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Full text of "Revue des langues romanes"

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Toronto 

LiBRARV 


REVUE 


LANGUES  ROMANES 


REVUE 


DES 


LANGUES  ROMANES 


Tome  XLVllI 


¥•=   Série   —   Tome    VIII 


SOCIÉTÉ  DES  LANGUES  ROMANES 

MONTPELLIER 


2 

'RU 


REVUE 


DES 


LANGUES  ROMANES 


LA  SUITE  DU  PARTHENOPEU  DE  RLOIS 

ET    LA    VERSION    HOLLANDAISE 


Le  Parthénopeu  de  Blois,  tel  que  nous  le  donnent  les  mss. 
français',  nous  est  parvenu  dans  deux  rédactions  différentes  : 
l'une  («)  qu'est  seul  à  représenter  le  ras.  A ,  l'autre  (/3)  que  con- 
tiennent tous  les  autres  mss.  En  1834  Crapelet  a  publié  le 
texte  d'A^;  pour  l'autre  version,  nous  devons  la  chercher 
dans  les  divers  mss.  français^  —  dont  le  plus  grand  nombre 
se  trouve  à  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris  —  et  dans  les 
traductions  étrangères. 

Pour  leur  première  partie,  ces  deux  rédactions  sont  à  peu 
près  identiques  ;  la  divergence  ne  commence  qu'après  le  vers 
9163  de  l'édition  de  Crapelet.  La  question  est  donc  de  savoir 
laquelle  des  deux  suites  a  été  écrite  par  l'auteur  de  la  pre- 
mière partie,  et  c'est  à  cette  question  que  nous  essaierons  de 
répondre  dans  cet  article. 

•  Je  ne  parle  pas  de  la  version  représentée  par  les  traductions  danoise 
islandaise,  anglaise,    espagnole  qui  forment  un  groupe  à  part. 

^  Pnvtonopeus  de  Blois,  piihlié  pour  la  première  fois  d'après  le  manus- 
crit de  l'Arsenal ,  par  G.  A.  Crapelet.  Paris,  1S34. 

'  E.  Pfeiffer,  Ueberdie  Handschriften  des  altfranzôsischetiRoynansPar- 
tonopcus  de  Blois  1885,  (Ausg.  u.  Abh.  aus  d.  Geb.  d.  rom.  Phil.  XXV). 


6  LA  SUITE  DU  PARTHÉNOPEU    DE   BLOIS 

Mais  dès  l'abord  une  difficulté  se  présente.  Ni  la  version  a 
ni  la  version  /3  ne  nous  est  parvenue  dans  un  état  complet.  Je 
ne  parle  pas  de  la  grande  lacune  de  plus  de  1200  vers  qui  se 
trouve  dans  le  ms.  A.  ni  des  nombreuses  petites  lacunes  que 
tous  les  rass.  nous  présentent  —  elles  n'ont  pas  d'importance 
pour  notre  sujet  —  ,  ce  qui  rend  notre  problème  particulière- 
ment difficile  à  résoudre,  c'est  que  la  fin  manque  aux  deux 
versions  également. 

Pour  la  versiona,la  perte,  je  crois,  n'est  pas  grave.  Parthé- 
nopeu  a  tué  son  rival  et  reconquis  sa  Mélior  ;  chacun  des 
personnages  a  trouvé  sa  dame,  un  triple  mariage  a  lieu  ;  c'est 
au  milieu  de  la  description  des  noces  que  notre  ms.  s'arrête 
brusquement.  Evidemment,  il  lui  manque  seulement  quelques 
vers. 

11  n'en  est  pas  de  même  de  la  version  /3.  Après  le  tournoi 
d'où  Parthénopeu  est  sorti  vainqueur  le  Soudan  de  Perse  est 
parti  furieux  ;  il  revient  avec  une  grande  armée  pour  se  ven- 
ger et  pour  s'emparer  de  Mélior  ;  de  nombreux  combats  ont 
lieu  près  de  Mal-Bréon,  la  demeure  d'Ernol  ;  des  pourparlers 
sont  engagés  de  part  et  d'autre.  Quelle  en  est  l'issue  ?  Nous  ne 
le  savons  pas.  Tous  les  mss.  français  s'arrêtent  au  milieu  des 
combats  ;  seul,  le  ms.  de  Tours  nous  mène  beaucoup  plus  loin  : 
il  raconte  la  fin  des  batailles,  la  conclusion  des  trêves,  puis 
ajoute,  pour  finir,  quelques  vers  qui  ne  sont  certainement  pas 
de  l'auteur  de  notre  roman.  A  leur  place,  heureusement,  une 
des  versions  étrangères,  la  traduction  néerlandaise,  continue 
le  récit  pendant  800  vers  environ  ;  mais,  elle  aussi,  s'arrête 
bientôt  —  l'original  qu'elle  suivait,  n'allait  pas  plus  loin  '  — , 


•  Hier  indet  in  walsche  ;  vondics  meere, 
le  dichtet  in  mijns  lieves  eeve, 
Diet  mi  wel  verghelden  sal. 
God  gheve  haer  ère  ende  goet  gheval, 
Ende  na  dit  leven  hemelrikc. 
Ende  mi  met  hare  al  die  ghelike!  (Bs.  8401-8406.) 

(Ici  prend  fia  le  texte  français  ;  si  j'en  trouvais  davantage,  je  le  met- 
trais en  vers  en  l'honneur  de  madame  qui  m'en  récompensera  bien. 
Que  Dieu  lui  accorde  (sur  la  terre)  toute  sorte  d'honneur  et  de  félicité, 
qu'il  lui  réserve  une  place  dans  son  royaume  après  cette  vie,  en  m'ac- 
cordant  auprès  d'elle  la  même  faveur.) 


ET   LA    VERSION    HOLLANDAISE  7 

et  nous  laisse  dans  l'incertitude  sur  le  sort  des  principaux 
personnages. 

Cette  circonstance  rend  très  délicate  une  solution  de  notre 
problème.  Il  est  certain  pourtant  que  nous  ne  pouvons  espérer 
le  résoudre  que  par  l'étude  du  ms.  T  —  qui  n'a  guère  été 
examiné  jusqu'ici  —  et  de  la  version  hollandaise.  Mais, 
avant  de  recourir  à  une  version  étrangère  il  est  toujours 
nécessaire  de  se  convaincre  de  sa  valeur.  Aussi  y  aura-t-il 
intérêt  à  l'examiner  de  plus  près,  à  voir  si  la  manière  dont 
elle  a  été  composée  nous  permet  de  nous  en  servir  ou  doit, 
nous  mettre  en  garde,  enfin  il  faudrait  savoir  quel  est  le  ms. 
français  qu'elle  a  pu  suivre. 

Cette  étude  nous  sera  particulièrement  facilitée  par  le  tra- 
vail de  M.  van  Berkum,  de  M iddelnederlandsche  beiverking  van 
den  Parthonopeus -roman  en  haar v er houding  tôt  het  oud-Fransche 
or i g ine e l  (diss.  Leide,  1897). 

La  version  néerlandaise  ne  nous  est  malheureusement  par- 
venue que  par  fragments,  ceux  de  Lejde,de  Cologne, de  Hoens- 
broeck,  de  Berlin,  de  Trêves,  de  Groningue,  ceux  enfin  de 
Bruxelles  qui  sont  de  beaucoup  les  plus  considérables.  Ils 
n'appartiennent  pas  tous  au  même  ms.,  mais  à  quatre  mss. 
différents  qui,  comme  on  le  voit  quand  on  les  compare  entre 
eux  et  avec  l'original  français, doivent  remonter  aune  version 
antérieure,  aujourd'hui  perdue. 

Les  fragments  jusqu'ici  connus,  représentant  un  peu  plus  de 
9.000  vers,  ont  été  publiés  pour  la  plus  grande  partie  par 
Bormans,  Ouddietsche  fragmenten  van  den  Parthonopeus  van 
Bloys,  Bruxelles,  187L  De()uis  cette  édition,  deux  petits 
fragments  ont  encore  été  découverts  et  publiés,  l'un  par  Eelco 
Verwijs  dans  les  Handelmgen  en  Mededeeh'ngen  der  Ned.  Lett. 
te  Leiden,  1872,  p.  11-24  ;  l'autre  par  W.  Seelmann  dans  le 
Jahrbuch  des  Vereins  f.  niederdeutsche  Sprachforschung,  1885, 
XI,  p.  170.  Bien  que  l'éLlilion  de  Bormans  ne  réponde  pas  à 
ce  qu'on  peut  exiger  d'une  édition  critique,  elle  nous  suffit 
pour  le  but  que  nous  nous  proposons. 

Ce  but  est  d'examiner  si  la  vt'rsion  néerlandaise  est  fidèle  et 
si  donc  nous  pouvons  nous  reposer  sur  elle,  quand  l'original 
nous  fait  défaut.  Mais  puisque  les  mss.  français  sont  nombreux, 
il  faut  d'abord  tâcher  d'établir  quel  est  le  ms.  qui  a  été  suivi 
par  la  traduction  néerlandaise. 


8         LA  SUITE  DU  PARTHÉNOPEU  DE  BLOIS 

Il  va  de  soi  que,  pour  une  étude  comme  celle-ci,  je  n'ai  pu 
comparer  tous  les  mss.  français,  travail  qui  exigerait  beaucoup 
de  temps  et  dont  pouvait  me  dispenser  d'ailleurs  la  thèse  de 
M.  van  Berkum.  Ce  savant  a  noté  avec  une  rare  exactitude 
toutes  les  divergences  qui  existent  entre  la  version  hollandaise 
et  six  des  mss.  français  Malheureusement,  il  n'a  pas  eu  l'occa- 
sion de  comparer  le  ms.  de  Tours,  qui,  pourtant,  est  indis- 
pensable, si  l'on  veut  bien  juger  de  la  suite  du  roman.  J'ai 
donc  tâché  de  combler  cette  lacune  en  comparant  avec  ce  ms. 
tous  les  passades  en  question  et  en  étudiant  plus  particulière- 
ment la  seconde  partie. 

Or,  il  n'est  pas  inutile  de  noter  que,  dans  une  pareille  com- 
paraison, toutes  les  divergences  n'ont  pas  la  même  valeur. 
Il  peut  j  avoir  des  cas  où  l'auteur  n'a  pas  bien  lu,  n'a  pas  bien 
compris  le  passage  correspondant  du  français,  où  le  besoin  de 
la  rime  l'a  obligé  à  modifier  un  peu  l'original  ;  il  peut  même 
y  avoir  des  omissions  qui  ne  prouvent  pas  encore  nécessaire- 
ment que  l'auteur  de  la  version  ait  eu  un  autre  ms.  entre  les 
mains.  Il  faut  regarder,  examiner,  peser  chaque  passage  en 
particulier  :  une  seule  divergence  importante  vaut  plus  que 
dix  autres  contestables  ;  ce  qui  surtout  doit  être  intéressant 
dans  notre  recherche,  ce  sont  les  passages  où  il  y  a  plusieurs 
vers  intercalés,  en  hollandais,  qui  ne  se  retrouvent  que  dans 
quelques  mss.  français  '. 

Or,  il  me  semble  que  M.  v.  B.  a  prêté  trop  peu  d'attention 
à  cela,  quand,  à  la  page  38  de  son  travail,  il  nous  énumère 
tous  les  cas  où  la  version  néerlandaise  correspond  avec  les 
divers  mss.  français  et  tous  les  cas  où  elle  en  difi'ère,  puis 
soustrait  le  nombre  de  ces  cas  l'un  de  l'autre,  croyant  que, 
de  cette  façon,  il  nous  offre  exactement  le  degré  d'affinité  qui 


*  Ainsi  au  vers  1921  G  a  totes  gois,  ABPT  povres  ijens.  Le  fait  que 
le  holl.  a  traduit  rike  ende  arme  (Bs.  1270)  ne  prouve  rien.  De  même  vs  5901 
B  G  aie  et  venu,  A  BT  a/e  et  veu,  holl.  zoeken  (Bs.  2642);  vs  6025  G  P  Si  faint 
une  fahe  nooelle,  A  B  Si  fait  une  fause  novele,  holl.  Va7i  eiie  scoondev 
f/heveinsder  loffhe?i  Seide  soe  hein  (Bs.  2775).  Un  peu  plus  de  valeur  peut- 
être  ont  les  passages  tels  que  vs.  2416  svv.  où  GPT  nous  donnent  le  dis- 
cours direct,  AB  le  discours  indirect,  quoique  l'argument  ne  soit  pas 
concluant  pour  ceux  qui  savent  combien  de  fois  le  traducteur  a  modifie 
l'un  et  l'autre. 


ET    LA    VERSION    HOLLANDAISE  y 

existe  entre  les  mss.  français  et  le  ms.  perdu  qu'a  suivi  notre 
traducteur.  Il  saute  aux  yeux  que  cette  méthode  ne  peut 
être  la  vraie  et  doit  être  blâmée,  même  si,  par  hasard,  le 
résultat  n'a  pas  besoin  d'être  rectifié  ^  Mais,  de  plus,  il  me 
semble  qu'il  y  a,  dans  le  compte  lui-même,  une  erreur  consi- 
dérable. Voici,  en  eflet,  ce  que  M.  v.  B.  nous  donne  ; 

Nombre  de  fois  que  la  trad.  correspond  avec         diffère  de 

ABGPFC     ABGPFC 
Selon  la  différ.  des  leçons  17  26  31  24  4         19  10  11  17  2 
Selon  les  interpolations  50  43  65  42  4  5      9  35  13  36  3 

67  69  96  66  8  5    28  51  24  53  5 

ABGPFC 

Nombre  des  passages  correspondants  67  69  90  66  8  5 
—  —  divergents  28  51  24  53  5 

39  18  72  13  3  5 

Le  résultat  de  la  soustraction  doit  donner,  comme  il  a  été 
dit,  le  degré  d'affinité  entre  les  mss.  français  et  la  source  de 
la  version  néerlandaise.  11  est  évident  que  ce  résultat  est 
inexact  :  en  eff'et,  M.  v.  B.  a  comparé  cinq  fois  le  ms.  C  avec 
la  trad.  holl.  Les  cinq  fois  il  a  trouvé  qu'il  y  avait  concor- 
dance entre  ce  ms.  et  la  version.  Pourtant  sa  conclusion  est 
que  ce  ms.  C  n'est  que  très  éloigné  du  ms.  qu'a  traduit  le 
poète  hollandais!  Pour  que  le  compte  soit  exact  au  point  de 
vue  mathématique,  il  ne  fallait  pas  faire  la  soustraction,  mais 
la  division  des  deux  nombres  obtenus  par  la  comparaison. 
Faut-il  en  conclure  que  C  ait  servi  de  modèle  à  la  version 
hollandaise?  Ce  serait  trop  téméraire.  Le  peu  de  vers  (189) 
de  ce  ms.  ne  nous  permet  pas  de  nous  prononcer  à  ce  sujet, 
il  faut  donc  le  laisser  de  côté  et  nous  borner  aux  mss.  qui 
off'rent  plus  de  points  de  comparaison. 

Constatons  d'abord  qu'aucun  de  ces  mss.  n'est  la  source 
directe  de  notre  traduction.  Ce  qui  le  prouve,  c'est  qu'aucun 
des  ms.^.   français   ne   va  aussi    loin  qu'elle,    sans   que  cette 


'  Cp.  la  critique  judicieuse  de  M.  Salverda  de  Grave  dans  le  Muséum, 
Leide  1897,  p.  218  ss. 


10       LA  SUITE  DU  PARTHÉNOPEÛ  DE  BLOIS 

omission  puisse  être  attribuée  à  la  perte  de  quelques  feuillets 
d'un  mss.  français  —  un  seul  regard  dans  nos  mss.  nous 
convaincra  de  cette  vérité  *.  Cette  constatation  nous  permet 
de  supprimer  dans  notre  examen  les  divergences  qui  prou- 
veraient simplement  que  tel  mss.  n'a  pas  été  la  source  directe 
de  la  traduction.  Ainsi  nous  ne  tiendrons  pas  compte  des 
variantes  du  vs  4561,  oîi  tous  les  mss.  donnent  De  Constant./- 
noble  fu  sire,  leçon  suivie  par  le  traducteur,  et  P  seul  De 
Constantin  fu  nobles  sire,  faute  qui  s'explique  aisément  par  la 
graphie  De  Constanti  "^^^^^  sire  et  qui  ne  prouve  nullement 
que  le  ms.  que  P  a  copié  ne  soit  pas  le  modèle  du  néerlandais. 
De  même  vs  6773  AGP  en  paradis  (Bs.  3273  paradise),  B 
empereris  qui  n'est  peut-être  qu'une  faute  d'inadvertance  facile 
à  expliquer  dans  le  contexte.  Ces  petites  erreurs  deviennent 
importantes,  si  elles  sont  communes  à  plus  d'un  ms.,  et  il  faut 
en  tenir  grand  compte  surtout  quand  elles  ont  été  suivies  par 
le  traducteur.  Je  ne  vais  donc  énumérer  que  les  passages 
qui  me  semblent  être  d'une  réelle  valeur,  quitte  à  renvoyer 
ceux  qui  désireraient  des  renseignements  plus  détaillés  à 
l'ouvrage  de  M.  van  Berkum. 

Nous  pouvons  laisser  de  côté  le  ms .  A.  Le  fait  qu'il 
appartient  à  un  autre  groupe  que  celui  dont  la  traduction 
hollandaise  fait  partie,  prouve  amplement  que  ni  lui  ni  le  ms. 
sur  lequel  il  a  été  copié,  n'est  la  source  de  notre  traduction-. 

B  présente  quelques  divergences  importantes  :  5124  GP 
las  et  maigre  etmiserin,  Bs.  2326  Magher  ende  arem  ende  onge- 
daen,  B  Ki  moult  est  de  bêle  cofour  ;  6320  G  pomier,  Bs.  2921 
appelboem,  B  pes^hier  ;  7886  AGPP  Corsable,  Anfors  as  grans 
trésors,  Bs.  43G4  Gondredes  entie  ric/ie  An/rois,  B  Si  est  Corsabres 
et  An  fous  ;  (9959)  PT  Mais  na  terre  qu'un  sol  conte,  Bs.  5779 
Van  enen  lande  es  hi  grave,  BG  Mais  n'a  terre  que  II  contes. 


1  Ceci  n'est  pas  vrai  pour  P  qui,  pour  d'autres  liaisons,  ne  peut  pas 
être  la  source  directe  de  notre  version. 

'  Voici  pourtant  quelques  passages  :  vs  177  Tous  les  mss.  ont  serf  trové, 
ce  qui  équivaut  au  néerlandais  vondelinc  (Bs.  37),  A  donne  serf  prové  ; 
6320  G  pomier,  Bs.  2921  appelboem.  A,  comme  tous  les  autres  mss. 
pescfiier  ;  7343  B  Li  rois  Corsos  de  Quartagene,  Bs.  3829  Kon  Cartagene  die 
coninc  Cursout,  A  Li  rois  Corsols  est  ti  premiers  ;  5078  BGP  sa?is  or  et 
sa)is  argent,  Bs.  2270  sonder  selver  ende  sonder  goût,  AT  a  or  et  a  argent. 


ET    LA    VERSION    HOLLANDAISE  11 

P  ne  présente  qu'un©  leçon  divergente  qui  ait  quelque 
valeur  :  1094  \'BT  el  palais,  Bs.  ()7o  binien  palayse,  PG  en  la 
chambre  *. 

Il  en  est  autrement  de  G  Nous  pouvons  d'abord  citer  le 
passage  précédent,  puis  5143  BPT  Si  vens  lor  faut  ams  que  la 
veifjnent,  Bs.  2350  Geviele  ooc,  dat  hem  wints  gebrake  ,  G  Tant 
le  servent  qii  il  i  veignent  ;  {99^9}  PT  Mais  n'a  terre  cun  sol  conte, 
Bs.  5779  Van  enen  lande  es  hi  grave,  GB  Mais  n'a  terre  que  II 
contes  ;  7753  Dis  lieues  i  a  nient  mes,  Bs.  4225  Acht  milen  ofte 
mee,  G  Es  II  ts/es  i  a,  riens  mes'-. 

Par  le  petit  nombre  de  ses  vers  (550), F  se  prête  difficilement 
à  la  comparaison.  Voyez  pourtant  vs  7815  ABGP  Fils  sui 
d'un  riche  vavasor,  Bs.4287  Een  heidin  rudderioas  mijn  vader, 
F  Fils  fui  d'un  j'iche  empereor. 

Voici  les  variantes  importantes  de  T  :  4354  AG  Del  cime 
dusquen  la  rais,  Bs.  1950  al  van  den  beghinne,  T  est  en  mains 
des  ennemis;  5078  BGP  sans  or  et  sansargmt,  Bs.  2270  sonder 
selver  ende  sonder  g  ont,  AT  a  or  et  a  argent;  6320  G  pomier, 
Bs.  2921  appelboein,  APT  peschier  •*. 

Jusqu'ici  nous  n'avons  examiné  que  les  passages  où  la  dif- 
férence de  leoon  semblait  prouver  quelque  chose.  Examinons 
à  présent  les  passages  où  les  mss.  français  diâèrent  par  le 
nombre  des  vers.  Pour  cet  examen  je  peux  encore  me  conten- 
ter de  me  rapportera  la  thèse  de  M.  van  Berkum,  qui,  dans 
une  :<  Bijiage  »,  nous  donne  une  liste  de  tous  les  passages  en 
question,  liste  que  je  reproduirai  ici  en  y  ajoutant  le  ms.  T. 
La  première  colonne  contient  les  vers  selon  l'édition  de  Cra- 
pelet,  puis  selon  B,  enfin  selon  G  (voyez  v.  Berkum  p.  27),  la 


*  Vs  247  Pa  Au  quint  ont  fu  Hector  ocis.  Cette  faute  manifeste  ne  se 
trouvait  pas  nécessairement  dans  la  source  que  P  a  copiée  ;  ou,  si  elle 
s'y  trouvait,  la  traducteur  a  pu  le  corriger  lui-même. 

*  Ont  peu  d'importance  :  11)72  ABFT  près  de  B  lois,  Bs.  i'olQ  Bi  Bolois, 
G  deies  I  dois  ;  7361  A  «  no?i  NoJimede,  Bs.  3848  Nomedes,  G  a  ?iom 
Miinede. 

^  Ont  peu  de  valeur  :  (9012)  quanqu'ele  veit,  Bs.  5402  Haerre  herlen 
wille,  T  9156  quanqu'il  li  deult  ;  9069  G  et  jurer,  Bs.  5462  ende  ziceren, 
T  9213  entier  ;  T  CXXiv  r  Et  Gautier  a  paor  du  bon  roi  Aupatris^  au 
lieu  de  De  Gautier  a  paor  ti  bon  roi  Aupatris  (G),  Bs.  6467  Aupatrijf 
die  coninc  vri  Bleef  ombe  Gantière  sere  vervaert. 


12       LA  SUITE  DU  PARTHÉNOPEU  DE  BLOIS 

seconde  liste  les  mss.  où  se  trouvent  ces  vers,  la  troisième  les 
mss.  que  suit  la  traduction  hollandaise,  la  quatrième  les  rass. 
qui  divergent. 


227-228 

AGPT 

AGPT 

B 

447 

ABGT 

P 

ABGT 

796' -7962 

P 

ABGT 

P 

889-804 

ABGT 

ABGT 

P 

939-940 

AGPT 

AGPT 

B 

947-950 

AGPT 

AGPT 

B 

988» -988* 

B 

AGPT 

B 

1026' -10262 

BGPT 

AGPT 

A 

1293-1294 

AGPT 

B 

AGPT 

1408' -14082 

BGPT 

BGPT 

A 

1569-1570 

AGPT 

AGPT 

B 

1824-1829 

AGPT 

AGPT 

B 

1865-1880 

AGPT 

AGPT 

B 

2441-2442 

AGPT 

AGPT 

B 

3414'-3414^ 

B 

AGPT 

B 

3433-3436 

ABT 

GP 

ABT 

4358» -4358-2 

B 

AGPT 

B 

4365-4366 

AGPT 

AGPT 

B 

4389  4390 

AGT 

AGT 

BP 

5073  5074 

AGPT 

AGPT 

B 

5125  5126 

GPT 

GPT 

B 

51261-51262 

B 

AGPT 

B 

5163-5168 

BGT 

BGT 

P 

5173-5178 

BGT 

BGT 

P 

5403'-5403-' 

BP 

AGT 

BP 

5448' -54482 

BGPT 

BGPT 

A 

5475-5506 

ABGT 

ABGT 

P 

6201-6224 

ABPT 

ABPT 

G 

6225-6232 

ABT 

ABT 

GP 

6233-6-^35 

AT 

BGP 

AT' 

6253-6266 

ABGT 

ABGT 

P' 

«   Pour  les  vers  6201-6224,  6225-6232,  6233-6235  le  ms.  G  n'oHre  pas  rie 
point  de  comparaison  parce  qu'à  cet  endroit  il  y  a  une  lacune. 
'  Ajouter  Bs.  6428  qui  ne  se  trouve  qu'en  T  cxiv. 


ET    LA    VERSION    HOLLANDAISE. 


13 


0463-6464 

ABGT 

P 

ABGT 

6468 

ABG 

ABG 

PT  1 

6869-6872 

ABGT 

ABGT 

P 

7087-7108 

ABGT 

ABGT 

P 

7165-7170 

ABGT 

ABGT 

P 

7187-7188 

AGPCT 

AGPCT 

B 

7201-7204 

ABGCT 

ABGCT 

P  ^ 

7267-7278 

ABGCT 

ABGCT 

P 

7283-7326 

ABGCT 

ABGCT 

P 

7343-7366 

ABGDT 

ABGCT 

P 

7399-7400 

ABPT 

ABPT 

G 

7513-7520 

ABGFT 

ABGFT 

P 

7671-7672 

GFT 

GFT 

BP 

7686»  76722 

F 

ABGPT 

F 

7733-7734 

BGPT 

F 

BGPT 

79021-79022 

P 

ABGPT 

P 

7921»-792r- 

F 

ABGFT 

F 

8127-8128 

ABG 

PT 

PT* 

8140-8143 

ABPT 

ABPT 

G 

8257-8258 

AGPT 

AGPT 

B 

8320' -831 02 

P 

ABGT 

P 

83471-8347^ 

P 

ABGT 

P 

8352'-8352«^ 

PT 

ABGT 

PT 

8353-8356 

ABGT 

ABGT 

P 

8367-8394 

ABGT 

ABGT 

P 

8405-8424 

ABGT 

ABGT 

P 

8478» -84782 

PT 

ABG 

PT 

8911-8912 

ABGT* 

ABGT 

P 

89301-8930» 

BGPT 

A 

BGPT^ 

'  T  a  oublié  2  vers;  de  sorte  qu'il  parle  de  Vempereur  de  France. 

■^  7208-7210  sont  supprimés  enT;  ils  manquent  également  en  hollan- 
dais où  ils  sont  remplacés  par  une  cheville.  Mais  une  telle  omission 
prouve  peu  de  chose. 

^  Erreur  de  M.  v.  B.  Les  2  vers  se  trouvent  en  ABG  et  manquent  en 
PT.  Ils  manquent  également  en  holl.,  à  moins  qu'on  ne  considère  une 
cheville  comme  la  traduction. 

'  T  a  Salance  au  lieu  de  Valence. 

°  Mais  la  tiaduction  abrège  tout  ce  passage,  le  manque  de  ces  deux 
vers  n'a  donc  rien  d'étonnant. 


LA  SUITE  DU  PARTHÉNOPEU  DE  BLOIS 


(8987-9002) 
(90G5-9066) 
(9169-9234) 

(9816»-9816*) 

(9889' -9889^8) 

(  10030' -100302) 

(10008'- 100682) 

(101241-101242) 

(10147-10148) 

9159-9100 

9163-10856 

[9196'-9196^] 

[9198'-9i98«] 

[9215-9216] 

[9227-9228] 

[9245-9246] 


BGT 

BGT 

BGT 

P 

PT 

GPT 

GPT 

GPT 

BP 

ABPT 

A 

GPT 

GPT 

BP 

B 

B 


P 

BGT 

BGT 

BGT 

PT 

GPT 

GPT 

GPT 

BP 

ABPT 

BGPT 

GPT 

GPT 

GT 

GPT 

GPT 


BGT 

P 

P 

P 

BG 

B 

B 

B 

G' 

G 

A 

B 

B 

BP 

B 

B 


L'examen  de  tous  ces  passages  nous  montre  qu'il  est  diffi- 
cile d'arriver  à  un  résultat  certain.  Il  faut  écarter  les  mss.  F 
et  C  qui  offrent  trop  peu  de  points  de  comparaison.  Pour  les 
autres  mss.,  nous  avons  déjà  vu  —  et  les  passages  cités  plus 
haut  le  confirment  —  qu'ils  ne  peuvent  être  la  source  directe 
de  notre  traduction.  Cependant  les  mss.  G  et  T,  qui  sur  bien 
des  points  se  ressemblent  beaucoup,  sont  plus  près  du  hollan- 
dais que  B  et  F,  ce  qui  ressort  surtout  de  la  comparaison  des 
interpolations.  Le  cas  où  la  version  ne  suit  ni  G  ni  T  sont 
rares  :  4  ou  5  fois  elle  a  supprimé  quelques  vers,  coïncidant 
ainsi  avec  un  des  autres  mss.,  mais  cela  ne  prouve  pas  grand' 
chose.  Pour  les  variantes  au  vs  4569  le  holl.  suit  AB  fui  petite, 
tandis  que  GT  ont  fu  petis.  Pour  vs  5402  G  a  une  lacune, 
T  une  leçon  qui  ressemble  un  peu  à  celle  du  hollandais:  Uns 
est  le  père,  uns  est  H  fils,  B  Tu  es  verais  pères  et  fils,  Bs.  2470 
Warachtich  sone,  warachtich  vader.  Pour  tous  les  autres  pas- 
sages que  cite  M.  v.  B.,  c'est  vraiment  T  que  suit  la  version 
hollandaise.  11  est  donc  probable  que  le  modèle  de  notre   tra- 


*  Ces  deux   vers  qui  manquent  en  G  se  trouvent  en  T,  mais,  comme 
il  a  supprimé  les  8  vers  précédents,  il  les  a  corrompus. 


ET    LA    VERSION    HOLLANDAISE  l5 

duction  est  un  ms. perdu  appartenant  à  la  source  conamuneàG 
et  à  T,  mais  se  trouvant  plus  près  de  G  à  cause  du  vers  G320 
où  le  hollandais  suit  G  qui  seul  a  pomier  {pesckier  APT). 
Cependant  il  j  a  quelques  passages  qui  semblent  s'opposer  à 
cette  conclusion  :  5078 BGP  sans  or  et  sans  argent,  Bs.  'Z21Q  son- 
der selver  ende  sonder  goût,  AT  a  or  et  a  argent',  mais  T  peut 
bien  avoir  corrigé  une  faute  manifeste  sans  avoir  vu  A;  6433- 
6434  Et  que  dame  de  nul  endroit  Nul  meillor  honir  ne  pon  oit, 
où  T  lit  a?ner  au  lieu  de  ko  ir,  leçon  que  suit  la  traduction, 
mais  qu'elle  peut  avoir  trouvée  elle-même.  Ce  qui  est  plus 
difficile  à  expliquer,  c'est  que  T  ait  subi  l'influence  de  F,  et 
que  la  version  en  porte  les  traces.  Ainsi  (9889)  elle  traduit  les 
46  vers  qui  se  trouvent  de  plus  en  PT,  tandis  qu'au  vers 
8352  elle  supprime  les  64  vers  qu'on  lit  dans  PT  ;  (9959)  PT 
Mais  n'a  terre  c'un  sol  conte,  Bs.  5779  Van  enen  lande  es  In  grave, 
B  G  Mais  na  terre  que  II  contes  (ici  il  est  possible  que  G  ait 
rectifié  la  leçon  de  son  modèle  :  en  effet,  Partphénopeu  avait 
deux  comtés).  Il  est  donc  probable  que  la  source  de  notre 
traduction  a  subi  également  l'influence  de  P. 

Dans  le  cours  du  précédent  examen  nous  avons  pu  remar- 
quer que  le  traducteur  néerlandais  suit  de  si  près  son  modèle 
que  le  plus  souvent  nous  pouvons  constater  quel  est  le  ms.  qui 
a  été  suivi.  Souvent  il  égale  presque  l'original,  quelquefois 
même  il  le  dépasse  (voyez  vs.  277  svv.).  Il  est  assez  rare  qu'il 
ajoute  quelques  vers  pour  étendre  une  description,  comme 
dans  le  passage  que  je  viens  de  citer.  Cependant  il  y  a  des  cas 
où  il  abrège  son  modèle  sans  pourtant  le  modifier  sensible- 
ment :  c'est  quand  le  poète  français  cède  à  sa  haine  contre  les 
vilains  ;  alors,  notre  traducteur  est  assez  consciencieux  pour 
ne  pas  supprimer  le  passage  tout  à  fait,  mais  il  l'abrège  de 
beaucoup  :  ainsi  les  vers  253-257,  2557  manquent.  —  La  frivo- 
lité ne  lui  plaît  pas  ;  aussi  a-t-il  changé  et  corrompu  le  passage 
où  la  scène  nocturne  est  racontée  (vs.  1277  svv.). —  Il  modifie 
également  les  vers  où  les  Français  se  moquent  des  Allemands 
(8753  svv.).  Qu'il  ne  fût  pas  fort  en  fait  d'histoire  et  de  géo- 
graphie, c'est  ce  que  prouvent  les  noms  propres  supprimés  ou 
corrompus.  —  Plusieurs  détails  des  vêtements,  des  équipe- 
ments, des  armes  sont  rendus  incomplètement.  —  Enfin  il 
modifie  souvent  les  nombres  donnés,  quelquefois  sans  cause 


16        LA  SUITE  DU  PARTHÉNOPEU  DE  BLOIS 

visible  %  parfois  parce  qu'il  les  trouve  exagérés.  Sur  tout  cela 
je  renvoie  au  travail  de  M.  van  Berkum. 

Un  passage  a  depuis  longtemps  attiré  l'attention  :  c'est  celui 
où,  après  le  tournoi,  les  juges  délibèrent  pour  décider  à  qui  le 
prix  sera  donné.  Clarin  a  plaidé  pour  le  soudan,  Ernol  pour 
Parthénopeu,  c'est  à  Corsol  de  dire  son  opinion.  Celui-ci  a  été 
favorable  à  Parthénopeu  pendant  loute  la  durée  du  tournoi, 
mais  il  voit  que  les  autres  juges,  soit  par  peur,  soit  par  d'autres 
motifs,  sont  prêts  à  se  ranger  du  côté  du  Soudan  ;  un  seul 
espoir  lui  reste:  c'est  que  Mélior  demande  à  chacun  en  parti- 
culier son  opinion,  pour  qu'ils  puissent  ainsi  se  prononcer  sans 
craindre  le  Soudan.  Dans  son  discours  on  lit  :  Je  vois  bien  que 
li  sis  de  nos  Voellent  le  sodan  a  esti'os  Doner  a  me  dame  a  mari 
(vs.  9099  svv.).  La  traduction  en  changeant  le  mot  soudan  en 
Fransoys  n'a  pas  modifié  tout  à  fait  le  caractère  de  Corsol, 
comme  le  croit  M.  v.  B.;  il  a  simplement  accentué  Tironie  de 
son  discours.  De  même  au  vers  (10045  svv.)  Mais  il  est  seul 
encontre  tans.  Pour  c'en  est  encore  taisans,  ce  qui  correspond  à 
Bs.  5802  svv.: 

Nochtan  sprac  hi  niet  een  ivoert  ; 
Omdat  si  aile  ieghen  hem  ivaren, 
Woudire  behendelike  toe  varen. 
Hier    omme   ivaest   datti  zweech, 
Niet  door  loon,  no  door  gedreech'-. 

L'original  nous  montre  Corsol  se  taisant  encore  parce  qu'il 
sent  que  tous  sont  contre  lui,  mais  ce  mot  encore  nous  indique 
qu'il  veut  profiter  de  la  première  occasion  pour  défendre  son 
opinion.  Le  hollandais  ne  dit  pas  autre  chose,  seulement  il 
l'explique  clairement.  Pour  vs.  9039  Mais  molt  samble  as 
autres  estos  Que  si  les  a  contredis  tos^  c'est  peut-être  T  qui  a 
été  suivi  par  la  traduction  :   Que  si  a  contredit  debous,  et  le 


*  C'est  pourquoi  nous  n'avons  pas  tenu  compte  des  leçons  suivantes  : 
1.338 GT  et  Bs.  xx,  d,  c,  A  vint,  deux  cens  et  vi7it,B  xx,  d,  d,  P  in,  ce,  c; 
16G5  AB  et  Bs.  detix  et  dix,  GTPx,  xx;  5096  GTBP  et  Bs.  d,  A  trois 
ce?îs. 

*  Cependant  il  se  taisait  ;  tous  étant  contre  lui,  il  voulait  agir  avec 
habileté.  Voilà  le  motif  de  son  silence;  ce  n'était  ni  l'intérêt,  ni  la  crainte. 


ET    LA    VERSION    HOLLANDAISE  17 

hollandais  aura  de  son  mieux  expliqué  l'attitude  de  l'assem- 
blée. En  tout  cas  je  ne  crois  pas  que  ces  passages  prouvent 
que  la  traduction  ait  modifié  de  propos  délibéré  le  caractère 
de  Corsol  et  l'attitude  du  conseil. 

On  peut  donc  dire  que  la  version  hollandaise  est  en  général 
très  fidèle,  et  faute  de  ms.  français  elle  peut  nous  être  utile 
pour  la  suite  du  roman  qui  est  perdue,  non  seulement  pour  le 
récit  lui-même,  mais  aussi  pour  la  foriue  dont  il  a  été  revêtu. 

Cet  examen  fait,  nous  pouvons  passer  à  ce  qui  fait  l'objet 
même  de  cet  article  :  il  s'agit  de  constater  laquelle  des  deux 
suites  de  notre  roman  est  la  suite  authentique.  Voyons  donc 
quelles  sont  les  qualités,  quels  sont  les  défauts  qu'on  trouve 
dans  la  première  partie,  et  examinons  si  nous  retrouvons  les 
mêmes  caractères  dans  la  seconde.  Ciierchons  à  établir  quelles 
sont  les  données  présentées  dans  la  partie  commune,  et  tâchons 
de  démêler  laquelle  des  deux  suites  les  continue.  Enfin,  un 
examen  de  la  langue,  basé  sur  l'étude  des  rimes,  servira  de 
contrôle  aux  résultats  acquis. 

Notre  roman  est  écrit  dans  un  style  élégant  et  aisé,  vraiment 
français;  le  récit  s'avance  régulièrement,  de  sorte  que  l'intérêt 
reste  toujours  éveillé  ;  les  entretiens  auxquels  l'auteur  se  plaît 
sont  composés  avec  beaucoup  d'art  et  nous  donnent  une  idée 
vivante  des  personnes;  de  petits  traits,  insérés  çà  et  là,  ajou- 
tent souvent  quelque  fine  nuance  qui  charme  le  lecteur.  Ainsi 
les  petites  tracasseries  de  Clarin  et  de  Corsol  pendant  le  tour- 
noi enlèvent  heureusement  ce  qu'il  y  aurait  de  trop  monotone 
dans  la  description  des  combats. 

Les  caractères,  surtout  ceux  des  femmes,  sont  finement 
dépeints  :  Mélior,  la  fière  amante,  qui  a  été  trahie  et  que  la 
fierté  empêche  d'avouer  qu'elle  aime  toujours  ;  Urrake,  sa 
sœur,  désintéressée,  qui  s'efforce  de  réconcilier  Parthénopeu 
et  Mélior,  sans  ménager  d'ailleurs  les  reproches  à  la  cruauté 
de  celle-ci  ;  l'aimable  Persewis,  dont  le  jeune  cœur  est  encore 
plein  d'un  je  ne  sais  quoi  de  vague  et  de  mystérieux.  On  sent 
bien  l'influence  de  la  poésie  courtoise,  si  habile  dans  l'analyse 
du  cœur  féminin. 

Le  poète  aime  à  faire  de  temps  en  temps  des  digressions  sur 

amour:  tantôt  c'est  le  bonheur  de  Parthénopeu  qui  lui  suggère 

2 


lO  LA    SUITE    DU    PARTHENOPEU    DE    BLOIS 

des  réflexions  amères  sur  son  propre  malheur  ;  tantôt  il  attaque 
les  clercs  qui  n'aiment  pas  les  femmes,  tandis  qu'il  est  évident 
que  Dieu  les  aime  pour  les  avoir  faites  si  belles  ;  tantôt  il 
trouve  les  dames  trop  chastes  et  trop  sévères,  estimant  que 
ces  qualités  ne  peuvent  convenir  qu'aux  femmes  laides;  une 
autre  fois  il  déclare  qu'un  simple  signe  de  sa  dame  saurait  lui 
faire  quitter  même  le  paradis. 

Une  autre  particularité  de  notre  poète  est  sa  haine    contre 
les  vilains.  En  laissant  de   côté  le   prologue  oîi  le  poète  nous 
expose  à  sa  façon  la  cause  de  la  guerre  trojenne,  nous  trou- 
vons dans  l'épisode  de  Sornegur  de  nombreux  indices   de  ce 
sentiment.  Ce  n'est  pas  que  le  poète  haïîise  les  vilains  propre- 
ment dits  ;  c'est  à  ceux  qui  ont  su  entrer  dans  les  bonnes  grâ- 
ces  des  rois  et  qui  profitent  de  leur  pouvoir  pour  calomnier 
les  nobles  et  trahir  leurs  maîtres,  c'est  à  ceux-là  qu'il  en  veut. 
Or,  pour  ne  regarder  d'abord  que  la  suite  de  la  version  |3  — 
qui  est  de  beaucoup  la  plus  longue  et  qui  a  soulevé  le  plus  de 
doutes  —  nous  y  trouvons  les  mêmes  caractères  que  dans  la 
première  partie.  Sans  doute,  i!  j  a  une  longue  série  de  combats 
qui  continue  toujours  et  qui  a  donné  à  beaucoup  de  savants 
l'impression  que  cette  partie  n'est  pas  du  même  auteur  que  la 
première.    Mais  il  ne   faut  pas  oublier  que   le  moyen-âge  a 
aimé  ces  descriptions-là,  et  le  récit  même  du  tournoi  dans  la 
première  partie  en  fait  preuve.    Mais  quelle    variété  dans   ce 
récit  interminable  des  combats  entre  chrétiens  et  sarrasins  : 
ce  sont  les  messagers  de  Parthénopeu  qui  délivrent  un  païen  — 
c'est  le  combat  singulier  entre  Aupatris  et  Gautier  qui  devien- 
nent amiset  qui  se  sauvent  mutuelleaient  la  vie  —  c'est  la  sépa- 
ration d'Ernol  et  de  sa  femme  Béatris,  la  captivité  d'Ernol  qui 
se  plaint  de  son   sort,  mais  qui  est  encore  plus  inquiet  sur 
celui  de  Part.,  et  tant  d'autres  traits  dignes  du  poète  de  notre 
poème.  On  peut  comparer  l'amitié  de  Gaudin  et  de  Parthéno- 
peu ([ui  se  secourent  mutuellement  dans  le  tournoi  et  l'attache- 
ment (i'Ancelot,    l'écuyer  de  Part,,  à  son   seigneur,  pour  se 
convaincre   que    c'est  la  même  main   qui    a    écrit   les    deux 
parties. 

Mais  c'est  surtout  la  continuation  qui  se  trouve  en  T,  puis 
ce  que  nous  a  conservé  la  traduction  néerlandaise  qui  offrent 
des  points  de  comparaison  dignes  d'être  relevés. 


ET    LA    VERSION    HOLLANDAISE  19 

Le  Soudan  a  fait  une  invasion  dans  le  pays  où  Part  et  Mélior 
régnent  heureux.  Ou  n'y  était  pas  préparé  à  la  guerre.  Il  s'agit 
donc  de  gagner  du  temps.  Aussi  quand  Lucius  vient  auprès  de 
Mélior  pour  lui  faire  des  propositions  de  la  part  du  Soudan, 
elle  jette  d'abord  les  hauts  cris  et  proteste  énergiquement 
(Bs.  7642-7657)  : 

Lucius,  seghet  si,  Mélior,  Noch  dore  carmeyi  noch  dore spre- 

Omme  al  te  hebbene  dien  trésor,  [ken 

Dien  die  icerelt  hevel  ùinnen,       Noch  dorescoonkeit,  die  doet  bre~ 
Ende  al  mocktic  al  daer  tnede  [ken 

[ghewinnen   Der  liede  lierte,  noch  door  mmne 
Dat  ivaler  ende  erdeh  vet,  Die  tneesteres  van  allen  sinne  — 

Daer  grote  rijcheit  ane  leghet,     Dit  alen  niochle  nie t  vol bring lien, 
Noch  dore  neghene  ioesterie{ji)     Dat  ic  mi  in  enghenen  dinghen 
Noch  doreneghenes  rnans  vrien,    Verdorperen  soude  ieghen  hem, 

Dien  ic  metrechte  aleighen  hem  ' . 

Pourtant  elle  fiait  par  ces  mots  : 

,  Mijn  hère  en  es  niet  altoes  bi  mi  (Bs.  7741)  ^. 

C'est  là  un  trait  admirable  et  tous  ceux  qui  ont  remarqué 
l'attitude  de  Mélior  pendant  le  tournoi,  où  elle  fait  semblant 
de  préférer  le  soudan  à  Paît.,  la  reconnaîtront  facilement  dans 
cette  scène  pleine  d'esprit. 

Le  Soudan  apprend  de  Lucius  la  bonne  nouvelle  et  le  renvoie 
pour  faire  une  trêve  de  quarante  jours  afin  d'avoir  l'occasion 
de  voir  Mélior.  Il  réveille  Lucius  de  bonne  heure  afin  que 
l'ardeur  du  soleil  ne  l'empêche  pas  de  se  mettre  en  route, 

Maer  die  sonne,  door  loelker  hitle 
Dat  l'ie  soudaen  dede  ditte 


*  «  Lucius,  dit  Mélior,  quand  même  j'obtiendrais  tous  les  trésors  que  le 
monde  possède  et  que  je  gagnerais  tout  ce  que  renferme  la  terre  et  les 
mers  (ce  qui  est  une  grande  richesse),  ni  joute,  ni  demande  en  mariage, 
ni  le  chant,  ni  la  parole,  ni  la  beauté  qui  brise  les  cœurs,  ni  l'amour  qui 
est  maître  des  sens,  tout  cela  ne  pourrait  m'obliger  à  me  rendre  en  rien 
indigne  de  celui  à  qui  j'appartiens  légitimement.  »      «, 

^  Mon  seigneur  n'est  pas  toujours  avec  moi. 


20  LA    SUITE    DU    PARTIIÉNOPEU    DE    BLOIS 

Dat  Lucius  voer  also  vroe, 

Die  sceen  hem  achler  t  lier  te  toe.  * 

Vers  pleins  de  grâce,  parfaitement  dignes  d'un  poète  qui 
s'entend  si  bien  aux  sentiments  d'amour. 

Alors  le  soudan  consulte  ses  barons  :  à  sa  satisfaction 
Aupatris,  dont  l'autorité  est  peinte  dans  quelques  vers  expres- 
sifs, vote  pour  la  paix.  On  va  à  Chief-d'Oire  que  le  poète  ne 
décrira  pas,  parce  qu'il  en  est  parlé  auparavant  ^1  là,  le  soudan 
voit  Urrake  qu'il  prend  pour  Mélior-^  et  Urrake  ne  le  détrompe 
pas.  Ici  le  poète  trouve  encore  le  mojen  d'insérertout  naturel- 
lement un  petit  épisode  sur  l'amour  (Bs.  8155-8181),  épisode  où 
l'on  reconnaît  encore  la  fraîcheur  et  l'originalité  de  la  première 
partie. 

Tous  ces  passages  se  trouvent  seulement  dans  les  800  vers 
qu'ajoute  la  version  néerlandaise.  Mais  on  peut  en  trouver 
partout  de  semblables.  Lisez  le  passage  exquis  où  le  soudan 
écrit  sa  lettre  à  Mélior  :  une  première  ébauche  est  déchirée, 
la  seconde  réussit  mieux  et  le  poète  a  choisi  pour  elle  une 
rime  particulièrement  difficile.  Voyez  encore  le  personnage 
délicieux  de  Lucius,  de  ce  messager  d'amour  qui,  dans  le 
conseil,  rem|)orte  sur  tous  les  sages  et  nobles  chevaliers  !  Le 
voici  à  Chief-d'Oire  :  sa  beauté  excite  l'admiration  de  tous;  aussi 
Ernol  décline  l'honneur  de  lui  donner  l'hospitalité  :  un  vieillard 
comme  lui  n'est  pas  une  agréable  compagnie  pour  un  jeune 
homme  admiré  des  dames  ! 

.Je  me  suis  arrêté  un  peu  longtemps  sur  ce  point  ;  c'est  pour 
montrer  que  la  seconde  partie,  tout  comme  la  première,  ne 
contient  pas  seulement  des  combats,  mais  présente  encore  des 
tableaux  plus  gracieux  et  cela  surtout  dans  la  suite  de  T  et 
delà  traduction  hollandaise. 

Pour  les  combats  eux-mêmes,  j'ai  déjà  indiqué  qu'ils  contien- 
nent plusieurs  traits  remarquables,  mais   ce  qui  est   surtout 


*  Mais  c'était  dans  le  cœur  du  soudan  que  brillait  le  soleil  qui  l'obligeait 
à  hâter  le  départ  de  Lucius. 

^  Int  boec  hirvoren  (ms.  hir  tevoren).  Le  poète  compte-t-il  un  hvre  ou 
deux  ? 

'  Cette  méprise  ne  peut  laisser  de  nous  surprendre  un  peu. 


ET    LA   VERSION    HOLLANDAISE  21 

digne  d'être  signalé,  c'est  l'art  avec  lequel  le  poète  sait  résumer 
tous  les  détails  antérieurs  de  la  guerre  dans  les  discours  par 
lesquels  Anpatris  et  Macabres  s'attaquent  dans  le  conseil  con- 
voqué par  le  soudan  (T  cxii,  lxxxix  et  xc,  Bs.  G830-7135). 
On  peut  y  comparer  les  discours  d'Anfors,  de  Clarin  et  d'Ernol 
après  le  tournoi  dans  la  première  partie. 

Quant  aux  idées  politiques,  les  idées  sur  les  vilains  sont  les 
mêmes  dans  les  deux  parties  de  notre  roman  ;  c'est  ce  que 
prouve  tout  l'épisode  d'Anceiot,  qui  n'est  qu'une  invective 
contre  les  vilains,  —  les  discours  de  Part,  après  la  nouvelle 
de  l'invasion  des  païens,  discours  oîi  il  fait  appel  à  ses  barons 
qu'il  n'a  jamais  négligés  pour  les  vilains,  —  enfin  les  réflexions 
que  fait  le  Soudan  en  écrivant  à  Mélior  :  Si  les  vilains  le  blâment, 
«  ils  ne  s'entendent  qu'à  charrue  et  à  blé  >. 

Comme  tous  les  héros  de  la  vieille  littérature,  les  nôtres 
sont  très  pieux  :  Mélior  fait  une  profession  de  foi  devant 
Part.  (1535-1550),  l'exhorte  à  croire  en  Dieu  (1925)  ;  le  roi  de 
France  ordonne  une  prière  générale  à  l'occasion  du  duel  de 
Part,  et  du  roi  Sornegur  (2830  svv.  2903-2908);  l'archevêque 
de  Paris  persuade  Part,  en  invoquant  la  vraie  religion  (4373- 
4416)  etc.,  etc.  De  même  dans  la  seconde  partie  Ernol  recom- 
mande aux  chrétiens  de  se  fier  à  Dieu,  et  Part,  déclare  que 
tel  est  son  dessin,  qu'il  a  fail  de  son  mieux  pour  mériter  sa 
grâce;  on  reprend  Aies,  quand,  au  lieu  de  se  recommander  à 
Dieu,  il  invoque  l'aide  de  Maliomet.  Egalement  pour  la  con- 
naissance des  armures  et  des  vêtements,  nous  voyons  que  le 
poète  delà  seconde  partie  est  aussi  bien  renseigné  que  celui 
de  la  première. 

Quant  aux  arguments  émis  contre  l'authenticité  de|3,  ils  me 
semblent  peu  solides.  Car  il  esi  évident  qu'il  ne  faut  pas  faire 
attention  à  l'objection  soulevée  par  Robert  qui  disait  :  «  On 
est  étonné  du  nombre  des  continuateurs,  qui,  ayant  agrandi 
la  carrière,  ne  peuvent  la  parcourir  jusqu'au  bouti.  »  Il  n'y  a 
qu'?in  continuateur,  notre  poète  lui-même  ;  le  nombre  des 
copies,  plus  ou  moins  achevées,  ne  prouve  rien.  Sans  doute, 
au  lieu  de  cesser  brusquement  comme  A  et  Gr,  T  a  de  plus  une 
fin  de  quelques  vers.  Mais  comme  dans  ces  vers  il  est  dit  qu'une 

*  Grapelet,  p.  xlvi. 


22  LA    SUITE    DU    PARTIIÉNOPEU    DE    BLOIS 

fois  le  Soudan  retourné  dans  son  pajs.  Part  et  Mélior,  restés 
en  paix,  menèrent  grande  joie,  et  que  l'auteur  lui-même 
exprime  l'espoir  de  goûter  un  bonheur  pareil  avec  son  amie 
si  belle  et  si  bonne,  cette  fin  ne  peut  être  de  la  main  de  notre 
poète  qui  ne  se  vante  pas  particulièrement  de  la  bonté  de  sa 
dame.  Ces  quelques  vers  ont  été  ajoutés  plus  tard  et  n'ont 
aucun  intérêt  pour  la  question  qui  nous  occupe. 

Le  changement  dans  la  versification  que  présente  la  conti- 
nuation de  (3  ne  prouve  rien  contre  son  authenticité.  Car 
d'abord  le  fait  n'est  pas  unique  ';  d'autre  part,  ce  n'est  pas  là 
où  la  divergence  entre  «  et  |3  commence,  que  ce  changement 
apparaît;  ce  n'est  que  plus  tard,  en  sorte  que,  si  ce  change- 
ment de  versification  indiquait  en  même  temps  l'interven- 
tion d'un  autre  auteur,  il  faudrait  supposer  deux  ou  même 
trois  continuateurs,  supposition  qui  n'aurait  rien  de  vrai- 
semblable. 

Une  objection  plus  grave  a  été  faite  contre  ce  récit  de  com- 
bats interminables  qui  se  trouve  dans  la  suite  de  p.  Nous  ayons 
déjà  vu  que  ce  récit  n'est  pas  aussi  fastidieux  qu'on  le  dit  et 
que  le  poète  a  su  habilement  varier  son  sujet.  Cependant  il  est 
possible  que  cette  partie  de  notre  poème  ne  soit  pas  parvenue 
intacte  jusqu'à  nous  ;  l'épisode  d'Ancelot  en  particulier  me 
semble  avoir  été  l'objet  d'un  remaniement  très  fâcheux  :  l'iiis- 
toire  du  lévrier  Noon,  sauvé  par  Ancelot  et  tué  plus  tard  par 
le  roi  dans  un  accès  de  colère  sauvage,  quoiqu'il  l'eût  délivré 
d'un  monstre  qui  ravageait  le  pays,  semble  étrangère  à  notre 
récit.  Il  serait  intéressant  de  découvrir  la  source  de  cet  épi- 
sode :  on  pourrait  comparer  celui  de  ïYstoù^e  des  Sept  Sages 
où  un  chevalier  tue,  également  dans  un  accès  de  colère,  son 
lévrier  chéri  qui  venait  de  sauver  la  vie  de  son  enfant.  Cet 
épisode  d'Ancelot  est  d'ailleurs  d'étendue  différente  dans  les 
divers  mss.  :  en  P  il  compte  522,  en  G  1012,  en  T  884  vers 
(il  manque  un  feuillet  =  112  vers).  T  nous  donne  en  outre 
quelques  détails  qui  manquent  dans  les  autres  mss.  11  est  donc 
possible  que,  çà  et  là,  quelque  versificateur  ait  inséré  un  petit 
épisode  et  modifié  pour  cela  une  partie  du  poème,  cela  me 
paraît  même  probable,   mais  pour  le  fond,  et  même  pour  la 

*  Stengel,  Rom.   Verslehrc  dans  :  Groeber  Grundriss  II,  I,  p     S-74. 


ET    LA    VERSION    HOLLANDAISE  23 

forme  en  général,  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  la  suite  de  3  soit 
sortie  de  la  même  plume  que  la  première  partie. 

Il  me  semble  même  qu'il  y  a  quelques  raisons  positives  qui 
invitent  à  le  croire.  Si  Fauteur  de  la  suite  de  ^  n'était  qu'un 
continuateur  voulant  broder  encore  quelques  milliers  de  vers 
sur  le  thème  donné,  il  serait  étonnant  qu'il  eût  remplacé  la 
brillante  description  du  ge  maria  par  les  quelques  vers  que 
nous  donne  la  version  p.  On  peut  faire  la  même  remarque  à 
propos  de  la  reconnaissance  de  Part,  par  le  roi  de  France, 
description  qui  est  de  beaucoup  plus  longue  en  a  qu'en  p. 

Par  contre,  la  suite  de  ^  nous  otïre  quelques  descriptions 
qui  ne  sont  que  le  développement  de  ce  qui  est  donné  dans  la 
première  partie,  développement  qui  manque  en  «. 

C'est  d'abord  l'histoire  d'Aiicelot,  l'écujer  de  Part.,  dont  le 
poète  a  promis  de  nous  raconter  les  aventures  postérieures, 
passage  qui  a  attiré  déjà  plusieurs  fois  l'attention  des  savants  : 

.\e  dirai  plus  ceste  foiz  Mais  la  avant  quant  ge  dérai 

Ne  ses  dolors  ne  ses  destroiz       Ses  aventures  et  devinai  CôTolsvv .) 

Mais,  dira-t-on,  ces  quatre  vers  ont  pu  être  insérés  par  le 
continuateur  lui-même  pour  justifier  l'épisode  d'Ancelot  •  ? 
C'est  peu  probable,  parce  que  le  poète  nous  a  intéressé  trop 
vivement  a  ce  personnage  pour  l'écarter  tout  à  fait  dans  la 
suite. 

Puis  je  voudrais  attirer  l'attention  sur  un  passage  qui,  jus- 
qu'ici, n'a  pas  encore  été  suffisamment  remarqué.  Il  s'agit  de 
la  description  du  pays  que  Mélior  donne  à  Part.  (1741  svv.)  : 

Primes  envient  [VOive)  par  Mar-  Emois  ior  toit  tote  lor  proie 

berun, 

U  Emois  frema  sa  maison,  Pris  et  loies  le  nies  envoie  -/ 

Qui  de  s'espouse  Beatris  Car  il  maint  près  de  la  coslierc, 

Ot  cinq  beaux  cevaliers  a  fis.  Qui  est  basse  et  si  pleniere 

Quant  galiot  rorent  par  mer  Que  nés  i  puent  ariver 

Et  tornent  cel  sens  por  rober,  Et  sains  tempeste  sejorner. 

*  Grapelet,  p.  xxiv. 

*  Lisez  avec  P  :  Et  pris  et  liés  tes  m'envoie. 


24       LA  SUITE  DU  PARTHÉNOPEU  DE  BLOIS 

Or,  dans  la  seconde  partie  on  parle  continuellement  de  Mal- 
Bréon,  d'Ernol  et  de  ses  fils  et  de  sa  femnae  Beatris.  Il  est 
certain  que  ce  passaare  n'a  pas  été  ajouté  plus  tard,  car  il 
contient  plusieurs  traits  dont  on  ne  s'est  pas  servi  dans  la 
2"  partie;  d'ailleurs,  cette  narration  cadre  parfaitement  avec 
la  description  que  Mélior  donne  du  pays.  D'un  autre  côté  il 
serait  étrange  que  le  poète  eût  mentionné  tous  ces  détails 
sans  avoir  le  dessein  de  s'en  servir. 

La  suite  que  nous  oflfre  la  version  a,  au  contraire,  a  laissé 
tomber  plusieurs  particularités  importantes  qui  se  trouvent 
dans  la  première  partie;  cette  suite  paraît  avoir  été  ainsi 
abrégée  dans  le  désir  de  finir  enfin  le  roman,  et  il  faut  avouer 
qu'elle  a  été  traitée  avec  une  habileté  qui  montre  une  main 
de  maître.  Aussi  ne  serais-je  pas  éloigné  de  l'opinion  déjà 
émise  par  Paulin  Paris  '  qui  l'attribue  au  même  poète.  Mais 
pour  les  raisons  que  j'ai  indiquées  plus  haut  il  faut  qu'elle 
soit  postérieure  à  la  suite  de  /3.  On  pourrait  admettre  que  le 
poète,  ne  se  sentant  plus  de  force  à  mènera  bonne  fin  toute 
l'histoire,  a  laissé  son  poème  inachevé,  en  retranchant  la 
seconde  partie,  et  en  composant  une  autre  fin.  Cela  explique- 
rait pourquoi  aucun  des  mss.  ne  nous  donne  le  poème  tout 
entier;  c'est  qu'il  n'a  jamais  existé.  Seulement  les  mêmes  pas- 
sages qui  prouvent  que  le  début  a  été  composé  par  le  même 
homme  qui  se  proposait  d'écrire  la  suite  de  p,  contiennent  un 
indice  contre  l'authenticité  de  la  suite  de  a.  En  effet,  on  com- 
prend aisément  qu'un  remanieur  ne  se  soit  pas  aperçu  qu'il 
devait  supprimer  les  vers  se  rapportant  à  Ancelot  et  à  Ernol 
(ainsi  qu'à  la  famille  de  celui-ci)  ;  on  le  comprend  moins  bien, 
si  ce  remanieur  est  le  même  poète  qui  n'avait  écrit  ces  quel- 
ques vers  qu'en  vue  des  épisodes  qu'il  a  supprimés  ensuite. 

Nous  pouvons  donc  constater  qu'aucun  argument  sérieux 
ne  s'oppose  à  l'authenticité  de  |3:  qu'au  contraire  trois  argu- 
ments semblent  le  prouver,  que  la  suite  de  «  est  postérieure  à 
celle  de  |3;  qu'elle  est  peut-être  du  même  poète,  mais  plus 
probablement  l'œuvre  d'un  autre. 

Pour  compléter  cette  étude,  il  faudrait  faire  un  examen 
approfondi  de  la  langue;  mais  le  manque  d'une  édition  cri- 

*  Les  manuscrits  François  III,  p.  83  svv. 


ET    LA    VERSION    HOLLANDAISE  25 

tique  rendant  tout  contrôle  difficile,  si  non  impossible,  je  me 
suis  borné  à  examiner   si   l'état  des  rimes  ne  présentait  pas 
d'objection  aux  résultats  acqui^^,   sans  vouloir  insister  sur  les 
arguments  que  cet  examen  pourrait  nous  fournir. 
Voici  ce  que  les  rimes  nous  apprennent  : 

Voyelles.  . 

a     e   provenant  de  a  ne  rime  jamais  avec  e  ouvert,  excepté 
VS.37  où  il  doit  v  avoir  une  faute.  A  donne  ases:  ades, 
G  P  ades  :  ades. 
e  est  toujours  distingué  de  ié. 

an  -\-  cons.  est  rigoureusement  séparé  de  en  -\-  cons.  ; 
au  vers  3075  A.  a  mescreans:  tans  (  •<  tempus),  mais 
GP  présentent  la  vraie  leçon  païens:  tens. 

e      Riment  ensemble  e  ouvert,  e  venant  de  ai  et  de  i  entravé 
(1061  ades:  après  ;  1777  ades  :  pes  etc.). 
Un  a  s'est  intercalé  entre  e  ec  /  dans  les  rimes  suivantes  : 
cevals:  beaus  7289  ;  leax  :  beax  6539  (G.). 

i  Fréquentes  sont  les  formes  analogiques  comme  conlra- 
lient  :  dient  5489  (cf  5949,  6659;. 

0  Notre  poème  présente  les  deux  formes  connues  de  foris. 
Ainsi  cors:  fors  1231  (2711,  5157,  7454),  fuer:  mer 
4533  (6069,  6303,  8525).  La  forme  diphtonguée  de 
homo  n'est  pas  représentée  dans  notre  poème. 
Demorl  a  o  fermé  (  :  cort  6301,  :  retort  613),  ajort  :  amort 
1258.  mot  a  o  ouvert  (:  sot  187,  :  ot  8089).  II  en  est  de 
même  de  escole  :  parole  :  escole  476  (H.  Stock  dans 
Ro7n.  Stud.  1878,  p  455). 
Les  noms  propres  en  —  or  ont  o  ouvert:  Hector  :  or  1501, 
Melior:  trésor  1763,  etc.  ;  exception  apparente  Anfors 
(:  ors  7359)'. 

ai  ai  s'est  réduit  à  e  ouvert  :  mestre  :  estre  929,  GG73  ; 
Palestre  :  lionestre  7217;  —  terme  :  lerme  1723  ;  presse  : 
leisse  2249;  —  ver  :  werS35  ;  pes  :  après  919  ;  pes  :  ades 
1061  {pais  :  palais  885)  ;  fraites  :  legieretes  2955. 

•  Anfors  <  Alphonsum. 


26  LA    SUITE    DU    PARTHÉNOPEU    DE    BLOIS 

ei  ei  ne  rime  jamais  avec  où  Au  vers  143  A  lit  Troie:  voie, 
G  Troie  :  Troie  ,  c'est  P  qui  semble  donner  la  bonne 
leçon  Troie  :  ioie.  11  J  a  quelques  passages  où  ei  rime 
avec  e  ouvert  :  palois  :  dois  1685,  pafois  :  manois  1887, 
palois:  cois  5003  ;  Albiges  :  après  1379,  Albigeois  :  mais 
5661.  Difficile  à  expliquer  est  la  rime  voie  :  argroie 
ISQôiagroie  GP). 

ai     Paucum  donne  poi.  Ainsi  poi  :  oi  9275. 

ui     0  ouvert  -\--y  donne  ui.  Ainsi  lui  :  anui  381. 

totti  se  trouve  sous  ses  deux  formes  :  tuit  :  anuit  9155  ; 
tout  :  moût  1053. 

Consonnes. 

l  l  s'est  vocalisé  devant  s,  comme  le  montrent  les  rimes 
suivantes  :  Menelaus  :  loiaus  201  ;  Parlonopeus  :  teus 
3169,  oslex  :  Partonopex  5349  (G),  piez  :  rnielz  5795 
(P  :  iriez],  carneus  :  Parlonopeus  6133  ;  vos  :  sols  6411, 
Hernos  :  vos  6619. 
■  r  r  ne  compte  pas  dans  les  passages  suivants  :  estorse  : 
rescouse  8733,  envie  :  ocire  8953,  Anfors  :  ors  7359. 

3  z  semble  s'être  assimilé  k  s  :  fis  :  recoilUs  2041,  p,s  :  dis 
3919,  convers  :  desers  501,  sens  :  i,ens.  Pourtant  les 
exemples  sont  rares. 

m  m  final  précédé  d'une  voyelle  rime  avec  n  final  :  sornom  : 
baron  439,  traisson  :  nom  6009. 

Pour  la  flexion  il  y  a  peu  de  remarques  à  faire.  La  rime 
sire  ;  dire  1391  prouve  que  l's  analogique  ne  s'est  pas  encore 
ajouté  à  des  mots  comme  sire.  Le  vers  5843  homs  :  lions  qui 
peut  être  dû  au  copiste  ne  prouve  pas  le  contraire.  Pourtant 
le  poète  semble  déjà  osciller  entre  les  deux  usages  :  au  vers 
1007  nous  avons  la  rime  assises  :  servises,  rime  qui  appuie  peut- 
être  celle  du  vers  1337  empires  :  sires. 

Verbe. 

haïr  a  has  à  la  première  pers.  sing.  de  l'ind.  :  bas  :  solas  57. 
le  t  de  la  3°  pers.  est  tombé  sans  laisser  de  traces  :  lundi  : 


ET    LA    VERSION    HOLLANDAISE  27 

s"es/>am  1361,  trah?' :  issi  6^91  ;  ça  :  manda  2803,  la:  amena 
2953,  etc. 

La  3*  pers.  sing.  à'aller  est.  toujours  vait.  Ainsi  au  vers  297 
vait  :  atrait  (V.  1977,  3949,  4093   4605,  4839,  6279). 

Au  vers  4849  on  \\i  :  Apres celpoi resgardent plus,  Moltparesl 
heavs  se  il  lies  fus.  La  forme  fus  ne  peut  pas  être  la  vraie  leçon  ; 
aussi  faut-il  accepter  celle  de  G:...  mielz,  Molt  parfust  beauss'il 
fust  haitiez,  qui  écarte  en  même  temps  la  mauvaise  leçon  est. 

11  ne  se  trouve  dans  cette  partie-ci  de  notre  poème  aucun 
exemple  des  imparfaits  rimant  avec  ot.,  sot,  pot,  mais  cela  peut 
être  un  pur  hasard,  car  les  imparfaits  de  la  l""^  conj.  sont 
rigoureusement  séparés  de  ceux  des  autres  conjugaisons  : 
envoisoit  ;  sejownoit,  cremoit  :  avait  2131-2134.  Au  vers  415 
svv.  nous  avons  les  rimes  douloit  :  muçoit,  cremoit  :  donoit,  mais 
ces  vers  semblent  être  corrompus  :  G  a  cremoit  :  avoit ,  P  lit 
ce  passage  tout  à  fait  différemment. 

Sui(e  de  « 

La  fin  de  notre  roman,  telle  que  nous  la  trouvons  dans  le 
ms.  A,  présente  en  général  les  [mêmes  phénomènes^que  la  pre- 
mière partie.  Je  ne  signalerai  donc  ici  que  queU^ues  pas- 
sages qui  méritent  Tattention. 

Au  vers  10271  nous  trouvons  la  rime  cuides  :  aves. 

Talent  rime  avec  les  mots  en  —  ant  et  avec  ceux  en  —  ent. 
Ainsi  (jrant  :  talent  9373,  talent  :  ament  10085  (V.  Suchier, 
Heimpred/gt,  p.  69  sv.). 

Au  vers  10403  la  rime  connue  feme  :  règne. 

Comme  dans  la  l""®  partie  les  imparfaits  de  la  V^  conj.  sont 
séparés  de  ceux  des  autres  conjugaisons.  Il  n\y  a  qu'une  seule 
exception  refusoit  :  avait  9339.  Far  contre  au  vers  9805 
vengot  :  pot.  Mais  pour  bien  juger  de  ces  divergences  il  ne  faut 
pas  oublier  que  nous  n'avons  qu'un  seul  ms.  pour  cette  partie 
de  notre  poème;  la  comparaison  avec  d'autres  mss.  nous 
manque  complètement,  de  sorte  qu'il  est  souvent  difficile  de 
distinguer  la  main  du  copiste  de  celle  de  l'auteur  lui-même. 

Voici  pourtant  deux  rimes  qui  s'appuient  l'une  l'autre  et 
qu'on  ne  trouve  pas  dans  la  1"^^  [)artie  :  place  :  sace  9169, 
France  :  mance  10781. 


28       LA  SUITE  DU  PARTHÉNOPEU  DE  BLOIS 

Suite  de  |3. 

Quoique  la  suite  de  (3  soit  beaucoup  plus  longue  que  celle 
de  «,  elle  n'offre  que  peu  de  différences  avec  la  i"  partie. 

A  la  page  cvr  T,  comme  GP,  lit  :  cuider  :  amer  ;  cxxviii  v, 
où  T  est  le  seul  ms.  à  consulter,  humiliés  et  prisiés  riment 
avec  des  mots  finissant  en — es. 

p.  CI  r  nous  remarquons  la  rime  serans  :  frans. 

p.  cii  r  Albiges  :  mes,  rime  que  nous  avons  déjà  trouvée  dans 
la  l""*  partie. 

T  cxLii  r  sai  :  voi,  rime  qu'on  peut  comparer  à  celle  que 
nous  avons  trouvée  dans  la  l''"  partie  :  palois  :  dois,  etc. 

G  166  r  nées  :  mauves^  mais  les  vers  sont  corrompus  ' . 

T  cxL  vr  rose  :  enclose  (V.  H.  Stock,  Rom.  Stud.  1878,  p.  455). 

Pour  la  diphtongue  iu  vojez  la  rime  liens:  esckia  T  cvii  v. 
Duo  donne  dous  (:  vous  cxxxv  r). 

Les  imparfaits  de  la  l"""  conj.  sont  rigoureusement  séparés 
de  ceux  des  autres  conj.  On  ne  trouve  que  deux  exceptions  : 
tenoit  :  donnoit,  T  cm  r  ^,  mais  G  renverse  l'ordre  des  mots  et 
fait  rimer  vis  et  amis,  et  G  160  r  atendoit  :  iuenoit,  passage  qui 
ne  se  trouve  ni  en  P  ni  en  T. 

Cet  examen  nous  montre  que  la  langue  des  diff"érentes 
parties  est  essentiellement  la  même  ;  pourtant  nous  avons 
relevé  plusieurs  divergences  dans  le  petit  nombre  de  vers  que 
contient  la  suite  de  a  :  refusait  :  avoit  9339  ;  place  :  sace  9169  ; 
France  :  mance  10781.  Il  faut  j  ajouter  la  forme  du  pronom 
possessif  vo  et  no,  formes  que  nous  ne  trouvons  pas  dans  la 
première  partie  :  Qiien  j'en  fesisce  vo  voloir  9308,  Mais  n'ai 
soing  de  vo  guerroier  9378,  Tost  nos  aronl  no  loi  guerpir  9020. 
Remarquons  aussi  la  rime  Urracle  :  miracle  1028,  10376  ;  dans 
la  première  partie  le  nom  de  la  sœur  de  Mélior  revient,  pour 
ainsi  dire,  à  chaque  page,  sans  jamais  se  trouver  à  la  rime  : 
dans  l'intérieur  du  vers  le  nom  s'écrit  Urrake.  Ces  divergences 


*  Tel  ne  faisait  que  il  nées  N'estait  de  gaires  plus  mauves. 
^  Les  gentiex  hommes  viex  tenoit  A  ses  paretis  grans  fies  donnoit 

G  :  Il  tenoit  (jentix  homes  vis  Et  fiez  donoit  a  ses  amis. 


ET    LA    VERSION    HOLLANDAISE  ^9 

ensemble  avec  l'indice  d'orrlre  littéraire  mentionné  plus  haut, 
rendent  invraisemblable  (jue  la  suite  de  a  soit  de  la  môme  main 
que  le  début.  Quant  à  la  suite  de  /3,  il  est  fâcheux  que  le  manque 
d'une  édition  critique  rende  le  contrôle  difficile  ;  cependant  il 
était  nécessaire  dans  une  étude  comme  celle-ci  de  rechercher 
si  la  langue  ne  présentait  pas  de  phénomènes  phonétiques 
s'opposant  à  l'hypothèse  émise  ci  dessus.  Cela  n'étant  pas  le 
cas,  je  peux  maintenir  ma  conclusion,  à  savoir  que  la  suite 
de  |3  est  la  suite  naturelle  de  notre  roman. 

K.  Sneyders  de  Vogel. 


DÉBAT  DU  CORPS  ET  DE  L'AME  EN  PROVENÇAL 


Le  poème  qui  suit,  inédit  jusqu'à  présent,  est  conservé  dans 
une  copie  unique  et  fort  mauvaise  du  ms.  14973  (^fols.  1-26) 
de  la  Bibliothèque  Nationale.  Ce  même  ms.  contient  en  outre 
une  version  du  Chant  de  la  Sibylle  (fol.  26),  bien  connue,  et 
aussi  la  Vie  de  Saint-George  (fols.  27  v''-44  v°),  publiée  ici 
même  (R.  d.  1.  r.  3^  série,  t.  xv,  p.  246  et  4*^  série,  t.  1,  p.  129), 
il  y  a  déjà  bien  des  années,  par  M.  Camille  Chabaneau,  Le 
savant  provençaliste  avait  annoncé  à  cette  occasion  le  projet 
qu'il  avait  de  publier  sous  peu  le  Débat  dont  il  est  question 
ici,  en  y  ajoutant  une  étude  sur  la  graphie  et  la  langue 
du  ms.  14973,  qui  sont  identiques  pour  les, trois  compo- 
sitions; mais  ce  projet,  pour  une  raison  ou  une  autre,  ne  s'est 
pas  réalisé.  Comme  cet  ouvrage,  qui  du  reste  ne  manque  pas 
d'importance,  est  resté  complètement  inédit,  j'ai  pensé  qu'on 
me  saurait  peut-être  gré  de  le  publier.  Un  coup  d'œil  suffit,  il 
est  vrai,  pour  se  convaincre  que  la  valeur  littéraire  de  cette 
compilation  est  fort  médiocie,  cependant  elle  possède  un 
intérêt  tout  particulier,  comme  étant  la  seule  version  proven- 
çale qui  nous  soit  parvenue  d'un  thème  fort  répandu  au  moyen- 
âge,  et  dont  il  existe  plusieurs  rédactions  en  ancien  français 
et  autres  langues.  Ces  différentes  versions  ont  été  étudiées 
par  M.  Kleinert(^(/e6er  den  Streit  zwischen  Leib  und  Seele,  1880), 
qui  n'a  pas  connu  le  récit  que  nous  publions,  sauf  par  la  men- 
tion très  isommaire  de  Bartsch  [Grundriss  d.  prov.  litt.,  §  51), 
ainsi  que  le  regretté  Gaston  Paris  l'avait  déjà  fait  remarquer 
dans  un  long  et  intéressant  compte  rendu  sur  la  thèse  de 
M.  Kleinert  {/{otnama,  ix,  p.  31).  Bartsch,  et  Gaston  Paris 
après  lui,  se  sont  tous  les  deux  demandé  si  notre  poème  n'était 
pas  une  reproduction  de  la  Visio  Philiberti  en  latin.  A  moins  de 
me  tromper  fort,  je  ne  crois  pas  nu'il  y  ait  de  connexion  entre 
les  deux.  Notre  poème  donne  bien  l'impression  générale  d'une 


DÉBAT   DU    CORPS   ET   DE    l'aME  EN   PROVENÇAL  31 

traduction  de  quelque  version  latine,  mais  la  source  est  encore 
à  trouver. 

Quant  à  la  date  de  la  copie  du  ms.  14973,  M.  Stimming 
l'attribue  au  XIV^  siècle  {Grundriss,  §  48),  tandis  que  le  Cata- 
logue des  mss.  de  la  Bibliothèque  Nationale  lui  assigne  le 
XV  siècle.  Je  crois  qu'on  peut  partager  la  différence  et  opter 
pour  la  fin  du  XIV®  siècle  ou  le  commencement  du  XV».  C'est 
ce  que  prouve  du  re.*te  un  examen  des  formes  linguistiques 
et  graphiques  qui  suivent.  On  peut  également  conclure  de 
cet  examen  que  le  scribe  était  Catalan,  mais  la  langue  d'oc  de 
cette  époque  présente  en  général  tant  de  traits  en  commun 
avec  le  catalan  de  plus  ancienne  date  qu'il  est  prudent  de  s'en 
tenir  à  cette  observation.  Bartsch  a  certainement  eu  tort  de 
prétendre  (op.  cit.)  que  la  Vie  de  Saint-George,  dont  la  gra- 
phie et  la  langue  sont  identiques  à  ceWe^  An  Débat,  ainsi  que 
nous  l'avons  dit,  appartient  plutôt  au  domaine  catalan  qu'au 
domaine  provençal. 

I.  Phonologie  :  Voyelles.  (1)  La  diphtongaison  de  l'o  bref  se 
fait  généralement  en  ue  ;  hueymais  29  ;  puesc  48  ;  luenh  85  ; 
cniiech  \o6  ;  uell  305;  nuech  540.  N.  B.  niech,  rimant  avec 
deliech  199.  Suivi  de  /,  il  se  conserve  intact  le  plus  souvent  : 
voll  454,  etc.  11  peut  aussi  se  réduire  à  u  (notamment  devant  / 
ou  n  mouillée)  :  vuilyas  3  ;  ulls  (oculos)  55;  ull  (voleo)  1G4  ; 
ullya  359  ;  pusc  445  ;  Lunlias  560  ;  vuU  086  etc.  Les  mots  locum, 
focum.,  sont  traités  d'une  manière  différente  :  on  a  constam- 
ment/woc  101,  488,  1145,  1152,  etc.,  et  luoc  également,  sauf 
au  V.  216  où  le  ms.  porte  luac  qu'il  faut  corriger  en  luec,  forme 
qui  à  partir  du  XI V*^  siècle  remplace  luoc. 

(2)  e  protonique  est  remplacé  par  a  dans  :  avangeli,  et 
dans  angres  (ingressus)  674.  On  sait  que  ce  fait  est  caracté- 
ristique du  catalan. 

(3)  L'a  posttonique  passe  souvent  à  Ve  après  i  surtout, 
particulièrement  dans  les  terminaisons  des  verbes  :  avieyn  38; 
av/es  209  ;  ausies  210  ;  perdrien  269  ;  prenien  515  ;  sie  669,  879 , 
977  ;  avien  860  ;  folie  1004.  Ce  phénomène  est  également  très 
commun  en  catalan,  mais  il  ne  prouve  rien  dans  ce  cas.  puis- 
que de  telles  formes  abondent,  dès  le  XIV^  siècle,  en  Provence 
et  en  Languedoc. 

(4)  Un  autre  trait  qui  est,  comme  le  précédent,  un  des  plus 


32  DÉBAT  DU   CORPS   ET   DE   l'aME   EN   PROVENÇAL 

caractéristiques  de  notre  texte,  est  l'absence  de  Ve  prosthé- 
tique  devant  s  suivie  de  consonne.  Les  exigences  du  vers 
montrent  que  bien  que  cet  e  ne  fût  pas  écrit,  il  était  prononcé. 
11  j  a  cependant  plusieurs  vers  où  on  ne  doit  pas  rétablir  l'e 
initiale.  C'est  ce  que  Mussafia  a  constaté  pour  les  Sept  Sages 
(II,  67). 

Consonnes.  (1)  R  devant  y, surtout  à  la  terminaison,  tombe  : 
cos  195,  229,  388,  etc.  ;  flos  484  ;  servidos  497  ;  encolpados 
498;  renovyes  G45  ;  denyes  646,  719  ;  volenties  718  ;  senyos  814; 
guastados  1034,  etc.  Cette  chute  de  l'r,  notée  déjà  par  Jaufre 
de  Foixa  à  la  fin  du  XIIP  siècle,  comme  une  des  particulari- 
tés du  catalan,  se  répand  sur  toute  la  Provence  au  XIV"^  siècle, 
et  j  est  de  règle,  pour  ainsi  dire,  à  cette  époque. 

(2)  Le  d  primaire  entre  deux  voyelles  se  change  en  s,  ô  : 
guisardon  284,  423,  428  ;  guasanyo  056  ;  guasanyat  659,  comme 
il  est  général  dans  tout  le  centre  de  la  langue  d'oc  ;  ou  bien  la 
consonne  s'affaiblit  jusqu'à  s'efiacer  complètement  :  guiardon 
226  ;  creût  {=  crezut)  (302  ;  fiels  849  ;  auyam  978  ;  escaec 
[=  escazec)  1116. 

(3)  Le  ty  intervocalique  peut  aboutira  is  irayso)  ou  à  y:  rayon 
333,  lequel  y  peut  tomber  :  raon  506,  600;  raonar  769,  à  côté 
desquels  on  trouve  le  plus  souvent  raso  (n),  rasonar.  L'efface- 
ment de  ty  entre  deux  voyelles  est  caractéristique  du  catalan 
(Mussafia,  Sept  Sages^  ii,  50). 

(4)  11  en  est  de  même  de  la  chute  de  la  sibilante  c  entre 
voyelles,  dont  on  rencontre  quelques  exemples  dans  notre 
texte  :  plaera  952  ;  coema  1154. 

(5)  Le  V  dans  la  même  position  se  vocalise  en  u  dans  aul 
(passim)  ;  ou  bien  il  peut  disparaître  entièrement  :  paor.,  528, 
870. 

(6)  L'/  mouillée  est  représentée  par  les  graphies  ty,  yll,  yl, 
II,  est  aussi  l,  comme  en  catalan  :  filly  753  ;  feyllz  736  :  buylia 
158  ;  treball  385  ;  melor  320  ;  mol  (cf.  Flamenca,  4684)  391. 

(7)  L'w  mouillée  est  représentée  par  les  graphies  yn:  segynor 
374,  et  plus  souvent  wy,  qui  elles  aussi  sont  caractéristiques 
de  l'écriture  catalane  :  luonya  91  ;  vergonya  92  \  frany  547; 
soffany  548  ;  tany  686.  L'n  mouillée  est  parfois  rendue  par 
n/i,  comme  il  est  usuel  en  Provençal  :  vergonha  82. 

(8)  L7  mouillée  ne  représente  pas  seulement  //,  mais  aussi 


DÉBAT  DU  CORPS  ET  DE  LAME  EN  PROVENÇAL    33 

//  parfois  :  afrevoUijant  410,  nuhja  608  (cf.  Sept  Sages  ii,  21). 

(9)  V  tombe  souvent  devant  u  dans  ull  (voleo)  163,  etc.; 
ullya  359  ;  ullijas  974.  M.  Paul  Mejer  a  relevé  quelques  exem- 
ples de  ce  fait  dans  Daurel  et  Béton  (vv.  57,  82j.  Il  n'est  pas 
inconnu  au  catalan  (cf.  Documentas  literarws  en  anligua  lengua 
catalana,  111,  114,  132,  etc.). 

(10)  L's  étymologique  est  fréquemment  remplacée  par  c  : 
cera  23,  325,  360  ;  ceraij  185  ;  acedar  20  i  ;  ciguiam  333  :  pas- 
sacem  395  ;  centiron  512  ;  ecer  533.  L'inverse  a  lieu  éga'ement  : 
sert  7  :  serta  358  ;  serions  188  ;  sec  (csecus)  502  ;  mersse  549,  etc. 

(11)  Une  autre  particularité  du  copiste  est  le  redoublement 
de  Vs  initiale  :  sson  (514  ;  ssa  722  ;  ssera  754  ;  ssi  810,  etc. 

(12)  L'A  est  placé  au  commencement  de  certains  mots  sans 
raison  apparente  :  hi  326  ;  hanc  621,  etc. 

11.  tlexion.  —  Sous  ce  chef,  je  me  contenterai  de  quelques 
indications  sommaires. 

(1)  On  remarque  d'abord,  ce  qui  du  reste  n'a  rien  d'extraor- 
dinaire à  cette  époque,  que  les  lois  de  la  déclinaison  n'ont 
guère  plus  de  valeur. 

(2)  Au  présent  de  l'indicatif,  la  première  personne  du  sin- 
gulier prend  assez  souvent  un  i  de  flexion,  même  quand  une 
voyelle  d'appui  n'est  pas  nécessaire  :  troOiSS,  908;  valh'  4bl  ; 
emporti  644  ;  voly  656  ;  ausi  744  ;  laysi  787  ;  demandi  883  ; 
teni  950  ;  mori  1140. 

(3)  La  seconde  personne  du  singulier  dans  ce  même  temps 
se  termine  presque  invariablement  en  es  au  lieu  de  s  dans  les 
verbes  suivants  :  sabes  129,  133,  139,  etc.;  podes  150,  331,  366; 
deves  300  ;  mêles  330  ;  queres  564,  579  ;  voles  585,  etc. 

(4)  Un  i  vient  s'njouter  devant  les  terminaisons  èi{y),  est, 
i  du  parfait  des  différentes  conjugaisons,  paiticulièrement 
devant  est  de  la  première  et  de  la  troisième  conjugaison  faible. 
A  la  seconde  personne  de  ces  deux  conjugaisons,  il  y  a  diph- 
tongaison de  l'e,  mais  ailleurs  il  semble  bien  qu'on  ait  à  faire 
à  des  formes  analogiques  :  ausiy  1  ;  boleyuiey  121  ;  nasquiey  122  ; 
guardiey  172  ;  ubeliy  204  ;  prestiest  70,  73  ;  bayliest  74  ;  ven- 
diest  75  ;  gardiest  138,  195,  197,  etc. 

(5)  Au  présent  du  subjonctif  de  la  première  conjugaison 
faible,  on  remarque  l'emploi  fréquent  de  formes  en  es.  r,  à  la 
seconde  et  à  la  troisième   personne   du  singulier  :  tire  528  ; 

3 


C}4  DEBAT  DU   CORPS  ET   DE   L  AME   EN    PROVENÇAL 

pegue  610  ;   ânes  637  ;   cuyes  638  ;  emporte  755  ;   toques  773  ; 
juye  875. 

(6)  A  l'imparfait  du  subjonctif,  la  terminaison  est  le  plus 
souvent  en  a  au  lieu  de  e  :  fosas  128  ;  poyuesas  200  ;  ausissas 
206  ;  tastesas  382  ;  volguessas  749  ;  gitesan  925. 

(7)  Il  y  a  hésitation  entre  deux  conjugaisons  pour  remaner  ; 
à  côté  de  la  forme  régulière  (591,  601),  on  trouve  romanir  533 
ou  remanyir  537.  On  peut  aussi  noter  veridre  au  lieu  de  venir 
au  V.  337. 

III.  Versification. —  Outre  ce  qui  a  été  dit  de  Ve  prosthétique, 
la  versification  de  notre  poème  ne  donne  lieu  qu'à  très  peu 
d'observations. 

(1)  L'e  et  Vi  de  que  et  de  si  peuvent  être  élidés  ou  non, 
comme  d'habitude,  même  devant  yeu.  La  voyelle  élidée  n'est 
pas  supprimée  ordinairement. 

(2)  Plus  exceptionnel  est  l'apocope  de  no  aux  vers 666  et682. 

(3)  Dans  que  y  146,  782,  il  y  a  fusion  des  deux  voyelles  en 
une  seule  syllabe  (crase).  Il  en  est  de  même  de  y  an  146,  valli 
yeu  450,  y  an  604. 

(4)  Ainsi  qu'on  s'y  attend  dans  une  composition  de  date 
aussi  récente  que  la  nôtre,  les  cas  de  synérèse,  particulière- 
ment entre  ï  et  a  fe),  ne  sont  pas  rares  :  avieyn  38  ;  diable  46, 
696  ;  plasia  220  ;  fayaaria  248  ;  snvisia  440  ;  daria  651  ;  rauba- 
7na  658,  663;  s/e  066  ;  folie  1004;  querias,  à  moins  de  faire 
posséda  de  trois  syllabes  au  lieu  de  quatre  ;  fiels  849. 

[Fol.  i]       1.      L'autrier  ausiy  uua  tenson. 
Say  vos  dire  en  quall  rason, 
An  que  vuUyas  estar  en  pas, 
E  entendes  es  escoytas. 
5.     Car  a  my  non  plas  que  yheu  semen 
Sela  terra  que  fruc  non  rent, 
Car  avangeli  dis  per  sert 
Qe  om  sas  marguaridas  per 
Quant  las  pausa  als  porcs  davant  ; 
10.     El  maystre  per  son  enhant 
Que  cant  a  las  folas  gens, 
E  per  que  quar  nulz  non  l'entent, 
Que  si  el  es  guarnit  de  bon  sens, 
De  bon  saber,  el  o  despent. 


DEBAT  DU  CORPS  ET  DE  LAME  EN  PROVENÇAL 

15.     Senjors,  e  yhu  quon  o  faray  ? 
Que  tu  sabes  e  yhu  o  say 
Quel  sens  el  saber  es  perdut, 
Con  argent  cant  es  escondut, 
Per  que  my  plas  cant  es  enant, 

20.     Mon  saber  die  vos  an  aytant, 
Que  cascun  y  poyres  apendre, 
An  que  vulyas  lo  mot  entendre, 
(El  cant  cera  ma  rason  complida 
E  aures  la  tenson  auzida, 

25.     Si  mi  sabes  yugar  per  drech, 
Cal  [en]  a  tort  ni  cal  a  drech, 
Ja  non  vos  rendray  per  tan  van 
C'ayas  manyat  en  fol  lo  pan. 
Hueymais  escoytas  la  tenson 

30.     E  entendes  en  cal  [yeu]  son, 
E  non  prenas  entorn  los  ors, 
Car  de  l'arma  es  e  del  cors. 
L'arma  dis  al  cors  :  mot  m'es  grieu 
Car  tantost  partem  tu  e  yheu  ; 

35.     Lo  temps  es  vengut  [que^  partam. 
Que  ben  vey  que  romp  le  liam, 
Ses  départir  vivem  ensepms. 
Que  nos  avieyn  tengut  lonc  temps  ; 
Aras  vey  que  non  an  poder 

40.     Que  plus  nos  puyscan  retener. 
Don  suy  dolenta  e  marrida, 
Quar  es  vengut  a  la  partida  ; 
Mot  m'es  mail  lo  departiment, 
Car  tant  es  gran  mon  espavent, 
[F°  2]       45.     Que  cor  ni  boca  non  po  dir, 
Car  yehu  vey  un  diable  venir 
Que  a  l'iysir  mi  cuya  pendre. 
Es  yheu  non  li  mi  puesc  défendre, 
E  dis  que  ya  non  s'en  part(i)ra 

50.     Davant  mi,  entro  que  m'aura. 

Ni  yehu  non  cre  que  may  en  parta, 
Que  en  sa  ma  porta  una  carta 


18.  Le  mot  cant  est  répété  dans  le  ms.  —  19.  Ms.  azenant,  aTec  la  syl- 
labe az  en  interligne.  —  25.  Ms.  dyech.  —  29.  Ms.  huey  mâs  escoctas. 
—  37.  Ce  vers  est  ajouté  en  marge,  ainsi  que  le  v.  42. 


36         DÉBAT  DU  CORPS  ET  DE   l'amE  EN  PROVENÇAL 

On  son  [ejscriych  tut  li  pecas 
En  que  tu  as  tan  percassas. 

55.     Escris  i  son  tiens  fais  ausirs 
De  que  non  volguist  penedir  ; 
Escris  i  sson  tieus  falls  erguells 
Els  falls  semblans  que  an  fagt  tieus  ulls  ; 
Escrich  y  es  ton  odorar, 

GO.     Que  anc(t)  non  vollguist  pendensa  far 
?]n  totas  tas  paraulas  vanas 
Escrizas  per  yorns  e  (per)  semanas  ; 
Escrich  y  es  to  foll  tener, 
Ton  fais  pensar,  ton  fais  poder  ; 

65.     Escrichas  tas  falsas  merses, 

Que  anc  (en)  nullz  ome  en  tant  no  si  mes 
Que  liall  fe  y  artrobes, 
En  lo  falls  anar  de  tos  pes  ; 
Tieus  deliecli  e  (tieus)  adulteris 

70.     Son  (e)scrich  en  aquest  sauteri. 
Es  anc  non  prestiest  per  ren  uou 
Catre  per  V  ni  VIII  per  IX, 
Ni  anc  nulla  ren  non  prestiest 
Per  may  cobrar  que  non  bayliest, 

75,     Ni  anc  non  vendiest  neguny  diva 
Blat  ni  vin  niays  que  non  valia, 
Ni  anc  falyiment  no  fesist 
Parlant  obrant  nill  consenstist, 
Non  sia  en  aquest  [ejscrich. 

80.     E  membra  mi  soven  el  liech 
L'enemic  don  ay  gran  pavor 
E  gran  vergonha  e  dolor 
Que  yen  non  trobi  negun  amie 
Quem  defeuda  de  l'enemic, 

85.     May  un  angel  que  m'es  de  luenh 
Mot  vergonchos  e  ten  ell  poenh 
Una  carta  ou  son  [ejscrich 
Tut  li  tieus  benfach  el  (tyeu)  bendich, 
May  tant  son  mayors  e  plus  grans 

90.      Li  mails  qu'ells  bens,  e  tant  pesans, 


54.  Ms.  perserat.  —  57.  Les  mots  tieus  falls  sont  en  marge  dans  le  ms. 
—  60.  Ms.  pnedensa.  -  69.  Ms.  deliche.  —  70.  Ms.  scrihc.  —  84,  Ms.  que 
mi.  —  85.  Ms.  luch.  —  86.  Ms,  poch. 


DÉBAT   DU   CORPS   ET   DE   l'aME    EN    PROVENÇAL  37 

Per  que  l'angell  de  iny  si  liionya, 
[F"  3.]         Don  ay  pavor  e  gran  vergonya. 

Que  si  m'emporta  lo  trefan 

Motz  es  cuech  es  rot  tôt  mon  pan, 
95.     Ay,  cors,  e  tu  pecas  m'en  mail  ! 

(Car)  tant  an  apoderat  (li)  tyeus  mail 

Que  si  le  ben  apoderes 

El  cel  m'en  pugera  ades, 

Don  fora  de  gyach  coronada, 
100.     May  aras  seray  turmentada 

Enz  enmyl  fuoc  perpetuall, 

Car  tôt  apoderan  li  mail. 

Le  cors  dis  a  l'arma  :  gran  tort 

Ti  conosc,  car  sus  en  la  mort 
105,     Mi  tenssonas  ny  mi  trebalyas, 

E  dises  quez  (yeuch)  ay  fazt  las  falyas 

Per  que  tu  seras  turmentada, 

May  non  es  paraula  parada, 

E  pos  tu  mi  vas  tensonant, 
110.     E  a  mi  mon  drech  rasonant, 

E  puy  siam  iuyas  per  drech, 

Q'estiers  ya  non  auray(s)  mon  drech. 

Arma  tu  mi  vas  encolpant 

De  so  de  que  tu  as  tort  grant. 
115.     Ver  es  que  el  ventre  de  ma  mayre, 

Qu'estiers  non  si  pogra  fayre, 
Fuy  cosseput  et  engendrât, 

E  pueys  quant  fuy  [e]smagenat, 

E  Dieus  me  [ejspiret  de  ti, 
120.     De  mantenent  que  fust  (de)dins  mi, 

E  yen  fuy  vyu  e  boleguiey  ; 

E  cant  fom  temps  am  tu  nasquiey  ; 

(E)  avéra  vescut  anduy  ensemps 

D'aquell  yorn  entro  aquest  temps. 
125.     E  pos  (lu)  fust  dedins  mi  venguda, 

Ay  yehu  ren  faz  ses  t'ayuda  ? 

Ni  ieu  proga  far  nullya  ren 
Euans  quez  fosas  dedine  me. 
E  non  sabes  tu  que  vers  no  es 


94.  Ce  vers  est  écrit  en  marge  dans  le  ms.  —  110.  Ms.  mays  a  mi  mon 
drech  rasonar. 


38  DÉBAT  DU   CORPS  ET  DE    l'aME   EN   PROVENÇAL 

130.     Que  cors  ses  arma  rea  no  es, 
E  n'es  obs  que  tu  mi  desliure, 
Que  cos  ses  arma  non  pot  viure. 
Non  sabes,  que  cant  yeu  partray 
De  tu,  que  mantenant  morray  ? 

135.     E  ya  puech  non  auray  poder 
Que  fassa  enuech  ni  plaser. 
Don  as  tu  tort,  pos  fust(de)dins  mi. 
Car  miells  non  gardiest  mi  e  ti. 
[F°  4.]       Tu  sabes  que  l'arma  es  fren 

140.     Del  cors  e  lay  ont  es  le  ben 
Lo  deu  tôt  per  forssa  menar, 
Si  am  grat  non  la  vol  amar. 
Diguas,  si  anc  yorn  mi  forssiest 
Ni  m'o  mostriest  ni  m'o  diyssist? 

145.     Si  yeu  ay  fallyit  mi  membres  tut 
Y  an  tort  que  y  an  acoregut, 
E  si  yeu  anc  fis  nuU  falyment, 
Trastut  y  son  agut  consent. 
E  tu  que  m'o  degras  vedar, 

150.     Per  que  (non)  m'en  podes  encolpar? 
Arma,  e  no  fas  tu  ausir  ? 
Arma,  e  no  fas  tu  sentir  ? 
Arma,  e  no  fas  tu  veser  ? 
Arma,  e  ses  tu  ay  ieu  poder  ? 

155.     Arma,  e  no  fas  tu  parlar? 
Arma,  e  no  fas  tu  anar? 
Arma,  fis  anc  ren  negun  dia 
Ses  tu,  pus  fuy  en  ta  baylia  ? 
Arma,  guarda  de  quem  encolpas  ! 

160.     Tu  sabes  que  osses  ni  polpas 
Non  podun  far  nuUya  falyida, 
Pueys  que  l'arma  s'en  es  [i]ssida. 
Arma,  sitôt  vols  anc  ren  dir, 
D'aquest  contrast  mi  ull  départir. 

165.     L'arma  respondet  amb  aytant, 
E  a  dich  al  cors  sospirant  : 
Ay,  cor,  aul  [ejscusacion  ! 
A  cel  que  la  fa  no  ten  pron. 
Tal  [e]scusacion  as  faza 

165.  respondet  en  interligne  dans  le  ms. 


DÉBAT  DU  CORPS  ET  DE   l'aME  EN   PROVENÇAL  39 

170.      Que  non  deuliui'a[s]  ni  empacha[s]. 

Tu  vas  tos  membres  encolpant 

E  mi,  car  non  ti  guardiey  de  dan, 

E  tut  li  tieus  membres  egrosses. 

Non  son  formas  de  carn  e  d'oces  ? 
175.     Si  son  e  tu  de  lur  natura. 

(E)  ensemps  est  una  creatura, 

El  tieus  membres  grans  e  menus 

(Non)  son  an  tu  créas  e  nascut. 

Per  que  t'en  podon  leu  respondre 
180.     E  [t]a  rason  de  leu  confondre. 

E  yeu,  si  puec,  ti  respondray 

La  0  n'as  may,  si  yeu  far  o  say. 

De  la  colpa  quez  tu  mi  donas, 

Que  an  ton  tort  mon  drech  tensonas. 
185.     Tant  co  (yeu)  ceray  dedins  ton  cos 

Tu  viuras,  e  cant  seray  for(a)s, 

Tu  morras,  ayso  es  vers  plans. 

D'aytant  es  mon  parlar  sertans. 

E  pos  per  mi  as  tant  vescut 
[F»  5.]       190.     Quel  pell  n'as  ferran  e  canut, 

Diguas  mi  l'amor  que  m'as  fâcha 

Ni  la  onor  quez  m'as  astracha! 

Per  mi  causist  ti  anc  null  dia 

D'erguell  ni  de  far  leuyaria  ? 
195.      Gardiest  ti  anc  de  cobeytat 

D'enveya  ni  d'autre  pecat  ? 
I  Gardiest  ti  anc  de  trop  manyar. 

Ni  de  beure  ses  acedar  ? 

Causist  ti  anc  yorn  ni  de  niech 
200.     Que  poguesas  aver  deliech  ? 

De  lucsuria  non  ti  causist 

Qu'aytant  la  fFaza  con  poguist. 

Anc  uU  yorn  non  laysiest  per  mi 

De  null  pecat  pos  t'abeliy  ; 
205.     Anc  tant  non  'styest  a  la  gleyra 

Que  ausissas  la  messa  entiera. 

Que  cant  tu  degras  Dieus  preguar 

Tu  pensavas  de  ton  afar, 


182.   Ms.  la  0  n'ar.  —  202.  Ms.  car  aytant,  —  207.  Le  mot  dieus  est  en 
marge  dans  le  ms. 


40         DÉBAT  DU   CORPS  ET  DE   l'aME   EN   PROVENÇAL 

Et  avies  ton  cor  enic, 
210.     Cant  tu  ausies  lonc  presix  ; 
E  en  ton  cor  non  ti  plasia 
Lo  ben  quell  capelan  disia, 
Ni  ne  sabias  moch  retrayre, 
Tant  pessavas  de  ton  afayre. 
215.     Mais  en  la  plassa  ails  folls  yuex 
Era  tôt  ton  sens  e  tôt  ton  luec, 
On  son  dichas  antas  mot  grans, 
De  Dieus  e  de  tos  los  siens  sans. 
Aquo  ausias  volentiers. 
220.     Mays  ti  plasia  quez  le  mestiers 
Qu'om  en  la  glesa  disiya(n), 
An  que  fam  ni  set  non  ti  destrenye, 
Ni  pensavas  de  ben  a  fayre. 
Mos  falymens  ti  puesc  retrayre. 
225.     Hanc  iorn  per  mi  non  ti  causist. 
Don  resebras  guiardon  trist. 
Cor,  malla  t'ai  vist,  (per  que)  mal  m'en  ven  ! 
Per  tu  auray  mail  e  non  ben. 
So  dis  lo  cos  a  l'arma  :  que  as  ? 
230.     Mal  m'es  car  no  estas  en  pas. 
Ben  gran  meravilyas  mi  don, 
Quar  tu  cuyas  aver  rason. 
Non  sabes  tu  que  ia  li  naus 
Que  es  faya  de  post  e  de  claus 
235.     Quant  es  de  tôt  sos  obx  complida, 
Si  non  es  de  nauchier  garnida, 
Que  aquyll  que  volun  pasar 
En  la  terra  de  outra  mar, 
Non  en  volun  donar  loguier, 
[F°  6.]         240.      Si  non  son  segur  de  bon  nauchier? 
Cuias  ti  per  vent  ni  per  vêla, 
Ni  per  clerdat  ni  per  [ejstella, 
Que  la  naus  pusca  mar  passar, 
Ni  sapia  son  viage  far, 
245.     Si  lo  nauchier  non  la  governa, 
E  non  cerca  e  non  [e]sterna 
La  via  per  on  deu  anar  ? 

216.  Ms.  liiac.  —  221.  Ms.  que  las  gem  en  la  glesa  disiynn.  —  229.  On 
lit  en  marge  e  à  côte  de  so.  —  240.  Vers  trop  long,  ainsi  que  le  v.  .249. 


DÉBAT   DU    CORPS  ET   DE    l'aME   EN   PROVENÇAL  A\ 

Car  cel  que  la  laysaria  'stai- 

A  la  merce  del  vent,  si  briaria, 
250.     E  tota  la  gent  ijerirya. 

Donx  per  lo  nauchier  es  salvada 

La  nau  e  tota  la  maynada. 

La  nau  quells  pelegrins  porta 

Non  sabes  tu  que  es  cays  morta. 
255.     La  nau  [n']  a  sens  on  deu  anar, 

Ni  sab  lo  port  von  deu  intrar, 

Ni  sab  on  es  la  mehor  via, 

Ni  vay  rnays  la  (non)  om  la  guisa 

Lo  nauchier  que  l'a  en  poder.  ,^ 

260.     Arma,  entent  si  yeuh  die  ver. 

Tu  sabes  que  li  marinyes, 

An  lo  bo  conseil  del  nauchier, 

Fan  venir  a  port  de  salut 

La  nau  per  que  son  salivât  tut, 
265.     Que  si  cascun  non  en  avia 

Cura,  li  naus  leu  si  perdrya  ; 

Li  pelegrins  els  marinies 

Que  son  en  poder  del  nauchyer 

Si  perdrien  es  els  meseys, 
270,     Per  qu'es  semblant  e  apareys 

Que  tu  (que)  yest  aida  per  Ions  ans 

De  mi  quez  suy  navy  naveguant, 

E  per  ton  tor  sera  vengut. 

Si  tant  es  ques  siam  perduts. 
275.      Arma,  ques  mal  m'as  governat, 

Els  membres  que  y  an  ai(u)dat. 

Car  si  anc  fesist  ren  contra  Dyeu 

Tu  en  pecas  mail  els  membres  mieus. 

Tu  els  membres  que  degras  guardar, 
280.      E  mi  que  no  pogues  foleyar. 

Li  membres  son  myeus  marinies, 

E  Dieu  det  ti  a  mi  per  nauchier, 

E  as  tengut  mail  lo  timon. 

Dieus  t'en  rendra  mal  guisardon  ! 
285.     Els  membres  auran  mail  zusisi 
[F°  7]         Que  m'an  gualiat  an  lur  visi. 


270.  Ms.  per  quez  semblant.  —  272.  Vers  trop  long.  On  doit  peut-être 
lire  nau  au  lieu  de  navy.  —  282.  Ms.  e  dieu  det  mi  a  li. 


42    DÉBAT  DU  CORPS  ET  DE  LAME  EN  PROVENÇAL 

Mot  foron  li  membres  irat 
Que  son  per  lo  cos  [ejscolpat. 
E  responderon  las  aurelyas  : 
290.     Cor,  mot  avem  gran  meravilyas 
De  so  que  (nos)  avem  ausit  dire. 
Si  tu  as  gitat  a  martire 
L'ai'ma,  e  qui  en  peca  mail  ? 
Nos  non  pas  may  (li)  tieus  fols  yornals. 
295.     Per  que  fas  mail  quar  nos  tensonas 
Ni  del  tieu  tor  nos  ucaysonas. 
(Tu)  sabes  quez  per  ausir  em  fâchas 
E  pausadas  en  luoc  de  guachas  ; 
(E)  mail  e  ben  ti  fasem  ausir, 
300.     E  (tu)  deves  lo  miellye  causir, 
Que  plus  non  avem  de  poder  ; 
May  tu  as  lo  sens  el  saber, 
Per  que  degras  laysar  lo  mail 
E  prendre  lo  ben  que  may  vall. 
305.     L'uell  responderon  en  après, 
Que  de  las  aurellyas  son  près, 
E  dison  al  cos  en  plorant  : 
Cor,  de  que  nos  vas  encoUpant? 
Si  tu  as  an  tos  falymens 
310.     L'arma  gitada  a  torment, 

Per  la  cal  rason  em  encolpas  ? 
Non  t'avem  nos  lonc  temps  mostrat 
So  que  es  ben  e  so  que  es  mail  ? 
E  si  tu  es  ves  l'arma  falls, 
315.     La  falyda  non  es  pas  nostra. 
E  non  fa  pro  sel  que  ti  mostra 
La  via  que  ti  pot  damnar 
E  la  via  quet  pot  sallvar  ? 
Ben  es  malastruc  qui  non  tria 
320.     E  non  causis  la  melor  via, 
E  si  tu  as  lo  pies  triât, 
Dieus  ti  o  rendra  per  son  grat. 
Las  (na)naras  parleron  iradas  : 
Cor,  per  que  nos  as  encolpadas  ? 
325.     Si  avem  fatz  toi  quant  ti  tais, 

Tor  n'[av]em  (hi)  si  (nos)  demandas  mays. 
[F°  8].         Mal  e  ben  nos  ti  fam  sentir, 
K  tu  degras  lo  miellé  causir, 
E  si  as  mail  causit  ni  lach. 


DÉBAT  DU   COR]>S   ET   DE   l'aME  EN    PROVENÇAL  43 

330.     Tu  de  que  nos  metes  em  plach 

(Ni)  de  que  nos  podes  encoUpar, 

Ya  qui  ti  laysara  paiiar  ? 

E  si  ciguiam  la  tiua  rayon 

L'arma  non  y  auria  pron, 
335.     Don  cera  gran  tort  si  sufre  pena 

Per  tu,  nil  diable  la  emmena. 

Miels  deuria  av  a  tu  vendre, 

Car  de  mail  non  ti  yest  pogut  défendre. 

En  après  y  parlet  li  lengua  : 
340.     Cor,  de  tu  non  say  en  que  m'en  prena. 

Volgist  mi  anc  poder  donar 

Maysscasadamens  de  parlar  ? 

Si  yeu  ay  parlât  so  que  volguist. 

Garda  del  parlar  que  en  fesist. 
345.     Motas  vegadas  ay  parlât, 

Qu'estera  soau  per  bon  grat. 

Car  lo  parlar  non  era  vens, 

Si  tôt  lo  [mieus]  poders  fos  mens, 

Suau  estera  denfra  ma  boca, 
350.      Per  que  la  gran  colpa  ti  toca 

Si  [tu]  m'as  fag  parlar  on  fol  ; 

Ni  tu  fas  lo  fach  que  ti  toll 

Que  li  colpa  tiua  non  sia, 

Que  en  ti  as  tant  de  senyoria 
355.     Que  (si  tu)  ten[gues]es  la  boca  clausa 

Per  forsa  "stac[ada]  [ejs  pausa. 

E  mantenent  que  l'as  uberta 

La  boca,  yeu  suy  tota  seita 

De  parlar,  ni  m'en  uUya  o  non, 
360.     E  far  so  que  ti  cera  bon  ; 

E  si  l'arma  [ejs  turmentada 

Per  ta  colpa  ni  mallmenada, 

Seguon  mon  sens,  tu  n'as  tor  gran. 

Es  illy  fasa  t'en  demant. 
365.     [Ar]  las  mans  preron  a  parlar  : 

Cor,  de  que  nos  podes  encolpar  ? 

Non  a[vem]  près  so  que  volguist 

E  laysat  so  ques  tu  diysist  ? 

E  si  [nos]  as  faych  lo  mail  pendre 

338.  Vers  trop  long,  ainsi  que  le  v.  340.  —  346.  Ms.  bon  gran. 


44  DÉBAT   DU   CORPS  ET   DE   l'aME   EN    PROVENÇAL 

370.     El  beu  laysar,  quit  pot  défendre, 
Ni  call  yuye  dira  per  drech 
Que  non  ayas  [lo]  mail  ellech? 
[F"  9].         Volentieras  t'avem  servit, 
Con  a  segynor  obesit, 

375.     Mas  tu  non  o  conoses  guayre, 
Seguon  que  nos  ar  es  veyayre. 
Que  no  es  l'arma  sens  rason 
Tensonas  de  ta  ucayson  ? 
E  si  l'arma  n'esta  marida, 

380.     Tu  en  pecas  mail,  mia  partida, 
E  si  trobas  yuye  Hall, 
Non  cuch  anc  (tu)  tastesas  d'aytall. 
Li  pe  parleron  en  après  : 
Cor,  con  y  es  tu  tan  engres, 

385.     Cant  tots  tas  membres  aysi  treball  ! 
Ben  sembla  que  ton  sens  ti  fall, 
Que  tu  as  els  membres  poder, 
E  si  aquill  fan  ton  plaser, 
De  que  les  podes  encolpar  ? 

390.     Motas  ves  nos  a[s]  fach  anar, 

Per  mol,  per  giladas,  (e)  per  fane, 
E  tu  sabes  si  deysem  anc  : 
A  nos  non  plas  quez  l[aj  anem. 
Mas  tôt  cant  anc  volguist  fezem. 

395.     Si  passacem  tos  (co)mandamens, 
Nos  non  foram  fallys  fortment. 
Tu  [sa]bes  quant  as  'stat  [ejstrech 
De  gran  callors  e  de  grans  frechs, 
De  fam,  de  set  e  de  dessayse, 

400.      Quelh  membres  non  donavan  ayse. 
Cant  tu  avias  malautia 
Cascun  dels  membres  [o]  sentia(n)  ; 
Andos  las  aurelyas  bondian, 
E  las  naras  petit  sentian  ; 

405.     Li  uell  eran  cay[s]  adormit  ; 
E  de  la  lengua  non  oblit 
Que  tan  gran  marimen  avia 
Que  an  penas  parlar  podia  ; 
Las  mas  anavan  tremolant, 


399.  Ms.  dessayrc.  —  400.  Ms.  canct  li  membres. 


DÉBAT  DU  CORPS   ET  DE  l'amE   EN  PROVENÇAL  45 

410.      E  nos  tant  fort  afrevollyant. 
Que  de  tôt  erani  reliiuiuis, 
Tant  eran  li  membres  maris 
Per  lo  mail  que  ti  destrenyie 
Que  negun  conort  non  fasia  ; 
415.      E  si  nos  em  jier  drech  yuyas, 
Tu  nos  as  a  tort  encoUpat, 
[F»  lOJ.         E  si  Tarma  n'es  turmeutada, 

Par  los  tieus  fags  ni  mallnienada, 
(Que)  en  tu  sun  totas  las  fallyas 
420.      De  que  nos  e  l'arma  treballyas. 
Cor,  auyas  que  le  savi  a  dich 
En  son  bon  dechat  e  [e]scrich  : 
De  bon  servisi  bon  guisardon  quer. 
E  a  tu  non  deu  esser  fer. 
425.     E  cell  que  [lo]  servisi  pren 

Si  cant  la  près  puey  non  lo  rent, 
Aul  es  ssegon  liall  yuzisi, 
Sil  guisardon  an  lo  servisi 
Non  conpara,  cant  luoc  en  es, 
430.      Garda  qui  yest  ni  con  t'es  près 

Ves  nos  ni  ves  l'arma  que  as  fach, 
Car  (tu)  rendes  de  beufach  coU  frach. 
Li  membres  an  lo  cor  cornes, 
El  cor  respon  mot  fermanes  : 
435       Vos  autri  membres  aves  fach 
Aquo  que  li  foll  fan  ell  plach  : 
Li  foll  ell  plach  dison  lor  dan, 
E  li  savi  lur  pron  y  fan. 
(E)  vos  autri  e  nos  mail  guardas. 
440.      De  savisia  mânes  foldat. 

Aures  renyat  mot  longuamens, 
Es  aras  cuyas  aver  sens. 
Non  a  sens  cell  que  son  mayor 
Non  lausa  e  non  li  fay  ouor. 
445.      Per  que  pose  (a)  dire  verament 
Que  vos  autri  non  aves  sens. 
An  vos  die  que  es  folls  naturalls, 
Car  non  onras  sell  que  may  vall. 
Cascun  dises  que  tus  estmieus, 

428.  Ms.  si  le  guisardo7i . 


46  DÉBAT  DU   CORPS  ET   DE   l'aME   EN   PROVENÇAL 

450.      Donx  si  yen  suy  senyer,  may  valli  yeu. 
Yeu  vali  mays  que  vos  non  fas. 
Folls  est,  car  onor  nom  portas, 
Car  null  savy  non  quer  onor 
Ni  la  voll  sobre  son  mayor. 

455.     Très  manyeras  son  d'orgueil. 

Fol!  es  qui  las  manten  ni  (las)  ull. 
E  diray  las  vos  totas  très 
En  aysi  quon  venon  da  res  : 
Le  premier  es  de  aull  natura, 
[F"  II.]       460.     Qui  plus  fortfmen]  si  desmesura  ; 
Le  segon  es  de  grau  folia. 
De  nonsens  e  de  leuyaria, 
Qui  desmesura  son  eguall, 
0  cell  contrasta  que  mays  vall  ; 

465.  Le  te[r]s  es  de  trascuyament 
Qui  desmesuralh  plus  valent, 
E  plus  fort  défi  qui  may  vall 
Si  tôt  l'en  pren  ben  e  lo  sal. 
Donx  es  vos  autres  tos  fallys, 

470.     Que  sabes  que  yeu  vos  ay  noyrit. 
Lo  conduch  ques  yeu  ay  manyat 
Vos  ay  ben  partit  e  donat. 
Que  en  ver  non  vos  (en)  podes  clamar. 
Es  pos  yen  puasc  vos,  o  ben  par, 

475.     Cant  yeu  era  plen  de  conduch, 
E  vos  eratz  alegres  tuch, 
E  si  yeu  un  yorn  deyunes 
Que  non  bègues  o  non  manyes, 
Tant  flac  e  tan  aul  en  eras 

480,     Que  null  conseil  non  vos  avias. 
Cascun  de  vos  autres  sabes 
Que  cant  l'arbre  esta  em  pes 
De  sa  viguor  muon  las  brancas, 
(A)donx  porta  fualas  e  flos  blancas. 

485 .      E  si  l'arbre  [e]sta  talyat, 
Tant  que  lo  suc  sia  secat. 
Non  an  las  brancas  autre  luoc 


456.  Vers  ajouté  en  marge  dans  le  ms.  -  468.  Ms.  si  fos  l'en  pren 
ben  e  lli  fallch.  —  47G.  Ms.  e  vos  sias  a.  t.  —  479.  Ms.  tant  flac  e  tan 
aul  sias. 


:)ÉBAT  DU  CORPS  ET  DE   l'amE   EN   PROVENÇAL  47 

May  que  om  las  ieta  ell  fiioc. 

Gardas  con  est  mors  e  vencus 
490.      E  vos  mesesmes  deysepus, 

Que  yen  suy  albre  e  vos  es  brancas, 

Que  anc  nesuna  non  est  francas, 

Que  tant  con  (yeu)  viuray)  (e)  vos  viures, 

E  cant  morray,  e  vos  morres. 
495.      Non  es  pas  meravillyas  grans 

Si,  par  pasar  los  vostres  dans, 

Vos  tuch  mi  sias  servidos. 

May  aras  m'est  encolpados, 

Car  veses  que  poder  mi  fall, 
500.      E  si  l'arma  a  nul!  treball, 

Vos  dises  tut  que  yeu  mail  en  pec. 

E  con  tuch  [est]  agus  tan  sec. 

Quel  ora  que  mail  si  fazia, 

Per  que  cascun  non  m'o  disia  ? 
505.     Que  si  yeu  adonx  non  m'en   layses, 

Raon  fora  que  yeu  o  compres. 

May  vos  tut  membres  volentier 

Es  tôt  agut  pa[rjsonyiers, 

E  per  vos  autres  es  tôt  fach 
510.      Lo  mal  de  que  me  tenes  plach. 

Las  aurelhas  lo  mail  ausiron, 
[F°  12.J       E  la[s]  narras  lo  mail  centiron, 

E  quascuu  dells  uells  l'esguardava, 

Li  lengua  de  grat  lo  parlava, 
515.      Las  mas  lo  prenien  soven, 

Li  pes  y  anavan  corrent, 

L'arma  o  consentia  tôt, 

Carli  nostre  liam(es)  son  rros. 

Cascun  vos  cuyas  [e]scusar, 
520.     Ell  vostre  tort  a  mi  donar, 

Per  que  yeuh  non  dey  aver  yusizi. 

E  parra  en  qui  son  li  vizi. 

Cascun  dels  membres  près  a  dir  : 

E  nos  en  volem  drech  ausir. 
525.     L'arma  respondet  mot  irada  : 

'-^or,  tant  suy  [fort]  espavantada 

C'am  penas  puesc  ma  rason  dire  ; 


521.  Vers  trop  long. 


48  DÉBAT   DU  CORPS   ET   DE   l'aME   EN   PROVENÇAL 

Tall  paor  ay  que  non  m'en  tire 
L'ennemie  al  partie  de  te, 

530.     Que  yenh  ssay  que  si  ar  m'en  mené 
Que  cambiat  tôt  m'es  mon  afar. 
Per  que  mi  plagra  may  l'estar 
Eli  remanir  si  ecer  pogues. 
May  yeuh  vey  ben  que  ren  non  es, 

535.      Que  yssir  m'en  coven,  vullyia  o  non, 
E  laysar  ostall  per  mason. 
Non  puesc  ronianyr  ni  yssir, 
Que  yeu  vey  que  ades  voll  m'assalyr 
L'enemic  que  mi  vay  entorn, 

540.     E  non  si  part  de  mi  nuech  ni  yorn. 
Per  mi  pendre  para  sas  mans. 
E  say  que  ell  es  tan  trefan 
Que  si  yeu  li  die  ben  (ell)  m'es  enie  ; 
Sil  clam(i)  merce  (el)  m'es  enemie. 

545.      El  pot  en  enfern  es  mon  lyech, 
Von  non  a(n)  on  degun  delyeeh, 
On  plor  ni  marimentnon  frany, 
Ni  dol  ni  cris  non  la  sofrany. 
Plorant,  sospirant,  clam  mersse 

550.     A  Dieu,  que  li  membre  de  me  : 

Bell  senyer  Dieus,  vostra  merces, 
E  li  bontat  ques  en  vos  es, 
Ell  vostre  poder  que  es  tan  gran, 
De  gran  tort  vos  fas  ieu  demans. 
[F°  13.]       555.     E  cou  vos  pla  ni  vos  sap  bon, 
De  pauc  redes  gran  guisardon. 
Senyer,  font  de  vera  mersse, 
Dells  fallymens  que  son  en  my 
Vos  qnier  merse,  sus  en  la  fy  ; 

5G0.     E  lunhas  l'enemic  de  mi 

Que  tant  es  sallvage  es  fer. 

Anb  aytan  l'angell  dis  :  ques  quer[s]  ? 

E  l'enemic  dis  :  que  foll  fas 

Que  quer(e)s  ayssi  conort  e  yuas. 

5G5.      L'enemic  dis  :  (an)  emporteray 


531.  Ms.  que  cambiat  tôt  m'es  amor  afar.  —  ;535.  Vers  trop  lon^. 
538.  Ms.  ades  ml  voll  salyr.  —  544.  Ms.  si  li  claml.  —  550.  Ms,  de  ml. 
554.  Ms.  de  (jvan  tort  fadi  pas  demans.  —  5G5.  Ms.  a  l'enemic  dis. 


DÉBAT  DU   CORPS   ET   DE   l'aME   EX    PROVENÇAL  49 

Kst'  arma  quant  m'en  toniaray, 
E  fa  mi  trop  aysi  [ejstar, 
E  me  y  fai  trop  best[ensar], 
E  si  ades  no  yey[s]  dell  cor, 
570.      Maatenent  que  sera  defors, 
Hyeu  la  faray  [ejstar  irada, 
Can(c)  l'auray  en  enfern  gitada, 
En  fuoc,  en  flama,  en  pudor, 
Aqui  von  la  sabray  mayor. 
575.      Li  daiay  torment  cascun  dia, 
Que  aytall  es  ma  senyoria. 
L'angell  respont  a  l'euemic 
E  dis  :  que  mot  mallvays  abric 
L'arma  que  (tu)  queres  trobaria 
580.      En  ton  ostall,  quant  la  ceria, 
Ja  non  sera  en  ton  poder, 
Que  tu  sabes  ben,  e  es  ver, 
Ja  n'auria  pena  e  dolor, 
Si  avia  tu  per  senyor. 
585.     Tu  la  voles  (en  poder),  e  non  l'auras, 
E  ja  pusc  tu  non  la  tendras. 
E  per  que  la  cuyas  (tuj  aver 
Aquesta  arma  en  ton  poder  ? 
Pus  (que  ella)  conoys  per  senyor  Dieus, 
590.     Ny  ren  non  a  ni  ten  dell  tieu, 
Ni  el  cor  non  voll  roraanyer, 
Ni  [ejstar  plus  en  ton  poder, 
Ten  ta  via  e  mou  d'ayssi, 
Que  ella  s'en  anara  an  mi  ; 
595.     E  si  tu  as  allrre  a  far 

Fay  0  e  laysa  la  [e]star. 
Vay  t'en  e  ten  ades  ta  via, 
Que  yeuh  ni  tu  nonavem  paria. 
L'enemic  respont  mot  irat  : 
600.     Angell,  en  tu  no  es  pausat 
Mon  anar  ni  mon  remaner, 
Ni  non  es  creut  ton  voler 
[F°  14]         De  l'arma  que  vas  contrastant. 
E  yeu  y  ay  drech  e  tu  tort  gran. 


568.  Ms.  e  m'y  fai,  etc.  Ce  vers  est  en  marge.  —  574.  Ms.  aqui  non.  — 
586.  Ms.  e  ieu  pusc.  —  589.  Les  mots  per  senyor  sont  en  marge. 

4 


50  DÉBAT  DU    CORPS   ET  DE   l'aME   EN   PROVENÇAL 

605.     Tu  sabes  que  gran  raon  ay 

En  arma  que  en  pecat  [e]stay, 

Que  si  yeu  la  trobi  morent 

Nulya  rason  non  la  defent. 

Aquesta  est  en  pecat  morta, 
610.     Per  que  es  rason  que  ella  sia  nostra, 

E  metrem  la  en  tenebror, 

Von  en  aura  pena  e  dollor. 

Dis  l'angell  an  paraula  plana  : 

Enemic,  la  rason  es  vana. 
615.     El  mont  non  es  anc  creatura 

Que  non  pegue  seguon  natura  ; 

E  si  poder  a  de  pecar 

Poder  li  es  donat  d'esmendar. 

Hanc  null  hom  tant  fort  no  pe[ca]t, 
620.     Si  a  penedensa  tornat, 

Et  an  ios  uells  et  an  lo  cor 

Lo  plora,  aquell  pecat  mor  ; 

Et  an  que  penedensa  prena 

E  que  la  fassa  e  que  la  tangua, 
625.     Aquel  pecat  es  penedit. 

En  foll  as  fag  lo  tieu  [ejscrieh. 

Aytant  guastiest  de  parguamin. 

Per  que  podes  tenir  ton  camin, 

Am  aquil  estrig  en  papier. 
G30.      Die  ti  que  non  vall  i  denyer. 

Donx  es  reni[m]yc  irascut 

E  dis  :  angell,  per  que  yest  agut 

D'aquesta  arma  tant  contrastant? 

Ton  parlar  non  li  es  may  dan. 
635.     Ades  li  dobla  son  torment. 

Per  tu  n'aura  may  e  non  mens. 

Ja  non  la  m'anes  constrastant, 

Ni  cuyes  que  yeu  m'en  vagua  anc 

S[en]es  ella  en  cuy  ay  cura, 
640.     Per  una  ley  que  a  nom  usura. 

Trenta  ans  o  plus  y  a'stat, 

616.  La  syllabe  gue  est  en  interligne  dans  le  mot  pegue.  —  620.  Ms. 
tornet.  —  623.  Ms.  e  au  penede^isa  que  prena.  —  628.  Vei's  trop  long 
d'une  syllabe.  On  pourrait  facilement  le  ramener  à  la  mesure  en  lisant 
potz  ou  podsy  mais  podes  est  la  forme  que  notre  copiste  emploie  cons- 
tamment. 


DEBAT*  DU  CORPS  Et  DE  L  AME  EN  PROVENÇAL 

Et  en  nostras  obras  obrat, 

Don  yeuh  per  longua  teneson 

L'emporti,  e  car  n'ay  rason. 
645.     Tu  sabes  que  li  renovyes, 

Per  (so)  que  lur  abaston  (li)  denyes, 

Prenon  mi  e  laysan  [en]  Dieu. 

Per  que  tut  (li)  renovyes  son  mieus. 

L'angell  dis  :  demoni,  ben  par 
650.     Que  cor  aurias  d'emportar 

L'arma,  qui  t'en  daria  poder. 
[F°  15]         May  alors  t'en  coven  querer. 

Si  per  aquesta  arma  ti  p(l)ens, 

Tu  vas  querent  gran  defens, 
655.     Et  auras  la  enyaz  trobada 

Que  aquesta  arma  guasanya(da). 

Tu  sabes  que  yen  non  ay  cura 

De  raubaria  ni  de  usura, 

E  (pero)  si  l'avers  es  guasanyat 
660.     An  ton  sens  ni  an  ton  dechat, 

En  aquell  non  ti  fas  contrast, 

Que  yeu  say  ben  qui  ssa  masou  bast 

De  raubaria  ni  de  [u]sura 

Que  tôt  vay  a  malla  [ajventura. 
665,      Tu  prens  l'aver  aqui  von  es, 

E  tieu  sie  que  yeu  no  eu  voly  ges. 

L'arma  intret  nusa  ell  cos, 

E  nusa  issira  defors; 

Aver  ni  argent  non  emporta, 
670.     Que  tôt  o  laysa  (de)  tras  la  porta  ; 

E  pos  non  porta  ren  del  tieu, 

Hieu  la  rasonaray  à  Dieu. 

L'anemic  dis  :  [angell,  que  quers  ? 

Tieus  dichs  sson  angres  e  trop  fers, 
675.      Que  per  forssa  de  contrastar 

My  cuyas  [e]sta  arma  panar. 

Ar  conosc  que  si  aguessas  drech 

Ben  mo  mèneras  trop  [ejstrech, 

Pos  playdezant  mi  vas  lo  myeu, 
680.     So  es  l'arma  on  non  as  fieu 

Ni  auras  ja  qui  non  la  forssa, 


645.  Ms.  U  abaston.  —  665.  Ms.  tu  preny . 


52  DÉBAT   DU   CORPS   ET   DE   l'aME   EN   PROVENÇAL 

Car  drech  non  periy  ni  non  amorssa. 
E  si  yen  en  suy  yuyat  per  drech, 
Auray  en  so  que  aver  en  dech  ; 

685.     Lonc  temps  a  [ejstat  en  erguell, 
Per  que  aquesta  arma  vull, 
D'auUtery,  de  leuyaria, 
Per  que  tany  que  en  enfern  sia  ; 
Lonc  temps  a  [e]stat  en  pecat, 

690.     E  lonc  temps  y  a  soyornat, 

Per  que  la  faray  [e]star  trista, 

Lonc  temps  a  que  yeu  l'ay  conquista, 

En  lo  poder  de  Ssatanas, 

Que  ya  tu  pron  non  l'en  tendras. 

695.      L'angell  respondet  [enj  rient  : 
Diable,  petit  as  de  ssens, 
Ni  ti  cuyas  (que)  per  (tou)  encollpar 
Que  yeu  t'en  layssi  l'arma  portar. 
[F°l6].         Fort  vas  son  pecat  remembrant, 

700.      E  non  cug  que  li  tenguan  dan  ; 
E  diray  ti  rason  per  que  : 
Ver(i)tat  es,  e  sabes  o  be(n). 
Que  negun  pecat  non  a  forssa, 
Per  que  quar  l'armorna  l'amorssa. 

705.     Auyas  que  dis  Dieus  el  sanct  luoc  : 
Ayssi  con  aygua  [e]stench  fuoc, 
L'armorna  Lejstench  lo  pecat. 
Per  que  tu  as  pauc  [e]spleguat. 
Doas  causas  son  naturalls. 

710.      E  si  tu  mi  vols  dire  calls  ? 
L'una  es  aygua  que  defors 
Lava  e  neteya  lo  cors  ; 
L'autra  es  allmorna  que  monda. 
Ve  ti  que  a  l'arma  aonda  ; 

715.     Per  aygua  es  lo  cor  lavât, 
E  per  almorna  esmondat. 
Aquest(i)  resseup  lo  nom  de  Crist 
En  aygua,  per  que  tu  yest  trist, 
(E)  puays  fes  allmorna  volenties, 
De  pan,  de  vin  e  de  dénies. 

720.     Ben  say  que  pauc  a  fach  de  ben. 


700.  Ms.  cuyi. 


DÉBAT   DU   CORPS   ET   DE   l'aME   EN    PROVENÇAL  53 

May  aquell  pauc  li  es  granren, 
Can  om  o  fay  de  ssa  drechura, 

Auyas  que  retra  l'escriptura  : 
Que  aquell  fay  almorna  bona 
725.     Que  de  sa  drechura  la  dona, 

E  aquel  fay  honor  a  Dieu 

Que  dona  almorna  del  sieu, 

E  qui  de  usura  ni  de  tort 

La  dona,  aquell  fay  sa  mort. 
730-     Aygua,  almorna,  penedensa, 

Trop  en  aquesta  sens  falyenssa, 

Per  que  tii  as  fach  pauc  de  plaech, 

E  uell  n'esser  yuyat  per  drech. 

L'enemic  dis  :  a  my  plas  fort. 
735.      Ë  qui  dira  lo  drech  nill  tort? 

L'angell  respoiit  :  lo  feyllz  de  Dieu, 

Que  tut  tu  es  (em)  el  poder  sieu, 

E  tut  poder  li  es  donat, 

E  per  el  es  lo  mont  salvat. 
740.     L'enemic  gieta  i  sospir  : 

Angell,  si  yeu  ausessa  dir, 

Mot  amera  mays  lo  yusizi 

De  cell  a  cui  yeu  fac  servisi. 
[F°  17].         Hyeu  non  ausi  sonar  lo  yuge, 
745.     Nill  contradic  ni  lo  refugy, 

May  pendray  l'arma,  es  anem, 

Es  auzirerem  on  (que)  serrem. 

L'angell  dis  :  enemic,  ben  par 

Que  mi  volguessas  gualliar, 
750.     Que  as  dich  que  yeu  l'arma  ti  lays. 

Si  ren  y  as  yeu  y  ay  mays, 

Per  que  rason  o  voll  que  yeu 

La  port(i)  davant  lo  filly  de  Dieu  ; 

E  pueys  quant  yuiada  ssera, 
755.      La  enporte  ssell  que  drech  y  aura. 

L'enemic  dis  :  so  no  es  fach. 

Ar  mi  comenssas  novell  plach. 

L'arma  que  yeu  ay  guasanyada 

Sabra  zo  quant  sera  yuyada. 
760.     (Aras)  dises  que  yeu  la  ti  layss  portar. 

722.  Ms.  car  om  o  fay. 


54  DÉBAT   DU   CORPS   ET   DE   l'aME   EN   PROVENÇAL 

Ades  t'ausy  (plus)  en  foll  parlai". 

Ben  es  foll  e  plen  de  fadesa 

Qui  so  que  es  sieu  met  en  comunalesa, 

Ni  so  que  yeu  ay  conquist. 
765.     Angell,  an  ren  miells  non  fallist. 

L'augell  dis  :  ben  parlas  en  foll 

Que  l'arma,  pos  drech  la  ti  toU, 

Per  que  l'en  cuyas  tu  portar  ? 

May  yeu  l'ay  a  raonar, 
770.     La  enportaray  davant  lesus. 

E  [ar]  tu  non  demandes  plus. 

L'enemic  dis  :  Ja  ne  entendas 

Que  tu  l'arma  toques  ni  prenas, 

Ni  ya  ren  de  ma  senyoria 
775.      Non  sera  ya  en  ta  baylia. 

Heu  que  l'arma  ay  guasanyada 

Ela  en  degra  aver  portada. 

Metray  ti  jeu  en  teneson  ! 

Non  jeu,  mays  saliva  ta  rason, 
780.     La  enportaray  tro  que  ella  sia 

Yuyada,  puayes  tengua  sa  via, 

Amb  aquell  que  y  aura  rason. 

Or  partam  aquesta  tenson. 

L'angell  dis  [en  après]  :  ben  grieu 
785.     Nos  acordarem  tu  e  yeu, 

Que  l'arma  non  mi  vols  laysar, 
[F°  18J.         Ni  yeu  la  t'en  laysi  portar, 

E  si  enaysi  la  arma  reman, 

Ben  nos  em  temsonas  en  van. 
790.      Diy  l'enemic  :  angel,  yamays 

Non  créas  que  yeu  l'arma  ti  lays. 

An  ti  die  que  no  m'en  iray, 

Ses  ela,  que  rason  y  ay. 

L'angel  dis  :  tu  fas  lonc  atent. 
795.     Queram  yuie  que  lialment 

Nos  yuie  aquesta  tenson, 

E  meta  en  posecion 

Aquel  que  plus  aura  de  drech. 

L'enemic  dis  :  (e)  yeu  [o]  autrech. 
800.     Senyors,  la  tensson  ay  retracha 

763.  Ms.  cuennalesa.  Le  vers  est  trop  long. 


DÉBAT  DU   CORPS  ET  DE   l'aME   EN   PROVENÇAL  55 

Tôt  enaysi  con  ai'  l'an  fâcha 

L'arma  e  H  membres  [trasjtut. 

Non  say  si  aves  entendut 

En  la  tensson  que  l'angel  fes 
805.     Am  l'enemic,  e  ssi  tant  es 

Que  sapias  lo  drech  triai- 

A  mi  non  [anc]  calra  parlarr, 

E  aures  mi  gitat  d'afan, 

Pero  non  die  que  yen  o  say 
810.     Lo  treball  ssi  non  sabes  dir 

Lo  drech  que  ieu  faray  ausir. 

Senyors,  pos  voles  que  yeu  vos  digua 

Del  iusizi,  sitôt  vos  trigua, 

Senyos,  vos  prec  per  Dieu  auyas 
815.     Lo  yuzisi  e  l'entendas, 

Que  le  yuzisi  est  de  pahor, 

De  mariment  e  de  dolor. 

L'arma  non  pot  plus  remaner, 

EU  cos  non  a  plus  de  poder 
820.     Que  en  l'arma  [e]stia  plus. 

Ab  (ay)tant  lo  fily  de  Dieu  lesus 

Venc  [tôt]  clavelat  en  la  cros, 

Tôt  enayssi  quom  fom  per  nos, 

Tôt  drech  lo  yorn  de  vendres  sans 
825.     Don  parlet  Lucas  e  loan, 

Es  en  après  Marc  e  Matieu, 

Dell  tonnent  que  fom  fer  e  grieu 

Que  Dieus  sus  en  la  cros  ssufriy, 
[F°  19.]       Cant  a  mort  liuret  es  ufriy 

830.     Son  cos,  per  nos  tos  a  sallvar. 

L'arma  lo  près  a  reguardar, 

EU  cos  atressis  Tesguardet. 

En  la  cros  clavelat  [ejstet  ; 

Per  las  mans  ly  corec  le  ssanc, 
835.     Per  los  pes  e  per  mi  dells  flancs, 

Blau  per  ventre  e  per  [e]squinas, 

Coronat  lo  viron  d'espinas, 

Dels  cops  que  feron  li  félon, 
Can(c3  [ejstet  liât  al  peyron. 

801.  Ms.  Vay  fâcha.  —808.  II  manque  ici  deux  vers.  —  SU.  Ms.  quieu 
fasan,  —  835.  Ms.  flaais. 


DEBAT  DU  CORPS  ET  DE  L  AME  EN  PROVENÇAL 

840.     Ihesus  lur  dij  :  en  (aqu)esta  cros 

Fuy  enaysi  levât  per  vos, 

Per  so  moiiv  que  vos  Irayces 

D'enfern  e  vida  aguesses  ; 

Pet"  vos  fuy  aunit  a  gran  tort  ; 
845.     Per  vos  ufriy  mon  cos  a  mort, 

(E)  vos  trayssiy  dell  fuoc  enfernall, 

E  vos  dyey  vida  eternall. 

An  los  angel  lay  sus  ell  cell. 

Per  que  mi  degras  eser  fiels. 
850.      A  mi  diguas,  cal  guisardon 

Ay  resseuput  per  tan  rie  don? 

Diguas,  que  aves  fach  per  mi? 

Cascun  d'andos  en  paleziy; 

Verguonya  agron  e  pavor, 
855.      Ira  penedenssa  la  mayor 

Que  yamais  fos  ni  ymais  sia. 

Ira  agron  car  anc  i  dia 

Feron  folia  ni  pecat. 

Pentenssa  agron  car  obrat 
860.     Non  avien  y  tos  temps  en  ben. 

Verguonyos  forou  d'uiia  ren 

Ço  es  de  la  sancta  passion 

Que  Dieus  sufriy  en  cros  on  fom, 

Abeurat  de  vin  aygre  en  fell, 
865.     On  era  agut  plus  cruell. 

Veuos  los  délies  que  on  agut, 

Car  amdos  non  o  an  rendut 

Sivall  calacom  guisardon 

De  la  passion  e  dell  don. 
870.     Paor  agron  car  l'enemic 

Que  es  mal  e  fer  e  ynic 
[F°  20.]       (Que  non)  es  assesmatz  de  dar  gran  pena 

A  larma  si  am  si  la  mena. 
L'enemic  dis  :  angels,  huymas 
875.     Es  luoc  quez  si  yuye  le  plags, 
Pos  vostre  yuye  es  vengut. 
L'angel  non  fom  ges  [ejsperdut 
E  dis  :  enemic,  ben  mi  plas 


856.  Ms.  que  anc  fos.  —  862.  Ms.  car  de  la.  —  872.  Les  mots  no  es  sont 
en  interligne  dans  le  ms. 


DÉBAT  DU  COUPS  ET  DE  LAME  EN  PROVENÇAL    57 

Qcl  yuyaraent  ssie  donat. 
880.      L'enemic  dis  :  senyer,  un  pky 

Mi  mou  l'angel,  e  es  li  lay, 

Car  mi  vay  playdeyant  lo  mieu, 

Pos  nou  deiiiandi  ren  del  cieu. 

Est'  arma  que  yeu  ay  guasanyada 
885.     M'a  per  gran  erguell  coutrastada, 

Et  ancat's  la  mi  contrasta. 

Pos  drech  e  rason  me  abasta, 

Voli-ia  que  ell  seu  reste  ques, 

Que  plus  non  la  mi  contrastes. 
890.     Jésus  dis  :  angel,  vol(s)ren  dir? 

Hieu  suy  aparelyat  d'ausir. 

Senyers,  a  dis  Tangell,  ben  say 

Qui  pren  l'autruy  erguell  y  fay, 

Per  que  yeu  del  sieu  non  vuU, 
895.     May  a  sell  mon  de  gran  erguell 

Car  la  demant  ni  (la)  pens(a)  [l'Javer, 

E  sap  que  ia  sieua  no  er. 

L'enemic  dis  :  senyer,  gran  tort 

Mi  sera  fach,  si  yeu  non  la  emport, 
900.     Que  en  l'arma  ay  rason  e  drech, 

E  vos  saltes  que  aver  o  dech. 

Motz  pecas  e  motz  falliment, 

Que  cascun  mi  es  [tôt]  giiarent, 

A  dich  e  fach  en  lo  mont  nostre. 
905.     E  ve  ti  l'estrich  que  yeu  ti  mostre. 

Jésus  dis  :  vist  ay  ton  [ejscrich, 

E  say  tôt  can  es  ell  plach  dich, 

E  trobi  que  tu  as  vanat 

Yusizi,  e  l'as  demandât, 
910.      Es  yeu  may  non  t'en  ausiria, 

May  de  so  que  rason  séria. 

Jésus  dis  :  angell,  voll(s)  plus  dire  ? 

L'angell  dis,  an  semblant  de  rire  : 

Senyer,  rason  es  que  yeu  responda 
915.      Per  l'arma,  pos  drech  mi  aonda. 

Senyer,  auyas  que  ti  diray, 

881.  Ms.  mi  movtj.  —  887.  Ms.  mahasta.  —  888.  Ms.  resta.  —  896.  Ms. 
car  la  demanda.  —  897.  Ms.  ?zo  ex.  —  003.  Ce  vers  est  ajouté,  au  haut 
du  feuillet.  —  905.  Ms.  mostnj.  —  915.  Ms.  aunda. 


t)S         DÉBAT   DU   CORPS   ET   DE    l'aME   EN    PROVENÇAL 

E  veyas  l'escrich  que  fach  ay, 
[F''21].         E  piieys  diguas  so  que  (dire)  voiras, 

Car  say  qiielh  tieus  dich  soû  (tan)  certa(n)s. 
920.     Lo  dia  do  l'acencion, 

Can  t'en  volguist  puyar  el  tron, 
A  tos  dissipols  comandiest 
Ta  paraula  e  lur  donycst 
Quels  enemix  que  eran  els  cors 
925.      Dels  homes  gitesan  defors, 
E  pueys  l'enemix  an  perdut 
Lur  poder,  es  ay  conssegut 
En  l'arma  so  que  yeu  i  demant, 
Per  que  es  rason  c'  ab  mi  s'en  an. 
930,     Per  lo  sant  dich  que  tu  diyssist, 

(L')ay  (e)n'  aquesta  arma  conquist. 
(Tu)diyssist  qui  cera  batezat 
Ni  creyra,  aquell  ssera  salivât. 
Puays  diyssist  de  null  pecador 
935.      Non  uU  sa  mort,  mas  uU  s'amor, 
An  ques  covertisca  breumens, 
En  fatz  e  en  dics  mantenent. 
Aquest,  per  la  tieu  gran  vertut, 
Senyer,  si  es  a  tu  rendut, 
940.     Et  en  la  fin  t'a  quist  merce. 

Non  voll  d'autre  senyor  mas  te. 
Tu  diyssist  aqui  iuyaray 
L'arma  en  que  latrobaray. 
Ve  ti  l'arma  penedensada, 
945.     E  de  ses  pecas  confessada. 
E  t'a  resepput  per  senyor, 
E  reneguat  aquel trachor 
Que  la  fes  pecar  e  fallir. 
E  non  vull  plus  en  l'arma  dir. 
950.     Mas  l'enemic  teni  tôt  per  foU 

Car  d'aquesta  arma  non  si  toll. 
Senyer,  coras  ti  plaera, 
Aquest  contrast  si  iuyara, 
Pueys  mays  es  en  lo  tieu  albir, 
955.      Pos  negun  non  voll  plus  ren  dir. 

lehus  respont  :  d'aquest  [contrast] 

936.  Ms.  (ui  (jue  si.  —  955.  La  mot  re7i  est  ajoute  en  marge. 


DÉBAT   DU    CORPS   ET   DE   l'aME   EN   PHOVENÇAL  59 

De  que  cascun  son  jjlach  en  bast, 

De  l'arma  que  voles  saber 

Cals  de  vos  dos  la  deu  aver. 
960.      A  my  plas  que  yeu  eu  digua  drech, 

E  tôt  cant  dire  [yeu]  en  deh. 

L'arma  diys  :  Senyer  Dieus  que  es 

Non  faz  blasmar,  sitôt  m'es  fer[s], 

Que  tant  gran  contrast  a(y)  agut 
965,     L'angel  per  mi  au  lo  cornut, 

E  del  cor  no  i  es  parlât 
[F<'22].         Que  en  degra  aver  la  mitât, 

E  plus  si  plus  li  cazegues, 

C'a  mi  es  semblant  que  en  el  es 
970.     Li  colpa  que  a  mi  es  donada. 

E  uU  n'esser  per  drech  yuyada. 

Le  cors  respont  :  Senyer,  si  yeu  ay 

Tort  d'aquest  fah,  yeu  en  penray 

Tôt  yuzisi  ques  tu  ullyas, 
975.      En  que  los  membres  y  acuUyas. 

Dison  li  membres  :  Senyer  Dieus, 

A  nos    plas  ben  que  sie  tieu 

Le  yuzisi  e  que  l'auyam, 

Que  de  cascun  sabes  lo  clam. 
980.     lesus  Christ  que  tôt  cant  es 

El  cos  format  e  l'arma  fes, 

A  entendudas  las  tenson 

E  los  contrastz  e  las  rason 

Que  le  cor  e  l'arma  an  dichas, 
985.     E  en  a[)res  las  cartas  'strichas 

De  l'angel  e  de  l'euemic. 

E  non  li  play  que  plus  o  trie 

Del  yusizi  que  deu  donar, 

E  vol  premieramens  parlar 
990.     Del  cors  e  dells  membres  lo  plach 

Que  an  tôt  lo  mail  el  ben  fach  ; 

E  en  après  auran  lur  rason 

L'arma  el  cors  de  lur  tenson  ; 

Es  en  après  cera  juyat 
995.      Le  contrast  que  tant  es  menât 

Per  l'angel  e  per  Teneiiiic, 

%3.  Ms.  non  faz.  —  970,  Ms.  li  colpa  rjuez  a  mi. 


60  DÉBAT  DU    CORPS   ET   DE   l'aME   EN   PROVENÇAL 

Que  anc  yorn  non  foron  amix. 
lesus  diys  al  cos  :  ar  m'entient. 
leu  t'ay  format  de  drech  nient, 

1000.     Tu  el  tiens  membres  (tôt)  en  un  temps 
Fost  formas  e  créas  ensepms, 
(E)  ensemps  en  una  creatura, 
E  car  fas  dels  membres  rancura 
Folie  fas  gran,  car  tu  encolpas 

1005.     Los  tiens  osses  e  las  tiens  polpas. 
E  vos  membres  est  tut  fallit, 
Quel  cos  vos  a  ensemps  noyrit, 
E  l'un  ses  l'autre  non  val  guayre  ; 
Si  mor  lo  cor  tnt  y  est  frayres 

1010.     De  la  mort,  que  negun  non  vin 
Pos  la  mort  fa  el  cos  son  brin  ; 
Per  que  le  cos  non  pot  pecar 
Ses  vos  autres  ni  (anc)  ren  far  ; 
E  ensemps  aves  lo  ben  ell  mail 
[F"  23.]         1015.      Fay[t],  si  que  [tôt]  per  engnall 
Tut  ensepms  comprares  lo  tort. 
En  lo  gran  poder  de  la  mort. 
Cors,  auyas  de  tu  que  sera, 
Tantost  con  la  mor  ti  prendra  : 

1020.     Tiens  parens  seran  mot  cochos 
Que  sias  dedins  el  vas  rescos  ; 
Ta  molyer  e  (tut)  li  tiens  parens 
Ti  segran  tro  al  vas  plorant, 
E  tiens  parens  e  tiens  amix  ; 

1025.     Non  y  aura  paure  ni  ryc 

Que  ins  el  vas  ti  fasa  companya  ; 
An  lur  es  la  mort  tan  estranya. 
Non  ti  volran  may  encontrar, 
Ni  en  la  via  atrobar  ; 

1030.     Ta  molyer  anara  pensant 
Con  aya  marit  a  cap  d'an  ; 
Tiens  enfans  serans  yuguador[s] 
E  de  ton  aver  guastados  ; 
On  de  tes  parens  seran  guasiers 

1035.     E  preveyre  de  tos  dénies  ; 
E  li  autry  seran  tuador[s] 

1007.  Ms.  que  le  cos.  —  1020.  Ce  vers  est  ajouté  en  marge. 


DÉBAT   DU   CORPS   ET   DE    l'aME   EN    PROVENÇAL  61 

Dells  enfans  e  de  las  ouos  ; 

K  so  que  tu  as  enduiat 

m  o  guastaran,  mail  ton  grat  ; 
1040.     Ancuay  t'en  intraras  el  vas 

An  ii  canas  de  canabas, 

E  tota  l'autra  manentia 

Remandra  en  lur  senyoria 

De  cell  que  non  y  an  mail  trach  ; 
1045.      E  tornarian  t'en  en  plach, 

Si  a  cap  d'un  an  o  de  dos, 

Lur  querias  tas  possecios. 

Cors,  ar  eguarda  con  t'es  près  ! 

[F°  24]      L'aver  reman,  mail  quez  ti  pes. 

1050.     De  l'aver  que  as  en  bailia  agut 

Aras  n'es  autre  elegut, 

E  mènera  t'o  tan  [e]scas 

Que  ia  null  ben  non  i  auras. 

Vol[s]  ausir  que  t'es  remasut 
1055.     De  tôt  l'aver  que  as  agut  ? 

Aquo  podes  contar  per  tieu 

Que  as  donas  per  amor  de  Dieu, 

E  so  que  as  dat  ni  valgut 

A  tos  amix  as  retengut; 
1060.      E  so  que  as  a  Dieu  donat 

De  ton  iust  aco  ressobras. 

Plus  non  as  ni  plus  non  auras. 

L'aver  reman  e  tu  t'en  vas. 

L'aver  reman  non  sab(e)s  a  cuy. 
1065.     Tieu  fom  e  aras  es  d'autruy. 

Tiens  osses  anaran  poyrent, 

Petit  en  petit  decasent  ; 

De  lay  on  yssist  tornaras. 

Tera  fust  en  tera  tornaras. 
1070.     Tre[s]  sun  cant  hom  y  a  (afar)  partit, 

Diray  ti  con  l'an  devesit  : 

Tiens  parens  auran  ton  aver. 

La  carn  auran  verm(e)s  en  poder. 


1043.  On  lit  valentia  en  marge,  à  la  suite  de  manentia.  —  105L  Ms.  de 
Vaver  yest  bayles  agut.  —  1059.  Ms.  ad  dat.  —  1068.  A  la  suite  de  ce 
vers  on  lit  en  marge  le  vers  isolé  :  ta  carn  cera  many\a\da  de  vérms  e 
defj[a]stada. 


62  DÉBAT   DU    CORPS   ET  DE   l'aME   EN   PROVENÇAL 

L'enemic  larma  si  mal  fes. 
1075.      Ve  ti  con  an  partit  tut  très  ! 

Esguarda  aqui  as  acampat 

L'aver  ni  ton  cos  engraysat, 

Ni  l'arma  aqui  l'as  donada  ! 

Mal  t'es  près,  car  mal  l'as  guardada  ! 
1080.     A  l'arma  dis  :  e  tu  auras 

Aytal  iuzisi  con  t'escas. 

Tu  as  lo  cors  fort  encoUpat, 

May  fort  petit  as  [e]spleguat; 

Si  tu  as  lo  cos  mail  régit, 
1085.      Qui  n'a  tort  si  le  cos  a  faliyt? 

Tu,  que  non  t'en  podes  'scusar. 

Per  que  tany  que  o  compres  car. 

Tôt  om[els  a  petit  de  ssens, 

Cant  de  son  tort  autre  repren, 
1090.      E  gens  per  aytall  non  s'en  'scusa 

De  son  tort  si  autre  n'acuza. 

Arma,  tu  sabes  una  rem  : 

Que  cos  non  pot  far  mal  ni  ben, 

Pos  que  l'arma  s'en  est  iysida. 
1095.      Donx  as  tu  part  en  la  falyda. 

Sil  cos  fes  mail  tu  cosentist. 

Car  tu  lo  creëst  mal  feïst. 

Es  andui  conprares  o  car. 

Mas  tu  quel  cos  degras  guardar, 
1100.      En  sufreras  mayor  trument. 

Es  ayso  die  per  iuyament. 

Angel  (tôt)  so  que  m'as  apausat, 

En  ton  [ejscrizt  que  m'as  donat, 

Say  ben  que  es  tôt  de  lason, 
1105.      E  yeu  iuyaray  la  tenson 

Que  tu  as  ab  l'enemic  fâcha. 

Ben  as  [tu]  la  rason  retracha 

Que  deyliura  orne  de  mort, 

Per  que  yehu  non  ti  conosc  gran  tort, 
1110.     (E)  si  aquesta  arma,  deizent  ver. 

Contrastas  ni  la  vols  aver. 
[F°  25].         E  si  aquesta  arma  pecet, 

Pueys  del  pecat  si  penedet 

1097.  Ms.  si  le  cos.  —  1098.  Ms.  creist. 


DÉBAT  DU    COUPS   ET  DE    l'aME   EN    PROVENÇAL  63 

E  fes  n'aquo  que  far  en  dec, 
1115.      Ben  say  que  a  tu  [ejscaec 

Que  la  poguesas  demandai', 

Es  al  diable  contrastar, 

Que  iysida  es  de  son  destiech. 

Per  que  l'enemic  non  y  a  drech. 
1120.      Cant  lo  pecador  es  fallyt, 

An  très  causas  es  penedit  : 

L'una  es  que  son  pecat  plor, 

L'autra  que  o  digua  a  son  pastor, 

L'autra  os  que  fasa  de  grat 
1125.     So  que  le  pastre  a  comandat. 

E  cant  aquo  aura  complit, 

E  aurai  pecat  penedit 

Anb  aquestos  iii  [ejscalons, 

L'arma  s'en  puya  sus  el  tron. 
1130       lehus  dis  :  arma,  tu  auras 

Aytal  iusizi  con  t'escas, 

Es  aytall  iusizi  ti  don, 

Car  [yeu]  say  beu  que  es  rason. 

Tu  as  agut  temps  de  pecar, 
1135.     E  non  t'en  vollguist  esmendar, 

Entro  que  fust  sus  en  la  fin. 

AU  partir  que  faïas  d'aysi. 

Tu  intraras  en  porquatoii, 

On  tu  diras  :  las  !  con  mori  ! 
1140.      Per  que  non  mori  a  una  man  ! 

May  aytant  parlaras  en  van, 

Que  en  fuoc  e  en  fîarna  (ben)  ardent 

Sufreras  pena  e  torment. 

Can  seras  de!  fuoc  tormentada, 
1145.      Vendras  en  una  aygua  gilada, 

Es  aqui  tu  t'en  intraras, 

Que  es  plus  frega  que  [lo]  glas. 

Plus  freya  es  segun  freyor 

Que  le  fuoc  caut  segun  calor, 
1150.      E  cant  yssiras  d'aquel  luoc, 

E  tu  t'en  intraras  ell  fuoc. 

E  en  aysi  (tu)  faras  penedensa. 

Ira  n'aui'as  e  gran  coensa, 

1128.  Ms.  e  aura  son  pecat. 


64  DÉBAT   DU    CORPS   ET   DE   l'aMÉ   EN   PROVENÇAL 

Car  vivent  ell  cos  non  l'as  fâcha. 
1 155.     [E]stranya  pena  auras  tracha, 
Enans  que  tu  la  as  conplida, 
L'esmeuda  de  ta  gran  fallyda. 
Cant  ins  ell  fuoc  seras  paguada, 
E  en  l'aygua  freya  (ben)  lavada, 
[F°  26].       1160.     Adoncas  l'angel,  ses  tensson, 
T'en  porte,  e  que  ti  rason 
La  on  auras  vida  vivent. 
Per  secula  seculorurn.  Amen. 

Finito  libre. 
Sit  laus  et  gloria  Christo. 

Explicit  liber. 

Aberystwylh,  nov.  1904.  L.-E.  Kastner. 


CONTES    LENGADOUCIANS 

Dau  pioch  de  Sant-Loup  au  pioch  de  Sant-Cla 

(Suite) 


7.  —  Una  Responsa  de  Prunac 

Couma  toutas  las  gens  de  vila,  raèstre  Prunac,  lou  vièl 
felibre  cetôri,  quand  s'encapitava  avedre  un  moumen  de  libre, 
aimava  ben  d'anà  faire  un  tour  dins  lou  carapèstre,  maniera 
d'envalà  una  boucada  d'er. 

Un  vèspre  qu'embé  sa  fenna  s'en  revenièn  das  Mases, 
crousèrouu,  dins  lou  Garrigou,  un  ase  que  pasturgava  tran- 
quillamen.  E  l'ase,  seloun  la  moda  das  nses  de  tout,  peu  e  de 
tout  pais,  issèt  lou  mourra  e  se  planlèt  couma  un  cigàrou  per 
lous  veire  passa. 

Or  Prunac  travalhava  de  testa.  En  vanc,  saique,  d'assegutà 
quaucarima  galimanda  que  de-longa  s'enfugissiè,  d'enti'eveire 


7.  —  Une  Répartie  de  Prunac 

Comme  tous  les  habitants  des  villes,  Maître  Prunac,  le  vieux  feli- 
bre cettois,  aimait  bien  d'aller  faire  une  promenade  à  la  campagne,  de 
temps  en  temps,  afin  de  respirer  quelques  bouffées  d'air  pur. 

Un  soir,  il  s'en  revenait  des  Métairies.  Sa  femme  l'accompagnait. 
Et  voilà  qu'en  traversant  le  Garrigou  nos  deux  promeneurs  passèrent 
à  côté  d'un  âne  qui  paissait  tranquillement.  Et  l'âne,  pour  se  confor- 
mer à  l'usage  en  cours  chez  ses  pareils  de  tout  poil  et  de  tous  pays, 
releva  la  tête  aussitôt,  se  planta  comme  une  borne  et  les  regarda 
marcher. 

Or  Prunac  travaillait  du  cerveau.  Au  pourchas,  sans  doute,  de 
quelque  rime  mutine  qui  le  fuyait  sans  cesse,  il  entrevit  un  être  vague 

5 


66 


CONTES  LANGUEDOCIENS 


quicon  se  remenà  ras  d'el,  creseguèt  un  crestian  e,  bounamen, 
lou  saludèt  d'un  : 

—  Adissiàs,  l'amie. 

Un  grand  cacalàs  de  sa  fenna  lou  faguèt  davalà  dau   nivou 
ounte  vougava  soun  esprit. 

—  Oi,tron  !  ie  diguèt  ela,  moun  paure  onie,couma  siès  vengut 
ounèste!...  Saludes  lous  ases,  ara,  tamben?... 

—  Aco  t'estouna  ?  Prunac  ie  rebequèt  :  m'es  arrivât,  pamens, 
quau  sap  quant  d'autres  cops  !. . . 


8.  —  Una  bona  Renda 

Parlavoun  de  la  vendémia,  sus  lou  plan  de  i'Ouliviè,  dins 
un  roudelet  ounte  moussu  Lança-Cracas  teniè  lou  iet.  Se 
capitava  per  aq":i  un  marchand  de  taps,  tranchetas,  e  paiin  e 
coufin,  estrangè  au  païs,  que,  tout  en  plegant  soun  basacle, 
escoutava  sans  n'avedre  Ter  e  que  finignèt  per  dire  : 


qui  remuait  tout  près  de  lui.  Il  crut  avoir  affaire  à  quelque  chrétien  et 
bonnement,  le  salua  d'un  : 

—  Bonsoir,  l'ami. 

Un  grand  éclat  de  rire  de  sa  femme   le  fit  redescendre  des  nues  où 
voguait  sa  pensée. 

—  Ah!  mon  Dieu,  lui  dit-elle,  mon  pauvre  maii,  comme  tu  pousses 
loin  la  politesse  !...  Tu  salues  les  ânes,  maintenant  ? 

—  Comment?   cela    t'étonne,   lui  répondit    Prunac  :  la   chose  m'es^ 
arrivée,  pourtant,  bien  d'autres  fois  !... 


8.  —  Une  bonne  Récolte 

On  parlait  vendanges,  sur  le  plan  de  l'Olivier,  dans  un  petit  cercle 
de  vignerons.  M.   Lance-Craques  tenait  le  crachoir. 

Il  se  ti'ouvait  là  un  marchand  de  bouchons,  lobinets,  serpettes  et 
autres  engins  de  semblable  farine,  un  ambulant  (jui,  tout  en  repliant 
son  étalage,  écoutait  sans  en  avoir  l'air  et  qui  finit  par  prendre  part 
à  la  conversation. 


CONTES  LANGUEDOCIENS  67 

—  Aub'aco  n'aurés  una  renda  espectaclousa,  aqueste  an. 
Sabe  pas,  per  môia  !  ounte  cabirés  vostre  vi. 

—  Amai  digues!  faguèt  moussu  Lança-Cracas.  Per iéu  aurai 
pas  prou  de  boutas  :  mas  soucas  soun  cargadas  à  s'espalancà. 
E  quand  se  dis  de  las  annadas  ! . .  .  Iraaginàs-vous  que,  l'an 
passât,  avièi  mes  quaucas  fagotas  de  gavèls  darriès  moun 
grand  foudre.  Quand  ai  vougut  lous  tira  d'aqui,  aquestes  jours, 
me  siei  avisât  qu'èroun  claflts  de  rasins  :  i'aurà,  perlou  mens, 
una  semau  de  vi. 

—  Aco  m'estouna  pas,  rebequètlou  marchand.  Iéu  que  vous 
parle,  l'an  passât,  en  venguent  de  fair.;  ma  tournada,  me 
devignèi'e  un  vèspre  qu'avièi  prou  set.  Intrère  dins  una  vigna 
e,  couma  aime  fossa  lous  rasins,  n'tn  mangère  ben  una  sou- 
cada.  Me  travallièroun  un  pauc  ;  talamen  qu'en  arrivant  à 
Toustau  me  canguèt  lèu,  —  e  vitamen,  —  soiirti  dins  la  cour 
per...  me  soulajà.  Eh!  be,  aqueste  an,  au  même  recantou, 
contra  la  muralha,  i'es  vengut  utia  treltia  qu'a  fach  de  rasins 
e  de  rasins!.. .  à  n'en  vos  aqui-n'as  !...  Sèn  pas  que  la  fenna  e 
iéu,  e,  soulide,  i'auren  nostra  prouvesioun  de  vi,  amai  dau 
bon  vous  assegure  !... 


—  Eh  !  bien,  vous  l'aurez,  cette  année,  la  récolte  miraculeuse  ? 
dit-il.  Je  ne  sais  pas,  par  ma  foi,  comment  vous  logerez  votre  vin, 

—  Ah!  vous  pouvez  bien  le  dire,  fit  M.  Lance-Craques.  Moi,  il  me 
manquera  des  tonneaux  :  mes  ceps  sont  chargés  à  se  rompre.  Et 
quand  on  parle  des  années  !...  Imaginez-vous  que,  l'an  [lassé.  j'avais 
serré  quelques  fagots  de  sarments  derrière  mon  grand  foudre.  Quand 
j'ai  voulu  les  tirer  de  là,  ces  jours-ci,  je  les  ai  trouvés  couverts  de 
raisins.  Il  y  aura,  pour  le  moins,  une  comporte  de  vin. 

—  Ça  ne  m'étonne  point,  réplique  le  marchand.  Moi  qui  vous  parle, 
l'an  passé,  un  soir  que  je  rentrais  de  ma  tournée,  je  fus  pris  d'une 
grande  soif.  J'entrai  dans  une  vigne.  J'aime  beaucoup  les  raisins. 
J'en  mangeai  toute  une  cépée.  Ils  me...  tracassèrent  un  peu.  A  tel 
point  qu'en  arrivant  à  la  maison,  je  dus  me  hâter  de  sortir  dans  la  cour 
pour...  me  soulager.  Eh  !  bien,  cette  année-ci,  dans  le  même  coin,  au 
ras  du  mur,  il  est  venu  une  treille  qui  a  fait  des  raisins,  et  des  rai- 
sins !...  c'est  inimaginable!  . .  Nous  ne  sommes  que  la  femme  et  moi  : 
nous  aurons  notre  i)rovision  de  vin  ;  et  du    fameux,  je  vous  assure!... 


68  CONTES  LANGUEDOCIENS 


9.  —  Lou  Brètou 

Aco  fasiè  pa'u  plec  :  chaca  fes  qu'estrelhava  una  raiola  ou 
touta  autra  bèstia  un  pauc  reguinnaira,  lou  Brètou  re...  e... 
enegava,  re...  e...  enegava  couma  un  varlet  d'estable   qu'èra. 

—  Vie...  èl-ba...  astard-d'aiço  !  Tro...  on-de...  e-sort- 
dau-rèsta!...  N'en  vos-aqui-n'as.  S'un  cop  Faviàs  ausit,  très 
jours  après  las  aurelhas  vou'n  siblavouu  encara. 

—  Malurous  !  ounte  anarà  toun  ama?...  ie  diguèt  un  jour 
moussu  lou  Curât. 

—  Mi...  i...  ila-miliards-de...  e-noum-de  noum-de  ..e-Dieu!... 
Se...  egués  tranqui...  qui...  quille,  bou...  outàs.  Sa.,  sa...  sa... 
sa...  saique,  s'e...  es  pas  u...  una  sauma,  se...  e...  e...  gui- 
guirà  be  la  ..  la.,  la-las  autras?... 


10.  —  Quanta  Pôu  !... 

Es  mai  de  Niqueta  que  s'agis.  Aici  lou  fèt. 

Velhavoun,  el  embé  Nichoula,   lou  Panard   de  Sabatou,   de 


9.  —  Le  Bègue 

Ca  ne  faisait  pas  un  pli  :  toutes  les  fois  qu'il  étrillait  une  mule  ou 
toute  autre  bête  un  peu  difficile  et  rueuse,  le  Bègue  ju...u...rait, 
sa...a...crait,  comme  un  valet  d'écurie  quM  était. 

—  Bâ...â...âtard  de  ceci  !  To.. .o....onnerre  de  cela!  En  veux-tu  ? 
en  voilà.  Si  vous  aviez  eu  ie  malheur  de  l'entendre  une  fois,  trois  jours 
après  les  oreilles  vous  en  cuisaient  encore. 

—  Mais,  malheureux!  où  donc  ira  ton  âme?  lui  dit  un  jour  M.  le 
Curé  ! 

—  Mi.  ..i...ille  mi...i.  .illiards  de.  ..e  nom  de. .  .e  nom  du  Diable! 
Soy...a...yezsa...ans  crainte,  a.  ..allez  !  sa...an.s  dou. .  .oute,  si è... elle 
n'est  pa... as  u...une  anè...nè...nesse,  è...elle  sui...ivra  bien  les. ..les,.. 
les  au. .  .autres  ! ... 

10.  —  Quelle  Peur! 

C'est  encore  de  Niquette  qu'il  s'agit.  Voici  l'histoire. 

Ils  veillaient  à  deux,  Niquette  et  Nicolas,  le  Boiteux  de  Sabatier, 


CONTES  LANGUEDOCIENS  69 

la  Counfrai'iè  das  Penitents-blancs  couma   eles,  qu'èra  mort 
dins  la  journada  sabe  pas  trop  de  dequé. 

Era  au  tems  das  prumiès  rasins,  e  fasiè  una  d'aquelas  niochs 
d'agoust  que  la  calou  vous  amaluga. 

—  Que  se  fourre  !  diguèt  Nichoula  de-vers  las  mièja-ûiocli . 
diran  ce  que  voudran  :  ai  vist  dins  lou  jardi  unatrelha  clafida 
de  muscats;  eau  aue  n'ane  querre  quauques  uns,  quand  lou 
diable  ie  série  !... 

Couma-de-fèt  i'anèt.  E  dins  lou  tems  que  i'èra,  Niqueta, 
—  hou  creirés  ou  hou  creirés  pas,  —  agèt  lou  cor  de  leva  lou 
mort,  de  l'assetà  à  sa  plaça  sieuna,  sus  la  cadièira,  e  de  se 
mètre,  el,  sus  lou  lièch  per  lou  ramplaçà. 

Cau  vous  dire,  s'hou  sabès  pas,  que,  quand  mourissiè  un 
Pénitent,  tant  lou  mort  couma  lous  dous  que  lou  velhavoun 
pourtavoun  soun  abilhage  blanc.  De  maniera  que,  quand 
Nichoula  revenguèt  embé  las  mans  plenas  de  rasins  : 

—  Tè  !  diguèt,  mèstre  Niqueta  s'es  laissât  toumbà  per  lou 
Pichot-Ome.  Hôu  !  couUèga,  te  derevelhes  que  manjaràs  un 
muscat? 


de  la  Confrérie   «les   Pénitents-Blancs    comme  eux,  décédé    dans    la 
journée  de  je  ne  sais  plus  trop  quelle  maladie. 

On  était  au  temps  des  premiers  raisins.  11  faisait  une  de  ces  nuits 
d'août  où  la  chaleur  est  accablante. 

—  Ma  foi,  tant  pis!  fit  Nicolas  vers  l'heure  de  minuit^  l'on  dira  ce 
que  l'on  voudra  :  j'ai  vu  dans  le  jardin  une  treille  toute  chargée  de 
muscats  ;  il  faut  que  j'aille  en  cueillir  quelques-uns,  quand  le  diable 
y  serait!... 

11  y  alla,  en  effet.  Et  pendant  qu'il  y  était,  Niquette,  —  vous  le 
croirez  ou  vous  ne  le  croirez  pas,  —  eut  le  courage  de  lever  le  mort, 
de  l'asseoir  à  sa  propre  place,  sur  la  chaise,  et  de  se  mettre  lui-même 
sur  le  lit  pour  le  remplacer. 

11  faut  vous  dire,  si  vous  ne  le  savez  pas,  que,  lorsqu'il  mourait 
un  Pénitent,  tant  le  mort  que  les  deux  qui  le  veillaient  étaient  revêtus 
de  leur  robe  et  de  leur  cagoule  blanches. 

Or  donc,  Nicolas  s'en  revint  du  jardin  les  mains  pleines  de  raisins. 

—  Tiens  !  dit-il,  maître  Niquette  s'est  laissé  tomber  par  le  Petit 
Homme  '.  Ouste  !  camarade,  réveille-toi  que  tu  mangeras  un  muscat? 


Morphée. 


70  CONTES  LANGUEDOCIENS 

Pas  res. 

—  An!  bota,  fagues  pas  Tase.  N'en  vos  ou  n'en  vos  pas? 
Pas  mai. 

—  Oi  !  tron-de-noum  d'un  goi  !  te  ficariès  pas  de  iéu  per 
asard,  saique  ?.. .  Te  lous  empegue  sus  lou  nas  se  te  derevelhes 
pas  lèu. 

Es  aladounc  que,  dau  lièch,  una  voués  bassa  e  raufelousa 
ie  dis  : 

—  Se  quitaves  lou  mounde  tranquille,  que?  Veses  pas  que 
n'en  vôu  pas  ges  ?  .. 

Ah!  secous!  misericôrdia!...  auriàs  vist  Nichoula  sauta  lous 
escaliès!...  Amai  belèu  couris  encara. 


11.  —  Davaas  lou  Juge 

Lou  Juge. — Aladounc,  Mos  de  Guirauda,  réclamas  à  mèstre 
Francés  cinquanta  francs  per  de  terralha  que  soun  ase  vous 
auriè  coupât? 

GuiRAUDA.  —  Ni  mai,  ni  mens,  oui,  Moussu. 


Rien. 

—  Allons  !     allons  !    ne   fais    pas   la    bête.    En    veux-tu  ou  n"eu 
veux-tu  pas  ? 

Pas  davantage. 

—  Tonnerre  d'un    Boiteux  !    tu  ne  te  ficherais  jias    du   monde,  par 
hasard?...  Je  te  les  colle  sur  le  nez,  si  tu  ne  te  réveilles  pas  bientôt. 

Alors,  du  lit,  une  voix  basse  et  rauque  s'éleva. 

—  Si  tu  laissais  les  gens  tranquilles,  à  la  fin?  Ne  vois-tu  pas  qu'il 
n'en  veut  point? 

Ah  !  miséricorde,  mes  amis  !...  vous  eussiez  vu  Nicolas  franchir  les 
marches  quatre  à  quatre  !  Peut-être  même  court-il  encore. 


11.  —  Par  devant  le  Juge 

Le  Juge.  —  Donc,  dame  Guiraude,    vous   réclamez  à  maître  Fran- 
çois 50  francs  pour  de  la  vaisselle  que  son  âne  vous  aurait  brisée? 

Guiraude.  —  Ni  plus,  ni  moins,  oui,  Monsieur. 


CONTES  LANGUEDOCIENS  71 

Lou  Juge.  —  Eh!  be,  mèstre  Francés,  dequ'avès  à  dire? 

Frangés.  —  Ai  à  dire,  Moussu  lou  Juge,  que  ie  demandés, 
sieuplèt,  quoura  moun  ase  i'a  ges  coupât  de  terraliia. 

GuiRATTDA.  —  La  terralha,  Moussu,  es  ma  sauma  que  la 
poui'tava,  ben  tranquilleta  couma  à  l'acoustuma,  quand  Tase 
de  raèstre  Francés  la  faguèt  reguinnà  e  sauta.  Vous  demande 
un  pauc  se  lous  plats,  las  siètas  e  lous  toupis  agèroun  la 
broda! 

Lou  Juge.  —  Mes  l'ase  de  mèstre  Francés  n'es  pas  l'encausa 
se  vostra  sauma  sauta  e  reguinnà? 

GuiRAUDA.  —  Aco,  presemple,  si-fèt. 

Lou  Juge.  —  Outre  !  E  coussi,  diànsis,  el  n'es  l'encausa? 

GuiRAUDA.  —  Tenès,  Moussu,  una  supausicioun  :  que  iéu 
seguèsse  la  sauma  e  que  vous  seguessiàs...  l'ase.  Cresès  que 
se  veniàs...  sentinejà  mous  couiilhouns,  la  coupèssen  pas  la 
terralha?... 

...  Sabe  pas  dequé  lou  Juge  n'en  diguèt. 


Le  Juge.  —  Eh  bien  !  maître  François,  qu'avez-vous  à  dire? 

François.  — J'ai  à  dire,  Monsieur  le  Juge,  que  vous  lui  demandiez, 
quand  et  comment  mon  âne  lui  a  brisé   de  la  vaisselle. 

Guiraude.  —  La  vaisselle,  Monsieur,  c'est  mon  ânesse  qui  la 
portait,  bien  tranquillement,  comme  à  Taccoutumée,  quand  l'âne  de 
maître  François  la  fit  ruer  et  sauter.  Je  vous  demande  un  peu  si  les 
plats,  les  assiettes  et  les  pots  la  dansèrent,  la  sarabande? 

Le  Juge.  —  Mais  l'âne  de  maître  François  n'en  peut  mais,  si  votre 
ânesse  saute  et  rue. 

Guiraude.  —  Ça,  par  exemple,  si  fait. 

Le  Juge.  —  Oui-da  ?..,  Et  comment,  diable,  y  peut-il  quelque 
chose  ? 

Guiraude. —  Tenez,  Monsieur  le  Juge,  une  supposition:  que  moi, 
je  sois  l'ânesse,  et  que  vous,  vous  soyez...  l'âne.  Si  vous  veniez  four- 
rer votre  nez  dans  mes  cotillons,  croyez-vous  que  nous  ne  la  briserions 
pas  la  vaisselle  ? 

...  Je  ne  sais  pas  ce  que  le  Juge  répondit. 


72  CONTES  LANGUEDOCIENS 


12.  —  S'aco's  pas  dau  malur!... 

—  Eh!  be,  Longa-Dent,  as  soupat? 

—  Ne  vène. 

—  Boudieu  !  tant  lèu?...  Dequé  tron  siès  estât  tant  pressât, 
ioi,  un  jour  de  festenau?  Avèn  un  foutrassau  do  guindard  que 
vira  à  Faste,  nous  auriès  bailat  un  cop  de  man  per  Tesfatà... 

—  Oh!  sacre-noum-de-sort!  roundinètentre  el  Longa  Dent, 
quanta  una  que  ne  manque  !...  se  me  ie  pescoun  mai  à  dire 
qu'ai  soupat,  vole  que  la  testa  me  saute! 

Aviè  pasbelèu  fach  quatre  passes  que  soun  camarada  Ris- 
Quand-Beu,  lou  rescouutrant,  ie  dis  : 

—  As  soupat,  coullèga? 

—  Pancara. 

—  Pancara?  Chaval  de  Dieu!  e  dequ'espères  ?. ..  T'aurièi 
pagat  lou  café,  mes  s'as  pas  soupat...  Bona  apetis!...  iéu  lou 
tène. 


12.  —  La  Malechance 

—  Eh  bien,  Longuedent,  as-tu  dîné  ? 

—  J'en  viens. 

—  Bon  Dieu  !  sitôt?  Que  diable  as-tu  été  si  pressé,  aujourd'hui, 
un  jour  de  fête?  Nous  avons  un  superbe  dindon  qui  tourne,  à  la  bro- 
che,   tu  nous  aurais  prêté  la  main  pour  l'achever... 

—  Oh  I  sacré-nom  d'un  sort!  marmotta  à  part  soi  Longuedent, 
quellj  occasion  je  manque  !  Si  l'on  m'y  repince  encore  à  dire  que  j'ai 
dîné,  je  veux  que  le  crique  me  croque  !.., 

A  peine  eut-il  fait  quatre  pas  que  son  camarade  Rit-Quand-Boit, 
l'apercevant,  lui  dit  : 

—  As-tu  dîné,  collègue  ? 

—  Pas  encore. 

—  Pas  encore?  Et  tonnerre  de  Dieu  !  qu'attends-tu  donc  ?...  Je 
t'aurais  offert  un  café,  mais  si  tu  n'as  pas  dîné...  Bon  appétit...  moi, 
je  le  tiens. 


CONTES  LANGUEDOCIENS  73 


13.  —  A  la  Cassa 

Anfin,  per  acabà  aquel  pongnat  de  galejadas,  —  un  bon 
pougnat,  —  n'en  vejaici  una  de  mai  que  la  dougena.  Es  lou 
camarada  Amat  que  me  la  prèsta.  Parlen  pas  se  ie  la  rendrai. 

Blagaben  e  Parlantin,  dous  cassaires  de  m'as  couiounat 
quand  t'ai  vist,  partissoun  un  dimenche  de  bon  mati  per  la 
cassa.  E,  s'on  lous  escouta,  paure  gibiè  gara  de  davans  ! 

Arrivoun  àBalaruc.  Introun  dins  una  vigna.  Sus  unafiguièira, 
Blagaben  devista  un  passeiou.  L'afusfa,  quicha,  pan  !... 

—  Cou-icl  fai  lou  passerou  que  s'euvoula. 

—  Presemple  !  dis  Parlantin,  a  parlât!... 

—  Oi?...  e  dequ'a  dich? 
— ^  A  dich  :  a  Es  pas  fort.  » 

Caminoun  un  pauquet,  mai.  Sus  un  ouli>^iè,  Parlantin,  àsoun 
tour,  devista  un  passerou.  L'afusta,  quicha,  pan!... 

—  Pi'Ouitl  fai  lou  passerou  que  se  sauva. 


13.  —  A  la  Chasse 


Enfin,  pour  compléter  cette  poignée  de  bonnes  histoires,  —  une 
bonne  poignée,  —  en  voici  une  en  sus  de  la  douzaine.  C'est  le  cama- 
rade Amat  qui  me  la  prête.  Ne  parlons  pas  si  je  la  lui  rendrai. 

Blaguebien  et  Parletoujours,  deux  chasseurs  de  «  tu  m'as  badiné 
quand  je  t'ai  vu  »,  partent  pour  la  chasse  un  dimanche  de  bon  matin. 
Et,  à  les  entendre,  pauvre  gibier  !  gare  de  devant. 

Ils  arrivent  à  Balaruc.  Ils  entrent  dans  une  vigne.  Sur  un  figuier, 
Blaguebien  aperçoit  un  moineau.  11  vise,  il  presse,  pan  !... 

—  Cou-icl  fait  le  moineau  qui  s'envole. 

—  Par  exemple  !  dit  Parletoujours,  il  a  parlé  !... 

—  Oui?...  et  qu'a-t-ii  dit? 

—  11  a  dit  :  «  Il  n'est  pas  fort  !  » 

Ils  cheminent  encore  un  peu.  Sur  un  olivier,  Parletoujours,  à  son 
tour,  aperçoit  un  moineau.  Il  vise,  il  presse,  pan!... 

—  Pi-ouit  !  fait  le  moineau  qui  tire  de  long. 


74  CONTES  LANGUEDOCIENS 

—  Ma  mia  !  crida  Blagaben,  a  parlât  ! 

—  Mai?...  e  dequ'a  dich? 

—  A  dich  :  «  Es  lou  même  qu'a  tirât.  » 


Gustàvi  Theround. 


—  Miracle!  s'écrie  Blaguebien,  il  a  parlé!... 

—  Encore?...  et  qu'a-t-il  dit? 

—  11  a  dit  :  «  C'est  le  même  qui  a  tiré  !» 

Gustave  Thérond. 


Fin  de  la  1"  série  des  Contes  Laiiguedociens. 


L'APOCALYPSE  EN  HAUT-ENGADINOIS 


Cap.  1 


(1)  La  palantêda  da  lesu  Cliristi,  quajla  che  deus  ho  dô  agli, 
par  chel  fascha  appalais  â  ses  famalgs  aquellas  chiôses  chi 
stouuan  duantêr  bôd  :  et  ho  laschôâ  sauair,  cura  chel  tramtét 
Vg  cuniandamaint  â  ses  famalg  lohoaiini,  (2)  qusel  chi  ho  dô 
testimuniaunza  alg  plêd  da  dieu,  et  de  la  testimuniaunza  da 
lesu,  et  da  tuot  aquellas  chiôses  chel  ho  uis.  (3)  Biô  es  aquel 
chi  lijgia  et  ôda  la  uerua  de  la  profetia  et  salua  aquellas  chiôses 
chi  Sun  scrittas  in  aquella  par  che  Fg  tijmp  es  ardaint.  (4) 
lohannes  â  las  set  baselgias  quselas  chi  suu  in  Asia.  La  gracia 
â  uus  et  la  paesth  da  quel  chi  es  et  da  quel  chi  era  et  da  quel  chi 
uain  â  gnir,  et  dais  set  spierts,  quasls  chi  sun  in  la  ueziida  da 
sieu  siz,  (5)  et  da  lesu  Christo,  qusel  chi  es  fidela  pardiitta,  l'g 
priim  genuieu  (éd.  genuien)  dais  muorts  et  princip  dels  araigs 
de  la  terra,  ad  aquegli  chi  ho  amô  nus  :  et  ho  lauô  nus  da 
pchiôs  très  sieu  saung,  (6)  et  ho  fat  nus  araigs  [819]  et  sacer- 
dots  â  dieu  et  â  sieu  bab  aquegli  saia  glœrgia  et  imperi  et 
saimper  mae  Amen.  (7)  Uhe  el  uain  cun  las  nuflas,  et  scodùn 
œilg  uain  alg  uair,  et  aquels  chi  haun  piitin  el.  Et  tuottas  las 
generaciuns  de  la  terra  uignen  â  plaunscher,  Schi,  Amen.  (8) 
Eau  Sun  alpha  et  oméga,  Vg  principi  et  la  fin,  disth  l'g  signer  : 
aquel  chi  es,  et  aquel  chi  era,  et  aquel  chi  uain  â  gnir  omni- 
putaint.  (9)  Eau  lohannes  uos  frêr  et  personseuel  îlg  astijnt, 
et  îlgariginam,  et  in  la  pacijncia  in  Christo  lesu,  sun  stô  in 
risla,  qusela  chi  uain  anuranêda  Patmos,  parmur  dalg  plêd  da 
dieu,  et  de  la  testimuniaunza  da  lesu  Christi.  (10)  Et  sun  stô 
iig  spiert  ilg  di  d'dumengia,  et  hse  udieu  dauous  me  iina 
granda  uusth  sco  dad'ùna  tiiba,  (11)  dschant  :  eau  sun  al[iha 
et  oméga,  l'g  prûm  et  l'g  plii  dauous,  Aqué  che  tii  uais  schi 
scriua  îlg  cudesth,  et  trametta  â  las  set  baselgias  quselas   chi 


76  APOCALYPSIS  DALG  BIÔG  lOHANNIS  DUGTUR 

Sun  in  Asia,  Epheso  et  Smjrnae,  et  Pergamo  et  Thvàtiras,  et 
Sardis,  et  Philadalphise,  et  Laodicese.  (12)  Et  eau  sun  uuot 
inauous  par  uair  la  uusth  chi  faflêua  cun  me,  et  siand  uuot 
inauous  schi  hse  eau  uis  set  chiaudalijrs  d'or,  (13!  et  in  meza 
l's  chiandalijrs  d'ôr  iin  sumgiaunt  alg  fllg  delg  hum,  uesiieu 
cun  iina  arassa  lungia  infina  giu  als  pes,  et  schintô  sii  â  las 
tettas  cun  iina  schiuta  d'or.  (14)  Et  sieu  chiô  et  ses  chiauels 
eran  alfs  seo  la  launa  [820]  alua  et  sco  ia  naif.  Et  ses  oeilgs 
SCO  la  flamma  delg  fœ,  (15)  et  ses  pes  sumgiaunts  alg  fin 
bruons  chi  uain  culô  îlg  fuorn,  et  la  sia  uusth  sco  la  uustli  da 
bgierras  ouuas.  (16j  Et  hauaiua  in  sieu  dret  maun  set  stailas. 
Et  da  sia  buochia  gniua  oura  iina  spêda  taglainta  dad  amman- 
duos  mauns.  Et  la  sia  fatscha  liiischaiua  sco  l'g  sullailg  in  sia 
uirtiid.  (17)  Et  sco  eau  Vg  hse  uis,  schi  sun  eau  tumô  giu  als  ses 
pes  sco  muort.  Et  el  mattét  l'g  sieu  dretmaun  sur  me,  dschant 
â  me  :  Nu  tmair,  eau  sun  l'g  priim  et,  l'g  plii  dauous,  (18)  et  uif 
et  sun  stô  muort,  et  uhé,  eau  uif  saimper  et  saimpermse  :  Et 
hse  las  clefs  dalg  infiern  et  da  la  mort.  \19)  Scriua  dimê  aquel- 
las  chiôses  che  tii  hses  uis,  et  aquellas  chi  sun,  et  aquellas  chi 
stouuan  duantêr  dsieua  aquaistas.  (20)  L'g  segret  da  las  set 
stailas,  quselas  che  tii  hses  uis  in  mieu  maun  et  l's  set  chianda- 
lijrs d'ôr.  Las  set  stailas  sun  l's  set  aungels  de  las  baselgias  : 
et  l's  set  chiandalijrs  che  tii  hses  uis,  sun  las  set  baselgias. 

Annotatiuns 

Apocalypsis]  reuelaciun.  appalantêda.   Al//ha  et  oinetja]    l'g 
principi  et  la  fin. 


Cap.  II 

(1;  Scriua  alg  aungel  de  la  baselgia  da  Epheso  :  aquaistas 
chiôses  disth  aquel  chi  [821]  tain  las  set  stailas  in  sieu  dret- 
maun, aquel  chi  chiamina  in  miz  l's  set  chiandalijrs  d'ôr.  (2) 
Eau  sse  las  tias  houres,  et  tia  lauur,  et  tia  pacijntia,  et  che  tii 
nu  pous  indiirêr  l's  raêls  :  et  hsest  appruô  aquels  chi  dian  che 
saien  apostels,  et  nu  sun,  et  l's  hsest  achiatlô  mansnêrs,  (3)  et 
hsest  cumpurtô.  Et  hsest  pacijncia,  et  hsest  jcumpurtô  parmur 


APOCALYPSIS  DALG  BIÔG  lOIIANNIS  DUCTUR  77 

da  mieu  num,  et  nun  ist  gnida  alg  main.  (4)  Mu  eau  lise  incun- 
ter  te,  clie  tu  haes  abandunô  la  tia  priimma  chiaritsed.  (5)  T'al- 
gorda  dimê,  innunndei'  c.he  tii  ist  tummô,  et  hègiast  arii- 
flijnscha,  et  fo  las  tias  priiramas  houres.  Schi  nun,  sclii  uœlg 
eau  gnir  bôd,  et  uœlg  amuautêr  tieu  chiandalijr  oui* 
d'sieu  lœ,  upœia  che  tii  iragiuras.  |6)  Mu  aquaist  hsest  lii, 
che  tii  nous  mêl  als  fats  dais  Nicolaiters,  ad  aquaels  er 
eau  uœlg  mê'.  (7)  Chi  ho  uragliaô  la,  che  l'g  spiert  disth  â  las 
baselgias.  A  chi  uainscha,  uœlg  eau  dêr  da  mangiêr  delg  lain 
de  la  uitta,  quasi  chi  es  in  raeza  l'g  paruis  da  dieu.  (8)  Et  alg 
aungel  de  la  baselgia  da  Smjrna  scriua  :  aquaistas  chiôses  disth 
l'g  prûm  et  l'g  plii  dauous,  qusel  chi  es  stô  muort  et  uiua. 
(9)  Eau  sse  tias  houres  et  tieu  astijnt,  et  tia  puerted,  mu  tii  ist 
arick  :  et  la  blastemma  da  quels  chi  dian  che  saien  liideaus  et 
nu  Sun,  mu  é  sun  la  sjnagoga  dalg  satanse.  (10)  Nu  tmair  iin- 
guotta  da  quellas  chiôses  che  tii  uainst  ad  indiirêr.Uhé  l'g  diauel 
uain  â  met  [822]  ter  qualchiiins  d'uus  in  praschun,  par  che  uus 
uignas  apfiruôs,  et  gnis  ad  hauair  paschun  par  dijsth  dijs.  Saiast 
fidel  infina  â  la  mort,  et  eau  uœlg  dêr  â  ti  la  curuna  de  la 
uitta. (11)  Chi  ho  uraglia  ôda  che  l'g  spiert  disth  â  las  baselgias. 
Aquel  chi  la  uainscha,  nu  uain  ufais  da  la  seguonda  muort. 
(12)  Et  alg  aungel  de  la  baselgia  Pergamo  scriua  :  aquaistas 
chiôses  disth  aquel  chi  ho  la  spêda  tagliainta  da  amanduos 
mauns.  (13)  Eau  fse  las  lias  houres,  et  innua  che  tii  stês,  et 
innua  che  es  l'g  siz  dalg  Satanse,  et  tii  tains  mieu  num  et  nun 
haes  schnaiô  mia  fe.  Et  in  Is  mes  dijs  Antipas  mia  fidela  par- 
diitta,  quel  chi  es  amazô  tiers  uus,  innua  chi  habitta  Satanas. 
(14)  Mu  eau  hse  incunter  te  pouchias  chiôses.  Perche  che  tii 
hees  allô  aquels  chi  tignan  la  ductrina  da  Balaam,  qusel  chi 
amussêua  in  Balac  da  trametter  sckiandel  auaunt  l's  fiigs  da 
Israël,  che  mangiassen  da  quellas  chiôses  chi  gniuan  hufertas 
als  Idols,  et  da  ruffianêr.  (15)  Usehia  hsest  er  tii  aquel[s],  chi 
tignan  la  ductrina  dais  Nicolaiters,  ad  aqué  ch'eau  uœ'g  mêl. 
(16)  T'iragiura,  uschigliœ  uœlg  eau  gnir  bôd,  et  uœlg  cum- 
batter  cun  la  spêda  de  la  mia  buocchia.  (17)  Chi  ho  uraglia, 
ôda  che  l'g  spiert  disth  â  las  baselgias.  Ad  aquel  chi  uainscha, 
uœlg  eau  dêr  de  la  manna  azuppêda,  et  uœlg  dêr  agli  ii[823]- 
na  balotta  alua,  et  in  la  balotta  iin  num  nuof  scrit  ch'iingiiin 
nu   so    ôter  co   quel   chi   arschaiua.  (18)  Et  alg  aungel  da  la 


78  APOCALYPSIS  DALG   BIÔG  lOHANNIS  DUCTUR 

baselgia  da  Tjatira  scriua  :  Aquaistas  chiôsas  disth  ïg  fîlg  da 
dieu, qusel  chi  ho  l's  œiljjrs  sco  la  flararaa  dalg  fœ,  et  Ts  pes  sum- 
giaunts  ?d<j:  bruons  chi  uain  culô  îlg  fuocii.  (19)  Eau  ?ae  lias 
heures,  ettiâ  chiaritaed,  et  tieu  seruezzeii,  et  tia  fe,  et  tia  paci- 
jncia,  et  tias  heures,  e  las  plii  dauous  sun  plii  bgierras  co  las 
prûrarrjas.(20)  Mu  eau  hœ  pouchias  chioses  incunter  te  :  per  che 
elle  tu  laschas  la  duonna  Hiezabel,  quela  chi  disth  chella  saia 
iina  profeta,  amasser  et  surmnêr  mes  famalgs,  ruffianèr  et 
mangiêr  da  quellas  chiôses  chi  sun  hufertas  als  Idols.  (21)  Et 
hse  dô  agli  tijmp  clie  la  s'possa  imgiurêr  da  sieu  pittanœng,  né 
es  imgiurêda.  (22)  Uhé  eau  la  met  ella  in  lijt,,  et  aquels  chi 
s'maistden  cun  adulteri  cun  ella,  in  granda  tribulaciun,  upoeia 
chelshêgian  aiiïflijnscha  da  las  lur  heures.  (23)  Et  uœ'g  ama- 
zêr  ses  filgs  cun  la  mort  :  et  tuottas  baselgias  uignen  â  sauair, 
ch'eau  sun  aquel,  chi  examna  l's  gnirunchiels  et  Ts  cours  :  et 
uoelg  dêr  â  scodûni  d'uus  suainter  sias  houres.  (24)  Mu  eau 
dich  â  uus  et  als  ôters  chi  isches  â  Tjatirae  :  tuols  queels  chi 
nun  haun  aquaista  ductrina,  et  chi  nu  cugniouschen  la  basezza 
[824]  dalg  satané  (sco  aquaists  dian)  schi  nu  uœlg  eau  metter 
sur  uus  ôter  pais,  (25j  imperscho  aquel  che  uus  hauais  tgné 
infina  ch'eau  uing.  (26)  Et  aquel  chi  la  uainscha,  et  salua  infina 
â  la  fin  las  houres,  schi  uœlg  eau  dêr  agli  pusaunza  sur  l's 
paiauns,  (27)  et  uain  ad  arischer  aquels  cun  una  perchia  d'fier, 
et  uignen  â  s'arumper  sco  la  uaschella  d'terra  cuotta.(28)  Daco 
ch'eau  he  er  eau  arfschieu  da  mes  bab  et  uœlg  dêr  ad  els  la 
staila  diauna.  (29)  Chi  ho  ui  agi  a,  ôda  che  l'g  spieit  disth  â  las 
baselgfias. 


Cap.   III 

(1)  Et  alg  aur.gel  de  la  baselgia  qusela  chi  es  â  Sardis  scriua 
aquaistas  chiôses  :  disth  aquel  chi  ho  set  spierts  da  dieu  et 
set  stailas  :  Eau  sse  tias  houres,  per  che  che  tii  hses  num  che 
tu  uiuas  et  ist  muort.  (2)  Saias  uigiaunt  et  enferma  las  ôtras 
chiô«es  chi  sun  par  mûrir.  Per  che  eau  nun  hse  acchiattô  las 
tias  houres  plainas  auauiit  dieu.  (-5)  Hégias  dimê  îlg  sen,  in 
che  guisa  che  tii  hes  udieu,  et  [t']  salua  et  t'imgiura.  Schi  tii  nu 
(ua)  uaglias  dimê,  schi  uing  eau  tiers  te  sco  iin  lêdar,  et  tii  nu 


APOCALYPSIS   DALG   lîlÔG   lOIIANNIS   DUCTUR  79 

uainsl  â  sauair  l'hura  ch'eau  uing  â  prnir  tiers  te.  (4)  Tu  hses 
poiicliias  [)ersuiias  in  Sardis  quaels  clii  nun  hêgian  irapalô  lur 
uesckimainta  :  et  els  nu  uignen  à  chiaminêr  cun  me  cun  alua, 
per  ciie  els  nu  [825]  sun  dengs.  (5)A(iiiel  clii  uainscha,  daiain 
a(juella  guisa  gnir  uestieu  in  uesckimainta  alua  :  et  eau  nu 
uing  â  chiassêr  sieu  num  our  delg'  cudesth  de  la  uitta,  et 
uing  â  cufesser  sieu  num  auHunt  mes  bab,  et  auaunt  ses 
aungels.  (6)  Chi  ha  uraglia,  ôiia  che  Tg  spiert  disth  â  las  basel- 
gias.  (7)  Et  â  Taungel  de  la  baselgia  da  Philadelfo  scriua  : 
Aquaistes  chiôses  disth  l'g  saenc  et  l'g  ursest,  qusel  chi  ho  la 
clef  da  Dauid  :  quel  chi  êura,  et  iingiua  nu  serra  chi  serra, 
et  ungiûn  nu  êura.  (8)  Eau  se  las  tias  heures.  Uhé  eau  hœ  dô 
auaunt  te  fg  hùsth,  et  iingiiin  nu  po  sarêr  aquel  :  per  che  tu 
hes  pouchia  fuorza.  Et  hsest  saluô  mieu  plêd  et  nun  hsest 
sthueiô  mieu  num.  (9)  Uhé,  eau  dun  aquels  de  la  sjnagoga  da 
Satanse,  qusels  chi  dian  che  saien  lùdeaus,  et  nu  sun,  dimperse 
els  mainten.Uhéeau  uœlg  strainscher  els,  che  uignen  et  aduran 
auaunt  tes  pes,  et  sappian  ch'eau  uœlg  bain  â  ti,  (10)  per  che 
tu  hses  saluô  \'g  plêd  de  la  mia  pacijncia,  et  eau  t'uœlg  saluer 
da  Thura  dalg  attantamaint,  quaela  chi  uain  â  gnir  in  Vg 
uniuers  rauond,  par  chel  approuua  aquels  chi  stauu  in 
teria.  (11)  Uhé  eau  uing  bôd.  Tain  aqué  che  tii  hsest,  ch'iingiûn 
nu  prenda  tia  curuna.  (12)  Aquel  chi  uainscha,  uœlg  eau  fêr 
el  iina  culuonua  îlg  taimpel  da  mieu  dieu,  et  nu  uain  ad  ir 
oura  plu.  Et  eau  uœlg  scriuer  sur  el  Tg  num  da  mieu  dieu,  et 
l'g  num  da  cîttsed  [82G]  nuoua  lerusalem  da  mieu  dieu,  qiiœla 
chi  es  gnida  giu  da  schi  da  mieu  dieu,  et  mieu  nuof  num.  (13) 
Chi  ho  uraglia,  ôda  che  l'g  spiert  disth  â  las  baselgias.  (14)  Et 
alg  aungel  de  la  baselgia  da  Laodicea  scriua  :  aquaistas  chiôses 
disth  Amen  la  pardûtta  fidela  et  uaira,  principi  de  la  creatùra 
da  dieu  :  (15)  Eau  sae  tias  heures,  che  tii  ist  né  fraid  né 
bugliand  :  fiist  gieuar  fraid  u  bugliant.  (16)  Mu  per  che  che  tii 
ist  tijui,  et  né  fraid  né  bugliaint,  schi  uœlg  cunianzêr  â 
d'  biitêr  our  d'  mia  buocchia,  (17)  per  che  che  tii  disth  :  eau 
suii  arick,  et  sun  arichieu,  et  nun  lise  b?iing  d'ûngiiin  :  et  tii 
nu  saes,  che  lii  ist  miser,  et  da  gnir  pchiô  d'  te,  et  pouuer,  et 
orf  et  niid.  (18)  Eau  cuselg  à  ti  che  lii  cumpras  our  da  me  ôr 
afuô  our  delg  fœ,  par  che  tii  duaintas  arick  :  et  che  tii  uignas 
trat  aint  cun  uesckimainta  alua,  che  nu  pera  la  tuorp   da  tia 


80  APOGALYPSIS   DALG  BIÔG   lOHANNIS   DUCTUR 

nûdezza:  et  unscha  tes  œilgs  cun  Tg  hût  dad  œilgs,  par  che  tu 
uezas.  (19)  Eau  tuot  aquels,  ch'  eau  am,  schi  arprend  eau  et 
chiastich,  T'inischa  dime  et  imgiura.  (20j  Uhé  eau  stun  anaunt 
hûsth  et  pick.  Sch'  alchiûn  ôda  la  mia  uusth,  et  êura  Vg  hiisth, 
schi  uœilg  eau  ir  aint  tiers  el,  et  uœilg  schnêr  cun  el,  et  el  cun 
me.  (21)  Aqnel  chi  uainscha  uœlg  eau  dêr  agli  da  ser  cun  me 
in  mieu  siz,  daco  ch'er  eau  lise  uit,  et  sun  aschantô  cun  mes 
bab  in  sieu  siz.  (22)  Aquel  chi  ho  uraglia,  ôda  che  Tg  spiert 
disth  â  las  baselgias. 


Cap.  IIII 

(1)  Dsieua  aquellas  chiôses  hse  eau  uis,  et  uhé  iin  hiisth  auert 
in  schil,  et  la  prûmma  ch'  eau  hse  udieu,  sco  iiua  tiiba  chi  faflas 
cun  me,  dsciiant  :  Vij  aqui  sii,  et  eau  uœlg  amussêr  â  ti  quellas 
chiôses  chi  stouuan  duantêr  dsieua  aquaistas.  (2)  Et  irapes- 
tiaunt  Sun  eau  stô  îig  spiert.  Et  uhé  iin  thrun  era  mis  in  schil, 
et  sur  l'g  thrun  iin  chi  sezaiua.  (3)  Et  aquel  chi  sezaiua  era 
sumgiant  cun  la  uaisa  â  la  pedra  laspidi  et  Sardio,  et  Vg  arch 
celestiêl  era  intuorn  l'g  thrun  suragiaunt  da  uair  ad  iin  Sma- 
ragdino.  (4)  Et  eran  intuorn  l'g  thrun  uainc  e  quater  sizs,  et 
sur  Fs  sizs  uainc  e  quater  seniours,  chi  sezaiuen,  chi  eran 
trats  aint  cun  uesckimainta  alua,  et  hauaiuen  siin  lur  cliiôs 
curunas  d'or.  (5)  Et  dalg  thrun  gniuan  liiischernas,  et  thuns, 
et  uusths,  et  set  aumplas  d'  fœ  chi  ardaiuen  auaunt  l'g  thrun, 
quselas  chi  sun  l's  set  spierts  da  dieu.  (6)  Et  in  la  ueziida  dalg 
thrun  SCO  iin  mêr  d'uaider  sumgiaunt  alg  Christalg,  et  in  meza 
l'g  ihrun  et  dintuorn  l'g  thrun  quater  alimeris  plains  d'œilgs 
dauaunt  et  dauous.  (7)  Et  l'g  priira  alimeri  era  suragiaunt  ad 
iin  liun,  et  l'g  seguond  aliraeri  sumgiaunt  ad  uni  uidilg,  et  l'g 
ters  alimeri  hauaiua  ùna  fatscha  sco  iin  hum,  et  l'g  quart 
alimeri  era  sumgiaunt  ad  iini  eaula  chi  stluiola.  (8)  Et  l's 
quater  alimeris  scodiin  hauaiua  sijs  elas  dintuorn,  et  [828J  aint 
dadains  eran  plainas  d'œilgs.  Et  nun  haun  pôs  né  d'  di  né  d' 
net,  dschant  :  Saenc,  ssenc,  ssenc  signer  deus  omniputaint, 
qusel  chi  tu  eras,  quael  chi  tii  ist,  et  qusel  chi  uain  â  gnir. 
(9)  Et  cura  clu;  quels  alimeris  daun  glœrgia  et  hunur  et 
bendischun  ad  aquel  chi  seza  sur  l'g  thrun,   aquel   chi   uiua 


APOCALYPSIS   DALG   BIÙG   lOIIANNIS   DUCTUR  81 

saimper  mœ,  (10)  schi  croudan  giu  l's  uainc  e  quater  seniours 
auaunt  aquel  chi  scza  îlg  Ihrun,  etaduran  el,  chi  uiua  saimper 
mae  :  et  bittan  lui'  curunas  auaunt  Vg  thrun,  dschant  :  (11) 
Signer,  tii  ist  deng  dadarschaiuergloergiaet  hunur  etpusaunza: 
par  che  tii  hses  creô  tuottas  chiôses,  et  parmur  da  tia  uœglia 
Sun  é  et  sun  stêdas  creêdas. 


Annofatiuns. 
Trun]  siz  u  suppia  da  grand  siguuors,  u  chiadrica. 

Cap.  V 

(1)  Ethse  uisîlg  dret  maundaquel  chi  sezaiua  siilg  thrun  iin 
cudesth  scrit  dadainset  dadoura,  isaglô  cun  set  sagels.  (2)  Et 
hse  uis  iin  aungel  pussaunt,  chi  dsehaiua  cun  hôta  uusth  :  Chi 
es  deng  dad  aurir  Tg  cudesth,  et  dad  arumper  sii  l's  ses  segels? 
(3)  Et  iingilin  nu  pudaiua,  né  in  schil  né  in  terra  né  suot  terra, 
aurir  l'g  cudesth,    né    l'g    guardêr.  (4)  Et   eau   cridêua  fick 
ch'iingiiin  nu  fiis  acchiattô  deng  dad  aurir  et  da  lijr  l'g  cudesth 
né  dalg  guardêr.  (5]  Et  iin  dais   seniours   [829]  dis  â  mi  :  Nu 
cridêr  :  Uhé  l'g  liun  chi  es  da  la  sclatta  du  luda,   la  risch  da 
Dauid  ho  uit  chel  éura  l'g  cudesth,  et  arurapa  sii  Ts  set  segels 
da  quel.  (6)  Et  he  uis,  et  uhé  in  miz  l'g  thrun  et  l's  quater  ali- 
meris,  et  in  miz  l's  seniours,   iin  agnilg  chi  stêua  sco  amazô, 
chi  hauaiua  set  cornas,   et  set   œilgs  :  qusels  chi   sun    l's   set 
spierts  da  dieu,  tramis  par  tuotta  la  terra.   (7)  Eh  uen  et  pran- 
dét  l'g  cudesth  qui  dalg  dret  mauu    da    quel   chi    sezaiua    îlg 
thrun.  (8)  Et  cura  chel  hauét  prais  l'g  cudesth,  sclii  sun  crudôs 
giu  auaunt  l'g  agnilg  l's  quater  alimeris  et  l's  uainc  e  quater 
seniours,  hauiand  scodiin  citras  et  tazas  d'ôr  plainas  d'chiôses 
sauuridas,  quselas  chi  sun  las  uraciunsdals  ssencs,(9)  et  chiaun- 
teniina  chianzun  nuoua,dschant:Tii  ist  deng  dadarschaiuer  l'g 
cudesth  et  dad  aurir  sii  ses  segels  :  per  che  che  tii  ist  amazô, 
ethsest  spendrô  nus  très  tieu   saung,  da  scodiina   sclatta,  et 
da  scodiina  leaungia  et  da  scodiin  pœuel,  et  da  scodiina  naciun. 
(10)  et  hsest  fat  nus  araigs  â  nos  dieu,  et  sacerdots,  et  gnins  â 
régner  sur  terra.  (Il)  Et  hae  uis  et  ha  udieu  la  uusth  da  bgier 

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82  APOCALYPSIS  DALG  BlÔG  lOHANNIS  DUGTUR 

aungels,  dintuorn  Vg  thrun  et  l's  alimeris,  et  l's  seniours,  et 
migliera  da  migliera.  {12]  dscliant  cun  granda  uusth  :  Vg 
agnilg  quîBl  clii  es  araazô  es  deng  dad  arschaiuer  la  pusaunza, 
et  l'arichiezza,  la  sabbijnscha,  et  la  furtezza,  et  la  g'œrgia, 
et  la  bendischun.  (13)  Et  scodiiua  creatûra,  [830]  quela  chi  es 
in  schil,  et  quEela  chi  es  sur  terra,  et  qusela  chi  es  suot  terra 
et  îlg  mêr,  et  qusela  chi  es  in  aquellas  chiôses,  tuottes  chiôses  : 
hse  eau  udieu  dschant  :  ad  aquegli  chi  seza  îlg  thrun,  et  agi 
agnilg  :  la  bendischun  et  l'hunur,  et  la  glœrgia,  et  la 
pusaunza  saitnper  et  sairaper  mse.  (14)  Et  l's  quater  alimeris 
dschaiuen  :  Amen.  Et  Ts  uainc  e  quater  seniours  sun  tumôs 
sii  lur  fatschas  et  haun  adurô  aquel  chi  uiua  saimpermse. 


Cap.  VI 

(1)  Et  hse  uis  cura  che  Tg  agnilg  ho  auiert  sii  iin  dels  segel;?,  et 
hee  udieu  iin  dais  quater  alimeris,  dschant  sco  iina  uusth  d'iin 
thun  :  Vitten  et  uaia.  (2)  Et  eau  lise  uis.  Et  uhé  iin  chiaualg 
alf,  et  iin  chi  sezaiua  siin  el,  et  hauaiua  iin  balaist  et  es  agli 
dô  iina*curuna,  es  ieu  oura  uanschand,  et  par  chel  uanschés. 
(3i  Kt  cura  ch-1  hauét  auiert  l'g  seguond  sagilg,  schi  hse  eau 
udieu  Vg  seguond  alimeri,  dschant  :  Vitten  et  uaia.  (4)  Et  es 
ieu  oura  lin  ôter  chiaualg  cuotschen,  et  aquel  chi  sezaiua  sur 
el  et  es  :^gli  dô,  chel  aluâs  uia  la  paesth  de  la  terra,  et  che 
s'amazassen  traunter  pêr,  et  es  agli  dô  iina  spêda.  (5)  Et  cura 
chel  aurit  Vg  ters  sagil,  schi  hse  eau  udieu  Vg  ters  alimeri 
dschant  :  uiti  en  et  uaia.  Et  eau  hse  uis,  et  uhé  iin  chiaualg  nair, 
et  hauaiua  iina  stadairain  sieu  maun,(0)  et  hse  uiiieu  iina  uusth 
in  miz  l's  quater  alimeris,  dschant  :  iina  imziira  d'  furmaint 
par  iin  danêr,  et  trais  imziiras  d'hœrdi  par  iin  danêr,  et  nu 
fêr  dan  ilg  uin  et  ilg  [831]  œli.  [l]  Et  cura  chel  hauét  auiert  sii 
l'o-  quart  sagilg  schi  hse  eau  udieu  la  uusth  dalg  quart  alimeri 
dschant  :  Vitten  et  uaia.  (8j  Et  eau  ha;  uis.  Et  uhse  iin  chiaualg 
falck,etun  chi  sezaiua  siin  el,et  sieu  num  era  Mort,  et  l'g  ifiern 
ua  dsieua  el,  et  es  agli  dô  pusaunza  da  mazêr  la  quarta  part 
sur  terra,  cun  la  spêda,  et  cun  la  fam  et  cun  la  mort  da  las 
bestchias  da  la  terra.  (9)  Et  cura  chel  hauét  auiert  sii  l'g  quint 
sagilg,  schi  hae  eau  uis  suot  l'g  hutêr  las  hormas  da  quels  chi 


APOCALYPSIS  DAL.G  BlÔG  lOIIANNIS   DUGTUR  83 

eran  amazôs  parmur  delg  uierf  da  dieu,  et  parraur  de  la  testi- 
muniaunza  chels  hauaiuen.  (10)  Et  clamêuan  cun  granda  uusth, 
dschant  :  Signer  iiifina  cura,  qtiœl  chi  ist  sseric  et  urest,  nu 
giiidicliias  tu  et  fsest  uandetta  da  nos  saung,  da  quels  chi 
habittan  sur  la  terra  ?  (11)  Et  es  dô  â  s  ■oJiin  dels  uesckimainta 
alua,  et  es  stô  dit  ad  els,  che  pusassen  auncliia  un  po  d'iin 
tijmp  infina  che  fûssen  curaplieu  lur  cumpagniuns  famaigs  ; 
et  lur  frars  qusels  chi  eran  aunehia  dad  aiiiazôr  sco  er  els, 
(12)  Et  hse  uis  cura  chel  aurit  su  l'g  sijsceuel  sagilg,  et  uhé 
elg  es  duantô  iina  granda  terra  tritubla,  et  rgsullailg  es  gnieu 
nair  sco  iin  sack  d'  peaus  n;iirs,  et  tuotta  laliiina  es  gnidasco 
saung,  (13)  et  lasstailas  sun  tummêdas  giu  da  schil  in  terra, 
sco  Vg  boestc  da  âgs  bitta  giu  ses  figs  uscherfs  cura  chel  uain 
amuantô  che  treia  fick  d' i'ora,  (14)  l'g  schil  dsthsô  inauous 
sco  lin  cudesth  chi  s'  uuolua  intuorn  et  tuots  !'■<  [832]  rauns  et 
tuottas  islas  sun  amuantôs  our  d'  lur  lous.  (15)  Et  l's  araigs 
de  la  terra,  et  l's  princips,  et  l's  aricks,  et  l's  chiapitaunis,  et 
l's  pusauns,  et  scodiln  famalg  et  liber  s'  azuppaun  in  las  spelun- 
chias  et  in  la  crappa  dais  muns.  (16)  Et  dian  al:^  muns  et  â  la 
crappa  :  tummô  sur  nus,  et  azuppo  nus  de  la  fatscha  da  quel 
chi  seza  sur  l'g  thrun,et  da  Tira  dalg  a,unilg  :  (17)  perche  che 
l'g  es  gnieu  aquel  grand  di  da  la  sia  ira.  Et  chi  p6  stêr  ferm  ? 


Cap.  VII 

(1)  Dsieua  aqué  has  eau  uis  quater  aungels  stand  sur  quater 
chiantuns  de  la  terra,  tgniand  quater  ôras  de  la  terra  :  par  che 
I'ora  nu  sutiâs  in  terra,  ne  ilg  raêr,  ne  iniingiiin  bœstc.  (2)  Et 
hse  uis  un  ôter  aungel  giand  sii  dalg  aluêr  dalg  sullailg  chi 
hauaiua  l'g  sagilg  dalg  uif  dieu  :  et  ho  clammô  cun  granda 
uusth  als  quater  aungels,  ad  aqusels  chi  es  stô  dô-da  nuosther 
âla  terra  etagli  mêr,  (3)  dschant  :  Nu  nusthê  â  la  terra  né  agit 
mêr  né  â  la  buosttchia,  infina  che  nus  nun  hauain  nudô  l's 
famaigs  da  nos  dieu  in  lur  fruns.  (4j  Et  hse  udieul'g  innumber 
da  quels  chi  sun  nudôs  schient  quaranta  quater  milli,  nudôs  da 
scodiina  selatta  dais  fligs  da  Israël.  (5)  Da  la  solatta  da  luda 
dudesth  milli  nudôs.  Da  la  selatta  da  Ruben  dudesth  milli 
nudôs.   Da  la  selatta  da  Gad  dudesth  milli  nudôs.   (6)   Da  la 


84  APOCALYPSIS  DALG    BIÔG   lOIIANNIS  DUCTUll 

sclatta  da  Aser  [833J  dudesth  milli  nudôs.  Da  [laj  sclatta  da 
Neptalin  dudest[h]  milli  nudôs.  Da  la  sclatta  Manasse 
dudest[h]  milli  nudôs.  (7)  Da  la  sclatta  da  Sjmeon  dudestli 
milli  nudôs  (éd.  mudôs).  Da  la  sclatta  da  (éd.  ad^  Leui  dudesth 
milli  nudôs  Da  la  sclatta  da  Isachar  dudesth  milli  nudôs.  (8)  Da 
la  sclatta  da  Zdbulon  dudesth  milli  nudôs.  Da  la  sclatta  da 
loseph  dudesîh  milli  nudôs.  Da  la  sclatta  Benianim  dudesth 
milli  nudôs.  (9)  Dsieua  aqué  hse  eau  uis,  et  uhé  iin  grand 
pœuel,  qusel  ch'  iingiùn  nu  pudaiua  innumbrêr,  da  tuot  paiauns, 
et  da  tuot  pouuels,  et  da  (tuot)  tuottas  leaungias,  chi  stêua 
auaunt  Tg  thrun,  et  in  la  uezii  la  dalg  agnilg,  uestieus  cun 
uesckimainta  alua,  et  uliuas  in  iur  mauns,  (10)  et  clamêuan 
cun  granda  uusth,  dschant  :  Saliid  ad  aquegli  chi  seza  sur  l'g 
thrun  da  nos  dieu,  et  alg  agnilg.  (11)  Et  tuot  aungels  stêuan 
dintuorn  l'g  thiun,  et  als  seniours,  et  als  quater  alimeris  :  et 
s'haun  rais  giu  sii  lurfatschas  in  la  uezii  la  dalg  thrun  :  et  hauri 
adurô  dieu,  (12j  dschant:  Amen  Bendi  (n)schun,  et  glœrgia  et 
sabbijnscha,  et  ingrazchiamaint,  et  hunur  et  uirtùd,  et 
furtrzza  â  nos  dieu  sainipermse.  Amen.  (13)  Et  iin  dais  seniors 
arespundét  et  dis  à  mi  :  Aquels  chi  sun  uestieus  cun  uescki- 
mainta alua,  chi  sun  é,  innuonder  sun  é  gnieus  ?  (14)  Et  eau  hse 
dit  aoli  :  Signer,  tii  sses.Etel(s)  dis  â  mi  :  aquaistsun  aquels  chi 
SUD  gnieus  [334]  dalg  grand  astijnt,  et  haun  sthiargiô  oura  Iur 
uesckimainta,  et  V  haun  sthblaunchida  ilg  saung  de  l'agnilg. 
(15)Três  aquè  sun  els  aua[unt]  l'g  thrun  da  dieu,  et  seruan  agli 
d'  di  etd'  net  in  sieu  taimpel,  et  apiel  chi  seza  îlg  thrun  aefda 
sur  els.  (16)  Et  nun  haueraun  p'ii  fam  né  sait,  né  Vg  sullailg 
do  sur  els,  né  iingiiina  skialmauna  :  (17)  per  che  l'agnilg  quael 
chi  es  in  meza  l'g  thrun  aritscha  aquels,  et  l's  cundiiia  â  las 
uiuas  funtaunas  da  Touua,  et  deus  uain  â  terschar  giu  da  Iur 
oeilgs  scodiina  larma. 

Cap.  VIII 

(1)  Et  cura  chel  aurit  sii  l'g  setteuel  sagilg,  schi  es  é  duantô 
iin  taschair  quaid  in  schil  bunamang  meza  iina  hura.  (2)  Et  hse 
uis  duos  aungels  stant  auaunt  dieu,  et  sun  dùdas  ad  els  set 
tubas.  (3)  Et  es  gnieu  iin  ôter  aungel,  et  es  stô  auaunt  l'g  hut- 


APOCALYPSIS  DALG   BIÔG  lOUANNIS   DUCTUR  85 

ter,  quael  chi  liauaiua  (in  thurribel  d'ôr  et  agli  es  dô  bgier 
inschais,  chel  mettes  â  las  uraciuns  dais  ssencs  sur  i'g  hutlêr 
d'ôr,  qusel  chi  es  auaunt  l'g-  thrun.  (4)  Et  es  ieu  Vg  film  dais 
inschais  da  las  uraciuns  dais  ssencs  our  da  maun  dalg  aungel 
auaunt  dieu.  (5)  Et  l'g  aungel  ho  prais  l'g  thuribel,  et  l'g  ho 
implieu  da  que  fœ  delg  hutêr,  et  l'g  ho  tramis  in  terra,  et  sun 
duantô  thuns  et  uusths  et  liùschernas  et  terra  trimbla.  (6)  Et 
l's  set  aun[835]gels,  qusels  chi  hauaiuen  las  set  tubas,  s'haun 
parderts  par  sunêr  cun  las  tiibas.  (7j  Et  l'g  priim  aungel  ho  sunô 
cun  la  tiiba,  et  es  fat  tempesta,  et  fœ  mastdô  cun  saung,  et  sun 
tramis  in  terra,  et  la  terza  part  da  la  buostchia  es  arsa,  et  tuot 
fain  uerd  es  abrilschô.  (8)  Et  i'g  seguond  aungel  ho  sunô  la  tiiba 
et  es  bittô  sco  lin  grand  munt  d'fœ  chi  ardaina  îlg  mêr.  Et  la 
terza  part  dalg  mêr  es  duantêda  saung,  (9)  et  es  muort  la  terza 
part  de  las  creatiiras  quaslas  chi  eran  îlg  mêr,  quselas  chi 
hauaiuen  uitta  et  la  terza  part  (éd.  pars)  de  las  nefs  es  prida. 
(10)  El  l'g  ters  aungel  ho  sunô  cun  la  tiiba,  et  es  tumô  glu  da 
schil  iina  granda  staila,  chi  ardaiua  sco  iina  faccla,  et  es  tum- 
mêda  in  la  terza  part  dais  fiiims  et  da  las  funtaunas,  (llj  et  l'g 
num  de  la  staila  nain  anumnô  asijnt.  Et  la  terza  part  es  miidêda 
in  asijnt,  etbgierra  lieud  es  rauorta  da  las  ouuas,  par  che  che 
malagiêuan.  (12)  Et  i'g  quart  aungel  ho  sunô  cun  la  tiiba,  et 
es  battieu  la  terza  part  dalg  sullailg,  et  la  terza  part  de  la 
liiina,  et  la  terza  part  de  las  stailas  :  da  sort  che  la  terza  part 
da  quels  s'insckiiiriua,  et  l'g  di  nuu  era  clêr  la  terza  [)art, 
sumgiauntamang  er  da  la  not.  (13)  Et  lise  uis  et  he  udieu  iin 
aungel  athuuland  par  meza  l'g  sehil,  dschant  cun  granda  uusth  : 
Vee,  use  ad  aquels  chi  staun  in  terra,  par  las  uusths  de  la  tiiba 
dais  [836^  ôters  t;ais  auiigels,  qusels  chi  uignen  à  sunêr  cun  la 
tiiba. 


Cap.  IX 

(1)  Et  l'g  quint  aungel  ho  sunô  cun  la  tiiba,  et  eau  hse  uis 
iina  staila,  chi  es  tummêda  giu  da  schil  in  terra,  et  agli  dô  la 
clef  delg  puez  delg  abijss.  (2)  Et  el  ho  auiert  l'g  puoz  delg 
abijss,  et  es  giiieu  sii  delg  puoz  fiim,  sco  l'g  fiim  d'iin  grand 
fuorn  :  et  l'gsulailg  es  isckiiirieu  et  av  l'g  Iser,  dalg  fiim  delg 


86  APOCALYPSIS  DALG  BlÔG   lOHANNIS  DUGTUR 

puoz.  (3)  Et  delg  fiirn  sun  ieu  oura  sagliouz  in  terra,  et  es  dô 
ad  els  pusaunza,  da  co  che  l's  scorpiuns  haun  in  terra.  (4)  Et 
es  cumandô  ad  els,  che  nu  guasten  Vg  fain  de  la  terra,  né  ad 
iingiûna  chiôsa  uerda,  né  ûngiiin  bœsth  :  dick  suUamang  la 
lieud,  qusels  chi  nun  haun  Vg  signêl  in  lur  fruns.  (5)  Et  es  dô 
ad  els,  chels  nun  l's  amazen,  diraperse  che  schinc  mais  che  l's 
apaschiunan.  Et  lur  martoiri  es  sco  l'g  martoiri  delg  scorpion, 
cura  ched  haun  punscliieu  un  hum.  (6)  Et  in  aquells  dis  scher- 
chian  la  lieud  la  mort,  et  nun  l'acchiatten,  et  agragien  da 
mûrir,  et  la  mort  fiigia  our  dad  els,  (7)  Et  las  sumaglies  dais 
sagliouz  Sun  sumgiauntas  als  chiauals  chi  sun  parderts  in  la 
battaglia,  et  sur  lur  testas  sun  sco  curunas,  sumgiauntas  alg 
ôr,  et  lur  fatscha  sco  fatschas  d' lieud,  (8)  et  hauaiuen  chiaut-ls 
sco  chiauels  de  las  duna[837Juns,  et  lur  dains  sco  dains  d' 
liun.  (9)  Et  hauaien  curaschinas,  sco  cuiaschinas  d'  fier,  et  la 
uusth  da  lur  êlas  era  sco  la  uusth  dais  chiars  dabgier  chiauals 
chi  cuorren  â  la  guerra.  (10)  Et  haun  cuas  chi  sumaglien  â 
aquellas  dais  scorpiuns,  et  l's  aguegls  eran  in  lur  cuas.  Et  lur 
pusaunza  era  da  nuoscher  â  la  lieud  schinc  mais.  (11)  Et  haun 
sur  els  iin  araig,  l'g  aungel  delg  abijss,  ad  aqueli  es  nura  in 
Hebreiast  abaddon  et  in  Graec  Apollion  aqué  es  iiu  chi  metta 
â  perdar.  (12)  Un  uae  es  tirô  uia  et  ubé  dsieua  aquaistas  chiô- 
sas  uignen  aunchia  duos  use.  (13)  Et  l'g  sijsseuel  aungel  ho 
8U0Ô  (ed.suna)  cun  la  tiiba,  et  eau  hœ  udieu  iina  uusth  dais 
quater  corns  dalg  huttser  d'ôr,  qusel  chi  es  auaunt  l's  œilgs  da 
dieu,  (14)  (ischant  agli  sijsseuel  aungel,  qusel  chi  hauaiua  la 
tiiba  :  dsthlia  l's  quater  aungels,  quaels  chi  sun  liôs  îlg  grand 
fliim  Eupht-ate  (15)  Et  l's  quater  aungels  sun  dsthliôs  qusels 
chi  eran  parderts  in  l'hura  et  îlg  di  et  îlg  mais  et  îlg  an,  par 
amazêr  la  terza  part  de  la  lieud.  (16)  Et  l'g  inumber  dalg  exer- 
cit  da  chiauals  era  uainc  uuotes  mîlli  dijsth  milli.  Et  eau  hae 
udieu  lur  itinumber.  (17)  Et  uschia  hse  eau  uis  l's  chiauals  in 
la  uisiun:  etaqueischi  sezaiuen  sur  els  hauaiuen  guargimaintas 
d' fœ,  et  melnas,  et  d'  suolper  :  et  las  testas  dais  chiauals  eran 
sco  las  testas  dais  liuns,  et  our  da  lur  buochia  gniua  fœ,  fiim 
et  suol[838]per.  (18)  Da  quellas  trais  plêias  fiit  amazô  la  terza 
part  da  la  lieud  delg  fœ  et  delg  fiim,  et  delg  suolper,  quaelas 
chiôses  gniuan  our  da  lur  buochia.  (19)  Per  che  lur  pusaunza 
era  in  lur  buochia  et  in  lur  cuas.  Per  che  lur  cuas  eran  sum- 


APOCALYPSIS  DALG  BIÔG  lOHANNIS  DUGTUR  87 

giauntas  ad  aquellas  dels  serpains,  chi  hauaiuen  testas,  et  très 
(éd.  tret)  aquellas  nuscliaiuen  é.  (20)  Et  Tôtra  lieud,  quaîla 
chi  nun  es  aniazêda  cun  aquellas  plêias,  né  s'  ho  imgiurô  da  las 
heures  da  lur  niauns,  che  nun  adurassen  l's  dimunis,  et  las 
imeginas  d'or  et  d'argient,  e  d'iuttun  et  d'pedra,  d'Iainam, 
quaelas  chi  nu  paun  né  uair  né  udir  né  cliiaminêr,  (21)  et  nun 
hagieu  arùflijnscha  da  lur  humicidis,  et  da  lur  zœbers,  et  da 
lur  pittanœng,  et  da  lur  iuœls. 


[839]  Annntaciuns 

Sco  Ig  martoiri  dalg  sco7'piun\  chi  uain  pitzchlô  d'un  scorpiun 
indiira  grandisthera  turmaint,  par  che  elg  es  iin  dal  pijrs 
uinins.  Sco7'/nun]  es  iin  alimeri  [)lain  d'iin  raêl  uinin  chi  suraa- 
glia  iin  arugnun  in  grandezza  d'iina  chiastagna  qusel  chi  sto  in 
LurabarJia,  mu  brichia  in  Alraagna. 

(A  suivre.)  J.  Ulrich. 


BIBLIOGRAPHIE 


REVUE    DES    REVUES 

La  Tradition,  novembre  1904,  —  A  Perbosc  :  Mimologismes 
populaires  d'Occitanie  ("fin),  p.  303. 

Bulletin  du  parler  français  au  Canada,  III,  3  et  4.  —  A. 
Rivard  :  Le  superlatif  dans  notre  parler  populaire,  p.  71  ;  —  Lexique 
canadien-français  (suite),  p.  80  et  125. 

Giornale  storico  délia  letteratura  italiana,  XLIV,  3.  — 
A.  Foresti  :  Per  la  storia  di  una  lauda,  p.  351. 

Romania,  n»  132,  cet.  1904.  —  A. -G.  van  Hamel  :  «  Cligès  »  et 
«  Tristan  »,  p.  465  ;  —  L.  Constans  :  «  Le  songe  vert»,  p.  490;  — 
A.  Thomas:  Notes  et  documents  inédits  pour  servir  à  la  biographie 
de  Pierre  de  Nesson,  p.  540  ;  —  A.  DelbouUe  :  Mots  obscurs  et  rares 
de  l'ancienne  langue  française  (suite),  p.  556  ;  —  A.  Jeanroy:  a.  fr. 
«frenf^ier»,  —  a.  fr.  «  aengier,  onger»,  fr.  mod.  «  enger»,  p.  601  ; — 
A.  Thomas:  a.  fr.  «  chalemine  »,  it.  «  giallamina»,  p.  605. 

Romanische  forschungen,  XVI,  3.  —  P.-M.  Huber  :  Visio 
Monachi  de  Eynsham.  Zum  ersten  Maie  kritisch  herausgegeben,  p. 
641  ;  —  P.  Ma7-chol  :  Etymologies,  p.  734; —  L.  Jordan  :  Peros  von 
Neele's  gereimte  Inhaltsaugabe  zu  einem  Sammelcodex.  Mit  Einlei- 
tung  und  Glossar  zum  ersten  Maie  herausgegeben,  p.  735  ; —  J.  Luzi: 
Die  sutselvischen  Dialekte  (Lautlehre),  p.  757;  —  A.  Reiff  :  Histo- 
rische  Formenlehre  der  Dialekte  von  Bournois-Besançon,  p.  847. 

Zeitschrift  fiir  romanische  philologie,  XXVIII,  6.-  C.  Nigra: 
Note  etimologiche  e  lessicali,  p.  641  ;  —  R  Orliz  :  11  «Reggimento» 
del  Barberino  ne'  suoi  rapport!  colla  letteratura  didattico-morale  degli 
«  ensenhamens  »,  p.  649;  —  S.  Puscariu  :  Rumanische  etymologien  II, 
p.  676  ;  —  H.  Tiktin  :  Die  bildung  des  rumanischen  konditionalis,  p. 
691  ;  —  H.  Vaganay  -.  Le  vocabulaire  français  du  seizième  siècle,  p. 
705  ;  —  H  Sc/iuchardt  :  Zu  lat.  «  fala,  favilla,  pompholyx  »  im  Roma- 
nischen,  p.  737. 

Revue  hispanique,  VI,  4.  —  /.  Jung  fer:  Noms  de  lieux  hispa- 
niques d'origine  romaine,  p.  269. 


BIBLIOGRAPHIE  89 

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philologicas,  p.  63  ;  —  J.-A.  Tavares  :  Romanceiro  trasmontano,  p. 
71  ; —  P.-A.  cVAzevedo:  Testamento,  eiii  portugiiès,  de  D.  Alfonso  II, 
p.  80  ;  — /.  Leite  de  Vasconcellos:  Adagiario  inanuscrito,  p.  84  ;  — 
A.-Th.  Pires  :  Vocabulario  Alemtejano,  p.  92  ;  —  J.  Leite  de  Vascon- 
cellos-.  Fabulario  portugués,  p.  99. 

Revue  du  Béarn  et  du  pays  basque,  I,  12.  —  E.  Bourciez  ; 
Navarrot  et  ses  chansons  béarnaises,  p.  529. 

Revue  de  Gascogne,  janvier  1905.  —  J.  t/d  5rtrc?ac  :  Dépenses 
pour  une  exécution  à  I.ectoure  en  1518,  p.  39. 

Archîv  fiir  das  studium  der  neueren  sprachen  und  litera- 
turen,  CXIII,  3  et  4.  —  C.  Haa(j  :  Antoine  de  la  Sale  und  die  ilim 
zugcschriel)enen  werke,  p.  315;  —  H.  Diibi  :  Cyrano  de  Bergerac, 
sein  ieben  und  seine  werke,  p .  352. 

Revue  de  philologie  française  et  de  littérature,  XVIII,  3 

et  4.  —  L.-E.  Kastiier  :  L'infinitif  liistorirpie  au  XVI'-  siècle,  p.  161  ; 
—  R.  Harmand  :  Observations  critiques  sur  le  Tournoi  de  Chau- 
vency,  p.  168;  —  /.  Désonnaux  :  Mélanges  savoisiens,  IV  :  contri- 
bution à  la  phonétique  des  consonnes,  p.  189  ;  —  E.  Casse  et  E.  C/ia- 
minade  :  Vieilles  chansons  patoises  du  Périgord  (suitej,  p.  195;  — 
L.  Viynon  :  Patois  de  la  région  lyonnaise  :  pronom  de  la  "à^  per- 
sonne, régime  direct  féminin  pluiiel,  p.  212,  —  L.  Clédat  :  Essais  de 
sémantique,  III  :  la  famille  du  verbe  ><  dire  »,  p.  259;  —  L.  C.  : 
«  Aspect  »  et  ><  égard  »,  p.  301  ;  —  L.  C.  :  ^'  Ne  pas  laisser  que  de  », 
p.  304. 

COMPTES  RENDUS  CRITIQUES 

Louis-P.  Betz.  —  La  littérature  comparée^  essai  bibliographique, 
introduction  par  Joseph  Texte.  Deuxième  édition,  augmentée,  pu- 
bliée, avec  un  index  méthodique,  par  F.  Baldensperger;  Strasbourg, 
Tiùbner,  1904;  iû-8°  [xxviii  —  410  p.],  (uix,  6  mark. 

Aucun  de  ceux  qui  s'intéressent  aux  études  de  littérature  com- 
parée n'ouvrira  ce  volume  s-ins  émotion.  La  première  édition  venait 
à  peine  de  paraître  quand  une  mort  prématui'ée  emporta  Joseph  Texte, 
qui  avait  écrit  l'introduction,  et  au  moment  où  paraît  la  deuxième  édi- 
tion, l'auteur  lui-même,  Louis  Betz,  n'est  plus  là  pour  la  présenter  au 
public.  Une  mort  déconcertante  nous  l'a  enlevé  à  son  tour  avant  que  le 
volume  fût  imprimé,  et  c'est  M.  Baldenspergei',  successeur  de  Texte  à 
Lyon,  ami  de  Betz,  qui  sert  de  tuteur  à  ce  livre  doublement  orphelin. 


90  BIBLIOGRAPHIE 

La  rapidité  avec  laquelle  la  première  édition  a  été  épuisée  est  la 
meilleure  preuve  du  besoin  qu'on  avait  d'une  bibliogra[)hie  de  ce 
genre  et  des  services  qu'elle  a  rendus.  La  deuxième  édition  ne  sera 
pas  moins  bien  reçue,  car  elle  marque  sur  la  précédente  un  progrès 
considérable.  Des  subdivisions  toutes  nouvelles  ont  été  créées,  par 
exemple  des  chapitres  indépendants  pour  la  Hongrie  et  les  Etats-Unis. 
Le  nombre  des  études  citées  a  été  plus  que  doublé. 

Cette  bibliographie  aurait-elle  pu  être  plus  riche  encore?  Oui,  si  Betz 
avait  reçu  de  ses  lecteurs  tous  les  renseignemenis  qu'il  était  en  droit 
d'attendre.  Au  reste,  certaines  parties  sont  bien  près  d'être  complètes. 
Eu  disant  ceci,  je  songe  surtout  aux  chapitres  sur  l'Italie,  pour 
lesquels  j'ai  plus  de  compétence  que  pour  d'autres.  Betz  ne  s'était 
pourtant  pas  occupé  spécialement  de  l'Italie;  mais  il  avait  trouvé, 
pour  les  choses  d'Italie,  un  très  précieux  auxiliaire  dans  M.  Farinelli, 
professeur  à  l'Université  d'innsbruck. 

Dans  la  section  l'Espagne  et  la  France  j'ai  vainement  cherché 
V Alexandre  Hardy  de  M.  Rigal  (1889).  11  entrait,  sans  doute,  dans  le 
plan  de  Betz  de  ne  citer  les  ouvrages  qui  n'avaient  pas  la  littérature 
compai'ée  comme  objet  principal  qu'autant  qu'ils  contiendraient  des 
pages  intéressant  à  un  haut  degré  la  littéi'ature  comparée.  Mais  c'est 
bien  le  cas  du  livre  de  M.  Rigal  :  car,  en  démontrant  qu'aucune  pièce 
de  Hardy  n'a  été  empruntée  au  théâtre  espagnol,  il  a  modifié  profon- 
dément ce  qu'on  enseignait  jusque-là  sur  les  rapports  du  théâtre 
espagnol  et  du  théâtie  français  ;  tout  le  monde  enseignait  que  l'in- 
fluence du  théâtre  espagnol  sur  le  nôtre  datait  de  Hardy  lui-même,  et 
rien  n'était  plus  faux . 

Dans  la  même  section,  mon  nom  figure  sous  le  numéro  3466.  Il  n'y 
a  aucun  droit,  car  la  brochure  indiquée  ici,  Deux  sources  inconnues 
de  Roirou,  est  celle-là  même  qui  figure  —  et  cette  fois  à  sa  place  — 
sous  le  numéro  2788  dans  le  chapitre  de  l'Italie;  il  n'y  est  question 
que  d'imitations  italiennes. 

L'ouvrage  de  Betz  doit  à  M.  Baldensperger  deux  excellentes  inno- 
vations. Au  chapitre  sur  le  Christianisme  dans  la  littérature  que  Betz 
avait  préparé  et  qui  rentrait  assez  mal  dans  le  cadre  du  livre  a  été 
substitué  un  chapitre  sur  les  Motifs,  Types  et  Thèmes  littéraires.  A 
l'index  des  noms  d'auteurs  a  été  substitué  un  index  méthodique,  qui 
rendra  beaucoup  plus  de  services  et  qui  sera  d'autant  plus  utile  qu'une 
étoile  placée  devant  certains  numéros  signale  immédiatement  à 
l'attention  les  ouvrages  généraux  sur  la  matière.  Ces  signes  seront  par- 
ticulièrement commodes  à  ceux  qui  ne  font  de  la  littérature  comparée 
qu'occasionnellement.  Ceux-là  sont  nombreux,  et  je  tiens  à  dire,  en 
lei'minant,  que  la  bibliographie  de  Betz  a  sa  place  marquée  non  seule- 
ment dans  la  bibliothèque   de   tous  les    spécialistes  de  la  littérature 


BIBLIOGRAPHIE  91 

comparép,  mais  aussi  dans  celle  de  tous  les  travailleurs  qui  étudient 
d'un  i)oint  de  vue  quelconque  les  littérature-!  modernes. 

JOSKPH   VlANEY. 


L'abbé  Li.-Cl.  Delfour.  —  Catholicisme  et  Romantisme.    —  Paris, 
Société  française  d'impriinerie  et  de  librairie,  1905,  in- 12,  3  fr.  ijO. 

Peut-être  M.  l'abbé  Delfour  me  déniera-t-il  le  droit,  puisque  je  suis 
universitaire,  de  parler  ici  de  son  livre  Catholicisme  et  Romantisme. 
A  plusieurs  reprises,  en  effet,  il  déclare  s'adresser  aux  «  revues  catho- 
liques, aux  Collèges  libres  et  aux  petits  séminaires  »,  qu'il  s'agit  de 
préserver  du  virus  romantique,  et,  à  plusieui's  reprises  aussi,  il  s'en 
prend  à  «Messieurs  les  Universitaires  »,  coupables  de  déserter  la  cause 
classique  pour  propager  l'étude  de  la  détestable  littérature  l'omantique. 

Cependant,  «  Messieurs  les  Universitaires  »  sont  gens  moins  mal 
intentionnés  que  ne  le  croit  M.  l'abbé  Delfour.  S'il  sont  résolus  à  ne 
pas  fermer  les  jeux  sur  tout  ce  qui  s'est  écrit  et  |)ensé  depuis  un  siècle 
—  depuis  deux  siècles,  devrais-je  dire,  car  le  XVIil<'  u'est  pas  non 
plus  pour  plaire  à  M.  Delfour,  —  la  plupart  aiment  les  lettres  clas- 
siques et  voient  avec  plaisir  le  retour  partiel  et  raisonné  au  classicisme, 
qui  paraît  s'annoncer  de  divers  côtés.  D.u  romantisme,  ils  n'admirent 
pas  tout,  et  tant  s'en  faut  Ils  sont  prêts  à  applaudir  aux  critiques 
justes  qui  en  seiont  présentées.  Us  admettent  fort  bien  qu'on  veuille, 
comme  M.  Delfour,  se  poser  au  sujet  du  romantisme  quelques  questions 
importantes,  et  par  exemple  les  suivantes  : 

—  Quelle  est,  chez  les  romantiques  qui  se  disent  catholiques,  la  part 
du  catholicisme  vrai,  celle  d'un  catholicisme  frelaté,  celle  même  d'une 
sorte  d'anticatholicisme  ? 

—  Quels  sont  les  défauts  et  les  dangers  littéraires  du  romantisme? 

—  Quels  en  sont  les  défauts  et  les  dangers  moraux? 

—  Quelles  précautions  y  a-t-il  lieu  de  prendre  en  étudiant  dans 
nos  établissements  d'instruction  la  littérature  lomantique? 

Mais  ce  que  «  Messieurs  les  Universitaires  »  ne  sauraient  approuver, 
c'est  la  méthode  critique  de  M.  Delfour  :  elle  est  trop  tranchante,  trop 
partiale  et  trop  commode. 

De  principe  d'autorité  employé  hors  de  propos,  des  affirmations 
hautaines,  des  généralisations  hâtives,  M.  Delfour  fait  partout  un 
étrange  usage.  Le  romantisme,  sans  cesse  opposé  au  catholicisme, 
devient  dans  son  livre  une  sorte  de  bête  de  ra[)ocalypse,  qui,  en  son 
monstrueux  ensemble,  comprend  le  l'enanisme,  le  matérialisme,  le 
dreyfusisme,  le  «  bloc  »...,  le  protestantisme  surtout:  pour  M.  Delfour 
tout  ce  qui  est  romantique  ou  protestant  est  haïssable,   mais    tout  ce 


92  BIBLIOGRAPHIE 

qui  est  haïssable  est  romantique  et  protestant.  On  comprend  quels 
jugements  sommaires  doivent  résulter  d'une  pareille  conception. 

Si  les  romantiques  n'ont  eu  —  presque  par  définition  —  ni  sen- 
sibilité vraie,  ni  sincérité,  ni  foi  littéraire,  ni  patriotisme,  les  clas- 
siques, au  contraire,  ont  eu  toutes  les  qualités  et  ne  font  courir  aucun 
danger.  Corneille  ne  risque  point  d'exalter  l'orgueil  et  la  volonté 
désordonnée .  Racine  n'est  point  troublant,  même  dans  Bajazet, 
et  Iphigénie  (qu'une  citation  de  la  p.  71  nous  montre  cependant  plus 
capable  de  renoncer  à  la  vie  qu'ià  l'amour  d'Achille)  «  est  une  jeune 
religieuse  qui  ne  recule  pas  un  seul  instant  devant  l'immoiatiou  ». 
Molière  n'a  sans  doute  composé  ni  George  Dandin  ni  Amphitryon. 
La  Fontaine  est  sans  doute  innocent  des  Contes .  Horace  et  Virgile  ne 
célèbrent  point  d'étranges  amours*...  Est-il  nécessaire  de  poursuivre? 
Pour  donner  un  exemple  de  l'impartiale  critique  de  M.  Delfour,  citons 
une  comparaison  entre  la  Phèdre  de  Racine  et  l'Infante  de  Victor  Hugo 
(p.  95). 

«  Collectionneurs,  les  éci-ivains  du  XIX"^  siècle  se  révèlent  encore 
costumiers,  et  toujours  en  vertu  du  même  principe.  Ils  ne  voient  pas 
la  vie  de  l'âme,  parce  qu'ils  portent  toute  leur  attention  sur  la  beauté 
des  choses.  Victor  Hugo  dit  de  la  jeune  Infante  : 

Sa  basquine  est  un  point  de  Gènes  ;  sur  sa  jupe 
Une  arabesque,  errant  dans  les  plis  du  satin, 
Suit  les  mille  détours  d'un  lit  d'or  florentin... 

))  Un  homme  qui  n'est  pas  un  tailleur  ou  un  reporter  ne  fait  pas  de 
ces  remarques,  il  les  laisse  d'ordinaire  sux  femmes.  Encore  les  fem- 
mes les  plus  distinguées  trouvei'ont-elles  le  moyen  de  faire  comprendre 
qu'elles  n'attachent  à  la  beauté  de  leur  toilette  qu'une  importance 
relative.  Que  ces  vains  ornements,  s'écrie  Phèdre,  que  ces  voiles  me 
pèsent!  Tout  à  l'heure  elle  réclamait  pour  sa  parure  les  soins  de 
toutes  ses  servantes  ;  maintenant  elle  ne  songe  ni  aux  rubans,  ni  aux 
chiffons,  elle  analyse  son  état  d'âme,  elle  se  regarde  souffrir.  Phèdre 
est  humaine,  avec  distinction  et  intensité.  L'Infante  de  Victor  Hugo 
ne  pense  à  rien,  elle  ne  regarde  rien,  elle  remplit  avantageusement 
l'office  d'une  poupée  décorative  magnifiquement  vêtue,  à  laquelle  le 
fabricant-artiste  n'aurait  pas  su  donner  une  expression  de  physionomie 
intelligente,  » 

Voilà  qui  est  jugé,  au  moins!  et,  s'il  existe  un  lecteur  de  M.  Delfour 


1  II  serait  bon  de  ne  pas  dire  que,  pour  Virgile,  «  les  choses  avaient 
des  larmes  »  (p.  92),  —  bon  aussi  d'éviter  les  vers  estropiés  ou  dénaturés 
(p.  84,  115,  266,  271...)». 


BIBLIOGRAPHIE 


93 


qui  ignore  coinijlètement  le  magnifique  et  profond  poème  la  Rose  de 
l'hifanli',  celui-là  pourra  croii'o  que  l'Infante,  «  qui  ne  pense  à 
rien»,  jouant  un  rôle  analogue  à  celui  de  Phèdre,  «  qui  se  regarde 
souffrir»,  Victor  Hugo,  ridiculement,  a  voulu  singer  les  psychologues 
et  n'a  abouti  qu'à  être  un  «  collectionneur  »  et  un  «costumier  ». 

Ailleurs,  un  chiffre,  qu'on  exHmine  supeifîciellement,  un  jeu  de  mots, 
qu'on  lance  à  tout  hasard,  déterminent  un  jugement  littéraire  ou  moral. 
Ainsi,  veut-on  dire  que  Lamartine  copie  Chateaubi'iand  :  ((  11  a  lutté 
deux  fois  avec  Milton  sur  le  terrain  épique  {Jocelyn  et  la  Chute  d'un 
ange),  deux  fois  exactement,  comme  fauteur  des  Martyrs  et  des  Nat- 
chez»  ;  — M.  Delfourne  sait-il  pas  que  laChute  d'un  ange  et  Jocelyn 
sont  des  épisodes  d'une  grande  épopée  qui  en  devait  comprendre  un 
beaucoup  plus  grand  nombre? —  Veut-on  caractériser  ensemble  Vol- 
taire et  Rousseau  :  «  Voltaire  est  une  franche  canaille,  au  lieu  que 
Rousseau  est  une  canaille  qui  n'est  pas  franche  >-; — M.  Delfour  avait- 
il  l'intention  de  proclamer  la  franchise  de  Voltaire?  ce  n'est  pas  pro- 
bable ;  il  l'a  fait  cependant.  0  pointes,  voilà  de  vos  coups  ! 

C'est  dommage,  en  vérité.  Car  le  sujet,  on  les  sujets  traités  par 
M.  Delfour  étaient  intéressants  ;etM.  Delfour  lui-même  fil  le  montre 
çà  et  là)  ne  manque  ni  d'érudition,  ni  de  verve,  ni  de  talent.  On  ne 
perdra  pas  son  temps  à  lire  Catholicisme  et  Romantisme  :  seulement, 
les  réflexions  qu'on  fera  chemin  faisant  ne  seront  pas  toujours  celles 
qu'aura  voulu  suggérer  l'auteur. 

Eugène  RiGAL. 


OUVRAGES  ANNONCES  SOMMAIREMENT 

Henri  d'Alméras.  —  Les  Romans  de  l'histoire;  Emilie  de  Sainte- 
Amaranthe  (Les  chemins  rouges.  Le  demi-monde  sous  la  Terreur). 
—  Paris,  Société  française  d'imprimerie  et  de  librairie,  1904,  in- 12, 
3  fr.  50. 

Le  deuxième  des  Romans  de  l'histoire  que  nous  conte  M.  d'Almé- 
ras est  beaucoup  moins  étrange  que  le  premier,  et  la  vie  d'Emilie  de 
Sainte-Amaranthe  est  moins  faite  pour  piquer  la  curiosité  que  celle  de 
Cagliostro.  Les  alentours  du  sujet  sont  aussi  moins  riches  :  au  lieu  de 
«  l'occultisme  et  de  la  franc-maçonnerie  à  la  fin  du  XVI1I'=  siècle  » 
l'auteur  —  non  sans  encourir  çà  et  là  le  reproche  de  se  livrer  à  des 
digressions  —  étudie  rapidement  les  théâtres,  les  tripots,  le  rôle  poli- 
tique du  Palais-Royal  et  le  demi-monde  sous  la  Révolution. 

C'est  au  demi-monde,  en  effet,  qu'appartenait  Mme  de  Sainte-Ama- 
ranthe, qui  fut  l'ornement  et,  en  quelque  façon,  la  directrice  d'une  des 


94  BIBLIOGRAPHIE 

maisons  de  jeu  les  plus  achalandées  du  Palais-Royal;  sa  fille,  la  belle 
Emilie,  beaucoup  plus  réservée  qu'elle,  n'en  fut  pas  moins  Vainie, 
d'abord  d'un  don  Juan  assez  vulgaire,  le  comte  de  Tilly,  puis  (quoique 
mariée  à  M.  de  Sartine)  de  l'illustre  chanteur  de  l'Opéra,  EUeviou. 
Compromises,  on  ne  sait  trop  pourquoi,  dans  la  disgrâce  de  Danton, 
les  deux  femmes  fui'eut  enfermées  à  Sainte-Pélagie  le  12  germinal 
an  11  (1"  avril  1794).  Impliquées,  contre  toute  raison,  dans  la  préten- 
due «  Conspiiation  des  Etrangers  »  avec  Admirai,  qui  avait  attenté  à 
la  vie  de  Collot-d'Herbois,  et  Cécile  Renault,  accusée  d'avoir  attenté 
à  celle  de  Robespierre,  elles  moururent  sur  l'échafaud,  afi'ublées  de  la 
chemise  rouge  des  pari-icides,  le  29  prairial  an  II  (17  juin  1794). 

Le  roman  de  la  belle  Emilie  et  d'Elleviou  est  intéressant.  Peut-être 
seulement  ne  voit-on  pas  assez  dans  le  récit  de  M.  d'Alméras  ce  qu'il 
a  de  certain  et  ce  qu'il  a  d'hypothétique  '. 

Eugène  Rigai.. 


Albert  SoubLes.  —  Almanach  des  spectacles,  année  1903.  —  Paris, 
Flammarion,  pet.  in -12,  5  fr. 

Nous  avons  dit  à  plusieurs  reprises  combien  est  riche  en  renseigne- 
ments de  toutes  sortes  ÏAlmanach  des  spectacles  de  M.  Soubies.  Le 
volume  qui  vient  de  paraître  et  qui  est  orné  d'une  eau-forte  de  Lalauze, 
est  le  trente-troisième  de  cette  charmante  collection.  Il  y  a  trente  ans 
que  M.  Soubies  l'a  entreprise  ;  il  y  en  a  quarante  qu'il  exerce  les  fonc- 
tions de  critique  musical.  On  ne  saurait  désirer  plus  de  garanties  de 
zèle  et  d'expérience.  E-  R- 

C.  Salvioni.  —  Gli  statuti  volgari  délia  confraternita  dei  discipli- 
nati  di  S.  Marta  di  Daro  (Estratto  dal  BoU.  Stor.  d.  Svizzera  ita- 
liana,  XXVI,  p.  81  sqq),  BelUnzona,  1904. 

L'exposition  d'Art  sacré  qui  a  eu  lieu  l'an  dernier  dans  l'église  Saint- 
Jean  à  BelUnzona,  a  eu,  entre  autres  avantages,  celui  de  faire  con- 
naître un  vieux  manuscrit  sur  [jarcheuiin  contenant,  en  langue  vul- 
gaire, les  statuts  de  la  confrérie  de  Sainte-Marte  de  la  commune  de 
Daro  (vicariat  de  Bellinzona).  M  Salvioni  publie  ce  texte  et  en  exa- 
mine la  langue  au  point  de  vue  du  dialecte,  de  la  fonétique,  de  la  mor- 
fologie  et  du  glossaire.  M.  G. 


*  P.  153,  milieu,  lire  Mme  et  non  Mlle  de  Sainte-Amanintlie.  —  P.  IGl, 
milieu,  lire  Sucjj,  non  Saci/.  —  Ne  manque-t-il  pas  quelques  lignes,  p. 
131,  avant  les  alinéas  sur  M.  de  Maupeou  et  M.  de  Sartine? 


BIRLIOGRAPIHE  95 


RAPPOllT  SUK   LK   CONCOUHS  POUK  LE  PRIX  BOUCHERIE 

Deux  mémoires  seulement  ont  été  envoyés  cette  année  au  concours 
pour  le  prix  Boucherie,  l'un  imprimé,  l'autie  manusci'it. 

Le  mémoire  imprimé  est  intitulé  :  Etudes  sur  la  langue  populaire 
du  Gapençais  et  signé  F.-N.  N/collet.  C'est  une  série  d'articles  parus 
antérieurement  dans  le  Bulletin  de  la  Société  d'études  des  Hautes- 
Alpes,  et  que  l'auteur  a  réunis  en  une  brochure  de  90  pages  iii-S". 
Chaque  question  traitée  contient  tiois  parties  :  les  formes  et  leur  em- 
ploi, leur  histoire,  leur  origine.  Les  formes  sont  classées  et  leur 
emploi  exposé  avec  la  méthode  des  vieilles  grammaies  dont  on  a 
sans  profit  fatigué  notre  enfance;  c'est  dire  en  même  temps  qu'elles 
sont  à  peu  près  inutilisables.  L'historique,  qui  a  la  prétention  de  nous 
donner  l'état  ancien  du  patois,  ou  du  moins  celui  du  XVI''  siècle,  est 
dépourvu  de  critique.  La  partie  consacrée  aux  origines  nous  montre 
que  l'auteur  est  un  érudit  :  le  gaulois,  l'irlandais,  l'anglo-saxon, 
l'islandais,  l'ombrien,  le  sanskrit  viennent  sans  effort  sous  sa  plume. 
Malheureusement  M.  Nicoilet  ignore  totalement  la  valeur  des  formes 
qu'il  cite,  et  lorsqu'il  croit  établir  qu'une  bonne  partie  du  patois  de 
Gaj)  est  de  l'anglo-saxon  ou  du  gaulois,  son  étalage  de  fausse  éru- 
dition ne  fait  qu'accentuer  la  faiblesse  de  ses  hypothèses. 

Le  mémoii  e  manuscrit  est  un  vocabulaire,  celui  du  canton  de  Ludion, 
réuni  par  M.  Sarrieu.  II  y  a  lieu  de  distinguer  dans  ce  vocabulaire  deux 
parlers  principaux  :  le  luchonnais  proprement  dit  et  le  larboiistois,  et 
dans  chacun  de  ces  deux  parlers  il  y  a  lieu  encore  d'introduire  des 
subdivisions,  puisque,  comme  on  sait,  les  patois  varient  dans  une  cer- 
taine mesure  d'un  village  à  l'autre.  Aussi  l'auteur  s'est-il  efforcé  d'in- 
diquer autant  que  possible,  pour  chaque  vocable  ou  pour  chaque 
forme,  la  provenance  exacte. 

L'al[ihabet  employé  est  rigoureusement  phonétique  et  aussi  précis 
qu'on  peut  le  désirer.  La  valeur  de  chaque  signe  est  d'ailleurs  nette- 
ment défin'e  au  début. 

Cet  ouvrage  ne  se  borne  pas  à  relater  les  bizarreries  et  les  particu- 
larités du  parler  Luchonnais;  l'auteur  a  fait  tout  ce  qu'il  a  pu  pour 
être  complet,  c'est-à-dire  (|u'on  trouve  dans  son  travail  non  seulement 
les  mots  du  vieux  fonds,  mais  encore  lus  mots  empruntés,  soit  qu'ils 
viennent  du  français,  de  l'espagnol,  de  quelque  patois  voisin,  ou  aient 
été  tirés  artificifllement  du  latin.  Il  n'y  a  à  cela  aucun  inconvénient, 
puisque  l'auteur  indique  la  provenance  de  chaque  vocable,  et  il  y  a  au 
contraire  des  avantages  trop  nombreux  et  trop  évidents  pour  qu'il  soit 
utile  de  les  énumérer. 


96  BIBLIOGRAPHIE 

En  outre  rautour  nous  a  donné  dans  la  mesure  où  il  l'a  pu,  c'est-à- 
dire  dans  une  très  large  mesure,  l'étymologie  de  chaque  mot.  Ces 
étymologies  sont  piésentées  d'une  manière  très  simple  et  très  pratique, 
soit  jiar  l'indication  delà  forme  du  latin  vulgaire  ou  de  quelque  autre 
langue  qui  a  servi  de  point  de  départ  au  vocable  luchonnais,  soit, 
quand  l'étymologie  est  très  claire,  pour  ne  pas  répéter  ce  qui  est  connu 
de  tous,  par  la  simple  indication  de  l'équivalence  du  mot  luchonnais 
avec  le  mot  français  qui  lui  correspond  et  qui,  dans  ce  cas-là,  lui  sert 
presque  toujours  en  même  temps  de  traduction.  Comme  M.  Sarrieu 
est  au  courant  des  méthodes  scientifiques  de  travail,  il  est  rare  que 
ses  étymologies  ou  ses  autres  indications  soient  contestables. 

La  sémanticpie  n'a  pas  été  négligée  non  plus.  Lorsqu'un  mot  a  plu- 
sieurs acceptions  l'auteur  essaie  d'en  établir  la  filiation  ;  lorsque  son 
acception  actuelle  diffère  de  sa  valeur  originaire,  il  cherche  à  en  recons- 
tituer l'évolution.  De  plus  il  nous  fournit  de  nombreux  renseignements 
sur  les  usages  locaux,  jeux,  construction^  agriculture,  outils,  instru- 
ments et  ustensiles, et  les  accompagne  de  figures  lorstju'il  le  juge  utile. 

Les  particularités  de  morphologie  et  de  syntaxe,  formations  plus  ou 
moins  iriégulières,  mouvement  vocalique  des  verbes,  emploi  de  l'article, 
des  pronoms,  conjonctions,  etc.,  sont  indiquées  en  quelques  mots. 

Enfin  le  vocabulaire  proprement  dit  est  suivi  de  deux  appendices. 
Dans  le  premier  sont  groupés  quelques  refrains  et  quelques  dictons, 
intéressants  par  les  formes  insolites  ou  curieuses  qu'ils  présentent,  et 
qui  peuvent  être  utiles  pour  la  lexicologie.  Le  second  comprend  la 
liste  des  suffixes  et  des  pseudo-suffixea  avec  leur  origine. 

M.  Sarrieu  se  propose,  dit-il,  d'ajouter  d'autres  appendices  à  ceux- 
là  et  en  particulier  une  liste  des  noms  propres  de  personnes  ou  de  lieux, 
en  en  donnant  autant  que  possible  l'étymologie  et  en  y  recherchant  les 
noms  communs  disparus  de  la  langue  actuelle  ;  mais,  pressé  par  le 
temps,  il  n'a  pas  pu  les  achever  pour  le  concours. 

Ce  résumé  succinct  de  ce  que  contient  l'envoi  de  M.  Sarrieu  suffit 
pour  faire  comprendre  quelle  en  est  l'importance  :  c'est  un  monument 
digne  d'admiration  que  l'auteur  a  élevé  au  patois  de  son  pays  natal, 
et  l'on  peut  dii'e  qu'aucun  patois  jusqu'à  présent  n'a  fait  l'objet  d'un 
travail  de  celte  étendue  et  de  cette  valeur. 

Nous  proposons  donc  que  le  prix  Boucherie  soit  décerné  à  ce 
mémoire  et  que  la  Société  le  publie  dans  la  Revue  des  langues 
romanes. 

[Ce  rapport,  lu  devant  1'»  assemblée  »  de  la  Faculté  des  I^etties  de 
l'Université  de  Montpellier,  a  été  approuvé  à  l'unanimité]. 


Le  Gérant  responsable  :  P.  Hamklin. 


ETUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURES» 


Qu'avec  une  langue  populaire  —  et  pai'  là  nous  entendons 
une  langue  (tels  nos  «  patois  »  méridionaux)  ([ui  n'est  guère 
plus  parlée  que  par  le  [)euple,  —  qu'avec  les  faibles  ressources 
qu'offre  une  telle  langue,  des  auteurs,  épris  pour  elle  d'un 
pieux  amour  filial,  puissent  aspirer  et  réussir  à  faire  mieux  que 
conter  avec  esprit  quelque  grosse  farce  ou  avec  agrément 
quelque  légende  naïve  et  touchante,  qu'ils  puissent  enrichir, 
relever,  ennoblir  un  tel  idiome  au  point  d'en  faire  un  instru- 
ment suffisamment  riche,  souple  et  délicat  pour  leur  permettre 
de  manier  avec  aisance  les  idées  abstraites  et  de  suivre  jus- 
que dans  le  détail  le  plus  fouillé  les  finesses  de  sentiment  et  de 
pensée  dont  vit  la  littérature,  personne,  j'imagine,  ne  songe 
plus  à  le  contester  depuis  qu'ont  paru  les  poèmes  de  Mistral 
et  de  ses  amis,  d'une  grâce  et  d'une  perfection  si  achevées 
qu'ils  font  songer  aux  plus  purs  chefs-d'œuvre  de  la  Grèce, 
aux  beautés  inégalées  d'un  Homère,  d'un  Anacréon,  d'un 
Théocrite. 

On  reste  véritablement  émerveillé  lorsque,  au  sortir  d'une 
conversation  avec  des  gens  du  peuple,  on  ouvre  Mirèio,  pour 
ne  citer  que  la  plus  connue  de  ces  œuvres,  la  plus  fraîche  de 
ces  fleurs  qu'ont  fait  éclore  à  force  d'art  et  de  soins  jaloux  les 
sept  félibres  de  Fontsegugne  et  qui  semblent  garder  du  ciel  qui 
les  a  vu  naître  comme  un  reflet  de  grâce  sereine  et  de  lumi- 
neuse beauté. Et  l'on  est  à  se  demander  jiar  quel  miracle,  d'un 
idiome  sonore,  vibrant  et  pittoresque  certes,  mais  aussi  inca- 
pable d'exprimer  les  abstractions  ou  de  suivre  les  raccourcis  et 
les  détours  du  raisonnement  que  l'esprit  des  paysans  qui  le 
parlent,  Mistral  est  arrivé  à  faire  un  outil  merveilleux  de 
finesse,  de  grâce  et  de  délicatesse,  par  quel  art  tenant   de  la 

'  Le  présent  travail  a  été  couronné  par  l'Académie  des  Jeux  Flo- 
raux (concours  de  1900). 

7 


98  ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

magie  il  a  réussi  à  changer  en  or  pur  le  plomb  vil  dont  se 
contentaient  les  ânaes  et  les  intelligences  populaires. 

Une  étude  minutieuse  et  approfondie  de  sa  langue  pourrait 
aider  à  expliquer  ce  tour  de  force.  On  verrait,  en  regardant 
de  très  près,  en  examinant  comme  à  la  loupe  la  trame  de  son 
stjle,  comment  la  langue  mère  et  les  langues  soeurs,  com- 
ment la  langue  des  ancêtres  et  celle  des  dialectes  voisins  ont 
été  appelées  tour  à  tour  à  l'enrichissement  de  la  langue  mater- 
nelle du  poète  et  aussi  à  l'aide  de  quels  habiles  procédés  de 
dérivation  et  de  composition,  Mistral  a  su  comme  infuser  un 
sang  généreux,  une  sève  nouvelle  à  un  idiome  qui  allait  s'ap- 
pauvrissant,  s'anémiant  et, sous  la  lente  infiltration  du  français, 
s'altérant  de  jour  en  jour  davantage.  Et  l'on  aurait  l'occasion 
de  constater  une  fois  de  plus  que  les  poètes  qui, 

Pro'pter  egestatem  lingtiae  etrerum  novilatetn, 

éprouvent  le  besoin  de  perfectionner  leur  langue,  d'enrichir 
leur  vocabulaire, ont  recours  à  des  procédés  toujours  les  mêmes, 
que  Mistral  et  ses  amis  n'en  ont  pas  usé  d'autre  façon  que 
n'ont  fait,  à  leur  époque,  Lucrèce  ou  Ronsard. 

Mais  une  étude  de  ce  genre  pour  être  menée  au  degré  de 
précision  scientifique  exigée  dans  un  pareil  travail,  devrait 
être  faite  par  l'auteur  lui-même.  Ces  mots  rares,  ces  expres- 
sions peu  habituelles,  ces  locutions  quasi  inusitées,  quel  autre 
que  celui  qui  les  a  si  habilement  remis  en  honneur  et  fait 
rentrer  dans  le  courant  de  la  langue,  en  les  enchâssant  avec 
tant  d'adresse  et  d'à  propos  dans  son  style,  quel  autre  pourrait 
dire  avec  certitude  où  le  poète  les  a  entendus,  s'ils  sont  encore 
en  usage,  et,  s'ils  sont  tombés  en  désuétude,  de  quels  ouvrages 
il  a  rapporté  ce  butin  linguistique,  ou,  s'ils  n'ont  jamais  été 
employés,  de  quelles  analogies  il  s'est  autorisé  pour  se  hasar- 
der à  les  créer  et  à  s'en  servir  ?  Mais,  outre  qu'ils  auront 
toujours  mieux  à  faire  qu'à  dresser  l'état  civil  de  chacun  des 
mots  qu'ils  emploient,  les  poètes  seraient  sur  ce  point,  j'ima- 
gine, d'assez  mauvais  philologues.  Je  m'assure  que,  soit  pour 
éviter  le  reproche  d'archaïsme,  soit  —  et  ceci  serait  plus 
excusable  —  pour  laisser  croire  leur  langue  maternelle  plus 
riche  qu'elle  ne  l'est  en  réalité,  ils  succomberaient...  mettons 
souvent  —  à  la  tentation  de  donner  comme  vivants  des  voca- 


ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS  99 

bles  aujourd'hui  disparus  ou  même  que  leur  dialecte  ne  con- 
nut jamais. 

Cette  étude  assez  terre  à  terre  que  les  poètes  ne  font  pas 
ni  qu'ils  n'aideraient  peut-être  pas  très  volontiers  les  autres  à 
faire  en  leur  fournissant  toutes  les  in  Hcations  utiles,  c'est  aux 
érudits  à  l'entreprendre  à  l'aide  des  ressources  assez  précaires 
encore  dont  ils  disposent  ou,  au  défaut  d'érudits,  aux  simples 
amateurs  des  parlers  méridionaux.  C'est  à  ce  titre  que  nous 
avons  cru  pouvoir  nous  hasarder  à  faire  vaille  que  vaille  et  à 
soumettre  à  la  critique  le  présent  travail. 


Nous  nous  proposons  d'étudier  ici  les  procédés  d'enrichis- 
sement de  la  langue  populaire  dont  s'est  servi  le  poète  du  Lau- 
raguais,  Auguste  Fourès,  l'auteur  des  Grilhs,  des  Cants  del 
Soulelh,  et  de  la  Muso  Silbestro  '. 

Notre  choix  pourra  paraître  singulier  à  qui  songera  que  de 
bien  plus  grands  noms  s'offraient  à  nous  et  que  l'œuvre  d'un 
Mistral  par  exemple,  dont  nous  proclamions  tout  à  l'heure  les 
réelles  beautés,  semblait  un  champ  d'études  autrement  intéres- 
sant et  peut-être  aussi  autrement  fécond.  Mais,  d'une  part, 
notre  origine  toulousaine  et,  de  l'autre,  notre  connaissance 
exclusive  ou  à  peu  près  du  seul  dialecte  «  moundiri  nous  ont 
dissuadé  d'aller  chercher  si  loin  de  chez  nous  le  sujet  de  notre 
travail.  Il  nous  a  paru  impossible  d'étudier  avec  quelque  com- 
pétence un  dialecte  aussi  différent  du  nôtre  que  l'est  celui  que 
l'on  parle  à  Maillane  et  pour  lequel,  en  cas  de  doute  sur  la 
forme  ou  sur  le  sens,  nous  n'aurions  pu  re^^ourir  aux  sources. 
Et  nous  n'avons  certes  pas  à  regretter  d'avoir  eu  cette  défiance 
de  nos  forces.  Le  «lauraguais»  est  déjà  bien  assez  différent  du 
toulousain  et,  au  souvenir  des  difficultés  qui  nous  ont  si  sou- 
vent arrêté  au  cours  de  notre  étude,  à  la  vue  des  imperfections 
de  toute  nature  que  nous  apercevons  dans  notre  travail,  nous 
nous  félicitons  de  n'avoir  pas  eu  la  témérité  d'aller  chercher 
notre  auteur  sur  les  bords  du  Rhône. 

*  On  a  cru  devoir  conserver  l'orthographe  de  Fourès,  en  se  bornant 
à  rétablir  la  lettre  b  partout  où  le  poète  l'a  arbitrairement  remplacée 
par  V. 


100         ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÉS 

Pas  plus  en  effet  que  la  faiblesse  de  nos  connaissances 
en  patois,  nous  ne  nous  dissimulons  le  vice  fondamental  de  la 
méthode  que  nous  avons  suivie.  Nos  recherches  n'ont  pas  eu 
toute  l'ampleur,  toute  la  variété  que  nous  aurions  désiré 
pouvoir  leur  donner.  Notre  travail  eût  dû  être  précédé  d'une 
large  enquête  faite  dans  tout  le  Lauraguais  auprès  des  paysans, 
des  ouvriers,  de  tous  ceux  qui  parlent  le  dialecte  que  Fourès 
illustra.  Il  nous  paraît  qu'une  consultation  de  ce  genre,  outre 
qu'elle  eût  facilité  notre  tâche,  nous  eût  permis  d'arriver  à 
des  conclusions  sinon  inattaquables,  du  moins  plus  précises 
et  plus  solides  que  celles  que  nous  présentons. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  n'avons  rien  négligé  pour  suppléer, 
dans  la  mesure  du  posr^ible,  à  l'enquête  sur  les  lieux  à  laquelle 
nous  n'avons  pu  nous  livrer.  Il  serait  déplacé  de  citer  ici  les 
noms  des  personnes  à  la  bienveillance  desquelles  nous  devons 
d'avoir  pu  mettre  sur  pied  notre  travail'.  Qu'il  nous  suffise 
de  (lire  que  la  plupart  de  celles  que  nous  avons  consultées 
sont  de  Toulouse  ou  du  Languedoc.  Nous  avons  ajouté  à  ce 
système  de  contrôle  celui  des  dictionnaires  :  les  ouvrages  de 
l'abbé  Garj,  de  Boucoiran,  de  Visner  et  le  petit  lexique  que 
M.  Mâzuc  a  annexé  à  sa  récente  grammaire  du  dialecte  de 
Pézenas,  ont  été  fouillés  avec  le  plus  grand  soin.  Nous  n'avons 
consulté  le  Trésor  dôu  félihrige  que  pour  les  mots  que  nous 
n'avions  pas  trouvés  dans  les  dictionnaires  précédents.  Cet 
ouvrage  est  en  effet  si  complet  qu'il  n'y  a  presque  aucun  des 
mots  employés  par  Fourès  qui  n'y  soit  mentionoé. 

Malgré  tous  les  efforts  que  nous  avons  tentés  pour  abouti  rades 
conclusions  fermes  et  décisives, no  us  avons, malgré  tout, l'impres- 
sion que  bon  nombre  de  mots  signalés  par  nous  comme  inusités. 


^  Il  y  aurait  toutefois  injustice  et  ingratitude  à  ne  pas  dire  ici  que 
nous  devons  à  notre  ancien  maître,  M.  le  professeur  Jeanroy^  non 
seulement  quelques  utiles  indications  de  détail,  mais  l'idée  même  de 
cette  étude.  Nous  n'aurions  garde  non  plus  d'oublier  quel  précieux 
concours  nous  avons  trouvé  auprès  de  notre  mère,  pour  le  toulousain, 
pour  le  rouergat,  de  Mlle  Chauzy  (de  Salles-Curan),  pour  le  gascon,  de 
M.  Adher  (Jean),  enfin  de  nos  collègues  MM.  Balasc  (de  St-Paul) 
(Ariège),.  Ronmieu  (de  Carcassonne)  et  Gayraud  (de  Fanjeaux,  Aude), 
pour  l'ensemble  de   notre  travail. 


ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS  101 

sinonincompris,  doiventêtre  connuset  employés  dans  certaines 
parties  du  Lauraguais  par  des  personnes  sachant  mieux  que  les 
autres  leur  langue  maternelle.  Nous  avons  estimé  préférable 
de  laisser  figurer  ces  mots  dans  notre  travail,  nous  réservant 
de  confesser  et  de  réparer  notre  erreur,  dès  que  l'on  en  aurait 
fait  la  preuve .  Mais  si  nous  ne  citons  pas  uniquement  des  mots 
inconnus  aux  compatriotes  de  Fourès,  du  moins  pouvons-nous 
assurer  que,  à  l'exception  des  mots  calqués  sur  le  français, 
(qu'il  eût  été  fastidieux  et  sans  intérêt  de  relever  tous),  nous 
n'avons  exclu  de  nos  listes  que  des  mots  bien  connus  de  tous 
ceux  qui  parlent  le  patois  entre  Toulouse  et  Carcassonne. 

I 

Mots  repris  a  l'ancienne  langue 

A  l'exception  de  quelques  mots  qui  sont  manifestement 
archaïques,  tels  par  exemple  que  autiu,  -ibo  (altier),  troubai- 
ris  (poétesse),  verges  (vierge),  nous  ne  pouvons  pas  affirmer 
avec  certitude  qu'aucun  des  mots  cités  ci-dessous  n'est  plus 
connu  dans  le  Lauraguais.  Plusieurs,  en  effet,  nous  ne  l'igno- 
rons pas,  sont  encore  en  usage  dans  certains  pays  (Rouergue 
ou  Haute-Ariège),oti. l'influence  du  français  s'est  moins  exercée 
que  chez  nous,  et  il  se  pourrait  que  ces  mots  se  fussent 
conservés  dans  certains  coins  de  notre  région.  Il  nous  semble 
cependant  que  presque  tous  sont  inconnus  de  nos  comjia- 
triotes.  On  remarquera  que  la  plupart  ont  été  employés  par 
les  écrivains  languedociens  ou  gascons  des  XVIP  et  XVllP 
siècles  et  c'est  chez  eux,  vraisemblablement,  que  Fourès  est 
allé  les  reprendre  V 

•  Abréviations.  G,  =  les  Grilhs;  — G.  S.  =  les  Cants  del  Soulelh; 
—  M.S.  =  Muso  Silbestro .  (Le  chiffre  qui  suit  renvoie  à  la  page.) 

M.  =  Trésor  du  Félibrige  de  Mistral. 

B.=  Dictionnaire  analogique  et  étymologique  des  idiomes  méridio- 
naux, par  L.  Boucoiran.  Nimes.  5  fascicules  (1875-1886). 

P.  =  Dialecte  de  Pézenas  (d'après  la  gr""^  languedocienne  de  M. 
Mâzuc.Toulouse,  1899). 

V.  =  Ditciounari  moundi  de  Jean  Doujat  empeutat  per  G.  Visner. 
Toulouse,  1897. 


102         ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

Abeluc  =■  ardeur  au  travail.  B. 

Ahet  =  sapin.  V.  B. 

Abouquieu  (cami)  =  rapide,  très  incliné.  V,  B. 

Agati  =z  amadouer,  allécher.  V.  B. 

Agradiboul  =  agréable.  V. 

Alamelo  et  alumelo  =  lame. 

Alupairez^  convoiteur  V.  B. 

Apostoul=-  apôtre.  V.  B. 

Arbôut  =  voûte.  V.  B. 

Archibanc  zn  haut  fauteuil  de  bois.  B. 

Armaduro  =  armure. 

Ai^mo  =  âme.  V.  B. 

Assoulant  =  consolant.  M. 

Astrat  =  prédestiné.  B  (v.  1.). 

Audous  :=:  odorant.  V. 

Aule,  0  zz:  méchant,  sauvage.  V.  B. 

Auleso  =  méchanceté,  barbarie.  V.  B. 

Aus  =  toison.  V. 

Autisme  =  très  haut  personnage.  B  (v.  1.). 

Aulourous  =  insolent,  orgueilleux.  V. 

Auzent  =  calme  (en  parlant  du  temps).  M. 

Azalbra  (s')  =  monter,  s'élever,  apparaître.  V.  B. 

Azir  =  haine.  V. 
Bandièro  =  bannière.  V.  B. 

Bandissomen  =  bannissement.  B. 

Bel  =  voile  (parure).  V. 

^6'Z2adMro  =  délicatesse.  V.  B. 

Biro  =  broche.  V. 

Blous  =  pur.  V.  B. 

Boubbouso  [à  la)  =  eu  folâtrant.  M. 

Bourrèlo  =:  bourrelle.  V. 

Bragard,  ardo  zn  aimable.  V.  B. 

Brustio  =  boîte.  V.  B. 

Caramel  zn  chalumeau.  B. 

Cazenso  =  chute.  B. 

Clamatiè  =■  crieur  public.  M. 

Clatissa  =  crisser.  V. 

Cossoul  =  consul.  V. 

Coubezenso  =  convoitise.  V.B. 


ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS         103 

Counil  zz.  lapin.  V.  B.  P. 
Counquista  =  conquérir.  P. 
Cousselh  HZ  assemblée,  conseil. 
Coutelhèro  =  fourreau  d'épée. 
Custodio  •=  squelette.  V. 

Dalfi  z=z  fils  chéri  (Goudelin  :  lou  dalfi  del cèl  zz  J.  Ch.) 
Deminja  =  diminuer.  B.  (v.  1.) 
Dibo  et  dibesso  =  déesse.  V. 
Dono  =  dame.  V.  B. 
Égo  =  jument.  V.  B. 
Bmaugut'TZ  ému.  V. 
Embahne.  =  éboulement.  V. 
Encoulerit  ^=. 'wv'xié ,  V.  B. 
Emperi  =  empire.  V.  B. 
Engauzit  =  réjoui.  B.  (v.  1.) 
Escadafal  =  échafaud. 
Escapoula  =  façonner  à  la  hache.  B.  V, 
Escardenc  =  d'un  rouge  ardent.  M. 
Escoundre  {s')  =  se  coucher  (soleil).  V. 
Escumenjat  =  excommunié.  V.  B. 
Espefort  r=  effort.  V. 
^s/ïér  =  espoir.  V.  B. 
Espleit  =•  exploit    V.  B. 
Esquèrro  (V)  =  la  main  gauche. 
Faidit  =  proscrit.  V.  B. 
Pamo  =  renommée.  V. 
Feramio  =  bête  fauve.  B, 
Flume  =  fleuve.  B.  (v.  1.) 
Fourreduro  =  fourrure.  B, 
Fraudi  =  faner.  M. 
Fu^t  ^  bois.  M.  (Goudelin  .-=  fusto). 

Futo  zn  fuite .  B.  (fa  Ihours   futos  =■   les   mettre   en    fuite 
(M.  S.  158). 

Gaito=  sentinelle.  B. 

Gauch  =  joie  V.  (pluriel,  gauches). 

Gaudina  {se)  =  se  réjouir. B. 

Glabi  =  glaive. 

Grèu^grèbo  ziz  grave,  pénible.  V.  B. 

Grima  =  gémir,  grincer.  B.  (v.  1.) 


104         ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

Iscariol  =  traître.,  déloyal.  V. 
Iro  =  colère.  V.  B.;  irat  =  irrité.  V.  B. 
Lauza  =  \onev  {laudnre) .  B. 
Lièro  z:z  Loire. 
Mamois  =  violette.  V.  B. 
Matrassino  =  flèche.  V.  B. 

Mau  (se):^il  se  meut;  maw6en^=  mouvant,  (de  s<??na?«'e.V.B). 
Moud  {sens}  =  (sans)  mot  dire    V.  B. 
Mousti  =  mâtin.  V. 

Ops  {pi^ene  sous)  =  (prendre  ses)  ébats.  V. 
Orb,  0  =  aveugle.  V.  B. 
Palpugo  =  tentacule  (Goudelin  =  palpuga). 
Pamparrugo  ^=  perruque.  V.  B. 
Parti  [se)  =  se  séparer,  se  diviser.  B.  M. 
Poudestatziz  pouvoir.  V.  B. 

Pouls  zz:  poussière.  B.  [poulset  :=  même  sens  [abbé  GarjJ). 
Pourpouro  =  pourpre.  V.  B. 
Pugnal=  poignard.  V. 
Pugnido  1=  piqûre.  V.  B. 
Quatren  =  quatrième. 
Regino  :=  reine.  V.  M..  (Gondelin). 
Itiquesso  =  richesse,  rie  =  riche.  B. 
Boire  =  manger.  V.  B. 
Sagel  nz  sceau.  V.  B. 
Sageto  =  flèche.  V.  B. 
Sartre  =  tailleur.  V.  P. 

Segnouro  M.  et  segnouresso  B.  =  seigneuresse. 
Secle  =  siècle.  V. 
Senet  {lene)  =  (tenir)  conseil.  V. 
Sorni  =  songe. 

Sou/nran,  ano  =  souverain.  B. 
Slaire  rr  faire  halte,  rester  debout.  B. 
Trahidourici  =  traîtresse.  V.  (Goudelin  =  trahison). 
Traire  =  attirer.  V, 
Trinfla  =  triompher.  V. 

[/s  =  huis.  (B.  ussa  =  fermer,  usset  =  bonde). 
Verges:^  vierge  (Raynoiiard). 

Nous  avons  retrouvé  :  à  Toulouse,  l'expression  crida  coumo 
uno  clamatièro,  sans  doute  une  «  crieuse  publique  »  ;  —  dans 


ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÉS         105 

le  Tarn  (abbé  Garj)  courreà  futo  =  courir  en  toiite  hâte;  dans 
l'Av-eyron  (à  Salles-Curan)  les  naots  :  armo  (las  armas  del  Pre- 
catori  =  les  âmes  du  Purgatoire)  ;  ans  =  toison  ;  coutelkèro  = 
gaîne  de  la  coût  (pierre  à  aiguiser  la  faulx)  ;  escu7nenjat=: 
excommunié  ;  gauch  (dans  les  locutions  fa  (/ai(ch=  faire  envie 
et  gran  gauch  ziz  c'est  un  grand  bonheur  que...)  ;  —  puqnal 
au  sens  de  haclioir,  couperet  ;  —  à  Carcassonrie  :  apôstou 
(apôtre);  dans  le  Gers  :  mamois  =  violette. 


IL 

Mots  présentamt  une  forme  irrégulière 

Avant  d'aborder  l'étude  des  mots  actuellement  en  usage  dans 
le  Lauraguais,  signalons  en  quelques-uns  qui  présentent  chez 
notre  auteur  une  forme  peu  habituelle  ou  irrégulière. 

Citons  d'abord  un  pluriel  irrégulier  :  camises  (M.  S.  108|  = 
chemins,  créé  par  analogie  avec  les  |)luriels  des  subtantifs  ter- 
minés au  singulier  pai'  un  s.  Cf.  chez  Fourès  même  :  les  diuses 
(C.  S.  204)  =  les  dieux. 

L'adjectif  ma5c/e  semble  bien  n'avoir  pas  de  féminin.  Fourès 
a  dit,  conformément  à  l'analogie  des  autres  adjectifs  dont  la 
finale  est  un  e  au  masculin  et  un  o  au  féminin  :  masclo  bèutat. 

Par  contre,  il  a  dit  bierje  au7ibo{vierge  sauvage)  [C.  S.  272], 
au  lieu  de  bierjo^  sans  doute  pour  se  rapprocher  de  la  forme 
étymologique. 

Il  a  tiré  de  auberjo{^QchQ)  l'adjectif  masculin  auberje  [C.S.92], 
(couleur  de  fleur  de  pêcher),  qui  nous  semble  une  création  et 
pour  la  forme  et  pour  le  sens. 

Quelques  autres  mots  ont  une  forme  rare  ou  peu  explicable. 
Citons  : 

i4Mze/Ae  (auditeur)  [C,  S.  192].  Ce  mot,  peu  explicable  pho- 
nétiquement, se  présente  dans  un  passage  de  sens  douteux. 
Auzelhé,  dérivé  rf'aw^ï  (écouter),  ne  peut  signifier  qu'«auditeur». 
Or,  on  ne  peut,  dans  notre  passage,  lui  conserver  ce  sens 
qu'en  donnant  à  brico,  qui  le  précè  le,  le  r^ens  de  «un  peu  », 
sens  que  l'étymologie,  sinon  l'usage,  ne  s'oppose  pas  à  ce  qu'on 


106         ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

lui  donne,  mais  qui  n'est  guère  ici  appelé  par  la  suite  des 
idées. 

Ardei^ecio  (hardiesse)  [C.  S.  186].  M.  etV.  àonneni  ardelecio, 
à  côté  de  ardelous  (ardent).  Faut-il  corriger  l'r  en  /?  ou 
admettre  que  Fourès  a  tiré  arderecio  de  arderous,  qui  existe 
(V.  B.  M.)?  Nous  préférerions  cette  deuxième  explication. 
Arderecio  serait  à  arderous  ce  que  ardelecio  est  à  ardelous. 

Allegrarzit  [bfsatge)  =  {y\sa.ge)  plein  d'allégresse  (C.  S.  118.) 
offre  un  /■  inexplicable.  Il  faut  peut-être  corriger  en  alfegrazit 
{allegrezit  existe  en  Limousin.  B.M.)  ;  peut-être  (et  nous  pré- 
férerions cette  correction)  en  allegranzit  du  substantif  alle- 
granso . 


III. 

Mots  du  langage  courant  employés  dans  un  sens  peu  habituel 

Un  procédé,  très  légitime,  dont  s'est  servi  Fourès  pour 
enrichir  sa  langue  a  été  de  prendre  les  mots  du  langage  usuel 
dans  un  sens  légèrement  différent  de  celui  qu'ils  ontd'ordinaire, 
tantôt  en  remontant  au  sens  primitif  par  delà  le  sens  dérivé, 
quand  celui-ci  a  survécu  à  son  aîné,  tantôt  en  employant  au 
sens  figuré  des  mots  qui  n'ont  que  le  sens  propre.  Nous  ne 
relèverons  que  les  exemples  les  plus  intéressants. 

Mais,  au  préalable,  nous  voudrions  citer  ici  —  faute  d'un 
endroit  plus  convenable  —  un  certain  nombre  de  mots  dont 
Fourès  n'a  certainement  pas  altéré  le  sens  habituel,  mais  qui 
ont  chez  lui  un  sens  assez  curieux  pour  mériter  d'être  signalés . 
On  remarquera  que  certains  ont  un  sens  directement  opposé  à 
celui  qu'ils  ont  dans  les  dialectes  voisins. 

Acowa  =  donner  du  cœur.  —  Sens  habituel  :  zr  ôter  la 
force  B.(ASt-Paul(Ariège),  s'acowran: perdre  tout  son  sang). 

Assoula  =  raffermir,  consolider.  —  Sens  habituel  :  =  pré- 
parer une  aire.  B  *. 

Aiguièro  =  aiguière.  —  Sens  habituel  :  =  ruisseau. 

*  Dans  certains  endroits  s'assoula  signifie  tomber  par  terre. 


ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS         107 

Balandran  =  glas,  sonnerie  funèbre.  —  Sens  habituel  :  = 
balancement.  V. 

Barho-blanc  =  sorte  de  gros  nuage.  —  Sens  habituel  :  =r 
1°)  barbon  ;  —  2°)  jeune  caille.  M. 

Baira  =  avoir  des  couleurs  changeantes.  —  Sens  habituel  : 
=  commencer  de  mûfir(en  parlant  de  fruits). 

Campanal  =  carillon.  —  Sens  habituel  :  =  1")  porche 
d'église  ;  —  2°)  clocher. 

Canaulo  =  clarine  des  vaches.—  Sens  habituel  :  :^  1")  sorte 
d'échaudé.  V.  B  ;  —  2°)  sorte  de  collier.  M  . 

Canilhat  =r  perce-bois  (chenille).  —  Sens  habituel  :  =  les 
chenilles  en  général.  M. 

Canouna  =r  mettre  la  tige  (blé,  etc.).  —  Sens  habituel  :  = 
faire  des  canons  à  une  coiffe.  V. 

Can{arèlo=  appeau.  —  Sens  habituel  :  =  1")  qui  fait  profes- 
sion de  chanter,  qui  aime  à  chanter. B  ;  —  2»)  qui  est  agréable, 
facile  à  chanter.  V.  (adjectif). 

Coto  =  queue  de  gouvernail.  —  Sens  habituel  :  =  cale 
pour  arrêter  les  roues. 

Desafouat  =  qui  a  perdu  le  morfil  (lame).— Sens  habituel  : 
=  P)  dont  le  feu  est  éteint;  —  2°)  qui  a  perdu  son  entrain. 

Desasourgat  =:  désaltéré.  —  Sens  habituel  :  ^  privé  d'eau, 
séché,  tari.  B. 

Escoiirro=  rouleau  portant  la  meule.  —  Sens  habituel  :  = 
1°)  rigole,  —  2")  courant  d'eau  entre  deux  bancs  de  sable'.  M. 

Estriba  =  se  serrer  contre  le  timon  de  la  charrue.  —  Sens 
habituel  :  =  1°)  soutenir.  B  ;  —  2°)  mettre  ou  avoir  le  pied  à 
rétrier.  M. 

Fâchai  =  batitures,  éclats  de  fer  sous  le  marteau.  —  Sens 
habituel  :  m  1";  torchon  ;  —  2°)  importun.  M. 

Fihla  =  fouetter.  (G.  S.  210).  —  Sens  habituel  :  =  1°)  cour- 
ber (transitif),  ou  2°)  se  courber,  fléchir  (intr.). 

Grumilhou  =:  goutte  de  sueur.  —  Sens  habituel  :  =  larme .  B. 

Merilho-zz  merveille.  —  Sens  habituel  :  =  sorte  de  raisin 
(Jasmin).  A  Toulouse,  merilhou  =  lentille. 

Naissent  =  surgeon.  —  Sens  habituel  :  :zz  source  nais- 
sante. B. 

1  Rapprochons  cependant  le  verbe  escourra,  soutenir  (Jasmin). 


108         ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

Pugneire  m  épinoche.  —  Sens  habituel  :  =  celui  ou  celle 
qui  pique  (adjectif).  M. 

Rampoino  =  convalescence.  —  Sens  habituel  :  =  1")  rechute 
(dans  une  maladie)  ;  2°)  discussion.  P. 

Beume  =  râle.  —  Sens  habituel  :  z=  1°)  rhume;  2")  chassie 
des  yeux.  M. 

Sounsi  ■=  user.^ —  Sens  habituel  :  =:  1°)  fouler,  tasser;  2°) 
combler.  P.;  3°)  battre.  P.;  4°)  gémir.  B. 

Teroun  =  essor.  —  Sens  habituel  :  =  source  jaillissante. 

Trelima  =  peiner,  travailler.  —  Sens  habituel  :  -=  s'im- 
patienter, sens  que  donne  aussi  Fourès. 

Tî'elus  =  vif  éclat  (la  luno  es  al  trelus).  —  Sens  habituel  : 
zr  faible  clarté,  jour  vu  par  transparence. 

Trescamba  =  vaciller  comme  un  homme  ivre. —  Sens  habi- 
tuel :  =  courir  très  vite.  [Pot pas  trescamba  =  il  ne  peut  pas 
mettre  un  pied  devant  l'autre,  en  parlant  d'un  homme  ivre). 

Avant  de  donner  la  liste  des  mots  dont  Fourès  a  renouvelé 
le  sens  en  le  modifiant  légèrement,  nous  tenons  à  signaler  ceux 
qu'il  a  empruntés  à  l'argot  et  auxquels  il  n'a  pas  craint  de 
donner  droit  de  cité  dans  ses  pièces,  dans  celles  mêmes  qui 
sont  loin  d'être  du  ton  familier.  Nous  passons  condamnation 
sur  le  mot  brama  (pleurer)  [M.  S.  100],  que  le  poète  emploie 
au  sens  transitif.  Ce  verbe  qui  signifie  proprement  «  braire», 
ne  s'applique  aux  personnes  que  lorsqu'oaveutleur  faire  injure. 
Mais  il  est  trop  expressif  et  trop  bien  amené  au  surplus  pour 
que  nous  songions  à  élever  la  moindre  critique.  Nous  ne  pou- 
vons pas  avoir  la  même  indulgence  pour  les  mots  :  coujo 
(citrouille)  au  sens  de  u  crâae  »,  desclusca  (écosser  des 
fèves  etc.)  au  sens  de  ufrapper  à  la  tête  »,  gwè/' (cuir,  peau)  au 
sensde  «vie»,  7'usco  (écorce)  au  sens  de  apeau»,  enfin  lugres  et 
toucho,  mots  des  plus  trivials  qui  signifient  «jeux»  et  «mine». 
Nous  ne  pouvons  non  plus,  pour  le  dire  en  passant,  nous  empê- 
cher de  trouver  peu  heureuse  l'expression  de  pouesw  grandasso 
au  sens  de  a  poésie  épique».  Le  suffixe  augmentatif  as  a  un 
sens  péjoratif  si  nettement  accentué  qu'il  déprécie,  bien  loin 
de  le  relever,  le  sens  des  mots  auxquels  on  l'ajoute. 

Donnons  maintenant  la  liste  des  mois  à  sens  détourné  :  les 
remarques  précédentes  nous  ont  permis  de  l'alléger  un  peu. 


ÉTUDE  SUll    LA  LANGUE  DE  FOURÈS  109 

A  ùia  zz:  mettre  en  fuite,  disperser  [C.  S.  100]  au  lieu  de 
mettre  en  train,  lancer  (une  roue,  par  ex.). 

Abranda  (s')  =  devenir  rouge  comme  la  braise,  en  parlant 
d'un  fruit  qui  mûrit  (M.  S.  204)  au  lieu  de  s'embraser. 

Abrasa  =  embraser  [G.  142]  au  lieu  de  souder. 

Agit  [binot)  =  facile  (à  boire)  [G.  136]  en  parlant  du  vin. 
Cet  adjectif  a  deux  sens  :  1)  un  sens  actif  :  adroit,  agile; 
2)  un  sens  passif  :  commode,  aisé.  C'est  dans  le  sens  passif 
que  Fourès  le  |)rend  ici,  avec  une  nusinoe  prégtimite  qui  n'est 
pas  habituelle,  mais  que  l'esprit  saisit  sans  peine  toutefois,  et 
qui  est  peut  être  en  usage  dans  le  Lauraguais.  Cf.  esclots  agits 
=  sabots  faciles,  aisés  (à  porter). 

Anaira  (s')  =  s'élever  dans  les  airs.  Sens  habituel  zz  se 
secouer,  réagir  contre  le  mal  (en  parlant  d'un  malade). 

Aram  zr  airain  (C.  S.  330).  Le  sens  habituel  est  fil  d'archal 
ou  de  laiton,  et  quelquefois  fil  defer.  B. 

Aterrat  =  tombé  à  terre.  Ce  verbe  n'a  plus  que  le  seus 
figuré  comme  en  français. 

Airissa{s')  =zse  dresser  sur  ses  pieds,  se  mettre  debout  (sens 
dérivé  de  celui  de  se  hérisser).  Le  sens  actuel  le  plus  fréquent 
est  celui  de  «  se  disputer  violemment  »  . 

Barratz^  rajé  (en  parlant  d'une  étoffe)  au  lieu  de  :  fermé  avec 
des  barres,  enfermé. 

Belet  =  rajon  (de  soleil)  au  lieu  de  :  éclair. 

Boulatum  =  volée  d'oiseaux.  Sens  habituel  :  les  volatiles  en 
général,  l'ensemble  des  volatiles,  (d'une  ferme  par  ex.). 

Bourdon  =  vers  (poésie)  au  lieu  de  rehaut  d'église,  refrain 
liturgique. 

Cap  =  chef,  guide  au  lieu  de  ((tête». 

Cansadoiamo)  =(ârae)  triste  au  lieu  de  :  fatiguée,  harassée. 

Caro  =  visage  (G.  46),  sans  nuance  péjorative  au  lieu  de  : 
mine  renfrognée  Ifa  la  caro). 

Couberlo  nr  pont  de  vaisseau  au  lieu  de  :  couverture   de  lit. 

Crariiizit  =  brûlé  au  lieu  de  ;  cramoisi  (cf.  creinezinozn  poire 
d'été  d'un  rouge  vif.  B.) 

Croutou  =  fiente,  guano  (coUectit)  au  lieu  de  :  petite  crotte. 

Doulenl  =  triste,  dolent,  qui  se  plaint.  C'est  un  retour  au 
sens  archaïque  (se  dole  =  se  plaindre). 


110        ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

L'adjectif  rfoM/en^  n'a  plus  dans  nos  régions  que  le  sens  de 
douloureux  (au  physique)  ou  de  espiègle,  vicieux,  mauvais. 

Degoiilhat  =  séparé  en  plusieurs  tronçons  (en  parlant  d'un 
peuple  au  lieu  de  luxé  (articulation);cliez  Goudelin  =  dévorer. 

Se  desasupi  z=  sortir  (par  ex.  se  desasupi  de  soun  oustal)  au 
lieu  de  :  s'éveiller. 

Descahel/iat  :=z  échevelé  (en  p  triant  du  vent)  au  lieu  de  : 
écimé  (en  parlant  des  arbres). 

Desfardo^  dépouille  mortelle  au  lieu  de  :  vêtements  enlevés 
du  corps. 

Enfiala  =  prendre  dans  un  filet  (ou  attendrait  enfialatd)  au 
lieu  de  :  enfiler  (une  aiguille  par  ex  ). 

Emhejant  =  digne  d'envie,  alléchant  au  lieu  de  :  envieux, 
qui  envie. 

Embrimat=  venimeux,  plein  de  venin  (en  parlant  d'un 
serpent)  au  lieu  de  :  qui  a  reçu  du  venin  à  la  suite  d'une  morsure- 

Endegnatzz.  meurtri  (en  parlant  du  cœur)  au  lieu  de  :  enve- 
nimé (en  parlant  d'un  mal  qui  suppure). 

Englanda  (s')=s'engloutir,  s'effondrer  au  lieu  de  :  se  meurtrir, 
s'assommer.  (Ex.:  s'englanda  les  dits.) 

Enlugra  =  aveugler  (par  suite  d'interposition  d'un  objet 
opaque  entre  l'œil  et  la  lumière).  (Ex.:  cette  épaisse  voilette 
t'aveugle)  au  lieu  d'aveugler  au  sens  d'éblouir.  V.  Paraît 
forgé. 

Enrouza  ^s')=se  teindre  en  rose  au  lieu  de  s'habiller  de  rose, 
sens  rare  du  reste.  (Le  sens  habituel  est  :  se  couvrir  de  roséej, 

Escalpra  =  sculpter  au  lieu  de  entailler  le  bois  avec  l'es- 
calpre  (bédane  des  charpentiers). 

Escapoul  =  ébauche  au  lieu  de  :  billot,  tronc  brut. 

Escarralnlha  (s')=s'ouvrir  (en  parlant  des  fleurs)  au  lieude  : 
s'évertuer,  se  démener  (personnes). 

Esperta  (s')  =  se  dresser  au  lieu  de  :  se  réveiller. 

^s^ué?' rz  mal  fait,  de  travers  au  lieu  de  :  effrayant,  peu  sûr 
(en  parlant  d'un  lieu).  Le  sens  archaïque  de  ce  mot  est  :  gauche. 

Estirat  =  grandi  (par  ex.  grandi  dans  la  débauche).  Le 
réfléchi  seul  a  le  sens  de  grandir.  Le  passif  dans  ce  sens  est 
un  peu  forcé. 

Padet  =  feu  follet  substantif  au  lieu  du  sens  adjectif  = 
léger,  frivole  (diminutif  de  fat). 


ÉTUDE   SUR  LA  LANGUE   DE  FOURÈS  111 

Falquetn  =  prendre,  saisir  (comme  un  faucon)  au  lieu  de 
chasser  au  faucon. 

Grattât  ~  griffé  (G.  46)  au  lieu  de  :  labouré. 

Gourg  =  gorge  (de  montagne)  (C.  S.  12)  au  lieu  de  grand 
trou  plein  d'eau. 

Gandi  [se)  =  sortir  (du  bain)  au  lieu  de  :  se  préserver,  échap- 
per à  (avec  l'idée  de  danger  évité). 

Ibersenc  {l')=  le  Nord  au  lieu  de  :  la  chose  d'hiver,  qui  naît, 
pousse  ou  se  montre  en  hiver. 

Jas=^  race,  souche,  au  lieu  de  :  gîte. 

Mage,  majo  =  grand,  grande  au  lieu  de  :  plus  grand,  plus 
grande  (comparatif). 

Marna  r=  recevoir  un  fleuve  (en  parlant  d'un  autre  fleuve) 
au  lieu  de  :  boire  involontairement  (à  la  baignade  par  ex.). 

Ou7nbrenc{r)=\e  Nord  a.u  lieu  de:  la  chose  sombre, ombragée. 

Pacan  =  citoyen  libre  au  lieu  de  :  paysan,  rustre,  vaurien. 

Palet  =1  dolmen  au  lieu  de  :  galet  plat  et  rond  (pour  jouer 
au  bouchon  par  ex.). 

Pairolo  =  chaudière  de  machine  à  vapeur  au  lieu  de  :  gros 
chaudron. 

Peirado^i  chaussée,  chemin  au  lieu  de  :  tas  de  pierres.  Les 
deux  sens  sont  du  reste  très  voisins. 

Rameja  =  faire  remuer  le  feuillage  au|lieu  de  :  cueillir  les 
jeunes  pousses. 

Rai  =:  rayon  de  soleil,  au  lieu  de  :  rayon  de  roue. 

fta/a=rayonner,  étinceler  au  lieu  de  :  rayer,  faire  des  raies. 

Rega=  faire  des  raies  sur  une  étoffe  {raya]  au  lieu  de  :  faire 
des  raies  (en  creux)  sur  un  corps  dur. 

Siètl  :=  siège,  assiègement  au  lieu  de  :  siège,  chaise.  Exten- 
sion de  sens  légitime  et  peut-être  ancienne. 

Tièro  =  famille  au  lieu  de  :  rangée,  enfilade  (de  vignes 
notamment). 

IV. 
Mots  formés  a  l'aide  de  suffixes  ou  de  préfixes. 

Fourès,  qui  connaissait  toutes  les  ressources  de  sa  langue 
maternelle,  eu  connaissait  tous  les  procédés  d'enrichissement. 
11  avait  remarqué  avec  quelle  facilité,  à  l'aide  de  certains  suf- 


112        ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DEÎOURÈS 

fixes  OU  préfixes,  le  peuple  crée  des  mots  nouveaux  :  il  sut 
profiter  de  cet  avantage.  Le  détail  seul  est  ici  intéressant. 
Etudions  donc  Tun  après  l'autre  les  suffixes  de  dérivation. 


I.  Substantifs  dérivés 

Suffixe  —  at.    —  Eissarnat  =:  un  essaim  tout  entier,  (cf.  un 
teulat  (une  toiture),  tin  bentrat  (une   ven- 
trée) vji  pugnnt  (une  poignée). 
Suffixe  —  ado.  —  Dérivé  de  substantif:  à  bntalhados  ^^k  tonte 
volée  (de  batalh  =  battant  de   cloche). 
Dérivés  de  verbes  :  firassejadoz^  grand  geste 
des  bras  (de  brasseju); 
Ensannado  =  ensanglan- 

tement  (de  ensanna); 
Fendasclado  =  crevasse 
[se  fendascla  =  se  cre- 
vasser;; 
Lougado  =   maison    (de 
louga  =  louer). 
Suffixe  —  adis.  —  Baralliadis  =  tapage  \àQ  barallia-=tdAve  du 
tapage)  ; 
Estenalhadis  =  tenaillement  (de  estenalha= 

tenailler); 
Mourmouladis  =  murmure  (de  mourmouln=^ 
murmurer) . 
Suffixe — adi'sso.  —  Sounndtsso  =  sonnerie  (de  soima  =  sonner). 
Suffixe   — al.    —  Bascaial  =  éclat  de  rire  (de  bascala  =  rire 
aux  éclats); 
Carbenal=  roselière  (de  crtr/»eno^=  roseau); 
Endebinal=i'm\gme  (de  endebina=  deviner); 
Sarrat^=  serrement  (de  sarra  =  serrer). 
Suffixe — anso. — Allegranso   =    allégresse   (de    allegro)    cf. 

remenibranso  (de  remembra). 
Suffixe  — ard.  —  Auzelard  =  gros  oiseau  (de  auzèl). 

Citons  ici  le  diminutif  (alpari  =  petite  taupe  (de  talpard  = 
grosse  taupe). 

Suffixe  —arèlo.  —  Bairarèlo  =  petite  barque  (de  barco); 
Micarèlo  t=  miette  (de  mico  =  mie); 


ÉTUDE  oUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS         113 

Sounarèlo  =  sommeil  (lie  .son  =  sommeil); 
Toumbarèlo   =    disposition   à    tomber    (  de 
ioumba) 
Suffixe  —  as.    —  Aclas  z=  gros  aigle  (de  aclo^  aigle); 

/Jentalhas  =z  gros  éventail  (de  bentalli  =  éven- 
tail); 
Capas  =  grosse  tête  (de  cap  —  tête); 
Fauras  —  forgeron  sans  idée  péjorative  (de 

faure  =  forgeron); 
Liounas  =  grand  lion  (de  lioun  =  lion); 
Mari'as  =  bélier  (de  marre  =  bélier); 
Mourras  =  gros  museau  ('de  mo^lr  =  museau); 
Trouncas  :=  gros  tronc  (de  trounc  =^  tronc); 
Suffixe  —  asso.  —  Fournasxo  =  fournaise  ; 

Cintasso  (de  cinto  =:    ceinture); 
Ancrasso  [de  ancro  =  ancre)  ; 
Balhadasso  =  grosse  fosse  (de  balhat  =  fossé, 
où    Ih    est    peu    explicable    phonétique- 
ment); 
Couqidlhassos  =  coquillages. 
Suffixe  —  aire.  —  Absintaire  ^=  buveur  d'absinthe  (M. S.  134); 
Agranaire  =  ^reneuv  de  grains,  ivrogne*; 
Assoiistaire   =■  protecteur   (de  assousta  = 

assister); 
Aimnire  =  aimeur  (de  aima  =  aimer); 
Bermenaire   =   chercheur  de  vers    (cf.    se 

bermena  =  se  remplir  de  vers); 
Counqnistaire=conquéva.nt  (de  counquista= 

conquérir); 
Crentaire  •^=  qui  craint  (de  cren^fl=craindre); 
Goubernaire=^  gouverneur  (de  gouberna  = 

gouverner); 
Emperaire  ^  empereur  (C.  S.  332)  par  subs- 
titution du  suffixe  patois  -  aire  au  suffixe 
français  —  eur. 
Suffixe  —  dou. 

1   Remarquer  le  sens  opposé  du  verbe  agrana  =  ]etev  des   grains, 
etc.,  ou  des  vers,  pour  attirer  le  poisson. 

8 


114        ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

A)Suffixe — adou. — Dérivés  de  verbes  de  la  l''"  conjugaison: 

Troutadou  =  trottoir  (de  troufa  =  trotter), 

l'endroit  où  Ton  trotte; 
Tustadou  =  heurtoir  (de  tusta  =  heurter), 

ce  qui  sert  à  heurter. 
Penchenadou  =  peignoir  (de  penchena  = 
peigner).   D'après  les  deux  exemples  pré- 
cédents, on  voit  que  ce   mot  peut  aussi 
bien  signifier  l'endroit  où  Ton  se   peigne, 
que  la  chose  dont  on  se  sert  quand  on  se 
peigne.   C'est  dans  ce    dernier  sens  que 
le  poète  l'emploie. 
Poulsadou  =  respiration  (G.  70)  ne   peut 
signifier  que  l'organe  de  la  respiration  (de 
poulsa  =  respirer).  Ce  dernier  sens  est  du 
reste  le  seul  que  donne  Visner. 
B)Suffixe — idou. — Dérivés  de  verbes  de  la  2®  conjugaison  : 

Proubezidou  =  proviseur   (de  proubezi  = 

pourvoir); 
Bincendou  —    vainqueur. 
Fourès  a-t-il  formé  ce  mot  d'après  l'analogie  du  nom  propre 
Bincens  (Vincent)?  ou  d'après  celle  du  participe  latin  :  vincen- 
dust  mais  ce  dernier  a  le  sens  passif. 

Ajoutons  haledou  (de    haie  =  valoir)  qui  est  employé  par 
Fourès  comme  adjectif  (valeureux). 

Suffixe  —  enso. —  Agidenso  =  aisance  (de  agit,  ido:=:  aisé,  ée). 
/iegaudissenso  =  réjouissance  (de  se  regaudi 

=  se  réjouir); 

Memourenso  =  souvenir.  On  attendrait  soit 

membranso  (forme  populaire  de  membra), 

soit    ïïiemouranso    (formation     savante), 

puisque  le  verbe  est  de  la  l''^  conjugaison. 

Le  suffixe   —  enso  est  dû   sans   doute  à 

l'analogie  de  soubenenso,  qui  est  régulier. 

Suffixe  •—  esso. —  Ai'didesso  =  hardiesse  [de  ardi(,ido  ^^ha,rdi]; 

Embriaiguesso  =  ivresse  (de  embriaic,  aigo 

=  ivre); 
)5'/ï:w^esso  =  enfance  (de  efant^=  enfant); 
Lingesso  =  sveltesse  (de  linge  =  mince); 


ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS         115 

Liounesso  =  lionne;  outre  qu'il  paraît  bizarre 
à  côté  de  la  forme  si  connue  de  liouno, 
ce  mot  est  irrégulièrement  tiré  du  subs- 
tantif lioun;  Fourès  s'est  autorisé  pour  le 
créer  de  l'analogie  de  tiyresso. 
Suffixe  —  et.   —  Bhadjet  =  Tpeiii  visage; 

B ourdounet  =  petit  vers  (de  bourdon). 

Dinset  =  petit  dieu  (diuel,  chez  Goudelin); 

Filhoulet  =  petit-filleul  (de  filhol  ^=  filleul); 

Mountet  =  petit  mont; 

Raijet  ■=  petit  rayon. 
Suffixe  —  eto.  —  Ameto  r=  petite  âme. 

Calourelo  —  faible  chaleur,  tiédeur; 

Merilheto  =  petite  merveille  ; 

Oub7'eto  =  petite  oeuvre  ; 

Pamparuguelo  =  |)etite  perruque  ; 

Tampeto  =  petite  porte  (de  tampo  =  porte, 
volet); 

Trembleto  ^=  petit  tremblement  (de  trembla), 
par  l'intermédiaire  d'un  mot  treinblo,  qui 
a  existé  ou  existe  peut-être  au  sens  de 
tremblement. 
Suffixe  —  ido.  —  Druzido  ^  bourdonnement  (de  bruzi  = 
bourdonner). 

Ansidos  {las)  (G.  lG6)=les  ouïes  (??). 
Suffixe  —  iè.   —  A).  Noms  d'êtres  animés  (agents)  : 

Cliabaliè  =  chevalier  (de  chabat); 

Carrassiè=  charrieur(de  carras, gvand  char); 

Pabouniè  =  gardeur  de  paons  (de  pabou  = 
paon); 

Malfattiè  =■.  malfaiteur.  Très  régulièrement 
reformé.  (Cf.  s'en  ana  à  la  malofaito). 

B).  Noms  de  choses  (lieu)  : 

lia(juie  ^  coffret  à  bagues  ; 

Palounibiè  =  colombier  (de  paloumbo); 

Pownariè  =  verger.  Paraît  bien  être  savant 
et  tiré  du  latin  :  poniarium. 
Suffixe  —  ièro. —  liessièro  =  champ   de    vesces  (de   besso   = 
vesce); 


116        ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURES 

h'anjièro  =  bois  d'orangers  (de  iranje  = 
orange); 

Miriièro  =  mine.  Est-ce  parce  qu'il  y  a  plu- 
sieurs mines  dans  une  exploitation  minière 
que  Fourès  a  employé  ce  collectif? 

Les  mots  bermenièro  (verminière),  beyrièro 
(verrière),  lagremfero  (larmier  du  cerf), 
sont  les  mots  français  habillés  à  la  laura- 
guaise.  Nous  étudierons  plus  loin  cette 
reformation  de  mots. 
Suffixe  — «7//.  —  Bestilh{le)=  Tinfiniment  petit  (M.  S.  160); 

Sauniilli  =  petit  ânon.    Cf.  en  toulousain  : 
hiturril  (de  bourro)\  —  courdil  (de  cordo), 
et  les  noms  propres  Annil^  Ft'ançounil,  etc. 
Suffixe  —  ino .  —  Escurino  =  obscurité  (de  escur^  obscur). 
On  trouve  aussi  la  forme  escurezino  ; 

Oumbrino  =  ombre  (de  ownbro). 
Suffixe  —  iso .  —  Belîso  =■  embellissement,  parure  (de  bel  ^= 
beau); 

Salbatjiso   =    sauvagerie    (de    salbatje    = 
sauvage). 
Suffise  —  men. —  A).  Dérivés  de  verbes  de  la  P*^  conjugaison  : 

Airissomen  =  hérissement  (de  airissa  = 
hérisser); 

Baisomen  =^  baiser  (de  baisa  =  baiser); 

Castiomen  =  châtiraent(de  caslia  =  châtier); 

E sparrabiasonien  =  é[)di,vpi\lement  (de  espar- 
rabissa  =  éparpiller); 

Estelomen  =  étoilement  (de  estela=  étoiler); 

Fusomen  =  essor  (de  fusa  =  partir  comme 
une  fusée); 

Lizomen  =  glissement  (de  lïza  =  glisser); 

OMn(/romen  =  ornement  (de  oundra  =  orner); 

Raugnomen  =  grognement  (de  raugna  = 
grogner); 

Heinoulinomen  =  tournoiement  (de remoulina 
=  tournoyer); 

Begrilhomen  =  renouveau,  renaissance 
(de  regrilha  =  reverdir); 


ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS         117 

CJflomen^=  gonflement  (de  ufln  —  enfler). 
B).  Dérivés  de  verbes  de  la  2^  conjugaison  : 
Abalimen   =   effondrement    (de    s'abali  ^^ 

s'effondrer); 
Aplaudimen  =.  applaudissement  (de  aplaudi 

=  applaudir); 
Enluzimen    =   clarté    (de    enluzi   =    faire 

briller); 
Esplandimen  z=  é[)anouissement  (de  esplandi 

=  étaler); 
Fugimen  =  fuite  (de  fugi  =  fuir); 
Frezimen  =  frisson  (de  frezi ■=.  frémir); 
Nouinmen    =    nourriture    (de    nouiri    = 

nourrir)  ; 
Trefouzimen  =    tressaillement  (de   trefouzi 

=  tressaillir). 
Suffixe  ~  ou.  —  Aciou  et  Aylou  =  petit  aigle    (de   acle   et 
(latin  —  onem)        aussi  agio). 

Loubatou  =^  louveteau   (de  loubat  =  gros 

loup). 
M/'/scoM  =  petit  masque  (de  ?/iasco  =  masque); 
Merilhou  =^  petite  merveille  (de  met^lho  = 

merveille); 
Pendoun  =    pennon  (drapeau),  (G.  142)  ^de 

pe7idre); 
Bourdicou   =   petite    bordo   (métairie).    Le 

suffixe  —  icou  a  dû  être  emprunté  à  des 

diminutifs   de  mots  en   —    ico,   tels    par 

exemple    que    bourricou    (de  bourrico   = 

bourrique). 
Suffixe  —  ou.  —  Rouzentou  ■=■   chaleur  brûlante    (de  rouzent 

(latin  —  orem)        =  incandescent). 
Suffixe  —  um.  —  falbrum  =  les  arbres  en  général  (B.  donne 

alhrun  =  aubier)  (de  albre); 
Le  balum  =  la  force,  Fardeur  (de  ba/e  = 

valoir); 
Le  lelrum  =  les  lettres  en  général  (de  letro 

=  lettre). 
Suffixe  —  wo.  —  Bestiduro  =  vêtements  (de   besti  =  vêtir); 


118        ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

Emboucaduro  =  embouchure    (de  embouca 

=  emboucher); 
Parladuro  =  parler,   façon   de   parler  (de 

parla  =^  parler); 
Jenduro  =  tenture,   a  été  reforgée  d'après 

le  français  *, 

Il  nous  faut  citer  ici,  la  liste  des  substantifs  formés  à  l'aide 
de  suffixes  étant  épuisée,  un  certain  nombre  de  noms  qui  no 
sont  que  le  radical  verbal  pur,  sans  l'addition  d'aucun  suffixe. 
Cette  formation  est  bien  connue  du  français:  cf.  départ,  retard, 
écart,  renfort,  port  (et  ses  composés  a[)porL,  etc.). 

L'œuvre  de  Fourès  présente  les  mots  suivants  : 

I.   Masculins.  —    Buf=  souffle  (de  bufa  =  souffler); 

Chapot  =  hourhier  {de  chapouta=  barboter); 
Clous  .^—  plainte  (de  cloussi  =  gémir); 
Desbord  =  débordement   (de  desbowda  = 

déborder); 
/^/flm^e  =  incendie  (de  /?am 6a  =  flamber); 
,    Pertrat  =  portrait   (de  perlraire   (v.  1.)  = 

faire  le  portrait); 
Record  =1  souvenir  (de  se  recourda  (v.  1.)  = 

se  souvenir); 
Respir  =  souffle  (de  respi?'a  =  respirer); 
Truch  =   travail    (de    trucha   =   faire    un 

travail  pénible); 
(Jscle  =  hâle   (de  uscla  =  1°  éblouir  ;    — 

2"  hâler). 

II.   Féminins.  —  Engano  =  tromperie  (de  engana  =  trom- 
per, duper); 
Perturba  =  perturbation  (de  perturba  (mot 

savant)  =  troubler); 
Tanco  =  barrière  (de  tança  =  fermer); 

1  Citons  à  part  le  substantif  groumandèu  (G.  90),  gourmand. Ce  mot 
présente  sans  doute  le  suffixe  —  eu,  qu'où  retrouve  dans  harbeu, 
carrèu,  drapèu,  etc.,  et  autres  mots  calqués  sur  le  français.  Nous 
n'osons  affirmer  toutefois  que  Fourès  l'a  forgé. 


ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS        119 

Trobo  =  imagination  (de  trouba  =  imagi- 
ner). 

Les  deux  mots  aisspjo  (envie)  et  manejo  ;manie,  folie) 
[M.  S.  186]  nous  paraissent  se  rattacher  à  la  catégorie  précé- 
dente. Ils  doivent  vraisemblablement  remonter,  Tun  à  aisseja 
(haïr),  tiré  du  vieux  mot  ais  ou  aisse  (ennui,  tristesse);  l'autre 
à  maneja  (manier,  remuer).  Mais  si  le  sens  du  premier  ne 
répugne  pas  à  cette  dérivation,  celui  du  second,  en  revanche, 
s'y  oppose  absolument.  Il  n'y  a  aucun  rapport  pour  le  sens 
entre  :  manie  (folie)  et  manier  (remuer  avec  la  main).  Fourès 
leur  aurait-il,   par  inadvertance,   trouvé  un  lien  de  parenté  ? 

II.  Adjectifs  dérivés 

Suffixe  —  able.  —  Z)e.sa^rarfa6/e=désagréable  (de  desagrada  = 

déplaire); 
Espantable  =  épouvantable  (de  espanta  = 

épouvanter); 
Estounable=zsanprensint  (de  es touna=: éton- 
ner); 
Mirable  ■^=  admirable  (de  mi7'a  =  admirer); 
Suffixe  —  adis.  —  Boulefjadis^remn&nt  (de  boulego=vemuev). 
Suffixe    —   al.    — Gî'yrtn^a/ =  gigantesque  (de  ^(9an^  =  géant); 
A/own(//a/  =  du  monde  (demounde  =  monde); 
Patrial  =  de  la  patrie  (de  pati^io  ■=■  patrie); 
P()urpowal^=  couleur  de  pourpre  (de  pour- 

pouro  =  pourpre); 
(7man«/ =  humain  (de  aman,  mot  français 

à  suffixe  retouché  qu'on  trouve  aussi  chez 

Fourès); 
Suffixe — el,  èlo.—  1°)  Dérivés  de  verbes  : 

Bressarèlo  ^=  berceuse  (de  bressa  =  bercer); 
Tindarèl  =  tintant  (de  tinda  =  sonner); 
Encantarèlo  =  enchanteresse  (de  encanta= 

charmer). 
2")  Dérivés  d'adjectifs  : 
Rougel,  èlo=^  rouge  (cf.  roussel,  èlo,  de  roux, 

550); 


120        ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

Clarmel,  èlo  =:  clair  (de   cla7\   par   Tinter - 
médiaire  du  diminutif  clan',  ino). 
Sufûxe-enc^enco  —  Auzelenc   ^=  frétillant  comme  l'oiseau    (de 
auzèl); 
Azurenc  =  azuré  (de  azur); 
Bestialenc  =  bestial  (de  bestial  =  bétail); 
Bimounenc  =  souple  comme rosier(deéimoM 

=  osier); 
Divenc  =  divin  (du  thème  div  —  )  par  subs- 
titution de  suffixe  {■ — enc  au  lieu  de  i,  ino)\ 
Ibersenc  (/')=  le  Nord  (de  ibèr  =  hiver); 
Niboulenc  =  nuageux  (de  niboul  =  nuage). 
Ce  suffixe   a  paru  si   vivant  à  Fourès   qu'il  a  cru  pouvoir 
l'ajouter  à  des  noms  propres.  Il  dit  par  exemple  :  cicloupenc 
(cyclopéen),    courbiérenc    (des   Corbières),    fouissenc  {(nxéen), 
iounenc  {iomeii),  /j^ranenc  (pyrénéen),  sisyfenc  (de  sisjphe).  Il 
nous  semble  à  nous  plutôt  archaïque    :   les   mots  où   il  s'est 
conservé  sont  assez  rares. 
Suffixe   —  et.    —  Bermelhet  =  vevmeïWet; 

Cabifoulet  =  fou  (de  cabifol.  V.  B.); 
Embriaigiiet  =  un  peu  ivre  (de  embriaic  = 

ivre): 
Maurelet  =^  brun  (de  7naurèl=  brun  comme 
un  maure); 
Pour  frescoulet  (frais),  c'est  le  suffixe —  oulet  qui  a  été  ajouté. 
L'analogie  a  dû  partir  d'un  adjectif  en —  ol  (cî.piroletpiroiikt, 
cabifol  et  cabifoulet. 

Suffixe  —  iè.    —  Grouliè  (le  pè  gr.)  =  (le  pied)  en  savate  (de 
groulo  =^  savate); 
Lar^assz(î=  généreux  (de  largas,  augmen- 
tatif de  large)', 
Paziè=fa.\ovs,h\e  à  la  paix  (de /)a^s  =  paix); 
Poutouniè  =  qui  donne  et  reçoit  des  baisers 
(de  poutou  =  baiser). 
Suffixe  —  ieu.  —  Uoumbrieu  =  la  chose  ombragée,   l'ombre 
(de  oumbro  =  ombre); 
Planhieu  =  plaintif  (de  planh  (archaïque)= 
plainte). 
Suffixe  —  in.  —  Iborin  =  d'ivoire  (de  ibori  (ivoire)    reforgé 


ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS         121 

d'après  l'analogie  des  mots  comme   Pur- 
(jalori); 
Diamanfin  =  de  diamant.  On  eût  désiré  un 
suffixe  en  —  z, —  ino.  cf.  bezi,  couqui,  etc. 
On  sait  que  Ronsard  et  son  école  avaient  essayé  de  redonner 
à  ce  suffixe  en  français  une  nouvelle  vie. 
Suffixe  —  ous.  —  Aissejous  =  envieux  (de  aissejo  =  envie). 
Azifous  =  haïssable  (de  azir  =  haine); 
Baudous  =  hardi  (de  baud  (vieux  mot)  =vif, 

hardi,  enjoué); 
^s/vefac/oMS:^  superbe  (de  espetacle=  spec- 
tacle); 
Garbous  =galbeux  (de  ^ari6e:^adresse,  gen- 
tillesse. M.  (marseillais); 
J/éT^Y/îows  =  merveilleux  (de  mei'illio  =  mer- 
veille); 
lioucous  =  rocheux  (de  7'oc]; 
Souloumbrous  =  ombreux  (de  souloumbra= 
ombrager,  mot  provençal) 
Ajoutons  les  mots  savants  :   merabilhous   (merveilleux)    qui 
paraît  avoir  été  créé  d'après  l'analogie  de  l'espagnol  maravilla, 
et  baierons,  qui  semble  un  calque  du  français  u  valeureux  » 

Nous  n'avons  pu   nous  expliquer  d'une  façon  satisfaisante 
la  formation  des  mots  :  artilhous  (artificieux),  (jvadalous  (allé- 
chant, qui  plaît),  et  moulinous  (mou,  mollasse) . 
Suffixe  —  ut.   —  Alut  =  ailé  (de  alo); 

Boumbut  :=:  bombé  (de  boumbo  =  bombe); 

Courbut  (de  courbe.,  o  r=  courbe). 

Gnarrut  =  renfrogné   (de    gnarrn   =z  mine 

renfrognée); 
Nerbiut  =  nerveux  (de  nèrbi  =  nerf). 
Ajoutons  un  dérivé  d'adjectif  :  coumoulutz=[)\Q[n  (de  couinout 
=  même  sens). 

III.  Verbes  dérivés 

1°)  Dérivés  directs,  c'est-à-dire  sans  addition  de  préfixes   ni 
de  suffixe. 

A.  Dérivés  de  substantifs  : 


122        ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

Alerta  =  tenir  en  alerte  ;  —  albrat  =  couvert  d'arbres  ;  — 
belat  =  voilé  ;  —  baudufat  =  qui  a  la  forme  de  la  toupie  [bau- 
dufo);  —  boutioula  zi:  former  des  boutons  [boutiolo]  ;  —  courat 
=  évasé  en  forme  de  cœur;  —  crambat  =  divisé  en  chambres 
[crambo)\  —  ilmouina  =  faire  l'aumône  (de  l'imouino);  —  frutat 
=  plein  de  fi'uit  (d'après  l'analogie  de  flourat  =  couvert  de 
fleurs). 

Marsa  =  ()Ousser,  croître  en  mars  (de  ma^'s]  [M.  S.,  86]; 

Mouiiarca  =  régner  {de  tnounarco^  mot  calqué  sur  le  fran- 
çais); 

Perpelha  r=  faire  aller  les  cils  (de  perpelh  =  paupière).  On 
attendrait  le  fréquentatif /jer/je/Z^e/a. 

Sarlra  rz:  repriser  (une  étoffe)  (de  sartre  =  tailleur); 

Uelhat  =  couvert  d'jeux,  ocellé  (de  uelh  zzz  œil). 

Citons  enfin  bato  cuga{de  bato-cugo^ihergeronnetie)=fa.\re 
aller  la  queue  comme  la  bergeronnette. 

B.  Dérivé  d'adjectifs  : 

Gayant  =  réjouissant  (de  gay  =gai,  réjoui); 

C.  Dérivé  d'onomatopées  : 

C  hic  hila  :^fa,ire  chi-chi-chi    (en  parlant  des  oiseaux); 
Chieuta  =  piauler  (G.  120). 
2'')  Dérivés  à  l'aide  de  préfixes  : 
Préfixe  a  —  A.  Dérivés  de  substantifs  : 

Assoura  [s']  =  se  faire  la  sœur  de  (de   sor) 

[s'afraira  (de  fraire  =  frère)  existe); 
Acoura  =  donner  du  cœur  (de  coi')  ; 
Ayoressan: serrer,  tasser  (de  p?'esso=presse); 
Agruna  (s')  =  se  réunir  (de  ^rM  =  grain).  Le 

contraire  est  degruna. 
Acela  =  recevoir  d'en  haut  (de  cel  =■  ciel) 

(M. S.,  260); 
Ateulit  =  devenu  dur  comme  une  tuile  (de 

tetilo  =  tuile); 
Atroupela  (s')  =z  s'attrouper  (de   troupel  = 

troupeau); 
Afoundi  (s')i=aller  au  fond  (de  founs  =fond); 
B).  Dérivés  d'adjectifs  ou  de  participes  : 

Abalenla  3=  rendre   vaillant    (de  baient   = 
vaillant); 


ETUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS         123 

An'izc'nta{s')  i=  devenir  riant  (de  rizenl  = 

riant)  ; 
Alanguienti  (s')  r=  s'alanguir  (de   languient 

(forme    archaïque    pour    languissent  )    =z 

languissant. 
Préfixe    de  —        Demezoulha   =   ôter  la  moelle  [mezoïilh  zz. 

moelle); 
Descarrassa  =  émotter  {carras  =  motte  de 

terre): 
Desselba  =  déboiser  [selho  =:   forêt). 
Deseltela  (se)z:z.  perdre  ses  étoiles  (C.S.,208); 
Desempan/ena  =   ôter  du  filet  {panteno  = 

nlet  à  [)oche.  B. — Cf.  mio  panlo  de  rirezz 

une  ventrée  de  rire). 
Préfixe  em  —         1°)  Dérivés  de  substantifs  : 

Einbelugat.  m     enveloppé    d'étincelles,    de 

bluettes  (de  belugo  zz.  étincelle); 
Emmitenat  =  ganté  de  mitaines  (de  mitèno 

calqué  sur  le  français); 
Embabarilha  =  éblouir,  mettre  dans  l'état 

d'une  personne  à  qui   les  yeux   «  fan  ha- 

barilhos  »  ; 
Empantena=  mettre  dans  un  filet  [àe panteno 

=  sorte  de  filet); 
Empalanquit   =    porté    sur    le    pavois    (de 

palanco  =r  planche  à  passer  un  ruisseau); 
Emparadisanto    [albo]      =    (aube)    céleste, 

rayonnante  (de  paradis); 
Empapierat  zz  couvert  de  papier  (de  papiè); 
Empourpoura  {$')  =  s'empourprer  (de /^owr- 

pohro^  mot  savant); 
Encatela  =  mettre  en  écheveau  (de  catel  = 

écheveau); 
Engaiaa  mettre  dans  la  gaîne  (de  gaïno  = 

gaîne); 
Ennebat  zz    couvert  de  neige   (de  nebo  = 

neige); 
Entahinat  zz  ennuyé    (de    tahino  =■  souci, 

profond  ennui). 


124        ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

2*)  Dérivés  d'adjectifs  : 

Enjoubenit  =  rajeuni  (de  joube  =;  jeune); 

Emmudi  =z  rendre  muet  (de  mut  =  muet); 

Enrouzenlit  =  devenu  incandescent  (de  rou- 

zenl  =  incandescent). 

Préfixe   es  —         Espelsat  =  échevelé  (de  pelses  =  cheveux). 

Préfixe   m  —         Indoundat  =.  indompté   (et  indoundable)   de 

dounda  =  dompter. 
Préfixe   re  —        Rejiscla  =  retentir  (de  jiscla  =  pousser  des 
cris  aigus  et  perçants); 
liecounquista  =  reconquérir  (de  counquista 

=  conquérir); 
Regaudi  (se)  =  se  réjouir  (de   se   gaudi.  B. 

(béarnais)  =  se  réjouir); 
liegaudina  {se)zz:  se   réjouir  (de  se  gaudina. 

B.  V.  n:  se  réjouir); 
Respeli  [se]  :=  éclore  de  nouveau  (de  s\speli 
r=  éclore). 
3")  Dérivés  à  l'aide  de  suffixes  : 
Suffixe  —  eja.  —  C'est  le  seul  que  nous  ayons  rencontré  : 

A).  Dérivés  de  substantifs  : 

C/asse'/a=sonnerleglas(/(?s  c/asses  =  leglas); 
Cugeja  =  faire  aller  la  queue  {cugo); 
Foulzeja  =  foudroyer,  frapper  de  la  foudre 

(fou/ze) ; 
Fuilheja  zn  feuilleter  [fulh  =  feuille)  ; 
Mourmouleja  =  murmurer  (de  mourmoul  rr 

murmure  M.); 
Mourreja  =  fouir  du   museau  (de  mour  = 

museau); 
Pifreja  r=  jouer  du  fifre  (de  pifre  =  fifre). 

B).  Dérivés  d'adjectifs  : 

Rluejant,  o  =  bleuissant  (de  blu); 
Dureja  =:  durcir  (de  dur). 
Les  deux  suivants  sont   [)lutôt  irréguliers  : 
Fousgueja  =  rendre  trouble,  violer,  a  un  sens  transitif  peu 
correct  :  on  s'attendrait  au  sens  «  de  devenir 
trouble  »  [fousc  =z  trouble); 


ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS         125 

liauqueja  =  dire  d'une  façon  rauque,  (que  le  poète  emploie 
d'ailleurs  au  sens  transitif),  n'était  guère 
une  création  nécessaire.  Rauquillieja  existe, 
en  effet,  et  a  pour  lui  les  formes  très  usitées 
de  rauquilh  (enrouement)  et  rauquithous 
(eni'oué). 

C).  Dérivés  de  verbes: 

Miralheja  =  miroiter  (de  miralha  =  mirer, 
refléter); 

Pai'latt'Jd  :=  parler  beaucoup  (de  pailla,  avec 
l'addition  d'un  t  euphonique  comme  dans 
chichita); 

Tinduurleja  zz  sonner  (de  tindourla,  venu 
lui-même  de  tïnda,  plus  le  suffixe  légère- 
ment péjoratif  —  ourla,  cf.  penjourla  de 
penja)  ; 

Tindineja  zz  sonner  (de  tindina  =  tinter 
(tintinnare); 

Enfin,  vibreja,  qui  n'est  autre  que  le  français 
«  vibrer  »,  augmenté  de  la  terminaison 
des  verbes  fréquentatifs  patois. 

D).  Dérivés  d'onomatopées  : 
De  même  qu'il  avait  forgé  des  verbes  en  donnant  à  des 
onomatopées  les  terminaisons  verbales,  Fourès  en  a  créé  en 
ajoutant  à  des  onomatopées  le  suffixe  eja.  Citons  balinha- 
leja  =  brimbaler  (de  ba/in-balan),  et  pat-pabateja  =  chanter 
[en  parlant  de  la  caille]  (de  patpabat,  cri  de  la  caille). 

IV.  Adverbes  dérivés 

Africomen  =  ardemment  (de  ofric  :=  ardent); 

Doulentomen  =  en  se  plaignant  (de  doutent  zz.  plaintif  (sens 
archaïque); 

Espantaljlomen  =  épouvantablement  (de  espantable  =  épou- 
vantable); 

Fadomen  =  follement  (de  fui,  fado  =  fou); 

Paribornen  zz  pareillement  (de  pariu^  ibo  (pareil),  qui  semble 
un  vieux  mot); 


126        ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURES 

Pouderousomen  =  puissamment  (de  pouderous  =^  puis- 
sant. V.B.); 

Tempestousomen  =  tempêtueuseraent  (de  tempestous.  B.  = 
tempétueux). 


V.   Mots  composés 

Le  patois  connaît  les  mots  composés,  tout  comme  le  fran- 
çais, et  semble  même  à  cet  égard  plus  hardi  que  lui.  Fourès 
en  a  fait  son  profit. 

1°)  Substantifs  : 

A.  Substantif  et  substantif.  —  Ceux  que  nous  avons  relevés 
chez  notre  poète  sont  calqués  sur  le  français,  et  du  reste  très 
savants.  Ce  sont:  ort-pouesîo  =1  jardin-poésie,  et  lauzeto-poue- 
sïo  =  alouette-poésie.  Ce  genre  de  composés,  on  le  sait,  fut 
cher  à  Victor  Hugo,  surtout  vers  la  fin  de  sa  carrière.  Peut- 
être  faut-il  ranger  ici  le  mot  nouzèl  courredou  (nœud  coulant), 
où  le  second  terme  semble  bien  être  le  substantif  courredou 
(couloir,  corridor). 

B.  Adjectif  et  substantif. —  Nous  n'avons  trouvé  chez  notre 
auteur  que  le  mot  mièck-abalimen  =  presque  disparition  (tra- 
duction de  Fourès)  (cf.  mièjo-litro  =  demi-litre),  et  l'antrièr 
(avant-hier),  calqué  sur  la  locution  archaïque  Cautran  (Tan 
passé). 

C.  Verbe  et  substantif.  —  Cette  sorte  de  composés  est  aussi 
fréquente  qu'en  français.  Fourès  a  créé  espandis-tramo  = 
étale-trame,  gardo-erbos  =  herbier.  Quant  aux  expressions  : 
rodo-cantous  (rôdeur)  et  tourmenlo-coumunos  (brouillon),  elles 
doivent  être  du  langage  courant,  bien  que  nous  ne  les  ajons 
trouvées  nulle  part. 

2°)  Adjectifs.  —  Plaçons  ici  palle-mort  zn  pâle  comme  un 
mort  (C.S.,  148|,  qui  est,  peut-être  composé  d'adjectif  plus  parti- 
cipe, peut-être  d'adjectif  plus  substantif.  Nous  n'avons  relevé 
que  deux  adjectifs  composés  de  deux  adjectifs:  ils  sont  calqués 
sur  le  français,  le  langage  du  peuple  ne  connaissant  [>as  ces 
raffinements   de    nuances.    Ce    sont  :    bert-negras    =:    vert- 


ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURES         127 

noirâtre,  et  {mar)  berdo-hluo  zz.  (mer)  verte-bleue.  Nous  ne 
parlons  pas  de  hispano-viauresc,  qui  est,  entre  tous,  un  mot 
Siivant, 

3°)  Verbes  : 

A.  Substantif  et  verbe.  —  Se  graifoundre  (se  l'ondre,  sentir 
sa  graisse  se  fondre^i  est  de  formation  très  régulière.  Rappro- 
chons les  expressions  bien  connues  de  corfendre  =■  fendre  le 
cœur,  calleba  =  lever  la  tête,  ou  encore  captiva  =  s'éloigner 
du  timon  de  la  charrue  (nous  citons  ce  dernier  à  cause  du  sens 
spécial  qu'il  a  chez  Fourès). 

B.  Adverbe  et  verbe.  —  Nous  avons  rencontré  la  forme 
plufazent,  —  o.  C'est  le  seul  exemple  que  nous  connaissions 
de  composé  avec  }>la.  Il  en  existe  cependant  avec  bel  [per 
belesUi  =  pour  la  montre,  {)Our  la  parade  (mot  à  mot  pour 
bien  être)  et  avec  mal  {malcourat  =  qui  a  le  cœur  triste). 

VI.  Autres  créations  de  mots 

Autant  et  plus  que  le  français,  le  patois  connaît  l'emploi  de 
l'infinitif  comme  substantif.  Fourès  s'en  est  autorisé  pour 
hasarder  quelques  substantifs  nouveaux.  Relevons  :  le  boula  = 
le  vol  ;  —  moun  désira  =  mon  désir  ;  —  soun  jaupa  =  son 
aboiement  ;  —  moun  pensa  =  ma  pensée  ;  —  le  l'elrouni  =^  le 
grondement;  —  le  ruyi  =  le  rugissement,  etc.. 

Enfin,  signalons  l'emploi  comme  substantifs  d'onomatopées 
ou  d'interjections  :  le  richieuchieu  =  le  richichi  (des  oiseaux); 
—  un  ai  =  un  hélas  !  — le  mè  è-è  =  le  bêlement  ;  —  les  gui-yuit 
=  les  gui  guits  (des  hochequeues);  —  un  zi-zim  (de  bigart)  = 
un  bourdonnement  (de  moustique). 

VII.    Mots  étrangers  au  dialecte 

Nous  classons  sous  ce  titre  une  assez  grande  quantité  de 
mots  que  nous  crojons  inconnus  des  habitants  du  Lauraguais. 
Nombre  d'entre  eux  appartiennent  à  cette  langue  littéraire, 
aux  frontières  très  larges  et  à  l'âge  très  douteux,  où  viennent 
puiser  à  pleines  mains  nos  auteurs  méridionaux  lorsque  leur 
dialecte  ne  possède  pas  le  mot  dont  ils  ont  besoin.  Dans  cette 


128        ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURES 

langue,  dont  on  pourra  un  jour,  nous  l'espérons,  démontrer  la 
bigarrure,  des  mots  des  siècles  passés  et  depuis  longtemps  hors 
d'usage  sont  rappelés  à  la  vie  active  et  trouvent  le  meilleur 
accueil  auprès  de  leurs  cadets  du  XIX^  siècle  ;  des  mots  du 
Limousin  voisinentfamilièrement  avec  des  mots  de  la  Provence, 
et  lies  expressions  marseillaises  y  coudoient  fraternellement 
des  locutions  gasconnes  ou  béarnaises. 

Nous  aurions  voulu  pouvoir  faire  le  départ  entre  les  mots 
qui  appartiennent  à  cette  lau:-''ue  si  artificielle  et  si  déconcer- 
tante, surtout  pour  le  lecteur  qui  n'en  a  pas  l'habitude,  et  ceux 
qui  sont  vraiment  eu  usage  chez  le  peuple,  en  indiquant  pour 
ceux-ci  leur  origine  exacte.  Nous  avons  dû  y  renoncer  :  ce 
travail,  nous  semble-t-il,  ne  pourra  être  fait  de  longtemps 
encore  et  la  carte  dialectale  des  parlers  méridionaux  n'est 
pas  près  d'être  dressée.  On  peut  toutefois  avancer  que  c'est 
dans   l'œuvre  de  iVIistral  que  Fourès  est  allé  surtout  puiser. 

Abadesso  ^  abesse.  B. 
^^e/a  (s')  :=  s'embellir.  B. 
Abelh  =  essaim.  M. 
A ieZ/mw  =  essaim.  M. 
AôïV/rt  =  nourrir  de.  R, 
Acara  (s')  zn  s'affronter.  B. 
Ac/enca  (s')  =  s'incliner.  B.  R. 
A  (jouta  (s')  =  tarir.  B. 

A/ado  =:  air  de  feu,  un  peu  de  chaleur.  B.  R. 
Alaga  =  abattre,  coucher.  B. 
Alussa  zz  battre  brutalement.  B. 
Amagestra  =  instruire.  B. 

Amaira  =  nourrir,  réconforter.  (St-Paul  (A.riège)=allaiter). 
Ancesfious  rz  ancêtres.  B. 
Aplanta  (s')  =  s'arrêter,  B. 
A7'iè  =  sorte  de  crible.  R. 
Arleri  zz:  fanfaron,  extravagant.  B. 

Arrounta  =  lancer  une  pierre  avec  force.  M.  (Pyrénées). 
Astre  {de  ^cr/)  =  d'aventure  (M.  per  tal  astre).  L'expr^^ssion  a 
été  mal  comprise  par  Fourès  :  d'astre  suffisait. 
Aufega  (s')  =  se  pâmer  à  force  de  crier.  B.  R. 
Auzidou  zz   oreille.  B.  R. 


ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS         129 

Badalhol  =  bâillon.  B. 

Baragno  =  haie.  B.  (A  Toulouse  :  barrallio) 

Bnlaga  =  palpiter.  B. 

Bais  =  baiser.  B. 

Belholo  =  veilleuse.  B. 

Bezourdo  =  buccarde  (coquille).  M. 

Blnga  =  sauter.  M. 

Biscountour  =  détour.  M. 

BitaUio  =  victuailles.  B. 

Bouche  =  bouge  (de  tonneau).  M.  (Hérault). 

Boulhou  =  boulet,  (M.  contre-poids  d'une  romaine). 

Hourdeja  =  côtoj'er,  border.  B. 

Brezilk  =  gazouillis.  B. 

Bribent  =  courant.  M 

Brouit  =■  brouet.  B. 

Bruelh  =  taillis.  B. 

Cabeladuro  =  chevelure.  B. 

CaAro/ =  chevreau.  B. 

Cacio  =  acacia.  B. 

Cafowno  =:trou.  M.  (marseillais). 

Calijre  =  charme  (arbre).  B. 

Cals  =  chas  d'aiguille.  B. 

Caliimel  =  chalumeau.  B. 

Capelli  et  capelko  =  cioae  d'arbre.  M. 

Cascalha=^  gazouiller.  B.  R. 

Cairou  =  morceau .  R . 

Cezelho  =  Cécile.  M.  (Castres). 

Chif=  sable.  M.  (Tarn). 

Clapardo  =  sonnaille.  B. 

Clarou  =  clarté.  B. 

Clina  ^=  baisser,  abaisser.  B. 

Colo  =  troupe.  B.  P.  La  forme  habituelle  est  colho, 

Cordouan  =  de  Cordoue.  B. 

Coumpeirè  =  amas  de  rocs.  M. 

Coundreit  =  en  bon  ordre.  M.  (catalan). 

Counquista  =  conquérir.  P. 

Counsumil  =  passé  écou  é  (temps).  B. 

Coup  =  chapeau  haut  de  forme,  R. 

Coural  =  cordial.  V. 

9 


130        ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

Cousteja  =  côtoyer.    B.  R.  (Existe  en  gascon). 
Cros  =  trou. B.  (Existe  (gasc.)  avec  le  sens  décachette,  silo, 
souterrain). 

Crudèl  =  cruel.  B. 
Dagueja  =-■  poignarder,  V.  B. 
Dejousterra  =  déterrer  (P.  =  dessoustarra] . 
Delenc  =  fièvre,  dépérissement.  M.  (Tarn). 
Bogoul  =  dogue.  B. 

Doublenc  =  agneau  qui  prend  deux  dents.  B. 
Doumege  =  plus  âpre,  moins  doux.  M.  R. 
Dragu  =  fée.  (P.  drac). 
Eni'pensa  ^=  rendre  songeur.  V.  B. 
Encaleillia  =  illuminer.  V 
Encarrat  =  attelé.  B. 
Encoura  =  donner  du  cœur.  B. 
Engoulidou  =  goufire.  B.  P. 
Ennegrezi  {s')  =  se  noircir.  B. 
Enniboula  (s')  =  se  couvrir  de  nuages.  B.  R. 
Enrabiat  =  enragé.  B. 
Erme  =  terrain  inculte,  lande.  B. 
Escabot  =  groupe.  B. 

Escalabra  [s')  ^=:  se  dresser,  se  cabrer.  B.  R 
Escarpina  =^  galoper.  V.  B. 
Escourcoulh  =  perquisition.  M.  (Tarn). 
Espansa  =  éventrer.  B. 
Espeti  =  éclater.  B.  R. 
Espeut=^  épieu.  B. 
Estrado=  rue,  chaussée.  B. 
Fado  =  fée.  P. 
Far  ce j  aire  =  farceur.  V.  B. 
Febrous=  fiévreux.  B. 
Fèr,  fèro  =  sauvage.  B. 
Ferromentos  =  ferrures.  P.  R. 
F/amina^  flageller.  M. 
Flaquiso  =:  faiblesse.  B.  (P.  =  flaquiche). 
Flar  [à]  =  en  grande  quantité.  M. 
Fogo  =  fougue.  B. 

Fougagno  =  plaque  de  fonte  (des  cheminées).  M.   (marseil- 
lais). 


ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS        131 

Founs  =  profond.  B. 

foimtanèlo  :;:=  creux  de  l'estomac.  R. 

Frust,  0  =  fruste.  B. 

Gabian  =  goéland,  mouette.  B. 

Garagnoun  =  étalon.  B.  M.  (rhodanien). 

Gent  =  gentil.  B. 

Gieulo  =  geôle.  M. 

Grandesso  =  grandeur.  B. 

Graniboul=:-ié(ionA  en  grains.  P. 

Gram'u,  ibo  =  fécond  en  grains.  B. 

Gras  =  grès  (pierre)  (B.  graso). 

Grepitat  =  misère.  M.  (Tarn). 

Grequeja=:  saccager.  V.  B. 

Grussanotos  =  coquilles  de  Gruissan.  M. 

Imo  =  brise.  M. 

Jau7'èl,  èlo  =  rieur.  M. 

Jouvent  =  jeune  homme.  B. 

Lamp  =  éclair.  B. 
Leste  =  terminé.  M. 

Lux  =  lumière.  V.  B. 

Magestral,  alo  =  magistral.  B. 

Majour,  ouro  =  grand.  B. 

Malancounic  =  mélancolique.   M. 

Mande  =:  délégué .  R. 

Matiifaciè  =  adroit.  M. 

Marineja  =  vaciller.  B. 

Marrela  (se)  =  se  serrer  (en  parlant  des  brebis).  B, 

Massolo  =  masse tte.  R.  M. 

Mege  =  médecin.   B.  P. 

Mejan  =  moyen.  B. 

Meissouniè  ==.  moissonneur.  B.  R. 

Nizoulo  =  île.  M.  (Tarn), 

Naula  =  voguer.  M.  (béarnais). 

Ouferto  =  offrande  (V.  uferto). 

Oumbrenc  =  sombre,  ombrageux.  B. 

Ourfanèu,  èlo  =  orphelin,  ine.  B. 

Payan  =  païen.  B. 

Se palaissa  ^  se  prélasser.  M. 

Paratge  =  côte,  abri.  B. 


132       ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  POURÈS 

Pasturga  =  paître  P. 

Pabo  =  paonne  B. 

Pertus  =  trou,  fente.  B. 

Pichoulino  =  olive  de  conserve.  P. 

Pindourla  =  pendiller.  B.  R. 

Plo  =  plateau  (B.  billot  de  boucher). 

Plounchoun  =  pichet.  B. 

Pounent  [le)  =■  le  couchant,  B. 

Poutouno  =  baiser.  B. 

Pregutèro  =  prière.  B. 

Puai  =1  dent  (de  râteau,  de  peigne,  etc.).  M. 

liabiat  =  enragé.  B. 

Recouire  =  tournant  B. 

Relieu  =  relief.  B. 

Retipa  zn  ressembler  à.  M. 

Retraire  =  rendre  par  la  peinture  (R.  ressembler  à). 

Ri  bal  =  rivage.  B. 

Ribeja  =  être  ou  marcher  au  bord  de  l'eau,  côtoyer.  B. 

Sautenbanc  =  saltimbanque.  M. 

Siynoco  =  balafre.  M.  (Tarn). 

Soulenco  =  fête  des  moissons.  B.  R. 

Sourdens  =  sortant  de  terre.  B. 

Sourgo  =  source.  B. 

Subrejoun  =  milieu  du  jour.  B. 

Succi  =  ambre.  B. 

Talholo  =  ceinture.  M. 

Topios  =  torchis.  B. 

Tebes,  ezo  =  tiède.  B.  R. 

Teleto  =  toilette,  parure.  B. 

Temegut  =  redouté.  B. 

Terraire  =  champ,  domaine.  B. 

Tourre  =  tour.  B. 

Tourtouro  =  tourterelle.  B. 

Trantalha  [se)  =  se  mouvoir  avec  peine.  B. 

7Ve  =  dès.  M.  (dès  la  mort  =  tre  la  mort). 

Treboulino  :=  piquette,  petit  vin  (B.  fond,  lie). 

Trebnulum  =  trouble,  confusion,  B.  R. 

Trèn  =  trace.  M.  (Hérault). 

Tuadou  =  abattoir.  B. 


ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS        133 

Ufanous  :=  orgueilleux.  B. 

fjtriè  =^  homogène.  M.  (Tarn). 

Vergiè  =  verger. 

Vetat  •=  barré,  rayé.  B. 

Voulastreja  =  folâtrer.  B.  (abbé  Gary  :=  boulateja). 

Zinzouh'n,  ino  =  violet  rougeâtre.  B. 


VIII.  Mots  calqués  sur  le  latin  ou  sur  les  langues  sœurs 

P)  Latin.  —  Fourès  a  eu  le  tact  de  n'emprunter  au  latin 
qu'un  très  petit  nombre  de  mots  :  il  eût  mieux  fait,  toutefois, 
de  s'en  abstenir  complètement,  car  plus  encore  qu'au  français 
ces  mots  donnent  au  patois  un  vernis  savant  et  une  couleur 
artificielle. 

Citons  les  substantifs  :  bacco  [frut  en)  =  fruit  bacciforme  ; 

—  espir  =  spirale  ;  —  capso  =  calice  (des  fleurs)  ;  —  gent  = 
nation  ;  —  joubentnt  =  jeunesse  ;  —  lar  =  lare  ;  —  Ous- 
trio  =  Autriche  ;  —  pagino  =  page  ;  —  poutencio  =  puissance  ; 

—  poutestat  ^  pouvoir  ; 

les  adjectifs  :  almo  =  bienfaisante  ;  arcano  =  secrète  ;  — 
eterne  =  éternel  ;  —  soulemne  =  solennel  ; 

les  verbes  :  s'apta  =  s'adapter  ;  —  bibifîca  =  vivifier  ;  — 
magnifîca  =  magnifier  ;  —  jugula  =  soumettre  ;  —  perturba 
==  troubler  ;  —  resurgi  =  faire  revivre,  ressusciter. 

Relevons  ici  un  mot  grec:  melisso  (abeille)  [M.  S.,  152J;deux 
mots  espagnols  :  amir  (émir)  et  atalayo  (tour  d'observation, 
château);  enfin  un  verbe:  rengraciar  (remercier),  qui  paraît 
calqué  sur  l'italien,  ringraziare. 

2°)  Français.  —  Les  emprunts  au  français  sont  beaucoup 
plus  nombreux.  En  général,  avant  de  nous  les  présenter,  le 
poète  a  tenu  à  leur  donner  une  livrée  languedocienne,  mais 
pour  la  plupart  le  travestissement  est  insuffisant  ;  pour  quel- 
ques-uns, il  tourne  à  la  mascarade.  Nous  faisons  allusion  ici  à 
des  mots  comme  envincut  (invaincu),  à  quelques  autres  qui, 
appartenant  au  langage  purement  scientifique,  ont  je  ne  sais 
quel  air  gauche  sous  leur  habit  patois  (tels  oucello  (ocelle), 
lanceoulat  (lancéolé),   marliroulouge  (martyrologe),  nouctiluco 


J34        ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

(noctiluquel,  et  surtout  à  ce  néologisme  que  Fourès,  plus  hardi 
que  nos  savants,  n'a  pas  hésité  à  forger,  à  ce  monstre  de  la 
lexicologie  patoise  :  ahelhoufage  =  mangeur  d'abeilles. 

Quand  le  peuple  va  chercher  dans  le  français  les  mots  qui 
lui  manquent,  il  calque  purement  et  simplement,  se  bornant  à 
suivre  quelques  règles  empiriques  des  plus  simples.  Etu- 
dions-les et  comparons-les  à  la  pratique  suivie  par  notre 
auteur. 

Le  peuple  change  le  son  —  e  muet  des  finales  françaises 
en  —  0  muet  si  le  mot  est  féminin  [lampo  =  lampe) ,  en  e  muet 
(ou  demi-muet  si  l'on  veutl  si  le  mot  est  masculin  [espace  = 
espace).  Fourès  se  conforme  à  la  première  de  ces  règles  : 
il  dit  anc7-o  (encre),  cathedralo  (cathédrale),  etc.,  mais  il  sup- 
prime très  souvent  IV  semi-muet  des  finales  du  masculin.  Par 
suite,  les  adjectifs  français  en  —  ique  se  terminent  chez  lui 
en  —  ic  {antic,  crounic,  metallic,  pacifie)^  traitement  conforme 
du  reste  à  Tétymologie;  ceux  en  —  esque  finissent  en  —  esc 
(gigantesc^  elefantesc)  et  d'autres  mots  tels  que  fidel  (fidèle), 
celt  (celte),  70//' (golfe),  etc.,  perdent  leur  finale  (alors  que  le 
peuple  la  leur  maintient),  ou  en  changent  ^espaci  =  espace) 
pour  se  rapprocher  de  la  dérivation  régulière. 

Lepeuple  changeen  owleso  protoniques  du  français(Ex.èou/a 
z=  voter).  Fourès  suit  exactement  cette  règle  et  dit  :  bowenlo 
(boréalei,  /anreou/ai  (lancéolé),  oiicello  (ocelle).  Il  va  même 
plus  loin  dans  cette  voie,  et  même  trop  loin,  quand  il  dit 
martyrouloxxgp.  (cf.  pour  l'analogie  seulement  :  elotge  (éloge), 
relotge  (horloge). 

Le  peuple  change  Vx  du  français  en  ts  (Ex.  fitsomen::=  fixe- 
ment). Fourès  le  change  en  —  ss,  non  d'après  l'analogie  des 
mots  qu'on  calque  actuellement  sur  le  français,  mais  d'après 
celle  des  mots  de  création  populaire,  tels  que  eissarn,  frarsse ^eic. , 
qui  ont  été  régulièrement  dérivés  du  latin.  11  dit,  par  suite, 
essil,  essectiltty  fîloussera,  fissomen,  sassoufone. 

Le  peuple  ajoute  un  e  prosthétique  devant  tous  les  mots 
français  commençant  par  le  groupe  se,  sp,  st  :  il  dit  par  exem- 
ple escultur  (sculpteur),  espahi  (spahis),  estatuo  (statue).  Fourès 
dit  comme  lui  esfînx  (sphinx),  esplendou  (splendeur),  estroubiles 
(strobiies),  etc.  De  plus,  ayant  remarqué  que  le  préfixe  latin 
ex  ou  deex  s'était  réduit  à  é  ou  dé  en  français,  tandis   qu'il 


ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS       135 

était  resté  es  ou  des  dans  le  patois  (comparer  :  ému  et  esmaii- 
gut,  déterrer  et  destetTa],  Fourès  restitue  par  analogie  cet  s 
aux  mots  escrin,  esmalh.  Il  tire  ainsi  très  régulièrement 
esquisl  de  exquïsitns,  mais  il  ajoute,  contre  toute  analogie  et 
contre  toute  logique,  un  s  au  mot  descuriouu  (décurion),  qui 
n'en  eut  jamais  en  latin. 

Ce  souci  de  se  rapprocher  le  plus  possible  de  la  dérivation 
populaire,  se  trouve  dans  le  traitement  de  certains  suffixes. 
Le  peuple  dit  ancien,  toiilousèn,  Santo-Germèno  ;  il  dit  aussi 
calkèro  (calcaire), ôzYfowèro  (victoire),  ci bouèr o  [cihoivo], ne  modi- 
fiant guère  que  les  deux  finales  françaises  —  eur  (ou  teur) 
(comme  dans  bounur,  emperur]  et  —  on  (comme  dans  citroun, 
baloun).  Fourès,  remontant  à  l'étyraologie,  les  modifie  pres- 
que toutes.  C'est  ainsi  qu'il  change  la  finale  française  —  encc 
en  —  encio  [essistencio,  innoucencio,p7'uubencio ^independencio etc .) 
la  finale  —  en  (ou  ain]  (du  latin  anus)  en  an  et  dit  :  ancian, 
foucean,  judean,  marroucan,  oustrasian,  piranéan^prussian,  tou- 
lousan  etuman.  Il  dit  :  calcàri  comme  bicâri;  — bilôrio  comme 
glorio;  —  cibôri,  labom^atôri,  lerrilori,  comme  Purgatori;  — fàcio 
(face)  comxn.e  grâcio ;  —  cerveso  (cervoise),  galeso  (gauloise) 
comme  albigeso  (albigeoise),  —  lasqualos  (lesquelles)  comme 
esra/os  (échelles  ; — bouiafjou,  escultou,  emperatou,  comme  l'itou 
(curé).  Remarquons  toutefois  que  pour  le  mot  equatour,  il  n'a 
pas  osé  appliquer  sa  règle  jusqu'au  bout,  et  craignant  sans 
doute  que  le  mot  ne  fût  méconnaissable  sous  la  forme  equatou, 
il  a  conservé  1'?*,  contrairement  à  la  phonétique  de  son  dialecte. 

Mais  il  a  fait  plus  encore  que  reforger  par  analogie  les  suf- 
fixes ;  il  a  opéré  des  permutations  entre  eux.  Certains  mots 
chez  lui  ont  ainsi  deux  et  trois  formes  ;  outre  la  forme 
allegresso,  par  exemple, qui  est  calquée  sur  le  français, on  trouve 
tantôt  alleyranso  (C ,  S.  ,290)  et  tantôt  allegretat  (C .  S. ,  112  et  192): 
nous  avons  déjà  vu  emperaire  à  côté  de  emperatou,  pirancnc  à 
côté  de  piranéan.  Tous  les  mots  nés  de  cette  reformation  ne 
sont  pas  également  heureux  et  l'on  peut  trouver  inutile,  à 
tout  le  moins,  la  création  du  mot  barbaritat  (M.  S.,  70). 

Fourès  n'a  pas  retouché  que  des  suffixes  :  il  s'est  attaqué 
aux  mots  racines  eux-mêmes.  C'est  ainsi  que  les  mots  suivants 
qui  seraient  dans  la  bouche  du  peuple  :  ourfèbre  (orfèvre), 
peirifiado  (pétrifiée),  roiyoutat  (roj^auté),  equèstro  (équestre) 


136        ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

ont  dû  mettre  bas  leur  habit  français  et  se  déguiser  en  orfaure^ 
peirificado,  reyetat,  eguestro.  Personne  dès  lors  ne  saurait  plus 
s'étonner  si  Pierre  est  devenu  Pe^jre  et  Rouhesfnèrre  Rouhes- 
peire,  ni  même  si  auréoler,  oriflamme,  concitoyen  et  terraqué 
se  présentant  à  nous  sous  les  traits  un  peu  étranges  de  auriou- 
leja  (cf.  auriol  =  loriot),  auriflnmbo,  councieutadin  et  terraigat. 
Enfin  notre  auteur,  tirant  de  l'analogie  tout  ce  qu'elle  peut 
donner,  est  allé  jusqu'à  créer  le  substantif  boyo  (voie)  [C.  S., 
240],  s'appuyant  soit  sur  le  mot  proyo  (proie)  qui  existe,  soit 
sur  une  forme  comme  emboyo  (il  envoie)  qui  existe  également. 


IX.  Mots  inconnus 

Notre  étude  ne  serait  pas  complète  si  nous  ne  donnions  en 
terminant  les  mots  sur  lesquels  nous  n'avons  pu  recueillir 
aucun  renseignement  précis.  Tout  au  plu5  nous  a-t-il  été  pos- 
sible, pour  quelques-uns,  de  rapprocher  certains  mots  de  l'an- 
cienne langue  ou  des  dialectes  voisins.  On  comprend  que  nous 
ayons  dû  renoncer  à  les  faire  rentrer  dans  une  des  classes 
précédentes. 

Aml=  aquilon  (C.  S.,  210). 

Arguelh  =  coin  à  encoche  pour  soulever  les  meules.  M.  (C. 
S.,  86). 

Adraisa  [s")  =-  se  réunir.  (C.  S.,  290). 

Antes  =  corde  d'une  cloche  (G.  S.,  328) 

Babarilkos  [les  èh  fan)  [G.  S.,  108]  =  avoir  des  éblouis- 
sements  (de  varius^.]  Cf.  éabarot,  cacarot,  mtaroto,  paparaugno. 

Brezelk  [G .  ,10A)  et  fi/eze/Ao  (C.S.,324)  =  réseau,  nasse.  Cf. 
bretz  (anc.  langue)  =  piège  à  oiseaux. 

Brezilk  ^  proyer,  sorte  d'oiseau.  M.  (0.  S.,  224). 

Bessairou  =  fossé  au  pied  des  coteaux  (C.  S., 176]  (M.  besa- 
liero  =  rigole  d'arrosage). 

Brenguièro  =bourdalou,  vase  de  nuit.  (C.  S.,  286). 

^?rmo  =  berge.  M.  (C.  S.,  324). 

Barncaudo  =  petit  ravin.  (M.  S.,  112)  (M.  barricau  =  voi- 
rie, lieu  où  l'on  enfouit  les  animaux  morts). 

Caprous  =  étraves  d'un  vaisseau.  M.(C.  S.,  44). 


ETUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS        137 

Carcados  (d)  =  à  pleines  barques.  M.  S.,  128. 

Clascassa  =  clapoter  en  parlant  de  l'eau. 

Calabrit  =  calciné  (C.  S.,  222)  (B.  calabrun  =  crépuscule) . 

Ch'se  =  chardon  (M.  S.,  70). 

Dauros  =  accrues  du  sureau  (C.S.,  108). 

Embadaga  =  prendre  dans  ses  mailles.  (C.  S.,  211).  Cf. 
bagado  =  baguelette,  rosette. 

Escamussa  (s'^=se  cacher.  (M. S.,  202).  Cf.  l'ancien  français 
a  se  musser  »  . 

Flaume  ==  fléau .  (M .  S . ,  162). 

Fagnagou  —  foetus.  (C.  S.,  286). 

Fregalh  =  véron  (poisson)  [C.  S.,  326].  Cf.  frega  =  frayer 
en  parlant  des  poissons. 

Fi^eula  =  frôler. 

Gieuletat  (aquaduc)  =  fait  en  briques.  (On  trouve  C.  S.,  150, 
gienleto  =  brique). 

Galech  =  ruisseau.  (C.  S.,  112). 

6^a/en7o^  alouette.  (C.  S.,  158). 

Gradino  =  outil  de  sculpteur.  M. 

Lanisses  =  cheveux  frisés. 

Luscre  =■  crépuscule.  M. 

Lin(os=  persintes  d'un  vaisseau.  M. 

Languno  =  lagune.  (M.  S.,  172). 

Matatruc  =  lourd.  M.  (M.  S.,  16).  [Patatruc  existe  à  Carcas- 
sonne). 

M anr ouco (coug a  là)=:  convev  une  peine  intérieure. (C. S. ,148). 

Manno  =  groupe   (C.  S.  218)  (M.  manoun  =  poignée). 

Mestrairolo  ■=.  métayère,  (C.  S.,  178).  Ci .  Mestreyrot  =■  petit 
maître. 

IVoi  =  petit  gitano.  Mot  d'argot  sans  doute.  (C.  S.,  140). 

Ourens  =  lambin  M.  (Q-.,  70  ;  —  M.  S.,  138)  sans  doute  de 
ouro  (heure).  Cf.  en  français  heure  et  désheuré. 

Olze  -=  clavette  d'un  essieu.  M. 

Pinat  =  perché. 

Paissi  (se)  =:  se  faner.  (C.  S.,  40). 

Raibe  =  rêve,  Raibous  =  rêveur. 

Rapou  =  tampon  de  bois  pour  caler  la  meule.  M.  (C.S.,86), 

/?azùo  =  friche.  M.  (C.  S.,  110). 

/?es^rassî  (sens)  =:  complètement.  M.  (C.  S.,  214). 


138        ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

Bau  {à]  =  àsec,  à  vide  (G.  S.,  218).  M.,  qui  écrit  raus  et 
rapproche  de  raus  (roseau)  en  bordelais. 

Riffado  {(le)  =  de  champ.    M.  (G.  S.,  254). 

iSw/7ros  ^  saillie,  nervure  des  ailes  des  grillons.  M.  [G.,  8]. 

Sieuse  '  (peiro)  =  (pierre)  dure,  roc-sieure  '  =  quartz.  (G.  S. 
218).  M.,  qui  donne  comme  étjmologie  :  sitiaca. 

Samoustaire  ■=  fouleur  de  vendanges.  (M.  S.,  238). 


CONCLUSION 

Il  nous  reste  à  dire  quelles  conclusions  nous  semblent  se 
dégager  de  cette  étude.  Nous  craignons,  en  effet,  qu'elles 
n'apparaissent  au  lecteur,  non  seulement  un  peu  confuses, 
mais  encore  peu  favorables  à  notre  poète.  Que  dire  au  sortir 
d'une  telle  avalanche  de  mots  et  de  mots  rares  ou  parfois 
étranges,  sinon  que  Fourès  semble  s'être  forgé  une  langue 
quasi  incompréhensible?  Le  jugement  serait  par  trop  som- 
maire. Quelque  longues  que  soient  les  listes  citées,  gardons- 
nous  d'oublier  que  bien  plus  dense  et  plus  longue  serait  celle 
qu'on  ferait  avec  les  mots  que  nous  n'avons  pas  relevés,  parce 
qu'ils  sont  du  langage  courant.  Une  première  remarque 
s'impose  donc  à  nous  :  la  richesse  du  vocabulaire  chez  notre 
poète. 

Hâtons-nous  d'ajouter  que  la  plupart  des  mots  qui  figurent 
sur  nos  listes  sous  les  titres  :  mots  à  sens  détourné  ou  mots 
formés  par  dérivation  et  composition,  seraient  sans  doute 
compris  dans  la  patrie  de  Fourès,  même  par  les  illettrés.  Il  y 
a  là,  en  effet,  tout  un  système  d'enrichissement  de  la  langue 
qui  est  rigoureusement  conforme  aux  règles  que  suit  incon- 
sciemment le  peuple,  lorsqu'il  crée  pour  ses  besoins  des  mots 
nouveaux.  Nous  aurions  pu,  à  la  rigueur,  nous  dispenser  de 
relever  et  les  diminutifs  en  —  et  [eto)  ou  en  —  ou  {ouno),  et 

'  Ces  deux  mots  doiveat  être  une  double  forme  d'un  seul  et  même 
mot  :  la  permutation  de  s  et  de  r  est  assez  fréquente. 


ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS        139 

les  augmentatifs  en  —  os  [asso)  et  les  noms  d'aj^ents  en  —  aire 
et  les  verbes  à  suffixe  —  eja  ou  à  préfixe  en-.  Tous  ces 
mots,  à  l'exception  de  ceux  que  le  poète  a  tirés  soit  de  mots 
tombés  en  désuétude,  soit  de  mots  étrangers  à  son  dialecte, 
seraient, le  contexte  aidant  du  reste,  aisément  compris  de  toute 
personne  parlant  le  patois  du  Lauraguais.  J'en  dirai  autant 
de  plusieurs  mots  arcliaïiiues  qui,  s'étant  conservés  dans  des 
proverbes  ou  des  locutions  toutes  faites  ou  parfois  dans  de 
simples  comparaisons  (nous  avons  relevé,  à  Toulouse,  l'expres- 
sion crida  coumo  wio  clamniièro),  seraient  peut-être  compris 
par  des  lecteurs  connaissant  à  fond  leur  langue  maternelle. 

D'autre  part,  en  ce  qui  concerne  les  mots  étrangers  au 
dialecte,  n'oublions  pas  que  les  dialectes  voisins  ne  sont  pas 
sans  se  faire  de  mutuels  emprunt'?.  De  plus  en  plus,  aujour- 
d'hui, grâce  à  la  facilité  des  communications,  à  l'émigration 
soit  temporaire  (nous  songeons  ici  surtout  au  service  militaire), 
soit  définitive,  des  paysans  dans  les  villes,  dans  les  villes  où  se 
coudoient  et  se  lient  des  gens  venus  des  quatre  coins  de  nos 
provinces  méridionales,  il  n'est  pas  rare  d'entendre  employer 
dans  nos  campagnes  des  mots  appartenant  aux  dialectes  les 
plus  divers.  En  sorte  qu'il  se  peut  bien  faire  que  plusieurs 
d'entre  les  mots  cités  par  nous  comme  étrangers  au  Laura- 
guais y  soient  cependant  compris  ou  peut-être  même  employés 
par  certaines  personnes  ayant  plus  voyagé  que  leurs  compa- 
triotes. 

Il  n'est  pas  inutile  enfin  de  remarquer  que  toutes  les  pièces 
de  Fourès  sont  loin  d'offrir  les  mêmes  difficultés  lexicologi- 
ques.  Toutes  celles  —  et  elles  forment  un  bon  tiers  de  son 
œuvre  —  où  le  poète  se  borne  à  nous  parler  des  hommes  et  des 
choses  de  son  pays,  à  nous  présenter,  dans  leur  pittoresque  et 
leur  réalisme  les  métiers,  les  travaux,  les  usages  bien  connus 
dans  le  Haut-Languedoc,  tels  ces  petits  tableaux  de  geni'e  qui 
s'appellent  le  Barricou  traucat^  les  Tirounels,  A-n-un  Noi,  la 
Glourieto,  V Ensdlain,  les  Bermenaires^  les  Flairons  —  pour  ne 
citer  que  les  plus  connus,  —  toutes  ces  oeuvres  sont  écrites  en 
une  langue  très  pure,  très  simple,  très  claire,  dont  le  charme 
et  la  saveur  ne  sauraient  échapper  à  quiconque  parle  couram- 
ment le  dialecte  du  Lauraguais. 

Ce  n'est  que  dans  les  pièces  où  le  poète,  présumant  un  peu 


140        ÉTUDE  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

trop  des  ressources  de  son  patois,  sinon  de  ses  forces,  ne 
craint  pas  d'aborder  des  sujets  moins  populaires  et  s'essaie  à 
manier  les  grandes  idées  générales,  ce  n'est  que  dans  ces 
morceaux  que  sa  langue,  rebelle  à  ses  efforts  et  comme  réfrac- 
taire  à  d'aussi  hauts  desseins,  perd, avec  sa  belle  simplicité,  ses 
réelles  qualités  de  naturel  et  de  pittoresque.  Lorsque,  par 
exemple,  —  et  c'est  ainsi  que  finissent  bon  nombre  de  ses 
pièces,  —  il  entonne  son  hymne  à  la  sainte  Liberté,  à  la  Paix, 
à  la  Fraternité  humaine  ou  qu'il  poursuit  de  ses  imprécations 
les  tjrans  et  les  ennemis,  quels  qu'ils  soient,  du  Progrès  et  de 
la  Justice,  quand  il  chante  les  géniales  découvertes  d'un 
Pasteur  ou  qu'il  dit  son  admiration  pour  l'œuvre  de  Hugo  ou 
celle  de  Balzac,  quand  il  envoie  un  salut  fraternel  aux  Cana- 
diens, aux  Jersiais,  aux  trouvères  de  Belgique,  à  la  ville  de 
Mulhouse,  il  nous  semble  que  sa  langue  change  d'aspect, 
devient  ti'ouble,  confase  et  comme  un  peu  fangeuse,  semblable 
à  un  ruisseau  qui,  enflant  son  cours  et  devenant  torrent, 
emportant  dans  ses  eaux  des  alluvions  de  toute  provenance  et 
de  toute  nature,  n'a  plus  la  grâce  calme  et  la  limpidité  cris- 
talline qui  faisaient  son  charme  et  son  originalité. 

Gabriel  Clavelier. 


SUR  LE  DEBAT  PROVENÇAL  DU  CORPS  ET  DE  L'AME 


La  récente  publication  dans  cette  Revue  *  de  la  version 
provençale  du  Débat  du  corps  et  de  Vume  n'a  pas  résolu  le 
double  problème  littéraire  et  linguistique  que  ce  texte  posait 
à  notre  curiosité. 

Il  y  avait  en  effet  une  question  littéraire,  et  l'on  peut 
s'étonner  que  l'éditeur,  M.  Kastner,  n'y  ait  même  pas  fait 
allusion.  Sans  doute,  s'il  s'agissait  uniquement  d'apprécier 
le  mérite  et  la  valeur  propres  du  poème,  on  pourrait  se  con- 
tenter du  jugement  qu'il  porte.  C'est  une  œuvre  médiocre 
qui  ne  se  distingue  en  rien  de  tant  d'autres  poèmes  mo- 
raux ou  didactiques  que  nous  a  légués  le  Moyen-Age.  L'au- 
teur a  mis  en  vers  des  idées  et  des  croyances  dont  la  naïveté 
touche  parfois  à  la  puérilité  et  qui  étaient  celles  de  ses  con- 
temporains. Il  ne  relève  nullement  par  la  forme  qu'il  leur 
donne  la  banalité  de  ces  idées,  ni  celle  du  thème  lui-même 
qu'après  bien  d'autres  il  s'est  proposé  de  traiter.  Mais,  à 
d'autres  égards,  le  poème  provençal  se  distingue  de  toutes 
les  versions  qui  nous  sont  restées  du  Débat^  et  c'est  ce  qui 
en  fait  l'intérêt.  Non  seulement  il  est  la  seule  version 
provençale,  mais  il  est  le  seul  à  nous  présenter  ce  débat  sous  la 
forme  particulière  qui  est  la  sienne.  C'est  ce  qui  ressort  avec 
évidence  de  la  comparaison  faite  par  BatiouchkolF  des  diffé- 
rentes versions.  Malheureusement  M.  Kastner  n'a  pas  connu 
cette  étude  ^  plus  récente  que  le  travail  de  Kleinert^  auquel 
il  nous  renvoie  et  qui  en  dépasse  de  beaucoup  la  portée.  Elle 
nous  montre  que  le  poème  provençal  occupe  une  place  à  part 
dans  la  tradition  du  Débat  du  Corps  et  de  rAme.  Non  seule- 
ment il  s'oppose  aux  versions  oîi  la  légende  est  présentée  sous 
la  forme  d'une  vision,  mais  il  se  distingue  de  toutes  par  le 
plan  et  les  développements  que  seul  il  donne  au  débat.   En 

<  Cf.  Numéro  de  Janvier-Février  1905,  pp.  30-64. 

2  Cf.  Romania,  XX,  pp.  1  sq.  et  513  sq. 

^  Kleinert.   Ueber  den  Streit  zwischen  Leib  und  Seele.  1880. 


142  SUR  LE  DÉBAT  PROVENÇAL  DU  CORPS  ET  DE  l'aME 

réalité  il  nous  rapporte  non  pas  un  mais  trois  débats.  Lalenso 
proprement  dite  du  corps  et  de  l'âme  est  suivie  d'un  débat 
entre  les  membres  et  le  corps,  suivi  lui-même  d'une  dispute 
entre  l'ange  et  le  diable.  Le  tout  se  termine  par  le  jugement 
que  prononce  le  fils  de  Dieu.  La  complication  de  ce  plan  et 
divers  autres  indices  avaient  amené  Batiouchkoff  à  concevoir 
rhjpothèse  d'un  Débat  antérieur  et  plus  simple  dont  celui-ci 
ne  serait  qu'un  remaniement  développé.  La  question  se  posait, 
donc  de  savoir  si  a\ec  le  poème  actuel  nous  avons  affaire  à 
une  œuvre  vraiment  une,  ou  s'il  faut  y  distinguer  deux  parties, 
un  premier  fonds  analogue  à  telle  ou  telle  version  étrangère 
et  une  suite  qui  aurait  été  ajoutée  plus  tard. 

A  cette  question  se  rattachait  également  celle  de  savoir  si 
notre  Débat  provençal  a  un  rapport  quelconque  avec  ce  Con- 
tract  del  Cors  et  de  l'Arma  dont  parle  Jean  de  Nostre-Dame  ' 
et  qui,  commencé  d'après  lui  par  Peire  d'Alvernhe,  aurait  été 
achevé  par  un  troubadour  moins  connu  qu'il  nomme  Ricard 
Arquierde  Lambesc.  Quelque  défiance  que  l'on  doive  toujours 
avoir  à  l'égard  de  cet  historien  fantaisiste  de  la  poésie  pro- 
vençale, il  eût  été  intéressant  de  rapprocher  ce  renseignement 
de  l'hjpothèse  émise  par  Batiouchkoff'.  11  se  pourrait,  en  eff'et, 
que  suivant  un  de  ses  procédés  habituels,  il  eût  sur  ce  point 
altéré  en  partie  un  fait  du  reste  exact.  Peut-être  dans  ses 
affirmations  n'y  a-t-il  d'arbitraire  et  d'erroné  que  l'attribution 
à  Peire  d'Alvernhe  et  à  ce  Ricard  Arquier  des  deux  parties  du 
texte  auquel  il  fait  allusion.  Peut-être  a-t-ii  en  effet  connu  un 
Contract  del  Cors  et  de  iArma,  et  peut-être  ce  Contract  nest- 
il  autre  que  notre  Débat.  Il  pourrait  l'avoir  connu  comme  le 
remaniement  d'un  poème  antérieur  moins  développé.  Et  ainsi 
l'hypothèse  de  Batiouchkoff  pourrait  trouver  sa  confirmation 
dans  le  témoignage  de  Nostre-Dame.  La  question  en  tout  cas 
méritait  d'être  examinée,  et  pour  toutes  ces  raisons,  plus 
encore  que  ne  le  pensait  M.  Kastner,  l'étude  de  ce  Débat  ïaté- 
ressait  l'histoire  de  la  littérature  provençale. 

Elle  intéressait  également  celle  de  la  langue  et  c'est  ce  qu'a 
compris  l'éditeur  quand  il  a  fait  précéder  son  texte  d'une  intro- 
duction grammaticale.   L'étude    linguistique   devait    en   eff'et 

*  Cf.  Vies  des  plus  célèbres  et  anciens  poètes  provençaux,  p.  1G2, 


SUR  LE  DÉBAT  PROVENÇAL  DU  CORPS  ET  DE  l'aME  143 

mettre  hors  de  doute  que  nous  avions  bien  affaire  à  un  poème 
primitivement  écrit  en  provençal  et  non  en  catalan.  Le  ma- 
nuscrit seul  qui  nous  l'a  conservé  est  l'œuvre  d'un  Catalan  et 
il  eût  été  intéressant  d'examinor  la  langue  des  deux  autres 
poèmes  qu'il  contient,  la  Vie  de  Saint  Geor(jes  et  le  Chant  de  la 
Sibylle.  Cette  étude  comparative,  dont  M.  Chabaneau  avait 
jadis  compris  la  nécessité,  s'imposait  à  l'éditeur  du  Débat. 
Elle  eût  mis  en  évidence  que  les  catalanismes  de  ces  trois 
poèmes  n'y  ont  été  introduits  que  par  le  copiste.  Même  elle 
nous  eût  amenés  à  cette  constatation  curieuse  que  les  trois 
textes  paraissent  inégalement  catalanisés  et  que  d'eux  tous 
c'est  le  Chant  de  la  Sibylle  qui  l'est  le  plus.  Cette  différence 
ne  tiendrait-elle  pas  à  ceci,  que  ce  poème  a  été  transcrit  de 
mémoire  par  le  scribe  catalan  ',  sans  qu'il  eût  sous  les  yeux 
le  modèle  provençal,  qui  pour  les  deux  autres  a  empêché  une 
introduction  plus  complète  des  formes  dialectales? 

Il  eut  également  fallu  contrôler  les  catalanismes  de  notre 
Débat  par  la  comparaison  avec  des  textes  purement  catalans 
et  contemporains,  notamment  avec  ces  Nour elles  catalanes  de  la 
fin  du  XIV*  ou  du  commencement  du  XV*  siècle  qu'a  publiées 
M.  Paul  Meyer^  et  qui  ont  été  écrites  sensiblement  à  la  même 
époque. 

Enfin,  si  l'on  ne  devait  pas  chercher  à  rétablir  dans  sa  pu- 
reté la  langue  de  l'original,  on  ne  devait  par  contre  conserver 
des  formes  catalanes  introduites  par  le  scribe  que  celles  qui 
n'altéraient  ni  la  rime  ni  la  mesure  du  vers.  Or,  à  parcourir 
le  manuscrit,  on  s'aperçoit  bien  vite  que  ce  scribe,  non  seule- 
ment semble  ignorer  ce  qu'est  un  vers,  mais  encore  ne  com- 
prend pas  parfois  ce  qu'il  écrit.  Le  sens,  qui,  en  raison  de  la 
simplicité  et  de  la  banalité  des  idées,  devrait  toujours  être 
facile  à  saisir,  est  en  réalité  très  souvent  obscurci  et  dénaturé 
par  l'ignorance  du  copiste.  La  première  tâche  qui  s'imposait 
avant  tout  à  l'éditeur  était  donc  d'établir  un  texte  intelligible 
et  cor"ect  au  double  point  de  vue  de  la  grammaire  et  de  la 
métrique.  Seul  un  tel  texte  pouvait  servir  d'une  base  solide  à 
l'étude  linguistique. 

*  Cf.  Suchier,  Denkmader  der  provenz.  Literatw\  p.  568  sq. 

*  Romania,  XX. 


144  SUR  LE  DÉBAT  PROVENÇAL  DU  CORPS  ET  DE  l'aME 

Le  plus  grave  défaut  de  l'étude  grammaticale  de  M.Kastner, 
c'est  en  effet  de  porter  sur  un  texte  mal  établi.  Son  édition 
ne  semble  pas  avoir  été  conduite  avec  une  méthode  suffisante*. 
Ce  n'est  pas  une  édition  diplomatique  puisqu'elle  corrige 
parfois  le  manuscrit.  Ce  n'est  pas  non  plus  une  édition  critique 
puisqu'elle  ne  reproduit  pas  toutes  ses  variantes  et  qu'elle 
laisse  subsister  ses  fautes  les  plus  manifestes.  Dans  le  texte 
publié,  ni  les  vers  faux  ne  manquent,  ni  1-es  passages  inintel- 
ligibles. Sans  doute,  quelquefois,  M.  Kastner  nous  signale-t-il 
les  vers  faux  comme  tels.  Il  eut  mieux  valu  chercher  à  rétablir 
partout  la  rime,  la  mesure  et  le  sens.  Les  corrections,  en  effet, 
étaient  le  plus  souvent  aisées  à  trouver  et  parfois  même  la 
bonne  leçon  ou  la  forme  véritable  étaient  dans  le  manuscrit 
qu'il  eût  suffi  de  mieux  lire. 

C'est  à  ce  meilleur  établissement  du  texte  que  nous  nous 
proposons  de  contribuer.  N'ayant  pas  en  ce  moment  le  loisir 
d'entreprendre  la  double  étude  qu'attend  encore  le  débat  pro- 
vençal du  Corps  et  de  l'Ame,  nous  croyons  utile  de  publier  les 
remarques  suivantes  au  texte  qu'en  a  donné  M.  Kastner.  Nous 
avons  utilisé  une  copie  que  nous  avions  du  manuscrit  et  des 
notes  que  nous  avions  rassemblées  en  vue  d'une  édition  jadis 
projetée. 

2.  Msc.  :  Say  vos  dir  en  quall  rason.  L'altération  provient, 
sans  doute,  d'une  erreur  du  copiste  qui  a  pris  say  pour  la  P'^p. 
s.  Ind.  pr.  de  Saber,  au  lieu  que  nous  avons  sans  doute  affaire 
à  l'adverbe  say  =r  ici.  Dès  lors,  on  préférera  corriger  Smj  vos 
dirai,  qui  du  reste  s'accorde  mieux  avec  le  reste  de  la  phrase. 

4.  Entendes  et  escoytns  ne  pouvant  être  des  subjonctifs  ne 
peuvent  par  conséquent  se  construire  avec  an  que.  Le  manus- 
crit donne  du  reste  :  E  s'entendes  et  escoytas. 

6.  Msc.  :  frus,  forme  curieuse  pour  frucs  et  qu'il  fallait 
conserver  comme  attestant  la  chute  de  c  devant  s  flexionnelle. 
—  Corriger  :  ren. 

8.  Corriger  pert. 

*  Même  au  point  de  vue  matériel  on  y  relèvera  certaines  incon- 
séquences. Les  élisions  certaines  n'y  sont  pas  toujours  résolues.  L'in- 
convénient réel  de  ces  hésitations  est  de  rendi-e  peu  sûre  la  lecture  du 
texte. 


SUR  LE  DÉBAT  PROVENÇAL  DU  CORPS  ET  DE  l'aME    1-^15 

11.  Rétablir  la  riine,  la  mesure  du  vers  et  la  correction 
grammaticale  en  corrigeant  :  Que  canta  a  la  fola  gent. 

12-14.  11  faut  faire  de  cette  phrase  une  question  et  mettre 
après  le  vers  14  un  point  d'interrogation.  —  Au  v.  13  on 
lira  :  Si  el  es  guarnit  de  bon  sen  et  au  v.  14  on  cor  rigera  :  despen. 

16.  7u  sabes  est  impossible.  Le  poète  s'adresse  à  tous 
ses  auditeurs.  Le  manuscrit  donne  du  reste  :  tut  sabes  et  sabes 
est  la  2"  p.  pi.  de  l'ind.  pr.  de  sabe?-.  Cf.  v.  "J5  si  vii  sabes. 

18.  Msc:  Con  argent  e  aur  cou  es  l'escondut.  Lire  :  Con  argent 
cant  es  rescondut  et  arrêter  la  phrase  avec  le  vers. 

19.  Msc.  :  Per  que  mi  plas  cant  es  azenant.  Lire  :  Per  que'ni 
jjlas  cant  es  azenant  et  entendre  :  «  C'est  parce  que  je  le  veux 

bien  que  je  chante,  et  maintenant  je    vous   dis ».   On 

relèverait  cette  forme  azenant  =  adenant. 

22.  Mettre  un  point  après  entendre. 

2G.  Au  Heu  de  rétablir  le  vers  en  introduisant  en,  je  serais 
d'avis  de  rétablir  /  qui  dans  le  manuscrit  se  trouve  au  vers 
suivant  où  il  n'a  que  faire. 

27.  Msc.  :  Ja  inon  vos  tendra»/.  Le  mot  i  fausse  le  vers  et 
doit  être  supprimé,  mais  tendraij  est  de  beaucoup  préférable  à 
rendray  qu'a  cru  lire  M.  Kastner. 

30,  La  conjecture  faite  pour  rétablir  le  vers  est  bien  peu 
satisfaisante  surtout  pour  le  sens.  Lire  plus  probablement  : 
E  entendes  ben  en  cal  son. 

31.  La  forme  jO?'ewas  pourrait  bien  n'être  qu'un  barbarisme 
pour  la  forme  et  une  absurdité  pour  le  sens.  Le  manuscrit  a 
du  reste  fernas  qu'on  corrige  aisément  en  fermas. 

34.  J'ai  lu  dans  le  manuscrit  :  car  ja  tost. 

37-38.  Les  deux  vers  sont  intervertis  sans  raison  par 
M.  Kastner.  De  plus,  le  vers  38  est  fautif  et  introduit  une 
incorrection  grammaticale  qui  n'était  certainement  pas  dans 
l'original.  Le  liam  sujet  de  romp  étant  un  singulier,  sou  relatif 
ne  peut  être  le  sujet  d'un  verbe  au  pluriel.  On  lira  donc  : 

Que  ben  vey  que  romp  le  liam 
Que  nos  a  rnantegut  lonc  temps 
Ses  départir  virent  ensemps. 


39.  Corriger  ;  non  a  poder. 

40.  Msc:  puyscam. 


10 


146  SUR  LE  DÉBAT  PROVENÇAL  DU  CORPS  ET  DE  l'aME 

42.  Msc:  em  vengut. 

49.  On  peut  également  con}ect\iver  :  E  di.^  que  ja  no's partira. 

53.  Corriger  :  pecat. 

54.  Msc:  En  que  tu  as  perserat.  La  correction  En  que  tu  as 
tan  percassas  e.-t  purement  arbitraire  et  n'offre  aucun  sens.  Il 
suffisait  de  compléter  perserat  en  persévérât. 

55.  Corriger  :  lieu  fais  ausir. 
57.   Corriger  :  ergulls. 

60.  On  peut  conjecturer  aussi  bien:  quanc  no'n  volguist pen- 
densa  far. 

61.  Corriger  évidemment  en  en  e. 

66.  Msc:  Que  sieu  nullz  orne  entant  non  si  mes  que  je  serais 
d'avis  de  corriger  en  :   Que  nullz  om  en  tant  non  s'i  mes. 

67.  Msc:  atrobes.  —  Mettre  un  point  à  la  fin  du  vers. 

68.  Corriger  e  au  lieu  de  en  et  remplacer  le  point  et  virgule 
par  une  simple  virgule. 

69.  Corriger  : 

Tieu  deliech  e  tien  adulteri 
Son  esc7'ich  en  aquest  psauleri. 

71.  Corriger  évidemment  :  per  re^iou  =  par  usure. 

79.  La  rime  n'exige-t-elle  pas  esrriech? 

80.  E  memhra  mi  soven  el  liech  peut  difficilement  donner 
avec  ce  qui  suit  un  sens  satisfaisant.  Le  manuscrit  porte  En 
ombra  qui  est  la  bonne  leçon.  Il  n'y  avait  qu'à  relever  l'emploi 
de  sovenir  avec  son  sens  propre  de  se  présenter  à,  s'' offrir,  etc. 

83.  Msc  :  degun. 

85.  Corriger  :  que  vei  de.  —  A  la  fin  du  vers,  le  manuscrit 
donne  luch  qui  ne  rime  pas  avec  poch  du  vers  suivant.  L'édi- 
teur corrige,  mais  (uenh  et  poenh  ne  riment  pas  davantage.  Ne 
doit-on  pas  lire  lunh  et  punh  ? 

94.  Msc:  Mortz  es  cuech  es  tôt  mon  pan  qu'on  pourrait  lire  : 
Mori  e  cuech  es  tôt  mon  pan. 

96.  Corriger  :  Tant  apoderan  li  tyeu  mail. 

101.  Lire  avec  le  manuscrit  :  Enz  en  un  fuoc. 

102.  Msc:  Car  o  poderan  li  mail  qu'on  corrigera  en  :  Cara 
apoderan  li  m.all. 

106    Corriger  :  E  dises  qu'yeuch  ay  faszt  las  fallyas. 
108.  Msc:  paraula  pada  qu'il  faut  lire  paraula  proada. 


SUR  LE  DÉBAT  PROVENÇAL  DU  CORPS  ET  DE  l'aME  IW 

109-110,  Corriger  comme  suit  les  deux  vers  : 

E  pus  lu  mi  vos  tensonar 
Lai/sa  mi  mon  drech  rasonur 

116.  Corriger  :  Que  estiers. 

125,  \Ave  :  E  pos  lu  fusl  dins  mi  venguda. 

126,  Corriger  :  Non  aij  yehu  ren  faz  ses  t'tiyuda  et  supprimer 
le  point  d'iriterrogatiou, 

127,  Msc:  pogra  à  corriger  en  poc  ja.  On  corrigera  égale- 
ment re. 

128,  Corriger  :  dedins. 

129,  Corriger  :  E  non  sabes  tu  que  vers  es. 

131.  La  leçon  E  nés  obs  que  tu  mi  desliure  n'est  pas  dans  le 
manuscrit.  Elle  n'est  acceptable  ni  pour  le  sens  ni  au  point  de 
vue  de  la  grammaire.  J'ai  lu  dans  le  manuscrit  :  E  ay  no 
ses  desliure  que  je  proposerais  de  corriger  en  : 

E  aijs  no  l'es  si  nés  desliure 

134.  Corriger  :  niantenent . 

142    Msc: /a  yo/ana»' qu'on  pourrait  corriger  en  lai  vol  anar. 

144.   Corriger  :  diyssiest. 

146.  Msc:  ISun  tort. 

148.  Supprimer  la  virgule  après  consent. 

150.  Corriger:  no'm  podes.  Su[)primer  le  point  d'interro- 
gation après  encolpar . 

154.  Su[)priiner  ieu  qui  n'est  [)a3  dans  le  manuscrit  et  (jui 
fausse  le  vers, 

163-164.  Pour  le  premier  de  ces  vers  j'avais  lu  dans  le 
manuscrit  :  Arma  si  tu  rtn  dir.  On  corrigera  : 

Arma  si  tu  no  vols  ren  dir 
Aquest  contrast  vull  départir. 

107.  Supprimer  le  point  d'exclamation. 
169.  Corriger  :  fâcha. 

171.  Ici  et  partout  ailleurs  le  manuscrit  donne  nembres  au 
lieu  de  membres.  C'était  une  forme  à  respecter. 

172.  (Corriger  :  E  mi  car  no't  gunrdieij  de  dan. 

173.  Msc  :  E  tut  litieus  nembres  primps  e  grosses,  à  corriger 
par  la  simple  suppression  de  tut. 

178.  Corriger  :  n«sct<s. 


148  SUR  LE  DÉBAT  PROVENÇAL  DU  CORPS  ET  DE  l'aME 

180.  Msc.  :  E  ara%  son  de  leu  cofondre.  La  leçon  très  satis- 
faisante devait  être  respectée. 

182.  Msc.  :  Raonar  may.  Maintenir  cette  leçon  et  relever 
cette  forme  décomposée  du  futur  dont  il  y  a  plus  d'un  exem- 
ple en  ancien  provençal. 

185.  Corriger  :  Tant  co  yu  ceray  dins  ton  cors. 

202.  Msc.  :  l'as  faza. 

205.  Corriger  :  estye&t. 

210.  Corriger  :  yDresîc. 

213.   Msc.  :  ni  non  à  lire  :  ninon. 

216.  Luec  ne  donnant  pas  grand  sens,  ne  faut-il  pas  corriger 
fuecs  et  l'entendre  au  sens  de  ardeur^  désir,  etc.  ? 

220.  Corriger  :  Mays  ti  plasia  que'ls  mestiers. 

221.  Msc.  :  Que  las  gens  en  la  glesa  disiyan  qu'on  corrigera 
en  :  Que  la  gens  el  gleisa  disie. 

222.  Corriger  :  An  que  ren  no  ti  destrenye. 

223.  Corriger  :  Mo  pensavas. 

225.  Supprimer  le  point  après  causist. 

226.  Msc.  :  Cor  malla  ta  vist  per  que  mal  m  en  ven.  A  la 
correction  de  l'éditeur  on  préférera  :  Cor  mail  C ai  vist  que  mal 
m'en  ven. 

229.  Vers  faux  à  rétablir,  sans  doute,  par  la  suppression  de 
so.  —  Le  manuscrit  donne  cor. 

231.  Corriger  :  grans  et  de  même  au  v.  290. 

234.  Msc.  :  postz. 

235.  Corriger  :  iSon  es. 

240.  Rétablir  le  vers  en  corrigeant  :  Si  non  son  segur  del 
nauchier. 

248-249.   Corriger  ces  deux  vers  et  lire  : 

Car,  qui  la  laysari  'estar 
Almerce  del  vent.,  briaria. 

253.  Rétablir  le  vers  en  corrigeant  :  que  los. 

254.  Mettre  un  point  d'interrogation  après  morta. 

257.  Msc.  :  melyor. 

258.  Corriger  :  on  ben  la  guia. 

261.  Corriger  :  marinyer  et  de  même  aux  vers  267  et  281. 
269.  Corriger  :  es  el. 

271.  Msc.  :  que  tu  que  y  est  aguda  per  loncs  ans,  qu'on  cor- 
rigera en  :  que  tu  yest  aguda  loncs  ans. 


SUR  LE  DÉBAT  PROVENÇAL  DU  CORPS  ET  DE  l'aME    149 

271.  Corriger  :  En  mi  qvez  suy  naus  nuveguans. 
274.  Corriger  :  perdut. 
27G.  Msc.  :  Fis  nemhres  que  y  an  ajudat. 
277-280.  Nous  proposons  de  lire  comme  suit  ce  passage  qui 
dans  le  manuscrit  est  manifestement  altéré  : 

Car  SI  anc  fi  ren  contra  Dieus 
En  pecas  mail  e'is  nembres  mîeus. 
Tu  e'is  nembres  derp'as  gvardar 
Ml  que  no  pogues  foleyar. 

282.  Malgré  la  correction  de  M.  Kastner  le  vers  reste  faux. 
Corriger  :  E  Dieus  mi  det  tu  per  nauchier. 

290.  Corriger  :  grans  meravelyas. 

294.  Msc.  :  Nos  non  podon  mays  H  tiens  fols  yornals.  —  Cor- 
riger :  Nos?  Non,  mays  li  lieu  fol  y  ornai. 

300.  Il  nous  paraît  préférable  de  corriger  :  E  tu  deves  lo 
miels  causir. 

310.  Corriger  :  toi^mens. 

311.  Le  vers  est  faux  et  doit  être  lu  comme  suit  :  Per  cal 
rason  em  encolpat. 

313.  Corriger  :  mais. 

314.  Msc,  :  yest. 

322.  Msc.  :  Dieus  to  rendra  per  ton  gran.  On  peut  conjectu- 
rer :  Dieus  ar  fo  rendra  per  son  grat. 

325.  De  tût  quant  ti  tais  il  est  impossible  de  tirer  un 
sens  acceptable.  Il  faut  sans  doute  lire  Cirais.  —  Comme  le 
vers  se  rattache  au  précédent  on  supprimera  le  point  d'inter- 
rogation du  v.  324  et  on  mettra  un  point  après  irais. 

326.  Nos  est  à  maintenir  au  moins  sous  sa  forme  appuyée. 
Lire  :  Si  'ns. 

327.  Msc.  :  Mal  e  ben  ti  fan  sentir.  Il  suffit  de  corriger  fan 
en  fafem.  Cf.  v.  299.  Mail  e  ben  li  fasem  ausir. 

328.  Rétablir  le  vers  en  corrigeant  miels. 

329.  Msc.  :  fach. 

331.  M  doit  rester  dans  le  texte  et,  de  préférence,  l'on  cor- 
rigera/)ocîes  en  potz.  La  phrase  doit  se  terminer  avec  le  vers. 
C'est  après  encollpar  que  doit  se  placer  le  point  d'interrogation. 

332.  Msc.  :  Ja  qui  —  Corriger  :  laysava  et  remplacer  le  point 
d'interrogation  par  une  simple  virgule. 


150  SUR  LE  DÉBAT  PROVENÇAL  DU  CORPS  ET  DE  l'aME 

333.  Rétablir  le  vers  en  supprimant  E . 
335.  Rétablir  le  vers  en  supprimant  gran. 

337.  Il  nous  paraît  difficile  d'à  1  mettre  une  forme  vendre  = 
vew/r.  Nous  serions  d'avis  de  corriger:  Miels  deuria  ara  ti  pendre. 
Cf.  V.  47.  Que  a  Ciysir  mi  cuya  pendre . 

338.  Corriger  :  Car  de  mal  no't  poguist  défendre. 
340.  Corriger  :  en  que-m  prengua. 

342.  Ecrire  :  May  s  scasadamens . 

347.  Msc.  :   non  era  beus. 

348.  Msc.  :  E  si  tôt  lo  poder  fos  meus. 

353,  Corriger  :  Ni  si  tu  no  tas  fach  ti  toll. 

354.  Msc.  :  quen  mi. 

3.55.  Corriger  :  Que  si  lenes  la  boca  clausa. 

356.  Corriger  :  Per  forsa  s'estanca  e's  pansa. 

357.  Maintenir  la  leçon  du  manuscrit  :  C'a  parlar  mi  ven, 
ullya  0  non. 

364.  Corriger  :  Que  silh  fnsia  ton  deman. 

365.  Corriger  :  Las  mans  prezeron  a  parlar. 

366.  Corriger  :  Cor  de  qiie'ns  podes  encolpar? 

374.  Corriger  avec  le  manuscrit  :  E  con  n  segmjor  obesit. 

377,  Corriger  :  Que  nos  e  t'arma  sens  rason.  —  Le  vers  se 
rattache  au  précédent  qui  ne  doit  pas  se  terminer  par  un 
point. 

380.  Rétablir  le  vers  en  supprimant  en. 

382.  Corriger  :  l'absterzas. 

384.  Corriger  :  Cor,  e  con  j/es  tu  fan  engres. 

385.  Msc.  :  cant  tost  tos  nemhres  nyn^  Ireball.  Corriger  : 
c'an  tos  nemhres  ai/as  treball. 

389.  Msc.  :  los. 

393.  Il  nous  semble  préférable  de  corriger  :  quez  i  anem. 

395.  Corriger  :  passecem. 

396.  Msc.  :  nos  i  foram. 

397.  Corriger  :  estrechs. 

400.  Msc.  :  Cane  H  nembres  non  donavan  ayse.  Corriger  : 
Cane  II  nembres  no's  davan  ayse. 

414.  Corriger  :  fasie. 

415.  Corriger  :  yuyat. 

419.  La  correction  qui  consiste  à  supprimer  que  a  pour 
effet  de  rendre  le  vers  faux. 


SUR  LE  DÉBAT  PROVENÇAL  DU  CORPS  ET  DE  LAME  151 

423.  Corriger  :  Bon  servisi  guism^don  quer. 
429.  Msc.  :  non  s?' qu'il  faut  écrire  no's.  —  La  phrase  doit 
se  terminer  avec  le  vers. 
431.  Corriger  :  ves  nos  ni  l'arma. 
434.  Corriger  :  fer  mânes. 

439-441.  Ce  passage  est  certainement  altéré  dans  le  manus- 
crit, et,  tel  que  le  donne  M.  Kastner,  ne  peut  offrir  un  sens 
acceptable.  Nous  serions  d'avis  de  corriger  et  de  ponctuer 
comme  suit  : 

Vos  autri  vos  es  mal  guardat, 
De  savisia  moven  foldat 
Aures  renyat  mot  longuamens. 

AAl.  Msc.  :  est  —  Corriger  :  naturall. 
449.  Corriger  :  tut  et  mieu. 

451.  Corriger  :  E  s'ieuvall  mays  que  vos  non  fas.  —  Sup- 
primer le  point  à  la  fin  du  vers. 

455.  Corriger  :  de  ergull. 

456.  Corriger  :  ni'ls. 

458.  Corriger  :  darres. 

459.  Corriger  :  d'aidl. 

4G4.  Rétablir  la  leçon  du  manuscrit  :  0  cell  c'atrestant  pot 
e  vall. 

468.  Corriger  :  fenpren. 

473.  Lire  :  quen  ver  no- us  en  podes  clamar. 

474.  Msc.  :  E  syn  puasc  vos  o  ben  par.  Corriger  :  Es  yu  ne 
puasc  vos.,  0  ben  par.  —  La  phrase  doit  se  terminer  avec  le 
vers. 

476.  Msc.  :  E  vos  sias.  —  Corriger  :  Vos  estavasalegres  luch. 
479-480.  Msc.  :  Tan  flax  e  tan  aul  sias 

Que  null  conseil  non  vos  davas. 

La  leçon  donnée  pour  le  second  vers  par  le  manuscrit  est 
assurément  la  bonne,  mais  davas  oblige  à  corriger  sias  du  vers 
précédent.  On  conjecturera  avec  vraisemblance  : 

Tan  flux  e  aul  estavas . 

483.  Msc.  :  vivon. 

484.  On  peut  maintenir  adonx  et  corriger  fuolhs, 
488.  Msc.  :  meta. 


152  SUR  LE  DÉBAT  PROVENÇAL  DU  CORPS  ET  DE  l'aME 

491.  Msc:  est. 

492.  Corriger  :  que  anc  enves  mi  non  est  francas. 
503.  Lire  :  quel. 

508.  Msc.  :  En  est  agut  pasonyers.  Corriger  :  En  est  et  par- 
sonyers. 

510.  Msc.  -.mi. 

512.  Msc:  Elanarras  lo  centiron.  Corriger:  Esi  las  narras  lo 
centiron. 

518.  Corriger  :  E  car  et  rot. 

528-531.  Ces  vers  doivent  être  rétablis  comme  suit  : 

Tall  paor  ay  que  no  m'en  tir 
Eenemic  de  tu  al  partir, 
Que  yeuh  ssay,  si  m^emnena  ar, 
Que  cambial  sera  mon  afar. 

.533.  Corriger  :  S'ecer. 

537.  Msc.  :  puasc. 

540.  Corriger  :  no's  part. 

541.  Msc.  :  An  per  pendre 

544.  Corriger  :  ^,  si' l  clam  inerce.,  enemic.  —  Le  vers  fait 
suite  au  précédent  dont  on  supprimera  le  point  et  virgule. 
554.   Msc.  :  De  grand  tort  fach  petis  demans. 
556.  Corriger:  rendes. 

560.  Corriger  :  Elunhas. 

561.  Corriger  :  fers. 

564.  Corriger  :  conort  et  vas. 

568.  Corriger  :  E  mi  fai  mot  trop  beslensar. 

579.  Corriger  :  que  tu  quers. 

583.   Msc.  :  Ili  nauria  =  Ilh  nauria. 

587.  Corriger  :  que  cuyas  tu. 

589.  Corriger  :  pus  ilh  et  Dieu. 

591.  Corriger:  romaner. 

610.  Corriger  :  que  sia. 

616.  Msc.  :  peque. 

618.  Corriger  :  dat. 

619.  Corriger  pecel  pour  rimer  avec  tornet  du  vers  suivant 
qui  est  la  leçon  du  manuscrit. 

623.  Msc.  :  E  an  penedensa  que  prena.  On  corrigera  simple- 
ment prengua. 


SUR  LE  DÉBAT  PROVENHAI.  DU  CORPS  ET  DE   l'aME    153 

628.  Corriger:  tenir  camin.  Cf.  l'expression  sy  non  jme /ener 
via  =  s'en  aile)'. 

629.  Msc.  :  Assi  slrig  en  papier.  Corriger  que  assel  escrig  en 
papier . 

639.  Corriger  :  ant. 
641.  Corriger  :  y  ai  estât. 

651.  Le  vers  est  faux,  alors  que  le  manuscrit  donnait  très 
correctement  :  l'arma  qui  t'en  dava  poder. 

654.  On  peut  conjecturer  pour  rétablir  le  vers  :  mot  gran. 
655-656.  Corriger  comme  suit  ces  deux  vers  : 

Et  auras  lanya  anz  trobada 
Que  aquest'  arma  guazanyada. 

661.  Msc.  :  fas. 

666.  Corriger  :  qu'yen  no  -n  voly  ges. 

667.  Corriger  :  cors. 

670.  Corriger  :  que  tôt  laysn  detras. 

674.  Msc.  :  Aygres. 

682.  Corriger  :  ni  n'amorssa  . 

685.  Corriger  :  ergulh. 

686.  Supprimer  la  virgule  après  vull. 

691-692.  Les  deux  vers  doivent  être  intervertis  comme  ils 
le  sont  en  effet  dans  le  manuscrit. 

697.  Corriger  :  Si  cuyas  per  ton  encolpar. 
700.  Corriger  :  tengua  'n  dan. 
707.  Msc.  :  almorna. 

713.  Supprimer  le  point  après  monda. 

714.  Corriger  :  vici. 
721.  Msc.  :  guanren. 
723.  Msc.  :  retras. 
732.  Supprimer  tu . 

737.  Msc.  :  que  tut  très  em  el poder  sieu. 
740.  Corriger  :  Venemic  gieta  un  sospir. 
747.  Auzirerem  ne  peut  être  qu'un  barbarisme.  Corriger  : 
Es  auzirem  on  que. 

755.  Corriger  :  L'enport  ssell. 

759.  Corriger  :  Sabras  o  quant  sera  yuyada. 

760.  Corriger  :  Ar  dises  qv'  yeu  la-t  layss  portar. 

761.  Corriger  :  faus  plus  quen  foll. 


154    SUR  LE  DÉBAT  PROVENÇAL  DU  CORPS  ET  DE  l'aME 

763.  Corriger  :  quel  sien  met  en  comunalesa. 

764.  Corriger  :  Ni  so  quel  avia  conquist. 

765.  M  se.  :  e?i  ren. 

767.  Corriger  :  De  l'arma. 

769.  Rétablir  avec  le  manuscrit  que  Cay  et  supprimer  le 
point  après  raonar. 

770.  Corriger  :  Lenportaray  et  de  même  au  vers  780. 

771.  Rétablir  avec  le  manuscrit  :  E  tu  non  i  demandes  plus. 
773.  Corriger  :  pt^endas. 

777.  Corriger  :  E  l'en  degra. 

781.  Corriger  :  puays. 

1S7 .  Lire  avec  le  manuscrit  :  Niyeu  no  la  t'en  laysportar. 

788.  Corriger  :  E  s'enaysi  Varma  reman. 

799.  Corriger  :  E  yeu  Vautrech. 

801.  Corriger  :  coma  fan. 

802.  Corriger  :  Varni'  e-l  cors  e  H  nembres  tut. 

806.  Corriger  :  que  vos  sapjas. 

807.  On  corrigera  plutôt  :  A  mi  pus  non  calra  parlar. 

809.  Il  est  inutile  de  supposer  ici,  comme  le  fait  M.  Kastner, 
l'existence  d'une  lacune  dans  le  manuscrit.  On  peut  assez  aisé- 
ment rétablir  dans  ce  passage  le  sens  et  la  rime  qui,  en  effet, 
sont  altérés  dans  le  manuscrit.  11  suffit  de  corriger  le  rersOOO 
et  de  le  lire  :  Pero  non  die  que  mi  afan.  «  Pourtant  je  ne  veux 
pas  dire  que  ce  travail  (que  je  voudrais  éviter)  doive  me  fati- 
guer à  l'excès.  ))  On  peut  supposer  qu'après  le  substantif  afan 
du  vers  808  le  poète  se  sert  à  dessein  du  verbe  afanar.  C'est  ce 
qui  expliquerait  la  singularité  de  la  rime. 

811.  Msc.  :  Lo  drech  qu  ieu  vos  faray  ausir. 

822.  On  corrigera  avec  plus  de  vraisemblance  :  Venc  clave- 
lat  sus  en  la  cros . 

848.  Corriger  :  angels. 

849.  Corriger  :  que'm. 
855    Corriger  :  pentenssa. 

856.  Msc.  :  Que  anc  fos  ni  ya  mais  sia,  à  corriger  :  Que  anc 
ya  jos  ni  ya  mais  sia. 

857.  Corriger  :  un  dia. 

858.  Corriger  :  iVo  /ero??  folV  e  pecat. 
8G0.   Msc.  :  I\on  avieyn  tos. 

864.  Msc.  :  an  fell. 


SUR  LE  DÉBAT  PROVENÇAL  DU  CORPS  ET  DE  l'aME  155 

866.  Msc.  :  an  agut. 

874-875.  Corriger  :  hueymais  et  plays. 

886.  Msc.  :  ancaras. 

894.  Msc.  :  ren  delsieu. 

895.  Corriger  :  asell  mou  de. 

896.  Corriger  :  Car  la  demand'  e  pens"  aver. 

902-903,  Ces  deux  vers  doivent  être  intervertis.  —  Corriger  : 
a  mi  n'est  guarent. 

920.  Msc:  de. 

031.  L'accord  du  participe  exigerait  conquista.  Aussi  préfè- 
rera-t-on  corriger  Af/  en  aquesC  arma  conquist. 

941.  Mso.:  voll  autre. 

945.  Msc:  sos. 

954.  Msc:  Hueymais. 

061.  Corriger  :  dech. 

963.  Corriger  :  fer  m'es. 

980.  Msc:  que  sab  tôt  cant  es. 

982-983.  Corriger  :  tensons  :  rasons. 

985.  Corriger  :  E  après  las  cartas  escrichas. 

995.  Msc:  s" es  menât. 

1004.  Corriger  :  Folia  fas  gran  car  encolpas. 

1005.  Corriger  :  e'  Is  tteuas  polpas. 

1014.  Supprimer  E. 

1015.  Corriger  :  Fayt,  si  que  aras  per  enguall. 

1021.  Corriger  :  sias  dins. 

1022.  Corriger  :  e  U  tieu  enfant. 
1032.  Corriger  :  yuguàdos. 

1034.  Corriger  :  L'un  dels  parens. 

1035.  Corriger  :  preneyre . 

1036.  Corriger  :  tuados. 
1041.  Lire  :  an  dos. 

1048.  Corriger  :  areguarda. 

1050.  Maintenir  la  leçon  du  manuscrit  :  De  Vaver  yest  bayles 
a§ut. 

1052.  Msc:  menara. 

1057.  Corriger  :  qu'as  donat. 

1068.  Insérer  ici  les  deux  vers  altérés  qui  sont  en  marge 
dans  le  manuscrit.  On  peut  conjecturer  : 


156    SUR  LE  DÉBAT  PROVENÇAL  DU  CORPS  ET  DE  l'aME 

La  tieua  carn  sera  manyada 
De  verms  e  tota  deguastada. 

1069.  Corriger  :  en  ter'  anaras. 

1070.  Corriger  :  Très  sun  qu'an  ton  afar  partit. 
1076.  Corriger  :  a  qui  as. 

1078.  Corriger  :  a  qui  l'as. 

1085.  Corriger  :  si  •/  cos. 

1086.  Corriger  :  potz  escusar. 

1088.  Corriger  :  tôt  oms  a  mot  petit  de  sen. 

1090.  Corriger  :  no  s'escuza. 

1139.  Corriger  :  las,  con  len  mori. 

1142.  Corriger  :  qu'en  faoc  e  flama  hen  ardent. 

1152.  Corriger  :  E  enaysi  faras  pendensa. 

1156.  Corriger  :  tu  l'ajas. 

1158.  Corriger  avec  le  manuscrit  :  purr/uada. 

IIGI.  Cori'iger  :  e  que  tires  on. 

Jules  COULET. 


DOCUMENTS   SUR   LES   RELATIONS 

DE 

L'EMPEREUR  MAXIMILIEN  ET  DE  LUDOVIC  SFORZA 

EN  l'année  1499 
(Suite) 


36 

Ludovic  Sforza  à.  Agostiuo  Somenza  ' 

(Milan,  juin  à  août  1499) 
(7  juin) 

Augustino,  el  desiderio  nostro  de  veder  la  Maestà  Cesarea,  sic- 
corne  è  grandissime,  cossi  l'effecto  non  ponia  se  non  piacere;  ma  essendo 
le  cose  présente  in  li  suspecti  che  se  vedono,  maxime  de  Francesi,  el 
partir-nostro  da  quisaria  fora  de  proposito,  e  pero,  rispondendo  a  quello 
ne  scrive  essere  per  te  dicto  alla  Cesarea  Maestà  circa  lo  abbocamento 
nostro,  te  diremo  che  non  essendotene  altramente  parlato  da  la  Maestà 
sua,  tu   anchora  te  ne   debii  passare  seuza  farue  parole. 

(Milan  19  juin  1499  ") 

Augustino,  dal  cancellero  di  Lorenzo  Mozanica  (quale  se  trova  de 
présente  in  Ast  per  la  praticha  chel  ha  manezato  del  accordo  de  Astesani 
cum  Genoesi),  havemo  havuto  lettere  continente  li  capituli  vederai  per 
l'incluso  exemplo  :  ce  lo  mandamo  acio  lo  monstri  alla  Cesarea 
Maestà,  perche  possi  uielio  cognoscere  l'animo  de  Messer  Jo. 
Jaconio,  quanto  el  sii  iuiquo  e  perverso.  Ma  speramo  in  Dio  et 
in  la  Cesarea  Maestà  Sua,  che  questi  designi  che  se  hano  facto  cossi 
alti  e  depincto  a  suo  modo,  presto    debiano   cognoscersi  senza  quello 

'  Milan.  Ibid.  Id.  Minute  Orig.  :  «  Augustino  Somenzio  ». 
^  Milan.  Ibid.  Minute  originale  (au  même). 


158  MAXIMILIEN   ET  LUDOVIC  SFORZA 

fundamento  che  si  jacta...  In  epso  exemplo  vederai  etiam  quello  è 
dicto  per  non  havere  voluto  concedere  el  transite  per  il  dominio  nostro 
aile  victualie  voleva  mandare  M.  Jo.  Ja.  Triultio  a  Grisani,  como  non 
havemo  anche  permesso  ad  altri  che  gli  ne  volevano  condure,  e  ne 
sono  state  tolte  ad  alcuni  gli  ne  condticevano  senza  permissione. 

Haverai  insiema  summario  de  lettere  del  cancellario  nostro  mandato 
al  duca  di  Savoia,  quale  similmente  participarai  alla  Cesarea  Maestà, 
perche  la  veda  chel  predicto  duca  non  porria  demonstiare  mazor  reve- 
rentia  et  affectioue  verso  lei  e  constantia  con  tante  offerte  del  re  di 
Franza  per  tirarlo  alla  volta  sua,  e  pero  essere  tanto  più  a  proposito 
che  la  Maesta  sua  li  mandi  uno  per  tenerlo  ben  ferino  in  questo,  como 
la  soUicitarai  ad  fare. 

(Milan  24  juin  1499*) 

...  Quanto  al  duca  di  Savoia,  epso  ha  mandato  duy  oratori  a 
nuy  a  farne  intendere  che  dal  Ré  de  Franza  l'è  stato  ricercato 
de  passo  e  victualie  per  le  sue  'gente  per  lo  dominio  suo,  e  chel 
voglia  tuore  da  lui  pensione  e  conducta,  perche  lo  tractara  bene; 
e  che  quando  el  récusasse,  se  passaria  cum  la  forza  ;  e  che  a  questo 
è  parso  respondere  ch'el  sara  contento  de  acceptare  la  pensione  e 
conducta  cum  Sua  Maesta  cum  darli  passi  e  victualie  ;  salvando  pero 
l'honore  e  debito  suo,  per  el  quale  se  non  vole  inferire,  che  dependendo 
dal  iniperio,  el  non  sia  ancora  per  mancare  a  quello  che  dal  serenis- 
simo  Re  li  fosse  commandato. 

Riferiscono  esser  per  la  Cesarea  Maestà  parlato  a  li  oratori  suoi 
favorevolmente  de  nuy  et  de  le  cose  nostre,  quale  non  intende  aban- 
donare;  laquale  cosa  mha  portato  piacere,e  de  questo  haray  ringratiare 
la  predicta  Maestà. 

M.  Ludovico  Bruno  m'ha,  sotto  una  lettera  credentiale,  parlato  in 
nome  de  la  Cesarea  Maestà  raccomandando  le  cose  de  D.  Gaspare  di 
Sanseverino.  Volemo  per  questo  che  tu  preghi  la  predicta  Maesta  ad 
esser  contenta  de  non  farne  più  parlare  de  luy,  perche  li  deportamenti 
soi  cum  nuy  ricercano  che  più  non  se  impazamo  de  facti  soi,  non 
havendo  mai  voluto  cognoscere  el  bon  grado  haveva  con  nuy,  anzi 
volendo  convertire  a  maleficio  contra  nui  se  non  li  havessimo  provisto. 

(3  juillet') 

Desyderamo  che,  quanto  più  presto  sii  possibile,  se  mandi  il  prevosto 
de  Brissina,  como  è  dissignato,  al  duca  de  Savoya  et  in  Monferrato,  e 
pero,  quando  non  fusse  expedito,  soliiciteray  chel  sia  presto  expedito. 

'  Milan.  Ihid^  Minute  originale,  fragment. 
^  Milan.  ILid.  Minutes  originales,  fragments. 


MAXIMILIEN  ET  LUDOVIC  SPORZA  159 

Essendo  avvisati  che  quelii,  quali  la  Cesarea  Maestà  ha  mandato  a 
levar  le  dinar!  de  M.  Baldassar,  non  hanno  levato  se  non  13500  fioreni 
et  hano  lassato  el  reste  per  non  essere  la  valuta  como  loro  volevano, 
dicendo  che  li  ducati  se  perderia  troppo,  e  lo  portare  inante  sia  troppo 
incoramodo  ;  tu  farai  intendere  alla  Cesarea  Maestà  che  qnesto  resto 
sara  mandato  a  Ispruch  in  mani  de  Jo.  Colla;  dal  quale  loco  la  Maestà 
sua  lo  potera  mandare  a  tore  con  più  sicurezza  chel  non  se  poteria 
dal  canto  di  qua. 

Nuy  siamo  pur  da  loco  (sic)  cerlificati  chel  Re  di  Franza  è  omnino 
disposto  fare  de  présente  la  impresa  contra  nuy,  ed,  oltra  le  gentedarnie 
quale  manda  de  qua,  expedira  ancora  molti  fanti  ;  el  che  harai  fare 
intendere  a  la  Cesarea  Maestà,  Siamo  ancora  avvisati  chel  duca  de 
Lorena  è  partito  mal  contento  da  la  corte  di  Franza,  ed  essere  andato 
a  casa  ;  laquale  cosa  poria  servire  a  qualche  proposito  de  la  Cesarea 
Maestà  e  nostro,  cercando  de  havere  qualche  intelligentia  cum  epso  ; 
e  perô  glilo  ricordamo,  acio  le  possa  fare  qualche  bon  peusiero. 

(8  juUlet) 

Havemo  ricevuto  le  lettere  tue  de  27,  28,  et  29  et,  inteso  tutto  quelle 
ne  scrivi,  comendamo  nel  tutto  l'officio  tuo  e  respondendo  aile  parte 
necessarie,  te  dicemo  che  :  quanto  aile  victualie  che  sono  in  Valtellina, 
non  se  movera  cosa  altra,  ma  se  segua  l'ordine  de  Sua  Maestà;  quanto 
a  le  cose  de  Firentini,  epsi  ce  hano  sempre  facto  pregare  che  essendoli 
periculoso  el  declararsi  de  présente,  vogliamo  essere  contenti  de  sopra- 
sedere,  finche  habino  Pisa,e  stare  alla  fede  loro;  e  per  questo  se  è  parso 
de  consentirli  e  dimonstrare  de  rimanere  de  lor  ben  contenti,  perche 
cossi  ricercano  le  occorrentie  présente. Circa  el  particolare  del  pontefice, 
ne  placera  che  la  Cesarea  Maestà  eseguisce  quanto  ha  dicto  de  fare 
per  licenliare  el  legato,  ma  vorassimo  chel  proposito  de  Brissina  desi- 
gnato  a  venire  in  Monferrato  et  in  Savoia  venisse  più  presto  fosse  pos- 
sibile,  perche  cosi  ricercano  li  presenti  bisogni,  e  pero  tu  solicitarai 
l'efFecto. 


A  Angelo  de  Fiorenza  et  Agostino  Somenza 

(Milan  25  juillet)  • 

Cum  gran  piacere  havemo  inteso  la  grata  recolienza  che  la  Cesarea 
Maestà  ha  facto  a  vuy  M .  Angelo,  e  la  libérale  resposta  quale  ha  facto 
alla  expositione  de  la  commissione  vestra  ;  laquale,  se  ben  non  è  stata 

'  Milan.  lùid.  Minute  originale.  Les  mots  en  italique  sont  des  additions 
interlinéaires,  d'une  main  diflerente  et  hâtive. 


160  MAXIMILIEN   ET  LUDOVIC   SFORZA 

aliéna  da  la  expectatione  nostra,  ne  porta  pero  tanto  niazore  conforto 
quanto  chel  bisogno  se  appressa,  havendone  Francesi  rotto  la  guerra, 
coino  havrete  inteso  per  altre  nostre  ;  e  per  questo,  toccando  el  parti- 
culare  de  li  faiiti,  non  vedemo  che  li  Boerai  [lossino  essere  a  tempo  del 
bisogno  nostro,  quale  è  présente.  Pero  pregareti  la  predicta  Maestà  a 
volere  Irovare  modo  de  farne  havere  fin  a  quattro  mila  Todeschi,  per- 
che, oltia  che  siino  valenti  nel  ministero  de  le  arme,  a  noi  importa 
molto  el  nome  de  li  Todeschi  contra  Francesi;  e  quando  non  possa  man- 
darne  quattro  mila  ne  manda  tante  quante  po,  e  de  quai  sorte  se  volia, 
purche  siino  Todeschi,  importando  ancora  a  nuy  e  dandone  repuia- 
tione  che  se  intenda  cJie  la  Maestà  sua  ne  tnanda  fanti. 

De  li  homini  darme  burgognoni,  attenderemo  la  resolutione  che 
l'havera  facto  sopra  quelle  che  l'ha  nominato,  e  che  la  daghi  ordine  che 
o  de  luy  o  de  altri  se  possiamo  valere,  ne  se  habii  a  tardare  ad  inviarsi 
de  qua,  perche  da  nuy  se  accepta  queilo  ha  nominato  o  altro,  purche 
se  facia  meltere  presto  a  viaggio. 

Quanto  alli  bombarderi,  desideramo  e  pregamo  che  anche  s'usi  pres- 
teza  in  far  venire  quelli  de  lo  illustrissiino  archiduca  suo  fiolo  como 
ha  dicte  de  fare  o  qualcuni  altri. 


A  Agostino  Somenza' 

(Milan  31  juillet  1449) 

Dux  Mediolani.  —  Augustino,  se  ha  da  M.  Galeaz  Vesconte  como 
Suiceri  sono  benissimo  dispositi  alla  pace  cum  la  Cesarea  Maestà  ne 
sono  per  discostarse  de  le  cose  honeste  e  che  in  la  dieta  facta  a  Znrico 
hanno  facto  libéra  resolutione,  nemine  contradicente,  de  venire  a  questa 
pace.  E  questo,  per  quelle  ne  scrivesti  H  di  passati  de  la  doglianza  che 
la  fece  in  concilio  de  non  essere  aiutata.  Queilo  che  ad  noy  occorre 
séria  che  quando  la  Maestà  sua  se  vedesse  si  uiunita  e  galiarda  de  gente 
che  la  potesse  in  tuto  debelare  li  soi  inimici,  che  la  seguisse  l'impresa; 
ma  quando  lacognoscesse  anchora  che  li  fosse  difficile,  per  non  havere 
da  queilo  canto  tutti  quelli  adiuti  seriano  necessarii,  como  noy  dubitano, 
a  noi  andaria  per  animo  chel  fosse  bene  che  epsa  Maestà  applicasse 
l'animo  alla  pace  aut  saltem  ad  uaa  honorevole  tregua  al  manco 
de  uno  anno,  ne  la  quale  noi  fossimo  inclusi,  e  che  la  Maestà  Sua 
tolesse  depsi  Todeschi  e  Suiceri  per  fare  l'impresa  contra  Venetiani;  e 
noy  anchora  ne  havessimo  per  usarli  contra  Francesi  ;  e  cosi  epsa 
Maestà  se  voltasse  contra  Venetiani,  li  quali  se  vedeno  che,  per  satisfare 

'  Milan.  lôid.  Ccirteg.  Générale.  Minute  originale.  En  marge,  cette 
indication  de  la  chancellerie  milanaise  :  Zifra  tutta. 


MAXIMILIEN  ET  LUDOVIC    SFORZA  161 

al  Ile  di  Franza  e  per  la  insatiabile  cupidità  loro,  ne  moveno  guerra; 
et  a  fare  guerra  contra  Venetiani,  crederno  la  Maestà  sua  havera 
li  soi  più  disposti  che  non  ha  a  questa  guerra  ;  e  noy  acciù  possa  intrarli 
honorevolmente,  saremo  contenti  donarli  venticinque  milia  ducati  ;  e 
cosi  facendo,  se  trovara  a  loco  de  reportare  più  honore  ed  utile,  e  dara 
ad  noy  in  taiita  oppressione  gi'andissimo  sublevamento  e  se  conservara 
questo  stato,  del  quale  sa  che  in  mane  nostra  ne  po  dispunere  conio 
li  piace. 

E  perché  la  Maestà  Cesarea  porria  pensareche  in  questo  ne  movesse 
più  el  particulare  nostro  cha  quello  de  Sua  Maestà,  tu  li  hara  a  dire 
che,  como  servitore  che  li  siamo,  ne  proponemo  sopia  ogni  altra  cosa 
Ihonore  suo,  e  che  quaudo  la  se  trovasse  in  quella  impresa  in  termine 
de  potere  reportare  Victoria  de  li  inimici  soy,  la  confortaressimo  a 
seguire  la  impresa;  et  a  questo  noy  li  meteressimo  ogni  nostro 
potere,  ma  quando  la  sii  in  termine  che  la  non  veda  potere  fare  quelli 
efFecti  che  la  desidera,  ma  sii  necessitate  starsene  in  difesa  cum  fare 
poco  fructO;  in  questo  caso  judicamo  sii  più  honorevole  a  Sua  Maestà 
el  fare  la  pace  o  tregua  honorevole,  cum  questo  obgecto  de  voltarsi 
alla  impresa  contra  Venetiani;  perche  parira  che  como  prudente  che  la 
è,  Ihabia  saputo  honorevolmente  cavarsi  da  quella  guerra  per  voltarsi 
ad  una  altra,  dove  venera  la  castigatione  de  chi  adversa  continuamente 
a  Sua  Maestà,  ed  ultra  l'honore,  gli  ne  reuscira  ancora  grandissima 
utilitate. 

Appresso  accadendo  che  la  Cesarea  Maestà  venga  o  ad  pace  o  ad 
tregua  cum  Svizzeri  ne  la  quale  anchora  non  siamo  inclusi,  crederiamo 
chel  non  fosse  in  proposito  el  concludere  de  présente  la  lega  che  si 
è  praticata.  Perù  tu  dirai  che  in  caso  se  facesse  tregua,  séria  bene  facto 
se  tenesse  sospesa  dicta  pratica,  perche  stando  ne  li  tei  mini  che  stiamo, 
non  saria  a  pi'oposito  nostio  se  scoprissemo,  e  che  essendo  Suiceri 
bene  dispositi  verso  noy,  se  le  provocassimo  contra.  E  perche  la 
Maestà  sua  non  se  credesse  che  in  questo  ne  movessimo  per 
non  pagaro  li  trentatre  mila  fîorini,  essendo  noi  contenti  donarli  li 
venticinque  raila  ducati  per  fare  guerra  a  Venetiani,  pô  da  questo 
cognoscere  che  non  lo  facemo  per  questo  ;  e  poy  quando  iu  altro  tempo 
li  pare  che  questa  liga  sia  a  proposito  nostro  e  se  facia,  sempre  la 
obediremo,  tutavolta  siamo  fora  de  Francesi  ;  che  adesso  trovandone 
in  mezo  de  Francesi  e  Venetiani,  e  se  tirassimo  anchora  Sviceri  contra 
noy,  non  credemo  fosse  a  proposito  nostro. 

Te  scripsemo  per  altre  nostre  del  venire  per  mare  del  Reverendissimo 
ed  UlustrissimoMonsignore  vicecancellaro  nostro  fratello;  hogi  havemo 
havuto  lettere  como  è  dismontato  a  salvamento  alla  Speza  cum  tuti 
li  soi. 

Mediolani,  die  ultime  Julii  1499. 

11 


162  MAXIMILIEN    ET   LUDOVIC   SFORZA 


(Milan  17  août)  ' 

Anchora  che  da  M.  Vesconte  habiamo  havuto  prima  tutto  quello  clie 
ne  hai  significato  per  la  tua  de  5  del  présente,  nondimeno  ne  è  stato 
gratissimo  che  anchora  tu  ne  habii  avvisato  del  tuto,  e  poi  più  oltra  la 
expedicione  de  le  lettere  al  re  di  Franza  et  instrumento  per  Venetiani  ; 
el  tutto  ne  ha  portato  grandissimo  conforto,  et  in  tempo  che  ne  troviamo 
molto  afflicti  et  travaliati  per  la  perdita  de  la  Rocha  de  Arazo,  et  hora 
de  Anono,  como  vederay  per  l'extracto  de  le  lettere  de  Messer  Galeazzo. 
E  perô,  ringraciando  la  Cesarea  Maestà  de  la  bona  resolucione  facta, 
l'officio  tuo  sara  de  demonstrarli  el  grandissimo  periculo  nel  quale  ne 
troviamo,  e  la  nécessita  che  havemo  de  esser  soccorso  cum  presti  effecti; 
e  cossi  la  soUicitarai  ad  mandare  de  le  gente  de  pede  e  de  cavallo  più 
che  la  po;  che  nuy,  perche  Ihabia  modo  per  potere  inviare  de  li  fanti, 
atteso  el  ricordo  che  tu  ne  fasesti  de  mandare  mille  sin  in  due  milia 
fiorini,  havemo  expedito  Paulo  Bilia,  quale  vene  in  diligentia  e 
porta  quella  summa;  ed  a  Tirano  se  dara  ordine  de  potere  dare  la 
paga  a  quelli  trecento,  quali  ne  scrive  che  se  mandeno  per  la  predicta 
Maestà  per  liquali  hai  impinudato  li  cento  fiorini  dal  conte  Philippo; 
li  quali  cento  fiorini  mandamo  per  questo  cavallaro  per  potergli  resti- 
tuire  et  ad  epso  conte  scrivemo  una  bona  lettera  juxta  el  ricordo  tuo, 
quale  te   mandamo  a  parte  accioche  prima  lavedi. 

Quanto  alli  mille  fanti,  quali  la  piesente  Maestà  ha  dicto  volere 
expedire  e  mandare  per  la  via  de  Savoia,  el  che  ne  è  de  grandissimo 
conforto,  tu  11  ricorderai  chel  è  necessario  che,  volendoli  mandare  per 
Savoya,  epsa  sia  quella  che  ricerchi  el  transite  sicuro  al  dicto  duca, 
perche  a  nuy  non  saria  più  prestato  audientia  per  esserse  in  tutto  facto 
Francese  e  col  stato  et  colla  persona. 

De  li  fanti  Boenii  e  del  duca  de  Brosvich,  il  caso  nostro  è  in  termine 
chel  ricerca  de  li  adiuti  presentanei  e  non  che  vadino  alla  lunga  como 
sariano  quesli  ;  e  po  poy  intendere  quello  che  sia  l'officio  tuo  de  fare. 

Et  ne  dole  e  rincresce  più  a  noy  che  ad  altri  che  li  due  mila  fiorini, 
quali  restino  de  li  6.500,  non  sieno  pagati,  perche  non  è  cosa  al  mundo 
che  faciamo  più  volunteri  cha  quelli  dove  se  concerne  el  beneficio  e 
piacere  de  la  Cesarea  Maestà;  ma  la  grande  premura  che  ne  è  sopra- 
giunta  de  essere  guerezato  da  due  cossi  gran  potencie  ne  ha  posto  in 
une  abisso  de  spesa  chel  ne  convene  impegnare  quanto  habiamo  e  da 
gran  tempo  causato  che  non  si  sono  possuti  pagare  cosi  presto,  ma 
non  se  mancara  perô  de  trovarli  modo  e  de  pagarli  più  presto  che  sara 
possibile. 

'  Milan.  Ibld.  Minute  originale. 


MAXIMILIEN    ET    LUDOVIC   SFORZA  1G3 

Ne  sara  grato  che  faci  opéra  che  la  serenissima  regina  ne  rico- 
manda  alla  predicta  Maestà,  perche  hora  è  tempo  di  recognoscere 
l'amore  che  la  me  porta. 

Del  cavallaro  regio  preso  da  Venetiani  ne  havemo  anchora  nuy 
havuto  noticia  como  haverai  inteso  per  altra  nostra;  ne  de  questo  se  ha 
molto  a  meravigliare,  ma  se  ha  bene  a  presupponere  che  sieno  per 
fare  tutto  quello  maie  che  poterano  contra  Sua  Maestà  e   contra  noi. 

Da  M.Vesconte  havemo  havuto  como  le  [)oi  stato  li  ed  esser  in  bona 
speranza  de  la  pace,  laquale  concludendo  ce  da  oinnioue  che  saremo 
aiutati  de  la  Cesarea  Maestà  de  la  guardia  de  Burgogua  e  de  altri 
adiuti  li  quali  tu  haverai  a  sollicitare, 

La  lettera  scripta  al  re  de  Franza  con  la  instructione  per  Venetiani 
a  nuy  sono  piaciute  ;  è  vero  che  haverenio  desiderato  che  dove  se  li 
ricerca  risposta  fusse  dicto  che  non  cessaudo  loro  da  le  offese  nostre, 
Sua  Maestà  cum  sacio  imperio  faria  contra  loro;  e  questo  poteria  esser 
causa  de  farli  andare  più  ritenuti;  perô  quando  accadesse  replicare  non 
se  vole  omettere  quella  parte  e  monezarli  a  la  predicta  de  fare  taie 
efFecto,  perche  el  ricevere  risposta  non  è  altro  che  darli  materia  de 
respondere  parole  e  fra  tanto  fare  el  facto  loro  contra  nuy  ;  pero  el 
bisoguo  nostra  sia  se  li  replicasse  o  mandasse  Ambr.o  como   è  dicto. 

(28  août) 

Milano,  28  augusti  1499.  —  Augustino  Somencio.  —  Augustino, 
Nuy  credemo  facilissimamente  che  la  Cesarea  Maestà  senta  afFano 
grande  de  la  perdita  de  li  lochi  nostri,  ma  magiore  lo  sentiria  se 
La  vedesse  cum  l'ochio  lo  periculo  grandissimo  nel  quale  hora  siamo, 
essendo  dopo  la  perdita  d'Aunona  seguita  la  perdita  de  Valenza  e  poi 
de  Tortona  e  de  tuti  li  lochi  del  Tortonese  fîno  a  Voghera,  che  è 
ancora  ley  perduta,  per  modo  che  l'exercito  nostro  se  trova  serrato  in 
Alexandria,  essendoli  Francesi  adosso  acampo. 

6  [Che  si  la  disgracia  nostra  volesse  che  Alexandria  si  perdesse  cum 
quella  nostra  gente,  poriano  Francesi  venire  de  longo  fin  qui  a  Milano, 
como  po  la  sua  Maestà  andare  per  Alamania,  in  modo  che  le  cose 
nostre  stano  a  mal  loco,  ne  sia  più  reparo  a  la  totale  ruina  nostra]  '. 

Et  havendo  Venitiani  rotto  e  già  occupato  Aliojamon  (?)  et  alcuni 
altri  lochi,  per  non  poterli  tenere  alcuno  contrasto.  per  attendere  cum 

la  geute  haveriamo  al  opportuno  loco,  - 

per  modo  che   si  po  dire  che  tutta  Geradadda 

'  Le  paragraphe  entre  crochets  est  eliacé  sur  la  minute  originale,  et 
remplacé  par  le  dernier  paragraphe  de  la  dépêche,  Ponatur,  etc. 
^  Quelques  mots  barrés  et  illisibles. 


164  MAXIMILIEN    ET  LUDOVIC   SFORZA 

habia  in  tracto  de  otto  di  pervenire  in  mani  de  Venetiani,  e  perô  si  po 
cognosceie  il  malo  stato  nel  quale  siamo  e  como  a  la  salute  nostra 
niuna  cosa  sia  più  necessaria  che  la  céleri  ta  de  la  venuta  de  S.  M. 
cum  la  gente  ;  tu  adunche  te  trovarai  tosto  cum  epsa,  e  cum  lo 
discorso  predicto  li  dirai  che  nuy  siamo  fîrmi  a  li  primi  capitoli  ;  e  per 
la  instantia  facta  de  pagare  li  16.500  fiorini  e  cosi  le  due  milia  havere 
inteso  che  tosto  li  facessino  pagare,  e  Dio  volesse  che  li  fanti  fiis- 
sino  cosi  presto,  como  nuy  havemo  pagato  li  dinari  ;  perche  el  rompere 
adosso  in  Franza  non  sia  el  bisogno  noslro,  al  quale  non  vedemo 
altio  rimedio  che  la  venuta  de  S.  M.  como  è  dicto.  E  cosi  la  pregarai 
e  supplicarai  cum  ogni  instantia  che  la  voglia  venire,  senza  metterli 
più  tempo,  perché  de  quello  ha  ricercato  per  li  primi  capitoli,  non  se  li 
ha  maucato  d'iino  iota,  e  non  solo  se  li  dara  Bormio  e  Tirano  como 
ricerca  per  pegno,  ma  tuta  Valtellina  e  Como  in  le  mane;  ne  {illisible) 
de  havere  a  quello  ne  ad  alcuna  altra  cosa  contradicione,  pur  che  la 
venga  cum  el  numéro  de  la  gente  che  ha  dicto  de  venire,  e  che  nel 
venire  usa  celerita,  perche  soli  non  possemo  resistere  a  la  forza  de  Fran- 
cesi  e  de  Venetiani.  Se  la  observantia  e  devotione  nostra  verso  lei  non 
basta  a  moverla,  lo  mova  lo  interesse  suo  de  non  lassare  andare  in 
man  de  Francesi  uno  tanto  stato  che  tuto  ordiria  a  diminutione  e  forse 
ruina  de  la  dignità  impériale,  che  tanto  ne  doleria  per  la  jactura  di 
S.  M.  et  de  l'imperio  como  per  la  nostra. 

E  perche  questa  benedetta  pace  cum  Svizeri  non  habia  tardare  la 
venuta  sua,  la  pregarai  posseudo  concludere  sia  contenta  la  se  con- 
cluda  presto  ;  quando  ancora  non  si  possa  o  vero  si  havesse  ancora 
andare  a  qualche  giorni  a  concludersi,  voglia  lassare  qualche  capitolo 
a  l'opposito  loro  e  non  mancare  ley  de  venire  cum  celerita  et  presto 
presto,  tanto  che  ce  resta  ancora  qualche  lume,  perche,  per  quanto 
saremo  adiutati,  non  dubitamo  che  non  se  reduranno  ancora  presto 
in  bono  termino  e  cum  grande  contenteza  e  gloria  de  Sua  Maestà, 

L'andata  sua  ad  Argentina,  se  la  sara  stata  per  benefîcio  nostro, 
come  ogni  rasone  vole  che  pensiamo,  ben  sara,  ma  lo  dilongarsi  da 
nuy  non  si  porta  gia  favore,  alongandosi  ancora  pur  lo  venire.  Pero 
l'haverai  a  pregare  ad  adattarse  presto  e  voltare  la  persona  sua  in 
qua,  perche  si  como  la  fama  del  venir  suo  ce  portara  favor  grande, 
molto  più  pare  lo  portara  lo  effecto  ;  far  fare  qualche  mossa  da  quelli 
di  Carinthia  e  Carniola  verso  Venetiani,  che  hora  hanno  rotto  come  è 
dicto,  sia  a  gran  proposito,  e  cosi  desideramo  facia;  ponatur  pero  che 
per  cosa  ch'epsa  facesse  fare  da  quello  canto,  non  se   implicasse  e 

tardasse  lo  venire,  perche  el  principale  è  che  lei  venga.  [ ], 

Ilaverai  ringratiare  la  serenissima  regina  de  la  bona  opéra  fa  cum 
la  Maestà  Cesarea  acio  siamo  adiutati.  Tu  li  farai  intendere  che  hora 
è  tempo  La  ne  demonstra  l'amore  ne  porta,  e  che  La  ne  ricomanda  a 


MAXIMILIEN  ET  LUDOVIC    RFORZA  165 

la  predicta  Maestà  ;  altramente  qiiesto  stato  se  perdera  e  andara  fora 
de  la  casa  nostra,  che  doveia  cosi  dolere  a  lei  como  a  niiy. 

[Ponatur  hoc  intus  ubi  sig  Q]  :  Che  fa  che  non  se  possiamo  adiutare 
de  quello  exercito,  se  ben  non  siamo  raancati  de  levare  il  conte  de 
Caiacio  dal  opposite  da  Venetiani  per  dare  faldo  a  M.  Galeaz,  ma 
per  non  potersi  conjungere  senza  periculo  de  fare  facto  d'armi  che 
hora  sia  periculoso,  non  sia  cosi  se  Sua  Maestà  venera,  perche  a  la 
gente  sue  se  coajungerano  le  uostre,  e  se  potra  molto  bene  farsi 
incontro  ali  inimici  e  liberare  Messer  Galeazzo  ;  e  poi  uniti  tuti  se 
poteriano  moite  bene  cazare  per  tuto  ne  li  sara  loco  dove  possino 
expectare,  per  la  galiardeza  ne  la  quale  sera  la  Maestà  sua  cum  le 
gente  sue  e  nostre;  che  hauto  el  poter  necessario,  che  epsa  venga 
presto,  perche  quando  non  venessi  o  tardasse  tropo,  poterano  revol- 
tarsi  verso  nui,  e  perche  li  nostri  stati  de  la  non  si  poteressino 
defendere. 


37 
Ludovic  Sforza  à  Tempereur  Maximilien 

(Milan,  19  juillet  1499)  • 

Dilatum  est  in  hodiernum  diem,  ab  astronomo  meo  electum  ut 
auspicato  res  fieret,  Maximiliano  filio  meo  Majestatis  Vestrae  litteras 
et  principatus  Pavie  privilegium  reddere, et  quamquam  ipse  ei  per  litteras 
gratias  agat,  et  ego,  reverso  proximis  diebus  ad  me  Marchesino, 
Majestati  Vestrae  scripserim,  et  ab  Augustino  Somencio  significari 
jusserim  quse  intellexisse  ipsam  arbitror  ad  testandum  quantopere  me 
devinxisset,  nihilominus  quod  hodie  perlectis  Majestatis  Vestrae  litte- 
ris  et  privilegio  coram  omnibus  apud  me  agentibus  et  aulae  meae 
primatibus,  R.  D.  Petrum  Bonohomum  rogavi  Majestati  Vestrae 
scriberet,  denuo  ei,  quum  tanta  benignitate  quottidie  sua  in  nos 
immortalia  bénéficia  magi s  augeat,  gratias  ago,  non  quas.debeo,  sed 
quas  possum,  e  cum  jamdiù  ego  cum  liberis  et  fortunis  omnibus 
Majestati  Vestrse  deditus  sim  quod  amplius  ei  spondere  possim  non 
video,  nisi  me  nihil  magis  optare  quam  pro  Majestatis  Vestrae  ampli- 
tudine  et  gloria  grati  auimi  officium  praestaie  posse,  nullum  unquam 
status  nec  mei  ipsius  discrimen  reeusaturum,  sicuti  et  Maximilianum 
et  reliquos  liberos  meos,  patris  vestigia  et  mandata  sequentes,  facturos 
confido.  Commendo  mea  ac  eos  Majestati  Vestrse. 

*  Milan,  Ibid.  Minute  orig.  :  «  D.  régi  Romanorum.  > 


166  MAXIMILIEN  ET   LUDOVIC   SFORZA 

38 
Maximilien  à  Louis  de  Rippol,  résident  napolitain  à  Gênes  ^ 

(27  juillet  1499) 

Maximilianus  divina  faveale  clementia  Romanorum  rex  semper  Au- 
gustus.  Dilecte,  scripsimus  alias  ad  te  ut  illa  quatuor  millia  ducatorum 
quœ  sereiiissimus  Federicus  Sicilise  Rex,  frater  noster,  carissimus,Genupe 
pro  redimendis  argenteis  nostris  in  manibus  tuis  deposuit  nostro  et 
imperii  sacri  fideli  dilectoMarchesinoStangse,  iilustris  Mediolaui  ducis 
secretario,  respondere  velles  ;  quod  etsi  uon  dubitemus  te  secundum 
scripta  et  commissioiiem  nostram  pleae  fecisse,  nichiloniinus  te  et 
denuo  hortamur  seriose  requirentes,  ut  si  ipsa  quatuor  millia  ducato- 
rum nondum  ipsi  Marchesino  per  te  exhibita  essent  de  continenti 
exhibeantur.  Quoniam  vei'o  nuper  intelleximus  ipsum  Sicilia^  regeni 
alia  sex  milia  ducatorum  Genuam  ad  manus  tuas  misisse  propter 
supradictam  causam,  ex  te  cupimus  magnopere  ut  illa  sex  millia  et 
aliara  omnen  pecuniam  quam  ipse  Rex  ad  te  nobis  exhibendam 
transmiserit  prefato  Marchesino  respondeas,  vel  cuicumque  quem  pro 
ea  miserit  cum  quitantiis  nostris.  Misimus  euim  ad  ipsum  Marchisi- 
num  omnes  quitantias  et  commissionein  nostram  quid  de  predicta 
pecunia  facturus  sit  :  faciès  in  illo  nobis  rem  gi'ntam,  erga  te  gratia  et 
benevolentia  nostra  recognoscendam.  Datum  in  oppido  nostro  impe 
riali  die  27  Julii  anuo  Domini  1499,  Regni  nostri  Romani  quarto 
decimo. 

Ad  mandatum  domini  régis. 


39 
Ludovic    Sforza    à    Baldassare    Pusterla 

Commissaire  général  de  l'armée  Milanaise- 

(Milan,  30  juillet  1499) 

M.  Baldesar,  quello  che  cum  boni  effecti  de  continuo  ce  havete 
demonstrato  in  le  imprese  quale  ve  havemo  date,  ne  ha  inducto  ad 
elegervi  de  présente  commissario  générale  nostro  del  felicissimo  exer- 
cito  nostro,  quale  preparamo  ad  l'opposito  de  Franzesi;  essendo  certi 

'  Milan.  Ihid.  Original,  suscription  :  «  Dilecto  Aloysio  Rapole  seV^'  régis 
Sicilie  oratori  Genue.  » 
^  Milan.  Ibid.  Minute  originale. 


MAXIMILIEN  ET  LUDOVIC   SFORZA  167 

che  pcr  lafede  e  devotione  portate  ad  noi  e  stato  nostro,  le  cose  che 
ve  occorrerano  le  exegiiiroti  cum  taie  sincerita  e  fede  che  non  ce  las- 
sareti  loco  alcuno  de  desiderio,  como  de  continuo  havete  facto  in 
l'altre  imprese  quale  ve  havemo  date. 

E  perche  la  impresa,  ultra  che  la  sia  de  importantia,  è  ancora  labo- 
riosa  e  grande,  adcio  più  expeditamente  possiate  dare  expeditione  a  le 
cose  ve  accaderano,  in  compagnia  vestra  havemo  deptitato  D.  Petro 
Martiro  Stampa  quale  ve  havera  ad  adiutare,  e  de  Topera  sua  ve 
havereti  ad  valere  in  le  occurrentie  de  l'impresa. 

Ed  ultra  le  cose  che  ve  accaderano  pertinente  allô  stato,  haverete 
ancora  ad  havere  principale  cura  ad  provedere  che  victualie  non 
manchino  in  campo  ;  e  per  essere  l'impresa  grave  e  grande,  adcio  che 
più  expeditamente  la  possiate  exeguire,  havemo  facto  electione  délie 
infrascripte  persone,  quale  de  continuo  haverano  ad  assistere  presso 
voi  et  obedirue  in  tutto  quello  pervoi  gli  sara  imposto  ;  e  gli  havemo 
a  tutti  facto  scrivere  se  retrovano  da  voy  a  l'impresa  ;  siche  voi  li 
deputarete  separataraente  ciaschuno  de  loro  ad  quello  servi tio  e  pro- 
posito  de  l'impresa  che  ve  parira  ;  cun  tenerli  poy  a  la  giornata  soli- 
citati,  adcio  non  manchino  del  effecto  ad  el  quale  li  havereti  deputati. 

Perche  potria  accadere  qualche  piogie  quale  sariano  de  qualita  che 
li  mercadanti  se  renderiano  difficili  ad  condure  le  victualie  in  campo, 
accio  non  occorresse  qualche  desordine,  ve  havemo  facto  provvedere 
de  denari  da  li  deputati  nostri.  Quali  denari  havereti  ad  usare  ad 
questo  bisogno  quando  accadesse,  cum  provedere  che  essi  denari  non 
vadino  in  sinistro.  Ma  havereti  ad  fare  limitare  el  pretio  de  le  victualie, 
tanto  più  quanto  sara  la  spexa  de  la  conducta  che  li  sara  sopragionta, 
e  dicti  denari  farli  retrare,  in  modo  che  noy  non  ne  habiamo  ad  por- 
tare  senon  el  scorto  et  aspecto  del  tempo  dessi  denari. 

E  perche  è  necessario  stabillire  qualchi  fornari,  quali  de  continuo 
faciano  lavorare  li  forni  per  el  bisogno  de  una  bona  parte  de  le  gente 
se  retroverano  a  l'impresa,  ad  questo  havereti  ad  usare  la  solita  dili- 
gentia  e  prudentia  vostra  in  firmarne  e  stabilirne  qualchuno  ,  adciô 
non  se  habia  a  stare  in  tutto  a  ventura  e  descriptione  (sic)  de  merca- 
danti superadventii,  e  bisognandoli  scorto  ne  de  grano  ne  de  altro, 
el  tutto  praticarete  ;  e  secondo  el  besogno  ne  darete  aviso  alli 
deputati  nostri,  adciô  che  li  possiamo  far  consideratione  e  dare 
modo  al  tutto.  Ma  questo  non  lo  potrete  considerare  e  praticare 
finche  non  siate  sopra  el  loco  e  che  habiate  notitia  de  la  qualita  e  nu- 
méro de  le  persone  sarano  in  campo  e  condictione  de  li  paesi  ;  perho 
gionti  sareti  ad  l'impresa,  soUicitareti  de  havere  noticia  del  tutto  e  ben 
considerato  che  haverete  la  cosa,  ne  dareti  del  tutto  aviso  cum  el  parère 
vestro  alli  deputati  ut  supra. 

Per  omne  caso  che  potesse  occorrere,  ne  pareria  che  con  effecto  ope- 


168  MAXIMILIEN  ET  LUDOVIC  SFORZA 

rassero  ehe  in  li  loci  e  terre  più  accommodate  ad  l'impresa,  se  li  tenesse 
per  quelle  persone  che  ve  paresseno  juxta  la  descriptione  de  le  victua- 
lie  che  haveraao  doa  mille  moza  de  fnimenti  e  qualtro  inillia  somme  de 
biade  da  cavalli;  facendo  coramandare  ad  li  sollari  piu  grossi  che  sotto 
pena  de  la  confiscalione  de  li  loro  béni  non  moveno  le  victualie  che 
li  ordinarete  senza  vostra  licentia  ;  facendo  questa  ordiuatione  e 
provisione  ed  in  Alexandria  e  Lumellina  ed  inNovarese  cum  farne  tenere 
bonoconto  del  tutto,  adcio  accadendo  el  bisogno  ve  ne  possiate  valere. 
Ultra  la  irapresa  de  le  victualie,  volemo  ancora  asistate  de  continue 
ad  le  expedictione  pertinente  al  stato  predicto  che  per  el  sopradicto 
Messer  Galeazio  sarano  ordinate.  Facendole  exeguire  per  le  infras- 
cripte  persone,  lequale  havemo  ordinato  stiano  de  continuo  ad  la 
obedientia  vestra  per  fare  questi  effecti,  et  ad  tutti  se  li  fara  dare  li 
denari  de  la  cavalcata  : 

Thomasino  Torniello. 

Paulo  da  Lode. 

Jo.  Baptista  Gusperto. 

Bartholomeo  da  la  Croce. 

Gonradino  de  Vimercato, 

Baldesar  da  Gaserate. 

Filippo  Guascono. 

Francisco  da  Gremona. 

Danesio  Grivello. 

Benedicto  de  Gallarate     \ 

Paulo  Impériale  {  cancellieri  al  officio  de  lo  biade. 

Francesco  da  Regio  i 


E  perche  la  irapresa  ha  in  se  cellerità,  volemo  che  ve  mettiate  ad 
ordine,  ita  che  mercoldi  proximo  ve  possiate  partire  per  andare  ad 
l'impresa  ;  e  cosi  havemo  advertito  tutte  le  predicte  persone,  quale 
hanno  asistere  de  continuo  ad  l'obedientia  vestra,  farano  el  medesmo. 

Havemo  ancora  advertito  tutte  quelle  persone,  quale  sono  mandate 
per  fare  le  descriptione  delli  vini  e  biade  da  cavalli,  che  se  expedis- 
cano  presto  e  mandano  le  note  del  tutto  in  mane  vostre  ;  adcio,  inteso 
havereti  el  tutto,  possiate  provedere  e  dare  modo  de  farne  condure 
dove  cognoscerete  sia  el  bisogno. 

E  perché  non  potemo  ancora  sapere  dove  el  predicto  felicissimo 
campo  nostro  se  habii  ad  firmare,  e  decernere  el  loco  dove  se  habii  ad 
stabilire  la  fabrica  de  la  monitione  del  pane,  volemo  che  faciate  pro- 
vedere che  li  forni  de  Abbiate  e  Viglevano,  quali  solevano  lavorare  ad 
altri  tempi,  maxime  al  tempo  del  exercito  de  Novaria,  che  siano  missi 
ad  ordine,  in  modo  che  bisognando  se  possano  operare  ;  e  per  non  essere 
forni  commodi  ad  simili  besogni  in  la  cita  nostra  de  Novaria,  volemo 


MAXIMILIEN    ET  LUDOVIC  SFORZA  169 

che  subito  faciate  provedere  che  siano  fabbricate  quattro  bocho  de 
forni  in  el  loco  più  accommodato  de  quella  cita  ad  l'impresa  ;  ita 
che  occoiTendo  el  bisoj^no  se  possino  fare  lavorare  et  ad  questo  non 
li  perderete  tempo  alcuuo  per  farne  l'efFecto. 

Havereti  ancora  ad  provedere  che  in  le  terre  e  loci  dove  sono  facti 
redure  li  frumenti  e  che  sono  fortificati  per  conservarsi  al  bisogno  de 
le  occurrentie  del  stato  nostro,  sia  macinato  tanto  gran  che  sia  abas- 
tanza  per  el  vivere  de  li  habitanti  per  sei  mesi,  et  uUerius  per  omne 
soUaro  grosso  che  se  ritrovera  in  cadauna  terra,  ultra  el  bisogno  del 
vivere  de  le  persone  habitante.  Ne  farete  ancora  macinare  quella  quan- 
tita  che  ad  voy  parira  ricercare  el  bisogno,  quale  ordinarete  se  conservi 
et  se  tenghi  in  monitione  per  omne  bisogno  che  occorrera  per  pro- 
vedere al  campo  de  victualie,  cum  fare  fare  le  descriptione  delli  fru- 
menti in  cadauna  terra  e  loci  predicti,  e  provedere  non  ne  sia  cavato 
fora  alcuna  quantita  senza  licentia  vostra,  facendo  punire  ognuno  che 
contrafacia  seconde  che  ad  voy  parira. 

E  perche  ad  dovere  tenire  il  campo  abondante  de  victualie  la  prin- 
cipale cosa  è  ad  intendere  quantô  numéro  de  gente  li  serano,  cossi  da 
pede  como  da  cavallo  ;  ad  questo  haverete  ad  usare  la  débita  diligentia, 
cum  fare  limitare  el  pretio  de  le  biade  e  victualie,  havendo  respecto  e 
consideratione  che  li  conductori  gli  ne  possino  condure  voluntieri  e  li 
soldati  se  ne  habiano  anche  loro  ad  contentai'e,  ne  possano  dolersi  che 
le  siano  vendute  troppo  caro. 


40 

Giovani  Colla  â  Ludovic  Sforza  ^ 

(Du  3  au  13  août  1499) 

(3  août  1499) 

Illustrissimo  et  excellentissimo  Signor  mio  observandissimo,  M.  Anz 
Kungsegh  è  giunto  hogi  in  qiiesta  terra;  al  quale  havendo  domandato 
de  le  nove,  mi  ha  affirmato  che  pace  o  tregua  si  fara  cura  Sviceri  col 
mezo  de  M.  Vesconte,  e  che  la  Maestà  Cesarea  se  li  inclina  per  potere 
aiutare  la  Excellentia  Vostra,  e  che  li  oratori  francesi  si  sono  partiti 
da  Constantia  senza  licentia  ne  saputa  de  la  Maestà  Cesarea,  e  sono 
andati  a  Lindo,  el  che  è  stato  molestissimo  alla  Maestà  Cesarea,  e  se 
pensa  siano  andati  per  interrompere  la  praticha  de  la  pace  :  questo 
medésinio  m'hanno  dicto  questi  regenti. 

*  Milan.  Ibid.  Dépêches  originales,  fragments. 


170  MAXIMILIEN  ET  LUDOVIC   SFORZA 

Esso  Messer  Anz  m'a  dato  la  alligata  delà  quale  expectara  la  ris- 
posta  quale  desidera  che  la  E.  V.  mandi  in  mani  mie,  e  me  ha  parlato 
assai  del  desiderio  de  venire  a  servire  la  E.  V.  e  spera  scrivendo 
quelle  alla  Maestà  Cesarea  ed  a  luy  di  proponere  a  Sua  Maestà  tali 
partiti  per  fantarie  che  lo  lassara  venire.  In  bona  gratia  de  la  E.  V. 
humilmente  ml  ricomando.  Ispruch,  3  augusti  1499. 

Fidelissiraus  servitor,  Joannes  Colla. 


(Inspruch,  7  août  1499) 

L'ambassalore  spagnolo,  quale  vene  de  la  Maestà  Cesarea  licentiato 
per  ritornare  a  li  Catolici  Re  soi,  è  giunto  qui  hogi,  ed  havendolo 
visitato,  medesimamente  me  ha  affirmato  la  speranza  se  ha  de  la  peca 
ch'abbia  succedere  col  mezo  de  la  Excellentia  Vostra,  e  che  la  disposi- 
tione  de  la  Maestà  Cesarea  verso  la  E.  V.  non  porria  esser  meliore, 
e  che  per  poterla  adiutare  fara  la  [)ace  cum  Suiceri,  e  che  la  Maestà  Sua 
non  lo  voleva  licentiarlo  (^s/cj,  desiderando  retenerlo  questa  invernata-, 
ma  havuto  haviso  de  la  roptura  de  Francesi  in  Alexandria,  mandi  per 
lui  e  li  dissi  che  adesso  era  necessario  per  beneficio  de  la  E.  V.  che 
l'andasse,  e  cosi  l'ha  expedito  ;  e  partira  da  qui  lunedi  ed  audara 
prima  a  Venetia.  dove  demonstra  esser  per  pai'lare  galiardo  a  Vene- 
tiani  ;  dopoi  venera  a  la  E.  V.  ed  expectara  qui  alcune  instructioni  de 
la  Maestà  Cesarea  de  quello  bavera  a  far  cum  la  E.  V.  Me  dice 
ancora  la  Maestà  Cesarea  propria  haverli  dicto  che  rompendo  Vene- 
tiani  contra  la  E.  V.  ha  deliberato  farli  rompere  a  loro  dal  canto  de 
Austria,  e  per  questo  manda  uuo  suo  capitano  ch'è  venuto  in  compa- 
gnia  sua  in  Austria  per  condure  duemila  fanti  Boemi  e  cinquecento 
cavalli  legeri.  Ma  M.  Ans  me  dice  che  questo  capitano  doveva  venire 
in  Italia  per  servire  la  E.  V.  se  chiama  M.  Enrigo  Weispach,  ch'è 
venuto  novamente  ambasciatore  de  Hungaria  ;  cum  il  quale  parlando 
me  questa  sera  insiema  cum  l'oratore  spagnolo,  dove  erano  ancora 
alcuni  altri  capitanei  e  consiliarii  vecchii  e  de  auctorita,  feceno  uno 
discorso  che  la  Maestà  Cesarea  e  la  E.  V.  habiano  al  présente  più 
comodita  che  mai  havessino  de  fare  contra  Venetiani,  essendosi 
securo,  como  loro  affirmauo,  de  '  Turchi  ed  Unghari  e  promettendosi 
havere  cum  loro  Suiceri  ;  che  mettino  per  certo,  succedendo  pace  cum 
Suiceri  e  M.  Anz,  che  la  E.  V.  scia  la  praticha  ha  cum  Sviceri,  dice 
che  sarano  cum  Sua  Maestà  e  la  E.  V.  havendo  exhosi  Francesi. 
Questi  regenti,  cum  li  quali  particularmente  nho  parlato,  concorraao  in 
medesinia  sententia,  e  me  pare  comprehendere  in  loro  gran  desiderio 
de  pace  cura  Suiceri  e  rompere  cum  Venetiani;  e  se  ne  rasona  assai 
qui,    cum  modo   che  pare  dir  la  cosa  si  habia  mettere  al  présente,  e 


MAXIMILIEN  ET  LUDOVIC  SFORZA  171 

volendomi  [ ]   tal  impresa,  facile  dicono  che  haverano 

contra  Venetiani  le  fanterie  senza  pagamonto  perche  anderano  spoQ- 

taneamente  sperando   a   guadagnare   el   che  [ ]    che 

olim  siano  feroci,  non  hanno  che  perdere  se  non  la  lance,  e  gia  dicono 
qui  che  voleno  andare  a  Venetia  a  mensurare  quelli  drapi  de  seda  cum 
le  lance.  In  bona  gratia  de  la  E.  V.  humilinente  mi  ricomando.  Ispruch, 
7  augusti  1499. 

Fidelissimus  servitor,  Joannes  Colla  ' . 


(10  août  1499) 

Essendosi  stato  sel  giorni  in  continua  expectatione  de  l'aviso  che 
la  tregua  fosse  conclusa,  ch'era  grandcmente  desiderata  da  questi 
regenti,  hogi  hanno  havuto  aviso,  non  da  la  Maestà  Cesarea,  ma  da 
altri,  corne  in  tuto  la  praticha  è  dissolta,  e  che  la  Maestà  Cesarea  non 
vole  più  ce  ne  parla,  delibei'ando  continuare  la  giierra.  La  quale  deve 
essere  partita  da  Constantia  per  andare  al  loco  dove  fo  morto  el  conte 
de  Furstembergha.  De  laqnale  nova  se  ne  sta  qui  di  rnala  voglia,  et 
expectino  M.  Polo  Liettestanai'o  et  M.  Mancoaldo,  da  chi  intendarano 
quanto  se  havera  a  fare  e  le  difficiiltate  che  haveriano  irapedita  la 
tregua;  li  quali  andarono  poi  a  Marrano  a  una  dieta,  che  se  ha  a 
fare  venere  proximo  a  li  16:  ne  laquale  principalmente  se  trattara  de 
remandare  la  gente  in  carnpo  da  questo  canto,  e  l'ordine  se  havera 
servare.  Nondimeno  da  alcuni  di  questi  primi  consiglieri  m'è  dicto  che 
non  sono  ancora  senza  speranza  di  pace  o  di  tregua,  che  se  tracta 
secretamente,  e  per  quai  mezo  non  posso  iutendere. 

Li  oratori  del  papa,  hispano  e  napolitano,  sono  ancora  qui;  quello 
del  papa  per  ordine  de  la  Maestà  Cesarea,  che  l'ha  rimesso  ad  expec- 
tare  qui  ;  Napoli,  per  non  havere  modo  di  dinari  da  levarse.  Lo  His- 
pano expecta  le  instructione  ecinquanta  marchi  d'argento  in  dono  che 
li  debe  dare  li  Fochari  (sic)  ;  havuto  questo  argento  se  partira. 

In  bona  gratia,  &c.   Ispruch,  10  augusti  1499. 

(12  août  1499) 

Questa  nocte  é  venuto  el  spazo  al  oratore  Hispano  de  le  scripture 
expectava  da  la  Maestà  Cesarea,  e  qui  li  sono  stati  dati  li  cinquante 
marchi  d'argento.  Domane  se  inviara  per  venire  al  drito  a  la  Excellen- 
tia  Vostra,  havendo  mutato  pro|)Osito  del  camino  de  Venetia  per  andare 
più  presto  a  li  Catholici  Re  soi,  dove  demonstri  essere  per  operare  ad 

'  Suscription  :  lUmo  principi  et  ex"°  D»°  meo  oss"""  Domino  D.  Mediolani. 


172  MAXIMILIEN  ET  LUDOVIC  SFORZA 

gran  profite  de  la  E.  V.,  como  da  lui  a  hocha  intendera  ;  a  laqiiale  ho 
più  volte  dicto  chel  è  affectionato  servitore  ;  e  cosi  al  présente  gli  ne 
facio  ricorilo,  acio  la  possi  accarezarlo  che  certo  lo  mérita.  Prega 
la  E.  V.  ad  fare  scrivere  a  Genoa  par  provededi  de  qualche  bono 
passazo,  et  essendone  alcuno  preparato,  potendosi,  farlo  soprasedere 
fin  a  la  venuta  sua  qiiale  accelei'ara. 

In  bona  gratia,  &c.  Ispruch,  12  augusti  1499. 

(13  août  1499) 

Doi  di  qnesti  cousiglieri  sono  andati  alla  dieta  di  Marrano  dove 
sara  ancora  el  conte  Joanne  Siiniber,  capitano  del  cauipo,  e  M.  Mar- 
coaldo.  lo  era  per  andarli,  ma  essendo  giunto  qui  M.  Raimondo  de 
Inghilterra  questa  matina,  che  andava  per  il  camino  de  Marrano,  ho 
preso  ordine  cura  lui  chel  satisfara,  perche  la  dieta,  como  intendo,  non 
durara  se  non  uno  giorno. 

El  capitano  che  andava  in  Austria  per  condure  li  cavalli  e  fanti 
Boemi  è  revocato  da  la  Maestà  Cesarea,  dicendo  non  esser  più  biso- 
gno  :  el  che  da  alcuno  se  tôle  per  segno  di  speranza  di  pace  o  tregua. 

In  bona  gratia,  ec.  lsj)ruch,  13  augusti  1499. 

(13  août  1499) 

La  Cesarea  Maestà  ha  scripto  a  questi  regenti  vadino  al  Legato  e 
li  dicano  da  parte  de  Sua  Maestà,  che,  per  quanto  lui  li  parlo  li  giorni 
passati  de  la  pace  cum  Suyceri  a  nome  del  Papa,  l'ha  deliberata  mau- 
dare  soi  ambassatori  al  Papa  per  rispouderli,  e  perô  che  lui  fra  questo 
mezo  se  voglia  transferire  a  Roma  et  andare  in  compagnia  cum  l'ora- 
tore  Hispano  in  Italia  ;  e  cosi  li  sono  audato  hogi  a  farli  l'ambassata  ; 
la  quale  l'ha  bevuta  amaramente  e  ha  risposto  che  obedira,  excusan- 
dosi  non  potere  partire  cum  l'oratore  Hispano,  ch'è  partilo  hogi,  per 
havere  le  robe  sue  a  Olma,  quale  mandara  a  tore;  poi  se  inviara  in 
Italia,  e  non  poria  esser  più  maie  visto  da  costoro,  che  dicono  che  è 
spiono  del  Papa,  del  quale  non  potriano  havere  pegiore  opinione. 

In  bona  gratia,  etc.  Ispruch,  13  augusti  1499. 


41 
Ludovic  Sforza  à,  Giovani  Colla  ' 

(Vigevano,  5  août  1499) 

Con  le  lettere  tue  de  26  et  27  havemo  ricevuto  quelle  di  Augustino 
et  essendo  arrivato  il  cavallaro  in  lo  termino  datoli,  se  satisfara  de 
quello  li  hai  promisse. 


MAXIMILIEN  ET  LUDOVIC  SFORZA  173 

El  spazamento  facto  al  proposito  de  Brixina  ce  è  piaciuto  laudando 
che  tu  lo  soliciti  al  accelerare,  e  se  fusse  stato  più  jiresto,  corne  taute 
volte  havemo  instato,  saria  stato  più  al  proposito. 

[Se  de  la  deliberatione  facta  de  li  populi  di  Austria  de  succorrer  la 
Cesarea  Maestà  de  1.000  cavalli  sara  poi  havuto  altra  cei'teza,  ce  ne 
avisarai,  e  cosi  sel  thesoro  sai'a  stato  conducto  ad  ley]  ^. 

A  M.  Andréa  Lietestanar  dirai  che  in  l'amorevole  ofFerta  facta  rico- 
gneseino  quello  che  sein[)re  ha  dimonstrato,  una  grande  affectione 
verso  noi,  e  che  non  solo  acceptamo  l'ofFerta,  ma  ne  sera  summamenle 
grato  quando  vengi  e  ne  coiiducha  2.000  boni  fanti  Per  facilitare 
questo  affecto  scrivemo  ad  Augustino  Somenzo  che  operi  con  la 
Maestà  Cesarea  chel  concedi  licentia  de  posserli  levai-e  e  coudurli,  e  te 
mandamo  una  lettera  qui  alligata  simile  a  quella  havemo  mandata  noy 
per  cavalleri  ad  epso  Augustino.  Gli  la  darai  accio  possi  sollicitare 
questo  affecto  cum  la  Cesarea  Maestà. 

De  quello  intervenuto  aile  gente  Cesarea  verso  Basylea  ne  havemo 
havuto  prima  aviso,  et  in  el  maie  ne  place  chel  sii  stato  pocho. 

Havemo  commisso  alli  deputati  che  per  ogni  modo  provedano  al 
bisogno  tuo  con  efFecto. 

Ringratiarai  quelli  signori  regenti  de  quello  hano  scripto  alla  Maestà 
Cesarea  in  ricomendaiione  nostra  [e  li  pregarai  ad  volere  continuare 
et  in  particularità  acio  la  Maestà  sua  ne  proveda  de  fanti  per  li  nostri 
dinari  como  havemo  ricerchatij. 

De  le  nove  di  qua  non  havemo  altro  che  possemo  significare  se  non 
che  Francesi  attendano  ad  ingrossare  de  geute  d'armi  da  cavalo  e  da  pe. 
Perfin  qui  non  è  facto  altro.  Noi  etiam  attendemo  continuamente  a 
provvedersi  al  meglio  che  possemo. 

El  signor  vicecancellaro  nostro  fratello  è  giouto  a  Borgo  Santo 
Donnino  e  credemo  intrara  zohia  proximo  in  Milano. 

'  Milan.  Ibid.  Minute  originale.  La  date  a  été  modifiée:  d'abord  Medio- 
lani  2,  puis  Vigevani  5  Augusti. 
*  Les  §  entre  []  sont  en  chiii're  dans  l'original. 

L.-G.    PÉLISSIHR. 


LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE  DE  MAITRE  GUILLAUME  CRETIN 

{Suite) 


B.  N.  fr.   2818. 

Les  premiers  feuillets  contiennent  d'abord  «  la  table  et  recollection 
de  tous  les  sommaires  de  ce  présent  et  second  volume  »,  ensuite 
un  prologue  sans  intérêt,  où  l'écrivain  résume  les  événements  qu'il 
se  propose  de  relater.  Après  avoir  invité  sa  plume  (1  r°)  à  n'être  ni 
médisante  ni  flatteuse,  il  se  décide  à  entrer  en  matière. 

2  r".  I.  Clotaire  demande  à  l'Eglise  des  subsides,  mais  comme  l'ar- 
chevêque de  Tours  lui  monti'e  l'inconvenance  de  ses  prétentions,  il  se 
résigne  à  respecter  la  richesse  des  serviteurs  de  Dieu. 

Et  fit  bien.  Oncques  homme 

2   v°  Chargeant  l'Eglise  (assez  le  pujs  prouver) 
A  tard  sceut  il  du  cas  bien  se  trouver. 
Je  ne  dy  pas  pour  cause  raisonnable, 
Qu'a  debeller  la  perverse  et  damphable 
Paganerie,  on  n'eust  raison  et  droit 
Lever  argent  par  ung  chascun  endroit  : 
Mais  employer  le  sacré  patrimoyne 
Du  crucifix,  levant  sus  prestre  et  mojne 
Exaction,  pour  faire  sang  crestien 
Espendre  ainsi,  —  certes,  je  croj  et  tien 
Que  si  ung  prince  argent  d'Eglise(s)  touille 
Avecq  le  sien,  enfin  ceste  despouille 
Fera  verser  son  aff"aire  a  nyent, 
Et  trouvera  tel  inconvénient 

3  r°-  7r°.  Guerre  entre  Clotaire  et  Cran.  Après  diverses  péripéties, 
celui-ci  est  vaincu,  pris  et  tué.  Sa  famille  subit  le  môme  sort,  et  c'est 
là  un  excellent  exemple  pour  les  enfants  qui  n'obéissent  pas  à  leur 
père.  Cette  affaire  terminéeàsa  satisfaction,  le  roi  se  rend  àTours,  et 
remercie  le  bon  saint  Martin  qui  l'a  assisté  dans  cette  circonstance. 
De  Tours  il  se  dirige  vers  Soissous,  afin  d'y  goûter  le  repos  qu'il  a 
si  bien  gagné. 

8  r°.  11.  Sa  femme  Ingonde  le  prie  de  chercher  pour  Ragonde,  sa 
sœur,  un  riche  et  noble  mari.  Clotaire,  qui  n'a  rien  à  refusera  son 
épouse,  va  voir  Ragonde,  la  trouve  belle...  et  la  prendpourlui.il 
annonce  lui-même  à  Ingonde  cet  arrangement. 


CHRONIQUE  FRANÇAISE  DE  MAITRE  GUILLAUME  CRETIN    175 

(Comme  fortune  a  gentz  nujre  s'avance) 
Qu'il  j  perdra  vie,  honneur  et  chevance. 
«...  Ma  mye,  il  ne  fault  t'esbahir 
De  ce  qu'aj  fait.  Te  voulant  oheyr, 
En  maintes  partz  aj  je  tourné  ma  veue 
Ajffin  de  veoir  la  tienne  seur  pourveue 
Bien  a  son  gi  é  et  selon  ton  désir  ; 
Mais  je  n'ay  sceu  duc  nj  comte  choysir 
A.  beaucoup  près  m'approuchant  en  noblesse, 
8  v°  Honneurs  et  biens.  Par  ainsi  je  ne  blesse 
Le  renom  d'elle,  et  non  fais  je  le  tien, 
Et  si  tu  fais  de  ce  cas  bonne  enqueste. 
Bien  trouveras  qu'en  sujvant  ta  requeste 
Je  l'ay  pourveue  avecq  le  plus  puissant 
De  mon  rojaulme.  »  Or,  cela  congnoissant, 
S'en  fut  troublée  et  eut  tristesse  d'ame, 
Non  sans  raison  :  mais  ceste  bonne  dame 
Faciemment  le  porta  sans  monstrer 
Semblant  du  deuil,  dont  pourroit  femme  oultrer 
De  fier  despit,  en  voyant  qu'on  la  laisse 
Contre  la  loy  d'honneur  et  gentillesse. 

Ragonde  se  retire  dans  un  cloître,  et  mène  une  sainte  vie. 

9  1°  et  v°.  Vers  cette  époque,  il  y  avait  à  la  cour  un  prud'homme 
nommé  Gautier  d'Yvetot  :  il  jouissait  d'une  rare  faveur,  mais  les 
jaloux  firent  si  bien  qu'ils  le  rendirent  suspect  au  prince,  et  qu'il  fut 
contraint  de  s'éloigner. 

0  faulse  envie,  est  ce  la  fois  première 
Qu'as  fait  de  maulx  sourdre  feu  et  fumiere  ? 
Non  !  En  Genèse  exemple  y  en  a  bel  : 
Par  toy  Caym  occist  son  frère  Abel, 
Par  toy  Joseph  fut  vendu  en  Egipte, 
Par  toy  receut  Absalon  maulvais  giste, 
Par  toy  Saiil  perdit  sens  et  raison, 


Par  toy  le  filz  de  la  Vierge  Marie 
Pendit  en  croix,  et  par  toy  mal  varie 
La  mauvaistié  des  envieux  en  court. 

Quant  verrons  nous,  a  prendre  un  terme  court, 


176  LA  CHRONIQUE   KRANÇAISE 

Envie  a  fin  ?  Quant  nous  pourrons  conguoistre 
Religieux  n'avoir  murmure  eu  cloistre, 
Quant  on  veiTa  lojaulté  aux  meuniers, 
Quant  uzuriers  seront  grandz  aulmonniers, 
Quant  les  chartiers  n'auront  fierté  si  haulte 
Et  ne  vouldront  jurer  que  par  «  Sans  faulte  !  » 
Quant  advocatz  servii'ont  povres  gentz 
Plus  par  pilié  que  riches  pour  argentz, 
Quant  on  verra  clorre  et  fermer  la  bonde 
Des  détracteurs  dont  tant  de  mal  habonde. 
Il  sera  doncq  bien  tard  quant  ce  sera. 
Ce  sera  lors  que  désir  cessera 
10  r°  Toucher  les  cueurs  pour  aniasser  finance, 
Ou  aurons  potz  de  terre  a  si  fine  ance 
Que,  pour  tumber,  ne  seront  ja  cassez. 
C'est  trop  resvé!  Nous  n'en  parlons  qu'assez. 
Mais,  a  propos,  ne  pensons  point  qu'envie. 
Tant  que  le  monde  aura  son  cour:',  desvie 
Ou  preigne  fin.  Envie,  a  ung  mot  rond, 
Ja  ne  mourra,  —  rcais  envieux  mourront. 

Pendant  dix  ans,  Gautier  lutte,  pour  la  foi  catholique,  contre  les 
Turcs,  «  car  il  estoit  ung  bien  gaillard  gendarme  ».  —  10  v°-12  v". 
Puis  il  songe  au  retour,  et  passe  par  Rome,  où  il  obtient  du  pape  une 
lettre  qui  le  recommande  à  l'indulgence  du  roi  de  France.  Cette  lettre 
fut  présentée  à  Clotaire  un  vendredi  (jour  de  pardon)  et  dans  une 
église,  mais  Gautier  n'en  fut  pas  moins  égorgé.  Il  est  vrai  que  le 
meurtrier  témoigna  beaucoup  de  repentir,  et  qu'il  accorda  au  pays 
d'Yvetot  quantité  de  privilèges. 

13  r".  III.  Clotaire  veut,  un  jour,  prendre  le  plaisir  de  la  chasse.  Il 
rassemble  ses  veneurs,  et  voilà  le  cerf  lancé. 

13  V  C'est  ung  plaisir  oujr  les  belles  voix 

Des  chiens  courans  retentir  en  ces  bois; 

C'est  ung  dedujt,  quant  cors  et  trompes  sonnent, 

Du  plaisant  son  que  forestz  en  resonnent; 

C'est  passetemps  d'oujr  aux  chiens  parler: 

«  Va  cy,  Clabault  !  Va,  vé  le  cj  aller! 

La,  la,  ira,  Rigault,  Bruyant,  Fricaude, 

Marteau,  Grongnard,  Brifault!  Par  cj,  va,  Baude! 

La,  cher  amy  ;  va,  vé  le  cy  fuyant!  » 


DE    MAITRE   GUILLAUME    CRETIN  177 

La  bête,  qui  finit  cepeudant  par  être  forcée,  avait  déployé  de  telles 
ruses  et  fait  de  si  longs  détours,  que  le  roi,  d'ailleurs  âgé,  sentit  une 
extiême  lassitude  (14  i")  :  il  lui  fallut  s'aliter;  ni  les  drogues  ni  les 
sirojis  ne  le  purent  rétablir,  et  bientôt  s'approcha  du  malade  Celle  qui 
loge  »  a  moins  que  dire  picq!  Povres  humains  a  la  pelle  et  au  picq  ». 

—  14  v^-lS  r°.  Clotaire  prononça  un  acte  de  foi  (des  plus  longs),  et 
trépassa. 

1.5  v°-17r°.  IV.  Partage  du  royaume  entre  les  quatre  fils  de  Clotaire. 

—  17  v°-18  r".  Mauvaises  mœurs  d'Aribert  et  de  Contran.  —  19  r°. 
Sigebert  épouse  la  fille  du  roi  d'Espagne,  Brnnechilde.  Elle  abjure 
l'arianisme.  —  19  v''-21  ro.  Récit  de  son  premier  crime. 

21  v°.  V.  Chilpérich  se  marie  avec  Galsonde  [Galeswinthe],  et  son 
peu[)le  espère  que  cette  union  le  retirera  enfin  des  amours  illicites. 

22  v°  Mais  ja  pourtant  n'en  laissa  le  mesnaige, 
Car  il  fut  tant  emburelucocqué, 
Coeffë,  bridé,  affublé  et  tocqué 
Des  doulx  attraictz  et  façons  affettées 
De  cinq  ou  six  vilaines  afettées, 
Qu'honneur  foulant  de  son  liet  nupcial, 
Autres  souilla,  et,  par  especial, 
(Ainsi  qu'amour  desordonnée  enchante 
Folz  amoureux)  tant  fut  d'une  meschante, 
Qui  Fredegonde  avoit  nom,  fort  espris 
Qu'il  eut  sa  femme  en  merveilleux  despris. 
Or  Fredegonde  estoit  belle  au  possible, 
D'œil  attrayant,  de  caquet  invincible. 
Et  de  maintien  si  safFre  et  advenant 
Que  nul  trouvoit,  fust  allant  ou  venant, 
Qui  tost  n'entrast  en  la  flamme  et  fournaise 
D'ardant  désir 

22  v°-23  r".  A  l'instigation  de  Fredegonde,  le  roi  ordonne  que  sa 
femme  soit  étranglée,  puis  (23  v"),  après  avoir  apaisé  les  colères  que 
cette  noire  action  soulève,  il  a,  «  mectant  playes  sur  bosses  »,  l'audace 
de  pi'endre  une  nouvelle  épouse,  nomuiée  Audouaire  [Audowère].  — 
24  r»  et  v°.  Il  en  eut  trois  fils,  et  elle  était  sur  le  point  de  devenir 
mère  encore,  lorsqu'il  fut  contraint  d'aller  en  guerre.  —  25  r»-26  v". 
VI.  Une  fille  lui  naquit  pendant  qu'il  était  absent,  et  Fredegonde  con- 
seilla à  la  reine  de  tenir  elle-même  son  enfant  sur  les  fonts.  Lorsque 
Chilpérich  apprit,  à  son  retour,  que  sa  femme  était  mère  et  marraine 

12 


178  LA   CHRONIQUE   FRANÇAISE 

de  sa  propre  fille,  chose  très  défendue  par  l'Eglise,  il  «  eut  tel  despit 
qu'il  en  cuyda  crever  ».  11  répudia  Audouaire,  chassa  de  sa  cour  l'évê- 
que  qui  avait  fait  le  baptême,  «  puys  espousa  la  mauvaise  truande  », 
Frédegonde. 

27  r°-28  Y".  Vil.  Lutte  de  Sigebert  contre  les  Huns.  Chilpérich 
profite  de  l'embarras  de  son  frère  pour  lui  ôter  la  ville  de  Reims. 
Sigebert  rend  «  chou  pour  chou  »  et  s'empare  de  Soissons  Un  arran- 
gement intervient,  mais  qui  ne  sera  pas  durable.  —  29  r"-30  v°.  VIII, 
La  guerre  recommence  ;  plusieurs  provinces  sont  dévastées.  Si  grande 
est  la  misère  publique  qu'une  nouvelle  trêve  est  enfin  conclue. 

31  r°-32r°.  IX.  Alliance  de  Chilpérich  et  de  Sigebert  contre  Gontran. 
Les  trois  frères  ennemis  se  décident  à  parlementer,  et  ils  échangent 
des  serments  pacifiques  qu'ils  n'ont  pas  l'intention  d'observer.  —  Et 
la  preuve,  c'est  que  Sigebert  attaque  Chilpérich,  l'enferme  dans  les 
murs  de  Tournai,  et  le  réduit  à  une  telle  détresse  qu'il  ne  songe  plus 
qu'à  mourir.  Heureusement  pour  lui,  Frédegonde  va  entrer  en  scène, 

A  deux  paillardz  truans  afetardiz, 
Promptz  a  mal  faire  et  a  beau  faict  tardifz, 
Secrètement  les  tirant  de  eoste  elle, 
Tant  blasonna  par  subtile  cautelle, 
Et  tant  y  eut  par  elle  avant  marché, 
Que  ces  peudardz  conclurent  le  marché 
D'aller  meurdrir  Sigebert  en  sa  tente  ; 
En  quoy  faisant,  esperans  grosse  actente 
De  biens  mondains,  leur  jura  et  promist 
Foy  de  princesse,  ou  cas  que  Dieu  permist 
Qu'ils  fussent  la  occis  [lar  malencontre, 
Faire  pour  eulx  tant  de  biens  a  rencontre 
De  ce  beau  faict,  tant  de  fondations, 
Tant  d'oraisons  et  tant  d'oblations, 
Que  vray  pardon  de  l'utille  homicide 
Leur  seroit  faict.  Moyennant  tel  subside, 
Les  malheureux,  follement  abusez 
Par  allaitez  langaiges  si  rusez 
32  v°  De  ceste  faulse  et  maie  créature, 

S'allèrent  mectre  ainsi  a  l'adventure. 

Tant  sceurent  ilz  tournoyer,  topier 

Et  l'ost  du  roy  Sigebert  espier, 

Q'entour  mynuict,  au  droict  point  que  le  somme 


DE  MAITRE  GUILLAUME   CRETIN  179 

De  plain  repoz  l'homme  abat  et  assomme, 

Comme  aucteurs  faulx  du  criminel  délit, 

Soudainement  l'occii'ent  en  son  lict  : 

Mais  les  meurdriers,  en  presse  et  grosses  tourbes 

Cujdans  foujr,  coups  y  receurent  ourbes, 

Et  feurent  la  detranchez,  a  pas  telz, 

Aussi  menu  comme  chair  a  pastez. 

C'est  la  raison  :  qui  fiert  de  glayve,  certes, 

Requiert  que  glayve  en  paje  les  dessertes. 

33  1°  et  v°.  Les  soldats  de  Sigebert  éprouvent  un  amer  chagrin. 
Mais  que  faire  ?  lis  finissent  par  demander  la  paix  à  Chilpéi'ich. 

34  vo-36  r».  X.  Après  la  mort  de  son  mari,  Brunechilde  est  exilée  à 
Rouen.  Chilpérich  ordonne  à  Mérovée,  son  fils,  d'aller  visiter  les 
peuples  qui  habitent  les  bords  de  la  Loire.  Le  jeune  homme  profite 
de  ce  voyage  pour  se  rendre  chez  sa  mère,  Audonaire.  Pathétique 
entrevue.  L'adolescent  i)rononce  à  son  départ  les  pieuses  paroles  que 
voici  : 

«   Madame,  il  fault  tousjours  vous  monstrer  saige  : 

Qui  souffre  il  vainct  et  n'est  jamais  vaincu. 

Je  vous  supplj,  armez  vous  de  Tescu 

De  vertueuse  et  bonne  pacience  ; 

Prenez  en  gré.  Je  ne  croj  pas,  si  en  ce 

Persévérez,  que  Dieu,  en  regardant 

Vostre  bon  droit,  ne  le  vous  soit  gardant. 

Luj  mesme  a  dit  que  par  peines  diverses, 

Douleurs,  travaulx  et  pénibles  traverses, 

Convient  entrer  au  royaulme  des  cieulx  ; 

De  ses  amys  est  tousjours  soucieux. 

Et  se  le  corps  pour  luj  souffre,  il  mérite 

Le  bien  parfaict  dont  enfin  l'ame  hérite.  » 

36  v°.  Guidé  par  son  mauvais  génie,  Mérovée  se  dirige  vers  Rouen, 
où  il  tombe  dans  les  filets  de  sa  tante  Brunechilde. 

Or,  Mérovée  estoit  gaillard,  plaisant. 
Beau,  gracieux,  bien  disant  et  faisant 
Ce  que  peult  faire  ung  jeune  gentilhomme 
De  telle  sorte  et  taille,  que  Ton  nomme 


180  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

Ung  verd  galand,  sus  le  point  d'enraigec, 
Qui  plus  ne  peult  ses  appetitz  ranger. 
Ja  sentoit  il  les  amoureuses  mousches 
Sus  luy  donner  sauvaiges  escarmouches  ; 
Feu  le  touclioit  qui  de  bien  près  semont 
37  r°  Filz  de  telle  aage,  assault  et  presse  tnonlt 
Quant  l'aiguillon  de  la  chair  se  rebelle. 

Et  luj  voyant  sa  tante  entière,  belle, 
Fresche  de  tainct  et  en  aussi  bon  point 
Qu'est  jeune  fille  a  qui  le  tetin  poingt, 
Toute  gaillarde,  honneste,  fort  friande, 
G-entile,  gaje  et  saffre  a  la  viande, 
Yeulx  esveillez,  guilleretz,  soubrianz, 
Promptz  a  gecter  leurs  traictz  et  dardz  frians 
Pour  tenir  rencz  d'amoureuse  castille, 
(Comme  l'on  dist  les  dosnes  de  Castille) 
Estre  d'accueil  et  gracieux  attraict  ;  — 
Et  tout  ainsi  que,  pour  boyre  ung  grand  traict, 
On  verse  vin  cleret  de  gourde  pie 
En  verre  ou  tasse,  et  qu'il  tourne,  touppie, 
Saulte  et  frétille,  appelant  son  buveur  : 
Ainsi  advient  que,  pour  donner  saveur 
Et  goust  friant  aux  viandes  secrettes, 
Sçavent  dresser  ung  tas  de  vinaigrettes 
Dames  de  cueur  et  couraige  legier 
Qui  du  bancquet  d'amours  veullent  mengier  ;  — 
La,  Brunechilde  avecqnes  Merovée 
Ayant  chascun  forme  a  son  pied  trouvée, 
Furent  soudain  leurs  cueurs  liez  ou  laz 
Dont  longz  ennuyz  passent  legiers  soûlas. 
37  v°       Lors  de  l'affaire  ensemble  disposèrent 

Par  tel  marché  que  l'un  l'autre  espouserent 
Sans  garder  loy  n'ordre  de  parenté. 

Pensez  se,  luy ,  fat  bien  apparenté 
D'ardantz  désirs  pour  servir  a  la  jouste  ; 
Elle,  en  façon  qu'affection  adjouxte 
Frais  appétit  au  vouloir  lors  qu'on  bat, 
Délibéra  d'actendre  le  combat, 
Disant  :  «  S'il  pense  avoir  bonne  victoire, 


DE  MAITRE  GUILLAUME   CRETIN  181 

J'auray  confort.  »  Par  ainsi  est  notoire 
Que  chascun  fut  le  bon  droit  soustenant, 
Tant  (le  la  part  du  venant  (|u'au  tenant. 
Si  au  tournoy  se  firent  grandes  armes, 
Cela  demeure  a  ceulx  qui  les  vacarmes 
Du  pas  friant  ont  a  force  exploictez, 
Car  ramener  par  escript  exploictz  telz 
N'est  bien  mon  cas  ;  ce  me  sont  lectres  closes. 
A  texte  rond  n'est  besoing  mectre  gloses. 

Chilpérich  est  instruit  de  ce  mariage,  et  il  accourt  à  Rouen,  fort 
irrité  contre  son  fils.  —  38  r°-39  v".  XI.  Ils  ont,  les  deux  amoureux, 
mangé  «leur  pain  blanc  le  premier  '>.  A  l'arrivée  du  roi,  ils  cherchent 
asile  dans  un  monastère  :  on  les  en  tire  par  de  belles  promesses,  puis 
on  conduit  de  force  Mérovée  à  Paris.  Il  s'échappe,  se  réfugie  à  Saint- 
Martin  de  Tours,  en  sort  bientôt  pour  son  malheur,  et  passe  dans  la 
province  de  Champagne.  Ses  ennemis  parviennent  à  le  cerner,  et  il 
commande  à  l'un  de  ses  serviteurs  de  lui  donner  la  mort. 

40  r°  et  \°.  XII.  Siège  et  prise  de  Soissous  par  Chilpérich.  —  Son 
fils  Clovis  porte  la  guerre  sur  le  territoire  de  Gontran.  —  41  r°-42  r". 
Celui-ci  confie  son  armée  à  l'habile  général  Mommolin  [Mummolus] 
qui,  après  une  bataille  ou  l'on  ouït  les  canons  tonner,  repousse  l'en- 
vahisseur. —  42  ^-43  r°.  Chil|iérich  cherche  querelle  au  duc  de  Bre- 
tagne Varracon  [Waroch],  mais  ses  troupes  sont  surprises,  et  il  lui 
faut  accepter  un  traité  désavantageux. 

44  r»  et  V.  XIII.  Frédegonde  excite  son  mari  contre  l'évêque  de 
Rouen,  Prétexte.  Il  est  cité  devant  une  assemblée  ecclésiastique, 
comme  ayant  consacré  le  mariage  incestueux  de  Mérovée.  On  produit 
en  outre  de  faux  témoins  qui  l'accusent  d'avoir  distribué  de  l'argent 
pour  pousser  à  la  révolte  les  sujets  du  roi.  —  45  v°.  Prétexte  répond 
aux  faux  témoins  ainsi  qu'il  suit  : 

«  . Pervers  sedicieux, 

Langues  d'aspic,  venimeuses  vipères, 
Presentz  le  ro_y  et  ces*  reverendz  pères, 
Ozez  vous  bien  soustenir  rapportz  telz  ? 
Quant  au  regard  du  point  ou  rapportez 
Qu'ay  fait  des  dons,  vostre  dire  conferme, 
Car  maint  povre  homme  et  souffreteux  enferme 

Ms  :  ses. 


182  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

Aj  je  nourry  etsubstanté  de  dons. 
Que  puys  je  mieulx  fors,  de  mesmes  guerdons 
Receuz  de  Dieu  par  très  amples  largesses, 
Faire  a  autruj  presentz  de  mes  richesses  ? 
J'aj  plusieurs  biens  de  l'Eglise  donnez, 
Distribuez,  livrez  et  aulmosnez, 
L'ordre  tenant  qu'a  Dieu,  ce  pense,  agrée  : 
Mais  de  toucher  la  majesté  sacrée, 
S'ay  entrepris,  par  dict,  pensée  ou  faict, 
Luj  nuyre  en  riens,  pugnj  soye  et  deffaict  ; 
Et  si  aucun  homme  vivant  sur  terre 
Veult  maintenir  qu'onc  de  moy  receust  erre, 
Don  ou  présent  pour  toucher  vie,  honneur 
Et  biens  du  roy  mon  souverain  seigneur, 
Icy  le  die  et  publie  a  voix  hauite! 
45  v°  Et  si  en  moy  se  treuve  quelque  faulte, 
Je  me  soubmectz  a  la  discrétion 
De  ceulx  auxquels  gist  ma  correction.  » 

Chilpérich  s'engage  à  ne  pas  se  montrer  rigoureux  envers  l'accusé 
pourvu  qu'il  confesse  ses  torts.  —  46  r°-48  r".  Hésitations  de  Tévê- 
que  :  il  se  résout  à  feindre  d'avoir  été  coupable.  Grégoire  de  Tours 
plaide  inutilement  sa  cause.  Le  parti  du  roi  triomphe,  et  Prétexte 
est  exilé. 

XIV.  Gontran  adopte  sou  neveu  Ghildebert.  —  48  v".  Discours  qu'il 
hii  tient  en  cette  circonstance. — 49  v°.  Réponse  de  l'enfant  par  la  bou- 
che de  l'un  de  ses  gouverneurs.  —  Démêlés  de  Gontran  et  de  Chil- 
périch. —  49  v°-51  r°.  Indigue  conduite  de  celui-ci  :  ses  pilleries  en 
Bretagne  ;  assassinats  ;  exactions. 

52  i'\  XV.  Signes  et  prodiges  advenus,  en  ce  temps,  au  pays  de 
France. 

Aquarius,  grand  ministre  des  eaux, 

Ouvrant  du  ciel  les  conduitz  et  tuyaux, 

En  France  fist,  celluy  an,  tel  déluge 

Que,  puys  le  temps  du  bon  Noé,  ne  leu  je 

Sur  le  climat  françoys  avoir  esté 

Ung  si  divei'S  et  merveilleux  esté. 

Pluye  en  septembre  a  très  grosse  habon  lance 

Survint,  par  quoy  sonna  piteuse  dance  : 


DE  MAITRE  GUILLAUME  CRETIN  183 

Car  Eolus  fist  Auster  tant  soufler 
Qu'il  contraignit  les  gros  fluves  enfler, 
Et  tellement  partout  se  desborderent 
Que  bestiaux  et  maisons  emportèrent. 
Par  ce  déluge  et  soudain  apport  d'eaux 
En  divers  lieux,  a  Lion  et  Bordeaux, 
Tumberent  grandz  et  puissans  ediffices. 
Nature  adoncq  n'usa  de  ses  offices 
Quant  a  germer  semences,  dont  poureux 
Devindrent  tous  les  povres  laboureux, 
Car  la  saison  n'eurent  bien  opportune 
De  povoir  mectre  et  semer  graine  aulcune. 
Lors  j)euple  fut  [)lus  que  jamais  troublé 
Voyant  si  grande  enchère  mectre  ou  blé. 
Puys  quant  les  eaux  peu  a  peu  s'escoullerent 
Et  qu'au  droit  cours  de  leurs  places  couUerent, 
On  veit  assez  arbres  couvers  de  fleurs, 
52  v°  La  terre  aussi  de  diverses  couleurs 

Moult  enrichie  et  fort  belle  pour  veue 
Rassasier,  —  mais  de  fruictz  non  pourveue. 

Les  Tourangeaulx,  par  admirations 
De  grandz  esclairs  et  fulgurations, 
Furent  esmeuz  de  frissons  redoubtables. 
Cris  merveilleux,  très  fort  espoventables. 
En  divers  lieux  menèrent  tel  sabat 
Comme  quant  vent  arbres  froisse  et  abat. 
A  Bordeaux  client  du  ciel  horrible  fouldre 
Qui  grandz  manoirs  fist  consommer  en  pouldre. 
Tel  tremblement  de  terre  y  eut  que  tous 
Les  citoyens,  humiliez  et  doulx, 
Tindrent  les  champs  pour  lors  maintesjournées. 
Ces  mouvementz,  vers  les  montz  Pyrénées, 
En  cet  instant  s'allèrent  présenter, 
Sans  les  plus  haultz  en  permectre  exempter. 
Car  grandz  rochiers,  par  terribles  tempestes, 
En  trébuchant  meurdrirent  gentz  et  bestes. 
Ceulx  d'Orléans,  Berruyers  et  Chartrains, 
En  lieux  profondz  et  bas  feurent  contrainctz 
Faire  séjour  ;  par  l'espesseur  des  gresles, 


184  LA   CHRONIQUE   FRANÇAISE 

Tonnerre,  esclair  et  fouldres  très  cruelles. 
Trouvèrent  fort  leurs  biens  endommaifrez. 


53  r°       Longtemps  n'avoit  esté  ouj  ne  veu 
Le  ciel  donner  si  mauvaise  influence. 
Dont  procedast  une  telle  affluence 
D'estranges  maulx  et  accidens  divers 
Pour  faire  humains  tant  gésir  a  l'envers  : 
Car  fiebvre  et  flux  tindrent  comme  en  souflrance 
La  plus  grand  part  du  royaulme  de  France, 
Mal  d'estommach,  esvanoujssemens, 
Douleurs  de  cueur,  soudains  vomissemens  ; 
Testes  et  reins  souffrirent  peines  telles 
Que  font  porter  afîlictions  mortelles. 
C'estoit  pitié  d'ouyr  plaindre  et  gémir 
Les  pacientz,  par  force  de  vorajr 
L'infection  a  pleine  gorge  ouverte, 

53  v"  Comme  pojson  de  couleur  jaulne  et  verte. 
Par  tous  endroictz  ceste  mortalité 
Rendit  alors  maint  corps  mort  alitté, 
Dont  peu  de  ceulx  qui  venins  telz  receurent. 
Hors  du  dangier,  marcher  par  terre  sceurent. 

Le  fléau  atteint  Chilpérich  et  son  lignage.  Frédegonde  est  prise  de 
remords,  et  (54  r»)  elle  se  rend  chez  son  mari  pour  l'engager  à  se 
repentir.  —  54  v''-56  r''.  XVI.  Discours  de  la  reine.  —  Chilpérich  est 
ému;  il  s'efforce  de  soulager  son  peuple,  multiplie  (56  v°)  les  bonnes 
œuvres.  Par  malheur,  la  crainte  seule  le  faisait  agir,  et  l'on  ne  pou- 
vait pas  compter  sur  cette  conversion  intéressée. 

57  r°  et  \°.  XVII.  La  femme  de  Gontran,  Austrigilde,  qui  n'avait 
pas  échappé,  elle  non  plus,  à  la  maladie  régnante,  demande  à  son 
mari  d'égorger,  une  fois  qu'elle  aura  passé  le  dur  pas,  les  médecins 
qui  l'ont  soignée.  Son  vœu  est  respecté  [jieusement.  Guillaume  Crétin 
blâme  cette  reine  féroce  et  (58  r°)  ce  roi  trop  complaisant. 

XVIII.  Guerre  contre  les  Lombards.  —  58  v°-59  v°.  Les  Français 
entrent  en  Italie,  mais  ils  se  lassent  vite  de  chercher  un  ennemi 
qui  se  dérobe,  et,  grassement  payés  pour  cela,  ils  consentent  à  se 
retirer. 

60v°-62v°.  XIX.  Histoire  d'Ingonde  et  d'Hermehilde  [Herméne- 
ghild].  —  Projet  d'une  nouvelle  expédition  en  Italie.  —  63  r°.  Elle 
n'a  pas  lieu. 


DE  MAITRE  GUILLAUME  CRETIN  185 

64  r°  et  v".  XX.  Chilpérich  travaille  à  répandre,  en  ce  qui  concerne 
la  Trinité,  une  opinion  hérétique.  Protestations  de  Grégoire  de  Tours 
et  (65  r°)  de  Salvius  d'Albi. 

65  v°-68  r°.  XXI.  Frédegonde,  qui  veut  perdre  Clovis,  commence 
par  livrer  aux  bourreaux  la  concubine  de  ce  prince  et  la  mère  de 
ladite  concubine.  Chilpérich  abandonne,  sans  témoigner  le  moindre 
regret,  son  fils  à  la  fureur  de  la  reine.  Mort  de  Clovis.  Le  chroniqueur 
réprouve  l'indifFérence  du  père. 

68  v°  0  cueur  cruel,  trop  plus  dur  qu'aymant, 
Est  il  belistre  ou  monde  et  cajrnant 
Qui  de  son  sang,  selon  deu  de  nature, 
Ne  prist  pitié  ?  Mais  est  il  créature 
De  bon  advis,  voyant  meurdrir  sa  chair, 
Qui  ne  se  fist  Tame  du  corps  sacher 
Ains  qu'endurer  faictz  si  abhominables  ? 
Ne  voyons  nous  bestes  irraisonnables 
Leurs  faons  garder  par  naturel  instinct  ? 
En  congnoist  on  qui  fort  près  ne  se  tint 
Pour  sa  portée  a  son  povoir  deffendre? 
Je  croy^que  non.  —  Humain  cueur  devroit  fendre 
Quant  il  congnoist  son  sang  propre  asservy 
A  souffrir  mal  qu'il  n'a  pas  desservy. 
Celluy  est  doncq  pire  que  beste  brutte, 
Et  plus  cruel,  qui  d'amour  se  rebutte 
Jusqu'à  laisser  son  enfant  au  dangier 
De  cueur  si  chault  a  se  vouloir  vengier, 
Ainsi  que  fist  ceste  faulse  deab]esse 
Contraire  a  ioy  el  ordre  de  noblesse. 

(.4  suivre).  Henry  Guy. 


BIBLIOGRAPHIE 


REVUE    DES    REVUES 

Romanische  forschungen,  XIX,  1. —  G.  Wenderolk  :  Estienne 
Pasquiers  poetische  Theorieu  uud  seine  ïatigkeit  als  Literatuihisto- 
riker,  p.  1  ;  —  R.  Reis  :  Die  Sprache  im  u  Libvre  du  boa  Jehan,  Duc 
de  Bretagne»  des  Guillaume  de  Saint-André  (14  Jahr.),  p.  76  ;  —  P.-C. 
Juret  :  Etude  grammaticale  sur  le  latin  de  s.   Filastrius,  p.  130. 

Annales  du  Midi,  n"  65.  — Dejecmne  :  Le  troubadour  Cercamon, 
p.  27;  —  6r.  Steffens  :  Fragment  d'un  chansonnier  provençal  aux 
Archives  royales  de  Sienne,  p.  63;  —  V.  de  BarLholomaeïs  :  Une 
nouvelle  rédaction  d'une  poésie  de  Guilhem  Montanhagol,  p.  71  ;  — 
A.  Jeanroy  :  Gascon  «  lampournè  »,  p.  75. 

Revue  historique,  scientifique  et  littéraire  du  départe- 
ment du  Tarn,  sept.-déc,  1904.  —  A.  Vidal  :  A  travers  les  lau- 
simes  de  Saint-Salvi,  XIV-XV'^  siècles,  p.  257  et  353. 

Revue  du  Béarn  et  du  pays  basque,  II,  I.  —  E.  Bourciez  : 

Navarrot  et  ses  chansons  béarnaises,  p.  6. 

Bulletin  du  parler  français  au  Canada,  111,  5,  6  et  7.  — 
Lexique  canadien-français  (suite),  p.  153,  181,  221. 

Studi  medievali,  I,  2.  —  A.  Sepulcri  :  Le  alterazioni  fonetiche  e 
morfologiche  nel  latino  di  Gregorio  Magno  e  del  suo  tempo,  p.  171; — 
G.  Berioni  :  Un  rimaneggiamento  toscano  del  «  Libro  »  di  Uguçon 
da  Laodho,  p.  235  ;  —  R.  Sabbadini  :  Frammento  di  gramraatica 
latino-bergamasca,  p.  281. 

Zeitschrift    fur     franzôsische    sprache     und     litteratur, 

XXVUl,  1  et  3.  —  E.  Brugger  :  Beitriige  zur  erklàruug  der  arthu- 
rischen  géographie  11,  p.  1  ;  —  E.  Stengel  :  Die  refrains  der  Oxforder 
ballettes,  p.  72;  -  G.  Baist  :  Wortgeschichtliches  :  Cerneau,  p.  79; 
— D.  Behrens  :  Wortgeschichtliches  : 'afrz.  crinque,  wall.  ringuèle, 
p.  81. 

Romania,  XXXIV,  n"  133.  —  G.  Huet  :  La  version  néerlandaise 
des  u  Lorrains  ».  Nouvelles  études,  p.  1  ;   —    P.  Meyer   :   Notice  du 


BIBLIOGRAPHIE  187 

ms.  9225  de  la  bibliothèque  royale  de  Belgique  (légendier  français), 
p.  24  ;  —  V.  de  Bartholomaeis  :  «  De  Rambaut  e  de  Coine  «,  p.  44; 

—  A.  Thomas  :  Le  roman  de  Goufier  de  Lastours,  p.  55  ;  —  J.-T. 
Clark  :  L'influence  de  l'accent  sur  les  consonnes  médiales  en  italien, 
p.  66  ;  —  P.  Meyer  :  De  quelques  manuscrits  français  conservés  dans 
les  bibliothèques  des  Etats-Unis,  p.  87;  —  Id.  :  La  chanson  des 
«  clowechons  »,  p.  93;  —  Id.  :  L'inscription  en  vers  de  l'épée  de  Gau- 
vain,  p.  98  ;  —  J.-L.  Weston  :  Wauchier  de  Denain  and  Bleheris,  p. 
100;  —  A.  Thomas  :  Pour  un  «  dictié  »  de  la  Vierge  Marie,  p.  105  ; 

—  Id.  :  Ane. franc.  «  loirre,  loitre, — rousseruel,  roseruel, — rovent», 
p.  108  ;  —  J.  Desormaux  :  Savoyard  «  viorba,  viorbes»,  p.  113. 

Revue  de  philologie  française  et  de  littérature,  XIX,    1, 

—  P.  Meyer  :  La  simplification  orthographique,  p.  1  ;  —  H.  Yvon  : 
L'idée  de  l'usage  en  matière  de  langue  et  d'orthographe,  p.  27  ;  — 
E.  Casse  et  E.  Cliaviinade  :  Vieilles  chansons  patoises  du  Périgord 
(suite),  p.  48  ;  —  F.  Baldensperger  :  Notes  lexicologiques,  p.  63  ;  — 
P.  Horluc  :  «  Faire  la  fête  »,  —  «  Epaille  »,  p.  69  ;  —  Chronique  sur 
la  réforme  de  l'orthographe,  p.  75. 


COMPTES  RENDUS 


Emile  Faguet,  de  l'Académie  française.  —  Propos  de  théâtre, 
deuxième  série  — Paris,  Société  française  d'imprimerie  et  de  librai- 
rie, 1905,  in- 12,  3  fr.  50. 

«  Lorsque  le  critiquea  excité,  pour  sa  petite  part, le  public  à  discu- 
ter, à  réfléchir,  et  surtout  à  venir  au  théâtre  pour  juger  par  lui-même, 
il  me  semble  qu'il  n'est  pas  loin  d'avoir  rempli  son  petit  office.  »  Ainsi 
se  termine  Y  Examen  de  co^iscience  du  critique  placé  en  tête  des 
Propos  de  théâtre,  deuxième  série. 

La  conscience  de  M.  Faguet  peut  être  tranquille,  car  il  a  fait  et  il 
fait  tous  les  lundis  beaucoup  plusqueson  «  petit  office»  ne  comporte. 
11  excite  le  public  à  penser,  en  lui  proposant  lui-même  des  idées  nom- 
breuses et  piquantes;  il  lui  permet  de  discuter,  en  lui  indiquant  tous 
les  éléments  des  questions  à  résoudre;  il  l'amène  à  réfléchir  utilement, 
en  fournissant  à  ses  réflexions  la  base  solide  d'une  histoire  dramatique 
approfondie.  A  ceux  qui  ne  peuvent  aller  au  théâtre  pour  juger  par 
eux-mêmes,  il  donne  jusqu'aux  moyens  de  s'en  consoler. 

Réunis  en  volumes,  il  arrive  que  ses  articles  se  ressentent  un  peu 
trop  de  leur  origine  —  et  nous  avons   dit  comment,  à  propos  d'un 


188  BIBLIOGRAPHIE 

volume  antérieur  — ,  mais  ils  restent  charmants  et  utiles,  et  leur  rap- 
prochement même  leur  donne  une  valeur  nouvelle. 

La  deuxième  série  des  Propos  de  théâtre  nous  entretient  de  Vlphi- 
génie  d'Euripide  traduite  par  M.  Moréas,  puis  aborde  le  théâtre  fran- 
çais class'que  avec  l'examen  du  livre  de  M.  Joannidès  sur  la  Comé- 
die Française.  Parmi  les  principaux  chapitres  qui  suivent,  citons  : 
L'Abbé  d'Aubignac;  — La  mise,  en  scène  du  théâtre  classique  et  le 
théâtre  classique  populaire; —  Rodogune  ;  —  La  Chaussée  et  la 
Coynédie  larmoyante  ;  — Le  centenaire  d'Alfred  de  Vigny  au  théâtre; 
—  Casimir  Bonjour  ;  —  La  comédie  et  les  mœurs  sous  la  Restau- 
ration et  la  Monarchie  de  Juillet  . 

Dans  l'article  sur  l'Abbé  d'Aubignac  se  trouve  une  erreur  que 
l'autorité  de  M  Faguet  pourrait  accréditer  et  qu'il  importe  de  relever. 
Remarquant  avec  raison  que  les  Discours  sur  le  poème  dramatique 
et  les  Examens  de  Pierre  Corneille  sont  une  réplique  à  la  Pratique 
du  Théâtre  de  l'abbé  d'Aubignac,  et  que  certaines  assertions  hasar- 
dées du  grand  poète  doivent  être  considérées  comme  de  simples  exa- 
gérations de  polémique,   M.  Faguet  ajoute  : 

«  Par  exemple,  on  connaît  cette  idée  de  Corneille  que  le  poème  dra- 
matique doit  être  invraisemblable,  et  n'est  vraiment  digne  de  ce  nom 
que  quand  il  s'écarte  de  la  vraisemblance,  et  est  d'autant  plus  une 
vraie  tragédie  qu'il  s'en  écarte  davantage.  'Voilà  qui  inquiète.  On  sent 
très.bien  qu'il  y  a  là  une  vive  lumière  jetée  par  Corneille  sur  Corneille 
lui-même,  et  qu'en  effet  il  y  a  chez  Corneille  un  goût  de  l'extraor- 
dinaire qui  tend  évidemment  versTinvraisembl  ^ble  et  dont,  tout  compte 
fait,  il  se  fait  à  lui-même  un  mérite  plutôt  qu'une  erreur.  Mais  la 
forme  manifestement  paradoxale  de  cette  doctrine,  d'où  vient-elle? 

»  De  ce  que  cette  doctrine  est  une  réplique,  ce  qui  fait  qu'elle  prend 
naturellement  un  air  de  défi...  »  (p.  56-57.) 

Cette  ingénieuse  explication  est  infirmée  parla  chronologie.  C'est  en 
1647 —  dix  ans  avant  la  Pratique  du  Théâtre  —  que  Corneille  écrit, 
dans  l'avis  Au  lecteur  à' Héraclius ,  la  phrase  fameuse  :  «  J'irai  plus 
outre  ;  et  quoique  peut-être  on  voudra  prendre  cette  proposition  pour 
un  paradoxe,  je  ne  craindrai  pas  d'avancer  que  le  sujet  d'une  belle 
tragédie  doit  n'être  pas  vraisemblable.»  Trois  ans  après  la  Pratique, 
en  1660,  Corneille  est  beaucoup  plus  réservé  dans  son  Discours  de  la 
tragédie  et  des  moyens  de  la  traiter  selon  le  vraisemblable  et  le 
nécessaire.  Il  se  fait  donner  par  Aristote  —  qui  n'est  pas  là  pour  pro- 
tester contie  les  interprétations  abusives  de  sa  Poétique  et  contre  les 
contre-sens  —  l'autorisation  de  remplacer  la  vraisemblance  par  le 
vrai  historique  et  par  «le  nécessaire  »  ;  au  fond,  il  défend  la  même  doc- 
trine que  dans  l'avant-propos  de  1647  ;  mais  il  ne  dit  nulle  part 
que  le  sujet  d'une  belle  tragédie  doit  n'être  pas  vraisemblable.  Sur  ce 


BIBLIOGRAPHIE  189 

point,  le  désir  de  répondre  à  d'Aiibignac  ne  l'a  pas  amené,  tant  s'en 
faut,  à  «  renchérir  »  et  à  «  forcer  la  voix  »  '. 

Eugène  Rigal. 

Un  idéaliste,  Emile  TroUiet  (1856-1903).   Œuvres  choisies.  — 
Paris,  Pion,  1905,  p.  in-8». 

Ce  volume,  préparé  par  un  Comité  qu'a  d'abord  présidé  M.  Octave 
Gréard,  est  un  hommage  rendu  à  un  poète  délicat,  à  un  doux  assoiffé 
d'idéal,  à  une  âme  noble  et  haute. 

Avec  une  pénétrante  mélancolie,  TroUiet  avait  commencé  par  chanter 
ses  tendresses  et  ses  cultes.  Puis,  devenant  moins  personnel,  plus 
réfléchi,  plus  largement  humain,  il  avait  célébré  en  vers  la  vie  silen- 
cieuse; il  avait  dit  en  prose,  dans  l'Ame  d'un  résigné,  les  tristesses, 
les  rêves,  les  aspirations  généreuses  d'un  idéaliste  qui  lui  ressemblait 
comme  un  frère  :  et  M.  Faguet  l'avait  appelé  «un  demi-apôtre  ».  Enfin, 
il  avait  —  comme  poète,  montré  aux  hommes  de  bonne  volonté  la 
route  fraternelle  où  ils  devaient  s'eugager,  —  comme  critique,  ciselé 
des  médaillons  de  poètes,  d'où  sortaient  des  leçons  de  morale  et 
d'humanité  non  moins  que  des  leçons  d'art, — comme  publiciste,  prêché 
éloquemment  la  paix  dans  la  Nation  et  la  paix  entre  les  Nations.  Il 
préparait  un  volume  de  vers  auquel  il  projetait  de  donner  un  de  ces 
titres  significatifs  :  la  Jérusalem  nouvelle,  VHumanUé,  le  Matin  du 
siècle.  En  lui  l'écrivain  acquérait  plus  de  sûreté,  le  poète  devenait  plus 
original,  le  demi-apôtre  faisait  place  à  l'apôtre.  Et  c'est  alors  qu'il  est 
mort  le  25  janvier  1903,  laissant  une  œuvre  remarquable  et  un  sou- 
venir infiniment  doux. 

Ses  amis  ont  tenu  à  lui  élever  deux  monuments;  et  l'un  deux,  le 
plus  précieux  sans  doute,  est  constitué  par  le  livre  que  nous  recom- 
mandons. En  tète,  M.  Olivier  Billaz,  avec  une  piété  affectueuse  qui 
n'a  fait  perdre  aucun  de  ses  droits  à  la  critique,  a  conté  la  vie,  analj'sé 
l'âme,  étudié  les  œuvres  de  TroUiet.  Un  choix  de  poèmes  et  de  pages 


1  La  phrase  suivante  de  la  p.  118  forme  un  contre- sens  :  «  Et  voilà  la 
raison  pourquoi  Monime  dans  Mithridate  n'est  que  la  fiancée  de  Mithri- 
date  et  pourquoi  Mithridate  est  plutôt  une  tragédie  qu'une  comédie.  »  Il 
faut  lire  :  «•  est  plutôt  une  tragi-comédie  qu'une  tragédie  »,  ainsi  que  por- 
tait le  Journal  des  Débats  du  5  janvier  1903  (et  non  :  1904).  —  P.  153, 
1.  22,  la  phrase  est  incompréhensible  si  l'on  ne  met  une  virgule  après 
étant.  —  P.  156,  1.  1  et  2,  lire  Fut-ce  (et  non  :  Fût-ce).  —  P.  174,  1.  11, 
et  p.  178,  milieu,  lire  dix-septième  (et  non  :  dix-huitième)  siècle.  — 
P.  194,  1.  11,  lire  théorie  du  quiproquo. —  P.  231  et  232,  l'article  sur  Vigny 
appelle  toujours  Richard  le  Picard  de  la  Maréchale  d'Ancre. 


1 90  BIBLIOGRAPHIE 

en  prose  vient  ensuite,  qui  apprendra  beaucoup  même  à  ceux  qui  ont 
lu  les  volumes  de  Trolliet,  car  il  contient  des  pièces  qui  n'avaient  paru 
que  dans  la  Reçue  des  poêles  ou  dans  la  Revue  idéaliste  et  qui  ne 
sont  point  parmi  les  moins  remarquables. 

Eugène  Rigal. 

Artur  Li.  Stiefel.  —  Die  Nachahmung  italienischer  Dramen  bei 
einigen  Vorlaufern  Molières.  1.  D'Ouville.  —  Berlin,  Gronau, 
1904,  in-S". 

M.  Stiefel  est  un  vaillant  travailleur  et  un  chercheur  heureux  qui  a 
déjà  rendu  à  la  littérature  comparée  et  à  l'histoire  du  théâtre  français 
de  signalés  services.  Rotrou  l'a  beaucoup  occupé  :  dès  1891,  il  décou- 
vrait et  exposait  les  rapports  de  la  Pèlerine  amoureuse,  de  Célie  et 
de  la  Sœur  avec  leurs  sources  italiennes;  en  1901  il  donnait  une  lon- 
gue notice  sur  le  Cosroès,  ses  sources  et  ses  imitations;  et  dans  l'in- 
tervalle, en  1893,  s'étaient  placées  de  précieuses  recherches  sui-  la 
chronologie  des  œuvres  du  même  dramaturge.  Mais  M.  Stiefel  ne  s'en 
est  pas  tenu  à  l'étude  de  Rotrou,  et  nous  lui  devons  de  connaiti-e 
mieux  les  procédés  de  composition  de  Tristan  l'Hermite,  de  Scarron, 
de  nos  nouvellistes  des  XVI"  et  XV1I«  siècles.  Pour  le  moment,  conteurs 
et  dramaturges  paraissent,  d'une  façon  égale,  attirer  son  attention;  et 
d'Ouville,  qui  est  à  la  fois  l'auteur  de  l'Elile  des  Contes  et  d'un  assez 
bon  nombre  de  comédies  ou  de  tragi-comédies,  avait  tous  les  titres  à 
une  minutieuse  étude.  Aussi  la  plus  récente  brochure  de  M.  Stiefel 
(extraite  de  la  Zeitschrift  fur  franzUs'sche  spraclie  und  Litleratur) 
comprend-elle  une  notice  sur  .Antoine  le  Métel,  sieur  d'Ouville,  et  une 
comparaison  entre  Aimer  sans  savoir  qui  et  les  Morts  vivants,  comé- 
dies de  notre  auteur,  d'une  [)Hrt,  Hortensia  d'Alessandro  Piccolomini 
et  /  il/orii  iv'ui  de  Sforza  d'Oddi,  d'antre  part,  sans  compter  maints 
renseignements  de  toute  sorte  épars  dans  le  texte  et  dans  les  notes. 
Cette  étude  sur  d'Ouville  n'est  que  la  première  d'une  série  consacrée 
à  quelques  prédécesseurs  de  Molière. 

Eugène  Rigal. 

A.  Joannidès.  —  La  Comédie-Française,  1904  Avec  une  préface 
de  Coquelin  cadet,  Paris,  Plon-Nourrit,  1905,  gr.  in-8°. 

Le  beau  répertoire  de  M.  Joannidès  se  fait  de  plus  en  plus  métho- 
dique, de  plus  en  plus  commode  et  de  plus  en  plus  complet.  A  signaler, 
comme  parties  nouvelles,  dans  le  f..scicule  de  1904  :  la  liste  de  tous  les 
rôles  joués  parMesdames  les  Sociétaires  actuelles,  et  les  listes  (d'abord 


BIBLIOGRAPHIE  191 

par  dates,  ensuite  par  noms  d'auteurs)  des  rôlos  joués  par  les  Socié- 
taires retraités.  M.  Joannidès  corrige  eu  outre  quelques  menues 
erreurs  qui  s'étaient  glissées  dans  le  fascicule  de  1901. 

K.  R. 


H.  Châtelain. —  Le  vers  libre  de  Molièi'e  dans  «Amphitryon»,  Paris, 
1904  115p.]. 

M.  Châtelain  reprend  après  M.  Comte  l'étude  du  vers  libre  de  Molière 
dans  Amplùtryon.  11  montre  que  la  téorie  de  son  devancier  est  trop 
simple  et  trop  absolue  et  il  rend  mieux  compte  de  la  complexité  des 
faits. 

M.  G. 

Era  bouts  dera  mountanho,  I,  1,  Sen  Gaudciis,  1905. 

C'est  une  nouvelle  revue  régionale  qui  voit  le  jour  dans  le  Midi.  Elle 
s'annonce  comme  essentiellement  félibréenne;  mais  la  science  et  la  lin- 
guistique n'en  seront  pas  exclues,  les  noms  de  ses  fondateurs  nous  en 
sont  garants.  La  région  où  elle  se  publie  est  la  partie  montagneuse 
de  la  Gascogne,  dont  les  patois  sont  si  intéressants  et  encore  si  mal 
connus.  Nous  espérons  qu'elle  nous  les  livrera  aussi  complètement 
que  possible  et  avec  toute  l'exactitude  et  la  précision  désirables  ;  c'est 
dans  cette  attente  (jue  nous  lui  souaitons  cordialement  la  bienvenue. 

M.  G. 

C.  Salvioni.  —  Quisquiglie  di  toponomastica  lombarda  (Estratto  dall 
Archivio  storico  lotnbardo,  XXXI,  2),  Milano,  1904  [16  p.]. 

Nous  avons  plusieurs  fois  signalé  dans  cette  Revue  les  articles  de 
M.  Salvioni  sur  l'étimologie  des  noms  de  lieux  de  Lombardie.  Il  s'est 
fait  en  quelque  sorte  une  spécialité  de  ces  questions  et  il  i  montre 
toujours  la  même  précision  et  la  même  pénétration,  appuyées  sur  une 
connaissance  approfondie  des  parlers  'le  la  région.  Nous  espérons 
qu'un  jour  il  réunira  en  un  volume,  avec  une  introduction  sur  les  patois 
lombards,  toutes  les  études  qu'il  a  faites  sur  ce  sujet  et  qu'il  a  dissé- 
minées dans  diverses  Revues.  M.  G. 

J.  Leite  de  Vasconcellos.  —  Summula  das  prelecçôes  de  philo- 
logia  portuguesa  feitas  na  bibliotheca  nacional  de  Lisboa  no  anno 
lectivo  de  1903-1904,  Porto,  1904. 

M.  Leite  de  Vasconcellos  a  fait  pendant  l'année  scolaire  1903-1904, 


192  BIBLIOGRAPHIE 

comme  l'indique  le  titre,  un  cours  de  grammaire  comparée  portugaise. 
11  nous  dorme  ici  le  sommaire  de  chaque  leçon.  M.  G. 

C.  H.  C.  "Wright.  —  Sélections  from  Rabelais'  Gargantua,  New- 
York,  London,   Macmillan,  1904;  in-18  [xxix-1 16  p.]. 

Choix  bien  fait.  Notes  précises.  Bon  livre  classique,  qui  montre  avec 
quelle  autoi'ité  notre  langue  etnotre  littérature  sont  enseignées  à  l'Uni- 
versité Harvard.  J.  V. 

Revue  hispanique.  — Tables  des  dix  premières  années,  1894-1903. 

M  Foulché-Delbosc  a  eu  l'heureuse  idée  de  faire  suivie  d'une  table 
des  dix  premières  années  le  dixième  volume  de  la  Revue  qu'il  dirige 
avec  la  compétence  que  l'on  sait.  Cette  lable  rendra  de  grands  services 
non  seulement  à  ceux  qui  n'ont  pas  lu  la  Revue  a  mesure  qu'elle 
paraissait  et  qui  veulent  y  faire  des  recherches,  mais  aussi  à  ceux  qui 
auront  besoin  de  retrouver  tel  article  qui  les  avait  intéressés  lors  de 
sa  publication.  Elle  est  divisée  en  cinq  parties  :  1°  table  par  numéros, 
2°  table  par  noms  d'auteurs,  3"  table  des  comptes  rendus,  4°  table 
méthodique,  comprenant  les  articles  de  philologie  avec  la  liste  des 
mots  étudiés,  les  ■  rticles  de  littérature  et  d'histoire  rangés  par  siècles, 
les  articles  de  folk-lore,  de  bibliographie,  etc.,  5°  liste  des  planches 
hors  texte. 

H.  Lacoche.  —  Traduction  en  vers  français  du  Roland  Furieux. 

La  nouvelle  traduction  complète  en  vers  français  da  Roland  Furieux, 
éditée  par  la  librairie  étrangère  Boyveau  et  Chevillet,  est  l'interpréta- 
tation  la  plus  fidèle  qui  ait  jamais  été  donnée  de  ce  merveilleux  poème, 
qui  vaut  à  lui  seul,  d'après  le  sentiment  de  Voltaire,  VIliade,  VOdys- 
sée  et  Bon  QuickoUe. 

Cette  nouvelle  traduction  du  poème  du  «  divin  Arioste  »  a  été  faite 
par  octave,  de  telle  sorte  que  chaque  vers  français  correspond  à  un 
vers  du  texte  italien. 

Le  traducteur  s'est  attaché  à  reproduire  non  seulement  le  sens  exact 
delà  pensée,  mais  le  style  même  de  l'inimitable  poète,  si  riche  d'images 
et  de  coloris. 

L'infinie  vaiiété  des  épisodes  et  des  personnages  dramatiques  ou 
plaisants,  créés  par  la  prodigieuse  imagination  de  l'auteur,  le  charme 
et  la  bonhomie  du  récit,  l'endeat  des  plus  atti'ayante  la  lecture  du 
Roland  Furieux. 

Le  Gcrunl  responsable  :  P.  Hamelin. 


LE  MOT  BAR 

COMME  NOM  DE  POISSON  EN  FRANÇAIS  ET  EN  ANGLAIS 


k 


On  trouve  dans  le  Dictionnaire  Général  l'article  suivant  : 
1.   BAR  ou  *  BARS,  [bârj  s.  m. 

[Etym.  Emprunté  de  rallemand  bars^  perche.    ||  XIII^  s^ 
En  sa  baniere  et  un  grand  bar,  dans  Barbazan,  Recueil 

deFabliau3^,  IV,  90.]. 
Il  Poisson  voisin  de  la  perche,  dit  aussi  loup  de  mer. 
I  (Blason)  Poisson  figuré  sur  les  armoiries.  La  Couronne 
était  ducale^  mais  fermée  par  quatre  bars ,  S'SIM.  ii. 
141. 
Pour  ce  seul  article,  Littré  en  a  trois  : 

-J- 2.  BAR  (bar),  s.  m.  Grand  poisson,  dit  aussi  maigre 
(sciaena  aquila). 

—  Hist.  XIII*  s.  En  sa  baniere  ot  un  grand  bar,  Fabliaux, 

edit.  Barbaz..,  t  IV,  p.  90. 
'\  3.  BAR,   s.  m.   Terme  de   blason.  Barbeau,   poisson 
fréquent  en  armoiries  en  pal  et  un  peu  courbé. 

—  Etjm.  Barbe  nom  du  barbeau. 

f  BARS  (bar;  l's  ne  se  lie  jamais),  s.  m.  Poisson  do 
mer  dont  la  chair  est  très  estimée,  dit  aussi  loup  de 
mer  (labrax  lupus.  L.). 

—  Etym.  AUem.  Bars  ou  Barsch. 

Je  crois  qu'il  ne  s'agit  ni  d'un  seul  et  même  mot  ni  de  trois 
mots  différents,  mais  plutôt  de  deux  mots,  l'un  d'origine  en 
effet  germanique,  l'autre  d'origine  toute  latine. 

L'allemand  moderne  Barsch  au  sens  de  perche  [perça  fluvia- 
tilis)  remonte  à  une  forme  bars-  .  Il  est  clair  que  bars-  em. 
prunté  en  français  a  subi  l'arnuïssemant  de  l's  final  et  que  la 
graphie,  au  lieu  de  rester  stationnaire  comme  dans  la  plupart 
des  cas  [épars,  etc.)  a  hésité  entre  bars  qui  représentait  la 

13 


194  LE    MOT    BAR 

prononciation  ancienne  et  bar  qui  exprimait  plus  exactement 
la  nouvelle. 

Pour  la  signification,  il  résulte  de  l'étude  des  sens  que  pré- 
sente l'anglo-saxon  baers  et  ses  dérivés  en  anglais  que  le  mot 
a  servi  pour  indiquer  non  seulement  la  perça  fluvfatilis,  mais  un 
autre  poisson  de  la  même  famille,  le  labrax  lupus,  très  vorace 
et  très  commun  sur  les  côtes  de  la  Grande-Bretagne  et  de  la 
France. 

Pour  affirmer  l'équation  baers  =  lupus,  W  sniûi  de  lire  les 
anciennes  gloses  anglo-saxonnes'.  Elles  montrent  clairement 
que  dés  les  plus  anciens  temps,  baers  a  eu  le  sens  de  loup  de 
mer,  luhin  (labrax  lupus).  Baers  se  présente  |plus  tard  sous 
trois  formes  dont  les  deux  premières  ne  s'emploient  plus 
guère  que  dialeclalement.  Ce  sont  barse  d'une  part,  base 
(ou  bace]  de  l'autre.  Tout  en  gardant  le  sens  attesté  par  les 
anciennes  gloses,  elles  ont  en  même  temps  celui  de  perça  flu- 
viatilis  '.  La  troisième  forme,  la  forme  actuelle  du  mot  anglais, 
bass  (quelquefois  éasse),  a  toujours  les  deux  sens  ^,  s'appliquant 

•  Early  Englisli  Text  Society.  The  Oldest  English  Texts,  éd.  H.  Sweet, 
Lond.  1885,  pp.  74-5.  —  Les  glossaires  d'Epiiiai  et  d'Erfurt  expliquent 
lupus  par  baers,  celui  de  Corpus  Gliristi  (Cambridge)  par  6?'e[)']s.   — 

Dans  Th.  Wright,  Anglo-Saxon  and  0.  English  vocab',  2"'^  ed".  (éd. 
Wulcker).  2  vols.  8vo,  London  1884:  — 

(a)  180.  Aelfric  gloss.  lupus  vel  scardo,  baers 

(b)  2U3.  A.  Sax.  Vocab,  lypus,  baers. 

^  Pour  l'emploi  dialectal  de  baise  =  perclie,  Murray  donne  deux 
exemples  : 

1753  Ghambers,  Cycl.  Supp.  barse,  in  ichthyology,  an  English  name 
for  the  common  pearcli  ; 

1860  H.  Riley,  Liber  Custum,  Gloss,,  Barcius  a  pcrch,  which  in 
Cumberland  and  Westmoreland  is  still  known  as  barse.  — 

Pour  base  Murray  donne  un  exemple  de  1513  où  l'on  fait  une  difl'érence 
entre  base  et  percli  : 

1513  BkKerving  in  BabeesBook  (1878)  281  :  base,  molet,  roche,  perche. 

Pour  base  =  perche  il  donne  l'exemple  dialectal  suivant  : 

1851  Gumbld.  gloss.  :  base,  a  perch. 

^  Pour  bass  :^  perch 

1801  Gouvr.  Morris  in  Sparks,  Life  et  Writ.  (1832)  iii,  140  :  Trout 
and  perch,  called.  by  the  Dutch  name  of  barsch  or  bass. 

Pour  bass  distingué  deperch,  (Murray  se  trompe  en  donnant  cet  exemple 
sous  la  rubrique  bass  r=  perche)  :  — 

18G6  Intell.  Observ.  N"  56.  101  :  Sticklebacks,  perches,  basses. 


LÉ    MOT   BAR  195 

tantôt  à  un  poisson  de  rivière  [perça  fluviatilis)  tantôt  à  un 
poisson  de  mer  [labrax  lupus)  '. 

Il  semble  donc  bien  établi  que  ce  mot  a  eu  les  deux  sens.  Or 
il  serait  curieux  que  le  mot  français  emprunté  au  germanique 
n'ait  jamais  eu  la  signification />erca  fluviatilis  qui  est  commune 
à  l'allemand  et  à  l'anglais. 

Il  est  naturellement  difficile  de  démêler  le  sens  exact  qui  se 
présente  dans  un  texte  particulier  2.  Dans  une  série  de  noms 
de  poissons,  par  exemple,  comme  on  en  trouve  dans  les  vers 
d'Hélinand  sur  la  Mort  : 

mules,  salmons,  esturjons,  bars  (v.  XLVi), 

comment  démontrer  qu'il  s'agit  àe  perches,  de  loups  de  mer,  ou 
bien  encore  —  car  nous  allons  voir  que  bars  peut  très  bien 

Pour  bass  =  sea  wolf  (labrax  lupus)  : 

1880.  Giinther,  Introdn  to  the  study  of  fishes,  376-7  :  The  hass  are 
fishes  common  on  the  coasts  of  Europe....  The  best  known  European 
species  is  Labrax  Lupus. 

*  Le  nom  de  bass  s'est  étendu  de  nos  jours  à  d'autres  espèces  rap- 
prochées, mais  sans  jamais  sortir  de  la  famille  des  perches.  Ainsi  on 
appelle  black  bass  un  poisson  du  lac  Huron  {Huro  nig)'ica7is)  : 

1840.  Denny  cycl.  xvii.  432  :  the  black  bass....  one  of  the  best-flavoured 
fishes  of  that  lake. — 

On  emploie  aussi  l'expression  sea-irtss  pour  indiquer  d'autres  poissons 
de  mer  que  le  labrax  lupus. 

Bass  a-t-il  jamais  touIu  dire  autre  chose,  le  sciaena  aqiiila,  par 
exemple?  Je  n'en  trouve  pas  la  plus  légère  indication.  —  Quand  Murray  à 
l'article  bar  (mot  dont  il  reconnaît  l'origine  française),  dit  :  a  large 
acanthopterygious  European  fish  [sciaena  aqiiila)  also  known  as  the 
maigre,  il  ne  fait  que  copier  l'information  donnée  par  Littré  à  son 
deuxième  article  bar  (imprimé  au  commencement  de  notre  article).  Je 
n'ai  pu  trouver  rien  qui  permît  de  confirmer  l'équation  bar  =  sciaena 
aquila,  soit  en  français,  soit  en  anglais.  Le  maigre  est  déjà  fort  éloigné 
des  Perches  puisqu'il  appartient  à  la  famille  des  Sciaenidae. 

-  Voici  encore  deux  textes  où  l'on  trouve  bar  comme  nom  de  poisson  :  — 

(a)  Manquent  les  bars 

Les  saumons  et  les  truites. 
Dans  La  Curne  de  S'e  Palaye  qui  renvoie  à  Fabl.  MSS.  du  R. 
N°  7615,  T.  ii,  f"  141  R»  col.  2  et  qui  ajoute  que  le  mot  est 
épelé  bart  au  T.  i,  f°  104  V,  col.  2. 

(b)  Anguilles,  carpes,  bars,  bêches. 

Ex  de  1487  donné  par   Godefroy,  ap.   Louvrex.  Edits  et  ord' 
p'  le  pays  de  Liège,  i.  427. 


196  LE    MOT    BAR 

vouloir  dire  autre  chose  —  de  barbeaux?  Si  encore  il  y  avait 
moyen  de  prouver  qu'il  était  question  soit  d'une  part  de  pois- 
sons de  rivière,  soit  d'autre  part  de  poissons  marins,  on  pour- 
rait serrer  le  sens  de  plus  près;  mais  dans  les  quelques  textes 
que  nous  fournissent  les  dictionnaires,  cela  n'est  pas  possible. 
Palsgrave,  en  1530  nous  dit  :  bace,  fysshe  ung  bar  ;  Cotgrave, 
en  1611,  ajoute  bar,  the  fish  called  a  base.  Cela  prouve  que 
pour  eux  bar  a  le  sens  de  l'anglais  base  (bace),  mais  comme 
base  veut  dire  perche  et  loup  de  mer  à  la  fois,  il  est  difficile  d'en 
tirer  quoi  que  ce  soit. 

Avant  de  quitter  ce  premier  mot  bar^  je  voudrais  attirer 
l'attention  du  lecteur  sur  l'article  bar  (comme  nom  de  pois- 
son) qu'on  trouve  dans  le  Oxford  Dictionarj,  de  Murray. 
Celui-ci  ne  donne  que  deux  exemples  du  mot.  Le  premier, 
de  1724,  est  tiré  de  De  Foe,  Tour  G'  Brit,  iii.  41  :  — 

(In  Jersey  is  foimd)  the  bar,  an  exquisite 
fish,  sometimes  two  feet  in  length.  — 

Le  second,  de  1863,  se  trouve  dans  un  ouvrage  dont  le  titre 
(Life  in  Normandy)  trahit  les  origines  françaises  : 

I  sold  them  ail  except  one  nice  har 
and  a  brill  (i  166.),  — 

On  le  voit,  c'est  le  mot  français  bar  qui  vient  faire  fonction 
de  doublet  littéraire  des  formes  barse,  base,  bass  dont  nous 
avons  traité.  Quant  à  l'identification  du  bar  avec  le  sciaena 
aquila,  elle  n'est  pas  du  fait  du  dictionnaire  de  Murray  qui  se 
laisse  guider  ici  par  le  premier  des  trois  articles  de  Littré  que 
j'ai  imprimé  au  commencement  de  cet  article  ^  — 

Venons  maintenant  au  second  mot  ^ar  qui  s'emploie  comme 
terme  de  blason  et  qui  est  d'origine  latine.  Il  dérive  de  barbus 
et  veut  dire,  comme  l'a  déjà  affirmé  Littré  ^,  sans  toutefois  en 
indiquer  clairement  l'origine,  tout  simplement  barbeau.,  ou, 
pour  employer  la  nomenclature  ichthyologique,  le  Cyprinus 
barbus,  poisson  de  rivière  appartenant  à  la  famille  des  Cypri- 
rioïdes  et  à  l'ordre  des  Physostomiens. 

*  V.  aussi  ci-dessus,  p.  195,  note  1.  — 

2  Bar  =r  barbeau  d"  Dict.  Hist.  de  l'Ane.  Lang.  Fr.  de  La  Gurne  de 
Sto  Palaye,  éd.  1876. 


LE   MOT    BAR  197 

Ce  mot  barbus  a  été  tiré  de  barba  (cf  les  composés  Aheno- 
barbus,  Aenobarbus,  cognoraen  gentis  Domitiae  Romanae; 
Mjrobarbus  d''  Ausone,  Epigr.  XXX.)  en  raison  des  barbil- 
lons qui  garnissent  la  mâchoire  du  baibeau.  On  n'en  trouve 
pas  d'exemples  avant  le  quatrième  siècle  de  notre  ère,  mais 
il  est  employé  dans  la  dixième  idjUe  d'Ausone  (Mosella)  dans 
le  passage  où  cet  auteur  énumère  les  poissons  dans  les  eaux 
de  la  Moselle'. 

Barbus  est  d'ailleurs  représenté  sous  une  forme  régulière 
par  barbo  en  italien,  en  espagnol  et  en  portugais,  et  toujours 
avec  la  même  signification,  celle  de  barbeau.  L'allemand  barbe 
(bart/isch),  bien  que  féminin  remonte  à  une  forme  barbo  du 
vieux  haut- allemand  quiétaitmasculine  et  semble  bien  emprun- 
tée du  latin,  importée  sans  doute,  comme  le  prétend  le  Dic- 
tionnaire de  Moriz  Heine  -,  par  les  moines  (jui  voyaient  dans 
le  barbeau  la  plus  délicate  des  viandes  de  carême. 

Enfin,  pour  le  français,  le  développement  barbum  >  barbo 
>•  *  barp  >>  bar  nous  semble  parfaitement  régulier.  Les  seuls 
mots  qu'on  puisse  mettre  en  regard  de  barbus  pour  le  traite- 
ment phonétique  de  RB.  final  sont  les  adjectifs  orbus  et  *cûrbns 
(latin  classique  cûrvus)  et  le  substantif  *cÔrbus^  forme  secon- 
daire de  côrvus,  car  pour  sorbus,  verbum,  turbo  et  autres  ils 
n'ont  pas  eu  de  développements  populaires  dans  notre  langue  *. 


*  Le  mot  barbus  revient  deux  fois  : 

(a)    Tuque  per  obliqui  fauces  vexate  Saravi, 

Qua  bis  terna  fremunt  scopulosis  ostia  pilis, 
Cum  defluxisti  famae  majoris  in  amnem, 
Liberior  laxos  exerces,  barbe,  natatus. 
Tu  melior  pejore  aevo  :  tibi  contigit  omni 
Spirantum  ex  numéro  non  illaudata  senectus.      (vv.  91-6). 
(b)     Tu  quoque  flumineas  inter  memorande  cohortes, 
Gobio,  non  major  geminis  sine  pollice  palmis, 
Praepinguis,  teres,  ovipara  congestior  alvo, 
Propexique  jubas  imitatus  gohïo  bar bi.      (vv.  131-4). — 
^  Deutsches  Wôrterbuch,  Liepzig,  1890,  3  vol. 

'  Voici  la  liste  des  mots  en  RB —   final   qui  n'ont   pas  subi  l'évolution 
phonétique  dans  la  langue  populaire  pour  ce  qui  concerne  le  français  • 
Les  nominatifs  :  càrbo,  turbo. 

Les  accusatifs  :  curbem^  môrhum,  ûrbem,  ôrbem,  sôrbum,  zirbum. 
,Les  premières  pers.  du  sg.  du  présent  :  curbo  (1.  cl.  ciirvo),  turbo. 


198  LE    MOT   BAR 

Godefroy  donne  quelques  exemples  de  orp  (<;  ôrbtim  ou 
orbi),  remplacé  comme  masculin  par  le  féminin  orbe  (<;  ôrba) 
qui  persiste  toujours  dans  les  expressions  stéréotypées  :  mur 
orbe,  coup  orbe.  *C6rbum  de  même  a  donné  corp  à  côté  de  corf 
(jui  représente  phonétiquement  côrvum.  Le  Lateinisch-Roma- 
nisclies  Worterbuch  de  Kôrting  donne  le  vieux  français  corp 
comme  dérivé  de  *cûrbum.  D'après  ces  trois  exemples  barbum 
deviendrait  *barp.  Quant  à  l'évolution  de  barbos,  on  ne  trouve 
pas,  du  moins  dans  le  Dictionnaire  de  Godefroy,  la  graphie  ors 
(•<  ôrbus,  ôrbos),  cors  (<;  côrbus,  côrbos),  mais  il  ne  peut  y 
avoir  aucun  doute  sur  l'équivalent  phonétique  en  vieux  fran- 
çais de  orbes,  côrbos  quand  on  compare  avec  corpus  (  >•  v,  f, 
cors)  et  nervos  (>  v.  f.  ners).  On  doit  donc  avoir  en  vieux 
français  bars  (-<  barbos)  et  c'est  bien  la  forme  attestée  par 
tous  les  textes. 

Pour  *barp  on  n'en  trouve  pas  d'exemples.  Dès  le  XIIP  siècle 
il  y  a  toujours  bar.  Nous  n'avons  malheureusement  pas  de 
mots  latins  avec  RP — flnal  qui  aient  subi  une  évolution  pho- 
nétique régulière',  et  les  mots  orp,  corp  qui  représenteraient 
l'évolution  parallèle  de  RB  ~  final  étant  perdus'  depuis 
longtemps,  il  se  trouve  que  bar  {=  barbeau)  reste  le  seul  mot 
qui  nous  offre  le  développement  continu  et  probablement  tout 
à  fait  régulier  de  RP — ,  RB  —  finals. 

Il  ne  peut  y  avoir  aucun  doute  sur  l'équation  bar  (terme 
héraldique)  ==  barbeau.  L'on  sait  que  les  armes  parlantes  qui 
figuraient  symboliquement  le  nom  d'une  ville  ou  d'une  famille 
ont  eu  une  grande  faveur  au  Moyen-Age.  Eh  !  bien,  le  barbeau 
se  retrouve  dans  les  armes  d'un  certain  nombre  de  villes  et  de 
familles  dont  le  nom  contenait  la  syllabe  bar.  Il  suffit  d'indi- 
quer les  villes  de  Bar-le-Duc,   Bar -sur -Seine,   Montbard,  Bar- 


'  Liste  de  mots  avec  RP —  final   qui  n'ont  pas  de  représentants  popu- 
laires en  français  : 

Les   accusatifs  :    carpum   (xajorôç),    ' serpem     (pour     serpentem)   et 

stïrpem. 
L'adjectif  :  turpem,  turpe. 

Les  premières  pers.   du   sg.    du  présent  :  cavpo  (excarpo),   sarpo, 
'tarpo . 
'  On  sait  que  corp  persiste  dans  le  mot  cormoran. 


LE    MOT    BAR  199 

flem\  les  familles  Bartet,  Barharin,  liernieres  (Barnières),  et 
d'autres  encore*. 

Enfin  l'expression  héraldique  équivalente  en  anglais  est 
/>iar/>e/ (c'est-à-dire  barbeau),  11  est  possible  que  le  mot  bar  lui- 
même  ait  passé  en  anglais  avec  le  sens  de  barbeau.  En  effet, 
le  dictionnaire  de  Charabaud  ^  traduit  bar  [terme  de  blason  — 
poisson  ordinairement  courbé  et  adossé]  par  :  bar  or  barble. 
Cependant  les  ouvrages  anglais  qui  traitent  plus  particulière- 
ment du  blason,  dictionnaires  et  grammaires  héraldiques,  ne 
connaissent  pas  d'autre  terme  que  barbel  et  bar  (=  barbel) 
n'existe  dans  aucun  des  grands  dictionnaires  récents  de  la 
langue  anglaise. 

Nous  croyons  en  avoir  dit  assez  pour  établir  que  dans  la 
nouvelle  édition  du  Dictionnaire  général  il  conviendrait  de 
faire  les  deux  articles  suivants  : 

1.  BAR  ou  *BARS  [bar]  s.  m. 

[Etjm.  Emprunté  du  germanique  bars — ,  perche. 
Il  1530.  Palsgi'ave  196  [  :  bace,  fjsshe,  ung  bar.  — 
1611  Gotgrave  bar,  the  fish  called  base]. 
Il  Loup  de  mer  (labrax  lupus). 

2.  BAR  [bâr],  s.  m. 

[Etjm.  Du  latin  barbus  (Ausone)  =  barbeau. 
Il  XllI  s*.  En  sa  baniere  ot  un  grand  bar  d* 
Barbazan,  Recueil  de  Fabliaux   fv;  90].  — 
Il  (Blason).  Barbeau  (Cjprinus  barbus).  — 

II  serait  bon  aussi  d'ajouter  dans  la  troisième  édition  du 
Lateinisch- Romanisches  Worterbuch  de  Kortlng  au  n°  1231, 
parmi  les  dérivés  du  mot  barbus  le  français  bar  (zz:  barbeau)  et 
d'intercaler  entre  les  numéros  1248  et  1249  un  nouvel  article 
donnant  les  dérivés  romans  du  germanique  bars—  et  entre 
autres  le  français  bar  (zz  loup  de  mer). 

Paul  Barbier  fils. 
Leeds,  février  1905. 


'  V.  Le  Dictionnaire  héraldique  de  Grandmaison,  Paris  1852,  p.  75  à 
l'article  Bar  (poisson  qui  paraît  dans  l'écu  en  pal  et  de  profil,  mais  un 
peu  courbé). 

*  Ed.  des  Carrières,  Lond.  1815,  4  vol. 


«  JANA    DE  MOURMEIROUN  « 

ESSAI    DE    RESTITUTION    d'uN    CHANT    POPULAIRE    MONTPELLlÉnAlN 

à  M.  Antonm  Glaize 


L'histoire  du  soldat  que  la  guerre  retient  loin  de  sa  famille 
et  qui,  au  retour,  trouve  sa  femme  infidèle  ou  remariée,  eut 
d'assez  nombreux  exemples  sous  la  République  et  le  premier 
Empire.  Elle  en  a  trouvé  encore  en  1870-71  dans  les  hostilités 
franco-allemandes.  A  plus  forte  raison  devait-elle  se  produire 
au  cours  des  Croisades,  des  expéditions  d'outre-mer,  des  colo- 
nisations de  l'Amérique  du  Nord  ou  du  Sud  et  généralement 
de  toutes  les  circonstances  qui  conduisent  un  homme  au  delà 
des  mers  ou  des  frontières  de  son  pays. 

Le  premier  époux  acceptait  rarement  d'être  éconduit;  sa 
colère  avait  parfois  des  éclats  tragiques  ;  l'épouse  reprenait 
le  lien  momentanément  rompu  ;  en  d'autre  cas,  lorsqu'il  y 
avait  eu  des  enfants,  et  que  la  femme  semblait  heureuse  d'avoir 
contracté  le  second  mariage,  lorsque  ses  fils  du  premier  lit  y 
avaient  trouvé  bonheur  et  sécurité,  le  revenant  se  sacrifiait  et 
reprenait  le  cours  des  pérégrinations  lointaines.  On  devine, 
qu'il  n'y  portait  pas  toujours  le  courage  et  l'entrain  du  début 
et  qu'une  fin  quelquefois  désespérée  clôturait  l'aventure  en 
régularisant  d'une  façon  définitive  les  liens  qui  lui  avaient  fait 
fuir  le  sol  natal. 

C'est  le  récit  d'une  histoire  semblable  que  raconte  une  chan- 
son depuis  longtemps  populaire  dans  l'ouest  de  la  France,  sous 
le  titre  du  Retour  du  marin  et  sous  celui  de  la  Belle  Hôtesse;  la 
Normandie,  l' Aunis,  la Saintonge  et  le  Poitou,  en  possèdent  des 
versions  presque  semblables.  Bujeaud  Ta  comprise  dans  son 
recueil'  ;  Anatole  Boucherie,  qui  eut  au  plus  haut  degré  le 

'  Chants  et  clianson^  populaires  des  provinces  de  VOuest  [Poitou,  Sain 
tonge,  Aunis  et  Angoumois),  avec  les  airs  originaux  recueillis  et  annotés  par 
Jérôme  Bujeaud.  Niort,  L.  Clouzot,  188G,  2  vol.  gr.  in-8°,  332-364  pages 
(p.  89-90  du  tome  1). 


JANA    DE    MOURMEIROUN  201 

sentiment  des  délicatesses  de  la  poésie  rustique,  la  préférait 
à  toutes  celles  de  son  pays  natal.  Oscar  Havard  la  cite  élogieu  - 
sèment  dans  une  chronique  de  la  Libre  Parole*.,  mais  ne 
remarque  pas  qu'elle  s'ap[)arente  d'assez  près  à  rOdyssée,  où 
après  vingt  ans  de  guerre  et  de  courses  sur  les  mers,  le  héros 
aborde  l'île  d'Ithaque,  la  veille  du  jour  où  Pénélope  sera  forcée 
de  choisir  un  nouvel  époux  ^. 

Quand  le  marin  revient  de  guerre, 

Tout  doux.  .  . 
Tout  mal  chaussé,  tout  mal  vêtu  : 

—  «  Pauvre  mai'in,  d'où  reviens-tu  ? 

Tout  doux  !  » 

—  «  Madame,  je  reviens  de  guerre, 

Tout  doux. . . 
Qu'on  m'apporte  ici  du  vin  blanc, 
Que  le  marin  boive  en  passant, 

Tout  doux  !  » 

Brave  marin  se  mit  à  boire, 
Tout  doux  .  . . 

'  Numéro  du  28  février  1902,  sous  le  pseudonyme  de  Gallus. 

^  Une  famille  cettoise  qui  s'est  fait  un  nom  fort  honorable  dans  les 
fonctions  électives  et  les  lettres  locales,  celle  des  Doumet,  en  fournit  un 
exemple  à  la  fin  du  premier  Empire.  La  femme  remariée  reprit  sa  place 
au  foyer  du  premier  époux. 

Avant  l'amendement  voté  par  la  Chambre  des  députés  sur  la  proposition 
de  M.  l'abbé  Lemire,  la  jurisprudence  avait  depuis  longtemps  prévu  les 
cas  où  la  femme  pouvait  se  considérer  comme  veuve  et  contracter  une 
seconde  union,  mais  elle  n'avait  pas  réalisé  l'unité  de  législation  :  une 
divergence  notable  en  était  la  cause.  Les  cours  du  Midi  n'admettaient 
pas  que  la  mort  de  l'époux  pût  être  déduite  de  son  absence  prolongée. 
Les  tribunaux  du  Nord  étaient  autrement  faciles,  et  la  raison  en  est 
simple.  L'Océan,  pour  ainsi  dire  sans  limites  précises,  était,  par  voie  de 
conséquence,  plus  fertile  en  naufrages  et  en  pertes  de  navires,  alors  que 
sur  la  mer  Méditerranée,  la  piraterie  barbaresque  tendait  moins  à  la  mort 
qu'à  l'esclavage  de  l'homme.  La  facilité  relative  des  évasions  et  la  rédemp- 
tion des  captifs,  très  fortement  organisée  en  Languedoc,  étaient  encore 
un  argument  dans  la  bouche  des  juristes  méridionaux. 

Grâce  à  M.  Lemire,  la  législation  et  la  jurisprudence  française  sont 
d'accord  aujourd'hui  pour  interpréter  les  cns  où  la  femme  sans  nouvelles 
de  son  mari,  a  le  droit  de  se  considérer  comme  veuve  et  de  convoler  en 
secondes  noces. 


202  JANA    DE    MOURMEIROUN 

Se  mit  à  boire  et  à  chanter, 
Et  la  belle  hôtesse  a  pleuré, 
Tout  doux  ! 

—  ('  Ah  !  qii'avez-vous,  la  belle  hôtesse  ? 

Tout  doux  ! . . . 
Regrettez-vous  votre  vin  blanc 
Que  le  marin  boit  en  passant? 

Tout  doux  ! 

—  C'est  point  mon  vin  que  je  regrette, 

Tout  doux . . . 
C'est  la  perte  de  mon  mari. . . 
Monsieur,  vous  ressemblez  à  lui.  . . 

Tout  doux  ! 

—  Ah  !  dites-moi,  la  belle  hôtesse. 

Tout  doux. . . 
Vous  aviez  de  lui  trois  enfants, 
Vous  eu  avez  six  à  présent, 

Tout  doux  ! 

—  On  m'a  écrit  de  ses  nouvelles. 

Tout  doux. . . 
Qu'il  était  mort  et  enterré 
Et  je  me  suis  remariée, 

Tout  doux!  » 

Brave  marin  vida  son  verre, 

Tout  doux... 
Sans  remercier,  tout  en  pleurant. 
S'en  retourna  au  régiment, 

Tout  doux. 

«  Quelle  discrétion!  quelle  sobriété!  quelle  douceur!  dit 
avec  raison  M.  Havard.  Tandis  que  le  rythme  des  premiers 
vers,  alerte  et  fringant,  tressaille  comme  une  ronde  d'avril, 
le  rjthme  des  derniers  chemine,  douloureux  et  lent,  et  s'éteint 
mouillé  de  larmes  dans  le  crépuscule  des  soirs.  Voilà  le 
lyrisme  populaire  !..  Toute  l'histoire  d'une  âme  —  des  espoirs 
cueillis  au  matin  et  des  sanglots  qui  se  brisent  au  seuil  de  la 
nuit —  se  déroule  dans  cette  chanson  sans  art,  se  déploie  dans 
ce  symbole,  calme  et  pur,  que  ne  pollue  aucune  description 
savante,  que  n'alourdit  aucune  rhétorique  raisonneuse...  » 

Le  Languedoc,  pays  maritime   comme  l'Aunis   et  la   Nor- 


JANA    DE    MOURMEIROUN 


203 


raandie,  doit  avoir  eu  et  peut-être  a-t-il  encore  des  exemples 
du  thème  qui  nous  occupe.  Dans  tous  les  cas,  j'ai  cru  devoir 
en  essayer  la  restitution  luontpelliéraine.  Heureux  si  je 
donnais  à  mes  couplets  la  poésie  exquise,  mais  un  peu  trop 
condensée  de  l'original  français  !  J'ai  imaginé,  sur  le  rythme 
des  berceuses,  le  refrain  [)resque  partout  diminutivé  qui  les 
termine. 

M.  Gustave  Michel-Quatrefages  a  bien  voulu,  avec  sa  science 
et  sa  compétence  accoutumée,  noter  l'air  complet  de  cet 
essai  : 


E^53^jEj: 


=p:=P= 


:^=i=t==^=y==g= 


:t: 


m 


Coun-tent    de       vei  -  re    sa  moun  -  ta  -gna,  Pei-roun-pei- 


ret,      ri-boun  -  ri   -   ba-gna,  La     be   -  la     Ja  -  naelous    en- 


fants— Qu'a-viè    lais   -  sat  dem-pioi  set      ans, —  Pei-roun-pei- 


ret,  —     Ri-boun-ri  -  ba-gna, 


Ri-boun-ri    -  ba  -  gna. 


Les  luttes  qui  ont  existé  entre  les  pays  riverains  de  la  chaîne 
des  Pyrénées  justifieront  la  plupart  des  mentions  géographi- 
ques de  l'imitation  montpelliéraine. 

LaCerdagne  est  le  nom  d'un  ancien  comté  presque  toujours 
uni  au  Roussillon. 

Saint-Jean-Pla-de-Cors  est  aujourd'hui  un  chef-lieu  de 
canton  de  l'arrondissement  de  Céret  (Pyrénées-Orientales)  . 
Le  même  département  compte  deux  Caudiès,  l'un  dans  l'arron- 
dissement de  Prades,  l'autre  dans  celui  de  Perpignan. 

Mormoiron  est  un  chef-lieu  de  canton  de  l'arrondissement 
de  Carpentras  (Vaucluse).  Sa  population  est  d'environ  trois 
mille  âmes  et  le  provençal  qu'elle  parle  possède,  si  j'en  crois 


204  JANA    DE    MOURMEIROUN 

des  renseignements  qui  m'ont  été  autrefois  donnés  par  M.  For- 
tunat  Martellj,  des  finales  féminines  en  a. 

Le  nom  propre  de  Guilhermenc,  Guillermin,  Guilhemin, 
Guillemin,  existe  à  Montpellier  au  même  titre  que  celui  de 
liamondenc  (Rajmondin)  à  Toulouse  et  sur  beaucoup  d'autres 
points  du  Languedoc.  On  sait  que  tous  les  seigneurs  de  Mont- 
pellier ont  porté  le  nom  de  Guilhem  et  que  les  comtes  de 
Toulouse  se  sont  presque  tous  nommés  Raymond.  J'ai  cru 
pouvoir  déduire  de  la  première  forme  le  nom  de  Guilherme, 
qui  peut-être  n'est  pas  tout  à  fait  périmé  dans  la  région  médi- 
terranéenne. 

Il  était  et  il  est  encore  d'usage  de  boire  du  vin  blanc  sur  les 
châtaignes  rôties. 

On  dit  communément  vi  à  Montpellier,  quand  il  s'agit  de 
vin  rouge  ou  de  vin  en  général,  et  vin  blanc.  L'n  final  du 
substantif  ne  se  prononce  que  dans  ce  dernier  cas. 

Ainsi  que  je  l'ai  fait  dans  le  Medeci  et  le  Députât  de  Balhar- 
ijuef,  dans  le  Merlussat  de  Pampalibourna  et  la  plupart  des 
contes  publiés  par  VArmanac  mount-pelieirenc,  je  me  suis 
efforcé  de  n'employer  que  des  termes  connus  de  tout  le  monde 
à  Montpellier.  Font  seuls  exception  les  substantifs  cantagna. 
malamagna  et  tristagna^  qui  n'existent  que  dans  sa  langue 
littéraire. 


JANA  DE  MOURMEIROUN' 

En  guerra  quaii  perd  e  quau  gagaa, 
Peiroun-{)eiret,  i-ibouii-ribagua  ; 
Quau  demora  en  presou  long  tenis 
Dins  la  pena  e  lou  languimeut, 
Peirouu-peiret,  ribouu-ribagua, 
Ribouu,  ribagua  ! 

Countent  de  veire  sa  mountagna, 
Peiroun-peiret,  riboun-ribagna, 


•  Cette  imitation  a  été  composée  à  la  demande  d'un  Montpelliérain,  le 
jeune  Campet,  qui  voulait  pouvoir  chanter  du  languedocien  en  réunion 
de  camarades  et  d'amis.  Le  cas  était  trop  rare  pour  n'être  pas  noté. 


JANA    DE    MOURMEIROUN  205 

La  bêla  Jana  *  e  lous  enfants 
Qu'aviè  quitat  dempioi  très  ans, 
Peiroun-peiret,.  .  . 

Guilherme  partiguet  d'Espagna, 
Peiroun-peiret,  riboun-ribagna, 
Prenguet  lou  cami  dau  pais 
E,  passa,  passa,  que  t'ai  vist, 
Peiroun-peiret,. . . 

Sans  capità  de  raalamagna, 
Peiroun-peiret,  riboun-ribagna, 
Per  Narbouna,  en  Ate,  Avignoun, 
S'agandiguet  à  Mourmeiroun, 
Peiroun-peiret,. ,  . 

Drecha  en  travès  de  sa  barragna, 
Peiroun-peiret,  riboun-ribagna, 

—  ((  D'ounte,  dis  Jana,  tournàs-ti. 
Tant  mau  caussat,  tant  pau  vestit?» 
Peiroun-peiret,.. . 

—  «  De  lion,  mai  que  lion,  d'en  Cerdagna, 
Peiroun-peiret,  riboun-ribagna, 
Pourtàs-ine  'n  pichè-  de  vin  blanc 

E  de  castagnas  sus  lou  banc.  » 
Peiroun-peiret,... 

*  En  Languedoc,  et  surtout  aux  environs  de  Montpellier,  la  bêla  Jana 
n'est  connue  que  par  la  couiparaison  populaire  :  Parla  mai  que  la  hela 
Jana^  Parla  couma  la  hela  Jana^  identifiée  par  la  Rèmo  Jano  de  Mistral 
avec  Jeanne  1'"=  (1325-1382),  reine  de  Naples,  comtesse  de  Provence. 

Au  contraire  de  cette  œuvre  dramatique,  le  Dictionnaire  (II,  153)  du 
poète  de  Maillane  ne  donne  à  pai'lo  coume  la  ùello  Jano  que  le  sens  de 
«  babiller  comme  une  vieille  commère  ». 

^  Le  picfié  {pechié  en  Provence  et  peccarium,  picarium,  en  bas  latin) 
est  une  petite  cruche  à  une  ou  deux  anses  contenant,  selon  Mistral,  un 
peu  plus  d'un  litre  de  vin  blanc;  deux  litres  en  Béarn. 

On  dit  communément  aneroun  heure  soun  pichè  de  vi,  Begiieroun 
foulheta  (ils  burent  une  feuillette  de  vin). 

Se  faire  set  pichès  de  michant  sang,  c'est  avoir  beaucoup   de  chagrins. 

Le  DiC</o««a»'e  montpelliérain,  encore  manuscrit,  de  Raymond  Martin 
précise  mieux  la  contenance  de  la  foulheta  et  du  pichè  : 

«  Fouïéta  ;  ancienne  mesure  pour  les  liquides.  C'était  la  moitié  d'un 
pichè.  Voy.  ce  mot  ». 

On  trouve  à  pichè  les  mentions  suivantes  : 

'(Pichè,  ancienne  mesure  pour  les  liquides.  A  Montpellier  unpicnè  d'oli 


206  JANA    DE    MOURMEIROUN 

Tout  beguent  faguet  sa  cantagna, 
Peiroua-peiret,  riboun-ribagna, 
Emé  fossa  dichs  e  redichs, 
La  bêla  Jana  ploura  e  ris, 
Peii'oim-peiret, . .. 

—  <i  De  qu'es  que  vous  mes  tant  en  lagna, 
Peiroun-peiret,  riboun-ribagna, 

Me  planiriàs-ti  lou  vin  blanc 
E  la  castagna  amai  lou  pan  ?  )> 
Peiroun-peiret,.. . 

—  «  Planisse  pas  vi  ni  castagna, 
Peiroun-peiret,  riboun-ribagna. 
Ploure  moun  paure  orne  e  sa  mort  : 
L'an  tuât  à  Sent-Jan-Descort, 
Peiroun-peiiet,... 

»  D'aco  d'aqul  soui  en  tristagna, 
Peiroun-peiret,  riboun-ribagna, 
Car  ie  semblàs  que  se  pot  pas, 
De  ma  vida,  ie  mai  sembla.  » 
Peiroun-peiret, . . . 

«  Rescoundés  pas  fuset,  escagna, 
Peiroun-peiret,  riboun-ribagna, 
Qu'aviès  be  d'el  très  manidets  ! 
D'ounte  ven  que  soun  pas  pus  très  ? 
Peiroun-peiret, . .. 

»  D'ounte  ven  que  vous  fan  coumpagna 
Peiroun-peiret,  riboun-ribagna, 
Très  autres  qu'an  lou  peu  tant  blound 
Couma  l'irange  e  lou  limoun  ?  » 
Peiroun-peiret,... 

—  «  M'an  un  jour  mandat  de  l'Espagna 
Peiroun-peiret,  riboun-ribagna, 

Que  moun  ome,  l'avien  tuât, 
Alor  n'ai  un  autre  espousat.  » 
Peiroun-peiret,... 

une  de  ces  mesures  pleines  d'huile  pesait  environ  deux  livres  et  un  quart 
de  Paris  .» 

La  foidheta  ne  doit  pas  être  confondue  avec  la  ful'ieta  ou  feuillette 
«  ancienne  mesure  pour  le  vin,  qui  équivalait  à  un  demi-muid  ou  144 
pintes  de  Paris.» 


JANA    DE    MOURMEIROUN  207 

Coupet  un  rounze  à  la  barragna, 
Peiroun-peiret,  riboun-ribagna, 
E  diguet  : —  aLoii  segound  marit 
Uouma  l'autre  vous  aima-ti  ?  » 
Peiroim-peiret,.  . . 

—  «  Que  tragoun  sus  ieu  la  Tourmagna', 
Peiroun-peiret,  riboun-ribagna, 
E  lou  Ventour  -  e  soun  neviè. 
Se  moun  dire  era  messouriè,  •*  : 
Peiroun-peiret,. . . 

»  Es  sans  pou,  michantun,  ni  cagna, 
Peiroun-peiret,  riboun-ribagna, 
E  fai  soun  drech,  sans  jalousie, 
As  manidets  de  moun  premiè  !  » 
Peiroun-peiret,... 

Despeloufet  una  castagna, 
Peiroun-peiret,  riboun-ribagna, 
De  vi  beguet  un  goubelet 
E  s'en  anet  plourant,  soulet, 
Peiroun-peiret,... 

S'encaminet  mai  en  Cerdagna, 
Peiroun-peiret,  riboun-ribagna. 
E  mouriguet,  set  jours  après, 
D'un  cop  de  lança  à  Candies, 
Peiroun-peiret,. . . 

Alph,  Roque-Ferrikr. 


'  Monument  romain  qui  domine  la  ville,  la  promenade  et  la  fonlaine 
de  Nimes. 

*  Le  mont  Ventous. 

^  Le  g  médian  tombe  souvent  en  montpelliérain.  Fowmùjuiè,  Messour- 
guiè,  AgoHst,  Vauguieira  deviennent  dans  ce  cas,  Fowmihiè,  Messouriè, 
A  oust,  Vdiiliieira. 


I  DODICI  CANTI 


COMPLÉMENTS  A  L  INTRODUCTION 


1"  Remarques  sur  le  Guentio  il  Meschino  d'après  le  manuscrit  491  de  la  Biblio- 
thèque nationale  ;  —  2"  Tullia  d'Aragona.  Béatrice  Pia  degli  Obizzi  et  l'Ala- 
manni.  d'après  Sperone  Speroni;  —  3"  de  l'auteur  des  Dodici  Canli ;  — 
4°  Extraits  du  Guerino  il  Meschino. 


Remarques  sur  le  Guerino  il  Meschino  ,  d'après  le  manuscrit  491  de  la 
Bibliothèque  Nationale 

L'introduction  placée  en  tête  du  texte  des  Dodici  Canti  contient  un 
résumé  du  Guerino  il  Meschino,  rédigé  d'après  les  sommaires  de 
Dunlop  et  de  Ferrario,  seules  ressources  que  j'eusse  alors  à  ma  dis- 
position ^  Depuis,  j'ai  pu  consulter  le  manuscrit  italien  491  de  la 
Bibliothèque  Nationale.  M.  Mazzatinti  le  mentionne  ainsi  :  Libre 
cliiamato  il  Misckino  [Guerino^  di  Duracio,  et  l'attribue  au  XV^  siècle. 
C'est  un  bel  in-folio,  relié  aux  armes  de  France,  de  134  feuillets.  Le 
texte  est  incomplet  et  s'arrête  à  l'endroit  où  Guérin,  arrivé  en  Irlande 
où  il  doit  descendre  dans  le  Purgatoire  de  saint  Patrice,  rend  visite  à 
l'archevêque  d'IIiberuie  :  F»  134,  verso  A  :  singhioregyia  questo  i^aese 


*  Le  sommaire  que  Gaspary  donne  du  Meschino  (Geschichte  der  ital. 
Literatur,  II,  p.  265)  oublie  trop  des  faits  essentiels  :  l'amour  dont  Gue- 
rino est  d'abord  épris  pour  Eliséna,  son  amour  pour  la  belle  Antinisca, 
son  voyage  au  pays  du  Prétre-Jean,  la  mention  précise  qu'il  a  recours  à 
la  sibylle  de  Cumes  (le  royaume  enchanté  d'Alcine  ne  peut  que  tromper 
le  lecteur/.  Si  mutilée  que  fût  son  édition  (V.  sa  note  à  cet  endroit),  il 
semble  difficile  que  ces  parties  aient  été  omises.  D'ailleurs,  Dunlop  et 
Ferrario  pouvaient  être  consultés.  Si  je  relève  ces  imperfections,  c'est 
uniquement  pour  justifier  le  développement  que  j'ai  donné  à  l'étude  du 
Meschino  à  propos  des  Dodici  Canti.  Il  m'était  vraiment  impossible  de  me 
borner  à  renvoyer  à  l'ouvrage  de  Gaspary,  ouvrage  dont,  autant  que  per- 
sonne, je  reconnais  le  haut  mérite. 


I    DODIGI    GANTI  209 

lo  archiepiscopo  tVlhernia,  ei  anno  cossi  rnullie  U  sacertloti  como  U 
seculari,  et  e  beato  clii  pote  avère  ijarentato  collo  sacerdote,  et  ad 
quesla  cicta  d'Ibernia  arrical  ijo  et  andai  allô  archiepiscopo  d'Ibernia... 

Le  reste  de  la  page  est  en  blanc. 

Dans  le  cours  du  texte,  trois  colonnes  de  suite  (F"  33,  recto  B, 
verso  A  B)  sont  restées  en  blanc,  sauf  les  trois  premières  lignes  du 
recto  B  :  et  Turchi  rade  volte  aspectano  s'eij/i  mm  si  se)itino  forti  et 
da  inulti  cavallieri  Grec.  ..  La  suite  reprend  au  F"  34,  recto,  où  il 
Meschino  est  en  train  de  tuer  un  lion.  La  partie  absente  comprend  le 
combat  de  Guérin  et  de  Pantifero,  roi  de  Solta  (Folta). 

J'ai  copié  la  plus  grande  partie  de  ce  manuscrit.  C'était  le  seul 
moyen  de  me  faire  quelque  idée  de  ce  que  vaut  le  roman,  car  avec  les 
altérations  des  noms  propres,  la  diversité  des  formes  dialectales  ou 
barbares,  les  oublis  et  les  répétitions  de  mots  ou  même  de  membres 
de  phrase,  les  passages  n'offrant  aucun  sens,  avec  les  mille  traces,  en 
un  mot,  de  l'ignorance  et  de  l'inintelligence  du  copiste,  la  simple  lec- 
ture ne  me  laissait  qu'une  impression  vague. 

Les  chapitres,  indiqués  avec  rubriques  incorrectes  pour  les  pre- 
miers folios,  sont  ensuite  simplement  séparés  par  un  blanc.  La 
place  pour  la  lettre  ornée  reste  vide.  La  division  en  livres  n'est  pas 
marquée,  quoiqu'elle  soit  annoncée  au  titre.  Je  reproduis  ce  titre  parce 
qu'il  diffère  de  celui  que  j'avais  donné  d'après  la  première  édition  : 

In  nomme  deW  autissimo  dio  e  dellavergine  Maria  :  qui  comencia 
il  primo  libre  cliiamato  il  Mischino  di  Duraio.  Qiicsto  nome  fu  su- 
pranome,  che  suo  proprio  nome  fue  Gherino  del  sangue  de'  riali  di 
Francia,  ed  e  partito  quisto  valu  [met]to  in  octo  parti  e  tracta  tucti 
parte  del  mulnyiu,  zo  e  Asia,  Africa,  Europia,  e  de  multi  grande 
facte  de  arme  che  fequi  Mischino  cercando  che  fu  il  suo  pâtre,  como 
la  storia  dimostra,  e  cummincia  il  primo  de  Terra  de  Luvore  nello 
capitolo  primo . 

J'ai  averti  de  l'incorrection  du  texte  pour  n'en  plus  parler.  On  notera 
que  le  sujet  vrai  du  roman,  Guérin  à  la  recherche  de  ses  parents,  est 
indiqué,  tandis  qu'il  est  omis  dans  le  titre  de  l'édition.  Mais  ce  qui  suit 
immédiatement  n'est  pas  le  chapitre  annoncé,  c'est  un  exorde  où 
l'auteur  parle  de  son  entreprise  et  de  lui-même;  le  ton  est  d'un  mora- 
liste. Je  résume  ou  traduis  cette  curieuse  préface  de  l'auteur  des 
Reali. 

11  est  naturel  et  ordinaire  que  les  hommes  écoutent  avec  plaisir  le 
récit  d'aventures  et  de  choses  anciennes  dont  ils  n'avaient  jusque-là 
aucune  connaissance,  et  qui  ainsi  leur  paraissent  nouvelles  :  «  Pour 
cette  raison  je  me  suis  délecté  à  faire  connaître  nombre  d'histoires 
nouvelles  et  plaisantes,  et  parmi  beaucoup  d'histoires,  j'ai  trouvé  cette 

14 


210  r   DODICI    GANTi 

légende  qui  me  plut  grandement'.  Je  ne  veux  donc  pas  être  ingrat 
envers  les  bienfaits  que  j'ai  reçus  de  Dieu  et  de  la  nature  humaine, 
car  ma  nature  a  reçu  des  cieux  au-delà  de  mon  mérite,  étant  donnée 
la  bassesse  de  ma  condition,  » 

Si  d'autres  font  plus  mal  que  lui,  bien  que  de  naissance  meilleure, 
Dieu  en  sait  la  raison,  que  ce  soient  leurs  péchés  ou  les  péchés  de 
leurs  pères  :  «J'en  vois  d'autres,  de  plus  vile  condition  que  moi,  qui 
se  sont  élevés,  se  tiennent  et  vivent  mieux  que  moi.  Cela  me  récon- 
forte, car  si  nous  sommes  tous  nés  de  pères  créés,  un  seul  auteur 
nous  distribue  diversement  ses  grâces.  »  Chacun  peut  être  vertueux 
et  honnête  en  cette  vie.  Comme  Adam,  nous  possédons  le  libre-arbitre, 
nous  sommes  des  animaux  raisonnables,  et  méritons  d'être  punis 
quand  nous  sommes  en  faute.  Quant  à  la  part  de  la  fortune  dans 
notre  destinée,  si  elle  brille  plus  dans  un  lieu  que  dans  un  autre,  cela 
résulte  de  ce  que  la  fortune  distribue  des  instruments  à  tous  et  que 
chacun  s'ingénie  à  apprendre  à  jouer  de  plusieurs  ;  sans  doute  la 
fortune  entonnera  une  musique  parfaite,  mais  craignez  que  les  cordes 
ne  soient  fausses,  car  les  consonnances  ne  se  correspondraient 
point,  et  ce  serait  votre  faute  à  vous  qui  voulez  sans  raison  et  non  la 
faute  de  la  fortune.  «  C'est  pourquoi  j'implore  le  nom  du  Dieu  très- 
haut  et  de  toutes  les  puissances  ordonnées  par  lui  dans  les  cieux  afin 
qu'ils  m'accordent,  non  pour  aucune  autre  raison  que  leur  grâce,  de 
construire  ce  petit  ouvrage  de  mes  mains  de  la  façon  qui  pourra  me 
donner  le  plus  de  profit  et  de  plaisir.» 

Les  premières  lignes  donnent  à  penser  que  le  Guerîno  a  été  com- 
posé quand  l'auteur  avait  déjà  écrit  plusieurs  de  ses  romans  et  s'était 
fait  une  réputation.  On  pourrait  le  considérer  comme  une  pure  inven- 
tion d'Andréa  da  Barberino,  qui  aurait  voulu  rivaliser  enfin  avec  les 
oeuvres  qu'il  s'était  borné  jusque-là  à  remanier,  s'il  ne  disait  qu'il  a 
trouvé  cette  légende,  ne  la  distinguant  point  de  celles  qu'il  a  emprun- 
tées. Mais  que  vaut  cette  affirmation,  et  n'y  faut-il  pas  voir  seulement 
la  marque  du  désir  de  se  concilier  la  confiance  de  lecteurs  habitués  à 
croire  à  la  réalité  historique  des  faits  qui  leur  étaient  contés  ?  Le  cha- 
pitre premier  seul  rattache  le  Guerino  à  la  tradition  épique  ;  tout  le 
reste  semble  dû  à  l'imagination  de  l'auteur,  personnages  et  aventures. 

Le  succès  de  ce  roman, son  immense  etdurable  popularité, demeurent 

'  Naturalimente  pare  de  co7isueti(dine  che  H  homini  se  delectano  de 
udb^e  novelle  li  aventuri  et  cose  anlic(jiie  fosseno  no7i  siano  stati  palisati 
alla  volgare  (jente,  peixhe  cose  anticque  et  non  palesate  pari7io  nove  alla 
mente  di  i/iielloro  che  no  le  anno  piu  udite,  per  questo  me  sono  delectato 
declar[are]  moite  ystorie  ?iovelle  avendo  piacere,  de  moite  ystorie  trovai 
questa  leqenda  che  molto  mi  piacque.... 


I    DODICI    CANTI  511 

inexplicables,  quand  on  se  borne  à  la  connaissance  de  sommaires  où 
l'on  n'a  guère  qu'une  sèche  onumération  de  noms  propres  et  d'aven- 
tures dont  se  dégage  une  impression  d'ennui.  11  en  est  autrement 
quand  on  lit  patiemment  le  vieux  chroniqueur.  On  passe  rapidement 
sur  les  endroits  où  il  étale  une  science  géographique  de  très  mauvais 
aloi,  et  l'on  s'attache  aux  récits,  aux  peintures  de  caractères,  aux 
observations  morales.  L'histoire  de  Guérin  est  la  biogr.iphie  d'un 
personnage  qui  n'a  de  commun  avec  les  vassaux  de  Charlemagne  que 
sa  parenté;  c'est  un  pur  roman,  et  si  la  nature  des  aventures  et  des 
exploits  qui  lui  sont  attribués  est  empreinte  encore  du  goût  du  temps 
pour  les  narrations  chevaleresques,  un  autre  goût  très  nouveau  d'ordre 
tout  psychologique  commence  à  s'y  faire  jour. 

Guérin,  à  la  recherche  de  sa  famille,  parcourt  le  monde.  Dans  ce 
cadre  immense,  plus  encore  que  dans  les  Reali,  l'auteur  avait  l'occa- 
sion de  faire  parade  de  ses  connaissances  ;  mais  le  personnage  de 
Guérin  est  toujours  au  premier  plan,  attirant  sur  lui  les  regards  et 
l'intérêt.  Souvent  l'auteur  lui  cède  la  parole,  et  le  chevalier  raconte  ce 
qu'il  a  vu  et  ce  qu'il  a  fait.  A  en  juger  parle  texte  dont  j'ai  dû  me 
servir,  Andréa  ne  s'inquiète  guère  de  ménager  la  transition  :  brusque- 
ment du  genre  historique  on  passe  à  celui  des  Mémoires.  Le  caractère 
lui-même  du  héros  est  composé  avec  soin  ;  c'est  un  mélange  de  cou- 
rage et  de  dévotion,  de  persévérance  et  de  bon  sens,  de  courtoisie  et 
de  finesse.  S'il  a  pour  devoir  essentiel  de  ne  rien  épargner  pour 
découvrir  de  qui  il  est  né,  il  n'en  a  pas  moins  conscience  de  son  rôle  de 
chevalier  chrétien,  et  il  mettra  partout  son  épée  à  la  défense  de  la 
justice.  Quand  le  traître  Alfumet  le  questionne  indiscrètement  sur  sa 
religion,  il  répond  seulement  :  Adoro  la  fortana  !  et  un  peu  plus 
loin  :  Alla  guerra  vado  ijo  !  voulant  se  faire  passer  pour  un  merce- 
naire en  quête  d'un  seigneur  qui  accepte  son  service.  Mais  quand  il 
reproche  aux  Médiens  de  défendre  mollement  les  droits  de  leur  jeune 
reine  Amidan,  il  se  présente  sous  uu  autre  aspect  :  «  Vous  voyez  que 
je  suis  fils  de  l'Aventure,  que  je  n'ai  point  de  père  et  que  je  secours 
les  peuples  et  les  seigneurs  dans  le  besoin.  Je  combats  pour  la  jus- 
tice, et  pour  cela  je  suis  venu  à  votre  aide  et  à  la  défense  de  cette 
dame  abandonnée  et  trahie  par  ses  sujets.  » 

C'est  l'attitude  du  chevalier  errant,  mais  les  motifs  qui  le  guident 
n'ont  rien  de  commun  avec  l'étalage  orgueilleux  de  la  force  :  sa 
pensée  est  d'un  âge  moderne. 

Dans  toutes  les  guerres  auxquelles  il  prend  part,  il  est  promptement 
choisi  comme  chef,  et  fait  preuve  de  la  connaissance  de  la  stratégie 
du  temps.  Qu'il  ait  affaire  à  des  géants,  à  des  monstres  ou  à  des 
Sarrasins,  c'est  à  son  adresse  plutôt  qu'à  sa  vigueur  qu'il  doit  la 
victoire. 


212  I    DODICI    CANTI 

Il  parle  volontiers  et  prononce  de  vrais  discours,  tantôt  militaires, 
tantôt  dévots.  Il  est  d'ailleurs  d'une  piété  qui  ne  se  dément  jamais, 
et  il  professe  le  plus  grand  mépris  pour  la  croyance  et  les  mœurs  des 
mahométans.  Une  des  choses  qui  le  choquent  le  plus  en  Orient  est 
que  l'on  s'asseoit  à  terre  sur  des  tapis  et  que  l'on  mange  au  même 
plat,  alla  porcescJia.  Il  impute  volontiers  à  ces  peuples  des  penchants 
détestables,  qu'il  attribue  à  l'influence  du  signe  du  Scorpion  qui 
excite  les  passions  luxurieuses. 

Quand  Pantifero,  roi  de  Solta,  lui  témoigne  une  admiration  malhon- 
nête, il  répond  d'abord  qu'il  est  homme  et  non  femme,  puis  interdit 
nettement  au  priuce  toute  familiarité  indiscrète.  Ceci  est  bien.  Mais 
pour  sortir  de  la  prison  où  Pantifero  l'a  jeté,  il  ne  s'en  résignera  pas 
moins  à  écouter  les  conseils  de  ses  compagnons,  à  épouser  la  fille  du 
roi  avec  l'arrière-pensée  de  lui  être  infidèle.  Il  prêtera  serment  sur  les 
livres  sacrés  de  Mahomet,  d'Apollon  et  de  Rilis,  en  se  touchant  la 
dent',  mais  il  comptait  bien  s'enfuir  au  plus  tôt.  Et  l'auteur  d'ajouter 
que  ce  serment  ne  valait  pas  mieux  que  les  idoles  invoquées,  et  que, 
dans  la  suite,  le  Prêtre-Jean  consulté  jugea  qu'il  ne  pouvait  lier  un 
chrétien.  La  jeune  abandonnée  eut  un  fils,  Peliones  Lapares,  qui  fut 
de  plus  grande  prouesse  que  son  père  '-. 

C'est  d'ailleurs  le  seul  exemple  de  f;iiblesse  que  l'on  puisse  repro- 
cher à  Guérin,  faiblesse  bien  excusable,  puisque  Pantifero  le  laissait 
mourir  de  faim  et  de  soif  dans  son  cachot  :  sa  chasteté  n'échoua  sur 
aucun  autre  écueil.  Il  portait  sur  lui  des  reliques  destinées  à  le 
protéger  contre  les  tentations  mauvaises.  Quand  il  était  parti  de 
Constantinople,  l'impératrice  lui  avait  donné  une  petite  croix  d'or  en 
ajoutant  les  plus  sages  recommandations  :  ?ma  crocelta  cVoro  cKegli 
Vavesse  al  collo.    Nella   croce    era  commesso   dentro  del  sangue  di 

Christo,  e-Ua de  Noslra  Dompna,   e  de  lu  ligno  de  la  croce  de 

Christo,  e  dixili  :  Omne  voila  che  lu  [V]  abbi  adossa,  nessuna  fan- 
tasia non  ti  potra  nocere ;  ma  giiardati  de  non  peccare  carnalimente 
cum  essa  adosso,  et  piu  che  tu  jjoi  riguarda  de  peccare  in  peccato 
mortale  cum  essa  adosso. 

'  Maugis  d'Aigremont^  v.  2949  : 

Son  doi  fiert  à  sa  dent  por  Maugis  miex  fier. 

Cf.  le  combat  d'Ogier  et  de  Braihier,    dans  Ojier  de  Dannemarclie. 

^  Era  la  terra  in  grande  didore^  ma  sopra  a  tucti  era  adolorata  la 
diriiicella,  la  quale  romasa  gravida  d'uno  fanciullo  masculo  el  qiialeehhe 
nome  PelioJie  Lapares,  et  foy  di  maiore  prudeza  che  non  foi  il  pâtre,  et 
feci  grandi  buctalie  [cum]  multi  franchi  si?ignori,  specialimente  cum  soi 
fratelli  nati  in  Taranto,  corno  la  storia  dicc  seqiiendo  per  ordine.  Il  Mes- 
chino  cavalco 


I   DODICI    GANTI  213 

Guérin,  vivant  au  milieu  d'infidèles,  est  obligé  souvent  de  dissimuler 
sa  qualité  de  chrétien;  il  en  prend  son  parti,  mais  se  dédommage  de 
cette  contrainte,  soit  en  protestant  dans  sou  for  intérieur,  soit  en  tour- 
nant en  dérision  les  usages  auxquels  il  feint  de  se  conformer. 

Lorsqu'il  consulte  les  Arbres  du  Soleil  et  delà  Lune  et  que  le  prêtre 
l'invite  à  prier  Apollon  et  Diane,  il  les  conjure  au  nom  de  la  Sainte 
Trinité,  et  débite  une  profession  de  foi  toute  chrétienne,  voulant  ainsi 
atténuer  son  tort  de  recourir  à  des  divinités  païennes. 

A  la  Mecque,  il  est  admis  dans  la  mosquée,  où,  d'après  la  légende, 
le  cercueil  de  Mahomet  demeurait  suspendu  en  l'air  par  suite  de  l'at- 
traction des  pierres  d'aimant  dont  la  voûte  aurait  été  formée  '.  11  se 
rit  de  la  naïveté  des  infidèles  qui  ignorent  la  raison  du  prétendu 
miracle,  et  blâme  surtout  leur  façon  de  se  prosterner  la  face  contre 
terre.  Ainsi  ils  font  à  Mahomet  tout  l'honneur  qu'il  mérite,  puisqu'au 
lieu  de  lui  présenter  la  plus  belle  chose  que  Dieu  ait  faite,  «  ils  lui 
montrent....,  c'est-à-dire  la  partie  malhonnête  de  la  personne.  »  L'idée 
lui  vient  aussitôt  de  mettre  à  profit  cet  usage  pour  insulter  Mahomet. 

'  D'après  Guérin, 'la  Mosquée  consacrée  à  Mahomet  est  beaucoup  plus 
petite  que  l'église  de  Sa7ita  Maria  RUoJida  qu'il  a  vue  à  Rome.  L'alman- 
zor  se  déchausse  avant  d'y  entrer.  A  l'intérieur  se  tenaient  l'Archaliffe  et 
ses  prêtres.  Jusqu'à  mi-hauteur  les  murs  étaient  blancs  et  noirs  au- 
dessus  :  il  y  avait  deux  fenêtres  et  deux  portes,  au  levant  et  au  cou- 
chant ;  au  milieu  était  un  autel  avec  un  cercle  d'albâtre  et  une  bordure 
d'or.  Autour  de  l'autel  des  prêtres  criaient,  mais  Guérin  ne  put  com- 
prendre ce  qu'ils  chantaient.  Sous  la  coupole  était  une  cassette  de  fer 
poli,  longue  d'une  brasse  et  un  peu  moins  large,  qui  demeurait  suspendue 
et  ne  touchait  à  rien  :  Je  connus  alors  la  tromperie  du  faux  Mahomet,  car 
je  sus  que  cette  église  à  partir  du  milieu  de  la  liauteur  était  toute  en 
calamité,  laquelle  est  une  pierre  marine  d'une  couleur  entre  le  noir  et  le 
gris  (hiagio),  qui  a  pour  propriété  d'attirer  le  fer  par  sa  fraîcheur.  Et 
cette  calamité  a  encore  une  autre  plus  grande    vertu  qu'en  touchant  la 

pointe  d'un  fer  léger si  l'on  met  le  fer  en  équilibre,  la  partie  qui  aura 

touché  la  calamité  se  tournera  vers  la  Tramontane,  et  pero  H  7iaviga?iti 
vanno  securi  per  lo  mare  cidla  stella  e  col  partire  de  la  carta  et  de  bos- 
secta  de  la  calamita.  Et  per  qi/esta  raione  Carea  dl  Magomecto  cK  eni  di 
ferro  sta  susspesa  perche  la  calamita  la  tene.  »  —  Andréa  connaissait  donc 
l'usage  de  la  boussole.  Quant  à  l'église  Santa  Maria  Rofonda,  surnom  dû 
à  la  forme  du  monument  (dans  les  vieux  textes  français:  Nostre  Dame 
de  la  Ronde),  c'est  le  Panthéon  d' Agrippa  que  Boniface  IV  consacra  en 
610  à  la  Vierge  et  aux  martyrs,  d'où  le  vocable  :  chiesa  di  S.  Mai-ia  ad 
Martyres.  Raphaël,  Balthazar  Peruzzi  (le  peintre  architecte,  l'auteur  de 
la  Farnesina  et  du  Palais  Massimi),  Jean  d'Udine  (par  qui  Raphaël  fit 
exécuter  la  décoration  des  pilastres  et  des  murs  des  Loges),  Annibal  Gar- 
rache,  d'autres  artistes  y  ont  leur  sépulture. 


214  I    DODIGI    CANTI 

Il  s'agenouille,  levant  les  hanches  aussi  haut  qu'il  peut,  mais  tour- 
nant le  dos  au  cercueil,  et  prononce  l'oraison  suivante  :  0  maldecto 
seminalore  di  [s]candoli,  la  divina  iusticia  dega  ad  te  aviauiento 
de  li  anime  cJii  tu  ai  facto  et  fai  perdere  per  la  lua  falsa  operacione  ! 

Cette  attitude  parut  étrange  à  l'Archaliffe,  c'est-à-dire  au  Pape  des 
Sarrasins,  et  Guérin  eût  payé  cher  la  liberté  qu'il  avait  prise,  s'il  ne 
se  fût  tiré  habilement  d'affaire.  Il  allégua  que  malheureux  pécheur  il 
était  indigne  de  tourner  ses  regards  vers  le  cercueil  de  Mahomet,  et 
qu'il  s'était  comporté  de  même  eu  présence  des  Arbres  du  Soleil  et  de 
la  Lune.  L'explication  parut  suffisante  et  dès  lors  on  le  considéra 
comme  un  saint  homme  et  un  vrai  croyant  :  fui/  yhiamato  santo  di 
loro  fede. 

Malgré  tout  lesoinque  l'auteurapporte  à  faire  ressortir  la  dévotion  de 
son  héros,  et  bien  qu'il  lui  fasse  réciter  son  credo  ou  les  psaumes  de 
la  pénitence,  toute  la  partie  des  voyages  qui  précède  le  départ  pour 
le  Purgatoire  de  saint  Patrice,  est  entachée  d'irrégularités  graves  au 
point  de  vue  chrétien.  Le  voyage  aux  Arbres  du  Soleil  et  de  la  Lune 
a  été  conseillé  par  les  devins  de  l'empereur,  et  c'est  eu  fait  un  pèle- 
rinage païen  que  Guérin  entreprend.  C'est  tellement  vrai  que  lorsqu'il 
arrive  au  sommet  de  la  montagne  d'où  son  regard  plonge  sur  la  mer 
des  Indes,  il  nous  dit  que  par  cette  mer  on  se  rend  au  pardon  aux 
Arbres  du  Soleil  comme  on  le  fait  pour  le  pardon  à  Rome,  et  que  l'on 
y  va  avec  un  plus  grand  espoir  de  se  sauver  que  ne  font  les  chrétiens  quand 
il  s'agit  d'aller  au  sépulcre  de  Jérusalem.  11  repart,  mécontent  de 
la  réponse  qu'il  a  reçue,  et  se  venge  en  raillant  les  Arbres  du 
Soleil  qui  ne  sont  que  des  cyprès  moins  beanx  que  ceux  de  Grèce; 
mais  arrivé  au  rivage  il  reconnaît  qu'il  y  trouve  des  navires  chargés 
de  pèlerins  arabes  et  persans  qui  se  rendaient  aux  Arbres  du  Soleil 
'<  par  la  dévotion  qu'avaient  les  chiens  de  Sarrasins.  »  Le  mot  inju- 
rieux n'excuse  point  sa  démarche  :  il  a  fait  ce  qu'il  reproche  aux 
païens,  et  il  partira  pour  l'Occident,  comme  il  lui  a  été  ordonné  par 
l'oracle. 

En  Occident,  un  devin  de  Tunisie  complète  le  renseignement  qu'il 
avait  reçu,  et  lui  apprend  qu'il  doit  consulter  la  Sibylle  de  Cumes  i.  Il 


1  Avendo  udito  Guerino  che  in  sullo  monte  era  une  indivino  et  quale 
nvea  nome  Galgibat,  si  mose  da  Tunisi  cum  certe  guide  et  ando  ad 
f/uello  monte  et  trovo  quello  vecchio7ie,  et  illo  lu  adimando  si  li  sappesse 
insuiqhiare  chi  fosse  stato  suo  pâtre  e-lla  sua  mndve.  Respose  che  no. 
E-llo  Mischino  lu  adimando  si  in  Africa  piu  verso  Ponejite  si  trovaria 
che  li  lo  saperia  a  dire.  [Respose]  :  Andando  ad  monte  Adtalente  elli 
altri  canoscuno  certi  corsidi  stelle  et  quelli  de  la  natura  secundo  il  curso 
de  li  cieli  dehia  alcuna  volta   pvoducere,  ma  cheilli  ti  possano  a  dire  el 


I    DODICI    CANTI  215 

s'engagera  donc  dans  une  entreprise  tout  aussi  répréhensible  que  la 
première.  Mais  il  n'a  pas  la  conscience  tranquille,  et  de  même  qu'au 
seuil  du  pays  consacré  à  Apollon  et  à  Diane  il  s'était  confessé  au  prêtre 
chrétien  qu'il  emmenait  avec  lui,  de  même  il  se  confessera  aux  moines 
qui  gardent  le  chemin  conduisant  au  séjour  de  la  Sibylle.  A  toutes  les 
objections  qui  lui  sont  faites,  il  répond  qu'il  n'agit  point  dans  des 
vues  intéressées,  qu'il  a  le  devoir  de  retrouver  sa  famille,  mais  il  ne 
sera  |)leinement  rassuré  que  lorsque  le  Pape  l'aura  béni  et  lui  aura 
imposé  comme  pénitence  d'aller  à  St- Jacques- de-Compostelle  purger 
le  pays  des  voleurs  qui  l'infestent,  et  en  Irlande  où  il  devra  des- 
cendre dans  le  Purgatoire  de  saint  Patrice  d'où  il  rapportera  au 
Saint-Père  l'exacte  relation  de  ce  qu'il  aura  vu. 

L'équilibre  est  ainsi  rétabli,  ces  pèlerinages  chrétiens  effacent  la 
faute  commise,  à  la  grande  joie  des  âmes  naïves  qui  depuis  des  siècles 
s'intéressent  aux  aventures  de  Guérin. 

Parmi  les  faits  qu'il  observe  dans  ses  voyages,  les  plus  curieux  sont 
peut-être  les  exemples  de  tolérance  religieuse  qu'il  rencontre  en 
Orient  et  qu'il  rapporte  sans  se  risquer  à  aucune  appréciation. 

Le  royaume  de  Tigliaffa,  situé  à  dix  jours  de  marche  avant  le  pays 
des  Arbres  du  Soleil,  est  peuplé  d'hommes  noirs,  de  haute  taille,  s'en- 
tendant  très  bien  au  commerce  et  tous  chrétiens.  Guérin  y  avait  été 
fort  bien  accueilli  parce  qu'il  était  chrétien  et  qu'homme  de  guerre  il 
pouvait  être  très  utile  à  un  moment  où  certains  Sarrasins  se  révol- 
taient contre  l'autorité  de  Tigliaffa.  Grâce  à  l'emploi  du  feu  suggéré 
par  Guérin,  les  éléphants  de  l'ennemi  sont  mis  en  fuite,  les  Sarrasins 
perdent  24,000  hommes,  tandis  que  les  chrétiens  n'en  perdent  que  1000. 
Pendant  dix  joui's  on  poursuit  la  conquête;  toutes  les  villes  remet- 
taient leurs  clefs  aux  vainqueurs.  «Je  demandai  pourquoi  on  ne  les 
faisait  pas  baptiser.  Gariscopo  répondit  :  Parce  que  ce  n'est  point 
l'usage;  chacun  peut  garder  la  foi  qu'il  veut,  pourvu  qu'il  obéisse  à 
son  seigneur.»  Quand  il  revient  par  la  mer  des  Indes  de  son  pèlerinage 
aux  Arbres  du  Soleil,  il  a  la  curiosité  de  visiter  l'île  de  Parlobania  où 


taie  fu  tuo  padre,  questo  non  sanno  ;  ma  perche  viiy  [siete]  gentile  et  da 
bene,  yo  vi  mette/'o  in  bona  via.  Nui  trovamo  per  scriptiira  che  la  Sibilla 
Umana  non  e  ancora  morta  et  non  deve  morire  dacqui  ad  in  finem 
mundi,  et  questo  trovamo  ca  ellaey  in  Ytalia  nelle  montanghie  de  Penino 
le  quale  venyono  per  lo  mezo  de  Ytalia,  e  sentiamo  ca  ella  eni  in  7iel  mezo 
de  Italia.  Se  vuy  andate  allei,  ella  vi  sapera  directo  adiré  perche  ella  sa  tucte 
le  cose  passate  e-lli  presenti,  et  si  tu  non  vai  allei  yo  non  saperia  insin- 
ç/hiare  dove  tu  possi  sapere  nel  mundo.  —  Dans  mon  Introduction  j'ai 
omis  de  dire  comment  Guérin  apprend  qu'il  doit  consulter  la  Sibylle  de 
Gumes. 


216  I    DODICI    GANTI 

l'on  compte  dix  villes  et  cent  châteaux-forts.  La  capitale  est  Galabis. 
«Je  leur  demandai  quelle  est  leur  foi.  On  me  dit  qu'il  y  a  des  chrétiens, 
des  sarrasins  et  des  païens,  et  que  la  religion  n'y  est  l'objet  d'aucune 
dispute.  Chaf'.un  garde  la  foi  qu'il  lui  plaît,  mais  il  est  interdit  sous 
peine  du  feu  de  renier  sa  religion*dans  l'île...  Leur  loi  a  pour  but  de 
permettre  aux  gens  de  toute  croyance  de  faire  le  commerce  chez 
eux.  » 

Rapporter  ainsi  les  faits  revient  à  les  approuver.  Dans  nos  Chan- 
sons de  Geste,  on  sait  comment  les  choses  se  passent.  A  la  fin  du 
Maugis  d'Aigreniont  (v.  9489  sq.),  Vivien  l'Amachour,  frère  de  Mau- 
gis,  se  convertit  et  abandonne  Mahon,  Jupitel 

Et  la  mauvaise  foi  que  fist  Luciabel. 

11  revient  à  Monbranc,  emmenant  avec  lui  deuxévêques;  ses  sujets 
sont  baptisés  d'office, 

Et  qui  ne  le  volt  fere,  si  ot  le  chief  copc. 

A  propos  de  la  confusion  des  musulmans  et  des  païens  et  de  l'asso- 
ciation du  nom  de  Mahomet  à  ceux  de  Jupiter,  Trivigante,  Belfagor, 
Ranke  cite  un  document  qui  prouve  que  cette  confusion  était  dans 
tous  les  esprits  :  «  On  se  souvient  que  le  duc  Conrad  de  Masovie,  lors- 
qu'il chargea  les  chevaliers Teutouiques  de  combattre  les  païens  prus- 
siens, leur  accorda  tout  ce  qu'ils  pourraient  conquérir  sur  ces  Sarra- 
sins :  quklquid  de personis  velhonis  omnium  Sarracenorum  adipisci 
potuerint  *.» 

Ranke  constate  que  dans  les  Reali  les  conversions  sont  faites  par 
les  armes,  qu'elles  ne  sont  jamais  obtenues  par  la  mission  ou  la  prédi- 
cation. Mais  si  Andréa  se  conforme  à  la  tradition  des  Chansons  de 
Geste,  nous  voyons  par  les  traits  que  nous  avons  relevés  dans  le  Gué- 
rin,  que  la  conception  d'un  régime  de  tolérance  lui  paraissait  justi- 
fiable. 

Le  chapitre  qui  suit  l'exorde  du  Guerino  est  un  court  résumé  de 
VAspromonte  et  ne  sert  qu'à  placer  dans  la  descendance  de  Girard  de 
Fratta  Milon  de  Tarente,  père  de  Guérin.  Cette  descendance  est  d'ail- 
leurs conforme  à  la  généalogie  constituée  par  l'auteur  des  Reali.  Ce 
fait  confirme  dans  la  pensée  que  le  Guerino  a  été  une  des  dernières 
œuvres,  sinon  la  dernière,  d'Andréa  da  B:irberino. 

Le  courage  de  Guérin  se  soutient  parmi  les  mille  épreuves  qu'il 
traverse.  Une  seule  fois  il  est  sur  le  point  de  renoncer  à  sa  tâche.  En 

1  L.  Ranke,  Zu  dev  italienischen  Poésie,  mémoire  lu  à  1" Académie 
royale  des  Sciences.  Berlin,  1837,  pag.  3,  note. 


I   nODICI   CANTI  217 

se  rendant  au  pays  du  Prètre-Jean,  il  avait  eu  à  combattre  un  terrible 
dragon  dont  le  souffle  l'avait  laissé  à  demi-empoisonné.  Il  est  obligé 
de  prendre  huit  jours  de  repos.  Kn  commémoration  de  sa  victoire,  on 
cloue  la  tête  du  dragon  à  la  [)orte  de  l'église  du  lieu  avec  cette  ins- 
cription :  Guerino,  vocato  Misdiino .   cercando  per   Ia[mia]  sangui- 

viu 
nita,  neW  anni  del  nostro  signore  Ihesu   CrisLo   c   xxx'^    arriva    in 

questo  paesCj  yo  iiccisi  guesto  dragone. 

On  avait  dû  le  frotter  d'onctions  diverses,  et  ainsi  l'on  découvrit  la 
petite  croix,  don  de  l'impératrice  auquel  il  devait  sans  doute  sa  victoire 
sur  le  monstre.  Mais  une  fois  guéri,  quand  il  dut  reprendre  son 
voyage,  il  ressentit  un  profond  découragement. 

«  Quand  je  voulus  partir  de  ce  village,  j'étais  pensif,  et  sans  grand 
effort  j'en  serais  demeuré  là  de  mou  entreprise,  me  plaignant  de  ma 
mauvaise  fortune.  Un  prêtre, qui  était  attaché  au  temple  de  ce  lieu,  me 
prit  par  la  main,  me  mena  à  l'église  et  commença  à  me  parler  en  grec. 
Il  raisonna  avec  moi  et  me  demanda  pourquoi  j'étais  ainsi  pensif.  Je 
le  priai  de  me  confesser,  ce  qu'il  fît.  Je  lui  racontai  toutes  mes  actions 
depuis  le  commencement  jusqu'à  la  fin,  toutes  les  choses  que  j'avais 
promises  ou  faites.  Et  il  me  réconforta  de  cette  manière  :  0  noble 
homme,  celui  qui  commence  une  chose  noble,  et  qui  d'un  bon  principe 
la  conduit  jusqu'à  mi-chemin,  et  puis  l'abandonne,  n'acquiert  point 
de  gloire  de  son  entreprise  ;  mais  s'il  agit  bien  au  commencement,  au 
milieu  et  à  la  fin,  sa  fatigue  ne  lui  est  pas  un  dommage.  Et  il  me 
demanda  :  Sais-tu  ce  qu'est  la  foi  ?  Le  Mischino  dit  :  La  foi  est  une 
parfaite  et  ferme  croyance  en  Dieu  qui  est  la  souveraine  Trinité,  Père, 
Fils  et  >'aint-Esprit,  sans  aucun  doute  ;  elle  consiste  à  croire  aux  dix 
commandements  de  la  loi  et  à  y  obéir,  à  croire  aux  douze  articles  de 
Il  foi  et  aux  sept  du  Saint-Esprit,  à  suivre  et  à  accomplir  les  sept 
œuvres  de  miséricorde.  C'est  ainsi  que  je  crois.  11  me  demanda  : 
Qu'est-ce  que  la  charité  ?  Je  lui  répondis  :  Aimer  Dieu  et  son  prochain. 
Alors  le  prêtre  :  Si  la  charité  est  ce  que  tu  dis,  et  si  ton  père  et  ta 
mère  sont  plus  que  ton  prochain,  car  tu  sais  que  c'est  le  premier  des 
sept  commandements  qui  ont  été  faits  à  nous  pour  nous,  dis-moi,  fils  : 
qu'as-tu  fait  jusqu'ici  pour  ton  père  en  ne  suivant  pas  l'œuvre  com- 
mencée? Si  tu  voulais  dire  que  la  fatigue  en  est  grande,  je  te  le 
concède  ;  mais  tu  as  cherché  en  Asie  et  dans  l'Inde  Majeure,  qui  sont 
les  parties  les  plus  redoutables  et  les  plus  sauvages  de  tout  le  cercle 
do  la  terre,  car  non  seulement  il  y  a  des  animaux  sauvages,  mais  la 
nature  même  des  hommes  y  est  sauvage. En  Afrique  et  en  Europe,  les 
hommes  sont  raisonnables,  et  s'il  y  a  aussi  beaucoup  d'animaux  féroces, 
la  nature  en  est  autre  qu'en  Inde  et  en  Turquie.  Que  l'espérance  te 
gouverne,  va  jusqu'à  bonne  fin,  aie  confiance  en  Dieu,  aime    ton  père 


218  I    DODIGI    CANTI 

et  ta  mère  :  l'espérance  en  Dieu  t'aidera.  Poursuis  ton  entreprise 
avec  toute  ta  force  en  la  modérant  par  la  prudence.  —  Je  me  jetai, 
dit  Guérin,  à  ses  pieds,  je  lui  baisai  les  pieds  et  les  mains  ;  il  me  fixa 
une  pénitence,  me  donna  sa  bénédiction,  et  je  lui  dis  :  0  mou  père, 
vous  m'avez  remis  dans  mes  premières  forces,  que  Dieu  vous  le  rende 
pour  moi  !  Je  pris  congé  de  lui  et  de  tous  ceux  qui  étaient  là,  et  nous 
prîmes  notre  chemin  vers  la  cité  dite  Dragonda  où  j'avais  appris  que 
le  Prêtre- Jean  se  trouvait.  )/ 

Tout  en  chevauchant,  le  chevalier  commente  longuement  et  théolo- 
giquement  ce  que  le  prêtre  lui  a  dit  des  devoirs  des  fils  envers  leurs 
parents,  et  il  conclut  en  promettant  à  Dieu  de  ne  jamais  se  reposer 
tant  qu'il  n'aura  pas  retrouvé  sa  famille. 

Guérin,  à  vrai  dire,  s'attarde  volontiers  en  route,  soit  qu'il  accepte 
toutes  les  occasions  de  montrer  sa  valeur,  soit  qu'il  examine  curieu- 
sement les  lieux  qu'il  traverse  :  c'est  un  chevalier  errant,  c'est  un 
condottiere,  c'est  dans  quelque  mesure  un  explorateur.  Au  pays  du 
Prêtre-Jean,  parmi  les  choses  (jui  provoquent  son  admiration,  deux 
surtout  sont  à  noter  :  les  sources  de  la  richesse  du  roi-pontife,  et  la 
raison  pour  laquelle  cette  contrée  est  dite  la  Terre  de  Vérité, 

A  Dragonda,  Guérin  se  rend  au  palais  du  Prêtre-Jean:  «  Les  che- 
vaux une  fois  attachés,  nous  entrons  dans  l'escalier  pour  monter  au 
palais.  Cet  escalier  était  pour  la  plus  grande  partie  d'albâtre,  et  les 
l'ampes  où  l'on  pose  les  mains,  étaient  toutes  dorées  avec  beaucoup  de 
pierres  précieuses  qui  y  étaient  incrustées,  et  le  mur  était  tout  d'une 
mosaïque  historiée.  Au-dessus  c'était  également  une  mosaïque  couleur 
d  air,  semée  d'étoiles  d'or.  Je  demandai  comment  il  pouvait  y  avoir  une 
telle  richesse  dans  ce  pays,  et  les  guides  m'enseignèrent  quatre  raisons. 
La  première  est  que  l'on  n'a  point  de  guerre  ni  de  soldats  à  payer;  la 
seconde  est  le  grand  tribut  que  lui  versent  les  Sarrasins  pour  qu'il  ne 
perde  pas  l'eau  du  Nil  ;  la  troisième  est  le  grand  péage  qui  se  paie  au 
détroit  de  la  Mer  Rouge  où  le  Prêtre-Jean  possède  trois  cités  avec  des 
ports  très  beaux  et  sûrs;  la  quatrième  est  que  toutes  les  marchan- 
dises de  ce  royaume  paient  un  certain  droit  au  Prêtre-Jean.  Pensez  la 
grande  recette  et  la  petite  dépense  durant  tant  de  centaines  d'années, 
dites-vous  s'il  doit  posséder  de  grandes  richesses  !  Et  ce  pays  est 
appelé  la  Terre  de  'Vérité.  » 

L'auteur  du  Guerino  transforme  la  légende  du  Prêtre-Jean  en  la  ren- 
dant plus  vraisemblable,  en  y  diminuant  la  part  du  merveilleux  et  en 
augmentant  celle  des  raisons  naturelles.  Cette  tendance  a  été  notée 
déjà  dans  les  Reali.  Mais  à  propos  du  tribut  payé  par  les  Egyptiens, 
il  parait  avoir  inventé. 

A  plusieurs  reprises,  pendant  qu'il  est  au  pays  du  Prêtre-Jean, 
Guérin   parle  de  Portes-de-Fer  établies   sur  le    Nil    et   séparant   ce 


I    DODICI    GANTI  219 

royaume  de  celui  des  Rgyptiens.  Quand  il  reprend  son  voyage  et  se 
rend  en  Egypte,  il  rencontre  d'abordées  Portes  et  en  explique  l'usage 
en  se  trompant  sur  la  valeur  des  termes. 

«  Ici  sont  les  Portcs-de-Fer.  Je  passai  le  fleuve  du  Nil  :  entre  ces 
montagnes  (les  monts  Camerat)  sont  les  Portes-de-Fer.  Ces  Portes,  je 
les  voulus  voir,  et  jamais  je  ne  vis  rien  de  plus  fort.  11  y  avait  là  un 
mur  fait  de  très  grandes  pierres  en  travers  du  Nil,  à  l'endroit  où  le 
fleuve  passe  entre  ces  montagnes  et  par  le  milieu  arrive  en  P^gypte. 
Ce  mur  est  large  de  trois  cents  brasses,  et  à  côté  du  mur,  sur  une 
montagne,  de  toutes  parts,  est  une  forteresse  si  terrible  et  si  forte 
que  je  m'en  émerveillai.  Au  dessus  du  mur  du  côté  de  l'Inde,  c'est  un 
mur  très  fort  avec  viagt  tours,  c'est-à-dire  vingt  en  haut  et  vingt  du 
côté  de  l'Egypte  ;  le  grand  mur  qui  est  fondé  Haus  le  lit  du  fleuve,  est 
long  de  mille  brasses  et  il  a  trois  ouvertures  très  grandes  où  passe 
l'eau  du  Nil,  et  à  ces  ouvertures  il  y  a  des  sarracinesques  très  grandes 
que  l'on  peut  faire  descendre  de  sorte  que  l'eau  ne  puisse  pas  venir  en 
Egypte.  Je  demandai  où  se  répandrait  l'eau  du  Nil  si  ces  herses 
{caleracte)  étaient  fermées.  On  me  répondit  qu'une  partie  s'écoulerait 
le  long  des  montagnes  de  la  Mer  Rouge,  que  l'autre  irait  vers  le  cou- 
chant dans  la  mer  de  Lybie,  et  que  toute  l'Egypte,  qui  forme  un  seul 
royaume,  périrait  faute  d'eau  parce  qu'il  n'y  pleut  jamais  et  que 
deux  fois  l'an  le  fleuve  baigne  leurs  terres;  par  suite  de  cette  frayeur, 
ils  paient  un  grand  tribut  au  Prêtre-Jean.  » 

De  là  Guérin  se  rend  à  Syène  (Senesi)  où  était  une  garnison  du 
Soudan  d'Egypte. 

On  voit  que  j'ai  traduit  caleracte  par  herses,  sens  justifié  parce  qui 
précède  et  ce  qui  suit.  Le  mot  a  eu  ce  sens  dans  notre  langue  elle- 
même  :  «  Herse  sarrasine  ou  cataracte  est  une  contreporte  suspendue, 
faite  de  grosses  membrures  de  bois  à  quarreaux  pour  empescher  l'effori 
du  pétard,  ou  bien  pour  arrester  une  surprise  par  sa  cheute.  »  Traité 
des  Fortifications  ou  Architecture  militaire,  parle  P.  Georges  Four- 
nier,  2*  éd.,  Paris,  Jean  Henault,  1654,  p.  38.  Mais  dans  le  texte 
lui-même  du  Guerino,  l'on  a  un  autre  exemple  du  mot  pris  dans  ce 
sens.  La  porte  par  laquelle  la  fllle  du  roi  Pantifero  passe  pour  aller 
s'entretenir  avec  Guérin  dans  la  tour  où  il  est  tenu  prisonnier,  est 
munie  d'une  cataracte. 

J'imagine  que  notre  chroniqueur,  ayant  entendu  parler  de  Portes 
de  fer  et  de  cataractes  du  Nil,  a  cru  qu'il  s'agissait  de  vraies  portes  et 
de  herses.  La  forteresse  qu'il  décrit  complaisamment,  aurait  pour  base 
de  simples  contre-sens. 

L'on  ne  peut  éviter  deux  remarques.  L'idée  que  TAbyssinie  pourrait 
détourner  en  partie  les  eaux  du  Nil  au  détriment  de  l'Egypte  parait 
ancienne,  et  naguère  en  Orient  elle  prit  une  consistance  nouvelle. 


220  I    DODICI    CANTI 

D'autre  part,  l'administration  anglaise,  pour  assurer  la  régularité  de 
l'irrigation  de  l'Egypte,  a  réalisé  ce  que  le  moyen  âge  avait  rêvé  :  un 
barrage  imuieuse  emmagasine  les  eaux  du  Nil  à  l'endroit  dont  parle 
Guérin.  Mais  les  clefs  du  barrage  ne  sont  point  aux  mains  des  succes- 
seurs du  Prêtre-Jean.  Les  archéologues  se  sont  émus  de  cette  mesure 
si  utile  en  elle-même  :  ils  craignent  que  le  joli  temple  de  Fhihe  ne 
soit  submergé. 

Parmi  les  mérites  que  Guérin  reconnaît  aux  sujets  du  Prêtre  Jean, 
la  véracité  est  celui  sur  lequel  il  insiste  le  plus'.  Il  en  parle  longue- 
ment dans  sa  descrijition  de  la  ville  d'Antona,  séjour  habituel  du 
Prêtre-Jean  :  «  Bien  que  j'aie  vu  les  terres,  les  cités,  les  palais  et  les 
logements  des  pays  de  Grèce,  de  Syrie,  d'Italie  et  de  toutes  les  parties 
du  monde,  non,  lecteur,  je  n'ai  troiivé  nulle  part  tant  de  beaux  édi- 
fices ni  dans  une  cité  tant  d'hommes  riches  de  toute  richesse  mon- 
daine et  temporelle;  je  n'ai  point  trouvé  au  monde  de  peuple  qui 
gardât  sa  foi  comme  eux,  je  n'ai  point  trouvé  de  peuple  plus  véridique, 
où  il  y  eût  moins  de  mensonge. Chez  eux  les  menteurs  sont  plus  mépri- 
sés que  les  usuriers  en  Grèce  ;  ils  ignorent  ce  que  c'est  que  l'usure, 
et  l'on  fait  chez  eux  justice  sévère  des  malfaiteurs  et  en  particulier  de 
ceux  qui  sont  contraires  à  la  foi  du  Christ.  » 

Il  semble  que  l'auteur  ait  eu  une  antipathie  particulière  pour  les  men- 
teurs et  les  usuriers  et  qu'il  ait  ainsi  jugé  bon  de  donner  en  exemple 
à  ses  concitoyens  un  pays  d'Utopie  où  régneraient  la  vérité  et  le 
désintéressement.  Mais  lorsque  Guérin  a  triomphé  des  Cinnamoniens, 
ennemis  du  Prêtre-Jean,  et  que  celui-ci  consulte  sa  cour  sur  la  récom- 
pense qu'il  convient  d'attribuer  au  vaillant  étranger,  il  se  produit  des 
désaccords  qui  prouvent  bien  que  l'exacte  Justice  n'est  pas  plus  de  ce 
monde  au  Pays-de- Vérité  qu'ailleurs.  L'euvie,  dit  Guérin,  se  donna 
libre  carrière.  L'un  disait:  c'est  un  étranger;  une  petite  récompense 
lui  suffira  :  des  armes  et  des  chevaux  le  contenteront,  car  c'est  un 
homme  qui  ne  pense  que  batailles.  Un  autre  proposait  qu'on  lui 
donnât  un  ou  deux  des  châteaux  conquis  et  une  petite  pension.  D'autres 
dirent  qu'il  ne  fallait  pas  lui  donner  de  châteaux,  parce  que  si  le  pou- 
voir lui  plaisait,  il  était  si  vaillant  homme   qu'il  lui  serait  aisé  de  se 


1  L'expression  Pays-de-Vérité,  employée  plus  haut,  semble  de  l'invention 
de  notre  auteur.  Pour  le  fond,  il  s'inspire  de  la  lettre  fameuse  attribuée 
au  Roi-Pontife  :  51.  Inter  nos  nullus  mentifw,  nec  aliquis  potest  men- 
tiri.  Et  si  quis  ibl  mentiri  coepefit,  statim  moritur  i.  quasi  mortuus  inter 
nos  reputatuv,  nec  eius  mentio  fit  apud  nos  i.  nec  honorem  ulterius  apud 
nos  co)isequifur,  52.  Omnes  sequimur  veritateyn  et  diligimus  nos  invicem- 
Adulter  non  est  inter  nos.  Nullum  vicium  apud  nos  régnât.  Friedrich 
Zarncke,  der  Priester  lohannes,  erste  Abhandlung,  p.  90. 


I    DODICI    CANTI  221 

faii'e  seigneur  fin  pays.  Qu'on  lui  dunne  un  navire  chargé  de  richesses 
et  qu'on  l'adresse  au  Soudan  de  Babylono  ',  à  Alexandi'ie.  D'autres 
conseillaient  qu'on  lui  donnât  des  chameaux  sans  navire  et  qu'on  lui 
fit  avoir  du  Soudan  la  paie  d'un  mercenaire.  Ceux-là  enfin,  par  jalou- 
sie, voulaient  le  renvoyer  sans  plus.  Un  dit  néanmoins  :  Nous  avons 
besoin  d'un  capitaine.  D'autres  étaient  d'avis  de  lui  accorder  un  loge- 
ment avec  des  terres  et  du  bétail. 

L'équité  et  la  reconnaissance  étaient  négligées  à  peu  près  par  tous 
dans  cette  délibération  qui  rappelle  les  entretiens  du  roi  Yon  et  de  ses 
conseillers  au  sujet  de  Renaud  fils  d'Aymon.  Mais  le  Prêtre-Jean  est 
sourd  à  ces  invitations  dictées  par  l'ingratitude  et  la  jalousie  :  il 
demande  à  Guérin  d'accepter  la  moitié  de  son  empire.  Le  chevalier 
refuse,  car  il  doit  repartir  à  la  recherche  de  ses  parents 

L'auteur,  pour  accroître  l'intérêt  du  récit  et  pour  faire  valoir  le  côté 
affectueux  du  caractère  de  Guérin.  lui  donne  souvent  un  compagnon 
de  route  et  d'aventure.  C'est  d'abord  Brandis.  Ce  chevalier  gascon 
et  un  autre  chevaliei',  l'Ameri  de  Oriensis  {sic),  s'étaient  vantés  à 
Paris,  devant  la  cour  du  roi  de  France  et  pour  répondre  aux  vanteries 
d'autres  chevaliers,  de  faire  le  tour  du  monde  par  terre  et  par  mer, 
s'engageant  à  ne  point  s'abandonner  jusqu'à  la  mort.  Ils  avaient  par- 
couru tous  les  pays  d'Europe,  étaient  venus  de  Constantinople  en  Col- 
chide  et  de  là  en  Arménie,  où  le  géant  sauvage  tua  le  compagnon  de 
Brandis  et  enferma  celui-ci  dans  la  caverne  d'où  il  fut  tiré  par  Guérin. 
Dès  lors  les  deux  chevaliers  vivent  dans  une  étroite  amitié,  et  se 
séparent  seulement  quand  Brandis  épouse  Amidan,  la  jeune  reine  de 
Médie  dont  Guérin  a  restauré  l'autorité.  Elle  s'était  d'abord  épiise  de 
Guérin,  mais  il  ne  songeait  point  à  s'airêteret  lui  donna  Brandis  pour 
mari.  11  exigea  seulement  que  l'on  prît  des  sièges  au  repas,  que  l'on 
mangeât  à  la  façon  des  Grecs  et  qu'Amidan  reçût  le  baptême. 

Dans  son  voyage  aux  Arbres  du  Soleil  et  de  la  Lune,  Guérin  a  pour 
compagnon,  à  partir  de  TigliafFa,  ua  capitaine,  Cai'iscopo,  né  à  Saba 
dans  l'Arabie  Heureuse,  mais  qui  s'était  converti  au  christianisme  et 
avait  servi  en  Grèce. 

Quand  il  quitte  Alexandrie  et  entre  dans  le  désert  de  Lybie,  il  sauve 
des  mains  d'une  bande  de  malandrins  un  chevalier  anglais,  Diamone, 
né  dans  la  cité  de  Norgalles  et  descendant  de  Joseph  d'Arimathie -. 


•  Dans  le  Guerino,  comme  dans  Joinville  et  dans  la  carte  catalane 
de  1375,  par  Babylone  il  faut  entendre  le  Vieux-Caire. 

*  Norgalles,  dans  le  cycle  d'Artus,  est  un  pays  limitrophe  des  royaumes 
de  Logres  et  de  Sorelois.  —  Arimuthle  :  le  texte  donne  di  Brama,  mais 
Arimathie  s'était  déjà  transformé  en  Baramachie,  Lùseth,  Le  roman  en 
prose  de  Tristan^  etc.,  p.  498,  1.  39.  L'on  a  Joseph  di  Barimatlia  dans  le 


222  I    DODICI    CANTI 

Les  deux  chevaliers  vivent  fraternellement  ensemble  jusqu'au  moment 
où,  arrivés  en  Sicile,  Guérin  doit  se  diriger  vers  l'Italie  pour  y  con- 
sulter la  Sibylle,  et  Diamone  s'embarque  et  reprend  son  pèlerinage 
au  Saint-Sépulcre.  Leurs  adieux  sont  touchants.  Diamone  dit  :  «  Frère 
chéri,  je  t'aime  plus  que  si  nous  étions  nés  d'un  même  père  et  d'une 
même  mère...  Si  vous  arrivez  en  Angleterre  à  ma  cité  appelée  Nor- 
galesse,  réclamez-vous  de  moi,  car  il  vous  sera  fait  honneur  et  je 
veux  que  vous  la  considériez  comme  vôtre.  Portez  de  mes  nouvelles  à 
ma  dame  et  à  mes  parents.  »  Puis  ils  s'embrassèrent,  se  baisèrent  et 
allèrent  au  vaisseau;  quand  leur  pleur  eut  pris  fin,  ils  payèrent  le 
patron. 

Ce  dernier  détail  est  tout  à  fait  dans  le  ton  général  d'un  récit  où 
l'auteur  s'applique  à  ne  rien  dire  que  de  vraisemblable.  Quand  l'hôtelier 
demande  au  héros  de  Cervantes  s'il  a  de  l'argent  sur  lui:  «  De  l'ar- 
gent! répond  Don  Quichotte  tout  surpris  de  l'indiscrétion  de  ce  lan- 
gage, je  n'y  ai  pas  même  songé.  Je  n'ai  jamais  lu  qu'aucun  chevalier 
errant  s'en  soit  muni  pour  aller  aux  aventures».  Mais  Guérin  a  un 
sentiment  plus  précis  des  réalités  pratiques  de  la  vie,  et  s'il  refuse  de 
partager  le  pouvoir  d'Amidan  et  du  Prêtre-Jean,  il  ne  part  jamais  en 
voyage  sans  prévoir  qu'il  lui  faudra  payer  son  écot  aux  hôtelleries  où 
il  s'arrêtera  '.  Quand  le  pape  lui  a  donné  des  instructions  qui  im- 
pliquent un  voyage  à  Saint-Jacques  et  un  autre  en  Irlande,  le  bon  che- 
valier ne  peut  s'empêcher  ijle  s'écrier  :  «  0  Saint  Père,  je  ferai  tout  cela 
si  je  vis  assez  pour  arriver  là-bas  ;  une  seule  chose  m'embarrasse  et 
me  sera  d'un  grand  ennui.  Il  me  demanda  quelle  était  cette  chose  qui 
m'embarrassait.  Je  lui  répondis  :  La  pauvreté.  Et  il  me  fit  donner 
trois  cents  deniers  d'or.»  Cette  simplicité  plaisait  d'autant  plus  qu'elle 
était  une  nouveauté. 

En  Afrique,  Guérin  se  lie  d'amitié  avec  le  roi  Artilaffo.  En  Calabre, 
l'hôtelier  chez  lequel  il  descend,  s'éprend  également  pour  lui  d'une 
vive  affection.  Ce  n'est  pas  seulement  un  chevalier  avide  d'aventures 
ou  un  voyageur  curieux,  ce  n'est  pas  seulement  un  homme  de  guerre 


Volgarizzamento  toscnno  des  Voyages  de  Mandeville,  éd.  Zambrini,  I, 
p.  98.  —  Dans  son  voyage  en  Angleterre  et  en  Irlande,  Guérin,  après 
avoir  vu  Antona  et  Londras^  se  rend  à  la  hâte  à  Norgalles  où  il  trouve 
son  ami  Dinamon  (et  non  plus  Diamon).  Celui-ci  voudrait  lui  faire  accepter 
en  mariage  sa  sœur  âgée  de  quinze  ans  ;  mais  Guérin  refuse  et  reste 
fidèle  à  la  belle  Antinisca.  Dinamon  s'ofl're  à  lui  pour  l'accompagner  en 
Irlande. 

1  Quand  Guérin  prend  congé  de  l'empereur,  celui-ci  voulait  lui  don- 
ner une  escorte;  il  la  refusa  et  n'accepta  qu'une  somme  d'argent  :  egli 
nolla  vole,  ma  certi  danari  indi  porto. 


I    DODIGI   CANTI  253 

habile  et  courageux  :  il  a  le  don  de  se  concilier  l'estime  et  le  dévoue- 
ment de  tous  ceux  ijui  ont  l'occasion  d'apprécier  sa  droiture  et  sa 
bonté. 

Dès  le  commencement  du  roman,  l'amitié  de  Guérinet  d'Alexandre, 
fils  de  l'empereur  de  ConstantiiiO|)le,  est  un  puissant  élément  d'intéi'ét, 
sans  lequel  le  long  récit  de  tournois  et  de  combats  serait  d'une  fati- 
gante monotonie. 

La  susceptibilité  qui  lui  fait  refuser  la  main  d'Eliséna,  malgré  les 
prières  de  son  ami  Alexandre  et  de  tonte  la  famille  impériale,  est  le 
trait  le  plus  heureux  :  par  la  dignité  de  son  attitude  plus  encore  que 
par  les  services  qu'il  leur  a  rendus,  il  se  place  au  niveau  de  ses  pro- 
tecteurs. 

Sa  fidélité  à  sa  fiancée  Antinisca  ne  subit  point  d'éclipsé.  Un  mo- 
ment, il  est  près  de  succomber  aux  provocations  sensuelles  de  la 
Sibylle,  mais  il  a  recours  à  la  prière  et  triomphe. 

Partout  où  il  paraît,  il  se  place  au  premier  rang  par  son  intelli- 
gence et  sa  générosité  autant  que  par  sa  valeur. 

Ce  n'est  pas  la  reproduction  banale  d'un  type  ancien  et  usé,  c'est  un 
personnage  vraiment  original  et  nouveau. 

La  lourdeur  et  la  prolixité  du  récit,  le  caractère  historique  et  dévot 
auquel  l'auteur  a  visé,  s'ajoutent  au  pédantisme  des  descriptions  pour 
rendre  difficile  la  lecture  d'un  tel  ouvrage  •.  Mais  ceux  pour  qui  il  a 
été  composé  étaient  séduits  par  cela  même  qui  nous  fatigue.  L'auteur 
s'est  inspiré  de  la  méthode  du  Pseudo-Turpin  qui,  de  nos  légendes 
héroïques  fit  un  amalgame  à  prétentions  historiques  et  à  leçons  pieuses. 
Il  a  placé  son  héros  dans  la  Geste  des  Reali,  lui  a  donné  les  vertus  que 
Turpin  attribue  à  Roland,  et,  suivant  l'exemple  de  l'Entrée  de 
Spagne,  l'a  mené,  comme  Roland,  en  Orient.  Dans  une  certaine  me- 
sure, comme  le  Roland  du  poème  franco-italien  et  de  la  Spagna  en 
vei's,  Guérinest  donc  un  chevalier  ei-rant,  mais  il  est  aussi  un  voyageur 
possédant  ce  bagage  de  connaissances  pseudo  scientifiques  dont 
Andréa  est  fier,  et  décrivant  les  pays  et  les  peuples.  Les  Grecs,  grands 
navigateurs,  admiraient  surtout  dans  Ulysse  celui  qui  «  avait  vu  les 
villes  et  connaissait  les  mœurs  de  beaucoup  d'hommes  ». 

Le  merveilleux  des  voyages  d'Ulysse  est  en  bien  des  points  de 
même  famille  que  les  histoires  étranges  qui  passionnaient  la  curiosité 

1  M .  Rajna,  dans  son  étude  sur  les  Renli,  analyse  avec  une  précision  par- 
faite les  procédés  de  l'auteur  et  juge  la  valeur  littéraire  de  son  œuvre. 
Je  ne  puis  que  renvoyer  à  ces  paj^es  magistrales.  V.  surtout  p.  289-309. 
Je  solliciterai  néanmoins  quelque  indulgence  pour  le  Giieri?io,  où  le 
désaccord  est  bien  moindre  entre  la  nature  du  sujet  et  la  manière  de  l'au- 
teur que  dans  les  Reali,  où  c'est  la  matière  de  France  qui  est  en  cause. 


224  I    DODICI    CANTI 

naïve  de  nos  pères,  et  l'on  reconnaît  volontiers  une  parenté  entre 
Polyphi'^me  et  le  géant  qui  avait  mis  en  réserve  dans  une  sorte  de  silo 
le  chevalier  gascon  et  le  prêtre  arménien  afin  de  les  manger  à  loisir. 
Giiérin  rencontrera  tous  les  animaux  légendaires  et  tous  les  hommes 
monstrueux  dont  depuis  Hérodote  l'Orient  et  l'Afrique  sont  peuplés. 
L'érudition  de  l'auteur  n'omettra  ni  la  licorne,  ni  l'extraordinaire 
récolte  du  poivre,  ni  les  mœurs  de  l'éléphant,  ni  les  pygmées,  ni  rien 
en  un  mot  de  ce  qu'il  a  pu  recueillir  d'étoimant  et  d'incroyable.  Mais 
il  allie  à  ce  respect  de  la  tradition  légendaire  des  préoccupations  nou- 
velles; quand  il  entre  sur  le  territoire  d'un  peuple,  il  donne  la  stature, 
la  couleur,  la  chevelure  des  gens,  leur  beauté  ou  leur  laideur,  leurs 
mœurs,  leur  religion,  parfois  leurs  institutions,  leui's  relations  commer- 
ciales. En  tout  cela,  il  met  une  précision  minutieuse,  comme  il  l'a  fait 
dans  les  Reali,  où  M.  Pio  Rajna  l'a  remarqué.  Ainsi  il  suppose 
que  la  crédulité  du  lecteur  sera  satisfaite  et  rassurée.  Les  énuméra- 
tions  géographiques,  souvent  d'une  sécheresse  de  manuel,  plus  encore 
que  les  itinéraires  des  Reali,  tendent  au  même  but,  et  sont  mieux  jus- 
tifiées puisque  le  Guerino  est  essentiellement  un  récit  de  voyages,  un 
véritable  tour  du  monde, 

L'Italien  du  XIV''  siècle  s'intéressait  à  tout  ce  qu'on  lui  contait 
des  pays  lointains,  où  l'on  n'allait  plus  seulement  dans  l'espoir  do 
reconquérir  Jérusalem,  mais  avec  lesquels  on  nouait  des  relations  de 
plus  en  plus  fréquentes. 

La  conception  d'Andréa  vaut  surtout  par  la  décision  avec  laquelle 
elle  est  traitée  et  conduite.  Elle  n'est  pas  restée  sans  attirer  l'atten- 
tion de  poètes  infiniment  supérieurs  comme  science  et  comme  génie  à 
l'auteur  des  Reali,  et  elle  a  exercé  une  réelle  influence  sur  l'évolution 
de  l'épopée  romanesque  en  Italie.  La  belle  Antinisca  est  le  prototype 
d'Angélique,  princesse  du  Cathay  ;  le  séjour  enchanté  de  la  Sibylle,  les 
moyens  de  séduction  qu'elle  emploie,  ont  ouvert  la  voie  où  l'on  ren- 
contrera Falérine,  Morgane,  Alcine,  Armide  ;  mais  ces  parties  de 
l'œuvre  n'en  font  pas  toute  l'importance  :  elle  résulte  de  l'ensemble 
des  éléments  dont  j'essaie  de  donner  quelque  idée. 

La  première  partie  est  bien  composée.  L'enfance  de  Guérin,  sa  liai- 
son avec  Alexandre,  les  sympathies  qu'il  inspire  à  tous,  sa  légitime 
ambition,  les  difficultés  qu'il  rencontre  pour  être  admis  à  prouver  sa 
vaillance,  ses  premiers  exploits  dont  d'abord  il  ne  peut  réclamer  la 
récompense,  sa  douleur  quand  Eliséna  lui  reproche  la  bassesse  de 
son  origine  et  l'accuse  de  lâcheté,  la  défaite  finale  des  Turcs  due  à 
lui  seul,  forment  une  introduction  où  l'intérêt  va  croissant.  Elle  mo- 
tive en  outre  fort  heureusement  la  décision  de  Guérin,  il  ne  peut  se 
résigner  à  rester  sans  nom  et  sans  famille;  son  amour-propre  blessé 
par  Eliséna  et  par  un  des  champions  tuics  qu'il  a  vaincus, le  rend  sourd 


I    DODICI   CANTI  225 

à  toutes  les  caresses  et  à  toutes  les  prières  :  il  est  nécessaire  qu'il 
parte,  qu'il  tienne  la  parole  qu'il  a  donnée  à  Brunor,  le  Sarrasin. 
Celui-ci,  fils  d'Astilladoro,  s'était  écriée  quand  la  paix  avait  été  con- 
clue :  «  0  maudite  fortune,  comment  peux-tu  souffrir  qu'un  esclave 
revendu  ait  vaincu  le  sang  Troyen,  lui  qui  ignore  de  qui  il  est  fils  et 
ce  qu'est  son  père  !  Le  Meschino  l'entendit,  s'avança  et  dit  :  0  Bru- 
noro,  fils  d'\stilladoro,  tu  as  dit  ces  paroles  pour  rae  déprécier,  mais 
je  te  jure  parce  Dieu  qui  fit  le  ciel  et  la  terre,  que  je  ne  me  reposerai 
jamais  et  ne  cesserai  point  de  chercher  jusqu'à  ce  que  j'aie  trouvé 
mon  lignage,  et  je  te  jure  que  s'il  est  noble,  pour  ces  paroles  tu 
mourras  de  mes  mains.  » 

Quand  l'empereur  sut  que  Guérin  avait  pris  un  tel  engagement,  il 
fit  chercher  partout  les  corsaires  qui  avaient  vendu  l'enfant  àEpidonio. 
mais  toutes  les  recherches  furent  vaines,  et  l'on  dut  recourir  à  l'art 
des  nécromants  :  «  On  ne  put  rien  découvrir,  si  ce  n'est  qu'un  enchan- 
teur d'Egypte  ayant  évoqué  un  esprit  et  l'ayant  questionné  sans  rien 
en  obtenir,  lui  demanda  finalement  de  quel  côté  il  devait  aller  pour 
retrouver  son  père  et  sa  famille.  L'esprit  dit  à  haute  voix  :  Aux  Arbres 
du  Soleil  et  de  la  Lune  où  Alexandre  de  Macédoine  alla,  et  dont  il 
sut  où  il  devait  mourir'  :  là  il  saura  de  son  père  et  de  sa  parenté, 
mais  pour  s'y  rendre  il  supportera  de  grandes  fatigues,  de  grands 
travaux,  s'il  peut  survivre  à  ces  épreuves.  Le  Meschino  se  réjouit 
fort  de  cette  réponse  et  demanda  de  quel  côté  se  trouvaient  les 
Arbres  du  Soleil.  11  lui  tut  répondu  :  A  la  fin  de  la  terre^  vers  l'Orient 
d'où  se  lèvent  le  Soleil  et  la  Lune.  » 

Ainsi  renseigné,  Guéria  n'a  plus  qu'à  partir,  il  ira  par  le  monde, 
du  Levant  au  Couchant,  de  l'étoile  du  Midi  à  la  Tramontane  -,  jusqu'à 
ce  qu'il  soit  éclairé  sur  son  origine. 

Il  peut  sembler  futile  de  déterminer  les  analogies  que  présentent 
les  introductions  du  Rolayid  Amoureux  et  du  Guerino.  i*A  cependant 
le  plus  beau  diamant  n'est  d'abord  qu'une  pierre  sans  éclat,  enveloppée 

•  La  légende  de  ces  arbres  prophétiques  est  plus  vieille  que  le  Guérin. 
Mandeville  décrivait  V Arbre  du  Souleil  et  r Arbre  de  la  Lune  qui  parlè- 
rentà  Alexandre  et  li  annoncèrent  trépas  (Denis,  Monde  Enchanté,  p.  114); 
texte  du  volgarizzarnento  antico  coscano  :  Da  questa  riviera,  a  XV.  qior- 
nute  dilungi,  si  va  pe  deserti,  e  sonvi  gli  alberi  del  sole  e  délia  luna,  e 
quali  parlarono  ad  Alessandro  Re  e  predicerono  a  lui  la  morte  sua.  Ed. 
Zambrini,  II,  188. 

2  D'après  le  Guerino.,  les  montagnes  qui  s'étendent  vers  l'Inde  finissent 
par  cacher  la  Tramontane  (l'étoile  polaire),  et  sur  la  mer  des  Indes  on 
navigue  en  se  guidant  d'après  la  Stella  Ostra,  l'étoile  australe  ou  du  midi. 
Andréa  savait  que  l'Hindoustan  est  borné  au  Nord  par  les  plus  hautes 
montagnes  du  Monde. 

15 


256  I   DODICI    CANTI 

d'une  gangue  grossière.  L'essentiel,  dans  ces  rapprochements  d'œu- 
vres  de  valeur  si  différente,  est  qu'ils  soient  fondés  sur  une  étude 
attentive  des  textes. 

L'empereur  de  Constantinople,  dans  le  Guerino,  donne  un  tournoi 
auquel  prennent  part  chrétiens  et  sariasins  :  son  intention  est  de 
marier  Eliséna,  bien  qu'il  s'engage  seulement  à  décerner  au  vainqueur 
le  prix  ordinaire  de  ces  luttes  courtoises.  Plus  tard,  lorsque  les  Turcs 
assiègent  Constantinople,  et  que  le  sort  de  la  guerre  est  confié  à 
cinquante  champions  pour  chacun  des  deux  partis,  l'empereur  jure  que 
si  sa  bataille  a  le  dessous,  il  livrera  à  Astilladoro  sa  ville  et  toutes  ses 
terres,  partira  avec  une  seule  galère  chargée  de  ce  qu'il  lui  plaira  d'eu- 
lever  et  emmènera  sa  dame  et  sa  fille.  Prince  chrétien,  il  ne  pouvait 
faire  d'Eliséna  le  prix  d'un  tournoi  ou  d'une  bataille.  Mais  les  deux 
éléments  de  ce  tournoi  et  du  mariage  de  la  princesse  n'en  étaient  pas 
moins  associés  à  un  moment  :  Boiardo  n'hésite  point,  et  Angélique 
s'offrira  comme  prix  au  vainqueur  de  son  frère. 

La  lance  d'or  finit  par  tomber  aux  mains  d'Astolphe,  et  c'est  ce 
chevalier  sur  lequel  [)ersonne  ne  comptait,  qui  triomphe  de  Grandoine 
et  rend  à  la  liberté  tous  les  plus  vaillants  champions  chrétiens.  De 
même  c'est  grâce  aux  succès  inespérés  de  Guérin  qu'Alexandre  est 
échangé  contre  les  prisonniers  sarrasins. 

Tel  détail,  tout  au  commencement  du  Roland  Amoureux,  procède 
directement  de  la  lecture  du  Guerino.  Quand  les  princes  mahométans, 
répondant  à  l'invitation  de  Charlemagne,  prennent  place  à  sa  table  : 

A  la  sua  fronte  furno  i  Saracini 
Che  non  volsero  usar  banco  ne  sponda  : 
Anzi  sterno  a  glacer  corne  mastini 
Sopra  a  tapeti,  come  è  lor  usanza, 
Spregiando  seco  il  costume  di  Franza. 

L'on  a  vu  plus  haut  avec  quelle  sévérité  Guérin  condamne  l'habi- 
tude qu'ont  les  Orientaux  de  s'asseoir  sur  des  tapis.  Boiardo  n'eût 
pas  songé  de  lui-même  à  relever  si  durement  cet  usage. 

Dans  les  tournois  qui  ont  lieu  à  Constantinople  et  dans  les  combats 
proprements  dits  qui  mettent  fin  à  la  guerre,  Andréa  s'est  plu  à  convo- 
quer en  quelque  sorte  les  représentants  de  tous  les  peuples  sarrasins 
qu'il  connaissait  par  le  roman  et  par  l'histoire.  Que  fait  Boiardo  sinon 
d'imiter  cet  exemple?  J'en  dirai  autant  de  la  fécondité  avec  laquelle 
il  multiplie  dans  la  suite  du  poème  les  princes  mahométans.  Le  pro- 
cédé est  le  même,  mais  il  est  employé  avec  une  habileté,  une  aisance 
et  un  agrément  dont  le  vieux  roman  est  par  trop  dépourvu  L 

1  Le  mont  de  Carène,  situé  au-delà  du  désert  de  sable,  grand  outre 
mesure,  dont  la  cîme  atteint  au  ciel  et  sur  lequel  s'étend  une  plaine  de 


I    DODICI    CANTI  227 

Dans  son  dessein  de  transformel'  les  légendes  françaises  en  romans 
historiques  et  de  donner  à  sa  narration  le  caractère  de  la  vraisem- 
blance, Andréa  da  Barberino,  substitue  volontieis  des  raisons  natu- 
relles au  merveilleux  des  récits  qu'il  utilise. 

La  Dame  du  Lac  dérobe  Lancelot  à  sa  mère.  La  scène  est  poétique, 
l'on  est  en  plein  pays  de  Féerie.  Le  Maug'is  (VAirjremont,  œuvre  mixte, 
où  est  tentée  une  fusion  du  roman  breton  et  de  la  Chanson  de  geste, 
était  connu  d'Andréa  qui  s'en  est  servi  dans  son  Rinaldo  '.  L'on  y 
trouve  une  première  adaptation  des  Enfances  de  Lancelot.  Les  Sarra- 
sins surprennent  le  duc  Beuves  d'Aigremont  en  rase  campagne,  au 
moment  où  la  duchesse  mettait  au  monde  deux  fils  qui  devaient  être 

cent  milles  {Orl.  Inn.  IL  16,  ott.  15,  16),  est-il  emprunté  à  la  géographie 
du  Guerino  ?  Notre  chevalier,  dans  son  voyage  aux  Arbres  du  Soleil  et 
de  la  Lune,  rencontre  des  montagnes  appelées  Coronas  ou  Corone,  les 
plus  hautes  montagnes  du  monde,  qui  s'étendent  de  l'Arménie  aux  Indes. 
A  un  endroit,  le  guide  dit  :  Ora  siamo  nuy  in  Persia  in  uno  reame  chi 
a  nome  Parlhioma  Mawiticha.  Cette  étrange  qualification  de  la  Par- 
thiène  a  pu  créer  une  confusion  dans  l'esprit  de  Boiardo  qui  place  en 
effet  sa  montagne  de  Carène  en  Tingitane  (II,  16,  ott.  14).  D'autre  part 
l'on  a  vu  que  le  vieux  Galgibat  apprend  à  Guérin  qu'il  y  a  en  Afrique  sur 
une  montagne  qui  parait  située  entre  le  Couchant  et  le  Midi,  des  astro- 
logues savants.  Le  protecteur  de  Roger  ne  serait-il  pas  du  nombre?  — 
Guérin  en  descendant  des  montagnes  traverse  l'Arachosie  qui,  dans  les 
cartes  da  géographie  ancienne,  confine  à  la  Chaarène.  Peut-être  a-t-on 
là  l'origine  du  nom  des  montagnes  Corone,  puis  Carène. 

1  Dans  mes  Rechei-dies  sur  les  rapports  des  Chansons  de  Geste  et  de 
V Épopée  chevaleresque  italienne,  enive  autres  choses,  j'ai  tâché  de  démon- 
trer :  1°  que  dans  le  Maugis  d\4.igremo)it  l'on  a  le  trait  d'union  entre  le 
récit  épique  de  nos  trouvères  et  les  romans  du  cycle  breton  :  2°  que  le 
Rinaldo  da  Montalbano,  si  important  dans  la  formation  de  l'épopée 
italienne,  utilise  les  données  essentielles  du  Maugis.  L'épisode  lui-même 
de  l'enchanteur  déguisé  en  cardinal  que  M.  Rajna  jugeait  invenzione 
italiana  senz  altro,  est  emprunté  pour  le  fond  au  Maugis  français 
(V.  P.  Rajna,  Rinaldo  da  Montalbano,  p.  21  ;  mes  Recherches,  p.  201, 
215,  et  Maugis  d'Aigremont,  v.  4452-4627).  Cette  Chanson  de  Geste  me 
paraît  donner  déjà  en  France  l'orientation  que  la  légende  des  Fils  Aymon 
prendra  définitivement  en  Italie.  Dans  une  œuvre  médiocre  se  cachait 
un  germe  qui  fut  d'une  fécondité  merveilleuse.  Je  me  permets  d'insister 
sur  cette  position  du  Maugis  dans  l'histoire  littéraire,  parce  que  Renaud 
de  Montauban,  comme  M.  Rajna  l'a  si  bien  montré,  est  le  protagoniste 
du  roman  chevaleresque  en  Italie  et  que  par  suite  c'est  dans  les  récits 
dont  il  est  l'objet,  que  l'on  doit  et  l'on  peut  étudier  les  transformations 
de  la  matière  épique  transmise  à  l'Italie  par  les  Jongleurs  français. 
Rinaldo,  p.  97.  Or,  c'est  dans  le  Maugis  que  l'histoire  des  fils  Aymon 
prend  les  allures  du  roman. 


228  I    DODICI    GANTI 

Vivien  et  Maugis.  Vivien  est  enlevé  par  un  espion  et  porté  au  roi 
Aquilant  de  Majorque.  Maugis,  dérobé  par  une  esclave  que  des  ani- 
maux féroces  dévorent,  est  recueilli  par  la  fée  Oriande  qui  en  fera  un 
magicien.  Plus  tard,  la  fée  lui  révèle  son  origine,  et  il  est  aussitôt 

en  friçon 
De  son  père  veoir  le  riche  duc  Beuvon 
Et  la  gentil  duchoise  à  la  clère  façon  : 
Ne  sera  mes  aèse,  si  verra  Aigrement. 

Le  chroniqueur  paraît  s'inspirer  du  commencement  du  Maugis,  car 
c'est  à  la  suite  d'une  victoire  des  Sarrasins  que  le  fils  de  Milon  est 
emporté  loin  de  son  pays  par  Sefferra;  celle-ci  et  sa  compagne  dispa- 
raissent comme  l'esclave  de  la  duchesse  d'Aigremont,  et  l'enfant  n'a 
plus  auprès  de  lui  personne  qui  sache  de  qui  il  est  né.  Mais  il  ne 
sera  point  recueilli  par  une  fée  :  des  corsaires  le  vendent  à  Epidonio. 
Oriande,  dès  la  première  heure,  a  su  à  quelle  famille  il  appartenait  : 
son  neveu  Espiet  avait  assisté  au  combat,  il  reconnaît  la  tête  de 
l'esclave  qui  jadis  lui  avait  rendu  service,  et  conclut  immédiatement 
que  l'enfant  est  un  des  deux  fils  de  Beuves.  En  tout  ceci  il  n'y  a  rien 
de  merveilleux  que  le  séjour  où  Oriande  élève  Maugis  après  l'avoir 
fait  baptiser.  Son  frère  Baudri  qui  avait  appris  les  Sept  Arts  à  Tolède 
et  qui  avait  plus  de  cent  ans,  est  chargé  d'instruire  l'enfant  : 

Oriande  la  fée  o  la  viaire  cler 
Entendi  moult  forment  à  Maugis  alever, 
A  mestre  le  fesoit  jor  et  nuit  doctriner. 
Puis  que  vint  en  eage  et  que  il  sot  parler 
E  que  il  sot  cheval  et  poindre  et  galoper, 
Des  eschez  et  des  tables  li  fist  assez  mostrer 
E  trestoz  estrumenz  li  aprist  a  soner, 
Et  par  ordre  de  game  sot  trestoz  cbanz  chanter. 
Et  quant  il  fu  d'aage  que  pot  armes  porter, 
La  fée  Fadoba  et  li  çaint  le  brant  cler, 
Si  en  fist  son  ami  que  moult  le  pot  amer; 
Son  cors  li  abandone  besier  et  acoler, 
Desoz  son  covretor  ensemble  o  li  joer; 
Rien  ne  li  contredit  que  voeille  demander. 
Mes  dont  il  ert  venus  li  fist  moult  bien  celer 
Que  ne  se  puist  de  li  partir  ne  dessevrer. 

Guérin,  devenu  le  fils  adoptif  d'Epidonio,  reçoit  également  l'éduca- 
tion la  plus  soignée.  Outre  le  grec  et  le  latin,  il  apprend  plusieurs 
langues,  l'arabe,  le  turc,  qui  pourraient  lui  être  utiles  pour  faire  le 
commerce  et  naviguer.  Ce  programme  répondait  à  la  condition  de 
Guérin;  l'auteur  ajoute  qu'il  était  bien   de   sa  personne,   robuste   et 


I    DODICI    CANTI  229 

adroit.  De  là  à  l'emporter  sur  tous  les  chevaliers  de  la  cour  dans  les 
exercices  du  corps  les  plus  difficiles,  il  y  a  loin,  et  Maugis,  en  ceci, 
recevait  une  éducation  mieux  calculée.  Et  cependant,  une  fois  intro- 
duit à  la  cour,  Guérin  est  le  plus  vigoureux  et  le  plus  habile  des 
jouteurs  :  sans  y  penser,  Andréa  donne  ainsi  dans   l'invraisemblable. 

Maugis  et  Guérin  sont  tous  les  deux  munis  d'un  talisman  contre  les 
sortilèges.  Celui  de  Guérin  était  la  petite  croix  dont  il  a  été  parlé  plus 
haut  Maugis  était  protégé  par  un  anneau  d'or  que  sa  mère  lui  avait 
mis  à  l'oreille;  c'est  grâce  à  lui  qu'il  triomphe  dans  la  conquête  de 
Bayard,  le  cheval  faé  qu'un  diable,  un  serpent  et  un  dragon  gardaient 
dans  l'île  de  Bocau,  Ce  détail  est  d'ailleurs  emprunté  de  l'endroit  où 
la  Dame  du  Lac  donne  à  Lancelot,  quand  elle  se  sépare  de  lui,  un 
anneau  qui  conjure  tous  les  sortilèges  et  qui  sera  utile  au  chevalier 
dans  l'aventure  du  Val  sans  retour. 

Maugis ,  pour  tromper  le  diable  de  Bocan,  se  déguise  lui-même  en 
diable,  revêt  une  peau  d'ours,  se  garnit  de  queues  de  renard  et  de 
quatre  cornes.  Ainsi  «  enharnaché  »,  muni  de  son  anneau,  sachant 

de  la  clergie  assez  plus  qu  Ypocraz, 

Le  deable  conjure  tôt  bellement  en  baz 
De  Damedex  de  gloire  et  de  S.  Nicolas. 

Roenarz  s'endort  sur  une  pierre.  Maugis 

III.  des  noms  Damedeu  a  sor  le  perron  paint 
Qu'il  ne  se  puet  movoir,  ainz  se  dolose  et  plaint  : 
La  grant  force  de  Dieu  einsi  le  tient  et  vaint. 

Mais  le  serpent  ne  peut  être  vaincu  comme  l'a  été  le  démon,  par 
des  enchantements.  Maugis,  en  le  conjurant  «  de  Dieu  le  glorieux», 
obtient  seulement  qu'il  s'étende  un  instant  sur  le  sol.  Après  un  long 
combat,  le  serpent  est  tué,  mais  son  corps  enferme  le  chevalier  dans 
un  creux  de  roche  où  il  avait  dû  se  réfugier. 

Quant  l'a  veii  Maugis,  moult  se  va  esmaiant, 
Forment  reclaime  Deu  le  père  tôt  poissant 
Qui  de  la  sainte  Virge  nasqui  em  —  Beliant, 
Que  d'ileques  le  gete  par  son  digne  cornant. 

Ainsi  bloqué,  entouré  de  serpents,  de  scorpions,  de  lézards,  de  vers 
félons 

Qui  ont  les  escharbocles  enmi  les  eulz  devant, 

Maugis   passe   la   nuit  dans    une     grande  frayeur,   implorant   Dieu, 
priant 

docement  la  vertu  soveraine 

Qu'à  sauveté  le  mete  et  jeté  de  cel  paine. 


230  I   DODICI    CANTI 

Le  jour  paraît,  Maugis  en  loue  Jésus-Christ;  il  dépèce  le  corps  du 
serpent  et  sort  ainsi  de  la  grotte.  Mais  il  rencontre  alors  le  dragon  qui 
gardait  Bayard  : 

James  plus  fière  beste  hom  mortiex  ne  vera, 
Et  est  chose  faée. 

Maugis  prononce  doucement  le  nom  de  Jésus-Christ,  puis  il  a  recours 
à  sou  art  magique  : 

11  sot  moult  d'ingromance,  le  dragon  conjura 
Que  il  de  lui  mal  fere  nule  poeste  n'a  : 
Tost  et  isnellement  sus  en  l'air  s'envola. 

Maugis  dès  lors  se  rendra  maître,  sans  peine  aucune,  de  Tillustre 
cheval  que  plus  tard  il  donnera  à  son  cousin  Renaud: 

N'avoit  un  tel  destrier  jusqu'en  Ynde  major 
Ne  jusqu'à  l'Arbre  Sec  en  l'ille  Tenebror. 

Déjà  dans  le  Maugis,  à  l'emploi  de  la  magie  ou  «  nécromancie  », 
est  associé  l'appel  fréquent  à  la  protection  de  Dieu.  Des  trois  éléments 
de  merveilleux  de  la  Chanson  de  Geste,  féerique,  magique  et  chrétien, 
les  deux  derniers  subsisteraient  seuls  dans  le  Guérin,  si  à  certains 
égards  la  Sibylle  ne  tenait  de  la  nature  des  Fées.  Dans  le  Maugis,  la 
conjuration  purement  chrétienne  est  si  fréquemment  employée  que 
l'usage  qu'en  fait  Guérin  aux  Arbres  du  Soleil,  chez  la  Sibylle  ou 
ailleurs,  ne  peut  être  considéré  comme  une  nouveauté. 

Je  ne  sais  si  l'Arbre  Sec  du  Maugis  n'a  point  rappelé  à  Andréa  les 
Arbres  du  Soleil,  qu'il  connaissait  d'ailleurs.  Quant  à  l'expression 
hide  Majeure,  désignant  l'Inde  proprement  dite,  elle  est  de  la  géo- 
graphie du  Moyen  Age,  et  Andréa  l'emploie  couramment. 

C'est  à  sa  conjuration  que  Maugis  doit  d'être  débarrassé  du  dragon 
faé;  de  même  Guérin,  se  rendant  à  Dragouda,  triomphe  du  dragon, 
grâce  à  la  croix-reliquaire  qu'il  porte  sur  lui. 

La  part  du  merveilleux  romanesque  se  réduit  (en  laissant  de  côté 
le  Purgatoire  de  saint  Patrice,  dont  je  n'ai  point  à  m'occuper  ici)  aux 
incidents  de  la  visite  de  Guérin  à  la  Sibylle  de  Cumes  ;  mais,  pour 
l'auteur,  la  Sibylle  est  un  personnage  historique,  consacré  non  seu- 
lement par  l'autorité  de  Virgile,  mais  par  la  légende  chrétienne  elle- 
même.  L'inspiration  ici  serait  de  nature  purement  classique,  si  la 
Sibylle  n'avait  les  dons  magiques  et  n'était  tenue  de  se  métamorpho- 
ser régulièrement  en  serpent.  Et  cependant  quand  Guérin,  la  croyant 
une  fée  ou  un  démon,  essaie  de  l'exorciser,  elle  se  rit  de  son  erreur  et 
lui  affirme  qu'elle  est  de  chair  et  d'os  comme  lui.  L'imitation  de  Dante 
est  notable  à  plusieurs  endroits  de  ce  curieux   épisode,  mais  le  soin 


I    DODIGI    GANTI 


231 


«vec  lequel  Guérin  se  munit  de  tout  ce  qui  lui  sera  nécessaire  pour 
voyager  la  nuit  en  cette  région  dangereuse,  le  briquet,  les  allumettes 
soufrées  et  les  flambeaux,  u'oot  rien  de  commua  avec  la  poésie. 

Le  Guerino  marque  le  terme  de  l'évolution  de  l'épopée  française 
transplantée  en  Italie.  Le  genre,  en  tant  que  représentation  d'un  idéal 
sérieux,  est  désormais  épuisé.  Des  essais  franco-italiens  aux  Reali,  il 
n'avait  pu  s'élever  au-dessus  d'une  médiocrité  qui  satisfaisait  et  satis- 
fait encore  aujourd'hui  les  goûts  populaires,  mais  qui  ne  pouvait  inté- 
resser ni  la  société  cultivée  de  Florence,  ni  les  cours  brillantes  de 
Ferrare  ou  de  Milan.  Quand  Pulci,  pour  amuser  les  bourgeois  Tos- 
cans, et  Boiardo,  pour  égayer  les  seigneurs  du  temps,  reprirent  les 
thèmes  archaïques,  la  grande  refonte  à  l'italienne  que  les  éléments 
français  avaient  subie  dans  les  Reali  et  l'exemple  de  création  indé- 
pendante donné  dans  le  Guerino  servirent  de  point  de  départ  à  leurs 
inventions  où  la  matière  de  France,  associée  dans  Boiardo  à  la  galan- 
terie et  à  la  courtoisie  de  la  cour  d'Artus,  atteignit  à  la  beauté  d'un 
genre  vraiment  littéraire,  mais  en  perdant  de  sa  grandeur  primitive 
au  profit  de  la  variété  et  du  ch:irme.  Dans  Arioste  enfin,  l'épopée 
romanesque  n'est  souvent  qu'un  jeu  d'esprit,  mais  c'est  l'œuvre  d'art 
la  plus  exquise. 

L'auteur  des  Dodici  Canti  a  fait  une  bien  petite  place  à  Guérin.  Au 
chant  I,  oct.  13,  il  l'annonce  comme  l'ancêtre  des  Délia  Rovere.  Peut- 
être  l'idée  de  le  choisir  pour  cet  emploi  lui  a-t-elle  été  suggérée  par 
le  passage  suivant.  Guérin  est  arrivé  sur  la  place  où  s'élève  le  temple 
d'Apollon  :  era  'nchi  una  grande  rovora,  zo  e  una  grande  quercia,  et 
inturno  alla  piazza  el  alla  mosc/iea,  zo  e  al  tempio,  avea  uno  grande 
hosco  folto  d'alorû.  Aller  a  mi  tornarono  a  mente  le  antique  storie  de 
nohili  Tiomini  valenii  et  virtuosi  incoronati  d'aloro,  perche  A  polio  foy 
c/iia))iato  idio  de  la  sapiencia,  el  quale  albero  dissino  i  poeti  essere 
istraforniato  délia  bella  vergine  Penisa  filliola  di  Pinea^ ,  per  la 
carita  di  Febo,  zo  e  del  sole  chiamato  Apollo. 

Ce  grand  rouvre,  placé  là  sans  autre  explication,  dans  le  voisinage 
du  bois  sacré  d'Apollon  et  tout  près  des  Arbres  du  Soleil  et  de  la  Lune, 
a  pu  retenir  l'attention  du  lecteur.  Trouver  en  lieu  si  romanesque  les 
armes  parlantes  des  Délia  Rovere  n  était  pas  chose  ordinaire  et  il  était 
aisé,  avec  quelque  adresse,  d'en  tirer  parti  dans  son  poème.  Il  ne  nous 
a  donné  que  des  parcelles  de  la  vie  de  Guérin  et  ne  revient  à  lui  qu'au 
chant  VIII  (oct.  121-150),  où,  après  la  mort  de  la  reine  des  Amazo- 
nes, Guérin  commence  avec  Renaud  un  long  duel  dont  nous  n'avons 


1  Peneia  nympha  ou  Peneis,  fille  du  fleuve   Peneus,  plus  ordinairement 
Daphné  (laurier).  Ov.  Metamorph.  I,  452  sq. 


232  I    DODICI    GANTI 

pas  la  fin,  bien  qu'il  soit  repris  chant  IX,  oct.  1-14,  104-128;  chant  X, 
oct.  1-82;  chant  XI,  oct.  65-127  ;  chant  XII,  oct.  1-70. 

Il  est  à  noter  que,  de  parti-pris,  l'auteur  arrête  les  aventures  de  Gué- 
rin  au  moment  où  il  revient  de  son  voyage  aux  Arbres  du  Soleil.  11 
suppose  que  le  chevalier  a  été  fait  prisonnier  par  les  Amazones  et 
qu'il  a  dû  suivre  leur  reine  en  Espagne.  Il  raconte  l'enfance  de  Guérin, 
en  ayant  la  malencontreuse  idée  de  transformer  Sefferra  en  une  magi- 
cienne qui  le  plonge  dans  les  eaux  du  Styx  et  lui  fournit  des  armes 
enchantées  que  seul  il  pourra  porter.  11  est  à  présumer  qu'il  avait  dans 
la  pensée  d'intercaler  dans  son  récit  la  reconnaissance  de  Guérin  et  de 
ses  parents  et,  par  conséquent,  une  partie  du  roman,  tandis  que  Syl- 
vana  aurait  eu  pour  mission  de  renseigner  Guérin  '. 

Ce  personnage,  aimable  et  gracieux,  est  heureusement  substitué  à 
la  Sibylle  de  Cumes,  mais  il  n'était  point  nécessaire  de  lui  imposer  la 
dure  obligation  de  la  métamorphose  en  serpent. 

Mieux  eût  valu  que  l'auteur  des  Doclici  Canti  eût  posé  dès  le  com- 
mencement, d'une  manière  définitive,  le  personnage  de  Guérin  et  que 
tout  en  le  mêlant,  j)uisque  c'était  la  règle,  aux  héros  ordinaires  de 
l'épopée,  il  l'eût  montré,  sans  autre  délai,  en  quête  de  son  père  et  de  sa 
geste.  Mais  l'exemple  et  l'autorité  de  Boiardo,  où  Roger  n'apparaît  que 
tard  dans  le  récit,  l'ont  sans  doute  détourné  du  plan  qui  était  le  plus 
naturel  et  le  plus  conforme  à  son  désir  de  flatter  l'amour-propre  de  la 
famille  délia  Rovere. 


Il 

Tullia  d'Arago7ia ,    Béatrice    Pia  dvgli    Ohizzi   et    l'Alamaniii,   d'ap 
Sperone  Speroni. 

Dans  les  quelques  pages  où  Gaspary  traite  de  Tullia  (II,  p.  509- 
513),  il  ne  pouvait  que  mentionner  brièvement  le  dialogue  de  Speroni 
sur  l'Amour  qui  est  consacré  tout  entier  à  célébrer  la  beauté  et  les 
mérites  de  Tullia-.  Les  interlocuteurs  sont  Niccolo  Grazia,  Tullia  et 

1  II  fallait  pour  cela  que  Guérin  vînt  à  son  tour  aux  Jardins  de  Syivana 
où  est  le  chêne  d'émeraudes  chargé  de  glands  d'or,  etc.  (ch.  IV,  oct.  38, 
sq.).  Syivana  eût  alors  révélé  à  Guérin  l'avenir  de  sa  race  {ifjid.,  oct.  41-42). 
Pour  les  armoiries  et  le  chêne  symbolique,  cf.  I,  oct.  6  ;  VI,  oct.  36  ; 
XI,  oct.  90;  XII,  oct.  .37,  86-89,  96-97. 

'  Tous  ceux  qui  dans  ces  derniers  temps  se  sont  occupés  de  Tullia 
d'Aragona,  ont  traité  du  dialogue  de  l'amour.  L'édition  des  dialogues  de 
Sperone  Speroni  dont  je  me  suis  servi,  est  celle  des  fils  d'Aide  :  Dialogi 
di  M.  S.  Speroni  novamente  ristampati  et  con  molta  diligenza  riveduti  et 


I    DODICI    GANTI  533 

son  amant,  Bernardo  Tasso,  le  père  de  Torquato.  11  est  parlé  d'abord 
de  la  jalousie,  parce  que  Bernardo  est  sur  le  i)oint  de  quitter  sa  maî- 
tresse pour  répondre  à  l'appel  du  pi'ince  de  Salerne',  puis,  par  une 
suite  naturelle,  l'éloge  de  TuUia  et  de  Bernardo,  la  définition  plato- 
nicienne de  l'amour  fournissent  matiôre  aux  discussions  et  aux  distinc- 
tions les  [)lus  délicates.  Les  opinions  de  Molza  et  de  Pétrarque,  et 
celle  dft  Broccardo,  véritable  et  folle  apothéose  de  la  courtisane  en 
général,  sont  présentées  incidemment.  L'attitude  de  TuUia  est  dis- 
crète et  modeste.  On  ne  saurait  traduire  ces  subtilités  raffinées.  Pour 
ceux  qui  n'ont  pas  sous  la  main  le  volume  de  Sperone  Speroni,  je 
citerai  le  passage  qui  suit  l'éloge  de  la  courtisane  que  fait  Grazzia 
d'après  le  Broccardo  :  Tullia.  Queuta  vostra  ragione  èsimile  moUo  aile 
dipinlure,  le  quali  noi  vulgarmenle  appelliamo  lontani  :  ove  sono 
paesi,  per  H  quali  si  vedono  caminare  alcune  piccole  figuretle,   che 

correctif  Vinegia,  1543.  M.  Angelo  Solerti,  entre  autres  renseignements 
qu'il  avait  eu  robligeance  de  me  communiquer,  m'indiquait  l'ouvrage  de 
M.  Bottari  :  Dei  dialoghi  morali  di  Sperone  Speroni,  Cesena,  1878,  mais 
je  n'ai  pu  me  le  procurer  à  temps. 

*  Les  poésies  de  Bernardo  Tasso,  publiées  en  1531  à  Venise,  lui  valu- 
rent la  faveur  de  Ferrante  Sanseverino,  prince  de  Salerne,  qui  l'appela 
à  sa  cour  et  lui  constitua  un  revenu  de  900  ducats.  Il  suivit  son  patron 
dans  diverses  expéditions,  en  Afrique,  en  Flandres,  en  Allemagne.  Le 
prince  l'autorisa  à  ae  retirer  à  Sorrente  pour  s'y  livrer  plus  librement  à 
l'étude.  En  1547  Sanseverino  accepta  d'aller  avec  d'autres  députés  solli- 
citer de  la  cour  impériale  que  l'inquisition  ne  fût  pas  établie  à  Naples  : 
Bernardo  l'y  avait  encouragé.  A  la  suite  de  cette  démarche,  le  prince 
dut  chercher  un  asile  à  la  cour  de  France  où  le  fidèle  Bernardo  l'accom- 
pagna. Bernardo  recevait  de  Sanseverino  une  pension  annuelle  et  le  roi 
Henri  II  se  montra  d'abord  libéral  envers  lui.  On  se  refroidit  néanmoins 
bientôt,  et  la  gène  à  laquelle  il  fut  réduit  et  la  mort  de  sa  femme  Porzia 
de'  Rossi,  l'amenèrent  à  prendre  congé.  Guidubaldo  II,  duc  d'Urbin, 
l'accueillit  généreusement  et  je  vois  dans  les  notes  de  Dionigi  Atanagio 
qu'en  1557,  celui-ci  fut  invité  par  le  duc  et  sur  la  prière  de  Bernardo,  à 
venir  revoir  VAniadis.  L" Atanagio  vint  à  Pesaro,  ove  desideroso  con  In 
diligentia,  et  con  la  prestezza  di  sodisfare  al  Principe  padrone  e  al  gen- 
tilhuomo  a)7iic(i,  facendo  piu  fafica,  che  le  sue  deboli  forze  sostener  non 
potevano,  fu  costretto  da  tre  volte  in  su  a  giacere  gravemente.  Tiraboschi, 
VII,  p.  1228-1230,  Dionigi  Atanagio,  de  i,e  Rime  di  diversi  nohili  poeti  Tos- 
cani,  t.  I,  note  au  f.  199,  a  —  M.  Hauvette  ne  parait  point  connaître  ou 
admettre  le  voyage  de  B.  Tasso,  en  France  vers  1548  ;  il  dit  en  effet  : 
«  Giovanni  Rucellai  en  1520,  Bernardo  Tasso  en  1528  et  en  1544,  ne  fai- 
saient en  France  que  de  fugitives  apparitions  pour  s'acquitter  de  mis- 
sions spéciales.  »  Henri  Hauvette,  Luigi  Alamanni.  Paris,  Hachette, 
1903,  p.  XVI.  Peut-être  M.  Hauvette  en  cet  endroit  ne  pensait-il  qu'au 
règne  de  François  1"'. 


234  I   DODIGI    GANTI 

paiono  huomini  :  ma  sottïlmente  considerate,  nonhanno  i^arte  alcuna, 
cke  à  membro  tVhuomo  si  rassomigli.  Perd  io  vorrei,  che  poste  da 
canto  le  Poésie,  la  servitic,  la  viltà,  la  bassezza,  et  la  inconstantia  di 
questa  vita,  si  contemplasse  da  voi  :  biasimando  chi  Vha  per  buona, 
et  colei  (s^alcuna  ven  ha)  iscusando,  la  quai,  giovane,  et  sciocca,  in 
questo  errore  sospinta,  cerca  d'uscirne,  quando  che  sia  :  a  coloro 
accostandosi,  che  ammonendo,  et  aiutando,  son  possenti  à  levarla  da 
cotai  mlseria.  Ma  il  Brocarda,  per  famore  ch'  egli  portava  à  qualcK 
una,  b  per  meglio  mostrare  il  ftore  del  suo  ingegno,  non  i^er  giustitia, 
toise  à  favorir  causa  si  dishonesta.  Grazzia..  Ne  vile  ne  bassa,  non 
direbbe  egli  la  cortigiana,  serva,  et  inconstante  si  bene.  Per  la  quai 
cosa,  inollo  piu,  che  per  niun'  allra  cagione,  sommamente  loda,  et 
honora  la  vita  sua,  ag guagliandola  al  Sole  :  il  quale,  perch'  egli  sia 
Dio,  non  sdegna  ynaidi  farne  parte  del  suo  splendore,  noi  à  guisa  di 
balia  servendo,  che  Vadoriamo,  il  quale  mai  non  stà  fernio,  ne  sempre 
liice  in  un  luogo,  ma  di  continovo  movendosi,  et  liora  al  tauro,  et 
hora  al  leone,  et  Jiora  ad  un  altro  segno  aggiungendosi,  l'hore  et  le 
stagioni  distinguendo,  con  una  invariabil  varietà  conserva  lo  stato 
delV universo  :  taie  fu  Sapho,  taie  colei,  onde  Socratu  sapientissimo, 
et  ottimo  huomo,  d'havere,  che  cosa  Amor  fusse,  imparato  si  gloriava. 
Degnate  adunque  d'essere  la  terza  in  numéro,  fra  cotanto  valore;  et 
di  lai  nostri  ragionainenti,  pregate  A^nore  che  ne  cornponga  una 
novellata  :  ove  il  vostro  nome  si  scriva  :  non  altramente,  che  ne  dia- 
loghi  di  Platone,  si  faccia  quello  di  Diotima.  La  quai  cosa,  accià  si 
faccia  con  vostra  gloria,  insegnateci  in  che  maniera  V amante  amando 
la  cosa  amata,  muova  lei  ad  amare,  et  corne  esser  possa,  che  alcuna 
voUa  la  cosa  amata,  amando,  odii  et  voglia  maie  alV  amante;  percià 
che  cotali  sententie  sono  grandemenle  diverse  tra  se  medesime,  et 
dalla  comune  opinione  de  gli  huomini,  et  appunto  hanno  bisogno  del 
vostro  ingegno,  cJi  essere  le  dimostri,  à  chi  l'ode,  (se  non  veroj  almeno 
verissimili.  Tullia.  Io  non  credo  ch''  egli  sia  donna  nata,  che  piu  ami 
di  nie;  et  meno  s'intenda  de  secreti  d'Amore. 

Malgré  cette  déclaration  modeste,  Tullia  tente  de  résoudre  le  pro- 
blème, et  s'en  tire  par  d'ingénieuses  comparaisons  :  l'auiant  finit  par 
refléter  à  un  tel  degi'é  la  beauté  dont  il  est  épris  et  qu'il  ne  cesse  de 
contempler,  que  celle-ci  en  retour  s'éprend  de  ce  qui  en  somme  est  son 
image. 

Le  dialogue  d' A  more  est  la  première,  la  plus  riche  pour  le  fond,  la 
plus  variée,  et,  pour  la  forme,  la  plus  achevée  des  compositions  réunies 
dans  le  petit  volume  qui,  mieux  que  son  théâtre,  défend  le  nom  de 
Sperone  Speroni  contre  l'oubli.  La  dignité  soutenue  du  ton  en  un  sujet 
où  la  moindre  dissonance  eût  détruit  l'effet  de  l'ensemble,  la  vérité  de 
la  passion,  l'habileté  dans  la  conduite  de  l'expression  d'idées  dont  la 


I   DODICI    CANTI  235 

finesse  va  parfois  presque  jusqu'à  l'imperceptible  ténuité,  la  diversité 
des  nuances,  l'enjouemont  le  [jIus  natui  oi  et  le  plus  agréable  placent 
cette  imitation  de  la  grande  manière  des  dialogues  de  Platon  au  nom- 
bre de  ces  bijoux  merveilleux  que  la  Renaissance,  dans  son  admira- 
tion tout  athénienne  pour  la  beauté,  ciselait  avec  une  ferveur  que  le 
moraliste  moderne,  se  préoccupant  du  contenu  de  l'amphore  plus  que 
de  la  pureté  de  son  gnlbe  et  de  l'élégance  de  ses  peintures,  est  souvent 
disposé  à  trouver  excessive.  Mais  l'Art  n'a-t-il  pas  souvent  raison 
contre  la  raison  ? 

Le  Grazzia  promet  àTullia  qu'elle  vivra  toujours.  «  De  quelle  façon?» 
demande-t-elle.  Grazzia  :  «  Dans  les  vers  de  Tasso,  où  comme  reliques 
dans  un  tabernacle,  votre  nom,  vos  louanges,  vos  vertus  seront  dévo- 
tement adorés  par  les  fidèles  d'Amour  ».  Ces  beaux  esprits  jugeaient 
tout  naturel  d'élever  un  monument  à  la  gloire  d'une  courtisane,  et  il 
faut  avouer  que  leur  entreprise  a  été  sanctionnée  par  le  succès  :  à  lui 
seul  le  dialogue  d'Amore  assurait  l'immortalité  au  nom  et  à  la  beauté 
de  Tullia  d'Aragona. 

Dans  la  préface  où  Barbaro  dédie  à  Ferdinand  Sanseverino,  prince 
de  Salerne,  l'édition  des  dialogues  de  son  ami,  il  lui  rappelle  le  dialo- 
gue à'Amore  comme  savant,  agréable,  élégant  :  dotto,  2^iacevole, 
élégante,  s^altro  si  Iruova.  On  ne  peut  mieux  le  juger. 

Sperone  Speroni  ne  s'est  [)as  borné  à  célébrer  les  charmes  de  la 
maîtresse  de  Bernardo  Tasso.  Parmi  h  s  personnes  que  Barbaro,  dans 
sa  préface,  mentionne  comme  ayant  approuvé  les  dialogues,  l'on  ren- 
contre «  l'illustre  Béatrice  Pia  ».  Il  s'agit  de  Béatrice  degli  Obizzi,  qui 
figure  parmi  les  dames  auxquelles  Luigi  Alamanni  a  offert  l'encens 
de  ses  vers  et  d"im  amour,  tantôt  réel,  tantôt  de  pure  convention. 
Dans  trois  des  dialogues,  il  est  question  de  Béatrice  Pia.  Le  second, 
délia  Dignità  délie  Donne,  lui  est  tout  entier  consacré.  Les  interlo- 
cuteurs sont  Michèle  Barozzi  et  Daniel  Barbaro.  Celui-ci  rapporte  à  son 
ami  une  conversation  à  laquelle  l'Obizza  a  pris  part  et  où  elle  a  soutenu 
que  la  dignité  de  la  femme  consiste  dans  la  soumission  à  son  époux. 

L'entretien  avait  eu  lieu  à  un  moment  où  le  seigneur  degli  Obizzi 
devait  quitter  Padoue  pour  Ferrare  où  l'appelait  la  nécessité  de  sur- 
veiller ses  biens.  En  acceptant  ce  déplacement,  Béatrice  faisait  un 
sacrifice,  car  sa  santé  se  trouvait  beaucoup  mieux  de  l'air  de  Padoue 
que  de  celui  de  Ferrai'e  :  «  Mais  le  désir  de  son  mari  et  son  amour  poui- 
lui  pouvaient  en  elle  plus  que  le  souci  de  s.i  personne.  Pour  cette 
raison,  comme  une  dame  sage,  ainsi  placée  entre  le  plaisir  et  l'ennui 
de  son  départ  pour  Ferrare,  elle  n'est  ni  affligée  ni  contente,  n 
—  Barozzi  :  -<  Gela  lui  advient  parce  qu'elle  est  épouse,  c'est-à-dire 
esclave  de  son  mari....  ■>  La  remarque  fut  faite  par  Brevio  un  soir  de- 
vant Béatrice  elle-mérae,  et  ainsi  s'engagea  la  discussion. 


236  I   DODICI   CANTI 

Dans  le  dialogue  délie  Laudi  del  Cathaio  villa  délia  S.  Béatrice 
Pia  de  gli  Obici,  les  deux  interlocuteurs  sont  Morosini  et  Portia. 
Pendant  que  Béatrice,  Alamanni  et  Varchi  se  promènent  ensemble, 
Morosini  emploie  un  tour  ingénieux  pour  célébrer  les  mérites  de  Béa- 
trice, tout  en  faisant  la  cour  à  la  jeune  Portia,  qui  de  son  côté  paraît 
disposée  à  bien  accueillir,  à  l'occasion,  les  hommages  de  Varchi. 
«  Votre  nom,  dit  Morosini,  a  été  choisi  par  moi  comme  un  taber- 
nacle dans  lequel,  sur  l'autel  d'Amour,  serait  placé  mon  Dieu  ;  pour 
cette  raison  si  parfois  je  m'incline  et  vous  honore,  je  fais  (et  je  fais 
bien)  ce  que  nous  faisons  dans  nos  temples,  où  ne  pouvant  à  toute 
heure  toucher  ou  voir  les  reliques  des  saints,  nous  embrassons  dévo  - 
tement  les  ferrures  et  les  marbres  de  leurs  châsses.  Donc,  désormais, 
acceptant  mon  s.icrifice,  qu'il  ne  vous  pèse  point  que  dans  le  son  de 
votre  nom,  pendant  que  je  le  prononce  et  l'honore,  mon  âme  consi- 
dère son  paradis  et  puisse  adorer  la  divinité  de  Béatrice.  »  Ces  com- 
pliments ne  satisfont  qu'à  demi  la  jeune  fille  qui  aimerait  mieux  être 
aimée  pour  elle-même,  et  il  doit  vers  la  fin  les  reprendre  en  décrivant 
de  façon  flatteuse  les  charmes  du  tabernacle  auquel  il  l'assimile. 

La  villa  elle-même  n'est  point  décrite.  11  est  question  du  cours  de 
Bacchillone  uniquement  pour  y  trouver  un  prétexte  à  l'éloge  de  Béa- 
trice. Les  passages  qui  intéressent  aujourd'hui  sont  ceux  où  dans 
quelque  mesure  Alarnanui  est  en  cause.  A  un  moment  Morosini  prie 
Portia  do  parler  bas  pour  ne  point  attirer  sur  eux  l'attention  de  Varchi. 
Elle  répond  :  «  Varchi  n'est  pas  tellement  dépourvu  de  sens  que  son 
attention,  lorsqu'il  parle  avec  la  Signora  et  l'Alamanni,  se  porte  à 
autre  chose  qu'à  les  regarder  et  à  les  écouter.  « 

En  parlant  de  ceux  qui  sans  être  beaux  peuvent  inspirer  l'amour 
par  leur  mérite  de  poètes,  Portia  cite  Varchi  et  ajoute  :  «  J'en  dirais 
tout  autant  de  l'Alamanni  qui,  à  mon  jugement,  est  un  des  plus  nobles 
génies  que  j'aie  jamais  rencontrés.  »  Mais  Morosini  trouve  l'éloge 
insuffisant  :  «  L'Alamanni  n'est  pas  seulement  poète,  mais  il  est  beau 
et  délicat  outre  mesure.  Il  est  tel  que  bien  qu'il  mérite  tout  votre 
amour,  néanmoins,  comme  il  est  dangereux  de  lui  vouloir  du  bien  et 
qu'en  l'aimant  vous  éprouveriez  probablement  ces  feux,  ces  glaçons, 
et  ces  autres  déplaisirs  que  je  ressens,  je  vous  conseille,  dans  votre 
intérêt,  de  ne  point  l'aimer.  —  Portia  :  J'aimerais  mieux  un  sonnet 
fait  à  n)a  louange  par  l'Alamanni  et  le  Varchi  que  d'un  prince  un 
présent  de  mille  écus.  » 

Vers  la  fin  Morosini  essaie  encore  de  conter  fleurette  à  Portia,  mais 
celle-ci  détouine  la  conversation  et  nous  avons  ainsi  quelques  détails 
sur  les  inconvénients  de  la  villa  et  l'hospitalité  que  Varchi  et  Ala- 
manni y  recevaient  :  «  Il  vaudrait  mieux  me  parler  des  serpents  et  des 
cousins  qui  rendent  le  Cathaio  inhabitable  en  été, et  m'expliquer  pour- 


I    DODICI    GANTI  237 

quoi  des  bêtes  aussi  nuisibles  et  viles  ont  pour  [lartage  la  compagnie 
de  Madame  Béatrice.  —  Morosini  :  Qui  sait  si  les  cousins  et  les  ser- 
pents ne  sont  pas  les  colères  et  les  soupirs  amoureux  du  Bacchillone 
et  de  la  montagne,  car  je  ne  crois  point  que  leur  amour  soit  plus 
heureux  que  le  mien.  —  Portia  :  S'il  en  était  ainsi,  les  soupirs  du 
Bacchillone  le  vengeraient  fort  bien  de  qui  le  fait  soupirer,  parce  que 
les  cousins  nous  piquent  d'âi)re  manière  et  ne  nous  laissent  point 
reposer,  et  que  les  serpents,  parfois,  sont  venus  jusque  dans  nos 
chambres  :  oui,  avant-hier,  sous  le  lit  de  l'Alamanni  et  du  Varchi,  on 
en  a  trouvé  un  gi'and  et  horrible,  et  on  a  eu  beaucoup  de  peine  à  le 
tuer.  Morosini  :  Peut-être  ce  serpent  signifiait-il  la  jalousie  et  l'envie 
que  le  fleuve  porte  aux  rivaux  que  vous  recevez  ici  ;  peut-être  vaincu 
par  la  douceur  des  vers  des  deux  poètes  divins,  entra-t-il  dans  la  mai- 
son pour  les  écouter,  et  ce  fut  péché  que  de  le  tuer.  » 

Le  dernier  dialogue  a  pour  titre:  Dialogo  intitolalo  Panico  elBichl. 
Panico,  jouant  aux  tables  avec  une  très  noble  dame,  a  gagné  la  partie, 
mais  ne  sachant  quel  prix  lui  demander  de  sa  victoire,  il  n'ose  même 
plus  la  revoir.  Bichi  maintient  que,  pour  lui,  s'il  jouait  une  discrétion 
avec  sa  dame,  il  n'hésiterait  point  à  lui  réclamer  quelque  grande  faveur. 
Les  amants  modestes  aiment  souvent  de  telle  sorte  qu'une  dame  ne 
s'en  doute  pas.  Panico  résiste  :  il  ne  peut  que  s'incliner  avec  vénéra- 
tion devant  les  vertus  de  cette  dame  comme  devant  les  choses  divines. 
Ainsi  la  discussion  se  continue,  les  deux  amis  soutenant  chacun  sa  thèse 
jusqu'à  la  fin.  La  dame  n'est  pas  nommée,  mais  les  lignes  suivantes 
désignent  assez  une  Béatrice  :  Panico  :  Al  parlare,  voi  mostrate 
sapere  chi  è  la  donna  délia  quale  noi  ragionianio.  Bichi  :  Per  certo 
qualclie  casa  mi  fo  à  creder  di  saperne,  risgnardando  aile  Iode,  che 
voi  le  date  ;  le  quali  sono  proprie  d'una  signora,  il  cui  nome,  non 
che  altro,  ha  vertu  di  far  beato  chi  le  è  fedele. 

Il  semble  évident  que  la  seule  Béatrice  dont  il  puisse  être  question 
ici  est  Béatrice  Pia,  l'Obizza  célébrée  dans  les  deux  autres  dialogues. 

La  part  faite  à  Alamanni  dans  mon  introduction  à  propos  du  manus- 
crit où  j'ai  puisé  les  Dodici  Canti,  m'a  paru  autoriser  ce  rapide  exa- 
men des  dialogues  de  Sperone  Speioni  où  il  est  parlé  de  Béatrice  Pia 
et  d'Alamanni  qui  l'a  chantée.  La  grande  dame  si  respectée  que  Spe- 
rone lui  consacre  le  dialogue  sur  la  Dignité  des  Femmes  et  que  par- 
tout son  nom  n'est  prononcé  qu'avec  une  vénération  pieuse,  accueille 
dans  sa  villa  du  Cathaio  les  poètes  qui,  en  retour  de  sa  protection, 
célèbrent  sa  beauté  et  ses  vertus,  et  Alamanni  est  du  nombre.  Si  l'on 
se  reporte  à  ce  que  le  dernier  biographe  d'Alamanni  dit  des  relations 
du  poète  et  de  Béatrice,  on  trouve  seulement  :  «  Alamanni  la  vit  à 
Ferrare  lors  de  son  voyage  de  1539-1540;  peut-être  la  rencontra- t-ii 
encore  en  1541  lorsqu'il  se  rendit  à  Venise.  Nous  ne    savons  rien  de 


238  I    DODICI    GANTI 

plus  sur  les  relations  du  poète  et  de  la  belle  Ferraraise  ;  c'est  à  ses 
vers  qu'il  faut  demander  le  reste,  et  ce  reste  se  réduit  à  fort  peu  de 
chose*.  »  Je  ne  sais  si  je  nie  fais  illusion,  mais  la  présence  de  l'Ala- 
manni  au  Cathaio,  ces  promenades,  où  avec  Varchi  il  accompagne 
Béatrice,  ces  entretiens  dans  les  jardins  de  la  villa,  cette  hospitalité 
qui  dure  plusieurs  jours,  jusqu'à  cette  aventure  comique  des  deux  poètes 
trouvant  sous  leur  lit  l'horrible  serpent  que  l'on  occit  à  grand'peine, 
me  paraissent  nous  introduire  dans  l'intimité  du  poète  et  de  celle  qu'il 
honorait  de  ses  vers.  Dans  ces  conditions,  je  ne  pouvais  négliger  d'in- 
diquer une  source  où  l'on  puiserait  encore  avec  profit,  et  d'apporter 
une  modeste  contribution  à  l'histoire  des  belles  dames  du  XVl"^  siècle 
et  de  leurs  adorateurs  ou  de  leurs  protégés. 

M.  Hauvette  a  emprunté  à  Benvenuto  Cellini  un  court  portrait 
d'Alaraanni  :  era  bello  cVnspetlo  e  di proportion  <ii  corpo  e  con  suave 
voce'^.  Sperone  permet  d'ajouter  à  ces  traits,  d'ailleurs  si  bien  choisis 
par  le  grand  artiste  :  <<  il  est  non  seulement  poète,  mais  il  est  beau  et 
délicat  outre  mesure  ».  L'excès  de  beauté  dont  la  délicatesse  est  un 
des  caractères,  paraît  un  trait  tout  féminin,  et  le  dessin  de  la  physio- 
nomie de  l'aimable  poète  gagne  sûrement  en  vérité  à  être  ainsi  achevé. 

Le  portrait  que  M.  Hauvettiî  reproduit  en  tête  de  son  livre,  d'après 
l'édition   de    ÏAvarchide  (1570),    date   évidemment   de  la    vieillesse 


1  Op.  1.  p.  166.  Dans  les  lignes  qui  précèdent,  M.  Hauvette  dit  :  «  Béa- 
trice Pia,  seconde  fille  de  Lodovico  Pio,  était  issue  d'une  famille  prin- 
cière  qui,  dans  une  résidence  de  troisième  ordre,  Carpi,  avait  donné  à 
la  Renaissance  quelques-uns  de  ses  Mécènes  les  plus  distingués.  » 

Cette  tradition  se  continuait  dans  la  famille,  car  je  vois  que  l'Atanagio, 
dans  le  commentaire  de  l'un  de  ses  sonnets  adressés  à  Ridolfo  Pio,  car- 
dinal de  Carpi,  dit  de  lui  qu'il  était  un  des  plus  anciens  et  plus  aima- 
bles seigneurs  et  bienfaiteurs  qu'il  avait  eus  à  Rome. 

Telle  que  Béatrice  nous  apparaît  dans  les  dialogues  de  Speronî,  son 
attitude  tient  en  effet  du  Mécène,  de  même  qu'il  y  a  une  nuance  particu- 
lière dans  les  louanges  qui  lui  sont  offertes.  Le  sonnet  de  Varchi  que 
M.  H.  cite  page  168,  après  avoir  énuméré  en  un  quatrain  les  autres  fem- 
mes aimées  par  Alamanni,  finît  par  une  image  grandiose  en  l'honneur 
de  Béatrice  :  De  même  qu'une  source  abondante,  après  avoîr  embelli 
tour  à  tour  ses  deux  rives  (ici  les  noms  des  simples  mortelles), 

Poscia  raccolte  în  un  sue  forze  al  fine 
Per  dar  suo  dritto  a  Tetî,  con  dorate 
Arène  entra  nel  mar  carco  di  prede  ; 

E  voi  raccolto  ogni  sapere  e  fede, 
Neir  ampio  e  cupo  mar  délie  divine 

Lode  di  Béatrice  entrate. 
'  Op.  1.  p  113. 


I    DODICI    GANTI  239 

d'Alamanni  ^  :  les  traits  sont  nobles;  les  yeux,  très  beaux,  grands  et 
doux,  atténuent  le  caractère  de  sévérité  qu'imprime  à  cette  figure  d'une 
régularité  classique  le  nez  droit  et  fort  qui  s'était  sans  doute  accentué 
avec  les  années.  Le  charme  d'une  beauté  délicate  s'était  effacé  avec  la 
jeunesse,  ce  charme  qui  rendait,  comme  le  dit  Morosini  à  Portia,  si 
dangereux  de  l'aimer  :  cosa  pericolosa  il  volerli  bene. 

Ferdinand  Castets. 
[A  suivre). 


'  0]).  1.  p.  95.  M.  Hauvette  a  essayé  de  peindre,  non  seulement,  la 
physionomie  morale  du  poète  républicain  et  patriote,  mais  sa  physiono- 
mie proprement  dite  :  «  Si  son  visage  reflétait  exactement  son  àme,  ses 
traits  devaient  avoir  une  expression  grave  et  douce,  d'une  gravité 
qu'avaient  accentuée  les  mécomptes  et  les  tristesses  d'une  vie  agitée,  d'une 
douceur  qui  était  innée....  Causeur  aimable  dont  le  regard  devait  sou- 
vent se  voiler  de  mélancolie...  ».  Ce  n'est  pas  le  portrait  complet  d'un  de 
ces  poètes  de  la  Renaissance  qui  consacraient  à  l'amour  une  bonne  part 
de  leur  temps  et  de  leur  talent.  Alamanni  a  aimé  beaucoup  et  a  su  se 
faire  aimer  :  il  plaisait  aux  dames  parce  qu'il  était  hello  et  delicato  oltra 
misiira.  Et  ses  amours  pour  Flora,  Cynthia,  la  Ligura  planta,  la  Vermi- 
glia  Rosa,  Béatrice  Pia  lui  ont  dicté  tout  un  Cayizoniere.  L'expression 
mélancolique  me  paraît  très  contestable. 


LES  DELIBERATIONS 

DU 

CONSEIL  COMMUNAL  D'ALBI 

DE  1372  A  1388 
{Suite) 


L'an  MCCCLXXXI,  a  IIII  de  dezembre... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  Ivan  de 
Bearn,  bastart,  filh  que  es  del  comte  de  Fojss  ',  ha  tramezes 
dos  escudiers  e  moss.  Bertrau  Frotier  atn  letras  de  cresensa 
a  lor  ;  laquai  crezensa  es  aital  que  los  digs  escudiers  han  dig 
als  senliors  cossols  que  lo  dig  Ivan  los  saluda  e  fa  lor  asaber 
que,  [en  la  venguda  que  feiro  las  gens  d'armas  que  preiro, 
davan  Rabastenxs,  Benezech  e  d'autras  gens]  ^,  el  e  sos  com- 
panhos  so  mal  a  caval,  quar  per  las  guerras,  seguen  la  def- 
fensa  del  pays,  bo  aviau  [jerdut;  e  que  el  lor  pregava  que  Ihi 
volguesso  donar  et  ajudar  de  que  pogues  ajudar  a  si  et  a  sos 
companlios  ;  e  que  fazesso  en  manieira  que  fos  lor  honor  e  el 
que  ne  agues  profieg.  E  dissero  maj  los    senhors  cossols  que 


»  h'IIist.  de  Lanr/.  le  nomme  Ivain.  Gaston  Phébus  l'aimait  tellement 
qu'il  voulait  lui  laisser,  à  sa  mort,  le  comté  de  Foix,  IX.  p.  961. 

-  Les  mots  compris  entre  les  crochets  sont  cancellés.  C'est  sur  ce  mem- 
bre de  phrase  que  M.  Gabiô  s'appuie  pour  établir  l'authen Licite  du  com- 
bat de  Rabastens.  Cf.  L'Albig.  pend,  la  quer.  du  comte  de  Foix  et  du  duc 
de  Berry.  M.  Cabié^  dans  Notes  et  documents  sur  les  différends  des  com- 
tes de  Foix  et  d'Armagnac  en  1381,  publiés  dans  les  Annales  du  Midi 
(1901  pp.  500-29)  est  revenu  sur  cette  question  qu'il  élucide  de  façon 
définitive. 

Le  Benezech  dont  il  s'agit,  plus  connu  sous  les  noms  de  Benezat  Chip- 
parel,  était  un  chef  de  routiers,  florentin  d'origine.  Cf.  Hist.  de  Lang. 
IX  pp.  803,  871,  878,  891,  897. 


DÉLIBÉRATIONS    1372-1388  241 

los  digs  escudiers  lor  aviau  may  dig  e  preguat  que  els  vol- 
guesso  ajudar  e  donar  al  dig  Ivan  en  manieira  que  lor  agues  que 
grazir,  quar  el  los  ho  poJia  be  servir.  It.  dissero  may  los 
senhors  cossols  que  lo  dig  Ivan  a  trainezas  letras  semblans  a 
moss.  d'Albi  e  que  els  ero  anatz  parlar  am  moss.  d'Albi  sus 
aquestas  causas,  et  aviau  sus  aquo  agudas  motas  de  paraulas. 
Par  que  los  senhors  cossols  demandero  cosselh  als  singulars 
que  fariau  sus  aisso.  Et  auzidas  per  los  sobreescrigs  las  cau- 
sas desus  dichas,  totz  tengro  que  se  mossenher  hi  vol  contri- 
buir  e  pagar  la  meitat  que  entra  la  vila  e  moss.  d'A.lbi  Ihi 
dono  L  franxs,  autramen  no. 

Et  en  après  fo  saubuda  la  voluntat  de  moss.  d'Albi  que  el 
ne  paguera  la  meitat  dels  digs  L  franxs  ;  e  fo  aponchat  per 
los  senhors  cossols,  atendut  [lo]  cosselh  desus  dig,  que  la  vila 
pague  l'autra  meitat. 

L'an  dessus,  a  XVI  de  dezembre.., 

Sobre  aisso  que  dissero  que  Hue  de  Laval,  estan  bada  per 
la  vila,  sus  lo  pueg  de  Caslucet  \  era  estât  et  encaras  es  près 
per  los  Engles  de  las  Plancas  ;  loqual  no  podia  issir  ses  fi- 
nanssa,  e  que,  segon  so  que  aviau  entendut  j>er  alscunas  gens, 
Ihi  covenia  paguar  raager  finanssa,  quar  era  bada,  que  no 
feira  ;  et  aviau  sopleguat,  alsculs  amicxs  del  dig  Hue,  que, 
per  amor  de  Dieu,  hom  Ihi  vuelha  ajudar  a  paguar  sa  finansa. 
Per  que  demandero  cosselh  los  senhors  cossols  als  singulars 
que  deviau  far  sus  aquo.  Et  auzidas  per  totz  los  cossols  e  sin- 
gulars las  causas  sobredichas,  totz  tengro  que,  atendut  que, 
estan  bada  el  avia  près  aquel  dampnatge,  et  que  creziau  que 
Ihi  calgues  far  major  finansa  que  no  feira,  tengro  totz  et 
acosselhero  que  la  vila  Ihi  ajudes  delters  de  sa  finansa. 

L'an  MCCCLXXXI,  a  XIX  de  dezembre... 
Sobre    aisso    que    dissero  los   senhors  cossols  que  Bertran 
de  Baretge  ^  capitani  de  alscunas  gens  d'armas  dels  Poissenxs, 

1  Caslucet,  qu'on  écrit  encore  Gaylucet,  aujourd'hui  Gariucet,  est  aux 
portes  d'Albi.  Ce  détail  montre  l'audace  des  Anglais. 

^  UHist.  de  Lang.  est  muette  sur  ce  capitaine  fuxéen.  Nous  verrons 
(délibér.  du  12  févr.  1382  nouv.  sty.)  qu'il  tenait  garnison  à  Paulin,  dans 
le  voisinage  même  de  St-Jean-de-Janes. 

16 


242  DÉCEMBRE    1380-JANVIER    1381 

lor  ha  trameza  una  letra  en  laquai  lor  escriu  que  el  es  en  lo 
pays,  am  sas  gens  d'armas,  per  gardar  lo  pays  de  las  gens 
d'armas,  las[quals]  so  Engles  segon  que  ditz,  que  au  près  lo 
loc  de  Jenas  ',  e  que  els  hau  mestiers  de  vieures,  e  que  Ihin 
vuelho  donar  afi  que  non  ajo  razo  de  far  autres  dampnatges 
per  lors  vieures,  Per  que  demandero  cosselh  quen  fariau. 
Sus  aisso  totz  tengro  que  hom  Ihi  done  una  pipa  de  vi  e  XXV 
Ibr.  de  candelas  de  seu. 

L'an  MCCCLXXXI,  a  V  de  jenoier. . . 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  que  Mondi  Gasc  avia  bailat  en 
paga  al  filh  del  senher  de  Lescura  lo  loc  de  la  Rajnaudia  ^, 
e  que  lo  filh  del  dig  senher  de  Lescura  hi  volia  mètre  alscu- 
nas  gens  d'armas  ;  et  era  estât  mogut  que,  entre  las  gens  del 
comtat  de  Lamarcha  ^  e  de  esta  vila  paguesso  lo  pretz  per 
que  lo  dig  loc  era  estât  bailat  al  filh  del  [senher  de]  Lescura, 
e  que  esta  vila  pagues  lo  ters,  e  que  en  après  lo  dig  loc  se 
deroques  e  que  de  la  terssa  part  e  de  la  materia  esta  vila  se 
pagues  de  so  que  hi  auria  paguat  ni  prestat.  Per  que  deman- 
dero cosselh  los  senhors  cossols  als  singulars  que  s'en  deuria 
far.  Sobre  [aquo]  totz  tengro  que  non  hi  mezes  hom  denier, 
quar  pro  avia  la  vila  d'autras  bezonhas. 

L'an  dessus,  a  VI  de  jenoier... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que,  coma  lo  loc 
de  la  Raynaudia  fos  estât  bailat  en  pagua  ad  Escura  per  la 
soma  de  111'=  francxs,  et  lo  dig  Escura  lo  volgues  bailar  ad 
alscunas  gens  d'armas,  segon  que  era  estât  reportât  ;  e  las 
gens  del  comtat  de  Lamarcha  ne  aguesso  aguda  sentida  ;  e 
vezen  perlas  dichas  gens  del  comtat  que,  se  en  lo  dig  loc  se 
metiau  gens  d'armas,  pogra  esser  gran  dampnatge  del  pays, 
aviau  fag  dire  als  senhors  cossols  que  els   volguesso    prestar 


•  Aujourd'hui  St-Jean-de-Janes,  comm.  de  Paulinet,  cant.  d'Alban, 
arr.  d'Albi.  La  prise  de  ce  fort  doit  donc  remonter  à  la  première  quin- 
zaine de  décembre. 

2  II  existe  aux  environs  d'Albi  deux  lieux  dits  de  ce  nom.  Le  fils  du 
seigneur  de  Lescure  Sicard  III  était  Jean. 

3  C-à-d.  le  comté  de  Castres.  Bouchard  VII  était  comte  de  Castres  et 
de  Lamarche. 


\ 


DÉLIBÉRATIONS  1372-1388  243 

los  digs  C  franxs,  que  la  terra  de  Lamarcha  pag-uera  lo  de- 
rnoran  entro  la  soma  dels  di^s  IIIc  franxs,  \)ev  laquai  soma 
lo  dig  Escura  volia  donar  e  bailar  a  las  gens  del  dig  eomtat 
lo  dig  loc  de  la  Raynaudia  '.  E  per  so  los  senhors  cossols  de- 
mandero  cosselh  als  singulars  quen  fariau.  Et  auzidas  per 
totz  los  sobredigs  las  causas  dessus  dichas,  totz  dissero  e 
tengro  que  lo  loc  d'esta  vila  es  tant  afazendat  que  non  poiria 
prestar  I  d.  ;  per  que  hom  no  lor  preste  ponh. 

L'an  MCCCLXXXl,  a  VII  de  jenoier... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  lo  ves- 
conite  de  Paulinh  lor  avia  tramez  unas  letrasclausas  per  las- 
quais  lor  fazia  saber  que  el  avia  tuestiers  de  balestiers  e  de 
artilharia  ;  per  que  lor  pregava  que  Ihin  volguesso  prestar 
IIII  balestiers  XV  jorns,  e  may  una  caissa  d'artilharia,  Per 
que  demandero  cosselh  los  senhors  cossols  que  fariau  sus 
aisso.  Et  auzidas  per  los  sobredigs  las  causas  dessus  dichas, 
totz  tengro  que,  atendut  que  los  balestiers  e  l'artilharia  fa  be 
mestiers  per  la  defFenssa  de  la  presen  ciutat,  (que)  hom  no 
Ihin  baile  pong. 

L'an  MCCCLXXXl,  a  XVIII  de  jenoier... 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  per  los  senhors  cossols  que  a 
lor  era  estât  mogut  per  alscus  se  fora  expedien  que  hom  ânes 
a  Carcassona  sus  aquo  que  los  senhors  de  Carcassona  aviau 
escrig  per  letras  que  los  capitols  de  Tholosa  et  els  ero  prestz 
de  anar  al  rey,  aissi  coma  era  estât  aponchat  al  cosselh  dariei- 
ramen  tengut  a  Mazeras  per  los  cornus,  per  explicar  al  rey  los 
dampnatges  quesufertalo  pays,  e  se  los  senhors  cossols  d'esta 
vila  hi  voliau  anar  ni  traraetre,  (|ue  s'en  aparelhesso  e  que  la 
anesso  ;  e  quant  hom  séria  a  Carcassona  hom  ubris  se  séria 
expedien  que  moss.  d'Albi  la  ânes  per  los  comus  coma  aquel 
que  auzaria  miels  dire  totas  causas  al  rey  et  a  moss.  d'Anjo 
que  I  autre.  Per  que  los  senhors  cossols  demandero  cosselh 
als  singulars   que  séria  sus  aisso  expedien  de  far.  Sus   aisso 


1  11  est  utile  de  savoir  que  St-Juéry,  dont  le  lieu  de  la  Raynaudié  est 
voisin,  faisait  partie  du  comté  de  Castres.  C'est  ce  qui  explique  l'im- 
portance des  sacrifices  consentis  par  le  comté. 


244  FÉVRIER  1382 

totz  tengro,  atendut  que  la  vila  d'Albi  es  vesina  e  propdana 
dels  comtes  d'Armaiihac  e  de  Fojss,  e  que  tais  causas  se  poy- 
riau  explicar  al  rej,  que  se  la  presen  ciutat  era  en  causa  de 
trametre  ne  poiria  aver  gran  malvolensa,  e  per  consequen 
sufertar  grans  dampnatges,  e  que  aitant  be  se  fara  ses  nos  que 
am  nos,  totz  tengro  que  hom  non  hi  ane  ni  lu  trameta.  It. 
dissero  may  les  senhors  cossols  que  els  aviau  a  segre,  e  nom 
de  la  presen  universitat,  e  far  motas  de  bezonhas  coma  a  la 
liligi  dessus  [d'ei  dig  G™  Colobres]  e  d'autres,  et  a  la  repara- 
cio  de  la  muralha  et  a  pagar  badas  e  motz  d'autres  despens 
que  covenia  far  per  lo  profieg  e  garda  de  la  dicha  universitat 
e  que  els  non  au  denier  de  que  ho  fasso  ;  per  que  dissero  de 
que  ho  fariau.  Sus  aquo  totz  tengro  que  se  lève  e  se  empauso, 
per  segre  e  far  las  causas  desus  dichas,  XXX  cornus,  losquals 
aqui  meteiss  los  senhors  cossols,  am  cosselh  e  voluntat  dels 
singulars,  (aqui  meteiss)  empausero. 

L'an  dessus,  a  XII  de  febrier... 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  per  los  senhors  cossols  que  Ber- 
tran  de  Baretge,  capitani  de  las  gens  d'armas  que  so  a  Pau- 
linh,  avia  trameza  una  letra  clausa  als  senhors  cossols  en 
laquai  lor  escriva  que  el  avia  estât  en  !o  dig  loc,  am  sos  com- 
panhos  per  gardar  que  los  enemicxs  del  rey  nostre  senhor  no 
coreguesso  ni  raubesso  lo  pays,  e  que,  de  aitant  coma  hi  avia 
estât,  negus  non  avia  donat  dampnatge  en  esta  vila  ;  e  que  el 
ni  sas  gens  no  podiau  pas  estar  aqui  per  gardar  lo  pays  ses 
qualsque  cortezias  que  lo  pays  Ihi  fassa  de  que  vins  ;  per  que 
lor  pregava  que  els  Ihi  volguesso  donar  e  far  qualque  plazer, 
afi  que  poguesso  miels  defFendre  lo  pays.  E  sus  aquo  los  sen- 
hors cossols  demandero  cosselh  que  fariau  sus  aquo.  Et  auzit 
per  los  cossols  e  singulars  las  causas  desus  dichas, totz  tengro 
que  hom  Ihi  donc  doas  pipas  de  vi  e  I  cartairo  de  candelas  de 
seu. 


Aissi  es  lu  letra  que  fn  autriada  a  Johan  Dommainil, 
al[ias]  lo  Moyne,  juponier. 

Sapian  totz  que  l'an  MCCCLXXXI,  a  XIIII    del    mes    de 
febrier,  fo  acordat  entre   los   honorables  senhors  m^  Bernât 


DÉLIBÉRATIONS  1372-1388  245 

LoDC,  Ar.  del  Port,  Frances  Donat,  Isarri  Redon,  R.  Vidal, 
P.  Soelli,  P.  Isarn,  Johan  del  Pueg,  cossols  de  la  ciutat  d'Albi, 
per  lor  coma  cossols  e  per  los  autres  senhors  cossols  lors 
companhos,  e  per  tota  la  universitat  de  la  présent  ciutat,  d'una 
part,  e  Johan  Donmainil,  juponier,  d'autra;  que  lo  dig  Johan 
Donmairiil  fos  e  sia  per  totz  temps  may  d'aissi  avan,  tant  que 
viura,  veray  babiran  e  ciutada  de  la  dicha  ciutat,  am  aital 
condicio  que  los  senhors  cossols  del  dig  loc  devo  tener  quiti 
lo  dig  Johan  de  totz  cornus  e  talhs  que  so  estatz  empausatz 
saentras,  ni  se  empausariau  d'aissi  avan  per  l'espazi  de  dos 
ans  propda  venens,  comensans  lo  premier  dia  del  mes  de 
mars  propda  venen,  per  los  senhors  cossols  del  dig  loc,  de  la 
testa  de  si  e  de  sa  molher  e  de  totz  sos  bes  mobles,  seno  que 
conquistes  possessori  penden  lo  dig  terme,  per  loqual  possessori 
fos  tengut  de  paguar,  coma  I  autre  talhiable  per  lo  dig  temps 
que  lo  tenria,  a  totz  los  cornus  e  talhs  que  se  empausariau 
per  tôt  lo  dig  temps.  E  non  re  mens  sia  tengut  lo  dig  Johan 
de  gardar  e  gachar,  de  nuegs  e  de  dias,  d'aissi  avan,  en  la 
presen  ciutat  coma  I  autre  veray  habitan  e  talhiable  de  la 
dicha  ciutat  E  se  cas  era  que  ]o  dig  Johan  s'en  ânes,  penden 
lo  dig  terme  o  aorep,  per  mudar  son  habitacio  en  autre  loc 
foras  de  la  presen  ciutat,  que  en  aquel  cas  fos  tengut  de 
pagar,  per  sa  persona  e  per  sos  bes  mobles  e  no  mobles,  totz 
los  cornus  que  seriau  empausatz  del  dia  presen  tro  lo  jorn  que 
s'en  anaria.  Et  en  aissi  ho  promes  lo  dig  Johan,  juran  sus  los 
S.  de  Dieu  Evangelis  de  ssa  propria  ma  drecha  corporalmen 
tocatz.  Et  en  testimoni  de  las  causas  dessus  dichas,  los  sobre- 
nompnatz  senhors  cossols,  e  nom  que  dessus,  autriero  aques- 
tas  presens  letras,  del  sagel  del  dig  cossolat  sageladas,  escri- 
chas  ad  AIbi,  de  la  ma  de  mi  G™  Prunet,  notari  del  dig  loc, 
de  voluntat  de  las  partidas  desus  dichas,  Tan  el  dia  dessus,  en 
testimoni  d'en  Galhart  G-olfier  e  d'en  Peire  Clergue  d'Albi  *. 


1  II  est  intéressant  de  comparer  cette  charte  de  bourgeoisie  avec  celle 
dont  M.  Ch.  Portai  donne  une  reproduction  phototypique  dans  son 
Histoire  de  la  ville  de  Cordes.  Les  consuls  de  cette  localité  s'engagent 
seulement  à  assurer  le  plein  usage  de  leurs  coutumes  et  à  prendre  fait 
et  cause  pour  le  sollicitant.  La  charte  de  bourgeoisie  d'Albi  est,  comme 
on  le  voit,  beaucoup  plus  large. 


246  FÉVRIER-MARS    1381 

L'an  dessus,  a  XXI  de  febrier... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que,  en  aquesta 
sepmana,  lo  senher  de  Venes  '  avia  tranaezas  très  lettras,  una 
als  senhors  cossols,  autra  a  m°  d'Albi,  autra  al  capitol  de  S'* 
Cezelia,  en  lasquals  en  effieg  se  contenia  que  el  avia  pessada 
una  via  per  la  quai  Ihi  semblava  que,  se  los  cornus  de  la  viga- 
ria  e  del  comtat  e  las  gens  de  la  glieia  hi  voliau  socorre,  los 
enemicxs  del  pays  que  teno  occupât  lo  loc  de  Jenas  s'en  ana- 
riau  ;  e  que  els  volguesso  anar  o  tremestre,  dimergue  propda 
venen,  a  Rialinon,  en  loqual  loc  foro  los  cossolatz  del  comtat 
e  las  gens  del  comte  de  Lamarcha  e  del  avesque  de  Castras  ', 
per  penre  provisio  e  donar  cosselh  sus  la  dicha  bezonha  ;  e 
que  sus  aquo  era  estât  aponchat  que  los  senhors  cossols  hi 
tramezesso  I  o  dos  bos  homes.  Per  que  dissero  que  els  no 
trobavo  negus  que  hi  volgues  anar  seno  al  perilh  e  despens  de 
la  vila  ;  per  que  ordenesso  quai  volriau  que  hi  anaria  ni  se 
aquel  ho  aquels  que  hi  anariau  hi  anariau  al  despens  e  péril 
de  la  vila.  Sus  aquo  tots  tengro  que  razo  era  e  que  ad  els  pla- 
zia  que  los  senhors  cossols  hi  trameto  aquel  ho  aquels  que  lor 
plazera  al  perilh  e  despens  de  la  vila. 

L'an  MCCCLXXXI,  a  II  de  mars  \.. 

Sobre  aisso  que,  coma  moss.  d'Albi  agues  azempratz  los 
senhors  cossols,  coma  cossols,  que  els  Ihi  prestesso  Il« 
franxs,  el  lor  assignaria  de  bos  deutes  de  que  los  cobrariau. 
Per  que  dissero  los  senhors  cossols  als  singulars  e  demandero 
cosselh  quen  fariaue,  se  Ihin  diziaud'oc,  d'on  los  auriau,  quar 
els  non  aviau  I  d.  Sobre  aisso  totz  dissero  et  acosselhero  que 
hom  Ihin  disses  d'oc,  atendut  que  hom  trobava  hom  que  los 

1  Philippe.  Ce  seigneur  joua  un  certain  rôle  dans  la  querelle  du  comte 
de  Foix  et  du  duc  de  Berry.  Son  alliance  avec  le  premier  valut  à  Gaston 
Phébus  la  soumission  de  toute  la  partie  de  l'Albigeois  située  au  sud  du 
Tarn  (Hist.  de  Lang.,  Hist.  des  Lang .  IX.  p.  894,  note).  Philippe  était 
fils  d'Isarn  et  de  Jeanne  de  Laroche.  Il  était  mineur  en  1355;  en  1364,  il 
épousa  Marquise  de  Lomagne  et  mourut  en  1402.  Cf.  Le  Château  de 
Venés,  dans  Rev.  du  T.  Il  p.  134. 

^  Le  siège  était  alors  ocuppé  par  ElieN.  de  Donzenac  (1380-1383). 

3  En  marge  on  lit  :  A quest  cosselh  fo  escrig  a  relacio  d'en  P.  Clergue, 
thesourier.  Cette  délibération  fut  prise  dans  la  salle  capitulaire  du  cha- 
pitre de  S'  Salvi. 


DÉLIBÉRATIONS  1372-1388  247 

prestera  e  preira  en  paga  los  deutes  que  moss  d'Albi  volia 
bailar  ;  mas  que  hom  Ihi  dones  per  sos  trebalhs  II  s.  par  Ibr., 
que  so  XX  Ibr;  loqual  home  era  G™  Condat. 

L'an  dessus,  a  III  de  mars... 

Sobre  aisso  que  dissero  que  lo  senhor  de  Venes  era  vengut 
en  esta  vila  et  avia  dig  a  moss.  d'Albi,  al  capitol  et  als  senhors 
cossols  que,  vezen  que  los  Eagles  que  teno  lo  loc  de  .Jenas 
dono  grand  dampnatge  al  pays,  el  avia  agut  tractamen  am  las 
gens  del  comtat  e  d'autras  de  la  vigaria  d'Albi  que  hom  fezes 
certas  gens  d'armas  am  que  hom  vis  se  los  ne  pogra  gitar  ; 
lasquals  gens  Ihi  aviau  repost  que  els  hi  contribuiriau  volun- 
tiers  se  lo  loc  d'Albi  e  la  vigaria  hi  volia[u]  contribuir;  per  que 
avia  pregat,lo  senher  de  Venes,  als  senhors  cossols  d'esta  vila 
que  hi  volguesso  contribuir.  Per  que  demandero  cosselh  los 
senhors  cossols  als  singulars  se  hi  contribuiriau  ;  losquals 
respondero  que  no  voliau  que  hom  hi  ajudes  de  I  d.,  seno  que 
hom  agues  licencia  del  rey  o  de  son  loctenen. 

L'an  dessus,  a  XV  de  mars... 

Sobre  aisso  que  lo  senher  de  Venes  demandava  als  senhors 
cossols  d'ilbi  IX  gros  per  fuoc  que  dizia  que  dévia  hom  donar 
e  pagar  a  las  gens  d'armas  que  ero  estadas  ordenadas  per 
mètre  lo  seti  a  Jenas;  quar,  segon  que  dizia,  los  autres  locxs 
del  comtat  de  Castras  e  de  la  vigaria  los  aviau  pagatz.  E  sobre 
una  demanda  que  fazia  I  home  d'armas  de  Jenas  de  VI  franxs 
que  dizia  que  Ihi  dévia  G™  Gautbert  per  fermanssa  que  avia 
fâcha  per  Peire  de  Causac  ;  losquals  dizia  que  hom  Ihi  fezes 
paguar,  ho  autramen  el  no  douera  dampnatge  a  la  vila.  Fo 
aponchat  per  totz  los  sobre  escrigs  que  hom  no  dones  re  al 
senher  de  Venes  per  razo  del  digs  IX  gros  per  fuoc,  quar 
moss.  de  Barri  avia  mandatz  los  comus  per  mètre  provisio  al 
regimeii  del  pays;  e  que  G°>  Gautbert  trameta,  a  son  despens, 
a  Jenas  per  acordar  sus  la  demanda  dels  digs  VIfranxs,  en  tal 
manieira  que  la  vila  non  puesca  penre  dampnatge. 

L'an  dessus,  a  XVIII  de  mars  \.. 

Sobre  aisso  que  aissi  fou  dig  que  moss.  d'Armanhac  deman- 

'  Fin  marge  on  lit  ;  Aquest  cosselh  fo  escrig  a  relacio  d'en  P.  Clergue, 
ihesaurier. 


248  MARS-AVRIL    1382 

dava  que  la  vila  Ihi  pagues  II«XLVIII  franxs  per  I  franc  per 
fuoc  per  una  assignacio  a  luj  fâcha  per  moss.  de  Berri.  Fo 
aponchat  per  totz  los  sobreescrigs  que  hom  trameta  una  letra 
de  escuza  al  dig  moss.  d'Armanhac  en  que  Ihi  fassa  hom  sa- 
ber  que  d'aco  maj  non  ausitn  parlar  ni  jamay  non  hi  cossen- 
tim  ;  e  que  en  esta  vila  non  ha  mas  VIP^  fuocxs;  et  otra 
aquo  que  hom  trameta  a  Carcassona  per  saber  la  vertat,  e 
que  escriva  hom  a  m''^  Arnaut  Paya  que  nos  escuze  al  dig 
moss.  d'Armanhac,  e  que  hom  escriva  a  m**  G"  Chatbert  que 
era  a  Bezers  que  hi  meta  lo  melhor  cosselh  que  poira,  e  que 
hom  sapia  am  Rialmon  el  am  Castras  eossi  s'en  regisco. 

L'an  dessus,  a  XXIIII  de  mars... 

Sobre  la  demanda  que  faziau  las  gens  d'armas  que  teniau 
lo  loc  de  Tersac  ^  per  lo  comte  de  Cumenge  desquais  ero 
capitanis  Johan  Guiot  e  Johan  de  Vilanova  *,  que  demandavo 
que  la  vila  d'Albi  lor  dones  viures.  Fo  aponchat  per  totz  los 
sobreescrigs  que  hom  lor  dones  aitant  coma  la  vila  avia  pré- 
sentât a  Bertran  de  Baretge,  capitani  de  la  establida  de  Pau- 
linh,  so  es  asaber  doas  pipas  de  vi  e  I  cartairo  de  candelasde 
seu. 

L'an  MCCCLXXXII,  a  II  d'abril... 

Sobre  aisso  que  dissero  que  moss.  Bertran  Frotier  ^  era 
vengut  en  esta  vila  parlar  am  los  senhors  cossols  alsquals  avia 
dig,  per  manieira  de  cosselh,  que  el  se  duptava  que  la  presen 
ciutat  elshabitans  d'aquela  presesso  dampnatge  gran  per  razo 
quar  hom  reculhia  en  la  dicha  ciutat  las  gens  d'armas  que 
estan  al  loc  de  Tersac,  que  ero  enemicxs  de  moss.  de  Foiss  ; 
e  que  el  avia  entendut  que  se  hom  los  reculhia  plus  que  lo 
loc  d'esta  vila  fora  coregut  per  los  Foissenxs  e  dampnegat  ; 
mas  que  acoselhava  que,  ad  evitar  aquel  dampnage,  (que) 
hom  no  permezes  que  negun  home  d'armas  ni  de  companhas 
d'aquels  de  Terssas  ni  d'autta  part,  sian  Foissenxs  ho  Ar- 
manhagues,   intres  dins  esta  vila,  mas  que  se  voliau   neguna 


'  Gant.  d'Albl,  à  5  kilom.  de  cette  ville  sur  le  Tarn. 

2  Du  parti  des  d'Armagnac. 

^  C'était  le  sénéchal  du  comte  de  Fois  à  Lautrec. 


DÉLIBÉRATIONS   1372-1388  249 

autra  causa  d'esta  vila,  que  hom  loi*  ne  fezes  aver  per  lor 
argen,  e  que  lor  ho  bailes  foras  la  vila  e  que  no  sa  intresso 
pong,  It.  dissero  maj  que  Pei'sona,  que  derriora  al  loc  de  Flo- 
rentinh  ',  volia  dampnejar  esta  vila  e  las  gens  que  hi  so  per 
merca  que  demanda  per  so  fraire,  que  ditz  que  fo  près  per 
los  Armanhagues  et  aprionat  e  menât  en  esta  vila,  e  le  aviau 
fag  fiuar,  estan  en  la  |)resen  ciutat  e  que  so  que  enten  a 
demandar,  el  se  era  ufert  de  far  so  que  moss.  Bertran  Fro- 
tier  ne  ordenaria.  It  fo  maj  dig  que  alscunas  gens  aviau 
reportât  que  moss.  d'Armanhac  volia  venir  en  esta  vila  e,  se 
venia,  se  hom  lo  laissara  intrar.  it.  fo  maj  dig  que  fraire 
Amaniau,  governador  [de]  l'aveseat  per  moss.  d'Albi,  avia  dig 
que  G™  Colobres  se  era  rancurat  a  luy,  dizen  que  los  seuhors 
cossols  Ihi  passo  los  covienhs  que  Ihi  aviau  de  tener  quiti  dels 
comus  entre  lo  jorn  que  fo  acordat  que  revendes  la  renda 
que  avia  sus  la  vila;  e  que  lo  dig  fraire  Amaniau  acosselhavo 
que  dreg  ihi  fos  fag  e  que  se  mezes  en  via  d'acordi.  It.  avia 
maj  dig  lo  dig  fraire  Amaniau  que  lo  débat  que  es  entre 
moss.  d'Albi  e  la  vila  per  las  taulas  del  mazel  novelamen 
fâchas,  (que)  se  acordes  afî  que  la  vila  uonagues  questio  ni  plag 
am  moss.  d'Albi.  Per  que  demandero  cosselh  los  senhors  cossols 
als  singulars  que  feiro  sus  las  causas  dessus  dichas.  E  sus 
aquo  fo  aponchat  et  acosselhat  que  expedien  era  que  hom 
seguis  lo  cosselh  del  dig  moss.  Bertran  Frotier  sus  aquo  que 
ditz  que  no  sa  intro  ne  Foissenx  ni  Armanhagues,  mas  que  so 
que  lor  fara  mestiers  de  la  vila,  lor  fassa  hom  aver  per  lor 
argen  deforas  la  vila.  Quant  a'n  aco  de  Persona,  tengro  que, 
puejs  que  el  ho  vol  mètre  en  moss.  Bertran  Frotier,  que 
aitant  be  ho  hi  meta  la  vila  e  que  se  acorde,  quar  miels  séria 
que,  se  covenia  a  far,  (que)  la  vila  Ihi  dones  qualque  causa, 
al  mens  que  hom  poiria,  que  se  las  gens  ne  prendiau  damp- 
natge,  quar  I  home  ho  poiria  tôt  pagar  e  maj.  It.  sus  aquo 
de  la  intrada  de  moss.  d'Armanhac,  totz  tengro  que  se  moss. 
d'Armanhac  ho  de  Foiss  voliau  venir  en  esta  vila  amiablamen, 
ses  armas  e  ses  autras  gens  d'armas,  que  hom  lor  fezes  tôt  lo 
plazer  que  hom  lor  poiria  far;  mas  se  far  se  podia,  per  neguna 
via,  teniau  maj  aprofechable  que  no  sa  intresso,  quar  perilh 

'  Gant,  de  Gadalen,  arrond.  de  Gaillac. 


250  AVRIL  1382 

era  que,  per  aitals  intradas,  lo  loc  presen  s'en  perda.  It.  sus 
aquo  d'en  Colobres  e  de  las  taulas  tengro  que  se  acorde  al 
miels  que  acordar  se  poira. 

L'an  dessus,  a  VIII  de  abril.  G™  Blanc  e  P.  Albert,  juratz 
de  la  ciutat  d'Albi,  feiro  relacio  que  els  ero  auatz  vezer, 
de  mandamen  dels  senhors  cossols  del  dig  loc,  I  débat 
que  es  entre  R.  Sivalh,  de  una  part,  e  B,  Rata,  d'au- 
tra,  de  una  paret  que  es  entre  II  airals  que  so  sobre  S.  An- 
ton!, losquals  so,  la  I  del  dig  R.  Sivalh,  e  l'autre  del  dig  B. 
Rata,  que  sténo,  so  es  asaber  aquel  del  dig  B.  Rata  am  Fort 
de  Jacme  Miquel  et  am  lo  cami  oominal  ;  e  aquel  de  R.  Sivalh 
te  se  am  la  voûta  ({ue  va  vas  la  Greba  del  lop  et  am  la  carieira 
cominal  :  en  laquai  paret  lo  dig  R.  Sivalh,  afferman  que  era 
sua,  diss  que  lo  dig  B.  Rata  donava  gran  darapnatge.  E  sus 
aquo  los  digs  juratz,  segon  que  dissero,  ero  anatz,  a  requesta 
del  dig  R.  Sivalh  e  de  mandamen  que  dessus,  sus  lo  dig  débat 
e  reconogro  que  tota  la  dicha  paret  era  del  dig  R.  Sivalh,  e 
que  lo  dig  B.  Rata  avia  fossa  e  curada  la  dicba  paret  al  pe, 
per  l'espazi  de  II  canas  o  may,  davas  la  paret  del  airal  del 
dig  B.  Per  que  ordenero  e  dissero  que  lo  dig  B.  Ihi  causse  e 
Ihi  fassa  caussar  la  dicha  paret  descaussada,  de  terra  e  de 
peira,  en  tal  manieira  que  esta  en  segur,  et  aquo  al  propri 
des(pes)pens  del  dig  Bernât,  e  que  d'aissi  avan  lo  dig  B.  no 
deia  cavar  lo  pe  de  la  dicha  paret. 

L'an  dessus,  lo  mecres  a  XXIII  d'abril... 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  per  los  senhors  cossols  que  las 
gens  d'armas  Foissenxs  aviau  ademprat(z)  lo  loc  d'esta  vila 
que  hom  lor  fezes  aver  viures  per  lor  argen.  It,  dissero  maj 
los  senhors  cossols  que  a  lor  era  estât  reportât  per  aiscunas 
gens  que  Persona  se  volia  perfossar  a  donar  dampnatge  al  loc 
et  a  las  gens  d'esta  vila  e  levar  merca  per  aiscunas  querelhas 
que  fa  per  so  fraire,  contengudas  en  lo  cosselh  tengut  a  II  dias 
d'aquest  presen  mes.  It.  que  hom  dones  e  fezes  qualsque  ser- 
vizis  a  las  gens  que  teno  lo  loc  de  Tersac  K  It.  dissero  may 


1  Terssac  venait  d'être  pris  par  les  gens  d'armes  du  comte  de   Foix; 
il  faut  sans  doute  placer  au  20  ou  au  21   la  prise  de   celte  localité.   Le 


DÉLIBÉRATIONS    1372-1388  251 

que  a  lor  era  estât  reportât  que  los  Foissenxs  voliau  requerra 
lo  loc  d'esta  vila  que  hom  gites  de  la  vila  B.  de  Bordas  e  G™ 
Guitbert,  quar  so  Armanhaguezes,  dizens  que  els  lors  procuro 
dampnatge.  It.  dissero  maj  que  a  lor  era  estât  reportât  que 
Isarn  Ebral  se  perforssava  de  mètre  en  coratge  a  las  gens 
d'armas  dels  Foissenxs  de  corre  sobre  esta  vila,  quar  la  vila  no 
paga  los  VIII<=  franxs  que  so  degutz  a  so  fraire  [)er  la  renda 
que  avia  en  esta  >ila.  Per  que  demandero  cosselh  los  senhors 
cossols  aïs  singulars  cossi  s'en  regiriau.  Totz  tengro  que  hom 
lor  fassa  aver  viures  per  lor  argen.  Quant  a'n  aco  de  Persona, 
tengro  totz  que,  atendut  que  es  home  desrazonable  e  poiria 
donar  e  /ar  subdamen  gran  dampnatge,  non  obstan  que  la 
vila  nolh  aja  negun  tort,  (que)  veja  hom  se  se  poira  tractar  am 
Persona,  que  hom  Ihi  doue  qualque  causa,  no  fazen  mencio 
d'aquela  merca  ni  de  sso  que  demanda,  mas  afi  que  demore 
amie  de  la  vila  e  non  hi  fassa  ni  hi  procure  negun  dampnatge, 
e  que  Ihi  sia  donat  so  que  los  senhors  cossols  conoisseran  ;  e 
se  causa  era  que  lo  dig  Persona  demandes  causa  trop  exces- 
siva  que  en  aquel  cas  hom  trameta  a  moss.  de  Foiss,  sople- 
gan  que,  en  aquo  et  en  las  autras  causas,  nos  done  remedi  que 
sas  gens  no  nos  dam[)nejo,  e  Ihi  diga  hom  ho  ihi  fassa  saber 
que  se  lo  dig  Persona  ho  autres  se  rancuravo  de  la  vila  d'Albi, 
que  la  vila  ne  estara  a  sa  conoissensa.  It.  sus  aquo  de  donar  a 
las  gens  que  teno  de  presen  lo  loc  de  Tersac,  tengro  que  hom 
no  lor  done  encaras  neguna  causa.  It.  sus  aquo  de  Isarn 
Ebral,  totz  dissero  que  no  creziau  que  lo  dig  Isarn  sia  tan  nessi 
que  fezes  ni  procures  aquo  ;  e  sus  acjuo  no  fo  fag  autre  apon- 
chamen.  It.  sus  aquo  de  gitar  foras  de  la  vila  B.  de  Bordas  e 
G""  Guitbert,  totz  tengro  que  non  es  fazedor,  ni  d'aquo  no  los 
deu  hom  auzir,  quar  en  cas  semblan,  poiriau  far  las  gens 
d'armas  dels  Armanhagues  d'autres  homes  que  demoro  en 
esta  vila  que  se  dizo  esser  Foissenxs,  e  se  aquo  se  fazia,  la 
vila  se  poiria  despopular  de  gens  ;  per  que  no  se  deu  far. 

L'an  MCCCLXXXII,  a  XXVII  d'abril... 

Sobre  aisso  que  los  senhors  cossols  dissero  que  lo  senher  del 

22  avril,  en  effet,  la  ville  paya  du  vin  donné  à  Bertrand  Frotier  qui 
venait  du  siège  de  Terssac.  Comptes  consulaires  de  1382,  CG.  156. 


252  MAI  1382 

Castelar  de  la  garniso  de  Tersac,  avia  mandat  als  senhors 
cossols  d'esta  vila  que  la  vila  lor  dones  viures  per  las  gens 
que  aviau  près  lo  dig  loc  de  Tersac.  Sus  aquo  fo  aponchat  que, 
quant  a  presen,  no  lo  fo  res  donat. 

L'an  dessus,  a  I  de  maj... 

Sobre  la  cavalgada  que  aviau  fâcha  las  gens  d'arraas  de  la 
garniso  de  Tersac  quant  preiro  P.  Olier,  mazelier  d'Albi,  e 
d'autras  gens  d'esta  vila.  E  fo  aponcliat  que  hom  escriva  a 
fraire  Amaniau  que  era  anat  al  comte  de  Foiss  per  expliquar 
ganre  de  greugz  que  las  dichas  gens  d'armas  faziau  et  enten- 
diau  a  far  contra  la  vila  d'Albi,  e  que  hom  Ihi  mande  la  dicha 
cavalgada  el  dam{)natge  que  aviau  donat  e  que  ho  diga  al  dig 
comte  de  Foiss  ;  et  issamens  que  hom  ne  escriva  al  dig  moss. 
de  Foiss  que  hi  vuelha  remediar,  e  que  lo  gardia  de  fraires 
menors  ane  a  Tersac  per  parlar  am  las  dichas  gens  d'armas  et 
aver  siguranssa  de  lor  a  II  bos  homes  que  puesco  anar  e  tor- 
nar  pertractar  am  lor  sus  las  causas  que  entendiau  demandar 
a  la  presen  ciutat  ;  losquals  dos  homes  foro  Frances  Picart  e 
Miquel  Hugat. 

L'an  dessus,  a  II  de  raay.  . . . 

Sobre  aisso  que,  coma  P.  Olier  e  d'autres  homes  e  bestials 
d'esta  vila  fosso  estatz  preses  et  aprionatz  perlas  gens  d'armas 
de  moss.  de  Foiss  que  estau  a  Tersac,  fo  aponchat  que  hom  lo 
seguis  e  lor  tractes  lors  finanssas  ;  lasquals  finanssas  se 
paguesso  de  lors  propris  bes,  e  que  Frances  Picart  e  Miquel 
Hugat  ho  seguisso. 

L'an  dessus,  a  III  de  may. . . 

Sobre  aisso  que  P.  Olier  dizia  que  el  era  estât  aprionat  per 
las  gens  d'armas  que  ero  en  establida  en  lo  loc  de  Tersac  per 
moss.  de  Foiss,  per  la  merca  que  demandava  Persona  a  la  vila 
d'Âlbi,  am  loqual  avia  finat  lo  dig  P.  Olier  a  VP^  franxs  et 
una  quantitat  de  viures,  los(|uals  dizia  que  la  vila  Ihi  dévia 
setisfar.  Fo  aponchat  que  lo  dig  P.  Olier  pague  sa  finanssa  de 
SOS  propris  bes  ;  et  en  cas  que  la  vila  fos  tenguda  al  dig  Per- 
sona de  so  que  demandava  a  la  vila,  que  en  aquel  cas  la  vila 
ne  sia  tenguda  al  dig   P.  Olier.  It.  fo  may  aponchat  per  totz 


DÉLIBÉRATIONS  1372-1388  253 

los  sobreescrigs  que  dels  viures  que  lo  dig  P.  Olier  els  autres 
prioniers  que  ero  estatz  aprionatz  per  las  dichas  gens  d'armas, 
que  la  vila  lor  hi  ajude  de  doas  pipas  de  vi  e  de  detz  sestiers 
de  sivada  ' . 

L'an  dessus,  a  XIIII  de  ju'.h...  ^ 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  que  lo  Pauco  de  Lantar,  que 
demora  capitani  per  moss.  de  Foj^ss  en  lo  loc  de  Tersac, 
avia  mandatais  senhors  cossols  que  Ihi  pretesso  una  bombarda 
garnida  de  polveras.  Per  que  deraandero  cosselh  los  senhors 
cossolhs  als  singulars  quen  fariau.  Sus  aquo  totz  tengro  et 
acosselhero  que  hom  no  Ihi  trarnezes  pong  la  dicha  bombarda 
ni  las  polveras,  quar  en  esta  vila  era  grandamen  necessaria. 

L'an  dessus,  a  XIII  de  may... 

Sobre  una  letra  que  avia  trameza  lo  senher  de  Venes  que  hom 
Ihi  pagues  IX  gros  per  fuoc  que  dizia  que  ero  estatz  ordenatz 
per  pagar  a  las  gens  que  deviau  mètre  lo  seti  a  Jenas  ;  e  coma 
d'aisso  agues  d'autras  vetz  escrig  et  hom  Ihi  agues  fâcha  res- 
postaquehomno  Ihi  avia  re  promes,per  sso  Ihin  pagariadenier; 
e  coma  G™  del  OLer  e  d'autres  d'esta  vila  passes  a  Venes  am 
bestias  carguadas  de  mercadarias,  e  lo  dig  senher  de  Venes 
las  agues  presas  de  fag  per  la  demanda  que  fazia  dels  digs  IX 
gros  per  fuoc,  fo  aponchat  que  iiom  Ihi  escriusses  que  el  redes 
aquo  que  avia  près  de  las  dichas  gens,  atendut  que  lo  loc 
d'esta  vila  no  Ihi  avia  re  promes,  e  que  hom  requeregues  la 
cort  del  rey  quen  fezes  enformacio. 

L'an  dessus,  a  XXX  de  may... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  P,  de  Sas 
Ribieiras,  que  esta  en  establida  a  Paulinh  "  ;    lor  avia   escrig 


»  Le  10  mai,  le  Conseil  vota  20  francs  pour  participation  à  la  finance 
d'Olier  et  de  ses  compagnons. 

*  La  délibération  qui  précède  et  celle  qui  suit  sont  du  mois  de  mai.  Il 
y  a  donc  erreur,  non  de  date,  mais  de  transcription.  Le  secrétaire  de  la 
maison  commune  rédigeait  les  délibérations  sur  feuille  volante,  puis  les 
transcrivait  sur  le  registre. 

*  Capitaine  inconnu.  Nous  allons  voir  qu'il  était  sous  le  commande- 
ment de  Pauco  de  Lantar.  Il  était  donc  Fuxéen. 


254  JUIN  1382 

que  Ihi  volguesso  donar  certas  provesios  de  vi,  de  farina,  de 
carn  salada  et  d'autras  cauzas,  o  miels  es  speciôcat  en  las 
letras  que  sus  aquo  lor  avia  tramezas,  autramen  no  se  poirau 
tener  que  no  se  avitalhesso  dels  bestials  qne  trobariau  d'Albi. 
It.  aviau  maj  receubut  autras  letras  del  Pauco  de  Lantar  en 
que  lor  escrivia  que  Bernât  de  Bordas  •  era  son  prionier  e  que 
el  Ihi  avia  donada  la  fe,  e  sus  aquo  s'en  era  anat  ses  sa  licen- 
cia; per  que  demandava  que  Ihi  fos  relaxât  Po  aponchat  que 
hom  escriva  al  Pauco  que,  atendut  que  quant  la  vila  donec  a 
luy  et  a  sos  companhos,  estans  en  lo  loc  de  Tersac,  darieira- 
men,  dels  viures,  els  promeiro  tener  segurs  la  villa  d'Albi  e 
las  gens  d'aquela;  que  el  aja  a  mandar  al  dig  F,  de  Sas  Ribiei- 
ras  que  no  nos  done  negiin  dampnatge  ni  no  nos  demande  re. 
Quant  d'aco  de  Saliers*,  que  hora  Ihi  escriva  que  los  cossols 
d'esta  vila  non  au  neguna  juridiccio  ni  poder  de  relaxar  negun 
home. 

L'an  dessus,  a  IX  de  jun... 

Sobre  aisso  que  lo  Pauco  avia  mandat  als  senhors  cossols 
que  els  fezesso  paguar  I  escudier  de  sa  companha  de  très 
francxs  que  Ihi  dévia  I  macip  que  era  près  en  la  cort  del  rey, 
autramen  el  ne  lèvera  merca  sus  la  vila.E  sus  aisso  fo  dig  que 
lo  dig  massip  era  foras  de  la  dicha  cort  et  esta  va  en  la  presen 
ciutat,  mas  raay  era  expedien  que  la  vila  pagues  los  digs  très 
francxs  que  se  ne  era  correguda  ni  ne  levabo  merca;  per  que 
fo  a[)onchat  que  la  vila  lors  pagues  e  que  entretan  hom  vis  se 
hom  los  poiria  cobrar  del  dig  masip. 

L'an  dessus,  a  XVIII  de  jun.,. 

Sobre  aisso  que  fo  dig  que  lo  Pauco  de  Lantar  amenassava 
totjorndefar  guerra  en  esta  vila,  segon  que  per  alscunas 
gens  era  estât  reportât.  It.  cossi  regiria  hom  de  saber  las 
cauzas  aponehadas  al  cosselh  de  Limos  e  de  Cabestang  tengut 
per  los  comus  ^.  It.  cossi  se  regirau  sus  la  relaxacio  fâcha  per 

'  C'est  le  personnage  dont  les  Fuxéens  demandaient  l'expulsion  d'Albi. 
Cf.  délibération  du  23  avril  1382. 

*  Surnom  de  Bernard  de  Bordes. 

^  Les  communes  étaient  assemblées  le  30  mai  ;  dans  cette  réunion  inter- 
vint un  accord  entre  les  trois  sénéchaussées.  On  voit  qu'Albi  n'y  avait 
pas  envoyé  de  délégué.  Cf.  bist.  polit,  et  adm.,  p.  676. 


DÉLIBÉRATIONS  1372-1388  255 

las  gens  de  moss.  d'Albi  de  Hobat.  Fo  aponchat,  quant  a'n 
aco  del  Pauco  que,  afi  que  sia  may  aimable  a  la  vila,  (que)  hom 
lo  servisca  d'aucatz  e  de  galinalz.  Quant  ad  aco  del  cosselh, 
fo  aponchat  que  hom  trameta  a  Beze[r]s  per  saber  lo  apon- 
cliameu  del  cosselh  tengut  a  Cabestaiih. Quant  de  la  relaxacio 
de  Obat  que  hom  s'en  apele. 

L'an  dessus,  a  XXIX  de  jun... 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  digque  lo  vescomte  dePaulinh  avia' 
escrig  als  senhors  cossols  que  els  Ihi  volguesso  ajudar  e  donar 
doas  pipas  de  vi  e  XII  Ibr.  de  cera  obrada.  Fo  aponchat  que 
la  vila  Iho  done,  mas  que  ho  trameta  querre. 

L'an  dessus,  a  IX  de  julh,  los senhors  M^  Helias  de  Vesplau, 
M*"  B.  Lonc,  Isarn  Redon,  P.  Soelh,  R.  Vidal,  P.  Isard, 
M*"  G"  Chatbert,  Frances  Donat,  Johan  Golfier,  Johan  del 
Pueg,  cossols,  tengro  cosselh  am  los  singulars  que  s'ensego, 
am  : 

en  Galhart  Golfier.  NoBertranGarrigas,Guirautde  Labroa, 
P.  del  Noguier,  Duran  Daunis,  No  Sicart  Nicolau,  Brenguier 
de  Varelhas,  No  Emeric  Fabre,  NP  Johan  Duran,  No  Bertran 
Prunet,  Johan  Rofiac,  No  R.  de  Montelhs,  Domenge  de  Mon- 
nac,  G""  Montagut,  P,  Vinlias,  B.  Esteve,  especier,  No  Felip 
Vaissieira,  G™  Rofiac,  No  G™  Senhe,  No  Ar.  Blanquier, 
M"  Azemar  Grasset,  No  Pos  Galaup,  Pos  Picart,  Pos  Renhas, 
B.  Col,  Ar.  Azemar,  No  Johan  Artois,  Lombart  Segui, 
M"  Johan  Augier,  P.  Maestre,  No  Frances  Gui,  No  M"  Isarn 
de  Rius,  Dorde  Komanhac,  R.  Vinhal,  No  P.  Boyer,  No  G" 
Condat,  B.  Esteve,  Hug  Viguier,  R.  Imbert,  No  Johan  Pa- 
raire,  M*  Dorde  Gaudetru,  Jolian  Bélier,  No  B.  de  Brinh, 
No  P.  Olier,  P.delSolier,  Berthomieu  Gausit,  No  G»  Valeta, 
Johan  Guilabert,  No  P.  Costa,  No  G"'  Alric,  G"  Brandier, 
No  R.  Roquas,  Johan  Jorda,  No  Johan  Ros,  No  G™  Fontanier, 
No  R.  Massabuou,  P.  Sabaiier,  G"»  Isalguier,  Johan  Pradier, 
R.  Robi,  Guiraut  Marti,  Frances  Picart,  No  Ar.  Arufat,  B. 
Andral.  Johan  Segui,  M^P.  Rigaut,  Sicart  Lobat,  Johan  Mathiu, 
No  Johan  Cambares,  No  P.  Paraii-e,  P.  Giri. 

Sobre  lo  débat  que  G""  Colobres  avia  am  la  vila  de  sso  que 
dizia  que  la  vila  Ihi  dévia  quitar  totz  los  talhs  que  poiria  dever 
tro  lo  dia  que  fe  la  reira  venda  de  la  renda.  Totz  los  sobres- 


256  JUILLET  1382 

crigs  que  no  so  ponchatz  al  cap  :  No,  volgro  que  lo  dig  débat 
se  acordes,  els  autres  en  que  ha  eserig  al  cap  :  No,  dissero 
que  hom  Ihi  fassa  razo  et  el  a  la  vila.  It.  d'aquels  que  se  teno 
greugatz  del  aliuramen  del  moble  novelamen  fag,  fo  aponchat 
que  les  senhors  cossols,  una  essemps  am  los  aliurados,  ho 
répare. 

L'an  dessus,  a  XXV  de  julh. . .. 

Sobre  aisso  que  aissi  fo  dig  per  los  senhors  cossols  que  lo 
Pauco  de  Lantar  lor  avia  trames,  lo  dia  presen,  I  escudier, 
companli  seu,  am  una  letra  de  crezensa,  laquel  crezensa  es 
aital,  so  es  asaber  que  lo  dig  escudier  diss  que  lo  Pauco  pre- 
gava  als  senhors  cossols  d'Albi  que  Ihi  volguesso  donar  lo  rossi 
maurel  del  coUector  del  Papa  que  es  ad  Albi.  Per  que  deman- 
dero  cosselh  que  fariau  sus  aquo.  Et  auzidas  las  paraulas 
dessus,  totz  tengro  que  atendut  que  el  a  soen  preses  ganre 
d'autres  plazers  e  servizis  de  la  vila,  e  que,  qui  Ihol  donava, 
poiria  tornar  en  prejudissi  de  la  vila,  quar  covenria  per  aven- 
tura que  hom  ne  dones  en  autras  partz,  totz  ho  la  majer  par- 
tida  tengro  que  hom  nolh  done  re. 

L'an  dessus,  a  XXX  de  julh.  . . 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  non  ha  gajre 
que  lo  Paucolor  avia  escrig  una  letra  de  cresensa.  aissi  coma  es 
explicat  al  cosselh  contengut  en  aquest  libre,  tengut  a  XXV 
d'aquest  presen  mes,  de  que  encaras  no  Ihi  avia  hom  fâcha 
neguna  resposta,  et  aras,  lo  dia  presen,  el  avia  trameza  P 
autra  letra  en  que  raandava  que  el  se  miravilhava  que  hom  lo 
preses  tant  pauc  que  de  so  que  el  avia  mandat  no  Ihi  (Ihi) 
agues  hom  fâcha  resposta,  e  que  hom  lolh  fezes,  lo  dia  presen. 
Dissero  may  los  senhors  que  a  lor  semblava  que,  segon  la 
ténor  de  las  letras  per  lo  Pauco,  lo  dia  presen,  tramezas,  las- 
quais  foro  legidas  en  presencia  dels  sobrescrigs,  (que)  qui  no 
fazia  so  que  volia,  que  se  perforsses  de  donar  dampnatge;  per 
que  demandero  cosselh  que  deviau  far  sus  aisso.  Sus  aquo 
totz  tengro  que,  atendut  que  moss.  d'Armanhac,  am  ganre  de 
gens  d'armas,  so  davant  Rosieiras  assetiatz,  no  séria  savieza 
que  hom  Ihi  dones  re,  quar  perilh  séria  que,  se  ho  sabia,  ne 
portes  mala  voluntat  a  la  vila,  mas  que  hom  Ihi  trameta 
Johan   del  Luc,  ho  1  autre  que  ho  sapia  dire,  que   escuze    la 


DÉLIBÉRATIONS  1372-1388  257 

vila,  dizen  que  de  so  que  ha  mandat  dels  buous  ni  del 
rossi  del  collector  que  dizia  que  mal  de  luy,  lo  avian  fag 
vendre;  que  diga  que  nul  temps  n'en  sabem  re  ;  quant  d'aco 
qu'avia  mandat  de  Saliers,  que  Ihi  diga  que  non  avem  neguna 
juridiccio  de  so  que  demanda  que  hom  Ihi  done  ;  que  Ihi  diga 
que,  quant  a  presen  e  que  poguesem,  non  auzaram,  atendut 
lo  temps  quai  es  els  vesis  que  avem  entre  nos  quant  ne  parlam; 
e  que  la  vila  Ihi  es  bona  ad  amie  et  el  a  la  vila,  e  que  ho 
vuelha  esser,  quar  totz  temps  la  vila  Ihi  fara  plazer  e  Ihin  ha 
fagz,  estan  a  Padiers  ',  a  Rosieiras  et  a  Tersac. 

L'an  dessus,  a  III  de  aost,  G™  Blanc  e  P.  Albert,  juratz  de 
la  ciutat  d'Albi,  feiro  relacio,  en  la  raayo  cominal,  que  els  ero 
anatz  vezer  I  dampnatge  donat  per  fuoc  en  una  ca[na]bieira 
que  es  de  Azemar  Calvet,  laquai  es  en  I  terra  del  dig  Azemar, 
assetiada  a  la  Greba  del  lop,  que  ste  am  la  terra  de  G™  Guit- 
bert  et  am  lo  cami  cominal;  loqual  fuoc,  segon  que  dissero, 
era  estât  mes  en  la  rastolha  que  era  en  la  dicha  terra  del  dig 
G™  Guitbert,  e  d'aqui,  continuan  lo  dig  rastolh,  lo  dig  fuoc  se 
era  près  en  la  dicha  canabieira  ;  per  loqual  dampnatge,  dis- 
sero los  digs  juratz,  que  aquel  que  ha  mes  lo  fuoc  en  lo  dig 
rastolh,  del  quai  se  es  près  a  la  dicha  canabieira,  fassa  amassar 
la  dicha  cambetz  arssa  e  mètre  en  manolhs  e  que  sia  tengut  de 
setisfar  al  dig  Azemar  Calvet  aitans  de  manolhs  de  bona  cam- 
betz, ben  avenguda,  coma  n'i  aura  de  la  arssa  e  maj  la  meitat 
de  m.  carto  de  grana  de  cambetz,  e  que  so  que  costara  de 
amassar  la  dicha  cambetz  arssa  se  pague  mieg  e  mieg  per 
aquel  que  ha  mes  lodig  fuoc  e  per  lo  dig  Azemar;  e  que  aquel 
que  ha  mes  lo  dig  fuoc  pague  per  lor  salari  II  s. 

L'an  el  dia  dessus.  G™  Blanc  e  P.  Albert,  etc.,  que  els  ero 
anatz  vezer,  etc.  utia  tala  fâcha  per  bestial  boj  en  l'erba 
johanenca  de  I  prat  de  R.  Bona,  mazelier,  que  es  dejotz  lo 
cami  de  Fon  morta,  que  ste  am  la  terra  de  B.  Giladieu;  laquai 
tala  estimero  a  IIII  quintals  de  fe,  e  per  lor  salari  II  s. 

L'an  dessus,  a  IX  d'aost,  G"  Blanc  e  P.  Albert,  etc.,  que  els 
ero  anatz  vezer,  etc. una  tala  fâcha  per  porcxs  en  una  milhieira 


*  Cant.de  Valence,  arrond.  d'Albi. 

17 


258  AOUT  1382 

que  es  de  Johan  Regort,  que  ste  am  la  terra  de  Johan  Rascalo 
et  am  lo  riu  de  Bondidor,  laquai  estimero  a  I  carta  de  milh, 
e  per  lor  salari  lis. 

L'an  dessus,  a  XXIII  d'aost,etc.,  una  tala  fâcha  per  bestial 
en  una  quantitat  de  pezes  en  costolha  que  ero  trags,  que  ero 
de  Mathieu  del  Pueg,  mazelier  d'Albi  ;  et  ero  en  una  terra  del 
dig  Mathieu,  etc.;  laquai  tala  estimero  a  mieja  carta  de  pezes 
e  per  lor  salari  II  s. 

L'an  dessus,  a  XXX  d'aost,  etc.,  una  tala  fâcha  per  bestial 
en  una  milhieira  que  es  de  Johan  Regort,  que  es  a  Bondidor, 
que  ste  am  lo  riu  de  Bondidor  ;  laquai  tala  estimero  ad  una 
emina  de  railh  e  per  l'or  salari  II  s. 

L'an  el  dia  dessus  [XXX  d'aost  MCCCLXXXII]... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  lo  prebost 
els  canonges  de  S.  Salvi  lor  au  dig  que  els  fasso  adobar  lo 
cloquier  de  S.  Salvi  en  que  sta  la  bada,  loqual  esta  en  perilh 
de  cazer,  autramen  els  ho  plegariau  ad  esquivar  major  damp-... 
natge,  Per  que  demandero  cosselh  quen  deuriau  far.  It.  sobre 
aisso  que  dissero  may  los  senhors  cossols  que  lo  vicari  de  moss. 
d'Albi  lor  avia  dig  que,  qui  pogues  far  qualque  acordi  am 
totas  las  garnisos  de  las  gens  d'armas,  Engles  o  Frances,  que 
son  entorn  esta  vila,  afi  que  hom  pogues  reculhir  las  vende- 
mias  e  far  las  autras  bezonhas  seguramen,  que  a  luy  semblava 
que  séria  expedien  que  la  vila  lor  dones  qualque  causa,  al 
mens  que  hom  pogra,  que  se  tôt  se  perdia.  Per  que  deman- 
dero cosselh  los  senhors  cossols  als  singulars  quen  fariau.  Sus 
aquo  totz  tengro,  ho  la  major  partida,  quant  a'n  aco  del  clo- 
quier, que  la  vila  hi  ajude  de  XXX  francxs.  Quant  a  las  gens 
d'armas  tengro  que  lo  dig  moss.  lo  vicari  podia  far  lo  dig 
acordi,  am  una  que  hom  per  la  vila  ne  fezes  acordi  sus  aquo, 
mas  am  lo  dig  moss.  lo  vicari. 

L'an  dessus,  a  X  de  setembre.... 

Sobre  aisso  que  dissero  que  P.  de  Lautrec  avia  escrig  als 
senhors  cossols  que  el  era  a  Vilafranca  et  avia  près  XXVIII 
homes  d'armas  dels  Engles  que  teniau  Castel  Panis,  laquai 
causa  avia  fâcha  per  lo  profieg  del  pays,  e  coma  el  e  sos  com- 


DÉLIBÉRATIONS   IST'^-ISSS  259 

panhos  aguesso  mestiersde  socors  del  pays,  pregava  que  hom 
Ihi  volgues  donar  de  que  pogues  sostener  si  e  sos  companhos 
per  estar  e  gardar  lo  pays.  Sus  aquo  totz  tengro  que  hom  nolh 
doue  re,  quar  aitant  be  los  faria  finar  e  pueiss  los  ne  tra- 
meta  '. 

Ici  se  termine  le  premier  registre  des  délibérations  du  conseil  de 
ville  d'Albi,  inventorié  BB  16.  Il  reste  quatr<'.  folios  qui  ont  été 
utilisés  pour  des  procès-verbaux  de  dégâts,  des  rapports  de  jurés 
sur  des  différends  survenus  entre  voisins,  etc.  Nous  reproduisons 
les  parties  les  plus  intéressantes.  Notons  que  le  registre  a  été  ren- 
versé, le  dernier  folio  devenant  le  premier. 

Sec  se  lo  eventari  fag  per  los  senhors  eossols  de  l'an  LXXIII, 
de  las  causas  que  ero  en  Testai  de  la  mayo  cominal  ;  e  fo  fag 
a  XVI  de  jun,  l'an  desus. 

Premieyramen,  a  la  sala,  una  taula  de  noguier  clavelada  et 
una  cayssa  granda  en  que  estau  los  encartamens; 

It.  una  autra  taula  e  taulier; 

It.  VIII  bancx  ; 

It.  al  corredor  del  dig  ostal,  P  taula  et  una  cayssa  ; 

It.  entre  tôt  l'ostal,  XXXV  balestas  e  I  albrier,  que  avols 
que  bonas; 

It,  a  la  cambra  de  la  sala,  VII  torns  de  balesta  apelatz  azes, 
ab  dos  que  n'a  al  cortil  ; 

It.  IIII  jaques  e  VI  canes  e  IIII  pavezes  e  IIII  ginoezas  que 
avols  que  bonas,  las  doas  no  valo; 

It.  IX  cayssas  en  lasquals  ria,  eu  una  partida,  una  quan- 
titat  de  virâtes  am  garetz  ; 

It.  II  crocz  de  balesta  e  dos  bancals  e  I  torn,  apelat  caval, 
de  plom  que  es  d'aygueira  ; 

It.  II  cavilhas  de  fer  que  so  de  la  brida; 

It.  IIII  frachissas  de  fer  ad  obs  de  baux; 

It.  III  espazas. 

Conoguda  causa  sia  a  totz  homes  presens  et  endevenidors 
que    ieu,    Duran   Sobira,   et  ieu,  Johan  Bélier,  eossols  de  la 

1  Cette  délibération  est  sur  feuille  volante. 


260  SEPTEMBRE  1373-1380 

ciutat  d'Albi  e  coma  espondiers  de  la  malautia  del  Vigua 
d'Albi,  e  nom  de  la  dicha  malautia,  donam  e  lausam  a  vos. 
P.  Gasquet,  affanaire  d'Albi,  et  a  totz  homes  als  cals  vos  o  vol- 
riatz,  etc.,  una  terra  que  es  a  Milhasola,  que  ste  am  la  terra 
de  Bertran  Covert  e  am  la  terra  que  fo  de  Johaa  Arnaut,  sir- 
ven,  et  am  lo  cami  cominal,  etc.;  ab  una  emina  de  seguiel  de 
ces  que  devetz  donar  cadans  en  la  festa  de  S.  Jolia,  ses  tôt 
autre  servisi,  et  ara  XII  d.r[amondenx]  de  reiracapte;  e  tenem 
nos  per  paguatz,  etc.  Et  ieu,  P.  Gasquet  desus  dig,  de  grat  e 
de  bona  voluntat,  prend!  e  reseubi  de  vos  autres,  senhors 
cossols,  la  sobredicha  terra,  al  ces  et  al  acapte  sobredig,  e 
promet!  a  paguar  cadans  lo  ces  el  reirecapte,  etc.  Actum 
Albie,  die  IX  mensis  junii.  anno  Dn!  M'CCCLXXIII. 

It.  foro  en  conviens  entre  los  senhors  el  dig  Peire  Gasquet, 
que  del  terme  de  S.  Jolia  venen,  no  deu  paguar  re  de  ces, 
mas  promes  per  adenan  e  per  cadans. 

L'an  MCCCLXXIIl,  aXIlI  de  setembre,  Ar.  Lumbart  e'n 
Cabede,  etc.,  ero  anatz  vezer  e  regardar,  etc,,  una  tala  de 
II  feniers  de  B.  Malacosta,  fabre  de  S.  Ginieis  *,  en  I  prat 
seu  que  es  en  la  ribieira  de  Carofol  ;  local  fe  es  estât  talat  per 
bestial  boy;  et  estimero  la  dicha  tala  a  VI  quintals  de  fe  e 
per  lor  maltrag  a  II  s. 

L'an  M»CCC°LXXX,  a  XXI  de  setembre,  en  Bernât  Bru, 
G™  Taurinas,  fustier,  G™  Engilbert  e  R.  Engilbert,  massoniers, 
juratz  et  prevezedors,  dissero  que  els  ero  anatz.  .  vezer  I  débat 
que  era  entre  en  P.  Molinier,  d'una  part,  e'n  Galhart  del 
Faro,  d'autra,  sobre  un  toat  que  part  de  una  dobla  que  es  a  la 
Costa  en  Gieissa  ^  ;  laquai  dobla  es  mejeira  entre  lo  dig 
Galhart  el  dig  P.  Molinier  e  Gairaut  Viguier;  sobre  aisso  que 
lo  d!g  P.  Molinier  dizia  quel  suffertava  gran  dampnatge  per 
fauta  dels  autres  dessus  nompnatz,  parceniers  en  la  dicha 
dobla,  quar  no  la  teniau  cnrada  e  neta,  e  per  fauta  quar  la 
dicha  dobla  non  estava  neta  e  curada,  las  aygas  que  partis- 
siau  de  la  dicha  dobla  no  podiau  passar  per  lo  dig  toat  la  on 


1  Comm.  de  Puygouzon,  cant.  d'Albi. 
s  Aujourd'hui  rue  d'Engueysse. 


I 


DÉLIBÉRATIONS  1372-1388  261 

dévia,  et  que,  per  razo  d'aquo.las  aygas  aviau  près  autre 
cami,  on  tant  que  veniau  donar  en  l'ostal  en  que  lo  dig 
P.  Molinier  esta  de  presen,  et  en  l'ostal  de  moss.  Bernât  de 
Montât,  capela:  de  laquai  cauza  sufFertavo  gran  dampnatge, 
segon  que  lo  dig  P.  Molinier  dizia.  E  sus  aquo  los  sobredigs 
prevezedors  ero  anats  sus  los  digs  debat[z],  e  reportero  que  la 
dicha  dobla  se  deu  curar  o  far  curar  la  dieha  dobla  et  adobar 
tôt  lo  dig  toat  que  puesca  Taigua  passar  dreg  que  no  done 
negun  dampnatge  ;  et  aquo  se  deu  far  al  despens  dels  sobre- 
digs Galhart  del  Faro,  del  dig  P.  Molinier  e  del  dig  Guiraut 
Viguier,  e  que  de  tôt  so  que  costaria,  lo  dig  Galhart  del  Faro, 
atendut  que  loseu  hostal  se  servis  naaj  de  la  dobla  que  ambi- 
dos  los  autres,  e  que  lo  compendi  el  orezier  que  era  vengut 
ni  cazeg  en  la  dicha  dobla  era  vengut,  la  major  partida,  del  ostal 
del  dig  Galhart,  pague  la  meitat,  et  entre  lo  dig  P. Molinier  e 
Guiraut  Viguier,  l'autra  meitat  per  engals  partz.  It.  dissero 
maj  [que]  lo  dig  Guiraut  avia  caussada  la  paret  del  seu  hostal, 
que  es  davas  la  boea  del  dig  toat,  de  terra,  que  far  non  dévia; 
que  la  dicha  caussada  de  la  terra  se  voste  de  dia  en  dia,  e  que 
la  hi  fassa  de  teula,  al  despens  del  dig  Guiraut.  It.  dissero  may 
que  los  digs  Galhart  P.  e  Guiraut  meto  may  II  fiais  de  teula 
sobre  lo  dig  toat  e  que  lo  fasso  cubrir  be  e  perfiechamen, 
que  neguna  bestia  ni  autra  cauza  non  hi  puesca  penre  damp- 
natge, et  aquo  sian  tengutz  de  far  encontenen.  En  après,  Tan 
dessus,  a  XXIIII  de  setembre,  constituit[z]  personalmen  en 
la  mayo  cominal  del  cossolat  d'Albi,  los  discrets  senhors  en 
Sicart  Nicolau,  m*'  P.  de  Rieus,  Bertomieu  Prunet,  Johan 
Segui,  Hue  Viguier,  cossols  de  la  ciutat  d'Albi,  auzida  pre- 
mieiramen  la  relacio  per  los  sobredigs  juratz  e  prevezedors 
dessus  fâcha,  ordenero  que  las  cauzas  contengudas  desus  en 
la  dicha  relacio  se  fasso  e  se  complisco  de  pong  en  pong  o 
miels  dessus  es  contengut. 

Testes  :  P.  Goelh,  Poncius  Galaubi,  Johannes  Baldini. 

Conoguda  causa  sia  a  totz  homes  presens  et  endevenidors 
que  coma  fos  questio  e  débat  entre  Guiraut  de  Labroa,  habitan 
d'Albi,  de  una  part,  e  Johan  Ros  e  sa  moiher,  habitant  del  dig 
loc,  d'autra  part,  sobre  aisso  que  lo  dig  Guiraut  de  Labroa 
dizia  e  prepausava   que   lo  dig  Johan  Ros  e  sa  moiher  avia 


262  SEPTEJIBRE    1380 

I  hostal  en  la  ciutat  d'Albi,  en  la  carieira  apelada  de  l'Ort  de 
S.  Salvi  \  que  ste  am  l'ostal  del  dig  Guiraut  et  am  la  carieira 
cominal  et  am  sas  autras  cofrontacios;  en  loqual  ostal  del  dig 
Johan  e  de  sa  mollier  ha,  en  la  part  en  déferas,  davas  la 
carieira,  I  escalier  que  se  aperte  al  dig  hostal  del  dig  Johan  e 
de  sa  molher,  e  que  dejotz  lo  dig  escalier  a  una  sot  que  ste 
am  lo  dig  escalier,  en  laquai  sot  lo  dig  Johan  e  sa  molher  tero 
porcxs,  losquals  fau  gratis  foliis,  femps  et  aigas,  iasquals  Ihi 
dono  gran  dampnatge  al  dig  seu  hostal  que  es  en  la  dicha 
carieira,  que  ste  am  l'hostal  del  dig  Johan  e  de  sa  molher, 
coma  dessus  es  dig,  et  am  Postal  de  moss.  Bertran  de  Caus- 
sieras  et  am  la  carieira  cominal  etam  sas  autras  cofrontacios  ; 
per  que  ditz  lo  dig  Guiraut  que  la  dicha  sot  es  aqui  fâcha  en 
prejudici  del  dig  seu  hostal;  per  so  ditz  que  la  dicha  sot  se 
deu  vostar.  It.  era  maj  débat  e  questio,  entre  las  dichas  par- 
tidas,  sobre  aisso  que  lo  dig  Johan  Ros  e  sa  molher  diziau  que 
lo  meja  que  es  entre  los  digs  hostals  de  las  dichas  partidas,  en 
loqual  meja,  de  presen,  ha  una  porta  per  laquai  lo  dig  Gui" 
raut  intra  e  iejss  en  lo  dig  seu  hostal,  et  issimen  ha,  de  presen, 
en  lo  dig  meja  una  fenestra,  es  mejanssier  de  las  dichas  par- 
tidas; e  que  en  lo  dig  meja  no  deu  aver  neguna  porta  ni 
fenestra;  per  que  requeriau  lo  dig  Johan  e  sa  molher  que  la 
dicha  porta  e  la  dicha  fenestra  fos  vostat  e  sarrat',  coma  era 
anticamen,  el  tems  que  no  hi  avia  porta  ni  fenestra.  E  sus  aquo, 
segon  que  aissi  fon  dig,  ad  evitar  plag  e  questio  entre  lor, 
aviau  requeregutz  los  senhors  cossols  d'Albi  que  els,  una 
essemps  am  B,  Serras,  P.  Riquait,  fustiers,  et  am.G.  Engil- 
bert,  massonnier,  juratz  de  la  ciutat  d'Albi,  anesso  sus  lo  dig 
débat  pervezer  e  declar[ar]  lo  dreg  de  cascunadelas  partidas 
desus  dichas.  Per  que,  constituitz  personalmen  en  la  mayo 
cominal  del  cossolat  del  dig  loc  los  sobrenompnatz  B.  Serras, 
P.  Riquart,  G"  Engibbert,  juratz  dessus  digs,  dissero  e  feiro 
relacio  que  els  ero  anatz,  essemps  am  m^  Helias  de  Vesplau, 
P.  Soelh,  R.  Vidal,  P.  Isarn,  cossols  de  la  ciutat  d'Albi,  vezer 
lo  dig  débat  e  lo  loc  ont  era;  e  vista  e  regardada  la  causa  del 
dig  débat  ad  huelh,  dissero  e  feiro  relacio,  e  de  presen  dizo  e 


Aujourd'hui  l'Ort  on  Salvi. 
Gorrec  :  fosso  vostadas  e  sarradas 


DÉLIBÉRATIONS   1372-1388  263 

fau  [relacio]  que  la  sot  sobredicha  es  fâcha  en  la  propria  poses- 
sio  dels  sobreiiigs  Johan  Ros  e  de  sa  molher  e  que  ladicha  sot 
no  se  deu  vostar  del  loc  ont  esta,  seno  que  lo  dig  Johan  Ros 
e  sa  molher  o  sos  successors  lan  volguesso    de   lor   voluntat 
vostar,  exceptât  que,  dissero  los  digs  juratz,  (que)  los  pals  de 
la  dicha  sot  se  tiro  en  ins,  en  tal  manieira  que  non  hiesco  mas 
aitant  comahieiss  la  branca  del  escalier  on  las  digs  pals  de  la 
dicha  sot  so  clavelatz.  It.  dissero  que  lo  dig  Johan  e  sa  molher 
fasso  far  I  rec  que  partisca  de  dins  la  dicha  sot  en  foras,  vas 
la  carrieira,  per  on  l'aiga  que  se  faria  dins  la  dicha  sot  puesca 
issir  e  rajar  vas   la  dicha   carieira,  e  que  los  digs    Johan  e  sa 
molher  fasso  adobar  la  passada  oominal  que  es  razen  la  dicha 
sot,  en  tal  manieira  que  las  gens  que  hi  au  passada  puesco  pas- 
sar  ses  effangar,  aissi  coma  se  deu  far  per  una  carieira  publica. 
It.  sus  lo  débat  del  meja  dessus  dig  en  que  era  la  dicha  porta  e 
fenestra,  loqual  los  digs  Johan  e  sa  molher  diziau  que  era  me- 
janssier,  dissero  los  digs  juratz  e  feiro  relacio,  e  de  presen  fau, 
que  lo  dig  meja  es  mejanssier  de  las  dichas  partidas,  e  que  la 
porta  e  la  fenestra  desus  dichas,  que   so  en  lo  dig  meja,,   per 
lasquals  lo  dig  Guiraut  ha  plechieu,  non  hi  devo  esser,  ans  se 
devo  vostar,  e  sarrar  lo  loc  en  que  so   de   tortis  o   de   autra 
paret,  al  despens  del  dig  Guiraut;  e  que  d'aqui   avan  neguna 
de  las  dichas  partidas  no  devo  far  neguna  porta  ni    fenestra 
veirial  en  lo  dig  meja  seno  que  lo  dig  Guiraut  ho  autra  per- 
sona  per  lui  pogues  mostrar,  per  carta  o  per  autras  degudas 
proaussas  *,  lo  contrari  ;  e  se    en  lo  dig  meja,  d'aissi  avan, 
calia  neguna  causa  reparar,  que  las   dichas  partidas  lo  ajo  a 
reparar  mejanssieiramen.  Et  aquesta  relacio  feiro    los  digs 
juratz,  segon  que  dissero,    e  de  presen   fau,   per   regardamen 
dels  locxs  on  lo  dig  débat  era  ;  e  quar  els  ero  enformatz,  am 
mossen  Johan  Cantamerle,  capela,  del  quai  fo  saentras  lo  dig 
hostal  del  dig  Guiraut,  loqual  moss.  Johan  lor  avia  depausat  e 
dig,  segon  que  dissero,  que,  el  temps  que  lo  dig  hostal  del  dig 
Guiraut  era  seu,  el,  am  licencia  de  Riguel  Doat,  del  quallo  dig 
hostal  dels  digs  Johan  Ros  e  de  sa   molher  fo  saentras,   fe  far 
la  dicha  porta  que  es  en  lo  dig  meja  majanssier  etam  conviens 
de  aquela  vostar  e  sarrar  e  tornar  en  Testamen   d'avan,  a  la 

'  La  vraie  lecture  est  paussas,  avec  tilde  d'usage  au  p. 


264  FÉVRIER   1380 

requesta  del  dig  Riguel  o  de  sos  successors  ;  e  maj  quar  vist 
et  auzit  legir  I  insturmen  public,  receubut,  l'an  MCCLXXII, 
el  mes  de  septembre,  per  la  ma  de  m''  Bernât  Fabre,  notari 
d'Albi  saenreires,  en  local  fa  mencio,  segon  que  dissero,  que 
lo  dig  raeja  es  mejanssier  e  no  s'i  deu  far  porta  ni  fenestra, 
ni  trauc,  ni  autra  vista.  De  quibus  omnibus,  etc.,  etc.  Acta 
fuerunt  hec  Albic,  die  XIII  mensis  Julii  anno  Dni  MCCCLXXX 
secundo,  etc.,  etc. 

G.  Prunet  notari. 

Le  registre  contient  encore  quelques  délibérations  sur  feuilles 
volantes  qui  ont  été  collées  sur  les  quatre  derniers  folios,  ainsi 
qu'un  état  des  communs  imposées  de  septembre  1573  à  octobre  i585. 
Nous  reproduisons  les  deux  plus  intéressantes  de  ces  délibérations 
et  le  relevé  des  impositions . 

Lo  darrier  dia  de  febrier.  Fan  LXXX... 

Sobre  aisso  que  fon  dig  que  alcuns  aviau  ubertas  paraulas 
que  hom  fezes  servizi  a  moss.  d'Armanhac  aô  que  per  las  gens 
d'armas  no  fos  hom  dampnegat,  e  que  hom  prezes  qualque 
patu  am  los  Engles  de  Turia.  Toz  tengro  que  hom  ne  aja 
miels  son  cosselh,  e  que,  de  presen,  no  s'en  aponche  re,  mas 
que  los  affanaires  totz  obro  essemps  vas  una  part  del  vinhier. 
It.  que  lo  capitol  avia  requeregut  que  hom  garnis  la  paret  nova 
de  S'®  Cezelia  aissi  quant  hom  avia  promes.  Sus  aquo  totz  ten- 
gro que  no  se  garnisca  pong,  seno  que  lo  capitol  e  la  clercia 
se  obiigues  de  gardar.  ït.  de  una  letra  de  moss.  lo  senescalc, 
empetrada  per  moss.  B.  Bona,  per  laquai  afermava  que  alcus 
cossols,  en  la  dicha  letra  nompnatz,  amagademen  aviau  fags 
intrar  e  vendre  dins  la  vila  d'Albi,  amagadamen  e  contra  la 
libertat  de  la  vila,  vis  de  la  Ribieira,  e  que  hom  enebis  a'n 
aquels  que,  en  prejudici  de  las  dichas  libertatz  e  de  las  gens 
de  la  vila,  no  sa  fezesso  intrar  negus  vis  dels  locxs  de  la 
Ribieira,  et  otra  aquo  que  fosso  citatz,  sobre  fag  enjurios,  a 
Carcassona.  Per  que  demandero  cosselh  se  hom  sostenria 
que...' 

*  Délibération  inaclievée. 


DÉLIBÉRATIONS  1372-1388  565 

L'an  LXXXI,  a  XVI  d'abriL... 

Sobre  aisso  que  fon  d'ig  que  Johan  A.laraan  e  I  autre  escu- 
Hier  ero  vengutz  en  esta  vila,  aru  letras  de  crezensa  de  moss. 
P.  Arnaut  de  Bearn  que  se  endressavo  als  senhors  cossols 
d'esta  vila  ;  laquai  crezensa  ara  que  el  era  alotgat,  am  ganre 
de  gens  d'arraas,  a  Buset  e  que  el  no  podia  viure  am  sas  gens 
se[s]  far  dampnatge,  seno  que  lo  pays  Ihi  ajudes,  per  razo 
quar  els  no  prendriau  negus  gatges  de  moss.  de  Foyss,  per 
que  era  aqui  ;  per  que  ne  soplegava  als  senhors  cossols  que 
els  Ihi  volguesso  ajudar  de  viures,  de  que  el  e  sas  gens 
poguesso  viure  et  estar  ses  far  nagiin  dampnatge. 

Fo  demorat  en  eosselh  que  hom  Ihi  escriusses  que  moss.  de 
Foiss  avia  mandat  los  cornus  a  certana  jornada  per  tener  eos- 
selh sobre  alscunas  auzas  que  el  lor  volia  dire  e  que  los  sen- 
hors cossols  d'esta  vila  hi  deviau  anar,  e  que  Ihi  plagues, 
atendut  que  encaras  hom  no  sabia  que  volgra  moss.  de  Foiss, 
que  el(s)  volgues  agardar  que  lo  eosselh  fos  tengut,  quar  ven- 
gutz que  fosso  aquels  que  anero  al  dig  eosselh,  hom  Ihi  feira 
la  melhor  resposta  que  hom  pogra. 


Etat  des  communs  imposés  de  1373  a  1383 

L'an  MCCCLXXIU,  en  setembre  foro  empausatz,  XVI 
cornus. 

L'an  meteiss  en  dezembre,  XII  cornus. 

L'an  LXXV,  en  jun,  XX  comus. 

L'an  meteiss,  en  febrier  (nouv.  stij.  1576),  XII  comus. 

L'an  LXXVI,  en  jun,  IlII  comus  e  m. 

L'an  meteiss,  en  aost,  XVI  comus. 

L'an  meteis,  en  novembre,  VI  comus. 

L'an  meteiss,  en  febrier  [nouv.  sty.  ^577),  XIX  comus. 

L'an  LXXVII,  IIII^VI  comus. 

L'an  meteiss,  XIIII  comus. 

L'an  LXXVIII,  XXVI  comus. 

L'an  LXXX,  a  XIII  d'abril,  levatz  per  Vidal  Guini  e  R. 
Conchart,  IIII  comus. 


266       ÉTAT  DES  COMMUNS  IMPOSÉS  DE   1373  A   1383 

L'an  meteiss,  a  XXIX  de  jun,  levatz  per  Vidal  Guini  e  R. 
Conchart,  XII  cornus. 

L'an  meteisss,  a  IX  de  febrier  [nouv.  sly.  '/55/),  levatz  per 
R.  Vinhal,  IlII  cornus. 

L'an  LXXXI,  aXVII  de  may,  levalz  per  R.  Vinhal,  I  cornus. 

L'an  meteiss,  a  VII  de  julh,  levatz  per  P.  Rorssa  e  per  R. 
Vinhal,  VIII  cornus. 

L'an  meteiss,  en  febrier  [nouv.  sty.  1582],  levatz  per  P.Alric 
Sartre,  e  perR.  de  Landas,  IIIl  cornus. 

L'an  LXXXII,  en  julh,  levatz  per  Ar.  Clapissa,  VI  cornus. 
L'an  LXXXII,  en  julh,  levatz  per  Isarn  Redon,  I  comus. 
L'an  meteiss,  a  VIII   d'octobre,  levât [z]  per   Ar.  Clapissa, 
IIII  comus. 

L'an  meteiss,  a  XXVI  de    novembre,  levat[z]  per  Ar.  Cla- 
pissa, un  comus. 
L'an  meteiss,  a  X  de  mars  {nouv.  stij.  1383],  VIII  comus. 

L'an  LXXXIII,  en  julh,  levatz  per  Azemar  de  Brinh  e  per 
G""  Montagut,  X  comus. 

L'an  meteiss,  en  octobre,  levatz  per  Vidal  Guini  e  per 
P.  Malhol  ',  VI  comus. 

L'an  LXXX,  a  XIII  d'abril,  IIII  comus. 

L'an  meteiss,  LXXX,  a  XIX  de  jun,  XII  comus. 

L'an  meteiss,  LXXX,  a  X  de  febrier,  IIII  comus. 

It.  l'an  LXXXI,  a  XVII  de  maj,  I  comus. 

It.  l'an  meteiss,  LXXXI  a  VII  de  julh,  VIII  comus. 

It.  l'an  meteiss,  LXXXI,  a  {blanc)  de  febrier,  IIII  comus. 

It.  l'an  LXXXII,  a  (blanc)  de  julh,  VI  comus. 

It.  l'an  LXXXII,  a  [blanc)  de  julh,  1  comus. 

It.  l'an  meteiss,  a  VIII  d'octombre,  IIII  comus. 

It.  Tan  meteiss,  a  XXVI  de  novembre,  IIII  comus. 

It.   l'an  meteiss,  aX  de  mars,  VIII  comus, 


•  L'état  était  incomplet.  Le  scribe  laisse    quelques   lignes   et  poursuit, 
dans  l'ordre  chronologique,  la  liste  des  impositions. 


DÉLIBÉRATIONS  1372-1388  267 

It.  l'an  meteiss  ',  a  {blanc)  de  julh,  X  cornus. 
It.  Tan  meteiss,  a  {blanc),  d'octombre,  VI  cornus. 

REGISTRE  BB  17  2 

L'an  LXXXII  de  setembre... 

Dissero  les  senhoi's  cossols  que  [2  mots  effacés)  Castel  Pugo  ^ 
lor  avia  escrig  de  Florentinh  en  foras  (jue  el  era  vengut,  de 
presen,  de  moss.  de  Foyss,  et  avia  trobat  son  hostal  ses  pa 
e  ses  vi  ;  per  que  lor  pregava  que  Ihin  volguesso  donar  e  far 
plazer  de  so  que  lor  plazeria.  E  sus  aquo,  auzidas  per  totz  los 
sobredigs  las  causas  dessus  dichas,  totz  tengro  que,  atendut 
que  em  sus  las  vendemias,  e  qui  Ihi  dizia  [un  mot  effacé]  séria 
perilh  de  sufertar  gran  dampnatge,  (que)  hom  Ihi  donc  de  pa 
e  de  vi,  al  mens  que  hom  poira  e  so  que  als  senhors  cossols 
sera  vist. 

L'an  LXXXII,  a  XXIIII  de  setembre... 

Dissero  los  senhors  cossols  que  alscus  ero  vengutz  a  lor 
[nombreux  mots  illisibles)  moss.  lo  vicari  de  moss.  d'Albi  e  dire 
e  mostrar  lo  dampnatge  que  [tnots  illisibles)  los  Engles  de 
Thuria  per  las  gens  e  per  los  bestials  que  au  [mots  illisibles) 
de  presen,  en  la  corssa  que  au  fâcha  en  esta  vila,  e  que  Ihi 
plagues  {mois  illisibles)  a  penre  qualque  remedi,  o  per  manieira 
de  escriure  an  aquels  {mots  illisibles]  o  en  autra  manieira  que 
hom  pogues  cobrar  las  gens  que  au  {mots  illisibles)  que  ho 
fezes.  It.  dissero  raay  que  sus  aquo  els  ero  anatz  parlar  am 
moss.  lo  vicari,  loqual  lor  resporidec  que  el    non   avia  ueguna 


*  Il  faut  lire  LXXXIII,  ainsi  quà  l'art,  suivant.  Ces  deux  communs 
font  double  emploi  avec  ceux  de  juillet  et  octobre  que  nous  avons  déjà 
rencontrés. 

2  Le  premier  folio  de  ce  registre  a  disparu  ;  le  second  est  à  peu  près 
illisible,  riiumidité  ayant  fuit  disparaitre  un  certain  nombre  de  mots  sur 
les  bords  extérieurs. 

■'  Ce  personnage  est-il  le  fils  du  Castel  Pugon  qui,  le  14  février  1338, 
livra  au  comte  de  Foix  le  château  d'Aire,  moyennant  la  somme  capitale 
de  1000  liv.  tour,  et  une  rente  viagère  de  50  liv.?  Cf  Hist.  de  Lang.  IX, 
p.  506,  note  3. 


268  SEPTEMBRE    1382 

conoissensa  am  los  digs  Engles  de  Thuria,  mas  tant  solamen 

am  I  que  apelo  Amanieu  Brengier  e    que    el   volontiers  Ihin 

escriura;  totas  vetz  ad  el  semblava  que  se  hom  fazia  quelque 

acordi  ara  lor,   a  cert  terme,  que  pogues  hom  aver  vendemiat 

e  cubert,   que   tôt  jorn   nos  farian   aitals   o  majer[s]    damp- 

natges,  seno  que   hom    fezes  de  manieira  que  hom   agues    X 

homes  d'armas  e  que  aquels,  am  los  autres   companhos  de  la 

vila  que  poii'ian  esser  L  o  raaj,  lor  yssisso  en  cas  que  sa  cor- 

reguesso,  e  que  hom  vendemies  per  cartiers  del   vinhier,  que 

enaissi  hom  se  poiria  salvar  e  reculhir  los  frugz,  autramen  no. 

It.  dissero  may  los  senhors  cossols  que  non  hagajre,  darriei- 

ramen,  mossenher  lo  senescalc  de  Carcassona  mandée  cosselh 

a  Carcassona  per  mètre  provesio    per  '    las    gens  d'armas   de 

Jenas,  e  que  en  lo    dig    cosselh  anec,  per  lo  loe  d'esta  vila, 

B,  Esteve,  cossol,  loqual  reportée  [que]  lo  cosselh  se  era  ten- 

gut  e  lo  aviau  prolongat  q(ie  hom  hi  tomes  a  S.  Miquel  propda 

venen,  e  que  en  lo  dig  cosselh  era  estât  dig  que  als  Bretos  que 

ero  vengutz  al  comte  de  Foiss  era  estât  ^  per  tal  que  totz  s'en 

anesso   e  voguesso  las  très    senescalcias,   VI    milia  franxs  ' 

se    apertenia   a   la  senescalcia   de  Carcassona   II  m.   franxs, 

que    montava    per  fuoc   de   la   dicha  senescalcia  IlII  gros. 

Per  que  demandero    cosselh    los   senhors    eossols  "*  per   esta 

vila  tornaria  al   dig   cosselh   e  se    hom    hi  an...^  la   contri- 

bucio.  Fo    aponchat,   quant  a'n  aco  de  la...  ^    que  may    era 

expedien    que    hom    agues     aquels     homes     o     may,     coma 

sobre  dig   es,  que    qui  fazia   negun   acordi    am   los   Engles. 

Quant  a  la  anada  del  dig  cosselh  de  Carcassona,    tengro    que 

hom  la  ane  e  que  lor  explique  los  mais  que  sufertam    per   las 

garnissos  que  so  entorn  nos  e  que  se  els  volo  contribuir  a  gitar 

las  gens  d'armas  que  so  entorn  nos,  que  hom  contribuisca  als 

digs  II  m.  franxs,  autramen  no. 


'  Déchirure.  Il  faut  sans  doute  lire  gitar. 

*  Déchirure  ;  le  mot  disparu  doit  être  prepausat  ;  on  voit  un  p  avec  le 
signe  d'abréviation. 

*  Déchirure  et  mots  etfacés. 

*  Mots  effacés  :  et  si  l'on  y  va  si  l'on  accordera  la  contribution. 

5  d"      d° 

6  ^o  ^o 


DÉLIBÉRATIONS  1372-1388  269 

L'an  MCCCLXXXII,  a  VII  d'octombre... 

Tengro  cosselh  sobre  la  correguda  que  avia  fâcha  e fâcha  far, 
lo  dia  propda  passât,  lo  Pauco  de  Lantar,  sus  esta  vila,  perla 
merca  de  IIII'^-^X  franxs  que  demanda  a  la  universitat  de  la 
pt'esen  ciutat  per  Bernât  (le  Bordas,  loqual  ditz  que  t'o  son 
prionier  e  s'en  anec  e  Ihi  rompec  la  fe  ;  en  laquai  correguda 
ero  estadas  aprionadas  diversas  gens  e  ganre  de  besHal  gros  e 
menut  d'esta  vila.  E  sus  aquo  la  era  anat  moss.  lo  vicari  de 
moss.  d'A.lbi,  en  Domenge  de  Monnac  e'n  G™  Coudât,  cossols, 
per  vezer  se  hom  se  pogra  acordar  amb  el  ;  losquals  reportero 
aissi  meteiss  que  el  demandava  los  digs  IIIF'^X  franxs  per  lo 
dig  B.  de  Bordas,  e  denaaiidava  inay  que  la  vila  Ihi  dones,  otra 
aquo,  o  en  deniers  o  en  viures,  la  valor  de  C  franxs  d'aur,  et  am 
aquo  voliaredre  tôt  quant  era  estât  près  en  la  dicha  correguda, 
antratnen  lo  dig  Pauco  dizia  que  el  corregra  sus  esta  vila  e 
preira  gens  e  bestial  e  hi  donera  tôt  lo  dampnatge  que  pogra, 
e  que  no  redra  re  que  agues  près.  E  sus  aquo  fo  de  cosselh  de 
la  major  partida  que  de  tôt  aquo  la  vila  se  acorde  am  el  e  que 
se  ne  poc  re  aver  de  Bernât  de  Bordas  dessus  dig,  que  hom 
aja  tôt  quant  aver  ne  poira  *. 

It.  aqui  meteiss  volgro  e  cossentiro,  una  partida  dels  singu- 
lars,  que,  per  pagar  las  causas  davan  dichas,  que  devo  esser 
donadas  e  pagadas  al  dig  Pauco,  e  per  pagar  so  que  ha  costat 
per  las  gens  d'armas,  a  pe  et  a  caval,  que  au  gardât  en  las 
presens  vendemias  las  gens  els  bestials  que  vendemiavo,  (que) 
los  senhors  cossols  empauso  très  o  quatre  cornus,  aquels  que 
eonoisserau  que  hi  farau  mestiers. 

L'an  dessus,  a  IX  d'octombre — 

Sobre  aquo  que  Johan  del  Luc  avia  dig  als  senhors  cossols 
que  lo  senher  de  Monferran,  que  era  a  Florentinb,  los  pregava 
que  Ihi  volguesso  donar  e  trametre  dos  lensols  e  I  par  de  botas. 
E  sus  aquo  totz  tengro  que  no  Ihi  done  hom  re. 

L'an  dessus,  a  XU  d'octombre... 

Tengro  cosselh  sobre  aisso  que  aissi  fo  dig  per  los   senhors 

'  Les  consuls  invitèrent  de  Bordes  à  payer  ces  90  francs  ;  mais  il  s'y 
refusa,  disant  qu'il  n'était  tenu  à  rien.  Cependant  il  consentit  à  payer 
30  francs  en  cinq  annuités.  Délibér.  du  8  octobre  1382. 


270  OCTOBRE-NOVEMBRE    1382 

cossols  que  lo  Pauco  de  Lantar  demanda  a  la  universitat  de 
la  presen  ciutat  que  Ihi  done  I  corssier  de  Y]^^  franxs,  autra- 
men  el  dampnejara  la  presen  ciutat  els  habitans  d'aquela.  Per 
que  demandero  cosselh  los  senhors  cossols  als  singulars  se  la 
vila  Ihi  donaria  aquels  VF^  franxs  o  no.  E  sus  aquo  la  major 
partida  tengro  que  lo  Pauco  ha  agut,  motas  vetz,  dos  e  ser- 
vizis  de  la  presen  ciutat,  et  ha  agut  IIIl'^'^X  franxs  per  merca, 
e  de  tôt  aquo  no  se  te  per  paguat,  e  que  per  so  non  esta  que 
las  gens  de  sa  garniso  no  danjpnejo  las  gens  de  la  presen  ciu- 
tat, e  prendo  e  raubo  et  aucizo  las  autras  gens  que  so  dels 
locxs  entorn  nos  quant  veno  ni  parto  d'esta  vila,  tengro  que 
hom  no  lor  done  re  ni  permeta  que  negus  d'aquelas  gens 
d'arœas  sa  intro. 

L'an  MCCCLXXXIl,  a  II  de  novembre,  los  senhors  cossols 
loguero  Pos  Donarel  per  bada  de  dias  e  de  nuegz,  al  cloquier 
de  S.  Salvi,  del  dia  presen  tro  lo  dia  de  la  festa  de  Totz  Sanghs 
propda  venen,  lo  dia  de  la  dicha  festa  enclus,  per  pretz  de 
XXIII  franxs  ;  e  lo  dig  Pos  jurée  esser  bo(s)  e  lial(s)  en  lo  dig 
offici. 

L'an  dessus,  a  VII  de  novembre... 

Tengro  cosselh,  en  la  majo  cominal,  sobre  unas  letras  que 
lor  avia,  lo  dia  presen,  tramezas  en  Bernât  Esteve,  que  era  a 
Garcassona,  al  cosselh  que  s'i  te  am  los  autres  cornus',  en 
lasquals  avia  escrig  que  los  cornus  aviau  aponchat  que  deviau 
anar  en  Fransa,  a  nostre  senhor  lo  rej,  per  explicar  e  dire 
las  causas  que  ero  estedas  aponchadas  en  lo  dig  cosselh  ;  e 
deviau  partir  lo  jorn  de  S.  Marti  ^,  e  que,  se  era  vist  que  de 
esta  vila  hi  ânes  persoua,  (que)  hom  aparelhes  e  provesis  quai 
hi  anaria  e  de  so  que  mestiers  aura.  E  sus  aisso  totz  o  la  major 
partida  tengro  que  [d'Jesta  vila  non  hi  ânes  persona,  et  aco 
per  motas  razos  que  aissi  foron  dichas. 

L'an  dessus,  XIII  de  novembre... 

Tengro  cosselh,  en  la  mayo  cominal,  sobre  una  letra  clauza 
que  avia  trameza  lo   comte  d'Armanhac  als  senhors  cossols, 

*  Outre  la  décision  dont  parle  Estève,  les  communes  octroyèrent  au 
duc  de  Berry  2  francs  par  jour.  Cf.  Inst.  polit    et  adin.  p.  616. 

*  11  novembre. 


I 


DÉLIBÉRATIONS    1375-1388  271 

en  laquai  escrivia  e  raandava  que  mossenher  de  Berri  Ihi  avia 
assignat,  sobre  la  universitat  de  la  presen  ciutat,  11^  III  franxs. 
It.  raandava  may,  en  las  dichas  letras,  que  el  era  en  lo  loc  de 
Castelnou  de  Monmiralh  *  ara  ganre  de  gens  que  ero  vengudas 
amluy;  en  loqual  non  avia  vitalhas  de  quel  [e]  sas  gens,  que 
aqui  ero,  poguesso  viure,  e  que  el  avia  mestiers  de  viures  e  que 
hom  Ihi  tramezes  qualque  home  per  acordar  am  luy  de  so  que 
horo  Ihi  poiria  valer  de  viures,  afi  que  las  dichas  sas  gens  non 
agiieso  razo  de  far  mal  ni  desplazer  a  la  presen  ciutat.  Sus 
totas  las  cauzas  sobredichas  totz  tengro  que  hora  aja  una  segu- 
ransa  del  dig  moss.  d'Arnianhac  per  aquel  o  per  aquels  que 
hom  Ihi  trametia  per  parlar  am  luy  sus  las  cauzas  sobredichas, 
et,  aguda  que  hora  la  aja,  que  hom  hi  trameta  qualque  home 
que  ho  sapia  far,  loqual  escuze  la  vila  sus  los  IF  III  franxs, 
dizen  que  nulh  temps  no  fo  proraes  a  moss.  de  Berri  neguna 
[soma]  per  que  el  deia  aver  fâcha  aquela  assignacio  ;  e  que 
dels  viures  Ihin  done  hora,  o  en  vitalhas  o  en  argen,  en  tal 
manieira  que  hom  ne  demore  acordan  am  luy,  al  miels  que 
hom  poira. 

L'an  MCCCLXXXII,  a  XXIII  de  novembre... 

Tengro  sobre  aisso  que  los  senhors  cossols  dissero  que  mos- 
senher lo  comte  d'Armanhac  lor  avia  mandat  per  sas  letras 
que  la  vila  d'Albi  Ihi  pague  IF  III  franxs,  e  may  que,  quar  lo 
loc  de  Castelnou  de  Monmiralh,  que  ha  agut  de  novela  con- 
questa,  es  mal  provesit,  (que)  hom  Ihi  tramezes  calacom  per 
acordar  am  luy  dels  viures  de  que  hom  Ihi  poiria  valer  ni 
socorre,  afi  que  las  gens  d'armas  (jue  so  aqui  am  luy  non  ajo 
razo  de  mal  far.  E  sus  aquo,  vistas  las  dichas  letras,  fon  de 
cosselh  que  hom  la  tramezes,  am  letra  de  crezensa,  fraire 
Bernât  Grimai,  del  orde  [de]  Presicadors,  per  explicar  a  luy 
e  dire,  sus  la  cauzas  que  avia  mandadas,  tropas  cauzas,  losquals 
hom  Ihi  diss;  et  aras  lo  dig  fraire  Bernât  era  tornat  et  avia 
reportât  que  el  era  estât  de  part  delà  e  que  non  ha  pogut  par- 
lar am  lo  dig  mossenher  d'Armanhac,  mas  que  Ihi  mandée  que 
se  porta[vaJ  letras  que  las  bailes;  e  te  ho  ;  e  bailadas  que   las 


'  Chef- lieu  de  cant.  de  l'arrond.  de  Gaillac   Nous    allons   voir  que  le 
comte  venait  d'acquérir  cette  place. 


272  NOVEMBRE    1382 

ac,  après  tornec  a  luj  son  secretari,  e  dis  Ihi  que  el  no  podia 
pas  parlar  am  lo  dig  moss.  d'Armanhac  que  Ihi  mandava  que 
el  Ihi  mandes  la  crezensa  que  volia  dire  ;  e  non  re  mens  may 
Ihi  diss  se  portava  los  11'^  III  franxs  ;  et  el  respondec  que  no  ; 
et  en  après,  dichaque  ac  la  crezensa  al  secretari,  el  Ihi  tornec 
resposta,  dizen  que  lo  covenia  que  la  vila  d'Albi  pagues  los 
digs  IF  e  III  franxs  e  may  gran  quantitat  de  viures  et  al  res 
no  s'i  faria  ;  e  quant  Ihi  demandée  prolongui  de  la  asseguransa, 
el  Ihi  diss  que  non  agra  pong.  Per  que  demandero  cosselh  los 
senhors  cossols  als  singulars  que  fariau  sus  aisso.  E  sus  aquo, 
totz  tengro  que,  atendut  que  el(s)  nos  podia  donar  mot  gran 
dampnatge,  (que)  hom  se  acorde  ara  luy  de  tôt  so  que  deman- 
dava  als  miels  que  hom  poira. 

L'an  dessus,  a  XXI  de  novembre... 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  per  los  senhors  cossols  que, 
atendut  que  fraire  B.  Grimai  que  era  [a]nat,  non  ha  gaire,  am 
letras  de  crezensa  de  la  vila  a  moss.  d'Armanhac,  non  avia 
pogut  parlar  am  el,  mas  avia  aguda  avol  resposta  per  son 
secretari,  els  hi  aviau  trames  areire  G™  Guitbert  am  letras  de 
crezenssa  ;  loqual  G™  Guitbert  era  vengut,  lo  dia  presen,  et 
avia  portadas  letras  de  mossenher  d'Armanhac,  en  lasquals 
escrivia  als  senhors  cossols  d'Albi  que,  d'aissi  a  dimergue 
propda  venen  ^  els  o  un  de  lor  siau  estât  a  luy  per  acordar 
ara  luy  dels  11*^  III  franxs  e  dels  viures  que  deraanda  a  la  vila, 
et  ha  donada  seguransa  tro  alaras,  aulramen  el  non  agarda 
plus  que  no  fassa  so  quelh  semblara.  Per  que  demandero  cos- 
selh los  senhors  cossols  als  singulars  que  fariau  sus  aquestas 
causas  ni  se  la  anariau  los  senhors  cossols  ni  quans.  Sus  aquo 
la  major  partida  tenc  que  la  ano  II  cossols  e  que  se  acordo 
am  el  als  miels  que  poirau. 

L'an  dessus,  a  XXVI  de  novembre... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  alscus  de 
lor,  so  es  asaber  sen  Galhart  Golfler  e'n  Duran  Daunis,  cos- 
sols, ero  anatz  a  moss.  d'Armanhac  per  parlar  am  luy  et  acor- 


'  Le  délai  accordé  par  le  comte  n'était  que  de  deux  jours  :  le  21  novem- 
bre était,  en  1382,  un  vendredi. 


DÉLIBÉRATIONS  1372-1388  273 

dar  sus  las  demandas  que  fa  a  la  vila,  coma  es  contengut  als 
cosselhs  tenguiz  a  XVllI  e  XXI  d'aquest  presen  mes  de  novem- 
bre; e  dissero  que  aprop  motas  de  paraulas,  els  acordero  am 
moss.  d'Arraanhac  que  per  la  assignacio  que  Ihi  avia  fâcha 
raoss.  de  Berii  sus  esta  vila,  e  per  autras  demandas  que  lo  dig 
moss.  d'Armanliac  fazia  a  la  vila  de  diversas  causas,  demorero 
en  acort  am  luj  que  liom  Ihi  dones,  per  totas  demandas  la 
soma  de  IIIFfranxs  pagadors,  II''  a  la  festa  de  S'"'  Lucia,  e  C  a 
la  festa  de  Nostra  Dona  Candelieira,  et  C  a  la  festa  de  Pascas 
propdamen  venen.  E  per  so  los  dessus  nompnatz,  essemps  am 
los  cossols,  volgro  e  cossentiro  que  liom  fezes  et  endisses 
IIII  comus,  losquals  aqui  meteiss  feiro  et  endissero. 

L'an  MCCCLXXXII,  a  XXV  de  dezembre... 

Sobre  la  ambaissada  que  era  estada  ordenada  al  cosselh  ten- 
gut  dariejramen  a  Carcassona  perles  comus  de  las  IllI  senes 
calcias,  so  es  asaber  que  IIII^'^  bos  homes  dels  comus  deviau 
anar  en  Franssa  per  far  la  reverencia  a  nostre  senlior  lo  rey 
et  a  luy  explicar  e  dire  los  mais  e  las  tr  ibulacios  d'aquest  pays 
e  motas  d'autras  causas,  losquals  hi  deviau  anar  al  despens 
comu  de  las  dichas  senescalcias.  E  demandero  los  senhors 
cossols  als  singulars  se  d'esta  vila  hi  trametia  hora  qualque 
bos  hom  ni  quai.  E  sus  aquo  la  major  parlida  tengro  que, 
atendut  que  aitant  be  pagariau  hom  sa  part  dels  autres  que  hi 
anariau  (que)  d'esta  vila  hi  ânes  hom,  so  es  asabar  aquel  que 
als  senhors  séria  vist  fazador. 

L'an  dessus,  a  XII  de  jenier... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  per  alscus 
era  estât  dig  que  expedien  foro  que  hom  notifhque  a  moss. 
d'Armanliac  las  corregudas  e  lo  damptnage  que  an  donat  e 
dono  de  tôt  jorn  los  Engles  de  Turia  en  esta  vil;i,  en  las  gens 
et  en  los  bestials  que  au  preses.  Per  que  demandero  cosselh 
qui  hom  hi  trameira  qualque  home  ni  per  quai  forma.  E  sus 
aquo  totz  tengro  que  hom  hi  trameta  qualque  home  am  letra 
de  cresensa,  loqual  home  sapia  parlar  e  sia  tal  que  Ihi  diga  los 
digs  dampnatges,  e  Ihi  pregue,  de  part  dels  senhors  cossols, 
que  Ihi  plassa  [que]  vuelha  far  tan  que  las  gens  que  so  presas 
sian  relaxadas,  e  que  d'aissi  avan  no  nos  coresco. 

18 


274  JANVIER  1382 

L'an  dessus,  a  XIIII  de  jenier... 

Sobre  aisso  que  los  senliors  cossols  dissero  que  els  aviau 
tengut  cosse'h,  am  moss.  lo  vicari  et  ani  las  autras  gens  de 
moiS.  d'Aibi  e  de  la  Gleia,  sur  los  dampnatges  que  suiferta  la 
j)resen  ciutat  e  las  gens  d'aquela  que  non  ausa[n]  issir  de  la 
vila  ni  far  sas  fazendas  seguramen,  ses  perillis  de  las  personas 
e  dels  bes  ;  et  era  estât  vist  e  dig,  en  lo  dig  cosselh,  que,  se 
hom  volia  far  sas  fazendas,  covenia  que  hom  apatues  am 
totas  las  garnisos  de  Engles  e  de  Frances  que  so  en  aquest 
pays,  0  que  hom  se  aparellies  a  far  bona  guerra  a  tota  manieira 
de  gen  que  nos  darapneges;  e  fo  raaj  vist  en  lo  dig  cosselh 
que  raaj  era  expedien  que  hom  fezes  guerra  a'n  aquels  que 
nos  venriau  dampnegar  que  qui  se  apatuava  am  lor,  quar  !o 
patu  costaria  trop  e  que  séria  causa  de  mal  isample  ;  e  fo  dig, 
en  lo  dig  co>?elh,  per  lo  dig  moss.  lo  vicari  que  moss,  d'Aibi  e 
las  gens  de  la  Glieja  feiro  certas  gens  d'armas,  en  cas  la  vila 
ne  volgues  far  aitans  e  contribuir  segon  sa  cota.  Per  que  sus 
aisso  demandero  cosselh  los  senhors  cossols  als  singulars  que 
voliau  que  fezesso,  afi  [que]  las  gens  fezesso  las  besonlias. 
E  sus  aisso  totz  tengro  que  se  fassa  provesio  que  hom  fassa 
bona  guerra  a  tôt  home  que  nos  porte  dampnatge,  e  que  hom 
no  fassa  patu  am  neguna  garniso,  ni  lor  dons  pauc  ni  pro  de 
vitalhas,  ni  am  lor  argen  ni  ses  argen,  ni  ajo  d'esta  vila  jupos, 
ni  jaques,  ni  fers,  ni  clavels,  ni  neguna  autra  causa;  e  se 
negus  hi  trametia  re,  que  hom  lor  voste  qui  ho  poc  trobar;  e 
sus  aquo  que  los  senliors  cossols  provezisco  aissi  quant  lor 
sera  vist. 

L'an  dessus,  a  XXVI  de  jenier... 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  que  lo  senher  de  Maria  avia  dig 
als  senhors  cossols  que  el  era  estât  près  per  los  Engles  de 
Jenas  et  era  estât  defardat  e  Ihi  costava  trop,  e  lor  avia  pre- 
guat  que  Ihivolguesso  ajudar  e  donarde  que  se  pogues  mètre, 
el  e  ses  companhos,  en  arnes.  Per  que  demandero  cosselh 
los  senhors  cossels  als  singulars  se  Ihi  donariau  ho  neni.  Sus 
aquo  tôt  totz  tengro  que  ad  el  ni  a  d'autres  de  aitals  compa- 
nhos  no  donesso  re. 

L'an  dessus,  lo  premier  dia  defebrier... 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  per  los  senhors  cossols  que  las 


DÉLIBÉRATIONS  1372-1388  275 

donas  parentas  de  raoss.  d'Albi  ero  vengudas  en  esta  vila,  e 
semblava  lor  que,  atendut  que  de  novel  ero  vengudas,  (que) 
per  honor  de  moss.  d'Albi,  hom  lor  dévia  far  qualque  presen  ; 
et  aviau  parlât  entre  lor  que,  se  la  vila  lor  donavallll  entor- 
cas,  cascuna  de  III  Ibr.,  e  II  Ibr.  de  doblos  e  quatre  Ibr.  de 
cofîraens,  (que)  estaria  be  fag.  Per  que  demandero  cosselh  als 
cosselhiers  e  singulars  se  els  lor  semblava  ni  voliau  que  fezesso 
aquel  presen  a  las  dichas  donas  bo  no.  Sus  aquo  totz  tengro 
que  lor  fo  donat  lo  dig  presen. 

L'an  dessus,  a  XXI  de  febrier... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  mossenher 
lo  senescalc  de  Carcassona  lor  avia  dig  que  el  era  en  tractât 
am  Bertran  de  Monclar  que  te  lo  loc  de  la  Rajnaudia  que  el 
vogues  lo  loa  am  ceria  fiuanssa  que  hom  Ihi  done,  en  laquai 
contribujra  tôt  lo  comtat  de  Castras,  se  lo  loc  e  la  vigai'ia 
d'Albi  hi  vol  contribuir.  E  sus  aquo  demandero  cosselb  aïs  sin- 
gulars se  voliau  que  lo  loc  d'esta  vila  lii  coniribuisca.  Sus  aquo 
totz  tengro  que  esta  vila  hi  contribuisca,  mas  que  lo  loc  de  la 
Rajnaudia  se  deruisca  en  manieira  que  plus  gens  que  puesco 
donar  dampnatge  en  lo  pays  '. 

L'an  dessus,  a  XXV  de  febrier... 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  que  las  gens  d'armas  que  ero  en 
establida  en  esta  vila,  als  gatges  cornus  de  las  senescalcias-, 
aviau  dig  e  preguat  als  senhors  cossols  d'esta  vila  que  els  lor 
volguesso  prestar  viures  tro  que  fosso  paguatz  de  lors  gatges, 
quar  autramen  no  poiriau  demorar  en  la  presen  ciutat.  Per  que 
los  senhors  cossols  demandero  cosselh  se  hom  lor  ne  prestaria 
0  no.  E  sus  aquo   fon  dig  que,  atendut  que  hom  ha  a  far  las 


'  La  phrase  est  incorrecte  ;  il  faut  supph'cr  quelques  mots  comme  : 
non  hi  fasso  lor  establida,  ou  bien  construire  ainsi  la  fin  de  la  phrase  ; 
que  plus  ge7is  no  puesco  donar. 

2  II  est  probable  que  cette  garnison  avait  été  établie  à  Albi  à  la  suite 
des  décisions  prises  par  les  communes  convoquées  par  Arnaut  d'Espa- 
gne, au  mois  de  janvier,  pour  protéger  le  pays  contre  les  Tuchins  et  les 
Anglais.  Les  délégués  des  communes  avaient  voté  un  subside  au  séné- 
chal pour  l'entretien  d'un  certain  nombre  de  gens  d'armes.  Cette  délibé- 
ration prouve  qu'on  négligeait  de  pourvoir  à  leurs  besoins.  Gf  Uiat.  de 
Long.  IX,  p.  913. 


276  FÉVRIER-MARS   1383 

obras,  e  que,  se  gens  d'armas  correguesso  en  las  pertenenssas 
d'esta  vila,  hom  lor  resestigra  plus  tost  am  las  gens  d'armas 
que  demoravo  en  esta  vila  en  esfablida  que  no  faria  se  no  sa 
ero,  tengro  totz  e  fon  de  cosselli  que  hom  lor  prestes  viures  tro 
que  fosso  e  siau  paguatz  de  lors  gatges. 

L'an  dessus,  a  III  de  mars... 

Sobre  aisso  que  aissi  fo  dig  que  las  gens  d'armas  que  estavo, 
de  mandaraen  de  rao?s.  lo  senescalc,  en  establida  en  esta  vila 
als  gatges  cornus  de  las  senescalcias,  disiau  que  els  no  podiau 
viure  ni  tener  lor  estât  en  esta  vila  per  los  gatges  que  pren- 
diau  ;  per  que  demandavo  que  hom  lor  fezes  avantatge.  Sus 
aquo  fon  de  cosselh  de  la  major  partida  qne  hom  no  lor  fassa 
negun  avantatge  ni  lor  dones  re  per  avantatge  ;  mar  que  se 
s'en  voliau  anar  d'esta  vila  que  hom  aja  recors  a  moss,  lo 
senescalc  que  nos  provezisca  d'els  o  d'autres  ', 

L'an  MCCCLXXXIII,  a  XXV  de  mars.  .  ^ 

Dissero  los  senhors  cossols  que  totz  los  cornus  de  la  senes- 
calcia  de  Carcassona  so  mandats  a  Carcassona  el  dilus  propda 
venen  per  aver  cosselh  sus  lo  tractât  que  se  mena  per  moss. 
lo  senescalc,  que  las  gens  d'armas  de  totas  las  garnisos 
d'Albeges  hi  esto  foras  dels  locxs  que  teno,  ara  finanssa,e  que 
a  lor  semblava  que,  atendut  que  lo  loc  d'Albi  suffertava  majs 
de  darapnatge  que  loc  de  tota  la  senescalcia,  era  expedien  e 
necessari  que,  se  moss.  lo  vicari  de  moss.  d'Albi,  que  es  savia 
persona  et  a  la  beson[li]a  al  cor  e  saubra  miels  far  que  autre 
que  los  autres  comus  de  la  dicha  senescalcia  contribuisso  en 
la  dicha  finansa  fazedoira,  hi  volia  anar  per  la  presen  ciutat, 
Ique)  fo  be  fag  e  profleg  a  la  vila  d'Albi.  Per  que  dissero  e 
demandero  cosselh  aïs  singulars  que  lor  semblava  sus  aisso. 
Et  aqui  meteiss  los  cossols  e  singulars  toiz  essemps  tengro 
que  se  liom  podia  acordar  am  lo  dig  moss.  lo  vicari  que,  per 
certa  causa,  non  pas  que  pogues  montar  lo  despens  que    el   ni 

*  La  garnison  ne  se  laisse  pas  rebuter  par  ce  refus  ;  elle  l'ail  intervenir 
le  vicaire  général,  qui  n'est  pas  plus  heureux.  Dèlib.  du  25  mars. 

^  La  délibération  précédente,  3  mafs,  est  de  1382;  celle-ci,  25  mars, 
est  de  1383.  C'est  une  nouvelle  preuve  que,  dans  l'Albigeois,  l'année  ol'fi- 
cielle  commençait  le  25  mars. 


DÉLIBÉRATIONS  1372-1388  277 

sas  gensfariau,  mas  raenre  causa  razonabla  e  sertana  cauza, 
estia  la  pauc  o  pro,  tengro  que  la  ane  e  que  es  expedien  de 
neguu  autre  *. 

L'an  desius,  a  VI  d'abril... 

Sobre  aisso  que  los  senhors  cossols  dissero  que  los  Praires 
del  Carme  del  coven  d'Albi  ero  vengutz  a  lor  e  loi-  aviau  dig 
que  els  teniau  capitol  gênerai,  e  que,  per  amor  de  Dieu,  lor 
volguesso  donar  e  ajudar  de  que  poguesso  sostener  lo  despens 
que  lor  ne  covenia  de  sufeitar.  Per  que  demandero  cosselh 
als  singulars  qwen  deviau  far.  Sus  aquo  totz  tengro,  o  la 
major  partida,   que  hom  lor  done  quatre  franxs. 

L'an  dessus,  a  XXII  d'abril... 

Sus  aisso  que  aissi  fou  dig  per  los  senhors  cossols  que  moss, 
d'Armanhac  avia  mandat  que,  coma  el  agues  assignat  sus  esta 
vila  al  Bore  de  Corn  C.  franxs  per  so  que  redes  lo  loc  de 
Rosieiras  al  dig  moss.  d'Armanhac,  e  sus  aquo  el  agues  tra- 
mes el  dig  loc  de  Rosieiras  Barba  per  penre  la  possesio  del  dig 
loc  que  lo  dig  Bore  llii  dévia  perbailar  e  nom  de  moss.  d'Ar- 
manhac ;  e  lo  dig  Bore  non  agues  volgut  bailarlo  dig  loc  al 
dig  Baiba  tro  fos  paguat  dels  digs  C  francxs,  e  lo  dig  Barba 
agues  setisfag  la  dig  Bore  del  digs  C  franxs,  e  per  la  dicha  setis- 
faccio  Ihi  agues  bailat  I  corssier  que  Ihi  avia  costat  Yi^^  franxs 
per  pretz  de  IIIl'''^  franxs,  en  que  perdia  XL  franxs  ;  e  lo  dig 
Barba  demandes  que  lo  loc  d'esta  vila  llii  setisfezes  e  Ihi  pagues 
los  digs  XL  franxs  que  perdia  en  lo  dig  corssier,  per  fauta  quar 
la  vila  non  avia  paguat  avan  los  digs  C  franxs .  Demandero  cos- 
selh  les  senhors  cossols  als  singulars  se  los  digs  XL  franxs  pa- 
gariau  al  dig  Barba,  e  que  tumbe  sobre  aquels  que  non  an  pa- 
guat los  comus  empausatz  per  setisfar  lo  deute  que  era  degut 
a  moss.  d'Armanhac,  de  que  los  digs  C  franxs  dissendiau. 
It.  fo  maj  dig  que  lo  dig  Barba  demanda  que  esta  vila  Ihi  dones 


'  VHist.  de  Lang.  ne  mentionne  pas  cette  réunion  des  communes  de 
la  sénéchaussée  de  Carcassonne.  Nous  allons  assister  à  l'exécution  des 
décisions  qui  y  furent  prises,  c'est-à  dire  l'évacuation  du  pays  par  les 
An^dais  et  les  routiers 


278  AVRIL-MAI    1382. 

viures.   Sus  aquo  fon  de  cosselh  de  la  major  partida  que  liom 
Ihin  done  al  mens  que  hom  pojra. 

L'an  dessus,  a  XIII  de  maj  — 

Tengro  cosselh,  en  la  majo  cominal,  sobre  aisso  que  moss. 
Bertran  de  Lantar,  avia  escrig  als  senhors  cossols  que  el  e  sos 
compaiihos  de  Tersac  ero  mal  provezitz  de  viures  e  pregava 
lor  [que]  Ihin  volguesso  donar  o  de  que  ne  aguesso.  It,  que 
sus  las  causas  per  que  lo  procuraire  del  rey  ha  litigadas  e 
litiga  am  lo  scindic  de  la  vila  et  am  m®  Isarn  de  Rius  per  so 
que  dizo  que  hom  a  vexât  los  sirvens  et  autras  gens  am  la 
cort  del  officiai  per  so  que  deviau  dels  comus,  las  gens  de 
moss.  d'Albi  ne  aviau  parlât  am  los  senhors  cossols  e  lor  aviau 
dig  que  se  los  seijhors  cossols  ni  los  autres  de  la  vila  no 
])odiau  vexar  qualsque  gens  que  fosso  per  so  que  lor  foro 
degut  am  la  cort  del  officiai,  que  fora  gran  prejudici  a  la  vila, 
e  que  se  hom  se  volia  adhunir  am  moss.  d'A'bi  que  prezesso 
la  causa  ess^emps  e  la  menesso,  els  voluntiers  fariau  e'n  paga- 
riau  la  meitat  de  so  que  costaria.  It.  sus  aisso  (jue  dissero  los 
senhors  cossols  que  Johan  Talhafer,  encantaire,  era  tais  que 
no  s'en  podiau  be  ajudar  a  lor  plazor,  ni  los  servia  aissi  quant 
degra,  e  que  els  Iho  aviau  dig  e  Ion  aviau  reptat,  e  per  so  re 
non  aviau  acabat,  ans  ero  de  voler,  se  era  de  cosselh,  que  lo 
gitesso  de  lor  servizi  el  cassesso  de  gatges.  E  sus  tôt  aisso 
tengro,  la  major  partida,  que,  ad  evitar  majors  danipnatges, 
sus  aquo  de  moss.  Bertran  de  Lantar,  (que)  hom  Ihi  done  viu- 
res aquels  que  als  senhors  cossols  sera  vist.  E  quant  ad  aco 
que  hom  puesca  citar  las  gens  en  la  cort  del  officiai,  tengro 
que  la  vila  se  adhunisca  am  moss.  d'Albi  e  que  hom  obtenga 
aquela  libertat.  E  quant  sus  aquo  de  Johan  Talhafer,  tengro 
que  el  non  era  sufficien  a  tener  lo  offici,  quar  non  ho  sabla  far, 
0  que  hom  ne  aja  I  autre  que  hi  sia  sufficien. 

L'an  dessus,  aXX[  de  raay... 

Sobre  aisso  que  los  senhors  cossols  dissero  que  per  alscus 
bos  homes  era  estât  mogut  que  expedien  foro  que  hom  trame- 
zes  qualque  bos  hom  en  Franssa  per  vezer  se  hom  pogra  aver 
del  rej  neguna  gracia,  e  per  far  passar  la  reparacio  en  Cambra 
de  Comptes,  e  per  motas  d'autras  bezonhas  que  la  vila  ha.  Per 


DÉLIBÉRATIONS  1372-1388  270 

que  los  senhors  cossols  demandero  cosselh  quen  deviau  far. 
Sus  aquo  totz  tengro  que  hom  hi  tramezes  qualque  bos  hom  e 
savi  que  ho  sapia  far. 

L'an  dessus,  a  IX  de  jun... 

Sobre  lo  tractât  que  se  mena  entre  moss.  d'Armanhac  els 
cornus  de  la  vigaria  d'Albi,  de  la  jutjaria  d'Aibeges  e  del  com- 
tat  de  Castras  sus  la  vueja  dels  locxs  de  Thuria,  de  Jenas,  de 
las  Plancas,  de  Rosieiras,  de  Gaycre',  de  la  Bofia,  de  S.  Sir- 
guet -e  de  autres  locxs,  que  moss.  d'Armanhac  ne  vol  gitar 
las  garnisos  de  las  gens  d'armas  que  son  en  los  digs  locxs  e 
vol  proraetre  de  gardar  lo  pays  de  tota  pilharia  per  certa 
soma  de  pecunia  que  hom  Ibi  done.  Fo  aponchat,  en  aquest 
cosselh,  que  los  singulars  tengro  que  se  fassa,  e  remeiro  als 
digs  senhors  cossols  que  ho  fezesso  al  miels  que  poirian.  It. 
sobre  aquo  que  lo  Pauco  demanda  C  carradas  de  viures,  tengro 
que  los  senhors  cossols,  am  cosselh  de  moss.  lo  vicari  de  moss. 
d'Albi,  ne  fasso  so  que  lor  ne  semblara. 

Aug.  Vidal. 
f/1  suivre.) 


*  Comm.   de  Cadix,  cant.  de  Valence  d'AUjigeois. 

^  M.  Ed.  Gabic  a  définitivement  identifie  ces  deux  dernières  localités. 
St-Sirguet  ne  serait  autre  que  St-Girq  ou  St-Cirguet,  cant.  de  Caussade 
(Tarn-et-Garonne),  et  la  Bofîa,  I-altouiïie  ou  St-Paul-de-Labouffie,  cant. 
de  Gastelnau  (Lot).  Cf.  Campaçjntj  de  Gaucher  de  Passac  contre  les  routiers 
du  Sud-Ouest  de  la  France,  dans  Rev.  du  Tarn,  XVIII,  p.  Gl  et  suiv. 


BIBLIOGRAPHIE 


REVUE  DES  REVUES 

Boletin  de  la  Real  Academia  de  la  Historia,  XLVI,  4.  — 
F.  Fila  :  El  jubileo  del  aâo  13U0.  Su  recuerdo  iiioniimental  en  el 
Rosellôn.  Observaciones  sobre  la  métrica  rimada  de  aquel  tiempo, 
p.  301. 

Butlleti    del   Centre     excursionista  de    Catalunya,    XV, 

n"^  120  et  121.  —  J.  Pecanins  :  Fum,  fum,  fiim  y  L'Escolta,  cançons 
populars  catalanes,  p.  21  ;  —  V.  Bosch  :  La  reina  euvejosa,  cançô 
popular,  p.  57. 

Bulletin  du  parler  français  au  Canada,  III,  8.  —  P.  Potier  : 
Façons  de  parler  proverbiales,  triviales,  figurées,  etc.  des  Canadiens 
au  XVIII*^  siècle,  p.  252; —  Lexique  canadien-français (5Ui7e),  p.  256. 

Giornale  storico  délia  letteratura  italiana,  XLV,  2-3.  — 
y.  Pirazzoli  :  Sopra  due  framinenti  poetici  dell'  Ariosto,  p.  315;  — 
li.  Benjadani  :  Nota  suUa  questione  délie  a  Filippiche»,  p.  332. 

Archivio  glottologico  italiano,  XVI,  3.  —  Salvioni  :  Appunti 
suir  autico  e  moderno  luccheso,  p.  395,  —  cremon.  «  scutunuija  », 
lomb.  «rierât»,  p.  477, —  «  bugliôlo,  Li'igno  »,  ven.  «  vanéza  »,  friul. 
«  puinte  »,  p.  487,  —  «  boulanger  »,  p.  516,  —  «  Sauthià  »,  p.  548,  — 
Poésie  in  dialetto  di  Caverguo,  p.  549;  —  Scuiian/jclo  :  11  vocalismo 
del  dialetto  d'Adernô,  p.  479  ;  —  Guarno-'w  :  11  sardo  e  il  côrso  in 
iiua  uuova  classificaziono  délie  lingue  romanze,  p.  491  ;  —  Toppïno  : 
11  dialetto  di  Castelliualdo,  p.  517. 

Revue  de  TUniversité  de  Bruxelles,  X,  5-6.  —  0.  Grojean' 
Notes  sur  quelques  jurons  français,  p.  401. 

COMPTES  RENDUS 

Œuvres  complètes  de  Victor  Hugo,  édition  de  l'Iuiprimerie 
Nationale,  Paris,  Paul  Ollendorff,  grand  in-S"  à  10  fiaucs  le 
volume.  —  Roman,  tome  II;  Théâtre,  tome  III, 

Exécuteur  testamentaire  de  Victor  Hugo,  dont  il  avait   été  pendant 


BIBLIOGRAPHIE  281 

de  très  longues  années  l'ami  intime  et  fidèle,  le  poète  l'aul  Mcurice  a 
beaucoup  fait  —  et  ne  croit  pas  avoir  assez  fait  encore  —  pour  la 
gloire  du  grand  écrivain  qui  a  été  l'honneur  des  lettres  françaises  au 
XIX°  siècle/Après  les  œuvres  posthumes,  après  les  deux  éditions 
dites  définitives,  voici  qu'il  publie  une  édition  nouvelle,  plus  complète 
qu'aucune  des  précédentes  et  qui,  le  cédant  en  luxe  typographique  à 
la  seule  édition  nalioixale,  l'emportera  de  beaucoup  sur  toutes  et  par 
la  correction  de  son  texte  et  par  l'abondance  de  sa  documentation. 
Deux  volumes  ont  paru,  comprenant,  l'un  Notre-Dame  de  Paris,  l'autre 
Marie  Tudor,  Anyelo,  In  Esiaeralda,  Ritij  Blas  et  les  Durgraves. 
L'édition  complète  en  contieudra  quarante,  et  il  en  paraîtra  chaque 
année  de  six  à  huit.  ~\ 

C'estrimprimerie~Nationale  qui  s'est  chargée  dupremier  tirage, el  elle 
a  voulu  se  montrer  digne  de  sa  vieille  réputation(L'impression  a  toute 
la  beauté  grave  qui  convient  à  un  monument  littéraire.  Chaque  œuvre 
est  accompagnée  d'une  sorte  d'album  contenant  :  en  fac-similés,  la 
première  page  du  manuscrit  de  Victor  Hugo  (quand  ce  manuscrit  a 
été  conservé),  les  dessins  que  le  j-oète  y  a  semés  çà  et  !à,  et  la  cou- 
verture de  la  première  édition  ;  —  puis,  des  gravures  enqiruntées  aux 
diverses  éditions  illustrées  ;  — enfin  des  documents  artistiques  fournis 
\)av la  Maison  dcYictor Hurio,  les  archives  de  la  Comédie-F]ançaise,etc7) 

Nous  avons  ainsi  sous  les  yeux,  outre  le  beau  portrait  de  Victor 
Ilugo  peint  par  Devéria  en  1829,  de  curieuses  illustrations  signées 
Tony  Johannot,  Célestin  Nautcuii,  Louis  Boulanger,  RafFet,  Meis- 
sonnier,  Viollet-Leduc,  Brion,  Luc-Olivier  Merson,  Carolus  Duran, 
Roybet,  Rochegrosse.  Les  amis  des  beaux  livres  auront  lieu  d'élre 
satisfaits. 

(yEi  les  lettrés  le  seront  davantage  encore,  car,  si  l'édition  nouvelle 
n'est  pas  vraiment  une  édition  critique,  elle  mettra  du  moins  à  la  dis- 
position des  travailleui's  [)lus  de  textes  nouveaux,  plus  de  variantes, 
plus  de  renseignements  de  toute  soite  qu'ils  ne  se  permettaient  d'en 
espérer ; 

Les  textes  nouveaux  formeront  environ  quatre  gros  volumes,  et  de 
quelle  importance  !  Lettres  à  Juliette,  lettres  à  Louis  Blanc,  à 
M.  Paul  Meurice,  à  Vacquerie,  à  Noël  Parfait,  articles  iné<lits  pour 
LiUéraLure  et  pliilosoplde  mêlées,  etc.,  etc..  Mais  contentons-nous 
d'examiner  les  deux  volumes  parus . 

(pous  le  titre  de  reliquats  {reliquat  de  Ituy  Blas,  reliquat  dos  Misé- 
rahles...)  Victor  Hugo  a  laissé  des  dossiers  pi'écieux  contenant  des 
notes  préparatoires,  des  plans,  des  rédactions  abandonnées,  des 
témoins  variés  de  son  labeur  acharné  et  si  fécond.  Rien  de  plus  ins- 
ti'uctif  que  ces  documents  aujourd'hui  mis  à  notre  disposition  par 
M.  Meurice/"  ; 


282  .  -  BIBLIOGRAPHIE 

Pour  Notre-Dame,  on  possède  environ  vingt-cinq  feuilles,  où  Victor 
Hugo  a  noté  des  traits  de  mœurs,  des  détails  sur  le  vieux  Paris,  les 
divers  noms  qu'il  a  successivement  songé  à  donner  au  sonneur 
(Malenfant,  Mardi-Gras,  Babylas,  Quatre-Vents,  Quasimodo....)  des 
bouts  de  phrases  et  des  images,  qui  n'ont  pas  toujoui's  été  utilisés  pourla 
rédaction  définitive,  et  surtout  deux  canevas  qui,  écrits  côte  à  côte  à  des 
dates  différentes,  constituent  un  inestimable  témoin  de  la  façon  dont 
le  livre  a  été  conçu.  Vers  1828,  eu  effet,  Victor  Bugo  écrit  un  pre- 
mier scénario,  où  le  beau  gendarme  Phœbus  de  Châteaupers  n'existe  pas 
encore,  où  la  Esmerald.i  n'est  aux  prises  qu'avec  "  l'amour  de  l'ai'chi- 
diacre  et  du  sourd  muet  »,  où  Claude  Frollo  fait  intenter  à  l'Egvp- 
tienne  uu  simple  procès  en  sorcellerie.  Vers  1830,  le  drame  se  corse 
dans  un  scénario  complémentaire.  Phœbus  de  Châteaupers  entre  en 
conquéi-ant  dans  cette  sombre  histoire,  et  la  scène  de  nuit  où  Phœbus 
est  poignardé  par  l'archidiacre  est  conçue  de  toutes  pièces.  Mais  la 
chai'])ente  de  l'œuvre  n'a  pas  encore  pris  sa  dernière  forme  :  Jehan 
Frollo  n'est  pas  précipité  du  haut  des  toui-s  de  Notre-Dame,  il  est 
ti-aîtreusemeut  assassiné  dans  le  bouge  d'isabeau  la  Thierrje. 

Quelques  remarques,  qui  ont  plusieurs  fois  été  faites,  sont  confir- 
mées par  l'étude  de  ces  scénarios.  D'abord,  dès  la  constitution  som- 
maire d'un  de  ses  plans,  Victor  Hugo  voit  nettement  tel  ou  tel  menu 
détail  de  l'œuvre  qu'il  s'agit  d'écrire,  et  il  éprouve  le  besoin  de  noter 
tel  ou  tel  trait  qui  sera  plus  tard  mis  en  belle  lumière  :  «  Faut-il  passer 
outre  et  pendre? —  Je  n'y  vois  pas  d'inconvénients,  dit  le  juge.  —  J'en 
vois  beaucoup,  dit  Gringoire.  »  —  «  Quelqu'un  à  sa  place. —  Et  qui? 
—  Vous.  —  Tiens,  dit  Gringoire  en  se  grattant  la  tête,  cette  idée  ne 
me  sei'ait  jamais  venue.  »  Ensuite,  quand  Victor  Hugo  renonce  pour 
une  œuvre  à  l'une  de  ses  inventions,  il  est  rare  qu'il  la  sacrifie  complè- 
tement, il  la  réserve  pour  une  œuvre  postérieure.  Ce  prodigieux  inven- 
teur est  aussi  un  profiteur,  ce  prodigue  est  économe.  On  lit  dans  le 
scénario  de  1830  :  «  Isabeau  la  Thierrj'e.  Phébus  lui  fait  voir  son  poi- 
gnard.—  Jean  livré  mort  à  l'archidiacre  au  lieu  de  Phébus.  La  scène  du 
bord  de  l'eau.  —  C'est  mon  frère  »  ;  on  reconnaît  la  scène  de  Le  Roi 
s'amuse  où  Isabeau,  devenue  Saltabadil,  livrera  à  Claude,  devenu  Tri- 
boulet,  au  lieu  de  Phébus,  devenu  François  P""^  son  frère  Jehan, devenu 
sa  fille  Blanche. 

''"Pour  la  Esmeralda  le  reliquat  nous  gardait  un  scénario    qui  diffère 
beaucoup  de  la  pièce  représentée  et  deux  versions  du  dernier  acte. 

Pour  Ruy  Blas,  on  nous  fait  connaître  une  longue  variante  du  début 
de  la  pièce. 

Pour  Marie  Tudor,  Victor  Flugo  rédige,  du  7  au  10  août  1833,  un 
premier  acte  fort  intéressant,  mais  qui  n'est  qu'une  façon  de  prologue: 
Fabiano  y  commence  à  peine  sa  fortune,  il  n'est  encore  ni  le  favori  de 


BIBLIOGRAPHIE  583 

la  reine  ni  ramant  de  Jane,  l'action  n'est  pas  engagée.  Le  11,  le  dra- 
maturge réfléchit  et  comprend  que  son  premier  acte  n'amorce  pas  suf- 
fisamment l'action.  Le  12,  il  laisse  décidément  de  côté  ce  prologue, 
sauf  à  s'en  inspirer  plus  tard  quelque  peu  pour  l'exposition  de  liuy 
Blas,et,  avec  sa  merveilleuse  souplesse,  il  se  met  à  écrire  le  premier 
acte  définitif.  — (Le  prologue  abandonné  nous  est  donné  tout  entier 
par  M.  Meui'ice". 

j^Pour  les  Burgraves,  on  nous  donne  aussi  un  remarquable  prologue, 
dont  quelques  vers  sont  passés  dans  la  rédaction  définitive  du  diame, 
dont  quelques  autres  traces  étaient  visibles  sur  le  manuscrit  de  la 
Bibliothèque  Nationale,  mais  que  tous  les  lettrés  auront  grand  plaisir 
à  lire  d'un  bout  cà  l'autre.  Et  ce  n'est  pas  tout.  Ce  hardi  chof-d'œuvre 
des  Burgraves  est  un  de  ceux  qui  comportaient  de  la  part  du  poète  le 
j)lus  de  tâtonnements;  à  ces  tâtonnements  nous  assistons  maintenant 
avec  une  curiosité  passionnée.  Nous  voyons  les  rôles  de  Régiua, 
d'Otbert  (primitivement  George)  et  surtout  de  Guanhumara  se  trans- 
former sous  nos  yeux;  nous  nous  demandons  même  pourquoi  Victor 
Hugo  n'a  pas  conservé  une  mystérieuse  et  troublante  scène  entre  le 
Mendiant-Donato  et  Guanhumara.  Le  reliquat  des  Burgraves  est  ainsi 
singulièrement  riche  :  il  ne  forme  pas  moins  de  six  cents  vers  inédit^.  Et 
quand  il  a  achevé  de  nous  le  livrer,  ]\L  Meurice  pose  ces  deux  questions 
importantes  [Thcâire,  111,  p.  615)  : 

«  Ici  se  termin'i  le  manuscrit  préparatoire,  où  le  poète  puisera,  pour 
sou  travail  définitif,  des  vers  ou  des  groupes  de  vers,  des  récits,  des 
scènes  importantes  ébauchées,  d'autres  entièrement  achevées.  On  a  jiu 
observer  cette  façon  suiiérieure  de  procéder  :  composer  le  plan,  le  cor- 
riger, le  compléter,  eu  écrivant  le  drame.  L'action  privée  était  ainsi 
déjà  solidement  établie.  L'action  héroïque,  celle  de  Barberousse,  dont 
il  ne  reste  aucun  brouillon,  était-elle  préparée  de  même? 

«  Autre  question  plus  générale.  Victor  Hugo,  avant  de  s'isoler  pen- 
dant quelques  jours,  comme  c'était  sa  coutume,  pour  écrire  et  pai'a- 
chever  son  manuscrit  définitif,  a-t-il  fait  pour  ses  autres  drames,  sans 
qu'il  en  soit  resté  trace,  ce  même  travail  de  préparation?  et  le  manus- 
crit-brouillon des  Burgraves  a-t-il  été  seul  conservé  parce  qu'il  con- 
tenait des  morceaux  non  employés  qui  valaient  ti'op  pour  être 
détruits  ?  » 

Après  les  dossiers  conservés  par  M.  Meurice,  les  manuscrits 
déposés  à  la  Bibliothèque  Nationale  éclairent  aussi  d'une  vive  lumière 
les  procédés  de  travail  de  Victor  Hugo.  11  est  inutile  que  nous  insis- 
tions sur  ce  point,  puisque  nous  avons  rendu  compte,  ici-même,  des 
deux  remarquables  volumes  de  MM.  Paul  et  Victor  Glachant  :  Essai-' 
critique  sur  le  théâtre  de  Victor  Hugo.ÇSi  le  plan  de  l'édition  nouvelle 
ne  comportait  point  les  innombrables  variantes  relevées  dans  VEssai 


284  BIBLIOGRAPHIE 

critique,  ]M.  Meurice  pouvait  cependant  nous  donner  plus  de  spé- 
cimens choisis  des  corrections  du  poète  que  n'en  contenaient  les  deux 
éditions  définitives,  et  c'est  ce  qu'il  a  fait  avec  raison.  D'ailleurs,  ses 
lectures  différent  parfois  de  celles  de  MM.  Glacliant^_et  les  remarques 
dont  il  accompagne  ses  notes  sont  souvent  précieuses.]  Signalons  un 
simple  détail,  mais  qui  a  bien  son  intérêt.  Dans  leuféTude  svw  Angelo, 
t.  II,  p.  133,  MM.  Glachant  avaient  écrit:  <<  D'après  le  Témoin  de  la 
vie  de  Victor  Hugo  (t.  11),  «le  drame,  dans  son  état  primitif,  avait 
cinq  actes.  La  mort  d'Homodei,  au  lieu  d'être  en  récit,  était  en  action. 
Rodolfo  allait  punir  l'espion  dans  un  bouge  de  bandits,  où  se  mêlaient 
le  vin  et  le  sang.  »  L'on  craignit  que  le  bouge  d'Homodei  ne  fît  tom- 
ber Anrjelo,  comme  le  bouge  de  Saltabadil  avait  fait  siffler  Le  Roi 
s'amuse,  et  Victor  Hugo  se  i-ésigna  à  couper  l'acte.  —  Qu'est  devenu 
ce  curieux  morceau?  Il  n'en  existe  pas  trace  dans  le  manuscrit  de  la 
Bibliolhèque.  Mais  il  serait  bien  étonnant  que  l'auteur  l'eût  détruit.  « 
L'auteui'  ne  l'a  pas  détruit,  en  effet,  mais  ce  curieux  morceau  est  tout 
au  long  dans  le  manuscrit  comme  dans  les  éditions.  11  résulte  des 
explications  de  M.  Meurice  (p.  252  et  257)  que  M""^  Victor  Hugo  a 
visé  la  troisième  journée,  première  partie  ^  ;  seulement  elle  a  employé 
quelques  expressions  inexactes,  et  c'est  ce  qui  a  trompé  MM.  Glachant. 
Je  viens,  sans  m'en  apercevoir,  d'emprunter  un  renseignement  —  et 
combien  en  pourrais-je  emprimter  d'auti-es,  des  plus  dignes  d'intérêt? 
-t-  sl  une  section  non  encore  signalée  de  l'édition  nouvelle.  Chaque 
œuvre  est  suivie  :  1°  d'un  historique  du  livre  ou  de  la  pièce;  2°  d'une 
revue  de  la  critique;  3"  d'une  notice  bibliogia[>hique  ;  A"  d'une  notice 
iconographique.  Pour  les  drames,  on  nous  donne  en  outre  un  tableau 
des  distributions  successives  des  rôles.  De  toutes  ces  indications  les 
curieux  sans  doute  seront  fiùands  et  les  travailleuis  feront  le  pKis 
grand  [)rofit.  Mais  ceux-ci  prieront  M.  Meurice  de  leur  être  de  plus  en 
plus  utile  en  donnant  à  ces  renseignements  une  précision  de  plus  eu 
plus  grancTë7\<  En  1832,  dit"]\L  Meurice,  Notre-Dame  de  Paris  fut 
liubliée  enflais  volumes  au  prix  de  vingt-deux  francs  cinquante,  aug- 
mentée de  trois  chapitres,  dont  le  fameux  chapitre  Ceci  tuera  cela  » 
(p.  450).  Pourquoi  ne  pas  ajouter  les  titi-es  des  deux  auties  :  Impopu- 
larité et  Abbas  beatï  Martini  ? —  Plus  loin,  un  article  du  Journal  des 
Débats  est  signé  N.:  pourquoi  ne  pas  dire  qu'il  est  de  Désiré  Nisard 
et  qu'il  a  été  reproduit  dans  les  Essais  sur  l'Ecole  romantique,  Cal- 
mann-Lévy,  1891,  in-16? —  Pour  beaucoup  d'articles,  le  nom  de  l'au- 
teur et  le  titre  du  journal  sont  cités,  mais  la  date  manque;  une  étude 
de  I\I.  Filon  sur  Marie  Tudor  est  môme  mentionnée  sans  autre  détail, 

1  La  première  journée,  la  dnixiènie  journée  et  les  trois  parties  de  la 
troisième,  voilà  qui  fait  bien  les  cinq  actes. 


! 


BIBLIOGRAPHIE  285 

p.  132:  il  s'agit  d'un  aiticlo  sur  lefi  Drames  de  V/clor  Ilugo  et 
l'Hisloire  d'Angleterre  paru  dans  \c  Journal  des  Vcbats  le  24  déccin- 
bre-1902.   ^ 

/  Oserai-je  adresser  à  M.  Mcurice  deux  autres  demandes?  Victor 
Hugo  est  un  classique  et,  dans  les  éditions,  si  belles  soient-elles,  des 
classiques  les  vers  sont  d'ordinaire  numérotés.  Pourquoi  ne  pas  per- 
mettre aux  historiens  de  la  littérature,  aux  critiques,  aux  philologues 

,  de  citer  Victor  Hugo  avec  la  même  facilité  qu'Homère,  Virgile  ou  Cor- 
neille? 11  n'a  été  jusqu'ici  publié  que  trois  œuvres  en  vers  :  la  Esnie- 
ralda,  Ruy  Blas  et  les  Burgraves  ;  la  petite  réforme  que  je  propose 
est  donc  encore  possible  et  facile.  —  A  coup  sur,  il  serait  moins  aisé 
de  faire  suivre  les  textes  de  l'appareil  complet  des  variantes;  mais  ce 
serait  là  un  tel  enrichissement  de  l'édition,  et  qui  rendrait  aux  lettres 
un  si  grand  service,  que  nous  ne  craignons  pas  d"ap[)eler  sur  ce  point 

[^'attention  du  pieux  éditeur  de  Victor  Hugo. 

Ç  Souhaitons  la  publication  régulière  de  la  très  belle  et  très  utile  édi- 
tion de  l'Imprimerie  Nationale;  nous  tiendrons  d'ailleurs  nos  lecteurs 
au  courant  de  ses  progrès. 

Eugène  R(GAL. 

Paul  Stapfer.  —  Victor  Hugo  à  Guernesey,  souvenirs  personnels. 

Paris,  Société  française  d'Imprimerie  et  de  Librairie,  1905,  in-lG. 

Peut-être  ce  livre,  qui  est  orné  de  nombreuses  et  curieuses  photo- 
gra[)hies  de  Victor  Hugo,  de  sa  famille,  de  Hauteville-House,  mais  qui 
contient  aussi  des  autographes  de  Victor  Hugo  élogieuxpourM.  Stapfer, 
des  photographies  des  élèves  et  d'un  volume  de  M.  Stapfer,  enfin 
celle  du  professeur  de  littérature  française  M.  Stapfer  lui-même, 
—  peut-être  ce  livre  devrjit-il  avoir  pour  titre  :  M.  Sta^ifer  et  Victor 
Hugo  à  Guernesey .  Mais  ma  remarque  n'est  pas  un  reproche,  car,  si 
le  u  moi  »  de  M.  Stapfer  se  montre  volontiers,  il  n'est  pas  haïssable, 
et  tant  s'en  faut,  étant  celui  d'un  homme  d'espi'it,  auquel  vont  natu- 
rellement la  curiosité  et  la  sympathie  de  ses  lecteurs.  D'ailleurs,  ce 
sont  ici  souvenirs  personnels  et,  pour  que  l'auteur  pût  dire  :  Telle 
chose  m'advint  »,  force  lui  était  bien  de  commencer  par  dire  :  <(  J'étais 
ta..  » 

Ces  souvenirs  personnels  nous  étaient  déjà  connus  en  grande  partie, 
car,  parlant  de  Victor  Hugo  dans  plusieurs  de  ses  ouvrages,  M.  Stapfer 
n'avait  pu  se  refuser  le  plaisir  et  l'avantage  de  rappeler  des  conver- 
sations du  poète  lui-même,  de  citer  de  lui  des  jugements  et  d'éclairer 
ses  œuvres  par  ses  déclai'ations  à  demi  confidentielles.  «  J'avais  sou- 
vent eu  l'impression,  dit-il  p,211,  que  l'exilé  de  Guernesey  comptait 
un  peu  sur  mon  intermédiaire  pour  faire  entendre  ses  paroles  en 
France,  et  que,  loin  d'appréhender  mes  indiscrétions,  il  versait  dans 


286  BIBLIOGRAPHIE 

mon  oreille  des  discours  pour  tout  l'univers.  Cet  immortel  a  toujours 
pris  soin  de  la  publicité  de  l'heure  présente  ;  il  ne  dédaignait  nulle- 
ment pour  la  construction  du  temple  de  sa  gloire  la  petite  pierre  cpie 
j'y  [)Ouvais  apportei'.  » 

Mais,  pendant  la  vie  de  Victor  Hugo  ou  au  lendemain  de  sa  mort 
triomphante,  mais  dans  des  ouvrages  de  critique  littéraire  où  l'anec- 
dote ne  devait  se  glisser  que  timidement,  les  souvenirs  de  M.  Stapfer 
ne  pouvaient  se  produire  avec  toute  leur  ampleur,  comme  ils  le  font 
aujourd'hui.  Victor  Hugo  à  Guerjieseij  est  donc,  en  somme,  un  litre 
nouveau,  amusant,  instructif,  après  la  lecture  duquel  l'illustre  exilé 
sera  mieux  connu  et  l'auteur  de  tant  de  chefs-d'œuvre  à  certains 
égards  mieux  compris.  M.  Stapfer,  avec  raison,  a  voulu  présenter  ses 
souvenirs  dans  l'ordre  —  ou  dans  le  désordre,  comme  on  voudra  — 
où  ils  ont  été  recueillis,  et  l'impression  de  vie  et  de  vérité  est  ainsi 
plus  forte.  Mais  il  eût  rendu  service  à  bien  des  lecteurs  en  groupant 
ensuite  dans  un  index  les  hommes  et  les  choses  dont  Victor  Hugo  l'a- 
vait entretenu. 

Eugène  Rigal. 

Emile  Faguet,  de  l'Académie  française.  —  Propos  Littéraires, 
(troisième  sévie\ .  Par is , Société  française  d' Imprimerie  et  de  Librairie 
1905,  in-18, 

La  troisième  série  des  Propos  littéraires  commence  par  des  études  sur 
Malherbe  et  sur  la  Poésie  française  de  1600  à  1620,da.ns  lesquelles  sont 
démêlés  avec  finesse  les  caractères  d'une  période  de  transition,  où,  au 
milieu  d'efforts  très  divers  et  quelque  peu  anarchiques,  l'humanisme 
cependant  s'acheminait  vers  le  classicisme.  —  Puis,  brusquement, 
M.  Faguet  nous  parle  des  deux  Faust,  si  différents,  de  Gœtheet  de 
Leuau  et  caractérise  les  deux  poètes.  —  Enfin,  le  reste  du  volume 
(sauf  le  dernier  article,  consacré  à  Nietzsche,  et  qui  n'ajoute  rien  au 
remarquable  ouvrage,  d'ailleurs  écrit  postérieurement  :  En  lisant 
Nietzsche)  est  consacré  au  XIX"  siècle  français.  Il  y  a  des  articles 
amusants,  et  qui  n'en  font  pas  moins  penser,  sur  un  certain  nombre 
de  poètes  et  de  romanciers,  de  romanciers  surtout  :  Balzac,  Flaubert, 
Anatole  France,  Loti,  Barres,  etc.  Les  plus  importantes  de  ces  études 
ont  été  écrites  au  lendemain  de  la  mort  de  quelques  écrivaius  :  Renan, 
Taine,  Edmond  de  Goncourt,  Guy  de  Maupassant,  Emila  Zola.  Est-il 
utile  d'ajouter  que  ce  ne  sont  pas  des  éloges  ou  des  pamphlets  de 
circonstance?  et  que  les  jugements  de  M.  Faguet,  s'ils  ne  peuvent 
prétendre  à  rallier  toutes  les  opinions,  sont  toujours  sincères,  motivés, 
et  très  dignes  d'un  critique  dont  nous  avons  maintes  fois  signalé  ici 
les  éminentes  qualités. 

Eugène  Rigal. 


BIBLIOGRAPHIE  287 

Henri  d'Alméras.  —  Les  Romans  de  l'IIistoii'e.  —  Los  dévotes  de 
Robespierre.  Catlierine  Théot  elles  Mystères  de  la  Mèie  de  Dieu.  Le 
déisme  et  le  culte  de  la  Raison  pendant  la  Révolution.  —  Paris, 
Société  française  cVintprinierie  el  de  librairie,  1905,  in-lG. 

La  multiplicité  des  titres  que  1\L  d'Alméras  a  donnés  à  son  nouvel 
ouvrage  en  accuse  le  défaut,  qu'elle  a  pour  office  d'excuser,  La  «Mère 
de  Dieu»,  Catherine  Théot,  et  les  pauvres  mystiques  qui  l'entouraient 
méritaient-elles  vraiment  le  nom  de  <<  dévotes  de  Robespierre»  ?  Kn 
tous  cas,  leur  histoire  i'ern[)]issait  mal  un  J((i-<(?  volume.  M.  d'Alméras 
a  commencé  par  l'étendre  en  citant  entièrement  dans  son  texte  des 
documents  qu'il  eût  suffi  d'analyser,  sauf  à  les  joindre  aussi  aux  pièces 
intéressantes  qui  sont  reproduites  dans  l'Appendice.  Il  aensuite  insisté 
sur  les  fêtes  de  la  Raison  et  de  l'Etre  supiême,  où  la  Mère  de  Dieu 
et  ses  fidèles  n'ont  pourtant  joué  aucun  rôle. 

Ajoutons,  pour  être  juste,  que  ce  défaut  a  été  assez  habilement 
pallié  et  qu'un  lien  visible  rattache  ici  les  «les  Mystères  de  la  Mère 
de  Dieu  »,  perfidement  exploités  par  les  ennemis  de  Robespierre,  à 
l'histoire  de  la  gi'andeur  et  de  la  chute  du  dictateur  déiste. 

L'ancien  chartreux  dom  Gerle,  à  la  fois  le  sectateur  et  le  directeur 
spirituel  de  Catherine  Théot,  était  un  ancien  collègue  de  Robespierre 
à  la  Constituante  et  avait  obtenu  de  lui  un  certificat  de  civisme  :  cette 
curieuse  figure  a  été  peinte  dans  le  livre  de  M.  d'Alméras. 

Comme  le  premier  des  Romans  de  V Histoire,  consacré  à  Caglios- 
tro,  celui-ci  montre  jusqu'où  est  allée  la  crédulité  humaine  à  la  fin 
d'un  siècle  qui  avait  tenu  ;',vant  tout  à  être  raisonnable  et  à  combattre 
la  superstition  '. 

E.  R, 

M.  Roustan  et  C.  Latreille.  —  Lyon  contre  Paris  après  1830. 
Le  mouvement  de  décentralisation  littéi'aire  et  ai'tistique.  —  Paris, 
Champion,  1905,  71  pages,  8°. 

Curieuse  étude,  dont  le  titre  et  le  sous-titre  font  bien  pressentir 
lintéiêt.  Après  un  examen  rapide,  mais  animé,  des  revendications 
lyonnaises,  des  Revues,  de  l'Académie,  des  sociétés  littéraires  et 
artistiques  fondées  à  Lyon,  en  un  mot  des  efforts  faits  par  les  vail- 
lants fils  d'une  originale  cité  pour  secouer  le  joug  intellectuel  de 
Paris,  MM.  Roustan  et  Latreille  étudient  successivement  la  musique, 
la  peinture,  la  poésie  et  la  littérature  lyonnaises  après  1830.  Les  mor- 

'  P.  46,  1.  9,  il  faut  sans  doute  lire  firté  au  lieu  de  pitié.  —  P.  135, 
qu'est-ce  que  :  «Je  poussais  de  rage»  ?  —  P.  199,  pouvait-on  dire  que 
«  le  Comité  de  sûreté  générale  s'affirmait  j)ositiviste  »  ? 


288  BIBLIOGRAPHIE 

ceaux  cites  n'ont  pas  toujours  un  accent  bien  personnel  et  prouvent 
que  l'influence  parisienne  s'exerçait  toujours;  mais  il  est  intéressant 
de  voir  ce  que  devenait  le  Romantisme  en  un  tel  milieu  et  quel  était 
pour  cette  pai'tie  de  la  province  le  rôle  d'un  Lamartine,  d'un  Victor 
Hugo  ou  d'un  Béranger.  E.  II. 

R.  Michalias.  —  Rrs  de  lous  Suts,    Amhert,    iinpr.    J.    Mlgcon, 
1904  f  avec  traduction  française). 

C'est  un  recueil  de  vers  en  langage  d'Ambert  qui  présente  un  grand 
intérêt  dialectologique  et  dénote  un  réel  talent  de  poète  sentant  et 
comprenant  la  vie  des  choses  (voir  notamment  la  pièce  de  la  page  01 
sur  la  vie  et  la  mort  des  arbres).  Une  analyse  développant  ces  deux 
points  de  vue  m'entraînerait  trop  loin  :  il  me  suffira  de  dire  que  ces 
clianls  des  montagnes,  reprenant  une  tradition  littéraire  perdue  depuis 
VOme  content  de  Pasturel,  assurent  à  leur  auteur,  —  son  maître  et  ami 
Arsène  Vermenouze  appartenant  à  une  autre  famille  dialectale  — ,  la 
première  place  parmi  les  écrivains  du  paider  d'Auvergne. 

J.   R. 

P.  Roman.  —  Lou  Gai-Sabé.  Antonlouglo  prouvençalo  pèr  l'an  1905. 
1°  annado.  Avignouyi,  Aiihancl  fraire,  1905. 

Cette  anthologie  contient  une  trentaine  de  morceaux  choisis  en  vers 
ou  en  prose,  groupés  sous  quatre  titres  :  lei  troubadour,  lei  Iroubaire, 
lou  flourege,  lei  felibre.  La  plupart  des  pièces,  sauf  celles  des  félibres, 
sont  accompagnées  d'une  notice  biogra[)hique  et  bibliographique  sur 
leur  auteur.  C'est  une  petite  chrestomathie,  commode  et  élégamment 
publiée,  qui  permettra  aux  amateurs  de  parcourir  à  grandes  enjambées 
et  sans  fatigue  la  littérature  provençale  eu  commençant  par  Bortran  de 
Born  pour  finir  par  Marins  Pelabon. 

J.    Angîade.  —  Deux    troubadours    narbonnais    :    Guillem    Fabre, 
Bernard  Alanhan.  Narhonne,  F.  Caillard,  1905,  in-8",  35  p. 

Cette  brochure  de  notre  coUaborateiu'  est  une  étud3  consacrée  à 
deux  compatriotes  —  et  deux  contemporains  —  de  Guiraut  Riquier. 
Les  documents  sont  assez  abondants  sur  le  premier  ;  il  n'en  est  pas 
de  môme  du  second,  dont  le  nom  n'apparaît  pas  dans  les  documents 
narbonnais  de  l'époque.  Les  textes  des  poésies  sont  publiés  avec  tra- 
duction et  commentaire.  A  propos  iïavalssa,  qui  se  trouve  dans  B. 
d'Alanlian,  M.  A.  propose  de  le  rattacher  au  latin  uascus,  a,  uni. 

Le  Gérant  responsable:  P.  IIamelin. 


GOiNTENANGES  DE  TABLE  EN  VERS  PROVENÇAUX 


A  M.   Frédéric  BRAUN 

14.  IL  1905 


Il  y  a  Iongtem[)S  que  j'avais  copié  à  Florence  le  petit  poèn.e  didacti- 
que ^  qui  suit  et  que  j'en  avais  promis  la  reproductiou  à  la  Revue  des 
langues  romanes.  L'édi.tion  de  M.  L.  Biadene^  (ainsi  que  le  compte 

'  Je  préfère  ce  terme  français  à  1'»  Ensenhamen  »  provençal,  qui 
s'appliquait,  à  ce  qu'il  paraît,  à  des  compositions  didactiques  d'un 
caractère  spécial.  V.  J.  BaUie.  Der  Begrifl  des  provenzalischen  «  Ensen- 
hamen/>,  dans  VArcliiv  fur  das  Studium  der  neueren  Sprachen,  vol.  113 
(1904),  p.  394  ss.;  cf.  W.  Bohs,  l'introduction  à  son  édition  du  poème  de 
Rainion  Vidal,  Abrils  issi'  e  maijs  intrava,  dans  les  Romanische  For- 
schiingen,  XV,  1,  p.  204  ss.  Sur  la  littérature  des  «  Ensenhamen»  v. 
aussi  l'article  de  Ramiro  Ortiz,  Il  «  Reggimento  »  del  Barberino  ne'  suoi 
rapport!  colla  letteratura  didattico-morale  degli  Ensenhamen,  Zeitscitr. 
fur  roman.  PhiloK,  vol  XXVIII  (1904),  p.  550  ss.  et  679  ss.—  Nos  Conte- 
nances ont  reçu  de  M.  Biadene  (v.  ci-dessous)  le  titre  suivant:  Com  hom 
se  deu  tener  a  taula.  —  Les  questions  de  ce  genre  ont  été  traitées  souvent 
dans  la  littérature  du  moyen-àge.  Toute  une  série  des  «  Contenances  » 
en  prose  et  en  vers  nous  a  été  signalée  par  K.  Weinhold,  Die  Deutschen 
Frauen  im  Mittelalter^,  I  (1882),  p.  160  ss.;  ajouter  le  teste  latin  publié 
par  M.  Biadene  (ms.  Ambrosianus  95  Sup.  c.  33r-v)  qui  n'est  qu'un 
remaniement  du  poème  publ.  par  M.  Novnti  (Carmina  medii  aevi  p.  49), 
le  texte  italien  imprimé  dans  la  Rivisfa  di  filol.  rom.  11,45  ss.,  un  autre 
signalé  dans  la  ZsfrPh,  III,  126,  Chastiement  des  dames  de  Robert  de 
Biais  (v.  Méon,  Fabliaux  et  contes,  Paris  1808,  II,  p.  184  ss.)  ;  v.  aussi 
Montaiglon,  Recueil  de  poésies  franc.,  I,  ?•  186;  Domostroï  (Ménager) 
russe  du  XVI  s.  (Etudes  critiques  sur  le  D.  de  /.  Nekrasov,  Tchteniya 
Obchtchestva  istorii  i  drevnosteï  ross.,  1872,  II,  p  i  ss..  A.  Mikhaïlov, 
Journal  du  Ministère  de  l'Instruction  publ.,  1889,  II,  p.  294  ss.,  111,  p. 
125  ss.;  ibd.,  1889,  VI,  P-  372  et  1890,  VIII,  p.  332  ss.  Sur  les  «Conte- 
nances »  suédoises  v.  H.  Schùck,  Svensk  literaturhistoria,  (Stockh.  1890) 
I,  p.  352  ss. 

*  Il  a  été  signalé  pour  la  première  fois  par  M.  P.  Meyer,  qui  en  a 
imprimé  de  petits  fragments,  v.  Romania  XIV  (1885).  p.  519. 

^  Cortesie  da  tavola  in  latino  e  in  provenzale.  Nozze  Cassin-D'Ancona. 
Pisa  XXI  gennajo  MDCCCXCIII. 

19 


290   CONTENANCES  DE  TABLE  EN  VERS  PROVENÇAUX 

rendu  qu'en  a  donné  M.  Tohler^)  m'avait  échappé  alors.  Je  n'ai  eu 
connaissance  de  ce  travail  qu'après  avoir  mis  la  dernière  main  à  mon 
texte'.  J'espère  qu'on  voudra  bien  excuser  cette  inadvertance  en  pen- 
sant qu'il  est  difficile  de  se  tenir  au  courant  des  publications  de  ce 
genre. 

Si  je  me  permets  de  remplir  la  promesse  faite  à  la  Revue  des 
Langues  Romanes,  en  pul)liant  un  texte  déjà  mis  au  jour,  c'est  que  je 
pense  que  la  nouvelle  reproduction  de  ce  petit  document  littéraire 
pourra  être  utile,  les  «  Cortesic  »  de  M.  Bladene  étant  peu  accessibles 
et,  par  conséquent,  peu  connus.  ■^ 

V.  Chichmarev 

1.   Quan  tu  a  la  taula  seras,  fol.  16  v°. 

la  vianda  tu  senharas. 

Avan  que  manges  pensaras 

dels  paoures  e  los  serviras, 
5.    que  a  Dieu  deu  donar  la  flor 

de  son  condug,  da  la  milhor, 

c'  aysel  servir  Dieus  vol  en  grat 

2.  ms.  scnhasras.  —  4.  M.  P.  Meijer  imprime:  paures  ;  je  garde 
la  gra[ihie  du  ms.,  où  Vou  représente  Vu  de  la  diphtongue  au,  confor- 
mément à  l'usage  du  temps  ;  v.  P.  Meijer,  Mémoires  de  la  Société 
de  linguistique,  1,  p.  157,  et  \V.  Miishache,  Geschichtliche  Entwicke- 
lungder  Mundart  von  Montpellier,  Heilbroun,  1884,  p.  42.  —  5.  Corr.: 
que  a  Dieu  deu  [hon]  donar  la  flor. ...  ou  :  que  a  Dieu  deu[s].  ...  de 
ton  condug?  M.  Biaden".  intercale  hoti  et  traduit  les  vv.  5  et  ss.  :  chè 
a  Dio  si  deve  dare  la  parte  più  scelta  del  projirio  cibo,  la  migliore, 
chè  quel  serviie  Dio  ha  a  grado  più  che  non  il  rilievo.gli  avanzi,  délia 
mensa.  —  7.  Corr.  avec  M.  P.  Meyer  :  col  en  grat  ? 

*  A  rcJiiv  fiir  das  Stiidium  der  neucren  Sprache?i,  vol.  90  (1893),  p.  326  ss. 

*  J'exprime  ici  ma  plus  vive  reconnaissance  à  M.  Pio  liajna,  qui  a  bien 
voulu  me  communiquer  son  exemplaire  des  «  Cortesie  ». 

*  Sur  les  détails  techniques  des  Contenances  v.  A.  Schultz,  Das  hôfische 
Leben  im  Mittelalter;  M.  Bartsch,  Die  Formen  des  geselligen  Lebens  im 
Mittelalter,  dans  ses  Gesammelte  Vortriige  und  Aufsiitze,  Freiburg  i.  B, 
TUbingen,  1883,  p.  272  ss.;  Mûller,  Die  tàglichen  Lebensgewohnbeiten  in 
den  altfranzôsischen  Artusromanen,  Marburg,  1889  ;  ^.  Franklin,  La  vie 
privée  d'autrefois  —  Les  repas,  Paris,  1889;  Laura  Torretta,  Il  «  Wâscher 
Gast  »  di  Tommasino  di  Celclaria  e  la  poesia  didattica  del  secolo  XIII, 
dans  les  Studl  rnedievali,  vol.  I  (1904),  fasc.  1,  p.  35  ss. 


CONTENANCES  DE  TABLE  EN  VERS  PROVENÇAUX   291 

plus  que  non  fay  del  relevât. 

E  quant  a  taula  maniaras, 
10.   de  trop  rieyre  ti  gardaras, 

car  tost  homs  si  faj  escarnir 

en  tôt  luoc  hon  el  vol  trop  rir. 

Non  comens  premier  a  maniar, 

tro  autre  veias  comensar. 
15.  Non  vullias  a  sobre  parlar 

sobre  taula  a  ton  maniar, 

quar  faj  si  hom  tenir  per  fol 

e  cuia  hom  que  vin  Tafol. 

Bon  guardar  fay  am  qui  maniaras 
20.   e  con  captenir  ti  deura?, 

car  sil  honras  el  t'  onraraf^n] 

de  so  que  davan  lur  tenran. 

Ni  non  vullias  trop  enconb[r]ar 

sobre  taula  a  ton  maniar, 
25.   que  semblarie  fosas  glot 


8.  relevât  —  n'est  pas  dans  Raynouard  {Lexique)  ;  le  mot  doit 
avoir  ici  le  sens  de  Fit.  rilievi,  fr.  reliefs,  prov.  releu,  cf.  la  note  de 
M.  P.  Meyer.  —  10.  rieyre,  v.  Mistral,  Lou  trésor,  s.  v.  rire  :  reire, 
en  rouerg.  moderne  ;  reire,  rieire.  —  12.  ms.  trupiri.  M.  P.  Meyer 
imprime  :  crupir,  en  marquant  le  mot  d'un  point  d'interrogation. 
M.  Biadene  garde  :  crupir,  leçon  du  ms.,  et  l'explique  par  ((  avvilii'si  » 
(marqué  d'un?).  Mais  cet  «  avvilir.si  »  est  loin  de  donner  au  passage 
un  sens  satisfaisant.  Du  reste,  l'explication  paraît  ne  pas  satisfaire 
M.  Biadene  lui-même.  J'accepte  la  correction  (trop  rir)  proposée 
par  M.  Tabler,  qui  est  très  simple  et  donne  un  sens  bien  meilleur. 
—  17.  ms.  quan.  M.  P.  ilfet/er  préférerait  :  qu'auz.  — •  19.  Sur  la 
locution  :  fay  bon,  fr.  fait  bon,  v.  Tabler,  Vermischte  Beitriige  zur 
franz.  Grammatik,  Leipzig,  1886,  p.  179  ss.  —  21.  ms.  tonrara  ou 
tenrara  ?  — 23.  ms.  enconbar. —  25.  semblarie.  Notre  texte  nous 
oifre  plusieurs  exemples  de  l'affaiblissement  de  ia  en  ie  :  v.  tenrie 
30,  poyrie  51,  Normandie  61.  La  Vie  de  Ste  Marguerite  et  Lo  Gar- 
dacors  que  contient  le  même  ms  florentin,  offrent  tonte  une  série  de 
formes  analogues:  crezie  à  coté  de  benezia,  sie —  sia,  vie  -  via, 
Marie  —  Maria,  Lucia,  etc.,  nous  rencontrons  aussi  sien  à  côté  de 
sian,  tenrien,  etc. 


292   CONTENANCES  DE  TABLE  EN  VERS  PROVENÇAUX 

e  d'ayso  esser  escarnit  tantost. 

Ni  digas  (ges)  :  «  D'ayso  vuel  maniar  », 

mas  d'aquo  que  ti  voiran  dar. 

Ni  (non)  digas  ges  :  «D'ajso  [non]  vuelh  », 
30.   que  tenriet  o  liora  as  erguelh, 

mas  cubri  gent  si  not  sap  bon,  fol.  17  ?'° 

digas  que  tôt  es  bel  e  bon. 

Ni  [non]  digas  :  «  Aj  per  engal  », 

qui  que  partisca  ben  ho  mal. 
35.   E  garda  sobre  ton  maniar, 

non  vulhas  en  l'autruj  badar. 

]Ni  non  ti  vuelhas  escaudar 

ta  boca,  (per)  cochos  de  maniar, 

que  vergonha  es  de  retrayre 
40,  mosels  que  veia  hom  atrayre. 

Jamays  non  vulhas  comensar 

de  vin  heure  ans  el  maniar. 

Laysa  comensar  lo  milhor 

e  aysi  tu  auras  lauzor. 
45.  Tos  vestimens  vuelhas  gardar 

que  non  calha  de  maniar, 

que  cant  tos  vestimens  en  layses, 

2G.  ms.  escarnit  ou  e?carnir?  Corr.  :  d'ayso  ers  esc. t.?  ou,  comme 
le  propose  M.  Biadene  :  e  d'ayso  escarnir  t'an  tost  il  y  a  beaucoup 
d'exemples  de  cette  forme  décomposée  du  futur  en  ancien  piovençal. 
—  29.  ms.  Ni  non  digas  ges  d'ayso  vuelh.  —  31.  ms.  non.  —  33. 
ms.  per  golut.  Per  engal  —  est  la  correction  proposée  par  M.  Pio 
Rajna.  La  copie  de  Pierre  de  Serras  donne  :  Ni  digas  non  ay  etc., 
mais  le  manuscrit  original  poi'tait,  probablement,  —  «  Ni  non 
digas  »  etc.,  qui  aura  contribué,  eu  ce  cas-là,  à  l'altération  du  v.  29- 
40.  mosels,  cf.  mocel  50  et  tesor  72,  où  le  groupe  rs  protonique 
s'est  réduit  à  s.  —  42.  ms.  en  sel  maniar.  M.  Biadene  met  une  vir- 
gule après  maniar.  —  44.  ms.  E  aysi.  M.  Biadene  lit  :  c'aysi  et  cor- 
rige: que  avsi.  —  46.  Corr.  :  y  calha  del  maniar?  Du  reste,  le  vers 
n'est  pas  très  clair.  M.  Tabler  propose  de  corriger  —  no  i  caia.  Sur 
calhar  (coagulare)  v.  A'.  Slichel,  Beitiâge  zur  Lexicographie  des 
altprovenz.  Verbums,  Marburg  1890  =  Ausgab.  &  Abhandl.  hrsgb. 
von  K.  Stengel,  Lxxxvi,  p.  24  ;  Stimmlng,  Bertran  de  Born,  2,  30 
note;  Chabaneau,  Revue  des  langues  romanes,  ix,  p.  203.  —  47.  ms. 
Que  cane. 


CONTENANCES  DE  TABLE  EN  VERS  PROVENÇAUX   293 

ben  es  senhal  que  lag  te  payées. 

Ni  ia  non  vullias  per  ton  grat 
5').    heure,  trol  mocel  aias  pasat, 

car  mal  Icu  pojrie  avenir 

d'est[r]anguolhar  e  de  morir. 

Ni  ia  non  vulhas  convidar 

ni  de  heure  ni  de  nianiar 
55.    [s]els  que  a  la  taula  seran, 

car  he  leu  a  mal  so  tenran, 

si  donc  de  costa  non  ti  se. 

Ni  non  tencgas  enap  pel  pe, 

car  non  pot  hom  tan  gen  pauzar 
60 

Ni  non  vulhas  heure  nulha  via 

a  costuma  de  Normandie, 

car  ellos  heuran  a  una  taula 

sinquanta  ves  ses  tota  faulha.     fol  17  v° . 
65.   Suau  heura?,  auzaut  e  gent, 

non  a  signe  de  motas  gens 

que  heven  ara  gola  hadada, 

la  goria  par  que  aion  trencada. 

A  r  enap  non  vulhas  toccar, 
70.   quant  seras  plens  de  hon  vin  clar, 

50,  Le  copiste  a  mis  au  commencement  des  vv.  50-61  des  paroles 
qui  se  trouvent  au  commencement  des  vv.  52-62,  et  qu'il  a  biffées 
ensuile.  Au  v.  60,  qui  manque  dans  notre  texte,  correspondent  les 
paroles  Si  donc.  Appartenaient-elles  vraiment  à  ce  vers?  Il  est  bien 
plus  probable  que  ce  Si  donc  ait  été  mis  tout  simplement  par  erreur, 
puisqu'il  se  trouve  au  v.  55  à  côté  de  Ni  non  au  vers  suivant,  de  même 
qu'au  V.  58  à  côté  de  Ni  non  au  v.  50.  —  50.  Le  vers  est  trop  long. 
M.  Tabler,  en  s'appuyant  sur  le  vfr.,  propose  de  lire:  mors, au  lieu  de 
mocel.  —  55.  ms.  els,  sels  est   eu  marge.  —  57.    Le  sens   n'est  pas 

bien  clair  :  «N'invite  pas ,  excepté  ceux  qui  seront  assis  à  côté  de 

toi»?  —  58.  ms.  tencgas  en  appelpe.  —  59.  Corr.  :  nol  pot?  —  61. 
ms.  penre.  M.  Biadene  garde  la  leçon  du  ms.  —  65.  auzaut,  cf.  le 
v.  84.  La  diphthongne  au  de  la  première  syllabe  s'est  développée 
sous  rinfluence  de  celle  de  la  seconde.  —  67.  ms.  :  verien  am  gola  ; 
—  69.  ms.  A  leuar.  M.  Tabler  corrige  :  A  l'enap.  M.  Biadene  irn- 
piime  :  A  levar. 


294   CONTENANCES  DE  TABLE  EN  VERS  PROVENÇAUX 

am  tos  det  grases  ni  honglas, 

tro  al  tesor  los  aias  torcat  ; 

ni  am  la  man  que  sie  orezada 

non  bevas,  tro  Taias  torcada. 
75.   E  quant  lo  vin  voiras  levar, 

non  vu'has  las  hongîas  ficar, 

que  si  la  hongla  es  ficoza, 

elasera  enverinosza. 

De  cals  ti  vuelh  ieu  castiar 
80.  que  non  los  vulhas  lag  maniar, 

an[z]  los  prenguas  cortesamens 

an  los  très  det  tan  solaraens. 

De  sopas  quant  maniaras, 

auzaut  e  gent  ti  pajseras, 
85.    e  sien  ben  amezuradas, 

que  non  las  mordas  dos  vegadas. 

Ni  ia  no(n)  t(i)  fasas  escarnir 

nulh  temps  per  masal  cajs  implir, 

ni  non  i  metas  per  mon  grat, 
90.   tro  l'autra  n[on]  aias  passât. 

E  beuras  ton  vin  ben  temprat 

que  non  fasas  parlar  de  fat  : 

la  colpa  non  es  ges  del  vin, 

mas  de  tu  quel  baves  (en)aysi.     fol.  18  r°. 
95.   Motas  vegadas  li  ven  dol 

qui  vol  beure  a  tôt  son  vol, 

71.  honglas  (  :  torcat)  =  honglatz  —  ongle.  M.  Tobler  propose 
de  lire  :  onchas  =  onchatz.  —  77.  ms.  sicoza.  —  78.  ms .  enveri- 
noszo.  —  79.  cals  —  n'est  pas  dans  le  Lexique  roman.  C'est  le 
lat.  coagulum  (cf.  it.  caglio,  qualio,  gaglio,  etc.).  E.  Levy,  Proven- 
zalisches  Supplément- Wôrterbuch:  calh  :=  saure  Milch,  Quarkkaese, 
V.  Mistral,  calh,  cai  =  matière  coagulée,  partie  caséeuse  du  l^it, 
lait  caillé  ;  matière  qui  sert  à  faire  cailler  le  lait,  présure.  —  81 . 
ms.  an  los.  —  83.  ms.  sopar.  Sopa  —  soupe,  sont  des  tranches  de 
pain  destinées  à  être  trempées  dans  le  bouillon  (V.  G.  Paris,  Ro.  x, 
p.  60;  Littré,  Dictionnaire),  cf.  esp.  ptg.  sopa,  l'it.  zuppa  =  pane 
intinto  nel  vino  ou  pane  intinto  in  qualsivoglia  altro  liquore,  minestra 
fatta  di  pane  messo  nel  brodo  (Fanfani).  —  88.  ms.  masas  cays.  — 
92.  ms.  denfans.  Corr.  :  de  fat  ou  en  fat? 


CONTENANCES  DE  TABLE  EN  VERS  PROVENÇAUX  295 

la  non  vulhas  nulh  temps  parlar 

am  lo  cay  plen  de  to  maniai', 

e  garda  que  non  t(i)  esca  vent 
100.   de  nulha  part  ton  ejsient, 

la  non  vulhas  ton  nas  torquar 

am  la  man  nuza  ni  mocar. 

En  aital  luoc  tu  ti  cejras 

que  ia  vergonha  non  auras 
105.   que  diga  hom  :  «  d'aqui  levas!  » 

e  (ti)  i  sejras  quan  (que)  plus  onrat. 

Mezura  es  bona  per  tôt 

e  a  taula  sobre  que  tôt, 

car  sel  que  masa  maniara 
110.   lo  cors  e  l'arma  nafrara  : 

lo  cors  per  so  quar  se  fendra, 

l'arma  per  so  car  peccara. 

Non  ti  oblides  per  ton  gran  ben, 

si  as  amor  de  Dieu  ni  fe. 
115.  A  Dieus  lauzor  deias  donar 

can  de  taula  voiras  levar. 

Tôt  homs  ejsemple  penra  en  te 

de  laysar  mal  e  faran  ben. 

Amen. 

100.  ms.  eysient,  M.  Biadene  :  ensient.  —  105.  levas  =  levatz, 
M.  Biadene  corrige:  levât.  —  111.  ms.  fordra  ou  fondra?  J'accepte 
la  conjecture  de  M.  Pio  Rajna  proposée  à  M.  Biadene.  —  115.  ms. 
en  tu,  cf.  le  v.  94. 


UNE  VARIANTE  ALLEMANDE 


«  APRES    LA    BATAILLE  » 


Victor  Hugo,  passé  au  rang  des  classiques,  subira  de  plus 
en  plus  leur  sort  commun  :  son  œuvre  s'augmentera  de  com- 
mentaires et  d'appendices,  et  un  jour  viendra  où  les  écrits  de 
ses  interprètes  formeront  une  bibliothèque,  comme  il  est 
arrivé  pour  Dante,  Shakespeare  et  Gœthe.  On  recherchera 
les  sources  de  son  inspiration,  on  établira  des  rapprochements  : 
on  le  fait  déjà,  et  en  vérité  cette  érudition  est  le  meilleur 
hommage  rendu  au  génie.  Tout  ce  travail  m'encourage  à 
reproduire  un  récit  que  j'ai  rencontré  dans  le  Livre  allemand 
de  lecture  pour  les  écoles  bourgeoises  et  populaires  du  D""  Karl 
Wagner  :  La  bouteille  à  demi-pleine. 

«  Dans  une  guerre  entre  la  Suède  et  le  Danemark,  un  Alle- 
mand de  Flensburg,  ville  qui  appartenait  alors  aux  Danois, 
avait  pris  part  comme  simple  soldat  à  une  bataille  où  les 
Danois  avaient  eu  la  victoire.  Après  le  combat,  placé  en  sen- 
tinelle, il  avait  obtenu,  non  sans  peine,  une  bouteille  de  bière 
pour  étancher  sa  soif  brûlante.  Comme  il  la  portait  à  sa  bou- 
che pour  se  restaurer,  tout  près  de  lui  retentit  l'appel  suppliant 
d'un  Suédois  qui,  privé  de  ses  deux  jambes,  demandait  avide- 
ment à  boire.  Cédant  à  la  compassion,  notre  guerrier  se 
penche  vers  celui  qui  l'implorait,  et,  oublieux  de  sa  pro[)re 
souffrance,  lui  tend  la  pleine  bouteille.  Au  même  instant,  le 
perfide  Suédois,  pour  assouvir  une  dernière  fois  sa  haine 
nationale  contre  les  Danois,  dirige  un  pistolet  sur  son  doux 
bienfaiteur.  Mais  celui-ci  a  le  Seigneur  Dieu  pour  bouclier  : 
l'arme  rate.  L'Allemand  saisit  tranquillement  la  bouteille,  boit 


UNE    VARIANTE   ALLEMANDE  597 

la  moitié  du  contenu,  et  la  tend  au  mourant  désarmé,  en 
disant  :  Maintenant  tu  n'auras  que  la  moitié.  Pour  cette  raison, 
les  descendants  du  brave  homme  portent  dans  leurs  armes  une 
bouteille  à  demi-pleine  »  '. 

En  Allemagne,  il  serait  possible  de  retrouver  la  source  et 
de  déterminer  l'authenticité  historique  de  cette  anecdote  qui 
paraît  tout  d'abord  une  variante  d'Api^ès  la  Bataille,  le  mor- 
ceau si  connu  de  la  Légende  des  Siècles  ;  mais  la  priorité  de  la 
forme  allemande  ne  prouverait  point  que  Victor  Hugo  Tait 
imitée.  Dans  toutes  les  armées  européennes,  des  exemples 
analogues  de  compassion  pour  les  blessés  sont  nombreux,  et 
l'un  ne  fait  point  de  tort  à  l'autre.  L'idée  de  punir  le  traître 
en  réduisant  sa  part  est  un  mouvement  d'humeur  naturel  chez 
un  simple  soldat.  Mais  nulle  part  comme  à  la  guerre  ne  se 
dessine  avec  vérité  le  tempérament  de  chaque  peuple  :  la 
bonhomie  elle-même  des  races  du  nord  s'y  nuance  très  diver- 
sement. Le  soir  de  Vitoria,  le  caporal  anglais  Lawrence  ren- 
contre un  blessé  français  auquel,  comme  au  Danois  de  Flens- 
burg,  un  boulet  avait  enlevé  les  jambes.  Le  malheureux, 
craignant  d'être  tourmenté  par  les  Espagnols,  supplie  le 
caporal  de  ne  pas  l'abandonner.  Lawrence  consent  à  lui  tenir 
compagnie  «mais  aussi  longtemps  qu'il  le  juge  bon»,  et 
aussitôt  pense  à  bien  employer  son  temps.  Il  fouille  le  sac  du 
mourant,  y  trouve  un  morceau  de  porc  cuit  et  trois  ou  quatre 
livres  de  pain.  Il  découpe  un  peu  de  pain  et  de  viande  qu'il 
laisse  au  Français  et  prend  le  reste.  Sur  les  sept  dollars  espa- 
gnols et  les  sept  shillings  que  le  blessé  avait  dans  sa  poche, 
il  lui  rend  un  shilling  et  repart  rejoindre  sa  compagnie. 
Lawrence  est  un  excellent  homme,  mais  il  n'oublie  jamais  son 
intérêt,  qu'il  s'agisse  de  sa  bourse  ou  de  son  estomac-. 


'  Deutsches  Lesehuch  fur  Biirger  iind  Yolkschulen,  v.  Dr.  Karl 
Wagner,  23=  éd.,  Stuttgart,  1873,  p.  89.  —  P.  105-107,  l'on  a  une 
narration  assez  longue  portant  sur  les  privations  que  les  soldats 
prussiens  s'imposaient  pour  désaltérer  les  blessés  autrichiens,  le  soir 
de  la  bataille  de  Nachod  (27  juin  1866). 

2  Les  Mémoires  d'un  grenadier  anglais  (1791-1867),  traduits  par 
Henry  Gauthier-Villars,  ont  paru  dans  la  Revue  hebdomadaire,  année 
1897. 


298  DE   «  APRÈS  LA  BATAILLE  » 

Le  ton  du  récit  allemand  n'a  rien  de  l'allure  épique  et  che- 
valeresque de  la  Légende  :  c'est  celui  d'une  Morale  en  action. 
Mais  procéder  à  une  comparaison  terme  à  terme  de  deux 
pages  d'un  caractère  si  différent,  serait  imposer  à  soi  et  au 
lecteur  un  labeur  stérile. 

Ferdinand  Castets. 


DISCOURS 

PROUNOUNCIA  AU   FE3TENAU  DE  SANTO-ESTELLO 

lou  i2  de  jun  1905 

EN  Arle 


Gènti  Dono  e  car  Felibre, 

Eici  sian  dins  la  noblo  ciéuta  d'Arle,  au  mitan  d'aquelo 
planuro  superbo  qu'es  lou  caire-fourc  soubeiran  di  pople  latin, 
lou  nous  ilustre  d'aquéli  grand  camin  de  meraviho  qu'espan- 
diguèron,   autre-tèms,  la  civilisaeioun  et  lou  renoum  dis  àvi. 

Arle!  Gallula  lloma  Arelas  !  Vilo  de  Constantin,  capitaio 
de  la  Pas  Roumano  !  Es  la  leiçoun  de  ti  rouino  passade  e  de 
toun  nouvelun  prssènt  que  venèn  teta  vuei  coume  lou  la  de 
nosto  raço. 

Gerto,  Midamo,  lis  ensignamen  d'Arle  mancon  pas,  e  lou 
proumié  de  tôuti  es  aquéu  de  la  Bèuta.  Despièi  lis  antiqui 
Venus  e  li  dansairis  de  pèiro  que  fan  l'amiracioun  dôu  mounde, 
enjusqu'i  chato  inmourtalisado  pèr  Mirèio,  la  tiero  est  ramudo 
e  flourido,  di  rèino  de  belesso  qu'enlusiguèron  aqueste  pais 
prestigious.  Arle,  «  ove'l  Rodano  stagna»,  coume  dis  lou 
grand  Dante;  Arle,  ounte  lou  Rose  s'espalargo,  pèr  veni,  dins 
soun  amplitude,  «embrassa  l'iscle  inmènse  de  Camargo», 
Arle  es  la  terre  d'elèi  de  tôuti  li  pantai  d'alegranço  e  de 
malancounié,  e  lou  mai  agradiéu  di  pres-fa  sarié  seguramen 
de  segre  emé  vautre  un  d'aquéli  draiôu  de  délice  esperitau 
que  van  dôu  Teatre  antique  esbarlugant  de  lumière  à  la  pre- 
feundo  douceur  d'un  calabrun  is  Aliscamp. 

Mai,  vuei,  vous  n'en  demande  escuso,  es  une  leiçoun  un  pau 
sévère  bessai,  mai  necite  à  nèstis  amo,  une  leiçoun  d'enavans 
e  de  fe  que  venèn  cerca  dins  l'istôri  d'Arle. 

La  grand   planuro   roudanence   que,   de  Nimes   à-z-Ais  e 


300  DISCOURS  PROUNOUNCIA 

d'Aurenjo  à  Marsiho,  servo  li  soubro  li  mai  estounanto  di 
tèms  passa,  aquéu  centre  geoulougi  dôu  «  Bacin  prouvençau  » 
que  li  serriero  ceveneso  e  lis  Aup  dôufinenco  e  niçardo  enclau- 
son  coume  un  nis  de  perfum  e  de  joio,  aquéu  mesouioun  de 
la  naciounalita  prouvençalo  a  jouga  dins  Tistôri  di  Gaulo  un 
rôle  capitau. 

Emé  lou  Bacin  de  Toulouse  e  lou  Bacin  de  Paris,  lou  Bacin 
d'Arle  es  l'un  di  très  grand  centre  pouliti  que  se  disputon  au 
courrènt  di  siècle  la  prepoutènci  en  Gaulo,  es  l'un  di  très 
grand  pôle  d'atracioun  di  pople,  l'un  di  très  grand  fougau 
ounte  s'atubon  à-de-rèng  li  reneissènço  e  s'ourganisou  li  forço 
vivo  di  civilisacioun. 

La  Naturo  ansin  l'a  raarca,  e  l'Istôri  ansin  lou  counfiermo. 

De  tout  segiir,  lou  passât  de  tôuti  li  terraire  nostre  s'amerito 
l'estùdi  e  l'afecioun,  car  lôuti  an  vist  se  debaiia  de  triounfle  e 
de  mau-parado,  et  tôuti  aboundon  en  ensignamen  souciau 
fruchié.  Mai  l'on  pou  dire  que  lis  evenimen  essenciau,  aquéli 
qu'an  muda  prefoundamen  lou  destin  di  pople  de  la  Gaulo, 
de-longo  an  agu  pèr  fougau  aquéli  très  centre  pouliti  majour  : 
lou  païs  d'Arle,  Toulouso,  Paris. 

Es  pas  besoun  de  faire  d'alôngui  pèr  rapela  l'empèri  de 
Toulouso  au  tèms  di  Vesigot,  e,  plus  tard,  emé  la  dinastio 
naciounalo  di  poupulàri  Comte  Ramoun,  que  segnourejavon 
sus  quasimen  tout  lou  Miejour.  L'impourtariço  istourico  de  la 
planuro  roudanenco  es  encaro  mai  esclatatito  :  capitalo 
au  tèms  di  Rouraan,  Arle  demoro  pièi  long-tèms  la  capitalo 
ideiouso  de  l'ideious  Reiauœe  d'Arle.  Lou  Bacin  d'Arle  vèi 
flouri  li  pouderôusi  republico  d'Avignoun,  de  Marsiho  e  d'Arle 
que  tenon  tèsto  loungatnen  is  assaut  di  prince  fourestié  d'Uba. 
Es  d'Avignoun,  dins  lou  Bacin  d'Arle,  que,  setanto  an  à-de- 
rèng,  la  Papauta  vèn  dita  si  lèi  au  mounde  crestian.  Enfin, 
pèr  mousti'a  l'impourtanço  majouro  d'aquéli  pôle  d'atracioun, 
d'aquéli  pivèu  geoulougi,  estrategi,  couraerciau,  d'aquéli  cen- 
tre soubeiranamen  istouri  de  Toulouso  e  d'Arle,  basto  proun 
de  raarca  que  dins  la  guerro  naciounalo  dôu  siècle  tregen, 
quand  la  barbarie  trioutifio  de  la  civilisacioun  et  que  la  pre- 
poutènci poulitico  vai  passa  definitivamen  à  Paris,  es  encaro 
dins  li  piano  de  Toulouso  e  d'Arle  que  se  debanon  lis  evenimen 
majour,  aquéli  que  decidon  di  resulto  finalo.  Es  à  Muret,  es  à 


AU  FESTENAU   DE   SANTO-ESTELLO  301 

Toulouse,  es  à  Bèu-Caire,  e,  finalanien,  souto  li  barri  d'Avi- 
gnoun,  que  lou  nous  de  la  guerro  se  trenco  e  que  l'Astrado  de 
la  patiio  miejournalo  se  dcrruno  de  façoun  decisivo. 

Li  piano  deToulouso  e  d'Arlo,  vaqui  dounc,  pèriiàutri  Mie- 
journau,  lou  teatre  di  respelido  e  di  casudo,  la  terro  di  rouino 
e  di  flourido,  vaqui  li  cros  ornai  li  brès  de  nosto  naciounalita. 

E,  aro,  aquéli  causo  estent  segiiro  e  bèn  entendudo,  vole, 
pôr  la  pensado,  me  repourta  'iné  vous  au  mitan  dôu  siècle 
dès-e-nouven,  en  1850,  alor  que  la  boulegadisso  felibrenco 
èro  pancaro  araoudado,  e,  à  supausa  qu'à-n-aquelo  epoco  la 
counsciènci  di  naciounalita  fugue  estado  poussiblo  emai  assa- 
bentado  coume  l'es  vuei,  vole  nie  demanda  quétis  idèio,  quéti 
desiranço  apassiounado  aurieu  alor  coumpli  la  courado  d'un 
lèime  enfant  de  nosto  terro  d'O  poussedissènt  aquelo  coun- 
sciènci. 

Vaqui,  me  sèmblo,  ço  que  se  sarié  di  : 

Se  lou  Miejour  dèu  respeli,  lou  fougau  de  sa  respelido 
s'atubara  seguramen  dins  li  païs  de  Toulouso  o  d'Arle,  car 
ristôri  atoustèras  counfierma  laNaturo.  Mai, se  l'on  counsidèro 
pausadamen  li  causo,  es  de  souveta  vuei  que  lou  Destin  elegi- 
gue  de  preferènci  lou  païs  d'Arle  :  la  situacioun  de  noste 
Miejour  au  mitan  dis  àutri  nacioun  lou  destine  en  efèt,  coumo 
au  tèras  de  Roumo,  à  servi  de  liame  i  pople  latin.  Or,  la 
planuro  d'Arle  es  la  grand  crousiero  d'aquéli  pople,  en  même 
tèms  qu'un  di  caire-fourc  majourau  dôu  ixiounde  entié  pèr  lou 
trafé  e  lis  escàmbi  de  touto  raeno.  Aquéu  grand  caire-fourc  di 
pople  poussedis  sus  la  mar  nostro  un  port  soubeiran  qu'es  lou 
jouièu  lou  mai  requist  di  nacioun  rnarino,  acjuelo  «  porto  dôu 
Levant  »,  aquelo  flour  dis  âge,  Marsiho^  que  resisto  despièi 
dous  milo  an,gaiardo  e  que  mai  pouderouso,  is  assaut  de  tôuti 
li  pèsto,  que  vèngon  de  l'adré  vo  de  l'uba  .. 

E,  pèr  marca  li  rode  ounte  s'atubon  fourçadamen  li  reneis- 
sènço,  dequé  i'araai?  l'a  lou  lustre  de  l'istôri  e  di  tra  iicioun... 
Or,  vous  lou  demande,  queto  istôri  e  quéti  tr.idicioun  podon 
se  coum[iara  en  lustre  à-n-aquéli  di  vilo  dôu  relarg  d'Arle, 
d'Avignoun,  de  Marsiho,  de  Nimcs,  di  Baus,  d'Aurenjo  ?.  .  . 
Ounte  soun  lis  espandidou  capable  de  coungreia  mai  de  fierta 
naciounalo  qu'aquéli  de  la  Roco  de  Dom,  di  palais  d'Arle, 
dôu  Lacidoun  marsihés?... 


302  DISCOURS  PROUNOUNCIA 

E,  aro,  quente  es  lou  pres-fa  niajour  de  tôuti  H  pople 
qu'aparon  soun  èirae,  que  defèndon  sa  persounalita?  Tout  lou 
mounde  lou  saup:  es,  en  subre  de  tout,  de  garda  jalousairien 
sa  lengo,  de  Tenlusi,  de  la  mètre  à  l'ounour  dôu  mounde.  Car 
la  lengo,  acô's  l'amo  mémo  d'un  pople,  sa  tradicioun  vivènto, 
la  cadeno  aubenco  e  trignoulejanto  que  ligo  li  vivent  i  mort, 
H  felen  is  aujôu,  Tome  à  la  raço...  Aqui-dessus,  poudès  inter- 
rouga  lou  passât  emai  lou  présent,  vous  respoundran  d'uno 
souleto  voues  que  la  lengo  es  lou  substraturu  même  d'uno 
raço.  Tant  que  la  lengo  viéu,  la  raço  vléu,  e  se  la  lengo  tre- 
lusis,  la  raço  mounto. 

Or,  s'en-liô  mai  jamai  s'es  prouvado  une  lengo  mai  vivènto 
que  nosto  lengo  d'O,  dins  tôuti  si  manifestacioun  dialeitalo; 
p'en-liô  mai  jamai  s'es  escampihado  une  flourido  de  parla 
naiurau  mai  fougous,  mai  entimamen  fraire  que  li  nostre,  en- 
liô  mai,  tambèn,  se  rescontro,  dins  touto  la  terro  d'O  ,un  dia- 
lèite  mai  evidentamen  elegi  de  l'Astrado  qu'aquéu  de  la  pla- 
nuro  d'Arle. 

E  pode  n'en  parla  libramen,  à  cor  dubert,  car  siéu  pas,  iéu, 
d'Arle  nimai  d'Avignoun.  Davale  di  mountagno  aupenco  ounte 
ai  teta  un  parla  vièi,  rufe  e  sanitous.  Enfant,  ai  gaubeja  li 
parla  de  Toulouso  ;  jouvènt^  ai  pantaia  dins  aquéli  dôu  Len- 
gadô  e  dôu  NiçarJ.  E  s'ai  ansin  pouscu  prépara  dins  iéu,  pèr 
l'esperiènci  dirèito,  la  counsciènci,  vuei  pousitivamen  coun- 
quistado,  de  l'unita  de  nosto  lengo,  es  donne  pas  un  sentiraen 
de  particulari-sme  estré  que  me  buto,  mai  bèn  la  forço  de 
l'esclatanto  verita  que  m'em[iaraulo  irresistiblamen  quand  dise 
la  vertu  soubeirano  dôu  parla  d'Arle. 

Certo,  li  caratère  essenciau  di  dialèite  astra  pèr  douna  lou 
vanc  i  respelido  literàri  di  lengo  soun  proun  clar  e  proun 
couneigu  pèr  que  sufigue  de  li  rapela  :  aquéli  dialèite  soun 
parla  pèr  de  poupulacioun  noumbrouso  de  pacan  soulidamen 
enracina  dins  lou  terraire,  vivent  dins  un  relarg  vaste  e  drud, 
facilamen  dubert  is  escàrabi,  semena  de  vilo  abourgalido  e 
richo...  Or,  aquéli  coundicioun  se  rescontron  meravihousa- 
men  dins  la  grand  planuro  roudanenco,  ounte,  di  Sànti-Mario 
à  Mountelimar  e  de  Niraes  à  Seloun,  tout  un  pople  de  mei- 
nagié  gaubejo  vigourousamen,e  quasi  sènso  nuanço  dialeitalo, 
la  lengo  agusto  de  nùsti  rèire. 


AU   FESTENAU    DE   SANTO-ESTELLO  303 

Enfin,  pèr  li  coundicioun  mémo  de  aoun  séjour,  de  souii 
estage,  lou  parla  d'Arle  poussedis  la  fourtuno  uMcnco  d'èstre 
l'un  di  mai  evouluï,  valènt-à-dire  l'un  di  mai  moudeiTio 
di  parla  d'O;  e  acù's  taml)èii  —  ristôri  nous  l'ensigno  —  uno 
di  coundicioun  essencialo  di  parla  que  l'Astrado  elegis  pèr 
cap-d'oustau  dins  li  familio  lenguistico  que  .se  destressounon 
vers  la  glôri  dôu  Verbe. 

Mai  es  pas  lou  tout  qu'uno  lengo  fugue  vivènto  e  vigou- 
rouso  dins  tôuti  si  parla,  nimai  qu'elo  poussedigue  un  dialèite 
gaiard  e  mouderne  coume  lou  paria  d'Arle.  La  voues  de  TIs- 
tôri  es  unenco  aqui-dessus  tambèn  :  pèr  qu'un  pople  re- 
prengue,  dins  sa  lengo,  counsciènci  d'éu-meme,  fau  de  touto 
nécessita  qu'un  pouèto  naciounau  s'auboure.  Tôuti  li  raço  ma- 
trassado  lou  cridon  loungamen  dins  si  doulènci  :  «  Ço  que  nous 
fauto,  cridon,  es  un  pouèto  naciounau...  Ah!  nasque  enfin  un 
grand  pouèto  pèr  noste  sauvamen,  qu'acô  nous  vaudra  miés 
que  cent  bataio  gagnado  !...  » 

Es  pèr  ac6,  Midamo  e  car  Felibre,  que  lou  pensaire 
de  1850,  counsciènt  dôu  deveni  di  naciounalita,  aurié  segu- 
ramen  claus  sa  dicho  coume  seguis  : 

Pèr  qu'uno  respelido  miejournalo  ague  l'astrado  la  meiouro, 
es  de  souveta  qu'elo  chausigue  pèr  fougau  la  terro  d'Arle, 
ilustre  caire-fourc  di  pople  e  mesouioun  de  la  naciounalita 
prouvençalo;  es  de  souveta  que  lou  sentimen  de  la  lengo  vèngue 
ressuscita  l'enavans  de  la  raço;  es  de  souveta,  pèr  compli  tau 
pres-fa,  que  lou  dialèite  d'Arle  fugue  elegi  dôu  Verbe  e  qu'un 
grand  pouèto  s'auboure  pèr  l'ilustra  magnificamen. . . 

Quentojoio,  o  Felibre!  quento  fe,  quento  esperanço  indes- 
trutiblo  dèvon-ti  pas  enarta  nôstis  amo,  quand  vesèn  que  lou 
pantai  naciounau  de  1850  s'es  coumpli  pan  pèr  pan...  quand 
vesèn  que  l'asard  i'es  pèi'  rèn,  e  que,  segound  soun  èirao  per- 
sounau,  se  d'uni  dison  qu'èro  uno  causo  escricho,  d'àutri 
podon  facilamen  cerca  li  resoun  pousitivo  e  determinanto 
d'aquéu  miracle  esmouvènt,  d'aquéu  miracle  iinen  que  raarco 
la  respelido  miejournalo  pèr  la  mai  glouriouso  dis  astradol... 
Es  toujour  que,  dôu  terraire  d'Arle,  en  1859,  un  cop  de  cam- 
pano  a  restounti  sus  l'univers  entié,  sonnant  i  quatre  vent  la 
neissènço  de  Mirèio.  Es  toujour  qu'uno  lengo  secutado  cinq 
siècle  à-de-rèng,  e   mespresado  de  si  fiéu  éli-meme,  a,  tout 


304  DISCOURS  PROUNOUNCIA 

d'un  vanc,  remounta  vers  li  cimo  de  la  glèri.  Es  toujour  que, 
perla  vertu  de  l'engèni,  vounge  milioun  d'ome  esparpaia,  des- 
natura,  isoula  mouralaraen,  an  représ,  en  cinquanto  an,  coun- 
sciènci  de  sa  lengo  et  de  sa  raço,  e  que,  vuei,  li  pensaire  dôu 
mounde  entié  regardon  versMaiano  coume  de-vers  la  Mèco  di 
Tèms  avenidou. 

Gènti  dono  e  car  Felibre,  uno  raçoque,  dôu  prefound  de  si 
fruchaio,  coungreio  au  soulèu  de  Dieu  un  miracle  tau  que 
Mirèio,  acô's  uno  raço  que  se  sauvo  e  que  s'ilustro  pèr  l'eter- 
nita. 

Es  pèr  acô  que,  de  tout  caire  e  cantoun  de  nosto  terro  d"0, 
touti  li  mascle  d'aquelo  raço,  tôuti  lis  ome  de  bon  voulé,  d'en- 
avans  e  de  fe,  qu'an  l'estrambord  de  la  patrio,  de  la  grando 
patrie,  —  car  la  pafiio  es  toujour  granio,  —  es  pèr  acô  que, 
tôuti,  nous  sian  vuei  acaraina  vers  Arle,  de  cors  e  d'amo,  pèr 
veni  rendre  ôumage  au  pouéto  soubran  que  nous  a  tira  dôu 
sourne,  car  tôuti' coumprenèn  e  sabèn  que  la  coumunioun  dins 
Mirèio  es  la  coundioioun  essencialo  de  tout  ome  se  disent 
leimamen  Felibre. 

Mai,  se  tôuti  couneissèn  dins  nosto  amp  lou  camin  glourious 
de  Maiano,  ounte  lou  grand  raistèri  de  la  raço  s'es  coumpli, 
se  tôuti  coumprenèn  la  [lourtado  avenidouiro  d'aquéu  nou- 
velun  literàri  que,  desfourrelant  coiirae  un  glàsi  la  lengo 
mistralenco,  a  fa  fiouri  dins  cinquanto  au  mai  de  cap-d'obro 
que  ges  d'autro  lengo  d^'Europo,  se  tùuti  nourrissèn  pèraquelo 
lengo  mistralenco  la  mai  fihalo  amiracioun,  es-ti,  pèr  acô,  de 
dire  que  lou  Mistralisiiie  de  nosto  aino  nous  coumande  d'aban- 
douna  li  parla  luro  terrenalo  qu'an  bresilia  sus  nôsti  brès!.... 
Ah!  fiéu  despietalous  e  desnatura,  aquéu  que  lou  pretendrié  ! 

Liogo  lie  coundana  c  )urae  de  patoues  abastardi  e  mespresable 
li  parladufo  terr.idour,  nco  que  souii  lou  rajinun  vivent  e  lou 
fuiun  fougous  de  nosto  lengo  d'O,  lou  Mistralisme,  tout  au 
contro,  ajustamen  destressouna  pertout  l'amour,  lou  respèt 
e  lou  culte  d'aquéli  parladuro.  Es  eu  qu'a  pertout  prouclama 
lou  dre  à  la  vido  de  tôuti  li  manifestacioun  de  l'amo  peire- 
nalo.  Es  eu  que  dis  au  pastie,  au  pacan,  à  Toubrié,  au  boui-gés, 
es  eu  que  dis  en  tôuti  :  c<  Parlo  la  lengo  de  ta  maire,  ilu-tro- 
la  pèrtoun  obro,  pèr  toun  acioun,  pèr  l'eisèmple  de  touto  ta 
vido,  à  touto  ouro,  en  tout  liô  ».  Es  eu  que,  pèr  la  voues  dôu 


AU  FESTENAU  DE  SANTO-ESTELLO  305 

Trésor  mistialen,  nous  etisigiio  H  règlo  et  lou  bon  biais  de 
tôuti  iiôsti  parla.  Es  eu  quo  saludo  de-longo,  coume  un  bon 
fraire  einat,  la  flourido  di  pouèto  de  toute  la  lengo  d'O.  Es 
eu  que  vai  cerca  li  Vennenouzo,  lis  Arnavielle,  li  Mir,  li  Cas- 
tela,  li  Roubert  Benoit,  lis  IsidorSalles,  li  Camelat,  li  Lacoarret, 
li  Michalias,  li  Fe(lières,e  tôuti,  e  tôuti  lis  autre,  autant  bèn  li 
Biarnés  que  li  Perigourdin  e  li  Limousin,  autant  bèn  li  Tou- 
lousen  que  lis  Auvergnas  et  li  Cevenôu,  es  eu  que  li  recarnpo 
tôuti  dins  uno  mémo  couraunioun  calendalo  e  que  ié  dis  : 
«  Salut  à  vautre,  lôimis  enfant  de  la  Terro-Maire,  que  revihas 
l'enavans  naturau,  que  deseadenas  lou  libre  èime  de  la  Patrio  ! 
Beven  ensemble  lou  vin  de  nôsti  plant  !  0,  touquen  lou  got 
coume  de  fraire  que  se  retrobon,  car  rebastissèn  tôuti  lou  vièi 
casau  de  lafamiho,  à  passa  tèms  rouina  pèr  Tenenii  coumun!» 

Vaqui,Midamo  e  car  Felibre,  l'essènci  mémo  de  la  dôutrino 
felibrenco.  Vaqui  lou  Mistralisme  éu-meme.  Aquelo  dôutrino 
a  pèr  elo  de  s'apieja  sus  li  fa  vivent,  sus  lis  èime  naturau 
vivent,  sus  Fengèni  espountaniéu  vivent,  e  noun  pas  sus  li 
farfantello  vuejo  di  principe  a  priori,  e  noun  pas  sus  li  litera- 
turo  d'imitacioun  e  de  coumando. 

E,  aro,  en  espérant  l'obro  dôu  tèms,  dins  l'asseguranço 
qu'avèn  de  nosto  respelido  e  di  lèi  de  soun  endeveni  ;  en 
espérant  lis  escasènço  fatalo  que,  belèu  à  la  subito,  nous  four- 
çaran  d'intra  dins  li  bataio  decisivo,  nous  unissèn  tôuti  eici 
dins  la  ciéutamistralenco  pèr  eicelènci,  à  constat  dôu  Museon 
mistralen,  dins  l'esmeraviliamen  de  la  bèuta  de  Mirèio. 

E  tôuti,  couneissènt  que  sian  dôu  Felibrige  vertadié,  cou- 
neissènt  qu'eu  soulet  destressounolis  èime  e  li  parla  terrenau 
de  tout  lou  Miejour,  qu'eu  soulet  nous  adraio  e  nous  enauro 
vers  l'unita  prefoundo  de  nostolengo,  couneissènt  enfin  qu'un 
tau  Felibrige  es  aquéu  di  Primadié,  aquéu  de  Font-Segugno 
e  de  iMaiano,  iéu  vous  demande  d'apoundre  vôsti  voues  à  la 
miéuno  pèr  crida  d'un  soulet  alen  :  a  Vivo  lou  Felibrige  que 
viéu  et  qu'a  de  viéure  !  Vivo  lou  Felibrige  mistralen  !  » 

Pèire   Devoluy. 


20 


L'APOCALYPSE  EN  HAUT-ENGADINOIS 

(Suite  et  fin) 


Cap.  X 


(1)  Et   eau  hae  uis  un  ôi^er  aungel  pusaimt  gniand  giu  da 

schil,  uostieu  cun  iina  niifla,  et  lin  arch  celestiêl  su  sieu  chiô  ; 

et  sia  fatscha  era  sco  l'g  sulailg,  et  haiiaiua  pes  8co  culuonnas 

d'fœ  :  (2)  et  liauaiua  in  sieu  maun   tin   cudeschét   auert  :  et 

matét  sieu    pe    dret   stilg  mêr,   et  snister  su  la  terra.  (3)  Et 

clamô  cun  granda  uusth,  sco  cura  ch'iin  liun  brtigia.  Et  cura 

chel  hauét  clamô,  schi  faflaun  set  thuns  lur  uusths.  (4)  Et  cura 

Ts  set  thuns  liauessen   [840j  faflô  lur  uusths,  schi  er'eau  par 

scriuer.  Et  hse  udieu  tina  uusth  da  schil  dschant  â  mi  :  Isigla 

las  chiôsas  chi  haun  faflô  l's  set  thun?,  et  nu  scriuer  aquellas. 

(5)  Et  l'g  aungel  qusel  ch'eau  hae  uis  stand  sur  Vg  mêr  et  sur 

terra,  ho  aluô  sieu  maun  â  schil,  (6) et  ho  gitirô  très  aquel  chi 

uiua  saimper  me,  quel  chi  ho  creô  l'g  schil  et  aquellas  chiôses 

chi  Sun  in   aquel,  et  la  teria  et  aquellas   chiôses  chi  sun  in 

aquêl  :  che  nu  uigna  ad  essor  plu  tijrnp.  (7)  Mu  îls  dis  de    la 

uusth  dailg  setteuel  aungel,  cura  chel  curaainza  ê  sunêr  cun 

la  tuba,  alhura  uain  â  s'  cumplijr  l'g  segret  da  dieu  :  daco  chel 

ho  predgiô  très  ses  faraalgs  protêts.  (8)  Et,  hae  udieu  tina  uusth 

da  schil  darchiô  faflant  cun  me,  et  dschant  :  Vo  et  prain  l'g 

cudesthét,  chi  es  auert  in  maun  delg  aungel,  chi  sto  stilg  mêr 

et  su  la  terra.  (9)  El  eau  sun  ieu  tiers  l'g  aungel  dschant  agli 

chel  dés  â  mi  l'g  cudesthét.Et  el  dis  â  mi  :  Prain  l'g  cudesthét 

et  l'g  trauuonda,  et  el  uain  â  fêr  malagiêr  tieu  uainter,  mu  in 

tia  bnochia  uain  el  ad  esser  dutsth  sco  un  mel.  (10)  Et  eau  lise 

prais  l'g  cudesthét  giu  delg  maun  delg  aungel  et  l'g  hae  trauun- 

dieu,   schi  malagiêua  mes  uainter.   (11)    Et   el   dis   â  mi  :  Tu 

stouuas  aunchia  profetizêr  ils  paiauns,  et  in  las  [841]  leaungias 

et  ils  pouuels  et  bgier  araigs. 


APOCALYPSIS  DALG  BIOG  lOHANNIS  DUCTUR  307 


Cap.  XI 

(l)Et  es  â  mi  stô  dô  iina  chianna  suragiaunta  ad  iina  perchia 
et  es  stô  dit  â  mi  :  Sto  sii  et  imziira  Vg  taimpel  da  dieu,  et  Tg 
huttêr,  et  aquels  chi  adiiran  in  aquel.  (2)  Et  la  cuort  chi  es 
traunter  l'g  taimpel,  bitta  our  dadoura,  et  nun  imziirêr  aquella, 
par  che  ch'ella  es  dêda  als  paiauns,  et  la  cittêd  ssentauignen 
els  â  zappignêr  quaraunta  duos  mais  :  (3)  et  eau  uœlg  dêr  â 
duos  mias  pardiittas  :  che  profetizan,  uesiieus  cun  sacks,  milli 
et  duaschient  sasaunta  dijs.  (4)  Aquels  sun  las  duos  uliuas  et 
l's  duos  chiandalijrs  stand  in  terra  in  la  ueziida  da  dieu.  (5)  Et 
sch'  iinqualchiiin  uuol    nuoscher  ad  els,  sclii  uo  our   da   lur 
bouchia  fœ,  ettrauuonda  lur  inimichs,  et  sch'  iinqualcliiiin  l's 
uuol  uffender,  schi  stouua    el    gnir    amazô  in  aquella  guisa. 
(6)  Et  aquels  haun  pusaunza  da  clogier  l'g  schil  che  nu  ploua 
ils  dis  da  lur  profetia  :  et  haun  pusaunza  sur  las  ouuas   da  las 
miidêr  in  saung,   et  da  batter  la  terra  cun  inmlinchia  plêia  et 
inmiiQchia  uuota  che  uœglian.  (7)  Et  cura  l'g  haun  glijfrô  lur 
testimuniaunza,  la  bestchia  quœla  chi  uain  sii  delg  abijss  nain 
â  fêr  incunter  els  gueira,  et  uain  à  l's  uainscher  et  â  l's  amazêr. 
(8)  Et  lur  corps  uignen  â  giaschair  par  las  [)lazzas  da  la  cittêd 
granda,  qusela  chi  spirituelmang  uain  anuranêrla  [842]  Sodom 
et   Aegyptus,   innua  ch'  er  nos  signer  es  crucifichiô.  '9)  Et 
aquels  da  las  sclattas   et  dais   pœuels   et   da  las  leaungias   et 
dais  paiauns  uignen  â  uair  lur  corps  par  trais  dijs  e  miz,  et  nu 
uignen  â  l's  laschêr   metter  lur  corps  ils  mulimains.  (10)  Et 
aquels  chi  sefdan  in  terra  uignen  â  s'allegrêr  sur  els  et  ad  esser 
leeds  et  â  s'  trametter  duns  liiin  liôter,    per  che  aquels  duos 
profets    apasc[h]iunêuan     aquels    chi    habitêuan    sur    terra. 
(11)  Et  dsieua  trais  dijs  et  miz  l'g  spiert  de  la  uitta  da  dieu  es 
ieu  in  aquels.  Et  sun  stôs  sii  lur  pes,  et  es  gnieu  iina  granda 
temma  sur  aquels  chi   l's   haun  uis.  (12)  Et  haun    udieu  ûna 
granda  uusth  da  schil  dsehant  ad  els  :  Gni  sii  aqui.  Et  els  sun 
ieus  siin  schil  in  iina  niifla  et  lur  inimichs  l's  haun  uis.  (13)  Et 
in   aquella  hura  es   gnieu  iina  granda    terra   trimbla,  et  la 
dijsthma  part  de  la  cittêd  es  crudêda  :  et  sun  amazô  in  aquella 
terra  trimbla  set  milli  persunas  :  et  l's  ôters  sun  astramantôs 


308  APOCALYPSIS  DALG  BlÔG  lOHANNIS  DUCTUR 

ethaun  dô  glœrgia  â  dieu  da  schil.(14)  L'g  seguond  useestirô 
uia.  Et  uhé  l'g  ters  use  uaiii  â  gnir  bôd.  (15)  Et  l'g  setfseuel 
aungel  ho  sunô  cun  la  tuba,  et  sun  duantêdas  grandas  uusths 
in  schil,  dschant  :  L' [s]  ariginams  da  quaist  muond  sun  fats 
ses  da  nos  signer  et  da  aieu  Christ,  et  uain  â  reguêr  saimper  et 
saimpermae.Amen.  (16)  Et  l's  uainc  e  quater  seniours  qusels  chi 
sezan  auaunt  dieu  in  lur  sizs  .sun  tumraôs  sii  lur  fatschas,  et 
haun  a[843]durô  dieu,  (17)  dschant  :  Nus  dschain  gracias  âti, 
signer  deus  omniputaint,  quae!  che  tu  ist  et  che  tii  eras  et  che 
tli  uainst  â  gnir  :  per  che  che  tu  lises  arfschieu  latiagranda 
pusaunza  et  haest  aregnô.  (18)  Et  Ts  paiauns  sun  irôs,  et  es 
gnieu  la  tia  ira,  et  l'g  tijrap  dais  morts  che  uignen  giùdgiôs  :  et 
che  tii  dettas  la  mersché  â  tes  famalgs  préfets  et  â  tes  sencs  et 
ad  aquels  chi  temman  tieu  num  als  pitsthens  et  als  grands,  et 
che  tii  mettas  à  gippiri  aquels  chi  mettan  â  perdar  la  terra. 
(19)  Et  l'g  taimpel  da  dieu  in  schil  es  auert,  et  es  stêda  uisa 
l'archia  da  sieu  testamaint  aint  in  sieu  taimpel  :  et  sun  duantô 
liiischernas  et  uusths  et  tliuns  et  terras  trimblas  et  granda 
tempesta. 


Cap.  XII 

(1)  Et  es  parieu  in  schil  iina  granda  isaina.  Una  duonna 
uestida  cun  Tg  sullailg  et  la  liiina  suot  ses  pes  et  in  sieu  chiô 
iina  curuna  da  dudesth  stailas.  (2)  Et  siand  purtaunta,  schi 
bragiu'  ella  par  parturir,  et  ho  dœglias  par  parturir.  Et  es 
uaisa  iin'  ôtra  isaina  in  schil.  (3)  Et  uhé  lin  grand  drauun 
cuotsthen,chiho  set  testas  et  dijsth  corns,  et  sii  sias  testas  set 
curuna?,  (4)  et  la  sa  cua  treia  la  terza  part  de  las  stailas 
dalg  schil,  et  ho  tramis  aquella  in  terra.  Et  l'g  drauun  es  stô 
auaunt  la  duonna,  qusela  chi  era  par  parturir,  che  cura  chella 
haués  parturieu  sieu  fllg,  chel  l'g  trauundés.  (5)  Et  ella  partu- 
rit  iin  masckièl,  qusel  chi  gniua  ad  arischer  tuot  pouuels  cun 
iina  perchia  d'fier.  [844]  Et  l'g  ses  filgs  es  stô  dô  d'maun  tiers 
dieu  et  tiers  sieu  siz.  (6)  Et  la  duonna  es  fiigida  in  iin  deserd, 
innua  che  l'g  era  agli  appinnô  iin  lœda  dieu,  innua  chella  uain 
nudriêda  milli  diiaschient  sasauiita  dis.  (7)  Et  es  duantô  iina 
granda  battagliain  schil. Michael  et  ses  aungels  cumbattaiuen 


APOCALYPSIS  DALG  BIOG  lOUANNIS  DUCTUR  309 

cun  Vg  drauuu,  et  l'g  drauun  er  cun  ses  aungels  cunbattaiuen, 
(8)  et  nun  haun  pudieu  stêr  scunterné  haun  pudieu  acchiatêr 
plu  lœ  in  scliil.  (9)  Et  es  dsthchiatschô  oura  aquel  grand  drauun 
la  uyglià  zerp,  quselachiho  nura  l'gdiauel  etsatanas,  quœl  chi 
surmaina  tuotelg  muond,  et  es  bittô  in  terra,  et  cun  el  sun 
bittôs  oura  ses  aungels.  (lOj  Et  eau  lise  udieu  iina  granda 
uusth.  dschant:  Huossa  es  duantcTg  salùl  et  la  uirtiiJ,  et  Vg 
ariginam  da  nos  dieu  et  la  pusaunza  da  sieu  Christ  :  perche 
elg  es  chiatschô  oura  l'g  aechiiisêdar  da  nos  frars,  quœlchi 
acchiùsêua  els  auaunt  dieu  d\ii  et  d'  not  :  (11)  et  els  Vg  haun 
uit  très  l'g  saung  de  .^l'g  agnilg,  et  parmur  dalg  plêd  de  la 
sia  testimuniaunza,  et  nunhaun  amô  lur  uittainfinaâ  la  mort. 
(12)  Par  aqué  's  allegro  uus  schils  et  uus  chi  stses  in  els.  Vse  â  uus 
chi  stses  in  terra  et  îlg  mêr,  [)ar  che  l'g  diauel  aquel  es  gnieu 
giu  tiers  uus,  qusel  chi  ho  iioa  grand'ira,  sauiand  chel  ho  aun- 
chia  poick  tijmp.  (13)  Et  dsieua  che  i'g  drauun  ho  uis  chel  es 
stô  bittô  in  terra,  schi  ho  el  perseguittô  la  duonna  quela  chi 
hauaiua  parturieu  l'g  masckie!  [845].  (14)  Et  â  la  duonna 
Sun  stêdas  dêdas  duos  êlas  d'iina  granda  eaula,  chella  sthuulàs 
îlg  désert,  in  sleu  lœ,  innua  chella  uain  nudriêda  par  tijmp, 
et  par  tijmps,  et  par  meza  l'g  tijmp  our  da  la  fatstha  da  la 
zerp.  (15)  Et  la  zerp  ho  bittô  our  de  la  sia  buochia  dsieua  la 
duonna  un  'ouua  co  lin  fliiin,  par  chella  gnis  pigliêda  dalg  fliim. 
(IG)  Et  la  terra  ho  agiiidô  la  duonna,  et  la  terra  ho  auiert 
sia  buochia  et  ho  asuruieu  l'g  fliim,  quel  che  l'g  draun  hauaiua 
bittô  our  da  sia  buocchia.  (17)  Et  l'g  drauun  es  stô  irô  incunter 
la  duonna  :  et  es  tirô  uia  par  fêr  battaglia  cun  l's  ôters. 
L'g  sem  da  quella,  quaels  chi  saluan  l's  cumandamains  da 
dieu,  et  haun  la  testimuniaunza  da  lesu  Christi.  Et  stet  su  l'g 
sablun  delg  mêr. 


Cap.  XI  ri 

(1)  Et  hee  uis  gniand  sii  delg  mêr  iina  bestchia  quœla  chi 
hauaiua  set  testas  et  dijsth  corns,  et  sur  ses  corns  dijsth  curu- 
nas,  et  sur  sias  testas  l'g  nura  de  la  blastemma.  (2)  Et  la  best- 
chia quasla  ch'eau  hae  uis  suragiêua  lia  Liunpard,  et  ses  pes 
eran  sco  l's  pes  d'iin  huors,   et  la  sia  buochia  sco  la  buochia 


310  APOCALYPSIS  DALG  BlÔG  lOHANNIS  DUGTUR 

d'un  liun.  Et  Tg  drauun  ho  dô  agli  sia  uirtiid  et  sien  siz  et  sia 
granda  pusaunza  (éd.  pusaunaa).  (3)  Ethse  uis  iin  dases  chiôs 
amazô  sco  da  mort,  et  la  sia  plêia  da  mort  es  guarida.  Et  es 
stô  ûna  mûraueglia  par  l'uniuersa  terra  [846]  dsieua  la  best- 
chia.  (4)  Et  haun  adurô  l'g  drauun  qusel  chi  ho  dô  pusaunza  â 
la  bestchia,  dschant  :  chi  sumaglia  â  quaista  bestchia  et  chi  po 
cumbatter  cun  ella?  l5)  Et  es  agli  dô  iina  buocchia  da  faflêr 
grandas  chiôses  et  blastemas.  Et  es  agli  dô  pusaunza  da  fêr 
[guerra]  mais  quaraunta  duos.  (6)  Et  ho  auiert  sia  buocchia  in 
blastemnias  incunter  dieu,  par  blastmêi'  sieu  num  et  sieu 
tabernacquel  et  aquels  chi  staun  in  schil.  (7)  Et  es  agli  dô  da 
fêr  guerra  incunter  l's  ssencs  et  da  l's  uainscher.  Et  es  agli  dô 
pusaunza  in  scodùna  sclatta,  in  scodiin  pœuel,  in  scodiina 
leaungia,  in  scodiina  lieud,  (8)  et  uignen  à  l'aduiêr  tuots 
aquels  chi  habitten  sur  la  terra  :  da  qnœls  lur  nura  nun  es 
scrit  îlg  cudesh  de  la  uitta  delg  agnilg,  quse  chi  es  amazô  dalg 
priim  cumanzamaint  delg  muonrj.  (9)  Schi  qualchiiin  ho  ura- 
glia,  schi  ôJa.  (10)  Chi  maina  in  praschun,  uo  in  praschun  :  et 
chi  amaza  cun  la  spêda  stouua  er  mûrir  cun  la  spêda.Aqui  es  la 
pacijncia  et  la  fe  dais  ssencs.  (11)  Et  hse  uis  iin'  ôtra  bestchia 
gniand  six  de  la  terra,  quse'.a  hauaiua  duos  corns,  qusels  chi  sum- 
giêuan  aquels  delg  agnilg.  etfaflêuasco  l'g  drauun.  (12)  Et  fo 
tuotta  la  pusaunza  de  la  priimma  bestchia  in  sia  ueziida,  et  l'o 
che  la  terra  et  aquels  chi  staun  in  ellaaduran  la  priimma  best- 
chia, da  quaela  fiit  guarieu  la  plêia  da  mort.  il3)  Et  fo  grandas 
isainas,  chella  fo  er  gnir  l'g  fœ  giu  da  schil  in  la  ueziida  da  la 
lieud.  (14)  Et  surraaina  aquels  chi  staun  in  terra  très  las  isai- 
nas chi  sun  dêdas  da  fêr  agli,  in  la  ueziida  de  la  bestchia, 
dschant  ad  aquels  chi  staun  in  terra,  che  faschen  l'inmêgina 
de  la  bestchia,  qusela  chi  ho  la  plêia  de  la  spêda,  et  es  uiuida. 
(15)  Et  es  agli  dô  chella  dés  l'g  spiert  â  l'imêgina  délia  best- 
chia, et  che  l'imêgina  délia  bestchia  fauella,  et  fascha  che 
tuots  aquels  chi  nun  aduran  l'imêgina  délia  bestchia  che 
uignen  amazôs.  (16)  Et  fo  che  tuots  pitschens  et  grands  et 
aricks  et  pouuers,  libers  et  famalgs  prendan  l'g  signêl  sii  lur 
maun  dret,  â  sii  lur  fruns.  (17)  Et  ch'iin  nu  possa  né  cum- 
prêr  ne  uender  upœia  cliel  hêgia  l'g  signêl  u  l'g  num  de  la 
bestchia  u  l'g  inn[u]tuber  da  sieu  nura.  (18)  Aqui  es  la  sabijn- 
scha,   chi   ho  intellét  fo  araschan  [548]  delg  innumber  de  la 


APOGALYPSIS  DALG  BIOG  lOIIANNIS  DUGTUR  811 

bestchia,    perche   elg   es   Tg  innumber  delg  hum,  et  l'g  sieu 
innuiïiber  es  sijsschient  et  sasaunta  sijs. 


Cap.  XIIII 

(1)  Et  he  uis,  et  uhé  un  agnilg  chi  sto  sûlg  munt  da  Sion,  et 
cun  el  schient  quarauiita  quater  milli  chi  haun  l'g  )ium  dalg 
ses  bab  scrit  in  lur  fruns.  (2)  Et  hae  udieu  ûna  uusth  da  schil 
SCO  la  uusth  da  bgierrcis  ouuas,  et  sco  la  uusth  dad  iiu  grand 
tliuu,  et  hse  udieu  la  uusth  dais  chiantaduors  chi  sunêuan  cun 
lur  citras.  (3)  Et  chiauntan  sco  iina  nuoua  chianzun  auaunt  l'g 
thrun,  et  auaunt  Ts  quater  alinueris  et  l's  seniours  :  et  ùngiun 
nu  pudaiua  imprender  quella  chianzun  ôter  co  aquella  schient 
quaraunta  quater  milli,  quœls  chi  sun  cumprôs  de  la  terra. 
(4)  Aquaists  sun  aquels,chi  nu  s'haun  brudgiôs  cun  las  dunauns  : 
per  che  che  sun  vergins.  Aquasls  uaun  partuot  sieua  l'g  agnilg 
innua  chel  mad  uo.  Aquels  sun  cumprôs  de  la  lieud  l'g  prûm 
friit  â  dieu  et  agli  agnilg  (5)  et  in  lur  buocchia  nun  es  acchiattô 
ingian.  Per  che  els  sun  sainza  macla  auaunt  Tg  thrun  da  dieu. 
(G)  Et  hse  uis  un  ôter  aungel  schuuland  par  meza  l'g  schil,  chi 
hauaiua  l'g  perpetusel  euangeli,  par  predgiêr  ad  aquels  chi 
staun  sii  la  terra,  â  tuotta  la  lieud,  â  scodiina  sclatta,  et  â 
scodùna  leaungia,  et  â  scodùni  [849]  pœuel,  (7)  dschant  cun 
granda  uusth  :  Tmé  dieu  et  dêd  agli  hunur,  per  che  elg  es 
gnieu  l'hura  da  sieu  giiidici  :  ei  aduro  aquel  chi  ho  fat  l'g  schil 
et  la  terra  et  l'g  mêr,  et  las  funtaunas  da  l'ouua.  (8)  Et  iin  ôter 
aungel  es  gnieu  sieua,  dschant:  Ella  es  tumêda,  Babylon, 
aquella  granda  cittêd  :  per  che  ch'ella  ho  dô  da  baiuer  dalg  uin 
da  l'ira  da  sieu  ruffianseng  â  tuotta  la  lieud.  (9)  Et  l'g  ters 
aungel  es  gnieu  dsieua  aquels,  dschant  cun  granda  uusth: 
Sch'  iinqualchiiin  adura  la  bestchia  et  la  sia  imêgina  et  prain 
l'g  signêl  in  sieu  frunt  u  in  sieu  maun,  (10),  er  aquel  uain  â 
baiuer  deig  uin  da  l'ira  da  dieu,  quel  chi  es  mastdô  cun  l'g 
spiir  uin  in  l'g  bacchiêr  de  la  sia  ira.  Et  uain  â  gnir  apaschiunô 
cun  fœ  et  cun  suol[)er  in  la  ueziida  da  ses  saines  aun,i:re]s,  et 
auaunt  la  ueziiiia  dalg  agnilg.  (11)  Et  l'g  fiim  da  lur  turmaint 
uain  ad  ir  sii  saimper  et  saimpermœ.  Né  haun  pôs  né  d'  di  né 
d'  not  aquels  chi  aduran  la  bestchia  et  la  sia  immêgina,   et 


31 '2  APOCALYPSIS  DALG  BlÔG  lOHANNIS  DUCTUR 

sch'  unqualchiûn  arschaiua  la  nuoda  dalg  sieu  nura.  (121.  Aqui 
es  la  pacijncia  dais  ssencs.  Aqui  aquels  chi  saluan  Ts  cuman- 
daraains  et  la  fe  da  lesii.  (13)  Et  hse  udieu  iina  uusth  da  schil 
dscbant  â  mi  :  Scriua  :  Bios  l's  morts  chi  muoren  îlg  signer  da 
quinder  inuia.  (14)  Schi  schert  l'g  spiert  disth  :  par  chels 
hêgian  pôs  da  lur  fadias,    mu  lur  heures   uaun   dsieua  els. 

(14)  Et  lise  uis,  et  uhé  [850]  iina  niifla  alun,  et  sur  la  niifla  iin 
chi  sezaiua,  chi  era  sumgiaunt  alg  filg  del  hum,  chi  hauaiua  sii 
sieu  chiô  iina  curuna  d'ôr  et  in  sieu  maun  iina  fôtsth  agiiizêda. 

(15)  Et  iin  ôter  aungel  es  ieu  our  delg  taimpel  clamand  cun 
granda  uusth  ad  aquel  chi  sezaiua  sii  la  niifla  :  metta  la  tia 
fôtsth  et  seia  :  per  che  elg  es  gnieu  (éd.  gnien)  l'hura  â  ti,  che 
tii  seias,  per  che  che  la  mes  de  la  terra  es  guida  secchia. 

(16)  Et  aquel  chi  sezaiua  sii  la  niifla  ho  mis  sia  fôtsth  in  terra 
et  la  terra  es  sgiêda.  (18)  Et  un  ôter  aungel  es  gnieu  our  delg 
huttêr,  qusel  chi  hauaiua  pusaunza  sur  l'g  fœ,  et  ho  clamô  cun 
granda  uusth  ad  aquel  chi  hauaiua  la  fôtsth  agiiizêda,  dschant: 
metta  tia  fôtsth  agiiizêda  et  nindemgia  l's  punchiêrs  de  la  terra, 
per  che  las  sias  hiiias  siin  madiiras.  (19)  Et  l'g  aungel  ho  rais 
sia  fôtsth  agiiizêda  in  terra  et  ho  uinderagiô  :  la  uigna  de  la 
terra,  et  ho  mis  aint  îlg  grand  tuorohiel  da  Tira  da  dieu. 
(20)  Et  l'g  luorchiel  es  chialchiô  our  dadour  la  cittèd,  et  es  ieu 
saungour  delg  tuorchiel,  inflna  sii  als  frains  dels  cliiauals  da 
lung  inûna  milli  et  sijs  schient  stêdis. 


Gap.  XV 

(1)  Et  hse  uis  iina  ôtra  granda  et  miirafgliusa  isaina  in 
schil,  set  aungels,  quels  chi  [851]  hauaiuen  set  las  plii  dauous 
plêias,  per  che  in  els  es  glifrô  Tira  da  dieu.  (2)  Et  hse  uis  sco 
iin  mêr  d'uaider  mastdô  cun  fœ,  et  aquels  chi  mnêuan  la  uic- 
toria  de  la  hestchia,  et  de  la  sia  immêgina,  et  dalg  innumber 
da  sieu  num,  stand  t-ii  l'g  mêr  d'uaider,  et  hauaiuen  las  citras 
da  dieu,  ^3)  et  chiantêuan  iina  chianzun  da  Moysi  famalg  da 
dieu,  et  la  chianzun  dalg  agnilg,  dschant  :  Grandas  et  miiraf- 
gliusas  las  tias  houres,  signer  deus  omniputaint,  giiistas  et 
uairas  sun  las  tias  nias,  ô  araig  del.s  ssencs.  (4)  Chi  nu  daia 
tmair,  signer,  et  nu  daia  glurifichiêr  tieu  num  ?   Per  che  tii 


APOCALYPSIS  DALG  BlÔG  lOHANNIS  DUCTUR  313 

sul  ist  bun.  Per  che  tuots  pouuels  uignen  â  gnir  et  alurêr  te 
in  tia  ueziida,  per  che  che  tes  giiidicis  sum  manifestôs,  (5)  Et 
dsieua  aqué  hse  eau  uii*:,  et  uhé  elg  es  auert  l'g  taimpel  dalg 
tahernaquel  da  la  testimuniaunza  in  schil,  (6)  et  sun  ieu  oura 
set  aungels,  chi  hauaiuen  set  plêias,  dalg  tairapel,  uestieus 
cun  linzœl  net  et  alf,  et  schintôs  intuorn  lur  bruosths  cun 
schintas  d'ôr.  (7)  Et  iin  dais  quater  alimeris  det  als  set  aun- 
gels  set  tazzas  d'ôr,  plainas  da  Tira  dalg  uiuaint  dieu  saimper 
et  saimper  mte.  (rS)  Et  Vg  taimpel  es  implieu  d'  fûm  de  la 
maiestêd  da  dieu,  et  da  la  sia  uirtiiJ,  et  uiigiiin  nu  pudaiua 
antrêr  îlg  taimpel,  infina  clic  nu  f'iissen  glifrêdas  las  set  plêias 
dais  set  aungels. 


[852]  Cap.  XVI 

(1)  Et  eau  hse  udieu  iina  granda  uusth  delg  taimpel,  dschant 
als  set  aungels  :  Izen  et  spandé  oura  in  terra  las  set  tazzas  da 
Tira  da  dieu.  (2)  Et  es  tirô  uia  l'g  piiim  aungel,  et  ho  spauns 
la  sia  tazza  in  terra,  et  es  fat  iina  mêla  plêia  et  nuschaifla  â  la 
lieud,  quels  chi  hauaiuen  la  nuoda  de  la  bestchia,  et  in  aquels 
chi  adurêuan  la  sia  immêgina.  (3)  Et  l'g  seguond  aungel  ho 
spauns  la  sia  tazza  îlg  mêr,  et  es  duantô  saung  sco  da  iiu 
muort,  et  scodùna  huorma  chi  uiuaiua  îlg  mêr  es  muorta. 
(4)  Et  l'g  ters  aungel  ho  spauns  la  sia  tazza  îls  fliims,  et  in  las 
funtaunas  da  l'ouua,  et  sun  duantêdas  saung.  (5)  Et  hae  udieu 
iin  aungel  dschant  :  Signer,  (ii  ist  quel  chi  ist  et  chi  eras,  et 
ssenc,  per  che  che  tii  haest  giudichiô  aquaistas  chiôses,  (6)  per 
cho  els  haun  spauns  l'g  saung  da  tes  ssencs  et  da  tes  profets, 
et  tu  hses  dô  ad  els  saung  da  baiuer.  Per  che  els  sun  vengiauns. 
(7)  Et  hae  udieu  iin  ôter  schant  :  Schi,  signer  deus  omniputaint, 
l's  tes  gïlilicis  sun  uairs  et  giiists.  (8)  Et  l'g  quart  aungel  ho 
spauns  sia  tazza  î'g  sullailg  et  es  dô  agli  da  apaschiunêr  la 
lieud  cun  la  sckialmauna  très  l'g  fœ.  (9i  Et  la  lieud  haun 
hagic-u  chiôd  cun  granda  sckialmauna,  et  haun  blastmô  l'g 
num  da  dieu,  qusel  chi  ho  la  pusaiinza  sur  aquaislas  plêias, 
né  haun  hagieu  ariiflijnscha  da  lur  putrœgnas,  par  dêr  agli 
[853]  glœrgia.  (10)  Et  l'g  quint  aungel  ho  spauns  la  sia  tazza  sii 
l'g  siz  da  la  bestchia,  et  sieu  ariginam  es  gnieu  sckiùr,  et  haun 


314  APOCALYPSIS  DALG  BlÔG  lOHANNlS  DUCTUR 

murdieu  lur  leaungias  par  gramezchia,  (11)  et  haun  blastmô 
Vg  dieu  da  schil  par  lur  duluors  et  par  lur  bignuns,  né  sun 
imgiurôs  da  las  lur  houres.  (12)  Et  Tg  sijsseuel  auiigel  ho 
spauns  la  sia  tazza  in  aqué  grand  fliim  Euphratem,  et  l'ouua 
es  sùtta,  par  che  gnis  appinô  la  uia  dels  araigs  da  leuant, 
(13)  Et  eau  he  uis  gniand  our  da  la  buochia  dalg  drauun  et 
our  da  la  buochia  de  la  bestchia  et  our  de  la  buoehia  dalg 
fuos  profet  trais  mêlnets  spierts  in  mœd  da  raunas.  (14)  Per 
che  é  sun  spierts  dais  dimunis  chi  faun  isainas  par  che  giessen 
tiers  l's  araigs  da  tuotta  la  terra  als  araspêr  à  la  battaglia  da 
quel  grand  di  delg  omniputaiiit  dieu.  (15)  Uhé  eau  uing  sco 
iiu  lêdar.  Biô  es  aquel  chi  uaglia  et  chiiira  sia  uesckioiainta, 
chel  nu  uigna  ad  ir  niid  et  che  uezan  sia  tuorp.  (10)  Et  ho 
araspô  aquels  îlg  lœ  chi  uain  anutnnô  in  liebreasth  Armagge- 
don.  (17)  Et  l'g  setteuel  aungel  ho  spauns  sia  tazza  îlg  Iser.  Et 
es  ieu  oura  ûna  granda  uusth  da  schil  dalg  thrun,  dschant  : 
Elg  es  fat.  (18)  Et  sun  gnieu  liiischernas  et  uuslhs,  et  ihuns  et 
iina  granda  (éd.  grauda)  terra  trimbla,  talla  chi  mse  nun  es 
stêda,  dapœia  che  la  lieud  es  stêda  sur  terra  lin  talla  taunt 
granda  terra  trimbla.  (19)  Et  la  granda  cittêd  es  fatta  in  trais 
pars  [854]  et  las  cittêds  dais  paiauns  sun  aruinèdas.  Et  la 
granda  Babijlon  es  gnida  in  memœrgia  aiiaunt  dieu,  per  dêr 
agli    l'g   baccliiêr    dalg    uin   dalg   desthdeng    de   la   sia    ira. 

(20)  Scodûna  isla   es   fiigida    et    l's  munts   nu  sun  acdiattôs. 

(21)  Et  es  gnieu  ûna  granda  terapesta  giu  da  schil  sco  un 
talent  in  la  lieud,  et  la  lieud  haun  blastmô  dieu  par  la  plêia  de 
la  tempesta,  par  che  la  sia  plêi.i  es  siêda  fatta  fick  granda. 


Cap.  XVII 

(1)  Et  uen  lin  dais  set  aungels,  qusels  chi  hauaiuen  set  tazzas 
et  ho  faflô  cun  me  dscliant  â  mi  :  Vitten  ch'eau  vœlg  amussêr 
â  ti  la  cundannaschuii  de  la  granda  pittanna,  qusela  chi  seza 
sur  bgierras  ouuas,  (2;  cun  aquaela  haun  aruffianô  l's  araigs 
de  la  terra,  et  sun  inauriôs  aquels  chi  staun  sur  terra  cun  l'g 
uin  da  sieu  pittanœng.  (3j  Et  l'g  spiert  m'ho  purtô  îlg  deserd. 
Et,  lue  uis  iina  duonna  seziand  siin  iina  bestchia  cuotsthna 
plaina  d'nums  de  la  blastemma,  chi  ho  set  testas  et  dijsth(s) 


APOCALYPSIS  DALG  BIÔG  lOIIANNIS   DUCTUR  315 

corns.  (4)  Et  la  duonna  era  uestiila  d'  purpur  et  d'  sckiailatta, 
et  era  sardurêda  (sic)  cun  our,  et  cuti  pedra  preciusa,  et  cun 
perlas,  et  hauaiua  in  sieu  maun  iin  bachiêi*  d'ôr,  plain  d'iiuri- 
bles  chiôses  e  d'  spurcliijn.sclia  de  la  sia  luxiirgia.  (5)  Et  in 
sieu  fîunt  era  scrit  l'g  nura  :  L'g  Secret,  Babijlon  granda 
mamma  deig  pittanœng,  et  da  las  horibias  chiôses  de  la  terra. 

(6)  Et  hae  uis  ûna  [855]  duontia  aiura  dalg  saung  dais  sasncs,  et 
dalg  saung  dais  marters  da  lesu.  Et  eau  m'hse  straiii-afgliô 
cura  eh'  eau  hœ  uais   aquella   cun   ùna  gianda  miirauseglia. 

(7)  Et  i'g  aungei  dis  â  mi:  per  che  hsest  miiraueglia?  Eau  uœlg 
dir  â  ti  I'g  segret  de  la  duonna,  et  da  la  bestchia  chi  port' 
aquella,  qusela  chi  ho(t)  set  testas  et  dijsth  corns.  (8)  La 
bestchia,  qusela  che  lii  lises  uis,  es  stêda  et  nun  es,  et  uain  â 
gnir  sii  delg  abijs,  et  uain  ad  ir  in  perdizun,  et  uigiien  â 
s'astmiirafgliêr  tuot  aquels  chi  staun  in  terra  :  da  qusels  lur 
nums  nu  sun  scrits  îlg  cudesth  de  la  uitta,  dalg  mund  creô 
itinô,  ueziand  la  bestchia,  qusela  chi  era  et  nun  es.  (9)  Et  aqui 
es  Tg  inclijt,  qusel  chi  ho  sabbijnscha.  Las  set  testas  sun  set 
munts,  sur  qusels  chi  seza  la  duonna,  et  sun  set  araigs. 
(10)  Schinc  sun  tumôs,  et  un  es  aunchia,  et  liôter  nun  es 
aunchia  gnieu.  Et  cura  chel  uain,  schi  stouua  el  stêr  poick 
tijrai).  (11)  Et  la  bestchia  qu^la  chi  era  et  nun  es,  et  aquel  es 
I'g  utta3uel,  et  dais  set,  et  uain  ad  ir  â  gippiri.  (12)  Et  Ts 
dijslh  corns  qusels  che  tii  lises  uis  sun  dijsth  araigs  qusels  chi 
nun  haun  aunchia  arfschieu  i'g  aiiginam.  Mu  els  uignen  ad 
arschaiuer  la  pusaunza  sco  araigs  in  iin'  hura  cun  la  bestchia. 
(13)  Aquels  haun  tuot  iin  cuselg  et  daun  lur  uirliid  et  pusaunza 
â  la  bestchia.  (14)  Aquels  uignen  â  cumbatter  cun  I'g  agnilg. 
Et  I'g  agnilg  uain  â  l's  uainscher  :  per  che  el  es  I'g  signer  dais 
signuors,  et  araigs  dels  araigs.  [^56]  Et  aquels  chi  sun  clamôs 
cun  el,  et  elets,  et  fldels,  (15)  Et  el  dis  â  mi  :  Las  ouuas,  quselas 
che  tii  bœs  uis,  innua  chi  seza  la  pittauna,  sun  l's  pouuels  et 
la  lieud,  et  l's  paiauns  et  las  leaungias.  (16)  Et  l's  dijsth  corns, 
qusels  che  tii  hses  uis  in  la  bestchia,  aquels  chi  uignen  ad 
hauair  in  œdi  la  pittauna,  et  uignen  à  fêr  eila  déserta  et  niida, 
et  uignen  â  raagliêr  sia  chiarn,  et  uignen  â  la  briischêr  cun 
fœ.  (17)  Per  che  deushodô  in  lur  cours,  che  faschen  aqué  chi 
plêscha  agli,  et  che  faschen  iina  uœglia  et  che  detten  lur  ari- 
ginam  â  la  bestchia,  infina  che  uain  cumplieu  la  uerua  da  dieu. 


316  APOCALYPSIS  DALG  BlÔG  lOHANNIS  DUGTUR 

(18).  Et  la  duonna  che  tii  haes  uis  es  la  cittêdgranda,  qiijela  chi 
ho  Vg  ariginam  sur  l's  araigs  de  la  terra. 


Cap.  XVIII. 

(1)  Et  dsieua  aqué  hse  eau  uis  lin  ôter  aungel  gniand  giu  da 
scliil,  chi  hauaiua  granda  pusaunza,  et  !a  terra  es  gnida  clêra 
de  la  sia  splendur.  (2)  Et  ho  clamô  cun  forza  ad  huôta  uusth, 
dschant  :  ella  es  tumêda,  la  granda  Bahijlon,  et  es  fatta  iina 
habitaunza  dais  diraunis,  et  ûii  salf  da  scoduu  mêl  spiert,  et  un 
salf  da  scodûn  brudi  et  iriêluuglieu  utschilg  :  (3i  per  che  che 
delg  uin  da  Tira  da  sieu  pittanseng  haun  bauieu  tuot  pouuels. 
Et  l's  araigs  de  la  terra  haun  aruffianô  cun  ella,  et  Ts  rnerchia- 
dauns  da  la  terra  sun  gnieus  aricks  de  la  pusaunza  da  lur 
delets.  [857]  (4)  [Et]  hse  udieu  iina  ôtra  uusth  da  schil 
dschant  :  Izen  our  da  quella,  mieu  pœuel,  che  uus  nu  saias 
personêuels  da  lur  pchiôs  et  che  uus  nun  arschaiuas  da  lur 
plêias.  (5)  Per  che  lur  pchiôs  sun  arriuôs  infina  siiu  schil,  et 
deus  s'ho  algurdô  da  lur  nusthdsets.  (6)  Arendé  agli  suainter 
chella  ho  fat  â  uus,  et  indublô  agli  l'g  dubel  suainter  sias 
houres.  Maté  aint  agli  l'g  dubel  in  aqué  baechiér  chella  ho 
mis  aint  â  uus.  (7)  Quaunt  sco  ella  s'ho  hundrô  se  suessa  et  es 
stêda  iu  delets,  taunt  matté  aint  agli  turmaint  et  plaunt;  per 
che  ella  disth  in  sieu  cour  :  Eau  sez  aregina,  et  nu  sun  uaidgua 
et  nu  uing  â  uair  plaunt.  ^8)  Très  aqué  in  iin  di  uignen  â  gnir 
sias  pleias,  la  mort,  l'g  plaunt  et  la  fam,  et  uignen  abriischôs 
cun  fœ  :  per  che  che  l'g  signer  deus  es  pusaunt,  qusel  chi 
uain  â  giiidichiêr  aquella.  (9)  Et  l's  araigs  de  la  terra  uignen 
â  cridêr  aquelîa,  et  fêr  mel  uiers  par  aquella,  qusels  chi  haun 
aruffianô,  et  sun  uiuieus  in  delets  cun  ella,  cura  che  uignen  â 
uair  l'g  fiim  da  sieu  arder,  (10)  stand  dalsenslh  parmur  de  la 
temma  da  sieu  turmaint,  dschant  :  Vse,  uae  ad  aquella  granda 
cittêd  Babijlon,  aquella  pusaunta  cittêd,  per  che  in  iin'  hura 
es  gnieu  l'g  tieu  giudici.  (11)  E  l's  merchiadouns  da  la  terra 
cridan  et  piaunschan  sur  ella,  par  che  chella  nu  cumpra  plii 
la  lur  merchantia  (12)  d'ôr,  d'argient,  d'peJra  preciusa,  né 
d"per[858]  las  né  d' bucchiaschin,  né  d' sckiarlatta  né  d'saida 
né  d'iingiiin.lain   sauurieu  né   d'iiûgiiiu   uaschilg  d'auœri,  né 


APOGALYPSIS   DALG  BlÔG  lOHANNIS  DUGTUR  317 

d'iingiiim  naschilg  d' lain  prccius  né  d'iutun,  né  d'fier  né 
d'raarmel  (13)  né  cinamonura,  né  d'chiôia  sauurida,  né  d'hiit, 
né  inschais  né  uin  né  œli  né  da  la  flur  d' farina  né  furmaintné 
giumaiiis  né  nuorsas  né  chiauals  né  chiarettas  né  d'sckiefs  né 
da  las  liormas  da  la  lieud.  (14)  Et  l's  pums  deig  ariginam  de  la 
tia  horma  sun  partieu  our  da  te.  Et  tuotta  grascha  et  tuottas 
bellas  chiôsas  sun  passé Jas  uia  â  ti,  et  nu  uainst  huossa  plu  â 
las  acchiatêr.  (15).  L's  merchiadauns  da  quaistas  chiôses, 
qusels  chi  sun  fats  arieks,  uiguen  â  stêr  da  lœnsth  dad  ella, 
par  temma  da  sieu  turraaint,  cridant,  planschant,  (16)  et 
dschant  :  Vae,  use  ad  aquella  granda  cittéd,  quela  chi  era  uestida 
cun  buchiaschin,  cum  sckiarlatta  et  era  cun  saida,  et  era  sai- 
durêda  cun  or  et  cun  pedra  preciusa  et  cun  perlas,  (17)  Per 
che  in  lin'  hura  sun  é  abandunê  las  tauntas  arichezzas.  Et 
scodiin  guuernadur  da  nefs,  et  la  cumpagnia  tuotta  tla  las  nefs, 
etnautijrs,  et  chi  lauuran  îlg  mêr,  sun  stôsda  lœnsth  :  (18j  et 
haun  clamô  ueziand  l'g  l'g  fiitn  da  sieu  arder  dschant: 
Quela  era  sumgiaunta  ad  aquella  granda  cittêd  ?  (19)  Et  hauu 
mis  puolura  su  lur  chiôs  et  haun  clamô  ciidant  et  planj^chant  : 
Vae  uae,  aquella  granda  cittêd,  in  aquela  che  sun  gnieus 
aricks,  tuot  aquels  chi  [859]  hauaiuen  nefs  îlg  mêr  da  lur 
pritsths,  per  che  in  iin'  hura  es  ella  abandunêda  (éd.  abundu- 
nêda.  (20)  'S'allegrô  sur  aquella,  l'g  schil,  et  saines  apostels 
et  profets,  per  che  deus  ho  giûdichiô  uos  giiidici  dad  ella. 
(21)  Et  iin  ferm  aungel  prandét  su  iina  pedra  sco  iina  granda 
muola  et  la  bittô  îlg  mêr  dschant  :  cun  aquaista  frtiza  uain  â 
gnir  bittêda  aquella  granda  cittêd  Babjlon,  et  nu  uain  plii  mse 
â  s'acchiatêr.  (22)  Et  la  uusth  da  quels  chi  sunan  las  cytras 
et  dais  chiantaduors  et  da  quels  chi  sunan  tiuels,  et  la  tiiba,  nu 
uain  â  gnir  udida  plii  in  te,  et  scodiin  artischaun,  da  qusel  art 
chi  saia,  nu  uain  â  s'acchiatêr  plii  in  te.  Et  la  uusth  dalg 
mulin  nu  uain  â  gnir  udida  plii  in  te.  (23)  et  la  liiislh  da  la 
glimijra  nu  uain  â  dêr  plii  clêr  in  te,  et  la  uusth  dalg  spus  et  de 
la  spusa  nu  uain  aqui  dsieua  â  gnir  udida  in  te  :  par  che  tes 
merchiadauns  eran  princips  de  la  terra  :  par  che  tuots  pouuels 
Sun  sur[u]ieus  in  tes  zœbers,  (24)  et  in  ella  es  acchiattô  l'g 
saung  dais  profels  et  dais  ssencs  et  da  tuots  aquels  chi  sun 
stôs  amazôs  sur  terra. 


318  APOCALYPSIS  DALG  BlÔG  lOHANNIS  DUCTUR 


Cap.  XIX 

(1)  Dsieua  aquellas  chiôses  he  eau  udieu  lina  granda  uusth 
da  bgierra  lieud  in  schil,  chi  dschaiua  :  Alléluia  Tg  salûd  et 
l'hunur  et  la  glœrgia  et  pusauiiza  â  dieu  nos  signer  (2)  per 
che  ses  giûdicis  sun  uairs  et  giiists,  per  che  el  ho  gividichiô 
da  la  gratida  pittauna,  qusela  chi  ho  cun  sicu  pittanœng  guastô 
la  terra,  et  ho  fat  uandetta  [860]  dalg  saung  da  ses  fanialgs 
car  dalg  maun  da  quella.  (3)  Et  darchiô  dissen  é  :  Alléluia. 
Et  l'g  fûm  giet  sii  saimper  et  saimpermse.  Et  s'bittaun  giu  Ts 
uainc  e  quater  seniours  et  Ts  quater  alimeris,  et  aduran  dieu 
chi  sezaiua  sûlg  trun,  dschant  :  amen,  alléluia.  (5)  Et  es  ieu 
iina  uusth  our  delg  thrun  dschant  :  dsché  lôd  â  nos  dieu,  tuots 
sœncs,  et  aquels  chi  tmais  dieu,  pitschens  et  grands.  (6)  Et 
hae  udieu  la  uusth  dad  lin  grand  pœuel,  sco  la  uusth  da  bgier- 
ras  ouuas,  et  sco  la  uusth  da  grand  thuns,  dschant  :  Alléluia, 
per  che  nos  signer  deus  omniputaint  ho  regnô.  (7)  N's  aile- 
grain  et  stain  lêds  et  dain  glœrgia  â  dieu,  per  che  é  sun  gnieu 
las  nuozzas  dalg  agnilg  et  la  sia  mugliêr  s'ho  parderschida. 
(8)  Et  es  agli  dô,  chella  s'uijsta  cun  buchiaschin  l'g  plii  net  et 
l'g  plii  fin,  per  che  l'g  buchiaschin  sun  las  giiistiflcatiuns  dais 
S8encs.(9}  Et  dis  â  mi  :  scriua  :  biôs  sun  aquels  chi  sun  clamôs  â 
Ia[s]  nuozzas  dalg  agnilg.  Et  dis  â  mi  :  Aquaista  uerua  da  dieu 
Sun  uaira.  (10)  Et  eau  sun  tumô  giu  auaunt  ses  pes  per  l'g  adu- 
rêr.  Et  el  dis  â  mi  :  guarda  che  tu  nu  faschas.  Eau  sun  famalg 
cun  te  et  cun  tes  frars,  quels  chi  baun  la  testimuniaunza  da 
lesu.  Adura  dieu.  Per  che  la  testimuniaunza  da  lesu  es  l'g 
spiert  de  la  profecise.  (11)  Et  eau  hse  uis  l'g  schil  auert,  et  uhé 
lin  chiaualg  alf  :  etiin  chi  sezaiua  siin  el  :  chi  hauaiua  num 
fidel  et  uraest,  et  cun  iusticia  giiidichia  et  cumbatta.  (12)  Et 
ses  œilgs  er-[8Gl]-ran  sco  flamma  delg  fœ,  et  in  sieu  chiô  eran 
bgierras  curunas,  et  hauaiua  un  num  scrit  d'ingiun  nu  so  ôter 
00  el,  (13)  et  era  uestieu  cun  iina  uesckimainta  titta  cun 
saung.  Et  l'g  num  uain  anumnô  l'g  plêd  da  dieu.  (14)  Et  l's 
exercits  chi  sun  in  schil  giaauen  dsieua  el  cun  chiauals  alfs, 
uestieus  cun  bucchiaschin  alf  et  net  :  (15)  et  our  da  sia  buoc- 
chia  gniuaiina  spêda  tagliainta  dad  amauduos  mauns,  par  chel 


APOCALYPSIS  DALG  BIÔG  lOHANNIS  DUCTUR  319 

batta  cun  aquella  l's  paiauns.  Et  uain  ad  arischer  aquels  cun 
ûna  perchia  d'fier,  et  el  sues  uain  â  chialchiêr  Yg  tuorchiel 
da  la  fiirgia  et  da  Tira  delg-  omniputaint  dieu. (16)  Et  ho  in  sia 
uesckimainta  et  in  sia  cuossa  scrit  lin  iiura  :  Araig  dels  araigs 
et  signer  dais  signuors.  (17j  Et  lise  uis  iin  aungel  stand  îlg 
suUailg,  et  claraand  cun  granda  uusth  dschant  â  tuot  utschels 
quœls  chi  sthuolan  par  mezal'g  schil  :  Gni  et  's  araspô  â  la 
scliaina  da  dieu,  (18)  che  uus  maglias  las  chiarns  dels  araigs 
e  las  chiarns  dels  chiapitaunis  e  las  cliiarns  dels  pusaiins,  et 
las  chiarns  dels  chiauals  et  da  quels  chi  seza[n]  sûn  els,  et  las 
chiarns  da  tuot  libers  et  famalgs,  et  d'pitschens  et  grands. 
(19)  Et  hae  uis  la  bestchia  et  l's  araigs  de  la  terra,  et  lur  exer- 
cits  araspôs  par  fer  battaglia  cun  aquel  chi  sezaiua  sùlg 
chiaualg  et  cun  sieu  exercit.  (20)  Et  la  bestchia  es  appiglièda 
et  cun  ella  l'g  pseuloprofet  qusel  chi  hauauia  fat  isainas 
auaunt  ella,  [862]  cun  aquaelas  chel  hauaiua  sufmnô  aquels  chi 
hauaiuen  arfschieii  l'g  signêl  de  la  bestchia,  et  aquels  chi 
haun  adurô  sia  immêgina.  Et  aquels  duos  sun  bitlôs  uifs  îlg 
leich  del  fœ,  chi  arda  cun  suolper,  (21)  et  T.s  ôters  sun  amazôs 
cun  la  spêda  da  quel  chi  seza  sii  l'g  chiaualg,  quasla  chi  uain 
ourdasiabuo-jchia,  et  tuot  uschels  sun  as  adu'ôs  dalur  chiarns. 


Cap.  XX 

(1)  Et  hae  uis  vin  nungel  gniand  giu  da  schil  chi  hauaiua  la 
clef  delg  Abjs,  et  iina  granda  chiadaina  in  sieu  maun.  (2)  Et 
appigliù  l'g  drauun  Tg  uijig  sorpaint,  quœlchi  es  Tg  diauel,  et 
salarias,  et  l'g  lié  par  milli  ans,  (3)  et  l'g  bittô  îlg  abjs,  et  l'g 
s^arrô  alaint,  et  isaglô  sur  el,  chel  nu  surmaina  plu  la  lieud, 
influa  che  gnissen  curaplieus  l's  milli  ans.  Et  dsieua  aqué 
stouua  el  gnir  un  po  d'un  tijmp  dslhliô,  (4)  et  eau  he  uis  Ts 
sizs  et  sun  sazieus  sur  aquels,  et  es  ad  els  dô  giudici,  et  las 
hormas  da  quels  chi  sun  sckiauazôs  parmur  de  la  testimu- 
niaunza  da  lesu,  et  parmur  dalg  plêd  da  dieu,  et  aquels  chi 
nun  haun  adurô  la  bestchia  né  la  sia  imêgina  né  arfschieu  la 
sia  nuoda  in  lur  friins  u  in  lur  mauns,  et  sun  uiuieus  et  haun 
aregnô  cun  Christo  milli  ans.  (5)  Aquaista  es  la  priimma  are- 
sùstaunza.  (G)  Biô  et  ssenc  es  a-[803]-quel  chi  ho  part  in  la 


320  APOGALYPSIS  DALG  BIOG  lOHANNIS  DUCTUR 

priimma  aresûstaunza.  Et  in  aquels  la  seguonda  mort  nun  ho 
pusaunza,  dimperse  els  uignen  ad  esser  sacerdots  d:i  dieu  et 
da  Christi,  et  uignen  ad  aregnêr  cun  el  milii  ans.  (7)  Et  cui'a 
che  Sun  cumplieus  Ts  milli  ans,  schi  uain  satanas  alargio  da 
sia  prascliun,  (8)  et  uain  ad  ir  oura  par  chel  surmaina  la  liend, 
qusela  chi  es  sii  l's  quater  chiantuns  de  la  terra.  Gog  et  Ma- 
gog  et  chel  araspa  aquels  in  battaglia,  da  (|iiels  lur  inunaber  es 
SCO  l'g  sablun  deig  mêr,  (9)  et  sun  ieus  su  l'g  laed  delà  terra, 
et  incrasaun  aint  l'g  chiamp  dais  ssencs  et  la  cittêd  chiêra.  Et 
es  gnieu  giu  l'g  fœ  da  dieu  da  schil,  et  ho  traundieu  aquel>\ 
(lO)etrg  diaue!  qusel  chi  surmnêua  aquels,  es  bittô  îig  leich 
delgfœ  et  delg  suolper,  innua  che  la  bestchia  et  l's  fôs  profets 
uignen  appaschiunôs  d'di  et  d'not  saimper  et  saimpermse. 
(11)  Et  bas  uis  iin  grand  thrun  et  alf,  et  un  chi  seza  siin  el,  da  la 
ueziida  da  qusel  chi  fiigia  la  terra  et  l'g  schil,  et  nun  es 
acchialtô  ad  els  lœ.  (12)  Et  hse  uis  grand  morts  et  pischens 
stant  in  la  ueziida  da  dieu  et  l's  cudesths  sun  auerts,  et  iin 
ôter  cudesth  de  la  uitta  es  auert,  et  l's  morts  sun  giiidichiôs 
our  da  quellas  chiôses  chi  eran  scrittas  ils  audesths  suainter 
lur  houres  :  (13)  l'g  mêr  ho  dô  (do)  l's  muorts,  quels  chi  eran 
in  el,  et  la  muort  et  l'g  infiern  haun  dô  aquels  chi  eran  in  els, 
et  [804]  es  da  scodiin  da  quels  giiidichiô  suainter  lur  houres. 
Et  l'g  ifiern  et  la  mort  sun  bittôs  îlg  leich  delg  fœ.  Aquaist  es 
la  mort  seguonda,  (15)  et  aquel  chi  nun  es  acchiattô  scrit  ilg 
cudesth  de  la  uitta,  aquel  es  bittô  îlg  leich  delg  fœ. 


Cap.  XXI 

(1)  Et  hse  uis  l'g  schil  nuof  et  la  terra  nuoua.  Per  che  l'g 
priim  schil  et  la  priimma  terra  era  sinida  et  l'g  mêr  nun  era 
huossa.  (2)  Et  eau  lohanues  hse  uis  la  ssenchia  cittêd  nuoua 
Hierusalem  guiand  giu  da  schil  parderta  dadieusco  iina  spusa 
affiteda  â  sieu  marid.  (3)  Et  hse  udieu  dalg  thrun  iina  granla 
uusth,  dschant  :  Uhé  l'g  tabernacquel  da  dieu  cun  la  lieud,  et 
uain  ad  habiter  cun  els.  Et  els  pouuels  uignen  ad  esser  ses. 
(4)  Et  deus  uain  âterscher  scodiina  larma  giu  da  lur  œlgs.  Et 
lamort  nu  uain  ad  esserplii  né  plaunt  né  bragizzi,  néplû  dulur, 
per  che  las  priimmas  sun  tirêdas  uia.  (5)  Et  aquel  chi  sezaiua 


I 


APOCALYPSIS  DALG  BlÔG  lOHANNIS   DIIGTUR  321 

îlg-  thrun  dis  :  Uhé  eau  fatsth  tuottes  chiô-a>î  nuoiias.  Et  dis 
à  mi  :  Scriuri,  per  che  aquaisia  uerua  es  fîdela  et  uaira. 
(6)  Elges  fat.  Eau  sun  alplia  et  oméga,  l'g  cumainzamaint  et 
la  fin.  Eau  uœlg  dêr  par  amur  ad  uni  chi  ho  sait  da  lafuntauna 
de  rouua  uiua.  (7)  Aquel  chi  la  uainscha  uain  â  possidair  tuot, 
et  eau  uœlgesser  ses  deiis  et  [865]  el  uain  ad  esser  â  mi  filg  . 
(8)  Mu  als  tmuos  et  als  mel  crettaiuels  et  als  horribals  et  als 
humicidiers  et  als  [littanijrs  et  als  zoebers  et  idolaters  et  â 
tuots  mansnôrs,  lur  part  uain  ad  esser  îlg  leich  chi  arda  cun  fœ 
et  suolper,  qusel  chi  es  la  mort  seguouda.  (9)  Et  uen  tiers  me 
iin  dais  set  aungels,  da  quels  chi  bauaiuen  las  set  tazzas  plai- 
nas  da  las  set  las  plii  dauous  plêias,  et  ho  faflô  cun  me,  dschant. 
uitten  et  ea[u]  uœlg  amussêr  â  ti  la  spusa  muglier  delg  agnilg: 
(10)  Et  l'g  spierl  m'purtô  sûn  un  grand  munt  et  hôt,  et 
mussô  â  mi  la  granda  citêd  Hierusalera  ssenta,  guiand  da  dieu 
giu  da  schil,  (11)  chi  hauaiua  la  claritsed  da  dieu.  Et  la  sia  liiisth 
era  sumgiaunta  â  ha  pedra  la  plu  preciusa  sco  â  laspidi  chi 
trêia  â  christalg  :  (12)  et  hauaiua  iin  grand  rniir  et  hôt,  et 
hauaiua  dudesth  aungels  :  et  l's  nums  scrit[s]  su  sura,  quœls 
chi  sun  Ts  nums  da  las  sclattas  dais  filgs  da  Israël,  (13)  da 
damaun  uard  trais  portas,  dad'  iingiiin'  hura  trais  portas,  da 
mezdi  trais  portas,  da  saira  uard  trais  portas  :  (14)  et  l'g  miir  de 
la  cittêd,  chi  ho  dudesth  fundamains,  et  in  aquels  fundamains 
dudesth  nums  dais  apostels  delg  agnilg.  (15)  Et  aquel  chi 
faflêua  cun  me  hauaiua  iina  imziira,  iina  chianna  d'or,  par 
imzurêr  la  cittêd  et  las  sias  portas  et  sieu  miir.  (16)  Et  la 
cittêd  es  [860]  missa  in  quêdar,  et  la  sia  lungeza  es  inguœl 
taunt  SCO  la  ledezza  :  et  el  ho  imziirô  la  cittêd  cun  la  chianna 
d'ôr  par  dudesth  milli  stôdis,  et  la  sia  lungezza  et  hutezza  et 
ledezza  eran  inguêlas.  (17)  Et  ho  imzurô  l'g  miir  da  quella, 
schient  quaraunta  quater  bratsths  rauots,  l'iraziira  e[r]a  d'iin 
hum,  quselachi  es  dalg  aungel.  (18)  Et  la  miirêda  delg  raiir  era 
d'iaspide.  Mu  ella  cittêd  era  d'ôr  net,  sumgiaunt  ad  iin  net 
uaider,  (10)  et  l's  fundamains  delg  miir  de  la  cittêd  eran  hûr- 
nôs  sii  cun  imiinchia  pedra  preciusa.  L'g  priim  fundamaint 
/éd.  — ains)  era  laspis  :  l'g  seguond  Saphir  :  l'g  tersCalcedo- 
nius  :  l'g  quart  Smaragdus  :  (20)  l'g  quint  Sardonjx  :  l'g 
sijsajuel  Sardius  :  l'g  settseuel  Chrysolitus  :  l'g  uttreuel  Beril- 
lus  :  l'g   nuêuel   Topazius  :  l'g  dijsthaeuel  Chrysoprasus  :  l'g 

21 


322  APOGALYPSIS  DALG  BlÔG  lOHANNIS  DUCTUR 

ùndasclieuel  Hjacintus  :  Tg  dudastheuel  Ametjstiis.  (21)  Et 
dudesth  portas  sun  dudesth  perlas,  in  imunchia  porta  era  iina 
perla.  Et  la  plazza  de  la  citêd  era  ôr  net,  sco  un  uaider  liûs- 
chaint.  (22)  Et  eau  nu  lise  uis  taimpel  in  aquella  :  per  che  Vg 
signer  deus  omniputaint  et  l'g  agnilg  es  l'g  taimpel  da  quella 
(23)  Et  la  cittêd  nun  ho  bsiing  né  d'  sullailg  né  d'  liûna  par 
fêr  dêr  in  aquella  :  per  che  la  claritsed  da  dieu  fo  liûsth  in  ella 
et  la  sia  glimijra  es  l'g  agnilg.  (24)  Et  l's  pouuels  chi  sun 
saluôs  uignen  â  chiaminêr  in  aquella  cun  la  sia  liùsth,  et  l's 
araigs  de  la  [867]  terra  uignen  â  ranèr  aintin  ella  la  lur  glœr- 
gia.  (25)  Et  làs  sias  portas  nu  uignen  â  gnir  sarrêdas  traunter 
di.  Per  che  allô  nu  uain  ad  esser  net.  (27)  (')Etnu  uain  ad  ir 
aint  in  aquella  iinqualchiôsa  chi  la  brudgia  u  chi  fatscha 
sthgrischur,  et  manzœgnia  :  mu  suiettamang  aquels  chi  sun 
scritsîlg  cudesth  de  la  uitta  delg  agnilg. 


Cap.  XXII 

(1)  Et  amussô  â  mi  lin  fliim  piir  d'ouua  uiua  chi  liiischiua 
sco  un  crjstalg,  qusel  chi  gniua  oura  dalg  agnilg.  (2)  In  miz 
la  sia  plazza,  et  dad  amanduos  uards  dalg  fliim  l'g  lain  de  la 
uitta,  chi  purtêua  dudesth  frïits,  dant  sieu  friit  inmunchia 
mais,  et  la  fœglia  delg  lain  â  la  sandsed  délia  lieud.  (3)  Et 
ûngiiina  chiôsa  maledida  nu  uain  ad  esser  plii  :  mu  l'g  thrun 
da  dieu  et  del  agnilg  uignen  ad  esser  in  quella  et  ses  seruiains 
uignen  â  seruir  agli.  (4)  Et  uignen  â  uair  la  sia  fatscha,  et  sieu 
num  in  lur  fruns.  (5)  et  nu  uain  ad  esser  plii  net.  Et  las  gli- 
mijras  nun  haun  bsiing  d'  liiisth  né  da  la  liiisth  del  sullailg  : 
par  che  l'g  signer  deus  fo  liiisth  ad  els,  et  uignen  ad  aregnêr 
saimper  et  saimpermse.  (6j  Et  dis  â  mi  ;  Aquaista  es  uerua 
fidela  et  uaira.  Et  l'g  signer  deus  dais  ssencs  et  dais  prophets 
ho  tramis  sieu  aungel  ad  amussêr  â  ses  famalgs  aquellas  chiô- 
ses  chi  stouuan  duantêr  bôd.  [868]  (7)  Et  uhé  eau  uing  praist. 
Biô  es  aquel  chi  salua  la  uerua  de  la  profetia  da  quaist  cudesth. 
(8)  Et  eau  loannes  quœl  chi  hœ  udieu  et  uis  aquaistas  chiôses. 
Et  dsieua  ch'  eau  ha3  udieu  et  hae  uis,  schi  m' Ime  eau  bittô  giu 

*  Le  verset  (26)  manque. 


APOCALYPSIS   DALG   BlÔG   lOHANNIS   DUCTUR  323 

par  adurêi'  auaunt  Ts  pes  delg  aungel,  quel  clii  amussêua  â  nii 
aquaistas  chiôscs.  (9)  Et  dis  â  mi  :  Guarda  che  tu  nu  fatschas, 
per  che  er  eau  sun  famalg  cun  te  et  cun  tes  frars  profets  et 
cum  aquels  chi  saluan  la  uerua  de  la  profetise  da  quaist 
cudesth.  Adura  dieu.  (10)  Et  dis  â  mi  :  Nun  isaglêr  la  uerua 
de  la  profetise  da  quaist  cudesth.  Per  che  Vg  tijmp  es  ardaint. 
(11)  Aquel  chi  nuostha,  nuosth'  aunchia  :  e  aquel  chi  es  brudi, 
brudgi'  auDchia  :  et  chi  es  giûst,  uigna  auuchia  giijstischô  :  et 
l'g  ssenc  uigna  aunchio  santifichiô  :  (12)  et  uhé  eau  uing  bôd, 
et  mia  paiaglia  es  cun  me,  par  ch'  eau  detta  â  scodiini,  suain- 
ter  che  uain  ad  esser  la  sia  houra  (éd.  huora).  (13)  Eau  sun 
(sun)  alpha  et  oméga,  Tg  priim  et  l'g  plii  dauous,  l'g  principi 
et  la  fin.  (14)  Bios  aquels  chi  saluan  ses  cumandamains,  che 
lur  pusaunza  saia  îlg  lain  de  la  uitia,  et  che  giaien  aint  in  la 
cittêd  très  las  portas.  (15j  Mu  our  dadoura  Fs  chiauns  et  l's 
zsebers,  et  l's  spourgs  et  l's  homicidiers,  et  chi  seruan  als 
idols,  et  scodiin  chi  amma  et  fo  la  manzœgna.  (16)  Eau  lesus 
hae  tramis  mieu  aungel,  chel  detta  â  uns  testimuuiaunza  in 
las  baselgias  da  [869]  quaistes  chiôses.  Eau  sun  la  risth  et  la 
sclatta  da  Dauid,  la  staila  starliiischainta  et  diauna.  (17)  Et  l'g 
spiert  et  la  spusa  dian  :  uitten.  Et  aqusel  chi  ôda,  dia  :  el  uain. 
Et  chi  ho  sait,  uigna  :  et  chi  uuol,  d'  prend'  ouua  de  la  uitta 
par  dun.  (18)  Per  che  eau  protest  â  scodiini  chi  ôda  la  uerua 
de  la  profetia  da  quaist  cudesth.  Sch'  iinqualchiiin  metta  tiers 
ad  aquaistas  chiôsas,  che  deus  uain  â  metter  sur  el  las  plêias 
scrittas  in  aquaist  cudesth.  (19)  Et  sch'  iinqualchiiin  inminues- 
cha  de  la  uerua  da  quaista  profetia,  deus  uain  ad  aluêr  uia  la 
sia  part  our  delg  cudesth  de  la  uitta,  et  de  la  ciltêd  ssenta,  et 
our  da  quella[sj  chiôses  chi  sun  scrittas  in  aquaist  cudesth. 
(20)  Disth  aquel  chi  do  testimuuiaunza  da  questes  chiôses  : 
Schert  eau  uing  bôd.  Amen,  Schi,  uitten,  signer  lesu.  (21)  La 
gracia  da  nos  signer  lesu  Christi  saia  cuu  uus  tuots.   Amen. 

ET    EAV  STEVAN  ZORSCH 

CHIATAUNI    DA    CHIAMUASTHCH   H.E    AGIUDO 

STHQUISCHER    DELG 

AN.   1560 

J.  Ulrich. 


LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE  DE  MAITRE  GUILLAUME  CRETIN 

(Suite) 


G9  \°-l\  v°.  XXII.  Childebert  se  brouille  avec  Gontran,  et  demande 
l'alliance  de  Chilpérich.  —  Apiès  une  première  bataille  gagnée  par 
Gontran,  les  armées  se  trouvent  derechef  en  présence,  et  une  affreuse 
mêlée  semble  inévitable.  La  paix  est  cependant  conclue  grâce  à 
l'entremise  de  quelques  hommes  sensés.  —  71  v°.  Chilpérich  déclare 
qu'il  punira  de  mort  ceux  de  ses  gens  qui  enlèveront  leurs  biens  aux 
campagnards.  —  72  \°.  11  tue  de  sa  propre  main  un  seigneur  qui  n'a 
pas  tenu  compte  de  cet  ordre.  Réflexions  du  poète  à  ce  propos. 

Si  n'affiert  pas  qu'ung  roj  de  noble  cueur 
Soit  du  meffait  luy  mesme  exécuteur, 
Mais  quant  il  est  question  que  gensdarmes 
Sus  peuple  font  si  terribles  vacarmes,  — 
Jusques  a  tout  leur  bien  prendre  et  piller, 
Batre,  fouUer  aux  piedz  et  houspiller, 
Et  beaucoup  pis  que  raortelz  adversaires,  — 
Je  dis  qu'on  doibt  ordonner  commissaires, 
Hommes  feaulx  et  notables,  pour  veoir 
Les  grandz  excès  qu'on  fait  et  y  pourvoir, 
A  ce  que  bruyt  de  tel  murmur  s'efface,.. 
On  dit  assez,  mais  querez  qui  le  face  ! 

7.3  r°.  XXIII.  De  sinistres  présages  annoncent  l'approche  d'une 
épidémie.  —  73  v".  Le  fils  de  Chilpérich  succombe,  et  le  roi  impute 
son  infortune  aux  maléfices  de  Mommolin,  qui  avait,  la  chose  est 
notoire,  des  rapports  avec  les  sorcières. 

Si  m'esbahis  qu'homme  de  tel  crédit 
Tant  forvoya,  veu  ce  que  l'escript  dit, 
Qu'il  s'accointa  de  truandes  sorcières, 
Et  leur  donna  force  rentes  foncières 
Affin  d'avoir  le  sang  des  innocens 


LA   CHRONIQUE   FRANÇAISE   DE   GUILLAUME  CRETIN  325 

Pour  le  servir,  hors  l'aison  de  bon  sens, 
A  charmes,  sortz,  mixtions  de  bruvaiges, 
Dont  il  usoit  en  façons  moult  saulvaiges. 
Lors,  pour  le  faict  de  caste  mesprison, 
Fut  détenu  en  estroicte  prison. 
Puys,  veuz  les  cas  si  énormes,  infâmes 
Et  excessifz  de  ces  vilaines  femmes, 
Par  le  récit  de  leurs  confessions, 
On  avança  les  exécutions, 
Et  entre  mains  des  bourreaux  délivrées 
74  r°  Furent  par  force  a  chevaulx  desmembrées. 
Sur  ce,  le  roy  Mommolin  fist  lier 
Estroictement  et  batre  a  ung  pillier, 
L'interroguant  de  la  faulte  commise 
Dont  luy  estoit  fort  grande  coulpe  mise, 
Et,  par  exprès,  luy  enquist  quelz  prouffitz 
Avoit  receuz  a  la  mort  de  son  filz  : 
A  quoy  rendit  response  vaine  et  crue, 
Disant  qu'au  faict  de  ceste  mort  mescreue 
N'y  entendoit  aulcun  mal  ne  sçavoit. 
Mais,  quelques  fois,  sortz  et  charmes  avoit 
Bien  praticquez,  affin  d'avoir  sa  grâce 
Pour  enrichir  luy  et  toute  sa  race. 
Sans  autrement  l'affaire  discuter, 
Voult  Chilperich  le  faire  exécuter. 
Et  si  ne  fust  la  prière  humble  et  doulce 
De  Fredegonde,  il  avoit  la  secousse  ; 
Mais  tant  requist  pour  luy  et  supplia 
Qu'en  sa  faveur  le  roi  a  ce  plia, 
Et  le  remist  a  pleine  délivrance. 

Si  n'eut  il  pas  pourtant  la  recouvrance 
De  sa  santé,  car  ses  membres  cassez 
Des  maux  receuz  furent  trop  plus  qu'assez  ; 
Partant  d'ennuyz,  tristesses  langoureuses, 
Tourmentz  et  griefz  de  peines  douloureuses 
74  v°   Qu'eut  en  prison,  en  trois  ou  quatre  pas 
Franchit  le  sault  de  l'extrême  trespas. 

XXIV.  Fredegonde  donne  le  jour  à  un  autre  fils.  —   75  r°.  Il  reçoit 


326  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

le  nom  de  Clotaire.  —  Réjouissances  publiques.  —  75  v°-76  r°.  La 
naissance  de  cet  enfant  n'empêche  pas  le  roi  dêtre  accablé  de  soucis. 
Il  cherche  de  la  distraction,  et  se  rend  à  Chelles  pour  y  goûter  les 
plaisirs  de  la  campagne...  Malencontreuse  inspiration  ! 


77  r°.  XXV.  Advint  un  jour,  comme  désir  pourchace 
L'homme  au  plaisir  et  dedujt  de  la  chace, 
Ce  roy  voulut  a  l'assemblée  aller 
De  grand  matin,  pour  luj  mesmes  bailler 
Le  cerf  aux  chiens  et  le  veoir  courre  a  force. 
Or  de  malheur  (ainsi  qu'on  se  parforce 
Aulcunes  fois  quelque  chose  esprouver 
Qu'on  ne  devroit  vouloir  jamais  trouver) 
Passant  parmy  une  chambre  seconde. 
Il  veit  couchée  en  son  lict  Fredegonde 
Qui  devers  luy  le  doz  tourné  avoit. 
Mais  estre  la  présent  ne  le  sçavoit. 
En  se  jouant,  sans  mot  dire,  luy  gecte 
De  sa  houssine  et  legiere  vergette 
Ung  petit  coup  seuUement  sur  le  doz, 
Par  quoy  lascha  de  sa  bouche  ces  motz: 
«  Laisse,  Landry.  Qui  te  donne,  dist  elle, 
De  me  frapper  la  hardiesse  telle  ?  » 
Sur  ce  le  roy  passe  oultre  et  aux  tesmoings 
Ne  sonna  mot,  si  n'en  pensa  pas  moins, 
Car  il  entra  en  une  frenaisie 
De  grosse,  lourde  et  forte  jalousie, 
Dont,  pour  passer  tel  ennuy,  s'en  alla 
Courre  le  cerf. 

Or,  entendez  cela 
Que  Chilperich,  contre  le  loz  et  famé 
77  v**  De  preudhommie,  entretenoit  la  femme 
De  ce  Landry  du  palais  gouverneur. 
Et  luy  aussi  la  royne  par  honneur, 
Sans  regarder  au  cas  de  griefve  coulpe, 
Faisoit  au  roy  de  mesme  et  tel  pain  souppe. 

Lors  Fredegonde,  ayant  en  soy  pensé 
Avoir  très  fort  son  mary  offensé. 
Secrètement  par  une  damoyselle 


DE  MAITRE   GUILLAU3IE   CRETIN  327 

Manda  Landrj'  soudain  venir  ver.s  elle. 
Luy  arrivé,  aregretz,  plainctes,  pleurs 
Et  grandz  souspirs,  descouvrit  ses  douleurs, 
Disant:  a  Landry,  si  ores  plaings  et  pleure, 
C'est  a  bon  droit.  Bien  doibz  mauldire  l'heure 
Qu'oncques  me  veis.  Le  fier  dard  qui  tout  mord, 
Par  mon  deffault,  te  rendra  tantost  mort  ; 
N'avise  plus  vivre  au  monde,  mais  pense 
De  ton  sepulchre!  0  quelle  recompense 
As  tu  d'avoir  accomply  mon  désir: 
C'est  dure  mort  qui  ton  cueur  vient  saisir. 
Las,  aujourd'hui  !  Je,  povre  malheureuse, 
Ay  dicte  au  roy  parolle  douloureuse  ; 
J'ay  dict  un  mot,  cuydant  parler  a  toy. 
Duquel  congnoist  la  foy  queje  lui  doy 
Par  mariaige  avoir  esté  brisée, 
Dont  je  seray  a  tousjours  desprisée.  » 
78  r°  En  recitant  ce  qu'avoit  dit  au  roy, 
Tumba  Landry  en  piteux  desarroy  ; 
Triste,  tremblant,  pale,  piteux  en  face 
Et  douloureux  au  cueur,  ne  scet  qu'il  face  ; 
Attainet  de  dueil,  comme  prest  de  pasmer, 
Ne  peult  parolle  ouvrir  ny  entamer, 
Et  bien  long  temps  en  la  place  demeure 
N'actendant  fors  le  coup  dont  fault  qu'il  meure  ; 
Hors  de  propos,  perturbé  en  son  sens, 
Ses  vertueux  effors  renduz  absens. 
Tout  eslongné  de  sa  force  virile. 
Et  joincte  a  luy  foiblesse  puérile, 
Ja  sembloit  mort  et  a  demy  transy. 

Lors,  le  voyant  ceste  femme  estre  ainsi, 
Luy  entrouvrit  son  arrière  bouticque 
De  criminelle  et  meurdriere  praticque, 
Et  dit  :  «  Amy,  se  voulons  esviter 
Péril  de  mort,  force  est  gentz  inviter 
Et  conrier  par  presentz  de  pecune 
A  nous  ayder:  manière  n'y  voy  qu'une. 
C'est  que  le  roy,  quant  il  va  quelque  part, 
(Mesmes  chasser)  tousjours  retourne  tard 


328  LA   CHRONIQUE  FRANÇAISE 

Pource  te  fault  praticquer  gentz  de  care 
Qui  coups  mortelz  donnent  sans  dire  gare, 
Ausquels  feras  ouffres,  a  plains  bandons, 
78  v"  De  grandz  trésors,  richesses  etbeaulx  dons, 
A  ce  qu'au  soir  leurs  forces  esvertuent 
Et  que  celluj,  a  son  arriver,  tuent 
Par  qui  nous  sont  telz  dangiers  présentez, 
Desquelz  serons,  ce  jour  propre,  exemptez. 
Soit  or  qu'on  parle  ou  qu'on  s'en  vueille  taire, 
Par  le  moyen  de  nostre  filz  Clotaire, 
Nous  deux  pourrons  du  rojaulme  jouyr 
Paisiblement  et  nos  cueurs  esjouyr.  » 

Le  conseil  pris  de  ceste  desloj'alle 
Trop  desrogante  a  majesté  rojalle, 
Soudainement  Landry  trouva  marchantz. 
Mais  quelz?  Helas  !  vains,  lasches  et  meschants, 
Gentz  duitz  a  sang  et  acharnez  pour  telles 
Effusions  mener  a  fins  mortelles. 
Marché  tranché,  fut  complot  pris  et  fait 
Rendre  a  ce  soir  le  roy  mort  et  deffait  ; 
Et  tout  ainsi  que  les  paillardz  promirent, 
Luy  arrivant,  bien  attistrez  se  mirent 
Au  propre  lieu  ou  descendre  debvoit. 
La,  congnoissantz  que  peu  de  gentz  avoit 
Auprès  de  luy  pour  l'emprise  defîendre. 
Et  qu'estoit  nuict,  de  glayves  luy  vont  fendre 
Et  entamer  les  trippes  et  boyaulx. 
Luy  tombé  mort,  les  traistres  desloyaux 
79  r°    Et  faulx  raeurdriers,  affin  qu'improperée 
Ne  leur  fust  faulte,  a  voix  désespérée 
Crièrent  tous  en  courant  ça  et  la  : 
«  Le  roy  est  mort  !  Son  nepveu  a  cela 
Le  renge  et  mect  !  »  Par  parolles  semblables 
Ne  furent  veuz  estre  du  faict  coulpables. 

La  court  esmeue  a  ce  bruit  grand  et  fort. 
Tout  plain  de  gentz  firent  entier  effort 
D'aller  après  les  aucteurs  de  ce  crime, 
Dont  maintz  d'entre  eulx  jusques  lendemain  prime 
Coururent,  mais,  nonobstant  leurs  affustz, 


DE    MAITRE   GUILLAUME   CRETIN  329 

Sans  rien  trouver  retournèrent  confuz. 

Si  tost  que  fut  la  chose  révélée 
A  Fredegoiide,  en  sorte  escervelée 
Alla  criant,  gémissant,  souspirant, 
Tordant  les  braz  et  ses  cheveulx  tirant, 
Comme  a  raonstrer,  parplairicte  violente, 
Estre  très  fort  angoisseuso  et  dolente, 
Mais  de  cela  mentoit,  voire  a  veue  d'œil. 
Quoj  que  la  bouche  en  raonstrast  avoir  dueil. 
Si  en  rioit  son  cueur,  pensant  l'emprise 
Avoir  *  sortj  effect  de  bonne  prise. 
Aussi  Landry,  en  faisant  l'ignorant. 
Mena  grand  dueil  pour  l'avoir  a  garand 
Et  luj  donner  convenable  subside 
79  v°  Contre  ce  vil  et  horrible  homicide. 

Guillaume  Crétin  insiste  sur  la  méchanceté  des  assassins,  puis  il 
confesse  que  la  victime  n'avait,  somme  toute,  que  trop  mérité  son 
sort.  —  80  r°-81  v°.  Vices  de  Chilpérich.  Son  épitaphe. 

82  r°  et  v°.  XXVI.  Contran  accepte  la  tutelle  de  son  neveu  Clo- 
taire,  et  il  promet  aux  Parisiens  de  respecter  leurs  franchises.  —  83 
r°.  Childebert  lui  envoie  une  ambassade  pour  réclamer  des  places 
qu'il  prétend  siennes.  Violente  réponse  de  Gontran.  —  83  v°-84  v°. 
Suite  et  fin  de  la  réponse.  Les  députés  répliquent  aigrement.  — 85  r". 
On  les  chasse.  —  Frédegonde,  qui  voit  avec  douleur  la  prospérité  de 
Brunechilde,  dépêche,  mais  inutilement  (85  v°],  un  meurtrier  à  sa 
rivale.  —  86  v".  L'un  de  ceux  qui  ont  tué  Chilpérich  est  puni. 

87  r°-88  r".  XXVIl.  Gondouault  [Gondowald],  qui  se  prétendait 
fils  légitime  de  Clotaire  [l*""],  encore  qu'il  ne  fût  que  bâtard,  réclame 
à  Gontran,  par  ambassade,  une  part  de  l'héritage  paternel.  Au  mépris 
du  droit  des  gens,  Gontran  maltraite  les  messagers,  et  recherche 
ensuite  (88  v°-89  v"),  pour  repousser  l'usurpateur,  l'alliance  de  Chil- 
debert. Les  deux  rois  s'engagent  à  agir  ensemble.  —  90  v°-92  r°. 
XXVlll.  Ils  assiègent  Gondouault  dans  une  forteresse  réputée  impre- 
nable, mais  ils  le  décident,  au  moyen  d'une  fausse  lettre,  à  quitter 
cette  citadelle,  à  partir  pour  Bordeaux.  Là,  il  est  pris  et  massacré. 
—  Quelque  temps  plus  tard,  Gontran  s'éteint,  plein  de  gloire. 

93  ro-94  v".  XXIX.  Childebert  déclare  la  guerre    à    Landry   et   à 


Ms:  Avoit. 


330  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

Frédegonde,  qui  habitaient  alors  Soissons.    La  reine  lève  des  troupes, 
et  les  anime  par  une  harangue.  —  Bataille. 


La,  Frédegonde  entre  ses  braz  porta 
Le  roy  son  filz,  ou  bien  se  comporta 
Selon  vertu  de  femme  encouraigée, 
Car,  comme  estans  a  bataille  rengée 
G-ensdarmes  prestz  ungs  sus  autres  charger. 
Marcha  devant  pour  les  encouraiger. 
Est  il  vivant  a  qui  le  sang  ne  mesle 
Voyant  son  roy  alaictantia  mamelle 
Ja  au  conflict  de  bataille  estre  mys. 
Contre  le  choc  de  si  fortz  ennemys? 
Homme  ne  sçay,  sans  porter  quelque  honte, 
Qui  lascheté  luy  fist. 

Or,  dit  le  conte, 
95  r°   Qu'après  avoir  maint  souldart  abatu 
Et  tout  le  jour  vaillamment  combatu 
Jusqu'à  soleil  couchant,  de  plaine  traicte, 
Fist  commander  Landry  sonner  retraicte 
En  la  forest  qui  assez  près  battoit 
Du  lieu  ou  l'ost  de  Childebert  estoit. 
La  séjourna  ceste  nuict  son  armée, 
Non  pour  debvoir  estre  en  riens  desarmée 
Ny  a  long  somme  aulcun  laisser  fléchir, 
Mais  pour  ses  gentz  et  chevaulx  refreschir. 
Lors  Frédegonde,  a  heure  non  suspecte, 
Fist  desloger  gensdarmes  sans  trompette 
Et,  sans  ouyr  d'aulcunes  voix  le  son, 
De  main  a  main  chanta  ceste  leçon 
Que  de  tout  l'ost  n'y  eust  personne  franche 
Qui  ne  portast  de  ramée  une  branche, 
Voulut  aussi  que  tout  homme  l'aval 
Une  campane,  au  col  de  son  cheval, 
Pendist  affin  des  ennemys  surprendre 
En  desaroy,  et  tous  vaincuz  les  rendre. 


Ainsi  tout  doulx  approucherent  du  parc 
95  v"  Des  ennemys,  n'en  restant  qu'ung  traict  d'arc 


DE    MAITRE  GUILLAUME   CRETIN  331 

Sans  ce  que  ceulx  du  guect  les  apperceussent, 
Rien  ne  doubtans  comme  si  de  vray  sceussent 
N'j  avoir  fors  la  forest  et  chevaulx 
Prenans  pasture.  Or,  pour  les  grandz  travaulx 
Qu'au  jour  devant  ceulx  du  partj  contraire 
Avoient  portez,  fort  bien  les  sceut  attraire 
A  longuement  dormir  le  dieu  Sumpnus  ; 
Et,  ce  matin,  comme  geutz  qui  sont  nudz, 
Non  esperans  avoir  aulcuns  alarmes, 
Tous  despouillez  de  leurs  meilleures  armes, 
Si  très  soudain  se  trouvèrent  surpris 
Qu'au  descharger,  tant  morts,  navrez  que  pris, 
De  gentz  y  eut  merveilleuse  defïaicte. 

L'invention  de  telle  sorte  faicte 
Donne  a  congnoistre  a  quelle  utilité 
Tourne  esperit  plain  de  subtilité  : 
Subtilité  (dit  on)  vault  mieulx  que  force. 
Qui  n'a  bon  sens  ses  forces  ja  n'efforce 
A  guerroyer,  s'il  n'y  va  bien  d'aguet. 
Homme  endormy  jamais  ne  fist  bon  guect. 
La,  Fredegonde  et  Landry  (dit  l'histoire) 
Par  bonne  astuce  y  obtiendrent  victoire, 
Et  Childebert  (non  luy,  mais  mieulx  ses  gentz) 
Par  trop  dormir  comme  sotz  negligentz, 
96  r"  Ainsi  deffaictz  sans  eulx  povoir  deffendre, 
Se  veirent  lors  membres  et  testes  fendre. 
Bien  peu  ou  nulz  du  conûict  eschappez, 
En  ung  instant  furent  touchez,  happez 
Et  butinez  leurs  trésors,  biens  et  tentes. 
Tout  au  plaisir  et  selon  les  ententes 
De  Fredegonde  et  du  seigneur  Landry, 
Qui,  pour  ne  veoir  leur  honneur  amoindry, 
Egallement  a  tous  les  départirent, 
Dont  fort  contentz  et  joyeulx  se  partirent. 

Childebert  tourne  ses  armes  contre  la  Lombardie,  puis  (96- v")  con- 
tre la  Bourgogne.  —  La  mort  le  frappe  en  chemin.  —  97  r°.  Toutes 
les  chroniques  ne  lui  donnent  pas  le  nom  de  Childebert,  mais  Crétin 
s'est  conformé  à  la  tradition  la  plus  générale. 


332  LA   CHRONIQUE  FRANÇAISE 

98  r»-99  r°.  XXX.  Frédegoude  s'empresse  d'attaquer  Théodebert  et 
Théodorich,  les  deux  fils  de  Childebert,  et  ils  sont  vaincus  par  le 
jeune  Clotaire  aidé  de  Landry.  Mais  ce  fut  le  dernier  triomphe  de 
cette  reine  terrible.  Elle  ne  tarda  point  à  expirer,  et  on  l'ensevelit 
auprès  de  son  mari  Chilpérich.  Sont-ils,  se  demande  notre  auteur,  en 
paradis  l'un  et  l'autre  ? 

Se  leurs  corps  sont  falerez,  diaprez 
Et  préservez  de  caducques  molestes, 
Et  âmes  sont  aux  royaulmes  célestes, 
C'est  un  grand  cas  !  Dieu  est  misericors, 
Mais,  veuz  les  maulx  par  eulx  mjs  en  recordz, 
Je  suys  d'avis  qu'il  est  bien  difficile 
Qu'en  leur  salut  nostre  espoir  ne  vaxile. 
De  ceste  femme  on  escript  tant  d'excès 
Qu'ilz  font  doubter  l'ame,  après  son  décès, 
Avoir  souffert  grand  peine  en  purgatoire,... 
Se  pis  n'y  a.  Peu  d'œuvre  méritoire 
Et  beaucoup  vice  en  sa  vie  a  commys; 
Son  cueur  cruel  ne  souffrit  homme  mys 
Et  loinggecté  hors  la  saincte  amour  d'elle 
Qu'il  n'en  receust  playe  afflicte  et  mortelle; 
Cruelle  en  ire,  ireuse  en  cruaulté, 
Traytresse  en  dol,  double  en  desloyaulté. 
Tant  estoit  qu'oncq  ne  fut  rassasiée 
D'espendre  sang;  elle,  fantaisiée. 
Peuples  et  gentz  innocens  tourmentoit, 
99  v"  Et  lourd  travail  sus  leur  mal  augmentoit. 
Ung  cas  commist  que  grandement  déteste 
Quant  flst  navrer  l'archevesque  Prétexte 
Disant  la  messe  au  sainct  temple  de  Dieu, 
Lors  que  d'exil  fut  remys  en  son  lieu  : 
Mort  en  receut,  dont  le  tiens  mys  au  roolle 
Des  sainctz  martirs  méritans  l'aureolle. 
Maintz  autres  maulx  fist  elle,  et  ne  sçay  pas 
Si  bien  en  fut  contricte  a  son  trespas.  — 
Celluy  Seigneur  qui  de  tous  faictz  dispose 
Le  vueille  ainsi,  affin  qu'au  ciel  repose  ! 

100  v°-103  r°.    XXXI.  Poussés    par   Brunechilde,  Théodebert  et 


DE    MAITRE   GUILLAUME   CRETIN  333 

Théodoricli  (iéclareiit  la  guerre  à  (Uotaire,  et  lui  imposent  uu  ti'aité 
onéreux.  —  Luttes  de  Landry  et  de  Berthault  [Herthoald].  Ce  der- 
nier finit  par  succomber,  mais  ses  comi)agiions  le  vengent. 

104  i"-106  r°.  XXXIL  Hrouille  entre  Thcodorich  et  son  frère.  On 
les  réconcilie  au  moment  où  leurs  armées  étaient  sur  le  point  de  se 
heurter.  —  Meui'tre  de  Prothadius. 

107r°-112r".  XXXIIL  Théodorich  épouse,  puis  répudie  la  fille  du 
roi  des  Goths.  Justement  indigné,  le  père  de  cette  princesse  s'unit, 
pour  punir  son  gendre,  non  seulement  à  Clotaire  et  à  Théodebert, 
mais  aussi  au  roi  des  Lombards  Apres  s'être  résigné  à  un  accord  qui 
lui  ôte  deux  provinces,  Théodorich  s'efforce  d'obtenir  la  neutralité  du 
roi  Clotaire,  puis,  marchant  contre  Théodebert,  il  le  défait,  s'empare 
de  lui,  l'égorgé  ainsi  que  ses  deux,  {sic)  fils.  —  Le  poète  ne  semble 
pas  croire  à  cette  vengeance  atroce. 

112  v°  Si  c'est  mensonge  ou  pure  tragédie 

N'afferme  pas.  Quoj'  que  rédige  et  die. 

Ce  n'est  qu'api'ôs  autres  plusieurs  aucteurs  : 

Doncq  si  je  mentz,  qu'on  les  tienne  menteurs. 

Ibid.  et  113  r°.  Des  dissentiments  s'élèvent  entre  Brunechilde 
et  Théodorich.  — 113  v°.  Celui-ci  se  prépare  à  de  nouvelles  con- 
quêtes, lorsqu  une  soudaine  maladie  l'emporte.  Certains  prétendent 
qu'il  fut  empoisonné  ;  d'autres  qu'il  succomba  à  un  flux  du  ventre. 
Crétin  ne  se  prononce  pas,  et  il  se  borne  à  constater  :  «  Fust  par  poi- 
son ou  flux,  il  est  notoire  Qu'il  deceda  ».  —  Conclusion  du  second 
livre. 

Gravons  dit  etteu,  depuys  Clotaire  *, 
Ce  qu'a  semblé  bon  estre  a  dire  et  taire, 
Car  il  suffist,  tant  du  bel  que  du  let, 
Cueillir  sans  plus  la  cresme  sus  le  laict  ; 
Et  pour  autant  que  nostre  présent  livre 
A  coninieucé  sus  l'un,  l'offie  se  livre 
Mectre  icy  fin,  pour  commencer  le  tiers 
A  l'autre  aussi  :  ce  que  fais  volunliers, 
111  1°  Carmes  espritz  demandent  reposée, 

Par  quoj  la  plume  au  séjour  ay  posée. 


*  Entendez  depuis  Clotaire  /". 


334  LA   CHRONIQUE  FRANÇAISE 


B.  N.  fr.  2819. 

[Fos  l-C]  Table  des  matières,  —  [7  r".]  Frontispice,  —  [7  \'°-8  r».] 
Prologue  :  L'auteur  avoue,  une  fois  de  plus,  que  la  tâche  qu'il  a 
acceptée  passe  ses  forces.  Il  est  vieux,  il  est  ignorant,  et  il  ne  possède 
aucun  des  mérites  qui  reluisent  chez  les  grands  écrivains.  De  là  sa 
lenteur,  ses  faiblesses. 

Se  Cicero,  ains  du  monde  partir, 
[8  \°]  Par  testament  m'eust  voulu  départir 

Quelque  élégance  et  doulceur  de  sa  muse, 
L'œuvre  fust  faict  ou  la  et  deçà  muse  ; 
Se  Juvenal,  que  mort  vif  a  cité, 
M'eust  resigné  une  vivacité 
De  motz  subtilz  couchez  en  ses  satyres, 
Telle  couleur  couverte  cessast  yres 
Aux  cueurs  de  ceulx  qu'on  picque,  sans  couvrir, 
Aucunesfoiz  jusques  au  sang  ouvrir  ^  ; 
Se  Perse,  Omere,  Ovide  avec  Therence, 
Ou  mieulx  Virgile,  eussent  loy  ne  taire  en  ce 
Leurs  doulx  escriptz,  et  Terre  susciter  (?), 
En  mon  endroict,  de  les  ressusciter, 
On  y  trouvast  tare  fort  différente, 
Car  en  leurs  champs  n'ay  povoir  d'y  faire  ente 
Qui  porte  fruict,  veu  qu'on  treuve  en  moy  sons 
Mal  resonantz  ;  par  quoy  (comme  en  moyssons 
Vont  simples  gentz  pas  a  pas,  non  grand  erre, 
Cueillir  petitz  espiz  de  grain  en  terre) 
Suivre  les  fault  de  loing  pour  assembler 
Ce  qu'après  eulx  bon  me  pourra  sembler. 
A  tout  le  moins  se  j'eusse  en  Poge  prise 
[9r°]  Quelque  leçon,  l'escript  que  pou  je  prise 
Fust  embelly  de  motz  facecyeux. 

1  Le  sens  paraît  être  :  Si  Juvénal  m'avait  transmis  le  secret  des  tour- 
nures subtiles  qu'il  employait  dans  ses  Hutires,  j'éviterais,  en  mettant  un 
voile  sur  mon  sti/te,  d'irriter  les  espjnts  de  mes  lecteurs,  ta72dis  qu'il 
m'arrive,  it  moi  qui  ne  sais  ]ias  habiller  la  vérité,  de  les  piquer  jusqu'au 
sang. 


DE    MAITRE   GUILLAUME  CRETIN  335 

Regrets  stériles  !...  Lorstjue  l'ou  manque  de  talent,  et  que  l'on  doit 
néanmoins  produire  une  œuvre,  le  seul  remède  est  de  s'adi-esser  à 
Dieu,  d'implorer  son  assistance.  Guillaume  Crétin  demande,  en  consé- 
quence, au  ciel  de  rendre  le  3''  livre  de  la  Chronique  plus  digne  d'être 
lu  que  les  précédents. 

[9  v"] . 

Mais  se  deflfault  notoire  y  est  prouvé, 
Ainsi  que  l'or  en  fournaise  esprouvé, 
Offre  je  fays  (sans  que  grâce  on  me  face) 
De  l'amender.  Si  ne  craings  d'homme  face, 
Fors  de  celuy  qui  peult  bien  mes  defîaullz 
Rompre  et  trencher  de  congnée  ou  de  faulx. 
Si  luj  supplye,  avant  que  sermon  œuvre 
[10  r"j  Pour  en  ses  mains  faire  adresser  mon  œuvre, 
Son  plaisir  soit  accepter  le  caz  tel 
Comme  s'il  fust  composé  de  Castel, 
De  Sainct  Gelajs,  Molinet,  du  grand  Georges 
Ou  Meschinot.  J'ay  mis  en  ma  grange  orges, 
Non  purs  fromentz  dont  pain  ont  distillé 
Doulx  a  gouster,  et  ne  me  dj  stillé 
En  l'art  comme  eulx,  mais  aj  plume  apprestée 
Selon  que  Dieu  grâce  plus  m'a  prestée  ^ 

1  r°-5  v°.  I.  Après  un  vain  essai  de  résistance,  Brunechilde  tombe 
entre  les  mains  de  Clotaire.  —  6  v°-7  v°.  II.  Celui-ci,  dans  un  ample 
réquisitoire,  énumère  à  la  captive  tous  les  crimes  commis  par  elle.  — 
8  T".  Elle  est  condamnée  à  mourir  par  l'assemblée  des  barons. 

8  v°  Adonc  le  roy,  pour  rendre  humiliée 
Sa  grant  fierté,  voulut  que  fust  lyée 
Et  garrottée  a  la  queue  au  destryer. 
Le  plus  mauvais  et  rude  a  mestryer 
Qu'on  sceust  trouver.  Lors,  nue  en  sa  chemise, 
Braz  et  cheveulz  liez,  tout  ainsi  mise, 
Fut  le  bourreau  par  contraincte  monté 
Sur  ce  cheval  farouclre  et  mal  dompté. 

»  Ce  prologue  est  l'une  des  rares  parties  du  poème  qui  présentent  une 
suite  de  rimes  équivoquces. 


336  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

Mais,  au  picquer,  r|uand  sentit  a  ses  trousses 
Pendre  le  fex,  tant  donua  de  secousses 
Et  tant  rendit  ce  chetif  corps  escoux 
De  course?,  saultz,  grandz  ruades  et  coupz, 
Qu'adjoustant  playe  a  navreure  nouvelle, 
Du  chef  rompu  i'eyt  voiler  la  cervelle, 
Et,  traversant  par  buissons  et  sentiers 
Fort  espineux,  nulz  des  membres  entiers 
Restèrent  sains,  mais,  trainnée  et  tyrée 
La  malheureuse  en  tel  point  martjrée, 
Nerfz,  veynes,  oz,  tous  ensemble  nombrez, 
Piteusement  luy  furent  desmembrez, 
9  r°  Sans  y  laisser  sur  son  corps  pel  entière. 

La  rigueur  de  ce  supplice  a  dû  rendre  le  ciel  indulgent  pour  cette 
femme  infortunée.  —  9  v°.  Elle  eut,  du  reste,  quelques  vertus,  et  la 
tradition  ne  lui  est  pas  unanimement  hostile. 

Aucuns  autheurs,  personnes  vénérables, 
En  leurs  esczùptz  luj  furent  favorables, 
Mesmes  Bocace  et  Grégoire  de  Tours.  — 
Or,  plaise  a  Dieu,  après  mondains  destours 
10  r°  De  mort  receue  et  peyne  temporelle, 
Luj  donner  vie  en  la  gloire  éternelle  ! 

lOv-llr".  III.  Eloge  de  Clotaire.  —  llv°-12v°.  Intrigues  et 
trahisons.  —  13  r".  L'un  des  coupables  est  mis  à  mort.  —  Naissance 
de  Dagobert. 

13  V-IS  r".  IV.  Pour  rintelligence  des  chapitres  qui  vont  suivre, 
le  poète  revient  en  arrière  et  raconte  la  légende   de  saint  Denys.  — 

15  v°.  Cet  homme   de  Dieu  accomplit  en   France  force  miracles.  — 

16  ro-I7  r°.  Mais,  par  ordre  de  l'empereur  de  Rome,  il  est  emprisonné, 
torturé,  puis  décapité  à  Montmartre  avec  deux  de  ses  disciples.  Denys 
ramasse  sa  tète  coupée,  et  s'en  va,  la  tenant  à  la  main,  chez  une 
chrétienne  nommée  Catulle.  —  17  v°.  Cette  dame  éprouve  une  surprise 
que  Guillaume  Crétin  ne  trouve  pas  déplacée. 

A  dire  vray,  ce  povoit  transporter 
Ung  esperit,  voyant  homme  porter 
Sa  teste  ainsi,  C'estoit  chose  admirable! 


DE  MAITRE  GUILLAUME  CRETIN  337 

18  v°  et  v°.  Catulle  ensevelit  l'apôtre  des  Gaules,  et  exhale  des 
plaintes,  hélas  !  abondantes.  —  19  r°-20  r".  Tandis  qu'elle  exprime  sa 
douleur,  passent  des  truands  qui  conduisent  à  la  voirie  les  cadavres 
des  disciphis.  La  pieuse  femme  appelle  ces  vilaines  gens,  les  enivre, 
et  substitue  les  corps  de  deux  porcs  aux  restes  mortels  des  martyrs 
qu'elle  enterre  honorablement  auprès  de  leur  maître.  —  20  v°.  Depuis 
lors,  le  tombeau  de  ces  trois  saints  fut  le  théâtre  de  nombreux 
prodiges. 

21  v''-23  v°.  V.  Maintenant  le  chroniqueur  nous  ramène  à  l'époque 
de  Dagobert.  —  Un  jour  que  ce  prince  était  en  chasse,  un  cerf  qu'il 
poursuivait  chercha  un  asile  dans  la  chapelle  où  se  trouvait  le  sépulcre 
de  Denys  et  de  ses  comi)agnons.  Les  veneurs  tentèrent  de  franchir  le 
seuil  sacré,  mais  ils  furent  comme  rivés  au  sol,  car  les  bienheureux 
avaient  pris  sous  leur  protection  la  bête...  A  partir  de  cette  heure,  la 
chapelle  parut  singulièrement  vénérable  au  fils  de  Clotaire. 

24  v°-28  v°.  VI.  Il  avait  pour  gouverneur  un  certain  Sadregisille, 
qui  ne  le  prisait  «  ung  ongnon  »,  et  le  traitait  fort  durement.  Mais 
son  élève,  pour  lui  enseigner  quelle  révérence  est  due  aux  rois,  le  fit 
étriller  des  mieux,  et  lui  coupa,  en  outre,  la  barbe.  Dès  que  Clotaire 
connut  la  mésaventure  du  pédagogue,  il  montra  un  déplaisir  si  vif  que 
le  coupable  jugea  à  propos  de  s'absenter,  et  qu'il  courut  au  tombeau 
des  trois  martyrs.  Aussitôt  son  père  ordonna  qu'il  fût  arraché  à  ce 
refuge.  —  29  v°-31  v°.  VIL  Les  saints  apparaissent  à  Dagobert  pen- 
dant son  sommeil,  et  s'engagent,  pourvu  qu'il  leur  construise  un  beau 
temple,  à  terminer  vite  et  bien  cette  affaire  si  fâcheuse.  Là-dessus 
arrivent  les  gendarmes  de  Clotaire.  Un  mystérieux  pouvoir  les  retient 
à  l'entrée  de  la  chapelle  ;  une  nouvelle  troupe  est  semblablement 
arrêtée.  —  32  r°-33  v°.  Le  roi  accourt  en  personne.  Il  était,  en  route, 
d'une  humeur  de  loup,  mais,  en  approchant  du  sanctuaire,  il  devint 
un  a  doulx  aignel  ».  —  Entrevue  du  père  et  de  l'enfant  ;  réconcilia- 
tion, attendrissement,  joie  partout. 

34  v".  VIIL  Mariage  de  Dagobert.  —  35  r°-36  r°.  11  obtient  le 
royaume  d'Austrasie,  et  lutte  contre  les  Saxons.  —  36  v"-  39  r".  Clo- 
taire amène  du  renfort,  et  les  ennemis  sont  vaincus. 

39  v''-40  \°.  IX.  Ordonnances  établies  par  Clotaire.  —  Il  songe  à 
abdiquer,  puis,  ému  par  la  douleur  de  ses  barons,  il  renonce  à  ce 
dessein,  —  41  r''-43  v°.  Réunion  d'un  concile.  Vertus  des  prélats  qui 
gouvernaient  l'Eglise  à  cette  époque.  Arnoul  [Arnulfj,  Eloy,  Fiacre. — 
Portrait  de  Clotaire;  sa  mort;  son  tombeau. 

44  v°-46  r".  X.  Lorsqu'on  lui  apprend  que  son  père  n'est  plus,  Da- 
gobert s'afflige  en  tant  que  fils,  et  se  réjouit  fort  en  qualité  d'héritier. 
—  Il  est  sacré  à  Reims.  —  11  cède,  par  bonté  d'âme,  une  partie  du 
royaume  à  son  frère  Aribert. 

22 


338  LA    CHRONIQUE  FRANÇAISE 

46  v°-b2  1°.  XI.  Construction  de  l'église  Saint-Denys  ;  elle  est  riche 
ment  dotée  et  décorée  avec  soin.  —  Remarquables  mérites  de  Dago- 
bert.  —  Ses  voyages  eu  Bourgogne,  en  Austrasie.  —  Ses  mariages 
successifs. 


53  r".  XII.  Dagobert  lors  très  fort  se  desplaisoit 
Que  Genyus  '  a  luj  ne  complaisoit, 
Disant  :  «  Par  trop  vers  moj  se  desnature,  — 
Veu  qu'on  le  tient  ministre  de  nature 
Pour  labourer,  semer  et  cultiver 
Tant  en  printemps,  autumpne,  esté  qu'yver, 
Et,  par  liqueur  d'amoureuse  rozée, 
Rendre  la  terre  amplement  arrozée  — 
Qu'ores  ne  m'a  de  tant  favorizé, 
Et  mon  labeur  si  bien  autorizé, 
Que,  par  regard  de  céleste  influence, 
•Je  n'ay  produyct  des  fruictz  en  affluence.  » 

Après  ces  motz,  se  voyant  demeuré, 
Qui  jour  et  nuyct  avoit  tant  labouré, 
Et  son  labeur  trouvant  comme  inutile, 
Délibéra  terre  avoir  plus  fertile  : 
Par  ce  moyen,  Raguetrude  a  plaisir 
Choisit  pour  faire  a  ses  costez  gésir. 

Mais  a  sçavoir  s'excuse  légitime 
Eut  en  ce  cas  ?  Pour  response  j'extime 
53  v°  Qu'offensa  Dieu,  car  on  ne  doibt  jamais 

Commettre  ung  mal  pour  bien  quelconque,  mais 
Les  princes  ont  aultre  loy,  ce  leur  semble, 
Que  simples  gentz.  Le  tout  meslé  ensemble, 
Entre  eulx  et  nous  ne  gyst  exception, 
Car  Dieu  n'entend  avoir  acception 
D'homme  vivant,  en  tant  que  touche  offense 
Contrevenant  a  ce  dont  faict  deffense. 
Or  passons  oultre. 

Advint,  touchant  cela, 


1  Personnage  du  Roman  de  la  Rose.  —  Dans  les  vers  qui  suivent, 
Crétin  expose,  d'une  manière  pudiquement  allégorique,  les  attributions 
de  Genius. 


DE    MAITRK  GUILLAUME  CRETIN  339 

Que  cesie  fleur  sou  germe  ne  cela, 
Car,  sans  doubter  estre  a  ce  mal  luenée, 
Fejt  ung  beau  fllz  en  celle  raesrae  année. 
A  Orléans  elle  acoucha  et  geut, 
Le  roy  présent,  et  si  a  point  escheut 
Que  la  survint  Aribert.  Lors  grand  feste 
Pour  la  venue  et  de  l'enfïent  fut  faicte. 
De  frère  a  frère  y  eut  tout  tel  reccueil 
Qu'en  pareil  caz  cueur  doibt  penser,  et  qu'œil 
Peult  adviser  personne  estre  pourveue 
D'ample  soulaz,  quant  voit  a  pleine  veue 
Le  sien  amj,  et  prochain  d'elle  sent 
Ce  qui  long  temps  avoit  esté  absent. 
54  r°       L'appareil  faict  qu'au  baptesme  on  doibt  faire, 
Le  bon  preudhomme  Amand,  en  ceste  affaire, 
Pour  baptiser  l'enffent  fut  depputé, 
Cai"  il  estoit  sainct  homme  repputé, 
Et,  a  bon  droict,  l'Eglise  tel  l'approuve. 
(C'est  sainct  Amand  qu'au  Cathalogue  on  trouve.) 
L'enffent  tenu  sur  fontz  par  Aribert, 
Le  dénomma  en  son  nom  Sygibert. 
Or,  retenez  qu'a  ce  divin  oracle 
Sur  l'heure  j  eut  un  évident  miracle, 
A  extimerplus  sans  comparaison 
Que  je  ne  dj  :  car,  après  l'oraison 
Que  sainct  Amand  disoit,  n'eut  personnaige 
Qui  mot  sonnast,  l'enffent  (tenant  en  aaige 
Quarante  jours  sans  plus,  comme  examen 
Fut  sur  ce  faict)  seul  respondit  :  «  Amen  !  » 
A  pleine  voix  fort  haulte  et  bien  ouje, 
Dont  les  deux  roys  et  la  tourbe  esjouye 
Se  deurent  fort,  comme  croyre  se  doibt, 
Esmerveiller  et  dire  que  c'estoit. 
Pour  l'advenir,  presaige  et  asseurance 
De  tel  enffent  avoir  bonne  espérance. 
54  v"  Les  piestres  la  furent  ce  ver  chantantz 

Qui  dit  de  bouche  aux  enffentz  alaittantz  : 
o  0  tu,  Seigneur,  que  sans  cesse  loue  ange, 
As  huy  parfaicte  icy  digne  louange  !  » 


340  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

Je  laisse  a  dire  et  au  penser  remetz 
Quels  appareils  on  feyt  de  divers  metz, 
Quels  feux  de  joje  et  quelles  rondes  tables 
Dressèrent  peuple  et  personnes  notables 
De  toute  France.  Il  ne  fault  pas  doubter 
Que  tout  compter  sembleroit  radotter. 

55  r°  et  v°.  Dagobert  donne  à  son  fils  nn  gouverneur;  il  se  propose 
ensuite  de  parcourir  celles  de  ses  provinces  qu'il  n'a  pas  encore 
visitées,  mais  un  changement  déplorable  se  produit  en  lui  à  ce  moment. 

56  r"  et  v°.  Xlll.  11  éloigne  de  sa  cour  les  gens  de  bien  et  lâche  la 
bride  à  ses  passions. 

Pour  lors  estoit  si  fort  exercité 
A  exploicter  vaine  lubricité 
Que  par  pays  tenoit  concubiuaige 
De  sept  ou  hujt  putains  en  son  mesnaige, 
Sans  le  surplus  qu'en  reserve  laissoit 
En  plusieurs  lieux.  Pensez  combien  let  soit 
A  ung  grand  prince  et  chose  mal  honneste, 
Quant  l'aiguillon  d'amours  tant  l'admonneste, 
Et  l'appétit  sensuel  le  contrainct 
De  forvoyer,  qu'au  moins  ne  se  restrainct 
Jusques  sa  honte  a  raison  rendre  esgale, 
Pour  caultement  esviter  le  scandale, 
Comme  en  conseil  l'apostre  a  bien  cotte  : 
Si  non  casle^  dit  il,  tamen  caute. 
57  r°  Aux  princes,  grandz,  prelatz  et  gentz  d'Eglise 
S'extend  le  mot;  mais  chascun  scandalize 
Fort  son  estât,  parles  traictz  gracieux 
De  Cupido,  qui  tant  bende  les  yeulx 
Aux  enyvrez  de  ceste  mère  goutte 
Qu'advis  leur  est  le  monde  ne  veoir  goutte. 

Autres  vices  de  Dagobert.  —  57  v".  Il  ravage  la  ville  de  Poitiers. 
—  58  r°  et  v°.  11  chasse,  puis  rappelle  saint  Amand. —  59  r".  Bonheur 
des  princes  qui  ont  de  sincères  conseillers. 

59  vo.  XIV.  Mort  d'Aribert  et  de  son  fils.  —  60  r".  Retour  du  roi  de 
France  à  la  sagesse.  —  60  v''-61  v".  11  fait  la  guerre  aux  Esclavons 
et  conclut  avec  les  Saxons  une  alliance  peu  profitable.  —  62  r°-63  i°. 


DE  MAITRE   GUILLAUME  CRÉTIN  3''ll 

Il  cède  l'Austrasie  à  Sygibert  et  réserve  la  Neustrie  et  la  Bourgogne 
pour  un  autre  enfant  (Clovys  ou  Loys),  qui  lui  était  né  depuis  peu. 
Les  deux  fils  s'engagent  à  vivre  toujours  d'accord.  —  63  y".  Institution 
de  la  foire  du  lendit.  Crétin  remarque  qu'on  devrait  l'appeler  foire  de 
Vesdict. 

65  r°  '.  XV.  Dagobert  est  vainqueur  des  Gascons.  —  65  v°-66  v°.  Il 
se  prépare  à  envahir  la  Bretagne,  mais  le  chef  de  ce  pays,  Nydicahil 
[Judicaël],  vient  à  Clichy  et  obtient,  par  sa  soumission,  la  paix. 

67  v°-69  r°.  XVI.  Consécration  de  l'église  Saint-Denys.  Elscorté 
a  des  deux  benoistz  apostres ,  Pierre  et  Paul  »,  d'une  multitude  de 
dignes  martyrs  et  d'une  «  belle  tourbe  d'anges  »,  Jésus  descend  du 
ciel  pour  bénir  le  monument.  Depuis  lors,  le  23  février  de  chaque 
année,  les  fidèles  viennent  en  foule  à  ce  sanctuaire  pour  obtenir  le 
pardon  de  leurs  péchés.  Le  chroniqueur  regrette  que  ce  pardon  soit 
accordé  (ou  plutôt  vendu)  par  des  prêtres  avides,  ignorants,  sans 
scrupules. 

Bien  est  il  vray  que  la  se  peult  commettre 
Maint  grand  abuz  qu'on  ne  devroit  permettre, 
Et  mesmement  d'ung  tas  de  confesseurs 
Qui  n'ont  sçavoir  pour  rendre  confèz  seurs 
De  leurs  péchez,  car  plusieurs  n'ont  ententes, 
En  confessant  personnes  pénitentes, 
69  v°  Sinon  de  prendre  argent  a  toutes  mains  : 
Quant  au  salut  des  âmes,  c'est  du  mains. 
Si  grand  abuz  maint  cueur  d'homme  en  infeste, 
Qui  tourne  a  honte  apperte  et  manifeste 
A  ceulx  ajantz  l'auctorité  sur  eulx, 
Et  deussent  bien  d'examen  rigoureux 
Les  esprouver.  Mais  diray  je?  On  leur  gette, 
Pour  trois  grans  blancs,  en  main  une  vergette 
Et  le  billet  de  papier  par  dessus, 
Sans  veoir  s'ilz  ont  les  sainctz  ordres  receuz. 
C'est  grand  pitié  comme  avarice  aveugle 
Ainsi  les  gentz!  Livrer  a  un  aveugle 
Ung  aultre  aveugle  a  condujre  et  mener  ! 
On  entend  bien,  helas!  qu'au  cheminer, 
Veuz  les  chemins  pleins  de  trous  ou  s'embuschent, 

*  Le  feuillet  64  est  blanc  au  r°,  et  porte,  au  v°,  une  vignette. 


342  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

(Qu")  Au  creux  d'enfer  tous  deux  vont  et  trebuschent. 
Gentz  aveuglez,  pensez  vous  estre  absoulz 
Pour  desbourser  deux,  trois  ou  quatre  souldz? 
Mais  cuidez  vous,  simples  bestes,  soubz  umbre 
De  telz  pardons,  qu'en  portant  la  ung  nombre 
De  gros  péchez,  sojez  nectz  et  curez,  — 
Et  les  petits  portez  a  vos  curez  ? 
70  r°  Confession  doibt  estre  pure,  entière 

Et  toute  vraye.  —  Or,  c'est  une  matière 

Ou  ne  me  vueil  fonder  quant  a  présent. 

Car  d'en  toucher  voj  mon  sens  propre  exempt. 

70  v°-74  i'°.  XVII.  Harangue  solennelle  de  Dagobert  à  ses  fils  et 
aux  trois  états  du  royaume.  Considérations  politico-religieuses.  Le 
prince  sent  sa  fin  prochaine  :  il  prêche  la  concorde,  récite  son  testa- 
ment et  demande  des  messes. 

75  r".  XVIU.  De  fait,  la  mort,  cette  furye  fatale,  a  résolu  de  l'en- 
lever à  la  teire. 

75  v°  Il  fut  saisj  d'excessif  mal  de  flux, 
Dissenterye  appelé  en  praticque 
De  médecine.  Et  dit  l'histoire  antique 
Qu'a  Espyney,  près  de  Paris,  estoit 
Lors  que  ce  flux  si  fort  le  molestoit, 
Dont,  meu  de  crainte  et  pensée  esbahje, 
De  la  se  feyt  porter  en  l'abbaye 
De  Sainct  Denys,  pour  son  mal  aleiger; 
Mais  congnoissant  sadouUeur  rengreger, 
Et  tous  les  artz  d'abusifves  praticques 
Aux  médecins  (drogues  de  leurs  bouthiques 
Et  restaurantz  dont  uzent  en  ce  cours) 
Ne  luy  porter  efFect  de  bon  secours, 
Plus  n'espéra  faire  longue  demeure. 

76  r''-77  Y".  Il  mande  son  chambellan  et  ses  amis,  déplore  ses 
égarements,  et  fait  une  prière  de  deux  pages. 

Après  ces  motz  si  fort  accès  l'esprit 
Que  tost  fut  mys  en  l'agonie  extresme. 


DE    MAITRE   GUILLAUME   CRETIN  343 

Adone  Cloto,  ourdissant  chesne  et  tresme 

Du  fil  de  vie,  endura  sans  propos 

Tout  detrencher  par  la  fiere  Attropos 

Qui,  gloutte  a  prendre  en  ce  plat  souppe  grasse, 

Clouyt  le  paz  au  bon  roy,  l'an  de  grâce 

Six  centz  quarante  et  cinq  *,  moysde  febvrier. 

78  l'^-TO  v°.  Le  peuple  est  inconsolable  ;  on  conduit  le  défunt  à 
Saint-Denys.  —  Vision  de  Jean  l'anachorète  :  les  diables  emportent 
en  bateau  l'âme  du  pauvre  Dagobert  ;  elle  appelle  à  son  secours 
Denys,  Maurice  et  Martin  ;  ils  se  présentent  aussitôt,  fendent  «  vagues 
et  undes  >',  arrachent  aux  démons  leur  proie,  et  remontent  vers  Dieu 
en  chantant.  Guillaume  Crétin  affirme  que  l'histoire  est  authentique, 
et  la  preuve,  dit-il,  c'est  qu'elle  a  été  racontée  par  Audoeuus  (saint 
Ouen),  personnage  grave,  notable preudhomme,  et  qui  n'avançait  que 
les  choses  dont  il  était  sûr. 

80  r°-81  r».  XIX.  Partage  du  royaume.  —  81  v''-82  r°.  Luttes  entre 
Flocate,  gouverneur  de  Bourgogne,  et  Vuyllebault^;  celui-ci  est  tué 
dans  une  rencontre.  «L'histoire  dit  ce  combat  près  Authun  Avoir  esté: 
du  lieu  ce  m'est  tout  ung.  »  —  82  v°.  Mort  de  la  femme  de  Dagobert. 

83  r°  et  v°.  XX.  Famine  en  France.  —  Clovys  épouse  Bathilde.  — 
84  r"  et  v°.  Privilèges  accordés  au  monastère  de  Saint-Denys.  — 
Réflexions  sur  la  vie  des  moines  :  elle  est  souvent  peu  édifiante.  — 
Clovys  ordonne  que  la  châsse  de  saint  Denys  soit  ouverte,  et  il  vole 
l'un  des  bras  du  martyr.  —  85  r".  Cette  profanation  excite  le  cour- 
roux céleste.  Clovys  perd  l'usage  de  la  raison  ;  il  se  décide  à  restituer 
le  bras,  «  mais  quoy  qu'après  sentist  amendement.  Si  fut  tousjours 
foible  d'entendement  ».  —  85  v°-86  r".  Sa  mort  —  Bathilde  entre 
au  couvent  et  y  mène  une  existence  exemplaire. 

86  v°-87  v".  XXI.  Histoire  de  Grimouauld  [Grimoald]  et  de  son  fils 
Hildebert. 

88r°-90r°.  XXII.  Règne  stérile  de  Clotaire  111.  Ce  prince,  d'ail- 
leurs, ne  vit  guère.  «  Laissons  le  la  :  ce  n'est  pas  grand  dommage  !  » 

90  v°-93  ro.  XXIII.  Autres  rois  fainéants  :  Théodorich  et  Childé- 
rich.  Celui-ci  est  tué  ;  celui-là  tondu,  puis  chassé,  mais,  après  quel- 
que temps,  la  couronne  lui  est  rendue.  —  93  v°-95  r".  XXIV.  Il  est 
vaincu  et  banni  par  Ebroin,  qui  accapare  le  pouvoir  comme  maire  du 
palais,  et  accomplit  (95  v°-96  \°)  beaucoup  d'actions  indignes. 

97  yO-QS  r".  XXV.  Il  rétablit  Théodorich  sur  le  trône,  et  arrête,  par 

*  La  date  est  fausse.  Dagobert  mourut  en  638. 
2  Flaokhat  et  Willibald. 


344  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

une  belle  victoire,  les  entreprises  des  ducs  Martin  et  Pépin  [de  Héris- 
tall],  Martin  est  occis;  Pépin,  plus  heureux,  se  sauve.  — 98  v°. 
Assassinat  d'Ebroin.  —  99  r^-lOl  r°.  La  mairie  du  palais  échoit  d'abord 
à  Varracon  [Waratte],  qui  a  son  fils  pour  rival,  puis  à  Berquaire 
[Berther],  personnage  inepte  et  lâche,  que  ses  propres  soldats  égor- 
gent après  une  bataille  gagnée  par  Pépin. 

102  r'-lOS   re,  XXVI.  Dagobert  [111]  n'a  de  la  royauté  que  le  titre. 

—  La  veuve  de  Pépin,  Plectrude,  aspire  à  gouverner  les  Français.  — 
Un  seigneur  nommé  Raganfrède  [Raghenfrid]  se  distingue  par  quel- 
ques expéditions  guerrières.  —  Mort  de  Dagobert;  les  enfants  qu'il 
laisse  sont  en  bas  âge,  et  son  sceptre  est  dévolu  à  Daniel  [Chilpérich]. 

103  v°.  C'est  à  ce  moment  qu'entre  en  scène  Charles-Martel.  — 
104  r'-lOS  v°.  Plectrude,  sa  marâtre,  le  retenait  prisonnier  à  Cologne, 
mais  il  réussit  à  se  sauver.  —  (Ici  Guillaume  Crétin  s'interrompt,  et 
rac  mte  comment  fut  fondée  l'abbaye  du  Mont-Saint-Michel.) 

106  v^-lOS  v°.  XXVII.  Victoires  remportées  par  Charles-Martel  sur 
Chilpérich  et  Raganfrède.  —  109  r"  et  v".  Défaite  des  Saxons  et  des 
Allemands.  —  Un  accord   est  conclu  avec  Eudes,    roi  des  Gascons. 

—  110  r».  Mort  de  Chilpérich. 

111  r°  et  vo.  XXVIII.  Les  Turcs  envahissent  la  France  méridio- 
nale ;  ils  s'emparent  de  Bordeaux  et  saccagent  cette  ville,  dont  les 
habitants  sont  plongés  dans  la  douleur  et  l'effroi. 

On  ne  sçauroit  d'ung  jour  avoir  escrjs 
Les  pleurs,  clameurs,  souspirs,  plainctes  et  crjs 
Dont  se  plaingnit  la  cité  douloureuse, 
Au  jour  dolent  et  heure  malheureuse. 
112  r"  Qui  lors  ouyst  getter  crjs  et  sangloutz, 
En  la  fureur  de  ces  Turqz  au  sang  gloutz 
Des  povres  gentz,  ce  fust  assez  pour  dire 
Estre  sur  eulx  allumé  le  feu  d'jre. 
Loupz  affamez  a  travers  grandz  troppeaulx 
D'aigneaulx  petitz,  pour  griffes  mettre  aux  peaulx 
Et  a  leur  col  les  emporter  et  pendre, 
Ne  sont  point  tant  cruels  a  sang  espendre. 
Qui  vejst  adonq  grandz  et  petitz  crier, 
A  joinctes  mains  mercy  a  Dieu  prier, 
Voyantz  sur  eulx  fondre  telles  tempestes, 
Gorges  coupper,  abattre  et  coupper  testes  *,... 

*  Anacoluthe.  Parmi  ceux  qui  auraient  pu  entendre  les  supplications 
de  ce  peuple  et  assister  à  son  égorgement,  il  ne  se  serait  trouvé  personne 


DE  MAITRE  GUILLAUME  CRETIN  345 

Trouveroit  on  au  monde  cueurs  si  durs 
Qui,  par  pitié,  n'eussent  erreur  veoirTurqz 
D'austérité  severe  et  incivile 
Tjrannizer  et  traicter  ainsi  viile  ? 
A.insi  que  feu  ardant  qui  en  four  est, 
Ou  flamme  esprise  eramy  une  forest 
Consomme  et  ard  ce  que  peult  encontrer, 
Les  chiens  mastins,  tous/orcenez  d'entrer, 
A  feu  et  sang  ainsi  la  cité  misrent, 
Et  nul  vivant  en  eschapper  permisrent. 
112    v°  Qui  d'œil  verrait  telles  occisions, 
Faire  des  corps  grandes  incisions, 
Membres  trenchez,  testes  escervelées, 
Femmes  courir  toutes  deschevelées, 
Les  cueurs  navrez,  desja  presque  transsiz 
Pour  leurs  marjs  auprès  d'elles  occiz, 
Pères,  enffentz,  frères,  seurs  et  parentes,... 
Diroit  on  pas  causes  estre  apparentes 
Pour  en  mener,  tant  de  cueur  comme  d'œil, 
Fort,  excessif,  grand  et  extrême  dueil? 
Certes  je  tiens,  a  franchement  respondre, 
Cela  devoir  a  raison  correspondre. 
Considéré  le  mal  qui  en  deppend 
Et  qu'a  nous  tous  autant  a  l'œil  en  pend. 

Les  Turcs  se  dirigent  vers  Poitiers. 

Les  cloches  dont,  lors,  sonnèrent  matines 
Furent  canons,  faulcons  et  serpentines; 
Respons,  versetz,  hjmpnes,  motetz  et  chantz 
Portèrent  crys  despiteux  et  trenchantz  ; 
113  r°  Processions,  de  Mars  sont  avantgardes  ; 

Chappes  aussi,  harnojs  cliquantz  et  bardes; 
L'eau  benjste  est  pleine  de  sang  bouillant. 
Et  l'aspergés,  glaive  a  mortel  taillant  ; 
En  lieu  de  croix,  picques  ;  et  pour  banieres, 


qui  eût  l'âme  assez   dure    pour  ne  pas  prendre  en  pitié  une  ville  ainsi 
traitée.  —  Le  début  du  f"  112  v°  offre  une  construction  toute  semblable. 


346  LA  CHRONIQUE   FRANÇAISE 

Fiers  estendardz  de  sauvaiges  manières  ; 
Quanta  Tencens,  il  est  certain  qu'a  nom 
Souffre,  salpestre  et  pouldre  de  canon  '. 

Prise  de  Poitiers. —  113  v- 115  r».  Les  infidèles  s'approchent  de 
Tours,  mais  Charles-Martel  se  porte  à  leur  rencontre.  Bataille.  Les 
Français  tuent  385,000  Turcs.  Crétin  célèbre  cette  magnifique  vic- 
toire. 

115  v°-117v°,  XXIX.  Charles-Martel  réprime  une  révolte  en  Bour- 
gogne; il  triomphe  des  Frisons;  il  enlève  Avignon  aux  Arabes,  et 
accomplit  des  exploits  si  nombreux  (118  r")que  le  chroniqueur  renonce 
à  les  narrer  tous  parle  menu.  —  118  v°-119  r°.  Malheureusement,  ce 
héros  adjuge  à  ses  barons  les  biens  ecclésiastiques,  atl'on  a  le  droit, 
en  conséquence,  de  se  demander  s'il  est  présentement  au  Paradis. 
Crétin  n'en  est  pas  sûr,  et  il  constate  que,  dans  le  tombeau  de  cet 
homme  qui  avait  mis  la  main  sur  l'argent  des  prêtres,  un  serpent  fut 
découvert.  C'est  là  un  signe  inquiétant.  —  119  vo-120  r».  Charles  par- 
tage le  royaume  entre  ses  fils,  puis  il  meurt. 

121  r°-124-v".  XXXI.  Griffon  [Grippo]  est  vaincu  et  emprisonné  par 
ses  fières.  —  Après  d'heureuses  campagnes  contre  les  Bavarois  et  les 
Germains,  Carloman  est  touché  de  la  grâce,  et  se  fait  moine.  —  Grif- 
fon recouvre  la  liberté  ;  il  attaque  son  frère  Pépin  le  Bref,  et  finit  par 
succomber. 

125  vo-127  ro.  XXX.  Le  pape  Zacharie  déclare  que  le  titre  de  roi 
de  France  appartient  légitimement  à  Pépin  et  non  pas  à  Childérich. 
Celui-ci  est  déposé   et  tondu  ;    la  lignée  de  Pharamon  est  éteinte.  — 

127  \o.  Guerre  avec  les  Saxons. —  Le  pape  Etienne  vient  en  France. — 

128  r»-129  v°.  Pépin  est  sacré  par  le  pape;  il  lui  promet  son  aide  contre 
les  Lombards,  et  se  prépare  à  passer  les  Alpes.  —  130  r''-131  v". 
Expédition  victorieuse.  Gratitude  du  saint-père:  il  accorde  à  son  libé- 
rateur  un  privilège  notable.  —  Mort  du  roi  des  Lombards. 

132  r°-133  v°.  XXXII.  L'empereur  de  Constantinople  envoie  une 
ambassade  à  Pépin.  —  Les  Saxons  éprouvent  de  nouveaux  revers.  — 
Fondation  du  Parlement  de  Paris. 

134  r"  0,  le  grand  bien  que  feyssent  telles  gentz  2, 

1  Cf.  Molinet,  Le  Temple  de  Mars  :  «  Le  chant  de  ce  temple  est 
alarme,  |  Les  cloches  sont  grosses  bombardes,  |  L'eaue  benoiste  est  sang 
et  larme,  |  L'espergès  ung  bout  de  guisarme,  |  Les  chappes  sont  har- 
nas  et  bardes,  |  Les  processions  avantgardes,  |  Et  l'encens  pouldre  de 
canon.  » 

*  Les  personnages  chargés  de  rendre  la  justice. 


DE  MAITRE  GUILLAUME   CRETIN  347 

Si  quelque  peu  fussent  plus  diligentz 
D'expédier  les  procez  qu'on  intente, 
Car,  sans  mentir,  trop  longue  en  est  l'attente  ! 
C'est  grand  pitié  d'oujr  les  attendantz 
Faisantz  regretz  dont  il  y  a  tant  d'ans 
Qu'ilz  sont  après.  Souvent  si  longue  suytte 
Cause  plusieurs  mourir  a  la  poursuytte. 
Soliciteurs,  en  ce  rojal  manoir, 
Vojt  on  courir  sur  pavé  blanc  et  noir, 
Soirs  et  matins,  pour  présenter  requestes 
A  presidentz  et  seigneurs  des  enquestes  ; 
Genoulx  flechiz,  de  main,  de  bouche  et  d'jeulx, 
Les  vont  ainsi  adorant  comme  dieux. 
Leur  hault  sçavoir.  grand  sens,  langue  hebrayqu  e, 
Grecque,  latine,  et  vertu(z)  heroyque 
Au  vif  semblant  des  sénateurs  romains, 
Font  qu'après  eulx  courent  et  courront  maintz. 
134  v°  Telz  hommes  sont  droictz  comme  joncz  oucjerges, 
Patrons  d'honneur,  de  justice  concierges, 
Pilliers  de  paix,  arches  de  vérité, 
Qui  —  sans  faveur,  heyne  ou  sévérité  — 
Font  leur  renom  luyre  comme  en  verrière 
Luyt  le  soleil,  et  n'ont  huys  de  derrière. 
Le  droit  gardé  parleurs  fermes  arrestz. 
Jugent  despendz,  dommaiges,  interestz, 
Myses  et  coustz,  a  aulcuns  bien  propices. 
Aux  aultres  mal  :  car  trop  y  a  d'espices  ! 
C'est  incident.  Mais,  tous  propos  hors  mys, 
Bien  heureux  est  qui  n'a  plait  n'ennemys! 
Qui  a  repos  d'esperit  vie  affecte 
Achepte  paix  tousjours,  et  maison  faicte. 


135  v°- 136  v*.  XXXIII.  Campagne  de  Pépia  en  Aquitaine.  —  Sa 
mort. 

137  r°-138  r".  Histoire  du  saint  homme  Gengoul,  le  modèle  des 
maris  patients.  Après  l'avoir  beaucoup  trompé,  sa  femme  l'expédie 
dans  l'autre  monde,  mais,  là,  il  prend  bien  sa  revanche,  et  il  afflige 
soudain  son  épouse  d'une  maladie  étrange...  et  sonore.  Le  miracle  est 
édifiant,    quoique  sale.    L'enseignement   qu'il  renferme  mérite  d'être 


348  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

retenu  :  les  fenames  risquent  beaucoup  en  bafouant  «  Les  bons 
marys  que  Dieu  veult  colloquer  La  sus  au  cieL..  «  —  138  v°.  Gen- 
goul  ne  fut  pas,  en  son  temps,  le  seul  personnage  digne  de  figurer 
au  calendrier.  Crétin  en  cite  quelques  autres.  Et  je  pourrais,  dit-il, 
faire  une  liste  plus  étendue  : 

Mais  je  m'en  tajs  :  assez  ont  exemplaire 
Jeunes  prelatz,  si  a  Dieu  veuUent  plaire, 
Ediffier  peuples  du  bon  endroict. 
Suffise  a  tant.  Quant  chacun  yra  droict, 
Lors  charité,  qui  zèle  aux  cueurs  alurae, 
Les  esmouvra.  —  C'est  fin  du  tiers  volume. 
Mieulx  que  pis. 


B.  N.  fr.  2820. 

[1  v°,]  Frontispice. —  [2  r".]  Prologue.  Guillaume  Crétin  se  regarde, 
tant  qu'il  n'aura  pas  achevé  son  ouvrage,  comme  le  débiteur  du  roi. 
Par  bonheur,  c'est  là  un  créancier  de  bonne  composition  et  qui  sait 
attendre.  —  [2  \°-A  r".J  L'auteur  de  la  Chronique  va  aborder  un  sujet 
non  moins  difficile  que  magnifique,  et  il  nous  raconte  un  songe  qu'il 
prétend  avoir  eu  à  ce  propos.  Un  matin  de  mai  (c'est  le  cadre  du 
Roman  de  la  Rose),  le  bon  Guillaume,  qui  s'était  endormi  dans  la 
campagne,  crut  voir  un  chevalier  combattant,  pour  une  très  belle 
dame,  contre  une  vieille  personne  fort  désagréable.  La  belle  dame 
s'appelait  Foi  Catholique  ;  la  femme  laide  et  revêche  figurait  l'hérésie 
des  Sarrasins  ;  quant  au  chevalier,  il  était  empereur  et  roi.  A  son 
réveil,  Cretia  devine  que  ce  champion  de  l'orthodoxie  n'est  autre  que 
Charlemagne,  et  il  se  propose  de  le  célébrer  dignement. —  [4  v°.]  Excel- 
lence de  ce  prince.  —  Le  poète  s'accuse,  une  fois  encore,  de  travailler 
trop  lentement. 

Très  humblement,  Sire,  je  vous  supplje, 
Se  plus  tost  n'aj  ma  promesse  acomplye, 
Excusez  l'aaige  et  foible  antiquité. 
J'espère  bien  me  trouver  acquicté 
[5  r»]  A  l'advenir,  et  mieulx  vous  satisflFaire, 
Si  a  Dieu  plaist  ceste  grâce  me  faire 
La  santé,  vie  et  aviz  me  prester, 


I 


DE  MAITRE   GUILLAUME   CRETIN  349 

Et  que  veuillez  œil  et  cueur  apprester 
Tendre  vers  moy  votre  main  libérale, 
En  excusant  ma  parolle  rurale. 


1  ro.4  ro.  I.  Les  deux  fils  de  Pépin  furent  Charles  et  Carloman.  — 
Le  premier  triomphe  du  roi  d'Aquitaine  Hunulphe  (Hunald). 

5  V-l  v°.  II.  A  la  requête  du  pape  Adrien,  Charles  va  combattre  les 
Lombards.  —  7  v°-9  i°.  11  remporte  une  victoire  éclatante  ;  il  met  le 
siège  devant  Pavie,  laisse  une  partie  de  ses  gens  autour  de  cette  place 
et  se  dirige  vers  Rome.  —  9  v°-10  v".  Ou  l'accueille  comme  un  libé- 
rateur; il  reçoit  du  saint-père  maints  privilèges,  puis  il  reprend  la 
route  de  Pavie.  —  11  v°-12  v».  111.  Cette  ville,  qui  est  désolée  par  la 
famine,  se  décide  à  capituler.  —  13  ro-14  v».  Campagne  contre  les 
Saxons  ;  les  troupes  françaises  les  dispersent,  et  regagnent  leurs 
foyers. 

15  v°-16  v»  IV.  Les  douze  pairs.  —  17  r"-l9  r".  Heureuse  guerre 
en  Espagne  ;  les  Gascons  trahissent  et  sont  punis. 

19  v°-24  vo.  V.  Le  duc  des  Bavarois,  Tassillon,  se  prépare  à  attaquer 
Charlemagne  ;  la  peur  le  pousse  ensuite  à  demander  humblement  la 
paix  ;  il  l'obtient,  mais  il  continue  à  nouer  de  ténébreuses  intrigues, 
dont  il  aura  plus  tard  sujet  de  se  repentir.  —  Révolte  et  châtiment 
des  Bretons.  —  Louable  activité  du  roi.  —  II  ordonne  aux  Normands 
de  respecter  ses  frontières. 

25  vo-27  r".  VI.  Il  passe  en  Italie,  où  il  désarme  le  duc  de  Béné- 
vent.  —  27  v°.  Ambassade  de  l'empereur  Constantin. 

28  ro-30  r".  Tassillon  supplie  le  pape  de  le  réconcilier  avec  Charles, 
mais  lorsque  le  saint-père  invite  les  députés  du  Bavarois  à  donner 
des  garanties,  ils  répondent  qu'on  ne  les  a  point  chargés  d'en  fournir. 
Ils  sont,  en  conséquence,  éconduits,  et  les  Français  se  disposent  à 
marcher  contre  le  duc.  —  31  v°-33  \°.  VII.  Celui-ci,  à  l'approche 
de  l'armée,  fait  une  soumission  entière  et  consent  à  être  jugé  par 
l'assemblée  de  la  noblesse.  Le  tribunal  le  déclare  coupable  de  trahison 
et  le  condamne  à  mourir.  Le  roi  adoucit  l'arrêt,  et  il  acquiert  une 
grande  réputation  de  clémence  en  se  bornant  à  ordonner  que  Tassillon 
soit  tondu. 

34  v°-37  v°.  VIII.  Préparatifs  contre  les  Huns.  Charles  habitue  ses 
troupes  à  la  discipline,  et  Crétin  constate  avec  mélancolie  que  l'on  ne 
voit  jdus  dans  les  armées  l'ordre  qui  y  régnait  alors.  —  Les  Huns 
éprouvent  de  graves  échecs.  —  38  r<*  et  v".  La  peste  désole  le  camp 
des  vainqueurs.  —  Digression  :  Pourquoi  les  princes  français  ne  meu- 
rent-ils jamais  ni  de  la  peste,  ni  victimes  de  l'artillerie  ?  Discussion 
de  ce  problème.  —  39  v°-40  r».  IX.  Les  Huns  reprennent  courage  et 


350  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

obtiennent  même  quelques  succès.  —  40  v°.  Imprécations  contre  la 
guerre.  —  41  r».  Fermeté  du  roi  dans  les  revers.  —  41  vo-42  ro.  l^es 
ennemis  continuent  à  prospérer,  et  Crétin  à  maudire  la  guerre.  — 
42  v"-43  r°.  A  la  fin,  Charlemagne  est  vainqueur,  et  des  richesses 
inouïes  tombent  entre  ses  mains. 

43  v°-45  v°.  Nouvelle  agression  des  Normands  ;  le  grand  roi  les 
repousse,  puis  retourne  à  Aix. 

47  ro  ij-49  r°.  X.  Indignement  violenté  par  quelques  seigneurs 
romains,  le  pape  Léon  vient  demander  secours  à  Charles,  qui  le 
rétablit  sur  le  trône  pontifical.  —  49  v°-51  r".  Par  gratitude,  Léon 
donne  au  roi  de  France  le  titre  d'empereur. 

52  l'O  et  v°.  XI.  Guillaume  Crétin,  qui  va  tracer  le  portrait  de  Char- 
lemagne, déclare  qu'il  se  contentera  de  reproduire  les  renseignements 
que  fournit  la  Chronique  de  Turpin  '-.  Après  avoir  fait  l'éloge  de  ce 
personnage  pieux,  il  nous  dépeint  le  grand  Charles  comme  suit  : 

Or  donq,  ainsi  que  Tulpin  nous  informe 
De  la  beaulté  corporelle  et  la  forme 
Du  magnanime  empereur,  ses  recordz 
Sont  lelz  qu'il  fut  puissant  homme  de  corps  : 
D'iiujt  piedz  des  siens  fort  longs  portoit  stature, 
Et  tant  longueur  contenoit  la  ceinture 
53  r°  Dont  se  ceygnit,  oultre  ce  qui  pendoit 

Du  reste  a  bas,  lors  que  ceynct  en  estoit^; 
Ample  de  reins,  le  ventre  convenable; 
Cuysses,  braz,  mains  de  grosseur  raisonnable 
Selon  le  corpz  ;  d'ung  espan  et  demy 
La  face  avoit  *,  couUeur  vifve  parmy  ; 
Nez,  yeulx,  sourcilz  bien  longs  ;  le  front  très  large, 
Comme  on  diroit  d'ung  demy  pied  en  marge  ; 
Barbe  d'ung  pied  monstrant  virilité 

*  Le  ms.  présente,  à  cet  endroit,  deux  vignettes  successives. 

*  Il  est  vrai  qu'il  emprunte  beaucoup  à  Turpin,  mais  il  ne  doit  guère 
moins  à  Eginhard.  — Cf.  Tiirpi7ii  Historia  CaroU  Magni  et  Rotholandi, 
XX,  p.  39-40,  (édition  F.  Gastets,  Montpellier  et  Paris,  188U);  (Euvres 
complètes  d'Eginhard,  t.  I,  Vita  Caroli  impei^atovis,  XXII-XXVII,  p.72-87, 
(édition  A.  Teulet,  Paris,  1840). 

^  «  Cingulum  namque,  quo  ipse  cingebatur,  octo  palmis  extensum 
liabebatur,  praeler  illud  quod  dependcbat.  »  Turpin,  XX,  p.  39. 

*  «  Habebat  in  longitudine  faciès  eius  unum  palmum  et  dimidium.  » 
Id.,  ibid. 


DE  MAITRE  GUILLAUME  CRETIN  351 

Portoit  tousjours,  et,  a  la  vérité, 
Ce  mot  latin  vir  (qui  est  a  dire  liommo) 
Pris  de  vi'rtus,  dont  vertu  se  dénomme, 
Denotte  bien  qu'homme  est  deffectueux 
S'il  ne  se  monstre  en  tous  faictz  vertueux. 

Vertueux  fut,  lessant  faictz  puerilles 
En  jeunes  ans,  et,  par  actes  virilles, 
Obtint  grandeur  de  magnanimité  ; 
Grand  cueur  eut  il  en  la  sublimité 
Des  faictz  ardus,  quant,  d'aaige  primeraiue, 
Tant  exaulsa,  par  pitié  souveraine, 
La  saincte  loy  qu'onq  homme  plus  avant 
Ne  fut,  ce  croj,  tel  affaire  suyvant. 
53  v°       Science  ajma,  et  tant  myct  cueur  en  elle 
Que,  non  content  de  langue  maternelle 
Dont  usent  gros  eutéuderaentz  ruraulx, 
Se  feyt  instruire  es  sept  artz  liberaulx, 
Et  (pour  parler  en  saine  conscience) 
Tant  se  monstra  jaloux  de  la  science 
Qu'aveq  le  nom  de  preux  et  belliqueur 
Il  savoura  ceste  doulce  liqueur, 
Et,  pour  avoir  ses  volluntez  complectes, 
Tant  jour  que  nuyct  eut  quant  et  luj  tablectes 
Pour  rédiger  par  escript  promptement 
Ce  qui  s'otfroit  a  son  entendement. 
Considérant  qu'homme  n'est  si  habile 
Qui  n'avt  mémoire  oublieuse  et  labile, 
Et  par  cela  ne  voulut  demourer 
Qu'il  n'eust  de  quoy  le  tout  remémorer. 

Hommes  plusieurs  estrangiers  eut  a  gaiges 
Pour  l'introduyre  a  differentz  langaiges. 
A  ce  propos  deubt  il  pas  s'esjoujr 
D'ambassadeurs  en  tout  passaige  ouyr? 
Je  dy  cela  devoir  bien  correspondre 
A  prince  grand  d'escouter  et  respondre 
54  r"  Sans  truchement  ;  raison  a  ce  consent 

Qu'ung  mot  de  luj,  sans  doubter,  en  vault  cent. 
En  langue  grecque,  hebrayque  et  latine 
Fut  bien  instruict,  mais,  entre  sa  doctrine, 


352  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

Grec  entendit  mieulx  qu'il  ne  sceut  parler. 
Pierre  de  Pize,au  bruit  voilant  par  faer, 
Son  précepteur  fut  premier  en  gramaire, 
Et  Alcuyn,  pour  directeur  sommaire. 
Lors  père  abbé  de  Sainct  Martin  a  Tours, 
Des  aultres  artz  les  argumentz  et  tours 
huy  sceut  monstrer,  si  très  bien  le  conduyre 
Dresser,  mener,  fonder  et  introduire 
Qu'entre  les  clercz  fut  dit  la  grâce  avoir 
D'homme  extimé  en  bon  et  grand  sçavoir  ^ 

En  ses  repaz  avoit  souvent  lecture 
D'histoire  honneste;  en  la  Saincte  Escripture 
Se  delectoit,  et  j  prenoit  plaisir. 
Par  temps  de  paix,  qu'il  estoit  a  loysir, 
Il  ayma  fort,  entre  aultres,  le  volume 
Jadiz  passé  parla  volante  plume 
Sainct  Augustin,  pour  lire  en  temps  et  lieu. 
Intitulé  de  la  Cité  de  Dieu  ^. 
54  v°       Fervent  estoit  au  sainct  divin  office, 
Journellement  assistant  au  service 
Lorsqu'on  chantoit,  toutes  heures  du  jour, 
Et  finnamment  luy  estant  a  séjour  ^. 
Aulmosnier  fut,  piteux  et  débonnaire. 

Quant  au  manger,  pour  repaz  ordinaire, 
Aux  jours  de  chair  (se  ne  faulx  en  mon  ton) 
Souvent  mangeoit  ung  quartier  de  mouton, 

*  «  Nec  patrio  lantum  sermone  cotentus,  etiam  peregrinis  linguis 
ediscendis  operam  impendit  ;  in  quibus  latinumita  didicit,  ut  aeque  illa 
ac  patria  lingua  orare  sit  solitus  ;  graecam  vero  melius  intelligere  quam 
pronuntiare  poterat...  In  discenda  grammatica  Petrum  Pisanum,  diaco- 
num,  senem  audivit.  in  caeteris  disciplinis  Albinum,  cognomento  Alcoinum, 
item  diaconum,...  praeceptorem  Labuit.  »  Eginhard,  vita  Car.  imp.,  XXV, 
p.  80. 

^  «  Inter  coenandum  aut  aliquod  acroama,  aut  lectorem  audiebat. 
Legebantur  ei  historiae  et  antiquorum  res  gestae.  Delectabatur  et  libris 
sancti  Augustini,  praecipueque  his  qui  de  Givitate  Dei  praetitulati  sunt.» 
Ibid.,  XXIV,  p.  78. 

^  «  Ecclesiam  et  mane  et  vespei'e,  itemnocturnis  horis  et  sacrificii  teni- 
pore,  quoad  eum  valetudo  permiserat,  impigre  frequentabat..,  •»  Ibid., 
XXVI,  p.  82. 


DE   MAITRE    GUILLAUME  CRETIN  353 

D'ung  porc  Tespaulle;  aussi  avoit  de  crue 

Lyevre,  ojson  gras,  ung  paon  ou  une  grue, 

Sans  le  gybier,  pour  redoubler  en  tiers, 

Et  venoysons  dont  mangea  volluntiers. 

Nul  doibt  pourtant  esbahy  par  trop  estre 

Du  compte  ouyr  :  s'il  sçavoit  bien  repaistre, 

Sobre  fut  il  en  boyre  toutesfoys, 

Car  au  repaz  ne  buvoit  que  deux  foys 

Ou  troys  au  plus;  bien  raangeoit  pomme  ou  poyre 

L'après  disnée,  et  peu  vin  a  son  boyre. 

Une  heure  après,  tout  nu  prenoit  délit 
A  reposer  quelque  temps  en  son  lict. 
Cela  faisoit,  car,  ainsi  qu'on  traveille, 
La  nuyctmectoit  son  esperita  veille  : 
55  r°  Souvent  trois  foys  ou  quatre  se  levoit, 
Devocion  vers  la  mynuyct  avoit 
Faire  envers  Dieu  oraisons  acceptables, 
A  une  aultre  heure  escripvoit  a  ses  tables 
Ce  qui  venoit  en  mémoire  au  resveil. 
Ainsi  mesloit  aveq  repoz  traveil, 
Sachant  nature  avoir  mys  en  ouvraige 
L'oysel  au  vol  et  l'homme  au  labouraige. 

Et  voilà  l'exemple  que  Crétin   propose   aux    princes  de  son  temps. 

—  55  v°-56  v°.  11  critique  les  gentilshommes  qui  penseraient  déroger 
en  s'instruisant,  et  plaide  avec  quelque  vigueur  la  cause  de  la  science. 

—  Il  revient  ensuite  à  Charlemagae,  et  déclare  que  sa  force  physique 
égalait  son  énergie  morale. 

Si  grande  force  eut  celuy  empereur 
Qu'en  guerre,  estant  aux  combatz,  de  fureur, 
Par  le  povoir  de  sa  dextre  bruyante. 
Joyeuse  en  main,  l'espée  flamboyante, 
Ung  homme  armé  de  cuyrace  et  armet 
Tout  pourfendoit  en  deux,  puis  le  sommet 
Jusqu'à  donner  sur  l'arçon  de  la  selle 
De  son  dextrier.  L'escript  aussi  ne  celle 
57  r"  Qu'ensemble  joinctz  quatre  fers  de  cheval 
Facillement  (comme  l'eau  court  a  val) 

23 


354  LA   CHRONIQUE  FRANÇAISE 

A  ses  deux  mains  les  sçavoit  tous  extendre 
Ainsi  qu'eust  faict  ecljsses  de  boys  tendre. 
Force  de  braz  si  grande  et  telle  avoit 
Qu'ung  homme  fort  et  puissant  enlevoit, 
Ayant  les  piedz  posez  sur  sa  main  dextre, 
De  terre  en  hault.  C'estoit  ung  tour  de  maistre! 

58  r°  et  v"^.  XII.  A  cette  époque,  les  chants  liturgiques  n'étaient 
pas  les  mêmes  dans  toutes  les  églises.  Le  pa|)e,  à  la  prière  de  l'em- 
pereur, décide  que  cette  diversité  doit  prendre  fin,  mais  il  ne  sait  à 
quel  genre  de  musique  il  convient  d'accorder  la  préférence.  Son  choix 
est  fixé  par  un  prodige. 

Advint  ung  soir,  la  journée  acomplye, 
Que  luy  estant  en  re^lise,a  complye, 
Feyt  apporter  le  livre  sur  l'aultier 
Ou  contenu  estoit  l'office  entier 
Dont  sainct  Grégoire  avoit,  en  consonance, 
Faict  lectre  et  chant  de  douice  résonance  ; 
Celuy  aussi  fut  la  mesmes  posé 
Par  sainct  Ambroise  escript  et  composé. 
Les  livres  cloz  et  portes  bien  fermées 
Pour  rendre  au  vray  les  doubtes   affermées, 
Le  jour  pongnant  venu  du  lendemain 
(Sans  ce  qu'on  eust  myse  aux  livres  la  main), 
Signes  fort  grandz  donnèrent  bien  a  croire 
Que  Dieu  vouUoit  l'office  sainct  Grégoire 
Estre  a  jamais  célèbre  toutes  partz  : 
Car  les   feuilletz  en  divers  lieux  espars 
59  r°  Furent  trouvez,  demonstrantz  devoir  celle 
Forme  tenir  l'Eglise  universelle. 
Celuy  de  sainct  Ambroise,  la  trouvé 
En  son  entier  et  ouvert,  fut  prouvé 
Devoir  tenir  la  cité  mylannoyse  : 
Et  par  ainsi  a  bout  se  myct  la  noyse. 

Pour  enrichir  le  martyrologe,  Charles  fait  rechercher  les  noms  des 
saintes  personnes  qui  ne  figurent  pas  encore  sur  la  liste  officielle  des 
bienheureux.  —  59  v.  Institution  de  la  leçon  lue  à  prime  en  l'hon- 
neur des  saints  connus  et  inconnus. 


DE  MAITRE  GUILLAUME  CRETIN  355 

60  r''-G2  v.  Doux  relij^ieux  très  doctes  arrivent  d'Kcosse.  Ce  sont 
Rabamis  et  Gléinent,  que  parfois  l'on  nomme  Claude.  Ils  annoncent 
(qu'ils  communiqueront  la  science  à  qui  voudi'a,  et  ils  passent  d'abord, 
à  cause  de  cette  promesse,  pour  «  esventez  du  cerveau».  Jugement 
fort  téméraire  !  Clément  [le  Scott]  professe  avec  beaucoup  de  succès 
à  Pavie.  Quant  à  son  compagnon,  il  resta  en  France,  assista  de  ses 
lumières  Alcuin,  et  fut,  en  somme,  l'un  des  fondateurs  de  l'Univer- 
sité parisienne.  —  Crétin  la  célèbre  sur  le  mode  dithyrambique. 

63  r°  0  quel  grand  bien,  quel  plaisir  de  bon  heur 
Receut  Paris,  quel  prouffitet  honneur 
Lorsqu'ainsi  futl'estude  translatée, 
Dont  science  est  en  tous  lieux  dilatée! 
Ce  fut  un  bien,  encore  est  ce  '  et  sera. 
Qui,  Dieu  aydant,  jamais  ne  cessera, 
Et  par  lequel  l'Eglise  militante 
Se  maintiendra  en  foy  ferme  et  constante. 

Pour  décider  toutes  difflcultez, 
Dedans  Paris,  en  maintes  facultez, 
Se  produit  fleur  d'excellente  clergie. 
Et,  mesmement,  (la)  saincte  théologie 
Tant  y  flourit  qu'en  plusieurs  régions 
Gentz  séculiers  et  de  religions 
Portent  le  fruict  de  vertueux  mérite, 
Qui  aux  sainctz  cieulx  des  justes  l'ame  hérite, 
La,  rudes  sens,  par  l'estude  adextrez. 
Sont  tost  renduz  fort  sçavantz  et  lectrez  ; 
Les  esperitz  tardifz  d'apprendre  et  rares 
Deviennent  promptz  ;  ceulx  de  langues  barbares, 
63  v°  Par  très  expers  regentz  leurs  directeurs, 
Se  font  a  temps  eloquentz  orateurs. 

C'est  a  Paris  ung  chef  d'œuvre  admirable, 
Comme  extiraé  trésor  innumerable, 
Veuz  tant  de  biens  qu'en  sa  diversité 
Porte  et  contient  celle  université; 
C'est  une  mer  qui  va,  flue  et  redonde 
En  tant  de  lieux,  et  court  par  si  rojde  onde 

1  Ms.  :  esse. 


356  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

Que  les  ruysseaulx,  fluantz  en  toutes  partz, 
Sont  aujourd'huy  parmy  le  monde  espars  ; 
C'est  ung  soleil  de  divine  lumière, 
Prenant  clarté  de  la  cause  première, 
Dont  clairs  engins,  en  vertuz  relujsantz. 
Sont  envers  Dieu  et  les  hommes  plaisantz  ; 
C'est  de  tout  bien  ung  si  profond  abisme 
Qu'a  peine  puis  en  escrire  la  dixme,  — 
Par  quoy  vueil  bien  a  tant  m'en  déporter. 

64  v°-65  v".  XIII.  L'empereur  donne  des  noms  aux  douze  vents  et 
aux  douze  mois  '  ;  il  édifie  plusieurs  temples,  élève,  à  Aix-la-Cha- 
pelle, une  cathédrale  somptueuse,  et  veille  à  la  restauration  des  égli- 
ses déjà  existantes... — 66  r"  et  v°.  Ici  le  chroniqueur  s'interrompt  pour 
reprocher  aux  abbés  et  aux  prêtres  de  son  siècle  leur  incurie,  leur 
égoïsme.  —  67  r".  Charlemagne,  au  contraire,  réunit  cinq  conciles 
afin  de  réformer  le  clergé.  —  67  v".  Et,  de  nouveau,  notre  auteur 
prend  à  partie  les  ecclésiastiques,  ses  contemporains. 

J'en  vueil  a  vous,  bestes  bruttes,  peccores, 
Gentz  ignorantz,  pervers  et  dissoluz  ! 
J'en  vueil  a  vous,  ce  sont  motz  absoluz  ! 
Et  si  on  dit,  veu  que  je  suis  d'Eglise, 
Qu'en  ce  caz  trop  mon  estât  scandalise, 
A  ce  respondz  :  Vice  qui  notoire  est, 
L'honneur    de  Dieu  touchant,  et  l'interest 
Du  bien  commun  et  la  chose  publique, 
Se  doibt  blasmer  a  réplique  et  duplique. 
08  r"  Est  il  vivant  qui  n'ayt  doubte   et  orreur 
Voyant  l'Eglise  aveuglée  en  l'erreur 
De  telz  suppostz  et  si  pervers  ministres, 
Tenantz  les  partz  obliques  et  sinistres? 

Ou  songez  vous,  nos  révérends  prelatz  ? 
Le  caz  va  mal.  C'est  chose  impropre,  helas  ! 
Ordres  donner  a  hommes  inutilles 
Qui  n'ont  sçavoir,  maintien,  façons  ne  stilles 
D'honnestetez.  Prenez  la  chose  a  cueur, 
Et  commandez  tenir  forte  rigueur 
A  l'examen.  Ce  n'est  pas  conscience 

1  Egiuhard,    VUu    Car.  itnp.,  XXIX,  p.  91-3. 


DE  MAITRE   GUILLAUME    CRETIN  357 

De  les  passer,  s'ilz  n'ont  bonne  science, 
Tiltre  vallable  et  suffisant  pour  eulx 
Entretenir. 

0  chetifs,  malheureux, 
Prestres  voUantz,  qui  donnez  exemplaire 
Si  scandaleux,  comment  pensez  vous  plaire 
Au  Créateur  ?  Bien  monstrent  vos  semblantz 
Que  célébrez  pour  Tame  de  six  blans, 
Car,  plusieurs  jours,  ne  dictes  messe  aulcune 
Si  de   quelcun  ne  recevez  pecune, 
D'amour  de  Dieu  est  tout  homme  indigent, 
S'il  n'a  le  cueur  a  luy  plus  qu'a  l'argent. 
68  v°  On  ne  deust  mectre  aux  divins  sacrifices 
Fort  ceulx  qui  sont  pourveuz  de  bénéfices. 
Tant  on  en  fait  !  C'est  trop  de  la  moictié  1 
Et  n'est  ce  pas  une  grosse  pitié 
Que  gentz  d'Eglise  exercent  de  la  sorte 
Ce  digne  estât,  dont  fault  que  rumeur  sorte  ? 
Pour  le  bruit  tel  que  d'ung  et  aullre  avez 
Qu'ilz  sont  si  folz,  legiers  et  despravez  ', 
On  ne  leur  porte  honneur  ne  révérence. 
Je  ne  voy  point  qu'il  y  ait  différence 
Entre  l'habit  des  gentz  lays  et  le  leur  : 
C'est  caz  estrange,  et  qui  cause  douUeur 
Aux  cueurs  des  bous  personnaiges  et  graves  ! 
Mais  le  parler  n'y  proffite  deux  raves. 
Car  non,  sans  plus,  les  moyens  et  petitz 
Suivent  leurs  vains  sensuelz  appetitz  : 
Les  cardinaulx,  prelatz  et  grosses  testes 
Causent  mouvoir  merveilleuses  tempestes^, 
Et,  par  ce,  sont  simples  prestres  engrandz 
Vices]ensuyvre,  ainsi  que  font  les  grandz. 
De  cela  vient  que  peuple,  en  tout  affaire, 
Fait  hardiement  ainsi  qu'il  leur  voit  faire. 


*  Ms.  :  destravez. 

'  Comprenez  :  Ce  ne  so7it  pas  seulemejit  les  moyens  et  les  petits  qui 
suivent  leurs  appétits  sensuels,  mais  les  cardinaux  et  les  prélats  causent 
de  77ierveilleuses  tempêtes.... 


358  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

69  v°  Mais  qui  en  parle,  on  dit  qu'il  est  resveur  ; 

Pour  ce  m'entays.  Plaise  au  benoist  Saulveur 
Ordre  y  donner,  tellement  que  le  monde 
Vertu  eslise,  esvitant  vice  immunde  ! 

L'empereur  comble  de  ses  grâces  les  cités  de  Florence  et  de  Gênes. 

—  69  v^-TO  r".  Sa  renommée  pénètre  jusque  cbez  les  infidèles. 

71  i"'-72  v°.  XIV.  11  comptait  achever  son  existence  en  repos,  mais 
saint  Jacques  de  Galice  lui  apparaît  une  nuit,  et  lui  ordonne  d'aller 
guerroyer  contre  les  Turcs  '.  —  73  r"-77  v°.  Départ  pour  l'Espagne. 

—  Siège  de  Pampelune  :  les  murailles  de  la  ville  tombent  d'elles- 
mêmes  ^.  —  Pèlerinage  à  Compostelle.  —  Les  Turcs  sont  baptisés  en 
masse.  —  Charles  regagne  ses  états. 

78  v°-79  ro  ^.  XV.  A  peine  de  retour,  il  apprend  que  le  roi  païen 
Aygolaad ''  est  sorti  de  l'Afrique  pour  envahir  l'Espagne.  11  s'agit  de 
réduire  ce  nouvel  adversaire,  et  les  Français  accourent,  infatigables. 
(Laissons-les,  dit  le  poète,  passer  les  Pyrénées  à  leur  aise,  et,  pen- 
dant qu'ils  passeront,  je  vous  conterai,  moi,  une  histoire.  —  79  v°-81  \°. 
Il  y  avait  une  fois  un  gendarme  qui  n'était  pas  riche,  puisqu'il  ne  pos- 
sédait rien  au  monde  que  son  cheval.  En  mourant,  il  recommanda  à 
un  sien  parent  de  vendre  la  bête  en  question  et  de  distribuer  aux  pau- 
vres l'argent  qu'il  se  procurerait  de  la  sorte.  Le  cheval  fut  vendu  cent 
sous,  mais  le  parent  du  charitable  gendarme  garda  la  somme  pour 
lui.  Aussi  qu'arriva-t-il  ?  —  Des  diables  !...  Ils  emportèrent  cet  homme 
indélicat.  Morale  :  Si  vous  ne  respectez  pas  les  testaments,  vous  vous 
en  trouverez  mal  ^.)  —  82  r".  Maintenant  nos  troupes  ont  franchi  les 
monts;  Aygoland  et  Charles  sont  eu  présence.  —  82  v''-85  r".  L'un 
consulte  les  sorts,  et  ils  lui  jiromettent  la  victoire  ;  l'autre  voit  les 
lances  de  ses  soldats  se  couvrir  d'une  jeune  verdure.  —  Terrible 
mêlée!  —  Charles  triomphe,  et  son  ennemi  quitte  l'Espagne. 

86  v"  ^-89  r°.  XVI.  Oui,  mais  il  ne  reste  guère  en  Afrique,  et  il 
revient  même  d'un  tel  élan  qu'il  ne  s'arrête  que  devant  Agen.  —  Prise 

*  Turpin;  I,  p.  2-4. 
2  Id.,  II,  p.  4-5. 

'  Le  ms.  porte  78  par  erreur. 

*  Turpin,  VI-XIV,  p.  10-25.  —  Par  la  suite,  Aygoland  est  devenu  l'un 
des  personnages  épiques  du  moyen  âge.  Cf.  E.  Langlois,  Taljle  des  noms 
propres  de  toute  nature  compris  dans  les  ChaJisons  de  geste  imprimées. 
Paris,  1904. 

»  Turpin,  VII,  p.  10-11. 

*  Les  {"'  85  vo  et  86  r"  sont  occupés  par  une  peinture  compliquée,  et 
qui  tient  toute  la  largeur  du  volume. 


DE    MAITRE   GUILLAUME  CRETIN  359 

de  cette  ville  ;  les  Sarrasins  s'y  établissent,  mais  Charlemagne  y  entre 
sous  un  déguisement,  étudie  à  son  aise  les  ressources  de  la  place,  et 
la  recouvre  peu  de  temps  après. —  Fuite  du  roi  païen  ;  il  se  dirige 
vers  Saintes,  et  l'empereur  chevauche  derrière  lui.  —  89  v^-OO  v°. 
Bataille.  Aygoland  est  vaincu,  et  il  se  retire  à  Pampelune.  —  91  r"  et 
v".  Charles  veut  l'y  aller  chercher  ;  il  rassemble  des  forces  imposantes  : 
124,000  hommes,  «  sans  les  piétons,  aventuriers  etaultres  ».  —  92  v"- 
96  v.  XVII.  Les  infidèles  se  préparent  de  leur  côté,  et  voici  les  deux, 
armées  front  contre  front.  —  .A.près  plusieurs  escarmouches  qui  se 
terminent  toutes  à  la  confusion  des  Turcs,  Aygoland  vient  trouver  l'em- 
pereur, se  déclare  prêt  à  recevoir  le  baptême,  puis  renonce  brusque- 
ment   à    ce  dessein.   —  96  v''-97   r°.  Dès  lors,    il    faut    combattre. 

—  Défaite  et  (enfin!)  mort  d'Aygoland. 

97  v°-98  v".  Massacre  de  mille  chrétiens  qui  pillaient  sans  vergogne 
durant  la  nuit*.  —  Le  duc  de  Navarre  attaque  les  Français  :  il  est 
repoussé,  puis  occis.  —  Récit  d'un  notable  miracle  et  réflexions  du 
chroniqueur  sur  les  jugements  de  Dieu. 

99  v".  XVIII.  (Crétin  s'excuse  des  erreurs  qu'il  a  pu  commettre.) 

—  100  r°-101  r".  L'amiral  de  Babyloue  arrive  en  face  de  l'empereur 
avec  une  nuée  de  païens,  parmi  lesquels  on  remarque  le  formidable 
géant  Ferracut.  Il  défie  les  barons  de  Charlemagne,  et  déconfit  en 
champ  clos  Ogier  le  Danois,  Arnoul  de  L'Aubespine  et  quelques 
autres.  —  101  v°-103  r".  Alors  se  présente  Roland.  11  assène  à  Fer- 
racut, qui  l'a  soulevé  bien  haut,  un  coup  de  poing  sur  le  menton.  Les 
deux  champions  roulent  à  terre,  et  se  gourment  si  longtemps  qu'à  la 
fin  «  le  grand  riflard  »  est  contraint  de  demander  une  trêve.  —  104  v- 
106  r°.  Le  lendemain,  Roland  se  hâte  vers  le  lieu  du  combat.  Arrive 
le  colosse,  «...faisant  plus  grand  bruit  en  sa  marche  Qu'une  grosse 
eau  passante  en  estroicte  arche  ».  Le  duel  recommence,  et  telles  sont 
l'adresse  et  la  vaillance  du  paladin  que  son  adversaire  se  sent  las  et 
dit  :  Reposons-nous.  —  106  v°-108  v.  11  se  couche  sur  l'herbe  et 
s'endort.  Toujours  courtois,  Roland  lui  place,  en  guise  de  coussin, 
une  grosse  pierre  sous  la  tête.  —  Ferracut  se  réveille,  et  il  se  met  à 
causer  très  gentiment.  Son  corps,  déclare-t-il,  est  invulnérable  :  seul 
le  nombril  ne  repousse  pas  le  fer.  Cette  naïve  confidence  ne  tombe 
point,  écrit  le  poète,  «  en  oreille  de  veau  »,  et  Roland  note  le  rensei- 
gnement. Ensuite  le  Turc  et  le  chrétien  vantent  leur  religion  respec- 
tive ;  chacun  affirme  que  la  sienne  est  la  bonne,  et,  comme  ils  ne  se 
persuadent  pas  l'un  l'autre  par  la  parole,  ils  conviennent,  en  saisis- 
sant leurs   armes,  que  la  meilleure  religion  sera  celle   du  vainqueur. 


1  Turpin,  XV,  p.  25-6. 


360  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

—  109  l'o-UO  v.  Le  géant  succombe  après  une  ardente  résistance,  et 
la  foule  des  infidèles  est  dispersée  ou  massacrée  '. 

lllv°-113v°.  XIX.  Mais  il  reste  à  vaincre  deux  princes  païens. 
Charlemagne  leur  présente  la  bataille  sous  les  murs  de  Cordube.  Les 
Sarrasins  placent  à  l'avant-garde  des  gens  déguisés  en  diables  et  qui 
agitent  des  campanes.  Ce  spectacle,  ce  carillon  effarouchent  les  des- 
triers des  Français,  mais  on  reprend  l'avantage  après  avoir  bouché 
les  yeux  des  chevaux  et  leurs  oreilles.  Les  ennemis  reculent,  se 
débandent^.  —  114  r^-IlS  v°.  Prise  de  Cordube.  — Partage  des  terres 
conquises.  —  Pèlerinage  à  Compostelle. 

116  r"-!  17  v°.  XX*.  Le  catholicisme  commence  à  s'établir  en 
Espagne.  —  L'église  de  Compostelle  est  splendidement  dotée,  en 
sorte  qu'elle  s'élève  au  rang  de  Rome  et  d'Ephèse,  qui  sont  les  plus 
vénérables  sièges  du  monde  chrétien. 

118  v.  XXL  L'auteur  revient  et  insiste  sur  ce  qui  précède,  et  il 
continue  ensuite  son  récit.  —  119  r"  et  v°.  Au  moment  de  rentrer  en 
France,  Charlemagne  envoie  un  messager  aux  deux  rois  de  Saragosse 
(Béligand  et  Marsire)  pour  leur  enjoindre  de  se  convertir.  Le  messa- 
ger, c'est  Ganelon.  11  trahit.  —  120  v°  et  v".  Invectives  du  poète.  — 
121  r°-122  v».  Apportant  de  mensongères  promesses,  Ganelon  regagne 
le  camp.  Afin  que  l'empereur  ne  conçoive  aucun  soupçon,  les  Sarrasins 
lui  offrent  des  présents  infinis.  11  consent  à  repasser  les  monts,  et 
confie  l'arrière-garde  à  Roland.  —  Ganelon  engage  Béligand  et  Mar- 
sire à  attaquer  le  paladin  dans  les  défilés  de  Roncevaux.  On  écoute  ce 
conseil,  et  l'on  dresse  une  embuscade  à  cet  endroit.  —  123  r°  et  v°. 
L'arrière-garde  est  presque  anéantie.  Les  quelques  chevaliers  qui 
survivent  cherchent  un  refuge  parmi  les  bois. 

124  v°  XXII.  Si  en  ce  jour,  veu  l'excez  violent, 
Rolland  sentit  son  cueur  triste,  doUent 
Et  desplaisant,  ce  ne  fut  de  merveille. 
Tant  plus  homme  a  grand  cueur,  et  plus  travaille 
Quant  il  se  vo_yt  en  périlleux  danger,  5 


•  Cet  épisode  est  emprunté  entièrement  à  Turpin  (XVII,  p.  27-34.)  Le 
géant  Ferracut  est  cité  ou  joue  même  un  rôle  dans  quelques  chansons  de 
geste,  mais,  d'ordinaire,  on  le  nomme  Fernagu. 

2  Turpin,  XVIII,  p.  34-6. 

'  Dans  le  titre  de  ce  chapitre,  Crétin  invoque,  pour  tout  ce  qui  va 
suivre,  l'autorité  de  «  Vincent  Thistorial  ».  Néanmoins,  en  ce  qui  concerne 
la  bataille  de  Roncevaux  et  la  mort  de  Roland,  notre  chroniqueur  conti- 
nue à  s'inspirer  de  Turpin  (XXI-XXIII,  p.  41-49.) 


DE  MAITRE   GUILI.AUME    CRETIN  361 

Dont  n'a  moyen  qui  le  puisse  aleiger. 

Ainsi  perplex,  triste  en  pensée  et  face, 

Loing^  du  moj'en  dont  son  ennuy  efface, 

En  la  forest,  comme  errant  chevallier, 

Fut  regardant  s'il  sçauroit  raljer  10 

Aulcuns  des  siens,  affin  qu'a  l'eschappée 

Eulx  quant  et  luj,  au  trenchent  de  Tespée, 

Sceussent  vanger  le  sang  de  leurs  aniys  : 

Car  mieulx  aimoit  en  honneur  ostre  mys 

A  dure  mort  que  voulloir  vivre  en  honte.  15 

Lors  en  tel  soing,  comme  nous  dit  le  conte, 
Ung  pajan  seul  trouva  qu'humilja 
Et  a  quelque  arbre  estroictement  lya  ; 
Puis,  désirant  sçavoir  d'heure  abrégée 
Ou  la  payanne  armée  estoit  rengée,  20 

125  r®  En  certain  mont,  sur  ung  arbre  assez  hault 
Alla  monter,  ou  son  œil,  de  plein  sault, 
Sceut  explorer  une  fort  grande  plaine, 
De  Sarrazins  terre  '  couverte  et  pleine. 
Lors  le  sien  cor,  en  reprenant  son  vent,  25 

Sonna  longz  motz,  les  redoublant(z)  souvent, 
Et  a  tel  son,  comme  si  ce  fust  prise, 
Vindrent  a  luy  cent  chevalliers  d'emprise. 
De  ce  joyeux  et  eulx  d'amour  espriz 
Reprindrent  cueur  et  forces  d'esperitz,  30 

Délibérez,  sans  plus  longue  demeure 
Sur  le  péril  que  chacun  d'eulx  y  meure, 
Faire  l'essay  d'eschapper  les  destroitz. 
En  priant  Dieu  leur  donner  telz  octroys 
Que,  se  contre  eulx  Sarrazin  qui  vive  entre,        35 
Force  leur  doint  luy  passer  sur  le  ventre. 

Rolland,  après  la  bende  ralyer, 
Alla  celuy  Sarrazin  deslyer, 
Puis  l'advertit  que,  s'il  avoit  envye 
Avoir  de  luy  beneffice  de  vie  40 

Et  recouvrer  liberté  à  son  vueil. 
Se  delivrast,  a  vue  et  plein  gect  d'œil, 

'  Toute  ? 


362  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

125  v"  Luy  demonstrer  le  roj  Marsire  en  place. 
«  Sinon,  dit  il,  ains  que  d'icy  desplace, 
Je  te  feray  sortir  l'ame  du  corps.  »  45 

L'espée  au  poing,  faisant  ces  durs  recordz, 
Luj  présenta  en  barbe  toute  nue, 
Dont  eut  Taecès  de  fièvre  continue, 
Doubtant  venir  jusques  au  chef  trencher  : 
A  tant  promict  Marsire  remercher.  50 

Sur  ce  les  franoz  champions  se  serrèrent 
Et,  en  partant  de  celle  i)lace,  errèrent 
Tant  et  si  fort  qu'ilz  furent  près  du  lieu 
Ou  triumphoit  Marsire  au  beau  meiilieu 
De  grosse  trouppe  en  bataille  rengée,  55 

Signe  monstrant  de  chiennaille  enraigée. 
Ce  Sarrazin,  l'ordre  contreroulant 
De  la  bataille,  alla  dire  a  Rolland 
Si  son  regard  au  roj  Marsire  gecte 
Estre  celuy  portant  ronde  targette,  60 

Sur  roux  bayard  monté,  le  bon  cheval 
Acom[)aré  au  coursier  Bucifal 
Ou  aux  destriers  Montaigne  et  Galatée  '. 
Après  ouyr  l'enseigne  relatée, 
126  r°  Les  chevalliers,  des  armes  revestuz  65 

De  nostre  foy,  reprinses  les  vertus 
Force  et  prouesse,  en  sorte  que  leur  semble 
Mourir  grand  gaing,  joinctz  et  serrez  ensemble, 
Chargèrent  boys  gros,  pesant,  ferme  et  rond, 
Donnantz  le  choc,  fendirent  de  plein  front  70 

Ceste  orde,  vile  et  meschante  canaille  2. 
Sur  ce  Rolland,  a  quelque  pris  qu'en  aille, 
VouUant  du  tout  appliquer  son  désir 


•  Cf.  Romania,  VI,  271. 

2  La  phrase  est  atrocement  chevillée  et,  par  suite,  peu  intelligible. 
Essayons  de  l'éclaircir  :  Api-ès  avoir  entendu  le  signalement  du  roi  Mar- 
sire, les  chevaliers,  revêtus  des  armes  de  la  foi,  et  ayant  si  bien  reconquis 
leur  force  et  leur  prouesse  que  mourir  leur  semblait  un  gain,  se  réunirent 
en  un  groupe  compact,  mirent  en  arrêt  leur  lance,  dont  le  bois  était  gros, 
pesant,  ferme  et  rond,  puis,  donnant  le  choc,  fendirent,  etc.  —  Le  v.  69 
m'est  obscur,  et  je  ne  suis  pas  certain  de  l'interpréter  comme  il  faut. 


DE    MAITRE   GUILLAUME  CRETIN  363 

A  bon  exploict,  ungTurq  alla  choisir 
Grand  et  puissant,  excédant  d'apparence  75 

Les  aultres  tous  :  mais,  pour  la  différence, 
Ne  délaissa  l'aller  tost  affronter. 
Se  la  endroict  se  sceurent  bien  frotter, 
Ja  n'est  besoing  le  ramener  a  doubte. 
Pensez  chacun  y  mjct  sa  force  toute,  80 

Et  se  l'ung  fut  aux  coupz  donner  hastif, 
L'aultre  monstra  estre  en  revenge  actif. 
Si  ne  dura  longuement  leur  bataille, 
Car,  du  fort  braz  a  Rolland,  telle  taille 
De  Duranda  sur  ce  Turq  deschargea  85 

Que  le  tarder  du  combat  abrégea. 
126  v°   Et  tout  ainsi  que  le  boucher  acoustre 

Mouton  en  deux,  il  pourfendit  tout  oultre 

Et  départit  son  corps  profondément 

Depuis  le  chef  jusques  au  fondement,  90 

Si  qu'une  part  alloit  pendant  a  dextre 

Sur  le  cheval,  et  l'aultre  a  la  senestre. 

Lors  Sarrazins  furent  effarouchez; 
Non  seulement  souldardz,  mais  les  gros  chefz, 
Du  grand  exploict  tellement  s'estonnerent  95 

Que  plusieurs  d'eulx  leurs  rojs  habandonnerent, 
Dont  fut  Rolland  plus  chauld  de  batailler. 
Corps  cravanter,  trencher  et  détailler. 
Comme  ung  fauscheur  qui  de  sa  faulx  aterre 
L'herbe  du  pré  et  la  mect  loute  a  terre,  100 

Tout  ainsi  fut,  par  l'affilé  trenchant 
De  Duranda,  de  part  en  part  fauschant 
Ce  qu'il  trouva,  et  tant  fendit  la  presse 
Qu'au  roy  Marsire  alla  de  dure  aspresse, 
Lequel  fuyant  mort  par  terre  abatit.  105 

La  Beligand  assez  mal  combatit, 
Et  ama  raieulx  de  fuytte  avoir  envje 
Que,  pour  venger  son  frère,  y  perdre  vie. 
127  r°  Luy  et  les  siens,  tous  mellencolieux. 

Las  et  craintifz,  partirent  de  ces  lieux,  110 

Doubtantz  encor  l'empereur  par  Gascongne 
Povoir  tourner  sur  eulx  a  leur  vergongne. 


364  LA    CHRONIQUE    FRANÇAISE 

Si  estoit  ja  oultre  montz,  sans  sçavoir 
L'affaire  tel  qu'on  fejt  aux  siens  avoir. 

Or  entendez  (que  je  ne  m'entretaille  115 

Sur  le  propoz)  au  fort  de  la  bataille 
Noz  chevalliers  tous  cent  furent  occiz, 
Fors  Bauldouyn,  Thierry  et  cinq  ou  six 
Qui  tout  espoir  de  résister  perdirent, 
Pour  ce  fuitifz  par  les  boys  se  rendirent.  120 

Si  vaillant  n'est,  se  voyant  estre  ainsi, 
Qui  près  ne  soit  demy  mort  et  transy. 

Quant  a  Rolland,  neantmoins  ses  vaillances, 
Environné  de  quatre  grosses  lances. 
Tant  fut  navré,  en  cestuy  oultre  paz,  125 

Que  plus  n'actend  fors  l'heure  du  trespaz. 
Si  évada  du  conflict  et  print  voye. 
Suivons  le;  il  vault  qu'en  dueil  on  le  convoyé. 
128  r"  '       Triste,  dolent,  foible,  pesant  et  las, 

S'en  va  Rolland,  ja  entrepris  es  las  130 

D'acceleree,  excessifve  agonye, 

Sans  ayde  avoir  de  nulle  compagnye. 

Dolent,  que  dy  je?  Hellas,  voire  a  bon  droict, 

(Qui  bien  le  caz  considérer  vouidroit) 

Tant  pour  raison  de  la  mort  regrettée  135 

Des  chevalliers  catholiques —  traictée 

Par  faulseté  conficte  en  faction 

De  fiel  amer  et  putréfaction  — 

Qu'a  cause  aussi  de  sçavoir  la  dampnable 

Secte  payanne,  orde  et  abhominable,  140 

Estre  esjouye  en  prenant  vengement 

Des  chevalliers.  Ce  fut  rengreigoment 

De  mal  sur  mal,  adjoinctes  les  mors  telles 

Au  corps  navré  de  playes  si  mortelles. 

Ainsi  afflict,  selon  certains  rapportz,  145 

Jusque[s]  au  pied  des  cysereans  portz, 

Près  Roncevaulx  arrivant  soubz  un  arbre, 


*  An  fo  127  v°,  renlumineur  a  représenté  Roland  qui  tâche  de  briser 
son  épée. 


DE    MAITRE    GUILLAUME    CRETIN  365 

Se  rajct  a  pied  jouxte  ung  perron  de  marbre  * . 

128  v°       Vuide  de  sang,  tout  afFoibly  et  las, 

En  plaingtz,  regretz  et  très  piteux  helas,  150 

Disoit  :  a  Mon  Dieu,  fault  il  qu'icj  demeure, 

Et  que  tout  seul,  comme  une  beste,  meure 

Sans  nul  espoir  de  remède  et  secours? 

Francz  chevalliers  qui  vivez  en  ce  cours, 

Et  qui  voz  corps  exercitez  aux  armes,  155 

Fondez  en  pleurs,  plourez  a  chauldes  larmes 

Le  vraj  patron  de  prouesse  et  valleur. 

Passant  le  paz  en  extrême  doulleur  !  » 

Lors  le  vaillant  chevallier  sans  reproche. 
Comme  celuy  qui  de  sa  fin  approche,  160 

Eut  bien  en  luj  consideracion 
Qu'en  telle  fièvre  et  alteracion 
N'estoit  possible  avoir  longue  durée, 
Veu  la  grand  soif  qu'il  avoit  endurée 
Par  excessifve  extrémité  d'ardeur.  165 

Considérons  des  vertus  la  grandeur 
Du  si  vaillant  chevallier  magnanime  ; 
Tout  homme,  ayant  voulloir  pusillanime, 
Devroit  souvent  la  constance  admirer 
De  ses  haultz  faictz  et  en  eulx  se  mirer.  170 

129  r°       Estant  assiz  sur  la  fresche  verdure, 

En  telle  ardeur  que  bien  deubt  trouver  dure 

Veu  ce  qu'avoit  navreures  et  coujjz  tant. 

Il  se  monstra  pacient  et  constant. 

Sur  Duranda,  l'espée  interprétée  175 

Donne  dur  coup-,  tint  sa  veue  arrestée 

Bien  longuement.  Quoj  plus?  la  tira  hors 


*  »  Tune  Rotholandus  tanto  bello  fatigatus,  de  nece  Christianorum  et 
tantorum  heroum  dolens,  Sarracenorum  ictibus  magnis  et  percussioiiibus 
acceptis  affliclus,  usque  ad  pedem  portuum  Cisere  per  nemora  solus 
pervenit,  et  ibi  sub  arbore  quadam,  juxta  lapidera  marmoreum  qui  ibi 
erectus  erat  in  prato  optimo  super  Runcievallem,  equo  desiliit.  >  Tur- 
pin,  XXII,  p.  44-5.  —  Le  mot  Cisere  est  écrit  Sizre  dans  la  Chans.  de 
Roi.,  583,  719. 

2  «  Durenda  interpretatur  durum  ictum  cura  ea  dans,  quia  prius  defi- 
ciet  brachium  quam  spata.  »  Turpin,  uôi  sup. 


366  LA    CHRONIQUE    FRANÇAISE 

De  son  fourreau  toute  nue,  et  allers 
Luy  dit  ces  motz  : 

«  0  espée  admirable, 
Chef  d'œuvreexquiz  fait  d'art  incomparable,        180 
Plus  tost  beaucoup  de  touz  hommes  les  braz 
Fauldront  que  toy,  car  jamais  ne  fauldras  ! 
Du  signe  grand  de  la  croix  es  signée, 
Ou  Jesuscrist  rendit  vie  assignée 
A  tous  humains.  Je  voj  sur  toy  (r)escript  185 

Alpha  et  w  '  qui,  pour  vray,  me  descript 
Commencement  de  toutes  choses  estre 
Du  seul  motif  dont  procède  leur  naistre  : 
C'est  Dieu  sans  fin  et  sans  commencement, 
Qui  aultrement  le  dit  ou  pense  ment.  190 

O  reluysante  et  triumphante  espée, 
La  chair  payanne  as  souvent  decouppée 
129  v°  De  poincte  ayguë  et  acéré  trenchant  ! 
Maint  lasche  Juif  et  Sarrazin  meschant 
As  detrenchez  !  Tu  as  esté  forgée  195 

Divinement,  a  ce  que  fust  vengée 
La  digne  mort  du  benoist  Rédempteur. 
La  larme  a  l'œil  et  triste  ennuy  au  cueur, 
Par  dolentz  plaingtz  te  regrette  et  lamente, 
Et  ma  douleur  de  durs  regretz  augmente,  200 

Tant  suis  doubtant  que  tumbes  en  la  main 
De  quelque  Turq  Sarrazin  inhumain, 
Ou  d'homme  plein  non  de  noble  paraige, 
Mais  de  villain,  lasche  et  meschant  couraige^.» 

Ses  regretz  faictz,  voullant  qu'homme  n'usast  205 
De  celle  espée  et  qu'il  n'en  abusast, 
(Comme  en  challeur  homme  de  cueur  s'efforce) 


1  Ms.  :  0. 

^  «  0  mucro  pulcherrime  et  semper  lucidissime,...  litteris  clarissimis 
inagno  Dei  nomino  «m  insculpte,...  quis  amplius  tua  fortitudine  utetur?... 
0  quotiens  Doinini  nostri  lesu  Christi  sanguinem  per  te  vindicavi  ! . . . 
quotiens  Christi  inimicos  pereml  !  quotiens  Sarracenos  trucidavi!  quotiens 
ludaeos  ac  perfidos  pro  cliristianae  fidei  exaltatione  destruxil...  0  spata 
felicissima,...  si  miles  ignavus  aut  timidus  te  habuerit,  nimis  ex  hoc 
doleo  ;  si  Sarracenus  aut  alius  perfidus,  valde  Holeo.  »  Turpin,  ubi  sup. 


DE    MAITRE   GUILLAUME  CRETIN  367 

Guidant  la  rora[)i'e  y  employant  sa  force, 

Trois  fort  graudz  coupz  sur  le  perron  dressa 

Et  en  deux  partz  promptement  le  froissa.  210 

Ce  fut  grand  caz,  fendre  dure  matière, 

Et  celle  espée  estre  saine  et  entière! 

Voyant  cela,  print  sonner  le  sien  cor 
Bien  longuement,  affin  que  si  encor 
130  r°  Quelqu'nng,  après  celle  desconficture,  215 

Estoit  caché  par  les  boys  d'aventure, 
Qu'a  luy  survint  pour  luy  donner  confort. 
A  force  vent  feyt  lors  si  grand  effort 
Qu'on  dit  avoir  fendu  le  cor  d'yvoire. 
C'est  bien  soufflé  !  Créez  ce  qu'en  dy,  voire,      220 
Et  en  regretz  |)renez  compassion 
Du  chevallier  qui  telle  passion 
Lors  endura  (sont  ce  paroUes  vaines?) 
Quant  il  rompit  de  son  col  nerfz  et  veynes. 

Tant  et  si  fort  a  celle  heure  sonna  225 

Qu'a  l'empereur  le  son  en  resonna, 
Quoy  que  de  la  y  eust  longue  distance  ; 
Pour  ce  voulut  tourner  a  toute  instance, 
Et  pensa  bien  la  matière  s'offrir 
Que  son  nepveu  devoit  peine  souffrir.  230 

Le  desloyal  traytre  Gannes,  pour  rendre 
Sur  ce  raison,  la  parolle  alla  prendre  : 

((  Sire,  dit  il,  ja  ne  vous  esmayez 

Touchant  Rolland  ;  doubte  de  lui  n'ayez. 

Je  suis  bien  seur  qu'il  faict  très  bonne  chère.     235 

Souvent,  pour  une  occasion  legiere, 
130  v°  Sonne  sa  trompe.  En  la  forest  s'esbat, 

Car  de  la  chace  ayme  tousjours  l'esbat. 

Cause  n'y  voy  qu'on  s'en  dueille  et  courrouce. 
Si,  en  ces  boys,  de  quelque  beste  rousse  240 

A  rencontré,  et  loysir  de  courre  a, 

Soyez  certain  qu'a  force  la  courra.» 

Cela  disoit  de  bouche  menteresse, 

Et  la  pensée  en  fiction  traytresse 

Sçavoit  le  neu  du  poinct  ou  tout  gysoit,  245 

Qui  aultrement  alloit  que  ne  disoit  : 


368  LA  CHRONIQUE   FRANÇAISE 

Mais  homme  au  droict  ne  fut  pour  contredire, 
Qui  causa  foy  adjouxter  a  son  dire. 

Lors  Bauldoujn,  par  tel  son  entendu, 
Alla  trouver  plat  sur  l'herbe  estendu  250 

Rolland,  ainsi  peu  près  qu'homme  trespasse, 
Qui,  le  voyant,  luy  prie  de  voix  basse  : 
((  Franc  chevallier  que  j'ay  ayraé  tant  cher, 
Trouve  façon  de  tel  sang  m'estancher, 
Et  s'en  moy  as  vraye  amour  et  certaine,  255 

Cherche  de  l'eau  en  ruysseau  ou  fontaine, 
Dont  puisse  ung  peu,  par  moderacion, 
Réfrigérer  mon  alteracion.  » 
131  i"      Grand  devoir  feyt  par  toute  l'estendue 

D'en  recouvrer,  qui  fut  peine  perdue,  260 

Car  goutte  d'eau  ne  trouve  en  mont  ne  val  ; 

Pour  ce  saisit  Tespée  et  le  cheval 

Du  bon  Rolland;  comme  ayant  vie  extaincte 

11  le  laissa,  car  il  doubtoit  l'actainte 

Des  ennemys  et  leur  aygre  fureur,  265 

Gaignant  pays  vers  l'ost  de  l'empereur. 

Au  mesme  lieu  Thierry  survint  a  l'heure. 
Qui,  prins  de  dueil,  lamente,  plaingt  et  pleure. 
Voyant  Rolland  avoir  membres  retraictz 
Et  ja  tirer,  ce  semble,  aux  derniers  traictz.        270 
Lors  doulcement  l'exorte  et  admonneste 
De  son  salut. 

Or,  par  coustume  honneste, 
En  l'ost  françoys  la  reigle  s'observoit 
Qu'avant  combactre  ung  chacun  recevoit 
Son  Créateur.  C'estoit  loy  ordonnée  275 

De  bonne  part.  Rolland,  ceste  journée, 
Se  confessa  et  feyt  administrer 
Avant  vouUoir  en  la  bataille  entrer, 
Dont  croy  qu'estoit,  selon  bon  vray  semblable. 
En  seur  estât.  La  coustume  louable  280 

131  v°  Se  deubt  en  guerre  observer  mesmement 
Quant  on  se  voyt  en  péril  eminent, 
(Comme  en  bataille  on  se  fourre  et  contourne) 
Car  tel  y  va  qui  jamais  n'en  retourne. 


DE   MAITRE  GUILLAUME  CRETIN  369 

Qu'ost  ce  de  ceulx,  en  tel  conflict,  surpris,  285 

Qui  lors  ne  sont  confessez  ne  contrictz  ? 

Extimez  vous  que  la  plus  part  ne  verse 

De  mal  endroict?  Gentz  de  faulse  et  perverse 

Condicion  ainsi  circonvenuz, 

D'oeuvre,  mérite  et  grâce  trouvez  nudz,  290 

Ont  ilz  avis  ne  mémoire  sensible 

D'eulx  repentir?  Il  est  comme  impossible. 

Se  mort  les  prend  en  l'obstinacion, 

Je  croj  que  tous  vont  a  dampnacion. 

A  tant  m'en  tajs,  et  aultrement  n'en  juge  :        295 

Tout  gist  en  Dieu  qui  est  le  juste  juge. 

Thierry,  voyant  son  amy  labourer 
Aux  derniers  trectz,  a  force  de  plourer 
Luy  arrouza  de  ses  larmes  la  face, 
Dieu  suppliant  que  vray  pardon  luy  face.  300 

Adonq  Rolland,  de  foible  et  basse  voix, 
Ainsi  parla  : 

«  Mon  Rédempteur,  tu  voys 
132  r°  Qu'ay  délaissez  parentz,  pays  et  terre 
Pour  debeller  celle  gent  qui  tant  erre, 
Et,  exaulsant  ta  saincte  loy,  ay  faictz,  305 

Soubz  ton  povoir,  armes  de  grandz  effectz, 
Dont  mon  corps  a  souffertes  peynes  dures, 
Playes,  gratidz  coupz,faim,  soif,  challeurs, froidures, 
Et  tellement  que  l'angoisse  de  mort. 
Après  telz  maulx,  me  navre,  pique  et  mort  !       310 
Mon  facteur  es  :  regarde  ta  facture  ; 
Mon  Créateur,  je  suis  ta  créature. 
Vertu  de  vie  en  raoy  fault  et  peryt; 
Le  corps  se  meurt.  —  Te  plaise  a  l'esperit. 
Après  ce  dur  passaige  transitoire,  315 

Donner  repoz  en  seur  repositoire  ! 
Tu  es  celuy  qui  les  très  bonnes  partz 
A  tes  servans  et  bons  amys  dépars. 
0  Jesuchrist,  filz  de  la  doulce  mère 
Vierge  Marie,  honteuse  mort  amere  320 

Souffris  pour  moy,  par  trois  jours  pris  séjour 
Au  tien  sepulchre,   et  au    troisiesme  jour 

24 


370  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

Ressuscitas,  puis  montas  a  la  dextre 

De   Dieu  ton  père.  Or  suis  je  prochain  d'estre 

132  \°  Au  paz  mortel.  Si  croy,  mon  Rédempteur,         325 

Que  je,  pécheur  et  povre  viateur, 

Au  dernier  jour  me  fei'as,  comme  espère, 

Ressusciter  pour  vie  avoir  prospère, 

Sans  ce  que  mort  ja  me  puisse  empescher. 

Je  te  verray  en  ceste  mienne  chair,  330 

Et  de  mes  jeulx  auraj  a  [pleine  veue 

La  vision  dont  saincte  ame  estpourveue.  » 

Ces  propres  niotz  trois  foiz  rejterez, 
Ses  membres  froidz  et  sens   tous  altérez. 
Très  instamment  voulut  Dieu  prier  a  ce  335 

Qu'en  cest  endroict  il  lui  pleust  de  sa  grâce 
Avoir  pitié  des  siens  chevalliers  fi'ancz, 
En  celuy  jour  corps  et  vies  ofFrans 
Pour  le  soustien  de  sa  foj,  contre  ceste 
Dampnée,  inique  et  malheureuse  secte  340 

Des  mescreans  ;  qu'il  voulsist  pardonner 
Tous  leurs  meffaictz,  et  ample  part  donner 
De  ses  trésors,  mectant  au  ciel  leurs  âmes 
Hors  le  péril  des  infernales  fiâmes. 

Son  oraison  parfaicte,  vers  les  cieulx  345 

Tendit  les  braz,  et,  en  levant  ses  jeulx, 

133  r°  En  termes  telz   dit  ce  que  vous  recorde  : 

«  Maintenant  voy,par  la  miséricorde 

Du  doulx  Jhesus,  ce  qu'œil  onq  ne  sceut  veoir. 

Oreille  ouyr,  ne  cueur  d'homme,  pour  voir,       350 

Comprendre  sceut  :  les  biens  que  Dieu  prépare 

Aux   siens  amjs.  »  —  Lors,  ainsi  que  se  pare 

Bon  et  lojal  catholique  au  partir 

Du  cours  présent,  ce  glorieux  martyr, 

Armé  de  foy  vraye  et  saine  doctrine,  355 

Les  braz  en  croix  posez  sur  sa  poictrine, 

Thierry  présent  (comme  l'histoire  dit). 

Terre  eut  le   cor[)S,  et  l'ame  au  ciel  rendit. 

134  i'o-135  1".  XXXlil.    En  célébrant  la   messe   dans    le  camp  de 
rempercui',  Tuipiii,  ravi  eu  extase,  voit;  Marsire  en  enfer  et  Roland  au 


DE    MAITRE  GUILLAUME   CRETIN  371 

ciel  '.  —  Arrivée  de  Thierry  :  il  raconte,  bieu  affligé,  le  drame  de 
Koncevaux.  —  L'année  rebrousse  chemin.  —  135  v"-137  v».  Charles 
pleure  devant  le  cadavre  de  son  neveu  et  ébauche  une  oraison  funè- 
bre. Beaucoup  de  Français  reconnaissent  leurs  parents  parmi  les 
morts.  La  désolation  est  générale.  —  138  r°  et  v°.  On  s'élance  à  la 
poursuite  des  païens,  et,  pour  qu'on  ait  le  temps  de  les  atteindre,  le 
soleil  arrête  sa  course.  (Certaines  gens  nient  ce  prodige,  mais  le  chro  • 
niquear  les  renvoie  à  Vincent  et  à  Turpin ''.  Du  reste,  pourquoi 
Dieu  n'aiderait-il  pas  ses  amis?  Lisez  les  saints  livres,  et  vous  veirez 
que  les  miracles  ne  lui  coûtent  rien.) —  139  r"-140  v°.  Ecrasement  des 
vilains  Turcs.  —  Jugement  de  Ganelon  :  Pinabel  descend  dans  la  lice 
pour  cette  méchante  cause,  mais  il  est  vaincu  parTliierry,  et  le  traître 
est  écartelé. 

141  v°-142  r».  XXIV.  Obsèques  de  Roland  et  de  tous  les  preux  tués 
à  Roncevaux.  —  142  v".  Licenciement  de  l'armée.  —  143  r°.  L'empe- 
reur va  à  Saint-Denys.  —  143  v".  11  travaille  à  établir  l'équité  dans  ses 
états.  —  144  r°.  Il  se  rend  à  Aix-la-Chapelle,  où  il  entre  à  grand 
triomphe.  —  144  v^-HS  r".  (Crétin  place  ici  la  relation  d'un  joli 
miracle  qu'il  avait  oublié  de  consigner.) 

146  r°  et  v".  XXV  ^.  Signes  qui  annoncent  la  mort  de  Charlemagne'*. 

—  147  r°  et  v".  Il  mande  son  fils  auprès  de  lui,  et  partage  ses  trésors. 

—  148  r".  Beauté  de  son  œuvre.  —  148  v°.  Le  pape  Léon  célèbre 
l'office  funèbre  de  l'empereur.  —  149  r".  Celui-ci  est  très  sûrement  au 
nombre  des  élus  :  Turpin  l'affirme  ^,  et  l'on  doit  le  croire,  car  il  a  eu, 
à  ce  sujet,  une  révélation  d'en  haut. 

Excuses  du  poète  :  il  a  omis  certaines  choses,  il  en  a  exprimé 
d'autres  faiblement,  mais  il  s'est,  en  somme,  fort  appliqué  : 

Et  pource,  ceulx  qui  verront  ou  je  faulx 
Vueillent  sans  plus  corriger  mes  defîaultz  : 
Se  feu  d'amour  a  ce  leurs  cueurs  alume, 
Tout  ira  bien.  —  C'est  fin  du  quart  volume. 
Mieulx  que  pis . 

B.  N.  fr.  2821. 

[1  r°.]  (i  Prologue   sur  le  quint  volume.  »   —    La   science    est  très 

»  Turpin,  XXV,  p.  50. 
"  XXVI,  p.  52. 
'  Ms.  :  XXIV. 

*■  Eginhard,  Vita  Car.  imp.,  XXXII,  p.  96  sqq. 
"  XXXIL  p.  60  sqq. 


372  LA    CHRONIQUE  FRANÇAISE 

nécessaire  à  un  prince.  —  [1  v°-3  r°.]  Opinions  des  anciens  à  cet 
égard.  —  [3  v''-4  i°.]  François  l"'',  qui  aime  à  s'instruire,  deviendra 
un  roi  incomparable.  -  Le  poète  lui  demande  d'être  indulgent  pour 
ses  vers. 

Très  humblement,  Sire,  je  vous  supplje 
Considérer  combien  la  force  plye 
De  moy  qui  suis  le  moindre  des  petitz, 
Voz  escoUiers  et  simples  apprentifz  ; 
Et  mon  labeur  recepvez  en  raesme  ordre 
D'acception  que  s'il  donnoit  a  mordre 
Fruict  savoureux,  de  bon  et  friant  goust. 
Vous  plaise  aussi  avoir  esgard  au  coust, 
Ou  mjse  est  forte  et  recepte  afïoiblje  : 
Celuy  est  sot,  comme  on  dit,  qui  s'oublje*. 

1  r".  1.  D'un  père  excellent  ne  saurait  naître  un  mauvais  fils.  — 
1  V".  Louis  le  Débonnaire  fut,  en  conséquence,  vertueux.  — 2  1°.  Il 
exécute  le  testament  de  Charlemague.  —  2  v°.  Diverses  ambassades 
qu'il  reçoit.  —  3  r°  et  v°.  11  tâche  de  rendre  meilleures  les  mœurs  des 
prêtres,  et  impose  aux  laïques  des  lois  utiles.  —  4  r°  et  v".  Ses  trois 
fils  (Lothaire,  Pépin  et  Loys)  furent  ingrats,  et  lui  causèrent  mille 
tribulations.  —  Après  la  mort  de  sa  première  femme,  il  épousa  la 
belle  Judith,  et  en  eut  un  enfant  appelé  Charles  [le  Chauve]. 

5  v°-6  v°.  II.  Louis  rend  aux  Saxons  et  aux  Frisons  les  franchises 
que  le  grand  empereur  leur  avait  ôtées.  —  6  v".  Révolte  des  Gascons 
et  des  Esclavons.  — 7  r°  etv°.  Un  grave  dissentiment  s'élève  entre 
Louis  et  Bernard,  roi  de  Lombardie.  Celui-ci  est  poussé  par  trois 
prélats  (Anseaulme,  Walfiède  et  Théodulphe),  qui  cherchaient  seule- 
ment leur  intérêt  pi'opre. 

Quant  vent  d'orgueil,  en  une  teste  raze, 
Feu  d'avarice  attise  et  fort  embraze, 
Dieu  scet  comment,  soit  par  phas  ou  nephas, 
Faiucte  amytié  d'Annas  a  Cayplias  - 

*  Guillaume  Crétin  semble  solliciter  ici  la  munificence  royale.  A 
l'entendre,  son  œuvre,  qui  lui  coûterait  toujours  beaucoup,  lui  rappor- 
terait moins  qu'autrefois.  En  vertu  du  proverbe  Fol  qui  s'oublie,  il 
demande  ingénument  que  la  recette  ne  baisse  pas,  puisque  lu  mise  n'a 
point  changé. 

»  Jean,  XVIII,  13,  24. 


DE  MAITRE    GUILLAUME    CRETIN  373 

Est  proumenée  ;  il  n'est  riens  qu'on  ne  face 
Soubz  semblant  mjs  en  jpocrite  face  . 

8  r°-d  v°.  Le  Débonnaire  lève  une  grosse  armée.  Bernard  comprend 
que  la  résistance  est  impossible  ;  il  se  livre  à  l'empereur,  qui  le  punit 
très  cruellement,  ainsi  que  ses  complices.  —  Les  Bretons  se  soulèvent. 

—  10  r°-ll  r'^.  On  porte  chez  eux  la  guerre.  —  Nouvelle  rébellion  en 
Gascogne.  —  Incursions  des  Normands. 

12  r°.  III.  Les  frontières  méridionales  de  la  France  sont  menacée 
par  le  roi  païen  Azon  (Aizo).  On  se  dispose  à  le  refouler  dans  ses 
états,  mais  (12  v*^)  les  capitaines  chargés  de  ce  soin  s'en  acquittent 
avec  nonchalance.  — -  13  r"  et  v°.  Louis  est  obligé  d'envoyer  à  la 
rescousse  Lothaiie  et  Pépin  :  ils  arrivent  trop  tard;  l'ennemi  s'est 
retiré  avec  un  riche  butin'.  —  14  r°.  Mort  du  roi  des  Bretons.  — 
14  v^-lS  r".  L'empereur  choisit  Bérard  (Bernhard)  comme  Prévôt  du 
Palais,  et  lui  donne  une  si  grande  puissance  que  l'on  ne  tarde  guère 
à  conspirer  contre  ce  favori  et  contre  son  maître. 

16  r°.  IV.  Le  poète  adi-esse  des  malédictions  aux  adversaires  de 
Louis.  —  Ils  vont  trouver  le  roi  Pépin  et  parviennent  (16  v»)  à  l'atta- 
cher à  leur  cause.  —  17  r"  et  v°.  Le  Débonnaire  destitue  Bérard; 
Judith,  à  qui  l'on  attribuait  toutes  les  fautes  de  son  mari,  est  obligée 
de  s'enfuir  à  Laon,  mais,  tombée  entre  les  mains  des  conjurés,  elle 
doit  s'engager  à  prendre  le  voile.  —  18  r".  Réflexions  de  l'auteur  : 
il  faut  qu'un  prince  se  garde  également  de  la  dureté  et  de  la  faiblesse. 

—  18  v"-19  r°.  Ap'ès  avoir  annoncé  à  son  époux  qu'elle  renonce  aux 
grandeurs,  Judith  se  rend  à  Poitiers  et  se  retire  au  monastère  de  Sainte- 
Radegonde. 

{A  suivre)  Henry  Guy. 

1  Eginhard,  Hludoivicus,  p.  386  sqq. 


BIBLIOGRAPHIE 


REVUE  DES  REVUES 

Romanische  forschungen,  XIX,  2.  —  Sechchaye  :  L'imparfait  du 
subjonctif  et  ses  concurrents  dans  les  hypothétiques  normales  en 
français,  p.  321  ;  —  Fiset  :  Das  altfranzôsische  Jeu- Parti,  p.  407;  — 
Fehse  :  Sprichwoi't  und  sentenz  bei  Eustache  Deschamps  uml  dichtern 
seiner  zeit,  p.  545  ;  —  Ulrich  :  Drei  romanische  fassungen  der  beiden 
Jakobsbrûder,  p.  595; —  Baist  :  Banse  ;  bouleau;  bride;  buiron  ; 
cagot  ;  caraffa  ;  conjogle  ;  corma  ;  guige  ;  hot,  hocq,  ho;  piéton; 
royaume  ;  toenard  ;  triege,  p.  633. 

Revista  de  Aragon,  'VI,  abril  1905.  —  P.  Meneii  :  Influencia 
de  la  lengua  espahola  en  el  arabe  vulgar  de  Marruecos,  II,  p.  178, 
231. 

Neuphilologische  Mitteilungen,  1905,  3.  —  A.  Wallenskôld: 
La  simplification  de  l'orthographe  française,  p.  41. 

Bulletin  du  parler  français  au  Canada,  III,  9  et  10.  — 
A  .  Rivard  :  La  simplification  de  l'orthographe,  p.  270  ;  —  Le  P . 
Palier  :  Façons  de  parler  proverbiales,  triviales,  figurées,  etc.  des 
Canadiens  au  XVllI^  s-iècle,  p.  291  ;  —  Lexique  Canadien-Français, 
p.  294  et  324. 

L'Hermine,  XXXII,  2.  —  G.  Saint-Mieux  :  De  la  formation  des 
noms  de  lieux  du  Poulet  (suite),  p.  47. 

Bulletin  hispanique.  Vil,  2.  —  J.  Saroïhandy  :  Remarques  sur 
la  conjugaison  catalane,  p.  128  ;  —  C  Michaelis  de  Vasconcellos  : 
Algumas  palavras  a  respeito  de  pûcai'os  de  Portugal,  p.  140. 

Romania,  n»  134.  —  A.  Thomas  :  Gloses  provençales  inédites 
tiiées  d'un  ms.  des  «  Derivationes  »  d'Ugucio  de  Pise,  p.  177;  — 
G.  Huet  :  Sur  quelques  formes  de  la  légende  du  «  Chevalier  au 
cygne  »,  p.  206  ;  —  P.  Meyer  :  Notice  du  ms.  305  de  Queen's  Col- 


BIBLIOGRAPHIE  375 

lege,  Oxford  (légondicr  français),  p.  215  ;  —  R.  Weeks  :  P^tudes  sur 
«  Aliscans  »  (suite),  p.  237  ;  —  P.  Meyer  :  L'inscni)lioa  en  vers  de 
l'épée  de  Gauvain,  p.  278  ;  —  G.  Raynaud  :  Une  nouvelle  version  du 
fabliau  de  «  La  Nonnette  »,  p.  279;  —  A.  Thomas  :  Ponthus  de  La 
Tour-Landri,  —  Normand  ;<  caieu  »,  —  Franc.  '<  milouin  »,  —  F^rov. 
((  colonhet  »  et  «  colonhier  »,  p.  283;  —  A.  Daiizat  :  Provençal 
bodosca,  bedosca,  p.  298  ;  —  G.  N'njra  :  «  trekawda  .>  (Haute-Savoiei, 
«  trekawdé,  trakudé  »  (Aoste),  p.  301  ;  —  A .  Mussafia  :  Per  il  «  Tris- 
tano  i>  di  Beroul,  éd.  Muret,  p.  304. 


COMPTES  RENDUS 

Hugo  Schuchardt  aa  Adolf  Mussafia,  Gniz,  ira  friihjahr  1905, 
in-f  de  42  p. 

Au  moment  où  M.  Mussafia  quitte  l'enseignement  après  une  car- 
rière brillamment  remplie,  M.  Schuchardt  adresse  à  son  ami  une  sorte 
de  lettre  ouverte,  qui  est  le  présent  ouvrage.  Voulant  lui  faire  on- 
neur  non  seulement  par  le  fond,  mais  encore  par  la  forme,  il  l'a 
richement  éditée  en  un  superbe  caïer  in-f",  très  soigneusement 
imprimé  et  orné  de  belles  illustrations. 

Ne  se  sentant  pas,  dit-il,  à  même  d'apprécier  comme  il  convient 
tous  les  travaux  de  M.  Mussafia,  il  se  borne  à  déclarer  que  le  plus 
important  pour  lui  est  le  Beitrag  zur  kunde  der  nordUalienischen 
mundarten  im  XV.  jahrhunderte,  paru  en  1 873.  Les  remarques  de 
cette  étude  contiennent  en  effet  une  riche  collection  de  sinonimes 
éclairés  par  la  lumière  de  l'étimologie;  or  on  a  peu  travaillé  dans 
cette  voie,  la  sinonimique  istorique  des  langues  romanes  n'a  guère 
reçu  que  des  contributions  isolées,  et  M.  Schuchardt  le  regrette.  Il 
n'est  pas  moins  important,  dit-il,  de  savoir  comment  se  nomme  tel 
objet  que  de  savoir  ce  que  signifie  tel  mot.  Deux  vocables  différents 
pour  exprimer  une  même  idée  ne  la  rendent  généralement  pas  avec  la 
même  nuance,  et  ces  nuances  correspondent  à  des  points  de  vue 
divers  ou  dénotent  de  la  part  du  sujet  parlant  une  autre  condition 
sociale,  un  autre  tempérament.  La  multiplicité  des  noms  d'un  objet  ou 
d'un  instrument  tient  non  seulement  à  ce  qu'on  a  pu  l'envisager  d'un 
autre  biais,  mais  aussi  à  ce  qu'il  n'a  pas  partout  et  toujours  la  même 
forme  extérieure,  ni  le  même  fonctionnement.  De  là  la  nécessité  pour 
les  filogogues,  les  étimologistes,  les  linguistes  de  bien  connaître  les 
objets  qui  sont  désignés  par  les  mois  dont  ils  s'occupent.  Et  il  cite 
des  exemples,  qu'il  empruntera  de  préférence  aux  sinonimes  recueillis 
par  M.  Mussafia,  Après  quelque  ésitation,  après  un  développement  sur 


376  BIBLIOGRAPHIE 

le  «  fuseau  »  et  la  «  quenouille  »  que  bien  des  gens  confondent,  après 
un  autre  sur  les  «  chenets  »,  «  landiers  »  et  objets  analogues,  il  s'ar- 
rête définitivement  aux  «  dévidoirs  »,  Il  i  a  deux  espèces  principales 
de  «  dévidoirs  »  que  l'on  prend  trop  souvent  l'un  pour  l'autre  et  que 
M.  Mussafia  dans  son  travail  avait  avec  raison  nettement  distingués  : 
celui  qui  sert  à  mettre  en  écheveaux  le  fil  que  l'on  tire  du  fuseau,  et 
celui  qui  sert  à  mettre  en  bobines  ou  en  pelotons  le  fil  que  l'on  tire 
des  écheveaux.  Le  premier  est  vertical,  le  second  orizontal.  M.  Schu- 
chardt  décrit  toutes  les  formes  de  ces  deux  objets,  depuis  les  plus 
simples  jusqu'aux  plus  compliquées,  depuis  les  plus  anciennes  jus- 
qu'aux plus  modernes,  en  éclairant  son  développement  par  de  très 
nombreuses  illustrations  qui  reproduisent  les  objets  ;  il  donne  leurs 
divers  noms  dans  les  différentes  régions  et  cherche  à  établir  l'étimo- 
logie  de  ces  noms 

Après  cela,  laissant  de  côté  les  mots  pour  l'istoire  desquels 
le  Beitrag  de  M.  Mussafia  lui  fournit  les  premiers  éléments,  il  aborde 
une  catégorie  d'objets  vers  lesquels  il  a  été  amené  par  son  propre 
dada  (zu  der  ich  vielmehr  auf  eigenem  Steckenpferd  gelangt  bin). 
Or,  quand  M.  Schuchardt  enfourche  son  dada,  on  sait  où  ce  dernier 
le  conduit  :  à  la  pêche  et  aux  engins  de  pêche,  à  cause  de  turbare  et  de 
trovare.  Ici  c'est  d'une  certaine  classe  de  filets  que  nous  entretient 
l'auteur,  et  dans  cette  seconde  partie  ce  n'est  plus  l'examen  des  objets 
mais  celui  de  leurs  noms  qui  est  au  premier  plan,  sans  toutefois  que 
leur  description  et  leur  représentation  soient  négligées. 

Tout  cela  ]>eut  paraître  assez  décousu,  et  rien  n'est  plus  naturel 
puisque  c'est  une  lettre  et  que  M.  Schuchardt,  pour  l'écrire,  a  laissé 
aux  dadas  qu'il  montait  la  bride  sur  le  cou.  11  i  a  pourtant  une  unité 
qui  règne  sur  le  tout  :  elle  se  trouve  dans  la  métode,  dans  l'idée 
chère  à  M.  Schuchart  et  qui  fait  le  fond  de  ses  Romanische  etijnio- 
logien;  nous  l'avons  déjà  signalée  deux  fois  dans  cette  Revue  (XLIl, 
p.  564  etXLIV,  p.  181  sqq.)  :  ne  pas  étudier  les  mots  sans  bien  con- 
naître les  objets  désignés  par  eux  et  l'istoire  de  l'application  de  ces 
mots  aux  objets  qu'ils  désignent. 

Ajoutons  que  l'on  retrouve  tout  au  long  de  ce  travail  les  qualités 
abituelles  de  l'auteur  :  précision,  finesse  et  pénétration  appuyées  sur 
une  érudition  qui  n'est  limitée  ni  en  étendue  ni  en  variété  ;  toutes 
les  langues  du  monde,  tous  les  ordres  d'idées  sont  à  l'occasion  appe- 
lés à  la  rescousse.  Comme  d'ordinaiie,  l'ouvrage,  est  émaiilé  d'étimo- 
logies  généralement  excellentes  :  les  unes  sont  franchement  neuves, 
les  autres,  anciennes  mais  mal  établies,  avaient  besoin  de  confir- 
mation. Citons  celles  de  fr.  écheveau  p.  8,  port,  sarilho  p.  9,  fr. 
happe  p.  10,  fr.  travouil  p.  12,  lat.  alabrum  p.  13,  it.  hicocca  p.  22, 
it.  corlo  p.  23,  it.  negossa  p.  36,  etc. 


BIBLIOGRAPHIE  377 

Sans  doute  toute  la  partie  non  linguistique  de  son  érudition  ne  lui 
est  pas  toujours  personnelle;  il  a  mis  à  contribution  les  connaissances 
des  nombreux  amis  et  correspondants  qu'il  possède  un  peu  partout. 
Mais  tous  ces  documents  épars  et  décousus,  il  se  les  rend  propres  et 
les  vivifie  par  la  manière  dont  il  les  groupe  et  par  les  observations 
de  profonde  psichologie  que  lui  suggère  leur  rapprochement.  11  faut 
ajouter  d'ailleurs  qu'il  n'utilise  jamais  un  document  étranger  sans  dire 
qui  le  lui  a  fourni  et  sans  remercier  celui  à  qui  il  le  doit;  parfois 
même,  on  l'avouera,  l'ampleur  du  remerciement  passe  de  beaucoup  la 
valeur  du  renseignement  communiqué.  Est-ce  à  ce  sentiment  de  recon- 
naissance exagérée  qu'il  faut  attribuer  l'éloge  outré  que  fait  M.  Schu- 
chardt  de  l'atlas  de  MM.  Gilliéron  et  lùlmont?  Il  le  qualifle  tout  sim- 
plement d'  «  admirable  »  (beioundernswert)  et  M.  Fôrster  n'en  parle 
pas  d'un  ton  plus  modeste  dans  la  Gr'ôbers  ZeilschnfL  (XXVIll,  495 
et  XXIX,  13).  Il  est  vrai  que  M.  Gilliéron  a  obligeamment  fourni  à 
M.  Schuchardt  des  renseignemtnts  qui  lui  ont  été  utiles;  mais  M. 
Schuchardt  ne  pense  pas  sans  doute  que  la  gratitude  doive  dispenser 
de  l'exactitude.  Que  demandent  en  effet  avant  tout  MM.  Schuchardt 
et  Fôrster  à  V Ailas-Gillièronl  la  forme  exacte  du  mot  qui  est  usité  à 
tel  endroit  pour  rendre  telle  idée;  et  ils  ne  sont  ni  l'un  ni  l'autre  gens 
à  se  contenter  d'à  peu  près.  Or,  si  nous  avons  fait  voir  [Indogerma- 
nische  Forschungen,  XVI,  Anz,  s.  12  iF.)  quels  services  peut  rendre 
cet  atlas  et  quelle  est  l'étendue  de  ces  services,  nous  n'avons  pas  moins 
nettement  montré  que  pour  ce  qui  est  des  mots  et  de  la  forme  des 
mots  tout  doit  être  considéré  a  priori  comme  faux.  Rien  ne  saurait 
être  accepté  qu'après  une  minutieuse  vérification.  Ce  qui  est  «admi- 
rable »,  c'est  que  deux  simples  particuliers  aient  conçu  et  entrepris 
avec  leurs  seules  ressources  personnelles  une  œuvre  aussi  colossale, 
qui,  en  raison  de  l'utilité  qu'elle  devait  avoir,  aurait  dû  être  accomplie 
aux  frais  nationaux.  Mais  ce  qui  est  déconcertant  et  lamentable,  c'est 
que  ce  grand  effort  n'ait  pas  été  mieux  dirigé  et  que  les  deux  auteurs 
aient  obéi  à  des  principes  aussi  saugrenus.  On  n'imagine  pas,  pour 
faire  une  enquête  sur  les  patois  de  France,  d'envoyer  par  toute  la 
France  la  même  personne  avec  une  liste  de  1800  mots  ou  bouts  de 
frases,  surtout  quand  cette  personne,  bien  qu'ayant  une  oreille  déli- 
cate et  exercée,  ne  possède  qu'une  préparation  scientifique  et  linguis- 
tique à  peu  près  nulle;  elle  est  obligée  de  poser  partout  ses  questions 
en  français  et  par  conséquent  de  s'adresser  à  des  gens  qui  savent 
d'autant  moins  de  patois  qu'ils  connaissent  plus  de  français  ;  elle  est 
incapable,  dans  un  très  grand  nombre  des  patois  explorés,  de  com- 
prendre un  seul  mot  de  ce  qu'on  lui  répond,  si  bien  que  lorsque  la  ré- 
ponse consiste  en  plusieurs  mots  l'interrogateur  ne  sait  pas  quels  sont 
dans  cet  ensemble  les  fonèmes  qui  correspondent  au  mot  qui  Tinté- 


378  BIBLIOGRAPHIE 

resse  ;  il  ne  peut  couper  qu'au  asard,  et  quant  il  arrive  que  l'interrogé 
n'a  pas  compris  la  question  et  par  suite  fait  un  contre  sens  dans  sa 
réponse,  l'interrogateur  ne  s'en  doute  même  pas.  M.  Schuchardt,  qui 
rêve  de  cartes  dans  le  genre  de  celles  de  M.  Gilliéron,  mais  illustrées, 
qui  voudrait  voir  sur  une  même  planche  non  seulement  tous  les  sino- 
nimes,  tous  les  divers  noms  qui  désignent  un  même  objet,  mais  en 
même  temps  la  représentation  par  l'image  de  la  forme  ou  des  diverses 
formes  de  cet  objet,  croit-il  trouver  satisfaction  dans  le  présent  Allas 
pour  la  première  partie  de  ses  desiderata?  Pense-t-il  rencontrer  une 
riche  moisson  de  sinonimes,  alors  que  l'enquêteur  a  eu  pour  prin- 
cipe de  ne  jamais  revenir  sur  une  même  question,  parce  qu'il  avait 
peur  «  d'extorquer  »  une  réponse  qui  ne  se  présentait  pas  spontané- 
ment, qui  n'était  pas  «  une  traduction  de  premier  jet»?  Qu'est-ce  donc 
que  la  traduction  de  premier  jet  quand  la  question  est  posée  en  fran- 
çais à  des  gens  qui  savent  le  français  à  côté  du  patois?  C'est  dans 
certaines  cartes  (il  est  facile  de  s'en  rendre  compte)  deux  fois  sur  trois 
du  français  patoisé  ;  la  vraie  forme  patoise  ou,  quand  il  i  a  des  sino- 
nimes dans  la  même  localité,  la  seconde  forme  ou  la  seconde  locution, 
auiait  souvent  pu  être  enregistrée  si  l'on  avait  accordé  un  instant  de 
réflexion  à  l'interrogé;  mais  on  s'est  gardé  de  l'attendre  ou  de  la  lais- 
ser surgir,  ne  voulant  accueillir  que  des  réponses  de  prime  saut, 
comme  si  la  spontanéité  n'était  pas  supprimée  par  le  fait  seul  qu'il  i  a 
traduction  et  interprétation . 

Maurice  Grammont. 

E,  Modigliaui.  —  Il  Ganzoniore  di  Fraucesco  Petrarca  riprodotto 
letteralmente  dal  Cod.  Vat.  Lat.  3195,  cou  tre  fotoincisioni,  Roma, 
Societù  ftlologica  ro7nana,  1904.  XXXI,  1G5,  iu-4'',  L.  15. 

La  Società  filologica  romana  vient  de  publier  une  reproduction 
diplomatique  du  Canzoniere  de  Pétrarque  d'après  le  célèbre  manuscrit 
du  Vatican.  M.  Ettore  Modigliani  a  donné  ses  soins  à  ce  travail  délicat 
pour  lequel  il  a  droit  aux  remerciements  de  tous  les  romanisants  et  de 
tous  ceux  qui  conservent  le  culte  de  la  littérature  italienne  classique. 

Dans  sa  préface,  véritable  introduction,  M.  Modigliani  mentionne 
les  diverses  études  dont  ce  manuscrit  a  été  l'objet  et  celles  où  il  a  été 
utilisé  :  Nolhac,  le  Canzoniere  autographe  de  Pétrarque,  Paris,  1886; 
Mestica,  il  Canzoniere  del  P.  a  riscontro  col  nis.  del  Bembo,  etc.,  dans 
le  Giornale  storico  délia  Lelt.  /toZ.  XXI,  1893;  Nolhac,  Fac-similés 
de  V écriture  de  P ,  et  Appendices  an  «  Canzoniere  ^■>  autographe,  Rome, 
1887:  le  Rime  di  Petrarca..  . .  da  Giov.  Mestica,  Firenze,  Barbera, 
1896;  Nolhac,  Pétrarque  et  V humanïs)ne,  Paris,  Bouillon,  1892,  etc. 
Mais  il  ne  me  semble  pas  dire  de  façon  expresse  que  l'autographe  de 


BIBLIOGRAPHIE  379 

Pétrarque  a  été  découvert  par  M.  de  Nolhac,  et  ne  renvoie  nette- 
ment ni  à  son  article  de  la  Revue  Critique  (188G,  p,  469  sq.)  ni  à  sa 
lettre  publiée  dans  le  Giornale storico  d.  Lett.  ital.  Vil,  p.  466.  Pour 
les  hommes  du  métier,  ces  indications  n'étaient  point  indispensables, 
mais  tel  des  lecteurs  qu'aura  la  Préface  de  l'éditeur  italien,  sera 
sûrement  hors  d'état  de  deviner  que  M.  de  Nolhac  a  eu  le  mérite  de 
cette  découverte.  Les  sirrqiles  mots  :  In  storia  esterna  fiel  codice  3195 
è  oramai  abbaslanza  nota,  sont  vraiment  insuffisants  quand  il  s'agit 
d'un  manuscrit  précieux  entre  tous,  qui  pour  un  tiers  est  de  la  main 
de  Pétrarque. 

La  description  donnée  par  M.  M.  entre  dans  tous  les  détails  que 
l'on  peut  souhaiter  et  paraît  de  la  plus  minutieuse  exactitude. 

Le  manuscrit  comprend  d'abord  un  index  qui  n'est  pas  de  la  main 
de  Pétrarque  et  qui  n'a  pas  été  corrigé  par  le  poète  :  certaines  formes 
dialectales  paraissent  indiqueruu  scribe  ombrien,  peut-être  de  Pérouse. 

Le  texte  lui-même  est  divisé  en  deux  parties  :  «  la  première  com- 
mence au  f*  1  et  se  termine  par  trois  feuilles  blanches,  50,  51,  52;  la 
seconde  va  du  f°  53  recto  au  f°  72  verso,  le  dernier  du  manuscrit.  Dans 
chacune  des  deux  parties,  le  texte  a  été  écrit  par  deux  mains  distinctes, 
celle  du  copiste  et  celle  du  poète.  Dans  la  première  partie,  le  scribe  a 
transcrit  toutes  les  compositions  depuis  le  sonnet  Uvi  chalcostate,  le 
premier  du  manuscrit,  jusqu'au  sonnet  Una  candida  cerva  (  f»  38 
verso)  inclus,  moins  le  madrigal  Or  vedi  amor  (f"  26,  recto)  et  le 
sonnet  Geri  quando  talor  écrits  tous  deux  par  Pétrarque,  l'un  sur  la 
rature  de  vers  qui  étaient  de  la  main  du  copiste,  l'autre  sur  un  espace 
laissé  en  blanc;  dans  la  seconde  partie,  les  compositions,  depuis  la 
canzone  I  vo  pensando,  par  laquelle  elle  commence,  f"  53  recto,  jus- 
qu'au sonnet  Al  cader  duna  planta  {{°  (S2,  recto)  inclusivement.  Les 
deux  fois,  lamainde  Pétrarque  suit  celle  du  copiste  et  continue  jusqu'à 
la  fin  des  deux  parties.  » 

M  M.  suppose  que  Pétrarque  commença  par  faire  copier  dans  ce 
manuscrit  et  peut-être  en  même  temps  les  premières  poésies  des  deux 
parties,  et  qu'il  n'avait  pu  calculer  avec  précision  quel  espace  était 
nécessaire  pour  la  première,  de  sorte  qu'il  laissa  finalement  sept  pages 
en  blanc,  entre  les  deux  parties. 

Bien  que  l'écriture  de  Pétrarque  ait  un  caractère  calligraphique,  à 
certains  endroits,  elle  perd  quelque  peu  de  sa  régularité,  et  l'on  n'en 
peut  être  surpris  ;  mais  ce  qui  intéresse  le  plus  et  ce  que  l'on  avait 
déjà  remaiTjué,  «  les  ratures  sont  très  nombreuses,  ratures  de  lettres, 
de  syllabes,  de  mots,  même  de  vers  et  de  compositions  entières,  pres- 
que toutes  dues  à  la  main  de  Pétrarque,  qui  non  seulement  revoyait 
la  copie  du  scribe,  mais  en  plusieurs  endroits  revenait  sur  ce  qu'il  avait 
transcrit  lui-même,  soit  pour  corriger  quelque  lapsus  calami,  soit  pour 


380  BIBLIOGRAPHIE 

modifier  la  forme,  toujours  dans  l'intentioa  d'atteindre  à  plus    d'élé- 
gance et  d'harmonie  ». 

D'autres  que  Pétrarque  ont  laissé  dans  le  manuscrit  des  traces  de 
leur  main  ;  des  lettres,  des  mots,  sans  doute  devenus  illisibles,  ont 
été  écrits  à  nouveau.  M.  M.  attribue  ces  retouches  à  Bembo  dont  il 
croit  reconnaiti'e  l'écrilure. 

M.  M.  a  eu  l'idée  excellente  de  faire  impiimer  en  caractère  ordi- 
naire le  texte  dû  au  copiste  et  en  italiques  ce  qui  est  de  la  main  de 
l'auteur.  11  a  d'ailleurs  fidolement  reproduit  la  ponctuation  employée 
par  Pétrarque  et  le  copiste,  ponctuation  conforme  à  celle  qui  est  indi- 
quée dans  VAi's  jjutictandi  attribué  à  Pétiarque,  et  à  celle  que  Pétrar- 
que a  suivie  dans  deux  manuscrits  autographes,  ceux  du  BucoUcum 
Carmen  et  du  De  sui  ipsiiis  et  mulloriim  ignormitia)  Vat.  lat.  3358, 
3359),  que  M.  M.  a  examinés. 

Une  édition  diplomatique  n'est  pas  une  simple  reproduction  maté- 
rielle, telle  que  l'est  une  photographie  d'un  texte;  elle  pose  certains 
j)roblènies,  oblige  à  divers  compléments.  Pour  la  séparation  des  mots, 
M.  M.  a  tâché  de  s'inspirer  de  l'usage  suivi  dans  le  manuscrit.  Il  a 
intercalé  dans  le  lexte,  à  leur  place,  les  mots  ajoutés,  il  a  donné  en 
note  les  lettres  exponctuées  ainsi  que  toutes  les  remarques  diverses 
que  lui  suggérait  l'aspect  du  manuscrit.  Le  seul  Errata,  à  la  fin  du 
volume,  prouverait  à  lui  seul  avec  quelle  attention  et  quelle  compétence 
M.  M.  s'est  acquitté  d'une  tâche  très  difficile. 

On  ne  saurait  être  trop  reconnaissant  envers  ceux  qui  consentent  à 
se  couiber  sur  les  vieux  manuscrits  et  à  nous  les  faire  exactement  con- 
naître. Tel  mot  a  été  mal  lu  bien  des  fois  qui,  une  fois  fidèlement 
copié,  met  à  même  de  résoudre  une  question  douteuse.  Si  l'on  me 
permet  un  souvenir  si  lointain  qu'il  en  devient  impersonnel,  je  rappel- 
lerai qu'en  1880  je  préparais  une  édition  du  Pseudo-Turpin  pour  la 
Société  des  Langues  Romanes  d'après  les  sept  manuscrits  de  la  Biblio- 
thèque de  l'Ecole  de  Médecine  de  Montpellier.  Au  chapitre  32,  je  fus 
arrêté  par  le  mot  aucona,  qu'aucun  éditeur  n'avait  reproduit;  on  le 
remplaçait  au  hasard  par  arcus  ou  arca,  ce  qui  ne  donnait  point  de  sens. 
Je  le  maintins  néanmoins,  vu  l'accord  des  manuscrits,  Or,  pendant  que 
je  corrigeais  les  épreuves  de  la  Préface,  je  trouvai  dans  VAcademy 
(14  août  1880)  une  note  sur  des  articles  du  P.  Fedel  Fita  dans  VIlus- 
tracion  catôlïca  de  mars  et  mai  de  la  même  année,  portant  sur  un 
manuscrit  de  Turpin,  conservé  à  Compostelle,  où  l'on  a  une  liste  de 
22  mots  basques, dont  aucona  signifiantJaveZoi.  Ainsi  le  chapitre  XXXII 
du  Turpin  a  été  rédigé  par  un  moine  espagnol,  ce  qui  exclut  l'hypo- 
thèse de  G.  Paris  qu'à  partir  du  chapitre  VI  (sauf  les  interpolations 
dues  aux  religieux  de  Saint-Denis)  l'on  a  l'œuvre  d'un  moine  de  Saint- 


BIBLIOGRAPHIE  381 

André  de  Vienne.  La  célèbre  Chronique,  pour  l'unsemble  et  jusqu'à  la 
fin,  est  définitivement  d'origine  espagnole. 

Mais,  il  faut  l'avouer,  peu  de  chose  suffît  [)our  dérouter  un  œil 
ine.Kpérimenté  et  pour  certains,  le  Pétrarque  ainsi  reproduit,  demeui'e 
lettre  morte.  Ils  s'en  consoleront,  sans  doute,  comme  fit  l^étrarque 
lui-même,  quand,  en  1363,  le  grec  Nicolas  Sigeros  lui  envoya  un 
manuscrit  d'Homère  ;  il  le  mit  dans  sa  bibliothèque  et  ne  sachant  point 
le  grec,  il  se  contentait  d'en  tirer,  de  contempler,  de  couvrir  de  baisers 
le  texte  immortel.  La  plupart  n'en  useront  que  pour  le  comparer  à 
leur  édition  ordinaire,  mais  tous  auront  du  moins  la  certitude  que  les 
vers  de  l'amant  de  Laure  nous  sont  arrivés  sans  altération  à  travers 
les  siècles  et  que  l'on  en  possède  un  exemplaire  authentique;  ils  sau- 
ront gré  à  la  Société  romaine  de  philologie  et  à  M.  Modigliani  d'avoir 
consacré  à  Pétrarque  ce  très  beau  volume,  chef-d'œuvre  de  typographie, 
à  l'occasion  du  sixième  centenaire  de  la  naissance  du  poète. 

Ferdinand  Castets. 


Edgar  EAving  Brandon,  professeur  à  l'Université  Miami.  — 
Robert  Estienne  et  le  Dictionnaire  français  au  XV!*^  siècle.  — 
Baltimore,  J.-H.  Furst  Compagny ,  190-i,  133  pages,  in-8°. 

Ce  travail  consciencieux  explique  bien  les  principaux  caractères  et 
le  développement  de  l'oeuvre  lexicographique  de  Robert  Estienne.  11 
montre  comment,  après  s'être  séparé  de  son  beau-père  et  établi  à  son 
compte,  Estienne  fut  poussé  par  son  ami  Budé  à  imprimer  de  préfé- 
rence des  livres  classiques;  comment  il  fut  amené,  dès  lors,  à  entre- 
prendre un  dictionnaire  latin  ;  comment  son  Thésaurus,  conçu  uni- 
quement en  vue  de  développer  la  connaissance  de  la  bonne  latinité, 
lui  inspira  l'idée  de  composer  un  dictionnaire  latin-français,  puis  un 
dictionnaire  français-latin;  comment  en  s'occupant  du  vocabulaire 
latin  il  fut  conduit  à  s'intéresser  presque  davantage  au  vocabulaire 
français  et  finit  par  réunir  tous  les  éléments  d'un  dictionnaire  fran- 
çais, qu'il  n'eut  pas  le  temps  de  finir;  pourquoi,  cependant,  l'œuvre 
lexicographique  d'Estieune  joue  un  rôle  peu  important  dans  l'histoire 
de  la  langue  française. 

Les  citations  qui  éclairent  les  thèses  de  M.  Brandon  sont  générale- 
ment bien  choisies,  mais  elles  sont  un  peu  trop  rares,  et  l'on  est 
étonné  qu'elles  soient  toujours  rejetées  dans  les  notes. 

Les  deux  ou  trois  maigres  pages  consacrées  aux  dictionnaires  latins 
qui  ont  précédé  le  Thésaurus  sont  vraiment  par  trop  insuffisantes  pour 
nous  permettre  de  bien  comprendre  quelle  fut  l'originalité  de  Robert 
Estienne. 


382  BIBLIOGRAPHIE 

Il  est  fâcheux  qu'un  volume  si  bien  imprimé  soit  déparé  par  un 
assez  grand  nombre  de  fautes  d'accentuation.  Il  est  plus  fâcheux 
encore  qu'on  ait  à  y  relever  quelques  fautes  de  français.  P.  84,  dessin 
pour  desnein  n'est  peut-être  qu'un  lapsus.  Mais  p.  54,  il  est  parlé  du 
style  profus  d'Estienne.  P.  52,  conformément  à  l'usage  du  XVI*  siè- 
cle, mais  contrairement  au  nôtre,  dont  n'est  précédé  d'aucun  antécé- 
dent (dont  on  ne  peut  pas  être  sûr).  P.  49,  au  lieu  de  «  lui  qui  provoque 
la  critique»,  on  lit  cette  chose  barbare  :  «  lui  qui  ailleurs  invite  des 
criticismes^  semble  les  redouter  ici». 

Il  faut,  enfin,  reprocher  à  M.  Brandon  d'avoir  plus  d'une  îo'xs,  mal 
disposé  ou  mal  choisi  ses  titres.  Ainsi,  dans  l'appendice  bibliogra- 
phique, aucune  espèce  de  titre  ne  précède  l'énumération  des  éditions 
du  Thésaurus  publiées  du  vivant  de  l'auteur. Mais  un  titre  en  capitales, 
précédé  et  suivi  d'un  espace  blanc,  annonce  les  Editions  posthumes. 
Cependant,  sept  lignes  plus  loin,  un  simple  titre  en  italiques,  mis  sur 
la  même  ligne  que  le  commencement  du  texte,  annonce  que  l'on  passe 
aux  éditions  du  Dictionarium  Latlno-galUcum .  A  la  page  suivante,  un 
titre  en  capitales,  mis  en  relief  par  des  blancs,  annonce  Detx  autres 
ÉDITIONS.  Deux  pages  plus  loin,  le  Dictionnaire  français-latin  est 
annoncé  par  un  titre  du  même  genre,  et  c'est  encore  un  titre  du  même 
genre  qui  annonce  dans  la  même  page  les  Editions  posthumes  de  ce 
dictionnaire.  On  voit  combien  toute  cette  disposition  manque  de  logique 
et  de  clarté. 

Le  chapitre  III,  qui  est  annoncé  à  la  table  des  matières,  ne 
l'est  pas  à  l'endroit  où  il  commence,  p.  46  :  on  n'a  là  qu'un  .simple 
sous-titre  en  italiques  qui  semble  annoncer  une  subdivision  du  cha- 
pitre II;  cependant,  p.  55  commence  bien  un  chapitre  IV,  sans  qu'on 
ait  eu  un  chapitre  III. 

Le  chapitre  II  est  intitulé,  p.  30,  la  Publication  du  Thésaurus  :  ce 
titre  mal  choisi  n'indique  qu'une  partie,  et  la  moindre,  de  ce  qui  fait 
l'objet  du  chapitre.  A  la  table  des  matières,  le  même  chapitre  est 
intitulé  le  Thésaurus  de  Robert  Estienne,  titre  meilleur,  quoiqu'il  ait 
le  tort  de  convenir  aussi  au  chapitre  III. 

L'ouvrage  serait  mieux  intitulé  ainsi  :  Robert  Estienne  et  son  œuvre 
lexicograp  hique. 

Disons,  en  terminant,  que  l'exemplaire  envoyé  à  la  Revue  des  lan- 
gues romanes  est  incomplet  des  pages  101  à  109. 

Joseph  ViANEY. 

Jules  Lemaître,  de  l'Académie  Française.  —  En  marge  des  vieux 
livres,  Contes. —  Paris,  Société  française  d'imprimerie  et  de  librai- 
rie, 1905,  iu-16  Jésus,  avec  couverture  illustrée,  3  fr.  50. 


BIBLIOGRAPHIE  383 

Un  fia  lettré  lit  V Odyssée,  V Iliade,  le  Zend-Avesla,  V Enéide,  les 
Evangiles,  la. Légende  dorée.  Et  d'abord  il  les  lit  respectueusement  et 
sans  arrière-pensée,  afin  de  les  goûter  comme  il  convient.  Mais  ensuite, 
ayant  l'espiit  curieux  et  l'imagination  prompte,  sentant  vivement  les 
contrastes  et  les  ressemblances  entre  les  sentiments  antiques  et  les 
sentiments  modernes,  aimant  surtoutà  réfléchir  et  à  philosopher,  il  se 
lî'.isse  aller  à  combiner  des  suites  aux  incidents  qu'il  vient  de  lire,  à 
fondre  les  idées  d'autrefois  avec  celles  d'aujourd'hui,  à  chercher  quelles 
déformations  diverses  ont  dû  subir  dans  des  âmes  diverses  les  mêmes 
enseignements,  les  mêmes  prédications,  la  même  «  Bonne  Nouvelle». 
Il  se  demande  si  la  fidèle  Pénélope  n'a  jamais  eu  le  cœur  troublé  par 
les  paroles  flatteuses  ou  les  regards  attendris  qui  lui  ont  été  prodigués 
pendant  l'absence  de  son  époux  :  —  comment  s'est  apaisé  le  désordre 
jeté  parmi  les  ombres  de  l'Hadès  par  le  sang  que  leur  a  fait  boire 
Ulysse;  —  ce  qui  serait  advenu  du  désespoir  de  Didon  si  elle  n'était 
pas  morte  sur  son  bûcher.  11  se  raconte  l'histoire  attendrissante  et 
comique  à  la  fois  de  la  onze  millième  vierge,  toujours  zélée  pour  faire 
son  devoir,  n'arrivant  jamais  à  le  faire  à  temps,  obligée,  pour  ne  [las 
renoncer  au  martyre,  de  se  faire  tuer  un  jour  après  sainte  Ursule  et 
ses  pudiques  comi)agnes.  Il  invente  d'ingénieuses  et  profondes  légen- 
des, qui  montrent  la  complexité  du  cœur  humain  et  le  trouble  jeté  dans 
les  âmes,  non  pas  seulement  par  la  Folie  de  la  Croix,  mais  par  ce 
qu'on  pourrait  appeler  la  Folie  de  VEvangile.  Et  il  arrive  ainsi  à  écrire 
en  marge  des  vieux  livres  une  série  de  contes,  où  le  modernisme  et  la 
couleur  antique  ne  s'accordent  pas  toujours  d'une  façon  pleinement 
satisfaisante,  mais  qui  sont  tous  intéressants,  dont  la  plupart  font 
penser,  et  dont  quelques-uns  sont  purement  exquis.  M.  Jules 
Lemaître  avait  déjà  donné  un  certain  nombre  de  contes  de  ce  genre 
dans  le  volume  intitulé  Myrrha  ;  on  lira  avec  un  grand  plaisir  ceux 
qu'il  a  réunis  dans  son  nouveau  volume. 

Eugène  Rigal. 


Ant.  Chansrouz.  —  Le  vin  de  la  Coupe-Sainte,   br.  de    17   pages, 
Nirnes,  Imprimerie  générale,  1905  (extrait  de  la  Revue  du   Midi). 

Mon  confrère  Chansroux  (couverture)  ou  Champ-Roux  (p.  3,  et  note) 
se  plaint  aimablement  et  longuement  que  mon  meilleur  ami  le  FcUbre 
di  Laiiselo,  dans  sa  Crounico  felihrenco  de  VArmanaprouvençau  de 
cette  année,  ait  commis  un  regrettable /a/)SMS-co^am«(!)ea  donnant  pour 
Genestet  le  vin  que  nous  bûmes  l'an  passé  eu  fêtant  le  cinquantenaire 
du  Félibrige.  Ce  vin  fut  gracieusement  offert  aux  Félibres  par  Chans- 
roux (ou  Champ- Roux).  11  était  délicieux.  Mais  il  n'était  pas  de 
Genestet,  11  venait  du  Pià-Rouge,  la  colline  Rouge  voisine  de  Beau- 


384  BIBLIOGRAPHIE 

caire,  «  par  covrui>tion  j^hylologique  :  \e  Pied- Rouge,  sRns  doute  parce 
»  qu'on  en  revient  avec  la  chaussure  rougie  :  donc  :  Pio  ou  Pioch- 
»  Rouge,  c'est-à-dire  la  colline  d'un  ocre-vif».  A  la  bonne  heure  ! 

J.  R. 


Armanac  de  Gascougno,  Auch,  impr,   Cocharaux,  1905. 

J'ai  déjà  dit  tout  le  bien  que  je  pensais  de  V Armanac  pour  1904. 
Celui-ci  continue  très  heureusement  la  même  tradition,  tant  parla 
valeur  des  pièces  qu'il  contient  que  par  la  claire  simplicité  de  la  gra- 
phie employée. 

J .  R. 

Armana   prouvençau    pèr  lou    bel   an    de   Dieu  1905,  Avignoun, 
J.  Roumanille. 

Le  plus  félibréen  des  almanachs  régionaux.  Oni  fait  l'istoire  du  féli- 
brige  depuis  la  fameuse  assemblée  de  Font-Ségugue  (21  mai  1854),  et 
l'on  i  relate  les  derniers  événements  intéressant  cette  tentative  de 
décentralisation  linguistique  et  littéraire.  Mais  c'est  là  seulement  une 
petite  partie  de  l'almanach,  qui  est  essentiellement  une  collection  de 
poésies  et  de  récits  en  prose,  anecdotes,  contes  populaires,  gale- 
iades,  etc.  On  i  lit  les  signatures  de  Mistral,  de  Tavan  et  surtout  celle 
du  «  Felibre  di  Lauseto  »  et  de  «  Lou  Cascarelet»  qui  désignent  un 
même  auteur.  [,a  bonne  moitié  de  ce  petit  livre  est  sortie  de  sa  plume, 
mais  il  l'a  taillée  assez  fine  et  il  lui  a  confié  une  langue  assez  souple 
et  assez  pure,  pour  que  beaucoup  de  confrèies  en  félibrige  puissent 
en  être  jaloux.  Il  ne  manque  à  cette  brochure  que  quelques  illus- 
trations umoristiques  pour  qu'elle  devienne  le  lesehuch  des  veillées  pro- 
vençales. 

M.  G. 

A.  del  Sourelh. —  Nostres  bourgés  :    Per   un    Riban.    Toulouse,  à 
la  Terro  iVOc,  1905. 

Amusante  comédie  en  un  acte  et  eu  prose  (parler  d'Agen)  mettant 
en  scène  les  ridicules  des  bourgeois  parvenus  et  leur  goût  pour  les 
décorations. 

Lemouzi,  13''  année.  —  Le  n°  d'avril  du  Lemouzi  est  consacré  tout 
entier  à  la  mémoire  de  Josep/i  Roux.  Nombreux  sont  les  auteurs  qui 
y  ont  collaboré. 

Le  Gérant  :  Paul  Hamelin. 


LES  VERSIONS  FRANÇAISES  INÉDITES 


DE    LA 


DESCENTE  DE  SATNT  PAUL  EN  ENFER 


I.  —  Version    d'Henri    d'Arci 

Je  me  propose  de  publier  dans  une  série  d'articles  les  diffé- 
rentes versions  françaises  inédites  de  la  Descente  de  Saint 
Paul  en  Enfer,  auxquelles  j'ajouterai  quelques  remarques 
linguistiques  là  où  il  y  aura  lieu.  On  trouvera  ces  dif- 
férentes versions  réunies  et  étu  liées,  avec  de  précieux 
renseignements  bibliographiques,  dans  un  intéressant  mémoire 
du  tome  XXXV  (p.  131  sqq)  des  Notices  et  Extraits  des 
Manuscrits  *  par  M.  Paul  Mejer,  dans  lequel  les  résultats  de 
H.  Brandes  ^  et  aulres  sont  résumés  et  considérablement 
amplifiés.  Ces  versions  sont  au  nombre  de  six,  dont  deux 
seulement  ont  été  publiées  en  entier  jusqu'ici  ^.  Après  l'étude 
de  M.  Paul  Meyer  mentionnée  ci-dessus,   les    divers   articles 


*  Notice  sur  le  ms.  français  24682  de  In  Bilil.  nat.,  concernant  divers 
onvra'ies  composés  ou  écrits  en  Angleterre. 

2  Visio  S.  Pauli.  Ein  Beitraq  znr  Visionslitteralur,  mit  eineni  denfs- 
cfien  und  ztvei  tateinisclien  texten,  von  H.  Brandes,  Leipzig,  1885. 

3  Une  version  du  commencement  du  XI V"  siècle  en  vers  de  huit  syl- 
labes, dont  on  possède  deux  copies  (l'une  à  la  Bibliothèque  municipale  de 
Toulouse,  et  l'autre  à  Cambridge),  a  été  publiée  par  M.  P.  Meyer  dans  le 
t.  XXIV  (p.  355  sqq)  de  la  fiom7?î/a.  Une  seconde  version,  celle  du  trou- 
vère anglais  Adam  de  Ros.  conservée  dans  quatre  mss  (outre  un  fragment 
à  Oxford)  a  été  publiée  d'après  un  seul  ms  (celui  de  Paris)  et  d'une  façon 
très  peu  satisfaisante  par  Ozanam,  dans  la  quatrième  partie  de  son  livre 
intitulé  :  Dante  et  ta  plutosophie  catholir/ue  an  XIII"  siècle  (Paris,  1835). 
Elle  paraîtra  sous  peu.  d'après  tous  les  mss,  dans  la  /ts  fur  fr.  Sfjr. 
u»  d  Lift. 

25 


386  LES  VERSIONS  FRANÇAISES  INÉDITES 

que  ce  savant  a  consacrés  au  même  sujet  dans  la  Homanin 
(VI,  p.  11  sqq,  etXXIV,  p.  355  sqq),  et  le  travail  de  M.  Brandes, 
il  serait  superflu  de  revenir  sur  les  origines  de  la  légende  de 
la  descente  de  Saint  Paul  en  enfer,  ou  d'en  discuter  les  nom- 
breuses traductions  ou  imitations  françaises.  Il  suffit  ici  de 
rappeler  que  l'importance  de  cette  pieuse  légende  réside  sur- 
tout en  ce  qu'elle  est  la  source  principale  des  idées  qu'on  se 
faisait  au  mojen-Age  des  peines  et  des  tourments  réservés 
aux  damnés  dans  l'autre  monde. 

La  version  anglo-normande  qui  suit  de  la  Descente  do 
Saint  Paul  en  enfer,  conservée  dans  le  ms.  fr.  24862  (f°  lOP 
à  103*^)  de  la  Bibliothèque  Nationale,  a  été  signalée  pour  la 
première  fois,  je  pense,  par  M.  Paul  Mejer  (op.  cit.,  p.  27  sqq). 
M.  P.  Mejer  en  a  imprimé  le  début  et  la  fin  (une  cinquantaine 
de  vers  environ)  et  a  également  donné  maint  intéressant 
détail  sur  l'auteur  de  notre  poème.  Cet  auteur  s'appelait 
Henri  d'Arci  et  était  templier  de  l'établissement  de  Bruern  ou 
Bruer  Temple  dans  le  Lincolnshire.  Il  nous  fournit  lui-même 
les  deux  premiers  renseignements  dans  les  vers  qui  terminent 
sa  Vie  de  Sainte  Thaïs  et  que  je  reproduis  ici  d'après  la  trans- 
cription de  M.  P.  Mejer  : 

Henri  d'Arci,  frère  del  temple  Salemun  , 
•     Pur  amur  Deu  vus  ai  fet  cest  sermun  ; 
A  vus  le  présent  e  as  frères  de  la  maisun. 
Ne  quer  loer  de  vus  si  bone  volenté  nun, 
Mes  ore  larrai  d'escrire,  par  le  vostre  congié, 
Ke  le  mielz  del  essaraplaire  ai  enromancé  ; 
Mes  asquanz  des  cliapitles  ai  je  entrelessié, 
Ces  en  qui  je  ne  vi  gères  d'utilité. 
E  si  ceste  translaciun  vus  vient  rien  a  gré, 
Prest  sui  en  autres  choses  a  vostre  volenté. 
Mes  ore,  a  ceste  feiz,  voil  un  poi  reposer. 
Nequedent,  ainz  que  je  leisse  del  tut  ester. 
De  la  venue  Antecrist  voil  traiter, 
U  neistra  e  cumbien  devra  régner 
E  les  granz  merveiles  qu'il  fra  voil  remembrer, 
E  u  murra  e  comenttrestut  voil  comter  ; 
E  del  fjur]  de  juise  e  del  grand  jugement 


DE   LA   DESCENTE   DE    SAINT   PAUL   EN    ENFER  387 

Dirrai  aucune  chose  pur  Deu  ensement. 

Puis  dirrai,  par  la  grâce  del  seint  Espirit, 

Des  peines  que  seint  Pol  l'apostle  en  enfert  vit, 

Oez  dune  le  sermun  ententivement, 

Ke,  si  bien  l'escotez,  si  avrez  amendement. 

Notre  poème  a  été  écrit  vers  le  milieu  du  XIIT'  siècle,  et 
san3  doute  composé  à  une  époque  un  peu  plus  ancienne.  Il 
présente  les  traits  linguistiques  auxquels  on  s'attend  dans  une 
composition  faite  de  1  autre  côté  de  la  Manche  vers  cette  date. 
Voici  les  principaux  faits  qui  caractérisent  la  langue  d'Henri 
d'Arci,  ou  au  moins  celle  du  copiste  : 

(1)  A  précédé  d'une  mouillure  aboutit  à  e  au  lieu  de  ie  :  lais- 
sèrent 20,  chens  103,  mangèrent  121,  manger  \22^  treschere  130, 
preez  im,  chef  20Q,  derech>^f2Çi\,  fichez  2\Q.  On  constate  la 
même  mutation  pour  le  suflixe.  ~  arius  :  manere  29,  114, 
131,  musterQb^  nsurers^O,  deners  SI,  mester  202,  volenters  215, 
ascer  264 . 

(2)  Le  suffixe  —  atorém  devient  —  iv\  au  lieu  de  eor  ou 
—  eeur  comme  en  français  :  pecchurs  20,  125,  184,  etc.,  lechurs 
119,  211. 

(3)  La  terminaison  —  ère  des  infiniiifs  est  rendue  par  —  er 
au  lieu  de  eir  [air)  :  saver  5,  aver  6,  71,  89,  etc. 

(4)  L'ê  latin  est  parfois  représenté  par  e  au  lieu  de  ie  : 
pez  210. 

(5)  L'o  fermé  est  régulièrement  rendu  par  u  :  vus  1,  etc, 
mustrai  1,  15,  cum  1,  unt  3,  mustré  18,  ti'estuz  11,  anumbrer  13, 
pur  16,  36,  etc.,  dunt  17,  dune  19,  colurs21,  mult  32,  puiïr  33, 
dolur  34,  peissuns  42,  lus  44,  etc.  On  lit  plora  au  vers  53,  et 
home  (105,  130,  202)  à  côté  de  urne  170. 

(G)  Enfin,  on  peut  noter  les  formes  liu  (locus)  et  ciu  (cecus^ 
qui  se  rencontrent  également  dans  le  Voyage  de  Saint  Brandan 
et  autres  ouvrages  anglo  normands. 

Quant  à  la  versification,  elle  est  très  défectueuse,  même 
pour  une  composition  écrite  en  Angleterre;  la  moitié,  ou  peu 
s'en  faut,  des  vers  sont  ou  bien  trop  longs  ou  trop  courts 
d'après  les  exigences  de  la  métrique  française.  On  peut,  il  est 
vrai,  supposer  que  quelques-uns  sont  corrects  selon  la  mé- 
trique anglo -normande  qui   pouvait    négliger  Ve  féminin  ou 


388  LES  VERSIONS  FRANÇAISES   INÉDITES 

bien  aussi  Ve  protonique;  mais  même  en  admettant  cette  pos- 
sibilité, il  j  a  encore  un  bon  tiers  des  vers  qui  clochent.  Le 
fait  est  que  Henri  d'Arci,  pas  plus  que  beaucoup  de  ses  con- 
frères qui  composaient  en  Angleterre,  ne  savait  ce  qu'il  fallait 
ou  ce  qu'il  ne  faUait  pas  compter  dans  un  veis  français;  il 
semble  s'être  contenté  du  coup  de  sonnette,  pour  ainsi  dire, 
de  la  rime,  pourvu  que  chaque  vers  eût  à  peu  près  la  même 
longueur  sur  le  papier. 

Notons  enfin  que  le  poème  d'Henri  d'Arci[  suit  d'assez  près, 
en  la  condensant  toutefois,  la  rédaction  latine  que  Brandes 
appelle  la  quatrième  rédaction  et  dont  le  texte  se  trouve  à  la 
fin  de  sa  dissertation  (p.  75  sqq). 


De  PENIS   INFERNI  QUAS   PaULUS  VIDIT  ET    REMISSIONE   MISERORUM 
QUAM  IPSE  QUESIVIT. 

F°.101c.Si  vus  musterai  cum  jol  trovai  escrit 

Des  peines  que  Saint  Pol  la  (sic)  apostle  vit, 
Les  aimes  d'enfer  unt  repos  al  dimeine, 
Car  de  ço  traiin  le  livre  atestimoine. 
5.     E  si  vus  volez  véritablement  saver 
Qui  feiseit  as  aimes  icel  repos  aver, 
Jel  vus  dirrai  ben  ainz  que  jo  parole  d'el  : 
Ço  fu  Pol  li  apostle,  li  archangle  Michael, 
Car  Deu  voleit  que  Saint  Pol  veïst  les  turmenz, 
10.      Eles  peines  d'enfer  li  a  tut  mu.stré. 

Metez  ore  entente  trestuz,  ço  vus  pri, 
Mes  tuz  sanz  prière  si  frez  vus,  ço  qui, 
Car  quant  vus  orrez  ja  les  peines  anumbrer 
N'y  aura  nul,  ço  quid,  n'ait  la'ent  de  plorer. 
15.      Oez  dune  les  peines  que  ci  vus  musteray, 
Car  pur  warnnissement  a  vus  le.^  conteray . 
Quant  Saint  Michel  et  Saint  Pol,  dunt  jo  vus   dei 

[conter], 
Furent  venu  a  emfer  et  durent  entrer, 
Dune  vit  Pol  devant  les  portes  aibres  ardanz, 
20.     E  pecchurs  pendirent  sur  els  forment  i)lainanz  : 

Les  uns  pendirent  par  les  mains  chaitifment  assez, 


DE   LA    DESCENTE    DK    SAINT   PAUL  EN    ENFER  389 

Les  uns  par  les  chevols,  et  les  uns  par  les  piez, 
Les  uns  parles  oreilles  atachez  esteient, 
E  les  uns  par  les  langes,  [les]  uns  par  braz  pendoient; 
25.     Puis  laissèrent  ces  pendre,  si  alerent  avant. 

Lors  vit  Saint  Pol  un  [f]u  mult  durement  ardant, 
E  la  flambe  que  issi  fu  de  set  colurs, 
E  en  celé  furneise  ardeient  les  pecch(e)urs, 
E  set  peines,  cheiine  de  diverse  manere, 
30.     Erent  entur  la  furneise  :  neif  fut  la  premere  ; 
La  secunde  iert  fu,  la  tierce  serpenz  esteit, 
La  quarte  sanc,  la  quinte  glace  qui  mult  par  iert  freit  ; 
La  siste  peine  iert  fuldre,  e  la  setme  puiir. 
Ces  qui  la  enz  penerent  assez  orent  dolur  : 

c5.   Co  furent  cels  qui  mururent  senz  repentance, 
Pur  ço  suffrirent  illoec  mult  griefe  pénitence. 
Iloec  ardent  et  plurent  mult  dolurusement  ; 
Mort  deniandeut  mult  suvenerement  ; 
Mes  pur  nient  le  désirent  :  ja  aime  ne  murra, 

40.    Mes  en  peines  u  en  joie  tuz  jurz  vivera. 
Puis  vit  un  fluvie  qui  horrible  ert  a  veer 
Et  les  diables  y  noent  cum  peissuns  en  mer, 
E  denvoroient  les  aimes  qui  en  cel  ewe  furent, 
Cum  lus  funt,  berbiz,  et  unques  merci  n'urent, 

45.   E  sur  cel  fluvie  ot  un  punt  par  unt  passèrent 
Les  aimes  de  cels  qui  dreiturels  erent  ; 
Cheiine  aime  ultre  cel  puncel  passer  poeit, 
Sulunc  que  cheiine  deservi  aveit  ; 
Iloec  vit  Saint  Pol  les  aimes  tuimentées, 

50,    Les  unes  tresqu'al  genuil  y  furent  plungées, 

E  les  unes  tresqu'al  lèvres,  les  unes  tresqu'al  surciz 
E  les  unes  furent  plungées  tresqu'al  umbliz. 
Quant  Pol  vit  ces  turmenz  si  plora  tendrement, 
E  puis  demande  al  angle  si  faiterement  : 

55.    Pur  Deu  dites,  ço  pri,  si  nel  celez  nient, 

Purquei  sunt  les  aimes  plungées  si  diversement. 
Dune  diseit  li  angle:  bien  monterai  quel  sunt 
Cels  qui  tresqu'al  genuil  en  cel  ewe  estunt  : 
Envius  furent  mult,  dctracions  amerent  ; 

60.   Deriere  lur  prosme  e  frères  mal  parlèrent; 


390  LES   VERSIONS   FRANÇAISES  INÉDITES 

Iceus  tresqu'al  umbliz  en  cel  ewe  sunt  rais  ; 
Avutres  e  forniceres  furent  quant  erent  vis, 
E  pur  ço  sunt  ore  en  ceste  damnaciun. 
Cels  qui  plungé  sunt  as  lèvres  si  faitement 
65.   Tancer  soleient  entre  sel  al  muster  suvent, 
E  quant  parvindrent  relment  al  iglise 
Ne  voleient  unques  entendre  al  servise, 
Et  de  la  parole  Deu  ne  tindrent  unques  plait, 
Mes  a  fable  tindrent  que  li  prestre  diseit  ; 
70.   Ices  tresqu'as  surcilz  sunt  plungé  aval. 

Heité  furent  quant  virent  lur  prosme  aver  mal, 
E  mult  furent  joins  enz  en  lur  curages, 
Quant  virent  à  lur  prosmes  avenir  damages. 
Dune  plora  Pol  e  dist  :  mar  furent  unques  nez 
75.    Ces  a  qui  si  granz  turmenz  sunt  aparailliez. 
D'iloec  l'amena  l'angle  en  un  altre  liu, 
Qui  mult  ert  tenebrus  e  escur  e  ciu. 
Iluec  vit  Saint  Pol  homes  et  femmes  plusurs, 
E  mangèrent  lur  langes  a  mult  grant  dolurs. 
80.   Dune  diseit  li  angle  :  ce  furent  usurers, 
E  soleint  douer  a  gable  lur  dener.s, 
E  rien  ne  presterent  s'il  ne  seusent  purquei  ; 

Pur  ço  sunt  en  peines,  car  merci  n'orent  en  sei. 

Puis  a  veu  Saint  Pol  un  allre  liu  tenebrus, 
85.   En  qui  furent  tûtes  peines,  e  mult  fu  hisdus  : 

Iluec  furent  femmes,  chascun  noeit  dedenz, 

Vestues  furent  de  neirs  vestemenz, 

Lur  vestement  fu  de  peiz  od  le  suflfre  mellé  ; 

Qui  les  veïst  ardre  el  feu  peiist  aver  grand  pité  ; 
90.   Les  draguns,  les  crapolz  mult  les  anguisserent, 

E  les  grant  serpenz  qui  les  envirunerent  ; 

E  quatre  diables  alerent  iluec  envirun  ; 

Cheiin  ot  en  sa  main  un  ardant  bastun, 

E  cheiin  de  ces  si  faitement  cria  : 
95.   Cunissez  le  fiz  Deu  qui  le  mund  rachata! 

Dune  plora  Saint  Pol  e  enquist  qui  celés  erent 

Qui  si  dolurusement  en  cel  liu  penerent. 

Dune  dist  l'angle  :  cestes  qui  sunt  en  cest  turment 

Ne  se  warderent  pas  al  siècle  chastement, 


DE    LA   DESCENTE   DE   SAINT  PAUL  EN    ENFER  391 

100.   Einz  perdirent  lur  virginité  en  putage, 
E  en  lecherie  despendirent  lur  âge, 
Puis  lur  enfanz  tuèrent  e  jetèrent 
A  chens  u  a  pors,  u  en  ewe  neerent, 
E  ne  voleient  unques  pénitence  fere  ; 

105.     Pur  ço  lur  estuvera  ceste  pénitence  traire. 
Puis  vit  homes  et  femmes  en  un  liu  glacial, 
Qui  merveilluses  peines  sufïrirent  e  mal, 
Car  de  l'une  part  le  fu  ardantesteit, 
E  de  l'autre  part  urent  desmesurable  freit. 

110.     Dune  dist  l'angle  :  ces  que  veez  en  cest  tourment 
Soleient  nuire(nt)  as  orfanins  e  as  vedves  suvent. 
Puis  fu  Saint  Pol  amené  d'iloc  un  petit 
U  multz  homes  e  femmes  sur  un  ewe  vit, 
Qui  fruiz  de  diverses  maneres  aveient 

115.     Devant  els,  mes  une  atucher  nepoeient  ; 
E  faim  e  sei  urent  e  talent  de  manger, 
Mes  une  al  fruit  ne  l'ewe  ne  porent  athucher. 
Dune  dist  l'angle  :  as  tu  veii,  Pol,  ceste  gent? 
Il  furent  lechurs  de  viande  sulement, 

P20 .     E  les  juinnes  ne  voleient  pur  Deu  warder  mie, 
Einz  mangèrent  suvent  par  glutonie  ; 
Pur  ço  y  unt  si  grant  talent  de  boivre  et  de  manger 
Que  tut  li  pain  del  mund  nés  poiist  saiiler. 
E  en  après  en  un  altre  liu  vit  maintenant 

125.     Un  pecchur  entre  quatre  diables  waimentant  ; 
E  Sain  Pol  enquist  del  angle  que  cil  esteit. 
Un  espirit  négligent  fu,  ço  li  diseit, 
Qui  les  commandemenz  Deu  ne  voleit  guarder, 
Ni(l)  chaste  ne  fu  n'en  cors  n'en  penser, 

130.     Mes  aver  fu  tut  dis,  orguillus  e  treschere; 
Pur  ço  suflfri  peines  en  ceste  manere. 
Dune  commença  Saint  Pol  a  plurer  tendrement, 
E  li  angle  dist  :  purquei  plurs  tu  si  faiterement? 
Uncore  n'as  pas  veu  les  greindres  turmentz 

135.     Ne  les  peines  qu'en  [enjfer  suefïrent  les  dolenz. 
Dune  lui  a  un  puz  large  e  parfunt  muntré, 
Qui  de  set  sceaus  esteit  mult  ben  enselé, 
Puis  li  dist  :  sta  luinz  pur  la  puiir  qu'istra  ! 


392  LES   VERSIONS   FRANÇAISES  INÉDITES 

Lores  uvri  le  puiz,  e  la  puiir  munta, 

140.     E  passa  tûtes  les  peines  qui  en  emfer  erent. 
Mar  furent  nez  icels  qui  leiiiz  surjurnerent  ! 
D'une  dist  l'angle  :  cels  qui  serrunt  plungé  ci, 
Pur  tant  cum  le  secle  durra,  n'en  averunt  merci. 
E    quel  sunt  cels,  dist  Saint  Pol,  dites  mei  pur  Deu. 

145.     Ce  sunt  li  paen,  dist  l'angle,  e  li  fol  judeu 
Que  nièrent  que  Deus  fust  de  la  virgne  né, 
Ne  baptesme  ne  crurent  ne  crestienté, 
Ne  del  cors  Jesu  Crist  ne  furent  acomunez, 
E  perpetuelment  sunt  pur  ço  dampnez, 

150.   Puis  vit  u  homes  e  femmes  en  un  liu  peuerent, 
E  vers  e  serpenz  a  rage  les  detirerent; 
Clieiin  aime  ert  sur  altre  cheitivement, 
Car  mult  ert  anguisus  a  suffrir  cel  turment, 
E  la  parfundesce  del  liu  u  ces  furent  mis 

155.     Y  ert  cum  de  ciel  a  terre,  ço  li  fu  avis. 

Iluec  les  oï  Saint  Pol  estrange  doel  faire, 
E  crier  e  braere,  cum  se  ço  fust  toneire  ; 
Puis  warda  u  set  diables  vindrent, 
E  l'aime  d'un  pecheiir  entr'eus  orent  e  tindrent, 

160.     Qui  meimes  icel  jur  del  ciel  prise  esteit  ; 

E  waimenta  e  cria  e  mult  grant  doel  feiseit. 
Dune  crient  les  angles  encuntre  la  chaitive  : 
Allas  î  que  feisistes  pur  tant  cum  fus  en  vie  ? 
Ore  irras  en  peine,  ja  ne  repeireras, 

105.      Pur  les  comandemenz  Deu  que  ne  guardas. 
Dune  li  fu  sa  chartre  de  ses  peccliez  baillée  ; 
Celé  la  list  ;  sei  meïsme  juga  a  dampnée. 
Dune  pristrentles  diables  la  chaitive  erraument 
Si  la  mistrent  en  peines,  sulung  sun  jugement. 
170.   Dune  dist  l'angle  :  cres  tu  que  l'ume  recevera 
Sulun  ço  qu'il  al  siècle  deservi  aura? 
Puis  vit  Saint  Pol  les  angles  Deu  iloc  dejuste, 
Qui  portèrent  vers  le  ciel  une  aime  juste; 
Dune  vindrent  plus  de  mil  angles  contre  lui, 
175.   Qui  feiseient  mult  grant  joie  e  disaient  issi  : 
0  tu,  sainte  aime  cum  tu  es  boneiirée  ! 
Car  en  grant  joie  serras  ja  alevée, 


I 


DE    LA    DESCENTE   DE    SAINT   PAUL  EN    ENFER         393 

Car  les  comraandemenz  wardas  de  Jesu  Crist  ; 

Puis  reçut  la  chartre  ;  ses  bons  ovres  list. 
180.    Lores  Saint  Michel  la  salua  en  parais, 

U  les  sainz  nostre  sire  en  joie  sunt  mis, 

E  si  grant  cri  fu  feit  cuntre  sa  venue, 

Cum  si  ciel  e  terre  fust  tute  cummeû[e], 

E  les  pechurs  qui  furent  en  erafer  ensement 
185.   Crièrent  tuz  et  distrent  issi  faite(re)ment  : 

Michel  li  archangles  e  Pol  l'atni  Jesu 

Requérez  Dampnedeu  pur  la  nostre  salu  ! 

Preez  Deu  pur  nus  anidui  ensemblement 

Que  des  peines  nus  doinst  aukun  alegeraant  ! 
190.   Dune  lur  respondi  l'angle  :  issi  faiterement  : 

Plurez  trestuz  et  jo  plurarai  ensement, 

E  Po!  urez  od  nus  ensemble,  saverun 

Si  Deus  nus  volssist  faire  u  relais  u  pardon. 

Quant  ço  oïrentqui  en  les  peines  erent 
105.    Od  haute  voiz  tuit  ensemble  à  Deu  crièrent  ; 

E  Saint  Michel  et  Saint  Pol  crièrent  ensement  ; 

E  mil  milliers  des  angles  od  eles  ensemblement. 

Dun  fu  le  sun  de  lur  cri  1res  qu'ai  quart  ciel  oï 

Cum  distrent  :  Deu  aiez  de  pechurs  merci  ! 
200.    Deu  descendi  del  ciel  od  curune  en  sun  chef. 

Quand  les  pechurs  le  virent  si  distrent  derechef  : 

Aiez  merci  de  nus,  car  gfant  mester  en  avun  ! 

Aez  merci  de  nus  sire  cum  vus  prium! 

Dune  fu  la  voiz  Deu  partut  les  peines  oïe  : 
2i»5.      Quel  ben  feïstes  pur  me  quant  fastes  en  vie  ? 

Jo  fu  mis  en  croiz  e  pur  vus  mort  suffri. 

E  que  feïstes  pur  mei  quant  vus  criez  merci? 

Li  Gosté  oi  percié  pur  vus.  Que  feistes  vus  pur  mei? 

E  fiel  me  donastes  pur  estancher  ma  sel. 
210.      Pur  vus  oi  e  mains  e  pez  fichez  de  clos. 

Et  vus  fustes  el  secle  et  lechurs  e  fols, 

Avutres  forniceres  fustes  e  envius, 

Larruns,  roburs,  avers,  maldisanz^  orgoillus. 

Juine  ne  wardastes,  n'almosne  ne  feïstes, 
215.      Mes  partut  trichastes  e  volenters  mentlstes. 

Trestuit  feïstes  quanque  votre  char  voleit. 


394  LES  VERSIONS  FRANÇAISES  INÉDITES 

De  pénitence  ne  tenistes  nul  plait. 

Dune  chaï  Michel  devant  Deii,  e  Pol  altresi, 

E  rail  milliers  d'angles,  e  crièrent  merci  : 

220.     Repos  eiissent  cil  al  dimeine,  suvaus  non, 

Tuz  cels  qui  furent  en  enfernal  dampneisun. 
Dune  parla  notre  sire,  disant  si  faitement  : 
Pur  Michel  e  pur  Pol  qui  ci  sunt  en  présent, 
E  pur  les  miens  angles  qui  ci  sunt  ensemeut, 

225.     E  pur  la  meie  bunté,  ce  sacez  nomeënaent, 
Repos  vus  durrai  del  none  al  samadi 
Tresque  vienge  la  prime  ure  del  luendi. 
Dune  furent  mult  lié  cels  qui  en  emfer  penerent, 
E  mult  loerent  Deu  e  sil  glorifièrent. 

230.      Pur  ço  cels  qui  le  dimeine  ben  guarderunt 
Compainie  od  les  angles  Deu  al  ciel  averunt, 
Car  le  dimeine  est  plus  haut  que  ne  sai  dire, 
Car  en  dimeine  fn  né  Jesu  Crist  nostre  sire, 
E  en  dimeine  Jesu  Crist  de  mort  releva. 

235.     En  dimeine  le  saint  espirit  en  terre  envea. 
Al  dimeine  converti  Deu  Tewe  en  bon  vin, 
A  unes  neces  u  fu  maistre  Architriclin. 
En  dimeine  mil  homes  put  Deu  plenierment 
De  cinq  pains  d'orge  e  dons  peissuns  sulement. 
240.   Et  en  dimeine  serra  le  dorein  jugement. 
Et  en  dimeine  jugera  Deu  trestute  gent. 
Pur  ço  commanda  Deu  e  warda  la  dimeine 
En  la  lei  de  checun  servil  overaine. 
Ço  est  d'iveresce,  que  de  checun  mal  est  rascine, 
245.   D'avuterie,  de  larecin,  de  plait,  de  tençun, 
De  tote  luxurie,  de  tote  fornicatiun. 
E  ne  devun  al  dimeine  fors  aler  à  l'aglise 
Pur  urer,  pur  entendre  al  Dampnedeu  servise, 
E  pur  oïr  la  parole  Jesu  Crist  del  prestre. 
250.    Les  malades  devun  reviser  e  pestre. 

Les  morz  pur  amur  de  Deu  devun  ensevelir, 
Les  fameillanz  saiiler,  et  les  nuz  vestir. 
Rachater  devun  cels  qui  sunt  en  chaitiveisun, 
E  reguarder  devun  cels  qui  sunt  en  prisun. 
255.   Les  povres,  les  estranges  devun  herberger. 


DE  LA  DESCENTE  DE  SAINT  PAUL  EN  ENl-'ER    395 

Les  orphanius,  les  vedves  devum  conforter. 
Les  descordatit  devum  a  concorde  treire, 
Teles  oevres  devum  al  dimeine  fera. 
E  qui  tuit  issi  le  dimeine  wardera 

260.    Od  les  angles  de!  ciel  tuz  jiirz  régnera. 

Puis  demanda  Saint  Pol  si  faitemenfc  e  enquist 
Quantes  peines  a  enfer,  e  li  angle  li  dist  : 
Si  cent  homes  fassent  parlant  dès  le  commencement, 
Puis  que  Adam  fu  fait  en  parais  primerement, 

260.   E  cheûn  d'ous  eust  cent  langes  de  fer  u  d'ascer 
Entre  eus  tuz  ne  puissent  les  peines  anumbrer. 
Pur  ço,  vus  ki  m'nvez  oi  des  peines  parler 
Werpissez  vosz  pecchez,  si  les  leissez  ester. 
Ore  larrai  atant,  que  mes  n'escriverai, 

270,   Car  arivé  sui  al  port  là  u  jo  desirai, 
E  bien  dei  estre  quite,  ço  m'est  avis, 
Quant  ai  enromancé  ço  que  vus  pramis. 

L.-E.  Kastner. 
Déceiiibi'e  1904. 


I  DODICI  CANTI 

COMPLÉMENTS    A    l'iNTRODUGTION 

[Suile  et  fin) 


iir 

De  fauteur  des  Dodici  Canti 

Dans  mon  introduction  (V,  VI),  api'ès  avoir  décrit  le  manuscrit  où 
a  été  conservé  le  texte  des  Dodici  C«jiii,  j'avais  jugé  que  la  mention 
suivante  inscrite  à  la  [iremière  feuille  de  garde,  Manoscritto  originale 
di  alcune  poésie  inédite  di  Luiyi  Alamanni  et  del  Susio,  obligeait  à 
se  demander  si  les  Dodici  Canti  pouvaient  être  attribués  à  l'Alamanni. 
J'avais  d'ailleurs  noté  déjà  qu'un  paraphe  qui  revient  deux  fois  dans 
le  manuscrit  me  semblait  réunir  les  initiales  L.  A.  Je  me  bornais 
finalement  à  citer  deux  pièces  de  l'Alamanni  où  sont  exprimés  des 
sentiments  que  l'on  rencontre  aussi  dans  les  Dodici  Canti,  et  je 
disais  :  «  Je  ne  me  crois  pas  autorisé  à  tirer  une  conclusion  des  indi- 
cations que  j'ai  rapidement  réunies;  mais  je  ne  pouvais  éviter,  engagé 
que  j'étais  à  le  faire  par  le  titre  même  du  manuscrit,  de  les  soumettre 
au  lecteur.  D'autres  plus  compétents,  si  l'objet  leur  paraît  méiiter 
quelquo  intérêt,  décideront  avec  sûreté  s'il  n'y  eut  entre  Alamanni  et 
l'auteur  des  Dodici  Canti  qu'une  communauté  de  sentiments,  une 
haine  éga'e  pour  le  nom  des  Médlcis.  » 

Donc,  je  n'avais  point  d'oi)inion  faite,  je  m'en  remettais  à  celle  des 
plus  conqiétents. 

M.  Henri  Hauvette,  qui  [jréparait  alors  son  ouvrage  sur  Alamanni, 
s'émut  de  l'hypothèse,  si  discrètement  présentée,  et,  dans  le  Giornale 
siorico  délia  Letteralura  italiana  (t.  XXXV,  p.  171-172),  se  hâta 
d'annoncer  qu'il  serait  «  bien  aise  de  couper  court,  sans  plus  tarder, 
à  l'hypothèse  extraordinaire,  grâce  à  laquelle  M.  Castets  croit  avoir 
découvert  l'auteur  de  ces  Dodici  Canti  ». 

Pourquoi  dire  que  je  crois  avoir  fait  une  découverte,  quand  je  ne  le 
dis  pas  moi-même  ?  Avant  la  publication  de  l'ouvrage  de  M.  Hauvette, 


I    DODICr   CANTI  397 

je  lie  soupçoiiuais  point  (luo  l'un  no  jiouvail,  [lailer  d'Alamaïuii  sans 
entrer  dans  une  chasse  icscrvée. 

A  propos  de  celui  des  titres  du  nianiisci'it  (jue  je  viens  du  cilcr,  ji; 
remarquais  :  «  I.a  men  ion  de  inannscrit  original,  donnée  au  titre  du 
recueil,  pouvant  s^ippUqucr  à  la  première  parlie,  m'amenait  à  exami- 
ner si  nous  ne  posséderions  jias  un  texte  autograiihe  de  Luigi 
Alamanni.  »  ' 

M.  Hauvette  réplique  :  »  Tout  d'abord^  il  n'est  pas  exact  que  le 
ms.  8583  de  l'Arsenal  atti-ibue  ce  poème  à  l'Alauianni.  » 

Mais  je  ne  l'avais  pas  dit  ! 

Dans  sa  thèse,  M.  Hauvette  se  borne  à  dire  que  lattribulion  à 
Luigi  Alamanni  est  «  une  supposition  absolument  gratuite,  et  à 
l'appui  de  laquelle  on  ne  saurait  faire  valoir  même  l'ombre  d'un  argu- 
ment :  aussi  échappe-t-elle  à  toute  discussion  » -. 

S'il  en  est  ainsi,  il  était  donc  supei'flu  d'exiii<ser  une  discussion  si 
développée  dans  le  Giornale.  Je  réponds  à  la  pensée,  et  ne  m'anête 
pas  à  la  forme  qui  cependant  n'est  point  sans  intérêt 

M.  Hauvette  a  d'ailleurs  raison  d'écarter  l'attribution  à  Luigi  Ala- 
manni. Il  connaît  l'écriture  de  ce  poète  et  elle  ne  ressemble  point  à 
celle  du  manuscrit  des  Dodici  Canti.  Kn  second  lieu,  la  biographie  de 
l'Alamanni,  telle  que  M.  Hauvette  l'a  minutieusement  établie,  ne 
permet  point  d'accepter  que  l'auteur  de  la  Coliivazione  ait  vécu  à  la 
cour  d'Urbin. 

Mais  il  est  fâcheux  que  les  réserves  que  j'avais  si  clairement 
exprimées  aient  paru    indignes   de    l'honneur    d'une    simple   mention. 

J'avoue  encore  que  j'ai  vu  avec  quelque  surprise  que  les  brèves 
indications  que  j'avais  données  sur  les  sentiments  de  l'Alamanni,  aussi 
bien  que  les  citations  de  vers  caractéristiques,  aient  été  purement 
négligées,  soit  dans  l'article  du  Giornale,  soit  surtout  dans  la  thèse  de 
M.  Hauvette.  Je  lis  dans  celle-ci  :  «  Le  souvenir  de  l'Arno  remonte 
ù  sa  mémoire  lorsqu'il  regarde  d'un  œil  d'envie  le  calme  avec  lequel 
la  Seine  serpente  au  milieu  d'heureuses  et  libres  campagnes  ;  lorsqu'il 
voit  le  laboureur  français  creuser  paisiblement  son  sillon,  c'est  encoie 
vers  la  Toscane  terrorisée  par  l'étranger  que  se  reporte  sa  pensée  ))^. 

1  Le  mot  inédite  n'était  pas  absolument  injustifié,  et  je  constate 
aujourd'hui  que  d'après  M.  Hauvette  lui-même,  si  d'une  manière  générale 
les  nombreuses  poésies  données  dans  le  ms.  de  l'Arsenal  comme  de 
l'Alamanni,  sont  empruntées  à  une  édition,  il  en  est  une  assez  importante, 
qui  lui  a  paru  in(idite,  sur  l'authenticité  de  laquelle  il  hésite  à  se  pro- 
noncer, et  qu'il  a  imprimée  dans  sa  thèse,  comme  j'avais  imprimé  les 
Dodici  Canti. 

'  Op.  1.,  ]).  421. 

''  Op.  1.,  p.  1S(J,  n°  3. 


398  I    DODICI    CANTI 

J'avais  ciLé,  avant  M.  Hauvette,  les  quatrains  auxquels  il  renvoie 
en  note:  mais,  en  elfot,  rien  ne  l'obligeait  à  mentionner  autre  chose 
que  l'hypothèse  dont  il  avait  été  choqué. 

M.  Hauvette  s'étonne  que  j'aie  pu  seulement  concevoir  la  pensée 
qu'Alamanui  ait  jamais  écrit  un  poème  aussi  «  détestable  »  que  les 
Dodici  C'anli.  Mais  il  avoue  lui-même  que  dans  le  Gijrone  «  la  versifi- 
cation même  et  le   style  accusent  une    négligence   surprenante  chez 

l'autoui-  de  la  CoUivazione^  il  est   visible  aussi  que  l'obligation 

de  rimer  l'a  souvent  gêné,  lui  a  suggéré  des  expressions  impropres  et 
l'a  parfois  conduit  à  écrire  des  phrases  à  peu  près  incompréhensibles, 
à  force  d'inversions  et  de  périphrases  '^.  ...  Il  est  sans  doute  possible 
de  parcourir  sans  ennui  un  ou  plusieurs  morceaux  bien  choisis  du 
Gyrone,  mais  non  p;is  l'ensemble  de  l'œuvre  »  "*.  Je  ne  disais  guère 
autre  chose. 

M.  Hauvette  ne  se  rend  peut-être  point  compte  que  d'autres  que 
lui  jugent  plus  sévèrement  encore  le  Gyrone,  moins  sévèrement  les 
Dodici  Canti,  et  trouvent  par  conséquent  qu'attribuer  à  l'auteur  du 
premier  de  ces  romans  la  paternité  du  second  n'était  pas  en  soi 
chose  tellement  irrévérencieuse.  On  serait  d'ailleurs  en  droit  d'être 
moins  rigoureux  pour  l'œuvre  qui  n'a  pas  été  achevée  et  revue  que  pour 
celle  que  l'auteur  a  imprimée. 

Dans  l'article  du  Giornale,  M.  Hauvette  déclare  qu'il  serait  étrange 
qu'Alamanni,  «  dont  l'évolution  classique  s'accentuait  de  plus  en  plus 
avec  les  années,  se  soit  avisé  de  composer  vers  quarante  ans  le  détes- 
table poème  dont  on  veut  le  rendre  responsable*.  C'est  avec  des  prin- 
cipes bien  différents  qu'il  devait  entreprendre,  quelques  années  plus 
tard,  de  traiter  la  matière  de  Bretagne  ». 


'  Op.  1  ,  p.  328. 

-  Op.  1.,  p.  32'J.  M.  Hauvette  cite  à  ce  propos  une  octave  qui  eût  dû  le 
rendro  plus  indulgent  pour  les  Dodici  Canti: 

Non  vedete  voi  ben,  signer  mio  caro, 
Clie  amor  lu  prima  et  la  natura  al  monde 
Che  aspra  legge  facesse  il  nodo  avaro 
Del  sponsalitio  cluro  et  ingiocondo? 
Che  i  padri  empi  et  le  madri  a  paro  a  paro 
Ne  congiungesser,  lassi!  et  non  seconde 
Il  naturale  desio  che  ne  sospinge, 
Ma  seconde  che  'I  cemmodo  dipinge. 

L.  V,  st.   130. 
■'  Op.  1.,  p.  331. 

*  Un  auteur  est  responsable  de  ce  qu'il  publie,  non  des  notes,  des 
ébauches  plus  ou  moins  réussies,  plus  ou  moins  informes  que  l'on  trouve 
dans  ses  papiers. 


r    DODICI    CANTI  390 

Je  note  en  passant  qu'Alnmanni,  né  en  1495,  avait  exactement 
quarante  ans  en  1535,  que  ia  composition  des  Dodici  Canli  se  place 
entre  1534  et  1538,  et  que  l'auteur  de  ce  l'oman  était  âgé  de  40  ans 
quand  il  l'a  commencé,  ce  qui  prouve  qu'il  était  exactement  contem- 
porain d'Alamunni  ;  mais  je  ne  prétends  rien  induire  de  cette  concor- 
dance de  dates.  J'admiie  plutôt  comment  M.  Ilnuvette,  dans  sa  thèse, 
a  pu  si  complètement  oublier  ce  qu'il  avait  écrit  dans  le  Giornalc. 
Il  y  professe  en  effet,  au  sujet  du  G//rono,  une  opinion  très  différente. 
Il  dit  que  «  c'est  un  ariêt,  presque  un  recul,  dans  l'évolution  de  plus 
en  plus  classique  qui  le  portait  vers  la  reconstitution  des  genres  cul- 
tivés par  les  anciens  »  '.  A  la  page  326,  M.  Hauvette  déclare  que  la 
seule  intention  classique  que  l'on  dccouvi'e  dans  le  Gyrone  est  que 
ce  poème  est  divisé  en  livres  et  non  en  chants,  et  que  «  ce  n'est 
guère  ». 

Mais  le  Gyrone  est  de  1548.  Il  n'y  avait  donc  pas  lieu  de  parler, 
dans  l'article  du  Giornale,  de  l'évolution  classique  d'Alamanni  à  pro- 
pos des  Dodici  Canli,  qui  sont  antérieurs  de  dix  ans  au  Gyrone,  où 
le  goiît  classique  d'Alamanni  se  trahit  uniquement  par  la  .substitution 
du  mot  Livres  à  celui  de  Chants. 

«  Le  seul  crime  du  poète  italien  »,  dit  M.  Hauvette,  à  propos  de  ce 
malheureux  Gyrone,  it  et  il  serait  difficile  d'en  imaginer  un  plus  grave, 
est  de  n'avoir  pas  essayé  d'être  lui-même  ;  c'est  d'avoir  reproduit,  avec 
une  exactitude  presque  mécanique,  un  roman  assez  médiocre,  sans 
que,  à  aucun  moment,  son  tour  d'esprit  particulier  y  ajoutât  i-ien 
d'essentiel  »  -. 

Tout  cela  est,  en  effet,  très  exact,  et  Alamanni  est  un  grand  cou- 
pable d'avoir  rimé  ce  poème  aussi  ennuyeux  que  long.  Mais  pourquoi, 
si  d'autres  raisons  ne  s'y  opposaient,  Alamanni,  avant  de  se  résigner 
à  imiter  un  vieux  roman  pour  faire  plaisir  à  François  I",  n'aurait-il 
pas  essayé  de  composer  une  épopée  romanesque  sur  les  traces  de 
Boiardo  et  d'Arioste  ?  Cette  hypothèse  n'est  point  justifiée  par  les 
faits,  soit,  mais  en  soi  elle  n'avait  rien  dont  pût  s'effaroucher  la 
conscience  de  critique  la  plus  scru[)uleuse. 

Le  domaine  des  lettres  doit  être  une  Terre  de  Vérité,  comme 
l'empire  du  Prêtre-Jean,  mais  ce  doit  être  aussi  un  pays  de  liberté  et 
d'échanges  faciles.  J'avais  soumis  un  cas  aux  gens  compétents  :  plus 
heureux  que  Guérin  consultant  les  Arbres  du  Soleil  et  de  la  Lune,  j'ai 
eu  une  réponse  immédiate  et  que  je  crois  définitive,  et  j'aurais  mau- 
vaise  grâce  à   raisonner   davantage   sur   les    termes    de  l'oracle.   Je 


♦  Op.  1.,  p.  332. 
^  Op.  I.,  p.  :«8. 


400  I    DODICI    CANTI 

n'ajouterai  qu'un  mot.  Dans  ces  compléments  à  mon  introduotion,  j'ai 
dû  parfois  me  sép  irer  de  M.  Hauvette  sur  quelques  points  dont  je  ne 
m'exagère  pas  l'importance.  Je  crois  avoir  rempli  ce  devoir  sans 
ressentir  aucune  joie  à  redresser  mon  prochain,  sans  permettre  à  ma 
plume  aucun  écart  qui  pût  l'appeler  ces  zanzare  du  Cathaio  qui,  pun- 
gendo  aspramente,  troublaient  les  nuits  de  Beatiice  Fia  et  des  poètes 
ses  hôtes. 

En  relisant  les  Dodici  Canti,  j'aurais  aimé  à  trouver  enfin  quelques 
indications  précises  sur  la  personne  de  l'auteur.  Je  vois  qu'il  faut  me 
borner  à  l'envoyer  à  ce  que  j'avais  dit  d'abord  et  à  mieux  présenter 
les  dates  sur  lesquelles  je  viens  d'appeler  l'attention. 

L'auteur  parle  toujours  de  François-Marie  comme  d'un  personnage 
vivant,  et  fait  allusion  au  pontificat  de  Paul  111,  qui  ceignit  la  tiare 
en  1534.  François-Marie  mourut  en  1538.  L'on  a  donc  une  période  de 
quatre  ans  où  l'on  peut  placer  la  composition  du  roman.  L'auteur  l'a 
commencé  à  l'âge  de  40  ans.  La  mort  de  François-Marie  suffirait  à 
expliquer  pourquoi  les  Dodici  Canti  sont  restés  à  l'état  d'ébauche 
incomplète'. 

Je  sais  qu'il  doit  m'être  difficile  d'apprécier  avec  impartialité  un 
roman  auquel  j'ai  fini  par  m'intéresser,  en  raison  de  la  peine  et  du 
temps  qu'il  m'a  coûtés.  Cependant,  je  n'en  suis  pas  moins  tenu  de 
dire  ce  que  j'en  pense.  Je  tiouve  odieuse  et  abominable  toute  l'histoire 
imaginée  par  yVlfégra  pour  tromper  Roland.  L'anneau  de  Gygès  est 
prétexte  à  détails  erotiques,  dont  l'on  est  justement  froissé.  La  scène 
où  la  fille  de  l'hôtelier,  une  fois  détrompée  par  Bradamante,  va  cher- 
cher une  consolation  auprès  de  Serpentin,  a  été  suggérée  par  le 
passage  du  Guerino,  où  le  chevalier  renvoie  la  fille  de  la  maison  à 
Brandis,  son  compagnon  de  voyage.  Le  personnage  de  Sylvana  est 
d'une  heureuse  invention,  et  les  aventures  de  Renaud  et  de  Guerino  à 
la  cour  de  Gi'enade  ne  manquent  pas  d'intérêt.  Pour  le  reste,  il  me 
semble  que  l'auteur  conte  agréablement,  pose  bien  ses  personnages, 
sait  conduire  le  dialogue,  emploie  assez  heureusement  les  éléments  de 
la  Fable,  place  à  pi'opos  ses  l'éflexions  morales.  Je  tiens  compte  évi- 
demment de  rét;it  d'imperfection  où  le  texte  nous  est  parvenu.  En 
matière  épique,    même  dans  ce  genre   romanesque,  dire  que  les  deux 

'  Dans  une  lettre  aimable  et  encourageante  (mars  1900),  M.  Emilio 
Teza,  tout  en  m'engap;eant,  avec  sa  bonne  grâce  ordinaire,  à  renoncer  à 
l'hypothèse  de  l'attribution  à  l'Alamanni,  et  en  m'indiquant  diverses 
fautes  du  texte  ou  de  l'imprimô  qui  avec  d'autres  auront  leur  place  à 
Vevrata,  me  proposait  pour  ce  poème  le  titre  de  VA?igelica  :  il  me  tenterait 
fort;  mais  je  crois  plus  sûr  de  conserver  la  simple  désignation  du  cata- 
logue: celle-là  du  moins  échappera  à  toute  critique. 


I    nODICI    GANTI  -'lOl 

tiers  d'un  poème  supporLciit  la  lecture,  est  en  somme  un  élot^c. 
Mon  opinion  est  que  les  Dodici  Canti  le  méritent  ;  mais,  je  le  ié[>ùlo, 
cette  opinion  est  à  priori  suspecte.  Resterait  à  faire  le  (lé[)art  des 
emprunts  faits  à  Boiardo  et  Arioste  et  de  ce  qui  est  de  l'invention 
propre  de  l'auteur,  mais  ce  serait  le  traiter  en  classique  et  dépasser 
la  mesure. 

Que  dire  de  l'iiomme  lui-même,  si  ce  n'est  qu'il  fut  un  des  pension- 
naires des  ducs  dUrbin,  qu'il  chantait  avec  d'autres  dans  la  volière 
dorée,  où  ces  princes  riches  et  généreux  appelaient  les  beaux  esprits? 
Cette  domesticité  brillante  ne  leur  pesait  point,  à  en  juger  par  ce 
qu'en  ra|i[)orte  avec  admiration  un  de  ceux  qui  la  partagèrent  à  Urbin, 
un  peu  plus  tard  que  l'auteur  des  Dodici  Canti  :  lUtrovaronsi  Vanno 
1558,  a  la  carte  d'Urbino,  antico  ricetto  di  tutti  gli  huomini  valorosi, 
molli  grandi  et  iUustri  j^oeti,  cio  furono  M.  Bernardo  Cappella, 
M.  Bernardo  Tassa,  M.  Girohtmo  Mutio,  M.  Antonio  Gallo,  et  jnu 
altri  ;  i  quali  non  facevano  altro,  che,  quasi  candidi  et  dolcissinii 
cigni,  cantare  a  (tara,  et  celehrare  co  loro  versi  la  eccelsa  bellezza  et 
la  niolto  piu  eccelsa  virta  de  la  Ilhtstrissinia  Sig.  Duchessa  '. 

Ainsi,  à  l'ombre  des  délia  Rovere,  se  continuait  la  fêle  de  la 
Renaissance. 

Les  formes  dialectales  éparses  dans  le  texte  et  le  long  et  enthou- 
siaste développement  en  l'honneur  de  Venise,  permettent,  semble-t-il^ 
de  supposer  que  l'auteur  était  originaire  de  la  Vénétie.  Peut-être  des 
recherches  dans  cette  région  aboutiiaient  elles  à  écarter  le  voile  qui 
cache  à  nos  regards  curieux  un  des  <<  cygnes  mélodieux  et  très  blancs  » 
qui  chantaient  les  louanges  de  François-Marie. 

IV 

EXTRAITS  DU  GUERINO  IL  MESCHINO 

Les  extraits  du  manuscrit  101  de  la  Bihliotlièque  Nationale  que  j'ai  cru  utile 
de  donner  ici,  malgré  l'état  du  texte  qui  est  reproduit  tel  quel,  se  rapportent  à 
quelques-uns  des  endroits  intéressants  du  récit.  Ils  achèveront  de  donner  une 
idée  de  la  manière  de  l'auteur  dans  le  Gnerino. 

A 

Antenisca  devant  le  Soudan  de  Perse 

Essendo  tornato  in  sullo  palazo  l'almauzore  a  lo  Misehino  cuu 
molti  baroni  foi  data  lacqua  alli  mani,  et  una  damicella  ionse  in  suUa 
sala  como  lu  Amansore  soldano  di  Persia  foi  posto  assidere,  la  quale 

*  Dionigi  Atanagio,  op.  1.  I,  note  au  f"  196,  h. 

26 


402  I    DODICI    CANTI 

damicella  era  realimente  vestita  la  qnale  non  mostrava  non  avère 
XIII  anni  compiuti,  cnn  capilli  biiindi  et  tanto  bella  ch'ella  parea 
uno  angelo  cli  paradiso,  et  ingenuchiossi  dinanli  allô  snldano  cum 
diricto  pianto.  Ella  avea  ad  secu  dai  geatili  cavallieri  et  dui  gentil! 
cammarieri  et  facea  si  grande  il  pianto  ch'ella  non  potea  parlare. 
Dice  il  INIischino  :  Ad  me  indi  increscie  molto  tanto  che  j'o  dissi  : 
0  singnore,  yo  vi  prego  che  vuy  habiate  pieta  di  qnesta  damicella 
che  vuy  vedete  che  per  dilore  non  puo  parlare.  Fate  che  parla  uno 
di  quelli  cavallieri  per  lei  di  qiielli  ch'ella  ae  cun  seco.  Et  illo 
commando  ad  uno  che  parlasse  per  lei  et  illo  dixe  :  Santa  curona, 
questa  damicella  ene  fîlliola  de!  re  di  Pers[ep]oli  el  quale  fue  Filisteno 
el  quale  FiIiste[n]o  ave  doy  fiUioli  masculi  e  questa  femina,  e-lli 
Turchi  sotto  la  singnoria  del  re  Chalismarte  li  sono  venuti  adosso 
cun  IIIC  milia  arniati  et  anno  morto  il  re  Filisteno  culli  dui  soi  fillioli 
et  anno  presa  la  cicta  de  Pers[ep]oli,  Erabacta,  Cessafia  et  tucte  le 
terre  di  Persia  del  fiume  KeguU  in  fine  al  fiume  Ulano,  et  non  e  da 
maravelliare  donde  era  il  re  Galismarco  avia  taata  potenza,  impero 
ch'egli  e  singnore  di  Damasco,  teni  Asalta  e  Gudea  Pulistina  to 
spinando  Saria  et  Ermunia,  jNIedia,  Cilica,  Panfilia,  Isavera,  Liconia, 
Pastigonia  et  Tribusuuda  ;  et  a  uno  fiatello  che  a  nome  Astilladoro 
chi  tene  tucto  lo  resto  de  Turchia  et  inolti  altri  provincie  et  reami;  et 
dichi  :  Mi  singnore,  corauuca  fo  morto  el  nostro  re  si  nuy  non 
avessimo  campata  questa  fanciulla,  ella  sarebbe  mala  capitata,  et 
sapiati  che  Turchi  si  moveano  et  per  la  Pei'sia  cuU'  armata  si  veneauo 
contra  ad  viiy,  per  la  Felice  Persia,  si  vuj  non  riparati.  Per  dio 
siavi  recommandata  questa  pupilla,  la  quale  pupilla,  si  per  lu  vostro 
aiuto  non  e  vendicata,  convien  ch'ella  vada  mendicando.  Como  scacciata, 
ella  si  recommanda  ad  [vuy]   che  slti  soldano  di  Persia. 

Avendo  il  cavallieri  compiuta  la  sua  diceria,  oinne  uno  sussperava 
et  cossi  il  soldano  corne  li  altri,  dice  il  Mischino  :  Ad  me  incresse  di 
quella  damicella  che  sempre  piangea  et  non  era  alcuno  conforto  ne 
speranza  di  aiuto;  yo  mi  levai  in  pie  et  feci  riverentia  allô  Amansore 
nostro  soldano  et  dixi  :  per  lo  dio  Magomecto,  questo  ene  grande 
peccato  et  pregovi  per  la  fede  grande  de  lo  Apollono  di  cui  o  viduto 
li  alberi,  che  vuy  li  dati  aiuto. 

B 

GuÉRIN    ENGAGE    SA    FOI    A    AnTENISCA 

Tornata  la  bella  Anteuisca  alla  cicta  de  Persopoli,  li  fecéro  li  citatiui 
grande  allegre/.a  et  grandi  piaciri  di  tinireza,  et  quando  Guerino  la 
vede  si  acciese  tucto  de  ardente  amore  et  disse  inverso   allô  cielo  : 


I    DODIGI    CANTI  403 

0  vero  dio,  donnmi  gratia  che  yo  mi  difenda  da  questa  nostra  fi-agile 
carne  tanto  che  yo  ritrovo  il  padre  mio  et  la  inia  generatione  !  et 
reciputa  la  dimicella  cuni  «grande  honore  et  reverenza  renderili  la 
singnoria  et  delli  per  Goveniamento  tre  citatini,  el  maiore  di  tiicti  tro 
fiie  Pei'midesse.  Et  non  passarino  cinque  imni  che  Persenico  nepote 
de  lu  Amansore  se  innamom  de  Antenisca  et  incomminciao  secreta- 
mente  ad  odiare  Guerino,  et  per  timenza  de  la  sua  spada  non  si 
demost;ava  et  anche  timea  la  gente  di  l'oste,  perche  Guerino  era 
molto  amato  da  tucta  la  genta  di  arme.  Et  essendo  uno  di  Guerino 
nella  sua  cammera  infra  se  stesso  si  lamentava  et  doleasi  del  camino 
chi  avea  alfare  secundo  la  ressposta  ch'egli  ebbe  delli  arberi  del 
Sole  che  in  Ponente  saperebbe  chi  fosse  la  sua  generatione.  Essendo 
in  questo  pensiero,  ionse  allui  qnello  citatino  chiamato  Permidesse  et 
poi  ch'  i-l'ebbe  salutato  si  presero  per  mano,  et  de  moite  coae 
raionando  Permidesse  infra  l'altre  cose  che  illo  raiuno,  fue  che  illo  lo 
cominincio  a  prégare  che-lli  fosse  da  piacere  di  pilliare  Antenisca  per 
mullie  et  egli  si  facesse  singnore  del  leame  de  Persopoli.  Guerino  li 
resspose  :  0  nobile  amico,  ad  me  convene  primo  cercare  li  parti  di 
Ponente  per  comniandamente  di  Apollo,  ma  prima  cacciaremo  li  Turchi 
da  tucta  Suria.  Et  Permadesse  torno  culla  ressposta  ad  Antenisca  la 
quale  udita  la  ressposta  mando  a  dire  ad  Guerino  che  li  andasse  ad 
parlare.  Et  illo  inchi  ando  et  ella  lo  commincio  a  pregare  dolcimento 
che-lli  fosse  di  piacere  de  non  si  paitire  da  Persopoli  et  che  illo 
pilliasse  la  singnoria  de  Persopoli  ;  et  Guerino  resspose  suspirando 
ch'egli  non  potea  al  présente  perche  egli  avea  ancora  a-ccercare  mezo 
il  mundo  et  ella  comincio  a-llac:imai-e  et  disse  :  0  singnore  mio,  yo  sus- 
perava  ('sicj  socto  la  vostra  spada  vivere  securanel  regno  che  vuy  mi 
havite  renduto,  et  per  questa  cagione  ve  iuro  et  per  tucti  li  dei,  como 
yo  sentiro  che  vuy  siati  partito,  yo  culli  mie  proprie  mane  mi  occidero 
per  vostro  amore,  se  vuy  non  mi  promectite,  fenito  vostro  viaio,  che 
vuy  tornareti  per  me,  et  yo  vi  iuro  asspectarivi  dechi  anni  che  mai 
non  tolliero  marito.  Disse  Guerino  :  0  nobile  dumpna,  non  dire,  per 
dio,  che  tu  saresti  vecchia  Et  ella  resspose  :  Di  questo  non  mi  euro, 
puro  che  vuy  iurati  di  tornare  ad  me  et  di  non  torre  altra  dompna.  Et 
mentre  che  queste  parole  erano  tra  loro,  ionse  Permidesse  el  citatino 
et  Amidiosca  l'ostieri  et  missere  Amorrecto  filliolo  de  l'ostieri,  facti 
richi  per  la  virtu  di  Guerino,  et  quistoro  disgero  a-Uoro  secreto  parlare 
et  seppino  corne  egli  circava  il  padre  suo  et  la  ressposta  ch'  egli  avea 
udito  d'Apollo  e  da  Diana;  et  recommandata  loro  Antenisca  jurolla 
per  sacramento  per  sua  dompna  et  légitima  sposa  in  presentia  de 
quistosro  tre,  et  promisi  di  tornare  infra  X  anni  et  che  si  in  questo 
tempo  non  tornasse,  ch'ella  fosse  libéra  et  potesse  tollere  marito  ;  et 
iuro  per  la  fede  del  summo  Dio  non  tollere   altra   dompna  clie  le!  per 


404  I    DODICI    CANTI 

[moglie  et]  questa  iuro  per  tucti  li  dei  non  torre  altio  marito,  et  questi 
tre  fossino  testimonii  et  jurarano  de  noUa  abandonare  mai,  et  [che] 
la  guai'dia  de  la  sua  bella  persona  remanesse  [a]  li  tre,  et  cossi  basa- 
rano  in  Locca  cullo  Mischino  che  ssi  ghiamava  Giierino  impalnnati,  et 
inrati  la  fe  tucti  li  quatro  ussirino  da  la  camniera  et  l'altra  matina 
fecero  radiinari  tucti  li  maiuri  de  la  cicta  et  molti  altri  gentili  homini 
del  regno  soctoposti  allei  et  foi  jier  tucto  delibeiato  che  la  doinpna 
Antenisca  fosse  reina  del  reame  ma  ch'ella  non  portasse  curona  da 
quello  di  insino  ad  X  anni,  che  Permidesse  e  Aminigra  fossero  bali 
da  la  fauciuUa;  e  appresso  ordinai'ano  che-lla  gente  si  mictesse  in 
punto  per  cavalcare  et  cacciare  li  Turchi  di  tucto  il  paese  di  Persia  et 
de  Soria,  et  passati  dechi  iurni,  si  parti  da  Persopoli  cum  cinquanta 
milia  Persiani,  et  Antenisca  lasso  piangendo,  et  andaiono  verso  de 
una  cicta  di  Pei'sia  Tinticha,  e  corne  savio  cupitauo  iuchi  posse  il 
campo  perche  ancoi'a  la  tinevano  li  Tui'chi. 


C 

Portrait  de  la  princesse  Rampilla 

Essendo  partito  il  famiglio  de  Rampilla  la  quale  era  grande  de 
jiersona  et  bene  informata,  et  era  negra  quanto  uno  carbone 
spento,  cullo  capo  ricienuto  e-lli  capilli  incresspati,  la  bocca  grossa 
de  multi  dienti  tucti  bianchi,  occhi  rossi  chi  pareano  de  foco,  disse  il 
misso  :  Diciti  ad  Guerino  che  yo  li  servo  la  mia  virginecta. 


Entrée  de  Guérin  chez  la  Sibylle  de  Gumes 

Aperta  la  porta,  lo  Mischino  entra  dentro  a  di  settanta  una  di 
cansei'e  et  ad  hora  XII*  del  di,  et  questi  dimicelle  dissero  :  Ben  sia 
venuto  missere  Guerino  ;  nuilti  dissero  che  nuy  sapiamo  la  vostra 
venuta.  Et  questi  erano  tre  damicelle  tanto  polite  et  belle  che  lengua 
mia  noUo  [)oria  dire,  t;into  era  la  loru  belleze;  et  quando  intrava 
dentro  mi  dava  lu  sole  alla  faccia,  et  achiusa  la  porta,  l'una  de  loro 
mi  disse  cun  uno  falso  riso:  Custui  sera  nostro  singnore.  Ma  yo  li  dissi 
tra  me  stesso  :  Tu  non  pensi  bene.  Et  una  mi  levo  la  borrecta  et  la 
tasca  et  l'altra  prese  lu  donpieri  ;  la  terza  mi  prese  per  mano,  et  yo 
possi  la  spata  alla  vagina,  et  colloro  mi  iiibi.inmio  et  passammo  una 
altra  porta,  et  iongemo  ad  uno  grande  iardino  sottu  ad  una  bellissima 
logia  tucta  storiata,et-cqui  erano  piu  di  cinquanta  damicelle  l'una  piu 


I   DODICI    CANTI  ■'1O5 

bella  et  l'altra  piii,  et  tiicte  se  rovolsino  vorso  me,  et  in  niezo  di  loro 
era  una  dompna  allô  mio  parère  la  piii  bella  che  yo  havesse  mai 
viduta,  et  iina  di  quelle  tre  ch'ei'ano  ciim  inico  mi  dissiuo  :  Quella  ene 
madompna  Sibilla.  Mt  inverso  lei  andavaino,  etella  venia  verso  noi,  et 
iuiito  presso  a-llei  mi  iiichinai,  et  ella  si  inchino  ad  me  et  presimi  per 
mano  et  disse:  Ren  venga  missere  Guerino.  Et  yo  la  salutai  in  questa 
forma  :  Quella  virtu  che  vuy  aviti  piu  speranza  ve  aiuta.  Et  rnentro 
che  yo  favellava,  ella  si  sforzava  di  farimi  belle  sombianti,  et  tanto 
era  la  sua  vacheza  ad  videre  che  omne  corpo  humano  inde  séria  ingan- 
nato,  et  cum  dolci  solazi  di  risi  et  di  belli  recollentie,  et  data  in  lei 
tucta  belleza  et  honesta,  et  li  membri  sono  de  smisurata  gentiliza  et 
di  grandeza  piu  comunale  et  tanto  colurita  che  quasi  del  mio  prepo- 
sito  mi  cavo,  et  era  smarrito  tra  multi  rosai  pieni  di  spine,  se  Dio, 
per  la  sua  gratia  non  mi  avesse  facto  tornare  la  mente  al  pecto,  et 
dixi  tre  volte  :  Ihesu  Nazareno,  liberami  di  questa  incantacione  !  et 
dixili  tra  me  nel  mio  core.  Et  ragionando  cullei,  la  falsa  mi  rivolta  si 
parlio  da  me,  et  ella  mi  incomenza  a  dire  tucte  le  pêne  ch'  i  avea  sus- 
tenute  da  quel  punto  che  Alexandro  mi  avea  fatto  libero  per  fine  ad 
questo  lamento  che  yo  facea  cullei,  tucto  lu  viagio  che  yo  avea  facto 
tuctu  mi  disse,  et  poi  [disse]  :  Voghio  che  tu  venghi  et  vidi  se  yo  one 
de  lu  thesoro  quanto  il  Presto  lohanne.  Et  menommi  in  una  sua  cam- 
mera  del  palazo  sue  ch'  era  uno  palazo  grande  et  reale,  et  mostrommi 
tanto  horo  e  tanto  argento  et  tante  perne  et  tante  petre  preciose  et 
tanti  iohelli  et  tanti  richeze  che  ss'elli  non  fossero  eose  false,  tucto 
questo  mundo  che  yo  havea  cercato,  non  valea  la  terza  parte.  Et  poi 
tornammo  in  una  sala  multa  ricca  cqua  inchi  foi  apparechiato  da  man- 
giare  et  posto  ad  m.mgiare  da  tante  daiiimicelle  ch'  inchi  serviano 
ch'  era  una  cosa  maravelliosa  ;  et  quando  aveamo  mangiato  mi  meno 
in  uno  iardino  che  mi  parea  essiri  intrato  in  uno  paraviso  novello  nel 
quale  erano  de  tucti  li  fructi  chi  per  lengua  humana  .si  poctessero 
contare,  et  per  questo  conobbi  ch'  eiano  cose  [fatate]  ^  perche  erano 
multi  fructi  fore  de  stagione. 


E 

Gor.KIN    RÉSISTE    AUX    SÉDUCTIONS    DE    LA    SiBYLLE 

La  sera  foi  minato  in  una  ricca  cammera  e-lla  Sibilla  venne  ad 
tucti  quelli  piachiri  di  iochi  et  di  solazi  chi  ad  uno  corpo  humano  si 
potesse  fare  per  farilo  innamorare.  Et  quando  yo  foi  intrato  nel  letto 

'  Ms.  Fatale. 


406  I    DODICI    CANTI 

ella  mi  si  culco  al  lato  mostrandomi  la  sua  bella  persona  e-lli  soi 
blanchi  carni  e-lli  memelle  chi  proprio  pareano  de  avolio  ;  et  yo  Mis- 
chino  da  capo  ripriso  foi  da  hi  ardente  amore,  et  factomi  il  signo  de 
la  croche  pcr  questo  nou  si  paitiva  la  Sibilla,  ma  per  venire  allô 
effecto  de  lu  suo  desiderio  piu  ad  me  si  accostava,  et  yo  ricordato  de 
li  parole  de  li  tre  romiti  dissi  tre  volte  :  Ihesu  Nazareno  Christo,  tu  mi 
aita.  Dissi  celatamente  dentro  lo  mio  core  questo  nome  ;  eni  di  tanta 
vii'tu  che  como  yo  l'ebbe  dicto,  ella  si  levo  foro  de  lu  lecto  et  partiosi, 
et  nou  sapea  quale  era  la  cagione  che  la  facea  partii'e  ;  et  yo  rimaso 
sulo  tucta  la  nocte  dormivi  in  pace  senza  essiri  combactuto  da  ley 
ne  de  altre  fate,  et  nissuna  sappe  la-ccagione.  Ad  questo  si  videa  che 
lu  aniuio  de  lu  homo  non  posano  sapere  elle,  si  parlare  nollo  fa 
manifesto. 

Culla  gratia  de  Dio,  dice  il  Mischino,  yo  dormivi  tucta  la  nocte 
e-lla  matina  a  bona  hora  la  Sibilla  mi  veune  ad  visitare  cum  moite 
damicelle  :  et  quando  foi  levato  mi  fo  ap|)arichiato  una  bella  robba  di 
seta,  et  uno  portante  leardo,  et  montai  a-ccavallo  cuUoro  et  fo  quello 
di  menato  per  una  bella  pianura  et  vidi  questo  ch'era  il  mercoridi,  et 
questo  di  mi  fo  mostrato  tucto  lu  paesi  de  la  sapia  Sibilla,  et  promic- 
teami  de  farimi  singnore;  et  vidi  moite  castelle  et  ville,  et  viddi  molti 
palaggi  et  molti  iardeni  ;  ma  yo  inmaginai  tucto  questo  essere  incante- 
simi,  perche  in  poco  loco  de  la  montanghia  non  era  possibile  che  tante 
cose  capessei'o,  et  pero  imaginai  che  tucte  erano  cose  [fatate]  ',  et 
mostravami  quello  che  non  era  e  pareami  fare  quello  che  yo  non  facea. 


F 

La  Sibylle  a  raconté  à  Guérin  s-on  liistnire,  lui  a  expliqué  savamment  comment 
l'homme  est  composé  de  trente-quatre  éléments,  et  lui  a  dit  les  raisons  de  la 
diversité  des  formes  que  ses  sujets  prennent  lors  de  leur  métamorphose  en 
serpents.  L'extrait  suivant  comprend  les  faits  depuis  cet  entretien  jusqu'au 
jour  où  Guérin  recouvre  sa  liberté,  après  avoir  passé  un  année  entière  dans 
le  séjour  de  la  Sibylle,  En  sortant,  il  retrouve  Marco,  personnage  condamné 
au  supplice  de  servir  de  pont  pour  pénétrer  chez  la  Sibylle.  —  Je  re[)roduis 
le  manuscrit  sans  essayer  de  le  corriger,  car  il  en  est  d'autres  certainement 
infiniment  meilleurs.  Le  livre  de  la  Sibylle  est  cependant  celui  où  le  copiste 
paraît  s'être  le  plus  appliqué  à  ne  pas  gâter  le  texte 

Poy  che  yo  ebbe  intiso  la  ccagione  de  li  sopradicti  vermini  e  '1 
perche  illi  deventavano  de  divariati  condicioni,  et  como  erano  appro- 
priati  ad  secti  peccati  mortali,  rendivi  gratia  a  Dio  et  pregaillo  che 
mi  guardasse  da  tanta  miseria  et  pregaillo  che  mmi  desse  gratia  che 
yo  eusisse  suno  de  l'anima  et  de  lu  corpo,  et  che  yo  ritrovasse  il  pâtre 

1  Ms.  fatale. 


I   DODICI   CANTI  407 

mio  e  lia  mia  matrc  et  alla  fine  mia  mi  diga  gratia  de  mi  salvari 
l'anima  mia,  et  dicoti,  luectore,  che  in  quolla  septimana  yo  foi  miilLo 
stimulato  et  molestato  et  tnntato  de  luxuria  cuin  omne  modo  de  inten- 
cione  ch'clli  sapeauo  o  pothiano  sapere,  ma  yo  sempre  mi  recomandai 
ad  Ihesu  Nazareno  Cristo,  et  lui  mi  aiiitava.  Et  omne  matino  yo  diceva 
li  septi  salmi  pcnitenciali  et  multi  orationi  ;  et  cum  questi  fatighe  yo 
passai  quella  septimana  tanto  che  yo  li  vidi  iina  altra  volta  tramutare 
in  figura  prava  et  pessima,  et  quando  foruno  tornati  in  loi'o,  yo  la 
pregai  multo  per  la  virtu  in  clic  piu  speranza  avea  ch'ella  mi  dicesse 
ch'era  il  padi-e  mio  poi  ch'ella  mi  lo  avea  decto  ca  lu  sajjcva.  Et  ella 
mi  ressposi  de  luxuria  si  lo  volea  sapere,  e  yo  intacecti  et  nolli 
ressposi.  Ella  si  adiro  che  tucto  lo  [ajuno  passe,  et  mai  non  appi  da 
lei  altra  ressposta  ch'indi  havessc  havuta  insiuo  ad  questo  di  essendo 
presso  ad  tre  iurni  alla  fine  de  l'anno  le  fate  tucti  erano  deventati 
vermi  secundo  che  la  divina  iusticia  havia  ordinato,  et  yo  imaginai 
como  poétesse  sapere  chi  era  il  padre  mio,  et  pensando  como  mi  avea 
perduto  uno  anno,  multo  mi  confortai  et  deliberaimi  di  pregare  da 
capo  la  Sibilla,  et  s'elia  non  mi  lo  volesse  dire  per  preghieiri,  di  scou- 
giurarila,  et  como  ella  fo  tornata  in  sua  figura  humaaa  andai  a  llei  et 
in  questa  foima  li  parlai  :  0  savissima  Sibilla,  yo  ti  prego  per  la  tua 
virtu,  ti  sia  di  piacerede  dirimi  chi  foruno  limei  antiqui  et  che  ene  de  lu 
padre  et  de  la  matre  mia  ad  zio  che  non  abia  perduta  tanta  fatiga  indanno. 
Ella  risspose  :  Ad  me  incresse  che  t'o  dicto  quello  che  t'o  dicto,  impero 
che  tu  si  nato  de  gentile  linghiaiu  et  si  tanto  villano  cavallieri.  Quando 
yo  intisi  la  sua  rissposta  tucto  turbato  cum  ira  parlai  verso  lei  :  Per 
quella  virtu  che  soleano  avère  le  foghie  che  tu  ponivi  insullu  altare, 
almeuo  per  quelle  cosi  vanne  forme  mostrando  vora  la  tua  proficia  et 
non  curavano  il  suffiare  del  vento ',  ti  prego  che  tumiinsinghi  il  pâtre 
mio.  E-Ua  Sibilla  s'inde  rise  et  disse  :  El  duca  Enea  Troyano  fo  de 
piu  gentile  condiccione  di  te,  et  per  o  lu  condussi  per  tucto  lo  Inferno 
et  mostraili  lu  sua  padre  Anchise  e  (piale  gentili  Romani  che  di  lui 
doveano  nassire,  profetaiidoli  il  poniiuentn  di  Roma,  como  car  disso 
Carmenta  matre  del  Re,  et  v'ando  pailando  d'ICreule-,  et  trasi  lo  a 
salvamento  da  lu  Inferno.  Ma  tocc.ii  a  stare  tre  iurni  et  si  tu  remane- 
rai  assai  in  captivita  per  te  far  anno,  et  dicoti  che  da  me  et  de  altra 
persona  chi  in  questo  loco  sia,  non  poterai  sapei'e  che  tu  sappi  di  tua 
schyaeta.  Dice  Guerino  :  Yo  avendo  puro  la  volunta  di  trovare  lo  mio 
padre,  vinci  la  mia  ira,  et  da  capo  li  conmenciai  ad  promectere  ch'ella 

1  Foliis  tantum  ne  carmina  manda, 

Ne  turbata  volent,  rapidis  ludibria  ventis. 

^n.  VI,  74. 
^  ^n.  VIII,  339,  193. 


408  I    DODICI    GANTI 

mi  lo  insinghiasse  che  allô  muiido  yo  li  daria  boiia  fama,  decia  la 
sua  nobilita  et  tenei'ia  celato  la  loro  tramutacione  di  figura  umana  in 
bructi  vermi,  ma  snlo  la  sua  nobilita  et  belleza  dirai.  Non  altra  mente 
ella  nii  l'esspose  [eu m]  [iropria  inteacione  femininile  che  non  curano 
ne  honore  ne  pareutato  ne  richeza  per  contentare  lu  loro  appetito  e 
abandonano  lu  amoi'e  de  Dio  e  del  pioximo  per  questa  dureza  che  yo 
vidi  in  lei,  mi  ionse  ira  sopra  ira  et  dissi  verso  lei  :  Oy  iniquissima  et 
rinigata  fata  maldecta  da  lu  eterno  Dio,  yo  ti  sconiuro  per  la  divina 
potencia  Pâtre  et  Filio  et  Spiritu  Santo  che  tu  mi  dici  chi  e  il  pâtre 
mio  sincomo  tu  mi  dicisti  che  sa[)ivi  chi  ei'a.  Et  ella  mi  respose  : 
0  falso  cristiano,  le  tue  seoniure  non  possiuo  offendere  ad  me,  impero 
che  yo  n,;n  sono  cor[>o  fantasco  ma  sono  et  foi  di  carne  et  osse  como 
si  tu,  solamente  per  lo  mio  difecto  lo  divino  iudicio  mi  ave  cossi  con- 
dingnata.  Va  ad  scougerare  le  demotiii  li  quali  non  auno  coi'po  et  li 
spirti  inmun-li,  che  da  me  non  pot[r]osti  alcuna  cosa  sapere  piu 
innanci,  et  nanti  che  tu  lo  sapia,  tu  provarai  Tultime  [jai-ti  di  Ponenti 
e-lli  secti  circhi  de  lo  Inferno  et  Ha  ti  serra  mostrato  tua  padre 
per  figura.  Per  queste  parole,  o  lectoi'e,  yo  molto  inpagurai  temendo 
non  trovare  mai  il  mio  padre  siuo  di  po  la  mia  morte  dampnato  alli 
pêne  infernale.  Non  dimeno  feci  bono  core  et  dissi  :  11  tuo  iudicio  non 
serra  vero  perla  gratia  de  Dio.  Allui  per  confessione  posso  alla  peni- 
tenciu  toi'nare,  et  cossi  faro.  Or  fammi  rendere  tucte  li  cose  che  yo 
arricai  in  questo  maldecto  loco.  Et  ella  conmando  che  mi  fossino  dati, 
et  fommi  renduta  la  mia  tasca,  et  la  mia  spata,  cum  doi  pani  dentro 
et  lo  figile  e  Ui  solfanelli  et  l'esca,  uno  dopiere  intero  e  M  muzicone. 
E  lia  Sibilla  mi  disse  :  Non  creda  la  tua  ira  potere  offondere  ad  me 
che  tu  ne  altii  persuni  mortali  non  mi  po  fare  ni  maie  ni  bene.  ludicato 
eue  di  quello  chi  di  me  debbe  essere.  Et  sparimmi  da  nanci.  Et  da 
questo  punto  in  qua  nolla  vidi  mai  piu,  et  conobbi  tucte  li  loro  figure 
essire  adirate  et  disg[razi]ate  inverso  di  me.  Et  immaginai  non  essere 
per  altro  si  no  per  la  invidia  et  jier  dilore  clio  non  aveano  potuto  mec- 
tere  [mi|  nel  loro  numéro  dovo  loro  vicii,  et  da  po  che  yo  ebbe  avuto 
tocte  li  mie  cose  ch'inchi  stecti  tre  iurni,  et  oume  matina  yo  rengra- 
ciava  Dio  et  dicea  li  se[)ti  salmi  peuitenciali  et  multi  orationi  et 
sempre  :  Ihesu  Nazareno,  tu  nii  aiuta.  Et  cossi  stecti  infine  il  terzo 
iurno,  et  la  matina  dicti  li  mie  orationi,  conminciai  a  cercare  la  porta 
donde  yo  era  intrato,  ma  nienti  mi  venia  a  dire.  Per  questo  cominciai 
ad  avère  pagura,  et  ricomandai  mi  a  Dio  i)er  la  sua  gratia  et  miseri- 
cordia  non  mi  lassasse  perire.  Veramente  parea  ad  me  essere  ad  uno 
forte  [IJaberinto  \nn  scuro  che  quello  chi  fo  facto  i[n]  Greti  al  Minu- 
tauro  divuratore  de  11  Antenaxi  tribntati  per  lo  iudicio  de  Minos. 

Essendo  l'ultirao  di,  ail'  ora  di  noua,  dice  il  Mischino,  venne  ad  me 
una  doncella,  et  dissimi  :  0  cavallieri,  perche  ti  stormenti  ?  forza  ene 


I    DODICI    GANTI  409 

a  nnni  per  la  diviua  potciicia  di  inostrare  ti  l'ora  et  lo  paiiLo  cho  tu 
indi  devi  ussii-e,  et  peio  non  ti  sbagottiri  et  vieni  presso  ad  me  et  yo 
ti  inostraro  la  porta  et  la  nscita  di  questa  habitacione.  Et  yo  li  andai 
dircto  et  appresso  a  lloi  se(piitai  picno  do  alligreza  perche  mi  cnuvenia 
inostrai-c-  a  dire  l'ora  el  lu  [)Uuto.  Klla  mi  mono  per  uno  cortiUio  per 
lu  quale  yo  canossivi  esseià  passato  quando  entrai;  et  iunto,  Lectorc, 
in  verita  tucto  quelle  anno  ch'  inchi  erastato  mai  non  vidi  quille  cor- 
tillio  ne  la  porta  alla  quale  noi  lungeinino,  et  avca  li  viduti  multe 
volte  in  anima,  ma  la  l'orza  di  loro  [fu]  raiom;  non  mi  lassiar  [e]  videre; 
etquesta  damicella  mi  disse  remanirc,  mi  f,n-ia  perdonare  de  la  Sibilla, 
et  ancora  si  ingenghiava  de  ingannai-i  me.  Yo  ressposi  clie  voi-ia  |;iu 
tosto  la  morte  ca  essii'e  iudicato  in  quelle  loco  eulloro.  Ancora  mi  disse: 
0  nobile  Guerino,  di  te  mi  renci-esse,  et  dirocti  quelle  chi  ovo  nell'animo. 
Sappi  si  in  qiiesto  tenqjo  chi  tu  si  stnto  in  (piesLa  habitacione  tu  havissi 
j)assato  il  punto  de  la  morte  per  (piesta  stancia.  [icrche  in  questo 
loco  non  more  mai  j)ei'sona,  si  no  como  tu  ai  viduto  per  fine  al  di  de 
lu  ludicio  div  no,  ma  si  tu  in  questo  anno  fossi  stato  allô  mundo,  tu 
havissi  devuto  morire.  Mectere  la  mano  oy  lo  digito  da  fore  di  questa 
porta,  subito  toruavi  tanto  quanto  da  foie  ne  mecterai  in  ceunere.  Et 
yo  li  ressposi  :  Non  ti  venga  pieta  di  me  che  ad  me  midesmo  impero 
che  la  fede,  la  speranza  et  la  carita  chi  one  in  Dio  mi  cavera  ail'  anno 
sauto  di  quisto  bructo  et  laido  loco  che  vollio  stare  innanti  alla  mise- 
ricordia  de  Dio  che  stare  in  tanto  obrobrio  [ej  vituperio  quanti  stati 
vuy.  Oi-a  a|)eriini  la  |)()rta.  Et  ella  asspito  i;no  i>ocu  et  poi  mi  apei'se, 
e  disse  :  Te  i)rova  cullo  digito.  Yo  gridai  :  Yo  voghio  andare  ad  ti'ovare 
Marco  cambiato  de  si  bella  figura  a  bructo  verme  figuiato  serpente. 
Et  ella  aperse  la  posta,  et  yo  comenzai  ad  al  ta  voce:  Domme  ne  in 
flore  (sic)  tuo  ariijuas  me  neque  in  ira  tua  corripies  me,  et  saltai  fore 
de  la  porta.  Et  ella  d  sse  :  Va,  che  tu  non  pochi  trovare  scacta  lua. 
Et  yo  la  intisi  et  dissi  :  Va  et  di  alla  Sibilla  che  yo  so  vivo  et  campato 
et  viviro  sano  et  alegro  per  la  gratia  de  Dio,  et  salvero  1  anima  mia. 
Et  vuy  in  questa  scelerata  perduta  vita  vivere  omne  iurno  morendo, 
deventando  de  belli  figure  bructi  vermini  et  pessime  bestie  irraionevole 
per  li  peccati  [che]  mutano  la  vostra  figura  et  laida  [la  fannoj.  Et  ella 
inserro  la  porta  et  yo  acciesi  il  dompieri  et  poi  fichi  oratione  a  Dio 
et  allui  mi  recommeudai  et  poi  mi  mossi. 

La  damicella  da  [)0  li  i^aiole  riserro  la  porta,  et  yo  facta  la  oratione 
intrai  in  camino  per  la  scura  tomba,  et  quando  mi  parse  essere  dovo 
yo  trovai  Marco  comenciai  a  gridare  :  Ihesu  Nazareno  Cristo,  fammi 
salvo.  Et  poi  ghiamai  Marco  ad  alta  voce  diceado  :  Yo  m'inde  vao. 
Alloia  yo  sentivi  mughiere  et  gridare  piu  di  centoper  dolore  ch'  ebbino 
di  me  chi  m'  inde  andava.  Yo  mi  fermai  et  ghiamai  Marco.  Et  illo  mi 
resspose  et  disse  :  Che  adunandi  ad  me?  Et  yo  li  disse  ;  0  Marco,  yo 


410  I    DODICI    CANTI 

ritorno  ad  videre  la  tua  citate;  che  novelle  voi  che  yo  dica  di  te?  Non 
ne  dire  ni  maie  ne  bene.  Yo  lu  aderaandai  si  avea  speranza  de  partirisi 
da  quello  loco.  Et  illo  mi  resspose  :  AUo  dl  de  lu  iudicio  pa[i']teremo 
de  dolore  pieni  et  afflicti  piangend  >  di  questo  loco  tuctj  quanti,  et  non 
asspecta[m]o  la  secunda  morte.  Et  yo  11  dixi  :  Adunca  |si  tu  raorto, 
po  che  aspect!  la  secunda  morte.  Resposimi  :  Yo  non  sono  morto 
ma  so  piu  peiu  che  morto,  considerando  dovu  yo  sono  per  quello 
peccato  de  accidia  e  di  pigricia  et  di  negrigencia  Et  dicte  queste 
parole  si  percuotea  in  terra;  et  cossi  faceano  multialtri  chi  stavano  in 
questo  miilesmo  loco  per  simile  peccato.  Et  yo  li  dissi  :  Perche  non 
vi  occiditi  l'uno  Taltro  et  usseriti  da  questo  tenebroso  loco.  Ressposirai: 
La  morte  noi  serebbe  vita  ma  nuy  non  jjossiamo  perche  lo  divino 
iudicio  e  terminato  che  nuy  stamo  cqua  cossi  in  fine  a  tanto  ch'  egli 
venera  a  iudicare  al  mundo  et  che  li  tronbe  soneranno  et  diceranno  : 
Veniti  allô  iudicio;  et  allora  inchi  sera  tolta  le  vita  naturale,  et  resus- 
sitati  anderimo  allô  iudicio.  Ancora  ademandai  :  Haviti  vuy  veruno 
amore  in  Dio  oy  in  nui  oy  inverso  nissuna  altra  creatura  ?  Ressposimi 
Marco  :  Nissuno  amore  régna  in  nuy,  ma  nuy  portamo  odio  et  invidia 
alli  bructi  vermini  chi  sono  allô  mundo;  non  e  si  bructa  cosa  allô 
mundo  che  nui  non  volessimo  essire  piu  tosto  che  cqui.  Or  pensa  se 
nuy  portamo  invidia  alli  altre  cose  piu  belle  et  quanto  invidia  portu  ad 
te,  che  puro  mi  era  uno  pocu  de  allegreza  pensando  che  tu  chi  ai 
cercato  tucto  lo  mundo,  etfatigato  tanto,  disse,  cum  tanta  virtu,  fosse 
i-emaso  lia  dentro  culla  Sibilla  avendo  facto  tante  bactallie,  et  una  vile 
et  vana  femmina,  piena  de  iniquitate,  te  avesse  vinto.  Et  sappi  per  vero 
che  per  la  tornata  che  tu  fai  in  direto  mi  dai  tanto  acressimento  de 
dolore  che  lo  mio  dolore  si  invene  radoppiato.  Et  yo  li  ressposi  : 
Ancora  ti  voghio  aiongere  maiore  dolore,  impero  che  yo  m'inde  audero 
ad  Roma  et  pilliaro  confescione  da  lu  santo  Papa  pâtre  di  Roma,  et 
renderommi  in  culpa  de  li  mi  miei  peccati,  et  conmunicarommi.  Et 
vuy  remaneti  in  questo  bructo  loco.  Promecto  vi  de  farivi  scomunicare. 
Allora  tucti  si  incominciaro  a  ffare  beffa  di  me,  et  cominciarono  multi 
de  li  altri  a  dire  :  el  indice  che  ss'  a  iudicati  e  ssi  grande  che  sua 
sentencia  non  si  po  appellare.  Per  questo  nonni  curamo  d' essiri  scom- 
rnunicati,  che  nuy  non  potuno  avère  peiu  che  habiamo.  Et  yo  li 
ressposi  :  Et  cossi  vuy  maledicti  ve  remaniti.  Et  prisi  mio  camino,  et 
quando  passai  il  fîumicello  [Marco  grido]  :  Va,  che  non  trovi  mai  il 
padre  tuo  ne  lia  tua  generacione,  et  mai  non  possi  avère  posa.  Yo 
m'  inde  rise,  perche  tanto  mi  possono  nocere  la  loro  biastema  quanto 
po  iuvare  a  Uoro  li  mie  orationi,  si  lo  divino  iudicio  1'  a  iudicati.  Cossi 
montai  l'erta  per  le  ténèbre  socto,  et  in  capo  di  quella  [salita]  vene 
meno  il  dompieri  et  yo  acciesi  l'altro  et  misimi  in  camino. 

Ferdinand  Castets. 


SUR  LA  LANGUE  DE  FOURES 


Notre  Revue  a  récemment  i)ub'ié  un  article  de  M.  Clavelier 
sur  La  langue  de  Fourcs.  Le  sujet  est  assez  intéressant  et 
assez  complexe  pour  que  j'y  puisse  revenir,  prenant  texte  des 
déclarations  de  Fauteur  sur  «  la  faiblesse  de  nos  connaissances 
en  patois  »  et  de  la  phrase  qui  clôt  son  avant-propos  : 
«  Malgré  tous  les  efforts  (jue  nous  avons  tentés  pour  aboutir 
à  des  conclurions  termes  et  décisives,  nous  avons,  malgré 
tout,  l'imiiression  que  bon  nombre  de  mots  signalés  par  nous 
comme  inusités,  sinon  incompris,  doivent  êtte  connus  et  em- 
ployés dans  certaines  parties  du  Lauragais  par  des  |)ersoniies 
sachant  mieux  que  les  auties  leur  langue  maternelle.  » 

Ma  connaissance  du  [>arler  lauragais,  tel  ([ue  le  parlent  les 
gens  du  cru,  sans  aucune  adjonction  de  mots  abstraits  ou  de 
dérivés  autres  que  ceux  qui  sont  strictement  nécessaires  à  une 
causerie  etitre  paysans,  est  sans  doute  inférieure  à  celle  que 
possède  M.  Clavelier,  et  j'aurais  mauvaise  grâce  à  me  vanter 
d'une  information  supérieure  à  la  sienne  en  ce  qui  concerne 
les  autres  [)arlers  populaires  du  Midi.  Je  me  bornerai  tlonc  à 
faire  ici  quelques  rectifications,  à  suggérer  là  quelques  doutes, 
sans  autre  prétention  que  d'inciter  le  lecteur  à  une  recherche 
décisive,  en  suivant  l'ortlre  adopté  par  M.  Clavelier  pour 
classer  les  mots  considérés  comme  étrangers  à  ce  que  j'appel- 
lerai, pour  exprimer  en  deux  mots  la  définition  donnée  p'us 
haut,  le  vulgaire  lauragais. 

I 

Mots  repris  a  l'anciennk  languk  —  M.  Clavelier  note  lui- 
même  que  nombre  de  mots  ainsi  classés  sont  actuellement 
vivants   dans   d'autres  dialectes,    et  à  la   liste    qu'il    donne 


412  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

p.  104-105  il  faudrait  sûrement  ajouter  abel ,  qui  est  le 
nom  du  sapin  dans  nombre  de  pays  où  abonde  cet  arbre;  èfjo, 
nom  courant  de  la  jument  en  Camargue,  pajs  d'élevage. 
Escoimdre  est  courant  un  j>eu  partout  au  sens  de  cacher; 
esquerro  se  lit  à  chaque  instant  dans  des  publications 
essentiellement  populaires,  comme  les  almanachs  [latois  de 
l'Ariège  et  de  Lavaur;  em/)èri  e»i  très  vivant  en  Provence,  au 
moins    dans  la  locution    faire   l'empèri^    triom[»her,    faire    le 

maître,  etc ;  h/oiis  et  l/ragard,  sauf  erreur,  ne  sont  pas  non 

plus  partout  défunts;  quant  à  coubsel/i  (avec /A  peut-être  réduit 
soit  à  /  soit  à  yj,  je  ne  vois  guèi'e  d'autre  mot  par  lequel  les 
gens  du  Lauiagais  pourraient  désigner  un  conseil  municipal, 
chose  dont  ils  parlent  sûrement  en  leur  langage.  Lièrol  ou 
Ll'irol  les  gei.s  du  Velay,  où  la  Loire  prend  sa  source,  l'ap- 
pellent plutôt  Lèye  ou  Aè/,  qui  continue  plus  régulièrement 
l'ancien  Liger,  Liijeris.  Futo  est  une  sira()le  adaptation  du  fr. 
fiiilc,  et  sa  place  serait  plutôt  à  la  section  VIII. 


II 

Mots  présentant  uniî  forme  irrégulière.  —  Camises  n'est 
pas  un  pluriel  irrégulier:  les  pluriels  redoublés,  rèises,  pelses, 
oustalses,  etc...  de  sg,  rè/,  pel,  oustal,  etc...  sont  extrêmement 
fréquents  à  Mont{)ellicr,  Béziers,  Toulouse,  AIbi,  etc...  et 
dans  tout  le  Lauragais,  et  en  ouvrant  au  hasard  Les  Gril/ts, 
j'j  trouve  (préface,  p.  VIII) //a/ses,  plur.  de  fiai.  «L'adjectif 
mascte  semble  bien  n'avoir  pas  de  féminin.  »  Pourquoi?  Même 
en  français  on  dit  bien  une  perdrix  mâl(',  une  fleur  mâle.  Bierge, 
au  lieu  du  vulgaire  birrjo  (o  par  imitation  du  fr.  e)  se  rappro- 
che non  seulement  de  la  «  forme  étymologique  »,  mais  des 
mots  très  usités  dans  le  langage  populaire  comme  fèbre, 
lèbre,  etc...  où  l'e  final  continue  régulièrement  e  latin. 


III 

Mots  nu  langage  courant  employés  dans  un  sens  peu 
HABITUEL.  —  «  As)>oula  =  raffermir,  consolider.  —  Sens  habi- 
tuel :   pré[»arer  une  aire  (B).   Dans  certains  endroits  s'assoula 


SUR  TA   LANGUE  DE  FOURÈS  M^ 

signifie  tomber  par  terre.  »  Esl-ce  bien  le  même  verbfi  ? 
«  Merillio  =  merveille.  —  Sens  habituel  :  =  sorte  de  raisin 
(Jasmin).  A.Toii\ouse, merilhou  =:  lentille.»  Est-ce  bien  le  même 
mot?  Je  verrais  dans  merillt)  =  merveille  une  crase  de  mera- 
bilko  —  mirabilia.  et  dans  ynerilho  =  sorte  de  raisin  un  conti- 
nuateur du  neutre  *  melicula  =  petites  [)ommes,  avec  dissimi- 
lation  régulière  do  /.  Quant  à  Irelus,  il  eût  été  intéressant  de 
noter  que  ce  mot,  en  beaucoup  de  pays,  a  pour  sens  principal 
ou  même  unique  le  sens  indiqué  ici  comme  peu  hi-tbituel  ; 
observations  analogues  pour  curo^  pairolo,  rai,  placés  parnji 
les  mots  à  sens  détourné  avec  anaira  dont  «  s'élever  dans  les 
airs  »  est  le  sens  primitif  plutôt  que  détourné,  cap  qui,  au 
moins  en  composition,  s'emploie  couramment  au  figur/',  cou- 
berto  qui,  sous  réserve  des  modifications  dialectales,  s'emploie 
communément  au  sens  de  pont,  lillac,  dans  divers  pays  de 
navigation  maritime  ou  fluviale.  «  ^S'iè/i  =  siège,  assiégement, 
au  lieu  de  :  siège,  chaise.  Extension  de  sens  légitime  et  peut- 
être  ancienne.  »  Peut-être  est  de  trop. 


IV 

Mots  formés  a  l'aide  de  suffixes  ou  de  préfixes.  —  Empe- 
raire  n'est  pas  créé  «  par  substitution  du  suffixe  patois  -  aire 
au  suffixe  français  -  eur  i^  :  c'est  une  restitution  d'un  mot 
ancien  qui  trouverait  sa  place  naturelle  à  la  sect,  I.  —  «  Din- 

cevdou  zzz  vainqueur par  analogie  du  nom  propre  Bnicens'^ 

ou  d'après  celle  du  participe  latin  :  vincendus'i  Mais  ce  der- 
nier a  le  sens  passif.  »  N'est-ce  pas  une  simple  coquille  pour 
le  dérivé  très  régulier  bincedou  ? 

Pour  justifier  mewowrenso  (au  lieu  de  membranso  ou  memou- 
ranso),  il  est  inutile  de  recourir  à  l'analogie  de  soubenenso  :  le 
mot  rime  probablement  avec  quelque  autre  en  -  enso  régu- 
lièrement issu  d'un  thème  verbal  en  -  e  ;  d'ailleurs  beaucoup 
de  parlers  font  en  -  e«/ les  participes  présents  oi  les  adjec- 
tifs verbaux,  ou  font  en  -  en  les  1.  pers.  plur.  des  verbes  en 
-  a,  et  confondent  aisément  les  désinences  des  substantifs 
verbaux  des  deux  thèmes,  —  confusion  aidée  par  l'usage  du 
français,  où  -  ance  et  -  ence  ont  abouti  à  un  son  unique. 


414  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

«  Chabaliè  =  chevalier,  »  Sauf  erreur,  ce  mot  veut  dire 
également  cavalier. 

Poumariè  n'est  probablement  pas  un  mot  savant,  et  ne  sau- 
rait en  tout  cas  représenter  \dX.  poynarium,  qui  a  déjà  donné 
régulièrement  poumiè, ma,i s  pomarariuyn  ou  *  pomariurium,  avec 
réduplication  du  suffixe  -  arium,  lequel  plus  ordinairement 
s'unit  à  un  suffixe  différent,  p.  ex.  -  etum,  -  eta,  -  o/utn  : 
Poiimaret^  Poumaredo,  Poumairol. 

Parmi  les  noms  déverbatifs  (p.  11^,  119), il  eût  été  peut-être 
utile  de  distinguer  ceux  que  Fourès  a  imaginés,  comme  per- 
turba, manejo,  de  ceux  qu'il  trouvés  tout  faits  dans  le  fontis 
de  sa  langue,  comme  bnf,  uscle.  Tanco  ne  paraît  point  tiré  du 
verbe  tança  comme  Irobo  de  trouba  ;  c'est  bien  plutôt  tança 
qui  dérive  de  tanco,  comme  fr.  barrer  de  barre.  C'est  à  tort 
que  figure  dans  cette  catégorie  de  mots  le  ppa.  pris  substan- 
tivement pertrat  (on  attendrait  d'ailleurs  plutôt  périrait, 
comme  fait,  lait,  -  et  -  latin  donnant  -  it  -  en  Lauragais). 


V 

Mots  composés.  —  Les  gens  du  Lauragais  ont  sûrement  un 
composé  usuel  pour  désigner  un  nœud  coulant;  est-ce  nouz^l 
conrredou,  employé  par  Fourès?  Ce  qui  est  sûr,  c'est  que 
courredou  est  ici  non  un  substantif  signifiant  couloir,  corridor, 
mais  un  adjectif  veibal  ou  un  substantif  pris  adjectivement, 
désignant  en  général  un  être  ou  un  objet  qui  court,  et  tiré  du 
radical  verbal  qui  donne  l'infinitif  courre  :  le  suffixe  -  dou, 
auquel  aboutissent  lat.  -  torem  et  -  torium  ,  fournit  des 
adjectifs  aussi  bien  que  des  substantifs.  En  Provence  on  dit 
nous  courrènt,  avec  le  pprés.  de  verbe  courre. 


VIT 

Mots  étrangers  au  dialecte.  —  Il  faudrait  s'entendre  1 1 
distinguer.  Coumpeirè  {ou  coumpeirés'l) ,  gabian,  pichoulino,  pour 
prendre  trois  exemples  caractéristiques,  sont  des  mots  légiti- 
mement empruntés  aux  parlers  des  pays  où  abondent  et  sont 
usuellement  dénommés  les  pierriers,  les  goélands,  les  olives, 


SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS  415 

choses  rares  ou  inconnues  en  Lauragais,  Ahadesso,  crudH, 
mejan,  pagnn  (je  pense  qu'il  faut  lire  ainsi,  et  non  juii/rm), 
preguièro  sont  des  termes  abstraits  oi!i  savants,  légitJmemenl 
construits  suivant  les  lois  de  la  phonétique  lauragaise,  et 
dont  la  place  serait  aux  sect.  I  et  VIII.  Je  serais  surpris  si 
fado  n'était  pas  couramment  usité  ;  à  coup  sûr,  febrons  est 
compris  de  tous  les  gens  (jui  disent  fèhre,  et  calpre  est  le  seul 
légitime  et  vivant  continuateur  lauragais  du  hit.  cnrpinum^  à 
moins  que  l'arbre  ne  soit  devenu  rare  en  Lauragais  et  que 
son  nom  indigène  n'ait  été  supplanté  par  le  fr.  charme. 


VIII 

Mots  calqués  sur  le  latin  ou  sur  les  langues  sœurs.  — 
M.  Clavelier  estime  que  les  mots  empruntés  au  latin  don- 
nent au  patois,  plus  encore  qu'au  français,  «un  vernis 
savant  et  une  couleur  artificielle  ».  Affaire  de  goût.  En  tout 
cas  il  est  permis  de  parler  de  l'Autriche  en  dialecte  lauragais, 
et  il  est  légitime  de  l'appeler  Ouslrio  (ou  plutôt,  sans  doute, 
Austno). 

C'est  affaire  de  goût  également  que  de  décider  si  certains 
emprunts  au  français  constituent  un  fravesdssement  ou  une 
mascarad"..  Mais  on  peut  regretter  qu'à  des  mois  comme  oucello, 
noucttluco,  abelhoufage,  etc.,  Fourès  n'ait  pas  préféré  des 
vocables  du  terroir  dont  la  recherche  eût  été  intéressante  et 
l'emploi  —  même  en  un  sens  légèrement  détourné  —  éminem- 
ment légitime  :  bien  souvent  tel  dialecte  de  la  langue  d'Oc 
fournit  un  mot  du  cru,  simple  ou  composé,  excellent  pour 
nommer  bien  des  choses  que  le  français  ne  peut  désigner  que 
par  formation  savante  ou  emprunt  au  dehors  (p.  ex.  terrenau, 
autochtone;  sistre,    poudingue;   mau/o-crtr,  Carnivore,  etc.). 

Pèire  n'est  pas  un  déguisement  du  français  Pierre,  mais  bien 
le  continuateur  légitime  de  Petrum  en  Lauragais,  comme 
pèiro  de  petram  Cette  restitution  louable  ne  saurait  d'ailleurs 
légitimer  Roubespèire  pour  Robespierre  :  les  noms  propres, 
sauf  les  noms  très  usités  de  pays,  de  villes,  de  personnages 
antiques,  ne  se  traduisent  pas.  Councieutadin  est  aussi  légitime 
que  Pèire. 


41G  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 


IX 


Mo'js  INCONNUS.  —  Aial  {"aqua/em)  est  le  nom  rouergat  [aio 
=  aqua)  du  vent  qui  amène  la  pluie,  Teau  ;  airjnl  serait  la 
forme  proprement  lauragaise. 

Babarilhos  se  dit  bavariho  à  l'E.  du  Rhône  et  désigne  une 
bavure,  des  filaments  baveux,  spécialement  ceux  des  escar- 
gots :  fa  babarilhos,  ÎAire  un  miroitement  comme  la  bave  d'es- 
cargot sèche,  d'où  :  éblouir. 

Brengidèio  est  pour  berenrjuiero^  comme  cranfo  pour  qua- 
ranto.  Berenguièro  et  berenguiè  désigiient  communément  ce 
vase  domestique  en  divers  parlers  :  il  est  difficile  de  ne  pas 
y  voir  le  nom  propre  de  même  forme,  nom  de  fabricant  ou 
prénom  employé  plaisamment  comme  en  fr.  Thomas  ou  Jules. 

Bermo  est  sans  doute  emprunté  au  fr.  benne,  emprunté  lui- 
même  au  néerlandais  brème. 

Caprou  (pi.  caprous)  paraît,  bien  être  un  dérivé  de  cap  —  capu, 
peut-être  un  doublet  de  capeirou,  chaperon,  comme  brenguièro 
de  berenguièro. 

Carcados  a  pu  être  importé  par  des  bateliers  de  la  Gascogne 
occidentale  disant  carca  pour  laur.  carga. 

Clascassa  semble  bien  une  onomatopée. 

Gradino  est  le  fr.  gradine,  it.  gradina,  de  grado^  degré  ; 
l'outil  est  une  spatule-grattoir  à  coches  étagées  en  degrés. 

Il  est  difficile  de  ne  pas  voir  dans  lanisses  {ou  lanissosl), 
cheveux  ftisés,  un  dérivé  de  lano  —  lana  par  le  suffixe  -is, 
f.  -isso  —  -ûius,  -ilia. 

IJnlos,  préceinte,  bordage  de  navire,  est  peut-être  limites 
passé  à  *limilas,  avec  t  pour  d  comme  dans  les  doublets  atife 
—  ande,  branda  — branla.,  etc.,  ou  comme  dans  béarn.  enta 
=  inde  -  ad. 

Languno  est  visiblement  laguno  avec  nasale  adventice;  cf. 
les  doublets  sagagna  —  sangagna,  grousello  —  grounzello,  etc. 

Matatruc  [)araît  bien  une  variante  du  composé  mato  Iruc, 
litt.  «  abat-coups  »,  d'où  a  brutal,  lourd  ». 

Noi  est  en  catalan  noy,  au  sens  de  «  jeune  garçon», 
lequel  doit  être  parent  de  novi  —  nobi,  fiancé,  jeune   marié. 

Se  paissi  e^i  xxn  doublé  de  se  passif  comme  maili  de  mali. 


SUR  LA  LANGUK  DE  KOUHKS  417 

Siigros,  pi.  su'/rosses,  «nervure  d'aile  (\o.  p-rilloii  «,  pourrait 
s'expliquer  [tar  la  prép.  sus  ou  su?'  et  l'adj.  c//os  ;  cf.  les  subst. 
fr.  surdent,  smy'ct,  etc.  . 

Siéuse  [pèiro-sieuse  ;  roc-sieure  est  [)eut-être  une  coquille 
pour  sieiise,  plutôt  (|u'un  rhotacismo  qui  n'est  pas  appuyé 
d'autres  exemples)  ou  séuse  continue  régulièrement  silïcem  en 
Provence,  comme  éusc  —  ilïceni  et  féuse  —  fdïcem  :  Fourès  a 
dû  emprunter  le  mot  tel  quel  à  ses  confrères  d'outre  Rhône, 
sans  réfléchir  que  la  forme  strictement  lauragaise  eût  été 
seize,  comme  e/ze  et  felze,  sans  vocalisation  tic  /. 

Sanioustaire  dérive  de  samousl  ',  variante  de  seinousla,  su- 
mousla,  «surmoûter»,  ôter  le  surmoût  de  la  cuve,  et,  par 
extension,  fouler  le  raisin. 


Je  n'ai  pas  grand   mérite   à   présenter  ces   compléments    à 
l'intéressante  étude  de  M.  Clavelier  :  je   les   ai  presque  tous 
trouvés  du  premier  coup  dans  le  Trésor  doa  Feiibrige  ou  dans 
le  dictionnaire  de  Hatzfeld  et  Darraesteter.  M.  Clavelier  n'eût 
pas  eu  grand  peine   à  les  y   trouver   avant   moi.    Le    recueil 
Sacaze  aurait  pu  lui  fournir  d'autres  indications  intéressantes 
sur  les  formes   de  la  langue  de    Fourès,   dont  il  a   examiné 
presque  uniquement  le  vocabulaire.  Ce  recueil  contient,  de  la 
main  de  Fourès  lui-même,   la  transcription  en   vu  g  aire  laura- 
gais  des  deux  récits  que  M.  Sacaze  avait  fait  traduire  par  les 
instituteurs  de  toutes  les  communes  des  départements   entre 
Garonne,  Océan  et  Pyrénées.  Dans  ce  document,  Fourès  écrit 
l'article  maso.  plur.  /es  devant  les  consonnes  dures,  lei  ilevant 
les  consonnes  molles,  les  3.  [)e\:f.  plur.  du  prétérit  -èoun,  aiô  = 
il  avait,  saià  =  il  savait,  tandis  que  dans  ses  œuvres  littérai- 
res il  écrit  constamment  les,  -èroun,  aviù,  sabià,  de  même  qu'il 
emploie  des  y  étymologiques  et  rend  par  ieu  la  diphtongue  in\ 
Je  n'ai   sous  la  main  que  ces  quelques    notes    prises    sur    le 
recueil    Sacaze    (à    la    Bibliothèque    de    Toulouse)  ;     en    les 
complétant  par  le  dépouillement  complet  de  la  transcription 
donnée  par  Fourès  et  par  une  enquête   orale    sur  les  formes 
du  bulgaire  lauragais,  on  connaîtrait   exactement   les    modifi- 
cations que  la  graphie  littéraire    de  Fourès   a  fait  subir  à  ce 

•^1 


418  SUR  LA  LANGUE  DE  FOURÈS 

vulgaire  pour  le  rapprocher   de  ses  origines  ou  d'autres  dia- 
lectes précédemment  cultivés. 

M.  Clavelier  donne  à  son  étude  une  conclusion  déjà  annoncée 
dans  l'avant-propos,  et  parfaitement  juste,  sinon  bien  d'accord 
avec  toutes  les  prémisses  :  après  avoir  déblayé  une  «  avalanche 
de  mots,  et  de  mots  rares  et  parfois  étranges  »  (je  viens  d'aug- 
menter ce  déblaiement),  il  nous  dit  que  la  plupart  des  mots 
des  sect.  III,  IV  et  V  a  seraient  sans  doute  compris  dans  la 
patrie  de  Fourès,  même  par  des  illettrés  ».  Je  le  crois  sans 
peine  :  un  peuple  qui,  laissant  tomber  n  fin.  rom.,  dérive  sans 
difficulté,  de  bouci\  aboucina,  ne  saurait  hésiter  à  sentir  quun 
orne  fcbrous  est  un  orne  qvHa  la  febre.  Qui  peut  le  plus  peut  le 
moins. 

Ce  peuple,  évidemment,  doit  peu  goûter,  s'il  les  lit,  les 
hymnes  de  Fourès  à  la  sainte  Liberté,  à  la  Paix,  au  Progrès, 
à  la  Justice,  etc..  *.  Sa  langue,  rebelle  à  ses  eff'orts  et  comme 
réfractaire  à  de  si  hauts  desseins,  perd,  avec  sa  belle  simplicité, 
ses  réelles  qualités  de  naturel  et  de  pittoresque...  Sa  langue 
change  d'aspect,  devient  trouble,  confuse  et  comme  un  peu 
fangeuse...  ».  Non.  La  langue  n'y  est  pour  rien  :  ce  sont  les 
idées  qui  sont  troubles  et  confuses.  Quand,  dans  un  langage 
très  voisin  de  celui  de  Fourès,  Paul  Froment  médite  [Pensndos 
itibèr)  sur  les  mystères  d'après  la  mort,  il  sait  trouver  des 
vers  d'une  forme  aisée  et  magnifique  pour  exprimer  clairement, 
avec  la  précision  saisissante  du  véritable  poète,  des  idées  au 
moins  aussi  abstraites  que  la  sainte  Liberté,  la  Paix,  etc..  Jo 
pourrais  sans  peine  multiplier  les  exemples,  mais  celui-là  est 
suffisamment  probant. 

Le  démon  intérieur  de  Fourès  lui  fournissait  d'exquises 
impressions  de  nature,  des  vues  nettes  et  jolies  sur  la  vie  des 
bêtes  et  des  choses,  et  Fourès  a  tiré  de  ces  sensations  des 
vers  délicieux.  Les  hasards  de  l'existence  avaient  égaré  Fourès 
dans  ce  qu'on  appelle  communémexii  la  politique  :  étant  poète, 
il  s'est  cru  obligé  de  mettre  la  politique  en  vers,  en  verslaura- 
gais,  mauvais;  beaucoup  de  poètes  français  ont  mis  la  poli- 
tique en  vers,  en  vers  français,  mauvais  également  pour  la 
plupart.  Il  ne  s'ensuit  nullement  que  le  parler  du  Lauragais, 
ou  celui  de  France,  soit  incapable  d'exprimer  en  vers  des 
idées  abstraites. 


SUR  LA  LANGUE  DP:  FOURÈS  419 

M.  Clavelier  a  donc  tort  quand  il  impute  à  la  langue  de 
Fourès  les  péchés  de  Fourès  méconnaissant  sa  véritable  per- 
sonnalité poétique.  Mais  il  a  cent  fois  raison  quand  il  dit  —  et 
le  patient  relevé  de  mots  rares  qu'il  nous  apporte,  à  l'exami- 
ner de  près,  appuie  cette  conclusion  ultime  —  que  l'auteur 
de  la  préface  des  Gr//As,  de  La  Poiiitno,>\e  ISoslris  sabucSy  etc., 
a  écrit,  en  une  langue  très  intelligible  pour  ses  compatriotes, 
des  poèmes  excellents. 

Jules    RONJAT. 


LES  DELIBERATIONS 

DU 

CONSEIL  COMMUNAL  D'ALBI 

DE  1372  A  1388 
{Suite  et  fin) 


L'an  dessu?,  a  XIII  de  jun... 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  que  las  gens  que  ero  venguiz 
en  esta  vila,  el  cosselh  que  se  te  sus  lo  tractât  que  se  mena 
que  moss.  d'Armanhac  gite  las  garnisos  de  las  gens  d'arinas 
del  pays,  acosselho  que  moss,  lo  vicari  de  moss.  d'Albi  e 
i  home  de  cascun  loc  d'aquels  que  so  vengutz  al  dig  cosselh, 
una  essemps  am  moss.  Alrie  de  Mejanel,  jutge  de  Roergue, 
ano  a  moss.  d'Arraanhac  per  vezer  se  poirau  acordar  lo  dig 
tractât.  Per  que  los  senhors  cossols  demandero  cosselh  als 
singulars  i-e  els  voliau  que  negus  hi  ânes  per  esta  vila.  E  sus 
aquo  totz  tengro  que  expedien  era  que  hom  la  ane,  e  que  los 
seuhors  cossols  hi  trameto  aquel  que  lor  semblara  et  hi  prengo 
lo  melhor  cosselh  que  poirau. 

L'an  dessus,  a  XXI  de  jun... 

Sobre  aisso  que  los  senhors  cossols  dissero  que  moss.  lo 
vicari  de  moss.  d'Albi  era  vengut  de  moss.  d'Armanhac  ont 
era  anat,  essem[)S  am  los  cornus  de  la  jutjaria  d'Albeges,  del 
comtat  de  Castras  e  de  la  vigaria  d'Albi,  per  tractar  ara  lo  dig 
moss.  d'Aimanhac  que  las  gens  d'arraas  que  so  sus  lo  pays  ne 
hi  esto  ;  loqual  moss.  lo  vicari  ha  l'eportat  segon  que  aissi  fon 
dig,  que  moss.  d'Armanhac  ne  vol  gitar  e  vejar  los  locxs  de 
Jana*,  de  las  Plancas,  de  Rosieiras,   de  Trevas,  '  e  de  ganre 

'  Trébas,  cant.  de  Valence  d'Alliigeois. 


DÉLIBÉRATIONS    1  37'?- 1388  'j'^l 

d'autres  locxs  norapnatz  en  lo  dig  tractât;  mas  (|iie  vol  que 
hom  Ihi  done  1  rejre  deyme  en  la  forma  que  la  Gleja  lo  leva. 
It.  dissero  may  que  mojanssan  lo  dig  tractât,  lo  dig  moss. 
d'Armanhac  ha  fag  raetre  lo  seti  davan  Turia;  et  es  estât  dig 
per  alscus  senhors  qiie  hom  done  a  las  gens  que  so  al  dig  seti 
qualsque  viures,  losquals  se  pago  de  cornu  de  iota  la  vigaria 
d'Albi,  del  comtat  de  Castras  e  de  la  jutjaria  d'Albeges.  Per 
que  demandero  cosselh  los  senhors  cossols  als  singulars  que 
voliau  que  se  fezes  sus  tôt  aisso.  E  sus  aisso  tot[z],  o  la  major 
partida,  tengro  que  lo  dig  reire  [dejme]  llii  sia  donat  per  las 
cauzas  dessus  dichas,  ara  aital  con  Jicio  que  se  coraunique  en 
tal  manieira  que  tota  per,«oiia  pague  per  sol  e  per  Ibr.,  segoii 
la  valor  de  sos  bes  e  que  en  aquels  que  auriau  trop  pagat  del 
dig  reyre  deyuie,  lorsia  restituit  ;  e  que  om  s'en  regisca  en  la 
manieira  que  los  autres  cornus  dels  locxs  del  comtat  e  de  la 
jutjaria  e  de  la  vigaria  s'en  regirau.  It.  tengro  may  sus  lo  do 
dels  viures  dessus  que  hom  lor  ne  doneaissi  quant  aïs  senhors 
cossols  d'esta  vila  sera  vist. 

L'an  dessus,  a  VI  de  julh... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhoi's  cossols  que  la  cort  de 
moss.  d'Albi  ha  requeregutz  los  senhors  cossols  que  els  vuelho 
provesir  de  far  1  hostal  que  sia  bordel  de  foras  la  vila,  en  que 
estiau,  de  dias,  las  avol  femnas,  et.  autre  hostal  diiis  vila  en 
que  estiau  la  nueg,  ho  en  lor  défaut  els  hi  provesirau.  Per 
que  demandero  cosselh  als  singulars  quen  fariau  ni  quen 
deviau  far.  Sus  aquo  la  major  parti  la  tenc  que  la  vila  fasca  lo 
dig  bordel. 

L'an  MCCGLXXXIII,  a  XII  de  julh... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que,  lo  dia  pre- 
sen,  lo  rey  lor  avia  trameza  uiia  Ittra  clausa  en  que  el  lor 
mandava  que  els  fosso  a  Léo  sus  lo  Rozer,  lo  dia  de  la  festa 
de  la  Magdalena.  en  loqual  loc  aladonc  seriau  alscus  grans 
homes  de  son  cosselh,  sobre  ceitauas  causas  tocan  lo  profleg  e 
la  honor  de  son  realrae  '.  It.  dissero  may  que  semblans  letras 

'  Ces  grands  personnages  étaient  :  l'évéque  de  Laon,  le  chancelier  de 
France,  Pierre  de  Ghevreuse,  Philippe  de  Saint-Pierre,  trésorier  de 
France.  Le  but  delà  réunion  des  communes  était  le  vote  des  aides,  telles 


422  JUILLET-AOUT    1383 

so  esfadas  tramezas  a  motz  d'autres  cornus  del  realrae.  Per  que 
dissero  se  lii  irametiau.  E  sus  aquo  totz  tengro  que  hom  hi  ane 
ho  hi  tratneta.  Item  sus  lo  acort  fag  ammoss.  d'Armanhac  sus 
la  vueja  dels  locxs,  fo  aqui  dig  et  explicat  lo  dig  tractât  ;  e  fo 
dig  que  covenia  que  subdamen  hora  provesis  per  pagar  la 
quota,  tocau  en  esta  vila,  de  la  dicha  finansa,  ques  tota  la 
finansa  XII  "  francxs.  Sus  aquo  totz,  exceptât  Ar.  Arufat  e 
Johan  Luj^rier,  tengro  que  hom  talha  la  quota  apertenen  en 
esta  vila,  e  que  se  partisca  per  gâchas,  e  que  cascuna  gâcha 
responda  de  sa  part  e  que  se  love  en  la  melhor  forma  que 
poira*. 

L'am  MCCCLXXXIII,  a  XI  de  aost. 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  liom  avia 
saentras  fag  presen  e  do  als  senhors  avesques  d'esta  vila,  en 
lor  novela  intrada,  e  que  moss.  l'avesque  d'esta  vila,  que  huej 
es,  deu  intrar  aras  novelamen  en  esta  vila.  Per  que  dissero  se 
era  cosselh  que  hom  Ihi  fezes  presen  e  do,  aissi  quant  hon  ha 
fag  saentras  als  autres.  E  sus  aquo  totz  tengro  que  hom  Ihi 
fassa  presen  e  do  aquel  que  als  senohrs  cossols  sera  vist  faze- 
dor  *.  It.  dissero  may  les  senhors  cossols  que  G™  Arnaut,  ser- 
vidor  de  moss.  d'Albi,  es  vengut  a  lor  et  lor  ha  sopleguat  que, 
atendutque  el  es  servidor  castela  del  dig  senhor  e  voira  gardar 
lo  be  e  la  honor  d'esta  vila  a  tôt  son  poder,  (que)  los  senhors 
cossols  de  la  presen  ciutat  Ihi  fezesso  gracia  que  lo  tenguesso 
quiti  del  cornu  de  sa  persona.  Per  que  dissero  los  senhors  cos- 
sols e  demandero  cosselh  als  singulars  quea  deviau  far.  E  sus 


que  celles  qui  avaient  été  établies  dans  les  communes  de  langue  d'oil. 
L'assemblée  consentit  la  levée  de  12  deniers  par  livre  sur  toutes  les  mar- 
chandises vendues,  du  huitième  du  vin  vendu  au  détail  et  de  21  francs 
pour  chaque  muid  de  sel.  Le  Languedoc  protesta  généralement  contre 
cette  décision.  Cf.  Ilist.  de  Lang.  IX,  p.  914. 

1  Une  délibération  du  16  juillet  modifia,  sur  ce  dernier  point,  celle 
du  12.  Sur  80  conseillers  ou  notables  présents,  70  furent  d'avis  de  lever, 
sous  forme  de  prêt,  la  quote-part  de  la  ville  et  de  s'imposer  d'un  nombre 
suffisant  de  communs  pour  rembourser  les  sommes  prêtées. 

*  Le  nouvel  évéque  était  Jean  de  Saya.  Il  fit  son  entrée  solennelle 
le  12  août.  Le  16  août  le  Conseil  décide  de  lui  faire  cadeau  de  150  flo- 
rins et  de  4  pipes  de  vin.  Cf.  Gartulaires  d'Albi,  dans  cette  Revue, 
ann.  1902,  p.  458. 


DÉLIIÎKRATIONS    1372-1388  423 

aquo  totz  tengro  que  Ihi  sia  fâcha  la  dicha  gracia,  mas  que  se 
fassa  en  riianioiraquo  los  autres  que  venriau  après  luj  non  ho 
puesco  demandar  per  costuma. 

'  L'an  el  dia  desus  dig,  en  lo  dig  cosselh,  dissero  may  los 
senhors  cossols  que  m*  G'"  Prunet  se  era  complang  a  lor  dizen 
queel  avia  arendat,  Tan  MGCCLXXXI,  fiuen  en  l'an  LXXXII, 
lo  pon  de  Tarn,  en  la  forma  que  s'era  acostumat  de  arenda  als 
autres  arendados  ;  enloqual  arendamen  el  avia  perdut  maj  de 
la  mejtat  del  just  pretz,  es  aco  per  cauza  de  las  gens  d'armas 
que,  dins  lo  temps  del  dig  arendamen,  preiro  los  locxs  de  las 
Plancas  e  de  Padiers  e  de  Rosieiras  e  de  Gênas  e  motz  d'au- 
tres locx,  e  que  la  vila  li  dévia  estar  en  la  perdua  que  i  avia 
fâcha  en  lo  dig  arendamen,  per  razo  car  als  autres  arrendados 
que  avian,  davan  luj,  arendat  lo  dig  pon,  avia  hom  estât  en  la 
perdua  que  avian  fâcha  per  la  guera.  Per  que  demandero  cos- 
selh los  senhors  cossolhs  als  singulars  que  devo  far.  E  sus 
aquo  totz  tengro  que  hom  li  remeta  e  li  quite  de  so  que  deu  de 
resta  del  dig  arendamen,  per  razo  de  la  perdua  que  i  a  fâcha 
per  la  guera,  so  que  als  senhors  cossols  seravist.  E  en  après, 
lo  diameteit,  los  senhos  en  Galhart  Golfier,  en  Duran  Daunis, 
m^  Dorde  Gaudetru,  en  Berthomiau  Garigas,  en  G™  Colobres 
m^  Azemar  Grasset,  m^  Isarn  de  Rius,  m"  P.  Costa,  en  Bren- 
guier  de  Varelhas  e'n  G™  Condat,  cossols,  atendut  lo  cosselh 
sobredig,  remeiro  e  quitero  al  dig  m"  G"  Prunet  et  a  sos  com- 
panhos,  per  la  perdua  que  avian  fâcha  en  lo  dig  arendamen, 
per  cauza  de  la  guera,  quatre  Ibr,  e  sine  s.  Escrig  per  mi 
Johan  Lujrier,  de  voluntat  dels  digs  senhoz  cossols. 

L'an  dessus,  a  XVI  d'aost... 

Sobre  aisso  que  fon  dig  aissi  que  en  la  novela  intrada  de 
moss.  d'Albi,  moss.  P.  Podat  avia  ferit  maliciosamen  en  G" 
Condat,  am  1®  verga,  en  tal  partit  que  Ihi  trenquet  la  verga 
dessus,   de  que  enjuriec  lo  dig  cossol  e  per  consequen  tota  la 


1  Toute  cette  fin  de  délibération  est  d'une  autre  main.  Il  est  à  remar- 
quer que  le  G"  Prunet  dont  il  va  s'agir  est  précisément  le  secrétaire 
des  consuls  II  n'a  pas  cru  devoir  intervenir,  même  en  qualité  de  scribe, 
dans  une  affaire  qui  l'intéressait  personnellement. 


424  AOUT-SEPTEMBRE   1383 

vila.  Perqiie  dissero  los  digs  senhors  cossols  que   s'en  dévia 
far.  Totz  tenj.TO  que,  se  tort  ha,  quen  sia  punit,  se  far  se  poc. 

L'an  MCCCLXXXIII,  a  XXV  d'aost... 

Sobre  aisso  que  dissero  les  senhors  cossols  que  rnos?.  d'Ar- 
raanhac  lor  ha  escrigs  que  els  vuelho  trametre  al  seti,  davan 
Thuria,  XX  raanobras  am  picos  et  am  aissadas  et  am  marras  ; 
que  cascus  dones  cosselh  quen  fora  fazedor.  Sus  aquo  totz  ten- 
gro  que  liom  n'i  tratnela  X  o  XII. 

L'an  dessus,  a  I  de  setembre... 

Sobre  aisso  que  los  senhors  cossols  dissero  que  moss.  d'Albi 
lor  ha  diii'  que  moss.  Bertran  de  Lmtar  llii  a  escrig  que  los 
senhors  cossols  d'esla  vila  Ihi  aviau,  saenti'as  nonhagayre, 
prouiesas  et  ufert  de  donar  V  pipas  de  vi  e  XXV  sestiers  de 
sivada  e  que  el  non  ho  avia  volgut  penre,  quar  era  tant  pauc  ; 
empro  aras  Ihi  escrivia  que  el  e  sas  gens  non  aguesso  raso 
quen  presesso.  Per  que  demandero  cos?elh  quen  feira.  Sus 
aquo,  la  major  partida  tenc  que  hom  Ihi  dones  aquo  que  Ihi  fo 
promes,  per  estalbiar  major  dampnatge.  It.  dissero  maj  los 
senhors  cossols  que  moss.  d'Albi  lor  avia  dig  que  fezesso  bas- 
tir  lo  loc  que  era  triât  per  bordel  ho  lo  relaxesso.  Sus  aquo  fo 
de  cosselh  que  la  vila  lo  bastisca  et  aja  lo  profieg. 

L'an  MCCCLXXXIII,  a  XXIIII  de  setembre... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  mo-s  lo 
vicari  de  moss.  d'Albi  lor  avia  dig  que  el  era  vengut  de  moss. 
lo  comte  d'Armanhac,  ont  era  anat  sus  lo  tractât  que  se  era 
menât  am  luj,  per  los  cornus,  sus  la  vueja  dels  locxs  que  leno 
las  gens  d'armas  ocupatz  ;  et  era  deraorat  am  lo  dig  moss.  lo 
comte  que  encoutenen  se  pagne  so  que  es  empres  de  pagar  de 
sse  ;  e  de  las  pagas  en  levenidoiras,  lo  dig  moss.  lo  comte  vol 
que  Albi  ihi  obligue  tôt  so  que  s'en  deu  per  AIbi  e  per  los 
autres  locxs  de  la  vigaria,  e  Castras,  per  los  locxs  del  comtat. 
Per  que  dissero  los  senhors  cossols  als  singulars  se  els  voliau 
que  els  fezesso  la  dicha  obliganssa.  Sus  aquo,  totz  tengro  que 
may  era  expedien  que  se  fas.-a  que  se  no  se  fazia,  mas,  aitant 
quant  hom  poira,  ne  desduga  los  locxs  de  la  vigaria  ijue  no  so 
solvables,  afi  que  la  dicha  vueja  se  fassa  ;  quar,  se  no  se  fazia, 


DÉLIBÉRATIONS    137^-1388  ''i25 

tant  gran  seiia  lo  dampnatge  que  lo  puys  sufertaria  que  non 
auria  comte  ;  e  tengro  may  totz  (ine  hotu  s'en  regisca  am  lo 
cosselh  del  tlig  inoss.  lo  vicari. 

L'an  dessus,  a  II  d'octonibre.  . 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cos.-ols  que  lo  Pauco  de 
Lantar  demandava  als  senhors  cosiols  et  a  la  luiivcrsilat  del 
dig  loc  (jue  hom  liii  pague  et  Ihi  done  III  parelhs  de  biious,  so 
es  assaber  I  parelh  losquals  e',  de  presen,  ha  fags  penre  i)er 
sas  gens  de  Tersac,  que  so  d'alcus  homes  d'Albi,  per  setis- 
faccio  de  una  carreta  que  ditz  que  Ihin  ha  nienada  lo  macip 
de  G""  Guitbert.  It.  I  autre  parelh  per  lo  parelh  dels  buous 
que  ditz  que  ihin  menée  lo  dig  masip  am  la  carreta,  et  l'autre 
parelh  que  vol  que  sian  donatz  al  regen  d'Albi.  It.  demanda 
maj  que  hom  Ihi  done  C  francxs  et  1  ({uintal  de  torchas;  e  per 
toi  aquo  el  prometra  que  nul  temps  may  el  no  demandara 
neguna  causa  al  loc  d'esta  vila.  E  sus  aisso,  los  senhors  cossols 
dissero  e  demandero  cosselh  ais  siogulars  que  deviau  far.  Sus 
aquo  tot[z]  tengro  que  hom  no  ihi  done  re. 

L'an  dessus,  a  VI  d'octombre... 

Sobre  aisso  que  aissi  fou  dig  que  m^  Arnaut  Paya  que  era 
anat,  una  cssemps  am  los  autres  cornus,  a  moss.  d'Armanhac, 
avia  trameza  una  letra  ais  senhors  cossols  en  que  lor  avia 
escrjg  que  los  cornus  de  Carcassona  e  de  Bederres  aviau  por- 
tada  tota  lor  quota  de  sso  que  lor  monta  la  finanssa  fâcha  am 
moss.  d'Armanhac  sus  la  vueja  dels  locxs  de  Thuria,  de  Janas, 
de  Gurvala  '  e  dels  autres  locxs  en  lo  tractât  sus  aquo  fag 
contengutz;   et  avia  mandat  que  hom  fezes  de  guiza  que  non 

*  Gant.  d'Alban  et  arrond.  d'Albi.  Voir  dans  les  Chroniques:  de  Frois- 
sart  (II,  p.  439,  4i4  et  suivantes)  le  récit  que  le  chroniqueur  fait  de  la 
prise  de  Curvalle,  qu'il  appelle  Gréniale,  par  Espaignolet  de  Paperan. 
Ce  chef  des  routiers,  a  la  solde  des  Anglais,  probablement  en  1382, 
s'était  emparé  du  château  par  escalade;  il  le  garda  pendant  un  an. 
Espaignolet  y  avait  fait  creuser  une  galerie  qui  de  l'extérieur  aboutissait 
à  la  grande  salle.  Ce  travail,  exécuté  secrètement,  étant  terminé,  il  rendit 
Curvalle  à  son  seigneur  Raymond,  moyennant  2,000  francs.  Mais  quinze 
jours  après,  Espaignolet,  utilisant,  avec  ses  routiers,  la  galerie  souter- 
raine, reprit  le  château  et  fit  Raymond  prisonnier.  Celui-ci  paya 
2,000  francs  pour  sa  rançon  personnelle;  mais  il  dut  laisser  son  château 
aux  mains   des  routiers.   En  1384,  Gaucher  de  Passac  prit   d'assaut  le 


426  OCTOBRE  1383 -FÉVRIER   1384 

estes  per  lo  loc  d'Albi  ni  per  los  locxs  de  la  vigaria,  quar,  se  ho 
fazia,  les  locxs  per  que  demorarieu  ne  sufririau  mot  gran 
dampnatge.  It.  avia  may  mandat  que  moss.  d'Armaiihac  era 
mot  corrossat,  quar  hom  fazia  aver  viures  a  las  gens  d'armas 
de  Tersac,  quar  d'aqui  en  fora^  los  porto  als  Engles  de  Tliuria, 
e  que  sus  aquo  moss.  d'Armanhac  escriura.  It.  dissero  maj  los 
senhors  cossols  que  estai  era  tengut  cosselh  per  moss.  d'Albi, 
ara  ganre  de  bos  e  notables  homes,  sus  las  gens  d'armas  de 
Tersac  e  de  Paulinh,  que  hom  los  ne  gite,  qui  poc,  am  finanssa 
0  per  guerra,  e  que  hom  no  lor  done  ponh  de  viures  d'aissi 
avan.  E  sus  aisso  los  senhors  cossols  demandero  cosselh  als 
singulars.  E  sus  aisso,  tengro  totz  que  hom  levé  tôt  quant 
levar  se  poira  dels  detz  cornus  darieiramen  empausatz,  de  que 
pague  hom  la  causa  sobredicha,  e  se  aco  non  abasta,  que  los 
senhors  cossols  empauso  may  cornus  aque)[s]  que  mestiers  hi 
fariau,  Tengro  may  que,  se  per  finanssa  razonabla  hom  poc 
far  que  los  locxs  de  Tersac  e  de  Paulinh  se  vuejo  de  las  gens 
d'armas,  (que)  se  fassa,  autramen  que  hom  lor  fassa  tal  guerra 
que  convenga  e  que  d'aissi  avan  non  trago  ni  a.jo  ponh  de 
de  viures  d'esta  vila. 

L'an  MCCCLXXXIIII,  a  IX  de  febrier... 

Sobre  aisso  que  los  senhors  cossols  dissero  que  m^  Gorgori 
de  Corbieira,  viguier  d'Albi  ',  lor  avia  reportât  que  per  alscus 
senhors  era  estât  mogut  ti*actat  que  las  gens  d'armas  de  las 
garnisos  de  Tersac  e  de  Paulinh  vogesso,  mejanssan  certa 
finansa  per  los  locxs  del  comtat  e  de  la  vigaria  donadoira,  et 
avia  lor  may  dig,  se  lo  tractât  anava  avan,  se  lo  loc  d'esta  vila 
hi  volria  contribuir^  ;  et  per  so  los  senhors  cossols  demandero 

château  de  Curvalle  et  fit  pendre  Espaignolet  de  Paperan  et  tous  les 
routiers  qui  n'avaient  pas  péri  dans  le  combat. 

Cf.  aussi  Campagne  de  Gaucher  de  Passac  el  délibération  du  2  octo- 
bre 1384. 

*  Il  occupa  la  charge  de  1377  à  1384.  Cf.  Liste  des  vigiiiers  dWlbi. 

'^  Il  n'est  plus  question  du  terrible  Pauco  de  Lantar  qui  avait  fait  de 
Terssac  le  centre  de  ses  fructueuses  opérations.  Cette  place  allait  être 
rachetée.  Dom  Vaissete  nous  apprend  que,  le  29  mars  1384,  la  viguerie 
d'Albi  fut  autorisée  à  s'imposer  de  1,600  livres  pour  le  rachat  de  Terssac 
et  de  Paulin.  Hist.  de  Lang.,  IX,  p.  919.  Cf.  aussi  délibôr.  des  5  et 
20  mars  1384. 


DÉLIBÉRATIONS    1372-1388  427 

cosselh  als  singulars  se  voliau  que  lo  loc  d'Albi  contribuisca 
a'n  aco.  Sus  aquo,  totz  los  sobrenonipnatz,  exceptât  aquels 
que  al  cap  de  lor  nom  ha  escrig  no,  losquals  no  voliau  que 
lor  fos  re  donat,  tengro  que,  obtenguda  premieirainen  licencia 
de  moss.  lo  senescalc  de  Carcassona,  (que)  hom,  per  lo  loc 
d'esta  vila,  contribuisca  a  la  dicha  fmarisa,  en  cas  que  los 
digs  dos  locxs  se  voja,  autramen  no  '. 

L'an  dessus,  a  V  de  mars... 

Sobre  aquo  que  Peyre  Clergue,  cossol,  cra  anat  à  Castras, 
essemps  am  moss.  B.  de  Goi'ssolas  et  am  lo  officiai  de  moss. 
d'Albi,  sus  lo  tractât  coraensat  am  los  cornus  del  comtat  e  de 
la  vigaria  sus  la  vueja  dels  locxs  de  Tersac  e  de  Paulinh,  que 
avia  escrig  que  els  aviau  mogut  tractât  que,  en  la  fiiians!?a  que 
se  faria  per  !a  bueja  dels  digs  locxs,  Albi  pagnes  per  sa  quota 
e  respondes  per  lo  ters  de  la  vigaria;  et  avia  escrig  que,  sus 
aquo,  los  senhors  cossols  li  mandesso  lor  voler.  Fo  aponchat 
que  lo  loc  d'Albi  no  se  cargue  de  pagar  a  la  contribucio  dessus 
dicha  ni  ad  autra,  mas  per  sa  quota. 

L'an  MCCCLXXXllII,  a  XI  de  mars  .. 

Sobre  la  provesio  que  las  gens  del  afan  no  se  perdo  n'i  sian 
preses  per  las  gens  d'armas,  tengro  totz  et  accosselhero  que 
hom  aja  dels  piscos  del  pays,  e  que  lor  done  hom  qualque 
causa  per  que  vuelho  demorar  en  esta  vila  e  gardar  las  gens, 
e  que  tôt  home  que  hi  esta  foras  la  vila,  sia  affanaire  ho  autre, 
que  porte  son  arnes,  e  que  entretant  hom  veja,  am  los  senhors 
en  cuj  es  lo  poder,  que  se  hom  poc  aver  X  o  XV  o  XX  homes 
d'arma?  per  la  garda  de  la  vila,  losquals  se  pago  de  Fargen  de 
las  emposicios  d'aquest  avescat,  que  hom  los  aja. 

L'an  dessus,  a XX  de  mars... 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  que  Bertran  de  Baretge  avia 
escrig  a  moss.  B.  de  Gorssolas  que  el  hi  volgues  bailar  e  tra- 
metre  II  rossis  que  lo  dig  moss.  Bernât  lia,  per  cert  pretz,  en 
deduccio  de  so  que  la  vila  et  la  vigaria  d'Albi  Ihi  deu  per  la 
finaiissa  fâcha  per  los  cornus  de  la  vigaria  d'Albi  e  del  comtat 

'  Vingt-quatre  conseillers  ou  notables  seulement  assistent  à  cette  déli- 
bération ;  quatre  se  prononcent  contre  la  proposition  du  viguier. 


428  MARS-AVRIL    1384 

de  Castras  per  la  bueja  del  loc  de  Paulinli,  de  la  paga  faze- 
doira  dinienge  propda  veiien;  e  sus  aquo,  raoss.  Bernât  davan 
dig  avia  trames  querre  los  senhors  cossols  e  lor  avia  dig  se 
voliau  que  el  llii  tramezes  los  digs  rossis  ni  se  els  Ihi  respon- 
driau  del  pretz  per  que  los  bailaria  al  dig  Bertran.  E  dissero 
los  senhors  cossols  que  los  covienhs  fags  sus  la  dicha  bueja  so 
aitals  :  que  los  cornus  del  comtat  e  de  la  vigaria  deu  '  paguar, 
dimenge,  la  meitat  de  la  dicha  finanssa,  e  l'autra  nieitat  d'aqui 
a  Pascas,  et  en  cas  que  no  se  pagues  als  termes,  que  Tacordi 
sia  per  no  fag.  Per  que  demandero  cosselh  se  séria  expedien 
de  bailar  de  presen  en  pagua  los  digs  rossis.  Sus  aquo,  tolz 
tengro  que  hom  s'en  regisua  aaj  cosselh  de  moss.  Bernât  de 
Gorssolas,  e  que  se  causa  es  que  baile  los  rossis,  que  los  sen- 
hors cossols,  e  nom  de  la  universitat,  Ihin  respondo  e  s'en 
acordo  amb  el. 

L'an  MCCCLXXXIIII,  a  XVIII  de  abril... 

Sobre  la  letra  que  avia  trameza  moss.  Plielip  Bona,  als  sen- 
hors cossols,  en  laquai  lor  avia  escrig  que  el  volia  far  son  ma- 
trimoni  am  sa  fermada,  a  XXVU  d'aquest  presen  mes  d'avril, 
e  que  lor  plagues  [que]  hi  volguesso  esser  per  far  honor  a  luj. 
Tengro  I  partida  que  I  deis  senhors  cossols,  ara  I  singular, 
hi  ane,  e  que  la  vila  done  e  fassa  presen  al  dig  moss.  Piielip 
de  quatre  marcxs  d'argent  en  tassas;  autra  partida  dels  cos- 
sols e  singulars  tengro  que  lo  dig  presen  se  fas-^a,  mas  que 
non  hi  ane  negun  cossol  per  lo  [)erilh  dels  camis,  mas  que 
trameta  hom  qualque  home  entendut  de  part  delà  a  moss.  Ar. 
Paya  que  hi  es  e  que  lo  encargue  hom  que  fassa  lo  presen 
per  la  vila  -. 

L'an  MCCCLXXXIIII,  a  XX  il'abril. 

Sobre  aisso  que  aissi  fo  dig  que  moss.  Bernât  do  Gorssolas 
era  vengut  de  Lautrec  ■'  e  de  Castras  ont  era  anat  per  lo  fag 
de  la  bueja  de  Paulinh,  loqual  ha  reportât  que  las  gens  de  la 
garuiso  de  Paulinh  volo  dezemj'arar  voluiitieiramen  lo  loc   de 

'  Gorrec  :  devo. 

2  Le  19  avril,  le  Conseil  clé(ùde  que  deux  consuls  iront  iiorter  les  tasses 
d'argent  à  Philippe  Bonne. 
^  Chef-lieu  de  cant.  de  l'arrond.  de  Castres. 


DÉLIBÉRATIONS   1372-1388  429 

Paulinli  e  bailar  al  vescomte  dti  Faulinh  et  al  stMihei'  d'Arifat  ', 
mas  que  lo  senlier  d'Arifat  ni  lo  vescomte  no  la  volo  penre  en 
garda,  quar  non  an  gêna  que  lo  pogucst^o  gardai-;  e  que  lor 
era  vengut  a  noticia  que  las  gens  de  Curvala  lo  volian  venir 
combatre  e  penre,  raas  que  his  gens  d'armas  lo  aguesso  dezam- 
parat;  e  que  sus  aquo  se  era  aponcliat,  atn  los  cossols  de  Cas- 
tras, ([ue  Castras  hi  trameta  XX  homes  et  Albi,  par  la  viga- 
ria,  X,  que  gurdo  lo  loc  e  debaio  la  borgada  tro  que  sia 
debatut.  Et  auzit  aisso  per  totz  los  sobredigs,  to(z  tengro  que 
sus  aisso  hom  aja  eosselh  am  las  gens  del  rej  et  am  moss.  B. 
de  Gorssolas  e  que  hi  ane  hom  be  e  saviarnen  et  am  bon  eos- 
selh. 

L'an  dessus,  a  XII  de  may. 

Sobre  aquo  que  los  senhors  cossols  dissero  que  lo  coUector 
del  papa  avia  preguat  a  lor  et  a  las  gens  de  moss,  d'Albi,  que 
lor  plagues  [que]  volguesso  consentir  que  el  fezes  sarrar  la 
voûta  que  es  entre  la  sua  fenial  del  Fia  de  S'  Salvi  et  Tort  de 
m^  G™  Bestor  o  de  sa  molher.  It.  que  moss.  Bernât  de  Gors- 
solas lor  avia  dig  que,  a  lor  requesta,  el  avia  seguit,  per 
la  part  de  la  vigaria,  lo  fag  de  la  bueja  de  Paulinh,  en  que 
avia  ganre  despendut  del  seu,  e  demandava  que  del  despens 
hom  Ihin  fezes  setisfaecio.  Sus  aisso,  totz  los  sobredigs  tengro 
que,  aitant  quant  es  del  fag  de  la  voûta,  que  hom  ane  sus  lo 
loc  e  que  ses  poc  sarrar,  ses  prejudici  ni  dampnatge,  que  hom 
ne  fassa  plazer  al  dig  collector.  E  quant  a'n  aco  del  dih  moss. 
Bernât  de  Gorssolas,  fon  dig  que  el  avia  agut  mot  granda 
diligencia  e  trebalh  e  despens  per  lo  fag  de  la  dicha  bueja; 
per  que  hom  s'en  acorde  am  luy  de  so  quen  demandara^ 

L'an  MCCCLXXXIIII,  lo  premier  dia  dejun... 

Sobre  aisso  que  m^  Johan  Oalmetas  avia  traajez(es)  I  maestro 
en  ariz  per  tener  las  escolas,  en  cas  que  als  senhors  plagues; 
e  fon  dig  que  lo  dig  maestro  no  volia  demorar  seno  que  hom 
Ihi  doues  de  que  se  pogues  sustentar  e  Ihi  agues  hostal  tro  que 

'  Tous  deux  étaient  coviconites  de  Paulin.  Aril'at,  comm.  du  can(.  de 
Montredon-Labessonié,  arrond.  de  Castres. 

^  Dans  une  délibéi-ation  du  15  mai,  l'indemnité  l'ut  fixée  à  2  francs  par 
jour  du  vacation. 


430  JUIN  1384 

las  escolas  se  sian  assetiadas.  E  fon  aponchat  que  en  cas  que 
vulha  deraorar  e  vulha  aver  am  si  qualque  bachalier,  que  liorn 
Ihi  done  tant  solamen  VI  sestiers  de  fromen  e  doas  pipas  de 
vi,  e  que  llii  aja  hom  ostal  perl  an  '. 

L'an  dessus,  a  V  de  jun.  . 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  que  lo  capitani  trames  per  lo 
rej  sur  la  garda  del  pays,  loqual  era  a  Galhac  2,  dévia  venir, 
lo  dia  presen  en  esta  vila,  una  esseraps  am  los  senescalcs  de 
Toloza  e  de  Carcassona  et  am  moss.  Beneduc^  et  am  P.  de 
Lautrec  et  amganre  d'autres  grans  senhors,  am  ganre  de  gens 
d' armas  ;  se  hom  lor  faria  presen  ni  lor  dévia  re  donar.  E  fo 
aponchat  que  los  senhors  cossols  servisso  e  donesso  als  sobre- 
digs  senhors,  als  quais  lor  semblara,  so  que  lor  séria  vist 
fazedor. 

L'an  dessus,  a  XII  de  jun.  . 

Sobre  la  letra  que  lo  comte  d'Armanhac  e  de  Cumenge  avia 
trameza  als  senhors  cossols  d'Albi,  contenen  que  els  fosso,  lo 
dia  presen,  a  Castras  am  so  que  deviau  paguar  per  la  bueja  de 
Gurvala  e  dels  autres  locxs  contengutz  en  lo  tractât  per  los 
cornus  am   son  pajre,  comte  que  era   d'Armanhac*.   E  fon  de 

*  C'est  la  première  mention  qui  soit  faite  des  écoles  de  la  ville  Mais 
Albi  était  doté,  depuis  des  siècles,  d'une  école  épiscopale;  on  trouve,  en 
eflet,  le  nom  d'un  cabiscole  ou  capiscole  {caput  schole)  dans  l'acte  de 
naissance  du  pont  vieux,  qu'on  date  généralement  de  1035,  Au  concile 
qui  se  tint  à  Albi  en  1070  figurait  le  capiscole  de  la  cathédrale.  Cf.  notre 
Histoire  des  riœs  du  vieil  Albi,  dans  Rev.  du  Tarii,  XX,  p.  68. 

'  Ce  capitaine  était  Gaucher  de  Passac.  Cf.  Campagne  de  GaucJier  de 
Passac  et  Chroniques  de  Jean  Froissart  (II,  p.  439  et  suiv.  seconde 
édition  de  Buchon).  M.  Cabié  complète  très  heureusement  le  récit  de 
Froissart. 

3  Probablement  le  Benedict  de  la  Faignole  du  récit  de  Froissart.  Le 
sénéchal  de  Toulouse  était  alors  Hugues  de  Froideville,  et  celui  de  Car- 
cassonne,  Roger  d'Espagne.  Parmi  les  grands  seigneurs  qui  accom- 
pagnaient Gaucher  de  Passac  et  que  la  délibération  ne  désigne  pas, 
devaient  se  trouver  ceux  qui  sont  nommés  dans  la  Chronique  :  le  sénéchal 
de  Rouergue,  Arnaut  de  Landorre,  le  comte  d'Astarac,  Guillaume  Can- 
deron.  Selon  Froissart,  l'armée  de  Gaucher,  qui  se  trouvait  à  Albi  le 
5juin  1384,  comprenait  «  environ  400  lances  et  bien  1000  portant  pavois 
que  gros  varlets  ». 

*  Jean  d'Armagnac  était  mort  à  Avignon  le  20  mai  1.384,  d'après  les 
Memorias  de  Jacme  Mascara  (p.    84),  et  le  25  du    même  mois,    d'après 


DÉLIBÉRATIONS    1372-1388  431 

cosselli  que  m«  Ar.  Paja  e'n  P.  Glergue  auo  al  digloc  de  Gas- 
ti-as,  e  que,  se  aqui  ha  persona  am  sufficien  poder,  (que)  hom 
se  acorde  am  el  d'aitant  quant  montara  la  quota  tocati  a  la 
vifjai'ia,  foras  dels  locxs  do  Rialinou  e  de  Senegatz  ',  que  per 
aquels  non  obligiies  re  ;  e  que  hom  Iho  prorueta  e  Iho  obligue 
de  pag'uar  al  terme  melhor  que  poyrau  ;  autramen  se  non  hi 
avia  persona  sufficien  per  lo  dig  comte,  que  hom  demore  acor- 
dan  am  los  cornus  que  hi  seran,  disen  que  hoB  s'en  acordara 
am  lo  comte  ;  e  non  remens  que  hom  ane  vas  luy  e  Ihi  soplegue 
que  el  se  vuelha  cargar  per  uos  e  per  la  dicha  vigaria,  e  que 
hom  Iho  encarte  e  Iho  prometo  paguar  al  terme  que  Ihi  pla- 
zera. 

L'an  MCCCLXXXIIII,  a  XV  de  jun... 

Sobre  una  letra  clausa  que  avian  trameza  en  P.  Clergue, 
cossol,  e  m®  Ar.  Paya,  que  eio  à  Castras,  als  senhors  cossols 
d'esta  vila,  que  els  aviau  agut  parlaraen  am  los  cossols  de 
Rialmon,  quar  recuso  a  paguar  lor  quota  a  lor  apertenen  de 
la  bueja  tractada  am  lo  comte  d'Armanhac,  disons  que  no 
volo  paguar  mas  certa  causa,  so  es  asaber  Ile  francxs.  Sus 
laquai  causa  fo  aissi  aponchat  per  la  major  partida  dels  cossols 
e  singulars,  que  hom  no  fassa  negun  autre  acordi  am  lor,  mas 
que  pago  tant  solamen  lor  quota. 

Ite  tengro  may  cosselh  sobre  alscus  comessaris  que  ero 
vengutz  novelamen  sus  la  emposicio  de  la  saP  que  demando 
que  lot  home  pague  la  emposicio  de  la  sal  que  ha  gastada  ho 
veududa  que  non  era  e^tada  gabelada  per  lo  mes  de  seterabre, 
e  per  lo  doblamen  de  la  sal  per  lo  mes  d'abril  ;  e  per  aquo 
demanda'^  que  se  la  vila  vol  finar  per  tôt  lo  comu  que  els  pen- 
rau  fînanssa  ;  de  que  demanda*  IIIP^  francxs.  E  fo  aissi 
aponchat  que  se  los  digs  comissaris  voliau  penre  qualque 
petita  causa  tro  en  la  soma  de  IIII  a  VIII  francxs,  (que)  per 


Vffisf.  de  Lang.  (IX,  p.  920).  Le  nouveau  comte  d'Armagnac  était 
Jean  III  qui  succéda  à  son  père  dans  les  comtés  d'Armagnac,  Fézensac 
et  Rodés,  et  les  vicomtes  de  Lomagne  etd'Auvilar. 

'  Réalmont,  chel-lieu  de  cant.  de  l'arrond.  d'Aibi;  Sénégas,  comm.  de 
Si  Pierre  de  Trivisy,  canton  de  Vabre,  arrond.  de  Castres. 

^  Cf.  délibération  du  12  juillet  1383. 

^  et  *  Correc:  demando. 


432  JUIN  1384 

comprar  fatiga,  hom  los  lor  done,  autraraen  que  seguisco  lor 
comessio  aissi  quant  deuran  ;  empro  tengro  tolz  que  se  los 
digs  comissaris  greugavo  las  gens  otra  la  forma  de  lor  coraissio 
que  la  vila  ho  prenga  et  ho  defFenda. 

L'an  dessus,  a  XXI  de  jun... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  Pos  Gliej-as 
e  R.  Borralh,  encantaires  e  servidors  de!  cossolat,  se  ero 
motas  vetz  rancuratz  a  lor,  dizens  que  liom  lor  avia  donat 
saentras  a  cascu  per  lor  penssio  e  gatge  per  an  XII  floris  e 
las  raubas,  et  aras  lor  ho  avia  raermat  que  los  XII  floris  e  las 
raubas  acostumadas  lor  avia  [hom]  tornat  ad  VIII  floris,  otra 
lor  voler  e  cossentimen  ;  e  que  se  hom  no  lor  donava  los  digs 
XII  floris,  otra  las  raubas,  que  els  no  demorariaii  plus  al  ser- 
vizi  dels  senhors  cossols.  Et  aqui  meteiss,  auzidas  per  los  sin- 
gulars  aqueslas  causas,  totz  tengro  e  acosselhero  que  hom  no 
lor  done  a  cascu  mas  hueg  floris  e  las  raubas  acostumadas,  e 
se  non  ho  volo  penre  que  hom  aja  autres  servidos. 

L'an  dessus,  a  XXVI  de  jun... 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  per  los  senliors  cossols  que 
m''  Ar.  Paya,  que  era  a  Rodes  sus  lo  tractât  de  la  bueja  dels 
locxs  que  teno  las  gens  d'armas,  avia  trameza  una  letra  que 
estât  era  tractât  et  acordat  am  que  hom  pague  ',  d'aqui  a 
dimergue  propda  venen,  a  moss.  d'Armanhac  IV[.V'=  francxs  e 
V*  après  1  mes  ;  e  per  aquo  far  encartar  et  obligar,  hom  hi 
ânes  ho  Ihi  tramezes  I  scindicat  que  el  agues  poder  de  obligar 
la  causa  ;  autramen  qui  non  ho  fazia,  lo  loc  d'Albi  els  autres 
de  la  vigaria  ne  sufertariau  gran  dampnatge.  Per  que  sus 
aisso  demandero  cosselh  los  senhors  cossols  als  singulars  ; 
losquals  acosselhero  que  hom  fassa  en  raanieira  que  tant  del 
argen  dels  XVIII  comus,  tant  de  raaleu  d'aqui  ont  hom  ne 
])oira  aver,  ho  fassa  tôt  l'argen  que  hom  poira  per  paguar  las 
causas  sobredichas  ;  e  que  hom  prenga  dels  singulars  de  la 
[vila]  certa  soma  de  vi  et  aja  hom  letra  de  devet,  o  miels  en 
lo  cosselh  tengut  pro[)danamen  davant  aquest  es  contengut,  e 


*  Pour  la   régularité  de  la  phrase,   il    faudrait  supprimer  am,  ou  bien 
éci'ire  :  am  nioss.  d'Armcmhac. 


DÉLIBÉRATIONS   1372-1388  433 

que  se  venda,  e  de  l'argon  que  ne  issira  e  de  aquel  que  hora 
levara  tant  dels  XVIII  cornus  davant  digs,  tant  de  so  que  devo 
los  cornus  de  la  vigaria  per  lo  fag  de  la  bueja,  que  boni  setis- 
fassa  a'n  aquels  que  prestarau  la  monedaper  paguar  de  presen 
e  a  la  resta  que  sera  deguda  al  dig  moss.  d'Armanhac  ;  e  que 
hora  fassa  I  scindicat.  Aqui  meteiss  fo  fag,  aissi  quant  en  I 
insturmen  receubut  per  m^  G"  Prunet  es  contengut.  It.  tengro 
maj  totz  que  se  fassa  devezio  per  gâchas  de  totz  los  deutes 
que  la  vila  deu  e  de  so  que  liom  deu  a  la  vila. 

L'an  dessus,  a  I  de  julh... 

Sobre  aisso  que  fo  dig  que  la  vila  ha  diversas  jornadas  a 
Carcassona  am  los  cossols  de  Rialmon  e  de  S.  Gauzen  \  quar 
recuso  a  paguar  lor  quota  de  las  buejas  dels  locxs  que  teno  e 
teniau  las  gens  d'armas,  et  issimen  am  las  gens  de  Saliers' 
que  recuso  a  paguar  los  talhs  empausatz  per  los  senhors  cossols 
d'Albi  del  temps  que  an  habitat  en  la  presen  ciutat.  It.  sobre 
aquo  que  Ar.  Paja  avia  escrig  per  sas  letras  que  Guilhamot 
de  Saunhac  dévia  esser,  dema  o  dimergue  propda,  a  Castras 
per  recebre  l'argen  delà  bueja,  e  que  hora  hi  ânes  peracordar 
am  luy  de  la  quo[ta]  apertenen  ad  Albi  et  a  la  vigaria,  de  que 
Ihi  dévia  hora  bailar  lo  dig  dimergue  M.V"  francxs  e  V  dins 
1  mes.  Tengro  totz  que  hom  ane  tener  a  Carcassona  las  dichas 
jornadas  e  que  I  dels  senhors  cossols  ane  a  Castras  per  acordar 
am  lo  dig  Guilhaumot  de  Saunhac  de  la  diclia  moneda;  e  que 
tôt  home  pague  totz  los  XVIII  comus  novelamen  empausatz  ; 
e  se  mestiers  es,  per  suplir  l'argen  que  se  deu  paguar  per  la 
dicha  bueja,  que  hom  fassa  prestar  aquels  que  prestar  pojrau. 

L'an  MCCCLXXXIIII,  a  VI  de  julh. . . 

Sobre  aisso  que  dissero  que  lo  prebost  de  S.  Salvi  era  ven- 
gut  aras  novelamen  ^,  et  avia  fag  gran  covit  tant  dels  canonges 
de  S''*  Cezelia,  tant  de  las  gens  de  moss.  d'Albi,  quant  dels 
senhors  cossols  totz  e  de  motz  d'autres  bos  homes  de  la  presen 
ciutat;  e  que  per  alscus  bos  homes  era  estât  dig  que  los 
senhors  cossols  d'esta   vila  Ihi  deviau  far   presen.    Sus   aquo 

1  Gant,  de  Graulhet,  arrond.  de  Lavaur. 

^  Gomm.  du  cant.  d'Albi. 

*  Le  nouveau  prévôt  était  Guillaume  Maître,  un  Albigeois. 

28 


434  JUILLET  1384 

tengro  totz  et  acosselhero  que  los  senhors  cossols   ihi  fasso 
presen  de  una  bona  pipa  de  vi  de  IIII  sestiers  o  entorn. 

L'anMCCCLXXXIIII,  a  XVI  de  julh... 

Sobre  aisso  que  aissi  fo  dig  que  raoss.  Felip  Bona  dévia 
venir,  lo  dia  presen,  en  esta  vila,  una  essemps  am  lo  conesta- 
ble  de  Carcassona  et  ara  ganre  d'autras  gens  per  far  deliurar 
la  moneda  que  la  vigaria  d'Albi  deu  pagwar  per  lo  fag  de  la 
bueja  acordadaam  lo  comte  d'Armanliac;  loqual  moss.  Felip, 
estant  a  Paris  et  en  autras  partz,  fegs,  per  la  vila  d'Albi,  grans 
profiegs  et  houors.  Per  que  dissero  se,  per  sa  venguda  novela, 
hom  Ihi  dévia  re  donar.  E  sus  aquo  totz  tengro  et  acosselhero 
que  hom  Ihi  deu  donar,  e  que  los  senhors  cossols  Ihi  dono  e 
trameto  una  pipa  de  vi,  aital  quant  lor  semblara,  et  entorcas 
tro  en  la  soma  que  lor  sera  vist  f^zedor. 

L'an  MCCCLXXXIlir,  a  XVIII  de  julh... 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  que  los  jutjes  deputatz  a  conois- 
ser  de  las  merv;as  que  demande  los  Engles  de  Thuria  e  d'Aigo  ' 
aviau  fag  ajornar  Padier  d'Albi  e  I  Presicador  d'Albi,  ad  ins- 
tancia  dels  digs  Engles.  E  sus  aquo  los  senhors  cossols  d'Albi 
aviau  trames  per  tener  la  dicha  jornada,  per  excusar  lo  dig 
Padier  que  non  era  en  esta  vila,  e  per  saber  que  voliau  deman- 
dar,  so  es  asaber  Bertran  Baldi  d'Albi,  loqual  Bertran,  en 
après,  avia  reportât  que  Ar.  Guilhamet  de  Lustrac,  conestable 
de  Thuria,  demandava  al  dig  Padier  II  francxs  I  quart  per  los 
dregs  de  1  prionier  que  près  sobre  si  que  era  près  a  Thuria. 
It.  Doraergo,  de  la  dicha  garniso  de  Thuria,  demanda  a  Salvi 
de  Labroa  que  fon  tengut  per  lo  filh  d'en  Bernât  Bru  e  per 
R.  Atbert,  al[ias]  de  Vaurs,  d'Albi,  de  très  francxs  d'aur  ;  e 
que  a  la  dicha  jornada  era  estât  ordenat  et  aponchat  per  los 
digs  jutges  que  lo  dig  Bertran  aja  a  presentar,  lo  dia  presen, 
los  sobredigs  Padier  e  Salvi,  autramen  declaravo  e  teniau  per 
declarada  esser  deguda  la  causa  ad  sobredigs  Engles  e  la 
raerca  a  lor  esser  justa.  Per  que  fo  aissi  dig  per  los  senhors 
cossols  que  cascus  dones  cosselli  sus  aisso,  que  s'en  dévia  far. 

'  Aygou,  dans  la  comm.  de  Sl-Cirgue,  cant.  de  Valence  d'Albigeois, 
le  seul  fort  occupé  par  les  Anglais  ou  les  roiiliers  dans  ces  parages.  Cf. 
Camp,  de  Gaucher  de  Passac,  p.  70,  note  1. 


DÉLIBÉRATIONS   137^2-1388  435 

E  sus  aisso  la  major  partida  tengro  que,  alemlut  que  los  sobre- 
digs  Padier  ni  Salvi  no  son  en  esta  vila  e  la  jornada  es  tant 
brev,  e  séria  perilh  que  los  digs  Engles  correguesso  sus  esta 
vila  per  aquo,  de  que  poiria  issir  gran  dampnatge,  (que)  la 
vila  pague  per  los  sobredigs  Padier  e  Salvi  las  causas  dessus 
dichas,  e  que  entretant  lioin  fassa  compellir  los  sobredigs  Padier 
e  Salvi  o  lo  dig  en  Bernât  Bru  per  las  causas  dessus  dichas. 

L'an  MCCCLXXXIIII,  a  XIIII  d'aost   . . 

Sobre  aisso  que  fon  dig  en  lo  dig  cosselh  que  las  gens  d'ar- 
mas  de  la  garniso  de  Razissa*  demandava^  en  lo  loc  d'esta 
vila  una  merca  i)er  I  home  de  Galhac  que  fo  lor  prionier  el 
temps  que  moss-  de  Berri  era  en  aquest  pajs;  e  las  dichas  gens 
d'armas  ero  alotjadas  als  Piesicadors  ^,  dizens  que  lo  dig  home 
avia  finat  a  L  francxs  et  en  après  el  s'enfugic  e  se  reduss  en 
esta  vila,  e  que  alscunas  gens  de  la  vila  Ihol  avian  amagat  ; 
per  que  els  demandavo  los  digs  L  francxs^  autramen  se  la 
vila  no  los  lor  pagues,  els  corregro  e  levero  merca  sus  lo  loc 
d'esta  vila.  It.  fo  dig  per  los  cossols  e  singulars  sobredigs  que 
vertat  era  que  lo  dig  prionier  se  gandic  en  esta  vila  e  avans 
que  s'en  partis,  el  e  sonpajre  e  Peire  de  Causac  d'Albi  encar- 
tero  e  se  obliguero  e  proraeiro  pagar  tôt  lo  dampnatge  que  lo 
loc  d'Albi  ni  los  singulars  d'aquel  ne  sufFertesso  per  aquela 
causa.  E  sus  aisso  fo  aponchat  perles  senhors  cossols  e  singu- 
lars que  hom  se  acorde  als  miels  que  hom  poyra  d'aquela 
causa  e  que  entretant  hom  compellisca  lo  dig  P.  de  Causac  els 
autres  obligatz  que  pago  aquo  que  costara,  e  se  paguar  non 
ho  podo  de  i)resen,  que  la  vila  d'Albi  ho  pague  e  que  lo  dig 
P.  de  Causac  els  autres  obligatz  o  encarto  a  la  vila  a  paguar  e 
cert  jorn. 

L'an  dessus,  a  XX  d'aost. . . 

Sobre  aisso  que  dissero  que  en  esta  vila  ero  vengutz  sobre 
la  vila  comessaris  per  la  meitat  dels  VIII "  L  francxs*  que  son 

'  Gomm.  du  Travet,  cant.  de  Réalmont,  arrond.  d'Albi. 

2  Correct  :  demandavo. 

^  Au  couvent  des  frères  Prêcheurs  d'Albi,  situé  en  face  de  la  porte  de 
Ronel. 

*  Un  grand  nombre  de  villes  de  Languedoc  avaient  été  condamnées  à 
une  amende  de  80.000  francs  d'or,  à  payer  au  roi  en  commun,  pour  leurs 


436  AOUT-SEPTEMBRE    1384 

degutz  al  roj  nostre  ss.  et  a  raoss,  de  Berri,  losquals  ero 
venguiz  a  paga  lo  premier  dia  d'aquest  presen  mes  ;  e  que  los 
comessaris  no  s'en  volo  anar  tro  que  aquo  sia  pagat  ho  ajo 
revocatoira  del  thesaurier  que  lor  a  donada  la  diclia  comessio. 
Per  que  lengro  cosselli  quen  fariau.  E  sus  aquo  tolz  tengro 
que  horn  la  trarneta  C  francxs  e  que  hom  veja  homse  lo  thesau- 
rier voira  donar  sosta  tro  ad  I  jorn,afi  que  los  digs  comessaris 
no  gasto  la  vila. 

L'an  MCCCLXXXIIII,  a  XXIX  de  setembre,  ad  Albi,  en  la 
majo  Gominal  del  cossolat  del  dig  loc,  costituitz  personalmen 
davan  lo  honorable  e  discret  senhor  m^  R.  Ychart,  savi  en 
dreg,  jutge  de  la  cort  temporal  de  rnoss.  Tavesque  d'Albi,  et 
en  presencia  de  rai  notari  e  dels  testimonis  sotz  escrigs,  so  es 
asaber  los  discretz  senhors  en  Duian  Daunis,  en  Felip  Vais- 
sieira,  en  Dorde  Romanhac,  en  P,  Borssa,  en  Vidal  Guini, 
m®  G"  Chatbert,  m^  P.  de  Ri  us,  en  Guiraut  Marti,  n'Azemar 
Blanquier,  cossols  de  la  ciutat  d'Albi,  losquals  aqui  meteiss, 
essemps  e  cascu  de  lor  coma  cossols,  dissero  e  prepausero  al 
dig  raoss.  lo  jutge  que,  coma  els  aguesso  mestiers  de  aver 
I  recebedor  en  lor  cossolat,  aissi  quant  es  acostumat,  et 
aguesso  helegit  en  Johan  Gaudetru,  cossol  del  dig  loc,  loc  ' 
Gompanho  aqui  presen,  coma  maj  sufficien,  segon  [que]  lor 
«emblava,  en  lo  dig  offici  que  1  autre  que  els  poguesso  trobar, 
e  lo  dig  Johan  ho  agues  récusât  de  penre,  i)er  so  sopleguem, 
los  digs  senhors  cossols,  que  el  volgues  pronunciar,  declarar 
et  ordenar  lo  dig  Johan  esser  recebedor  de  lor  e  de  lor  presen 
cossolat,  e  lo  volgues  condempnar  a  penre  lo  dig  offici.  Et 
aqui  meteiss  lo  dig  raoss.  lo  jutge,  auzida  la  relacio  a  luy  fâcha 
per  los  digs  senhors  cossol*,  que  lo  dig  Johan  era  maj  suffi- 
cien en  lo  dig  offici  que  autre  que  els  poguesso  trobar,  ordenec, 
protiunciec  et  déclarée  que  lo  dig  Johan  Gaudetru  fos  recebe- 
dor dels  digs  senhors  cossols  e  de   lor  presen  cossolat  et  a  lor 

rébellions  préccdentes.  Quelques-unes  d'enlre  elles,  parmi  lesquelles 
Albi,  avaient  été  dispensées  du  paiement  de  coLle  amende,  par  lettres  du 
duc  de  Berry  du  28  avril  1384,  données  à  Béziers.  Mais  le  duc  leur  fit 
payer  cette  faveur.  D'après  dom  Vaissete,  Allii  dut  donner  850  francs. 
C'est  de  cette  somme  qu'il  s'agit  ici.  Cf.  fli<if.  di;  I,a>ig.,  IX,  pp.  918-919. 
*  Correc.  :  /o)\ 


DÉLiBÉnATioNS  1372-1388  437 

perilh;   et  ad  aquo  lo  dig  Johan  aqui  presen  condampnec.  De 
quihus  superius  nominali...,  etc.,  etc. 

L'an  MCCCLXXXniI,  a  II  d'octombre... 

Sobre  I  mandamen  que  avia  trames  moss.  lo  senescalc  de 
Tliolosa  que  hom  trameses  la  meitat  dels  homes  d'esta  vila  ni 
seti  de  Curvala  e  may  dels  viures  per  las  gens  que  hi  anariau 
e  per  venre  a  las  gens  que  so  al  dig  seti.  Tengro  que  hom  la 
trameta  homes  be  a  pong,  scgon  lo  mandamen,  tro  al  nombre 
de  L  o  LX,  e  que  hom  hi  trameta  dels  viures  aissi  quant  al 
mandamen  se  conte. 

L'an  MCCCLXXXIIII,  aXXIIII  d'octombre... 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  que  moss.  lo  prebost  de  S. 
Salvi  avia  preguat  als  senhors  cossols  que  fezesso  gracia  al 
loc  de  Cambo  *  de  so  que  hom  lor  demanda  per  causa  de  la 
bueja,  que  lor  demanda  hom  XVIII  francxs  e  que  hom  los 
quites  per  IX  francxs.  E  fo  de  cosselh  sus  aquo  que  hom  no 
lor  fassa  neguna  gracia  seno  de  espéra. 

It.  fo  dig  se  hom  tengra  plus  las  badas  a  Caylucetni  aFoyss. 
E  fon  aponchat  que  se  encaras. 

It.  fo  aissi  aponchat  que  hom  fassa  do  e  presen  a  moss. 
d'Albi  per  sa  novela  venguda^,  en  las  causas  que  los  senhors 
cossols  volrau  tro  en  la  valor  de  IIII^^  francxs. 

It.  fo  aissi  aponchat  que  hom  aja  licencia  del  senhor  que 
hom  puesca  coraprar  del  arendador  que  ho  a  com|)rat  del 
senhor  la  emposicio  del  vi,  e  que,  obtenguda  la  licencia,  (que) 
la  vila  ho  compre  et  ho  torne  al  XIP  ho  ad  aco  que  los  senhors 
cossols  volrau;  e  que  la  vila  ho  verida  ho  se  baile  a  levar,  e  se 
s'i  pert,  que  tôt  lo  cornu  d'esta  vila  pague  la  perdua,  empro 
no  s'i  fassa  negun  merme,  mas  per  las  gens  talliables. 

L'an  MCCCLXXXIIII,  a  XII  de  novembre... 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  per  los  senhors  cossols  que 
moss.  Bernât  Bona  lor  avia  trames  unas  letras  clausas  en  las- 
quais  lor  escrivia  que,  lo  jorn  de  S»'''  Cezelia   propda  venen, 

1  Gomm.  du  cant.  de  Valence  d'Albigeois. 

*  Guillaume  de  la  Voûte,  d'abord  administrateur  de  l'église  de  Toulon, 
ensuite  évoque  de  Marseille,  do  Valence  et  de  Die. 


438  NOVEMBRE-DÉCEMBRE    1384 

P.  Ramoa,  viguier  de  Carcassona,  so  filb,  dévia  penre  sa 
raolher,  e  que  lor  plagues  que  hi  vuellio  esser.  Eper  so  deman- 
dero  cosselh  los  senhors  cossols  als  singulars  que  voliau  ni 
que  acosselhavo  quen  deviau  f  ir.  E  sus  aquo  totz  tengro  que 
los  senhors  cossols  hi  ano  e  fasso  en  la  manieira  metelssa  que 
feiro  a  moss.  Phelip  Bona  quant  près  sa  molher. 

L'an  dessus,  a  XVIII  de  novembre... 

Sobre  aquo  que  lo  sotz  viguier  de  Tholosa  avia  trames 
I  bailet  am  una  letra  del  cancellier  de  moss.  de  Berri  contra 
los  senhors  cossols  d'Albi  que  paguesso  al  dig  sotz  viguier 
IX  francxs  a  luj  degutz  per  lo  loc  d'Albi  e  per  tota  la  vigaria 
per  SOS  trebalhs  que  fe  en  anar  penre  alscus  homes  que  ero  de 
las  companhas  que  ero  preses  a  Rocacorba  '  e  los  menée  ad 
Albi,  a  la  cort  del  viguier  ;  quar  autramen  las  gens  de  Razissa 
no  voliau  vejar  ;  e  per  so  lo  dig  sos  viguier  ton  députât  per 
moss.  lo  cancellier  a  far  aquo.  Sus  aisso,  tengro  totz  que  per 
lo  loc  d'esta  vila  bom  pague  la  terssa  part  del  despens  e  que 
aja  recors  [)er  las  II  partz  contra  los  autres  locxs  de  la 
vigaria. 

It.  sobre  lo  deu  degut  a  moss.  Meno  de  Castelpers,  tengro 
que,  afi  que  negun  despens  non  venga,  (que)  qualque  bos 
home  que  ho  sapia  far  ane  vas  lo  dig  moss.  Meno,  e  que  am 
luy,  se  lo  troba,  autramen  am  Johan  d'Autraigas,  son  procu- 
raire,  se  acorde,  se  far  se  poc,  que,  fazen  alcun  servizi,  alon- 
gue  lo  terme  de  la  pagua  tro  ad  I  terme  competen  que  hom  lo 
puesca  paguar. 

L'an  MCGCLXXXIIII,  a  XXIII  de  dezembre... 

Sobre  aisso  que  aissi  fo  dig  que  en  Peire  de  Lautrec^  avia 
dig  e  preguat  als  senhors  cossols  que  Ihi  volguesso  ajudar  e 
donar  qualques  viures  ati  que  el  pogues  miels  gardar,  am  sas 


'  Roquecourbe,  chef-lieu  de  cant.  de  Tarrond.  de  Castres. 

2  Le  chevalier  Pierre  de  Lautrec,  que  nous  avons  déjà  rencontré  est 
célèbre  par  le  duel  qu'il  eut  à  Toulouse,  le  11  janvier  1385,  par  suite, 
moins  d'un  mois  après  sa  demande  de  vivres  aux  consuls  d'Albi,  avec 
l'écuyer  Arnaud  de  la  Motte,  et  auquel  le  duc  de  Berry  assista  comme 
témoin.  Cf.  Hist.  de  Lang.,  IX,  p.  925. 


DÉLIBÉRATIONS   1372-1388  439 

gens,  lo  loc  de  Curva'a  que  llii  ara  estât  bailat  en  garda  per 
las  gens  del  rej  nostre  senlior.  E  sus  aisso,  totz  tengro  que 
hom  nolli  done  re. 

It.  tengro  maj  cosselh  sus  lo  ajornamen  que  ha  fag  far  lo 
senescalc  de  Tholosa  contra  los  cossols  els  capitanis  de  l'an 
passât,  per  la  rebellio  que  ditz  que  Ihi  fe  hom,  quar  nolh  tra- 
mes[ero]balestiers  que  ditz  que  mandet[z]  que  hom  Ihi  trame- 
zes,  se  la  causa  se  dévia  segre  al  despens  de  la  vila.  E  sus 
aquo  totz  tengro  que  al  despens  de  la  vila  se  mené. 

L'an  dessus,  a  XXX  de  dezembre  .. 

Sobre  aisso  que  aissi  fo  dig  (|ue  moss.  Enric  de  Mejanel  avia 
escrig  e  fag  asaber  als  senhors  cossols  d'Albi  que  el  sabia  I  bo 
metge  que  vengra  eslar  en  esta  vila,  se  la  vila  Ihi  volgues 
donar  certa  pencio.  It  fo  maj  dig  aissi  que  sus  aquo  los  senhors 
cossols  ne  aviau  parlât  am  moss.  l'ofâcial  d'Albi,  et  lo  dig 
moss.  lo  officiai  lor  avia  dig  que  el  lo  conoissa  et  que  Ihi 
sembla  que  sia  home  sufficien,  e  que  se  el  vol  venir  estar  ad 
Albi,  moss.  d'Albi  el  ca[)itol  Ihi  donnarau  certa  causa.  Per 
que  dissero  los  senhors  cossols  se  la  vila  Ihi  donaria  ni  quant. 
Sus  aquo,  tengro  la  major  partida  que,  per  lo  terme  de  I  o  de 
II  ans,  la  vila  Ihi  done,  cascun  an,  X  o  XII  francas  ses  al  res, 
en  cas  que  sia  sufficien. 

L'an  dessus,  a  XIX  de  jenier... 

Sobre  la  finanssa  que  aviau  fâcha  los  cossols  et  capitanis  de 
l'an  propda  passât,  ajornatz  non  ha  gajre  davant  lo  senescalc 
de  Tholosa,  per  alscus  bans  que  aviau  tiencatz  alcus  singulars 
de  la  villa  et  del  Cap  del  [)ont,  segoti  que  dizia.  Tengro  la 
major  partida  que  la  vila  d'Albi  pague  la  dicha  finanssa  •.  It. 
sobre  uiiacrida  que  aviau  facha(s)  far  las  gens  de  moss.  d'Albi 
que  negun  revendedor  non  auzi  *  comprar  neguna  mercadaria 
victual,  coma  lebres,  conilh?!,  perlitz,  (lebres),  cabritz,  galinas, 
ni  autras  mercadarias  serablans  tro  sia  passât  hora  de  tercia. 
Tengro  la  major  partida  que  tôt  home  e  totafempna  compre  e 
puesca  comprar  totas  las  horas  que  se  voira. 


'  Une  délibération  du  27  du  même  mois  nous  apprend  que  cette  finance 
avait  été  fixée  à  30  francs 
^  Gorrec.  :  auze. 


440  JANVIER-FÉVRIER    1385 

L'an  MCCCLXXXIIII,  a  XXX  de  jenier... 

Sobre  aisso  que  aissi  fo  dig  que  los  officiers  de  la  cort  tem- 
poral de  moss.  d'Albi  cro  anatz  a  Tostal  en  que  demora 
Bertran  de  S.  Antoni,  bada  de  Foiss,  per  intenta  de  penre  sa 
filhastra  ses  negima  colpa  et  ad  horas  sospecbosas,  volens, 
segon  que  se  ditz,  enjuriar  et  envilanir  la  dicha  filhastra;  e 
quar  lo  dig  Bertran  no  los  laissava  intrar,  aviau  près  de  fag 
lo  dig  Bertran  e  Ion  avia  menât,  baten  et  feren  et  per  forssa, 
e  apelan  al  viguier;  de  laquai  causa  era  estada  fâcha  rancura 
per  alscunas  gens,  dizens  que  aisso  es  causa  de  mal  issimple, 
et  que  aital  poirian  far  d'autras  fempnas  et  d'autras  gens.  Per 
que  demandero  cosselh  los  senhors  cossols  que  se  dévia  far  en 
aisso.  Et  auzidas  per  los  cossols  et  singulars  las  causas  sobre- 
dichas,  totz  tengro  que  los  senhors  cossols  ano  a  moss.  d'Albi 
e  Ihi  notiffico  aquesta  causa,  e  Ihi  digo  que  hi  prenga  remedi 
e'n  fassa  punicio  d'aquels  que  ho  an  fag;  et  se  far  non  ho  vol 
que  hom  s'en  rancure  a  la  cort  del  rey  et  que  la  cort  ne  fassa 
dreg. 

L'an  MCCCLXXXIIII,  a  III  de  febrier... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  als  singulars  que 
moss.  lo  senescalc  de  Carcassona  lor  avia  trameza  una  lettra 
clausa,  en  que  lor  escrivia  que  el  dévia  far  la  honor  de  son 
pajre  que  fo  saeutras, lo XII  join  de  febrier,  al  loc  de  S. Gauden 
jotz  Tholosa'  e  que  lor  plagues  [quej  hi  volguesso  far  la  honor 
que  lor  plairia.  Per  que  demandero  cosselh  que  deviau  fcir. 
Et  sus  aisso  totz  tengro  que  hi  ano  dos  bos  homes,  cossols  ho 
autres,  e  que  hom  hi  donne  I  drap  d'aur  e  VIII  entorcas  de 
terna  Ibr,,  e  se  hom  podia  far  que,  per  certa  causa  se  cobres 
lo  drap  que  ho  fassa,  autramen  hom  lo  done. 

L'an  MCCCLXXXIIII,  a  XXI  de  febrier... 

Sobre  aisso  que  dissero  que  los  giuliers  de  la  cort  del  rey 
d'Albi  deraando  setisfaccio  de  las  gens  que  teno  arrest  dins  la 
cort  del  rey  d'Albi,  quant  veno  comessaris  per  lo  senhor  per 
los  deutes  en  que  lo  cossolat  Ihi  es  obligat  e  que,  segon  que 
aissi  fon  dig,  per  aitals  causas  los  digs  gieuliers   no  devo  re 

*  Chef-lieu  d'arrond.  de  la  Haute-Garonne. 


DÉLIBÉRATIONS    1372-1388  441 

aver  ni  levar.  Per  que  demandero  cosselli  los  senhors  cossols 
als  singulars  se  la  vila  deffendria  afî  que  no  vengues  en  conse- 
quencia.  E  sus  aquo,  totz  tengro  que  se  deffenda  de  manieira 
que  se  paguar  no  s'en  deu,  que  no  s'en  pague  re. 

L'an  dessus,  a  XV  de  mars... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  moss.  d'Albi 
avia  dig  que  la  paret  que  es  al  pe  del  cloquier  de  S'^  Cezelia, 
laquai  era  casecha,  se  refezes  per  la  segurtat  de  la  vila;  et 
era  estât  aqui  dig  que,  atendut  que  aiscus  diziau  que,  per 
colpa  de  B.  Serras,  fustier,  que  avia  fâcha  la  dicha  paret  e  no 
la  avia  fâcha  perfiecha,  aissi  quant  degra,  la  dicha  paret  era 
casecha,  e  que  el  la  dévia  refar  a  son  despens  ;  e  d'autres 
diziau  que  non  era  casecha  per  colpa  del  dig  m'*  B.  Serras, 
mas  quar  hom  no  las  avia  cubertas  aissi  quant  degra  ;  e  totas 
aquelas  causas  atendudas,  era  estât  dig  que  la  dicha  paret  se 
fezes  e  que  de  sso  que  costaria  lo  dig  B.  Serras  pagues  lo  ters, 
et  entre  la  vila  e  la  Glieya  las  II  partz.  Per  que  los  senhors 
cossols  demandero  cosselh  als  singulars  que  voliau  que  fezesso 
d'aquo.  E  sus  aquo,  tengro  la  major  partida  e  dissero  que  la 
dicha  paret  se  era  perduda  per  colpa  del  dig  B.  Serras,  e  que 
se  aparia  que  per  sa  colpa  fos  perduda,  que  se  refassa  a  tôt 
son  despens. 

L'an  MCCCLXXXV,  a  XVII  de  jun... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  en  G""  Colo- 
bres  los  avia  amonestatz  per  L  Ibr.  que  Ihi  ero  degudas  a  la 
festa  de  Pantacosta  propda  passada  e  demandero  cosselh  se 
Ihi  fariau  sospendre  la  amonicio  o  se  laissariau  escumengar, 
atendut  que  hom  no  ha  de  presen  de  que  lo  pague.  Sus  aquo, 
totz  tengro  que  se  de  son  bon  grat  no  la  vol  sospendre,  que  la 
fasso  sospendre  en  manieira  que  no  demoro  escumengatz, 
exceptât  lo  cossol  els  singulars  de  la  gâcha  de  las  Combas 
sobre  escrigs  que  dissero  que  els  se  hufrian  de  pagar  la  quota 
apertenen  a  la  lor  gâcha  de  las  Combas  de  so  que  era  degut 
al  dig  G™  Colobres  et  a'n  Ar.  Ferran. 

L'an  MCCCLXXXV,  a  XXIIII  de  jun... 

Sobre   aisso   que    los  senhors    cossols    dissero    que    moss. 


442  JUIN-JUILLET   1385 

l'avesque  de  Cosserans  '  avia  mandat  per  sas  letras  als  cosso- 
latz  d'Albi  e  de  la  vigaria  et  als  autres  de  la  jutjaria  d'Albeges, 
que  el  avia  près  tractât  am  los  Engles  de  Pena^  e  que  los  digs 
cossolats  anesso  parlar  amb  el  a  Rabastenxs,  per  auzir  las 
causas  que  sus  aquo  el  lor  volgro  ^  explicar  ;  a  laquai  jornada 
ero  estat[z]  et  avia  lor  explicat  [que]  tractamen  se  menava 
que  los  digs  Engles  dezamparesso  lo  dig  loc  mejanssan  certa 
finanssa  que  monta  entorn  XLIIII  milia  francxs  ;  de  lafjual 
caus  I,  se  se  fazia,  covenria  que  tôt  lo  pays  hi  ajudes  de  XXX 
milia  e  la  resta  pagaria  lo  rey.  E  sus  aquo,  agudas  motas 
paraulas  entre  los  senhors  cossols  e  singulars,  totz  tengro 
que,  se  la  dicha  bueja  se  poc  far,  (que)  tant  solaraen  per  lo  loc 
d'esta  vila  hom  Ihi  ufrisca  donar  dos  francxs  per  fuoc,  e  se 
hom  ho  [poc]  passar  per  mens  que  hom  ho  fassa,  e  que  hom 
no  se  cargue  per  negun  loc  de  la  vigaria  ni  per  autre,  seno 
tant  solamen  per  lo  loc  d'Albi.  It.  fo  maj  dig  que  lo  dig  raoss. 
de  Cosserans  demandava  que  lo  pays  ajudes  [de]  IIII^^  sestiers 
de  fromen  per  avidar  los  prioniers  que  prendiau  las  gens 
d'armas  els  piscos  del  senhor;  quar  era  estât  fag  aponchamen 
que  totz  aquels  que  hom  preira  los  gardes  hom  e  que  no  los 
aucizes,  quar  en  major  loc  pogro  tener  los.  Sus  aquo,  totz 
tengro  que  hom  no  lor  done  re  plus,  mas  coma  dessus  es  dig. 

L'an  MCCCLXXXV,  a  XXVIII  de  julh,  los  senhors  en  Felip 
Vaissieira,  B.  Col,  Johan  Gaudetru,  Guiraut  Marti,  P.  Borssa, 
Vidal  Guini,  Azemar  Blanquier,  m"  G™  Chatbert  bailero  a'n 
Frances  Picart  e  a'n  Isarn  Redon  los  comptes  de  la  aminis- 
tracio  fâcha  per  Johan  Luyrier,  recebedor  dels  senhors  cos- 
sols, Tan  propda  passât,  per  auzir  e  comptar  e  far  relacio(r) 
d'aquels. 


1  L'évèque  de  Gouserans  était  conseiller  général  du  roi  en  Languedoc. 

*  Gant,  de  Vaour,  arrond.  de  Gaillac,  sur  l'Aveyron.  Gette  imprenable 
forteresse  avait  été  prise,  vers  le  mois  d'octobre  1383,  par  le  capitaine 
Ranronet  del  Sort,  qui  commandait  aux  troupes  de  LabouHie  et  d'autres 
forts.  Cet  exploit  d'un  des  plus  redoutables  capitaines  des  compagnies 
jeta  l'épouvante  dans  tout  le  pays.  Cf.  Histoire  de  la  province  de  Qtierci/, 
par  Lacoste,  III,  p.  276.  Revue  du  Tarn,  XVIII,  p.  66,  dans  Camp,  de 
Gaucher  de  Pessac,  et  Hist.  de  Lang.^  IX,  p.  923,  note  1. 

'  Corrcc:  vol. 


DÉLIBÉRATIONS   1372-1388  443 

It.  bailero  maj  los  sobrenompnatz  seiihors  cossols,  per  auzir 
e  palpar  los  comptes  de  la  presa  e  mesa  fâcha  per  n'Azemar 
Blanquier,  l'an  LXXVIII,  fie  la  emposicio  de  la  raanganaria, 
a  P.  Clergue  et  a  P.  Boyer. 

It.  deputero  maj  auzidors  dels  XVI  cornus  endigs  Tan  LXXX, 
levatz  per  Vidal  Guini  e  per  R.  Conchart,  so  es  asaber  lo  dig 
P.  Clergue  e  P.  Bojer. 

L'an  MCCCLXXXV,  a  XXIII  d'aost... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  lo  pi-ebost 
de  S.  Salvi  los  avia  requeregutz  e  preguatz  (jue  volguesso 
ajudar  a  la  reparacio  del  cloquier,  alssi  coma  d'autras  vetz 
es  estât  parlât.  Sus  aisso,  tengio  que  hom  lor  done  XL  francxs, 
mas  meto  lo  cloquier  e  la  bada  en  bon  estât, 

It.  sobre  aquo  que  dissero  que  a  lor  semblava  que  expedien 
fora  de  tornar  lo  nombre  dels  cossol«,  que  so  a  XII,  que  tornes 
a  VI,  am  certs  cosselhs,  e  que  se  hi  mezes  qualque  bon  apon- 
charaen  que  se  ajustesso  per  las  bezonhas  de  la  vila.  Sus  aisso, 
tengro,  una  partida,  que  torno  a  VI,  et  autra  partida  que  lo 
nombre  no  se  moga. 

It.  sobre  aquo  que  dissero  que  esta  vila  non  avia  negun 
metge,  que  hi  era  be  necessari,  e  que  els  trobavo  I  bon  metge 
que  sa  volia  venir,  mas  que  hom  Ihi  done  pencio.  Sus  aisso, 
tengro,  una  partida,  que  hom  aja  lo  metge  e  que  Ihi  done,  la 
vila,  pencio  de  [blanc],  et  autra,  que  se  vol  venir,  hom  lo 
tenga  quiti  e  que  autra  pencio  non  aja. 

It.  sobre  aisso  que,  en  lo  temps  d'aquest  presen  cossolat,  lo 
senescalc  de  Tholosa  fe  ajornar  m"  G™  Chatbert  et  Johan 
Gaudetru,  coma  capitanis  de  la  presen  ciutat,  e  d'autres,  que 
lor  empausava  que  hom  Ihi  avia  fâcha  rebellio  en  sa  intrada, 
e  que,  anan  a  Tholosa,  lo  dig  m®  G"'  Chatbert  perdec,  en  lo 
dig  viatge,  una  mula  e  deraandava  que  la  vila  lalh  pague.  Sus 
aisso,  tengro,  la  major  partida,  que  los  senhors  cossols  ajo  lor 
cosselh  que,  atendut  que  lo  dig  m*  G"  Chatbert  no  prendia  en 
lo  dig  viatge  mas  lo  despens,  se  hom  lalh  deu  setisfar,  e  se 
far  se  deu,  que  Ihi  sia  setisfacha,  e  se  hom  no  ihin  es  tengut 
de  dreg,  que  hom  Ihin  setisfassa  de  qualque  partida,  que  hom 
no  perda  de  tôt. 

L'an   dessus,    a  VIII   de  setembre,    los  senhors...    cossols 


444  SEPTEMBRE    1385 

ordenero  i\\\e,  atendut  que  sobre  la  l'estitucio  que  demandava 
m"  G™  Chatbert  de  la  mula  que  avia  perduda,  coma  al  cosselh 
dessus  es  contengut,  los  digs  seiihors  oossols  aviau  agut, 
segon  que  dissero,  lor  cosselh  am  savis  en  dreg  et  am  autres, 
et  ateududas  motas  autras  causas  justas  qu'^  movo  lor  coratge, 
dissero  et  ordenero  que  al  dig  m®  G™  Chatbert  sia  paguat,  dels 
bas  de  la  universitat,  per  la  dicha  mula  hueg  francxs  d'aur. 

L'an  MCCCLXXXV,  lo  premier  jorn  de  cetembre...'. 

Sobre  aquo  que  I  comessari  de  Franssa,  trames  per  lo  rey, 
loqual  avia  ajornatz  los  oossols  a  dissapde  propda  a  Carcas- 
sona,  a  Tostal  de  la  Corona,  loqual  comessari  ha  nom  Marti  de 
Folques,  maestre  gênerai  de  las  raonedas.  E  fo  aponchat  que 
los  senhors  cossols  hi  trameseso  I  home  suficien  amb  I  massip 
e  que  saubes  que  demandera  lo  comessari,  e  saubuda  que  aja 
sa  demanda,  que  s'en  aeoselhe  am  moss.  de  crims^  et  am  los 
cossols  de  Carcassona  ;  et  acosselhat  que  s'en  sia,  que  se 
acorde  al  miels  que  poira  de  las  causas  que  lo  dig  comissari 
demandara. 

L'an  MCCCLXXXV,  a  IIII  del  mes  de  cetembre... 

Sus  aquo  que  en  la  vila  d'Albi  avia  comessaris  contra  totz 
los  gentils  homes  aven  cesses  en  la  viguaria  d'Albi,  e  de  totz 
autres  homes  e  femnas  aven  cesses  ni  rendas  en  la  dicha 
viguaria,  que  moss.  de  Berri  avia  endigs  sobre  cascu  tenen 
fieu  noble  e  sobre  tôt  autre  singular  aven  rendas  en  la  dicha 
viguaria,  XII  d.  m®  per  Ibr.  per  XV  homes  d'armas  que  avia 
tengudas  el  dugat  de  Guiana^.  Totz  tengro  que  hom  se  acor- 
des  am  los  digs  comessaris  als  miels  ([ue  pogra  e  que  totz 
aquels  que  avian  fieus  ni  rendas  en  la  ciutat  d'Albi  ni  en  la 
pertenensa  que  paguesso  lo  despens. 

L'an  MCCCLXXXV,  a  XXVII  de  setembre... 
Sobre   la  ufra  fâcha  per  ajutori  de  bastir   lo   cloquier  de 
S.  Salvi  que  foro  ufertz  XL  francxs,  fo   dig  que  lo  prebost 


*  Les  deux  délibérations  qui  suivent  sont  d'une  autre  main. 
^  C'est-à-dire  le  juge  criminel,  Bernard  Bonne,  coseigneur  d'Hautpoul. 
'  h'IIist.  de  L'UKj.  ne  contient  aucune  allusion  à   cette   imposition  de 
12  deniers  et  1  maille  sur  les  l)iens  nobles  et  sur  les  rentes. 


DÉLIBÉRATIONS    1372-1388  445 

de  s.  Salvi  la  avia  exceptada  {^raciosarnen  ;  totas  vetz  avia 
dig  que,  atendut  ([ue  el  entendia  far  la  obra  ]»ona  e  bêla  e 
perfieclia,  Ihi  semblava  que  la  huefra  ara  pauca  e  pregava  que 
lioni  hi  volgues  ajudar  de  major  sorna. 

It,  que  al  pont  de  Tarn  fa  mestiers  gran  reparacio  e  may  a 
la  muralha.  Fer  que  dissero  se  hom  ho  faria  reparar  ni  de  que. 

It.  que  per  lo  trespassamen  de  las  nionedas,  quar  hotn  avia 
presas  raonedas  denedadas,  hom  avia  fâcha,  am  lo  maestre  de 
las  monedas  que  era  trames  per  lo  rej  a  Carcassona,  una 
finanssa  de  XL  francxs.  Per  que  demandero  cosselh  de  que  se 
pagariau. 

It.  sobre  las  letras  que  hom  empêtrée  del  rej  contra  los 
clercxs  que  contribuisso  per  lo  possessori  que  teno,  que  avia 
acostumat  de  contribuir  per  los  anticxs  possessors,  se  voliau 
que  se  enseguisso. 

Fo  aponchat,  quant  a'n  aco  del  cloquier,  que  hom  lor  pague 
los  digs  XL  francxs  e  que  hom  meta  en  esperanssa  lo  prebost 
que,  el  cas  que  el  fassa  la  obra  tant  perfiecha  coma  ditz,  (que) 
hom  Ihi  fara  causa  de  que  se  deura  tener  per  content. 

Quant  a'n  aco  del  pont  de  Tnrn  e  de  la  muralha,  tengro  que 
se  repare,  e  que  los  XL  francxs  degutz  per  lo  trespassamen 
de  la  moneda  que  se  pago,  e  que  hom  enseguisca  las  dichas 
letras  contra  los  clercxs.  E  per  far  las  causas  sobredichas,  una 
partida  tenc  que  hom  fassa  I  o  II  comus,  et  autra  partida,  que 
no  s'en  fassa  potig  de  cornu,  mas  que  de  las  restas  dels  comus 
se  levé  de  que  se  pague. 

Et  aqui  meteiss,  l'an  el  dia  dessus,  los  sobrenompnatz 
senhors  cossols  endissero  per  las  causas  sobredichas,  II  comus. 

L'an  dessus,  a  III  d'octombre... 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  que  lo  vigaier  que  aras  es  '  es 
vengut  ad  Albi,  e  se  enformava  de  las  gens  d'esta  vila  dels 
quais  moss.  de  Berri  poiria  aver  prest  ;  et  era  estât  dig  per 
alscus  bos  homes  als  senhors  cossols  que  savieza  fora  qui  ser- 
via  lodig  viguier,  a'n  aquela  fi  que  fezes  bona  relacio  a  moss. 


1  Guillaume  de  Lurciac,  damoisel,  sergent  d'armes.  Il  avait  succédé 
à  Grégoire  de  Corbière  que  nous  avons  quelquefois  rencontré.  Cf.  Lisle 
des  viyuiet's,  dans  Annuaire  ibi  Tani,  1875,  p.  352-356. 


446  OCTOBRE  1385 

de  Berri  afi  que,  se  far  se  podia,  lo  dig  moss.  de  Berri  no  vol- 
gues  levar  negun  prest  de  las  gens  d'esta  vila.  Per  que  deman- 
dero  cosselh  los  senhors  cossols  que  s'en  dévia  far.  Esusaisso, 
totz  tengro  que  hom  done  al  dig  viguier  per  servizi  lasomade 
ving  floris  o  mens  qui  podia. 

L'an  el  dia  dessus  [MCCCLXXXV,  a  VIII  d'octombre],  los 
senhors  cossols,  costituit[z]  personalmen  en  la  mayo  cominal, 
en  presencia  de  mi  notari  e  dels  testiraonis  sots  escrigs,  bai- 
lero  a  Johan  Lujrier  lo  offici  de  la  recepta  gênerai  de  lor 
cossolat,  aissi  quant  es  acosturaat  de  aministrar  per  los  autres 
recebedors  gênerais  dels  senhors  cossols  del  dig  loc  saentras 
passatz,  exceptât  que  fo  expressaraen  dig  que  lo  dig  Johan 
Lujrier  deia  e  siatengut  de  far  bona  diligencia  de  far  lo 
compte  als  singulars  e  taliiables  de  la  dicha  ciutat  de  so  que 
deuriau  per  las  restas  dels  cornus  a  la  diclia  universitat,  e, 
déclarât  so  que  deuriau  los  digs  singulars,  far  [paguaij. 

L'an  dessus,  a  XI  d'octombre... 

Fo  aissi  dig  que  lo  rejre  gag  de  la  presen  ciutat  es  mot 
avol,  perso  quarhom  no  los  provezis  de  candelas.  E  sus  aisso, 
fo  aponchat  e  fo  de  cosselh  que  [la]  universitat  de  la  presen 
ciutat  provezisca  lo  dig  reyre  gag  de  candelas,  afi  que  lo  rejre 
gag  sia  bo  e  fassa  bona  diligencia,  e  que  d'aissi  avan  hom  no 
demande  pong  de  candelas  a  las  donas  veusas. 

L'an  dessus,  a  XIII  d'octombre... 

Sobre  aisso  que  fon  dig  que  non  ha  gayre,  so  es  asaber  l'an 
presen,  m*  G™  Chatbert  anec  a  Caroassona,  al  mandamen  que 
avia  fag  lo  maestro  de  la  moneda  que  era  aqui  vengut,  per  lo 
rey  nostre  senhor,  loqual  mandava  a  las  universitat[z]  dels 
lo'^,xs  que  meto  certa  soraa  d'aur  a  la  seca  de  la  moneda  de 
Tholosa,  et  aquo  quar  las  gens  de  la  universitat  d'Albi  aviau 
presa  moneda  denedada  per  lo  rey  nostre  senhor  e  per  sas 
gens;  e  quant  venc  lo  m*  G",el  reportée  que  el  avia  fag  acordi, 
e  nom  de  la  universitat  d'Albi,  que  dins  cert  terme,  so  es  asa- 
ber d'aqui  al  terme  de  Totz  Sanhs  propda  venen  •,  C  marcxs 

1  II  faut  suppléer  ici,  par  exemple  :  hom  Iramelria  a  la  dicha  seca. 


DÉLIBÉRATIONS    1372-1388  ^i\l 

d'aur  e  XX  d'argen  ;  et  a'n  aquo  far  se  encartée  coma  cossol 
e  ne  obliguec  lo3  bas  de  la  universitat.  It.  reportée  may  (jue, 
se  la  universitat  de  la  presen  ciutat  volia  donar  e  paguar  al 
dig  maestre  de  la  moneda  Xfj  fraucx^,  (que)  la  dicha  univer- 
sitat séria  quitia  de  mètre  los  digs  C  raarcxs  d'aur  e  XX  d'ar- 
gen en  la  dicha  seca,  It.  fo  aissi  may  dig  [)er  los  senliors  cos- 
sols  que  els,  volens  |)aguar  los  digs  XL  francxs  al  dig  maestre, 
aviau  encargat  en  Guiraut  Marti,  que  era  aras  novelamen 
anat  a  Tholosa,  que  saubes  se  lo  dig  maestre  de  la  moneda  hi 
era  e  que  parles  amb  el  e  saubes  se  hom  llii  portera  aqui  los 
digs  XL  francxs  o  en  quai  loc  ;  loqual  en  Guiraut  Marti  avia 
reportât  que  el  avia  parlât  am  lo  dig  maestre  et  el  Ihi  avia  dig 
e  repost  que  el  no  penria  pong  los  digs  XL  francxs  ni  re,  mas 
volia  que  hom  raeses  los  digs  marcxs  d'aur  e  d'argen  en  la 
dicha  seca,  aissi  quant  era  encartât,  e  sus  aquo,  el  avia  saubut 
am  diverses  cambiadors  de  Tholosa  se  els  se  volgro  cargar  de 
mètre  los  digs  marcxs  d'aur  e  d'argen  en  lo  dig  loc,  et  avia 
trobat  qui  ho  volia  far,  dins  cert  terme,  mas  costaria  LXX 
francxs  o  may.  Per  que  demander©  cosselh  los  senhors  cossols 
als  singulars  que  feiio  d'aisso.  E  sus  aisso,  totz  tengro  que 
m*  G™  Chatbert,  que  fe  lo  dig  aeordi,  ho  seguisca  et  ane  al  dig 
maestre  e  fassa  tant,  se  poc,  que  prenga  los  digs  XL  francxs, 
aissi  coma  Ihi  avia  promes  ;  autramen  que  hom  fassa  al  miels 
que  poira.  It.  tengro  que  l  autre  bon  home  ane  am  m"  G"  a 
Tholosa  per  segre  lo  dig  negoci  e  que,  en  cas  que  non  ho 
poguesso  acabar  am  lo  dig  maestre,  que  vejo  s'en  pogro  aver 
remessio  de  mossenher  de  Berri,  e  que  seguisco  que  los  locxs 
que  contradizo  a  paguar  so  que  devo  per  lasbuejas  pago  *. 

L'an  dessus,  a  X  de  novembre... 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  que  lo  jutge  d'Albeges  era 
vengut  et  era  de  presen  en  la  presen  ciutat  per  far  paguar  so 
que  es  estât  endig  per  la  bueja  de  Pena,  et  es  perilh  que  el 
vuelha  greuar  aquels  que  Ihi  semblara;  e  sera  miels  que  hom 
mesesprovesio  de  que  se  pagara  so  de  que  la  presen  ciutat  ne 


'  Le  maître  des  monnaies  se  laissa  attendrir  par  l'offre  de  120  francs. 
(Délib.  des  23  octobre  et  10  novembre  1385.)  Ce  fait,  entre  beaucoup 
d'autres,  en  dit  long  sur  l'élasticité  de  conscience  des  agents  royaux. 


418  NOVEMBRE    1385 

deuria  paguar,  que  negus  no  era  trop  greujal.  Fo  aponchat 
que  hom  sapia  so  que  demandara  lo  dig  jutge  d'Albeges,  e 
saubut  que  hom  ho  aja,  que  hom  endisca  los  talhs  que  mes- 
tiers  ho  fariau  par  aquo  paguar,  e  que  hom  trie  cer!z  homes 
d'esta  vila  que,  per  mauieirade  compra  ho  autramen,  levo  los 
digs  talhs  e  que  se  cargo  de  paguar  so  de  que  lapresen  ciutat 
deura  paguar  per  lo  dig  fag  de  la  dicha  bueja. 

L'an  dessus,  a  XX  de  novembre. . . 

Sobre  aisso  que  aissi  fon  dig  que  lo  jutge  d'Albeges  el  jutge 
de  Lauragues,  comessaris,  segon  que  diziau,  deputatz  per 
moss.  de  Berri,  losquals  ero  verigutz  en  esta  vila  per  levar 
prest  dels  singulars  de  la  presen  ciutat,  et  aquels  entendia[u] 
compellir  a  prestar  al  dig  moss.  de  Berri  II™  francxs  ;  losquals 
comessaris  voliau  que  los  senhors  cossols  de  la  presen  ciutat 
norapnesso  aquels  que  poiriau  far  lo  dig  prest,  e  recebedor  a 
levar  aquel,  lo  recebedor  nom[)no  al  perilh  delssenhors  cossols; 
e  de  aquo  far  los  compelliau  per  arestacio  de  lors  personas. 
Per  que  demandero  cosselh  que  fariau.  Sobre  aisso  totz  tengro 
que  davant  totas  causas  hom  aja  copia  de  lor  comessio,  e  vista 
aquela,  hom  aja  son  cosselh,  e  se  la  denegava^  a  bailar,  o 
autramen  los  voliau  forssar  ad  elegir,  a  lor  perilh,  recebedor, 
que  s'en  apelo  ;  totas  vetz  dissero  que,  aitant  quant  hom  ho 
poira  alongar,  que  se  alongue  tro  que  hom  veja  se  aquels 
d'esta  vila  que  so  anatz  a  Tholosa  a  moss.  de  Berri,  per  veser 
se  sus  aisso  poira  hom  aver  remedi,  se  lo  aurau  agut. 

L'an  dessus,  a  XXII  de  novembre. . . 

Sobre  aisso  que  dissero  que  l'avesque  de  Cosserans  era  ven- 
gut  en  esta  vila,  se  hom  Ihi  dévia  far  presen  ni  quai.  Sus  aquo, 
totz  tengro  que,  atendut  que  el  es  tal  senhor  que  en  lo  prest 
ordenat  a  levar  per  lo  jutge  d'Albeges  e  per  lo  jutge  de  Lau- 
ragues dels  habitans  d'Albi,  el  podia  per  aventura  donar  bon 
remedi,  acosselhero  que  la  vila  Ihi  donc  II  sestiers  de  sivada 
e  IIII  entorcas,  cascuna  de  très  Ibr.  e  doas  o  très  Ibr.  de  doblos 
de  cera. 


*  Correct.  :  denefjavo. 


DÉLiBÉnATioNS  137-2-1388  449 

L'an  dessup,  a  XXV  de  novembre. . . 

Sobre  aisso  que  disserolos  senhors  cossols  [(jue  els]  aviau 
obstengudas  unas  letras  clausas  del  cosselh  de  mosg.  de  Barri 
que  s'eiidressavo  a! [s]  jutge[sj  d'Alheges  e  de  Lauragues, 
comissaris  deputatz  per  moss.  de  Berri  a  far  presiar  o  levar 
prest  dels  singulars  dels  locxs  de  la  vigaria  d'Àlbi  e  d'autres  ; 
lasquals  letras  hom  avia  agudas  afi  que  hom  agues  remedi  del 
prest  que  los  digs  comissaris  aviau  endig  als  singulars  d'Albi, 
jasia  que  los  senhors  cossols  no  sabiau  que  bi  avia  escrig  ; 
totas  vetz  demandero  cosselh  qual[s]  las  lor  portarian.  E  sus 
aquo,  totz  tengro  que  expedien  era  que  qualque  bos  hom  hi 
ânes,  et  helegiro  per  anar  hi  m**  Azemar  Grasset. 

L'an  dessus,  a  XXV  de  novembre, . . 

Sobre  unaletra  que  avia  tramesa  en  Frances  Picart,  cossol, 
que  era  a  Tholosa,  per  segre  remedi  am  moss.  de  Berri  sus  lo 
prest  que  avia[u]  empausat  lo  jutge  d'Albeges  e  lo  jutge  de 
Lauragues,  comissaris  deputatz  per  moss.  de  Berri  ;  en  laquai 
leira,  entre  las  autras  causas,  avia  escrig  als  senhors  cossols 
que  hom  Ihi  tram  zes  XX  parelhs  de  perlitz  am  que  servis  as 
aquels  que  Ihi  poiriau  ajudar  ad  expedir  la  besonha  per  que 
ella  es.  E  sus  aisso,  totz  tengro  que  hom  los  Ihi  trameta'. 

L'an  dessus,  a  XX  de  dezembre.  . . 

Sobce  aquo  que  dissoro  los  senhors  cossols  que  moss.  de 
Berri  avia  autriadas  unas  letras  que  las  gens  de  la  Glieya  e  la 
clercia  ajude*  a  paguar  los  11"^  franxs  que  novelamen  ha 
endigs  per  prest  als  singulars  d'Albi,  e  que  els  aviau  presenta- 
das  las  dichas  letras  a  moss.  d'Albi  et  a  las  gens  de  la  Glieja. 
E  sus  aquo  aviau  agutz  essem[)S  diverses  tractatz  ;  en  losquals 
tractatz  era  presen  moss.  raves(iue  de  Cosserans;  e  que  après 
motas  paraulas,  las  gens  de  la  Glieja  aviau  repost  que  per 
aquelas  letras  no    donariau   I   petit  denier;  mas  atendens    e 

*  Malgré  démarches  et  cadeaux,  la  ville  ne  put  échappei"  à  ce  prêt 
forcé.  Le  13  décembre,  les  consuls  firent  porter  l'argent  à  Toulouse  par 
le  juge  royal  d'Albi,  un  des  consuls  et  le  receveur  Luyrier.  (Délib.  du 
13  décembre  1385.) 

-  Correct.  :  ajudo.  On  voit  ici  un  des  nombreux  cas  où  l'accord  du  verbe 
se  fait  avec  une  partie  du  sujet. 

29 


450  JANVIER  1386 

vesen  la  paubrieira  de  las  gens  de  la  presen  cintat,  el[s]  dona- 
riau  par  ajutori  del  dig  prest  IP  francxs,  am  piotestacio  que, 
en  cas  que  moss.  de  Berri  compellis  et  endisses  negun  prest 
novelamen  a  las  dichas  gens  de  la  Glieya,  que  los  senhoi's 
cossols  lor  ne  fezesso  desdure  los  digs  IP  francxs  o  los  lor 
restituisso  ;  et  en  aquo  far  voliau  [que]  se  obliguesso.  Per  que 
demandero  cossclh  se  es  expedien  de  penre,  am  aquela  condi- 
cio,  los  digs  IP  francxs.  E  [sus]  aquo,  totz  tengro  que,  atendut 
que  autra  causa  non  hi  [déchirure  portant  sur  un  mot)  hom  far, 
(que)  expedien  es  de  penre. 

L'an  MCCCLXXXVI,  a  XIX  de  jenier. . . 

Sobre  aisso  que  aissi  fo  dig  per  los  senhors  cossols  que  per 
alscus  senhors  lor  era  estât  dig  que  expedien  fora  de  segre 
moss.  de  Berri  que  fezes  assignar  so  que  an  paguat  los  singu- 
lars  d'esta  vila  per  la  bueja  del  loc  de  Pena,  e  que,  se  far  se 
podia,  hom  ne  aja  letra.  It.  quj  segues  hom  lo  dig  moss.  de 
Berri  a  Carcassona  e  d'aqui  tro  Avinho,  se  mestiers  es,  que 
nos  fassa  gracia  de  so  que  es  eucaras  degut  per  los  digssin;:;u- 
lars  de  resta  del  dig  prest  o  de  so  que  liora  ne  poiria  aver.  It. 
dissero  maj  los  senhors  cossols  que  los  heretiers  de  Frances 
de  Lagrava  son  tengut[z]  a  la  universitat  per  diverses  cornus: 
et  era  estât  parlât  per  alscus  que,  atendut  que  la  vila  non  ha 
pong  d'hostal  per  mayo  cominal  (que)  fora  expedien,  se  se  podia 
acordar,  que  la  vila  preses  l'ostal  de  la  Galinaria  en  que  hom 
ha  tenguda  lonc  temps  majo  cominal,  per  covenhable  prest', 
que  se  fezes.  Per  que  sus  tôt  aisso  demandero  cosselh  quen 
fariau.  Sus  aisso,  totz  tengro,  quant  a  segre  la  gracia  e  la  assi- 
gnacio  dessus  dicha,  que  hom  ho(m)  seguisca,  e  se  mestiers  hi 
a  de  servir,  per  miels  e  plus  tost  aquo  obtener,  que  hom  ho(m) 
servisca.  Quant  ad  aquo  del  hostal,  tengro,  la  major  partida, 
que  se  volo  bailar  lo  dig  hostal  en  [>aga  per  causa  razonabla, 
(({ue)  hom  lo  aja,  e  que  pueiss  la  vila  lo  repare. 

L'an  dessus,  a  XXIX  de  jenier... 

Sobre  la  provesio  de  paguar  la  resta  deguda  dels  II""  francxs 
endig[s]   per  moss.  de   Berri   als  singulars  d'esta  vila  per  la 

1  Correct.  :  pretz. 


DÉLIBÉRATIONS    1372-1388  -iSl 

bucja  de  Fena.  Tengro  que  tôt  lo  dig  prest  se  comunique,  se 
far  se  poc  ses  perilh,  e  que  se  indisco  i)er  aquo  XX  cornus, 
losquals  se  levo  per  via  de  prest,  e  que  se  paguo  segon  lo 
aliuramen  novelamen  fazedor,  loqual  aliuramen  volgro  totz 
que  se  fassa  de  novel  del  possessori  e  del  moble,  et  que  tota 
persona  pague  per  tôt  quant  aura  valen  ;  et  que  entretan,  quar 
lo  dig  aliuramen  no  poiria  tant  siibdamen  esser  fag,  coma  quai 
paguar  lo  dig  deute,  que  los  digs  XX  cornus  se  levo  segon  que 
monta  lo  cornu  de  presen,  segon  lo  aliuramen  de  presen  dariei- 
raraen  fag,  e  que  quant  lo  dig  aliuramen  novelamen  fazador 
sia  fag,  que  los  digs  XX  cornus  sia[u]  comptat[z]  al  cascu 
segon  aquel  novel.  E  aqui  meteiss  helegiro  aliuradors,  so  es 
asaber:  de  la  gâcha  de  Verdusiia,  m*  G™  Garnier,  del  Viga, 
Miquel  Hugat,  de  S""  Marciana,  Johan  Gaudetru,  de  S.  Africa, 
Isarn  Redon,  de  S.  Stephe,  P.Clergue,  de  las  Combas  e  d'otral 
pon,  Bertomieu  Prunet  ;  losquals  jurero,  sus  los  S.  de  Deu 
Avangels,  de  be  e  lialmen,  cessan  tôt  frau,  aliurar  cascuna 
persona  segon  la  valor  dels  bes  que  trobar  lor  poyran. 

L'an  dessus,  a  XVIII  de  mars... 

Sobre  aisso  que  aissi  fo  dig  per  los  senhors  cossols  que  lo 
senher  de  Lescira  es  tengut  a  la  universitat  d'AIbi  en  la  soraa 
de  Iin<=  francxs  d'aur,  et  que  per  alscus  excequtors  amicxs  de 
la  dicha  universitat  era  estât  dig  als  senhors  cossols  d'AIbi,  que 
se  els  voliau  que  la  excequcio  se  fassa  contra  lo  dig  senher 
de  Lescura  per  la  dicha  soma,  que  els  segriau  la  excequcio  e 
non  demandariau  re  de  las  despessas  tro  que  la  excequcio  fos 
eomplida.  Per  que  demandero  cosselh  los  senhors  cossols  als 
singulars  so  hom  feira  excequtar  lo  dig  senher  de  Lescura  per 
lo  dig  deute  ho  no.  E  sus  aquo,  tengro  que  atendut  que  la  uni- 
versitat de  la  presen  ciutates  mot  cargada  de  deutes,  losquaU 
110  poc  paguar  ses  mot  gran  despens,  que  hom  veja  se  lo  dig 
senher  de  Lescura  volia  {)aguar  amigablamen  lo  dig  deute,  e 
se  far  non  ho  vol,  que  hom  Ion  fassa  compellir  et  excequtar. 

L'an  MCCCLXXXir,  a  VI  de  maj... 

Sobre  la  paret  nova  del  pe  del  cloquier  de  S'"'  Cazelia  que 
covenia  que  se  fassa,  quar  [era]  estât  comandat  per  moss. 
d'AIbi.  It.  que  per  alscus  era  estât  dig  que  la  porta  de  la  Tre- 


45'2  MAI-JUIN  1386 

balha  se  desmure  et  que  la  teula  que  hi  es  se  meses  a  la  paret 
sobredieha.  It.  de  aver  I  raetge  en  esta  vila  sufficien  e  que 
hom  Ihi  done  pencio.  Tengro,  la  major  partida,  que,  atendut 
que  cove  [que]  la  dicha  paret  se  fassa,  (que)  se  fassa  e  que  la 
dicha  porta  se  desmure,  atendut  que  aras  non  es  negun  perilh 
de  gens  d'armas,  et  que  la  materia  se  meta  la  on  los  senhors 
cossols  volrau,  It.  que  del  metge  veja  hom  se  hom  poiiia  aver 
m®  P.  del  Bruelh  de  que  d'autras  vetz  es  estât  parlât,  e  se  vol 
venir  estar  en  esta  vila  que  hom  Ihi  done  pencio  per  I  an  ses 
plus,  XVI  francxs  et  so  que  costaria  lo  loguier  de  I  hostal  per 
I  an  tant  solamen  ;  se  aquo  no  vol  penre,  que  los  senhors 
cossols  ne  ajo  autre,  aquel  que  lor  sera  vist.  E  quaraissi  fon 
dig  que  los  senhors  cossols  non  aviau  de  que  pogues?o  far 
Tobratge  de  la  dicha  paret  ;  tengro  que  los  senhors  cossols 
empauso  lo  talh  que  lor  semblara  de  que  se  puesca  far. 

L'an  dessus,  a  XVIII  de  maj... 

Sus  aquo  que  aissi  fou  dig(s)  que  los  mazelier[s]  del  gran 
mazel  demande  als  mazeliers  que  au  logadas  las  taulas  de  la 
vila  que  lor  fasso  I  dinar  aissi  quant  entre  lor  es  acostumat.  E 
sus  aquo  ajo  comeiisat  plag  en  la  cort  tempe  rai  ;  e  los  digs 
mazeliers  de  las  taulas  de  la  vila  ajo  requeregutz  los  senhors 
cossols  que  lor  prengo  la  causa,  dizens  que,  quant  els  loguero 
las  dichas  taulas,  lor  senhors  cossols  lor  promeiro  que,  en  cas 
que  los  autres  mazeliers  los  demandesso  la  dicha  festa,que  els 
los  ne  deffendero,  et  que  autramen  els  non  agro  donati  denier 
de  loguier  a  las  dichas  taulas,  Tengro  totz  que  los  senhors 
cossols,  al  despens  de  la  vila^  ior  prenga  »  la  dicha  questio  e 
plag  e  la  raeno  diligenmen  e  la  defFendo 

L'an  dessus,  a  X  de  jun... 

Sobre  aisso  que  aissi  fo  dig  per  los  senhois  cossols  que,  en 
esta  vila,  cro  venguts  comissaris  sobre  totz  los  fabres,  que 
cascuu  fabre  pague  al  menescalc  del  rey  certa  soma  de  pecunia; 
6  aviau  raaj  entendut  que  issinien  veniaii  may  comissaris 
sobre  totz  los  autres  mestiers;  laquai  cau^a  msy  no  fo  fâcha, 
que  saubes  ;  et  era   estât  dig  pei'  aUcus  que  hom  se  empauses 

*  Correct.  :  prengo. 


DÉLIBÉRATIONS   1372-1388  453 

a  la  excequcio  e  trameses  a  Carcassona  per  vezer  cossi  s'en 
regisso.  It.  dissero  raay  los  senhors  cossols  que  els  aviau 
entendut  que  Feli[)s  de  S.  P.  '  et  d'autres  grand  senhors  per 
lo  rey  veniau  en  aquest  pays  e  deviau  esser  brev  a  Carcassona 
per  endire  alcun  subcidi;  e  que  per  alscus  lor  era  estât  dig 
que  fora  savieza  que  ânes  [hom]  a  lor  et  lor  expliques  la  pau- 
brieira  de  la  vila,  afi  que  se  neguna  endicio  faziau,  que  ne 
agues  hom  quabiue  gra[cia],  se  far  se  podia.  Sobre  a\sso,  totz 
tengro  que  los  senhors  cossols  se  hopauso  en  la  excequcio 
sobredicha,  e  trameto  a  Carcassona  o  la  on  lor  sera  vist  per 
sentir  cossi  s'en  regisso  als  autres  locxs  et  per  segre  et  far 
las  autras  causas. 

L'an  dessus,  a  XII  de  juin... 

Sobre  las  letras  que  ha  tramesas  lo  rey  nostre  senhor  e  sos 
coselhier?  als  senhors  cossols  en  que  se  contenia  que  dos  dels 
senhors  cossols  e  f  o  II  dels  plus  notables  singulars  fosso,  lo 
XX^  jorn  d'aquest  mes,  a  Bezers,  per  auzir  certanas  causas 
que  los  digs  cosselhiers  entende  a  dire  de  part  lo  rey.  Tengro 
que  hi  ano  I  cossol  e  I  singular  aquels  que  los  senhors  cossols 
helegiriau  -. 

L'an  dessus,  a  XXVII  de  juu... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  aquels  que 
ero  anatz  a  Bezers,  al  cosselh  mandat  per  lo  rey  nostre  senhor 
e  per  sos  deputatz  ero  vengutz  et  aviau  reportât  que  lo  rey 
avia  fâcha  sa  empresa  de  anar,  an  gran  multutut  de  gens 
d'armas  en  Englaterra,  e  per  so  voila  que  hom  Ihi  soccore- 
gues  sublamen  de  IIII  francxs  per  fuo;;  ;  losquals  aviau  endigs, 
pagadors   la  meytat  a  la  fi  d'aquest   presen   mes,    e   l'autra 

'  Philippe  de  St-Pierre,  trésorier  génÔT-al  de  France,  que  nous  avons 
déjà  rencontré.  Parmi  les  hauts  personnages  que  la  délibération  ne  dési- 
gne pas,  citons  Philii)pe  Bonne,  Jean  Omart,  Guiraut  Malepue,  gouver- 
neur de  Montpellier.  Cf.  Hist.  de  Lang.^  IX,  p.  928,  note  7.  Sur  le  vi-ai  nom 
de  Jean  Omart,  voir  note  de  la  délibération  du  1'"'  mars  qui  suit. 

2  Les  Mémoires  de  Mascaro  ne  contiennent  aucune  allusion  à  cette 
réunion.  h'Hisf.  de  Lnng.  est  également  muette  sur  ce  point.  Nous 
allons  voir,  dans  la  délibération  qui  suit,  que  les  conseillers  du  roi  y 
entretinrent  les  délégués  des  communes  d'un  projet  d'invasion  de 
l'Angleterre. 


454  JUIN-JUILLET   1386 

meitat,  a  la  fi  del  mes  de  julh  propda  venen  ;  per  que  hom  vis 
de  que  se  pagaria,  que  dépens  n'en  vengues.  E  sus  aquo,  totz 
tengro  que  se  las  gens  de  la  Glieja  hi  volo  cossentir,  que  hom 
empause  certa  emposicio  sus  lo  blat  que  hom  molra,  e  se  cos- 
sentir non  hi  volo,  que  hom  empause  reyre  dejme  sobre  los 
blatz  e  que  se  venda,  e  que  hom  empause  los  comus  que  hi 
fariau  mestiers  per  comunicar  lo  dig  rejre  deyme'. 

L'an  dessus,  a  X  de  julh... 

Sobre  la  provesio  de  paguar  los  IIII  francxs  per  fuoc  novela- 
men  endigs,  tengro  que  se  vendoX  comus  al  may  ufren,als  quais 
ha  hom  ufert  V^LX  Ibr.,  e  que  qui  may  n'o  s'en  troba  que 
s'en  dono,  e  que  cascus  pague  segon  lo  liuramen  en  que  huey 
es  ;  e  se,  segon  lo  aliuramen  novelamen  fazedor,  negus  mer- 
mava,  que  los  compradors  dels  digs  comus  prometo  pagar  ad 
aquels  que  mermaran  ad  I  terme,  et  que  en  après  la  vila  o  deu 
redre  als  digs  compradors,  e  se  creissiau  d'aliurameu,  que 
aquel  creiss  sia  de  la  vila  -. 

L'an  dessus,  a  XXV  de  julh... 

Sobre  aquo  que  los  digs  senhors  dissero  que,  per  alcus 
amicxs  de  la  universitat  de  la  presen  ciutat  era  estât  dig  que 
expedien  fora  de  tornar  lo  nombre  del  cossolat,  que  non  hi 
agues  mas  VI  cossols  e  XXIIII  cosselhs,  so  es  asaber  de  cas- 
cuna  gâcha  IIII  cosselhs  ;  per  que  demandero  cosselti  als  sin- 
gulars  que  voliau  que  s'en  fezes.  Sus  aquo,  totz  tengro  que 
torno  a  VI  cossols  et  a  XXIIil  cosselhs. 

L'an  el  dia  dessus... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  moss.  d'Albi 
lor  avia  dig  que  lo  senher  de  Lescura  se  era  tirât  a  luy  et  lo 
avia  preguat  que  el  fezes  tant,  am  pregarias  am  los  senhors 
cossols  d'esta  vila,  que  lo  volguesso  sufertar  1  pauc  de  temps 


*  On  sait  que  Charles  VI  projetait  une  descente  en  Angleterre  avec 
une  armée  à  la  tète  de  laquelle  il  mettait  Olivier  Glisson.  Les  Anglais 
brûlèrent  les  provisions  rassemblées,  et  la  tempête  détruisit  les  bâtiments 
réunis  à  l'Ecluse.  Ce  fut  là  Torigine  de  l'expédition  des  Flandres. 
Cf.  Mémo,  de  Jac.  Masc,  p.  88,  et  Hist.  de  Lang.,  IX,  p.  930. 

-  Ce  fut  Jean  Luyrier  qui  acheta  les  10  communs  au  prix  de  560  livres. 


DÉLIBÉRATIONS      1372-1388  ^155 

de  so  que  el  dévia  a  la  universitat  d'Albi  ses  far  neguna  exce- 
qucio  contra  luy  ni  coutia  sos  bas,  quar  el  era  en  tractât  de 
penre  molher,  et  aver  bona  cabenssa  ;  e  séria  perilli  que,  se 
hom  lo  fazia  excequtar  ni  penre  sos  bes,  (séria  perilh  que) 
perdes  sa  cabenssa.  E  sus  aquo,  lo  dig  moss.  d'Albi  los  avia 
preguatz  que  lio  fezesso,  e  lor  avia  dichas  tropas  razos  per  era 
expedien  de  far  [sic).  Per  que  demandero  cosselh  als  singulais 
que  voliau  quen  fezesso.  Sus  aquo,  totz  tengro  et  acosselhero, 
aitant  quant  es  en  lor,  que  hom  meta  en  bona  esperanssa  lo 
dig  senher  de  Lescura  de  sostar  per  alcun  terme,  e  que  los 
seuliors  cossols  digo  e  fasso  resposta  a  moss.  d'Albi  que,  per 
honor  de  lu}^  hom  lo  tenra  encaras  en  sostar,  ses  far  neguna 
excequcio  contra  luy  ni  contra  sos  bes. 

L'an  dessus,  a  IIII  de  setembre... 

Sobre  aisso  que  aissi  fo  dig  per  los  senhors  cossols  d'Albi 
que  moss.  Jacme  de  Nogaret,  viguier  d'Albi  \  lor  avia  dig  que 
el  avia  fag  alcus  (rebalhs  per  la  universitat  de  la  presen  ciutat, 
sobre  una  comissio  que  avia  aguda  per  visitar  la  clausura,  et 
una  autra  a  far  paguar  a  moss.  lo  senescalc  de  Carcassona 
XII  d.  m°  per  Ibr.  per  certanas  gens  d'armas  e  diverses  autres 
trebalhs,  que  la  vila  Ion  voJgues  setisfar.  It.  fo  may  dig  que 
m*  Johan  Pradal  avia  dig,  de  part  del  jutge  del  rey  que  huey 
es,  que  los  senhors  cossols  d'Albi  aviau  acostumat  de  donar  e 
servir  als  jutges  del  rey  que  so  estatz  saentras  d'Albi,  e  que 
el  se  meravilhava  que  hom  no  lo  servis  coma  los  autres,  e  que 
hom  lo  volgues  servir.  Sus  tôt  aisso,  tengro  totz,  quant  ad 
aquo  del  viguier,  que  los  senhors  cossols  ne  fasse  so  que  lor 
sera  vist;  quant  ad  aquo  dol  jutge,  tengro  que  no  Ihi  sia  donat 
denier,  quar  perilh  es  que  per  temps  pogues  tornar  en  con- 
sequencia. 

L'an  MCCCLXXXVI,  a  XXVI  de  setembre... 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que,  coma  d'au- 
tras  vetz  era  estât  parlât  que  le  [sic]  prebost  de  S.  Salvi  no 
volia  acabar  de  far  o  far  far  la  gachola  novelamen  comensada 


*  11  venait  de  succéder  à  de  Lurciac.  11  occupa  la  charge  jusqu'en  1405. 
11  signait:  Jacuiers  de  Nogaret.  Cf.  Liste  des  viguiers. 


456  SEPTEMBRE    1386 

al  cloquier  de  S.  Salvi,  disen  que  hotn  Ihi  avia  en  coviens  o  Ion 
avia  mes  en  esperanssa  de  donar  LX  francxs,  de  que  non  avia 
agut  mas  XX;  e  que  se  los  senhors  cossols,  e  nom  de  la  uni- 
voFàitat,  no  llii  pagava^  las  -  XL  que  restavo,  el  no  la  acabaria 
ni  la  faria  acabar;  e  dizia  raay  que  el  volia  que  los  senhors 
cossols,  e  nom  de  la  universitat,  Ihi  fezesso  carta  cossi  la  vila 
se  servizia  de  la  dicha  gacliola  de  sa  precaria,  e  que  se,  par 
temps  venen,  coras  que  fos,  el  o  los  canonges  del  dig  mones- 
tier  no  voliau  gitar  de  la  dicha  bada  que  ho  poguesso  far.  E 
los  senhors  cossols,  e  non  de  la  diclia  universitat,  Ihi  aguesso 
repost  que  eis  e  la  dicha  universitat  ero  en  pocessio  e  saysina, 
per  tant  de  temps  que  memoria  de  home  non  era  en  contra, 
que  en  la  gachola  del  dig  cloquier  esta  la  gâcha  e  la  bada  per 
cornar  e  gachar,  de  nueg  e  de  dias,  per  la  garda  del  loc^,  per 
que  no  Ihi  fariau  ni  Ihi  autriariau  carta  d'aquo  ;  e  sus  a([uo 
espères  a  movre  gran  litigi.  Et  era  estât  mogut  per  alscus 
amicxs  de  la  dicha  universitat  que,  en  cas  que  lo  dig  prebost 
volgues  far  complir  la  dicha  gachola  aissi  quant  avia  promes 
et  hom  demores  en  segur  que  per  temps  avenidor  no  pogues, 
el  ni  lo  dig  monestier,  vedar  que  la  gachola  non  hi  estes, 
coma  es  acostumat,  que  dels  XL  francxs  que  la  vila  Ihi  dévia 
donar,  per  ajutori  de  la  dicha  gachola,  Ihin  fezes  hom  LX 
francxs,  se  per  mens  no  se  podia  far.  E  sus  aisso,  los  senhors 
cossols  demandero  cossolh  als  cosselhiers  e  singulars.  Et  après 
motas  paraulas,  tengro  totz  los  cossols,  coselhiers  e  singu- 
lars que,  per  evitar  plag  e  despens,  en  cas  que  lo  dig  prebost 
vuelha(r)  far  acabar  la  dicha  gachola,  aissi  quant  ha  promes, 
et  hom  demore  en  segur  que  per  temps  no  poguesso  vedar  que 
la  gâcha  e  bada  non  hi  estes,  coma  es  acostumat,  que  la  vila 
Ihi  done  may,  otra  los  digs  XL  francxs,  X  o  XV  o  XX  francxs, 
als  miels  que  los  digs  senhors  cossols  poirau  acordar.  It.  fo 


*  Correc  :  pagavo. 

^  Correc  :  los. 

^  Dans  le  Bulletin  de  la  Société  archéologique  du  Midi  de  la  France 
de  1901,  N"  28,  pp.  37- 'i7,  nous  avons  consacré  une  étude  à  la  cons- 
truction de  cette  tour  de  guet.  11  y  est  constaté,  d'après  une  transaction 
du  14  aoiit  1387,  que  la  coutume  de  tenir  un  guetteur  communal  dans  la 
gachola  remontait  à  500  ans  environ. 


DÉLIBÉRATIONS    1372-1388  457 

majdig  en  lo  dig  cosselh  que  lo  senlior  de  Florenssac  '  avia 
escrig  a  raoss.  d'Albi  que  lo  rey  lo  avia  mandat  per  anar  al 
passatge  que  deu  far  otra  mar  en  Englaterra;  e  coma  el  agues 
presa  jornada  am  hiy,  al  jorn  de  Totz  Sangs  propda  venen, 
per  declarar  lo  débat  que  era  comensat  de  la  johanada  mesa 
novelamen  siis  lo  pueg  de  Gaslucet,  et  el  covengues  anar  al 
raandamen  del  rey,  que  Ihi  plagues  de  proloiigar  la  diclia  jor- 
nada al  jorn  que  Ihi  plazeria.  E  sus  ai]U0,  mos.*.  d'Albi  agues 
mandat  uls  senhors  cossols  que  anesso  parlar  am  lu_y  per  coii- 
sultar  essemps  quai  resposta  Ihi  faiia;  per  so  deiuandero  cos- 
selh los  senhors  cossols  als  cosselhiers  e  singulars  se  era 
expedien  de  prolongar  la  jornaila.  Sus  aisso,  tetigro  totz  que, 
puejss  que  lo  rey  lo  avia  mandat,  el  covenia  que  hi  ânes;  per 
que  dissero  que  la  dicha  jornada  se  pro'.ongue  aissi  quant  a 
moss.  d'Albi  plazeria. 

L'an  dessus,  a  III  d'octombre. . . 

Sobre  aisso  que  dissero  los  senhors  cossols  que  els  aviau 
cobradas  las  letras  del  rej  e  de  moss.  de  Barri  e  dels  senhors 
de  Cambra  de  comptes,  en  lasquals  mando  a'n  Johan  Ohau- 
chat,  thesaurier  gênerai  2,  que  pague  o  fassa  pagar  als  cos- 
sols et  habitans  d'Albi  tôt  so  que  appara  que  aura  paguat  per 
lo  prest  en  dig  per  la  bueja  de  Pena,  et  aquo  del  argen  que 
recebra  de  so  que  devo  las  universitatz  al  terme  de  Martero 
propda  venen,  per  las  condampnacios  ;  se  era  expedien  que 
los  senhors  cossols  ho  seguisco.  E  sus  aijuo,  aprop  raotas  pa- 
raulas,  totz  tengro  et  acosselhero  que  los  senhors  cossols  ho 
seguisco  e  qui  ^  hi  ano,  per  segre  la  dicha  causa,  m''  Dorde 
Gaudretru  e'n  P.  Clergue,  cossols,  e  que  los  senhors  cossols 
costituisso  scindicxs  e   procuraires   los   digs    m^  Dorde  e   P. 


'  Il  s'agit  certainement  de  Bertrand  II,  seigneur  de  Florensac,  tuteur 
de  Philippe  IV  de  Lévis,  seigneur  de  Graulhet,  qu'en  récompense  de  ses 
services  Charles  VI  fit  gouverneur  du  château  de  Montargis  et  son  con- 
seiller. Cf.  Biotjraphie  deu  seigneurs  de  Graulhet,  depuis  061  jusqu'à  1793, 
par  L.   M.  Toulouse,  A.  Chauvin  et  fils,  1880,  p.  41. 

-  Ce  trésorier  général  laissa,  à  son  décès,  les  comptes  de  sa  gestion 
assez  embrouillés,  et  ses  héritiers  furent,  en  1388,  poursuivis  comme  rede- 
vables de  fortes  sommes.  Cf.  Hist.  de  Larig.,  IX,  p.  935,  note  2, 

'  Correc  :  que. 


458  NOVEMBRE    1386,    MARS    1387 

Clergue,  e  lor  dono  plenier  poder  de  recebre  e  quitar  de  tota 
la  dicha  soma  que  apara  que  pet-  los  digs  cossols  e  singulars 
d'Albi  sera  estada  pagada  ;  et  acosselhero  maj  que  hom  ser- 
visca  lo  dig  Johan  Ghaucliat  de  C  o  de  II"^  fraiicxs,  o  de  may  o 
de  mens,  al  meus  que  poyrau,  los(]ua!s  se  desdugo  de  la  dicha 


L'an  dessus,  a  XX  de  novembre... 

Sobre  lo  débat  dels  raazeliers  que  demande  que  los  mazeliers 
que  talha  *  a  las  taulas  de  la  vila  que  so  a  la  pila  no  devo  aqui 
talharseiio  que  fasse  la  festa  acostumadade  far  per  los  autres 
mazeliers  novels  que  tallio  a  l'autre  grau  mazel  ;  que,  segon 
que  aii«si  fo  dig,  au  ufert  de  estar  a  dreg.  ïengro  los  senhors 
e  singulars  que  se  ho  vole  mètre  al  cosselh  del  rej  o  de  Car- 
cassona  que  se  fassa,  autramen  que  la  vila  ho  defïeuda. 

L'an  dessus,  a  XV  de  mars.  . 

Sobre  lo  subcidi  novelamen  endig  per  lo  rej  nostre  senhor 
6  per  sas  gens  sus  aque  deputatz,  de  que  es  venguda  manda 
aras  novelamen,  que  se  pague  dins  lo  presen  mes*. 

It.  sobre  aquo  que  moss.  Felip  Bona  escrig  que  la  univer- 
sitat  de  la  presen  ciutat  s'era  excequtada  de  paguar  lo  subciili 
saentias  endig  per  lo  passatge  d'otra  mar,  segon  lo  nombre 
dels  fuocxs  aiitic,  quar  las  letras  de  la  reparacio  darieiramen 
fâcha  no  son  excequtadas  ni  registradas  a  la  thesauraria. 

It.  sobre  aquo  que  demanda  moss.  B.  R.  Isalguier,  de  que  es 
venguda  excequcio  centra  los  senhors  cossols  et  es  jornada 
assignada  ad  allegar  a  la  fi  d'aquest  presen  mes. 

It.  sobre  las  letras  autriadas  per  lo  rey  que  lo  prest  fag  per 
la  bueja  de  Pena  sia  redut,  se  hom  ho  segra. 

It.  sobre  la  prevesio  de  que  se  segrau  las  causas  sobredichas. 

Tengro,  quant  al  subcidi  novelamen  endig,  que  hom  ane  a 
Cai'cassona  saber  am  los  cossols  de  Carcassona  cossi  s'en 
régisse  e  que  s'en  regisca  hom  cerna  els. 

It.  que  hem  fassa  excequtar  e  registrar  al  libre  dels  thesau- 
riers  las  letras  de  la  reparacio  darieira. 

'  Gorrec  :  talho. 

-  Nous  verrons  (délib.  du  27  mars  1387)  que  ce  subside,  dont  les 
auteurs  ne  fixent  pas  la  quotité,  fut  de  2  francs  par  feu. 


DÉLIBKUATIONS    1372-1388  459 

U.  que  hom  parle  am  moss.  B.  Ramon  Isalguier  e  que  lioiu 
seguisca  la  causa  be  a  pong. 

It.  que  hom  seguisca  las  diclias  letras  del  rej  qiio  houi  cohre 
lo  dig  prest  endig  e  fag  par  la  bueja  do  Pena,  se  far  se  poc. 

It.  que  per  segre  las  causas  dessus  dichas  que  se  endisco 
talhs  aquels  que  hi  serau  necessaris  ;  e  que  entretant,  quar  la 
endiccio  séria  trop  longa  de  levar,  (que)  les  senhors  cossols 
vejo  se  poirau  trobar,  am  las  gens  que  lor  sera  vist,  prest  am 
que  subdamen  hom  seguisca  las  causas  sobredichas  e  que  sa|)io 
que  deuran  paguar  de  las  causas  dessus  dichas,  e  quaut  ho 
aurau  saubut,  que  se  endisca  so  que  hi  fara  mestiers. 

L'an  MCCCLXXXVII,  a  XXVII  de  mars... 

Sobre  aisso  que  aissi  fo  dig  que  en  P.  Clergue,  cossol  d'Albi, 
era  vengut  de  Carcassona  ont  era  anat  per  saber  se  lo  subcidi 
dels  II  francxs  per  fuoc  novelamen  per  lo  rey  nostre  senhor 
endig  se  pagaria.  Et  avia  reportât  que  covenia  que  se  pagues 
e  subdamen,  autramen  hom  ne  sufertaria  gran  despens.  E  sus 
aquo,  auzida  la  relacio  sobredicha,  tengro  totz  los  cossols  e 
singulars  que,  per  paguar  lo  dig  subcidi,  hom  endisca  e  levé 
"V  cornus,  otra  lo  cornu  al  cosselh  preceden  contengut;  losquals 
V  cornus  se  vendu  e  se  meto  a  l'encan  e  se  liuro  al  maj  ufren. 
Et  aqui  meteiss,  atendut  lo  voler  dels  sobredigs,  los  senhots 
cossols  endissero  los  digs  "V  cornus.  E  fo  aissi  dig  que  se  vendo 
e  se  levo  am  la  protestacio  contenguda  a  la  venda  dels  X 
cornus  propdanamen  vendutz. 

L'an  dessus,  a  XXIX  de  mars... 

Sobre  aisso  que  aissi  fo  dig  que  los  V  cornus  propda  endigs 
so  estatz  meses  a  l'encan  public,  aissi  quant  es  acostumat,  et 
encaras  no  s'en  trobo  mas  CL  Ibr.  de  tor[nes].  Per  que  deman- 
dero  los  senhors  cossols  cosselh  als  singulars  se  voliau  que  se 
donesso  per  las  dichas  CL  Ibr.,  qui  may  non  trobava.  E  sus 
aquo,  totz  los  cossols  e  singulars  tengro  et  acosselhero  que 
hom  los  fassa  maj  tornar  a  l'encan  e  criJar  qui  los  voira  com- 
prar,  e  que  se  liuro  e  se  vendo  ad  aquel  qui  maj  ho  voira 
douar  al  ium  de  la  candela. 

L'an  MCCCLXXXVII,  a  XXVII  d'abril... 

Sobre  aisso  que  dissero   los  senhors   cossols   que  lo  fi'aire 


460  JUILLET  1387 

Menor  que  es  filh  de  R.  Roquas,  una  essemps  am  I  autre  fraire 
Menor,  ^on  oncle,  ero  veugutz  als  senhors  cossols  e  lor  aviau 
dig  que  ententa  era  al  dig  fiih  de  R.  Roquas  de  anar  a  Paris 
estudiar  e  far  el  maestre  en  taulagia  ;  e  quar  era  paubre,  ses 
socors  de  sos  senhors  e  de  sos  amicxs  non  lu  podia  anar,  lor 
avia  soplegat  be  et  huniilmen  que  los  senhors  cossols,  e  nom 
de  la  universitat  del  dig  loc,  Ihi  volguesso  ajudar.  It.  dissero 
raaj  que  Guiraut  del  Mur  avia  dichas  alscunas  enjurias  a'n 
Miquel  Hugat  coma  cossol(s)  capitani  et  issimen  als  raazeliers 
generalraen,  que  tocavo  a  dezonor  de  tota  la  vila.  Per  que 
demandero  cosselh  quen  fariaii.  E  sus  aquo,  totz  tengro,  quant 
ad  aco  del  dig  fraire  Menor,  filh  de  R.  Roquas,  que  la  vila  Ihi 
done,  per  socorre  a  las  causas  que  enten  far,  coma  dig  es, 
siejs  francxs  ;  e  que  d'aquo  de  Guiraut  del  Mur,  que  venga  a 
la  mayo  cominal  et,  en  presencia  de  ganre  de  bos  homes, 
humilmen  querisca  perdo  de  las  dichas  enjurias  al  dig  Miquel 
Hugat  et  als  senhors  cossols. 

L'an  MCCCLXXXVII,  a  VIII  de  julh... 

Que  estât  era  aponchat  et  en  cosselh  tengut  entre  los  senhors 
cossols  e  diversses  singulars  de  la  presen  ciutat,  que  hom 
seguis  en  Franssa  la  remessio  dels  11^X1111  francxs  que 
demanda  en  Johan  Chauchat,  thesaurier  gênerai,  de  resta  del 
subcidi  endig  per  lo  viatge  d'Espanha ',  e  que,  segon  lo  dig 
aponchamen,  els  aviau  demandât  prest  ad  alscus  singulars  del 
dig  loo,  dels  quais  non  podiau  encaras  aver  I  denier;  per  que 
protestavo  et  excusan  lor  dissero  als  singulars  que  se  els 
aguesso  de  que  ho  seguisco,  (que)  els  ho  seguero  voluntiers, 
e  que  se  negus  hi  vol  prestar  e  mètre  provesio  de  que  se 
seguisca,  els  se  prestz  de  segre. 

L'an  dessus,  a  XVII  de  julh... 

Tengro  cosselh  en  la  mayo  cominal  sobro  aisso  que  P. 
Clergue,  cossol,  e  m*  G™  Bestor,  singular,  dissero  que  els  ero 
anatz,  de  voluntat  dels  senhors  cossols  de  la  presen  ciutat  a 
Tholosa,  per  parlar  am  lo  sen  Johan  Chauchat,  thesaurier 
gênerai,  et    am  los    autres   senhors  gênerais   del  rey   nostre 

'  Sur  ce  viatge  d'Espanha,  cf.  Hist.  de  Lang.,  IX,  p.  933. 


DiS^LinÉRATioNS   137M388  /i61 

senhor,  que  ero  a  Tholosa,  per  avor  reraedi  e  remessio  dels 
11'=  XIIII  francxs  que  demanda  lo  sobredig  thesaurier  a  la 
universitat  de  la  presen  ciutat  per  lo  viatge  d'Lî'spaniia,  otra 
los  II  francxs  per  fuoc  darieiramen  endigs,  losquals  II  francxs 
per  fuoc  la  dicha  universitat  ha  paguatz.  K  dissero  que  els  non 
au  pogut  trobar  negun  remedi  am  lo  dig  thesaurier  ni  am  los 
autres  senhors  gênerais,  seno  que  hom  pague  los  digs  11*= 
XIIII  francxs.  E  tengro  totz  los  senhors  e  singulars  sus  aisso 
que,  atendut  que,  per  lo  dig  viatge  d'Espanha,  no  foro  endigs 
a  totz  los  cornus  mas  los  digs  II  francxs  per  fuoc,  e  los  autres 
cornus  non  au  plus  paguat,  e  sian  estatz  paguatz  ;  et  atendut 
que,  qui  pagava  los  II"  XIIII  francxs,  poyria  tornar  en  autras 
causas  en  gran  consequencia  e  dampnatge  a  la  dicha  univer- 
sitat, (que)  hora  se  apele  del  dig  thesaurier  e  de  sas  excequ- 
cios  que  fa  per  los  digs  IP  XIIII  francx,  e  quehomane  intimar 
la  dicha  appellacio  al  dig  thesaurier  que  deu  esser  a  Carcas- 
sona,  e  que  hora  seguisca  en  Franssa  la  diclia  appellacio  al 
plus  subde  que  hom  jioyra.  Et  aqui  meteiss  los  senhors  cos- 
sols  dissero  als  singulars  que  els  ero  prestz  de  segre  lo  presen 
aponcharaen,  mas  que  ajo  de  que,  totas  vetz  dissero  que  els 
non  aviau  denier  de  que  ho  seguisco  ;  mas  que  cascus  dones 
cosselh  de  que  se  faria  ;  sobre  laquai  causa  no  fo  re  aponchat, 
quar  cascus  s'en  anec  ses  donar  negun  cosselli  sus  aquo  '. 

L'an  MCCCLXXXVII,  a  XXV  de  setembre,  los  senhors 
cossols  m*^  G""  Bestor,  sen  Duran  Daunis,  n'Uc  Viguier,  R.  de 
Montalasac,  Azemar  de  Brinh,  m*  G"  Chatbert,  e'n  Bertho- 
mieu  Garigas,  meyro  en  sosta  a'n  Johan  Guilabert  lo  cornu 
de  sa  testa  per  lo  temps  de  lor  cossolat  e  de  l'an  LXXXIII 
enssa,  car  el  n'avia  aguda  letra  dels  senhors  d'aquel  an,  e 
d'aqui  enssa  e  de  tôt  lo  temps  de  lor  presen  cossolat,  e 
may  d'aitan  quant  [)lazera  als  autres  senhors  cossols  que  ven- 
ran  apreslor;  et  ajsso  feyroper  honor  de  Dieu,  car  es  persona 
mizerabla  e  enpoten  e  vielha.  Fah  fo  Tan  el  dia  dessus,  e  que 
pague  per  tôt  son  possessori  '. 

>  Dans  la  délihcr.  du  l'J  juillet,  lo  conseil  autorisa  rimioosilion  de 
2  communs  dont  la  perception  fut  confiée  à  Guiraut  Marti  (pii  dut  avan- 
cer 50  livres    Marti  reçut  2  sous  par  livre  perçue. 

"  Cet  article  est  d'une  autre  écriture. 


402  OCTOBRE  1387,  janvier  1388 

L'an  MoCCCLXXXVII,  a  VI  d'octembre  .. 

Sobre  aisso  que  fon  dig  per  los  senliors  cossols  que  lo 
senhor  avia  trameza  una  manda  que  hom  Ihi  pagues,  de  fag, 
las  II  paitz  de  ia  endicio  del  viatge  d'Espanlia;  laquai  endicio 
era  a  major  somaque  non  dévia,  segon  la  reparacio  ;  et  aysso 
demanda  per  tener  las  frontieyras  als  Engles  '.  Et  aqui  metejs 
dissero  e  teugro  totz  que  hom  fezes  cornus  de  que  se  pagues,  e 
que  se  devezis[co]  per  gâchas  <anses  de  cornus  que  sufisca  a 
pagar  la  pura  e  vera  sort  el  despens  que  d'aqui  se  ensegra. 
E  may  fon  dig  que  hom  tramezes  al  cosselh  del  sentior  per 
tornar  la  ssoma  demandada  per  lo  senhor  en  razo  ;  et  el  cas 
que  non  ho  volguesso  far,  d'apelar  e  segre  en  Fr^nsa;  e  may 
que  aqtiel  que  hi  anara  demande  e  fassa  son  poder,  am  lo  dig 
cosselh  del  senhor  et  am  lo  tezaurier  del  dig  senhor,  de  cobrar 
e  de  far  assincnar  lo  prest  que  an  fag  las  gens  d'esta  vila-. 

L'an  MOGGLXXXVII,  a  XII  de  jenier... 

Sobre  la  manda  que  ha  portada  aras  novelamen  moss  lo 
viguier  d'Âlbi  de  paguar  los  III  francxs  perfuoc  endigs  per  la 
bueja  gênerai  novelamen  fazedoira  ^,  que  ditz  que  se  pago 
d'aissi  al  premier  jorn  de  febrier  propda  venen.  Dissero  los 
senhors  cossols  e  singuiars  que  els  aviau  enlendut  que  los 
senhors  de  Carcassona  aviau  trames  al  rey  per  saber  se  el  vol 
que  losdigs  III  t'rancxs  per  fuoc  se  pago  o  no  ;  per  que  tengro 
que  hom  trameta  a  Carcassona  per  saber  se  los  cossols  de 
Carcassona  hi  an  trames,  e,  se  trames  hi  au,  que  hom  agarde 
qiijil  resposta  auriau  del  dig  nostre  senhor  lo  rey,  e  se  trames 
non  hi  aviau  que  hom  hi  tramezes  subdamen  en  Franssa  per 
saber  se  lo  dig  nostre  senhor  lo  rey  vol  que  se  pago  ;  et  entre- 

1  L'imposition  pour  la  garde  des  frori libres  fut  de  1  franc  1/4  par  feu. 
Les  habitants  d'Albi  ne  payèrent  ce  subside  qu'à  raison  de  140  feux.  Cf. 
Hist.  de  Lang.,  IX,  p.  933. 

^  Cette  délibér.  est  encore  d'une  autre  main. 

^  Voici  comment  s'exprime  Jacques  Mascaro  au  sujet  de  ce  subside 
que  ne  mentionne  pas  VHist.  de  Lang .  «  Pus  aquel  an  meteis  [1387], 
»  paguet  la  dicha  viela  e  tôt  lo  pais  très  franx  per  fuoc,  que  dizie  hom 
»  e  farie  entendre  que  lo  comte  d'Armanhac  dévia  far  hoiar  las  plassas 
»  e  los  lox  que  tenian  los  Engles  en  Roergue  e  en  autre  pais,  e  los  dévie 
»  gitar  foras  del  reaime  de  Franssa,  malalag  s'es  enseguit  »  P.  91.  Cf. 
aussi  délibér.  du  10  février  ci-après. 


DÉLIlîKHATIONS     1372-1388  -^163 

tan  que  hom  fassa  resposta  al  dig  moss.  lo  viguier  que  lo  loc 
d'esta  vila  fara  coma  los  autres  locxs  notables  de  la  son'-' 
farau. 

L'an  MCGGLXXXVII,  a  X  do  febrier.., 

Sobre  aisso  que  dissero  I0.9  senhoi'S  cossols  que  moss.  lo 
viguier  d'Albi  era  vengut  ain  iinas  letras  de  comissio  a  luy 
(loriada(s)  pei"  moss.  P.  Es[)i,  comissari  députât  per  lo  rey 
nostre  senhor  a  far  levar  los  III  francxs  per  fuoc  novelamen 
endigs  per  paguar  a  las  buejas  dels  loc[xs]  tractada  per  raoss. 
lo  comte  d'Armanhac;  en  las  quais  letras  so  contengudas  las 
letras  reals  en  las  quais  lo  dig  nostre  senhor  lo  vey  manda  que 
los  digs  III  franaxs  {)er  fuoc  se  pago  e  se  levo,  per  vigor  de 
lasquals  lo  dig  moss.  lo  viguier  volia  compellir  la  universitat 
de  la  présent  ciutat  a  pagar  lo  dig  subcidi.Tengro  totz  que  hom 
fassa  tant,  se  [lOC,  am  lo  dig  moss.  lo  viguier,  que  el  doue  sosta 
deVIIIoXjorns,  et  entretant  que  hom  aura  bist  e  saubut 
cossi  s'en  regisso  a  Garcassona  et  als  autres  locxs  :  et  aladonc 
se  los  autres  locxs  pago,  que  aquest  fassa  coma  los  autres. 

L'an  dessus,  a  XXVIl  de  febrier... 

Que  moss.  d'Albi  lor  avia  dig  que  el  volia  que  quitesso  tôt 
lo  deute  que  dévia  lo  senher  de  Lescura  per  très  cens  francxs 
pagadors  so  es  asaber,  en  contenen  Vil l'"' francxs,  e  lo  pre- 
mier dia  del  mes  d'aost  propda  venen  la  resta  dels  digs  III^ 
francxs,  am  aitals  covienhs  que,  en  cas  que  lo  dig  senher  de 
Lescura  no  pagues  la  dicha  resta  dels  digs  très  cens  francxs, 
(que)  la  gracia  e  remessio  que  hom  Ihi  faria  per  raso  de  so 
que  dévia  a  la  vila  fos  nulla;  que  lo  dig  senher  de  Lescura 
deu  piometre  de  far  la  devesio  de  las  terras  et  juridiccio  de 
Lescura  e  d'Albi,  totas  vetz  que  per  lo  dig  moss.  d'Albi  ne 
sera  requeregut;  et  en  cas  que  non  ho  fezes,  que  la  gracia  e 
remessio  del  dig  deute  fos  nulla„  E  sus  aisso  los  senhors  cos- 
sols demandero  cosselh  als  singulars  se  voliau  que  la  vila  fezes 
aquel  acordi  am  lo  dig  senher  de  Lescura  ;  los  quais  senhors  e 
singulars,  o  la  major  partida,  tengro  que,  am  las  condicios 
sobredichas,  lo  dig  acordi  se  fassa,  atendut  que  la  moneda 
que  vol  paguar  encontenen  es  ben  necessaria  per  paguar 
als  deutes  que  la  vila  deu  e  tropas  de  autras  rasos  aissi  dichas 
e  recitadas. 


464  MARS-AVRIL-MAI  1388 

L'an  dessus,  lo  premier  dia  de  mars... 

Tengro  cossc-lh  sus  las  caus?!S  que  era  expedien(s)  de  donar 
als  serihors  que  veriiau  de  presen  per  tener  cosselh  en  esta 
vila.  E  dissero  que  fos  donat  : 

Prenaieiramen  a  moss.  d'Arraanhac  II  pipas  de  vi,  VI  ses- 
tiei's  de  sivada,  IIII  entorcas  de  terna  Ibr.  am  los  II  doblos 
que  s'i  aperteno  ; 

It.  a  moss.  de  MaUiares  '  I  pipa  de  vi,  II  entorcas,  III  ses- 
tiers  de  sivada  ; 

It.  a  moss.  de  Cosserans,  I  vaissel  de  vi,  III  sestiers  de 
sivada; 

It.  al  governador  de  Montpellier  ^  IIII  sestiers  de  vi,  Il  ses- 
tiers de  sivada; 

It.  a  moss,  Johan  Aujart^  coma  al  governador  sobredig; 

It.  a  moss.  Felip  Bona  II  Ibr.  de  cofimens,  II  entorcas  am 
los  doblos. 

L'an  MCCCLXXXIII,  a  V  d'abril. . . 

Sobre  la  ordenanssa  fâcha  novelamen  per  moss.  d'Albi, 
laquai  fo  aissi  legida.  E  tengro  totz  que  en  la  dicha  orde- 
nanssa avia  ganre  de  greus;  per  que  acosselbero  e  tengro  que 
hora  se  tire  a  moss  d'Albi  e  Ihi  diga  que,  per  la  dicha  orde- 
danssa,  no  vuelha  re  ennovaren  prejudici  del  cossolat  ni  dels 
habitans  de  la  dicha  ciutat  tro  que  hom  aja  vist  et  agut  cos- 
selh sus  la  dichas  ordenanssas,  e  que  entretant  hv)m  aja  son 
cosselh  sobre  aquo  cossi  s'en  régira  hom. 

L'an  dessus,  a  V  de  maj... 

Sobre  so  que  era  degut  al  senhor(s)  II  francxs   e  quart  per 

1  Quelques  mois  après,  le  dimanche  5  juillet,  l'évèque  de  Maillezais, 
ainsi  que  l'écrit  M.  Aug.  Molinier,  assistait,  avec  l'évèque  de  Conserans, 
à  la  consécration  de  la  chapelle  de  la  Mai/re  de  Dieu  de  la  Pieta,  au  cou- 
vent des  Carmes  de  Béziers .  Cf.  Mémor.  de  Jac.  Mascara,  p.  92. 

'  Guiraud  Malepue. 

3  Le  nom  de  ce  conseiller  du  roi  est  bien  tel  que  nous  l'écrivons.  La 
confusion  est  d'autant  plus  difficile  que,  contrairement  à  l'habitude  du 
scribe,  Aujart  s'écrit  ici,  non  avec  un  i,  mais  avec  un  j.  Il  faut  donc 
lire  Aujart  ou  Oujart,  comme  écrivent  dom  Vaissete  et  Ménard,  et  non 
Omart,  comme  le  veut  M.  Aug.  Molinier.  Cf.  Hist.  de  Laïuj.,  IX,  p.  928, 
note  1. 


DÉLIBÉRATIONS     1372-13(88  'jGS 

fuoc  novelamen  e  darieiramen  endig,  que  monta  IIP  XV 
francxs',  e  so  que  es  degut  a'u  Felip  Vaissieira,  que  monta 
CL  francxs.  Tengro  totz  que  se  negun  home  se  vol  encargar 
de  paguar  les  sobredigs  deutes,  que  monta  entre  tôt  Illl" 
LXV  francxs  e  may  tôt  despens  que  la  universitat  de  la  pre- 
sen  ciutat  ne  suffertes,  de  dimergue  proda  venen  enla,  que 
hom  Ihin  done  ho  Ihin  fassa  venda  de  VIII  comus,  losquals 
sian  vendutz  e  se  deio  levar  en  la  manieira  contenguda  en  la 
carta  de  la  venda  fâcha  saentras  deU  detz  e  dels  V  cornus 
darieiramen  vendutz.  Et  atendut  lo  dig  cosselh,  aqui  meteiss 
les  sobrenompnafz  senhors  cossols,  de  cosselh  e  de  voler  dels 
sobrenompnatz  singulafs,  eiidissero,  per  paguar  los  sobredigs 
deutes,  VIIT  comus. 

L'an  MCCCLXXXVIir,  a  XIII  de  jun . . . 

Dissero  que  tôt  jorn  ara  granda  dissensio  sus  lo  aliurameu 
dels  mobles,  que  alscus  teniau  que  hom  los  allures,  agut  sagra- 
men  e  revelan  los  mobles;  autres  teniau  que  fosso  aliurat[z] 
adalbiri  dels  senhors  cossolf^,  aguda  enformacio  am  sabedors. 
Tengro  sus  aquo  que,  fâcha  enformacio  per  los  senhors  cossols 
am  sabedors,  que   fasso  lo  aliuramen  dels  mobles  a  lor  albiri. 

L'an  dessus,  a  XX  de  julh. . . 

Les  senhors  m^  G"  Bestor,  en  Duran  Daunis,  B.  Col,  R.  de 
Montalazac,  Azemar  de  Brinh,  Dorde  Romanhac,  cossols,  orde- 
nero  e  donero  mandamen  a'n  Frances  Donat,  lor  recebedor, 
de  paguar  e  comptar  a'n  Felip  Vaissieira,  per  lo  viatge  que  fe 
a  Rodes,  quant  moss.  Felip  Bona  hi  fe  anar  luy  e  m*^  Dorde 
Gaudetru  e  d'autres  d'esta  vila  per  tener  arest  de  part  de  la 
tro  que  moss.  d'Armanhac  fos  paguat  de  so  que  la  vila  Ihi 
dévia  per  la  bueja,  so  es  asaber,  per  cascun  jorn  que  vaquée 
en  lo  dig  viatge,  aitant  que  ne  es  estât  comptât  e  paguat,  per 
cascun  jorn,  al  dig  m"  Dorde  Gaudetru. 

L'an  dessus,  a  XXV  de  julh. . . 

Sobre  aisso  que  aissi  fo  dig  que  los  cossols  de  Pueg  Gozo* 


'  Le  nombre  de  feux  est  de  315/'2  l/4--=140.  C'est,  ainsi  que  nous  l'avons 
vu,  le  nombre  fixé  par  VHist.  de  Long.,  IX,  p.  933. 
*  Puygouzon,  cant.  d'Albi. 

30 


466  AOUT  1388 

aviau  fags  bandir  e  mètre  en  las  mas  de  la  cort  de  Pueg  Gozo 
aiscus  blatz  et  outres  t'rugs  d'alscus  habitans  d'esta  vila  per 
los  talhs  e  cornus  que  dise  que  so  empausatz  de  en  lo  dig  loc 
{sic)  de  Pueg  Gozo,  dizens  que,  sego[n]  que  aissi  fo  dig,  (que) 
los  senliors  cossols  d'Albi  aviau  fag  bandir  aiscus  blatz  e  frugs 
de  gens  de  Pueg  Goso  que  ero  en  la  senhoria  d'AIbi  e  que  els 
non  lio  debandirau  seno  que  hom  lor  reraoga  los  bans  que 
hom  ha  fags  mètre  a  las  gens  de  Pueg  Gozo.  Per  que  deman- 
dero  cosselh  cossi  s'en  regiiau.  E  dissero  que,  atendut  que  am 
la  lor  senhoria  an  bandit  e  mes  bans  en  los  frugs  que  so  en  la 
senhoria  d'Albi,  (que)  hom  se  tire  a  las  gens  de  moss.  d'AIbi 
et  a  las  gens  del  rej,  e  que  lor  ho  diga  [que]  en  fasso  enfor- 
macio  et  en  nutra  raanieira  seguisca  hom  son  dreg  aitant 
qunnt  poira. 

L\an  MCCCLXXXVIII,  a  XVIII  de  aost. . . 

Sobre  ais^o  que  aissi  fo  dig  que  moss,  l'avesque  d'AIbi  ha 
traraezes  querre  los  senhors  cossols  d'esta  vila  e  lor  a  dig  e 
comandat,  en  pena  de  L  marcxs  d'argen,  que  hom  repare  la 
clausura  de  la  vila.  It.  que  lo  coven  dels  Carmes  avia  preguat 
los  senhors  cossols  que  lor  ajudesso  a  far  lo  cor,  de  so  que  lor 
plazeria.  P.  que  lo  viguier  d'Albi  avia  dig  e  fag  dire  als  senhors 
cossols  que  el,  segon  que  dizia,  [avia  fags]  aiscus  trebaUi[s] 
per  la  vila,  e  que  hom  Ihi  volgues  donar  e  remunerar  de  qual- 
que  causa.  It.  que,  coma  hom  voIgu^s  far  mètre  a  la  torrela 
del  cloquier  de  S.  Salvi  que  fa  bastir  la  vila  lo  senhal  de 
S.  Salvi  e  de  moss.  d'Autpol,  e  la  emagena  de  S.  Salvi,  que  lo 
prebost  de  S.  Salvi  hi  metia  débat  que  los  digs  senhals  de  la 
vila  ni  de  moss.  d'Autpol  no  s'i  meto.  E  sus  tôt  aisso  ten;.'ro 
totz.  quant  als  comandamens  que  ha  fag[s]  moss.  d'Albi  am 
pena,  atendut  que  non  ho  ha  fag  en  la  forma  que  deu,  segon  lo 
acordi  fag  saentras  entre  moss.  Hue  A'bert,  avesque  d'Albi  e 
los  senhors  cossols,  que  hom  s'en  apele  en  cas  que  revocar 
non  ho  vuelha,  e  que  hom  ho  seguisca,  e  que  per  so  non  estia 
que  la  dicha  reparacio  se  fassa.  E  sus  aco  dels  Carmes,  tengro, 
la  major  partida,  que  non  ajo  re.  It.  sus  aquo  del  viguier, 
tengro  que  se  hom  Ihi  deu  re  quel  pague,  autraraen  que  no 
Ihi  sia  re  donat.  It.  quant  a'n  aco  de  S.  Salvi,  tengro  que  los 
digs  serhnls  s'i  meto,  vuelha  lo  senhor  o  no. 


DÉLIBÉRATIONS    1372-1388  467 

L'an  dessus,  a  XXIII  d'aost... 

Sobre  aisso  que  aissi  fo  dig  que  moss.  d'Albi,  o  alscus  de 
SOS  officiers,  avia  dig  als  seiiliors  coï-sols  que  los  seus  molis 
de  la  pre?en  ciutat  e  la  pai«sieira  hau  mestiers  de  reparacio  ; 
et  avia  los  adempratz  que  li  volguesso  ajudar  e  donar  ara  que 
los  pogues  far  reparar.  Par  que  demaiidero  cosselh  los  senhors 
cossols  als  sirigulars  cossi  s'en  regiriau,  ni  se  voliau  ni  acos- 
selhavo  que  bon  Ihi  done  ho  no.  Et  auzidas  per  los  singulars 
las  causas  sobredichas,  totz  tengro  et,  acosselhero  que,  aten- 
dut  que  la  vila  ha  pro  a  far  en  reparar  la  clausurH,  (que)  hom 
no  Ihi  done  re.  It.  sobre  los  comandaraens  que  moss.  d'Albi,  o 
SOS  officiers,  avia  fags  als  senliors  cossols  am  grans  penas, 
que  reparesso  la  clausura  de  la  viln,  dissero  et  acosselbero 
que  hom  veja  se  moss.  d'Albi  els  digs  sos  officiers  volrau 
revocar  los  digs  comandamens,  et  se  non  ho  volo  far,  que  hom 
s'en  apele  e  que  [liom]  seguisca  la  appellacio.  It.  sobre  lo 
nombre  dels  senhors  cossols  fazedors  novelamen,  tengro,  la 
major  partida  fiue  torno  al  nombre  de  VI,  e  que  prengo,  cascu, 
detz  Ibr.  de  gatges,  losquals  meto  en  far  rauba  del  cossolat. 

Ici  se  clôt  le  registre  des  délibérations  proprement  dit.  Les 
quatre  derniers  folios  sont  occupés  par  des  actes  d'accord,  des 
procès-verbaux  de  dégâts,  etc. ,  etc.  iXoas  en  reproduirons  quel- 
ques-uns. 

L'an  MCCOLXXXin,  a  XXIX  dias  del  mes  d'aost,  costi- 
tuitz  personalmen,  ad  Albi,  en  la  majo  comina',  B.  Serras, 
fustier,  G™  Engilbert  e  Ramon  Engilbert,  massoniers.  Repor- 
tero  e  feiro  relacio  que  els  ei-o  analz  vezer,  de  mandamen 
dels  senhors  cossols  del  dig  loc,  una  essemps  am  los  senhors 
en  Durau  Daunis,  m°  Dorde  Gaudetru,  m^  Azemar  Grasset  e'n 
G™  Colobres,  cossols  del  dig  loc,  I  i.'ebat  que  era  entre  na 
Peirona  Engilberta  d'Albi,  de  una  part,  e  m*^  R.  Prevenquier, 
notari  del  dig  loc,  d'autra  part,  sus  una  paret  que  es  entre  los 
hostals  de  las  dichas  partidas,  assetiatz  dins  la  ciutat  d'Albi,  en 
lacarieira  de  Rocalaura,  que  se  cofronto,  so  es  asaber  l'ostal  de 
la  dicha  Peirona  am  l'ostal  del  dig  m*^  R.,  de  una  i)art,  e  d'autra 
part,  am  l'ostal  d'en  Guiraut  de  Not  e  de  sa  molher,  et  am  la 
carieira  cominal  et  am  sas  autras  cofrontacios  ;   et  l'ostal  del 


468  PIÈGES    DIVERSES 

dig  m*  R.  cofronta  se  am  Tostal  de  la  dicha  Peirona,  d'una 
part,  e  d'autra  part,  am  l'ostal  de  moss.  Johan  Lamesoa, 
capela,  et  am  la  dicha  carieira  cominal  et  am  sas  autras 
cofrontacios  ;  sobre  aisso  que  la  dicha  Peirona  dizia,  segon 
[que]  aissi  fon  dig,  que  le  dig  m^  R.  Prevenquier  cavava  o 
fazia  cavar  dins  lo  dig  seu  hostal,  razen  lo  pe  de  la  dicha 
paret,  en  gran  prejudici  e  dampnatge  de  la  dicha  Peirona  e 
del  dig  seu  hostal,  e  que  par  causa  del  dig  cavamen,  la  dicha 
paret  se  poira  perdre  e  cazer,  e  per  consequen  tôt  lo  dig  son 
hostal  darapnegar  e  desruir  ;  lo  dig  m*  R.  dizen  lo  contrari, 
motas  causas  encontra  prepausan.  E  sus  aquo,  los  juratz  *  sian 
estat[zj,  coma  sobredig  es,  sus  lo  débat,  et  au  reportât  e  dig  e 
fâcha  relacio  que  lo  dig  m®  R.  poc  cavar  dins  lo  dig  seu  hostal, 
razen  lo  pe  de  la  dicha  paret,  aissi  quant  ha  comensat,  ses 
far  negun  prejudici  a  la  dicha  Peyrona  ni  al  dig  seu  hostal  ; 
mas  afi  que  la  dicha  paret  demore  uiaj  en  segur  e  sia  may 
forta,  dissero  los  digsjuralz  que  lo  pe  de  la  dicha  paret,  davas 
casouna  de  las  dichas  partida>!,  per  tôt  l'ample  de  la  dicha 
paret,  sia  entrepeirada,  al  despens  cornu  de  las  dichas  partidas; 
loqual  entrepeiraraen  monte  en  aut  entro  que  la  dicha  paret 
demore  e  puesca  demorar  en  segur,  am  aital  condicio  que,  fag 
que  sia  lo  dig  enlre[)eiramen  o  davant,  encontenen  que  la 
dicha  [)aret  sera  uberta  per  far  lo  dig  entrepeiramen,  se  maes- 
tres  experts  ad  aquo  conoissiau  o  podiau  conoisser  que  la  una 
de  las  dichas  partidas  degues  may  j'agar  que  l'autra  per  causa 
del  dig  entrepeiramen,  que  aquela  partida  que  séria  coiiogut 
que  deuria  raaj  paguar  pague  e  sia  tenguda  de  pagar  lo  dig 
sobreplus  que  per  los  digs  maestres  séria  conogut.  De  quibus 
omnibus  di'ctl  jurati,  etc.,  etc. 

i;an  MCCCLXXXIIII,  a  XXIII  de  julh,  G-"  Blanc  e  Peire 
Albert,  juratz  de  la  ciutat  dWlbi,  feii'o  relacio  en  la  mayo 
comitial  del  cossolat  del  dig  loc,  que  els  ero  anatz,  de  manda- 
men  dels  senhors  cossols,  vfzer  un  débat  que  era  entre  Azemar 
Blanquier,  d'una  part,  e'n  Bernât  Gavauda,  d'autra  ;  que  dis- 
sero, los  dig[s]  juratz  que  lo  dig  Bernât  Gavauda  ténia  a  parso. 


'  Au  manusc.  :  jurarat. 


DÉLIBÉRATIONS    1372-1388  469 

so  es  asaber  a  miejas,  del  dig  Azemar  doas  pessas  de  prat 
assetiadas  el  Ga  de  Lescura,  que  sténo,  so  es  asaber  la  una 
am  lo  prat  de  R.  Sarr^izi  et  ara  l'autre  prat  del  dig  Azemar  et 
am  lo  fluvi  de  Tarn  ;  e  l'autra  pessa  te  se  e  se  cofronta  am  la 
terra  del  dig  Bernât  Gavauda  et  am  lo  dig  prat  de  R.  Sarrazi 
et  am  lo  fluvi  de  Tarn.  K  lo  dig  Azemar  ditz,  segon  que  los 
digs  juralz  reportero,  que  lo  dig  Bernât  Gavauda  ilii  fa,  cascun 
an,  paisser  los  digs  pratz  c  que  no  los  governo  ai.-si  quant 
deuria,  en  tal  manieira  que  el  non  poc  aver  la  part,  ni  lo  pro- 
fieg  que  deuria  ni  ad  el  se  aperte.  K  sus  aquo,  los  di;.'[s]  jurat[z] 
reportero  que  els  ero  anatz  vezer  los  pratz  e  los  aviau  be  e 
diligenmen  regardalz,  et  aviau  irobat  rjue  los  digs  pratz  non 
ero  govetnatz  aissi  (juant  deuria,  ])er  so  quar  son  estatz  pas- 
cutz  per  bestials  e  no  se  sego  en  temps  degut,  ni,  l'erba 
segada,  lo  dig  Bernât  non  aresa  ni  fag  aresar  en  la  forma  que 
deuria  ;  e  que  en  lo  dig  [irat  ba  traucxs  et  autras  causas  per 
fauta  d'aquel  que  lo  te,  quar  no  los  governa  be,  aissi  quant 
deu  ;  e  que  lo  dig  Azemar  es  damnejat  de  la  sua  part  de  Terba 
dels  digs  pratz  de  l'an  presen  tant  solamen  que  ba  mav  agut 
que  non  ba  ni  aura,  so  es  asaber  XII  quintals  de  fe,  so  es 
asaber,  en  la  pessa  del  prat(z)  que  ste  am  lo  dig  Azemar  et  am 
lo  dig  R.  Sr^rrazi,  VII  quintals,  et  en  l'autra  pessa,  V  quintals. 
Et  a' Il  aco  los  digs  juratz  ho  estimoro  e  de  presen  bo  estimo, 
e  per  lor  salriri  II  s. 

It.  reportero  may  los  sobredigs  juratz  que  els  ero  anatz 
vezer...  una  tala  Cacha  per  bestial  en  una  quantiiat  de  milh 
que  es  en  las  terras  del  dig  Azemar  Blaiiquier,  assetiadas  al 
Ga  de  Lescura,  que  sieno  am  las  terras  de  B.  Gavauda  et  am 
la  barta  del  dig  Azemar  e  lo  pi  at  cominal  ;  laquai  tala  estimero 
a  una  cartieira  de  milb,  e  per  lor  salari  II  s. 

L'an  MCCCLXXXlIll,  a  III  de  may,  Frances  Be  o  Guilhem 
Blanc,  jurats...  feiro  relacio  que  els  ero  anatz  vezer...  una 
tala  fâcha  e  dampnatge  fag  per  bestial  en  una  quantitat  de 
pajlieira  en  grana,  (jue  es  en  una  teira  de  Peyrona,  molher 
que  fo  de  P.  Duro,  sirven  saentras  habitan  d'Albi,  assetiada 
otral  pon  de  Tarn,  el  loc  apelat  al  Toron  vielh,  que  ste  am 
los  ortz  de  Vidal  Calmet  et  ara  lo  fluvi  de  Tarn  ;  laquai  tala  e 
dampnatge  estimero  a  una  emiiia  de  grana,  e  per  lor  salari  II  s. 


470  PIÈGES  DIVERSES 

L'an  dessus,  aXXIIII  d'aost,  G™  Blanc  e  G"  Guitart  juratz... 
feiro  relacio...  que  els  ero  anatz  vezer...  una  tala  fâcha  per 
bestial  en  una  milhieira  que  es  de  P.  Viguier,  que  es  aFalgai- 
rac,  que  ste(no)  ara  las  terras  de  Azemar  Calvet  et  ara  las 
terras  que  foro  de  G"  Miquel  et  am  lo  cami  cominal  ;  laquai 
tala  estimero  a  très  e[iïi]j[n]as  de  milh,  e  per  lor  salari  II  s. 

Aus".  Vidal. 


BIBLIOGRAPHIE 


REVUE  DES  REVUES 

Revue  hispanique,  année  1904.  —  Floresta  de  philosophes, 
p,  5  ;  —  G,  Baisl:  <<  Hispanioliis?  »,  \\.  155;  —  A.-R.  Gonçalves 
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mentateur du  «  Laberiuto  »,  \).  lOl;  —  R.  Foulchè-Delbosc  :  Note 
sur  le  sonnet  «  Superbicolli  »,  p.  225;  —  J.  Puyol  y  Alonso  :  Una 
puebla  en  el  siglo  XllI,  p.  243, 

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di  Guiraut  d'Espauha,  p.  394  ;  —  (-'.  Sa/viotii  :  Appunti  di  latino 
médiévale,  p.  410. 

Giornale  storico  délia  letteratura  italiana,  XLVI,  1-2.  — 
G.  Lega  :  Una  ballata  politica  del  sec.  XllI, p.  82;  —  G.  Malagoli: 
Per  un  verso  dell'  Ariosto  e  par  una  particolare  forma  sintattica 
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la 3^  personne, le  régime  directneutre,p.  89; —  P. i/e^er: La simplifîca- 


472  BIBLIOGRAPHIE. 

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ques remarques  sur  les  sources  de  «  Floire  et  Blanceflor  »,  p.  153.  — 
E.  Casse  et  E.  Cliaminade  :  Vieilles  chansons  patoises  du  Périgord 
(suite),  p.  176  ;  —  L.  Cléclat  :  L'usage  orthographique  du  XYllI"  siè- 
cle, p.  191;  —  Ph .  Fab'ia  :  Malgoirès,  une  étymologie  toponymique, 
p.  194;  —  L.  Clédat  :  Le  verlje  «  falloir-faillir  »,  p.  199;  —  J.  Bas- 
tin  :  Faillirai  et  défaille,  p.  20.3  ;  —  L.  Clédat  :  Le  rapport  de  l'Aca- 
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Lemouzi,  août  1905.  —  M.  Gencs  :  Propos    linguistiques,  p.  232; 
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Journal  des  Savants,  aoiit  1905.  —  M.  Roques  :  Méthodes  éty- 
mologiques, p.  419. 


COxMPTES  RENDUS 

Henri  Chardon.  —  Nouveaux  documents  sur  les  comédiens  de 
campagne,  la  vie  de  Molière  et  le  théâtre  de  collège  dans  le  Maine. 
Tome  second.  —  Robert  Garnier,  sa  vie,  ses  poésies  inédites,  avec 
son  véritable  portrait  et  un  fac-similé  de  sa  signature.  —  Paris, 
Champion,  1905,  2  vol.  in-S". 

Longtemps  interrompu  dans  ses  travaux  par  la  maladie,  M.  Chardon 
a  repris,  avec  une  étonnante  activité,  la  série  de  ses  recherches  fécon- 
des ;  et,  comme  il  avait  déjà  fort  avancé  la  préparation  d'un  cei't.nin 
nombre  d'ouvrages,  il  peut  maintenant  les  publier  coup  sur  coup,  sans 
qu'on  ait  le  droit  de  l'accuser  de  publications  hâtives.  Nos  lecteurs  se 
souviennent  peut-être  qu'il  y  a  quelques  mois,  nous  leur  avons  signalé 
deux  importants  volumes  sur  Scarron  inconnu.  Voici  deux  volumes 
encore,  tous  deux  inspirés  par  le  même  souci  du  Maine  et  de  son  his- 
toire, mais  dont  les  sujets,  cette  fois,  sont  foncièrement  différents. 

A  vrai  dire,  le  sujet  du  premier  de  ces  volumes  manque  singulière- 
ment d'unité,  et  le  titre  même  adopté  par  l'auteur  le  fait  entendre.  Dans 
sa  chasse  ardente  aux  documents,  M.  Chardon  s'était  successivement 
lancé  sur  les  différentes  pistes  qui  s'offraient  à  lui,  et  de  ces  pistes 
successives  il  nous  avait  vite  entretenus.  Restait  à  nous  dire  jusqu'où 
chacune  des  pistes  pouvait  le  conduire  ;  restait  à  nous  donner  une 
sorte  d'appendice  général  ou  de  conclusion  générale,  et  c'est  l'affaire 
de  ce  volume. 

M.  Chardon,  en  1876,  nous  avait  appris  quelle  était  la  troupe 
d'acteurs  nomades  dont  Scarron  s'était  fait   l'historiographe   plus  ou 


BIRLIOGRAPIIIE.  473 

moins  fidèle  dans  le  Roman  Comique  :  en  1905,  il  nous  donne  quelques 
renseignements  encore  sur  Filandre,  sur  les  Longchamp,  etc. 

En  1876  et  en  1S8R,  il  avait  suivi  foi'ce  ti-oupes  de  campagne  dans 
leurs  pérégrinations,  même  liors  de  France:  en  1905,  il  complète  ses 
informations  et  nous  donne  des  indications  nouvelles  sur  les  Raisin, 
les  Villiors  et  d'autres,  qui  ne  sont  pas  [)armi  les  membres  les  moins 
notables  de  «  l'ordre  vagabond  des  comédiens  de  campagne  »  ;  il 
groupe  les  divers  détails  (pii  uiit  fin  être  recueillis  sur  les  voyages  des 
comédiens  français  hors  do  France. 

Comment  s'enquérir  des  comédiens  nomades  s;ins  s'informer  du  plus 
grand  d'entre  eux,  de  Molière?  11  avait  été  fort  question  des  pérégrina- 
tions de  ]\Iolière  dans  le  volume  de  188G  :  dans  celui  de  1905,  les 
découvertes  des  vingt  dernières  années  sont  résumées  et  classées  avec 
clarté. 

Mais  comment  se  résoudre  à  parler  de  Molière  sans  s'arrêter  à 
examiner,  à  résoudre  quelques-uns  des  problèmes  que  sa  vie  offre  à 
notre  curiosité?  De  là,  les  l'évélations  sur  Tristan  de  Vauselles  et 
Marie  Courtin,  sur  Madeleine  de  l'Hermite  et  ses  deux  mariages,  sur 
M.  de  Modène,  sur  Madeleine  Béjart  :  les  études  de  M.  Bernardin 
sur  ces  pei'sonnages  amènent  M.  Chardon  à  nous  les  présenter  de  nou- 
veau une  dernière  fois. 

Enfin,  l'historien  du  théâtre  au  XYI*",  au  XVI I*',  voire  au 
XVIII*  siècle  ne  peut  complètement  négliger  les  représentations  des 
collèges.  N'est-ce  pas  dans  les  collèges  que  Jodelle  et  ses  successeurs 
ont  cherché  et  parfois  trouvé  des  interprètes?  Les  pièces  religieuses 
des  collèges  n'ont-elles  [)as  eu  leur  influence  sur  l'éclosion  de 
Pohjeucte,  de  Samt-Genest,  à'Esfher  et  à' A  thalie  ?  Et  n'est-ce  pas  dans 
un  collège  que  La  Mort  de  César,  de  Voltaire,  a  été  jouée  en  1735? 
De  tous  côtés,  dans  ces  dernières  années,  des  historiens  se  sont 
trouvés  pour  le  théâtre  scolaire.  M.  Chardon  a  joint  ses  efforts  aux 
leurs.  Il  a  étudié  les  fêtes  et  les  représentations  des  collèges  du 
Mans,  il  a  reproduit  des  affiches  et  des  programmes  curieux  ;  il  a 
monti'é  même  l'influence  des  événements  politiques  sur  le  théâtre  des 
collèges.  Que  dites-vous,  par  exemple,  de  ce  titre  savoureux  :  Pasto- 
rale en  deux  actes  et  en  vers  sur  la  victoire  remportée  auprès  de 
Nantes  par  les  armées  de  la  République,  par  Michel  Boyer,  profes- 
seur au  collège  national  du  Maim,  représentée  dans  Vacle  de  la  distri- 
bution des  prix  du  collège,  en  présence  des  autorités  constituées  le 
6  août  1793  et  iinpriiuée  par  ordre  de  l'administration  du  département 
de  la  Sarthe. 

A  moins  d'entrer  dans  des  détails  minutieux,  pour  lesquels  la  place 
me  manquerait,  je  ne  puis  analyser  plus  complètement  un  volume 
comme    celui    de   M.  Chardon.  J'aurais    seulement    bonne    envie   de 


474  BIBLIOGRAPHIE. 

répondre  à  une  question  posée  p.  189  sur  l'influence  des  tragédies  de 
Jacques  de  la  Taille  et  du  Père  Musson,  dont  Darius  est  le  héros,  et 
sur  les  traditions  de  la  tragédie  classique  au  XVI»  et  au  XYll»  siècle  ; 
mais,  outre  que  le  passage  de  M.  Chardon  est  un  peu  obscur,  ceci 
encore  m'entraînerait  bien  loin. 

Je  regrette  qu'une  œuvre  aussi  touffue,  où  tant  de  noms  sont  pro- 
noncés, ne  soit  pas  terminée  par  un  index.  M.  Chardon  ne  croit-il  pas 
qu'un  index  général  de  ses  principaux  ouvrages  serait  fort  utile  aux 
chercheurs  et  empêcherait  ces  erreurs  de  faits  et  de  dates,  dont  il  a 
une  horreur  légitime,  de  se  conserver  religieusement  ? 

L'unité  qui  ne  pouvait  se  trouver  dans  le  tome  second  des  Nouveaux 
documents  sur  les  comédiens  de  campagne.  .  . .  est,  au  contraire,  fort 
nette  dans  le  volume  sur  Robert  Garnier. 

Robert  Garnier,  né  à  la  Ferté-Bernard,  dans  le  déparlement  actuel 
de  la  Sarthe,  est  le  plus  grand  nom  de  l'histoire  littéraire  du  Maine; 
mais  les  Manceaux  jusqu'ici  ne  s'étaient  pas  fort  appliqués  à  l'étude 
de  leur  grand  homme,  et  M.  Hauréau  lui-même,  dans  son  Histoire 
littéraire  du  Maine,  n'avait  pas  évité  les  erreurs  graves  à  son  sujet. 
Hors  du  Maine,  on  avait  étudié  de  près  dans  Garnier  le  dramaturge; 
mais  on  avait  négligé  le  poète  lyrique;  et  sur  l'homme  même,  sur  sa 
vie,  on  se  contentait  de  renseignements  traditionnels,  fort  peu  nom- 
breux et  fort  peu  sûrs.  Contre  cet  état  de  choses,  M.  Chardon  a  jugé 
qu'il  était  temps  de  réagir,  et  il  l'a  fait,  avec  la  conscience  et  la  sûreté 
ordinaires  de  son  érudition. 

Con)mençons  par  indiquer  les  lacunes,  volontaires  ou  non,  de  cet 
ouvrage. 

Tout  d'abord,  c'est  à  peine  une  étude  littéraire.  M.  Chardon,  modes- 
tement, a  pensé  qu'après  MM.  Bernage,  Faguet,  Fœrster  et  le  signa- 
taire de  ce  compte  rendu,  il  n'aurait  rien  d'important  à  dire  sur  les 
œuvres  dramatiques  de  l'auteur  Ae's,  Juives  et  de  Bradamante.  Il  s'est 
contenté  de  quelques  indications  de  détail,  et  c'est  ici  sans  doute  que 
les  connaissances  de  M.  Chardon  sont  le  plus  souvent  en  défaut.  11 
n'est  pas  exact  que  la  Didon  de  Jodelle  ait  été  accueillie  avec  succès 
six  ans  après  la  Cléopâtre  (p.  V)2j;  —  il  ne  faudrait  pas,  parmi  les 
ouvrages  sur  les  comédiens  italiens  en  France,  oublier  celui  de  Baschet 
(p.  132  n.)  ;  —  une  phrase  comme  celle-ci  donne  une  idée  tout  à  fait 
erronée  :  «  quant  à  Bradamante,  on  a  de  nombreux  témoignages  de 
ses  représentations  au  commencement  du  XVII'^  siècle»  (p.  143);  — 
et  de  même  celle-ci,  sur  le  huguenot  v'-O  Montchrestien  (p.  225;  : 
n  Montchvest'ien  vit  rejn'ésenter  de  son  vivant  2)lusieurs  de  ses  œuvres.» 
Je  n'ai  garde  d'insister,  et,  puisque  M.  Chardon  a  fait  allusion  aux 
polémiques  sur  les  représentations  des  tragédies  au  XVI'=  siècle,  je  me 


BIBLIOGRAPHIE.  475 

contente  de  le  renvoyer  à  mes  articles  de  \a.  Revue  d'histoire  littéraire 
de  la  France,  1905  :  la  mise  en  scène  dans  les  tragédies  du  XV/«  siècle 
(janvier  à  mars  et  avril  à  juin);  les  trois  éditions  de  la  «  Sophonisbe  » 
de  Montchreslien  et  la  question  de  la  mise  en  scène  dans  les  tragé- 
dies du  XVI^  siècle  (juillet  à  septembre).  Notons  seulement  que  les 
recherches  persévéï'antes  de  M.  Chardon  ne  lui  ont  fait  découvrir  de 
représentations  de  pièces  de  Garnier  ni  dans  les  collèges  du  Mans,  ni 
ailleurs  *. 

Le  poète  lyrique  étant  beaucoup  moins  connu  en  Garnier  que  le 
dramatique,  M.  Chardon  s'est  attaché  à  lui  avec  plus  d'amour,  et  il 
lui  a  rendu  plus  de  services.  Si  les  Plaintes  amoureuses,  publiées  à 
Toulouse  en  1565,  ont  échap|)é  à  ses  recherches,  comme  à  celles  de 
Tamizey  de  Larroque  (et  peut-être  en  effet  n'existent-elles  plus,  et 
peut-être  Garnier  a-t-il  travaillé  lui-même  à  les  faire  disparaître),  en 
revanche  M.  Chardon  a  pu  nous  donner  d'autres  poésies  de  jeunesse 
qui  ont  été  couronnées  aux  jeux  floraux  ou  qui  ont  été  composées 
pour  une  entrée  à  Toulouse  du  roi  Charles  IX;  il  a  reproduit,  presque 
en  fac-similé  et  d'après  un  exemplaire  unique,  VHymne  de  la  Monar- 
chie, réfutation  anticipée  du  Contrun  de  la  Boétie,  dédiée  en  1567  à 
Guy  du  Faur,  seigneur  de  Pibrac.  Enfin  il  a  appelé  l'attention  sur  ce 
qui  est,  à  son  sens,  le  chef-d'œuvre  du  poète,  VElégie  sur  le  trépas 
de  Pierre  de  Ronsard. 

Mais  c'est  surtout  la  biographie  de  Robert  Garnier  qui  a  occupé 
M.  Chardon.  Et  toutes  les  obscurités  n'en  ont  pas  disparu,  car  beau- 
coup viennent,  soit  de  hasards  divers,  soit  de  la  disparition  rapide 
des  descendants  du  poète,  soit  du  silence  volontaire  qui  a  été  gardé 
sur  un  magistrat  ligueur  après  le  triomphe  d'Henri  IV.  Mais  voici 
que,  grâce  à  M.  Chardon,  bien  des  confusions  sont  dissipées  entre 
Robert  Garnier  et  ses  homonymes  Claude  ou  Sébastien  ;  les  dates 
essentielles  de  sa  vie  sont  maintenant  établies  ;  ses  fréquentations 
sont  mieux  connues,  sa  physionomie  est  plus  distincte. 

Le  chapitre  premier  de  l'ouvrage  est  consacré  aux  Premières  années 
et  aux  premières  poésies.  Un  passage  de  Vauquelin,  dont  on  n'avait 
pas   tiré  parti,  fixe  la  naissance  du  poète  à   l'année   1545  ou  à  l'an- 

'  P.  140-1,  M.  Chardon  écrit  :  «  S'il  fallait  en  croire  Henri  Duval,  les 
pièces  de  la  Renaissance  auraient  été  jouées  par  les  basochiens,  voire  par 
les  confrères  de  la  Passion.  M.  Faguet  a  ajouté  foi  à  ces  dires...  »  Ce 
n'est  pas  aux  dires  d'Henri  Duval  (Bibliothèque  nationale,  mss  fonds 
français,  n°  15048),  mais  à  ceux  de  Mouhy  (n°»  9229-9235)  que  M.  Faguet 
a  ajoute  foi.  Seulement  Mouhy  est  tout  aussi  indigne  de  créance 
qu'Henri  Duval.—  M.  page  141,  il  faut  lire  :  la  Lucelle  et  non  la  Pucelle, 
de  Louis  de  Jars. 


476  BIBLIOGRAPHIE. 

née  1544.  Nous  faisons  connaissance  avec  ses  deux  sœurs  et  avec 
quelques  autres  de  ses  parents.  Puis  nous  suivons  Garnier  étudiant 
à  Toulouse,  dans  une  ville  troublée,  où  il  conquiert  de  bonne  heure 
une  notoriété  poétique,  où  il  exhale  ses  premiers  soupirs  amoureux, 
et  où  il  noue  quelques  relations  fort  utiles.  Arrivé  à  Paris  comme 
avocat  au  Parlement,  Garnier  n'oublie  pas  Toulouse  et  reste  lié  avec 
certains  Toulousains,  comme  du  Faur  de  Pibrac  et  Etienne  Potier, 
sieur  de  la  Terrace,  auxquels  il  dédiera  plus  tard  des  tragédies;  en 
même  temps,  il  élargit  son  horizon  littéraire  en  fréquentant  certains 
poètes  et  érudits  de  l'école  de  Ronsard. 

Les  chapitres  11  et  111,  qui  traitent  de  Robert  Garnier  magistrat, 
et  du  Mariage  de  Robert  Garnier,  sont  parmi  les  plus  riches  en  ren- 
seignements nouveaux.  Garnier  est  nommé  conseiller  au  présidial  du 
Mans  en  1569,  et  lieutenant  criminel  en  1574;  il  épouse  en  1573  une 
jeune  fille  qui  appartenait  à  une  famille  lettrée,  et  qui  elle-même 
mérite  de  figurer  au  nombre  des  femmes  poètes  du  XV I«  siècle,  Fran- 
çoise Hubert.  De  ce  mariage  sont  nées  deux  filles  :  Diane  en  1579,  et 
Françoise  en  1582. 

Les  chapitres  IV  et  V,  étant  les  chapitres  particulièrement  «  litté- 
raires »  de  l'ouvrage,  ne  sont  pas  (j'ai  déjà  dit  pourquoi)  au  nombre 
des  plus  importants  :  c'est  là  qu'est  étudié  Garnier  poète  tragique. 
Mais  c'est  là  aussi  que  sont  indiquées  ses  relations  littéraires,  et  ou 
devine  ce  qu'on  peut  attendre,  en  pareille  matière,  de  l'érudition  éten- 
due de  M.  Chardon. 

Nouveaux  surtout  sont  les  chapitres  suivants.  Garnier,  dont  les 
préfaces  montrent  la  tristesse  patriotique,  paraît  s'être  assombri  sur- 
tout, [)0ur  des  raisons  diverses,  dans  ses  dernières  années  : 

En  1583,  sa  femme  Françoise  est  l'objet  d'une  tentative  d'empoi- 
sonnement ;  en  1586,  il  est  nommé  conseiller  au  grand  conseil,  mais 
peut-être  à  titre  purement  honorifique  ;  en  septembre  1588,  Françoise 
meurt;  puis  le  poète-magistrat  est  entraîné  dans  la  ligue  mancelle  ; 
il  fait  un  testament  (que  M.  Chardon  reproduit)  le  13  septembre  1590, 
et  il  meurt  le  20  septembre  :  —  le  20  septembre  et  non  pas  le  15  août  ! 
en  1590  et  non  pas  en  1600  !  La  mort  de  Garnier  a  été  placée  aux 
dates  les  plus  différentes:  la  voici  fixée  maintenant. 

Et  de  même  l'on  saura  la  vérité  sur  l'iconographie  du  poète,  et  l'on 
ne  prendra  plus  —  il  le  faut  espérer,  du  moins  —  pour  un  portrait 
authentique  de  Robert  Garnier  le  portrait  authentique  de  Claude,  que 
M.  Faguet  a  donné  sous  son  faux  nom  dans  son  Histoire  de  la  litté- 
rature française,  et  avec  lui  les  auteurs  du  Nouveau  Larousse,  et 
bien  d'auti'es  encore. 

Signalons  enfin  l'histoiie  des  deux  filles  du  poète  :  Diane,  mariée 
en  1594,  morte  en  1621,  et  Françoise,  mariée  en  1600,  morte  en  16Û5, 


BIBLIOGRAPHIE  477 

Quelques  renseignements,  d'inégale  valoui-,  sur  l'école  de  Garnier  : 
Montchrestien,  Luc  Percheron,  Nicolas  de  Moutreux,  etc.,  terminent 
l'ouvrage. 

11  est  fâcheux  que,  dans  un  livre  où  les  citations  ont  tant  d'impor- 
tance, elles  soient  si  souvent  inexactes.  Un  errata  serait  utile  —  et 
pour  les  deux  volumes  dont  j'ai  parlé.  M.  Chardon  laisse  échapper 
trop  de  fautes  dans  son  impression,  comme,  aussi  bien,  ti'op  de  négli- 
gences dans  son  style. 

Mais,  si  je  signale  avec  franchise  les  imperfections  du  dernier 
ouvrage  de  M  Chardon,  je  n'en  ai  [)as  moins  plaisir  à  [)i'oclamer  que 
cet  érudit  vient  d'élever,  à  l'honneur  de  Robert  Garnier,  un  fort  utile 
monument,  en  attendant  les  bustes  qu'il  propose  de  consacrer,  au 
foyer  du  théàti'e  du  Mans  et  au  foyer  de  la  Comédie-Frannaise,  à  l'un 
des  plus  estimables  prédécesseui's  de  Rotrou  et  de  Pierre  Corneille. 

Eugène  RiGAL. 

Recueil  de  TAcadéinie  des  Jeux   Floraux  de   Toulouse.  — 

Toulouse,  impr.  DouUidoure- Pi-'ivat,  1905. 

Des  critiques  littéraires  malveillants  ont  trop  souvent  calomnié  le 
genre  académique.  Il  est  parfois  plein  d'agrément  imprévu.  Voyez 
par  exemple  le  rapport  sur  les  prix  de  la  fondatien  Ozenne  pour  la 
vieille  langue  populaire  des  pays  languedociens  :  c'est  un  dithyrambe 
au  los  de  la  rénovai-ion  occitane,  c'est-à-dire  d'nn  essai  de  langue  d'Oc 
commune  élaboré,  au  moyen  de  quelques  naïfs  archaïsmes  et  de  force 
barbarismes  non  moins  naïfs,  par  deux  hommes  à  demi-culture,  en  qui 
semblent  revivre  les  âmes  de  Bouvard  et  de  Pécuchet.  Ce  volapûk 
méridional  n'ayant  [)as  fait  jusqu'ici  beaucoup  de  prosélytes,  le  rappor- 
teur se  voit  forcé  de  proposer  aux  suffrages  académiques  des  composi- 
tions en  vulgaires  plus  ou  moins  illustres,  tout  en  déplorant  que 
celui-ci  n'ait  pas  employé  un  verbe  moins  évolué,  que  celui-là  n'adopte 
pas  une  graphie  inspirée  des  grandes  et  normales  lois  de  révolu- 
tion, etc. .  .  Un  poème  écrit  dans  la  langue  de  Mistral  est  classé  dans 
le  sous-dialecte  nîmois,  lequel  est  déjàplus  rude,  mais  seprête  davan- 
tage aux  chants  lyriques.  La  langue  avignonnaise  est  considérée  comme 
une  altération  du  vrai  provençal,  produite pjar  V influence  française  et 
surtout  par  V influence  italienne,  à  laquelle  elle  doit,  entre  autres 
adultérations,  son  pluriel  anti-occitan  en  i  par  la  suppression  de  la 
finale  féminine. 

Tout    commentaire    affaiblirait    l'effet     Je     ce...     comment     dire? 
Mumpitz  ?  ou  desmargaduro  '^ 

Jules  RoNJAT. 


478  BIBLIOGRAPHIE 

E    Houchart,  Estelle,  poème  en  français  et  en  provençal  en  regard, 
Avignon,  Aubanel  frères,   imprimeurs,  1905. 

Ce  livre  n'est  pas  un  poème  provençal  avec  traduction  française  en 
regard,  mais  un  poème  provençal  et  un  poème  françiis  sur  le  même 
sujet.  Ce  sujet,  l'auteur  l'expose  ainsi  à  la  fin  de  son  avertissement  au 
lecteur  : 

«  L'Art  idéal,  sous  la  forme  d'un  Etranger  ; 

))  La  Provence,  naïve  dans  sa  joie,  radieuse  dans  sa  beauté,  reli- 
gieuse dans  son  amour,  en  Estelle  ; 

»  l.e  générosité  et  la  franchise,  avec  Maître  Arnal  ;  la  passion  fou- 
gueuse, avec  Reynaud  :  telles  sont  les  figures  du  poème. 

»  La  trame,  que  serait-elle,  sinon  : 

»  L'Art  grandissant  devant  la  Provence,  Jans  la  Lumière  et  dans 
l'amour  du  Beau.  » 

Sujet  nébuleux,  figures  vagues,  regrettables  licences  prises  avec  la 
langue  provençale,  en  somme  Estelle  vaut  par  les  intentions  de 
l'auteur  infiniment  plus  que  par  une  réalisation  qui  ne  se  hausse  point 
à  leur  niveau.  J.  R. 

Th.  D.  Sperantia.  —  Introducere  in  literatura  popularà  româna, 
Bucuresci,  Lipografia  «   Clemen^a  »,  1904. 

Dans  la  première  partie  de  cet  ouvrage  l'auteur  caractérise  la  litté- 
rature po[)ulaire  comme  orale  etvivanle  (par  opposition  à  la  littérature 
proprement  dite,  écrite  et,  dans  une  certaine  mesure,  morte,  en  tant 
qu'elle  ne  subit  plus  de  modifications  une  fois  que  l'écriture  l'a  fixée), 
puis  il  en  étudie,  citant  de  très  nombreux  exemples  roumains  et 
étrangers,  la  forme,  la  syntaxe,  le  style,  etc.. 

Dans  la  seconde  il  recherche  l'origine  de  la  littérature  populaire  et 
classe  les  difi'érentes  sources  de  son  inspiration. 

N'étant  nullement  un  spécialiste  du  folh-lore,  je  ne  saurais  émettre 
un  avis  autorisé  sur  la  valeur  de  toutes  les  thèses  exposées  par 
M.  Sperantia.  .Te  me  permettrai  seulement  de  douter  qu'il  ait  tenu  un 
compte  suffisant  de  l'influence  du  rythme  musical  sur  la  métrique 
populaire,  et  de  regretter  une  certaine  discordance  entre  la  classifica- 
tion générale  proposée  p.  292  ss.  et  l'inventaire  analytique  beaucoup 
plus  complexe  qui  la  suit.  J.   R. 

C.  Salvioni.  —  Appunti  sul  dialetto  di  Val-Soana  (Estratto  dai 
((  Rendiconti  »  del  R.  Ist.  Lomb.  di  Se.  e  Lett.,  série  II,  vol.  XXXVIl, 
p.  1043-1056),  Milano,  1904. 

M.  Salvioni  a  eu  l'occasion  d'interroger  longuement  deux  abitants 
de  Valprato,  localité  qui  fait  partie  du  domaine  dont  M.  Nigra  a  étu- 


BIBLIOGRAPHIE  479 

dié  la  langue  dans  son  article  bien  connu  de  VArcItivio  ylotlologico 
italiano,  t.  III  :  «  Fonetica  del  dialetto  di  Val  Soana  ».  Comme  les 
documents  dont  disposa  M.  Nigra  lui  avaient  été  fournis  essentielle- 
ment par  un  abitant  de  Roi»co  et  qu'il  n'eu  avait  eu  cjue  d'indirects 
sur  Valprato,  ceux  de  M.  Salvioni  dilTèrent  sensiblement  de  ceux  de 
son  prédécesseur  et  surtout  les  complètent.  C'est  pourquoi  il  a  cru  bon 
de  les  publier  dans  la  longue  note  que  nous  signalons  ici,  et  qui  sera 
suivie  d'autres  sur  la  morfologie  et  le  vocabulaire  du  même  parler. 
11  faut  lui  savoir  gré  de  nous  donner  ces  renseignements,  rendus  dou- 
blement précieux  par  la  netteté  avec  laquelle  on  nous  les  présente,  et 
l)ar  l'intérêt  tout  particulier  qu'offre  le  patois  auxquel  ils  se  rapportent. 

M.  G. 

A.  Dujarric-Descombes.  —  Lagrange-Chancel,  poète  périgourdin, 
plaq.  16  p.  in-8°,  Pêrigueux,  impr.  D.  Joucla,  1905. 

Donne  quelques  détails  biographiques  sur  L.-C,  et  reproduit  deux 
pièces  de  circonstance  par  lui  com[)osées  :  il  eu  appert,  entre  autres 
choses,  que  veis  1736  on  disait  déjà  en  Périgord  mouyen,  mais  qu'on 
disait  encore  vousz=  noce,  aujourd'hui  géuéralemeut  délogé  par  voues 
ou  vouas  emprunté  au  français.  J.  R. 


CHRONIQUE 

Société  des  textes  français  modernes  —  11  vient  de  se  for- 
mer une  Société  des  textes  français  modernes.  Son  but  est  de  se  pro- 
curer et  d'offrir  au  public  des  éditions  coriectes,  qui  soient  de  bons 
instruments  de  travail  pour  le  critique,  l'historien  de  la  littérature  et 
le  gi'ammairien,  qui  fournissent  au  goût  des  amateurs  lettrés  des 
textes  bien  établis  et  qui  soient  accessibles  à  toutes  les  bourses. 

Elle  se  propose  de  publier  de  préférence  les  œuvres  des  quatre  der- 
niers siècles  de  notre  littérature  qui  deviennent  difficiles  à  rencontrer 
ou  sont  trop  onéreuses  à  acquérir.  Ce  n'est  pas  vers  les  curiosités 
rares  ou  scandaleuses  qu'elle  se  portera,  mais  vers  les  textes  impor- 
tants, les  ouvrages  qui  ont  un  intérêt  considérable  pour  le  critique  et 
l'historien  par  le  succès  ou  l'influence  qu'ils  ont  eus,  par  la  lumière 
qu'ils  jettent  sur  les  grandes  œuvres  et  sur  les  mouvements  ou  les 
époques  littéraires. 

Le  dessein  de  la  Société  étant  de  donner  son  principal  soin  à  la  cor- 
rection du  texte,  ce  ne  sont  pas  seulement  les  écrits  d'auteurs  peu 
connus  qui  sortiront  de  ses  mains,  car  il  y  a  des  noms  comme  Ronsard, 
Marot,  d'Aubigné,  Bernardin  de  Saint-Pierre,  Chateaubriand,  qui 
attendent  encore  une  édition  satisfaisante.  Ce  sont  des  éditions  criti- 


480  CHRONIQUE 

ques  que  l'on  veut  faire,  présentant  les  variantes  des  différentes  impres- 
sions et,  quand  il  y  aura  lieu,  les  diverses  rédactions  des  manuscrits  ; 
les  préfaces  seront  sobres  et  précises,  et  des  tables  seront  jointes  aux 
textes. 

Les  menribres  ordinaires  delà  Société  paieront  une  cotisation  annuelle 
de  dix  francs  et  auront  droit  à  toutes  les  publications  faites  dans 
l'année. 

Pour  tous  renseignements  relatifs  à  la  Société  et  à  son  fonctionne- 
ment, s'adresser  à  M.  E.  Huguet,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres 
de  l'Université  de  Caen,  secrétaire  général  de  la  Société. 

Pensées  de  Pascal. — La  librairie  Hachette  vient  de  publier  en  pho- 
totypie  le  fac-siinile  du  manuscrit  original  des  Pensées  de  Pascal;  en 
regard  elle  donne  le  texte  imprimé  et  des  notes  par  M.  L.  Brunschvicg 

Chansons  populaires.  —  Notre  confrère,  M.  L.  Lambert,  direc- 
teur du  Conservatoire  de  musique  de  Montpellier,  vient  de  publier 
chez  l'éditeur  Welter  deux  beaux  volumes  in-S"  de  VI 11-390  et  348  p., 
intitulés  Chants  et  chansons  populaires  du  Languedoc,  publiés  avec 
la  musique  et  la  traduction  française  (20  fr.  ).  La  haute  compétence 
de  l'auteur  est  depuis  longtemps  connue,  car  il  avait  déjà  donné  en 
1874  et  1875  à  la  Eeviie  des  langues  romanes,  en  collaboration  avec 
A.  Moutel,  la  première  partie  de  cette  collection,  composée  des  chants 
du  berceau.  La  publication  fut  interrompue  par  la  maladie,  puis  la 
mort,  de  son  collaborateur;  mais  M.  Lambert  continua  pendant  trente 
ans  à  recueillii-  des  chansons  partout  où  il  en  a  trouvé  l'occasion.  La 
collection  a  ainsi  augmenté  sans  cesse  d'étendue  et  d'importance  et 
elle  compte  maintenant  plus  de  quinze  cents  chants  ou  versions  diffé- 
rentes. L'auteur  nous  les  donne  dans  l'ordre  qui  avait  été  déjà  adopté 
dans  la  précédente  publication,  c'est-à-dire  qu'il  suit  l'homme  d'âge 
en  âo-e,  au  moyen  des  chants  créés  par  lui-même,  de  la  naissance  à  la 
tombe,  en  passant  successivement  par  toutes  les  phases  de  son  exis- 
tence. Les  chants  du  premier  âge  sont  suivis  des  jeux  de  l'enfance, 
les  danses,  rondes,  les  chants  d'amour,  de  mariage,  les  métiers, 
les  chants  satiriques,  les  chants  relatifs  aux  usages,  les  chansons 
pastorales,  les  chants  religieux,  noëls,  cantiques,  les  légendes  drama- 
tiques, les  chansons  narratives,  les  chants  historiques  et  politiques. 
On  ne  saurait  trop  savoir  gré  à  M.  Lambert  d'avoir  sauvé  de  l'oubli 
tout  cet  ensemble  de  chansons  populaires  au  moment  où  elles  sont  en 
train  de  se  perdre,  où  les  traditions  locales  s'éteignent  et  disparais- 
sent, où  les  parlers  provinciaux  s'anéantissent;  aussi  nous  sommes 
certains  que  son  bel  ouvrage  obtiendra  tout  le  succès  qu'il  mérite. 

Le  Gérant  :  Paul  Hamelin. 


CANDIDE,  SIMPLICIUS  ET  CANDIDO 


On  est  en  droit  de  se  demander  si  l'homme  qui  a  rapporté 
d'Angleterre  Newton  et  Shakespeare,  qui  lisait  tout,  qui 
apprenait  tout,  qui  étendait  à  toutes  les  branches  des  lettres 
et  des  sciences  sa  curiosité  aussi  perspicace  qu'insatiable,  n'a 
rien  gardé  de  son  séjour  en  Allemagne  que  l'ennui  d'avoir  eu 
affaire  à  la  rapacité  de  Hirsch  et  à  la  vanité  de  Maupertuis, 
et  enfin  le  désagrément  d'être  arrêté  à  Francfort  dans  les  cir- 
constances que  chacun  sait'. 

Je  crois  que,  sans  son  voyage  en  Prusse,  Voltaire  n'eût  pas 
composé  Candide  tel  que  nous  l'avons.  Or,  dans  la  série  de  ses 
oeuvres,  ce  roman  a  une  importance  capitale.  On  peut  en 
réprouver  les  tendances  philosophiques  et  religieuses,  en  b'â- 
mer  le  ton  et  l'allure,  mais  les  lecteurs  de  Voltaire  sont  d'ac- 
cord pour  y  voir  un  de  ses  chefs-d'œuvre. 

Je  noterai  en  passant  que  l'on  a  lu  souvent,  sans  être  cho- 
qué, dans  Lesage,  les  mêmes  choses  qui,  dans  Vo'taire,  pren- 
nent un  caractère  agressif  :  question  de  date,  et  aussi  de 
condensation  de  pensée,  de  relief  de  stvle,  enfin  d'intention 
militante -. 

Zadig  nous  offre  le  premier  cadre  où  Voltaire  ait  développé 
largement  ses  idées  sous  la  forme  narrative.  Mais  Zadig  n'est 
pas  naïf  ;  c'est  un  homme  sage,  instruit,  spirituel,  qui  aie 
tort  de  croire  que  l'on  peut  avoir  impunément  du  sens  et  de 
la  vertu  dans  un  monde  qui  ne  tolère  ni  l'un  ni  l'autre.  L'inté- 
rêt naît  du  contraste  entre  la  droiture  et  la  perfidie,  la  vérité 
et  le  mensonge.  A  qui  Voltaire  a-t-il  emprunté  ce  type  de 
Zadig?    A    lui-même.   Ce   babylonien   n'est   qu'un  prête-nom. 

*  Quelques-unes  des  parties  de  cet  article  ont  paru  déjà  dans  le  Pro- 
grès républicain  du  Midi,  Montpellier,  16  décembre  1879. 

"*  V.  par  exemple,  dans  Estevanille  Gonzalez,  comment,  accusé  de 
rajeunir  la  beauté  des  dames  par  Vopération  du  diable^  il  est  traduit 
devant  le  tribunal  de  l'inquisition.  Gh.  XL-XLIV. 

31 


482  CANDIDE,    SIMPLICIUS    ET    CANDIDO 

Donnez-lui  la  santé  cliancelante,  la  susceptibilité  nerveuse, 
l'agitation  capricieuse  de  l'auteur,  et  le  portrait  sera  d'une 
ressemblance  parfaite. 

La  doctrine  que  Voltaire  approuve  dans  Zadig  (discours  de 
l'ange  Jezrad)  diffère  complètement  du  pessimisme  désolant 
qui  règne  dans  Candide  :  «  Mais  quoi  !  dit  Zadig,  il  est  donc 
nécessaire  qu'il  y  ait  des  crimes  et  des  malheurs,  et  que  les 
malheurs  tombent  sur  les  gens  de  bien?  Les  méchants,  répon- 
dit Jezrad,  sont  toujours  malheureux  ;  ils  servent  à  éprouver 
un  petit  nombre  de  justes  répandus  sur  la  terre  ',  et  il  n'y  a 
point  de  mal  dont  il  ne  naisse  un  bien.  Mais,  dit  Zadig,  s'il  n'y 
avait  que  du  bien  et  point  de  mal  ?  Alors,  reprit  Jezrad,  cette 
terre  serait  une  autre  terre;  l'enchaînement  des  événements 
serait  un  autre  ordre  de  sagesse;  et  cet  ordre,  qui  serait  par- 
fait, ne  peut  être  que  dans  la  demeure  éternelle  de  l'Etre 
suprême  de  qui  le  mal  ne  peut  approcher.  Il  a  créé  des  mil- 
lions de  mondes,  dont  aucun  ne  peut  ressembler  à  l'autre: 
cette  immense  variété  est  un  attribut  de  sa  puissance  immense. 
Il  n'y  a  ni  deux  feuilles  d'arbre  sur  la  terre,  ni  deux  globes 
dans  les  champs  infinis  du  ciel,  qui  soient  semblables  ;  et  tout 
ce  que  tu  vois  sur  le  petit  atome  où  tu  es  né,  devait  être  dans 
sa  place  et  dans    son  temps  fixe,  selon  les  ordres  immuables 

de  celui  qui  embrasse  tout ;  il  n'y  a  point  de  hasard;  tout 

est  épreuve,  ou  punition,  ou  récompense  ou  prévoyance  »  -. 
Zadig  adore  la  Providence  et  se  soumet. 


'  C'est  tout  simplement  la  doctrine  janséniste,  telle  qu'elle  est  déve- 
loppée dans  Nicole. 

*  Desnoiresterres  [Voltaire  à  la  Cour, -p.  146,  note)  a  tort  de  dire  que 
Voltaire,  dans  Zadig,  n'y  est  que  pour  sa  forme  spirituelle  et  charmante  : 
«  le  fond  est  emprunté  à  l'anglais  Thomas  Parnell  qui  l'a  emprunté  aux 
homélies  d'Albert  de  Padoue,  mort  en  1713  (sic),  lequel  en  a  trouvé  le 
germe  dans  nos  vieux  fabliaux  ».  Et  il  renvoie  à  Littré,  Etude  sur  les  Bar- 
bares et  le  Moyen  Age,  Paris,  Didier,  1867.  —  L'opinion  de  M.  Littré 
n'allait  point  jusqu'à  refuser  à  Voltaire  la  paternité  de  la  conception- de 
Zadig.  Voici  exactement  ce  qu'il  disait  :  «  Il  n'est  personne  qui,  en 
lisant  Zadig  de  Voltaire,  ne  soit  frappé  de  l'épisode  de  l'ange  qui,  sous 
la  forme  d'un  ermite,  se  fait  pendant  quelque  temps  le  compagnon  de 
Zadig;  puis,  quand  on  rencontre  ce  récit  dans  l'anglais  Thomas'  Par- 
nell, on  retire  à  Voltaire  cette  notable  conception;  mais,  il  ne  faut  pas 
s'arrêter  là;  elle  se  trouve  dans  les  homélies  d'Albert  do  Padoue,   mort 


CANDIDE,    SIMPLICIUS    ET    CANDIDO  483 

On  ne  peut  méconnaître  ici  une  forte  part  de  l'optimisrae 
tel  qu'il  ressort  de  la  Théodicée  de  Leibniz. 

La  morale  d'un  récit  antérieur  de  peu  est,  pour  le  fond,  la 
même  :  «  Ituriel  résolut  de  laisser  aller  le  monde  comme  il  va, 
car  si  tout  n'est  pas  bien,  tout  est  passable  '.  » 

Voltaire,  dans  cette  première  série  de  ses  romans,  comme 
dans  la  plupart  des  autres,  ne  fait  que  se  jouer,  avec  autant 
d'agrément  que  de  malice,  de  la  contradiction  qui  existe  entre 
les  prétentions  et  les  faiblesses  de  l'homme. 

Pope  et  son  Essai  sur  C Homme  sont  tout  aussi  présents  à 
son  esprit  que  les  doctrines  de  Leibniz.  Les  ligues  citées  plus 
haut  rappellent  au  lecteur  le  plus  distrait  les  derniers  vers  de 
la  première  épître  : 

Toute  la  nature  n'est  qu'un  art  que  tu  ne  connais  pas, 
Tout  hasard,  une  direction  que  tu  ne  vois  pas, 
Tout  conflit,  une  harmonie  que  tu  ne  peux  comprendre, 
Tout  mal  particulier,  un  bien  général, 
Et,  en  dépit  de  l'orgueil,  en  dépit  d'une  raison  égarée, 
Il  n'y  a  qu'une  vérité  de  claire  :  Tout  ce  qui  est,  est  bien. 
Candide  marque  dans  le  cours  des  opinions  de  Voltaire   le 
moment  où  les  objections  contre  l'ordre  universel  hantaient 
le  plus  obstinément  son  esprit. 

Le  doubla  titre,  Candide  ou  rOptimisme,  appelle  d'abord 
l'attention.  Ce  roman  est  un  procès  fait  à  l'optimisme  et  à  la 
métaphysique  leibnizienne -.  Cette  métaphysique  était-elle 
alors  si  répandue  en  France  qu'il  convînt  d'en  faire  le   siège 


en  1313,  et,  finalement  au  delà  d'Albert  de  Padoue,  dans  l'un  de  nos 
fabliaux  les  plus  remarquables  ».  Notons  en  passant  que  l'origine  de 
la  plupart  des  autres  chapitres  de  Zadig  est  connue. 

Dans  une  très  intéressante  lecture  donnée  à  l'Académie  des  Inscrip- 
tions et  Belles-Lettres,  le  vendredi  12  novembre  1880,  Gaston  Paris  a  étu- 
dié à  fond  l'histoire  de  la  légende  de  VAyige  et  VErmite.  L'origine  juive 
est  démontrée.  V.  G.  Paris,  La  Poésie  du  Moi/en  Age,  p.  151-187. 

'  Le  Monde  comme  il  va,  vision  de  Babouc. 

'^  Gaston  Paris,  à  propos  de  l'Ange  et  VErmite  (1.  1.,  p.  18G),  admet  trop 
promptement  que,  dans  Candide  comme  dans  Zadig,  Voltaire  a  l'air  de 
défendre  l'optimisme  :  «  On  sent  qu'il  voudrait  bien  que  l'optimisme  fût 
la  vérité,  mais  qu'il  est  loin  de  le  trouver  évident.  »  Cela  est  exact  de 
Zadig,  mais  Canrifd*  est  une  diatribe  impérieuse  et  violente  contre  l'opti- 
misme. L'écart  est  très  grand  entre  les  deux  romans. 


484  CANDIDE,    SIMPLIGIUS    ET    CANDIDO 

régulier?  D'où  vient  cette  préoccupation  ?  Voltaire  regrettait-il 
de  paraître  s'être  rallié  dans  Zadig  à  une  philosophie  qui  ne 
comptaitguère  de  disciples  en  France,  mais  qui  était  sur  tant  de 
points  en  contradiction  avec  celle  de  Locke?  Où  a-t-il  pris  ce 
personnage  de  Pangloss  ? 

C'est  à  Cirey  que  Voltaire  paraît  avoir  lié  connaissance 
avec  un  des  représentants  de  l'école  de  Leibniz.  M™''  du  Châ- 
telet  avait  pour  maître  de  mathématiques  un  géomètre  alle- 
mand, Kœnig,  qui  avait  fini  par  la  gagner  complètement  aux 
doctrines  leibniziennes  '. 

Aujourd'hui  que  grâce  à  M.  Desnoiresterres  nous  avons  le 
détail  minutieux  de  la  vie  de  Voltaire,  nous  pouvons  sup- 
poser quels  combats  furent  livrés  entre  l'ami  de  Locke  et  de 
Newton  et  les  admirateurs  de  la  Théndicée.  Les  bonnes  rela- 
tions n'en  souffrirent  pas,  et  si  Kœnig  fut  renvojé,  c'est  que 
M™^  du  Châtelet  eut  à  se  plaindre  de  ses  façons. 

Les  dispositions  que  Voltaire  apportait  à  l'étude  de  la  méta- 
physique leibnizienne  étaient  d'ailleurs  sérieuses  et  dignes  de 
l'étendue  de  son  intelligence.  Nous  avons,  dans  la  Correspon- 
dance, une  lettre  d'octobre  1736  où  il  remercie  le  prince  royal 
de  Prusse  de  lui  avoir  envoyé,  avec  des  vers  à  corriger,  un 
troisième  cahier  de  la  métaphysique  de  Wolf,  le  célèbre  vul- 
garisateur des  idées  de  Leibniz,  Son  jugement  mérite  d'être 
rapporté  :  «  Je  vous  dirai  sur  cette  métaphysique  un  peu 
longue,  un  peu  trop  pleine  de  choses  communes,  mais 
d'ailleurs  admirable,  très  bien  liée  et  souvent  très  profonde  ; 
je  vous  dirai,  monseigneur,  que  je  n'entends  goutte  à  l'être 
simple  de  Wolf.  Je  me  vois  transporté  tout  d'un  coup  dans  un 
climat  dont  je  ne  puis  respirer  l'air,  sur  un  terrain  où  je  ne 
puis  mettre  le  pied,  chez  des  gens  dont  je  n'entends  point  la 
langue.  Si  je  me  flattais  d'entendre  cette  langue,  je  serais 
peut-être  assez  hardi  pour  disputer  contre  M.  Wolf,  en  le  res- 
pectant s'entend.  » 

A  Postdam  et  à  Berlin,  Voltaire,  déjà  averti  et  informé,  put 
constater  que  Leibniz,  interprété  par  Wolf,  régnait  souve- 
rainement en  dehors  de  l'entourage  tout  français  de  Frédéric. 


1  Voy.  pour  les  rapports  de  Kœnig   et  de   M™»  du  Châtelet,  Desnoi- 
resterres, Voltaire  à  Cirey,  p.  258,  314-319. 


CANDIDE,    SIMPLICIUS    ET   CANDIDO  485 

Un  système  où  il  n'avait  peut-être  vu  d'abord  qu'un  ensemble 
de  thèses  d'école,  dut  lui  paraître  bien  autrement  important 
et  considérable,  quand  il  reconnut  quelle  immense  autorité  la 
métaphysique  de  Tharmonie  préétablie  et  des  causes  finales 
conservait  dans  le  pays  où  elle  avait  pris  naissance.  Le  hasard 
fit  que  les  derniers  incidents  de  son  séjour  en  Allemagne 
appelèrent  encore  son  attention  sur  Leibniz  et  sur  ses  dis- 
ciples. 

On  sait  comment  Kœnig  eut  un  démêlé  avec  Maupertuis  au 
sujet  d'une  lettre  de  Leibniz  dont  l'original  ne  put  être 
retrouvé,  comment  l'irascible  président  fit  condamner  le 
pauvre  géomètre  allemand  par  l'Académie  de  Berlin,  comment 
enfin  Voltaire  prit  fait  et  cause  pour  Kœnig  et  se  brouilla  avec 
le  roi  '.  Lorsqu'il  dut  quitter  la  Prusse,  Voltaire,  avant  d'ar- 
river à  Francfort,  s'arrêta  à  Leipzig,  où  il  était  en  relations 
quotidiennes  avec  le  fameux  critique  Gottsched,  qui  venait, 
en  wolfien  zélé  qu'il  était,  de  se  prononcer  contre  Mauper- 
tuis. On  nous  dit  qu'il  aurait  voulu  obtenir  par  Gottsched  l'in- 
tervention de  Wolf  dans  le  débat*.  Se  défiait-il  de  l'efficacité 
de  la  Diatribe  du  docteur  Akakia  ? 

Rien  dans  ses  relations  avec  les  wolfiens  n'eût  fait  présager 
la  furieuse  attaque  à  laquelle  il  allait  se  livrer  contre  leur  doc- 
trine ;  mais,  après  sa  désagréable  aventure  de  Francfort,  il 
revenait  le  cœur  ulcéré,  enveloppant  très  injustement  dans  sa 
colère  et  le  Salomon  du  Nord  et  les  Allemands  de  tout  pays  et 
de  toute  condition,  moins  disposé  que  jamais  à  goûter  les 
abstractions  germaniques. 

Il  avait  vu  et  entendu  des  docteurs  savants  en  toute  chose, 
dissertant  et  argumentant,  comme  on  ne  le  faisait  plus  en 
France,  sur  les  matières  les  plus  subtiles.  Dans  Kœnig,  d'abord, 
puis  et  surtout  dans  ce  Gottsched  qui  est  devenu  pour  ses 
compatriotes  le  pédant  par  excellence  et  qu'il  avait  cru  devoir 
caresser,  il  avait  trouvé  le  type  du  métaphysicien  scolastique 
expliquant  tout,  justifiant  tout  par  ses  principes.  Ce  type  se 
réalisa  en  Pangloss,  qui,  d'un  bout  à  l'autre  du  roman,  en  dépit 


'  Desnoirestenes,   Voltaire  à  Postdatn,  passim. 

"  V.  Julian   Schmicbt,  Histoire  de  la  Vie  intellectuelle  en  Alleynagne, 
tom.  II,  p.  79. 


486  CANDIDE,    SIMPLICIUS    ET    CANDIDO 

de  tous  les  accrocs  que  subissent  ses  théories  dans  rexpérience 
de  la  vie,  enseignera  avec  tant  de  conviction  la  métaphysico- 
tliéologo-cosmol  >-ni(jologie  et  déraontreia  à  Candide  que  «tous 
les  événenaents  sont  enchaînés  dans  le  meilleur  des  mondes 
possibles  ». 

L'occasion  qui  décida  Voltaire  à  composer  Candide,  peut 
avoir  été  la  ruine  de  Lisbonne,  malheur  épouvantable  dont 
toute  l'Europe  fut  émue.  «  Voilà  un  horrible  argument  contre 
l'Ojitimisme  »,  écrit-il  le  30  novembre  1755  '.  Le  poème  sur 
le  Désastre  de  Lisbonne  garde  la  marque  de  cette  émotion.  Le 
tremblement  de  terre  forme  un  épisode  de  Candide  (ch.  V). 

J'ai  peine  à  croire  que  les  premiers  chapitres  de  Candide 
aient  été  composés  à  Schv/dtzingen,  dans  la  compagnie  de 
l'Electeur  palatin,  et  soumis  au  fur  et  à  mesure  à  ce  prince  ^ 
qui  ne  devait  pas  être  entièrement  exempt  de  cette  suscepti- 
bilité patriotique  dont  il  est  possible  de  retrouver  la  trace 
dans  les  critiques  allemands  de  notre   temps  ^. 

Nous  avons  vu  dans  quelle  mesure  les  rapports  de  Voltaire 
avec  les  A.lleraarirls  avaient  pu  influer  sur  le  choix  du  sujet,  et 
suggérer  la  pensée  de  personnifier  dans  Pangloss  le  système 
qu'il  s'agissait  de  discréditer.  D'oii  vient  Candide,  ce  jeune 
homme  naïf  et  confiant,  si  différent  du  têtu  docteur  qui  pro- 
fessait à  outrance  les  causes  finales  et  l'optimisme?  Ni  dans 
Swift,  ni  dans  Rabelais,  ni  même  dans  Cervantes,  nous 
n'en  trouvons  le  modèle.  Si  comme  Don  Quichotte,  il  poursuit 
sa  belle  à  travers  le  monde,  ce  n'est  nullement  un  cheva- 
lier errant.  A^utant  que  Pangloss,  plus  que  Pangloss,  il  est 
d'origine  germanique  :  son  nom  n'est  qu'une  traduction,  sa 
naïveté  n'est  qu'un  héritage.  Il  tient  l'un  et  l'autre  du  Sim- 
plicius  de  Grimmelshausen. 

Le  roman  de  Grimmelshausen,  qui  commence  à  être  connu 
en  France  *,  date  de  la  fin  du  XVIl"  siècle.  11  obtint  vite  une 


*  Voy.  dans  Desnoiresterres,  Voltaire  aux  Délices,  pag.  129-142,  tou- 
ce  qui  a  trait  au  poème  le  Désastre  de  Lisbonne. 

'^  Desnoiresterres,  Voltaire  aux  Délices,  pag.  292. 

*  Strauss  et  Hettner  apprécient  peu  le  mérite  de  Candide.  Par  contre 
Mahrenholtz  [Voltaire-Studien,  Oppeln,  1882)  rend  justice  sans  restric- 
tion à  tout  l'esprit  et  à  l'imagination  inépuisable  avec  lesquels  sont  décrites 
les  conséquences  de  l'optimisme  de  Leibniz.  V.  p.  137. 

*  La  thèse  française  de   M.  Antoine  sur  le  Simplicissimus  de   Grim- 


CANDIDE,    SIMPLICIUS    ET    CANDIDO  487 

grande  popularité  et  a  été  imité  souvent.  Dix  ans  avant  le 
voyage  jde  Voltaire  à  Postdam,  paraissait  encore  un  Simpli- 
cissimus  redivivus  *. 

Comment  Voltaire  qui  ne  savait  guère  l'allemand,  a-t-il  connu 
cet  ouvrage  ?  On  lui  en  aura  parlé,  et  il  s'en  sera  fait  raconter 
ou  traduire  les  principaux  chapitres.  Il  aura  immédiatement 
apprécié  la  valeur  de  cette  conception  originale  qui,  tout  en 
empruntant  le  cadre  du  roman  picaresque,  l'avait  rempli  de 
personnages  et  de  tableaux  vraiment  germaniques. 

Simplicius  lui-même  ne  doit  rien  à  l'Espagne.  C'est  un  gar- 
çon honnête,  d'une  naïveté  rustique,  fort  différent  de  Guzman 
d'Alfarache.  Voltaire,  séduit  par  la  vérité  du  caractère,  s'en 
empare,  le  nomme  Candide  et  en  fait  l'écolier  docile  du  leib- 
nizien  Pangloss.  Le  contraste  soutenu  entre  la  simplicité  de 
l'un  et  la  pédante  obstination  de  l'autre,  fait  le  plus  grand 
intérêt  du  roman. 

L'imitation  de  Voltaire  ne  s'est  pas  bornée  à  emprunter  le 
héros  principal.  Le  château  comique  de  la  Westphalie  où  est 
élevé  Candide,  n'est  que  la  transformation  de  la  demeure  rus- 
tique du  Spessartoù  se  passe  l'enfance  de  Simplicius.  Les  atro- 
cités de  la  guerre  ruinent  le  château  comme  la  chaumière. 
Est-il  possible  que  Voltaire,  s'il  a  eu  connaissance  de  la  page 
suivante,  n'y  ait  pas  vu  un  argument  contre  l'optimisme,  plus 
probant  encore  que  le  tremblement  de  terre  de  Lisbonne? 
Des  soldats,  pendant  la  guerre  de  Trente  ans.  ont  envahi  la 
demeure  du  père  nourricier  de  Simplicius  :  a  On  commença 
par  ôter  les  pierres  des  pistolets  et  par  serrer  à  leur  place 
les  pouces  des  paysans,  et  l'on  tortura  ces  pauvres  diables 
comme  s'il  s'agissait  de  brûler  des  sorcières.  Ils  prirent  un  de 
ces  paysans  prisonnier-*,  le  fourrèrent  dans  le  poêle  et  y  mirent 
le  feu,  quoiqu'il  n'eût  encore  rien  avoué.  A.  un  autre,  ils  cei- 
gnirent la  tête  avec  une  corde  et  la  serrèrent  avec  un  garrot, 
à  tel  point  que  le  sang  lui  sortit  par  la  bouche,  le  nez  et  les 


melshausen  est  de  1882,  postérieure  de  trois  ans  à  la  première  forme  de 
l'article  ci-dessus.  M.  Antoine  n'a  pas  remarqué  d'analogie  entre  Simpli- 
cius et  Candide.  Le  titre  du  roman  allemand  est  bien  Sùnplicissimus, 
quoique  le  héros  y  soit  dit  Simplicius. 

1  Gœdeke,  Grundi'iss,  tom.  I,  L.   5,  p.  509,  Simplicissimus  redivivus, 
s.  1.  1743,  8». 


488  CANDIDE,    SIMPLICIUS    ET   CANDIDO 

oreilles.  Chacun  inventait  un  nouveau  genre  de  torture  pour 
ces  pauvres  paysans,  et  chaque  victime  avait  son  supplice 
particulier.  Mais  mon  Knan  (mon  père),  d'après  ce  que  j'en 
jugeais  alors,  fut  le  plus  heureux  et  le  mieux  partagé.  Car  il 
avoua  en  riant  ce  que  les  autres  avaient  dû  avouer  au  milieu 
des  tourments  et  des  cris  de  douleur.  Sans  doute  on  lui  accorda 
cet  honneur  parce  qu'il  était  le  chef  de  la  maison.  Ils  le  mirent 
auprès  d'un  grand  feu,  le  garrottèrent  de  manière  à  ce  qu'il 
ne  pût  remuer  ni  bras  ni  jambes,  lui  frottèrent  la  plante  des 
pieds  avec  du  sel  humide,  et  les  lui  firent  lécher  par  une  chè- 
vre, ce  qui  le  chatouilla  tellement  qu'il  faillit  crever  de  rire. 
Comme  je  n'avais  jamais  vu  mon  Knân  rire  aussi  longtemps, 
je  trouvai  cela  si  gentil  et  si  charmant,  que,  pour  lui  tenir 
compagnie,  ou  plutôt  parce  que  je  n'en  comprenais  pas  davan- 
tage, je  ne  pus  m'empêcher  de  rire  avec  lui.  C'est  en  riant  de 
la  sorte  qu'il  avoua  ce  qu'on  voulait  savoir  de  lui,  et  dit  où 
était  caché  son  riche  trésor  qui  consistait  en  perles,  en  or  et  en 
bijoux,  et  qu'on  n'aurait  pas  soupçonné  dans  la  maison  d'un 
paysan.  Des  femmes,  des  servantes  et  des  jeunes  filles  prison- 
nières, je  ne  saurais  rien  dire,  parce  que  les  soldats  ne  me 
laissaient  pas  voir  comment  ils  les  traitaient.  Ce  que  je  sais 
bien  toutefois,  c'est  que  de  temps  à  autre  on  entendait  dans 
les  coins  des  cris  déchirants  ;  et  j'imagine  que  ma  Meuder 
(ma  mère)  et  notre  Ursele  n'ont  pas  été  plus  épargnées  que 
les  autres.  Au  milieu  de  cette  désolation,  je  tournais  tranquil- 
lement la  broche,  sans  me  soucier  de  rien,  parce  que  je  ne 
comprenais  pas  encore  bien  ce  que  cela  voulait  dire.  J'aidai 
aussi  à  faire  boire  les  chevaux,  ce  qui  me  donna  l'occasion  de 
voir  notre  servante  dans  l'écurie.  Elle  était  si  drôlement  ajus- 
tée et  chiffonnée  que  je  ne  la  reconnus  point;  mais  elle  me  dit 
d'une  voix  faible  et  dolente  :  0  mon  garçon,  sauve-toi,  sinon 
les  cavaliers  te  prendront  avec  eux.  Arrange-toi  pour  t'esqui- 
ver  ;  tu  vois  bien  comme  ils  m'ont,..  Elle  ne  put  en  dire  davan- 
tage. )i  Livre  P',  chap.  4  *, 

La  pauvre  Ursule  deviendra  Pâquette,  mais  les  conséquen- 
ces de  l'intimité  de  celle-ci  avec  Pangloss  me  paraissent  déri- 


1  Je  cite    d'après    l'exacte  traduction   donnée   de  ce  passage   dans  le 
livre  de  M.  Antoine,  p.  122-123. 


CANDIDE,    SIMPLICIUS    ET    CANDIDO  489 

ver  des  chapitres  où  Simplicius,  le  Beau  Alemand,  a  de  peu 
honorables  succès  auprès  des  dames  de  Paris. 

Le  ton  des  deux  romans  est  celui  de  l'ironie,  incisive  et 
maligne  dans  Candide,  brutale  dans  Simplicius.  Un  pauvre 
enfant,  sans  connaissance  aucune  du  monde,  est  jeté  au  milieu 
des  horreurs  de  la  guerre  de  Trente  Ans  :  il  les  décrit  sans 
paraître  les  comprendre,  avec  une  vérité  qui  fait  dresser  les 
cheveux.  L'ironie  voltairienue  est  de  meilleure  compagnie  et 
d'un  plus  grand  style,  mais  elle  atteint  dans  Candide  à  des 
effets  d'une  intensité  qui  me  paraît  peu  explicable  chez  l'au- 
teur de  Zadig,s[  Ton  suppose  qu'il  a  complètement  ignoré  le 
livre  de  Grimmelshausen. 

Comme  Candide,  Simplicius  parcourt  le  monde,  mais  en 
suivant  un  autre  itinéraire.  Ainsi  il  ne  va  point  en  Amérique 
où  l'élève  de  Fangloss  me  semble  quelque  peu  entraîné  par 
l'exemple  de  certains  personnages  de  Lesage.  Mais  dans 
Grimmelshauseii  les  voyages  du  héros  sont  une  addition  inu- 
tile :  Simplicius  quitte  sa  métairie  où  il  vivait  heureux, 
tente  fortune  en  Russie,  se  met  au  service  du  tsar,  est  en- 
levé par  des  Tartares,  vendu  à  des  Chinois,  donné  par 
ceux-ci  au  roi  de  Corée.  Celui-ci,  en  reconnaissance  de 
ses  services,  lui  rend  la  liberté,  et  l'adresse,  par  le  Ji^pon,  aux 
Portugais  de  Macao.  Il  tombe  plus  tard  entre  les  mains  des 
corsaires  mahométans  de  la  mer  des  Indes,  est  vendu  à  des 
marchands  d'Alexandrie,  expédié  à  (îoustantinople  où  il  rame 
sur  les  galères  du  Grand  Turc,  jusqu'au  jour  où  le  navire  est 
pris  par  un  vaisseau  vénitien.  Redevenu  libre,  il  part  de  Venise 
avec  d'autres  pèlerins  allemands,  visite  Rome  et  Lorette,  et 
revient  dans  la  Forêt-Noire  par  le  Gothard,  sans  rapporter 
rien  cliez  lui  de  ces  voyages  que  la  longue  baibe  qu'il  avait 
laissé  pousser  à  l'étranger. 

Dégoûté  du  monde,  il  finira  en  ermite  daus  une  île  déserte 
près  de  Madagascar.  Comme  plus  tard  Robinson  Crusoë,  Sim- 
plicius est  un  bon  chrétien.  Candide,  au  contraire,  quand  il  est 
au  terme  de  ses  aventures,  passe  de  l'optimisme  au  scepti- 
cisme :  «  Mais  cultivons  notre  jardin.  » 

Dans  Voltaire,  on  reconnaît  ç:i  et  là  des  souvenirs  du 
voyage  à  Postdam  :  ainsi  les  traits  contre  la  province  de 
Westphalie,  la  scène  de  l'enrôlement  où  est  dépeinte  la  ma- 
nière dont  procédaient  les  recruteurs  de  l'armée  de  Frédéric, 


490  CANDIDE,    SIMPLIGIUS    ET    CANDIDO 

par-dessus  tout  le  hobereau,  frère  de  Cunégonde,  dont  rien 
ne  peut  corriger  l'arrogance  et  qui  garde  sa  moi'gue  vaniteuse 
dans  les  forêts  du  Paraguay  et  jusque  sur  les  galères  turques 
où,  comme  Simplicius,  il  est  contraint  de  ramer. 

Faut-il  ajouter  quelque  importance  à  des  détails  tels  que  la 
mention  de  Venise  dans  les  deux  romans,  le  rôle  des  deux 
anabaptistes?...  On  ne  sait,  et  c'est  vraiment  d'une  impression 
d'ensemble  que  se  dégage  la  supposition  que  Voltaire  a  connu 
le  roman  allemand  avant  d'écrire  le  sien. 

Pourquoi  le  héros  chez  lui  est-il  Candide  et  non  Simplice? 
Certainement  pour  ne  pas  encourir  le  reproche  de  plagiat  qui, 
dans  le  cas  eût  été  très  mal  fondé  ;  mais  peut-être  aussi  parce 
qu'il  avait  rencontré  dans  la  comédie  anglaise  un  personnage 
de  ce  nom,  ayant,  avec  l'amant,  de  Cunégonde,  une  ressem- 
blance de  caractère. 

Dans  son  étude  sur  /^Honnête  Courlhane,  de  Decker  et 
Middleton  {The  Honest  W/iore,  1604),  Hazlitt,  gr;ind  admira- 
teur de  cette  pièce,  trace  ainsi  le  portrait  d'un  des  personnages  : 
((  Candido,  le  brave  homme  du  drame,  est  un  caractère  d'une 
simplicité  et  d'une  originalité  (quaint ness)  inconcevables.  Sa 
patience  et  sa  bonne  humeur  ne  peuvent  être  troublées  par 
rien.  L'idée  (car  ce  n'est  rien  qu'une  idée)  est  drôle  et  très 
bien  soutenue.  Il  n'est  pas  seulement  résigné  aux  injures,  mais 
((il  les  transforme»,  comme  dit  Falstaff,  des  maladies  ((en 
avantages»  *.  Ce  Candido  qui  prend  toutes  choses  par  le  bon 
côté,  n'est-il  pas  un  optimiste,  et  à  ce  titre  n'a-t-il  pas  pu 
arrêter  l'attention  de  Voltaire? 

Il  est  aisé  d'accepter  que  les  aventures  de  Cunégonde  et  de 
la  vieille  doivent  beaucoup  à  la  nouvelle  de  Boccace,  où  l'on 
voit  la  fiancée  du  roi  de  Garbe  passer  de  main  en  main  avant 
d'arriver  à  son  légitime  possesseur.  Il  est  plus  difficile,  je  le 
reconnais,  d'admettre  que  la  lecture  de  Voltaire  se  soit  étendue 
jusqu'à  l'œuvre  de  Grimmelshausen  ou  au  vieux  théâtre  anglais, 
mais  en  soi  la  chose  n'a  rien  d'impossible,  puisque  Voltaire  a 
eu  l'occasion,  en  Allemagne  et  en  Angleterre,  de  feuilleter  le 


'  Hazlitt,  Lectures  on  the  Lilerature  oj  the  arje  of  Elizabftk,  lecture  3 
on  Marston,  Chapman,  Decker  and  Webster. 


CANDIDE,    SIMPLICIUS    ET    CANDJDO  491 

Simplicius  eiVHonest  Whore^.  Les  titres,  à  eux  seuls,  étaient 
dénature  à  solliciter  sa  curiosité. 

Tout  d'abord,  j'étais  porté  à  voir  dans  l" Ingénu  un  second 
Simplicius,  élevé  non  au  Spessart,  mais  chez  les  Hurons,  ce  qu^ 
diffère  peu.  Mais  c'est  des  Mémoirei^  de  Uobert  Chevalier,  dit 
de  Beauchesne,  publiés  par  Lesage  (1732),  que  Voltaire  s'est 
inspiré  ici.  Il  ne  leur  doit  d'ailleurs  que  le  caractère  du  per- 
sonnage -. 

Ferdinand  Castets, 


1  C'est  à  son  séjour  en  Angleterre  que  Voltaire  doit  d'avoir  connu  Piler- 
mite  de  Parnell  (1679-1717),  dont  il  a  intercalé  une  imitation  dans  Zadig, 
ce  que  Fréron  lui  reprocha  durement. 

*  L'enfance  de  Beauchesne  chez  les  Iroquois,  sa  violence  et  son  courage 
indomptables,  la  vigueur  extraordinaire  du  «  gros  garçon  d'assez  bonne 
mine,  blanc  et  blond  »,  son  embarras  naïf  quand  les  dames,  chez  M.  de 
Remoussin,  le  prennent  pour  cible  de  leurs  coquetteries,  sont  des  traits 
qui  ont  pu  intéresser  Voltaire.  D'après  Dunlop  [History  of  Fiction,  IIP, 
p.  327),  la  principale  situation  est  tirée  de  la  Baronne  de  Liez,  roman 
de  Duclos. 


DEUX  FAUTES  DANS  LE  DISCOURS  DE  BOSSU KT 

SUR  L'HISTOIRE  UNIVERSELLE 


Dans  les  éditions  du  Discours  sur  l'Histoire  universelle  que 
j'ai  pu  voir  \  on  lit^  :  «  11  (Alexandre  le  Grand,  aux  Indes)  fut 
contraint  de  céder  à  ses  soldats  rebutés  qui  lui  demandaient 
du  repos.  Réduit  à  se  contenter  des  superbes  monuments 
qu'il  laissa  sur  le  bord  de  l'Araspe,  il  ramena  son  armée»,  etc. 

L'Araspe,  quelle  est  cette  rivière?  En  vain  vous  le  deman- 
derez aux  commentateurs,  aux  lexicographes^  aux  géogra- 
phes. Nul  ne  connaît  un  cours  d'eau  de  ce  nom.  La  rivière  au 
bord  de  laquelle  Alexandre  dut  arrêter  sa  marche  victorieuse 
est  l'Hjphase  ou  Hypase^  (Vipaça,  aujourd'hui  Béyah). 

Un  peu  plus  loin  les  éditions  portent  :  «  Mais  ce  qu'il  j  avait 
de  plus  funeste  pour  sa  maison  et  pour  son  empire,  est  qu'il 
laissait  des  capitaines  à  qui  il  avait  appris  à  ne  respirer  que 
l'ambition  et  la  guerre.  Il  prévit  à  quels  excès  ils  se  porte- 
raient quand  il  ne  serait  plus  au  monde  :  pour  les  retenir,  et 
de  peur  d'en  être  dédit,  il  n'osa  nommer  ni  son  successeur  ni 
le  tuteur  de  ses  enfants.  » 

On  comprend  :  a  de  peur  d'en  être  dédit,  il  n'osa  nommer 
son  successeur.»  Mais  que  peut  bien  signifier  ceci  :  «  pour  les 
retenir,  il  n'osa  nommer  son  successeur?  »  Le  beau  moyen  de 

*  De  l'édition  princeps,  Paris  1681,  à  celle  de  M.  A.  Gasté,  Paris  1885, 
qui  reproduit  «  aussi  fidèlement  que  possible  »  la  troisième,  «revue  par 
l'auteur»,  Paris  1703,  laquelle,  d'après  M.  Gasté,  «  présente  le  texte 
définitif»  de  Bossuet. 

2  Troisième  partie,  chapitre  5,  près  de  la  fin. 

3  Yyao-iç,  Arrien  ;  Hypasis,  Quinte-Gurce,  Pline;  YTravtç,  Straboa, 
Diodore  de  Sicile.  Cette  dernière  variante  est  curieuse  (Strabon  15,  1,  17, 
p.  691,  parle  d'un  peuple  rTrxTÎwv  dans  les  mêmes  parages),  mais  ne  nous 
intéresse  pas  ici. 


DEUX  FAUTES  DANS  LE  DISCOURS  DE  ROSSUET         493 

retenir  des  généraux  ambitieux  et  batailleurs  :  ne  pas  oser  ! 
Et  à  supposer  que  Bossuet,  par  une  sorte  de  zeugnae,  ait  voulu 
dire  :  «  pour  les  retenir,  il  ne  nomma  pas  sou  successeur», 
c'eût  été  une  étrange  précaution  à  prendre  contre  eux.  Pour- 
quoi, si  chacun  avait  un  droit  égal  à  prétendre  au  trône,  se 
battraient-ils  moins  entre  eux  que  si  un  seul  l'avait  ?  N'insis- 
tons pas.  Il  suffit  d'un  moment  de  réflexion  pour  voir  que 
Bossuet  a  dû  écrire  :  «  Il  prévit  à  quels  excès  ils  se  porteraient 
quand  il  ne  serait  plus  au  monde  pour  le^  retenir  :  et  de  peur 
d'en  être  dédit,  il  n'osa  nommer  ni  son  successeur  ni  le  tuteur 
de  ses  enfants.  » 

Conviendra-t-il  de  corriger  ces  deux  fautes  dans  les  éditions 
à  venir  du  Discours?  La  seconde,  oui;  mais  non  la  première. 
C'est  pour  cette  différence  et  dans  l'intérêt  de  la  méthode  cri- 
tique qu'il  valait  la  peine  de  les  relever. 

Gomment  Hjphase  ou  Hypase  '  est-il  devenu  Araspe?Ce 
n'est  pas  par  une  erreur  visuelle  du  compositeur;  on  ne  peut 
prendre  Hjpase  pour  Araspe,  si  mal  que  le  mot  soit  écrit  ;  et 
Bossuet  avait  une  bonne  écriture.  C'est  bien  plutôt  et  sans 
aucun  doute  par  une  confusion  qui  se  fit  dans  l'esprit  de  Bos- 
suet entre  THyphase  (affluent  de  l'Acésine,  qui  se  jette  dans 
rindus),  l'Hy  daspe  (autre  affluent  de  la  même  rivière)  etl'Aruxe 
(fleuve  de  Perse),  trois  noms  souvent  mentionnés  par  les  his- 
toriens d'Alexandre.  Peut-être  aussi  Araspe,  nom  d'homme 
qu'il  avait  pu  rencontrer  dans  la  Gyropédie  ou  chez  Phitarque, 
se  mêla-t-ilaux  trois  autres  noms  dans  les  souvenirs  flottants 
de  l'orateur.  Et  c'est  Araspe  qu'il  jeta  sur  le  papier.  Mais 
précisément  parce  qu'elle  suppose  tant  de  réminiscences  clas- 
siques, la  confusion  doit  être  attribuée  à  l'auteur  et  non  à 
l'imprimeur.  Il  y  a  donc  eu   un  moment  où  Bossuet  a  cru  que 


*  C'est  là,  en  eft'et,  l'orthographe  qui  lui  était  fournie  par  les  «Maté- 
riaux du  Discours  sur  l'histoire  universelle  »  qui  sont  conservés  dans  un 
manuscrit  de  la  Bibliothèque  Nationale,  fonds  français  12834,  et  dont  les 
éditeurs  du  Catalogue  général  des  manuscrits  français,  MM.  Omont  et 
Couderc,  disent  (t.  II,  p.  607)  :  «  Très  peu  de  ces  matériaux  sont  auto- 
graphes, mais  beaucoup  portent  des  corrections  de  la  main  de  Bossuet.» 
Dans  ce  manuscrit,  on  lit  au  f°  58  \-  :  «  11  subjugue  toutes  les  Indes  jus- 
qu'au fleuve  Hypase  ou  il  est  contreint  de  s'arrester  voyant  son  armée 
rebutée»;  et  les  trois  derniers  mots  sont  corrigés  en  «ses soldats  rebutez». 


494         DEUX  FAUTES  DANS  LE  DISCOURS  DE  BOSSUET 

la  rivière  qui  marqua  la  limite  de  la  marche  cF Alexandre  vers 
l'orient  s'appelait  Araspe.  L'erreur  est  de  lui,  il  l'a  commise 
au  moment  où  il  écrivait  cette  page  ;  et  comme  il  ne  Ta  corri- 
gée dans  aucune  des  éditions  soi-disant  revues  par  lui,  il 
paraît  qu'il  ne  s'en  est  jamais  aperçu  ;  nous  n'avons  pas  le 
droit  d'y  toucher. 

Tout  au  contraire,  la  seconde  faute  est  du  fait  de  l'impri- 
meur et  non  de  l'auteur.  Comment  celui-ci  ponctua-t-il  sa 
phrase  ?  On  ne  le  saura  probablement  jamais,  puisque  le  manus- 
crit autographe  paraît  être  perdu.  Mais  sa  pensée,  nous  l'avons 
vu,  ne  peut  être  que  celle  ci  :  «  ...quand  il  ne  serait  plus  au 
monde  pour  les  retenir  :  et  de  peur  d'en  être  dédit,  il  n'osa 
nommer»,  etc.  C'est  l'imprimeur  qui  la  défigura  en  plaçant  le 
double  point  après  «  monde  ».  Si  Bossuet,  dans  trois  éditions 
successives  '  laissa  subsister  cette  fausse  ponctuation,  c'est 
évidemment  par  inadvertance;  jamais  cette  ineptie  :  «  pour 
les  retenir,  il  n'osa  nommer  son  successeur»  n'entra  dans  gon 
esprit  ;  jamais  elle  n'a  été  qu'une  simple  faute  d'impression. 
Nous  avons  le  droit  et  le  devoir  de  la  faire  disparaître  ^. 

En  note  cependant,  si  l'on  dispose  de  ce  mojen,  on  avertira 
le  lecteur  que  Bossuet,  dans  ce  passage,  a  eu  deux  défaillan- 
ces :  Tune  de  mémoire,  sur  un  nom  géographique,  en  compo- 
sant; et  l'autre,  d'attention,  sur  un  signe  de  ponctuation,  en 
corrigeant  les  épreuves.  Deux  péchés  assurément  véniels, 
mais  qui  contribuent,  pour  leur  faible  paît,  à  caractériser  sa 
manière  de  travailler. 

Max  Bonnet. 


•  1681  ;  1682  ;  1703. 

*  Après  "monde»,  au  lieu  de  deux  points,  certaines  éditions  ont  un 
point  final  ;  d'autres,  point  et  virgule.  Réaume,  Histoire  de  Bossuet,  I, 
p.  460,  citant  toute  la  page,  écrit  :  «  pour  les  retenir,  ou  de  peur  d'en 
être  dédit  ».  Est-ce  une  nouvelle  faute  d'impression  ou  une  conjecture 
malheureuse  ? 


UNA  NUOVA  GRAMMATICA  LATINO-ITALIANA 

DEL     SEC.    XIII 


lo  ho  fiducia  di  recare,  con  la  présente  publicazione,  nu 
modesto  contributo  alla  storia  degli  studi  di  grammatica  nei 
seooli  XIII  e  XIV. 

Tutti  sanno  che  la  produzione  linguistica  delT  età  di  mezzo 
si  présenta,  a  seconda  che  venne  suggerita  da  intendimenti 
pratici  o  da  intendinaeiiti  teoriei,  sotto  una  doppia  espressione 
letteraria.  Alla  prima  categoria  dei  tcattati  di  rettorica  pra- 
tica  si  riferiscono  le  famose  artes  dictandi  e  i  non  meno  noti 
formulari^  che  miravano  ad  agevolare,  per  via  di  proposizioni 
fatte  ,  Tespressione  dei  propri  sentimenti  in  buona  lingua 
latinaa  coloro  che  per  Tiiso  délia  favella  volgare  erano  venuti 
perdendo  la  consuetudine  dell'  antica'  ;  alla  seconda  apparten- 
gonoinvece  iglossariele  graminatiche,destinate  afare  appren- 
dere  il  latino  ^. 

Queste  grammatiche,  rimaneggiamenti  in  génère  di  quelle 
classiche  antishe,  di  Donatoe  di  Prisciano  sopratutto,  e  degne 
ad   ogni    modo   di  attirare    Tattenzione    degli   studiosi    délia 


1  Su  le  artes  e  sugli  antichi  dettatori  si  vedano  gli  studi  seguenti  : 
Grôber.  :  Ueberdcht  ûber  die  lateinische  LitLeratur  von  der  Mitte  des 

6  Jahrhunilerts  bis  1350,  ia  Gnindriss  /'.  roman.  Philol.  II  Bd.  p.  352-3. 
RocKiNOER.  :  Briefsteller    imd   For)neUjûcher,    iu    Quellt?i.    z.   bayer. 
Gesch.  IX,  1. 

F.  Casini.  :  La  cultura  bolognese  dei  secoli  XII  e  XIII,  in  Gior}i.  stor. 
délia  Letlerat.  ital.  I,  p.  9,  ss. 

A.  Gaudenzi.  ;  Guidonis  Fabe  dictamica''  rhetorica ,  in  Propugnatore. 
N.  S.  T.  V.  P.  1,  p.  109. 

G.  Bkrtoni —  E.-P.  ViciNi.  :  Gli  sliidi  di  grammatica  e  la  rinascenza 
a  Modena,  1905,  p.  103,  ss. 

2  et.  Grober,  Z.  c.  p.  251. 


496         UNA    NUOVA    GRAMMATIGA    LATINO-ITALIANA 

cultura  médiévale,  non  offrirebbero  grande  interesse  per 
il  filologo,  se  un  certo  numéro  di  esse,  composte  in  tempi  a 
noi  più  vicini,  specialmente  se  indirizzate  ai  laiei  presso  i 
quali  riutelligenza  délie  significazioni  latine  andava  ottene- 
brandosi,  non  si  fossero  fatte  eco  del  linguaggio  volgare. 

Precisamente  a  questo  gruppo  di  grammatiche,  le  quali 
fanno  alla  parola  latina  seguire  la  traduzione  in  volgare  ed 
adoperano  eserapi  in  volgare,  appartiens  il  documento  che  io 
sto  per  rendere,  in  parte,  di  pubblica  ragione. 

Esso  acfiuista  maggiore  importanza  per  il  fatto  che,  meno 
fortunate  dei  trattati  di  Guido  Faba  e  di  Buoncompagno  da 
Signa  di  altri,  coteste  grammatiche  ci  pervennero  in  numéro 
cosi  scarso,  o  sono  almeno  cosi  poco  conosciute,  che  non  saprei 
mettere  accanto  alla  présente  altro  che  il  frammento  lalino- 
bergamasco,  edito  dal  Sabbadini  '. 


La  nostra  graramatica  trovasi  nel  cod.  lat,  mss.  23503, 
appartenente  alla  R.  Biblioteca  di  Monaco  in  Baviera. 

È  pergamenaceo  ;  rilegato  in  robuste  assi  con  dorso  in  pelle  ; 
misura  cm.  23  1/2  X  17. 

Comprende  31  carte,  di  cui  l'ultima  serve  di  guardia  ;  la 
scrittura  si  estende  dalla  c.  1  ■■  sino  alla  c.  28'"  (=30"');  la 
numerazione  è  récente  e  anche  inesatta  :  saranno  segnate 
rispettivamente  con  c.  Q  bis  e  c.16  bis,  due  carte  saltate  dal 
numeratore. 

Il  codicft  è  scritto  in  chiara,  regolare  e  bella  scrittura  semi- 
gotica.  Le  iniz:ali  dei  capoversi  sono  più  grandi  e  in  lettere 
rosse.  Le  iniziali  dei  capitoli  sono  aiicora  assai  più  grandi  ; 
pure  in  rosso  e  ornate  di  fregi. 

Assai  difficile  è  precisare  Tepoca  in  cui  sarebbestato  scritto 
il  codice;  i  caratteri  esteriori  dc\  codice  lo  fanno  oscillare  tra 
la  fine  del  sec.  XIII  e  la  prima  parte  del  sec.  XIV. 

Se  è  stato  colloca'o  da  noi,  nel  titolo  di  queste  pagine,  addi- 
ritiura  nel  sec.  XIII,  egli  è  perché  esso  appare  una  copia 
e  non  un  testo   originale;   contiene   infatti  alcuni   errori  che 

1  In  Studi  medievali,  1904,  fasc.  II,  p.  282-292. 


DEL    SEC.    XIII  497 

piuttosto  che  auna  semplice  svista  delT  araanuense  sembrano 
doversi  attribuire  a  una  cattiva  lettura  del  testo  :  scieis  cl" 
per  sciera;  procui  cl";  'unorum  c  24  ""  per  tuorum-^  quarte, 
cl'  dicetuare,  c.24'"  ;  ecc.  Molti  altri  esernpi  ci  offre  anche  il 
testo  sopratutto  nella  parte  non  riprodotta. 

Prima  di  dare  il  soraraario  del  contenuto  del  codice  occore 
rilevare  che  questo,  cosi  corne  ci  è  pervenuto,  appare  fram- 
mentario.  Il  primo  quaderno  e  forse  anche  i  prirai  due  '  deb- 
bono  essere  stati  asportati  dal  codice.  Questo  sospetto  infatti 
ci  vien  sûggerito  sia  dalla  mancanza  di  alcune  trattazioni,  ad 
es.  quella  délie  declinazioni,  ecc;  sia  dalT  assenza  di  un  inci- 
pit;  sia  dalla  identità  délia  prima  lettera  iniziale  con  quelle 
degli  altri  capitoli. 

Dei  capitoli  rimastici,  il  primo  (c.  l'"-c.7")  tratta  dei  nomi 
eterocliti  2. 

Il  seconde  (c.  7-'-c  10'),  délie  proposizioni  relative. 

Il  terzo  (c  10  ''-c  15'),  degli  avverbi  di  luogo. 

Il  quarto  (c.  IS'-c  IG»"),  dei  partitivi. 

Il  quinto  (c  16'"-c  17"),  dei  participi. 

Il  sesto  (c  18''-c.  26'"),  dei  comparativi. 

Il  settimo  e  ultimo  (c.  2Gr-c.  28''),  dei  superlativi. 

Seguono,  nella  stessa  carta  28'",  altre  14  righe,'_nelle  quali  si 
tratta  dei  nomi  patronimici  ;  probabilmente  sono  un'  aggiunta 
posteriore,  sia  perché  scritte  in  carattere  corsivo,  sia  perché 
è  lasciato  in  bianco  lo  spazio  in  cui  il  rubricatore  avrebbe 
dovuto  disegnare  la  lettera  iniziale. 

Tempo  è  ormai  di  mettere  in  rilievo  le  particolarità  lingui- 
stiche  principal!  : 

Per  quanto  spetta  alla  grafia,  notevole  è  Tuso  di  se  per 
sch  :  sciera,  c.  P;  sciata,  c  1". 

L'n  finale  é  rappresentato  spesso  per  m;plem,  c  24'';  piera, 
0.24'';  um,  c24r;    mem,  c25";  ecc 

ch^  sta  talvolta  per  il  semplice  c  .  :  chanta,  c  ^bis^  : 

Aggiungo  due  casi  nei  quali  non  sarà  certo  a  vedersi  un 
semplice  fatto  di  trascrizione  : 


'  Ogni  quaderno  del  codice  consta  di  8  carte. 

*  Questo  capitolo,  comprendendo  la  maggior  parte  délie  parole  in  vol- 
gare,  verra  stampato  integralmente. 

32 


498  UNA    NUOVA    GRAMMATICA    LATINO-ITALIANA 

c,  intervocalico  rappresentato  talvolta  da  s  :  piase,  e.  6""  ; 
talvolta  da  ç:  tenace,  c.3';  talvolta  con  x  :  piaxe,  c.  2',  paxo, 
cl'. 

s  intervocalico  rappresentato  da  x  :  caxa,  P,  ecc. 

VOCALI  TONICHE  : 

Apofonesi  :  capilli,  c.  6bis^;  quisti,  c.  2"^;  baruni,  c.  5^/s''; 

Nulla  da  osservare  per  quanto  spetta  ad  u  e  i  lunglii  e  tonici  ; 
infatti:  fumo,  c.  l';  padulo,  c.4''  (Meyer-Lubke,  Gram.  I,  60 
e  483);  vita,  c.  1';  viso,  c.  1^ 

i  brève  e  È  lungo  rappresentati  da  e  :  vêla,  c.  2'';  sete,  cl''; 
tevaro,  c  5^  Da  aggiungersi  il  solito  :  libro,  c  4". 

il  brève  et  ô  lungo  son  dati  per  o  .•  torre,  c  3"^;  tosso,  c3''; 
rove,  c  4'. 

Uû  è  conservato  nei  latinismi  :  mundo,  c.  V;  pulvero, 
c  Sr. 

Abbiamo  qui  anche  il  difficile  :  lupo  c  4^. 

ô,  brève  è  rappresentato  generalmente  da  o  :  homo,  c.  16', 
ecc;  logo,  c  6';  scola,  c.  24''  ;  bone,  c.  1". 

Ma  anche  dal  dittongo  uo:  scuole,  5èîs'';  suoçera,  c  S""  ; 
çuoghi,  c  G", 

Da  citarsi  anche  :  nuora,  c  3^ 

È  brève,  generalmente  conservato  anche  in  sillaba  libéra  : 
Pero,  c  2P',  ecc;  ma  abbiamo  anche  spesse  volte  :  Piero, 
c.  21',  ecc. 

Non  si  dittonga  in  sillaba  chiusa. 

SuFMSso  :  ARius  :  maneria,  c  1'';  già  in  latino  volgaro, 
maneries,  c  P. 

DiTTONGHi.  Abbiamo,  cielo,  con  Vi,  c.  6";  celo,  senza  1'?', 
c  7'. 

au,  si  risolve  per  o  :  cosa,  c.  1'';  povero,  c.  2";  meloro,  se 
viene  da  7nalus  laurus,  c  3"". 

un  au  in  al  in  aldù  (udito),  c.  25'. 

VOCALI  ATONE  : 

Il  fatto  più  importante  è  che  caduta  le  vocali  e,  quasi 
sempre  figura  sostituita  con  o  : 

onoro,  c  ô^  ;  salo,  aero,  maro,  c  1  "■  ;  famo,  c  1  ■■,  morto, 
sauguo,  0.2';  tosso,  c.  5  '  ;  vallo,  c.  3  ',  ecc 


DEL    SEC.    XIII  499 

Qualche  volta  perô  resta  Ve  :  seto,  c.  5'  ;  odore,  c  5'';  fine, 
c.  4'";  nuxe,  c.  4  "■  ;  torre,  c.  S"". 

I,  postonico,    non   finale,  dinanzi  a  r  dà  a;  dataro,  c,  4''; 

in  altii  casi,  e  ;  portego,  c.  S';  femena,  c.  16".  ecc. 

Per  le  vocali  protouiche  in  sillaba  iniziale  debbo  citare 
dinanzi  a  nasale  lo  svolgimento  die  par  o  :  somente,  c.  4'. 

Vocale  estirpatrice  di  iato  :  aiero,  o.  l  '',  accanto  a  :  aero,  c.  l"". 

CONSONANTl : 

p,  protonico,  e  postonico  si  risolve  per  v  ;  cevôla,  c.  14^; 
scove,  c.  5  bis" ;  pavolo,  c.  7  ''  ;  pevere,  c.  4  ''  ;  povero,  c.  2''. 

B,  protonico  e  postonico  si  ritlette  per  v  :  fave,  c.  S""  ;  rove, 
c,  4  ■■;  tavola,  c.  3  '  ;  avero,  c.  1  ". 

V,  postonico  cade  in  :  ua,  c.  3  "■  ;  si  conserva  in  :  nave,  c.  2  ". 

T,  postonico,  si  conserva  in  :  sete,  vita,  satute  c.  1  ■". 

Si  digrada  in  :  desarraado,  c.  5  bis"  ;  amado,  c.  16"  ;  fadiira, 
c.  5"^,  menaçadi,  c.  IT';  protonico,  tra  voc.,si  digrada  e  scom- 
pare  :  leamo,  c.  1  "";  bateura,  c.  2^;  albergaoro,  c.  2''  ;  hospeali, 
c. 2",  accantoalle  forme  hospetali,  c.  2"  ;  aibatura,  c.7^ 

c,  postonica,  si  digrada:  figo,  c.  4'';  segura,  c.  5'';  logo, 
c,  6'  ;  çuoghi,  c.  6  "  ;  portego,  c.  3  ''. 

j,  iniziale,  si  svolge  per  z  :  zoventù,  c.  1  "■;  zuatio,  c.  21  "  ecc; 
zudei,  c.  5  bis"  ;  zove,  c.  5";  çogolari,  c.  5  Ois". 

nei  nessi  : 

Dj,  postonico,  :  orzo,  cl";  verça,  c,  5  ■"  ;  nieço,  c  24  ^ 

NJ,  protonico,  :  signoria,  c.  2'';  e  post  :  bagao,  c.7  "■;  vigne, 
c.  5  bis^;  castagna,  c  4^ 

TJ,  postonico,  :  piaza,  c.  1(5  bis  ". 

LJ,  protonico,  :  meioro,  c.  24",  miiari,  c.  6'';  ôiolo,  c  5  ô« ', 
accanto  a  filioli,  c.  5  bis". 

cj,  postonico,  :  faça  c  1'. 

L,  tra  vocali,  dà  r  in  :  dataro,  c.  4  ^ 

V,  iniziale  per  g  :  gumero,  c  5  ^ 

N,  intercalato,  davanti  una  fricativa  :  insivam,  c  l"". 

Gruppi  : 

CL,  GL,  PL,  BL,  FL,  iniziali,  si  risolvono  corne  di  consueto: 
biancho,  cl";  chiave,  c  5'';  piaza,  c.  10  bis";  flore,  c  3"^^,  ecc 


500         UNA    NUOVA    GRAMMATIGA    LATINO-ITALIANA 

Rileviamo  il  notevole  :  biava,  c.  S"";  e  lo  svolgimento  dioL  : 
ianda,  c.  4  ■',  dove,  probabilmente,  è  da  vedere  nient'altro  cbe 
un  segno  grafico  per  g  palatile. 
CL,  postonico,  :  vermeio,  c.  l''. 

TL,  postonico,  :  vechia,  c.  3^  Citi<mo  anche  :  scoglio,  c.  2". 
CR,  dà  gr  :  ale2:ro,  c.  4  ""i  agro,  c.  4  ''. 
Metatesi  :  prea,  c.  4  ""'. 
Articoli  : 
sing.  masch.  :  lo,  c.  l'',  ecc.  ;  el.  c.  S"",  ecc. 
genit.  :  de  lo,  c.  ô"",  ecc;  del,  c.  S*",  ecc. 
ablat.  :  dal,  c.  S'', 
féminin,  :  la,  c.  1  ■■  ;  ecc. 
plur.  :  i,  c.  16  bis"'  ;  li,  cl'  (de  li  c.  1  "),  ecc. 

NUMERALI  : 

maschile  :  due,  cl";  dui,  c.  P  ;  du,  c  24'"  ;  ecc. 
fem.  :  doa,  c  25'. 
a  tre  a  tri,  c.  5  bis''. 
seto,  c  25^ 

Pronomi  : 

io,  c  1";  eo,  c.  2"  ;  me,  c.  2'";  lo,  lu  e  lui,  c  22'". 
tu,  ti,  c  25^ 

Aggettivi  possessivi  : 

masch.  plur.  :  mei,  cl";  toj,  c  24  ^ 

SOSTANTIVI  : 

Il  plurale  e  per  i,  fenomeno  assai  fréquente  nel  veneto  •  : 
vestiraente,  c  5  bis"  ;  reprensione,  c.  5  bis''. 

ScAMBio  Di  DECLiNAZioNB  :  vcsta,  C.  3";  segura,  c.  5''; 
sanguo,  c.  2'". 

ScAMBioDi  suFPisso  :  salutevelo,  c.  4'  ;  volevole,  c  4". 

Verbi  : 

PRES.  iNDic.  :  vago,  c.  6"';  ô,  c  1  '  ;  sono,  c.  2";  sum,  c.  21", 


1  Cf.  l'introduzione  del  Mussafîa  all'edizione  del  «  De  regimine  rectoris  » 
di  Ira  Paolino. 


À 


DEL    SEC.    XIII  501 

ecc;  cito  anche  :  voio,  c.  ^^5  ■";  soio,  c.  24'"  ;  vécu,  c.  2"  ;  leço, 
c.23^ 

Infinito  :  daro,  c.  25  '  ;  araaro,  c.  16  ". 

Particip.  passati;  (0,  caie  qualche  volta,  :  amà,  c.  16';  aldu 
c.  25"',  abiu,  c.  1",  accanti  ad,  abiudo,  c.  5  bis"  ;  amado, 
c.  16";  al  plurale:  vegnuj.  c.  I6ô«s'';  batuj,  c.  IQbis";  accante 
a  menaçadi,  c.  17'. 

Va  rilevato  anche  il  diffuso  :  fir,  infinito,  da  fiein,  c.  iQbis''; 
ecc. 

SiNTASSI. 

Riguardo  alla  sintassi,  mi  basti  richiamare  l'attenzione  su 
l'impiego  délia  terza  persona  singolare  con  soggetto  plurale. 
Tuttavia  :  insiuam,  c.  l"'  ;  correno,  c.  24  ■". 

Un  ultimo  punto  rimane  ancora  a  chiarirsi  :  il  luogo,  cioè, 
di  provenienza  del  codice. 

Le  caratteristiche  linguistiche,  riprodotte  più  sopra,  dirao- 
strano  in  maniera  évidente  che  il  testo  deve  essere  stato  scritto 
neir  Italia  settentrionale  :  basta,  infatti,  fare  attenzione  al 
digradamento  délie  sorde  intervocaliche,  al  trattamento  délia 
consonante  j,  délia  vocale  e  postonica  finale,  ecc.  Ora,  quanto 
facile  riesce  questa  constatazione  generica,  altettanto  diffi- 
cile è  poter  fissare  con  precisione  aquale  determinata  regione 
il  testo  appartenga. 

A  questa  difflcoltàsi  urta  serapre  nella  piiblicazione  di  testi 
antiihi. 

Il  Mussafla,  publicando  i  testi  antichi  veronesi,  accortosi 
che  alcuni  tra  essi  avrebbero  potuto  attribuirsi  benissimo  cosi 
alla  Lorabardia  come  al  Veneto,  propose  a  fine  di  spiegare 
questo  notevole  fenomeno  una  sua  teoria  secondo  la  quale  nella 
Lombardia  e  nel  Veneto  si  sarebbe  verificata  una  tendenza 
artificiale  a  darci  una  lingua  litteraria  e  comune,  risultante 
di  forme  proprie  alT  una  o  ail'  altra  regione. 

Altriinvece  vollero  spiegare  il  fenomeno  ricorrendo  ail'  ipo- 
tesi  di  un  adattamento  al  proprio  vernacolo  effettuato  dagli 
amanuensi. 

L'Ascoli' fece  ragione    di  tutte  queste  ipotesi  dimostrando 

1  Arch.  Glott.  Ital.,  I,  p.  309,  ss. 


502         UNA    NUOVA    GRAMMATIGA    LATINO-ITALIANA 

che  alcune  forme  linguistiche  similari  (le  apofonesi,  peres.) 
sono  oiiginarie  ed  indigène  tanto  alla  Lombardia  che  al  Veneto 
e  vanno  anche  !=pesso  spiegate  con  il  reciproco  influsso  Ira 
i  vari  dialetti,  durante  il  période  délia  loro  costituzione  orga- 
nica,  per  cui  forme  diverse  venivano  assunte  a  esprimere  lo 
fetesso  fatto  linguistico.  Di  queste,  ciascun  dialetto,  man  mano 
che  andava  specificandosi,  ritenne  quelle  che  più  rispondevano 
air  indole  propria,  eliminando  a  poco  a  poco  le  altre. 

Qualunque  siano  ad  ogni  modo  i  cocfficienti  produttori  di 
questo  livellamento,  la  difficoltà  creata  dall'  assenza  di  diflfe- 
renziazione  nella  struttura  primitiva  dei  dialetti  settentrio- 
nali  è  taie  che  il  Salvioni  afferma  che  senza  il  sussidio  di  testi- 
monianze  storiche  è  pressochè  impossibile,  nella  generalità 
dei  casi,  determinare  con  esattezza  la  provenienza  di  un 
testo  *. 

A  questa  legge  comune  non  si  sottrae  neppure  il  nostro  :  il 
SUD  volgare  si  ritrova  pressochè  tutto,  cosi  nel  pianto  veneziano 
délia  Vergine  publicato  dal  Linder  -,  o  nella  «  Cronica  degli 
Imperatori  »,  édita  dal  Cerruti  ^,  corne  nella  parafrasi  lora- 
barda  dei  a  Neminem  iaedi  nisi  a  se  ipso  »,  di  san  Giovanni  Cri- 
sostomo  publicata  dei  Fërster  ''.  Nouostante  perô  Tincertezza 
générale  délie  forme,  la  maggior  parte  dei  testi  racchiudono 
in  se  alcuni  sottili  fenomeni  rivelatori,  che  perraettono  allô 
studioso  di  fissarne  i  caratteri  specifi. 

Cosi  anche  riguardo  al  nostro  testo  io  credo  di  poter  fare 
ancoia  un  passo  innanzi  aff'ermando  che  nel  Veneto  bisogna 
rintracciarne  la  patria. 

Infatti  non  solo  Tautore  appare  dagli  esempi  de!  capitolo 
terzo  (c.  10''-c.  15'')  avère  grande  famigliarità  con  i  paesi  dei 
Veneto,  non  solo  l'affinità  tra  il  nostro  e  gli  antichi  testi  vene- 
ziani  sembi'a  più  intima,  ma  abbiamo  ancora  délie  forme  che 
0  sono  caratteristiche  al  dialetto  veneto  o  per  lo  meno  vi  sono 


»  Giorn.  stor.  délia  letterat.  ital.,  XLIV,  1905,  p.  420,  ss. 

^  A.  Linder.,  Plainte  de  la  Vierge  en  vieux  vénitien.  Upsala,  1898. 

=*  Arch.  Glott.  Ital.,  vol.  III,  p.  177,  ss. 

*  Arch.  Glott.  Ital.,  vol.  VII,  p.  i,  ss. 


DEL    SEC.    XIII  503 

più  diffuse  che  altrove  ;  cosi  l'impiego  délia  terza  persona 
singolare  [)er  la  plurale  *,  la  forma  pi  per  plus  2,  ecc. 

Arrivato  a  questo  punto,  non  mi  sembra  temerario  fare 
ancora  un  ultime  pas^so,  afïermando  che  Torigine  del  nostro 
testo  è  da  ricercarsi  in  Verona.  lufatti  non  solo  tutri  i  feno- 
meni  linguistici  dà  me  accennati  sono  corauni  al  dialetto 
veronese,  mail  nostro  testo  volgare  ci  offre  alcune  forme  che 
possono  considerarsi  quasi  come  caratteristiche  di  quel  dia- 
letto; cito  :  il  fenoraeno  dolT-o  postonico  finale^  e  la  termi- 
nazione  aro  degli  infiniti  verbali''. 

Di  più  a  Verona  ci  richiama  lo  stesso  autore  il  qualo  nei 
suoi  esempi  la  cita  di  preferenza.  Più  che  venti  volte  è  citata 
Verona  nel  capitolo  terzo  ed  è  generalmente  nominata  la 
prima  nelle  série  di  nomi  di  città  ^;  appresso  viène  Vicenza, 
citata  nove  volte. 

A  Verona  finalmente  ci  riporta  un'  indicazione  esteriore  del 
codice,  Infatti  nella  parte  interna  dell'  ultimo  riguardo  si  tro- 
vavano  scritte  due  righe,  destinate  probabilmente  a  indicare 
il  proprietario  del  manoscritto.  Disgraziatamente,  ail'  epoca 
forse  del  suo  trafugamento  in  Gerinania,  sono  state  profonda- 
mente  raschiate,  di  maniera  che  appena,  è  oggi  possibile  di  leg- 

gere  :  Iste  libe^'fuit ;  e  poi  al  principio  délia  seconda  riga 

si  intravede  :  de  verona 

Dopo  ciô,  diquesta  grammatichetta,  che  possiamo  chiamare 
addirittura  latino-veronese,  riproduciamo  tutti  quel  frammenti 
che  contengono  le  parti  volgari  ^. 

c.  P]. 

Nota,  quod  sunt  quedam  nomina  masculini  generis  non 
declinata  in  plurali  que  in  bis  uersibus  continentur: 

»  Cf.  Arch.  Glott.  Ital.  I,  137;  Linder,  /.  c.  p.  cxv. 

*  Cf.  K.  von  Ettmayer,  Lombardisch-Ladinisches  au6  Siidtirol.  Estratto 
dalle  Romanische-Forschungen,  vol.  XIII,  2:  p,  570. 

3  Cf.   Arch.   I,  p.  307.  Meyer-Ltibke,  I,  807. 

*  Cf.  Arch.  I,  p.  424,  note  2;  Oehlert,  Alte-Verones.  Passion. 
Halle,  1891,  p.  58. 

^  Cf.  mss.  c.  11',  li''',  ecc. 

"^  Ho  tralasciato  di  trattare  délie  relazioni  tra  la  nostra  grammatica 
e  gli  altri  analoghi  componimenti  del  medio  evo,  perché  intendo  occupar- 
mene  più  diffusarnente  a  proposito  délia  publicazione  intégrale  del  testo 
che  spero  fare  tra  brève. 


504         UNA    NUOVA    GRAMMATIGA    LATINO-ITALIANA 

Cura  fumo  fimus,  sanguis  cum  puluere,  limus, 
Aer,  sol,  pontus,  cum  mundo  uisus  et  ether. 

Hic  fumus,  huiusfumi,  lo  fumo. 

Hic  fimus,  huius  fimi,  lo  fango  sive  lo  leamo. 

Hic  sanguis,  huius  sanguinis,  lo  sanguo. 

Hic  puluis  vel  puluer,  huius  pulueris,  la  poluero. 

Hic  limus,  huius  limi,  el  luamo. 

Hic  aer,  huius  aeris,  taero. 

Hic  sal,  huius  salis,  lo  salo. 

Hic  pontus,  huius  ponti,  lo  maro. 

Hic  mundus,  huius  mundi,  lo  mundo. 

Hic  uisus,  huius  uisi,  lo  viso. 

Hic  ether,  huius  etheris,  lo  aiero. 

Et  nota  quod  quando  datur  thema  per  supradicta  nomina  ia 
Dominatiuo  plurali,  quo  carent,  debemus  récurera  ad  hoc  no- 
men  maneries  et  ponere  in  illo  casu  quem  uult  uerbum  et  pre- 
dicta  nomina  in  genitivo,  uel  ad  nomina  adiectiua  ponderalia 
et  ponere  ipsa  cura  predictis  nominibus  in  eo  casu  quem 
requirit  uerbum  ut  in  hoc  exemplo  :  dui  fumy  msiuam  de  caxa 
toa  debemus  dicere  :  duplex  fumus  exibat  domum  tuam,  vel 
dicere  :  maneries  fumi  exibat  domum  tuam. 

Nota,  quod  sunt  quedam  nomina  femini[nij,  generis  que  de 
usu  non  declinantur  in  plurali  numéro  et  sunt  ista  que  in  his 
uersibus  continentur  : 

Lux,  sitis  vel  labes,  mors,  uita,  famés,  quoque,  tabès, 
Gloria,  fama,  salus,  humus,  paj,  cum  lue  tellus,  ; 
Adde  senecta  senectus,  adde  iuuentus  iuuenta, 
Hiis  iungas  soboles,  societur  eis  quoque  proies. 

Hec  lux,  huius  lucis,  la  luso. 
Hec  sitis,  huius  sitis,  la  sete. 
Hec  labes,  huius  labis,  la  brutura. 
Hec  mors,  huius  mortis,  la  morto, 
Hec  vita,  huius,  uite,  la  vita. 
Hec  famés,  huius  famis,  la  famo. 
Hec  tabès,  huius  tabis,  la  brutura. 
Hec  gloria,  huius  glorie,  la  gloria. 
Hec  fama,  huius  famé,  la  fama. 


DEL    SEC.    XIII 


i05 


Hec  salus,  huius  salutis,  la  salute. 
Hec  humus,  huius  hurai,  la  terra. 
Hec  pax,  huius  pacis,  la  paxo. 
Hec  lues,  huius  luis,  la  brutura. 
Hec  telus,  huius  teluris,  la  teira. 
l  Hec  senectus,  huius  senecte. 
(  Hec  senectus,  p.  eodem. 
[  Hec  juuentus,  huius  iuuentutis,  la  zouenth. 
\  Hec  juuenta,  p.  eodem. 
Hec  proies,  huius  prolis,  la  sciata. 
Hec  soboles,  huius  sobolis,  p.  eodem. 

Et  nota  quod  quando  datur  thema  in  plurali  numéro,  quo 
carent,  debemus  facere  la  [c.  1'']  tinum  sicut  dictura  fuit  supra 
in  anteriori  régula.  Ut  in  hoc  exemple  :  20,  à  abiu  due  sete, 
débet  dicere  :  ego  habui  duas  maneries  sitis,  vel  duplicem 
sitis  {sic). 

Nota,  quod  sunt  quedam  nomina  neutri  generis  que  carent 
tribus  casibus  in  plurali,  scilicet  genetiuus,  datiuus  et  ablati- 
uus  et  sunt  ista  que  continentur  in  istis  versibus. 

Era  seu  maria,  uina,  dant,  ordea,  mêla, 
Très,  casus  iura  tibi  prebent  oraque  thura. 

Hoc  es,  huius  eris,  lauero. 

Hoc  mare,  huius  maris,  lo  inaro. 

Hoc  vinum,  huius  uini,  lo  vino. 

Hoc  ordeum,  huius  ordei,  torzo. 

Hoc  mel,  huius  melis,  lo  melo. 

Hoc  lus,  huius  iutis,  lo  brodo. 

Hoc  os,  huius  oris,  la  bocha. 

Hoc  thus,  huius  thuris,  lo  incenso. 

Et  nota  quod  quando  datur  thema  per  predicta  nomina  in 
illis  casibus  quibus  carent  debemus  facere  sicut  dictum  fuit 
superius  in  antecedenti  régula,  ut  in  hoc  exemplo  :  de  H  met 
uini  Vuno  h  uenneio  e  l'altro  h  biancho;  debemus  dicere  :  mane- 
ries mei  uini  una  est  alba,  reliqua  vero  vermilia,  vel  debemus 
recurere  ad  casus  quos  habent  et  rautare  constructionem, 
ut  inter  mea  aliquid  est  album  aliquid  est  vermilium.  Et 
nota  quod  lus  habet  plures  significationes,  sed  in  predicta 
régula  capitur  p.  lo  brodo.  Unde  uersus  : 


506  UNA    NUOVA    GRAMMATICA    LATINO-ITALIANA 

Jus,  aqua,  ius  rectum,  lus  locus,  atque  potestas. 
Jus  ad  caponem,  ius  pertinetad  racionera, 
Jus  cum  brodescit  genètivo  dativo  carescit. 

Nota,  quod  omnia  nomina  quarte  {sic)  declinalionis  carent 
tribus  casibns  scilicet  :  genetiuo,  datiuo  et  ablatiuo,  prêter 
ista  que  continentur  in  istis  uersibus  : 

Sunt  res  atque  dies,    acies,  facie-,  speciesque, 
Is  quoque  nianeries  addatur  materiesque, 

Hec  re?,  huius  rei,  la  cosa. 

Hic  vel  liée  dies,  huius  diei,  lo  <li. 

Hec  acies,  huius  aciei,  lo  laio  del  ferro. 

Hec  materies,  huius  materiei,  la  materia. 

Hec  faciès,  huius  faciei,  la  faça. 

Hec  maneries,  huius  maneriei,  la  maneria. 

Hec  species,  huius  speciei,  la  qualità  over  la  beça^  over  le 
specie. 

Et  nota  quod  quando  datur  thema  quinte  declinationis  in 
illis  casibus  quibus  carent,  debenius  edere  latinum  ut  dictum. 
fuit  superius  in  precedenti  régula,  ut  in  hoc  exemplo  :  De  le 
sporinçe  alc'iuneè  bone,  alchune  e  rie:  Manerierum  spei  aliqua 
est  bona,  aliqua  e<t  mala.  Et  nota  quod  hoc  nomen  acies  quod 
est  (est)  in  precedenti  régula  invenitur  per  lo  taio  e  per  lo 
veâere  c  per  la  sciera  -.  Et  hoc  nomen  speeies  inuenitur  per  la 
beleça  e  per  la  potentia  e  per  la  sapientia  e  per  lacidenie  par- 
tium^  omnium.  Unde  versus  : 

c.2^J 

Est  acies  oeuli,  feri  bellique  furentis, 

Accidit  atque  potest,  species  et  prédicat  ornât, 

Signât  arroraata^  quidetn  ista  vocanda  tibi. 

Nota,  quod  omnia  nomina  meiallorura  et  umidorura  non 
declinantur  in  plurali  nisi  :  es  et  metallum  et  nisi  fanpasum, 


'  Cosi  nel  cod.  Evidenternente  va  letto  :  he[lé\ça. 
^  Nel  ms.   scieis.    Circa  al   suono  duro   sci,  si  cfr.  più   sopra   sciata 
(schiatta). 
'  Nel  m.  pro  cui. 
*  -ta  pare  abraso. 


DEL    SEC.    XIII  507 

ordeum,  fiirnientum  et  lujiinup^  faba,  melapopo,  unda  '  strec- 
tara  (?)  liquor,  uis  et  mare.  El  iK^ta  quod  quarulo  datur  thema 
in  phirali  numéro  per  siipradicta  nomiiia  que  carent  ipso, 
deberaus  coraponere  latinum  ut  dictum  fuit  superius  in  pre- 
cedentibus  regulis,  ut  in  lioc  exem[)lo  :  de  li  olij  a/cliuni  dulci 
alchuni  amari  :  Manerierum  olei  aliqua  est  dulcis,  aliqua 
amara. 

Nota,  quoi  sunt  quedam  nomina  que  in  singulari  numéro 
carent  nominatiuo  et  uocatiuo  et  sunt  ista  :  vioisi,  necis,  pré- 
cis, dapis,  contis,  opis,  fori^',  fVigis,  dicionis,  lateris,  quam- 
pluris,  uisceris,  uerberis,  et  tabi,  non  habent  in  singulari 
numéro  nisi  genetiuum  et  ablatiuum  et  omnia  sunt  feminini 
geneiis  nisi  lateris  et  tabi,  que  sunt  masculini  generis  et  w'ui 
visceris  et  uerberis,  que  sunt  neutri  generis  et  quampluris 
quod  est  neutri  generis. 

Genetivo  :  huius  uicis,  la  volta. 

—  huius  précis^  la  preçjera. 

—  huius  dapis,  la  viuanda. 

—  huius  foris,  la  porta. 

—  huius  frigis,  la  biaua. 

—  huius  quampluris. 

—  huius  uisceris,  lo  enteriore. 

—  huius  necis,  la  morto. 

—  huius  contis,  la  scoglio. 

—  huius  opis,  la  uitorio. 

—  huius  dicionis,  /a  Sf^norw. 

—  huius  lateris  lo  quarello. 

—  huius  uerberis,  la  bateura. 

—  huius  tabi,  /a  sanguo  fiacido. 

Et  nota  quod  quando  jdatur  theaia  [)er  predicta  nomina  in 
nominatiuo  casu  quo  carent,  vel  in  illis  casibus  quibus  carent, 
debemus  recurere  ad  hoc  nomen  maneries  etponere  in  eo  casu 
quera  uult  uerbum  et  predicta  nomina  in  geuetiuo  casu  et 
possuraus  etiam  alio  modo,  scilicet  recurere  ad  dictum  singu- 
larem  si  habent  et  ad  infiniturn  illius  udi'bi  quod  datur  thema, 
ut  in  hoc  exemple  :  quesia  noUa  me piaxe.  Istam  uicem  est  pla- 
cere  michi,  vel  maneries  istius  vicis  placet  michi  : 

•  Ms.  uuda. 


508  UNA    NUOVA    GRAMMATICA    LATINO-ITALIANA 

Nota,  quod  sunt  quedam  nomina  apud  antiquos  que  erant 
omnis  generis  sed  apud  nos  perdiderunt  neutrum  genus  et 
sunt  comuuis  generis  et  continentur  in  istis  versibus. 

Degener  et  sospes,  pauper  quoque  diues  et  ospes 
Omnis  erant  generis  que  sunt  coraunia  nuper 
-Tem  vel  -tes  fugiunt  neutrum,  sed  cetera  sumunt. 
c.  2^] 

Hic  et  hec  degener,  huius  degeneris,  lo  vilano. 

Hic  et  hec  sospes,  huius  sospitis,  sano  e  saluo. 

Hic  et  hec  pauper,  huius  pauperis,  Comopouero. 

Hic  et  hec  diues,  huius  diuitis,  romn  richo. 

Hic  et  hec  hospes,  huius hospitis,  Como  albei^gaoro. 

Hic  et  hec  incolumis,  et  hocincolume,  l'omo  sano  e  saluo. 

Hic  et  hec  ignobilis,  et  hoc  ignobile, /owo  yz'/ano. 

Nominatiuo  egenus  egena  egenura,  t'ojno  pouero. 

Et  nota  quod  licet  predicta  nomina  sint  comunis  generis 
possunt  taraen  iungi  cum  norainibus  neutri  generis  in  quolibet 
casu,  prêter  quam  in  genetiuo  singulari  et  prêter  quam  in 
accusatiuo  nominatiuo  et  vocatiuo,  in  quibus  casibus  non  pos- 
sunt iungi  cum  neutro  génère  quia  quoad  uocem  et  quoad 
intelleclum  sunt  tamen  comunis  generis  in  predictis  casibus. 
Unde  si  detur  thema  taie  :  eo  ueçu  uno  bello  hospeale,  non  pos- 
sumus  dicere  :  video  unum  hospitalem  pulcrum,  imo  debemus 
dicere  per  latinum  et  hoc  potest  fieri  per  latinum  et  sum,  es, 
est,  ut  egouideo  unum  hospitale  quod  est  diues,  et  si  datur 
thema  in  hoc  exemplo  quisti  dui  hospitali  sono  richi,  debemus 
dicere  :  istorum  duorum  hospitalium  utrumque  est  diues,  vel 
uolumus  dicere  per  ista  vocabula  :  ista  duo  hospitalia  sunt 
locuplecia. 

Nota,  quod  omnia  nomina  secunde  declinationis  sunt  mas- 
culini  generis  desinentia  in-MS,  ut  hic  dominus  et  hic  deus  prê- 
ter illa  que  continentur  in  istis  versibus  que  sunt  feminini 
generis  et  sunt  ista  : 

Artus,  diptongus,  nardus,  costusque,  fasellus, 
Aluus,  cristalus,  sjnodus,  balamus,  quoque  uanu?, 
Carbasus,  atque  colus,  abisus,  humus  quoque  botrus, 
His  crinusbisus  iungantur  et  ipsa  papirus. 


DEL   SEC.    XIII  509 

Hec  artus,  liuius  arti,  una  Stella. 

Hec  diptongus,  liuius  diptongi,  lo  ditongo. 

Hec  nardus,  liuius  nardi,  unguento. 

Hec  costus,  huius  costi,  una  herba. 

Hec  faselus,  huitis  faseli,  una  pizola  naiie. 

Hec  aluus,  huius  aluui,  lo  uentre. 

Hec  cristalus,  huius  cristali,  lo  cristalo. 

Hec  sjnodus,  huius  synodi,  la  congregalione  dei  chierexi. 

Hec  vanus,  huius  vani,  lo  nalo. 

Hec  balamus,  huius  balami,  vna  generatiom. 

Hec  carbasus,  huius  carbasi,  la  uela  de  la  naue. 

c.  3>-] 

Hec  colus,  huius  coli,  la  rocha  da  filare. 

Hec  abisus,  huius  abisi,  /'  abiso, 

Hec  humus,  huius  humi,  la  terra. 

Hec  botrus,  huius  botri,  el  gram  de  Tua. 

Hec  eremus,  huius  eremi,  uno  uechio. 

Hec  bisus,  huius  bisi,  la  purpura  hiancha. 

Hec  papirus,  huius  papiri,  la  ckarta,  ouer  el  çogelo. 

Nota,  quod  omnia  nomina  quarte  declinationis  desinencia 
in-ws  sunt  masculini  generis,  ut  hic  uisus  ;  prêter  ista  que 
continentur  in  istis  uersibus  que  sunt  feminini  generis  et  sunt 
ista  : 

Porticus  atque  tribus,  nurus,  manus,  aut  annus,  idus, 
Acus  atque  specus,  penus,  domus  excipe  socrus. 
Et  pinus  cum  quercus,  ficus  quoque  dicito  laurus. 

Hec  porticus,  huius  porticus,  elportego. 
Hec  tribus,  huius  tribus,  la  sciata. 
Hec  nurus,  huius  nuri,  la  nuora. 
Hec  manus,  huius  manus,  la  mano. 
Hec  annus,  huius  annus,  la  vechia. 

Et  pluralis  nominatiuo  hec  idus  genetiuo  harum  idus  una 
parte  del  mundo. 
Hec  acus,  huius  acus,  fauchia. 
Hec  specus,  huius  specus,  la  beltresca. 
Hec  penus,  huius  penus,  la  chaneua  dal  uim. 
Hec  domus,  huius  domus,  la  chaxa. 
Hec  socrus,  huius  socri,  la  suoxera. 


510  UNA    NUOVA    GRAMMATICA    LATINO-ITALIANA 

Hec  pinus,  huius  pini,  lo  pino. 

Hec  quercus,  huius  quercus,  larouere. 

Hec  ficus,  huius  ficus,  lo  figo. 

Hec  laurus,  huius  laurus,  lo  meloro. 

Et  nota  quod  omnia  nomina  desinentia  in(h)is,  hahentia  du- 
plicem  consonantem  ante  -is  vel  habentem  mm  duplicis  vel 
unam  ex  liquidis  vel  n  ante  -is  et  corripientia  penultimam  cres- 
centis  genetiui  sunt  masculin!  generis,  ut  hic  piscis  et  hic  lapis, 
prêter  ista  que  in  his  uersibus  continentur  que  sunt  feminini 
generis  : 

Dyplovs  et  cassis,  cuspis,  capis  et  clamis,  assis, 
Aspis,  glis  et  febris,  erinis,  eumenis,  ebris, 
Lis,  neptis,  lactis,  pelis,  piscisque  parassis, 

c.  3^] 

Piramis  et  peluis,  tussis,  pelis,  malapestis, 
Restis  et  oressis,  turris,  uallis  quoque  uestis. 

Hec  clamis,  huius  clamidis,  lo  mantello. 

Hec  asis,  huius  asidis,  la  tauola. 

Hec  aspis,  huius  aspidis,  Vaspro  sordo. 

Hec  glis,  huius  glitis,  la  lapola  ouero  lo  apio. 

Hec  glis,  huius  glissis,  la  terra  tenace. 

Hec  febris,  huius  febris,  la  fehre. 

Nec  (  erinis,       \  huius  j  erinis,  la  furia  infernale. 

Nec  (  eumenis,  (  huius  (  eumenis,  p.  eodem. 

Hec  edris,  huius  edridis,  la  loriachet^sa. 

Hec  lis,  huius  litis,  la  briga. 

Hec  neptis,  huius  neptis,  la  neça. 

Hec  lactis,  huius  lactis,  la  rosella  ouero  lo  flore. 

Hec  polis,  huius  polis,  la  cita,  vel  planta. 

Hec  pissis,  huius  pissidis,  la  busula. 

Hec  parasis,  huius  parasidis,  la  scudella. 

Hec  piramis,  huius  piramidis,  lo  anello. 

Hec  peluis,  huius  peluis,  la  choncha  ouer  lo  baçino. 

Hec  tussis,  huius  tussis,  la  losso. 

Hec  pellis,  huius  pellis,  la  pelle. 

Hec  pestis,  huius  pestis,  la  pestilentia. 

Hec  restis,  huius  restis,  la  soga. 


DEL    SEC.    XIII  511 

Hec  orresis,  huius  orresis,  la  incendia  de  la  gola, 

Hec  turris,  huius  turris,  la  torve. 

Hec  uallis,  huius  ualli.s,  la  uallo. 

Hec  uesti.'?,  huius  uestis,  la  uesla. 

Nota,  quod  orania  iioraina  fructuum  arboruin  sunt  neutritis 
generis  et  secunde  declinationis,  ut  sucinura  et  hoc  malum, 
prêter  ista  que  contineutur  in  his  uer^ibus  : 

Aiboris  est  omnis  fructus  générique  neutralis, 
Prêter  auelana,  nux,  glans,  castauea,  ficus, 
Uua,  galla,  grasuUa,  amigdula,  cnrica,  bâcha, 
Hic  datilus,  cedrus,  gariofalus  atque  racemus, 
Femina  lumea,  piper  neutrale  tenes, 
c.  4'] 

Cucumer  cum  pepo  simul  dicuntur  esse  melones. 

Hec  auelana,  huius  auelane,  lanoxela. 

Hec  nux,  huius  nucis,  la  nuxe. 

Hec  glanis,  huius  glandis,  la  ianda. 

Hec  castanea,  huius  castanee,  la  castagna. 

Hec  ficus,  huius  ficus,  lo  figo. 

Hec  uua,  huius  uue,  l'uua. 

Hecgalhi,  huius  galle,  la  galla. 

Hec  grasula,  huius  grasule,  quedam  maneries  uuarum. 

Hec  amigdula,  huius  amigdule,  lamandola. 

Hec  caricha,  huius  eariche,  la  figa  sécha. 

Hec  bâcha,  huius  bâche,  l'orbaga. 

Hic  datilus,  huius  datili,  lo  dataro. 

Hic  cedrus,  huius  cedri,  lo  cedro. 

Hic  garifolus,  huius  garifoli,  logarofalo. 

Hic  recemus,  huius  racemi,  lo  7'aspo  de  tuua. 

Hec  limea,  huius  lume,  la  lumea. 

Hoc  piper,  huius  piperis,  lo  peuere. 

Hic  cucumer,  huius  cucumeris,  lo  popone. 

Hic  pepo,  huius  peponis,  lo  melone. 

Nota,  quod  omnia  nomina  arborum  sunt  feminini  generis 
et  secunde  declinationis,  ut  :  hec  auelanus,-ni  ;  prêter  dumus, 
rubus,  oleaster  et  piaster,  que  sunt  masculini  generis  et  prê- 
ter :  pinus,  ficus,  quercus,  laurus,  que  sunt  quarte  declina- 
tionis. Unde  uersus  de  génère  : 


512  UNA   NUOVA    GRAMMATICA    LATINO-ITALIANA 

Feminini  generis  genus  arboris  omne  teneto 
Ni  dumus  et  rubus,  oleaster  siue  piaster. 

Hic  dumus^  huius  diimi,  to  caslagno. 

Hic  rubus,  huius  rubi,  lo  roue. 

Hic  oleaster,  huius  oleastri,  toHuo  saluaticho. 

Hic  piaster,  huius  piastri,  lo  pino  salualicho. 

Nota,  quod  omnia  nomina  incerti  generis  sunt  ista  que 
coûtinentur  iu  isto  uersu  : 

Di,  cor,  si,  fi,  bu,  li,  cru,  car,  ser,  pau,  tal,  dar,  mar,  bidens 
et  semeiitis. 

Hic  uel  hec  dies,  huius  diei,  lo  di. 

Hic  uel  hec  cortex,  huius  corticis,  la  scorca  ouer  la  buça. 

Hic  uel  hec  silex,  huius  silicis,  la  prea. 

c.  4^]. 

Hic  uel  hec  finis,  huius  finis,  la  fine. 

Hic  uel  hec  bubo,  huius  bubonis,  lo  guffo. 

Hic  uel  hec  linx,  huius  lincis,  lo  lupo  çeruero. 

Hic  uel  hec  crimis,  huius  criminis,  la  groppa. 

Hic  uel  hec  cardo,  huius  cardonis,  lo  carichano. 

Hic  uel  hec  serpens,  huius  serpentis,  lo  serpente. 

Hic  uel  hec  panthera,  huius  panthère,  la  pantera. 

Hic  uel  hec  talpa,  huius  talpe,  la  talpa. 

Hic  uel  hec  dalraa,  huius  dalme,  lo  dajno. 

Hic  uel  hec  margo,  huius  marginis,  lo  spacio  de  lo  libro. 

Hic  uel  hec  bidens,  huius  bidentis,  la  pegora  ouer  lo  folcone. 

Hic  uel  hec  sementis,  huius  sementis,  la  somente. 

Nota,  quod  undecim  sunt  nomina  adiectiua  que  in  nomina- 
tiuo  et  acusatiuo  singulari  uariantur  per  très  articulos  diuisis 
uocibus  et  diuisim  et  sunt  ista  que  in  his  uersibus  continentur  : 

Cauipester,  uolucer,  alacerque,  saluber,  quoque  equester, 
Siluester,    celeber,  acerque,   celerque,  pedester, 
In  his  bis  quinque  tenet  hic  -er  hec  -is  es  hoc-e, 
Ut  summam  teneas  his  omnibus  adde  paluster. 

Hic  campester,  hec-stris  et  hoc  campestre,  dicampo. 

Hic  uolucer,  hec  -cris  et  hoc  uolucre,  uoleuole. 

Hic  alacer,  hec  -cris  et  hoc  alacre,  alegro. 

Hic  saluber,  hec  -bris  et  hoc  salubre,  saluteuelo. 


DEL    SEC.    XIII  513 

ITic  eqncster,  liec-stris  et  hoc  équestre,  dn  cntialo. 
Hic  siluoster,  hec -stris  et  hoc  siluestre,  (Je  sehia. 
Hic  celeber,  hec -bris  et  lioc  célèbre,  honorenelo. 
Hic  acer,  hec  -cris  et  hoc  acre,  agro. 
Hic  celer,  hec  -ris  et  hoc  celere,  prei^lo. 
Hic  pedester,  hec  -stris  et  hoc  pédestre,  da  pe. 
Hic  paluster,  hec -stris  et  hoc  palustre,  da  })adul(). 
Nota,  quoil  suiit  quelara  noinina  habentia  duplicein  termi- 
nationem  in  nominatiuo  et  uocatiuo  casu  singulari  in  bis  uer- 
sibus  coiitinentur  : 

Est  arbor,  honor,  o  lor  et  siuiul  a  !iie  labor, 
Ciner  uel  uomis,  cucuraer  gernitianlia  puluis. 
Bis  duo  sunt  or  et  os  rectos  facieutia  casus. 
c.  5']. 

Hec  arbor  uel  arbos,  l'arbore. 

Hic  odor  uel  odos,  l'oiore. 

Hic  ciner  uel  cinis,  la  cenere. 

Hic  cucumer  uel  cucuniis,  lo  cocumern. 

Hic  honor  uel  honos,  tonoro. 

Hic  labor  uel  labos,  la  fadiga. 

Hic  uomer  uel  uomis,  lo  gumero. 

Hic  puluer  pel  puluis,  lapuluero. 

Nota,  quod  oraiiia  noinina  propria  locorum  sutit  feraitiini 
generis  uel  neutri,  prêter  viens,  quod  est  masculin!  generis  et 
nomina  coraposita  qiie  tenent  quod  habeiit  in  siniplicitate . 
Unde  versus  : 

Femina  uel  neutra  sunt  nomina  qnoque  locorum, 
Excipiuntur  uicus  et  nomina  compositorum. 

Nota,  quod  sunt  quedam  nomina  terminantia  acusatiuutn 
singularein  -em  et  in  -im  et  quedam  in  -im  tantura  et  (pie  faciunt 
in  acusatiuo  iu-em  et  in-im  faciunt  in  ablatiuo  in-e  et  in-i  et 
que  faciunt  in  acusatiuo  in-im  tantum,  faciunt  in  ablatiuo  iui 
tantuna.  Versus  : 

Turrira,  maguderim,  burim,  tiberimque  securim, 
Vim,  peluim,  nauim,  tussim,  pupim  quo(|ue  clauim, 
His  adiungas  sitim,  cui  iungas  ()ostmolum  rostim, 
Inuenies  turrem  ueruntamen  atque  securem, 
Et  peluem,  nauem,  tussem,  pupem  quoque  ciauem. 

33 


514  UNA    NUOVA    GRAMMATICA    LATINO-ITALIANA 

Hec  turris,  huius  turris,  la  torre. 

Hic  maguder,  huius  maguderis,  la  lorso  de  la  uerça. 

Hec  buris,  huius  buris,  la  bora  de  In  aratro. 

Hic  tiber,  huius  tiberis,  la  teuaro  de  roma. 

Hec  securis,  huius  securis,  la  s''(jura. 

Hec  uis,  acGusatiuo  uim,  vocatiuo  vis,  ablatino  ab  hac  vi, 
la  força,  et  non  habet  plus  in  singularn  numéro,  in  plurali  uero 
habet  omnes  casus. 

Hec  pelui-i,  huius  peluis,  la  concha. 

Hec  naui>\  liuius,  nauis,  la  nnue. 

Hec  lussisj  huius  tussis,  la  tosso. 

Hec  pupis,  liuius  pupis,  la  popa. 

Hec  clauis,  huius  clauis,  la  chi'aue. 

Hec  sjtis,  huius  sitis,  la  sete. 

Hec  restis,  huius  restis,  la  soga. 

Nota,  quod  omnia  nomina  que  faciunt  in  nominatiuo  in 
neutre  génère  in-e,  faciunt  in  abiatiuo  singulari  in  -i,  ut:  hoc 
mare,  abiatiuo  :  ab  hoc  mari;  et  hic  et  hec  utilis  et  hoc  utile, 
abiatiuo  ab  lioc  et  ab  hac  et  ab  hoc  utiii;  prêter  :  gausape, 
presepe,  cèpe  et  nomina  [)ropria  locorum;  ut  uignale  casti- 
lione,  que  faciunt  tantum  in-e;  unde  versus: 

c.  5'] 

Nomen  in  -e  neutrum  sextum  dat  in-i  modo  casum, 
Gausape,  piesepe  non  mutant  eneque  cèpe, 
Gausai)e  cum  proprijs  et  non  mutare  iubeto. 

Hoc  gausape,  huius  gausapis,  la  louaia. 

Hoc  presepe,  huius  presepis,  la  magnaora. 

Hoc  cèpe,  huius  cèpe,  indeclinabile  :  la  ceuola. 

Nota,  quod  omnia  nomina  feminini  generis  desinenfia  in  -a, 
descendentia  a  masculinis  mutata-us  in  -a  in  datiuo  et  abia- 
tiuo pluralibus,  ad  diferentiam  suorum  mascolinorum,  in  -abus 
ut  equa,  equabus  et  sic  de  aliis,  prêter  quara  si  esset  nomen 
adiectiuum,  ut  albus,  alba,  album,  quod  non  facit  albabus.  Et 
prêter  quam  si  esset  res  inanimata,  ut  banchui»,  bancha,  quod 
non  facit  banchabus.  Et  prêter  quam  si  esset  res  que  cognosci 
non  posset  per  sexurn^,  ut  columbu,  -ba,  quod  non  facit  colum- 
babus.  Unde  uersus  : 


DEL    SËG,    XIII  blo 

A  ueniens  ex-us,  sine  neuti'o,  transit  in  abus. 
Hcc  animatoruiu  sunt  discernentia  sexus. 

Nota,  quoil  siuit  qiiedam  tioraina  substantiva,  a  quibus 
deriuantur  adiectiua  pi'ime  et  secuntle  declinationis  et  tei'cie 
tt  sont  ista  : 

Cera,  iugum,  limu?,  animiif',  colus,  aima,  bacilus, 
Cura  norraa  neruus,  cuiu  freno  colige  frenum. 

A  cera  deriuatur  sincerus,  -ra,  -rum  ;  et  hic  et  hec  sinceris 
et  hoc  sincère,  quod  estdictu  :  chiarn. 

A  iugum  deriuatur  bimgus,  -ga,  -gum,  et  iiic  et  hec  bongus 
et  lioc  bonge,  quod  est  dictu  :  de  dui  zoue  : 

A  limus  deriuatur  sublimu^i,  -ma,  -nium,  et  hic  et  hec  subli 
mis  et  hoc  sublime,  quod  est  dictu  :  alto. 

Ab  animus  deriuatur  magnanimus, -ma, -ranm,  et  liic  et  hec 
magnaniraus  et  hoc  magnanime,  ([uod  est  dictu  ;  de  grande 
animo. 

A  colus  deriuatur  columus,  -ma,  -mum,  et  hic  et  lioc  colu- 
mis  et  hoc  colume,  quod  est  dictu  :  snno  et  salao. 

Al)  arma  deriuatur  inermus,  -ma,  -mura,  et  liic  et  hoc  inermis 
et  hoc  inerme,  quod  est  dictu  :  desarmado. 

A  bacilus  deriuatur  inbecilus,  -la,  -lum,  et  hic  et  hec  inbecilis 
et  hoc  inbecile,  quod  est  dictu  :  débile. 

A  norma  deriuatur  enorraus,  -raa,  -mum,  et  hic  et  hoc  enor- 
mis  et  hoc  énorme,  quod  est  dictu  :  sença  régala. 

c.  h  (bis)'] 

A  neruus  deriuatur  eneruus, -ua, -uuni,  et  hic  et  hec  eiie- 
ruis  et  hoc  enerue,  quod  est  dictu  :  delnle. 

A  freno  deriuatur  efrenus,  -na,  -nura,  et  hic  et  hec  efreni.'J 
et  hoc  efrene,  quod  est  dictu  :  sfrennto. 

A  cliuus  deriuatur  decliuus,  -  ua,  -um  et  hic  et  hoc  decliuis  et 
hoc  decliue,  quod  estdictu  :  inclinato. 

Nota,  quod  nullum  nomen  proprium  declinatur  in  plurali 
nisi  istis  modis,  scilicet,  diuisione,  ut,  duo  galee;  institutione, 
ut,  pise  euenta;  ut,  ecce  duos  petres;  oppinione,  ut,  duos 
soles  ;  translatione  de  una  significatione  ad  aliara,  ut,  salo- 
mones  idest  sapientés  :  cognatione,  ut,  gualas  (?).  Unde  uersus  : 


516  UNA    NUOVA    GRAMMATICA    LATINO-ITALIANA 

Diuidit,  instituit  euentam,  oppinio  transfert, 
Pluralis  numeri  signât  cognatio  riomen. 

Nota,  quod  sutit  quedatn  nomina  masculini  generis,    que 
apud  modernos  tantum  pluraliter  declinantur  et  sunt  ista  sci- 
licet  :  fori,  liberi,  mânes,  pénates,  etc. 
Plurali  nominatiuo  :  hi  fori,  fororum,  tabulata  nauium. 

—  —  hi  liberi,  liberorum,  /?' /?//«//. 

—  —  hi  mânes,  manium,  le  anime  infernale. 

—  —  hi  pénates,  penatum,  furie  infernales. 

—  —  hi  sales,  salium,  li çogolarij. 

—  —  hi  cani,  canoruni,  li  capelli  canudi. 

—  —  hi  cases,  casium,  le  reti. 

—  —  hi  uepres,  ueprium,  le  uepre. 

-  —  hi  sentes,  sentium,  le  spine. 

—  —  hi  fasces,  fasciura,  li  onori. 

—  hi  canceli,  cancelorura,  li  canceli. 

—  —  hi  gemini,  geminorum,  uno  segno  celés- 

tiale . 

—  —  hi  superi,  su perorum, /«  (/e2  (il  soMwra. 

—  —  hi  inferi,  inferorum,  li  dei  di  sotla. 

—  —  hi  terni,  -ne,  -narum,  a  tre  a  tri. 

—  —  hi  quaterni, -ne, -narum,  a  5'2<a^ro  a  çwa- 

tro. 

—  —  hi  proceres,  procerum,  li  baruni. 

—  —  hi  antes,  antium,  li  cavipi  de  le  w'gne. 
Et  nota,  quod   quedam    ex  predictorum  nominum   in  fre- 

quenti  usu  inveniuntur  in  singulari  numéro,  ut,  nomina  bipar- 
tita,  scilicet,  terni,  quaterni,  et  casses  et  sentes,  [c.  b(ljis)''] 
Unde  licet  uteremur  talibus  nominibus  in  singulari  numéro 
peccaremus  et  alia  autem  tanlum  in  usu  plurali.  Unde  si  datur 
thema  in  numéro  plurali  per  predicta  nomina  debemus  recu- 
rere  ad  alia  uocabula  in  singulari  numéro  declinata,  ut  in  hoc 
exemplo  :  io  ô  abiudo  uno  fiiolo,  debemus  dicere  ;  ego  habui 
unum  filium  et  non  liberos. 

Nota,  quod  sunt  quedara  nomina  feminini  generis  tantum 
pluraliler  declinata,  scilicet,  anchie,  brache,  cerimonie, 
delitie,  diuitie,  argutie,  blanditie,  exequie  ;  et  nomina  ciuita- 
tum,  ut,  pise,  tebe,  etathene;  et  nomina  librorum,  ut,  decre- 
tales  et  ysagoge. 


DEL    SEC.    XIII  517 

Plurali  nominatiuo  :  he  ^nchie, -a.r\\m,  H /)enduni delà  ouetula. 

—  —  he  brache,  -arum,  le  brache. 

—  —  he  cerimonic,  -arum,  le  obseruantie  de  U 

zudei. 

—  —  lie  delicie,   arum,  le  delicançe. 

—  —  he  a.r'fiiit\e,-'Aruïo,  le  reprens/'one. 

—  —  he  diuitie, -arum,  le  richeçe. 

—  —  he  bhitulitie, -arum,  /(? /osen^/Ae. 

—  —  he  exequie,  -arum,  //  offitij  de  le  sépul- 

ture. 

—  —  he  exiraie,  -arum,  le  spollie. 

he  exquilie,  -arura, 
-  —  he  excubie, -arum,  le  guardie . 

—  —  he  fasimie,  -arum,    le  chançone    che    se 

chanta  a  H  puti  de  fassa. 

—  —  he  gades,  -diuiu,    li  ter  mini  de  hercules. 

—  —  he  iaducie,  -arum,  le  induxie. 

—  —  he  indume,  -arum,  le  uestimente. 

—  —  he  insidie,  -arum,  ti  aguati. 

—  —  he  kalende, -arum, /e  ca/e;7c?e. 

—  —  he  ferie,  -arum,  le  ferle. 

—  —  he  mine,  -arum,  le  menace. 

—  —  he   manubrie,  -arum,  le  mnneglii. 

—  —  he  nundine,  -âvum,  li  merchati. 

—  —  he  noue,  -arum,  la  nona. 

—  —  he  nuptie,  -arum,  le  noce. 

—  —  he  [nimïtie,  ■àrnïû,  le  primitue  cosse. 

—  —  he  scole, -arum, /e  scMo/e. 

—  —  he  scale,  ■  arum,  le  scale. 

—  —  lie  seope,  -arum,  le  scoue. 

—  —  he  teuebre,  -arum,  le  ténèbre. 
c.  6'] 

Plurali  nominatiuo  :  he  illeeebre, -arum,  i  falsi  delecti. 

—  —  he  bige,  -arum,  lo  carro  de  doe  rote. 

—  —  he  trige,  -arum,  lo  carro  de  tre  rote. 

—  —  he  (juadrige,  -arum,   lo  carro  de  quatro 

rôle. 

—  —  lie  dire.,  -a.rnm,  le  furie  infertiale. 

—  —  he  ydus^  -duum,  una  parte  del  tempo. 


518  UNA    NUOVA    GRAMMATIGA    LATINO-ITALIANA 

Plurali  nominatiuo  :  he  facie,-arum,  li  belli  costtimi. 

__               —  he  fallere,    arum,  le  corierte. 

—  —  he  letariie,  -arum,  le  letanie. 

—  —  he  quisquilie,  -arum,  le  gusse  de  le  f'aue. 

—  —  he  îlecretales,  -lium,  lo  decrelale. 

—  —  he  jsagoge,  -arum,  lo  libro  de  aristotile. 
Nota,  quod  quedani  predictorum  nominum,  licet  inuenientur 

in  siûgulari  numéro,  non  debent  uti,  et  si  datur  thema  in 
singulari,  possumus  facere  per  predicta  nomina,  ut,  io  iiago  a 
la  scola,  ego  uado  ad  scola?. 

Nota,  quod  sunt  quedam  nomina  neutri  g-eneris  apud  moder- 
nos  tautuin   pluraliter  declinata,   sciiicet,  ylia,   arma,  açima, 
castra,  chochjlia,  carmiua,  menia,  milia,  magalia,  magnalia, 
papalia,  séria  et  cartesia,  tempe,  bachanalia  et  saturnalia. 
Plurali  nominatiuo  :  liée  jlia,  yliura,  li  fianchi. 

—  —  hec  arma,  -orum,  le  arme. 

—  —  hec  açima,  -orum,  le  case  açime. 

—  —  hec  castra,  -orum,  le  schùre. 

—  —  hec  conchilia,  -orum,  li  calcine  li. 

—  —  hec  carmina,  -num,   li  reuolçementi  del' 

aqua. 

—  —  hec  menia,  -nium,  li  raurt. 

—  —  hec  esta,  -orum,  liinteriori. 

—  —  hec  milia,  -lium,,  li  miiari. 

—  —  hec  magalia,  -liura,  le  campane^' 

—  —  hec  magnalia,  -liura,  le  grande  cosse. 

—  —  hec  mapalia,  -lium,  le  capanne. 

—  —  hec  verria,  -orum   le  nouelle   oiier  cosse 

utile. 

—  —  liée  charchasia,  -orum,  lemaçarole. 

—  —  hec  tempe,  iudeclinabile,    li    luogld    de- 

leteueli . 

—  —  hec  bachanalia, -lium,  la  f esta  de  Bacho. 

—  —  hec  saturnalia, -lium, /a /es/a  rfe  .S«r<«'no. 
c.  6^] 

Et  nota,  quod  predicta  nomina  in  predictis  significationibus 

'  Nel  ms.,  tra,  Va  e  la  n,  c'è  inscritta  in  alto  una  piccola  g,  a  modo  di 
correzione. 


DEL    SEC.    XIII  519 

non  inueniunUir  declinari  in  singulari  numéro,  et  quando  datur 
thema  in  sinj^iilari  numéro  debemus  facere  per  pluralem  et 
debemus  recurere  ad  alla  nomina  singulariter  declinata,  ut  in 
hoc  exemplo  :  la  viia  arma  me  piase;  mea  arma  placent  michi. 

Nota,  quod  ï>unt  quedam  nomina  etheroclita  quoad  genus  que 
in  singulari  numéro  sunt  masculini  generis,et  in  plurali  neutri 
scilicet  :  locus ,  iocus,  sibillus,  menalus,  tartarus,  supparus, 
infernus,  auernus,  balteusJ,  pilleus,  jsmaru3  et  didimus.  Et 
tria  ex  predictis  nominibus,  scilicet,  locus,  iocus  et  sibillus, 
possunt  et  inueniri  masculini  generis  in  plurali,  ut  hi  loci  et 
hoc  loca.  Et,  quedam  sunt  que  in  singulari  numéro  sunt  neutri 
generis  et  in  plurali  sunt  masculini,  scilicet  :  porrum,  filum, 
frenum,  rastruni,  celum,  pellagus  et  uulgus;  potest  tamen 
inueniri,  lu  fi  i  et  hoc  fila,  lil  freni  et  bec  frena.  Et  quedam 
sunt  que  in  singulari  numéro  sunt  feminini  generis  et  in  plu- 
rali sunt  neutri,  scilicet,  suppelex,  tilis,  altilis,  arbatus,  perga- 
mus,  garbasus,  intumus,  topesta,  digesta,  retorica,  cantica, 
pascua,  georgica,  bucolica,  oiçania,  potest  et  inueniri  çiçanie 
in  plurali.  Et  quedam  sunt  in  singulari  numéro  neutri  generis 
et  in  plurali  feminini,  scilicet  :  epulum,  cèpe  et  balneum,  potest 
tamen  inueniri  hec  balnea  in  plurali. 

Hic  locus, --îi,  plurali  nominatiuo  :hi  loci  et  hec  loca /o  logo. 

Hic  iocus, -ci,       —  —  hi    ioci    et  hec    ioca,  li 

çuoyhi. 

Hic  sibillus,  -li,  plurali  nominatiuo  :  hi  sibilli  et  hec  sibilla, 
li  fischi. 

Hic  menalus  -li,  plurali  nominatiuo  :  hi  et  hec  menala,  une 
monfe. 

Hic  tartarus  -ri,  plurali  nominatiuo  :  hi  et  hec  tartara, 
la  mferno. 

Hic  supparus.  ri,  plurali  nominatiuo  :  lii  et  hec  suppara, 
l'ornamenlo  de  H  maneged. 

Hic  infernus,  -ni,  pluraU  nominatiuo  :  hi  et  hec  inferna, 
p.  eodem. 

Hic  auernus,  -ni,  plurali  nominatiuo  :  hi  et  hec  auerna, 
p.  eodem. 

Hic  trenarus , -ri,  plurali  nominatiuo  :  hi  et  hec  trenara, 
p.  eodem. 

Hic  balteui,    tei,  plurali  nominatiuo  :  hi  baltei,  lo  scaçiale. 


520  UNA    NUOVA    GRAMMATICA    LATINO-ITALIANA 

Hic  pilleus,-i,  —  —           hec  pillea,  w?îo  ??îon/e. 

Hic  ysmarus,  ri,  —  —  hecj9ma.ra.,uno  tnonte. 

Hic  didimus,-mi,  —  —  hec  diàimsi,  uno  7nonte. 

Hoc  porrum,  ri,  —  ^  hi  porri,   /i porri. 

Hoc  fllum, -li,  —  ■    —  hi  fili  et  hec  fila, /o/?/o. 

Hoc  frenum, -ni,  —  —  hi  freni  et  hec  frena, 
lo  freno. 

Hoc  rasti'um,  -ri,  pi  irali  nominatiuo  :  hi  rastri,  lo  raslello. 

Hoc  celum,  -li,  —  —             hi  celi,  lo  ci'elo. 

Hec  pellagus,  gi,  —  —             hi  pellagi,  lopellago. 

Hec  uulgus,    gi,  plurali  nominatiuo  :  hi  uulgi,  lo  pouolo. 

Hec  suppelex, -lis,     —  —  hec  su[)pelectilia  ,  la 

masarni. 

Hec  altilis,  lis,  plurali  nominatiuo  :  hec  altilia,  lo  celo. 

Hec  arhatus,  ti,       —  —  hec  arbuta,  l'arbatura. 

Hec  pergamus, -mi ,  plurali  nominatiuo  :  hec  pergama ,  li 
mûri  di  troia. 

Hec  garbasus, -si,  plurali  nominatiuo  :  hec  garbassa,  lauella 
de  la  naue. 

Hec  intubus, -bi,  plurali,  nominatiuo ,  hec  intuba,  quedam 
erba. 

Hec  toi)ica-ce,  plurali  nominatiuo  :  hec  topica,  lo  libro  de 
aristolile. 

Hec  digesta,  ste,  pluia!i  nominatiuo  :  hec  digesta,  lo  dignsto 
de  la  leye. 

Hec  retorica, -ce,  plurali  nominatiuo  :  hec  retorica,  lo  libro 
de  Tulio. 

Hec  cantica,  -ce,  plurali  nominatiuo  :  hec  cantica,  lo  libro 
de  Salamone. 

Hec  pascua,  -e,  plurali  nominatiuo  :  hec  pascua,  la  pastura. 

Hec  georgica,  -ce,  plurali  nominatiuo  :  hec  georgica,  lo  libro 
de  Virgilio. 

Hec  bucolica,  -ce,  plurali  nominatiuo  :  hecbucolica,  lo  libro 
de  Virgilio. 

Hec  çiçania, -e  ,  plurali  nominatiuo  :  hec  çiçania  et  hec 
cicanie,  la  çincania. 

3       3  '  J  J 

Hoc  epulum,-li,  plurali  nominatiuo  :  he  epule,  le  iduande. 
Hoc  cèpe,  -pe,         —  —  he  cèpe,  le  çeuole. 


DEL    SEC.    XIII  521 

Hoc  balneum, -nei,  plurali  norainatiuo  :  lie  balriee  vel  hec 
balnea,  lo  bagno. 

Nota,  qiiod  noruen  etherocliturn  potest  dici  quatuor  modis, 
pfimo  modo,  ([uoad  genus,  ut  uisura  est  supia.  Secundo 
modo,  quoad  tuitnerum,  utquando  iiuinerus  pluralis  non  deriua- 
tur  a  singulari  ut  norainatiuo  ego  et  plurali  nominatiuo  nos. 
Tercio  raolo  quoad  declinationem,  videlicet  quando  nomen  est 
unius  declinationis  in  singulari  et  alterius  in  plurali,  ut  hoc 
uas,  -sis  et  plurali  nominatiuo,  hec  uasa,  -sorum,  secunde  decli- 
nationis et  in  singulari  tercie.  Quarto  modo,  quoad  casus, 
scilicet  quando  unus  casus  regulariter  non  formatur  «b  altero, 
ut  hic  Jupiter,  genetiuo  huius  iouis.  Dicitur  etiam  uerbum 
etheroclitum  quoad  personam,  scilicet  quando  secunda  per- 
sona  non  forraatur  a  prima,  ut  sum,  es  ;  et  dicitur  quoad  tem- 
pus,  scilicet  quando  preteritum  non  formatur  a  presenti,  ut 
fero,  tuli.  Unde  uersus  : 

Est  genus  et  numerus  et  declinatio  casus 
Nomen  etherolitum  reddit  tempusque  personam. 

Nota,  quod  deriuatio  in  arte  gramatice  fit  septem  modis. 
Primo  modo  uoce  tantum,  ut  a  lacertus,  lacerta.  Secundo 
significatione  tantum,  ut  ab  uno,  semai.  Tercio  uoce  et  signi- 
flcatione,  ut  ab  amo,  amor.  Quarto  adiectione  ut  a  iustus,  -sti, 
addita  -tia,  fit  iustitia.  Quinto  diminutione,  ut  a  consulo, 
remota-o,  fit  consul.  Sexto  per  traslationem  de  greço  in  lati- 
num,  ut  a  theus,  deus.  Septimo  per  contrarium,  ui  a  luceo, 
lucus. 

c.  7^] 

Et  nota,  quod  sunt  quedam  nomina  que  deriuantur  per  con- 
trarium, etsunt  ista  que  in  istis  uers  bus  continentur. 

Lucus  et  officium,  bellum,  libitinaque  parca, 
Ista  per  antifresim  sunt  dicta  nomina  quinque. 

Expliciunt  etheroclita.  Deo  gratias.  Amen. 

c.  16"] 

Nota,  quod  participium  desineus  in  -ans  uel  in  -ens  tria 
habet  vulgaria,  ut  amans,  idest,  roino  e  In  femena  e  la  cosa, 
amatido  ouer  che  amaua  ouer  che  ama.  Participium  vero  desi- 


522  UNA    NUOVA    GRAMMATIGA    LATINO-ITALIANA 

nens  in  -tus,  in  -sus  et  in  -xus  et  in  -us  tr  ia  habet  vulgaria,  ut 
amatus,  idest  lo  liomo  e  la  fcmena  e  !a  cosa  canado,  che  ama,  ouer 
che  sta  amà.  Participium  vero  desinens  in  rus  habet  etiam 
tria  vulgaria  ut  amaturus,  ide.«-t,  l'omo  e  la  femena  e  la  cosa  da 
douer  amaro  ouer  che  amara  ouer  che  dera  amaro.  Pariicipium 
vero  desinens  in  -dus  habet  etiam  tria  vulgaria  ut  amandus, 
idest,  l'otno  e  la  femena  e  la  cosa  da  fir  ama,  ouer  che  ftr  ama, 
ouer  che  dera  fir  amà. 

c.  16  bis  ^] 

Si  non  inuenitur  participium  latinum  potest  fieri  duobus 
modis,  ut  pero  amà  coi'e,  petrus  (juem  aliquis  amauit  uel  amaue- 
rat  cuiit. 

Nota,  quod  quaudo  datur  thema  per  participium  desinens 
in -dus,  si  participium  reperitur  latinum  potest  fieri  ini'"'modis. 
Primo  modo  per  participium,  ut  Pero  da  fir  amà  core,  petrus 
amandus  curit. 

Nota,  quod  quando  datur  thema  per  participium  quo  care- 
mus,  aut  participium  ponatur  in  consequentia,  aut  si  non 
ponatur  in  consequentia  tune  débet  rasolui  in  uerbo  indicatiui 
modi  cum  ista  coniunctione  dum  uel  postquam  uel  subiunctiui 
modi  in  coniunctione  ut  in  hoc  exemplo  :  Vegnuy  i  scolari 
a  la  scola  el  maistro  lege  ;  die  :  postquam  scolares  uenerunt  ad 
scolas  magister  legit.  Si  vero  illud  participium  non  ponatur  in 
consequentia  tune  recurendum  est  ad  uerbum  et  hoc  relatiuo 
qui,  quod  potest  esse  duobus  modis  uel  verbum  et  partici- 
pium habent  idem  uulgare  et  tune  relatiuum  débet  poni  in 
supposito  uerbi,  ut  in  hoc  exemplo  :  i  scolari  baluj  ua  a  la  piaza. 
Si  veio  participium  et  uerbum  non  habent  idem  uulgare  tune 
relatiuum  débet  poni  in  supposito,  ut  in  [c.  l?""]  hoc  exemplo  : 
i  scolari  nienaçadi  ua  a  la  piaza,  die  :  scolares,  quibus  uapula- 
tus  fuit  magister  uadunt  ad  plateam. 

c.  21  "] 
.  Nota,  quod  quando  datur  thema  in  urio  accidente  ad  unum 
terminum,  illic  est  unica  comparatio  et  debemus  componere 
latinum  hoc  modo  ;  quia  debemus  ponere  latinum  inter  termi- 
nes si  inuenitur  et  si  non  inuenilur,  positiuum  et  magis  aduer- 
bium,  ut  sum  fortior  te  et  sum  magis  plus  quam  tu  uel  te;  et 
si  datur  taie  thema  in  uno  accidente  ad  duos  terminos,  ut  si 
dicatur  :  io  sumpiii  forte  de  piero  che  de  martim,  illic  sunt  très 


DEL    SEC-    XIII  523 

comparationes  que  sic  dernonstrantuf,  quia  primo  uolo  dicere, 
che  siapiù  forte  de  piero  et  sic  est  una.  Secundo,  uolo  dicere, 
c/ie sia  piu  forte  de  mariim,  et  sic  suut  due.  Tertio,  che  sia  più 
forte  de pero  che  de  marthti  et  sic  sunt  très,  quarurn  due  sunt  in 
latine  et  altéra  inteiligitur  quia  primo  ponitur  nomea  compa- 
ratiuum,  postea  magis  quam  inter  duos  termiiios  [)Ositos  in 
ahlatiuo  casu  et  magis  quam  inteiligitur  comparatiuus  prece- 
dens.  Unde  débet  dici  ego  sum  fortior  petro  magis  quam  raar- 
tino  et  !?i  delur  ihema  in  uno  accidente  ad  très  terminos  ut  si 
dicatur  :  io  sum  piUforlo  de  zuano  che  de  piero  che  de  niartim,  illic 
suntseptein  comparationes  que  sic  demonstrantur  (juia  primo 
uolo  dicere,  che  sià  pm  forte  de  zuano,  et  sic  est  una.  Secundo, 
che  sia  piu  forte  depero  et  sic  sunt  due.  Tertio,  che  sia  più  forte 
de  marlim,  et  sic  sunt  très.  Quarto,  cAs  sia  più  forte  de  zuano 
che  de  martim,  et  sic  sunt  quatuor.  Quinto,  che  sia  più  forte  de 
zuano  che  de  piero,  et  sic  sunt  quinque.  Sexto,  che  sia  piic  forte  de 
martim  che  de  pero,  et  sic  sunt  sex.  Septimo,  che  sia  più  forte  de 
zuano  che  de  pero  che  de  martim,  et  sic  sunt  septem. 

c.  22  '] 

Et  nota,  quod  ternaini  qui  sunt  copulati  reputantur  pro  uno 
etsi  dicatur:  loswnpiù  biancho  de  piero  de  martim, \\\\ç,  estunica 
comparatio  quia  duo  termini  copulantur  pro  uno  et  débet  dici 
sic,  ego  sum  a'.bior  peiro  et  sum  altior  martino. 

c.  22'-] 

Nota,  quod  datur  theraa  in  uno  accidente  ad  uuura  terminum 
illic  est  utiica  comparatio  sicut  dictum  fuit  superius,  etsi  datur 
thema  in  duobus  accidentibus  ad  unum  terminum,  ut  si  dica- 
tur: io  sum  più  biancho  che  forto  de  pero,  illic  sunt  très  compa- 
rationes, que  sic  demonstrantur,  quia  primo  uolo  dicere,  che 
sia  pjiù  biancho  de  pero,  et  sic  est  una.  Secundo,  che  sià  più  forte 
de  lu,  et  sic  sunt  due.  Tertio,  che  sia  più  biancho  che  forto  de  Io, 
et  sic  sunt  très  et  débet  ïic  fieri  latinum,  quia  debent  poni  illa 
duo  nomina  comparatiua  que  sunt  in  themate  et  in  medio 
unum  magisquara  ut  ego  sum  albior  petro  magisquam  sim  for- 
tior eo,  et  si  non  inuenitur  nomeu  comparatiuum  ponere 
debemus  loco  comparatiui  positiuum  et  magis  ut  ego  sum 
magis  pius  magis  quam  rubens  petro.  Et  nota  quod  si 
datur  thema  in  tribus  accidentibus  ad  unum  terminum, 
ut  si  dicatur  :  îo  sum  più  biancho  che  sauio  che  forlo  de  pero. 


524  UNA    NUOVA    GRAMMATIGA    LATINO-ITALIANA 

illic  sunt  septem  comparationes,  que  sic  demonstrantur,  quia 
primo  uolo  dicere,  che  sm  più  biancho  de  piero^  et  sic  est^una. 
Secundo,  che  sia  più  sauio  de  hd,  et  sic  sunt  due.  Tertio,  che 
sia  pni  forte  de  lui,  et  sic  sunt  tre«!.  Quarto,  che  sia  piîi  biancho 
che  sauio  de  lui,  et  sic  sunt  quatuor.  Quinto,  che  sia  più  che  forto 
de  lui,  et  [c.  22^]  sic  sunt  quinque.  Sexto,  che  sia  più  sauio  che 
forto  de  lui,  et  sic  sunt  sex.  Septirao,  che  sia  più  biancho  che 
più  sauio  che  piû  forte  de  lui,  et  sic  sunt  septem. 

c.  22^] 

Et  nota,  quod  si  datur  thema  in  duobus  accidentibus  ad 
unum  terminum,  illic  sunt  très  comparationes,  ut  dictum  fuit 
superius,  nisi  quod  loco  eomparatiui  debemus  ponere  uerbum 
et  magis  siue  minus,  ut  ego  niagis  quam  magis  oneror  raar- 
tino  et  sic  de  a'ijs.  Et  not-i  quod  in  talibus  comparacionibus 
terminus  potest  esse  duplex,  ^cilicet,  terminus  uerbi  et  termi- 
nus comparationis,  terminus  uerbi  est  qui  déterminât  uerbum^ 
ut  amo  più  piero  che  marlim.  tune  est  unica  comparatio  quia 
est  absque  termino  eomparatiui  et  débet  sic  dici  ego  magis 
amo  petrum  quam  martinum. 

c.  22^] 

Nota,  quod  si  datur  thema  in  duobus  accidentibus  ad  duos 
terminos,  ut  si  dicatur  :  io  sum  più  forte  che  sauio  de  piero  che  de 
niartim,  illic  possunt  esse  septem  comparationes  ;  très  sunt  in 
diuersos  respectus,  nam  si  uolumus  intelligere  quod  ambo  illi 
termini  redantur  utri(iue  comparatiuo  etunt  septem,  quod  sic 
demostratur,  quia  primo  uolo  dicere,  che  io  sia  più  forte  de 
piero,  et  sic  est  una.  Secundo,  che  sia  più  sauio  de  lu,  et  sic 
sunt  due.  Tertio,  che  sia  più  forte  che  sauio  de  lui,  et  sic  sunt 
très.  Quarto,  che  sia  piîi  forte  de  martim,  et  sic  sunt  quatuor. 
Quinto,  che  sia  più  sauio  de  martim^  et  sic  sunt  quinque.  Sexto, 
che  sia  [c.  23'']  più  forte  che  sauio  de  lu.  Septimo,  che  sia  piû 
forto  che  sauio  de  pero  che  de  martiin,  et  sic  sunt  septem.  Et 
débet  fieri  s>ic  latinum,  quia  primo  debent  poni  illa  nomina 
comparatiua  in  eo  casu  quem  uult  dicio  re^ens  et  inter  ea 
unum  magis  quam  et  ambo  termini  in  ablatiuo  et  in  medio 
unum  magis  quam  et  sic  erunt  quatuor  et  très  intelliguntur 
quia  post  magis  quam  ponitur  inter  terminos  intelliguntur  illic 
très  comparationes  et  [lonuntur  unum  intelligitur  sic,  ego  sum 
sapientior  magis  quam  fortior,  magis  quam  sapientiormartino, 


DEL    SEC.    XIII  5^5 

et  si  uolutnus  intelligere  primus  terminus  reddatur  primo 
comparatio  et  secundus  secundo  tercio  et  erutit  très  coiupH- 
rationes,  que  sic  deraonstrantur,  quia  primo  uolo  dicere,  cke 
io  sia  più  sauio  de  pero,  et  sic  est  una.  Secundo,  che  sia  piii 
forto  de  martim,  et  sic  sunt  due.  Tertio,  c/ie  sia  piu  sanio  che 
forto  de  biaxio  che  de  marlun,  et  sic  sunt  ti  es 

Nota,  quod  quando  datur  thema  in  uno  accidente  ad  unum 
terminum  per  minus,  iilic  est  uniclia  comparatio,  ut  dictura 
fuit  superius  et  débet  fîeri  latinura  per  positiuum  et  minus, 
quod  valet  tantum  quantum  tuum  compaiatiuum,  et  hoc  fit 
quia  comparatiuum  significans  minus  non  inuenitur-,  ut,  io  sum 
incm  biancho  de  piero,  débet  sic  fieri  latinum,  ego  sum  minus 
albus  petro;  et  si  datur  thema  in  duobus  accidentibus  ad 
unum  terminum,  ut  si  dicatur,  io  sum  mem  biancho  che  mem 
forto  de  pero ,  illic  sunt  très  comparationes,  ut  dictum  fuit 
superius  in  comparacionibus  per  magis 

c.  28^ J 

Nota,  quod  si  datur  thema  in  duobus  accidentibus  sine  in 
duobus  actibus  per  magis  siue  per  minus  absque  terraino,  illic 
est  unicha  comparatio  ut  si  dicatur,  io  sum  più  biancho  che 
forlo,  et  io  amo  mem  che  non  ieço,  et  tune  débet  componi  lati- 
num per  positium  et  raagis  siue  per  minus  aduerbia.  Unde 
debemus  dicere,  ego  sum  magis  albus  et  ego  raagis  amo  quam 
legam.  Et  si  datur  thema  in  talibus  coraparationibus  siue  in 
talibus  actibus,  ut  si  dicatur,  io  sum  più  biancho  che  forte  che 
sauio,  et  io  leço  pm  che  non  amo  che  non  corro,  illic  sunt  très 
comparationes  que  sic  demostrantur,  quia  [)rimo  uolo  dicere, 
che  io  sia  più  forto  che  sauio.  Secundo,  volo  dicere,  che  io  sia  pm 
biancho  che  forto.  Tertio,  uolo  dicere,  che  io  sia  pih  biancho 
che  non  sum  forto  e  piîi  sauio,  et  sic  débet  fieri  latinum  quia 
debemus  ponère  tria  ina-^ns  quara  ut  ego  sum  magis  sapiens 
magis  quam  diues  magis  ijuam  albus  et  sic  de  alijs. 

c.  24^] 

Nota,  quod  si  datur  taie  thema  :  iosum  più  richo  che  nonsoio, 
isiud  latinum  potest  fieri  per  istam  dicionem  :  solito ,  cum 
comparatione  absque  termino,  illic  est  unicha  comparatio  et 
possumus  uti  nomine  comparatiuo,  quia  fit  comparatio  res- 
pectu  diuersorura  temporum,  ut  patet  dicendo,  io  sum  più  ri- 
cho che  non  soi'o,  illic  est  unicha  comparation,  quia  volo  facere 


556  UNA    NUOVA    GRAMMATIGA    LATINO-ITALIANA 

comparatiotiem  de  meis  diuitijs  pi'esentibus  ad  meas  diuitias 
preteritas  et  possum  dicere  duobus  modis  ut  ego  sum  dicior 
solito  et  tune  intelligitur  ego  sum  dicior  me  solito  esse  diuite, 
idest  dura  eram  solitus  esse  diues,  uel  alio  modo  scilicet  ego 
sum  dicior  quam  solito,  idest  quam  preterito  tempore.  Et  si 
datur  thema  cum  termino  ut  si  dicatur,  io  sum  pih  forlo  de 
pero  che  non  soio,  hic  sunt  très  comparationes,  que  sic  deraos- 
trantur,  quia  primo  uolo  dicere,  che  da  gui  endre  era  pm  forte 
de  pero.  Secundo,  uolo  dicere,  che  sùi  pih  forto  de  lai,  et  sic 
sunt  due.  Tertio,  uolo  dicere,  che  sia  piii  forto  de  pero  che  da 
qui  endre  et  sic  sunt  très  et  débet  sic  fieii  iatinum  quia  primo 
débet  ()oni  istud  nomeu  comparatiuum  cum  suo  termino  et 
inter  terminum  et  solito  unum  magis  quam  et  taliter  illud 
comparatiuum  non  precesit,  ut  ego  sum  fortior  petro  magis 
quam  solito,  et  sic  intelligitur,  ego  sum  fortior  petro  magis 
fuerim  fortior  eo  solito. 

c.  24  '] 

Nota,  quod  si  datur  laie  thema  :  qucslo  vasello  è  pih  de  meço 
mem  che  plein,  hic  unum  comparatiuum  est  excessus  alterius 
et  potest  intelligi  duobus  modis,  scilicet,  che  lo  plus  sit  exces- 
sus de  lo  niem,  ut  dicatur,  istud  uas  est  plénum  pluri  medie- 
tate  sua  minus  toto  siue  sua  totale,  et  possumus  intelligere 
che  /o  minus  sit  excessus  de  lo  plus  ut  dicatur,  istud  uas  est 
plénum  magis  quam  ad  médium  sine  medietate  minorumquam 
ad  sumum  uel  minori  toto.  Et  possum  etiam  facere  per  uerba 
secundiim  diuersos  respectus  siue  intellectus ,  ut  istud  uas 
superhabundat  a  medio  quam  uacet  a  toto,  uel  istud  vas 
magis  vacat  a  toto  quam  superhabundet  a  medio. 

Et  nota,  quod  dum  volumus  intelligere  che  lo  plus  sit  exces- 
sus de  li  mem  intelligitur,  quod  modica  quantitas  uini  sit  in 
uase  et  dum  volumus  intelligere  che  el  mem  sit  ex  [c.  24  ^] 
cessus  del  plus  intelligitur,  quod  modica  ijuantitas  vini  deficiat 
in  vase  et  patet  recte  in  cunctibus. 

Nota,  quod  si  datur  taie  thema  :  um  pih  de  um  home  corre. 
débet  sic  fieri  Iatinum,  quia  primo  debemus  capere  unum 
noraen  comparatiuum  quod  est  in  themate  et  postea  suam  deter- 
minationem  cum  qua  semper  est  de  dre  alche  [sic),  et  illud 
quod  remanet  debemus  ponere  in  ablatiuo  (juia  est  excessus, 
ut  plureshomines  homo  currunt;  et  si  datur  taie  thema  :  du  pih 


DEL    SEC.    XIII  527 

de  du  homini  correno,  istud  latinutn  potest  intelli;:!  iIuobiH 
modis,  quia  primo  potest  inteiligi  che  lo  du  sit  terminus  com- 
paratu'^,  ut  duo  plures  homines  uno  ('urrunt,  alio  modo  potest 
inteiligi  che  lo  ^/u  sit  excessus,  et  liunc  debemus  dicere,  duobus 
plures  homines  uno  currunt,  et  si  dicatur,  uno  mem  de  du 
homini  corro,  non  possumus  dicere,  uno  pauciores  homines 
duobus  currunt,  quia  non  de  du  uno  est  unu3  et  de  uno  non 
potest  dici  pauciores,  sed  debemus  dicere  pauciores  in  plurali 
numéro  dum  modo  illud  de  quo  dicitur  sit  pluralis  numeri.  Et 
si  datur  taie  thema  :  Ui  pin  de  quatro  sette  homini  corre,  debe- 
mus capere  neutrum  et  ponere  in  illo  casu  quem  unit  ver- 
bum  et  sibi  dicetuare  {sir)  nomen  eomparatiuum  et  ilium  neu- 
trum cum  quo  semper  est  de  che  vel  et  debemus  ponere  in 
terminatione  comparatiui  et  aliu  1  quod  remanet  debemus 
ponere  in  terminatione  comparatiui  et  aliud  quod  remanet 
debemus  ponere  in  excessu;  ut  septem  homines  plures  qua- 
tuor tribus  currunt. 

Nota,  quod  nomen  eomparatiuum  quando  ponitur  istud 
vulgaro  ly  le  lo  uel  la  semper  importât  particionem  dum  non 
sint  illa  que  requiruutur  in  particione,  ut  in  hoc  exemple, 
prestame  lo  meioro  de  li  toy  cauagli,  et,  io  sum  lo  meioro  scolaro 
de  la  mia  scola,  et  débet  tune  nomen  eomparatiuum  determi- 
nari  per  genetiuura,  uel  per  ablatiuum  mediante  de  uel  e  uel 
ex,  uel  per  acusatiuum  mediante  inter,  ut,  concède  mihi 
meliorem  tuorum  equorum,  et,  ego  sum  melior  scolaris  nos- 
trarum  scolarum,  et  intelligitur  sic  :  presta  mihi  unum  equum 
tuorum  '  equorum  meliorem  aliis,  et  si  diceretur  per  abla- 
tiuum tuuc  esset  dictuni  quod  tu  prestares  unum  de  tuis. 
Et  nota  quod  huuis  modi  latiiium  est  abuxio  in  comparatione 
de  qua  dicetur  inferius  et  est  consequens  et  intelligitur  sco- 
larium. 

Nota,  quod  si  datur  thema  :  io  leço  piuche  non  posso,  non  de 
c.  25  *■]  bet  dici  latinum,  ego  lego  plus  quam  posum,  quia 
sequerelur  falsa  sententia,  sed  debemus  ponere  illud  quam 
huic  aduerbio  comparatiui  et  illud  aduerbium  capitur  in  vi 
sui  positiui  et  cum  abiuxio  (?)  in  significatioue,  ut  ego  lego 
quam   plus  posum,  et  sic  intelligitur  ego  lego   tam  plus,  idest 

1  Ms.   Vnoruni. 


528  UNA    NUOVA    GRAMMATIGA    LATINO-ITALIANA 

tam  multum  quam  plus,  idest  quam  raultum  posura,  et  de  aliis 
intelligitur,  sic  ego  ueniara  qnam  citius  potero,  et  si  datur 
taie  theuma  :  20  uoio  inançi  una  sperma  cite  hum  caiialo,  non 
bene  diceretur  par  magis  nec  per  prius  quia  sequeretur,  quod 
uelem  utrumque,  sed  débet  dici  per  potius  quia  est  aduerbium 
eligendi  et  inuenitur  etiam  nomine  et  deriualur  ab  isto  nomine 
potis,  ut  ego  uolo  potius  unam  paltnatam  quam  unurn  equum 
et  possumus  etiara  dicere  per  istara  dictionera  quam,  ut  uolo 
palmatam  quam  equum  et  tune  est  coniunciio  electiua  quia 
quam  potest  esse  aduerbium  temporis  et  aduerbium  quanti- 
tatis  et  nomen  relatiuum  et  coniunctio  electiua.  Unde  uersus  : 

Si  quam  sequteris  désignât  tempus  et  ista, 
Comperat  et  nomen  quam  tamen  uocat  eligit  atque. 

Nota,  quod  si  datur  taie  theuma  :  dame  h  dhiari  che  tu  me  d'i 
daro  10  non  te  H  domandaro  pi,  non  débet  (débet  fieri  latinum 
per  plus  siue  per  magis,  quia  sequeretur  falsa  sententia,  vide- 
licet  competere  contra  illos  sed  non  plures,  sed  debemus  dicere 
per  amplius.  Et  si  diceretur,  l'o  à  aldîi  la  lectiom  pi  che  scto 
uolte,  posumus  dicere  per  aduerbia  scilicet  ego  audiui  lectio- 
nem  plures  quam  septies,  et  taie  latinum  potest  dampnari  quia 
adverbia  non  posunt  determirare  uerbum  modo  non  détermi- 
nât, quia  maie  ad  hoc  dicimus  quiod  (sic)  quantum  ad  modura 
significandi  la  septies  déterminât  verbum  sed  quantum  ad  signi- 
ficationem  déterminât  lo  plures  qui  tantum  ualet  lo  septies 
quantum  septem  uicibus  et  erit  compositio  sic  dicendo  bene, 
maie.  Sed  nota  quod  uolendo  figure  {sic)  esse  dubium  debemus 
interponere  isrtud  adverbium;  quam,  ut  legi  lectionem  plures 
quam  septies  et  curit  septies  déterminât  unura  uerbum  legi  ' 
quod  subintelligitur. 

Nota,  quod  quando  datur  taie  theuma  :  io  à  pi  che  doatanti 
dtnari  d't  ti,  débet  dici  latinum  ego  habeo  plures  denarios 
duplo  illorum  quos  tu  habes  siue  duplo  sui,  [c.  '^5"]  et  tune 
intelligitur  denariorum  habitorum  a  se  et  talis  sensus  quod  si 
tu  habes  duos  denarios  ego  habeo  plures  quatuor,  sed  non  dico 
quod  et  si  dicatur,  io  à  doa  tanto  pi  dinnri  de  ti,  tuiic  istud  doa 
tanto  est  exoesus  et,  debemus  dicere  ego  habeo   duplo  plures 

*  Mss.  legu. 


DEL    SEC.    XIII  529 

denarios  illis  quos  tu  liabes,  et  est  sengus  quod  si  tu  habes 
duos  denarios  ego  habeo  sex  Unde  iîcito  numéro  tuorurn  dena- 
riorum  statim  scitur  '  meus  numerus,  et  sic  dicatur  absquo 
nomine  comparatiuo,  ut  io  6  doa  tanti  ilenari  de  (i,  non  potest 
dici  per  quam  quia  ipse  non  baberet  ad  cuius  determinationum 
ueniret,  sed  debemus  dicere  isto  modo,  ego  babeo  diiplum  illo- 
rum  denarioruiu  quos  tu  liabes  uei  ego  bubeo  denarios  in 
duplo  tui. 

Nota,  qnod  si  datur  taie  theurua  :  io  à  x  soldi  et  du  dinari  pi 
ouer  du  dinari  mem,  non  possumus  dicere  per  plures  nec  per 
pauciores  ponendo  copulam,  quia  sequeretur  falsa  sententia, 
quia  si  diceremus  ego  habeo  decem  solidos  et  duobus  plures 
sequeretur  quod  haberes  ^  solidos  additis  duobus  denarijs  et 
si  dicatur  in  temate  meno  non  debemus  dicere  per  plus  nec  per 
minus,  sed  debemus  dicere  per  citerior  quod  sunt  nomina  cora- 
paratiua,  ut  ista  hora  est  ulterior  ora  tertie  et  citerior  (ora) 
hora  uespertina. 

c.  27'] 

Nota,  quod  nonien  superlatiuum  uult  determinari  per  gene- 
tiuum  pluralem  uel  singularem  norainis  colectiui  et  sui  generis 
quando  respectiue  ponitur,  ut  ego  sum  fortissimus  horaino- 
rum  {sic)  siue  istius  populi  et  non  bene  diceretur  ego  sum  for- 
tissimus  petro.  Et  hoc  est  quia  nomen  superlatiuum  habet  uim 
nominis  comparatiui  et  de  uno  non  potest  fleri  comparatio  sed 
debemus  dicere  quando  non  habet  genetiuura  pluralem  uel  sin- 
gularem nominis  colectiui  et  sui  generis  et  comparatiuum  et 
multo,  ut  io  sum  fortissimo  de  marti,  ego  sum  multo  fortior 
raartino  et  io  sum  fortissimo  di  lioni,  ego  sura  multo  fortior 
leonibus  et  non  bene  diceretur  ego  sum  fortissimus  leonum, 
quia  ego  non  sum  de  génère  leonum. 

Antonino  de  Stefano. 
Fribourg  (Suisse). 


<  Mss.  sitîir. 


34 


LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE  DE  MAITRE  GUILLAUME  CRETIN 

{Suite  et  fin) 


20  1'°.  V.  Lothaire  se  joint  aux  révoltés.  —  20  v".  Violences  exer- 
cées contre  les  parents  de  Bérard.  —  21  r°.  On  décide  que  la  querelle 
de  Louis  et  de  ses  fils  sera  soumise  à  une  assemblée  plénière.  Les 
mutins  demandent  qu'elle  se  réunisse  en  France;  l'empereur  souhaite 
qu'elle  ait  lieu  en  Allemagne.  —  21  v".  Son  désir,  à  la  fin,  prévaut. 
On  enjoint  aux  nobles  et  aux  prélats  d'assister  sans  armes  au  plaid. 
L'abbé  Hildo,  qui  ne  tient  pas  compte  de   cet  ordre,  est  chassé.  — 

22  r°  et  v°.  Menées  des  deux  partis.  —  Après  la  première  séance  de 
l'assemblée,  Louis  mande  Lothaire  auprès  de  lui.  Le  père  et  le  fils  pa- 
raissent ensemble  à  une  fenêtre.  La  foule,  qui  les  juge  réconciliés,  se 
livre  à  des  transports   de  joie  et  se  range   du  côté  de  l'empereur.  — 

23  r".  Les  conspirateurs  sont  punis.  L'un  d'eux,  l'évêque  d'Orléans, 
Théodulphe,  est  emprisonné  à  Angers  '. 

Mais,  par  après,  Dieu  qui  jamais  n'oublye 
Homme  contrict,  quant  de  cueur  le  supplye, 
23  v°  L'exercita  en  occupation 

Telle  qu'on  eut  de  luj  compassion, 

Comme  entendrez  s'avez  la  pacience 

De  l'escouter.  Homme  plein  de  science 

Estoit  celuy  prélat.  Or,  comme  espris 

D'affliction  en  ce  qu'avoit  mespris, 

La  exposa  son  sçavoir  en  chant  d'iiympnes 

Et  beaulx  respons.  Entre  aultres  choses  dignes 

D'acception,  il  feyt  Gloria  laus 

Qu'au  jour  nommé  dimanche  des  rameaulx 

1  Les  événements  que  Crétin  relate  dans  ce  chapitre  eurent  lieu  en  830, 
et  l'incarcération  de  Théodulphe  est,  en  réalité,  antérieure  de  douze  ans. 
Cf.  Gall.  Christ.,  t.  VIH,  col.  1420. 


LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE  DE  GUILLAUME  CRETIN     531 

En  saincte  Eglise  universelle  on  chante. 
Je  ne  croj  point  personne  si  meschante 
Et  indevote,  en  contemplant  TefFect 
De  ce  beau  chant  [tant  doulcement  est  faict!) 
Qui,  par  pitié,  de  l'œil  ou  cueur  ne  pleure. 

Advint  qu'ung  jour  des  rameaulx,  a  telle  heure 
Que  se  faisoit  celle  procession 
Par  le  clergé  d'Angers,  la  stacion 
Ou  l'empereur  assistoit  en  personne 
Fut  faicte  au  lieu,  comme  le  plus  consonne, 
Tout  droit  devant  la  prison  ou,  captif, 
Estoit  celuy  povre  evesque,  actentif 
24  r°  D'ouyr  etveoir  l'adoracion  faire 

Devant  la  croix.  Ce  faict,  pour  satisfaire 

A  son  désir,  de  haulte  et  doulce  voix 

Print  a  chanter  ces  beaulx  vers,  toutesvojs 

Ce  ne  fut  pas  sans  arrouzer  sa  face 

De  larme  chaulde.  Ainsi  veult  que  se  face 

Tout  cueur  piteux,  désirant  avoir  d'œil 

Signe  duquel  demonstre  en  porter  dueil. 

Ce  mot  diray  affin  qu'on  le  retienne  : 

Le  bon  prélat,  en  chantant  celle  aothienne, 

Ayde  receut  des  esperitz  divins. 

Parle  récit  d'aucteurs  vrays,  non  devins; 

En  leurs  escriptz  bien  autentiques  disrent 

Qu'anges  du  ciel  a  son  chant  respondirent  : 

C'est  reigle  vraye  et  sans  exception 

Qu'il  fut  trouvé  digne  d'acception. 

Quant  l'empereur  eut  la  louenge  ouye, 

Donnée  a  Dieu  de  pensée  esjouye, 

Fut  si  contrict  qu'ains  aultre  chose  ouvrer 

Le  prisonnier  envoya  délivrer. 

Quoy  plus?  luy  fut  toute  faulte  coramyse 

Entièrement  pardonnée  et  remyse. 

24  v°-26  r".  VL  Lieux  communs  :  Lorsque  la  Discorde  laisse  en 
paix  les  hommes,  ce  n'est  jamais  pour  longtemps.  La  fortune  varie  et 
nos  joies  ne  durent  point.  L'histoire  du  Débonnaire  le  démontre. — 
26  ¥"-27  v°.  11  vivait  tranquillement  sur  son  trône  reconquis,  recevait 


532  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

des  ambassades  qui  lui  apportaient  de  beaux  présents,  instituait, 
en  dévot  personnage  qu'il  était,  la  fête  de  la  Toussaint,  et  ne  songeait 
à  nul  mal,  lorsque,  de  nouveau...  —  28  r°.  ses  fils  se  levèrent  contre 
lui. 

Pères,  gardez  de  lascher  trop  la  bride 
A  voz  enfFentz,  car  il  n'y  a  remvde  : 
28  v°  S'un  pied  laschez,  ilz  en  gaigneront  deux, 
Et  ja  n'aurez  honneur  ne  plaisir  d'eulx. 

Le  pape  Grégoire  IV  passe  les  monts.  —  29  v°.  Il  déclare,  en 
arrivant  en  France,  qu'il  veut  ramener  l'union  dans  la  famille  impé- 
riale. —  29  v°.  Réponse  de  Louis.  —  30  r°-31  v°.  Le  pape  se  rend 
chez  les  mutins,  et  négocie  avec  eux.  Us  débauchent  les  partisans  de 
leur  père,  qui  se  trouve  bientôt  sans  armée.  Il  est  réduit  alors  à 
demander  une  entrevue  à  ses  fils.  Ils  consentent.  Grégoire  devine  que 
cette  conférence  ne  produira  rien  de  bon,  et  il  se  hâte  de  retourner 
à  Rome.  —  31  v''-32  v°.  L'empereur  est  reçu  par  ses  enfants  d'une 
façon  en  apparence  respectueuse,  mais  ils  ne  laissent  pas  de  le  sépa- 
rer de  sa  fernme,  qu'ils  exilent  à  Tortone,  et  de  l'envoyer  lui-même 
au  couvent  de  Saint-Médard,  à  Soissons.  —  32  \° .  Crétin  déplore 
cette  rigueur. 

33v°-39r°.  VII.  Plaintive  élégie  du  Débonnaire.  Le  chroniqueur 
lui  cède  la  parole,  et  il  en  abuse  cruellement. 

40  ro-4I  v".  Vlll.  Lothaire  réunit  une  assemblée  à  Compiègne,  et 
y  traîne  son  malheureux  père.  Les  états  décident  que  l'empereur  sei'a 
tondu.  Faute  d'avoir  les  moyens  de  résister,  il  consent  et  prend  le 
froc.  —  Lothaire,  bien  joyeux,  s'achemine  vers  la  ville  d'Aix. 

42v"-44r°.  IX.  Mais  la  prospérité  des  méchants  est  passagère. 
Effrayé  par  une  faction  puissante,  et  qui  juge  odieuse  sa  conduite, 
Lothaire  remet  son  père  en  liberté,  puis  s'éloigne  en  déclarant  n'avoir 
agi  que  d'après  l'opinion  des  évoques  et  des  gentilshommes  qui 
assistaient  au  plaid  de  Compiègne. 


44  V^ 


Et  par  ainsi  la  besogne  acomplye, 

Fut  entre  mains  l'empire  restablye 

Du  bon  Loys,  qui,  pour  habit  cloistrier, 

De  chevallier  print  ceinture  et  bauldrier, 

En  lieu  de  froc  et  gonne  moniale, 

Sceptre  receut  et  robe  impériale, 

Et,  pour  couvrir  la  tonsure  du  chef 


DE  MAITRE  GUILLAUME  CRETIN  533 

Tripple  couronne  affublant  derechef, 
45  r°  En  belle,  grande  et  notable  assemblée, 
A  crj  public  et  non  de  force  emblée, 
(Comme  de  Dieu  et  tout  le  peu{)le  amé) 
Vray  empereur  fut  allors  proclamé, 
Au  gré,  plaisir,  confort,  joye  et  lyesse 
Des  bienveillantz 

Lothaire,  qui  est  parti  plein  de  courroux,  met  le  siège  devant 
Chalon,  s'en  empare,  pille  l'église  de  cette  ville,  et  se  livre  (45  v°)  à 
beaucoup  d'autres  excès.  —  46  r°-47  v".  Pendant  ce  temps,  l'empe- 
reur accueille  avec  bonté  ses  fils,  Loys  et  Pépin,  qui  se  montrent  fort 
repentants  ;  il  remercie  le  Seigneur  qui  lui  a  rendu  le  sceptre;  il  se 
divertit  quelquefois  en  chassant.  (N.  B.  Il  avait  du  goût  pour  ce 
sport,  mais  il  ne  s'y  adonnait  point  d'une  manière  exclusive,  pas- 
sionnée.) 

48  v°.  X.  Revenu  de  Tortone,  Judith  est  tourmentée  par  un  gros 
souci  :  son  époux  est  déjà  vieux  ;  il  a  partagé  son  héritage  entre  les 
trois  enfants  du  premier  lit;  le  jeune  Charles  n"a  donc  rien  à  attendre. 
Afin  de  lui  ménager  un  protecteur,  sa  mère  eût  désiré  le  placer  sous 
la  tutelle  de  Lothaire.  Mais  celui  ci  prêterait-il  les  mains  à  un  tel  ar- 
rangement ?  —  49  1"  et  v".  Le  Débonnaire  écrit  à  son  fils  et  l'invite  à 
venir  traiter  cutte  question  avec  lui.  Lothaire,  qui  ravageait  pour  lors 
l'Italie,  ne  se  presse  pas  d'obéir.  —  50  r°.  11  se  décide  enfin  à  se 
présenter  à  la  cour,  et  accepte  la  tutelle  de  Charles. — 50  v°.  Nouveau 
partage  de  l'empire.  —  51  r"  et  v°.  Il  lèse  les  intérêts  de  Loys,  roi 
de  Bavière,  qui  se  prépare  à  soutenir  ses  droits  par  les  armes.  Néan- 
moins, comme  il  apprend  que  son  père  lève  contre  lui  de  grandes 
troupes,  il  feint  adroitement  de  se  soumettre. 

52  v°.  XL  Mort  de  Pépin,  roi  d'Aquitaine.  —  A  qui  donner  sa 
couronne?  On  ne  tombe  pas  d'accord  sur  ce  sujet,  et  l'on  choisit 
l'empereur  comme  arliitre.  —  53  r°  Pour  traiter  ce  point  litigieux,  il 
convoque  une  assemblée  à  Clermont,  maison  ne  peut,  faute  de  temps, 
arriver  à  une  solution,  car,  sur  ces  entrefaites,  le  roi  Loys  excite  les 
Germains  à  la  révolte.  —  53  v°.  Le  Débonnaire  conduit  son  armée 
contre  ces  méchantes  gens.  .  Hélas!  il  était  vieux,  il  était  malade, 
et  cette  campagne  l'acheva. 

54  i"  Ses  pavillons  et  tentes  feyt  dresser, 

Près  la  cité  de  Mayence,  en  quelque  isle 
Ou  esperoit  avoir  repos  tranquille, 


534  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

Mais,  nonobstant  la  doulce  humanité 
De  l'aer  si  doulx,  tout  plein  d'aménité, 
Tant  fut  saisj  de  l'ajgre  amaritude, 
Qui  tost  se  tourne  en  amere  egritude, 
Que  la  perdit  toute  force  et  vigueur, 
Par  quoy  tumba  en  si  forte  langueur 
Qu'il  n'eut  de  vie  espérance  certaine, 
Et  demoura  toute  une  quarantaine 
De  jours  et  nuictz  en  l'extrême  danger 
Du  paz  mortel,  sans  boyre  ne  manger 
Fors  le  repaz  de  divine  bouthique 
Qu'on  dict  et  tient  le  très  sainct  viatique 
Du  sacré  corps  et  sang  très  précieux 
De  Jesuchrist,  souverain  roy  des  cieulx, 
Pour  restaurant  a  l'ame  salutaire. 

54  yo-BB  1'°.  Le  mourant  adresse  à  Lothaire  ses  recommandations 
ultimes,  puis,  l'ayant  couronné  de  ses  propres  mains,  il  se  met  à  sou- 
rire doucement,  en  homme  que  visitent  les  esprits  divins.  —  55  v°. 
Peu  après  il  rendit  l'âme,  et  une  comète  parut,  juste  à  ce  moment, 
dans  le  ciel.  —  56  r°.  Imitez  l'empereur  Louis!  Il  fut  patient,  dévot,  et 
certains  de  ses  .ictes  honorent  beaucoup  sa  mémoire.  On  doit  notam- 
ment se  souvenir  qu'il  fit  transférer  à  Saint-Denys  les  corps  des  mar- 
tyrs Hippolyte  et  Tiburce. 

57  r°.  XII.  Il  est  notoire  que  les  enfants  des  rois  enterrent  avec 
plaisir  leurs  parents.  —  57  v°.  Lothaire  se  conforme  à  cette  coutume  ; 
il  ne  pleure  point  le  Débonnaire,  et  s'empresse  de  chercher  querelle  à 
Judith  et  à  Charles.  —  58  r".  Bientôt  la  guerre  s'allume  entre  les 
quatre  frères.  Us  forment  deux  camps,  mais  de  quel  côté  Loys  et 
Pépin  [II]  s'étaient  rangés,  voilà  ce  que  le  chroniqueur  ne  sait  point 
du  tout. 

Je  suis  perplex  pour  la  diversité 

De  noz  autheurs  :  en  controversité 

D'oppinions,  les  ungs  Lothaire  tiennent 

Joinct  a  Pépin  d'Aquitaine,  et  maintiennent 

Charles  avoir  Lojs  avecques  luj. 

Sur  ce  ne  suis  pour  desmentir  nuUuy, 

Mais  plusieurs  ont  escript  tout  le  contraire  '. 

1  Ils  ont  eu  grand  tort. 


DE   MAITRE   GUILLAUME  CRETIN  535 

58  V».  Charles  réunit  des  troupes,  et  il  les  exhorte  à  bien  combattre. 
—  59  r°.  Elles  lui  jurent  fidélité...  On  va  partir;  on  s'équipe, 

59  v"  Or  est  saison,  quant  la  trompette  sonne, 
De  préparer  les  marsiaulx  tournoys, 
Gentz  et  chevaulx  adextrez  au  liarnojs, 
Trousser  chanfrains,  selles  d'armes  et  bardes, 
Mectre  en  charroy  faulcons,  canons,  bombardes,  — 
Cloches  d'enfer,  vulcanistes  bastons, 
Non  pour  sonner  matines  en  baz  tons, 
Mais  tant  tonner  qu'aer  fende,  terre  tremble. 
Et  que  le  coup  vie  a  l'ung  ou  l'aultre  emble,  — 
Lances  en  main,  javelines,  passotz, 
Picques,  pongnars,  cuyraces  et  cuyssotz, 
Armetz  au  chef,  gorgerins  et  barbuttes, 
Fortz  hallecretz,  halbardes,  haquebuttes, 
Haches,  estocz,  arbalestes  et  dardz, 
Suyvre  guydons,  enseignes,  estendardz  : 
60  r°  Car  il  est  temps  que  chacun  s'appareille 
Monstrer  d'eflfect  se  la  force  a  pareille 
A  son  heyneux,  pour  soustenir  combact. 

Lorsque  l'on  prétend  acquérir  de  la  renommée,  il  s'agit  de  ne  s'é- 
pargner point  et  de  ne  pas  craindre  les  horions.  —  60  v».  Les  deux 
armées  vont  à  la  rencontre  l'une  de  l'autre,  et  elles  traversent  les  pro- 
vinces à  grand  tumulte. 

Onques  le  brujt  de  fouldres  et  tempestes 
Ne  rendit  son  pour  estonner  tant  testes 
Que  le  strepit  merveilleux  et  tonnant 
Pour  l'heure  fut  tout  le  monde  estonnant, 
Car  il  sembloit  que  deubst  terre  a  coup  fondre, 
Et  le  pajs  en  abisme  confondre, 
Comme  se  lors  fust  sur  champs  Lucifer, 
Accompaigné  des  sattrappes  d'enfer 
Aveq  Megere  et  toutes  les  furyes. 
Certes  ce  sont  merveilleuses  faeryes 
D'infiniz  maulx  que  train  de  guerre  accroist  : 
Qui  ne  le  voyt  bien  a  peine  le  croyt! 


536  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

'  61  v.  Dans  la  plaine  de  Fontenay  [Fontenailles],  voici  les  adver- 
saires en  présence.  —  61  vo-62  r».  Les  gens  de  Charles  reculent  d'a- 
bord, mais  il  les  rallie,  les  ramène...  —  62  v°.  Parenthèse  :  Crétin 
déplore  les  querelles  des  rois. 

Princes,  helas  !  vous  acquérez  renoms 
D'estranges.ioz,  et,  par  ces  deux  pronoms 
Qui  sont  meum  et  tuum,  menez  guerre 
Pour  les  pays  ungs  sur  aultres  conquerre. 
Or  plaise  a  Dieu  si  bien  vous  accorder 
Qu'en  brief  puissiez  l'unjon  recorder 
Qui  mecte  fin  a  voz  querelles  telles, 
Et  qu'alliez  tous  contre  les  infiJelleiS  ! 
Dirajje  ung  mot?  Seigneurs,  bien  mestier  est 
Que  de  lafoj  querellez  l'interest  ; 
63  r°  Le  temps  S3  perd  et  l'heure  ja  moult  tarde. 
Vous  arrestez  icj  a  la  moustarde, 
Et  différez,  pour  voz  telz  quelz  proffitz, 
Garder  l'honneur  du  benoist  crucifix. 

Description  de  la  bataille.  —  63  v".  Suite  de  la  description.  Jamais 
une  mêlée  ne  fut  à  ce  point  sanglante. — 64  r°.  11  y  eut  des  deux  côtés 
un  carnage  presque  égal.  Néanmoins  Charles  demeura  vainqueur. 
—  Et  c'est  là,  note  le  bon  Guillaume,  un  événement  considérable,  en 
sorte  que,  l'ayant  conté,  il  est  à  propos  de  poser  la  plume  un  instant, 
de  souffler  avant  d'aller  plus  loin. 


B.  N.  fr.  2822. 

65  r°  '.  XIII.  Après  la  victoire,  Charles  le  Chauve  poursuit  Lothaire. 
—  65  v"-68  r°.  Ici,  un  passage  très  confus  :  les  frères  ennemis 
bataillent  quelque  temps  encore,  puis  se  décident  à  conclure  un  accord. 
C'est  assurément  du  traité  de  Verdun  que  le  chroniqueur  a  voulu  nous 
parler,  mais  il  le  place  en  84G. 

68  v°-69  r°.  Lothaire  partage  son  royaume  entre  ses  enfants  ;  il  se 
retire  du  monde  et  prend  «  monial  habit».  L'un  de  ses  fils,  qui  por- 
tait le  même  nom  que  lui,  ti'ansgresse  la  loi  de  Sainte-Eglise,  et  veut 
avoir  deux    épouses    à  la   fois.    Cette    prétention   plonge    Guillaume 

1  Ce  volume  continue  la  pagination  du  précédent.  Même  observation 
pour  les  numéros  des  chapitres. 


DE   MAITRE  GUILLAUME   CRETIN  537 

Crétin  dans  une  sorte  de  stupeur;  il  qualifie  ce  prince  de  grand  folas- 
tre,  et  ne  peut  assez  admirer  qu'un  homme  souhaite  deux  femmes, 
alors  qu'il  est  déjà  si  dosagréahle  d'en  avoir  une.  —  69  v°.  Les  pré- 
lats, qui  avaient  autorisé  cette  bigamie,  furent  déposés.  Quant  à 
Lotliaire  [II],  il  fut  puni  par  le  ciel  de  sa  conduite  incivile,  et  ne 
tarda  pas  à  mourir  misérablement. 

Diray  je  ung  mot  sur  ce  qu'ores  en  sens  ? 
Désir  me  prend  qu'au  propos  assooye 
70r°Icy  endroict  forme  de  facecje  : 

Il  n'est  que  bon,  sans  trop  papelarder, 
Aulcunesfoiz  termes  entrelarder 
De  motz  joyeux,  pour  matière  pesante 
Aux  auditeurs  rendre  guaye  et  plaisatite. 

Entendez   donc,  vous  aultres  mariez 
Qui  en  mesnaige  estes  tant  hariez, 
Vous  seroit  bien  a  gré  la  fascherye 
Deux  femmes  prendre,  obstant  la  tricherye 
Qu'aulcunes  ont  ?  Sans  propoz  varyer, 
Se  l'ung  de  vous  estoit  a  marier 
Vouldroit  il  pas,  estant  hors  de  servaige, 
Le  reste  user  de  ses  jours  en  veufvaige  ? 
Tant  d'hommes  voy  que  c'est  pitié  jaloux, 
Plus  desirantz  tumber  en  piège  a  loups 
Que  retourner  en  celle  forte  nasse 
Dont  sont  sortys  '  :  plusieurs  en  amenasse. 
Qui  les  vouldroit  recevoir  a  tesmoings. 

Nottez  pourtant,  de  femmes  n'en  dy  moings. 
Maintes  en  scay  si  mal  apparyées 
Que  si  souhet  de  n'estre  mariées 
A  heure  et  temps  leur  estoit  imparty, 
70  v°  Cent  foiz  le  jour  tiendroient  ce  party, 
Car  marys  ont  de  si  villaine  race 
Qu'en  eulx  n'a  bien,  beaulté,  bonté  ne  grâce. 

Mais  s'ainsi  est  (ce  qu'advient  bien  a  tard] 


1  L'idée  de  cette  nasse  symbolique  paraît  appartenir  à  l'auteur  des 
Quinze  joyes  de  mariage,  mais  celui-ci  déclare,  plus  subtil  que  notre 
rhétoriqueur,  que  l'homme,  bien  «  embarré»  dans  le  piège,  ne  demande 
qu'à  y  rester,  et  que  «s'il  n'y  estoit,  il  se  y  mectroit  a  grande  haste  ». 


538  LA   CHRONIQUE   FRANÇAISE 

Qu'ajent  tous  deux  voulloir  de  telle  part 
Jusques  garder  paix  et  amouT*  ensemble, 
Je  croj  que  l'an  tout  entier  ne  leur  semble 
Durer  ung  jour.  Au  contraire,  quant  sont 
Si  malheureux  que  riotte  et  noyse  ont 
De  tel  endroict  qu'il  faille,  par  l'amorse 
Du  goust  hejneux,  désirer  le  diverse, 
La  sont  logez  près  les  faulxbourgs  d'enfer. 
Quant  femme  auroit  quatre  testes  de  fer, 
On  les  pourroit  plus  tost  casser  et  fendre 
Qu'elle  ne  fejst  ce  qu'on  luy  veult  deflfendre. 

Femmes  en  rue  et  en  l'église  veoir 
Scayvent  d'attraictz  fort  doulx  monde  pourveoir 
D'humains  plaisirs;  ce  sont  belles  noblesses  : 
Mais  a  l'hostel  semblent  estre  deablesses. 
Marjs  aussi  se  montrent  fort  doulcetz 
Devant  les  gentz,  mais  infinis  procès 
Se  meuvent  lors  que,  hors  de  compagnie, 
71  r°  Sont  a  privé.  Dieu  scet  la  letanje 

Qu'on  chante!  Mais,  pour  serrer  huys  et  pontz, 
A  tous  versetz  sontserviz  de  respons. 
Se  le  marj  sur  sa  femme  crie,  elle 
Lui  scet  chanter  si  haulte  kyrielle 
Qu'il  dict  le  mot  que  Villon  ne  nya. 
Quel  mot  ?  Heureux  VJtomme  est  qui  rien  ny  a  !  ' 
Les  jouyssantz  des  belles  Quinze  joy es 
De  mariaige  entendent  les  raontjoyes 
De  telz  plaisirs  trop  mieulx  que  ne  les  scay. 
Or  reprenons  l'endroict  que  je  laissay. 

72  r°-73  v°.  XIV.  A  peine  Charles  le  Chauve  a-t-il  appris  la  mort 
de  Lothaire  II  qu'il  entre  dans  le  royaume  d'Austrasie  et  s'y  établit. 
Peu  après,  il  consent  à  partager  l'héritage  avec  Loys  le  Germanique. 
En  fait,  cette  dépouille  ne  revenait  ni  à  l'un  ni  à  l'autre,  mais  à  leur 
neveu,  l'empereur  Louis  [II].  Ce  dernier,  dont  les  droits  sont  défendus 
par  le  pape  Adrien  d'une  manière  véhémente,  meurt  pendant  les  négo- 
ciations. Alors  Charles  se  dispose  à  passer  les  monts  afin  d'obtenir  du 
Saint-Siège  la  couronne  impériale  désormais  sans  maître. 

*  Grand  Testament  (édition  Jannet),  p.  4o  et  suiv. 


DE   MAITRE   GUILLAUME   CRETIN  539 

Or,  cependant  qu'il  sçaura  préparer 
Son  appareil  sans  rien  desemparer, 

74  r°  Puisque  du  vray  l'hjstoire  nous  informe, 
Icy  endroict  entendz  mectre,  par  forme 
De  passetemps,  ung  petit  incident. 

Advint  ce  temps  merveilleux  accident  : 
Comme  ung  estât  parfoiz  se  scandalize, 
Les  moynes,  lors  desservantz  a  l'église 
De  sainct  Martin,  en  la  ville  de  Tours, 
L'amour  de  Dieu  ayantz  mys  aux  destonrs 
Par  vanité  mondaine  et  orgueilleuse, 
Menèrent  vie  infâme  et  scandaleuse. 
Ces  appostatz  pervers,  irregulievs, 
Prindrent  habitz  pareilz  aux  secuUiers. 
Que  diroit  on  se  tel  vice  laissoye 
A  reprimer?  Moynes  porter  la  soye, 
Boucles  d'argent  pour  soulliers  falerer, 
Bagues  aux  doigtz,  esse  ordre  a  tollerer  ? 
Porter,  au  lieu  d'estamine  en  chemise. 
Fine  hollande  a  corps  et  manche  myse  ? 
Pour  la  tonssure,  acoustrer  les  cheveulx 
En  perruquetz,  sont  ce  point  lasches  veux? 
Pour  livres  veoir,  manier  dez  et  cartes, 
Et  pour  jeusner,  pastez,  flascons  et  quartes? 

74  v"  Pour  continence  et  chasteté  tenir, 
A  pain  et  pot  putains  entretenir, 
Et,  pour  chanter  au  chœur  la  psalmodye, 
Rire  et  baver?  —  Je  supplye  qu'on  me  dye 
S'il  advenoit  qu'en  cestes  régions 
Tel  train  fut  veu  en  nos  religions, 
Se  devroit  pas  impugner  celle  chose  ? 

Excusez  moy  s'escripre  une  touche  oze  : 
Ce  fut  bien  faict  mendiantz  reflformer, 
Mais  cause  y  eut  de  matière  former 
Sur  possidentz,  et  mieulx  desserrer  bourses 
Que  les  bissacz.  Ce  sont  choses  rebourses 
Moynes  souffrir,  ainsi  apostatantz, 
Matins  et  soirs  tant  estre  a  potz  tastantz 
Qu'aulcuns  ont  nez  a  fleur  et  poulce  d'aulne, 


540  LA   CHRONIQUE   FRANÇAISE 

Si  djappré  du  vermillon  de  Beaulne, 
Qu'onq  ne  fut  mieulx  (cela  puis  bien  pleuvyr) 
Enluminé  B  de  Beatus  vir. 


75  r°  et  v°.  La  justice  divine  ne  laissa  pas  impunie  une  aussi  fâcheuse 
dissolution.  Excepté  un,  tous  les  moines  de  Tours  eurent  la  peste  et 
moururent.  C'est  là  un  fort  bon  enseignement  pour  les  ecclésiastiques. 
Puissent-ils  ouvrir  les  yeux  à  temps! 

76  v°-77  v°.  XV.  Ce  chapitre  commence  par  une  confession  ingéaue 
de  l'écrivain.  Il  sait  beaucoup  mieux  coudre  que  tailler,  ce  qui  revient 
à  dire  qu'il  a  plus  de  peine  à  ordonner  son  plan  qu'à  versifier.  C'est 
pourquoi  il  lui  arrive  de  mettre  la  charrette  avant  les  bœufs,  et  la  pièce 
à  côté  du  trou.  11  y  a,  dans  son  œuvre,  des  omissions.  Et,  justement, 
il  en  a  remarqué  une  ici  même,  et  il  va  remédier  à  ce  défaut.  Ainsi  le 
lecteur  chagrin  n'aura  plus  sujet  de  critiquer,  attendu  qu'un  mal  réparé 
n'est  pas  un  mal,  et  que  ceux  qui  perdent,  et  puis  retrouvent,  n'ont 
rien  perdu...  Qu'avait  donc  oublié  le  candide  rhétoriqueur?  l'eu  de 
chose,...  seulement  les  invasions  normandes.  11  se  hâte  de  les  relater, 
et  nous  apprend  que  le  roi  Charles  renvoya  dans  leur  pays  ces  bar- 
bares qui  s'étaient  emparés  de  presque  toute  la  terre  angevine. 
Quelques-uns  d'entre  eux  se  firent  chrétiens;  les  autres  aimèrent 
mieux  «  vivre  en  l'abuz  de  leurs  sectes  infectes  ». 

78  r"-79  r°.  Tranquille  du  côté  des  Normands,  Guillaume  Crétin 
reprend  le  fil  de  la  narration  qu'il  avait  abandonnée  au  i°  73  v°.  et  il 
rejoint  Charles  en  Italie.  Ce  piince  met  en  déroute  les  deux  fils  du  roi 
de  Germanie,  son  compétiteur,  et  la  dignité  impériale  lui  est  conférée. 
11  donne  la  lieutenance  de  l'empire  à  son  beau-frère. 

80  r°-81  \°.  XVI.  Réflexions  morales  :  les  rois  qui  aspirent  à  s'em- 
parer de  l'héritage  d'autrui  doivent  s'attendre  à  maintes  tribulations. 
Cette  vérité  est  rendue  manifeste  par  l'histoire  de  Charles  le  Chauve. 
Il  voulut  dépouiller  de  sou  domaine  l'un  de  ses  neveux',  et  il  leva, 
dans  cette  intention,  de  nombreuses  troupes.  Mais  elles  arrivèrent 
exténuées  et  toutes  trempées  de  pluie  en  face  d'un  adversaire  attentif 
et  résolu,  qui  les  accueillit  si  rudement  qu'elles  furent  contraintes  de 
s'enfuir.  Charles  lui-même  tourna  le  dos.  —  (82  r°.  Parenthèse!...  Le 
chroniqueur  déclare  que  la  couardise  est  chose  méprisable,  et  il  flétrit, 
par  voie  d'allusion,  l'uu  de  ses  contemporains,  qui,  «  puis  une  coup- 
pie  d'ans»,  conseilla  à  la  gendarmerie  française  de  ne  point  livrer 
bataille,  alors  que  l'on  avait  toutes  les  chances  d'obtenir  la  victoire, 


'  Le  Germanique  venait  de  mourir  (août  876),  et  il  s'agit  ici  de  son  fils 
Louis,  qui  eut,  en  effet,  à  défendre  ses  terres  contre  Charles. 


DE   MAITRE   GUILLAUME  CRETIN  541 

puisque  l'on  se  trouvait  au  milieu  d'une  très  vaste  plaino,  que  nos  sol- 
dats brûlaient  d'un  beau  zèle,  et  qu'ils  étaient  (82  v")  huit  fois  plus 
nombreux  que  l'ennemi  '.)  —  Rejoignons  maintenant  Charles  et  les 
siens  :  lui,  il  s'éloigna  sain  et  sauf,  mais  ses  gens  (S3  r°)  furent  mas- 
Faci'és  en  foule;  ceux  qui  perdirent  seulement  leurs  bagages  et  leurs 
habits  durent  s'estimer  heureux. 

Nouvelle  incursion  des  Normands. 

83  vo-85  r".  Mariage  de  Judith,  fille  de  l'empereur,  avec  Baudouin, 
forestier  de  Flandre;  cette  province  est  érigée  en  comté. 

85  v°-87  v".  XVll.  Le  pa[»e  demande  à  l'empereur  du  secours  contre 
les  Turcs.  —  Démêlés  entre  Charles  le  Chauve  et  l'un  de  ses  neveux, 
Chariot^.  Les  deux  adversaires  entrent  en  campagne,  mais,  mal  ren- 
seignés sur  leurs  forces  respectives,  ils  s'enfuient  chacun  de  leur  côté. 

Quelz  vaillantz  corps  !  Leur  doibt  on  reprocher 
Trop  fcstre  ar  lanlz  pour  l'ung  l'autre  approcher? 
A  ceulx  ne  doibt,  qui  marchent  de  mesrae  ordre, 
Estre  imputé  eulx  voulloir  entreraordre  : 
Ceulx  font  ainsi  qui,  doubtantz  estre  escoux, 
S'en  vont  fuyantz  pour  mieulx  charmer  les  coups. 

88  r°-89  r°.  L'empereur  tombe  malade  à  Mantoue;  un  médecin  juif 
lui  donne  un  remède  empoisonné,  qui  le  tue  en  douze  jours.  Le  cada- 
vre se  décomposa  si  vite  qu'on  ne  put  le  transporter  que  beaucoup 
plus  tard  à  Saint-Denys.  —  89  v.  Charles  avait  offert  à  cette  abbaye 

*  Guillaume  Crétin  ne  se  montre  pas  tendre  pour  le  personnage  qui 
avait  retenu,  dans  la  circonstance  dont  il  est  ici  question,  l'ardeur  guer- 
rière des  Français,  et  il  le  nomme  brutalement  cazamiiei\  asnier  et  ceti- 
drier.  Cette  véhémence,  bien  rare  chez  notre  poète,  est  d'autant  plus 
étrange  qu'il  adresse  cette  invective  à  un  seigneur  de  marque,  au  maré- 
chal de  Châtillon.  Ce  fut  lui,  en  effet,  qui  engagea  François  I",  à  l'heure 
où,  sur  la  rive  de  l'Escaut,  il  aurait  pu  écraser  l'armée  de  Charles- 
Quint,  à  ne  pas  commander  la  charge.  (22  octobre  1521.)  Si  ce  déplorable 
avis  n'avait  pas  été  écouté,  l'empereur  eût  perdu  honnew^  et  chevaiice  à 
la  fois,  car  «  ce  jour  là  Dieu  nous  avoit  baillé  noz  ennemis  entre  nos 
mains ,  que  nous  ne  voulûmes  accepter,  chose  qui  depuis  nous  cousta 
cher».  (Martin  du  Bellay,  collection  Petitot,  1"  série,  t.  XVII,  p.  327.)  — 
En  notant  que  l'affaire  dont  il  parle  a  eu  lieu  «  puis  une  coupple  d'ans  », 
le  rhétoriqueur  nous  fournit,  en  ce  qui  concerne  la  date  à  laquelle  il  écri- 
vait, une  indication  utile,  et  qui  nous  permet  de  placer,  vers  la  fin  de 
l'année  1523,  la  rédaction  de  cette  partie  de  la    Chronique. 

^  Ce  nom  désigne  Karioman,  le  fils  aîné  de  Louis  le  Germanique. 


54^  LA    CHRONIQUE  FRANÇAISE 

des  reliques  très  insignes,  et  c'est  peut-être  par  lui,  et  non  par  Dago- 
bert,  que  la  foire  du  lendit  avait  été  fondée.  Crétin  ne  s'embarrasse 
pas  de  savoir  auquel  des  deux  princes  il  faut  attribuer  le  mérite  de 
cette  institution.  Une  chose  très  sûre,  c'est  que  l'Eglise  en  profite  :  le 
reste  n'importe  guère.  —  Un  peu  avant  sa  mort,  l'empereur  (et  il  l'a 
raconté  lui-même)  eut  une  vision  :  il  crut  être  entraîné  dans  l'enfer,  et 
là  (90  ro)  il  aperçut  au  milieu  des  flammes  ceux  de  ses  prédécesseurs 
qui  avaient  livré  leurs  sujets  à  l'insolence  de  la  soldatesque,  et  quan- 
tité de  prélats,  coupables  d'avoir,  en  leur  temps,  poussé  à  la  guerre 
les  rois.  —  90  v°-9l  V.  Charles  construit  le  monastère  de  Saint-Cor- 
neille; il  compose  un  répons  que  l'on  chante  encore  à  l'office  des 
«  benoistz  sainctz  apostres  »;  il  accepte  de  bon  gré  une  Vie  de  saint 
Germain  écrite  en  vers  héroïques  par  un  religieux  nommé  Henri. 

92  vo-93  r".  XVIII.  De  ses  deux  femmes  Hermeutiude  et  Richante 
[Rikhilde],  Charles  le  Chauve  eut  plusieurs  enfants  :  trois  moururent 
très  jeunes,  et  un  autre,  qui  s'appelait  Chai'les,  voulut  se  mesurer 
avec  un  gentil  gendarme  fort  expert  à  la  lutte,  et  fut  jeté  à  terre  si 
lourdement  qu'il  rendit  l'âme.  —  93  v°.  Charlemaine  [Karloman],  qui 
fut,  lui  aussi,  fils  de  l'empereur,  reçut  les  ordres  sacrés  :  cependant  il 
mena  une  vie  si  déréglée,  il  ourdit  tant  de  complots,  que  son  père 
le  fit  dégrader,  et  ordonna  ensuite  —  car  il  ne  s'amendait  point  —  que 
ses  yeux  fussent  crevés.  Le  poète  se  demande  s'il  y  a  lieu  d'approu- 
ver, ou  non,  cet  acte  de  paternelle  justice.  On  a  le  droit  d'hésiter, 
attendu  que  l'histoire  fournit,  à  cet  égard,  des  précédents  fort  con- 
tradictoires. Et  voici  d'abord  un  exemple  qui  ne  plaide  pas  en  faveur 
de  Charles  le  Chauve  : 

Tel  tour  ne  monstra  pas 

L'homme  de  bien  qui,  aux  juges  d'Athènes, 
Fort  suppljade  souUaiger  en  peynes 
Le  sien  filz  lors  condempné  les  deuxyeulx 
Avoir  crevez,  pour  ung  caz  vicieux 
94  r°  Par  luj  commis.  Ce  dolent  et  las  père 

Leur  dit  :  «  Seigneurs,  touchant  ce  mal  aspere, 
Faictes,  sans  trop  mon  filz  voulloir  grever, 
A  luy  et  moj  chacun  ung  œil  crever  : 
Ainsi  sera,  sur  la  loj  discutée, 
Vostre  sentence  entière  exécutée, 
Et  n'y  aura  matière  de  retour.» 
Charles  le  Chauve  obmyct  faire  ce  tour. 

Oui,  mais   il  peut  citer  pour  sa  décharge  et    le   Romain  Manlius  qui 


DE  MAITRE   GUILLAUME  CRETIN  543 

condamna  son  enfant  à  être  tranché  et  détaillé,  et  Saiil  qui  eût  sacrifié 
Jonathas,  si  les  Hébreux  (94  v°)  n'avaient  pas  intercédé  pour  lui,  et 
Romulus  qui  tua  Réinus,  et  Salomon  qui,  lui  non  plus,  n'épargna  point 
son  frère...  Tout  cela  prouve  que  Charles  le  Chauve  n'a  pas  montré, 
en  somme,  une  sévérité  excessive.  Et  qui  sait  même  (95  r°)  s'il  n'a 
pas,  en  le  privant  de  la  vue,  rendu  service  à  son  lil.s  ?  Celui-ci,  une 
fois  aveugle,  a  pu  changer  de  mal  en  bien  sa  conduite  ',  car  les  yeux 
no  sont  que  trop  souvent  la  cause  de  nos  criminelles  passions. 

L'empereur  avait  un  autre  enfant,  nommé  Louis.  Ce  fut  lui  qui  eut 
la  couronne.  A  vrai  dire,  il  craignait  grandement  l'opposition  de 
Richante  et  du  roi  de  Provence,  Bosso,  mais  il  manœuvra  sifuieii;ent 
(95  v°)  qu'il  finit  par  être  sacré  à  Reims.  —  (96"  r°.  Discussion  d'un 
point  historique  :  est-il  exact  qu'un  certain  Lothaire  régna  après 
Charles  le  Chauve  et  avant  Louis?  Guillaume  Crétin  repousse  cette 
opinion.) —  96  V.  Deux  factious  se  forment  en  Italie  :  l'une  se  déclare 
en  faveur  du  l'oi  d'Allemagne,  l'autre  soutient  le  roi  de  France.  Les 
deux  rivaux  leçoiveut  des  sobriquets  désobligeants.  Le  prince  ger- 
main est  appelé 

Charles  le  gras  pour  ce  qu'estoit  ventru  ; 
Aultres,  de  cueur  et  vouUoir  malostru, 
Le  roy  Lojs  surnommèrent  le  bègue. 
Nulle  raison  y  saiche  qu'on  allègue, 
Fors  qu'au  parler  povoit  balbucier.  — 
Si  ne  me  vueil  de  cela  soucier. 

97  r°.  Le  pape  Jean  VIII  se  résout  à  déférer  l'empire  au  roi  fian- 
çais, et  il  irrite,  de  la  sorte,  le  parti  contraire,  qui  l'oblige  à  chercher 
un  refuge  de  ce  côté-ci  des  Alpes. 

97  v°-99  v°.  XIX.  Jean  VIII  tient  un  concile  en  France.  —  Consi- 
dérations sur  la  politique  du  Saint-Siège;  elle  devrait  toujours  être 
tournée  vers  la  concorde.  —  Après  avoir  placé  sur  la  tête  de  Louis  le 
Bègue  la  couronne  impériale,  le  pape  retourne  à  Rome. —  100  r»  et  v". 
Il  fait  de  Charles  le  Gros  un  empereur,  pour  le  récompenser  d'avoir 
chassé  de  l'Italie  les  Turcs.  Voilà  donc  deux  empereurs  à  la  fois. 
N'était-ce  pas  un  de  trop?  Cretia  pose  ce  problème,  et  il  finit  par 
conclure  (101  r")    que  la  situation  n'était  pas  trop  anormale. 

Le  roi  de   France   envoie  des  ambassadeurs  demander  la  paix  aux 

*  Cette  ingénieuse  hypothèse  soull're  une  difficulté:  c'est  que  le  pau- 
vre Karloman  mourut  peu  de  mois  après  la  peine  qu'il  avait  subie,  en 
sorte  que  le  temps  lui  manqua  pour  en  recueillir  le  bénéfice. 


544  LA   CHRONIQUE  FRANÇAISE 

Germains. —  101  v°-I02r°.  Un  traité  est  signé;  ses  clauses.  —  Rien 
n'est  plus  avantageux  pour  un  prince  que  d'être  représenté  par  des 
personnes  modérées  et  conciliantes. 

102  v°.   Louis  le  Bègue  meurt  en  l'année  881  [sic). 

103  r°  et  v°.  11  laissait  sa  femme  enceinte  et  deux  fils  bâtards,  en 
sorte  que  l'on  discuta  longuement  avant  de  lui  désigner  un  succes- 
seur. Le  poète  résume  les  diiFérenles  opinions  que  Ton  produisit  alors, 
puis  il  déclare  : 

Ce  m'est  tout  ung,  mais,  ainsi  comme  ainsi, 
Le  ventre  seul  estant  lors  roy  de  France, 
Tout  alla  mal 

Une  assemblée  réunie  à  Meaux  décida  que  «  ce  qui  estoit  a  naistre» 
ne  pouvait  être  regardé  comme  roi,  puisqu'on  ignorait  à  quel  sexe 
appartiendrait  l'enfant  attendu. 

104  y°.  XX.  Loisqu'Alexandre  mourut^  sa  femme  était  grosse,  et 
l'un  des  chefs  Macédoniens,  iSIéléagre,  invita  le  conseil  des  généraux 
à  élire  un  régent  sans  plus  tarder^  :  mais  cet  avis  ne  prévalut  point. 
—  105  r°-106  r".  En  France,  beaucoup  de  seigneurs  et  de  prélats  pen- 
sèrent comme  Méléagre  ;  ils  commencèrent  par  offrir  le  sceptre  au 
roi  de  Germanie,  et  ils  résolurent  ensuite,  cette  combinaison  ayant 
échoué,  d'élever  au  trône  les  bâtards.  —  106  v°.  Du  reste,  ils  vécu- 
rent peu  : 

Car  nous  trouvons  Charlemaine,  en  ung  val, 
Comme  il  courut  a  course  de  cheval 
Pour  efforcer  une  jeune  pucelle 
Qui  devant  luy  s'enfuyoit,  comme  celle 
Ayant  désir  garder  la  dignité 
El  tendre  fleur  de  sa  virginité, 
107  r°  Gaigna  Thostel  par  une  basse  porte  : 
Et  luy,  ainsi  que  désir  charnel  porte 
Folz  amoureux,  le  cheval  tant  brocha 
Des  espérons  que  la  porte  approcha. 
Et,  la  entrant  a  force  et  par  contraincte, 
Receut  de  mort  la  douloureuse  estraincte, 
Car  tout  son  corps  fut  rompu  et  brisé. 


'  Tout  ce  passage  est  médiocrement  exact.  Voyez  Quinte-Curce,  X,  vi, 
ad  fin. 


DE  MAITRE  GUILLAUME  CRETIN  545 

Porte  sa  fin  devoir  estre  prisé  ? 

Non.  —  Mal  finit  qui  tel  acte  pourchace. 

Quanta  Louis,  il  périt  d'ua  coup  d'épieu  qu'ua  veneur  lui  donna  par 
maladresse,  en  essayant  de  frapper  un  sanglier;  le  fer  entra  comme 
dans  du  beurre.   . 

107  v°-110  \°.  Odo  [Eudes]  s'empare  du  pouvoir  souverain  et  s'illustre 
dans  une  guerre  contre  les  Normands.  La  naissance  de  Charles  [le 
Simple],  fils  posthume  de  Louis  le  Bègue,  ne  le  décide  nullement  à 
renoncer  à  la  couronne.  Soutenu  par  ses  fidèles,  il  résiste  aux  parti- 
sans du  jeune  roi.  Très  longue  fut  la  guerre,  et  le  menu  peuple  eut 
infiniment  à  souffrir  de  la  brutalité  des  soudards.  Mais,  au  bout  de 
neuf  ans,  l'usurpateur  tomba  malade,  et,  sentant  que  son  heure  allait 
sonner,  il  manda  tous  ses  amis  afin  de  leur  adresser  une  sujjrême  allo- 
cution. 

111  v°-113  r°.  XXI.  Odo  commence  son  discours  par  un  lieu  com- 
mun :  Nous  mourrons  tous  !  et  il  le  continue  en  avouant  quo  Charles 

est  le  vrai,  le  seul  roi «...    Lors  bouche  et  yeulx  clouyt  |  Si  que 

depuis  parler  on  ne  l'ouyt.  »  Les  assistants  s'engagent  à  respecter 
dorénavant  le  prince  légitime,  mais  Odo  avait  un  frère,  du  nom  de 
Robert,  qui  prononce  (113  v°-l  14  i°;  un  plaidoyer  pro  domo  sua,  et  ne 
cache  point  aux  auditeurs  qu'il  ne  serait  pas  fâché  d'être  leur  maître. 
On  l'écoute  froidement,  et  il  n'y  a  pas  lieu  d'en  être  ébahi,  car  les 
Français  (114  v°;  ont  une  naturelle  aversion  pour  ceux  qui  jettent  le 
trouble  dans  les  successions  dynastiques. 

Les  Normands  envahissent  la  France.  —  Prise  de  Rouen  par  Rollo. 
Le  chroniqueur  nous  fournit  (115  r°),  sur  la  patrie  de  ce  chef  barbare, 
quelques  renseignements  géographiques  : 

Cestuy  Rollo,  comme  par  escript  voj  je, 
Estoit  natif  du  lieu  nommé  Nort  Wojge 
En  Dannemarque 

115  v°-116  v°.  Autres  conquêtes  des  Normands.  —  La  province  de 
Sens  est  ravagée.  —  Un  miracle  de  saint  Benoît.  —  117  r»-118  v«. 
Rollo  sème  partout  la  terreur.  —  Siège  de  Chartres  :  la  ville  est  sauvée 
grâce  à  la  très  excellente  chemyse  de  Nostre-Dame.  —  119  r»  et  v°. 
Charles  le  Simple  se  résigne  à  traiter  avec  Rollo.  —  (120  r°.  Et  ici  se 
placent,  on  ne  sait  trop  pourquoi,  quelques  vers  sur  l'origine  des  Nor- 
mands et  sur  l'étymologie  de  leur  nom  : 

Le  nort  est  dict  vent  de  Septentrion; 

35 


546  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

Man  aussi  vault  autant  a  dire  qn  homme. 
Assemblez  donq,  c'est  JSormandye,  et  comme 
On  trouve  escript  aux  vrajs  oi'iginaulx, 
Normans  ce  sont  gentz  septentrionaulx.) 

120  v''-121  r".  Guillaume  Longue-Epée  et  le  duc  Robert.  —  Lutte  de 
ce  dernier  contre  Charles. —  (Je  pauvre  roi  était  uu  «  homme  de  doulce 
lance  »,  et  il  tâchait  en  vain  de  se  défendre  contre  ses  adversaires.  — 
121  v°-123  v°.  De  même  que  les  arbres  ne  produisent  pas  indéfiniment 
de  bons  fruits,  et  que  des  rameaux  tordus  poussent  souvent  sur  un 
tronc  bien  droit,  ainsi  il  arrive  qu'un  père  excellent  ait  une  progéni- 
ture indigne.  Charlemagne  siège  au  point  culminant  d'une  lignée  : 
après  lui  on  va  de  chute  en  chute,  et  l'Histoire  passe,  avec  un  chagrin 
croissant,  de  Louis  le  Débonnaire  à  Charles  le  Chauve,  de  Charles  le 
Chauve  à  Louis  le  Bègue...  Enfin,  on  rencontre  Charles  le  Simple  :  il 
marque,  celui-là,  le  terme  de  la  décadence,  car  il  est  impossible  d'aller 
plus  bas. 

124  v"-125  v".  XXll.  Fin  de  l'histoire  du  duc  Robert  :  il  rassemble 
une  grosse  armée  et  meurt  dans  une  bataille.  —  Hébert  [HéribertJ  de 
Vermandois  offre  l'hospitalité  au  roi  Charles  dans  l'un  de  ses  châteaux, 
et  l'y  retient  prisonnier.  —  126  r"  et  v".  La  femme  du  captif,  Edith 
[OdgiweJ,  cherche  un  refuge  en  Angleterre.  —  Raoul  de  Bourgogne 
monte  sur  le  trône.  —  Mort  de  Charles  le  Simple  à  Péronne,  en  926 
[sic). 

127  r^  et  v".  Digression  :  les  rois  français  [Est-ce  une  consolation  à 
l'adresse  de  François  I^""?]  n'ont  que  faire  du  titre  d'empereur...  Othon 
s'empare  de  la  couronne  impériale. 

Les  pa'ïens  envahissent  la  Bourgogne.  —  128  r".  Sanglante  bataille. 
—  Mort  de  Raoul. 

128  v''-129  v".  Edith  revient  d'Angleterre  avec  son  fils,  Louis  le 
Transmarin.  On  accueille  ce  jeune  prince  d'une  manière  enthousiaste  ; 
on  le  fait  roi,  et  il  épouse  une  sœur  d'Othon,  Eugeberge  [Gerberge]. 

130  v°-132  r**.  XXIll.  De  terrifiants  présages  annoncent  une  immi- 
nente calamité.  —  Quelques  seigneurs  d'importance  se  révoltent 
contre  Louis,  mais,  soutenu  par  Othon,  il  force  à  l'obéissance  les  mu- 
tins. —  11  convoque  une  assemblée  plénière  —  132  v*'-l34  v".  Aper- 
cevant, au  milieu  de  l'assistance,  son  ennemi  Hébert  de  Vermandois, 
et  résolu  à  punir  la  trahison  commise  envers  Charles,  il  feint  d'avoir 
reçu,  du  roi  de  la  Grande-Bretagne,  une  lettre  sur  ce  sujet  :  quel  trai- 
tement faut-il  infliger  à  un  vassal  qui  invite  son  suzerain  à  dîner  chez 
lui,  et  l'égorgé  pendant  le  repas?  ..  Louis  consulte,  à  ce  propos,  tous 
ceux  qui  se  trouvent  présents  au  plaid,  et  ils  répondent  d'une  seule 
voix  que  le  meurtrier  mérite   d'être  pendu,    et  tel  est  l'avis  d'Hébert 


DE   MAITRE   GUILLAUME   CRETIN  547 

lui-même.  Alors  le  roi  lui  crie  :  Tu  viens,  par  ta  propre  sentence,  de  te 
condamner  ! 

Se  tel  dictum  fut  dur  a  escoutter 
Aux  assistentz,  plus  amer  le  gouster 
Luy  deubt  sembler,  en  avalant  la  pojre 
D'estranguillon.  Au  mont,  ce  dit  rhjstoiro, 
On  le  pendit,  et  encor,  comme  appert. 
Est  cestuy  lieu  nommé  le  Mont  Hébert. 
Ainsi  au  roj  ses  terres  confisquées 

Furent  des  lors  au  dommaine  appliquées 

Mais  neantmoins  aucuns  hjstoriens 
De  tout  cela  trouvent  n'en  estre  riens. 

135  r°.  Crétin  avoue  qu'il  ignore  si  cette  anecdote  est  véiitable  ou 
non.  Que  chacun  en  croie  ce  qu'il  voudra!  Lui,  il  s'en  lave  les 
mains. 

Assassinat  de  Guillaume  de  Normandie. 

135  ^-136  v".  Son  fils  Richard  est  en  butte  aux  violences  de  Louis 
le  Transmarin,  qui  aspire  à  le  dépouiller  de  son  héritage,  mais  le 
Danois  Aigrot  [Haigrold  ou  Haroldj  embrasse  la  cause  de  l'orphelin, 
et,  débarquant  avec  de  grandes  forces,  il  fait  prisonnier  le  roi  de 
France.  Sa  femme  obtient  sa  liberté  ;  il  livre  son  fils  en  otage. 

\M  r».  Richard  épouse  la  fille  de  Hugues  le  Grand;  elle  était  dans 
la  fleur  de  la  jeunesse  et  pouvait  «...  tenir  rencz  au  pas  j  Ou  coupz 
mortelz  ne  se  recoyvent  pas  ». 

Mécontent  de  ce  mariage,  le  Transniarin  charge  le  comte  de  Flan- 
dre, Arnoul  [Arnolfe],  de  pousser  contre  les  Normands  le  roi  de  Ger- 
manie, Othon.  —  137  v°-138  v.  Celui-ci  entre  en  campagne,  mais  il 
essaie  inutilement  de  s'emparer  de  Rouen  :  son  neveu  est  tué  devant 
cette  ville,  et  il  en  conçoit  un  tel  chagrin  qu'il  pense  à  se  venger  sur 
la  personne  du  comte  de  Flandie.  Ai noul  prend  la  fuite  eu  toute  hâte. 

Mort  du  roi  Louis.  Les  chroniqueurs  ne  savent  pas  bien  si  c'est  en 
950  ou  en  955  qu'il  expira  *. 

Quant  a  cela,  n'ayez  soing  quelle  ou  quante 
Datte  ce  fut  :  ce  ne  vault  ung  bouton, 
Car  de  chercher  cinq  piedz  en  ung  mouton 
Est  temps  perdu  ;  on  ne  s'en  fait  que  rire. 

*  C'est  en  954,  le  10  septembre. 


548  LA  CHRONIQUE  FRANÇAISE 

139  r°  et  v.  Il  y  eut,  en  ce  temps-là,  une  grande  famine  dans  le 
royaume.  —  Louis  laisse  deux  fils,  Charles  et  TiOthaire  :  celui-ci  reçoit 
la  couronne,  et  fait  inhumer  son  père  à  Saint-Remi  de  Reims. 

140  v°-141  r°.  XXIV.  La  famille  de  Hugues  le  Grand;  il  partage 
son  héritage  entre  ses  trois  fils,  Hugues-Capet,  Othon,  Henri. 

141  \°.  Guillaume  Crétin  doit  à  la  lecture  attentive  des  textes  une 
connaissance  exacte  de  la  généalogie  des  princes.  Seul,  un  homme 
d'étude  peut  acquérir,  sur  un  tel  sujet,  des  notions  claires. 

Celui  le  sçet  qui   ce  baston  manye, 
J'entendz  celuy  qui  souvent  livre  tient 
Pour  lyre  au  long  l'histoire,  et  la  retient. 
Homme  lisant,  ou  bien  escoutant  *  lyre 
Sans  retenir,  semble  son  d'une  lyre 
Qui  d'armonye  une  oreille  est  persant 
Et  va,  parl'aultre,  en  l'aer  se  dispersant. 
Qui  ne  prend  goust  a  ce  que  lyt,  oublye 
Aussi  léger  que  vent  emporte  oublye. 
142  r°  Soit  que  lysez  ou  oyez,  eslisez 

Loysir  pour  bien  gouster  ce  que  lysez. 

Othon  [le  GrandJ  s'applique  à  établir  la  concorde  entre  les  siens  ;  il 
les  invite  tous  à  se  rendre  à  Aix,  et  il  leur  offre  (142  v°)  un  somp- 
tueux banquet,  où  il  fut  largement  bu.  On  se  sépara  très  amis. — 
143  r"  et  \°.  Et  la  tranquillité  régna  jusqu'au  moment  où  un  différend 
vint  mettre  aux  prises  Richard  de  Normandie  et  Thibaut,  comte  de 
Chartres.  Ce  dernier  va  trouver  la  reine  Eugeberge,  et  la  supplie  de 
détruire  son  adversaire  par  trahison. 

0  proditeur  chestif  et  malheureux, 
Mieulx  t'eust  valu,  comme  chevaleureux, 
Estre  en  honneur  occiz  en  la  bataille 
Que  vivre  en  honte  I  Or  fault  que  le  bruit  aille 
Te  reprochant  le  remors  qui  te  mord 
Duquel  cherchas  ton  heyneux  mectre  a  mort. 
144  1°  Qui  tant  la  foy  de  sa  noblesse  blece, 

L'honneur  et  pris  de  gentillesse  lesse. 
Quant,  par  tel  crime  et  foriïait,  efiort  fait 
Rendre  en  ce  poinct  homme  d'effect  deffait. 

•  Ms.  :  escoute. 


DE   MAITRE   GUILLAUME   CRETIN  549 

Lothaire,  qui  seconde  les  desseins  de  Thibaut,  lève  des  troupes  en 
Bourgogne,  envahit  la  Normandie  et  assiège  Bayeux  [Evreux].  — 
144  v°-146v°,  Richard  ne  tarde  pas  à  ressaisir  l'avantage;  il  repousse 
le  comte  de  Chartres,  puis  il  appelle  les  Danois,  et  ces  barbares  dévas- 
tent la  France  si  férocement  que  le  roi  Lothaire  est  trop  heureux  de 
conclure  la  paix,  en  payant  les  frais  de  la  campagne.  —  147  r°  et  \o. 
Ah  !  l'excellente  chose  que  la  paix  !  Ceux  qui  la  conseillent  aux  puis- 
sants du  monde  doivent  être  bénis.  Quant  aux  hommes  qui  poussent  à 
la  guerre,  ce  sont,  pour  les  peuples,  des  artisans  de  ruine...  Le  rhé- 
toriqueur  ne  vise  point,  en  éci-ivant  cela,  telle  ou  telle  personne  en 
particulier  :  «  et  se  quelqu'ung  est  rongneux,  si  se  gratte.  » 

148v«-149  vo.  XXV.  Mort  d'Othon  [le  Grand].  Son  fils,  Othon  [II] 
lui  succède  et  révèle  tout  de  suite  ses  instincts  belliqueux,  car  il  cherche 
querelle  à  Lothaire,  et  décide  Charles,  le  frère  de  ce  roi,  à  venir  en 
Germanie. —  150 r"- 151  r".  Il  lui  cède  la  Lorraine,  que  Lothaire  envahit 
aussitôt.  Mais,  après  une  guerre  où  la  Fortune  se  plut  à  faire  éprouver 
ses  caprices  aux  combattants,  cette  province  fut  rendue  à  Othon. 

151  \°.  Mort  de  Lothaire  eu  986.  Louis,  son  fils,  ne  lui  survit  pas 
longtemps,  et  passe  le  bac  sans  aviron.  —  152  r**  et  v*'.  La  couronne 
appartenait,  après  ce  double  trépas,  légitimement  à  Charles,  mais, 
comme  il  avait  accepté  la  tutelle  d'un  souverain  étranger,  les  seigneurs 
refusèrent  de  lui  donner  le  sceptre,  et  ils  l'offrirent  à  Hugues- Capet. 
Charles  essaya  de  défendre  ses  droits.  En  vain!  Assiégé  dans  la  ville 
de  Laon,  il  finit  par  être  livré  à  ses  ennemis, —  et  voilà  Hugues-Capet 
qui  règne  tout  seul  en  France. 

153  r°  Or  donq,  après  avoir  sçeu  diffinir 
Une  lignée,  aj  pensé  d'y  finir 
Propoz  tenu,  pour  celle  mectre  en  œuvre 
D'Hue  Capet:  mais,  avant  que  j'j  oeuvre, 
Requier  delay  et  ung  peu  de  repoz 
Pour  rendre  plu.^  mes  foibles  sens  dispoz. 
Par  trop  souvent  bender  l'arc  et  l'estendre 
Au  long  tirer,  devient  débile  et  tendre. 
Selon  le  mot  vulgaire  que  plyer 
Vault  mieux  que  rompre.  —  Atant  vueil  supplyer 
Mon  souverain  maistre  et  seigneur,  qui  ayme 
Lecture  ouyr,  ce  volume  cinquiesme 
Ore  accepter  de  gré  aussi  affect 
Que  d'humble  vueil  le  sien  Crétin  l'a  fait. 
Selon  son  rude  et  maternel  langaige. 


550      LA  CHRONIQUE   FRANÇAISE   DE   GUILLAUME   CRETIN 

Ou  faillentbledz  pour  argent  mect  l'en  gage, 
Si  rendent  grain  gerbes  trop  mieulx  qu'espis 
Selon  raison.  C'est  pour  fin.  Mieulx  que  pis. 


Ici  se  termine  la  Chronique  française  due  à  Guillaume  Crétin.  Ella 
a  été  continuée  par  un  poète  dont  nous  ne  savons  rien,  sinon  qu'il 
avait  comme  devise:  «Autant  ou  plus.  »  Voulait-il  signifier  par  ces 
trois  mots  qu'il  se  montrerait  au  moins  l'égal  de  son  très  illustre  devan- 
cier? Je  l'ignore,  mais  une  cliose  est  sûre,  c'est  que  si  cet  inconnu 
nourrissait,  au  fond  de  l'âme,  cette  prétention  qui  pouvait  paraître,  en 
ce  temps-là,  exorbitante,  il  a,  par  contre,  affecté  la  modestie  dans  les 
quelques  vers  qu'il  a  écrits  en  manière  de  préface.  11  confesse  qu'il  est 
«  trop  foible  n  pour  suivre  la  route  dit  chantre  à  langue  cVor,  et  il  con- 
jecture que  si  le  roi  lui  a  commandé,  à  lui  indigne,  de  mener  à  sa  fin 
l'œuvre  interrompue,  il  ne  doit  pas  cet  honneur  à  son  bien  mince  talent, 
mais  à  ce  fait  que,  depuis  plus  de  deux  années,  il  remplissait  auprès 
de  Crétin,  fort  âgé  et  presque  aveugle,  le  rôle  d'un  humble  collabora- 
teur. Je  le  secourais  un  peu,  déclare-t-il,  et,  de  la  sorte,  j'ai  vu  de 
quelle  façon  il  nouait  les  parties  de  son  histoire,  et  je  me  suis  rendu 
compte  de  sa.  procédure  ^ . 

Constatons,  pour  finir,  que  la  Chronique  française  et  le  recueil  édité 
par  François  Charbonnier  ne  constituent  certainement  pas  l'œuvre 
entière  de  Guillaume  Crétin.  Si  jamais  il  se  rencontre  un  érudit  qui  ait 
assez  de  loisir  et  d'abnégation  pour  consacrer  au  roi  de  la  rhétorique 
une  étude  complète  et  détaillée,  il  faudra  qu'il  s'attelle  au  dépouille- 
ment des  manuscrits,  et  ils  lui  fourniront  des  pièces  que  Charbonnier 
n'a  pas  connues  ou  bien  qu'il  a  dédaignées.  En  voici  trois  que  l'on  peut 
signaler  dès  à  présent.  Ce  sont  1°)  une  lettre  laudative  adressée  à  Jean 
Lemaire  de  Belges^;  2")  une  sorte  de  satire  dirigée  contre  les  dames 
de  Lyon  3;  S**)  une  épître  à  maître  François  Robertet^.  Ces  morceaux 
ont  tout  juste  la  même  valeur  que  les  autres  productions  de  cet  écri- 
vain, attendu  qu'il  les  a  rimes  selon  son  immuable  méthode,  —  labo- 
rieusement et  /Jis  que  mieux.  Henry  Guy. 

'  Notices  et  Extraits  des  mss.  de  la  B.  N.  et  autres  biblio- 
thèques PUBLIÉS  PAR  l'Institut  de  France,  t.  33,  2°  partie  ;  E.  Langlois, 
Notices  des  mss.  fr.  et  'provençaux  de  Rome  antérieurs  au  XVI'  s., 
p.  71-72. 

'  Elle  a  été  publiée  par  Stecher,  Œuvres  de  Jean  Lemaire.,  IV,  187-8. 

'  B.  N.  fr.  1721,  i"'  48  r^-SO  r». 

*  B.  N.  fr.  1717,  l"'  67  r'>-68  v».  —  Suit  la  «Responce  dudit  Robertet 
audit  Grestin». 


LA  GORRESPONDANGE  DE  LA  VILLE  DE  PERPIGNAN 
DE  1399  A  1450 

(Recherches  dcuvi  les  archives  municipales  de  Barcelone) 


Depuis  longtemps  la  ville  de  Perpignan  ne  possède  plus  aucun 
registre  de  correspondance  remontant  au  moyen  âge.  Cette  corres- 
pondance n'a  pourtant  pas  péri  tout  entière  :  un  bon  nombre  d'ori- 
ginaux subsistent  dans  les  archives  des  villes  catalanes  avec  lesquelles 
les  consuls  perpignanais  étaient  en  relation,  notamment  dans  la  riche 
collection  des  Carias  Comunas  conservée  aux  archives  municipales 
de  Barcelone.  Il  m'a  paru  intéressant  de  relever,  dans  ce  dépôt,  les 
lettres  adressées  de  Perpignan  au  Sage  Conseil  pendant  la  première 
moitié  du  XV«  siècle  ^ 

Ces  textes,  que  je  transcris  ci-après,  ne  sont  pas  seulement  précieux 
pour  l'étude  de  la  langue  catalane  à  une  époque  où  elle  se  présente 
encore  dans  toute  sa  pureté.  L'historien  y  trouve  à  glaner  aussi  bien 
que  le  philologue,  et,  si  l'histoire  locale  peut  y  faire  son  profit  de 
maint  détail  nouveau,  l'histoire  générale  elle-même  ne  saurait  s'en 
désintéresser.  C'est  que  l'extension  et  la  vitalité  du  régime  municipal 
en  Catalogne  au  XV'  siècle  donnent  aux  missives  des  villes  catalanes 
une  portée  à  laquelle  les  documents  français  du  même  genre  ne 
sauraient  prétendre.  Le  Principal  de  Catalogne  est  alors  constitué  en 
un  véritable  Ktat,  sous  la  forme  éminemment  originale  d'une  fédération 
de  communes,  dont  le  Sar/e  Conseil  de  Barcelone  exerce,  pour  ainsi 
dire,  la  présidence.  Dès  lors,  la  cortespondarice  du  Sage  Conseil  et 
des  municipalités  catalanes  d6i)as.se  souvent  l'horizon  étroit  des  inté- 
rêts locaux;  c'est  l'intérêt  du  Principat  lui-même  qui  est  en  jeu,  rien 
de  moins  que  la  vie  politique  et  économique  de  l'Etat  catalan  dans  les 
multiples  manifestations  de  son  activité.  Ce  qui  frappe  dans  les  lettres 

'  La  première  lettre  est  de  1399  :  c'est  la  plus  ancienne  qu'il  m'ait  été 
donné  de  retrouver.  Les  Cariai  Comunas  sont  rangées  chronologique- 
ment et  sans  classement  de  provenance  dans  des  portefeuilles  dépourvus 
de  numérotation.  La  date  sert  donc  de  cote  et  en  tient  lieu. 


552   CORRESPONDANCE  DE  LA  VILLE  DE  PERPIGNAN 

des  Consuls  de  Perpignan  aux  Conseillers  de  Barcelone,  c'est  justement 
la  cohésion  et  la  solidarité  des  villes  catalanes,  et  l'on  aperçoit,  en 
toute  circonstance,  le  souci  de  gérer  les  intérêts  communs  par  l'en- 
tente et  par  l'union,  soit  qu'il  s'agisse  de  veiller  à  la  défense  de  la 
frontière  nationale,  de  sauvegarder  le  commerce  national  contre  les 
corsaires,  ou  encore  de  maintenir  l'intégrité  des  privilèges  et  des  cons- 
titutions séculaires  contre  les  entreprises  de  la  reine  et  de  ses  agents. 

Joseph  Calmette. 


I 

Envoi  de  commissaires  pour  délibérer  sur  les  intérêts 
du  commerce  catalan 

1399,  30  octobre. 

Molt  honorables  e  raolt  savis  senyors.  Sobre  lo  loable  pro- 
veyment  que  vostres  saviesas,  axi  corn  de  aquelles  es  propi, 
ban  proposât  e  continuen  fer,  en  reparaclo  de  la  œeroaderia, 
massa  en  les  présents  terres  desusada,  segons  en  vostres 
lettres  a  nos  destinades  es  largament  exprimit,  havem  haut 
nostre  gênerai  conseil  e  acort,  per  loqual  tots,  de  .j.  voler,  a 
vostres  dites  savieses  notifficam  qu'en  lo  die  e  loch  que  per 
vosaltres  seran  sobre  asso  assignats  trametrem  sens  dilacio 
aliunas  persones  en  tais  causes  expertes  per  fer  e  ordenar, 
per  part  nostra,  tôt  quant  sera  util  e  necessari  en  la  reparaclo 
e  maiiteniment  de  la  dita  mercaderia.  E  lo  Sant  Sperit,  molt 
honorables  senyors,  sia  en  vostra  garda.  Scrit  en  Perpenja 
a  .XXX.  de  utubre  del  anj  M.  CCCXCVIIIJ.  Los  consols  de  la 
vila  de  Perpenya  a  vostre  honor  e  plaser  aparellats. 

II 
La  ville  de  Perpignan  se  recommande  a  Benanat  Geli 

1402,  2  août. 

Molt  honrat  e  savi  senyer.  Nos  scrivim  als  honorables 
conseilers  de  aquexa  ciutat  per  ardues  afiers  de  aquesta  vila 


DE  1399  A  1450  553    _ 

al  présent  posada,  como  degut,  en  massa  gran  destruccio,  -  .j> 
spgons  aço  veurets  en  les  letres  que  trametem  als  dits  honora- 
bles consellcrs.  E  per  tal,  corn  a  nostra  salut  liavein  mester 
bon  sforç  e  presta  ajuda  de  aqiiexa  honorabla  ciutat,  pregam 
vos  afïecituosament  que  porets  e  sius  plaura  sia  [)rest,  com  la 
triga  sia  massa  a  nos  uociva.  E  sia,  molt  honrat  senjer,  lo  Sant 
Sperit  vostra  garda.  Sciita  a  Perpenya  a  dos  d'agost  de!  any 
M.  GCCC  dos.  Los  consuls  de  la  vila  de  Perpenya  a  vostra 
honor  aparellats. 

Al  molt  honrat  e  savi  sonyer  Benanat  Geli,  scriva   de  la 
casa  del  conseil  de  la  ciutat  de  Barcelona. 


III 

La  situation  municipale  a  Perpignan,  la  mission  di<: 

BÉRENGER    d'OmS. 

1404,  26  mars. 

Molt  honorables  et  savis  senyors.  Vostres  savieses  certi- 
ficham  que,  segons  havera  entés,  es  donat  entenent,  per  alguns 
qui  han  cabut  en  lo  régiment  d'aquesta  vila  en  lo  temps 
passât,  que  aci  ha  gran  dems  a  colpa  nostra,  tinentse  per 
agreviat.s  de  la  raisatgeiia  que  havem  tramesa  al  senyor  rey 
per  be  e  utilitat  d'aquesta  univer'sitat  e  bo  e  sa  enteniment: 
els  se  sforcen  dir  moites  paraules  en  contrari  ;  pero  cresem 
que  sens  informacio  ledesma  noy  dariets  fe.  E  après,  senyors, 
es  vengut  assi  mossen  Berenger  d'Olms,  qui,  per  part  del  dit 
senyor,  bavent  de  a^so  e  d'altres  fets  spécial  carrech,  se  es 
interposât  entre  nosaltres,  qui,  apresent,  havem  carrech 
del  regimen  de  aquells  qui  fan  part  e  instancia  contre  aquell, 
e  hauts  sobre  aço  molts  rahonaments,  es  stat  offert  bestant- 
ment  per  nostra  part  ab  voler  del  conseil,  per  squivar  totes 
divisions  e  discordies,  de  mettre  los  dits  débats,  que  ells  hi 
pretenen,  en  mans  e  poder  del  dit  mossen  Berenger  e  al 
strenyer  :  ells  ho  han  desviat,  segons  se  potmostrar  clarament, 
e,  attenent  que  sta  per  ells  e  que  lo  dit  mossen  Berenger,  per 
part  del  dit  senyor,  nos  satisfa,  en  la  major  part  de  les  coses, 


554      CORRESPONDANCE  DE   LA   VILLE  DÉ  PERPIGNAN 

perque  havem  fêta  la  dita  misatgeria,  havem  délibérât  de 
ferne  tornar  de  présent  los  misatgés,e,  de  fet,  los  ne  scrivira, 
e  axi  mateix,  per  tolre  e  cessar  per  tôt  nostre  poder  tota 
manerade  occasio  de  divis  quis  pogués  seguir  entre  nos  e  ells, 
oferinsnos  apparellats  d'estarlos  a  tota  ralio  e  justicia,  con- 
fiants fermament  que  vosaltres,  senjors,  sots  d'aquesta 
intencio,  perço  vos  placia  que,  pus  nosaltres  fem  tal  provisio 
d'escriure  en  aquells  qui  son  stats  trameses  al  dit  senyor  per 
part  dels  regidors  e  cessant  tota  discordia,  pusquem  tractar 
e  finar  de  amistat  e  de  bona  concordia  entre  nosaltres,  de 
laquai  se  spere  molts  bens  a  la  comunitat  o  als  singlars  per 
ells,  e  de  aço  nos  offerim  apparellats,  segons  dites.  Molthono- 
rables  e  savis  senjos,  vos  plasen  que  fer  puxam,  som  appa- 
rellats de  complir.  E  lo  San  Sperit,  molt  honorables  senyors, 
sia  vostra  garda.  Scrita  en  Perpenya  a  .XXVI.  dies  de  marc 
del  any  .M.  CGC.  IIIj.  Los  consols  de  la  vila  de  Perpenja, 
apparellats  a  vostre  plaser  e  honor. 


IV 

Le  ((  Pariage  »  et  les  privilèges.  Appel  a  la  municipalité 
DE    Barcelone 

1404,  12  juillet. 

Molt  honorables  e  savis  senjors.  Segons  ténor  de  alcunes 
letres  per  los  honrats  consols  de  mar  d'aqueixa  ciutat  particu- 
larment  dirigides  als  honorais  en  Père  Redon,  deffenedor  e 
clavari  del  pariatge,  e  consols  de  mar  de  la  présent  vila,  vosal- 
tres, senjors,  corn  cap  del  Principat  de  Cathalunja,  segons 
lohablemeiit  liavets  acostumat,  preservar  les  altres  ciutats  e 
viias,  menbres  del  dit  Principat,  de  totes  inquietacions  e 
greuges  a  ells  imposât?  contre  degut,  havets  aquests  dies  com 
no  lunj  passais  provehit  que  l'honrat  en  Frances  Fojs,  havent 
sobre  aço  comissio  del  senjor  rej,  ha  aci  traraesa  ab  carta 
revocacio  île  tôt  ço  (|ue  de  part  sua,  en  nom  del  senjor  rej, 
era  stat  aci  provehit  en  la  fet  del  dit  pariatge,  per  forma  que, 
oltre   très  aujs,  segons  per  les  forces   dels   capitols  del   dit 


DE  1399  A  1450  555 

pariatge  ser  nos  podia,  lo  dit  di[n]er  no  sia  exigit  ni  cuUit, 
notifflcants  los  dits  honrats  consols  de  mar  ah  lurs  sobredites 
letres,  que  per  la  quantitat  quis  diu  resta  a  pagar  dels  .XXM. 
florins  assi[gnats]  per  lo  se[oors]  de  Cerdanja,  vostres  savieses, 
en  nom  de  tota  la  ciutat,  havets  assegurat  de  mètre...  tôt  ço 
que  per  lo  dit  Principat  sia  degut  en  lo  damuntdit  subsidi,  per 
forma  que  les  ciutais  a  viles  del  meteys...  o  defenedors  e  cla- 
vai'is  del  dit  dret  no  sien  inquietats  per  la  dita  raho,  conclusins  ■ — 
los  dits  honrats  consols,  ab  les  lurs  dites  letres,  que  prestament 
totes  quantitats  pecouniarios  pervengudes  del  dret  del  dit 
pariatge,  en  la  collecta  del  dit  deffenedor  de  aquesta  vila,  sien 
als  dits  honrats  consols  trameses  o  en  lur  nom  en  certa  per- 
sona  per  ells  sobre  aço  eleta  en  tal  forma  que  prestament 
pugem  finalraent  e  justa  provehir,  tant  en  lo  fet  de  la  resta 
del  dit  secors  de  Gerdanja,  cotu  eu  sntisfer  alcutis  doutes 
que  son  deguts  a  alguns  qui  son  stats  dampnificats  tant  en 
Cerdenya  com  en  altra  manera  per  lo  dit  subsidi. 

E  considerades  les  dites  choses  en  les  dites  letres  contengu- 
des,  e  vits  e  reconeguts  los  capitols  del  dit  pariage,  havem 
atrobat  que,  satisfet  e  pagat,  per  lo  deffenedor  de  aquesta  vila, 
la  part  provenjent  a  la  sua  collecta  en  los  dits  .XXVI.  florins, 
la  res'a  deu  assi  roman[dre  ..]  en  defensio  de  la  mercaderia  e 
ordinacio  dels  consellers  del  dit  fenedor,  affermant  que  perço 
en  lo  dit  secors  son  stades  paga  les  majors  qu[an]titats  quels 
dits  honrats  consols  de  mar...  de  voler  haver  la  resposta 
di[ta],  la  quai  [per]  les  dites  rahons  deu  assi  romandie  spe- 
cialment  com...  raolts  assi  que  satisfaccio...  dels  dans  a  ells 
donats  en  les  man  de  Cerdanja  en  lo  temps  del  dit  pariatge. 
Nos  empero,  honorables  senjors,  som  aparellats  fer  obligacio 
ab  tota  la  universitat  de  aquesta  vila,  semblant  que,  per 
vosaltres...  stada  fêta  sobre  les  dites  coses  e  a  vosaltres,  per 
indempnitat  de  la  [di]ta  ciutat,  per  tôt  ço  e  quant  hi  fos 
[dejgut  per  [par]t  de  [ajquesta  collecta,  en  manera  que  vos- 
tres savieses  conegen  que  en  aço  volera  vostres  vestigies  del 
tôt  seguir  e  préservant  la  dita  ciutat...  de  la  forma  que  havets 
fêta.  E  la  Deitat  increada,  molt  honorables  senyors,  sia  conti- 
nuadament  vostra  garda.  Scrita  en  Perpenya  a  .Xlj.  de  juliol 
del  any  M.  CCCC.  quatre.  Los  consols  de  Perpenya  apparellats 
a  vostre  pler  e  honor. 


556   CORRESPONDANCE  DE  LA  VILLE  DE  PERPIGNAN 


V 

Commission  franco-ca.talane  pour  la  réglementation 
des  <(  marques  ». 

1404,  15  septembre. 

Molt  honorables  e  molt  savis  senyors.  Vostra  letra  havem 
reebuHa  ensems  ab  un  mémorial  interclus  en  aquella,  per 
Tonrat  en  Johan  Fabre,  sobre  lo  fet  de  les  marques.  E  segons 
vostre  letre,  apar  quel  senyor  rej,  ha  supplicacio  vostra,  ha 
anuUades  les  primeres  commissions  fêtes  a  mossen  lo 
governador  de  Rossello  tôt  sol,  a  atorgala  o  ja  fermada, 
servant  la  pratica  antigua,  novella  comissio  al  dit  mossen  lo 
governador  e  a  dos  juristes,  .j.  de  Barcelona  per  vosaltres, 
senyors,  e.  j,  d'esta  vila  per  nosaltres  elegidors,  segons  en 
vostra  letra  aque.-<tas  e  altres  cos  s  sobre  aquest  negoci  larga- 
ment  son  contenguiies.  Don,  honorables  senyors,  r^ponents  a 
vostres  letra  e  mémorial,  vos  sertifieam  que  nosaltres,  haut 
conseil  e  acort  sobre  aquestes  affers,  havem  elegit  de  nostra 
part  per  jurista  l'avocat  Enric  Guillem  Vilanova,  licenciât  en 
leys  d'aquesta  vila,  loqual  es  ja  entervengut  en  aquestes 
affers,  e,  haut  vostre  assentiment,  havem  acordat  ab  lo  loctinent 
de  mossen  lo  governador  Jornada  de  les  revistes  ab  lo  senescal 
de  Carcassona  sia  en  altre  terme  alongada,  segons  ell  vos 
n'escriu  per  sa  letra  largaraent.  Perque,  senyors,  placlaus 
traballar  en  ferespatxar  la  dita  commissio  bastant  a  conclusio 
final  del  negoci  e  tramettre  aci  per  certa  persona  per  tal  quen 
puxa  esser  trames  translat  al  dit  senescal,  que  la  haura 
ab  semblant  poder  del  rey  de  França.  Del  fet,  senyors,  de 
que  escrivits,  qu'en  Francesch  d'Alçamora  sia  scriva  d'aquest 
negoci,  nos  plau,  pus  a  vosaltres  es  placient  que  y  intervynga, 
Mas  nos  apar,  parlant  ab  honor  de  vosaltres,  sia  a  aquest  molts 
qui  hi  han  cabut  e  encara  han  entervenir  necessariament 
en  los  afers,  qu'en  déjà  esser  remogut  en  P.  dez  Camps, 
notari  d'aquesta  vila,  loijual  de  molt  de  temps  ensa  ha  molt  tre- 
ballat  e  dins  e    defora  en  los  dits  afiers,  qui  son  novell  acte. 


DE  1399  A  1450  557 

e  es  estât  tostemps  présent  e  ha  preses  tols  los  processes  e 
scripturessens  proffit  aigu,  que  encara  no  han  liant,  re.^.  E  sia, 
senyors,  lo  San  Sperit  en  vostra  garda.  Scrita  a  Per|)enja  a. 
.XV.  de  setembre  l'any  M.  CCCC  quatre.  Ijos  consols  de  Per- 
penya  a  vostre  lionor  apparellals. 


VI 

Même  sujet 

1405,  12  août. 

Molt  honorables  et  savis  senyors.  Dies  ha  que  scriviem  a 
les  vostres  honorables  savieses,  notiflcantsvos  la  jornada  quel 
senescal  de  Caicassona  o  son  loctinent  deve-i  esseren  aquesta 
vila  ab  los  diputats  per  part  dels  sotmeses  del  rey  de  Françi 
persospendre  e  levar  lo  fet  de  les  marques.  E  coni  la  jornada 
sia  lo  .XIX.  dia  del  présent  mes  e  sia  cert  que,  si  en  aquest 
fet  se  dona  bona  fi,  axi  com  créera  que  fara,  si  a  Deus  plau, 
que  s'en  seguira  profit  gran  als  sotsraeses  del  senyor  rey  e 
del  rey  de  França,  e  cessaran  raolts  dans  e  inconvénients  que 
prr  fet  de  les  marques  se  porien  seguir,  per  tant,  molt  hono- 
rables e  savis  senyors,  vos  pregam  que,  jui-isla  que  devets 
elegir  o  qualsevol  altre  persona  per  entervenir  en  aquest 
negoci  elegiats,  provehiu  que  sia  aci  à  la  jornada,  E  ab  tant, 
molt  honorables  senyors,  sia  la  Santa  Tritiitat  vostra  guarda, 
Scrita  en  Perpenya  a  .Xlj.  dies  d'agost  del  any  .M.  CCCC.  V. 
Los  consols  de  Perpenya  apparellats  a  vostre  pler  et  honor. 


VII 

MÊME     SUJET 

1405,  13  août. 

Molt  honorables  e  molt  savis  senyor.s.  Apres  que  vuy  vos 
haguem  scrit  queus  plagués  eligir  la  persona  que  trametriets 
a  aquesta  vila  per  lo  fet  de  les  marques  e  que  cuytas  sa  ven- 
guda  (car  lo  .XVIIIj.  dia  del  présent  mes  hic  séria  per  la  dita 


558      CORRESPONDANCE  DE   LA   VILLE  DE  PERPIGNAN 

ralio  lo  senescal  de  Carcassona  ab  aquells  qui  per  la  part  del 
rej  de  França  son  a  aço  ordenats),  havem  reebuda  una  letra, 
ti'ellat  de  laquai  vos  trainetem  dins  la  présent,  e  aparnos  que 
los  dessusdits,  per  la  causa  en  la  dita  letra  contenguda,  han 
mudada  la  jornada  a  .XV.  de  setembre.  Pregani  vos,  raolt 
honorables  senjors,  que  a  la  jornala  vos  tingats  per  dit  de 
trametreich  persona  certa.  E  ab  tant,  sia  la  Sancta  Trinitat 
vostra  guarda.  Scrita  en  Perpenja  a  .XIIj.  de  agost  del  any 
.M.  CCCC.  V.  Los  consols  de  la  vila  de  Perpenja  a  vostre 
plaer  e  honor. 


VIII 
Mesures  a  prendre  contre  les  Corsaires 

1405,  3  décembre. 

Molt  honorables  et  savis  senyors.  Notirlcam  a  vostres  hono- 
rables savieses  que  a  nos  es  stada  molt  dezplasent  e  couguxosa 
la  relacio  quens  han  fêta  los  honorables  consols  de  raar  de 
aquesta  vila  de  les  noves  per  los  honorables  consols  de  mar  de 
aqueixa  ciutat  a  ells  nolificades,  contenent  corn  diverses  cor- 
saris,  ab  fictes,  falses  e  colorades  maneres,  han  robades  moites 
mercaderies  e  robes,  sens  alguna  justa  causa  o  raho,  de 
sotsmeses  del  seuyor  rey,  e  que  les  dits  corsaris  fan  prepara- 
toris  de  envasir,  combatre,  pendre  e  robar  totes  fustes  que 
pusquen  trobar  dels  dits  sotsmesos,  e  les  mercaderies,  robes 
e  altres  bens  que  en  aqaelles  sien  a  ells  raatexes  apropriar. 
Per  laquai  raho,  les  dits  consols  de  mar,  haut  sobre  las  dites 
coses  ab  nosaltres  ample  rahonament,  per  lo  gran,  évident  e 
manifest  dan  e  scandol  ques  segueix  per  les  mais  e  reprovades 
obres  que  fan  los  dits  corsaris,  de  que  son  dignes  de  gran  e 
greu  punicio,  han  convocat  conseil  en  loqual  son  stats  pré- 
sents quaix  tots  los  meroaders  e  prohomens  de  la  dita  vila, 
losquals  han,  procèdent  a  matura  delliberacio  e  coloqui  entre 
ells,  concordat  que  son  stades  eletes  .VI.  notables  persones 
d'ells  raatexes,  dues  de  lesquals  trametem  à  les  vostres 
savieses,  ço  es  en  Bernât  Joan,  e  N'Johan  Tallant,  mercaders, 
per  delliberar  ab  vostres  savieses  e  mètre  en  algun  orde   que 


DE  1399  A  1450  559 

sia  fêta  pro[visi]o  \)ei'  obviar  a  [l]a  malvada  entencio  e  pro- 
posit  dels  dits  corsaris,  induits  de  diabolicil  sperit,  on  tant 
que,  migençant  vostra  bona  ordinacio,  les  fustes  dels  dits 
sotsmeses  e  lurs  persones,  mercaderies,  robes  e  bens  naveguen 
e  pusquen  navegar  segurament,  e  ajtals  ma'vats  corsaris,  si 
fer  se  pora,  Iiagen  e  porten  la  pena  que  naerexen,  de  fer  sem- 
blants maies  obres,  e  altres  n'en  prenguen  exerapli.  E  corn 
aquexa  ciutat  sia  membre  pidncipal  de  la  raorcaderia  ques  fa 
dins  la  senjoria  del  senyor  rey,  per  laquai  mercaderia  molts 
bens  procehexen  a  vosaltres,  se  pertanya  assenyaladaraent, 
per  moites  rahons,  consellar  e  donar  e  posar  tais  remedis  qui 
en  semblant  coses  per  utilitat  de  la  co-a  publica  de  dit  Princi- 
pat  de  Cathalunya  se  pertanye,  laquai  pren  e  prindra  gran 
dan  si  en  aquest  tan  greu  c  énorme  acte  nos  provesia,  sia 
posât  remedi.  Per  tant,  raolt  honorables  senyors,  aflfectuosa- 
ment  vos  pregam  que  ab  los  dits  Bernât  Joan  e  Joan  Tallant 
vullats  ymaginar,  provehir  e  mètre  en  orde  e  donar  e  adnii- 
nistrar  les  vostres  san  e  bon  e  proficos  conseil  que  en  lo  dit 
fet  sia  donat  e  posât  tal  remedi  que  les  dits  navilis,  persones, 
mereaderies,  robes  e  bens  puxen  segurament  e  sens  perill  e 
temença  dels  dits  corsaris  navegar.  Certificam  vostres  hono- 
rables savieses  que  nosaltres,  en  ajudar  e  donar  conseil  e 
favor  en  les  dites  coses,  farem  ço  que  puscam  e  a  nos  sia  pos- 
sible e  permes,  car  de  aço  sera  fet  servey  a  Deu  e  repoitara 
sens  tôt  dupte  assenyalat  e  gran  be  la  dita  cosa  publica.  E  ab 
tant,  molt  honorables  senyors,  sia  la  Santa  Trinitat  vostra 
guarda.  Scrita  eti  Perpenya  a  .IIj.  dies  de  dehembre  del  any 
.M.  CCCC  V.  Los  consols  de  la  vila  de  Perpenya  apparellats  a 
vostre  plaher  e  honor. 


BIBLIOGRAPHIE 


REVUE  DES  REVUES 

Revue  du  Béarn  et  du  pays  basque,  11,9.  —  H.  CourleaiiU  : 
]i&  plus  ancien  cahier  des  Etats  de  Béarn,  Marsan  et  Gabardan  (mars- 
mai  1443),  p.  389  et  447. 

Romania,  XXXIV,  n°  135.  —  A.  Thomas  :  Le  nominatif  asymé- 
trique des  substantifs  masculins  en  ancien  provençal,  p.  353  ;  —  H. 
Omont  :  Notice  sur  des  feuillets  retrouvés  du  ms.  525  de  Dijon,  p.  3&4; 

—  A .  Piaget  :  «  La  Belle  dame  sans  merci  »  et  ses  imitations  (suite), 
p    375;  — P.  Meyer  :   Fragments   de  manuscrits  français,  p.    429; 

—  /.  Derocquigny  :  Ane.  fr.  «  besuchier  »,  p.  458;  —  A.  Thomas  : 
fr.  «  élauguer,  élangueur  »,  fr.  d,al.  «  fenerotet  »,  fr.  «  rancune  », 
anc,  fr.  «  renformer  »,  fr.  mod.  «  reaformir  »,  p.  458. 

Revista  lusitana,  VIII.  3  —  /.  Leile  de  Vasconcellos  :  Aula  de 
philologia  poi'tuguesa,  p.  159  ;  —  E.  Dias  :  Notas  criticas  a  textos 
portugueses,  p.  179;  —  /.  Leite  de  Vasconcellos  :  Textos  archaicos, 
p.  187. 

Revue  hispanique,  XII,  n°  42.  —  Inventari  dels  bens  mobles  del 
rey  Marti  d'Aragô,  transcrit  per  Manuel  de  Bofarully  Sartorio  i  publi- 
cat  per  J.  Massé  Torrents,  p.  413. 

Romanische  forschungen,  XX,  1.  —  L.Jordat%  :  Die  sage  von 
den  vier  Haimonskindern,  p.  1;  —  G.  Hartmann:  Zur  geschichte 
der  italienischen  orthographie,  p.  199;  —  F.  Luquiens  :  The  Roman 
de  la  rose  and  médiéval  castillan  literature,  p.  284. 

XXI,  2.  —  K.  Lewent  :  Das   altprovenzalische  Kreuzlied,   p.  321; 

—  H.  Heiss  :  Studien  liber  die  burleske  Modedichtung  Frankreichs 
im  XVII.  Jahrhundert,  p.  449. 

Neuphilologische  Mitteilungen,  n°6.  —  A.  La.ngfors  :  Une 
paraphrase  anonyme  de  l'Ave  Maria  en  ancien  français,  p.  117. 

Bulletin  du  parler  français  au  Canada,  IV,  1  et  2.  —  Façons 
de  parler    proverbiales,  triviales,    figurées,    etc.,  des   Canadiens    au 


BIIBLIOGRAPHIE  561 

XVIII^  siècle,  p.  29  et  63  ;  —  Les  mots  iJO[)iilaiies  dans  la  littérature 
canadienne-française,  [>.  (jl  ;  —  Lexique  canadien-français,  p.  31 
et  66. 

Annales  du  Midi,  n"  ùS. —  A.  Jeanroy  :  Poésies  provençales  iné- 
dites, p.  457;  —  A.  Vidal  :  Les  comptes  consnlaires  de  Moiitagnac 
(Hérault),  p.  517. 

Zeitschrift  fiir  franzôsische  sprache  und  litteratur,  XXIX, 

1  u.  3.  —  E.  Bru//f/er  :  L'iMisoriomcnt  Morlin.  Stiidien  znr  Merlin- 
sage.  I.  Die  quellen  und  ihr  verhiltuis  zu  einander,  p.  56;  —  D. 
Behrens  :  Wortgeschichlliches,  [).  141; —  G.  Keidel  :  The  Foliation 
Systems  of  Frencb  luciinaltula,  p     150. 

Mémoires  de  la  Société  des  Arts  et  des  Sciences  de  Car- 
ca.ssonne,  2''  série,  t.  L  —  E.  Balchbrc  :  Les  noms  latius  et  romans 
des  communes  de  l'Aude,  d'après  divers  documents  du  Moyen- Age, 
p.  74. 

Archiv  fur  das  studium  der  neueren  sprachen  und  litte  • 
raturen,  CXV,  1  et  2,  —  E.  Tappole.t  :  Phonetik  und  Semantik  in 
der  etytnologischen  Forschuug,  \).  lUl  ;  —  E.  Mackel  :  Beitràge  zur 
franzosischen  Stilislik  und  Syntax,  p.    124. 


COMPTES  RENDUS 

E.  Sheldon. —  Concordanza  délie  opère  it.iliane  in  prosa  e  del  Canzo- 
niere  di  Dante  Alighieri.  Publication  da  la  DA^TE  Society  de 
Cambridge  (Massaciiusetts).  Ocford,  1905,  [ VlIl-740  p.  in-8"]. 

La  «  Dante  Societ}^  »  de  Cambridge  (Massachusetts)  date  d'environ 
vingt  cin(j  ans.  Rlie  eut  [)our  premliM-  pi'ésident  Longfellow,  l'illirsti',; 
SLuienv  iVEvmigéllae,  i{m  ;ivait  traduit  la  Divine  Comédie.  Autour  de 
lui  se  groupèrent  de  zélés  admirateurs  de  l'Alighieri,  rpii,  soit  par 
leurs  travaux  personnels,  soit  en  encourageant  le  travail  d'autrui,  ont 
largement  contribué  à  mieux  faire  connaître  aux  Américains  le  grand 
poète  du  Moyen-Age.  Dès  le  principe,  la  Société  dépassa  les  limites 
de  r l'état  de  Massachusetts.  En  1888,  sur  51  membres,  27  appaitien- 
nent  à  d'autres  Etats  de  l'Union.  En  1893,  le  nombre  des  adhérents 
est  de  65;  sur  31  étrangers  à  l'Etat,  7  résident  en  Angleterre  '. 

*  Une  société,  ayant  un  but  tout  semblable.  V American  Dunte  Society, 
s'est  fondée  à  New-York  en  1890.  Son  premier  Year  Book  (1890-1891)  con- 
tient deux  conférences  :  «-  Les  maîtres  de  Dante  »  par  Thomas  Davidson 
et  «  La  doctrine  du  péché  chez  Dante  »  par  W.  T.  Harris. 

33 


562  BIBLIOGRAPHIE 

Le  caractère  éminent  de  la  Société  est  de  s'être  proposé  un  idéal 
très  élevé.  Autour  de  l'œuvre  de  Dante  s'est  constituée,  durant  le 
siècle  dernier,  toute  une  philologie  spéciale,  très  féconde,  s'inspii'ant 
de  l'étude  minutieuse  des  écrits  du  poète  et  de  son  tem[)S.  Sa  biogra- 
phie, son  commentaire,  ont  été  refaits.  Les  manusciits  ont  été  l'objet 
d'un  exameu  attentif.  ICditions  du  texte  et  des  commentaires  anciens, 
traductions  plus  fidèles,  se  sont  multipliées.  Kn  Italie,  en  Allemagne, 
en  France,  en  Angleterre,  des  hommes  de  très  haut  mérite  ont  \érita- 
blement  renouvelé  le  sujet  par  l'étendue  et  la  précision  méthodique  de 
de  leurs  recherches.  La  Société  de  Cambrid^^e  ne  se  contente  pas  de 
vulgariser  de  l'autre  côté  de  l'Atlantique  les  résultats  de  ce  grand 
labeur.  On  lui  doit  des  œuvres  oiiginales  dontcertaines  sont  très 
importantes. 

En  première  ligue  ondoitciter  la  Concordance  de  laDivine  Comédie 
publiée  en  1888  par  le  professeur  Fay  aux  frais  de  la  Société.  Plus 
tard  parurent  :  Butler,  traduction  annotée  deVE7ifer;  Norton,  tra- 
duction de  la  «  Divine  Comédie  «  (Boston,  1891  et  suiv.)  et  de  la 
«  Vie  Nouvelle  »  (Boston,  1892)  ;  Latham,  traduction  de  onze  lettre^ 
de  Dante,  etc. 

Pour  répandre  le  goût  de  la  lecture  et  de  l'étude  de  Dante,  la 
Société  a  souvent  mis  au  concours,  entre  les  étudiants  et  gradués  de 
Harvard  et  des  autres  Universités  des  Etats-Unis,  quelques  questions 
obligeant  à  un  effort  de  réflexion  et  de  critique.  Voici  celles  qui  furent 
posées  pour  Tannée  1892-1893,: 

1"  Comparer  le  système  des  péchés  que  Dante  suit  en  Enfer  et  en 
Purgatoire  et  eu  expliquer  les  apparentes  différences  dans  les  deux 
royaumes  ; 

2o  Qui  était  la  Mathilde  du  Paradis  Terrestre  et  quel  est  son  carac- 
tère allégorique  et  symbolique; 

3"  Delà  connaissance  que  les  écrivains  anglais  de  Chancer  à  Gray 
ont  eue  de  la  Divine  Comédie. 

En  1891,1e  prixTiinmins  futdécerné  à  une  dame  :  Lucy  Allen  Paton, 
pour  un  mémoire  sur  la  personnalité  de  Dante  :  ihe  personul  character 
of  Dante  '.  11  a  été  publié  dans  le  Bulletin  de  la  Société  qui  néanmoins 
est  plutôt  consacré  à  la  réimpression  de  documents  rares. 

L'organisation  d'une  section  réservée  à  Dante  dans  la  Bibliothèque 
du  Collège  de  Harvard  a  été  une  des  mesures  les  plus  utiles.  A  en 
juger  par  les  indications  figurant  à  1'  «  Anuual  Report  »  de  la  Société 

1  Le  titre  complet  est  :  The  persoiial  diaractev  of  Dante  ax  revealed 
in  /lis  ivritings  />//  Lucy  Allen  Paton,  heing  the  essay  hy  a  memijer  of  the 
school  for  the  collégiale  instruction  for  tvomen,  in  Cambridge,  Mass.,  to 
icliiclt  Tho  Sara  Greene  Timmins  prize  loas  awarded  ni  1891. 


BIBLIOGRAPHIE  563 

pour  les  seules  années  1888,  1893,  1893,  cette  collection  est  déjà 
extrêmement  liclie.  En  1888,  elle  comptait  plus  de  mille  volumes. 
Pour  1892,  le  nombre  des  titres  d'ouvrages  ou  d'articles  do  périodi- 
ques, relatifs  k  Dante,  reçus  à  la  Hibliothèque,  est  de  172  (  «  à  [teu 
de  chose  près  le  même  que  l'année  précédente  »  )  :  52  représentent 
les  acquisitions  faites  sur  les  fonds  de  la  Société;  53  sont  des  dons 
d'auteurs,  d'éditeui-s,  d'amis  de  la  Société;  les  autres  ont  été  achetés 
par  la  Bibliothèque.  Pour  1893,  les  chiffres  correspondants  sont  154, 
10,60.  La  collection  est  non  seulement  à  la  disposition  dos  étudiants 
de  Harvard  et  des  sociétaires  résidant  à  Cambridge,  mais  le  prêt  des 
ouvrages  est  accordé  aux  sociétaires  non  résidants. 

La  constitution  d'une  telle  Bibliothèque  spéciale,  formée  et  accrue 
par  l'accord  de  la  Société  et  de  l'Université,  est  en  soi  un  bien  consi- 
dérable :  l'on  y  reconnaît  cette  union  de  l'initiative  hardie  et  de  l'esprit 
pratique  qui  caractérise  la  jeune  et  active  civilisation  des  Etats-Unis. 
Bien  des  romanisants  d'Europe  env'eront  aux  étudiants  de  Harvard  ua 
aussi  précieux  instrument  de  travail. 

Le  catalogue  de  la  collection  se  forme  année  par  année,  grâce  à 
l'insertion  à  VAnnual  Report  de  la  liste,  dressée  avec  toutes  les  indi- 
cations nécessaires,  des  acquisitions  nouvelles. 

N'est-il  pas  intéressant  de  voir  au  pays  que  colonisèrent  jadis  les 
farouches  puritains  ',  un  tel  effort  pour  s'assimiler  la  poésie  du  plus 
grands  des  Latins,  de  celui  dont  l'œuvre,  de  prime-abord,  semblerait 
ne  devoir   provoquer  chez  les   descendants  des  passagers  du    May- 


1  L'éducation  nationale  a  dû  longtemps  se  ressentir  de  l'influence  du 
rigoureux  Gode  Bleu,  dont  il  suffirait  de  citer  l'articIeSl  :  «  Il  est  défendu 
à  tout  le  monde  de  lire  la  liturgie  anglicane,  de  fêter  la  Noël,  de  faire 
des  pâtés  de  hachis  {mince-pies),  de  danser  et  de  jouer  de  tout  instru- 
ment, le  tambour,  la  trompette  et  la  guimbarde  exceptés.  »  On  faisait 
grâce  aux  instruments  mentionnes  dans  la  Bible!  La  peine  de  mort  frap- 
pait le  quaker  obstiné  tout  comme  le  sorcier.  Dans  IVaodsfock,  ce  roman 
de  Walter  Scott,  où  est  si  bien  tracé  le  portrait  de  Gromwell,  les  dis- 
cussions entre  presbytériens,  indépendants  et  cavaliers  donnent  mieux, 
me  semble-t  il,  que  Old  Mortality,  l'image  de  la  phraséologie  de  ces 
temps  étranges;  mais  les  émigrants,  dans  leur  exil,  n'emportaient  avec 
eux  que  la  Bible  dont  ils  étaient  incapables  de  comprendre  les  gran- 
dioses beautés.  Tout  se  répète,  et  l'on  a  parfois  sous  les  yeux  des 
exemples  auxquels  on  ne  songe  point.  Après  la  révocation  de  l'édit  de 
Nantes,  quelques  centaines  de  calvinistes,  conduits  par  un  neveu  de 
l'amiral  Duquesne,  cherchèrent  un  asile  au  Sud  de  l'Afrique.  Leurs  des- 
cendants n'ont  rien  gardé  de  la  mère-patrie,  sont  revenus  à  la  vie 
patriarcale,  et  naguère,  par  leur  ténacité  héroïque,  ont  fait  l'admiration 
du  monde. 


S64  BIBLIOGRAPHIE 

flower,  chez  les  lecteurs  assidus  de  la  Bible,  qu'un  sentiment  de 
répulsion?  Mais  depuis  cette  année  de  1639,  où  le  ministre  Jfwn 
Harvard  fonda  et  dota  de  800  livres  sterling  le  collège  qui  porte  son 
nom,  où  pour  la  première  fois  une  presse  fut  mise  en  mouvement  à 
Cambridge,  un  désir  intense  s'est  peu  à  peu  dégagé  dans  le  sein  de  ce 
peuple  que  l'argent  et  le  travail,  moneij  and  business,  semblaient 
avoir  accaparé  pour  des  siècles  encore,  celui  de  puiser  l'art  et  la 
poésie  aux  sources  vives  de  la  grande  tradition  euro[)éeune. 

La  Concordance  de  la  Commedia  de  M.  Fay  avait  rendu  des  ser- 
vices qui  ont  fait  sentir  plus  vivement  la  nécessité  d'un  livre  analogue 
pour  les  autres  œuvres  italiennes  du  poète.  M.  Sheldon  a  eu  raison 
de  nous  le  donner.  11  a  tenu  à  bien  mentionner  que  la  collaboration 
de  M.  A. -G.  Whitelui  a  été  fort  utile.  Les  œuvres  latinesn'ont  pas  été 
comprises  dans  le  plan  de  l'auteur.  Elles  méritent  en  effet  de  faire 
l'objet  d'un  livre  distinct. 

M.  Sh.  a  suivi  le  texte  des  œuvres  de  l'Alighieri  qui  a  été  publié 
par  M.  Moore  (Oxford,  2^  éd.  1897;  3«  éd.  1904). 

Les  mots  sont  rangés  dans  l'ordre  alphabétique;  les  citations  for- 
ment deux  séries,  le  haut  des  pages  étant  attribué  à  la  poésie  et  lebas 
à  la  prose.  Les  citations  sont  placées  dans  l'ordre  du  texte  original. 

L'ordre  des  œuvres  poétiques  est  :  Canzoni,  Sestine,  Bcdlate, 
Sonetti,  Sahni  penitenzlali,  Professione  di  Fede. 

Ces  quelques  indications  suffisent  pour  montrer  comment  est  distri- 
l'uée  la  matière  dans  cet  ouvrage  considérable,  répertoire  conscien- 
cieux et  complet,  qu'il  faudra  consulter  pour  peu  que  l'on  étudie  la 
langue  et  les  œuvres  de  Dante.  Les  principaux  mérites  à  souhaiter 
dans  un  livre  de  cette  nature  sont  la  clarté  et  l'exactitude,  mais  celui 
d'une  bonne  disposition  typographique  n'est  pas  moins  désirable.  A 
ces  derniers  points  de  vue,  la  Concordanza  de  M.  Sh.  aura  sûrement 
l'approbation  de  tout  critique  impartial  :  elle  est  appelée  à  occuper 
une  place  très  honorable  dans  la  liste  des  ouvrages  consacrés  à  nous 
faciliter  l'intelligence  de  l'œuvre  du  grand  poète  '. 

1  Dans  quelle  mesure  les  grands  poètes  peuvent-ils  être  vulgarisés 
avec  succès  à  l'étranger?  Un  de  ceux  qui  ont  fait  le  plus  pour  la  littéra- 
ture italienne  i^épondait  de  façon  peu  encourageante  :  «  A.  Gaspary, 
dans  une  lettre  à  F.  de  Sanctis  du  22  mai  1877,  publiée  dans  le  journal 
napolitain  La  Tavola  Rotonda  (ann.  III,  n»"  26-29)  émet  ce  jugement 
remarquable  sur  le  culte  de  Dante  en  Allemagne  :  «  L'œuvre  de  Goethe 
»  ne  sera  comprise  chez  vous  que  par  les  esprits  d'une  culture  raffinée, 
»  comme  il  en  est  chez  nous  pour  la  Divine  Comédie.  En  dépit  de  toutes 
1)  les  fatigues,  de  tous  les  commentaires,  de  tous  les  etibrts  de  la  science, 
*  l'œuvre  de  Dante  est  toujours  la  propriété  intellectuelle  d'un  petit 
)'  nombre.  Le  reste    l'admire  en  paroles   (a  fvasi)  et  enrage  souvent  en 


BIBLIOGRAPHIE  565 

Je  u'ose  dire  qu'elle  remplira  parfaitement  l'atlentc  que  le  titre 
pourrait  provoquer.  Il  ne  s'agit  pas  ici  d'une  concordance  à  déter- 
miner entre  les  pensées  de  Dante,  mais  d'une  notation  exacte  des  mots 
encadrés  d'une  partie  très  courte  du  texte  avec  renvoi  au  passage 
d'où  la  citation  est  extraite.  L'on  a  ainsi  sous  les  yeux  les  éléments 
qui  permettent  de  compai'er  les  divers  emplois  du  mot.  C'est  déjà 
beaucoup,  et  aller  au  delà  eût  été  s'engager  dans  une  entrepi-ise  d'un 
caractère  tout  différent  et  d'une  valeur  scientifique  moins  certaine. 
Ici  s'Hp[)lique  fort  bien  le  pioverbe  :  à  chaque  jour  suffit  sa  peine.  La 
tâche  que  l'auteur  s'était  tracée  était  aussi  étendue  que  difficile.  L'on 
est  heureux  de  reconnaître  qu'il  s'en  est  acquitté  avec  le  soin  le  plus 
méritoire. 

Ce  n'est  point  que  ça  et  là  l'on  ne  trouve  l'occasion  d'objection 
légère.  Je  me  bornerai  à  noter  quelques  endroits  où  l'on  jugera  peut- 
être  qu'une  correction  serait  désirable. 

Vers  la  fin  de  la  Canzone  sur  la  Noblesse,  que  Dante  donne  et  com- 
mente au  Traité  IV  du  Conoito  (Le  dolci  rime  d'ainor  ch'io  sulia),  il 
dit  : 

E  gentilezza  dovunque  è  virtute, 
Ma  non  virtute  ov'  alla  ; 
Siccome  ô  '1  cielo  dovunque  la  stella, 
Ma  ciô  non  e  converso. 

Le  sens  littéral  est  :  «  La  noblesse  est  partout  où  est  la  vertu, 
mais  la  vertu  n'est  point  partout  où  est  la  noblesse  ;  tout  comme  le 
ciel  est  partout  où  est  l'étoile,  mais  la  réciproque  n'a  pas  lieu,  » 
Moore  imprime  «  è  converso  »  ;  Kraticelli  estime  que  «  e  converso  » 
est  une  locution  latine.  Je  crois,  en  effet,  que  Dante,  grand  admira- 
teur de  la  logique,  avait  noté  que  la  proposition  affirmative  universelle 
ne  se  convertit  pas  exactement  -  et  que  dans  le  passage  correspon- 
dant du  Convito  (IV,  19)  il  a  éprouvé  un  très  vif  plaisir  à  démontrer 
la  richesse  de  sa  distinction  et  la  beauté  de  la  comparaison  qu'il  établit 


»  secret  d'être  obligé  de  dire  ce  ^lu'il  ne  pense  point.  »  Bulletino  délia 
Società  danfesca  ifalia7ia,  ott.  1893,  p  24.  Mais  l'on  est  en  droit  d'espérer 
davantage  d'une  nation  jeune,  sans  passé  qui  l'enchaîne.  D'ailleurs,  le 
sentiment  religieux,  si  vivace  aux  Etats-Unis,  y  assurera  de  plus  en  plus 
des  lecteurs  à  la  Commudia. 

'  Sheldon,  Concordanza,  p.  142,  v.  converso  (2). 

^  A  converti  donne  L  c'est-à-dire  une  particulière  affirmative  ;  tout 
homme  est  mortel;  quelque  mortel  est  homme.  Le  caractère  d'universalité 
du  sujet  disparait  dans  la  proposition  ainsi  convertie  et  elle  n'est  pas 
exactement  réciproque.  Cf.  Logique  de  Port  Royal,  II"  Partie,  ch.  14, 


566  BIBLIOGRAPHIE 

entre  le  ciel  et  la  noblesse.  Quels  mots  emploie-t-il  à  cet  endroit? 
m  non  è  questo  vero  e  conversa  :  «  et  ceci  n'est  pas  vrai  par  réci- 
proque. »  M.  Sheldon  reproduit  au  bas  de  la  page  (citations  emprun- 
tées aux  ouvrages  en  prosej  ce  passage  ainsi  orthographié,  sans 
s'apercevoir  que  le  Convito  répète  ici  purement  le  texte  de  la  Canzone 
avec  addition  du  mot  vero,  et  que  la  leçon  de  Fraticelli  '  y  trouve 
sa  confirmation.  Cette  contradiction  remonte  au  texte  de  Moore  que 
M.  S.  a  plis  pour  base. 

Au  mot  Ortensio  l'on  tiouve  :  Maiitossi  ad  Orlensio.l.e  mérite  de  la 
brièveté  est  en  lui-même  ti'ès  grand  et  dans  cet  ouvrage  il  était  plus 
indispensable  qu'en  tout  autie.  Mais  il  y  avait  place  pour  plusieurs 
mots  de  plus,  et  un  mot  suffisait  pour  apprendie  que  c'est  Mai'tia  qui 
a  épousé  Horteusius.  Le  mal  serait  moindre  si  à  l'article  Marzia  une 
citation  nous  informait  qu'après  s'être  séparée  de  Caton  elle  prit  Hor- 
teusius pour  mari,  mais  c'est  seulement  à  l'article  Catone  que  cette 
séparation  est  mentionnée,  et  il  faut  qu'un  heureux  hasard  mène  au 
mot  marilure  pour  que  l'on  lise  la  citation  intégrale  :  Marzia  mari- 
tossi  ad  Ortensio.  N'était-elle  pas  aussi  nécessaire  en  face  des  noms 
des  deux  époux  :  Marzia,  Ortensio  ? 

Le  nom  de  Maria  est  sans  doute  identique  à  lui-même,  mais  ce 
n'est  pas  un  nom  commun,  de  sorte  qu'il  est  d'usage  dans  les  diction- 
naires de  le  ré[iéter  en  marge,  selon  qu'il  s'agit  de  la  mère  de  Jésus, 
de  Marie  sœur  de  Marthe,  etc.  Or  la  citation  :  Maria  ottima  parte  lia 
eletia  et  celle  où  il  est  parlé  de  la  visite  des  saintes  femmes  au 
sépulcre,  viennent  à  la  suite  des  passages  concernant  la  Vierge,  sans 
que  rien  avertisse  d'un  changement  de  personnes. 

Pourquoi  au  mot  metafistca  le  Convito,  II,  15,  n'est-il  pas  plus 
complètement  cité?  Je  lis  dans  ce  passage  :  il  ciel  stellato  si  pub  coin- 
parare  alla  fisica  per  tre  pi'opnttù  e  alla  metajîsica  per  altre  ire;  et 
avec  Dante  l'on  est  certain  que  chacune  de  ces  ressemblances  sera 
soigneusement  démontrée.  M.  Sh.  cite  la  première  partii-  de  la  phrase 
aux  mots  fisica  et  stellato.  A  l'article  Metajîsica  l'on  a  :  si  piià  com- 
parare alla  Metafisica;    mais    ce    lambeau  de  phrase    sans  sujet, 


'  M.  Sh.  l'indique  sous  cette  forme  (F  e),  mais  si  l'on  ne  se  reporte 
aux  textes,  Ton  ne  peut  deviner  qu'un  rapport  existe  entre  cette  ligne 
de  la  Canzone  et  celle  du  Convito  qui  est  citée  au  bas  de  ïa  page.  —  Au 
troisième  alinéa  de  l'accord  conclu  en  1306  entre  l'évéque  de  Luni  et  les 
marquis  Malaspina  (représentés  par  Dante  Alighieri),  l'on  a  deux  fois  la 
locution  latine  e  co7iverso,  avec  le  sens  de  réciproquemHnt.  V.  le  texte 
donné  par  Fraticelli,  Vita  di  Dante  Alighieri,  c.  VI,  n°  21.  Au  texte  de 
Ja  Canzone,  Fraticelli  note  :  «  Cosi  Matteo  Yilloni  «  csenii,io  dimirabile 
carità  mtra  padre  e  figliiiolo  ed  e  conversa-  » 


BIBLIOGRAPHIE  567 

avec  la  suppression  dn  per  altre  tre  [proprietà'\,  ne  retient  pas  l'atten- 
tion   Tout  au  moins  fallait-il  reproduire  il  ciel  stellato. 

Au  mot  Scienza  manrpie  la  définition  :  la  prima  sclenza  che  si  chiama 
metiifisicd  (Cou vil.  11,  14).  On  l'a  au  mot  metafisica,  mais  elle  était 
nécessaire  dans  les  deux  articles. 

Ou  lit  p.  320  :   è  un  rilraiinenlo  cCanimo  da  laide  cose. 
p.  586  :  Lo  Pudore  è  un  ritraimeuto  d'animo. 
p.  576  :   Lo  Pudore  è  un  ritraimento  d'animo  da. 

Dinns  la  première  citation  l'expression  du  sujet  était  aus-i  néces- 
saire (jue  dans  les  deux  autres,  et  la  place  suffisait  pour  ajouter  deux 
mots  et  plus. 

Dante  dit  :  Secondochè  Lesiinionia  TuUio  in  quelle  di  Senetlute 
{Coiivit.  IV,  24).  Dans  la  Concordama,  au  mot  senettute  l'on  a  seu- 
lement :  Tnllio  in  quello  di  Senetlute  ;  par  contre,  à  l'article  TuUio, 
l'on  a:  seco7idocIiè  testtDionia  T-allio .  Pourquoi  couperainsi,  aux  dépens 
de  la  cl.ii'té  et  s'interdire  de  ré[)éter,  (piand,  par  trop  de  concision,  on 
court  le  risque  d'être  inintelligible? 

Mais  à  quoi  bon  insister  sur  ces  détails  ?  Tout  compte  fait,  il  valait 
mieux  pécher  ainsi,  en  quelques  rares  endi'oits,  par  un  excès  de  fidé- 
lité au  plan  tracé,  puisque  sans  ce  plan  aussi  bien  conçu  que  suivi, 
l'entreprise  eût  été  inéilisable.  Grâce  à  la  Société  de  Cambridge  et  à 
M.  Sheldon,  la  philologie  dantesque  s'est  enrichie  d'un  excellent 
ouvrage  qui  est  en  même  temps  un  magnifique  volume. 

Ferdinand  Castets. 

E.  Huguet.  —  Le  sens  de  la  forme  dans  les    métaphores   de    Victor 
Hugo,  Paris,  Bac/tetle,  1904  [Vlll-392  p.  iu-8o]. 

M.  Huguet  définit  lui-même  son  livre  à  la  première  ligne  de 
l'avant-propos,  en  déclarant  qu'il  «  n'est  pas  auti'e  chose  qu'un 
musée  ».  C'est  un  musée  des  métafoi'es  de  V.  Hugo,  où  elles  sont 
groupées  par  catégories  ;  et  ce  musée  a  sur  beaucoup  d'autres 
l'avantage  d'être  muni  d'un  pr(icieux  catalogue,  p:ir  le  moj'en  d'une 
table  à  deux  fins,  qui  contient  à  la  fois  et  en  les  distinguant  tipogra- 
fiquement  les  noms  des  objets  qui  donnent  lieu  à  des  métafores  et  les 
mots  employés  nnétaforiquenioiit. 

Toutes  les  métafores  d;ins  lesquelles  on  peut  trouver  une  idée  de 
forme  sont  repi'ésentées  dans  cette  galerie,  et  il  n'était  pas  malaisé  à 
l'auteur  de  n'en  omettre  aucune  espèce,  puisqu'il  dispose  d'un  dic- 
tionnaire complet  des  métaphoi-es  de  Victor  Hugo,  qu'il  a  fait  pour 
sou  usage  personnel  et  ipi'il  ]iubliera  peut-être  un  jour.  Il  ne  faudrait 
pas  s'imaginer  pourtant  qu'il  a  mis  dans  cette  collection  tous  les  exem- 
ples de  métafores  où  l'on  peut  percevoir  une  idée  de  forme  que    con- 


568  BIBLIOGRAPHIE 

tiennent  les  œuvres  Je  Victor  Hugo.  Ce  n'est  pas  son  dictionnaire 
qu'il  nous  donne  ici  dans  un  ordre  analitique;  il  en  a  seulement  extrait 
de  nombreuses  citations  pour  les  réunir  en  chapiti'es.  On  peut  même 
trouver  que  par  endroits  il  a  a  accumulé  ces  citations  en  trop  grande 
abondance  ;  il  n'était  pas  utile  de  donner  une  cinquantaine  d'exemples 
(p.  17-4  et  suiv.)  où  les  feuillages  des  plantes,  leurs  racines,  leurs 
brindilles  sont  comparés  à  des  chevelures;  il  n'en  fallait  pas  non 
plus  vingt-cinq  pour  nous  faire  comprendre  que  la  comparaison  du 
ciel  avec  un  plafond  est  familière  à  son  auteur. 

On  sera  peut-être  tenté  de  dire  qu'un  travail  de  ce  geure  ne  deman- 
dait pas  un  grand  talent,  qu'ua  peu  de  patience  suffisait,  et  d'autre 
part  qu'a  le  besoin  d'un  pareil  livre  ne  se  faisait  pas  sentir,  car  il  est 
plus  agréable  et  souvent  plus  profitable  de  lire  tout  entières  seulement 
quelques  pièces  de  Victor  Hu^'O  que  de  butiner  à  travers  toutes  ses 
œuvres  découpées  en  petites  tranches. 

A  quoi  nous  rëpoudrotis  en  principe  que  les  ouvi'ages  le  patience 
sont  fréquemment  plus  utiles  que  les  ouvrages  de  talent.  Nous  ajou- 
terons que  dans  le  cas  particulier  M.  Huguet  ne  s'est  pas  borné  à 
vider  chez  son  imprimeur  quelques  tiroirs  de  fiches.  Les  exemples 
sont  accompagnés  d'un  commentaire  et  souvent  analisés  avec  finesse; 
les  chapitres  s'ouvrent,  se  développent  et  surtout  se  terminent  par 
des  aperçus  et  des  conclusions  qui  résultent  s  rictement  des  exemples 
cités.  Sans  doute  ces  conclusions,  après  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur 
Victor  Hugo,  ne  sauraient  être  déclarées  neuves,  mais  elles  ne  res- 
semblent pas  aux  banalités  qu'on  a  coutume  de  répéter  au  sujet  de 
cet  auteur,  et  elles  n'avaient  guère  été  indiquées  avec  quelque  exacti- 
tude que  dans  l'article  si  suggestif  et  si  pénétrant  que  Baudelaire  a 
consacré  à  notre  poète  en  1863. 

Victor  Hugo  est  un  des  rares  écrivains  qui  méritent  d'être  ainsi  dis- 
séqués. Ses  métafores  sont  intéressantes  non  seulement  parce  qu'elles 
sont  logiques,  coéreuteset  strict-ment  vraies,  mais  surtout  peut  être 
parce  qu'elles  ne  sont  pas  seulement  des  procédés  de  développement 
et  de  stile,  mais  essentiellement  des  procédés  de  pensée  qui  caracté- 
risent le  génie  du  poète.  On  a  dit  qu'il  n'i  avait  dans  les  œuvres  de 
V.  Hugo  que  des  lieux  communs  et  pas  une  idée  neuve;  qu'est-ce  qui 
n'est  pas  lieu  commun  en  littérature  ?  qu'est-ce  qui  n'a  pas  été  dit  ?  et 
avoir  des  idées  neuves  ne  consisterait-il  pas  à  en  présenter  d'ancien- 
nes sous  uu  jour  nouveau  et  à  voir  les  choses  d'un  regard  personnel  ? 
On  a  souvent  die  aussi  et  l'on  répète  à  satiété  que  les  plus  beaux 
développenientï  de  Victor  Hugo  et  ses  métafores  les  plus  saisissan- 
tes lui  ont  été  suggérées  par  le  rapprochement  des  mots  et  surtout 
pir  la  l'ime.  Il  suffit  de  voir  dans  l'ouvrage  de  .M.  Huguet  les  exem- 
ples en  prose  à  côté  des  exemples  en  vers  pour    reconnaître  que  ses 


BIBLIOGHAI'IIIE  569 

coiiipai'uisons  los  plus  étranges  au  premier  aboiil,  les  jilus  inatten- 
dues, sont  exactement  les  mêmes  dans  sa  prose  que  dans  ses  vers  ; 
elles  ne  doivent  donc  rien  à  la  rime.  Il  court  beaucoup  d'erreurs  de  ce 
genre,  qui  loin  des  faits  flottent  dans  l'irréel  et  servent  à  nos  éini- 
nents  critiques  à  confectionner  la  pâture  débilitante  qu'ils  offrent  à 
leur  public  ;  le  livre  de  M.  Hiiguet  réussira  sans  doute  à  en  arrêter 
quelques-unes,  et  nous  augurons  qu'il  eu  sei'a  de  même  des  volumes 
qui  doivent  suivre  celui-ci. 

Maurice  Gkammont. 

P.  Boyer. —  Un  vocabulaire  français-russe  de  la  fin  du  XVI^  siècle, 
extrait  du  Grand  Insulaire  d'André  Thevet,  Pans,  Leroux,  1905 
[64  p.  gr. in-S"] 

L'auteur  des  Sctiijularitez  de  la  France  antarctique,  de  la  Cosmo- 
graphie universelle  et  d'autres  ouvrages  eu  [lariie  encore  inédits, 
Audi'é  Thevet  que  ses  contemporains  ont  bafoué  et  vilipendé,  l'accu- 
sant à  lenvi  de  sottise,  de  plagiat  et  de  mensonge,  a  fait  preuve  au 
cours  de  ses  longs  voyages  tant  au  Levant  qu'aux.  Indes  occidentales 
d'une  curiosité  digne  d'un  vrai  savant,  a  été  mainte  fois  plagié  lui- 
même,  a  trouvé  dans  Nicot  pour  l'introduction  du  tabac  en  France  son 
Améric  Vesjiuce,  et  fournit  enfin  daus  ses  ouvrages  nombre  de  rensei- 
gnements précieux  que  l'on  clierclierait  vainement  ailleurs. 

11  a  toujours  montré  uu  grand  souci  des  langages  parlés  par  les 
omnies  dont  il  visite  ou  décrit  les  pays,  il  paraît  en  avoir  connu  per- 
sonnellement plusieurs  assez  bien,  et  il  donne  de  la  plupart  des 
spécimens  plus  ou  moins  étendus  ou  des  fragments  de  leur  vocabu- 
laire. Le  plus  considérable  de  ces  derniers  est  son  Dictionnaire  des 
Moscovites,  qui  ne  comprend  pas  moins  de  644  mots  ou  petites  frases 
et  qui  figure  à  la  suite  de  la  description  de  l'île  d'Alopécie  dans  soa 
ouvrage  inédit  intitulé  Grand  Insalaire  et  Pilotage. 

Ce  Dictionnaire  des  Moscovites  est  intéressant  comme  témoignage 
des  relations  qui  dès  la  fin  du  XVI''  siècle  s'étaient  établies  entre  les 
Français  et  les  Russes,  au  moment  ou  le  tsar  Feodor,  fils  d'Ivau  le 
Terrible,  et  Henri  111  négociaieut  uu  traita  de  commerce  «  eu  toute 
amitié  et  fraternelle  correspondance»;  mais  il  est  important  surtout 
pour  l'étude  du  vocabulaii-e,  des  fjrmes  et  de  la  prononciation  de  la 
langue  l'usse  en  ce  même  temps. 

Le  procédé  de  travail  d'André  Thovet,  exclusivement  oral  et  auditif, 
apparaît  clairement  :  il  se  faisait  tiadinre  eu  russe  des  mots  et  des 
frases  françaises  et  notait  de  son  mieux  la  réponse  qu'il  avait  en- 
tendue, transcription  purement  fonétique  ou  du  moins  s'efForçant 
d'être   telle.   11  lui  arrivait  parfois  de   comprendre    mal  et   de  ne    pas 


570  BIBLIOGRAPHIE 

entendre  fiistinctenient  ;  c'est  ce  qui  exiiliqne  l'étrangeté  souvent  décon- 
cei'tante  de  ses  transcriptions.  Dans  certains  cas  d'ailleurs  son  em- 
barras étiiit  fort  excusîible  :  c'est  quand  il  devait  rendre  des  sons  ou 
des  grou[)i-s  de  sons  dont  le  français  ne  [lossédait  pus  l'équivalent.  11  a 
procédé  par  à  peu  près  et  c'est  là  le  point  capital  pour  le  r>.)inaniste  :  son 
audition  est  bien  celle  d'une  oreille  française  insuffisamment  exercée 
et  sa  transcription,  souvent  très  diverse  pour  le  même  son,  mais 
s'en  rapprochant  en  généi'al  autant  que  le  permettaient  les  moyens  à 
sa  dis[iosition,  accuse  nettement  un  transcripteiir  français.  Nous  n'en 
citerons  qu'un  exemple  :  sa  reproduction  des  groupes  de  consonnes. 
Ou  bien  il  les  simplifie  pu-  chute  des  éléments  implosifs,  zaguy  pour 
zajgut,  resoqua  pour  rechiàLka.  ou  bien  il  les  disjoint  par  l'interca- 
lation  d'une  voyelle  dappui  qui  est  ordinairement  e  :  quetto  pour  hto, 
la  feqiia  pour/«r/i'a,  seto  \)Qm-  slo  ;  polletenicq,  pour  ptôtnihû,  est 
un  cas  plus  complexe  avec  sa  transcription  de  17  vélaire,  mais  d'au- 
tant plus  intéressant. 

M.  P.  Boyer  a  dû,  à  cause  de  l'incertitude  et  de  l'inconstance  des 
transcriptions  de  Thevet,  les  commenter  fréquemment  en  note  et 
donner  en  face  de  chacune  les  mois  russes  qu'elles  représentent, 
dûment  accentués  et  ramenés,  autant  qu'il  a  été  nécessaire,  aux  for- 
mations en  usage  à  la  fin  dti  XVI*^  siècle.  Il  l'a  fait  avec  la  précision 
et  la  compétence  qu'on  lui  connaît. 

Maurice  Gkammont. 

B.  Anquetil. —  La  partie  de  mer  ou  la  vengeance  du  matelot  créan- 
cier, pièce  satirique  en  patois  normand,  éditée  pour  la  première  fois 
avec  un  avant-piopos,  des  variantes  et  des  notes  dial  ctologiques, 
par  Ch.  GuEKLiN  de  Gukr,  Paris,  Welier,  1903  [72  p.  in-8°]. 

M,  Guerlin  de  Guer  s'est  fait  une  spécialité  de  l'étude  des  parlers 
normands  et  s'est  acquis  une  notoriété  dans  ce  domaine.  Jusqu'à  pré- 
sent il  n'avait  guèie  fait  porter  ses  recherches  que  sur  les  patois 
actuellement  vivants;  cette  fois  il  a  [iris  pour  tâche  de  publier  un 
texte  patois  ancien  et  d'en  éclairer  les  formes  au  moyen  de  celles  qui 
sont  usitées  aujourdui.  Il  a  examiné  toutes  les  œuvres  du  poète 
bayeusain  Ancpietil,  qui  sont  conservées  pour  la  plupart  à  la  biblio- 
tèque  de  Bayeux,  mais  dont  aucune  n'avait  élé  imprimée  jusqu'à  cejour. 
Son  choix  s'est  fixé  sur  la  plus  importante  d'entre  elles  :  La  Partie 
de  mer  ou  la  Vengeance  du  matelot  créancier.  C'est  un  dialogue  sati- 
rique d'environ  5U0  vers,  où  i'on  voit,  un  matelot  qui  veut  se  venger 
jiar  la  plume  des  êtes  du  châtiau  auxquels  il  a  fourni  des  coquilliges 
et  (pli  l'ont  éconduit  sans  le  payer.  Dépourvu  d'instruction,  il  n'est  pas 
à  même  de  faire  en  personne  la  satire  qu'il   rêve  ;    mais   il  a  un  fils 


lUBLIOGRAPIIIK  571 

qui  rovienl.  du  collôfçe  et  sait  le  grec  et  le  latin.  Il  l'emmène  en  mer 
pour  n'être  entendu  de  personne  et  lui  expose  ses  gi'iefs  qu'il  devra 
mettre  en  bonne  forme.  La  satire  est  très  violente  et  eut  en  son  temps 
beaucoup  de  succès  dans  le  pays,  car  les  personnages  qui  i  sont  visés 
étaient  aisément  reoonnaissables  pour  tout  le  inonde.  Le  développe- 
ment est  facile,  mais  au  point  de  vue  littéraire  la  vaLur  de  cette 
œuvre  est  en  somme  plutôt  médiocre. 

M.  Guerlin  de  Guer  l'a  éditée  avec  tout  le  soin  que  l'on  peut  accor- 
der aux  chefs-d'œuvre  des  classiques  Dans  un  avant-propos  il  a 
reconstitué  au  moyen  de  recherches  dans  les  archives  la  biografie  de 
son  auteur,  Bernardin  Anquetil,  dit  l'abbé  Anquetil,  qui  naquit  à  Man- 
deville  en  1755,  i  passa  la  plus  grande  partie  de  son  existence,  et  i 
mourut  en  1826  ;  il  i  a  joint  quelques  notes  sur  sa  famille  et  ses  parents 
les  plus  rapprochés  ;  il  a  identifié  les  personnages  désignés  à  mots 
couverts  dans  la  pièce  et  nous  a  fourni  aussi  sur  eux  des  renseigne- 
ments j)récis  ;  enfin  il  a  dressé  la  liste  complèle  des  114  ])ièces  qui 
constituent  l'œuvre  d'Anquetil.  four  la  Partie  de  mer  il  a  eu  entre 
les  mains  neuf  manuscrits  différents  qu'il  décrit  et  apprécie,  et 
dont  il  nous  donne  les  variantes  au  bas  du  texte.  Va\  note  il  explique 
les  ex|tressions  locales  ou  les  mots  patois  et  signale  leur  correspon- 
dant dans  le  patois  actuel  de  Mande  ville. 

La  conclusion  à  laquelle  on  arrive  après  avoir  lu  tout  cela,  c'est 
que  la  pièce  d'Anquetil  ne  méritait  pas  un  travail  aussi  appi'ofondi  que 
celui  que  M.  Guerlin  de  Guer  lui  a  consacré.  Ce  qui  pouvait  présenter 
le  plus  d'intérêt  dans  une  œuvre  de  ce  genre,  c'est  le  patois;  et  en 
définitive  il  n'en  offre  qu'assez  [leu.  D'abord  la  pièce  n'est  pas  toute  en 
j>atois;  le  fils  du  matelot  parle  français,  et  la  langue  du  matelot  lui- 
même,  au  lieu  d'être  du  pur  patois,  n'est  en  somme  que  du  français 
«saupoudré»  de  patois.  De  plus  ce  patois  n'est  pas  pur;  M.  Guerlin 
de  Guer  i  a  relevé  plusieurs  expres-ioiis  dialectales  qui  son  inusitées 
à  Mandeville.  Enfin  ce  qui  est  léellement  de  Mandeville  est  d'un 
intérêt  secondaire,  car  il  ne  parait  jias  que  le  [laib-r  de  cette  localité 
ait  notablement  changé  dei)uis  cent  ans.  Quand  les  formes  d'Anquetil 
diffèrent  des  formes  modernes  données  par  l'éditeur,  c'est  surtout 
parce  que  l'ortografe  maladroite  du  poète  e.^t  calquée  sur  celle  du 
français  et  tend  ainsi  à  rapprocher,  au  moins  pour  les  ieux,  les  mots 
patois  des  mots  français.  On  aiiiierait  d'ailleurs  que  les  traits  qui  dis- 
tinguent le  [)atois  d'Anquetil  du  [latDis  actuel  eussent  été  rassemblés 
en  quelques  lignes  et  mis  en  relief. 

Tout  en  louant  lé  soin  et  l'érudition  de  M.  Guerlin  de  Guer  nous 
l'egrettons  qu'il  n'ait  pas  [)U  les  faire  porter  sur  une  leuvre  qui  nous 
ait  livré  un  parler  populaire  dans  un  état  nettement  antérieur  à  la 
fase  actuelle.  Maurice  Grammont. 


572  BIBLIOGRAPHIE 

A.  Piagnoli.  —  Fonetica  parmigiana  riordinata  ed  accresciuta 
délie  note  moifologiche  per  cura  di  Antomo  Bosei.i.i,  l'orino,  1904 

[84p.J. 

A  Piagnoli  travaillait  depuis  longtemps  à  une  fonétiqne  parmesano 
quand  la  mort  est  venue  l'empêcher  d'i  mettre  la  dernière  main. 
M.  Boselli,  qui  s'est  chargé  de  publier  l'étude  de  Piagnoli,  l'a  aupa- 
ravant soigneusement  revue  et  complétée;  il  a  classé  les  faits  suivant 
un  ordre  plus  abituel  et  par  suite  plus  commode,  il  a  supprimé  les 
digressions  inutiles  et  resserré  les  développements  trop  longs,  il  a 
réuni  en  un  appendice  les  observations  relatives  au  parler  à'OUrEnza, 
ce  qui  a  deux  avantages  :  celui  que  signale  l'auteur  de  diminuer  nota- 
blement le  nombre  des  notes  an  bts  des  pages,  et,  ce  qui  est  beaucoup 
plus  important,  celui  de  groui)er  les  particularités  de  ce  sons-dialecte 
et  de  permettre  au  lecteur  de  les  embrasser  d'un  coup  d'œil.  M.  Boselli 
ne  s'est  pas  borné  à  vérifier  scrupuleusement  tous  les  détails  du 
manuscrit  laissé  par  Piagnoli,  à  i-efondre  en  grande  partie  sa  lédaction, 
à  ordonner  et  à  rectifier  à  l'occasion  les  faits  et  les  renseignements 
réunis  par  son  devancier,  il  a  en  outre  ajouté  à  la  Fonélique  de 
Piagnoli  deux  chapitres  qui  lui  sont  personnels,  celui  qui  est  intitulé 
Accidenti  generali  et  les  Note  morfologiche. 

Le  tout  est  exposé  avec  clarté  et  compétence.  Les  changements 
fonétiques  sont  présentés  nettement  et  leurs  exceptions  apparentes 
exjdiquées  en  général  d'une  manière  satisfaisante.  Une  petite  carte 
qui  termine  l'ouvrage  permet  de  se  faire  une  idée  exacte  du  domaine 
géografique  qu'occupent  les  jiarlers  étudiés. 

En  somme  nous  voilà  en  possession,  avec  cette  brochure,  d'une 
petite  grammaire  iiarmesane,  que  les  travaux  de  MM.  K.  Gorra  et 
A.  Restori  faisaient  désirer,  mais  dont  ils  ne  i)0uvaient  tenir  lieu. 

M.  G. 

H  -J.  Chaytor.  —  Mémoires  d'un  touriste  by  Stendhal,  édités 
dans  Oxford  modem  french  séries,  Oxford,  1905,  iD-12°  [Xll, 
104  p.],  2  sh. 

Ce  petit  volume  est  le  15°  de  1' «  Oxford  Modem  French  séries»,  qui, 
commencée  en  septembre  1904,  atteint  aujourd'hui  le  n"  16,  par  le 
Voyage  aux  Pyrénées  de  Taiue.  Le  choix  dos  auteurs  iLamartine, 
Hugo,  Karr,  Gautier,  Balzac,  Tocqueville,  Taine,  etc.)  a  été  fait  par 
M.  Léon  Delbos  en  vue  de  familiariser  l'élève  aVec  des  pages  qui 
aient  une  valeur  littéraire  :  »  Pour  acquérir  la  coimaissance  approfon- 
die d'une  langue  étrangère,  il  ne  suffit  pas  de  passer  quelques  mois 
dans  le  pays  où  elle  est  parlée  »  [General  Préface,  III). 


BIBLIOGnAPIilR  573 

M.  Delbos  estime  que  si  le  Français  et  l'Allemand  doivent  occuper 
une  place  à  côté  du  Latin  et  du  Grec  dans  l'éducation  moderne,  il 
convient  de  les  étudier  dans  le  même  esprit  que  les  langues  anciennes  ; 
ainsi  l'on  en  retirera  un  pi-ofit  égal,  parce  qu'à  l'étude  matérielle  de  la 
langue  d'une  nation  se  joindra  celle  de  ses  idées  et  de  son  histoire. 
L'on  entrevoit  que  M.  D.  n'est  pas  du  tout  sympathique  à  «  ce  que 
l'on  appelle  la  Nouvelle  Méthode  »  d'enseigner  les  langues  vivantes  : 
il  est  remarquable  que  l'Angleterre,  le  pa^-s  pratique  par  excellence, 
donne  l'exemple  de  la  lésistance  aux  tentatives  qui  sont  faites  pour 
réduire  ces  langues  au  rôle  d'instruments  de  i-elatioiis  commerciales. 

La  biographie  de  Stendhal  et  les  notes  (qui  sont  placées  à  la  suite 
du  texte)  sont  instructives  et  intéressantes  dans  leur  brièveté. 

F.  C. 


Albert  Soubies.  —  Almanach  des  spectacles,  année  1904.    Paris, 
Flammarion,  1905,  p.  in- 12,  5  fr. 

C'e^t  le  trente-quatrième  volume  de  cette  précieuse  collection,  si 
riche  en  renseignements  sur  le  théâtre  contemporain.  Ou  y  i-emarquera 
la  liste  des  représentations  données  sur  les  scènes  de  quartiers,  k 
Paris,  par  la  Comédie-Française  et  l'Opéra-Comique. 

Dans  la  bibliographie  quelques  indications  manquent  de  précision  : 
HÉMO.N,  Cours  de  liltéruture  (quels  fascicules?);  Théâtre  classique 
populaire  (quelles  pièces?).  —  La  mention  suivante  peut  induire  eu 
erreur  :  «  Montchrestien  (de).  La  Reine  cVEscosse.  Trag.  adap. 
Michaut.  In-16.  Fontemoini;  »  ;  M.  Michaut  ou,  plus  exactement, 
les  élèves  de  seconde  année  de  l'Ecole  normale  supérieure,  sous  la 
direction  de  XL  Michaut,  n'ont  pas  donné  de  la  Reine  d'Escosse  une 
adaptation,  mais  une  édition  critique.  —  F.  129.  il  faut  lire  Chaidou 
(et  noQ  Chartou)  le  nom  de  l'auteur  de  Scarron  inconnu. 

Ij'eau-forte  de  Lalauze  (pii  orue  le  volume  représente  une  scène  des 
Oiseaux  de  passade. 

E.  R. 

Th.  Joran.  —  Le  Mensonge  du  féminisme,    opinions   de   Léon  H.,., 
Paria,  Henri  Jouve,  1905,  in-lS. 

Signalons  à  ceux  que  le  sujet  intéresse  les  «  confessions  d'un  anti- 
féministe »,  Léon  H.  .,  publiées  par  Théodore  Joran.  On  verra  dans 
cet  ouvrage  le  peu  de  confiance  et  de  sympathie  inspiré  i)ar  les  reven- 
dications féminines  à  un  homme  qui  eut  à  souffrir  toute  sa  vie  d'avoir 
épousé  une    pédante   sans  cœur.  Dans  sa  tristesse  un  peu  amère,  ce 


574  BIBLIOGRAPHIE 

malheureux  avait  gardé  une  vive  intelligence  jointe  à  un  vigoureux 
bon  sens,  et  il  y  a  beaucoup  à  aiipreudi-e  clans  la  série  d'impressions 
et  d'articles  que  M.  .lorau  a  réunis  so\is  ce  titre  expressif  :  «  le 
mensonge  du  féminisme  ».  Ajoutons  qu'une  introduction  de  M.  Joran 
lui-même  sur  Léon  H...  iious  rend  dès  l'abord  l'auteur  sympathique  et 
son  œuvre  attirante. 


ERRATUM 


I 


P.  293.  vers  70,  lire  :  i 

Quant  sera  (s)  de  bon  vinclar. 


TABLE  DES  MATIEHES 


Tome  XLVIII 
ART1CLP]S  DE   FOND 

Pages. 
BxRBiER.  —  Le  mot  bar  comme  nom  de  poisson    en  français  et 

en  anglais 193 

Castkts.  —  Candide,  Simplicius  et  Candido 481 

Cla-VELier.  —  Etude  sur  la  langue  de  Fourès 97 

CouLET.  —  Sur  le  débat  provençal  du  corps  et  de  l'âme 141 

RoNJAT.  —  Sur  la  langue  de  Fourès 411 

Roque- Fekrier    —  «  Jana  de  Mourmeiroun  » 200 

Sneyders  r>E  VoGEL   —  La  suite  de    Parthénopeu  de    Blois   et 

la  version  hollandaise. 5 

TEXTES  ET  DOCUMENTS 

Calmette.  —  La  correspondance  de  la  ville  de  Perpignan    de 

1399  à  1450 551 

Castets.  —  I  dodici  canti  ...... 208,  396 

Chichmarev.  —  Contenances  de  table  en  vers  provençaux 289 

Devoluy. —  Discours  prounouncia  au  festenau  de  Santo-Estello, 

lou  12  de  jun   1905,  en  Arle 299 

Guy.  —    La  chronique  française  de   maître  Guillaume 

Crétin 174,  324,  530 

Kastner.  —  Débat  du  corps  et  de  l'âme  en  provençal 30 

—  Les    versions   françaises  inédites  de  la  descente 

de  saint  Paul  en  enfer 385 

PÉLissiER.  —  Documents  sur  les  relations  de  l'empereur  Maxi- 

milien  et  de  1  udovic  Sforza  eu  l'année  1499. ...    157 

Strfano — Una  uuova  grammatica  latino-italiana  del  sec.  XIII.  495 

Thérond.  —  Contes  lengadoucians 65 

Ulrich.  —  L'Apocalypse  en  haut-engadinois 75,  306 

ViUAL  —  Les  délibéi'ations  du  Conseil  communal  d'Albi,  de  1372 

à  1388 240,  420 

VARIÉTÉS 

Bonnet.  —   Deux  fautes  dans  le  discours  de  Bossuet   sur  l'his- 
toire universelle 492 

('astets.  —  Une  variante  allemande  de  «  Après  la  bataille  »  ....     296 


576  TAÈLE    DÈS    MATIERES 

RIRLIOGRAPHIE 

1°  Revue  des  revues 88,   18(3,  280,  374,  471 ,  5G0 

2"  Comptes  rendus  ci'itiqucs 

Anquktil.  —    La  partie    «le  mer  ou  la    vengeance   du   matelot 

(Grammont) 570 

Retz    —  La  littérature  compii'ée  ( Via.ney) 89 

RoYhR.  —     Un   vocabulaire   français-russe    de   la  fin    du   XVI<= 

siècle    Grammont) 569 

Rrandon.  —    Robert   Estienne   et   le    Dictionnaire    français   au 

XV1«  siècle  (ViANEYi 381 

Chvrdon.  —    Nou^'eaux   documents  sur  les   comédiens  de  cam- 
pagne, tome  H  (Rigal) 472 

Dklfour.  —  Catholicisme  et  romantisme  (Rigai.) 91 

Faguet.  —  Propos  de  théâtre,  2'^  série  (Rigal)    187 

—  Propos  littéraires,  3®  séfie  (Rigal) 286 

HuGUET. —  Le  sens  de  la  forme  dans  les  métaphores   de   Victor 

Hugo  (Grammûnt) 567 

Un-  idéaliste,   Emile  Ti.ollieï    (1856-1903). —  Œuvres  choisies 

(RiGAL) 189 

Lemaitrr.  —  En  marge  des  vieux  livres.   (Montes.   (Rigal) 382 

Modigliani.  —  11  cauzoniere  di  Francesco  Petrarca  ^Castets)..     379 
Œuvres    complètes  de   Victor  Hugo,   édition  de  l'Imprimerie 

Nationale    Rigal) 280 

Recueil  de  l'Académie  des  Jeux  floraux  de  Toulouse  (Konjat)..     477 

ScHUCHARDi    an   Mussafia  (Grammont) 375 

Sheldov.  —    Concordanza  délie    opère  italiane   iu  prosa  et  del 

canzonieie  di  Dante  Alighieri  (Castrtsi. 561 

Stapfer.  —  Victor  Hugo  à  Guernesey  (Rigal) 285 

3°  Ouvrages  annoncés  sommairement  : 

Almkras,  93,  287  —  Anglade,  288  —  Armanac  de  Gascoug.no,  383 
—  Armana  prouvënçau,  384  —  Chansroux,  383 —  Châtelain,  191  — 
Chaytor,  572  —  Dujarric-Descombes,  478  —  Era  bouts  deramoun- 
TANHO,  191  —  Houchart,  478  —  JoANMDÈs,  190  —  Joran,  573  — 
Lacoche,  192  —  Leite  de  Vasconcellos,  191  —  Lemouzi,  384  — 
MiCHALiAS,  288  —  Piagnoli,  572-  Revue  hispanique,  192 —  Roman, 
288  —  RoMSTAN  et  Latreillk,  287  —  Salvioni,  94,  191,  478  —  Sou- 
ries, 94,  573  —  SouRELH,  384  —  Sperantia,  478  —  Stiefel,  190  — 
Wright,  192. 

CHRONIQUE 

Chansons  populaires 480 

Pensées  de  Pascal ....  480 

Rapport  sur  le  concours  pour  le  prix  Boucherie 95 

Société  des  textes  français  modernes 479 

Erratum 574 

Le  Gérant  7'e'sponxable  :  P.  Hamelin. 


MONTPELLiER.  —  IMPRIMERIE   GENERALE   DU    MIDI. 


PC 
2 


Revue  ^96  langues  ronanes 


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