrale du Midi [1881] ; in-8%
4 pages ;
Pélabon (Louis) : La Lenguo prouvençalo en aquelo doou Nord, vo
prépaou familié d'uno maire à sa j&lho. Toulon, Massone, 1881; in-8o,
8 pages ;
Roux (A.) : Ville de Lunel, Au profit des pauvres de Lunel. Carita,
[poésie languedocienne]. Lunel, Cros, [1881]; in-4o, 2 pages;
Tavernier (Eugène) : Le Félibrige à Marseille et «la Calanco.» Aix
Marins Illy, 1881; in-8°, 16 pages ;
Tocilescù (Gr. G.): Dacia inainte de Romani cercetari asuprapo-
poreloru carii au locuîtu tierile romane de a stang'a Dunarii, mai
inainte de concuista acestoru tieri de cotra imperatoriulu Traianu.
Bucuresci, Tipografi'a Academiei Romane, 1880 ; in-4**, x-367 à 954
pages, cartes et planches (don de l'Académie Roumaine);
Neuf journaux renfermant des textes ou des indications de na-
ture à intéresser les études philologiques ou l'histoire dé la littérature
méridionale, donnés par MM. William-C. Bonaparte- Wyse (1), Coula-
zou (1), Mistral (4), Léon Ribaut (1) et l'abbé Joseph Roux (2).
Le gérant responsable : Ernest Hamelin.
Montpeliier, Imprimerie centrale du Midi. — Hamelin Frères
Dialectes Anciens
COMPUT EN VERS PROVENÇAUX
Feu Eugène Thomas, archiviste de l'Hérault, publia, le premier, en
1847, dans les Mémoires de la Société archéologique de Montpellier,
t. II, le comput rimé dont je donne ici la seconde édition. Comme « on
ne doit aux morts que la vérité », je n'éprouve aucun embarras à
déclarer que, si j'ai songé à réimprimer après lui ce petit ouvrage,
c'est que son édition est absolument illisible. 11 est difficile d'imaginer,
joint à plus d'assurance, autant d'ignorance de la langue et du sujet
que Thomas n'en étale à chaque ligne du texte, de la traduction et
du commentaire ; car il ne s'est pas contenté de reproduire, tel qu'il
l'avait su lire, le document que le hasard lui avait fait rencontrer, il a
voulu aussi le corriger (ce qu'il a toujours fait sans indiquer les le-
çons modifiées), le traduire et l'élucider.
L'existence de ce comput, malgré l'édition de Thomas, paraît être
restée ignorée des historiens de la littérature provençale. M. Bartsch,
dans son Grundriss, n'en parle pas. Mon attention y a été attirée
pour la première fois par un court article de M. Banquier, inséré dans
la Zeitschrift fur romanische Philologie, II, 76, que j'ai signalé en
son temps aux lecteurs de la Revue (voy. t. XVI, 88).
J'étais alors loin de Montpellier et ne pouvais prendre connaissance
ni du ms. ni môme de l'édition de Thomas. J'ai vu depuis l'un et l'au-
tre et ai pu collationner à loisir celle-ci sur celui-là, grâce à l'obli-
geance de l'archiviste actuel de l'Hérault, M. de la Pijardière, qui a
bien voulu faire les recherches nécessaires pour retrouver le ms., que
Thomas avait désigné d'une manière assez vague, et m'aider ensuite
de son expérience paléo graphique dans mon travail de collation.
Le ms. dont notre comput fait partie forme un gros volume in-f»lio,
relié, qui est le treizième et dernier d'un recueil de copies de Lettres
patentes de la sénéchaussée de Nimes, d'après le titre, mais qui ren-
ferme aussi des copies d'autres documents. Ce volume comprend, après
deux tables générales qui en forment un peu plus du tiers, 271 feuillets,
dont les 39 premiers seulement sont numérotés. Au verso du fo 162,
immédiatement après un document intitulé Littera pro rege contra
prœlatos harones et nobiles senescalliœ Bellicadri. . .., portant la
Tome v de la troisième série. — Avril 1881. 13
158 COMPUT PROVENÇAL
date de 1363, commence, en tête de la page, une table pascale dont
f oici les trois premières lignes :
In nomine Domini amen mandngote {aie. T)
G. — F. 1280. Fac pascha die xxi aprilia
E. 1281. Fac pascha die xxii apr.
Cette table, qui va jusqu'à Tan 1811 inclus, occupe en tout 18 pages
pleines. Elle est suivie de deux pages et quart d'explications [Boc-
trina tahulœ talis est, etc.), f<> 171 v° — 172 v°. Vient ensuite, sans
rubrique ni séparation, mais écrit en caractères plus gros, quoique de
la même main, et en lignes plus espacées, notre comput provençal,
qui remplit, outre les trois autres quarts de la page (172 v°) dont la
fin de la. Doctrina tahulœ occupe le premier, les feuillets 173, 174 et
175 en entier. Au 176e feuillet recommence, toujours de la même
main, la copie de documents concernant l'administration de la pro-
vince, les droits du roi, etc., dont le dernier, qui termine le feuillet 209,
porte la date de 1453. Suivent 12 feuillets blancs, du même papier
que la partie écrite, au milieu desquels on en a intercalé 50 d'un
format plus petit, dont le dernier et les deux premiers sont en blanc,
et dont une copie, d'une écriture très-belle et très-soignée, de la chro-
nique latine de Guillaume Bardin*, remplit le reste.
Thomas, dans son édition, a fait précéder le comput d'une intro-
duction, marquée au même coin d'ignorance et de suffisance que le
reste de la publication. Il serait tout à fait oiseux de s'y arrêter. J'en
veux seulement retenir et discuter le passage où il cherche à prouver
que le comput a été composé en 1280 au plus tard. Comme M. Ban-
quier a accepté cette date et aussi, paraît-il, les calculs de Thomas
(ce qui prouve qu'il ne les a pas examinés de près), il ne sera pas
inutile de faire voir ici combien les arguments allégués par ce dernier
sont vains ou fragiles.
ce Le comput est précédé, dit Thomas, dans le volume d'où je l'ai
tiré, d'une^table pascale copiée de la même main. Or la première ligne
de cette table est ainsi conçue :
» G. F. 1280 fac pascha die xxi aprilis.
» Les années avec l'indication du jour de Pâques suivent de la même
manière, depuis cette première année 1280 jusqu'à 1811 inclusivement.
C'est une preuve que le comput a été composé dans le XlIIe siècle,
et, qui plus est, en 1280 au plus tard. Car pourquoi, dans quel but d'une
* Cette chronique a été publiée dans ['Histoire de Langtiedoc (i'e édit.,
t. IV, p. 1 des Preuves). On peut voir ce qu'en pensait dom Vaissète dans
l'avertisse ment qui est entête de ce 4« volume. Le savant bénédictin ne paraît
pas avoir connu la copie de Montpellier.
COMPUT PROVENÇAL 159
utilité quelconque, Fauteur aurait-il voulu dresser une table des jours
de Pâques pour les années antérieures? Et, d'autre part, pourquoi
aurait-il laissé maladroitement une lacune entre l'année qu'il n'aurait
pas désignée, où il formait sa table pascale, et d'autres années pos-
térieures? Il en est évidemment de cette table comme des tables de
même nature qu'on place devant les livres d'église, et qui servent pré-
cisément pour l'année actuelle et pour plus ou moins d'autres à ve-
nir. »
Il n'y a certainement rien à dire à ce raisonnement, si l'on ne con-
sidère que la table pascale elle-même. Mais le rapprochement de
cette table et du comput, dans le ms. qui nous les a conservés l'un et
l'autre, peut n'être qu'accidentel. Celui qui, dans la seconde moitié
du XVIle siècle (c'est l'époque qu'indique l'écriture, de l'avis de M. de
la Pijardière), a copié dans ce volume tant de pièces différentes, ou
même un copiste antérieur, a pu tirer de deux originaux distincts la
table et le comput, que l'analogie du sujet lui aura seule fait mettre
ensemble, car rien n'indique, à les lire, qu'elles formassent deux par-
ties connexes d'un même tout.
D'un autre côté, la date de 1280, attribuée par Thomas 'à la table
pascale, et qui résulte en effet de l'examen isolé de la table elle-même,,
cesse de paraître aussi sûre, si l'on considère en même temps la no-
tice explicative qui la suit immédiatement, notice dont Thomas n'a pas
tenu compte et dont il n'a même pas parlé.
On y voit que l'auteur a voulu faire un tableau présentant la ré-
volution entière d'une grande année (ou cycle pascalj, qui comprend
532 années communes*. Ce cycle n'a pas de commencement néces-
saire. Mais il est naturel que celui qui veut en dresser le tableau le
commence à une année qui soit la premièro de l'un des petits cy-
cles qui en sont les facteurs, soit du cycle lunaire (19 ans), soit du
cycle solaire (28 ans). Or 1280 est précisément la première année
d'une des révolutions du cycle solaire*. On comprend donc que ce-
lui qui a dressé la table en question, ne l' ait-il fait qu'en 1300, par
exemple, ait dû néanmoins remonter jusqu'en 1280. Mais on est con-
» a C'est une révolution de 532 années, à la fin desquelles les deux cycles
de la lune, les réguliers, les clefs des fêtes mobiles, le cycle du soleil, les con-
currens, les lettres dominicales, le terme pascal, la pâque, les épactes avec les
nouvelles lunes, recommencent comme toutes ces choses étaient 532 années
auparavant et continuent le même espace d'années, en sortejque la seconde ré-
volution est en tout semblable à la première, et la troisième aux deux autres.»
{Art de vérifier les dates.) — Le cycle pascal renferme 28 cycles lunaires ou
19 cycles solaires, étant le produit de 28, nombre des années d'un cycle so-
laire, par 19, nombre de celles d'un cycle lunaire.
2 Voy. les tables de VArt de véi'ifier les dates et de Du Gange (sous a7inus),
i
160 COMPUT PROVENÇAL
duit à supposer pareillement que, s'il l'avait composée en 1308 ou peu
après, c'est de cette année-là qu'il l'aurait plutôt fait partir. Si donc
l'on ne peut affirmer, comme l'a fait Thomas, que cette table a été dres-
sée en 1280, on peut avec toute vraisemblance admettre qu'elle a été
composée entre les années 1280 et 13;)7. Mais cela, je le répète, ne
saurait rien prouver pour la datî du comput, qui peut être absolu-
m(3iit iadépendant de la table. Rien, dans la notice qui suit celle-ci, ne
l'annonce et n'y fait la moindre allusion, et Fauteur du comput ne se
réfère lui-même à la table ni à la notice en aucun endroit.
Le premier motif donné par Thomas à l'appui de son opinion n'est
pas très-solide, on vient de le voir, mais enfin il n'est pas absurde.
On ne peut en dire autant des deux autres. Je reprends ma citation
au point où je l'ai ci-dessus interrompue.
« Mais toutes ces données, toutes conjectures si l'on veut jusque-là,
deviennent des preuves manifestes devant une troisième considéra-
tion puisée dans les calculs de Tlndiction romaine et du cycle lunaire,
tels que les présente notre auteur. En effet, les trois vers hexamètres
(132-4) indiquent les règles qu'il faut suivre pour trouver l'an de 1'/»-
diction, et ces règles adoptent pour application des supputations con-
venables l'année 1280 et l'année qui doit la suivre, 1281. Ils n*ont pu,
par conséquent, être composés qu'en 1280, à moins que l'on n'aime
mieux dire que l'auteur a pris ces deux années au hasard; ce qui se-
rait contre toute vraisemblance, outre que le hasard serait, cette fois,
une preuve de plus de probabilité.
M Mais il ne reste plus de doute quand on voit l'auteur, à la fin de
son œuvre, chercher le nombre du cycle lunaire par des calculs qui
ne peuvent non plus s'appliquer qu'à l'année où il la composait, à
1280, ou plutôt quand on le voit lui-même compter 1280 ans depuis
la venue du Christ. Je ne répéterai pas ici ses calculs, la note que j'ai
jointe au texte devant donner tous les éclaircissements et les détails
nécessaires à ce sujet. )>
Je montre plus loin, dans mes notes sur les trois vers latins précités,
que ces vers, mal transcrits par le copiste et encore plus mal resti-
tués par Thomas, n'ont aucunement le sens que celui-ci leur attribue.
Ils ne sont pas l'œuvre de l'auteur de notre comput; ce sont de ces
vers didactiques, comme on en faisait tant au moyen âge sur tous les
sujets, certainement antérieurs au poëme provençal, et qui énoncent
une règle générale, sans l'appliquer le moins du monde à une année
déterminée Les conclusions que Thomas a prétendu en tirer tom-
bent d'elles-mêmes devant ces mêmes vers, rétablis comme ils doivent
l'être et exactement interprétés. Quand même, d'ailleurs, le nona du
v. 133, qui sert de fondement à tout le système de Thomas, serait,
ce qui certainement n'est pas, une leçon sûre, on n'en saurait encore
COMPUT PROVENÇAL 161
tirer la conséquence que l'auteur (ou le transcripteur) de ce vers en-
tendait l'appliquer à l'année 1281, plutôt qu'à 1296 ou 1311, ou 1326,
ou à toute autre dans le même cas, c'est-à-dire dont le quantième, di-
visé par 15 après adjonction de 3 unités, donnerait 9 pour reste.
Quant à la dernière preuve alléguée par Thomas, et qui doit, d'après
lui, dissiper tous les doutes, elle est encore plus chimérique, s'il est
possible, que la précédente, car celle-ci se fonde au moins sur un
nombre précis, toute mauvaise que soit la leçon qui le fournit et tout
excessive que soit la conséquence qu'il en tire. L'autre, au contraire,
n'a pas môme pour elle ce fragile fondement. Là, non-seulement
l'auteur ou son copiste ne désigne, pas plus qu'au v. 137, l'année sur
laquelle Thomas prétend qu*il opère, mais encore aucun nombre n'y
est donné comme résultat de l'opération. Aquo que restar a, y est-il
dit simplement, et l'on n'y saurait trouver l'indication d'une année
quelconque que par l'effet d'une véritable hallucination.
Si des raisons données par Thomas, et que je viens de reproduire,
aucune, même la première, la seule qui soit un peu spécieuse, n'est
recevable, en faut-il conclure que la date par lui attribuée à notre
comput est nécessairement fausse? Nullement. S'il est impossible de
préciser l'année dans laquelle cet ouvrage, a été composé, on peut,
sans la moindre invraisemblance, le faire remonter aux dernières an-
nées du XIII® siècle, et il n'y a dès lors aucune objection fondamen-
tale à faire à l'opinion exprimée par M. Banquier, dans l'article plus
haut cité, que notre comput est celui qu'avait rimé Raimon Feraut
et qu'il a mentionné lui-même au début de sa Vie de saint Honorât*.
Ce comput, en effet, a été certainement écrit à une époque où les
règles de la grammaire classique étaient encore en vigueur et par un
homme qui s'appliquait à les suivre. C'est ce que montre tout de suite
l'examen des rimes, particulièrement de celles où un sujet singulier
a pour correspondant un régime pluriel, par ex., vv. 29, 61, 71. Les
traits dialectaux ont pu être effacés en partie ou modifiés par le co-
piste. On peut noter pourtant, comme l'a fait M. Banquier, à l'appui
de son hypothèse, l'article féminin lion, mieux encore, si (v. 10), qui
sous cette dernière forme est bien plus franchement provençal, et de
la région même qu'habitait Féraut. Mais il n'y en a qu'un seul exem-
ple, et l'article masculin sujet correspondalit, qui devrait être le ou
se, est toujours lo. Un instable est conservée partout, en rime comme
dans l'intérieur des vers, ce qui esl aussi un trait provençal. Notons
* Cell que vole romanzar la vida sant Alban
Els verses del conpot vole tornar en vers plan.
M. Sardou, dans une note de son édition, explique à tort comput par 11*
Propre des saints.
162 COMPUT PROVENÇAL
encore le pronom féminin sujet singulier il (v. 143), qui appartient
plus particulièrement à la Provence* (mais surtout sous les formes
ilh, illi), et aquestos (83), forme du pronom démonstratif qui est très-
commune dans les textes du même pays, entre autres dans la Vie de
saint Honorât*,
Ajoutons que le z final de la deuxième personne du pluriel dans
les verbes devient s et rime avec des mots en s (par ex. trobares: res,
après : preneSj etc.), ce qui est commun dans la Vie de saint Hono-
rât et dans Sainte Agnès.
Les autres particularités de la langue de notre texte pourraient
être, à la rigueur, du fait du copiste, la plupart se rencontrant aussi
bien (quelques-unes même en plus grande abondance) dans les docu-
ments du bas Languedoc que dans ceux de la Provence. Telles sont
l'insertion de s {z) pour obvier à l'hiatus, après chute du y, dans ro-
sasons, rosarons =roasons (cf. azondos = aondos, etc., etc.), et r
remplaçant s ou z, phénomène très-commun dans les textes de Mont-
pellier et de Béziers, plus rare, à ce qu'il semble, dans ceux de la
Provence 3 (rosarons, 1 1 , 61 bis, 62 ; far es = fases « faites », et non
« vous ferez », ce que la rime repousserait, aux vv. 26 et 44 ; espo-
ralha, 127; et peut-être arautas, 54; et devant une consonne, ca-
rerma*j 54, qu'exige la rime, au lieu de carema du ms.) Nous avons
probablement un exemple du phénomène inverse dans cest\_a] du
V. 127, qui paraît être pour certa^.
Il n'y a pas de doute, d'après le second des deux vers rapportés ci-
dessus, p. 161, note i, que le comput composé par Raimon Feraut ne
fût une version, plus ou moins libre, d'un comput latin envers. Celui
que je publie, quel qu'en soit l'auteur, est lui-même, bien probable-
ment, une traduction; mais je n'ai pu, malgré mes recherches dans les
ouvrages imprimés et manuscrits qui sont à ma portée, en découvrir
l'original. Il est possible qu'il ne nous soit pas parvenu sans mutila-
tions. Une lacune évidente s'y trouve (après le v. 78). Peut-être y en
a-t-il çà et là d'autres moins apparentes. Les six lignes ou vers latins
numérotés 129-134 se sont aussi vraisemblablement substitués, sous
la plume d'un copiste distrait, à des vers provençaux exprimant les
* Il est, dans Sainte Agnès, la forme habituelle. Voy. 831, 840, etc.
2 Je n'ai pas remarqué cette forme dans le Petit Thalamus, où aquellos se
rencontre pourtant très-fréquemment.
3 M. Meyer en a relevé des exemples assez nombreux dans un ms. exécuté
à Arles. Voyez Rornania, IV, 468.
* Même forme dans Flamenca, v. 6980.
5 Cf. esguilosa = erguillosa dans Flamenca; encozreme7i, mezmamen =
encorremen, mermamen, dans le Petit Thalamus de Montpellier.
COMPUT PROVENÇAL 163
tQêmes choses, peut-être parce que, dans le ms. que ce copiste avait
sous les yeux, les lignes latines en question étaient à la marge, en
façon de glose ou de sommaire.
Notre comput, comme il arrive souvent pour les ouvrages didac-
tiques, est rédigé en forme de dialogue. C'est de quoi Thomas ne
s'était pas aperçu, ainsi que M. Banquier l'a déjà fait voir*. Les in-
terlocuteurs sont le prieur d'un couvent et un autre personnage que
ce dernier qualifie de prieu/r de la lune, sans doute à raison des con-
naissances astronomiques qui lui sont attribuées. On peut supposer, si
Ton veut admettre que Raimon Feraut en est l'auteur, que le prior del
monstier qu'il met en scène n'est autre que lui-même. Il fut, en effet,
revêtu de la dignité de prieur, comme il nous l'apprend à la fin de sa
Vie de saint Honorât^.
En publiant à nouveau ce comput, je n'ai pas voulu m'astreindre à
le donner tel que le ms. nous l'a conservé. J'ai donc restitué toutes
les formes fautives, en indiquant d'ailleurs en note, les leçons du ms.^;
et, comme il est clair, par les rimes, que l'auteur observait les règles
de la déclinaison, j'ai rétabli 1'^ flexionnelle partout où il était né-
cessaire, en la mettant entre crochets *. Les lettres ou les mots à sup-
primer sont entre parenthèses.
Le copiste a écrit partout, sauf une fois ou deux, jour pour l'ancien
jorn, quoique nulle autre part il ne change en ou Vo estreit. J'ai cru
pouvoir en conclure qu'il avait sous les yeux jorn, qu'il a mal lu, et
j'ai en conséquence rétabli Yn dans ce mot, excepté au v. 30, où la
rime exige l'exclusion de cette consonne.
Je terminerai cet avant-propos par quelques remarques sur le vo-
cabulaire.
Aparicio (21), la fête de l'Epiphanie. Raynouard ne donne pas
cette acception. Le ms. porte la paricia, attribuant à l'article Va ini-
tial (de même la sencion, 12,67) et changeant en a Vo final. J'ai rétabli
* M. Bauquier a corrigé en même temps un certain nombre des fautes de
Thomas, soit dans le texte, soit dans la traduction, mais sans aller, sauf en un
seul cas, au delà des quinze premiers vers.
2 Hom Tapella Raymon Feraut.
En la Roqua tenc sa mayzon,
Priols en la val d'Estaron
E de i'Oliva près d'aq^i.
3 J'indique aussi les leçons de Thomas, lorsqu'elles diffèrent de celles du ms.
* Je n'ai pas donné cette s à ôissext (IH, 114), parce qu elle devait pouvoir
être omise aussi bien après a?^ qu'après st, resté tel. Pour Christus, par ex.,
on pouvait écrire indifféremment ou Crist ou Critz, sans compter la forme
pleine Cristz, plus correcte peut-être, mais qui sent le pédantisme.
164 COMPDT PROVBNÇA.L
Torthographe régulière, supposant que cette division, de même que la
mutation de Vo en a, conforme sans doute à la prononciation popn-
laire, est du fait d'un copiste. Il y a du reste d'autres exemples des
deux phénomènes. Ainsi je trouve la festa de parissia dans un texte
écrit à Berre(Bouches-du- Rhône) en 1407.
Caremantran (44). Raynouard n'a que caramantran, avec un seul
exemple, emprunté au Petit Thalamus.
Dommenge (60), propre, propriété (lat. dominicum). Manque à
Raynouard sous cette forme.
Esporalha (127), épousaille. Raynouard ne donne ce mot que sous
la forme du pluriel.
Gesta (56), livre, traité. Dans Raynouard, seulement gestey histoire.
Mejansia (123), mitoyenneté, séparation, intervalle. Manque à Ray-
nouard.
Prima luna (20, 39), nouvelle lune. Signification que Raynouard
n'indique pas.
Rosasos, rosaros (11,62, 70), les Rogations. Raynouard n'a que
roasosy rogasos.
Sieyssanta-dezena (33), soixante-dizaine, Septuagésime. Manque à
Raynouard.
Temporal (83), saison. Manque à Raynouard avec ce sens.
C. C.
COMPUT PROVENÇAL 165
L'Escriptura mostra per ver
Que Dieus dona sen et saber,
Et saber[s] que non es monstrat[z]
Per perdut pot esser compta tfz].
5 Per ques eu de vos vuelh saber,
Prier de la luna, per ver,
leu que soy prior delmonstier,
Com trobaray el calendier
DeLXXMaclau,
10 Quant siAlleluya si clau,
Caremantran et Rosarons,
E quai jorn es TAsensions,
Ny Pantecosta el(s) Avens,
Car falhir y vech motas gens.
15 Prec vos que m'en digas la somma
Com ho ten la glieysa de Roma.
— Don prior, (yeu) vos diray per ver
Cossy tostemps poyres saber
Yertat de so que demandas.
20 La prima luna mi comptas
Qu'après TAparicio sera ;
Qui ho compta non falhira ;
Et d'aqui .x. jorns comptares,
Ny mais ny mens non y mettres;
L'Ecriture montre par vérité que Dieu donne sens et savoir ; et
«avoir qui n'est pas montré pour perdu peut être compté. C'est pour-
quoi je veux savoir de vous, (5) prieur de la lune, par vérité, moi
qui suis prieur du moûtier, comment je trouverai dans le calendrier
la clef de la Septuagésime, (10) quand l'AUeluya se clôt. Carême-en-
trant et les Rogations, et quel jour est l'Ascension, et Pentecôte et
l'A vent, car j'y vois faillir maintes gens. (15) Je vous prie de m'en dire
la sonmie, comme le tient l'Église de Rome.
— Dom Prieur, je vous dirai par vérité comment toujours vous
pourrez savoir le vrai de ce que vous me demandez. (20) Comptez-
moi la nouvelle lune qui sera après l'Epiphanie. Qui fera ce compte
ne se trompera pas. Et de là vous compterez dix jours. Ni plus ni
166 OOMPUT PROVENÇAL
25 Al premier dimergue après
LXX[^ fares.
(Et) aqui AUeluya es clausa,
Entro al sapte sant se repausa ;
Et sia Ion es carnal[s] o cors,
30 Tostemps .lxiiii. jors
De .LXX[»]. trobares
Tro Pascas, ja non y falh res.
DE CAREMANTRAN
(Et) d'aquesta sieyssanta-dezena
Tro al dimenge intra[n] carema,
35 XV. jorns aures per entier,
Que en ayssi Tartz o requier.
Un autre compte vos diray
Que atressi vos desponray:
Apres aquella prima luna
40 Qu(ey ieu vos ay dich en queras i*,
La premieyra que trobares,
Et d'aqui .ii. jorns comptares.
Al dimengue que ven après
Caremantran lo vielh fares.
DE PASQUAS
45 Apres estas .n." lunasons
De que ay dicha[s las] rasons,
moins vous n'y en mettrez. (25) Au premier dimanche suivant, faites
la Septuagésime. Et là Alleluya est clos ; jusqu'au Samedi Saint il se
repose. Et que le carnaval soit long ou court, (30) vous trouverez tou-
jours sans faute 64 jours de la Septuagésime à Pâques.
DE CAREME-ENTRANT
De cette Septuagésime jusqu'au dimanche de Carême-entrant [ la
Quinquagésime] (35) vous aurez quinze jours entiers, car ainsi l'art
le requiert. Un autre compte je vous dirai que je vous exposerai pa-
reillement : Après cette, nouvelle lune (40) que je vous ai dit, cher-
chez-en une, la première que vous trouverez. Et de là vous compte-
rez deux jours. Au dimanche qui vient après, faites Carême-entrant le
vieux .
DE PAQUES
(45) Après ces denx lunaisons dont je vous ai dit les raisons, cher-
OOMPUT PROVENÇAL 167
Et vos queres Tautra premie[y]ra
Que trobares en sella tieyra.
D'aqui .xiiii. jorns compta(t)s,
50 Et sol qu'el compte non falhas,
Al premier dimenge après
Tostemps vostra Pasqua prenes.
Encaraus diray régla ferma,
Car vos arautas de care[rjma :
55 Apres Sant Benezech la festa,
Q'aissy o trobam en la gesta,
Comptas on sera quatorzena
La luna que non es pas plena;
Apres en lo premier dimenge
60 Aures Pascas per son dommenge.
DE ROSARONS
— Don prier, lo comptes es bons.
Ar mi digas de Rosarons
Trastot lo compte ses mentir,
Consy non y pot hom falhir.
65 — Prier, saber deves per ver
.XL. jorns deves aver
De Pascha tro a TAsencion ;
Et si entendes ben ma rason,
chez encore la première que vous trouverez en suivant. De là comptez
quatorze jours, (50) et, pourvu que vous ne vous trompiez pas dans
le compte, au premier dimanche après prenez toujours votre Pâque.
Je vous dirai encore une règle certaine, puisque vous. ... (?) de ca-
rême. (55) Après la fête de saint Benoit, qu*ainsi le trouvons -nous
dans la geste*, comptez où sera à son quatorzième jour la lune qui
n'est pas pleine ; au premier dimanche suivant (60) vous aurez le
propre jour de Pâques.
DES ROGATIONS
— Dom Prieur, le compte est bon. Maintenant dites-moi des Ro-
gations tout le compte sans mentir, comment on n'y peut faillir.
— (65) Prieur, vous devez savoir par vérité que vous devez avoir
quarante jours de Pâques jusqu'à l'Ascension ; et, si vous entendez bien
* C'est-à-dire, ici, le traité latin que suit notre auteur.
168 OOMPUT PROVENÇAL
Al ters jorn enans trobares
70 Rosasons, ja non y fal res.
DE PANTHECOSTA
Aquest comptes es vertadiers
Que .L. jorns tots entiers
A de Pasca tro Panthecosta ;
Bon saber 0 fay et pauc costa.
DELS AVENS
75 — Prior, ben aja la rasons.
Car bel[s] es lo comptes e bons,
Mays com trobarem los avçns
C'om fay dejunar a las gens ?
DELS mi. TEMPS DE DEJUNIS
— Primavera tro Sant Urban,
80 Estions tro San [Symp]horian,
Pueys tro la festa Sant Clemen,
An tot(s) fenit(s) lor complimen.
ma raison, au troisième jour avant vous trouverez (70) sans faute les
Rogations .
DE LA PENTECÔTE
Ce compte est exact que cinquante jours tout entiers il y a de Pâ-
(Jues jusqu'à la Penteëôte. C'est bon à savoir et coûte peu.
DES AVENTS
— (75) Prieur, bien venue soit l'explication, car le compte est bel
et bon. Mais comment trouverons-nous les Avents, où l'on fait jeûner
les gens?
DES QUATRE-TEMPS DE JEUNE
Le printemps jusqu'à Saint Urbain, (80) l'été jusqu'à St Sympho-
rien, puis [l'automne] jusqu'à St Clément, [et l'hiver jusqu'à la Chaire
de St Pierre] ont fini leur achèvement. Suivant ces quatre saisons,
COMPUT PROVENÇAL m
Segon aquestos temporals,
Fan .1111. temporas égals.
85 De caresma es la premiejra,
E compta se per tal manieira :
Lo dimecres après las Cendres
Et es ne lo sapte[s] el ven[d]res ;
Lo mecres après Pantecosta,
90 El venre(s) el sapte(s) i ajosta ;
La Exaltation qui querra
De la Gros, aquitrobara
Lo premier [dimjecres après ;
Lo vendre el sapts y metes.
95 Lo quart[z] après Sancta Lucia
Sus lo mecres se denuncia ;
El vendre[sl ®1 sapte[s] y sia.
Et si sus lo mecres legem
Las festas que dich vos avem,
100 Tro l'autre mecres en après
La vostra tempera prendes.
Del bissext vos vueilh aytan dir
En quai an deu esdevenir:
Quant rencarnation[s] es tais
105 Que se fan .iiu°. parts égals,
E mays ny mens non y aura,
Aquel an bissext correra
La 6' letra de febrier,
nous faisons quatre Quatre-Temps égaux. (85) Ceux de Carême sont
les premiers, et ils se comptent de cette façon : le mercredi après les
Cendres, et le samedi et le vendredi en sont aussi; — le mercredi
après la Pentecôte, (90) et ajoutez-y vendredi et samedi ; — qui cher-
chera l'Exaltation de la Croix, trouvera là le premier mercredi après;
mettez-y le vendredi et le samedi ; — (95) le mercredi après Sainte
Luce annonce les quatrièmes ; que le vendredi et le samedi y soient.
Et si sur le mercredi nous lisons les fêtes que nous avons dit [c'est-
à-dire si l'Exaltation de la Croioa ou la Sainte Luce tombent un
mercredi'], (100) au mercredi d'après prenez vos Quatre-Temps.
Du bissext je vous veux dire aussi en quelle année il doit arriver.
Quand [l'année de] l'Incarnation est telle (105) qu'il s'en fait quatre
parts égales et que ni plus ni moins il n'y aura, [c'est-à-dire sans
170 COMPUT PROVENÇAL
Que deves la fin se requier,
110 Car sus la Fe [esjdevenra
Bissext, aquel an que sera ;
E deu j hom .11. jorns estar
Sus la letra, per mielhz comptar,
L'an que bissext tenra son fieu ;
115 E car la festa Sant Mathieu
Sus en aquel F es pausada,
Lo segon jorn es celebrada.
Pero mejan non deu aver,
L'an que bissext se deu tener,
120 Entre la vigilia et la festa,
Aysso es vertat manifesta,
Se dimenge non 0 tolia,
Que fos en cella mejansia;
Car adonq Ip sapte sera
125 Vigilia que dejuni aura.
Bona es la régla ses falha.
— Don prior, de cest' esporalha
Mi respondes .1. pauc ses falha.
d'esposallas
Conjugium prohibet Adventus Hilarisque relaxât;
aucun reste], cette année-là, la sixième lettre de février qui se cher-
che [c'est-à-dire quil faut chercher, qui se trouve] vers la fin [du
mois], courra bissexte, (110) car c'est sur l'F que tombera le bissexte
l'année où il arrivera. Et l'on doit rester deux jours sur cette lettre
pour mieux compter, dans l'année où le bissexte tiendra son fief.
(115) Et comme la fête de saint Mathias est posée sur cette F, elle
est célébrée le second jour. Mais il ne doit y avoir aucun intervalle.
Tannée où le bissexte se doit tenir, (120) entre la vigile et la fête,
cela est vérité manifeste, à moins qu'un dimanche ne Pempêche, qui
soit entre les deux, car alors (125) la vigile qui aura le jeûne sera le
samedi. Bonne est la règle, sans faute.
— Dom Prieur, concernant les épousailles , répondez-moi un peu
sans faute.
DES ÉPOUSAILLES
— L'Avent interdit le mariage; St-Hilaire [ou [le jour] joyeux P]
COMPUT PROVENÇAL 171
130 LXX* vetat ; octava Pascha révélât ;
Rogamen vetat; concedit Trina Potestas.
DE INDICTIONE
Si per quindenos Domini diviseris annos,
His tribus adjunctis, indictio nota patebit.
Dum redit october indictio fit nova semper.
DE NUBiERO LUN^
135 Si vo[l]s de la luna saber
Cascun an son nombre per ver,
Compta la encarnation
Per XIX., a nombre bon ;
De (cascun) x[i]x. i. ne penres,
140 E a tôt .1. ajostares.
Aquo que per cert remanra
Nombre de la luna sera.
Tro .xix. il correra,
Et pueys a .i. s'en tornara.
Amen.
le permet; (130) la Septuagésime le défend; l'octave de Pâques le
permet; les Rogations le défendent; la Trinité l'autorise.
DE l'iNDICTION
Si tu divises par quinze les années du Seigneur, après y en avoir
ajouté trois, l'indiction te sera connue. C'est toujours au retour d'oc-
tobre que l'indiction se renouvelle.
DU NOMBRE DE LA LUNE
(135) Si tu veux savoir chaque année, exactement, le nombre de la
lune [c'est-à-dire Vannée du cycle lunaire], comi^te par 19 les années
de l'Incarnation; de chaque dix -neuf vous prendrez un, (140) et au
tout vous ajouterez un. Ce qui restera certainement (c'est-à-dire le
reste exact) sera le nombre de la lune. Jusqu'à dix-neuf elle courra,
et puis à un s'en retournera.
Amen.
172 COMPUT PROYEBNÇAL
NOTES
5. « ques eu. » Ms. que sen.
10. «ai. )>M. Bauquiera proposé de corriger li. Mais si peut rester,
étant une forme de l'article féminin sujet. 11 y a d'autres exemples' de
cette forme dans les textes de la Provence, entre autres Ste Agnès.
11. Le premier mot de ce vers est écrit dans le ms. en caractères
plus gros que le reste et rentré, ce qui explique que Thomas ait pris
le vers entier pour une rubrique et Tait imprimé, comme tel, en ca-
pitales .
12. Ms. jour — la sensions. — 14. « vech. » Thomas: veh. — 15.
Ms. Prêt. — 16. 11 y a un tilde, dans le ms., sur Vo deRoma. — \7.yeu
manque chez Thomas. — 19. Thomas : se.
20. u mi. » Ms .uii. * — 21 . Ms. la paricia.
22. Ms. Que. Peut-être faudrait-il aussi corriger /'lo en be, ou en-
core garder que et corriger lo compte. — 23. Ms. jours.
27. « clausa. » C'est le mot consacré. Voy, Du Gange sous alleluya.
Rappelons, au sujet de ce vers et du suivant, que Y Alleluya a été au
moyen âge personnifié. 11 a eu son office propre dans quelques églises,
où, non content de le laisser reposer, on l'ensevelissait même en ce-
* Thomas, qui conserve ces quatre i, est par là conduit à ajouter 14 jours à
]a nouvelle lune après l'Epiphanie, ce qui, ainsi qu'il le remarque lui-même,
donne des résultats qui ne concordent pas toujours avec la réalité. Mais la
faute en est simplement au copiste du ms. C'est 10 jours, ou 11 si l'année est
bissextile, qu'il faut, d'après les anciens computistes, ajouter à la nouvelle lune
qui suit l'Epiphanie; le premier dimanche-qui vient ensuite est la Septuagésime.
Durand (Hationale div. officiorum, lib. VIII, cap. xii, exprime cela un peu
différemment :
« Accipe lunam qiiaecurnque est in festo Epiphaniae et perfice iliam proce-
dendo per vices kaleudarii ordinate usque ad xl dies, et si fuerit bissextus,
usque ad xli, et in primo die dominico subsequenti erit initium lxx*. Unde
versus : •
A festo Stellœ numerando perfice lunam
Quadraginta dies ; post Septuagesima fiet.
Bissextus quando fuerit, superaddilur unus.
Si cadit in lucem Domini, tune surae sequentem.
Si cadit in feriam septenam, fitque bissextus,
Linque diena domini primum sumasque secundum. »
Notre auteur a omis cette dernière partie de la règle, qu'il était pourtant
essentiel d'exprimer.
COMPUT PROVENÇAL 173
rémonie. Voy. là-dessus les curieux détails rapportés dans Du Cange-
Henschel, d'après Lebœuf et d'autres. De même aujourd'hui encore,
les bonnes femmes de la campagne, en Périgord, personnifient la
Pentecôte, et disent sérieusement qu'elle laissa son jeûne pour aller
danser. Voilà comment se forment les mythologies.
28. Ms. L*entro. Corr. Trof Thomas: Lentre, — Ms. sans,
29. « loncs.)>Ms. lo cas,
31. Prononcez Septagesma ou corr. auras '^
32. Ms. yssalhires, Thomas a aussi corrigé y falh res, mais en fai-
sant un seul mot, qu'il traduit tromperez ^ de ces deux derniers.
33-34. Thomas a omis Et, — Corr. Septuagesma (Et, dans ce cas,
serait à conserver) et care[s]maf Sieyssanta-dezena^ est d'ailleurs un
substantif formé sur sieissanla-dez, comme seissantena surseissanta.
35. Ms. jours. — 38. Ms. attressi; Thomas: altressi,
40. Ms. enquaras ; Thomas : en quarts^ . Je ne corrige pas queres,
parce que l'emploi du subjonctif pour l'impératif, même sans néga-
tion, n'est pas rare. Avec la négation, c'est la règle même, comme on
sait.
42. « II. jorns. » Ms. x. jours, ce qui est impossible. 11 n'y a que
trois semaines entre la Septuagésime et la Quadragésime, et 10 jours
ajoutés à la nouvelle lune qui suit le premier de ces deux dimanches
nous donneraient un mois. Le ms. que transcrivait notre copiste avait
probablement, en toutes lettres, dos, que celui-ci aura lu des et ex-
primé dès lors, en chiffres romains, par x^. Thomas, qui conserve ce
* Thomas traduit ce mot par sixième dizaine^ et y voit la Sexagésime.
Aussi est-il obligé de prendre le dimenge du vers 35 pour le dimanche de la
Quadragésime, nouvelle erreur qu'excuse, il est vrai, Vintra du ms., tandis
que c'est celui de la Quinquagésime qui est ici désigné. Ce dimanche est, en
effet, depuis le IX« siècle, le vrai carême entrant, le jour qui ouvre le carême.
On l'appelait, en certains lieux, carnisprivium 7iovum, par opposition au
dimanche de la Quadragésime, qu'on nommait carxiisprivium vêtus {careman-
fran lo vielh, comme dit plus loin, v. 45, notre auteur lui-même). Voy. là-
dessus Du Cange-Henschel, II, 191-192, ou Natalis de Wailly, Éléments de
paléographie, 1, 117.
* Il traduit (vv. 40-42) : a Après cette première lune, que je vous ai dit à
son quatrième jour, première, la première que vous trouverez.» Comprenne qui
pourra !
'Cf. Philippe de Thaun, Comput, vv. 3379-85 (je cite d'après l'édition de
M. Mail) :
E or veez raisun
Quel terme nus tenum
De quaresme truver
Cum le devum guarder :
Qant la lune en sun curs
14
174 COBIPUT PROVENÇAL
X, remarque, ici comme au v. 20, que la règle n'est pas sûre, et il veut
que ce soit « la réforme du calendiier Julien qui ait dérangé les calculs
de notre poëte astronome. » La plus simple réflexion lui aurait fait re-
connaître que la réforme de Grégoire XIll n'est ici pour rien, et qu'il
était aussi impossible avant qu'après cette réfonne qu'une lune en-
tière s'écoulât entre le terme de la Septuagésime et celui de la Qua-
dragésime*. Il n'y fallait que 22 jours. Les jours gras doivent tomber
en nouvelle lune de février, comme Pâques en pleine lune de mars.
C'est ce qu'exprime le proverbe suivant, qui a cours en Périgord :
S'ei jamai vu dimar lardier
Sel primo luno de février.
44. Thomas : la vielh, qu'il traduit simplement là, Voy. la note 1 de
la page 173 ci-dessus.
45. Ms. estais. — 46. Thomas a aussi suppléé las.
48. Thomas : vella tieyra, qu'il traduit vieille terre! Le ms. porte
bien sella. Le sens est dans cette série, c'est-à-dire en suivant les
lunaisons une à une.
49. Ms. jours.
Ibid, Ce 14e jour de la lune (de mars) est ce qu'on appelle le terme
pascal, lequel a été fixé par le concile de Nicée. La même dénomi-
nation de terme (terminus) était aussi donnée (pour Pâques comme
pour les autres fêtes mobiles) à des dates fixes, et non plus variables,
comme celle-ci, à partir desquelles on comptait un certain nombre
de jours, déterminé d'avance pour chaque année, et portant le nom de
clef, afin de trouver le jour où tombait chacune de ces fêtes. Voy. Du
Cange, sous Claves terminorum, et Natalis de Wailly, Elém. de pa-
léogr., 1, 83. Notre auteur, qui emploie pourtant le mot (v. 9), ne
parle pas de ces clefs. — 53. Ms. Encaras vos. Thomas omet vos.
54. « vos. 9 Corr. nos (= nous = no vos) t arautas est sans doute
pour azautas. L'idée serait, en corrigeant nos, « puisque vous ne
Nen at mais de dous jurz
Puis les noues février.
C'est-à-dire que le terme de la Quadragésime est le deuxième jour de la
une qui est nouvelle après les nones (= le 5) de février. Philippe de Thaun
donne aussi la même règle que. notre auteur pour trouver le terme de la Sep-
tuagésime, mais sans oublier, comme lui, qu'il faut compter 11 au lieu de 10, à
partir de la nouvelle lune, dans les années bissextiles. Voyez ci-dessus, p. 172,
note i.
' On peut encore remarquer que la Quadragésime a toujours précédé Pâques
d'un nombre de jours fixe, soit 42 jours. Par conséquent, le terme de cette
fête ne saurait tomber 84 jours seulement avant celui de Pâques, qui est, comme
on le verra tout à l'heure, le 14® jour de la lune suivante.
COMPUT PROVENÇAL 175
vous accommodez pas du carême, qu'il vous tarde de le voir finir. »
Mais cela ne me satisfait guère. Le passage est peut-être corrompu.
Thomas a lu, contre l'évidence d'ailleurs, acautasj qu'il a traduit ap-
puyez-vous {du carême). On pourrait rattacher arautas à raptare (le
simple rautar est dans Hugues Faidit), en corrigeant Car en Can,
Mais cela donnerait, ce me semble, un sens encore moins satisfaisant
que la première correction. — Carerma pour caresma est une forme
qu'on retrouve ailleurs, par exemple dans Flamenca.
55. « S. Benezech la festa. » Cf. Paris la cité, etc. Voici comment
la règle donnée ici est énoncée par Durand (loc. cit.): « Ubicumque
post XII k. aprilis ( = 21 mars, fête de S. Benoît) luna xiiii re-
peritur, in dominica proxima pascha celebratur. » Il ajoute : « Item
qualiscumque luna fuerit in k. januarii talem fac eam in festo sancti
Benedicti sive xn k. aprilis et illam computes usque ad xxiiii et ibi
eiit Pascha Hebrseorum » (c'est-à-dire le terme pascal des Chré-
tiens ).
56. Ms. troban. — « gesta. » Sic Ms. Thomas : vesta (qu'il traduit
par veste!), faute corrigée par M. Banquier. ♦
57. Ms. quatorzene.
60. Dommenge, que Thomas rend à tort par dimanche, comme le
dimenge qui précède, n'a d'autre sens que celui de propre, propriété.
L'expression entière per son dommenge serait ici bien traduite par
proprement, précisément, ou encore exactement Mais l'idée serait
mieux rendue si l'on corrigeait:
En après lo premier dimenge
Aura Pascas per son dommenge.
64. Thomas : cousy. — 66. Ms. jours. — 67. Ms. la sencion.
68. Suppr. Et ou hen ? —69. Ms.^owr.
ll.M.^. Aquestes compts. (On avait d'abord écrit comptes). ^^72.
Ms. jours. — -74. Ma.paut.
75. Thomas traduit: « D'abord comprenez bien la raison. » Le sens
est: Bien venue soit V exposition, Vexplication, plus généralement,
ce que vous venez de me dire, votre raison, au sens ancien du mot.
C'est une façon de se déclarer satisfait et de remercier.
78. Ms. àevinar. Thomas : fan devinar a la gens» Mais le ms .
porte bien fay et las. Il y a évidemment une lacune après ce vers * .
* Thomas, qui n'a pas reconnu la lacune et qui prend estius (été) pour saint
Etienne, traduit (v. 76-82): « car bel est le compte et bon, de la manière encore
dont nous trouverons les Avents, comme on fait deviner aux gens(!). D'abord
vers la Saint-Urbain, Estève, et vers la Saint-Horian, puis vers la fête Saint-
Clément tout à fait finit leur complément. » Après quoi, il fait en note dos
efforts nécessairement très-vains pour trouver quelque coïncidence enf:" Ii^s
quatre dimanches de l'Avent et les fêtes de ces quatre saints.
176 COMPUT PROVENÇAL
Il nous manque : 1° la réponse du Prior de la luna à la question
concernant l'A vent; 2° la question du Prior del monstier relative
aux Quatre-Temps et peut-être le commencement de la réponse. Le
titre de nu. temps de dejunis est placé dans le ms. entre les vers
83 et 84. Thomas, qui imprime (en supprimant le second de): de .iiii.
temps devins (le m%. a. deuines), et qui traduit 6^65 Quatre-Temps
divins, met ce titre après le vers 82.
79. Ms. Prima vero. — 80. Ms. sans. 11 y a certainement une nou-
velle lacune à la suite de ce vers ou plutôt du suivant. Cf. ceux-ci,
cités par Durand (Rationale div. offic, lib.wm^ cap. m):
Festum Clementis hyems caput est orientis.
Cedit hyems rétro, cathedrato Simone Petro.
Ver fugat Urbanus ; aestatem Symphorianus.
Id tibi quod restai autumni tempera praestat.
83. temporal = a3Àaon.\ iemj? or a (aujourd'hui tempouro) = Quatre-
Temps. Thomas :« Suivent ces époques (des Quatre-Temps): elles font
quatre époques nouvelles. »
84. Fan doit être ici pour fam. — 86. Corr. comptan (oxi compton)'}
— Ms. manieire,
88. « el venres. » Thomas a lu à tort et. Même faute aux vers 90
(2 fois), 94 et 97.
89. Ms. mettresj et de même aux ms. 93 et 100; au v. 98, seule-
ment mètres . Thomas a rétabli partout la bonne forme
90. Ms. si ajusta. J'y vois un impératif.
91. Ms. Ly. Le substantif n'étant pas sujet, il a fallu de toute ri-
gueur corriger la.
94. Thomas: mètres. Le ms. porte bien metes et aussi prendes,
V. 101, au lieu àeprendres, que donne Thomas. — 95-97. Trois rimes
en ia de suite. Peut-être manque-t-il un vers.
98-99. Thomas: legens, avens.
100. «Tro.» Corr. En?
101. Ms. vestra.
102. Thomas place ici une rubrique, del bissext, qui n'est pas dans
le ms.
105. (( Que. )) Ms. Et. Cf. ce distique rapporté par Durand (loc, cit.):
Anni divisi Domini per quatuor œque
Monstrant bissextum qua ratione scias.
107. Thomas: carrera. Même faute au v. 143. Construisez ici; La
sexta l. de f. que deves la fin se r. correra hissext aquel an.
108. Ms. 6«. — 109. Thomas : devers. Il y a bien deves dans le ms.
110. Ms, Car sus la fe. devenra. Thomas : Car sus la que en de-
COMPUT PROVBNÇAlL 177
venra, ce qu'il traduit: car sur celle qui arrivera. Fe est le nom
même de la lettre F. Cf.v. 116. Peut-être vaudrait-il mieux corriger
sus la F els]devenra.
112. Ms. jours. — On sait que le bissexte s'intercale, dans le ca-
lendrier ecclésiastique, entre le 23 et le 24 février des années com-
munes. Or le 24 février {sexto kalendas Martias), jour de la fête de
St Mathias (et non Mathieu, cpmme dit notre texte), a F pour lettre
dominicale. (C'est la dernière F de février, ainsi que notre auteur l'in-
dique d'une façon peu claire au v. 109). De là l'obligation de faire
servir cette F deux jours de suite, savoir le 24 et le 25 février, le
24 devenant le bissexte et le 25 le sexte.
116. ^s manque chez Thomas.
117. Ms. ^'owr. — Cf. Ces deux vers latins, rapportés par Durand
(lac. cit.):
Bissextum sextœ martis tenuere Calendœ.
Posteriore die eelebrantur festa Mathiœ.
120. Ms. entra. La vigile de St Mathias, dans les années bissex-
tiles, a lieu le 24 février, à moins que ce jour ne soit un dimanche,
auquel cas elle reste au 23 février.
125. « dejuni. )> Ms. devinj. Thomas : devinq^ qu'il traduit par bis-
sexte.
126. Lacune après ce vers? Peut-être a-t-il été interpolé.
127. « Cest' esporalha. » J'ai déjà dit (ci-dessus p. 162) qu'il faut
probablement entendre ces deux mots comme s'il y avait cert' espo-
salha. Peut-être cependant, dans l'hypothèse d'une lacune, pourrait-
on laisser à cerV le sens de ista^.
128. Ms. paw^
129-134. Ces formules latines ont peut-être été insérées ici par le
copiste du ms. d'où dérive le nôtre, pour combler une lacune de celui
qu'il transcrivait. Je ne sais d'où la première a été tirée. J'ignore aussi
à qui la seconde a été empruntée ; mais Du Cange la cite au mot
indictio, sans indication d'auteur. Le dernier vers, seulement, diffère
chez lui complètement, pour le fond comme pour la forme, de ce qu'il
est ici.
129. Ms. conjugum. — « [HJilaris. » Corr. Hilariusf Ce serait la
Saint-Hilaire, fête qui tombe le 14 janvier, lendemain de l'octave de
l'Epiphanie. Peut-être faut-il garder hilaris, en sous-en tendant dies,
et l'entendre de l'Epiphanie elle-même, qui est le jour où cesse au-
jourd'hui la prohibition. Mais je ne trouve pas que cette fête ait jamais
* Traduction de Thomas: « dont d'abord de cette épreuve vous me rcpoa
(Irez un peu si elle est fausse. »
178 COMPUT PROVENÇAL
été désignée de la sorte.— Cette ligne en forme deux dans le ms., la
première finissant à adventus.
130. Thomas: xl. Il y a bien lxx» dans le ms., ce qui est conforme
à Fusage ancien de l'Eglise .
131. Cette ligne en forme deux dans le ms.; la seconde commence
à concedit,
132. Ms. dimiseriSy leçon conservée par Thomas, qui traduit pour-
tant divisez. — 133. Ms. Mis in dicto nona patebunt, Thomas
corrige ici, comme moi, his indictio patebit, mais il conserve
nona. Au lieu de nota, par quoi jfe remplace ce dernier mot, on pour-
rait proposer ver a, qai n'en serait pas graphiquement beaucoup plus
éloigné et qui conviendrait peut-être mieux pour le sens. Il y a certa
dans Du Cange (loc. cit.): '
Si per quindenos Domini diviseris auDOs,
His tribus adjunctis, indictio cefta patebit.
Si nihil excedit, quindena indictio currit
134. Ms. Dumreddit octabas in dicto nono fit semper; dont Tho-
mas, sans le dire, a fait I>um redit octavus indictio nona fit usque^.
Notre cort-ection se fonde sur ce que, d'après les anciens compu-
tistos, l'indiction pouvait commencer en effet au retour d'octobre
(exactement le 8 des calendes d'octobre 2). Voy. Du Cange, loc. cit.
(III, 811, col. 1 et 2).
135. « vo[l]s. » Thomas : ves. J'aurais pu à la rigueur garder vos,
car il y a d'autres exemples dans les^nciens textes de la réduction
à 5 du groupe final Is.
137. C'est-à-dire : compte par groupes de 19 les années écoulées
depuis l'Incarnation de J.-C.
* Il traduit (je reprends au v. 132): « Si vous divisez par quinze les années
du Seigneur, après y avoir ajouté trois, vous aurez neuf pour l'indiction pro-
chaine. Lorsque la huitième année de l'indiction revient, la neuvième doit la
suivre toujours. »(!)Et il met en note :« Voilà qui démontre évidemment que ce
comput a été écrit en 1280. En effet, ces trois vers hexamètres, baroques, sur
l'indiction, montrent toutefois clairement qu'ils n'ont pu être composés que
pendant cette année-là. On sait que, pour trouver l'année de l'indiction ro-
maine, il faut ajouter 3 à l'année julienne, et diviser le total par 15; le reste de
la division donne le chiffre de l'indiction. Or en divisant 1280 -\- 3 par 15, il
reste 8, et, par conséquent, 9 pour l'indiction de l'année suivante 1281, comme
l'indique assez naïvement notre auteur. » Le lecteur jugera quel est le pluS
naïf, de notre computiste ou de son commentateur.
2 On l'appelait dans ce cas impériale ou constantinienne, ou encore césa-
rienne, pour la distinguer de l'indiction romaine, qui commençait le 1er janvier.
L'indiction impériale était la plus commune en France. Voy. Du Cange et Nat.
de Wailly (op. cit.)
COMPUT PROVENÇAL 179
139.*(' De detz e nou un ne penres, » c'est-à-dire vous diviserez
par 19. Thomas: XX j , qu'il traduit par vingt jours^.
140.«atot», c'est-à-dire au reste, ou bien au quantième de l'an-
née, avant l'opération. Cf. le distique suivant, cité dans le Rationale
de Durand, qui éclaircit notre texte et justifie notre correction. C'est,
du reste, une règle que donnent tous les computistes :
Annis adde monos 2 Domini ; partira per unde
Viginti ; lun© cyclis et inde patet.
* « De chacun vingt jours vous prendrez. » Voici comment Thomas explique
ce vers, ainsi traduit par lui : il expose d'abord de façon très-claire la règle
donnée communément pour trouver le nombre d'or ou l'année du cycle lunaire,
et qui est celle même de notre auteur, entendu comme je l'entends, puis i
ajoute .'«Mais l'auteur du comput s'y prend un peu différemmeut pour arriver au
même résultat. Voici sa méthode: de 1280, qu'il compte depuis l'Iacarnation,
il retranche 380 jours, , soit 20 jours sur chaque année des 19 qui composent
le cycle lunaire: il a donc 1280 — 380 = 900, auxquels il ajoute 1 ; il divise
901 par 19, et il a, comme précédemment, 8 pour reste. » Voilà une méthode
dont les computistes de profession ne se seraient certainement pas doutés !
Qui ne voit que c'est là une complication inutile, sans parler de cette confusion
invraisemblable de nombres de jours et de nombres d'années? Puisque 380,
comme tout autre multiple de 19, est exactement divisible par ce dernier nom-
bre, si on retranche 380 de l'année du Christ sur laquelle on opère, la division
par 19 donnera évidemment le même reste après qu'avant la soustraction. Il
n'y aura que le quotient de changé.
^ Monos =: unum. Voyez ce mot dans Du Gange. Il était considéré comme
invariable.
Dialectes Modernes
POESIES LANGUEDOCIENNES
DE LÉON ROUVIÈRE
VÉnéide a eu la bonne, ou plutôt la mauvaise fortune, d'être tra-
vestie en langue d'oc par un assez grand nombre de poëtes. Valès de
Mountech, Bergoing, d'Estagniol, l'abbé Favre, Jourdan, se sont appro-
priés différentes parties du poëme de Virgile, et leurs essais mérite-
raient peut-être mieux que l'étude insérée par M. G. Brunet dans la
Revue du Midi^,
Le travestissement du premier chant de VÉnéide que nous pu-
blions aujourd'hui provient de la bibliothèque de Pierquin de Gem-
bloux, qui, à l'époque où il recueillait des documents pour son Histoire
liùtéraire,philologique et bibliographique des patois {1S41 ,2^ édition,
1858 2), en avait sans doute obtenu une copie de son auteur. Il est dû
à Léon Rouvière, né à Montpellier, le 2 novembre 1810, mort dans la
même ville, le 3 octobre 1848, après y avoir fondé et dirigé pendant
plusieurs années le journal V Indépendant^,
Rouvière était le beau-frère d'Eugène ViatUès, à qui l'on doit aussi
* Revue du Midi; Montpellier, Gras, 1844, in-8o (no du 25 avril 1844).
La date de cette étude indique qu'il n'y est pas questioD de Jourdan.
M. Charles Cavallier possède une traduction inédite en vers languedociens
du premier chant de Y Enéide, laquelle provient de la bibliothèque de feu
M. Bory, de Marseille. Elle appartient au XYlIIe siècle (1740-1750). Nous es-
pérons qu'il en fera bientôt profiter les romanistes.
* II est bon de prévenir le lecteur que" le tirage de 1858 est purement fictif
et ne représente qu'une spéculation de librairie. Aubry devint Tacquéreur de
l'ouvrage de P. de G., et, pour mieux en écouler les exemplaires, il fit imprimer
un titre avec la mention: Deuxième édition.
^ Avant de devenir tri-hebdomadaire, VIndépendant parut d'abord tous les
mois dans le format in-8o. Voyez, dans le numéro du 5 octobre 1848, un article
nécrologique sur Léon Rouvière, avec quelques extraits des paroles prononcées
sur sa tombe par MM. Bouchet-Doumenq et Lafon. Celui du 5 octobre de l'an-
née suivante contient, en outre, un second travail nécrologique où le rôle po-
itique de notre poète est presque exclusivement mis en lumière.
POÉSIES DE ROUVIÉRE 181
des vers montpelliérains réunis sous le titre de las Récréatiouns d'un
Ca^^atre; Montpellier, Ricard, 1870; in-8**, iv-115pag.
L'orthographe de Rouvière n'est ni meilleure, ni plus défectueuse
que celle de ses contemporains. Elle procède de l'abbé de Sauvages,
en ce qui touche les gh = gue^ neghe, finighe, passighe, = negue^ fi-
nigue, passigue; mais les vers de l'auteur ont presque toujours de la
verve et de la facilité. En dépit de quelques passages où le burlesque
s'aventure jusqu'aux environs de la licence, les philologues trouveront
dans la traduction du premier chant de VÉnéide l'exacte représen-
tation du sous-dialecte montpelliérain, tel qu'on le parlait de 1830 à
1840. Beaucoup d'expressions et de verbes qui ont disparu ou qui sont
sur le point de disparaître sont fort heureusement enchâssés dans ses
vers. Rouvière est peut-être le dernier des Montpelliérains à employer
certains archaïsmes qui remontent en droite ligne à la langue du moyen
âge, la Papa, pour lou Papa, notamment*:
Q'a foundat la bel' anticaia
Ounté la Pap' a soun oustaou.
On ne connaît aucun ouvrage imprimé de Rouvière, si ce n'est une
thèse latine pour la licence. Les articles qu'il donnait à VIndépendant
ne sont même pas signés de ses initiales. En imitant le début du
Siégé de Cadaroussa, de l'abbé Favre, il fait cependant allusion à
des couplets politiques répandus dans le public antérieurement à la
traduction de VÉnéide :
Yeou qe, d'una boues patriota,
Ai ^lat una cansounota
Q'a fach bisca maï d'un pelaou
E q'a prés sega couma faou (v. 1-4).
Mais nous ne croyons pas qu'ils aient été imprimés. M"® veuve
Eugène Vianès, sœur de notre poëte, a bien voulu, par l'intermédiaire
de M. Roque- Ferrier, nous faire connaître qu'ils furent composés à la
suite des journées de juillet 1830, et que leur succès fut très-grand
dans une partie de la population montpelliéraine.
Léon Rouvière n'avait pas exclusivement consacré son activité lit-
téraire à la direction et à la rédaction de VIndépendant. Passionné
pour la numismatique, l'histoire naturelle et les recherches locales,
il avait réservé une part relativement large de son journal à l'élément
languedocien. Il y accueillit assez souvent des pièces montpellié-
raines d'Eugène Vianès et de quelques autres, des vers lodévois de
Peyrottes, de Clermont-l'Hérault, et des articles de littérature méri-
dionale qui, aujourd'hui encore, pourraient être lus avec intérêt. Sa
< Voyez Chabaneau, Grammaire limousine^ p. 134, note.
182 P0BSIE8 DB ROUVIÈRE
famille conserve un Dictionnaire de Fabbé de Sauvages, augmenté de
trois pages de proverbes languedociens et nimois*, ainsi qu'une copie
du poëme de Fierabras, transcrite de sa main sur l'édition allemande
d'Emmanuel Bekker. Les notes de celle-ci ont été traduites en français
à la suite du poëme.
La Bibliothèque de la ville de Montpellier possède enfin de Rouvière
deux chansons manuscrites, qui faisaient partie du fonds du docteur
Fages : lou Poutou^ musique d'Adolphe Boulabert, et la Couquéta
d'aou vilagCy musique de Joseph Jean. Ces chansons sont très-proba-
blement inédites, et, à ce titre, nous avons cru devoir les faire figurer
à la suite du premier chant de V Enéide.
La copie de celle-ci est d'une écriture assez difficile. Certains mots
sont même illisibles. Quelques-uns ont été oubliés, et nous avons in-
troduit dans le texte leurs équivalents probables, en les plaçant entre
crochets (vers 312, 352, 547). Les leçons rejetées ont été données au
bas de la page. On remarquera (749-750) des rimes inexactes ou, pour
mieux dire, assonnancées et (937-928) l'omission de deux vers *.
C. DE Vallat.
» M. Félix Vianès, neveu de Léon Rouvière, nous a permis de les joindre à
la présente publication.
2 Nous serions bien ingrat si nous ne disions pas que c'est à l'obligeance
de M. Roque-Ferrier que sont dues les informations que nous venons de ré-
sumer ; notre excellent confrère a bien voulu les recueillir pour nous, alors
qu'un deuil de famille nous empêchait de le faire : qu'il nous permette de r*în
remercier publiquement.
POÂBIBB DB ROUVIÉRB 1^
L'ENÉIDE
CHANT PREMIER
Yeou qe, d'una boues patriota,
Aï gulat una cansounota
Q'a fach bisca mai d'un pelaou,
E q'a près sega couma faou ,
5 Un prumiè succès m'incouracha,
Me crésé pas una ganacha,
E bole, d'un cop de rasclaou,
Ganta qicon pu couma caou ;
Bolé bous counta las batestas,
10 Lous petassaous e las tampestas,
Quefaghet endura Chimoun
En d'aqel moussu de renoun,
Lou prumié bengut de TAzia
Per barca, chusq'en Italia.
15 Aqel paour'el, saïq'ou sabés,
Finighet pas de plour'aou brés,
Car se pot pas lous desahisses,
Lous laghis, lous rebaladisses,
Q'achet aqel brabe garsou,
20 Per basti pas q'un bilachou
D'ounté nasqet la cassibraia
Q'a foundat la bel' anticaia
Ounté la Pap'a soun oustaou.
Musa, béni me dir'unpaou,
25 Tus qe passes per un oubrieïra
Ben lengud'e prou patoufieira,
Perqé la fenna daou bon Diou
Prenghet lacaousatan aou biou,
Qe faghet fair'un michan biache
30 Emb'un home q'era tan sache.
Councebe pas coussi se pot
184 POAsifiS DE ROUVIQRB
Estre tan michan e debot.
A soixanta legas de posta
D'Alché, i abié, Ion de la costa,
35 Una bila qe i*es pa pus ;
Aisso surprendra pas degus,
Atendut que Tan demoulida.
Lous|massous]que Fabien bastida,
De Tyr s' T erou trigoussas ;
40 Chunoun ne fasiè for gran cas ;
Se dis qe V abiè sa remisa,
Qe ié chanchaba de camisa ;
Que, s'abiè pougut gouberna,
La terra aqi bendriè bouca.
45 Mes, per beïre las caouzas ne tas,
Lous dious se passou de lunetas.
Aoussi besiè d'estanciurs
Qe benien daou peïs das Turs ;
D'élés s'enchendrab'una clica
50 Qe ficab' un lec à F Africa :
Chuchas couma debiè bisca.
D'aïurs, pouiè pas oublida
Q'as Trouions abiè, din sa bida,
Baïlat mai d'una despruzida.
55 Pioi se soubeniè lous mespris
D'aqel beligas de Paris,
Qe faghet pa cas de soun mourre :
Se rapelaba qe lou pourre,
Per faïV embriaiga sounmarit,
60 Er'entre las mans d'un manit
Qe, pu salop q'una bagassa,
Aouiôch mai d'un cop pren* sa plassa.
De fés qe ia n'e.i caou pas tan
Per bous fa fa di michan san.
65 Aoussi se grazia lou feche
E lou diable la petounecha ;
Poudés me dire lou trabal
* Le ms. semble donner pen, qui ne fourait aucun sens. Nous substituons
prerij que la forme incertaine du p peut autoriser.
f
POBSIBS DE ROUVIÉRB 1^5
Qant, en regarden aiss' abal,
Bous bei, procha de la Sicilla,
70 La flota das Trouiens tranqilla,
Qe caminaba brabamen,
Per cuous butada d'un bon ben.
Bit' atala sa cariola
E bous galop' enco d'Eola ,
75 Lou diou de las néblas, das béns,
Das nibous e daou michan tens.
Âqeste diou a soun rouiaoume
Au un foun d'una granda baouma,
Ounte de segu rounca pas ;
80 Car qiat dessus un laouzas,
Ten en respec embe sa cana
Lou machistraou, la tremountana,
Lou cers, l'albichouès, lou marin,
L'aghialas, lou grec, lou garbin,
85 E caou sap can d'autres buffaïres
Qe siblou mai que de crestaïres.
S'era pas aqel machuraou,
Segu i' aouriè de trabal baou :
Homes, bestiaous, aoubres, muraias,
90 Boulestrarian couma de paias ;
Lous bens, lou sen clame daou chour,
De la baouma fan tout lou tour.
Per maou fair'^ aqela guzaïa,
Cerca lou traou de la saraïa ;
95 Mes n' la mai d'un q'es atrapat.
Car es barrât aou cadenat.
Aqui la deessa macada
Arribet touta desratada
E san cadaoula ié dintret.
100 Dirai pa coussi s'enzenghet ;
Marou, q'aourié pougut ou faire.
Passa lis sus aqel affaire.
Cbunoun se mesâsaba pa.
Bêche aqi q'entre ié dintra,
105 Achet las raoubas su la testa,
E, per tan qe seghesse lesta
185 POESIES DE ROtTYlâKD
Per las baissa, touchour moustret
Beoucop mai q' ela noun boughet.
Lou diou Te dis : Perdoun, escuza.
110 Mes aco n'era pa que ruza;
Car aou foun n'era pafachat
Daou poulit cuou q'aviè ghinchat.
La deessa, prou bergougnousa
( Sa camis' ara un paou moustousa),
115 Respon : « S'achis de qicon mai :
Ta un bardot qe me desplaï,.
Q' en sous souldas, en Italia,
Baï establi sa coulounia.
Moustran, qe s'en parle pa pus ;
120 Desbarassa-me d'aqel gus,
En me ié manden un ourache
Qe bous lous assip'aou passache,
Lous néghe toutes, tan qe soun,
En coulan sous baisseous aou foun.
125 Ai set nimphas per mas chambrieiras ;
Soun saiq'un paouqet garsounieiras ;
Mes en daco, san flatariè,
Mai d'un s'en acoutentariè.
La pu poulida, Deïopa,
130 Es de toutas la men salopa :
Se tan soulamen la bésias,
Segu bon n'engaouchïarias.
Sous iols, d'un blu q'un paou grizecha,
Soun tan couqis qe fan embecha;
135 Son nas menut, prin, es ben fach.
A una pel coulou de lach.
Flourada coum' una cedieïra ;
Sa bouca es touchour risouieira ;
Sous tetinés blans, rouns et dus,
140 Tenoun pas dechout sous fichus.
Poutounecharias sas manetas
Donssas, pallotas e douietas.
A de peousses fins à manas,
Deboutels qe sembloun tournas,
145 De penés pire que las fadas
POésiES DR ROUVIÉRB 18t
E dos ancas repouteladas.
Maougré q'ache tan de beoutas,
Es caôda de calitas :
Sap faire la soup'aôu froumache ;
150 Petassa ten ben un mainache ;
Fai lous enfans en perfection.
Bref, poudés pa trouba mïou.
Eh bé ! bous la don'en mariache,
Se mé boules fa moun ouvrache. />
155 En l'aouzighen, lou beligas,
Se sentighet un ratigas ;
Penset crida : « Batlas-la bite. »
Mais se reprenghet tout de suite
E dighet : « Madama Chunoun,
160 Segu, n'era pas de besoun
D'un a manida tan frianda
Per oubteni bostra demanda ;
Me fasés prou d'ounestetas :
De fes qe i ' a me coubidas ;
165 M'abés fach abedre ma plassa
E se pot dire qu'es patrassa.
Se bous m'abias pa proutechat,
Saiqe sarieï destituât.
S'acos era, pourieï, pecaïré !
170 Drech à Tespitaou m'ana chaire ;
Aoussi, boutas, qe qe boughés,
Bous ou farai, mai qe badés. »
Aqui dessus, à la mountagna,
Fic'un cop en dighén : « Caoucagna ! »
175 Sabe pa coussi s'enchounget,
Mes tant ia qe la traouqet,
Mêm'i faghetuna brab'ascla.
Entre beire aqela fendascla,
Couma de parros afamas,
180 Can ié doubrissèslou clédas,
Lous bens bous prenou Tescourrida,
En se toustan à la sourtida.
Se pourrie chamaï calcula
Lous capels que bous, fan boula,
188 P0B8IBS DB ROUYIÉRB
185 Las chiminieiras rebaladas,
Las bitras oubertas, coupadas,
Lous coutiouns reboulumas
E toutes lous iols embourgnas ;
Anfin tout Fourrible rabâche
190 Qe fagheroun sus soun passaché.
Tron, grella, eliaous, tout se ie met;
Ploou decha gros couma lou det,
Faï nègre nioch, et las oundadas
Montou tan naou qe las Arcadas.
195 ^neas, de la poou q'aghet,
Per ara s'estrementighet ;
E bechen qe n'ia pa per rire,
Tout en souscan se met à dire :
« Boou cen fés maï estre crebas
200 Qe d'estre ansin assegutas.
Santapa ! couma boudriei ara
Estre restât à la bagara.
Achille, qu'où sabié tan fa,
Aourié bé dégut me mata I »
205 Tout emb'un cop la tremountana
Bous ie samboutis sa tartana.
L'aiga rechiscla daou pertout.
Tantôt dessus, tantôt dechout.
Lou baisseou toca lous nuaches,
210 Pioï haï beire lous couqiages.
D'un aoutre constat, lou garbin
E soun cousi calamandrin
S'endarairou pa per maou faire :
Bous bufou coum'un troumpetaïre.
215 Chitou très baisseous sus de ros
Ounte s'en fai milanta flos .
Au beou mitan de latampesta,
La barca d'aqel paour' Aresta *
Achet aoussi soun ce qe caou.'
220 Coum'un foulas, lou machistraou
* Est-ce une transformation, commandée par la rime, du nom d'Alethes,
grandœvus Alethes?
P0BSIE8 DE ROUVIÉRE 189
Ben, e ie mand' una alenada
Sus sa poupa destrantaiada;
De la tintaina lou sambroun
Faghet resqilla lou patroun,
225 Qe d'amoun cabusset de. testa !
Ah ! poudés me dire la festa
Can lou baisseou, tout fendasclat,
De degus seghet pas menât.
Se tousta, per la tramountana,
230 Se doubris coum'una miougrana;
Poumpa Taiga de tout coustat,
Coum' un souiè descourdurat ;
Mai qu'un bourdet bira, rebira,
S'enfouza. . . Adioussias ! caou lou tira?
235 Chacun emballet per sa par
Mai d'un piphet d'aiga de mar.
De ion en ion, besias, pécaïré,
Ben penecà caouqé nadaïré.
L'un, q'era pa 'stat tan talos,
240 S*er' espatat sus una pos
E se n'en serbissié per bioure,
Coum' un apendris fai d'un cioure ;
Un aoutre, din lou negafol,
Per pas estre manchat daou chol,
245 Tan qe poudié se tremoussaba;
Mes de gaira noun abansaba.
Pourtan, aou fin foun de la mar,
Neptuna, qe fasiè de lar,
Aousis l'aiga qe grumechaba
250 E la tampesta qe bufaba :
Défera Taiga mes lou nas ;
Mes l'abié sourtit tout escas
Q'un'aoura fol'à rebaleta
Bous i escamota sa casqeta.
255 Lou diou, qu'achet paou d'un raoumas,
Reiieghet com'un tarnagas,
E dighet en biran la garra :
« Tron d'un goi d'aqela bagarra!
Quintes soun lous poulissounos
15
190 POESIES DE ROUVIERB
260 Qe fan aqeste terigos?
Aï Chupiter me patafiola I
Crese q'aco's lous bens d'Eola.
Te ïe fou. . . ! mes aï pas lou tén.
Baou maï calma lou tramblamen,
265 E pioï acouti ma couifura :
Aprocha-te, granda boulura,
(Aqel perpaou er'adressat
Aou ben qe Tavié descouifat),
Dig'à tous amis un paou bite
270 D'arma lou galop tout de suite.
Anas-bou'n dir'à bostre diou
Qe ce q'es mioune n'es pas siou.
Se boou, dedin sa permenada,
Poudès benta touta Tannada:
275 Aissi boulen pa prene maou.
Q'adounbous tengh'a soun oustaou. «
En barchan d'aqeia maniera,
Neptun'abié Ter en coulera;
Aoussi chaca ben s'esfraiet,
280 Tenghet Talé tan qe poughet
E s'ensaoubet din sa remisa,
En roundinan de michantisa.
Ansinda, san saoupré perqé,
Can lous counpagnouns daou debé
285 Se mordou, se tustou, s'anglandou,
Embe ce que podou se mandou,
E, per se tira de detchout,
La furou faï arma de tout.
Mes s' una bona remassada
290 Tomba dessus la moulounada,
Chacun que bouïé s'assuca
S'ensaouba per pa se bagna;
Antaou lous bens s'encourigherou,
Amaï segu ben qe fagherou.
295 Entremen qe s'era parlât,
La casqet' abiè caminat,
E decha prou ion se troubaba
Dounte soun mestre la cercaba.
POESIES DE ROUVIERB 101
A la fia, laiat d'ana 'n peou,
300 Lou diou s'aprouchet d'un baisseou
E dighet d'una boues mouqeta :
«Aourias pa bis una casqeta? »
— « Nani, ié respon Famiral,
Amaï dinc aqeste rambal,
305 Tamben se pot estre perduda....
E bous caou ana testa nuda,
A men qe me faghés Founou
De prene un bounet de coutou ;
Embé gran plesi bous Toufrisse
310 E bous sera d'un gran serbisse;
Se lou cargas, farias pa maou,
Qe bous tendrié beoucop [pu] caou. »
Un' attentioun tan paou coumuna
Estoumaqet lou diou Neptuna.
315 Lous qe su mar besiè trépa
Per aqi lou gastabou pa.
Aoussi boughet pas estre en resta
E, can achet bounet en testa,
, Respoundet: «En bous remercian;
320 Caou qe bous don' un cop de man. »
Dis e ié fiq'una cridada
D'una boues q' era pa gamada.
De suita un moulou de tritouns,
D'escambarlous dessus de touns,
325 Qe courrissièn couma de lèbres,
Bengherou tout faghen ténèbres,
Enbe de cournés à bouqin:
« Anen, ce dis lou diou marin,
Carechas-me d'un' escourida
330 Aqesta flotta deglezida.
Couma besés, i en caou pa tan,
Ansinda la menarés plan. »
Lous tritouns, pa pu leou l'entendre,
S'atalerou sans pus atendre,
335 E lous baïsseous miech engrunas
Ban couma s'erou pa toucas.
Lou diou mem' embe sa maneta
19^ POÉSIES DB ROUVIÉRB
Pire qe Sansoun raherméta(?),
Ne sousten su Taiga un parel,
340 Q'aourien begut un gloup sans el,
Pourtan la flota ansin butada,
Aou bor seghet bite arribada .
Chacun sourtis de soun baisseou
En cridan : o Era pas trop léou ! »
345 E, salas couma una coudena,
S'espatou miech morts sus Tarena.
S'atroubabou dedins un graou
An ounte tout se tenié siaou .
L'aiga, qe i era pa bentada,
350 lé dourmissié touta Tannada.
Dous ros, naous qe be talamén,
le serbissié[n] de paraben.
r abié, sus aqeles roucasses,
Un bos roumplit de courpatassés*;
355 Embas nMa un q'èra traoucat,
En dedin era tapissât
De tan, d'eoure, de coucoumelas,
De capilleri, d'agradelas,
Qe Ton besié pa las parés.
360 Un pichotet riou, linde e frés,
' Sourtissié d'entre de peiretas
De croissons, de margaridetas ;
Las trinqieiras, lous courdouniès,
léfasien sas crebas en pès.
365 Aou fin foun d'aqel ermitache,
S' era fatch un seti d'erbache ;
Enfin ér'un fort brave endretch
Per frecanta, caii faï pa frech.
Aoussi, sans estre débignaïre,
370 Se besiè, sans debanagaïré,
Aou seti q'era tout caouôat,
Qe las nimphas i abien trépat.
Seghet aïlai q'aqest'Acate
* Coupalassés, dans le manuscrit : mot qui ne présente aucun sens accep-
table.
POBSIBS DE ROUVIE 193
Se sounchet de fa lou recate.
375 De soun gourdou tir'un briqet ,
Se pica très cop su lou det ;
Mes, coumaqicoD, tanié manda
Qé, ma foué ! soun esca s'embranda.
Bité acampet de tout constat
380 De ramia, de bruc secat,
E per preneuna estourouïada,
Faghet una granda brazada.
Alors chacun benghet seca
Lou pan q'abien poughut saouba,
385 De lar tout trempe de saoumura,
De blat rounplit de mousidura ;
Pioï, faoutade moulis à ben,
Lou trisserou tan maou que ben
En de peîras ; mes soun aïzina
390 Fasié pa de flou de farina.
Entremen qe fasien bon fioc,
Mné' escalet sus un roc
Perbeir'unpaou se debistaba
Lous coumpagnous qe ié mancaba.
395 Oh! boutas ! bechet pa degus,
Mes aouzighet fossa coucus :
(( Acata, bâcla ma flasqeta,
Sou dis à soun camaradeta,
Carghen moun fusil à dous cos
400 E faghen un tour din lou bos ;
Beiren de faire caouca cassa
Per abedr'un paou de fricassa. »
De fet, dins un parés de ten,
Couma s*abié tira prou ben,
405 Tuetnoous coucus, dech margassas,
Un beou parel de tartarassas,
Très cabochas e qatre chos.
Aourié be tuât mai q'acos.
Mes, coum'abié pas de por d'armas,
410 Rebenghet, de poou das chandarmas.
Entre que seghet arribat,
Lou chibié seghet leou plumât,
194 POESIES DE ROUVIBRB
Pioi ié tirerou Tembounnada.
Bouïen ne fair'un brouchada ;
415 Mes, couma n'aourien p'agutprou,
S'enzengherou beoucop miou :
Apresterou tout en ihtrada,
La saoussa seghet aloungada ;
Aco faghet mancha de pan
420 E chacun sadoulet la fan.
Per q'achessou pa la pipida,
La ribota seghet munida
D'un sizen de bi de dous ans
Qe n'era pa das pu michans,
425 Mai q'achess'un paou gous à bouta :
lé Fabien donna din la routa,
E per ce qe i abié constat,
Era de bona calitat.
Entre qe segueroun à taoula,
430 Lou chénéral pren la paraoula ;
. Se moca d'abord, escoupis,
Se grata las ussas e dis :
c( Anen, moustan^ camaradetas,
Achés pa de minas mouqetas ;
435 Despioï qe besès de peïs,
Ses bé maï estas samboutis.
Faou pa q'aqel trassa d'ourache
Bous aflaqighe lou courache,
Ou bous lebe bostre apetis.
440 Bous prendran be per d'emperis,
Se chunas après la fatiga.
Moustras q'abés pa Tenteriga.
Foummida ! me surprendrés ben,
Se bous reformou per la den.
445 Anen, foutrais, biba la choïa !
Se m'en cresez, faghen la roïa.
Sans counta qe, san fa semblan,
Touchour caminan, caminan
E nous saran de la patria
450 Qe nous aten en Italia.
Nous sen be troumpas caoucas fés ;
POESIES DE ROUVIBRE 195
Es pa Tacourcha q'aben prés ;
Mes lous dious bous moustraran couma
Toutes lous camis ban à Rouma.
455 Segu, boutas, arribaren,
Mai qe marchen e qe marchen. »
Après aqel tret d'eloqansa,
Bailet a chacun de pitansa
( Fossa saoussa e pa gaïre car).
460 El s'enganet pa per sa par
E boufet couma un acabaïre.
Lous aoutres, de lou beïre faire,
Sans counta q'abien un paou fan,
Aco, ma fouè, ie dounet ban.
465 Toumberou dessus la fartaïa
Coum' un pudis su la boulaïa,
E san crenta on pourrie chouga
Qe mancheron san moustriga.
Can, a forsa d'aoussa Ibu couide,
470 Lou sizen seghet mitât bouide,
Qe lou bentre seghet coumoul
E qe chacun seghet sadoul :
« De qe I dis un de Tassemblada,
Nous manca mai d'un camarada :
475 Es aco se s' erou negas ! »
« Au dianches I de qe rebecas ? »
le respon un qe dicheraba
E q'aqel perpaou derenchaba :
« Bostra bilena refleccioun
480 Pot nous coupa la dichestioun. »
De fet, per moustra sa bel' ama.
Chacun se lèba, sousca, brama ;
Aqela banda de camels
Plourabou couma de budels.
485 Mes entr' elles se counsoulabou
E doussamenet recitabou
La priera de sen Ghien :
« S en prou per mancha de q'aben. »
Endaco lou soureilbaissaba
490 E la fresquieira se lebaba.
96 POESIES PB ROUVIÈRE
Amoundaou, lou gran Chupiter,
Sus soun aireta preniè Ter ;
Amb'una luneta ghinchaba
De que sus terra se passaba.
495 Couma era aqi fort afairat
Per regarda de tout coustat,
Benus, trista, maou penchinada,
Ben, e dis tout emmouninada :
« Bous que sus tera coum' aou ciel
500 Abés lou pan e lou coutel,
Digas, de q'a pougu bous faire
Moun bastardou per bous desplaïre,
Q'oucasiounnés tan de tracas
Emb'un enfan q'es tan bravas ?
505 Pecaire ! de plesi bababe,
De tant q'à bous iéou me fizabe.
M'abias tan dich qe lous Trouiens
Farien espeli lous Roumens,
Pople trafiè qe, per la guerra,
510 Doundariè la mar e la terra ;
Can aproumetés, iéou creiriei
Q'aco 's pa paraula de rei.
Ce qu'abias ditch me counsoulaba,
Can caouqe malhur lou macaba.
515 Pardiou ! disiei, i' a pa de maou ;
Ne sentira miou lou gaou.
Mes à la longa me fatighe ;
Es tén anfin q'aisso finighe.
De qé, cabalisca ! Antenor,
520 Tout engrunat e mitât mor,
A foundat una coulounia
Q'un chour débendra la patria
Daou gran sent Antouèna daou por;
E ieou que soui mai q' Antenor,
525 Q'aï una prou poulida mina,
Qe soui un paou vostra cousina,
Que restan din lou mem' oustaou,
Perqé me tratas pas antaou ?
Perqé mas barcas maou menadas.
POésiBS DE ROUVIÉRB 197
530 Daou ben touchours debariadas,
Batou Tantifla sus lous ros?
De qe serbis d'estre debos ? »
Antaou Benus, touta doulenta,
Aou gran boun Diou portet sa plenta.
535 Soun er laïat, un paou michan,
Rendié soun inourre pu frian.
Chupiter, q'aima la manida,
L'atroubet talamen poulida,
Embe soun ieol tout aigalous,
540 Qe la rouzighet de poutous . . .
Trouba lou conte es pa facile.
Tout ce qe ia, es que Birchile
A dich poutous aou pluriel
( Se poutounecha redde aou ciel ).
545 Chupiter doun, dis moun moudèla,
Baizet et rebaizet la bêla;
[E] pioi ié dighet en righen,
Couma s'abié tout soun bon sèn:
« Bai 1 acala-bous, m'amigheta,
550 Un diou n'es pa 'na chiroueta ;
Qan aï dich qiquon una fés,
Es taca d'oli ! . . . Doun, beirés
La bila en toutas sas défensas.
Sous barris, sas apartenensas,
555 Q'aï aproumés à vostre enfan ;
Anfin aqel gran galipian,
Aou ciel mountara sans escala . • .
Saiqe me cresés pa, foutrala î
Pardiou ! entremen qe ié sen,
560 Baou bous moustra ce qe reben
A bostre enfan embé sa clica.
Aïci ma lanterna mazica.
« Besés dabord bostre pichot
Qe se counduis pa coum'un sot;
565 Agachas couma se roussega
Embé lous qe ié cercou brega.
Lous Italiens saran lécas ;
Pioï, tranquille din sous estas,
198 POÉSIES DE ROUYlâRE
lé pourra chourra très annadas.
570 Entre qe las aoura passadas,
Bostre pichot ôl Ascagnou,
Ou per soun escaï-noun Chulou,
Sera rei trent' ans de sa bida.
Per el, Alba sera munida
575 D'una paret de bon frechaou,
E ie chanchara soun oustaou.
Après la mort d'aquel mounarca,
Que menava tan ben sa barca,
Aou trône sous pichos enfans
580 Se carraran be tre cens ans,
D'aqui tan qu'una relichousa
(Bous preghe d'estre pas chalousa),
En fringan embe lou diou Mars,
Esculle dous bessous bastars,
585 Q'aouran un loup per sa nourissa,
Amaï qe faran la poulissa,
Un cop qe seran bengus grans.
Aqueles dous brabes enfans,
Segu seran pas ridicuUes,
590 Per abedre trop d'escrupulles :
Anaran, su lous grans camis,
Emb una banda de couqis,
E i aleouchiran lou bagache
Das qe ié seran de passache.
595 Tout, ou sabés, n'a pas qu'un tens.
Pioï seran de for brabas gens
E foundaran la coulounia
Qe das Roumens es la patria.
Qe dis Roumeus, dis pa talos ;
600 Aoussi ne seran pas manches.
Dessus la mar c )uma sus terra,
A tout pertout faran la ghera.
De lousbeire tan ben tusta,
Chunoun mema lousj aimara,
605 Ela que ioï, tan lous détesta,
lé farié presen de la pesta.
Bous dire penden can de tén
POESIES DE ROUVièRE 199
Durara soun goubernamen,
Aco sérié pu dificile.
610 (Nota: Aisso ben qe Birchile,
Q'ansida lou fasié parla,
S'entendié pas à debigna.)
Endaco ses tan amistousa,
Qe bous dirai, se ses curiousa,
615 Q'aban qe siechou demoulis,
N'i a per mai de qatre matis. »
Chupiter, après sa tirada,
Ye tournet faire una brassada,
Pioï digheta soun messaché
62(> De s'agandi d'un cop de pe
Co de la reina de Cartacha,
De poou qe seghesse pas sacha
E qe ressaghesse iSneas
Couma Fon reçap un guzas.
625 Mercura q'a, fouches ! bon' ala,
Dins un parés de tem dabala
E buffa aou cor das Tiriens
La charitat per lous Trouiens.
Pourtan, aou ciel qe blanqechaba,
630 Couma Taourora pounchechaba,
^neas, q'abié maou dourmit,
Se rebeiet tout abesfcit.
A Tembés carghet sous debasses,
S'embraiet, noun sans embarasses,
635 E courighet destrassouna
Acata que branlaba pa.
(A suivre.)
BIBLIOGRAPHIE
Soldat et Moine. ^Vie de saint Guilhem-du-Oésertï par l'abbé
J.-E. Saumade.- Montpellier, Calas, 1878; in-8°, xii-416 pages
La période carolingienne du midi de la France est encore fort ob-
scure ; mais il n'en est pas de plus attachante, malgré l'apparente con-
fusion de son développement.
M. l'abbé Saumade ae ntrepris de raconter, dans l'ouvrage dont nous
venons de transcrire le titre, al vie, d'abord militaire et ensuite re-
ligieuse, d'un des hommes qui participèrent à l'évolution sociale et
littéraire partie du ministère d'Eligius ( saint Éloi ) pour aboutir , à
travers les multiples péripéties des guerres germaniques, sarrasines et
vasconnes, au règne prodigieux de Charlemagne. Avant de devenir le
fondateur du monastère de Gellone, Guilhem avait été un des meilleurs
capitaines de l'empereur franc ; la conquête de Barcelone, celle de la
Marche d'Espagne, furent en grande partie son œuvre . La vigilance
et l'équité de son administration, comme duc de Toulouse, pacifièrent
des contrées restées jusqu'alors profondément hostiles à la dynastie
de Pépin le Bref ; mais celui que l'on devait nommer le « père de la
patrie », le «bras droit de Charles » et le « prince de toute la Gaule* » ,
résolut de quitter le monde après la diète de Thion ville et de se reti-
rer à Saint- Guilhem, où il mourut en 812. La poésie épique lui a fait
un nom plus considérable que l'histoire proprement dite, et vingt- trois
épopées diverses ont été groupées autour de sa famille et de son nom.
La mort de Koland à Roncevaux a été, comme on le sait , le point de
départ de sa renommée dans les gestes de la langue d'oil. La bataille
de Villedaigne, perdue contre les Sarrasins en 793, semble, elle aussi,
n'avoir pas été étrangère à la fortune poétique du duc de Toulouse et,
par conséquent, à la détermination de certains traits du cycle auquel
il a donné naissance. La fertile imagination des trouvères a réuni
ensemble des faits empruntés à l'histoire de Guilhem, comte de Pro-
vence; de Guilhem, comte de Poitiers, puis duc d'Aquitaine; de Guil-
laume, comte de Mortreuil-sur-Mer, au X^ siècle; à celle de quelques
autres princes du même nom ; mais il est curieux de constater que les
deux cycles concentrent autour des figures de deux vaincus une grande
part de la vie épique de la France médiévale .
* Princeps totius Galliœ finibicsy dit la charte assez douteuse de Juliofroi.
Peut-être, comme le remarque M. S., VdippéilaXion princeps Gallise a été em-
ployée, par uQe erreur de copie, au lieu et place de celle de princeps Gothiœ^
que plusieurs auteurs donnent à Guilhem.
BIBLIOÔRAPHIB ?01
M. S. a raconté, dans un style fort agréable, et d'une saveur toute
littéraire, la vie de Guilhem depuis sa naissance jusqu'à sa mort. Il
Ta complétée au moyen de la biographie sommaire de ses enfants ,
parmi lesquels le plus célèbre fut Bernard de Septimanie, décapité en
844 par ordre de Charles le Chauve , et dont l'épitaphe en vers octo-
syllabiques monorimés constituerait le premier texte completen langue
du midi de la France , si l'authenticité n'en avait été presque unani-
mement contestée * .
Quoique la Vie de saint Chiilhem ait été écrite dans un but d'édifica-
tion hagiologique, l'auteur y a joint un appendice contenant un résumé
de la geste de Guillaume d'Orange et des indications sur les sources de
l'histoire du duc d'Aquitaine, ou la critique des deux chartes de fon-
dation de Gellone. Les travaux récents n'y sont pas oubliés, et l'étude
par laquelle M. Ch. Revillout croit pouvoir conclure que la composi-
tion de la Vita sancti WiUelmi doit être placée aux environs de l'an-
née 1 122, est mentionnée avec éloge * . Contrairement aux conclusions
du savant professeur et conformément à celles des derniers annota-
teurs de V Histoire de Languedoc, M. S. verrait dans cette Vie « un
double travail : une partie faite au IXe siècle , peu après la mort de
saint Guilhem, et purement destinée à l'édification des fidèles, et
une refonte bien postérieure, du XI© siècle peut-être, qui aurait mêlé à
* Pour être couforme à la publication que Borel en fit pour la première fois
daus ses Antiquités de Castres, cette épitaphe, citée d'ailleurs par M. S. sous
toutes réserves, doit être rétablie de la manière suivante :
Assi i'ay lo comte Bernad,
Fisel credeire al sang sacrât,
Que sempre prud' hom es estât.
Preguen la diuina bontat
Qu'aquela fi que lo tuai
Posqua soy arma aber saluât.
Tout en se référant à Borel, Raynouard copie inexactement ces six vers
dans son Choix despoésies orig. des troub.j II, cxxv. Il imprime aissi^jai,
prud hom es, preguem et bountat.
2 Étude historique et littéraire sur l'ouvrage latin intitulé Vie de saint
Guillaume. Montpellier, Martel, 1876, in-4o, 82 pages. L'opinion de M. Re-
villout, à laquelle M. G. Paris s'est rallié {Romania, Yl, 467), semble meilleure
que celle des récents éditeurs de Y Histoire de Languedoc,
Dans la seconde édition de son travail, M. S. fera sagement de tenir compte
des conclusions de M. G. Paris, en ce qui touche les deux sœurs du duc de
Toulouse et le bouclier que ce dernier aurait déposé à Brioude sur l'autel de
SBÂnt Julien {Romania, VI, 467). M. S. aurait pu consulter également le savant
travail de M. Paris Sur un vers du Coronement Loois {Remania, I, 177).
202 BIBLIOGRAPHIE
l'ancien texte quelques-uns des récits légendaires qu'on faisait sur le
vaillant dompteur des Sarrasins. » (P. 310.)
Saint Guilhem aurait fourni à M. S. un chapitre d'histoire tradi-
tionnelle qui eût été court , sans doute , mais auquel l'intérêt n'aurait
pas fait défaut. Le général de Charlemagne n'a pas, comme d'autres
renommées militaires *, absolument disparu du souvenir des popula-
tions languedociennes. Est-ce à ses succès d'homme de guerre ou à
son auréole de saint qu'il le doit? Il serait difficile de le dire. Tou-
jours est-il que l'on montre encore, sur la route d'Aniane à Saint-Gui-
Ihem, un kilomètre et demi avant d'arriver à la deuxième de ces loca-
lités, un endroit nommé lou Pahou, où. la chaîne de Puéchabon pré-
sente à la vue un avancement mince et large, suspendu sur l'Hérault
en forme de queue de paon. C'est là que saint Guilhem, monté sur un
cheval noir et bardé de fer, passait en apportant à Gellone la relique
de la vraie Croix. A un détour du chemin, sur un rocher à pic, il en-
tendit des cris et vit tout à coup une troupe de Sarrasins se précipiter
sur lui. Il ordonne alors à son cheval de sauter la rivière d'une en-
jambée. L'élan de celui-ci fut si violent, que sa tête et son pied droit
marquèrent leur empreinte sur le rocher de la rive gauche, tandis que
sa queue en laissait une seconde sur celui de la rive opposée, à la base
même de la hauteur sur laquelle les infidèles s'arrêtèrent immédiate-
ment, pétrifiés par le regard miraculeux du saint.
L'élargissement de la route actuelle a été funeste à la persistance
de cette tradition : on distingue à peine l'empreinte de la grande tête
et du large pied du cheval . Seules, les pointes tourmentées des rochers
figurent encore, d'une manière approximative, les Sarrasins que la vue
du héros pétrifia d'épouvante .
On répète aussi sur le château du Géant, qui domine Saint-Guilhem
et que le Voyage pittoresque du baron Taylor a mal à propos trans-
formé en château de don Juan (!!), une légende à laquelle feu l'abbé
• Les contes historiques proprement dits sont fort rares dans le Midi ; leur
origine est même savante dans la plupart des cas, surtout lorsqu'il est ques-
tion de personnages militaires. Les comparaisons et les formules rustiques
seraient peut-être moins pauvres en indications nominatives. Les plus an-
ciennes sont relatives à César : Es un traval de César. Es fiei^, — ardit^ —
brave ou valhent couma un César. La plus récente, Es pas la mort de
Turenna^ encore très-répandue en Languedoc et dans le Rouergue, atteste
l'étendue des appréhensions que la mort du grand capitaine éveilla dans toute
la France.
Les formules sur Arthur et Roland sont peut-être d'origine littéraire. Celles
qui concernent Annibal et Marins ont été accréditées par les lettrés k l'époque
de la Renaissance.
!
BIBLIOGRAPHIE 1^03
Léon Vînas fait une allusion sommaire dans sa Monographie ds Gel-
Au XVI® siècle, les religieux, voulant préserver de la fureur des cal-
vinistes les reliques les plus précieuses de l'abbaye, renouvelèrent à
leur manière un stratagème dont Guillaume au Court-Nez avait, selon
le Charroi de Nimes^ usé lors de la prise de cette ville. On sait par
Catel ' que les moines de Gellone possédaient, au commencement du
XVII® siècle, « un grand tome. . . .en vers français » où se trouvait le
Charroi, et qu'ils y ont probablement puisé l'idée de ce stratagème ;
mais il serait utile de rechercher si la tradition des environs de Saint-
Guilhem en a conservé le souvenir.
L'habitude populaire d'aller manger à la campagne l'omelette au
jambon du lundi de Pâques remonterait enfin, selon quelques-uns,
au cuisinier du duc de Toulouse.
L'usage en question est encore très-répandu dans le midi de la
France, et plus particulièrement à Montpellier, à Nimeset à Béziers.
On serait tenté de rattacher à Gellone une prière sarcastique que
tout le monde connaît dans la première de ces trois villes:
Lou benedicitè de Sent Guilhem :
San prou per manjà ça qu'aven.
Se quauqu'un dèu veni,
Que se cope la camba en cami^ !
Faut-il voir dans ces vers un reproche d'inhospitalité adressé à l'ab-
baye de Gellone, ou tout au moins à la population d'un village vers le-
quel se dirigeaient tous les ans une foule de visiteurs et de pèlerins ?
L'explication semblerait naturelle, et cependant je serais porté à con-
sidérer ce quatrain comme une réplique intéressée, opposée par les
Montpelliérains, à des accusations émanant des villages qui entourent
le chef -lieu du département de l'Hérault :
Couvit de Mount-peliè,
Gouvit de l'escaliè*.
* Visite rétrospective à Saint'Guilhem'-du-Désert . Monographie de Gel-
lone. Paris, Bray et Retaux, 1875; in-i2, p. 170.
* Histoire des comtes de Tolose, par M. Guillaume Gatel. Tolose, Bosc,
1623, p. 50. Catel, p. 51, a noté le premier la mention faite par Orderic Vital
de la Vie de saint Guillaume apportée à Saint-Evroul par Antoine, moine de
Winchester.
Le manuscrit vu par Catel est actuellement à Paris, Bibliothèque nationale,
n» 774 du fonds français. (Voyez Romania, II, 335.)
' Publié pour la première fois par MM. Montel et Lambert, Revue^ l'e série,
IV, 586.
* Dictionn. lang,-fr,; Mais, 1820, II, 376. La version que l'abbé de Sau-
204 BIBLIOGRAPHIE
Dans une ville commerciale et d'origine relativement récente, les
habitudes hospitalières des époques anciennes durent décroître plus
promptement que dans les campagnes, où, de nos jours encore, un
paysan croirait manquer à la première de ses obligations s'il n'offrait
des rafraîchissements à l'étranger qui franchit le seuil de sa porte. Il
ne serait donc pas impossible que l'abandon de cet usage ait motivé
la composition du distique par lequel on constatait que les Montpel-
liérains conviaient au repas de famille ceux-là seulement qui ne po u-
vaient en profiter. Le bas de l'escalier était, en effet, Tendroit où le
visiteur prenait congé de ses hôtes pour enfourcher la monture qui
devait le ramener chez lui. Los habitants de Montpellier, eux, auraient
répliqué par le quatrain qui accuse les gens de Saint-Guilhem, non pas
de manquer aux devoirs de l'hospitalité, mais de souhaiter la perte
d'une jambe à leurs futurs visiteurs :
Se quauqu'un deu veni,
Que se cope la camba en cami !
Telle est l'explication, — peut-être bien conjecturale, — que je don-
nerais de ces deux sarcasmes populaires.
A. Roque-Ferrier.
Chants des félibres.— Poésies provençales modernes, traduites en vers
français, avec de nombreuses notes, par François Delille. Paris, Auguste
Ghio, 1881; in-12, xiv-3i6 pages.
Trop de membres de la Société des langues romanes ou de collabora-
teurs de la Revue ont l'honneur de figurer dans le recueil de M. Delille
pour qu'il soit possible d'en donner ici une appréciation critique. Mais
il nous sera permis de dire qu'il est de nature à répandre le goût de la
littérature méridionale et à suggérer le désir d'étudier plus directement
les principaux poëtes du Languedoc et de la Provence. Les notes bio-
graphiques de l'auteur sont, dans leur brièveté, aussi exactes que judi-
cieuses, et nous n'avons guère trouvé que les points suivants à rectifier
ou à compléter .
P. 72. La Bisca, de M. Louis Roumieux, n'a pas été publiée par la
Revu^ en 1879. L'auteur de ces lignes en a seulement inséré quelques
scènes dans une étude sur la Bisca et Vînauguration du Théâtre ro-
many 3« série, III, 237 (numéro d'avril-juin 1880).
P. 136. Lous Bords dau Lez, par M°*« de Ricard, indiqués comme
ayant été publiés dans le recueil collectif de la Cigale, ont, au con-
traire, paru pour la première fois dans la Revue en 1878, 2® série, V,
p. 84.
vages y a notée a été recueillie aux environs d'Alais, ce qui prouve l'extrême
diffusion de ces deux vers.
BIBLIOGRAPHIE ?05
P. 177. Il est dit que les poésies de feu l'abbé Aubert seront bientôt
réunies en un volume par l'abbé Terrier, son légataire, et qu'elles
seront intitulées li Pdsso-tèms d'un Curât de villàgi. Cette publics^
tion ne constituera qu'une édition nouvelle et complète des vers que
M. Aubert fit paraître, sous le même titre, il y a vingt-deux ans au
moins. Voyez Armana prpuvençau de 1858, p. 92, un article où M. Mis-
tral en donnait un compte rendu très-favorable.
P. 180. M. D. parle des poésies de feu le frère Théobald (des
Écoles chrétiennes) avec l'éloge qu'elles méritent. Les archives de la
Société conservent de lui, — circonstance qu'ignorait naturellement
l'auteur, — deux poëmes inédits : ristdri d'un aglan et li Proumiés
aposto de la Gaulo miejoumalo. Quelques strophes du premier ont paru
dans la relation du Concours littéraire et philologique de l'année 1875.
Paris, Vieweg, 1875 ; in-S», p. 163.
P. 196. Sent Marsal à Tula, poëme de M. l'abbé Roux, que M.D.
dit avoir été publié à l'Imprimerie centrale du Midi, a paru d'abord
dans la Rew^j 2'' série, II, p. 274.
P. 239. Avant d'être inséré dans VArmana prouvençau de 1881, le
sonnet de M. Ch. Boy, la Jano d'Arc de la princesso Mario, a été pu-
blié à vingt-cinq exemplaires. Lyon, Albert, 1880; in-8o, 4 pages.
C'est à l'amabilité de M. Boy que je dois de posséder un de ces
exemplaires et de pouvoir rectifier une assertion qui serait d'autant
mieux accréditée, que toute pièce tirée à nombre restreint est con-
damnée à disparaître rapidement de la circulation littéraire.
P. 252. Parlant des Bourgadiero de M. Bigot, M, D. dit qu'elles
ont été écrites en languedocien. Lisez provençal-nimoispour être phi-
lologiquement exact. En les qualifiant comme il l'a fait, M.D. s'est
conformé à une habitude locale et relativement ancienne. Tandis que
les philologues parisiens, et même bon nombre de méridionaux*, en-
globent le provençal, le languedocien et le limousin, sous la dénomi-
nation commune de provençal, un fait inverse se produit en petit dans
le département du Gard, où l'on nomme languedocien l'idiome fonciè-
rement provençal usité àNimes et aux environs de cette ville. Aubanel,
par exemple, a publié sous le titre de l'Anacréon languedocien ses heu-
reuses imitations du poëte de Téos.
P. 271. C'est par eneur que M. D. dit que la Revue des langues ro-
manes a publié des poésies de M. Antonin Glaize. Une seule, — et
c'est vraiment dommage, — a été insérée dans le Parage à Maguelone,
Revue, 2* série, VI, 148. Encore a-t-elle été empruntée à une autre pu-
blication .
* C'est ce qu'a fait M. le docteur Espagne, en intitulant un de ses plus inté-
ressants travai» : Influences provençales dans la langue de Molière,
16 .
206 PERIODIQUES
P. 290. Lou Plaidejaire, par M. Melchîor Barthés, n'a pas été publié
dans \sL Revue. Len» de juillet-septembre 1878, qu'indique M. D., ren-
ferme seulement un compte rendu des Flowretos de mountagno, où se
lit cette charmante comédie.
P. 296 . Une coquille d'impression a transformé en poète limousin,
Peyrottes, qui était né à Clermont-rHérault, et qui donna une certaine
notoriété littéraire au sous-dialecte lodévois.
Ces rectifications paraîtront insignifiantes, si l'on veut bien remar-
quer que le recueil de M. D. contient des notes afférentes à plus de
cent poètes méridionaux.
A. Roque-Fbrrier.
PÉRIODIQUES
Romania, 36.— P. 497. W. BraghiroUi, P. Meyer, G. Paris. Jn-
ventaire des manuscrils en langue française^ possédés par Fran-
cesco Gonzaga I, capitaine de Mantoue, mort en 1407. Utile publica-
tion, heureusement complétée par un commentaire historico-littéraire
et bibliographique très-détaillé, dû à MM. G. Paris et P. Meyer. —
P. 515, G, Paris, Sur un épisode d'Aimeri de Narbonne, Savante
et très-curieuse dissertation d'histoire littéraire. — P. 547. Victor
Smith, Un mariage dans le haut Forez, Usages et chants. — P. 571.
A. Bos, Note sur le créole que Von parle à Vile Maurice^ ancienne
Ile de France. Cette courte notice est intéressante, malgré quelques
imperfections qui dénotent un philologue novice. On regrette que
l'auteur n'y ait pas joint des spécimens un peu étendus du patois
créole. — P. 579. Mélanges. 1° Desver = de-ex-ripare (Ulrich). Ety-
mologie qui me paraît d'autant plus satisfaisante, que je l'avais de-
puis assez longtemps consignée dans mes notes. Elle a l'avantage
de rendre compte en même temps des deux formes desver et derver,
Vs de la première étant représenté par l'a?, de de-ex-ripare ; Vr de
la seconde, par Vr de de-ex-mpare : 1® de-ex-(ri)pare. 2° de-ex-{r)i'
pare. L'objection de M. G. Paris, qui suppose un e bref originel à cause
de la mouillure que présente le wallon dierve et dierver^ serait sans
valeur, si elle ne s'appuyait que sur les exemples fournis par ee dia-
lecte, qui mouillait d'habitude Ve latin en position. Ce qui lui donnerait
plus de force, ce serait de rencontrer diervs à la rime et dans un dia-
lecte autre que le wallon ou le picard oriental.Pow^wre(C. Joret). Pres-
que enmême temps que M. Joret, M. F oerster (Zeitschrift, 1880, p. 378,
présentait la même étymologie, pouture = pultura. 3° Portugais er,
ar =z fr. re (J. Cornu). 4* Le Vent et la Discorde (Julien Havet).
b^Chanson recueillie à MentonÇAndrewa). — P. 592. Comptes rendus.
CHRONIQUE 207
1® Hugo Andresen, Maistre Wace *s Roman de Rou et des ducs de
Normandie. Érster Band, I. und II. Theil, 18T7 , 3jcvi-238 p. Zweiter
Baad, III- The il, 1879, v-828 p. (G. P.) 2° Amédée Mercier, His-
toire des participes français y 1879, Paris, Wieweg; in-8o, 160 p. —
J. Bastin, le Participe passé dans la langue française et son histoire
(Kr. Nyrop). 3" Francesco Sab&imi, Abelar do ed Eloisa secondo la
tradizione popolare . Roma, MûUer, 1880; in-8o, 126 p. [G. P. ]. —
P. 619, Périodiques . — P. 629. Chronique,
A. B.
CHRONIQUE
L'activité des travailleurs contemporains, surexcitée par d'inces-
santes découvertes, s'exerce avec ardeur dans toutes les branches de la
science. Plus que jamais les problèmes de l'origine et du développement
historique des races humaines attirent l'attention générale, et rien de ce
qui touche aux mœurs, aux habitudes, aux langages de nos ancêtres,
sur les différentes parties du globe, ne saurait être indifférent.
Parmi les sources d'information les plus précieuses et les moins
explorées encore, peut-être en raison de la difficulté spéciale qu'elles
présentent, l'une des plus importantes est constituée par les Litté-
ratures populaires. Nous entendons par là les produits spontanés du
génie d'un peuple, éclos en dehors de toute culture, de toute recherche
artificielle, œuvres naïves des campagnards, des paysans, des soldats :
amusements enfantins ; sentences improvisées au milieu des diffi-
cultés de l'existence ; chansons écloses aux heures trop rares des joies
champêtres et des fêtes de famille.
Recueillir et mettre à la portée des hommes de science ces élé-
ments si curieux d'étude, c'est la tâche difficile et méritoire à laquelle
se sont adonnés un grand nombre de spécialistes . Mais leurs efforts
demeurent souvent stériles, et bien des notes utiles, bien des manu-
scrits d'un très-haut intérêt, demeurent enfouis dans des cartons ou ne
sont imprimés que par fragments et à des dates très-espacées, dans des
recueils provinciaux trop peu connus.
En publiant le recueil collectif qu'ils intitulent: les Littératures
populaires de toutes les nations^ MM. Maisonneuve et O se sont pro-
posé :
De faciliter ce travail de recherche, de préparer les éléments d'une
étude générale et comparative, de présenter au monde savant un ré-
sumé aussi précis, mais aussi complet que possible, de toutes les littés
ratures populaires. Les contes, les chansons, les proverbes, les pièce-
de théâtre, les formules superstitieuses, y figureront, méthodiquement
classés. Les contes et les légendes en formeront la part principale ;
ces vieux récits, où les anciennes croyances se cachent sous des nar-
rations enfantines, où les faits historiques, démesurément grandis, se
dissimulent sous l'effort continu des imaginations vivement frappées,
où le moindre trait peut livrer la clef de bien des problèmes ethno-
graphiques ou moraux, préoccuperont surtout les collaborateurs de
MM. Maisonneuve.
La collection, formée de textes en français, ou de traductions exé
208 CHRONIQUE
entées avec une scrupuleuse exactitude, et accompagnées de nom-
breuses citations textuelles, sera publiée par les spécialistes les plus
compétents. Nous citerons les noms de MM. Pavet de Courteille,
membre de llnstitut, pour les peuplades turques de l'Asie; Barbier de
Meynard, membre de l'Institut, pour la Perse moderne ; G. Maspéro,
pour l'Egypte ancienne ; F. Lenonnant, pour la Chaldée et TAssyrie ;
Julien Vinson, pour l'Inde et le pays basque ; F. M. Luzel, pour la Bre-
tagne celtique ; Paul Sébillot, pour le pays gallot de la Bretagne fran-
çaise ; Emile Legrand, pour la Grèce moderne ; V. Lespy, pour le Béarn;
J. Bladé, pour la Gascogne, etc.
Chacun de ces volumes se composera de trois cents à trois cent cin-
quante pages, imprimées avec soin, en caractères elzéviriens, avec fleu-
rons, lettres ornées, etc. Tirage à petit nombre sur papier vergé des
Vosges, à la cuve, fabriqué spécialement pour cette collection.
Tous les volumes seront soigneusement cartonnés en toile et non
rognés. (Note commvmquée par les éditeurs .)
* *
Communications faites en séance de la Sociiété. — 18 mai. —
Proverbes et comparaisons populair,es recueillis à Aspiran et à Mont-
pellier, par M . le docteur Adelphe Espagne ;
Le Petit Rameau, conte populaire roumain, écrit en vers français
par M. V. Alecsandri, et traduit en vers provençaux par M. A. de
Gagnaud ;
Lo Roure y la Canya, fable en vers catalans, par M. Justin Pépratx;
Additions au Dictionnaire de M. Littré, par M. Marcel Devic.
M. Camille Chabaneau sepropose de publier prochainement les poé-
sies complètes du troubadour Natde Mons.
* ♦
Livres donnés a la Bibliothèque de la Société. — Les Sorts des
Apôtres, texte provençal du XIII^ siècle, publié avec l'original latin
par Camille Chabaneau. Paris, Maisonneuve et Cie, 1881; in»-8<*, 40 p.
Pastorale pour le temps de l'Epiphanie, mise en chants français et
provençaux sur des airs connus, en deux intermèdes. Marseille,.
Achard, 1817; in- 12, viii-24 pages (don de M. Clair Gleizes);
Un nouvèou vengut. Marseille, J. Doucet, S. D. In-8°, 2 pages (don
de M . Clair Gleizes) ;
Versos à las noyas catalanas. [Barcelona], Imprenta la Renaixensa,
1881; in-16, 62 pages (don de M. Balaguer y Merino);
Arnavielle : la Preièro de Murcio. Ais, Empremarié prouvençalo,.
1880; in-8°, 8 pages;
Astruc (Louis): Albert Arnavielo. Ais, Empremarié prouvençalo,
[18811; in-12, 4 pages (don de M. Albert Arnavielle);
Bellot (Pierre) : Lou Martegaou en vouyagi, conte coumique. Mar-
seille, Chauffard, S. D. In-8°. 8 pages (don de M. Clair Gleizes);
Delille (François): Chants des Félibres. Poésies provençales mo-
dernes, traduites en vers français avec de nombreuses notes, par F.
Delille. Paris, Auguste Ghio, 1881; in-12, xiv-316 pages.
Le gérant responsable : Ernest Hamelin.
Dialectes Anciens
TRADUCTION DES PSAUMES DE LA PÉNITENCE
E^i VERS PROVENÇAUX
La traduction des psaumes de la pénitence, publiée ici pour la pre-
mière fois, est tirée d'un ms. conservé au Musée Calvet, d'Avignon.
Ce ms. forme un petit volume relié en maroquin rouge, du format d'un
in-18 carré, et qu'on a intitulé Poésies rojnanes. Une note inscrite sur
l'un des feuillets de garde nous apprend qu'il provient de la char-
treuse de Villeneuve-lez-Avignon, et qu'il a été acquis, par le Musée
Calvet, de M. Seguin, libraire à Montpellier, le 13 novembre 1854.
Il est incomplet du commencement. Dans son état actuel, il se com-
pose de 30 feuillets et renferme: 1° au folio 11, quia été déplacé (il
devrait être le premier), et du folio 1 au folio 9, recto, milieu de la
page, les psaumes de la pénitence traduits en vers provençaux,
moins les trois premiers en entier et huit versets du quatrième ; 2o du
folio 9 au folio 30 (sauf le folio 11), une paraphrase, aussi en vers
provençaux, des litanies des saints. S'il ne contenait, dans son état
primitif, que ces deux ouvrages, il doit manquer au plus une dizaine
de feuillets.
La paraphrase des litanies fut publiée en 1874 par M. V. Lieutaud,
alors bibliothécaire de la ville de Marseille*, qui donna en même
temps une description du ms. M. Damase-Arbaud dès 1862 {Chants
populaires de la Provence, I, 17) et un peu plus tard M. Bôhmer
{Jahrbucli fur romanische und englische Literatur, X (1869), 202)
avaient déjà mentionné ce ms. et transcrit, l'un et l'autre, quelques
vers des Litanies. Mais ils li'ont rien cité, non plus que M. Lieutaud,
de la traduction des psaumes.
Cette traduction n'est pas sans mérite. Elle est bien supérieure à
celle du psaume 108 que M. Bartsch a publiée dans ses Denhmâler,
d'après un ms. de notre Bibliothèque nationale (n° 1745), et que je
reproduis ci-après en appendice. Ce sont des vers d'une juste et uni-
forme mesure (ou qui s y laissent, malgré l'incorrection du ms., assez
I * Notes pour seinnr à l'histoire de Provence^ no 15. — Un troubadour
aptésien de Voy^dre de S. François. Marseille et Aix, in-8o. Voy, sur cette pu-
blication la Revue des langices 7'omanes,\U, 112.
Tome v de la troisièmk .siïrie. - mai 1881 . 17
210 PSAUMES DE LA PENITENCE
facilement ramener), divisés presque toujours en stances de quatre
vers *, qui riment, dans le psaume 50, en a & a 6, et, dans les trois
autres, en a a b b. Chaque stance correspond en général à un verset
du texte de la Vulgate ; on conçoit qu'à cause de la longueur, parfois
très-inégale, de ces versets, il n'ait pu toujours en être ainsi *.
L'auteur, on s'en aperçoit bien vite à l'examen des rimes, connais-
sait les règles de la déclinaison et les appliquait. Aussi n'ai -je pas
hésité à rétablir dans le texte même les formes régulières, altérées
par le copiste, partout où la correction ne nécessitait que l'addition
ou la suppression d'un s ou d'un 2, lettres que j'ai placées, selon le
cas, entre crochets ou entre parenthèses.
La paraphrase des litanies qui suit nos psaumes dans le ms., où la
même main l'a transcrite, est-elle du même auteur que ceux-ci? Il n'y
a rien d'impossible; mais on ne saurait l'affirmer, et j'incline à la
croire plus récente. Ce qui est certain, c'est que les Psaumes^ comme
les Litanies, SLimoncent un auteur de la Provence', bien que les traits
dialectaux soient moins nombreux et moins caractéristiques dans le
premier que dans le second de ces deux ouvrages. Les plus probants
sont les rimes rescont : mayson (ci, 23), nom : gêner acion {ibid.y 45),
non (pour nom): mayson {ibid,,2S}, Les rimes van: an (ibid., 91),
pélicans: semblantz {ibid., 20), sont encore à prendre en considéra-
tion. Moins importantes à noter sont les formes suivantes, bien fran-
chement provençales pourtant, parce que, n'étant pas à la rime, le
copiste, qui était certainement Provençal lui-même, en est peut-être
seul responsable : aisin, enaisin (ci, 33, 40 etpassim*)^ reprennas
(ci, 89), pregonea (cxxi, 1), renembrei (cxlii, 17); l'article masc.
sing. sujet le (ci, 101); cahy sans l'article, traduisant quis (cxxix,
12). Je crois devoir ajouter sers = servum (cxlii, 6 et 53), les formes
pareilles se rencontrant surtout dans des textes de la Provence.
* Le commeDcement de chaque stance est indiqué par le signe q à l'encre
rouge. Quelques-unes n'ont que deux vers, par exemple, ci, 33-34; 63-64.
* Par ex., le vers 9 de ci, qui correspond à la dernière partie d'un verset,
commence une stance. Les vers 17-20 du même psaume, qui forment une autre
stance, traduisent un verset entier et le commencement d'un autre. Même ob-
servation pour cxxix, i-4, etc.
3 Peut-être ces Psaumes sont-ils ceux-là même dont parle Jean de Nostre-
dame dans le pi^oesme de ses Vies des anciens poètes provençaux (p. il).
« De quelle sorte, dit-il, et taille de rithraes sont faicts les sept pseaumes peni-
tentiaux, par ceux qui vont mendiant les aumosnes par les portes, qu'on ne
sçauroit trouver une plus belle rithme ! » Cf. César de Nostredame, Histoire
de Provence, p. 584.
^ enaisin est une fois à la rime (cxlu, 22); on ne peut douter que ïn ne soit
ici un ajout du scribe, la rime correspondante étant ti.
PSÂ.UMBS DE LA PENITENCE 211
Le ms., qui paraît être de la fin du XlVe siècle, est, je l'ai déjà dit,
fort incorrect. C'ejpt évidemment une copie faite par un scribe très-
négligent, d'un texte antérieur d'une centaine d'années peut-être, et
dont il a souvent rajeuni la graphie, sinon la langue elle-même. Un
relevé rapide des principaux traits* de l'une et de l'autre ne sera pas
ici hors de propos.
1 . Les groupes la, io, te-, sont presque toujours de deux syllabes,
conformément aux règles de la prosodie lyrique. Ps. ci, 1, maùra-
tion peut être l\im*oration; on peut aussi facilement faire disparaître
la synérèse dans cxxix, 8 et 28, en supprimant et au premier de ces
vers, et en substituant dans le second ma, sans élision, à la mieua.
2. J*ai signalé tout à l'heure la substitution habituelle de la triph-
thongue ieu (y eu) à la diphthongue ew, et montré que ceci doit être
le fait du scribe. Il faut aussi probablement lui attribuer l'y, qui pres-
que partout remplace l't devant une voyelle, même, comme dans sya,
Syon, là où il n'est pas consonne.
3. Je viens aussi de parler de Vh initiale. Cette A, auv. 17 du ps.a,
gêne la mesure en faisant obstacle à l'élision. Nouvelle preuve qu'elle
n'est due qu'au copiste.
4. Ct latin nous donne partout ch: drech^ fach, frach. Il en est de
même de gi atone ( fuch = fugio etfugit) et du tide toti (tuch).
5. Le t final ( = lat. tum, tem, ti ) est très-fréquemment, comme
dans les Litanies qui suivent, écrit tz. D'autres mss. présentent la
même particularité. Tel est, en grande partie, le ms. 1745 de la B. N.,
où cette bizarre substitution àe tz k t o, lieu même dans le corps des
mots. Ceci répond-il à une réalité phonique, ouïe z n'est-il là qu'une
sorte d'enjolivement calligraphique? Cette dernière hypothèse peut
être en bien des cas la plus admissible. Mais la première ne paraît
^ Les particulantés de langue ou de graphie à mettre au compte du copiste
se laissent assez facilement reconnaître, grâce à Tinconséquence dont il a fait
preuve en maintenant à côté des formes nouvelles, qui probablement lui sont
propres, des formes plus anciennes, que nous sommes autorisés dès lors à
attribuer à l'auteur. Ainsi, eu (ego), à côté de heu, hieu, yeu; Deu à côlé de
Dieu et Dyeu ; pareillement Ieu et gj^eu rimant avec yeu, mieu, hyeu et
Dieu; à côté de hos (ci, 11), de hins, hiest, horacion, adhubiHras, les formes
sans h de ces mêmes mots ou d'analogues. J'ai déjà cité heu et hieu. Ces h
ont été sans doute ajoutés par le copiste, conformément à Torthographe qui
prévalait de son temps, en son pays, et qui devait d'ailleurs, en beaucoup de
cas du moins, figurer une prononciation réellement aspirée, comme le prouve
le renforcement de cette h en v dans plusieurs textes, p. ex., vont = hont =
ont {unde), vo = ho =i o {hoc ou aut), vueil = hueil = ueil = oil {peu-
lum).
212 PSAUMES DE LA PENITENCE
pas pouvoir être écartée par une simple fin de non-recevoir * . La
question est complexe ; elle a de l'intérêt et de l'importance, et je ne
veux pas la traiter ici incidemment. J'y reviendrai prochainement
dans une dissertation spéciale. Il est d'ailleurs évident que les tz =
t de notre mss., qu'ils soient calligraphiques ou phoniques^ sont du
fait du copiste et non de l'auteur.
6. Le d s'assimile à Yn précédente dans reprennas (ci, 89), trait
dialectal déjà noté.
7. S médial tombe dans pregonea, autre trait dialectal pareille-
ment signalé. Cette consonne est abusivement remplacée par z en
finale- dans envez (cxxix, 28), francz (ci, 69), et anticz fcxLii, 17).
Unie à c, elle donne ch dans prech et antich (ci, 3 et 76) = precs et
antics,
8. Au contraire 1'^, beaucoup plus fréquemment, se substitue au z.
Mais l'étude des rimes prouve que l'auteur ne confondait pas ces
deux lettres. On serait par conséquent autorisé à rétablir le z partout
où l'étymologie l'appelle, p. ex., ps. l, vv.l, 13, 24, 26 ; ps. ci, vv. 3,
4, 7,88-9, à la rime ; ps. cxxix,3-4, à la rime également; et par suite,
dans l'intérieur du vers, ps. ci, vv. 5, 6, 35; etc., etc.
9. Notre texte a deux exemples, déjà relevés ci-dessus, de la mu-
tation de V (/) final en s. C'est sers = servum aux vers 6 et 53 du
ps. cxLii. Il y en a de pareils dans la Yie de saint Honorât et dans
d'autres textes de la Provence.
Le mot pregonea (cxxix, 1) nous oifre un exemple de f devenant g,
non pas immédiatement, bien entendu, car la série est f-h-g. On peut
voir d'autres exemples de ces phénomènes, que l'on constate sporadi-
quement à peu près partout, dans ma Gramm. limousine,^. 359.
10. M passe à n, dans renemhrei, autre trait provençal également
signalé déjà. En finale, même mutation dans an pour am (ci, 18, 34;
etc.); et dans non pour nom (ci, 28).
11. L'w instable, c'est-à-dire celle qui n'est pas suivie en latin d'une
autre consonne, ne tombe pas dans notre texte. C'est encore là un
caractère essentiellement provençal. Les deux seules exceptions qu'on
remarque {e pour en, ci, 24, et nco pour mon, cxlii, 2) doivent proba-
1 Peut-être aussi est-ce une fausse analogie qui a introduit cette graphie,
dans une partie, tout au moins, des mss. où nous la rencontrons. On peut
supposer que plusieurs de ceux qui la pratiquaient ne connaissaient plus la
distinction des cas, déjà tombée, dans l'usage courant de la langue, en dé-
suétude, et que trouvant écrits par tz, dans les originaux qu'ils transcrivaient»
des mots qui, de leur temps et dans leur bouche, ne prenaient plus qu'un
simple t, ils auront considéré tz comme un équivalent de t et se seront crus
dès lors autorisés à l'y substituer.
PSAUMES DE LA PENITENCE 213
blement s'expliquer par un oubli du tilde sur la voyelle*. J'ai déjà
parlé de la forme aysin.
12. La figuration de Vn mouillée est toujours n^; celle de 17
mouillée Ih. Les autres textes de la Provence préfèrent en général,
pour ces consonnes doubles, in et ill (ou yn, yll).
13. Les règles de la déclinaison sont le plus souvent transgressées
par le copiste. Se conformant à l'usage qui prévalait de son temps, il
donne le s au sujet pluriel (l, 42, 46 ; ci, 3, 58, 77, 97, 108, 106;
etc., etc.) et le retire au sujet singulier (ci, 14, cxlii, 16; etc.). 11 y
aurait sans doute beaucoup plus d'infractions de cette dernière sorte,
si notre scribe n'avait pas eu pour le groupe tz le goût maladif que
j'ai déjà signalé. Tandis, en eifet, qu'il supprime volontiers Y s, il con-
serve généralement le z après t. J'ai, comme il a été dit plus haut,
rétabli ou supprimé ces consonnes partout où il était nécessaire et
possible en même temps. Je n'ai pas ajouté Vs à cor (ci, 14; cxlii,
16), parce que, d'après le Donat provençal comme d'après les Leys
d*amors, ce mot était considéré, — par quelques-uns du moins (car
les textes des XII* et XI II© siècles montrent que ce n'était point une
habitude générale), — comme indéclinable au singulier. Je ne l'ai pas
ajouté non plus à antich (ci, 76), parce que, ainsi que je l'ai dit plus
haut (7), je regarde ici le ch comme représentant lui-même la com-
binaison CS-. Cf. le ch = tZy et inversement le tz = c/i, dont on a
ailleurs quelques exemple-;. (Yoj, Revue des langues romanes, XVI,
79). Pour le même motif, je considère comme égal à precs, et par
conséquent comme devant être réduit à prec, le prech sujet pluriel
qui se lit au v. 3 du même psaume. — Quant à fach = factus ou
fados (ci, 19, 21, 26, etc.), à vist (ci, 61) et à just (cxlii, 7), je ne
donne pas non plus à ces mots Y s flexionnelle, parce que, sous cette
forme, l'ancienne langue les traitait volontiers comme intégrais,
c'est-à-dire comme invariables^ au même titre que les noms en s ou
en 0, tels que naz, braz,crots, etc.^
14. J'ai déjà noté, comme trait provençal, l'article le, sujet singu-
lier. Le correspondant féminin li, qui se trouve plusieurs fois, ainsi
que le, dans les Litanies, ne se rencontre pas dans notre texte.
* Si j'ai, malgré cela, proposé de corriger (cxlii, 41), ^os plutôt que tons,
forme qui se trouve, avec mo?is, sons, entre autres mss., dans celui du Saint
Honorât que M. Sardou a publié, c'est parce que les Litanies, qui ont plu-
sieurs fois mos, SOS, n'offrent pas d'exemple de mows, tons, sons.
2 Les Litanies ont pareillement (v. 230) los luoch au pluriel, tandis que le
singulier du même mot y est luoc.
3 Cf. dans les Litanies, gauch (72) régime pluriel, et volguest (433) = vol-
guetz.
214 PSADMES DB LA. PENITENCES
15. La forme du cas oblique pour les pronoms personnels au
singulier est toujours en i (mi, ti, ce dernier alternant avec tu). Le
pronom masculin de la 3e pers. au sujet pluriel est yls (l, 22) et els
(ci, T7, 97, 103), que j'ai réduits k yl et k el. Les exemples de cette
dernière forme ne sont pas rares en d'autres textes. Mais il vaudrait
mieux probablement y substituer, de même qu'à y^, ell ou elh. Cf.
aquelh (ci, 31).
16. L'adjectif possessif absolu est, au féminin, mieua, tieua (une
fois las tuas, ci, 95). Ce sont là des formes qui abondent dans les
textes de la Provence. Mais le nôtre n'a pas d'exemple des mêmes
formes féminines, réduites à mieu, lieu, comme on les trouve assez
fréquemment ailleurs . — Le sujet pluriel masculin est en lew, comme
le régime singulier, sauf une seule fois où il est en iey {miey, ci, 30).
Je suis porté à croire que les formes originales étaient partout en iei
(ou ei),et, pour le féminin, en ua plutôt qu'en ieua,
17. La 3e personne du pluriel, dans les verbes, est étymologique *,
c'est-à-dire que an, en, on (un), répondent respectivement à des ant,
ent, unt latins : trehalhan, cxlii, 52 ; vengan, ci, 4; lauzavan et
juravan, ci, 31-32 ; aconten, ci, 77; deysendon, cxlii, 30 ; fugun,
CI, 91 . Les seules exceptions, sans doute imputables au copiste, sont
recastenaven, ci, 29, et sien, l, 42, et cxxix, 6. Cette même personne
à rind. prés, des verbes faire, aver et estar, ainsi que dans les fu-
turs, est toujours en an.
Au prétérit de la 1«« conjugaison, la 2* pers. du sing. est une fois
en est (ci, 38), une autre fois en iest [ihid., 93). C'est toujours sous
cette dernière forme que se présente la même personne à l'ind. prés,
de esser. Je pense que là, comme dans ieu (Dieu, mieu, etc.), c'est
au copiste que Vi est dû et que l'auteur avait écrit partout est. Aussi
ai-je cru devoir préférer ei k iei, à la Ire personne, en opérant les cor-
rections exigées par la mesure et la rime aux vers 17-18 du ps. cxlii.
Notre texte n'offre qu'un autre exemple du prétérit faible à la 1»* pers.
du sing. C'est au v. 85 du ps. ci, où le copiste a commis une faute
d'un autre genre, écrivant respondieu pour respondiey, que j'ai ré-
tabli. Voy. ci-après la note sur ce vers 2.
L'imparfait du subjonctif prend l'a en finale : desliessa, salvessa,
CI, 75-76; volguessas, l, 32'.
Comme formes remarquables, il faut noter suey = soi (sum), d'où
* De même dans les Litanies^ sauf sien deux ou trois fois.
* Les Litanies n'ont pas d'exemple de la l'e pers. La seconde, qui s'y ren-
contre très-fréquemment, est toujours en iest. Aux vers 448 et 450, receubest
et venguest doivent être corrigés receubist et venguist.
3 De même encore dans les Litanies.
PSAUMES DE LA PENITENCE 215
dérivent attfz et set, qui se disent aujourd'hui en divers lieux, par ex.,
sieï en Languedoc (la Provence a sieu), sei en bas Limousin (cf. ma
Gfam, limousine f p. 228), et permoyras ( = permanere habes).Je
n'ai jusqu'ici remarqué de formes pareilles que dans des documents
gascons ( armayra = remanere habet; armayri = r émaner e ha-
behat, Bayonne, 1273 ; Condom, 1314, etc.). L'y doit probablement y
représenter un d, qui, introduit par euphonie, a ensuite repoussé Vn
qui l'avait appelé. La série des formes serait dans ce cas permanras,
permandras, permadras, permayras, et enfin permoyras, par affai-
blissement en oi de la diphthongue protonique ai, selon l'usage ac-
tuel de quelques dialectes. Les formes gasconnes d'infinitif, armader,
et d'imparfait, armaze, relevées dans les mêmes documents que je
viens de citer (cf. encore ibid.; armât = remanet, armazeder = re-
tnanendus), viennent à l'appui de l'explication que je propose.
18. Presque partout les modifications réclamées par la rime ont
pour effet de rétablir en même temps la régularité grammaticale. C'est
la meilleure preuve que notre auteur visait à être un écrivain correct.
En deux ou trois endroits seulement, sans doute plus altérés que les
autres parle copiste, et sur lesquels je renvoie aux notes qui suivent
le texte, il ne m'a pas été possible de mettre à mon gré pleinement
d'accord la grammaire et la rime.
J'ai déjà signalé la rime de l'a ou de Vo suivis de Vn instable
[pélicans, van, mayson, generacion) avec les mêmes voyelles suivies
d'une nasale fixe (semblans, an, rescont, nom). C'est là, je le répète,
un trait franchement provençal. Les Litanies qui suivent nos psaumes
dans le ms. nous offrent un exemple du même phénomène au vers
470, où dan (damnum) rime avec van, man et Jordan, tous mots
dans lesquels.an = anum ou anem,
19. Au point de vue lexico graphique, notre texte peut aussi donner
lieu à quelques remarques. Voici la liste des mots, formes ou accep-
tions, qui manquent au Lexique roman .
Alligat (cxlii, 12), d'un verbe allia ar, qui signifierait Zier, enchaî-
ner (Raynouard n'a que alliar, avec un autre sens). Mais il faut pro-
bablement Qom^ev allô g at, Voy. la note sur ce vers.
Aytrestal (ci, 22). Raynouard n'a que atretal et altretal. Mais il
donne atrestan, Aitre est déjà dans Boëce.
Beure (ci, 34), breuvage, boisson. Raynouard ne mentionne pas
cette acception, dont il ne donne non plus aucun exemple. Cf. le
vers qui termine la belle romance la Baga d'or {Revue des langues
romanes^ I, 156):
E moun manjâ sera d'erbage
E moun beure sera de plous.
Gant (pour quant, cxlii, 32) a ici la signification de parce que.
216 PSAUMBS DE LA PENITENCE
piilsquej que Raynouard non plus n'a pas notée. Cf. ma Gram, li-
mousine, pp. 344 et 380.
Codonel (ci, 12) = fr. cretons ; traduit, avec le participe qui Tac-
compagne, le subst. latin cremium^ sur lequel voyez Du Gange. Ro-
chegude a enregistré ce mot. Honorât le donne aussi, sous les deux
formes codonel et codefhel. La dernière en indique peut-être l'étymo-
logie (codena^).
Efidenh {cif 37), traduit indignatio. Raynouard n'indique d'autre ac-
ception que celle de dédain.
Envelhi(e)ran (ci, 99) = vieilliront, s'il ne faut pas corriger de
préférence velheziran, renverrait à un infinitif erwelhir. Raynouard
n'a que des formes en ezir, tant pour le simple que pour les com-
posas.
Esdifîcar (ci, 60), édifier. Raynouard n'a que la forme plus correcte
edificar. La même substitution de es k un e initial, considéré à tort
comme un préfixe, se remarque assez fréquemment dans d'autres tex-
tes. Cf. esgleia, commun en catalan, pour egleia (ecclesia),
Eysohlidar (ci, 15), oublier. Eysohlidatz mi siiy hieu de.. . ., lit-
téralement : je me suis oublié de. . . Pas d'exemple dans Raynouard
de cette tournure réfléchie, très-ordinaire dans le langage actuel.
Fidar (l, 12), si ma correction de ^5 en fit est la bonne. Raynouard
n'a que fizar^ où renvoie le fis du ms., et fiar.
Gemamensf (ci, 17 et 73) = gémissements ; traduit gemitus. Ms.
gensamens, aux deux endroits, ce qui ne pouvant donner aucun sens
satisfaisant, est sans doute une bévue du copiste. Gemamens, cor-
rection mieux indiquée que gememens, ou gemimens, qui sont dans
Raynouard, se rattache d'ailleurs très-régulièrement au verbe gemar,
que Raynouard n'a pas non plus, il est vrai, mais qui est aujour-
d'hui très-usité.
Mulhadura (cxLii, 24), humidité, mouillure. Raynouard : moylla-
dura, avec un seul exemple, tiré de Raimon Féraut.
Pregonea (cxxix, 1), profondeur. Raynouard donne ce mot sous
* On lit dans une ancienne traduction des psaumes en vers français, impri-
mée à la suite du Psautier d'Oxford (p. 328):
Car mi jour sicum funs faillirent,
Et mi os cum chaous sechirent.
Ce chaous (lis. chaons?) a-t-il quelque rapport avec le codonel provençal?
Dans ce cas, ce dernier serait un diminutif d'une forme codon. Le Psautier
d'Oxford traduit ainsi le même verset : « Kar defistrent sicume fums li mien
jur, e li mien os sicume cretun seccherent. » Celui de Cambridge, qui suit la
version de saint Jtrôme, où il y a frixa au lieu de cremium, rend le mot par
fritures .
PSAUMES DE LA PENITENCE 2!7
deux formes; preondeza, qu'il traduit exactement, et pregonessa,
dont il méconnaît absolument le sens, y voyant l'équivalent et le dé-
rivé du lat. prœconium. Rochegude n'a pas commis la même faute.
Recastenar (ci, 2^) j reprocher, adresser des reproches. Raynouard:
recastinar.
Salutaria (ci, 28J, salutaire. Mais il faut probablement, comme il
est dit en note, corriger solîtaria. Salutari manque à Raynouard et
aussi à Rochegude .
Talpen (ci, 24), crevasse; traduit non le domicilio de la Vulgate,
mais le parietinis d'une autre version latine, plus conforme à celle
des Septante. Ce mot dérive de talpa, qui a eu aussi le même sens,
comme on peut le voir dans Raynouard, chez qui manque talpen,
Tremer (ci, 55), trembler. Raynouard n'a que tremir.
Je me suis attaché, comme on le fait d'ordinaire pour les édi-
tions princepsy à n'introduire dans le texte même que le moins possi-
ble de corrections, à part celles qui consistent seulement à indiquer
par des parenthèses ou des crochets le retranchement ou l'addition
. de lettres. Les plus importantes de celles qu'exigerait une édition
critique sont indiquées, implicitement tout au moins, dans les remar-
ques qui précèdent ou proposées dans les notes.
J'ai cru devoir imprimer le texte de la Vulgate au-dessous de la
version provençale, qui serait quelquefois, sans l'aide du latin, d'une
intelligence un peu malaisée. J'ai aussi, dans le provençal, distingué
et numéroté les versets, sans égard à la division strophique (qui n'est
pas d'ailleurs, on l'a vu plus haut, toujours uniforme), comme ils le
sont dans les éditions de la Vulgate, afin de faciliter les références.
M. G. Guichard a eu l'obligeance de revoir sur le ms. quelques pas^
sages de ma copie, et il en a heureusement amendé plusieurs. Il a
aussi transcrit pour moi les 26 premiers vers, qui, par suite du dépla-
cement du folio qui les contient, m'avaient échappé. Le savant con-
servateur du Musée Calvet, M. Augustin Delloye, a bien voulu prêter,
pour ce double travail, son concours à M. Guichard. C'est un devoir
pour moi d'adresser ici publiquement à l'un et à l'autre l'expression
de ma gratitude.
C. C.
'
218 PSAUMES DE LA PÉNITENCE
fPSALM L]
10
(P* 11, p*) Et alegransasi ti plas;
Gran gauch auray, cant o faras,
Totz los osses humiliatz.
11. Senher, si (a) ti yen en plazer,
5 Ta fas torna dels mieus peccatz,
Et destruy per lo tie[u] poder
Las mieuas grans enequitatz.
12. Senher, tal cor mi faj aver
Que sia net[z] con flor[s] novella,
10 Drech esperit per ton plazer
Dintre mon ventre reno[ve]lla.
PSALMUS L
3. Miserere mei, Deus, * secundum magnam misericordiam tuam.
Et secundum multitudinem miserationum tuarum, * dele iniquitatem
meam.
4. AmpUuslava me ab iniquitate mea, *et apeccato meo munda me*
5. Quoniam iniquitatem meam ego cogno'sco, * et peccatum meum
contra me est semper.
6. Tibi soli peccavi, et malum coram te feci : * ut justificeris in ser-
monibus tuis, et vincas cum judicaris.
7. Ecce enim in iniquitatibus conceptus sum ; * et in peccatis con-
cepit me mater mea.
8. Ecce enim veritatem dilexisti ; * incerta et occulta sapientiae tuae
manifestasti mihi.
9. Asperges me hyssopo, et mundabor ; * lavabis me, et super ni-
vem dealbabor.
10. Audituimeodabis gaudium et laetitiam, * et exultabunt ossa hu-
miliata.
11. Averte faciem tuam à peccatis meis, * et omnes iniquitates me as
dele .
12. Cor mundum créa in me, Deus, * et spiritum rectum innova in
visceribus meis.
PSAUMES DE LA. PENITEiNGES 219
18. G-iorios Di6u[s] en cui mi fis,
Nom gitar de la tieua fas,
[V®] El tyeu sant honrat [e]spirit
15 Non mi toUas, si a tu plaz.
14. Rent mi lo gauch especial,
Senher, de la tieua salut,
D'esperit ferm e principal
Conforma mi e ma vertut.
20 16. Als félons en8enh[ar]ay yeu,
Bel[s] Senher Dieu[s], las tieuas vias,
Et yl(s) a tu tantost e leu
Si convertran de lur folias.
16. Delieura mi de[l]s sancs, sit(i)plas,
25 Dieu[s], Dieu[s] de la mieua salut ;
(Et) alegrara(s) ma lengua en pas
[F» 1, P°] Ton drech e la tieua vertut(z).
17. Mas lavias adhubriras,
Senher, cant a tu plazera,
30 E ta lauzor, cant o faras,
La mieua boca (o) contara.
18. Car situ volg[u]essa[s] aver
Sacrifices, yeu donarai ben ;
Ma[s] yeu en os so say ben ver
35 Non ti delicharas per ren.
13. Ne projiciaa me a facie tua, * et Spiritum Sanctum tuum ne au-
feras a me.
14. Redde mihi Isetitiam salutaris tui, * et spiritu principali con-
firma me.
15. Docebo iniques vias tuas, * et impii ad teconvertentur.
16. Libéra me de sanguinibus, Deus, Deus salutis me», * et exul-
tabit lingua mea justitiam tuam.
17. Domine, labia mea aperies, * et os meum annuntiabit laudem
tuam.
18. Quoniam si voluisses sacrificium, dedissem utique ; * holocaus-
tis non delectaberis.
220 PSAUMES DE LA PENITENCE
19. [E]sp[e]rit[z] d'orne trebalhat
Es sacriôci a Dieu plazent ;
Dieu[s], cor frach et humeliat(z)
Non (en)tendras en desprezament.
[V®] 40 20. Senher, a Sion francament
Fay, en ta bona voluntat(z),
Quel mur(s) sien complidament(z)
De Jeruzalem acabat(z).
21 . Adonx penras lo sacrifis
45 De drechura e los dons grans ;
A(n)donx seran vedel^s) complis
Sobre lo tyeu autar pauzat(z).
[PSALM CI]
2. Senher, aujas ma oration
E ma clamor tota sazon,
Que totz los prech que heu ti fas
A ti vengan, si a tu plas.
5 3. Bel[s] Senher Dieus, si plas a ti,
[F® 2] Tu non torna ta fas en mi ;
T'aurelha a mi, si ti plas,
Enclina quant er trebalhatz,
To[t] jorn que apellaray tu.
19. Sacrificium Deo spiritus contribulatus : * cor contritutn et hu-
miliatum, Deus, non despicies.
20. Bénigne fac, Domine, in bona voluntate tua, Sion, * ut aedifî-
centur mûri Jérusalem.
21. Tune acceptabis sacrificium justitiae, oblationes et holocausta;
* tune imponent super altare tuum vitulos.
PSALMUS CI
2. Domine, exaudi orationem meam, * et clamor meus ad te veniat.
3. Non avertas faciem tuam a me ; * in quacumque die tribulor, in-
clina ad me aurem tuam.
PSAUMES DE LA PENITENCE 221
4
10 Aysin con fum[s] que defalh leu,
E li mieu hos son tuch secat(s)
Ajsi con codonel cremat(z).
5. Enaysin con fen[s] sujferit[z],
Mon cor es secat[z] efalhit[z],
15 Car e7Soblidat[z] mi suy hyeu
Del tôt de manjar lo pan mieu .
6. Del[s] gemament[z] que heuay m'eriat[z],
S'es an ma carn Tos ajostatz.
[V] 7. Heu suy fach al àusel semblantz
20 De Tausel c'a nom pelican[s],
E sy suy [heu] fach per egual
Enaysin e tôt aytrestal
Con nuchola que si rescon(t}
E lo talpen de la mayson.
25 8. Heu ay velhat ben lo[n]gamens
E si suy fach tôt eysamens
Con la pacera en mayson,
Que salutaria a non.
9. Recastenaven mi tôt jorn
30 Myey enemix qu'e[ra]n entorn,
E tuch aquelh que mi lauzavan
[F** 3] Ed contra mi ben fort juravan .
In quacumque die invocavero te, * velociter exaudi me :
4. Quia defecerunt sicut fumus dies moi, * et ossa mea sicut cremium
aruerunt.
5. Percussus sum ut fœnum, et aruit cor meum, * quia oblitus sum
comedere panem meum.
6. A voce gemitus mei, * adhaesit os meum earni meae.
7. Similis factus sum pellicano solitudinis, * factus sum sicut nyc-
Idcorax in domicilio.
8. Vigilavi, * et factus sum sicut passer solitarius in tecto.
9. Tota die exprobrabant mihi inimici mei: * et qui laudabant me
adversum me jurabant.
2Î2 PSAUMES DE LA PBNITENCB
10. Car senre(s) aysin con pan manjava
E lo mieu beure an plor mesclava.
35 1 1 . De la fas de ta ira greu
E de la fas de Tendenh t(y)eu,
Car cant tu mi aguist levat(z),
Mi deroquest per mon peccat(z).
12. Li mieu jorn son declinat(z) tuch
40 Enaysin con umbra [quej fuch,
Ett jeu suey en ajsi secatz
Con es lo fen[s] e desanatz.
13. Mas tu, Senher, sertanamens
Hi[e]st e seras durablamens ;
[Vj 45 El memorial[s] del tieu nom
En tota generacion.
14. Senher, can tu ti levaras,
De Syon pietat auras,
Car temps de [pietat aver,
50 Car vengut[z] es lo temps en ver.
15. Car als sers que tu as agut(z)
An las peyras d'ella plagut(z),
E de sa terra bonament
Auran mer ce e cauzimen[t].
55 16. Bel|s] Senher, las gens temeran
Lo tieu sant nom e tr[e]meran,
E ta lauzor tota sazon
10. Quia cinerem tanquam panem manducabam, * et potum meum
cum âetu miscebam.
1 1 . A facie irse et indignationis tuae ; * quia elevans allisisti me.
12. Dies mei sicut umbra declinaverunt ; * et ego sicutfœnum ami.
13. Tu autem, Domine, in aetemum permanes, *et memoriale tuum
in generationem et generationem.
14. Tu exurgens misereberis Sion, * quia tempus miserendi ejus,
quia venit tempus.
15. Quoniam placuerunt servis tuis lapides ejus, * etterrse ejusmi-
serebuntur.
16. Et timebunt gentes nomen tuum, Domine, * et omnes reges
terrse gloriamtuam.
PSAUMES DE LÀ PENITENCE 223
[F<* 4] Trastotz los reys qu'en terra son.
17. Car nostre Senher a fondada
60 Sjon e Ta esdificada,
E sera vistsertanamens
En sa gloria honradamens.
18. Las horacions dels francz (re)gardet,
E lo lur prec non mesprezet.
65 19. Ayso sia escrich a bandon
En autra generacion,
El pobol[s] que creatz sera
Nostre Senhor en lausara,
20. Car el a vist(z) [et] esgardat(z)
70 Del sieu sant luoc aut et onrat(z);
[V**] Nostre Senhor del cel la sus
A esgardat en terra jus,
21 . Quez el auzîs los gemamens
Dels enferriatz malamens,
75 E per so quez el desliessa
Los fils dels antich el[s] salvessa ;
22. Quez el(s) aconten(s) ad onor
En Sjon lo nom del Senhor,
E ta lauzor[s] sancta et honrada
80 Sja en Jeruzalem contada«
17. Quia sedificavit Dominus Sion, * et videbitur in gloria sua.
18. Respexit in orationem humilium; * et non sprevit precem eo-
rnm.
19. Scribanturhsec in generatione altéra; * et populus, qui creabi-
tur, laudabit Dominum,
20. quia prospexit de excelso sancto suo ; * Dominus de cœlo in
terram aspexit,
21 . ut audiret gemitus compeditorum, * ut solveret filios inter-
emptorum ;
22. ut annuntient in Sion nomen Domini, * et laudem ejus in Jeru-
galem.
824 PSAUMES DS LÀ PENITENCE
23. En ajustant ,i. cada un
Totz lo popols que son en .i.
Els reys que son per terra onrat(z),
[F® 5] Per servir lo Senhor en grat(z).
85 24. Yeu respondiey e dis a Dyeu,
En la via del podersieu:
]Dyeu[s], la pauqueza delsmieus jors
Mi faj saber que son tan cors.
25. Non mi reprennas, Senber Dieus,
90 Hins en la mieytat dels jors mieus,
Que tan tost fugun e son van,
En Tengenrament del tieu an .
26. Senber, tu fundiest fermament
La terra en lo comensament,
95 Et obras de las tuas mans
Son los cels que istan sobrans.
[Vo] 27. El(s) periran, mas tu seras
Et per totz segles permojras ;
Tucb envelbi(e)ran verament
100 Ajsi con fa le vestimens.
Et en ajsin con tu voiras,
Con cubertor los mudaras.
Et el(s) seran del tot(z) mudat(z).
28. Mas tu, Senber, per veritat(z)
105 Hiest un mezeis onrat e graz
E los tiens ans non falbiran .
23. In conveniendo populos in unum et reges, *ut serviant Domino.
24. Respondit ei in via virtutis suse: * Paucitatem dierum meorum
nuntia mihi.
25. Ne revoces me in dimidio dierum meorum; * in generationem
et generationem anni tui .
26. Initio tu, Domine, terram fundasti, * et opéra manuum tuarum
sunt cœli.
27 . Ipsi peribunt, tu autem permanes ; * et omnes sicut vestimen-
tum veterascent.
Kt sicut opertorium mutabis eos, et mutabuntur;
28. tu autem idem ipse es, et anni tui non déficient.
PSAUUBS DE LA PBNITENCB 225
29. Li âls dels ti&us sers estaran
Et an ^an pas habitaran.
(La) lur semensa a vida sera
[F"* 6] 110 Et el segle s'adrejsara.
[PSALM CXXIX]
1. De pregonea de peccat
Senher Dieu[s], ay a tu cridat(z):
2. Aujas, Senher, la mîeua vos
E garda mi del mortal pos.
5 Dieu que [a] tot[z] [los] precs ententz,
Sien fâchas ben enteDdent[z]
Tas. aurelhas tota sazon,
En vos de la mieua oracion.
3. Si tu esgardas, Senher D(i)eus,
10 Las enequitatz els fach greus
Que case uns fa tro al morir,
Senher, cal[s] poyra sostenir?
[V®] 4. Car enves ti es pietatz
E misericordia e pas,
15 E per ta lej qu' yeu ay volgut(z),
Senher, ti ay yeu sostengut(z).
En la paraula a tota via
De Deu sostengut(z) Farma mia :
5. L'arma mia a fort esperat(z)
20 En lo Senhor fort(z) e onrat(z).
29, Filii servorum tuorum habitabunt ; * et semen eonim in saeculum
dirigetur.
PSALMUS CXXIX
1. De profundis clama vi ad te, Domii^e :
2. Domine, exaudi vocem meam.
Fiant aures tuse intendantes * in vocem deprecationis mese.
3. Si iniquitates observaveris, Domine; * Domine, quis sustinebit?
4. Quia apud te propitatio est ; * et propter legem tuam sustinui te,
Domine.
Sustinuit anima mea in verbo ejus :
5. speravit anima mea in Domino.
18
226 PSAUMES DE LÀ PÉNITENCE
6. De la garda del bon matin
Entro a la nuech de la fin,
Aîa Israël ses duptansa
En notre Senhor esperansa.
25 7. Car enves Dyeu es pietat[z]
[F* 7] E misericordia e pas,
Et aondosa redempcion[s]
Es envez el tota[s] sazon[8].
8. Et el, cant a luy plazera,
30 Tot(z) Israël resemera
De las sieuas enequitas
E de trastotz los sjeus peccatz.
[PSALM CXLII ]
1. Senher, aujas so qu'eu ti prec,
An tas aurelhas pren mo prec,
En ta veritat(z) fina e pura.
Mi aujas et enta drechura.
5 2. E non intres en jugament[z]
An lo tieu sers, car om viventz
[V®] Non es trobatz just ses peccat[z]
Davant la tieua sancta fas.
3. L'enemic[s] a m'arma encausada j
10 En terra a ma vida baysada ;
Aysin con mors que son annat(z)
6. A custodia matutina usque ad noctem : * speret Israël in Do-
mino.
7. Quia apud Dominum misericordia, *et copiosa apud eum re-
demptio.
8. Et ipse redimet Israël ex omnibus iniquitatibus ejus.
PSALMUS CXLII
1 . Domine, exaudi orationem meam ; auribus percipe obsecratio-
nem meam in veiitate tua : * exaudi me in tua justitia.
2. Et non intres in judicium cum servo tuo : * quia non justificatur
in conspectu tuo omnis vivens .
3. Quia persécutas est inimicus animam meam; * bumiliavit in
terra viam meam.
PSAUMES DE LÀ PENITENCE 227
D'aquest segle m'a alligat(z)
En luoc escur que es fort greu[8].
4. Desobre mi resperit[z] m(i)eu[s]
15 Fach angoysos e trebalhatz,
En mi es lo mieu[s] cor torbat[z].
5. Dels jors ancticz mi reDembr[e]i
En totas tas obras (hieu) pens[e]i ;
[Et] en los fach que yeu pensava
[F® 8] 20 De las tieuas mans mi gardava.
6. Mas mans ay estendut a ti ;
La mieua arma es enaysi(n
A tu con terra seca e dura,
Sens aygua e sens mulhadura.
25 7. Aujas mi to[s]t, bel[s] Senher Dieu[s],
Que falhitz es resperit[z] mieu[s].
Dieu [s], per la tyeua pietat,
Tu non girar de mi ta fas,
Qu'eu séria ad aquels semblans
30 Que deysendon en lo lac gran.
8. Fay mi auzir ta pietat(zj
Matin, cant ay ti esperat(z);
[V*] Fay [a] mi conoyser la via
En que yeu venga tota dia ;
35 Car a tu ay m'arma levada
Que per tu sya aconselhada.
Gollocavit me in obscuris sicut mortuos sseculi :
4. et anxiatus est super me spiritus meus, in me turbatum est cor
meum.
5. Memor fui dierum antiquorum: meditatus sum in omnibus ope-
ribus tuis : * in factis manuum tuarum meditabar.
6. Expandi manus meas ad te : * anima mea sicut terra sine aqua tibi:
7. velociter exaudi me, Domine : * defecit spiritus meus.
Non avertas faciem tuam à me; * et similis ero descendentibus in
lacum.
8. Auditam fac mihi mane misericordiam tuam, * quia in te speravi.
Notam fac mihi yiam in qua ambulem, * quia ad te levavi animam
meam.
228 PSAUMES DB LA PÉNITENCB
9. Hieu fuch a tu, bel[8] Senher Dieu[sl,
Tu mi tray dels enemix mieus ;
10. Far m'ensenha ta voluntat(z)
40 Car jest mon Dieu per veritat(z) .
Ton esperitz bon[s] mi metra
En terra que drecha sera.
11. Per lo tieu sant nom, Senher mieu,
Mi faras vyeu en lo drech tieu ;
45 De tôt trebalh foras trayras
[F<> 9] La mieua arma
12. e destruyras
En ta merce, bel[s] Senher Dieus,
Totz ensems los enemix mieus.
50 Aquels destruyras totz ensems.
Que mi fan mal en alcun temps,
Ni que trebalhan Farma mieua,
Qu*es del tieu sers^e sera tieua.
9. Eripe me de inimicis mais, Domine ; ad te confugi :
10. doce me facere voluntatem tiiam, quia Deus meus es tu.
Spiritus tuus bonus deducet me in terram rectam :
11. propter nomen tuum, Domine, vivificabis me in aequitate tua.
Educes de tribulatione animam meam.
12. et in misericordia tua disperdes inimicos meos.
Et perdes omnes qui tribulant animam meam, * quoniam ego servus
tuus sum.
229 PSAUMES DE LA PfiJNITfiMCE
NOTES
PsALM . L. — V. 2-3. Corr. auran ? ou En totz los osses (ou mieux
05) ? Cette dernière correction donnerait une phrase plus correcte ; la
première, une traduction plus littérale.
V. 12. « mi fis. » Corr. fit j de fidar? Des formes analogues se
rencontrent dans la Vie de S. Honorât (p. ex., audida, 131 6, laut
= laudem, 166, 177) et d'autres textes de Provence [vedenza, au-
denza, laudet. Revue des Sociétés savantes, 1870, 2, 370 ; 1877, 1,
203). Le rfse maintient encore aujourd'hui, en de pareils mots, dans
le dialecte de Nice (suda, lauda, audi, etc.) — 13. « nom ». Ms. non.
15. «toUas. » Ms. tollat.
21 . « Bel[8]. » Ms. Bel.
26. « alegrara(s). » Traduction servile du latin. Et, dont la mesure
du vers exige la suppression, n'est pas dans la version des Septante,
non plus que dans la traduction latine faite sur cette version.
33. Corr. sacrifis? Cf. v. 44. — Ihid, <( donarai. » Corr. donarat
(= je te donnerais)? ou seulement donara ou donaria?
34. « en os » {in 055a), sous-entendu crematzf, Ms. e uos, — 35. Il
faut sous entendre C[ue devant Non ti.
36. « d*ome. » Ms. dons e. Notre ms. nous offre deux autres exem-
ples de cette substitution fautive de ns à m. C'est aux vers 17 et 73
du ps . CI, gensamens pour gemamens, supposé du moins que ma
correction soit sûre.
37. Corr. sacrifis,.., plazent[z] ?
39. Corr. pendras en desprexament[z]?
45. Corr. els dons en grat f
46. La régularité grammaticale exigerait complit. Mais la rime n'y
serait plus. Le copiste a peut-être écrit complis par erreur, au lieu
d'un nom intégral en is (iz), ou d'un nom en ici. Dans ce dernier cas,
il faudrait corriger sacrifici au v. 44.
PSA.LM. CI. — V. 3. « Que. » Ms.De. — Corr. tuch li prec. Dans la
graphie de notre scribe, prech doit représenter precs, comme il a été
dit dans l'introduction. Cf. plus loin, v. 76, dels antich.
5. « a ti. >» Ms. a tu. — 6. « en. » Corr. de? Cf. le texte latin. —
8. « er. » Correction imposée par la mesure. Ms. seray.
9. Il y a après ce vers une lacune de deux vers au moins. Le ms.
n'en indique aucune et fait une stance unique et distincte des vers
9-12.
230 PSAUMES DE LA PENITENCE
11. Ms. secacs. — 14. « Mon cor. » Il n'y a pas lieu de coniger
mos, Tadjectif qui précède immédiatement cor pouvant rester, comme
ce substantif (voy. ci-dessus, p. 213), invariable au singulier. C'est la
doctrine des Leys d'amors, II, 176, qui donnent cet exemple : /reoZ
cor es le meus. Cf. celui-ci, tiré du Chansonnier 854 de laB. N.,
fo 133: per autra no s'esjau mon cor. On en pourrait citer beaucoup
d'autres. — 17. Ms. gensament. Cf. ci-dessus la note sur l, 36. —
" que heu. » Corr. qu'eu,
19. Corr. semhlans. — 20. « del ausel. » Répétition probablement
fautive. Corr. Bel désert ?
28 Corr. solitaria ? Ou faut-il laisser cette bévue sur le compte de
l'auteur? Ce serait bien assez pour lui d'avoir commis celle de prendre
une épithète pour un nom propre .
30. Corr. enemic. Cette substitution de a; à c se remarque assez
fréquemment en d'autres textes plus anciens, où l'on va par suite jus-
qu'à écrire xs pour es,
40. On pourrait aussi corriger con [li] umbra fuch,
57, « ta lauzor. » Ms. tota l, — 58. Corr. Trastuch li rey,
63. CovT, francs. — 71. CovT.Senher, — 73. Ms. gensamem. Cf.
V.17.
79. » Eta. » Corr. E sa,
85. Ms. respondieu. Cette forme, comme imparfait, serait accep-
table (cf. ma Grammaire limousine, p. 373); mais le contexte exige
ici le prétérit*. Le traducteur a fait du reste un contre-sens, ayant lu
sans doute respondir, au lieu de respondit, dans l'original .
88 . « tan cors. » La grammaire exigerait tant cort. Mais il n'est
pas rare que l'attribut, quand il suit le verbe, se mette au cas régime.
A la rigueur on pourrait corriger ques fan.
91. « son van. » La correction s'en van se présente d'elle-même.
La rime serait meilleure, l'a de van (vani) étant estreit. Mais voy. ci-
dessus, p. 210 et 215.
95-6. On pourrait corriger de la tua man. , . li cel. ,. sohran. Mais
cf. la note sur le v . 88, et aussi l, 37.
99. Corr. veramens, — 105. « graz. » Corr. gran ? Pour l'absence
del'^, et du z k onrat, cf. 88 et 96. — 106. Corr. li tieu an, — 110.
« el. » Ms. en lo,
PsALM. CXXIX. — 17-18. Construisez: Varma mia a sostengut
tota via en la paraula de Deu. — 28. Corr. enves,
PsALM. CXLII. — 5. « en jugament[z].))Le singulier serait préférable ;
• Le copiste aura ici changé iei (ou et) en ieu, entraîné peut-être par l'ha-
bitude d'opérer le même changement au sujet pluriel des pronoms possessifs.
Cf., dans les Litanies (v. 324), enblieust pour enbliest.
PSAUMBS DE LA PBNITBNCE 231
mais la rime exige ici le pluriel. — 12. « alligat. » Corr. allogat? Cf.
le latin coUocavit et voy. ci-dessus, p. 215. — 14. Corr. Es sobre? ou
bien ^5 du v. 16 sert-il aussi pour le v. 15?
17. CoTT.antics. — 21. « ati )).Ms. a tu. — 27. Corr. la^s] tieua[s]
j)iWai[2] ? Ce pluriel serait bien insolite*; mais il {a.\it atz pour la
rime.
29. Corr. semblanf Cf. l, 37; ci, 88, 96, 99. Il faudrait autrement
corriger lo[s] lac[s] gran[s], ce qui paraît moins acceptable.
34. « dia. » Ms. die. — 40. « mon Dieu. » On pourrait corriger
mois] Dieu[s]. Mais voy. la note sur ci, 88.
41 . « Ton. » Corr. Tos.
43-44. Ms. SenJier tieu drech mieu. Corr. mieu[s] et Id^s]
drech tieu[s]f
53. Ms. Que del tieu sers es e sera tieua.
Cf. pourtant, dans l'ancienne trad. française précitée (ps. 52, verset 17);
Mais les pitiés de Deus seront
Tous jours sor ceus qui le criendront.
PSAUMBS DE LA PBNITBNOB
APPENDICE
M. Karl Bartsch, ainsi que je Fai déjà rappelé ci-dessus (p. 209),
a publié en 1856, dans ses Denkmœler der provenzalischen Lite-
ratur, p. 71, d'après le ms. 1745 de notre Bibliothèque nationale,
une traduction en vers du psaume 108. Je crois devoir la reproduire*,
afin que le lecteur ait ici tout ce que l'on possède, à ma connaissance
du moins, de traductions des Psaumes envers provençaux*. Comme
je l'ai fait pour les Psaumes de la pénitence, j'imprime au-dessous
le texte latin de la Vulgate, en numérotant les versets, dans le pro-
vençal comme dans le latin.
Cette traduction du psaume 108 se distingue nettement, à première
vue, de celle des Psaumes de la pénitence, qu'on a lue plus haut, en
ce qu'elle révèle chez celui qui en est l'auteur un bien moindre souci
de la grammaire et de la prosodie. Il n'y a aucune uniformité dans la
mesure des vers, qui sont ad libitum de 6, 7, 8, 10 ou 12 syllabes.
Dans ce dernier cas, ils peuvent avoir des rimes ou assonnances in-
térieures, alternées ou non. Les rimes vont tantôt par paires, tantôt
par quatre, par cinq ou par six. Elles sont ou plates (c'est l'ordinaire),
ou alternées (74-77, 78-81, 104-107). Elles se réduisent très-souvent
à une simple assonnance; ainsi plazer^ : me (1 1- 12), eiJ;tnerce (44-5),
el: paren8(4S-9), destruction: dolor* {40-7), sofraclios : soy^ (82-3),
* Je fais cette reproduction d'après la copie de M. Bartsch, que je suppose
exacte, et que je ne puis d'ailleurs contrôler.
2 Je dis traductions et vers provençaux, parce que d'un côté il en existe
en prose, et que, de l'autre, je connais une paraphrase, très-libre, des psaumes
pénitentiaux, en vers de huit syllabes à rimes plates, écrite ou tout au moins
transcrite par un Gascon au XlVe siècle. Cette paraphrase sera publiée très-
prochainement dans la Revue. — On connaît encore une autre paraphrase eu
vers, pareillement inédite, si je ne me trompe (la Revue la publiera également,
au moins par extraits), de plusieurs psaumes. Mais cette paraphrase, qui est
conservée à la bibliothèque Inguimbert (ms. n» 20), est en provençal mo
deme (XVlIe siècle?), et je n'ai ici en vue que l'ancienne langue, je veux dire
celle du moyen âge. Pour le même motif, il n'y a lieu de mentionner ici que
pour mémoire les traductions complètes du Psautier composées au XVI» siè-
cle, en vers gascons (ou néarnais), parPey de Garros et Arnaud de Salettes.
3 Sans doute prononcé p/azé, comme aujourd'hui.
* On devait prononcer destructiou: doulou.
5 On prononçait peut-être sofrachois, Voy. ma Gramm. limousine, p. 368.
On pourrait aussi obtenir ici d'une autre façon une rime pleine, en changeant
PSAUMES DE LA PENITENCE 1^
ombra: ^o^osto (86-8), fâcha : intrada et sitada (&l'-69), ajudar:
gastat (42-3), venra: far^\ paguat (62-64), fach: menesprezat: cap
(94-6), benisiras: alegrara {104''7), perseguens : salvamen (119-120),
Je ne parle pas des vers qui ne riment pas du tout. Il y en a plusieurs
dans le ms. Mais ce doit être par la faute du copiste, la rime ou
Tassonnance se laissant partout rétablir, comme on le verra dans les
notes, avec la plus grande probabilité.
Quant aux règles de la grammaire, je parle surtout de celles des
cas, elles ne sont pas traitées moins librement que celles de la ver-
sification. Il est visible que l'auteur, aussi bien que le copiste, ne con-
naissait aux noms qu'une seule forme pour chaque nombre.
Tout se réunit ainsi pour faire supposer que nous avons ici l'ou-
vrage d'un homme peu lettré. Certaines formes d'un caractère dia-
lectal très-prononcé s'ajoutent à ces indices pour rendre l'hypothèse
plus probable encore. Je croirais volontiers que ce psaume a été rimé
plutôt par quelque sorcier, pour servir à ses maléfices, que par un
moine ou un simple clerc, dans une intention pieuse. Le psaume 108,
en efiTet, s'il ne joue pas dans la liturgie, comme les Psaumes de la
pénitence, un rôle particulier et prépondérant, de nature à expliquer
le choix qu'en aurait fait, de préférence atout autre, pour le mettre en
rimes, un poète dévot, en joue au contraire, en devait au moins jouer
autrefois, un tout spécial et d'une certaine importance dans les pra-
tiques de sorcellerie. C'est ce qui résulte d'un passage du curé Thiers,
au tome 1, p. 157, de son Traité des superstitions. Cet écrivain,
parmi les maléfices qu'il énumère en cet endroit de son livre, men-
tionne, sans plus de détails, malheureusement, celui qui consiste à
« faire des imprécations contre quelqu'un en éteignant toutes les lu-
mières du logis, en tournant le dos aux • voisines, en se roulant
par terre et en récitant le psaume 108. » Si de pareilles pratiques
étaient en usage au XVII® siècle, on doit croire qu'elles ne dataient
pas de la veille, et il y a lieu, au contraire, de supposer qu'elles de-
vaient être plus fréquentes encore ti'ois ou quatre cents ans plus tôt 3.
soy en sos. Cette forme est rare, mais non sans exemples. Cf. Peire Milon
{Gedichte, 19, 672 et 673) : la bella de oui sos. J ai trouvé une forme pa-
reille {siotcs) dans des textes modernes de l'Ardèche, de l'Isère, et aussi, sauf
erreur, de l'Aveyron.
* On devrait prononcer fa^ comme aujourd'hui, et de même pagua, etc.,
sans faire sentir dans ces mots la consonne finale. Cf. au v. 40 usurias =:
usuriars.
* Lacune laissée à dessein par Thiers lui-même. Est-ce maisons qu'il faut
suppléer?
3 Je n'ai pu, malgré les recherches que j'ai faites dans les bibliothèques à
234 PSAUMES DR LA PENITENCE
On s'expliquerait ainsi facilement et le fait même de l'existence àe
cette version isolée du psaume 108, et son infime condition littéraire.
Le trait dialectal le plus marqué de notre texte est le renforcement
qui s'y remarque de te en ta, dans usurias 40 = usuriers, despiach
49, iniach 116, et^pàssinif dans diaus,diau, tiau,siau. Si la correc-
tion que je propose aux vers 78-80 est la bonne, il faut admettre que
ces formes en iau étaient celles de l'auteur. Celles en ieu, qui alternent
avec les autres, seraient alors du fait du copiste. Iau pour ieu se
rencontre sporadiquement dans des textes de l'Auvergne, delà Marche,
du haut Limousin*, du Toulousain, du pays de Foix. Mais c'est seule-
ment dans des textes de la Provence que cette mutation a lieu com-
munément. Voy, Ste Agnès, où elle est constante, et St Honorât.
Les formes en ia(r) pour ter sont aujourd'hui communes dans
l'Aveyron et la Lozère. Les textes anciens de la même contrée, ainsi
que ceux du Quercy, de l'Albigeois, du bas Languedoc (Béziers,
Montpellier, etc.), en offrent de nombreux exemples. On en trouve
aussi beaucoup dans des textes de la Provence propre.
La Vie de St Eonoraty du moins dans lems. publié par M, Sardou,
qu'on sait avoir été exécuté en Provence, présente fréquemment le
renforcement de ie en ia, devant i, comme notre texte devant ch, dans
les mêmes mots ou dans les pareils. Ainsi miay (= lat. mei et mé-
dium), siay, puaia. Je ne me rappelle pas avoir remarqué ce phéno-
mène ailleurs. Aussi serais-je facilement porté à conclure de la pré-
sence simultanée, dans notre version du psaume 108, de iach (= iai du
St Ronorat)et de iau et ia(r)s (== iers), que l'auteur de cette version
était provençal.
Les autres détails phoniques ou morphologiques n'ont rien d'assez
particulier pour mériter d'être relevés. Notons pourtant la chute de
IV devant s dans usurias 40, chute dont il y a aussi des exemples dès
la fin du XIIl® siècle dans des textes de la Provence, et la substitu-
tion qui se fait d'une nasale à l'autre dans an pour am, passim, em 20
pour en, semblam 13 pour semblan, anom 37 pour anon, substitution
qui prouve que Vm ne devait plus avoir, pour le copiste du ms., sinon
pour l'auteur lui-même, d'autre valeur que Vn,
ma portée, trouver d'autre témoignage que celui de Thiers sur cet emploi
du psaume 108 comme instrument de maléfice. On devait, au reste, user plus
souvent des psaumes, en général, dans une intention bienfaisante. Voy. Du
Gange sous ensalmus. Ce mot est resté en Espagne (castillan et portugais
ensalmo, catalan ensalm), avec ses dérivés ensalmar, ensalmador, au sens
purement favorable de charme, remède superstitieux.
* Aujourd'hui iau pour ieu ou iu est habituel dans la basse Auvergne et
très-commun dans la Marche et le haut Limousin.
PSAUMES DB LA PENITENCE 235
On a, au verset 14, à moins qu*il ne faille corriger sian du v. 50
en sia, un exemple de syllepse de nombre, le verbe étant régi par
ridée de pluralité qui est communiquée au sujet singulier par le
complément de celui-ci. — Que, au v. 84, est explétif, comme il Test
quelquefois ailleurs, même hors de la Gascogne. — Quant ka luy du
v. 115, dernière particularité syntactique qu'il paraisse utile de re-
lever, c'est une reproduction servile du latin, et je ne pense pas qu'il
y faille voir un trait dialectal, tel que serait la substitution spontanée,
comme en gascon, du datif à l'accusatif.
Au point de vue lexicographique, quelques mots sont à noter, soit
pour leur forme, soit pour leur acception :
Acabar, v. 28: Vacabe =» (que cela) lui réussisse, lui profite. Ac-
ception qui manque à Raynouard et dont il y a ailleurs d'autres exem-
ples.
Aveavar 34, rendre veuf. Cette forme est dans Raynouard, qui n'en
donne pas d'autre exemple que celui même de notre psaume. L'accord
de Raynouard et de M. Bartsch ne permet pas de douter qu'il n'y ait
bien aoesvada didiH^ lems., et Ton ne manque pas d'ailleurs d'exem-
ples du changement du v ou de l'/^en z [s) en finale, sinon, comme
ici, dans le corps d'un mot devant une consonne. Mais peut-être est-ce
une erreur du copiste, pour aveusada (car avefvada aurait une phy-
sionomie bien française). Aveusar (aveuzar) manque à Raynouard,
mais c'est une forme connue. Elle est du reste dans Rochegude.
Calar 2. Ici verbe actif. Raynouard ne le connaît que comme in-
transitif {se taire).
Deatramenar 84, perdre, tourmenter. Forme populaire de dester-
menar, qui est dans Raynouard seulement au sens propre. Voy. Sau-
vages, destremena,
Endignejar 38, mépriser. Manque à Raynouard, qui n'a que le sub-
stantif correspondant endenk,
Lagosta 88, sauterelle. Raynouard n'a que des formes à nasale
(langosta, leng» . . ling, . . ).
Siau 80 (si ma correction est sûre), doux {suavis), forme aujour-
d'hui très-commune. Raynouard n'a que suau. Cf. pieia (pour pueis),
qu'on trouve déjà da.usJaufre et dans St Honorât, et qui est la forme
actuelle de post en Provence.
, Sitar 69, asseoir, établir. Manque à Raynouard.
Usurias 40, usuriers. Raynouard : usurier. Voir ci-dessus, p. 234.
Vatgar 36, errer. Le t s'est introduit ici par analogie, d'après des
formes telles que coratgue, coratgos. Raynouard n'a que vagar.
^^ PSAUM£)S DB LA PÉNITBNGE
PSALM CVIII
(Ms. B. N. 1745, ^ 182)
2. Senher Dieus, per ta honor
Tu non cales ma lauzor
Car boca de peccador
Manifesta ma dolor,
5 E boca de messorguier
Mi fer dans cascun ladrier.
3. Quar encontra me am parlât
E non pas per veritat,
Am lengua de iniquitat
10 Entorn m'an esvironat,
Non per drechuras, per plazer
Si combato encontra me .
4. Davan fasian semblam d'amar
E pueys detras de mal lausar ;
15 leu, Senher Diaus glorios [e clar]*,
Non cessava de te preguar.
5. Mal an gitat encontra me
De so que lur fasia per be.
Tôt ayssi m'an rémunérât*
20 Qu'em loc d'amarm'an asirat.
PSALMUS CVIU
1. In finem, Psalmus David.
2. Deus, laudem meam netacueris: quia os peccatoris, et os dolosi
super me apertum est.
3. Locuti sunt adversum me lingua dolosa, et sermonibus odii cir
cumdederunt me : et expugna venin t me gratis .
4. Pro eo ut me diligerent, detrahebant mihi : ego autem orabam.
5. Et posuerunt adversum me mala pro bonis : et odium pro dilec-
tione mea.
' M. Bartsch : [Mcis] ieu, Senher Diaus glorios ^ ce qui laisse le vçrs saos
rime. — * Ms. reminei^at.
PSAUMES DE LA PÉNITBNCE 237
6. Dieus, sobre luj un peccador
Constituiscas per senhor,
E lo diable per luy gardar
Faj a la man drecha estar.
25 7. E quant en cort sera intrat
Qu'encontra se sia condampnat,
Et quant el voira Diaus pregnar,
L'acabe ajtan com a peccar.
8. To(u)ts los siaus jorns sian leu passatz*
30 E tots sos bes sian dessipats
E per autrui gen siangastats.
9. Los siaus enfans sian orphes fachs,
E sa molher sia trebalhada
E del marit leu avesvada.
35 10. Los siaus efans sian pauc presats,
Coma vatgans sian transportatz,
' Tostemps anon endignejati ■
E sian de lur terra gitatz.
11 . Tôt quant aura en son cabal
40 Per' usurias vengua a mal ;
So qu'an trebalh aura ganfaat
Per autruy gen li sia gastat.
12. No sia hom quel vulha ajudar,
6. Constitue super eum peccatorem : et diabolus stet adextris ejus.
7. Cum judicatur, exeat condemnatus : et oratio ejus fiât in pecca-
tum.
8. Fiant dies ejus pauci: et episcopatum ejus accipiat alter.
9. Fiant filii ejus orphani: et uxor ejus vidua.
10. Nutantes transferantur filii ejus et mendicent: et ejiciantur de
habitationibtts suis.
11. Scruteturfœnerator omnem substantiam ejus : et diripiant alieni
labores ejus.
12. Non sitilli adjutor:nec sit qui misereatur pupillis ejus.
^ M. Bortsch écniVenpassatz.— * Ms. a nomen digneiar. M.Bartsch ; a
no m'en [ca(\ dignatz.
238 PSAUMES DE LA PENITENCE
Ni als enfans per amor d'el
45 No sia home qu'aja merce.
13. Los ôlz siaus ajon ^an dolor,
Totz vengon a destruction,
£ neguns bom(e) desosparens
Non port son nom per despiach d'el.
50 14. L'eniquitat dels siaus payro(n)8
Sian membrans al rej glorios,
Ni de sa mayre lo peccat
Jamay no li sia perdonat.
15. Totz lur fatz sian Diaus offendenz^
55 Per tôt lo mon sian desmembratz.
16. Car non avia per son peccat
Misericordia ni pietat.
17. Los hommes fort a persegu[i]ts
He ' los paures * et los me[n]dit8,
60 Sels qu'en lur cor eron greujatz
E perseguts etmalmenats.
18. Mal a volgut e bel ve[n]ra,
Jamai no vole ben dir ni far ;
Per que ne sera bepaguat,
65 Jamaj negun be non aura,
Mas d'el tostemps se lonhara.
13. Fiant natiejus in interitum : in generatione una deleatur nomen
ejus.
14. In memoriam redeat iniquitas patrum ejus in conspectu Domini:
et peccatum matris ejus non deleatur.
15. Fiant contra Dominum semper, et dispereat de terra memoria
eorum :
16. pro eo quod non est recordatus facere misericordiam.
17. Et persecutus est hominem inopem, et mendicum, etcompunc-
tum corde mortificare.
18. Et dilexit maledictionem, et véniel ei : etnoluit benedictionem,
et elongabitur ab eo.
Corr. Diaus offendenz sian totz lur faiz, — i Hoc, — 3 Correct, de
M. Bartsch. Ms. parens.
P8ÂUMBS DB LA PENITBNCE 239
De maledictio sa vestimenta ha fâcha,
Coma aygua quant plou en son cors es intrada,
Si con oli traucan * els osses s' es sitada.
70 19. Maladictio lo tengua defra tôt lo siau cors ;
Ayssi com vestimenta lo te cubert defor[s],
Et ayssi fort Testrengua^ tôt entorn senturatz
Ayssi con fa la senha^ quan defors s'es senhatz.
20. Aquesta obra es per aquels
75 Que an Diau mi van mal lausan
E que parlo encontra me,
Per so que a m'arma tengo dan.
21. Senher Dieus, tu fassas per me*
Perjlo teu nom meravilhos,
80 Car tu ^ iest [lo] rey • mot suau
E fort misericordios.
Desliurame,
22. car paures soy
E de ta ' gracia sofrachos
E que soy tan destramenat *
85 Que lo miau cor es tôt torbat.
23. Si com per lo solelh fa Fombra*
Et induit maledictionem sicut vestimentum, et intravit sicut aqua
in interiora ejus, et sicut oleum in ossibus ejus.
19. Fiat ei sicut vestimentum, quo operitur: et sicut zona, qua
semper prœcingitur.
20. Hoc opus eorum, qui detrahunt mibi apud Dominum: et qui
loquuntur mala adversus animam meam.
21. Et tu. Domine, Domine, fac mecum propter nomen tuum: quia
suavis est misericordia tua.
Libéra me,
22. quia egenus, et pauper ego sum : et cor meum conturbatum
est intra me.
* M. Bartsch : trancan.
• Leçon du ms. M. Bartsch corrige estrenha, — 3 Corr. senta 7— * Corr.
Tu fassas per me, Senher Diaus, et au vers 80, rey s mot siaus ? Cette
dernière forme est aujourd'hui celle de plusieurs dialectes, p. ex., du langue-
docien. — ^ ty. — 6 M. Bartsch : iest rey [e] m. — ' Corr. par M. Bartsch.
Ms. tota. T- * M. Bartsch écrit d'e:^tra menât. — ^ Corr. Si com pel solelh
(ou per lo sol) l'ombra, ou encore Si col solelh fa l'ombra ? M. Bartsch pro-
pose simplement de supprimer j^er lo.
24.0 PSAUMES DB LA PENITBNGR
Ayssi soy decassat;
Ayssi con es lagosta
Ayssi soy encanssat*.
90 24. Mos gîûols son emalautis
Eper (se) dejun' enfrevolitz,
E ma carn es fort cambiada
E per oli es transmutada.
25. Tan soy as els en anta fach,
95 Quant m'an vist, m'an menesprezat ;
Quant m' an vist, an mogut lo cap.
26. Senher Diaus, vulhas m'ajudar;
Salva me, Diaus, per pietat,
Vulhas misericordia far.
100 27. Sapion, Senher, qu*ayso s'es fach
C ar la tia ma ho a obrat,
La quai ma es per te fâcha *
E tu ho as adordenat*.
28. Els mal diran^ et tu benisiras;
105 Sels que si levaran trastuch
23. Sicut umbra cum déclinât, ablatus sum : et excusaus sum sicut
locustse.
24. Genua mea infirmata sunt a jejunio : et caro mea immutata est
propter oleum.
25. Et ego factus sum opprobrium illis : viderunt me, et moverunt
capita sua.
26. Adjuva me, Domine Deus meus : salvum me fac secundum mi-
sericordiam tuam.
27. Et sciant qnia manus tua haec : et tu, Domine, fecisti eam.
* J*ai conservé ici la division de M. Bartsch; mais peut-être vaudrait-il
mieux écrire en deux vers, en considérant ombra: lagosta comme des asson-
nances intérieures :
Si com pel solelh Tombra ayssi soy decassat ;
Ayssi com es lagosta ayssi soy encaussat.
* Corr. pel dejun? —3 Corr. La quai per te fâcha a estât? — * Corr. de
M. Bartsch. Ms. adomenat.
PSAUMES DE Là PENITENCE 241
Encontra me sian confondutz,
E lo tiau sers s'alegrara.
29* Sels quem mal lausaran
De vergonha sian
110 Totzvestitz si con hom es cjibert de jupo,
Ajssi sian els cuberts delur confusion*.
30. De tôt en tôt ieu a Diau [me] redraj,
Am ma boca a luj cofessaray;
E miach de mots lo siau nomlausaraj.
115 31. El es lo quai a la dextra a istat
De me paupre e m'a ben governat
E m'a gardât de totz mos perseguens,
Per que m'arma vengues a salvamen.
28. Maledicent illi, et tu benedices: qui insurgunt in me, confun-
dantur : servus autem tuus lœtabitur.
29. Induantur qui detrahunt mihi, pudore : et operiantur sicut di-
ploïde confusione sua.
30. Confitebor Domino nimis in ore meo : et in medio multorum
laudabo eum.
31. Quia astitit a dextris pauperis, ut salvam faceret a persequen-
tibus animam meam.
* Ces deux vers en foot quatre chez M. Bartsch, où, par suite, le premier
et le troisième (. . . hom,. . . cuberts) ne riment pas.
19
Dialectes modernes
POÉSIES LANGUEDOCIENNES
DE LÉONROUYlâRE
(Suite)
Lou prince tiret la flassada
En cridan à soun camarada :
a Bouleghen nous ; bite, anen, daou î
640 Q'entremen qe fai pa tan caou,
Anaren de Ion de la placha
Per beire un paouqet coum' es fâcha
E per saoupre se lou peïs
Es puplat d'ornes ou de chis. »
645 Acata, q'aco derenchaba,
Tout en s'abien roundinaba,
E d'un paou mai, s'aghesse aouzat,
A la pesca Taourié mandat.
S'aoubouret doun, faghen la mina ;
650 Can seghet preste, sus Tesqina
-^neas ié metet tout beou
Un sac qe, boutas ! era greou :
r abiè un parel de flasqetas,
De nozes secas, dos nabetas,
655 De froumache, un missou boulit,
Emb un flascou de bi remplit.
En cas de beire caouca calla,
El pren soun fusil sus respalb.,
E se metoun à camina,
660 San saoupre ounte bouien ana.
Bech'aqi qe, Ion d*una dralia,
Bous debistoun una gandaia
Qe cassaba lous passerons
Ni mai ni men qe lous garsous.
POâsiES DB ROUVIIBÎRB 243
665 Caou bous dire q'aqest'oubrieira
D'una alura tan cabaieira,
Era Benus que, brabamen,
Abié prés un deghisamen.
Tante i a q'aqela manida,
670 Q'abié Ter d'estre pas mousida,
Pourtab'un coutioun for cour,
Fach d'un'estofa presq'à chour.
Sas qioissas eroun mitât nudas ;
Ah I messius, las abié garrudas I
675 Soun sén, blan coum'un amellou,
Era nut chusq'aou pepelou,
E dounaba lapetelega
De ie faire una sesselega.
S'^nea ér' estât san segoun,
680 Saiq'aourié fach lou poulissoun.
Mes douten pas de sa sachessa
Et rebenghen à ma Deessa.
Sous peoussés, sans chés de courdils,
le toumbabou chusq'as poumpils ;
685 Armada d'una matrassina,
Pourtaba dessus soun esquina,
Espandida coum'un mantel,
De rabas una braba pel,
E Ton besié dessus sa mina
690 Qe n'ahissié pas la joughina.
a Digas, s'ou dis d'un er ardit
A ^neas q'er'enclaousit,
Aourias pa, dedin la garriga,
Rencountrat una miouna amiga? o
695 Lou prince, après fossa salus,
lé respon : a Aï pa bis dégus,
0 ma fricaoudeta piouzela !
Fer moïa I en bous apelen tela
Aï ben poou qe n'ou seghés pas :
700 A la maniera qe marchas,
Ou dise pa per poulitessa,
Créiriéi pu leou qe ses Deessa.
S'ou ses, ma foué 1 per oucasioun
244 PoésifiS DE ROtJVrilRK
Demandai! bostra proutectioun ;
705 Amaï sera pas estrassada,
Car ieou, embé moun camarada,
Sen campechas maï qe noua caou
Per lou destin lou pu brutaou.
Aprenés-nous, madoumaïzela,
710 Coussi lou ternaire s'apela;
Car couma de camels trépan
San saoupre, fouches ! ounte anan.
E se nous ie perdian, pecaïre I
Sabé pas coussi pourian faire.
715 An ounte sen? Anén, parlas ;
Boutas! sen pas du tout ingras,
E din la prumieira ghingheta,
En bostr'ounou buouren trouqeta. »
Mos de Benus ie respoundet
720 D'un er qe lou rebiscoulet:
(( AqeU ounestetat m'agrada ;
Mes soui pa dioussa, camarada,
S'es à caousa de moun matras
Ou d'aqela pel de rabas
725 Qe bous me tratas de la sorta,
Chaca fieta aïssi ne porta :
Aco's la moda daou peis.
Ses en Lybia, mous amis ;
La Reina Didoun s' ai coumanda,
730 Amai fai pa la trochamanda.
S' ai es benguda de Sidoun
Per esqiba Pjgmalioun ;
Soun histouera es trist'e toucan ta,
Mes es un paou encibetanta ^
735 Pourtan aimé tan à piaïa
Qe, founmé I bous la baou counta :
« Didoun, can er 'en Phenicia
(C 'aco's lounoun de sapatria),
Per amour abié espousat
740 Un ome q'era mounedat.
' Le ms. porte bien encibetanta, mais qu'est-ce que cela signifie?
P0BS1JS8 DE ROUVIERB 245
Aqel home, q'era tan riche,
De soun noum d'oustau era Chiche.
D'aoutrés que fa disoun Chiche ;
Qe qe n'en sieche, nostr'ouhrié,
745 Embé men de fe dins sas botas,
Encara farié de ribotas .
Lou rei d'abal, Pjgmalioun,
Era lou frera de Didoun ;
Aqel rei* er'un sarra-piastra
750 Qe ne sabié mai qu'un biel pastre.
Can bechet sa sur, aqel gus,
Que palechaba lous escus ;
Ma foué, sou dis, labona ôeira !
Se ie panabe sa berqieira?
755 Un bespre doun qe soun cougnat
Dedin la gleiza n'er' intrat,
Per faire un moussel de priera,
De qe te fai nostre counpèra ?
Lou mioou bous paouza sous souiés,
760 Caouta à caouta per derriés,
A Chiche, d'un cop de lezena,
Trauc' abi, pel, car e bedena.
De tan de biai qe ie metet,
On bechet mêma q'era aou fet.
765 Pensas qu' après ^ un tret tan orre
Anet pas lou dire à sa sorre ;
• Au countrari, la counsoulet,
Can la noubella i arribet,
E proumettet qe la poulissa
770 le farié be rendre chustissa.
Aco, pas brai, es un paou for !
Despioï qe soun home era mort,
Didoun, qe soula s'anuiaba,
Aou iech toutroupien rebaba.
775 Bêcha 'qi qe, sus lou mati,
Una nioch te bei espeli
* Ms* per" qui ne donne aucun sens. Peut-être pourrait on lire : frer\ —
* Ms. qu*aira.
246 POESIES DE ROUVIÉRE
Soun home coum'unbaragogna,
Qe dis« tout faghen la sansogna :
« Mesâsa-te de moun cougnat,
780 Aco's el qe m'a sagatat:
Agach' un paou, din ma coudena,
La plassa daou cop de lezena.
Bota, achustet, din le a cabot,
Aï rescoundut moun esqipot.
785 Se m*en créses, Tanaras qerre
E deman, boga la galera I »
E coum'un fun se trascoulet.
Sa fenna se derebeiet.
De suita^ sans espéra Taouba,
790 Passet sa camis'e sa raouba.
Couma counouissié soun marit,
Abié poou q'achesse mentit .
A la caba, la degourdida,
S'agandighet d'un'escourida,
795 E ma foué 1 tan furetechet,
Qe chout de gabels dessoutet
Pa mai qe ioch petassaous d'oulas
Qe de louis d'or eroun coumoulas .
Bite tourna lous amaghet
800 E, fort countenta daou secret,
Maougré sa lenga, la couqina
Qinqet pas mot à la besina.
Din caouqes chours, de tout soun bén,*
Sans bruch, faghet un carghamen .
805 Cerqet après, per sa galèra,
De cbens q'ahighessou soun frèra,
E pensas be qe n'en troubet
Beoucop mai q'ela noun boughet ;
Car es qicon d'incountestable
810 Q'en lioc un rei n'es pas aimable.
Tout lou peis aourié chiat.
Se la plassa abié pa mancat.
Après noou meses de bouiache,
Aissi touqet soun eqipache ;
815 S' ai oroumpet un floc daou terraou
POésiBS DB ROUVIERE 247
Aoutan gran qe la pel d'un braou,
Ounte an bastit, dessus la placha,
La bêla bila de Cartacha.
)) Ara, bous, digas-me caou ses,
820 Ounte anas, d'an ounte benés ? »
^neas respon à sa mera
A pu près d'aqesta maniera :
(( la Ion ten q'aco sérié fach,
Se bous i abias pa mes empach ;
825 Can tenés lou lès, barbaieira,
On pot bé prendre una cadieira:
Ai lou charet endoulentit.
Mes enfin, pioï q'abés finit,
E n'era pa trop leou, per moia !
830 Bous aprendrai que sen de Troia.
Saïqe counouissès ^néas ?
Eh bé I soui el... De qe badas ?
Beleou n'en doutas, abestida !
Ou soui couma ses un'hardida.
835 Eh ! baste qu'où seghesse pas,
Q'aourieï pas aoutan de tracas ! »
<f — Ses nascus embé la crispina,
le dis adoun la gourgandina ;
Certa, s'eres un paou crebas,
840 Aco m'estoumacarié* pas.
Ses erouses q'on pot pas dire ;
CarDidoun, dedin soun ampira,
De tan de bén que bousfara,
Un chour bous assadoulara .
845 Sabés pas de qe bous espéra?
A la bila ounte anas, counpéra,
S' ou boules saoupre, regardas,
Lebasun paouqet bostre nas,
Achas aqel bol de laouzetas
850 Qe bresiou cen cansounetas
la pas q'un moumen, un mouisset
la pensât coupa lou siblet;
* Le ms. semble donner nCestounaourié, qui ne présente aucun sens .
248 POésiES DE ROUYIBRtt
S'és enanat, é las bestiolas
855 Boulastrechou couma de folas :
Aco boou dire, mous amis,
Qe canbous serés agandis
Lon de las doubas de Carthache,
Ta troubarés tout Tesqipache
Das baisseous qe cresias negas
860 E qe se soun pas q'ensouras.
Anas, aqi la routa bostra ;
Marchas, la rega bous la mostra. »
Tout en le parlen, soun coupet
le lusissié coum' un quinqet ;
865 Soun fron semblaba una candela :
De poulida debenghet bêla;
Lachet un gros ben qu'embaoumet,
E, patratrac, s'abalighet.
Entre beire sa bona mina
870 E senti la doussa bussina,
^neas la recounoughet
E de suita bous Tagairet:
(( De qe, sou dis, es bous, ma mèra !
Aco's una sota maniera
875 De béni sans dire caou ses.
S'abiei fach quicon de trabés !
E de segu, bostra tournura
M'a bouleghat la pourritura.
S'abiei fachmoun papa banut !
880 Oh ! boutas, s'en es pa fagut,
Permoïa! de l'ase de pica.
Canie pense, n'ai la coulica.
Diou ! d'un paou mai ère dannat.
Anas, pourtarés lou pécat. »
885 Apres aqela bel' aoubada,
^né embé soun camarada,
Enfilerou drech lou caraou.
Bonus, qe s'en sachet pas maou,
Lous amaghet dins un nuache.
890 Acô's er' un mouien for sache,
Per qe manobres, descroturs
POBBIES DE ROUVIERB 249
E Jous aoutres estanciups,
le traghessou pas de oalosses,
Ni qe ie cridessou : Motit !
895 Ou qicon mai d'aoutan poulit.
Lous dous Trouiens, dins un nuache,
Countinuan doun soun bouiatche, , <
Trempes de suzou coum' un gour,
Toumban leban su lou miechour,
900 S'agandigheroun à Cartacha,
Q'encar'era pa touta fâcha.
De tout constat se bastissiè;
Sarraiè, massous, menusiè,
Chacun aderé ie mandaba
905 E la besougna s'entanchaba.
Ainsinda qan ia prou de tens
Q'on a pas fach trissa las dens,
A taoula lou traval s'entancha:
Aqeste serbis, Taoutre mancha,
910 Un aoutre destapa lou bi,
Aqel lou bouch'a soun besi,
Aqel entenien'un'intrada
E Taoutre garnis Tansalada.
^neas e soun esquié
915 Anabou din chaca chantiè,
Bezien ce qe se ie passaba
E degus noun lous debistaba :
Aiço ben que lou niboulas
Anounte s'eroun amagas
920 Empachaba q'on lous bechesse,
San q'aco de reslous cheinesse.
Lou fet, pa brai, bous sembla for !
Eh bé ! tenés, n'abés pa tort,
Car cresé q'es una sonrneta.
925 Birchile, en nous lou racountan,
Dis qe lou cas es estounan *.
* Les vers 927 et 928 manquent daas le ms.
250 POÉSIES DE ROUYIÉlRE
Tout anb'un cop bous bei pintras,
930 Un a un, toutes sous counbas.
Aissi das Grecs touta Tarmada
Ressabié soun estiblassada,
E lous Trouions enfurounas
Picabou de soun redde bras.
935 Pu' ion, à Tentour de la bila.
Sus soun carri, lou gus d' Achila
Rebalaba lou paour'Hector,
Couma Ion rabala un biel qior,
E pioï^ tout macat, lou bailaba
940 A Priam, qe ie lou croumpaba.
En d'aqel tableou, ^neas
Poughet pas retene un helas,
E mêma faoughet qeplouresse,
Per tan redde qe se mouqesse.
945 Mes seghet un paou counsoulat
Can se bechet aoussi pintrat.
Tout de Ion daou riou Escamandra,
Tustan pire q'un Alessandre ;
Bechet lou rei morou Menoun
950 A la testa d'un bataïoun.
Aou mitan de la moulounada,
Pantelopa despetrinada.
En sous peousses esfoulissas,
Lous tetinasses destapas,
955 Deçaï, delaï, engraoufignaba,
Couma se caoucus la pagaba,
E pas q^à soun er on besiè
Qe prenié de gous aou mestiè.
De beire aco, nostre cadourla,
960 Pensas, manchaba de cougourla;
Badaba coum' un emperit ;
Er' aqi mitât enclaouzit.
Pourtan dighet à soun compera :
<( Aïssi counouissou nostr' histouera ;
965 Acata, te, regarda un paou
Chougarieï qe ia pas un traou,
Per tan ion e pichot qe sieche,
POÉSIES DE ROUVIÉRB 251
Ouûte noun counougou lou sieche
Q'aben soustengut aou peïs;
970 Agacha Hector, Priam, Paris,
Bêcha ! caoucus, aïcî, per moia !
Reçap la Gazeta de Troia.
Debou lechi nostres papiés,
A men qé iache de sourciés ...»
975 Couma parlaba, la princessa
Benghet aou mitan de chouinessa,
Qe la ghinchaba sans aouza
Un paouqet trop s'en aproucha ;
Ainsinda, una china de cassa
980 Propra, penchinada, prou grassa,
Aou printen touchour, can sourtis,
Aou caou, a de moulons de chis ;
La lenga défera seghissou ,
Sarrou lou mourre, la sentissou ;
985 Mes lou mestre q'es à coustat,
Manten lou troupel mouderat.
LA COUQUETA D'AOU BILACHÉ
Lou pu beou garçon d'aou bilaché
Disou que dé ieou per Tesprit.
Se lou bésias, coum' es poulit,
Coum' es aimable, coum' es sache !
Atabé, Taimé à la fouie,
Mè mé gardé bé dé i'ou dire.
Jouisse tan de soun martyre !
Ai ! moun Diou, moun Dion, s'ou sabiè !
Lou bespré, quand sen à la prada,
Mé culis de pougnas dé flous
E mé las porta tout crentous.
Ieou, ne faon la cata bagnada,
Couma ç'aco noun mé plasiè ;
Pioi, dé rescoundous, san c'ou sache,
Las mété déchout moun coursaché .
Ai! moun Diou, moun Diou, s'ou sabiè !
?52 POBSIBS DE ROUVlâRB
Se me risé de sa tendressa,
Saiqué cresés qu'ai michan oor?
Aï! pecaïre, coum' abés tor:
Acos de poou de ma febléssa. . •
Car,besés,is'el un chour bouïè
Me démanda que que ség[u]e8sé,
Crésé pas que i ou refiise8[s]é.
Ai ! moun Diou, moun Diou, s'ou sabiè !
LOU POUTOU»
Fai m'un poutou, disiei à ma manida;
Fai m'un poutou, bota, te lou rendray.
Quand Tachet fach, me diguet : Fait 'en lay.
E s'era tout estrementida :
On aurié dich, pas qu'à soun air,
Qu'aviè caoussigat una ser.
Es pa' 'ntaou qu'on se poutounecha:
A logua d'un poutou, aco's donna Tembecha.
Bech' un poutou, ma bêla Margarida,
Poutou d'amour baylat couma se déou,
Couma lous que boudriey te faire, ieou.
Es lou pus grand ben de la bida.
Ai ! sus ta bouca, sus toun sen,
Se laissés culi aquel ben,
Caou pas que moun bonhur finigue,
D'aqui tant qu'un dé dous d'amour s'estabanigue.
Anén, vénchan, se moun counsél t'agrada.
Dé toun amie escouta las licous ;
Beyras, beyras, lou meou n'es pas pus dous.
Siègues pas tant espaoudugada;
Anen, escouta toun ami.
Moun Diou, moun Diou, quinte plési!
Toun iol mouris; que siés poulida I
Ou bésés bé, t'abiei pas mentit, Margarida !
^ L'orthographe de ces deux chaii. oqs est aussi flottante que différente de
celle du travestissement de VEnéide,
Poésies
UNO AMIGO D'ANTOUNIETO*
(remembranço)
A dono Fabre-Sallières
De la vido, pecaire! avié plus que Talen,
E lou mège, en sourtènt, moustrant à la mameto
L'oume * que de sa ramo oumbrejo lou balen %
Dis à la vièio en plour, palo coumo uno armeto*,
Que de saupre soun sort avié coumo talen :
« S'un cop tombon li fueio, aurés plus d'Antounieto. »
— Uno enfant de dès an, qu'istavo aqui caieto^,
Sens perdre un souletmot, ausis Farrèst doulènt. . .
L'endeman de-matin, li gènt de la manido
La veson, espanta, dins Faubre acrouchounido ®:
— De-que fas? — « Que la mort vèngue nous la rauba! »
Respond, se remembrant lou prepaus de la vèio. . .
E Tuno à l'autre, arditi courduravo li fuèio
Pèr lis empacha de toumba. • .^
L. ROUMIBUX,
^ Marie-Antoinette Rivière, félibresse du Lierre, née à Nimes, le 21 janvier
1840, morte à Beaucaire, le 27 janvier 1865.
• Ormeau. — 3 Balcon. — * Ame en peine. — ' Silencieuse.— • Accroupie.
— 7 Provençal (Avignon et les bords du Rhône). Orthographe des félibres
d^Avignon.
BIBLIOGRAPHIE
Autres Bèit Telados del felibre de la Naveto, per Junior Sans.— Paris,
librairie des Bibliophiles, 1881, iii-12, 56 pages (avec un fao-simile).
Cette élégante plaquette sort des presses de Jouaust, le libraire des
bibliophiles, et continue, avec le même format et les mêmes disposi-
tions typographiques, le s Bèit Telados publiées par M. Junior Sans en
1875.
Elle renferme neuf pièces : A moun paire, A mown amie Bemad, lou
Darriè Adieu à nostre paure amie JusUnHeirissoun, A mestre JanLaur
réSf Brinde pourtat al banque t delà mcy'o fèsto del Felibrige (en 1877),
A ma Mu80, lou Darriè Adieu à nostre paure amie Francés Rehoul, Un
pastre e sous vesis *; et, enfin, nous ne savons pourquoi, le fac-similé
d'un sonnet injurieux adressé à l'auteur par un jaloux qui a signé ses
rimes du nom de Franquet.
Lou Darriè Adieu à Jus tin Heirissoun — un Biterrois fort distingué,
qui avait même donné quelques vers provençaux à VArm^ana de ISQi
{Ounte v(jLs,filhetof p. 43) a été publié d'abord dans ce dernier recueil
en 1870, p. 108.
Les notes de la bro chure de M. J. S. contiennent, p. 53, l'épitaphe
suivante, que son père, Julien Sans, composa lui-même pour le tom-
beau qu'il s'était fait él ever dans le cimetière de Béziers. Nous la cite-
rons en entier, en la signalant à MM. le docteur Noulet et Lieutaud,
qui depuis longtemps se préoccupent de recueillir les textes épigrapbi-
ques du midi de la France :
AISSI, JOUST LOBS CIPRÈS,
JDLIAN SANS, DB BEZIÉS,
FA REPAUSA SOUS OSSES.
SE MUSC DIS : CAL SÊS?. . .
PASSANTS, LOTI FOUGISSÈS !
MES SAI TODRNARÉS FOSSES.
PER TANT qu'âgés LOU FIL AL NAS *,
LA MORT VOUS DELEMBRARA PAS.
Une autre face du tombeau porte une inscription complémentaire,
également en vers :
EN 1846
A PERPETUITAT
LOU TOUMBÈU s'eS FOUNDAT ;
1 Deux fautes typographiques doivent être corrigées : P. 2, como, 1. coumo;
«S, loup cap, 1. lou cap. — ^ Le poëte Julien Sans était tisserand {telaire),
détail qui explique ce vers et le titre des Bèit Telados.
PÉRIODIQUES 255
PBEQABÉS DIÉUS, PASSANS,
PER L0U8 DOUS FRAIRES SANS :
JULIAN B ANTONI.
Antoine Sans était le frère de Julien Sans, et ceux qui liront ces
deux épitaphes, — la première surtout, — regretteront que l'auteur de
las Bèit Tdados n'ait pas encore fait profiter le public des vers de son
père.
A. Roque-Ferrier.
PÉRIODIQUES
Courrier littéraire de TOuest (novembre-décembre 1880) . —
Nous avons déjà eu occasion de parler de ce recueil {Revue des lan-
gues romanes, 3e série, t. IV, p. 206) et de signaler l'intérêt qu'il of-
frait, non-seulement aux amis exclusifs de la littérature, mais encore
aux philologues et plus particulièrement à ceux qui s'occupent des
idiomes populaires. Aujourd'hui nous devons ajouter que si, en fait de
philologie, une plus large part y a été faite aux dialectes actuels, ceux
d'autrefois n'y ont pas été oubliés, comme on peut le voir dans les nu-
méros qui ont suivi. On y remarque, en effet, une étude très-substan-
tielle et très-complète sur Deux Troubadours pontois du XII^ siècle
(Renaud et Geoffroy de Pons, en Saintonge). Cette notice, qui en-
richit notre histoire littéraire d'un chapitre tout à fait neuf, est de
notre collaborateur et ami M. Chabaneau . Elle avait sa place dans le
Courrier littéraire de V Ouest, qui se publie à Pons même, dans la patrie
des deux troubadours dont il est question, et, de plus, en l'y insérant,
M. Chabaneau faisait acte de bonne confraternité à l'égard du direc-
teur de ce recueil, M. Pierre Lagarenne, qui a été et qui sera encore
un des plus utiles collaborateurs de la Revue des langues romanes.
Cette monographie, où nous retrouvons les qualités habituelles de
notre confrère, a déjà été appréciée par un érudit bien connu, M.Ta-
mizey de Larroque. Nos lecteurs, à qui nous en devons une analyse,
nous sauront gré de reproduire celle qu'en a faite ce savant, dont le
témoignage a de toute façon plus d'autorité que le nôtre.
« M . Camille Chabaneau, un des érudits de notre temps qui con-
naissent le mieux la littérature provençale, ou, pour mieux dire, limou-
sine, vient de publier une étude de peu d'étendue, mais de grande va-
leur. On ne s'était encore jamais occupé des deux poëtes pontois, qui
nous ont laissé une pièce unique, dont la date semble devoir être pla-
cée aux environs de l'an 1200, et leur nom ne figure même pas dans V His-
toire littéraire de ia^rawce. C'est dire combien était difficile la tâche de
1^56 PBRlOmQUBS
M. Chabaneau. Aussi patient qu'habile chercheur, il a tiré parti do
tous les renseignements éparsdans les recueils d'autrefois et d'aujour-
d'hui. S'il n'a pu faire aucune découverte en ce qui regarde Geoffroy
de Pons, il a reconstitué avec la plus heureuse sagacité la biographie
des deux Renaud de Pons (l'oncle et le neveu), dont l'un ou l'autre
fut l'interlocuteur de Geoffroy de Pons dans la tenson de la fin du
Xlle siècle ou du commencement du XlIIe. A la suite de cette étude
historique, où tant d'autres mérites se joignent au mérite de la nou-
veauté, le savant critique nous donne le texte et la traduction du
dialogue, qui roule sur l'amour platonique et sur celui — qui ne l'est
pas, dialogue qui n'avait encore été publié qu'une fois, dans un recueil
étranger et d'après un seul manuscrit. M. Chabaneau a fort amélioré
l'édition allemande, en s'aidant de deux manuscrits de la Bibliothèque
nationale . Texte, traduction, notice et notes, font vivement désirer
que le philologue périgourdin, continuant ce qu'il a supérieurement
commencé, nous fasse peu à peu connaître la vie et les œuvi-es de
tous les troubadours des diverses régions dont était formée notre fé-
conde Aquitaine. » [Revue des BihîiophileSj avril 1881, p. 109-110.)
Le Courrier de l'Ouest a donc bien mérité de la philologie, et nous
allions lui souhaiter beaucoup de lecteurs, beaucoup d'abonnés et le
reste, quand nous avons appris qu'il ne recommencerait pas l'année.
Nous le regrettons bien vivement et nous voulons espérer qu'il ressus-
citera avant peu et qu'il nous contera encore quelques-uns de ces contes
patois qu'il conte si bien.
A. B.
Qu'il me soit permis d'ajouter quelques mots de rectification à l'ar-
ticle beaucoup trop élogieux, en ce qui me concerne, que l'on vient de
lire . Je n'ai pu, malheureusement, pour mon étude sur les deux trou-
badours pontois, « tirer parti de tous les renseignements épars dans les
recueils d'autrefois et d'aujourd'hui», parce que plusieurs de cesrecueilsi
et non pas les moins importants, quelques-unes par exemple des grandes
collections anglaises, n'étaient pas à ma portée. De là, dans mon tra-
vail, des lacunes probables, sans compter celles que dès aujourd'hui
j'y dois reconnaître. Si j'avais pu parcourir, avant l'impression de ma
notice, comme je l'ai fait depuis, les deux volumes intitulés Royal and
otherhistorical Letters illustraUveof the reign of Henry III^ je n'aurais
pas manqué de relever certains détails, d'un très-haut intérêt pour la
biographie de Renaut de Pons que l'on y rencontre. Je le ferai avant
peu, dans un travail d'ensemble que je prépare siu* les troubadours
de la Saintonge,et où ma notice sur ceux de Pons, complétée et, s'il y
a lieu, corrigée, aura nécessairement sa place. En attendant, je veux
profiter de l'occasion présente pour noter que Renaut de Pons eut,
PÉRIODIQUES 257 !
'outre plusieurs fils, dont j'ai donné la liste d'après Courcelles, une fille ;
appelée Maheut, qui en 1230 était mariée depuis douze ans*, et dont ;
le nom peut être considéré, ce me semble, comme une confirmation
d'une conjecture que j'ai émise, à savoir que la femme de Renaut de
Pons était la propre fille delà belle Maheut de Montignac, qui fut ai-
mée de Bertran de Born. C'était, en effet, l'usage alors, comme ce Test • i
encore aujourd'hui, de donner aux enfants le nom de leur grand-père 1
ou deleurgrand'mère. Voilà un lien que les historiens de la littérature !
provençale ne soupçonnaient pas (honni soit d'ailleurs qui mal y pense)
entre Renaut de Pons et le grand troubadour d'Hautefort.
C. C. ,
i
Oiornale di filologia romanza, nP^ 5 {t. II, fasc. 3-4). — i
P. 121. F. Novati, Una poesîa politicadel cinquecento; il Pater noster
dei Lombardi. — P. 153. R. Putelli, Unnuovo testo veneto del Renard,
Ce fragment de 703 vers est extrait d'un ms. qui date de la fin du
XIV® siècle et qui se trouve à la bibliothèque archiépiscopale d'Udine.
— P. 164. G. Bernardi, Noterella al verso 46 del m delV Infemo : ,
Questi non hanno speranza di morte. — P. 172. F. Settegast, Jacos
de Forest e la sua fonte. M. Settegast prépare une édition du Roman de !
Julius César, œuvre de Jacot de Forest. Comme cette publication ne
paraîtra pas de quelque temps, il croit devoir soumettre en attendant,
à ses lecteurs, quelques observations relatives à ce texte, lesquelles
rectifieront et compléteront sur certains points ce qui a été dit de cet
auteur. Il commence par signaler une erreur de M. A. Duval (His-
toire littéraire), qui avait estropié le nom de Jehan de Thuin, auteur
d'une translation o: de latin en romans des x livres de Lucan.» Puis il
rapproche l'une de l'autre la rédaction en prose et la rédaction en
vers, montre qu'elles sont identiques pour le fond, et que Jacos de
Forest, l'auteur de la rédaction en vers, n'a été que le traducteur
du traducteur Johan de Thuin. 11 parle aussi d'une compilation, éga-
lement en vieux français, formée avec les œuvres de Salluste, de
Lucain et de Suétone, à laquelle il donne le titre de Vie, et qu'il at-
tribue à ceux que Jehan de Thuin appelle « Maistres d'Orliens », com-
pilation que celui-ci aurait mentionnée au cours de ses « estoires. y>
— P. 179. A. d'Ancona, Sirambotti di Leonardo Griustiniani, — P. 194.
G. Salvadori, Storie popoîari toscane, Huit chansons narratives dont
quatre sont en vers hendécasyllabes . — P. 205. A. Thomas, de la
Confusion entre R et S Z en provençal et en français. Documents nou-
veaux.— P. 213. 1« Varietà. Aneddoto di un codice dantesco (J. Giorgî).
* Cela résulte de lettres de Renaut lui-même, imprimées dans le recueil
précité.
20
258 LA LÊaBNDB d'ŒDIPE
Ajouts faits dans le courant du XIV« siècle à l'œuvre du célèbre
Florentin. 2« Poésie, civili del secolo XF(Guido Leyi). 3o Due EispetH
popoUri (G. Salvadori). 4o Délia Novella del Petit Poucet (Antonio
Ginandrea).— P. 234. Baasegna hihliografica,-^Y . 241. BulletUno U-
Uiografico, —P. 251. Periodid.— P. 254. Notizie. A. B.
LA LEGENDE D'ŒDIPE
J'espère arriver bientôt à une solution satisfaisante des difficiles
problèmes d'histoire littéraire que soulève le Roman de Thèhes; d'ici
là, il convient, je crois, de cesser une discussion où, à cause de l'ab-
sence du texte, il est fort difficile de s'entendre et de se comprendre.
En publiant le texte, je donnerai mon opinion définitive sur la ques-
tion de lieu et d'attribution; pour aujourd'hui, je me contenterai de
deux observations à propos de la réplique de M. Boucherie, insérée
dans le numéro de février :
10 P. 102. Encovie. M. B. a mal lu ma rectification*; elle ne por-
tait que sur le vers 5510, dont le numéro était indiqué au glossaire,
sans être suivi du vers, et où le verbe encovit est au parfait. Quant
au vers que j'y ai cité tout au long {Et de de lui servir s'encovie), il
est exact, et encovie, au présent de l'indicatif, rime avec compaignie;
le sens est:« montre beaucoup de zèle à, se fait gloire de ». Il s'agit
du prêtre-roi de Némée, Lycurgue, recevant Adraste, qu'il considère
comme son suzerain.
2o M. B. me demande, pour engraignier ou engaignier (v. 14450),
la leçon des autres manuscrits. La voici : P. (ms. de Cheltenham) donne
esraigier; S(ms. de Spalding), esragier; B etC.(ms. de Paris) n'ont
point ces vers ; ils abrègent en deux vers, de rédaction difi'érente,
l'idée exprimée en quatre par les trois autres manuscrits de cette ma-
nière :
Quant ot 11 dus que 11 rois dlst,
De mautalent art et fremlst.
11 n'y a donc là rien de décisif pour ou contre la leçon discutée.
L. CONSTANS.
* Cela prouve une fois de plus qu'il aurait mieux valu reproduire chaque
exemple in extenso^ au lieu de se borner à des renvois qui, comme ici pour
le v. 5510, n'aboutissaient à rien, puisque le vers indiqué ne se rencontrait
pas dans le reste de l'ouvrage. Dans tous les cas, et c'est là l'essentiel, il faut
bien se garder de considérer, ainsi que l'a fait M. Constans, encovit et encovie
comme deux temps différents d'un même verbe, dont le type commun serait
*in-cupitare. Passe pour encovie, si toutefois il ne faut pas lire en covie {con-
vie). Quant à encovit, je répète qu'il vient de *in-cupire. (A. B.)
CHRONIQUE
Communications faites en séance de la Société. — 1«' juin.—
Sur un vers de Gormonde de Montpellier, par MM. Millet et Ghaba-
neau ;
Carabin, conte en vers provençaux, par M. Louis Roumieux ;
Le Dictionnaire provençal-français de Jean de Nostredame, par
MM . Barrés et Chabaneau ;
Je ne sache pas .... que je sache .... par M. Rigal .
15 juin. — L'origine arabe du mot alkéhenge, par M. Marcel Dé-
vie ;
Poésies provençales extraites du chansonnier Mac-Carthy, par M. L.
Constans ;
Le sens de la comparaison populaire : Espoulido coumo un sou^ par
M. Frédéric Donnadieu ;
Une poésie inédite d'Arnaud de Mareuil et une autre pièce inédite
de Peire Rogier, par M. C. Chabaneau ;
La Bataïha de Malamort, poëme limousin, par M. l'abbé Joseph
Roux.
Livres donnés a la Bibliothèque de la Société. — Chansons et
lettres patoises, bressanes, bugey siennes et dombistes, avec une étude
sur le patois du pays de Gex et la musique des chansons, textes re-
cueillis, traduits et annotés par Philibert Le Duc. Bourg-en-Bresse,
Martin-Bottier, 1881; in-12, xvi-456-22 pages;
Lothringischer Psalter (Bibl. Mazarine, n^ 798). Altfranzôsische
ûbersetzung des xiv. Jahrhunderts, etc. , zum ersten mal herausgege-
ben von Friedrich Apfelstedt. Heilbronn, Henriinger, 1881, in-12,
Lxiv-68 pages (don de M. Henninger);
Sammlung franzôsischer neudrucke herausgegeben von Karl Voll-
môller, I. De Villiers, le Festin de Pierre ou le Fils criminel, neue
ausgabe von W. Knôrich. Heilbronn, Henninger, 1881; in-12, xviii-
88 pages (don de M. Henninger);
Bouchon-Brandely : Rapport présenté à la Commission sénatoriale
du repeuplement des eaux. Paris, Imprimerie du Sénat, 1880; in-4°,
216 pages (contient, pages 208-213, des fragments d'une poésie pro-
vençale: lou Massacré dé la Mar,]psir PieiTe Molinari) (don de M.Vic-
tor Smith);
Chailan (Fortuné) : Leis Bugadiéros, scène populaire en vers proven-
çaux. Marseille, chez tous les libraires, S. D.; in-8o, 8 pages (don de
M. Clair Gleizes);
Chailan (Fortuné): l'Ooubagnen, vo Voou mies leis vespros que leis
messos, counte coumique. Aubagne, Jammes, S.D.; in-8**, 4 pages (don
de M. Clair Gleizes ;
Chevalier (J.- A. -Ulysse): Notice historique sur la maladrerie de
Voley, près Romans, précédée de recherches sur la lèpre, les lépreux
et les léproseries, et suivie de soixante-douze pièces justificatives iné-
dites. Romans, Rosier, 1870; in-8°, x-166 pages ;
Chevalier (l'abbé): Actes capitulaires de l'église Saint -Maurice-de-
Vienne, statuts, infëodations, comptes, publiés d'après les registres
originaux. 1'® livraison. Vienne, Savigné, 1875; in-8°, 128 pages;
260 CHRONIQUE
Chevalier (l'abbé) : Bibliographie : Mémoires pour servir à l'histoire
de l'abbaye royale de St- André- le- Haut-de- Vienne. Fastes de l'église
de Vienne. — Supplément à l'Histoire de l'église de Vienne, par C.
Charvet, etc. (Compte rendu extrait de la Revue critique, 1869). No-
gent-le-Rotrou, Gouverneur, 1869; in -8*, 4 pages;
Chevalier (l'abbé) : Cartulaire de l'abbaye de Saint- André-le- Bas de
Vienne, ordre de St-Benoît, suivi d'un appendice de chartes inédites
sur le diocèse de Vienne (IXe-XIIe siècles). Vienne, Savigné, 1869;
in-8<», Ln-368-44 pages ;
Chevalier (l'abbé): Cartulaire de l'abbaye Notre-Dame-de-Léoncel
au diocèse de Die — ordre de Citeaux, — publié d'après les documents
originaux, l'* livraison. Montélimar, Bourron, 1869; in-8®, 320 pages;
Chevalier (l'abbé): Cartulaires de l'église cathédrale de Grenoble^
publiés par M. Jules Marion, etc. (Compte rendu). Nogent-le-Rotrou,
Gouverneur, S. D.;in-4*', 12 pages ;
Chevalier (l'abbé) : Cartulaire des Hospitaliers et des Templiers en
Dauphmé. Vienne, E-J. Savigné, 1875, în-8*, 136 pages;
Chevalier (l'abbé) : Cartulaire municipal de la ville de Montélimar
(Drôme), publié d'après les documents originaux, etc. Montbéliard
Hoffmann, 1871; in-S», iv-352 pages.
Errata du numére de mars 1881
Chronique. — P. 155, 1. 3. La Fie de Peire de la Mula, signalée comme
inédite, a été publiée dans leJahrlmch fUr rom. PMI., II,
21, d'après le manuscrit du Vatican n° 5232. Il faut ajouter
que plusieurs de ces Vies offrent des passages importants qui
ne se rencontrent pas ailleurs, ou qui du moins sont inédits.
— Ihid., l. 8, après de Kambaut d'Orange, lisez: Pos uei quel
c/ar« (omission àeV Officiel). — Tbid., 1. 12 sqq. Une tentative
malheureuse faite par un correcteur, pour abréger la fin de
la note transmise à V Officiel, a rendu inintelligibles les der-
nières lignes. Il faut lire : « et fournit un assez grand nom-
bre de variantes. M . Constans va publier incessamment une
notice détaillée de ce chansonnier. » Ajoutons que cette no-
tice contiendra toutes les parties de Yies inédites, et paraîtra
dans un des plus prochains numéros de la Revue, (l.. C.)
Le gérant responsable : Ernest Hamelin.
Dialectes Anciens
LES MANUSCRITS PROVENÇAUX DE CHELTENHAM
I
UN NOUVEAU CHANSONNIER PROVENÇAL
On lit dans TAppendice bibliographique qui termine le livre
de M . Mar j-Lafon» intitulé Tableau historique et littéraire de
la langue parlée dans le midi de la France, et connue sous le nom
de langue romano-provençale, cette indication:
Poésies en périgourdin (bibliothèque particulière de sir
Phillipps, àMiddlehill)».
Depuis longtemps notre attention avait été frappée par ce
titre, qui nous paraissait suspect ; mais c'est en vain que nous
avions cherché à nous renseigner à cet égard. Ayant eu, il
y a quelques mois, Toccasion de visiter la bibliothèque de feu
sir Thomas Phillipps, aujourd'hui transportée à Cheltenham
(comté de Glocester, Angleterre), nous nous sommes empressé
de demander communication de ce manuscrit, et, dès la pre-
mière ligne, nous avons pu constater que c'était, non un re-
cueil de poésies modernes, mais, comme nous l'avions soup-
çonné, un chansonnier provençal. N'ayant pu, à cause du peu
de temps pendant lequel le manuscrit a été à notre disposi-
tion, le transcrire en entier, nous avons, du moins, pris copie
des parties les plus intéressantes et recueilli des notes pré-
cises, de façon à pouvoir donner une notice détaillée du ma-
nuscrit. C'est cette notice que nous ofirons aux amis de la
vieille littérature provençale.
Le manuscrit dont nous nous occupons porte, dans le ca-
talogue imprimé de la bibliothèque de sir Th. Phillipps, la-
quelle contient plus de 30,000 manuscrits, le numéro 1910. Le
catalogue et le volume lui-même portent cette indication, due
* [M. Mary-Lafon n'a pas été le premier à mentionner le ms. qui fait l'objet
de la présente notice. Cet écrivain a simplement copié, aussi bien pour les
poésies en péHgourdin (p. 306) que pour les proverbes provençaux {^. 307),
ce qu'avait déjà dit de ces deux recueils Pierquin de Gembloux (Hist. litt.
des patois, 310 et 311.) —CC]
TOBfE V DELA TROISIÈME SÉRIE.— JUIN 1881. 21
26^ MANUSCRITS DE GHELTBNHAM
au fameux bibliophile anglais : ex biblioth . Meet^man, Hagae
Comùis, olim ex bibl, collegii societatis Jesu Claromontani, Pa-
risiis. Le chansonnier a donc appartenu au collège de Cler-
mont.
C'est un mince registre grand in-4**, de 31 centimètres sur
22, avec une reliure moderne en parchemin, portant au dos
ce titre, écrit à la main en ronde : Poème (sic) péngourdin et
Proverbes provençaux. Manuscript. Il est formé de plusieurs ca-
hiers de gros papier gris, dont le premier est resté en blanc.
Puis viennent 28 feuillets, remplis (sauf quelques blancs que
nous signalerons plus loin) de Vies et Poésies des troubadours.
L'écriture, une cursive un peu raide, assez semblable à notre
bâtarde, est le plus souvent sur deux colonnes, et nous a paru
dater du XVIe siècle ; il n'ja ni accent, ni ponctuation, seule-
ment quelques exemples de p= z*, et des deux-points rempla-
çant tous les autres signes. En tête, d'une écriture moderne,
on. lit ces mots : Poèmes en PeHgourdin, Les folios 29 r**, —
42 v<*, sont occupés par des Proverbes provençaux, rangés .par
ordre alphabétique d'après la première lettre, et transcrits au
XVIP siècle d'une écriture ronde, assez pénible à lire. Dans
sa dernière partie, le manuscrit n'est plus folioté à l'encre
et avec des chiffres contemporains du texte lui-même, comme
on le voit dans la première partie: ce qui prouve que la fin du
registre est longtemps restée vide et n'a été utilisée que plus
tard; mais une main moderne a paginé au crayon le manu-
scrit, du commencement à la fin.
Voici les premiers et les derniers de ces proverbes:
A Tenfoumar si pren lou pan cournut.
A las pichounos bouillos y sfon loas bonous enguens.
Amour de seignour, escalié de veyre.
Auro drecho non a abrig, et lou paure non a amig.
A tous cops son louchos.
Vougnas villain, vous pougnira; pougnas villain, vous vouignira.
Vidon vidau, segon la vido lou joumau.
Vay, fy couquar, que fay vie(?) lou cuou.
* Cf. coçens, Roembauç^ auçir, etc.
MANUSCRITS DE CHELTENHAM 263
Vau may calor que fouol parlar.
Ungjourplou, l'autre souleillo.
Vau may ung plat de broim (?) q'uno houllo de lautgue (?) *.
[Ce recueil de Proverbes provençaux est probablement contemporain de
ceux que formèrent Voltoire et Rulman pendant la première moitié du XVIIe siè-
cle. Il est antérieur à la Bugado provençalo, dont la première édition remon-
terait à l'année 1649, selon M. Mistral (Trésor dôu Felibrige, I, 392), et aux
environs de 1660, d'après la préface mise en tête de la réédition d'Aix (Ma-
kaire, 1859, in-12, 104 pages), par M. Rouard. Les extraits que leur emprunte
M. Gonstans sont de nature à en faire souhaiter la publication intégrale ;
mais, en revanche, ils ne donnent pas* une idée bien grande de rinteUigence
du scribe qui nous les a conservés. Cinq proverbes sur onze doivent être
rectifiés comme il suit:
I. A las pichounos bouittos sy fon lous bouons enguens (dans les petites
boîtes se font les bons onguents).
II. A très cops son louches (à la troisième fois, les luttes).
ÏII. Vai ty couquar, que fas veire lou cuou (va te coucher, [parce] que tu
montres le derrière).
IV. Vau may calar que fouol parlar (mieux vaut se taire que parler folle _
ment). [Proverbe déjà connu au moyen âge *et cité, dans les mêmes termes,
par Guillaume Durand, dans son Spéculum juris. Voy. Histoire littér, de la
France, XX, 446.— C. C]
V. Vau may ung plat de broueit q'uno houllo de lavagne (mieux vaut un
plat de brouet qu'une marmite de soupe à l'eau (?)).
Cf., pour la signification de lavagne^ Honnorat, Dfc^. prov.-fr,, articles laic-
vans et lavagnas, et, pour le dicton lui-même, la Bugado, p. 99.
Le proverbe : Amour de seignour, doit être complété de la manière sui-
vante :
Amour de seigneur, escalié de veire;
A fach de vous, noun vous pôu veire.
(Amour de seigneur, escalier de verre. — Lorsqu'il a fait de vous, il ne peut
plus vous voir.)
C'est un de ceux que les recueils méridionaux ont le plus souvent rapportés.
On le trouve, en effet, dans Rulman {les Prov. du Languedoc, édition Mazel,
p. 8); la Bugado, p. 18; Sauvages, Dict. , II, 393; G[arcin](JVowv. Dzct. prov,
/r., 348), etc.
S'il m'est permis de donner à cette note un développement peut-être hors
de saison avec le but qu'elle avait tout d'abord, je signalerai, — ne serait-ce
qu'à titre de curiosité, — l'air de famille et la note mélancolique, presque scep-
tique, des proverbes suivants :
Amour de segnou,
Oumbra de bouissou.
(Cf. Bug., 20; Sauvages, II, 374.)
Amour de paisan,
Amour de can (chien)»
(Cf. Bug,, 19.)
264 MANUSCRITS DE CHELTENHAM
Nous avons dit que la partie la plus ancienne du manu-
scrit renferme des Vies et des Poésies des troubadours. Ces Vtes
sont, pour la plupart, semblables à celles qui ont déjà été im-
primées par Raynouard et par Mahn. Cependant nous devons
signaler quelques particularités importantes :
1° La Vie de Hugues de Saint-Cjr est augmentée d'une
assez longue explication du sujet de la pièce : Longamen ai
atenduda ,
2° La Vie de Giraut de Borneil est sept ou huit fois plus
longue que dans les manuscrits utilisés par Mahn, et nous ap-
prend dans quelles circonstances furent composées la plupart
de ses pièces.
3** La Vie de Peire de la Mule, d'ailleurs très-courte, ne
se trouve pas dans les recueils des Vies des troubadours de Ray-
nouard et de Mahn; elle a été publiée par M. Bartsch, dans
le lahrbuch fur romanische Philologie, II, 21, d'après le ms.
5232 du Vatican. Nous la donnons à sa place, avec les va-
riantes de Bartsch.
4° La Vie de Rambaut d'Orange est inédite, du moins sous
sa forme provençale.
Quant aux poésies, nous n'avons pas reconnu d'unica dans
le nouveau chansonnier. La pièce de Giraut de Borneil, qui
porte le n» 12, A commanc Dieus maint, dont le premier vers
Amour de Dora e de gendre
Calou de cendres,
(Cf. Bug., 19 ; Sauvages, II, 374; Garciu, 347.)
Amour de sorre
Vau pas un porre
(Cf. Sauvages, 11,374; Garcin,347.)
Amour de fraire.
De copa vau gaire.
(Cf. Sauvages et Garcin . Ibid.)
Amour de courtisan
Ben de vielan {vilain)
E fe de femelan
Noun duroun passât un an.
(Cf. Bug., 20.)
Le.^ références qui précédent montrent que ces proverbes sont aussi répan-
dus que celui dout le manuscrit de Cheltenham contient une version évidem-
ment tronquée.] A. Roque-Ferribr.
MANUSCRITS DK CHELTBNHAM 265
seul est donné, doit certainement être la même que celle que
ron trouve dans le chansonnier Mac-Carthy, au f* 183 r*»,
col. 2, et dont le premier vers est celui-ci: Aii:on rnaven Dieus
majut. L'erreur de transcription est évidente. Mais la pièce
n® 18 de Rambaut d'Orange est inédite et n'a été signalée
jusqu'ici que dans le chansonnier Mac-Car thy : nous la don-
nons plus loin. D'ailleurs, notre manuscrit, quoiqu'il ne soit
pas irréprochable, peut être considéré comme un des meil-
leurs, surtout si l'on tient compte de l'époque tardive où il a
été exécuté, et il offrira certainement une ressource précieuse
aux futurs éditeurs de poésies des troubadours.
Deux ou trois indications laissent entrevoir que le copiste
était italien : par exemple (f» 24 r®, col. 1), da pour de dans
Peire da la Mula, parecle, au sens de plusieurs (£^ 6 v°, col. 1),
et ces mots, par lesquels il répare une erreur qui lui avait
fait laisser de côté une grande partie de la Vie de Giraut de
Borneil (f** 22 v**, col. 2) : Guarda aile carte 20 j tris e dokns. Ce
sont là, en effet, les derniers mots que l'on trouve au f» 20 r*,
col. 2, bas, où la phrase est interrompue.
Nous allons donner maintenant, en suivant l'ordre des pa-
ges, les premiers et les derniers mots de chaque Vie, et le
premier vers de chaque pièce, avec le nombre de vers qu'elle
contient. Dans le cas où le premier vers seulement est donné
dans le manuscrit, nous reproduisons ce vers, et alors, natu-
rellement, il n'y a aucune indication sur le nombre de vers.
Nous rétablissons ou supprimons, suivant le cas, les majus-
cules, dont l'emploi est souvent arbitraire, et nous usons de
l'apostrophe et des signes de ponctuation ordinaires, pour plus
(le clarté ; mais nous avons cru devoir être très-sobre de cor-
rections, pour ne pas trop altérer la physionomie du manu-
scrit.
'N Arnautz Daniels (/• 1 y*)
Vie (12 lignes pleines)*.
* Nous donnons, pour les Vies, le nombre de lignes du manuscrit, pourqu'on
puisse comparer avec les Vies correspondantes de Mahn ; 4 demi-lignes ou
2 lignes pleines du manuscrit valent 'S lignes de Mabn. Nous donnons égale-
ment les numéros des Vies dans Mahn.
266 MANUSCRITS DE CHBLTBNHAM
N' Arnautz Daniels si fo d'aqella encontrada don fon N' Ar-
nautz de Meruoill.
Fin: efetz manias bonas chansos tais con vos auzirez (Mahri^
xxxvn ot xxxviii).
Pièces^,
1. En est sonet coind' e^ leri (6 X 7-|- 3)'.
2. Sols soi qe sai lo sobrafan qiiem sortz* (6 X7 + 3).
3. Ar vei vermeils, blaus, blancs, gruecs (6 X 7).
4. L'aur* amara^ fais brueills brancutz clarzir (6X7+3).
5. Anz qe sim veston de branchas (6X7+3).
6. Sim fos amors de joi donar tan larga (6X 8 + 2).
7. Lo ferm voler q'el cor m'intra* (6x6 + 3).
8. Dous braiz e critz e chans e sons "^ e voûtas (5X8 + 2).
9. Ane eu non l'ac mas ella m'a (6X 10).
10. Chanson dont mot son plan e * prim (6x9+4).
11. Autet et bas entrels prims fueills (6X9 + 3).
12. En breu brisaral temps braus (6X7 + 2).
PiSTOLBTA (/'o4t;0)
Vie.
Pistoleta si fo cantare d'En Arnaut* de Meruoill, e fo de
Proensa e puois trobaire, e fez cansons con avinens sons, e fo
ben graciz entre la bona gen. Mas hom fo de pauc solaz e de
paubra endura e de pauc valUimen; e tolc mollie a Marseilla
e fez mercader*® {Mahn, cxiv).
Pièces,
1, Sens et sabers auzirs e fin' amors (4x8 + 4).
^ Le nom du troubadour est répété en tête de chaque pièce donnée en entier.
Nous numérotons les pièces données tout au long pour faciliter les recher-
che» ; le manuscrit ne numérote que celles dont le premier vers seulement est
cité.
^ Ms. eoin de. .
s Pour abréger, nous indiquons ainsi le nombre de vers de chaque pièce.
Ici, par exemple, 6x4+3 signifie qu'il y a 6 couplets de 4 vers chacun,
plus un envoi (ou couplet final) de 3 vers.
♦ Ms. sobrassan,,, soritz. *
8 Ms. Laura mara.
* Ms. minira,
■^Ms. fons,
8 Mb. plant.
9 Ms. de Namaut»
«o Mahn ajoute; evenc ries, e laisset d'aiiarper cortz.
MA.NUSCRITS DE CHBLTENHAM 267
2. Plus gai sui q'eu non sueill ^ (5x8 + 4).
'N Ucs DE Saint Circ (/^ 5 ro, col. 1)
Le texte de la Vie se rapproche beaucoup de celui du ms. I
de Mahn (Paris, B. N., fs. fr., 854); pour qu'on puisse en
juger, nous la donnons en entier. Quant à l'explication du
sujet de la pièce Longamen ai atenduda, nous ne l'avons ren-
contrée nulle part, et il y a lieu de croire que ce morceau est
unique.
Vie.
'N Ucs de Saint Circ si fo de Caersin, d'un bore qe a nom
Tegra, fils d'un paubre vavasor qe ac nom 'n Arman de Saint
Circ, per so qel chastels don el fo a nom Saint Circ, q'es al pe
de Sainta Maria de Rochamador, que fo destruich per guerra
e derrochat. Aquest 'nUcs si ac granren de fraires maiors de
se. E volg[r]on lo far clerc e manderon lo a scola a Monpellier.
E quant eill cuideron qu'el ampares letras, el amparet chan-
sos e vers, e sirventes, e tensons, e coblas, eill[s] faichs eills
dichs dels valens homes [e de las valens] dompnas qe eron al
mon ni eron estât; et am^ aquest saber(s) el s'ajoglari ', el
coms de Rodes el vescoms de Torena sil leveron * molt a la
joglaria con las tensons e cum las coblas qe feiren cum lui,
el bons Dalfins d'Alvergna^. Et estet lonc temps en Gascoina
paubres, cora ape, cora acaval. Lonc temps estet cum la com-
tessa de Benavias*, e per leis gazaignet l'amistat de Savaric'
de Malleon, lo quais lo mes en arnes et en roba. Et estet lonc
temps com el en Poitou et en las soas encontradas, puoia en
Cataloina et en Aragon et [en] Espaina, cum lo bon rei Anfons
[d'Aragon]* e cum lo rei Anfons de Lion e col rei Peire d'Ara-
gon, e puois en Proensa cum totz los barons, puois en Lom-
bardia et en la marcha [Trevisana *]; et tolc moiller, e fez en
* Ms.fueiU.
2 Ms. e cam; Mahn et ab. Notre ms. remplace presque toujours ici ah ( =:
avec) par com ou cum,
3 Ms. sa ioglari; Maha senioglaric (B), saioglari (I).
* Ms. levèrent.
8 Ms. Dal Vergne. Les mots el bons Dalfins d'Alvergna JQuent le rôle dq
sujet de levei^on, comme el coms c?e Rodes ^ etç,
•Mahn, benauges.
' Ms. somaric.
•Cf. Mahn.
26« MANUSCRITS DE CHBLTENHAM
fans. Gran rem amparet del autrui saber, e voluntiers Tensei-
gnet* ad autrui. Chansos fez de fortbonas e de bons sons, e de
bonas coblas ; mas non fez gaires de las chansos, car anc no fo
fort enamoratz de neguna ; mas ben se saup feigner enamoratz
ad allas ab son bel parlar. E saup ben dire en las soas chansos
tôt so queill avenia de lor; e ben las saup levar,e ben far ca-
zer. Mas puois q'el ac moiller, non fez chansos. {Cf. Mahn,
XLV.)
Pièces {f^ 5 n>, col. 2).
1. Gent an saubut miei oillrenser mon cor (5x 8 + 4).
2. Nuilla ren que mestier m'aja (6 X 10 + 6).
3. Nuls hom no sap d'amie tro l'a perdut (5X8 + 4).
4. Anc enemics qu'ieu agues (6 X 10 + 6).
Suite de la Vie {fo 6 »o, col. 1).
'N Ucs de Saint Cire si amava una dompna de Trevisana,
qe avia nom dompna Stazailla, e si la servi e la honoret de
lausor e de prez, e fez de bonas chansos d*ella ; e ella recebia
en grat Tamor el prec e Tentendemen el ben dich de lui, el
dis de grans plaisers, eil promes mains bens plasens. Mas ella
si fo una dompna qe vole qe tuich Tome qe la viren, qe fossen
d'onor e de be, entendessen en ella; e a totz soffri los precs
e los entendemens, e a totz prometia plasers a far et a dire : e
sinfez a parecle. 'N Ucs sin fo gellos d*aiso qen vi e qen ausi,
e yenc a gerra et a mescla enm* ella. Mas ella era una dompna
qe no temia blasme ni rumor ni maldit : gran guerra li fez
longa saison, et ella pauc la presava. E 'n Ucs atendia tôt dia
q'ella queris patz e concordia* (sic), e q'el entres entai raison
cum ella qel en feses una chanson avinen. Ë vi qe noil venia,
el en fez^ de la raison qel avia una chanson qe diz : Longamen
ai atenduda.
Autres pièces {f> 6 v; coL 1).
5. Longamen ai atenduda (6 X 8 + 7),
6. Aissi cum es cointa ^ e gai(a) ^
^ Mb. le inseignet.
'Ms. concordio.
« Ms. enfez.
* Ms. ai... cointre gaia.
s La rime est en ai, par élision de Va.
MANUSCRITS DE CHELTENHAM 269
E cortesa e plazens (5 X 10 + 5).
7. Ane mais non vi temps ni sason (5 X 9 + 5).
8. Ses désir e ses rason (5X8 + 4).
9. Enaissi cum son plus car* (6 X 10 + 4).
10. Servit aurai lonjamen (5x9 + 4 + 4).
1 1 . Estât ai fort lonjamen (5x9+4).
Cette dernière pièce n'est qu'un remaniement vers pour
vers de la précédente ; mais il manque l'envoi, c'est-à-dire
4 vers sur les 8 qui suivent, dans la précédetote, les couplets
de 9 vers.
12. Très enemics e dos mais* seingnors ai (5x9 + 5).
Raembautz de Vaquetras (/o9r% coL 1, milieu)
Vie (20 demi-lignes).
Raembautz de Vaqueiras si fo fils d'un paubre cavallier de
Proensa, del chastel de Vaqueiras
Fin: e det li gran terra e gran renda en lo regisme de Sa-
lonic, e lai el mori {Mahn, xxxi et xxxu)'.
Pièces (f» 9 r«, col. 1).
1. Savis e fols, humils et orgoilos (5X8 + 4 + 4).
2. Leu pot hom gaugz e prez aver (6 X 10 + 4 +4).
3. Ja non cuigei vezer (8 X 16 + 8).
4. Nuills hom en ren non faill (5 X 9 + 4).
5. No m'agrada yverns ni pascors (6 X 12).
6. Eissament* ai guerreiat ab amor (6 X 8 4-3+ 3).
7. Guerras ni plais non son bon (6 X 12 + 7 + 7).
8. Ara pot hom conoiscer e proar (5X11 +3).
Il manque quatre vers au cinquième couplet.
9. Eram requier sa costum' e son us (5 X 8 + 4)«
10. Del rei d'Aragon conssir (6X8 + 3).
RoEMBAUZ d'Aurbnga {fo 12 v^, col. 2)
Vie (30 demi-lignes).
Roembauz d'Aurenga ^ si fo lo seingnor d'Aurenga et de
* Ms. clar.
* Ms. mats.
> Notre ms. suit à peu près le texte du ms. B. de Mahn (Paris, B. N., 1592).
* Ms. eissamera.
' [Cette notice, qui paraît ici en provençal pour la première fois, a été con^
270 MANUSCRITS DE GHELTENHAM
Corteson e de gran ren d'autres castels. E fo adreich et esein-
gnaz e bons cavailliers d' armas e gens parlans, et moût se
deleitet en domnas onradas et en domnei onrat, e fo bons
trobaires de vers e de chansons, mas moût s'entendeit en far
caras rimas e clusas, et amet longa sason una domna de
Proensa que avia nom madomna Maria de Vertfuoil et appel-
lava [la] son joglar e sas chansos. Longamen la amet e ella
lui, e fez maintas bonas chansos d'ella emainz autres bons
faits. Et el s'ennamoret puis délia bona contessa d'Urgel, que
fo Lombarda, filla del marques de Busca. Moût fon onrada e
presada sobre totas las pros domnas d'Urgel, e Rambautz
senes veser leis, per lo gran ben qu'en ausia dire, si s'enamo-
ret d'ella e ella dellui, e si fez puois sas chansos d'ella, e sil
manda sas chansos per un joglar que avia nom Rosignol*, si
con dis en una chanson : « Amies Rossignol, Si tôt as gran dol,
Per la mi' amor t'esjau Ab una leu chanzoneta, Qem portaras
a iornom (?) A la contessa valen, Lai en Urgel per presen ^. »
Lonc temps entendet en aqesta comtessa ella amet senes ve-
ser, et anc non ac lo destre quella ânes veser don ieu ausi dir
ad ella, qu'era ja morgua, que, c'el i fos venguz, ella l'auria
fait plaser, d'aitan qe il agra sufert q'el, corn l'avia reversa,
l'agues tocada lacambanuda'. Aisi leis aman, Rambauz mori
senes fillol mascle, e remas Aurenga a doas soas fillas *. La
una ac per moiller lo seingner d'Agout. De Tautra nasquet 'n
nue de Vellutello et de Mario Equicola. Le premier Ta traduite, à peu près
complètement, dans son commentaire sur Pétrarque (fo 177 r© de Tèdit. de
Venise, 1560); le second en a tiré les quatre ou cinq lignes qu'il consacre à
Raimbaut d'Orange dans son Libro di Natura d'amore (p. 338 de l'édit. de
Venise, 1554). — C. C]
1 [Ce détail manque dans Vellutello, mais Equicola ne Ta pas omis. — C. C]
2 [La pièce d'où ces vers sont tirés est-elle perdue ? Ce n'est, en tout cas,
aucune de celles qu'on a publiées sous le nom de Raimbaud. Mais il en reste
un assez grand nombre d'inédites, et c'est peut-être à l'une de celles-ci que
ces vers appartiennent. — C. C]
* [On pense involontairement à la bonne vieille de la chanson de Béranger :
Combien je regrette. , . Vellutello ne parle pas de cette jambe nue, 11 dit
seulement que la comtesse avait confessé que t quando egli la fosse andata a
vedere, l'havrebbe fatto appiacere ed adempiuto il desiderio suo. » — C. C]
^ [Notre biographe est ici en désaccord avec l'histoire. Raimbaud d'Orange
mourut sans postérité. Ce fut son petit-neveu, et non son petit-fils, qui donna
a part d'Orange aux Hospitaliers de St4ean-de- Jérusalem. -* C. C]
MANUSCRITS DE CHBLTENHAM 271
Uc del Bauzet en Willems del Bauz, e de TautraWilems d'Au-
renga que mori joves malamen, e Rambauz lo cals det la mei-
tatd'Aurenga alhospital. (Manque dans Mahn et Raynouard,)
Pièces (fo 12 vo, col. 2).
1. As8atz*m'es bel (5x11+3 + 3).
2. En aital rimeta prima (6x8 + 6).
3. Aïs durs, crus, coçens lauzengiers (9X7 + 2).
4. Ab nou joi et ab nou talen (8X7 + 2).
5. Car douz et feinz del beredresc (?)2 (7X9+4).
6. Braitz chantz qil critz (8X6+ 3).
Le sixième vers du premier couplet manque ; la place en est
marquée par un blanc.
7. Apres mon vers voil sempr* ordre (10X6 + 3).
8. Ar non sui ges mais et astrucs (6x6 + 2). •
9. Pos tais aabers mi sors em creis (7X8+ 4).
Le quatrième vers du premier couplet manque.
10. Ar s'espan la flors enversa (6 X 8) *.
11. Amors, com er qe farai (8x7+5)?
Il manque les cinq derniers vers du cinquième couplet,
laissés en blanc, et le deuxième vers du sixième couplet^ en-
levé par une déchirure au bord supérieur du feuillet.
12. Assatz sai d'amor ben parlar (7X8+2).
13. Entre gel e vent e franc (sic) (8X7 + 3+2).
14. Aici mou*(8xl3 + 3+3).
Le deuxième couplet est incomplet.
15. Er m'er tan un vers a faire (8x7).
16. Erai vei escur trebolel (6X9 + 3 + 3).
17. Er quant s'embloil foill del fraisse"^ (6x8+ 3).
18. Pos vei quel clars (9 X 7).
Cette dernière pièce n'a encore été signalée que dans le
chansonnier Mac-Carthy , qui aujourd'hui fait partie de la
^ Ms. astatz.
^ Ms. bedresc, avec le sigle qui représente er ou resur le premier e.
3 Devant les quatre derniers vers du quatrième couplet, on lit en marge, de
la même écriture : P str. 20. Le manuscrit contient deux ou trois autres indi-
cations analogues,
* Msv tnon.
6 Ms. Et quand se broiU.. laisse, ^
272 MANUSCRITS DE CHELTKNHAîrf
bibliothèque de sir Th. Phillips, sous le n* 8335. Nous la pu-
blions ci-dessous d'après le manuscrit n* 1910 (A), en nous
aidant du manuscrit no 8335 (B), et rejetant en note les leçons
que nous n'admettons pas dans le texte. Nous nous dispense-
rons toutefois de signaler trop minutieusement les fautes du
scribe, lorsqu'elles consistent uniquement dans une mauvaise
coupure des mots ; ces fautes reviennent très-souvent, par
suite de Tignorance relative du copiste, auquel la langue n'était
plus familière, et donnent au texte un aspect bizarre. De plus,
récriture n'est pas toujours bien claire, de sorte qu'après
bien des peines et beaucoup de temps dépensé, nous ne nous
flattons pas d'avoir toujours réussi à trouver un sens accep-
table, malgré le secours (fort insuffisant d'ailleurs) que nous
offrait le chaSisonnier Mac-Carthy.
RoEMBAUç d'Aurenga (/"^ 7 y^, col. % milieu)
I Pos vei quel clars
Temp[s] s'abravia,
Dels aucels lo prim fremirs
M'es bels, e doz lur auçirs.
Si que non sai ques un viva
Ses chantar; per qu'eu comens
7 Una chançoneta gaia.
II Mas los blanx clars
Sols que raia
Canz gens faiz durz et ardenz.
Me fraing tot[z] mos mais talenz,
Mas una voluntaz gaia
D'un franc joi qe mos désirs
14 No vol que ab flac voler viva.
III Ges no m'esclars
Ni m'esquiva
. Gest jois don faz lez sospirs,
Ni sai s'anc me noc trop dira,
Ni me valc qu'ades s'aviva
En mon cor lai longamens (/* 18 r<>)
21 De l'amor quel teig m'esglaia.
i. B uei clars.— 4. A e boz.— 5. B quos un.— 6. A per quec; B per quco.
10. B c. grecs. Ce vers m'est obscur. Peut-être faut-il lire : can get rais
durz ; A ardens.— »11. A ne fraig tôt; B A tôt.— 13 B mon désir.— 14. A ablac
V.; B Donol que ab flacuolis.
15. A Gas. — 16. ilBnunes quiua.— 19. B quadens.
MÀKUSCkiTS i>K OHiiîL'iJbiNtiAJi 213
IV Mos cors esclars
E s'esmaia;
Aici vant mescladamens
Pies enoiz de bel comens,
Que Tuna mitatz es gaia,
E l'autr' amador cosirs,
28 Ab voluptat morta e viva.
V Us volera clars,
Quem caliva,
M'empeing avan alsfaillirs,
Temers mos tram qejauçirs
Val(s) mais pro al hom que viva.
Que corz gauz, per ques spavens,
35 S'atremp'ab voluntat gaia.
VI V[o]slre amicx clars
Nous asaia,
Domna, ni mostra parvens,
Quer en vos es totz sos sens,
Ni sap si Tes dur o gaia ;
Tant vos tem quel descobri[r]s
42 L'es cars, e non sap cum viva.
VII Que non es clars
Ab ques pliva,
Ans mors e gems e mentirs
Noi es, si que l'us aàirs
No ivegna avan qu'om viva;
Qu'om non ama finamens
49 Senes gran temensa gaia.
VIII A franx cor[s] clars
Res er ai[a]
Vailam ab vos chauçimens,
23. Besmaia. — 24. AB nauc; B mes gram siauzens. — 25. il pies e uers.
— 26. il mistat; Bmistaz. — 27. il el autra cosirs; B elautra mador cossirs.
— 28. il voluptat.
30. A quera c. — 31. A men p.; B mem peig. — 35. A satrempar; B satrempal.
36. B donne: stre. Comme il manque, au commencement de chaque cou-
plet, de' la lettre initiale laissée en blanc pour être peinte^ cela suppose
la leçon Ustre, comme dans A. C*est sans doute une abréviation, —42.
B ihe cars avec un s au-dessus de l'e).
45. il i gems; B amix si gems. — 47. B ueigna. — 48 B flna men.
m HANÛSGftlTS DE GHËLTENHAM
S 'eu non sui tant asapiens,
Queus sapch* ab voluntat gaia
Dir so qu'eu voil, mas sofris
56 Mon dan, si volez que viva.
IX Domna, meillar[s]
Es que viva ;
Mas de tan loig m'escompren
Lo fox, prec mi siatz gaia.
Ha ! dolça res, coind'e gaia,
Eram propcha lo morrirs
Si nom faiz socors [qu'jom viva.
53. A tauta sapiens; B tanta s.— 55. il se queu.
57. A meills; B meiller.— 59. A de tal.— 60. A fos; AB près.— 62. A prop
chalo ; B pros maral morirs. — 63. B quom uiua.
Suite des pièces de Raimbaud d^ Orange (/*« 18 ro, col. 2)
19. Un vers farai de tal mena (7X7 + 3+3).
Il manque le quatrième vers du premier couplet.
20. Aram plai Giraut de Borneil (8x7 + 2+2).
Il manque le cinquième vers du premier couplet.
GuiLLEMs DE Capbstaing (/*" 18 v*, coL 2)
Vie (61 demi-lignes).
Guillems de Capestaing si fo uns cavalliers de Tencontrada
de Rossillon que comfina cum Catalogua e cum Nerbonez. . .
Fin: e mûri en aquella greu prison. Et aqui son de las
ôhansons d'en Guillembonaa e bellas [Mahn, ix et x)«
Puis, sans donner aucune chanson, le scribe passe à Jaufre
Rudel.
Jaufres Rudels {f^l9 r«, col. 1)
Vie (17 demi-lignes).
Jaufres Rudels de Blaia si fo molt gentils hom, princeps de
Blaia. . .
Fin : per la dolor qu'ella ac de la soa* mort {Mahn, Vi).
Ms. soi.
MANUSCRITS DB GHELTEN&ÀM !^75
Pièce unique.
Quant lo rossignol[s] el fiioillos (5X7).
Le premier couplet a 8 vers au lieu de 7.
Peire d'Alvbrnha* (/** 19 r<», coL 2)
Vie (23 demi-lignes).
Peire d'Alvernha * si fo de Tevesquat de Clarmon, savis hom
6 ben letraz ...
Fin: e puois el fez penidenza e mori [Mahn, viii).
Pièces.
1 . Abanz queill blanc puei sion vert (8x7).
2. Dejostals breus jorns els loncs sers (7x7+34-3).
3. Bellam'es la flors d'aguilen (8x6)-
GiRAUTZ DE BORNEIL {f"" 20 r*», CoL 1)
Vie (/» 20 ro, col 1, puis p 22 ^;^ coLiy. Cf. Mahn, xx, pour
cette première partie seulement. Le re^te est particulier à notre
manuscrit.
Girautz de Borneil si fo de Lemosi de Tencontrada de Si-
duoil, d'un rie chastel del vescomte de Lemotges
E aqui son escritas de las chansos de Giraud de Borneil':
1. Alegrar mi volgr'en (e) chantan*.
2. S'era non pueia mos chanz.
3. Quan la brunura s'eslucha.
4. A ben chantar coven amar[s].
5. Jes desobre voler nom tueill.
* Ms. dal veme*
* Cette Vie est sept ou huit fois plus longue que celle que donne Mahn. On
y cite le premier vers d'un assez grand nombre de pièces, et l'on explique
dans quelles circonstances elles furent composées. Le scribe fait de même dans
la plupart des Vies qui suivent» et les pièces ne sont pi us données tout au long
qu'exceptionnellement.
3 Le manuscrit numérote, pour chaque auteur, les pièces qui sont seulement
citées par le premier vers, et les sépare par un trait vertical placé vers le milieu
de la ligne.
* Ms. e sanian. Je corrige d'après le second vers : S chantar per qe rrCale-
ffres.
276 MÂMUSOliiTÔ DB GHËLTSNHAM
6- La flors del verjan*.
7. Lo apleitz ab q*eu sueill*.
8. Quan brancal brondelz el rama.
9. Ar auziretz enchabalitz chantars.
10. Quarno ai joi qui m'aon^.
11. Ben cove pos ja * baissol ram.
12. A! com m'ave^, Dieus m'ajut.
13. Sim sentie fizels amies.
14. Jois e ehanz e solatz.
G-irautz de Borneil si avia amada una domna de Gascoina
qi avia nom n' Alamanda de Stancs * et ella li avia faits plazers,
et avenc si q'ela se penset qe sa valors avia trop descendut,
qar avia soq'el vole volgut. E sildet comiat elF estrais s'amor,
per tal don ella fo moût blasmada, con el erahom desmesuratz
e malvatz, don Girautz de Borneil remas tris e dolens. . . .
A la suite de ces mots, on trouve une pièce de Ricard de
Barbezieux, puis les Vies de Peire Vidal, de Bernard de Ven-
tadour et de Folquet de Marseille ; et, après quelques indica-
tions obscures où sont cités quatre troubadours (voy. p. 82),
le scribe reprend la vie de Giraut de Borneil, en ayant soin de
renvoyer à la première partie, de cette manière :
Guarda aile carte 20: tris e dolens.
{F° 22 v^, col. 2, bas,) longa sason per lo dan de si e par
lo blasme qu'elF avia que no se convenia qu'ella n' feses son
amador. Don el fetz aquesta chanson, rancuran se del traïmea
* Ms. ver chian.
2 Ms. gen fueill.
3 Ms. on joi qui ma on,
* Ms. cour posia.
5 Ms. commanc. Je corrige d'après le chansonnier Mac-Carthy (fo 183 r*,
coL 2) y qui donne: aj con maven,
6 [Cf. Equicola, Libro di Natura d*amore. Venegia, 1554, p. 330 : « Giraldo
di Beane il di Lemosi amô madonna Nolanna di Stanes di Guascogna. » Ce
passage, tout corrompu qu'il est, prouve qu'Equicoia a dû connaître les pré_
cieuses notices que le ms. de Cheltenham nous a conservées, et qui viennent
aujourd'hui combler, en partie du moins, Tune des plus fâcheuses lacunes que
présentait l'histoire littéraire des troubadours. Grescimbeni a déjà relevé le
passage précité d'Equicola et a bien vu qu'il s'y agit de Giraud de Borneil.
Diez paraît ne pas l'avoir remarqué ; du moins n'y fait-il aucune allusion. —
G. G.]
MANUSCRITS DE CHBLTBNHAM 277
qu'eir avia fait de lui; e car jois e deportz e solatz plus noil*
plasia : Ges aissi del tôt nom lais.
15. Ges aici del tôt no[in| lais.
16. Nom platz chanz de rosignol.
17. Sil cors nom luz era dreg«.
18. Com lo glatz el fretz e la neus.
Puis la Vie et les explications des pièces continuent. Les
trois numéros qui suivent sont cités séparément à la suite d'un
récit explicatif.
Per la dolor eper Tiraq'en Girautz de Borneil ac delà mort
del rei Richart d'Engleterra, e per Tengan qe l'a fait la sua
dompna n'Alamanda, si s'era laissatz de chantar e de trobar e
de solatz. Mas en Ramons Bernartz de Rovigna q'eratrop va-
lens hom de Gascoingna e trop sos amies, com qui el clamava
[se] Sobre totz, lo preget e vole q'el chantes e fos gais, don el
fetz aquesta chanso qe diz : Si per mon Sobre totz non fos.
19. Si per mon Sobre totz non fos.
Girautz de Borneil si passe t outra mar com lo rei Richart
e com lo vescomte de Lemotges, lo cal avia nom n' Aimars ; e
fo al setge d'Acre. E qan la ciutatz ne fon presa et tuit li [baro]
s'en torneren, Girautz de Borneil si sen anet al bon prince
d'Antiocha q'era trop valens hom. Moût fo honratz per lui e
servi tz, e estet ab lui tôt un yvern, attenden lo passatge qe se
dévia far al pascor. Et estan con el, el somniet un somni, lo
quai ausiretz en aqesta chanson qe diz : Non puesc sofrir q'a
la dolor.
20. No puesc sofrir c'a la dolor.
Girautz de Borneil, qan Guis lo vescoms de Lemotges l'ac
fait raubar la sua maiso de sos libres e de tôt son arnes % e vi
qe pretz era fugitz e solatz adormitz e dompneis mortz e
proesa faillida e cortezia perduda, e enseignamenz voFz en
^ Ms. loi.
• Lis., d'après Bartsch (Grundriss): nom esta tan dreg.
3 [Le vicomte de Limoges dont il s'agit ici est Gui V, fils et successeur
d'AdémarV, que Giraut de Borneil, comme on l'a vu dans la raso précédente,
avait accompagné à la croisade. Le fait dut se passer en décembre 1211, lors-
que le château d'Exideuil fut repris par Gui, ainsi que nous l'apprend la
chronique de Bernard Itier. C'était là une occasion de piller trop uaturelle
pour qu'on s'en fît faute, et notre troubadour dut subir le sort commun. On
aura remarqué la mention spéciale qui est faite de ses livres. C'était saos
22
1
278 MANUSCRITS DE CHBLTBNHAlM
deschausîmenz, e qe engans era entraz en amdoas las pars en
las amairessas et en los amanz, el se vole penar de recobrar
solatz e joi e pretz, e si fetz aqesta chansen qe diz : Per solatz
reveillar.
21. Per solatz reveîUar.
Girautz de Borneil si era partitz del bon rei Anfos de Cas-
tella, e si Tavia dat lo reis un moût rie palafre ferran e autras
joias assatz, e tuit li baron de la sua cort 11 avian datz grans
dons, e venia s'en en Gascoina, e passava per la terra del rei
de Navarra ; el reis o saub qe Girautz era cossi rie, e qe pas-
sava per la soa terra, en la frontera de Castella e d'Aragon e
de Navarra, e fetz lo raubar et tolre tôt Famés, e près a sa
part lo palafren ferran e Tautra rauba laiset ad aqels qe
r avian raubat ^ Don Girautz fez aqest chantar qe diz : Lo dotis
chant d'un auseL
22. Lo dous chant d'un ausel.
23. Un sonet fas malvaz e bon.
24. Gen
M'aten
Ses fallimen
En un chan valen.
25. Nuilla res a chantar nom fail*.
26. Leu chansoneta e vil.
27. Si sotils scenz.
28. De chantar ab déport.
29. Aqûest terminis clars e genz.
30. Ben deu en bona cort dir.
31. Ops m*agra, si m'o consentis.
32. De chantar mi for'' entremes.
doute la partie pour lui la plus précieuse de son mobilier et celle dont la
perte, vu son goût connu pour Tétude, dut lui être le plus sensible. — C. C]
* [Le roi de Navarre en question ne peut être que Sanche le Fort, qui occupa
ie trône de 1194 à 1234. D'après ce récit et d'après ce qu'on sait d'ailleurs
de ses habitudes, ce que dit un troubadour postérieur de la cour de l'un de
ses successeurs n'aurait pas mal convenu à la sienne :
A la cort fuy l'autrier del rey Navar,
Qu'es cort corta de tota cortesia.
Voy. Paul Meyer, Derniers Troubadours, p. 31. — C. Cl
a Ms. fait,
3 Ms. far.
MAIfUSCRITS DB CHELT£NHAM 279
33(35)*. Ara simfos en grat tengut.
34(36). Jam vai revenen.
35(37). Can creis la fresca fueill' el rams.
Ici encore un passage de la Vie, particulier à notre ma-
nuscrit, et à la suite, le reste des pièces citées:
Girautz de Borneil si amava una dompna de Gascoina qe
avia nom n' Alamanda de Stanc.Mout era presiada dompna de
sen, e de. . . . valor e de beutat, et ella si sofria los. . . el en-
tendemen d'en Girautz per lo gran enansamen q'el li fazia de
pretz e d'onor e per las bonas chansos q'el fasia d'ella, don
ella s'en deleita[va] moût, per q'ella las entednia ben. Lonc
temps la preget, et ella com bels ditz e com bels honramenz
e com bellas promissions se defendet da lui cortezamen, qe
anc noil fetz d'amor nil det nuilla joia, mas un son gan, dont
el visqet lonc temps gais e joios, e pueis n'ac mantas tristessas
qant Tac perdut, q\ie madomna n' Alamanda, qan vi q'el la
preissava fort q'ella ]i feses plaser d'amor, e saub q'el avia
perdut lo gan, ella s'en corozet del gan, dizen qe mal Tavia
gardât, e q'ella noil daria nulla joia ni plaser noil faria mais
d'amor e qe so q'ella li avia promes li desmandava, q'ella vesia
ben q'el era fort loing eissitz de sua comanda. Qant Girautz
ausi la novella [o]caison el comiat qe la domna li dava, moût
fo dolens e tris, e ven s'en ad una donzella q'ell'avia, qe avia
nom Alamanda si com la domna. La doncella si era moût
savia e cortesa e sabia trobar ben et entendre. E Girautz sil
dis so qe la domna li avia dit, e demandet li conseil a la don-
[c]ella qe el dévia far, e dis : Sius quier conseil, bellamiga Ala-
manda.
36 (38). Sius quier conseil, beir amiga Alamanda.
37(39). Ben m'erabelz chantars.
38 (40). Un sonet novel faitz.
39 (41). M'amigam mena estra lei.
40 (42). Qui chantar sol ni sab de cui.
41 (43). Ses valer de pascor,
E ses fueill e ses flor.
42(44). Ben for' oimais2 dreitzel temps.
* Le ms. passe de 82 à 35; il oublie probablement deux pièces. De même,
il passe de 47 à 49, oubliant une pièce. Le numéro d'ordre placé entre paren-
thèses est celui du ms.
' Ms. for o mais.
280 MANUSCRITS DE GHELTE£4fiÀM
43 (45). En un cl]^antaF.
44(46). Si plagues tan ohantz.
45 (47). Era can vei reverdezitz.
46 (49). Tôt soavet e del pas.
47(50). Al plus leu q'eu* sai far chansos.
48(51]. Sol q'amor me plevis.
49 (52). Jois si a comenzamenz.
50(53). El honor Dieu torn en mon ofaan.
51 (54). Ben fora dreigz.
52(55). Ben es dreg pois en aitalport.
53 (55). Plaing e sospir.
54 (57). L'an cant son passât li givre.
55(58). S'anc jorn agui joi ni solaz.
RiCAUz DE Berbesiu (/^ 20 vi^, col. 1)
Pas de ViCy mais seulement une pièce donnée tout au long :
Tuit demandon qu'es devengud'amors (5x8 + 2).
Peirb ViDALS (/^ 20 v*», col 2)
Vie (environ 150 demi-lignes). Cf. Mahn, xxi, xxii, xxiii.
Peire Vidais sifo de Tolosa ; fils fo d'un pelliser
el meillor cavallier del mon erezia esser, el plus amatz de
domnas :
12. Plus qel paubres, qe jatz^ el rie ostal.
2. Bem par d'invern e d'estiu.
3. Ajostar elonjar*.
don Peire Vidais fez aquesta chanson qe dis : Pos tor-
natzsui^ en Proensa.
4. Pos tornatz sui en Pro(v)ensa.
5. S'ieu^ fos en cort on hom tengues dreitura.
6. Tan mi platz jois e solatz.
7. Ane no mori per amor ni per al.
8. Sim laissava de chantar'.
* Ms. gen.
s Les pièces ne @0Dt pas numérotées dans le manuscrit.
* Ms. ratz.
* Mahn: e lassar.
» Ms. fui.
* Ms. si en,
7 Cf. Mahn, à la fin de la KiV (chanson composée pour le roi Alphonse d*Ara'
gon).
MAI^USCRITS DE GHELTEINHâM 281
9. Cant hom es en autrui poder.
10, Cant hom honratz torna en gran paubrieira*.
Bbrnartz de Vbntador (/^ 21 o^, eoL 1)
Vie (70 demi-lignes).
Bernartz de Ventador si fo de Lemoisin, d'un chastel de
Ventador, de paubra génération, fils d'un sirven e d'una for-
neyeira {Mahn : fils d'un sirven que era forniers, q'escaudava
le forn per cozer lo pan del castel) . , .
Fin .*.... si se fetz monges en l'abaïa de Dalon, e aqui per-
severet tro a la fin {Mahn, ii et m).
Il y a 37 pièces citées par leur premier vers, soit dans la
Vie, soit après.
FoLQUET DE Marsceilla (/**> 22 r°, coL 1)
Vie (environ 170 demi-lignes). Cf, Mahn, xxvii et xxviii.
Folquet de Marsceilla si fo de Marceilla, fils d'un meroadier
qe fo de Genova. . .
(18 pièces sont citées par le premier vers dans la Vie.)
Fin. . . don Folquet remas tris e grams e doléns, si oom el
dis que :
(/^ 22 v% col 20
Mais no séria jausenz,
Puos que n'era mens
L'emperaris, qui jovens
Apoia dra(?) els aflfbrs (?) gratz',
E si cors non fos forfaz,
Ben feira parer
Con fols si sap de cazer.
19. Hus volers outracuidatz •.
De chantar m'era laissatz
Per ira e per dolor,
* Mb. paubrieria.
s Ce vers, d'ailleurs inintelligible, semble faux, étant donné la o^nposition
du couplet, qui, dans le ms., est écrit comme de la prose et, du moins dans
certains passages, est fort difficile à lire.
3 Dans les lignes qui suivent, le scribe semble avoir essayé dMndiquer quel
aurait dû être, au moins à partir de Folquet, l'ordre alphabétique, ce qui ex-
plique pourquoi il reprend ici la suite de ce qui concerne Guiraut de Borneil.
Nous tâchons de conserver la disposition irrégulière du manuscrit. Deux ou
trois abréviations bizarres nous échappent.
282 MANUSCRITS DB CHELTBNHÀM
Ah^ FOLQUET DE ROMANS
e • Q-uillemsX Teni^ Guillems de Saint Leidier
Figera /
aqui* deuria*^ po® Capestaing Il(?) P^.
4. Guillems de Berguedan
Nous avons rapproché de la première partie de la Vie de
Guiraut de Borneil ce qui se trouve placé ici par erreur dans
le manuscrit; nous reprenons maintenant l'ordre du manu-
scrit.
Peire RoGiERS {f 23 1;% col. 1)
Vie (30 demi-lignes).
Peire Rogiers si fo d'Alvergne, de la ciutat de Clarmon,e fo
canorges deClarmon. . . [Cf, Makn, xii).
Fin {qui n'est pas dans Mahn): E fetz aquestas chansos que
vos au(t)zirez scriptas sai desotz.
Le scribe, malgré sa promesse, n'a ni transcrit, ni indiqué
par leur premier vers les chansons de Peire Rogier.
Peire Bremonç ( /» 23 w», col, 2f
Vie (5 demi-lignes).
Peire Bremonç lo Torç si fo uns paubres cavalliers de Via-
nes, e trobet ben e avinenment ; et saup ben estre entre la
bona gen, et ac honor gran dels barons d'aquella encontrada.
Et aqui son de las soas chansos [Cf. Mahn, ex, qui donne un
texte un peu différent),
^ Ces deux lettres sont entourées d'une espèce de paraphe partant de Vh^
et qui est peut-être destiné à les annuler, car il les barre.
2 Ve est prolongé à droite en haut par un trait horizontal.
3 L'f se termine par une espèce de queue rappelant le sigle qui représente
CWW2, com.
*Ms. a cui.
5 Ms. dria (avec d barré) .
« Les deux dernières lettres du mot et une abréviation qui suit nous sont
obscures. Lisez: pois esser (?).
^ Nous avons déjà signalé un renvoi àP, qui désigne peut-être un manuscrit.
8 Pas de pièce citée jusqu'à Gaucelm Faidit, et le nom, placé ordinairement
en vedette, manque.
MANUSCRITS DE CHJBLTBNHAM 283
Pbirb Raimonz {tbt'd.)
Vie (10 demi-lignes).
Peire Raimonz de Tolosa lo viellz si fo fiUz d'un borges ; e
fez se joglar, et anet s'en en la cort del rei Amfos d'Aragon.
El reis racuilli eill fez gran honor. Et el era savis hom e sub-
tils, e saup ben trobar e chantar ; e iez bonas chansons e estet
en la cort del rei a grant honor, e del bon comte Raimon * e
d'en Guillemde Monpeslier. Puois tolc moiller a Parvias • e lai
definet. Et aqui son de las soas chansos (Cf. Makn, xvii).
Peire de Bariac (ibid.)
Vie (22 demi-lignes).
Peire de Bariac si fos uns cavalliers compaingno d'en Guil-
lem de Balaun . . .
Fin:. . . e aqui es [es]cript lo comiat q'el près de lei [Mahn,
CXIll).
Peire de Bosignac {ibid.)
Vie (5 demi-lignes), '
Peire de Bosignac si fo uns clers gentils hom d'Autafort, del
chastel de Bertram de Born. Trobaire fo de bons sirven[tel8,
de reprendre las domnas que fazian mal et de reprendre los
ser ventes de Bertram del Born [Mahn, lxxv).
GuiRAUTz de Salaingnac {ibid.)
Vie (4 demi-lignes).
Girautz de Salaingnac si fo de Caersin, del chastel de Salain-
gnac : joglars fo ben adregs ; hom fo e ben certes, et trobet
ben e gen chansos e descortz e sirventes (Mahn, ci).
Peire Gavaret'
Peibe de Durban 3
Peire da la Mula (fo 24 r% col. 1)
Vie (4 demi-lignes).
* Mahn (ms. B., fs. fr. Paris, B. N., 1592): Raimon de Tolosa, lo sieu sei.
gnor, et en la cort d'En Guillem de Saint Leidier [longa sazon. Pois toi
moiller ac Pomias e lai el definet].
• Lis. PamicLS.
3 II n'y a que le titre, dans le manuscrit, pour ces deux troubadours.
?84 MANUSCRITS DE CHBLTBNHAH
Peire da la Mula si fo uns joglars q'estet a Monferrat et en
Poimon com meser Ot del Caret a Curirmila (?). Trobai^re fo
de serventes et de coblas * .
Peire de la Caravana*
Ugo de Pbna
Vie (9 demi-lignes).
Ugo de Pena si fo d'A(n)genes, d'un castel qe a nom Mon-
messat^, fils d'un mercadan, e fez se joglar. E cantet ben, e
saup gran ren délias autrui chansons, e sabia molt las gene-
racions dels grans homes d'aqellas* encontradas, e fez chansos.
Grans baratiers fo de jogar [e d'estar]* en taverna ; per qe
ades fo paubres e ses arnes. E venc se moillerar a Veneissi
en Proenssa {Mahn, cvii).
Gauselms Faidiz (/*o 24 r®, coL 1)
Vie (Cf. Mahn, xxxrx et xl, sauf pour la dernière partie).
Gauselms Faidiz si fo d'un bore qe a nom Userchà, q'es en
Fevesqat de Lemozin. E Messiers lo Marques Bonifasis de
Monferrat mes lo en aver et en roba, et en tan gran prez Itti
e sas chansos :
1. Pel joi del temps q'es floritz.
2. S'om pogues partir son voler.
3. Mon cor e mi e mas bonas chansos.
D'en Gauselm Faidit vos ai dich qi el fo ni con venc ni com
estet, el comensament de las soas chansos ... .
; . . . Mas an[c] per prec ni per chansos maïs
non poc tan dir ni far, etc. (v" coL 2) qe anc madomna Maria
li volgues SOS precs escoutar ni ausir.
4. Tant ai sofert lonjamen granafan.
5. Nom alegra chanz ni crltz.
6. Al semblan del rei ties .
* Dans le texte publié par M. Barlsch, on lit: « .... del Corret et a Corte-
milla. »
2 II n'y a que le titre dans le manuscrit.
8 Mahn : Messat.
* Ms. de quellas.
* Nous suppléons ces mots d'après Mahn.
MANUSCRITS DB CHELTENHAM 8^
Gauselms Pàiditi, qânt fo partit^ del entendemeû dé mà-
domna Maria dô Ventador.
(/* 25 r*, col, 1) Et aqesta fo la derèana
chansos q*6l fez.
7. Si anc nuls hom per arer fin corage.
8. Chant e déport, joi, domnei e solatz.
9. Lo gens cors honraz.
10. Tôt me cuidiei de chanson far sofrîr.
11. Sitôt m'ai tarzat mon chan.
12. Ja mais nul temps nom pot renfar àmors.
(col, 2) 13. Lo rosignolet salvage .
Ai auvit que s'esbaudeia.
14. Ara cove qem conort en chantan.
15. Gen fora contra Tafan *.
16. Cora qem des benenansa.
17. Tan soi fis e ferms vas amor.
18. Ab conserier plaing.
19. De solatz e de chan.
ÎO. Ben for' o[i]mai.
Gauselms E*aiditz si amaVà una domna del eVeSqtiàt de Gap
e d'Ebreun la quais avia nom ma dompna. Jordatia d'fibréun.
Gentils domna fo e sobre bella e moût cortesa e gen ensei-
gnada e larga d'aver et en veiosad'onor e de prez. Gauselms
si la servi e la honra moût e la lauset, e la fez grasir entre la[s]
plus valens domnas. Madomna Jordana visquet moût gala e
moût legra, e moût s'esforset de ben far e de ben dir, per so
q'en Gauselms non fos tengatz per mensongier del ben q'el
disiad'ella. Efosi presiada per tôt loing e près qe negus valens
tom de Vîanes ni de tota Proensa se presiava ren se no Tavia
vista, ni non era nuUa bona dompnà en totas aqellas encon-
tradas qe noil agues enveia de la beutat e del près. E si vos
«die d'aiso vertat.com per veser e per ausir. E si fo la sua vo-
luntatz qe Madomna Jordana vole far plaser d'amor an Gau-
selm, e fez lo venir en la sua chambra un ser a parlamen cou
si; e fez li tant eill dis q'el s'en parti con gran legressa*. Et
* Ms. la fan,
• [Cette aventure de Gauoelm Faidit se trouve aussi racontée dans le ms.
286 MANUSCRIl^ DE CHELTENHÂM
en aqesta legressa lo marques de Monferrat si se croset, e fez
crosar Gauselm Faiditz, per anar outra mar ^ Madomna
Jordana ; don Gauselm fez aquesta chanson : Honratz jausens
sers On tan bella parvensa Venc mos bels espers, Gauselms si
appellava Madomna Jordana Bel espers,
21. Honratz jauzenz sers.
22. Tuit cil qe amon valor.
23. Moût a poingnat amors en mi désir.
24. Jes perlo freiz temps no m'irais.
25. Jes nom tuoill nim recre.
26. Moutm'enuiet ojan lo cor c'es* mes.
27. Ben plas e m'es gen .
28. Montas fazos es hom plus volontés.
29. 0 mais(?)taing qe faz parer.
30. De faire chanson.
31. Razon e mandamen.
32. Ara nous sia guitz.
33. Fortz chauza es qe tôt lo maier dan.
La plus grande partie du feuillet 25 v<>, le feuillet 26 tout
entier et le recto du feuillet 27, sont restés en blanc. Puis vient
une chanson du vicomte de St-Antonin, Raymond Jordan.
F^ 27 vo, col. 1:
Lo VBSCOMS DE Saint Antonin
Per quai forfag o per cal faillimen (6 couplets de 8 vers).
(Col, 2) Graim (?) qe faiz, qar no Tanaz vezer,
Qe re no sap aqes met en esforz,
Qui no la ve e no Testai denan,
Tan avinen sap far son benestan.
Ces quatre vers semblent donnés comme variante aux qua-
tre derniers vers du sixième couplet . Puis vient l'envoi :
xLi-42 de la bibliothèque laurentienne de Florence, mais beaucoup plus briè-
vement que dans le ms. de Cheltenham, pour la partie du moins qui leur est
commune ; car le ms. de Florence ajoute que Na Jordana fut courtisée par le
comte de Provence; que Gaucelm par jalousie et dépit s'éloigna d'elle, et qu'il
chercha ensuite à rentrer dans ses bonnes grâces. On peut voir tout ce récit
dans YArchiv de Herrig, t. L, p. 242. — G. G.]
^ Lacune non indiquée dans le ms.
• Lisez coindes.
Manuscrits de cheltbnham 287
Chansos, vai t'en, e digas lim denan
Qe, s'a lei plaz, q'il t'aprendra e chan.
Le reste du feuillet et le recto du feuillet 28 sont vides. Au
verso, on lit une chanson de Peire d'Auvergne, dont la Vie et
trois autres pièces se trouvent plus haut, f> 19.
Pbirb d'Alvbknia
Gantarai * d'aqestz trobadors.
14 couplets de six vers, puis cet envoi :
Lo vers faiz al enflaboz,
A poi vert tôt joganrizen.
Ici se termine la première partie du manuscrit, c'est-à-
dire le Chansonnier. Au f» 29 r**, commencent les Proverbes
provençaux, dont nous avons donné les premiers et les der-
niers au début de cet article.
L. CONSTANS.
NOTES SUPPLÉMENTAIRES
[P. 271, n® 16. Lis. Er vei escur e trehol cet. Cette pièce, qui se
trouve encore dans les mss. 856 et 1749 de notre B. N., est attribuée
par ces deux mss. à R. de Vaqueiras. Mais la table du n» 856 la
donne, comme lems. de Gheltenham, à R. d'Orange.
18. Cette pièce se trouve aussi dans le ms. 2814 de la Bibl. Ric-
cardi à Florence, où le premier vers diflfère un peu de ce qu'il est dans
le ms. Mac-Carthy, ce qui a sans doute empêché M. Bartsch de recon-
naître Tidentité des deux copies (voy. Grundriss, 389, 23 et 38). —
V. 2, lis. s'dbriva, conune l'indique le ms. de Florence et comme
l'exige d'ailleurs le système rhythmique de la pièce, où deux couplets
construits
abC C B D E
ae D D E C B
* Ms. cantarei.
1^88 MJLNt^CRlTS BB GHBLTBMHÀM
alternent d'un bout à l'autre de la pièce (la rime a étant toujours con-
Btituée par le môme mot, clars) ,
V. 8. Corr. lo(s), — 9. Je mettrais une virgule à la fin du vers. —
19. Corr. Cant et fait f — 13. Une virgule après joi, — 15. Lie. en
deux mots es clars. — 17. Corr. Uu ou losî
19. Mettre une virgule après valc, — 21. Corr. teingf — 22. lis.es
clars, — 24. Corr. vauc. — ^25. Corr, evoiz, — 26. Lis. avec le ms. Vun'
amistatz, — 27. Corr. E Vautra m*adwto.*— 28. Corr. voluntat. —
33. Supprimez le point : que corz gauz qui suit est le complément de
mais (mieux vaut jouissance qui dure {viva) que courte joie). — 34.
Lis. per qu*espavens et supprimez la virgule.
39. Corr. quar, — 40. Lis. dur* o gaia (es= etz),— 44. Corr.
moretgemf — 45. Lis. lus (=nuUus}9
50. A est une interjection. — 51. Corr. veraia, — 53. Corr. sa-
piens. — 55. Corr. sofrirs,
57-63. Ce dernier couplet paraît corrompu en plus d'un endroit.
L'auteur a-t-il voulu y mêler les rimes qui alternent dans les autres?
Le vers 59 devrait rimer en ens, le suivant en ens ou en irsf Dans
tous les cas gaia, à la fin de ce dernier, est évidemment une faute.
—V. 57-8. Corr. Domna, meils clars Es que nivaf — 63. Lis.
quom (quomodo).
Suite de R. d'Orange. No 20 (p. 274). Tensonavec G. de Borneil.
Cette pièce se lit dans trois autres mss., les n^» 1749 et 22543 de la
B. N. et le ms. de Modène. Ce dernier seul est d'accord avec le ms.
de Cheltenham en ce qui concerne l'attribution, évidemment erronée du
reste, de la tenson à R. d'Orange. L'interlocuteur de G. de Borneil
est, dans les deux autres, le troubadour Lignaure, personnage avan-
tageusement connu d'ailleurs, grâce au planh que le même GKraut
de BomeU, dont il fut l'ami, composa à l'occasion de sa mort et qu'on
peut lire dans les Gedichte de Mahn (n«" 336, 821).
P. 280. N° 51. Ben fora dreigz, — Cette pièce, si ce n'est pas une
répétition du n^ 42, ne se trouve, à ma connaissance, dans aucun autre
ms.
N^ 54. Cette pièce, qui ne se trouve que dans deux autres mss.,
d'après le Grundriss de M. Bartsch, est attribuée par l'un d'eux seu-
lement (le ms. de Modène) à G. de Borneil. L'autre (vat, 5232) la
donne à Arnaud Daniel.
P. 281, 1. 4-5. « fils d'un sirven e d'una forneyeira. » Ceci con-
corde mieux que le passage correspondant, dans Raynouard, Roche-
gude et Mahn, avec les vers connus de Peire d'Auvergne :
Mas en son paire ac bon sirven
Fer traire ab arc manal d'alborn,
MANUSCRITS DB GHELTëKHAM 289
E sa maire calfaval forn
Et amassava TissermeQ.
Ibid, L. 16-17. Ceci, avec le couplet qui suit, est sans doute la
fin de la raso de Us volers outracuidatz, raso qui manque dans les
biographies imprimées de Folquet de Marseille et probablement aussi
dans les autres mss. Le couplet cité appartient à cette chanson. Les
vers 3-4 doivent être lus : cui . , . a pojada els aussors graz,^
V. 5, lis. sil cors, . , , forsatz; — v. 7, decazer en un seul mot.
P. 286, n<* 24. Jes per lo freit temps no mHrais, Cette pièce est
attribuée à Cercamon par trois mss. Un autre la donne à Bernart
de Ventadour, un autre à Pierre Vidal. Le second chansonnier de
Cheltenham(Mac-Carthy) s'accorde seul avec le nôtre pour l'attribuer
à Gaucelm Faidit.
Ibid, N° 29. Lis. Oimais taing que f as sa parer. Cette pièce man-
que dans la table de M. Bartsch, bien qu'elle nous ait été conservée
par plusieurs manuscrits et que M. Mahn l'ait publiée deux fois {Ge-
dichte, n°» 468 et 469).
P. 286. L'envoi qui termine la chanson dn vicomte de St-Antonin
{per quai forfag) manque dans les mss. 1592, 854, 12473 et 22543 de
la B. N. Je ne connais pas le texte des autres mss. (ils sont assez
nombreux ) où cette chanson se trouve aussi. Au dernier vers, lis.
aprenda.
Les quatre vers précédents manquent aussi dans les mss. précités.
Je ne sais que faire de Graim, Serait-ce un nom propre (JRaimon)!
Le vers qui suit doit sans doute se lire : Qe re no sap a qes (= que
se) met* en esforz,
C. C]
Poésies
CARABIN
A MIS AMI A. Espagne b A. Roco-Fbrrié
Carabin èro de Bèu-caire.
Emai i'ague déjà, pecaire !
Proun tèms qu'es mort, apereila
Decesson pas de n'en parla.
Es qu'èro un flame galejaire,
E trufarèu, e farcejaire 1 . . .
Em' acô brave orne ; n'avié,
Estent riche, d'autre mestié
Que de bèn viéure e de rèn faire.
Mai, coume èro jamai coustié,
Pèr eisèmple, quand s'agissié
D'enmancha quauco talounado,
De jouga quauco badinado,
Se fasié rèn dins soun quartié,
Au Canau, à la permenado,
A Sant-Mountant, à Nourriguié,
I Founteto, à la Coundamino,
Au Prat, sus la Banqueto, i Mino,
A la Vignasso, au Grand-Jardin,
Que noun culpèsson Carabin :
Carabin avié bono esquino.
Entendias, tout! li matin,
Pèr carrière quauco vesino
Dire en coulèro à soun vesin :
— Aniue, m' an chimarra ma porto.
— Es Carabin 1
— An pas penja
A la miéuno uno fedo morto !...
POESIES 291
— Es Carabin !
— M' an neteja
Do us rèst de cebo ; aquelo ei forto I...
— An embreca mis escalié . . .
— Parèis qu'an toumba li taulié. . .
— Es Carabin !
— Dins la Redorto
An brûla vint fais de redorto. . .
— Es Carabin, lou pantoustié 1 . . .
Carabin I Carabin 1 Falié
Que fuguèsse, eu, de touto sorto,
Acusa d'aquéli foulié.
Eu s'enchautavo e n'en risié :
— «Bènbadau, disié, quau s'emporto !»
Noste orne, un jour qu'èro pèr orto,
Se capitavo àMount-pelié.
Es amor d'acô que vous conte
Soun istôri,.. qu'es pas un conte.
Anas vèire lou poulit tour :
Mèste Carabin, aquéu jour.
En flânant dins la Grand'Carriero,
S'arrèsto contre un magasin
D'estofo, e zôu I se met en trin,
De la première à la darriero,
De lis eisamina, pèr-fln
Que lis emplega dôu dedin
Remarquésson bèn si manière
E se sarrèsson d'eu. Enfln,
Es ço qu'arribo : quatre o cinq,
Coume de cadèu de sa nicho,
S'acousson vers noste malin.
Aquest alor ço-fai ^nsin,
Proun aut pèr qu'ausigon sa dicho :
— « Noun, es pas acô, l'ase ficho I
Que me eau. . .» E, l'èr engana,
Fai mand de voulé s'enana.
Mais li coumés, qu'an pas man peco
Pèr aganta gènt à la leco,
nft pojssiËS
L'arrèston tôutis à la fes
Bi6 fan:
— « Oh! que si, bourgés,
Auren voste afaire ...»
Eu rebeco :
— a Nàni, nàni, merci, m'envau ;
Vautre avès pas ço que me fau. »
— « Mai, Moussu, dounas-rous la peno
De vèire dins lou magasin ;
Sèn asourti de touto meno
De drap, de sedo, de satin,
De bourreto, de tarlatane,
De madapolam, de basin,
De percaline, d'ourgansin,
De reps, de mérinos, d'indiano.
De coutoun, de fiéu e de lano, . . »
— «Mis ami, parqué ses ansin,
le rebeco mai Carabin,
Ta pas ço que volo; vous dise» »
— « Vesès toujour. »
— « Cresès que rise î »
— a Moussu, la visto costo rèn ;
Intras donne. »
— (( Intrarai ; tambèn,
Ai pas, iéu, grand besougno à faire ;
Mai vous repetisse, jouvènt,
Segur qu'avès pas moun afaire, »
— « Oh ! Moussu, que ses brave gènt!
Intras, sarié que pèr nous plaire. »
— « le tenès tant? intrarai bèn.
Mai anas perdre voste tèm.. . . »
— « Nous arribo, acô, proun souvèn :
Tout>esitour n'es pas croumpaire. »
Li vaqui dins lou magasin.
Lou Bèu-cairen pago de ipino :
Capèu de sedo, soulié prim,
Gant de peu, g^Ianto badino,
Bjpaio e ievito de la^tii*»
P06ISIBS 299
Cadeno d'or, camiso ôno :
Un véritable muscadin ;
Avié Ter d'un Angles, enfin. . .
Li coumés, uno fes dedin,
Se pensavon :
— « Ah! macastino!
S'es proun fa prega ; mai, couquin !
Faudra que baise lou patin. »
E zôu ! d'escarlimpa li banco,
De courre coume d'escourriôu,
D'adurre de balot tout nôu . . .
Souto lou pes que lis escranco
Mai d'un cujo mourreja 'u sôu.
— « Vesès, Moussu, perde lençôu
S'aquolo telo es souplo e blanco.. .
le fai Fun, se carrant sus Tanco ;
La pagarés que trento sôu. . . »
Carabin, serious coume un iôu,
Fai signe qu'es pas ço que vôu.
— « Metèn pancaro la restanco,
Moun bèu Moussu; n'agués pas pôu,
La marchandiso es pas de manco,
Emai qu'es pas de roussignôu. . . »
E zôu ! dis emplega lou.vôu
De pourta de nouvéli pèço,
D'ana-veni coume de fôu.
N'en desplega^de touto espèce.
— « Vesès aquéu drap sens parié.
Aièr, Moussu Roco-Ferrié,
Qu'amo Testofo à grèindi raio.
Nous n'en crpumpè pèr uni br^io. »
Carabin, qu'a tira si gant,
Paupejo lou drap di dos man,
Dis qu'en efèt lou peu le lando ;
Mai. . . es pas ac6 que demando.
— ce Moussu, vès, espinchas eiçd,
Repren un nouvèu coumissot ;
23
294 POÉSIES
Es un pur article de lano.
N'en veiideguèn, Tautro semano,
Quinze pan au pintre Marsal
Pèr de vièsti de carnaval. »
Un autre, countuniant la gamo,
A soun tour, enrauqui, le chamo :
— a Tè, Moussu, se ses médecin,
Goume n'avès Ter, sus moun amo,
Quouro avès yist quicon pu on
Qu'aquéu drap nègre ?Es de satin.
Lou dôutour Espagne, uno lamo
Qu'a pas Tiue souto lou couissin,
Nous n'a fa pourta de-matin
Subre lou plan de Nosto-Damo
Noun sai s' es quatre métro o cinq. »
E, tout fasènt l'article ansin,
Li pàuri coumés déspleguèron
E davans eu espandiguèron
Tout ço qu'avieji en magasin.
Etoujour noste cascarin
I bèu discours que ie faguèron,
I bounimen que ie diguèron,
Refousié soun même refrin :
— « Tout acô 's bèu! tout acô 's fin I
Voui ; mai es pas ço que désire. »
— « Farias meiour de nous lou dire !
le vènon lis autre, enfeta
E prenènt la besougno au pire ;
Cresès de nous faire pita?.. .»
— «Vous trove drôle en verita,
Replico Carabin sens rire :
Passe siau, venès m'arresta;
Vous metès à me secuta ;
Bèn tant me dounas enterigo
Emé voste eime à me vanta
Vôsti rasin e vèsti ûgo,
Qu'enfin, pèr vous faire piesi,
M'asarde dins vosto boutigo ;
POESIES 295
Urousamen qu'aviéu lesi ;
Mai d'uno ouro me fasès vèire
Vôsti peio ; vous laisse encrèire
Qu'ai pas jamai rèn vist de tau,
De tant poulit, de tant fricaud.
Sus la porto, dins voste oustau,
Vous dise cent cop, bèn o mau,
Vous cante fre, vous sible caud
Que n'avès pas ço que me eau ;
£m' uno paciènço angelico
De-longo moun esprit s'aplico
 tout eisamina d'à-ment,
A vous n'en faire coumplimen;
Pièi, quand Touro dôu dina sono,
Que vole parti, m'agacbas
Tout de-galis e vous fâchas!.. .
Avouarés qu'aquelo es bono ! . . .
D'abord que ie ses, gaudissono,
Garças-me de cop de bastonn!!! »
Lis autre alor, aussant lou toun :
— <( Nous aprendrés au mens, bèu sire,
Dôu moumen qu'es fiéu,ni coutoun,
Ni percalo, ni mouletoun,
Velout, sedo ni casemire.
Nous aprendrés, vire-que-vire,
Ço que vous eau?. .. »
Dins soun cantoun,
Em' uno cagno de satire,
Carabin^ dous coume un moutoun,
le respond :
— « Leissas que respire,
Que fariei parti mi boutoun ;
Me eau, — se deve vous lou dire, —
Me cau...uncournet à pistoun !!!...»
Louis RouMiEUX.
Mount-pelié^ lou 5 de Juq de 1881,
À Tacamp de la Mantenènço de Lengadô.
VARIÉTÉS
JE NE SACHE PAS; QUE JE SACHE....
Dans la première édition de 6on remarquable livre : Histoire et
théorie de la conjugaison française, M . Ghabadieau avait nettement
établi que saclie égait sûpiatUf et que le latin sapio avait donné en
français je sai. Il avait fait une exception pour la locution je ne sa-
che pas, et admis, non sans hésitation, qu'ici sache est un indicatif^*
M. Littré répond dans ses Études et glanures, p. 309 (ou Journal des
savants, année 1869, p. 377):
« Quelque anormal qu'il paraisse, on sent ici un subjonctif
plutôt qu'un indicatif; entre je ne sais pas qu'il ait fait cela et je ne
sache pas qu'il ait fait cela, il y a la trèé-légère nuance de quelque
chose de moins affirmatif dans là secondé forme que dans la première.
La dubitation jointe à la négation s'est rendue par un subjonctif. Et
cela est si vrai que la locution ne s 'emploie qu'à la première personne,
et qu'on ne dit p'aâ : tu ne saches pas, il ne sache pas. En effet, il
n'y a que celui qui parle qui peut imprimer à sa phrase ce que son
esprit contient de dubitatif. Cette tournure ne s'est point généralisée ;
elle est restée bornée au verbe savoir; mais il est clair que l'on pour-
rait dire: Je ne veuille pas croire qu'il en soit ainsi en un sens moins
décisif que : je ne veux pas croire qu'il en soit ainsi. »
Il serait curieux, semble-t-il, de savoir pourquoi cette tournure ne
s'est point généralisée ; — ou, inverseoient, pourquoi, cette tournure
ne s'étendant pas aux autres verbes, savoir a pu la prendre et la con*
server.
La note qui suit essaye de répondre à ces deux questions. De plus,
on y étudie rapidement l'emploi du verbe savoir dans je ne sache pas
et dans les tournures analogues.
10 POURQtïOl LJk TOURNURB NR S'bST-BLLB POINT GÉNÉRALISÉE ?
a) Il est évident d*&bord qu'elle ne pouvait «'^pliquer qu'à un
petit nombre de Verbes, ceux qui expriment un éta4 ou un acte psy-
chologique, soit de l'intelligence^ soit de la voloiUé* Seuls, ces verbes
peuvent avoir à rendra la nuance de dubitation jointe à la négation
dont parle M. Littré, et leur petit nombre même explique qu'une tour-
nure qui leur aurait été propre n'ait pas prévalu.
« Ceci a été modifié dans la seconde édition (Vieweg, 1878).
&) Cette rftison est encore fortifiée par ce fait : qu*une bonne partie
des verbes, pour ainsi dire psychologiques, n'ont pas on subjonctif net-
tement distinct de rindicatif. /« vem7{6, même sans (Conjonction, dif-
fère de je veux ; je sache diffère de je saiè ; mais on ne distingue pas
je croie de je crois, ni, à plus forte raison, je pense subjonctif de je
pense indicatif.
c) Sans doute, si ces verbes n'avaient auem autre moyen de ren-
dre la dubitation, la tournure par le subjonctif aurait pu s'imposer ;
mais cette nuance est rendue, — quoique d'une fa^on peat4tre plus
forte, — par le conditionnel employé seul et s«flis «ebndition sous-en-
tendue. Ex. Je crois que aller vient du latm ad-nare. — Moi^ je ne le
croirais pas. Je ne le croirais pas = je ne le crois pas avec une
nuance -de doute. -^ Je ne voudrais pas vous contriirier , j^ déclare
que vous avez raison. Je ne voudrais ptis ^^ de la mém^ f^çon, j/e ne
veux pas.
Snfin remploi du sttlgonctil d'une façon indé^i^ndante^ pour marquer
la dubitation, est .un emploi anormal et difficile, {puisque d'habil(efi et
savants grammairiens s y sont trompés.
Rien «d'étonnant donc à ce qu'il ne se soit p^s généralisé; ;9^s
alors
2o POURQUOI LE VERBE SAVOIR l'a-T-IL PRIS ET C0NSERV4?
C'est, segible-t-il, que ce verbe ne connaît pas l'emploi indépendant
et dubitatif du conditionnel que nous avons ^nalé plus]iaut; — ou
que, le cas échéant, il n'a plus son sens propre, celui de connaître,
de posséder dans son esprit.
En effet, voici, sauf erreur, comment s'emploie le .co^di^Qnnel de
savoir :
lo Avec une proposition conditionnelle exprimée, — remplacée par
un équivalent, — ou spus-entendue .
—Exprimée, comme dans : je ne saurais pas, si vous ne me Vavie»
appris y que
— Remplacée par un équivalent, comme dans ce vers de Boilaau
(sat. ix):
St qui aoiiniH, sans meit ap» Gotin apiiûhé?
Bans moi =s si je ne Favslis dit.
— Sous-entendue. Ex. Voulez-vous me réciter votre leçon f^^ Je
ne la saurais pas. En disant ^e ne la saurais pasj on sent très-bien
qu'cm a dans lesprit une proposition conditionnelle, quelque chose
comme: si j^essaifctis de vous la dire.
2» Dans une interrogation. On pourrait alors le faire suivre de par
hasard : sauriez-vous ou ne sauriex^ous pas la grande nouvelUtf
«98 VARIÉTÉS
30 Je saurais n'a plus son sens propre lorsqu'il est suivi d'un infi-
nitif. Il prend alors les sens de pouvoir om à être capable de.
=i pouvoir, Ex.: On ne saurait avoir une taille mieux prise , un
plus beau teint. J.-J. Rousseau, Emile, V. — En pareil cas, la né-
gation ne s'emploie toujours avec ellipse de pas ou point,
= être capable de. Ex.: Voyons maintenant cette ouverture. —
Je ne saurais pas la jouer. Ici, jpa^ ou po^n^ sont le plus souvent
exprimés.
Dans les deux cas, l'infinitif peut se trouver sous-entendu :
L'un dit : Je n*y vas point, je ne sais pas si sot ;
L'autre : Je ne saurais.
(La Fontaine, Fables, II, 2.)
On voit que, parmi tous ces exemples die je saurais, il n'en est pas
d'analogue à celui dont nous avons donné des exemples pour : je ne
croirais pas et je ne voudrais pas . Ainsi le verbe savoir, pris dans
son sens propre, ne pouvant rendre la dubitation par le conditionnel,
a dû prendre et conserver une nouvelle tournure, celle par le sub-
jonctif. Mais, très-restreinte dans son usage, cette tournure ne s'ap-
plique qu'à la première personne ; on ne dit point: tune saches pas,
il ne sache pas.
Cette tournure est toujours négative, et M. Littré en a donné la
raison. Seulement la négation peut accompagner sache lui-même:
Cause que je ne sache pas qu'on ait encore remarquée (Montesquieu ,
Esprit des lois, XYII, 3) ;
ou être représentée par le complément du verbe :
Je ne sache aucun orthodoxe qui ait osé dire que . . . (Bossuet, Avert.
repr. Idolâtrie, 17) ;
eu enfin, et c'est le cas le plus rare, être implicitement contenue
dans une restriction :
Je ne sache que trois sortes d'iastruments à Taide desquels on puisse
agir sur les mœurs d'un peuple. (J.-J. Rousseau, Lettre à M. d'Àlem-
bert.)
Avant d'examiner l'origine de cette locution, disons un mot de la
locution analogue: que je sache.
M. Littré la définit ainsi : « Locution dont on se sert à la fin d'une
phrase (il faudrait ajouter : ou en forme de parenthèse) pour indiquer
que, si un fait est autrement qu'on ne le dit, on l'ignore. » Ex. Il
n'est point de destin plus cv\xQ\,que je sache. (Molière, A mjp%<.« III,
1 .) — Ne descendant, que je sache, d'aucun Franc qui ait ravagé les
Gaules. (Voltaire, Lettre à laChalotais, 11 juillet 1762.)
Comment ici peut-on expliquer le subjonctif? Comme lefait.M. Bes-
cherelle dans son Dictionnaire ? En disant: «Que je sache est un abrégé
VARIETES 2W
de Texpression suivante : (je ne pense pas) que je (le) sache? » Évi-
denunent non ; plusieurs raisons militent contre cette façon de Tana-
lyser. L'ellipse de je ne pense pas peut être admise ; mais celle du
pronom complément le ? — De plus, l'analogie avec je ne sache
pas est frappante ; comme cette dernière, la locution que je sache im-
plique une négation. Elle ne s'emploie, en effet, qu'avec une phrase
négative, — nous en avons vu des exemples, — ou interrogative,
et alors l'interrogation, étant lexpression d'un doute, remplace la
négation. Ex. Autant vaudrait être amoureux de la femme de Ma-
thusalem ! Etait-elle jolie, que vous sachiez^ f (Fontenelle, Lettres
gaL, II, 20.) — Enfin et surtout que, dans que je sache, est un pro-
nom relatif et non une conjonction. L'analogie le prouve assez, puis-
que, dans les exemples cités plus haut, on pourrait remplacer que
Je sache par la locution familière que je crois .
Vou3 n'êtes pas d'ici, qiie je crois. (Molière, G. Dandin^ I, 2.)
Mais nous ignorons, que je crois, la demeure de la postérité; nous mettons
mal son adresse. (Chateaubriand.)
Voilà bien un emploi identique à celui de la locution que nous étu-
dions; de même pour l'expression, plus familière encore: que je dis:
Frère Nicolas, qu'il lui a dit, je ne peux pas vivre avec un mensonge
(George gand),
que je crois doit s'expliquer par à ce que je crois, — Que je dis par
d*après ce que je dis, comme je dis. De même que je sache, à ce
que je sais, d'après ce que je sais. Le subjonctif est simplement ici
pour marquer le doute ; son emploi est tout à fait semblable à celui
qu'il a dans je ne sache pas, et la même explication devra convenir
aux deux tournures .
Nous n'avons parlé jusqu'ici que du singulier sacAe. Mais les mo-
ines locutions peuvent s'employer au pluriel : nous ne sachons pas,
que nous sachions. Ici les deux formes verbales sont différentes et,
dans les paradigmes de nos grammaires, sachons ne se trouve que
pour la lr« personne de l'impératif. — Évidemment il n'y a là qu'une
apparence trompeuse ; sachons ne peut être qu'un subjonctif, et
non-seulement il l'est en effet, mais c'est la forme normale du sub-
jonctif, tandis que sachions est un barbarisine étymologique : sap^
iamus = sapjamus == sachons ; sachions au contraire, = *sapj-ia'
mus = *sap'i-iamus. Sachons, comme subjonctif, existait encore au
XVI* siècle, et nous en citerons un exemple tout à l'heure. Pourquoi
cette forme archaïque s'est-elle conservée ici ? Sans doute parce que ,
la locution étant exceptionnelle et difficile, on n'a pas bien su, en
' Nous reviendrons plus loin sur ce pluriel.
300 VARÏl^TÉS
la prononçant ou en récrivant, à quel temps du verbe on avait affaire.
— Pourquoi a-t-elle été remplacée dans que nous sachions par la
forme moderne et ordinaire du subjonctif? Parce que le subjonctif est
ici plus sensible, et parce qu'à première vue le relatif, en effet, a bien
Tair d'une conjonction.
C'est là sans doute le motif qui explique l'extension à la 2^ per-
sonne qi4e vous sachiez, d'une locution qui semblait réservée à la
première. Nous reviendrons sur ce fait un peu plus loin.
Et, maintenant, quelle peut être l'origine des locutions examinées?
ou, pour simplifier la question, quelle est l'origine de : je ne^sache
pas?
Citons encore M. Littré et son savant Dictionnaire (art. Sa.voir,
Rem, 3). « Elle (cette tournure) paraît être née au XVI' siècle. Voj.
V Historique. On peut conjecturer que ceux qui les premiers Font
employée ont sous-entendu : j'ose dire, l'usage étant, au XVI* s., de
mettre le subjonctif avec direy quand Taffirmation n'était pas abso-
lue. »
Et, à THistorique, M. Littré cite les exemples suivants : Le livre
n'est encores imprimé, que je sçaiche. Rabelais, Pant,, II, 15. — On
y trouve des nations n'ayant, que nous sçachons, ouï nouvelles de
nous. Montaigne, II, 334. — Je ne sçaiche en ma vie l'avoir offensé.
Carloix, IV, 3. — Aussi osé-je dire que je ne sache homme ii chatouil-
leux, qui ne Paré, Dédicace au lecteur. — Je ne sache homme
si peu versé en astrologie qui Id., IX, 2« dise. — Au demourant,
qu'il ait esté en Afrique et en Espagne, et jusques aux Indes, je ne
sache 'personne qui l'ait escrit. Amyot,Zyc., 6.
Tels sont les exemples de M. Littré. Si nous les avons cités tous,
c'est qu'ils suffisent, selon nous, à rendre bien improbable la conjec-
ture qui lès accompagne.
Remarquons, en effet, que l'ellipse de fose dire, supposée par
M. Littré, est assez hardie et assez extraordinaire pour qu'on s'attende
à trouver de nombreux exemples de la locution complète précédant
la locution elliptique, puis existant concurremment avec elle. Or, sur
six exemples cités par M. Littré, un seul renferme la prétendue prQ-
tposition principale fose dire, — et, ce qui est plus grave, cet exemple
est emprunté à la Dédicace d'A. Paré. Cette Dédicace a paru pour
la première fois en 1561, tandis que le deuxième livre de Pantagruel
a été publié en 1552, et les Yies d'Amyot en 1559.
Secondement, si l'ellipse de fose dire peut se suppoisor devant
je né sache pas, comment la supposerait^on devant que je sache ? Il
faudrait en revenir à l'aoaly^e de M. Be8olierelle,etnous croyons avoir
montré qu'elle est inexacte. M. Littré, d'ailleurs, est tout le premier
porté à expliquer que par un relatif, non par tine conjonction ; « que
VARIÉTÉS 301
je crois, locution familière et elliptique pour : à cfe que je crois
On dit de même que je sache, à ce que je sache. » Dictionnav^e, art.
QUB, PRONOM RELATIF, 60.
Enfin un exemple précieux, que je dois à Tobligeance de M. Cha-
baneau, nous montre la locution bien avant le XVI« siècle. On lit
dans le livre de Joh (ligne 3):
Ki ne sachet que Us est terre de païens?
Pour finir donc et me résumer, je hasarde les conjectures suivantes,
mais je les hàfearde sous toutes réserves .
Le qui ne sace de Job pourrait se traduire en latin, sinon pour le
sens, du moins pour la forme, par la locution classique: quis non
sapiat. Le latin, en effet, employait le subjonctif pour marquer une
interrogation dubitative ; il l'employait encore pour une affirmation
adoucie et mêlée de doute : velim, nolim. De là a dû naître en fran-
çais un emploi analogue du subjonctif. — Cet emploi a pu exister
pour d'autres verbes que pour le verbe savoir ; mais les nuances
qu'il avait pour but de rendre ayant été rendues par le conditionnel,
il est bien vite tombé en désuétude. Savoir seul l'a conservé, parce
qu'il se trouvait que son conditionnel, accaparé par d'autres usages,
ne rendait pas les nuances nécessaires et ne faisait pas double em-
ploi avec le subjonctif. Néanmoins cette tournure est rare pendant
tout le moyen âge et elle n'a repris faveur qu'au XVI® siècle, grâce
sans doute à 'l'influence latine *, peut-être aussi par suite de la con-
struction que M. Littré signale: j*ose dire que et le subjonctif.
Non-seulement la tournure était devenue rare; mais, étant excep-
tionnelle et difficile, elle s'était de plus en plus restreinte dans ses
usages ; de sorte qu'on ne l'emploie plus que dans une phrase négative
et à la première personne du singulier ou du pluriel, surtout du sin-
gulier. Nous ne sachons pas est plus rare que je ne sache pas, parce
que la dubitation jointe à la négation se comprend surtout lorsque
l'on parle de soi-même ; si l'on parle de plusieurs personnes, même
en se comprenant parmi elles, la nuance paraît moins sûre et la lo-
cution moins légitime. — Que nous sachions est moins rare que nous
ne sachons pfis, parce que, nous l'avons dit, on croit voir ici un sub-
jonctif ordinaire précédé d'une conjonction, et la tournure est moins
étonnante,. Ainsi s'explique-t-on l'emploi de la deuxième personne du
pluriel que vous sachiez, seule exception à la règle ci-dessus posée.
Je ne dirai plus qu'un mot pour expliquer qu'après avoir employé la
^tQue je sàcfiCy par exemple, a pour correspondant exact le latin quod
sciant; et cette analogie pourrait être invoquée pour établir l'analyse de la lo-
cution française.
3a« VARIÉTÉS
troisième personne, comme dans Joh, la langue se soit réduite à la
première et surtout à la première du singulier m II n*y a que celui
qui parle, dit M. Littré, qui peut imprimer à sa phrase ce que son
esprit contient de dubitatif. » Je demande la permission de modifier
cette phrase et de dire : // était surtout nécessaire que celui qui parle
pût imprimer à sa phrase ce que son esprit contient de dubitatif.*»
E. RiaA.L.
L'ORIGINE ARABE DU MOT ALKÉKENGE
Quelque répulsion que Ton professe pour toute étymologie française
empruntée à Tarabe, il semble qu'on puisse sans regret abandonner
à l'idiome sémitique un mot qni se présente sous cet aspect bizarre et
difforme: alkékenge. Et, d'ailleurs, peut-on qualifier de français un
terme qui ne se rencontre que sous la plume des savants en us et
dans les traités de botanique? Le peuple dit coqueret et laisse alké-
kenge aux pharmacopoles.
Jusqu'ici donc, les romanistes s'abstenaient de toute prétention la-
tine audit alkékenge. Un remords pourtant a saisi l'un d'eux, non
point le premier venu, mais un des meilleurs, des plus sages, des
plus sévères (je le qualifierais plus librement s'il n'était et mon ami
et mon maître). Dans un des derniers numéros de la Revue* ^ M. Bou-
cherie, relevant une série de termes de botanique oubliés ou incom-
' plétement signalés dans le grand Dictionnaire de Littré, expose, en
passant, ses doutes relativement à l'origine arabe à^alkéhenge, et,
par une série fort ingénieuse d'intermédiaires hypothétiques, il dé-
montre que le malheureux vocable peut très-normalement provenir du
grec latinisé halicacabus ,
Soit ! Mais l'arabe aUhahendj ? dirons-nous qu'il dérive aussi du
grec, et que les altérations, assurément remarquables, subies par ce
terme grec dans les gosiers arabes, ont conduit identiquement au même
résultat que dans les bouches gauloises? M. Boucherie sait assez de
phonétique arabe pour reconnaître l'extrême difficulté de cette hypo-
thèse. Sera-ce donc au français que Tarabe aura pris son vocable?
Mais qui croira qu'aux temps d'Avicenne, en plein Xle siècle (sinon
* Cet article imprimé, M. Chabaneau appelle notre attention sur la locution
qui vive? où vive est certainement un subjonctif. Il semble que son emploi
soit tout à fait analogue à celui de sache dans : qui ne sache. Ici la proposition
n'est plus négative, mais elle est toujours dubitative, et la dubitation .amène
le subjonctif.
«Févr. 1881, p. 72.
VARIETES 303
plus tôt), la terminologie scientifique arabe fît des emprunts au fran
çaîs ? Est-ce le français ou Tarabe qui le premier a employé ces autres
noms de pUntes : abutilon, anil, auberginCy azédarac, bédéguar,
cétérachy lilaSy sumac, etc.?
Ce qui a fait naître et justifie, il faut bien le dire, les scrupules de
M. Boucherie, c'est la définition fort mauvaise, ou tout au moins fort
incomplète, du terme arabe kakendj qu'il a lue dans Littré. Littré
l'avait prise dans Freytag, et Freytag l'avait empruntée à Firouza-
bâdi. Fauteur du grand dictionnaire arabe (en arabe) appelé Qamous,
Assimiler le nom ducoqueret, avec sa jolie baie rouge enfermée dans
son alcôve orange, à celui de la « résine d'un arbre », cet arbre
poussât-il sur les montagnes d'Hérat, cela pouvait bien passer pour
une hardiesse d'étymologiste dans l'embarras. Ce sentiment ne fût
point né dans Tespritde M. Boucherie, si le Dictionnaire de Littré eût
appris au lecteur que le kakendj^ chez Ibn Beitar, qui vécut à la cour
de Saladin, et chez Avicenne, qui écrivait vers Tan 1030, est absolu-
ment identique à notre coqueret * .
Donc abandonnons à l'arabe son alkékenge^c{\x\ lui appartient très-
légitimement, et gardons notre coqueret.
Marcel Devio.
SUR UN VERS DE NA GORMONDA
Dans son édition de Guilhem Figueira, M.Emil Levy traduit à faux
le passage suivant du sirventés de Gormonda :
Fais heretges quetz
Que non temon vetz. (v. 95 et 96.)
M. Levy met de côté vetz, dérivé de vice = fois, allem.. Mal, Vetz
. provenant de vitium = coutume, habitude, allem . , gewohnheit, ne
lui offrant pas un sens satisfaisant, il lui attribue la signification pri-
mitive de vitium = vice, signification que ce mot n'a jamais eue en
provençal. En conséquence, il traduit :« die sich nicht vor Lastern
acheuen =qui ne reculent devant aucun vice. »
M. Tobler, de son côté (ibid., p. 108), propose de changer non te-
mon vetz en nos tenon netz, altération bien inutile d'un texte parfai-
tement intelligible.
En effet, il ne s'agit ici ni de vetz = fois, ni de vetz = coutume, mais
bien de vet = défense, prohibition, interdiction, substantif verbal
formé sur vedar dérivé de vetare = défendre, prohiber, interdire.
* Avicenne préconise le suc extrait du kakendj, et surtout des feuilles, pour
les ulcères invétérés.
3Ô4 VARIETES
Vetz est Taccusatif pluriel de vet. Il faut donc traduire : u hérétiques
hypocrites qui os craignent pas les défenses [de TÉglise] »; c'est-à-
dire « qui méprisent ces défenses.» A. Millet.
[L'interprétation de M. Millet est oeiptainement la vraie. On peut, à
l'appui, faire remarquer : \^ que le vers correspondant du«irventés de
G. Figueira auquel Gormonde répoftd a, ^n riiae, devei», oà le seni
de défenses n'est pas douteux; ^ que 'oetz =^vieem oixmUwm et que
neU ont un e fermé (estrett), tandis que lariine exigerait wi eouvtft
{larg). Il est vrai que cette dernière raison, qui sevait sans réplique
dans la pièce de Figueira, n'a pas ia même foiice pour celle de Ger-
monde, cette trouveresse paraissant avoir traité la rime de façon
assez libre. Ainsi précisément, nous trouvons rimant av^e le vetz^ qui
est l'objet delà note ci-dessus, trois ma^ {qtietz, siecretz, décrets), où
Ve est certainement fermé, deux (pessetz et trudets) où il l'est proba-
blement (car pessetz ne paraît pouvoir être qu'un dkminutif de pes ou
de pessa = pensa), et un seul (sabetz) où il est ouvert. Ailleurs, Toi-
zanSj V. 72, où Va est fermé, rime avec des a ouverts, «deccc, v . 24, rime
avec des mots à e ouvert. Mais dans ce dernier cas xl est probable que
la faute est imputable au copiste et qu'il faut lire pecœ (subst. ver-
bal depecar). Au vers 27, on trouverait de même un o fermé (trossa) ri-
mant avec des 0 ouverts, s'il fallait accepter la leçon adoptée par l'édi-
teur. Mais l'un des deux mss. donne trasdossa, mot où l'o est ouvert,
et que M. Levy aurait dû dès lors préférer, d'autant plus que Figueira
l'emploie dans le vers correspondant de sa tenson et que Gormonde,
comme il est facile de le remarquer en maint autre passage, et comme
je viens d'en citer un exemple, aime à reprendre à son compte, pour les
appliquer à Figueira lui-même ou aux hérétiques, les rimes de
ee dernier.
Aux vers 107 et 108 de la même pièee, la leçon du ms. R, rejetée
par M. Le«vy, donne un sens excellent et une phrase irès-fégulière,
tandis que celle de 0, qu'il a adoptée, est inacceptable à tous égards.
Lé vers 106 est corrompu. Je pense que sous clauzis e sauptftz se
cachent des noms de sectes et que naisson devrait être corrigé en
veiremy ou, mieux encore, vei hom.
Le vers 103 paraît devoir être corrigé E lur toion lutz (au lieu de
tolh aalutz). Au vers 105, il faut préférer la leçon de R {en reman
quecx nuiz) ou corriger e reman en (au lieu de remanon).
Le vers 44 paraît devoir être corrigé et poncrtué ainsi :
Heretjes mesquis son, qui ve (au lieu de vol) lur estatge.
Un premier copiste aura écrit uellur, qui aura été mal lu par lei
sdivsuits. 'C. C.)
BIBLIOaRAPHIË
Littérakiiret>pop«lair«t dt touitt 1m nations. — Traditions, lé-
gendM, contes, ohaasons, provorbos, dtvinottos.— T. !•«. Littéra-
ture oràke de la haxde Bretagne, par Paul SfeiLLOT. — Paris, Maison -
neuve etCe, éditeurs, ^, quai VolUire. 1881. la-id, XII400 pages. Prix:
7 ff . 50.
CoUectiott ad tuum bibUophilorumj formée de charmants volnmes
(€ elzéviriens, imprimés avec le pins grand soin sor papier de û\ teinté
à Uk cuve, fabriqué spécialement pour ladite collection et élégamment
cartonnés . » La marne annonce nous apprend que, outre le présent
volume, qui est le premier de la série, trois autres vont suivre, qui, con-
tiendront, Tnn, les ConUi égyptiensy par M.Ma8pero, professeur au Col-
lègue de France ; les deux autres, les Légendes ehrétiennes de la basse
Bretagne, par Mi Luzei.
A en juger par l'échantillon que nous avons sous les yeux, nous
poQvrons dire que les bibliophiles se déclareront satisfaits. Toutes les
promesses de TanAonce sont en effet réalisées, et rien n'a été négligé
de ce qui peut plaire à Fseil. Observons cependant, ne fût-ce que pour
prouver que nous y avons regardé d'assez près, qu'il y a des lettres
tombées à la fidde deux ou trois lignes.
Voilà pour l'extérieur, pour la toilette du livre. Passons maintenant
à la lecture, à l'examen de l'ouvrage lui-même. Ici encore nousn*avons
guère qu'à louer. Le plan est simple, le cadre bien rempli et les sujets
choisis vraiment intéressants.
M. Sébillot, déjà connu par des travaux du même genre relatifs aux
mêmes contrées, notamment par ses Contes populaire» de la haute
Brttagne, étsit tout désigné pour cette tftche. H s'en est acquitté à
son honneur et soas que ce second travail fasse double emploi avec
le premier. Ou;tre que sa moisson de contes, de légendes, de devinettes,
etc., a été grossissant, il a voulu, dans ce volume conçu sur un autre
plan, donner une idée nette et suffisamment complète de chaque genre.
Il a divisé, comme il a soin de le déclarer (p. vi), son livre en deux
parties : « la première contient seulement des spécimens des divers
genres de contes les plus répandus ; en tête de chaque groupe, il a
placé une sorte d'introduction, où il a essayé de déterminer la caracté-
ristique de chacun d'eux, t^
Ces textes sont pour la presque totalité écrits en français, quelques-
uns, trop peu nombreux à notre gré, en patois gallot. Il va sans dire
qae M. Sébilloty en les reproduisant ainsi, n'a fait que se conformer
306 BIBLIOGRAPHIE
aux habitudes des narrateurs, sans prétendre faire œuvre d^artiste ou
de philologue, c'est-à-dire sans corriger les défauts littéraires et sans
exclure le français au profit du patois. C'est du premier écueil surtout
qu'il faut se garer. Je sais, en efEet, plus d'un patoisant distingué qui
ne pourrait se résoudre à imprimer avec leur véritable physionomie
ces productions souvent mal réussies de l'imagination populaire. Sans
doute le commun des lecteurs leur saurait gré> de leur intervention et
d'être en quelque sorte plus peuple que le peuple, plus royalistes que le
roi ; mais le savant ou, plus simplement, l'homme qui veut s'instruire,
qui tient plus à savoir le vrai du vrai que le fin du fin, préfère et de
beaucoup, la première manière à la seconde*
C'est, d'ailleurs, dans cette voie que sont entrés depuis quelque
temps ceux qui font collection de contes populaires. Leur succès ne
peut qu'encourager ceux qui les imitent ou se proposent de les imiter.
M . Sébillot, qui est très au courant de la bibliographie de son sujet,
fait suivre chaque pièce des références nécessaires ; de sorte qu'on
peut toujours les rapprocher des textes plus ou moins semblables que
donnent les autres collections.
Je regrette seulement qu'un court glossaire n'ait pas recueilli et
expliqué toutes les formes patoises un peu difficiles qu'on rencontre
dans quelques pièces. Ainsi, p. 295, 1.13, que signifient emmêle, et, 1. 20»
crapé f
Quelques observations pour finir :
P. 351, dernière ligne: Tu tombes à bas. Ne faut-il pas lire: ça
bas = ici-bas f
P. 367, § 83 . « La communauté de Saint- José : deux têtes sus
l'oreiller et deux pantoufles sous le lit. » Cf. le dicton limousin: Rele-
jûso de sen Francei, Doua têtâ sur un chabei. — Religieuse de Saint
François, deux têtes sur un chevet. Reo, des l, rom.y t. VII, p. 442^
P. 372, § 126. « Sembèle qu'il arait la Tandourie.» Sembèle doit se
traduire littéralement par semble et non par semblerait
A. B.
CHRONIQUE
Communications faites rn séance de la Société. — 6 juillet. —
La légende roumaine de la vieille Dochia, par M. Henri Catargi ;
La langue d'oc dans le cartulairo de Notre-Dame de Nimes (834-
1156), notes inédites réunies par feu Joseph Bîiuquier;
^ Vouccbsioun de la counstitucioun de la Roumanio en reiaume inde-
pendent, revira de l'anglés de William-C. Bonaparte- Wyse, par M, A.
de Gagnaud ;
Une paraphrase en vers des Psaumes de la pénitence, texte com-
muniqué par M. Camille Chabaneau ;
JEstivenco, poésie provençale (sous-dialecte d'Avignon et des bords
du Ehône), par M. Paul Gaussen.
Les romanistes ont fait une perte sensible en la personne de notre
collègue et collaborateur Joseph Banquier, mort quelques mois après
Ba nomination au poste de Conservateur de la Bibliothèque municipale
de Nimes, rendu vacant par 1© décès du savant et vénérable Germer-
Durand .
La Bévue aura l'occasion d'apprécier bientôt les services que
M . Banquier rendit à la philologie méridionale et à l'histoire littéraire
proprement dite, par ses recherches sur les Frovençalistes du X Ville
siècle, le Premier Sonnet fait par un Français, Une lettre d'Auhanel de
Nimes à Pierquin de Gembloux, etc . Les travaux qu'il avait en pré-
paration étaient aussi variés que nombreux. Ils ne seront heureuse-
ment perdus ni pour la Revue, qui doit en publier quelques-uns, ni
pour les études qu'elle représente. L'auteur les a légués à M* A . Roque-
Ferrier, qui en a disposé en faveur des archives de la Société des
langues romanes, où ils seront classés et catalogués sous la dénomi-
nation de fonds Bauquier.
Le Félihrige a introduit une importante modification dans ses
statuts, en décidant que le chiffre des majoraux serait porté de cin-
quante à cent, et que ce dernier nombre serait afférent, par égales
moitiés, à TËspagne et à la France. Les élections complémentaires de
France ont eu lieu, et le résultat en a été proclamé dans rassemblée
générale tenue à Marseille le 22 mai, sous la présidence de M. Mistral.
Nous avons été heureux de constater que le président de la Société
des langues romanes^ M. Antonin Glaize ; celui de la maintenance du
Languedoc, M. Camille Laforgue ; ainsi que le secrétaire de l'une et de
l'autre, M. A. Roque-Ferrier, avaient été nommés en première ligne
sur les listes présentées aux suffrages des majoraux.
Les nouveaux élus sont MM. Melchior Barthés, Castela, Alfred
Chailan, François Delille, Maurice Faure, A. Fourès, Malachie Frizet,
Paul Gaussen, Marius Girard, A. Glaize, J. Huot, G. Laforgue, J. Monné,
l'abbé Pascal, Charles Poney, A. Roque-Ferrier, E. Roussel, Junior
Sans, A.-L. Sardou, Tamizey de Larroqne, le comte de Tonlouse-
Laatrec et Aug. Veniot.
808 CHRONIQUE
LlVB£S DONNâS A LA BiBLIOTHàQUB DE LA SOCIÉTÉ. — Cudisch de
devoziun ed instrucziun per in erifitianeivel pievel, etc. Glion, Woll-
mar et Manetsch, 1866; in-12, 336 pages (don de M. Jules Blancard);
Le Jargon ou langage de Targot réformé pour rinstruction des
bons grivois, recueilli des plus fameux argotiers de ce nom. Boai^caire,
Ragotin (?;, S. D.; in-18, 30 pages (don de M. Clair Gleizes);
Balaguer y Merino (Andrés): D. Pedro, el condestable de Portugal,
considerado como escritor, erudito y anticuario ( 1429-66 ), estudio
hist6rico-bibliogrâfico. Gerona, Dorca, 1881; in-4<^, 70 pages ;
Bonneville (B.)* Ce que speravian pas, ou Jean-Pierre vengu de
Brest, intermède provençal terminé par le Train de St-Giniés. Sur
l'imprimé à Marseille, Hermitte aîné, 1790; in-18, 16 pages (don de
M. Clair Gleizes ;
Chevalier (l'abbé) : Choix de documents historiques inédits sur le
Daupliiné, publiés d'après les originaux. Montbéliai'd, Hoffmann, 1874;
in-8o, viii-400 pages ;
Chevalier (l'abbé): Correspondance politique et littéraire du marquis
de Valbonnais, président de la Chambre des comptes et historien du
Dauphiné, publiée et annotée. Grenoble, Drevet,1872; in-S®, iv-84p.;
Chevalier (l'abbé) : Dante Alighieri, biobibliographie. Montbéliard,
Hoffmann, 1877; in-16, 22 pages;
Chevalier (l'abbé) : François Pétrarque, biobibliographie. Montbé-
liard, Hoffmann, 1880; in-16, 16 pages;
Chevalier (l'abbé) : Inventaire des Archives des Dauphins à Saint-
André-de-Grenoble en 1277, publié d'après l'original, avec table alpha-
bétique et pièces inédites. Paris, Franck, 1869, in-8'*, 48 pages ;
Chevalier (l'abbéj : Inventaire des Archives des Dauphins de Vien-
nois à St- André*de-Grenoble en 1346, publié d'après les registres ori-
ginaux, avec tables chronologique et alphabétique. Paris, Franck, 1871;
in-8*>, xxiv-380 pages ;
Chevalier (l'abbé): Jeanne d'Arc, biobibliographie. Montbéliard, Hof-
fmann, 1878; in-16, 20 pages;
Chevalier (l'abbé): la Sainte Vierge Marie, biobibliographie. Montbé-
liard, Hoffmann, 1879; in-16, 22 pages ;
Chevalier (l'abbé) : les Deux Entrées et Séjours du Très-Chrétien
Roi de France Charles VIII en la cité de Vienne, les années 1491 et
1494, publié d'après les maDUScrits de Grenoble, de Montpellier e^ de
Vienne . Vienne, Savigné, 1881 ; in-8*, 20 pages ;
Chevalier (l'abbé) : Nécrologe et Cartulaire des Dominicains de Qre-
noble, publiés d'après les originaux, avec plan et table alphs^bétique.
Montbéliard, Homnann, 1870; in-8°,82 pages ;
Chevalier (l'abbé): Notice analytique sur le cartulaire d'AiiQon de
Chissé aux archives de l'évêché de Grenoble, avec notes, tj^ble et pfècep
inédites. Colmar, Hoffmann, 1869; in-8°. 96 pages;
Chevalier (l'abbé): Notice chronologico-historique sur les archevê-
ques de Vienne, d'après des documents paléographiques iuédits. Vie^nç,
Savîgné, 1879; in-S», 20 pages ;
Chevalier (l'abbé) : Notice historique, littéraire et bibliographique
sur Letbert, abbé de Saint-Buf (IIOÛ-IUO), 2« édition. Paris, Thorin,
18,68; in-80, 20 pages ;
Chevalier (l'abbi^) : Notice eut UG missel de l'église d^ Pie, in^nn^é
au XVe siècle. Grenoble, Allier, S. D. ; in-8**, 8 p^e9 ;
CHRONIQUE 309
Chevalier (l'abbé): N.-S. Jésus-Christ, biobibliographie. Montbéliard,
Hoffmann, 1878; in-16, 60 pages ;
Chevalier (Fabbé): Ordonnances des rois de France et autres princes
Bouverains relatives au Dauphiné, précédées d'un catalogue des regis-
tres de l'ancienne Chambre des Comptes de cette province. Colmar,
Hoffmann, 1871; in-S^, Liv-186 pages;
Chevalier (l'abbé) : Fouillés des diocèses de la province ecclésiasti-
que de Lyon, publiés d'après un manuscrit de la Bibliothèque impé-
riale. Lyon, Vingtrinier. 1869; in-8°, 32 pages;
Chevalier (l'abbé): Saint Paul, apôtre; biobibliographie. Montbéliard,
Hoffmann, 1880 ; in-16, 16 pages;
Chevalier (l'abbé): Saint Pierre, apôtre ; biobibliographie. Montbé-
liard, Hoffmann, 1880; in-16, 16 pages ;
Chevalier (l'abbé) : Scriptores rerum germanicarum in usum scho-
larum ex Alonumentis Germaniœ historicis recudi fecit Georgius Hein-
ricus Pertz (Extrait do la Revue crilique^ 1869). Nogent-le-Rotrou, Gou-
verneur, 1869: in-8<*, 8 pages ;
Chevalier (l'abbé) : Statistique ecclésiastique. Pouillés du diocèse de
Vienne. Romans, 1876; in-8o, 68 pages;
Chevalier (l'abbé) : Une nouvelle édition des Œuvres complètes de
saint Avit, évêque dé Vienne. Vienne, Savigné, 1869; in-8°, 8 pages;
Chevalier (l'abbé) : Visites pastorales et ordinations des évêques de
Grenoble de la maison do Chissé (XIV®-XV« siècles), publiées d'après
les registres originaux. Montbéliard, Hoffmann,! 874 ;in-8*», xxxvi-184
Chevalier (l'abbé) et Lacroix (André): Inventaire des Archives dau-
phinoises de M. Henry Morin-Pons. Dossiers généalogiques. A.-C.
Lyon^ Perrin, 1878, in-8<», viii-308 pages;
Lacataou (?): Eis électeurs de la villo de Grasso. Grasso, Foucard,
8. D ; in-8°, 4 pages (don de M. Cavalier jeune);
Matfre Ermengaud : le Breviari d'Amor, suivi de sa lettre à sa
Boeur, publié par la Société archéologique, scientifique et littéraire de
Béziers ; Introduction et glossaire, par Gabriel Azaïs, secrétaire. Tome
second, 4* et dernière livraison. Béziers et Paris, 1881; in-8o, pages 678
k 772 (don de M. Gabriel Azaïs);
Milâ y Fontanals: lo Sermô d'en Muntaner, Adiciô. Paris, Maison-
neuve et C*, 1881; in-8®, 12 pages ;
Robert (A.-C.- M.) : Examen critique du poëme de Partonopeus.
Paris, Crapelet ; in-4<», 64 pages (don de M. Jules Blancard);
Roux (l'abbé Joseph): Bemat de Ventadoum, poëme limousin.
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi, 1881; in-8®, 8 pages;
Roux (l'abbé Joseph) : l'Inscription du château de Montai, étude
épigraphique. Tulle, Mazeyrie, 1880; in-12, 36 pages ;
Ruland (A.) : Etude sur l'abbé Trithème (1462-1616), traduite de
l'allemand, par l'abbé Chevalier. Versailles, Beau, S. D.; in-8®, 32 pages
(don de M. l'abbé Chevalier);
Sans (Junior) : Autros beit telados del felibre de la Naveto. Paris,
Jouaust, 1881 ; in-12, 66 pages;
Semmola (Nicola): Poche Rime giovanili. Napoli, Jovene, 1878;
in-16, 124paees;
Verdot (A.) : Santo Roso de mai. cantico sus uno meloudio de l'abat
Fauré. Marsiho, Mabilly, 1876; in-4^4page8 (don de M. Clair Gleizes);
Vidal (Francés) : Festenau de Santo Estello à Marsiho. Brinde ei
24
310 CIIROKIQUK
tradutour en vers f rancés deis obro dei f elibre, emô doues cansom :
lou Tambourinaire^ la Marsihfso dei Latin e lou sounet la Mignardé
en apoundoun. [Aix, Remondet- Aubin, 1881] ; in-8°, 1(3 pages;
Vingt-quatre journaux renfermant des textes ou des indications de
nature à intéresser les études philologiques ou l'histoire de la littérature
méridionale, donnés par MM. Gabriel Azaïs (1), de Berlue- Perussi8(7)l
Frédéric Mistral (6), Roque-Ferrier ^9) et Louis Roumieux (1).
Corrections au numéro de mai 1881
Les psaumes de la. pénitence. — P. 220, ps. l, v. 36, rétablir
dans le texte dons e; v. 38, supprimer les parenthèses qui renferment
le « de humeliatz.
P. 221 et 223, ps. ci, vv. 17 et 73, rétablir dans le texte gensa-
inent[z]y gensamens.
En conséquence, ajouter, p. 216, avant Enrfen^, 1. 91, rarticle sui-
vant :
Dons (i^ 36), si la leçon est bonne, = dompté (domitus). Raynouard
a damdcy qui existe encore ;
Même page, 1. 24, substituer à l'article de gemamens celui qui suit:
Gensamens (ci, 17 et 73) = gémissements ; traduit gemitus* Du
verbe gensar = gémir, que le dictionnaire de M. Azaïs (je ne Tai trouvé
dans aucun autre) rend psiT haleter et donne comme spécialement pro-
vençal. Ce verbe, en effet, a cours en Provence, comme le prouve le
passage suivant d'Aubanel :
Dins lerrour envoula Ils aucèu de malastre
GençoQ coume d'enfant, quilon à faire pôu.
«. . . . les oiseaux de malheur ^emessen* comme des enfants. ...»
{Revue, ix, 298.)
Mon ami A. Boucherie, qui me signale ces deux vers, explique'
très-bien gensar par ^gemitiare, qu'il rattache kgemitus par ^gemi-
tium. Cf. exituSy exitium ; initus, initium, initiare.
P. 229, remplacer la note sur le v. 36 du ps. l par celle-ci :
36. « dons e. 3) Corr. d'orne, et, v. 38, humeliat[z\f Si la leçon du
ms. est la bonne, il faudrait au contraire corriger, v. 36, trehalhat[»\
et V. 38, cor[jr], qui serait ainsi au pluriel.
P 230, ps. CI, vv. 17 et 73, supprimer les notes sur gensamens.
C. C.
Le gérant responsable : Ernest Hamelin.
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME CINQUIÈME DE LA TROISIÉMB SÉRIE
DIALECTES ANCIBN3
Lo Sermo d'en Muntaner, adiciô (Mila. y Fontanals). 5
Spécimen du langage parlé dans le département des Hautes-
Alpes vers la fin du XII* siècle (l'abbé Paul Guillaume). 53
La Traducciô catalana del Flos Sanctorum (Balaguer y Mb-
RINO). 56
Note sur la déclinaison du pronom relatif français (L. Clkdat). 70
Izalar-^Azilar (J. Bauquier). 62
Les Sorts des Apôtres, addition (C Chabanbau). 63
Comput en vers provençaux (C. Chabaneau). 157
Traduction des Psaumes de la pénitence en vers provençaux
(C. Chabaneau). 209-310
Les Manuscrits provençaux de Cheltenham (L. Constans). 261
DIALECTES MODERNE»
Le Premier Sonnet fait par un Français (J. Bauquier). 65
Technologie botanique (A. Boucherie). 71-1 18
Glossaire des comparaisons populaires du Narbonnais et du
Carcassez (A. Mir). 105
Poésies languedociennes de Léon Rouvière (le vicomte du
Vallat). 180-241
POÉSIES
Gâifre d'Aquitanha tTabbé Joseph Roux). 13
A Madamo Soubeyran (Louis Roumieux). 16
Lbu Pin e lou Caniè (A. Langlade). 17
Mbun oustalet (L. de Berluo-Perussis). 19
La mia Casëtta (l'abbé Joseph Spera). 19
Redoundel (le pasteur Fesquet). ' 23
La Font de Carrousset (F. Delille). 81
A moun amie Bertouraieu Bedos (Coulazou). 83
Bernât de Ventadourn (l'abbé Joseph Roux). 85
Lo Llop yl'Anyell (J. Pépratx). 138
Amfos de Balbastre (G. Azaïs) 139
Siaume CL (le pasteur Fesquef). 146
Uno amigo d'Antounieto (Louis Roumieux.) 253
Carabin (Louis Roumieux) 290
VARIÉTÉS
Formes extraites de la deuxième satire de Perse traduite en
vers lodévois (A. Roque-Ferrier). 24
Le Dieu qui lançait des pierres (A. Koque-Ferrisr). 147
Odierne et Beaucaire (J. Bauquier). 149
Je ne sache pas; que je sache. . . (E. Rigal). 296
L'origine arabe du mot alkékenge (Marcel Devic) . 302
Sur un vers de Na Gormonda (A. Millet et C. Chabaneau). 303
312 TABLE DES MATIERES
BIBLIOGRAPHIE
Essai sur l'histoire du sous-dialecte du Rouergue, par M. Con-
stans (Suite et fin) (Chabaneau). 27
Chants populaires du Languedoc, par MM. Mcntel et Lambert
(d'Ancona). 37
Uno siblado is arquin, par M. William-C. Bonaparte- Wyse
(A. Roque- Fkrrier). 39
Anfos, drame, par M. Paul GourdoufA. Roque-Ferrier). 42
Joufrois, p. par MM. Hofmann et Muncker (C. Chabaneau). 88
Quattro Novelline livornesi, p. par M. Prato (F. Castets). 91
Etude des dialectes romans de la basse Auvergne, par M. Mal-
val (A. Roque-Ferrier). 92
Lettres de César de Nostradamus, par M. Tamizey de Larroque
(C. Chabaneau). 95
La Félibréede Saint-Maime (A. Roquk-Ferrier). ' 95
Le Félibrige à Marseille, par M. E. Tavernier (A. Roque-
Ferrier). 96
La Légende d'Œdipe (Constans et Boucherie). 97-258
Du Génitif latin, par M. Clairin (L. Constaîns). 150
Vie de Saint Guilhem-du-Désert, par l'abbé Saumade (A. Ro-
que-Ferrier) . 200
Chants des félibres, par M. F. Delille (A. Roque- Fkrrier). ' 205
Autres bèit telados, par M. Junior Sans (A. Roque-Ferrier). 254
Littérature orale de la haute Bretagne, par Paul Sébillot (A.
Boucherie). 305
PÉRIODIQUES
Remania (A. Boucherie, F. Castets, C. Chabaneau). 43-153-206
Le Courrier littéraire de l'Ouest (Boucherie et Chabaneau). 255
Chronique . 49-104-154-207-259-307
Errata. 52-104-260-310
Table des matières. 311
REVUE
DBS
LANGUES ROMANES
MONTPBLLIBR, IMPRIMERIE CENTRALE DU MIDI. — HâMELIN FRÈRES
G
REVUE
DBS
LANGUES ROMANES
PUBLIEE
PAR LA SOCIETE
POUR L'ÉTUDE DES LANGUES ROMANES
Troisième Série
TOME SIXIÈME
TOME XX DE LA COLLECTION
I
MONTPELLIER
kV BUREAU DES PUBLICATIONS
DE LA SOCIÉTÉ
l*UI7K L'ftTUDII OBS LANaUBS ROICANBS
PARIS
MAISON NEUVE ET €*•
LIBRAIRKS-ÉUITBURS
*25, QUAI VOLTAIRE, 25
M DG(X: I.XXXI
REVUE
DES
LANGUES ROMANES
Dialectes Anciens
LE LANGAGE DE SA VIN ES EN 1442
Le document que l'on transcrit plus loin est différent de celui qui
fut lu dans la séance de V Athénée de Forcalquier du 14 juin 1880,
et publié peu après *. Comme lui, cependant, il est relatif à divers
droits féodaux que Jacques Giraut, collecteur des héritiers du noble
Antoine Abriva, percevait, en 1442, dans le mandement de Savines,
arrondissement d'Embrun (Hautes-Alpes).
Il se conserve dans les archives départementales des Hautes-
Alpes (E, 29), en un manuscrit, petit in-4o, de 22 feuillets en papier
très-fort. L'écriture en est généralement belle et assez lisible, sauf
quelques passages, d'une date un peu postérieure, qui seront imprimés
entre parenthèses et dont la lecture est tcujours difficile, quelquefois
même douteuse. On s'est efforcé de reproduire aussi scrupuleusement
que possible le manuscrit original.
Ce second spécimen du langage de Savines, plus considérable que
le précédent, offre, à notre avis, un plus grand intérêt. Il peut surtout
* Spécimen du langage de Savines en 1442. Forcalquier, Aug. Masson,
1880; in-8o de 16 pages.
6 LE LANGAGE DE SAVINB8
fournir un plus grand nombre de données pour établir quelques ré-
gies sur le dialecte parlé dans les Hautes-Alpes au milieu du XV® siè-
cle. On le sait, les textes de la langue autrefois parlée dans ce dépar-
tement sont extrêmement rares ^.
Parmi les remarques qu'oa pourrait faire, signalons les suivantes :
lo Le même mot est souvent écrit de plusieurs façons différentes :
servisi[2f 17]^^ servizi [1, 4, 58], servisy [73], ères et^ere«[l], svoa
[4] et cyva [46], etc.;
20 Le total des revenus est marqué en chiffres arabes [16, 34, 41,
52, 68, 74, 91 et 92];
3^ Les noms de lieu se rapportent tous à des localités du canton
de Savines, lequel con'espond à peu près à l'ancien mandement de ce
nom 2;
4o Au nombre des personnes citées, on trouve un Odon de Rame
[31], qui appartenait à une noble et ancienne famille dont le nom rap-
pelle la station romaine de Rama, aujourd'hui détruite et qui se trou-
vait entre Briançon et Embrun •;
5o Enfin plusieurs des mesures et des monnaies qui sont nommées
présenteront peut-être de l'intérêt. Parmi les mesures, on trouve le
sétier [32, 44, 78], l'émine [4], le sivayer [47, 54], la quartière [44],
le pichier [90], etc. ; et parmi les monnaies : les gros d'argent [15], les
tournois [11], les deniers [4, 7], les mailles ou médailles [9, 15, 55,
84], la poyza de Viannes [6, 26,43, 92], etc.
L'abbé Paul Guillaume,
Archiviste des Hautes-Alpes.
ROLE DES CENS ET SERVICES
APPARTENANT AUX HÉRITIERS DE NOBLE ANTOINE ARRIVA
en la terre et mandement de Savines (Hautes-Alpes) en 1442
(Archives départementales des Hautes-Alpes, E, 29)
(ri). Segun c'en las censas et \j servizi que s'aparte-
* Nous avons récemment publié dans la Revite un fragment en langue ro-
mane de la fin du Xle ou du commencement du XUP siècle, provenant des
Hautes-Alpes. (Voyez le n© de février 1881, p. 53.)
< < Savines est un mandement du diocèse et du bailliage d*Embrun, et de
» l'élection de Gap, à deux lieues de la première ville et à cinq de l'autre,
» faisant vingt-un feux, et composé des paroisses de Savines, Saint-ApoUinard^
» Puy-Saint-Eusèbe, Prunières, Réallon, Ctiérines, Eygoire. » (Guy-Allard»
Diction, du Dauphiné, Grenoble, 1864; in-8», t. II, p. 597.)
> FoRTiA d'Urban, Recueil des Itinéraires anciens. Paris, Impr. royale; in-4o,
pp. 101, 1»9, 221, etc.
LE LANGAGE DR SAVINBS 7
non halla senhoria des eres^dal noble Anthoni Abriva, los-
quals prennon en la terra he al mandament de Savina; com-
mandas a my Jame G-iraut de culhir per la lessencia des so -
breditz here«.
2. Liqual servisi se demostran esser peya entotz los luax
hont per Tordre de Vabece séria senha. Et premierament, Tan
de la nativita de nostre Senhor, que Ton contan mil. IIII.«
XLIL, es senha per aquesta letra A, et los autres antz d'après
seguentz, senhasperlas autras letras prosseyent secont lodich
ordre.
3i Primo, los homes leges dal Conh d'Eygoara, so eis assa •
ber:
4. PeyreBeraut fazent desensapersonal(a.6.),totz los antz,
so is assaber : très sous de viannes ; idem, una emina de siva ;
idem, doas coroas. Item, perservizi, la terssa part d'un denier
de viannes.
5. (Item aquestos doues antz, per A et per £ senias, non ay
yo recobra maie li dich noble loco em quitance, cant Rovier
se fe' lor home le', etc.)
ô (v<>). Anthoni Beraut, de sensa personal, très sous de vian-
nes ; idem, una emina de siva ; idem, doas coroas ; idem, de
servizi, un denier, et demya poyza de viannes ; idem demy *si-
veyer de siva.
7 (fo 2). Marcellin Beraut, de senssa personal, Ireç sous
viannes ; idem, una emina de siva ; idem, doas coroas ; idem,
de servizi, très deniers; idem, lataysha d'un champ.
8 (v**). Si»imont Faure, de senssa personal, très sous de
viennes ; idem, una emina de siva ; idem, doas coroas ; idem,
per servizi, un denier.
9 (fe 3). Peyre Brunacha, de senssa personal, très sous de
viennes ; idem, de servisi, una mealha de viennes ; idem, la
quarta part dal frut d'un siou pra des Crozes.
10 (P 4). Segon s'en li pheudai dal dich mas d'Eygoara ;
et primo :
11. Arnols Hunbert, de servizi, dos tornezes de monea cor-
rent ; idem, nou deniers de viennes.
12. Peyre Bernart, una emina de siva ; idem, una mealha et
demya poyza.
8 LE LANGAGE DE SAVINBS
13 (v**). Rous Lagier, de servizi, dos deniers ; idem, un de-
nier ; idem, per un ort, que a conpra de Johan Brocho, que
fay de servizi, très sous.
14. Mosser Ten curas de Savina, de servisi, una emina de
siva.
15 (r 6). Los bens posseurs de Florens Alraut, de servizi,
dos deniers; idem, una mealha ; idem, un gros d'argent.
16. Juanna, molher de Juan Broacha, un siveyer de siva ;
d'aquella mesma, una mealha.
(Somma : 19 g[rosses], 9 d[eniers] un ters et m[ealha].)
(V«>) Savina
17. Segon s'en los fendais de Savina ; et primo :
Père Lagier, de servisi, una mealha;. idem, una poyza;
idem, per una siena terra, la meita de la taysha.
18. La confreyria dal Sant Sperit de Savina, dos deniers.
19 (r 6). Peyre Huvan, de servizi, una emina de civa;
idem, un denier.
20. Los hères et ben posseurs de Gulhem Babol, de servizi,
una emina de siva.
21. Juan Lagier, de servizi, una poyza.
22. Anthoni Beraut, scuylher, una mealha.
23 (v°). Peyre Lambert, de servizi, dos deniers ; idem, una
mealha.
24. Rons Motet, una mealha.
25. Hugo et Jame Motet, de servisi, un denier.
26 (f* 7). Anthoni Alraut, de servizi, una mealha ; idem,
dos deniers; idem, un denier ; idem, una mealha; idem, un
denier; idem, dos deniers; idem, un denier; idem, demya
poyza.
27. Los hères de Pons Alraut, dos deniers.
28 (v**). Los hères et ben posseurs de la molher que hera
d'Arnols Lanbert, dos deniers.
29. a. 6. La prebenda funda que era de Guilhem, dal Poant *,
la quai ten mosser Peyre Conba, un gros he demy d'argent.
30. Steve Alraut, un denier.
* Lo poant de Durensa^ plus tard appelé la Charriera, est actuellet^®^
Je chef-lieu de la commune d« Savines. (Voy. Spécimen cité. p. 6.)
LE LANGAGE DE SAVTNES 9
31. Lo noble Odo de Ramma, doas siveyars de siva; idem,
un gros d'argent.
32 (f> 8). Johan Senhoret, al non de sa molher, un gros de
moneacorrent; idem, un sestier de nozes.
33. Los hères et ben posseurs de Bonet Brimya, un denier;
idem, un denier ; idem, dos deniers.
34. a. Los hères d'Alraut Alraut, una poyza ; (8er[vé?] per
29 antz passats s[ens?] parts.)
35. Alraut Rialon, la terza part de .mi. deniers.
36 (v°). a. Bertrant Conba, una pojza; idem, demja pojza.
37. Glaude Gontart, dos deniers.
38. Glaude Chaval, dos deniers.
39. Johan Raifart, una poyza.
40. Mondon Dotra, un denier.
41 [P 9). * Johan Ros, filh de Martin des Rosses, habitour
de las Sanhiaras ', la quarta part de la taysha ; idem, un de-
nier ; idem, demj cjvayar de siva.
{Somma: 6 g[rosses], très d[eniers et] demj, un tiers.
[Vo] Dal Pubt^
42. Segon s'en los homes leges de la perrocha dal Puej ; et
primo :
43. Guilhem Costan, filh de Rejmont(a.)de senssa personal,
cinc SOS ; idem, un sestiar de civa; idem, doas coroas ; idem,
de servizj, la terssa part de cinc deniers de viennes ; idem, la
terssa part d'una quartiera de civa ; idem, la terssa part de
dos deniers ; idem, una mealha, poysa he demjra ; idem, per
doas terras, la meita de la taisha.
44 (r 10). Steve Costan, filh de Rejmont, de senssa per-
sona, cinc sous de viennes ; idem, un sestier de cyva ; idem,
doas coroas ; idem, de servizi, un denier ; idem, una poyza ;
idem, la terssa part de cinc deniers; idem, la terssa part d'una
quartiera de cyva ; idem, la terssa part de las doas partz de
dos deniers ; idem, per doas terras, la meyta de la tayscha ;
idem, la terssa part d'una mealha ; idem, las doas partz de un
denier.
/
*Dans le haut de la page on lit: T[en ?] al Puey.
• Le Puy-Sanièresy commune du canton de Savines.
• Le Puy-Saint-Eusèbe, commune du canton de Savines.
10 LB LâNGA^OB DB «AVINES
45 (V®). Giraut Costan*, de sensa personal, cinc sos de
viennes; idem, un sestier de cjva; idem, doas coroas.
46. Marcellin Gostan, de senssa personaP, cinc sous de
Viennes ; idem, un sestier de cyva ; idem, doas coroas ; idem,
de servizi, nou deniers; idem, demya poyza ; idem, una mea-
Iha ; idem, una poyza; idem, una mealha ; idem, una poyza ;
idem, per doas possessions, la meita de la tayscha.
47(r 11 ). Guilhem, Jame et Peyre Costan, frayres, de
senssa personal, cinc sous de viennes ; idem, un sestier de
cyva ; idem, doas coroas ; idem, de servizi, dous deniers ;
idem, una poyza; idem, un denier [et] mealha; idem, un ras
cyvaier de civa ; idem de doas possessions, la meita de la
taysha ; idem, la quarta part àe la tayscha ; idem, la terssa
part d'una mealha ; idem, d'una possession, la meyta de la
taysha.
48 (v*). Los hères de Poas Tassil, de senssa personal, xn de-
niers de viennes ; idem, un sestiar de cyva ; idem, de servizy,
dos deniers ; idem, una mealha ; idem, dos deniers ; idem, dos
cyvaiers d'anona ; idem, un denier ; idem, dos deniers ; idem,
per doas possessions, la meita de la tayscha.
49 (f* 12). Francès Tacils, de sensa personal, doze deniers ;
idem, un sestier de siva; idem, d'un champ, la meita de la
taysha.
50. Sperit Meanenc, de senssa personaP, cinc sos de vien-
nes ; idem, un sestier de cyva ; idem, doas coroas.
51 (v**). Blay Meanenc, de senssa personal, cinc sos de vien-
nes ; idem, un sestier de cyva ; idem, doas coroas.
52. Sperit et Blay Meanenc, fraires, de servisi, dos deniers;
idem, dos deniers ; idem, un denier ; idem, dos deniers ; idem,
per doas terras, la meita de la taysha.
{Somma : 29g[rosses], un d[enier], m[ealha] et ters.
Dal Puby
53 (f» 13). Segon s'en los fendais dal Puey ; et primo :
54. Anthoni, Guilhem et Jame Baridoan, frayres, de servizi,
dos cyvayars de cyva; idem, un cyvayar de cyva; idem, la
* En marge : Mortutis est.
• En marge: Non la personal.
î En marge : Non la personal*
LB LANGA0E DB SAVINES 11
quarta {a) part d'un cyvayar de cyva; idem, una mealha et
un cyvayar d'e cyva ; idem, un denief et un cyvayar d-e cyva ;
idem; demy cyvayar de cyva ; idem, un cyvayar d'annona.
Item 11 dich fraire. mi. deniers [et] demy ; idem una mealha ;
idem, un denier ; idem vni possessions, que fan la meita de la
taysha exeta una, que non fay mas la quarta part.
55 (v"). Jamme et Anthony Salva,frayreâ, de servi8i(a.),una
mealha; idem, una mealha; idem, una mealha; idem, demya
poyza ; idem, très poyzas : idem, un denier ; idem, cy vayai*
de cyva ; idem, un cyvayar de cyvà ; idem, la terssa part d'una
mealha ; idem, de très possessions, la meita de la taysha ;
idem, d'una possession, la quarta part de la taysha. (Di que li
dicha taysscha val un quartz per an.)
56 (f* 14). Barda, molher que era d'Ësteve Salva, una mea-
lha ; qu'er Juan Ros, de las Sanhieras, al Fualh.
57. Anthony Berlant» altos Mdge,de servisy (a.), un cyvayar
de cyva ; idem, un demy cyvayar de cyva et mealha ; idem,
una mealha et poyza ; idem, la quarta part d'un cyvayar de
cyva ; (v^) idem, de très possessions, la taysha.
58. Peyre Berlant et Jama, sa nessa (a.), de servizi, demya
poyza ; idem, un cyvayar et quart de cyva ; idem, un denier
et poyza ; idem, una mealha et demy cyvayar de cyva ; idem,
un denier ; idem, una poyza ; idem, demy cyvayar de cyva ;
idem, una mealha ; idem, una poyza ; idem, las très partz
d'una mealha ; idem, très poyzas ; (f* 15) idem, dos deniers ;
idem, un cyvayar et demy de bla sensa annona; idem, un
denier; idem, un denier; Item de .vi. possessions, la meita
de la taysha ; Idem, d'una possession, la quarta part de la
taysha.
59. Peyre Thome, filh d'Anthony, mari de la sobre dicha
Jamona, de servizi, una poyza.
60. Juan Bonardel, de servizy, demya poyza (al pra hal
Fraysher) ; idem, la quarta part de la taysha (en l'Alpello) ;
idem, la quarta part de la taysha (en TAlo-Blachard); idem,
una poyza ; idem, per un champ (en TUbac, la carta part de
la taysha; idem, pra à la Cassa, per que fay demya poyza;
idem, un champ al Goeng,per que fay la demya taysha; idem,
un ostal al Puey, un syvayer de civa et la terce de cinc de-
niers.)
It LE LANGAGE DE SAVINES
61 (v*). Johan Seart ah'as Caffa, de servisy, .xviii. deniers.
62. Glaudo Navais, la quarta part de la taysha; idem, una
pojza; idem, la quarta part de la tajsha.
63. Juan Salva et Caterina, sa molher, la meyta de la tayshaî
idem, la mejta d'un cyvayar et demy de cyva; idem, una
mealha ; idem, un denier ; idem, la meita de la taysha ; idem,
demya poyza; (f* 16) idem, la demya partia de las très partz
de la taysha ; idem, un denier ; idem, una poyza ; idem, una
mealha.
64. Guilhem Garcin, la meita de la taysha.
65. Martin dal Boasc, la meyta de la taysha.
66 (v°). Johan Tassil, filh que era d'Esteve Tacil, de servizi,
set deniers et mealha ; idem, la viii* part d'una jallina ; idem,
la meita de la taysha; idem, una poysa ; idem, la meita de la
tausha; idem, una poysa; idem, la demya part de la tayscha.
67. Peyre Thome, de servisy, un sous he demy; idem, la
quart et la .vm.* partia d'una jallina; idem, très deniers et très
poyzas; idem, la .xvi.* partia d'una jallina; (f* 17) idem, un
denier ; idem, la meita de la taysha ; idem, una mealha.
68. Johan Brimya alias Boys, de servizi demy cyvayar
d'annona ; idem, la meita de la taysha; idem plus, la meita de
la taysha ; idem, una mealha ; idem, la meita de la taysha ;
idem plus, la meita de la taysha.
(Somma : 6 g[rosses] et 2 d[eniers].
(v**) Los Means et LOS Rosses*
69. Peyre Salva, de servizi, una mealha.
70. Peyre Lonbart, un denier mealha.
71. Frances Ros, la meita de la taysha ; idem plus, la meita
de la taysha; idem plus, dos deniers.
72 (f* 18). Peyre Seart, la jove, la meita de la taysha, he
una mealha.
73. Peyre Seart, lo vialh, de servizy, un denier; idera, la
meita de la taysha.
74. Anthony Seart, sartor, la meyta de la taysha; idem, la
meyta de la taysha ; idem, dos deniers ; idem, una mealha.
(Somma: 7 d[eniers].
* Les Méans et les Rousses, deux hameaux de la commune de Réallon,
c&ntOD de Savines.
LB LANGAGE LE SAVINES 13
(r 19) Db Sant Polknar*
75. Segon s'en los homes leges de la dicha senhoria, li qaal
son dal didh luac de Sant Polenar; et primo :
T6. Pejre Brnnacha Clojssa, Mathieu et Glaudo Bruna-
clia,frajres;ArnolsètGuigo,frayres; JorsetPeyre Brunacha,
frayres ; Johantz et Steves Brunacha, frayres; Johan Bruna-
cha, alias Guemon, devon de la senssa personal , videUcet :
.XVI. sous de viennes; idem, per lo servizi, dos sous.
77. Item, aquel mesmes Jors et Pejre Brunacha, videlicet:
un sestier d'anona ; idem, per lo servizj, très pojzas.
76 (vo). Item, Peyre Brunacha Cloyssa, Mathiouset Glaudo
Brunacha, frayres ; Arnols he Guygo Brunacha, frayres, per
la senssa personal, videlicet: dos sous de viennes ; idem, très
sestiars de froment; idem, très sestier s de cyva ; idem, per lo
pra La Font .mi. sous.
79. Item, de Steve Brunacha, a/ias Ancian, videlicet : ào%
deniers.
80. Item, de Juan Brunacha Guemon, videlicet: una poyza.
81. Item, de Peyre Brunacha Cloissa, videlicet: una poyza.
82. (Item, Matieu Brunacha, per loco champ de Conba-Ch«i-
nala, que tenon al non de sa conha Leyza que agu de Jan Mo-
tet, dos deniers.)
83 (r 20). Item, de Frances Giraut, per la senssa personal,
dos sons, un sestier de cyva ; idem, doas coroas ; idem, de
servizi, un denier; idem, una mealha.
84. Item, de Juan Brunacha, lo vialh, (a. b,) per lo servizi,
una mealha ; idem, très mealhas.
85. Item, de Steve Brunacha Dalfin, videlicet, dos deniers.
86 (v*). Item, de Juan Giraut, videUcet .iiii. deniers ; item,
una poyza.
87. Item, de Stene Dotra alias Pelet, videlicet, mealha et
poyza ; idem, una mealha ; idem, sey deniers.
88. Item, de Guilhem Andriou, (ho de Jame Andriou, son
filh,) videlicet: una mealha et poya; idem, très poyzas ; idem,
la quarta part d'una demya poyza.
* Saint-Apollinaire^ commune du canton de Savines.
14 LE LANGAGE DE SAVINBS
89 (fo 21). Itein,'e Steve et de R[ous] Leidet, fraire s, vide-
hcet, nna mealha.
90. Item, de Pejre Bertier, vïdelicet: vm pichiers de vin ;
pejar ha la Laussiera \
91. (Somma : 27 gros, 4 d[eniers, 1] mealha, 3 pojzas.)
92. (Somma grossa de l'argent : 7 fl[orins], 1 gros, 3.4 d[e-
niers] et ters, 1 ters de m[ealh]a, et très pojzas.)
93 (v*). (Item, li servizi per my culhi, al non que de sobre,
et senssas personal, monta en somma) : très s[estiars ?].)
^ La Lauzière ou l'Ardoisière, ferme de la commone de Savines.
Dialectes Modernes
aLOSSAIRE DES COMPARAISONS POPULAIRES
DU NARBONNAIS ET DU CARCASSEZ
(Suite)
Cabra. — Se cabra coumo un cbabal joust Tesperou.
Cachats . — Cachais coumo d'ancboios ; — coumo d'alenca-
doQs; — coumo de pansos.
Cadaulo. — Es toujour en Faire coumo une cadaulo.
Cadun. — Cadun sap ço que boulits dins soun oulo, coumo la
fenno que fasiô bouli un calhau.
Cagarau. — Fa coumo lou cagarau : porto tout susTesquino.
— Coumo lou cagarau, canto quand soun oustal se brullo .
— Tapât coumo un cagarau en temps de secado. — Laura
couma un cagarau.
PEB TBUFARIÈ
Courrits coumo un cagarau .
Cairbjât. — Cairejat coumo un Sant-Estèbe; — coumo un rei-
nard qu'a panât de galinos.
Calât ou endimenjat coumo un nobi sul trento-un.
Calhau. — Dur coumo un calhau.
SB DITS :
Lous calhaus soun durs en pertout.
Calhol. — Calhiil coumo margot ; — coumo de pa de ramou-
netatge.
Calici. — Daurat propre lusent coumo un calici.
Callo. — Amourous gras caud tendre coumo uno
callo.
SB dits:
Espèro que las callos i toumboun toutes roustidos coumo
as enfants d'Israël.
Callou. -- S'en ba coumo un callou.
Cambarut. — Cambarut coumo un guiraud-pescaire ; — coumo
uno giraflo.
16 COMPARAISONS POPULAIRES
Cambat. — Cambat coumo un poulhastre.
CambiadIs ou chanjadIs coumo lou temps ; — coumo la©' fen-
nos ; — coumo la modo ; — coumo las oundados.
SB dits:
De trop eambîa on n'a que godos.*- Cal pas cambia lous
èls per la cougo.
Cambos. — A de pecouls de cambos coumo debarros de presse;
— de foutraus de cambassos coume de majouriès.
PBR TRUFARIÎ :
De cambos coumo uno fedo ; — coumo uno iraigno ; —
coumo de flabutos.
Camina. — Camînaà passes loungaruts coumo un arpentaire.
— Camina lou darriè coumo un prélat à la proucessiu.
Camiso. — Se souben d'acô coumo de sa première camiso.
SB dits:
S'aimats de plaideja, aurets pas lèu de camiso al tioul.
Camus. — Camus coumo uno figo encabassado ; — coumo un
gous artés.
Cance.. - Es toujours aq[ui coumo un cance.
Canchou. — Un canchou de pa coumo lou bèc d'un ase.
Cande. — Cande coumo un liri;— coumo uno garlando de
première coumeniu ; — coumo un jour poulit ; — coumo
la âour das camps.
Candelié. — Prèst coumo un candeliè. — Rette drèit....
plantât coumo un candeliè.
Candélo. —Mouca la candèlo coumo lou diable mouquèt sa
maire : i' arranquèt lou nas. — Ana al cèl tout dreit coumo
uno candèlo.
Canou. — Bourrât coumo un canou. — Un capèl coumo un
canou. — Afrountà lou foc coumo un canou de bufet.
I^BR TRUFARIÈ .*
Sicrètous coumo un cop de canou .
Canouna. — Canouna couma lou blad ; — coun:o un agassou;
— coumo lous tirons : inetre plumo.
Canta. — Canta coùmo uno oiirgiieno ; — coùino un dliramèl ;
— coumo uno serineto ; — coumo un roussignol ;- coumo
COMPAliAlsiNé POPliLA'lRHÎé 17
la cigalo ; - coumo uno sereno; — coumo un Toulousin.
— Canto que cantaras coumo uno bressairolo. — Ganta de
boun mati coumo la lauseto.
PER TRUFÂRIÈ:
Cania coumo uno carrèlo roubilhouso ; — coumo uno cano
asclàdo ; ■— coumo uno rassègo ; — coumo uno limo que
griulo ;— coumo un poul joust uno quartièro ; — coumo
un borgne ; — counîo un rôussignol d'Arcadio, qu*ape-
larit boùrriquèt.
SB DITS :
Fa coumo la cigalo, que s'endourmits en cantant. — Can-
tats à Tase^ bous fara de pets.
Cap. - Cap gros coumo un semalou ; — coumo un souc de
Nadal ; •— coumo un dourc ; — coumo uno bocho. — Cap
lebat coumo uno carabeno ; — coumo un liri ; - coumo
un coulobre. — Cap carrât coumo un Alemand; — dur
coumo uno masso ascladouiro ; — aplatit coumo un Mô-
roul ; — pelât coumo un ginoul de bièlho ou coumo uno
coujo. — Cap dins pocho coumo uno prègo-Dius-Bernado
ou uno gato-miaulo. — Doutmî cap-e-tioul coumo la carra-
calho ou lous couàrroiis.
Caparrut ou TBSTUT coumo un ase nègre ; — eoumo un miol
relopi; — coumo uno masso on bourro.
Capâl. — Un capèl coumo uno tourre ; — coumo un tuièu de
pouèlo ; — coumo un cinquième au uno quartièro ; —
coumo un estamaire ; — coumo un paro-plèjo ; ~ coumo
un clarinetaire. — Un capelou coumo un cascarinet.
Capurlat. — Capurlat coumo un pijou-patut ; -i- coumo uno
poulo mahouno ; — coumo un calandre ou uno cûculhado;
coumo un poul alambert.
Caqueta. — Caqueta coumo unoagasso borgno ; — coumo un
abucle ; ->- coumo dous borgnes.
Car ou care coiimo lou foc ; — coutno la braso.
Car. — Achat menut coumo car à pastis. — Es coumo la car
de coumissari : car e pèis. — Las cars i trambloun coumo
se beniè d'assassina paire e maire ,
18 gompàrajsons populaires
PBR TRUFARIÈ:
Caressa.— Caressa lou gousiè coumo d'aigo-ardent dito re-
passe ; — coumo de tisane de guingassous. — Ma cares-
sante Goumo une estrilho ; — ceumo un garrabiè ; — coumo
un agragnoussiè.
Cargat. — Coume une abelho ; — ceumo Tase dal Basacle. —
Cargat de maladeccius coumo lou bouc d'Israël.
PBR TRUFARIÈ :
Cargat d'argent coumo un grapaud de plume ou las gra-
gnotos de oougo.
SB dits:
Trop de cargo toumbo Tase, ou une palho toumbo Tase
quand i'a prou de cargo.
Carra. — Se carra coumo un gros moussu ; — coumo un ase
qu'estreno une bride ou dejoust une embardo nobo.
Carnut. — Carnut coumo une prune de cor-de-biôu ; — coumo
un melou das raboulhuts.
CARRBTiè. — Renega coumo un carretiè. — Enbloudat coumo
un carretiè. — Fa peta la chasse coumo un carretiè.
SB DITS :
Fagues pas tant peta la chasse: babardejes pas tant, que
Tase fout qui te cregnits.
Carut, — Carut coumo un Jusiu; — coumo un Russe ; — coumo
un Judas.
Cascalheja. — Cascalheja coumo une campano fendudo; —
coumo un test ; — coumo une galino que fa Tiôu.
Cascarinbt. — Un capèl de doumaisèlo coumo un cascarinet.
Catagan. — Un catagan coumo un salsiçot i batiô sus Tes-
quinal.
Caud. — Caud coumo lou foc ; — coumo la braso ; — coumo un
carbou rousent; — coumo un tisou abrandat; — coumo
un soulel agoustenc. — Abé caud coumo un sôu de pa-.
tanos roustidos. — Bière caudo coumo de pis de cabale.
— I fa caud coumo dins une jasso. — Caudet coumo une
espelidouiro.
Caufa. ^ Caufa coumo un brasas ; —coumo un four de caus.
COMPARATSONS POPULAIRES 19
Caumount. — Coumolou curât de Caumount: fa la demando e
se respound.
PBR TRUFARlà:
Caussat. — Caussat coumo un goutous; — coumo un bièl sa-
batiè.
PBR TRUFARIÈ:
Caussigoulbja. — Caussigouleja Tausido coumo uno rassègo;
— coumo un gafou sans graisso.
Cbrca. — Cerca quicon coumo uno espillo menudo. — Cerca
Toumbro coumo un ase bermenous.
SB dits:
Bal mai un que sap que cent que cèrcoun.
Chabal. — Parla coumo un chabal. — Arnescat coumo un cha-
bal de batalho. — Un foutrau de chabal coumo uno moun-
tagno. — Manja coumo un chabal descoufat. — Lou crin
al bent coumo un chabal descabestrat.
SB dits:
Es coumo un chabal de troumpeto, a pas p6u dal bruch.
Chawjant ou CHANJADis coumo lou temps; — coumo la luno ;
— coumo lou sort ; — coumo un fafiè de pijou.
Chapaire. — Chapaire de rabets coumo un Aubergnas ou un
Sabouiard.
Chebinga ou fusa coumo un couget ou coucoumbre d'ase ; —
coumo un rasin fouirons.
Cmc-A-OHic coumo qui pesso un passeradou.
Chicanié coumo un bièl aboucat ; — coumo un sansignol ; —
coumo un maquignoun de roussatalho.
Chifra. — Chifra couma un sabent; — coumo un banquiè.
Choc. — Faire choc coumo un pétard de fango.
Chot. — Triste coumo un chot. — Retirât coumo un chot. —
Biure coumo un chot. — Bèstio coumo uno choto banudo.
— N'abé un sadoul couma un chot de grils.
Chuca. — Chuca coumo unô sansugo ou uno sangairolo.
Churla ou CHURLUTA OU PiNTA coumo uu trauc ; — coumo un
amoulaire.
Chut-chut. — a la chut-chut coumo qui pano ; — coumo qui
dintro dins la crambo d'un ago^msant.
20 COMP^RAiaONS POPULAIRES
CiLWps.— Pe cill^99..çoumo defaucils; — n^gros coumode
plumos de courbas ; — esturlufados coun^o un bouissou
mal penchenat.
CiMBOULAT. — Cimboulatcoumo uno miolo espagnolo ; — coumo
un ase de mouliniè ; -— coumo un furet.
Cinglât. — Cinglât coumo un capucin ; — coumo uno trousso
de palho.
CiRAT. — Cirât coumo un lignol ; — coumo un saloun de riche ;
— coumo de pa de sial.
Clapa. — Clapa coumo uno ruscadièro ; — couma un sourd.—
Clapa quaucun coumo de mil.
Clar. — Clar coumo Targ^nt; — coumo d'aigo de roc
— coumo de cristal ; •;— coum o lou jour; — coumo Tel ;
— coumo un cèl estelat. — Clar e gai coumo uno esca-
^Ijado de soulel. — Cèl clar coumo un beire. — Estofo
j claro^oumo de cjan^bas.
PBR TRUFABJB :
Clar coumo un estang* fangous ; — coumo un escut de
pegp; — c,o,UQio,]Lin trippu ou coumo un boudin ;- coumo
. uflo b,p.utelho d'anc^o.
Closco-pblat.— Clo^co-pelat coumo Tanquiè d'une mounino;
, — counçio un ginpul de bièlho ; — coumo un bièl mounge ;
— coumo uno poumo de rampo d'escaliè.
CLoyco. — Se rçmeua pas mai qu'uno clouco sus iôus. — Aima
d'apara sa mainado coumo uno clouco sous pouletous. —
Airissado co,\imo la clouco à la bisto dal falquet.
Col. — Col loung coi^mo uno ganto ; — col toussit coumo uno
flgo escrito.
Cor, :— Cor p^tit coumo i^n aglan ; — couflat coumo un pa
rousset; — treboulat coumo un gourg après uno aigas-
. sado ;., — ^ur coumo un ençlumi .
SB DITS :
Fa mai de cor que de fetge. — Countro marrido fourtuno,
boun cor.
Couard. — Couard coumo un cagnot ; — coumo un capou ba
gnat.
Coucha ou ooulca. — Se coucha d'ouro coumo las galinos.
COMPARAISONS POPULAIRES 21
SB dits:
Lou coucha de lapoalo e lou leba dal gorp
Escartoun Tome de la mort.
Se bous couchais amé lous gousses,
Bous lebarets amé de piuses.
Coupât. — Coufat coumo un apuput; — coumo un poul alam-
bèrt ; — coumo ,uno cuculhado ; — coumo uno oounoulho
ou fialadouiro.
CoDPiT. — Coufit coumo uno pero-clouco.
Couplât.— Confiât coumo uno boudègo ; — coumo un grapaud;
— coumo un baloun ; — coumo un boutarèl ; — coumo un
ouire ou embaisso ; — coumo un bouc ; — coumo un pa-
^ou; — coumo un piot que falarodo; — coumo un pifaut;
— coumo un pijou-patut; — coumo un rat sus un pa
caud ; — coumo un bentre d'ègo sadoulho ; — coumo un
rèc-mairal en temps d'auratge. — Confiât coumo uno
crabo qu'a manjat d'èrbo bagnado.
SE DITS :
Qui trop se couflo peto coumo la gragnoto.
Couple. — Confie coumo un pesoul.
CouGA. — Couga l'amellat coumo uno fenno prens.
CouiouN. — Couioun coumo la luno. — Couioun ou foutrai
coumo Raubo-saumos.
Coula ou raja coumo d'aigo olaro.
Coulant. — Un abit coulant coumo de ciro. — Bragos coulantes
coumo de caussous nous.
CouLÉRous. — Coulerons coumo un Alemand ; — coumo un ase
qu'a uno fusado al tioul.
CouLou d'or. — Coulou d'or coumo uno fougasse àl'oli.
PER TRUFARIÈ :
CouMODE. — Coumode coumo uno banco despecoulhado ; —
coumo un esclop estrèit.
CouMPLASENT. — Coumplascut coumo uno porto de prison.
PER TRUFARIÈ :
CouMPLiMENS. — Es fait as coumplimens coumo un biôu à
22 COMPARAISONS POPULAIRES
mounta uno escalo ; — coumo un porc à rata ; — coumo
un gous à canta bèspros.
PBR TfiUFARIÈ:
CouMPRENB. — Coumprene la rasou coumo un porc la musico.
CouNBissB.-* Couneisse coumo un agnèl sa maire. — Couneisse
quaucun coumo sa pocho.
CoDNESouT. — Cîounescut coumo un loup blanc ou coumo un
loup bièl.
PER trufarib:
GouNSCiENço. — Counscienço estreito coumo la margo d'un
courdeliè.
CouNSERBA. — Se counserba coumo uno toumio; —coumo de
salmourro ; — coumo un salcissot dins las cendres. —
Counserba quicon coumo uno relico ; — coumo Fanèl d'or
de las espousalhos.
PER TRUPARIÈ;
Se counserba couma la sal dins Foulo. — Dius bous coun-
sèrbe la bisto coumo m'a fait à iéu, disio 'n abucle pen-
dard.
CouNSBL. — Facille coumo de donna 'n counsel. — Ëscouto
lous counsels coumo s'i cantaboun.
SE dits:
Qui soûl se counselho, soûl se pentits.— Qui counselho
pago pas.
CouNSUBiA ou coDNSUMi (sc) coumo uu tros dé boues.
CouNTENT. — Countent coumo un paure ;— coumo un gus ; —
coumo un pèrrou ; — coumo un perot ; — coumo un duc ;
— coumo un rei, s'es bertat que lous reises siogoun
countens ; — coumo un Dius ; — coumo un pèis dins sa
gaugno ; — coumo un escoulan en bacanços ; - coumo un
enfant que trobo un nits ou un coutèl. — Countent coumo
un riatou ; — coumo un ase que se sentits uno embardo
nobo ; — coumo un gat que ba fa per la braso.
PER TRUFARIB :
Countent coumo un repoutegaire ; — coumo s'i abion
manjat soun dinna; — coumo un foundeire qu'a man-
COMPARAISONS POPULAIRES 23
cat sa campano. ^ Countent coumo un gous qu'a trapat
uno clau.
Coupa ou talha coumo un rasou ; — coumo un coutèl de mès-
tre.
Coupable. — S'amaga coumo un coupable.
CouQui. — Couqui coumo la piusagno;
CouRATJous. — Couratjous coumo un lioun.
PER TRUPARIÈ:
Couratjous coumo un souldat de la bièrjo Mario, que nèit
e'jour prègo per la pax. — Couratjous coumo uno fedo
ou un bourrée.
SB dits:
Couratge de bourrée, toujour lou nas à terro.
Courre où courri coumo un derratat ; — coumo un lebriè ; —
coumo un lebraut en mars ; — coumo lou bent ; — coumo
las fedos à la sal ; — coumo un perdigalhou amé lou clèsc
al tioul. — Courre lou crin al bent coumo un pouli sau-
batge ; — coumo un chabal de course. — Courre à brido
abatudo coumo qui lou diable bous bufo ; — coumo s'i
abiè ûoc.
Coursât, — Coursât coumo un brau ; — coumo un arculo.
Court. — Court coumo de pasto de mil.
Courtes. — Courtes coumo un Proubençal ; — coumo un Pou-
lounés ; — coumo un chibalié serbicial.
PBR TRUFARIÈ:
Courtes conmo un gous que jaupo à la luno. — Courtes
coumo lous gous dal jardinié, que bol pas faire ni daissa
faire.
CoussuT. — Coussut coumo un cambo-fi ; — coumo un lioun
parisenc ; ~ coumo un grand moussu.
CouTÈLO. —Fa coumo moussu Coutèlo : quand a prou manjat,
dits que Tapetis s'en ba.
Cracur (?) ou mbssourguiè coumo un cassaire ; — coumo un
arrancaire de caissals ; ^-^ coumo un marchand d'enguent
ou d'ourbiatan.
Cranc. —Es coumo lous crânes: marche amai pudits.
24 COMPARAISONS POPULAIRES
Crassous. — Crassouscoumo un bièl arroubinat ; — coumo uno
penche dentegado.
Crbba. — Creba coumo un fabol ; — coumo un bièl mousquet.
— Se creba coumo un flouroun madur.
Cregne ou cregnI quaucun coumo lou foc ; — coumo la pèsto.
— Cregne lou freà coumo un rat.
Creire. — Creire en quicon coumo à soun Sant-patèr; —
coumo un Jousiu à la santo Biblo ; — coumo Ton crei en
Dius ; — coumo al soulel dins lou cèl. — Se creire coumo
lou premiè moustardiè dal papo.
Creissb ou CRBissi coumo la pasto dins la mait. — Creissi à
bisto d'èl coumo la michanto èrbo ; — coumo lous boulets
de bosc; — coumo lous espàrgouls.
Cremal. — Enfumatat coumo un cremal ; — nègre coumo un
cremal.
SB dits:
Cremal nou cregnits lou fum.
Crentous. — Crentous coumo un rougnous.
Crica. — Crica coumo uno amello-de-damo ou de trinco-dent.
Fa crica las dents coumo de cliquetos.
Cbida. — Crida coumo un auseliè ; — coumo un pelhaire ; —
coumo un sourd; — coumo un aigo-ardentiè ; — coumo un
diable salsat dins un benitiè ; — coumo un abucle qu'a
perdut soun bastou ; — coumo un sanaire ; — coumo un
perdut ; — coumo uno aclo que desplumassoun ; — coumo
uno galino que bapoundre; — coumo un poussedat; —
coumo unborni. — Crida pas mai qu'un gat qu'espèro la
mirgo ; — coumo un pet quand nais.
Cridalha. — Cridalha coumo las gragnotos que demandaboun
un rei ; — coumo un encantaire ; — coumo un gous escau-
dat ; — coumo un porc que sannoun.
SB dits:
La rodo la pus marrido
Es toujour lo que mai orido.
Croucut. — Croucut coumo un bèc d'aclo ; — coumo unes
cèrcos de pouts ; — coumo uno roumano quintalièro ; -^
coumo Tarpo d'un usuriè.
COMPARAISONS POPULAIRES 25
Crousa. — Crousa coumo lous canards. — Crousa lou coumpte
coumo lou pairoulié de la beuso e lou pourta sus un autre
fui.
Croutat. — Croutat coumo un barbet que sèrco soun mèstre
amé la plèjo.
CRuài.. — Cruel coumo un tigre ; ~ coumo la Mort ; — coumo
la fam ; — coumo lou besoun ; — coumo un Cafre ; — coumo
un Tartaro. — Cruel e fred coumo unbourrèu.
Crus ou curât coumo un bue ; — coumo uno carbasso ; —
coumo un bièl sause , — coumo un tioul de capèl ; —
coumo un biouloun.
CuNG. — Un cung de pa coumo lou bèc d'un ase. — Se tene
rette coumo un cung ; — plantât, bandât coumo un cung.
CuRBÈL. — Tene Taigo coumo un curbèl. — Traucat coumo un
curbèl. — Round coumo un curbèl.
CuRious. — Curions coumo un coufessiounal ; — coumo uno
pooho; —coumo un pet; — coumo un pissadou.
A. MiR.
{A mhire.)
Poésies
LA FADETA D'EN'GARRIGA
A LA MBMORIA d'uNA FELIBRESSA MORTA
Couma raucelounetviajaire.
Un jour de prima s'alarguet
Abelugada, à través Taire ;
Devistant noste bèu terraire :
— « Farai ma pausa aqui », diguet.
E la cigala e Talauseta,
Emb un biaisset amistadous,
Van au davans de la fadeta,
E, bresilhant sa cansouneta :
— « Sorreta, ie fan, aima-nous. »
E la frigoula e la bouscalha.
Tout ce qu'embaima de sentou ;
Tout ce qu'en terra, en ciel varalha,
Ou qu'en ribieira se miralha:
— « Per tus, ie venoun,faren tout! »
Tant lèu la fada d'en garriga,
Embe sa vosseta de mèu :
— « Aubre, flou, rieu, aussel, espiga,
De toutes vautres siei l'amiga,
Car n'aime que lou vrai, lou bèu.
Fasès ressounti la ramada,
Aussels, emb vautres cantarai ;
De nioch mandas vosta bramada,
Ventasses, gourgs, roca baumada,
Embe gaud vous escoutarai.
Zou, jeta tas audous, floureta.
Las sentirai d'ama e de cor ;
Lez, fai gourgoulhà toun aigueta,
Jout tous ribieirèus, à l'oumbreta,
Vendrai te countà moun maucori »
POESIES 27
Âdoanc, per coumplaire la noia,
Tout s'afeciouna e s'agarris ;
Jamai, dins Taire e jout la fiolha,
S'es tant ausit de cants de joia,
Jamai tant de flouses s'es vist !
Lou roc s'atapa de verdura,
La ôgueîrassa de cabrau
Reten e sa frucha amadura,
E de Lez Taïga linda e pura
Cascalha e ris dins lou baissau.
A bêles cops de la cantada,
Un soun d'ourguena triste e dous
Trauca, e la cigala espantada
Dis au roussignôu de la prada:
— <( Es ela, siegues pas jalons ! »
Ben lèu, dins touta Tespandida
D'en Abitau fins à la mar,
Tout ce qu'a Time, saba e vida,
Per sa mestressa Ta causida
E s'embraiga de soun regard.
Mais lou bon ur sus nosta terra,
Quand çai ven, es per quauques jours,
El, tant pigre per quau Tespera,
Quand lou cercàs ounte pioi era,
De fes, Tatrouvàs que de plours !
Couma la flou de gironflada
Que dins la nioch Torre vertel
A coussit la verda matada,
Clena, sus soun pecoul macada,
As premiès dardais de sourel,
Antau la magagnousa fada,
Dins un mau long s'alangouris...
Sans bruch,souleta, una vesprada,
Paura alausetouna blassada,
S'enfuch per mouri dins soun nis.
Desempioi la garriga es muda,
E sous trevaires esmouguts,
28 POESIES
En se vesent à la sournuda,
Se disoun : — « De qu'es devenguda ? »
Ah I paureSy la veirés pas pus !
Quand una nioch, nioch ben marcanta,
Dins lou seren, couma un ilbau,
Parei una estela fusanta
Qu'emb grand redou, beluguejanta,
Dralha e s'avalis amount-d'aut.
— a L'ama d'un mort ! » clama Luseta,
La galineta dau bon Dieu. |
Aquela estela ? Ab ! pecaireta ! i
Es Tama de nosta fadeta '
Que s'en retorna devès Dieu * ! ,
A. Langladb;.
UN DE MAI
A'n Ougbni Tavernibr
Es na Veofant, Tenfant que teto.
T. AUBANBL.
Autant-lèu qu'es nascu, l'enfant
Cèrco, vers lou teté s'aubouro :
En intrant dins la vido a fam
E pèr sa bènvegudo plouro.
Crid de nistoun, joio d'oustau !
La maire es lasso uno passado....
Mai la maire ôublido soun mau
En le pourgissènt si brassado.
E, mereviho de l'amour,
Lou paire doublo sa tendresse...
Bel enfant nascu dins li plour,
Empligues l'oustau d'alegresso *!
Anfos Tavan.
Marsiho, i^ de mai 1881.
* Languedocien (Lansargues et ses environs). Orthographe montpelliéraine.
2 Provençal (Avignon et les bords du Rhône). Orthographe avignonnaise.
LA FEDO E LOU BARTAS
FABLO
Bufabo un ^and vent d'issalop,
Coumensabo à pleure e trounabo ;
Dins la jasso un pastre al galop
Soun troupel, en cridant, butabo.
Aviô dins aquel embarras,
Sens Tausi, sens s'en prene gardo.
Laissât uno fedo detras,
Uno vielho fedo panarde.
Quand, per rejougne lou troupel,
A fach esperro sus esperro,
Aquesto, per soustà sa pel
Costro la pluèjo e lou tonnerre,
Cerco dins lou bosc un abrie.
Devisto al dejonst d'un garrie
Un bartas, ount vei uno trido
S'estremà toute espavourdido :
(( — Joust aquel fuelhage abrigous
Crentarai pas, sou dis, la raisso. »
Mais pense pas qu'es espignous :
Per i dintrà subran s'abaisse.
Sentis adounc sousagulhous....
A cessât enfin la plu ej ado
E luzis l'arc de sant Marti,
La fedo al pus l eu de sourti
Del bartas ount s' ère embarrado.
Mais la pauro es toute pelade;
Sa lano es restado as pounchous,
Soun rèble es rouge e tout sannoua :
Aimariô mai s'estre bagnado.
Per se traire d'un marrit pas
Mai d'un tombe dins un fangas.
S'as facb quauque michant afaire
Petasso-lou sens tarda gaire:
Que plavidejo es un nigaud,
Tombe de la fèbre en mal caud.
80 POBSIËS
La caforno de la chicano
Es un souloumbrous espiaas ;
Lou qu*i dintro ne sourtis pas
Sens l laissa 'n plan-poung de lano *.
G. AzAÏs.
LA MORT DE L'AMOUR
L'Amour va trespassa, coumo les autris Dieuses.
Dins uno selvo negro ount se calhoun les rieuses,
Las imos ', les aucels e las ramos en ûous,
Se coulco peF secum', tourrat e sens coulous.
Le sieu cor es traucat per uno matrassino *.
Sanno à grosses pissols^; trémolo à Tescurino.
Sa reumo * semble 'n bram de cervi que mouris ;
' Soun bel cos rose e blanc se flapo e se péris
As peds des grandis faus que sa roujo sang bagno.
Se rantelhoun ' sous uels virats vès la mountagno
Qu'a, darrè, le soulelh, coumo 'n flambe*, abrandat,
E, dins un espefort, le Dieus jouve a cridat
A 'spanta per jamai e le cel e la terro.
Coumo al founze d'un cros*, de la coumbo à la serro,
Tout s'enmudis, s'atudo e s'engruno*** en d'abord,
La vido n'es pas mai, L'Amour es mort, es mort" !
Aguste FouRÉs.
* Languedocien (Béziers et ses environs). Orthographe biteiroise.
a Brises.— 3 Amas de feuilles sèches.— * Flèche.— b Jets. — « Râle.— ' Se
ferment malgré lui. — « Incendie. — ^ Fosse. — i» S'égraine.
1* Languedocien (Gastelnaudary et ses environs) . Orthographe montpellié-
raine.
VARIÉTÉS
TERMES DE CHAPELLERIE
Qui pour la plupart mb se trouvent pas dans lb dictionnaire de M. Littré
ou n'y sont pas indiqués avec leur sens spécial
Adhérent, m . — Chapeau formé d'une carcasse en carton ou cuir
léger, que l'on habille d'une chemise de feutre.
Apprêt. — Matière collante, qui est dite imper pour les chapeaux
imperméables ou durs; souple, pour les chapeaux mous légèrement
gommés. L'apprêt imper est fait avec de la gomme laque et des ré-
sines dissoutes dans de l'alcool dénaturé.
Apprêtàge. — Action d'apprêter.
Appretbur. — Ouvrier qui apprête.
Approprier.— Mettre le feutre à la forme du chapeau, après l'avoir
dressé.
Appropriâoe, m. —Action d'approprier. '
Arçonner. ^- Grouper les flocons de laine, de poils ou de coton, en
forme de cône, pour leur donner une première forme et assez de con-
sistance pour pouvoir les bastir.
Arçon a la main. — Outil ressemblant à une harpe, à ime seule
corde de boyau, qui sert à ouvrir les matières premières (laine, coton,
poils) et à les disposer pour en faire des chapeaux. On fait vibrer la
corde à l'aide d'un crochet en bois nommé coche.
Arçon mécanique . — Machine en bois contenant un cylindre tour-
nant (à la vapeur ou à la main) entouré de cordes de boyau bien ten-
dues, qui sont dites batteurs ou diviseur^s, ouvrent le poil et le font
tomber, par l'effet du vide, sur une forme en bois qui donne la pre-
mière figure du chapeau.
Arçonnagb. — Action d'arçonner.
Arçonneur. — Ouvrier qui arçonne.
Bastir. — Réunir les capades conformément aux dimensions d'un
patron en carton et commencer à la feutrer dans une toile mouillée.
Cette opération précède le foulage .
Bastissage, m . — Rudiment du chapeau fait de la réunion des ca-
pades .
Bastissbur. — Ouvrier qui bastit.
BioHON, m. ^~ C'est la pièce de linge qui sert à bichonner.
Bichonner. — Passer un linge bien chaud, légèrement empreint
82 VARIETES
de gandin, sur le chapeau, et le finir au fer chaud pour lui donner de
Téclat .
Bridbr . — Action de relever, en les raidissant, les bords d'un cha-
peau. I
Brider cokde . — Roule^r les bords d'un chapeau autour d'une '
corde . !
Bos, m. — Maître chapelier. Le chef de l'établissement.
BouRRK, f. — De quoi travailler. On dit: il y a de la bourre, pour '
il y a du travail. Avez-vous de la bourre à me donner? etc.
Capade*, f. — Quantité de laine ou de poil déjà arçonnée. Il y a
quatre capades : deux pour le fond du chapeau, deux pour les bords.
Ghiquettb, f. — Petite agglomération de poils ou de laine qui se
forme à la surface du feutre, lorsque la matière a été mal travaillée.
.Cloche, f. — C'est le chapeau foulé, apprêté et teint, mais qui n'a
pas encore été passé au fer ni disposé pour recevoir sa forme défi-
nitive.
DÉBOMBOiR, m. ^ Outil sur lequel on pose le chapeau pour le bi-
chonner.
DoRSB, m. — Nom d'une forme de tournure. Repli que forme le
bord du chapeau à l'endroit où il se termine .
Entrée, f.— -Mesure de la tête. On dit: un chapeau de cinq points
d'entrée.
FoRBflLLON, m. — Petite forme plate servant surtout pour les en-
trées des chapeaux.
FuMERETTE, f. — Morcoau de toile à deux poils; sorte de droguet
sur lequel on passe le fer pour s'assurer de son degré de chaleur,
avant de l'employer sur le feutre .
Gandin, m. — Pommade faite d'huile de laurier et de cire, qu'on
étend sur un bichon pour donner de l'éclat au feutre .
Gniole, f. — Chapeau manqué ou à retaper.
Gnioleur, m.—- Ouvrier qui s'occupe surtout de réparations à faire
aux chapeaux.
Gode, f. — Faux plis provenant d'une fabrication défectueuse.
Jarre ^, m. — Poil blanc, dur, se feutrant difficilement, enlaidissant
le feutre . Il tombe presque totalement au soufflage, étant plus lourd
que le bon poil.
< Indiqué par M. Littré, mais non avec ee détail.
* Cet article complète ceux que M. Littré a consacrés à ce même mot dans
son Dictionnaire et dans le supplément.
YARlérJÉS 33
Manchon, m. — Léger feutre de laine ou de poil, qui recouvre les
formes en bois sur lesquelles on place les chapeaux pour les tra-
vailler à l'appropriage ou à la tournure.
Marcheuse, f. — Machine qui commence à donner aux capades une
certaine consistance, immédiatement après Tarçonnage.
MÉLANGEUSE, f. — MacMue servant à battre, à ouvrir et à mélanger
diverses sortes de poUs.
Pincé. — Terme de tournure. Les bords d*un chapeau sont pinces
quand ils brident légèrement. Il est ouvert ou pincé.
Potence, f. — Outil en bois ressemblant à une petite enclume, dont
la surface est recouverte d'un manchon en feutre, et qui sert à appro-
prier et à tournurer les chapeaux .
Potencer. — Se servir de la potence.
Souffleuse, f. — Longue machine en bois, de forme rectangulaire,
précédée d'un mécanisme spécial et servant à souffler le poil pour le
débarrasser de la poussière et du jarre qui s'y trouvent. Le poil, dé-
posé sur une large bande de cuir, formant toile sans fin, est entraîné,
puis chassé violemment dans l'intérieur de la souffleuse. Il va jusqu'au
bout, et revient d'autant plus près de Tavant de la machine qu'il est
plus fin et plus léger. Les produits éti'angers : poussière, jan-e, tom-
bent dans des tiroirs placés dans les bas-fonds de la souffleuse.
SÉMOUSSEUSE, f . — Machine qui sert à donner aux bastissages de
laine un commencement de feutrage, sous la triple action de la pres-
sion, de la friction et de la chaleur.
Tournure, f . — Cette opération consiste à relever les bords d^
chapeau, de façon à lui donner l'aspect demandé par la mode.
TouRNURiER», m. — Ouvriers spéciaux, artistes de la chapellerie,
11 faut beaucoup d'habileté et surtout beaucoup de goût pour faire un
bon tournurier.
ZÉPHYR, m. — Terme de tournure. Pincé très-léger. Il s'emploie
surtout pour les chapeaux souples, genre canotiers .
G.-P,
fabricant, à Laval (Mayenne).
L'ESPOZALICI DE NOSTRA DONA
M. Pio Rajna a donné, dans le dernier numéro du Giomale di
filologia romanza (t. III, p. 106-9), une notice sur le mystère pro-
vençal de la bibliothèque de Séville VEspozalici de Nostra Dona^
dont nous avons entretenu dernièrement nos lecteurs. Voy . Revue,
34 VARIÉTÉS
XVIII, 199 seq. La notice de M. Pio Rajna est un peu moins suc-
cincte que celle de M. Francisque Michel, que nous avons transcrite,
et les quarante-deux premiers vers du mystère y sont reproduits.
M . Francisque Michel s'était arrêté au dixième {De Jessé e de son
parage. Revue, ihid.y 201). Voici la suite, d'après M. Rajna:
y. 11 Maria a nom per vertat
Aquesta de que vos^ ay parlât,
Et el temple trobaretz la,
Horan tôt jom, qu(e)' ajtres * no fa
15 Ë preguft Dieu Nostre Senhor
Que l(a)' adumplisca de s(a)' amor.
L'avesque dels Juzieus respos
Bels Senher Dieus, grazitz ne sias
Ë benezitz et adoratz,
Quar vos es vengut a plazer
20 Que nos fassatz, Senher, saber
Quai es la verges ni que fa.
Ni cum a nom ni on esta,
Ë del linatge issamen ^
Lo avesque dis als Juzeus
En Salamo e vos (en) Salvat,
25 E bon Judas e Samuel,
Filh de Dieu e filh d(e)'Israelh,
Auzit(z) avetz lo mandamen
Que adichl'angel vos auzen.
Per nulha res que el mon sia *
30 D'esta verges qu(e)' a nom Maria
Aucitz^, baros, ades anatz,
E mens de .un. non .siatz.
Et aduzetz me la donzela.
Gardatz que non vengatz ses ela,
35 E pregatz la fort humilmens
Qu'am vos venga cortezamens,
* Lis. queus.
2 al res.
3 Lacune de deux vers au moins.
* Il paraît y avoir ici une nouvelle lacune.
8 Corr. auzetz ? Ce peut être une forme catalane ou gasconne, introduite par
le copiste. Cf. auzitz, quatre vers plus haut. Celui-ci, en écrivant ce dernier
mot, avait peut-être dans l'idée plutôt auditis que auditum.
VARIETES 35
Car fort leu la deuretz trobar,
Que no vos cal aires ponhar,
Que el temple esta ades,
40 Segon so que auzit aves.
Dis *n Abraam al avesque
Senher, vostre comandamen,
Farem ses tôt alongamen
L'ouvrage se compose de 850 vers environ, selon M. Rajnai.
C. C.
^ Puisque cette occasion se présente de parler ici de nouveau de Tancien
théâtre provençal, signalons à nos lecteurs un article du Bulletin historique
de Vaucluse, mars 1881, dans lequel M. P. Achard énumère, avec d'intéres-
sants détails, diverses représentations dramatiques qui eurent lieu à Avignon
et dans les environs aux XVe et XVIe siècles. 11 est à supposer que la plupart
des pièces représentées, sinon toutes, étaient en langue d'oc. Mais M. Achard
est muet sur ce point important. Nous savions déjà, par des notices anté-
rieures dues à MM. Arnaud, Albanés, Mireur et Petit de Julleville, que plu-
sieurs de ces pièces, ou du moins des pièces portant les mômes titres, furent
aussi représentées à Foroalquier, Toulon, Draguignan ou ailleurs.
BIBLIOGRAPHIE
Festenan de Santo Bstello à Marsiho. Brinde ei tradatonr en Ters
irancés deis obro dei felibre, emé doues cansoun : lou Tambourinaire»
— la Marsiheso dei Latin (traductions par MM. F. Delilie et C. Hennion; e
lou sounet la Mignardo en apoundoun, pèr Francés Vidal. Ais, Remondet-
Aubin, 1881, in-8o, 16 pages.
M. François Vidal est un des rares félibres qui, au culte de la
poésie, associent celui de l'érudition locale et de Thistoire littéraire.
Son livre sur le tambourin est une monographie aussi curieuse qu'inté-
ressante de l'instrument provençal '; la traduction de la loi des Douze
Tables^ lui valut un des prix de la section de prose au deuxième con-
cours de la Société pour Vétvde des langues romanes, tenu en 1878 à
Montpellier. Lou Bèu Premier Acamp de Vescolo de Lar^ est le récit,
écrit avec goût et distinction, d'une réunion félibrique qui eut lieu
dans l'ancienne capitale de la Provence, à l'occasion d'un voyage qu'y
avait fait M. Mistral. M. V. nous donne aujourd'hui dans le Brinde ei
traduUmr francés une courte énumération de ceux qui ont «translaté 3>
en vers français des œuvres provençales. La liste en est plus nom-
breuse qu'on ne croirait ; à côté du premier président Rigaud et de
M. Constant Hennion, traducteurs de Mirèio l'un et l'autre, de MM. F.
Delilie, le colonel Dumas et Jules Saint- Rémy, qui ne sont pas in-
connus à nos lecteurs, l'auteur a soin de signaler le nom de celui qui
depuis dix ans surveille l'impression de la Revue, M . Ernest Hamelin,
à qui l'on doit des traductions extrêmement remarquables de laPerh*
d'Aubanel et du Dies irœ d'Albert de Quintana.
L'analyse littéraire a depuis longtemps contracté l'habitude d'ac-
compagner ses éloges de quelques restrictions. Elles constituent, a-
t-on dit avec un peu trop de complaisance, les épines de la rose et le
signe certain de l'impartialité de la critique. Pour me conformer à
cet usage, je reprocherai à M . V.de n'avoir pas nommé un des maîtres
* Lou Tambourin, istàri de Vestrumen prouvençau^ seguido de la metodo
dôu galoubet e dôu tambourin e deis ér naciounau de Prouvènço. Avi-
gnoun, Roumanille; in-8o, 300 pages.
* La Lèidei Bouge Taulo^revirado.kis, Remondet-Aubin.An de Roumo,
MMDGxxxti; in-8o, 48 pages.
Wno felibrejado à-z-Ais, Bèu premier acamp de Vescolo de Lar. A l'ous-
tau dei Laren, 1879; in-8o,'24 pages.
^ Celle-ci paraît à Tinstant dans le t. 1 (90-93) d'un charmant et minuscule
BIBLIOGRAPHIE 37
traducteurs de ce temps, M. Léopold Sergent, dont M. Boucherie a
signalé ici même les premières poésies *. Le Jowi^iial de Forcalquier^,
où les historiens de la littérature méridionale trouveront un jour
tant de textes provenço-alpins et d'utiles indications, contient (numéro
du 2 novembre 1879) sa magistrale et harmonieuse traduction des
Fahre d'Aubanel.
Nous la reproduisons ici, afin de signaler en même temps, et quel-
ques-unes des innovations que M . S. voulut introduire dans la poésie
contemporaine' et la note française, le parfum de bonne langue —
— s'il est permis de parler ainsi — que gardent constamment ses
vers :
Pareil au cavalier pressé,
Regardez donc le jour passer.
L'ombre eûvahit la route grise ;
Comme un brigand du bois touffu.
La nuit traîtresse est à Taffût.
Du soir déjà fraîcnitla brise.
recueil imprimé à Leipzig, avec une correction typographique que beaucoup de
presses françaises envieront : Poésies françaises, provençales et wallonnes,
Leipzig, Otto Lenz, 1881; ia-18, 176 pages:
A ta fresco e poulido auriho, A ta fraîche et mignonne oreille,
Pastado de roso e de blanc, Pétrie et derosi^eet de blanc,
Pèr pendent uno perlo briho Pend une perle sans pareille,
Coumo un plour d'aubo tremoulant. Comme un pleur de Taube tremblant.
A soun entour se recauquiho Spirale d'or qui l'ensoleille,
Toun peu d'or en anèu galant ; Tes blonds cheveux vont l'entourant,
Me semble vèire uno couquiho ^ Comme une coquille vermeille
Ounte la mar a mes plan plan Où la mer aurait doucement
Sa perlo fino la plus raro. Posé sa perle la plus fine.
Leisso-me clina sus tacaro! Permets que vers toi je m'incline;
Oins li couquihage, d'abord Dans la nacre qui resplendit,
Que Ton entend ço que dis l'oundo, Si l'on entend ce que dit l'onde.
Vole iéu, 0 divine bloundo, Moi je veux, ô divine blonde,
Escouta ço que dis toun cor I Ecouter ce que ton cœur dit.
La Perlo, d'Aubanel, a pour la première fois paru en 1873, dans la Revtie des
langues romanes,
* La Complainte de Jlfai,par Lao. Paris, Vanier; in-i2, 36 pages. L'article
de M. Boucherie se lit, Hevue, 2^ série. II, 156-157.
2 Journal hebdomadaire, qui a M. Masson, de Forcalquier, pour imprimeur.
^«^11 a pensé, non sans quelque raison, qu'il fallait se rapprocher le plus
possible de la prononciation courante, de la vraie prononciation. En consé-
quence, il tolère l'hiatus, fait rimer des singuliers avec des pluriels {éclore,
3
38 BIBLIOGRAPHIS
EUe fraîchit et fait plier
Plus d'an frémissant peuplier.
La sombre nue en pièces tombe,
L'or jaillit splendide, laissant
Un long rideau couleur de sang,
Qui flotte, fouetté par la trombe.
Voici l'incendie au couchant
Qui s'allume et va s'épanchant*
Sont-ce des démons qui se battent 7
On croit, dans la nue en lambeaux.
Voir de terribles maréchaux
Forger le soleil écarlate.
Droits et se courbant tour à tour,
Brusques, fiévreux, frappant toujours,
Dans les cieux les géants façonnent.
Pour le matin jeune et riant.
Les rayons d'or et de diamant
Qui du soleil sont la couronne.
Etincelles, gerbes de feu.
Font un grand et terrible jeu ;
La braise, elle, retombe en pluie ;
Tout brûle : ce sont des .tisons
Que pour feuilles les arbres ont ;
Les petits des oiseaux s'enfuient.
Sur les monts bleuis, doucement,
La lune, depuis un moment.
Guette, peureuse fiancée.
multicolores; Cybèle, belles, etc.), des troisièmes personnes du pluriel en
ent avec des noms ou adjectifs féminins en es ( gentilles, scintillent; ac.
cueillent, feuilles). Une de ses pièces, intitulée la Légende de V oiseau invi-
sible j est en vers de quinze syllabes, qui se partagent en deux hémistiches:
le premier de huit avec la huitième atone, et le second de sept avec la septième ^
masculine. Ce rhythme est harmonieux, mais il aurait fallu indiquer la césure
par un tiret: c'eût été plus commode pour le lecteur. D'un autre côté, puis- |
que M. L. S. a voulu faire un seul vers de ces deux longs hémistiches, il au-
rait dû conserver toute sa valeur à la huitième syllabe atone du premier, en '
ne mettant à cette place que celle dont l'e muet final est précédé d'une con-
sonne. Toute autre combinaison fausse la prononciation ou compromet la
mesure du vers. Ainsi, que l'on compare ces deux vers où la huitième syllabe |
n'eat pas précédée d'une consonne: « Au zénith rouge est la nue; tout à
l'est est calme et clair. — Nous suivons ta loi sacrée, nous demeurons tes I
fléatixa, avec ceux-ci dont la césure s'appuie, au contraire, sur une consonne j
antérieure: c // s'en va pensif et triste, le pâle bénédictin^ — dire au loin i
dans la campagne sa prière du matin », et l'on comprendra la valeur de |
cette observation. » Boucherie, Revue, 2e série, II, 156
BIBLIOaRAPHlB 39
Dans son beau sentier argenté
Je crois qu'elle n'ose monter,
Tant cette fougue est insensée !
Noirs deviennent les forgerons ;
Le marteau lasse leurs bras prompts ;
Tout flambait^ maintenant tout fume ;
Renversé, l'astre furibond
Dans la mer qui hurle, d'un bond.
Se jette de Thorrible enclume *.
Ils sont rares ceux qui, placés en présence d'un texte quelconque,
ne plient pas leur version à des exigences que répudient la langue,
Thabitude ou l'oreille. Ni l'une ni les autres, au contraire, ne me sem-
blent blessées dans la traduction que l'on vient de lire .
M. V . trouvera, du reste, dans le Journal de Forcalquier, une pièce
originale de M. L. S, (les I»é{(jrew^, 17 février 1878) et la traduction
de VAiHouna de M. Charles Gros.
A. ROQUE-FfiBBIEB.
Congrès scientifique de France . Quarante-quatrième session, tenue à Nice
(Alpes-Maritimes) en janvier 1878 . Nice, Malvano-Mignon, 1879; 2 volumes
in-8o, 368-408 pages et planches.
Ces deux volumes renferment quelques travaux qui intéressent les
études romanes et plus spécialement la philologie provençale. En voici
rénumération :
Tome !•', p. 71-81. F. Brun, Étude sur l'origine des habitants des
Alpes-Maritimes . Dans la partie linguistique de son mémoire, l'auteur
cite une trentaine de mots du dialecte parlé à Nice ; il les rapproche
de leurs équivalents en breton moderne, et il y voit la preuve que ce
dernier idiome a laissé beaucoup de traces dans les Alpes-Maritimes.
M. B. ne paraît pas se douter que cette opinion n'a plus aujourd'hui
pour elle que M. Mary-Lafon {Tableau de la langue romano-proven-
cale, 1842, in-12), et qu'il est meilleur de considérer ces analogies
comme le témoignage de la source commune des langues entre les-
quelles il veut établir des relations d'un ordre différent . ce Jaina ou
giaina, pièce de bois reliant un plancher avec les murs», se dit à Cler-
mont-l'Hérault chasena, terme que nous n'avons pas trouvé dans le
Dictionnaire de M. Mistral.
* Comme la Perlo, H Fabre ont paru tout d'abord dans la Revue.
La traduction que nous publioQs diffère un peu de celle qui a paru dans
le Journal de Forcalquier. La direction de cette feuille fit, en effet, subir à
M. S. diverses retouciies qui atténuèrent largement la liberté de ses rimes.
40 BIBLIOGRAPHIE
T. II, p. 358-360. Origine de l'idiome niçois, son passé littéraire
son état actuel^ réformes urgentes. Généralités à propos de l'ouvrage
de M. Sardou sur VIdiome niçois, qui obtint une médaille au second
Concours de la Société des langues romanes, tenu en 1878 à Mont-
pellier.
La dernière partie du titre de cette note fait allusion à un travail
imprimé depuis : Exposé d'un système rationnel d'orthographe niçoise,
terminé par une application de ce système à une fable inédite de Ran-
cher et par une déclaration approbative de feu Eugène Emmanuel,
poëte niçois (Publication de l'^nEscolafelibrenca de Bellanda^ »;, Paris,
Champion, 1881; in-8°, 32 pages. Ce système, élaboré au moment
même où la Commission orthographique de Montpellier préparait le
travail que lui avait confié la maintenance du Languedoc, consacre
l'abandon de l'orthographe italienne, appliquée jusqu'ici au sous-dia-
lecte de Nice. Sauf le maintien de la finale féminine a, il n'est guère
à un autre point de vue, que l'acceptation de la graphie des félibres
d'Avignon .
P. 339-347. Ed. Blanc, c?e« Stations des époques paléolithiques, néolithi-
ques et de l'âge du bronze dans les Alpes-Maritimes. M. Bl. dit en trois
1 ignés, p . 345-346, que la plus ancienne description que l'on ait des
murs néolithiques d'Agel se trouve dans Ig, Vida de sant Honorât.
poëme de Raymond Féraud, troubadour provençal du XIII«-XIV« siè-
cle*. Quelques explications complémentaires, que nous allons essayer
de donner, n'auraient pas ét<é inutiles au lecteur. On voit, en effet, au
haut de la montagne d'Agel, -qui domine le village de la Tnrbie, des
restes de constructions préhistoriques que Raymond Féraud décrit
dans son quarante-neuvième chapitre ^, mais dont il semble exagérer ,
l'importance et les dimensions. Elles furent, ainsi que la tour de la
Turbie (le fameux trophée d'Auguste), élevées par le géant ApoUo ou
Apollin, le même qui plaça dans la tour une idole rendant raison de
tout ce qu'on lui demandait. M. Bl. aurait dû nous faire connaître si '
l'ensemble des murs d'Agel concordait avec la description du poëte, i
qui, sur ce point comme sur bien d'autres, a été probablement le co- |
piste de la Vie latine qu'il avait sous les yeux^. La tradition locale <
1 Bellanda était, au moyen âge, le nom 4u château de Nice, et ce nom
s'appliquait parfois à la ville elle-même. '
* La Vida de sant Honorât, légende en vers provençaux, publiée pour la i
première fois en son entier, par M. A.-L. Sardou, Nice, Caisson et Mignon, i
S. D.; in-8o, xx-216 pages. ■
» P. 91 de l'édition de M. Sardou.
* M. B. ne signale pas une tradition d'origine plus directement érudite que {
celle dont parle Raymond Féraud, et suivant laquelle la construction des murs j
BlBL10GRAÏ*niE 4l
attribue ces constructions à des ouvriers gigantesques, et la région où
elles sont situées porte, en outre, le nom de quartier dujayant (géant).
n est curieux de trouver dans la Vida de sant Honorât, qui fut com-
posée à la fin du XIII© siècle, la variante, embellie et augmentée, d*un
récit aujourd'hui réduit à sa plus simple expression. Au reste, ce n'est
pas seulement dans les Alpes-Maritimes que Ton attribue à des popu-
lations de taille extraordinaire les murs et les tombeaux de l'époque
mégalithique. Le département de l'Hérault possède un certain nombre
de dolmens qne le peuple persiste à nommer taula dau gigant on dut
giant*.
Raymond Féraud avait écrit, probablement après la Vida de sant
Honorât, un autre poëme intitulé Vie de saint Armentaire, qui exis-
terait encore, si j'en croyais l'analyse d'un travail communiqué par
M. Poulie à la trente-troisième session du Congrès scientifique de
France, tenue à Aix en 1866, et une monographie locale dont il sera
parlé plus loin. Le seul fragment qu'en ait cité M. Poulie est emprunté
à une traduction française, et il contient justement la description
sommaire d'un dolmen situé près de Draguignan (Var) : « Et audit
lieu de Dragoniam, qu'on nomme aujourd'hui Draguignan, au terroir
d'iceluy, assés loin et séparé de la ville, y avoit emmy d'un bois une
fée nommée Estserella^, et le lieu se nommait Cyclopera, où les femmes
des lieux circon voisins, abusées de superstition, alloient boyre quelque
abrevage que leur estoit administré par les prestros de cette fée
Saint Hermentaire y alla, accompagné des principaux de la ville, et
trouvèrent quelques femmes voylées le visage d'ung voyle rouge et
vestues d'habits incogneus et inhusités, auxquelles les prestres et sa-
crificateurs de la Fée administroient leurs guinaudes, estant assizes
au dessoulxd'ugne grande et grosse pierre soubstenue de trois grosses
pointes en forme d'obélisques f aicts et composés à la rustique ... Et il
parla aussi avec une telle sévérité aux sacrificateurs de la Fée, les com-
mandant de n'y retourner jamais plus, et s'ils faisoient le contraire,
il les faisoit chastier ' »
d'Agel serait l'œuvre d'Hercule. (Carlone, Étude sur les premiers temps his-
toriques des Alpes-Maritimes, insérée dans le t. III du Congrès scientifique
de France, trente-troisième session. Aix, Remondet-Aubin, 1868, p. 260
262.)
* L'abbé Léon Vinas, Mémoire sur les monuments druidiques de l'arron-
dissement de Lodève. Lodève, Grillières, 1867; in-8o, 20 pages.
2 Cette fée a donné son nom à l'héroïne du Calendau de M, Mistral. Voyez
la dixième note du premier chant, où l'auteur en parle, d'après le Voyage
dans le midi de la France de Millin.
3 Congrès scientifique de France, trente-troisième session. Aix, Remondet-
Aubin, 1868; t. IL 212-213. M. Poulie a eu le tort de ne pas dire qu'il avait
42 BIBLIOGRAPHIE
On voit par cette citation que l'histoire de la constraction de la
tour de la Turbie par le géant ApoUo n'est pas le seul passage où
Raymond Féraud ait parlé des constructions mégalithiques qui exis-
taient en Provence au XI Ile siècle*.
M. Poulie croit pouvoir identifier le dolmen mentionné dans la Vie
de scdnt Armentaire avec un monument de même nature existant, à un
kilomètre de Draguignan, sur l'ancienne voie romaine qui se dirigeait
de Fréjus sur Draguignan, et aboutissait à Riez 2. Le peuple lui donne
encore le nom de pierre de la Fée (peiro de la Fado) .
P. 360-364. En réponse à la question supplémentaire du programme
de Nice : Faire connaître Us divers dialectes de la Provence, leurs ca-
ractères distinctifs et leur périmètre, M . de Berluc-Perussis soumit au
Congrès une carte des dialectes et des sous-dialectes provençaux, la-
quelle a figuré à l'Exposition universelle de 1878, dans l'envoi col-
lectif de la Société anthropologique de France, Le résumé des p. 360-
364 mentionne avec éloge le travail publié par MM. de Tourtoulon
et Bringuier, à la suite de la mission que leur confia, en 1873,
M.Jules Simon, alors ministre de l'instruction publique, et il donne,
en outre, quelques indications sur le critère que M. de B.-P. a eu plus
particulièrement en vue dans son œuvre de délimitation. Il existe
en Provence trois manières tranchées de conjuguer la première pre-
sonne du singulier des principaux temps : àmou, amàvou, amérou
{f aime f j'aimais, j'aimai), dans les Alpeg ; àmi, amàvi, améri, dans la
Basse-Provence ; ame, amave, amere, dans leComtat. Cette différence
a été le point de départ des recherches de M. de B.-P. « Chose cu-
rieuse, ajoute l'auteur, elle correspond, dans son ensemble, à la vieille
et traditionnelle distinction de notre pays en trois régions ou comtés
indépendants. 1»
On ne peut que souhaiter la prompte publication de cette carte,
qui par ses autres divisions contribuera largement à la classification,
emprunté ce curieux fragment à une Étude sur les origines de Draguignan^
par M. l'abbé Barbe, insérée dans le t. II (p. 237-257) du Bulletin de la
Société d'études scientifiques et archéologiques de la ville de Draguignan.
Nous avons rectifié sur le travail de ce dernier quelques erreurs de copie de
M. Poulie, entre autresMa substitution de guirlandes kguinaudes,
* Cette citation a échappé à M. B. De même que celles du post-scriptum
de cet article, elle ne semble pas avoir été plus connue de M . Sardou que de
M.Paul Meyer, qui, d'ailleurs, n'avait pas à s'en occuper dans les deux notices
qu'il a consacrées à la Vida de sant Honorât {Remania, V, 237, et VIII, 481).
^ Cette identification paraîtra problématique, si l'on songe que Raymond
Féraud donne trois supports au dolmen d'Estérelle, tandis que celui dont
parle M. Poulie en a quatre.
BIBLIOGRAPHIE 43
souvent très-difficile, des dialectes de la Provence. Le nom de Tau-
teur dit par avance la précision et l'exactitude qu'il aura mises au
service d*un pareil travail .
Le t. II du recueil du Congrès de Nice contient, enfin, p. 387-392,
une communication sur les Ligures et leur rôle dans les Alpes-Mari-
times, où l'auteur, M. Ed. Blanc, relève un exemple curieux des éty-
mologies auxquelles on se laisse parfois aller en province. Un con-
tradicteur, qu'il ne nomme pas, combattant son opinion sur Horrea,
proposait d'identifier cette localité avec le village des Adrets : Ad
SCorrea =sAd rets. L'analogie lui paraissait absolue, indiscutable.
M. Bl. répondit avec raison qu'aÉ?rcfe, adrech, adré, était un mot qui,
signifiant coteau exposé au midi, désignait un village du versant mé-
ridional de l'Esterel . Le rappel des proverbes suivants compléta la dé-
faîte du malencontreux étymologiste :
Lauso Tubach (nord) y ten-ti à Tadrech.
Se lou couguou canto à l'uba,
Deman pleura ;
Se lou couguou canto à l'adré,
Fara tems dré.
Quand sauras pas que faire,
Pren de terre dins toun bounet
Et pourta(sec)-la de l'ubach a l'adret.
Ce dernier proverbe nous était inconnu, et nous ne serions pas éloi-
gnés de le croire inédit ; mais le premier est incomplet, et il doit être
rétabli sous la forme ternaire suivante, donnée par la Bugado, p. 63 :
Lauzo l'ubac, et ten te à l'adrech ;
Lauzo la mar, et ten te en terre ;
Lauze leu ment, ten te à la piano.
On ajoute parfois:
Lause la Franco e demere en Preuvenço.
VArmana prouvengau de 1865 donne, p. 79:
Lause la mar,
Ten-te à la terre
E neun ânes en guerre^.
A. Boqub-Febbibb.
* Nous aurions à signaler encore un excellent morceau de critique littéraire
et biobibliographique: Laugier de Porchères et Arbaud de Porchères, deux
des quarante premiers de l'Académie française, par M. de Berluo-Perussis,
si nous ne nous étions interdits d'empiéter sur le compte rendu que doit en
faire bientôt M. ]e docteur Espagne
44 BIBLIOGRAPHIE
P. 'S. — L'existence de la Vie de saint Armentaire est si peu con-
nue, si douteuse même pour les provençalistes, que je reproduirai ici
trois autres fragments de ce poëme, insérés déjà dans Tétude de
M . Barbe. Les deux premiers sont en français, et le troisième en pro-
vençal.
Après sa victoire sur un énorme dragon qui désolait le quartier de
ce nom, à quatre ou cinq kilomètres de Draguignan, le saint bâtit une
chapelle en l'honneur de saint Michel. M. Barbe cite à ce propos le
passage suivant de la version française :
c Quoique de longue main le christianisme f ust planté en ce quar-
tier-là, encore y fust-il mieux affermi par la doctrine et bons exemples
de saint Hermantaire, et ne faysoient lors que bien peu d'estat de la
loy payenne et des Juifs, qui y estoient, depuis que les Romains, jadis
seigneurs de tout le monde, leur avoient permis vivre en leur loy * . 3>
Ce fragment a été peut-être dénaturé par la traduction, car on n'y
aperçoit rien de la métrique du texte, laquelle semblerait encore sen-
sible sous la prose du fragment où il^est question de la fée Estérelle.
Plus loin (p . 253) se lisent les mots suivants, empruntés à la même
version :
« A la baulme obscure et noyre, où estoit vis-à-vis une grande
forest.]»
Voici enfin (p . 257) le fragment qui intéresse le plus directement
les provençalistes . Il constitue le chant d'actions de grâces que Ray-
mond Féraud place dans la bouche du peuple après la mort du dra-
gon. Le tour en est coulant et tout à fait de nature à compléter la
bonne opinion que Ton avait déjà du poëte:
Diou sia grazit, que nous a fach
La grazia de veire des fach
Lou Dragon que nous destruzia
Et que tant de mal nous fazia !
5 Diou sia grazit a grand soûlas,
El que a romput lou double las
Del quai lou Dragon menassava
Nous mangearal luec ount estava!
Diou sia grazit, car sa bountat
10 Non nous a jamay desfautat,
Mais nous a fach luzir sa cara
Tant sancta, preciousa et cara !
* L'abbé Barbe, Étude sur les origines de Draguignan [Bulletin de la
Soc, d*étud. se. et arch, de Draguignan, II, 252).
PEKIODIQUES 45
Diou sia grazit, car a vougut
Que lou Dragon non a pougut
15 Nous engoullar dedins sa goulla,
Que jamay non era sadoulla !
Diou sia grazit qu'es pouderous,
Car nous deven teni huroux
D'estre escapats d'aquella ruda
20 Fiera bestia. traita et plaucuda * !
On voit que le manuscrit et la traduction de la Vie de saint Ar-
mentairej auxquels ces divers fragments ont été empruntés, doivent
appartenir au XVIe siècle. M. Azam, secrétaire de la Société d'études
de Draguignany que j'avais prié de faire quelques recherches à l'effet
de les retrouver, a bien voulu, par l'intermédiaire du savant archiviste
du Var, M.JMireur, me dire que M. Barbe avait probablement obtenu
communication d'une copie de la Vie de saint Armentaire qui se trou-
vât en 1858 dans la bibliothèque du regretté M. Doublier. Il serait à
souhaiter que l'on pût en retrouver la trace et que la littérature des
troubadours ne fût pas plus longtemps privée d'un texte de cette
importance.
A. R.-F.
PERIODIQUES
Bulletin archéologique et historique de la Société ar-
chéologique de Tarn-et-Garonne, t. VI. — P. 235-240. L'abbé
Pottier, Proclamation lue à Piquecos, sur la place publique et dans les
rues, le dernier jour de novembre 14iS5. Texte en langue d'oc, conservé
dans les archives du château de Piquecos et publié par M. P., avec
quelques remarques historiques et critiques. Il renferme certaines ex-
pressions qui manquent au Lexique rom>an de Raynouard, entre au-
tres 77Mimpo/ite (bas-latin rr^nipolium), conspirations, rassemblements,
agissements illicites: per fa neguna congregacion (réunion) ilUdta
ny manipolits, — P. 324-329. Le Lièvre de la Morinière, Penne et
* Tai introduit quelques corrections' dans le texte, afin de le ramener à la
forme probable du manuscrit du XVI* siècle qui nous Ta conservé. Voici les
leçons élaguées :
2, deffach; 3, destuzia; 6, Et que a; 10, deffoutat. On pourrait, à la ri-
Sueur, corriger: desfoutat.
Le seul mot difficile de ce cantique est plauguda, qui manque au Lexique
roman de Raynouard et qu'il faut traduire par pesante, lourde ou difforme.
Cf. le plauchut^ uda d'Honnorat, qui a la môme signification.
46 PÉRIODIQUES
Bruniquel. L'auteur dit en note: <iLa fonne étroite et aDongée du
rocher qui constitue rassise de la ville et du château a fait croire que
Tétymologie de Penne était Pmna, plume de l'aile, et a donné aux
armes du seigneur et de la ville une ou plusieurs plumes comme
pièce principale. Le nom de Penne paraît être d'origine celtique : pen,
hauteur, sommet. » M. de la M. a raison ; mais il est inutile de re-
courir au celtique pour expliquer un terme qui existe en provençal e*
en béarnais avec un sens absolument semblable :
Que la vilo di Baus, sus si peno quihado,
a dit, par exemple, M. Bonaparte- Wyse dans une pièce de poésie im-
primée en 1876 par la R&oue^ 2e série, II, 92. —P. 330-333. Guirondet,
Notes sur Parisot (canton de Saint- Antonin) tirées d'un vieux manuscrit
de Cahrol, généalogiste de Villef ranche-de- Rouer gue. Ces notes sont
au nombre de deux. La seconde est la copie d'un inventaire des re-
liques de Parisot fait en langue d'oc en 1622.
A. Roque-Ferrier.
Bulletin archéologique et historique de la Société ar-
chéologique de Tarn-et-Garonne,t. VII (année 1879). — P. 63-
68. L'abbé Pottier, les Armes de la ville de Grenade-suf*- Garonne
{villa Granata) . La petite ville de Grenade est une bastide fondée au
XIII* siècle par les moines de l'abbaye cistercienne de Granselve .
Plusieurs auteurs croient que son nom se rattache au souvenir de
Grenade (Espagne). M. Tabbé P. démontre le contraire par le blason
de la communauté, enregistré en 1696 dans l'armoriai manuscrit con-
servé à la Bibliothèque nationale et par les armes d'une cloche fondue
en 1623. Grenade doit sa dénomination à l'abondance en grains des
terres qui Tentourent*. Le blason de 1696 est d'azur semé de graines de
froment et de fleurs de lys d'or. Ces dernières sont au nombre de huit, et
les grains qui alternent de dix, chiffre qui, dans la langue héraldique,
indique ce que l'on appelle sans nombre.
Les grains ont été, en outre, jetés à profusion dans les armes figu-
rées sur la cloche de 1623. La grenade du blason actuel est d'intro-
^ Ainsi que le remarque, d'ailleurs, M. P., les Cisterciens aimaient c les
noms fournis par la nature elle-même. Sans chercher au loin, nous trouvons
Grandselve, la grande forêt ; Bellepercbe, le beau domaine >; Beaulieu, Beau-
mont, etc.
La bastide de Pampelonne, où l'on pourrait, à meilleure raison^ voir un sou-
venir d'Espagne, a été nommée ainsi en mémoire d'Eustache de Beaumarchais,
sénéchal de Toulouse et d'Albigeois de 1272 à 1294, de son gouvernement
de Navarre et de son séjour à Pampelune.
PERIODIQUES 47
duction postérieure ; on pourrait même ajouter exclusivement fran-
çaise. C'est, qu'on me passe la définition, un gallicisme en fait d'armes
parlantes .
P. 69-80. Henry de France, la Cour de Toulouse. Intéressant tra-
vail sur une ancienne rue de Montauban. On avait supposé qu'elle de-
vait sa dénomination à un massacre de huguenots fait à Toulouse en
1562, et dont les survivants se seraient réfugiés à Montauban dans la
rue ainsi désignée. Des terriers signalés par M. de F. constatent que
le nom de Cort de Tohza existait bien avant, en 1431, par exemple
M. de F. le rattache à rétablissement d'un viguier qui rendait la
justice au nom du comte de Toulouse, et qui résidait dans un château
bâti par ce dernier, tout près de la rue en question. Les droits et les
devoirs de ce viguier sont énumérés d'une manière fort explicite dans
les coutumes dont Rajrmond VI dota, en 1195 (nouveau style), la pre-
mière de ces deux villes.
P. 97-112. E. Forestié neveu, Étymologie du nom de Montauban et
origine de ses armoiries. Les Sceaux de l'abbaye de Montauriol et des
chapitres de Montauban, L'étymologie de Montauban, fondée comme
on sait en 1144, a été fort discutée depuis le XVII® siècle. On l'a ex-
pliquée par Mons Albanus, en langue romane Mont-Alban (Mont-
Blanc). Adrien de Valois et M. Mary-Lafon avaient surtout accrédité
cette étymologie. Guillaume Catel, au contraire, attribuait à Alban le
sens de saulcy et il fut suivi par Pierre Leclerc, à qui l'on doit V inven-
taire des archives municipales de Montauban. Comme on avait remar-
qué que le saule n'affectionne que les terrains bas et humides, Leclerc
répondit à l'objection en disant que cet arbre « croissait naturelle-
ment à l'entour du mont, arrosé d'eau de trois côtés, à savoir : au
levant d'été, couchant et septentrion, le ruisseau de la Garrigue ; au
midi, le ruisseau du Tescou, et entre le midi et le couchant, la ri-
vière du Tarn. . . »
M. F. pense que l'explication de Catel et de Leclerc est la seule ac-
ceptable. Il l'appuie principalement sur le blason de Montauban, dont
le plus ancien spécimen remonte aux premières années du XIII® siè-
cle. Un saule, — étrangement figuré, il est vrai, — et planté sur un
mont d'or, figure depuis cette époque dans les armes du chef -lieu du
département du Tam-et-Garonne. M. F. aurait pu compléter son tra-
vail par le relevé d'un certain nombre de mots qui se rattachent à
Valbà delà seconde partie de la forme locale Montalbà, Cette expres-
sion signifie saule dans le Quercinois, et Honnorat mentionne aubà
dans le dialecte bordelais. Aubar Qt aubàs se sont aussi maintenus.
M. Mistral, dans son Trésor dâu Felibrige, I, 169, cite un vers de
Jasmin dont je n'ai pu contrôler l'orthographe :
Un vièl setut sur un fautul d'auba.
AS PERIODIQUBS
Aubaret, aubareda, albareda, sont restés courants, comme substan-
tifs, noms de famille et noms de lieu.
La fin de la curieuse dissertation de M. F. est consacrée à Montau-
riol, souvent expliqué par Mons aureolus, en roman Montourioî (mont
doré ou jaune), tandis que le sceau de l'abbaye porte, comme armes
parlantes: «de gueules à un auriol d'argent (le loriot) sans œil, perché
sur un mont de sinople, au chef cousu d'azur. j>
P. 145-153. Guirondet, Notices biographiques: Isam, évêque de Tou-
louse; Raymond- Jov/rdain, troubadour.
P. 257-278. L'abbé Galabert, l'Église et les Vitraux de Caylus. Ce
travail renferme un certain nombre de citations en langue d'oc, et
parmi celles-ci des formes qui manquent à Raynouard: piala, pile,
pilier ; sequestrania, sacristie, etc.
On trouve sacrestania et secrestania dans la traduction rouergate
d'une bulle de Clément VI, publiée par M. Constans [Essais sur le
sous-dialecte du Rouergue, Montpellier, 1880; in 8®, p. 156 et suiv.).
P. 296-299. H. de Froxice, Bibliographie. Dictionnaire patois -/rancis
du département de l'Aveyron, par M. l'abbé Vayssier. Compte rendu
où la Revue et la Société des langues romanes ont été mentionnées .
A. Roque-Febribb.
Bulletin archéologique et historique de la Société archéo-
logique de Tarn-et-6aronne. T. VTII (année 1880).— P. 13-36,
104-123, François Moulenq, Corbarieuet ses seigneurs. Cette localité est
actuellement un modeste village de l'arrondissement de Montauban,
mais elle eut autrefois une très-grande importance ; elle possédait de
vastes faubourgs, et l'une de ses voies porte encore le nom significatif
de rw€ des Orfèvres. Sa décadence date surtout du XI Ve siècle. Son
nom lui vient, dit M. Moulenq, d'un «ruisseau aux courbes capri-
cieuses, curbus rivus» (?), appelé aujourd'hui de St-Germain ou de la
Guitardie. M. M. donne des détails historiques sur les seigneurs de
Corbarieu, et il imprime à la fin de son travail le texte des coutumes
et privilèges qu'ils concédèrent en 1265 aux habitants de cette ville.
La publication en est faite d'après « une copie produite (en 1458) par
les consuls, devant Nicolas de Rousergues, lieutenant de Guillaume
de Courcelles, maître des eaux et forêts en Languedoc, à l'effet de voir
maintenir le droit de la communauté à pêcher librement dans les
eaux du Tarn. M. M. a publié, de plus, une curieuse lettre du XV® siè-
cle où l'on pourrait relever certains caractères de la langue actuelle
(emploi partiel du b pour le t?, finale féminine en o (?), substitution de
VhkVfj etc.), si malheureusement d'évidentes fautes typographiques
n'imposaient une grande réserve au point de vue de l'interprétation
philologique de ce document.
PERIODIQUES 49
P. 85-103, 183-194, L.Taupiac, Villelongue, judicature, circonscrip-
tion et origines. Un mot du langage local : gaure (canal où Feau est
devenue stagnante), est signalé^ p„.. 95. On peut le rapprocher de
gaulha (Honnorat, Dict prov.-fr., II, 330), qui désigne en bas-limou-
sin un creux où séjourne Teau. Cf. gaulhas^ amas d'eau dans les rues
ou les chemins.
P. 195-209, l'abbé Galabert, les Prêtres dans les campctgnes au
moyen âge. Travail aussi neuf qu'intéressant; il a été lu aux réunions
des Sociétés savantes à la Sorbonne, en 1880, et il contient quelques
courts extraits en langue d'oc. On remarque, p. 204, note 1, un mot
qui manque à Honnorat et qui est encore usité dans les campagnes du
Tarn-et-Garonne : encantage, c'est-à-dire le chant d'un nocturne, suivi
de la messe et de l'absoute.
P. 226-227. L'abbé Galabert, Fanc^. D^ôt d'armes fait par Jean
de Solatges, gouverneur de Caussade (1467). Comptes des dépenses faites
par les deux envoyés de Caylus en lUb pour aller prendre à Cahors le
mande delà communauté. — Compte pour une représentation de mystère à
Caylus au XV^ou XVI^ siècle. Trois extraits en langue d'oc ; le der-
nier, ainsi que les huit vers qui l'accompagnent, a été publié presque en
même temps pai- M. Petit de Juleville, qui, dans son ouvrage sur les
Mystères {t. II, p. 98), en a déterminé la date exacte (1510), d'après une
communication de M . Dumas, archiviste de Tain-et-Garonne * . Les
deux textes présentent des différences de détail assez nombreuses ;
celui de M. Dumas est, d'ailleui*s, préférable à celui de M. l'abbé G.
Le procès-verbal de la séance tenue le 10 novembre 1880 par la
Société archéologique de Tam-et- Garonne renferme, p. 329, le texte
d'une inscription romane qui existe à Lavit et permet de fixer d'une
manière certaine la date de l'incendie de Lectoure et de la mort du
comte Jean d'Armagnac :
LO VI lOBN DEV MARS MOOCLXXIl
LAYTOBA FOC COMBUS
(Le sixième jour du mois de mars mccclxxii, Lectoure fut brûlée.)
M. le docteur Gardelle a communiqué dans la même séance un
sceau orbiculaire de Guillaume de Corbarieu sur lequel on lit :
S. GUILLBM DE COBBABIOU
A. Roqub-Pebbier.
* Cf. Revue des langues romanes, 3» série, IV, 204-205.
CHRONIQUE
CÎOMMUNICATIONS FAITES EN SÉANCE DE LA SOCIÉTÉ. —27 juillet.
— Sonnet provençal (Avignon et les bords du Rhône), traduction du
sonnet français placé en tête des Vies des troubadours de Jean de
Nostre-Dame, par M. de Berlue- Perussis ;
Li Dos Estello, — Cantinello de santo Aulaio, poésies provençales
(Avignon et les bords du Rhône), par M . l'abbé F.-Xavier Rieux ;
VAtlantiday poëme catalan de Tabbé Hyacinthe Verdaguer, étude
littéraire, par M. Albert Savine ;
Comédie en vers en langage de Bessan (Hérault), par M. H. Bous-
quet.
♦
Livres et manuscrits donnés a la Bibliothèque de la Société.
— Counseils à la Junesso, cansou coumiquo . aïre de la première scho -
tisch. Castelnaudary, Labadie, S. D.; 1 feuille in-8<* à 2 col. (don de
M. le vicomte de Vallat);
El cantare di Fierabraccia et Uliuieri, italienische bearbeitung der
chanson de geste Fierabras. Herausgegeben von E. Stengel. Voraus-
geschickt ist eine abhandlung von G. Buhlmann : die gestaltung der
chanson de geste Fierabras im italienischen. Marburg, N. G. El-
wert'sche 1881; in-8o, XLiv-192 pages (don de M. Elwert'sche);
Inauguration d'un monument à la Fontaine d'Arre (Gard) (20 juin
1880). Montpellier, Imprimerie centrale du Midi, 1880 ; in-8o, 12 pages
(contenant une poésie provençale par M. l'abbé Malignon) (don de
M. l'abbé Malignon) ;
La Cançun de saint Alexis und einige kleinere Altfranzôsîsche ge-
dichte des 11. und 12. Jahrh. Lief. I. Texte. Marburg, Elwert'sche,
1881; in-8°, 80 pages;
L'Escoumesso, conte. S. L. ni date, ni nom d'imprimeur; in-8<*,
8 pages (don de M. le vicomte de Vallat);
Lou Fouel d'Amour, romance provençale, dédiée à M. Vernier et
chantée par lui le jour de son bénéfice. M!arseille, 1847; in-8o, 4 pages
(don de M. le vicomte de Vallat);
Lou Gala de Moussu Flari, pouèmo prouvençau en cinq trouas (dia-
lecte d'Apt), per l'ooutour doou Boujaroun. Apt, J.-S. Jean, 1853;
in-16, 40 pages (don de M. le vicomte de Vallat; ;
Poésies provençales. Recueil naanuscrit copié vers 1857 etcompre^
nant: L'Aï bel esprit, lou Ménoun et lou Troupeou, Chichois, Jean
deïs Pettos. In-12, 56 pages (don de M. Charles Gros);
Baissac (G.): Étude sur le patois créole mauricien. Nancy, Berger-
Levrault, 1880; in-12, LViii-234 pag. (don deMM.Maisonneuve et Ce);
Beaulieu (D.): Mémoires sur quelques airs nationaux [béarnais,
poitevins, bretons et flamands] qui sont dans la tonalité grégorienne.
Niort, Favre [1858]; in-S^, 16-8 pages (don de M. Clair Gleizes);
Bigot (A . ) : li Boutoun dé guèto, poésies patoises. Nimes, Manlius
Salles, 1855 ; in-12, 24 pages (don de M. le vicomte de Vallat);
Bonnet (Pierre) : la Carlamusou, poésious patoisous, dialectou dé
Béoucaïre. Tomou I<^^ Nimes, Durand-Belle, 1846 ; in-8°, 16 p. (l'e li-
vraison, la seule parue) (don de M. l'abbé C. Malignon);
Bonnet (Pierre) : lou Rhosé dé 1841, cousin doue gearma doue
CHRONIQUE 5t
déluge, poème patois. Tarascon, Aubanel, 1842 ; m-8**, 16 pages (don
de M. Tabbé C. Malîgnon);
Bonnet (Pierre): la Touré-Caradou de Beoucaïré et la Villon, ou la
Médayou et lou Rêver, poème patois. Nimes, Durand-Belle, 1846;
in-8", 16 pages (don de M. l'abbé MBlignon);
Bonnet (Pierre) : lou Picho Mount-Ceni, ou leis Escayé deis bras-
sur, cansoun. Nimes, Ballivet et Fabre, S. D.; in-8o, 4 pages (don de
M. le vicomte deVallat);
Boucherie (A.): Additions au Dictionnaire de Littré (Lexicologie
botanique), d'après le de Compositione medicamentorum de Bernard
Dessen (1556). Paris, Maisonneuve et C*, 1881; in-8», 36 pages;
Briol (Joseph) : lou Jacot indiscret. Morseille, Imprimerie Saint-
Ferréol [1875]; in-8o, 4 pages (don de M. le vicomte de Vallat);
Briol (Joseph): lou Portrait dé Nourado. Marseille, Camoin, S. D.;
in-8®, 4 pages (don de M. le vicomte de Vallat);
Brossard: lou Proucèsdé Coudair, scène provençale. Jean Lafluto,
chanson. Marseille, Samat, S. D. ; in -8®, 4 pages (don de M. le vicomte
deVallat):
Cardona (Enrico): dell' Antica Letteratura catalana, studii seguiti dal
testo e dalla traduzione délia vita di Giacomo I, tolta dalla Oronaca
catoZano di Ramon Muntaner. Napoli, Gargiulo, 1878; in-8o, 240pag.;
Cénac-Moncaut : Dictionnaire gascon-français (dialecte du départe-
ment du Gers), suivi d'un abrégé de grammaire gasconne. Paris,
Didron, 1863; in-8o, viii-144 pages (don de M. le Ministre de l'instruc-
tion publique);
Chastan (Auguste): Chansons, Satires nouvelles et Poésies en patois
valréassien. Valréas, Jabert, 1858 ; in-12, 190 pages (don de M. le vi-
comte de Vallat);
Daveau : las Pasquos d'uno bierjo martyro. Toulouse, Bonnal et
Gibrac, 1848; in-8», 16 pages (don de M. le vicomte deVallat);
Delpech (Henri) : Un dernier mot sur la bataille de Muret, avec
trois plans topographiques. Montpellier, Firmin et Cabirou, 1878;
in-8o, 1 6 pages ;
Désanat (Joseph) : la Festo de Nostro-Damo de Casteou (parla de
Tarascoun). Marseille, Barlatier-Feissat et Demonchy, S. D.; in-8°,
8 pages (don de M. Clair Gleizes);
Desanat : lou Travai et la Finiantiso, sermoun dou cura Rufi, mes-
cla de prouverbi, sentences, maximos et mouralos, en vers prouven-
çaous; segoundo editien, ooumentado de cin-cent prouverbi. Tarascon,
chez l'auteur [1847]; in-8°, 32 pages (don de M. le vicomte de
Vallat);
Dossi (Carlo) : l'Alti-ieri nero su bianco, terza edizione. Roma, Pe-
relli, 1881; in-16, xiv-140 pages ;
Guiraud (Auguste): Jacques Cœur à Montpellier, ou la Font-Puta-
nella, pièce en deux actes, en vers français, languedociens et proven-
çaux, mêlée de chants et de danses du pays. Ms. autographe de l'au-
teur. S. D.; in-8o, 68 pages (don de M. Charles Gros);
Lejourdan (Jules) : la Plainte de Misé Meutte, suivide de l'interro-
gatoire daou Nervi. Marsilho, Librarié prouvençale, 1850 ; in-8°, 16 p.
(don de M. le vicomte de Vallat);
Long jLéen) : lou Siéglé dé lumière. Marseille, Vial, S. D. ;in-8o,
4 pages (don de M. le vicomte de Vallat) ;
Mallard (Stanislas): leis Peds de Pinateou, cansoun. — Paouse ta
58 CHRONIQUE
chîqao e fai lou mouor. Marseille, Doucet [1878]; in-8°, 4 pages (don
de M. le vicomte de Vallat);
Mary-Lafon : Tableau historique et comparatif de la langue parlée
dans le midi de la France et connue sous le nom de langue romano-
provençale, l^«î édition . Paris, René et Ce, 1841; in-8% 56 pages (don
de M . le vicomte de Vallat);
Mayan aîné : Pu rédé qu'un claveou vo pago degun, cansouneto.
Marseille, Vial, S. D.; in-8o, 4 pages (don de M. le vicomte de Vallat);
Michel (Anfos): Discours prounouncia à Tassemblado generalo de
la mantenénço de Prouvenço. tengudo en vile de Touloun lou 6 de
febrié 1881. Draguignan, Latil. 1881; in-12, 8 pages ;
Michel (Anfos): Discours prounouncia en vilo de Draguignan lou
19 de mai 1881, à la taulejado de Tescolo dôu Var. Draguignan, Latil,
1881; in-12, 8 pages;
Olive (Paul): lou Centenari de Voltairo. — Belzunço. — L'Amnistie.
Marseille, Doucet, S. D.; in-8', 4 pages (don de M. le vicomte de
VaUat);
Payan: Boueno-Voyo, declamatien. Marseille, Cayer et O, S. D.;
in 8o, 4 pages (don de M. le vicomte de Vallat) ;
R. . . . (H.). Leissa leis poumos eis poumiers, imitation de Laissez
les roses aux rosiers. Marseille, Arnaud et O, S. D.; in-8«, 4 pages
(don de M. le vicomte de Vallat);
Trente et un journaux renfermant des textes méridionsaux, des
travaux publiés par des membres de la Société et des articles sur les
études philologiques ou l'histoire de la littérature du midi de la France,
donnés par MM. V. Alecsandri (l),de Berluc-Perussis (2), Jules Blan-
card^l), Rodolphe Burgues (2), Alexandre Catargi (2), Alfred Chailan
(1), François DeliIle/2), Clair Gleizes (4), Frédéric Mistrsd (5), Roque-
Ferrier (9) et le vicomte de Vallat (2).
Errata du numéro de juin
Les manuscrits provençaux db Chbltknham, par M. Constans.
P. 287-9. Les notes supplémentaires de M. Chabaiieau ayant
été rédigées sur une épreuve insuffisamment corrigée et non
conforme au manuscrit, il y a lieu d'y supprimer, pour les re-
porter dans le texte, les corrections indiquées pour les vers 8,
9, 13, 15, 19, 22, 26, 28, 33, 40, 50 et 55 de la pièce de Raim-
baud d'Orange, et celle qui est donnée pour le dernier vers
de la pièce du vicomte de Saint-Àntonin . — P . 266, note 3,
au lieu de 4, /mc2 7 (deux f ois) . — P. 268, 1. 27, effacez («te).—
P. 280, note 7. au lieu de pour, lisez par. — P. 286,1 . 23, lisez
enveiosa. L. Constans.
Le gérant responsable : Ernest Hamblin.
Dialectes anciens
POÉSIES INÉDITES D'ARNAUT DE MAREUIL
I
(Ms. XC. 26 de la Bibliothèque Laurentienne, à Florence)*
. [F» 26, po] Tant m'abellis em platz
Jovenz e amistaz,
Cui per jasse m'autrei,
Nul' autra re non vei
5 Don aia soing ni cura,
Qu'aitals es ma ventura.
Pero la manentia
Q'eu ai de druderia
Es mos majers tesors *,
10 E fes e verais cors,
E ma bona esperança,
Don, si Dieus m'o enansa,
Crei que venga al plus ;
Ch'aisi o fai chascus
15 Qis vol d'amor jauçir.
[V**] Obs^ Tes sapcha sofrir
Las penas els afans,
Las iras els bobans,
L'orgoill el [ejspaven
20 Q*amors mostra soen ;
EU vet ell escondig
No sio e mal es[c]rig*.
Ab gen sofrir en paz
Esta rorgoill[s] damnaz,
25 E ab beîlas preguieras,
En diversas manieras^.
* Copie de M. A. Boucherie, collationnée par M. A. Thomas, de l'Ecole fran-
çaise de Rome, qui a bien voulu aussi transcrire pour nous, sur le même ms.,
les trente derniers vers de Razos es e mesura. Voir ci-après, p. 59, note 5.
* Il y a d'autres exemples, dans de bons textes, de cette forme. L'o, là
comme dans or (aur), peut-être sous l'influence du français, a fini par préva-
oir. — ' Ms. Vbs, — * Ms. es rig. — ^^ Ms. mairteras,
TOMB VI OB UL TROISIÈME SBRIB — AOUT 1881 . 5
54 POESIES IN DITES
Qi s'entremet d'amar
E jen non sap preguar
Enquer fa gran damage *,
30 Q'amors vol en corage *
Ardit cortes e franc,
Sol que non sia estanc.
Nulha fol a vanansa
Retorne en balansa
35 Amors maintas saços,
A cui non es nuls pros ;
Ans val moût mais assaz
Jocs on es mais celaz,
Qe pos el es espars
40 Non es tenguz en cars.
Segon aqest saber
Se devon^ captener
Cel qu'amon finament, .
Seguon mon essient.
45 Mais de me s'endeve,
Qe mais am d'autra re,
Q'aissi com eu am plus
Tem plus fort que negus.
Q'a penas aus* cujar
50 En mon cor, ni pensar,
Qe seF amar mi deing
Per q' amors mi destreing.
Ans n'ai lonc temps de sert
Mon deçier cubert,
55 Q'anc no lin û semblant ;
Mas des er en avant
Conosca be, sel plai,
Qe, tant qant eu viurai.
Serai vas leis aclis,
60 C ab un amoros ris
Qem fec qan m'esgardet,
M'ubri em trasforet
* Ms. damaçe. — *'M8. encoraçe, Corr. Qe amors vol corage? — ' Ms.
Deu ho» — * Ms. aug.
d'aRNAUT de MAREUIL 55
Mon cor juesqa en mei loc.
Adonc m'o* tenc a joc
65 E paregrom leugier
D'amor li cossier ;
Mas er son tan cregut
Q'aissi m' an destolgut
De nulh' autra facenda*
70 Nom plaz que m'i entenda,
Ni, se tôt me volia
Entendre, noi poiria;
Q'ades tenc en corage
Lo doue el bel estage
75 Qe sela sab aver,
Qe m'a en so poder,
On es tota ma sortz.
Ma vida e ma mortz.
La vida i es, selh plaz,
80 A far sas volentatz ;
M'a rentengut per ceu
Q'eulh jur elh don a feu
Qe ja no pens ni fassa
,Mas 80 qe a leis plassa.
85 Bella domna corteça,
Ensenhada e apreça,
La vostra grans beutaz,
El déport el solaz.
Donc avec entier laus,
90 Mi fan tener enclaus
Ins el cor un désir
Donm'avenra morir,
Se nous en pren merces.
[F® 26] A ! dousa franca res,
95 Per vos art e aflam.
Tan de bon cor vos am ;
Ë se merces nom val
Ab vos, jamais non cal
Qe m'esforce de viure,
* Ms. me, — ^ 11 faut ici sous-entetidre que.
56 POÉSIES INÉDITES
100 Qe non poria escriure
Uns clers a son viven
Lo[s] mais q'eu per vos sen ;
Ni non crei qel[s] pogues
Mais sufrir nulla res.
105 Mas Amors mi fai creire
Qe jes nom dei recreire
D'amar vos a ma vida,
Qeus es tant echernida
E pros e conoichens
110 Pe[n]raus en chausimens
De mi e pietaz.
Por * aissi soi lassaz
E près de vostr' amor,
Domna, per gran dousor
115 Vos voill merce ciamar,
Si nom degnaz amar,
Consentez me qeus am.
Per gran merceus o clam,
C ab sol(a) bella semblansa,
120 Mi podez d'esperansa,
De so q'eu plus deçir,
Lonc temps suau noirir ;
Qe mais am, fe qeus dei,
Domna, com quem n'estei,
125 De vos lo bon esper
Qe d'autra tôt aver.
Qe, si Deus mi secora,
Pueis vos vi, nulh[a] ora
Nos poc ^ de vos partir
130 Mos cors, don vos remir
En pensan, car estiers
No puesc, ke volontiers
Vos vira de mos oils.
Jes no m'o tolg orgoils,
135 Mas failh m'en ochaiços,
Domna, maintas saços,
' Ms. For. Por, ea quoi je corrige ce for, est pourpos. — * Ms. pos.
d'aRNAUT de MAREUIL 57
Qe non pose venir lai
On vostre cors estai.
Pero, Domna, on k'eum sia,
140 Vos m'aves en bailia,
Aisises part d' autrui.
No fez ren Dieus ab cui
Vos m'aias a devire ;
Nous me pot contradire
145 Negun'autr' amistaz ;
Q'anc, Domna, ço sapchaz,
Non fo neguns amans
Qe tant be ses engans
Ames com eu am vos,
150 Neih Leander* Eros,
Ni Paris Elenan,
Ni Pirramus Tisban S
Ni Floris Blanchaflor,
Q'en traich mainta dolor,
155 Ni Lavina Eneas,
No * neich Cleopatras
Cel qe fo reis de Tyr
Non ac tan ferm désir,
Ni crei qe tant âmes
160 Lo reis Etiocles ♦
Salamandra tan be,
* Ms. leandier {Vi en interligne au-dessus de Ve). — * Ms. titban, —
3 Corr. Ne ves? Cleopatras serait alors le régime indirect de ac du vers 158.
Mais, outre que la forme serait surprenante (il faudrait au moins Cleopatran,
et la rime s'y oppose), on ne voit pas figurer dans l'histoire, si goûtée au
moyen âge, d'Apollonius de Tyr (car c'est de lui évidemment qu'il s'agit ici),
de personnage de ce nom.— Peut-être dans le Cleopatras du ms. faut-il cher-
cher deux noms dont le dernier, masculin, serait le sujet. Mais quels seraient
au juste ces noms et à quel roman appartiendraient-ils? Dans ce dernier cas,
il suffirait de corriger Ne, et il faudrait mettre un point-et-virgule à la fin du
vers. — Peut-être encore, en admettant que l'auteur ait en effet employé
Cleopatras dans le r Ole de régime singulier, faudrait-il corriger No neich en
N'Antonhs» Mais les amours d'Antoine et de Cléopâtre étaient-ils assez con-
nus au moyen âge pour qu'un poëte y ait pu ainsi, en passant, faire allusion?
— * Ms. ociocles. Allusion à une épisode du Roman de Thèbes, sur lequel
voy. Constans, Légende d*CEdipe, p. 227. C'est la seule mention que je con-
naisse dans la littérature provençale de Y amie d'Etéocle.
58 POESIES INEDITES
Ni tan per bona fe,
Ni anc Yseut Tristan,
Q'en sofri maint afan,
165 Ni Berengaiers Quendis ' ,
Ni Valensa Seguis*,
Ni, pel meu* essien,
Absalon Florissen*,
[V**] Ni anc Itis ^, ço cre,
170 No amet Biblis re,
Avers so q'eu am vos,
Ni nuls amans q'anc fos
No amet tant s'amia.
Ni no crei ke mais sia
175 Cors d'aman tant verais,
K'eu, Domna, no m'irais.
Tant dousamen mi seinch
E tan gen mi destreinch
Lo vostr' amor[s] em lassa
< S'agit-il du Beringuier de Tors, mentionné comme enchanteur par G. de
St-Gregori*? Voyez Fauriel, 111,500. Le nom de Quendis (= Coindis?), ici as-
socié à celui de Berenguier, n*a été encore, à ma connaissance, relevé nulle
part.
' On a souvent cité l'allusion de la comtesse de Die au même roman, d'ail-
leurs encore inconnu. Voy. Fauriel, III, 508.
* Ms. me un. — * S'agit-il d'Absalon, flis de David? Une autre allusion au
même personnage, ou du moins à un personnage du même nom, se trouve
dans la pièce bien connue de Bertran de Paris (Ni no sabes las novas de
Tristan Ni del rey Marc ni d'Apsalon lo bel) . Giraud de Cabreira, de son
côté, nomme une Florisen (De Florisen No sabs nient Ni de las ganas de
Milon). Mais ce ne doit pas être la même que celle qui figure ici.
* Ms. iris. Je corrige d'après Giraud de Cabreira et Aimeric de Belenoi,
qui l'un et l'autre associent à Biblis un personnage du nom d'Itis {Ytis,
Hytié). Il y avait sans doute au moyen âge un roman où, à côté de Caunus,
objet de l'amour Incestueux de Byblis, on avait introduit un Ithys, amoureux
de Byblis. Cf. G. de Cabreira:
Ni sabs d'Ytis,
Ni de Biblis,
Ni de Caumus {lis, Caunus) nuilla faisson.
Arnaut de Mareuii a fait encore ailleurs allusion à Biblis. C'est au vers 161
du beau salut qui comm,ence: Domna genser que no sai dir, et qui a été
publié maintes fois.
d'aRNAUT de MARBUIL 59
180 No sen mal qe nom plassa.
Ë donc, Dompna, cum er
D'est vostr' home qeus quer
Uns dons qe vos li deç ?
Nous * aus * dir qe m'amez,
185 Ni nous aus ^ dir aitan,
Mas *, seus plaz, lo semblan.
Dompnam podez far be,
E nous greva de re ;
Ë sab q'a pauc d'afan
190 Podez tan fin aman
Com eu so retener;
Moût o devez voler.
Dompna, nous pose plus dir,
Qar tôt lo mon consir,
195 Mas ben podez mon mal
Ë ma dolor coral
Conoicher e saber.
(Per q'eu de toz mos bes
Vos rent laus e merces,
200 Eus 0 graçisc ades
Q'al corm'estaz plus près).
* Ms. Noug. — * Ms. aug.— ^ Ms. aug. — *Ms. Mous, Cette dernière forme
n'est pas possible ; mais mons le serait à la rigueur, car on connaît d'un côté
mos et de l'autre mans. On peut être sûr. dans tous les cas, qu'Arnaut de
Mareuil n'a employé ni Tune ni l'autre de ces formes .
^ Lacune non indiquée dans le ms. Elle ne doit pas être très-considérable.
Les quatre vers suivants sont les derniers d'un autre ensenhamen, depuis
longtemps publié, de notre poëte, Razos es e mezura (Raynouard, Choix, IV,
406; Mahn, Werke der Troubadours, I, 176). Le copiste du ms. de Florence,
ou plus probablement un copiste antérieur, venant de transcrire ce dernier
poëme et l'ayant sans doute encore sous les yeux, en aura, par erreur, repro-
duit ici de nouveau la fin . J'attribue plutôt l'erreur à un copiste antérieur,
parce que, dans le ms. de Florence, le dernier vers de Aazos es e mezura,
à sa vraie place (fo 23 r©), diffère assez sensiblement de ce qu'il est à celle
(fo 26 vo) où il a été indûment répété. On y lit: Qar m*es al cor plus près.
Le vers précédent est identique des deux parts. Les deux aiAres ne prés en
tent que des variantes de graphie.
60 POESIES INEDITES
II
(Bibliothèque nationale, ms. 22543)
[pô 134, r**] Dona, cel que no pot aver
Joj s'a vos no ven a plazer,
L'oms e Tamlcx vers e corals
Que non pessa d'autres jornals
5 Mas com pogues so far e dîr
Don vos pogues en grat servir,
Sel que per vos languis e mor
£ queus ama de tan bon cor,
Del melhor que anc non amet
10 Nulhs amans pueis quel mon[s] renhet,
Vos envia .M. salutz lay*
E manda vos que reman saj^,
Aisi destreg per vostr' amor
Que, si nol val e nol secor
15 L'umilitatz per chauzimen,
Que tant' es la dolor qu(e)' el sen
E la pena greus per sofrir
Mens preza vieure que morir ;
Car vieure es trop pietz de mort,
20 Pus c'om non a joy ni déport.
Dona, vos es aisela res
Que sobre can qu'el segle es
Me plazetz e m'atalentatz,
E yeu soy, dona, so sapchatz,
25 Sel hom el mon que pus vos am
E que per autra nom reclam ;
Vostre soi per queus plassa far,
E nous poiria tôt comtar
Lo fin cor e la voluntat
30 Que m'avetz vos et amors dat
Del dezir, com queus fos afans,
Que nom aondaria .i. ans.
Si no crezetz que sia ver,
Aujatz com o podetz saber:
Ms, say. — ^ Ms. lay.
DARNAUT DE MARKUIL 61
35 Bona dona, sol non diatz^...;
Mandatz me tôt can vos vulhatz,
Nom recreirai de vos amar ;
Que res als nom podetz mandar
Qu'ieu no segua vostre voler,
40 Mas so don non ai ges poder.
Perquem meravilh mot de vos,
Bêla dona, cortez' e pros,
Per que reman, cant n'avetz aitz,
Car major amistat nom faitz,
45 Sieus endeve per non amar
Ous en fa temensa laissar;
Car, segon so quem es parven.
Si maj m'aimassetz finamen,
En pauc d'ora mi pogratztan
50 Far d'amor e de bel semblan
Don visquera tota[s] sazos
Alegres e bautz e joios.
Bona dona, per que reman,
Seran tos temps tug miej prec van.
55 Dieus ! ta mal estet car anc fo
En mon cor tan gentil faisso ' I
Dona, per Dieu e per merce,
Adossatz vostre cor vas me,
Sostenetz me lo ters ol cart
60 Del dezir quem destruy em art !
Dossa dona, per qu'ieu me clam,
S*aisi finamen co jeus am
Eus tenc sobre tôt cant es car,
Vos pogues mon oor demostrar,
65 Ab aitan me fora ben près,
Que non cre nim albir nim pes,
Cane tan non amey luenh ni prop,
Dona, ne mon cor non T atrop,
^ Il doit manquer ici au moins deux vers, plus probablement quatre, qui
étaient le complément de diatz : « pourvu que vous ne me disiez pas (de cesser
de vous aimer?). >
« Corr. gentils faissos et, au v. précédent, /bs? 5*
62 POESIES INEDITES
Que ieu nulha res tant âmes
70 Co yeu am vos, sim ajut fes I
Ane, pus vos vi, ni nueg ni jor,
Nous aie mas bon eor e melhor.
Tant es ûna ma voluntatz
Vas vos, dona, que res nom platz
75 Si nom pes c^a vos sia bo ;
Ni ja Dieus senes vos nom do,
Q'ieu no vuelh, dona, joy ni be,
Mas segon la vostra meree,
On avetz pausat et assis
80 Mon eor, qu'es mot liais e fis ;
Si que mos majers pessamens
Bêla dona, doss' e valens,
Es tôt per far vostre plazer.
Que d'als non puesc cossir aver.
85 Ieu nous poiria ges comtar
Ni per negu escrig mostrar
Com ieu vos am veraiamen,
Car, so sapehatz certanamen,
Non auria us escrivas,
90 Ja no séria tan certas,
Eserig lo ters ni la mitât
De la dossa, fin' amistat
Don mon cor es lassatz per vos ;
Qu'ieu non cre que nulhs homs c'anc fos
95 Pogues sofrir los mais qu'ieu traj
Per vos, dona, quem tenes lay
Mon cor, que nos pot ges partir
De vos, sin sabia morir ;
E pus mon cor tenetz en gatje^
100 Car nous vey noi aia dampnatje.
Car sapehatz, sitôt m'estau say.
Lai on vos es mon cor estay.
Vers es que los cors * son essems
E ja nos partiran nulh temps ;
105 A calque part lo vostres vir,
* Corr. H cor.
DARNAUT DE MARBUIL 03
Lo mieu[s] nos vol de vos partir.
Dona lo foc[s] qu'ieu ai d'amor,
Quem fai blasmar a cascun jor,
. Me toi c'aras nous puesc may dir,
110 Per quem n'aven si a gequir.
Dieus sal vos, en cuy es assis
Mos joys, mos deportz e mos ris.
Yalham chauzimens e mer ces !
Non puesc may dir ; falh me Taies .
m*
(Bibliothèque nationale, ms. 22543) >
[P* 134, p**] Totas bonas donas valons
Cuy joy[s] [e] deportz e jovens,
Ensenhamen[s] e cortezia,
Jent[z] aculhir[s], bella paria,
5 Certes respos e bel[sl solatz,
Cuy bel[s] ris agrada e pi atz,
Creis[sa] Dieu[s] de pretz e d'onor,
Bona dona, per vostr' amor.
En cuy joy[s] e jovens ^ s'atura
10 May[s] c'ab nulh' autra creatura *;
E sels que de joy so amicx
Sal| e baisse • . s mou destricx
E los enuios els engres*^.
> Raynouard (Choix, V, 47-49) a publié seulement des fragments de cette
pidce(66 vers en tout), qui ont été reproduits par Mahn, Werke, I, 174-176.
— Raynouard n'a non plus donné que des extraits {Ihid., 46-47) d'un autre
iàlut d'Arnaut de Mareuil [Cel om vos etz al cor plus près); mais ce der-
nier a été depuis publié m extenso dans YArchiv de Herrig, t. XXXIV,
p. 429, d'après le ms. 3207 du Vatican. On ne devra donc pas s'étonner de
ne pas le trouver ici. — % Le ms. est d'une lecture très-difficile en certains
endroits, par suite de l'effacement des caractères, surtout à la fin du folio 134,
r». Il y a là quelques fins de vers que ni moi, ni M. Boucherie, qui a bien voulu
revoir ma copie sur le ms., n'avons pu réussir à déchiffrer.
* Mot rétabli par conjecture. Le ms. ne laisse lire que la première lettre (j)
et la dernière, qui paraît plutôt être un c qu'un s,
* Ms. a,.. a (j'indique par les points trois lettres illisibles) cata^ avec le
signe abréviatif de ur au-dessus du dernier a,
» Corr.: Salv, e baisse mova destricx ,
Àls enuios e als engres ?
64 POESIES INEDITES
Mas VOS, que m'etz* al cor pus près,
15 Salv e gart sobre totas res
Eus don cor queus prenda merces.
Dona ', d'aisso qu'ieu vos dirai
Nom sia dans si pro noy ai.
Uzatjes es e dreitz, som par,
20 Qu'en bona cort deu ben parlar
Messatje[s] tôt asseguratz
De tôt aco que es mandatz.
Mas pero, sitôt s'es uzatje,
E no m'en forses senh coratje',
25 Nin pogues escapar estiers,
No volgra esser messatgiers
D'aisso que eras vos dirai.
E doncx, bona dona« sieus plaj,
Pus per forsa soi sai trames,
30 Aiso que vos dirai nous pes ^,
Que amors c'a la senboria
De tôt cant que el segle sia ^
Me guida segu
Que nom siatz de breu^
35 D'ayso qu'es ben leu per...
Car sabetz que nostra^
[Po 134, V*] Ni 0 faratz* ni o faretz
A totz los jovns que [vos] vieuretz,
Denan vos me tramet aisi
40 Mon cor, que sap liai e fi,
* Mot illisible dans le ms. et rétabli par conjecture . Cf. la fin de Razos es
e mesura et le premier vers du salut mentionné dans la note i de la page
précédente.
* Lecture très-incertaine. Le d initial seul est sûr; la seconde lettre paraît
être plutôt a que o .
* Ms. coratje senh. Corr. Si no m* en ? ou, mieux, Si nom forses sens
e coratje?
* Mot illisible, rétabli par conjecture.
^ ff segle sia. » Leçon probable, mais lecture incertaine.
•Corr. brau? Le moi qui doit suivre est peut-être respos,
7 Ou nostre. Trois lettres plus loin, on distingue un h,
^ Corr. feratz ou feiratz ?
d'arnaut de MARBUIL «5
De bon engenh ad ops d'amar,
Per servir e per tener car,
E per selar e per sofrir, •
Per honop ^ e per aculhir,
45 Per tôt cant aman[s] deu aver,
Que res noj falh de son poder,
E qui de son poder es bos,
Nol deu pus demandar razos.
E ditz que vos es sela res
50 Guy cove maj honors e bes
Etobesirse carsteners,
Servirs et honors * e temers,
C'a nulh' autra ses contenso ;
Per so vol e manda que[mj do
55 Aisi a vos per bona fe
Que res no y aia part en me
Mas vos sola, foras de Dieu ;
E si Dieus deg[u]es tener ûeu,
De vos tengra la sua part.
60 Per so que non agues regart
Qu'ieus fos de mi forfatz pariers,
Mas que fos ûs e drechuriers,
Que ja non er contrarios
Que no fassa totas sazos
65 Com del tôt al vostre voler,
Aisim comanda remaner
Amors ab vos e m^o ensenha ;
Car el a poder que destrenha
Trastot cant es e pot o far ;
70 Per qu'ieu no vuelh fols contrastar,
Ni o faria que pogues,
Mas d'aitan qu*ieu nous o disses
El bon coratje qu'ieu vos ay,
Si m'ajut Dieus, ver vos dirai
75 Me platz, dona, que nulha res
Nom plac mays tan quem avengues,
E grazisc o de mon poder^
• Corr. honrar. — ' Corr. honrars.
d6 POâsiBS INBDITBS
Car m'a donat tanc rie voler
Amors ab sol que nom forses
80 Que per paraulas o mostres,
C'amors me ditz que vostre sia
E no m'en parta nneg ni dia,
Que nous o disser' a nulh for,
Ans selera tostemps mon cor,
85 E fora vostre coma suy .
Mas amors, dona, nous enuj,
Vas cuy non pot valer esfortz
Que non destrenhalos pus fortz.
Non cossen pas amors selar
90 Enans lom faj a vos mostrar.
Car tresaur[s]* se pert a senhor
Sitôt ses dan sia honor '
Trol senhor sap lo loc on es.
Atressi, bella franca res,
95 Fora lo mieus fis cors perdutz.
Si per vos no fos conogutz .
Mas ara vos ai demostrat
Aisi com amors m'a mandat ;
E pus mon cor [ara sabetz],
100 Per la valor e per lo pretz.
Que ieu, dona, vos clam merce,
Quel fin cor e la bona fe
Qu'ieus ai non getes a non cura ;
Franca res, fina, car' e pura,
105 Res nous quier de tôt quant avetz
Mas so que tolre nom podetz ;
Tolre nom podetz que nous am,
Neys s'ieu e vos o voliam,
Que no m'o cossentri 'amors
110 Ni no m'o tolria paors ;
Qu'ieu nous quier autre guizardo
Mas solamens queus sia bo
Qu'ieus am, e sitôt bo nous es,
Sivals faitz semblan que nous pes.
* Ma. treiaur.^ * Ms. ?iôr.
DARNAUT DE MAREUIL 67
115 Si per m'amor non o sufretz
Sufretz 0 endreg vostre pretz ;
Car mot l'es ops sapcha sofrir
Qui vol a gran honor venir;
Si m'avetz mal cor, no me * lais;
120 Greu m'es, dona, mas non puesc mais,
Que no m'en sai venjar estiers,
Mas d'aitan vos serai gueriers
A vos aurai amor coral
Et a mi meteys voirai mal
125 E laissarai chant e déport
E marrai trist ab desconort,
Si vej que vos plassa mos dans
E nous sia bos mos enans.
Aquesta venjansan penrai
130 Que jes autra penre non sai.
• Mi ejs puesc ieu ben azirar,
Mas ja vos non puesc dezamar,
Ja per res del mon quem fassatz .
Tan m'es plazens vostre solatz
135 Non er jorn[s] a tota ma vida,
Dona cortez, e issernida,
Que per uzatj'e no sopley
On lo vostre gen[s] cors estey,
G'amors m'a ins el cor enclaus
140 Vostra valor e vostre laus,
L'ensenhamen e la beutat,
La franqueza, l'umilitat,
La cortezia el gen parlar,
Lo jen solatz el domneyar,
145 La vostra bêla captenensa,
Lo saber e la conoissensa,
Lo dos semblan gay amoros,
Lo plazen avinen respos,
Lo vostre jen cors cuend 'e gay,
150 Ab tan cos cove ni s'eschay
De tôt sen e de tôt saber
*eorr. m'en?
POESIES INÉDITES d'aRNAUT DE MARËUIL
Que bona dona deu aver.
Tug aquest avinen plazer,
Que negus no s'en pot mover,
155 Guardon a la vostra honor
Mon cor per mandamen d'amor,
El tenon si assolassat
Ab aitan fina voluntat
Que noy intra autre voler
160 Ni auzaria remaner.
E pus de vos nom puesc partir.
Si autre be nom deu venir,
Per Dieu e per merce vos clam
Que nous sia greu car vos am,
165 Que no me puesc partir ni au s,
C'amors a près de mi las claus ;
Aisi a vostre salvautôn
Tôt' autr' amistat mi defen :
Cal quem fassatz, o mal o be,
170 Vos am eus amarai jasse ;
E fin' amor[s] per sa merce
Metaus en cor que ametz me.
Digatz tug amen per amor
La donas e 11 amador.
175 Dona.
(A suivre,)
PARAPHRASE
DES PSAUMES DE LA PÉNITENCE
(Ms. 308 de la bibliothèque d'Angers*)
[po 300, r«J 1. Una 'spina cruzel
Dedans mon cor demora,
Plus amara que fel,
4 Qui neyt e iorn m'acora,
Don fem languir
He esbayr
7 Per sa punctura.
2. Lo broc quim fe languir,
So es lo iutyament,
Au quai ey comparir
11 Sens nulh defalhiment,
Don mot sospir
Me fe sofrir
14 Quant mi re corda.
, 3. De tôt mon estament
Aure io redre conte,
En aquel iutyament,
18 Ho syay rey o conte,
Au rey très gran,
Diu sobiran,
21 Vertaderiutge.
4. Iorn sera de iusticia
He plen de gran furor.
0 iorn de gran tristicia
25 He plen de gran dolor I
Tôt hom maubat
Sera dampnat
28 Sens plus remedi.
5. Tôt home peccador
Deu aver gran temensa
* Copie due à l'obligeance de M. L. Constans.
70 PARAPHRASE
[V*] De quet iorn de tristor,
32 He deu sa consciensa
Ben [esjpurgar
He Dias pregar
35 Que lo perdone.
6. Exemple nos donec
David gran peccador,
Car a Dius demandée
39 Merce, fasen gran plor,
Set saumps disen
Devotamen,
42 Los qui s'en seguen.
[Saum VI]
Domine ne [in furoré] J.
1. Ihesus, mon Diu he mon désir,
Assi me volhas corregir,
No pas lo iorn de iutjament
46 Lo quai faras yradamen.
2. Ihesus, mon sen he ma rason
Passan granda turbation ;
So es car io Vej offendut ;
50 Per ta merce, donam salut.
3. Ihesus, a ma inôrmitat
Donar tu podes sanitat ;
Prec te donc sens plus demorar
[po 301] 54 Volhas me garir e sanar.
4. Ihesus, volhas me convertir
De mos peccatz he fer salhir ;
Mon anima volhas salvar,
58 Per ta merce, no pas dampnar.
5. Ihesu9, degun, can mort sera,
Convertir no se podera,
DES PSAUMES DE LA PENITENCE 71
Ni fer penitensa plasent,
62 Quan vendra en ton iutyament.
6. Ihesus, per so io yolh purgar
Ma consciensa he lavar,
Fasen gran plor he gemiment
66 Estan en la vita présent.
7. Ihesus, io sonc envelhesit
Per mos peccats don ej faJhit ;
Turhat es mon entendemen,
70 Car ej venir au iutjament.
8. Ihesus, Sathan he Beljal
[Vo] M'an donat conselh de fe mal.
Preg te, fe los de my fugir
74 He mon plor volhas exausir.
9. Ihesus, mot grans defalhimens
Ey cometutz verajamens ;
Preg te me syan remetutz
78 He garnes me de tas virtutz.
10. Ihesus, volhas illuminar
Los peccadors he enclinar
Per se convertir soptament,
82 Dabant vengan au yutyamen.
[Saum XXXI]
Beati quorum
1 . Ihesus, baptisme ordenes
Au quai tu gran virtut don es,
Car tôt peccat es remetut
86 Lo iorn que hom Ta recebut.
2. Ihesus, aquetz son ben huratz
Qui seran estatz baptizatz,
[po 302] Mas que se garden de peccar
90 Ho que se volhan confessar.
3. Ihesus, per so io ey peccat
72 PARAPHRASE
Car ben fasen me sonc vantât ;
Mos peccatz no ej conegut
94 Ne confessatz per ma salut.
4. IhesuS; io t'ej mes en oblit,
Car eus peccatz me sonc dormit,
He tu m'as batut asprament,
98 Per me dona recordament.
5. Ihesus, per so quan m'as batut,
Mos peccatz io ej conegut,
Los quais voli denunciar
102 Devotament he confessar.
6. Ihesus, io ey délibérât
No plus demorar en peccat ;
Penitensa voli portar,
106 Per que me volhas perdonar.
[Vo] 7. Ihesus, tôt sant o peccador
Te deu pregar ab gran dolor
Merce Io temps expédient,
110 So es en la vita présent.
8. Ihesus, los qui auran perdon
De tu, estan en aquest mon,
Seguramens poyran venir
114 Au iutyament he comparir.
9. Ihesus, tu has auctoritat
De remete cascun peccat :
Preg te volhas me perdonar
118 He gardam de no plus peccar.
10. Ihesus, a totz los penitens
Tu as promes seguramens
De los ensenhar los camys
122 Per venir en ton paradys.
11. Ihesus, tais camys has mostrat
Quascun fugisque tôt peccat,
[F* 303] Ho que se volha corregir
126 Humilment he plus no falhir.
12. Ihesus, los qui nos corregiran
DBS PSAUMES DE LA PENITENCE 73
Per tu greument punitz seran
De fams, guerras, oppressions ,
130 Malautias, vexassions.
13. Ihesus, major mau los daras
Quan lo iutyament tu faras :
En infern totz seran botatz
134 Hon tostemps seran turmentatz.
14. Ihesus, qui se corregiran
He merce te demandaran
Poden estar alegrament,
138 Car tu los daras saubament.
Saum XXXVII
Domine ne in fu[rore] .ij,
1 . Ihesus, tu qui es mon désir,
Preg te volhas me corregir
Segon ta merce dossamen,
[Vo] 142 He nom dampnes yradamen.
2. Ihesus, grandas afiietios
Passi he greus punicios
Deu cos he de mon esperit,
146 Car contra tu io ej falhit.
3. Ihesus, ne ma carn ne mos os
Non han sanetat en mon cos ;
Totz mos esperitz sonflaquatz
150 Per causa de mos grans peccatz.
4. Ihesus, mon arma vexament
Passa he mot gran turbament ;
Be sonc en grans penalitatz,
154 Per mas grandas iniquitatz.
5. Ihesus, deus peccatz gariment
Agu en mon baptizament ;
Puys ey grans vicis cometut
158 Dont sonc pudent he corrumput.
PARAPHRASE
6. Ihesus, car io non ey servat
[F® 304] Tos mandamens tu m'as curvat ;
Sens dolor sens afiigiment
162 No serej en vita présent.
7. Ihesus, grandas illusions
Passi he grans temptacions^
Neyt he iorn per mos enemicx,
166 Los diables vilhs he anticx.
8. Ihesus, ma carn, mon esperit
Per mos mais tu has affligit ;
Mon cor plora fort he gémis,
170 Desiran lo ton paradys.
9. Ihesus, ab lo ton gran regart
Tu beses en cascuna part ;
Mon désir ves he gemiment,
174 Lo quai es que volh salvament.
10. Ihesus, mon cor es ben turbat,
Car per mon deshonest (ey) peccat
Lutz e virtut me defalhis,
[V^] 178 Per venir hen ton paradis.
11. Ihesus, per que lum io agos,
A mort crusel morir volgos ;
Los lusyus don tu es salhit
182 Ligueren te puys t'an ferit.
12. Ihesus» temensa de morir
Tos apostols fec totz fugir ;
Grans obprobris, escarnimens
186 Tu sofris en totz sentimens.
13. Ihesus, quan fos lyurat a mort,
Faus testimonis fon d'acort ;
Iniustamens fos iudicat
190 He sens causa crucificat.
14. Ihesus, per ta gran la virtut
Lavetz tu fos cum sort he* mut,
Car sofris pacientamens
194 Totz obprobris he totz turinens.
DES PSAUMES DE LA PÉNITENCE
15. Ihesus, cum fossas filh de Diu,
[Fo 305] Home te monstres ben humiu ;
Cum Tanhel sofris passion
198 Senz fer nulha rébellion.
16. Ihesus mon Diu he mon sorelh,
Ma 'speransa he mon conselh,
Preg te volhas me exausir,
202 Pus que bas tant volut sofrir.
17. Ihesus, mos vicis he peccatz
Preg te me syan perdonatz ;
De mi nos puscan alegrar
206 Mos enemicx ne s'en trufar.
18. Ihesus, cum te sera plasent,
Volh sustenir flagellament.
De mos peccatz ey gran dolor
210 Per so que soj gran peccador.
19. Ihesus, io volh denunciar
Mos peccatz he los confessar ;
Deus vicis me volh corregir
rv°] 214 He hobras de virtutz complir.
20. Ihesus, vins son mos enemicx,
La carn, los demonis anticx,
He lo mon qui me fen peccar
218 Neyt e iorn qua[s]i sens cessar.
21. Ihesus, après confession
Etz me donan temptation ;
Fen me leyssar virtutz plasens
222 He tornar aus vicis pudens.
22. Ihesus, mon Diu he mon Senhor,
Mos enemicx ban gran valor :
De my not volhas espartir
226 Per que los poscay resestir.
23. Ihesus, mon Diu he ma salut,
Mon senhor qui m'as redemut,
Dam secors he aiudament
230 Per venir en ton saubament.
76 PARAPHRASE
[Saum L]
Miserere
[F® 306] 1. Ibesus mon Diu he Salvador,
lo soj gran he vilh peccador;
Preg te volhas me perdonar
234 Per ta merce, no pas dampnar.
2. Ihesus, tu has donat perdon
Ans qui sos peccatz conegon :
Prec te donc per ta pietat
238 Perdones ma iniquitat.
3. Ihesus, peccat ey doblament
Per obra he consentiment ;
Prec te volhas me tu lavar
242 De tôt peccat he netejar.
4. Ihesus, ma gran iniquitat
lo coneg he mon gran peccat ;
Desplatz me quar Tej cometut,
246 Preg te volhas me dar salut.
5. Ihesus, en ton regardament
Peccat ey deshonestament ;
[V®] Preg te volhas me perdonar
250 Cum tu has feyt prophetizar.
6. Ihesus, quan io fu engendrât
Encontinent fu en peccat,
Puys ey peccat actualment ;
254 Preg te, dgnam perdonament.
7. Ihesus, mon Diu he mon Senhor,
Tu as bertat en gran amor ;
Preg te que[m] dones donc salut
258 Ayssi cum tu has prometut.
8. Ihesus, per mon defalhiment
lo soy meset, vilh he pudent ;
Lavar me volhas en ton sanc,
262 He tornare plus que neu blanc.
DBS PSAUMES DR hL PENITENCE 77
9. Ihesus, mos génois enclinatz,
Preg te remetas^os peccatz ;
Pujs estare ioyosament,
266 Demoran lo ton iutyamen.
[F® 307J 10. Ihesus, no volhas regardar
Mos peccatz ne los recordar ;
Preg te syan totz desfaâSatz,
270 He totas^mas iniquitatz.
11. Ihesus, yolhas novelament
Mon cor fe.nete he plasent,
He mon [e]sperit dreturer,
274 Que tu sjas son desyrer.
12. Ihesus, deu gracies regart
De ton visatge donam part ;
En aquest mon syay complit
278 Deus doos de ton sant [e]sperit.
13. Ihesus, peccan io ey perdut
Lo gran plaser de ta salut ;
Preg te volhas lom retornar
282 He gardam plus de no peccar.
. 14. Ihesus, quan serey perdonat,
Aus peccados sera donat
[V®] Exemple de se convertir
286 He tos commandamens complîr.
15. Ihesus, mon Diu he ma salut,
Penas d'infern ey encorrut ;
Preg te que m'en volhas gardar
290 Affin que iot posquay lausar.
16. Ihesus, per mos defalhimens
Totz son barratz mos sentimens ;
Obre los per ta gran dossor
294 He disere ta gran lausor.
17. Ihesus, los anticx sacramens
Haras no te son plus plasens ;
Plus perfeytz los has ordenatz,
298 Per nos purgar de totz peccatz.
78 PARAPHRASE
18. Ihesus, a tu es mot plasent
Lo cor contrit he pénitent ;
Prec te sya donc acceptât
302 Mon cor per sa humilitat.
[po 308] 19. Ihesus, volhas benignamens
Tractar he graciosamens
Totz peccados he perdonar
306 He puys ton paradys donar.
20. Ihesus, quan nos ab tu seram,
Perfeytamens te lausaram,
Sens defenir eternalmens,
310 De lausors quet seran plasens.
[Saum CI]
Domine exaudi .j.
1. Ihesus, fasen mot gran sospir,
Preg te que volhas exausir
Mas de votas oratios,
314 Clamors he supplicatios.
2. Ihesus, preg te io de présent,
Ab cor humil he pénitent.
Ver my tu vires ton regart,
318 De ta merce fasen me part.
3. Ihesus, tôt iorn sonc tribulat,
[V ] Mas so es per mon gran peccat ;
Preg te volhas me consolar
322 Soptamens sens trop demorar.
4. Ihesus, trist es mon esperit
Car contra tu io e j falhit ;
Morir me falh sopt[os]ament
326 He venir en ton iutyament.
5. Ihesus, mon cor es sens virtut,
Gum es lo fen quan es rumput,
So es per mos defalhimens
DES PSAUMES DE LÀ PENITENCE
330 Romput ey tos comandamens.
6. Ihesus, lo djable perdut
Mos sentimens ha decebut,
He ma rason ha consentit
334 Aus sentimens don ey falhit.
7. Ihesus, per t(ayamor sobiran,
Feyt has cum fe lo pellican
Ton costat precios traucar,
[F** 309] 338 Per nos autres beneficar.
8. Ihesus, très iorns tu has dormit
Cum niticorax sepelit ;
Apres lo passer tu semblés
342 Car valentmens resuscites.
9. Ihesus, mot granda passion,
Derrisimens, turbacion,
Obprobris he escarnimens
346 Tu sofris per mos falhimens.
10. Ihesus, pan de penalitat
A(d) dolor per mi has minyat,
Begut potatge fort amar ;
350 Preg te volhas me perdonar.
11. Ihesus, tu es mon creator,
En après fos mon Salvador ;
Puys tant' honor me as donat,
354 Preg te que no siay dampnat.
12. Ihesus, per so quan ey falhit,
[V°] Lo meu temps tantos es complit,
Mos iorns passan leugeramens,
358 Cum- fen la umbra he los vens.
13. Ihesus, tu no has mudament,
Ans demoras eternalment ;
Totas causas ve ton ulh gran
362 Estadas que son he vendran.
14. Ihesus, merce tu has agut
De nos, quan a tu [a] plagut,
He te demostres en Syon,
80 PARAPHRASE
366 Sas las mas de sent Sjmeon.
15. Ibesus, primer fes predicar
Tos apostols he explicar
Aus lusjus ton adveniment,
370 Per los menar a salvament.
16. Ihesus, après etz convertin
Los gentils, motpoble mesquin ;
Rejs he grans senhors an doptat
[F® 310] 374 Ton nom sant he ta podestat.
17. Ihesus, ta fes lo firmament
De nostra fe he bastiment
En Sjon, la on prediques
378 He grans miracles demonstres.
18. Ihesus, ab gran humilitat
Los anticx pays t'an supplicat
En lo mon volossas venir,
382 He tu as complit lor désir.
19. Ihesus,lo gran reparament
Que has feyt he consolament
Scriure se deu he nunciar
386 A totz, per te remerciar.
20. Ihesus, per ta benignitat,
Prees has nostra humanitat,
He cum fossas Dius eternal,
390 Es de feyt home temporal.
21. Ihesus, tu per sot'encames
[V®1 Per nos deljurar presones ;
Tôt hom era près he estacat,
394 Per causa deu primer peccat.
22. Ihesus, aquest misteri gran
Que tu fes he tan sobiran
Tu bos que sya prédicat,
398 He lo ton nom glorificat.
23. Ihesus, rejs he pobles petitz,
Tu vos que totz sjan unitz
DhS PSAUMES DE LA PBMTBNCE 81
En ta fe [he] tos sacramens
402 He te servescan sanctamens.
24. Ihesus, perfeyta es ta ley
En la quai fermamens io crey,
He darara sens aver fin
406 Entre que sera segleôn.
25. Ihesus, fem viure iustamens
He tenir tos comandamens,
En m os petitz iorns tempérais
[F* 31 1] 410 Per venir eus tos eternals.
^ 26. Ihesus, primer tu as créât
La terra, la quai es débat;
Los cens crées parelhament
414 He tôt quant es verayament.
27. Ihesus, quan lo mon desfaras,
Los cens qui son tu mudaras;
Plus no faran lor movement
418 Apres lo iorn deu iutyament.
28. Ihesus, lavetz mudatz seran
Totz helemens he cessaran ;
Tu duraras sen feniment,
422 Car tu es Dius eternalment.
29. Ihesus, los crestians fiseus
Habitaran ab tu eus cens,
Apres la vita temporau,
426 En ton paradis eternau.
[Saum CXXIX]
De profundis
[V**] 1 . Ihesus, en grans profunditatz
Sonc de mos vicis he peccatz ;
Preg te, mon Diu he mon Senhor,
430 Volhas exausir ma clamor.
2. Ihesus, ab lo ton ausiment
S2 PARAPHRASE
Pietados he ben clément,
Auyas ma depreoation,
434 Fejta dab grau devocion.
3. Ihesus, mon Diu he mon Senhor,
Si tu voles ab gran rigor
Totas iniquitatz punir,
438 Degun no pojre sostenir.
4. Ihesus, en tu es tôt poder
De perdonar he lo voler,
Car ta lej nos ditz claramens
442 Merce auras deus penitens.
5. Ihesus, car tu as prometut
A us penitens donar saluh
fP"312] Mon arma he mon [e]sperit
446 Confisan en so que has dit.
6. Ihesus, despujs lo nascement
Fins a la mortverayament
Vos que en tu nos confisem
450 He merce nos te demandem.
7. Ihesus, de totz maus he périls
Tu podes delyurar tos filhs,
Car tu as habundosament
454 Merce per donar salvament.
8. Ihesus, misericordios
Tu seras de totz peccados
Que son vertades penitens;
458 Perdonam mos defalhimens.
[Saum CXLII]
Domine exaudi .ij.
1. Ihesus, pietadosament
Ausir me volhas de présent
He perdonar ab gran dossor,
[V**] 462 No pas punir segon rigor.
DBS PSAUMBS DE LA PENITENCE 83
2. Ihesus, non volhas playdejar
Encontra my ne disputar,
Car io confessi clarament
466 Haver peccat yjlanament.
3. Ihesus, contra tu ey falhit,
Lo diable m'a perseguit
He feyt amar bées terrenaus
470 He leyssar los celestiaus.
4. Ihesus, en las obscuritatz
De totz vicis he de peccatz
M'a coUocat he sepelit ;
474 Lo cor n'ey trist he Tesperit.
5. Ihesus, quan ey recordament
De so que fes antiquament
Contra los peccados passatz,
478 Mos sentiments io ey turbatz.
6. Ihesus, de paor soy rumput,
[W^ 313] Cum terra quan no ha plagut ;
Las mas expandi humilment
482 A tu quem dones salvament.
7. Ihesus, quasi m'es defalkit
Degran paor mon esperit ;
Preg te, mon Diu he mon désir,
486 Tantos me volhas exausir.
8. Ihesus, lo ton visatge clar
Contra my no volhas virar,
Ayas merce de mos peccatz,
490 No ressembli los desperatz.
9. Ihesus, perdonam soptamens
Mos vils peccats he falhimens ;
Ma 'speransa he ma salut
494 Tu es, car tu m'as redemut.
10. Ihesus, monstra me los camis
Per venir en ton paradis ;
Ver tu levi mon esperit,
[V°] 498 Donam perdon, car ey falhit.
84 PARAPHRASE
11. Diesus, Yolhas me deliurar
Deus enemicx he defensar ;
Cum syas mon Dius de vertat,
502 Monstram complir ta voluntat.
12. Ihesus, yolhas me fe régir
Au bon esperit sens falhir ;
La mort d'infern io ey dessus,
506 Fem viure per ton nom, Ihesus.
13. Ihesus, Yolhas me consolar
Per ta merce he dely[u]rar,
He fe mos enemics fugir,
510 Nom fassam per tos temps périr.
14. Ihesus, tu es mon Salvador
He yo ton humil servidor ;
Preg te volhas me donc salvar
514 He mos enemicx descipar.
1 . O Vergis plena de dossor,
[F* 314] Mayre de nostre Salvador,
Vostre car filh volhas pregar
518 Ihesus quens volha perdonar.
2. O sancs he sanctas, de présent
Pregui vos totz devotament
Ihesu Crist volhatz totz pregar
522 Que totz nos volha perdonar.
Oratio Manasse
0 Payre, Filh, Sant Sperit, très personas .j. dius eternal,
inmortal, senhor tôt poderos, plan de misericordia. Tu Sen-
hor, per la tua gran bontat, ordenes penitencia per los pec-
cados, no pas per los sancs homes cum son Abraham, Ysaac
he lacob qui no han contra tu peccat en deguna maneyra. Tu
Senhor, per la tua gran misericordia, feyt has permission de
DBS PSAUMES DE LA PENITENCE 85
donar perdon, salut, remission [V**] atotz peccados qui peni-
tencia fer voleran, he ha lor fin paradis on es la tua gloria.
Tu, Senhor, per mj has donc ordenat penitencia, que sonc
vilh peccador he sus totz plus abhominable, car mos peccatz
sobermontan lo nombre de las arenas que son en la mar, per
los quaus no sonc digne veser ne regardar lo ceu ne las es-
telas. Senhor, mos grans vicis me tenenligat, greumens pre-
mut et estaquat, he de lor no podi salhir ne estre delyurat
sens de ton adjutori. Senhor, a causa de mos grans peccatz io
ey encorrut la tua yra he ta endignation, he sonc digne de
dampnacion ; per so , mos génois enclinatz, monstran humili-
tat, recorry a la tua gran bontat [P° 315], cridan misericor-
dia. Senhor, contra tu ej peccat, Senhor, contra tu ey falhit,
Senhor io coneg mon peccat, preg te donc no siay dampnat,
ab los dampnatz ne collocat, qui son dejus la terra. Senhor,
no sonc pas digne de haber ton paradis, per causa de mos
grans peccatz ; mas preg te volhas me salvar, segon ta gran
bontat, per ta misericordia ; he io lausare lo ton sanct nom en
la vita présent, he après ab los angels qui td lausan devota-
ment m secula seculo9*um. Amen.
NOTES
Vers 5. « fem. «Ms. son ou Ion?
13. « Me. » Ms. oxf
108. « pregar. » Corr. cridarf ou merce est-il ici, non pas le régime
direct du verbe, mais une préposition gouvernant lo temps f
127. «corregiran^ » Covt. pentiran? On pourrait encore rétablir la
mesure en supprimant los. Cf. v. 135.
134. « seran. » Ms. seram.
218. « qula\si. «Cf. v. 483.
256. « tornare. » Ms. tornaxe.
310. «seran. »Ms. seram.
318.«beneficar.)) Lecture incertaine ; il parait y avoir buuficar dans
le ms.
348. Ms. Ad c^o/or, ainsi divisé, sans doute pour addolor =a dolor;
ou corr. Ah dolor?
Page 84 dernière 1. <( senhor. » Ms. henhor,
— 85 1. 14. « mon. » Ms. mot.
— 85 1. 16. Corr. ne ab los dampnatz collocat, ou simplement
ne en nof
(A suivre.)
7
Dialectes Modernes
POÉSIES LANGUEDOCIENNES
DE LÉON ROirVIÈRE
(Suite et fin)
PROVERBES 1
1 . Qé rébéia lou chi can dor,
Se lou mor,
N'a pas tor.
2. Që boou à touta peira soun coutel aguza,
A tout balat soun chibal abuoura,
A touta ûeira sa fenna passécha,
A la fin de Tan noun a qu'un coutelou, una rossa e una
p...
3. Qé fai las pars é qé s'engana mérita de pati.
4. Qé per aze se loga, per aze caou que serbighe.
5. Qé boou de pei, moia l'arpa.
6. Q'émbé d'enfans s'en bai dourmi,
M. . • se léba lou mati.
7 . Qan-t-un bilén s'alarga, tout jé bai.
8. Qé mestres bolou é qé barlés plourou, aco 's de larmas
estrassadas.
9. Qan-t-on mancha, caou faire un es. . .
10 . Qan-t-un aoubre es toumbat, tout lou mounde couris à
las brancas.
11. Cassaire à las pantas, pescaire d'aiga doussa,
Ohamai n'acampou moussa.
12. Faou estacaTaze ounte lou mestre lou boou.
13. Seloun lou ben, faou métré la bêla.
* Ils ODt été transcrits par Rouvière sur quatre pages cgoutées à la fin du
Dictionnaire de l'abbé de Sauvages (Alais, Martin, 1820, 2 v. in-S").
POESIES DE ROUVIÉRK 87
14 . So que poun,
Roun.
15. Se metes toun bi dins una michanta tina, sentira à maou
net.
16. On a beoa sibla, qan Faze bôu pas buoure.
17 De rassa,
L»ou chi cassa.
18. Lous cas fan pas dé chis.
19. P...écMs
Ménou pas qé rebaladis.
20 . Adrech couma lou c. . . . d'un por qé se bara sans cour-
dils.
21 ^ Boou mai suza qé trambla.
22 . Cocha-te tar é léba-té mati,
Faras enracha toun bézi.
23. Qan papiés parlou,
Barbas calou.
24. Boou mai un qé sap qe cen qé cercou.
25. Peira qé roUa n'acampa pas moussa.
26. Nostra-Dama de Goura-goura,
Qé yé quita pas de peou, yé quita de boura.
27 . Fenna morta,
Archen porta.
28. Fenna biba,
Archen tira.
29. Couma las castagnas daou Bigan, una bona emV una
michanta.
30. Se vos pa perdre, té caoupas chouga.
31. Aco se plaidecha à Bedarious.
32. Chacun soun escot, lou bi es pas cher.
33. San li fremos, leis omes sian d'ours maou lipas.
34 Voou peta pus naou qe lou ki. . . .
35. L'aze de moussu Berge roun, d'oun mai es cargat, d'oun
mai tira.
36. Lous enfans de Jhérusalem,
D'oun mai anan, d'oun men balen.
37. A fach couma lous toupis de sen Qinti, s'es perdut per
la coueta.
38. Las paraoulossounde fumeloS; lous cos soun de mascles.
88 POÉSIES DE ROUVIÈRE
39. Lamesso es dicho, lou capélan s'es enana.
40. Troubarié pa d'aigo à la mar.
41. Quicon ja, can lou chi chapa.
42. A la porto d'un jhougadou,
Tantô choio, tantô doulou.
43. Q'a mâla fénna, la deou batre ;
Qe Ta bona, la deou léca.
44. Fenna blassada
Es mitât empregnada*.
* Les qo» 14, 33 et 34, — peut-être même 30, où Bouvière emploie, con-
trairemeut à son habitude, le v pour le à {vos pour bos) — appartiennent au
provençal (provençal-nimois?).
Les finales féminines en o des n»* 38, 39, 40 et 42, ainsi que l'article fé-
minin pluriel las et masculin pluriel lous (Proverbe 38), indiqueraient une
provenance cévenole.
Les autres numéros relèvent du langage de Montpellier. (C. de Vallat.)
Poésies
PEIRE ROGIER *
A M. MâRSAL SOULLIER
L'an de Nostre Senhour mil e très cenz e trenta :
Es tart, e^ negra nueg ; defora plueu e venta.
Countr' un chalel de couire, a sa clartat mourenta,
Un prestre velha, soûl ; ia'n pauc que la serventa
Es anada dourmir: la vielhessa es dourmenta...
Toc ! — « Qu's aco?)) — «Drubetz! » dig una voutz doulenta.
Cour drubir ; e subran requiula d'espaventa !
Un home es devans ilh, nut coum' un verme : « Oh I senta,
Senta maire de Dieu ! . » — «Boun prestre, siatz sens crenta ;
En gracia, sauvatz-me !
» En gracia, sauvatz-me ! More de freg, d'esfrai ;
More mais que mais d'ounta !... Apueija vous dirai
So qui m'es arribat'l... » — « Intratz viste , moun frai !
PIERRE ROaiER
A M. Martial Soullier
L'an de Notre Seigneur mil et trois cent et trente : — il est tard ;
il est nuit noire ; dehors il pleut, il vente . — Devant une lampe de
cuivre, à sa mourante clarté, — un prêtre veille, seul ; il y a un mo-
ment que la domestique — est allée dormir : la vieillesse dort volon-
tiers. . . — Toc ! « Qui est-ce?» — « Ouvrez! » dit une voix plaintive. —
Il court ouvrir ; et soudain il recule d'épouvante ! — Un homme est
devant lui, nu comme un ver de terre: —«0 sainte, — sainte mère de
Dieu! . ...» — « Bon prêtre, soyez sans crainte; —en grâce, sauvez-
moi!
3> En grâce, sauvez-moi! Je meurs de froid, de frayeur; — je meurs
surtout de honte ! . . . — Après, je vous dirai — ce qui m'est arrivé !.. »
« — Entrez vite, mon frère ! — Tout ce qui est à moi est à vous ! Entrez
' Cette histoire se lit dans Baluze {Vie des Papes d'Avignon) et dans F.
Marvaud (Hist. du bas Limousin).
90 POESIES
Tout aco meu es vostre ! Intratz viste ! » Adounc vai
Querre una soua soutana en raz de Tala, e fai
Un fueg de branda sécha...: — « Apraumatz-vous mais, mai ! . . .
Estatz-vous mielhs abaura?.... E be, countatz, si us plai,
— E vous escoutarai, e me destranharai ! —
Vostra mesaventura ,
» Vostra mesaventura e voslra malachansa !
Crejatz qu'am vous lei vau sens deguna doutansa ;
Tout, vostre biais, vostre aire e vostre maluransa,
Tout so que pareissetz me ganha per avansal »
L'oste, amb' una doussour plena d'asseguransa :
« Counesse ma proumessa emais vostr' esperansa.
Vous deve la vertafc, Tavetz'qui sens balansa;
Escoutatz e saubretz.
» Escoutatz e saubretz qui sui Peire Rogier,
Mounge benezitin, nulamen estrangier,
Quar a la Chieza-Dieu m'esperon. Passagier,
Me couchava soulet, sens pensar al dangier ,
Quan, alen, dins la costa, en pais bouscagier,
Très ou quatre lairous m' an tan boutât leugier
Que me sobra res pus, aprep vostre fougier,
Mas aquelabit vostre.
vite ! » Alors il va quérir une de ses soutanes en drap de Tulle
et fait — un feu de broutille sèche :« Approchez-vous encore,encore !...,
— Vous vous trouvez mieux à présent?. . . Ehl bien, contez-moi, s*il
vous plaît — (et je vous écouterai, et je me distr airai) votre mésa-
venture,
» Votre mésaventure et votre malechance !.. — Croyez que je vais
avec vous sans méfiance aucune ; — tout, votre façon, votre air et
votre malheur. — tout ce que vous paraissez me gagne d'avance !...>
— L*hôte, avec une douceur pleine d'assurance : — « Je connois ma
promesse et votre attente. — Je vous dois la vérité, la voici sans ba-
lancer ; — écoutez et vous saurez.
» Écoutez et vous saurez que je suis Pierre Roger, moine bénédic-
tin, nullement étranger, — car je suis attendu à la Chaise-Dieu*
Passager, — je me hâtois seul, sans penser au péril, — lorsque, là-
bas, dans la côte, en pays de bois, — trois ou quatre larrons m'ont
mis si léger — qu'il ne me reste plus rien, après votre foyer, — que ce
vêtement qui est également à vous.
POËSIBS 91
» Mas aquel abit vostre !... Ingrat! me resta enguera
Una recounessensa inmourtala e sencera
Per vous, qu'avetz pietat de ieu dins ma misera;
Vous, moun samaritan ! vous ma vita!.. Ai coulera
De mas pagar aital en paraulas !... Ah ! s'era
Rei de Fransa, ou dalfin d' Auvernhe ! . . d — « Persévéra !
Digiou prouverb, auras mais que toun cor n'espéra;
Perseveratz, moun fraire ! e si tout vous prouspera ;
S'apouderatzlou sort couma n'an Tapoudera,
Seretz Papa, segur ! »
Siguet Papa, segur!.... Clemens sieis, noble noum,
Que Rouma benezis aitan coum' Avenhoun !.. .
Un cop Peire Rogier amplanat al pinhoun,
Sens doute qu'oublidet lou boun prestre? Oh! que'noun !
Mandat pel sacre, agacha, afourtunat temoùnh ;
Pueislou Papa lou sona ;« A Toulousa an besounh
D'un evesque... vai lei ! » E lou prestre respoun
» Lauvat siaDieus ! » (un pounh)*.
XV. de Genier. m. d. c.o.c. lxxx.
Josep Rous.
3> Rien que ce vêtement, qui est à vous aussi ! . . Ingrat ! Il me reste
encore— une reconnoissance immortelle et sincère .— pour vous, qui
avez pitié de moi dans ma misère ; — vous, mon samaritain! vous,
ma vie!. . . . J'ai dépit — de ne payer ainsi qu'en paroles!. ..Ah! si
j'étois — roi de France ou dauphin d'Auvergne ! . . . » — « Persévère,
dit le proverbe, tu auras plus que n'espère ton cœur. >» — Persévérez,
mon frère I Et, si tout vous réussit ; — si vous surmontez le sort comme
on le surmonte, — vous serez Pape, à coup sûr! »
Il fut Pape, à coup sûr ! Clément VI, noble nom, — que Rome
bénit à l'envi d'Avignon !.... — Une fois Pierre Roger arrivé au pi-
nacle, — sans doute qu'il oublia le bon prêtre ? Oh ! que non pas ! —
Mandé pour le sacre, il regarde, témoin heureux. — Puis le Pape
l'appelle : « A Toulouse, il faut — un évêque. . . vas-y ! « Et le prêtre
répond : « Dieu soit loué ! » (un point) . Joseph Roux.
15 janvier 1880.
* Pierre-Roger de Beaufort, petit-fils de ce chevalier dont Geoffroi de Vigeois
raconte la présence d'esprit, lors de la visite inattendue du comte de Poitiers
au château de Ventadour, naquit au château de Maumont, sur la paroisse de
L'ESTATUETO
A MOUN AMIC L.-SaVIÈ DE RiCARD
La nueit, dins les canvalhs e les gourgs, s'es rejunto.
L'albo clarejo al frount d'un bel maitl de mai
E, per un camp planiè, le parelh fa 'no junto,
Sens estriba'n boussl, sens captira jamai.
LA STATUETTE
A MON AMI L.-XaVIER DE RiCARD
La nuit, dans les précipices et les gouffres, s'est cachée. — L'aube
brille au front d'un beau matin de mai, — et, par un champ uni, la
paire [de bœufs] fait une arure, — sans se serrer un peu [contre le
timon de la charrue], sans s'en éloigner jamais.
Roziers-d'Egletoiis, en bas Limousin. D'abord moine bénédictin à l'abbaye
de la Chaise-Dieu, près Brioude, il devint évéque d'Arras, puis archevêque de
Sens et de Rouen, puis cardinal, et enfin pape. Il régna dix ans, du 7 mai 1342
au 6 décembre 1352 .
Clément VI redisait volontiers ce mot d'un empereur romain : « Personne
ne doit se retirer mécontent de la présence du prince. » Sa magnificence resta
proverbiale: «Ah ! répondait-il gracieusement à ceux qui lui reprochaient ses
largesses, mes prédécesseurs ne savoient pas être papes ! »
Il aima et honora Pétrarque.
Clément VI ne fut jamais oublieux de son pays ni de ses compatriotes. Un
jour, parlant de son cher Limousin, il s'écria: <( Je y planterey un tel rozier
» des gens de nostre nation que il ne sera de chi à chent ans que il y en oit
des rachines et des boutons! » Ingénieuse allusion à son nom de Roger (Rogier),
à sa paroisse natale de Roziers et à ses armes parlantes, composées de six
roses.
Il tint parole. Innocent VI et Grégoire XI, l'un du village de Monts, pa-
roisse de Beyssac, l'autre du château de Maumont, comme son oncle Clé-
*ment VI, ceignirent la tiare; Birel, le chartreux de Glandier, faillit l'obtenir;
Hugues-Roger la refusa. Les Legugie, du Lonzac ; les Selve et les Cipière, de
Donzenac ; les Laporte, d'Allassac; les Fabri, de Tulle; les Sudre, de La-
guenne; les Dumoulin et les Daumar, de Lagarde; les St-Martia), les Roberty,
les Besse, lesLestang, les Cros, les Vergue, les Chanac,etc., portèrent la pour-
pre cardinalice. Un gros volume contiendrait à peine les noms de patriarches^
primats, archevêques, évéques, abbés, sortis d'une terre depuis longtemps de-
venue stérile. Les nations jalouses chantoient: a Credo. ... in unam sànctam
catholicam et lemovicam Bcdesiam ! • (Joseph Roux.)
POESIES 93
Quand se pauso, V bouiè, plounchoun en Faire, s'unto
De vi la gargamelo e s'en va tourna mai.
Les dous biôus lauroun lins, e V gazelh de la punto
Dejousterro un quicon que lusls dins un rai.
La rego flairou bou, — ne partis la lauseto.
L'ome s' es acatat; — levo uno estatueto
Cuberto de pertout d'un verdet lis e vieu :
Es un brounze rouman, — un pichounet dieus Terme.
Sur punh del gazalha, pla quilhat, rete e ferme.
Semble dire : « Tenets coundreit le camp granieu *. »
Auguste FouRÊs.
24 mai 1879.
Quand elle se repose, le bouvier, pichet en l'air, s'humecte — de
vin le gosier et part de nouveau. — Les deux boeufs labourent pro-
fond, et le coutre de la pointe — déterre un objet qui luit dans un
rayon .
Le sillon sent bon, l'alouette s'en échappe. — L'homme s'est baissé;
il lève une statuette — couverte des pieds à la tête d'un vert-de-gris
lisse et vif :
C'est un bronze romain, un petit dieu Terme. — Sur le poing du la-
boureur, bien quilleté, raide et ferme, — il semble dire : u Tenez en
bon ordre, bien aligné, le champ fécond. »
Auguste FouRÈs.
* Laa^dedocieo (Gastelnaudary et ses enviroas). Orthographe montpellié-
raine.
BIBLIOGRAPHIE
Les Deux Entrées et Séjoars du trôs-chrétien roi de France en la
cité de Vienne, les années 1491 et 1494, publiés d'après les manuscrits
de Grenoble, de Montpellier et de Vienne, par le chanoine Ulysse Chevalier.
— Vienne, Savigné, 1881 ; in-S», 20 pages.
Le théâtre méridional fut asspz florissant au XIV®, au XV® et au
XVI® siècle, si Ton en juge par les mentions nombreuses de mystères
ou de moralités jouées à Arles, Avignon, Grenoble, Montpellier, etc.,
que l'on rencontre dans les textes et les livres de cette époque. Les
petitesvilles, les villages même, suivant l'exemple qui leur était donné,
contribuèrent à généraliser le goût des exhibitions scéniques. Malheu-
reusement l'idiome local n'était pas le seul à en bénéficier, et des
représentations purement françaises ou à peine coupées de rôles dans
le parler vulgaire, comme le Mystère de Védification et de la dédicace de
l'église de Notre-Dame du-Puy, de Claude d'Oléson, comme celui des
Trois Rois de Jean d'Abondance, notaire royal au Pont- Saint-Esprit*,
en discréditant peu à peu les habitudes dramatiques du moyen âge,
ouvrirent la voie, d'abord à la seconde période du théâtre méridional,
celle où écrivirent Bonnet et Michaille (de Béziers), Fizes (de Mont-
pellier), les Provençaux Brueys, Tronc de Codolet et Jean de Cabanes,
et enfin aux œuvres de Corneille, de Racine, de Molière et de Rotrou.
Le Dauphiné fut, parmi les provinces de langue d'Oc, une de celles
où le français prit le plus facilement racine. Une publication de
M. Giraud fit connaître en 1848 les frais de composition, de mise en
scène et de représentation du Mystère des trois Doras*, les martyrs
* Il existe de ce mystère, encore inédit, des copies qui paraissent parfois
dans les ventes. Un catalogue de la librairie Jean-Fontaine, à Paris, en men-
tionnait une, il y a cinq ou six mois :
« 17. Le Joyeux Mystère de Trois Rois, à dix-sept personnages, composé
par Jean d'Abondance, bazochien et royal notaire de la ville de Pont-Saint-
Esprit; ms. sur vélin, maroq. bleu, tranch. dor. (Bozerian), 100 fr. i»
Cet exemplaire a été acheté par la Bibliothèque nationale. Un membre de
la Société en a fait prendre une copie, afin de la publier dans la Revue.
2 Composition^ mise en scène et représentation du mystère des trois
Doms, etc., d'après un manuscrit du temps, publié et annoté par M. Giraud.
Lyon, Perrin, 1848; grand in-8o, 132 pages.
BIBLIOGRAPHIE 95
Severin, Exupère et Félicien, patrons de TégUse et de la ville de Ro-
mans, joué aux fêtes de la Pentecôte de Tan 1509, les 27,28 et 29 mai.
Ce mystère, qui était divisé en trois journées, comprenait environ
trois mille vers aujourd'hui perdus, mais qui existaient encore en 1787.
Lie chanoine Pra, de Grenoble, en fut Tauteur ; il eut comme coad-
jutewr ou, pour parler plus exactement, comme correcteur littéraire de
certaines parties de son œuvre, maître Antoine Chevallet, fatiste on
poëte de Vienne, qui touchait déjà à Tapogée de sa réputation, et à
qui Ton doit le Mystère de saint Christophe, représenté à Grenoble en
1527 et imprimé dans la même ville en 1530.
En apportant un nouvel élément à l'histoire du théâtre français parmi
les pays de langue d'oc, une des relation s publiées par M. l'abbé Che-
valier offre aux érudits d'assez nombreux extraits des histoires jouées
devant Charles VIII, lors de son entrée à Vienne en 1491, mais le si-
lence des narrateurs ne nous permet pas de connaître l'auteur de
ces histoires. On sait cependant que Chevallet fut chargé de la compo-
sition de la pièce représentée en 1494, à l'arrivée du même monarque*
à Lyon. M. Ch. conjecture que les Viennois utilisèrent ses talents
dès 1491 et qu'ils lui confièrent les allégories dont ils voulaient
régaler leur royal visiteur. Il est, en effet, vraisemblable de supposer
que le fatiste dauphinois dut faire preuve de talent parmi ses conci-
toyens, avant que les Lyonnais songeassent aie mettre à contribution.
L'autorité qui s'attache au savoir de M. Ch. ne peut que fortifier une
supposition d'ailleurs tout à fait natmelle.
A. Roquê-Ferbieb.
* C'est la plus ancienne mention connue de Chevallet.
PÉRIODIQUES
Bulletin de la Société d'études scientifiques et archéolo-
giques de la ville de Draguignan. t. XI (1876-1877). — P. 109-
183. L'abbé Dupui, Monographie de la paroioaedu Beau88et(VKr), Ce
travail est intéressant et il a été méthodiquement exécuté. Mais Tau-
teur se trompe, dès ses premières pages, en disant que le Beaussetfut
ainsi appelé « parce qu'il faisait partie des terres de la puissante fa-
mille des Baux. j> Le nom de cette petite ville vient, au contraire, du
provençal baus, colline, monticule, escarpement ; diminutif, batisaet.
L'auteur rend sa méprise d'autant plus inexplicable qu'il écrit les li-
gnes suivantes à la page 1 15 : cLe mamelon sur lequel est établi au-
jourd'hui la ville du Beausset non loin de la pointe inexpugnable
du rocher du Beausset-Vieux, ce mamelon, dis-je, était une de ce» po-
sitions avantageuses qui ne pouvaient manquer d'être remarquées. »
L'emploi de l'article aurait dû le mettre encore plus en garde contre
une erreur déjà démontrée par les formes Balcetum (1 153), Baucelum
(1164) et Baussetum (1601), où il est difficile de ne pas voir les équi-
valents bas-latins du provençal bausset.
M. D. mentionne, p. 172, « les Gaudes (Gaou)de sainte Barbe », et
il ajoute que l'auteur en est inconnu, mais que ses vers ne manquent
pas de mérite. Ils relèvent probablement de cette catégorie de poésies
à demi populaires, à denli savantes, qui, sous le nom de joieSy sont
très-répandues en Espagne, en Catalogne, en Boussillon et dans l'île
de Sardaigne. Les romanistes auraient désiré lire ces gaudes parmi les
pièces justificatives qui terminent le travail de l'auteur. On les chante
tous les ans à la fête de sainte Barbe.
P. 185-631. Robert Reboul, Anonymes, pseudonymes et supercheries
littéraires de la Provence ancienne et moderne. L'auteur avait publié, en
1877 (Bulletin du Bibliophile (241-296 et 390-419) une Bibliographie
des ouvrages imprimés en patois du midi de la France et des travaux
sur la langue romano-provençale qui lui valut dans la Remania (t. VU,
p. 347) une appréciation sévèrement justifiée de M. Banquier. Le nou-
veau répertoire de M. Reboul manque de méthode, et les ouvrages
qu'il y décrit sont classés, tantôt par l'ordre alphabétique des titres,
tantôt par celui des noms d'auteur, confusion qui rend les recherches
très-difficiles. Les romanistes y trouveront cependant des indications
utiles sur une foule d'ouvrages provençaux, français et languedociens,
car — il importe de le remarquer — l'auteur entend parfois le mot de
Provence dans son sens le plus général, et l'origine provençale ou
PERIODIQUES 97
comtadine d'un anonyme absolument français lui vaut presque tou-
jours l'honneur d'une inscription raisonnes.
Nous mentionnerons ici quelques-unes des rectifications que com-
porterait le travail de l'auteur.
P. 261. La deuxième édition du Carya Magalonemis, cette spiri-
tuelle supercherie littéraire de Moquin -Tandon, n'a pas été imprimée
cliez M. Bochone, à Montpellier, — ce nom est totalement inconnu
dans notre ville, — mais chez MM. Boehm et Oie.
P. 333. La Felibresso dôu Cauloun n'est pas M"« Rose-Anaïs Eou-
manille, mais M^® Valère-Martin, depuis M™«d'Arbaud.
L'auteur oublie de signaler le très-remarquable recueil de poésies
provençales que cette dame publia en 1863 sous le titre: Us Amourode
rihas. Avignon, Roumanille; in-8o, xxx-312 pages.
P. 338. M. R. parle des poésies provençales de Moquin-Tandon. Li«e^
«montpellîérainesD, en dépit des modifications orthographiques qu'elles
subirent dans l'^rmana prouvençau. Aux recueils où l'on peut trouver
des vers de l'auteur du Carya Ma^alonemiSy il faut ajouter le t. V
(p. 693-695) des Mémoires de la Société des lettres de l'A veyron (pièces
justificatives des Proverbes patois de M. Duval),et li Nouvè de Micou*
lau Saholy, em* uno ckarradisso de F. Mistral, segul d'un pau d'aquéU
de l'abat Lambert emai d'aquéli di troubaire moudeme (Avignon,
Aubanel, S. D., in-12), où se lit, p. 116, lenoël charmant de la Caiari-
neta:
Et d'ount te vèn toun èr tant viéu,
Catarineta,
Catarineta? . .
Et d'ount te vèn toun èr tant viéu,
Catarineta dôu bon Dieu*?
P. 342. luAknanach du Sonnet, publié à Aix sous la direction de
M. A. de Gagnaud (Léon de Berlue- Perussis), compte non pas un seul,
mais quatre volumes (années 1874, 1875, 1876 et 1877). Les dialectes
de la Provence et du Languedoc y sont représentés par plus de quatre^
vingts sonnets.
P. 363. Nous citerons en entier l'article consacré au roman de
Pierre de Provence et de la belle Maguelone :
« Un poëte provençal, Bernard de Trevies, avait composé sur ce
héros un poëme qui n'a pas été publié (Raynouard, Poésies des Trou^
badours, t. II, p. 317), mais qui, mis en français, a eu de nombreuses
éditions. Voyez Brunet, Manuel du libraire, 5© édition, t. IV, col. 643
à 648, Barbier, Dict, des anon. Il paraîtrait que l'œuvre originale re-
1 Ce noël se trouve peut-être aussi dans VArmana prouvençau de 1857. Je
ne puis vérifier le fait.
98 PERIODIQUES
monterait au XIV* siècle et que Pétrarque n'y serait pas étrangler.
C'est l'avis de Barbier. »
Il ne devrait plus être permis d'écrire d'aussi singuliers à-peu- près,
lorsqu'il s'agit d'une des œuvres les plus agréables de la littérature
méridionale .
P. 506. L'auteur demande si Le Sage ne serait pas l'auteur du
PrtmcezdeCoTTneniran, On ne trouve rien dans les Folies qui soit de
nature à autoriser une semblable supposition .
A. Roque-Febrier.
Bulletin de la Société d^études scientifiques et «rcliéo-
logiques de la ville de Draguignan. T. XII (1879-1880), xvi-
456 p., l'abbé J.-H. Albanés, le Couvent royal de Saint-Maximin, en
Provence, de l'ordre des frères Prêcheurs, ses prieurs ^ ses antudes^ ses
écrivains y avec un cartulaire de quatre-vingt-cinq documents inédits.
« La ville de Saint-Maximin, dit l'auteur, p. 1, doit son existence à
l'église et aux reliques de sainte Marie-Madeleine, qui ont groupé
autour d'elles les habitants des plaines voisines, et, en y attirant de
toutes les parties du monde d'innombrables pèlerins, lui ont donné une
célébrité hors de proportion avec sa population et son importance. . .»
Le travail que M. l'abbé A. consacre à Saint-Maximin et à ses prieurs
n'est pas un des moins importants qui aient paru depuis quelques an -
nées dans les départements du Midi, et ses pages apportent beaucoup
d'éléments nouveaux à l'histoire religieuse et artistique du Var. a: Tous
les écrivains qui ont eu à s'occuper de l'église de Saint-Maximin et
se sont demandé quel était l'architecte qui avait bâti ce temple, le
premier parmi les monuments de la Provence, ont été contraints de
s'avouer impuissants à satisfaire ... la légitime curiosité de leurs lec-
teurs. . . . 3> Les recherches de M. A. lui ont fait découvrir le nom de
cet architecte, Jean Baudici, qui avait élevé quelques années aupara-
vant le palais des Comtes de Provence à Aix < . Dans les notes de son
travail, M. A. cite parfois des fragments en langue d'oc, entre autres,
p. 233, un reçu d'Antoni Rozen, — un second nom jusqu'ici ignoré, —
à qui l'on doit les curieuses peintures de l'autel du Crucifix à Saint-
Maximin: « -j Jésus. A di 14 octobre [1520], io Antoni Rozen, pin-
tre, confessi d'aver, receudo* da^ Monsur lo prior de San Maximin
* Ce palais a été démoli à la fin du dernier siècle.
2 Sic.
* Da pour de, forme en vigueur sur certains points de l'ancien comté de
Nice. Raynouard et Honnorat ne l'avaient pas mentionnée. M. Mistral vient
de lui donner place dans son Dictionnaire. Elle se rencontre sporadiquement
dans la Vida de sant Honorât de Raymond Féraud ;
PERIODIQUES 99
cinqiie scus dal solel, in dîminucion de major suma, per la pîntura e
danradura del retaule del Crucifix. Et, par milior cautela, io li f azi * la
présent podîza ^ de ma man proprîa. Ita est, Antoni Bozen, pîntre
(^Arch. des B.'du-Rh., p. 718».)
La principale contribution que le livre de M. A. apporte à la litté-
rature provençale consiste en diverses indications sur la Scala Ccdi,
écrite entre les années 1322 à 1330, par Jean Gobi le jeune, et dédiée
à Hugues de Couloubrières, prévôt de l'église d'Aix. Cet ouvrage qui
a été imprimé plusieurs fois au XV® siècle, à Lubeck, Ulm et Stras-
Gomandamentz fom fatz tantost da part le rey (II* chapitre) .
Amtant el vi venir da Tautra part son frayre (X® cli.).
Qu'en aut cridavan rfa totz latz (LXXXVe ch.).
Qu'estay sus en la brasà, qu'era grant da toz las (LXXXVIe ch.)
P. 7, 24, 135 et 137 de réditiondeM. Sardou.
1 Cf. une forme céveno-alaisienne :
Moussu trovo, bélèou, que lou fasé langui,
dans lotLS Jardignès de M. Paul Félix» Alais, Martin, 1879; in-S», p. 40.
2 Manque au Lexique roman de Raynouard, qui donne seulement polissia,
police, engagement, contrat. Honnorat mentionne le substantif jDoc^ma^ quit-
tance, mais en le classant dans le vieux langage. Il est probable que cette
forme existe encore, car la mutation de 17 en d n'est pas inconnue en Pro-
vence. J'ai pu constater, dans un poëme inédit sur l'histoire du patriarche
Joseph, donné à la bibliothèque de la Société par M. Maurice Faure, la forme
paraudo pour paraulo:
0 paraudo ben amaro
Qu'entendes d'aquelle enfans (Ire part., str. 43).
Lou pero vesen la raubo
Coumencet a si ploura,
Disent aquesto paraudo (l'e p., str. 51).
Noun cresi pas la paraudo
Que venés me dire eissi(4'e p., str. 15).
Des indications écrites sur les marges de ce poëme permettent de supposer
qu'il a été composé, ou tout au moins transcrit, pendant le XYIll® siècle, à
Rians, petite ville du département du Var. Cela ne nous éloigne guère de
Saint-Maximin.
On dit à Montpellier dintrà et lintrà (entrer), daissà et laissa (laisser),
escedent et escelent (excédant), etc. Notre r se changeant, comme on sait, en
d, araire (charrue) et aramqun (aramon, espèce de raisin), sont prononcés
adaide et adamoun, qui, à leur tour, deviennent souvent alaide et alamoun.
Cf. encore dentillos pour lentillos et densouol pour lensouol, dans le Dic-
tionnaire rouergat de feu M. l'abbé Vayssier.
3 II est appelé Antoine le Vénitien dans un autre document. Son origine
italienne peut être présumée jusqu'à nouvel ordre.
300 PËHIODIQUES
bourg, mais qui est aujourd'hui à peu près inconnu, est un recueil
d'exemples moraux, de récits et d'extraits des Pères, des historiene,
des philosophes et des poètes, qui ont pour but de porter à la pratique
de la vertu. « On y rencontre un certain nombre de moralités tirées
des fabulistes. . . .le Corbeau et le Renard, le Singe priant le Reaard
de lui céder un morceau de sa queue, le Loup qui se fait ermite.
l'Ane essayant de voler, la Révolte des membres contre l'estomac, le
Lion et le Rat, l'Aigle composant sa cour, la Guerre des oiseaux et de»
animaux, le Cerf se mirant dans la fontaine, le Loup et le Chien, le
Corbeau paré des plumes des autres. La gracieuse fable de la Laitier v
et le Pot au Zatfy esttout au long. . . .* » Quoique cet ouvrage soit ré-
digé en latin, quelques-unes de ses pages montrent que l'auteur s'est
parfois souvenu de son origine méridionale, circonstance qui nous a
valu un certain nombre de phrases et de vers qu'il serait intéressant
de réunir dans un opuscule spécial. « Ainsi, après avoir raconté l'his-
toire de celui qui avait donné son bien à ses enfants, et qui, méprisé
par eux, avait dû simuler, pour en obtenir un meilleur traitement,
qu'il possédait encore un gi*and cofEre rempli d'or . . . . , il termine en
disant qu'à sa mort on n'y trouva que de lourdes pierres et un marteau
sur lequel était écrit :
D'aquest martel aiat lo cap trussai
Qui par ses filz sera deseretat. ^ »
< La Scala Cœli contient aussi une version de VAnge et l'Ermite, lé-
gende religieuse qui, partie d'une source hébraïque, s*est transformée en une
multitude de textes, pour trouver sa dernière expression dans le Zadig de
Voltaire.
M. le docteur Noulet a publié ici même {Revue, 3e série, IV, 261) la version
méridionale de cette légende, telle qu'on la lit dans lo Doctrinal de Sapiensa
en lo lengatge de Tholosa; Toulouse, 1504, in-fol. Il serait utile de la com-
parer à celle de Jean Gobi et de constater les affinités qui peuvent exister entre
Tune et l'autre .
On trouvera quelques indications sur la dernière dans l>xcelient travail de
M. Gaston Paris sur VAnge et l'Ermite {Revue politique et littéraire de la
France et de l'étranger, 13 novembre 1880. Paris, Germer-Baillière, in-4o) .
* On pourrait voir ici le verbe trucat, frappé, si trussat, écrasé, broyé, ne
donnait un sens plus énergique et mieux en rapport avec la douleur du père,
devenu la victime de l'ingratitude de ses enfants.
Me sera-t-il permis de signaler à cette occasion une devise languedocienne
inscrite sur le marteau qui figure comme armes parlantes dans la marque d'im-
primeur de la maison Martel, de Montpellier, la jplus ancienne de cette ville :
May servis,
May lusis.
Avant de s'établir à Montpellier, en 1692, les Martel imprimaient à Béziers
dès 1628.
PERIODIQUES 101
Plus loin^ on reDcontre un sortilège à signaier à cenz qui étudient
leB superstitionB populaires :
Lo cap ti dol
E dolre no ti sol ;
Dol livenga
Qui ben ti vol.
5 Vai à ta mayre
E fara-t'en
E trante dyables
[Tijportaran.
Ces huit vers ont leur intérêt, car ils constituent, à ma connais-
sance, le plus ancien exemple d'un sortilège populaire en langue d'oc.
Traduire un texte semblable est une entreprise d'autant plus témé-
raire, que l'on peut se demander si mayre a ici le sens de mère ou celui
de siège, lieu où se tient habituellement le mal qu'il s'agit d'exorciser.
Sous le bénéfice de cette observation, on pourrait hasarder la ver-
sion suivante :
« La tête te fait mal — et n'a pas coutume de te faire mal. — Que la
douleur lui vienne — à celui qui te veut du bien ! — Va à ta mère (ou
bien à Vendrait où tu gis, ou à ta matrice) — et elle t'en fera (?) — et
trente diables— te porteront. »
Les deux premiers vers semblent s'adresser au malade, tandis que
le troisième et le quatrième contiennent une malédiction à l'égard de
la douleur de tête*-
Peut-être serait-il bon de corriger [fo*] portaran en [t'em]portaran-
Jean Gobi, d'Alais, oncle du précédent et prieur de Saint-Maxi-
min de 1304 à 1328, est l'auteur des Miracles de sainte Marie-Made-
leine, ouvrage en latin sur lequel M. A. donne d'utiles indications,
d'après un manuscrit qui appartient aujourd'hui à M . le marquis de
dappiers. Ce manuscrit comprend trois appendices ajoutés après coup.
Le deuxième est presque exclusivement composé de poésies latines,
et, parmi celles-ci, il s'en trouve une en provençal, dont le Père Reboul
a publié seulement huit vers dans son ouvrage sur la Madeleine 2,
1 Nous aurions voulu pouvoir contrôler le texte de Jean Gobi sur Tim-
primé. Malheureusement la ville de Montpellier ne possède aucune des édi-
tions de la Scala Cœli. M. A. lui-même ne paraît pas les avoir connues, car
il cite ce sortilège d'après le manuscrit 3506 de la Bibliothèque nationale, et il
i^oute que le copiste n'en avait pas compris le sens : Supplico lectori ut me-
lius ista inteUigat, quia non intelligo, nec quo ydiomate dicta fuerint..
* Le Pèlerinage de Saint-Maximin et de la Sainte^ Baume, etc. Aix, Char-
les Nemos, 1662; in-24, 214-45 pages. La première édition de cet ouvrage
10? PKRIODIQUES
mais sans indiquer qu'elle avait été traduite librement du latin, parti-
cularité qui ressort de la comparaison qu'en a faite M. A. avec la qua-
trième pièce d'un des appendices du manuscrit de Clappiers.
Le Père Reboul n'est pas le seul qui ait parlé de cette poésie, car
le Père Qavoty * a reproduit à son tour la citation du Pèlerinage de
Saint-Maximifiy en la diminuant, il est vrai, d'un vers. Elle doit aux
idées qui y sont exprimées une élévation que son allure décousue, ses
répétitions et ses chevilles, ne lui enlèvent pas tout à fait.
Sans en avoir fait un texte irréprochable, la version de M. A. a no-
tablement amélioré celles de Reboul et de Gavoty :
Aquest luoc glorios d'esta confession
Es de tan gran vertut e de devocion,
Que nuls comtes , ni reys, ni autres principat
Non sa ausa entrar, tant i es loc< sagrat,
5 Am nulhas armaduras, tro que sia désarmât.
E quant es désarmât, am gran contricion,
Puesca entrar e am devocion
Pregar la Magdelena,
Que fon de vertus plena,
10 Li acabe perdon e vera penedensa
Aysi con fes a[i]ssi3 , so es nostra cre[e]nssa.
Nulha dona que sia, per niuguna santesa,
Per riquesa que aiha, ni per nulha noblesa,
Ni petita ni grans, sayns non deu entrar.
15 Àysso Sant Maximin mot manda esquivar.
E si nulha la intra, perdra en aquelh an
Lo mielh amie que ayha, o penra mot gran dan
Aquest luoc d'esta vila, on jac 11 Magdalena,
A nom Sant Maximin, e es vileta pleua ;
20 Et en Tarciviscat d'Ax, sitat sa Durensa.
Qui à la Magdalena ven am grand conftsansa
A cent jorns de' perdon, quascun jorn, ses dubtansa ♦.
parut en 1661 , sous le titre de V Histoire de la Vie et de la Mort de sainte
Marie Madeleine, que xM. A. « s'abstient de rapporter intégralement, ne
l'ayant que de seconde main. »
t Histoire de sainte Marie Magdeleine, divisée en quinze chapitres, etc.
Marseille, chez la veuve de Henry Martel, 1701; in-i2, 144 pages. Elle a eu,
comme celle du Père Reboul, un grand nombre d'éditions.
2 On lit luoc aux vers 1 et 18.
» [Il faut rétablir assi, c'est-à-dire a 5i = à soi (à elle-même)] . C. C.
* P. 411-412. Les deux derniers vers de cette inscription rappellent invo-
lontairement ceUes qui, d'après le Dictionnaire de la Provence et du comté
CHRONIQUES 103
a II serait difficile de nier, ajoute M. A., que nous ayons là la véri-
table inscription placée, dès l'origine, à l'entrée de la confession de
sainte Madeleine . On sera convaincu qu'elle appartient au commen
cernent du XIV® siècle, si l'on considère qu'elle annonce seulement
l'indulgence de cent jours accordée par Bonif ace VIII, indulgence qui
dès l'année 1343, fut augmentée par le pape Clément VI. y>
On ne connaît ni le nom de l'auteur latin, ni celui de son traduc-
teur provençal. L'un et l'autre, — si tant est que les deux textes ne
soient pas l'œuvre d'une même personne, — appartenaient probablement
au couvent de Saint-Maximin et à l'ordre qui l'occupait.
Le cartulaire de documents inédits qui devait accompagner le tra-
vail de M. A. a dû, faute de place, être renvoyé au treizième volume
de la Société d'études scientifiques et archéologiques de Draguignan.
A. Boque-Febribb.
CHRONIQUE
L1IVBB8 DONNÉS à LA Bibliothèque de la Société. — Alart (B.-J.):
Documents sur la langue catalane des anciens comtés de Roussillon
et de Cerdagne. Paris, Maisonneuve et Ce, 1881; in-8°, 236 pages ;
Azaïs (Gabriel): Amfos de Balbastre, retipe d'un conte rouman.
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi, 1881; in-8° 12 pages;
Bladé (Jean-François) : Poésies populaires en langue française, re-
cueillies dans l'Armagnac et l'Agénais. Paris, Champion, 1879; in-8%
xii-132-12 pages (don de M. le Ministre de l'Instruction publique);
Venaissin (Marseille,. Mossy, 1786) se lisaient dans la coupe du roi René. La
première était ainsi conçue :
Qu ben beura
Dieu veira.
La seconde, qui, de môme que la première, était en lettres d'or, ajoutait :
Qu me beura de tota son halena
Veira Dieu e la Madelena.
Au fond de la coupe se trouvaient, en effet, l'image de Jésus-Cbrist et de la
Madeleine.
Ces vers étaient-ils un jeu d'esprit, ou bien faudrait-il y voir quelque chose
du naturalisme mystique qui perce souvent à travers les banquets des félibres ?
La coupe existait encore au XVlIe siècle, dans la collection d'un amateur
d' Aix-en-Provence .
Les deux inscriptions précitées ont été l'objet d'une note (Armana prouv,
de 1867, p. 66) et M. Mistral les a citées en 1878 dans le discours qu'il pro-
nonça à Montpellier, au moment où il remettait à M. de Quintana la coupe
que les félibres de France offraient aux félibres d'Espagne. '
104 CHRONIQUE
Eys(J.-W.-J. van): Grammaire comparée des dialectes basques.
Paris, Maisonneuve, 1879 ; in-8o, xii-ô36 pages (don de M. le Ministre
de rinstruction publiai ue);
Fabre (Albert) : Histoire de Caussignojouls (arrondissement de Bé-
ziers), avec une notice géologique par M. Paul de Rouville et une no-
tice sur la Flore par M. Sabatier-Désamaud. Nimes, Clavel-Ballivet,
1881; in-8o, 32 pages ;
Fabre (Albert): Histoire de Mèze (arrondissement de Montpellier),
avec une notice géologique par M. Paul de Rouville et une notice but
la Flore par M. Barrandon. Nimes, Clavel-Ballivet, 1881 ;in-8o, 144 p.;
Gaidan (Jean):lou Oarretde Nimes (cycle carlovingien), dialecte des
bords du Rhône et des félibres d'Avignon. Nimes, Clavel-Ballivet,
1880 ; in-8o, 8 pages ;
Gazier (A.) : Lettres à Grégoire sur les patois de France (1790-
1794), documents inédits sur la langue, les mœurs et l'état des es-
prits dans les diverses régions de la France, au début de la Révolu-
. tion, suivis du rapport de Grégoire à la Convention et de lettres de
Volney, Merlet-Laboulaye, Pougens, Domergue, etc., avec une intro-
duction et des notes. Paris, Durand et Pedone-Lauriel, 1880 ; in-8**,
354 pages (don de M. le Ministre de l'Instruction publique);
Guillaume (l'abbé Paul): le Langage de Savines au milieu du
XVe siècle (1442). Montpellier, Imprimerie centrale du Midi, 1881;
in-8o, 16 pages;
Luchaire (Achille): Etudes sur les idiomes pyrénéens de la région
française. Paris. Maisonneuve,1879; in-8®, xii-374 pages et carte (don
de M. le Ministre de l'Instruction publique);
Mistral (Frédéric) : lou Trésor dôu Felibrige, ou Dictionnaire pro-
vençal-français. Aix, Remondet-Aubin, 1879-1881; t. I (livraisons 1
à 20 inclus), iv-800 pages (don de M; le Ministre de Tlnstruction pu-
blique);
Rampai (J.)* ^eis Councerts Favettos. Marseille, Arnaud et C*, S. D.;
in-8*, 4 pages (don de M. le vicomte deVallat);
Robert (E ): les Nervis en partido de casso, poésie provençale, en
deux parties. Marseille, Arnaud, S. D.; in-8<», 16 pages (don de M. le
vicomte de Vallat) ;
Thouron (V.-Q.): Une pastorale et un dialogue en vers provençaux,
avec la traduction en regard. Toulon, S. D.; in-8o, xvi à XLvm pages
(don de M. le vicomte de Vallat);
V[estrepain] (L.) : Cansou burlesque et fantastique. [Toulouse], La-
garrigue, S. D.; in-8°, 4 pages (don de M. le vicomte de Vallat);
Vizanti (A.): Fragment din istoria civilisatiunei Romanilor. Ve-
niamin Costaki, mitropolit Moldovei si Sucevei, Ëpoca, Viatia si ope-
rile sale. 1768-1846. Jasi, 'i'ipo-litografia Buciumului Roman, 1881;
in-8o, 168 pages ;
Six journaux renfermant des indications sur la littérature méridio-
nale, donnés par MM. V. Alecsandri (1), A. Arnavielle (1), Roque-
Ferrier (3) et l'abbé Joseph Roux (1).
Le gérant responsable : Ernest Hamblin.
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi.— Hamelin frères.
Dialectes Anciens
LES MANUSCRITS PROVENÇAUX DE CHELTENHAM
I
UN NOUVEAU CHANSONNIER PROVENÇAL
Additions
Depuis la publication de notre première notice, nous avons pu nous
procurer la copie de quelques passages des biographies contenues
dans le Chansonnier de Cheltenham, que nous soupçonnions devoir
apporter de nouveaux renseignements à l'histoire littéraire des trou-
badours ; nous les publions ici sans commentaire. Le passage qui con-
cerne Peire Yidal àoii être rapproché du n° xxiii de Mahn; il donne
le nom de deux amis intimes de ce troubadour, et quelques variantes
intéressantes. 11 y a également des détails curieux dans les biogra-
phies de Bernard de Ventadour et de Folquet de Marseille. Cette der-
nière contient en propre une analyse de Tappel à la croisade contre
les Maures et la ra^o de la pièce Uns volers outracuidaz.
Peire Vidal '(/b/. 21, r% col.2)
«• >•••.•••.•.••••••.«.•.• •••••••••••••.•••••••••••••
Per la mort del bon comte Raimon de Tolosa, Peire Vidais
s** esmarri molt es det gran tristessa e vestis ^ de nègre ; e tail-
let las cozas' e las aureillas a totz los sieus cavals, et a si et
a totz los sieus servidors fez raire los cabeils de la testa ; mas
las barbas ni las onglas no se feiren taillar. Moût anetlonga
sazon a lei de fol e d'home dolen. Et avenc se en aqella sai-
son q'el anava enaissi dolens qel reis Amfos d'Aragon venc en
Proensa, e venguen con lui Bascols Romeus, en Martis dau
* Ce passage termine la Vie de Paire Vidal et vient dans le ms. après la
dixième pièce citée par le premier vers : Cant hom honratz torna en gran
paubrieira (Revue, ']xï\xi 1881, p. 281, 1. 2). Les articles de Bernart de Venta-
dour et de Folquet de Marseille, qui suivent immédiatement, sont reproduits ici
in extenso, sans égard au peu que nous en avons déjà donné. Le tout est la
copie ininterrompue des fol. 21, r», col.2 à 23, r», inclusivement du îns., moins
la valeur des quatre premières lignes de la page 282 de la Revue, et doit
prendre la place de la page 281, dont les deux premières lignes seulement sont
à conserver.
2 Ms. vestif,
3 Ms. cazas,
TOMK vu DE LA TROISIÀMB SÉRIE , — SEPTEMBRE 1881 .
106 MANUSCRITS DE GHELTEMHÂM
Carret, en Michelz de Lusia, en Fas d'Antilon, en Guillems
d'Alcalla, en Albertz de Castelveill, en Raimons Gauzerans de
Pinos, en Guillems Raimon[8 de Monjcâda, en Arnautz de
Castelbon, en Raimons de Zeviera. E trobeiren Peire Vidal(s)
enaissi tris e dolens et enaissi appareillât a lei de dolen(s) e
de fol. E lo reis lo preget, e tôt li soi baron, e Bascols Ro-
meus e 'n Guillems d'Alcalla qu'eren sei amie spécial, que
s'entendion molt en chansos, q'el se degues alegrar e chantar
e laissar la dolor el vestir(s) [nègre], e q'el degues far una
chanson q'eill portessen en Aragon. Tan lo preget lo reis e ii
seu baron qeil dis d'alegrar se e de laissar lo dol e de far
chanson.
Et el si amava la Loba del Puoinautier, e madomna Ste-
phania de Son q'era deSardaigna, et aras de novel s*eraena-
moratz de madompna Roembauda de Bioil q'era moillier d'en
Guillem Rostaing, q'era seignor de Bioil. Biols si es en Pro-
ensa, en la montaigna qe part Lombardia e Proensa. La Loba
si era de Carcases, si con vos ai die en autre loc, e Peire Vi-
dais si se fasi' appellar Lop per ella, e portava armas a lob ;
et en la montaigna si se fez cassar als pastors con los mastios
e con los lebriers, si con se cassa lop, et en la montaigna el
vestiuna pel de lop per semblar lop. Don li pastors con lor
cans lo casseren el bateren si qel en fo portatz per mort al
alberc de la Loba. El maritz lo fez medegar* e guérir.
E si con vos ai comensat a dire de Peire Vidal, el promes al
rei(s) et al[s] barons de chantar e de far chanson. El reis fez
far armas e vestirs a si et a Peire Vidal, e vesti se e s'agenset,
e fez aqesta chanson qe diz : De chantar rrCera laissât Per ira
e per dolor,
Bernartz de Ventador (/° 21, <;% col. 1)
Bernartz de Ventador si fo de Lemoisin, d'un chastel de
Ventador, de paubra génération, fils d'un sirven e d'una for-
neyeira, si con dis Peire d'Alvergne ^ de lui en son chantar,
quan dis mal de totz los trobadors : Lo terz Bernartz de Venta-
* Le manuscrit ajoute e bainhnar ; mais ces mots sont annulés par des points
placés sous chaque lettre.
2 Ms. dal vergne.
Manuscrits db cheltenham io7
dor[n]y Q'es meindre d'en^ Borneil un dom, [Mas] en son paire
ac bon sirven, Qe portava des arc d'alborn *, E sa mair' escau-
daval forn, FI paire dusia Vessermen. Mas de qi q'el fos fils,
Dieus li det bella persona et avinen e gentil cor, don fo el
comensamen gentilessa ; e det li sen e saber e cortesia e gen
parlar, et av(e)ia sotilessa et art de trobar bos motz e gais
sons. Et enamoret se de la vescomtessa de Ventador, moillier
de so seingnor. E Dieus li det tant de ventura per son bel
captenemen e per son gai trobar q'ella li vole ben outra me-
sura, qe noi gardet sen ni gentilessa ni honor ni valor ni
blasme, mas fugi son sen, e seget sa voluntat, si con dis n'Ar-
nautz de Maruoil : Consir^ lojoietoblit la fondât y E fuc mon
sen, e sec ma voluntat; e si con dis Gui d'Uisel : Q'enaissi s'a-
ven de fin aman Qel sens non a poder contrai talan. Et el fo ho-
noratz e presiatz per tota bona gen, e sas chansos honradas
e grasidas, e fo vesuz et ausiz e receubuz moût volontiers, e
foron li faich grand honor et gran don, et anava en gran ar-
nes et en gran honor. Moût duret lor amors longa sason enans
qel vescoms sos maritz s'en aperceubes. E qan s'en [fo] aper-
ceubut,moutfo dolens e tris. E mes la vescomtessa soa moillier
en gran tristessa et en gran dolor, e fez dar cumjat a Bernât
de Ventador q'el issis de la sua encontrada. Et el s'en issi, e
s'en anet en Normandia a la Dukessa q'era adonc domna dels
Normans, et era joves e gaia e de gran valor e de prez e de
gran poder, et entendia moût en honor et en prez. Et ella lo
receub con gran plaiser e con grant honor e fo moût alegra
de la soa venguda e fetz lo seignor e maistre de tota la soa *
cort. Et enaissi con el s'enamoret de la moillier de so sei-
gnor, enaissi s'enamoret de la duchessa et ella de lui. Lonc
temps ac gran joia d'ella e gran benanansa, entre q'ella tolc
lorei Snricd'Angleterraper marit e qelan mena outra lobras
de(l) mar d'Angleterra, si q'el no la vi mai ni so mesatge, don
el puois de duol e de tristessa qe ac de lei si se fetz monges en
raba[d]ia de Dalon, et aqui persévéra tro a la fin.
* Ms. dun.
' Ce vers, d'ailleurs corrompu, se lit ordinairement: Per traire ah arc ma-
nal d'albom,
3 Ms. confir.
* Ms. sai.
108 MANUSCRITS DBS CHELTËNHAM
1. Non es meravilla s'ieu chan.
2. Bel m'es q'eu chant en aqel mes.
3. Ara non vei luzir soleill.
4. Ab joi mou lo vers el comenz.
Bernartz de Ventador si ama[va] una domna gentil e bella, e
si la servi tant e la honret q'ella fetz so q'el vole en dics et en
faichs. £ duret longa sason lor jois en leieutat et* en plasers ;
mas puois cambiet voluntatz a la domna q'ella vole autr'ama-
dor. Et el o saup, e fo tris e dolens, e creset se partir d'ella;
car moût Fera greus la eompaignia del autre. Puois s'en
penset, eon hom veneus d'amor, qe miels li era q'el agues en
leis la meitat qe del tôt la perdes; puois, cant era davan lei,
lai on era lautr' amies e Tautra gens, a lui era semblans q'ella
guardes lui plus qe tota Tautra gen, e maintas ves descresia
so qe avia eresut, si eon deven far tuit li fin amador, qe non
deven creser so qe vesen • dels oils qe sia faillimenz a soa
domna. Don Bernatz de Ventador si fez aqesta chanson qe
dis; Ar m'acanseillaZy seignor^,
5. Ar m'aconseillaz, seignor.
6. Can vei la lauzeta mover.
7. A tantas bonas chansos.
8. En consirier et en esmai.
9. Tant ai mon cor plen de joîa.
10. Lonc temps aqu'ieu non chantiei mai.
1 1 . Per descobrir lo mal pes el consire * .
12. Conort era saieu ben.
13. Pos mi preiatz, seignor.
14. Lo gen temps del pascor.
15. Ben m'an perdut en lai ves Ventadorn.
' Ms. en7
2 Ms. ne sen.
* [Cette raso^ qui manque dans toutes les éditions et sans doute aussi dans
les autres mss. (du moins n'a-t-elle été jusqu'à présent signalée nulle part), ne
nous en apprend malheureusement guère plus que la chanson elle-même sur
ce nouvel (et dernier?) objet de l'amour de Bernard. On aurait voulu savoir le
nom de la dame qui put inspirer à notre tendre et délicat troubadour des sen-
timents si peu dignes de lui. Peut-être était-ce la même, comme Fauriel et d'au-
tres l'ont conjecturé, que cette dame de Narbonne à laquelle est adressée la
chanson: La dousa votz ai auzida.-^C C]
* Ms. pel el confire.
MANUSCRITS DE CHELTBNHAM 109
16. Can vei la flor l'erba vert' e la fueilla.
17. Lancanvei la fueilla.
18. Estât ai com hom esperdut[z] .
19. Can parla flor[s] jostal vert fuo(eJill.
20. Cau l'erba frescal fueilla par.
21. Lo rossignols s'esbaudej a.
22. Tuit sil qem preion q'eu chan.
23. Ja mos chantars non m'er * honors .
24. Lancan vei per miei la landa.
25. Bel m'es cant eu ^ vei la broilla.
26. Pel dous chant qel rossignols fai.
27. A mors, e qeus es vejaire.
28. Jes de chantar nom pren talan[s].
29. Lo temps vai e ven e vire.
30. Amors enqueraus ^ preiera .
31. Bem cugei de chantar sofrir.
32. Chantars non pot gaires valer.
33. Cant l'aura douza venta.
34. Quant la vert fueilla s'espan.
35. En abril qan vei verdejar * .
36. La douza voiz ai auzida.
37. Cant la fueilla* sobre l'arbre^ s'espan.
FoLQUET DE Marsceilla (/<> 22, r°, coL 1)
Folquet de Marsceilla si fo de Marceilla, fils d'un me[r]cadie
qe fo de Genova, et ac nom seir Amfos ; e qant lo paire mûrie,
sil laisset molt rie d'aver. Et el entendet en pretz et en valor,
e mes se a servir als valens barons et als valenz ornes et a bri-
gar com lor et a dar et a servir et a venir et anar, E fort fo
graçitz et onraz per lo rei Ricbart e per lo comte Raimon de
Tolosa e per en Baral, lo seu seignor de Marceilla, Molt tro-
bava ben e molt fo avinenz om de la persona ; et entendet se
* Ms. mei,
* Ms. del meschaut ou,
3 Ms. en que a tans.
* [Cette pièce a été publiée par Raynouard, ainsi que celle qui porte le no 37,
sous le nom de B. de Ventadour. Mais M. Bartsch attribue la première à Peire
Bremon lotort (Grundriss, 331, 1), la seconde àGaucelm ï'aidit (ibid., 167,
49), sur l'autorité de mss. à peu près égaux en nombre à ceux qui la donnent
à B. de Ventadour. — C. C]
5 Ms. fusilla.
* Ms. al arbre.
110 Manuscrits db ghbltbnham
en la muiller del sieu seignor en Baral, e pregava la e fasia
sas chansos d'cUa. Mas anc per precs ni per chansos noi poc
trobar merce q'ella li fezes nuill ben en dreit d'amor, per qe
totz temps se plaing d'amor en soas chansos. E avenc si qe la
domna mûrie, et en Barals lo maritz d'ellael seingnor de lui,
qe tant li fasia d'onor, el bons reis Richartz, el bons coins Rai-
mo[n]s de Tolosa, el reis Amfos d'Arago, don el per tristesa de
la soa* domna e del[s] princes qe vos ai diz abandonet lo mon,
e si s'en rendet a Torde de Sistel cum sa muiller e cum dos fillz
qu'el avia. E si fo faichs abas d'una richa abadia q'es en Pro-
ensa, qe a nom lo Torondet ; e puois el fo faichs evesqes de
Tolosa e lai el mûrie.
Folqetz de Marceilla si ama[va] la muillier d'en Baral so
seingnor, madomna n'Alaïs de Roca Martina, e chantava d'ella
e fasia(s) soas chansos e guardava s'en moût c'om nol saubes,
per so q*ella era moillier de so seingnor, qar li fora* tengut
a gran felonia. E la domna si sofria sos pretz e sas chansos
per la gran lausor q'el fasia d'ella. En Barals si avia du as se-
rors de gran prez e de gran valor. La una avia nom na Laura
de Saing Jolran, l'autra avia nom na Babilla de Ponteves.
Andoas e(a)staven con en Baral. En Folqetz avia tan d'amis-
tat(z) com amdoas qe semblans era q'el entendes en qual-
quna per amor. Et madomna n'Alaïs si creset q'el a na Laura
entendes e qeil volgues ben, e si l'encuset; e sil fon dit per
mantz cavalliers e per mantz d'autres omes, si q'ella li det
comjat, qe no volia plus son prec ni sos diz, e qe se pênes de na
Laura, e qe de leis non espères mais bens ni onor. Folqetz fo
molt tristz e dolens quant sa domna l'ac dat comjat, e laiset
solaz e chant errire ; et estet longa saison e gran marimen,
plainnen se de la desaventura qeil era venguda, q'el perdia sa
domna qe amava mais qe ren del mon per leis a cui el no vo-
lia ben si no per cortesia, e sobr' aqel marimen el anet veser
l'eraperariz^, la moillier q'era d'en Guillem de Montpellier, qe
fo filla de l'emperador Manuel, qefo maestros e caps e guiz* de
tota valor e de totz esegnamenz e de tota cortesia. E recla-
* Ms. son.
* Ms. fom.
* Ms. le petariz.
Ms. gez.
MANUSCRITS DB CHBLTBHHAM 111
me[t] se ad ella de la desaventura qeil era venguda, et ella lo
comforta fort el preget q'el nos degues marir ne disesperar,
e q'el per la sua amor deges chantar e far chanson ; dont el
per lo prec de Temperairiz si fez aqesta cha[n]son qe dis: Tan
mou de cortes(i)a rason Mos cantars que noi puosc faillir,
1 . Tant mou de cortesa rason.
2. Amors, merce, non moira tan soven.
3. Moût i fes gran pechat amor[s].
4. A pauc de cantar nom recre.
5. Ben an mort mi e lor.
6. S'al cor plagues ben fora oimais sasos.
7. Tan m'abellis Tamoros pensamenz.
8. Chantan volgra mon fin cor descobrir.
9. Per Dieu, amors, ben sabetz veramen.
10. Chantars mi torn' ad afan.
Apres non gaire lonc temps qu'en Foiqet fo caseguz en ira
et en dolor de la domna qe se fo anada e partida de Mon-
pellier, en Barals lo seus seingnor de Marceilla, lo cal el
amava plus q'om del mon, mûri, don li dopleren las greus do-
lors q'el avia de la muillier d'en Baral so seingnor q'era morta,
e de la emperarlz qe s'en era anada : e fetz aqest plainch que
dis: Si con sel q'es tan grevatz Del mal qe non sen dolor, JSon
sent ira ni iristor,
11. Si con sel qu'es tan grevatz.
12. Si tôt mi sui a tart aperce[u]butz .
13. En chantan m'aven a membrar.
14. Meravil me con pot nuls hom çantar.
15. A qan gen venz et ab qan pauc d'affan.
16. Greu fera nuls hom faillensa.
17. Ja nos cug hom q'eu camge mas çansos.
Quant lo bons reis Anfos de Castella fon estatz desconfitz
per lo rei de Maroc, lo cals era appellaz Miramamolin, elli
ac to[l]ta Calatrava e Salvaterra e[l] castel de Donans, si fo
grans dolors e grans tristessa per tota Espaina e per totas las
bonas gens qe o ausiren, per so qella crestiantatz era estada
desonrada e per lo gran dan qel bons reis de Castella era es-
tatz desconfiz e avia perdudas de las soas terras. E soven in-
112 MANUSCRITS DB GHBLTEMHÀM
traven en [lo] seu règne raubar e [bresar* et aisaillion a To-
leta, don lo bons reis Anfos mandet sos mesages al papa qel
degues far socore, et als baros del regisme de Fransa e del
regisme d'E[n]gleterra, et al re d'Aragon ^ Anfos, et al conte de
Tolosa. En Folqetz de Marceilla, q'era moût amies del rei de
Castella e non era ancara rendutz al orde de Sistel, si fez
una preiganssa per conortar los barons e la bona gen qe de-
guessen socorre al bon rei Anfos, mostran lo honor(s) qe lor
séria lo socors que farion al rei, el perdon q'eil n'aurion de
Dieu, el gaszaing q'eil farian d'aver, e con li rei refarien los
dans e las perdas, et con no lor besoingnava a temer mar
ni ven, ni no lor avia ops naus ni ma[ri]niers, e qe toz hom qe
dell anar aguesbonavoluntat, non estes per paubertat d'aver,
qe Deus lor en daria asatz, e con Dieus nos fasia plus d'amor,
qar el sofria qe Sspaigna si perdes^, qe s'el fos vengutz morir
autra ves per nos, per so qar si près de nos podiam trobar
perdon e remision. E comenset 'naisi la preicansa: Oimais noi
conos\c\ rasonAb qe nos puoscam cobrir, Sija volent Dieu servir y
Qe tant enqier nostre pron.
18. Oi mais noi conosc razon.
D'en Folquet de Marceilla vos ai ben dich chi el fo ni don,
ni con montet en pretz et en valor e con reinet al mon, ni
con s'en parti, e con el amet la moillier de son seingnor en
Baral, e con el fez de leis maintas bonas cbansos de pretz e
de rancuras, e con el anc non ac joi ni plaser ; e aras voil vos
dire con el puois s'enamoret de la emperariz qe fo moillier
d'en Guillem de Montpellier, la qal fo filla del emperador de
Constantinopol que ac nom Manuel, la cals fo mandada al rei
Anfos d'Aragon * si con vos ai dich en l'autre scrit, don el fez
aqesta chanso qe dis : Uns volers outracuidaz S'es ins e[n] mon
cor aders. E si fo aisi desaventuraz q'en aqela sason qe s'en fo
enamoratz, la domna si fo encusada q'ella agues mal fait de
Guillem de Monpellier so marit ; e fo crezut^ per el, si qu'el la
* Ms. breson. Cf. bresat, pièce 11, v. 66, p. 126^ et le v. fr. baiser.
' Ms. deragon.
3 Ms. Berdes,
* Ms. de Ragon.
^ Ms. crefsit.
MANUSCRITS DE GHBLTBNHAM 113
mandet via e la parti de si, et ella s'en anet*. Don Folquet re-
nias tr(e)is e grans e dolens, si con el dis que mais no séria
jausenz, Puos qenera mens Uemperariz, cui^ Jovens A pojad[r]a
els a[u^sors gratz ; E si\l] cors non fos forsaz, Ben feira parer
Com fols si sap decazer.
19. Hus volers outracuidatz.
Gausems Faidits ' {fol, 24, 7'*^, col. 1)
D'en Gauselm Faidit vos ai dich qi el fo ni con venc ni com
estet, el comensament de las soas chansos. Mas si ac tan cor
qel s'enamora de madomna Maria de Ventador, de la meillor
domna e de la plus valen c'om en aquella sason saubes en
nuilla part, e chantava d'ella e[n] fasia soas chansos, ella pre-
gava en chantan, et en chantan la presiava e lausava sa gran
valor. Et ella To soffria per la gran lausor q'el fasia d'ella,
mas anc noil fetz mais amor nil promes. Et enaissi duret
Tamors qe il li avia ben .vij. ans c'anc non ac plaser en
dreich damor; e si venc un dia Gauselms denant ella e sil dis
o ella li faria tal plaser d'amor don el se tengues per pagatz, o
ella lo perdria, e q'el servira autra domna don li venria bens
en dreich d'amors. E si près comjat d'ella. E si s'en anet ira-
damen . E madompna Maria si mandet per una dompna q'avia
nom n'Audiarz de Malamort, q'era gentils e bella, e sil dichlo
faich de Gauselm Faidit e de se e q'ella la degues aconseillar
* [Si Ton ne voit pas là clairement quelle, était au juste l'accusation portée
contre V impératrice, on peut, ce semble, ne fût-ce que par le contexte, assez
facilement le deviner. Aussi cette raso paraît-elle de nature à jeter quelque jour,
et un jour tout nouveau, sur le fait qui y est mentionné, de la répudiation
d'Eudoxie par son époux Guillaume VIII, répudiation qu'on a expliquée jus-
qu'ici par divers motifs, dont aucun n'est celui que notre raso laisse entendre.
-C.C]
8 Ms. qui.
* Ce long fragment de la Vie de G. Faidit, qui remplit à peu près en entier
le fol. 24 du ms., se place entre la troisième et la septième des chansons citées
par leur premier vers. 11 faut, par conséquent, le substituer à ce qui forme,
dans la Revue (juin 1881), les huit dernières lignes de la p. 284 et les quatre
premières de la p. 285.
114 MANUSCRITS DE CHELTENHÀM
corn lo pogues retener ses far amor. E ella li dis q'ella no la
conseillaria del retener ni del laissar, mas ella lo faria partir
del amor de leis, si q'el non se rancuraria d'ella, ni no séria
sos enemics. Madompna Maria si fo moût [ajlegra e si la pre-
guet moût q' allai complis. Madomna n'Audiarz s'en anet e
s'en parti de madomna Maria ; e pren un son cortes message
e mandet disen a Gauselm Faidit q'el âmes mais un petit au-
zel en son poing c'una grua volan al cel. Gauselms qant auzi
a<|est man, monta a caval e venc s'en a madomna N'Audiarz.
Et ella lo receup fort amorosamen. E si, la demandet per q'ella
li avia mandat disen delpauc ausel e de la grua. Et ella si li
dis moût amorosamen q'ella avia gran pietat dellui, car sabia
q'ell amava madomna Maria, e q'ella non amava lui, si no
per cortesia, e per las grans lausors q'el fasia de' leis, e per lo
gran rie reson en qe il l'avia messa per tôt lo mon.« E sapchaz
q'ella es la grua volans al cel, e eu son l'ausels petitz qe vos
tenetz el poing per far e per dir tôt so qe a vos plasa, e sabez
ben q'eu son gentils e auta de riquesa e jovens d'ans. E ditz
hom q'eu son fort bella ; e anc mais no donei ni promesi ni en-
ganei ni fui enganada e ai gran [vojluntat de valer e d'esser
amada p[er] tal don eu gasang prez e valor et [o]nor et hon-
radas amistatz, e sai qe vos es aqel per q'eu cre e sai q'eu
puos gasaignar totz aqest bes. E eu son aqella qui puos guier-
donar totz bonratz servis, e voil vos per amador et per servi-
dor eper maistrador,e faz vos don de me e de m'amor,ab tal
coven, qe vos deviatz penre comjat de madomna Maria de
Ventedorn, e q'en fasatz una chanson rancuran d'ella corte-
samen, e dizen qe pos ella nous vol qe vos seguetz autr'amia,
qe vos avez trobada francha domna e leial e gentil qe vos re-
ten franchamen. » En Gauselms Faiditz, qant ausi lo[s] plai-
sens plaisers q'ella li disia e vi los amoros semblanz q'ella li
mostrava els dous precs q'ella li fasia, els grans be[sl q'ella
li prometia, e vi las grans beutas e las frescas colors, fo si so-
bre près d'amorq'elperdetlo veser e l'audir; e retornan a se,
el comensa regrasiar madomna n'Audiarz aitan cant el poc ni
saub, e de far et de dir tôt ço q'ella comandava, e de partir
son cor e s'amor de madomna Maria, e de mètre sos precs
e son chan en l'amor de madomna n'Audiarz, con aqesta pro-
mession qe l'uns fez a l'autre. Gauselms s'en anet pies de j ci
MANUSCRITS DE CHBLTENHAM 115
e cargatz (e) de legressa, pensan q'el pogues far tal chanso qe
roadomna Maria saubes ben q'el s'era partitz de leis, e q'en
avia trobada autra qe Tavia retengut ab se, prometen de far
grans plasers e grans honors. E fetz aqesta chanson qe ditz :
Tant ai sofert lonjamen gran afan Qcy s' estes mais qe no rnaper-
ceubes, Morir pogra tost e leusim voigues. Aquesta chansos se
chantet e se dis. [E na Maria alegret s'en moût], e madomna
n'Audiarz [atressi], qant ausiren aqesta chanson, e q'el avia
partit son cor e son chan de madomna Maria, e q'el avia cres-
zudas las falsas promessas de madomna n'Audiarz. E a cap
d'una longa sason qella chanson fofaitae retraita, Gauseims si
venc veser madomna n'Audiarz con gran legressa, si concel qe
cresia ades venir en chambra ; et ella lo receup fort ; en Gau-
seims si fo ape d'ella e sil discom el avia faichtot son coman-
dament e com s'era partitz de madomna Maria per ella e con
el avia portât lo cor el sen el saber e ditz e chan el mon ad
ella, e q'ella li avia promes tant don el fos meritatz d'aiso q'e^
avia fait per ella. E madomna n'Audiarz sil dis : « Gauseims,
vers es qe vos es(tes) trop valons e trop presiatz, e non e[s]
domna qe amar voigues qe no se degues tenir per pagada de
vosaver per amador e per servidor, e qe no se degues alegrar
si vos aviaz [ajlegressa, e nos degues [ejsmarrir si vos aviaz
marrimen, car vos es paire e maistre de valor e d'onor e de
cortesia ; e so q'eu vos promis ni dis non o fesi per voluntat
q'eu agués de vos amar per amor, mas per vos traire d'aqella
preison on vos eraz e d'aqella esperansa qe vos aviaz aguda
plus de vij ans son passatz, e q'eu sabia la voluntat de ma-
domna Maria de Ventador. q'ella vos menava per paraulas e
per promessas ses voluntat d'entendre en totz autre[s] faichs.
Eu vos sera[i] amiga e ben volens en tôt cant vos comandez
ni a vos plaisa.» Quant Gauseims ausi aqellas paraulas, fon tris
e grams e dolens, e comensa clamar mers'e a la domna q'ella
nol voigues ausire, ni trair ni enganar. Et ella li dis q'ella no
l'ausizia ni l'enganava, q'an[s] l'avia traich d'engan e de mort.
Gauseims si se levet e si sen anet con hom desesperatz e trist,
per so q'el vi q'el era en aisi traiz et enganatz, qell avia faich
partir de madomna Maria e q'ella li avia dich per engan de
lui amar e retener. El si penset ancaras tornes a merces cla-
mar a madomna Maria e fetz la chanson qe dis : No rnalegra
116 MANUSCRITS DB GHBLTENHAM
chantz ni critz D'aucels mon fel cor engres, Ni non sai per qem
chantes, Mas an[c] per prec ni per chansos mais non poc tan
dir ni far qe anc madomna Maria li volgues sos precs escou-
tar ni ausir.
4. Tant ai sofert lonjamen gran afan.
5. Nom alegra chanz ni critz.
6. Al semblan del rei ties.
Gauselms Faiditz, qant fo parti tz del entendemen de ma-
domna Maria de Ventador per lo sen de madomna n'Audiars
de Malamort, si estet longamen marritz e dolens per lo grant
engan q'el avia près e recebut. Mas madomna Margarita dal
Buson si lo fetz alegrar e chantar q'ella li dis tans de plasers
eil mostret tans de semblans amoros per q'el s'enamoret d'ella
e la preget d'amor. Et ella, perq'el la meses en prez e chantes
d'ella, si receup sos precs els entendet, eil promes de far
plaser en dret d'amor. Longament duret lo precs de Gauselm
e Tamor q'el avia a madomna Margarita dal Buson ; moût la
lausot e la presiet ; mas ella, cum so fos causa qe s'alegres de
las lausors qeil fasia d'ella, noUavia nuill amor ni mais noil
fez plaser en dret d'amor, mas una vez qant prendia comjat
d'el[a], q'el li baizet lo col, et ella o sofri amorosamen, don el
visquet longamen con gran legressa. Mas ella si amava 'n
Ugo de la Signa q'era fils d'en Ugo lo Brun, del comte de la
Marcha, et era moût amies d'en Gauselm. La domnasi estava
el chastel del Buson, on ella [no] podia veser 'n Ugo de la Si-
gna ni far plaser, per qe ella s'amalla de mal de mort, e vodet
se a Sainta Maria de Rochamador, e mandet disen a 'n Ugo
de la Signa q'el venges a Uszerca a un bore on estava Gau-
selms Faiditz, e qe vengues a furt, e qe desmontes en Talberc
d'en Gauselm e q'ella desmontaria en aqel alberg, e q'ella li
faria plaser ; e desseinet li quai jorn el i fos. El s'en ven lai,
e la moillier de Gauselm lo receup fort el honret en gran
creszensa, si con el comandet. E la domna venc e desmontet
laintre e trobet 'n Ugo de la Signa en l'alberc, rescost en la
chambra on ella dévia jaser. Aqui stet el dos jorns al anar
de Rochamador, e l'atendet tro qe venc, e pois estet autres
dos jorns qan fo venguda. E chascuna noit jasion ensembre.
E no tarset gaires qant s'en foron tornat q'en Gauselms venc,
MANUSCRITS DE GHBLTENHAM 117
e la moillier de Gauselm li comtet tôt lo faich, don el fo si
trist q'el volia morir, per so q'el cresia q'ella no volgues [be]
sino ad el, e per q'ella el sieu leit Favia colgat, don el fes una
mala chanson qe dis : Si anc nuls hom per aver fin corage, Ni
per amar ses falsura. Et aqesta fo la dereana chansos q'el fez.
. La pièce Assotz sai d'amor ben parlar, mentionnée sous le n° 12
dans notre notice, à l'article Roemrauç d'Aurenga (i^evwe, juin 1881,
p. 271), attribuée dans tous les manuscrits à Rambaud d'Orange,
soulève une intéressante question d'histoire littéraire. Elle a été pu-
bliée dans VArchiv fur das Studium der neueren Sprachen de Herrig
(t. XXXVI, année xix, p. 447, Brunsweig, 1864), d'après le Chanson-
nier de la bibliothèque St-Marc, à Venise, coté App. Cod. xi. Nous
donnons ici le texte du manuscrit n9 1910 de Cheltenham, en le cor-
rigeant, mais seulement quand le sens l'exige absolument, à l'aide du
texte publié par VArchiv (C) et des manuscrits n®^ 854 et 856 de la
Bibliothèque nationale {A et B). Pour faciliter la comparaison, nous
donnons en note toutes les variantes de ces trois manuscrits .
Rambaud d'Orange n'était point originaire du comté de ce nom. « Il
était fils, dit l'abbé Millot, de Guillaume d'Omelas, de la maison de
Montpellier, et de Tiburge, fille unique de Rambaud, comte d'Orange,
mort dans une expédition à la Terre Sainte. Tiburge, par son testa-
ment, fait en 1150, institua héritiers ses deux fils, Guillaume et Ram-
baud, qui partagèrent entre eux le comté d*Orange. Le dernier en
prit le nom, au lieu de celui d'Omelas, qu'il portait auparavant. La
petite ville de Courteson, dans ce pays, devient le chef-lieu de sa ré-
sidence. » Ainsi Rambaud est probablement né à Montpellier on aux
environs. Cependant trois manuscrits, sur les quatre qui, à notre con-
naissance, contiennent la pièce que nous publions, donnent l'envoi de
deux vers, qui semble indiquer clairement que notre troubadour était
ûé à Rodez. La leçon corrompue de C, qui est un manuscrit de valeur
médiocre (Arodeus), ne saurait d'ailleurs admettre d'autre correction
que celle qu'indiquent et le manuscrit de Cheltenham et le ms. 854
de la Bibliothèque nationale (a Rodes). Il reste à se demander si le
mot naiuraus signifie que Rambaud était né à Rodez, ce qu'il semble
impossible de prouver, ou si, au contraire, il ne faut pas le traduire
par «vassal », et admettre, ce que nous croirions plus volontiers, qu'il
devait hommage au comte de Rodez pour quelques-uns des domaines
qu'il possédait du chef de son père. Alors la pièce en question serait
adressée à la femme d'Hugues l^, Ermengarde de Creyssels, qui, en
1170, se fit religieuse à Nonenque, ou plutôt à la première femme
llg MANUSCRITS OB CHELTENHâM
d'Hugues II, qui était fils du précédent et mourut en 1208, c'est-à-dire
à Agnès, fille de Guillaume, comte d*Auvergne. Nous livrons ce petit
problème à la curiosité de ceux qu'intéressent l'histoire de nos pro-
vinces méridionales et la littérature provençale.
ASSATZ 3A1 d'aMOR BBN PARLAR
Manuscrit de Paris, B. N., fs.fr. 854, f» 146 ro, col. 1 = A; Ms.
de Paris, B. N., fs. fr. 856, f» 197 vo, col. 2= B; Ms. de Venise, St-
Marc, App. Cod. XI, fo 111 r«, col. 1 = 0; texte de Raynouard, qui
reproduit B, sauf correction (Lexique romarin I, 324) = R.
Roembàuç d'Aurenoà
(/•o 16, r% col. 1)
I. Assatz sai d'amor ben parlar.
Ad obs dels autres amadors ;
Mas al mieu pro, que m'es plus car,
4 Non sai ren dire ni comdar ;
C'a mi non val bes ni lauzors,
Ni malditz ni [laitz] mot[z] avars ;
Mas ar soi vas amor aitaus,
8 Fis e bos e frans e liaus.
II. Fer qu'enseingnerai ad amar
Los autres bons domnejadors;
E sim creçon mon enseingnar,
12 Lur farai d'amor conquistar
Tôt aitan con volran de cors ;
E si' ogan penduz o ars
Qui no m'en croira, car bon laus
16 N' auran oeil quen tenran las claus.
V.2, R ops, C dautres; 3, Clo meu.... pus; 4,Afs. rem, fi contar, R com
tar; 5, BR qua, C came no ualbe; 6, À mais ditz, B motz, C ni mal dir ni
mos adirrars, R ni los; 7, AR soi, C leyaus; 8, A liais, C lis e frans e fis
esuaus.
9, BR ensenharai, C sejnharaj ; 10, C vos, BCR bos, A dompneiadors ; 11,
B sin, ABR crezon, C e si cressetz, B essenhar, C essejnar, R ensenharj
12, B far lor a, C vos fara; 13, C can uuillatz, R quan ; 14, C esia, B oguan.
A pendutz; 15Bfl quar, C cab bos; 16, BR selhs, ifcfs. ten nan, B creiran,
C qui men crejra tenra lasiclaus.
MANUSCRITS DE GHËLTBNHAM ll9
III. Si volez domnas gasaingnar,
Que querez queus fassan honors,
Sias fan avol respos avar,
20 Vos las prenes a menassar ;
E si vos fan respos [pejors],
(col. 2)Das lur del pong permei sa(r)s nars ;
E si son br[a]vas, sias braus :
24 Ab gran mal n'aures gran repaus.
IV. Ancar vos voil mais enseing[n]ar
Ab que conqueres las meillors :
Ab malditz et ab lag cantar,
28 Que fassas tut, et ab vanar,
Et que honres las sordejors,
Per lur anctas las levés pars,
E que guardes vostres ostaus,
32 Quenonsemblon gleisas ni naus.
V. Ab aisso n'aures pro, som par,
Mas ie[u]m tenrai d'autras colors,
Per zo car no m'agrad' amar,
36 Que ja mais non voil castiar
Que s'eron totas mas serors ;
Per so lur serai fi(l)s e cars,
Humils e simples e liaus,
40 Dous, amoros, fis e coraus.
17, CR voletz, B dompnas guazanhar, R gazanhar; 18, BR quan querretz,
C can uolretz qeus fazoa amors ; 19, B avols, C respost, Ms . respecs ; 20,
BR prenetz, Cprendetz amenazar; 21, A laisse, comme notre manusciHt^ le
mot pejors en blanc ; 2Z, BR datz lor del ponh, C les del pujn, BR mieg,
CR las nars ; 23, A supprime, comme notre manuscrit, le premier a de
bravas, BR siatz ; 24, C cab, B nauretz.
25, B anquaras, R enquaras, BR vos vuelh mais mostrar, C ancar vos uuil ;
26, BR conquerretz, C conqueretz, BR melhors ; 27, BCR mais, A laig, B
iagz, C mais chaotars; 28, C qen fazatz tuit et amars, BR fassatz tuyt; 29,
BCR honretz; 30^ ABR lor, B anças, C lurs ontas eleuetz pars, A leuers
B leufttz; 31, BR giiardelz, C e que garetz ; 32, B ni croys ni maus.
33, C azo, BR nauretz, C rom; 34, C gem; 35, C zo, BR quar no m'a grat
d'amar, C nom agrada araors; 36, A uuelh; 37, A sieron, C qeseron, A masse-
ros, Ms. masseiros, BR mas serors, C mas sorors; 38,£jR lor, Cper zo lor séria
plus cars, ^1 fis ; 39, £ leyaus, R leiaus, C suaus ; 40, C amoroz. . . sers.
1?0 MANUSCRITS DB CHBLTENHAM
VI. Mas d'aissous sapchatz ben gardar,
Que so qu' ieu farai e[r] folors ;
Non fassaz ver que [non] si par,
44 Mas so qu'eu enseng tenes car,
Si non volez sofrir dolors,
Ab penas et ab loncs plorar[s];
C'assi lor for' envers e maus,
48 Si mais m'agrades lor ostaus.
VIL Mas per som puesc segur gabar,
Qu*eu, et es me granz deshonors,
Non am ren, ni sai qu'es ancar,
52 Mas mon anel, am que m ten clar,
Carfon el det. Ar son trop sors :
Lenga, non mais que trop parlars,
Fai pietzque pechatz criminaus ;
56 Per qu'ien tenrai mon cor en[c]laus.
VIII. Mas bel sabra, mos belhs jocglars,
Qu'ilh val tant e m'es tant coraus,
59 Que ja de lieys nom venra maus.
IX. E mos (e) vers tenra, qu'eral paus,
61 Arrodes, don son naturaus.
41, i4 et Ms. dais dus, C daizous sapchatz tug; 42, A qu {avec u barré)^
B quien, A er foUors, BR er folhors; 43, A fassatz, BR nescis par, C uon
fazatz uns cusipars ; 44, BR qu'ieu, A enseing, BR ensenh, C queu sim tenes
vos cars ; 45, C no, BR voletz ; 46, B locs, A plotais, CR plorars ; 47, A caissi,
BR qu'aissi, C caixi, BR for' envers, C fora ferms; 48, Clur esclaus.
VII. R supprime ce couplet. — 49, C per zo no puesc. Ms. puecs, B gua-
bar: 50, B quieu, C qeu adesme, BC grans, C desonors; 51, C quem so cars,
B enquar ; 52, B det clar, C quim ten dar ; 53, C e car foel de tal serors ;
54, C lenganon, B lengua non; 55, B piegz. Ms. pretz, A peccatz crîminals,
C sapchatz ques pecatz; 56, Ms. qui em, B quieum, C qeu tenc, BC enclaus.
VIII. Ce couplet manque dans le Ms. — 57, C sabran mon bel joglars; 58,
C quieu lame ; 59, C qeia deleis.
IX. Ray?îouard emprunte les deux derniers vers, qui manquent dans B,
à un autre manuscrit, sans doute à A. Voici la leçon de C: Mon vers uenra
can filipaus Arodeus de son naturaus. — 61, i? a Rodes.
MANUSCRITS DE GHBLTENHAM 121
II
LE CHANSONNIER MAC-CARTHY
L.^ Chansonnier Mac-Carthy est un de ceux qui renferment le plus
de pièces uniques. Il a été assez souvent décrit pour que nous soyons
dispensé de le décrire à notre tour : nous nous contenterons donc
de donner quelques indications sur les pièces que nous publions ici.
Quant au choix que nous avons fait de ces pièces, on pourra le trouver
bizarre et nous objecter que certaines d*entre elles sont moins inté-
ressantes que d'autres que nous négligeons. Ce reproche, fondé en
apparence, disparaîtra quand nous aurons déclaré que nous avons
tenu à ne publier que celles dont la publication n'avait pas été an-
noncée par M. Suchier, afin d'éviter le reproche d'aller sur les brisées
de qui que ce soit. Nous estimons d'ailleurs que les poésies des trou-
badours, telles qu'elles nous ont été conservées, sont trop peu con-
sidérables pour qu'on ne profite pas de toutes les occasions d'éditer
ce qui est encore inconnu, ou de rééditer les pièces dont le texte peut
être amélioré par l'emploi de manuscrits non encore utilisés.
La première pièce que nous donnons ici, Dompna c*aves la segno-
ria, vient, dans le manuscîrit, immédiatement après la pièce d'Arnaut de
Mareuil, Bompna, genser quHeu non sai dir, sans indication d'auteur,
comme il arrive pour un certain nombre de pièces de ce Chansonnier.
Rien ne prouve donc qu'elle soit de ce troubadour*. D'ailleurs, nous
n'en avons que le commencement; la pièce suivante est également in-
complète du commencement et se trouve en tête du feuillet 26, sans
aucune indication, ce qui semble prouver que le manuscrit a perdu un
ou plusieurs feuillets, peut-être même un cahier. Cette seconde pièce,
écrite en vers de dix syllabes sur une seule rime, est une espèce de
* [Les mots que tan m'es prés Del aor (v. 10-11) autoriseraient peut-être
à la lui attribuer. C'était là une expression familière à Arnaut de Mareuil. Cf.
ce début d'un de ses saluts : Cel eut vos etz al car plus près, ce vers d'un
autre salut: Mas vos que rr^etz al cor plus près, la fin de Razos es e me-
szura: Carm*etz al cor /)to près, et encore, dans la chanson Vs gais amoro-
orgoils : Beffa domna m'etz ades del cor plus près. Il convient pour-
tani d'ajouter que l'un des mss. dont Giovanni Maria Barbieri s'est servi, celui
qu'il appelle lihro in assicelle, attribuait, paraît-il, cette pièce à Alegret. M. Sn-
chier en a déjà fait l'observation. Voyez Mussafia, Ueàer die prov, Lieder-
handsch.des G. M,Barbieri,pp. 25 et 37, et Barbieri lui-même, Origine délia
10
122 MANUSCRITS DE GHBLTBNHAM
dialogue assez animé entre une grande dame et un amoureux qui se
plaint de sa cruauté^.
Les pièces que nous publions sous les n°" 4, 5 et 6, surtout la der-
nière, offrent d'intéressantes combinaisons au point de vue de la rime
et de la mesure': elles sont anonymes, comme les précédentes. Dans
le manuscrit, elles viennent immédiatement après la pièce Qi la vi en
ditÇt que la plupart des manuscrits attribuent à Aimeric de Peguil-
lan (Cf. Bartsch, GrrMndrm, 103,55), laquelle suit la Cour d'Amour ^
nouvelle fort intéressante, que nous publions à part dans notre troi-
sième partie.
Nous joignons àces pièces inédites, sous le no 7, une pièce déjà pu-
bliée, Ai con m'aven, Dieus nCajuty et nous en empruntons le texte
au Chansonnier Mac-Carthy, qui n'avait point encore été utilisé ; le
premier vers (il est vrai, défiguré ; A comanc dieus maint) est cité
dans la Vie de Girautde Borneil du manuscrit n<^1910 de Cheltenham
décrit ci-dessus, et y porte le n° 12.
Enfin, sous le no 8, nous donnons un relevé des variantes du Chan-
sonnier Mac-Carthy, pour la pièce QiJa ve enditz, d'Aimeric de Pe-
guillan, par rapport au ms. de la Bibliothèque nationale no 856, re-
produit par Mahn (Gedichte, 1171).
Pour finir, un mot sur la façon dont le texte de nos pièces a été
constitué, en ce qui regarde celles qui sont représentées par un seul
manuscrit. Le texte du Chansonnier Mac-Carthy, quoique bien peint,
poesia rimatà, p. 130 ;« Alegretche fece. . . délia sua donna più yersi di rime
accopiate a due a due corne :
Domna c^avetz la senhoria
De Joven e de cortesia.»
Mais ce libro in assicelle aurait bien pu ne pas mériter ici plus de con^
fiance qu'en un autre endroit, où il attribuait à Bertran de Born (Barbieri,
p. 98, Mussafia, p. 40) une pièce qui ne peut aucunement être de lui, et que
le seul ms. qui nous l'ait conservée place en effet sous le nom d'un autre
troubadour, Raimon de Tors, de Marseille. C'est le sirventés Ar es ben dretz
que valha mos chantars (Bartsch, Grundriss, 410, 2). — C. G.]
* [Ce morceau est probablemcRt un extrait d'un roman perdu, dont il for-
mait, ou à peu près, une laisse entière, comme, dans le même ms., un dcg
morceaux précédents (f 9) est un extrait de Jaufre, Il est bien fâcheux que
ce roman, qui devait offrir, par la forme, d'une part, et de l'autre par le siyet,
ou du moios par la manière dont l'auteur y avait traité certains détails, les ca-
ractères réunis de la chanson de geste et du roman d'aventure, ne nous ait pas
été conservé. — G. G.]
* [Ce sont des descorts, comme M. Suchier l'a déjà constaté. — C. G]
MANUSCRITS DE CHBLTBNHAM 123
offre d'assez grandes difficultés aux éditeurs, non-seulement à cause
des fautes graves qui s'y rencontrent, comme dans la plupart des
Chansonniers, mais surtout à cause de la façon plus que fantaisiste
dont les mots et les syllabes y sont séparés ou réunis. D'ailleurs,
quelques-unes des pièces que nous publions appartiennent au genre
obscur, et il est quelquefois difficile d'y trouver un sens, sans trop
faire violence aux règles de la paléographie et au texte réel du ma-
nuscrit. Nous avons, du reste, marqué d'un point d'interrogation les
mots ou vers où nous ne trouvions aucun sens convenable, et nous
les livrons aux méditations des provençalistes.
V DoMPNA, o'avbs la Segnoria
(Fo 25, tjo, coh 2, hauU) Grande lettre (D) rouge, bleu et or, de 0,045™
de hauteur et autant de largeur, encadrant un personnage debout,
vêtu de rouge, avec un manteau doublé de blanc à carrés bleus, le-
quel tient de sa main gauche le cordon qui agrafe son manteau, et
de la droite son poignet gauche ; à droite et à gauche, une fleur d'or
ronde .
Dompna, c'aves la segnoria
De joven e de cortesia
E de totas finas valors,
Onrada sobre las meillors,
5 Fons de totas finas beutatz.
Cul Die us a totz bons aips donatz,
Per Dieu e per Franca Merce,
Sens oui hom non pot valer re,
E pueis per Cortesi'apres,
10 E per amor, que tan m'es près
Del cor quem fai languir sovent,
E pueis, bella dompna, eissament,
Per tôt zo c'az amor ataing,
Car neguns bens no vos sofraing,
15 Vos prec que zo qu'eu vos vueil dir
Deignes escoutar e auzir;
E s' al re ihos dires nom val,
Al mentz no mo tengas per mal ;
Que tant es granz vostra valenza,
V. 14, ms. nous, }li^ situ
124 BiANUSORITS DE GHBLTBNHAM
20 E Yostra beutatz c'ades genza,
Q'eu non cre que si'homs viventz,
Tant es granz mos fols ardimentz,
2° Que cil que a tan ric prez comenzat
(F« 26, r'^^col. 1.) « Que cil que a tan rie prez comenzat
Nol deu retraire, tro que Taj' acabat ;
Com acabat massa n'aves cabat,
C'atretant vei que n'aves deslivrat,
5 Col premier jorn quel aguest conquestat. »
— « Dompna, fai sel, mal m'aurias pagat ;
Car se ieu ai d^una part mescabat,
E vos m'aves a gran tort decazat,
S'en m'enconsir sens drezurier unat *,
10 Cui sapcha bon e cui n'aja mal grat ;
De vostra mort ai fag ja la meitat. »
— a Per Crist, dis ela, de trie aves parlât,
Ans en mentir aves bec aôlat ;
Ja aquest mot non vos er perdonat. »
15 — « Ni s'ieu die zo, non dei esser blasmat.
Jeu li respont, cant zo ac consirat.
De (?) dire ver e respondre menbrat,
S'ieu vos am fort de ric cor afinat,
E vos mi pauc, non es donx meitadat :
20 De vostra part son menudier li dat,
E de la mia drechurier entaillât. »
— Ella li dis, can vei[l] enrazonat :
« Mal mi voles, car non vos ai amat. »
— « Non faz, ma dompna, anz ai mil ven virât,
25 Qu'est la meillor et ab mais de beutat,
E la plus gaia e de major rictât,
E plus cortesa ab sen amesurat,
{Col 2.) Cane vestis porpra ni samit(?) ni cendat ;
V. 2, m^., aja; 13, es mentir auos ; 28, porpra ne cirs.
Vers difficile, que je ne sais comment rétablir.
MiOïUSORITS DB CHBLTENHilM 125
E car tenes tôt bon prez revivat,
30 El vostre faig son totz jornz mellurat,
Ë mi aves mot fort enamorat.
Men prec lo rei seignor de Trenitat
Que vos dones tan fin cor enterrât
D'aici enant, quen tenguesses onrat. »
35 — « Oc ben^ dis ella, zo cuig a vostre grat. »
— a Dompna reïna, digas m'en caritat,
Car mi tenes tostems trist e lazat,
Temes n'aver vergoingna ni peccat ?
— « Com se de que beus tenc per afaitat,
40 Retenc vos ren que m'ajas comandat?
Ai vos promes ren que [non] aja dat?
Ni ai vos tout castel ni richetat?
Ni ai vos mort nul vostre parentat ? »
— « Pietz m' aves faig, can m' aves consirat ;
45 Et ieu de que tenes m'asegurat? »
— a Si n'aves tort quen sias enblasmat ;
Digas, dis ella, la vostra voluntat. »
— « Dompna reïna, tal ren m'aves emblat,
Car sim donavas lo tesor l'amirat,
50 Non m'aurias la quinta amendât. »
% — (( Com zo, dis ella, ai vos ieu ren
emblat? »
— a Oc vos, mon cor, c'aves encadenati
Que per mon vol Taves si ostejat,
Qu'el non vol far mondig ni mon pensât,
( V«, col, 1 .) 55 Ni nuUa ren mais sol vostre ma[n]dat. »
— a Dieus ! et ieu com? De ren non l'ai
pregat,
Ni nol conosc ni mot non Tai sonat,
Ni anc non vi cor de nul home nat :
' Ieu com lo puesc tener emprisonat?»
60 — « Per Crist, reïna, sil tenes afrenat,
Quel jorn en son mil sospir redoblat,
Que no me plaig, que ne sen la clartat,
En ai cent vez en plorant sospirat ;
V 36, dopna; 50, aman dat; 62, que en plaig que en.
126 MANUSCRITS DB CHBLTBNHÂ
Que, can s'avinc joves a pauc d'état,
65 En ma terra laissiei mon parentat :
Mieilz mi fora qu'el col m'ague[s] bresat*,
0 que mei oil fossan enbacinat,
Que ren non vissan ; oc, miels agr' espleitat,
Qu'el m'an trait d'aizo c'ai désirât,
70 Que tôt cant ai eu sempre sompniat,
Beltat; plazer, merce, ai a celât,
Ar, cant retorn per ne toUer mon grat.»
30 BONA DOMPNA, PROS EZ ONRADA
(F® 26, t?o, col. 1.) La pièce commence par une grande majuscule
ornée, dans le genre de celle que nous avons précédemment décrite.
Elle est formée de deux figures superposées : celle du bas rappelle
celle du D du f" 25, v»; celle du haut représente un homme vêtu d'une
robe rouge brun, qui semble montrer la lettre avec l'index levé.
Bona dompna, pros ez onrada,
Humils, ferma ez ensegnada,
Valens e gaia e corteça,
Amezurada e ben apreça,
(Col. 2.) 5 Gent parlanz, savia e valens,
Leial, adrecha e conosens,
E qu'est de tos bons aips complida,
E de ôna beltat garnida,
Lo vostre verais ancessis^
10 Que cre conquestar paradis,
Per far toz vostres mandamens,
Et amies vos obediens,
E tant tem enves vos faillir, •
Que nous auça son talent dir;
15 Mas en esta carta ha escrig
Son pensament e tôt son dig,
V.69, ql {avec un sigle entre les deux lettres) man; 70, en s. gopniat; 71, bel
det. . . . ai acelar; 72, pretoller.
V. 2, ms, fra {avec r barré); 9, ancessis {avec i ban^é); 12, Et a (a barré)
mies.
Bresat = ipercé d'un trait; cf. v. fr. bersei\
MAlïUSGRITS DB CHBLTBNHÂ.M 127
Ni non a ges tant d'ardiment
Que el la carta vos présent
Per si ni per negun mesage,
20 Can hanc non mostret son corage
A nuilla persona fors(?) Dieu,
Mais a vos de cui ten en fieu
Sa volontat e son saber,
Son sen e tôt -son ferm voler ;
25 Ë s'el agues la segnoria
Del mont, pur de vos la tenria ;
Ë ges trametre ni mandar
Nous auça Tescrig ni portar,
Mas sel metra en un bel loc,
30 En caminada, prop del foc,
Ë dira li : a Reman aisi,
{F° 27, f*, col. l)Tro ma do[m]pna n'aja merci. »
E vos, do[m]pna, Tatrobares,
E prec vos que, cant lo veires,
35 Que lo lejas tro al fenir.
Ez escoutas so que vol dir :
Bona dompna, lo cor el sen
Ë la volontat el talen
Ai mes en far vostre placer,
40 Ë per vos lais tôt mon valer ;
Car, cant vos disses q'hîeu dicia
Asatz, e molt petit fazia.
Mi dest delz fagz tal volontat.
Que s'ieu agues Rolantttrobat,
45 0 Sanson, cel que fo tan forz,
Cascus d'elz fora près o morz.
Ë pueis après non tarça gaire
Que nas fom az .i. pauch d'affaire,
Ëz heu i fis, mais nous die que,
50 Que nos coven qu'hon^lauçe se;
Qu'eu ai trobat mez el Salmistre
Queil obra lauca lo maïstre.
V. 21, soz; 34, la; 41, q (surmonté d'un trait) hu; 45, que so; 50, vos.
i
128 MAI|IU9CRi:r$ PS CHai^TBi^A^
Deoans m' era daz .j. pretans,
Quen fo dig quel vostre corçi gens,
55 DompDa, lo m'ayia[s] trames,
Ez azoraval totas ves.
Si Pavia pendut al col ;
Mas cant vos m'en tenguea per fol,
{Col. 2.) Em mez est lo don per nient,
60 Heu lo gitei el foc arçent,
Tant fui angoisos ez iraz.
Mas vos dissest pueis per solaz
Quem darias ses par[t] d'autrui
Jaias ses navr' e senes brui,
65 Cant el vos pjairia de faire.
Per queus prec, dompna de bon aire,
Queus plasa que tais jaismen vegna,
Que joi[o]s e gai me mantegna ;
Qu'ieus vos a^m tant que tôt cant es
70 Oblit per vos, si m'ajut Fes.
Ni n'ai aitan coral amie,
Qu'eu nol tengues per enemic,
Dompna, pur vos m'o disseses ;
N'en lo mont tan grans homs non es,
75 Que, si vos m'o deignavas dir,
Qu'eu no l'anes ades aucir ;
Ni anc homs non fo naz de maire ,
Que, si el m'agues mort mon paire,
E vos disseses qu'eu l'ames,
80 Qu'ieu nol servis e non l'onres
Plus que s'el me des tôt l'onor
Del mont, e m'en feçes segnor.
Non creças queus port amistat
Per lo vostre gran parentat,
85 Ni per vostra granda ricor,
( F% col, 1.) Can(s) laus port ben per fin' amor;
Que si fosez dompna d'Espagna,
0 emperariz d'Alamagna,
V. 52, laDça; 56, azaraual; 57, perdut; 61, fui; 62, folaz; 71, ni nan ;
75, sius; 76, at aucir; 81, sol.
H»U8GRlTa DB CHEILTB»HAM 129
Noos amapia tan ni cant
90 Per 80 pins, negou mon senblant.
E se ieu fos reis d'Englaterra,
£ segners de tant cant Mars serra,
E deges chausir la meillor.
No» pe[n]ria attra en dreç d'amor,
95 Mas vos, que teneç en poder
Mon cor, mo» son e mon saber,
Queus ai tan bona voluntat
£1 cor tan ferm es aônat,
Que tug 11 altre amador
100 Non saupron ren ves mi d'amor,
Queus am per yostra cortezia,
E per Yostra plazen paria,
Eus am per vostre enseignamen,
E per vostre dols^ parlamen,
105 £ per vostra gran conoisensa,
E per vostra vera valensa,
E per toz los ben[s] cb'on pot dir,
Que son en vos, senes faillir ;
E car per amor vos a me
1 10 Da bel eisam rendez merse.
Segon lu veire Testament,
Que dis : a Hoi(e)ll per huelj, dent per dent »,
(CoL 2.) Atresi mi deves vos dar,
Si la razon volez gardar,
115 Prez per prez, amor per amor,
Joi per joi, valor per valor ;
Car s'agu[ejses] denan cercat,
Non trobares tan afinat,
Tan fin ni tan ferm servidor
120 Enportar a vostra lauçor ;
Ni quel cent an de fin' amansa
Vos partes qu'eu a ma semblansa;
Que ieu vos am tan finament.
Que tôt lo mont met per nient ,
V. 83, croças; 97, ahitan; 109, ambe;114, laraxon; 117,dinon; 118,troba-
ras ; 121-2, ces deux vers me sont obscurs; 123, quieu.
130 MANUSCRITS DB CHELTBNHAM
125 E vos sola met d'una part,
Ez en vos ja tôt mon esgart ;
E pueis heu vos am mais que ren,
E plus queil autre, so sai ben,
Dei aver major guizardon ;
130 Que Dieus dis : c Cel que m'amera
Plus que tôt so qu'el mo[n]t sera
Aquel sera de mi amaz,
Ez aquel er plus mos privaz. »
E Salamons sau[p] ben retraire,
135 Com âmes mais Tamic quel fraire,
Eiija servidor ieiali,
Que noil lais aver negun mal,
Ni non lo laisa sofraitos
(A'** 28, 7'°,co/. l)De ço don sera poderos.
140 E si vos creçes Salamon,
Gesu Crist nil segnor del mon,
Que det lo veire testament^
Vos^aures de mi causiment.
Car de vos sui amies cabals,
145 E serveire fins es leiais ;
Car eu am trop mais vos be me,
Per que, dompna, eus quer merce,
Anz que m'auçian li désir,
Ni li afan nil(i) greu sospir ;
150 E s' aras non avez merce.
Pois serai morç, noi valra re,
Dompna.
La fin de la page, le v» et le f* 29, r® etv*, sontvides; puis vient la
Cour d'amour, £« 30. (Voir plus loin, troisième partie.)
4* Lai uns fins preç nais e floris e grana
(F* 46, t?o, col. 1, milieu,)
Lai un[s] fin[s] preç nais e floris e grana,
A bels plaisers es ab valor certana,
V. 125, dona; 131, fera; 134, romaire; 138, sofrai ços; 141, cesu; 142, la;
144, duo sui; 145, serveiros; 148, mal çian; 150, sanas.
MANUSCRITS DE CHELTBSNHÂJf 131
Vol greu eser ab lei que [es] subrana,
De toc los bens franca, dolç' e umana ;
E se tôt s' es faita de mi loindana,
6 Lai un prim eis (?) no fui ne no desana ;
Que sovença
La captenença
El plasenç visaje
10 Port en mon cor, per qu'eu non vir estaje.
Merce la vença,
Que gran temença
M'en pren, que damnaje
{CoL2.) 14 Me fai tal mal que fai anar a raje ;
E cognosença,
Que tôt ben gença,
Prec quel don coraje,
18 Que, s'en die beu, que nol sia salvaje ;
Que con remire,
Ni pens ni consire,
Lo sgardar el rire,
El plaiser qu'eu vi faire,
23 E plus amors mi fai vas lei atraire ;
Ë sei désire
Mi volon au cire,
Con serai sofrire
De tan greu maltraire,
28 Fol car sofren conque r los fins amaire ;
Cal meu albire,
Ni tan quel cor vire,
Anz mi pois aucire
Noi val pauc ni gaire,
33 En ben amar lialmenç senç cor vaire ;
Amicx • sez bausia
E senç tricharia
Li sui a m'amia.
Tant quel cor me dis que d'autra non estia
38 Sol ab als que li a mon saber chastia,
E dis qu'eu séria
V. 26, fofrire ; 37, mor estia ; 38, sol . . . lia munsa ber.
132 MANUSCRITS Di} GHBLTBMHAIf
40 Pals, e a la merce de lei non atendia ;
L'atendrem plaria,
Stella consentia,
Per sa cortesia,
44 Que mon cor Pauses dir e plus n'u queria.
Non aja dotança
Qu'eu faça sQnblança
(F047, fO^coL 1.) Quel n'aja pesança',
Ne torn' a nxermança,
Mais Andreu de França
50 Se[m]bla desperança,
Que mori ses lança
Per un dolç désire.
N'aja anc enança(?)
D'est preç et honrança,
Per que la mesclança
56 Descorda fiança.
{F^ 47, r% col. 1.)
5<> JOI B CHANÇ E SOLAÇ
I. Joi e chanç e solaç,
Et amors certana,
E cortesiaro platç,
4 Em reviu em sana ;
E car nous sou delatç,
Domna, per cui granda
Valormot son iratç,
8 Car m'es tan londana ;
E prec Dieu que m'aujaç
Em sias umana,
Que nuill autre solatç
12 Nom platç un' avlana,
IL Qu'en vos es ma vida,
Pros domn' ai servida,
Car no m'es aisida,
V. 48, inermançaj 51, senes; 53, naio anc nança {avec un sigle entre les
deux derniers mots); 55, teslança.
V. 9, dies.
MANOSCRIIA DB CHBLtBNHAM 133
Mes joiafaillida;
Car la plus grasîda
Est, cant fos vestida.
Per que merceus crida
20 Mon cor, car chausîda
Vos ai entre las bellaçors,
Car sai qu'es de beutaç flors.
Siu platç eu cre queus er honors,
24 S'ueimais mi fatç calque secors.
{Col. 2.) III. C'atendut ai
E atendrai,
27 Cane non caniei per re(n),
Ni o farai,
Tant con viurai ;
30 Car en vostra merce
Son e serai ;
Que tôt verai
33 Si m fares calque be(n),
0 si morai,
Car per vos ai
3Ô Sufert gran mal ancse(n).
Mais per mal qu'eu n'aia,
Ni per afan,
Mos cors non s'esmaia,
40 Ni ai talan
Qu'eu d'elam'estraia,
Per nuil se[n]blan ;
Apres, domna gaia,
44 No veillas mon dan.
IV. Car servir
E obecir
Vos voill, quom albir,
Can vos remir
Ab oilç, que gracir
50 Dei, can sospir ;
Nin dueill
V. 18, cane; 2S, eo cre; 39, mon; 41, queo de.
134 MANUSCRITS DB CHBLTENHAM
Per vos, mais rasons
Fora, corn sius mi feçes jois,
Qu'engoisos
55 Soa, car no ven tais bes.
6" 0 coN u PLUS fin' amor mi destbenq
I. 0 com u plus fin' amor mi destreug,
Em conort em vauc alegran,
E soven ne joc e[n] chan,
El cor plang e plore et estreng I
5 Mas per lauzengiers de mal gein
Nom lais qu'eu no m' an conortan,
7 Qu'il an gaug can vezon mon dan.
IL Entra s' ap joi mi capteing,
Per qu'eu atein(z)
Et esdevein,
Mal {col. 2) grat d'enoios plen d'enjan,
12 Qui si ben fan fais e truan ;
Uns non sap la ren qu'eu plus deing,
Qu'en totunreing
Jenser non seing,
16 N'i a près ni valor tan gran.
III. Al meu cenblan,
18 Ar patz abran(?)
Qu' ab lauzar dis hom con si feing,
Que tan d'engen fatz deveing
21 Contra fin aman, e non vein
Un[s] jorn[s] qu'es tratz c'us
Quex, on plus
24 Pot, sin preng.
IV. Q'ieus m'en ensein
Tal entreceing,
Don sion dolen lurenfan.
Ben 0 seran can cantarzam,
V. 53, cornais ; 55, cals bes ; 5, gien ; 6 et 9, queo ; 13, quio ; 17, meo
19, que ab ; 24, sien; 25, qjeos.
MANUSCRIT DB GHBLTBMHâM 135
29 Qu'eus non torn tut qui contra mor teing ;
S'il van, eu veing,
En joi me tein,
E dezir la menda prezan(t),
33 Don sospiran mor e aman.
V. Car del[sj sieus bel[s] bras non m'estreing,
Cals non dezir e
Mas del martire^
37 Don soi sofrire,
Non puesc' estraire.
Vos de bon aire,
Quis la bellaire
Cane fos (F® 49, r°, col. 1) de maire,
42 Vejas mon martir.
VI. Eprendaus de mi cura,
44 Que negus joi nom po[t] venir
Ses la vostr' aventura,
E sem aisi(z) laisas morir^
Vostr* erla forfaitura.
Pero jamai gans etcentura
49 Don mos fis cors s'acegura.
VII. E'cant remir la stiba (?) dura, ^
51 Non sen dolor ni rancura ;
Per so lais om deg esbaudir,
Sitôt n'ai fag longu'endura,
Del vostre jen cors a tenir ;
Ben far.m'ez de vestedura;
Mas eu non o aus jes dir,
57 Tan " gran temensa m' a tura .
VIII. Es ieu, per [ma] sobretemensa.
Nous aus plainner ma rancura ;
La vostra fina conoisensa
61 M'esgart merce o mezura,
V. 30, eo; 34, sieos; 38, pusec; 44, non ; 45, ces ; 46, sen ; 48, après ce
verSt il y a sans dovte une lacune d'un vers; 49, mon fin; 50, vers cor-
rompu; 51, cen; 55, devesce dura; 56, eo; 57, natura; 58, es jeo.
i
136 MANUSCRITS DB CHALTBNHAM
Qui tôt jorns oreis, vostra y&lensa
Dieu laus' e puia e mesura.
Per qu'eu vos port obeziensa
Mas c'a nuilla oreatura,
G'ab bon es ménda e s'atura
67 Mos cors', que d'als non a cura.
7« Ai con m'avbn, Dieus m'ajut
GiRAUT DE BrUNEIL*
(/'^° 183, r>, col. 2, bas.)
I. Ai cou m'aven, Dieus m'ajut,
C'aras, cant cug chantar, plor I
Séria ja per amor
Que {r% col, 1) m'a sobrat e vencut,
E per amor non ven jais,
Si fais doux per que mi rais,
Ni quem fai marrit*
8 Que non lo sabria dir.
IL C'aissi m'es esdevengut
Tôt leu que perc ma valor,
E solaz non m'a aabor ;
E devenc anc mais adrut.
Son ieu drutz, ni nom m'o Ms
S'ades am forceis e mais
Envej' e désir,
16 Non sui drutz quim poi sofrir.
III. C'aras, car sol ai yolgut,
Me teing per on amador,
Amai res, si Dieu azor,
Sui ieu uns, e nom remut
Lo corage nil biais
D'amar lei per cui son gais,
Nim volvi nim vir,
V. 63, dieo. . . paie ; 64, queo ; 65, créature ; 67, mon.
V. 13, non ni ; 15, euueil ; 18, tenig.
> Dans le manuscrit, le vers précédent est séparé ici seulement du dernier
vers de la pièce.
^ Alias: burnel, bornel. Ce Chansonnier estropie, du reste, la plupart des
noms des troubadours.
UAMUBQHUS DE CH<BNHAM 1$7
24 Nim part lo cor nil cossir.
IV. E con non ai receubut
Massa de ben e d'onor
De las mans de mon seignor,
Si a mas an retengut,
E que un coven me frais,
Car cel que Tira m'atrais
E faram morir,
32 Per ques una cor nol (col, 2) vir.
V. Desvol zo qu'il a volgut,
Non 0 sai ja mar meilor;
Si n'ai mal com al greu jor,
Desiran plus de salut
N'antic (?), e nos par assais.
Auaz ? — Oc, car si jam bais,
Segur pot plevir
40 C'aucir me pot o guérir.
YI. Mas zai m'a(n) mon dol cregut
Uns dams que fan entre lor
Cil d'Urgel, per quel plusor
Seran mort e dechaigut,
Quel comtessa, on prez nais
E sabers e jois verais,
S'en cuida eissir,
48 S'il 0 volon consentir.
VU. Bels tenrai totz per savais,
S'elan lez eissir,
51 El rei, s'o vol consentir.
8° Qui la ve en ditz
Variantes du Chansonnier Mac-Carthy par rapport au ms. B. N. ,
fs. fr., 856, qui a été employé par Mahn, Gedichte, 1171. Nous lais-
sons de côté les variantes purement orthographiques, du moins celles
qui sont sans importance.
V. 31, faran; 38, oûaz ; 43, eil durgel.
11
138 MANUSCRITS DB CHBLTBNHÂM
Ver$l^vi. — 2, pos.... tanç. — 4, e nabia trie. — 7, gen. —
ll,gaug. — 13,1e sieus. — 17,rendriel parlais. — 22, ors autç.
— 24, con deiars. — 27, deua. — 28, si en.— 29, dellei*. —
33', lei. — 45, pos. — 46, nom mesdaç. — 49, son. — 51, vol-
gre acort. — 53, son agoisos. — 57, nam gran sas faisos. —
58,Vqueu. — 62, oilç neus. ^ 64, man lo bel. — 66, ses seto-
blança. — 67, cors fi. — 68, vi. — 70, que nom lança. — 71,
SOS oilç ni nom ri. — 78, mamer mança. — 80, eli. — 81, pos.
• - 82, que ren. — 84, lei el son. — 85, dais no mapais. — 88,
es dels.' — 95, lur. — 99, so que. — 104, gaser. — 105, fer. —
106, que. — 108, li son e liais. — 111, non puesc faire. — 114,
sesals. — 115, carça (avec un sigle sur k seconda) gaire. —
117, son. — 119, ues jaire. — 122, ni mais. —123, labelaire.
— 125, es al bos. — 126, chaptals.
L. CONSTANS.
{A suivre.)
* Après le vers 32,pe Chansonnier Mao-Carthy donne les quatre vers sui-
vants:
La bella caman
Blan
Quel varia
Si en (lis. sin) perdia,
< Noas maintenons les naméros d'après le ms. 856.
CHANSON INÉDITE DE PEIRE ROGIER
(Ms. XC-a6 de la Bibliothèque Laurentienne, à Florence, fo 84*)
I. Dousa amiga, non puesc mais ;
Moût me pesa qar vos lais,
E ye dol[s] m'en ' et esmais,
Et teng m'o a gran pantais
Qar nous abras et|nous bais
6 E departem' nostr' amor.
IL D'aitan sabeos ^ mon talan(t)
Q(eyanc femna non amei tan(t),
E nous [en] aus far semblan(t),
Ni trob per^cui vos o man.
Vac m'en, a Dieus vos coman,
12 Al espirital senhor.
III. Non puesc mudar que nom plagna,
Qar se part nostra compagna.
Eu m'en vauc en terra estragna ;
Mais am freidura et montagna
No(s) fas ûga ^ ni castagna,
18 Ni ribeira ni calor.
IV. Lai s'en vai mos cors marritz,
E çai reman l(es)' esperitz,
Et ai tant los uls froncitz
Qe m'en dolon las raitz.
Ma[s"| so * fai qins "^ a partitz
24 E non puesc aver baudor,
V. Sans e sais fora eu gueritz,
Qant serai acondormiz,
Si fos d'ela(s) tant aisiz
* Cette pièce ne se trouve pas ailleurs. Elle est publiée ici diaprés une copie
de M. Boucherie, que M. A.. Thomas, de TÉcole de Rome, a eu Tobligeance de
collationner sur le ms. — • Ms. redolmen, — ^ Ms. departen,-^ ♦ Sabeos est
pour sabeus = sabetz vos. Il y a d'autres exemples de pareilles contractions.
— * Ms. figu. — 6 Ms. Zo. — 7 Ms. qi us.
140 CHANSON DB PBIRB ROGIBR
Q'en semblant d'una perniz ^
Li baises sos oîls voltitz
30 E la fresqetta color.
VI. Dous estars lai m'es ardura,
Ë bons conortz desmesura
E saziontat[z] fraetura^,
E dias clars (et) noit oscura.
Per mon jovent qar pejura
36 Ai marriment et dolor.
VIL Parlan vauc fasc(?) forsatz...
Suivent dix lignes en blanc, puis vient une autre pièce de Peire
Rogier, Ges non puesc en bon vers faillir.
C. C.
* — Ma. peruiz. Cf. l'italien pemice. Le tottlousain a perlitz. Voy. la
Chanson de la Croisade, v. 4026, et ma note sur ce vers {Revice, IX, d58) .
^ a Et satiété dénuement, d Raynouard n'indique pas cette signification de
fractura ou frachura. ponrtant si commune. Quant à saziontat, ce mot man-
que dans le Lexique roman. C'est un dérivé de saxion, qu'on y peut voir.
Poésies
ENTOURAS-ME D'ENFANT !
A Ventura Ruiz de Aguilera
MOUN COUNFRAIRE B AMI
Entouras-me d'enfant, de pichots innoucènt
Qu'an lou cèu dins lis iue — d'acô sarai countènt!
Siéu malaut, siéu malaut, e moun cor se desgorgo
I trahisoun dis home, e di femo i^messorgo !
Siéu triste, mai que triste, en vesènt à tout pount
Lou sourrire qu'es faus, la caresso que poun !
M'es en ôdi sens noum l'entrigo que matrasso,
E labasso émbicioun e si façoun negrasso!
Lou mounde n'es pèr iéu qu'un bos plen de cat-fèr.
Un palunas afrous plen de siblànti serp.
Mai, Vautre à moun constat, o troupo jougarello,
Moun courage" es en flour, moun amo es cantarello.
Emé Vautre à l'entour, o bèlli caro d'or,
Ai gagna lou calanc, me trove dins lou port.
Liuen de tout ço qu'es laid, me repause tranquile
Au mitan di rouseto, au mitan di blancs ile . . .
Liuen di negro revôu, liuen dis abisme amar.
Oh! qu'es dous d'espincha dins lou mirau d'un clar,
Que retrais au fin founs lis estello divine,
Lis auceloun, li flour, li nivopuro e fino!
Oh^I qu'es dous d'ôublida loubatas e leioun,
E d'ausi soulamen de tèndris agneloun, ^
Quand l'iver es passa, que la vido boutouno,
Que la terro e lou cèu se fan de caranchouno ! . . ,
Venès donne, bèus enfant, blancleissame d'anjoun
Qu'as leissa tis aleto au paradis amount !
142 POÂSIBS
Venès m^envirouna, mi pichot, mi piohoto,
0 mi r6si gauteto, o mi sedoùsi floto I
Vôsti rire'argentin, vôsti mot beluguet
Me soun verbe d'Amour, d'Esperanço, de Fe*!
WiLUAM-C. Bonaparte- Wtse.
Manor of St. Jobn^s, Waterford, abriéa 1881.
MOUN ENFANTOUN
S'entourtouvihon en anèu
Si peu mai brun que la castagno ;
Franc de déco emai de magagno,
Soun front es rose e palinèu ;
Sa parpelo es telo d'aragno,
Sis usso soun coulour de mèu;
E, quand lou belan de cantèu,
Sis iue bandisson toute lagno.
Si bouqueté soun de courau,
A sa barbo i'a 'n pichot trau :
Es un bèu drôle de tout caire.
Mais subre-tout m'es agradiéu
De trouba'n eu lou retra viéu
De sa poulido e gento maire ^ !
P. Chassary.
Moant-pelié, 21 de setembrel881.
• Provençal (sous-dialecte d'Avignon et des bords du Rhône). Orthograph
des félibres d'Avignon.
BIBLIOGRAPHIE
La Roumanie dans la littératnre dn midi d« la France.— Album ma-
cedo -roman, sub direclionea lui V.-A. Urechia ; Bucuresci, Socecu, Sander
et Teclu, 1880; in-fol. à 2 col., Ym-144 pages ; — Ion Vêla e l'Anel^legeiida
roumana, par' A. Roux ; Montpellier, Imprimerie centrale dujMidi, 1880;
in-8046 pages ;— la R08O e Ion Soulëu, legendo roumano, pèr Louis Rou-
mieux; Mount-pelié, Empremarié centralo dôu Miejour, 1880;in-8o, 6 pages;
— riôu de Pascas, armanac per Tannada 1881; Mount-peliè, Empremarié
centrala daa Miejour ; in-80, jcl-100 pages ; — Blinde pourta à 'n Baseli
AlecsandrijpèrA.Roque-Ferrier; Montpellier, Imprimerie centrale du Midi,
1881; in-80, 4 pages ; —Brinde pourtat à la Roumanio, etc., per Camille
Laforgue; Montpellier, Imprimerie centrale du Midi, 1881; in-80, l^pages;
— On occasion of Ronmania constituting*herself a kingdom, an ode
byWilliam-C. Bonaparte- Wyse, with a french version by Constant Hennion.
Plymouth, Keys, 1881; in-4o, 12 pages;— A Toucasioun de la Roumanio
coustituïdo en self-reiaume, revira de W.-C. Bonaparte- Wyse, pèr A . de
Gagnaud, dans lou Bnisc d'Aix-en-Provence, n* du 21 août 1881; — le
Petit Rameau, poésie française de B. Alecsandri, dans le Monde lyonnais,
de Lyon, no du 29 mai 1881; etc.
L'idée du Chant du Latin, le concours qui en fut la conséquence
et Tadmission à ce concours de l'universalité des langues et des
dialectes néo-latins, l'attribution de la coupe de M. de Quintana à
M. Alecsandri, ainsi que les fêtes de Montpellier au mois de mai
1878, ont développé dans le midi de la France de vifs sentiments de
fraternité littéraire à Tégard de la Roumanie et des populations vala-
qnes de FOrient austro-hongrois, turc et moscovite. M. Camille La-
forgue, un de ceux qui, par leur exemple et leur initiative, ont su le
mieux faire pénétrer ces sentiments en Languedoc et en Provence, di-
sait, le 3 septembre 1879, en parlant des Roumains à l'assemblée de la
Maintenance languedocienne du Félihrige :
« Lous Roumans, plassats sul bord dal mounde lati, davant las por-
tos dal mounde barbare, sousteroujloung temps Temperi ounte Trajan
lous faguet dintra. An aparat mai loung temps encaro TEuropo ambé
Tespazo d'Esteve lou Grand e de Miquel lou Brave.
» Va savez, mais savez pas toutes qu'en foro de las mountagnos
de Roumanio, de sas coumbos e de sas pianos, i a d'autros pianos e
d'autres coumbos que nourrisson d'homes de mémo rasso, d'homes
qu'an uno lengo, uno religioun e d'habitudes parieiros. e qu'en des-
144 BIBLIOGRAPHIB
piech das mestres de soun sotoul, podou dire, coumo aqueles de
Bucarest, de Galatz e de Mircesti : « Sem Roumans^ 1 »
Et, en effet, si les anciennes principautés danubiennes éveillent
dans Fesprit public des notions précises et certaines, on ignore assez
généralement que des populations de langue roumaine existent en
Autriche, dans la Transylvanie, la Hongrie, la Bucovine, la Dalma-
tie et même l'istrie^; en Russie, dans la Bessarabie et le gouver-
nement de Kherson; en Turquie, dans la Macédoine, la Thessalie et
l'Épire'; enfin en Grèce, dans TAcarnanie, l'Étolie, TEubéeet quel-
ques-unes des îles de la mer Egée. Les rives bulgares et serbes du
Danube comptent aussi des groupes semblables, et les cbevriers vaia-
ques, — car c'est ainsi qu'on les nomme aux environs d'Athènes, —
descendent journellement dans cette ville pour y crier en roumain le
lait de leurs troupeaux.
De ces diverses agglomérations, celles de Flstrie et de la Dalmatie
disparaîtront bientôt, pénétrées par les éléments étrangers qui les
isolent des régions où leur langue est aujourd'hui parlée. Un pareil
sort n'est pas à craindre pour celles de l'Austro-Hongrié et de la Rus-
sie, défendues qu'elles sont par le nombre relativement considérable
de leur population, l'importance de leur rôle littéraire, — c'est le cas
de la Transylvanie, — et le contact immédiat de la Roumanie. Les
agglomérations de l'Epire, de la Thessalie et de la Macédoine sont
celles qui préoccupent le plus les Roumains; car aux tentatives déna
tionalisatrices dont elles sont l'objet de la part de l'élément hellé-
nique, àla rareté des écoles nationales, est venue se joindre la récente
attribution à la Grèce d'une fraction de la Thessalie, celle-là même où
la population de langue grecque est manifestement inférieure à la
population valaque (!!), Une Société {Societatea de culturà macedo-
rom^wa) s'est constituée à Bucarest, au mois de septembre 1879, sous
la présidence de Mgr. Callinic Miclescu, primat métropolitain de
Roumanie, afin de répandre, comme l'indique son nom, la culture ma-
cédo-roumaine de l'autre côté du Danube. Elle a choisi pour secré-
taire M. le député Alecsandrescu-Urechia , depuis ministre de l'in-
struction publique et des cultes du royaume, et s'est immédiatement
efforcée d'établir des relations suivies avec les groupes de la Turquie
* Brinde à la Roumarào, p. 4-6.
* Voyez, sur les Roumains de Tlslrie et de la Dalmatie, l'excellent travail bi-
bliographique de M. Urechia: Incercare bibliografica pentru Istria si Dal-
matia. Bucuresci, 1878; in-S», 20 pages.
3 Celles-ci sont assez connues en France, grâce à la brochure de M. Emile
Picot: Les Roumains de la Macédoine, Parix, Leroux, 1875; grand in-8o,
48 pages.
BlBLlOaRAPHlB 145
d'Europe, de créer et de développer parmi eux des écoles primaires et
des établissements d'instruction. Le Parlement l'a déclarée personne
juridique et lui a voté des subventions considérables. Un journal heb-
domadaire, rédigé en grec moderne et en macédo-roumain, — la phi-
lologie des dialectes latins de l'Orient y trouverait souvent d'utiles
indications, — un journal hebdomadaire, dis-je, est devenu, sous le
titre de Fratilia intru Dreptate', l'organe de la nouvelle association,
comme aussi parfois le messager des idées de panromanisme, qui ne
pouvaient manquer de s'y produire, ne fût-ce que par l'imitation des
théories similaires en faveur parmi les Slaves, les Grecs et les Alle-
mands. On décida enfin qu'un Album conçu à l'imitation duParis-
Murciede la presse parisienne, mais autrement important par le nom-
bre de ses pages et la variété de leur composition, serait publié à Bu-
carest, sous la direction de M. Urechia, et que la circulaire suivante
serait adressée aux principaux écrivains de la France, afin de solli-
citer leur collaboration :
u Monsieur,
» Permettez à une Société roumaine, essentiellement philanthro-
pique, de vous faire connaître son existence, puis la mission qu'elle
poursuit, mission difficile, pour le succès de laquelle elle implorera
votre bienveillant concours .
» Au delà du Danube vivent deux millions de nos frères, derniers
représentants, dans la péninsule balcanique, de la race latine. Épave
de l'ancien empire romain d'Orient, les Roumains de la Turquie d'Eu-
rope ont pu émerger de l'inondation des barbares, grâce à leur admi-
rable vitalité. Au milieu de tant de peuples différents de race, ils ont
lutté pendant cinq siècles pour la conservation de leur langue et de
leurs mœurs nationales, et jusqu'ici leurs efforts et leur persévérance
admirable ont vaincu les périls qui les menaçaient. Mais le danger a
grandi et leurs forces ont diminué. Ils sont engagés, à cette heure,
dans une lutte dont l'issue leur sera fatale, si nous ne leur apportons
un prompt secours : ils devront oublier leur langue, ils devront cesser
d'appartenir à la race latine, race qui nous est chère, parce qu'elle est
la nôtre ; race qui vous est également chère à vous. Français, que
nous appelons avec un juste orgueil nos frères aînés de l'Occident.
» Il existe à Bucarest une Société (Societatea de culturà macedo-
româna) dont le but est d'empêcher cette dénationalisation de tout un
peuple par la construction et l'entretien d'écoles où il apprendra la
langue, la religion, l'histoire et les mœurs de ses pères. Mais la con-
struction et l'entretien de ces écoles est une lourde charge pour no-
tre Société, et, quoique le peuple roumain ait favorablement accueilli
notre appel, nous ne pouvons faire face aux dépenses énormes que
146 BIBUOOIUPHIB
cette mission nous impose. C'est pour venir au secours de notre im-
puissance et pour faire triompher notre entreprise que nous nous
adressons à la France, pays généreux qui aime à soutenir le faible, à
défendre Topprimé et à faire part aux pauvres de ses grandes ri-
chesses.
» Un district espagnol a été envahi par une inondation, ses habi-
tants ont été ruinés. Mais ce coup terrible les avait à peine frappés,
que déjà la France leur envoyait des secours . La presse française,
toujours unie pour faire le bien, a organisé un journal : Paris-Afureie,
et, grâce au concours bienveillant de personnages éminents de toute
opinion, des ressources considérables s'entassent pour consoler les
malheureuses victimes de l'inondation espagnole.
» Et quand nous. Roumains, amis dévoués et reconnaissants de
votre belle et généreuse France, nous viendrons faire appel à ses plus
illustres écrivains; quand nous implorerons l'aide de leur talent pour
nos frères qui succombent, envahis par une inondation dénationalisa-
trice, et sans espoir, si l'on n'y prend garde, nos prières ne seraient
pas écoutées ! Non, cela ne peut être, cela ne sera pas ! Vous qui
n'avez pas refusé de prendre la plume pour donner à Paris-Murcïe
la gloire d'une œuvre inédite et l'honneur de votre signature, vous ac-
corderez la même gloire et le même honneur à un Album macédo-
roumain, que la Société de ce nom publiera en faveur des écoles d®
nos frères opprimés de la Macédoine. Oui, vous aurez à cœur de faire
tous vos efforts pour qu'ils puissent conserver leur langue qu'on veut
anéantir, leur dernier titre de noblesse au sein de tant de populations
étemelles ennemies de la race latine.
» C'est dans cet espoir que nous vous adressons notre humble et
fervente prière de nous envoyer un article inédit et signé, qui sera à
la fois une preuve nouvelle de la philanthrophie française et de son
attachement à notre ancienne et immortelle race, aussi bien qu'un
gage du succès que nous désirons ardemment obtenir.
Alecsandrescu-Urechia . »
Le souvenir des Fêtes latines détermina l'admission du provençal et
du languedocien dans les colonnes de l'Album que l'on allait éditer.
C'était là un [fait marquant pour le Félibrige, et c'eût été aussi un
motif sensible d'étonnement pour les personnes qui s'obstinent encore
à désigner les idiomes méridionaux par la qualification péjorative de
patois, si le peu d'intérêt dont témoigne l'emploi de cette expression
leur avait permis de s'occuper du recueil où les successeurs de Gou-
delin et de Jasmin allaient recevoir une si large hospitalité.
Voici, par ordre alphabétique de noms d'auteur, les pièces qu'il ren-
ferme. Elles sont tontes aceompagnées dHane vsatOA €ft pix^se frB&>
çaise* :
1. Amx^rmuJE (Albert): As Manidets de Rmnmimw (Aux. Jeones
EjtifaLsts de Ronmaiûe}, 8-9 ;
H . AtTBJLJŒL (Théodore}: laSereno (la Sirène), 11;
III. Ba&be (Paul): a *oî« Fr aires halahos, laCigalo m(nmdinù{A
ses Frères ralaques, la Cigale toulonsaine), 16-17;
IV. BoxApjkETE-WTSE rWîlliam-C.): Dif^ ^a fourèst de la Scunto
BcittnM (Dans la forêt de la Sainte-Baume)^ l$-22';
* Aiitérieoreiiwnt à U publicatioD de cet Album, on aTvt pa remarquer
dans la poésie do midi de la France une sorte de tecdanoe en fitTenr de la
Romnanie. Le plus aDcien texle où elle soit secsîble^ ane pièce de H. Ch.
Folie-Desjardins dans les Lys et Pervenches (Avignon, Roumanille^ 1877 ;
io-8», p. 37) : Â rw^fris fraires de Balakio, a même précédé les Fêtes latÎDe^,
??otoas ensuite : la traduction en vers toulousains, par M. Paal Barbe, de
YHora Unirèi (le Chœur de ITni on), celle d^une Dôme d'Alecsandri : Blowid*-
neto ou la Pourtairo d'aiguo de Veniso, par M. Gabriel Azaîs, insérée dans
le journal VUnion nationale, de Montpellier, à la fin du mois de mai 1S79, et
reproduite, p. 74-75, de Flou de Pascas; un sonnet de M. de Berluc-Penissis :
/ Latin de la Rotananio, p. 44 de YÀmutna prour^ençau de 1880; la tra-
dnction du Voile et F Anneau, devenue entre les mains de M. Antoine Roux
un véritable poème; des versions du Chant de la race latine, en vers lan-
guedociens, par M. A. Langlade; provençaux, par M. V. Lieutaud, et fran>
çais, par M. Ernest Hamelin. Celle de la Petite Brebis, que Ton doit à M. Paul
Goordon {Reuue, 3e série, 111,260), est peat-étre la meilleure du languedocien
moderne. A ces témoignages d'une des préoccupations littéraires du midi de
la France en 1877-1880 doivent être ajoutées to Roso e lou Soulèu^ ainsi qu'un
commeneement de traduction des chants populaires de la Roumanie^ par
M. Roumienx, et enfin quelques pièces de M. Bonaparte- Wyse, destinées à
prendre place dans li Piado de la Princesso, recueil qui contiendra toutes les
oeuvres que son auteur a disséminées en divers périodiques, depuis la publica-
tion des Parpaioun blu.
* D est de mon devoir de signaler ici certaines irrégularités signographiques
qui mettraient à la torture Tesprit des futurs Saumaises de la littérature méri-
dionale, si même elles ne devenaient des présomptions d'inauthenticité k] l'en-
droit de quelques-unes des poésies insérées dans V Album macédo-roumain.
Sauf la première et la troisième, toutes celles qui étaient destinées à y figurer
furent centralisées à Montpellier, au secrétariat de la Société des langues ro-
manes, où la vérification de leurs manuscrits fit constater que le numéro IV
n'avait pas été signé, et qu'il en était de même des numéros Vil, YIII et IX, qui
avaient été préalablement recopiés. Les noms de MM. Bonaparte-Wyse, Adel-
phe Espagne, Clair Gleizes et Laforgue, furent en conséquence cloutés au bas
de ces quatre pièces par celui-là même qui écrit le présent article. Il était, lors-
qu'il agissait ainsi, loin de se douter que ces mentions lui reviendraient auto-
148 HIBLIOaRâPHia
V. Boarrell/ (Mànus): Lou Reire e lou Felèn (rAïeul et le Petit-
Fils), 22 ;
VI. EsPAGNK (Adelphe): Au Pople de Roumanta{kn Peuple de Rou-
manie), 43;
VIL Ga6na.ud(A. de): A-n-uno Jouvo Escoulano latino (Ten Ma-
cedôni (A une Jeune Ecolière latine de la Macédoine), 47-48;
VIII. 6LEizBs(Clair;: la Culido defigo (la Cueillette de figues), 48;
IX. Laforgue (Camille): Sounet (Sonnet), 57;
X. Langladb (Alexandre): A la Mata escabartada {A la. Touffe
égarée), 57-58;
XI . Mistral (Frédéric): A la Roumanio (A la Roumanie), 82-83 ;
XII . Roque-Fkrribr (Alphonse): hu Bialoc de Clarmount (le Dia-
logue de Clermont), 1 19 ;
XIII. RouMiEUx (Louis) : Floureto (Fleurette), 126-127;
XIV. Roux ^Antoine) : VEstela de Roumania (l'Étoile de Rouma-
nie}, 127;
XV. Le Frère Savinien (des Ecoles chrétiennes) : J i?ot*man (Aux
Roumains), 128-129;
XVLTavan (Alph.): A Mirèio Gleize (A Mireille Gleizes), 131-132 *.
On peut y ajouter, pour compléter le lot du Félihrige^ une page
de M. de Quintana, animée par le souffle lyrique des paroles qu'il
prononçait à Montpellier, le 24 mai 1878, quelques instants avant .que
Ton décernât à M. Alecsandri le premier prix du Chant du Latin.
Sous l'uniformité de la prose, vibre la strophe de l'ode que le poëte
catalan sentait bouillonner en lui.
Salut, pople valhent, nosta prima avant-garda,
De l'asempre latin subre aimât caga-nis ;
Lou sourel amourous de looga t'arregarda
Que dins la oegra nioch sen encara endourmits !
a dit M. le docteur Espagne dans le premier des deux quatrains qui
forment sa pièce Au Pople de Roumania, et ce salut, d'une concep-
tion tout orientale, résume assez bien la pensée que MM. Arnavielle,
Barbe, Langlade, Roux et le frère Savinien, ont plus longuement
développée, celle que M. Mistral a exprimée dans le sonnet suivant,
graphiées, sans que le moindre erratum fût possible. Ainsi que les précé-
dentes, la. signature de la traduction française de la Sirène, par M. Théodore
Aubanel, ne représente que l'écriture'du secrétaire de la Société des langues
romanes,
* Quelques-unes de ces pièces ont été reproduites en des publications méri-
dionales. Ainsi, celles de MM. Tavan et Arnavielle se Wseni, Armana prouven-
çau de 1881, p. 25 et 42. Le sonnet du frère Savinien figure dans lou Cacho-
fio, annuari prouvençau pèr Van 1881. Avignon, in-t2, p. 46.
BIBLIOaRAPHlB 149
avec la simplicité et la magistrale netteté que lui seul pouvait y met-
tre :
Quand lou chaple a près fin, que iou loup e la rùssi
An rousiga lis os, Iou soulèu ilamejant,
Esvalis gaiamen Iou brumage destrùssi,
E lou prat bataié tourno lèu verdejant.
Après Iou long trapé di Turc emai di Rùssi,
Tan visto ansin renaisse, o nacioun de Trajan,
Coumo l'astre lusènt que sort dôu nègre esclùssi
Emé lou Douvelun di chato de quinge an I
E li raço latino,
A ta lengo argentino.
An couneigu Tounour que dins toun sang i' avié ;
E fapelant germano,
La Prouvènço roumano
Te mando, o Roumanlo, un rampau d*ôulivié.
M. Clair Gleizes a fait de la Culido de figo un petit tableau d'une
grâce anacréontique ; le sonnet de M . Laforgue est d'une réelle am •
pleur de poésie ; M. Bonaparte- Wyse exalte dans ses vers la forêt de
la Sainte-Baume, ses « ckênes à mille feuilles, ses hêtres à tronc
lisse »,ses taillis « remplis de rossignols, de fleurs et d'ombrages »,
et il raconte comment son grand-père, Lucien Bonaparte, lou sublime
inchaiènt dôu scètre dis Espagne, parvint à les sauver en 1793 de la
hache des clubistes de Saint-Maximin. Les pièces de MM. Aubanel,
Bourrelly, Roumieux et Tavan, ne diminueront pas la réputation de
ces maîtres-poëtes, toujours en quête du mieux littéraire et linguis-
tique. Celle de M. de Berluc-Perussis est l'opposition, obscure peut-
être en première lecture, mais à coup sûr fort heureuse, des paroles
prophétiques que sainte Anne, l'aïeule du Christ, fait lire à la Vierge,
dans le beau groupe de la basilique d'Apt, et des pensées d'une jeune
écolière latine du Pinde, sous le regard de laquelle l'auteur croit lire
l'espoir, non pas d'un Alexandre macédonien, mais d'un Alexandre
néo-latin, qui réunirait en un seul faisceau les populations roumaines
aujourd'hui dispersées, celles-là mêmes que M. Camille Laforgue, usant
du langage métaphorique des poètes moldaves et valaques, comparait
aux « rameaux éparpillés du chêne » qui fut jadis le roi de la con-
trée*:
^ tt Soueti que la Roumanlo veje mai s'acampa, seloun l'image felibrenco de
soun pople, «lous ramels esparpalhats dal garric»; soueti qu'oumbrajou tourna
soun viel trounc e querefagou Taure majestous, Iou rei antique de Tencoun-
trado. » {Brinde pourtat à la Roumanlo^ p. 6.)
150 BIBLIOGRiPHIS
Dintre Santo-Ano d'At, vièio glèiso qu'aman,
Ounte la grand d6u Crist bresso, aseolo, acourajo,
S'amiro an maubre pur, qu'un Fidias rouman
Tremudè 'm' un cisèu d'or, en divino pajo.
Sus la Biblo duberto Ano pauso uno man ;
Mario, afeciounado, en un saume s'assajo
A legi qu'un Sauvaire es proumés is uman :
Demando ounle déu naisse; e le sourris la miy'o.
Aièr, davans la Vierge, istere pensatiéu :
Aquéu front clin e siau me semblavo lou tiéu,
0 Levantesco en flour e digno dôu carraro I
Sout riue meirau de Roumo, au libre d'aveni,
Te vesiéu destriha lou noum d'un que, tout aro,
Nous rendrié l'Aleissandre e li tems avani^.
Ce sonnet est écrit dans le langage d'Avignon et non d'Aix et de Marseille,
comme l'indique, par erreur, l'attribution dialectale de VAlbum.
Les fautes d'impression de ces diverses pièces sont moins grandes qu'on ne
le supposerait d'abord. Voici la table de celles que l'on pourrait y relever.
La Sbreno. — P. 11, col. i, 1. 10, la Sirène, /. la Sereno ; — 1. 16, d'où, /.
dôu ; — 1. 19, sièro, l. fièro.
A soDS Praires balakos. — P. 16, col. 1, 1. 50, autan, /. antan; — 1. 5J,
ponderouso, /. pouderouso ; — 1. 56, qu'auttes, /. qu'autres ; — 1. 58, apilonta,
/. apilouta.
DiNS LA FOURÈST DB LA Santo Bauho. — P. 19, col. 1, 1. 22. Ce draiôu, /.
0 draiôu;— 1. 30, autan, /. antan; — 1. 44, Lieu per bono escascènço, /. Siéu
pèr bono escasènço ; — 1. 46, Erné, /. emé; — 1. 52, teu, /. ten ; — 1. 53, si
fiéu, /. li fiéu. — Col. 2, 1. 10, l' amours, /. l'amour; — 1. 14, roussignôn, /.
roussignôu; — 1. 18, is me, /. is iue; — 1. 20, tan, /. tau; — 1. 23, serre, /.
resso.
Lou RimE B LOU Felen.— P. 22, col. 2, 1. 10, l'éis, l. leis; —1. 12, digne,
/. digue ; — 1. 15, euo, /. acô ; — 1. 16, ni a' nearo, l. n' l'a 'ncaro : — 1. 17,
détour, /. de tout; — 1. 18, ai, /. an ; — 1. 20, signes, /. signés.
A-N-uNO Jouvo EscouLANO LATiNO.— P. 47, col. 2, 1. 44, sur, l. sus. — P. 48,
col. 1, 1. 1, devans, /. davans.
La CuLiDO DE PiGO. — P. 48, col. 2, 1. 10, voules, /. voulès.
SouNET. — P. 57, col. 2, 1. 14, mirgacho, L mirgalho ; — 1. 15, boissons, /.
bouissous; — 1. 17, drachau, l, dralhau.
A LA Mata escabartada. — P. 57, 1. 40, mato, /. mata ; — 1. 44, l'aubo, .
l'auba; — 58,1. 3, lau, l lèu; — 1.6, lo malo erboulho, es encaro, /. la mala-
erboulha, es encara; — 1. 7, Ion, /. lou.
Lou DiALOc DE Clarmount. —P. 119, 1. 10, coscut, /. cosent ; — 1. 11, éclai-
res, l. esclaires; — 1. 13, m,rcis, ^mercis;— 1. 14, aloudats, /. aloubats; —
1. 22, je, /. ie ;— 1. 26, je, /.se ; — 1. 29, uz, /. ur.
Floureto. — p. 126, col. 2, 1. 38, das mai, /. pas mai.— P. 127, col. 1, 1. 2
escampers, /. escamperes.
BIBLIOGRAPHIB 151
JJ Album maeédo-roumain possède, en outre, un intérêt qu'il ne
nous serait pas permis d'oublier dans la Revue. Le Chant de la race
latine d'Alecsandri * y a été imprimé avec sa notation musicale, et le
premier de ses vers: Latina ginte-Vo reginaî (La race latine est la
reine [de toutes les races]) figure sur le haut de TArc de Trajan, qui,
entouré de divers débris de l'architecture romaine et gardé par un des
jeunes soldats de Plewna,fait un beau frontispice à l'œuvre de M. Ure-
cbia. On lit encore dans TAlbum une intéressante étude de M. Nie.
Densusianu sur les Macédo- Roumains dans la Croatie et VEscla-
vonie; une poésie populaire recueillie à Cruso va (Macédoine), par
M. Vangeliu Petrescu, et accompagnée de notes philologiques; des
articles sur les Roumains de la Turquie d'Europe, de la Hongrie et de
la Grèce, par MM. Maniu, Melidon, Misail, Odobescu, etc., et enfin
de curieux et navrants extraits, par M. de Marcy, des dépenses d'Ab-
beville, de Compiègne et de Rouen, où l'on peut constater l'accueil
que la France faisait, pendant les XVe, XVI» et XYII® siècles, à ceux
qui fuyaient la domination ottomane. Le chapitre de Notre-Dame de
Rouen donne, en 1467, une obole d'or à deux chevaliers grecs, Dimi-
trius Gommocy et Dorosionus Cantacosino ; le même chapitre accorde,
en 1582, un secours à son petit « et afligé serviteur Stamati, pauvre
gentilhomme du pays de Macédoine, que les Turcs avaient enlevé
pour servir de genissaire. » En 1458, la ville de Compiègne alloue
vingt-deux sous parisis en don, pour leur rédemption, « à Ysaachius
et Alixis, son fils, cousin germain de l'empereur de Constantinople,
ainsi qu'il est apparu par bulles de N. S . le Pappe et par mandement
royal, lequel a été prins parles ennemis de la foi et détenu prisonnier
au dit lieu de Constantinople, dont il est élargy aux cautions de deux
de ses filles, ainsi que portent les dites bulles. » L'éloquence de Bos-
Buet ne pàlit-elle pas auprès de cette aumône de vingt-deux sous pa-
AMiRÈio Glbize. — p. 131, col. 2, 1. 17, au, /, an.
C'est peu, si Ton songe que ces pièces ont été imprimées à quatre cents lieues
du Languedoc, sur des manuscrits d'une écriture difficile et sans qu'il ait été
possible aux auteurs de réviser eux-mêmes leurs épreuves.
1 La poésie de M. Alecsandri a obtenu un des plus grands succès que Ton
puisse ambitionner. Nous avons retrouvé l'œuvre de celui que ses compatriotes
nomment avec raison le poète de la latinité dans le Risorgimento de Turin
(15 juin 1878); dans la Raza latina de Madrid; la Llumanei^ade New- York;
le Repertorio colombiano de Bogota, etc. Indépendamment des trois versions
signalées plus haut, p. 147, elle a été traduite à Bucarest en vers français, par
M. Frédéric Damé ; en vers italiens, par M. Domenico Muti {Gazzeta di Na-
polij 16 juin 1878); en vers magyares, par M. Vulcan {la Familia, de Pesth,
juin 1878); en vers espagnols, latins, etc., dans divers journaux qui ne nous
sont pas parvenus, et, enfin, ce qui semble à peine croyable, en vers hébraïques.
152 BIBUOGRÂPHIB
risis, votée par le corps de ville de Compiègne aux derniers représen-
tants de l'empire de Trajan et de Théodose?
Les indications qui précèdent ne s'appliquent qu'à une partie de
V Album macédo-roumain, mais elles suffiront à montrer que la va-
riété de sa rédaction, le nombre plus considérable de ses pages, les
indications géographiques et linguistiques qu'elles renferment, don-
nent au recueil dont je parle une supériorité marquée sur le Raris-
Murcie de la presse parisienne.
La publication que M. Urechia menait à si bonne fin complète à un
point de vue plus spécial, et dans un milieu différent, la conclusion qui
se dégage des réunions où la Maintenance du Languedoc a marqué,
par le langage de plusieurs de ses membres, et notamment par celui
de MM. Laforgue, Boucherie, Achille Mir, Donnadieu, l'adhésion que
les efforts des Roumains et l'œuvre de la Société macédo-roumaine
rencontrent chez elle . Cette adhésion a été fortifiée par une représen-
tation donnée le 5 juin de cette année sur la petite scène du Théâtre
Roman de Montpellier, au bénéfice des établissements d'instruction
primaire de la Macédoine. Détail à noter: le répertoire de la soi-
rée appartenait exclusivement à la langue d'oc, et les œuvres de
MM. Azaïs, Aubanel, Roumieux,Chastanet, l'abbé Joseph Roux, Paul
Gaussen, Bigot et Charles Gros avaient contribué à le fonner*. La
même journée avait vu la Maintenance du Languedoc, réunie sous
la présidence de M. Laforgue, décider, à l'unanimité des membres
présents, que son bureau solliciterait de tous les poètes méridionaux
le don d'autographes inédits en vers ou en prose, et que ceux-ci consti-
tueraient le lot unique et vraiment inappréciable d'une sorte de loterie
philologique en faveur du but poursuivi par l'association de Bucarest.
On peut se demander si l'ensemble de ces manifestations ne sera pas
le point de départ d'une période nouvelle dans l'histoire de la poésie
méridionale de la France. A la suite de l'exil de M.Victor Balaguer,
* Voici les litres des pièces qui furent dites ou représentées :
Lous Destorbis del mariage de Bibal, coûte en vers languedociens, par
M. Gabriel Azaïs;
EstivencOy poésie provençale» par M. Paul Gaussen ;
La Liçoun de francés, saynète en un acte et en vers provençaux, par
M. Louis Roumieux ;
Lis Estello, poésie provençale, par M. Théodore Aubanel;
Bernât de Ventadourn, poëme limousin, par M. l'abbé Joseph Roux;
Lou Chavau de Batistou, conte en prose limousine, par M. Auguste Cha.s-
ranet ;
VOurs e li dotes Tafaiaire, — li Granouio, fables en provençal-nimois,
par M. Bigot;
BIBLIOGRAPHIE 153
du voyage de M. Mistral à Barcelone et de son Ode aux Catalans, le
Félibrige remit en honneur les souvenirs communs de la Catalogne
et de la Provence ; la vieille fraternité des deux pays fut maintes fois
célébrée dans les félibrées de Saint- Rémy, d'Avignon et de Montpel-
lier. 11 est probable qu'une évolution d'un caractère plus général sera
le fruit de la publication de V Album macédo- roumain et des mar-
ques de sympathie que la Maintenance languedocienne du Félibrige a
multipliées à l'endroit de la Roumanie. Non contente de mettre en
lumière les points communs de la pensée méridionale et de la pensée
roumaine, cette évolution les fera probablement tourner au profit de
la conception du duc de Choiseul et de M. de Quintana, c'est-à-dire
de l'idée confédérative, respectant, au sein d'un Latium plus vaste et
plus libre que l'ancien, l'autonomie, les tendances et les intérêts des
différents peuples de l'Europe et de l'Amérique latines. C'est là un
point qui ressort avec discrétion, mais avec une netteté déjà signifi-
cative , de la publication que nous entreprenons de faire connaître aux
lecteurs de la Revue,
La constitution de la Roumanie en royaume indépendant a donné
naissance à diverses poésies, parmi lesquelles nous emprunterons deux
strophes à une pièce anglaise de M. Bonaparte-Wyse, traduite en
vers provençaux par M. de Berluc-Perussis, avec une habileté qui est
loin d'être commune, même en ce temps de poètes à l'affût de tous
les secrets de la rime et de la versification :
0 nacioua, que d'uno nôvio urouso
As la frescour,
L'espèr a mes sus touD front la mai blouso
De si lusour !
Li pople vièi, soun libre de memôri
De pôusso es plan ;
Tu, tout bèu just touD pouèmo de glôri
Seduerb seren*.
Mais la plus remarquable et la plus originale de ces pièces, aussi
bien par la saveur légèrement étrangère, mais néanmoins très-litté-
raire, de sa langue, que par l'origine populaire de son thème, est une
poésie française intitulée le Petit Rameau, et dédiée à M. de Berluc-
Magalouna, — Meste Nicoulàs, — Babau-Coucou, etc., poésies langue-
dociennes, par M. Ch. Gros.
Les pièces de MM. Azaïs, Bigot et Chastanet, furent dites par M. Martin
(de Nimes), YïmmiinYAt jouglaire de la moderne langue d'oc.
* Lou Brusc, n© du 21 août 1881.
12
154
BIBLIOGRAPHIE
Perussis par M. Alecsandri * . Elle a été traduite en provençal par ce-
lui-là même àqui elle était offerte, et nous pensons ne pouvoir mieux,
faire que de donner la version à côté de l'original :
0 petit rameau
Qui descends le fleuve
Où nage et s'abreuve
Le royal taureau,
Ce flot qui scintille,
Où t'a-t-il surpris?
Quel est ton pays ?
Quelle est ta famille ?
Par le ver séché,
Du poirier sauvage
La main de l'orage
T'a-t-elle arraché,
Comme en sa colère
La mort, triomphant,
Ravit un enfant
Aux bras de sa mère?
Pour bâtir ses nids
Sur la roche aride.
Dans sa serre avide
L'aigle t'a-t-il pris?
Et des sombres grottes,
L'autan irrité
T'a-t-il emporté
Sur l'onde où tu flottes ?
0 petit rameau.
Perdu, solitaire.
Ainsi qu'un oiseau
Chassé de son aire !
Triste et ballotté
Sur la plaine verte,
0 pichoun rampau
Carreja pèr l'oundo
Qu'abéuro prefoundo
Lou majestous brau,
Aquéu flot qu'esbriho
Ounte t'a susprés?
Toun pais, ounte es?
Quinte es ta famiho ?
Au perussié fer
Seca pèr lou verme,
L'aurige , dins Terme,
T'a-ti près pèr l'èr,
Coume, traite laire,
La mort, trioumflant,
Derrabo un enfant
Di bras de sa maire?
L'aiglo, pèr basti
Soun nis sus II roco,
Dins sis ôrri croco.
Ai! te raubè-ti?
Di baumo negrasso
Quauque veut catiéu
T'a-ti pourta 'u riéu
Qu'aro te tirasse?
Pichot ramelet.
Perdu, soulitàri,
Coume un aucelet
Coucha pèr l'auvàri I
Triste e sagata
Sus la piano verdo,
^ M. Alecsandri est depuis longtemps coutumier du français. C'est à lui que
l'on doit la traduction des Ballades et Chants populaires de la Roumanie,
que M. Ubicini fît précéder d'une introduction (Paris, Dentu, 1855,in-12). Le
Messager de Vienne, journal [hebdomadaire] français d* Autriche-Hongrie,
a publié , au mois de juillet dernier, un récit roumain, Balta Alba, écrit en
notre langue avec une rare correction de style. On peut voir de lui, dans le
Journal de Forcalquier (n© du 10 août 1879) et dans Ylàu de Pascas, p. xiii-
XIV et suiv . , une lettre et des fragments de lettres françaises qui ont dû exer-
cer une large partd'influencesur la phase littéraire à laquelle la présente étude
est consacrée.
BIBLIOGRAPHIE
155
Dans rimmensité
Ta cours à ta perte !
Ne crains pas pour moi
Le flot qui m'entraîne :
Je sois fils de roi,
J'appartiens au chêne.
Atouclierleciel
Dieu me prédestina ;
Ma' sève est latine,
Mon nom immortel.
Un jour, hors de l'onde,
Sur ce bord sacré,
Je redeviendrai
Grand comme le monde.
Et comme autrefois
J'aurai des couronnes,
Car je suis du bois
Dont on fait les trônes I
Dins rinmensita
Courres vers ta perdo !
— Cregnes pas pèr iéu
S' emé lou flot courre :
D'un rèi siéu lou fiéu,
Apartene au roure.
A m'aaboura naut
Lou cèu me destino ;
Ma sabo es latino,
Moun noum inmourtau.
Passa lou desbounde,
Sus 'quest bord sacra,
Moun brout greiara
Plus grand que lou mounde.
Coume antan, aurai
Un reiau diadeime ;
Car moun bos soûl fai
De trône à bel eime !
Le chêne recouvrera-t-il ses rameaux, si étrangement dispersés
loin de la forêt natale ? En d'autres termes, les petites Romanies de
rOrient se grouperont-elles un jour autour de la grande Romanie da-
nubienne, comme Fespèrent et l'appellent de leurs vœux bon nombre
de Roumains? Le poetaet levâtes de leurs ancêtres d'Italie ont parlé
souvent par la même bouche, et, malgré des tentatives récentes, leurs
noms ne sont pas près de devenir synonymes du moderne *polititia-
nus. Il ne nous est donc pas interdit de parler de ces espérances, et
d'adresser à ceux qui nous en apportent l'expression les vers où
M. Albert Amavielle les complète par l'affirmation d'un idéal encore
plus vaste et non moins légitimement naturel :
Creissès, croisses, o pichot mounde,
Per lou grand mounde que revan » î
(Croissez, croissez, ô petit monde, — pour le grand monde que nous
rêvons!)
A. Roque-Ferrikr.
• Album macédo-roman, p. 9.
CHRONIQUE
Noas sommes heureux d'annoncer aux lecteurs de la Revue des lan-
gues romanes que M. Camille Chabaneau, membre résidant de la So-
ciété, a été nommé officier de Tinstruction publique.
La Société vient de faire distribuer la dixième de ses publications
spéciales : Muereglie, traduction en dialecte dauphinois de Mireille, de
Frédéric Mistral^ précédée de notes sur le langage de Saint-Maurice-
de-VEodl et suivie d'un appendice, par M. Maurice Rivière -Bertrand.
Cette publication forme un beau volume in-8® de 200 pages. Son prix
a été fixé à la somme de 6 fr.
Livres donnés a la Bibliothèque de la Société. — Comput en
vers provençaux, publié, traduit et annoté par Camille Chabaneau .
Paris, Maisonneuve, 1881; in-8*, 28 pages;
Traduction des Psaumes de la Pénitence en vers provençaux, pu-
bliée pour la première fois, d'après le manuscrit d'Avignon, par Ca-
mille Chabaneau. Paris, Maisonneuve, 1881;in-8»,40 pajçes;
[Deloncle (Charles)]: Festo de Calderon. Espagno e Franco, remem -
branço histourico, per un felibre toulousenc. Tullo, Mazeyrio, an 1881 ;
in-8o, 8 pages ;
Gagnaud (A. de): Moun Oustalet, pouësio prouvençalo, em' uno tra-
ducioun en rimo italiano, pèr l'abat J . Spera. Montpellier, Imprimerie
centrale da Midi, 1881; in-8°, 12 pages ;
Laforgue (Camille): Brinde pourtat à la Boumanio, lou vu de sep-
tembre MDCCCLXxix. Montpellier, Imprimerie centrale du Midi, 1881;
in-8°, 16 pages ;
LaiEorgue (Camille) : Brinde pourtat à Mistral e Bonaparte-Wy8e>
lou VI de jun mdccclxxx ; in-8o, 16 pages;
Laforgue (Camille) : Discours tengut davans la Court d'Amour de la
Lauzo,lou xxvi de septembre mdccclxxx. Montpellier, Imprimerie cen-
trale du Midi, 1881; in-8o, 16 pages ;
Laforgue (Camille) : la Filho dal Moulinier, cansou. Montpellier, Im-
primerie centrale du Midi, 1881; in-8o, 16 pages;
Rivière-Bertrand (Maurice): M uereglie, traduction en dialecte dau-
phinois de Mireille, de Frédéric Mistral, précédée de notes sur le lan-
gage de Saint-Maurice-de-l'Exil et suivie d'un appendice . Paris, Mai-
sonneuve, 1881; in-8o, viii-188 pages;
Rouvière (Léon): Poésies languedociennes, publiées par C. de Val-
lat. Montpellier, Imprimerie centrale du Mdi, 1881; in -8**, 44 pag.
Le gérant responsable : Ernest Hamelin.
Dialectes Anciens
LES MANUSCRITS PROVENÇAUX DE CHELTENHAM
in
Lk COUR d'amour
{Seinor vos que rofes la flor)
Nous croyons devoir donner une place à part, dans ces glanures
provençales, à une pièce du Chansonnier Mac-Carthy, malheureuse-
ment incomplète de la fin, qui mérite toute l'attention des provença-
listes, autant par son étendue que par Tintérèt du 8i\jet traité. Cette
espèce d'Art d'aimer est certainement antérieure au Roman de la
Rose^ et peut fournir matière à une comparaison intéressante avec la
partie de cette curieuse composition qui est due à Guillaume de Lorris.
On la comparera aussi utilement avec le Sonffc vert, poème (rançais
que nous nous proposons de publier incessamment d'après fe manu-
scrit unique de Spalding (AngleteiTe), ce qui nous fournira Tocoasion
de revenir sur le poëme provençal .
Nous n'osons nous flatter d*avoir toujours réussi à dissiper les obs-
curités qu'il est naturel de rencontrer dans un sujet allégorique ; la
difficulté était d'ailleurs augmentée par cette circonstance, que nous
ne disposions que d'un manuscrit. Nous avons cependant fait tous
nos efforts pour rendre le texte intelligible, sans toutefois nous aven-
turer bien loin dans la critique conjecturale, et nous avons marqué
d'un point d'interrogation les mots ou les vers qui ne nous paraissaient
pas offrir de sens acceptable.
La Cour d'amour
{Po 30,ro,coi.l.)[S*]einor vos que volez la flor
E la corteszia d'amor,
E non avez soing dautr'aver,
Mas ab joi voletz remaner,
5 Auzatz un romanz bon e bel,
Bastit de joi fin e novel,
E gardatz, quant Tauresz auszit,
* On a laissé en blanc, pour le rubricateur, la grande lettre initiale S; de
même au vers 125 et à chaque alinéa.
TOMS VI DB LA TR018IÈM1 SÉRIE. — OCTOBRE 1881.
158 MANUSCRITS DB CHBLTBNHÂM
Non metatz los motz en oblit:
Que za negus hom no fara
10 So quel romanz comandara,
No sia plenz de cortezia,
E que non queira villania.
Que lo .be que lo romanz di
Fasson las dompnas el drutfi,
15 E gardon se de la folitf
Quel romanz deveda e castia :
Que vos sabetz qu'ab desmezura
Per amors a cors sa dreitura,
Que malvestat e putaria
20 NoUaisson tener dreita via.
Per so han fag novella amor
(Col. 2.) D'una dompna de gran valor
.viij. XX. quedonasqe pulsellas,
Q'an trobat lurs raszons novellas,
' 25 Coment amors sia liais,
Fuguon s'en las falsas els fais,
Q[e] a tant amors parlament,
Nos taing haza galiament.
Ora zuzatz com araszona
30 Sa gent Amors la dousa el bona.
Mas premieramens vos dirai
Sos conpainons, ni bon estai
Ab oui faz[ia] acordament,
D'amor lo liai zutgament.
35 [Bjl temps qel roissignol faz nausa,
Que de nueit ni de zor no pausa
Desotz la fuella de cantar,
Pel bel temps que vei refrescar,
Aven que Fin Amors parlet
40 Ab SOS barons en son rescet,
En son del puei de Parnasus ;
Zoi e Solaszforon laisus,
V.12,ms., querrez ; 18, damorâ ; 29,orazuzatz cornent; 30, e la ; â2, estaz;
6, Dueut.
MANUSCRITS DE CHBLTENHÀM 159
E Ardimens e Corteszia,
Qe de flors Ten zonchon la via ;
45 Bon' Esperancha e Paors
Li porton de denant las flors ;
D'autra part, Larguesza e Donneis
Lo meron en un leit d'orfrels ;
( F*, col. 1 .) Celars e Dousa Conpania
50 Geton (de)sus idesa floria.
Lo cortes pueih, de Tautra part,
Delfuoch d'amor relusz es art:
D'aqui mon[ta] tota la joza
Qu'Ajnors permet lomond' envoza.
55 E d'autra part son las floretas,
La[s] ruosas e las violetas,
Qi trameton lor gran douszor
Denant Toleil de Fin'Amor.
E d'autra part ha cent pulsellas,
60 Q'anc negus hom non vi plus bellas;
E chascuna ha son amador,
E son vestu d'una color,
[Ez] baison ez braisson soven,
E mantenon pretz e joven ;
65 [E] totz temps han aital desdug,
* Ad aital gen vai be, so cug.
E d'autra part hac un ombrage.
On hac maint [bel] auzel saulvatge.
Que canton la nueit e lo zor
70 Voltas e lais de gran dousor.
[E]z el mei loc ac un castel,
Q'anc negus om non vi plus bel,
Que non ha una peira el mur
Non luisza con d'aur o d'azur.
75 D'aqui guerezon Vilania,
Las clauson Pretz e Drudaria,
El gaita q'es el castel cria :
« Esta lo drutz contra s'amia,
E l'amia contra son drut:
46, portent; 54, pennes; 69, cantent; 71, Zel; 76, Las clans son preti
160 MANUSCRITS DB CHBLTBNHAM
80 Ëranon sera ja sauput.
Ar es lo luochs e la saiszos
Qu'ieu haz endormitz los gilos. »
Davant la porte hac una font,
E non a tan bella el mon,
85 Qi sortz en una conca d'aur;
De tôt lo mont val lo tesaur ;
N'a om el mont, si n'a begut,
Que, cant qe es e cant [qe] fut,
Non sapchza de be e d'onor,
90 Qe non oblit ira e dolor.
Claus'es de laurie[r]s e de pis,
E de pomiers de paradis ;
De flors de lizs es coronada,
Que nais menudet en la prada.
^ 95 Aqi sasis a parlament
Amors, e pari et bellament,
(En)aissi con deu far lo seingner
Q'a tôt lo mont a destreigner.
Esgardet vas terra un petit,
100 Con sabis om, e pueis ha dit :
« Seinors, eu me lau be de vos,
Mas vos sabetz qe totz om pros
(f^31,r%co/.l.)Deu gardar q'en sa seinoria •
Passa om sen e lais folia ;
105 Qe vos sabetz q'ad obs d'amar
No val re que vol follejar,
Que Tautrer nos dis Johanitz
Que leons aucis la formitz ;
Don ieu aisso dig contra vos
110 Que vos faitz aitant fort joios:
« Us vassal qe no er cellatz,
Si donna li fai sos agratz,
Si a el non s'ennanara,
E lo blasme li remanra. »
115 Vec vos la fromitz el leon,
La donna es morta pel garchon^
98^Qet. 1. m. ha a destreigner; 109, Don iois.
MANUSCRITS DB GHELTBNHAM 161
Eus comanc non fassatz mais re ,
Mas donatz zoi lai on conve ;
Ais enfantz fatz con a d'enfans,
120 Alsparladors donatz parlans,
E metetz en tôt tal meszura
Q'eu no i perda ma dreitura,
Que pros om i a grand onor,
Qan fai be Tafar son seinor. »
125 [A]pres araiszonet Solaz,
Tota la cort estet en paz :
« Seinor, moût si deura sofrir,
Qe moût deu om son cors cobrir,
Qe non diga tôt son coratge,
(CoL2.) 130 Ni non mostre grand alegratge ;
Mas lai on es luechs e meszura,
Q'amors per be cellar meillura,
Qe Tauzel, cant el ve lo latz,
S'en fui d'aqi tost e viatz;
135 Tôt altretal fai de mânes
Vilans, qant vei orne cortes,
Que yiu de joi e de solatz
E porta trezador ni laz,
Quant el lo ve serra[r] sa porta,
140 Ë sa moiller es pesz qu*a morta.
Aisso die per vos, don Solatz,
Qu'ez mos amig[sl e mos prevatz,
Ez affî vos la mia fe
Qe tôt lo mon non am tan re ;
145 Mas voill que laissetz la gaies(s}a,
Qan non es luechs que si beus pesa.
Vos ensegnarai vostre pro,
Qar eu n'ai fort bel gaszardo,
Qe vos faitz amors comenssar,
150 Vos faitz Tun a l'autre agradar.
Vos non voletz enuei ni plors,
Viulas [e] dansas e tanbors
E joventz vos fan compania ;
127, si de uro, avec un sigle sur V\i; 150, agardar.
m MANUSCRITS DE GHELTBNHAM
Seigna vos qi no s'ablavia
155 D'amor, qe vos lo metretz lai,
On om non moissonna mas jai. »
(F% col. 1.) [Ajpres parlet ab Ardtment:
« De vos me lau eu ben e gent,
Que vos faiz toszeta ardida,
160 Q'a paors neis d'aucel qant crida ;
Pueis laffasseitz vos tan segura
Q'a son drut vaz de nueit oscura,
Qe non tem marit ni parent
Batre ni menassar sovent ;
165 E faitz a paubre drut enquerre
Donna q'a gran ôeu e gran terre,
Qel ditz : c Se non laissas estar,
Eu te farai ton envei far x> ;
E cel, que de re non s'esfreda,
170 Sitôt s'a petit de moneda,
S'adoba ades de ben servir,
Pueis [el] la fatz tant enardir
Qu'ela oblida son lignatje,
Sa riquesa e son paraje,
175 E torna tôt son cor en lui,
£ son bon amie ambedui,
E per vos vai a parlament
Drutz a si donz [ab] ardiment.
En amor non val re paors,
180 Ardiments es la claus d'amor.
[C]ort€szia, de vos non sai
Dir[e] lo[s] bons qe de vos hai,
Ni non sai grazir las onors
(CoL2.) Q'ieu hai de vos ni las lauszors,
185 Q*ab plana razon de sofrir
Me fatz a tot(z) mon abellir ;
Ab lo sofrir avetz mesura,
Per qe vostre bon pretz meillura ;
Vos metetz mesura en parlar,
163, ten ; 176, ambeduz.
liÀNUSCRITS BB CHBLTBMHAM 163
190 Envez no sabetz vos ja far ;
Ni janegus om non erpros,
Si non ha compania ab vos,
Que aqel que i a compania
Non fara orguoill ni foUia.
195 [B]on* Esperansa, grand ajuda
Me fatz, qar vostre cor nos muda
Q'al premier que vol faire druda,
El ven a lois, si la saluda,
E pueis commens'a la pregar
200 Per Deu q'ella lo déjà amar.
Bon' Esperansa la lo guida,
E sitôt noncha Tes gracida
Sa pregueira al commensar,
Ades lo faz ben esperar;
205 Qe greu verreis jiovella amia,
Q'a[l] premier non se fassa enia.
Donna, per q'es q'altr' amie hai,
Qel dira : a ges nous amarai » ;
0 dira : « ges nous amaria,
210 Q'onor e marit eu perdria »;
(/^ 32,r*», col.l.) 0 dira qe « plens es d'engan
Vas amador, per qeus soan. »
Bonesperansa ditz c'aiso(n)
Non cal tôt prejar un boto(n),
215 Qant el se desditz ne s'orguella,
Q'adoncs se descausa e despuella.
lP]aors, vos siatz benedeita !
Per vos vai drutz la via dreita,
Qe, quant vai a si dons parlar,
220 Qe el li cuida desmostrar
E dire qe per s'amor mor,
E vos li donatz ins el cor,
Si qel non sab dire razo.
Ni sab detriar oc ni no,
225 Qe quant ha trestot jorn parlât,
198, Eluen; 206, (al premier), cf. v. 197; 207, vers obscur.
164 MANUSCRITS 0E CHBLTBMHAM
Non cuja aver dit mas foudat ;
E qant Ta trames son message,
Et el pensa en son corage :
(( Las ! aisol mandes solamen,
230 Ben sabra q'ieu hai pauch de sen ;
Jamais non virara sol Fuel,
Aiso se tenra az orguel.
CatieuM qe faras, sit forana,
0 si tos messages t'engana?
235 0 qe faras, si de tis lonja,
01 messages te dis mensonja ?
Ben saz q'e[la] m'escanara,
(CoL 2.) E mon message me batra.
Non fara, qe tan es cortesa,
240 Ja non fara aital malesa.
Caitieu ! mala la vi enanch,
Sa plaja me toi tôt lo sanch;
Bem pesa qar loi ai trames,
Que SOS maritz es malares.
245 E dieus I com aura vergoinat,
Si mon message auci ni bat ! »
Aici vos die : « on nos estem,
Ren non ama om qe non tem.»
[L]arguez[a]f vos voell castiar,
250 E sim fatz vos tôt mon afar,
Qe greu pot haver gran proesa
Negtts om, si non ha larguesa,
Ni causa no pot om trobar
Qi tant vailla ad obs d'amar.
255 Mais nott[s] cell qe vostra proesa
Metas en orda cobet[e]sa,
Niu[s] cell qe dones largament
A neguna dompna qes vent,
Qe qant il vos atrai nius tira,
260 Ni del cor ne prec en sospira,
229, mandetz; 233, sit sorma (sit forana =si elle te chasse? Ce mot man-
que dans Raynouard); 253, ben; 256, orba ; 260, de prec sospira (prec a un
trait horizontal sur le c) .
MAMUSCRIDS DB CHBLTBNHAII 165
Il non o fai mas feintament,
Per 8o quel dones de Targent,
El jois, qan cobeesa ajuda,
Non es res mas amor venduda.
( F% coL 1.) 265Per q'ieu vos prec qel fais sospir
Nous puoscan Faver escotir ;
Mais qant veires donna de pretz,
Digas li vos eissa en privetz
270 Qe, sil donas, il vos dara,
E de confundreus gardara ;
E pueis dara vos largament
Joj e proesa e ardiment.
[D]omneù, quius vol mal sia onitz :
Per vos vai paubres drat[z] garnitz,
275 E vai en ivern a la bisa
Qe non ha freig en sa camisa,
E conten se plus bellament
Qe tais qe ha trop mais d'argent.
E s'el es richs, el fara cort
280 E torneiament e beort,
E parla[ra] plus bellament
Ab lo paubre q'ab lo manent,
Per so que [ja] chadaus om diga
Ben de lui a sa dousa amiga.
285 [C]elamens, vos es [ben] la flors
Don nais e creis lo joy d'amors :
Vos non voles envei ni bruda,
Ni ja donna no er batuda
Per re qe vos digatz en fol;
290 Vos non li viratz sol lo col,
Qant om 0 ve, ni fatz semblant
{Col, 2.) Qe de ren mens alatz calant ;
E quant es la sasons nil loc(s),
Vos fatz pareiser vostre joc(s).
295 Qan es partitz, cuza cascus
Qe siatz monges ou resclus.
279, £ cel; 289, qi vos.
166 MANnSGRITB DB CHBLTBNHAM
Vos Yoletz vostre joi en pasz
Vos mantenez joi e solasz ;
Per cortesia e per onor,
300 Vos doin la baneira d'Amor.
[D]olsa Compatna, fîna druda
Es soven per vos ben venguda ;
E cela res qi plus 11 platz,
Son bel amie entre sos bratz,
305 El baisza mil ves en la boca,
Qe, qant sos bel cors alsieu toca,
Ella li ditz per plan solaz :
« Amies, enveja vos mos braz. »
— El li respon : a Donna, el non
310 Tan qan vos mi faitz m'es tan bon,
M'arma, mos cors, so m'es avis.
Es el met luec de paradis.
Bels amies coindes e joios,
Se ieu ren vaill, so es per vos,
315 Q'anch Gai vains no saup re d'amors.
Ni anch Floris ni Blanchaflors,
Ni Tamors Ysolt ni Tristan,
Contra nos dos non valg un gan ^
(/^33,r>,co/.l.)^®llft donna, tant qant viurai,
320 Sachas de fi vos servirai,
Q'ieunonvoellq(e)'amortni a vida
La nostra amors sia partida. »
E volrion mais esser mort>
Q' entre lor agues un descort.
325 [P]fnidaria, vos es dons près,
Qe del castel las claus tenes ;
Car das qes aquest dui baron
Vos adviszon negun preszon,
Qe lo metas en fuec d'amor,
315, ni sore damors ; 327, dez barons.
* Cf. Arnaud de Mareoil, Domna genser que no sai dir, et la pièce du
même troubadour récemment publiée dans la Revue des langues romanes
(août 1881), TarU m*abelis em platz, v.l46 et suiv.
MANUSCRITS DE GHBLTBNHAM 167
330 Gardan lo la nueit e lo zor,
E zamais non hajon [nul] be,
Tro lor donnas n'ajon merce,
(Si) prenon donnas dos tans plus fort,
Las conduisetz trus q'a la mort,
335 Tro que mandon a lur amies
Qe non lor ajon cor enics,
Qe fort fer deu om tormentar
Las donnas, car se fan pregar.
E si chai venon amador,
340 Donnas ni drutz de gran valor,
E vos lo[r] fatz fort bel ostal,
Asetzes los al deis rial,
E colgas los lai dins la tor.
En la mia cambra de flor. »
345 [Q]ant Amors hac a gran leszer
(Co/. 2.) Comandat e dit son plaszer.
Las donnas Fan ben autreiat
Qe d'aco qe ha comandat
Li faran de tôt son talan,
350 Qe ja mot non traspassaran;
Mais de leis volrion saber
Qal amor deu hom mais tener,
E preigan lo^ com lor seignor,
Q'el las engart de desonor,
355 Qe, tant pros donnas coma son,
Non hajon blasme per lo mon,
Ni qe lor pretz ni lor valor
Non lur destrua Fais" Amor,
E qe lur diga soltiment
360 Per razon e per jugament
So qe fai d^amor a gardar,
E aco q'hom en dei ostar.
[S]o dis Amors: « Bon conseil sai
Na Cortezia, q'ieu vez lai ;
390, la nuetit; 333, vers obscur; 335, qz avec un trait horizontal au-des-
sus; 337, fort sers; 345, bacs; 355, com ellas son.
168 MANUSORIIB DB CHEOLTENHàM
365 Voell qen fassa aquest jutgament,
Qe sab per on monta e disent
Amors. Ë qar sab ben q'il es
Del mont la plus adreita res ;
Il lo fera be ses engan. »
37(i Cortesia pleigua son gan
E [a]doba se de jugar :
Qom certes, se fai pauch pregar,
(F% coL 1.) Qant vei qu'ez luecs es avinents,
Molt es grantz e preon son sens ;
375 Puis parlet com savis e pros,
Gent fon auszida sa razos :
«[S]einors, per dreig e per usage
Deu Amors gardar son parage,
Qe paubrezta ab gentilesa
380 Val mais que orgueill ab riquesa,
Ni a sa cort non a(m) res at
Mais servir ab humilitat.
Eu vos o dirai breu e bon,
E breviar voshai la raszon.
385 Fin' Amors [dis] de qatre res:
La premieira es bona fes,
Ë la segonda li altatz,
Ë SOS afars si a cellatz,
E la terza si es mesura
390 De parlar per la grant tafura,
E la qarta sapchas es sens,
Ab q'amors fai tots sos talons.
Aquesta devem mantener
E gardar de nostre poder ;
395 Mais la falsa via bastarsa,
Qe sec la gent q'el fuec fos arsa,
Las trairitz e las venais,
Las cantaritz els comunals,
Que lor femmes (?) e lor(s) amors
(C0/.2.) 400 Es tôt chaitiviers e dolors,
369, nie ; 387, cegona, avec un trait horizontal sur Vo ; 398, canzaritz
las.
MANUSCRITS DB GHBLTEaSHÀM 169
D'aqellas non deven pariar,
Mas qant solament de blasmar.
Aquest jutgament fait d'amor,
Dreitz es c'om nol pot far meillor;
405 E qi desdire io volia,
Ben sapchas q*ieu loil defendria,
En rendria mon cavalier,
' Sin trobava encontra guerier. »
[Las] donnas han ben entend ut,
410 E an en lor cor retengut,
Lo zutgament e mes en brieu,
Per so que roblide[n] plus greu.
Amors lo lor ha sajellat
Ab son anel d'or niellât ;
415 E segnet lo de sa man destre,
Met ii non Paradis terestre.
La Cortesa d'amor lo pren,
En una caisa dousamen
L'a mult bellament estuzat,
420. El mei loec d'un samis plejat ;
E dis als barons en rient :
« Aves auszit lo jutgament
Qe adreitaments an jutgat;
Mas — qar saz qe m'en sabreitz grat
425 Vos dirai d'amor de tal loc,
Don maint plor tornaran en joc,
(/^ 34, r°, coLl.) E maint joc tornaran en plor,
Q'aital usatge han amador,
Qe gai son qant be lor estai,
430 E qant han tant ni qant d'esmai,
Li plaint e li plor eill sospir
Lur adviszon truesq'al morir.
Mas drutz q' Amors vol conqistar
Deu de mantenent demonstrar
435 A si donz son cor s'esta[l]via(?),
S'era plus rica qel reïna,
415, man désire ; 435-6, la fausse rime montre que le premier vers est
corrompu.
170 MANUSCRITS DB GHBLTBMHAlf
Q'una non trobares en mil
Qe nous en tengna per gentil,
Ë q'el cor nous en sapcha grat,
440 Si ben non fai semblant irat,
Q'il pensara : a Ges non soj laida,
Pos aqest s'en vol metra en faida,
E molt faria que felnesa,
S'aquest gentils om de mi pensa,
445 Se ieu non pensava de lui,
Caisse non sap re mas nos dui,
Q'el es coberts en son coratge,
Q'anch nonvolgtrametre messatge,
Ants m'o dis totz sols de sa boca :
450 Ben conosch que m'amors lo toca.
Ben ai pus dur cor d'un leon,
S'el m'ama ez eu no voell son pron;
E molt fazia gran pecat,
(CoL 2.) S'el moria per ma beltat ;
455 Q'el non sembla ges traidor,
Qe, qan mi demonstret Tamor,
Mudet très colors en una ora,
Q'el devenc pus vers d'una mora ;
Aqi eus devenc pus vermels
460 Qel matj qan leva solels ;
Aqi eus devenc [tan] pus blancs
Qel color li fugi el sancs. »
— Vec la vous entrada en consir:
Adoncs s'adobe de servir
465 Lo drutz ; e si plus non Teschai,
El li soplei' ab cor verai,
E digua q'il o puosca auszir,
E fasa semblant de morir :
« Donna, ben vous dei adorar
470 Per la gran beltat q'en vos par,
El tera es santa, q'ieu o sai,
Qar anc sostenc(s) vostre cors gai.»
E las lacremas iescan for,
439, uosis; 440, sai ; 451, dru; 467-8, ces deux vers semblent interverti.
MANUSCRITS DB GHELTENHAM 171
Per so quel puesca embla r locor ;
475 £ giet s'als pes de genoilos
E digua : « Dieus, reis glorios,
Salva mi dons la gran proesa 1
Ë la beltat q'en lei s'es mesa,
E voillatz q'el haza merce
480 Del caitiu qe vez denant se.
■ l^°, coL 1.) Dompne Dieus e merces mi vailla !
Gitas me d'aquesta batailla.
Non yezes que denant vous mor,
L'uel(s) mi volon saillir del cor,
485 Tant vos hay(z) cellada Tamor.
Mais s'un pauch d'aquesta dolor
Sentis lo vostre cors certes,
Ben sai que mi valgra merces.
Las ! qu' hai dit ? Be fas a blasmar;
490 Bella dompna, Dieus vous enguar
Que za per mi laisor color
Vezas en vostre mirador:
De me non podes haver tort.
Mais Toill traidor que m'an mort
495 Veiramen son ill traidor ;
Mais aimon nous que lor seinor,
Mais ill se raszonon vas me
Q'enquera mi fares gran be,
Que tan bel cors com m'han mostrat
500 No fo anch ses humelitat.
Dompna, aisi soi per Tasajar,
Ab un mot mi podez rie far,
Que sol que m'apelletz amie,
Vas mi son paubre li plus rie. d
505 [La] dompna responda causida :
« D'una re non soi ges marrida,
Q'al mieu semblant be fora mesa
{Col. 2.) En voz, sill cor al re no pe(n)sa
L'amors de meillor qu'eu non soi ;
510 Mais, sieus o die, no voz enoi,
481, Dompna ; 489, que hai.
172 MANUSCRITS DB CHBLTQNHAM
Ni me perpens que vous dirai
Ab altra voz, quan vos verai ;
Que vous, drutz, quan vos es jauszit,
Metes las dompnas en ublit,
515 E tota dompna fora druda,
Si non fos per aquella cuda.
A altra vez, nous veiren be
Ëz el mez membre vous de me,
Queus farai de vostre plazer
520 Quem plaira, sim venes vezer. »
Que pro ha drutz ab donnejar
De si dons et ab gen parlar ;
"E quant Ta un lonc temps servit,
El baisa ben la en riquit;
525 Qel menre amors que si dons fassa
A son drut, es qant vol que jiassa,
Que drutz de si dons aidzinatz,
El deve vilas e malvatz,
E ublida se de donar^
530 De servir e dar mas portar.
E si lo vol tener vaillent,
Ab respeig lo fasa jausent;
E qant li dara son bel don,
Fassa aquel [11] sapcha tan bon,
(f^35,r°,co/.l.)Que, qantTaura entre sosbraz,
536 El non cug que(l) sia vertatz.
Aiso queron li drut(z) leial :
Qui pus en demanda fai mal.
[A]pres aqist hom convinent,
540 Conve q'il tenga sor cor gent,
E que se gart de fol parlar,
Q'hom non puesca en lui re blasmar;
E d'una causa sia tricx:
S'es paubre que se fengua ricx,
545 Q'ab un petit de bel garnir
Pot hom sa paubreza cobrir;
525, si dompna; 533, so avec le sigle de os sur Vo; 534, oqael.
MANUSCRITS DB GHELTBNHAM 173
E gard, dom(m)entre q'er iraz,
Sa dompna nol veja en Tafaz ;
Q[e] totz hom, men[tre] q'es joios,
550 N'es trop plus bella sa faisso(n)s.
Als messages de sa maison
Serva e prometa e don,
Qels acuella plus bellament
Qe s'eron sei privât parent,
555 Per so que sa dompna la bella
Aja de lui bona novella,
E haja message certes ;
Mais gart que hom non sia ges,
Que miels dis dompna son talent
560 A fem(i)na que ad autra gent.
E fassa a si dons cembel,
(Co/. 2.) Manjas e cordon et anel.
Que tuit sabem ad esient
Q'amistat creis per lausiment.
535 Vj una causa non oblit,
Ausen leis lause son marit,
E digua que molt fora pros,
Si non fos un petit gilos ;
E s'ill s'en blasma tant ni qant,
570 Cel li pot be dir al[tre]tant :
« Dousa dompna, fei qu'ieu dei Deu;
Vous lo conoissetz mielz que eu ;
Mais totz temps creirai qu'el es pros,
Qar Dieus vole ait en qu'es a voz. »
575 E anso ven lai on estai,
E si per aventura eschai
Qu'el Tatrob sola mantenent,
La bais e Tembraspe] sovent ;
E sill se suffre à forsar,
580 Prenda son joi ses demorar.'
Or dompna vol per dreita escorsa
Q'hom li fasa un petit de forsa,,
Q'ill no dira ja: « Faces m'o »;
560, belle; 563, Cacuella; 566, avia; 561, ci; 564, lausimet ; 573, que les.
14
174 MANUSCRITS DB CHSLTBOmAM
Mais qui la força, sofris o.
585 Soven deu a si dons parlar,
Si pot o de loing esgardar,
E mostre semblant cellador,
Q'ill sapeha qu'el viu de s'amor ;
( F", coL 1.) Enaisi deu son joi noirir
590 Drutz que d'amor se vol jausir.
[La] dompna que vol esser druda
Deu enansi esser tenguda,
Con gentils om se dona soin
Del sparvier, qant Ta en son poin,
595 Que garda quel plu(s)ma non fraina;
Deu ill gardar que non remaina
En sa cara q'il desconveigna,
Mas, tota causa qez aveigna,
Noi meta causa que i nosa ;
600 Mais be pot gitar aigua rosa,
Que quil baisza per gran dousor
Cug q'haja l[o] cors plende flor.
De si meteissa sia gilosa,
Tant vol esser coinda e ginnosa,
605 Que tota dompna es bella e cara,
Ques ten cointamen et esgara,
' E es de tôt en tôt perduda,
Si car e gent non es tenguda.
E loing sapchon retener grat
610 D'aco q'il aura esgardat ;
Ab vertat e ses tricaria,
Demostro bella compainia,
E ill paresca sotz la gimpla
G[au]dire, cortetsa e simpla ;
615 E qui ven a lois cortejar,
{Col. 2.) Sapeha gen respondr' e parlar ;
E gart per plana gentilesa
Que no diga mot de malesa,
Ni de folia ni d'orgueil :
620 Qui gent parla semena e cuell ;
584, sofre so ; 593, dompna ; 599, no iemeta ; 601, qui la ; 606, que s
5] l'.LtiJ .lut}* * ir*nî rtj jt 4^a\
•Sîf JLJ 'ïïf ira;: * «« 'rvr.iruik
S mj3l rksi irei^ f» jiA icr$\
<535 El saTidΣ^ai:«rs>a$i n$$^
Moh es Totscre cors de joi pl*s;
Moh sabes mes%£l;ur coiai^àiih^ii
Coftesda, foadat mb sen* A
El orgueil mb bomililat*
640 Ancbeîs bauriboii lait privât
Un roissinol, c*om to8 mv^es^
Par ni dir quensdesconTeiges.
(F*36,r*, coLl.) Yostre dit ban aitan d'onor,
L^nn son bon e lantre meiUor* »
645 [E] son amie non tricha ges,
Nil digua mais so qne yers es.
Que dompna e polpra e samit
Trobares al ques d'un aquit,
Que la porpra, pois es solada,
650 Non pot esser jamais gensada,
On plus la non la i sez6s(?),
E dompna, puis engans i es,
N'i pot esser d^engan represa,
Jamais non pot esser oortosa ;
655 Ni, pus com pot estain durar,
Non pot jamais son prez oobrar.
EiU cabeill ssion coindament
62Bj gars; 626f et coindia; 642, que vos.
176 MANUSCRITS DB CHBLTBNHAM
Estretz ab fil d'aur o(n) d'argent ;
Une sotilleta garlanda
660 Gart q'uns pel front no sen espenda,
E sion per plana gardât
Ab vel de porpra e de cendat,
Mais un sol petit c'om en veja
Qel mons digua de fina enveja :
665 « Ben ha(n) Tonor e la proesa,
Dompna, del mon qi vos adesa. »
E anon droit e per un fil,
E coindament sion sotil
Li sobrecil sotz lo bel front ;
{CoL 2.) 070 Lo mentonet bel et redont,
Las dents paucas e menudetas.
Bel nas et bocas vermelletas,
Ben faitas ad obs de baisar,
Oui Deus volria tan onrar ;
% 675 Blanc col, e port(e) sas bellas mans
En gans, que nos veza vilans ;
Bella borsa, bella centura,
Com s'era tôt fait en peintura ;
£ paresca bella e delgada
680 Sotz la bella boc[lla daurada.
D'una re se deu donar cura,
Com Teste! be savestidura:
Gent vistent (?) e gent afublans,
Amorosa en totz son sembia[n]3.
685 Bel sion li vestit defors,
La camisa que tocal cors
Sia bella, sotils (s)e blanca,
Col neus en ivern sor la branca.
Gent se cals e gent port sos pes ;
690 Can[t] [es] ab dompnas de gran près,
Am gentils ornes, qi qen gronda,
Parle gent e digua e responda.
La gimpla non sia ges mesa
El cap a guisa de pagesa,
658, sil daur; 662, e volt de; 6*79, dolguda ; 688, uuern.
XàlîOSCRnS DB GHBLTBNHAM 177
6d5 Am^s] sîa coindamen pausada,*
Sobre las bellas crins planada;
( V^, coL\S) E si deu anar en coasa {?),
D^un cordonet daurat la fasa ;
Que Taurplpel e li boton
700 Rescemblon tuit d'una faison.
Gent si tengua, sovent se baiu^
Eab nedesa s^acompain ;
Yes (tôt) lo mon cuberta e cellada,
Mais son amie sia aizinada,
705 Quant sera luecs ni d'avinent.
Eu haz ben dig al parlament
So que li bon drut tenran car,
E faral gilos enrabchar. »
[Cjortesia ditz : « Dompn[a] pros,
710 D'aiso m'acort en ben ab vos.
Que molt es gQos en gran pena,
Que, s'el bat sa moiller, forsena.
Adoncs pens'ella : ce Ar amarai,
Pois atrestant de blasme i bai. a
715 E puis c'ave tôt entr[es]ait
Que dis :« Mais esma, part e fait » ,
Cel la baisa e la percola,
Adons la destrui e Tafola.
Q'ella pensa : « Molt m'aima fort,
720 Ben sufriria dreig e tort, »
Per nient serion gellos,
Batre ni blandir n'es ges bos ;
Mais lais lor on anarlor pe,
{Col. 2.) E venjalui bonamerce. »
725 Amors aiso qel ven agrat,
E ha devant se esgardat,
E vi Merce venir corrent,
Que volg esser el parlament.
E quan Tan vista li baron
702, so compain ; 714, ei; 716, es ma parte fait (ce vers m'est obscur); 717,
perdola; 722, n {surmonté d'un trait); 725, qls, avec un trait sur /e q; il'
faut sans doute admettre avaot ce vers une lacune de deux vers.
178 MANUSCRITS DE CHBLTBNHAM
730 No i a cel non sapcha bon,
Montpolsa son cavallo flancs,
Per un pauc que non es [ejstancs :
Aquest tramonto Tamador
Per faire clam a Fin'Amor
735 De las dompnas, des cominals,
Molt cuitas c'a tost li vasals
Atant es a cort desendutz.
Tuit diçon: «Ben siaz vengutz. »
E el respon kcE Deu[s] sal vos,
740 Amors, e tots vostre baros,
E confonda aquiels qes eu vei,
La cobezesa ez orguei,
Q' entre c' aici m'an encausat,
A qant loncs temps m'an trabaillat î
V45 Amors, tôt lo mont han délit
Dompnas, vos an mes en oblit,
Qe s'era fils d'emperador,
Ses paupre gens non a d'amor ;
Mais aqell es onratz ses failla,
750 Que promet lor diniers ei[s] bailla ;
(/^37, r^,coLl.)E qant ha lo(r)s diniers pagat,
El fausa los ha estuchat.
Il dis : «Enqer non es saso(n)s,
Autra ves trametren per vos »;
755 E{1) ten l'en aquellabalansa
E confont la bona esperansa ;
E qant non ha plus que donar,
Il lo gaba e laissa Testar.
L'orgoilosza, oui Deus abata,
760 Qant vei lo mantel d'escarlata,
E lo var e lo cenbelin,
La pois que mena lo train,
LafiUa d'un villan caitiu
Vos fara de mil drutz esqiu.
765 E Amors deu esse umils.
On plus es rica e plus gentils ;
736, li;747, cera; 750, los.
MANUSCRITS DB GHELTENHAM 179
E s'ep filla'd'un cavaler,
£ negas autra om Tenqer,
Ela dira : a Ges nom eschai ;
77Q Ne ja vilan non amarai. »
E fai pecat s*enaisi (i)clama,
Que totz om val lo rei qez ama.
Aici intrameton Tamador
Que vos regardetz lur dolor ;
775 Per vos son mort et enganat ,
De lor avetz torts e pecatz ;
E fares mal vostra fasenda,
(^Col. 2.) Si de vos non han bella esmenda ;
E c'om digua q'a bon signer
780 Han servit, membre vos de lor.
780, membreus.
(A suivre.)
Dialectes Modernes
KATLANTIDE
Lors delà publication de rAtlantida, le chef-d'œuvre le plus
complet jusqu'à ce jour de la littérature de Catalogne, la Re-
vue des langues romanes annonça brièvement le succès et l'im-
portance du poëme; il nous a semblé qu'il convenait d'insister
et, dans un travail de quelques pages, de mettre au courant de
cette œuvre ceux que des études plus abstraites ou d'un at-
trait moins immédiat et moins général absorbent tout entiers .
L'abbé Verdaguer, qui est un des collaborateurs de la Bé-
vue dont nous recevons l'hospitalité, n'a point débuté par ce
grand eflEbrt lyrique. S' exerçant, même lorsqu'il s'asseyait en-
core sur les bancs de l'Université de Barcelone, à des jeux
poétiques bien indignes de sa gloire présente, couronné main-
tes fois aux Jeux Floraux, présenté à Frédéric Mistral comme
l'un des jeunes étudiants qui donnaient les plus belles espé-
rances, il était resté, s'il faut l'en croire, un peu villageois
et un peu rustique sous l'enveloppe d'érudition qui voilait
son génie. Un jour, enfin, il dépouille ses souvenirs de viga-
tan* : sa santé ébranlée le contraint à voyager loin du vallon
natal. Brusquement, les montagnes, qui lui cachaient le monde
et ses phénomènes naturels, disparaissent à ses yeux: seul,
sur cette mer sans fin, sur cet océan sans bornes, il songe au
passé du gouffre qu'il traverse. Les théories de Platon, les
réminiscences du mystique Nieremberg, charment son ima-
gination. Son sujet est trouvé : il redira la catastrophe qui dé-
truisit le continent mythique chanté par Selon, ouvrit les co-
lonnes d'Hercule, découpa la côte Atlantique, fit sortir la
Grèce du sein des flots, renversa l'orgueil des Titans et ruina
leur tour gigantesque. A la Havane, il s'approche du tombeau
de Colomb et, sur la dernière couche de ce héros, qui donna
* M. Verdaguer est né à Vich.
l'aTLANTIDB 181
an inonde àFEspagne et ne put obtenir d'elle un monument
digne de son génie, il rêve de couronner son poëme par une
large échappée sur les destinées de ce continent que TAtlan-
tide, comme un pont d'or, unissait à l'Europe .
Le sujet, par cela même qu'il était d'une grandeur déme-
surée, présentait des dangers multiples: c'était d'abord la
disproportion du cadre à l'action. Au milieu de cette nature
chaotique, quels êtres faire vivre et agir qui ne fussent trop
petits ? Il fallait des géants ; mais les géants ne sont plus des
hommes, et les monstres n'intéressent pas longtemps. Tous
ces personnages, qui n'ont rien d'humain que la parole, dont
le cœur est un abîme de vertus et de vices mêlés en amalgame
confus, n'ont point le charme des héros d'une Mirèt'o ; mais à
ces défauts, qui sont ceux des épopées indoues, s'opposent des
qualités que M. Y. a multipliées dans les pages de son poëme.
Avec son art de peindre la nature à larges traits et à grands
coups de pinceau, il la fait palpiter sous nos yeux, vivante
sans réalisme outré: elle seule nous captive, et c'est à cette
cataracte, à cette houle, à cet incendie, à cet écroulement,
que nous nous attachons avec un attrait qui tient plus de Tad-
miration et del'éblouissementque de l'intelligence absolue du
détail.
L'expression est digne du sujet ; grandiose, elle aussi, d'un
goût point toujours très-sévère, d'un coloris étrange, mais qui
semble convenir à cette nature antédiluvienne; car Mistral a
trouvé l'expression juste en comparant VAtlantida à ces mons-
tres reconstruits par Cuvier. Ce que le naturaliste avait fait
scientifiquement, M. V. l'exécute dans le domaine de la littéra-
ture, avec une force de poésie qui arrache toutes les sympa-
thies et rend ses inventions vraies, alors qu'elles ne sont que
vraisemblables.
De l'idiome, je ne veux rien dire. On ne peut juger une
œuvre à ce point de vue que dans le pays même où elle fut
effrite, ou bien par une puissance de savoir que je ne possède
pas. On dit en Catalogne que la langue de VAtlantida est l'idiome
le plus purde toute intrusion d'éléments étrangers, le plus con-
forme à l'antique tradition de son génie. De là vient, ajoute-
t-on, les hésitations de ceux qui parlent le catalan abâtardi des
Barcelonais.
182 l'aTLâNTIDB
Je vais copier ici, ne pouvant analyser tout le poëme, les
strophes qui décrivent F Atlantide quelques heures avant la ca-
tastrophe fatale:
No hi hà sorrenques vores, ni rônegues carènes,
Tôt l'herba ho encatifa rosada à bla ruixim,
Gronxanthi entre lianes de nuadisses trenes
La palma escabellada son ensucrat rahim .
Encinglantse, la cabra esbrota un olm menjivol
Des de un cayrell de timba penjada sobre '1 riu,
Y Ifl bissonts s'arramadan ab ayre germanivol
Dels Uimoners y mangles al régalât ombriu.
Lo Pyrineuy l'Atlas, titâniques barreres
Ab que mura rAltissim dos continents fronters,
Agermanats embrancan aquî ses cordillères,
Dant al condor neus altes, al ros&inyol vergers.
Cervos gegants rumbejan ses banyes d'alt brancatge
Que pren Taucell per arbres d'exelsa magnitut ;
Astora les gaceles lo mastodont selvatje,
Y als mastodonts esglaya lo corpulent mammuth.
Semblava que, géloses, del mon â la pubilla
Europa y Libia dassen, com noys petits, lo bras,
Y que ella al foch del geni, estel que al front li brilla,
Amunt, per la escalada dels segles, les guiâs.
Il n'y a ni plages sablonneuses, ni collines vagues ; l'I^erbe mouillée
d'une tiède rosée couvre tout, et le palmier échevelé balance entre des
lianes aux tresses flexibles ses grappes sucrées.
En grimpant, la chèvre broute un orme savoureux, au bord d'un
précipice, suspendue sur la rivière, et d'un air de frères, les bisons s'y
groupent à l'ombre délicieuse des citronniers et des mangliers.
Les Pyrénées et l'Atlas, barrières titâniques par lesquelles Dieu
mura deux continents frontières, y abouchent leurs cordillières sœurs,
donnant au condor des crêtes neigeuses, au rossignol des vergers.
Des cerfs géants portent fièrement des bois si hauts que l'oiseau les
prend pour des arbres d'une grandeur supérieure ; le mastodonte sau-
vage effarouche les gazelles, et le naammouth corpulent épouvante les
mastodontes.
Il semblait que, jalouses, la Lybie et l'Europe, comme des fillettes,
donnaient la main à l'héritière du monde, et que celle-ci, à la flamme
du génie, étoile qui brille sur son front, les guidait pour gravir l'esca-
lier des siècles.
L ATLANTIDE 183
Guadiana, Duero y Tajo que l'or y plata escolan
Vessants de les planicies d'Iberia àgrossos dolls,
Per llits de pedres fines aDgiiilejant rodolan,
Y dauran y perlejan deveses yayguamolls.
Ab libîques rieres s'aplegan en Uurs vies,
Ab lo Riu-d'-or capdella ses aygues lo Genil,
Y si du aqueix de Bètica rumors y mélodies,
Dunhi l'altre de Costa de Palmes y Marfil.
Vestida, enmirallantshi, de pôrfir y de marbres,
Entre *ls dos nus, com fêta de borrallons de neu,
Mitx recolzada al Atlas y à Tombra de ses arbres,
Del Occident cofada la Babilonia seu.
Alla d'allâ, per entre falgueres ge^antines,
De SOS menhirs y terres blanqueja Tample front,
De marbres sobre marbres pirâmides alpines
Que volen ab llurs testes omplir lo cel pregon.
De 808 inmensos règnes la mar no ha vist Tamplaria,
Y dormen tots à Fombra del seu gegant escut ;
Y Tângis, Casitérides, Albion, Thule y Mel-laria
Per cada riu envianlibarcades d'or batut. . . .
Los cînamoms â rengles y poncemers altlvols.
Le Guadiana, le Douro et le Tago, qui absorbent For et l'argent,
coulant à gros bouillons des plaines dlbérie, serpentent comme des
anguilles sur des lits de pierreries, dorent et emperlent les prés et les
marais.
En leur cours, ils se joignent aux fleuves de Lybie ; le fleuve d'or et
le Génil mêlent leurs eaux, et, si l'un apporte les rumeurs et les mé-
lodies de la Bétique, l'autre lui en amène de la côte de Palmes et
* d'Ivoire.
Comme formée de flocons de neige, vêtue de porphyre et de marbre,
entre les deux fleuves et s'y mirant, à demi couchée sur FAtlas et à
l'ombre de ses arbres, s'assied l'orgueilleuse Babylone de l'Occident.
Dans le lointain, entre de gigantesques fougères, blanchit le large
front de ses menhirs et de ses tours, pyramides alpestres de marbres
sur marbres, qui de leur cime prétendent envahir le ciel.
La mer n'a jamais vu l'immensité de ses vastes royaumes, et tous
dorment à l'ombre de son écu géant; et Tangis, Cassiterides, Albion,
Thulé et Mellaria, lui envoient par chaque fleuve des batelées d'or
battu. . . .
Les cinnamomes en files et les cèdres altiers, fléchissant sous le
184 L ATLANTIDB
Al dois pes ajupintse de llur novella flor,
De dos en dos s*acoblan, en porxes verts y ombrivols,
Hont guayta '1 rai g de Talba per reixes de fruyts d or.
Los cirerers s'hi gronxan, de flors viventes toyes
Ahont vessaren tota saflayre Maig y Abril,
Y '1 fruyt ja bermelleja fent goig, entre les joyes
Que s'enfila â penjarhi d'un cep toria gentil.
Rieronets hi lliscan y fonts arruixadores,
Llurs aygues adormintse sovint entre les flors,
Mentre eixes mitx desclouhen los Uabis à ses vores
Per dar à les abelles lo nectar de sos cors.
Los brolladors escupen un riu per brochs de marbres,
Y esbrinadîs al ploure lo ram de fos argent,
Jugant l'iris corona lo cimeral dels arbres,
Y 's veu entre ses tintes mes blau lo firmament.
Cascades mil esqueixan ses ones de bromera
Per esgrabons de pôrfir y balmes de cristall,
Y estols de blanques ninfes desfan sa cabellera
Pels remolins d'escuma, seguintlos riu avall.
Pels riberenchs herbatges, corn un ruixat de perles,
Festivol saltirona l'aucell del paradis,
poids de leur floraison nouvelle, s'accouplent deux à deux en porches
verts et ombreux, où le rayon de l'aube guette par le treillis des fruits
d'or.
Les cerisiers se balancent, 'vivants bouquets de fleurs, où Mai et
Avril versèrent toutes leurs senteurs, et déjà le fruit rougit à faire
plaisir entre les joyaux que d'un cep la vigne superbe vient y sus-
pendre.
Ruisselets et fontaines y sourdent : souvent ils endorment leurs flots
entre les fleurs, tandis qu'elles entr'ouvrent sur la rive leurs pétales
pour donner aux abeilles le miel de leur cœur.
Par des bouches de marbre, les sources rejettent un fleuve en jet
d'eau, et, tandis que le bouquet d'argent liquide se dissout en pluie
menue, l'arc-en-ciel, en se jouant, couronne la cime des arbres, et en-
tre ses nuances l'on entrevoit le firmament plus bleu.
Mille cascades brisent leurs flots écumants sur des escaliers de por-.
phyre et dans de*grottes de cristal, et des pléiades de blanches nym-
phes détnessent leurs cheveux dans les tourbillons d'écume qu'elles
suivent au gré du courant.
Parmi les herbes de la rive, comme une pluie de perles, sautille
l' ATLANTIDE 185
Oushi glosar joyosos sinsonts y esquives merles,
Y à estones gemegarhi lo tort anyoradîs.
Voilât une description pleine de couleur et de vie que nous
empruntons au deuxième chant du poëme ; les autres parties
ne sont pas moins brillantes. L'espace nous étant mesuré, nous
ne pouvons citer ni le récit de T Atlante assassin, qui est une
ode d'un souffle très-puissant ; ni la romance d'Isabelle, qui,
d'ailleurs, est à peu près intraduisible ; ni tout le chant de la
naissance de la Grèce, œuvre sculpturale, taillée dans le mar-
bre de Paros. Il est aussi un côté du talent de M. V. que nous
devons mettre en lumière : c'est sa facilité à toucher aux su-
jets grandioses, comme s'il lui était tout naturel d'exprimer
des idées surhumaines. Je n'en veux pour exemple que ces
pages de la Cataracte (chant V), dont je ne donne qu'une pâle
traduction :
<x Le Calpé n'a pas plutôt cédé à l'impulsion des flots, que
par cette porte ils se précipitèrent en cascade, mugissant
comme des fauves, et à chaque bras de sierra que la vague
pelotonne avec elle, le goufre pour l'engloutir ouvre plus large
sa gorge.
» Un enfant s'écrie: — Qu'est-ce qui descend en troupeau
de Gibraltar ? Ce ne sont pas les agneaux qui venaient paître
les pousses nouvelles : ce sont des monstres rugissants, les
crins hérissés : ma mère ! ô ma mère chérie ! ils vont nous écra-
ser tous.
» Tous! répète -t- elle, cette parole me brise le cœur: viens
dans mes bras, mon flls, la fuite est inutile. Fuyez, fuyez vous
autres, oiseaux qui avez des ailes ; moi, j'attends ici, avec qui
j'aime le plus, qu'ils viennent me dévorer.
» Le Volga, le Rhône, le Gange et cent autres fleuves avec
leurs sables et leurs quartiers de rocs, semblent s'abîmer ici
en tourbillons confus ; ainsi, ténébreuse éternité, sans limites
et sans fond, ainsi tu engloutis, famélique, les générations et
les siècles.
» Et ils s'entassent, et ils reculent, et ils s'abîment comme
gaiement Toiseau de paradis: Ton entend glousser les joyeux sanson-
nets et les merles craintifs, et le tourdre plaintif gémir par intervalles.
186 L* ATLANTIDE
une trombe, après avoir tourné sur eux-mêmes; ils se préci-
pitent, frénétiques, mer sur mer, dans ces creusements de la
vague ou dans les vents et Técume qui luttent de rage. Le
chaos semble renaître, le chaos, berceau et linceul du monde.
» Il semble que la mer se précipite au fond de Tabt^ie, rou-
lant de cordillière en cordillière, pêle-mêle avec les brouillards,
Fouragan et la foudre, à la recherche des os de la terre, pour
les donner à ronger à ces vautours du ciel.
» Et là-bas, couvrant les plaines d'Hespéris, par moments
elle soulève, ravine et ensevelit. Les sierras s'éboulent et tom-
bent; les tours qui touchaient au ciel baisent la poussière, o
Nous voudrions que ces quelques citations pussent inspirer
le désir de lire le poëme, non pas dans la traduction inévita-
blement trop faible que nous en donnerons prochainement,
mais dans le texte, dans ces vers pleins et sonores,
De l'antique beauté vision solennelle.
Albert S aviné.
Poésies
urxEXOo
A t&,ajo- un îour, à Siiiii-Cri$i<»xi,
Èt'oii, li dûiio, àeis sus douce:
Yesif qï^elo, nioim eor en don ;
Quaiid me parlavo, Teniéu rouée.
Anêi-mn. p^èl, long di calainc.
Au jardin oerca deTiouleto;
Frusî^ron, si det fres e bl&nc^
lia man brulanto e tremouleto.
Èron belèu vint dins li biad.
Mai pèr iéu Tenfant èro soulo :
Un rai de sis lue m^'a giscla
Coume on lamp an founs di mesoulo.
Fasié 'n bouquet : dins la rumour
Don blad que la caud amaduro,
Iéu m^ avance, e, pale d^amour,
Mete un blavet à sa centuro.
Èron cinquante dins li prat :
N'aviéu d'iue que pèr la mignoto;
LA SEULE
A Madame E. Parrocbl
A table, un jour, à Saint-Chnstol, — les dames étaient six sur douso :
— il Dévoyait quelle,moD cœur en deuil; — quand elle mo parlcdtjo
devenais rouge. — Nous allâmes, puis, le long des abris, — au jardin
chercher des violettes ; — ses doigta frais et blancs frôlèrent — ma
main brûlante qui tremblait.
Elles étaient peut-être vingt dans les blés, — mais pour moiTenfant
était seule: — un rayon de ses yeux. m*a jailli — comme un éclair au
fond des moelles. — Elle faisait un bouquet: dans la rumeur — du
blé que la chaleur mûrit, — moi, je m'avance, et, pâle d'amour, — jo
mets un bluet à sa ceinture.
Elles étaient cinquaute dans les prés : — je n'avais d'yeux que pour
188 POÉSIES
Fifre e Tionloun fasien vira
Li dansarello de la voto.
Mat, pantaiave.,.. Yen à iéu :
0 felibrel pèr que sias triste?
Au soulèu, canto tant que viéu,
Lou cardelin, qu'es un artiste.
Ami, vole dansa 'mé vous.
Ë soun front vers moun front se clino :
Sentiéu d'un feraimen bèn dous
Plega sa taio mistoulino. ,
E sounjave qu'emé Zani
Dansère uno fes de la vido,
E dins mi bras cresiéu teni
Ma pauro bello amourousido.
Dins la glèiso èron mai de cent,
Entre tôuti n'envesiéu qu'uno ;
Li fin revoulun de Tencèns
Courounavon sa tèsto bruno.
S'arrestè vers lou benechié
Pèr me donna d'aigo signado.
Ohl qu'èro bravo! sourrisié...
E me brulè sa man bagnado \
Teodor Aubanel.
la mignonne ; — fifres et violons faisaient tourner — les danseuses de
la vote. — Muet, je rêvais. . . Elle vient à moi; — 0 félibre! pourquoi
êtes- vous triste? — Au soleil, il chante tant qu'il vit, — le chardon-
neret, qui est un artiste.
Ami, je veux danser avec vous. — Et son front vers mon front s'in-
cline; — je sentais d'un frémissement bien doux — plier sa taille frêle.
— Et je songeais qu'avec Zani — je dansai une fois de la vie, — et
dans mes bras je croyais tenir — ma pauvre belle énamourée.
Dans l'église elles étaient plus de cent, — entre toutes je n'en voyais
qu'une; — les fins tourbillons de l'encens — couronnaient sa tête brune.
— Elle s'arrêta vers le bénitier — pour me donner de l'eau bénite. —
Oh ! qu'elle était bravette! elle souriait. . . — Et sa main mouillée me
brûla. Théodore AubalNEL.
* Provençal ( Avignon et les bords du Rhône ). Orthographe des félibres
d' Avignon.
VARIETES
LA COMPARAISON POPULAIRE
ES POULIDO COUMO.UN SÔU
La traduction française de cette comparaison offre plusieurs va-
riantes. La première qui se présente à Tesprit, et la plus communé-
ment adoptée, est celle-ci: jolie comme un sou. C'est ainsi que
M . François Delille, dans son recueil récemment paru sous le titre
de Chants des Félibres, poésies provençales modernes traduites en
'oers français^ a rendu, d'après la traduction en prose de l'auteur lui-
même, pou/tV^ couwA) un sàu, par gentille « comme un sou » (p. 282).
Avant cette publication, nous connaissions une autre version, meil-
leure à notre avis, et sans doute la seule exacte. Disons d'abord que
les dictionnaires ne nous fournissent aucune lumière à ce sujet. Sau-
vages, Honnorat et M. G. Azaïs, sont muets à cet égard. C'est en li-
sant, il y a déjà longtemps, le volume de M. Crousillat, la Bresco.
que nous fûmes agréablement surpris en y rencontrant une explica-
tion qui a le mérite d'avoir un sens logique, tandis que la traduction
usuelle n'en offre aucun.
Voici donc ce que renferme le glossaire de cet ouvrage, p. 310:
« SÔU, s. m. (lat. sol.), soleil. Ce mot n'est usité en ce sens que dans
cette locution proverbiale : hèu coumo un sdu, poulit coumo un sdu.
On trouve encore en français sol pour soleil dans les mots : parasol,
tournesol. »
Et, en note, M. Crousillat ajoute: « M. Marins Trussy, l'auteur de
Margarido, semble avoir ignoré cette signification lorsqu'il traduit :
Va vias, lou foutissoun ero gent coumo un soou, par Vous voyez, le
petit drôle était gentil comme un sou. »
Cette erreur continuant son chemin, malgré l'avertissement de
M . Crousillat, nous croyons devoir la signaler aux lecteurs de la Rc
vue des langues romanes
M. Delille, à qui j'avais indiqué cette note rectificative, me répon-
dit: « Le sens que donne M. Crousillat au mot sdu dans ce proverbe,
me semble bien plus juste », tout en constatant que la plupart des
gens de Provence, — et dans tout le Midi, aurait-il pu dire, — le tra-
duisent par sou. Aussi se demande-t-il si la traduction de sbu par sou
n'aurait pas sa raison d'être. « En Provence et à Marseille spéciale-
ment, dit-il, j'ai entendu souvent des gens dire, en riant, à une petite
fille : a Sies poulido coumo un sbu nbu (Tu es jolie comme un
15
190 VAR1BTB8
o sou neuf) . Et, en effet, un des sous actuels, tout neuf et brillant
M comme de Tor, est vraiment joli, etc. »
Pour nous, nous ne voyons dans cette adjonction, probablement
récente, du mot nou à la comparaison : poulido coumo un sou, que le
besoin de motiver, de justifier aux yeux de ceux qui remploient , une
locution qui sans cela ne présenterait aucun sens.
La question est d'une bien minime importance. Cependant, comme
cette locution est assez fréquemment employée dans les idiomes mé-
ridionaux, et que les poètes et les littérateurs s'en servent couram-
ment, il ne serait peut-être pas inutile d'en fixer le sens. L'explica-
tion de M. Crousillat est, à notre avis, la seule rationnelle. L'objection
qu'on pourrait faire peut-être consisterait à contester l'existence du
mot sàu pour sol, soleil. Mais, sans recourir à des exemples anciens
du mot sdu employé dans le sens de soleil (voyez le glossaire de la
Chrestomathie provençale de Karl Bartsch), n'est-il pas bien simple
de remarquer qu'il n'y a là qu'un changement de terminaison, tel
qu'il en existe de très-nombreux dans nos divers dialectes : bètt pour
bel, capèu pour capely etc.
Quoi qu'il en soit, j'appelle sur ce petit détail l'attention de mes
confrères de la Société des langues romanes, persuadé que, s'ils
n'adoptent pas la traduction que j'indique, ils sauront en trouver une
meilleure, avec de bonnes raisons à l'appui.
Frédéric Donnadieu.
Le soleil est, en Languedoc, le terme de comparaison le plus élevé
et le plus courant, en fait de beauté : Es bèu couma un sourel se dit
partout, et il serait facile d'en signaler l'emploi fréquent dans les
textes littéraires des deux derniers siècles^. On ne peut donc opposer
1 Bouto I acô DouD m'estouDO,
Tu sies bèu
Coume lou soulèu ;
Ta novio es galantouno
Coume un anjounèu.
(Roumieux, dans VArm. prouv., 1867, p. 49.)
On lit dans un noël français très-connu en bas Languedoc :
— Est-il beau, bergère,
Est-il beau?
— Plus beau que la lune
Et que le soleil ,
Jamais dans ce monde
On n*a vu son pareil.
On dit aussi bèu ou poulit couma un astre. Poulif couma una estela est
bien moins répandu .
VARBàTés Wl
de question préalable à la thèse que défend M. Frédéric Donnadieu,
11 resté à examiner quelques-uns des points de détail qu'elle sou-
lève.
M. Crousillat est bien le premier, mais il n'est pas le seul qui ait eu
l'idée de traduire bèu ou poulit coumo un sbu par beau comme le
soleil. Dans un toast provençal qu'il porta en 1875, à la fin du banquet
qui suivit le premier concours philologique et littéraire de la Société,
M . V. Lieutaud, parlant des origines légendaires de Montpellier, a
dit : « Enterin dos gènti piéucello se mostron, bello coumo un sàu,
poulido coumo dos Driado : iue blu, caro angelico, courouno d'or sus
la tèsto e cantant coumo d'Ourgueno ...»
Ce passage est rendu en français de la manière suivante :
« Pendant ce temps, deux jeunes filles apparaissent, belles comme
un soleil, jolies comme deux Dryades: yeux bleus, visage angélique,
couronne d'or sur la tête et chantant comme des Sirènes*. . . »
* Le Concours philologique et littéraire de Vannée 1875. Paris, Vieweg,
1875; in^o, p. 67.
Rien n'est plus persistant qu'un terme fictif, lorsqu'il a été enregistré dans
un dictionnaire. Les ouvrages de même nature qui le suivent ne manquent
pas de se l'approprier et, par cela même, de lui donner quelquefois la réalité
dont il était dépourvu. On ne trouvera donc pas inutile que je rectifie ici une
méprise qui se rattache assez facilement à la communication de M. Donna-
dieu. Auguste Tandon, de Montpellier, a dit dans une de ses fables :
Lou sourél se maridava:
Las granoûïas qu'où savièn
Gnoch et jour né gémissièn,
« Se, soûl, nous éndaoumageâva;
Se, tout soûl, èra prou fort
Per sécà nôstras démôras,
Nostres valas, nôstras bôras... »
(Fables, contes et autres pièces en vers patois. Montpellier,
1813; in-8o, p. 4.)
Les trois derniers de ces vers ont été cités par Honnorat (Dict.prov.-fr.^ I,
295, art. bora) de la manière suivante :
Se lou soûl era prou fort (lou sourel)
Per seca nôstras demoras,
Nostres valas, nôstras boras, etc.
Qu'elle provienne d'une coquille typographique ou d'une distraction d'Hon-
norat lui-même, cette erreur pourrait, à raison de l'autorité qui s'attache à son
dictionnaire, prévaloir sur le texte de Tandon, qui n'est guère connu en de-
hors de Montpellier, et faire entrer un prétendu terme soûl (soleil) dans le
vocabulaire languedocien.
Il est probable que l'imprimeur est ici le seul coupable, car la forme en ques-
tion n'a pas été reproduite à son rang alphabétique.
m VARIBTâB
Ainsi que le remarque M. D., la langue des troubadours employait
le mot sol; solel était aussi en usage (Raynouard, Lexique roman. Y,
250), et il a presque exclusivement survécu dans les dialectes mo-
dernes. On peut cependant constater la persistance du premier dans
le gascon soulan, terrain exposé au soleil, ainsi que dans les mots
rouergats soulauri, pavillon placé à peu de distance d'une église,
pour abriter une croix ou une statue, quelquefois vestibule, porche ;
soulcouc, soleil couchant, à Villefranche (Aveyron),et soulenco\ fête
du soleil, repas collectif que Ton fait après la moisson ^.
*%
* Soulelhan, soulelhauri, soulel-couc eisoulelhenco, auraient été employés
dans le cas contraire. Feu l'abbé Vayssier {Dict. pat.-fr. du dép. de L'Avey-
ron) voit, à tort, ce me semble, le radical solum {sol) dans soulenco.
Il est difficile de dire jusqu'à quelle époque s'est maiotenu le sol (soleil)
de l'ancienne langue. Les deux exemples qu'en cite le Lexique roman de
Raynouard sont de Pons de Capdueil et de Bertrand de Born. Cette forme dut
probablement disparaître d'assez bonne heure, tout en persistant plus long-
temps dans la langue monétaire. On frappa, jusqu'à une époque relativement
récente, des écus portant le soleil sur une de leurs faces. Or nous voyons, en
1520, le peintre Antoine Rozen donner quittance au prieur de Saint-Maximin
de cinque scus dal solel, sur le montant de ses peintures dans Téglise de cette
localité (l'abbé Albanés, le Couvent royal de Saint-Maximin, Ballet, de la
Soc. de Draguignan, XII, 233), tandis que le mot sol reste en usage à For-
calquier jusqu'en 1546, au moins . Le fait résulte d'un curieux récépissé pro-
vençal publié par le Journal de Forcalquier {o9 du 25 septembre 1881). Le
prêtre Germain reconnaît avoir reçu du trésorier du corps municipal de cette
ville la somme de deux écus au soleil, émoluments de diverses messes dites
à l'église paroissiale:
« Ay agut en pagament per las dictas messas dal cosin Francés Bandoli,
thesaurier, toutas pagas inclusas, dont ly en ay fach quitansas, florins 18.
gros 8.
» Plus, ay agut d'aquellos qu'avion promés per lo sermonaire, oultra so que
ly ay beilat, dos escus sol, que son florins 7, gros 6. »
On voit par là que le soleil qui figurait sur les louis d'or de Louis XIV (an
1709) ne provenait pas uniquement de la devise de ce monarque.
* Para^sol (parasol) et tourna-sol (tournesol) ne peuvent être allégués. Le
languedocien les a probablement oxopruntés à l'italien ou au catalan, surtout
towna-sol, qui désigne une plante originaire du Pérou et, par conséquent, in-
connue dans nos régions avant le XV' siècle, époque à laquelle les Méridio-
naux la reçurent sans doute des Espagnols.
Le nom de tournesol est, il est vrai, donné dans le commerce à une espèce
de teinture que Ton obtient du suc d'une plante du genre croton, laquelle est
indigène dans le midi de la France, et plus particulièrement au Grand-Gallar-
gues (Gard), mais elle n'y est connue que sous le nom de maure la, en sorte
que nous n'avons pas à nous en occuper.
Toutefois le mot en question peut, à la rigueur, avoir été emprunté à la
YÀBX&riS 193
Sàu (soleil) serait ^bmc, dans le cas qui nous occupe, un archaïsme
à joindre à ceux que conserve souvent la langue des proverbes et des
formules populaires. La mention de la comparaison elle-même (pouly
coume un sau) dans le recueil de Rulman*, qui a dû être formé aux
environs de 1620, permettrait de le rattacher jusqu'à un certain point
au sol de Tidiome des troubadours.
On pourrait justifier la traduction de M. D. par l'existence d'autres
formules renfermant le même mot. Une des plus communes est celle-
ci: Es brave cauma un sàu*, où il ne faut pas traduire Tadjectif par
bravey mais par bon:
Es brave coume un sou. (Roumanille, dans VArm, prouv. de 1855,
p. 47.)
Avèn aro un curât qu*es jouine e de bon biais : es brave coume un
8ÔU {Àrm. prouv. de 1868, p. 64).
Ero bravo, èro misloano
E poulido coume un s6a.
'^ (Croasillat, dans VArm. prouv, de 1872, p. 25.)
Le peuple répète ces comparaisons par habitude ; mais il en com-
prend si peu la raison d'être, qu'à l'exemple des Marseillais, disant
es poulido coume un sàu nàu, il les entend parfois dans un sens iro-
nique,* et que Brave couina un sàu est ordinairement commenté par
vau pas una piastra (Il est bon comme un sou, il ne vaut pas un®
piastre*).
Une troisième comparaison : Es galhard couma un sou, est pres-
que aussi commune que la précédente en bas Languedoc. L'abbé
Favre s'en est servi avec beaucoup d'esprit, dans le passage suivant
de son Trésor de Substantion :
« Dau tems de moun paure ome, ère galharda couma un sbu^ par
ça que l'on aviè toujour quauque pau de garguil; e despioi qu'es
angae d'oil, qui en a des exemples à partir du XV« siècle (voyez le Diction-
naire de M. Littré). L'emploi du verbe tourna^ au lieu de virà^ serait même
une raison à invoquer en faveur de cette origine.
Remarquons que, dans les deux cas, soleil est exprimé par sol et uoq sou,
1 Les Proverbes du Languedoc, de Bulman, annotés et publiés par le
docteur Mazel. Montpellier, Imprimerie centrale du Midi, 1880; in-S", p. 21.
3 La substitution de un à lou est normale et n'a rien qui doive surprendre.
On dit à Montpellier : pordit couma un jour, bèu couma un amour, courrï
couma un vent, aussi communément quepoz^/zY couma lou jour, bèu couma
V amour et courrï couma lou vent.
3 Pièce de deux liards.
194 VARlÉTâs
morti soui vengada seca cooma una broca.Vesès pas que semble?*»
L'idée de bonté et de vigueur se justifie mieux par le sens de soleil
que par celui de sou, à moins que, par une subtilité tout à fait con-
traire au sens naturel, que le peuple préfère ordinairement, on n'aimât
mieux appliquer la gaillardise de la dernière comparaison à Teffigie
du souverain, à la monnaie peut-être, que la circulation n'altère qu'à
la longue et d'une manière insensible .
Si, d'ailleurs, le sens de beau comme un sou est la traduction véri-
table de notre formule, on a le droit de demander pourquoi l'on ne
dit pas bèu couma d'or, poulit couma d'argent, comparaisons bien
rares, si tant est qu'elles existent, alors qu'on emploie très-fréquem-
ment les suivantes : Es rous couma d'or, lis couma d'argent, lusent
couma un floc de loutou ^ .
La valeur de ces raisons s'accroît, en outre, par l'existence de cinq
formules à sens identique auxquelles le sou, le denier, la piastre, le
liard et le pin, ont donné lieu en bas Languedoc :
Vau pas un sàu,
Vau pas un deniè
Vau pas una piastrat
Vau pas un liard,
Vau pas un pin *,
* Œuvres complètes de l'abbé Favre, publiées sous les auspices de la
Société des langues romanes. Montpellier, Goulet, 1878, t. I, p. 190-191.
> Voici les formules auxquelles Tor et Targent ont donné naissance en bas
Languedoc : Es rous (ou roussel) couma Vor, ou bien couma un fieu d'or;—
Es franc couma Vor, — ^5 lusent couma d'or,~~ Vau soun pesant d*or, —
Aco's parla d'or, — Parlariàs d'or, s'aviàs lou bec jaune (V. la Bugado,
p. 74); — Es en or, qui s'emploie en parlant d'une personne orgueilleuse.
On dit en Rouergue, courajous couma l'or, M. le docteur Mazel me si-
gnale à ce propos le passage qui suit de dom Guérin, de Nant {lou Testament
de CoitchardJ:
Quand yeu fau reflectieu sur Thomme en son néant
Ë q'ieu ay vist doux cops déjà remuda Nant,
La fraiou me saisis, et tout esquas ma vene
De ne fa lou récit me vol fourni l'alêne.
Quand yeu sérié cent cops pus couratjoux que l'or,
Jamay non m'en souven qu'on tge mal de cor.
Helas I qu'ay yeu souffert de ma pichote vide l
Es estade toujour d'un grand malheur seguide.
Es blanc couma d'argent, — Lusis couma d'argent, — Es lis couma d'ar-
gent, — Es vieu ou proumte couma d'argent^ — A d'argent vieu dins la
testa (la Bugado, p. 15),— il pas ges d'argent per se faire fouità (la Bu-
gado^ p. 68), — A d'argent couma un chi de nieiras, etc.
3 On dit aussi Vau pa' 'n sou et vau pa' 'na piastra.
TARIBTB8 195
qiii, les unes et les autres, signifient II ne vaut rien. Une sixième for-
miale : Sanjar un sbu per un deniè, changer un sou pour un denier,
donner peu pour recevoir encore moins, témoigne également du peu
d.' estime du sou proprement dit dans les termes de comparaison de la
Istngue populaire.
Un cas à peu près semblable nous est fourni par le proverbe : A
cJta sbu leis escuts se fan (Sou par sou les écus se font), cité par le
T>ïct, prov.'fr. d'Honnorat, II, 1192, et où le sens de sou est presque
péjoratif.
Les observations qui précèdent s'appliquent surtout au bas Lan-
guedoc. Quelle que soit leur portée, il faut se demander si, en dehors
du rayon de Montpellier, les comparaisons beau comme un soleil et
beau comme un sou n'ont pas simultanément existé jusqu'au jour où
l'on n'a plus eu la notion exacte du mot sàu (soleil) et où, pour parler
plus exactement, la valeur de ce dernier a disparu devant celle de son
synonyme de son et de figuration scripturaire, 5ôm (sou). C'est un point
que la curieuse note de M. D. n'a pas soulevé.
Raisonnons donc en vue de cette hypothèse, et, en nous souvenant
du sens méprisant qui s'attache souvent au sou ( Es poulida couma
un sàu, . . . nàu; — Es brave couma un sbu, vau pas una piastra;
— Sanjar un sbuper un deniè, — Yau pas un sbu), rendons-la plus
acceptable en supposant que le peuple n'y a pas visé notre vulgaire
sou de cuivre, mais le sou d'or, ce qui reporterait l'origine de la com-
paraison à quatre ou cinq siècles avant l'époque où Rulman notait le
premier exemple que la littérature languedocienne nous en offre.
Cette hypothèse n'aura rien d'invraisemblable, si l'on songe qu'une
part notable des proverbes actuels se retrouve dans les poëmes et les
poésies de l'âge classique * .
* C'est ce qu'a mis en lumière un curieux travail sur lei Prouverbi prou-
vençau de Jan de Cabano^ inséré en 1879 dans lou Trelus de VAubo prou-
vençalo, journal qui partageait à Marseille la publicité du Tron de Vèr ( no»
du 3 août et suivants). Voici quelques proverbes pris parmi ceux que n'ont
pas remaniés les troubadours cités dans ce travail :
El fuec no s fai tant preon
Que lo fum non ane fors.
(Bertrand Garbonnel, de Marseille.)
En petit d'ora, Deus laora.
(Roman de Flamenca^ v. 5137.)
Qui tôt vol tener, tôt ho perd.
(Folquet de Romans.)
Digas li qu'en i. jorn Paris non fo obrat.
(Guilhem Anelier, Guerre de Navarre.)
196 VARIBTÉS
Avaat la découverte des mines de TAustralie et de la Californie, la
monnaie d'or était si peu commune dans certains départements du
Languedoc, et probablement aussi dans les autres parties du Midi,
que plusieurs personnes nous ont assuré avoir vu des paysans con-
server pendant des années les pièces de vingt francs qui leur étaient
tombées entre les mains. On ne s'en défaisait qu'en présence d'un
besoin pressant et inéluctable. Une rareté plus grande dut exister
certainement à la fin du XV« siècle, antérieurement à l'exploitation
des mines du Mexique et du Pérou. Il ne serait donc pas étrange que
le désir de richesse, qui est naturel à tous et plus particulièrement
aux classes rurales, joint à l'extrême rareté des monnaies d'or, ait
fait naître la comparaison : Es poulit couma un sàu ( Il est beau
comme un sou d'or). Ne dit-on pas encore aujourd'hui: Es poulit, es
bèu couma un loui-d'or (Il est joli, il est beau comme un louis
d'or)?
On trouve dans le Dict. pat,-fr. de VAveyron, de feu l'abbé Vays-
sier (Rodez, Carrère, 1879 ; in-4*), une formule : « 0 gagnât un poulit
sàu, Il a gagné une belle somme d'argent », qui est en usage à Saint-
Affrique, et dont l'emploi non péjoratif pourrait s'expliquer par ce
maintien des significations anciennes, qui est général à tous les pays
montagneux. M. Vayssier semble partager cette idée, car il fait sui-
vre sa citation du rappel étymologique suivant : « lat. solidus, pièce
d'or. ))
Enfin il existe peut-être une formule intermédiaire entre le sou d'or
et le sou de cuivre dans la comparaison : Il est joli comme cinq-sous^
qui, d'après le glossaire du comte Jaubert *, se dit dans le centre de
la France. Elle se rapporterait aux pièces de cinq sous qui avaient
cours sous le premier Empire et la Restauration. 11 est, toutefois, per-
mis de demander pourquoi la langue populaire a pu adopter la pièce
de cinq sous comme type de comparaison. Et, si la forme monosylla-
bique du mot n'y a pas été étrangère, pourquoi n'a-t-elle pas choisi
plutôt le dix-sous ou le vingt-sous, qui devaient être bien plus beaux,
puisqu'ils étaient d'une valeur deux fois et quatre fois supérieure?
Mais la difficulté se complique tout à fait, lorsqu'on voit le fabuliste
limousin Foucaud dire, dans son imitation de la Laitière et le Pot au
lait :
Peirouno pourtavo 6 marcha
Un toupi de la sur so teito.
Sur un piti couessi lo l'ovio bien jucha ;
Guessâ di qu'ô lî-èrio eitocha,
^ Glossaire du centime de la France, Paris, 1856, 2 v. in-S».
YARIÉTBS 197
Biliado coumo un jojor.de fQitç,
Reveliado coumo un cin-sô,
Legeiro coumo un parpoliô*
M, Ruben fait suivre ces jolis vers de la glose suivante : « Cin-so,
cinq-sous. Nous appelons ainsi le carabus auratus (Fab.)» nommé
encore jardinière, petit coléoptère vif, net et luisant. On dit aussi
prope coumo un cin-sô, M . le comte Jaubert, qui cite le glossaire
de Laisnel de la Salle et qui éoxiijoli comme cinq- sous y semble ne pas
s'être #rendu compte de l'expression. Ce^ijoli comme un cinq-sous
qu'il fallait dire. »
Il nous reste à conclure et à dire, à notre tour, que nous admettrions
volontiers deux sens : le premier et le plus ancien, de sou (soleil); le se-
cond, de sdu (sou d'or), qui aurait bénéficié des formules du premier,
lorsque le mot solel et ses variantes se substituèrent presque partout
au sol, qui leur avait disputé les préférences des poètes de l'âge clas-
sique. Iklais la disparition des sous d'or ne dut pas tarder à compro-
mettre la fusion des deux formules, et la rapidité avec laquelle les
sous de cuivre salissaient ^ fit naître le besoin de motiver l'ancienne
comparaison, en l'appliquant aux sous qui venaient d'être frappés {Es
poulido coumo un sbu nbu), ou de la nuancer dans un sens ironique,
par l'adjonction de vau pas una piastra, La fprmule nettement péjo-
rative de vau pa' 'n sdu dut prendre cours et se généraliser presque
en même temps.
Il est probable que le cin-so de Foucaud et le vinq-sous du comte
Jaubert, loin de se rattacher à la pièce de cinq sous du système mo-
nétaire de Napoléon !«»■ représentent un terme local mal compris. Il
est impossible de supposer que le carabus auratus fût dépourvu de nom
vulgaire au commencement du XIX* siècle et que, le nom en ques-
tion lui ayant été appliqué à cette époque, il soit, dans l'espace de
quelques années, devenu courant, au point de s'étendre sur une grande
* J. Foucaud, Poésies en patois limousin, édition Ruben. Paris, Didot,
1866; in-«o, p. 72.
(Pétronille portait au marché — un pot de lait sur sa tête. — Sur un petit
coussin elle l'avait bien juché ; — (vous) eussiez dit qu'elle l'y avait attaché,
— Habillée comme un jour de fête, — éveillée comme un dnq-sous, — légère
comme un papillon. . . . )
' Les sous actuels, assez brillants au moment de la frappe, gagnent en
quelques jours une enveloppe qui est loin de justifier la comparaison populaire.
Ceux de Louis XV et de Louis XVI, retirés de la circulation au commence-
ment du règne de Napoléon III, étaient beaucoup plus épais, et une composi-
tion moins inférieure leur donnait une couleur jaunâtre qui n'avait rien de
désagréable à l'œil.
198 YARlâTB
partie de la France centrale et d'être proverbialement employé par le
fabuliste limousin qui Favait vu se former.
Le sens revelhat, propre OMpoulit couma un cinq-sdu, s'explique-
rait parla beauté et la vivacité de Finsecte qu'on désigne sous ce nom.
L'analogie populaire aura, surtout dans les villes, étendu la compa-
raison aux pièces de cinq sous de l'ancien système monétaire fran-
çais ^
Les explications qui précèdent ont un inconvénient réel : celui de
supposer que pouZt7 couma un sbu remonte au temps où les sous d'or
avaient cours en France, tandis que le premier témoignage écrit de la
comparaison dont il s'agit est tout au plus de l'an 1620, époque à
laquelle cette monnaie avait absolument disparu de la circulation.
Nous ne donnerons donc nos conjectures que sous bénéfice d'inven-
taire, en demandant au lecteur compétent de vouloir bien les rectifier,
s'il y avait lieu .
A. Boque-Ferrier.
* La netteté du denier au moment où il venait d'être frappé a-t-elle motivé la
comparaison que me signale M. Ghabaneau, dans ce vers de Régnier (Sa^ X):
Claire comme un bassin, nette comme un denier;
ou bien est-elle une modification de la formule qui nous occupe ?
La question que soulève l'étude de M. D. se pose jusqu'à un certain point à
l'égard du français, à moins que l'on ne considère propre comme un sou,
mentionné par le Dictionnaire de M. Littré, comme une variante de la for-
mule de Régnier, ou comme un emprunt à la langue d'oc.
BIBUOGRAPfflE
laou Garret de Nime (cycle carlovingien), dialecte des bords du Rhône et
des félihres d'Avignon, par Jean Gaidan. Nimes, Glavel-Ballivet, 1880; in-8o,
8 pages, (Extrait des Mémoires de l'Académie de Nimes, année 1880.)
Les Catalans excellent à faire revivre en de courts poëmes les faits
marquants de leur histoire particulière, les prouesses de sa période che-
valeresque surtout. Leur littérature contemporaine en a de vivants
modèles dans la Cansô delpros Bernât et la Complanta d'En Guillem^
de M. Milâ y Fontanals ; dans la dramatique geste du comte d'Urgel,
Javme lo Desditocat, de M. Albert de Quintana, et le Pero AhoneSy qui
fut une des dernières productions de M. Philippe Pirozzini y Marti,
mort il y a quelques années en plein épanouissement de talent et d'ave-
nir poétique.
Si le midi de la France a, dans Mirèio, Càlendau et H Carbounié,
trois œuvres d'une valeur capitale, on exagère peut-être en ajoutant
qu'il a bien peu de chose à opposer aux nombreuses chansons épiques
de la Catalogne, Il serait plus exact de dire que, sauf une exception
unique et vraiment remarquable*, il n'a rien qui rappelle cette résur-
rection dés formes de la poésie populaire et de la poésie littéraire du
moyen âge, si caractéristiques et si heureusement généralisées parmi
les poètes barcelonais et mayorquins.
L'époque médiévale semble, au demeurant, médiocrement goûtée
en Languedoc, dans la Provence et le Limousin. On lui a emprunté
peu de sujets. Quelques pièces à demi historiques, à demi légendaires»
de MM. Mistral ^ et Marins Girard 3, ont ouvert la voie où devaient
les suiyre M. Gabriel Azaïs avec Roubert hu trouhaire *, M. Octavien
Brînguier avec lou Roumieu^, M. l'abbé Joseph Roux avec Vaifre
d'Aquitanha, Goulfier de Lastowra ^,S, Esteve dOhasina, hu Mownge de
1 11 s*agit de M. Tabbé Joseph Roux, qui, dans Gondoval, Sent Marsal à
Tula, Peire Rogier, etc., s'est approprié la laisse monorine de Fierabras et
de la Chanson de la Croisade albigeoise,
> Voyez lis Isclo d*or,
3 Voyez lis Aupiho, poésies et légendes provençales (traduction française
en regard du texte). Avignon, Roumanille, 1877; in-12, 512 pages.
* Ce petit poëme a été compris par M. Azaïs dans la^ Vesprados de Clairac,
5 Publié dans la Revue des langues romanes, !'• série, et tiré à part in-8o.
6 Chansou limousina. Goulfier de Lastours (avec la traduction française).
Tulle, Crauffon, 1879; in-8»>8pages.
200 BIBLIOaRAPHIB
Gkmdier* et Peire Rogier; M. V.Ldeutand avec Saumano, M. Jean
Laurès avec Jano d'Arc^y et. enfin le frère Sayinien (des Écoles chré-
tiennes) avec une épopée de Liov/nèu qui se développe pendant la pé-
riode sarrasine de la Provence *. ^
Le premier thème de ces poëmes n'existant plus * ou ayant été créé
de toutes pièces 5, les auteurs ont fait œuvre originale en les écrivant ;
mais il n'en est pas de même de quelques autres, et nommément de
M. Mistral dans l'épisode de Guilhem au Court-Nez, qui constitue
une des plus belles parties de CaUndau et qui a été emprunté à la
geste française à'AliscaMy publiée en 1854 par M. Jonckbloet; de
M. Félix Gras, qui, dans son épopée de Toloza^, consacrée à la guerre
* Ce poëme et celui de Sent Esteve d*Ohasina ont paru d'abord dans lou
Brusc, d'Aix-en-Provence. Ils ont été tirés à part, le premier en 1879, le deu-
xième en 1880.
* Compris par l'auteur dans lou Campestre, poésies languedociennes, sui-
vies d'un glossaire (dialecte des environs de Béziers), avec une letUiS de
Frédéric Âfistral et une préface de Z'aw/ewr. Montpellier, Imprimerie centrale
du Midi, 1878 ;in-12.
3 Lou CachO'fio, Annuàri prouvençau pèr fan de gràci 1881, etc., en a
publié un fragment, p. 59-60.
* C'est le cas du Goulfier de las Tours. Le poëme provençal que Bécbade
écrivit sur le même sujet n'existe plus qu'à l'état de souvenir bibliographique.
5 Les principaux traits de la légende du Roumieu sont déjà précisés ce-
pendant dans YHistoire et Chronique de Provence, de César de Nostredame,
p. 204-205.
6 L* Alliance latine en a publié un fragment en 1878, p. 30-33 de son tome
premier, le seul qu'elle ait fait paraître. Le titre du poëme était alors la Can-
soun latino,ei l'auteur a dû en reconnaître l'impropriété, car il l'a transformé
en celui de Toloza dans une sorte de prospectus distribué en 1880 : Toloza,
geste provençale, fragment-spécimen tiré à cinquante exemplaires, le 12 fé-
vrier 1880. Montpellier, Imprimerie centrale du Midi, 1880; in-8o, 28 pages.
On me permettra de signaler ici, puisque l'occasion s'en présente, la parité
de situation et, jusqu'à un certain point, de sentiments, qui existe entre Guibour,
parlant à son époux du haut des murs d'Orange, bh il voudrait se réfugier
après avoir perdu la bataille d'Aliscamps contre les Sarrasins, et celle de Ray-
mond de Toulouse, passant avec l'armée des Croisés devant la porte narbon-
naise de Carcassonne, sur laquelle se trouve placé le vicomte Roger Tren-
cavel.
Voici l'imitation de Mistral :
« Douço mouié, lou cor. me manco;
E, se fas pas leva la tanco,
Toun Guihèn vai plegasouto lis estramas
Di Maugrabin. »—■« N'as menti ! crido
Guibour, de la raço abourrido,
albigeoise et à la mort de Simon deMontfort, n*a pas craint de choisir
un sujet où il rencontrera maintes fois la redoutable concurrence litté-
raire de la Canso, mise à jour par Fauriel et rééditée par M. Paul
Meyer il y a quelques années. Dans lou Chapladis de sont Pouhiàri de
Zéerins e de ses cinq cent mouine en 732 ^^ M. Charles Descosse, de For-
cal quier, a eu à lutter, — et cette lutte a été tout à Tavantage du trou-
badour du XIII» siècle, — avec un petit poëme que Raymond Féraud
avait écrit sur le même fait *. Comme le fragment précité du Calen-
iiaUf le Carretde Nime, dont nous avons à rendre compte aujourd'hui,
a été emprunté à la vie poétique de saint Guillaume, mort en 812 à
Tabbaye de Gellone, où il s'était retiré quelques années auparavant.
On sait la multiplicité des transformations que la littérature des
trouvères a fait subir au duc de Toulouse, les anachronismes sans
nombre et les inventions tour à tour étranges et héroïques qui ont per-
mis de créer plus de vingt gestes autour de sa famille et des souvenirs
.historiques de sa vie . La principale de ces modifications est celle qui
Bessai que sies, lengo marrido 1
Mai tu noun sies Guibèn lou comte dôu Court nas ;
Guihèn, à vôsti ctiourmo vilo,
Cafèr, noun laisse brûla vilo,
Si sôci, près o mort, Guihèn noun quito ansin ;
Contre l'audàci di coursàri,
Guihèn aparo miéus qu'un barri
L'ounour di vierge ; e Guihèn, àrri I
Noun a jamai fugi davans lou Sarrasin I »
(Calendau, p. 258-260.)
Le fonds de l'apostrophe de Roger Trencavel est presque identique dans le
poëme de M. Gras :
Entre lou vèire, s'enfenestro,
Lou vicomte Rouger, e ie crido d'amount :
f De que veson mis iue? Sarié-ti vous, Ramoun ?
Nàni 1 Ramoon es mort o sarro soun penoun
Dintre sa valènto man destro !
Ramoun es à Toulouso e gardo si pourtau.
Nàni! Ramoun noun es crousairel...
Ounte as rauba 'quel escut, laire ?
T'alasso de faire vijaire :
Te déu pesa l'arnesc, car sies un Ramoun fau î
* Forcalquier, Masson, 1879; in-8o, 16 pages.
8 M. Sardou Fa publié en appendice à la Vida de sant Honorât. Nice,
Caisson et Mignon, S. D.; in-»8o, p. 191-208; mais peut-être M. Descosse n'en
a-t-ii pas eu connaissance.
20« BmUOaRÀPHIB
a fait du lieutenant de Gharlemagne une sorte de maire du palais de
Louis le Débonnaire, continuellement occupé à défendre Fempire con-
tre des assauts multipliés, et ne recueillant de ces luttes que l'ingrati-
tude d'un maître inintelligent de ses premiers devoirs.
Le tableau de rinsouciance du successeur de Gharlemagne constitue
le début du petit poëme de M. Gaidan:
Lou sucessour dôu Grand Rarle emperaire
Fugue Lovys, que noua ie semblé gaire
Ë que mené pas trop ben lis afaire.
Ere un foulas que viravo à tout vent,
Coumo savès, e que passé souvent
Dôu jour à l'oumbro e dôu trône au couvent.
Or, d'aquéu téms que chascun poutiravo
Lou bèu mantéu de Karle e Testrifavo,
Lou fier Court-nas pèr Lovys bataiavo.
Après avedre en jusque li dos mar
Fa grand Tempéri e paga de sa car,
Au bon Lovys digue : « Vole ma part.
» Vous ai counquîs TAquitano e TEspagno;
» Que l'a pèr iéu ? » — Lou fléu de Karle-Magno
le respoundè : « Pèr tu, l'a la Tourmagno
» E lis Areno e Nime, moun cousin ;
9 Vai-t'en II prene 1 Moro-Sarrasin . »
— Souvénti-fes lou rèi pagavo ansin.
La Canso se continue ainsi, en strophes d'allure familière, énergique
et concise, jusqu'à la prise de Nimes par Guilhem, au moyen d'un stra-
tagème qui a de nombreux équivalents dans la littérature des contes
populaires et de la poésie épique elle-même. En condensant en traits
rapides et précis les éléments essentiels de la geste française du
Charroi y publiée en 1864 par M. Jonckbloet, l'auteur a le mérite de
ne lui avoir rien emprunté. A parties brèves indications que V Histoire
de la langue française de M. Littré a consacrées au thème du Charroi,
tout appartient à M. G. dans lou Carret de Nime, les détails narratifs,
les indications locales et la versification décasyllabique à rimes alter-
nativement masculines et féminines, mais disposées tantôt par trois
vers et tantôt par quatre.
L'auteur adopte cette dernière division à la quatrième partie de son
poëme, celle où il montre les compagnons de Guilhem cachés dans
des tonneaux, et entrant à Nimes conduits parleur chef, déguisé lui-
même en marchand et la tête à demi dissimulée sous les pans de son
manteau :
BIBLIOGRAPHIB 203
Sus lou planas, li càrri s'arranjavon ;
Li Maugrabiiif que lis envirounavon
Coumo de mousco à Tentour vounvounayon.
Lis abiha de ferré espinchouDavoun.
Court-nas aten que tout siègue dedin ;
Quand dôu Palai, dis Areno vesin,
Marchon vers el li prince Sarrasin,
E l'un Tarresto e lou rambaio ansin :
c Hôu, lou marchan, veire un pau ta figuro.
Ount' as perdu tounbè? — Pèr avanturo,
Dins la Calabro o dins TEstramaduro?
As de Court-nas toute Testampaduro I
Pèr Mahomet, parlaras-ti, moun bèu? »
— E dôu mentoun ie derrabo lou peu.
Guilhèm se viro, a fa dous pas e, lèu.
Brandis Durando, un ihau dins lou cèu :
<t Ous as permés, Jésus, bounta divino,
Que m'estrifesse, aquéu rèi de mounino !
— Regardo-me, siei bèn Court-nas, vermino,
M'as vist? » E, vlan! lou fend jusqu'is esquino.
Afin que la critique ne perde pas tout à fait ses droits, même dans
les œuvres où elle a le moins à dire, signalons quatre vers que nous
aimerions et que tous les appréciateurs du talent de M. G. aimeraient
à voir disparaître du Carret:
La ruso es vieio e d*Ulisso es un trè
Que Guielin renouvelé dôu grè.
Es proun verai, siblas, n'avès lou dré.
n n^est personne qui ne soit disposé à répondre par le contraire et
à souhaiter que l'auteur entreprenne la traduction provençale de quel-
ques-unes des parties de cette geste de Guillaume, qui est peut-être
d'origine méridionale sur certains points, mais qui, dans tous les cas,
reste une des plus hautes manifestations de la littérature épique de la
France.
A. Eoque-Febbieb.
PÉRIODIQUES
Zeitschrift mr romanische Philologie.— IV Band, 2-3 Heft.
— P. 196, F. Scholle, la Critique de la Chanson de Roland, C'est sur-
tout par la tradition orale que les chansons de geste se sont transmises
d'une génération à l'autre et ont pénétré dans le peuple. L'auteur
croit que, pour la Chanson de Roland en particulier, beaucoup de va-
riantes sont dues, non aux copistes, mais aux jongleurs. — P. 223,
Wamke, Sur T Époque de Marie de France. L'auteur croit pouvoir
placer Marie vers 1150; si la date de 1250, que j'avais donnée, d'après
M. Ed. Mail, dans mon édition de l'Évangile aux femmes (PaniB, Vie-
weg, 1876), est évidemment trop rapprochée, il me semble, comme
à M. G. Paris {Romania^ X, 299), qu'il serait imprudent de l'avancer
d'un siècle entier.
Nous profiterons de l'occasion qui se présente pour déclarer que nous
ne tenons pas plus que de raison à notre hypothèse de l'identification
de Marie de France et de Marie de Compiègne. Le petit mémoire en
question, qui nous a servi de début dans les études romanes, a été
composé à Compiègne et imprimé dans les Mémoires de la Société his-
torique de cette ville : cela explique suffisamment la tentation que nous
avons eue de faire naître Marie de France vers le confluent de FOise
et de l'Aisne. Il est cependant à peu près certain que Marie était, non
de Normandie, comme le veut M. Warnke, mais de l'Ile-de-France,
et que c'est dans ce sens restreint qu'il faut entendre Texpression : si
sui de France, dont elle se sert elle-même.
P. 248, Foth, les Verbes auxiliaires dans la formation des temps fran-
çais. Critique de la théorie de M. Chabaneau sur le même sujet. —
P. 256, A. von Mugi, Poésies historiques en langue ladine. L'auteur,
dans deux précédents articles, avait fait connaître la poésie dramati-
qu£(Zeit8chrift, II, 515 sqq.) et la poésie lyrique {Zeitschrift, III, 518
sqq.) de ce petit pays, dont la langue est si intéressante pour les ro-
manistes. — P. 266, Breymann,Ze« Altspanîsche Romanzen de Diez
(remaniements qu'a fait subir Diez en 1821 à ses traductions de vieilles
romances espagnoles parues en 1818). — P.278, Jacobstbal,ie Texte du
Chansonnier de Montpellier, H. 196 (avâte et fin).~^P. 318, BeÀst^V ersion
catalane de la Visio Tundali. — P. 330, Apfelstedt, Poésies religieuses
des Vaudois, Reproduction diplomatique de la Barca et du Novel Ser-
mon d'après le manuscrit de Genève 207.
MÉLANGES. — I. Histoire littéraire, P. 347, C. M de Vasconcellos,
Découverte sm la question d'Amadis. Il s'agit d'une chanson de Jean
PERIODIQUES 205
de Lobeira, poëte portugais du temps du roi Denis, qui se retrouve
dans le roman en prose à'AmacUs, dont la rédaction primitive est gé-
néralement attribuée à un autre Lobeira, du nom de Vasco. — II. Bi-
bliographie. P.351,Grœber, Lesmss, B.N.fs./r, 24429 {La Vall.,
41), et Sainte Geneviève, fr.fol.H. 6. Ces deux mss. n'en formaient
qu'un à Torigine: la table de la seconde partie (ms. B. N.) se trouve
à la fin de la première partie (ms.Sainte-Gen.). — III. Textes. 1° P. 363,
Bartsch, le Chansonnier provençal f. — 2° P. 362, Suchier, Fragment
d'une Madeleine en anglo-normand. — 3o P. 364, Stengel, Fragment
É^'Aspremont (Bibliothèque nationale de Florence, VII, 932). — 4° P. 365,
Stengel, la Deputeison entre Vame et le cora (additions à un précé-
dent article, voir Zeitschrift, IV, 74 sqq. — 5° P. 368, Stengel, Frag-
ment d'un glossaire latin-français du XIII^ siècle (un seul feuillet, ap-
partenant au docteur Emile Pfeiffer de Wiesbaden). — IV. Exégèse.
P. 371, IJebrecht, Sur la Chanson de Roland. Conjectures étymologi-
ques, souvent risquées, la plupart sur des noms propres. — V. Re-
cherches étymologiques. 1° P. 373, Tobler, Éiymologies: \t. paragone =
Trapaxôvïj, pierre de touche ; — fr. ponceau (v. fr. ^onceZ), diminutif de
poon=pavone, ou ]^hït6t de pavo(t) ^= papaver; — fr. acariâtre, a été
formé à Taide du grec a^apiç, auquel on a ajouté une terminaison, sur
le modèle de opiniâtre {Gî.. G. Paris, JRom., X, 302, qui donne une
étymologie plus vraisemblable); — es^.cachalote (d'où le fr. cachalot),
augmentatif de cachuelo, qui se rattache à catultis. — 2° P. 377, Fœrster,
Éiymologies romanes (VoirZeitschrift, 111,661): 26, it. pitnale = lat.
pluviale; — 26, fr. p<mture=^ pultura {Cf. Joret et G. Paris, Remania,
IX, 579); — 27, it. vello = veUus; — 28, fr. pluriel = v. fr. plurél,
puis pktrier, prononcé plurié (Cf. ménestrel, d'où menestrier), et enfin
pluriel, par réaction étymologique ; — 29, v. fr. faire m^sseant = faire
[à quelqu'un] quelque chose de désagréable (Cf. Tohler, Mittheil., 264,
et G. Paris, i2o?»., VIII, 289, qui approuve l'explication de M. Tobler;
M. Fœrster donne à l'appui de cette même opinion de nombreux
exemples); — 30, fr. verve = verha f (Cf. G. Paris, Rom, , X, 302, qui
regarde cette étymologie comme certaine. — 3<> P. 383, Ulrich, it. as-
8e8tare,eBp. sesgar, dérivés de sexus^ participe de secare parallèle à
secius. — 4® Suchier, fr. crevette, chevrette (Cf. Zeitschrift, III, 611, et
Romania, VIII, 441; IX, 301, et X, 238).— VI. Grammaire. P. 384,
Schuchardt, Note additionnelle à son article du numéro précédent
(Zeitschrift, IY,U3).
Comptes rendus. — P. 386, Scheler, Anhang zu Diez' Étymol. Wœr-
terbuch der roman Sprachen (Vollmœller, indication de quelques omis-
sions). — P. 387, Ad. Bartoli, Storia délia Letteratura itaUana, I-III
(Gaspary, article important, favorable). — P. 393, Cari von Reinhard-
16
206 PERIODIQUES
Btœttner, TheoreHscTi-practiscke Grammatih der itaîienischen Sprcushe
(Mussafia, très-défavorable). — P. 394, Salomone-Marino, Leggende
popolari siciliane (Liebrecht, long article très-élogieux). — P. 401,
Koschwitz, Sécha Bearheitungen des altfr, Gedichts von Karls des Gros-
sen Reise nach Jenualem wnd Conêtantinople ; et Karls des Grossen
Reise, etc. (Suchier, long article) (Cl, Bévue, XVIII, 196). L'auteur ne
croit pas que le poème soit du XI* siècle, comme le veut M. G. Paris.
(Voir rintéressant mémoire de ce dernier, Rom., IX, 1). — P. 415,
Fœrster, De Venus la déesse d'amor (Suchier, Cf. Boucherie, Revue,
XVIII, 286).— P. 420, Weber, Ueher den Gehrauch von devoir, laissier,
pooir, savoir, soloir, voloir, im Alifranzcesischen (Stinmiing) —P. 422,
Lachmund, Ueher den Gehrauch des reinen und des prœpositionalen Infi-
nitifs im Altfiranzôsischen(Foth, favorable). — P. 424, Lubarsch,JFVan»
Verslehre f'Foth, Diejranz, Metrik{LampTecht).^Gh.de Tourtoulon et
0. Bringuier, Étude sur la limite géographique de la langue d'oc et de la
langue d'oïl (Breymann, reproches au dessinateur de la carte). — P. 430,
Clédat, du Rôle historique de Bertrand deBom (Stimming). — P. 438,
Levy, Guilhem Figueira (Bartsch, favorable; Cf. Rom., X, 261). —
P. 443, Hartmann, Ueher dos altspanischs Dreikœnigspiel ( Baist, ar-
ticle rectificatif important, en somme défavorable) . — P. 456, A. Morel-
Fatio, l'Espagne au XVI*' et au XVII^ siècle (Baist, corrections nom-
breuses au Cancionero de Wolf enbiittel) . — P. 459, Ulysse Robert, In-
ventaire sommaire fies manuscrits des hihliothèques dé France (Bartsch;
M. Grœber ajoute des détails précieux sur divers mss. contenant des
textes français du moyen âge). — P. 464, Romanischs Studien, Heft>
XIV-XV (IV, 2-3) (Grœber, Gaster, Seeger).— P. 468, Rom4mia,3S-
34 (Grœber, Baist, Bartsch, Flugi. M. Tabbé Aymeric répond de son
mieux à M. Meyer, qui a parfaitement raison contre lui, quand il lui
reproche d'avoir fait entrer dans la phonétique du rouergat cano, mot
purement français au sens de bâton ; cano, cana, au sens de mesure, est
particulier au sud -est du département, sur les confins du Gard et de
l'Hérault, et par conséquent en dehors du domaine du vrai rouergat .
L. CONSTANS.
CHRONIQUE
Dons faits a la Bibliothèque de la Société . — A l'honneur de
Dieu et au salut du monde, etc. Kécit de la Passion de Jésus-Christ. Aix,
Xieydet, S. D.; in-8°, 8 pages (don de M. Clair Gleizes);
L'Aube, prose et poésies françaises et provençales publiées par
l'Agora de Provence. Marseille, au siège de la Société, 1881; in-8®,
16 pages (don de M. Clair Gleizes);
Banquet de la f elibre jada dau vint-e-cinq de setembre mdccîclxxxi .
— A. Chastanet : lous Dous Cuberts, poésie limousine. Montpellier,
Iniprimerie centrale du Midi, 1881; in-8o, 2 pages;
Pierre Bellot, poète provençal. Epitaphes. Marseille, Boy, 1861;
iii-8<>, 88 pages (don de M. Clair Gleizes);
AiTiaud (Joseph): Nouveau Recueil de noëls provençaux, l'e édition.
Carpentras, Gaudibert-Penne [1815]; in-12, 88 pages (don de M. Clair
Gleizes);
Bard (Louis): Nourado [poésie provençale]. Montpellier, Imprimerie
centrale du Midi, [1881]; in-8°, 4 pages;
Bellot(Pieire):Nai8sance de Notre- Seigneur Jésus-Christ, ou Cièche,
pastorale en quatre actes et sept tableaux, en vers français et proven-
çaux. Marseille, Boy, 1851 ; in-8o, 48 pages (don de M . Clair Gleizes);
Bonaparte-Wyse (William-C.) : Dos Fantasié felibrenco : lou Cant
de ciéune de Bellaudoun e la Deïficacioun dôu vènt-terrau. Montpel-
lier, Imprimerie centrale du Midi, 1881; in-8o, 16 pages ;
Boudin (Augustin): Angelo, poëme provençal, précédé d'une Notice
sur Touvroir de la bienfaisance d'Avignon, Avignon. Bonnet, S. D. ;
in-8o, 16 pages (don de M. Clair Gleizes);
Boudin (Augustin): Garbeto de fablo, avec une préface de M. Pa-
trice Rollet. Avignon, Bonnet, 1853; in-8°, 62 pages (don de M. Clair
Gleizes);
Cazalis (le docteur Frédéric) et Foëx (G,): Essai d'une ampélogra-
phie universelle, par M. le comte Joseph de Rovasenda, traduit de
l'italien, annoté et augmenté, avec l'autorisation et la coopération de
l'auteur, par M. le docteur F. Cazalis et le professeur G. Foëx, avec
le concours de M. H. Bouschet de Bernard, A. Pellicot, PuJliat, To-
chon, etc. Montpellier, Camille Coulet, 1881;in-4®, xx-242 pages (don
de M. le docteur F. Cazalis);
Chailan (Fortuné): leis Quichiés, sceno histouriquo. Marseille, Es-
tellon, 1846; in-8o, 16 pages (don de M. Clair Gleizes);
Courdouan (Biaise): Mes Délassements. Poésies françaises et pro-
vençales, publiées par Courdouan Biaise, de Marseille. Marseille, Olive,
1871; in.8«, p. 73-104 (don de M. Clair Gleizes);
Crousillat (A.): Adam de Craponne, ode en vers provençaux à l'oc-
casion du monument inauguré à Salon le 22 octobre 1854, suivie
d'une notice biographique par J,-B. Sardou. Salon, Gounelle, 1864;
in-8o, 16 pages (don de M. Clair Gleizes);
Dauphin (Casimir) : leis Vieils Camins, poëme en vers provençaux.
Marseille, Gueidon, 1861; in-8°, 16 pages (don de M. Clair Gleizes);
purbec(F.-H): la Tourré de Babeou ou la Franco en réyoulutien,
suivido dé la Guerre émé la Prusso, dialogue en très partidos. Mar-
seille, chez les principaux libraires, 1874; in 8o, 36 pages (don de
M. Clair Cleizes);
208 CHRONIQUE
Granier fA.-L.): Remounto-dégun vo leis amours d'un nervi, épi-
sode coumiquo. Marseille, Arnaud, S. D.; in -8®, 4 pages (don de
M. Clair Gleizes);
Grimaud (l'abbé): Ode à Notre-Dame de Mont-Serrat (Catalogne),
pièce qui a obtenu au concours de Mont-Serrat, pour la langue pro-
vençale, un premier prix décerné par Mgr l'évêque de Barcelone.
Avignon, Séguin, 1880; in-8o, 16 pages (don de M. Claii- Gleizes);
Lejourdan (Jules): lou Rei dei Marchands, cansoun coumiquo.
Marseille, Boy, 1867 ; in-8','4 pages (don de M. Clair Gleizes);
Maurel (A.): l'Antéchrist, leis Pescairea, poésies provençales, ré-
ponse, au nom de la classe ouvrière, à la Vie de Jésus et aux Apôtres,
de M. Renan. Marseille, Olive, 1866; in-8°, 16 pages (don de M. Clair
Gleizes);
Mazière (P.): le Gros Souper, ou les Fêtes de Noël à Marseille; étude
locale. Marseille, Crespin, 1873; in-12, 80 pages (don de M. Clair
Gleizes) ;
Roque-Ferrier (A.) : Brinde pourta à 'n Basèli Alecsandri dins Tas-
semblado mantenencialo dôu xxv de mai mdccclxxix. Montpellier,
Imprimerie centrale du Midi, 1881; in 8», 4 pages ;
Roux (l'abbé Joseph): Peire Rogier, poëme en langue limousine.
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi, 1881 ; in-8o, 8 pages ;
Utato Fuçi : Hyms and Tunes in Japanese. Yokohama, printed at
the Mission printing press, 1876; in-12, viii-92 pages (don de M. Clair
Gleizes);
Vianés (Eugèna): Récréatiouns d'un cassaïre. Mounpéyé, Ricard
frèras, 1870 ; in-8*', iv-115 pages (don de MM. A. Vianès et F.Vianès,
fils de l'auteur);
Onze journaux donnés par M. Olair Gleizes (3), Charles <jrros (1) et
Roque-Ferrier (7).
Le gérant responsable : Ernest Hamellx.
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi. — Hamelin frères.
Dialectes Anciens
LES MANUSCRITS PROVENÇAUX DE CHELTENHAM
m ..
LA COUR d'amour
{Suite)
[S]o dis Amors : a La[s] dompnas son
Total(s) plus dousa res del mon ;
Eu soi lor et ellas son mias,
E be conois que lur follias
785 Lor tolon ganre de lur pron ;
Que quant om dis : « A vos me don,
Bella dousa res, ses engan,
A Dieu e ab vos mi coman ;
Dompna, vezas ma bona fe ;
790 Si nom retenes, morai me.
Caitiu, qu'hai dit ? Dompna, nous pes
Q'el grans deszirers qem tenpes (?)
Me fai lo maltrait descobrir ;
E si vos mi fazes morir,
795 Mi plaz, mas noi haures honor,
S'auciez vostre servidor ;
Q'eu sai be que per vos servir
Nasqiei, e qant li dous sospir
Me coiton tan que per vos plor,
800 Beu las lagremas de dousor.
E die : a Oillz, bon(a) fosses anc nat,
Qar baves per mi donz plorat,
Qen val mens. » — S'ellal respont gent,
E ce mercei(r)a coindament,
( P,co/. L) 805 E dis : a Amicx, eu vos sai grat
De ço que m'avetz présentât.
Eu voell que per me siaz pros,
V. 785, garen; 793, ne fai; 801, feses.
TOMS SIXIÈMB DE LA TROISIÈME SÉRIE. — NOVEMBRE 1881. 1
210 MANUSCRITS DE CHELTENHAM
Ë VOS tenrai gai e joios. »
Ez haura(i) son près retengut,
810 E l'autra aura fait coinde drut ;
E pueis s'il en conois s'onor,
Pot en faire son amador.
Merces, aitant farai per vos,
Que dompnas metran orguel jos,
815 Mais amaral plus orguilosa
Son drut que cel cui [es] esposa, .
E li drut seran lur senior ;
E portas lur aquesta flor,
Per entresenia q'ieu lur man,
820 QMli auran tôt so qill voran.
Las cobe(ze)sas, don vos clamaz,
Jamais non vos entremetaz,
Corteszia, las atzinadas,
Aquellas qui queron soldadas,
825 Ez getat de ma compania;
Non voell c'om lur son en la via,
Que dompna que diniers demanda
Es traitris e mercaanda,
E non saubon tant de raubar
830 Li galiot de sobre mar.
E s'ela me faz mon plazer,
[CoL 2.) AJs diners en dei grat saber;
A leis non dei portar onor,
Segond lo jutgament d'Amor. »
835 [A]mors levet dei parlament,
E tuit li baron eissament.
La cortesa cTamor lo sona :
« Senier, qar non portes corona,
Que reis es de trastota gent,
840 Apres Christus l'omnipotent. »
La corona Ihan aportat,
Jois Ta mantenent coronat.
La fontania près a bruir,
V. 816, qar; 843, bruiz
MANUSCRITS DE CHELTENUâM 211
E la conca a reten[t]ir,
845 G'om no sap negun estrument
El mo[n] qe s'acordes tan gent.
L'arbre Tencoron (a)soplejar.
Que ravia[n] vist coronar ;
Del prat 11 sailon per lo vis
850 Violetas et flor de lis,
E en tôt lo mon non a flor
Nol fasa tant qant pod d'onor.
Qant venc al intrar del castel,
Comenson a cantar Taucel,
855 El foc d'amor ad abrasar,
E las donzellas a dansar,
E Famador canton dons lais :
Tan rica cort no er jamais.
(/^38, 7^, col. l.jPels deis s'asezon ma[n]tenent,
860 Las flors els ausels mesclament ;
El mon no es volta ni lais
L'ausel non canto en palais.
Del manjar ja no er parlât,
G'om no sap poison ni dintat,
865 Que a cors d'orne fasa ben,
Noi aja tan quan i coven.
Quant son asis, la gaita cri[d]a :
« Cobezesa es morta e aunida,
E haven Orguel abatut :
870 Ara si guardon li cornut,
Que mossenior porta corona,
A(l)quel han joi cui el en dona;
E totz om es malaiiros,
Que non s' acompaina ab vos.
875 Nos haven fag lo jugament
D'Amor : fols es qui non l'aprent. »
Amors comencet a seinnar,
E anceis que volges manjar,
El dis : a Senior Deu glorios,
880 Tôt aquest joi teng eu de vos ;
V. 845, sat negus; 846, qa sa cordes; 854, li aucel , 859, si asezon; 871,
monsenior.
212 MANUSCRITS DE GHBLTBNHAM
Seiner, la vostra gran merces
De Tonor qu'ieu hai e del[s] bes. »
[QJuant han lo premier mes a[u]jutz.
Ris e Deport[z] i es vengutz:.
885 Joglar foron a Fin' Amor,
(Col. 2.) Ab na Coindia sa seror,
Qui vai per sol molt coindament,
Dansan ab un cimblos d'argent.
Tan gai son que lor cor lu r vola;
890 Kus ag arpa, l'autre viola:
Per las taulas viras los drutz
De la gran dousor esperduiz ;
Las donzellas cujon sautar
Fors de las taulas per dansar.
895 Mais Amors o ha conogut,
Q'ha per rire son cap mogut :
Pel seneschal lur a mandat
« Qel joglar sion escoutat,
Q'el vol pueis a tôt lur plaszer
900 Se deporton a lur voler ;
E[l] fe[s] qu'il devon non lur pes,
Qu'ami soffrir vez om lo certes. »
[L]i joglar s' aprochon del rei,
905 Rire parle t enantz Déport:
a Amors, molt vos fan estrain tort
Li lausengier(s) de linvitas(?),
Oui mal[sj fuecs las lenguas abras,
Que li phylosof el doctor
910 Jutguon lausengier(s) per traidor;
Sia breus sa raszon ou longa,
Lo tôt ol plus sera mensonga.
Ai Dieus ! con lait han desconfit,
( V°y col. 1 .) Com han dompnas e drutz partit I
915 Qel drutz dis : « Dousa res causida,
V. 883, le premiers ; 896, por; 902, qainl li cortos; 903, se proschon ;
912, mensoDJa.
1 Vers oublié par le scribe.
]fAKI36CRITS DB GHBLTBKHAM S13
Moat vos avia ben servida ;
Totz mos avers e mos tesors
Era lo vostre gentil cors.
Et non seretz jamai Fardida.
920 E doncs, dompna, quem val ma vida ?
Ben m>r dura rez ez amara(i)
Sella * vostra convinent cara,
Qae fai lot lo mon resplandir,
Se laissa que vas me nos vir.
925 Fait o an li lauze[n]jador,
Com aqel que damnia la âor
Del vergier que vol solde jar.
Que [ja] non puesca pois frug far,
Zois era floritz antre nos,
930 Mais lausengier(s) Ten han secos.
Que noi han laissât flor ni foilla :
Per que Faigua del cor mi moilla
Mos oills. Mas cant a trop tengut
Lais temps, et que za feit plogut,
935 Plaz mais lo sole(a)ls el bels jorns,
Ez es a tota cens sozorns ;
Atressi creis e dobla zais
Apres lo maltraig, e val mais.
Fer q'eu, dompna, nom desesper,
940 Ni ja Dieus no m'en don lezer,
(Col. 2.) Que de vos sparton mei deszir.
Nés lo zorn que voirai morir.
Que qan per aventura ven
Q'[e]u dorm[i] ez estau tan ben,
945 Dompna, q'adonc soi eu ab vos,
E remir las vostras^faisos,
E cug ades ab vos parlar
Privadamens, si com soil far,
E cug q'ades siatz enblada
950 De la cambra en que es gardada,
V. 922, convinens ; 924, nos jur ; 925, fart aan ; 935, bels Iods
* StlJa =: 6en la = sine illa.
2U MANUSCRITS DB CHBLTfiNHAM
Lo grans zol me fai rie e dar(?);
E quant eu non vos puosc trobar,
Tan granda dolor men deven
Q*ieu me mervell qar non forsen.
955 E Dieus ! que me pod conortar?
Qan mi soven del embrasar
E del dous baiszar e(l) del rire,
Âmiga, ben devria ausire ;
Que vos estaz ma dousa amiga,
960 Aisi com la raza ab ortiga ;
Que vos es dousa e plazens,
Ez es pausada entr'avols gens. »
Enaisi plaing lo drutz, el druda
Es mil aitans morta e venduda,
965 Q'el non ausa ab ome parlar,
Ni gen vestir ni gen causar ;
Ni s' ausa deportar ni rire
(/'" 39, r«, co/.l.)Que non haja paor d'aucire;
Ez esta en gran penssamen,
970 E ditz en son cor moût soven :
(( Bels amies, haurai jamai aisze,
Que vos percoUe ni vos baisze.
Eu non (?) faillit son mei déport,
Me e vos han lauzengier(s) mort.»
975 Amors, penren en ja venjansa,
Nin portaren escut ni lansa,
Sobrels lausengiers traidors,
Que tolon las dousas amors. x>
Plasers, lo senescals d'Amor,
980 Parlet en luoc de son seinor.
Moltfopros e certes e vi(a)stes,
E savis hom e bon légistes.
[E] li ha dit: a Bels amies bos,
Gent aves dig vostras razos ;
985 Mais tôt quant aves devizat,
V.953,em deven;957, dons (dos avec un sigle sur Vo)\ 959 et 978, donsa;
966, ome (avec un sigle sur /'e); 983, ha liz.
MANUSCRITS DE CHELTSNHAM )tlb
Ha hoi Cortezia jugat,
Q'ill ditz q'ab sen et ab mesura
Pot hom aver amor segura ;
E si lausengier son Marcos,
990 Hom lur deu esser Salamos .
Ja no er que gilos non sia,
Mais ieu die que re non enbria,
Que mosseihner es poderos,
Que ia l[a]uzengiers ni gelos ,
995 Non feran dan a drut certes,
{Col. 2.) Ans [tôt] lur pro mas be lur pes;
Qar en luoc fan tan gran paor,
Q'el non parlara, aujen lor.
E si con Taurs el f(l)uec s'escura,
1000 Aques(i)ta paor los meillura,
Q'el si gara de fol parlar,
E fai ab sen tôt son afar ;
E sil van si don[s] espian,
E ill fan vezer lur bel semblan,
1005 Ab tal don gaire no li cal,
A que cobre son joi coral. t
[AJpres ditz Deportz : « Gran faillida
Fai aquel que si donz oblida,
Quan de son gen cors on[o]rat
1010 El non Ta trait ni galiat,
Antz Ta tengut gai e jausen.
Fait [de| tan envejos prezen
Coves, de son bell acuillir,
E Ta volgut tan enreqir
1015 Que, si ag maltrait de s' amor,
Ar loi ha tornat en dousor ;
E donat de sas bellas res,
Mangas [e] cordes et orfres ;
V. 995, ceran; 1005, gaere.
* AllusioQ aux Dits de Marcoul et de Salomon, recueil de proverbes don
la première rédaction en français remonte au Xlle siècle. A chaque sentence
de Salomon, Marcoul, une espèce de Sancho Pança, répond par un proverbe
populaire et souvent licencieux. De là l'idée de réciprocité exprimée par nos
deux vers; mais les rôles sont ici renversés, et l'attaque est attribuée à Mar-
coul {Marcon),
216 MANUSCRITS DB GHELTBNHAM
E s'il mostra puei cor truan,
1020 No se pot desfendre d'angan,
Antz contrafai lo traidor
( P, col, 1.) Qu'es ries de l'aver son seinhor ;
E pueis met contra luei l'aver,
Es pena de lui decacer.
1025 Ges non deu haver cor volatge,
Antz deu [el] tenerferm coratge,
, Que bona dompna non peijura,
Antz enancha ades e meillura ;
Qu'eu prez mai la valpr el sen
1030 De dompna, non faz lo joven ;
E si com frugs val mais que flor,
Val mais que beltat lavalor.
Mais cant es bona la canchos,
La laissai joglar enoios ;
1035 Aital fai que tota sazon
Non fai si donz quel sapcha bon ;
E si fai après autr' amia,
Ni autra cosa cui si fia.
EU' apella son amador \
1040
Que totz temps es de joi de l'una,
La boca qez enqier mas una. »
— a [S]i m'ajut Dieus, so dis Coindia,
Ben fai mal que si donz oblia ;
1045 E mal fai dompna que de lonja
Son amie pois per lui esconja,
Que ja non sera tan zinnosa,
Dans pueis que si fai vergoinosa
{Col, 2.) D'aquel que volria aver près,
1050 Non faza lo vilan cortes,
E perja(z) son ben et s'onor,
Qu'enantz que li lauzenjador
0 hajon saubut ni sentit,
V. 1019, uuostra; 1037, e fi; 1038, qicosapchatz si fia: 1045, lonza.
* Lacune d'un ou] plusieurs vers.
IfÂMUSCRTEB DE GHBL'raSNHAM 217
Deurian haver son joi complit.
1055 Car tost passon lî mercadier
Lo pas on torna[D] li stradier ;
E qan (ill) son en via segura,
lU van bellament Tanblaûra.
Atressi dompnan deu, alen
1060 Penre son joi, mas tome (son) gen ;
(E) deu gardar que Fin' Amors gaia
Per lonc en plaidar non dechaia;
E nos deporton [de] nos (oi)mais,
Eir auzell movan tut lur lais.
1065 Envejan si s'acordon gen
L'auzell e nostri estrumen,
Qi après aisso aulaz voz
El joi que menon entr' els totz.
Ben ha pus dur (lo) cor d'aziman *,
1070
Onorse Vahrs e Batllessa
D'Amor, que re mas joi non pessa,
Son vengudas (ad) auzir lo(s) chan,
Ë son vestudas, d'un semblan,
1075 D'un blanc samit ambe floretas
D'aur; capelz han de violetas.
(f^40, ro, coL l.)Qant ellas entron el palais,
Sapchatz que la cortz en val mais.
La Baillessa d' Amor a presa
1080 Honor, de jost Amor l'a mesa.
El ac gran joi qan l'ag veszuda:
Vas si la streing, baisar la cuda :
Mais sas gen[s] lo feiron suffrir,
Per paor qen fezes mûrir
1085 De plan' enveja dos o très,
Que la dompna es tan bella res.
E ditz : (( Dompna, ben fos onrada
V. 1059, dompna non ; 1075, ab floretas.
* Lacune dont il est difficile de déterminer l'importance ; elle doit compren-
dre la fin du discours de Coindia, et peut-être d'autres encore.
21K MANUSCRITS DE GHVLTBNHÂM
Ma bocca, sîus hages baisada^
109() QMeu non soi dignes, dons' amiga,
Que tanha d'Onor vostra boca,
Que tôt es sans qant a leis toca.
Vos mi tenes en tal liam,
Gon pus m'aucises, no m'en clam.
Per qu'auciretz vos, dompna bella,
1095 Celui que vas vos nos revella ?
Vostra dousa amors m'esperona ;
Pos bella es, siatz me bona ;
E non fassatz Tauszellador,
Q'apella e trai ab dousor
1100 L'auszel, tro qe Ta en sa tela,
Pueis Tauci el destrui el pela.
Dompna, Tuell pus luszent qu'estela
Regardon, pus son cor nous cela
{Col. 2.) 1105 Lo votre sers, que tant vos ama,
Per Dieu e per vos se reclama ;
Per mil vez siatz ben venguda,
Qran joia m'es al cor creguda,
Qar es tant ôna e tant liaus,
1110 Ja mos cors non haura repaus,
Tro qem digas coment sera,
Sill vostre bel cors m'amera ;
Q'ieu soi vostr' hom en tota guisza.
Que Fin' Amor el cor m'atisza
1115 Un fuec don m'es suaus la flama,
Que del vostre bel cors m'aflama.
E regardatz lo vostre bon or,
Que diguen li un amador
Q'en vos non sap om blasmar re,
1120 Que beir es e de gran merce.
De paor nous aus dire pus,
Mais vostr' amor mi don Christus,
Aissi con ieu, per bona fe,
V. 1120, bella; 1121, paur.
* Ici nouvelle lacune, de peu d'importance.
MANUSCRITS DE GHBLTBNHÂM 219
Laus qn'er mi don el de vos be ;
1125 Q'ieu nom puesc ges de vos défendre,
Enguazar mi podes o vendre ;
Faitz en faire carias e brieus,
Mos cors prenc de vos e mos fieiis,
E qar eu soi sener d'amor,
1130 Ai causit lo pus rie seinhor. »
Amors respon: a Eu soi ben vostra,
( y**, col, 1.) Q'ieu non soi ges aquel que mostra
Orgueil, montre q'es jovencella,
Q'a la color fresca e nov^lla ;
1135 E qant aqU colors li fail
Ez el se vei en son mirail
E conois que trop s^es tarzada,
111 qier so don era pregada,
E ditz : a Ben ai mon tenps perdut,
1140 Jamais non poirai haver drut. »
Adoncs oing sa cara e la fréta
E cuida se faire toseta ;
E on pus se gensa, el peizura,
Qel beutat non ven per natura.
1145 Que donnas i ha d'autre fuel,
Que paron laiden de novel.
Que negus gentils hom si ô
En dompna que laidura di ;
Ants se devon(t) d'aitant venjar
1150 Que francs hom non la deu baiszar.
Dompna non deu parlar mas gent
E suau 6 causidament,
E deu tant gent sos motz assire,
Que totz hom son solatz désire,
1155 Que las paraulas qe son fors
Demostran los talens del cors ;
Per que non deu dire folor
Dompna que s'enten en valor. d
(CoL 2). [L]a Baillessa d'Amor s'assis
Y. 1125, non; 1131, flors respon eia; 1146, laide ande non nuel.
eSO MANUSCRITS DB CHBLTBNHAM
1160 Davant las pnlsellas, e dis:
a Sabetz que deu faire doncella,
Qant SOS bos amicx es ab ella,
E Fin' Amors Ta tant onrada,
Q*ab son bon amie Ta colgada?
1165 Lor coven q'al comensamen
Li fassa d'un baisar presen,
Ë pueis ab rire et ab solaz
Qel faissa coisin de son braz,
Ez ab l'autre ves si l'estrenja,
1170 E diga(s) : t Grans onors vos venja,
Amors e gran bonaventura !
Fols es que de vos se rancura ;
Que, s'anc me venc maltrac[z] de vos,
Bon[s] m'en es rendutz gazardos.
1175 Bels amies, vos podez veder
Q'ieu soi tota al vostre plazer;
Que vesetz qu'eu nom gard de vos,
E vos es tan bels e tan bos,
Que gardaretz de vilania
1180 Vostre bel cors et vostra amia.
Endroit vos non désir lo rei.
Al vostre causiment m'autrei ;
E vos sabetz que de toseta
No i ha onor cel que l'abeta.
V. 1169,lautra,
{A suivre.)
Dialectes Modernes
GLOSSAIRE DES COMPARAISONS POPULAIRES
DU NARBONNAIS ET DU CARCASSEZ
(Suite)
Dago. — Fi à daura coumo uno dago de ploumb.
Dalicat. — Dalicat coumo uno roso muscadèlo; —coumo uno
garlando de c^umeniu.
PER TRUFARIÈ:
Dalicat coumo de car d'ase.
Damnât. — Damnât coumo Gain ; — coumo Judas ; — coumo
uno rabo (per Arabo); — coumo uno asclo.
Dangêrous. — Dangèrous coumo Caribd e Sciila.
Dansa. — Dansa coumo un Bourdelés ; — coumo un Bàscou.
Daurat. — Daurat coumo un calici de catedralo ; ~ coumo
Tabit d'un gênerai.
PER TRUFARIÈ:
Dbberti.— Se deberti coumo un cofre ; — coumo un capèl
defounsat; — coumo un croustet de pa dins un tiradou.
Dbboucassat. — Deboucassat coumo un porto-fais ; — coumo
un gaupas ou gourdimando.
Debrembat. — Debrembat coumo uno bièlbo crousto de pa
mousit.
Défait, Abalat. — Coumo la semano penouso ou santo.
Deplourado. — Deflourado coumo uno bièlho cranco ; — coumo
uno rusco de sacamando.
Degairit. —Degairit coumo un bièl moble dins un galatas; —
coumo uno bièlho semai après bendemios.
Degalhé. — Degalhè coumo un taro-cebos ; — coumo uno talpo;
— coumo un rat-griule.
Degarlandat. — Coumo uno pipo dessauclado.
Degbsti ou Degeri coumo un canard (à mesure que manjo).
Dégourdit. — Dégourdit coumo un furet ; — coumo uno clau-
de-Sant-Peire ou de Sant-Jordi; — coumo un perdigalhou;
223 COMPARAISONS POPULAIRES
— coumo un crabit de très meses ; — coumo un courdou-
niè d'aigo; — coumo un lausèrt; — coumo un esquîrol.
PER TRUFARIÈ:
Dégourdit coumo un parel de bargos; — coumo un rosse.
Dboouteja. — Degouteja coumo lou tioul d'unpescaire.
Demoura. — Demeura aqui coumo untanoc.
Deju. — Deju coumo un coumeniant.
Dbmbsi. ~ Se demesl coumo un gratèu; — coumo *un gra de
sucre dins Taigo.
Demoura. — Demoura lous brasses crousats coumo Jocrisse ;
— coumo Fabasso; — coumo un planto-portos; — coumo
toumbat de las nuos.
SB dits:
Demoro pla pertout coumo Toli à toutes las salços.
Dents. — De dents coumo de perles; — coumo de gras de mîl-
grano ; — fines apuntados coumo las d'un rat-bufou ; —
blancos e pounchudos coumo las d'un cagnot.
I PER TRUFARIÈ:
De dents blancos e grossos coumo d'amellos pelades ; —
coumo de touches de piano ; — coumo de trissous ou de
pilo-sal; — loungos coumo de cabilhos de biouloun ou
coumo la famine ; — claros coumo de pugos de raspino;
— larjos coumo de pales de foc.
Derranca ou se derraba coumo un porre ; — coumo de pau-
moule ; — coumo de crin de porc escaumat.
Desanat. — Desanat d'argent coumo un grapaud de plumo.
Désargentât. —Désargentât coumo un bièl cibori ou calici ;
— coumo la creux das capucins.
Descarnat. — Descarnat coumo une cambo d'agasso.
Désert. — Desèrt coumo un cementeri.
Desirat. — Désirât coumo tout ço qu'es defendut ; — coumo
lou Messie ; — coumo lou printemps.
Desparrabissat. — Desparrabissat coumo une bièlho tourre;
— coumo une paret bastide en terro-giro.
Dessaba. — Dessaba coumo un tutuit ou flabut de Semano
Santé ; — coumo une caramèle de sause.
Destrussi.— Destrussi coumo laratugne; — coumo une talpo;
COMPARAISONS POPULAIRES 223
— coumo un taro-cebos ; — coumo un furetaire.— Manja
coumo un destrussi.
Détestât. — Détestât coumo un gous rougnous ; — detestado
coumo la pèsto.
Dets.— -De dets coumo de malhetos ; — afilats coumo de fuses ;
— moufles coumo de coutou; — couflats coumo de tripous.
— Dets à croc de roumano coumo lou diable ; — coumo un
sarro-piastros.
DiFiciLLE. — Dificille coumo d'arrapa la luno amé las dents ; —
coumo d'atari un pouts am' un paniè sans tioul ; — coumo
de se fréta lous èls amé lous couidçs ; — coumo de trouba
la source dal Nil ; — coumo d'escarlimpa la draio dal Pa-
radis.
Dire. — Dire coumo Tautre ; — se dire de soutisos coumo de
luquetiès ; — coumo de faissiès.
Diligent. — Diligent coumo Tabelho ; — coumo la fourmigo. —
Diligent e matiniè coumo lou poul ; — coumo un boun
paire cargatde familho.
SE DITS :
Diligence passe sapienço.
DiNTRA. — Dintra 'n dacon coumo la tempèsto ; — coumo un
ouragan; — coumo une audenco. — Dintra aisidoment
coumo dins de burre.
PER TRUFARIÈ :
Dintra coumo un cung de burre fresc dins uno fendo de
nouguiè, ou d'ausi, ou de casse.
DiSPARi. — Dispari coumo uno muscade; — coumo un fum ; —
coumo uno pôu ; —coumo un esprit; — coumo un lausset.
Disputa. — Se disputa coumo de peissounièros ; — coumo de
ruscadairos que se nègoun lou bacèl ; — coumo de repe-
tièros à la plaço ; — coumo dous gousses per un os.
Doubert ou Alandat coumo un libre ; — coumo un arcèli ; —
coumo uno milgrano ; — coumo la gibecière d'un aboucat.
DouLBNT ou Marrit coumo uno esteringlo ; — coumo lou mal
de dents ; — coumo Taigo boulhento ; — coumo uno caus-
sido ; — coumo un resquit de soulpre.
PER TRUFARIÈ:
Doulhbt. — Pas mai doulhet qu'un biou ou qu'un bièl ase fait
à la trico.
»4 COMPARAISONS POPULAIRES
DouNA.. — Es à n-uu douna coamo Taigo-signado ou coumo
Taigo de la fount. — Douna dins loa panèu coamo un la-
pinou.
SB DITS :
Quand lou paire douno al û\, rits lou paire, rits lou fil ;
mes quand lou fil douno al paire, plouro lou fil, plouro
lou paire.
DouRBi. — Dourbi d'èls coumo un crestaire; — coumo de pour-
tanèls ; — coumo de bochos ; — coumo un mainatge en
fièro. — Dourbi de narres coumo de plats-barbiès ; —
dourbi la maisso à *nfila mièch nousel de biôu.
SB dits:
A toujour la ma doubèrto coumo la Caritat.
DouRici. — Dourmi coumo un juste ; — coumo un paure ; —
coumo un mounge al salut,; — coumo uno marmoto ; —
coumo uno missarro ; — coumo uno baudufo ; — coumo
unopèiro ; — coumo unsouc ; — coumo un esclop; — coumo
uno turro ; — coumo un mort; — coumo un sourd. —
Dourmi de boun goust coumo un inoucent ; — coumo s'èro
lou rei de la terro. — Dourmi d'aploumb coumo un mar-
chand de bounetos. — Dourmi que d'un èl coumo las lè-
bres. — Dourmi sus las dos aurelhos coumo un sans-
soucis.
SE dits:
Que per dourmi, segur,
Fa res de tal qu'un bentre dur.
Qui dourmits à soulel lebat
Mourira paure coumo un rat.
Qui dourmits grasso matinado
Troutara toute la journado.
Dous. — Dous coumo mèl d'abelho ou coumo de mèl narbounés;
— coumo un muscat daurat ; — coumo de tourrou en
barro ou un cabirou de nougat. — Dous al touca ou al palpa
coumo de belous de sedo ; — coumo uno pèl de talpo. —
Dou» al cor coumo lou soubenl d*uno bonne acciu ; -—
COMPARAISONS POPULAIRES 225
coumo un poutounet de toustè ; — coumo uno caresso
d'amigaeto.
PBR TRUFARIÈ:
Dous al gousiè coumo un sirot de tachos ; — coumo de
tisano de guingassous.
SE DITS :
Douço es la peno
Que nous rameno,
Après toui'men,
Countentomen.
DouTous ou Pauc sbgur coumo Fabeni ; — coumo lou temps ;
coumo Tamour d'une gourrairo ou serco-pistolos.
Drapât. — Drapât dins soun mantèl coumo un grand d'Es-
pagno.
Dreit.— Dreit coumo un quilli de palama;— coumo uno bou-
zolo ; — coumo un liri ; — coumo uno brouqueto ou luquet;
— coumo un jounc de mar ; — coumo uno quilho ; — coumo
uno candèlo ; — coumo un I; — coumo un plaussou de
sause; — coumo un piboul dltalio ; — coumo un pal-se-
maliè. — Dreit e biu coumo un cop de froundo ; — dreit
e fi coumo un pel ; — coumo uno filato. — Dreito e fîèro
coumo uno estatuo. — Enregat dreit coumo un cop de
courdèl. —Dreit plantât coumo un cèdre ou supressiè.
FER TRUFARIÈ:
Dreit coumo Tesquino d'un boussut ; — coumo un oulan ;
— coumo un faucil-bartassiè ou talho-bartos ; — coumo
de cordos dins un sac ; — coumo lou caçni de Dabeja,
tout rebirets ; — coumo un ariscle de tambour.
SE DITS :
Marchen lou dreit cami
E daissen jaupa lou mounde.
Dur. — Dur coumo un gabre ; — coumo une bano ; — coumo un
nèrbi de biôu ; — coumo uno bato d'ase ou de car d'ase j
— coumo uno gransolo d'esclop ; — coumo uno bièlho ba-
sano ; — coumo un calbau ; — coumo un tourol d'ameliè ;
— coumo de car d'ausino ;— coumo un correjou ; — coumo
18
226 G0MPARÀIS0M8 POPULAIRES
un enclami; — coumo un martel testut; — coumo Tamo
dal diable; — coumo un carrai ; — coumo un croc de calel;
— coumo uno lasceno ou rabuscle ; — coumo un coudoun ;
— coumo de tijos de boto de gendarme en retrèto. — Dur
coumo lou sort ou destin. — Dur coumo uno porto de pri-
son.
SB dits:
Pa dur, lèit dur e bi 'scaudat,
Es la bido d'un bièl souldat.
Dura. — Dura coumo Teternitat ; — coumo un parel de souliès
tachats à dos aigos.
SB dits:
Argent duro
Sans ourduro.
Quand bouldrets croumpa 'n bestit nôu, fasèts la resoulu-
ciu de faire dura lou bièl un pauc mai loungtemps.
A* Mm.
{A suivre,)
Poésies
MOUN TOUTOUN GIRAUMOUN
Er: Vaut ben mieux moins d argent
Monn toutoun
Giraumoun,
Que pipava
E qu'eituflava ;
L'autra net,
Paubre che,
A mourit dîns soun liet.
L*aîga vai dins la baissa ;
Loa fam vai dins lou cèu ;
L*ome vai au toumbèu,
Goueijat dins una orra caissa.
Moun toutoun, etc.
N'i a qu'un ôubleuda vite :
Mas tu, paubre toutoun,
Qu'eras 'n orne si boun,
Em tu sirai jamai quite.
Moun toutoun, etc.
MON ONCLE JEROME
Mon oncle — Jérôme, — qui fumait la pipe — et qui sifflait, — l'au-
tre nuit, — pauvre chien, — est mort dans son lit.
L'eau va dans le vallon ; — la fumée va dans le ciel ; — l'homme va
au tombeau, — couché dans une laide caisse.
Mon oncle^ etc.
Il y en a qu'on oublie vite ; — mais toi, pauvre oncle, -^ qui étais un
homme si bon, — je ne serai jamais quitte avec toi.
Mon oncle, etc.
tt8 POâsiBS
Aura que deurt jous terra,
Me veiqui, Dieu marcet,
Eiretié de soun be
E meitre couma-t-èu era.
Moun toutoun, etc.
Qu' ei iou, ne vous deiplase,
Qu'ai Iou gouvernament.
Culirai soun froument
E mountarai sur soun ase.
Moun toutoun etc.
Ai lard, blat, fe mai palha,
Moutons, vedèus mai bious.
Pode cassa sous iôus
E fricassà sa voulalha.
Moun toutoun, etc.
Au diable la piqueta,
Lou pa de meitatun,
Keipurjun, lou retrun !. . .
E chantan à plena teta :
Moun toutoun, etc.
Farai fa 'na levita
Per prene lous dimens;
A présent qu'il dort sous terre, — me voilà, Dieu merci, — héritier
de son bien — et maître comme il était.
Mon oncle, etc.
C'est moi, ne vous déplaise, — qui ai le gouvernement. — Je cueil-
lerai son froment — et je monterai sur son âne.
Mon oncle, etc .
J'ai lard, blé, foin et paille, — moutons, veaux et bœufs. — Je peux
casser ses œufs — et fricasser sa volaille.
Mon oncle, etc.
Au diable la piquette, — le pain moitié maïs, moitié froment, — les
fruits mal mûrs et le rebut! — et chantons à tae-tôte:
Mon oncle, etc.
Je ferai faire une redingote, — que je prendrai lesdimahches. — Je
POBISIES S29
Pourtarai daus pendents
E m'en irai en visita.
Moun toutoni), etc.
Aurai gilet de lana,
Calotas de drap fi,
Cravata de sati,
E surtirai pas sans cana.
Moun toutoun, etc.
Las fllhas dau vilage
Deijà me fan de Tei.
Eiperan d'être viei
Per parla de maridage.
Moun toutoun, etc.
Vau fa na la votura
E petà lou fusil,
E chanta lou dousil,
E pissa la chanta pura.
Moun toutoun, etc.
Aura, viva las trufas,
Lous dindaus, las perdris,
La joiae lous amis
Toujour rounds couma baudufas !
Moun toutoun, etc.
porterai des boucles d'oreilles, — et j'irai en visite.
Mon oncle, etc.
J'aurai gilet de laine, — pantalons de drap fin, — cravate de satin,
— et je ne sortirai pas sans canne.
Mon oncle, etc.
Les filles du village — me font déjà de l'œil. — Attendons d'être
vieux — pour parler de mariage.
Mon oncle, etc.
Je vais faire rouler la voiture — et partir le fusil, — et chanter la
clef du robinet du vin — et couler la chantepleure.
Mon oncle, etc.
A présent, vivent les truffes, — les dindons, les perdrix, — la joie
et les amis —toujours ronds comme toupies!
Mon oncle, etc.
230 POÉSIES
Margarita mignouna,
Antd ei lou parçaclau ?
Co nous farô pas mau
De goustà d'una autra touna.
Moun toutoun
Giranmoun,
Que pipava
E qu' eituflava;
L' autra net,
Paubre che,
A mourit dîns soun liât .
A. Chastanet.
Charmante Marguerite, — où est la vrille? — Cela ne nous fera pas
mal — de goûter d*un autre tonneau!
Mon oncle — Jérôme, — qui fumait la pipe — et qui sifflait, — l'au-
tre nuit, — pauvre chien, — est mort dans son lit.
A. Chastanet.
^ Périgourdin (Mussidan et ses environs) . Orthographe montpelliéraine.
Dans ce dialecte, on prononce o Va de la finale féminine du singulier des sub-
stantifs et des adjectifs {aigo, baisso, caisso,autro,orro, etc.) et Va des troi-
sièmes personnes de Tindicatif présent et de Timparfait {ôubleudo, eitufiavo,
pipavOy etc.).
VARIÉTÉS
LES MANUSCRITS PROVENÇAUX DB CHBLTENHAM
Corrections
Les textes publiés par M. Constans, dans le second de ses intéres-
sants articles*, réclament un assez grand nombre de corrections. Nous
en proposons ici quelques-unes.
Pièce no 2, p. 124:
V, 3. « n'aves cabat. » Corr. n'a mescahat?
9. Corr. S' eu m'en consir^ son drechurier li datf Cf. v. 20-21 .
11 . « de vostra mort. » Corr. de nostr' accort ?
22. Corr. ve V enrazonat,
24. Corr. mil vez jurât et supprimez la virgule.
29. Corr. reviu[d\at,
32. «Men. » Corr. leu?
34 . « quen. » Lis. quem.
39. J'écrirais Coms, e de que?
41. « [non].» not<5 vaudrait mieux.
44-47. Je lirais :
— « Pietz m'aves faig can ra'aves consirat. »
— « Et ieu.de que?» — « Tenes m'asegurat,
Sin aves tort *, (pie n[on] sia(s) cmblasmat ? »
— a Digas, disella, la vostra volontat. »
62. Corr. plai[n']g que no ?
64. Lis. sa vinc,
65. Suppl. Et au commencement du vers.
66. Manque une syllabe, peut-être a devant mi. Je lirais quel col,
69. Lis. QuHl m' an traït,
70. Lis. ensempre (= ensemble).
71. Lis. aja.
72. « per ne tôlier. » Lis. plutôt avec le ms. (en supposant le p
barré) : per re tôlier. La phrase n'est pas terminée.
Pièce no 3, p. 126 :
V. 9. Remarquer ancessis, au sens pur et simple d'esclave dévoué»
séide. L'allusion aux fidèles du Vieux de la montagne est évidente.
^ Revue, node septembre 1881, p, 121-138.
* On pourrait lire aussi si n'ai jes tort, où n* serait pour no.
232 VARlâTBB
20. Coït. Car .
21 . Rétablir sotz Dieu, C'est une locution connue.
48. Corr. Qu*eu assomaz (pour assomas == assomes)! Cf. 51, tnez
pour mes,
53. Lis. precens, pour presens,
54. Lis. Quem. — 55. Lis. m*avia, sans ajouter d's,
69. Lis. mezest en un seul mot.
64. Corr. Jotas ses naus ^e,
86. Lis. Cans,
92. Lis. mars, sans majuscule.
109. Rétablir am be (amo bene).
110. Lis. Dab el ( = avec lui); eisam, qui suit, est ipsa mihi. Il
faut une virgule, au lieu d'un point, à la fin du vers .
111. Remarquer ve?re=: veterem. Même forme au vers 142. Ce
mot manque dans Raynouardet dans Rochegude,ôt je ne me rappelle
pas l'avoir jusqu'ici rencontré.
117. « denan. mMs. dinon. Je corrigerais lo mon ou tôt la mon^ en
conservant agses,
118. Rétablir trobaras (vous trouveriez ), qui convient, ici, mieux
que le futur.
121 . Corr. Ni que cen tan.
122. Corr. parles.
125. Je mettrais un point après ce vers, et une virgule seulement
après le suivant.
129. Manque au moins un vers après celui-ci.
135. Lis. Corn.
146. Lis. qe me.
151. « nol. » Corr. noi.
Pièce no 4, p. 130:
M. Constant n'a introduit dans ce descort aucune division. Les ri-
mes y laissent pourtant reconnaître cinq strophes ou coWa^; première,
du vers 1 auv. 16; deuxième, 7-18; troisième, 19-33; quatrième, 34-
44; cinquième, 45-56.
V. 2. Corr. Ab bels,
* 3. Lis. Volgr* eu. Je corrigerais i^luiàt qu'e[s] sob[ei\rana. Suppri-
mer la virgule à la fin du vers.
6 . Lis. primeis (= primeirs)! Le dernier mot du vers paraît devoir
être dosana. Je ne sais que faire de ce qui précède.
7. Corr. Qu'en sovlen]ença.
14. Corr. que[m]. —24. Corr. sel ou seil. — 26. «Con. «Ce mot ne
paraît guère convenir ici. On attendrait quelque chose comme sim ou
ieum, — 27. Lis., en deux mots, mal traira. — 28. Corr. Sol, ... lo
VàRIBTBS 233
/în5. — 31. Corr. potf—31. Suppr. TantfSS. Corr. qu'eljaf Je
ne sais que faire de ab dis, — 40. Corr. Fais se, — 44. «n'u. » Corr.
^o ou nol ou not. — 47. Corr. Ouï/. — 48. Corr. iVi7 et mettez un
point à la fin du vers. — 50. Corr. Semble (ou Sembli) d^esp, — 53.
€ anc. » Corr. doncf
Pièce no 5, p. 132 :
Y. 6. « granda. » Corr. grana, comme le veut la rime, et mettez une
virgule après valor du vers suivant.
12. lis. aulana,
14. Lis. domna isernida et mettez deux points (ou seulement un
seul) après ce mot.
16. Lis. M'es.
18. o Est, cant. • lÀ'&.Estc^anc.
23. Corr. iSim[5] et effacez la virgule à la fin du vers .
27. Lis. camjei,
32. Corr. to[s]t.
36. Après ce vers devrait commencer le quatrième couplet (vv. 37-
44). Le cinquième (quatrième de M. Constans) doit peut-être se ter-
miner au V. 50. La pièce en aurait alors six au lieu de quatre que lui
donne la division de notre confrère.
47. « quom. »Corr. quemt
51-55. Ce dernier couplet de la pièce, s'il faut en effet le détacher
du précédent, se compose, à mon avis, de six vers (et non de cinq), et
doit se lire :
Nim dueill per vos,
Mais ra&os
Fora co {corr. que ?) mais mi feçes
Joios ',
Qu'engoissos
Son car nom yen tais bes.
Pièce no 6, p. 134:
M. Constans donne huit couplets à ce descort. Peut-être n y en faut-
il compter que trois : le premier se composerait de 34 vers ; le deuxième,
de 23 (35-57), et le troisième de 10 (58-67).
V. l.Corr. Mn(où).
12. Corr. si bes fan et mettez une virgule à la fin du vers.
15. Corr. nos.
16. Lis., en un seul mot,iVt.
18. Corr. auran.
* Ou mieux, peut-être : Fora qe mi feçes
Mais joios.
234
yASsàrÛB
19. Lis. c*om,
20. Ce vers doit probableaient en former deux, et peut-être aussi le
avivant.
22-24. Je crois que eus, qui termine, chez M. Gonstans, le v. 22,
et les deux suivants, n'en doivent former qu'un seul, qu'il faut lire :
' C*usquez on plus pot sin preng.
trats, qui terminerait alors le v. 22, doit être une faute de copiste.
Mais je ne vois pas la restitution . Il faudrait une rime en an . Du
reste, tout ce passage m'est obscur, aussi bien que ce qui suit immé-
diatement.
28. Corr. cantaran?
33. Il faut une virgule, au lieu d'un point, à la fin de ce vers, et un
point après le suivant, qui termine évidemment la v strophe, au lieu
d'en commencer une, comme l'a cru M . Gonstans, induit peut-être en
erreur par le ms .
38. Gorr. nom, — 40. Quis = qui es {etz),
42. Suppr. le point après ce vers; celui qui suit continue la phrase
et le couplet.
50. Peut-être faut-il écrire en un seul mot, avec une légère cor-
rection : estivaduray qu'on traduirait par été (proprement moisson) .
55. Corr. m*en deves ce (=: se, si) dura.
58 . ma est une addition inutile .
61 . Gorr. e mezura et mettez une virgule après esgartf
62. Suppr. la virgule après creis et mettez un point après valensa.
63. Gorr. Vaus\.,. e w^lura (pour melhura), et mettez un point-
et- virgule à la fin du vers. — 66. Lis. Cah bon' esmenda {e) s'atura.
Pièce n<» 7, p. 136:
Gette chanson de G. de Bomeil a déjà été publiée trois fois, d'après
les mss. 854, 12474 de la B. N. * et 2909 de la B. Riccardi», à Flo-
rence. G'est avec le premier de ces trois mss. que celui de Gheltenham
aie plus d'affinité.
V. 4. Il faut à la fin de ce vers un point d'interrogation.
5-6. J'écrirais :
E per amor non ven jais ?
— Si fai. Donx per que m'irais . . .
8. Mettre un point d'interrogation après ce vers.
12. Gorr. Esdevenc anc mais a drutf
13. Lis.: — Son ieu drutzf — Non, nim'o lais, ,
« Mahn, Gedichte, 815 et 816. — ' Arckiv. de Herrig, XXXUI, 423.
YARlBTés 235
14. tt Stades. » Les mss. 1^74 et 2909 donnent ici Codes, qui vaut
mieux.
15. Rétablir Eu vueil du ms.
16. Corr. pot, La leçon du ma. 12474 (5o c'ara no puesc sufrir)
suggère la correction : So c^ara nom pot sofrir,
19. lis., en un seul mot, amaires.
25-27. Mettre un point d'interrogation après con et un autre après
seignor,
28-30. Je lirais :
— Si ai, mas àm retengut. ...
— E que? — Un coven quem* frais,
Aicel* que Tira m'atrais.
32. Vers évidemment corrompu. 11 Test encore plus dans le ms.
854: Per que cuna noill tor noill vir. Le ms. 12474 parait donner la
bonne leçon : Solqu'en^ son atur nom vir,
33. Ici encore il faudrait, à la fin du vers, un point d'interrogation.
Les suivants doivent être lus et corrigés :
— Non 0 sai. Ja m'er meilor,
Si n'ai mal, que * al greujor
Désir 'cm 8 plus de salut.
37. Lis. *N Antic. C'est sans doute un nom propre ou plutôt un
surnom. Mettre un point d'interrogation à la fin du vers.
38. Corr. Digaz, d'après les trois mss . précités . Peut-être oCj qui
suit, est-il le pronom neutre.
42. « dams. » Corr. clams, d'après les mêmes mss.
48. « SHl 0. » Lis. Si Vo,
— P. 117. Il n'y a pas de doute qu'il ne faille lire a Rodes à la fin de
la pièce de Raimbaut d'Orange, Assatz sai d*amor, que M. Constans
a publiée dans les additions à son premier article. Quant à naturaus,
ce mot doit s'entendre au sens à'homme lige ^non pas du comte, mais
de la comtesse de Rodez, et, cela va sans dire, dans une acception
purement métaphorique. Cf. Peire Vidal, dans la pièce A »c no mort per
amorni per al:
Bela domna vostr' orne natural
Podetz, sius platz, leugeiramen aucïr.
Raimbaut d'Orange adressa, du reste, d'autres chansons à la com-
tesse de Rodez. On en peut au moins citer deux: Amors, cum er?
que farait et Lonc temps ai estai cubertz. Il n'est pas probable que
* Leçon dn ms. 12474. — * /d.— 3 Ou seulement que, comme dans 2909?
— * Leçon de 2909. — ^ Leçon de 854. Celle de 2909 [n'atend om) paraît
meilleure.
S96 VARiérâs
cette comtesse fût la seconde de celles que mentionne M. Constans,
Raimbaut d'Orange étant mort en 1173. Je tiens pour la premièie,
d'autant plus qu'elle se fit religieuse et que ceci concorde, — le nom
à part, où il a pu s'introduire quelque confusion, — avec le récit du
biographe provençal.
C. C.
SUR UN MIRACLE DE LA VIDA DE SANT HONORAT ET SUR L.A
DATE PROBABLE DE LA COMPOSITION DU SANT HERMBNTARI
En parlant* de la Vida de sant Hermentari^,ysA dit que Raymond
Féraud avait dû la composer après celle de sani Honorât Le fait sem-
ble résulter des vers où il mentionne seulement parmi ses ouvrages
la Vida de santAlban, la Passion ^ une chanson sur la mort de Charles
d'Anjou et imComputqne feu Joseph Banquier a proposé d'identifier^
avec celui qu'Eugène Thomas publia en 1847, dans le tome second des
Mémoires de la Société archéologique de Montpellier et que M. Ch,aba-
neau a récemment réédité*:
Gel] que vole romanzar la Vida Sant Alban
E 'Is verses del Gonpot vole tomar en vers plan,
E del rey Karle plays sa mort en sa ehaoson,
E los verses del lay fetz de la Passion b.
M. Karl Bartsch note® les renseignements bibliographiques que
' Revue, 3e série, VI, 41-42 et 44-45.
2 Telle serait, croyons-nous, la restitution possible du titre du poëme. Dana
la Vida de sant Honoraf^ l'auteur, citant saint Hermentaire, écrit deux fois
sant Ermentari et une fois sant Hermentarù Gette dernière notation est
conforme aux règles des Leys d'amors {Monuments de la littérature romane,
publiés par M. Gatien Arnoult. Toulouse, 1841; in-4o, I, 36) touchant l'emploi
de 1';^^ et aux habitudes scripturaires de Féraud, telles qu'elles résultent du
manuscrit suivi par M. Sardou. Le de à.\x titre que nous proposons pourrait,
à la rigueur, être supprimé. Un des manuscrits du Sant Honorât a pour début
les lignes suivantes : En lo premier tractât par lia de lo comensament de la
sancta vida Monsegnor sant Honorât, et le poëte intitule lui-même sa Vie de
saint Alban la Vida sant Alban.
3 Zeitschrift fur romanische philologie, II, 76.
* Revue,^Q série, V, 157-179.
5 L'auteur paraît avoir volontairement négligé ses œuvres profanes, ces ri-
mes d'amour qu'il jeta au feu pour ne pas « donner mauvais exemple à la jeu-
nesse », suivant l'expression de Jean de Nostredame.
6 Grundriss zur Geschichte der provenzalischen literatur. Elberfeld, 1872,
in-8o.
VARIÉTÉS «37
contiennent ces vers, mais ne parle pas de la Vida de sont Uermentariy
qu'il paraît n'avoir pas plus connue que bon nombre d'autres textes
édités ou mentionnés dans les recueils des associations savantes du
midi de la France.
M. Sardou les cite, à son tour, dans la Notice sur Raymond Féraud
qu'il a placée en tête de l'édition du Sant Honorât *,et il ajoute :
« Dans ces quatre vers, Raymond Féraud ne fait point mention d'un
autre poëme de longue haleine, dont le sujet est la vie de saint Ar-
mentaire ou Hermentaire, que de vieux écrivains ^ lui attribuent et quo
nous ne possédons plus. S'il a véritablement composé cette autre Viihi,
ce ne peut être qu'après celle de iaint Honorât, car il l'eût signalée
dans ses vers, comme il n'a pas manqué de le faire pour la Vie de
saint A Iban, également perdue pour nous, ainsi que tout le reste ^. »
Je crois avoir démontré, au moyen des extraits reproduits dans la
Revue, 3® série, VI, 41-42 et 44-45, que l'existence du Sant ffermenlari
ne peut être mise en doute, et qu'il est permis d'espérer que le ma-
nuscrit de ce poëme ne se dérobera pas plus longtemps à la curiosité
des provénçalistes ;mais M. Sardou aurait mieux justifié ses inductions
s'il avait connu les fragments que nous a conservés M. l'abbé Barbe*,
et surtout l'analyse de celui où Féraud raconte comment le saint fit
périr un énorme dragon qui dévastait les environs de Draguignan, et
comment il construisit une chapelle en l'honneur de saint Michel, à
l'endroit même où il avait triomphé du monstre .
Le récit en question peut, en effet, n'être pas sans intérêt au point
de vue des conclusions qu'il est permis d'en tirer, car le soixante-sei-
zième chapitre du Sant Honorât attribue à ce dernier une victoire
absolument semblable. Chose singulière! saint Hermentaire y appa-
raît à titre de nom local, et cette indication est la seule qui se rapporte
à l'évêque d'Antibes, dans le long poëme que M. Sardou a publié en
1874:
A Eapurs^ a granz aspers e uoa gran clapieira,
E boscages escurs, espes, de fort eusiera.
Lay si noyri gran temps uns ferezos dragons,
Eo balma mot escura et en pregontz vallons ;
* La Vida de sant Honorât, p. ix.
* M. Mireur croit que M. Sardou a voulu désigner Bouche, qui, daos sa Des-
cription et Chrorographie de Provence (Aix, 1664, 2 v. in-folio), parle lon-
guement de la Vida de sant Hermentari (I, 747-749).
3 La Vida de sant Honorât, p. ix-x.
^ Études sur les origines de Draguignan, dans le tome second du Bulle-
tin de la Soc. d'étude scient, et archéol. de la ville de Draguignan.
5 AmpuB, près de Draguignan.
238 vARiârés
5 Mays un temps s'esdevenc que ayguas e p1uyi[n]as
Sobrecaupiron fort las yalz e las gaudinas:
Perque ieys le serpentz fora del gran boscige ;
Près de Saot Ermentari es veogut far estige.
Li serpentz era granz, per ver, e de mal ayre,
10 Guastava lo borguet e tôt aquel repayre :
Perque s'en van las jentz estar en fortz castells.
Laysan Sant Ermentari e los luecz plans e bellz ;
Tut fuion lo vi[l]aje e 1* camin drechurier.
Li terra toma guasta, non y a noyriguier
15 Ni autra creatura: paor an del dragon.
Mas un temps s'esdevenc c' annavan al perdon
En l'islla de Lerins z home gran et aut,
D'un castel d'aqui près, c' avia nom Arquinaut.
Près si son a bon cor e dison que de plan
20 Aoaran drecha via per lo camin roman*.
Cant li serpentz los sent, tantost los assautet,
Et a près lo premier que anc si defendet ;
Aqui mezeis l'auzi e l' maoja le dragons
En presenza de totz los autres compaynons.
25 Gant a sant Honorât comptet hom la rancura,
Gran dolor si donet de la desaventura .
Un compaynon a près, e vay s'en manteneot
El plan sant Hermentari, on trobet la serpent,
Fetz lo senyal de Grist, non vol autra armadura :
30 La serpent vay liar al coU de sa centura,
AI pe d'una gran roca la vay ben estacar ;
Lay d'on era venguda, aqui la laysa estar ;
On esteron li os lonc temps, c'on los mostrava
De la mala serpent que la terra guastava.
35 Et ancaras s'apella le terrayres de plan
Per las jenz : al dragon de sobre Dragaignan.
E Draguignan a nom le castellz atressi,
Gar en son terrador le mais dragons mori.
Dieus donet al cors sant mandament • poder
4Ù De totas creaturas pogues far son plazer*.
i En marge et d*une autre main : Camyn roman Aurelians, (Note de M. Sar-
dou.)
» P. 122-123 du Sant Honorât, édition Sardou. La correction /)/Mvmas
m'a été signalée par M. G. Ghabaneau. Elle est justifiée par la rime et l'usage
fréquent du mot plouvina, pluie, averse, dans le langage populaire.
Quoique le sens de viajge = voyage soit à la rigueur acceptable (vers 13),
j'ai cru devoir lire vilage = village, qui s'accorde mieux avec le contexte.
Raymond Féraud ne recule guère devant la répétition d'un terme quelcon-
que, en sorte que laysa estar (vers 32) pourrait être rendu par laisse à rester.
YARIBTBS 239
A Ampns, il y a de grands lieux âpres (?) et an grand amas de
pierres — et les bocages obscurs, épais, d^un vaste bois d^yeuses. — Là
se nourrit longtemps un dragon féroce, — dans une grotte fort obscure
et en de profondes vallées. — Mais il vint un temps où les pluies et
les averses — couvrirent le dessus des vallons et des taillis. — C'est
pourquoi le serpent sort du grand bois ; — près de Saint-Hermentaîre
il est venu prendre demeure. — Le serpent était grand, en vérité, et
d'affreuse apparence, — il dévastait le bourg et tout ce terroir. — Et à
cause de cela, les gens s'en vont demeurer en des châteaux-forts, —
laissant Saint-Hermentaire et les lieux planes et beaux. — ^Tous fuient
le village et le droit chemin . — La terre devient stérile ; il n'y a plus
de cultivateur — ni d'autre créature : ils ont peur du monstre. — Mais
il vint un temps où allaient au pardon — dans l'île de Lérins dix hom-
mes grands et audacieux — d'un château qui était là tout proche et qui
avait nom Arquinaut. — Us se sont pris à bon courage et ils disent
que tout uniment — ils iront en droite route par le chemin romain.—
Quand le serpent les sentit [approcher], aussitôt il les assaillit. — Et il
a pris le premier qui se défendit. —7 Là même il le tue, et il le mange
le dragon, — en présence de tous ses autres compagnons [de voyage] .
— Lorsqu'on raconta le fâcheux événement à saint Honorât, — il eut
une grande douleur de la mésaventure. — 11 a pris un compagnon [avec
lui] et s'en va maintenant — au plan de Saint-Hermentaire, où il trouve
le dragon. — Il fait le signe du Christ ; il ne veut pas d'autre armure.
— Et il va lier le serpent avec l'extrémité de sa ceinture ; — au pied
d'une grande roche, il va l'attacher solidement — Là d'où il était venu,
il le laisse à périr. — Et ses ossements y demeurèrent longtemps, car
on les montrait — comme ceux du mauvais serpent qui gâtait la terre.
— Et encore le territoire s'appelle tout uniment — parmi les gens [qui
l'habitent] au dragon, au-dessus de Draguignan, — et le château a aussi
le nom de Draguignan, — car en son territoire le méchant dragon mou-
Je traduis laisse périr ^ qui a une raison d'être daus la signification de mourir,
périr, être tué, que les verbes esta et resta conserveut dans la langue popu-
laire de la Provence et du Languedoc.
P/an, place (vers 28), manque an Lexique romande Raynouard,mai8 se jus-
tifie par remploi qu'on en a fait dans les textes du moyen âge et spécialement,
dans V Inventaire deS archives du Consulat de Moncpellier, publiépar M. A.
Montel (Paris, Franck, 1872, in-S», p. 57). Ce mot sert encore à désigner quel-
ques-unes des places de Montpellier (plan dau Palai, plan de VOum, plan
de VOuliviè, plan de NostaDama, etc.) et même des points de réunion ou
vacants dans la campagne, louplan das Quatre-Segnous, par exemple. L'ac-
ception dont il s'agit semble, d'ailleurs, se prêter mieux que celle de plaine
au texte de Féraud
240 VÀRiirrâs
rut. — Dieu donna au saint homme mandement et pouvoir, -^ afin qu'il
pût faire son plaisir de toutes les créatures.
Tout est identique dans le fond des deux récits : position aux envi-
rons de Draguignan, apparition d'un dragon qui dévaste le pays, dé-
signation plus particulière d'un quartier qui, depuis la mort du monstre,
garda l'appellation de terraire dau Dragoun. Seule, la constructiou
d'une chapelle à Saint-Michel fait défaut. Saint-Hermen taire n'est, en-
fin, qu'une plaine ou, pour parler plus exactement, une place, un point
de réunion quelconque, situé dans le voisinage d'Ampus.
Ces particularités nous autoriseraient avoir dans le miracle de Saint-
Hermentaire une tradition locale qui aurait été attribuée plus tard h
saint Honorât. La Vita sancii Honorati, que Raymond Féraud eut sous
les yeux et qu'il a pour ainsi dire suivie pas à pas, n'était au fond que
la récension d'une foule de documents légendaires sur l'archevêque
d'Arles, sur son rôle historique et sur les miracles qu'il avait accom-
plis pendant son existence ou après sa mort. Son origine même serait
loin d'être provençale, s'il fallait en croire, les vers si souvent cités :
La vida s'atrobet en un temple jadis ;
De Roma la portet uns monges de Leris *.
Les circonstances de la vie de saint Hermentaire sont aussi peu
connues que l'époque où il vécut . Les uns croient qu'il a été le pre-
mier évêque d'Antibes, et qu'il fut un des deux prélats du nom d'Ar-
mentarius qui signèrent, en 451, la lettre adressée au pape saint Léon
par les évêques des Gaules. Les autres, moins sûrs, il est vrai, dans
leurs affirmations, font de lui un simple solitaire et reculent ton
existence jusqu'à la fin du IXe siècle. H ne serait donc pas impossible
d'admettre que la tradition ait fléchi à son endroit et qu'on ait fait
bénéficier la Vita sancti HonoraM de quelques-unes des particularités
de sa légende . En dehors de Draguignan et d'Antibes, le courant de
formation littéraire qui s'était développé autour de lui dut pâlir de
bonne heure devant l'auréole de savoir et de sainteté de l'archevêque
d'Arles, du fondateur d'une abbaye que les contemporains nommaient
déjà la pépinière des saints de la Provence. De combien ne dut pas
diminuer le souvenir d'Hermentaire, lorsque la littérature médiévale
eut fait du Gallo-Romain Honorât le fils du roi de Hongrie et d'He-
lemborc, la fleur de la Castille, la plus belle de -Misage et de formes
qui existât de son temps*, lorsque non contente d'une semblable trans-
* La Vida de sant Honorât, édit. Sardou, p. 1.
î Son portrait est un des morceaux les mieux réussis du Sant Honorât :
Herenborc la plus bella de cara, de fayson,
Huelltz vars e saura testa, con fil d'aur en viron,
YARléTâs 241
formation, elle loi eut donné ponr oncles rempereor de Remanie,
Léon le Grec, et le roi de Murcie, de Tolède et de Sairagosse? La vic-
toire de saint Hermentaire sur le dragon appartenait à un genre de
faits trop répandu, trop uniformément reproduit dans la littérature
popidaire, pour ne pas perdre toute valeur le jour où la resplendissante
légende de son contemporain se fut mêlée à celle de Cliarlemagne, et
qu'entre autres actions on lui eut attribué la délivrance du futur
empereur d'Occident, retenu dans les prisons de Tolède après la dé-
faite, en bataille rangée, de son père Pépin le Bref. Rien n^est donc
plus naturel que Teffacement de la première tradition et, plus tard,
son attribution à saint Honorât. Rien qui explique mieux que Raymond
Féraud ait pu ignorer saint Hermentaire, au point de ne le mentionner
que dans une seule circonstance et seulement k titre de nom de lieu .
Le lecteur vient de voir que Raymond Féraud avait versifié deux
fois le même récit. Le Sont Honorât et le Sont Hermmtari auraient
des points de contact bien plus nombreux; la trame de leurs histoires
serait encore plus étrangement mêlée, s'il fallait croire ce que rapporte
le grave et consciencieux Bouche ( la Chrorographie de Provence, I,
747-749) :
« En cette année 879 .... vivoit encore en Provence un autre saint
personnage nommé Armentaire, autant illustre et en grande réputa-
tion en Provence, pour les grands miracles qui se font tous les jours à
son sépulchre dans la ville de Draguignan. Comme sa vie est inconnue
par le défaut des écrivains anciens, qui ne nous ont point laissé d'in-
structions de sa vie, et les écrivains modernes de la vie des saints n'en
disent mot. Les uns l'écrivent et le nomment Hermentaire, les autres
Armentaire, et cette dernière écriture me plaît le plus, duquel nom
je trouve voirement qu'il y a eu quelques evêques en cette province,
comme Annentarius, evêque d'Embrun, déposé au concile de Riez Tan
439. Un autre Arm^ntarius, evêque en Provence l'an 450, en l'epitre
de Léon, pape, écrivant aux evêques de Provence, et une {8ic)Armen-
tarius estant evêque de Pavie, qualifié du titre de saint dans le marty-
rologe romain le 30 janvier, qui vivoit l'an 720, comme Baronius remar-
que en ses notes sur le martyrologe. Mais pas un de tous ceux-là n'est
Bel vis, boca risent e colorât menton,
Flor de tota Castella :
Rosa fresca de may non es plus colorada ;
G^t cors, e bellas mans de fayson mesurada,
Gent parlant e plasent, c'a totas gentz agrada
E sas beutats retray.
(La Vida de saut Honorât, édit. Sardou, p. 4.)
19
242 YARIBTâS
ce saint Armentaire qu'on révère à Draguîgnan, parce que celui-ci y
vivoit en ce siècle environ Tan 880.
» L'on conserve dans cette ville une certaine légende de la vie de
ce saint, composée par un Raymond Feraud , gentilhome provençal,
qui vivoit l'an 1300, meilleur poëte qu'historien, en laquelle légende il
y a tant de faussetez et de contradictions qu'on a grand peine de dé-
couvrir ce qui y peut estre de véritable ; elle le fait contemporain de
saint Honoré de Lerins, avec lequel elle dit qu'il a voyagé, et qu'il
alla avec luy en Espagne pour délivrer le roy Charlemagne devenu pri-
sonnier par Aigoland, roy des Sarrazins, après la délivrance duquel ils
allèrent habiter l'isle de Lerins*, et chassèrent les serpens qui y es-
toient dedans et entr'autres deux démesurément grands, leur faisant
avaler des choses monstrueuses ; elle le fait encore vivre du temps de
Charles, roy de Provence, fils , dit-elle, de Louis le Débonnaire, r'ôy
de France, et encore du temps de Charles le Chauve, roy de France ;
du temps de Bozo(«tc),roy de Provence, et du temps du pape Jean IX,
qui vint en Provence et demeura quelque temps en la ville d'Arles ;
elle le fait encore vivre du temps du concile de Vienne, tenu sous le
pontificat de Formose, auquel concile il alla en la compagnie de son
evêque de Frejus. Finalement elle dit qu'il mourut en son hermitage,
aux calendes de juin, régnant en Provence le roy Bozon .
» Or il est impossible de joindre des temps si éloignez les uns des
autres et de faire vivre ensemblement des personnes qui ont esté en
divers siècles
3> Et ainsi séparant ce qui est fabuleux, de ce qui semble estre plus
vray-semblable. Jediray seulement que je tiens pour fabuleux tout ce
qui y est couché de saint Honoré de Lerins, de la délivrance de Char-
lemagne, de Téglise et isle Auriane, ou Aureliane: parce que de tout
temps cette isle a esté surnommée Lerins ; comme aussi je tiens pour
fabuleux tout ce qui y est dit de la défaite de ces serpens en cette
même isle, avec des pains faits avec des étoupes et de poix résine ;
estimant que c'est une fiction fondée sur la procédure que le prophète
Daniel, au chap. 14, 26, fit en détruisant le dragOn que le roy de Ba-
bylone luy présenta.
» Je tiens pour suspet tout ce qui y est ajouté de la fée Esterelle,
et de ses sacrificateurs, qui donnoient à boire quelques breuvages en-
chantez aux femmes stériles, pour avoir des enfans, comme encore de
cette pierre vulgairement dite la Lauza de la Fada^ où se f aisoient les
* La captivité de Gharlemagne à Tolède, dans les prisons du roi Aygoland,
sa délivrance par saint Honorât et la destruction des serpents de Tîle de Le-
rins figurent dans le Sont Honorât, mais il ri'y est nullement question de saint
Herm en taire.
YARIETés 243
sacrifices de cette fausse divinité. Car au temps où vivoit saint Armen-
taire, la religion chrétienne et catholique estoit si fort raffermie et si
universellement receuë en Provence, que je ne croy point qu'il y eût
en son temps aucun vestige du paganisme, quoy que tous ces sortilèges
peuvent avoir esté faits en cette province au temps de la gentilité .
» Qu'il ait esté Grec de nation, ou Italien, natif de Pavie, comme
deux différentes légendes marquent, cela est indiffèrent et incertain,
bien que la seconde opinion se fonde peut-estre sur ce qu'il y a eu un
saint Armentaire evêque de Pavie, comme j'ay remarqué un peu au-
paravant.
3> Qu'il ait esté véritablement evêque d'Antibe, ou ayant refusé l'evê-
ché ; qu'il ait esté seulement hermite et solitaire au terroir de Frejus
et de Praguignan, comme ces deux légendes disent, l'un et l'autre peut
estre et je n'y voy point de répugnance.
j> Que de son temps il y ait eu aux environs de la contrée de la ville
de Draguignan, et au terroir du village d'Ampus, dans une baume, un
antre obscur et ténébreux, prez d'une grande forest, comme sa légende
porte, un grand et horrible serpent, qui de son souffle venimeux inf ec-
toit toute la contrée et tuoit toutes les personnel qu'il avoit à sa ren-
contre, et que par ses mérites et prières envers Dieu, il ait détruit ce
furieux animal qu'on surnomme dragon, et que de cette miraculeuse
victoire la ville de Draguignan, qui auparavant estoit surnommée Gri-
minum, comme disent quelques-uns, ou Arguinaud, comme veulent les
autres, ait esté surnonamée Dragomarrit puis Draguignan, cela peut
estre, et n'est pas chose nouvelle ny singulière à ce saint
» La chose la plus asseurée qu'on peut sçavoir de ce saint est qu'il
a vécu en ce neusiéme («ic) siècle, et qu'il est mort environ l'an 900,
âgé de plus de 80 ans, s'il est vray qu'il ait assisté au concile tenu à
Vienne, avec son evêque de Frejus, et que sa vie et sa mort en son
hermitage ont esté agréables à Dieu, puisqu'il a fait beaucoup de mira-
cles, guérissant plueieurs malades de diverses infîrmitez en sa vie, et
beaucoup plus après sa mort ; au tombeau de qui, en la ville de Dra-
guignan, il se fait tous les jours beaucoup de miracles et la guerison
de beaucoup de sortes d'infirmitez. Mais surtout Dieu lui accorde cette
grâce que de remettre en bon état ceux qui sont égarez d'esprit, alié-
nez de sens et de raison ; accidens qui leur peuvent estre survenus à
cause de quelques frayeurs, peurs, tremblemens et terreurs paniques.
»Mais quoy que la légende marque que ce saint mourut aux calendes
de juin, sa fête pourtant se célèbre le 12 novembre. Et partant cet
Armentaire doit eslre différent à cet autre de même nom dont les re-
liques estoieat autrefois dans l'église Saint-Laurens hors des murs de
la ville d'Aix, puisque la fête de celuy-ci se f aisoit le 7 octobre, comme
2AA VARlÉTâs
marque une pierre écrite, trouvée il y a quelque temp8 dans une cave
du chapitre de Teglise de Saint-Sauveur, conservée encore dans la sa-
cristie de la même église * 3>
J'ai tenu à citer ces divers passages à cause des indications qui s y
trouvent. La découverte du manuscrit du Sant Hermentari nous dira
si Bouche a réellement confondu ce poëme avec quelques-uns des
chapitres du Sant Honorât, ou bien si Féraud a poussé l'abnégation
littéraire jusqu'à rimer une deuxième fois des récits qu'il avait déjà
présentés au public lettré de son temps. En écartant ce point du débat
actuel et en rapprochant les particularités citées plus haut de l'absence
de toute indication sur le Sa/nt Hermentari dans les vers où Féraud
énumèresa Vie de saint Alban, son comput, ses vers sur la Passion et
la plainte funèbre du roi Charles, il semble permis d'en conclure: 1® qu'il
n'avait pas encore songé à versifier la vie de l'évêque d'Antibes;2*' que
la composition de celle-ci doit être placée entre l'année 1300, époque
à laquelle il termina la Vida de sant Honorât^ y et l'année 1324 ou 1325
qui le vit mourir . Quoique l'approximation soit ici ti'ès-large, on n'a
guère le droit de la dédaigner, en présence du petit nombre de rensei-
gnements que nous possédons sur le troubadour préféré de la reine
Marie de Hongrie et de Robert de Calabre.
Peut-être, — nous terminerons pai- cette dernière conjecture celles
que nous proposons au lecteur, — peut-être la versification d'un mi-
racle attribué, par les uns à saint Hermentâire, et par les autres à
Saint Honorât, détermina-t-elle notre troubadour à étudier la légende
de l'évêque de Draguignan et à la mettre en vers après celle du fonda-
teur du monastère de Lérins * .
A. Roqub-Febribr.
* Je remercie M. François Vidal, d'Aix-en-Provence, qui a bien voulu co-
pier ces passages sur l'exemplaire de la Bibliothèque Méjanes.
* Mas ben vuelh que sapiau las jens
Que l'an de Dieu mil e très cens
Compli le priols son romans,
(Vida de sant Honorat,éd\i. Sardou, p. 208.)
3 J'aurai bientôt roccasion de parler de deux autres poëmes de Féraud .
VARIÉTÉS 245
L INSCRIPTION DE LA COUPB DU ROI RENE
L'orthographe de rinscription rapportée par Achard, Dictionnaire
de la Provence, Hommes illustres, t. I, p. 109, et citée, Revue,
3® série, VI, 103, doit être rétablie de la manière suivante :
Qu ben beoura,
Dieu veira.
Qu me beoura de touto soun haleno,
Veira Diou et la Magdeleno.
Quoi qu'en dise le Dictionnaire de la Provence, il est probable
qu'elle était rédigée en français . On lit dans V Histoire de René
d* Anjou, 111, 224, par le comte de Quatrebarbes :
« Reconnaissants de la protection éclairée du bon Roi, les frères
Ferry lui avaient fait présent d'un grand verre à boire, dont la forme
et la hauteur étaient celles d'un calice. La coupe pouvait contenir
la pinte de Paris. Sur les parois intérieures, l'artiste avait peint un
Christ sur la Croix ; la Madeleine était à ses pieds, et on lisait au
bord du vase, en caractères gothiques, cette curieuse légende:
« Qui bien beurra,
Dieu voira.
Qui beurra tout d*une haleine,
Voira Dieu et la Magdeleine. ^
Dans son travail sur les de Ferry et les d'Escrivan, verriers pro-
vençauœ (Bulletin de la Société académique du Yar, nouvelle série,
VI, 1873, 291-324), M. Reboul cite ce passage du comte de Quatre-
barbes, et il ajoute :
« Le Président de Saint- Vincens nous apprend que ce verre histo-
rique était conservé dans le cabinet de Fabri Borrilly, à Aix, et il as-
sure l'y avoir vu lui-même, n
A. R.-F.
BIBLIOGRAPHIE
Société des anciens textes français. Daurel et Béton, chanson de geste
provençale, publiée pour la première fois par Paul Meyer, d'après le ms.
unique appartenant à M A. Didot. 1 vol. in-S®, cxx-110 pages.
Le ms. qui nous a conservé la chanson de geste dont le titre figure
en tête du présent article est le même qui renferme le mystère de la
PcLSsion, dont il a été plusieurs fois question dans cette Reume et dont
la Société des anciens teintes a, dès «es débuts, annoncé une édition,
qu'elle nous fait, soit dit en passant, bien longtemps attendre. Ce ms.
contient en outre huit autres pièces de médiocre étendue, ayant toutes
un caractère moral ou religieux, et dont plusieurs sont mutilées. M. Paul
Meyer les a publiées, en même temps que Daurel et Béton, dans le
volume dont nous rendons compte .
Ce volume s'ouvre par une introduction qui est un morceau étendu
et intéressant, où les questions d'histoire littéraire et de philologie qui
se rattachent au poëme de Daurel et Béton sont traitées en détail * .
* Plusieurs faits pourtant n'y ont pas été relevés, qui valaient peut-être la
peine de Têtre. Je citerai les suivants:
Le développement de ui eu uei dans fuei 991, autruei 1593. Des formes
pareilles se rencontrent dans la Passion du Christ, ms. de Tours (édit. Eds-
trôm, vv. 72, 73, 392, 420-21). Cf. aussi luey = lui dans une charte du pays
de Soûle, publiée il y a quelques années par M. Meyer (Romania, V. 371);
La réduction de Ih à y, figuré h, en finale, dans cosseh 6S3, nuh 1814 =
nulh, vueih 1471 = vueilh, à moins que Vh n'ait été dans ces mots oubliée
par le copiste. (On lit, au contraire, v. 956, sielh pour sieh = siei.) Mais on
a d'autres exemples anciens du même phénomène, et les dialectes modernes en
présentent en graud nombre. C'est d'ailleurs un fait analogue à la réduction,
que M. M. a notée, de nh à y;
ae pour ai dans palaes 37. d. paer, forme ordinaire de paire dans l'an-
cienne trad. limousine de l'Ev. de saint Jean;
ou pour 0 (selon l'orthographe actuelle) dans ginoulhar 1470, vou^ 148, 157,
Roulan, 130, 2136. Peut-être ce dernier mot devrait-il être lu Ronlan, con-
formément à une prononciation que Ton constate en divers lieux.
Parmi les exemples de la qhute de Vs devant une autre consonne ( p. Ivj.), il
eût été bon de citer puec 1026, 1034, 1453, 1974, et conoc 998.
M. Meyer signale, p. liv, le passage de ai et ei à au et eu. On trouve aussi
dans Béton des exemples du phénomène inverse, qu'il aurait pu noter comme
il l'a fait plus loin, p. Ixxiij, pour le Débat de la Vierge et de la Croix. Voici
ceux que j'ai relevés :
miei = mieu 1184, 1524, 1588 (corrigé mieu au premier seulement de ces
B1BLIO0RAPH1B 247
Daurd et BeUm est une chanson de geste. C'est cela surtout qui fait
son prix. La pénurie de la littérature provençale en ce genre de com-
positions rend précieux le moindre débris qu'on en ait pu sauver . Le
sujet est intéressant, et, traité par un poëte de talent, il pouvait don-
ner matière à un bel ouvrage. Mais l'auteur paraît n'avoir été qu'un
jongleur assez malhabile. C'est l'opinion de M . Meyer, et tous les lec-
teurs la partageront. « L'idée dominante de Daurel et Béton, — je cite
les propres paroles du savant éditeur, p . xxvij, ^- c'est le dévouement
sans réserve d'un serviteur envers son seigneur. Cette idée est si loin
d'être nouvelle qu'on peut la regarder comme un lieu commun . Mais
ce qui est particulier à notre auteur, c'est d'avoir substitué au servi-
teur ou au vassal traditionnel un jongleur. Dawrel et Béton est, pro-
prement, la glorification du jongleur. »
A la suite de l'introduction vient un appendice, dans lequel, après
une description détaillée du ms., M. Meyer donne les huit pièces men-
tionnées ci-dessus, en faisant précéder chacune d'elles d'une notice
substantielle où la langue et le sujet sont étudiés avec soin, La chan-
son de geste, qui est l'objet principal de la publication, suit immédia-
tement, et le volume se termine par un glossaire, pour la composition
duquel on regrette que la totalité des textes publiés n'ait pas été mise
à contribution : le seul poëme de Daurel et Béton en a fourni la ma-
tière . Ajoutons que, dans les limites mêmes que l'éditeur s'était tra-
cées, il aurait pu le faire plus complet.
Le ms. Didot (il convient de lui laisser cette désignation, bien qu'il
appartienne aujourd'hui à la Bibliothèque nationale, car il a été donné
à cet établissement par la famille Didot) est incomplet du commen-
cement et de la fin. H présente aussi quelques lacunes intérieures.
M. Meyer y reconnaît dix à douze mains différentes, dont aucune n'était
celle d'un copiste soigneux. H suppose, d'après des indications que
fournit le ms. lui-même sur ses propriétaires successifs, que le copiste
de Betonj qui termine le volume et dont par suite la fin nous manque,
était de la région qui correspçnd au nord de la Haute-Garonne et au
Tarn, et que ceux qui ont transcrit le reste du ms. étaient Gascons .
trois vers), espieyt 190, Peytiey 175. On peut en rapprocher malayratz du
V. 990, bien qu'ici ay ne soit pas diphthongue. Cf. une forme analogue [venay-
rades, pour ben.,.) dans les Hécits d'hist. sainte en béarnais, II, 138.
La substitution de au, eu, à ai, ei, comme la réciproque, se rencontre en
d'autres textes que ceux que nous a conservés le ms. Didot; mais les exem-
ples en sont assez rares et assez clairsemés pour qu'il n'y ait pas lieu d'être
surpris qu'Ut aient échappé à l'attention ou au souvenir de M. Paul Meyer ^
bien que quelques-uni se trouvent dans des textes qu'il a publiés lui-même.
248 BIBLIOGRâPHIB
J'irais volontiers plus loin que lui et ne ferais pas difficulté d^attribuer
aussi à un gascon la transcription de Béton.
Les traits dialectaux y sont sans doute moins nombreux et moins
sensibles que dans la plupart des petits poëmes publiés à l'appendice
de l'introduction ; mais c'est pourtant trop s'avancer que d'affirmer,
comme M. Meyer, que Béton « n'offre pas du tout les caractères du
gascon . 3> Le savant éditeur aurait été peut-être moins af firmatif s'il
y avait regardé d'un peu plus près.
Voici, quoi qu'il en soit, des traits, à mon avis, bien gascons ; plu-
sieurs, il est vrai, ne sont pas exclusivement propres à la région d'en-
tre Garonne et Pyrénées, mais on ne les trouvera réimis que dans des
textes de cette région :
Arcuîimen, v. 64 ; arcuïhir 116, pour rec. . ./
Dauretz 651, pour Daurels;
peut-être dav/nas 495, pour donas (M. Meyer a lu daimaa);
Sen A lari 749 , pour Saint A lari /
foft 646, pour /or«;
romper = rompre, 1318 ;
ceze 1640 = sezer; traje 2038 = tracher. La chute de Vr finale en
de pareils mots ne se rencontre guère à cette date que dans des do-
cuments gascons ,
ente 438, ctkte 30, vaste 52, etc. , etc., pour tte. Il y a des exem-
ples plus anciens de cette réduction de tr à t, laquelle ne se produit
pas seulement après une consonne, comme le dit M. M., oubliant aute
du V. 30; j'eQ ai relevé dans des documents datés de 1256, 1260,
1309, 1326, etc., et qui sont tous d'origine gasconne.
rentado 1292, pour rewiawo, du verbe (ar}remader-=^ remaner;
de questa pour d'aqtiesta, 1189;
lu pour lui, 7,600 ;
lo8j datif pluriel du pronom, 1392, 1576 ;
ha 1437, va 1241 (?), pour o;
darietz 183, pour dariatz;
pagaram 775, troharam 1295, vieurat(z) 214, auzirat(z) 1918,
pour rem,retz ;
fon =fuerunt 76 ;
prétérits en ec{lrohec 61, etc., etc.). M. Meyer dit, à la vérité, que
cette forme n'a été usuelle aux XIIP et XI Ve s. que dans l'Albigeois,
le Toulousain et le pays de Foix. Mais elle ne l'était pas moins, comme
en témoignent les chartes, dans le territoire qui forme aujourd'hui, en
gros, le département du Gers et la partie gasconne de la Haute»Ga-
onne.
pour ai (et) 1185, trobe pour trohei 748.
BIBLIOGRAPHIE 249
peuù 47, pour pois. On a des exemples anciens de pareUles formes
dans des textes purement et franchement gascons.
laïns 1395, 1403, dans une tirade en enSj par conséquent prononcé
laens.
aprot 728, pour aprop;
h pour V (bai 1093, esparbiers 1135, etc.), et réciproquement v pour
b (cavelhs 762);
nk réduit à i (figuré quelquefois h): compaho 46, 1314, inutilement
corrigé companho dans ce dernier vers ; teih 1226 = teneo ; compays
397), etc. *.
tz final 2e pers. du pluriel réduit à t: podet 211^ etc., etc.
De cet ensemble de petits faits résulte pour moi la présomption que
Tunique copie de Béton que Ton connaisse est l'ouvrage d'un homme
qui parlait gascon, ou qu'elle dérive d'un exemplaire transcrit par un
Grascon. Mais je partage, d'ailleurs, pleinement l'opinion de M. Meyer
quant à la langue dans laquelle le poëme a été composé : ce n'est ni
le gascon, ni le français, malgré l'intrusion, assez fréquente à la rime,
d'infinitifs en ier^, de en pour an et de om pour em (1'^ pers. du plu-
riel)*; c'est le provençal.
J'arrive aux textes eux-mêmes . Ils sont pour la plupart extrême-
ment corrompus, et Béton, s'il est possible, encore plus que les autres .
Aussi, malgré les nombreux amendements qu'y a su apporter l'habile
éditeur, reste-t-il encore beaucoup à faire à la critique pour les rendre
partout corrects et intelligibles. Puisse la tâche de ceux qui les exami-
neront après moi se trouver un peu diminuée par l'étude attentive que
j'en ai faite, et dont les résultats sont consignés dans les notes ci-
après.
_ I. Débat de la Vierge et de la Croix^ p . Ixxiij. — Le commencement
fait défaut. Pièce composée en provençal et transcrite par un Gascon.
« Au contraire, on lit nh pour n aux vers 18 (venh), 44 {manenh), et 630
{efanh}^ ce qui est aussi un trait gascon.
2 M. Meyer donne de l'emploi de ces formes en ier {er) par des Provençaux
une explication assez plausible. — Je crois que le couplet de la chanson de
Peyrol, qu'il cite p. xlj, a été interpolé ; du moins ne se trouve-t-il pas dans un
des bons mss. (le n» 1594 de la B. N.) qui nous ont conservé cette chanson, et
sans doute aussi dans quelques autres. Il serait intéressant de vérifier le fait*
3 C'est du moins ce qu'admet M. Meyer (p. xlix). Mais cet om peut très-bien
être le pronom indéfini, sauf en un seul cas, v. 26, pour lequel il y aurait à
chercher une correction. Voir ci-après la remarque sur ce vers. — Cette finale
om {(m) se trouve aussi dans Blandin de Comouailles, et toujours, comme
ici, dans des futurs.
2S0 BIBLIOGRAPHIB
Elle a de Tintérêt. c La Vierge reproche à la Croix sa cruauté envers
le Sauveur. Celle-ci se défend et fait valoir d^ingénieux argnments. »
M. Meyer rapporte une pièce latine de Philippe de Grève où est traité
le même sujet, mais qui n*a avec le débat provençal aucun rapport plus
étroit.
V. 2. « S'a mi. » Je lirais Sa un (pour se un). Cf. v. 63 aligir, 70,
sacrete, 147, sa» qui est aussi pour se.
3. Corr. A [un] son
6. Corr,ay8i[î\ laysar,
8. € Iay8es(e8). ]> Mieux vaut, ce me semble, garder layseses, que la
syntaxe exige, et reporter ans au vers précédent, en ne donnant à de-
vicu que deux syllabes. Cf.v.2, 28, voliey v. 21 dévies^ qui n'en ont éga-
lement que deux.
66. Je corrigerais plutôt : Ne gesno von^ (ges) airessi,
6d.<r cres en. :» Corrigez simplement creseu. On dit aujourd'hui orese
ou cresi.
113. <K lays mas. :» Exemple bon à noter, et que M. M. pouvait se
dispenser de corriger, du développement de \H devant s, dans l'article.
Cf. plus loin, V. 140, lay cuyses.
127. c entendement. » Corr. estendementf
134. « foc. » Corr. fec.
136-6. « fenestre : teste.» Corr. senesire : désire,
163. Corr. seulement avie : can est pour cam. Cl cansalado, joun,
des patois modernes.
154. Lis. que en can {^cam) hom er 'et morte f ou corr. honerefon
encore honer' et morte {et étant pour el)?
156. « El frent. » Corr. simplement el front, en mettant une virgule
au lieu d'un point, à la fin du vers précédent.
161. « estendut », correction proposée en note, fausserait le sens.
Lis. le]reubut, effacez la virgule après ce vers, et au vers suivant corri-
gez perdut. Il s'agit du péché originel et de la rédemption.
163. Corr. dévie. La contraction, ici, pas plus qu'au vers 72, où la
même correction est tout indiquée, ne saurait faire difficulté. Deve
est du reste une forme gasconne qu'on peut garder, sauf à prononcer
deve 'sser,
171. « los sen.» Je rétablirais hseu dnme., en faisant rapporter ce
possessif à resucitar, considéré comme nom.
174. « SOS seutz.» M. Meyer propose de corr. los sens. Je crois qu'il
vaut mieux lire simplement sentz (sanctos) . C'est une forme gasconne
bien connue.
175. « leyses. » M. Meyer corrige leyset, à tort, paraît-il. La croix
parle ici d'elle-même . Corr. sim leyses oazGT e tempsesf
BIBLIOaRAPHIB 251
179. Oorr. costrengesP
187. portée est pour portei. H y a des formes pareilles dans un
curieux texte que M. G. Raynaud a publié il y a deux ou trois ans
dansla^omaraûz.
188. « venques. 7> Corr. venqttet, ou faut-il entendre vicit ipse ou
ipsum (venc esjf
198. Aucune correction ne paraît nécessaire. Il y a une ellipse : « Je
suis par tout le monde célébrée ; vous honorée à cause de moi. »
199. « aforades. » Ceci ne donne aucun sens. Lis. asorades (adorées),
203. a: avietz. j> La corr. acsetZy proposée en note, ne peut guère
convenir : avetz est tout indiqué et vaut beaucoup mieux pour le sens
comme pour la rime. On pourrait, è. la rigueur, remplacer gran par l'ar-
ticle la.
210. « a deu far. » Aucune correction ne paraît nécessaire : a= hoc
et deu =dei, CL danB Béton, veuret =veiretf etc., et dans la pièce n°7,
V. 248, siau = siaù
222. « el tal bays. » Corr. entai baye ( =vai8 ^ssvaa (tombeau)?
II. Deux chansons de Fahre d'Uzès et de Folquet de Romans, — Ce
sont les pièces Locs esqy/om se deu alegraret Qtian he me sut apensat,
l'une et l'autre plusieurs fois publiées. A la suite (p. xc) vient un cou-
plet de sept vers, très-corrompus. Au quatrième, je corrigerais baque
en mas que. Les trois suivants pourraient être rétablis ainsi:
E greu [hom] per dret jutjaria,
Qui la dones ad aquel qui valdria,
D'aquel rie loc Tauses hom decader.
III. Les Sept Joies de Notre-Dam^e, p. xc— Cette pièce n'est aucune
de celles que l'on connaissait déjà sous le même titre. Le texte en est
très-altéré ; les caractères du gascon y sont très-marqués ; mais il ne
semble pas, d'après les rimes des vers 6-8, qu'elle ait été composée
dans cet idiome.
V. 13. « vos cargat.» Corr. [ac] cargat; virgina, ici comme au vers
suivant, ne compte que pour deux syllabes.
14. « nou. » Ms. non, plutôt peut-être nau, qu'il fallait conserver.
C'est la forme gasconne de navem.
16. « pengos. y> Cott. pergos (yous perdîtes).
20. Je lirais, sans virgule : agos{=z habuistis) acvos, en maintenant
agos (ssz habuisset) au vers précédent et mettant un point à la fin .
26. « ofri[ro]n. » ofrin pouvait être conservé, sauf à rétablir la me-
sure en suppléant, par exemple, a Jkesu. C'est la forme normale en
gascon.
27. « e sèment. » Corr. ensem^nt,
31 • a qua[r] . :» Il semble qiiequan vaudrait mieux.
252 BIBLIOaRÀPHIB
38. « rador[er]eii. » Corr. inutile: adorén est, en gascon, la forme
normale de cette 3* pers.
49. 41 quens amé (a) totz e (a) totes. t> Ces a sont à conserver. C'est
un trait de la syntaxe gasconne, qui met volontiers au datif le régime
direct, et surtout ses accessoires. On dit couramment, dans le pays :
d je vous embrasse à tous. J>
IV. Début (Tune nouvelle inconnue, p. xciv. — Quarante-huit vers
seulement. C'est encore un Gascon qui les a transcrits, comme le prouve
le redoublement de Vo dans proos (v. 6) et aussi, à un degré moindre
il est vrai, l'emploi de le (v . 34) dans le rôle du datif . — V . 4 . « lo . »
Corr. Icis ou aof
V. Les quinze signes de la fin du monde, p. xcvij. — Pièce mutilée,
différente du petit poëme catalan récemment étudié par M. Milâ y
Fontanals. M. Meyer suppose qu'elle n'a pas été composée en pro-
vençal, à cause des rimes en ed = prov. at qu'elle présente, et qu'elle
ne l'a pas été non plus en pur français, à cause de la rime soner : quer,
qu'on y remarque aussi et qui ne peut se ramener, ni en français ni en
provençal, à une rime correcte. Mais un léger remaniement du vers
fait disparaître cette dernière anomalie, et, quant aux précédentes, il
n'y a qu'à substituer à la forme française la forme provençale corres-
pondante pour qu'elles disparaissent également. Quoi qu'il en soit, au
reste, de la forme première de ce petit poëme, il est certain qu'il a
été transcrit dans le ms. Didot par une main gasconne.
Couplet x: « terra manement. » Lis. mavement, forme gasconne,
comme maber pour movere, nau, navere pour novum, novella, etc., etc.
C'est le voisinage de la labiale qui produit ce renforcement. — Je met-
trais un trait d'union après terra. Les deux mots n'en font qu'un.
Couplet XXI : « re » C'est sans doute trat (retrat) qu'il faut sup-
pléer. Cf. le vers suivant.
Couplet XXII, V. 3. Je lirais, pour rétablir la correction sans compro-
mettre la rime. D'un mot sonar ardit non er. Cf. le troisième vers du
couplet XX.
VI. Le Traité des noms de la mère de Dieu, p. o. On ne connaît pas
d'autre copie de cette pièce, dont nous n'avons que le commencement et
la fin. Elle est écrite en alexandrins divisés en couplets monorimes de
quatre vers.
V. 62. Lis., sans apostrophe et en modifiant la ponctuation :
Laissus naut eu la sala de paradis, el cal.
71. «qui. »Corr. quis (= qui es).
73-4 . Corr. efreyda estengent (éteignant) La calor. . .
84. Corr. a^pelest te. J'aimerais mieux supprimer |7^a que de Dieu.
BIBUOaRAPHIE 253
87. Corr. bas setz (= vas ceh) quet pregitan drechamenf
90. Corr. la quan (pour la quam) mi mau (movet) guera.
91.<ïramor(t). » J'écrirais la mort.
269. ce coraben (se) fi.y> Corr, combenie a, ou simplemeDt combenie ou
combenia,
272. Lis. s'esdignôj comme le propose M. M., et suppléez mi après
contra.
283. «falhir de. » Correction inutile. Lis. avec le ms. : « ses fait' en
sa careyre. »
P. cviij. «tehocon. » La note sur ce mot est sans doute un lapsus.
Il y a une différence très -sensible, d'étymologie comme de sens, entre
ôeoTOXoç et ÔgoOyj/.y3.
VIL Les heures de la croix, p. cix. Poëme de 274 vers de 8 syllabes
rimant deux à deux. Il existe des compositions latines et françaises
sur le même sujet. En langue d'oc, on n'en connaît pas d'autre que
celle du ms. Didot. Les caractères du gascon y sont plus fortement
empreints qu'en aucune des pièces jusqu'ici passées en revue. Je ne
serais pas éloigné de croire que Pauteur lui-même, et non pas seule-
ment le copiste, était Gascon. Les rimes volgust: fust (v. 3-4), qui ne
peuvent se ramener en provençal à rien de correct, sont un argument
d'un certain poids en faveur de cette opinion . Moins probants sont
prometust: dissust (131-2), parce que les mots correspondants en pro-
vençal rimeraient également. Ces formes, du reste, n'ont rien d'excep-
tionnel, étant donnée la langue de l'auteur ou seulement du copiste.
Ce sont, au contraire, des formes parfaitement normales et les seules
correctes en cette langue.
M. Meyer remarque et signale dans la même pièce, comme une sin-
gularité, l'addition d'un ^ àla nasale dans sobirang, mong^ etc. C'est là
un phénomène qu'on peut dire particulier à la partie la plus occiden-
tale du domaine gascon. Je l'ai constaté surtout dans des textes origi-
naires de Bayonne et des Landes (Dax,St-Sever,Gabaret, Marsan, La
Teste). Je l'ai rencontré aussi ailleurs, par exemple dans la coutume ûe
Condom, mais bien moins fréquemment.
V . 3. « mayties. y> C'est une forme gasconne très-correcte, qu'il n'y
avait pas lieu de corriger. L'w médiane tombe norm£Jement dans cet
idiome.
17. Ne vaudrait-il pas mieux lire car* apagadef et de même au
v. 203?
43. « ta[n]. » ta pouvait rester; c'est le latin tam.
44. « livrest. » Lis. litbrest. De même v. 72. Au v.209, on a imprimé
deliurest.
254 BIBUOaiUPmB
69 . « dos (iic), » Pourquoi ce sic f dos ^ dons = dones est une f onne
très-ordinaire.
ÎO.ftlas craus?»Li8. crans. C'est une forme qu'on trouve ailleurs,
même liors du domaine gascon.
113. Je corrigerais plutôt per estes : fe, supprimé par M. M., n'est pas
inutile.
139. c Puis que. 3 Ms. puis qui, trait gascon effacé à tort.
164. € Gardem. i» Corr. Oarden mit
227. Corr. Eram,
228. Corr. venir en t'amor,
271. n mes {sic). » C'est une forme gasconne, comme mens ^=- prov.
mos,
VIII. Mystère de la Passion, p. cxix. — Les huit premiers vers
seulement et les huit derniers.
V. 2. cSos autres » La corr. seSj proposée en note, laisserait le vers
trop long, n faut simplement supprimer sos. Autres = aJ res: le t y
est épenthétique.
Daubbl et Bbton, p. 1-73.
V. 10. a mas [que], i» mas [quanf] vaudrait mieux.
16. On pourrait peut-être garder menague et traduire ce mot par
direction f gouvernement (action de mener). — « [lolh]. » solh vaudrait
mieux.
16. c en gaim. 9 Je lirais, n'ajoutant qu'une 2; c E seret enga[l] mi
segner de ma mayzo i^, c'est-à-dire comme mm-même.
17. Corr. totz joms que viva àb vos f
26. Çorr. : « lo sagrammt fairem », lo duc Boves refont f
28. c sus el. D Je corrigerais suL
45. « so(l). » A quoi bon supprimer Vif sol = so li.
61. « pasen. » On pourrait corriger venen,
68. ce c'a me. » Ms. cam me. Pourquoi dès lors ne pas écrire c'am mef
76. cf on.» Noté, à tort, au glossaire, comme un singulier. C'est la
3® pers. du pi., comme le sujet l'indique. Forme gasconne.
77. Corr. gra[n gau']h plutôt que riclhe"] .
91. <r asi.D Forme gasconne corrigée aisi sans nécessité.
95. «de bertz clier. » Il paraît difficile de voir dans ce bertz le vair
français. Ne pourrait-on pas corriger hestz=vestf Un pareil substantif
n'aurait rien d'anomal.
100. «que. ïMs. qui, qu'on pouvait garder, sauf à écrire qu'i.
108. « prendrois. i>Corr. prendois. Faute d'impression. Voir le voca
bulaire.
111. «a juster. »Ms. vister. Le sens indique vêtir. Ne pourrait-on
admettre ici une forme vistiert Le mieux cependant paraît être de
BIBLIOGRAPHIB 255
transporter ce vers et le précédent dans la laisse suivante, en corri-
geant esclarir (on esclarzir), et vestir ou instir (cette dernière forme a
cours aujourd'hui).
122. «lo dis lo duc.wCorr. so dis, à moins que lone soit ici le datif
du pronom (fr. lui), trait gascon qui serait fort acceptable en ce texte.
Cf. plus loin, V. 1576.
183. La bonne correction paraît être amenas mi ma sovy et de même
au V. 141. Cf. plus loin, v. 623, de sa sot f ai mercat. On a d'ailleurs
des exemples bien plus anciens de l'emploi de sor comme régime.
156. col » c'est-à-dire o lo. Cet o, qui figure déjà au v. 142, où il
est de trop (à moins que ce ne soit ah), manque au vocabulaire.
179. « [tuh], » K, ce semble, vaudrait mieux.
214. ce vieurat » = vivrez. Forme gasconne non relevée au vocabu-
laire. Le verbe viure y manque.
239. « vo» = t705. Forme non relevée au vocabulaire. Cf. Guerre de
Navarre, v. 1632, et ici vonh = vos ne, passim.
294. Corr. Pert tôt (pour tous) loscas?
318. c casarom . t> Corr. casa hom f
321 . « conquero. » Corr. oonquer 'o[w] .*
322. «eBeto.» Corr. oJ?.
325. «estrens. »Corr. estrenkP ou faut-il ici garder Vs{= «), en rap-
portant cette forme à un infinitif estrenzerf Cf. derzer, sorzer, etc.
365. ce port. » Corr. porc,
397. a compays » =companhs, forme omise au vocabulaire.
403. «tomatz.B Peut-être faudrait-il lire torvatz (troublé).
414. « nosricatz. » A. quoi bon conserver dans le texte cette forme
impossible, lorsque M. M. a fait ailleurs tant de corrections moins né-
cessaires ?
430. « more » moreiz. Forme omise au vocabulaire. Il y en a
de pareilles en d'autres textes. — « per o. i^ Je corrigerais per que^ ou
mieux encore per so (parce que).
434. «ni ne manjatz. y> Corr. Si ne m,
443. Corr. El trachera al porc l'espieut figat,
445. « costel. » Corr. coltel .
448. <L esclasat d, et plus loin, v. 856, « esclesat. i» Corr. esglaiatf
L'explication donnée au vocabulaire (celui qui se hâte comme appelé
par le tocsin) paraît peu acceptable.
464> c[ Quil duc. » M s. qtiel Correction qui ne s'explique pas.
495. (L daimas.» Faute de copie ou de lecture, pour davnasf Ce se-
rait une forme gasconne des plus correctes.
504 et 530. <r tengo }> = tinrent. Forme omise au vocabulaire, où,
d'ailleurs, tener manque entièrement.
296 BIBLlOaRàPHIE
562. La note sur ce vers est évidemment erronée.
578. « le rey. » Cette forme de l'article n*a pas été relevée au voca-
bulaire.
606. « litatz. » Lis. cieutatz, leçon plus rapprochée de celle du ms.
(cieetatz). Cf. d'ailleurs vv. 192, 424, 1223.
607. « eieu. » La mesure exige la suppression de Ve initial, comme
au V. 148. Cette forme, du reste, se trouve ailletu-s Elle n'est pas re-
levée au vocabulaire.
628. Corr. [vos] non aicU».
630. Il suffit de corriger no, et à la rigueur Quel!]. La contraction
ne peut faire difficulté.
633. c poestatz. » Mot omis au vocabulaire. On voudrait savoir quel
sens M.Meyery attache. Est-ce celui de chevalier, de simple châtelain,
comme le contexte semble l'indiquer ?
641. « Flodres vos parga. » Corr. Juirga ou pergaf Rien au glos-
saire .
651 . « Daurel.D Ms. Dauretz^ forme gasconne bonne à conserver.
654. Corr. Que [ei] Vausiza,
658.0: aura. J> Corr. aurai (ou at^ra^ pour auratzf)
663. Suppr. me,
668. Corr. Que Ida la sancper la hoca macadaf
673. « durada.»Mot omis au vocabulaire. Paraît ici signifier délai.
677. ce non o sabra. « Corr. seulement sabja. La corr. de M. M.
(nolsabfa) ferait le vers trop court.
687. ^ qu'el le soUassa ]> = l'accompagne, lui tient compagnie.
Verbe omis au vocabulaire ; le, pronom, pareillement, bien que cette
forme se trouve encore au v. 740.
710. « nolh falhira. » Je lirais salhira. Cf. Revue, XIII, 288, note sur
la ligne 309 de la Prise de Damiette.
721. «lo leo3> ou « l'olco. d Peut-être pourrait-on écrire on solo
estar l'oho, en donnant à ce dernier mot le sens de barques, embarca-
tions, Voy. Du Cange sous ulcus,
728. « aprot. » Mot omis au vocabulaire.
737. « ben aves lo cor felo. » Suppr. lo.
738. 4 m'aves fugit Beto. » Sens actif, non indiqué au vocabulaire.
— « per.» Corr. parf
741 . Corr. rendra om, comme le propose la note sur ce vers.
743. c estai, d C'est une des formes provençales de stat L'explication
donnée au vocabulaire {esta se) est donc inutile.
748. « trobe. » ^= trobei» Forme non relevée au vocabulaire.
754» <r finavatz. » Ceci peut, ce me semble, s'expliquer sans donnner
au verbe ^nar, fr. Jmer, une autre signification que l'ordinaire : a: vous
BIBLIOGRAPHIE 257
me payiez d'un plus grand mensonge . » Inutile par conséquent de
penser kfenher,
755. «lo.3)Corr. ho,
764. Corr. men audgatz {audiati8)f
817. «vols» = voluit M. M. admet cette forme, qu'il enregistre au
vocabulaire. J'aurais corrigé vole.
834. Il semble qu'il manque ici un vers ou deux et que le v. 834 est
la réunion du premier hémistiche d'un vers et du second d'un autre .
Les mots De far en re magar sont, je pense, à mettre dans la bouche
de Daurel, qui doit se les dire à lui-même à voix basse, et doivent être
lus : De far en re m'agar (ou me gar).
857. «que l'avetz amenât.» Je ne sais comment M. M. entend ceci.
Le glossaire ne fournit là-dessus aucun éclaircissement. Est-ce Que
(quid) la avetz amenât? Mais il faudrait plutôt sa (sai) = ici. On pour_
rait corriger qiien avetz amenât f Cf. l'inverse au v. 1436.
879. « acabat. » M. M. propose de corriger appelât ; apagat vaudrait
mieux pour le sens et serait plus près de la leçon du ms.
914. « maroniers. » Ms. mardriers. M. Meyer aurait mieux fait, ce
semble, de corriger mariniers. En tout cas, la forme maroniers n'étant
pas sûre, il ne paraît pas juste de reprocher ce gallicisme au copiste
dums., comme M. M. l'a fait dans l'introduction, p. xlix.
921. «aiidas », traduit au vocabulaire par épines^ est plutôt, à mon
avis, un adjectif {aiguës) se rapportant à espinas, représenté pare».
931. «mas si a.» Lis. sia. On pourrait ajouter i: «pourvu que l'en-
fant y soit. »
949. «vengo»= vinrent. Omis au vocabulaire, qui donne seulement
la forme plus commune vengro.
955 . « esariat. » Corr. efariat = eferiat (esferat) ?
997. « oi » = oui. Mot omis au vocabulaire.
998. « conoc » = conosCy comme puec = puesc. Manque au vocabu-
laire, où conoiss&ry d'ailleurs, n'a pas d'article.
1006. « mos filh propiatz. » Non expliqué au vocabulaire, propiatz
{ =:propriatzf) ne serait-il pas ici un synonyme de propris? Cf. voste^
uute, etc., etc.
1019. « Ihui. » Ms . Ihiu, leçon qu'on pouvait garder.
1051 . « fai . » Corr. vai f
1066. « fai lo dol espasar. » Au glossaire, /ai7 passer sa douleur. Je
traduirais plutôt ici/ai^ éclater.
1067. « degolar. » M. M. corrige de joglar. Je doute que ce soit la
bonne correction, si une correction est nécessaire . Mon sentiment est
que l'auteur a voulu exprimer cette pensée : «Je ne vis jamais personne
témoigner tant de douleur pour un fils», c'est-à-dire « pour son propre
fils . »
20
258 BIBLIOGRAPHIE!
1082. « esmagar. » Mot mal rendu au vocabulaire par se décourager .
Le sens est se désoler, se lamenter.
1185. «vos ai trah. ]> Ms. e, trait gascon qu'on aurait dû conserver.
Cf. le parfait, trohe, au v. 748.
1187. « nos. :» Ms. noUi, qui pouvait rester, étant pour nos lu
1189. «d'aquesta. » Ms. <fo questa^ autre trait dialectal effacé à tort.
1209. «pueis presl[a] arpa. » J'aimerais mieux corriger «pueis [a]
près l'arpa. 3» Les autres verbes sont au passé indéfini.
1215. Peut-être vaudrait-il mieux supprimer Tu ie«f que rey, sauf à
effacer le point à la fin du vers précédent.
1230* ce lo es. » Je corrigerais so es. Lo, pronom sujet, ne convien-
drait guère ici. Il y a dans le ms . d'autres cas de substitution erronée
de Z à 8, par exemple au v. 1287, aulhercSj que M. M. aurait pu, sans
inconvénient, corriger ausbercs. Voy. encore v. 464, al pour os. Cf.
l'inverse au v . 445.
1241. « totz nos a. » Ms. tost uaza. Peut-être tôt vaz a [z euphoni-
que ?). Cf. &a au v. 1437.
1243. <rs'ieu. » Ms. siel {=^si lo), qu'il fallait garder. Le redouble-
ment de VI n'a rien qui doive surprendre. Cf. Revue, XII, 99, note 2.
1255. « propiatz. » A quoi bon corriger propchatzf On pouvait très-
bien prononcer p-opiafe en deux syllabes. L'ouvrage est plein de pa-
reilles contractions.
1261 . « et esseties. » Corr. et es (ecce) U es?
1288. (cGuio bos brans.» Corr. Agujols brans?
1292. « remano. y> Ms. remado. Forme gasconne, qu'on pouvait
garder.
1354 . La correction la plus simple paraît être de supprimer per et
d'écrire :
A terra caz et non fa a blasmier.
1364. «falhier. » Faute d'impression pour falsier? Rien au vocabu-
laire.
1390. «bastiso.» Corr. hasto, simplement.
1392. « que los fasso. » Corr; quels. Los est ici datif pluriel.
1402. « en. » Corr. an, pour compléter l'ingénieuse restitution de
l'éditeur.
1436 « quen. t> qxiel vaudrait mieux, ce semble, que qu^eul, proposé
en note.
1441 . Il vaudrait mieux garder als et suppléer totz.
1468. « A cel, » Ms. aicel =. (a aiceD^ que j'aurais gardé. Ces
sortes de contractions ne sont pas rares.
1486. a: auziram. i> J'écrirais auziran et ne mettrais pas de guillemets,
1490. « ses )) =vous êtes. Forme omise au vocabulaire.
BIBLIOGRAPHIE 259
1493. Supprimer ela, pour rendre au vers sa juste mesure.
1494 . «tragitatz . » Mot omis au vocabulaire .
1552. alonlh. 3>Corr. lonk (= lo ew, comme vonh •= vos en),
1569. Ce vers n'exige, ce me semble, aucune correction. Il s'agit là
d'autres exercices que celui de la chasse .
1576. « los viola. y> Il n'y a pas lieu à corriger ; los est ici au datif
ce qui est normal en gascon. Cf. plus haut, v. 1392.
1592. «: escelier. » Corr. esculhir (recevoir les coups sur son écu)f es-
quivar proposé en note paraît trop loin de la leçon du ms .
1594. « mamenar. » Cette leçon, pour laquelle M. M. propose la
correction, d'ailleurs très-plausible, maneiar, est peut-être bonne à con-
server, mamenar pouvant être un composé régulièrement formé de ma
et de m^nar,
1620. «nos. » Je corrigerais voSy la négation ici paraissant inutile .
1655. «vo piire», proposé en note, paraît inacceptable ; vost le serait
à la rigueur. Corr. Vos ausil paire f
1660. « noh»s=snoi ( no li)^ omis au vocabulaire. Cf. deh •=^ dei
au V. 1660.
1670. «senher. » Corr. senhor, comme le veut la mesure.
1672. ce wo[w]5. bL'w paraît ici une adjonction inutile inos (no se ou
no vos) suffit au sens.
1673. «er' il. » Supprimez l'apostrophe : er =erit.
1714. « belcatz. » Corr. holcatz pour hîocaiz. Cf. bloquier (bouclier).
1729. « c'era. » Lis. cera. — ce cambiat. » Inutile de corriger camjat
Cf. ci-dessi», v. 1255.
1744. « los espiest. » Faute d'impression pour espieitf Cf . v. 190.
Ou la faute existait-elle déjà dans le ms.?
1751. «bon sap. i> Corr. hom.
1753. Ce qui concerne ce vers, à l'errata, est évidemment fautif, ou
il y a une erreur de chiffre .
1852. «gauh. » Ms. guah^ forme qui se trouve déjà au v. 285, où
M. Meyer l'a laissée. Peut-être aurait-il bien fait de la conserver éga-
lement ici. Au lieu d'être une transcription erronée de gauh, guah
pourrait bien n'être qu'une autre graphie de gai (guai) , comme noh de
woi, deh de dei, etc. Gai, sans être particulier au gascon, y est d'un
emploi fréquent.
1859. «ben n'es covinen.» Le n a été supprimé à tort dans le texte.
1862. «menar l'a vetz. » Si une correction est nécessaire, la bonne
serait évidemment menar lan etz, et non V anetz, proposé en n ote .
1863. « n'est. » Corr. n'es.
1892. « e son de X. M.» M. M. corrige dins M. Je supprimerais
seulement c/6. Le copiste avait commencé d'écrire detzen toutes lettres
260 BIBLIOGRAPHIE
et s'est repris sans effacer de» Le sens paraît être :«il8 sont dix mille
et 300 par-dessus », c'est-à-dire 10300 en tout.
1917. « dedins. i> Ms. de dieus, c'est-à-dire dediens, qu'on pouvait
garder. On a d'autres exemples de cette forme et de formes analogues.
Tbid,<s: los fors assautar. » Ms. las forsaa sautar. Peut-être faut-il
simplement corriger lai fors assautar ,
1918. « Estam. . . auzirat » Corr. Estatz ou auziram. Dans tous
les cas, auzirat est un futur (forme gasconne) et non un conditionnel,
comme il est dit au vocabulaire .
2002. «per no vas. sMs. ^re. Même forme déjà au v. 117, où l'édi-
teur n'a pas fait de correction .
201 1 . « Dis o Daurel.» Corr. Dis af ou So dis?
2037. « drestan.» La correction destretan paraît mieux indiquée que
destrecJian. Cf., d'ailleurs, v. 899.
2044. « puiessas. »Corr. pueissas,
2046 . « parca iù = parte . Omis au vocabulaire .
2047. «afozat. » Corr. asazat,
2048 . Supprimez vieu.
2064. Lis. Aicest traire,
2082. « (no) nolh vol cambier. y> Corr. plutôt no lolhvoL Cambier,
ici, n'a que deux syllabes .
2096. Corr. Al fel traire que
2100 . Le mot nenge (paroxyton) existe encore en Périgord, mais seu-
lement au sens de vindicatif.
2114. « iretz. » Ms. ret. On aurait pu, dès lors, corriger seulement
irei. Cf. plus haut, v. 238 noi-=. nois, nos^ 804, 1112, estais = estatz,
etc.
'2120. « tras[t]or. » Mot omis au vocabulaire. Je pense que c'est le
substantif verbal de trastoi^nar, que M. Meyera voulu ici substituer à
a leç on, sans doute erronée, du ms.
2127. celui.» Forme ici peu acceptable. Ms. Un, que j'aurais cor-
rigé lim. Dans le même vers, lou, qai suit, est sans doute une faute
d'impression pour Ion,
2175. Corr. Senhor.
C. C.
Le gérant responsable : Ernest H amelin .
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi, Hamelin frères.
Dialectes Anciens
LES MANUSCRITS PROVENÇAUX DE CHELTENHAM
III
LA COUR d'amour
{Suite et fin)
1185 « Grant maltrait hai per vos hajut,
[F^ 40, r®, col. l.)Sove]i n'hai lo manjar perdut ;
E]quant eu cujava dormir,
M'esvellavon li dous sospir,
Que pensava, bels amicx dous;
1190 E quant eu era desidada,
Disia : « Mala fui anc nada,
Seinher Dieus, qar non dura (totz) temps
Q'adoncs sivals'estiam emsens,
1195 Eu e mos amicx, per cui plor.
Non puesc pus soffretar Tarder,
Q'amors m'auci de fina enveja. »
Mais ja non er que Dieus non veja,
Ami[c]s, se vos m'aves traida,
1200 Q'ieus hai de mon poder servida.
Non faissaz lo lairon, que di,
Quant s'encontra ab lo pellegri :
« De segur tenez, bels amies,
Sains es vostre dreit[z] camis ; »
1205 E quant Ta mes el bos preont,
Li toi son aver el confont.
Amies, non si' eu ^ confonduda
Atressi, qar vos hai seguda.
Davant m'estava ben e gent,
V. 1197, e mieia;1203, de sains.
* Courte lacune.— < Si'eu = sia eu.
Tome sixième de la tboisième sêr[e. Décembiu: 18S1. 21
?62 MANUSCRITS DE CHBLTBNHAM
1210 Mais era perd lo cor el sen ;
Non puesc pus la dolor suffrir,
Qim fai la color laideszir.
Aquestmal hai hajut per vos,
(Col. 2.) Amies, e Dieus, q'es francs e bos
1215 E pius e plens de corteszia,
Sab qu'eus hai amat ses bauzia;
E vuella q'entre mi e vos
Yivam lonc temps ez amem nos.
Tenes la man, qu'eu vos o jur,
1220 Ez enaisi vos asegur,
Que za totz los jorns de ma vida
Vous farai de m'amor genchida ;
E vos juras m'o atressi,
Que non fassas lo bel mati,
1225 Que tramet el miez luec del jorn
La plueja el vent el temps morn. d
— Ez el responda que cortes :
(( Dompna, ben conosch que dretz es,
E die vos, per los sans que son,
1230 Que, tant qant viurai en est mon,
Non amarai autra mas vos.
Ni a présent ni a rescos,
Amors e Jous si jugirent
Mi e vos d'aquest convinent :
1235 Aissi eon son bon e privât,
Vuellon que tengam lialtat,
E q'entre nos non haja engan.
A Dieu et a vos mi coman ;
E baisemnous, enqar cove,
1240 E nom de tota bona fe. »
(F% co/.l.) Enaissi deu esser segura
Dompna de drut, s' i met sa cura.
E quant verra al départir,
Sitôt lor es mal a sufrir,
/ 1245 Gant ab hora s'adob a li,
E parta de lui tant mati^
V. 1218, vivan.. . amen ; 1219, lo man; 1231, autre ; 1242, si i ; 1245, es 11.
MANUSCRITS DE CHELTBNHAM 263
Que za non sapcha mais ni bos,
Mais comassi anc re non fo(u)s;
E sapchia mesatge causir,
1250 Que la sapchia tan gen cubrir,
Que paraula sia ceUada,
Q'hom non sapcha qant n*er tornada •
El matin, si vei en la plasa
Son amie, ja semblan non fasa
1255 Que anc enquera nol veges,
Ni que sapcha de lui qi es,
Qel jous d'amor fruita e floris,
Qi ab sen lo garda el nouris.
[L]a cortesa vallen Valors
1260 Enseina e ditz als amadors :
« Mult deu esser vallens e pros
Totz hom, pois se feing amoros.
Desque pois ha vist las bels mans (?)
De si dons, par que n'es villans S
1265 Que prous dompna ab fresca color
Es ruesaiiel vergier(s) d'amor;
E deu prenre de chiausimen
(Col, 2.) Tant de leis e d'enseinhament
C'om digua: «Ben tenc per onrada
1270 La dompna don aquest s'agrada ;
E cill qu'el ama a ben causit
Pro drut e vallent e ardit,
E hom en q' ades se mellura
En bon loc ha tornat sa cura. »
1275 Apres(s) fasa tant de proessa,
Que sa dompna franca e cortesza
Parle privadamens ab lui ;
Que, qant iU seran ambedui
ou.
V. 1263, los; 1264, per que pues {avec un sigle sur l'u ) villans; 1274,
* Ces deux vers sont assurément corrompus, et nos corrections sont loin
de nous satisfaire. D faut sans doute admettre à la suite une lacune de deux
vers.
264 MANUSCRITS DE GHELTËNHAM
Emseras, moût dousamen li diga :
1280 « Dieus vos sal, bella dousa amiga
Coma la pus ben ensenhada,
E la genszer, qant fos amada.
E pos Dieus ha en vos tramessa
Honor e beutat e franquessa,
1285 Merces non sia ja ostada,
Amors en pert tanta velada ;
E per tant angoiss[o]u3 martire,
Me sembla qu'el(la) mi vuella rire,
0 que la dousa man del gan
1290 Me lais baiszar en sospiran.
Bella dompna, vostra faissos
Me fai ardit e paoros :
Non soi ben arditz, qu'en tal loc
Ausei querre solas ni joc.
(F°42,ro,co/. 1.) Mei uell non s'auszon enardir
1296 D'esgardar, tro qem sen mûrir;
Adoncs vos esgar de paor,
Corn lo sers son irat seinhor,
Que non Tausza merce clamar,
1300 Mais plora e pensa : « S' ieu Tesgar,
Ades l'en venra pietatz,
Qant veira lo grand dol qu'eu fatz. »
Ja non aurai joi ni salut,
Tro que vostre bel cors m'ajut ;
1305 Que, per ma fe, trop m'es pus bon,
Qem prometaz q'altra mi don.
Bella dousa res, oui reblan,
Totz temps vos semblarai l'enfan,
Que plora per la bella re,
1310 Totas lasoras qu'el la ve,
Entro que l'ha: aital farai,
E, si nous puesc haver, morrai.
E diran totz, quant m'aures mort:
(( Sa dompna l'aucis a grant tort,
1315 Mais sais er al dia del juzizi,
V. 1288, mes enmda {avec m barré )... uiella ; 1295, enardit ; 1298, sors.
MANUSCRITS DE CHELTRNHAM 265
Que mort es per son bel servizi. »
Gran merceus clama vostra sers
Que (per) vos lo ten[ez] en gra[n]s fers,
Don zamais non sera el fors,
1320 Tro que l'en get vostre bels cors.
Ses engan e ses corvolatje
{Col, 2.) M'autrei el vostre seinhoratje;
Las mans jointas, a genolos,
A deu me coman et a vos,
1325 Q'anc, pos non me donesses(?) jorn,
Non estet mos cors eu sojorn ;
Antz, se Dieus de vos m'aconsel,
Hai pregat la luna el solel,
E[n] drieg, com a mos bons seinors,
1330 Per Dieu, quem breugesson lo cors,
Q'ieu vos volia vezer tan
Q'us pauchs jorns me scemblava un an.
Ja per mal qem fassas suffrir,
Nom la (i)ssarai de vos servir :
1335 A la gran valor et al sen
Ez al bel cors de vos mi ren. »
[E]nasi ha parlât Valors ;
Aujen totz F en merceja Amors.
Apres lui comeneet Proessa,
1340 E dis : « Eu nom soi entremessa
Ad aquesta cort(z) de parlar,
Ez hai auzit a totz comtar,
Per Crist, bonas raszos e bellas ;
Mais eu vos comtarai novellas,
1345 Que nos taignon ges entre vos,
Que fan li fol drut nuallos ;
Q'ara venra per aventura
Un[sl drutz, en q'er bon' ave[n]tura,
(F% col, 1.) El jous de fin'amor entratz,
1350 Ez ira qerre son solatz
A dompna q'er coinda e joiousa,
Etrobara la angoisosa;
V. 1317, merces uos ; 1325, dones tes : 1329, bons mos ; 1351, quez er.
366 MANUSCRITS DE GHBLTBNHAM
E comensera a rogir*,
1355 Et il fara o de talant,
E ben leu respondral aitant :
(( Amicx, vous non sabetz ab cui
Parlatz ; qe anc vos ni autrui
Non amei, ni non sai ques es.
1360 Mais se ieu m'en entremeses.
Vos es ben tan bels e tan pros,
Q'ieu fera mon amie de vos ;
E si voletz ha ver mon grat,
Ins aisi on es comensat,
1365 Si lasat[z] qu'eu vos u ' encu8(?),
Que per lo mens ni per lo pus
Non er fachs ; e die vilania,
Qar eu non (es)devenc vostra amia. »
Ez el pa[r]tra s'en vergoinos,
1370 El dompna, q'es valents e pros,
Tenra lo per avilanit,
E dira : « Ben valra petit
Aquela que vos amara;
Mais valriatz ad ermita[tje],
1375 Vos es be [om] d'aquel linatje,
Don son li fol drut [el] salvatje. »
{Col. 2.) E[c]vech(s) la bon' amor perduda,
Qar non es qi Fajaseguda,
Que drutz i ha, que per folor
1380 Demandon o queran amor:
(( Que ben sapehatz qu'ieu amaria
Volenters, si trobes amia. »
Venga sai cel que vol amar,
Q'ieu sai qu'el en porra trobar,
1385 Que, s'el i vol mètre s'ententa,
S'el ne vol una, en haura trenta.
De drut conven. Q'al comensar
V. 1358, qanc; 1360, sieu; 1361, ves.
^ Ici une courte lacune.
2 U, prononcez ou = hoc latin.
MANUSCRITS DB CHBLTENHA 267
En prec tan o fassa pregar,
Tro ques avenga es eschaia
1390 En pro dompna valent e gaia ;
E si nol pot tan tost trobar,
Ges per so nos deu esfredar;
Que cel que cercha Taur, tant lava
Lo lot e trastorna la grava,
1395 Tro que trueba lo luzant aur,
Don es ries e don fai tesaur;
Per que non deu haver nuala
Que precs e servir e trabala ;
S'era del mon la pus estraigna,
1400 Si lui fara dousa compaigna.
Ez après q'ajha tal messatje,
Qel diga el man son coratje
A cellas q'han d'amor talan,
(F* 43, r% co/.l.) Mas bellamen e ses malan;
1405 E trobera aitant d'aquelas,
Com lo cels pod haver estelas ;
Q'una non trobares a dire,
Qi no am lo solaz el rire
D'amor, si noncha vol lo pus .
1410 E diga : « Ja nom sal Christus,
S'ieu non sai bella dompna e bona,
Qi porta de joi la corona
Sobre lous {sic) amadors del mon. »
E vos baiszares m'en lo fron
1415 Senpre^, qant eu lo vos dirai.
Que lo joventz q'en vos estai(z),
El vergoigna qi ren non tria,
Vos en fara faire folia ;
Q'el n'es be de .xx. partz semos,
1420 Mais eu lo lauzava a vos,
E die vos que sots lo solel
Non haura bazaler* parel.
Ben seriatz de joi la soma,
V. 1391, non la; 1400, lin ; 1406, le ; 1414, bauszares ; 1421, sois .
* Bazaler, pour bachaler, bacalar. Voir Ducange, s. v. bazalarius.
Î6S MANUSCRITS DE CHëLTEMHâM
De do US arbre chiai do usa poma,
1425 Q'ambedui es molt avinent.
A com se conten ricament!
Que s'el vol haver bon solatz,
Jamai non sera enojatz,
E quant [el] es ab sabja gen,
1430 Los aprodera totz de sen.
(CoL 2.) Ane els mieus zorns non fo tan bos
Ni tanbels, tan pauc orguolos.
Eu sai q'ins el cor vos sab bon
So qu'eu die ; e si dizes non,
1435 Eu sai que vos non dizes ver,
Euz métrai [a] aisz e lezer;
E pregarai tan lo seinor,
Si Dieus platz, non dara i s'amor ;
E si tant fatz qu'el bel el bon
1440 Vos am e[n] lo mieus gazardon,
Non sia ges mes en oblit
Q'ieus darai gran re per petit,
Q'ieu lo mogui raltre[r] de loin,
Per saber si n'hauria soin.
1445 E i dis, ses vostre saubut,
Que vos li mandavatz salut ;
E quant el s'auzi saludar
De part vos, non poc mot sonar
D'una pessa, pueis respondet :
1450 a C. milia merces li ret,
Com desson sers endompnejatz,
Ab son rirem teing per pagatz ;
Ane mais nom entremis d'amor,
C'aquesta m[i] fai gran paor,
1455 Que m'ausi ab un dous esgart ;
Que dompnas han en Tuel [un] dart,
Ab que naffron tan dousament
V. 1426, sa ; 1428, ja hom ; 1437, progarai ; 1448, poc mais ; 1453, non .
* Il manque peut-être ici deux vers.
MANUSCRITS DE OHBLTBNHAM 2o9
( F®, col. 1) Que, mentre q'hom bdop, non o sent,
Q*el gai cors ausi drut certes,
1460 Com le roissinol, quant es près,
Qe non pot esser ab sa par.
Per que vai a mi dons pregar,
Si com eir es francha e corteza,
1465 M'acuella, que sos ser[s] se mor,
Si no me girofla l[o] cor,
Ab un baiszar, sa dousa alena,
Qu'enaissim pot gitar de pena. »
Lo zou[s] de vos mi fai plorar,
1470 Quant eu lo vi color mudar,
Qar conogui a son s(o)enblan
Queus amaria ses engan.
Aitant n'hai comensat ses vos,
Amatz lo, que bels es e bos ,
1475 E nol fassatz la vilania
Que fan las dompnas p«r folia,
Qis fan pregar un an o dos,
Qez aquell pregar enojos,
Que cuzon que lur onor sia,
1480 Lur toi lor pretz el desenbria. »
[L]a dompna dira: « Nous mais pes.
Sembla quel sal vos trameses,
E per mesatje[s] logaditz
Fan mantas dompnas fols arditz,
{Coi. 2.) En son rep[re]szas e traidas.
1485 Ben hai vostras raszos auzidas,
E quant eu lo porai vezer,
Eu sabrai si vos dises ver ;
Que s'ieu parle veszent la gent .
1490 Ab lui, fols es que men repren. »
« [DJompna, ben sai que pels truans,
Que fan las faias els engan s,
V. 1482, sai.
* Lacune dont il est difficile âe déterminer T importance.
270 BfANUSCRITS DB CHELTBNHAM
Son li bon homen mescreszut ;
Mais, dompna, si Dieus ja m'azut,
1495 Sitôt me sai de paubra gent,
Li al homen son miei parent,
Ez eu soi de lur parenta[t],. . . .
Q'ieu vos die, bella dompna e genta,
Que, si vos en fiza(Ta)z en me,
1500 Eu vos [di]rai per bona fe
Q'el vos amara e vos lui,
/ Q'ieu vez que morez ambedui
D'amor. Or vos non sentez re,
Mai si vos (no8)o veiziatz be,
1505 A la color q^havez perduda,
Vos diriatz: t Pro Deu[s] m'ajuda
Q'el m*am. » Non digas oc ni no,
Q*ieu parlarai oimais d^aiso,
E farai vos la pus onrada,
1510 Dompna, de tôt esta contrada. u .
[L] a do[m]pna dira: « To[s]t veirai
{F^ 44, r°,coL 1.) A quai part vostre cor métrai;
E[n] vengan[sa] ou en liautat,
Sim enganatz, fares pecat. »
1515 — « [D]ompna, ans perças lo vostre be .
Nom en crezes ? vec vos ma fe,
Q'ieu i regarde vostra onor :
Maldit sion li traidor.
Que per lur soi [eu] mescrezuda.
1520 Anseis fos ma lengua perduda,
Q^ieus hages dit mas so qeus taing ;
Si tantfatz q'ieu vos acompaing,
Ab lui una causa vos die :
a Amatslo, mais c'aja band rie.
V. 1495, soi ; 1503, or us vos non sintez ; 1506, por ; 1507, me am ; 1517 , vo
tre; 1521, qes {avec e barré) , 1524, bandric.
^ Encore une courte lacune, comme Tindique le mélange d'une rime mas
culine et d'une rime féminine.
MANUSCRITS DE OHOLTElMnAM 271
1525 E que val, qant viu ses amor,
Dompna qu'es de vostra valor?
Tôt es vostra color mudada,
Eu cug que vos es soclamada^
Qel 6*ons no vos gieta calor :
1530 Non es, anz es lo mal d'amor,
Queus ha cenguda longament;
Mo[r]ta es qui consel noi prent.
Ja vostra mort non soffrirai,
A Dieu vos coman. Vau men lai
1535 Pregar lo franc e Tamoros;
E si tant faz q'el pari' a vos,
Non li siatz ges presenteira,
Mais vergoinosa e pauc parleira;
{Col. 2.) Con pus [d'el] serez envejosa,
1540 De lui serez mens vergoinosa.
Mais nol laises ges s'a[fa]mar
Are quel sapchia demandar,
Q'adorar deu hom e grazir
Dompna, qan sab gen acuelir.
1545 S'ieu podia aiso acabar,
Mais cujaria conquistar
Que s'era oultra mar romeva ;
Ja negus om nom en don trieva.
Qi voira vostra amor blasmar,
1550 [Ja]mais vengan a mi parlar ;
Q'ambedui es molt avinent,
Bel et enfant e covinent,
Ë tota(s) gens la lausaria
La vostra amor, si la sabia.
1555 Per estiers non er za saubut,
Ni jal veszin non faran brut;
Si non sabra hom vostr' afaire,
Mais nos très, qui em coma fraire,
V. 1532, consol; 1540, fe {avec e barré) mes vergoinosa; 1558, non très.
* Soclamada (= * subclamata, au sens neutre, qui se plaint)^ semble si-
gnifier ici : qui a le délire de la fièvre. Cf. le languedocien soclame, fièvre
de lait.
212 MANUSCRITS DE GHBLTBNHAM
Es amers, qui fara lo qart,
1560 Qui nos gitara de regart.
Ë qant Tenra al avesprar,
Yeigna tôt son senor condar;
Qant haura lo zorn(s) espleitat,
Ja en sois non sia laisat,
1565 Tro ques.eschiaza a Fin' Âmor,
( V^y coL 1.) Puis am ses cor galiador. »
[Q]ant Proessa hag dit son agrat,
L'amador son en pes levât,
E fetz caschus a si dons (un) gin :
1570 Adoncs foron ubert(s) escrin,
E joias donadas e preszas.
Qui non son ges en perdos meszas,
Q'hom non sap lo près adismar :
Cor e deszir e dous esgar,
1575 E plaszer, cug, cil q'ho demanda (?),
E baiszar, ab qu'Amors abranda
Lo coratje dels fis amans
E lur fai faire sos comans.
Ad Amor han dig en rient :
1580 t Nos volem nostre convinent,
Seiner, e per onor de vos
Dansar, vejan vostres baros. »
Amors lur o ha autrezat(z),
E après lur ha commandat(z) :
1585 <( Anatz suau e bellament,
E cantatz clar et aut e gent. »
Trenta cofres totz pies de flors
Lor fetz per sol gitar Amors,
Que fez traire de son tesaur,
1590 Q'el no i ten argent ni aur,
Ni non toca aur ni argent,
Si non sol joias q'hom no vent,
[Col. 2.) Que non son ges per aur gardadas.
Ans son per Fin' Amor baiszadas,
1595 Et en voûtas de drap de seda
V. 1571, jeas; 1574, dons; 1578,sod; 1592, sei joias.
MANUSCRITS DB CHBLTBNHAM 273
Plaçers fai re seasa iaoneda(?) ;
Ses tôt aver, fai sa fazenda,
Q'el ha tôt qant se vol de renda,
Que tôt qant tenon l'amirant
1600 Nil rei, tôt es asson commant,
Ni negun d'amor non adesa,
Qar dompnas en fan cobeesa.
Cascus drutz si dons la âor lansa.
Do[m]pneis se vai penre en la dansa,
1605 Q'es adretz et ag cor isnel ;
E porta cascus un capel
De ruesza, pueis dis en rizont :
« Amors, fols es qui se deflfënt,
E qui totz los jorns de sa via
1610 Non es en vostra senhoria. »
Qi après aiso au los sons
Els novels motz de las chansons,
E regarda la gran coindia
Que cascus drutz fai ab sa mia,
1()15 E los dous rires els solatz,
Els gins e los baiszars enblatz,
E las frescas colors q'el hant,
E la beutat q'en lor resplant,
E las bellas crins entreszadas*,
1620 . •
fF'*45,r°,co/. l.)Ben es sers (e) plens de felonia,
Qui ves Amor(s) non s'umilia. »
[L]i baron han Amor pregat
Per Dieu qel bal sion laisat,
1625 Que non podon lo zou soflfrir,
Qar ab pauc non volon morir,
Qant lur sovent de las onradas «,
Que non auszon far bel semblan(t)
V. 1615, dons.
* Lacune de quelques vers. Les deux vers qui suivent doivent sans doute
rattachés au vers 1610.
* Nouvelle lacune de quelques vers.
274 MAHUSCRITS DE OHELTBNHA.M
1630 A lur drntz, corn aqnestas faD(t).
[AJmors comandet a Plaszer
Que las fassa tornar sezer,
E qae lur fassa bellament
Ab drap de seda moure vent,
1635 O de Taigua rosa gitar
En lur caras per reffrescar,
Q'en la dansa han azut calor:
Molt se dona gran seing de lor.
E pueis ha dig : « Za Dieus non veja,
1640 Cortesa gens, que vos guerreja !
Que re non de[u] hom tant onrar
Com bona dompna a un amar.
Mais, per aquest mieu blonde[t] cap,
Bem peszara, s'Orguels non sap,
1645 E l[i] garson als quais mante
Lo poder que ha contra me,
Que za non er longa sazons,
Q*el en veran mil gonfanons,
( Col. 2.) Que volrian en un gran soil
1650 De clamar eser ab un oil (?) ;
Q'ieu non voell soffrir la clamor
Que fan dompnas e amador;
E si vos, seinhor, m'o laissatz,
Non lor er pus suffert en patz. »
1655 [S\em estet en un farestol,
E platz li molt, qar Amors vol
Gerrejar per tenir dreitura ;
El pensa que sos ôeus pezura ;
E el dig : « Anseis que movatz,
1660 Ad aquest besoing me sonatz,
E castias una folor.
Que fan li fol drut feinedor ',
Que qant ill ha si donz conques,
V 1638, dompna ;1644, ben ; 1645, alaquel ; 1659, e al.
* Ici le scribe a oublié un vers ou peut-ôtre un plus grand nombre.
MANUSCRITS DE CHBLTBNHÀM 275
1665 El se feing tan fort e s*aplaigna
Q'el non cuida ges q'hom remaigna
En la villa, qant el s'en eis ;
E passa soen davan leis,
Ëntro que la gens en faî bruda,
1670 E q'hom dis: « Àquella es sa drada »;
E el ten la bruida ad onor
E fai lo cer, quel casador
El lebriep veinon ateignen,
Ez el vaz s'en seguramen ;
1675 E pot se denants tôt garir,
E platz li tant qant au glatir
(r% col. 1.) Los cans, que torna e non sap mot»
Tro qu'es mort e rete[n]gutz (de) tôt:
Aital faz cel que, com auzis
1680 Fol brut, si es si donz trais,
Q'ans dieujesser d'aital escuoil,
Que, s'amor[s] soisep tant son oil^
El fassa si dons esgardar,
Tost en deu la cara virar ;
1685 E folz semblantz torn' e ament (?),
Amors e blasme de la gent.
E ben sapchiatz que Malparl[t\er[s]
Estai enaissi con rarchier[s],
Que trai e naffra ab son qairel,
1690 Démontre que canta, l'aucel :
Atressi naffron l'enozos
Malparl[i]er los amans joios
Ab lor lengas, oui Dieus azir,
E los fan en viven mûrir.
1695 Per qelz ne castias (bel) seinher,
Que laissol fol drut el feiner,
Q'el mon non es tan folla res,
Com feing drutz peintenat[z] plaindres (?) *,
E la dompna q'en lui se fia,
V.1669, brada; 1671, bruit ; 6172, fan; 1676, lan glatir; 1679, comz ; 1685,
torna ament; 1692, mas parler ; 1696, laisson el fol brut;
* Peintenat = pectinatus?, peigné; plaindres nous est inconnu.
276 MANUSCRITS DB CHBLTBNHAM
1700 Sera grieU q'al derer s'en ria.
Eu T08 en hai dig mon vezaire,
Ë vos faî[z] oimais vostre afaire ;
E qant commandares : « Montatz »^
(Col, 2.) Eu serai delfs] premiers armatz *.
1705 Totz francs hom veja la ve[n]jansa,
E prega Dieu que no los lansa
En foc, (en) yoIz, sebelis, unis,
Los traitors lausengiers caitis,
E las traïritz desonradas,
1710 Don li drut han avolz soudadas ;
Qer cujon trobar bona fe,
El falsa lengua ditz lor be ;
E van simplas com una monja,
El fais cor es plens de mensonja.
1715 Oi I bona gens, fin(8) amador,
Tug es mort, qi non vos socor.
E vos es plens de gentilesa,
E trobas engan et (a)malesa.
E qi pot soffrir la dolor,
1720 Que ruel[s] de bella dompna plor
Per manasas e per malditz ?
E deves Fautrapart l'amictz,
Qar sap q'hom la destreing per lui,
Totz los deportz q'el ha s'en fui.
1725 Amors, si aiso non venjatz,
Totz es vostre prez abaissatz. »
[A]pres Sens a parlât Jovens :
Molt fon adretz, francs e valens ;
Gtent li destrein (sor) sas blozas cris
1730 La garlanda de flor de lis *...
V. 1703, montaitz; 1706, perda; 1710, seudadas.
* L'écriture des dix vers qui précèdent est effacée et peu lisible.
^ La fin manque, mais la lacune doit être peu considérable: cela ressort du
vers 1669: Ànseia que movatz.
L. CONSTANS.
Dialectes modernes
ÉTUDES SUR LE PATOIS DE LA CREUSE
(Spécimen dn dialecte de l'est ou auvergnat (sud-est de M. Thomas)
LB BOUCAUD DB BOULAUD QUE MINJAVO LAS RABAS
DB COULAUD
(CouQte en patois marchois dôus envirouns dôu Bus80u(*), en quierant dôu
coûta de var'Ahiu et de Saint-Spize-ias-Champs.)
Le ving^^'Auleu dôu méi d'ocquetobre, gni(^) o bin de las
'nadas de co, Piorou Boulàud, de lo Féyto, co\inguizhio, po le
vendre, un brave boucàud o lo fiéiro de Sainto-Féyro. Se
passâvo davant et lemenâvo pa lo coUo (^); so ûelho Mayou-
net le cwchâvo par darié béi so veerjo de Bessàu (^ bis).
En chami, i z'(*)attraperount(°) lo Marioun Chiebràudo
que 'nâvo ànshi o lo fiéiro po vendre dôu chèu(®). I se de-
manderount {^) lous pouortoments et ensAuito de co,se mette-
rount à parla de co et de lo reesto; de lo pluio, dôu beau
temps, de las tro/7Aas ('), dôu WAa-néi, de las pèras,dôus^win-
dous, dôu shiive^ mai de bin d'ôutras chôusas que shio trop
loungde rappourtâ éishi.
LE BOUC DE BOULAUD QUI MANGEAIT LES RAVES DE COULAUD
(Conte en patois marchois des environs d'Aubusson, en tirant du côté d'Ahun
et de St-Sulpice-les-Ghamps.)
Le 28 du mois d'octobre, il y a bien des années de cela, Pierre Bou-
làud, de la Feyte, conduisait, pour le vendre, un joli bouc à la foire
de Ste-Feyre. Lui passait devant et le menait par la colle ; sa fille
Mayonnet (^diminutif de Marie) le touchait par derrière avec sa verge
de bouleau.
En chemin, ils atteignirent la Marion (Marie) Chiébraude, qui allait
aussi à la foire pour vendre du cheu. Ils se demandèrent leurs por-
tements (nouvelles de leur santé), et ensuite se mirent à parler de ceci
et de cela (du reste ) : de la pluie, du beau temps, des pommes de
terre, du blé noir, des poires, des pruneaux, du cidre et de bien d'au-
tres choses qu'il serait trop long de rapporter ici .
22
278 ÉTUDB8 SOR LE PATOIS
Tout en cousant coumo co et en marchant à pigiutts pas, i
z(*yajount déijà déipassa le bourg de Péirabout quand le
boucàud, que lou« âïo segu jusquant' hôuro sen trop se faire
prejâ, vài vèire de bravas râbas ^ttin8(*) lo tearo (•) de Cou-
làud que bouordâvo lo vio. Ou proufito dôu moument que lo
counversasAié (*®) éi la mai a^nimâdo po faire un saut de
coûta, casso so coUo, sàuto jwins lo rabiéro en trasAimant (**)
lo c6u('*), et se sàuvo jusqu'où mitant po poudéi minjâ las
râbas mié à soun aise.
Jujaz shi lo counversasAié fuguiet chabâdo. Tous tréis se
regardierount d'abouord tout éitounas, et en^Auite entrèrount
^wins lo tearo, pa lo charàu (**), po attrapa quelo ohéiquivoi**)
beé^ulo que lous âïo joua un shi brave tour. I s'avancèrount
bin shxxku po ne pas Téibravijâ.
Lo Mayounet gni (^) mouotrâvo méimo un bou^M de po et,
po mié rafl3atâ, gni guizhiom Bêle tea ! vène, vène, moun pi-
^wit belou I ») Mas, quand crezount le te^nî, se lous touorno
las couornas, jugno la« ôureillas, lève lo quouetto et se sàuvo
tout parié.
I se metterount ^uins c6u temps à le parsègre : mas quand
i passountd'un coûtasse se sàuvo de Tâutre, etquand crezount
Tout en causant comme cela et en marchant à petits pas, ils avaient
déjà dépassé le bourg de Peyrabout, lorsque le bouc, qui les avait suivis
jusqu'à cette heure sans trop se faire prier, va voir de belles raves
dans la terre de Coulaud, qui bordait le chemin (la voie). Il profite du
moment que la conversation est le plus animée pour faire un saut de
côté, casse sa colle, saute dans la ravière en passant par-dessus le
mur de clôture, et se sauve jusqu'au milieu pour pouvoir manger les
raves plus à son aise.
Jugez si la conversation fut finie (achevée). Tous trois se regardè-
rent d'abord tout étonnés et, ensuite, entrèrent dans la terre par l'ou-
verture (l'entrée), pour attraper cette chétive bête qui leur avait joué
un si beau tour . Ils s'avancèrent doucement pour ne pas l'effrayer.
La Mayonnet lui montrait même un morceau de pain et, pour mieux
lui inspirer confiance lui disait :« Belet, tiens ! Viens, viens, mon petit
belou ! » Mais quand ils croient le tenir, lui leur tourne (montre) les
cornes, joint les oreilles, lève la queue et se sauve tout pareillement.
Ils se mirent alors à le poursuivre : mais, quand ils sont d'un côté,
lui se sauve de l'autre, et, quand ils croient l'avoir cerné dans un coin.
DB LA GRBUSB 279
Favî encerna guïuB un coin, ôa passo entremî i et 6u lou^ éi-
châpo. Lo Marioun o beau credâ:» Achôubri(**)! vài le quâre,
Baraca I Pieco le,moun chil » Boulàud o beau trepâ,treparas-
tfu, s'éibrasAâ, s'éibrasAaras-cu, qu'éi tout coumo shi bessa-
vount ràigo. Ou lous fait feare viengto-tréis viégeis(*^) le tour
de lo rabiero sens poudéi l'attrapa; lous chamiso(") n'en
mouillo et lous pées (") lous n' (') en gouttount. A lo û de las
fis, Boulàud gâte (*«),déilena, s'arréito, éissujo, béi(") soun
mouchanas, lo shur que devâlo de soun frount mai de sas jou-
tas et ^uie aprié avî pantéisa un moument : « Que le guiMhe
le chabri, mai le chabri bailla ! Ou Téi (*) be escumigna ! Qu'éi
le lebèrou que log^ninal*®) ou be quaucu que l'ount soubrevu I
Que Coulàud le garde po le couotange de las rabas qu'eu gnî
o minja; z'ôu(**) /Ai l'abandonne pisqu'ôu souos^wino à ne pas
vouléi sAouor^wî. A lo fi ou me foïo attrapa un boun purezAi;
mai z'ôu (2*) lechoïo co. »
G/Aàume Bougnat, de Péi^ttiillat, que 'nâvo ôusAiàlo fiéiro,
ero arriva ^uins que l'entreféitas et lous regardâvo faire déi-
pueu un moument, sAiquia soubre soun bâtou de pié de cha-
gne. Davant côu déicourajoment de Boulàud, ou gni gfwiesset :
(I Te gn'i seez pu, couzAi Boulàud I Te déiparlas. Càubéigruiso
il passe entre eux et leur échappe . La Marion a beau crier : « A chô^
bri ! Va le chercher, Baraca (nom de chien de bergère) ! Pique-le, mon
chien ! » — Boulàud a beau frapper du pied, fi-apperas-tu, agiter ses
bras, les agiteras-tu, c'est tout comme s'ils bêchaient l'eau. Il leur
fait faire vingt-trois fois le tour de la ravière sans pouvoir le prendre.
Leurs chemises s'en mouillent et leurs cheveux en gouttent. A la fin des
fins, Boulàud fatigué, hors d'haleine, s'arrête, essuie avec son mou-
choir (mouche-nez) la sueur qui coule de son front et de ses joues, et
dit, après avoir respiré (avec oppression) un moment :« Que le diable,
le chevreau I et le chevreau donné I II est bien excommunié ! C'est le
loup-garou qui l'a bercé ou bien quelqu'un qui lui a jeté un sorti Que
Coulaud le garde pour la valeur des raves qu'il lui a mangées ; je le
lui abandonne, puisqu'il s'obstine à ne pas sortir ; à la fin il me ferait
prendre une bonne pleurésie et je lécherai cela. »
Guilhaume Bougnat, de Pétillât, qui allait aussi à la foire, était ar-
rivé sur (dans) ces entrefaites et les regardait faire assis sur son bâton
de pied de chêne. De¥ant le découragement de Boulàud, il lui dit :
« Tu n'y es plus, cousin Boulàud ! Tu parles de travers. Quelle bêtise
280 ETUDES SUR LB PATOIS
d*abandounâ coumo co un boucànd que vàu be tréis bounas
piestolas("), mai beillôube (*') de mai (**). Fôut bin pàu de
chàuso,vài, po t'embarrassa. Vài douncquâre le chi, que le vi-
roro be, se. »
I z'anèrount dounc quâre le chi po vira le boucàud de Bou-
làud que minjâvo las rabas de Coulàud. Z'ôu ('*) crî bin que
qu'èro Pôutas-rougeas de Michiàud; mas z'ôu vous Tacerte-
narài pas mai que co, car z'ôu n'en séi pas mai s^ur que co
d'aqui. Côu chi èro un Ihiberku que vouillo que tout le mounde
viquesso. Oushï en arrivant ou sAaquillo(*^) soubre soun darié;
ou regarde le boucàud, ou regarde Boulàud, emAuito lo Ma-
rioun mai lo Majounet, peu ou lous guii : « Qu'éi que vous
me demandaz? Vous valeezqu'i fase souorçwî côu boucàud que
minjo quelas rabas ? Ou ne fait pas de màu. Le beau ma/Aur
quand ou broutoïo côucas gourjadas de chabesso(2*). Me ne
l'aime pas ; àxishi co m'éi b'éigal et m'en lave las pôutas. Aprié
tout, lo pàubro beé^wio, shi lo fan, fôut be que lo minje. I ne
vâle pas lo vira î » ~ Te ne yaleez pas, moun cadet? Nous te
farouns be ôubaïr de fouorço ou de bouno omieta », et i
z'anèrount quâre, po brejâC'*^) le chi, le loup guins los boues
de Chabriéras, que sount guins le vezAinâge.
d'abandonner comme cela un bouc qui vaut bien trois bonnes pistoles.
(Il) faut bien peu de chose, va, pour t'embarrasser. Va, donc chercher
le chien, qui le fera bien sortir, lui.
Ils allèrent donc chercher le chien pour chasser le bouc de Boulaud
qui mangeait les raves de Coulaud. Je crois bien que c'était Pattes-
Rouges de Michaud ; mais je ne vous le certifierais pas, carje n'en suis
pas plus sûr que cela. Ce chien était un libéral qui voulait que tout le
monde vécût. Aussi, en arrivant, il s'asseoit sur son derrière ; il regarde
le bouc, il regarde Boulaud, ensuite la Marion et la Mayonnet, puis
il leur dit: « Que me demandez-vous? Vous voulez que je fasse sortir
ce bouc qui mange ces raves i II ne fait pas de mal. Quel beau mal-
heur quand il brouterait quelques bouchées de feuilles de rave ! Moi,
je ne les aime pas ; aussi ça m'est bien égal, et je m'en lave les pattes.
Après tout, la pauvre bête, si elle a faim, (il) faut bien qu'elle mange;
je ne veux pas le faire sortir.» — « Tu ne veux pas, mon cadet?Nous
te ferons bien obéir de force ou de bonne amitié . » Et ils allèrent
chercher, pour battre le chien, le loup dans les bois de Chabrières, qui
sont dans le voisinage .
DES LA CREUSE 281
Le loup ne vouguiet pas brejâ le chi ; le chi ne vouguiet
pas vira le boucàud de Boulàud, que minjâvo las râbas de
Coulàud.
I z'anèrount(') quâre le bâtou po tapa le loup :
Le bâtou ne vouguiet pas tapa le loup ; le loup ne vouguiet
pas brejâ le chi ; le chi, etc..
I z'anèrount quâre le fet po brulâ le bâtou :
Le fet ne vouguiet pas brulâ le bâtou ; le bâtou, etc.
I z'anèrount quâre Tàigo po cuâ le fet :
L'àigo ne vouguiet pas cuâle fet ; le fet, etc.
I z'anèrount quâre le biôu po beôure l'àigo :
Le biôu ne vouguiet pas beôure l'àigo ; l'àigo, etc*
I z'anèrount quâre las juillas ('^ po Ihik le biôu :
Las juillas ne vouguierount pas Ihik le biôu ; le biôu, etc.
I z'anèrount quâre le rat po coupa las juillas :
Le rat ne vouguiet pas coupa las juillas ; les juillas ne vou-
guierount pas Ihïêù le biôu; le biôu, etc.
I z'anèrount quâre le chat po minjâ le rat :
Le chat, quéi tourjou éita la beéj'uio dôu quieib/he mai que
z'ôu shivo tourjou, sàuto soubre le rat; le rat sàuto soubre las
Le loup ne voulut pas battre le chien ; le chien ne voulut point
chasser le bouc de Boulaud, qui mangeait les raves de Coulaud.
Ils allèrent chercher le bâton pour taper le loup:
Le bâton ne voulut point taper le loup; le loup ne voulut point bat-
tre le chien, etc.
Ils allèrent chercher le feu pour brûler le bâton :
Le feu ne voulut point brûler le bâton; le bâton, etc.
Ils allèrent chercher Teau pour tuer (éteindre) le feu:
L'eau ne voulut pas tuer le feu ; le feu, etc.
Ils allèrent chercher le bœuf pour boire l'eau:
Le bœuf ne voulut pas boire l'eau ; l'eau, etc.
Ils allèrent chercher les jouilles pour lier le bœuf:
Les jouilles ne voulurent pas lier le bœuf ; le bœuf, etc .
Ils allèrent chercher le rat pour couper les jouilles :
Le rat ne voulut pas couper les jouilles; les jouilles ne voulurent
pas lier le bœuf; le bœuf, etc.
Ils allèrent chercher le chat pour manger le rat :
Le chat, qui*a toujours été la bête du diable, et qui le sera toujours,
saute sur le rat; le rat saute sur les jouilles ; les jouilles courent sur
282 ETUDB8 SUR LB PÂ.T0I8
juillas; las juillas courount soubre le biôu po le Ihik ; le biôn
court soubre Tàigo ; Tàigo soubre le fet ; le fet soubre le bâ -
tou ; le bâtou soubre le loup ; le loup soubre le chî po le brejâ ;
et le chi, éibravija de véire tant de mounde aprié se, vài vira
le boucàud de Boulàud, que minjâvo las rabas de Coulàud.
Le pàubre boucàud^ vesant touto rezAîstanço i^nu^uilo, se
léisset fasAiloment prendre pa Boulàud mai sas douas fennas,
que Tattenguiount à lo charàu(**). Aprié Tavî bin éitocha
embéi no bouno couordo de chiébre, Boulàud se touornet dôu
coûta de Bougnat et gni ^uiesset : «.CouzAi G/Aàume, t'aïas be
rasou. Grand marcéi po le service que te m'as reng^u. Po to
recoumpenso, z'ôu t'envouïarài démo, pa lo Mayounet, no
bouno sAéitâdo de perous lo Ihigno po faire dôu farouillat (*•).
Co ne shivo pas tout; quand las «Airéisas néirôudassAirount
mB.guThs, t'en tarai pouortâ po faire dôu c/AafouyMi(*°). »
ËmAito de co, i parguissèrount tous ensemble po chabâ
de nâ à lo fiéiro. Quand i z'arriverount qu'èro déijà miéjou
passa et le mounde, qu'ayount ven^'M loû béi^wiàu, coumença-
vount ('^)àle déip/Aaçâ. Cispendant Boulàud pougueit engue-
ras vendre soun boucàud un boun pris ; le marchand gnî
le bœuf pour le lier ; le bœuf court sur Teau ; Feau sur le feu ; le feu
sur le bâton ; le bâton sur le loup ; le loup sur le chien pour le battre,
et le chien, effrajé de voir tant de gens après lui, alla chasser le bouc
de Boulàud, qui mangeait les raves de Coulaud.
Le pauvre bouc, voyant toute résistance inutile, se laissa facilement
prendre par Boulàud et ses deux femmes, qui Tattendaient à la sortie
(de la terre) , Après Tavoir bien attaché (le bouc) avec une bonne
corde de chanvre, Boulàud se tourna du côté de Bougnat et lui dit :
« Cousin Guillaume, tu avais bien raison. Grand merci du service que
tu m'as rendu. Pour ta récompense, je t'enverrai, demain, par la
Mayonnet, un panier de poirons la ligne pour faire du farrouillat. Ce
ne sera pas tout; quand les cerises noires seront mûres, je t'en ferai
apporter pour faire du clafouti. »
Ensuite de cela, ils partirent tous ensemble pour finir d'aller à la
foire. Quand ils arrivèrent, il était déjà midi passe, et les gens qui
avaient vendu commençaient à déplacer (leurs bestiaux). Cependant
Boulàud put encore vendre son bouc un bon prix ; le marchand le lui
DE Là creuse ^83
Tachotet guiei b^us éicus d'argent, viengto-sAinq sôus de
pèço po lo Mayounet, mai ou payet chopino.
acheta dix bons écus d'argent, vingt-cinq sous de pièce pourlaMayon-
net ; de plus, il paya chopine.
NOTES PHILOLOGIQUES
L — Prononciation
A, — Le grand caractère phonétique de ce dialecte est le mouille-
ment des consonnes d, ^, n, c, 5, j, /, qui transforme les six pre-
mières en leurs gutturales correspondantes g^ h (c dur ou qu)y gn,
ch, j, devant les voyelles i et te, et quelquefois devant d'autres
voyelles ou diphthongues. Il en'résulte que les syllabes:
Françaises Patoises Françaises Patoises
Ut, du, = gui, gu. Ct, çu; si, su, \ ^. , ,» ..
Ti, tu, = gui, gu, ku, eu. Ti (pron. ci), \= '^'> ^^"(fr«^Ç*^^)
Ni, nu, = gni^ gnu. Zi; zu, si, su
{s entre deux
voyelles),
B. — Ch et j ou ge français, se prononçant tch, dj dans ce patois,
pour éviter la confusion, nous représenterons les consonnes c, 5, ti,
mouillées par sh = ch français et ^ et 5 entré deux voyelles par zh
=s j (français). Par la même raison, l mouillé sera représenté très-
souvent par Ih,
C. — Prononciation des diphthongues accentuées et des nasales :
au =s axm^ bu = oom, eu = é-u, — àï, éi se prononcent d'une seule
émission de voix, en appuyant sur la première voyelle accentuée avant
de prononcer i. — En s=s in français; in = in latin.
D. — 5 final se prononce toujours comme en français, quand le
mot suivant commence par une voyelle. Dans les autres cas, il ne se
prononce jamais. Exemple : las pèras = là pèrâ ; il ne sert alors
qu'à exprimer le pluriel et à allonger la voyelle qui le précède.
N,-B, — Dans le texte de ce conte, les consonnes représentant un
son mouillé, et 5 final quand il se prononce, sont soulignés. Un autre
caractère qu'il est inutile de souligner est rallongement des voyelles
par l'accent circonflexe, ou l'addition d'une voyelle ou d'une diph-
thongue: d'où la multiplicité, dans ce dialecte, des diphthongues et
des thphthongues.
284 BTUDBS SUR LB PATOIS
Sur le fonds du conte, voyez l'étude de M . G . Paris, la Chanson
du Chevreau y Romania^ I, 218-225, et celle de M. A. Roque-Ferrier
sur les Chansons hébraïco-provençales des Juifs comtadins. Revue
des langues romanes, I»« série, VI, p. 51*3-317.
IL — Observations diverses
1. — En patois, Auhusson se dit le Bussou; var*Ahiu = Ahun.
2. — 6r«, dans gni ou gn'io, n, l, dans du L*ei, sont des lettres eu-
phoniques ; la première est mise à la place de Ih (Ihi) pour adoucir, et
la troisième pour éviter un hiatus.
3. — CollOf ou coloy tresse de paille qui tient lieu de corde pour
attacher ou conduire les bestiaux.
3 bis, — Bessàu (bouleau). Ce mot appartient au patois auvergnat,
et dans l'Auvergne désigne l'arbre en question. Chez nous, son usage
s'arrête net aux limites des patois de Test. Dans les autres dialectes
creusois, le bouleau s'appelle un betou; latin betula,
4. — Z euphonique, fréquemment employé dans ce dialecte. Devant
la 3e personne plurielle des verbes commençant par une voyelle, il me
semble tenir la place de s final du pronom personnel français ils. Dans
ce cas, on le supprime du reste assez souvent et on dit: i attrapé-
rount, i anèrount, ou simplement attrapèrount, anèrount.
5. — La terminaison ount de la troisième personne du pluriel des
verbes patois, comme dans attrapèROUKTf demandèROV^T, anèROUNT,
etc. , particulière à ce dialecte dans la Creuse, correspond à la termi-
naison latine unt dec^zâ^eRUNT, amai;eRUNT, etc., et appartient aux
patois de la basse-Auvergne (voir Doniol), aussi bien qu'au dialecte
marchois en question ; preuve nouvelle de l'étroite parenté qui rap-
proche ces deux idiomes. Dans notre dialecte du sud ou limousin, cette
terminaison devient ent ; exemple : i se regardèsLKKï, i anèRKNT.
6. — Chèu, dont j'ignore l'étymologie : résidu le plus grossier qui
reste du chanvre, après qu'on en a retiré le brin et l'étoupe par le pei-
gnage.
7. — Trefloy troflo et troflho (mouillé), pomme déterre.
8. — GuinSy guin, guij guiens, selon les localités: dans^ dedans,
Us final est ici conservé pour rappeler l'analogie avec le français
dans, mais ne se prononce pas.
9. — Tearo (terre) se dit aussi, selon les localités, teèro, tiaro, et
en mouillant le t de ce dernier, quiaro (qui = ti) (est d'Aubusson,
Neoux).
10. — Counversaahié (conversation) — alio: counversashiou.
11. — Trassimâ (patois sud) trasmma(p. e.j, signifie sauter par-
dessus et peut être une corruption du latin transilire. —Cou (muraille)
DE LA CREUSB S85
me paraît exclusif au patois de Test; partout ailleurs on dit mur^
muraillo. J'ignore son étymologie.
12. — Charàuj dont j'ignore l 'étymologie, signifie une ouverture
pratiquée dans la clôture d'un champ par laquelle on peut y entrer
avec une voiture. — Employé partout dans la Creuse.
13. — Chéiqui (p. e.), chéiti (p. s.), chéti (p.n.), en français c^ii/*,
n'a pas en patois la même signification qu'en français. Dans la pre-
mière langue, il signifie mauvaisj coquin, gredin.
14. — A chdubri! cri pour chasser les chèvres.
15. — Viége (fois), alio véi, co, couo (coup).
16. — Lous chomiso, pour lous chamisas (pi.), idiotisme.
17. -^Pées (cheveux, poils), aliô^^é^, piàux, peôus; du latin pilus.
18. — Gâte^ fatigué, origine inconnue.
19. — Béi, embéi (avec), employé aussi dans les patois de l'Au-
vergne.
20. — Gninâ, ninâ bercer.
21 . — Z euphonique, employé le plus souvent à la ir® personne du
sing. de la conjugaison des verbes.
22. — Pistolo, pistole, dix francs. — On compte encore beaucoup,
dans la Creuse, par pisioles et écus (3 fr.).
23. — Beillbube, belébe, peut-être bien.
24. — Mal, adv , signifie ici, plus; conj. comme le premier mai
de ce membre de phrase, il signifie et,
25. — S*haquillâtS*aquiller, se dit des animaux assis sur leur der-
rière dans la position d'une quille.
26. — Chabesso, aliô chapusso, feuilles de la rave.
27. — Brejâ (broyer), se dit des chiens ou des loups qui se bat-
tent.
28 . — Juillas, lanières de cuir servant à attacher les bœufs au
joug.
29. — Farouillat^^Bm de seigle dans la pâte duquel on a incorporé
des quartiers de poire ou de pomme avant sa mise au four.
30. — Clhafougui, clafouti (p. s.), pâtisserie creusoise faite avec
des cerises dans de la pâte de blé noir ou de froment, que l'on fait
cuire au four dans un plat de terre ou sur une plaque de tôle.
31 . — Le mounde coumençavount (le monde commençaient) est une
expression analogue au turba ruunt des Latins, c'est-à-dire des
verbes au pluriel avec un sujet au singulier, mais représentant une
collection. D' F.Vincent (de Guéret),
Membre de la Société des langues romanes, etc.
Guéret (Creuse), l^r décembre 1880.
COMPARAISONS POPULAIRES
LES PLUS USITÊBS DANS LE DIALECTE CATALAN-R0US81LL0NNAIS
La Revue des langues romanes a pnblié, dans trois de ses fasci-
cules, les lettres A, B et G du Glossaire des comparaisons popu-
laires du Narbonnaiset du Carcassez, par M. Achille Mir.
J'ai fait moi-môme une petite collection des locutions comparatives
du catalan-roussillonnais, et je me propose de les ajouter à la deu-
xième édition de mes Ram^llets de proverbis, maximas^ refrans y
adagis, etc. (Perpignan, Latrobe, 1880; in-8«, 168 pages).
Les quatre-vingt-dix comparaisons qui suivent en ont été extraites.
Justin Pbpratx.
1. Adormit comun s<Sch.
2. Aixerit com un pesol.
3. Aixut com una esca.
4. Alegre (mes) que unas Pascuas.
5. Alegre com la primavera.
6. Alt com un palier.
7. Amarat com una esponja.
8. Amarch (mes) que un fel.
9. Apegalôs (mes) que '1 vesch.
10. Arronsat com un cuch.
11. Arrugat com una vella.
12. Astut (mes) que una guilla.
13. Atrevit (mes) que '1 vent.
14. Blanch com la llet.
15. Blanch com la neu.
1. Endormi comme un billot. — 2. Remuant comme un pois. —
3. Sec comme de Tamadou. — 4. Plus gai que les fêtes de Pâques.
— 5. Gai comme le printemps. — 6. Grand comme une meule de
paille. — 7. Imbibé comme une éponge. — 8. Plus amer que le fiel.
— 9. Plus collant que la glu. — 10. Ramassé en soi-même comme
un ver. — II. Ridé comme une vieille femme . — 12. Plus rusé qu'un
renard. — 13. Plus impertinent que le vent.
14. Blanc comme du lait. — 15. Blanc comme la neige. — 16. Meil-
OOMPARAISpNS POPUUJRBS 29J
16. Bo (mes) que '1 pa.
17. Bonîch com un ângel.
18. Bonich (mes) que un sol.
19. Borratxo com una sopa.
20. Brios com un caball.
21. Brut com una aranya.
22. Brut com una barra de galliner.
23. Brut com un forât de ajguera.
24. Carregatcom un ase.
25. Clar com un cristall.
26. Clar (mes) que la llum del dia.
27. Gohent com una ceba.
28. Deju com lo dia de naixer.
29. Despert com una llebra.
30. Dolent (mes) que un gat borni.
31. Dois (mes) que una mel.
32. Dret com un ciri.
33. Dur com un roch.
34. Esquerb (mes) que un gat vell.
35. Fart (mes) que un porch .
36. Fi com la seda.
37. Fidel com un gos .
38. Fort com una roca.
39. Fosch com una gola de llop.
40. Fresch com una rosa.
leur que le pain. — 17. Joli comme un ange. — 18. Plus beau que
soleil. — 19. Ivre comme une soupe. — 20. Vif comme un cheval. —
21 . Sale comme une araignée. — 22. Sale comme un bâton de poulailler.
— 23. Sale comme le trou d'un évier.
24. Chargé comme un âne. — 25. Clair comme le cristal. — 26. Plus
clair que la lumière du jour. — 27. Cuisant comme un oignon.
28. A jeun comme au jour de la naissance. — 29. Éveillé comme
un lièvre. — 30. Plus méchant qu'un chat borgne. —31. Plus doux que
le miel. — 32. Droit comme un cierge. — 33. Dur comme de la pierre.
34. Plus farouche qu'un vieux chat.
35. Plus rassasié qu'un cochon . — 36. Fin comme de la soie. —
37. Fidèle comme un chien. — 38. Fort comme un rocher. — 39. Obs-
cur comme une gueule de loup. — 40. Frais comme une rose. —
288 COMPARAISONS POPULAIRES
41. Fret (mes) que '1 glas.
42. Fret com un marbre.
43. Gras com un porch.
44. Gras com un toixô.
45. Gras (mes) que una truja.
46. Gras com un Tudesch.
47. Groch (mes) que una cera.
48. Groch com un safrâ.
49. Inflat com un bot.
50. Llarch (mes) que la quaresma.
51. Llarch com un dia sensé pa.
52. Llest (mes) que un llamp.
53. Lleuger (mes) que una palla.
54. Lleuger com una ploma.
55. Lleuger com un sospir.
56. Lluhent com un mirall.
57. Llis com una anguila.
58. Magre com un Dijous Sant.
59. Manso com un anjell.
60. Mullat com un peix.
61. Nègre (mes) que un corb.
62. Nègre com una pega.
63. Nègre (mes) que un pecat.
64. Net com un mirall.
65. Pansit com una ûga.
66. Pacient;com un Job.
41. Plus froid que la glace. — 42. Froid comme du marbre. —
43. Gras comme un cochon. — 44. Gras comme un blaireau. —
45. Plus gras qu'une truie. — 46. Gras comme un Tudesque. — 47. Plus
jaune que de la cire. — 48. J^une comme du safran. — 49. Enflé comme
une outre. — 50. Plus long que le carême. — 51. Long comme un jour
sans pain. — 52. Plus prompt que la foudre. — 53. Plus léger qu'une
paille.-^ 54. Léger comme une plume. — 55. Léger comme un soupir.
— 56. Luisant comme un miroir. — 57. Lisse comme une anguille.
58. Maigrejoomme le Jeudi-Saint. — 58. Doux comme un agneau.
— 60. Mouillé comme un poisson.
61. Plus noir qu'un corbeau. — 62. Noir comme de la poix. —
63 . Plus noir que le péché . — 64. Propre comme un miroir .
65. Mou comme une figue. — 66. Patient comme Job. — 67. Ra-
COMPARAISONS POPULAIRES 289
67. Pelât com un nap.
68. Pelut com un os.
69. Picant com un pebre.
70. Pla com la ma.
71. Pie com un ou.
72. Pobre com un rat de iglésia.
73. Poruch com una Uebra.
74. Prim com un tel de ceba.
75. Pudent com una xinxa.
76. Pur (mes) que un angel.
77. Pur com un sol.
78. Régalât com un rey .
79. Resplandent com una estrella.
80. Ros com un fil d'or.
81. Sort com una campana.
82. Sort (mes) que un timbal.
83. Tendre com un pesol.
84. Tort com una fais.
85. Tossut (mes) que un ase.
86. Trempât com un orga.
87. Trempât com un ginjol.
88. Trist com un mussol.
89. Viu com una pôlvora.
90. Viu (mes) que una centella.
tissé comme un navet. — 68. Vêla comme un ours. — 69. Piquant
comme du poivre. — 70. Plat comme la main. — 71. Plein comme un
œuf. — 72. Pauvre comme un rat d'église. — 73. Poltron comme un
lièvre. — 74. Mince comme une pelure d'oignon. — 75. Puant comme
une punaise. — 76. Plus pur qu'un ange. — 77. Pur comme le soleil.
78. Riche et heureux comme un roi. — 79. Resplendissant comme
une étoile. — 80. Roux comme un fil d'or.
81. Sourd comme une cloche. — 82. Plus sourd qu'un tambour. —
83. Tendre comme un pois. — 84. Tordu comme une faulx. — 85. Plus
têtu qu'un âne. — 86. Accordé comme un orgue. (Dispos.) — 87. Sain
comme une jujube. (De bonne humeur.)— 88. Triste comme un hibou.
— 89. Vif comme la poudre. — 90. Plus vif qu'une étincelle.
Poésies
CLAR-ESCUR
A MADAmsBLLO Maroarido 6*'*
I
Tout es silencious ; Tivèr a doumta
Murmur de rajôa e cansoun alegro ;
Li corb planon aut dius Finmensita
E sus lou cèu gris fan de taco negro.
Li loup, nas auvent, eu se rebalant,
Sourtisson di bos e gagnon li coumbo ;
Lis aubre espeia, vers lou s6u giblant,
Semblon de gigant plourant sus de toumbo.
La terro, aro, es plus qu'un fres camp de mort
Ount un jour pâli trantraio emé crento;
Di ciprès tristas on vèi li grand cors
Yela coume autant de véuso doulento.
Sènso preveni, Torro niue desfai
Li pie fantasti de sa manto soumbro.
CLAIR-OBSCUR
A Mademoiselle Marguerite B...
I
Tout est silencieux ; l'hiver a dompté — murmure de ruisseaux et
chansons joyeuses ; — les corbeaux planent haut dans Timmensité —
et sur le ciel gris font des taches noires .
Les loups, nez au vent, en se traînant, — sortent des bois et ga-
gnent les combes ; — les arbres dépouillés, pliant vers le sol, — res-
semblent à des géants pleurant sur des tombeaux.
La terre, maintenant, n'est plus qu'un froid champ de mort — où
un jour pâli chancelle avec crainte ; — des cyprès tristes on voit les
grands corps — voilés comme autant de veuves éplorées .
Sans prévenir, la nuit défait — les plis fantastiques de son sombre
POÂSIES 291
A-pèire lou bèu! e plaço à Fesfpai !
La naturo muto : escouto lis oumbro ...
II
Mai veici Taubeto emé si peu blound,
Aubeto d'abriéu que d'uiau arroso ;
Li zefir risènt couron li valoun
Bcasson li âèu à grand cop de roso.
Li gai pimparrin sonon trefouli
Tout ço qu'es amour, jouvènço, armounio ;
A chasque moumen se vèi espeli
De fueio e de nis entre li ramiho.
La voues dôu printèms s'aubouro e dis : « Dau !
0 couble amourous, subre li piboulo
Ai mes de cansoun. Dins li bos verdau
Li dous fernimen fan la farandoulo.
Lou riéu cascaiejo e lou soulèu ris.
Pleno de belu, la piano es supèrbo,
E tout plan-planet la flour se durbis
Coume uniue curions à travès de l'èrbo.... »
manteau. — Arrière le beau! et place àThorreur! — La nature se tait :
elle écoute les ombres ....
II
Mais voici Taurore avec ses cheveux blonds, — aube d'avril qui ar-
rose avec des éclairs ; — les riants zépbirs parcourent les vallons —
et chassent les fléaux à grands coups de roses.
Les gaies mésanges appellent, réjouies, — tout ce qui est amour,
jeunesse, harmonie ; — à chaque moment on voit éclore — des feuilles
et des nids sous la ramée.
La voix du printemps s'élève et dit : '< Sus I — ô couples amoureux,
sur les peupliers — j'ai mis des chansons. Dans les bois verts, — les
doux frissons font la farandole.
Le ruisseau murmure et le soleil rit. — Pleine de rayons, la plaine
est superbe, — et tout doucement la fleur s'ouvre — comme un œil
curieux à travers le gazon ...»
Z92 POéstES
III
Au mié di blavet e di poumpoun d'or,
Li coable amoarous n'en deviston uno,
Uno flour que semblo un souleiet d'or
Tout envertouîa de raioun de luno.
Reino dou campèstre, o douço bèuta,
Tendro counfidento, ah ! que sies poulido !
Quant i'a pas de cor qu'un jour an coumta
Sus ço qu'as proumés, bello margarido :
a M*aimo? m'aimo pas? m'aimara toujour?.... o
M'aimo? m'aimo pas?... Mai, de-que que digues,
M'aimo, m'aimo pas, soun de mot d'amour ;
Dounc, es pèr l'amour que fau que flourigues....
Passara lou tèms di joio, e louflèu
Vendra tournamai treva lis auturo.
I cor sourrisènt ie fau de soulèu I
Mai 11 cor malaut aimon la sournuro ^.
Pau Gaussbn.
17 abriéu de 1881.
III
Au milieu des bluets et des boutons d'or, — les couples amoureux
en découvrent une, — une fleur qui semble un petit soleil d'or — tout
environné de rayons de lune.
Reine des champs, ô douce beauté, — tendre confidente, ah! que
tu es jolie ! — Combien n'y a-t-il pas de coeurs qui un jour ont compté
— sur ce que tu as promis, belle marguerite :
« M'aime-t-il? ne m'aime-t-il pas? m'aimera-t-il toujours ?.. . . » —
M'aime-t-il? ne m'aime-t-il pas ?. . . Mais, quoi que tu répondes, —
M'aime-t-il f ne in*aime-t-il pasf sont des mots d'amour: — donc
c'est pour l'amour qu'il faut que tu fleurisses. . .
Il passera, le temps des joies, et le fléau — viendra de nouveau
hanter les hauteurs. — Aitx cœurs souriants il faut du soleil ! — Mais
les cœurs malades aiment l'obscurité.
Paul Gausskn.
I7avrill881.
* Provençal (Avignon et les bords du Rhône). Orthographe des félibres
d'Avignon.
A MARIO B. . .
SOUNBT IMITAT DE SOULARY
Amistouso à cadun, pus dousso qu'un agnel,
L'uel siau, lou frount luzent e l'amo rizouleto,
Es Diéus que coum' acô t'a facho tant braveto.
Un jour que per nous-aus èro clément lou Ciel.
Coumo l'ordi se moundo en passant al cruvel,
Dins ta bèlo amo atal fa l'amour, amigueto;
Es uno flamo puro , e toun cor de nourieto
Vei qu'un amie dins lou que t'a proumés l'anel.
A la joio tebezo, à l'obro afeciounado,
Sens plagnun, sens remord, coumpliras ta journado ;
Ë pèi, quand plegara toun corps joust lou fardel,
Tournaras à Diéus que t'a facho tant braveto,
L'uel siau, lou front luzent e l'amo rizouleto,
Un vespre ount per nous-aus sera marrit lou Ciel*.
Gabriel Azaïs.
A MARIE B
SONNET IMITÉ DE SOULARY
Affectueuse pour chacun, plus douce qu'un agneau ; — l'œil calme,
le front serein et l'âme en joie, — c'est Dieu qui t'a faite si bonne, —
un jour que pour nous était clément le Ciel.
Comme l'orge s'épure en passant au crible, — dans ta belle âme
ainsi fait l'amour, jeune amie ; — c'est une flamme pure, et ton cœur
de fiancée — ne voit qu'un ami dans celui qui t'a promis l'anneau.
A la joie tiède, au travail empressée, — sans plainte, sans remords,
tu achèveras ta journée ; — et puis, quand il pliera, ton corps sous le
fardeau,
Tu reviendras à Dieu, qui t'a faite si bonne, — l'œil calme, le front
serein et l'âme en joie, — un soir où pour nous sera mauvais le Ciel.
Gabriel Azaïs.
*■ Languedocien (Béziers et ses environs). Orthographe biterroise.
23
NOSTRIS SABUCS
A MOUN VENERABLE MESTRE A.-B. CrOUSILLAT
Aven de sabacs verts des peds al cap,
Nauts, drets e galhards coumo n'i a pas cap
Lenh-lenh e se cal al païs estrange ;
Cado ram espés porto soun bouquet,
Blanc e suspouscat de safra '*ii pauquet,
Qu'a liairos de mel e de ûous d'irange.
0 ja les aiiuan, les nostris sabucs,
Que soun brounzinants autant que de bues,
Toutjoun abelhats à fa babarilhos,
Costo de qualque ieis, al bord des camis,
La cimo en arvôut al caud qu'endurmis,
La ramo asoumbrant de poulidos fiihos !
Las dauros i van junquos as capelhs ;
Sembloun, aquital, de viro-soulelhs
Quilhats e duberts per Dono Nature ;
NOS SUREAUX
A mon vénérable maître A.-B. Gronsillat
Nous avons des sureaux verts des pieds à la tête, — hauts, droits
et vigoureux comme il en est peu — loin, loin, et même, s'il faut [le
dire], au pays étranger ;
Chaque rameau épais porte son bouquet, — blanc et saupoudré d'un
peu de safran, — qui a senteurs de miel et de fleurs d'oranger.
Oh ! que nous les aimons, nos sureaux, — qui sont bourdonnants
autant que des ruches, — toujours abeilles à donner des éblouisse-
ments,
A côté de quelque sentier, au bord des chemins , — la cime en voûte
au chaud qui endort, — la ramure couvrant d'ombre les jolies filles !
Les accrus vont [atteignant] jusqu'au sommet; — ils semblent, lâ-
môme, des parasols — quilletés et ouverts par Dame Nature ,-
POESIES ]895
Fan sousca '1 Japoun lusent e sedous
E tout mirgalhat de belos coulous,
Dambe un founze clar de fino verdure.
Puei, fan roundina moun eime bourdesc
Vès ma jouventut, pr' aquel atge fresc
E gai coumo Y mes glaufit de flouretos.
Lavés, i veniô coupa 'n vert canel
Que, demesoulhat, traucat al coutel,
Jougavo lèu-lèu fosso cansounetos.
La mieuno flavuto en sabo disiô
Tout ço que vesiô, tout ço qu'ausissiô,
— Cantavo, sigur, coumo uno personne.
Soun cap en biscalho à mous pots riplat,
Un trauquet dubert e Tautro tampat,
De moun aie pleno, — oh mais qu'ero bouno !
Urous, assietat dedins Ihour oumbrieu,
Jougavi, gaitant subre Tazur vieu
Les belis ne vies de las P.iraneos,
Las serres, pus bas, dambé sous bousquets,
Rasisos, plantiès e tendris bladets
Que fan éspeli tant gentios ideos ;
Ils font songer au Japon briUant et soyeux, — et tout diapré de
belles couleurs, — avec un fond clair de fine verdure.
Ensuite, ils font rôdailler mon esprit fantasque — vers ma jeunesse,
par cet âge frais — et gai comme le mois criblé de fleurettes .
Alors j'y venais couper un vert tuyau — qui, démoellé, troué au
couteau, — jouait bientôt force chansonnettes.
Ma flûte en sève disait — tout ce qu'elle voyait, tout ce qu'elle
ouïssait ; — elle chantait, à coup sûr, comme une personne .
Sa tête en biseau à mes lèvres rivée, — un trou ouvert et un autre
fermé, — de mon haleine pleine, oh ! comme elle était bonne !
Heureux, assis dans leur ombre, — je jouais, regardant sur l'azur
vif — les neiges si belles des Pyrénées,
Les petites sierras, plus bas, avec leurs bosquets, —leurs friches,
leurs plantiers, et leurs tendres blés, — qui font éclore de si gentilles
idée» ;
990 POésiBS
La piano granivo e sa plasentat,
Joubs ieu de mouliès qu'an gracio e bèutat
Qu'a las Courts d'amour tenion majouressos ;
Las vesiô passa, fier visatge bru,
Pel coulou d'amouro, uelhs d'un nègre blu.
Brasses e peds nuds, — ô fortos divessos!
Tournavoun del camp, le foussou sul colh,
Levant, en courrent, un blanc parpalhpl,
Quoique babarot, dos ou très ninotos.
Pensatieu dejoubs moun teulat ramut,
En las remirant, le cor emaugut,
Aviô debrembat de fieula las notes.
0 vielhis sabucs, de vostro sentou,
Loung de Flourial, à-n-aquel canton
1 a doutse ans, m'avets embriaigat Tamo !
Dempuei aquel tems, i e 'n eissam gauchous
Coumo les que van cbuca vostros flous.
Embaumant tourna subre vostro ramo*.
A. FOURÈS.
16 de mai 1878.
La plaine féconde en grains et son séjour plaisant ; — au-dessous
de moi, des femmes qui ont la grâce et la beauté — que possédaient
aux Cours d'amour les principales ;
Je les voyais passer, fier visage brun, — cheveux couleur de mûre,
yeux d'un noir bleu, — bras et pieds nus, ô fortes déesses !
Elles revenaient du champ, la houe sur le cou, — faisant se lever,
en marchant, un blanc papillon, — quelque insecte, deux ou trois li-
notes.
Pensif sous mon toit feuillu, — en les admirant, le cœur ému, —
j'avais oublié de siffler les notes.
0 vieux sureaux, de votre senteur, — (tout) le long de Floréal, à ce
coin, — il y a douze ans, vous m'avez enivré l'âme!
Depuis ce temps, j'y ai un essaim joyeux — comme ceux qui vont
sucer vos fleurs, — embaumant de nouveau sur votre ramure.
A. FouRÈs.
16 mai 1878.
* Languedocien ( Castelnaudary et ses environs ). Orthographe montpelîî(5-
raine .
BIBLIOGRAPHIE
Los nous dé lo Honntagno, poésies patoises amusantes, pastorales, des-
criptions, dialogues comiques, élégies grotesques, épigrammes, satires, fables,
monorimes*, etc., par Alvergne (Louis) ^; ouvrage suivi de plusieurs poésies
françaises du même auteur et d'un recueil choisi d'énigmes, charades, logo-
griphes et Calembours. Rodez, de Broca, 1880 ; in-12, 284 pages.
La part du rouergat est, dans ce volume, plus considérable que celle
du français. Cent quatre-vingt-dix-huit pages appartiennent au pre-
mier, et soixante-trois au second. Si l'on en croit la préface de M. Al-
vergne, ses Flous dé lo mountagno « renfermeraient, à peu de chose)
près, tous les dialectes du vieux Rouergue », et, par conséquent, no
pourraient que sous toutes réserves donner matière à des constatations
linguistiques. L'orthographe est déparée par la notation à outrance
de Vo {otobéj oprès^ ognéls, orribo, cohono, etc.*), l'emploi de aou, eou,
oow,dans la figuration des diphthongues aw, eu, ou; l'habitude presque
générale et non moins répréhensible de ne pas écrire un e sans le
surmonter d'un accent grave ou aigu, comme si l'usage de l'un ne dis-
pensait pas de Fautre, etc . , etc.
* Le monorime est très-rare en langue d'oc, de la fin du XVI« siècle à nos
dernières années, qui ont vu M. l'abbé Joseph Roux le remettre en honneur
dans quelques-uns de ses poëmes limousins. M. A. ne s'en sert que pour les
vers de huit pieds (p. 23 et 149) et de six (97 et 115).
Il s'est parfois dispensé de suivre la règle d'alternance des rimes mascu-
lines et féminines.
' M. A. se qualifie de « membre de la Société des féiibres » et de «corres-
pondant de la Société des langues romanes. » Cette mention, — nous ne le
disons pas pour relever une inexactitude sans conséquence, — est une preuve
de l'identification que beaucoup de personnes établissent entre les deux asso-
ciations.
3 M. J.-P. Durand (de Gros) est le seul qui, dans son intéressant travail sur
le Félibrige (Rodez, Carrère, 1879; in-12) et dans ses savantes Études de phi-
lologie et de linguistique aveyronnaises (Paris, Maison ueuve, 1879; in-8o),
ait proposé de revenir à la notation des troubadours; mais il faut constater avec
regret qu'il n'a pas été suivi jusqu'ici en Rouergue. Peut-être eûl-il fait péné-
trer plus facilement ses idées en les vulgarisant sous forme de manuel ortho-
graphique, avec de nombreux exemples à l'appui, et en imaginant une sorte
d'à accentué (à ou à) pour désigner la voyelle que ses compatriotes persistent
à figurer par un o. En pareille matière, le point de transition est celui qu'il
importe de fixer tout d'abord. Voyez, d'ailleurs, sur la prononciation ancienne
de l'a et de Yo, les observations de M. CoustAnSj Revuej 3e série, 111, p. 142.
298 BIBUOaRAPHIB
Les amis de Tauteur se sont peut-être illasionnés sur le mérite lit-
téraire des Flous dé lo mountagno, qu'ils ont d'abord connues par cer-
tains essais publiés, il y a plusieurs années, dans le Journal de Saint-
Affrique^ mais ils ne se sont pas absolument abusés. Dans la note
terre à terre, facile et naïve, parfois légèrement malicieuse, qui a été
jusqu'ici particulière à presque tous les poètes aveyronnais, M. A.
rencontre d'assez bonnes inspirations, des vers bien tournés, quel-
quefois des pièces entières qu'on lit avec plaisir, lo Noço dé Piorrou
(p. 15) et une chanson de carnaval (p. 173), par exemple*. Notre re-
grettable ami, feu Joseph Baùquier, lui aurait reproché de mettre,
comme M . Vemhet père *, ses vers sous la protection des MuseB, du
Temple de Mémoire, de Pégase, et de parler de Mars, d'Apollon et de
Jupiter, ni plus ni moins qu'un contemporain de Louis XIV et de la
poésie du dernier siècle ; il aurait complété ce reproche en regrettant
que les thèmes d'une partie des Flous eussent été empruntés à des
médisances, des querelles, parfois même des cancans de petite ville.
Mais il faut reconnaître que M. A. eut pu répondre qu'il était libre
de choisir ses sujets là où il les trouvait, sans s'inquiéter autrement de
leur importance ou de leur dignité poétiques.
Le souvenir de Claude Peyrot est sensible en plus d'un passage des
Flous dé lo mountagno . Dans l'élégie burlesque : Es mort, Jean lou
Boussélou (p. 169), ces souvenirs se transforment au point de devenir
l'imitation directe ou , pour parler plus exactement, le décalque de
quelques strophes d'une des meilleures pièces du prieur de Pradinas.
Tout le monde connaît en Rouergue lo Mort de Froncésou 3, cette ode
qui déplore, dans une langue irréprochable et en des vers d'une verve
et d'une vigueur toutes lyriques, la fin d'un mendiant millavois de la
seconde moitié du XVIII* siècle :
* On trouve parfois dans les pièces de M. A. des comparaisons et des vers
frappés à la manière fine et réaliste d'Alfred de Musset :
Dé bous bèïre morcha lou copèl sus l'ooureillo,
Erén toutes chormach!
* Filabés fier é drech coummo 'n col dé bouteillo,
Lous souliès pla cirach... (P. 93»)
Un' aoutro répétab' o cal boulio Ténténdré
Qu'érés un boun éfan.
Et qu'obias, tout débou, lou cur franc è tant tendre
Coummo 'n froumaché blanc!... (P. 94.)
* Voyez Revue, 2» série, VI, 110.
3 Œuvres patoises complètes de C. Peyrot, ancien prieur de Pradinas,
4e édition. Millau, Garrère jeune, 1823; in-8o, p. 110.
BIBLIOGRAPHIE 299
Soulél, éstobonis ; Luno, combio dé caro ;
Terro, cargo lou dol: Froncésoii biou pas pus ;
Sons cap dé coumpossiou, lo doillaïro borbarô
Lou tey joust un tolus
Lous échos dé Lunsou * n'au gémit dins lours baoumos :
Tioutés lous combirous robalou t'offlictiou ;
E lo Dympho del Tar rond pas pus que dé flammos
Dins sa désoulotiou.
Mais, ô tu l sus que tout Froncésou fo souffraj;gé,
Millaou, quond tu l'obios, dé joyo éros forcit:
Aro, triste, éstounat, semblos pas qu'un billatge ; >
Toun lun s'és omourcit !
Ces vers sont loin d'être égalés par les strophes suivantes, qui au-
raient dû être accompagnées d'une note faisant connaître les obliga-
tions que l'auteur contractait envers Claude Peyrot;
Cargo lou dol, réunion millotaino.
Es mort, Jean lou Rousséloul...
Lou paour' éfan, ottroppèt lo migraino,
Sous grands omich, plouras-lou!...
Nymphos dé * Tarn, baoutros qu'ères chormados
Dés èrs d'un tal roussignol,
Lou sort cruel, n'onas èss' ottristados,
lo topot lou gorgoillol !
E tu, Millaou, qu'èros dins l'oUégrésso,
Pas que dé l'oousi sipla,
Aro seras plounjat dins lo tristesse.
Té pourroou pas counsoula !.. .
Dé tout constat on n'oousis que dé pléntos,
D'oquo dégusté ris pas ;
Tout rOboirou répèto los coumpléntos
Fourjados sus soun trépas!...
Les particularités de vocabulaire, de traditions et de coutumes, que
révèle le volume de M. A., sont plus nombreuses que celles qui se-
raient fournies par des ouvrages supérieurs en valeur littéraire, mais
appartenant à des dialectes moins négligés que le rouergat.
Parmi les expressions et les formes rares ou curieuses, il convient
de signaler les suivantes, qui, sauf les exceptions marquées d'un asté-
risque, 80 retrouvent dans le Dictionnaire patois-français du dépar-
tement de l'Aveyron, de feu l'abbé Vayssier:
^ Lieu de naissance de Froncésou, à deux lieues de Millau.
* Dé Tarn est plus conforme à l'usage populaire que le del Tar de lo Mort
de Froncésou,
300 BIBUOaRAPHIB
Bordou et bourrou, âne, 18 et 45. -^^B&uda, vouer, 161. L'abbé V.
ne cite que vouda, qu'U constdère comme appartenant à l'ancienne lan-
gue. — * Brans, cris, 104. — * Claire, clair, peut-être lumière (oZ claïré
dé Vésièllo), 44. L'abbé V. donne seulement ctor, clair. — (Jobourt, tête
stupide, imbécile, 39.— *Z>fa, diable, 194*. — Féménello, îémmme, 43.
L'abbé V. n'applique cet adjectif qu'au chanvre. — For curas, plaisant,
farceur, 207: exemple du gallicisme /orçwr, méridionalisé par l'adjonc-
tion de l'augmentatif as. — 'Ghget, caisse à jour destinée à recevoir le
fromage de Roquefort, 69. — Neno, jeune fille, et nenow, enfant, jeune
homme, 43, 79 et 94. L'abbé V. ne donne à ces mots que le sens, très-
limité, de poupon, pouponne, petite fille ou petit enfant à la mamelle.
-Panto, désir, envie, 111, 114 et 152. — Parhluro, féminin de^ar-
blu, 152. — Pillars, pâtres qui sont sous les ordres du chef des berg-ers
dans une grande bergerie, 90. — Porlaché, conversation, discours, 38 .
— Plourit profond, 190. — * Reberun, partie superficielle, croûte non
encore affermie du fromage de Roquefort ; on l'enlève avec un couteau
pour la donner aux bestiaux, 55 . — RicJieso, richesse, 63. La termi-
naison 680 disparaît de plus en plus au profit de esso . On dit encore à
Montpellier, mais très-rarement, fte/e«a, beauté. — i?o«coZa, racler, 55,
70. On appelle rascalada, en bas Languedoc, la touzelle, parce qu'elle
n'a pas de barbes comme le blé. (V. Azaïs, Dictdes idiomes rovfums, qui
donne aussi les formes rascalà et rascalhà.) — * Roucado, suite de ro-
chers, chaîne de rochers, 52. — Eoul, tronc d'arbre, 48. — Tooutas,
bourbier, mare, amas d'eau, 37, 187. Voyez l'abbé V. à l'article choutas.
— * Toyo, jeune fille, laideron, 45. Cf*. toza, jeune fille, dans la langue
des troubadours. Tocha désigne à Montpellier une jeune fille sans es-
prit et sans grâce. L'abbé V. a touillaud, gros goujat, gros joufflu, et
toulzetf petit bout d'homme. — Trébo, fantôme, revenant qui hante les
maisons, 113, mot qui existe aussi à Montpellier.
Le rouergat de M. A., si prononcé qu'il soit en faveur de la voyelle
o, donne la préférence à l'a dans perça que, forme qui ne semble pas
avoir été notée par M. Constans dans son intéressant Essai sur l'his-
toire du sous dialecte du Rouergue^:
Pérçaqué lou grand roc lous coubris de soud oumbro (53).
Pérçaqu* o né perla, siou pas estât prou lesté (99).
« Cal, joint à l'article, est à peu près tombé en désuétude, dit le
1 L'auteur écrit dia..., ce qui ferait croire qu'il considère le mot en question
comme une abréviation intentionnelle de diaples. Voyez lievue, 8e série, III,
144, ma note sur T7ms Formes négligées du substantif diable,
* Paris, Maisonneuve, 1880 ; in-8o, 264 pages.
BZBUOGRAPHIB 301
même philologue, p.8 »; j'en trouve un exemple dans les Flous dé lo
mountagno :
0 loquallo m*oou dich qu'as piatat coummo 'n cun (100);
circonstance qui serait de nature à restreindre la constatation qui pré-
cède*.
Lou quau et laqualo, qu'on essaye d'introduire, à l'heure qu'il est,
dans le provençal, sont absolument inconnus au montpelliérain popu-
laire.
L'emploi d'un adjectif masculin devant un substantif féminin n'a
laissé que cette trace dans le recueil de M. A. :
Tampla, cocquéttoroou jusquo's o lo gran* porto (^).
J'ai entendu à Montpellier : la grand messa, la grand carrieira, una
grand parUda, tma grand poriay la grand tanta, la grand mera, galli-
cisme. L'adjectif grand semblerait seul admis à bénéficier du maintien
de cette ancienne règle.
On trouve dans M. A. d'assez nombreux exemples de la préposition
à, devenue os devant une voyelle ^i
01 lioc dé perdre tèns as ona fa lo cour (52)
Sul nourabré n'io toujour que sou pas dispoousados,
Pér tal ou tal curious os essé trocossados (54).
E dôu mettre pla prèst'oi? ona bouyocha (60j.
* Je signalerai encore à M. Constans l'emploi de tout lèou dans le sens de
«bientôt » (p. 44 et 60; et celui à'ohoun, là-haut (p 58), modification (ïomoun
par la substitution tout à fait normale de Vm au b.
Parmi les adverbes, les prépositions et les interjections que M. Constans
devra admettre dans la seconde édition de son travail figurent les suivantes :
bos, vers ; caucagno, cocagne, cela est facile, cela est aisé ; demest, parmi ;
diantres, diable; dicount, où; dinquios, duntros, jusques. M. C. ne men-
tionne que jusqu'à; morcesy per amorses, à cause de ; nontouro, avant
riieure; d'obegados, parfois; odeja, déjà. M. C. mentionne seulement déjà;
rai^ môme signification que caucagno; ras^ près, etc.
2 Me sera-t-il permis de constater l'irrégularité de la figuration à-z-Âi dans
l'orthographe des félibres avignonnais? Ainsi que le faisait remarquer M. de
Villeneuve-Esclapon dans lou Prouvençau d'Aix (n» du il novembre 1877),
à propos d'un travail de M. Justin Michel sur le z euphonique et son équiva"
lent Vs douce, en provençal et en français, la notation as Ai ou az Ai est la
seule justifiée. Il est inutile de supposer l'intercalation d'une consonne eupho-
nique, par la raison que la préposition latine se termine par un d et que ce d
cocrespond régulièrement au z de la notation précitée. J'ai à peine besoin
d'ajouter que ad et as se trouvent en même temps dans les anciens textes
(voyez dans la Vida de sant Honorât, ad Arlle, 94 ; as Arlle. 93 ; ad Ays,
117), et qu'ils existent concurremment dans certains dialectes. Ad n'a pas
tout à fait disparu du lodévois populaire .
302 BIBLIOGRAPHIE
L'usage d'intercaler entre le prénom et le nom propre la préposi-
tion de se montre pages 86 et 177, où on lit les noms de Clairo dé
Boouméhu et de Cotèt dé NicouUt Cette habitude est, d'ailleurs, gé-
nérale à une partie des classes populaires dans les campagnes du Lan-
guedoc et de la Provence.
Une pièce de M. A. contient une allusion fort curieuse, probable-
ment unique dans la langue moderne, du sens de beau donné à Tad-
jectif/or«:
Se bènés, onorén faïr' uno posséjado
0 n'oquél Roquefort, poïs de g^-and rénoun,
Omaï que n'ajé pas dé poulit que lou noun (50)*.
La langue de M. A., moins bonne que celle de Peyrot, n'est pas
aussi mêlée de gallicismes que celle de M. Vernhet. On regrette ce-
pendant d'y trouver des expressions aussi peu régulières que les sui-
vantes: 0 peno, cur, ottendudo^ tout ofet, d'aiHurs^ pontoulounSj jou-
pouns, employa, chomtOj fèo^ toillur. C'est tout escas, cor, esperadOj
d'ofounsj piey (?), bragos et à la rigueur culotos ; coutillou, emplego,
olaire, fado et sartre^ qu'il aurait fallu adopter . La forme joupoun est
d'autant plus surprenante, que M. A. se sert de coutîllou (p. 84 et 85)
et que clwrrao est, p. 61, immédiatement précédé du mot olaïré.
Les comparaisons et les formules d'origine populaire sont moins
fréquentes que ne l'aurait fait supposer la provenance dialectale des
Flous dé lo mountagno. On remarque cependant les suivantes ; trempés
coummo dé rach^ mouillés comme des rats (21 et 37); fier coummo *n
ségnoUj fier comme un seigneur (31); dé sourél ou dé luno^ de soleil ou
de lune, c'est-à-dire le jour ou la nuit (42) -; séc coummo un crémal, sec
comme une crémaillère (44); cap doloousetto, tête d'alouette, cervelle
légère (58)' ; tout un fun^ toute une fumée, une grande quantité (59)^;
portas 0 mous tolous, parlez à mes talons, c'est-à-dire ^ô vous quitte (QS);
poulit coummo 'n soouy beau comme un sou [d'or(?)] ou comme un so-
leil (83); négro coummo) *n iochoUj sallo coummo 'no pénjé, noire comme
un clou de soulier, sale comme un peigne (108); ^rai» d'enduro, graisse
* Peut-être Tauteur a-t-il voulu dire que le nom de Roquefort était beau,
sans pour cela établir de rapport entre son appréciation et la signification du
nom de cette localité. Cf. la phrase française: Ce n* est pas fortàu. sens de :
Ce n'est pas bon, ce n'est pas beau.
2 Se Ty disi quicon, foro Foeureillo sourde !
Mais, ou mé pogoro dé lun' ou dé sourel (p. 196).
3 On dit à Montpellier, dans le même sens : testa de liJiota
* Dé fénnos tout un fun que foou monto-dobalo
Pér lou trigousséja
On trouve dans Claude Peyrot : Oco rendra d'argent un fun.
BIBLIOGRAPHIE 303
d^endure^ c'est-à-dire de patience (133) ^]£Hou m'oHrmé, Dieu m 'en-
gloutisse, malédiction habituelle des habitants de Saint-Affrique(138);
quand lo pouncho dél nos nous trooucoro lou béntré, quand la pointe du
nez nous trouera le ventre, quand nous serons cassés et vieux à mourir
(171), etc.
Les Flous dé h mountagno présentent, en outre, certaines particu-
larités qui méritent d'être signalées .
Dans ses Proverbes et Dictons populaires recueillis àAspiran, M. le
docteur Espagne a inséré trois vers d'après lesquels la lune serait un
soleil déchu :
La luna era un vielh sourel, autres cops :
Quand valé pas res per lou jour,
La metterou per la nioch 2.
M. A. semble faire allusion à cette croyance dans ces vers, dont le
second contient peut-être une formule populaire ;
Oï !.... Déqué mé dises? Bous èspousorio pas,
Quand souèssés doourat diquos ol cap dél nas.
Perdes pla bostré téns, bous poudès ona jaïré....
Oïmorio cent coch mai prén' un bièl obrosaïré,
Que n'oourio pas rés pus que soun salIé mèstiè,
Que dé bous coousi bous, omai soués rontiét...
N'obès pas prou sércat.... Doban que n'ojés uno,
Lou sourél se sèro combiat en bieillo luno !. .. (P. 71-72.)
Lou Comohal (p. 171-178) est une description réaliste de ce que
l'on nomme vulgairement rew^errewien^ rfw Carnaval. Il renferme le cou
plet suivant, peint, dit l'auteur, sur un écriteau suspendu à la barbe
d'un vieux bouc, lequel est mené en laisse par les tapageurs qui for-
ment le cortège ordinaire de ces mascarades :
Méno pér un courdél un bièl bouc tout ploumat,
Que port' oquél èscrich 0 so barbo pénjat :
« Odiou, paouré Cornobal,
01 coréme cal fa plaço !
* Le Petit Vocabulaire qui est à la suite des Œuvres de Peyrot mentionne
graïs de gulhado , coups de bâton. On dit à Montpellier graissa de couide,
vigueur de bras, force.
' Revue, i^ série, IV, 620. M. Brunet fait allusion à cette croyance, p. 3 de
ses Bachiquello e prouvèrbi sus la luno; Avignon, Aubanel, [1866] , in-80 :
S'es verai qu'es un paure soulèu amoussa, nous esplicarié pèr analougîo lou
tl, l'aliiranço que li chin an contre la luno. Tôuti sabon que :
Li chin japon que contre li paure espeiandra.
304 BIBLIOORAPHIB
Fas piétat ! ... 0! que sios trasso ! . . .
Odiou, paouré Cornobal ! (P. l"/ 5-176.)
A Montpellier, les vers saivants sont chantés par les meneurs de
l'enterrement, qui, à tour de rôle, font sauter en Pair un mannequin
représentant le Carnaval :
Adieu, paare,
Adieu, paure,
Adieu, paure Carnaval !
Tus t'en vas e ieu demore l
Adieu, paure Caroaval !
On n'a guère remarqué que la littérature populaire comporte des mo-
tifs religieux aussi bien que des motifs poétiques ; mais il est rare, du
moins dans le midi de la France, qu'elle ait saisi les grands côtés des
premiers. Elle pc borne plus volontiers à les amplifier dans un sens
burlesque, quelquefois ordurier, par instants même licencieux. Tel
est le cas du fonds du Sermoun de moussu Sistre^ attribué àTabbé Fa-
vre, tandis qu'il était déjà connu d*Henri Estienne, qui, au XVIe siè-
cle, utilisa une de ses versions dans V Apologie pour Hérodote^; telles
sont encore les histoires deJarfaio au Paradis^ ^ du curé et du méde-
cin de Cucugnan, qui ont eu les honneurs de VArmana prouvençau en
1867 (p. 33) et en 1868 (p. 61); tel est, enfin, un autre motif ordinai-
rement désigné sous le titre de Sermon du curé de Pierre- Buffière *,
quoiqu'on n'ait pas noté les nombreuses variantes qui en existent
et déterminé, par conséquent, le bien fondé de son attribution lo-
cale . En parlant du conte en vers qu'a écrit sur le même sujet un
des plus spirituels poètes du Périgord*, M. Chabaneau a dit avec
raison ( Reume, 2* série, V, 48-49 ) que V Apologie pour Hérodote en
contenait la première version limousine. Le curé de Pierre- Buffière est
dans sa chaire et se représente comme appelé à comparaître devant
le tribunal de Dieu, où on lui demande compte du bien que n'ont pas
fait ses ouailles :
* Je n'ai pas le mérite de cette constatation, qui a été faite pour la première
fois par Martin, dans ses Loisirs d'un Languedocien; Montpellier, 1827, in-So,
p. 292 (note).
3 II s'agit, non du conte eu vers de M. Roumieux, devenu ensuite une des
parties de la Jarjaiado, mais du conte en prose écrit par Mistral, sous la
dictée deReboul,et inséré dhn^V Armana prouvençau à.e l'année 1864, p. 45.
Comme beaucoup d'autres récits de l'auteur de Mirèio, il est signé lou Cas-
carelet.
3 Petite ville du département de la Haute-Vienne.
* M. Auguste Chastanet, dans ses Counteis e Viorlas Ribérac, Delacroix,
1877; in-8% 32 pages.
BIBLlOaRAPHUS 305
« Qaan se vendre lou jour deu jugamen, Dieu me demandero que
you li rende comte de vou autre, et me apelaro: Chapelo de Peyre-
bufieyro, en quai e3rtat son ta olia? Et you ny mot. Et eu m'apelaro
enquero et dire: Chapelo de Peyrebufîeyro, en quai eytat son ta olia?
Et you ni mot. Et enquero eu me diro : Chapelo de Peyrebufieyro, en
quai eytat son ta olia? Jusque a tre viage. Et you li reypondrai :
Seigne, beytie la m'a beylada,e beytia la te rendi *. »
En entrant dans la littérature populaire, le thème que l'on vient de
lire n'a pas sensiblement changé. L'auteur du Sermou de Bideren, écrit
en Béam dans la seconde moitié du dernier siècle, s'est borné à l'aug-
menter de quelques détails d'un goûta demi voltairien. Il sacrifiait au
genre et à l'idole du moment. Le curé, qui s'entend appeler par Jésus-
Christ, doute l'espace de quelques instants ; il ne veut pas se fier à la
voix qui remplit la vallée de Josaphat, car, remarque-t-il, le monde est
aujourd'hui plein « de caneiille. » Le dialogue recommence une seconde
fois, et enfin le curé amène ses paroissiens et ses paroissiennes devant
le tribunal divin:
« Labetz Jesus-Christcoumencera per nous, parce que les derniers
seront les premiers et les premiers seront les derniers ; que m'aperara a
you, coum estant boste pastou, et que-m disera d'ue boutz qui hara
trembla la circonférence du ciel : — <l Hou, Curé de Bideren, hoii ! ... »
Boila ue fière boutz I Ah ! la terrible boutz ! Beyam si ey eth ; nou s'y
eau pas trop hida ; hoey lou die tout qu'ey plee de canalhe. . . D'ail-
leurs, il est dit dans V Évangile quCj dans les derniers temps, il y awa
de faim prophètes qui prendront la voix du "bon pasteur Si ey eth,
que s'y toumara ; encoère lou boun Diu que-m tournara apera mey hort
que lou prumé cop, et que-m disera : — Ho, ho, hoiil Curé de Bideren,
ho, hoii, houl!. . . »
« Nou y-ha pas mey a dise mon bel ami; respoune que eau. — Plaît-
il^ mon Dieu! — Sabi aci. Curé *.
j> Mais, sans perdre de temps, à peine seroiis-nous arribatz debant lou
boun Diu, que lou boun Diu me disera: — Adiu, Curé de Bideren I —
Adichatz, boun Diu ! — Quin te portes, Curé ? — A boste serbici ; e
bous, si-p platz, si nou 8o;uy pas trop curions? — Au tou, Curé. —
Que-p arremarcii hère, que-m hetz haunou. — E bos bebe u cop? — G
plaa, et dus, si eau. . . Il me fera boire deux coups, pour vous montrer
qu'au paradis on donne deux fois plus que sur la terre, et qus le bon
* Apologie pour Hérodote, !»• édition, 1566, p. 450451, citée par M. Cha-
baneau, Revite, 2» série, V, p. 49.
s Nous supprimons ici les réflexioDS burlesques qui servent de trariRition à
l'arrivée devant Dieu des ouailles du curé de Bideren.
306 BIBLIOaRAPHIB
Dieu n'est pa$ u sarre-brouquet. . . . PuixB, que-m demandara: — Quin
te las bas birades dab aqueste paropi, Curé ? — Bah I que bouletz que-p
digui, moun Diul BèetiH qu'euB m'habetz datz, et bèstis qu'eus pe
tourni. . . , oun nou pot tira sang d'ue arrabe. ...*.»
Un opuscule poétique envers Iodé vois: Très Sermons en patouès,
praunaunçaisper un cudat d'aï pay s %dti à feu M. C[asimir M[ai8tre],
contient une version contemporaine du même motif populaire. Le curé
de Villeneuvette, petit village situé aux portes de Clermont-l'Hérault,
l'encadre dans un sermon sur la fainéantise et la passion du jeu :
A^ juchaméa darniè toutes coamparétrén,
Et malhur al mourtel douot séro mécountén.
Qaand béndro nostré tour, mé cridado : « Touènetta,
Dé qu'as fach del troupel de ta Billanobetta?
5 Un tel, un tel, un tel, que fabio counâat,
Costra ma sainta ley n'oou pas jamay faoutat?
Obi pénible moumén, question émbarrassanta
Fer un pastre souègucus qu'o pas Tâma michanta !
D'abord diraï pas mot, mêmes m'aclatadaï ;
10 Mais cadre bé fini per parla se y plaï....
Que faîdé en padel cas?... . En touta counsciénça,
Didé la béditat, malgré sa counséquéuça.
« Maistre, l'y réspoundraï, parmi bostrés éfans.
M'en abias counûat qu'édou pla fénéaDs I
15 Afin dé y ébita la puoitiou darnièyda
Mé sioy dégousillat sus la sainta cadieyda ;
Aï fach ce qu'aï pouscut për lous rendre mious.
Mais lous malins esprich sou bénguch jougadous. . . .
Michans lous aï troubach, pus michans bou lous rende ^. »
On assure que M. Casimir Maistre fut si satisfait de son œuvre qu'il
voulut, quoique laïque, la réciter lui-même àrissue de la grand' messe,
dans l'église de Villeneuvette, fantaisie qui lui attira des censures de
de la part M.Thibaut, alors évêque du diocèse de Montpellier. Divers
détails de sa pièce sembleraient indiquer qu'il connaissait le Sermon
* Le Sermon du Curé de Bideren (XVIIle siècle). Pau, Léon Ribaut, 1873;
in^o, p. 10-12.
Bideren est un village aujourd'hui aunexé à la commuae d'Autevielle, dans
le canton de Sauveterre, arroudissemeat d'Orlhez (Basses-Pyrénées).
Le sermon porte la date de 1775, qui pourrait bien être l'année de sa com-
position.
• Très Sermous en patouès, prounounçats per un cudat d'aï pays, par
C . . . M. . . Lodève, Grillières, 1867; in-8o, 36 pages. Le titre intérieur porte:
del pays, diSèrence qui s'explique par l'emploi simultané de ces deux génitifs
dans presque tout l'ancien pays lodévois.
BIBLIOGRAPHIE 307
du cwréde Bideren. Toujours est-il que le thème en question est resté
populaire dans le pays lodévois *, On en cite même une version en
prose qui porté le titre de Sermon du curé des Plans, petite localité
des environs de Lodève, d'après un renseignement qui m*est fourni
par M. le docteur Espagne.
Mais là ne s'est pas arrêtée sa dernière modification, car los Flous dé
lo mountagno en contiennent une nouvelle que je citerai ici, à cause
de son peu d'étendue : \
Mais oquéllo porouèsso
D'éscouta soun curât n'obio pas gaïré presse I . . .
Oquél homme poudio dir' ol pèr' Eternel :
« iMoun Dious ! Dé que foraï d' oquél paouré troupèl !
Se pér lou coumbérti, mé ses pas sécouraplé,
Démouroro coput, séro toujour oïssaplé ! . . . .
0 né tira quicon, jomaï réussirai':
Bèstio l'aï réssochut, bèstio lou loïssoraï I . . .
Quand bostré Sént-Esprit sus aoutrés dobolabo,
Oquél poplé, cal sap oùn diantrés se troubabo?» (P. i23-124.)
Il est inutile de dire que lou Curet de Peiro-Buflero, de M. Chas-
tanet-, est par la finesse, la facilité et le goût qui s'y montrent, souvent
même par la hauteur de sa poésie, mille fois supérieur aux sermons
divers qui viennent d'être sommairement signalés ^ .
A. Roque-Ferrier.
* Très Sermons, p. 5-6. Il a dû circuler dans le département de l'Hérault
des copies manuscrites du sermon auquel nous empruntons cette citation, car
ia Société doit à M. Guichard (communication faite en séance du 2 février
1881) le don d'un Sermoun contro la feneantiso et lou vice del joc, qui
n'est autre que le premier de ceux qu'avait composés Casimir Maistre. 11 ne
contient que quatre-vingt-dix-huit vers, tandis que le texte imprimé en compte
cent trente-quatre.
Voici les variantes des vers cités plus haut:
Vers 3, Quand nostre temps vendro, me dire: Ou Pierrette; 6, plusieurs
coch ou manquât ; 8, Per un home de pais ; 12, Cal be, mal gré, boun gré dire
ce que l'on pensa; 13, Maistre; 14, M'en abés; 18, Mais en resten fegnans.
M. Guichard avait recueilli son manuscrit des mains d'une personne de Bé-
darieux (Hérault).
* P* 5 des Counteis e Viorlas.
3 II existe en Provence deux sermons à demi burlesques où Ton tenterait
vainement de chercher la persistance du thème qui constitue le sermon du
curé de Pierre-Buffière :
lo Eou Travai et la Finiantiso, Sermoun doou cura Rafi, mesclade
CHRONIQUE
Communications faites en séanck de la Société. — 9 novembre.
— Collation des manuscrits du Lai de l'Ombre, par M. A. Boucherie ;
Les Premières Vies des troubadours de Jean de Nostredame, par
M. C. Chabaneau ;
Le Mystère de saint Eustache (XV*-XV1« siècles), par M. Tabbé
Paul Guillaume ;
La Fiho dôu lausié, — à Louvis Astruc, poésies provençales, par
M. Louis Roumieux.
16 novembre. — De Lombardo et Lumaca^ poésie latine attribuée à
Ovide dans le ms. 6111 de la Bibliothèque nationale, par M. A. Bou-
cherie ;
Sonnet languedocien ( environs de Montpellier ) sur la f élibrée de
Méric, par un anonyme ;
Désastres dont Saint- Pons fut le théâtre en 1709, poésie languedo-
cienne de Guiraud dit Saquet, par M . Melchior BarÛiés ;
Per le Frount d'un mainatchau, poésie languedocienne (Castelnau-
dary et ses environ»), par M. Auguste Fourès.
7 décembre . r- Les Cas régimes des pronoms personnels et du pro-
nom relatif, par M. Léon Clédat ;
Description et extraits du manuscrit 332 de la Bibliothèque de
Carpentras. — Les poésies provençales du manuscrit de Wolfenbiittel,
par M. Emile Lévy ;
Notes de philologie rouergate, par M. Durand (de Gros).
M. Thomas, ancien élève de TEcole française de Rome, vient d'être
nommé maître de conférences de langue et de littérature française
du moyen âge à la Faculté des lettres de Toulouse. Le nouveau titulaire
est avantageusement connudesérudits,etlai?6«wea déjà eu l'occasion
de signaler quelques-unes de ses publications.
Dons faits a la Bibliothèque de la Société. — Armana pron-
vençau pèr lou bel an de Dieu 1882, adouba e publica de la m an di
prouvet'bi^ sentenços, maximos et mouralos en vers prouvençaous, se-
goundo editien^per Desanat. (Je ne connais pas la première.) Tarascon, 1847,
in-8o, 32 pages;
2° Lou Testament doou paoure Mouar, suivi d*oou Sermoun d'un cura
de uzV/agri, per Jules Lejoardan. Marsilho, Librarié prouvençalo, 1851 ; in-8o,
16 pages.
La conclusioD du sermon du curé est nettement visée par le dicton suivant :
c Bestie me las baillait, et bestie lous rende », que donnent les Proverbes du
Languedoc, de Rulman {ftet^ue, 3e série, U, 47).
CHRONIQUE 309
felibre. En Avignoun, Roumanille, 1881; in-12, 112 pages (don de
M. Roumanille);
Centre catalanista provensalench. Primer certamen literari célé-
brât en S. Marti de Provensals en lo dia 11 de novembre de 1880 en lo
local del Teatro provensalense. Barcelona, la Renaixensa, 1881; in-8**,
128 pages ;
Certamen catalanista de la Joventut catolica de Barcelona, any III,
1881. Barcelona, Estampa penins.ular, 1881; in-8°, 232 pages;
Extrait du recueil de cantiques spirituels imprimés par ordre de
Mgr • Jérôme-Marie Champion de Cicé, etc., contenant les formules,
pratiques, prières et cantiques pour les catéchismes, les retraites et
la première communion, en français et en provençal. Marseille, Mossy,
1809; in-12, 228 pages (don de M. Clair Gleizes);
Facsimili di antichi manoscritti peruso délie scuole di filologia neo-
latina, pubblicati da Ernesto ISJonaci, fasc. I. Roma, Martelli, 1881;
in-folio, 2 pages et 25 planches ;
Le Long de l'an, sansons, rime et fianfiourne de Dian de la Jeanna
(avec la traduction française en regard). Chambéry, Ménard, 1878;
in-8<^, 82 pages (don de Fauteur, M^® Amélie Gex, de Chambéry) ;
Le Semestre et le Sabre, relation des troubles du Semestre en Pro-
vence, publiée d'après un manuscrit inédit de la Bibliothèque Mé-
janes et accompagnée d'une introduction, de notes et d'une table, par
Albert Savine. Aix-en-Provence, Guitton-Talamel, 1881; in-8°, viii-
284 pages ;
Lo Rat-penat, Societat de amadors de les glories valencianes. Dis-
eurs del Président D. Rafel Ferrer y Bigné. Valencia, Emili Pasqual,
1881 ; in-8o, 8 pages ;
Lou Cacho-fiô, annuàri prouvençau pèr l'an de gràci 1881, publica-
cioun d'uno tiero de felibre. Avignoun, Durand, 1880; in-12, 112 pages
(don du Frère Savinien, des Ecoles chrétiennes);
Lou Cacho-fiô, annuàri prouvençau pèr l'an de gràci 1882, publica-
cioun d'uno tiero de felibre. Avignoun, Durand, 1881; in-12, 120 pages
(don du Frère Savinien, des Ecoles chrétiennes) ;
Ministero dell' Interne, Direzione générale di statistica. Carte topo-
grafiche, idrografiche e geologiche, annesse alla monografia statistica
délia città di Roma et Campagna romana, presentata ail' Esposizione
universale di Parigi,1878; gr. in-folio, 11 cartes (don de M. le docteur
Obédénare);
Recueil de cantiques spirituels seuls approuvés par Mgr. Jérôme-
Marie Champion de Cicé, archevêque d'Aix et d'Arles, pour être en
usage dans son diocèse. Marseille, Jean Mossy, 1805; in-12, 120 pages;
— Cantiques spirituels des missions, imprimés par ordre de Mgr. Jé-
rôme-Marie Champion de Cicé» archevêque d'Aix et d'Arles, seuls à
l'usage de son diocèse (en langue provençale). Marseille, Mossy, 1805;
in-12, 108 pages (don de M. Clair Gleizes);
Briz (Francesch Pelay) : la Orientada, poema. Barcelona, Joan Roca
y Bros [1881]; in-8o, 306 pages ;
Chastan (Auguste): Commode, empereur romain, satyre aristopha-
nisée, suivie de poésies en français et en patois régulier simplifié.
Nyons, Bonnardel, 1874; in-12, 60 pages (don de M. Clair Gleizes);
Conti (Armand de Bourbon prince de): Traité de la Comédie et des
Spectacles, neue ausgabe von Karl VoUmôUer. Heilbronn, Hennin -
ger, 1881; in-12, xx-104 pages (don de M. Henninger);
24
310 CHRONIQUE
Courdouan (Biaise): Mes Délassements, poésies françaises et pro-
vençales, troisième livraison. Marseille, Olive, 1871; m-8®, p. 49-72
(don de M. Clair Gleizes);
Desanat: leis Hépublicaino prouvençalo, chansons nouvelles de
circonstance, en vers provençaux. Arles, Dumas, 1848; in'-12, 24 pages
(don de M. Qair Gleizes);
Gaut (J.-B.): leis Set Pecat capîtau en sounet. Ais, Empremarié
felibrenco, 1881; in-12, 12 pages;
Gras (Félix): Toloza, geste provençale avec la traduction française
littérale. Paris, Fischbacher, 1882; in-12, 504 pages;
Lieutaud (V.): la Cour d'Amour, desconortz, paraulo d'en V.Lieu-
taud, musico de Marius Audran, dedicado à Misé J.-F. Mistral-Ber-
nard. Marsiho, Pépin fraire, 1881; in-4«, 4 pages (don de M. Lieu-
taud);
Maurel (Ant.) : le Mystère de la Naissance de N.-S. Jésus -Christ,
pastorale en quatre actes, en vers français et provençaux, contenant
Hérode et les Mages, poëme dramatique de M. le baron Gaston de
Flotte , précédé d'une introduction par M. Tabbé Bayle. Marseille,
Arnaud et Cie, 1866; in-16, 112 pages (don de M. Clair Gleizes);
Monard (Victor): Résumé de rafiaire Rosette Tamisier en vers pa-
tois. Carpentras, veuve Proget, S.D.; in-16, 16 pages (don de M. Clair
Gleizes);
Obédénare (le docteur): Région danubienne (Roumanie, Serbie et
Bulgarie) [Anthropologie, ethnographie et géographie physique]; Paris,
Masson, 1881; in-8°, p. 536 à 628 (Extrait du Dictionnaire encyclopé-
dique des sciences médicales);
Pasquier (F.): Déclaration de Louis XIV sur la perte de Barcelone
en 1652, et autres documents sur les événements de Catalogne de 1651
à 1660. Paris, Picard, 1881;in-8«, 40 pages;
Reinaud: Notice sur la Gazette arabe de Beyrouth, lue dans la
séance générale de la Société asiatique du 29 juin 1858. Paris, Im-
primerie impériale, 1858; in-8**, 24 pages (don de M. Clair Gleizes);
Vingt-six numéros de la Revue de Saint- Pons (a.njiéeelS4:l à 1867),
renfermant des textes en langue d'oc et des indications diverses (don
de M. Clair Gleizes);
Neuf numéros du Saini-Ponais (années 1841,1842 et 1843), renfer-
mant des textes en langue d'oc et des indications diverses (don de
M. Clair Gleizes);
Trente-trois journaux donnés par MM. Louis Astruc (1), Théodore
Aubanel (1), deBerluc-Perussis(3), Clair Gleizes (7),Firmin Bois8ini2),
Rodolphe Burgue8(l), Auguste Fourès (1), Eustache Fricon (4), Ernest
Hamelin (2), Mistral (4), Roque-Ferrier (6) et Albert Savine (ij .
Le gérant responsable : Ernest Hambun.
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME SIXIÈME DE LA TROISIÈME SÉRIE
DIALECTES ANCIENS
Le Langage de Savines en 1442 (l'abbé Paul Guillaume). 6
Poésies inédites d'Amaut de Mareuil (C. Chabaneau). 63
Paraphrase des Psaumes de la Pénitence (C. Chabaneau) . 69
Les Manuscrits provençaux de Cheltenham. — I. Un nouveau
chansonnier provençal. Additions (L. Constans) . 106
Les Manuscrits provençaux de Cheltenham. — II. Le Chan-
sonnier Mac-Carthy (L . Constans) . 121
Chanson inédite de Peire Rogier (C. Chabaneau). 139
Les Manuscrits provençaux de Cheltenham . — III . La Cour
d'amour (L. Constans). 157-209-261
DIALEÇTBS MODERNES
Glossaire des Comparaisons populaires du Narbonnais et du
Carcassez (Suite) (A. Mib) . 16-221
Poésies languedociennes de Léon Bouvière (Suite et fin) (le vi-
comte de Vallat) . 86
L'Atlantide (Albert Savine). 180
Etudes sur le patois de la Creuse (le docteur Vincent). 277
Comparaisons populaires les plus usitées dans le dialecte ca- ^O/
talan-roussillonnais (J. Pépbatx). 4U&^2i^^^
POÉSIES
La Fadeta d'en garriga (A . Langlade) . 26
Un de mai (A. Tavan) . 28
La Fedo e lou Bartas (G. Azaïs). 29
La Mort de l'Amour (A. Foubès) . 30
Peire Rogier (l'abbé Joseph Roux). 89
L'Estatueto (A. Foubès). 92
Entouras-me d'enfant (William-C. Bonafaete-Wyse) . 141
Moun enfantoun (P. Chassabt). 142
L'Unenco (Théodore Aubanel) 187
Moun toutoun Giraumoun (A. Chabtanet). 227
aar-Escur (Paul Gaussen) . 290
A Mario B. . . (G. Azaïs). 293
Nostris Sabucs (A. Foubès). 294
VARIETES
Termes de chapellerie qui ne se trouvent pas dans le Diction-
naire de M. Littré, ou n'y sont pas indiqués avec leur sens
spécial (C. P.) 31
312 TABLE DES MATIÈRES
L'Espozalici de Nostra Dona (C. Chabaneau). 83
La Comparaison populaire Es poulido coumo ua sbu (Frédéric
DoNNADiBU. — A. Roqub-Ferribr). 189
Les Manuscrits provençaux de Cheltenham. CorrectionB (C.
Chabansau). 231
Sur un miracle de la c Vida de San! Honorât » et sur la date
probable de la composition du€ Sant Hermentari » (A. Boque-
Ferrieb). 236
L'Inscription de la Coupe du roi Bené (A« Roque-Ferrier^. 245
BIBUOORAPHIE
Brinde ei tradutour en vers francés deis obro dei f elibre, par
M. F. Vidal (A. Roqtje-Ferrier). 36
Congrès scientifique de France. Session de Nice (A. Boque-
Ferrier). 39
Les Deux Entrées du très-chrétien roi de France à Vienne, par
M. le chanoine U. Chevalier (A. Roque-Ferrier) . 94
La Boumanie dans la littérature du midi de la France (A. Bo-
que-Ferribr). 143
Lou Carret de Nime, par M. Jean Gaidan (A. Boque-Ferrier). 199
Daurel et Béton , chaiison de geste provençale p. par M. Paul
Meyer (C. Chabaneau) . 246
Los Flous dé lo mountagno, par M. Alvergne (A. Boque-Fer-
rier). 297
PÉRIODIQUES
Bulletin de la Société de Tam-et-Garonne (A. Boque-Fbrrier), 45
Bulletin de la Société d'études de la ville de Draguignan ( A.
Boque-Fbrrier). 96
Zeitschrift fiir romanische Philologie (L. Constans). 204
' Chronique. 60- 103-166-207-308
Errata. 62
Table des matières. 310
Montpellier. — Imprimbrib centrale do Midi (Hamelin Frères)
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