Uwtv, or
Toronto
LiBRARV
REVUE
LANGUES ROMANES
REVUE
DES
LANGUES ROMANES
Tome XLVllI
¥•= Série — Tome VIII
SOCIÉTÉ DES LANGUES ROMANES
MONTPELLIER
2
'RU
REVUE
DES
LANGUES ROMANES
LA SUITE DU PARTHENOPEU DE RLOIS
ET LA VERSION HOLLANDAISE
Le Parthénopeu de Blois, tel que nous le donnent les mss.
français', nous est parvenu dans deux rédactions différentes :
l'une («) qu'est seul à représenter le ras. A , l'autre (/3) que con-
tiennent tous les autres mss. En 1834 Crapelet a publié le
texte d'A^; pour l'autre version, nous devons la chercher
dans les divers mss. français^ — dont le plus grand nombre
se trouve à la Bibliothèque nationale de Paris — et dans les
traductions étrangères.
Pour leur première partie, ces deux rédactions sont à peu
près identiques ; la divergence ne commence qu'après le vers
9163 de l'édition de Crapelet. La question est donc de savoir
laquelle des deux suites a été écrite par l'auteur de la pre-
mière partie, et c'est à cette question que nous essaierons de
répondre dans cet article.
• Je ne parle pas de la version représentée par les traductions danoise
islandaise, anglaise, espagnole qui forment un groupe à part.
^ Pnvtonopeus de Blois, piihlié pour la première fois d'après le manus-
crit de l'Arsenal , par G. A. Crapelet. Paris, 1S34.
' E. Pfeiffer, Ueberdie Handschriften des altfranzôsischetiRoynansPar-
tonopcus de Blois 1885, (Ausg. u. Abh. aus d. Geb. d. rom. Phil. XXV).
6 LA SUITE DU PARTHÉNOPEU DE BLOIS
Mais dès l'abord une difficulté se présente. Ni la version a
ni la version /3 ne nous est parvenue dans un état complet. Je
ne parle pas de la grande lacune de plus de 1200 vers qui se
trouve dans le ms. A. ni des nombreuses petites lacunes que
tous les rass. nous présentent — elles n'ont pas d'importance
pour notre sujet — , ce qui rend notre problème particulière-
ment difficile à résoudre, c'est que la fin manque aux deux
versions également.
Pour la versiona,la perte, je crois, n'est pas grave. Parthé-
nopeu a tué son rival et reconquis sa Mélior ; chacun des
personnages a trouvé sa dame, un triple mariage a lieu ; c'est
au milieu de la description des noces que notre ms. s'arrête
brusquement. Evidemment, il lui manque seulement quelques
vers.
11 n'en est pas de même de la version /3. Après le tournoi
d'où Parthénopeu est sorti vainqueur le Soudan de Perse est
parti furieux ; il revient avec une grande armée pour se ven-
ger et pour s'emparer de Mélior ; de nombreux combats ont
lieu près de Mal-Bréon, la demeure d'Ernol ; des pourparlers
sont engagés de part et d'autre. Quelle en est l'issue ? Nous ne
le savons pas. Tous les mss. français s'arrêtent au milieu des
combats ; seul, le ms. de Tours nous mène beaucoup plus loin :
il raconte la fin des batailles, la conclusion des trêves, puis
ajoute, pour finir, quelques vers qui ne sont certainement pas
de l'auteur de notre roman. A leur place, heureusement, une
des versions étrangères, la traduction néerlandaise, continue
le récit pendant 800 vers environ ; mais, elle aussi, s'arrête
bientôt — l'original qu'elle suivait, n'allait pas plus loin ' — ,
• Hier indet in walsche ; vondics meere,
le dichtet in mijns lieves eeve,
Diet mi wel verghelden sal.
God gheve haer ère ende goet gheval,
Ende na dit leven hemelrikc.
Ende mi met hare al die ghelike! (Bs. 8401-8406.)
(Ici prend fia le texte français ; si j'en trouvais davantage, je le met-
trais en vers en l'honneur de madame qui m'en récompensera bien.
Que Dieu lui accorde (sur la terre) toute sorte d'honneur et de félicité,
qu'il lui réserve une place dans son royaume après cette vie, en m'ac-
cordant auprès d'elle la même faveur.)
ET LA VERSION HOLLANDAISE 7
et nous laisse dans l'incertitude sur le sort des principaux
personnages.
Cette circonstance rend très délicate une solution de notre
problème. Il est certain pourtant que nous ne pouvons espérer
le résoudre que par l'étude du ms. T — qui n'a guère été
examiné jusqu'ici — et de la version hollandaise. Mais,
avant de recourir à une version étrangère il est toujours
nécessaire de se convaincre de sa valeur. Aussi y aura-t-il
intérêt à l'examiner de plus près, à voir si la manière dont
elle a été composée nous permet de nous en servir ou doit,
nous mettre en garde, enfin il faudrait savoir quel est le ms.
français qu'elle a pu suivre.
Cette étude nous sera particulièrement facilitée par le tra-
vail de M. van Berkum, de M iddelnederlandsche beiverking van
den Parthonopeus -roman en haar v er houding tôt het oud-Fransche
or i g ine e l (diss. Leide, 1897).
La version néerlandaise ne nous est malheureusement par-
venue que par fragments, ceux de Lejde,de Cologne, de Hoens-
broeck, de Berlin, de Trêves, de Groningue, ceux enfin de
Bruxelles qui sont de beaucoup les plus considérables. Ils
n'appartiennent pas tous au même ms., mais à quatre mss.
différents qui, comme on le voit quand on les compare entre
eux et avec l'original français, doivent remonter aune version
antérieure, aujourd'hui perdue.
Les fragments jusqu'ici connus, représentant un peu plus de
9.000 vers, ont été publiés pour la plus grande partie par
Bormans, Ouddietsche fragmenten van den Parthonopeus van
Bloys, Bruxelles, 187L De()uis cette édition, deux petits
fragments ont encore été découverts et publiés, l'un par Eelco
Verwijs dans les Handelmgen en Mededeeh'ngen der Ned. Lett.
te Leiden, 1872, p. 11-24 ; l'autre par W. Seelmann dans le
Jahrbuch des Vereins f. niederdeutsche Sprachforschung, 1885,
XI, p. 170. Bien que l'éLlilion de Bormans ne réponde pas à
ce qu'on peut exiger d'une édition critique, elle nous suffit
pour le but que nous nous proposons.
Ce but est d'examiner si la vt'rsion néerlandaise est fidèle et
si donc nous pouvons nous reposer sur elle, quand l'original
nous fait défaut. Mais puisque les mss. français sont nombreux,
il faut d'abord tâcher d'établir quel est le ms. qui a été suivi
par la traduction néerlandaise.
8 LA SUITE DU PARTHÉNOPEU DE BLOIS
Il va de soi que, pour une étude comme celle-ci, je n'ai pu
comparer tous les mss. français, travail qui exigerait beaucoup
de temps et dont pouvait me dispenser d'ailleurs la thèse de
M. van Berkum. Ce savant a noté avec une rare exactitude
toutes les divergences qui existent entre la version hollandaise
et six des mss. français Malheureusement, il n'a pas eu l'occa-
sion de comparer le ms. de Tours, qui, pourtant, est indis-
pensable, si l'on veut bien juger de la suite du roman. J'ai
donc tâché de combler cette lacune en comparant avec ce ms.
tous les passades en question et en étudiant plus particulière-
ment la seconde partie.
Or, il n'est pas inutile de noter que, dans une pareille com-
paraison, toutes les divergences n'ont pas la même valeur.
Il peut j avoir des cas où l'auteur n'a pas bien lu, n'a pas bien
compris le passage correspondant du français, où le besoin de
la rime l'a obligé à modifier un peu l'original ; il peut même
y avoir des omissions qui ne prouvent pas encore nécessaire-
ment que l'auteur de la version ait eu un autre ms. entre les
mains. Il faut regarder, examiner, peser chaque passage en
particulier : une seule divergence importante vaut plus que
dix autres contestables ; ce qui surtout doit être intéressant
dans notre recherche, ce sont les passages où il y a plusieurs
vers intercalés, en hollandais, qui ne se retrouvent que dans
quelques mss. français '.
Or, il me semble que M. v. B. a prêté trop peu d'attention
à cela, quand, à la page 38 de son travail, il nous énumère
tous les cas où la version néerlandaise correspond avec les
divers mss. français et tous les cas où elle en difi'ère, puis
soustrait le nombre de ces cas l'un de l'autre, croyant que,
de cette façon, il nous offre exactement le degré d'affinité qui
* Ainsi au vers 1921 G a totes gois, ABPT povres ijens. Le fait que
le holl. a traduit rike ende arme (Bs. 1270) ne prouve rien. De même vs 5901
B G aie et venu, A BT a/e et veu, holl. zoeken (Bs. 2642); vs 6025 G P Si faint
une fahe nooelle, A B Si fait une fause novele, holl. Va7i eiie scoondev
f/heveinsder loffhe?i Seide soe hein (Bs. 2775). Un peu plus de valeur peut-
être ont les passages tels que vs. 2416 svv. où GPT nous donnent le dis-
cours direct, AB le discours indirect, quoique l'argument ne soit pas
concluant pour ceux qui savent combien de fois le traducteur a modifie
l'un et l'autre.
ET LA VERSION HOLLANDAISE y
existe entre les mss. français et le ms. perdu qu'a suivi notre
traducteur. Il saute aux yeux que cette méthode ne peut
être la vraie et doit être blâmée, même si, par hasard, le
résultat n'a pas besoin d'être rectifié ^ Mais, de plus, il me
semble qu'il y a, dans le compte lui-même, une erreur consi-
dérable. Voici, en eflet, ce que M. v. B. nous donne ;
Nombre de fois que la trad. correspond avec diffère de
ABGPFC ABGPFC
Selon la différ. des leçons 17 26 31 24 4 19 10 11 17 2
Selon les interpolations 50 43 65 42 4 5 9 35 13 36 3
67 69 96 66 8 5 28 51 24 53 5
ABGPFC
Nombre des passages correspondants 67 69 90 66 8 5
— — divergents 28 51 24 53 5
39 18 72 13 3 5
Le résultat de la soustraction doit donner, comme il a été
dit, le degré d'affinité entre les mss. français et la source de
la version néerlandaise. 11 est évident que ce résultat est
inexact : en eff'et, M. v. B. a comparé cinq fois le ms. C avec
la trad. holl. Les cinq fois il a trouvé qu'il y avait concor-
dance entre ce ms. et la version. Pourtant sa conclusion est
que ce ms. C n'est que très éloigné du ms. qu'a traduit le
poète hollandais! Pour que le compte soit exact au point de
vue mathématique, il ne fallait pas faire la soustraction, mais
la division des deux nombres obtenus par la comparaison.
Faut-il en conclure que C ait servi de modèle à la version
hollandaise? Ce serait trop téméraire. Le peu de vers (189)
de ce ms. ne nous permet pas de nous prononcer à ce sujet,
il faut donc le laisser de côté et nous borner aux mss. qui
off'rent plus de points de comparaison.
Constatons d'abord qu'aucun de ces mss. n'est la source
directe de notre traduction. Ce qui le prouve, c'est qu'aucun
des ms.^. français ne va aussi loin qu'elle, sans que cette
' Cp. la critique judicieuse de M. Salverda de Grave dans le Muséum,
Leide 1897, p. 218 ss.
10 LA SUITE DU PARTHÉNOPEÛ DE BLOIS
omission puisse être attribuée à la perte de quelques feuillets
d'un mss. français — un seul regard dans nos mss. nous
convaincra de cette vérité *. Cette constatation nous permet
de supprimer dans notre examen les divergences qui prou-
veraient simplement que tel mss. n'a pas été la source directe
de la traduction. Ainsi nous ne tiendrons pas compte des
variantes du vs 4561, oîi tous les mss. donnent De Constant./-
noble fu sire, leçon suivie par le traducteur, et P seul De
Constantin fu nobles sire, faute qui s'explique aisément par la
graphie De Constanti "^^^^^ sire et qui ne prouve nullement
que le ms. que P a copié ne soit pas le modèle du néerlandais.
De même vs 6773 AGP en paradis (Bs. 3273 paradise), B
empereris qui n'est peut-être qu'une faute d'inadvertance facile
à expliquer dans le contexte. Ces petites erreurs deviennent
importantes, si elles sont communes à plus d'un ms., et il faut
en tenir grand compte surtout quand elles ont été suivies par
le traducteur. Je ne vais donc énumérer que les passages
qui me semblent être d'une réelle valeur, quitte à renvoyer
ceux qui désireraient des renseignements plus détaillés à
l'ouvrage de M. van Berkum.
Nous pouvons laisser de côté le ms . A. Le fait qu'il
appartient à un autre groupe que celui dont la traduction
hollandaise fait partie, prouve amplement que ni lui ni le ms.
sur lequel il a été copié, n'est la source de notre traduction-.
B présente quelques divergences importantes : 5124 GP
las et maigre etmiserin, Bs. 2326 Magher ende arem ende onge-
daen, B Ki moult est de bêle cofour ; 6320 G pomier, Bs. 2921
appelboem, B pes^hier ; 7886 AGPP Corsable, Anfors as grans
trésors, Bs. 43G4 Gondredes entie ric/ie An/rois, B Si est Corsabres
et An fous ; (9959) PT Mais na terre qu'un sol conte, Bs. 5779
Van enen lande es hi grave, BG Mais n'a terre que II contes.
1 Ceci n'est pas vrai pour P qui, pour d'autres liaisons, ne peut pas
être la source directe de notre version.
' Voici pourtant quelques passages : vs 177 Tous les mss. ont serf trové,
ce qui équivaut au néerlandais vondelinc (Bs. 37), A donne serf prové ;
6320 G pomier, Bs. 2921 appelboem. A, comme tous les autres mss.
pescfiier ; 7343 B Li rois Corsos de Quartagene, Bs. 3829 Kon Cartagene die
coninc Cursout, A Li rois Corsols est ti premiers ; 5078 BGP sa?is or et
sa)is argent, Bs. 2270 sonder selver ende sonder goût, AT a or et a argent.
ET LA VERSION HOLLANDAISE 11
P ne présente qu'un© leçon divergente qui ait quelque
valeur : 1094 \'BT el palais, Bs. ()7o binien palayse, PG en la
chambre *.
Il en est autrement de G Nous pouvons d'abord citer le
passage précédent, puis 5143 BPT Si vens lor faut ams que la
veifjnent, Bs. 2350 Geviele ooc, dat hem wints gebrake , G Tant
le servent qii il i veignent ; {99^9} PT Mais n'a terre cun sol conte,
Bs. 5779 Van enen lande es hi grave, GB Mais n'a terre que II
contes ; 7753 Dis lieues i a nient mes, Bs. 4225 Acht milen ofte
mee, G Es II ts/es i a, riens mes'-.
Par le petit nombre de ses vers (550), F se prête difficilement
à la comparaison. Voyez pourtant vs 7815 ABGP Fils sui
d'un riche vavasor, Bs.4287 Een heidin rudderioas mijn vader,
F Fils fui d'un j'iche empereor.
Voici les variantes importantes de T : 4354 AG Del cime
dusquen la rais, Bs. 1950 al van den beghinne, T est en mains
des ennemis; 5078 BGP sans or et sansargmt, Bs. 2270 sonder
selver ende sonder g ont, AT a or et a argent; 6320 G pomier,
Bs. 2921 appelboein, APT peschier •*.
Jusqu'ici nous n'avons examiné que les passages où la dif-
férence de leoon semblait prouver quelque chose. Examinons
à présent les passages où les mss. français diâèrent par le
nombre des vers. Pour cet examen je peux encore me conten-
ter de me rapportera la thèse de M. van Berkum, qui, dans
une :< Bijiage », nous donne une liste de tous les passages en
question, liste que je reproduirai ici en y ajoutant le ms. T.
La première colonne contient les vers selon l'édition de Cra-
pelet, puis selon B, enfin selon G (voyez v. Berkum p. 27), la
* Vs 247 Pa Au quint ont fu Hector ocis. Cette faute manifeste ne se
trouvait pas nécessairement dans la source que P a copiée ; ou, si elle
s'y trouvait, la traducteur a pu le corriger lui-même.
* Ont peu d'importance : 11)72 ABFT près de B lois, Bs. i'olQ Bi Bolois,
G deies I dois ; 7361 A « no?i NoJimede, Bs. 3848 Nomedes, G a ?iom
Miinede.
^ Ont peu de valeur : (9012) quanqu'ele veit, Bs. 5402 Haerre herlen
wille, T 9156 quanqu'il li deult ; 9069 G et jurer, Bs. 5462 ende ziceren,
T 9213 entier ; T CXXiv r Et Gautier a paor du bon roi Aupatris^ au
lieu de De Gautier a paor ti bon roi Aupatris (G), Bs. 6467 Aupatrijf
die coninc vri Bleef ombe Gantière sere vervaert.
12 LA SUITE DU PARTHÉNOPEU DE BLOIS
seconde liste les mss. où se trouvent ces vers, la troisième les
mss. que suit la traduction hollandaise, la quatrième les rass.
qui divergent.
227-228
AGPT
AGPT
B
447
ABGT
P
ABGT
796' -7962
P
ABGT
P
889-804
ABGT
ABGT
P
939-940
AGPT
AGPT
B
947-950
AGPT
AGPT
B
988» -988*
B
AGPT
B
1026' -10262
BGPT
AGPT
A
1293-1294
AGPT
B
AGPT
1408' -14082
BGPT
BGPT
A
1569-1570
AGPT
AGPT
B
1824-1829
AGPT
AGPT
B
1865-1880
AGPT
AGPT
B
2441-2442
AGPT
AGPT
B
3414'-3414^
B
AGPT
B
3433-3436
ABT
GP
ABT
4358» -4358-2
B
AGPT
B
4365-4366
AGPT
AGPT
B
4389 4390
AGT
AGT
BP
5073 5074
AGPT
AGPT
B
5125 5126
GPT
GPT
B
51261-51262
B
AGPT
B
5163-5168
BGT
BGT
P
5173-5178
BGT
BGT
P
5403'-5403-'
BP
AGT
BP
5448' -54482
BGPT
BGPT
A
5475-5506
ABGT
ABGT
P
6201-6224
ABPT
ABPT
G
6225-6232
ABT
ABT
GP
6233-6-^35
AT
BGP
AT'
6253-6266
ABGT
ABGT
P'
« Pour les vers 6201-6224, 6225-6232, 6233-6235 le ms. G n'oHre pas rie
point de comparaison parce qu'à cet endroit il y a une lacune.
' Ajouter Bs. 6428 qui ne se trouve qu'en T cxiv.
ET LA VERSION HOLLANDAISE.
13
0463-6464
ABGT
P
ABGT
6468
ABG
ABG
PT 1
6869-6872
ABGT
ABGT
P
7087-7108
ABGT
ABGT
P
7165-7170
ABGT
ABGT
P
7187-7188
AGPCT
AGPCT
B
7201-7204
ABGCT
ABGCT
P ^
7267-7278
ABGCT
ABGCT
P
7283-7326
ABGCT
ABGCT
P
7343-7366
ABGDT
ABGCT
P
7399-7400
ABPT
ABPT
G
7513-7520
ABGFT
ABGFT
P
7671-7672
GFT
GFT
BP
7686» 76722
F
ABGPT
F
7733-7734
BGPT
F
BGPT
79021-79022
P
ABGPT
P
7921»-792r-
F
ABGFT
F
8127-8128
ABG
PT
PT*
8140-8143
ABPT
ABPT
G
8257-8258
AGPT
AGPT
B
8320' -831 02
P
ABGT
P
83471-8347^
P
ABGT
P
8352'-8352«^
PT
ABGT
PT
8353-8356
ABGT
ABGT
P
8367-8394
ABGT
ABGT
P
8405-8424
ABGT
ABGT
P
8478» -84782
PT
ABG
PT
8911-8912
ABGT*
ABGT
P
89301-8930»
BGPT
A
BGPT^
' T a oublié 2 vers; de sorte qu'il parle de Vempereur de France.
■^ 7208-7210 sont supprimés enT; ils manquent également en hollan-
dais où ils sont remplacés par une cheville. Mais une telle omission
prouve peu de chose.
^ Erreur de M. v. B. Les 2 vers se trouvent en ABG et manquent en
PT. Ils manquent également en holl., à moins qu'on ne considère une
cheville comme la traduction.
' T a Salance au lieu de Valence.
° Mais la tiaduction abrège tout ce passage, le manque de ces deux
vers n'a donc rien d'étonnant.
LA SUITE DU PARTHÉNOPEU DE BLOIS
(8987-9002)
(90G5-9066)
(9169-9234)
(9816»-9816*)
(9889' -9889^8)
( 10030' -100302)
(10008'- 100682)
(101241-101242)
(10147-10148)
9159-9100
9163-10856
[9196'-9196^]
[9198'-9i98«]
[9215-9216]
[9227-9228]
[9245-9246]
BGT
BGT
BGT
P
PT
GPT
GPT
GPT
BP
ABPT
A
GPT
GPT
BP
B
B
P
BGT
BGT
BGT
PT
GPT
GPT
GPT
BP
ABPT
BGPT
GPT
GPT
GT
GPT
GPT
BGT
P
P
P
BG
B
B
B
G'
G
A
B
B
BP
B
B
L'examen de tous ces passages nous montre qu'il est diffi-
cile d'arriver à un résultat certain. Il faut écarter les mss. F
et C qui offrent trop peu de points de comparaison. Pour les
autres mss., nous avons déjà vu — et les passages cités plus
haut le confirment — qu'ils ne peuvent être la source directe
de notre traduction. Cependant les mss. G et T, qui sur bien
des points se ressemblent beaucoup, sont plus près du hollan-
dais que B et F, ce qui ressort surtout de la comparaison des
interpolations. Le cas où la version ne suit ni G ni T sont
rares : 4 ou 5 fois elle a supprimé quelques vers, coïncidant
ainsi avec un des autres mss., mais cela ne prouve pas grand'
chose. Pour les variantes au vs 4569 le holl. suit AB fui petite,
tandis que GT ont fu petis. Pour vs 5402 G a une lacune,
T une leçon qui ressemble un peu à celle du hollandais: Uns
est le père, uns est H fils, B Tu es verais pères et fils, Bs. 2470
Warachtich sone, warachtich vader. Pour tous les autres pas-
sages que cite M. v. B., c'est vraiment T que suit la version
hollandaise. 11 est donc probable que le modèle de notre tra-
* Ces deux vers qui manquent en G se trouvent en T, mais, comme
il a supprimé les 8 vers précédents, il les a corrompus.
ET LA VERSION HOLLANDAISE l5
duction est un ms. perdu appartenant à la source conamuneàG
et à T, mais se trouvant plus près de G à cause du vers G320
où le hollandais suit G qui seul a pomier {pesckier APT).
Cependant il j a quelques passages qui semblent s'opposer à
cette conclusion : 5078 BGP sans or et sans argent, Bs. 'Z21Q son-
der selver ende sonder goût, AT a or et a argent', mais T peut
bien avoir corrigé une faute manifeste sans avoir vu A; 6433-
6434 Et que dame de nul endroit Nul meillor honir ne pon oit,
où T lit a?ner au lieu de ko ir, leçon que suit la traduction,
mais qu'elle peut avoir trouvée elle-même. Ce qui est plus
difficile à expliquer, c'est que T ait subi l'influence de F, et
que la version en porte les traces. Ainsi (9889) elle traduit les
46 vers qui se trouvent de plus en PT, tandis qu'au vers
8352 elle supprime les 64 vers qu'on lit dans PT ; (9959) PT
Mais n'a terre c'un sol conte, Bs. 5779 Van enen lande es In grave,
B G Mais na terre que II contes (ici il est possible que G ait
rectifié la leçon de son modèle : en effet, Partphénopeu avait
deux comtés). Il est donc probable que la source de notre
traduction a subi également l'influence de P.
Dans le cours du précédent examen nous avons pu remar-
quer que le traducteur néerlandais suit de si près son modèle
que le plus souvent nous pouvons constater quel est le ms. qui
a été suivi. Souvent il égale presque l'original, quelquefois
même il le dépasse (voyez vs. 277 svv.). Il est assez rare qu'il
ajoute quelques vers pour étendre une description, comme
dans le passage que je viens de citer. Cependant il y a des cas
où il abrège son modèle sans pourtant le modifier sensible-
ment : c'est quand le poète français cède à sa haine contre les
vilains ; alors, notre traducteur est assez consciencieux pour
ne pas supprimer le passage tout à fait, mais il l'abrège de
beaucoup : ainsi les vers 253-257, 2557 manquent. — La frivo-
lité ne lui plaît pas ; aussi a-t-il changé et corrompu le passage
où la scène nocturne est racontée (vs. 1277 svv.). — Il modifie
également les vers où les Français se moquent des Allemands
(8753 svv.). Qu'il ne fût pas fort en fait d'histoire et de géo-
graphie, c'est ce que prouvent les noms propres supprimés ou
corrompus. — Plusieurs détails des vêtements, des équipe-
ments, des armes sont rendus incomplètement. — Enfin il
modifie souvent les nombres donnés, quelquefois sans cause
16 LA SUITE DU PARTHÉNOPEU DE BLOIS
visible % parfois parce qu'il les trouve exagérés. Sur tout cela
je renvoie au travail de M. van Berkum.
Un passage a depuis longtemps attiré l'attention : c'est celui
où, après le tournoi, les juges délibèrent pour décider à qui le
prix sera donné. Clarin a plaidé pour le soudan, Ernol pour
Parthénopeu, c'est à Corsol de dire son opinion. Celui-ci a été
favorable à Parthénopeu pendant loute la durée du tournoi,
mais il voit que les autres juges, soit par peur, soit par d'autres
motifs, sont prêts à se ranger du côté du Soudan ; un seul
espoir lui reste: c'est que Mélior demande à chacun en parti-
culier son opinion, pour qu'ils puissent ainsi se prononcer sans
craindre le Soudan. Dans son discours on lit : Je vois bien que
li sis de nos Voellent le sodan a esti'os Doner a me dame a mari
(vs. 9099 svv.). La traduction en changeant le mot soudan en
Fransoys n'a pas modifié tout à fait le caractère de Corsol,
comme le croit M. v. B.; il a simplement accentué Tironie de
son discours. De même au vers (10045 svv.) Mais il est seul
encontre tans. Pour c'en est encore taisans, ce qui correspond à
Bs. 5802 svv.:
Nochtan sprac hi niet een ivoert ;
Omdat si aile ieghen hem ivaren,
Woudire behendelike toe varen.
Hier omme ivaest datti zweech,
Niet door loon, no door gedreech'-.
L'original nous montre Corsol se taisant encore parce qu'il
sent que tous sont contre lui, mais ce mot encore nous indique
qu'il veut profiter de la première occasion pour défendre son
opinion. Le hollandais ne dit pas autre chose, seulement il
l'explique clairement. Pour vs. 9039 Mais molt samble as
autres estos Que si les a contredis tos^ c'est peut-être T qui a
été suivi par la traduction : Que si a contredit debous, et le
* C'est pourquoi nous n'avons pas tenu compte des leçons suivantes :
1.338 GT et Bs. xx, d, c, A vint, deux cens et vi7it,B xx, d, d, P in, ce, c;
16G5 AB et Bs. detix et dix, GTPx, xx; 5096 GTBP et Bs. d, A trois
ce?îs.
* Cependant il se taisait ; tous étant contre lui, il voulait agir avec
habileté. Voilà le motif de son silence; ce n'était ni l'intérêt, ni la crainte.
ET LA VERSION HOLLANDAISE 17
hollandais aura de son mieux expliqué l'attitude de l'assem-
blée. En tout cas je ne crois pas que ces passages prouvent
que la traduction ait modifié de propos délibéré le caractère
de Corsol et l'attitude du conseil.
On peut donc dire que la version hollandaise est en général
très fidèle, et faute de ms. français elle peut nous être utile
pour la suite du roman qui est perdue, non seulement pour le
récit lui-même, mais aussi pour la foriue dont il a été revêtu.
Cet examen fait, nous pouvons passer à ce qui fait l'objet
même de cet article : il s'agit de constater laquelle des deux
suites de notre roman est la suite authentique. Voyons donc
quelles sont les qualités, quels sont les défauts qu'on trouve
dans la première partie, et examinons si nous retrouvons les
mêmes caractères dans la seconde. Ciierchons à établir quelles
sont les données présentées dans la partie commune, et tâchons
de démêler laquelle des deux suites les continue. Enfin, un
examen de la langue, basé sur l'étude des rimes, servira de
contrôle aux résultats acquis.
Notre roman est écrit dans un style élégant et aisé, vraiment
français; le récit s'avance régulièrement, de sorte que l'intérêt
reste toujours éveillé ; les entretiens auxquels l'auteur se plaît
sont composés avec beaucoup d'art et nous donnent une idée
vivante des personnes; de petits traits, insérés çà et là, ajou-
tent souvent quelque fine nuance qui charme le lecteur. Ainsi
les petites tracasseries de Clarin et de Corsol pendant le tour-
noi enlèvent heureusement ce qu'il y aurait de trop monotone
dans la description des combats.
Les caractères, surtout ceux des femmes, sont finement
dépeints : Mélior, la fière amante, qui a été trahie et que la
fierté empêche d'avouer qu'elle aime toujours ; Urrake, sa
sœur, désintéressée, qui s'efforce de réconcilier Parthénopeu
et Mélior, sans ménager d'ailleurs les reproches à la cruauté
de celle-ci ; l'aimable Persewis, dont le jeune cœur est encore
plein d'un je ne sais quoi de vague et de mystérieux. On sent
bien l'influence de la poésie courtoise, si habile dans l'analyse
du cœur féminin.
Le poète aime à faire de temps en temps des digressions sur
amour: tantôt c'est le bonheur de Parthénopeu qui lui suggère
2
lO LA SUITE DU PARTHENOPEU DE BLOIS
des réflexions amères sur son propre malheur ; tantôt il attaque
les clercs qui n'aiment pas les femmes, tandis qu'il est évident
que Dieu les aime pour les avoir faites si belles ; tantôt il
trouve les dames trop chastes et trop sévères, estimant que
ces qualités ne peuvent convenir qu'aux femmes laides; une
autre fois il déclare qu'un simple signe de sa dame saurait lui
faire quitter même le paradis.
Une autre particularité de notre poète est sa haine contre
les vilains. En laissant de côté le prologue oîi le poète nous
expose à sa façon la cause de la guerre trojenne, nous trou-
vons dans l'épisode de Sornegur de nombreux indices de ce
sentiment. Ce n'est pas que le poète haïîise les vilains propre-
ment dits ; c'est à ceux qui ont su entrer dans les bonnes grâ-
ces des rois et qui profitent de leur pouvoir pour calomnier
les nobles et trahir leurs maîtres, c'est à ceux-là qu'il en veut.
Or, pour ne regarder d'abord que la suite de la version |3 —
qui est de beaucoup la plus longue et qui a soulevé le plus de
doutes — nous y trouvons les mêmes caractères que dans la
première partie. Sans doute, i! j a une longue série de combats
qui continue toujours et qui a donné à beaucoup de savants
l'impression que cette partie n'est pas du même auteur que la
première. Mais il ne faut pas oublier que le moyen-âge a
aimé ces descriptions-là, et le récit même du tournoi dans la
première partie en fait preuve. Mais quelle variété dans ce
récit interminable des combats entre chrétiens et sarrasins :
ce sont les messagers de Parthénopeu qui délivrent un païen —
c'est le combat singulier entre Aupatris et Gautier qui devien-
nent amiset qui se sauvent mutuelleaient la vie — c'est la sépa-
ration d'Ernol et de sa femme Béatris, la captivité d'Ernol qui
se plaint de son sort, mais qui est encore plus inquiet sur
celui de Part., et tant d'autres traits dignes du poète de notre
poème. On peut comparer l'amitié de Gaudin et de Parthéno-
peu ([ui se secourent mutuellement dans le tournoi et l'attache-
ment (i'Ancelot, l'écuyer de Part,, à son seigneur, pour se
convaincre que c'est la même main qui a écrit les deux
parties.
Mais c'est surtout la continuation qui se trouve en T, puis
ce que nous a conservé la traduction néerlandaise qui offrent
des points de comparaison dignes d'être relevés.
ET LA VERSION HOLLANDAISE 19
Le Soudan a fait une invasion dans le pays où Part et Mélior
régnent heureux. Ou n'y était pas préparé à la guerre. Il s'agit
donc de gagner du temps. Aussi quand Lucius vient auprès de
Mélior pour lui faire des propositions de la part du Soudan,
elle jette d'abord les hauts cris et proteste énergiquement
(Bs. 7642-7657) :
Lucius, seghet si, Mélior, Noch dore carmeyi noch dore spre-
Omme al te hebbene dien trésor, [ken
Dien die icerelt hevel ùinnen, Noch dorescoonkeit, die doet bre~
Ende al mocktic al daer tnede [ken
[ghewinnen Der liede lierte, noch door mmne
Dat ivaler ende erdeh vet, Die tneesteres van allen sinne —
Daer grote rijcheit ane leghet, Dit alen niochle nie t vol bring lien,
Noch dore neghene ioesterie{ji) Dat ic mi in enghenen dinghen
Noch doreneghenes rnans vrien, Verdorperen soude ieghen hem,
Dien ic metrechte aleighen hem ' .
Pourtant elle fiait par ces mots :
, Mijn hère en es niet altoes bi mi (Bs. 7741) ^.
C'est là un trait admirable et tous ceux qui ont remarqué
l'attitude de Mélior pendant le tournoi, où elle fait semblant
de préférer le soudan à Paît., la reconnaîtront facilement dans
cette scène pleine d'esprit.
Le Soudan apprend de Lucius la bonne nouvelle et le renvoie
pour faire une trêve de quarante jours afin d'avoir l'occasion
de voir Mélior. Il réveille Lucius de bonne heure afin que
l'ardeur du soleil ne l'empêche pas de se mettre en route,
Maer die sonne, door loelker hitle
Dat l'ie soudaen dede ditte
* « Lucius, dit Mélior, quand même j'obtiendrais tous les trésors que le
monde possède et que je gagnerais tout ce que renferme la terre et les
mers (ce qui est une grande richesse), ni joute, ni demande en mariage,
ni le chant, ni la parole, ni la beauté qui brise les cœurs, ni l'amour qui
est maître des sens, tout cela ne pourrait m'obliger à me rendre en rien
indigne de celui à qui j'appartiens légitimement. » «,
^ Mon seigneur n'est pas toujours avec moi.
20 LA SUITE DU PARTIIÉNOPEU DE BLOIS
Dat Lucius voer also vroe,
Die sceen hem achler t lier te toe. *
Vers pleins de grâce, parfaitement dignes d'un poète qui
s'entend si bien aux sentiments d'amour.
Alors le soudan consulte ses barons : à sa satisfaction
Aupatris, dont l'autorité est peinte dans quelques vers expres-
sifs, vote pour la paix. On va à Chief-d'Oire que le poète ne
décrira pas, parce qu'il en est parlé auparavant ^1 là, le soudan
voit Urrake qu'il prend pour Mélior-^ et Urrake ne le détrompe
pas. Ici le poète trouve encore le mojen d'insérertout naturel-
lement un petit épisode sur l'amour (Bs. 8155-8181), épisode où
l'on reconnaît encore la fraîcheur et l'originalité de la première
partie.
Tous ces passages se trouvent seulement dans les 800 vers
qu'ajoute la version néerlandaise. Mais on peut en trouver
partout de semblables. Lisez le passage exquis où le soudan
écrit sa lettre à Mélior : une première ébauche est déchirée,
la seconde réussit mieux et le poète a choisi pour elle une
rime particulièrement difficile. Voyez encore le personnage
délicieux de Lucius, de ce messager d'amour qui, dans le
conseil, rem|)orte sur tous les sages et nobles chevaliers ! Le
voici à Chief-d'Oire : sa beauté excite l'admiration de tous; aussi
Ernol décline l'honneur de lui donner l'hospitalité : un vieillard
comme lui n'est pas une agréable compagnie pour un jeune
homme admiré des dames !
.Je me suis arrêté un peu longtemps sur ce point ; c'est pour
montrer que la seconde partie, tout comme la première, ne
contient pas seulement des combats, mais présente encore des
tableaux plus gracieux et cela surtout dans la suite de T et
delà traduction hollandaise.
Pour les combats eux-mêmes, j'ai déjà indiqué qu'ils contien-
nent plusieurs traits remarquables, mais ce qui est surtout
* Mais c'était dans le cœur du soudan que brillait le soleil qui l'obligeait
à hâter le départ de Lucius.
^ Int boec hirvoren (ms. hir tevoren). Le poète compte-t-il un hvre ou
deux ?
' Cette méprise ne peut laisser de nous surprendre un peu.
ET LA VERSION HOLLANDAISE 21
digne d'être signalé, c'est l'art avec lequel le poète sait résumer
tous les détails antérieurs de la guerre dans les discours par
lesquels Anpatris et Macabres s'attaquent dans le conseil con-
voqué par le soudan (T cxii, lxxxix et xc, Bs. G830-7135).
On peut y comparer les discours d'Anfors, de Clarin et d'Ernol
après le tournoi dans la première partie.
Quant aux idées politiques, les idées sur les vilains sont les
mêmes dans les deux parties de notre roman ; c'est ce que
prouve tout l'épisode d'Anceiot, qui n'est qu'une invective
contre les vilains, — les discours de Part, après la nouvelle
de l'invasion des païens, discours oîi il fait appel à ses barons
qu'il n'a jamais négligés pour les vilains, — enfin les réflexions
que fait le Soudan en écrivant à Mélior : Si les vilains le blâment,
« ils ne s'entendent qu'à charrue et à blé >.
Comme tous les héros de la vieille littérature, les nôtres
sont très pieux : Mélior fait une profession de foi devant
Part. (1535-1550), l'exhorte à croire en Dieu (1925) ; le roi de
France ordonne une prière générale à l'occasion du duel de
Part, et du roi Sornegur (2830 svv. 2903-2908); l'archevêque
de Paris persuade Part, en invoquant la vraie religion (4373-
4416) etc., etc. De même dans la seconde partie Ernol recom-
mande aux chrétiens de se fier à Dieu, et Part, déclare que
tel est son dessin, qu'il a fail de son mieux pour mériter sa
grâce; on reprend Aies, quand, au lieu de se recommander à
Dieu, il invoque l'aide de Maliomet. Egalement pour la con-
naissance des armures et des vêtements, nous voyons que le
poète delà seconde partie est aussi bien renseigné que celui
de la première.
Quant aux arguments émis contre l'authenticité de|3, ils me
semblent peu solides. Car il esi évident qu'il ne faut pas faire
attention à l'objection soulevée par Robert qui disait : « On
est étonné du nombre des continuateurs, qui, ayant agrandi
la carrière, ne peuvent la parcourir jusqu'au bouti. » Il n'y a
qu'?in continuateur, notre poète lui-même ; le nombre des
copies, plus ou moins achevées, ne prouve rien. Sans doute,
au lieu de cesser brusquement comme A et Gr, T a de plus une
fin de quelques vers. Mais comme dans ces vers il est dit qu'une
* Grapelet, p. xlvi.
22 LA SUITE DU PARTIIÉNOPEU DE BLOIS
fois le Soudan retourné dans son pajs. Part et Mélior, restés
en paix, menèrent grande joie, et que l'auteur lui-même
exprime l'espoir de goûter un bonheur pareil avec son amie
si belle et si bonne, cette fin ne peut être de la main de notre
poète qui ne se vante pas particulièrement de la bonté de sa
dame. Ces quelques vers ont été ajoutés plus tard et n'ont
aucun intérêt pour la question qui nous occupe.
Le changement dans la versification que présente la conti-
nuation de (3 ne prouve rien contre son authenticité. Car
d'abord le fait n'est pas unique '; d'autre part, ce n'est pas là
où la divergence entre « et |3 commence, que ce changement
apparaît; ce n'est que plus tard, en sorte que, si ce change-
ment de versification indiquait en même temps l'interven-
tion d'un autre auteur, il faudrait supposer deux ou même
trois continuateurs, supposition qui n'aurait rien de vrai-
semblable.
Une objection plus grave a été faite contre ce récit de com-
bats interminables qui se trouve dans la suite de p. Nous ayons
déjà vu que ce récit n'est pas aussi fastidieux qu'on le dit et
que le poète a su habilement varier son sujet. Cependant il est
possible que cette partie de notre poème ne soit pas parvenue
intacte jusqu'à nous ; l'épisode d'Ancelot en particulier me
semble avoir été l'objet d'un remaniement très fâcheux : l'iiis-
toire du lévrier Noon, sauvé par Ancelot et tué plus tard par
le roi dans un accès de colère sauvage, quoiqu'il l'eût délivré
d'un monstre qui ravageait le pays, semble étrangère à notre
récit. Il serait intéressant de découvrir la source de cet épi-
sode : on pourrait comparer celui de ïYstoù^e des Sept Sages
où un chevalier tue, également dans un accès de colère, son
lévrier chéri qui venait de sauver la vie de son enfant. Cet
épisode d'Ancelot est d'ailleurs d'étendue différente dans les
divers mss. : en P il compte 522, en G 1012, en T 884 vers
(il manque un feuillet = 112 vers). T nous donne en outre
quelques détails qui manquent dans les autres mss. 11 est donc
possible que, çà et là, quelque versificateur ait inséré un petit
épisode et modifié pour cela une partie du poème, cela me
paraît même probable, mais pour le fond, et même pour la
* Stengel, Rom. Verslehrc dans : Groeber Grundriss II, I, p S-74.
ET LA VERSION HOLLANDAISE 23
forme en général, rien ne s'oppose à ce que la suite de 3 soit
sortie de la même plume que la première partie.
Il me semble même qu'il y a quelques raisons positives qui
invitent à le croire. Si Fauteur de la suite de ^ n'était qu'un
continuateur voulant broder encore quelques milliers de vers
sur le thème donné, il serait étonnant qu'il eût remplacé la
brillante description du ge maria par les quelques vers que
nous donne la version p. On peut faire la même remarque à
propos de la reconnaissance de Part, par le roi de France,
description qui est de beaucoup plus longue en a qu'en p.
Par contre, la suite de ^ nous otïre quelques descriptions
qui ne sont que le développement de ce qui est donné dans la
première partie, développement qui manque en «.
C'est d'abord l'histoire d'Aiicelot, l'écujer de Part., dont le
poète a promis de nous raconter les aventures postérieures,
passage qui a attiré déjà plusieurs fois l'attention des savants :
.\e dirai plus ceste foiz Mais la avant quant ge dérai
Ne ses dolors ne ses destroiz Ses aventures et devinai CôTolsvv .)
Mais, dira-t-on, ces quatre vers ont pu être insérés par le
continuateur lui-même pour justifier l'épisode d'Ancelot • ?
C'est peu probable, parce que le poète nous a intéressé trop
vivement a ce personnage pour l'écarter tout à fait dans la
suite.
Puis je voudrais attirer l'attention sur un passage qui, jus-
qu'ici, n'a pas encore été suffisamment remarqué. Il s'agit de
la description du pays que Mélior donne à Part. (1741 svv.) :
Primes envient [VOive) par Mar- Emois ior toit tote lor proie
berun,
U Emois frema sa maison, Pris et loies le nies envoie -/
Qui de s'espouse Beatris Car il maint près de la coslierc,
Ot cinq beaux cevaliers a fis. Qui est basse et si pleniere
Quant galiot rorent par mer Que nés i puent ariver
Et tornent cel sens por rober, Et sains tempeste sejorner.
* Grapelet, p. xxiv.
* Lisez avec P : Et pris et liés tes m'envoie.
24 LA SUITE DU PARTHÉNOPEU DE BLOIS
Or, dans la seconde partie on parle continuellement de Mal-
Bréon, d'Ernol et de ses fils et de sa femnae Beatris. Il est
certain que ce passaare n'a pas été ajouté plus tard, car il
contient plusieurs traits dont on ne s'est pas servi dans la
2" partie; d'ailleurs, cette narration cadre parfaitement avec
la description que Mélior donne du pays. D'un autre côté il
serait étrange que le poète eût mentionné tous ces détails
sans avoir le dessein de s'en servir.
La suite que nous oflfre la version a, au contraire, a laissé
tomber plusieurs particularités importantes qui se trouvent
dans la première partie; cette suite paraît avoir été ainsi
abrégée dans le désir de finir enfin le roman, et il faut avouer
qu'elle a été traitée avec une habileté qui montre une main
de maître. Aussi ne serais-je pas éloigné de l'opinion déjà
émise par Paulin Paris ' qui l'attribue au même poète. Mais
pour les raisons que j'ai indiquées plus haut il faut qu'elle
soit postérieure à la suite de /3. On pourrait admettre que le
poète, ne se sentant plus de force à mènera bonne fin toute
l'histoire, a laissé son poème inachevé, en retranchant la
seconde partie, et en composant une autre fin. Cela explique-
rait pourquoi aucun des mss. ne nous donne le poème tout
entier; c'est qu'il n'a jamais existé. Seulement les mêmes pas-
sages qui prouvent que le début a été composé par le même
homme qui se proposait d'écrire la suite de p, contiennent un
indice contre l'authenticité de la suite de a. En effet, on com-
prend aisément qu'un remanieur ne se soit pas aperçu qu'il
devait supprimer les vers se rapportant à Ancelot et à Ernol
(ainsi qu'à la famille de celui-ci) ; on le comprend moins bien,
si ce remanieur est le même poète qui n'avait écrit ces quel-
ques vers qu'en vue des épisodes qu'il a supprimés ensuite.
Nous pouvons donc constater qu'aucun argument sérieux
ne s'oppose à l'authenticité de |3: qu'au contraire trois argu-
ments semblent le prouver, que la suite de « est postérieure à
celle de |3; qu'elle est peut-être du même poète, mais plus
probablement l'œuvre d'un autre.
Pour compléter cette étude, il faudrait faire un examen
approfondi de la langue; mais le manque d'une édition cri-
* Les manuscrits François III, p. 83 svv.
ET LA VERSION HOLLANDAISE 25
tique rendant tout contrôle difficile, si non impossible, je me
suis borné à examiner si l'état des rimes ne présentait pas
d'objection aux résultats acqui^^, sans vouloir insister sur les
arguments que cet examen pourrait nous fournir.
Voici ce que les rimes nous apprennent :
Voyelles. .
a e provenant de a ne rime jamais avec e ouvert, excepté
VS.37 où il doit v avoir une faute. A donne ases: ades,
G P ades : ades.
e est toujours distingué de ié.
an -\- cons. est rigoureusement séparé de en -\- cons. ;
au vers 3075 A. a mescreans: tans ( •< tempus), mais
GP présentent la vraie leçon païens: tens.
e Riment ensemble e ouvert, e venant de ai et de i entravé
(1061 ades: après ; 1777 ades : pes etc.).
Un a s'est intercalé entre e ec / dans les rimes suivantes :
cevals: beaus 7289 ; leax : beax 6539 (G.).
i Fréquentes sont les formes analogiques comme conlra-
lient : dient 5489 (cf 5949, 6659;.
0 Notre poème présente les deux formes connues de foris.
Ainsi cors: fors 1231 (2711, 5157, 7454), fuer: mer
4533 (6069, 6303, 8525). La forme diphtonguée de
homo n'est pas représentée dans notre poème.
Demorl a o fermé ( : cort 6301, : retort 613), ajort : amort
1258. mot a o ouvert (: sot 187, : ot 8089). II en est de
même de escole : parole : escole 476 (H. Stock dans
Ro7n. Stud. 1878, p 455).
Les noms propres en — or ont o ouvert: Hector : or 1501,
Melior: trésor 1763, etc. ; exception apparente Anfors
(: ors 7359)'.
ai ai s'est réduit à e ouvert : mestre : estre 929, GG73 ;
Palestre : lionestre 7217; — terme : lerme 1723 ; presse :
leisse 2249; — ver : werS35 ; pes : après 919 ; pes : ades
1061 {pais : palais 885) ; fraites : legieretes 2955.
• Anfors < Alphonsum.
26 LA SUITE DU PARTHÉNOPEU DE BLOIS
ei ei ne rime jamais avec où Au vers 143 A lit Troie: voie,
G Troie : Troie , c'est P qui semble donner la bonne
leçon Troie : ioie. 11 J a quelques passages où ei rime
avec e ouvert : palois : dois 1685, pafois : manois 1887,
palois: cois 5003 ; Albiges : après 1379, Albigeois : mais
5661. Difficile à expliquer est la rime voie : argroie
ISQôiagroie GP).
ai Paucum donne poi. Ainsi poi : oi 9275.
ui 0 ouvert -\--y donne ui. Ainsi lui : anui 381.
totti se trouve sous ses deux formes : tuit : anuit 9155 ;
tout : moût 1053.
Consonnes.
l l s'est vocalisé devant s, comme le montrent les rimes
suivantes : Menelaus : loiaus 201 ; Parlonopeus : teus
3169, oslex : Partonopex 5349 (G), piez : rnielz 5795
(P : iriez], carneus : Parlonopeus 6133 ; vos : sols 6411,
Hernos : vos 6619.
■ r r ne compte pas dans les passages suivants : estorse :
rescouse 8733, envie : ocire 8953, Anfors : ors 7359.
3 z semble s'être assimilé k s : fis : recoilUs 2041, p,s : dis
3919, convers : desers 501, sens : i,ens. Pourtant les
exemples sont rares.
m m final précédé d'une voyelle rime avec n final : sornom :
baron 439, traisson : nom 6009.
Pour la flexion il y a peu de remarques à faire. La rime
sire ; dire 1391 prouve que l's analogique ne s'est pas encore
ajouté à des mots comme sire. Le vers 5843 homs : lions qui
peut être dû au copiste ne prouve pas le contraire. Pourtant
le poète semble déjà osciller entre les deux usages : au vers
1007 nous avons la rime assises : servises, rime qui appuie peut-
être celle du vers 1337 empires : sires.
Verbe.
haïr a has à la première pers. sing. de l'ind. : bas : solas 57.
le t de la 3° pers. est tombé sans laisser de traces : lundi :
ET LA VERSION HOLLANDAISE 27
s"es/>am 1361, trah?' : issi 6^91 ; ça : manda 2803, la: amena
2953, etc.
La 3* pers. sing. à'aller est. toujours vait. Ainsi au vers 297
vait : atrait (V. 1977, 3949, 4093 4605, 4839, 6279).
Au vers 4849 on \\i : Apres celpoi resgardent plus, Moltparesl
heavs se il lies fus. La forme fus ne peut pas être la vraie leçon ;
aussi faut-il accepter celle de G:... mielz, Molt parfust beauss'il
fust haitiez, qui écarte en même temps la mauvaise leçon est.
11 ne se trouve dans cette partie-ci de notre poème aucun
exemple des imparfaits rimant avec ot., sot, pot, mais cela peut
être un pur hasard, car les imparfaits de la l""^ conj. sont
rigoureusement séparés de ceux des autres conjugaisons :
envoisoit ; sejownoit, cremoit : avait 2131-2134. Au vers 415
svv. nous avons les rimes douloit : muçoit, cremoit : donoit, mais
ces vers semblent être corrompus : G a cremoit : avoit , P lit
ce passage tout à fait différemment.
Sui(e de «
La fin de notre roman, telle que nous la trouvons dans le
ms. A, présente en général les [mêmes phénomènes^que la pre-
mière partie. Je ne signalerai donc ici que queU^ues pas-
sages qui méritent Tattention.
Au vers 10271 nous trouvons la rime cuides : aves.
Talent rime avec les mots en — ant et avec ceux en — ent.
Ainsi (jrant : talent 9373, talent : ament 10085 (V. Suchier,
Heimpred/gt, p. 69 sv.).
Au vers 10403 la rime connue feme : règne.
Comme dans la l""® partie les imparfaits de la V^ conj. sont
séparés de ceux des autres conjugaisons. Il n\y a qu'une seule
exception refusoit : avait 9339. Far contre au vers 9805
vengot : pot. Mais pour bien juger de ces divergences il ne faut
pas oublier que nous n'avons qu'un seul ms. pour cette partie
de notre poème; la comparaison avec d'autres mss. nous
manque complètement, de sorte qu'il est souvent difficile de
distinguer la main du copiste de celle de l'auteur lui-même.
Voici pourtant deux rimes qui s'appuient l'une l'autre et
qu'on ne trouve pas dans la 1"^^ [)artie : place : sace 9169,
France : mance 10781.
28 LA SUITE DU PARTHÉNOPEU DE BLOIS
Suite de |3.
Quoique la suite de (3 soit beaucoup plus longue que celle
de «, elle n'offre que peu de différences avec la i" partie.
A la page cvr T, comme GP, lit : cuider : amer ; cxxviii v,
où T est le seul ms. à consulter, humiliés et prisiés riment
avec des mots finissant en — es.
p. CI r nous remarquons la rime serans : frans.
p. cii r Albiges : mes, rime que nous avons déjà trouvée dans
la l""* partie.
T cxLii r sai : voi, rime qu'on peut comparer à celle que
nous avons trouvée dans la l''" partie : palois : dois, etc.
G 166 r nées : mauves^ mais les vers sont corrompus ' .
T cxL vr rose : enclose (V. H. Stock, Rom. Stud. 1878, p. 455).
Pour la diphtongue iu vojez la rime liens: esckia T cvii v.
Duo donne dous (: vous cxxxv r).
Les imparfaits de la l""" conj. sont rigoureusement séparés
de ceux des autres conj. On ne trouve que deux exceptions :
tenoit : donnoit, T cm r ^, mais G renverse l'ordre des mots et
fait rimer vis et amis, et G 160 r atendoit : iuenoit, passage qui
ne se trouve ni en P ni en T.
Cet examen nous montre que la langue des diff"érentes
parties est essentiellement la même ; pourtant nous avons
relevé plusieurs divergences dans le petit nombre de vers que
contient la suite de a : refusait : avoit 9339 ; place : sace 9169 ;
France : mance 10781. Il faut j ajouter la forme du pronom
possessif vo et no, formes que nous ne trouvons pas dans la
première partie : Qiien j'en fesisce vo voloir 9308, Mais n'ai
soing de vo guerroier 9378, Tost nos aronl no loi guerpir 9020.
Remarquons aussi la rime Urracle : miracle 1028, 10376 ; dans
la première partie le nom de la sœur de Mélior revient, pour
ainsi dire, à chaque page, sans jamais se trouver à la rime :
dans l'intérieur du vers le nom s'écrit Urrake. Ces divergences
* Tel ne faisait que il nées N'estait de gaires plus mauves.
^ Les gentiex hommes viex tenoit A ses paretis grans fies donnoit
G : Il tenoit (jentix homes vis Et fiez donoit a ses amis.
ET LA VERSION HOLLANDAISE ^9
ensemble avec l'indice d'orrlre littéraire mentionné plus haut,
rendent invraisemblable (jue la suite de a soit de la môme main
que le début. Quant à la suite de /3, il est fâcheux que le manque
d'une édition critique rende le contrôle difficile ; cependant il
était nécessaire dans une étude comme celle-ci de rechercher
si la langue ne présentait pas de phénomènes phonétiques
s'opposant à l'hypothèse émise ci dessus. Cela n'étant pas le
cas, je peux maintenir ma conclusion, à savoir que la suite
de |3 est la suite naturelle de notre roman.
K. Sneyders de Vogel.
DÉBAT DU CORPS ET DE L'AME EN PROVENÇAL
Le poème qui suit, inédit jusqu'à présent, est conservé dans
une copie unique et fort mauvaise du ms. 14973 (^fols. 1-26)
de la Bibliothèque Nationale. Ce même ms. contient en outre
une version du Chant de la Sibylle (fol. 26), bien connue, et
aussi la Vie de Saint-George (fols. 27 v''-44 v°), publiée ici
même (R. d. 1. r. 3^ série, t. xv, p. 246 et 4*^ série, t. 1, p. 129),
il y a déjà bien des années, par M. Camille Chabaneau, Le
savant provençaliste avait annoncé à cette occasion le projet
qu'il avait de publier sous peu le Débat dont il est question
ici, en y ajoutant une étude sur la graphie et la langue
du ms. 14973, qui sont identiques pour les, trois compo-
sitions; mais ce projet, pour une raison ou une autre, ne s'est
pas réalisé. Comme cet ouvrage, qui du reste ne manque pas
d'importance, est resté complètement inédit, j'ai pensé qu'on
me saurait peut-être gré de le publier. Un coup d'œil suffit, il
est vrai, pour se convaincre que la valeur littéraire de cette
compilation est fort médiocie, cependant elle possède un
intérêt tout particulier, comme étant la seule version proven-
çale qui nous soit parvenue d'un thème fort répandu au moyen-
âge, et dont il existe plusieurs rédactions en ancien français
et autres langues. Ces différentes versions ont été étudiées
par M. Kleinert(^(/e6er den Streit zwischen Leib und Seele, 1880),
qui n'a pas connu le récit que nous publions, sauf par la men-
tion très isommaire de Bartsch [Grundriss d. prov. litt., § 51),
ainsi que le regretté Gaston Paris l'avait déjà fait remarquer
dans un long et intéressant compte rendu sur la thèse de
M. Kleinert {/{otnama, ix, p. 31). Bartsch, et Gaston Paris
après lui, se sont tous les deux demandé si notre poème n'était
pas une reproduction de la Visio Philiberti en latin. A moins de
me tromper fort, je ne crois pas nu'il y ait de connexion entre
les deux. Notre poème donne bien l'impression générale d'une
DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL 31
traduction de quelque version latine, mais la source est encore
à trouver.
Quant à la date de la copie du ms. 14973, M. Stimming
l'attribue au XIV^ siècle {Grundriss, § 48), tandis que le Cata-
logue des mss. de la Bibliothèque Nationale lui assigne le
XV siècle. Je crois qu'on peut partager la différence et opter
pour la fin du XIV® siècle ou le commencement du XV». C'est
ce que prouve du re.*te un examen des formes linguistiques
et graphiques qui suivent. On peut également conclure de
cet examen que le scribe était Catalan, mais la langue d'oc de
cette époque présente en général tant de traits en commun
avec le catalan de plus ancienne date qu'il est prudent de s'en
tenir à cette observation. Bartsch a certainement eu tort de
prétendre (op. cit.) que la Vie de Saint-George, dont la gra-
phie et la langue sont identiques à ceWe^ An Débat, ainsi que
nous l'avons dit, appartient plutôt au domaine catalan qu'au
domaine provençal.
I. Phonologie : Voyelles. (1) La diphtongaison de l'o bref se
fait généralement en ue ; hueymais 29 ; puesc 48 ; luenh 85 ;
cniiech \o6 ; uell 305; nuech 540. N. B. niech, rimant avec
deliech 199. Suivi de /, il se conserve intact le plus souvent :
voll 454, etc. 11 peut aussi se réduire à u (notamment devant /
ou n mouillée) : vuilyas 3 ; ulls (oculos) 55; ull (voleo) 1G4 ;
ullya 359 ; pusc 445 ; Lunlias 560 ; vuU 086 etc. Les mots locum,
focum., sont traités d'une manière différente : on a constam-
ment/woc 101, 488, 1145, 1152, etc., et luoc également, sauf
au V. 216 où le ms. porte luac qu'il faut corriger en luec, forme
qui à partir du XI V*^ siècle remplace luoc.
(2) e protonique est remplacé par a dans : avangeli, et
dans angres (ingressus) 674. On sait que ce fait est caracté-
ristique du catalan.
(3) L'a posttonique passe souvent à Ve après i surtout,
particulièrement dans les terminaisons des verbes : avieyn 38;
av/es 209 ; ausies 210 ; perdrien 269 ; prenien 515 ; sie 669, 879 ,
977 ; avien 860 ; folie 1004. Ce phénomène est également très
commun en catalan, mais il ne prouve rien dans ce cas. puis-
que de telles formes abondent, dès le XIV^ siècle, en Provence
et en Languedoc.
(4) Un autre trait qui est, comme le précédent, un des plus
32 DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL
caractéristiques de notre texte, est l'absence de Ve prosthé-
tique devant s suivie de consonne. Les exigences du vers
montrent que bien que cet e ne fût pas écrit, il était prononcé.
11 j a cependant plusieurs vers où on ne doit pas rétablir l'e
initiale. C'est ce que Mussafia a constaté pour les Sept Sages
(II, 67).
Consonnes. (1) R devant y, surtout à la terminaison, tombe :
cos 195, 229, 388, etc. ; flos 484 ; servidos 497 ; encolpados
498; renovyes G45 ; denyes 646, 719 ; volenties 718 ; senyos 814;
guastados 1034, etc. Cette chute de l'r, notée déjà par Jaufre
de Foixa à la fin du XIIP siècle, comme une des particulari-
tés du catalan, se répand sur toute la Provence au XIV"^ siècle,
et j est de règle, pour ainsi dire, à cette époque.
(2) Le d primaire entre deux voyelles se change en s, ô :
guisardon 284, 423, 428 ; guasanyo 056 ; guasanyat 659, comme
il est général dans tout le centre de la langue d'oc ; ou bien la
consonne s'affaiblit jusqu'à s'efiacer complètement : guiardon
226 ; creût {= crezut) (302 ; fiels 849 ; auyam 978 ; escaec
[= escazec) 1116.
(3) Le ty intervocalique peut aboutira is irayso) ou à y: rayon
333, lequel y peut tomber : raon 506, 600; raonar 769, à côté
desquels on trouve le plus souvent raso (n), rasonar. L'efface-
ment de ty entre deux voyelles est caractéristique du catalan
(Mussafia, Sept Sages^ ii, 50).
(4) 11 en est de même de la chute de la sibilante c entre
voyelles, dont on rencontre quelques exemples dans notre
texte : plaera 952 ; coema 1154.
(5) Le V dans la même position se vocalise en u dans aul
(passim) ; ou bien il peut disparaître entièrement : paor., 528,
870.
(6) L'/ mouillée est représentée par les graphies ty, yll, yl,
II, est aussi l, comme en catalan : filly 753 ; feyllz 736 : buylia
158 ; treball 385 ; melor 320 ; mol (cf. Flamenca, 4684) 391.
(7) L'w mouillée est représentée par les graphies yn: segynor
374, et plus souvent wy, qui elles aussi sont caractéristiques
de l'écriture catalane : luonya 91 ; vergonya 92 \ frany 547;
soffany 548 ; tany 686. L'n mouillée est parfois rendue par
n/i, comme il est usuel en Provençal : vergonha 82.
(8) L7 mouillée ne représente pas seulement //, mais aussi
DÉBAT DU CORPS ET DE LAME EN PROVENÇAL 33
// parfois : afrevoUijant 410, nuhja 608 (cf. Sept Sages ii, 21).
(9) V tombe souvent devant u dans ull (voleo) 163, etc.;
ullya 359 ; ullijas 974. M. Paul Mejer a relevé quelques exem-
ples de ce fait dans Daurel et Béton (vv. 57, 82j. Il n'est pas
inconnu au catalan (cf. Documentas literarws en anligua lengua
catalana, 111, 114, 132, etc.).
(10) L's étymologique est fréquemment remplacée par c :
cera 23, 325, 360 ; ceraij 185 ; acedar 20 i ; ciguiam 333 : pas-
sacem 395 ; centiron 512 ; ecer 533. L'inverse a lieu éga'ement :
sert 7 : serta 358 ; serions 188 ; sec (csecus) 502 ; mersse 549, etc.
(11) Une autre particularité du copiste est le redoublement
de Vs initiale : sson (514 ; ssa 722 ; ssera 754 ; ssi 810, etc.
(12) L'A est placé au commencement de certains mots sans
raison apparente : hi 326 ; hanc 621, etc.
11. tlexion. — Sous ce chef, je me contenterai de quelques
indications sommaires.
(1) On remarque d'abord, ce qui du reste n'a rien d'extraor-
dinaire à cette époque, que les lois de la déclinaison n'ont
guère plus de valeur.
(2) Au présent de l'indicatif, la première personne du sin-
gulier prend assez souvent un i de flexion, même quand une
voyelle d'appui n'est pas nécessaire : troOiSS, 908; valh' 4bl ;
emporti 644 ; voly 656 ; ausi 744 ; laysi 787 ; demandi 883 ;
teni 950 ; mori 1140.
(3) La seconde personne du singulier dans ce même temps
se termine presque invariablement en es au lieu de s dans les
verbes suivants : sabes 129, 133, 139, etc.; podes 150, 331, 366;
deves 300 ; mêles 330 ; queres 564, 579 ; voles 585, etc.
(4) Un i vient s'njouter devant les terminaisons èi{y), est,
i du parfait des différentes conjugaisons, paiticulièrement
devant est de la première et de la troisième conjugaison faible.
A la seconde personne de ces deux conjugaisons, il y a diph-
tongaison de l'e, mais ailleurs il semble bien qu'on ait à faire
à des formes analogiques : ausiy 1 ; boleyuiey 121 ; nasquiey 122 ;
guardiey 172 ; ubeliy 204 ; prestiest 70, 73 ; bayliest 74 ; ven-
diest 75 ; gardiest 138, 195, 197, etc.
(5) Au présent du subjonctif de la première conjugaison
faible, on remarque l'emploi fréquent de formes en es. r, à la
seconde et à la troisième personne du singulier : tire 528 ;
3
C}4 DEBAT DU CORPS ET DE L AME EN PROVENÇAL
pegue 610 ; ânes 637 ; cuyes 638 ; emporte 755 ; toques 773 ;
juye 875.
(6) A l'imparfait du subjonctif, la terminaison est le plus
souvent en a au lieu de e : fosas 128 ; poyuesas 200 ; ausissas
206 ; tastesas 382 ; volguessas 749 ; gitesan 925.
(7) Il y a hésitation entre deux conjugaisons pour remaner ;
à côté de la forme régulière (591, 601), on trouve romanir 533
ou remanyir 537. On peut aussi noter veridre au lieu de venir
au V. 337.
III. Versification. — Outre ce qui a été dit de Ve prosthétique,
la versification de notre poème ne donne lieu qu'à très peu
d'observations.
(1) L'e et Vi de que et de si peuvent être élidés ou non,
comme d'habitude, même devant yeu. La voyelle élidée n'est
pas supprimée ordinairement.
(2) Plus exceptionnel est l'apocope de no aux vers 666 et682.
(3) Dans que y 146, 782, il y a fusion des deux voyelles en
une seule syllabe (crase). Il en est de même de y an 146, valli
yeu 450, y an 604.
(4) Ainsi qu'on s'y attend dans une composition de date
aussi récente que la nôtre, les cas de synérèse, particulière-
ment entre ï et a fe), ne sont pas rares : avieyn 38 ; diable 46,
696 ; plasia 220 ; fayaaria 248 ; snvisia 440 ; daria 651 ; rauba-
7na 658, 663; s/e 066 ; folie 1004; querias, à moins de faire
posséda de trois syllabes au lieu de quatre ; fiels 849.
[Fol. i] 1. L'autrier ausiy uua tenson.
Say vos dire en quall rason,
An que vuUyas estar en pas,
E entendes es escoytas.
5. Car a my non plas que yheu semen
Sela terra que fruc non rent,
Car avangeli dis per sert
Qe om sas marguaridas per
Quant las pausa als porcs davant ;
10. El maystre per son enhant
Que cant a las folas gens,
E per que quar nulz non l'entent,
Que si el es guarnit de bon sens,
De bon saber, el o despent.
DEBAT DU CORPS ET DE LAME EN PROVENÇAL
15. Senjors, e yhu quon o faray ?
Que tu sabes e yhu o say
Quel sens el saber es perdut,
Con argent cant es escondut,
Per que my plas cant es enant,
20. Mon saber die vos an aytant,
Que cascun y poyres apendre,
An que vulyas lo mot entendre,
(El cant cera ma rason complida
E aures la tenson auzida,
25. Si mi sabes yugar per drech,
Cal [en] a tort ni cal a drech,
Ja non vos rendray per tan van
C'ayas manyat en fol lo pan.
Hueymais escoytas la tenson
30. E entendes en cal [yeu] son,
E non prenas entorn los ors,
Car de l'arma es e del cors.
L'arma dis al cors : mot m'es grieu
Car tantost partem tu e yheu ;
35. Lo temps es vengut [que^ partam.
Que ben vey que romp le liam,
Ses départir vivem ensepms.
Que nos avieyn tengut lonc temps ;
Aras vey que non an poder
40. Que plus nos puyscan retener.
Don suy dolenta e marrida,
Quar es vengut a la partida ;
Mot m'es mail lo departiment,
Car tant es gran mon espavent,
[F° 2] 45. Que cor ni boca non po dir,
Car yehu vey un diable venir
Que a l'iysir mi cuya pendre.
Es yheu non li mi puesc défendre,
E dis que ya non s'en part(i)ra
50. Davant mi, entro que m'aura.
Ni yehu non cre que may en parta,
Que en sa ma porta una carta
18. Le mot cant est répété dans le ms. — 19. Ms. azenant, aTec la syl-
labe az en interligne. — 25. Ms. dyech. — 29. Ms. huey mâs escoctas.
— 37. Ce vers est ajouté en marge, ainsi que le v. 42.
36 DÉBAT DU CORPS ET DE l'amE EN PROVENÇAL
On son [ejscriych tut li pecas
En que tu as tan percassas.
55. Escris i son tiens fais ausirs
De que non volguist penedir ;
Escris i sson tieus falls erguells
Els falls semblans que an fagt tieus ulls ;
Escrich y es ton odorar,
GO. Que anc(t) non vollguist pendensa far
?]n totas tas paraulas vanas
Escrizas per yorns e (per) semanas ;
Escrich y es to foll tener,
Ton fais pensar, ton fais poder ;
65. Escrichas tas falsas merses,
Que anc (en) nullz ome en tant no si mes
Que liall fe y artrobes,
En lo falls anar de tos pes ;
Tieus deliecli e (tieus) adulteris
70. Son (e)scrich en aquest sauteri.
Es anc non prestiest per ren uou
Catre per V ni VIII per IX,
Ni anc nulla ren non prestiest
Per may cobrar que non bayliest,
75, Ni anc non vendiest neguny diva
Blat ni vin niays que non valia,
Ni anc falyiment no fesist
Parlant obrant nill consenstist,
Non sia en aquest [ejscrich.
80. E membra mi soven el liech
L'enemic don ay gran pavor
E gran vergonha e dolor
Que yen non trobi negun amie
Quem defeuda de l'enemic,
85. May un angel que m'es de luenh
Mot vergonchos e ten ell poenh
Una carta ou son [ejscrich
Tut li tieus benfach el (tyeu) bendich,
May tant son mayors e plus grans
90. Li mails qu'ells bens, e tant pesans,
54. Ms. perserat. — 57. Les mots tieus falls sont en marge dans le ms.
— 60. Ms. pnedensa. - 69. Ms. deliche. — 70. Ms. scrihc. — 84, Ms. que
mi. — 85. Ms. luch. — 86. Ms, poch.
DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL 37
Per que l'angell de iny si liionya,
[F" 3.] Don ay pavor e gran vergonya.
Que si m'emporta lo trefan
Motz es cuech es rot tôt mon pan,
95. Ay, cors, e tu pecas m'en mail !
(Car) tant an apoderat (li) tyeus mail
Que si le ben apoderes
El cel m'en pugera ades,
Don fora de gyach coronada,
100. May aras seray turmentada
Enz enmyl fuoc perpetuall,
Car tôt apoderan li mail.
Le cors dis a l'arma : gran tort
Ti conosc, car sus en la mort
105, Mi tenssonas ny mi trebalyas,
E dises quez (yeuch) ay fazt las falyas
Per que tu seras turmentada,
May non es paraula parada,
E pos tu mi vas tensonant,
110. E a mi mon drech rasonant,
E puy siam iuyas per drech,
Q'estiers ya non auray(s) mon drech.
Arma tu mi vas encolpant
De so de que tu as tort grant.
115. Ver es que el ventre de ma mayre,
Qu'estiers non si pogra fayre,
Fuy cosseput et engendrât,
E pueys quant fuy [e]smagenat,
E Dieus me [ejspiret de ti,
120. De mantenent que fust (de)dins mi,
E yen fuy vyu e boleguiey ;
E cant fom temps am tu nasquiey ;
(E) avéra vescut anduy ensemps
D'aquell yorn entro aquest temps.
125. E pos (lu) fust dedins mi venguda,
Ay yehu ren faz ses t'ayuda ?
Ni ieu proga far nullya ren
Euans quez fosas dedine me.
E non sabes tu que vers no es
94. Ce vers est écrit en marge dans le ms. — 110. Ms. mays a mi mon
drech rasonar.
38 DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL
130. Que cors ses arma rea no es,
E n'es obs que tu mi desliure,
Que cos ses arma non pot viure.
Non sabes, que cant yeu partray
De tu, que mantenant morray ?
135. E ya puech non auray poder
Que fassa enuech ni plaser.
Don as tu tort, pos fust(de)dins mi.
Car miells non gardiest mi e ti.
[F° 4.] Tu sabes que l'arma es fren
140. Del cors e lay ont es le ben
Lo deu tôt per forssa menar,
Si am grat non la vol amar.
Diguas, si anc yorn mi forssiest
Ni m'o mostriest ni m'o diyssist?
145. Si yeu ay fallyit mi membres tut
Y an tort que y an acoregut,
E si yeu anc fis nuU falyment,
Trastut y son agut consent.
E tu que m'o degras vedar,
150. Per que (non) m'en podes encolpar?
Arma, e no fas tu ausir ?
Arma, e no fas tu sentir ?
Arma, e no fas tu veser ?
Arma, e ses tu ay ieu poder ?
155. Arma, e no fas tu parlar?
Arma, e no fas tu anar?
Arma, fis anc ren negun dia
Ses tu, pus fuy en ta baylia ?
Arma, guarda de quem encolpas !
160. Tu sabes que osses ni polpas
Non podun far nuUya falyida,
Pueys que l'arma s'en es [i]ssida.
Arma, sitôt vols anc ren dir,
D'aquest contrast mi ull départir.
165. L'arma respondet amb aytant,
E a dich al cors sospirant :
Ay, cor, aul [ejscusacion !
A cel que la fa no ten pron.
Tal [e]scusacion as faza
165. respondet en interligne dans le ms.
DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL 39
170. Que non deuliui'a[s] ni empacha[s].
Tu vas tos membres encolpant
E mi, car non ti guardiey de dan,
E tut li tieus membres egrosses.
Non son formas de carn e d'oces ?
175. Si son e tu de lur natura.
(E) ensemps est una creatura,
El tieus membres grans e menus
(Non) son an tu créas e nascut.
Per que t'en podon leu respondre
180. E [t]a rason de leu confondre.
E yeu, si puec, ti respondray
La 0 n'as may, si yeu far o say.
De la colpa quez tu mi donas,
Que an ton tort mon drech tensonas.
185. Tant co (yeu) ceray dedins ton cos
Tu viuras, e cant seray for(a)s,
Tu morras, ayso es vers plans.
D'aytant es mon parlar sertans.
E pos per mi as tant vescut
[F» 5.] 190. Quel pell n'as ferran e canut,
Diguas mi l'amor que m'as fâcha
Ni la onor quez m'as astracha!
Per mi causist ti anc null dia
D'erguell ni de far leuyaria ?
195. Gardiest ti anc de cobeytat
D'enveya ni d'autre pecat ?
I Gardiest ti anc de trop manyar.
Ni de beure ses acedar ?
Causist ti anc yorn ni de niech
200. Que poguesas aver deliech ?
De lucsuria non ti causist
Qu'aytant la fFaza con poguist.
Anc uU yorn non laysiest per mi
De null pecat pos t'abeliy ;
205. Anc tant non 'styest a la gleyra
Que ausissas la messa entiera.
Que cant tu degras Dieus preguar
Tu pensavas de ton afar,
182. Ms. la 0 n'ar. — 202. Ms. car aytant, — 207. Le mot dieus est en
marge dans le ms.
40 DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL
Et avies ton cor enic,
210. Cant tu ausies lonc presix ;
E en ton cor non ti plasia
Lo ben quell capelan disia,
Ni ne sabias moch retrayre,
Tant pessavas de ton afayre.
215. Mais en la plassa ails folls yuex
Era tôt ton sens e tôt ton luec,
On son dichas antas mot grans,
De Dieus e de tos los siens sans.
Aquo ausias volentiers.
220. Mays ti plasia quez le mestiers
Qu'om en la glesa disiya(n),
An que fam ni set non ti destrenye,
Ni pensavas de ben a fayre.
Mos falymens ti puesc retrayre.
225. Hanc iorn per mi non ti causist.
Don resebras guiardon trist.
Cor, malla t'ai vist, (per que) mal m'en ven !
Per tu auray mail e non ben.
So dis lo cos a l'arma : que as ?
230. Mal m'es car no estas en pas.
Ben gran meravilyas mi don,
Quar tu cuyas aver rason.
Non sabes tu que ia li naus
Que es faya de post e de claus
235. Quant es de tôt sos obx complida,
Si non es de nauchier garnida,
Que aquyll que volun pasar
En la terra de outra mar,
Non en volun donar loguier,
[F° 6.] 240. Si non son segur de bon nauchier?
Cuias ti per vent ni per vêla,
Ni per clerdat ni per [ejstella,
Que la naus pusca mar passar,
Ni sapia son viage far,
245. Si lo nauchier non la governa,
E non cerca e non [e]sterna
La via per on deu anar ?
216. Ms. liiac. — 221. Ms. que las gem en la glesa disiynn. — 229. On
lit en marge e à côte de so. — 240. Vers trop long, ainsi que le v. .249.
DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL A\
Car cel que la laysaria 'stai-
A la merce del vent, si briaria,
250. E tota la gent ijerirya.
Donx per lo nauchier es salvada
La nau e tota la maynada.
La nau quells pelegrins porta
Non sabes tu que es cays morta.
255. La nau [n'] a sens on deu anar,
Ni sab lo port von deu intrar,
Ni sab on es la mehor via,
Ni vay rnays la (non) om la guisa
Lo nauchier que l'a en poder. ,^
260. Arma, entent si yeuh die ver.
Tu sabes que li marinyes,
An lo bo conseil del nauchier,
Fan venir a port de salut
La nau per que son salivât tut,
265. Que si cascun non en avia
Cura, li naus leu si perdrya ;
Li pelegrins els marinies
Que son en poder del nauchyer
Si perdrien es els meseys,
270, Per qu'es semblant e apareys
Que tu (que) yest aida per Ions ans
De mi quez suy navy naveguant,
E per ton tor sera vengut.
Si tant es ques siam perduts.
275. Arma, ques mal m'as governat,
Els membres que y an ai(u)dat.
Car si anc fesist ren contra Dyeu
Tu en pecas mail els membres mieus.
Tu els membres que degras guardar,
280. E mi que no pogues foleyar.
Li membres son myeus marinies,
E Dieu det ti a mi per nauchier,
E as tengut mail lo timon.
Dieus t'en rendra mal guisardon !
285. Els membres auran mail zusisi
[F° 7] Que m'an gualiat an lur visi.
270. Ms. per quez semblant. — 272. Vers trop long. On doit peut-être
lire nau au lieu de navy. — 282. Ms. e dieu det mi a li.
42 DÉBAT DU CORPS ET DE LAME EN PROVENÇAL
Mot foron li membres irat
Que son per lo cos [ejscolpat.
E responderon las aurelyas :
290. Cor, mot avem gran meravilyas
De so que (nos) avem ausit dire.
Si tu as gitat a martire
L'ai'ma, e qui en peca mail ?
Nos non pas may (li) tieus fols yornals.
295. Per que fas mail quar nos tensonas
Ni del tieu tor nos ucaysonas.
(Tu) sabes quez per ausir em fâchas
E pausadas en luoc de guachas ;
(E) mail e ben ti fasem ausir,
300. E (tu) deves lo miellye causir,
Que plus non avem de poder ;
May tu as lo sens el saber,
Per que degras laysar lo mail
E prendre lo ben que may vall.
305. L'uell responderon en après,
Que de las aurellyas son près,
E dison al cos en plorant :
Cor, de que nos vas encoUpant?
Si tu as an tos falymens
310. L'arma gitada a torment,
Per la cal rason em encolpas ?
Non t'avem nos lonc temps mostrat
So que es ben e so que es mail ?
E si tu es ves l'arma falls,
315. La falyda non es pas nostra.
E non fa pro sel que ti mostra
La via que ti pot damnar
E la via quet pot sallvar ?
Ben es malastruc qui non tria
320. E non causis la melor via,
E si tu as lo pies triât,
Dieus ti o rendra per son grat.
Las (na)naras parleron iradas :
Cor, per que nos as encolpadas ?
325. Si avem fatz toi quant ti tais,
Tor n'[av]em (hi) si (nos) demandas mays.
[F° 8]. Mal e ben nos ti fam sentir,
K tu degras lo miellé causir,
E si as mail causit ni lach.
DÉBAT DU COR]>S ET DE l'aME EN PROVENÇAL 43
330. Tu de que nos metes em plach
(Ni) de que nos podes encoUpar,
Ya qui ti laysara paiiar ?
E si ciguiam la tiua rayon
L'arma non y auria pron,
335. Don cera gran tort si sufre pena
Per tu, nil diable la emmena.
Miels deuria av a tu vendre,
Car de mail non ti yest pogut défendre.
En après y parlet li lengua :
340. Cor, de tu non say en que m'en prena.
Volgist mi anc poder donar
Maysscasadamens de parlar ?
Si yeu ay parlât so que volguist.
Garda del parlar que en fesist.
345. Motas vegadas ay parlât,
Qu'estera soau per bon grat.
Car lo parlar non era vens,
Si tôt lo [mieus] poders fos mens,
Suau estera denfra ma boca,
350. Per que la gran colpa ti toca
Si [tu] m'as fag parlar on fol ;
Ni tu fas lo fach que ti toll
Que li colpa tiua non sia,
Que en ti as tant de senyoria
355. Que (si tu) ten[gues]es la boca clausa
Per forsa "stac[ada] [ejs pausa.
E mantenent que l'as uberta
La boca, yeu suy tota seita
De parlar, ni m'en uUya o non,
360. E far so que ti cera bon ;
E si l'arma [ejs turmentada
Per ta colpa ni mallmenada,
Seguon mon sens, tu n'as tor gran.
Es illy fasa t'en demant.
365. [Ar] las mans preron a parlar :
Cor, de que nos podes encolpar ?
Non a[vem] près so que volguist
E laysat so ques tu diysist ?
E si [nos] as faych lo mail pendre
338. Vers trop long, ainsi que le v. 340. — 346. Ms. bon gran.
44 DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL
370. El beu laysar, quit pot défendre,
Ni call yuye dira per drech
Que non ayas [lo] mail ellech?
[F" 9]. Volentieras t'avem servit,
Con a segynor obesit,
375. Mas tu non o conoses guayre,
Seguon que nos ar es veyayre.
Que no es l'arma sens rason
Tensonas de ta ucayson ?
E si l'arma n'esta marida,
380. Tu en pecas mail, mia partida,
E si trobas yuye Hall,
Non cuch anc (tu) tastesas d'aytall.
Li pe parleron en après :
Cor, con y es tu tan engres,
385. Cant tots tas membres aysi treball !
Ben sembla que ton sens ti fall,
Que tu as els membres poder,
E si aquill fan ton plaser,
De que les podes encolpar ?
390. Motas ves nos a[s] fach anar,
Per mol, per giladas, (e) per fane,
E tu sabes si deysem anc :
A nos non plas quez l[aj anem.
Mas tôt cant anc volguist fezem.
395. Si passacem tos (co)mandamens,
Nos non foram fallys fortment.
Tu [sa]bes quant as 'stat [ejstrech
De gran callors e de grans frechs,
De fam, de set e de dessayse,
400. Quelh membres non donavan ayse.
Cant tu avias malautia
Cascun dels membres [o] sentia(n) ;
Andos las aurelyas bondian,
E las naras petit sentian ;
405. Li uell eran cay[s] adormit ;
E de la lengua non oblit
Que tan gran marimen avia
Que an penas parlar podia ;
Las mas anavan tremolant,
399. Ms. dessayrc. — 400. Ms. canct li membres.
DÉBAT DU CORPS ET DE l'amE EN PROVENÇAL 45
410. E nos tant fort afrevollyant.
Que de tôt erani reliiuiuis,
Tant eran li membres maris
Per lo mail que ti destrenyie
Que negun conort non fasia ;
415. E si nos em jier drech yuyas,
Tu nos as a tort encoUpat,
[F» lOJ. E si Tarma n'es turmeutada,
Par los tieus fags ni mallnienada,
(Que) en tu sun totas las fallyas
420. De que nos e l'arma treballyas.
Cor, auyas que le savi a dich
En son bon dechat e [e]scrich :
De bon servisi bon guisardon quer.
E a tu non deu esser fer.
425. E cell que [lo] servisi pren
Si cant la près puey non lo rent,
Aul es ssegon liall yuzisi,
Sil guisardon an lo servisi
Non conpara, cant luoc en es,
430. Garda qui yest ni con t'es près
Ves nos ni ves l'arma que as fach,
Car (tu) rendes de beufach coU frach.
Li membres an lo cor cornes,
El cor respon mot fermanes :
435 Vos autri membres aves fach
Aquo que li foll fan ell plach :
Li foll ell plach dison lor dan,
E li savi lur pron y fan.
(E) vos autri e nos mail guardas.
440. De savisia mânes foldat.
Aures renyat mot longuamens,
Es aras cuyas aver sens.
Non a sens cell que son mayor
Non lausa e non li fay ouor.
445. Per que pose (a) dire verament
Que vos autri non aves sens.
An vos die que es folls naturalls,
Car non onras sell que may vall.
Cascun dises que tus estmieus,
428. Ms. si le guisardo7i .
46 DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL
450. Donx si yen suy senyer, may valli yeu.
Yeu vali mays que vos non fas.
Folls est, car onor nom portas,
Car null savy non quer onor
Ni la voll sobre son mayor.
455. Très manyeras son d'orgueil.
Fol! es qui las manten ni (las) ull.
E diray las vos totas très
En aysi quon venon da res :
Le premier es de aull natura,
[F" II.] 460. Qui plus fortfmen] si desmesura ;
Le segon es de grau folia.
De nonsens e de leuyaria,
Qui desmesura son eguall,
0 cell contrasta que mays vall ;
465. Le te[r]s es de trascuyament
Qui desmesuralh plus valent,
E plus fort défi qui may vall
Si tôt l'en pren ben e lo sal.
Donx es vos autres tos fallys,
470. Que sabes que yeu vos ay noyrit.
Lo conduch ques yeu ay manyat
Vos ay ben partit e donat.
Que en ver non vos (en) podes clamar.
Es pos yen puasc vos, o ben par,
475. Cant yeu era plen de conduch,
E vos eratz alegres tuch,
E si yeu un yorn deyunes
Que non bègues o non manyes,
Tant flac e tan aul en eras
480, Que null conseil non vos avias.
Cascun de vos autres sabes
Que cant l'arbre esta em pes
De sa viguor muon las brancas,
(A)donx porta fualas e flos blancas.
485 . E si l'arbre [e]sta talyat,
Tant que lo suc sia secat.
Non an las brancas autre luoc
456. Vers ajouté en marge dans le ms. - 468. Ms. si fos l'en pren
ben e lli fallch. — 47G. Ms. e vos sias a. t. — 479. Ms. tant flac e tan
aul sias.
:)ÉBAT DU CORPS ET DE l'amE EN PROVENÇAL 47
May que om las ieta ell fiioc.
Gardas con est mors e vencus
490. E vos mesesmes deysepus,
Que yen suy albre e vos es brancas,
Que anc nesuna non est francas,
Que tant con (yeu) viuray) (e) vos viures,
E cant morray, e vos morres.
495. Non es pas meravillyas grans
Si, par pasar los vostres dans,
Vos tuch mi sias servidos.
May aras m'est encolpados,
Car veses que poder mi fall,
500. E si l'arma a nul! treball,
Vos dises tut que yeu mail en pec.
E con tuch [est] agus tan sec.
Quel ora que mail si fazia,
Per que cascun non m'o disia ?
505. Que si yeu adonx non m'en layses,
Raon fora que yeu o compres.
May vos tut membres volentier
Es tôt agut pa[rjsonyiers,
E per vos autres es tôt fach
510. Lo mal de que me tenes plach.
Las aurelhas lo mail ausiron,
[F° 12.J E la[s] narras lo mail centiron,
E quascuu dells uells l'esguardava,
Li lengua de grat lo parlava,
515. Las mas lo prenien soven,
Li pes y anavan corrent,
L'arma o consentia tôt,
Carli nostre liam(es) son rros.
Cascun vos cuyas [e]scusar,
520. Ell vostre tort a mi donar,
Per que yeuh non dey aver yusizi.
E parra en qui son li vizi.
Cascun dels membres près a dir :
E nos en volem drech ausir.
525. L'arma respondet mot irada :
'-^or, tant suy [fort] espavantada
C'am penas puesc ma rason dire ;
521. Vers trop long.
48 DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL
Tall paor ay que non m'en tire
L'ennemie al partie de te,
530. Que yenh ssay que si ar m'en mené
Que cambiat tôt m'es mon afar.
Per que mi plagra may l'estar
Eli remanir si ecer pogues.
May yeuh vey ben que ren non es,
535. Que yssir m'en coven, vullyia o non,
E laysar ostall per mason.
Non puesc ronianyr ni yssir,
Que yeu vey que ades voll m'assalyr
L'enemic que mi vay entorn,
540. E non si part de mi nuech ni yorn.
Per mi pendre para sas mans.
E say que ell es tan trefan
Que si yeu li die ben (ell) m'es enie ;
Sil clam(i) merce (el) m'es enemie.
545. El pot en enfern es mon lyech,
Von non a(n) on degun delyeeh,
On plor ni marimentnon frany,
Ni dol ni cris non la sofrany.
Plorant, sospirant, clam mersse
550. A Dieu, que li membre de me :
Bell senyer Dieus, vostra merces,
E li bontat ques en vos es,
Ell vostre poder que es tan gran,
De gran tort vos fas ieu demans.
[F° 13.] 555. E cou vos pla ni vos sap bon,
De pauc redes gran guisardon.
Senyer, font de vera mersse,
Dells fallymens que son en my
Vos qnier merse, sus en la fy ;
5G0. E lunhas l'enemic de mi
Que tant es sallvage es fer.
Anb aytan l'angell dis : ques quer[s] ?
E l'enemic dis : que foll fas
Que quer(e)s ayssi conort e yuas.
5G5. L'enemic dis : (an) emporteray
531. Ms. que cambiat tôt m'es amor afar. — ;535. Vers trop lon^.
538. Ms. ades ml voll salyr. — 544. Ms. si li claml. — 550. Ms, de ml.
554. Ms. de (jvan tort fadi pas demans. — 5G5. Ms. a l'enemic dis.
DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EX PROVENÇAL 49
Kst' arma quant m'en toniaray,
E fa mi trop aysi [ejstar,
E me y fai trop best[ensar],
E si ades no yey[s] dell cor,
570. Maatenent que sera defors,
Hyeu la faray [ejstar irada,
Can(c) l'auray en enfern gitada,
En fuoc, en flama, en pudor,
Aqui von la sabray mayor.
575. Li daiay torment cascun dia,
Que aytall es ma senyoria.
L'angell respont a l'euemic
E dis : que mot mallvays abric
L'arma que (tu) queres trobaria
580. En ton ostall, quant la ceria,
Ja non sera en ton poder,
Que tu sabes ben, e es ver,
Ja n'auria pena e dolor,
Si avia tu per senyor.
585. Tu la voles (en poder), e non l'auras,
E ja pusc tu non la tendras.
E per que la cuyas (tuj aver
Aquesta arma en ton poder ?
Pus (que ella) conoys per senyor Dieus,
590. Ny ren non a ni ten dell tieu,
Ni el cor non voll roraanyer,
Ni [ejstar plus en ton poder,
Ten ta via e mou d'ayssi,
Que ella s'en anara an mi ;
595. E si tu as allrre a far
Fay 0 e laysa la [e]star.
Vay t'en e ten ades ta via,
Que yeuh ni tu nonavem paria.
L'enemic respont mot irat :
600. Angell, en tu no es pausat
Mon anar ni mon remaner,
Ni non es creut ton voler
[F° 14] De l'arma que vas contrastant.
E yeu y ay drech e tu tort gran.
568. Ms. e m'y fai, etc. Ce vers est en marge. — 574. Ms. aqui non. —
586. Ms. e ieu pusc. — 589. Les mots per senyor sont en marge.
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50 DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL
605. Tu sabes que gran raon ay
En arma que en pecat [e]stay,
Que si yeu la trobi morent
Nulya rason non la defent.
Aquesta est en pecat morta,
610. Per que es rason que ella sia nostra,
E metrem la en tenebror,
Von en aura pena e dollor.
Dis l'angell an paraula plana :
Enemic, la rason es vana.
615. El mont non es anc creatura
Que non pegue seguon natura ;
E si poder a de pecar
Poder li es donat d'esmendar.
Hanc null hom tant fort no pe[ca]t,
620. Si a penedensa tornat,
Et an ios uells et an lo cor
Lo plora, aquell pecat mor ;
Et an que penedensa prena
E que la fassa e que la tangua,
625. Aquel pecat es penedit.
En foll as fag lo tieu [ejscrieh.
Aytant guastiest de parguamin.
Per que podes tenir ton camin,
Am aquil estrig en papier.
G30. Die ti que non vall i denyer.
Donx es reni[m]yc irascut
E dis : angell, per que yest agut
D'aquesta arma tant contrastant?
Ton parlar non li es may dan.
635. Ades li dobla son torment.
Per tu n'aura may e non mens.
Ja non la m'anes constrastant,
Ni cuyes que yeu m'en vagua anc
S[en]es ella en cuy ay cura,
640. Per una ley que a nom usura.
Trenta ans o plus y a'stat,
616. La syllabe gue est en interligne dans le mot pegue. — 620. Ms.
tornet. — 623. Ms. e au penede^isa que prena. — 628. Vei's trop long
d'une syllabe. On pourrait facilement le ramener à la mesure en lisant
potz ou podsy mais podes est la forme que notre copiste emploie cons-
tamment.
DEBAT* DU CORPS Et DE L AME EN PROVENÇAL
Et en nostras obras obrat,
Don yeuh per longua teneson
L'emporti, e car n'ay rason.
645. Tu sabes que li renovyes,
Per (so) que lur abaston (li) denyes,
Prenon mi e laysan [en] Dieu.
Per que tut (li) renovyes son mieus.
L'angell dis : demoni, ben par
650. Que cor aurias d'emportar
L'arma, qui t'en daria poder.
[F° 15] May alors t'en coven querer.
Si per aquesta arma ti p(l)ens,
Tu vas querent gran defens,
655. Et auras la enyaz trobada
Que aquesta arma guasanya(da).
Tu sabes que yen non ay cura
De raubaria ni de usura,
E (pero) si l'avers es guasanyat
660. An ton sens ni an ton dechat,
En aquell non ti fas contrast,
Que yeu say ben qui ssa masou bast
De raubaria ni de [u]sura
Que tôt vay a malla [ajventura.
665, Tu prens l'aver aqui von es,
E tieu sie que yeu no eu voly ges.
L'arma intret nusa ell cos,
E nusa issira defors;
Aver ni argent non emporta,
670. Que tôt o laysa (de) tras la porta ;
E pos non porta ren del tieu,
Hieu la rasonaray à Dieu.
L'anemic dis : [angell, que quers ?
Tieus dichs sson angres e trop fers,
675. Que per forssa de contrastar
My cuyas [e]sta arma panar.
Ar conosc que si aguessas drech
Ben mo mèneras trop [ejstrech,
Pos playdezant mi vas lo myeu,
680. So es l'arma on non as fieu
Ni auras ja qui non la forssa,
645. Ms. U abaston. — 665. Ms. tu preny .
52 DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL
Car drech non periy ni non amorssa.
E si yen en suy yuyat per drech,
Auray en so que aver en dech ;
685. Lonc temps a [ejstat en erguell,
Per que aquesta arma vull,
D'auUtery, de leuyaria,
Per que tany que en enfern sia ;
Lonc temps a [e]stat en pecat,
690. E lonc temps y a soyornat,
Per que la faray [e]star trista,
Lonc temps a que yeu l'ay conquista,
En lo poder de Ssatanas,
Que ya tu pron non l'en tendras.
695. L'angell respondet [enj rient :
Diable, petit as de ssens,
Ni ti cuyas (que) per (tou) encollpar
Que yeu t'en layssi l'arma portar.
[F°l6]. Fort vas son pecat remembrant,
700. E non cug que li tenguan dan ;
E diray ti rason per que :
Ver(i)tat es, e sabes o be(n).
Que negun pecat non a forssa,
Per que quar l'armorna l'amorssa.
705. Auyas que dis Dieus el sanct luoc :
Ayssi con aygua [e]stench fuoc,
L'armorna Lejstench lo pecat.
Per que tu as pauc [e]spleguat.
Doas causas son naturalls.
710. E si tu mi vols dire calls ?
L'una es aygua que defors
Lava e neteya lo cors ;
L'autra es allmorna que monda.
Ve ti que a l'arma aonda ;
715. Per aygua es lo cor lavât,
E per almorna esmondat.
Aquest(i) resseup lo nom de Crist
En aygua, per que tu yest trist,
(E) puays fes allmorna volenties,
De pan, de vin e de dénies.
720. Ben say que pauc a fach de ben.
700. Ms. cuyi.
DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL 53
May aquell pauc li es granren,
Can om o fay de ssa drechura,
Auyas que retra l'escriptura :
Que aquell fay almorna bona
725. Que de sa drechura la dona,
E aquel fay honor a Dieu
Que dona almorna del sieu,
E qui de usura ni de tort
La dona, aquell fay sa mort.
730- Aygua, almorna, penedensa,
Trop en aquesta sens falyenssa,
Per que tii as fach pauc de plaech,
E uell n'esser yuyat per drech.
L'enemic dis : a my plas fort.
735. Ë qui dira lo drech nill tort?
L'angell respoiit : lo feyllz de Dieu,
Que tut tu es (em) el poder sieu,
E tut poder li es donat,
E per el es lo mont salvat.
740. L'enemic gieta i sospir :
Angell, si yeu ausessa dir,
Mot amera mays lo yusizi
De cell a cui yeu fac servisi.
[F° 17]. Hyeu non ausi sonar lo yuge,
745. Nill contradic ni lo refugy,
May pendray l'arma, es anem,
Es auzirerem on (que) serrem.
L'angell dis : enemic, ben par
Que mi volguessas gualliar,
750. Que as dich que yeu l'arma ti lays.
Si ren y as yeu y ay mays,
Per que rason o voll que yeu
La port(i) davant lo filly de Dieu ;
E pueys quant yuiada ssera,
755. La enporte ssell que drech y aura.
L'enemic dis : so no es fach.
Ar mi comenssas novell plach.
L'arma que yeu ay guasanyada
Sabra zo quant sera yuyada.
760. (Aras) dises que yeu la ti layss portar.
722. Ms. car om o fay.
54 DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL
Ades t'ausy (plus) en foll parlai".
Ben es foll e plen de fadesa
Qui so que es sieu met en comunalesa,
Ni so que yeu ay conquist.
765. Angell, an ren miells non fallist.
L'augell dis : ben parlas en foll
Que l'arma, pos drech la ti toU,
Per que l'en cuyas tu portar ?
May yeu l'ay a raonar,
770. La enportaray davant lesus.
E [ar] tu non demandes plus.
L'enemic dis : Ja ne entendas
Que tu l'arma toques ni prenas,
Ni ya ren de ma senyoria
775. Non sera ya en ta baylia.
Heu que l'arma ay guasanyada
Ela en degra aver portada.
Metray ti jeu en teneson !
Non jeu, mays saliva ta rason,
780. La enportaray tro que ella sia
Yuyada, puayes tengua sa via,
Amb aquell que y aura rason.
Or partam aquesta tenson.
L'angell dis [en après] : ben grieu
785. Nos acordarem tu e yeu,
Que l'arma non mi vols laysar,
[F° 18J. Ni yeu la t'en laysi portar,
E si enaysi la arma reman,
Ben nos em temsonas en van.
790. Diy l'enemic : angel, yamays
Non créas que yeu l'arma ti lays.
An ti die que no m'en iray,
Ses ela, que rason y ay.
L'angel dis : tu fas lonc atent.
795. Queram yuie que lialment
Nos yuie aquesta tenson,
E meta en posecion
Aquel que plus aura de drech.
L'enemic dis : (e) yeu [o] autrech.
800. Senyors, la tensson ay retracha
763. Ms. cuennalesa. Le vers est trop long.
DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL 55
Tôt enaysi con ai' l'an fâcha
L'arma e H membres [trasjtut.
Non say si aves entendut
En la tensson que l'angel fes
805. Am l'enemic, e ssi tant es
Que sapias lo drech triai-
A mi non [anc] calra parlarr,
E aures mi gitat d'afan,
Pero non die que yen o say
810. Lo treball ssi non sabes dir
Lo drech que ieu faray ausir.
Senyors, pos voles que yeu vos digua
Del iusizi, sitôt vos trigua,
Senyos, vos prec per Dieu auyas
815. Lo yuzisi e l'entendas,
Que le yuzisi est de pahor,
De mariment e de dolor.
L'arma non pot plus remaner,
EU cos non a plus de poder
820. Que en l'arma [e]stia plus.
Ab (ay)tant lo fily de Dieu lesus
Venc [tôt] clavelat en la cros,
Tôt enayssi quom fom per nos,
Tôt drech lo yorn de vendres sans
825. Don parlet Lucas e loan,
Es en après Marc e Matieu,
Dell tonnent que fom fer e grieu
Que Dieus sus en la cros ssufriy,
[F° 19.] Cant a mort liuret es ufriy
830. Son cos, per nos tos a sallvar.
L'arma lo près a reguardar,
EU cos atressis Tesguardet.
En la cros clavelat [ejstet ;
Per las mans ly corec le ssanc,
835. Per los pes e per mi dells flancs,
Blau per ventre e per [e]squinas,
Coronat lo viron d'espinas,
Dels cops que feron li félon,
Can(c3 [ejstet liât al peyron.
801. Ms. Vay fâcha. —808. II manque ici deux vers. — SU. Ms. quieu
fasan, — 835. Ms. flaais.
DEBAT DU CORPS ET DE L AME EN PROVENÇAL
840. Ihesus lur dij : en (aqu)esta cros
Fuy enaysi levât per vos,
Per so moiiv que vos Irayces
D'enfern e vida aguesses ;
Pet" vos fuy aunit a gran tort ;
845. Per vos ufriy mon cos a mort,
(E) vos trayssiy dell fuoc enfernall,
E vos dyey vida eternall.
An los angel lay sus ell cell.
Per que mi degras eser fiels.
850. A mi diguas, cal guisardon
Ay resseuput per tan rie don?
Diguas, que aves fach per mi?
Cascun d'andos en paleziy;
Verguonya agron e pavor,
855. Ira penedenssa la mayor
Que yamais fos ni ymais sia.
Ira agron car anc i dia
Feron folia ni pecat.
Pentenssa agron car obrat
860. Non avien y tos temps en ben.
Verguonyos forou d'uiia ren
Ço es de la sancta passion
Que Dieus sufriy en cros on fom,
Abeurat de vin aygre en fell,
865. On era agut plus cruell.
Veuos los délies que on agut,
Car amdos non o an rendut
Sivall calacom guisardon
De la passion e dell don.
870. Paor agron car l'enemic
Que es mal e fer e ynic
[F° 20.] (Que non) es assesmatz de dar gran pena
A larma si am si la mena.
L'enemic dis : angels, huymas
875. Es luoc quez si yuye le plags,
Pos vostre yuye es vengut.
L'angel non fom ges [ejsperdut
E dis : enemic, ben mi plas
856. Ms. que anc fos. — 862. Ms. car de la. — 872. Les mots no es sont
en interligne dans le ms.
DÉBAT DU COUPS ET DE LAME EN PROVENÇAL 57
Qcl yuyaraent ssie donat.
880. L'enemic dis : senyer, un pky
Mi mou l'angel, e es li lay,
Car mi vay playdeyant lo mieu,
Pos nou deiiiandi ren del cieu.
Est' arma que yeu ay guasanyada
885. M'a per gran erguell coutrastada,
Et ancat's la mi contrasta.
Pos drech e rason me abasta,
Voli-ia que ell seu reste ques,
Que plus non la mi contrastes.
890. Jésus dis : angel, vol(s)ren dir?
Hieu suy aparelyat d'ausir.
Senyers, a dis Tangell, ben say
Qui pren l'autruy erguell y fay,
Per que yeu del sieu non vuU,
895. May a sell mon de gran erguell
Car la demant ni (la) pens(a) [l'Javer,
E sap que ia sieua no er.
L'enemic dis : senyer, gran tort
Mi sera fach, si yeu non la emport,
900. Que en l'arma ay rason e drech,
E vos saltes que aver o dech.
Motz pecas e motz falliment,
Que cascun mi es [tôt] giiarent,
A dich e fach en lo mont nostre.
905. E ve ti l'estrich que yeu ti mostre.
Jésus dis : vist ay ton [ejscrich,
E say tôt can es ell plach dich,
E trobi que tu as vanat
Yusizi, e l'as demandât,
910. Es yeu may non t'en ausiria,
May de so que rason séria.
Jésus dis : angell, voll(s) plus dire ?
L'angell dis, an semblant de rire :
Senyer, rason es que yeu responda
915. Per l'arma, pos drech mi aonda.
Senyer, auyas que ti diray,
881. Ms. mi movtj. — 887. Ms. mahasta. — 888. Ms. resta. — 896. Ms.
car la demanda. — 897. Ms. ?zo ex. — 003. Ce vers est ajouté, au haut
du feuillet. — 905. Ms. mostnj. — 915. Ms. aunda.
t)S DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL
E veyas l'escrich que fach ay,
[F''21]. E piieys diguas so que (dire) voiras,
Car say qiielh tieus dich soû (tan) certa(n)s.
920. Lo dia do l'acencion,
Can t'en volguist puyar el tron,
A tos dissipols comandiest
Ta paraula e lur donycst
Quels enemix que eran els cors
925. Dels homes gitesan defors,
E pueys l'enemix an perdut
Lur poder, es ay conssegut
En l'arma so que yeu i demant,
Per que es rason c' ab mi s'en an.
930, Per lo sant dich que tu diyssist,
(L')ay (e)n' aquesta arma conquist.
(Tu)diyssist qui cera batezat
Ni creyra, aquell ssera salivât.
Puays diyssist de null pecador
935. Non uU sa mort, mas uU s'amor,
An ques covertisca breumens,
En fatz e en dics mantenent.
Aquest, per la tieu gran vertut,
Senyer, si es a tu rendut,
940. Et en la fin t'a quist merce.
Non voll d'autre senyor mas te.
Tu diyssist aqui iuyaray
L'arma en que latrobaray.
Ve ti l'arma penedensada,
945. E de ses pecas confessada.
E t'a resepput per senyor,
E reneguat aquel trachor
Que la fes pecar e fallir.
E non vull plus en l'arma dir.
950. Mas l'enemic teni tôt per foU
Car d'aquesta arma non si toll.
Senyer, coras ti plaera,
Aquest contrast si iuyara,
Pueys mays es en lo tieu albir,
955. Pos negun non voll plus ren dir.
lehus respont : d'aquest [contrast]
936. Ms. (ui (jue si. — 955. La mot re7i est ajoute en marge.
DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PHOVENÇAL 59
De que cascun son jjlach en bast,
De l'arma que voles saber
Cals de vos dos la deu aver.
960. A my plas que yeu eu digua drech,
E tôt cant dire [yeu] en deh.
L'arma diys : Senyer Dieus que es
Non faz blasmar, sitôt m'es fer[s],
Que tant gran contrast a(y) agut
965, L'angel per mi au lo cornut,
E del cor no i es parlât
[F<'22]. Que en degra aver la mitât,
E plus si plus li cazegues,
C'a mi es semblant que en el es
970. Li colpa que a mi es donada.
E uU n'esser per drech yuyada.
Le cors respont : Senyer, si yeu ay
Tort d'aquest fah, yeu en penray
Tôt yuzisi ques tu ullyas,
975. En que los membres y acuUyas.
Dison li membres : Senyer Dieus,
A nos plas ben que sie tieu
Le yuzisi e que l'auyam,
Que de cascun sabes lo clam.
980. lesus Christ que tôt cant es
El cos format e l'arma fes,
A entendudas las tenson
E los contrastz e las rason
Que le cor e l'arma an dichas,
985. E en a[)res las cartas 'strichas
De l'angel e de l'euemic.
E non li play que plus o trie
Del yusizi que deu donar,
E vol premieramens parlar
990. Del cors e dells membres lo plach
Que an tôt lo mail el ben fach ;
E en après auran lur rason
L'arma el cors de lur tenson ;
Es en après cera juyat
995. Le contrast que tant es menât
Per l'angel e per Teneiiiic,
%3. Ms. non faz. — 970, Ms. li colpa rjuez a mi.
60 DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL
Que anc yorn non foron amix.
lesus diys al cos : ar m'entient.
leu t'ay format de drech nient,
1000. Tu el tiens membres (tôt) en un temps
Fost formas e créas ensepms,
(E) ensemps en una creatura,
E car fas dels membres rancura
Folie fas gran, car tu encolpas
1005. Los tiens osses e las tiens polpas.
E vos membres est tut fallit,
Quel cos vos a ensemps noyrit,
E l'un ses l'autre non val guayre ;
Si mor lo cor tnt y est frayres
1010. De la mort, que negun non vin
Pos la mort fa el cos son brin ;
Per que le cos non pot pecar
Ses vos autres ni (anc) ren far ;
E ensemps aves lo ben ell mail
[F" 23.] 1015. Fay[t], si que [tôt] per engnall
Tut ensepms comprares lo tort.
En lo gran poder de la mort.
Cors, auyas de tu que sera,
Tantost con la mor ti prendra :
1020. Tiens parens seran mot cochos
Que sias dedins el vas rescos ;
Ta molyer e (tut) li tiens parens
Ti segran tro al vas plorant,
E tiens parens e tiens amix ;
1025. Non y aura paure ni ryc
Que ins el vas ti fasa companya ;
An lur es la mort tan estranya.
Non ti volran may encontrar,
Ni en la via atrobar ;
1030. Ta molyer anara pensant
Con aya marit a cap d'an ;
Tiens enfans serans yuguador[s]
E de ton aver guastados ;
On de tes parens seran guasiers
1035. E preveyre de tos dénies ;
E li autry seran tuador[s]
1007. Ms. que le cos. — 1020. Ce vers est ajouté en marge.
DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL 61
Dells enfans e de las ouos ;
K so que tu as enduiat
m o guastaran, mail ton grat ;
1040. Ancuay t'en intraras el vas
An ii canas de canabas,
E tota l'autra manentia
Remandra en lur senyoria
De cell que non y an mail trach ;
1045. E tornarian t'en en plach,
Si a cap d'un an o de dos,
Lur querias tas possecios.
Cors, ar eguarda con t'es près !
[F° 24] L'aver reman, mail quez ti pes.
1050. De l'aver que as en bailia agut
Aras n'es autre elegut,
E mènera t'o tan [e]scas
Que ia null ben non i auras.
Vol[s] ausir que t'es remasut
1055. De tôt l'aver que as agut ?
Aquo podes contar per tieu
Que as donas per amor de Dieu,
E so que as dat ni valgut
A tos amix as retengut;
1060. E so que as a Dieu donat
De ton iust aco ressobras.
Plus non as ni plus non auras.
L'aver reman e tu t'en vas.
L'aver reman non sab(e)s a cuy.
1065. Tieu fom e aras es d'autruy.
Tiens osses anaran poyrent,
Petit en petit decasent ;
De lay on yssist tornaras.
Tera fust en tera tornaras.
1070. Tre[s] sun cant hom y a (afar) partit,
Diray ti con l'an devesit :
Tiens parens auran ton aver.
La carn auran verm(e)s en poder.
1043. On lit valentia en marge, à la suite de manentia. — 105L Ms. de
Vaver yest bayles agut. — 1059. Ms. ad dat. — 1068. A la suite de ce
vers on lit en marge le vers isolé : ta carn cera many\a\da de vérms e
defj[a]stada.
62 DÉBAT DU CORPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL
L'enemic larma si mal fes.
1075. Ve ti con an partit tut très !
Esguarda aqui as acampat
L'aver ni ton cos engraysat,
Ni l'arma aqui l'as donada !
Mal t'es près, car mal l'as guardada !
1080. A l'arma dis : e tu auras
Aytal iuzisi con t'escas.
Tu as lo cors fort encoUpat,
May fort petit as [e]spleguat;
Si tu as lo cos mail régit,
1085. Qui n'a tort si le cos a faliyt?
Tu, que non t'en podes 'scusar.
Per que tany que o compres car.
Tôt om[els a petit de ssens,
Cant de son tort autre repren,
1090. E gens per aytall non s'en 'scusa
De son tort si autre n'acuza.
Arma, tu sabes una rem :
Que cos non pot far mal ni ben,
Pos que l'arma s'en est iysida.
1095. Donx as tu part en la falyda.
Sil cos fes mail tu cosentist.
Car tu lo creëst mal feïst.
Es andui conprares o car.
Mas tu quel cos degras guardar,
1100. En sufreras mayor trument.
Es ayso die per iuyament.
Angel (tôt) so que m'as apausat,
En ton [ejscrizt que m'as donat,
Say ben que es tôt de lason,
1105. E yeu iuyaray la tenson
Que tu as ab l'enemic fâcha.
Ben as [tu] la rason retracha
Que deyliura orne de mort,
Per que yehu non ti conosc gran tort,
1110. (E) si aquesta arma, deizent ver.
Contrastas ni la vols aver.
[F° 25]. E si aquesta arma pecet,
Pueys del pecat si penedet
1097. Ms. si le cos. — 1098. Ms. creist.
DÉBAT DU COUPS ET DE l'aME EN PROVENÇAL 63
E fes n'aquo que far en dec,
1115. Ben say que a tu [ejscaec
Que la poguesas demandai',
Es al diable contrastar,
Que iysida es de son destiech.
Per que l'enemic non y a drech.
1120. Cant lo pecador es fallyt,
An très causas es penedit :
L'una es que son pecat plor,
L'autra que o digua a son pastor,
L'autra os que fasa de grat
1125. So que le pastre a comandat.
E cant aquo aura complit,
E aurai pecat penedit
Anb aquestos iii [ejscalons,
L'arma s'en puya sus el tron.
1130 lehus dis : arma, tu auras
Aytal iusizi con t'escas,
Es aytall iusizi ti don,
Car [yeu] say beu que es rason.
Tu as agut temps de pecar,
1135. E non t'en vollguist esmendar,
Entro que fust sus en la fin.
AU partir que faïas d'aysi.
Tu intraras en porquatoii,
On tu diras : las ! con mori !
1140. Per que non mori a una man !
May aytant parlaras en van,
Que en fuoc e en fîarna (ben) ardent
Sufreras pena e torment.
Can seras de! fuoc tormentada,
1145. Vendras en una aygua gilada,
Es aqui tu t'en intraras,
Que es plus frega que [lo] glas.
Plus freya es segun freyor
Que le fuoc caut segun calor,
1150. E cant yssiras d'aquel luoc,
E tu t'en intraras ell fuoc.
E en aysi (tu) faras penedensa.
Ira n'aui'as e gran coensa,
1128. Ms. e aura son pecat.
64 DÉBAT DU CORPS ET DE l'aMÉ EN PROVENÇAL
Car vivent ell cos non l'as fâcha.
1 155. [E]stranya pena auras tracha,
Enans que tu la as conplida,
L'esmeuda de ta gran fallyda.
Cant ins ell fuoc seras paguada,
E en l'aygua freya (ben) lavada,
[F° 26]. 1160. Adoncas l'angel, ses tensson,
T'en porte, e que ti rason
La on auras vida vivent.
Per secula seculorurn. Amen.
Finito libre.
Sit laus et gloria Christo.
Explicit liber.
Aberystwylh, nov. 1904. L.-E. Kastner.
CONTES LENGADOUCIANS
Dau pioch de Sant-Loup au pioch de Sant-Cla
(Suite)
7. — Una Responsa de Prunac
Couma toutas las gens de vila, raèstre Prunac, lou vièl
felibre cetôri, quand s'encapitava avedre un moumen de libre,
aimava ben d'anà faire un tour dins lou carapèstre, maniera
d'envalà una boucada d'er.
Un vèspre qu'embé sa fenna s'en revenièn das Mases,
crousèrouu, dins lou Garrigou, un ase que pasturgava tran-
quillamen. E l'ase, seloun la moda das nses de tout, peu e de
tout pais, issèt lou mourra e se planlèt couma un cigàrou per
lous veire passa.
Or Prunac travalhava de testa. En vanc, saique, d'assegutà
quaucarima galimanda que de-longa s'enfugissiè, d'enti'eveire
7. — Une Répartie de Prunac
Comme tous les habitants des villes, Maître Prunac, le vieux feli-
bre cettois, aimait bien d'aller faire une promenade à la campagne, de
temps en temps, afin de respirer quelques bouffées d'air pur.
Un soir, il s'en revenait des Métairies. Sa femme l'accompagnait.
Et voilà qu'en traversant le Garrigou nos deux promeneurs passèrent
à côté d'un âne qui paissait tranquillement. Et l'âne, pour se confor-
mer à l'usage en cours chez ses pareils de tout poil et de tous pays,
releva la tête aussitôt, se planta comme une borne et les regarda
marcher.
Or Prunac travaillait du cerveau. Au pourchas, sans doute, de
quelque rime mutine qui le fuyait sans cesse, il entrevit un être vague
5
66
CONTES LANGUEDOCIENS
quicon se remenà ras d'el, creseguèt un crestian e, bounamen,
lou saludèt d'un :
— Adissiàs, l'amie.
Un grand cacalàs de sa fenna lou faguèt davalà dau nivou
ounte vougava soun esprit.
— Oi,tron ! ie diguèt ela, moun paure onie,couma siès vengut
ounèste!... Saludes lous ases, ara, tamben?...
— Aco t'estouna ? Prunac ie rebequèt : m'es arrivât, pamens,
quau sap quant d'autres cops !. . .
8. — Una bona Renda
Parlavoun de la vendémia, sus lou plan de i'Ouliviè, dins
un roudelet ounte moussu Lança-Cracas teniè lou iet. Se
capitava per aq":i un marchand de taps, tranchetas, e paiin e
coufin, estrangè au païs, que, tout en plegant soun basacle,
escoutava sans n'avedre Ter e que finignèt per dire :
qui remuait tout près de lui. Il crut avoir affaire à quelque chrétien et
bonnement, le salua d'un :
— Bonsoir, l'ami.
Un grand éclat de rire de sa femme le fit redescendre des nues où
voguait sa pensée.
— Ah! mon Dieu, lui dit-elle, mon pauvre maii, comme tu pousses
loin la politesse !... Tu salues les ânes, maintenant ?
— Comment? cela t'étonne, lui répondit Prunac : la chose m'es^
arrivée, pourtant, bien d'autres fois !...
8. — Une bonne Récolte
On parlait vendanges, sur le plan de l'Olivier, dans un petit cercle
de vignerons. M. Lance-Craques tenait le crachoir.
Il se ti'ouvait là un marchand de bouchons, lobinets, serpettes et
autres engins de semblable farine, un ambulant (jui, tout en repliant
son étalage, écoutait sans en avoir l'air et qui finit par prendre part
à la conversation.
CONTES LANGUEDOCIENS 67
— Aub'aco n'aurés una renda espectaclousa, aqueste an.
Sabe pas, per môia ! ounte cabirés vostre vi.
— Amai digues! faguèt moussu Lança-Cracas. Per iéu aurai
pas prou de boutas : mas soucas soun cargadas à s'espalancà.
E quand se dis de las annadas ! . . . Iraaginàs-vous que, l'an
passât, avièi mes quaucas fagotas de gavèls darriès moun
grand foudre. Quand ai vougut lous tira d'aqui, aquestes jours,
me siei avisât qu'èroun claflts de rasins : i'aurà, perlou mens,
una semau de vi.
— Aco m'estouna pas, rebequètlou marchand. Iéu que vous
parle, l'an passât, en venguent de fair.; ma tournada, me
devignèi'e un vèspre qu'avièi prou set. Intrère dins una vigna
e, couma aime fossa lous rasins, n'tn mangère ben una sou-
cada. Me travallièroun un pauc ; talamen qu'en arrivant à
Toustau me canguèt lèu, — e vitamen, — soiirti dins la cour
per... me soulajà. Eh! be, aqueste an, au même recantou,
contra la muralha, i'es vengut utia treltia qu'a fach de rasins
e de rasins!.. . à n'en vos aqui-n'as !... Sèn pas que la fenna e
iéu, e, soulide, i'auren nostra prouvesioun de vi, amai dau
bon vous assegure !...
— Eh ! bien, vous l'aurez, cette année, la récolte miraculeuse ?
dit-il. Je ne sais pas, par ma foi, comment vous logerez votre vin,
— Ah! vous pouvez bien le dire, fit M. Lance-Craques. Moi, il me
manquera des tonneaux : mes ceps sont chargés à se rompre. Et
quand on parle des années !... Imaginez-vous que, l'an [lassé. j'avais
serré quelques fagots de sarments derrière mon grand foudre. Quand
j'ai voulu les tirer de là, ces jours-ci, je les ai trouvés couverts de
raisins. Il y aura, pour le moins, une comporte de vin.
— Ça ne m'étonne point, réplique le marchand. Moi qui vous parle,
l'an passé, un soir que je rentrais de ma tournée, je fus pris d'une
grande soif. J'entrai dans une vigne. J'aime beaucoup les raisins.
J'en mangeai toute une cépée. Ils me... tracassèrent un peu. A tel
point qu'en arrivant à la maison, je dus me hâter de sortir dans la cour
pour... me soulager. Eh ! bien, cette année-ci, dans le même coin, au
ras du mur, il est venu une treille qui a fait des raisins, et des rai-
sins !... c'est inimaginable! . . Nous ne sommes que la femme et moi :
nous aurons notre i)rovision de vin ; et du fameux, je vous assure!...
68 CONTES LANGUEDOCIENS
9. — Lou Brètou
Aco fasiè pa'u plec : chaca fes qu'estrelhava una raiola ou
touta autra bèstia un pauc reguinnaira, lou Brètou re... e...
enegava, re... e... enegava couma un varlet d'estable qu'èra.
— Vie... èl-ba... astard-d'aiço ! Tro... on-de... e-sort-
dau-rèsta!... N'en vos-aqui-n'as. S'un cop Faviàs ausit, très
jours après las aurelhas vou'n siblavouu encara.
— Malurous ! ounte anarà toun ama?... ie diguèt un jour
moussu lou Curât.
— Mi... i... ila-miliards-de... e-noum-de noum-de ..e-Dieu!...
Se... egués tranqui... qui... quille, bou... outàs. Sa., sa... sa...
sa... saique, s'e... es pas u... una sauma, se... e... e... gui-
guirà be la .. la., la-las autras?...
10. — Quanta Pôu !...
Es mai de Niqueta que s'agis. Aici lou fèt.
Velhavoun, el embé Nichoula, lou Panard de Sabatou, de
9. — Le Bègue
Ca ne faisait pas un pli : toutes les fois qu'il étrillait une mule ou
toute autre bête un peu difficile et rueuse, le Bègue ju...u...rait,
sa...a...crait, comme un valet d'écurie quM était.
— Bâ...â...âtard de ceci ! To.. .o....onnerre de cela! En veux-tu ?
en voilà. Si vous aviez eu ie malheur de l'entendre une fois, trois jours
après les oreilles vous en cuisaient encore.
— Mais, malheureux! où donc ira ton âme? lui dit un jour M. le
Curé !
— Mi. ..i...ille mi...i. .illiards de. ..e nom de. . .e nom du Diable!
Soy...a...yezsa...ans crainte, a. ..allez ! sa...an.s dou. . .oute, si è... elle
n'est pa... as u...une anè...nè...nesse, è...elle sui...ivra bien les. ..les,..
les au. . .autres ! ...
10. — Quelle Peur!
C'est encore de Niquette qu'il s'agit. Voici l'histoire.
Ils veillaient à deux, Niquette et Nicolas, le Boiteux de Sabatier,
CONTES LANGUEDOCIENS 69
la Counfrai'iè das Penitents-blancs couma eles, qu'èra mort
dins la journada sabe pas trop de dequé.
Era au tems das prumiès rasins, e fasiè una d'aquelas niochs
d'agoust que la calou vous amaluga.
— Que se fourre ! diguèt Nichoula de-vers las mièja-ûiocli .
diran ce que voudran : ai vist dins lou jardi unatrelha clafida
de muscats; eau aue n'ane querre quauques uns, quand lou
diable ie série !...
Couma-de-fèt i'anèt. E dins lou tems que i'èra, Niqueta,
— hou creirés ou hou creirés pas, — agèt lou cor de leva lou
mort, de l'assetà à sa plaça sieuna, sus la cadièira, e de se
mètre, el, sus lou lièch per lou ramplaçà.
Cau vous dire, s'hou sabès pas, que, quand mourissiè un
Pénitent, tant lou mort couma lous dous que lou velhavoun
pourtavoun soun abilhage blanc. De maniera que, quand
Nichoula revenguèt embé las mans plenas de rasins :
— Tè ! diguèt, mèstre Niqueta s'es laissât toumbà per lou
Pichot-Ome. Hôu ! couUèga, te derevelhes que manjaràs un
muscat?
de la Confrérie «les Pénitents-Blancs comme eux, décédé dans la
journée de je ne sais plus trop quelle maladie.
On était au temps des premiers raisins. 11 faisait une de ces nuits
d'août où la chaleur est accablante.
— Ma foi, tant pis! fit Nicolas vers l'heure de minuit^ l'on dira ce
que l'on voudra : j'ai vu dans le jardin une treille toute chargée de
muscats ; il faut que j'aille en cueillir quelques-uns, quand le diable
y serait!...
11 y alla, en effet. Et pendant qu'il y était, Niquette, — vous le
croirez ou vous ne le croirez pas, — eut le courage de lever le mort,
de l'asseoir à sa propre place, sur la chaise, et de se mettre lui-même
sur le lit pour le remplacer.
11 faut vous dire, si vous ne le savez pas, que, lorsqu'il mourait
un Pénitent, tant le mort que les deux qui le veillaient étaient revêtus
de leur robe et de leur cagoule blanches.
Or donc, Nicolas s'en revint du jardin les mains pleines de raisins.
— Tiens ! dit-il, maître Niquette s'est laissé tomber par le Petit
Homme '. Ouste ! camarade, réveille-toi que tu mangeras un muscat?
Morphée.
70 CONTES LANGUEDOCIENS
Pas res.
— An! bota, fagues pas Tase. N'en vos ou n'en vos pas?
Pas mai.
— Oi ! tron-de-noum d'un goi ! te ficariès pas de iéu per
asard, saique ?.. . Te lous empegue sus lou nas se te derevelhes
pas lèu.
Es aladounc que, dau lièch, una voués bassa e raufelousa
ie dis :
— Se quitaves lou mounde tranquille, que? Veses pas que
n'en vôu pas ges ? ..
Ah! secous! misericôrdia!... auriàs vist Nichoula sauta lous
escaliès!... Amai belèu couris encara.
11. — Davaas lou Juge
Lou Juge. — Aladounc, Mos de Guirauda, réclamas à mèstre
Francés cinquanta francs per de terralha que soun ase vous
auriè coupât?
GuiRAUDA. — Ni mai, ni mens, oui, Moussu.
Rien.
— Allons ! allons ! ne fais pas la bête. En veux-tu ou n"eu
veux-tu pas ?
Pas davantage.
— Tonnerre d'un Boiteux ! tu ne te ficherais jias du monde, par
hasard?... Je te les colle sur le nez, si tu ne te réveilles pas bientôt.
Alors, du lit, une voix basse et rauque s'éleva.
— Si tu laissais les gens tranquilles, à la fin? Ne vois-tu pas qu'il
n'en veut point?
Ah ! miséricorde, mes amis !... vous eussiez vu Nicolas franchir les
marches quatre à quatre ! Peut-être même court-il encore.
11. — Par devant le Juge
Le Juge. — Donc, dame Guiraude, vous réclamez à maître Fran-
çois 50 francs pour de la vaisselle que son âne vous aurait brisée?
Guiraude. — Ni plus, ni moins, oui, Monsieur.
CONTES LANGUEDOCIENS 71
Lou Juge. — Eh! be, mèstre Francés, dequ'avès à dire?
Frangés. — Ai à dire, Moussu lou Juge, que ie demandés,
sieuplèt, quoura moun ase i'a ges coupât de terraliia.
GuiRATTDA. — La terralha, Moussu, es ma sauma que la
poui'tava, ben tranquilleta couma à l'acoustuma, quand Tase
de raèstre Francés la faguèt reguinnà e sauta. Vous demande
un pauc se lous plats, las siètas e lous toupis agèroun la
broda!
Lou Juge. — Mes l'ase de mèstre Francés n'es pas l'encausa
se vostra sauma sauta e reguinnà?
GuiRAUDA. — Aco, presemple, si-fèt.
Lou Juge. — Outre ! E coussi, diànsis, el n'es l'encausa?
GuiRAUDA. — Tenès, Moussu, una supausicioun : que iéu
seguèsse la sauma e que vous seguessiàs... l'ase. Cresès que
se veniàs... sentinejà mous couiilhouns, la coupèssen pas la
terralha?...
... Sabe pas dequé lou Juge n'en diguèt.
Le Juge. — Eh bien ! maître François, qu'avez-vous à dire?
François. — J'ai à dire, Monsieur le Juge, que vous lui demandiez,
quand et comment mon âne lui a brisé de la vaisselle.
Guiraude. — La vaisselle, Monsieur, c'est mon ânesse qui la
portait, bien tranquillement, comme à Taccoutumée, quand l'âne de
maître François la fit ruer et sauter. Je vous demande un peu si les
plats, les assiettes et les pots la dansèrent, la sarabande?
Le Juge. — Mais l'âne de maître François n'en peut mais, si votre
ânesse saute et rue.
Guiraude. — Ça, par exemple, si fait.
Le Juge. — Oui-da ?.., Et comment, diable, y peut-il quelque
chose ?
Guiraude. — Tenez, Monsieur le Juge, une supposition: que moi,
je sois l'ânesse, et que vous, vous soyez... l'âne. Si vous veniez four-
rer votre nez dans mes cotillons, croyez-vous que nous ne la briserions
pas la vaisselle ?
... Je ne sais pas ce que le Juge répondit.
72 CONTES LANGUEDOCIENS
12. — S'aco's pas dau malur!...
— Eh! be, Longa-Dent, as soupat?
— Ne vène.
— Boudieu ! tant lèu?... Dequé tron siès estât tant pressât,
ioi, un jour de festenau? Avèn un foutrassau do guindard que
vira à Faste, nous auriès bailat un cop de man per Tesfatà...
— Oh! sacre-noum-de-sort! roundinètentre el Longa Dent,
quanta una que ne manque !... se me ie pescoun mai à dire
qu'ai soupat, vole que la testa me saute!
Aviè pasbelèu fach quatre passes que soun camarada Ris-
Quand-Beu, lou rescouutrant, ie dis :
— As soupat, coullèga?
— Pancara.
— Pancara? Chaval de Dieu! e dequ'espères ?. .. T'aurièi
pagat lou café, mes s'as pas soupat... Bona apetis!... iéu lou
tène.
12. — La Malechance
— Eh bien, Longuedent, as-tu dîné ?
— J'en viens.
— Bon Dieu ! sitôt? Que diable as-tu été si pressé, aujourd'hui,
un jour de fête? Nous avons un superbe dindon qui tourne, à la bro-
che, tu nous aurais prêté la main pour l'achever...
— Oh I sacré-nom d'un sort! marmotta à part soi Longuedent,
quellj occasion je manque ! Si l'on m'y repince encore à dire que j'ai
dîné, je veux que le crique me croque !..,
A peine eut-il fait quatre pas que son camarade Rit-Quand-Boit,
l'apercevant, lui dit :
— As-tu dîné, collègue ?
— Pas encore.
— Pas encore? Et tonnerre de Dieu ! qu'attends-tu donc ?... Je
t'aurais offert un café, mais si tu n'as pas dîné... Bon appétit... moi,
je le tiens.
CONTES LANGUEDOCIENS 73
13. — A la Cassa
Anfin, per acabà aquel pongnat de galejadas, — un bon
pougnat, — n'en vejaici una de mai que la dougena. Es lou
camarada Amat que me la prèsta. Parlen pas se ie la rendrai.
Blagaben e Parlantin, dous cassaires de m'as couiounat
quand t'ai vist, partissoun un dimenche de bon mati per la
cassa. E, s'on lous escouta, paure gibiè gara de davans !
Arrivoun àBalaruc. Introun dins una vigna. Sus unafiguièira,
Blagaben devista un passeiou. L'afusfa, quicha, pan !...
— Cou-icl fai lou passerou que s'euvoula.
— Presemple ! dis Parlantin, a parlât!...
— Oi?... e dequ'a dich?
— ^ A dich : a Es pas fort. »
Caminoun un pauquet, mai. Sus un ouli>^iè, Parlantin, àsoun
tour, devista un passerou. L'afusta, quicha, pan!...
— Pi'Ouitl fai lou passerou que se sauva.
13. — A la Chasse
Enfin, pour compléter cette poignée de bonnes histoires, — une
bonne poignée, — en voici une en sus de la douzaine. C'est le cama-
rade Amat qui me la prête. Ne parlons pas si je la lui rendrai.
Blaguebien et Parletoujours, deux chasseurs de « tu m'as badiné
quand je t'ai vu », partent pour la chasse un dimanche de bon matin.
Et, à les entendre, pauvre gibier ! gare de devant.
Ils arrivent à Balaruc. Ils entrent dans une vigne. Sur un figuier,
Blaguebien aperçoit un moineau. 11 vise, il presse, pan !...
— Cou-icl fait le moineau qui s'envole.
— Par exemple ! dit Parletoujours, il a parlé !...
— Oui?... et qu'a-t-ii dit?
— 11 a dit : « Il n'est pas fort ! »
Ils cheminent encore un peu. Sur un olivier, Parletoujours, à son
tour, aperçoit un moineau. Il vise, il presse, pan!...
— Pi-ouit ! fait le moineau qui tire de long.
74 CONTES LANGUEDOCIENS
— Ma mia ! crida Blagaben, a parlât !
— Mai?... e dequ'a dich?
— A dich : « Es lou même qu'a tirât. »
Gustàvi Theround.
— Miracle! s'écrie Blaguebien, il a parlé!...
— Encore?... et qu'a-t-il dit?
— 11 a dit : « C'est le même qui a tiré !»
Gustave Thérond.
Fin de la 1" série des Contes Laiiguedociens.
L'APOCALYPSE EN HAUT-ENGADINOIS
Cap. 1
(1) La palantêda da lesu Cliristi, quajla che deus ho dô agli,
par chel fascha appalais â ses famalgs aquellas chiôses chi
stouuan duantêr bôd : et ho laschôâ sauair, cura chel tramtét
Vg cuniandamaint â ses famalg lohoaiini, (2) qusel chi ho dô
testimuniaunza alg plêd da dieu, et de la testimuniaunza da
lesu, et da tuot aquellas chiôses chel ho uis. (3) Biô es aquel
chi lijgia et ôda la uerua de la profetia et salua aquellas chiôses
chi Sun scrittas in aquella par che Fg tijmp es ardaint. (4)
lohannes â las set baselgias quselas chi suu in Asia. La gracia
â uus et la paesth da quel chi es et da quel chi era et da quel chi
uain â gnir, et dais set spierts, quasls chi sun in la ueziida da
sieu siz, (5) et da lesu Christo, qusel chi es fidela pardiitta, l'g
priim genuieu (éd. genuien) dais muorts et princip dels araigs
de la terra, ad aquegli chi ho amô nus : et ho lauô nus da
pchiôs très sieu saung, (6) et ho fat nus araigs [819] et sacer-
dots â dieu et â sieu bab aquegli saia glœrgia et imperi et
saimper mae Amen. (7) Uhe el uain cun las nuflas, et scodùn
œilg uain alg uair, et aquels chi haun piitin el. Et tuottas las
generaciuns de la terra uignen â plaunscher, Schi, Amen. (8)
Eau Sun alpha et oméga, Vg principi et la fin, disth l'g signer :
aquel chi es, et aquel chi era, et aquel chi uain â gnir omni-
putaint. (9) Eau lohannes uos frêr et personseuel îlg astijnt,
et îlgariginam, et in la pacijncia in Christo lesu, sun stô in
risla, qusela chi uain anuranêda Patmos, parmur dalg plêd da
dieu, et de la testimuniaunza da lesu Christi. (10) Et sun stô
iig spiert ilg di d'dumengia, et hse udieu dauous me iina
granda uusth sco dad'ùna tiiba, (11) dschant : eau sun al[iha
et oméga, l'g prûm et l'g plii dauous, Aqué che tii uais schi
scriua îlg cudesth, et trametta â las set baselgias quselas chi
76 APOCALYPSIS DALG BIÔG lOHANNIS DUGTUR
Sun in Asia, Epheso et Smjrnae, et Pergamo et Thvàtiras, et
Sardis, et Philadalphise, et Laodicese. (12) Et eau sun uuot
inauous par uair la uusth chi faflêua cun me, et siand uuot
inauous schi hse eau uis set chiaudalijrs d'or, (13! et in meza
l's chiandalijrs d'ôr iin sumgiaunt alg fllg delg hum, uesiieu
cun iina arassa lungia infina giu als pes, et schintô sii â las
tettas cun iina schiuta d'or. (14) Et sieu chiô et ses chiauels
eran alfs seo la launa [820] alua et sco ia naif. Et ses oeilgs
SCO la flamma delg fœ, (15) et ses pes sumgiaunts alg fin
bruons chi uain culô îlg fuorn, et la sia uusth sco la uustli da
bgierras ouuas. (16j Et hauaiua in sieu dret maun set stailas.
Et da sia buochia gniua oura iina spêda taglainta dad amman-
duos mauns. Et la sia fatscha liiischaiua sco l'g sullailg in sia
uirtiid. (17) Et sco eau Vg hse uis, schi sun eau tumô giu als ses
pes sco muort. Et el mattét l'g sieu dretmaun sur me, dschant
â me : Nu tmair, eau sun l'g priim et, l'g plii dauous, (18) et uif
et sun stô muort, et uhé, eau uif saimper et saimpermse : Et
hse las clefs dalg infiern et da la mort. \19) Scriua dimê aquel-
las chiôses che tii hses uis, et aquellas chi sun, et aquellas chi
stouuan duantêr dsieua aquaistas. (20) L'g segret da las set
stailas, quselas che tii hses uis in mieu maun et l's set chianda-
lijrs d'ôr. Las set stailas sun l's set aungels de las baselgias :
et l's set chiandalijrs che tii hses uis, sun las set baselgias.
Annotatiuns
Apocalypsis] reuelaciun. appalantêda. Al//ha et oinetja] l'g
principi et la fin.
Cap. II
(1; Scriua alg aungel de la baselgia da Epheso : aquaistas
chiôses disth aquel chi [821] tain las set stailas in sieu dret-
maun, aquel chi chiamina in miz l's set chiandalijrs d'ôr. (2)
Eau sse las tias houres, et tia lauur, et tia pacijntia, et che tii
nu pous indiirêr l's raêls : et hsest appruô aquels chi dian che
saien apostels, et nu sun, et l's hsest achiatlô mansnêrs, (3) et
hsest cumpurtô. Et hsest pacijncia, et hsest jcumpurtô parmur
APOCALYPSIS DALG BIÔG lOIIANNIS DUCTUR 77
da mieu num, et nun ist gnida alg main. (4) Mu eau lise incun-
ter te, clie tu haes abandunô la tia priimma chiaritsed. (5) T'al-
gorda dimê, innunndei' c.he tii ist tummô, et hègiast arii-
flijnscha, et fo las tias priiramas houres. Schi nun, sclii uœlg
eau gnir bôd, et uœlg amuautêr tieu chiandalijr oui*
d'sieu lœ, upœia che tii iragiuras. |6) Mu aquaist hsest lii,
che tii nous mêl als fats dais Nicolaiters, ad aquaels er
eau uœlg mê'. (7) Chi ho uragliaô la, che l'g spiert disth â las
baselgias. A chi uainscha, uœlg eau dêr da mangiêr delg lain
de la uitta, quasi chi es in raeza l'g paruis da dieu. (8) Et alg
aungel de la baselgia da Smjrna scriua : aquaistas chiôses disth
l'g prûm et l'g plii dauous, qusel chi es stô muort et uiua.
(9) Eau sse tias houres et tieu astijnt, et tia puerted, mu tii ist
arick : et la blastemma da quels chi dian che saien liideaus et
nu Sun, mu é sun la sjnagoga dalg satanse. (10) Nu tmair iin-
guotta da quellas chiôses che tii uainst ad indiirêr.Uhé l'g diauel
uain â met [822] ter qualchiiins d'uus in praschun, par che uus
uignas apfiruôs, et gnis ad hauair paschun par dijsth dijs. Saiast
fidel infina â la mort, et eau uœlg dêr â ti la curuna de la
uitta. (11) Chi ho uraglia ôda che l'g spiert disth â las baselgias.
Aquel chi la uainscha, nu uain ufais da la seguonda muort.
(12) Et alg aungel de la baselgia Pergamo scriua : aquaistas
chiôses disth aquel chi ho la spêda tagliainta da amanduos
mauns. (13) Eau fse las lias houres, et innua che tii stês, et
innua che es l'g siz dalg Satanse, et tii tains mieu num et nun
haes schnaiô mia fe. Et in Is mes dijs Antipas mia fidela par-
diitta, quel chi es amazô tiers uus, innua chi habitta Satanas.
(14) Mu eau hse incunter te pouchias chiôses. Perche che tii
hees allô aquels chi tignan la ductrina da Balaam, qusel chi
amussêua in Balac da trametter sckiandel auaunt l's fiigs da
Israël, che mangiassen da quellas chiôses chi gniuan hufertas
als Idols, et da ruffianêr. (15) Usehia hsest er tii aquel[s], chi
tignan la ductrina dais Nicolaiters, ad aqué ch'eau uœ'g mêl.
(16) T'iragiura, uschigliœ uœlg eau gnir bôd, et uœlg cum-
batter cun la spêda de la mia buocchia. (17) Chi ho uraglia,
ôda che l'g spiert disth â las baselgias. Ad aquel chi uainscha,
uœlg eau dêr de la manna azuppêda, et uœlg dêr agli ii[823]-
na balotta alua, et in la balotta iin num nuof scrit ch'iingiiin
nu so ôter co quel chi arschaiua. (18) Et alg aungel da la
78 APOCALYPSIS DALG BIÔG lOHANNIS DUCTUR
baselgia da Tjatira scriua : Aquaistas chiôsas disth ïg fîlg da
dieu, qusel chi ho l's œiljjrs sco la flararaa dalg fœ, et Ts pes sum-
giaunts ?d<j: bruons chi uain culô îlg fuocii. (19) Eau ?ae lias
heures, ettiâ chiaritaed, et tieu seruezzeii, et tia fe, et tia paci-
jncia, et tias heures, e las plii dauous sun plii bgierras co las
prûrarrjas.(20) Mu eau hœ pouchias chioses incunter te : per che
elle tu laschas la duonna Hiezabel, quela chi disth chella saia
iina profeta, amasser et surmnêr mes famalgs, ruffianèr et
mangiêr da quellas chiôses chi sun hufertas als Idols. (21) Et
hse dô agli tijmp clie la s'possa imgiurêr da sieu pittanœng, né
es imgiurêda. (22) Uhé eau la met ella in lijt,, et aquels chi
s'maistden cun adulteri cun ella, in granda tribulaciun, upoeia
chelshêgian aiiïflijnscha da las lur heures. (23) Et uœ'g ama-
zêr ses filgs cun la mort : et tuottas baselgias uignen â sauair,
ch'eau sun aquel, chi examna l's gnirunchiels et Ts cours : et
uoelg dêr â scodûni d'uus suainter sias houres. (24) Mu eau
dich â uus et als ôters chi isches â Tjatirae : tuols queels chi
nun haun aquaista ductrina, et chi nu cugniouschen la basezza
[824] dalg satané (sco aquaists dian) schi nu uœlg eau metter
sur uus ôter pais, (25j imperscho aquel che uus hauais tgné
infina ch'eau uing. (26) Et aquel chi la uainscha, et salua infina
â la fin las houres, schi uœlg eau dêr agli pusaunza sur l's
paiauns, (27) et uain ad arischer aquels cun una perchia d'fier,
et uignen â s'arumper sco la uaschella d'terra cuotta.(28) Daco
ch'eau he er eau arfschieu da mes bab et uœlg dêr ad els la
staila diauna. (29) Chi ho ui agi a, ôda che l'g spieit disth â las
baselgfias.
Cap. III
(1) Et alg aur.gel de la baselgia qusela chi es â Sardis scriua
aquaistas chiôses : disth aquel chi ho set spierts da dieu et
set stailas : Eau sse tias houres, per che che tii hses num che
tu uiuas et ist muort. (2) Saias uigiaunt et enferma las ôtras
chiô«es chi sun par mûrir. Per che eau nun hse acchiattô las
tias houres plainas auauiit dieu. (-5) Hégias dimê îlg sen, in
che guisa che tii hes udieu, et [t'] salua et t'imgiura. Schi tii nu
(ua) uaglias dimê, schi uing eau tiers te sco iin lêdar, et tii nu
APOCALYPSIS DALG lîlÔG lOIIANNIS DUCTUR 79
uainsl â sauair l'hura ch'eau uing â prnir tiers te. (4) Tu hses
poiicliias [)ersuiias in Sardis quaels clii nun hêgian irapalô lur
uesckimainta : et els nu uignen à chiaminêr cun me cun alua,
per ciie els nu [825] sun dengs. (5)A(iiiel clii uainscha, daiain
a(juella guisa gnir uestieu in uesckimainta alua : et eau nu
uing â chiassêr sieu num our delg' cudesth de la uitta, et
uing â cufesser sieu num auHunt mes bab, et auaunt ses
aungels. (6) Chi ha uraglia, ôiia che Tg spiert disth â las basel-
gias. (7) Et â Taungel de la baselgia da Philadelfo scriua :
Aquaistes chiôses disth l'g saenc et l'g ursest, qusel chi ho la
clef da Dauid : quel chi êura, et iingiua nu serra chi serra,
et ungiûn nu êura. (8) Eau se las tias heures. Uhé eau hœ dô
auaunt te fg hùsth, et iingiiin nu po sarêr aquel : per che tu
hes pouchia fuorza. Et hsest saluô mieu plêd et nun hsest
sthueiô mieu num. (9) Uhé, eau dun aquels de la sjnagoga da
Satanse, qusels chi dian che saien lùdeaus, et nu sun, dimperse
els mainten.Uhéeau uœlg strainscher els, che uignen et aduran
auaunt tes pes, et sappian ch'eau uœlg bain â ti, (10) per che
tu hses saluô \'g plêd de la mia pacijncia, et eau t'uœlg saluer
da Thura dalg attantamaint, quaela chi uain â gnir in Vg
uniuers rauond, par chel approuua aquels chi stauu in
teria. (11) Uhé eau uing bôd. Tain aqué che tii hsest, ch'iingiûn
nu prenda tia curuna. (12) Aquel chi uainscha, uœlg eau fêr
el iina culuonua îlg taimpel da mieu dieu, et nu uain ad ir
oura plu. Et eau uœlg scriuer sur el Tg num da mieu dieu, et
l'g num da cîttsed [82G] nuoua lerusalem da mieu dieu, qiiœla
chi es gnida giu da schi da mieu dieu, et mieu nuof num. (13)
Chi ho uraglia, ôda che l'g spiert disth â las baselgias. (14) Et
alg aungel de la baselgia da Laodicea scriua : aquaistas chiôses
disth Amen la pardûtta fidela et uaira, principi de la creatùra
da dieu : (15) Eau sae tias heures, che tii ist né fraid né
bugliand : fiist gieuar fraid u bugliant. (16) Mu per che che tii
ist tijui, et né fraid né bugliaint, schi uœlg cunianzêr â
d' biitêr our d' mia buocchia, (17) per che che tii disth : eau
suii arick, et sun arichieu, et nun lise b?iing d'ûngiiin : et tii
nu saes, che lii ist miser, et da gnir pchiô d' te, et pouuer, et
orf et niid. (18) Eau cuselg à ti che lii cumpras our da me ôr
afuô our delg fœ, par che tii duaintas arick : et che tii uignas
trat aint cun uesckimainta alua, che nu pera la tuorp da tia
80 APOGALYPSIS DALG BIÔG lOHANNIS DUCTUR
nûdezza: et unscha tes œilgs cun Tg hût dad œilgs, par che tu
uezas. (19) Eau tuot aquels, ch' eau am, schi arprend eau et
chiastich, T'inischa dime et imgiura. (20j Uhé eau stun anaunt
hûsth et pick. Sch' alchiûn ôda la mia uusth, et êura Vg hiisth,
schi uœilg eau ir aint tiers el, et uœilg schnêr cun el, et el cun
me. (21) Aqnel chi uainscha uœlg eau dêr agli da ser cun me
in mieu siz, daco ch'er eau lise uit, et sun aschantô cun mes
bab in sieu siz. (22) Aquel chi ho uraglia, ôda che Tg spiert
disth â las baselgias.
Cap. IIII
(1) Dsieua aquellas chiôses hse eau uis, et uhé iin hiisth auert
in schil, et la prûmma ch' eau hse udieu, sco iiua tiiba chi faflas
cun me, dsciiant : Vij aqui sii, et eau uœlg amussêr â ti quellas
chiôses chi stouuan duantêr dsieua aquaistas. (2) Et irapes-
tiaunt Sun eau stô îig spiert. Et uhé iin thrun era mis in schil,
et sur l'g thrun iin chi sezaiua. (3) Et aquel chi sezaiua era
sumgiant cun la uaisa â la pedra laspidi et Sardio, et Vg arch
celestiêl era intuorn l'g thrun suragiaunt da uair ad iin Sma-
ragdino. (4) Et eran intuorn l'g thrun uainc e quater sizs, et
sur Fs sizs uainc e quater seniours, chi sezaiuen, chi eran
trats aint cun uesckimainta alua, et hauaiuen siin lur cliiôs
curunas d'or. (5) Et dalg thrun gniuan liiischernas, et thuns,
et uusths, et set aumplas d' fœ chi ardaiuen auaunt l'g thrun,
quselas chi sun l's set spierts da dieu. (6) Et in la ueziida dalg
thrun SCO iin mêr d'uaider sumgiaunt alg Christalg, et in meza
l'g ihrun et dintuorn l'g thrun quater alimeris plains d'œilgs
dauaunt et dauous. (7) Et l'g priira alimeri era suragiaunt ad
iin liun, et l'g seguond aliraeri sumgiaunt ad uni uidilg, et l'g
ters alimeri hauaiua ùna fatscha sco iin hum, et l'g quart
alimeri era sumgiaunt ad iini eaula chi stluiola. (8) Et l's
quater alimeris scodiin hauaiua sijs elas dintuorn, et [828J aint
dadains eran plainas d'œilgs. Et nun haun pôs né d' di né d'
net, dschant : Saenc, ssenc, ssenc signer deus omniputaint,
qusel chi tu eras, quael chi tii ist, et qusel chi uain â gnir.
(9) Et cura clu; quels alimeris daun glœrgia et hunur et
bendischun ad aquel chi seza sur l'g thrun, aquel chi uiua
APOCALYPSIS DALG BIÙG lOIIANNIS DUCTUR 81
saimper mœ, (10) schi croudan giu l's uainc e quater seniours
auaunt aquel chi scza îlg Ihrun, etaduran el, chi uiua saimper
mae : et bittan lui' curunas auaunt Vg thrun, dschant : (11)
Signer, tii ist deng dadarschaiuergloergiaet hunur etpusaunza:
par che tii hses creô tuottas chiôses, et parmur da tia uœglia
Sun é et sun stêdas creêdas.
Annofatiuns.
Trun] siz u suppia da grand siguuors, u chiadrica.
Cap. V
(1) Ethse uisîlg dret maundaquel chi sezaiua siilg thrun iin
cudesth scrit dadainset dadoura, isaglô cun set sagels. (2) Et
hse uis iin aungel pussaunt, chi dsehaiua cun hôta uusth : Chi
es deng dad aurir Tg cudesth, et dad arumper sii l's ses segels?
(3) Et iingilin nu pudaiua, né in schil né in terra né suot terra,
aurir l'g cudesth, né l'g guardêr. (4) Et eau cridêua fick
ch'iingiiin nu fiis acchiattô deng dad aurir et da lijr l'g cudesth
né dalg guardêr. (5] Et iin dais seniours [829] dis â mi : Nu
cridêr : Uhé l'g liun chi es da la sclatta du luda, la risch da
Dauid ho uit chel éura l'g cudesth, et arurapa sii Ts set segels
da quel. (6) Et he uis, et uhé in miz l'g thrun et l's quater ali-
meris, et in miz l's seniours, iin agnilg chi stêua sco amazô,
chi hauaiua set cornas, et set œilgs : qusels chi sun l's set
spierts da dieu, tramis par tuotta la terra. (7) Eh uen et pran-
dét l'g cudesth qui dalg dret mauu da quel chi sezaiua îlg
thrun. (8) Et cura chel hauét prais l'g cudesth, sclii sun crudôs
giu auaunt l'g agnilg l's quater alimeris et l's uainc e quater
seniours, hauiand scodiin citras et tazas d'ôr plainas d'chiôses
sauuridas, quselas chi sun las uraciunsdals ssencs,(9) et chiaun-
teniina chianzun nuoua,dschant:Tii ist deng dadarschaiuer l'g
cudesth et dad aurir sii ses segels : per che che tii ist amazô,
ethsest spendrô nus très tieu saung, da scodiina sclatta, et
da scodiina leaungia et da scodiin pœuel, et da scodiina naciun.
(10) et hsest fat nus araigs â nos dieu, et sacerdots, et gnins â
régner sur terra. (Il) Et hae uis et ha udieu la uusth da bgier
6
82 APOCALYPSIS DALG BlÔG lOHANNIS DUGTUR
aungels, dintuorn Vg thrun et l's alimeris, et l's seniours, et
migliera da migliera. {12] dscliant cun granda uusth : Vg
agnilg quîBl clii es araazô es deng dad arschaiuer la pusaunza,
et l'arichiezza, la sabbijnscha, et la furtezza, et la g'œrgia,
et la bendischun. (13) Et scodiiua creatûra, [830] quela chi es
in schil, et quEela chi es sur terra, et qusela chi es suot terra
et îlg mêr, et qusela chi es in aquellas chiôses, tuottes chiôses :
hse eau udieu dschant : ad aquegli chi seza îlg thrun, et agi
agnilg : la bendischun et l'hunur, et la glœrgia, et la
pusaunza saitnper et sairaper mse. (14) Et l's quater alimeris
dschaiuen : Amen. Et Ts uainc e quater seniours sun tumôs
sii lur fatschas et haun adurô aquel chi uiua saimpermse.
Cap. VI
(1) Et hse uis cura che Tg agnilg ho auiert sii iin dels segel;?, et
hee udieu iin dais quater alimeris, dschant sco iina uusth d'iin
thun : Vitten et uaia. (2) Et eau lise uis. Et uhé iin chiaualg
alf, et iin chi sezaiua siin el, et hauaiua iin balaist et es agli
dô iina*curuna, es ieu oura uanschand, et par chel uanschés.
(3i Kt cura ch-1 hauét auiert l'g seguond sagilg, schi hse eau
udieu Vg seguond alimeri, dschant : Vitten et uaia. (4) Et es
ieu oura lin ôter chiaualg cuotschen, et aquel chi sezaiua sur
el et es :^gli dô, chel aluâs uia la paesth de la terra, et che
s'amazassen traunter pêr, et es agli dô iina spêda. (5) Et cura
chel aurit Vg ters sagil, schi hse eau udieu Vg ters alimeri
dschant : uiti en et uaia. Et eau hse uis, et uhé iin chiaualg nair,
et hauaiua iina stadairain sieu maun,(0) et hse uiiieu iina uusth
in miz l's quater alimeris, dschant : iina imziira d' furmaint
par iin danêr, et trais imziiras d'hœrdi par iin danêr, et nu
fêr dan ilg uin et ilg [831] œli. [l] Et cura chel hauét auiert sii
l'o- quart sagilg schi hse eau udieu la uusth dalg quart alimeri
dschant : Vitten et uaia. (8j Et eau ha; uis. Et uhse iin chiaualg
falck,etun chi sezaiua siin el,et sieu num era Mort, et l'g ifiern
ua dsieua el, et es agli dô pusaunza da mazêr la quarta part
sur terra, cun la spêda, et cun la fam et cun la mort da las
bestchias da la terra. (9) Et cura chel hauét auiert sii l'g quint
sagilg, schi hae eau uis suot l'g hutêr las hormas da quels chi
APOCALYPSIS DAL.G BlÔG lOIIANNIS DUGTUR 83
eran amazôs parmur delg uierf da dieu, et parraur de la testi-
muniaunza chels hauaiuen. (10) Et clamêuan cun granda uusth,
dschant : Signer iiifina cura, qtiœl chi ist sseric et urest, nu
giiidicliias tu et fsest uandetta da nos saung, da quels chi
habittan sur la terra ? (11) Et es dô â s ■oJiin dels uesckimainta
alua, et es stô dit ad els, che pusassen auncliia un po d'iin
tijmp infina che fûssen curaplieu lur cumpagniuns famaigs ;
et lur frars qusels chi eran aunehia dad aiiiazôr sco er els,
(12) Et hse uis cura chel aurit su l'g sijsceuel sagilg, et uhé
elg es duantô iina granda terra tritubla, et rgsullailg es gnieu
nair sco iin sack d' peaus n;iirs, et tuotta laliiina es gnidasco
saung, (13) et lasstailas sun tummêdas giu da schil in terra,
sco Vg boestc da âgs bitta giu ses figs uscherfs cura chel uain
amuantô che treia fick d' i'ora, (14) l'g schil dsthsô inauous
sco lin cudesth chi s' uuolua intuorn et tuots !'■< [832] rauns et
tuottas islas sun amuantôs our d' lur lous. (15) Et l's araigs
de la terra, et l's princips, et l's aricks, et l's chiapitaunis, et
l's pusauns, et scodiln famalg et liber s' azuppaun in las spelun-
chias et in la crappa dais muns. (16) Et dian al:^ muns et â la
crappa : tummô sur nus, et azuppo nus de la fatscha da quel
chi seza sur l'g thrun,et da Tira dalg a,unilg : (17) perche che
l'g es gnieu aquel grand di da la sia ira. Et chi p6 stêr ferm ?
Cap. VII
(1) Dsieua aqué has eau uis quater aungels stand sur quater
chiantuns de la terra, tgniand quater ôras de la terra : par che
I'ora nu sutiâs in terra, ne ilg raêr, ne iniingiiin bœstc. (2) Et
hse uis un ôter aungel giand sii dalg aluêr dalg sullailg chi
hauaiua l'g sagilg dalg uif dieu : et ho clammô cun granda
uusth als quater aungels, ad aqusels chi es stô dô-da nuosther
âla terra etagli mêr, (3) dschant : Nu nusthê â la terra né agit
mêr né â la buosttchia, infina che nus nun hauain nudô l's
famaigs da nos dieu in lur fruns. (4j Et hse udieul'g innumber
da quels chi sun nudôs schient quaranta quater milli, nudôs da
scodiina selatta dais fligs da Israël. (5) Da la solatta da luda
dudesth milli nudôs. Da la selatta da Ruben dudesth milli
nudôs. Da la selatta da Gad dudesth milli nudôs. (6) Da la
84 APOCALYPSIS DALG BIÔG lOIIANNIS DUCTUll
sclatta da Aser [833J dudesth milli nudôs. Da [laj sclatta da
Neptalin dudest[h] milli nudôs. Da la sclatta Manasse
dudest[h] milli nudôs. (7) Da la sclatta da Sjmeon dudestli
milli nudôs (éd. mudôs). Da la sclatta da (éd. ad^ Leui dudesth
milli nudôs Da la sclatta da Isachar dudesth milli nudôs. (8) Da
la sclatta da Zdbulon dudesth milli nudôs. Da la sclatta da
loseph dudesîh milli nudôs. Da la sclatta Benianim dudesth
milli nudôs. (9) Dsieua aqué hse eau uis, et uhé iin grand
pœuel, qusel ch' iingiùn nu pudaiua innumbrêr, da tuot paiauns,
et da tuot pouuels, et da (tuot) tuottas leaungias, chi stêua
auaunt Tg thrun, et in la uezii la dalg agnilg, uestieus cun
uesckimainta alua, et uliuas in iur mauns, (10) et clamêuan
cun granda uusth, dschant : Saliid ad aquegli chi seza sur l'g
thrun da nos dieu, et alg agnilg. (11) Et tuot aungels stêuan
dintuorn l'g thiun, et als seniours, et als quater alimeris : et
s'haun rais giu sii lurfatschas in la uezii la dalg thrun : et hauri
adurô dieu, (12j dschant: Amen Bendi (n)schun, et glœrgia et
sabbijnscha, et ingrazchiamaint, et hunur et uirtùd, et
furtrzza â nos dieu sainipermse. Amen. (13) Et iin dais seniors
arespundét et dis à mi : Aquels chi sun uestieus cun uescki-
mainta alua, chi sun é, innuonder sun é gnieus ? (14) Et eau hse
dit aoli : Signer, tii sses.Etel(s) dis â mi : aquaistsun aquels chi
SUD gnieus [334] dalg grand astijnt, et haun sthiargiô oura Iur
uesckimainta, et V haun sthblaunchida ilg saung de l'agnilg.
(15)Três aquè sun els aua[unt] l'g thrun da dieu, et seruan agli
d' di etd' net in sieu taimpel, et apiel chi seza îlg thrun aefda
sur els. (16) Et nun haueraun p'ii fam né sait, né Vg sullailg
do sur els, né iingiiina skialmauna : (17) per che l'agnilg quael
chi es in meza l'g thrun aritscha aquels, et l's cundiiia â las
uiuas funtaunas da Touua, et deus uain â terschar giu da Iur
oeilgs scodiina larma.
Cap. VIII
(1) Et cura chel aurit sii l'g setteuel sagilg, schi es é duantô
iin taschair quaid in schil bunamang meza iina hura. (2) Et hse
uis duos aungels stant auaunt dieu, et sun dùdas ad els set
tubas. (3) Et es gnieu iin ôter aungel, et es stô auaunt l'g hut-
APOCALYPSIS DALG BIÔG lOUANNIS DUCTUR 85
ter, quael chi liauaiua (in thurribel d'ôr et agli es dô bgier
inschais, chel mettes â las uraciuns dais ssencs sur i'g hutlêr
d'ôr, qusel chi es auaunt l'g- thrun. (4) Et es ieu Vg film dais
inschais da las uraciuns dais ssencs our da maun dalg aungel
auaunt dieu. (5) Et l'g aungel ho prais l'g thuribel, et l'g ho
implieu da que fœ delg hutêr, et l'g ho tramis in terra, et sun
duantô thuns et uusths et liùschernas et terra trimbla. (6) Et
l's set aun[835]gels, qusels chi hauaiuen las set tubas, s'haun
parderts par sunêr cun las tiibas. (7j Et l'g priim aungel ho sunô
cun la tiiba, et es fat tempesta, et fœ mastdô cun saung, et sun
tramis in terra, et la terza part da la buostchia es arsa, et tuot
fain uerd es abrilschô. (8) Et i'g seguond aungel ho sunô la tiiba
et es bittô sco lin grand munt d'fœ chi ardaina îlg mêr. Et la
terza part dalg mêr es duantêda saung, (9) et es muort la terza
part de las creatiiras quaslas chi eran îlg mêr, quselas chi
hauaiuen uitta et la terza part (éd. pars) de las nefs es prida.
(10) El l'g ters aungel ho sunô cun la tiiba, et es tumô glu da
schil iina granda staila, chi ardaiua sco iina faccla, et es tum-
mêda in la terza part dais fiiims et da las funtaunas, (llj et l'g
num de la staila nain anumnô asijnt. Et la terza part es miidêda
in asijnt, etbgierra lieud es rauorta da las ouuas, par che che
malagiêuan. (12) Et i'g quart aungel ho sunô cun la tiiba, et
es battieu la terza part dalg sullailg, et la terza part de la
liiina, et la terza part de las stailas : da sort che la terza part
da quels s'insckiiiriua, et l'g di nuu era clêr la terza [)art,
sumgiauntamang er da la not. (13) Et lise uis et he udieu iin
aungel athuuland par meza l'g sehil, dschant cun granda uusth :
Vee, use ad aquels chi staun in terra, par las uusths de la tiiba
dais [836^ ôters t;ais auiigels, qusels chi uignen à sunêr cun la
tiiba.
Cap. IX
(1) Et l'g quint aungel ho sunô cun la tiiba, et eau hse uis
iina staila, chi es tummêda giu da schil in terra, et agli dô la
clef delg puez delg abijss. (2) Et el ho auiert l'g puoz delg
abijss, et es giiieu sii delg puoz fiim, sco l'g fiim d'iin grand
fuorn : et l'gsulailg es isckiiirieu et av l'g Iser, dalg fiim delg
86 APOCALYPSIS DALG BlÔG lOHANNIS DUGTUR
puoz. (3) Et delg fiirn sun ieu oura sagliouz in terra, et es dô
ad els pusaunza, da co che l's scorpiuns haun in terra. (4) Et
es cumandô ad els, che nu guasten Vg fain de la terra, né ad
iingiûna chiôsa uerda, né ûngiiin bœsth : dick suUamang la
lieud, qusels chi nun haun Vg signêl in lur fruns. (5) Et es dô
ad els, chels nun l's amazen, diraperse che schinc mais che l's
apaschiunan. Et lur martoiri es sco l'g martoiri delg scorpion,
cura ched haun punscliieu un hum. (6) Et in aquells dis scher-
chian la lieud la mort, et nun l'acchiatten, et agragien da
mûrir, et la mort fiigia our dad els, (7) Et las sumaglies dais
sagliouz Sun sumgiauntas als chiauals chi sun parderts in la
battaglia, et sur lur testas sun sco curunas, sumgiauntas alg
ôr, et lur fatscha sco fatschas d' lieud, (8) et hauaiuen chiaut-ls
sco chiauels de las duna[837Juns, et lur dains sco dains d'
liun. (9) Et hauaien curaschinas, sco cuiaschinas d' fier, et la
uusth da lur êlas era sco la uusth dais chiars dabgier chiauals
chi cuorren â la guerra. (10) Et haun cuas chi sumaglien â
aquellas dais scorpiuns, et l's aguegls eran in lur cuas. Et lur
pusaunza era da nuoscher â la lieud schinc mais. (11) Et haun
sur els iin araig, l'g aungel delg abijss, ad aqueli es nura in
Hebreiast abaddon et in Graec Apollion aqué es iiu chi metta
â perdar. (12) Un uae es tirô uia et ubé dsieua aquaistas chiô-
sas uignen aunchia duos use. (13) Et l'g sijsseuel aungel ho
8U0Ô (ed.suna) cun la tiiba, et eau hœ udieu iina uusth dais
quater corns dalg huttser d'ôr, qusel chi es auaunt l's œilgs da
dieu, (14) (ischant agli sijsseuel aungel, qusel chi hauaiua la
tiiba : dsthlia l's quater aungels, quaels chi sun liôs îlg grand
fliim Eupht-ate (15) Et l's quater aungels sun dsthliôs qusels
chi eran parderts in l'hura et îlg di et îlg mais et îlg an, par
amazêr la terza part de la lieud. (16) Et l'g inumber dalg exer-
cit da chiauals era uainc uuotes mîlli dijsth milli. Et eau hae
udieu lur itinumber. (17) Et uschia hse eau uis l's chiauals in
la uisiun: etaqueischi sezaiuen sur els hauaiuen guargimaintas
d' fœ, et melnas, et d' suolper : et las testas dais chiauals eran
sco las testas dais liuns, et our da lur buochia gniua fœ, fiim
et suol[838]per. (18) Da quellas trais plêias fiit amazô la terza
part da la lieud delg fœ et delg fiim, et delg suolper, quaelas
chiôses gniuan our da lur buochia. (19) Per che lur pusaunza
era in lur buochia et in lur cuas. Per che lur cuas eran sum-
APOCALYPSIS DALG BIÔG lOHANNIS DUGTUR 87
giauntas ad aquellas dels serpains, chi hauaiuen testas, et très
(éd. tret) aquellas nuscliaiuen é. (20) Et Tôtra lieud, quaîla
chi nun es aniazêda cun aquellas plêias, né s' ho imgiurô da las
heures da lur niauns, che nun adurassen l's dimunis, et las
imeginas d'or et d'argient, e d'iuttun et d'pedra, d'Iainam,
quaelas chi nu paun né uair né udir né cliiaminêr, (21) et nun
hagieu arùflijnscha da lur humicidis, et da lur zœbers, et da
lur pittanœng, et da lur iuœls.
[839] Annntaciuns
Sco Ig martoiri dalg sco7'piun\ chi uain pitzchlô d'un scorpiun
indiira grandisthera turmaint, par che elg es iin dal pijrs
uinins. Sco7'/nun] es iin alimeri [)lain d'iin raêl uinin chi suraa-
glia iin arugnun in grandezza d'iina chiastagna qusel chi sto in
LurabarJia, mu brichia in Alraagna.
(A suivre.) J. Ulrich.
BIBLIOGRAPHIE
REVUE DES REVUES
La Tradition, novembre 1904, — A Perbosc : Mimologismes
populaires d'Occitanie ("fin), p. 303.
Bulletin du parler français au Canada, III, 3 et 4. — A.
Rivard : Le superlatif dans notre parler populaire, p. 71 ; — Lexique
canadien-français (suite), p. 80 et 125.
Giornale storico délia letteratura italiana, XLIV, 3. —
A. Foresti : Per la storia di una lauda, p. 351.
Romania, n» 132, cet. 1904. — A. -G. van Hamel : « Cligès » et
« Tristan », p. 465 ; — L. Constans : « Le songe vert», p. 490; —
A. Thomas: Notes et documents inédits pour servir à la biographie
de Pierre de Nesson, p. 540 ; — A. DelbouUe : Mots obscurs et rares
de l'ancienne langue française (suite), p. 556 ; — A. Jeanroy: a. fr.
«frenf^ier», — a. fr. « aengier, onger», fr. mod. « enger», p. 601 ; —
A. Thomas: a. fr. « chalemine », it. « giallamina», p. 605.
Romanische forschungen, XVI, 3. — P.-M. Huber : Visio
Monachi de Eynsham. Zum ersten Maie kritisch herausgegeben, p.
641 ; — P. Ma7-chol : Etymologies, p. 734; — L. Jordan : Peros von
Neele's gereimte Inhaltsaugabe zu einem Sammelcodex. Mit Einlei-
tung und Glossar zum ersten Maie herausgegeben, p. 735 ; — J. Luzi:
Die sutselvischen Dialekte (Lautlehre), p. 757; — A. Reiff : Histo-
rische Formenlehre der Dialekte von Bournois-Besançon, p. 847.
Zeitschrift fiir romanische philologie, XXVIII, 6.- C. Nigra:
Note etimologiche e lessicali, p. 641 ; — R Orliz : 11 «Reggimento»
del Barberino ne' suoi rapport! colla letteratura didattico-morale degli
« ensenhamens », p. 649; — S. Puscariu : Rumanische etymologien II,
p. 676 ; — H. Tiktin : Die bildung des rumanischen konditionalis, p.
691 ; — H. Vaganay -. Le vocabulaire français du seizième siècle, p.
705 ; — H Sc/iuchardt : Zu lat. « fala, favilla, pompholyx » im Roma-
nischen, p. 737.
Revue hispanique, VI, 4. — /. Jung fer: Noms de lieux hispa-
niques d'origine romaine, p. 269.
BIBLIOGRAPHIE 89
Revista lusitana, VIII, 2. — J. Leite de Vasconcellos : Notas
philologicas, p. 63 ; — J.-A. Tavares : Romanceiro trasmontano, p.
71 ; — P.-A. cVAzevedo: Testamento, eiii portugiiès, de D. Alfonso II,
p. 80 ; — /. Leite de Vasconcellos: Adagiario inanuscrito, p. 84 ; —
A.-Th. Pires : Vocabulario Alemtejano, p. 92 ; — J. Leite de Vascon-
cellos-. Fabulario portugués, p. 99.
Revue du Béarn et du pays basque, I, 12. — E. Bourciez ;
Navarrot et ses chansons béarnaises, p. 529.
Revue de Gascogne, janvier 1905. — J. t/d 5rtrc?ac : Dépenses
pour une exécution à I.ectoure en 1518, p. 39.
Archîv fiir das studium der neueren sprachen und litera-
turen, CXIII, 3 et 4. — C. Haa(j : Antoine de la Sale und die ilim
zugcschriel)enen werke, p. 315; — H. Diibi : Cyrano de Bergerac,
sein ieben und seine werke, p . 352.
Revue de philologie française et de littérature, XVIII, 3
et 4. — L.-E. Kastiier : L'infinitif liistorirpie au XVI'- siècle, p. 161 ;
— R. Harmand : Observations critiques sur le Tournoi de Chau-
vency, p. 168; — /. Désonnaux : Mélanges savoisiens, IV : contri-
bution à la phonétique des consonnes, p. 189 ; — E. Casse et E. C/ia-
minade : Vieilles chansons patoises du Périgord (suitej, p. 195; —
L. Viynon : Patois de la région lyonnaise : pronom de la "à^ per-
sonne, régime direct féminin pluiiel, p. 212, — L. Clédat : Essais de
sémantique, III : la famille du verbe >< dire », p. 259; — L. C. :
« Aspect » et >< égard », p. 301 ; — L. C. : ^' Ne pas laisser que de »,
p. 304.
COMPTES RENDUS CRITIQUES
Louis-P. Betz. — La littérature comparée^ essai bibliographique,
introduction par Joseph Texte. Deuxième édition, augmentée, pu-
bliée, avec un index méthodique, par F. Baldensperger; Strasbourg,
Tiùbner, 1904; iû-8° [xxviii — 410 p.], (uix, 6 mark.
Aucun de ceux qui s'intéressent aux études de littérature com-
parée n'ouvrira ce volume s-ins émotion. La première édition venait
à peine de paraître quand une mort prématui'ée emporta Joseph Texte,
qui avait écrit l'introduction, et au moment où paraît la deuxième édi-
tion, l'auteur lui-même, Louis Betz, n'est plus là pour la présenter au
public. Une mort déconcertante nous l'a enlevé à son tour avant que le
volume fût imprimé, et c'est M. Baldenspergei', successeur de Texte à
Lyon, ami de Betz, qui sert de tuteur à ce livre doublement orphelin.
90 BIBLIOGRAPHIE
La rapidité avec laquelle la première édition a été épuisée est la
meilleure preuve du besoin qu'on avait d'une bibliogra[)hie de ce
genre et des services qu'elle a rendus. La deuxième édition ne sera
pas moins bien reçue, car elle marque sur la précédente un progrès
considérable. Des subdivisions toutes nouvelles ont été créées, par
exemple des chapitres indépendants pour la Hongrie et les Etats-Unis.
Le nombre des études citées a été plus que doublé.
Cette bibliographie aurait-elle pu être plus riche encore? Oui, si Betz
avait reçu de ses lecteurs tous les renseignemenis qu'il était en droit
d'attendre. Au reste, certaines parties sont bien près d'être complètes.
Eu disant ceci, je songe surtout aux chapitres sur l'Italie, pour
lesquels j'ai plus de compétence que pour d'autres. Betz ne s'était
pourtant pas occupé spécialement de l'Italie; mais il avait trouvé,
pour les choses d'Italie, un très précieux auxiliaire dans M. Farinelli,
professeur à l'Université d'innsbruck.
Dans la section l'Espagne et la France j'ai vainement cherché
V Alexandre Hardy de M. Rigal (1889). 11 entrait, sans doute, dans le
plan de Betz de ne citer les ouvrages qui n'avaient pas la littérature
compai'ée comme objet principal qu'autant qu'ils contiendraient des
pages intéressant à un haut degré la littéi'ature comparée. Mais c'est
bien le cas du livre de M. Rigal : car, en démontrant qu'aucune pièce
de Hardy n'a été empruntée au théâtre espagnol, il a modifié profon-
dément ce qu'on enseignait jusque-là sur les rapports du théâtre
espagnol et du théâtie français ; tout le monde enseignait que l'in-
fluence du théâtre espagnol sur le nôtre datait de Hardy lui-même, et
rien n'était plus faux .
Dans la même section, mon nom figure sous le numéro 3466. Il n'y
a aucun droit, car la brochure indiquée ici, Deux sources inconnues
de Roirou, est celle-là même qui figure — et cette fois à sa place —
sous le numéro 2788 dans le chapitre de l'Italie; il n'y est question
que d'imitations italiennes.
L'ouvrage de Betz doit à M. Baldensperger deux excellentes inno-
vations. Au chapitre sur le Christianisme dans la littérature que Betz
avait préparé et qui rentrait assez mal dans le cadre du livre a été
substitué un chapitre sur les Motifs, Types et Thèmes littéraires. A
l'index des noms d'auteurs a été substitué un index méthodique, qui
rendra beaucoup plus de services et qui sera d'autant plus utile qu'une
étoile placée devant certains numéros signale immédiatement à
l'attention les ouvrages généraux sur la matière. Ces signes seront par-
ticulièrement commodes à ceux qui ne font de la littérature comparée
qu'occasionnellement. Ceux-là sont nombreux, et je tiens à dire, en
lei'minant, que la bibliographie de Betz a sa place marquée non seule-
ment dans la bibliothèque de tous les spécialistes de la littérature
BIBLIOGRAPHIE 91
comparép, mais aussi dans celle de tous les travailleurs qui étudient
d'un i)oint de vue quelconque les littérature-! modernes.
JOSKPH VlANEY.
L'abbé Li.-Cl. Delfour. — Catholicisme et Romantisme. — Paris,
Société française d'impriinerie et de librairie, 1905, in- 12, 3 fr. ijO.
Peut-être M. l'abbé Delfour me déniera-t-il le droit, puisque je suis
universitaire, de parler ici de son livre Catholicisme et Romantisme.
A plusieurs reprises, en effet, il déclare s'adresser aux « revues catho-
liques, aux Collèges libres et aux petits séminaires », qu'il s'agit de
préserver du virus romantique, et, à plusieui's reprises aussi, il s'en
prend à «Messieurs les Universitaires », coupables de déserter la cause
classique pour propager l'étude de la détestable littérature l'omantique.
Cependant, « Messieurs les Universitaires » sont gens moins mal
intentionnés que ne le croit M. l'abbé Delfour. S'il sont résolus à ne
pas fermer les jeux sur tout ce qui s'est écrit et |)ensé depuis un siècle
— depuis deux siècles, devrais-je dire, car le XVIil<' u'est pas non
plus pour plaire à M. Delfour, — la plupart aiment les lettres clas-
siques et voient avec plaisir le retour partiel et raisonné au classicisme,
qui paraît s'annoncer de divers côtés. D.u romantisme, ils n'admirent
pas tout, et tant s'en faut Ils sont prêts à applaudir aux critiques
justes qui en seiont présentées. Us admettent fort bien qu'on veuille,
comme M. Delfour, se poser au sujet du romantisme quelques questions
importantes, et par exemple les suivantes :
— Quelle est, chez les romantiques qui se disent catholiques, la part
du catholicisme vrai, celle d'un catholicisme frelaté, celle même d'une
sorte d'anticatholicisme ?
— Quels sont les défauts et les dangers littéraires du romantisme?
— Quels en sont les défauts et les dangers moraux?
— Quelles précautions y a-t-il lieu de prendre en étudiant dans
nos établissements d'instruction la littérature lomantique?
Mais ce que « Messieurs les Universitaires » ne sauraient approuver,
c'est la méthode critique de M. Delfour : elle est trop tranchante, trop
partiale et trop commode.
De principe d'autorité employé hors de propos, des affirmations
hautaines, des généralisations hâtives, M. Delfour fait partout un
étrange usage. Le romantisme, sans cesse opposé au catholicisme,
devient dans son livre une sorte de bête de ra[)ocalypse, qui, en son
monstrueux ensemble, comprend le l'enanisme, le matérialisme, le
dreyfusisme, le « bloc »..., le protestantisme surtout: pour M. Delfour
tout ce qui est romantique ou protestant est haïssable, mais tout ce
92 BIBLIOGRAPHIE
qui est haïssable est romantique et protestant. On comprend quels
jugements sommaires doivent résulter d'une pareille conception.
Si les romantiques n'ont eu — presque par définition — ni sen-
sibilité vraie, ni sincérité, ni foi littéraire, ni patriotisme, les clas-
siques, au contraire, ont eu toutes les qualités et ne font courir aucun
danger. Corneille ne risque point d'exalter l'orgueil et la volonté
désordonnée . Racine n'est point troublant, même dans Bajazet,
et Iphigénie (qu'une citation de la p. 71 nous montre cependant plus
capable de renoncer à la vie qu'ià l'amour d'Achille) « est une jeune
religieuse qui ne recule pas un seul instant devant l'immoiatiou ».
Molière n'a sans doute composé ni George Dandin ni Amphitryon.
La Fontaine est sans doute innocent des Contes . Horace et Virgile ne
célèbrent point d'étranges amours*... Est-il nécessaire de poursuivre?
Pour donner un exemple de l'impartiale critique de M. Delfour, citons
une comparaison entre la Phèdre de Racine et l'Infante de Victor Hugo
(p. 95).
« Collectionneurs, les éci-ivains du XIX"^ siècle se révèlent encore
costumiers, et toujours en vertu du même principe. Ils ne voient pas
la vie de l'âme, parce qu'ils portent toute leur attention sur la beauté
des choses. Victor Hugo dit de la jeune Infante :
Sa basquine est un point de Gènes ; sur sa jupe
Une arabesque, errant dans les plis du satin,
Suit les mille détours d'un lit d'or florentin...
)) Un homme qui n'est pas un tailleur ou un reporter ne fait pas de
ces remarques, il les laisse d'ordinaire sux femmes. Encore les fem-
mes les plus distinguées trouvei'ont-elles le moyen de faire comprendre
qu'elles n'attachent à la beauté de leur toilette qu'une importance
relative. Que ces vains ornements, s'écrie Phèdre, que ces voiles me
pèsent! Tout à l'heure elle réclamait pour sa parure les soins de
toutes ses servantes ; maintenant elle ne songe ni aux rubans, ni aux
chiffons, elle analyse son état d'âme, elle se regarde souffrir. Phèdre
est humaine, avec distinction et intensité. L'Infante de Victor Hugo
ne pense à rien, elle ne regarde rien, elle remplit avantageusement
l'office d'une poupée décorative magnifiquement vêtue, à laquelle le
fabricant-artiste n'aurait pas su donner une expression de physionomie
intelligente, »
Voilà qui est jugé, au moins! et, s'il existe un lecteur de M. Delfour
1 II serait bon de ne pas dire que, pour Virgile, « les choses avaient
des larmes » (p. 92), — bon aussi d'éviter les vers estropiés ou dénaturés
(p. 84, 115, 266, 271...)».
BIBLIOGRAPHIE
93
qui ignore coinijlètement le magnifique et profond poème la Rose de
l'hifanli', celui-là pourra croii'o que l'Infante, « qui ne pense à
rien», jouant un rôle analogue à celui de Phèdre, « qui se regarde
souffrir», Victor Hugo, ridiculement, a voulu singer les psychologues
et n'a abouti qu'à être un « collectionneur » et un «costumier ».
Ailleurs, un chiffre, qu'on exHmine supeifîciellement, un jeu de mots,
qu'on lance à tout hasard, déterminent un jugement littéraire ou moral.
Ainsi, veut-on dire que Lamartine copie Chateaubi'iand : (( 11 a lutté
deux fois avec Milton sur le terrain épique {Jocelyn et la Chute d'un
ange), deux fois exactement, comme fauteur des Martyrs et des Nat-
chez» ; — M. Delfourne sait-il pas que laChute d'un ange et Jocelyn
sont des épisodes d'une grande épopée qui en devait comprendre un
beaucoup plus grand nombre? — Veut-on caractériser ensemble Vol-
taire et Rousseau : « Voltaire est une franche canaille, au lieu que
Rousseau est une canaille qui n'est pas franche >-; — M. Delfour avait-
il l'intention de proclamer la franchise de Voltaire? ce n'est pas pro-
bable ; il l'a fait cependant. 0 pointes, voilà de vos coups !
C'est dommage, en vérité. Car le sujet, on les sujets traités par
M. Delfour étaient intéressants ;etM. Delfour lui-même fil le montre
çà et là) ne manque ni d'érudition, ni de verve, ni de talent. On ne
perdra pas son temps à lire Catholicisme et Romantisme : seulement,
les réflexions qu'on fera chemin faisant ne seront pas toujours celles
qu'aura voulu suggérer l'auteur.
Eugène RiGAL.
OUVRAGES ANNONCES SOMMAIREMENT
Henri d'Alméras. — Les Romans de l'histoire; Emilie de Sainte-
Amaranthe (Les chemins rouges. Le demi-monde sous la Terreur).
— Paris, Société française d'imprimerie et de librairie, 1904, in- 12,
3 fr. 50.
Le deuxième des Romans de l'histoire que nous conte M. d'Almé-
ras est beaucoup moins étrange que le premier, et la vie d'Emilie de
Sainte-Amaranthe est moins faite pour piquer la curiosité que celle de
Cagliostro. Les alentours du sujet sont aussi moins riches : au lieu de
« l'occultisme et de la franc-maçonnerie à la fin du XVI1I'= siècle »
l'auteur — non sans encourir çà et là le reproche de se livrer à des
digressions — étudie rapidement les théâtres, les tripots, le rôle poli-
tique du Palais-Royal et le demi-monde sous la Révolution.
C'est au demi-monde, en effet, qu'appartenait Mme de Sainte-Ama-
ranthe, qui fut l'ornement et, en quelque façon, la directrice d'une des
94 BIBLIOGRAPHIE
maisons de jeu les plus achalandées du Palais-Royal; sa fille, la belle
Emilie, beaucoup plus réservée qu'elle, n'en fut pas moins Vainie,
d'abord d'un don Juan assez vulgaire, le comte de Tilly, puis (quoique
mariée à M. de Sartine) de l'illustre chanteur de l'Opéra, EUeviou.
Compromises, on ne sait trop pourquoi, dans la disgrâce de Danton,
les deux femmes fui'eut enfermées à Sainte-Pélagie le 12 germinal
an 11 (1" avril 1794). Impliquées, contre toute raison, dans la préten-
due « Conspiiation des Etrangers » avec Admirai, qui avait attenté à
la vie de Collot-d'Herbois, et Cécile Renault, accusée d'avoir attenté
à celle de Robespierre, elles moururent sur l'échafaud, afi'ublées de la
chemise rouge des pari-icides, le 29 prairial an II (17 juin 1794).
Le roman de la belle Emilie et d'Elleviou est intéressant. Peut-être
seulement ne voit-on pas assez dans le récit de M. d'Alméras ce qu'il
a de certain et ce qu'il a d'hypothétique '.
Eugène Rigai..
Albert SoubLes. — Almanach des spectacles, année 1903. — Paris,
Flammarion, pet. in -12, 5 fr.
Nous avons dit à plusieurs reprises combien est riche en renseigne-
ments de toutes sortes ÏAlmanach des spectacles de M. Soubies. Le
volume qui vient de paraître et qui est orné d'une eau-forte de Lalauze,
est le trente-troisième de cette charmante collection. Il y a trente ans
que M. Soubies l'a entreprise ; il y en a quarante qu'il exerce les fonc-
tions de critique musical. On ne saurait désirer plus de garanties de
zèle et d'expérience. E- R-
C. Salvioni. — Gli statuti volgari délia confraternita dei discipli-
nati di S. Marta di Daro (Estratto dal BoU. Stor. d. Svizzera ita-
liana, XXVI, p. 81 sqq), BelUnzona, 1904.
L'exposition d'Art sacré qui a eu lieu l'an dernier dans l'église Saint-
Jean à BelUnzona, a eu, entre autres avantages, celui de faire con-
naître un vieux manuscrit sur [jarcheuiin contenant, en langue vul-
gaire, les statuts de la confrérie de Sainte-Marte de la commune de
Daro (vicariat de Bellinzona). M Salvioni publie ce texte et en exa-
mine la langue au point de vue du dialecte, de la fonétique, de la mor-
fologie et du glossaire. M. G.
* P. 153, milieu, lire Mme et non Mlle de Sainte-Amanintlie. — P. IGl,
milieu, lire Sucjj, non Saci/. — Ne manque-t-il pas quelques lignes, p.
131, avant les alinéas sur M. de Maupeou et M. de Sartine?
BIRLIOGRAPIHE 95
RAPPOllT SUK LK CONCOUHS POUK LE PRIX BOUCHERIE
Deux mémoires seulement ont été envoyés cette année au concours
pour le prix Boucherie, l'un imprimé, l'autie manusci'it.
Le mémoire imprimé est intitulé : Etudes sur la langue populaire
du Gapençais et signé F.-N. N/collet. C'est une série d'articles parus
antérieurement dans le Bulletin de la Société d'études des Hautes-
Alpes, et que l'auteur a réunis en une brochure de 90 pages iii-S".
Chaque question traitée contient tiois parties : les formes et leur em-
ploi, leur histoire, leur origine. Les formes sont classées et leur
emploi exposé avec la méthode des vieilles grammaies dont on a
sans profit fatigué notre enfance; c'est dire en même temps qu'elles
sont à peu près inutilisables. L'historique, qui a la prétention de nous
donner l'état ancien du patois, ou du moins celui du XVI'' siècle, est
dépourvu de critique. La partie consacrée aux origines nous montre
que l'auteur est un érudit : le gaulois, l'irlandais, l'anglo-saxon,
l'islandais, l'ombrien, le sanskrit viennent sans effort sous sa plume.
Malheureusement M. Nicoilet ignore totalement la valeur des formes
qu'il cite, et lorsqu'il croit établir qu'une bonne partie du patois de
Gaj) est de l'anglo-saxon ou du gaulois, son étalage de fausse éru-
dition ne fait qu'accentuer la faiblesse de ses hypothèses.
Le mémoii e manuscrit est un vocabulaire, celui du canton de Ludion,
réuni par M. Sarrieu. II y a lieu de distinguer dans ce vocabulaire deux
parlers principaux : le luchonnais proprement dit et le larboiistois, et
dans chacun de ces deux parlers il y a lieu encore d'introduire des
subdivisions, puisque, comme on sait, les patois varient dans une cer-
taine mesure d'un village à l'autre. Aussi l'auteur s'est-il efforcé d'in-
diquer autant que possible, pour chaque vocable ou pour chaque
forme, la provenance exacte.
L'al[ihabet employé est rigoureusement phonétique et aussi précis
qu'on peut le désirer. La valeur de chaque signe est d'ailleurs nette-
ment défin'e au début.
Cet ouvrage ne se borne pas à relater les bizarreries et les particu-
larités du parler Luchonnais; l'auteur a fait tout ce qu'il a pu pour
être complet, c'est-à-dire (|u'on trouve dans son travail non seulement
les mots du vieux fonds, mais encore lus mots empruntés, soit qu'ils
viennent du français, de l'espagnol, de quelque patois voisin, ou aient
été tirés artificifllement du latin. Il n'y a à cela aucun inconvénient,
puisque l'auteur indique la provenance de chaque vocable, et il y a au
contraire des avantages trop nombreux et trop évidents pour qu'il soit
utile de les énumérer.
96 BIBLIOGRAPHIE
En outre rautour nous a donné dans la mesure où il l'a pu, c'est-à-
dire dans une très large mesure, l'étymologie de chaque mot. Ces
étymologies sont piésentées d'une manière très simple et très pratique,
soit jiar l'indication delà forme du latin vulgaire ou de quelque autre
langue qui a servi de point de départ au vocable luchonnais, soit,
quand l'étymologie est très claire, pour ne pas répéter ce qui est connu
de tous, par la simple indication de l'équivalence du mot luchonnais
avec le mot français qui lui correspond et qui, dans ce cas-là, lui sert
presque toujours en même temps de traduction. Comme M. Sarrieu
est au courant des méthodes scientifiques de travail, il est rare que
ses étymologies ou ses autres indications soient contestables.
La sémanticpie n'a pas été négligée non plus. Lorsqu'un mot a plu-
sieurs acceptions l'auteur essaie d'en établir la filiation ; lorsque son
acception actuelle diffère de sa valeur originaire, il cherche à en recons-
tituer l'évolution. De plus il nous fournit de nombreux renseignements
sur les usages locaux, jeux, construction^ agriculture, outils, instru-
ments et ustensiles, et les accompagne de figures lorstju'il le juge utile.
Les particularités de morphologie et de syntaxe, formations plus ou
moins iriégulières, mouvement vocalique des verbes, emploi de l'article,
des pronoms, conjonctions, etc., sont indiquées en quelques mots.
Enfin le vocabulaire proprement dit est suivi de deux appendices.
Dans le premier sont groupés quelques refrains et quelques dictons,
intéressants par les formes insolites ou curieuses qu'ils présentent, et
qui peuvent être utiles pour la lexicologie. Le second comprend la
liste des suffixes et des pseudo-suffixea avec leur origine.
M. Sarrieu se propose, dit-il, d'ajouter d'autres appendices à ceux-
là et en particulier une liste des noms propres de personnes ou de lieux,
en en donnant autant que possible l'étymologie et en y recherchant les
noms communs disparus de la langue actuelle ; mais, pressé par le
temps, il n'a pas pu les achever pour le concours.
Ce résumé succinct de ce que contient l'envoi de M. Sarrieu suffit
pour faire comprendre quelle en est l'importance : c'est un monument
digne d'admiration que l'auteur a élevé au patois de son pays natal,
et l'on peut dii'e qu'aucun patois jusqu'à présent n'a fait l'objet d'un
travail de celte étendue et de cette valeur.
Nous proposons donc que le prix Boucherie soit décerné à ce
mémoire et que la Société le publie dans la Revue des langues
romanes.
[Ce rapport, lu devant 1'» assemblée » de la Faculté des I^etties de
l'Université de Montpellier, a été approuvé à l'unanimité].
Le Gérant responsable : P. Hamklin.
ETUDE SUR LA LANGUE DE FOURES»
Qu'avec une langue populaire — et pai' là nous entendons
une langue (tels nos « patois » méridionaux) ([ui n'est guère
plus parlée que par le [)euple, — qu'avec les faibles ressources
qu'offre une telle langue, des auteurs, épris pour elle d'un
pieux amour filial, puissent aspirer et réussir à faire mieux que
conter avec esprit quelque grosse farce ou avec agrément
quelque légende naïve et touchante, qu'ils puissent enrichir,
relever, ennoblir un tel idiome au point d'en faire un instru-
ment suffisamment riche, souple et délicat pour leur permettre
de manier avec aisance les idées abstraites et de suivre jus-
que dans le détail le plus fouillé les finesses de sentiment et de
pensée dont vit la littérature, personne, j'imagine, ne songe
plus à le contester depuis qu'ont paru les poèmes de Mistral
et de ses amis, d'une grâce et d'une perfection si achevées
qu'ils font songer aux plus purs chefs-d'œuvre de la Grèce,
aux beautés inégalées d'un Homère, d'un Anacréon, d'un
Théocrite.
On reste véritablement émerveillé lorsque, au sortir d'une
conversation avec des gens du peuple, on ouvre Mirèio, pour
ne citer que la plus connue de ces œuvres, la plus fraîche de
ces fleurs qu'ont fait éclore à force d'art et de soins jaloux les
sept félibres de Fontsegugne et qui semblent garder du ciel qui
les a vu naître comme un reflet de grâce sereine et de lumi-
neuse beauté. Et l'on est à se demander jiar quel miracle, d'un
idiome sonore, vibrant et pittoresque certes, mais aussi inca-
pable d'exprimer les abstractions ou de suivre les raccourcis et
les détours du raisonnement que l'esprit des paysans qui le
parlent, Mistral est arrivé à faire un outil merveilleux de
finesse, de grâce et de délicatesse, par quel art tenant de la
' Le présent travail a été couronné par l'Académie des Jeux Flo-
raux (concours de 1900).
7
98 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS
magie il a réussi à changer en or pur le plomb vil dont se
contentaient les ânaes et les intelligences populaires.
Une étude minutieuse et approfondie de sa langue pourrait
aider à expliquer ce tour de force. On verrait, en regardant
de très près, en examinant comme à la loupe la trame de son
stjle, comment la langue mère et les langues soeurs, com-
ment la langue des ancêtres et celle des dialectes voisins ont
été appelées tour à tour à l'enrichissement de la langue mater-
nelle du poète et aussi à l'aide de quels habiles procédés de
dérivation et de composition, Mistral a su comme infuser un
sang généreux, une sève nouvelle à un idiome qui allait s'ap-
pauvrissant, s'anémiant et, sous la lente infiltration du français,
s'altérant de jour en jour davantage. Et l'on aurait l'occasion
de constater une fois de plus que les poètes qui,
Pro'pter egestatem lingtiae etrerum novilatetn,
éprouvent le besoin de perfectionner leur langue, d'enrichir
leur vocabulaire, ont recours à des procédés toujours les mêmes,
que Mistral et ses amis n'en ont pas usé d'autre façon que
n'ont fait, à leur époque, Lucrèce ou Ronsard.
Mais une étude de ce genre pour être menée au degré de
précision scientifique exigée dans un pareil travail, devrait
être faite par l'auteur lui-même. Ces mots rares, ces expres-
sions peu habituelles, ces locutions quasi inusitées, quel autre
que celui qui les a si habilement remis en honneur et fait
rentrer dans le courant de la langue, en les enchâssant avec
tant d'adresse et d'à propos dans son style, quel autre pourrait
dire avec certitude où le poète les a entendus, s'ils sont encore
en usage, et, s'ils sont tombés en désuétude, de quels ouvrages
il a rapporté ce butin linguistique, ou, s'ils n'ont jamais été
employés, de quelles analogies il s'est autorisé pour se hasar-
der à les créer et à s'en servir ? Mais, outre qu'ils auront
toujours mieux à faire qu'à dresser l'état civil de chacun des
mots qu'ils emploient, les poètes seraient sur ce point, j'ima-
gine, d'assez mauvais philologues. Je m'assure que, soit pour
éviter le reproche d'archaïsme, soit — et ceci serait plus
excusable — pour laisser croire leur langue maternelle plus
riche qu'elle ne l'est en réalité, ils succomberaient... mettons
souvent — à la tentation de donner comme vivants des voca-
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 99
bles aujourd'hui disparus ou même que leur dialecte ne con-
nut jamais.
Cette étude assez terre à terre que les poètes ne font pas
ni qu'ils n'aideraient peut-être pas très volontiers les autres à
faire en leur fournissant toutes les in Hcations utiles, c'est aux
érudits à l'entreprendre à l'aide des ressources assez précaires
encore dont ils disposent ou, au défaut d'érudits, aux simples
amateurs des parlers méridionaux. C'est à ce titre que nous
avons cru pouvoir nous hasarder à faire vaille que vaille et à
soumettre à la critique le présent travail.
Nous nous proposons d'étudier ici les procédés d'enrichis-
sement de la langue populaire dont s'est servi le poète du Lau-
raguais, Auguste Fourès, l'auteur des Grilhs, des Cants del
Soulelh, et de la Muso Silbestro '.
Notre choix pourra paraître singulier à qui songera que de
bien plus grands noms s'offraient à nous et que l'œuvre d'un
Mistral par exemple, dont nous proclamions tout à l'heure les
réelles beautés, semblait un champ d'études autrement intéres-
sant et peut-être aussi autrement fécond. Mais, d'une part,
notre origine toulousaine et, de l'autre, notre connaissance
exclusive ou à peu près du seul dialecte « moundiri nous ont
dissuadé d'aller chercher si loin de chez nous le sujet de notre
travail. Il nous a paru impossible d'étudier avec quelque com-
pétence un dialecte aussi différent du nôtre que l'est celui que
l'on parle à Maillane et pour lequel, en cas de doute sur la
forme ou sur le sens, nous n'aurions pu re^^ourir aux sources.
Et nous n'avons certes pas à regretter d'avoir eu cette défiance
de nos forces. Le «lauraguais» est déjà bien assez différent du
toulousain et, au souvenir des difficultés qui nous ont si sou-
vent arrêté au cours de notre étude, à la vue des imperfections
de toute nature que nous apercevons dans notre travail, nous
nous félicitons de n'avoir pas eu la témérité d'aller chercher
notre auteur sur les bords du Rhône.
* On a cru devoir conserver l'orthographe de Fourès, en se bornant
à rétablir la lettre b partout où le poète l'a arbitrairement remplacée
par V.
100 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÉS
Pas plus en effet que la faiblesse de nos connaissances
en patois, nous ne nous dissimulons le vice fondamental de la
méthode que nous avons suivie. Nos recherches n'ont pas eu
toute l'ampleur, toute la variété que nous aurions désiré
pouvoir leur donner. Notre travail eût dû être précédé d'une
large enquête faite dans tout le Lauraguais auprès des paysans,
des ouvriers, de tous ceux qui parlent le dialecte que Fourès
illustra. Il nous paraît qu'une consultation de ce genre, outre
qu'elle eût facilité notre tâche, nous eût permis d'arriver à
des conclusions sinon inattaquables, du moins plus précises
et plus solides que celles que nous présentons.
Quoi qu'il en soit, nous n'avons rien négligé pour suppléer,
dans la mesure du posr^ible, à l'enquête sur les lieux à laquelle
nous n'avons pu nous livrer. Il serait déplacé de citer ici les
noms des personnes à la bienveillance desquelles nous devons
d'avoir pu mettre sur pied notre travail'. Qu'il nous suffise
de (lire que la plupart de celles que nous avons consultées
sont de Toulouse ou du Languedoc. Nous avons ajouté à ce
système de contrôle celui des dictionnaires : les ouvrages de
l'abbé Garj, de Boucoiran, de Visner et le petit lexique que
M. Mâzuc a annexé à sa récente grammaire du dialecte de
Pézenas, ont été fouillés avec le plus grand soin. Nous n'avons
consulté le Trésor dôu félihrige que pour les mots que nous
n'avions pas trouvés dans les dictionnaires précédents. Cet
ouvrage est en effet si complet qu'il n'y a presque aucun des
mots employés par Fourès qui n'y soit mentionoé.
Malgré tous les efforts que nous avons tentés pour abouti rades
conclusions fermes et décisives, no us avons, malgré tout, l'impres-
sion que bon nombre de mots signalés par nous comme inusités.
^ Il y aurait toutefois injustice et ingratitude à ne pas dire ici que
nous devons à notre ancien maître, M. le professeur Jeanroy^ non
seulement quelques utiles indications de détail, mais l'idée même de
cette étude. Nous n'aurions garde non plus d'oublier quel précieux
concours nous avons trouvé auprès de notre mère, pour le toulousain,
pour le rouergat, de Mlle Chauzy (de Salles-Curan), pour le gascon, de
M. Adher (Jean), enfin de nos collègues MM. Balasc (de St-Paul)
(Ariège),. Ronmieu (de Carcassonne) et Gayraud (de Fanjeaux, Aude),
pour l'ensemble de notre travail.
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 101
sinonincompris, doiventêtre connuset employés dans certaines
parties du Lauraguais par des personnes sachant mieux que les
autres leur langue maternelle. Nous avons estimé préférable
de laisser figurer ces mots dans notre travail, nous réservant
de confesser et de réparer notre erreur, dès que l'on en aurait
fait la preuve . Mais si nous ne citons pas uniquement des mots
inconnus aux compatriotes de Fourès, du moins pouvons-nous
assurer que, à l'exception des mots calqués sur le français,
(qu'il eût été fastidieux et sans intérêt de relever tous), nous
n'avons exclu de nos listes que des mots bien connus de tous
ceux qui parlent le patois entre Toulouse et Carcassonne.
I
Mots repris a l'ancienne langue
A l'exception de quelques mots qui sont manifestement
archaïques, tels par exemple que autiu, -ibo (altier), troubai-
ris (poétesse), verges (vierge), nous ne pouvons pas affirmer
avec certitude qu'aucun des mots cités ci-dessous n'est plus
connu dans le Lauraguais. Plusieurs, en effet, nous ne l'igno-
rons pas, sont encore en usage dans certains pays (Rouergue
ou Haute-Ariège),oti. l'influence du français s'est moins exercée
que chez nous, et il se pourrait que ces mots se fussent
conservés dans certains coins de notre région. Il nous semble
cependant que presque tous sont inconnus de nos comjia-
triotes. On remarquera que la plupart ont été employés par
les écrivains languedociens ou gascons des XVIP et XVllP
siècles et c'est chez eux, vraisemblablement, que Fourès est
allé les reprendre V
• Abréviations. G, = les Grilhs; — G. S. = les Cants del Soulelh;
— M.S. = Muso Silbestro . (Le chiffre qui suit renvoie à la page.)
M. = Trésor du Félibrige de Mistral.
B.= Dictionnaire analogique et étymologique des idiomes méridio-
naux, par L. Boucoiran. Nimes. 5 fascicules (1875-1886).
P. = Dialecte de Pézenas (d'après la gr""^ languedocienne de M.
Mâzuc.Toulouse, 1899).
V. = Ditciounari moundi de Jean Doujat empeutat per G. Visner.
Toulouse, 1897.
102 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS
Abeluc =■ ardeur au travail. B.
Ahet = sapin. V. B.
Abouquieu (cami) = rapide, très incliné. V, B.
Agati =z amadouer, allécher. V. B.
Agradiboul = agréable. V.
Alamelo et alumelo = lame.
Alupairez^ convoiteur V. B.
Apostoul=- apôtre. V. B.
Arbôut = voûte. V. B.
Archibanc zn haut fauteuil de bois. B.
Armaduro = armure.
Ai^mo = âme. V. B.
Assoulant = consolant. M.
Astrat = prédestiné. B (v. 1.).
Audous :=: odorant. V.
Aule, 0 zz: méchant, sauvage. V. B.
Auleso = méchanceté, barbarie. V. B.
Aus = toison. V.
Autisme = très haut personnage. B (v. 1.).
Aulourous = insolent, orgueilleux. V.
Auzent = calme (en parlant du temps). M.
Azalbra (s') = monter, s'élever, apparaître. V. B.
Azir = haine. V.
Bandièro = bannière. V. B.
Bandissomen = bannissement. B.
Bel = voile (parure). V.
^6'Z2adMro = délicatesse. V. B.
Biro = broche. V.
Blous = pur. V. B.
Boubbouso [à la) = eu folâtrant. M.
Bourrèlo =: bourrelle. V.
Bragard, ardo zn aimable. V. B.
Brustio = boîte. V. B.
Caramel zn chalumeau. B.
Cazenso = chute. B.
Clamatiè =■ crieur public. M.
Clatissa = crisser. V.
Cossoul = consul. V.
Coubezenso = convoitise. V.B.
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 103
Counil zz. lapin. V. B. P.
Counquista = conquérir. P.
Cousselh HZ assemblée, conseil.
Coutelhèro = fourreau d'épée.
Custodio •= squelette. V.
Dalfi z=z fils chéri (Goudelin : lou dalfi del cèl zz J. Ch.)
Deminja = diminuer. B. (v. 1.)
Dibo et dibesso = déesse. V.
Dono = dame. V. B.
Égo = jument. V. B.
Bmaugut'TZ ému. V.
Embahne. = éboulement. V.
Encoulerit ^=. 'wv'xié , V. B.
Emperi = empire. V. B.
Engauzit = réjoui. B. (v. 1.)
Escadafal = échafaud.
Escapoula = façonner à la hache. B. V,
Escardenc = d'un rouge ardent. M.
Escoundre {s') = se coucher (soleil). V.
Escumenjat = excommunié. V. B.
Espefort r= effort. V.
^s/ïér = espoir. V. B.
Espleit =• exploit V. B.
Esquèrro (V) = la main gauche.
Faidit = proscrit. V. B.
Pamo = renommée. V.
Feramio = bête fauve. B,
Flume = fleuve. B. (v. 1.)
Fourreduro = fourrure. B,
Fraudi = faner. M.
Fu^t ^ bois. M. (Goudelin .-= fusto).
Futo zn fuite . B. (fa Ihours futos =■ les mettre en fuite
(M. S. 158).
Gaito= sentinelle. B.
Gauch = joie V. (pluriel, gauches).
Gaudina {se) = se réjouir. B.
Glabi = glaive.
Grèu^grèbo ziz grave, pénible. V. B.
Grima = gémir, grincer. B. (v. 1.)
104 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS
Iscariol = traître., déloyal. V.
Iro = colère. V. B.; irat = irrité. V. B.
Lauza = \onev {laudnre) . B.
Lièro z:z Loire.
Mamois = violette. V. B.
Matrassino = flèche. V. B.
Mau (se):^il se meut; maw6en^= mouvant, (de s<??na?«'e.V.B).
Moud {sens} = (sans) mot dire V. B.
Mousti = mâtin. V.
Ops {pi^ene sous) = (prendre ses) ébats. V.
Orb, 0 = aveugle. V. B.
Palpugo = tentacule (Goudelin = palpuga).
Pamparrugo ^= perruque. V. B.
Parti [se) = se séparer, se diviser. B. M.
Poudestatziz pouvoir. V. B.
Pouls zz: poussière. B. [poulset := même sens [abbé GarjJ).
Pourpouro = pourpre. V. B.
Pugnal= poignard. V.
Pugnido 1= piqûre. V. B.
Quatren = quatrième.
Regino := reine. V. M.. (Gondelin).
Itiquesso = richesse, rie = riche. B.
Boire = manger. V. B.
Sagel nz sceau. V. B.
Sageto = flèche. V. B.
Sartre = tailleur. V. P.
Segnouro M. et segnouresso B. = seigneuresse.
Secle = siècle. V.
Senet {lene) = (tenir) conseil. V.
Sorni = songe.
Sou/nran, ano = souverain. B.
Slaire rr faire halte, rester debout. B.
Trahidourici = traîtresse. V. (Goudelin = trahison).
Traire = attirer. V,
Trinfla = triompher. V.
[/s = huis. (B. ussa = fermer, usset = bonde).
Verges:^ vierge (Raynoiiard).
Nous avons retrouvé : à Toulouse, l'expression crida coumo
uno clamatièro, sans doute une « crieuse publique » ; — dans
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÉS 105
le Tarn (abbé Garj) courreà futo = courir en toiite hâte; dans
l'Av-eyron (à Salles-Curan) les naots : armo (las armas del Pre-
catori = les âmes du Purgatoire) ; ans = toison ; coutelkèro =
gaîne de la coût (pierre à aiguiser la faulx) ; escu7nenjat=:
excommunié ; gauch (dans les locutions fa (/ai(ch= faire envie
et gran gauch ziz c'est un grand bonheur que...) ; — puqnal
au sens de haclioir, couperet ; — à Carcassonrie : apôstou
(apôtre); dans le Gers : mamois = violette.
IL
Mots présentamt une forme irrégulière
Avant d'aborder l'étude des mots actuellement en usage dans
le Lauraguais, signalons en quelques-uns qui présentent chez
notre auteur une forme peu habituelle ou irrégulière.
Citons d'abord un pluriel irrégulier : camises (M. S. 108| =
chemins, créé par analogie avec les |)luriels des subtantifs ter-
minés au singulier pai' un s. Cf. chez Fourès même : les diuses
(C. S. 204) = les dieux.
L'adjectif ma5c/e semble bien n'avoir pas de féminin. Fourès
a dit, conformément à l'analogie des autres adjectifs dont la
finale est un e au masculin et un o au féminin : masclo bèutat.
Par contre, il a dit bierje au7ibo{vierge sauvage) [C. S. 272],
au lieu de bierjo^ sans doute pour se rapprocher de la forme
étymologique.
Il a tiré de auberjo{^QchQ) l'adjectif masculin auberje [C.S.92],
(couleur de fleur de pêcher), qui nous semble une création et
pour la forme et pour le sens.
Quelques autres mots ont une forme rare ou peu explicable.
Citons :
i4Mze/Ae (auditeur) [C, S. 192]. Ce mot, peu explicable pho-
nétiquement, se présente dans un passage de sens douteux.
Auzelhé, dérivé rf'aw^ï (écouter), ne peut signifier qu'«auditeur».
Or, on ne peut, dans notre passage, lui conserver ce sens
qu'en donnant à brico, qui le précè le, le r^ens de «un peu »,
sens que l'étymologie, sinon l'usage, ne s'oppose pas à ce qu'on
106 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS
lui donne, mais qui n'est guère ici appelé par la suite des
idées.
Ardei^ecio (hardiesse) [C. S. 186]. M. etV. àonneni ardelecio,
à côté de ardelous (ardent). Faut-il corriger l'r en /? ou
admettre que Fourès a tiré arderecio de arderous, qui existe
(V. B. M.)? Nous préférerions cette deuxième explication.
Arderecio serait à arderous ce que ardelecio est à ardelous.
Allegrarzit [bfsatge) = {y\sa.ge) plein d'allégresse (C. S. 118.)
offre un /■ inexplicable. Il faut peut-être corriger en alfegrazit
{allegrezit existe en Limousin. B.M.) ; peut-être (et nous pré-
férerions cette correction) en allegranzit du substantif alle-
granso .
III.
Mots du langage courant employés dans un sens peu habituel
Un procédé, très légitime, dont s'est servi Fourès pour
enrichir sa langue a été de prendre les mots du langage usuel
dans un sens légèrement différent de celui qu'ils ontd'ordinaire,
tantôt en remontant au sens primitif par delà le sens dérivé,
quand celui-ci a survécu à son aîné, tantôt en employant au
sens figuré des mots qui n'ont que le sens propre. Nous ne
relèverons que les exemples les plus intéressants.
Mais, au préalable, nous voudrions citer ici — faute d'un
endroit plus convenable — un certain nombre de mots dont
Fourès n'a certainement pas altéré le sens habituel, mais qui
ont chez lui un sens assez curieux pour mériter d'être signalés .
On remarquera que certains ont un sens directement opposé à
celui qu'ils ont dans les dialectes voisins.
Acowa = donner du cœur. — Sens habituel : zr ôter la
force B.(ASt-Paul(Ariège), s'acowran: perdre tout son sang).
Assoula = raffermir, consolider. — Sens habituel : = pré-
parer une aire. B *.
Aiguièro = aiguière. — Sens habituel : = ruisseau.
* Dans certains endroits s'assoula signifie tomber par terre.
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 107
Balandran = glas, sonnerie funèbre. — Sens habituel : =
balancement. V.
Barho-blanc = sorte de gros nuage. — Sens habituel : =r
1°) barbon ; — 2°) jeune caille. M.
Baira = avoir des couleurs changeantes. — Sens habituel :
= commencer de mûfir(en parlant de fruits).
Campanal = carillon. — Sens habituel : = 1") porche
d'église ; — 2°) clocher.
Canaulo = clarine des vaches.— Sens habituel : :^ 1") sorte
d'échaudé. V. B ; — 2°) sorte de collier. M .
Canilhat =r perce-bois (chenille). — Sens habituel : = les
chenilles en général. M.
Canouna =r mettre la tige (blé, etc.). — Sens habituel : =
faire des canons à une coiffe. V.
Can{arèlo= appeau. — Sens habituel : = 1") qui fait profes-
sion de chanter, qui aime à chanter. B ; — 2») qui est agréable,
facile à chanter. V. (adjectif).
Coto = queue de gouvernail. — Sens habituel : = cale
pour arrêter les roues.
Desafouat = qui a perdu le morfil (lame).— Sens habituel :
= P) dont le feu est éteint; — 2°) qui a perdu son entrain.
Desasourgat =: désaltéré. — Sens habituel : ^ privé d'eau,
séché, tari. B.
Escoiirro= rouleau portant la meule. — Sens habituel : =
1°) rigole, — 2") courant d'eau entre deux bancs de sable'. M.
Estriba = se serrer contre le timon de la charrue. — Sens
habituel : = 1°) soutenir. B ; — 2°) mettre ou avoir le pied à
rétrier. M.
Fâchai = batitures, éclats de fer sous le marteau. — Sens
habituel : m 1"; torchon ; — 2°) importun. M.
Fihla = fouetter. (G. S. 210). — Sens habituel : = 1°) cour-
ber (transitif), ou 2°) se courber, fléchir (intr.).
Grumilhou =: goutte de sueur. — Sens habituel : = larme . B.
Merilho-zz merveille. — Sens habituel : = sorte de raisin
(Jasmin). A Toulouse, merilhou = lentille.
Naissent = surgeon. — Sens habituel : :zz source nais-
sante. B.
1 Rapprochons cependant le verbe escourra, soutenir (Jasmin).
108 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS
Pugneire m épinoche. — Sens habituel : = celui ou celle
qui pique (adjectif). M.
Rampoino = convalescence. — Sens habituel : = 1") rechute
(dans une maladie) ; 2°) discussion. P.
Beume = râle. — Sens habituel : z= 1°) rhume; 2") chassie
des yeux. M.
Sounsi ■= user.^ — Sens habituel : =: 1°) fouler, tasser; 2°)
combler. P.; 3°) battre. P.; 4°) gémir. B.
Teroun = essor. — Sens habituel : = source jaillissante.
Trelima = peiner, travailler. — Sens habituel : -= s'im-
patienter, sens que donne aussi Fourès.
Tî'elus = vif éclat (la luno es al trelus). — Sens habituel :
zr faible clarté, jour vu par transparence.
Trescamba = vaciller comme un homme ivre. — Sens habi-
tuel : = courir très vite. [Pot pas trescamba = il ne peut pas
mettre un pied devant l'autre, en parlant d'un homme ivre).
Avant de donner la liste des mots dont Fourès a renouvelé
le sens en le modifiant légèrement, nous tenons à signaler ceux
qu'il a empruntés à l'argot et auxquels il n'a pas craint de
donner droit de cité dans ses pièces, dans celles mêmes qui
sont loin d'être du ton familier. Nous passons condamnation
sur le mot brama (pleurer) [M. S. 100], que le poète emploie
au sens transitif. Ce verbe qui signifie proprement « braire»,
ne s'applique aux personnes que lorsqu'oaveutleur faire injure.
Mais il est trop expressif et trop bien amené au surplus pour
que nous songions à élever la moindre critique. Nous ne pou-
vons pas avoir la même indulgence pour les mots : coujo
(citrouille) au sens de u crâae », desclusca (écosser des
fèves etc.) au sens de ufrapper à la tête », gwè/' (cuir, peau) au
sensde «vie», 7'usco (écorce) au sens de apeau», enfin lugres et
toucho, mots des plus trivials qui signifient «jeux» et «mine».
Nous ne pouvons non plus, pour le dire en passant, nous empê-
cher de trouver peu heureuse l'expression de pouesw grandasso
au sens de a poésie épique». Le suffixe augmentatif as a un
sens péjoratif si nettement accentué qu'il déprécie, bien loin
de le relever, le sens des mots auxquels on l'ajoute.
Donnons maintenant la liste des mois à sens détourné : les
remarques précédentes nous ont permis de l'alléger un peu.
ÉTUDE SUll LA LANGUE DE FOURÈS 109
A ùia zz: mettre en fuite, disperser [C. S. 100] au lieu de
mettre en train, lancer (une roue, par ex.).
Abranda (s') = devenir rouge comme la braise, en parlant
d'un fruit qui mûrit (M. S. 204) au lieu de s'embraser.
Abrasa = embraser [G. 142] au lieu de souder.
Agit [binot) = facile (à boire) [G. 136] en parlant du vin.
Cet adjectif a deux sens : 1) un sens actif : adroit, agile;
2) un sens passif : commode, aisé. C'est dans le sens passif
que Fourès le |)rend ici, avec une nusinoe prégtimite qui n'est
pas habituelle, mais que l'esprit saisit sans peine toutefois, et
qui est peut être en usage dans le Lauraguais. Cf. esclots agits
= sabots faciles, aisés (à porter).
Anaira (s') = s'élever dans les airs. Sens habituel zz se
secouer, réagir contre le mal (en parlant d'un malade).
Aram zr airain (C. S. 330). Le sens habituel est fil d'archal
ou de laiton, et quelquefois fil defer. B.
Aterrat = tombé à terre. Ce verbe n'a plus que le seus
figuré comme en français.
Airissa{s') =zse dresser sur ses pieds, se mettre debout (sens
dérivé de celui de se hérisser). Le sens actuel le plus fréquent
est celui de « se disputer violemment » .
Barratz^ rajé (en parlant d'une étoffe) au lieu de : fermé avec
des barres, enfermé.
Belet = rajon (de soleil) au lieu de : éclair.
Boulatum = volée d'oiseaux. Sens habituel : les volatiles en
général, l'ensemble des volatiles, (d'une ferme par ex.).
Bourdon = vers (poésie) au lieu de rehaut d'église, refrain
liturgique.
Cap = chef, guide au lieu de ((tête».
Cansadoiamo) =(ârae) triste au lieu de : fatiguée, harassée.
Caro = visage (G. 46), sans nuance péjorative au lieu de :
mine renfrognée Ifa la caro).
Couberlo nr pont de vaisseau au lieu de : couverture de lit.
Crariiizit = brûlé au lieu de ; cramoisi (cf. creinezinozn poire
d'été d'un rouge vif. B.)
Croutou = fiente, guano (coUectit) au lieu de : petite crotte.
Doulenl = triste, dolent, qui se plaint. C'est un retour au
sens archaïque (se dole = se plaindre).
110 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS
L'adjectif rfoM/en^ n'a plus dans nos régions que le sens de
douloureux (au physique) ou de espiègle, vicieux, mauvais.
Degoiilhat = séparé en plusieurs tronçons (en parlant d'un
peuple au lieu de luxé (articulation);cliez Goudelin = dévorer.
Se desasupi z= sortir (par ex. se desasupi de soun oustal) au
lieu de : s'éveiller.
Descahel/iat :=z échevelé (en p triant du vent) au lieu de :
écimé (en parlant des arbres).
Desfardo^ dépouille mortelle au lieu de : vêtements enlevés
du corps.
Enfiala = prendre dans un filet (ou attendrait enfialatd) au
lieu de : enfiler (une aiguille par ex ).
Emhejant = digne d'envie, alléchant au lieu de : envieux,
qui envie.
Embrimat= venimeux, plein de venin (en parlant d'un
serpent) au lieu de : qui a reçu du venin à la suite d'une morsure-
Endegnatzz. meurtri (en parlant du cœur) au lieu de : enve-
nimé (en parlant d'un mal qui suppure).
Englanda (s')=s'engloutir, s'effondrer au lieu de : se meurtrir,
s'assommer. (Ex.: s'englanda les dits.)
Enlugra = aveugler (par suite d'interposition d'un objet
opaque entre l'œil et la lumière). (Ex.: cette épaisse voilette
t'aveugle) au lieu d'aveugler au sens d'éblouir. V. Paraît
forgé.
Enrouza ^s')=se teindre en rose au lieu de s'habiller de rose,
sens rare du reste. (Le sens habituel est : se couvrir de roséej,
Escalpra = sculpter au lieu de entailler le bois avec l'es-
calpre (bédane des charpentiers).
Escapoul = ébauche au lieu de : billot, tronc brut.
Escarralnlha (s')=s'ouvrir (en parlant des fleurs) au lieude :
s'évertuer, se démener (personnes).
Esperta (s') = se dresser au lieu de : se réveiller.
^s^ué?' rz mal fait, de travers au lieu de : effrayant, peu sûr
(en parlant d'un lieu). Le sens archaïque de ce mot est : gauche.
Estirat = grandi (par ex. grandi dans la débauche). Le
réfléchi seul a le sens de grandir. Le passif dans ce sens est
un peu forcé.
Padet = feu follet substantif au lieu du sens adjectif =
léger, frivole (diminutif de fat).
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 111
Falquetn = prendre, saisir (comme un faucon) au lieu de
chasser au faucon.
Grattât ~ griffé (G. 46) au lieu de : labouré.
Gourg = gorge (de montagne) (C. S. 12) au lieu de grand
trou plein d'eau.
Gandi [se) = sortir (du bain) au lieu de : se préserver, échap-
per à (avec l'idée de danger évité).
Ibersenc {l')= le Nord au lieu de : la chose d'hiver, qui naît,
pousse ou se montre en hiver.
Jas=^ race, souche, au lieu de : gîte.
Mage, majo = grand, grande au lieu de : plus grand, plus
grande (comparatif).
Marna r= recevoir un fleuve (en parlant d'un autre fleuve)
au lieu de : boire involontairement (à la baignade par ex.).
Ou7nbrenc{r)=\e Nord a.u lieu de: la chose sombre, ombragée.
Pacan = citoyen libre au lieu de : paysan, rustre, vaurien.
Palet =1 dolmen au lieu de : galet plat et rond (pour jouer
au bouchon par ex.).
Pairolo = chaudière de machine à vapeur au lieu de : gros
chaudron.
Peirado^i chaussée, chemin au lieu de : tas de pierres. Les
deux sens sont du reste très voisins.
Rameja = faire remuer le feuillage au|lieu de : cueillir les
jeunes pousses.
Rai =: rayon de soleil, au lieu de : rayon de roue.
fta/a=rayonner, étinceler au lieu de : rayer, faire des raies.
Rega= faire des raies sur une étoffe {raya] au lieu de : faire
des raies (en creux) sur un corps dur.
Siètl := siège, assiègement au lieu de : siège, chaise. Exten-
sion de sens légitime et peut-être ancienne.
Tièro = famille au lieu de : rangée, enfilade (de vignes
notamment).
IV.
Mots formés a l'aide de suffixes ou de préfixes.
Fourès, qui connaissait toutes les ressources de sa langue
maternelle, eu connaissait tous les procédés d'enrichissement.
11 avait remarqué avec quelle facilité, à l'aide de certains suf-
112 ÉTUDE SUR LA LANGUE DEÎOURÈS
fixes OU préfixes, le peuple crée des mots nouveaux : il sut
profiter de cet avantage. Le détail seul est ici intéressant.
Etudions donc Tun après l'autre les suffixes de dérivation.
I. Substantifs dérivés
Suffixe — at. — Eissarnat =: un essaim tout entier, (cf. un
teulat (une toiture), tin bentrat (une ven-
trée) vji pugnnt (une poignée).
Suffixe — ado. — Dérivé de substantif: à bntalhados ^^k tonte
volée (de batalh = battant de cloche).
Dérivés de verbes : firassejadoz^ grand geste
des bras (de brasseju);
Ensannado = ensanglan-
tement (de ensanna);
Fendasclado = crevasse
[se fendascla = se cre-
vasser;;
Lougado = maison (de
louga = louer).
Suffixe — adis. — Baralliadis = tapage \àQ barallia-=tdAve du
tapage) ;
Estenalhadis = tenaillement (de estenalha=
tenailler);
Mourmouladis = murmure (de mourmouln=^
murmurer) .
Suffixe — adi'sso. — Sounndtsso = sonnerie (de soima = sonner).
Suffixe — al. — Bascaial = éclat de rire (de bascala = rire
aux éclats);
Carbenal= roselière (de crtr/»eno^= roseau);
Endebinal=i'm\gme (de endebina= deviner);
Sarrat^= serrement (de sarra = serrer).
Suffixe — anso. — Allegranso = allégresse (de allegro) cf.
remenibranso (de remembra).
Suffixe — ard. — Auzelard = gros oiseau (de auzèl).
Citons ici le diminutif (alpari = petite taupe (de talpard =
grosse taupe).
Suffixe —arèlo. — Bairarèlo = petite barque (de barco);
Micarèlo t= miette (de mico = mie);
ÉTUDE oUR LA LANGUE DE FOURÈS 113
Sounarèlo = sommeil (lie .son = sommeil);
Toumbarèlo = disposition à tomber ( de
ioumba)
Suffixe — as. — Aclas z= gros aigle (de aclo^ aigle);
/Jentalhas =z gros éventail (de bentalli = éven-
tail);
Capas = grosse tête (de cap — tête);
Fauras — forgeron sans idée péjorative (de
faure = forgeron);
Liounas = grand lion (de lioun = lion);
Mari'as = bélier (de marre = bélier);
Mourras = gros museau ('de mo^lr = museau);
Trouncas := gros tronc (de trounc =^ tronc);
Suffixe — asso. — Fournasxo = fournaise ;
Cintasso (de cinto =: ceinture);
Ancrasso [de ancro = ancre) ;
Balhadasso = grosse fosse (de balhat = fossé,
où Ih est peu explicable phonétique-
ment);
Couqidlhassos = coquillages.
Suffixe — aire. — Absintaire ^= buveur d'absinthe (M. S. 134);
Agranaire = ^reneuv de grains, ivrogne*;
Assoiistaire =■ protecteur (de assousta =
assister);
Aimnire = aimeur (de aima = aimer);
Bermenaire = chercheur de vers (cf. se
bermena = se remplir de vers);
Counqnistaire=conquéva.nt (de counquista=
conquérir);
Crentaire •^= qui craint (de cren^fl=craindre);
Goubernaire=^ gouverneur (de gouberna =
gouverner);
Emperaire ^ empereur (C. S. 332) par subs-
titution du suffixe patois - aire au suffixe
français — eur.
Suffixe — dou.
1 Remarquer le sens opposé du verbe agrana = ]etev des grains,
etc., ou des vers, pour attirer le poisson.
8
114 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS
A)Suffixe — adou. — Dérivés de verbes de la l''" conjugaison:
Troutadou = trottoir (de troufa = trotter),
l'endroit où Ton trotte;
Tustadou = heurtoir (de tusta = heurter),
ce qui sert à heurter.
Penchenadou = peignoir (de penchena =
peigner). D'après les deux exemples pré-
cédents, on voit que ce mot peut aussi
bien signifier l'endroit où Ton se peigne,
que la chose dont on se sert quand on se
peigne. C'est dans ce dernier sens que
le poète l'emploie.
Poulsadou = respiration (G. 70) ne peut
signifier que l'organe de la respiration (de
poulsa = respirer). Ce dernier sens est du
reste le seul que donne Visner.
B)Suffixe — idou. — Dérivés de verbes de la 2® conjugaison :
Proubezidou = proviseur (de proubezi =
pourvoir);
Bincendou — vainqueur.
Fourès a-t-il formé ce mot d'après l'analogie du nom propre
Bincens (Vincent)? ou d'après celle du participe latin : vincen-
dust mais ce dernier a le sens passif.
Ajoutons haledou (de haie = valoir) qui est employé par
Fourès comme adjectif (valeureux).
Suffixe — enso. — Agidenso = aisance (de agit, ido:=: aisé, ée).
/iegaudissenso = réjouissance (de se regaudi
= se réjouir);
Memourenso = souvenir. On attendrait soit
membranso (forme populaire de membra),
soit ïïiemouranso (formation savante),
puisque le verbe est de la l''^ conjugaison.
Le suffixe — enso est dû sans doute à
l'analogie de soubenenso, qui est régulier.
Suffixe •— esso. — Ai'didesso = hardiesse [de ardi(,ido ^^ha,rdi];
Embriaiguesso = ivresse (de embriaic, aigo
= ivre);
)5'/ï:w^esso = enfance (de efant^= enfant);
Lingesso = sveltesse (de linge = mince);
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 115
Liounesso = lionne; outre qu'il paraît bizarre
à côté de la forme si connue de liouno,
ce mot est irrégulièrement tiré du subs-
tantif lioun; Fourès s'est autorisé pour le
créer de l'analogie de tiyresso.
Suffixe — et. — Bhadjet = Tpeiii visage;
B ourdounet = petit vers (de bourdon).
Dinset = petit dieu (diuel, chez Goudelin);
Filhoulet = petit-filleul (de filhol ^= filleul);
Mountet = petit mont;
Raijet ■= petit rayon.
Suffixe — eto. — Ameto r= petite âme.
Calourelo — faible chaleur, tiédeur;
Merilheto = petite merveille ;
Oub7'eto = petite oeuvre ;
Pamparuguelo = |)etite perruque ;
Tampeto = petite porte (de tampo = porte,
volet);
Trembleto ^= petit tremblement (de trembla),
par l'intermédiaire d'un mot treinblo, qui
a existé ou existe peut-être au sens de
tremblement.
Suffixe — ido. — Druzido ^ bourdonnement (de bruzi =
bourdonner).
Ansidos {las) (G. lG6)=les ouïes (??).
Suffixe — iè. — A). Noms d'êtres animés (agents) :
Cliabaliè = chevalier (de chabat);
Carrassiè= charrieur(de carras, gvand char);
Pabouniè = gardeur de paons (de pabou =
paon);
Malfattiè =■. malfaiteur. Très régulièrement
reformé. (Cf. s'en ana à la malofaito).
B). Noms de choses (lieu) :
lia(juie ^ coffret à bagues ;
Palounibiè = colombier (de paloumbo);
Pownariè = verger. Paraît bien être savant
et tiré du latin : poniarium.
Suffixe — ièro. — liessièro = champ de vesces (de besso =
vesce);
116 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURES
h'anjièro = bois d'orangers (de iranje =
orange);
Miriièro = mine. Est-ce parce qu'il y a plu-
sieurs mines dans une exploitation minière
que Fourès a employé ce collectif?
Les mots bermenièro (verminière), beyrièro
(verrière), lagremfero (larmier du cerf),
sont les mots français habillés à la laura-
guaise. Nous étudierons plus loin cette
reformation de mots.
Suffixe — «7//. — Bestilh{le)= Tinfiniment petit (M. S. 160);
Sauniilli = petit ânon. Cf. en toulousain :
hiturril (de bourro)\ — courdil (de cordo),
et les noms propres Annil^ Ft'ançounil, etc.
Suffixe — ino . — Escurino = obscurité (de escur^ obscur).
On trouve aussi la forme escurezino ;
Oumbrino = ombre (de ownbro).
Suffixe — iso . — Belîso =■ embellissement, parure (de bel ^=
beau);
Salbatjiso = sauvagerie (de salbatje =
sauvage).
Suffise — men. — A). Dérivés de verbes de la P*^ conjugaison :
Airissomen = hérissement (de airissa =
hérisser);
Baisomen =^ baiser (de baisa = baiser);
Castiomen = châtiraent(de caslia = châtier);
E sparrabiasonien = é[)di,vpi\lement (de espar-
rabissa = éparpiller);
Estelomen = étoilement (de estela= étoiler);
Fusomen = essor (de fusa = partir comme
une fusée);
Lizomen = glissement (de lïza = glisser);
OMn(/romen = ornement (de oundra = orner);
Raugnomen = grognement (de raugna =
grogner);
Heinoulinomen = tournoiement (de remoulina
= tournoyer);
Begrilhomen = renouveau, renaissance
(de regrilha = reverdir);
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 117
CJflomen^= gonflement (de ufln — enfler).
B). Dérivés de verbes de la 2^ conjugaison :
Abalimen = effondrement (de s'abali ^^
s'effondrer);
Aplaudimen =. applaudissement (de aplaudi
= applaudir);
Enluzimen = clarté (de enluzi = faire
briller);
Esplandimen z= é[)anouissement (de esplandi
= étaler);
Fugimen = fuite (de fugi = fuir);
Frezimen = frisson (de frezi ■=. frémir);
Nouinmen = nourriture (de nouiri =
nourrir) ;
Trefouzimen = tressaillement (de trefouzi
= tressaillir).
Suffixe ~ ou. — Aciou et Aylou = petit aigle (de acle et
(latin — onem) aussi agio).
Loubatou =^ louveteau (de loubat = gros
loup).
M/'/scoM = petit masque (de ?/iasco = masque);
Merilhou =^ petite merveille (de met^lho =
merveille);
Pendoun = pennon (drapeau), (G. 142) ^de
pe7idre);
Bourdicou = petite bordo (métairie). Le
suffixe — icou a dû être emprunté à des
diminutifs de mots en — ico, tels par
exemple que bourricou (de bourrico =
bourrique).
Suffixe — ou. — Rouzentou ■=■ chaleur brûlante (de rouzent
(latin — orem) = incandescent).
Suffixe — um. — falbrum = les arbres en général (B. donne
alhrun = aubier) (de albre);
Le balum = la force, Fardeur (de ba/e =
valoir);
Le lelrum = les lettres en général (de letro
= lettre).
Suffixe — wo. — Bestiduro = vêtements (de besti = vêtir);
118 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS
Emboucaduro = embouchure (de embouca
= emboucher);
Parladuro = parler, façon de parler (de
parla =^ parler);
Jenduro = tenture, a été reforgée d'après
le français *,
Il nous faut citer ici, la liste des substantifs formés à l'aide
de suffixes étant épuisée, un certain nombre de noms qui no
sont que le radical verbal pur, sans l'addition d'aucun suffixe.
Cette formation est bien connue du français: cf. départ, retard,
écart, renfort, port (et ses composés a[)porL, etc.).
L'œuvre de Fourès présente les mots suivants :
I. Masculins. — Buf= souffle (de bufa = souffler);
Chapot = hourhier {de chapouta= barboter);
Clous .^— plainte (de cloussi = gémir);
Desbord = débordement (de desbowda =
déborder);
/^/flm^e = incendie (de /?am 6a = flamber);
, Pertrat = portrait (de perlraire (v. 1.) =
faire le portrait);
Record =1 souvenir (de se recourda (v. 1.) =
se souvenir);
Respir = souffle (de respi?'a = respirer);
Truch = travail (de trucha = faire un
travail pénible);
(Jscle = hâle (de uscla = 1° éblouir ; —
2" hâler).
II. Féminins. — Engano = tromperie (de engana = trom-
per, duper);
Perturba = perturbation (de perturba (mot
savant) = troubler);
Tanco = barrière (de tança = fermer);
1 Citons à part le substantif groumandèu (G. 90), gourmand. Ce mot
présente sans doute le suffixe — eu, qu'où retrouve dans harbeu,
carrèu, drapèu, etc., et autres mots calqués sur le français. Nous
n'osons affirmer toutefois que Fourès l'a forgé.
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 119
Trobo = imagination (de trouba = imagi-
ner).
Les deux mots aisspjo (envie) et manejo ;manie, folie)
[M. S. 186] nous paraissent se rattacher à la catégorie précé-
dente. Ils doivent vraisemblablement remonter, Tun à aisseja
(haïr), tiré du vieux mot ais ou aisse (ennui, tristesse); l'autre
à maneja (manier, remuer). Mais si le sens du premier ne
répugne pas à cette dérivation, celui du second, en revanche,
s'y oppose absolument. Il n'y a aucun rapport pour le sens
entre : manie (folie) et manier (remuer avec la main). Fourès
leur aurait-il, par inadvertance, trouvé un lien de parenté ?
II. Adjectifs dérivés
Suffixe — able. — Z)e.sa^rarfa6/e=désagréable (de desagrada =
déplaire);
Espantable = épouvantable (de espanta =
épouvanter);
Estounable=zsanprensint (de es touna=: éton-
ner);
Mirable ■^= admirable (de mi7'a = admirer);
Suffixe — adis. — Boulefjadis^remn&nt (de boulego=vemuev).
Suffixe — al. — Gî'yrtn^a/ = gigantesque (de ^(9an^ = géant);
A/own(//a/ = du monde (demounde = monde);
Patrial = de la patrie (de pati^io ■=■ patrie);
P()urpowal^= couleur de pourpre (de pour-
pouro = pourpre);
(7man«/ = humain (de aman, mot français
à suffixe retouché qu'on trouve aussi chez
Fourès);
Suffixe — el, èlo.— 1°) Dérivés de verbes :
Bressarèlo ^= berceuse (de bressa = bercer);
Tindarèl = tintant (de tinda = sonner);
Encantarèlo = enchanteresse (de encanta=
charmer).
2") Dérivés d'adjectifs :
Rougel, èlo=^ rouge (cf. roussel, èlo, de roux,
550);
120 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS
Clarmel, èlo =: clair (de cla7\ par Tinter -
médiaire du diminutif clan', ino).
Sufûxe-enc^enco — Auzelenc ^= frétillant comme l'oiseau (de
auzèl);
Azurenc = azuré (de azur);
Bestialenc = bestial (de bestial = bétail);
Bimounenc = souple comme rosier(deéimoM
= osier);
Divenc = divin (du thème div — ) par subs-
titution de suffixe {■ — enc au lieu de i, ino)\
Ibersenc (/')= le Nord (de ibèr = hiver);
Niboulenc = nuageux (de niboul = nuage).
Ce suffixe a paru si vivant à Fourès qu'il a cru pouvoir
l'ajouter à des noms propres. Il dit par exemple : cicloupenc
(cyclopéen), courbiérenc (des Corbières), fouissenc {(nxéen),
iounenc {iomeii), /j^ranenc (pyrénéen), sisyfenc (de sisjphe). Il
nous semble à nous plutôt archaïque : les mots où il s'est
conservé sont assez rares.
Suffixe — et. — Bermelhet = vevmeïWet;
Cabifoulet = fou (de cabifol. V. B.);
Embriaigiiet = un peu ivre (de embriaic =
ivre):
Maurelet =^ brun (de 7naurèl= brun comme
un maure);
Pour frescoulet (frais), c'est le suffixe — oulet qui a été ajouté.
L'analogie a dû partir d'un adjectif en — ol (cî.piroletpiroiikt,
cabifol et cabifoulet.
Suffixe — iè. — Grouliè (le pè gr.) = (le pied) en savate (de
groulo =^ savate);
Lar^assz(î= généreux (de largas, augmen-
tatif de large)',
Paziè=fa.\ovs,h\e à la paix (de /)a^s = paix);
Poutouniè = qui donne et reçoit des baisers
(de poutou = baiser).
Suffixe — ieu. — Uoumbrieu = la chose ombragée, l'ombre
(de oumbro = ombre);
Planhieu = plaintif (de planh (archaïque)=
plainte).
Suffixe — in. — Iborin = d'ivoire (de ibori (ivoire) reforgé
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 121
d'après l'analogie des mots comme Pur-
(jalori);
Diamanfin = de diamant. On eût désiré un
suffixe en — z, — ino. cf. bezi, couqui, etc.
On sait que Ronsard et son école avaient essayé de redonner
à ce suffixe en français une nouvelle vie.
Suffixe — ous. — Aissejous = envieux (de aissejo = envie).
Azifous = haïssable (de azir = haine);
Baudous = hardi (de baud (vieux mot) =vif,
hardi, enjoué);
^s/vefac/oMS:^ superbe (de espetacle= spec-
tacle);
Garbous =galbeux (de ^ari6e:^adresse, gen-
tillesse. M. (marseillais);
J/éT^Y/îows = merveilleux (de mei'illio = mer-
veille);
lioucous = rocheux (de 7'oc];
Souloumbrous = ombreux (de souloumbra=
ombrager, mot provençal)
Ajoutons les mots savants : merabilhous (merveilleux) qui
paraît avoir été créé d'après l'analogie de l'espagnol maravilla,
et baierons, qui semble un calque du français u valeureux »
Nous n'avons pu nous expliquer d'une façon satisfaisante
la formation des mots : artilhous (artificieux), (jvadalous (allé-
chant, qui plaît), et moulinous (mou, mollasse) .
Suffixe — ut. — Alut = ailé (de alo);
Boumbut :=: bombé (de boumbo = bombe);
Courbut (de courbe., o r= courbe).
Gnarrut = renfrogné (de gnarrn =z mine
renfrognée);
Nerbiut = nerveux (de nèrbi = nerf).
Ajoutons un dérivé d'adjectif : coumoulutz=[)\Q[n (de couinout
= même sens).
III. Verbes dérivés
1°) Dérivés directs, c'est-à-dire sans addition de préfixes ni
de suffixe.
A. Dérivés de substantifs :
122 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS
Alerta = tenir en alerte ; — albrat = couvert d'arbres ; —
belat = voilé ; — baudufat = qui a la forme de la toupie [bau-
dufo); — boutioula zi: former des boutons [boutiolo] ; — courat
= évasé en forme de cœur; — crambat = divisé en chambres
[crambo)\ — ilmouina = faire l'aumône (de l'imouino); — frutat
= plein de fi'uit (d'après l'analogie de flourat = couvert de
fleurs).
Marsa = ()Ousser, croître en mars (de ma^'s] [M. S., 86];
Mouiiarca = régner {de tnounarco^ mot calqué sur le fran-
çais);
Perpelha r= faire aller les cils (de perpelh = paupière). On
attendrait le fréquentatif /jer/je/Z^e/a.
Sarlra rz: repriser (une étoffe) (de sartre = tailleur);
Uelhat = couvert d'jeux, ocellé (de uelh zzz œil).
Citons enfin bato cuga{de bato-cugo^ihergeronnetie)=fa.\re
aller la queue comme la bergeronnette.
B. Dérivé d'adjectifs :
Gayant = réjouissant (de gay =gai, réjoui);
C. Dérivé d'onomatopées :
C hic hila :^fa,ire chi-chi-chi (en parlant des oiseaux);
Chieuta = piauler (G. 120).
2'') Dérivés à l'aide de préfixes :
Préfixe a — A. Dérivés de substantifs :
Assoura [s'] = se faire la sœur de (de sor)
[s'afraira (de fraire = frère) existe);
Acoura = donner du cœur (de coi') ;
Ayoressan: serrer, tasser (de p?'esso=presse);
Agruna (s') = se réunir (de ^rM = grain). Le
contraire est degruna.
Acela = recevoir d'en haut (de cel =■ ciel)
(M. S., 260);
Ateulit = devenu dur comme une tuile (de
tetilo = tuile);
Atroupela (s') =z s'attrouper (de troupel =
troupeau);
Afoundi (s')i=aller au fond (de founs =fond);
B). Dérivés d'adjectifs ou de participes :
Abalenla 3= rendre vaillant (de baient =
vaillant);
ETUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 123
An'izc'nta{s') i= devenir riant (de rizenl =
riant) ;
Alanguienti (s') r= s'alanguir (de languient
(forme archaïque pour languissent ) =z
languissant.
Préfixe de — Demezoulha = ôter la moelle [mezoïilh zz.
moelle);
Descarrassa = émotter {carras = motte de
terre):
Desselba = déboiser [selho =: forêt).
Deseltela (se)z:z. perdre ses étoiles (C.S.,208);
Desempan/ena = ôter du filet {panteno =
nlet à [)oche. B. — Cf. mio panlo de rirezz
une ventrée de rire).
Préfixe em — 1°) Dérivés de substantifs :
Einbelugat. m enveloppé d'étincelles, de
bluettes (de belugo zz. étincelle);
Emmitenat = ganté de mitaines (de mitèno
calqué sur le français);
Embabarilha = éblouir, mettre dans l'état
d'une personne à qui les yeux « fan ha-
barilhos » ;
Empantena= mettre dans un filet [àe panteno
= sorte de filet);
Empalanquit = porté sur le pavois (de
palanco =r planche à passer un ruisseau);
Emparadisanto [albo] = (aube) céleste,
rayonnante (de paradis);
Empapierat zz couvert de papier (de papiè);
Empourpoura {$') = s'empourprer (de /^owr-
pohro^ mot savant);
Encatela = mettre en écheveau (de catel =
écheveau);
Engaiaa mettre dans la gaîne (de gaïno =
gaîne);
Ennebat zz couvert de neige (de nebo =
neige);
Entahinat zz ennuyé (de tahino =■ souci,
profond ennui).
124 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS
2*) Dérivés d'adjectifs :
Enjoubenit = rajeuni (de joube =; jeune);
Emmudi =z rendre muet (de mut = muet);
Enrouzenlit = devenu incandescent (de rou-
zenl = incandescent).
Préfixe es — Espelsat = échevelé (de pelses = cheveux).
Préfixe m — Indoundat =. indompté (et indoundable) de
dounda = dompter.
Préfixe re — Rejiscla = retentir (de jiscla = pousser des
cris aigus et perçants);
liecounquista = reconquérir (de counquista
= conquérir);
Regaudi (se) = se réjouir (de se gaudi. B.
(béarnais) = se réjouir);
liegaudina {se)zz: se réjouir (de se gaudina.
B. V. n: se réjouir);
Respeli [se] := éclore de nouveau (de s\speli
r= éclore).
3") Dérivés à l'aide de suffixes :
Suffixe — eja. — C'est le seul que nous ayons rencontré :
A). Dérivés de substantifs :
C/asse'/a=sonnerleglas(/(?s c/asses = leglas);
Cugeja = faire aller la queue {cugo);
Foulzeja = foudroyer, frapper de la foudre
(fou/ze) ;
Fuilheja zn feuilleter [fulh = feuille) ;
Mourmouleja = murmurer (de mourmoul rr
murmure M.);
Mourreja = fouir du museau (de mour =
museau);
Pifreja r= jouer du fifre (de pifre = fifre).
B). Dérivés d'adjectifs :
Rluejant, o = bleuissant (de blu);
Dureja =: durcir (de dur).
Les deux suivants sont [)lutôt irréguliers :
Fousgueja = rendre trouble, violer, a un sens transitif peu
correct : on s'attendrait au sens « de devenir
trouble » [fousc =z trouble);
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 125
liauqueja = dire d'une façon rauque, (que le poète emploie
d'ailleurs au sens transitif), n'était guère
une création nécessaire. Rauquillieja existe,
en effet, et a pour lui les formes très usitées
de rauquilh (enrouement) et rauquithous
(eni'oué).
C). Dérivés de verbes:
Miralheja = miroiter (de miralha = mirer,
refléter);
Pai'latt'Jd := parler beaucoup (de pailla, avec
l'addition d'un t euphonique comme dans
chichita);
Tinduurleja zz sonner (de tindourla, venu
lui-même de tïnda, plus le suffixe légère-
ment péjoratif — ourla, cf. penjourla de
penja) ;
Tindineja zz sonner (de tindina = tinter
(tintinnare);
Enfin, vibreja, qui n'est autre que le français
« vibrer », augmenté de la terminaison
des verbes fréquentatifs patois.
D). Dérivés d'onomatopées :
De même qu'il avait forgé des verbes en donnant à des
onomatopées les terminaisons verbales, Fourès en a créé en
ajoutant à des onomatopées le suffixe eja. Citons balinha-
leja = brimbaler (de ba/in-balan), et pat-pabateja = chanter
[en parlant de la caille] (de patpabat, cri de la caille).
IV. Adverbes dérivés
Africomen = ardemment (de ofric := ardent);
Doulentomen = en se plaignant (de doutent zz. plaintif (sens
archaïque);
Espantaljlomen = épouvantablement (de espantable = épou-
vantable);
Fadomen = follement (de fui, fado = fou);
Paribornen zz pareillement (de pariu^ ibo (pareil), qui semble
un vieux mot);
126 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURES
Pouderousomen = puissamment (de pouderous =^ puis-
sant. V.B.);
Tempestousomen = tempêtueuseraent (de tempestous. B. =
tempétueux).
V. Mots composés
Le patois connaît les mots composés, tout comme le fran-
çais, et semble même à cet égard plus hardi que lui. Fourès
en a fait son profit.
1°) Substantifs :
A. Substantif et substantif. — Ceux que nous avons relevés
chez notre poète sont calqués sur le français, et du reste très
savants. Ce sont: ort-pouesîo =1 jardin-poésie, et lauzeto-poue-
sïo = alouette-poésie. Ce genre de composés, on le sait, fut
cher à Victor Hugo, surtout vers la fin de sa carrière. Peut-
être faut-il ranger ici le mot nouzèl courredou (nœud coulant),
où le second terme semble bien être le substantif courredou
(couloir, corridor).
B. Adjectif et substantif. — Nous n'avons trouvé chez notre
auteur que le mot mièck-abalimen = presque disparition (tra-
duction de Fourès) (cf. mièjo-litro = demi-litre), et l'antrièr
(avant-hier), calqué sur la locution archaïque Cautran (Tan
passé).
C. Verbe et substantif. — Cette sorte de composés est aussi
fréquente qu'en français. Fourès a créé espandis-tramo =
étale-trame, gardo-erbos = herbier. Quant aux expressions :
rodo-cantous (rôdeur) et tourmenlo-coumunos (brouillon), elles
doivent être du langage courant, bien que nous ne les ajons
trouvées nulle part.
2°) Adjectifs. — Plaçons ici palle-mort zn pâle comme un
mort (C.S., 148|, qui est, peut-être composé d'adjectif plus parti-
cipe, peut-être d'adjectif plus substantif. Nous n'avons relevé
que deux adjectifs composés de deux adjectifs: ils sont calqués
sur le français, le langage du peuple ne connaissant [>as ces
raffinements de nuances. Ce sont : bert-negras =: vert-
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURES 127
noirâtre, et {mar) berdo-hluo zz. (mer) verte-bleue. Nous ne
parlons pas de hispano-viauresc, qui est, entre tous, un mot
Siivant,
3°) Verbes :
A. Substantif et verbe. — Se graifoundre (se l'ondre, sentir
sa graisse se fondre^i est de formation très régulière. Rappro-
chons les expressions bien connues de corfendre =■ fendre le
cœur, calleba = lever la tête, ou encore captiva = s'éloigner
du timon de la charrue (nous citons ce dernier à cause du sens
spécial qu'il a chez Fourès).
B. Adverbe et verbe. — Nous avons rencontré la forme
plufazent, — o. C'est le seul exemple que nous connaissions
de composé avec }>la. Il en existe cependant avec bel [per
belesUi = pour la montre, {)Our la parade (mot à mot pour
bien être) et avec mal {malcourat = qui a le cœur triste).
VI. Autres créations de mots
Autant et plus que le français, le patois connaît l'emploi de
l'infinitif comme substantif. Fourès s'en est autorisé pour
hasarder quelques substantifs nouveaux. Relevons : le boula =
le vol ; — moun désira = mon désir ; — soun jaupa = son
aboiement ; — moun pensa = ma pensée ; — le l'elrouni =^ le
grondement; — le ruyi = le rugissement, etc..
Enfin, signalons l'emploi comme substantifs d'onomatopées
ou d'interjections : le richieuchieu = le richichi (des oiseaux);
— un ai = un hélas ! — le mè è-è = le bêlement ; — les gui-yuit
= les gui guits (des hochequeues); — un zi-zim (de bigart) =
un bourdonnement (de moustique).
VII. Mots étrangers au dialecte
Nous classons sous ce titre une assez grande quantité de
mots que nous crojons inconnus des habitants du Lauraguais.
Nombre d'entre eux appartiennent à cette langue littéraire,
aux frontières très larges et à l'âge très douteux, où viennent
puiser à pleines mains nos auteurs méridionaux lorsque leur
dialecte ne possède pas le mot dont ils ont besoin. Dans cette
128 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURES
langue, dont on pourra un jour, nous l'espérons, démontrer la
bigarrure, des mots des siècles passés et depuis longtemps hors
d'usage sont rappelés à la vie active et trouvent le meilleur
accueil auprès de leurs cadets du XIX^ siècle ; des mots du
Limousin voisinentfamilièrement avec des mots de la Provence,
et lies expressions marseillaises y coudoient fraternellement
des locutions gasconnes ou béarnaises.
Nous aurions voulu pouvoir faire le départ entre les mots
qui appartiennent à cette lau:-''ue si artificielle et si déconcer-
tante, surtout pour le lecteur qui n'en a pas l'habitude, et ceux
qui sont vraiment eu usage chez le peuple, en indiquant pour
ceux-ci leur origine exacte. Nous avons dû y renoncer : ce
travail, nous semble-t-il, ne pourra être fait de longtemps
encore et la carte dialectale des parlers méridionaux n'est
pas près d'être dressée. On peut toutefois avancer que c'est
dans l'œuvre de iVIistral que Fourès est allé surtout puiser.
Abadesso ^ abesse. B.
^^e/a (s') := s'embellir. B.
Abelh = essaim. M.
A ieZ/mw = essaim. M.
AôïV/rt = nourrir de. R,
Acara (s') zn s'affronter. B.
Ac/enca (s') = s'incliner. B. R.
A (jouta (s') = tarir. B.
A/ado =: air de feu, un peu de chaleur. B. R.
Alaga = abattre, coucher. B.
Alussa zz battre brutalement. B.
Amagestra = instruire. B.
Amaira = nourrir, réconforter. (St-Paul (A.riège)=allaiter).
Ancesfious rz ancêtres. B.
Aplanta (s') = s'arrêter, B.
A7'iè = sorte de crible. R.
Arleri zz: fanfaron, extravagant. B.
Arrounta = lancer une pierre avec force. M. (Pyrénées).
Astre {de ^cr/) = d'aventure (M. per tal astre). L'expr^^ssion a
été mal comprise par Fourès : d'astre suffisait.
Aufega (s') = se pâmer à force de crier. B. R.
Auzidou zz oreille. B. R.
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 129
Badalhol = bâillon. B.
Baragno = haie. B. (A Toulouse : barrallio)
Bnlaga = palpiter. B.
Bais = baiser. B.
Belholo = veilleuse. B.
Bezourdo = buccarde (coquille). M.
Blnga = sauter. M.
Biscountour = détour. M.
BitaUio = victuailles. B.
Bouche = bouge (de tonneau). M. (Hérault).
Boulhou = boulet, (M. contre-poids d'une romaine).
Hourdeja = côtoj'er, border. B.
Brezilk = gazouillis. B.
Bribent = courant. M
Brouit =■ brouet. B.
Bruelh = taillis. B.
Cabeladuro = chevelure. B.
CaAro/ = chevreau. B.
Cacio = acacia. B.
Cafowno =:trou. M. (marseillais).
Calijre = charme (arbre). B.
Cals = chas d'aiguille. B.
Caliimel = chalumeau. B.
Capelli et capelko = cioae d'arbre. M.
Cascalha=^ gazouiller. B. R.
Cairou = morceau . R .
Cezelho = Cécile. M. (Castres).
Chif= sable. M. (Tarn).
Clapardo = sonnaille. B.
Clarou = clarté. B.
Clina ^= baisser, abaisser. B.
Colo = troupe. B. P. La forme habituelle est colho,
Cordouan = de Cordoue. B.
Coumpeirè = amas de rocs. M.
Coundreit = en bon ordre. M. (catalan).
Counquista = conquérir. P.
Counsumil = passé écou é (temps). B.
Coup = chapeau haut de forme, R.
Coural = cordial. V.
9
130 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS
Cousteja = côtoyer. B. R. (Existe en gascon).
Cros = trou. B. (Existe (gasc.) avec le sens décachette, silo,
souterrain).
Crudèl = cruel. B.
Dagueja =-■ poignarder, V. B.
Dejousterra = déterrer (P. = dessoustarra] .
Delenc = fièvre, dépérissement. M. (Tarn).
Bogoul = dogue. B.
Doublenc = agneau qui prend deux dents. B.
Doumege = plus âpre, moins doux. M. R.
Dragu = fée. (P. drac).
Eni'pensa ^= rendre songeur. V. B.
Encaleillia = illuminer. V
Encarrat = attelé. B.
Encoura = donner du cœur. B.
Engoulidou = goufire. B. P.
Ennegrezi {s') = se noircir. B.
Enniboula (s') = se couvrir de nuages. B. R.
Enrabiat = enragé. B.
Erme = terrain inculte, lande. B.
Escabot = groupe. B.
Escalabra [s') ^=: se dresser, se cabrer. B. R
Escarpina =^ galoper. V. B.
Escourcoulh = perquisition. M. (Tarn).
Espansa = éventrer. B.
Espeti = éclater. B. R.
Espeut=^ épieu. B.
Estrado= rue, chaussée. B.
Fado = fée. P.
Far ce j aire = farceur. V. B.
Febrous= fiévreux. B.
Fèr, fèro = sauvage. B.
Ferromentos = ferrures. P. R.
F/amina^ flageller. M.
Flaquiso =: faiblesse. B. (P. = flaquiche).
Flar [à] = en grande quantité. M.
Fogo = fougue. B.
Fougagno = plaque de fonte (des cheminées). M. (marseil-
lais).
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 131
Founs = profond. B.
foimtanèlo :;:= creux de l'estomac. R.
Frust, 0 = fruste. B.
Gabian = goéland, mouette. B.
Garagnoun = étalon. B. M. (rhodanien).
Gent = gentil. B.
Gieulo = geôle. M.
Grandesso = grandeur. B.
Graniboul=:-ié(ionA en grains. P.
Gram'u, ibo = fécond en grains. B.
Gras = grès (pierre) (B. graso).
Grepitat = misère. M. (Tarn).
Grequeja=: saccager. V. B.
Grussanotos = coquilles de Gruissan. M.
Imo = brise. M.
Jau7'èl, èlo = rieur. M.
Jouvent = jeune homme. B.
Lamp = éclair. B.
Leste = terminé. M.
Lux = lumière. V. B.
Magestral, alo = magistral. B.
Majour, ouro = grand. B.
Malancounic = mélancolique. M.
Mande =: délégué . R.
Matiifaciè = adroit. M.
Marineja = vaciller. B.
Marrela (se) = se serrer (en parlant des brebis). B,
Massolo = masse tte. R. M.
Mege = médecin. B. P.
Mejan = moyen. B.
Meissouniè ==. moissonneur. B. R.
Nizoulo = île. M. (Tarn),
Naula = voguer. M. (béarnais).
Ouferto = offrande (V. uferto).
Oumbrenc = sombre, ombrageux. B.
Ourfanèu, èlo = orphelin, ine. B.
Payan = païen. B.
Se palaissa ^ se prélasser. M.
Paratge = côte, abri. B.
132 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE POURÈS
Pasturga = paître P.
Pabo = paonne B.
Pertus = trou, fente. B.
Pichoulino = olive de conserve. P.
Pindourla = pendiller. B. R.
Plo = plateau (B. billot de boucher).
Plounchoun = pichet. B.
Pounent [le) =■ le couchant, B.
Poutouno = baiser. B.
Pregutèro = prière. B.
Puai =1 dent (de râteau, de peigne, etc.). M.
liabiat = enragé. B.
Recouire = tournant B.
Relieu = relief. B.
Retipa zn ressembler à. M.
Retraire = rendre par la peinture (R. ressembler à).
Ri bal = rivage. B.
Ribeja = être ou marcher au bord de l'eau, côtoyer. B.
Sautenbanc = saltimbanque. M.
Siynoco = balafre. M. (Tarn).
Soulenco = fête des moissons. B. R.
Sourdens = sortant de terre. B.
Sourgo = source. B.
Subrejoun = milieu du jour. B.
Succi = ambre. B.
Talholo = ceinture. M.
Topios = torchis. B.
Tebes, ezo = tiède. B. R.
Teleto = toilette, parure. B.
Temegut = redouté. B.
Terraire = champ, domaine. B.
Tourre = tour. B.
Tourtouro = tourterelle. B.
Trantalha [se) = se mouvoir avec peine. B.
7Ve = dès. M. (dès la mort = tre la mort).
Treboulino := piquette, petit vin (B. fond, lie).
Trebnulum = trouble, confusion, B. R.
Trèn = trace. M. (Hérault).
Tuadou = abattoir. B.
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 133
Ufanous := orgueilleux. B.
fjtriè =^ homogène. M. (Tarn).
Vergiè = verger.
Vetat •= barré, rayé. B.
Voulastreja = folâtrer. B. (abbé Gary := boulateja).
Zinzouh'n, ino = violet rougeâtre. B.
VIII. Mots calqués sur le latin ou sur les langues sœurs
P) Latin. — Fourès a eu le tact de n'emprunter au latin
qu'un très petit nombre de mots : il eût mieux fait, toutefois,
de s'en abstenir complètement, car plus encore qu'au français
ces mots donnent au patois un vernis savant et une couleur
artificielle.
Citons les substantifs : bacco [frut en) = fruit bacciforme ;
— espir = spirale ; — capso = calice (des fleurs) ; — gent =
nation ; — joubentnt = jeunesse ; — lar = lare ; — Ous-
trio = Autriche ; — pagino = page ; — poutencio = puissance ;
— poutestat ^ pouvoir ;
les adjectifs : almo = bienfaisante ; arcano = secrète ; —
eterne = éternel ; — soulemne = solennel ;
les verbes : s'apta = s'adapter ; — bibifîca = vivifier ; —
magnifîca = magnifier ; — jugula = soumettre ; — perturba
== troubler ; — resurgi = faire revivre, ressusciter.
Relevons ici un mot grec: melisso (abeille) [M. S., 152J;deux
mots espagnols : amir (émir) et atalayo (tour d'observation,
château); enfin un verbe: rengraciar (remercier), qui paraît
calqué sur l'italien, ringraziare.
2°) Français. — Les emprunts au français sont beaucoup
plus nombreux. En général, avant de nous les présenter, le
poète a tenu à leur donner une livrée languedocienne, mais
pour la plupart le travestissement est insuffisant ; pour quel-
ques-uns, il tourne à la mascarade. Nous faisons allusion ici à
des mots comme envincut (invaincu), à quelques autres qui,
appartenant au langage purement scientifique, ont je ne sais
quel air gauche sous leur habit patois (tels oucello (ocelle),
lanceoulat (lancéolé), marliroulouge (martyrologe), nouctiluco
J34 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS
(noctiluquel, et surtout à ce néologisme que Fourès, plus hardi
que nos savants, n'a pas hésité à forger, à ce monstre de la
lexicologie patoise : ahelhoufage = mangeur d'abeilles.
Quand le peuple va chercher dans le français les mots qui
lui manquent, il calque purement et simplement, se bornant à
suivre quelques règles empiriques des plus simples. Etu-
dions-les et comparons-les à la pratique suivie par notre
auteur.
Le peuple change le son — e muet des finales françaises
en — 0 muet si le mot est féminin [lampo = lampe) , en e muet
(ou demi-muet si l'on veutl si le mot est masculin [espace =
espace). Fourès se conforme à la première de ces règles :
il dit anc7-o (encre), cathedralo (cathédrale), etc., mais il sup-
prime très souvent IV semi-muet des finales du masculin. Par
suite, les adjectifs français en — ique se terminent chez lui
en — ic {antic, crounic, metallic, pacifie)^ traitement conforme
du reste à Tétymologie; ceux en — esque finissent en — esc
(gigantesc^ elefantesc) et d'autres mots tels que fidel (fidèle),
celt (celte), 70//' (golfe), etc., perdent leur finale (alors que le
peuple la leur maintient), ou en changent ^espaci = espace)
pour se rapprocher de la dérivation régulière.
Lepeuple changeen owleso protoniques du français(Ex.èou/a
z= voter). Fourès suit exactement cette règle et dit : bowenlo
(boréalei, /anreou/ai (lancéolé), oiicello (ocelle). Il va même
plus loin dans cette voie, et même trop loin, quand il dit
martyrouloxxgp. (cf. pour l'analogie seulement : elotge (éloge),
relotge (horloge).
Le peuple change Vx du français en ts (Ex. fitsomen::= fixe-
ment). Fourès le change en — ss, non d'après l'analogie des
mots qu'on calque actuellement sur le français, mais d'après
celle des mots de création populaire, tels que eissarn, frarsse ^eic. ,
qui ont été régulièrement dérivés du latin. 11 dit, par suite,
essil, essectiltty fîloussera, fissomen, sassoufone.
Le peuple ajoute un e prosthétique devant tous les mots
français commençant par le groupe se, sp, st : il dit par exem-
ple escultur (sculpteur), espahi (spahis), estatuo (statue). Fourès
dit comme lui esfînx (sphinx), esplendou (splendeur), estroubiles
(strobiies), etc. De plus, ayant remarqué que le préfixe latin
ex ou deex s'était réduit à é ou dé en français, tandis qu'il
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 135
était resté es ou des dans le patois (comparer : ému et esmaii-
gut, déterrer et destetTa], Fourès restitue par analogie cet s
aux mots escrin, esmalh. Il tire ainsi très régulièrement
esquisl de exquïsitns, mais il ajoute, contre toute analogie et
contre toute logique, un s au mot descuriouu (décurion), qui
n'en eut jamais en latin.
Ce souci de se rapprocher le plus possible de la dérivation
populaire, se trouve dans le traitement de certains suffixes.
Le peuple dit ancien, toiilousèn, Santo-Germèno ; il dit aussi
calkèro (calcaire), ôzYfowèro (victoire), ci bouèr o [cihoivo], ne modi-
fiant guère que les deux finales françaises — eur (ou teur)
(comme dans bounur, emperur] et — on (comme dans citroun,
baloun). Fourès, remontant à l'étyraologie, les modifie pres-
que toutes. C'est ainsi qu'il change la finale française — encc
en — encio [essistencio, innoucencio,p7'uubencio ^independencio etc .)
la finale — en (ou ain] (du latin anus) en an et dit : ancian,
foucean, judean, marroucan, oustrasian, piranéan^prussian, tou-
lousan etuman. Il dit : calcàri comme bicâri; — bilôrio comme
glorio; — cibôri, labom^atôri, lerrilori, comme Purgatori; — fàcio
(face) comxn.e grâcio ; — cerveso (cervoise), galeso (gauloise)
comme albigeso (albigeoise), — lasqualos (lesquelles) comme
esra/os (échelles ; — bouiafjou, escultou, emperatou, comme l'itou
(curé). Remarquons toutefois que pour le mot equatour, il n'a
pas osé appliquer sa règle jusqu'au bout, et craignant sans
doute que le mot ne fût méconnaissable sous la forme equatou,
il a conservé 1'?*, contrairement à la phonétique de son dialecte.
Mais il a fait plus encore que reforger par analogie les suf-
fixes ; il a opéré des permutations entre eux. Certains mots
chez lui ont ainsi deux et trois formes ; outre la forme
allegresso, par exemple, qui est calquée sur le français, on trouve
tantôt alleyranso (C , S. ,290) et tantôt allegretat (C . S. , 112 et 192):
nous avons déjà vu emperaire à côté de emperatou, pirancnc à
côté de piranéan. Tous les mots nés de cette reformation ne
sont pas également heureux et l'on peut trouver inutile, à
tout le moins, la création du mot barbaritat (M. S., 70).
Fourès n'a pas retouché que des suffixes : il s'est attaqué
aux mots racines eux-mêmes. C'est ainsi que les mots suivants
qui seraient dans la bouche du peuple : ourfèbre (orfèvre),
peirifiado (pétrifiée), roiyoutat (roj^auté), equèstro (équestre)
136 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS
ont dû mettre bas leur habit français et se déguiser en orfaure^
peirificado, reyetat, eguestro. Personne dès lors ne saurait plus
s'étonner si Pierre est devenu Pe^jre et Rouhesfnèrre Rouhes-
peire, ni même si auréoler, oriflamme, concitoyen et terraqué
se présentant à nous sous les traits un peu étranges de auriou-
leja (cf. auriol = loriot), auriflnmbo, councieutadin et terraigat.
Enfin notre auteur, tirant de l'analogie tout ce qu'elle peut
donner, est allé jusqu'à créer le substantif boyo (voie) [C. S.,
240], s'appuyant soit sur le mot proyo (proie) qui existe, soit
sur une forme comme emboyo (il envoie) qui existe également.
IX. Mots inconnus
Notre étude ne serait pas complète si nous ne donnions en
terminant les mots sur lesquels nous n'avons pu recueillir
aucun renseignement précis. Tout au plu5 nous a-t-il été pos-
sible, pour quelques-uns, de rapprocher certains mots de l'an-
cienne langue ou des dialectes voisins. On comprend que nous
ayons dû renoncer à les faire rentrer dans une des classes
précédentes.
Aml= aquilon (C. S., 210).
Arguelh = coin à encoche pour soulever les meules. M. (C.
S., 86).
Adraisa [s") =- se réunir. (C. S., 290).
Antes = corde d'une cloche (G. S., 328)
Babarilkos [les èh fan) [G. S., 108] = avoir des éblouis-
sements (de varius^.] Cf. éabarot, cacarot, mtaroto, paparaugno.
Brezelk [G . ,10A) et fi/eze/Ao (C.S.,324) = réseau, nasse. Cf.
bretz (anc. langue) = piège à oiseaux.
Brezilk ^ proyer, sorte d'oiseau. M. (0. S., 224).
Bessairou = fossé au pied des coteaux (C. S., 176] (M. besa-
liero = rigole d'arrosage).
Brenguièro =bourdalou, vase de nuit. (C. S., 286).
^?rmo = berge. M. (C. S., 324).
Barncaudo = petit ravin. (M. S., 112) (M. barricau = voi-
rie, lieu où l'on enfouit les animaux morts).
Caprous = étraves d'un vaisseau. M.(C. S., 44).
ETUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 137
Carcados (d) = à pleines barques. M. S., 128.
Clascassa = clapoter en parlant de l'eau.
Calabrit = calciné (C. S., 222) (B. calabrun = crépuscule) .
Ch'se = chardon (M. S., 70).
Dauros = accrues du sureau (C.S., 108).
Embadaga = prendre dans ses mailles. (C. S., 211). Cf.
bagado = baguelette, rosette.
Escamussa (s'^=se cacher. (M. S., 202). Cf. l'ancien français
a se musser » .
Flaume == fléau . (M . S . , 162).
Fagnagou — foetus. (C. S., 286).
Fregalh = véron (poisson) [C. S., 326]. Cf. frega = frayer
en parlant des poissons.
Fi^eula = frôler.
Gieuletat (aquaduc) = fait en briques. (On trouve C. S., 150,
gienleto = brique).
Galech = ruisseau. (C. S., 112).
6^a/en7o^ alouette. (C. S., 158).
Gradino = outil de sculpteur. M.
Lanisses = cheveux frisés.
Luscre =■ crépuscule. M.
Lin(os= persintes d'un vaisseau. M.
Languno = lagune. (M. S., 172).
Matatruc = lourd. M. (M. S., 16). [Patatruc existe à Carcas-
sonne).
M anr ouco (coug a là)=: convev une peine intérieure. (C. S. ,148).
Manno = groupe (C. S. 218) (M. manoun = poignée).
Mestrairolo ■=. métayère, (C. S., 178). Ci . Mestreyrot =■ petit
maître.
IVoi = petit gitano. Mot d'argot sans doute. (C. S., 140).
Ourens = lambin M. (Q-., 70 ; — M. S., 138) sans doute de
ouro (heure). Cf. en français heure et désheuré.
Olze -= clavette d'un essieu. M.
Pinat = perché.
Paissi (se) =: se faner. (C. S., 40).
Raibe = rêve, Raibous = rêveur.
Rapou = tampon de bois pour caler la meule. M. (C.S.,86),
/?azùo = friche. M. (C. S., 110).
/?es^rassî (sens) =: complètement. M. (C. S., 214).
138 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS
Bau {à] = àsec, à vide (G. S., 218). M., qui écrit raus et
rapproche de raus (roseau) en bordelais.
Riffado {(le) = de champ. M. (G. S., 254).
iSw/7ros ^ saillie, nervure des ailes des grillons. M. [G., 8].
Sieuse ' (peiro) = (pierre) dure, roc-sieure ' = quartz. (G. S.
218). M., qui donne comme étjmologie : sitiaca.
Samoustaire ■= fouleur de vendanges. (M. S., 238).
CONCLUSION
Il nous reste à dire quelles conclusions nous semblent se
dégager de cette étude. Nous craignons, en effet, qu'elles
n'apparaissent au lecteur, non seulement un peu confuses,
mais encore peu favorables à notre poète. Que dire au sortir
d'une telle avalanche de mots et de mots rares ou parfois
étranges, sinon que Fourès semble s'être forgé une langue
quasi incompréhensible? Le jugement serait par trop som-
maire. Quelque longues que soient les listes citées, gardons-
nous d'oublier que bien plus dense et plus longue serait celle
qu'on ferait avec les mots que nous n'avons pas relevés, parce
qu'ils sont du langage courant. Une première remarque
s'impose donc à nous : la richesse du vocabulaire chez notre
poète.
Hâtons-nous d'ajouter que la plupart des mots qui figurent
sur nos listes sous les titres : mots à sens détourné ou mots
formés par dérivation et composition, seraient sans doute
compris dans la patrie de Fourès, même par les illettrés. Il y
a là, en effet, tout un système d'enrichissement de la langue
qui est rigoureusement conforme aux règles que suit incon-
sciemment le peuple, lorsqu'il crée pour ses besoins des mots
nouveaux. Nous aurions pu, à la rigueur, nous dispenser de
relever et les diminutifs en — et [eto) ou en — ou {ouno), et
' Ces deux mots doiveat être une double forme d'un seul et même
mot : la permutation de s et de r est assez fréquente.
ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS 139
les augmentatifs en — os [asso) et les noms d'aj^ents en — aire
et les verbes à suffixe — eja ou à préfixe en-. Tous ces
mots, à l'exception de ceux que le poète a tirés soit de mots
tombés en désuétude, soit de mots étrangers à son dialecte,
seraient, le contexte aidant du reste, aisément compris de toute
personne parlant le patois du Lauraguais. J'en dirai autant
de plusieurs mots arcliaïiiues qui, s'étant conservés dans des
proverbes ou des locutions toutes faites ou parfois dans de
simples comparaisons (nous avons relevé, à Toulouse, l'expres-
sion crida coumo wio clamniièro), seraient peut-être compris
par des lecteurs connaissant à fond leur langue maternelle.
D'autre part, en ce qui concerne les mots étrangers au
dialecte, n'oublions pas que les dialectes voisins ne sont pas
sans se faire de mutuels emprunt'?. De plus en plus, aujour-
d'hui, grâce à la facilité des communications, à l'émigration
soit temporaire (nous songeons ici surtout au service militaire),
soit définitive, des paysans dans les villes, dans les villes où se
coudoient et se lient des gens venus des quatre coins de nos
provinces méridionales, il n'est pas rare d'entendre employer
dans nos campagnes des mots appartenant aux dialectes les
plus divers. En sorte qu'il se peut bien faire que plusieurs
d'entre les mots cités par nous comme étrangers au Laura-
guais y soient cependant compris ou peut-être même employés
par certaines personnes ayant plus voyagé que leurs compa-
triotes.
Il n'est pas inutile enfin de remarquer que toutes les pièces
de Fourès sont loin d'offrir les mêmes difficultés lexicologi-
ques. Toutes celles — et elles forment un bon tiers de son
œuvre — où le poète se borne à nous parler des hommes et des
choses de son pays, à nous présenter, dans leur pittoresque et
leur réalisme les métiers, les travaux, les usages bien connus
dans le Haut-Languedoc, tels ces petits tableaux de geni'e qui
s'appellent le Barricou traucat^ les Tirounels, A-n-un Noi, la
Glourieto, V Ensdlain, les Bermenaires^ les Flairons — pour ne
citer que les plus connus, — toutes ces oeuvres sont écrites en
une langue très pure, très simple, très claire, dont le charme
et la saveur ne sauraient échapper à quiconque parle couram-
ment le dialecte du Lauraguais.
Ce n'est que dans les pièces où le poète, présumant un peu
140 ÉTUDE SUR LA LANGUE DE FOURÈS
trop des ressources de son patois, sinon de ses forces, ne
craint pas d'aborder des sujets moins populaires et s'essaie à
manier les grandes idées générales, ce n'est que dans ces
morceaux que sa langue, rebelle à ses efforts et comme réfrac-
taire à d'aussi hauts desseins, perd, avec sa belle simplicité, ses
réelles qualités de naturel et de pittoresque. Lorsque, par
exemple, — et c'est ainsi que finissent bon nombre de ses
pièces, — il entonne son hymne à la sainte Liberté, à la Paix,
à la Fraternité humaine ou qu'il poursuit de ses imprécations
les tjrans et les ennemis, quels qu'ils soient, du Progrès et de
la Justice, quand il chante les géniales découvertes d'un
Pasteur ou qu'il dit son admiration pour l'œuvre de Hugo ou
celle de Balzac, quand il envoie un salut fraternel aux Cana-
diens, aux Jersiais, aux trouvères de Belgique, à la ville de
Mulhouse, il nous semble que sa langue change d'aspect,
devient ti'ouble, confase et comme un peu fangeuse, semblable
à un ruisseau qui, enflant son cours et devenant torrent,
emportant dans ses eaux des alluvions de toute provenance et
de toute nature, n'a plus la grâce calme et la limpidité cris-
talline qui faisaient son charme et son originalité.
Gabriel Clavelier.
SUR LE DEBAT PROVENÇAL DU CORPS ET DE L'AME
La récente publication dans cette Revue * de la version
provençale du Débat du corps et de Vume n'a pas résolu le
double problème littéraire et linguistique que ce texte posait
à notre curiosité.
Il y avait en effet une question littéraire, et l'on peut
s'étonner que l'éditeur, M. Kastner, n'y ait même pas fait
allusion. Sans doute, s'il s'agissait uniquement d'apprécier
le mérite et la valeur propres du poème, on pourrait se con-
tenter du jugement qu'il porte. C'est une œuvre médiocre
qui ne se distingue en rien de tant d'autres poèmes mo-
raux ou didactiques que nous a légués le Moyen-Age. L'au-
teur a mis en vers des idées et des croyances dont la naïveté
touche parfois à la puérilité et qui étaient celles de ses con-
temporains. Il ne relève nullement par la forme qu'il leur
donne la banalité de ces idées, ni celle du thème lui-même
qu'après bien d'autres il s'est proposé de traiter. Mais, à
d'autres égards, le poème provençal se distingue de toutes
les versions qui nous sont restées du Débat^ et c'est ce qui
en fait l'intérêt. Non seulement il est la seule version
provençale, mais il est le seul à nous présenter ce débat sous la
forme particulière qui est la sienne. C'est ce qui ressort avec
évidence de la comparaison faite par BatiouchkolF des diffé-
rentes versions. Malheureusement M. Kastner n'a pas connu
cette étude ^ plus récente que le travail de Kleinert^ auquel
il nous renvoie et qui en dépasse de beaucoup la portée. Elle
nous montre que le poème provençal occupe une place à part
dans la tradition du Débat du Corps et de rAme. Non seule-
ment il s'oppose aux versions oîi la légende est présentée sous
la forme d'une vision, mais il se distingue de toutes par le
plan et les développements que seul il donne au débat. En
< Cf. Numéro de Janvier-Février 1905, pp. 30-64.
2 Cf. Romania, XX, pp. 1 sq. et 513 sq.
^ Kleinert. Ueber den Streit zwischen Leib und Seele. 1880.
142 SUR LE DÉBAT PROVENÇAL DU CORPS ET DE l'aME
réalité il nous rapporte non pas un mais trois débats. Lalenso
proprement dite du corps et de l'âme est suivie d'un débat
entre les membres et le corps, suivi lui-même d'une dispute
entre l'ange et le diable. Le tout se termine par le jugement
que prononce le fils de Dieu. La complication de ce plan et
divers autres indices avaient amené Batiouchkoff à concevoir
rhjpothèse d'un Débat antérieur et plus simple dont celui-ci
ne serait qu'un remaniement développé. La question se posait,
donc de savoir si a\ec le poème actuel nous avons affaire à
une œuvre vraiment une, ou s'il faut y distinguer deux parties,
un premier fonds analogue à telle ou telle version étrangère
et une suite qui aurait été ajoutée plus tard.
A cette question se rattachait également celle de savoir si
notre Débat provençal a un rapport quelconque avec ce Con-
tract del Cors et de l'Arma dont parle Jean de Nostre-Dame '
et qui, commencé d'après lui par Peire d'Alvernhe, aurait été
achevé par un troubadour moins connu qu'il nomme Ricard
Arquierde Lambesc. Quelque défiance que l'on doive toujours
avoir à l'égard de cet historien fantaisiste de la poésie pro-
vençale, il eût été intéressant de rapprocher ce renseignement
de l'hjpothèse émise par Batiouchkoff'. 11 se pourrait, en eff'et,
que suivant un de ses procédés habituels, il eût sur ce point
altéré en partie un fait du reste exact. Peut-être dans ses
affirmations n'y a-t-il d'arbitraire et d'erroné que l'attribution
à Peire d'Alvernhe et à ce Ricard Arquier des deux parties du
texte auquel il fait allusion. Peut-être a-t-ii en effet connu un
Contract del Cors et de iArma, et peut-être ce Contract nest-
il autre que notre Débat. Il pourrait l'avoir connu comme le
remaniement d'un poème antérieur moins développé. Et ainsi
l'hypothèse de Batiouchkoff pourrait trouver sa confirmation
dans le témoignage de Nostre-Dame. La question en tout cas
méritait d'être examinée, et pour toutes ces raisons, plus
encore que ne le pensait M. Kastner, l'étude de ce Débat ïaté-
ressait l'histoire de la littérature provençale.
Elle intéressait également celle de la langue et c'est ce qu'a
compris l'éditeur quand il a fait précéder son texte d'une intro-
duction grammaticale. L'étude linguistique devait en eff'et
* Cf. Vies des plus célèbres et anciens poètes provençaux, p. 1G2,
SUR LE DÉBAT PROVENÇAL DU CORPS ET DE l'aME 143
mettre hors de doute que nous avions bien affaire à un poème
primitivement écrit en provençal et non en catalan. Le ma-
nuscrit seul qui nous l'a conservé est l'œuvre d'un Catalan et
il eût été intéressant d'examinor la langue des deux autres
poèmes qu'il contient, la Vie de Saint Geor(jes et le Chant de la
Sibylle. Cette étude comparative, dont M. Chabaneau avait
jadis compris la nécessité, s'imposait à l'éditeur du Débat.
Elle eût mis en évidence que les catalanismes de ces trois
poèmes n'y ont été introduits que par le copiste. Même elle
nous eût amenés à cette constatation curieuse que les trois
textes paraissent inégalement catalanisés et que d'eux tous
c'est le Chant de la Sibylle qui l'est le plus. Cette différence
ne tiendrait-elle pas à ceci, que ce poème a été transcrit de
mémoire par le scribe catalan ', sans qu'il eût sous les yeux
le modèle provençal, qui pour les deux autres a empêché une
introduction plus complète des formes dialectales?
Il eut également fallu contrôler les catalanismes de notre
Débat par la comparaison avec des textes purement catalans
et contemporains, notamment avec ces Nour elles catalanes de la
fin du XIV* ou du commencement du XV* siècle qu'a publiées
M. Paul Meyer^ et qui ont été écrites sensiblement à la même
époque.
Enfin, si l'on ne devait pas chercher à rétablir dans sa pu-
reté la langue de l'original, on ne devait par contre conserver
des formes catalanes introduites par le scribe que celles qui
n'altéraient ni la rime ni la mesure du vers. Or, à parcourir
le manuscrit, on s'aperçoit bien vite que ce scribe, non seule-
ment semble ignorer ce qu'est un vers, mais encore ne com-
prend pas parfois ce qu'il écrit. Le sens, qui, en raison de la
simplicité et de la banalité des idées, devrait toujours être
facile à saisir, est en réalité très souvent obscurci et dénaturé
par l'ignorance du copiste. La première tâche qui s'imposait
avant tout à l'éditeur était donc d'établir un texte intelligible
et cor"ect au double point de vue de la grammaire et de la
métrique. Seul un tel texte pouvait servir d'une base solide à
l'étude linguistique.
* Cf. Suchier, Denkmader der provenz. Literatw\ p. 568 sq.
* Romania, XX.
144 SUR LE DÉBAT PROVENÇAL DU CORPS ET DE l'aME
Le plus grave défaut de l'étude grammaticale de M.Kastner,
c'est en effet de porter sur un texte mal établi. Son édition
ne semble pas avoir été conduite avec une méthode suffisante*.
Ce n'est pas une édition diplomatique puisqu'elle corrige
parfois le manuscrit. Ce n'est pas non plus une édition critique
puisqu'elle ne reproduit pas toutes ses variantes et qu'elle
laisse subsister ses fautes les plus manifestes. Dans le texte
publié, ni les vers faux ne manquent, ni 1-es passages inintel-
ligibles. Sans doute, quelquefois, M. Kastner nous signale-t-il
les vers faux comme tels. Il eut mieux valu chercher à rétablir
partout la rime, la mesure et le sens. Les corrections, en effet,
étaient le plus souvent aisées à trouver et parfois même la
bonne leçon ou la forme véritable étaient dans le manuscrit
qu'il eût suffi de mieux lire.
C'est à ce meilleur établissement du texte que nous nous
proposons de contribuer. N'ayant pas en ce moment le loisir
d'entreprendre la double étude qu'attend encore le débat pro-
vençal du Corps et de l'Ame, nous croyons utile de publier les
remarques suivantes au texte qu'en a donné M. Kastner. Nous
avons utilisé une copie que nous avions du manuscrit et des
notes que nous avions rassemblées en vue d'une édition jadis
projetée.
2. Msc. : Say vos dir en quall rason. L'altération provient,
sans doute, d'une erreur du copiste qui a pris say pour la P'^p.
s. Ind. pr. de Saber, au lieu que nous avons sans doute affaire
à l'adverbe say =r ici. Dès lors, on préférera corriger Smj vos
dirai, qui du reste s'accorde mieux avec le reste de la phrase.
4. Entendes et escoytns ne pouvant être des subjonctifs ne
peuvent par conséquent se construire avec an que. Le manus-
crit donne du reste : E s'entendes et escoytas.
6. Msc. : frus, forme curieuse pour frucs et qu'il fallait
conserver comme attestant la chute de c devant s flexionnelle.
— Corriger : ren.
8. Corriger pert.
* Même au point de vue matériel on y relèvera certaines incon-
séquences. Les élisions certaines n'y sont pas toujours résolues. L'in-
convénient réel de ces hésitations est de rendi-e peu sûre la lecture du
texte.
SUR LE DÉBAT PROVENÇAL DU CORPS ET DE l'aME 1-^15
11. Rétablir la riine, la mesure du vers et la correction
grammaticale en corrigeant : Que canta a la fola gent.
12-14. 11 faut faire de cette phrase une question et mettre
après le vers 14 un point d'interrogation. — Au v. 13 on
lira : Si el es guarnit de bon sen et au v. 14 on cor rigera : despen.
16. 7u sabes est impossible. Le poète s'adresse à tous
ses auditeurs. Le manuscrit donne du reste : tut sabes et sabes
est la 2" p. pi. de l'ind. pr. de sabe?-. Cf. v. "J5 si vii sabes.
18. Msc: Con argent e aur cou es l'escondut. Lire : Con argent
cant es rescondut et arrêter la phrase avec le vers.
19. Msc. : Per que mi plas cant es azenant. Lire : Per que'ni
jjlas cant es azenant et entendre : « C'est parce que je le veux
bien que je chante, et maintenant je vous dis ». On
relèverait cette forme azenant = adenant.
22. Mettre un point après entendre.
2G. Au Heu de rétablir le vers en introduisant en, je serais
d'avis de rétablir / qui dans le manuscrit se trouve au vers
suivant où il n'a que faire.
27. Msc. : Ja inon vos tendra»/. Le mot i fausse le vers et
doit être supprimé, mais tendraij est de beaucoup préférable à
rendray qu'a cru lire M. Kastner.
30, La conjecture faite pour rétablir le vers est bien peu
satisfaisante surtout pour le sens. Lire plus probablement :
E entendes ben en cal son.
31. La forme jO?'ewas pourrait bien n'être qu'un barbarisme
pour la forme et une absurdité pour le sens. Le manuscrit a
du reste fernas qu'on corrige aisément en fermas.
34. J'ai lu dans le manuscrit : car ja tost.
37-38. Les deux vers sont intervertis sans raison par
M. Kastner. De plus, le vers 38 est fautif et introduit une
incorrection grammaticale qui n'était certainement pas dans
l'original. Le liam sujet de romp étant un singulier, sou relatif
ne peut être le sujet d'un verbe au pluriel. On lira donc :
Que ben vey que romp le liam
Que nos a rnantegut lonc temps
Ses départir virent ensemps.
39. Corriger ; non a poder.
40. Msc: puyscam.
10
146 SUR LE DÉBAT PROVENÇAL DU CORPS ET DE l'aME
42. Msc: em vengut.
49. On peut également con}ect\iver : E di.^ que ja no's partira.
53. Corriger : pecat.
54. Msc: En que tu as perserat. La correction En que tu as
tan percassas e.-t purement arbitraire et n'offre aucun sens. Il
suffisait de compléter perserat en persévérât.
55. Corriger : lieu fais ausir.
57. Corriger : ergulls.
60. On peut conjecturer aussi bien: quanc no'n volguist pen-
densa far.
61. Corriger évidemment en en e.
66. Msc: Que sieu nullz orne entant non si mes que je serais
d'avis de corriger en : Que nullz om en tant non s'i mes.
67. Msc: atrobes. — Mettre un point à la fin du vers.
68. Corriger e au lieu de en et remplacer le point et virgule
par une simple virgule.
69. Corriger :
Tieu deliech e tien adulteri
Son esc7'ich en aquest psauleri.
71. Corriger évidemment : per re^iou = par usure.
79. La rime n'exige-t-elle pas esrriech?
80. E memhra mi soven el liech peut difficilement donner
avec ce qui suit un sens satisfaisant. Le manuscrit porte En
ombra qui est la bonne leçon. Il n'y avait qu'à relever l'emploi
de sovenir avec son sens propre de se présenter à, s'' offrir, etc.
83. Msc : degun.
85. Corriger : que vei de. — A la fin du vers, le manuscrit
donne luch qui ne rime pas avec poch du vers suivant. L'édi-
teur corrige, mais (uenh et poenh ne riment pas davantage. Ne
doit-on pas lire lunh et punh ?
94. Msc: Mortz es cuech es tôt mon pan qu'on pourrait lire :
Mori e cuech es tôt mon pan.
96. Corriger : Tant apoderan li tyeu mail.
101. Lire avec le manuscrit : Enz en un fuoc.
102. Msc: Car o poderan li mail qu'on corrigera en : Cara
apoderan li m.all.
106 Corriger : E dises qu'yeuch ay faszt las fallyas.
108. Msc: paraula pada qu'il faut lire paraula proada.
SUR LE DÉBAT PROVENÇAL DU CORPS ET DE l'aME IW
109-110, Corriger comme suit les deux vers :
E pus lu mi vos tensonar
Lai/sa mi mon drech rasonur
116. Corriger : Que estiers.
125, \Ave : E pos lu fusl dins mi venguda.
126, Corriger : Non aij yehu ren faz ses t'tiyuda et supprimer
le point d'iriterrogatiou,
127, Msc: pogra à corriger en poc ja. On corrigera égale-
ment re.
128, Corriger : dedins.
129, Corriger : E non sabes tu que vers es.
131. La leçon E nés obs que tu mi desliure n'est pas dans le
manuscrit. Elle n'est acceptable ni pour le sens ni au point de
vue de la grammaire. J'ai lu dans le manuscrit : E ay no
ses desliure que je proposerais de corriger en :
E aijs no l'es si nés desliure
134. Corriger : niantenent .
142 Msc: /a yo/ana»' qu'on pourrait corriger en lai vol anar.
144. Corriger : diyssiest.
146. Msc: ISun tort.
148. Supprimer la virgule après consent.
150. Corriger: no'm podes. Su[)primer le point d'interro-
gation après encolpar .
154. Su[)priiner ieu qui n'est [)a3 dans le manuscrit et (jui
fausse le vers,
163-164. Pour le premier de ces vers j'avais lu dans le
manuscrit : Arma si tu rtn dir. On corrigera :
Arma si tu no vols ren dir
Aquest contrast vull départir.
107. Supprimer le point d'exclamation.
169. Corriger : fâcha.
171. Ici et partout ailleurs le manuscrit donne nembres au
lieu de membres. C'était une forme à respecter.
172. (Corriger : E mi car no't gunrdieij de dan.
173. Msc : E tut litieus nembres primps e grosses, à corriger
par la simple suppression de tut.
178. Corriger : n«sct<s.
148 SUR LE DÉBAT PROVENÇAL DU CORPS ET DE l'aME
180. Msc. : E ara% son de leu cofondre. La leçon très satis-
faisante devait être respectée.
182. Msc. : Raonar may. Maintenir cette leçon et relever
cette forme décomposée du futur dont il y a plus d'un exem-
ple en ancien provençal.
185. Corriger : Tant co yu ceray dins ton cors.
202. Msc. : l'as faza.
205. Corriger : estye&t.
210. Corriger : yDresîc.
213. Msc. : ni non à lire : ninon.
216. Luec ne donnant pas grand sens, ne faut-il pas corriger
fuecs et l'entendre au sens de ardeur^ désir, etc. ?
220. Corriger : Mays ti plasia que'ls mestiers.
221. Msc. : Que las gens en la glesa disiyan qu'on corrigera
en : Que la gens el gleisa disie.
222. Corriger : An que ren no ti destrenye.
223. Corriger : Mo pensavas.
225. Supprimer le point après causist.
226. Msc. : Cor malla ta vist per que mal m en ven. A la
correction de l'éditeur on préférera : Cor mail C ai vist que mal
m'en ven.
229. Vers faux à rétablir, sans doute, par la suppression de
so. — Le manuscrit donne cor.
231. Corriger : grans et de même au v. 290.
234. Msc. : postz.
235. Corriger : iSon es.
240. Rétablir le vers en corrigeant : Si non son segur del
nauchier.
248-249. Corriger ces deux vers et lire :
Car, qui la laysari 'estar
Almerce del vent., briaria.
253. Rétablir le vers en corrigeant : que los.
254. Mettre un point d'interrogation après morta.
257. Msc. : melyor.
258. Corriger : on ben la guia.
261. Corriger : marinyer et de même aux vers 267 et 281.
269. Corriger : es el.
271. Msc. : que tu que y est aguda per loncs ans, qu'on cor-
rigera en : que tu yest aguda loncs ans.
SUR LE DÉBAT PROVENÇAL DU CORPS ET DE l'aME 149
271. Corriger : En mi qvez suy naus nuveguans.
274. Corriger : perdut.
27G. Msc. : Fis nemhres que y an ajudat.
277-280. Nous proposons de lire comme suit ce passage qui
dans le manuscrit est manifestement altéré :
Car SI anc fi ren contra Dieus
En pecas mail e'is nembres mîeus.
Tu e'is nembres derp'as gvardar
Ml que no pogues foleyar.
282. Malgré la correction de M. Kastner le vers reste faux.
Corriger : E Dieus mi det tu per nauchier.
290. Corriger : grans meravelyas.
294. Msc. : Nos non podon mays H tiens fols yornals. — Cor-
riger : Nos? Non, mays li lieu fol y ornai.
300. Il nous paraît préférable de corriger : E tu deves lo
miels causir.
310. Corriger : toi^mens.
311. Le vers est faux et doit être lu comme suit : Per cal
rason em encolpat.
313. Corriger : mais.
314. Msc, : yest.
322. Msc. : Dieus to rendra per ton gran. On peut conjectu-
rer : Dieus ar fo rendra per son grat.
325. De tût quant ti tais il est impossible de tirer un
sens acceptable. Il faut sans doute lire Cirais. — Comme le
vers se rattache au précédent on supprimera le point d'inter-
rogation du v. 324 et on mettra un point après irais.
326. Nos est à maintenir au moins sous sa forme appuyée.
Lire : Si 'ns.
327. Msc. : Mal e ben ti fan sentir. Il suffit de corriger fan
en fafem. Cf. v. 299. Mail e ben li fasem ausir.
328. Rétablir le vers en corrigeant miels.
329. Msc. : fach.
331. M doit rester dans le texte et, de préférence, l'on cor-
rigera/)ocîes en potz. La phrase doit se terminer avec le vers.
C'est après encollpar que doit se placer le point d'interrogation.
332. Msc. : Ja qui — Corriger : laysava et remplacer le point
d'interrogation par une simple virgule.
150 SUR LE DÉBAT PROVENÇAL DU CORPS ET DE l'aME
333. Rétablir le vers en supprimant E .
335. Rétablir le vers en supprimant gran.
337. Il nous paraît difficile d'à 1 mettre une forme vendre =
vew/r. Nous serions d'avis de corriger: Miels deuria ara ti pendre.
Cf. V. 47. Que a Ciysir mi cuya pendre .
338. Corriger : Car de mal no't poguist défendre.
340. Corriger : en que-m prengua.
342. Ecrire : May s scasadamens .
347. Msc. : non era beus.
348. Msc. : E si tôt lo poder fos meus.
353, Corriger : Ni si tu no tas fach ti toll.
354. Msc. : quen mi.
3.55. Corriger : Que si lenes la boca clausa.
356. Corriger : Per forsa s'estanca e's pansa.
357. Maintenir la leçon du manuscrit : C'a parlar mi ven,
ullya 0 non.
364. Corriger : Que silh fnsia ton deman.
365. Corriger : Las mans prezeron a parlar.
366. Corriger : Cor de qiie'ns podes encolpar?
374. Corriger avec le manuscrit : E con n segmjor obesit.
377, Corriger : Que nos e t'arma sens rason. — Le vers se
rattache au précédent qui ne doit pas se terminer par un
point.
380. Rétablir le vers en supprimant en.
382. Corriger : l'absterzas.
384. Corriger : Cor, e con j/es tu fan engres.
385. Msc. : cant tost tos nemhres nyn^ Ireball. Corriger :
c'an tos nemhres ai/as treball.
389. Msc. : los.
393. Il nous semble préférable de corriger : quez i anem.
395. Corriger : passecem.
396. Msc. : nos i foram.
397. Corriger : estrechs.
400. Msc. : Cane H nembres non donavan ayse. Corriger :
Cane II nembres no's davan ayse.
414. Corriger : fasie.
415. Corriger : yuyat.
419. La correction qui consiste à supprimer que a pour
effet de rendre le vers faux.
SUR LE DÉBAT PROVENÇAL DU CORPS ET DE LAME 151
423. Corriger : Bon servisi guism^don quer.
429. Msc. : non s?' qu'il faut écrire no's. — La phrase doit
se terminer avec le vers.
431. Corriger : ves nos ni l'arma.
434. Corriger : fer mânes.
439-441. Ce passage est certainement altéré dans le manus-
crit, et, tel que le donne M. Kastner, ne peut offrir un sens
acceptable. Nous serions d'avis de corriger et de ponctuer
comme suit :
Vos autri vos es mal guardat,
De savisia moven foldat
Aures renyat mot longuamens.
AAl. Msc. : est — Corriger : naturall.
449. Corriger : tut et mieu.
451. Corriger : E s'ieuvall mays que vos non fas. — Sup-
primer le point à la fin du vers.
455. Corriger : de ergull.
456. Corriger : ni'ls.
458. Corriger : darres.
459. Corriger : d'aidl.
4G4. Rétablir la leçon du manuscrit : 0 cell c'atrestant pot
e vall.
468. Corriger : fenpren.
473. Lire : quen ver no- us en podes clamar.
474. Msc. : E syn puasc vos o ben par. Corriger : Es yu ne
puasc vos., 0 ben par. — La phrase doit se terminer avec le
vers.
476. Msc. : E vos sias. — Corriger : Vos estavasalegres luch.
479-480. Msc. : Tan flax e tan aul sias
Que null conseil non vos davas.
La leçon donnée pour le second vers par le manuscrit est
assurément la bonne, mais davas oblige à corriger sias du vers
précédent. On conjecturera avec vraisemblance :
Tan flux e aul estavas .
483. Msc. : vivon.
484. On peut maintenir adonx et corriger fuolhs,
488. Msc. : meta.
152 SUR LE DÉBAT PROVENÇAL DU CORPS ET DE l'aME
491. Msc: est.
492. Corriger : que anc enves mi non est francas.
503. Lire : quel.
508. Msc. : En est agut pasonyers. Corriger : En est et par-
sonyers.
510. Msc. -.mi.
512. Msc: Elanarras lo centiron. Corriger: Esi las narras lo
centiron.
518. Corriger : E car et rot.
528-531. Ces vers doivent être rétablis comme suit :
Tall paor ay que no m'en tir
Eenemic de tu al partir,
Que yeuh ssay, si m^emnena ar,
Que cambial sera mon afar.
.533. Corriger : S'ecer.
537. Msc. : puasc.
540. Corriger : no's part.
541. Msc. : An per pendre
544. Corriger : ^, si' l clam inerce., enemic. — Le vers fait
suite au précédent dont on supprimera le point et virgule.
554. Msc. : De grand tort fach petis demans.
556. Corriger: rendes.
560. Corriger : Elunhas.
561. Corriger : fers.
564. Corriger : conort et vas.
568. Corriger : E mi fai mot trop beslensar.
579. Corriger : que tu quers.
583. Msc. : Ili nauria = Ilh nauria.
587. Corriger : que cuyas tu.
589. Corriger : pus ilh et Dieu.
591. Corriger: romaner.
610. Corriger : que sia.
616. Msc. : peque.
618. Corriger : dat.
619. Corriger pecel pour rimer avec tornet du vers suivant
qui est la leçon du manuscrit.
623. Msc. : E an penedensa que prena. On corrigera simple-
ment prengua.
SUR LE DÉBAT PROVENHAI. DU CORPS ET DE l'aME 153
628. Corriger: tenir camin. Cf. l'expression sy non jme /ener
via = s'en aile)'.
629. Msc. : Assi slrig en papier. Corriger que assel escrig en
papier .
639. Corriger : ant.
641. Corriger : y ai estât.
651. Le vers est faux, alors que le manuscrit donnait très
correctement : l'arma qui t'en dava poder.
654. On peut conjecturer pour rétablir le vers : mot gran.
655-656. Corriger comme suit ces deux vers :
Et auras lanya anz trobada
Que aquest' arma guazanyada.
661. Msc. : fas.
666. Corriger : qu'yen no -n voly ges.
667. Corriger : cors.
670. Corriger : que tôt laysn detras.
674. Msc. : Aygres.
682. Corriger : ni n'amorssa .
685. Corriger : ergulh.
686. Supprimer la virgule après vull.
691-692. Les deux vers doivent être intervertis comme ils
le sont en effet dans le manuscrit.
697. Corriger : Si cuyas per ton encolpar.
700. Corriger : tengua 'n dan.
707. Msc. : almorna.
713. Supprimer le point après monda.
714. Corriger : vici.
721. Msc. : guanren.
723. Msc. : retras.
732. Supprimer tu .
737. Msc. : que tut très em el poder sieu.
740. Corriger : Venemic gieta un sospir.
747. Auzirerem ne peut être qu'un barbarisme. Corriger :
Es auzirem on que.
755. Corriger : L'enport ssell.
759. Corriger : Sabras o quant sera yuyada.
760. Corriger : Ar dises qv' yeu la-t layss portar.
761. Corriger : faus plus quen foll.
154 SUR LE DÉBAT PROVENÇAL DU CORPS ET DE l'aME
763. Corriger : quel sien met en comunalesa.
764. Corriger : Ni so quel avia conquist.
765. M se. : e?i ren.
767. Corriger : De l'arma.
769. Rétablir avec le manuscrit que Cay et supprimer le
point après raonar.
770. Corriger : Lenportaray et de même au vers 780.
771. Rétablir avec le manuscrit : E tu non i demandes plus.
773. Corriger : pt^endas.
777. Corriger : E l'en degra.
781. Corriger : puays.
1S7 . Lire avec le manuscrit : Niyeu no la t'en laysportar.
788. Corriger : E s'enaysi Varma reman.
799. Corriger : E yeu Vautrech.
801. Corriger : coma fan.
802. Corriger : Varni' e-l cors e H nembres tut.
806. Corriger : que vos sapjas.
807. On corrigera plutôt : A mi pus non calra parlar.
809. Il est inutile de supposer ici, comme le fait M. Kastner,
l'existence d'une lacune dans le manuscrit. On peut assez aisé-
ment rétablir dans ce passage le sens et la rime qui, en effet,
sont altérés dans le manuscrit. 11 suffit de corriger le rersOOO
et de le lire : Pero non die que mi afan. « Pourtant je ne veux
pas dire que ce travail (que je voudrais éviter) doive me fati-
guer à l'excès. )) On peut supposer qu'après le substantif afan
du vers 808 le poète se sert à dessein du verbe afanar. C'est ce
qui expliquerait la singularité de la rime.
811. Msc. : Lo drech qu ieu vos faray ausir.
822. On corrigera avec plus de vraisemblance : Venc clave-
lat sus en la cros .
848. Corriger : angels.
849. Corriger : que'm.
855 Corriger : pentenssa.
856. Msc. : Que anc fos ni ya mais sia, à corriger : Que anc
ya jos ni ya mais sia.
857. Corriger : un dia.
858. Corriger : iVo /ero?? folV e pecat.
8G0. Msc. : I\on avieyn tos.
864. Msc. : an fell.
SUR LE DÉBAT PROVENÇAL DU CORPS ET DE l'aME 155
866. Msc. : an agut.
874-875. Corriger : hueymais et plays.
886. Msc. : ancaras.
894. Msc. : ren delsieu.
895. Corriger : asell mou de.
896. Corriger : Car la demand' e pens" aver.
902-903, Ces deux vers doivent être intervertis. — Corriger :
a mi n'est guarent.
920. Msc: de.
031. L'accord du participe exigerait conquista. Aussi préfè-
rera-t-on corriger Af/ en aquesC arma conquist.
941. Mso.: voll autre.
945. Msc: sos.
954. Msc: Hueymais.
061. Corriger : dech.
963. Corriger : fer m'es.
980. Msc: que sab tôt cant es.
982-983. Corriger : tensons : rasons.
985. Corriger : E après las cartas escrichas.
995. Msc: s" es menât.
1004. Corriger : Folia fas gran car encolpas.
1005. Corriger : e' Is tteuas polpas.
1014. Supprimer E.
1015. Corriger : Fayt, si que aras per enguall.
1021. Corriger : sias dins.
1022. Corriger : e U tieu enfant.
1032. Corriger : yuguàdos.
1034. Corriger : L'un dels parens.
1035. Corriger : preneyre .
1036. Corriger : tuados.
1041. Lire : an dos.
1048. Corriger : areguarda.
1050. Maintenir la leçon du manuscrit : De Vaver yest bayles
a§ut.
1052. Msc: menara.
1057. Corriger : qu'as donat.
1068. Insérer ici les deux vers altérés qui sont en marge
dans le manuscrit. On peut conjecturer :
156 SUR LE DÉBAT PROVENÇAL DU CORPS ET DE l'aME
La tieua carn sera manyada
De verms e tota deguastada.
1069. Corriger : en ter' anaras.
1070. Corriger : Très sun qu'an ton afar partit.
1076. Corriger : a qui as.
1078. Corriger : a qui l'as.
1085. Corriger : si •/ cos.
1086. Corriger : potz escusar.
1088. Corriger : tôt oms a mot petit de sen.
1090. Corriger : no s'escuza.
1139. Corriger : las, con len mori.
1142. Corriger : qu'en faoc e flama hen ardent.
1152. Corriger : E enaysi faras pendensa.
1156. Corriger : tu l'ajas.
1158. Corriger avec le manuscrit : purr/uada.
IIGI. Cori'iger : e que tires on.
Jules COULET.
DOCUMENTS SUR LES RELATIONS
DE
L'EMPEREUR MAXIMILIEN ET DE LUDOVIC SFORZA
EN l'année 1499
(Suite)
36
Ludovic Sforza à. Agostiuo Somenza '
(Milan, juin à août 1499)
(7 juin)
Augustino, el desiderio nostro de veder la Maestà Cesarea, sic-
corne è grandissime, cossi l'effecto non ponia se non piacere; ma essendo
le cose présente in li suspecti che se vedono, maxime de Francesi, el
partir-nostro da quisaria fora de proposito, e pero, rispondendo a quello
ne scrive essere per te dicto alla Cesarea Maestà circa lo abbocamento
nostro, te diremo che non essendotene altramente parlato da la Maestà
sua, tu anchora te ne debii passare seuza farue parole.
(Milan 19 juin 1499 ")
Augustino, dal cancellero di Lorenzo Mozanica (quale se trova de
présente in Ast per la praticha chel ha manezato del accordo de Astesani
cum Genoesi), havemo havuto lettere continente li capituli vederai per
l'incluso exemplo : ce lo mandamo acio lo monstri alla Cesarea
Maestà, perche possi uielio cognoscere l'animo de Messer Jo.
Jaconio, quanto el sii iuiquo e perverso. Ma speramo in Dio et
in la Cesarea Maestà Sua, che questi designi che se hano facto cossi
alti e depincto a suo modo, presto debiano cognoscersi senza quello
' Milan. Ibid. Id. Minute Orig. : « Augustino Somenzio ».
^ Milan. Ibid. Minute originale (au même).
158 MAXIMILIEN ET LUDOVIC SFORZA
fundamento che si jacta... In epso exemplo vederai etiam quello è
dicto per non havere voluto concedere el transite per il dominio nostro
aile victualie voleva mandare M. Jo. Ja. Triultio a Grisani, como non
havemo anche permesso ad altri che gli ne volevano condure, e ne
sono state tolte ad alcuni gli ne condticevano senza permissione.
Haverai insiema summario de lettere del cancellario nostro mandato
al duca di Savoia, quale similmente participarai alla Cesarea Maestà,
perche la veda chel predicto duca non porria demonstiare mazor reve-
rentia et affectioue verso lei e constantia con tante offerte del re di
Franza per tirarlo alla volta sua, e pero essere tanto più a proposito
che la Maesta sua li mandi uno per tenerlo ben ferino in questo, como
la soUicitarai ad fare.
(Milan 24 juin 1499*)
... Quanto al duca di Savoia, epso ha mandato duy oratori a
nuy a farne intendere che dal Ré de Franza l'è stato ricercato
de passo e victualie per le sue 'gente per lo dominio suo, e chel
voglia tuore da lui pensione e conducta, perche lo tractara bene;
e che quando el récusasse, se passaria cum la forza ; e che a questo
è parso respondere ch'el sara contento de acceptare la pensione e
conducta cum Sua Maesta cum darli passi e victualie ; salvando pero
l'honore e debito suo, per el quale se non vole inferire, che dependendo
dal iniperio, el non sia ancora per mancare a quello che dal serenis-
simo Re li fosse commandato.
Riferiscono esser per la Cesarea Maestà parlato a li oratori suoi
favorevolmente de nuy et de le cose nostre, quale non intende aban-
donare; laquale cosa mha portato piacere,e de questo haray ringratiare
la predicta Maestà.
M. Ludovico Bruno m'ha, sotto una lettera credentiale, parlato in
nome de la Cesarea Maestà raccomandando le cose de D. Gaspare di
Sanseverino. Volemo per questo che tu preghi la predicta Maesta ad
esser contenta de non farne più parlare de luy, perche li deportamenti
soi cum nuy ricercano che più non se impazamo de facti soi, non
havendo mai voluto cognoscere el bon grado haveva con nuy, anzi
volendo convertire a maleficio contra nui se non li havessimo provisto.
(3 juillet')
Desyderamo che, quanto più presto sii possibile, se mandi il prevosto
de Brissina, como è dissignato, al duca de Savoya et in Monferrato, e
pero, quando non fusse expedito, soliiciteray chel sia presto expedito.
' Milan. Ihid^ Minute originale, fragment.
^ Milan. ILid. Minutes originales, fragments.
MAXIMILIEN ET LUDOVIC SPORZA 159
Essendo avvisati che quelii, quali la Cesarea Maestà ha mandato a
levar le dinar! de M. Baldassar, non hanno levato se non 13500 fioreni
et hano lassato el reste per non essere la valuta como loro volevano,
dicendo che li ducati se perderia troppo, e lo portare inante sia troppo
incoramodo ; tu farai intendere alla Cesarea Maestà che qnesto resto
sara mandato a Ispruch in mani de Jo. Colla; dal quale loco la Maestà
sua lo potera mandare a tore con più sicurezza chel non se poteria
dal canto di qua.
Nuy siamo pur da loco (sic) cerlificati chel Re di Franza è omnino
disposto fare de présente la impresa contra nuy, ed, oltra le gentedarnie
quale manda de qua, expedira ancora molti fanti ; el che harai fare
intendere a la Cesarea Maestà, Siamo ancora avvisati chel duca de
Lorena è partito mal contento da la corte di Franza, ed essere andato
a casa ; laquale cosa poria servire a qualche proposito de la Cesarea
Maestà e nostro, cercando de havere qualche intelligentia cum epso ;
e perô glilo ricordamo, acio le possa fare qualche bon peusiero.
(8 juUlet)
Havemo ricevuto le lettere tue de 27, 28, et 29 et, inteso tutto quelle
ne scrivi, comendamo nel tutto l'officio tuo e respondendo aile parte
necessarie, te dicemo che : quanto aile victualie che sono in Valtellina,
non se movera cosa altra, ma se segua l'ordine de Sua Maestà; quanto
a le cose de Firentini, epsi ce hano sempre facto pregare che essendoli
periculoso el declararsi de présente, vogliamo essere contenti de sopra-
sedere, finche habino Pisa,e stare alla fede loro; e per questo se è parso
de consentirli e dimonstrare de rimanere de lor ben contenti, perche
cossi ricercano le occorrentie présente. Circa el particolare del pontefice,
ne placera che la Cesarea Maestà eseguisce quanto ha dicto de fare
per licenliare el legato, ma vorassimo chel proposito de Brissina desi-
gnato a venire in Monferrato et in Savoia venisse più presto fosse pos-
sibile, perche cosi ricercano li presenti bisogni, e pero tu solicitarai
l'efFecto.
A Angelo de Fiorenza et Agostino Somenza
(Milan 25 juillet) •
Cum gran piacere havemo inteso la grata recolienza che la Cesarea
Maestà ha facto a vuy M . Angelo, e la libérale resposta quale ha facto
alla expositione de la commissione vestra ; laquale, se ben non è stata
' Milan. lùid. Minute originale. Les mots en italique sont des additions
interlinéaires, d'une main diflerente et hâtive.
160 MAXIMILIEN ET LUDOVIC SFORZA
aliéna da la expectatione nostra, ne porta pero tanto niazore conforto
quanto chel bisogno se appressa, havendone Francesi rotto la guerra,
coino havrete inteso per altre nostre ; e per questo, toccando el parti-
culare de li faiiti, non vedemo che li Boerai [lossino essere a tempo del
bisogno nostro, quale è présente. Pero pregareti la predicta Maestà a
volere Irovare modo de farne havere fin a quattro mila Todeschi, per-
che, oltia che siino valenti nel ministero de le arme, a noi importa
molto el nome de li Todeschi contra Francesi; e quando non possa man-
darne quattro mila ne manda tante quante po, e de quai sorte se volia,
purche siino Todeschi, importando ancora a nuy e dandone repuia-
tione che se intenda cJie la Maestà sua ne tnanda fanti.
De li homini darme burgognoni, attenderemo la resolutione che
l'havera facto sopra quelle che l'ha nominato, e che la daghi ordine che
o de luy o de altri se possiamo valere, ne se habii a tardare ad inviarsi
de qua, perche da nuy se accepta queilo ha nominato o altro, purche
se facia meltere presto a viaggio.
Quanto alli bombarderi, desideramo e pregamo che anche s'usi pres-
teza in far venire quelli de lo illustrissiino archiduca suo fiolo como
ha dicte de fare o qualcuni altri.
A Agostino Somenza'
(Milan 31 juillet 1449)
Dux Mediolani. — Augustino, se ha da M. Galeaz Vesconte como
Suiceri sono benissimo dispositi alla pace cum la Cesarea Maestà ne
sono per discostarse de le cose honeste e che in la dieta facta a Znrico
hanno facto libéra resolutione, nemine contradicente, de venire a questa
pace. E questo, per quelle ne scrivesti H di passati de la doglianza che
la fece in concilio de non essere aiutata. Queilo che ad noy occorre
séria che quando la Maestà sua se vedesse si uiunita e galiarda de gente
che la potesse in tuto debelare li soi inimici, che la seguisse l'impresa;
ma quando lacognoscesse anchora che li fosse difficile, per non havere
da queilo canto tutti quelli adiuti seriano necessarii, como noy dubitano,
a noi andaria per animo chel fosse bene che epsa Maestà applicasse
l'animo alla pace aut saltem ad uaa honorevole tregua al manco
de uno anno, ne la quale noi fossimo inclusi, e che la Maestà Sua
tolesse depsi Todeschi e Suiceri per fare l'impresa contra Venetiani; e
noy anchora ne havessimo per usarli contra Francesi ; e cosi epsa
Maestà se voltasse contra Venetiani, li quali se vedeno che, per satisfare
' Milan. lôid. Ccirteg. Générale. Minute originale. En marge, cette
indication de la chancellerie milanaise : Zifra tutta.
MAXIMILIEN ET LUDOVIC SFORZA 161
al Ile di Franza e per la insatiabile cupidità loro, ne moveno guerra;
et a fare guerra contra Venetiani, crederno la Maestà sua havera
li soi più disposti che non ha a questa guerra ; e noy acciù possa intrarli
honorevolmente, saremo contenti donarli venticinque milia ducati ; e
cosi facendo, se trovara a loco de reportare più honore ed utile, e dara
ad noy in taiita oppressione gi'andissimo sublevamento e se conservara
questo stato, del quale sa che in mane nostra ne po dispunere conio
li piace.
E perché la Maestà Cesarea porria pensareche in questo ne movesse
più el particulare nostro cha quello de Sua Maestà, tu li hara a dire
che, como servitore che li siamo, ne proponemo sopia ogni altra cosa
Ihonore suo, e che quaudo la se trovasse in quella impresa in termine
de potere reportare Victoria de li inimici soy, la confortaressimo a
seguire la impresa; et a questo noy li meteressimo ogni nostro
potere, ma quando la sii in termine che la non veda potere fare quelli
efFecti che la desidera, ma sii necessitate starsene in difesa cum fare
poco fructO; in questo caso judicamo sii più honorevole a Sua Maestà
el fare la pace o tregua honorevole, cum questo obgecto de voltarsi
alla impresa contra Venetiani; perche parira che como prudente che la
è, Ihabia saputo honorevolmente cavarsi da quella guerra per voltarsi
ad una altra, dove venera la castigatione de chi adversa continuamente
a Sua Maestà, ed ultra l'honore, gli ne reuscira ancora grandissima
utilitate.
Appresso accadendo che la Cesarea Maestà venga o ad pace o ad
tregua cum Svizzeri ne la quale anchora non siamo inclusi, crederiamo
chel non fosse in proposito el concludere de présente la lega che si
è praticata. Perù tu dirai che in caso se facesse tregua, séria bene facto
se tenesse sospesa dicta pratica, perche stando ne li tei mini che stiamo,
non saria a pi'oposito nostio se scoprissemo, e che essendo Suiceri
bene dispositi verso noy, se le provocassimo contra. E perche la
Maestà sua non se credesse che in questo ne movessimo per
non pagaro li trentatre mila fîorini, essendo noi contenti donarli li
venticinque raila ducati per fare guerra a Venetiani, pô da questo
cognoscere che non lo facemo per questo ; e poy quando iu altro tempo
li pare che questa liga sia a proposito nostro e se facia, sempre la
obediremo, tutavolta siamo fora de Francesi ; che adesso trovandone
in mezo de Francesi e Venetiani, e se tirassimo anchora Sviceri contra
noy, non credemo fosse a proposito nostro.
Te scripsemo per altre nostre del venire per mare del Reverendissimo
ed UlustrissimoMonsignore vicecancellaro nostro fratello; hogi havemo
havuto lettere como è dismontato a salvamento alla Speza cum tuti
li soi.
Mediolani, die ultime Julii 1499.
11
162 MAXIMILIEN ET LUDOVIC SFORZA
(Milan 17 août) '
Anchora che da M. Vesconte habiamo havuto prima tutto quello clie
ne hai significato per la tua de 5 del présente, nondimeno ne è stato
gratissimo che anchora tu ne habii avvisato del tuto, e poi più oltra la
expedicione de le lettere al re di Franza et instrumento per Venetiani ;
el tutto ne ha portato grandissimo conforto, et in tempo che ne troviamo
molto afflicti et travaliati per la perdita de la Rocha de Arazo, et hora
de Anono, como vederay per l'extracto de le lettere de Messer Galeazzo.
E perô, ringraciando la Cesarea Maestà de la bona resolucione facta,
l'officio tuo sara de demonstrarli el grandissimo periculo nel quale ne
troviamo, e la nécessita che havemo de esser soccorso cum presti effecti;
e cossi la soUicitarai ad mandare de le gente de pede e de cavallo più
che la po; che nuy, perche Ihabia modo per potere inviare de li fanti,
atteso el ricordo che tu ne fasesti de mandare mille sin in due milia
fiorini, havemo expedito Paulo Bilia, quale vene in diligentia e
porta quella summa; ed a Tirano se dara ordine de potere dare la
paga a quelli trecento, quali ne scrive che se mandeno per la predicta
Maestà per liquali hai impinudato li cento fiorini dal conte Philippo;
li quali cento fiorini mandamo per questo cavallaro per potergli resti-
tuire et ad epso conte scrivemo una bona lettera juxta el ricordo tuo,
quale te mandamo a parte accioche prima lavedi.
Quanto alli mille fanti, quali la piesente Maestà ha dicto volere
expedire e mandare per la via de Savoia, el che ne è de grandissimo
conforto, tu 11 ricorderai chel è necessario che, volendoli mandare per
Savoya, epsa sia quella che ricerchi el transite sicuro al dicto duca,
perche a nuy non saria più prestato audientia per esserse in tutto facto
Francese e col stato et colla persona.
De li fanti Boenii e del duca de Brosvich, il caso nostro è in termine
chel ricerca de li adiuti presentanei e non che vadino alla lunga como
sariano quesli ; e po poy intendere quello che sia l'officio tuo de fare.
Et ne dole e rincresce più a noy che ad altri che li due mila fiorini,
quali restino de li 6.500, non sieno pagati, perche non è cosa al mundo
che faciamo più volunteri cha quelli dove se concerne el beneficio e
piacere de la Cesarea Maestà; ma la grande premura che ne è sopra-
giunta de essere guerezato da due cossi gran potencie ne ha posto in
une abisso de spesa chel ne convene impegnare quanto habiamo e da
gran tempo causato che non si sono possuti pagare cosi presto, ma
non se mancara perô de trovarli modo e de pagarli più presto che sara
possibile.
' Milan. Ibld. Minute originale.
MAXIMILIEN ET LUDOVIC SFORZA 1G3
Ne sara grato che faci opéra che la serenissima regina ne rico-
manda alla predicta Maestà, perche hora è tempo di recognoscere
l'amore che la me porta.
Del cavallaro regio preso da Venetiani ne havemo anchora nuy
havuto noticia como haverai inteso per altra nostra; ne de questo se ha
molto a meravigliare, ma se ha bene a presupponere che sieno per
fare tutto quello maie che poterano contra Sua Maestà e contra noi.
Da M.Vesconte havemo havuto como le [)oi stato li ed esser in bona
speranza de la pace, laquale concludendo ce da oinnioue che saremo
aiutati de la Cesarea Maestà de la guardia de Burgogua e de altri
adiuti li quali tu haverai a sollicitare,
La lettera scripta al re de Franza con la instructione per Venetiani
a nuy sono piaciute ; è vero che haverenio desiderato che dove se li
ricerca risposta fusse dicto che non cessaudo loro da le offese nostre,
Sua Maestà cum sacio imperio faria contra loro; e questo poteria esser
causa de farli andare più ritenuti; perô quando accadesse replicare non
se vole omettere quella parte e monezarli a la predicta de fare taie
efFecto, perche el ricevere risposta non è altro che darli materia de
respondere parole e fra tanto fare el facto loro contra nuy ; pero el
bisoguo nostra sia se li replicasse o mandasse Ambr.o como è dicto.
(28 août)
Milano, 28 augusti 1499. — Augustino Somencio. — Augustino,
Nuy credemo facilissimamente che la Cesarea Maestà senta afFano
grande de la perdita de li lochi nostri, ma magiore lo sentiria se
La vedesse cum l'ochio lo periculo grandissimo nel quale hora siamo,
essendo dopo la perdita d'Aunona seguita la perdita de Valenza e poi
de Tortona e de tuti li lochi del Tortonese fîno a Voghera, che è
ancora ley perduta, per modo che l'exercito nostro se trova serrato in
Alexandria, essendoli Francesi adosso acampo.
6 [Che si la disgracia nostra volesse che Alexandria si perdesse cum
quella nostra gente, poriano Francesi venire de longo fin qui a Milano,
como po la sua Maestà andare per Alamania, in modo che le cose
nostre stano a mal loco, ne sia più reparo a la totale ruina nostra] '.
Et havendo Venitiani rotto e già occupato Aliojamon (?) et alcuni
altri lochi, per non poterli tenere alcuno contrasto. per attendere cum
la geute haveriamo al opportuno loco, -
per modo che si po dire che tutta Geradadda
' Le paragraphe entre crochets est eliacé sur la minute originale, et
remplacé par le dernier paragraphe de la dépêche, Ponatur, etc.
^ Quelques mots barrés et illisibles.
164 MAXIMILIEN ET LUDOVIC SFORZA
habia in tracto de otto di pervenire in mani de Venetiani, e perô si po
cognosceie il malo stato nel quale siamo e como a la salute nostra
niuna cosa sia più necessaria che la céleri ta de la venuta de S. M.
cum la gente ; tu adunche te trovarai tosto cum epsa, e cum lo
discorso predicto li dirai che nuy siamo fîrmi a li primi capitoli ; e per
la instantia facta de pagare li 16.500 fiorini e cosi le due milia havere
inteso che tosto li facessino pagare, e Dio volesse che li fanti fiis-
sino cosi presto, como nuy havemo pagato li dinari ; perche el rompere
adosso in Franza non sia el bisogno noslro, al quale non vedemo
altio rimedio che la venuta de S. M. como è dicto. E cosi la pregarai
e supplicarai cum ogni instantia che la voglia venire, senza metterli
più tempo, perché de quello ha ricercato per li primi capitoli, non se li
ha maucato d'iino iota, e non solo se li dara Bormio e Tirano como
ricerca per pegno, ma tuta Valtellina e Como in le mane; ne {illisible)
de havere a quello ne ad alcuna altra cosa contradicione, pur che la
venga cum el numéro de la gente che ha dicto de venire, e che nel
venire usa celerita, perche soli non possemo resistere a la forza de Fran-
cesi e de Venetiani. Se la observantia e devotione nostra verso lei non
basta a moverla, lo mova lo interesse suo de non lassare andare in
man de Francesi uno tanto stato che tuto ordiria a diminutione e forse
ruina de la dignità impériale, che tanto ne doleria per la jactura di
S. M. et de l'imperio como per la nostra.
E perche questa benedetta pace cum Svizeri non habia tardare la
venuta sua, la pregarai posseudo concludere sia contenta la se con-
cluda presto ; quando ancora non si possa o vero si havesse ancora
andare a qualche giorni a concludersi, voglia lassare qualche capitolo
a l'opposito loro e non mancare ley de venire cum celerita et presto
presto, tanto che ce resta ancora qualche lume, perche, per quanto
saremo adiutati, non dubitamo che non se reduranno ancora presto
in bono termino e cum grande contenteza e gloria de Sua Maestà,
L'andata sua ad Argentina, se la sara stata per benefîcio nostro,
come ogni rasone vole che pensiamo, ben sara, ma lo dilongarsi da
nuy non si porta gia favore, alongandosi ancora pur lo venire. Pero
l'haverai a pregare ad adattarse presto e voltare la persona sua in
qua, perche si como la fama del venir suo ce portara favor grande,
molto più pare lo portara lo effecto ; far fare qualche mossa da quelli
di Carinthia e Carniola verso Venetiani, che hora hanno rotto come è
dicto, sia a gran proposito, e cosi desideramo facia; ponatur pero che
per cosa ch'epsa facesse fare da quello canto, non se implicasse e
tardasse lo venire, perche el principale è che lei venga. [ ],
Ilaverai ringratiare la serenissima regina de la bona opéra fa cum
la Maestà Cesarea acio siamo adiutati. Tu li farai intendere che hora
è tempo La ne demonstra l'amore ne porta, e che La ne ricomanda a
MAXIMILIEN ET LUDOVIC RFORZA 165
la predicta Maestà ; altramente qiiesto stato se perdera e andara fora
de la casa nostra, che doveia cosi dolere a lei como a niiy.
[Ponatur hoc intus ubi sig Q] : Che fa che non se possiamo adiutare
de quello exercito, se ben non siamo raancati de levare il conte de
Caiacio dal opposite da Venetiani per dare faldo a M. Galeaz, ma
per non potersi conjungere senza periculo de fare facto d'armi che
hora sia periculoso, non sia cosi se Sua Maestà venera, perche a la
gente sue se coajungerano le uostre, e se potra molto bene farsi
incontro ali inimici e liberare Messer Galeazzo ; e poi uniti tuti se
poteriano moite bene cazare per tuto ne li sara loco dove possino
expectare, per la galiardeza ne la quale sera la Maestà sua cum le
gente sue e nostre; che hauto el poter necessario, che epsa venga
presto, perche quando non venessi o tardasse tropo, poterano revol-
tarsi verso nui, e perche li nostri stati de la non si poteressino
defendere.
37
Ludovic Sforza à Tempereur Maximilien
(Milan, 19 juillet 1499) •
Dilatum est in hodiernum diem, ab astronomo meo electum ut
auspicato res fieret, Maximiliano filio meo Majestatis Vestrae litteras
et principatus Pavie privilegium reddere, et quamquam ipse ei per litteras
gratias agat, et ego, reverso proximis diebus ad me Marchesino,
Majestati Vestrae scripserim, et ab Augustino Somencio significari
jusserim quse intellexisse ipsam arbitror ad testandum quantopere me
devinxisset, nihilominus quod hodie perlectis Majestatis Vestrae litte-
ris et privilegio coram omnibus apud me agentibus et aulae meae
primatibus, R. D. Petrum Bonohomum rogavi Majestati Vestrae
scriberet, denuo ei, quum tanta benignitate quottidie sua in nos
immortalia bénéficia magi s augeat, gratias ago, non quas.debeo, sed
quas possum, e cum jamdiù ego cum liberis et fortunis omnibus
Majestati Vestrse deditus sim quod amplius ei spondere possim non
video, nisi me nihil magis optare quam pro Majestatis Vestrae ampli-
tudine et gloria grati auimi officium praestaie posse, nullum unquam
status nec mei ipsius discrimen reeusaturum, sicuti et Maximilianum
et reliquos liberos meos, patris vestigia et mandata sequentes, facturos
confido. Commendo mea ac eos Majestati Vestrse.
* Milan, Ibid. Minute orig. : « D. régi Romanorum. >
166 MAXIMILIEN ET LUDOVIC SFORZA
38
Maximilien à Louis de Rippol, résident napolitain à Gênes ^
(27 juillet 1499)
Maximilianus divina faveale clementia Romanorum rex semper Au-
gustus. Dilecte, scripsimus alias ad te ut illa quatuor millia ducatorum
quœ sereiiissimus Federicus Sicilise Rex, frater noster, carissimus,Genupe
pro redimendis argenteis nostris in manibus tuis deposuit nostro et
imperii sacri fideli dilectoMarchesinoStangse, iilustris Mediolaui ducis
secretario, respondere velles ; quod etsi uon dubitemus te secundum
scripta et commissioiiem nostram pleae fecisse, nichiloniinus te et
denuo hortamur seriose requirentes, ut si ipsa quatuor millia ducato-
rum nondum ipsi Marchesino per te exhibita essent de continenti
exhibeantur. Quoniam vei'o nuper intelleximus ipsum Sicilia^ regeni
alia sex milia ducatorum Genuam ad manus tuas misisse propter
supradictam causam, ex te cupimus magnopere ut illa sex millia et
aliara omnen pecuniam quam ipse Rex ad te nobis exhibendam
transmiserit prefato Marchesino respondeas, vel cuicumque quem pro
ea miserit cum quitantiis nostris. Misimus euim ad ipsum Marchisi-
num omnes quitantias et commissionein nostram quid de predicta
pecunia facturus sit : faciès in illo nobis rem gi'ntam, erga te gratia et
benevolentia nostra recognoscendam. Datum in oppido nostro impe
riali die 27 Julii anuo Domini 1499, Regni nostri Romani quarto
decimo.
Ad mandatum domini régis.
39
Ludovic Sforza à Baldassare Pusterla
Commissaire général de l'armée Milanaise-
(Milan, 30 juillet 1499)
M. Baldesar, quello che cum boni effecti de continuo ce havete
demonstrato in le imprese quale ve havemo date, ne ha inducto ad
elegervi de présente commissario générale nostro del felicissimo exer-
cito nostro, quale preparamo ad l'opposito de Franzesi; essendo certi
' Milan. Ihid. Original, suscription : « Dilecto Aloysio Rapole seV^' régis
Sicilie oratori Genue. »
^ Milan. Ibid. Minute originale.
MAXIMILIEN ET LUDOVIC SFORZA 167
che pcr lafede e devotione portate ad noi e stato nostro, le cose che
ve occorrerano le exegiiiroti cum taie sincerita e fede che non ce las-
sareti loco alcuno de desiderio, como de continuo havete facto in
l'altre imprese quale ve havemo date.
E perche la impresa, ultra che la sia de importantia, è ancora labo-
riosa e grande, adcio più expeditamente possiate dare expeditione a le
cose ve accaderano, in compagnia vestra havemo deptitato D. Petro
Martiro Stampa quale ve havera ad adiutare, e de Topera sua ve
havereti ad valere in le occurrentie de l'impresa.
Ed ultra le cose che ve accaderano pertinente allô stato, haverete
ancora ad havere principale cura ad provedere che victualie non
manchino in campo ; e per essere l'impresa grave e grande, adcio che
più expeditamente la possiate exeguire, havemo facto electione délie
infrascripte persone, quale de continuo haverano ad assistere presso
voi et obedirue in tutto quello pervoi gli sara imposto ; e gli havemo
a tutti facto scrivere se retrovano da voy a l'impresa ; siche voi li
deputarete separataraente ciaschuno de loro ad quello servi tio e pro-
posito de l'impresa che ve parira ; cun tenerli poy a la giornata soli-
citati, adcio non manchino del effecto ad el quale li havereti deputati.
Perche potria accadere qualche piogie quale sariano de qualita che
li mercadanti se renderiano difficili ad condure le victualie in campo,
accio non occorresse qualche desordine, ve havemo facto provvedere
de denari da li deputati nostri. Quali denari havereti ad usare ad
questo bisogno quando accadesse, cum provedere che essi denari non
vadino in sinistro. Ma havereti ad fare limitare el pretio de le victualie,
tanto più quanto sara la spexa de la conducta che li sara sopragionta,
e dicti denari farli retrare, in modo che noy non ne habiamo ad por-
tare senon el scorto et aspecto del tempo dessi denari.
E perche è necessario stabillire qualchi fornari, quali de continuo
faciano lavorare li forni per el bisogno de una bona parte de le gente
se retroverano a l'impresa, ad questo havereti ad usare la solita dili-
gentia e prudentia vostra in firmarne e stabilirne qualchuno , adciô
non se habia a stare in tutto a ventura e descriptione (sic) de merca-
danti superadventii, e bisognandoli scorto ne de grano ne de altro,
el tutto praticarete ; e secondo el besogno ne darete aviso alli
deputati nostri, adciô che li possiamo far consideratione e dare
modo al tutto. Ma questo non lo potrete considerare e praticare
finche non siate sopra el loco e che habiate notitia de la qualita e nu-
méro de le persone sarano in campo e condictione de li paesi ; perho
gionti sareti ad l'impresa, soUicitareti de havere noticia del tutto e ben
considerato che haverete la cosa, ne dareti del tutto aviso cum el parère
vestro alli deputati ut supra.
Per omne caso che potesse occorrere, ne pareria che con effecto ope-
168 MAXIMILIEN ET LUDOVIC SFORZA
rassero ehe in li loci e terre più accommodate ad l'impresa, se li tenesse
per quelle persone che ve paresseno juxta la descriptione de le victua-
lie che haveraao doa mille moza de fnimenti e qualtro inillia somme de
biade da cavalli; facendo coramandare ad li sollari piu grossi che sotto
pena de la confiscalione de li loro béni non moveno le victualie che
li ordinarete senza vostra licentia ; facendo questa ordiuatione e
provisione ed in Alexandria e Lumellina ed inNovarese cum farne tenere
bonoconto del tutto, adcio accadendo el bisogno ve ne possiate valere.
Ultra la irapresa de le victualie, volemo ancora asistate de continue
ad le expedictione pertinente al stato predicto che per el sopradicto
Messer Galeazio sarano ordinate. Facendole exeguire per le infras-
cripte persone, lequale havemo ordinato stiano de continuo ad la
obedientia vestra per fare questi effecti, et ad tutti se li fara dare li
denari de la cavalcata :
Thomasino Torniello.
Paulo da Lode.
Jo. Baptista Gusperto.
Bartholomeo da la Croce.
Gonradino de Vimercato,
Baldesar da Gaserate.
Filippo Guascono.
Francisco da Gremona.
Danesio Grivello.
Benedicto de Gallarate \
Paulo Impériale { cancellieri al officio de lo biade.
Francesco da Regio i
E perche la irapresa ha in se cellerità, volemo che ve mettiate ad
ordine, ita che mercoldi proximo ve possiate partire per andare ad
l'impresa ; e cosi havemo advertito tutte le predicte persone, quale
hanno asistere de continuo ad l'obedientia vestra, farano el medesmo.
Havemo ancora advertito tutte quelle persone, quale sono mandate
per fare le descriptione delli vini e biade da cavalli, che se expedis-
cano presto e mandano le note del tutto in mane vostre ; adcio, inteso
havereti el tutto, possiate provedere e dare modo de farne condure
dove cognoscerete sia el bisogno.
E perché non potemo ancora sapere dove el predicto felicissimo
campo nostro se habii ad firmare, e decernere el loco dove se habii ad
stabilire la fabrica de la monitione del pane, volemo che faciate pro-
vedere che li forni de Abbiate e Viglevano, quali solevano lavorare ad
altri tempi, maxime al tempo del exercito de Novaria, che siano missi
ad ordine, in modo che bisognando se possano operare ; e per non essere
forni commodi ad simili besogni in la cita nostra de Novaria, volemo
MAXIMILIEN ET LUDOVIC SFORZA 169
che subito faciate provedere che siano fabbricate quattro bocho de
forni in el loco più accommodato de quella cita ad l'impresa ; ita
che occoiTendo el bisoj^no se possino fare lavorare et ad questo non
li perderete tempo alcuuo per farne l'efFecto.
Havereti ancora ad provedere che in le terre e loci dove sono facti
redure li frumenti e che sono fortificati per conservarsi al bisogno de
le occurrentie del stato nostro, sia macinato tanto gran che sia abas-
tanza per el vivere de li habitanti per sei mesi, et uUerius per omne
soUaro grosso che se ritrovera in cadauna terra, ultra el bisogno del
vivere de le persone habitante. Ne farete ancora macinare quella quan-
tita che ad voy parira ricercare el bisogno, quale ordinarete se conservi
et se tenghi in monitione per omne bisogno che occorrera per pro-
vedere al campo de victualie, cum fare fare le descriptione delli fru-
menti in cadauna terra e loci predicti, e provedere non ne sia cavato
fora alcuna quantita senza licentia vostra, facendo punire ognuno che
contrafacia seconde che ad voy parira.
E perche ad dovere tenire il campo abondante de victualie la prin-
cipale cosa è ad intendere quantô numéro de gente li serano, cossi da
pede como da cavallo ; ad questo haverete ad usare la débita diligentia,
cum fare limitare el pretio de le biade e victualie, havendo respecto e
consideratione che li conductori gli ne possino condure voluntieri e li
soldati se ne habiano anche loro ad contentai'e, ne possano dolersi che
le siano vendute troppo caro.
40
Giovani Colla â Ludovic Sforza ^
(Du 3 au 13 août 1499)
(3 août 1499)
Illustrissimo et excellentissimo Signor mio observandissimo, M. Anz
Kungsegh è giunto hogi in qiiesta terra; al quale havendo domandato
de le nove, mi ha affirmato che pace o tregua si fara cura Sviceri col
mezo de M. Vesconte, e che la Maestà Cesarea se li inclina per potere
aiutare la Excellentia Vostra, e che li oratori francesi si sono partiti
da Constantia senza licentia ne saputa de la Maestà Cesarea, e sono
andati a Lindo, el che è stato molestissimo alla Maestà Cesarea, e se
pensa siano andati per interrompere la praticha de la pace : questo
medésinio m'hanno dicto questi regenti.
* Milan. Ibid. Dépêches originales, fragments.
170 MAXIMILIEN ET LUDOVIC SFORZA
Esso Messer Anz m'a dato la alligata delà quale expectara la ris-
posta quale desidera che la E. V. mandi in mani mie, e me ha parlato
assai del desiderio de venire a servire la E. V. e spera scrivendo
quelle alla Maestà Cesarea ed a luy di proponere a Sua Maestà tali
partiti per fantarie che lo lassara venire. In bona gratia de la E. V.
humilmente ml ricomando. Ispruch, 3 augusti 1499.
Fidelissiraus servitor, Joannes Colla.
(Inspruch, 7 août 1499)
L'ambassalore spagnolo, quale vene de la Maestà Cesarea licentiato
per ritornare a li Catolici Re soi, è giunto qui hogi, ed havendolo
visitato, medesimamente me ha affirmato la speranza se ha de la peca
ch'abbia succedere col mezo de la Excellentia Vostra, e che la disposi-
tione de la Maestà Cesarea verso la E. V. non porria esser meliore,
e che per poterla adiutare fara la [)ace cum Suiceri, e che la Maestà Sua
non lo voleva licentiarlo (^s/cj, desiderando retenerlo questa invernata-,
ma havuto haviso de la roptura de Francesi in Alexandria, mandi per
lui e li dissi che adesso era necessario per beneficio de la E. V. che
l'andasse, e cosi l'ha expedito ; e partira da qui lunedi ed audara
prima a Venetia. dove demonstra esser per pai'lare galiardo a Vene-
tiani ; dopoi venera a la E. V. ed expectara qui alcune instructioni de
la Maestà Cesarea de quello bavera a far cum la E. V. Me dice
ancora la Maestà Cesarea propria haverli dicto che rompendo Vene-
tiani contra la E. V. ha deliberato farli rompere a loro dal canto de
Austria, e per questo manda uuo suo capitano ch'è venuto in compa-
gnia sua in Austria per condure duemila fanti Boemi e cinquecento
cavalli legeri. Ma M. Ans me dice che questo capitano doveva venire
in Italia per servire la E. V. se chiama M. Enrigo Weispach, ch'è
venuto novamente ambasciatore de Hungaria ; cum il quale parlando
me questa sera insiema cum l'oratore spagnolo, dove erano ancora
alcuni altri capitanei e consiliarii vecchii e de auctorita, feceno uno
discorso che la Maestà Cesarea e la E. V. habiano al présente più
comodita che mai havessino de fare contra Venetiani, essendosi
securo, como loro affirmauo, de ' Turchi ed Unghari e promettendosi
havere cum loro Suiceri ; che mettino per certo, succedendo pace cum
Suiceri e M. Anz, che la E. V. scia la praticha ha cum Sviceri, dice
che sarano cum Sua Maestà e la E. V. havendo exhosi Francesi.
Questi regenti, cum li quali particularmente nho parlato, concorraao in
medesinia sententia, e me pare comprehendere in loro gran desiderio
de pace cura Suiceri e rompere cum Venetiani; e se ne rasona assai
qui, cum modo che pare dir la cosa si habia mettere al présente, e
MAXIMILIEN ET LUDOVIC SFORZA 171
volendomi [ ] tal impresa, facile dicono che haverano
contra Venetiani le fanterie senza pagamonto perche anderano spoQ-
taneamente sperando a guadagnare el che [ ] che
olim siano feroci, non hanno che perdere se non la lance, e gia dicono
qui che voleno andare a Venetia a mensurare quelli drapi de seda cum
le lance. In bona gratia de la E. V. humilinente mi ricomando. Ispruch,
7 augusti 1499.
Fidelissimus servitor, Joannes Colla ' .
(10 août 1499)
Essendosi stato sel giorni in continua expectatione de l'aviso che
la tregua fosse conclusa, ch'era grandcmente desiderata da questi
regenti, hogi hanno havuto aviso, non da la Maestà Cesarea, ma da
altri, corne in tuto la praticha è dissolta, e che la Maestà Cesarea non
vole più ce ne parla, delibei'ando continuare la giierra. La quale deve
essere partita da Constantia per andare al loco dove fo morto el conte
de Furstembergha. De laqnale nova se ne sta qui di rnala voglia, et
expectino M. Polo Liettestanai'o et M. Mancoaldo, da chi intendarano
quanto se havera a fare e le difficiiltate che haveriano irapedita la
tregua; li quali andarono poi a Marrano a una dieta, che se ha a
fare venere proximo a li 16: ne laquale principalmente se trattara de
remandare la gente in carnpo da questo canto, e l'ordine se havera
servare. Nondimeno da alcuni di questi primi consiglieri m'è dicto che
non sono ancora senza speranza di pace o di tregua, che se tracta
secretamente, e per quai mezo non posso iutendere.
Li oratori del papa, hispano e napolitano, sono ancora qui; quello
del papa per ordine de la Maestà Cesarea, che l'ha rimesso ad expec-
tare qui ; Napoli, per non havere modo di dinari da levarse. Lo His-
pano expecta le instructione ecinquanta marchi d'argento in dono che
li debe dare li Fochari (sic) ; havuto questo argento se partira.
In bona gratia, &c. Ispruch, 10 augusti 1499.
(12 août 1499)
Questa nocte é venuto el spazo al oratore Hispano de le scripture
expectava da la Maestà Cesarea, e qui li sono stati dati li cinquante
marchi d'argento. Domane se inviara per venire al drito a la Excellen-
tia Vostra, havendo mutato pro|)Osito del camino de Venetia per andare
più presto a li Catholici Re soi, dove demonstri essere per operare ad
' Suscription : lUmo principi et ex"° D»° meo oss""" Domino D. Mediolani.
172 MAXIMILIEN ET LUDOVIC SFORZA
gran profite de la E. V., como da lui a hocha intendera ; a laqiiale ho
più volte dicto chel è affectionato servitore ; e cosi al présente gli ne
facio ricorilo, acio la possi accarezarlo che certo lo mérita. Prega
la E. V. ad fare scrivere a Genoa par provededi de qualche bono
passazo, et essendone alcuno preparato, potendosi, farlo soprasedere
fin a la venuta sua qiiale accelei'ara.
In bona gratia, &c. Ispruch, 12 augusti 1499.
(13 août 1499)
Doi di qnesti cousiglieri sono andati alla dieta di Marrano dove
sara ancora el conte Joanne Siiniber, capitano del cauipo, e M. Mar-
coaldo. lo era per andarli, ma essendo giunto qui M. Raimondo de
Inghilterra questa matina, che andava per il camino de Marrano, ho
preso ordine cura lui chel satisfara, perche la dieta, como intendo, non
durara se non uno giorno.
El capitano che andava in Austria per condure li cavalli e fanti
Boemi è revocato da la Maestà Cesarea, dicendo non esser più biso-
gno : el che da alcuno se tôle per segno di speranza di pace o tregua.
In bona gratia, ec. lsj)ruch, 13 augusti 1499.
(13 août 1499)
La Cesarea Maestà ha scripto a questi regenti vadino al Legato e
li dicano da parte de Sua Maestà, che, per quanto lui li parlo li giorni
passati de la pace cum Suyceri a nome del Papa, l'ha deliberata mau-
dare soi ambassatori al Papa per rispouderli, e perô che lui fra questo
mezo se voglia transferire a Roma et andare in compagnia cum l'ora-
tore Hispano in Italia ; e cosi li sono audato hogi a farli l'ambassata ;
la quale l'ha bevuta amaramente e ha risposto che obedira, excusan-
dosi non potere partire cum l'oratore Hispano, ch'è partilo hogi, per
havere le robe sue a Olma, quale mandara a tore; poi se inviara in
Italia, e non poria esser più maie visto da costoro, che dicono che è
spiono del Papa, del quale non potriano havere pegiore opinione.
In bona gratia, etc. Ispruch, 13 augusti 1499.
41
Ludovic Sforza à, Giovani Colla '
(Vigevano, 5 août 1499)
Con le lettere tue de 26 et 27 havemo ricevuto quelle di Augustino
et essendo arrivato il cavallaro in lo termino datoli, se satisfara de
quello li hai promisse.
MAXIMILIEN ET LUDOVIC SFORZA 173
El spazamento facto al proposito de Brixina ce è piaciuto laudando
che tu lo soliciti al accelerare, e se fusse stato più jiresto, corne taute
volte havemo instato, saria stato più al proposito.
[Se de la deliberatione facta de li populi di Austria de succorrer la
Cesarea Maestà de 1.000 cavalli sara poi havuto altra cei'teza, ce ne
avisarai, e cosi sel thesoro sai'a stato conducto ad ley] ^.
A M. Andréa Lietestanar dirai che in l'amorevole ofFerta facta rico-
gneseino quello che sein[)re ha dimonstrato, una grande affectione
verso noi, e che non solo acceptamo l'ofFerta, ma ne sera summamenle
grato quando vengi e ne coiiducha 2.000 boni fanti Per facilitare
questo affecto scrivemo ad Augustino Somenzo che operi con la
Maestà Cesarea chel concedi licentia de posserli levai-e e coudurli, e te
mandamo una lettera qui alligata simile a quella havemo mandata noy
per cavalleri ad epso Augustino. Gli la darai accio possi sollicitare
questo affecto cum la Cesarea Maestà.
De quello intervenuto aile gente Cesarea verso Basylea ne havemo
havuto prima aviso, et in el maie ne place chel sii stato pocho.
Havemo commisso alli deputati che per ogni modo provedano al
bisogno tuo con efFecto.
Ringratiarai quelli signori regenti de quello hano scripto alla Maestà
Cesarea in ricomendaiione nostra [e li pregarai ad volere continuare
et in particularità acio la Maestà sua ne proveda de fanti per li nostri
dinari como havemo ricerchatij.
De le nove di qua non havemo altro che possemo significare se non
che Francesi attendano ad ingrossare de geute d'armi da cavalo e da pe.
Perfin qui non è facto altro. Noi etiam attendemo continuamente a
provvedersi al meglio che possemo.
El signor vicecancellaro nostro fratello è giouto a Borgo Santo
Donnino e credemo intrara zohia proximo in Milano.
' Milan. Ibid. Minute originale. La date a été modifiée: d'abord Medio-
lani 2, puis Vigevani 5 Augusti.
* Les § entre [] sont en chiii're dans l'original.
L.-G. PÉLISSIHR.
LA CHRONIQUE FRANÇAISE DE MAITRE GUILLAUME CRETIN
{Suite)
B. N. fr. 2818.
Les premiers feuillets contiennent d'abord « la table et recollection
de tous les sommaires de ce présent et second volume », ensuite
un prologue sans intérêt, où l'écrivain résume les événements qu'il
se propose de relater. Après avoir invité sa plume (1 r°) à n'être ni
médisante ni flatteuse, il se décide à entrer en matière.
2 r". I. Clotaire demande à l'Eglise des subsides, mais comme l'ar-
chevêque de Tours lui monti'e l'inconvenance de ses prétentions, il se
résigne à respecter la richesse des serviteurs de Dieu.
Et fit bien. Oncques homme
2 v° Chargeant l'Eglise (assez le pujs prouver)
A tard sceut il du cas bien se trouver.
Je ne dy pas pour cause raisonnable,
Qu'a debeller la perverse et damphable
Paganerie, on n'eust raison et droit
Lever argent par ung chascun endroit :
Mais employer le sacré patrimoyne
Du crucifix, levant sus prestre et mojne
Exaction, pour faire sang crestien
Espendre ainsi, — certes, je croj et tien
Que si ung prince argent d'Eglise(s) touille
Avecq le sien, enfin ceste despouille
Fera verser son aff"aire a nyent,
Et trouvera tel inconvénient
3 r°- 7r°. Guerre entre Clotaire et Cran. Après diverses péripéties,
celui-ci est vaincu, pris et tué. Sa famille subit le môme sort, et c'est
là un excellent exemple pour les enfants qui n'obéissent pas à leur
père. Cette affaire terminéeàsa satisfaction, le roi se rend àTours, et
remercie le bon saint Martin qui l'a assisté dans cette circonstance.
De Tours il se dirige vers Soissous, afin d'y goûter le repos qu'il a
si bien gagné.
8 r°. 11. Sa femme Ingonde le prie de chercher pour Ragonde, sa
sœur, un riche et noble mari. Clotaire, qui n'a rien à refusera son
épouse, va voir Ragonde, la trouve belle... et la prendpourlui.il
annonce lui-même à Ingonde cet arrangement.
CHRONIQUE FRANÇAISE DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 175
(Comme fortune a gentz nujre s'avance)
Qu'il j perdra vie, honneur et chevance.
«... Ma mye, il ne fault t'esbahir
De ce qu'aj fait. Te voulant oheyr,
En maintes partz aj je tourné ma veue
Ajffin de veoir la tienne seur pourveue
Bien a son gi é et selon ton désir ;
Mais je n'ay sceu duc nj comte choysir
A. beaucoup près m'approuchant en noblesse,
8 v° Honneurs et biens. Par ainsi je ne blesse
Le renom d'elle, et non fais je le tien,
Et si tu fais de ce cas bonne enqueste.
Bien trouveras qu'en sujvant ta requeste
Je l'ay pourveue avecq le plus puissant
De mon rojaulme. » Or, cela congnoissant,
S'en fut troublée et eut tristesse d'ame,
Non sans raison : mais ceste bonne dame
Faciemment le porta sans monstrer
Semblant du deuil, dont pourroit femme oultrer
De fier despit, en voyant qu'on la laisse
Contre la loy d'honneur et gentillesse.
Ragonde se retire dans un cloître, et mène une sainte vie.
9 1° et v°. Vers cette époque, il y avait à la cour un prud'homme
nommé Gautier d'Yvetot : il jouissait d'une rare faveur, mais les
jaloux firent si bien qu'ils le rendirent suspect au prince, et qu'il fut
contraint de s'éloigner.
0 faulse envie, est ce la fois première
Qu'as fait de maulx sourdre feu et fumiere ?
Non ! En Genèse exemple y en a bel :
Par toy Caym occist son frère Abel,
Par toy Joseph fut vendu en Egipte,
Par toy receut Absalon maulvais giste,
Par toy Saiil perdit sens et raison,
Par toy le filz de la Vierge Marie
Pendit en croix, et par toy mal varie
La mauvaistié des envieux en court.
Quant verrons nous, a prendre un terme court,
176 LA CHRONIQUE KRANÇAISE
Envie a fin ? Quant nous pourrons conguoistre
Religieux n'avoir murmure eu cloistre,
Quant on veiTa lojaulté aux meuniers,
Quant uzuriers seront grandz aulmonniers,
Quant les chartiers n'auront fierté si haulte
Et ne vouldront jurer que par « Sans faulte ! »
Quant advocatz servii'ont povres gentz
Plus par pilié que riches pour argentz,
Quant on verra clorre et fermer la bonde
Des détracteurs dont tant de mal habonde.
Il sera doncq bien tard quant ce sera.
Ce sera lors que désir cessera
10 r° Toucher les cueurs pour aniasser finance,
Ou aurons potz de terre a si fine ance
Que, pour tumber, ne seront ja cassez.
C'est trop resvé! Nous n'en parlons qu'assez.
Mais, a propos, ne pensons point qu'envie.
Tant que le monde aura son cour:', desvie
Ou preigne fin. Envie, a ung mot rond,
Ja ne mourra, — rcais envieux mourront.
Pendant dix ans, Gautier lutte, pour la foi catholique, contre les
Turcs, « car il estoit ung bien gaillard gendarme ». — 10 v°-12 v".
Puis il songe au retour, et passe par Rome, où il obtient du pape une
lettre qui le recommande à l'indulgence du roi de France. Cette lettre
fut présentée à Clotaire un vendredi (jour de pardon) et dans une
église, mais Gautier n'en fut pas moins égorgé. Il est vrai que le
meurtrier témoigna beaucoup de repentir, et qu'il accorda au pays
d'Yvetot quantité de privilèges.
13 r". III. Clotaire veut, un jour, prendre le plaisir de la chasse. Il
rassemble ses veneurs, et voilà le cerf lancé.
13 V C'est ung plaisir oujr les belles voix
Des chiens courans retentir en ces bois;
C'est ung dedujt, quant cors et trompes sonnent,
Du plaisant son que forestz en resonnent;
C'est passetemps d'oujr aux chiens parler:
« Va cy, Clabault ! Va, vé le cj aller!
La, la, ira, Rigault, Bruyant, Fricaude,
Marteau, Grongnard, Brifault! Par cj, va, Baude!
La, cher amy ; va, vé le cy fuyant! »
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 177
La bête, qui finit cepeudant par être forcée, avait déployé de telles
ruses et fait de si longs détours, que le roi, d'ailleurs âgé, sentit une
extiême lassitude (14 i") : il lui fallut s'aliter; ni les drogues ni les
sirojis ne le purent rétablir, et bientôt s'approcha du malade Celle qui
loge » a moins que dire picq! Povres humains a la pelle et au picq ».
— 14 v^-lS r°. Clotaire prononça un acte de foi (des plus longs), et
trépassa.
1.5 v°-17r°. IV. Partage du royaume entre les quatre fils de Clotaire.
— 17 v°-18 r". Mauvaises mœurs d'Aribert et de Contran. — 19 r°.
Sigebert épouse la fille du roi d'Espagne, Brnnechilde. Elle abjure
l'arianisme. — 19 v''-21 ro. Récit de son premier crime.
21 v°. V. Chilpérich se marie avec Galsonde [Galeswinthe], et son
peu[)le espère que cette union le retirera enfin des amours illicites.
22 v° Mais ja pourtant n'en laissa le mesnaige,
Car il fut tant emburelucocqué,
Coeffë, bridé, affublé et tocqué
Des doulx attraictz et façons affettées
De cinq ou six vilaines afettées,
Qu'honneur foulant de son liet nupcial,
Autres souilla, et, par especial,
(Ainsi qu'amour desordonnée enchante
Folz amoureux) tant fut d'une meschante,
Qui Fredegonde avoit nom, fort espris
Qu'il eut sa femme en merveilleux despris.
Or Fredegonde estoit belle au possible,
D'œil attrayant, de caquet invincible.
Et de maintien si safFre et advenant
Que nul trouvoit, fust allant ou venant,
Qui tost n'entrast en la flamme et fournaise
D'ardant désir
22 v°-23 r". A l'instigation de Fredegonde, le roi ordonne que sa
femme soit étranglée, puis (23 v"), après avoir apaisé les colères que
cette noire action soulève, il a, « mectant playes sur bosses », l'audace
de pi'endre une nouvelle épouse, nomuiée Audouaire [Audowère]. —
24 r» et v°. Il en eut trois fils, et elle était sur le point de devenir
mère encore, lorsqu'il fut contraint d'aller en guerre. — 25 r»-26 v".
VI. Une fille lui naquit pendant qu'il était absent, et Fredegonde con-
seilla à la reine de tenir elle-même son enfant sur les fonts. Lorsque
Chilpérich apprit, à son retour, que sa femme était mère et marraine
12
178 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
de sa propre fille, chose très défendue par l'Eglise, il « eut tel despit
qu'il en cuyda crever ». 11 répudia Audouaire, chassa de sa cour l'évê-
que qui avait fait le baptême, « puys espousa la mauvaise truande »,
Frédegonde.
27 r°-28 Y". Vil. Lutte de Sigebert contre les Huns. Chilpérich
profite de l'embarras de son frère pour lui ôter la ville de Reims.
Sigebert rend « chou pour chou » et s'empare de Soissons Un arran-
gement intervient, mais qui ne sera pas durable. — 29 r"-30 v°. VIII,
La guerre recommence ; plusieurs provinces sont dévastées. Si grande
est la misère publique qu'une nouvelle trêve est enfin conclue.
31 r°-32r°. IX. Alliance de Chilpérich et de Sigebert contre Gontran.
Les trois frères ennemis se décident à parlementer, et ils échangent
des serments pacifiques qu'ils n'ont pas l'intention d'observer. — Et
la preuve, c'est que Sigebert attaque Chilpérich, l'enferme dans les
murs de Tournai, et le réduit à une telle détresse qu'il ne songe plus
qu'à mourir. Heureusement pour lui, Frédegonde va entrer en scène,
A deux paillardz truans afetardiz,
Promptz a mal faire et a beau faict tardifz,
Secrètement les tirant de eoste elle,
Tant blasonna par subtile cautelle,
Et tant y eut par elle avant marché,
Que ces peudardz conclurent le marché
D'aller meurdrir Sigebert en sa tente ;
En quoy faisant, esperans grosse actente
De biens mondains, leur jura et promist
Foy de princesse, ou cas que Dieu permist
Qu'ils fussent la occis [lar malencontre,
Faire pour eulx tant de biens a rencontre
De ce beau faict, tant de fondations,
Tant d'oraisons et tant d'oblations,
Que vray pardon de l'utille homicide
Leur seroit faict. Moyennant tel subside,
Les malheureux, follement abusez
Par allaitez langaiges si rusez
32 v° De ceste faulse et maie créature,
S'allèrent mectre ainsi a l'adventure.
Tant sceurent ilz tournoyer, topier
Et l'ost du roy Sigebert espier,
Q'entour mynuict, au droict point que le somme
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 179
De plain repoz l'homme abat et assomme,
Comme aucteurs faulx du criminel délit,
Soudainement l'occii'ent en son lict :
Mais les meurdriers, en presse et grosses tourbes
Cujdans foujr, coups y receurent ourbes,
Et feurent la detranchez, a pas telz,
Aussi menu comme chair a pastez.
C'est la raison : qui fiert de glayve, certes,
Requiert que glayve en paje les dessertes.
33 1° et v°. Les soldats de Sigebert éprouvent un amer chagrin.
Mais que faire ? lis finissent par demander la paix à Chilpéi'ich.
34 vo-36 r». X. Après la mort de son mari, Brunechilde est exilée à
Rouen. Chilpérich ordonne à Mérovée, son fils, d'aller visiter les
peuples qui habitent les bords de la Loire. Le jeune homme profite
de ce voyage pour se rendre chez sa mère, Audonaire. Pathétique
entrevue. L'adolescent i)rononce à son départ les pieuses paroles que
voici :
« Madame, il fault tousjours vous monstrer saige :
Qui souffre il vainct et n'est jamais vaincu.
Je vous supplj, armez vous de Tescu
De vertueuse et bonne pacience ;
Prenez en gré. Je ne croj pas, si en ce
Persévérez, que Dieu, en regardant
Vostre bon droit, ne le vous soit gardant.
Luj mesme a dit que par peines diverses,
Douleurs, travaulx et pénibles traverses,
Convient entrer au royaulme des cieulx ;
De ses amys est tousjours soucieux.
Et se le corps pour luj souffre, il mérite
Le bien parfaict dont enfin l'ame hérite. »
36 v°. Guidé par son mauvais génie, Mérovée se dirige vers Rouen,
où il tombe dans les filets de sa tante Brunechilde.
Or, Mérovée estoit gaillard, plaisant.
Beau, gracieux, bien disant et faisant
Ce que peult faire ung jeune gentilhomme
De telle sorte et taille, que Ton nomme
180 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Ung verd galand, sus le point d'enraigec,
Qui plus ne peult ses appetitz ranger.
Ja sentoit il les amoureuses mousches
Sus luy donner sauvaiges escarmouches ;
Feu le touclioit qui de bien près semont
37 r° Filz de telle aage, assault et presse tnonlt
Quant l'aiguillon de la chair se rebelle.
Et luj voyant sa tante entière, belle,
Fresche de tainct et en aussi bon point
Qu'est jeune fille a qui le tetin poingt,
Toute gaillarde, honneste, fort friande,
G-entile, gaje et saffre a la viande,
Yeulx esveillez, guilleretz, soubrianz,
Promptz a gecter leurs traictz et dardz frians
Pour tenir rencz d'amoureuse castille,
(Comme l'on dist les dosnes de Castille)
Estre d'accueil et gracieux attraict ; —
Et tout ainsi que, pour boyre ung grand traict,
On verse vin cleret de gourde pie
En verre ou tasse, et qu'il tourne, touppie,
Saulte et frétille, appelant son buveur :
Ainsi advient que, pour donner saveur
Et goust friant aux viandes secrettes,
Sçavent dresser ung tas de vinaigrettes
Dames de cueur et couraige legier
Qui du bancquet d'amours veullent mengier ; —
La, Brunechilde avecqnes Merovée
Ayant chascun forme a son pied trouvée,
Furent soudain leurs cueurs liez ou laz
Dont longz ennuyz passent legiers soûlas.
37 v° Lors de l'affaire ensemble disposèrent
Par tel marché que l'un l'autre espouserent
Sans garder loy n'ordre de parenté.
Pensez se, luy , fat bien apparenté
D'ardantz désirs pour servir a la jouste ;
Elle, en façon qu'affection adjouxte
Frais appétit au vouloir lors qu'on bat,
Délibéra d'actendre le combat,
Disant : « S'il pense avoir bonne victoire,
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 181
J'auray confort. » Par ainsi est notoire
Que chascun fut le bon droit soustenant,
Tant (le la part du venant (|u'au tenant.
Si au tournoy se firent grandes armes,
Cela demeure a ceulx qui les vacarmes
Du pas friant ont a force exploictez,
Car ramener par escript exploictz telz
N'est bien mon cas ; ce me sont lectres closes.
A texte rond n'est besoing mectre gloses.
Chilpérich est instruit de ce mariage, et il accourt à Rouen, fort
irrité contre son fils. — 38 r°-39 v". XI. Ils ont, les deux amoureux,
mangé «leur pain blanc le premier '>. A l'arrivée du roi, ils cherchent
asile dans un monastère : on les en tire par de belles promesses, puis
on conduit de force Mérovée à Paris. Il s'échappe, se réfugie à Saint-
Martin de Tours, en sort bientôt pour son malheur, et passe dans la
province de Champagne. Ses ennemis parviennent à le cerner, et il
commande à l'un de ses serviteurs de lui donner la mort.
40 r° et \°. XII. Siège et prise de Soissous par Chilpérich. — Son
fils Clovis porte la guerre sur le territoire de Gontran. — 41 r°-42 r".
Celui-ci confie son armée à l'habile général Mommolin [Mummolus]
qui, après une bataille ou l'on ouït les canons tonner, repousse l'en-
vahisseur. — 42 ^-43 r°. Chil|iérich cherche querelle au duc de Bre-
tagne Varracon [Waroch], mais ses troupes sont surprises, et il lui
faut accepter un traité désavantageux.
44 r» et V. XIII. Frédegonde excite son mari contre l'évêque de
Rouen, Prétexte. Il est cité devant une assemblée ecclésiastique,
comme ayant consacré le mariage incestueux de Mérovée. On produit
en outre de faux témoins qui l'accusent d'avoir distribué de l'argent
pour pousser à la révolte les sujets du roi. — 45 v°. Prétexte répond
aux faux témoins ainsi qu'il suit :
« . Pervers sedicieux,
Langues d'aspic, venimeuses vipères,
Presentz le ro_y et ces* reverendz pères,
Ozez vous bien soustenir rapportz telz ?
Quant au regard du point ou rapportez
Qu'ay fait des dons, vostre dire conferme,
Car maint povre homme et souffreteux enferme
Ms : ses.
182 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Aj je nourry etsubstanté de dons.
Que puys je mieulx fors, de mesmes guerdons
Receuz de Dieu par très amples largesses,
Faire a autruj presentz de mes richesses ?
J'aj plusieurs biens de l'Eglise donnez,
Distribuez, livrez et aulmosnez,
L'ordre tenant qu'a Dieu, ce pense, agrée :
Mais de toucher la majesté sacrée,
S'ay entrepris, par dict, pensée ou faict,
Luj nuyre en riens, pugnj soye et deffaict ;
Et si aucun homme vivant sur terre
Veult maintenir qu'onc de moy receust erre,
Don ou présent pour toucher vie, honneur
Et biens du roy mon souverain seigneur,
Icy le die et publie a voix hauite!
45 v° Et si en moy se treuve quelque faulte,
Je me soubmectz a la discrétion
De ceulx auxquels gist ma correction. »
Chilpérich s'engage à ne pas se montrer rigoureux envers l'accusé
pourvu qu'il confesse ses torts. — 46 r°-48 r". Hésitations de Tévê-
que : il se résout à feindre d'avoir été coupable. Grégoire de Tours
plaide inutilement sa cause. Le parti du roi triomphe, et Prétexte
est exilé.
XIV. Gontran adopte sou neveu Ghildebert. — 48 v". Discours qu'il
hii tient en cette circonstance. — 49 v°. Réponse de l'enfant par la bou-
che de l'un de ses gouverneurs. — Démêlés de Gontran et de Chil-
périch. — 49 v°-51 r°. Indigue conduite de celui-ci : ses pilleries en
Bretagne ; assassinats ; exactions.
52 i'\ XV. Signes et prodiges advenus, en ce temps, au pays de
France.
Aquarius, grand ministre des eaux,
Ouvrant du ciel les conduitz et tuyaux,
En France fist, celluy an, tel déluge
Que, puys le temps du bon Noé, ne leu je
Sur le climat françoys avoir esté
Ung si divei'S et merveilleux esté.
Pluye en septembre a très grosse habon lance
Survint, par quoy sonna piteuse dance :
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 183
Car Eolus fist Auster tant soufler
Qu'il contraignit les gros fluves enfler,
Et tellement partout se desborderent
Que bestiaux et maisons emportèrent.
Par ce déluge et soudain apport d'eaux
En divers lieux, a Lion et Bordeaux,
Tumberent grandz et puissans ediffices.
Nature adoncq n'usa de ses offices
Quant a germer semences, dont poureux
Devindrent tous les povres laboureux,
Car la saison n'eurent bien opportune
De povoir mectre et semer graine aulcune.
Lors j)euple fut [)lus que jamais troublé
Voyant si grande enchère mectre ou blé.
Puys quant les eaux peu a peu s'escoullerent
Et qu'au droit cours de leurs places couUerent,
On veit assez arbres couvers de fleurs,
52 v° La terre aussi de diverses couleurs
Moult enrichie et fort belle pour veue
Rassasier, — mais de fruictz non pourveue.
Les Tourangeaulx, par admirations
De grandz esclairs et fulgurations,
Furent esmeuz de frissons redoubtables.
Cris merveilleux, très fort espoventables.
En divers lieux menèrent tel sabat
Comme quant vent arbres froisse et abat.
A Bordeaux client du ciel horrible fouldre
Qui grandz manoirs fist consommer en pouldre.
Tel tremblement de terre y eut que tous
Les citoyens, humiliez et doulx,
Tindrent les champs pour lors maintesjournées.
Ces mouvementz, vers les montz Pyrénées,
En cet instant s'allèrent présenter,
Sans les plus haultz en permectre exempter.
Car grandz rochiers, par terribles tempestes,
En trébuchant meurdrirent gentz et bestes.
Ceulx d'Orléans, Berruyers et Chartrains,
En lieux profondz et bas feurent contrainctz
Faire séjour ; par l'espesseur des gresles,
184 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Tonnerre, esclair et fouldres très cruelles.
Trouvèrent fort leurs biens endommaifrez.
53 r° Longtemps n'avoit esté ouj ne veu
Le ciel donner si mauvaise influence.
Dont procedast une telle affluence
D'estranges maulx et accidens divers
Pour faire humains tant gésir a l'envers :
Car fiebvre et flux tindrent comme en souflrance
La plus grand part du royaulme de France,
Mal d'estommach, esvanoujssemens,
Douleurs de cueur, soudains vomissemens ;
Testes et reins souffrirent peines telles
Que font porter afîlictions mortelles.
C'estoit pitié d'ouyr plaindre et gémir
Les pacientz, par force de vorajr
L'infection a pleine gorge ouverte,
53 v" Comme pojson de couleur jaulne et verte.
Par tous endroictz ceste mortalité
Rendit alors maint corps mort alitté,
Dont peu de ceulx qui venins telz receurent.
Hors du dangier, marcher par terre sceurent.
Le fléau atteint Chilpérich et son lignage. Frédegonde est prise de
remords, et (54 r») elle se rend chez son mari pour l'engager à se
repentir. — 54 v''-56 r''. XVI. Discours de la reine. — Chilpérich est
ému; il s'efforce de soulager son peuple, multiplie (56 v°) les bonnes
œuvres. Par malheur, la crainte seule le faisait agir, et l'on ne pou-
vait pas compter sur cette conversion intéressée.
57 r° et \°. XVII. La femme de Gontran, Austrigilde, qui n'avait
pas échappé, elle non plus, à la maladie régnante, demande à son
mari d'égorger, une fois qu'elle aura passé le dur pas, les médecins
qui l'ont soignée. Son vœu est respecté [jieusement. Guillaume Crétin
blâme cette reine féroce et (58 r°) ce roi trop complaisant.
XVIII. Guerre contre les Lombards. — 58 v°-59 v°. Les Français
entrent en Italie, mais ils se lassent vite de chercher un ennemi
qui se dérobe, et, grassement payés pour cela, ils consentent à se
retirer.
60v°-62v°. XIX. Histoire d'Ingonde et d'Hermehilde [Herméne-
ghild]. — Projet d'une nouvelle expédition en Italie. — 63 r°. Elle
n'a pas lieu.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 185
64 r° et v". XX. Chilpérich travaille à répandre, en ce qui concerne
la Trinité, une opinion hérétique. Protestations de Grégoire de Tours
et (65 r°) de Salvius d'Albi.
65 v°-68 r°. XXI. Frédegonde, qui veut perdre Clovis, commence
par livrer aux bourreaux la concubine de ce prince et la mère de
ladite concubine. Chilpérich abandonne, sans témoigner le moindre
regret, son fils à la fureur de la reine. Mort de Clovis. Le chroniqueur
réprouve l'indifFérence du père.
68 v° 0 cueur cruel, trop plus dur qu'aymant,
Est il belistre ou monde et cajrnant
Qui de son sang, selon deu de nature,
Ne prist pitié ? Mais est il créature
De bon advis, voyant meurdrir sa chair,
Qui ne se fist Tame du corps sacher
Ains qu'endurer faictz si abhominables ?
Ne voyons nous bestes irraisonnables
Leurs faons garder par naturel instinct ?
En congnoist on qui fort près ne se tint
Pour sa portée a son povoir deffendre?
Je croy^que non. — Humain cueur devroit fendre
Quant il congnoist son sang propre asservy
A souffrir mal qu'il n'a pas desservy.
Celluy est doncq pire que beste brutte,
Et plus cruel, qui d'amour se rebutte
Jusqu'à laisser son enfant au dangier
De cueur si chault a se vouloir vengier,
Ainsi que fist ceste faulse deab]esse
Contraire a ioy el ordre de noblesse.
(.4 suivre). Henry Guy.
BIBLIOGRAPHIE
REVUE DES REVUES
Romanische forschungen, XIX, 1. — G. Wenderolk : Estienne
Pasquiers poetische Theorieu uud seine ïatigkeit als Literatuihisto-
riker, p. 1 ; — R. Reis : Die Sprache im u Libvre du boa Jehan, Duc
de Bretagne» des Guillaume de Saint-André (14 Jahr.), p. 76 ; — P.-C.
Juret : Etude grammaticale sur le latin de s. Filastrius, p. 130.
Annales du Midi, n" 65. — Dejecmne : Le troubadour Cercamon,
p. 27; — 6r. Steffens : Fragment d'un chansonnier provençal aux
Archives royales de Sienne, p. 63; — V. de BarLholomaeïs : Une
nouvelle rédaction d'une poésie de Guilhem Montanhagol, p. 71 ; —
A. Jeanroy : Gascon « lampournè », p. 75.
Revue historique, scientifique et littéraire du départe-
ment du Tarn, sept.-déc, 1904. — A. Vidal : A travers les lau-
simes de Saint-Salvi, XIV-XV'^ siècles, p. 257 et 353.
Revue du Béarn et du pays basque, II, I. — E. Bourciez :
Navarrot et ses chansons béarnaises, p. 6.
Bulletin du parler français au Canada, 111, 5, 6 et 7. —
Lexique canadien-français (suite), p. 153, 181, 221.
Studi medievali, I, 2. — A. Sepulcri : Le alterazioni fonetiche e
morfologiche nel latino di Gregorio Magno e del suo tempo, p. 171; —
G. Berioni : Un rimaneggiamento toscano del « Libro » di Uguçon
da Laodho, p. 235 ; — R. Sabbadini : Frammento di gramraatica
latino-bergamasca, p. 281.
Zeitschrift fur franzôsische sprache und litteratur,
XXVUl, 1 et 3. — E. Brugger : Beitriige zur erklàruug der arthu-
rischen géographie 11, p. 1 ; — E. Stengel : Die refrains der Oxforder
ballettes, p. 72; - G. Baist : Wortgeschichtliches : Cerneau, p. 79;
— D. Behrens : Wortgeschichtliches : 'afrz. crinque, wall. ringuèle,
p. 81.
Romania, XXXIV, n" 133. — G. Huet : La version néerlandaise
des u Lorrains ». Nouvelles études, p. 1 ; — P. Meyer : Notice du
BIBLIOGRAPHIE 187
ms. 9225 de la bibliothèque royale de Belgique (légendier français),
p. 24 ; — V. de Bartholomaeis : « De Rambaut e de Coine «, p. 44;
— A. Thomas : Le roman de Goufier de Lastours, p. 55 ; — J.-T.
Clark : L'influence de l'accent sur les consonnes médiales en italien,
p. 66 ; — P. Meyer : De quelques manuscrits français conservés dans
les bibliothèques des Etats-Unis, p. 87; — Id. : La chanson des
« clowechons », p. 93; — Id. : L'inscription en vers de l'épée de Gau-
vain, p. 98 ; — J.-L. Weston : Wauchier de Denain and Bleheris, p.
100; — A. Thomas : Pour un « dictié » de la Vierge Marie, p. 105 ;
— Id. : Ane. franc. « loirre, loitre, — rousseruel, roseruel, — rovent»,
p. 108 ; — J. Desormaux : Savoyard « viorba, viorbes», p. 113.
Revue de philologie française et de littérature, XIX, 1,
— P. Meyer : La simplification orthographique, p. 1 ; — H. Yvon :
L'idée de l'usage en matière de langue et d'orthographe, p. 27 ; —
E. Casse et E. Cliaviinade : Vieilles chansons patoises du Périgord
(suite), p. 48 ; — F. Baldensperger : Notes lexicologiques, p. 63 ; —
P. Horluc : « Faire la fête », — « Epaille », p. 69 ; — Chronique sur
la réforme de l'orthographe, p. 75.
COMPTES RENDUS
Emile Faguet, de l'Académie française. — Propos de théâtre,
deuxième série — Paris, Société française d'imprimerie et de librai-
rie, 1905, in- 12, 3 fr. 50.
« Lorsque le critiquea excité, pour sa petite part, le public à discu-
ter, à réfléchir, et surtout à venir au théâtre pour juger par lui-même,
il me semble qu'il n'est pas loin d'avoir rempli son petit office. » Ainsi
se termine Y Examen de co^iscience du critique placé en tête des
Propos de théâtre, deuxième série.
La conscience de M. Faguet peut être tranquille, car il a fait et il
fait tous les lundis beaucoup plusqueson « petit office» ne comporte.
11 excite le public à penser, en lui proposant lui-même des idées nom-
breuses et piquantes; il lui permet de discuter, en lui indiquant tous
les éléments des questions à résoudre; il l'amène à réfléchir utilement,
en fournissant à ses réflexions la base solide d'une histoire dramatique
approfondie. A ceux qui ne peuvent aller au théâtre pour juger par
eux-mêmes, il donne jusqu'aux moyens de s'en consoler.
Réunis en volumes, il arrive que ses articles se ressentent un peu
trop de leur origine — et nous avons dit comment, à propos d'un
188 BIBLIOGRAPHIE
volume antérieur — , mais ils restent charmants et utiles, et leur rap-
prochement même leur donne une valeur nouvelle.
La deuxième série des Propos de théâtre nous entretient de Vlphi-
génie d'Euripide traduite par M. Moréas, puis aborde le théâtre fran-
çais class'que avec l'examen du livre de M. Joannidès sur la Comé-
die Française. Parmi les principaux chapitres qui suivent, citons :
L'Abbé d'Aubignac; — La mise, en scène du théâtre classique et le
théâtre classique populaire; — Rodogune ; — La Chaussée et la
Coynédie larmoyante ; — Le centenaire d'Alfred de Vigny au théâtre;
— Casimir Bonjour ; — La comédie et les mœurs sous la Restau-
ration et la Monarchie de Juillet .
Dans l'article sur l'Abbé d'Aubignac se trouve une erreur que
l'autorité de M Faguet pourrait accréditer et qu'il importe de relever.
Remarquant avec raison que les Discours sur le poème dramatique
et les Examens de Pierre Corneille sont une réplique à la Pratique
du Théâtre de l'abbé d'Aubignac, et que certaines assertions hasar-
dées du grand poète doivent être considérées comme de simples exa-
gérations de polémique, M. Faguet ajoute :
« Par exemple, on connaît cette idée de Corneille que le poème dra-
matique doit être invraisemblable, et n'est vraiment digne de ce nom
que quand il s'écarte de la vraisemblance, et est d'autant plus une
vraie tragédie qu'il s'en écarte davantage. 'Voilà qui inquiète. On sent
très.bien qu'il y a là une vive lumière jetée par Corneille sur Corneille
lui-même, et qu'en effet il y a chez Corneille un goût de l'extraor-
dinaire qui tend évidemment versTinvraisembl ^ble et dont, tout compte
fait, il se fait à lui-même un mérite plutôt qu'une erreur. Mais la
forme manifestement paradoxale de cette doctrine, d'où vient-elle?
» De ce que cette doctrine est une réplique, ce qui fait qu'elle prend
naturellement un air de défi... » (p. 56-57.)
Cette ingénieuse explication est infirmée parla chronologie. C'est en
1647 — dix ans avant la Pratique du Théâtre — que Corneille écrit,
dans l'avis Au lecteur à' Héraclius , la phrase fameuse : « J'irai plus
outre ; et quoique peut-être on voudra prendre cette proposition pour
un paradoxe, je ne craindrai pas d'avancer que le sujet d'une belle
tragédie doit n'être pas vraisemblable.» Trois ans après la Pratique,
en 1660, Corneille est beaucoup plus réservé dans son Discours de la
tragédie et des moyens de la traiter selon le vraisemblable et le
nécessaire. Il se fait donner par Aristote — qui n'est pas là pour pro-
tester contie les interprétations abusives de sa Poétique et contre les
contre-sens — l'autorisation de remplacer la vraisemblance par le
vrai historique et par «le nécessaire » ; au fond, il défend la même doc-
trine que dans l'avant-propos de 1647 ; mais il ne dit nulle part
que le sujet d'une belle tragédie doit n'être pas vraisemblable. Sur ce
BIBLIOGRAPHIE 189
point, le désir de répondre à d'Aiibignac ne l'a pas amené, tant s'en
faut, à « renchérir » et à « forcer la voix » '.
Eugène Rigal.
Un idéaliste, Emile TroUiet (1856-1903). Œuvres choisies. —
Paris, Pion, 1905, p. in-8».
Ce volume, préparé par un Comité qu'a d'abord présidé M. Octave
Gréard, est un hommage rendu à un poète délicat, à un doux assoiffé
d'idéal, à une âme noble et haute.
Avec une pénétrante mélancolie, TroUiet avait commencé par chanter
ses tendresses et ses cultes. Puis, devenant moins personnel, plus
réfléchi, plus largement humain, il avait célébré en vers la vie silen-
cieuse; il avait dit en prose, dans l'Ame d'un résigné, les tristesses,
les rêves, les aspirations généreuses d'un idéaliste qui lui ressemblait
comme un frère : et M. Faguet l'avait appelé «un demi-apôtre ». Enfin,
il avait — comme poète, montré aux hommes de bonne volonté la
route fraternelle où ils devaient s'eugager, — comme critique, ciselé
des médaillons de poètes, d'où sortaient des leçons de morale et
d'humanité non moins que des leçons d'art, — comme publiciste, prêché
éloquemment la paix dans la Nation et la paix entre les Nations. Il
préparait un volume de vers auquel il projetait de donner un de ces
titres significatifs : la Jérusalem nouvelle, VHumanUé, le Matin du
siècle. En lui l'écrivain acquérait plus de sûreté, le poète devenait plus
original, le demi-apôtre faisait place à l'apôtre. Et c'est alors qu'il est
mort le 25 janvier 1903, laissant une œuvre remarquable et un sou-
venir infiniment doux.
Ses amis ont tenu à lui élever deux monuments; et l'un deux, le
plus précieux sans doute, est constitué par le livre que nous recom-
mandons. En tète, M. Olivier Billaz, avec une piété affectueuse qui
n'a fait perdre aucun de ses droits à la critique, a conté la vie, analj'sé
l'âme, étudié les œuvres de TroUiet. Un choix de poèmes et de pages
1 La phrase suivante de la p. 118 forme un contre- sens : « Et voilà la
raison pourquoi Monime dans Mithridate n'est que la fiancée de Mithri-
date et pourquoi Mithridate est plutôt une tragédie qu'une comédie. » Il
faut lire : «• est plutôt une tragi-comédie qu'une tragédie », ainsi que por-
tait le Journal des Débats du 5 janvier 1903 (et non : 1904). — P. 153,
1. 22, la phrase est incompréhensible si l'on ne met une virgule après
étant. — P. 156, 1. 1 et 2, lire Fut-ce (et non : Fût-ce). — P. 174, 1. 11,
et p. 178, milieu, lire dix-septième (et non : dix-huitième) siècle. —
P. 194, 1. 11, lire théorie du quiproquo. — P. 231 et 232, l'article sur Vigny
appelle toujours Richard le Picard de la Maréchale d'Ancre.
1 90 BIBLIOGRAPHIE
en prose vient ensuite, qui apprendra beaucoup même à ceux qui ont
lu les volumes de Trolliet, car il contient des pièces qui n'avaient paru
que dans la Reçue des poêles ou dans la Revue idéaliste et qui ne
sont point parmi les moins remarquables.
Eugène Rigal.
Artur Li. Stiefel. — Die Nachahmung italienischer Dramen bei
einigen Vorlaufern Molières. 1. D'Ouville. — Berlin, Gronau,
1904, in-S".
M. Stiefel est un vaillant travailleur et un chercheur heureux qui a
déjà rendu à la littérature comparée et à l'histoire du théâtre français
de signalés services. Rotrou l'a beaucoup occupé : dès 1891, il décou-
vrait et exposait les rapports de la Pèlerine amoureuse, de Célie et
de la Sœur avec leurs sources italiennes; en 1901 il donnait une lon-
gue notice sur le Cosroès, ses sources et ses imitations; et dans l'in-
tervalle, en 1893, s'étaient placées de précieuses recherches sui- la
chronologie des œuvres du même dramaturge. Mais M. Stiefel ne s'en
est pas tenu à l'étude de Rotrou, et nous lui devons de connaiti-e
mieux les procédés de composition de Tristan l'Hermite, de Scarron,
de nos nouvellistes des XVI" et XV1I« siècles. Pour le moment, conteurs
et dramaturges paraissent, d'une façon égale, attirer son attention; et
d'Ouville, qui est à la fois l'auteur de l'Elile des Contes et d'un assez
bon nombre de comédies ou de tragi-comédies, avait tous les titres à
une minutieuse étude. Aussi la plus récente brochure de M. Stiefel
(extraite de la Zeitschrift fur franzUs'sche spraclie und Litleratur)
comprend-elle une notice sur .Antoine le Métel, sieur d'Ouville, et une
comparaison entre Aimer sans savoir qui et les Morts vivants, comé-
dies de notre auteur, d'une [)Hrt, Hortensia d'Alessandro Piccolomini
et / il/orii iv'ui de Sforza d'Oddi, d'antre part, sans compter maints
renseignements de toute sorte épars dans le texte et dans les notes.
Cette étude sur d'Ouville n'est que la première d'une série consacrée
à quelques prédécesseurs de Molière.
Eugène Rigal.
A. Joannidès. — La Comédie-Française, 1904 Avec une préface
de Coquelin cadet, Paris, Plon-Nourrit, 1905, gr. in-8°.
Le beau répertoire de M. Joannidès se fait de plus en plus métho-
dique, de plus en plus commode et de plus en plus complet. A signaler,
comme parties nouvelles, dans le f..scicule de 1904 : la liste de tous les
rôles joués parMesdames les Sociétaires actuelles, et les listes (d'abord
BIBLIOGRAPHIE 191
par dates, ensuite par noms d'auteurs) des rôlos joués par les Socié-
taires retraités. M. Joannidès corrige eu outre quelques menues
erreurs qui s'étaient glissées dans le fascicule de 1901.
K. R.
H. Châtelain. — Le vers libre de Molièi'e dans «Amphitryon», Paris,
1904 115p.].
M. Châtelain reprend après M. Comte l'étude du vers libre de Molière
dans Amplùtryon. 11 montre que la téorie de son devancier est trop
simple et trop absolue et il rend mieux compte de la complexité des
faits.
M. G.
Era bouts dera mountanho, I, 1, Sen Gaudciis, 1905.
C'est une nouvelle revue régionale qui voit le jour dans le Midi. Elle
s'annonce comme essentiellement félibréenne; mais la science et la lin-
guistique n'en seront pas exclues, les noms de ses fondateurs nous en
sont garants. La région où elle se publie est la partie montagneuse
de la Gascogne, dont les patois sont si intéressants et encore si mal
connus. Nous espérons qu'elle nous les livrera aussi complètement
que possible et avec toute l'exactitude et la précision désirables ; c'est
dans cette attente (jue nous lui souaitons cordialement la bienvenue.
M. G.
C. Salvioni. — Quisquiglie di toponomastica lombarda (Estratto dall
Archivio storico lotnbardo, XXXI, 2), Milano, 1904 [16 p.].
Nous avons plusieurs fois signalé dans cette Revue les articles de
M. Salvioni sur l'étimologie des noms de lieux de Lombardie. Il s'est
fait en quelque sorte une spécialité de ces questions et il i montre
toujours la même précision et la même pénétration, appuyées sur une
connaissance approfondie des parlers 'le la région. Nous espérons
qu'un jour il réunira en un volume, avec une introduction sur les patois
lombards, toutes les études qu'il a faites sur ce sujet et qu'il a dissé-
minées dans diverses Revues. M. G.
J. Leite de Vasconcellos. — Summula das prelecçôes de philo-
logia portuguesa feitas na bibliotheca nacional de Lisboa no anno
lectivo de 1903-1904, Porto, 1904.
M. Leite de Vasconcellos a fait pendant l'année scolaire 1903-1904,
192 BIBLIOGRAPHIE
comme l'indique le titre, un cours de grammaire comparée portugaise.
11 nous dorme ici le sommaire de chaque leçon. M. G.
C. H. C. "Wright. — Sélections from Rabelais' Gargantua, New-
York, London, Macmillan, 1904; in-18 [xxix-1 16 p.].
Choix bien fait. Notes précises. Bon livre classique, qui montre avec
quelle autoi'ité notre langue etnotre littérature sont enseignées à l'Uni-
versité Harvard. J. V.
Revue hispanique. — Tables des dix premières années, 1894-1903.
M Foulché-Delbosc a eu l'heureuse idée de faire suivie d'une table
des dix premières années le dixième volume de la Revue qu'il dirige
avec la compétence que l'on sait. Cette lable rendra de grands services
non seulement à ceux qui n'ont pas lu la Revue a mesure qu'elle
paraissait et qui veulent y faire des recherches, mais aussi à ceux qui
auront besoin de retrouver tel article qui les avait intéressés lors de
sa publication. Elle est divisée en cinq parties : 1° table par numéros,
2° table par noms d'auteurs, 3" table des comptes rendus, 4° table
méthodique, comprenant les articles de philologie avec la liste des
mots étudiés, les ■ rticles de littérature et d'histoire rangés par siècles,
les articles de folk-lore, de bibliographie, etc., 5° liste des planches
hors texte.
H. Lacoche. — Traduction en vers français du Roland Furieux.
La nouvelle traduction complète en vers français da Roland Furieux,
éditée par la librairie étrangère Boyveau et Chevillet, est l'interpréta-
tation la plus fidèle qui ait jamais été donnée de ce merveilleux poème,
qui vaut à lui seul, d'après le sentiment de Voltaire, VIliade, VOdys-
sée et Bon QuickoUe.
Cette nouvelle traduction du poème du « divin Arioste » a été faite
par octave, de telle sorte que chaque vers français correspond à un
vers du texte italien.
Le traducteur s'est attaché à reproduire non seulement le sens exact
delà pensée, mais le style même de l'inimitable poète, si riche d'images
et de coloris.
L'infinie vaiiété des épisodes et des personnages dramatiques ou
plaisants, créés par la prodigieuse imagination de l'auteur, le charme
et la bonhomie du récit, l'endeat des plus atti'ayante la lecture du
Roland Furieux.
Le Gcrunl responsable : P. Hamelin.
LE MOT BAR
COMME NOM DE POISSON EN FRANÇAIS ET EN ANGLAIS
k
On trouve dans le Dictionnaire Général l'article suivant :
1. BAR ou * BARS, [bârj s. m.
[Etym. Emprunté de rallemand bars^ perche. || XIII^ s^
En sa baniere et un grand bar, dans Barbazan, Recueil
deFabliau3^, IV, 90.].
Il Poisson voisin de la perche, dit aussi loup de mer.
I (Blason) Poisson figuré sur les armoiries. La Couronne
était ducale^ mais fermée par quatre bars , S'SIM. ii.
141.
Pour ce seul article, Littré en a trois :
-J- 2. BAR (bar), s. m. Grand poisson, dit aussi maigre
(sciaena aquila).
— Hist. XIII* s. En sa baniere ot un grand bar, Fabliaux,
edit. Barbaz.., t IV, p. 90.
'\ 3. BAR, s. m. Terme de blason. Barbeau, poisson
fréquent en armoiries en pal et un peu courbé.
— Etjm. Barbe nom du barbeau.
f BARS (bar; l's ne se lie jamais), s. m. Poisson do
mer dont la chair est très estimée, dit aussi loup de
mer (labrax lupus. L.).
— Etym. AUem. Bars ou Barsch.
Je crois qu'il ne s'agit ni d'un seul et même mot ni de trois
mots différents, mais plutôt de deux mots, l'un d'origine en
effet germanique, l'autre d'origine toute latine.
L'allemand moderne Barsch au sens de perche [perça fluvia-
tilis) remonte à une forme bars- . Il est clair que bars- em.
prunté en français a subi l'arnuïssemant de l's final et que la
graphie, au lieu de rester stationnaire comme dans la plupart
des cas [épars, etc.) a hésité entre bars qui représentait la
13
194 LE MOT BAR
prononciation ancienne et bar qui exprimait plus exactement
la nouvelle.
Pour la signification, il résulte de l'étude des sens que pré-
sente l'anglo-saxon baers et ses dérivés en anglais que le mot
a servi pour indiquer non seulement la perça fluvfatilis, mais un
autre poisson de la même famille, le labrax lupus, très vorace
et très commun sur les côtes de la Grande-Bretagne et de la
France.
Pour affirmer l'équation baers = lupus, W sniûi de lire les
anciennes gloses anglo-saxonnes'. Elles montrent clairement
que dés les plus anciens temps, baers a eu le sens de loup de
mer, luhin (labrax lupus). Baers se présente |plus tard sous
trois formes dont les deux premières ne s'emploient plus
guère que dialeclalement. Ce sont barse d'une part, base
(ou bace] de l'autre. Tout en gardant le sens attesté par les
anciennes gloses, elles ont en même temps celui de perça flu-
viatilis '. La troisième forme, la forme actuelle du mot anglais,
bass (quelquefois éasse), a toujours les deux sens ^, s'appliquant
• Early Englisli Text Society. The Oldest English Texts, éd. H. Sweet,
Lond. 1885, pp. 74-5. — Les glossaires d'Epiiiai et d'Erfurt expliquent
lupus par baers, celui de Corpus Gliristi (Cambridge) par 6?'e[)']s. —
Dans Th. Wright, Anglo-Saxon and 0. English vocab', 2"'^ ed". (éd.
Wulcker). 2 vols. 8vo, London 1884: —
(a) 180. Aelfric gloss. lupus vel scardo, baers
(b) 2U3. A. Sax. Vocab, lypus, baers.
^ Pour l'emploi dialectal de baise = perclie, Murray donne deux
exemples :
1753 Ghambers, Cycl. Supp. barse, in ichthyology, an English name
for the common pearcli ;
1860 H. Riley, Liber Custum, Gloss,, Barcius a pcrch, which in
Cumberland and Westmoreland is still known as barse. —
Pour base Murray donne un exemple de 1513 où l'on fait une difl'érence
entre base et percli :
1513 BkKerving in BabeesBook (1878) 281 : base, molet, roche, perche.
Pour base = perche il donne l'exemple dialectal suivant :
1851 Gumbld. gloss. : base, a perch.
^ Pour bass :^ perch
1801 Gouvr. Morris in Sparks, Life et Writ. (1832) iii, 140 : Trout
and perch, called. by the Dutch name of barsch or bass.
Pour bass distingué deperch, (Murray se trompe en donnant cet exemple
sous la rubrique bass r= perche) : —
18G6 Intell. Observ. N" 56. 101 : Sticklebacks, perches, basses.
LÉ MOT BAR 195
tantôt à un poisson de rivière [perça fluviatilis) tantôt à un
poisson de mer [labrax lupus) '.
Il semble donc bien établi que ce mot a eu les deux sens. Or
il serait curieux que le mot français emprunté au germanique
n'ait jamais eu la signification />erca fluviatilis qui est commune
à l'allemand et à l'anglais.
Il est naturellement difficile de démêler le sens exact qui se
présente dans un texte particulier 2. Dans une série de noms
de poissons, par exemple, comme on en trouve dans les vers
d'Hélinand sur la Mort :
mules, salmons, esturjons, bars (v. XLVi),
comment démontrer qu'il s'agit àe perches, de loups de mer, ou
bien encore — car nous allons voir que bars peut très bien
Pour bass = sea wolf (labrax lupus) :
1880. Giinther, Introdn to the study of fishes, 376-7 : The hass are
fishes common on the coasts of Europe.... The best known European
species is Labrax Lupus.
* Le nom de bass s'est étendu de nos jours à d'autres espèces rap-
prochées, mais sans jamais sortir de la famille des perches. Ainsi on
appelle black bass un poisson du lac Huron {Huro nig)'ica7is) :
1840. Denny cycl. xvii. 432 : the black bass.... one of the best-flavoured
fishes of that lake. —
On emploie aussi l'expression sea-irtss pour indiquer d'autres poissons
de mer que le labrax lupus.
Bass a-t-il jamais touIu dire autre chose, le sciaena aqiiila, par
exemple? Je n'en trouve pas la plus légère indication. — Quand Murray à
l'article bar (mot dont il reconnaît l'origine française), dit : a large
acanthopterygious European fish [sciaena aqiiila) also known as the
maigre, il ne fait que copier l'information donnée par Littré à son
deuxième article bar (imprimé au commencement de notre article). Je
n'ai pu trouver rien qui permît de confirmer l'équation bar = sciaena
aquila, soit en français, soit en anglais. Le maigre est déjà fort éloigné
des Perches puisqu'il appartient à la famille des Sciaenidae.
- Voici encore deux textes où l'on trouve bar comme nom de poisson : —
(a) Manquent les bars
Les saumons et les truites.
Dans La Curne de S'e Palaye qui renvoie à Fabl. MSS. du R.
N° 7615, T. ii, f" 141 R» col. 2 et qui ajoute que le mot est
épelé bart au T. i, f° 104 V, col. 2.
(b) Anguilles, carpes, bars, bêches.
Ex de 1487 donné par Godefroy, ap. Louvrex. Edits et ord'
p' le pays de Liège, i. 427.
196 LE MOT BAR
vouloir dire autre chose — de barbeaux? Si encore il y avait
moyen de prouver qu'il était question soit d'une part de pois-
sons de rivière, soit d'autre part de poissons marins, on pour-
rait serrer le sens de plus près; mais dans les quelques textes
que nous fournissent les dictionnaires, cela n'est pas possible.
Palsgrave, en 1530 nous dit : bace, fysshe ung bar ; Cotgrave,
en 1611, ajoute bar, the fish called a base. Cela prouve que
pour eux bar a le sens de l'anglais base (bace), mais comme
base veut dire perche et loup de mer à la fois, il est difficile d'en
tirer quoi que ce soit.
Avant de quitter ce premier mot bar^ je voudrais attirer
l'attention du lecteur sur l'article bar (comme nom de pois-
son) qu'on trouve dans le Oxford Dictionarj, de Murray.
Celui-ci ne donne que deux exemples du mot. Le premier,
de 1724, est tiré de De Foe, Tour G' Brit, iii. 41 : —
(In Jersey is foimd) the bar, an exquisite
fish, sometimes two feet in length. —
Le second, de 1863, se trouve dans un ouvrage dont le titre
(Life in Normandy) trahit les origines françaises :
I sold them ail except one nice har
and a brill (i 166.), —
On le voit, c'est le mot français bar qui vient faire fonction
de doublet littéraire des formes barse, base, bass dont nous
avons traité. Quant à l'identification du bar avec le sciaena
aquila, elle n'est pas du fait du dictionnaire de Murray qui se
laisse guider ici par le premier des trois articles de Littré que
j'ai imprimé au commencement de cet article ^ —
Venons maintenant au second mot ^ar qui s'emploie comme
terme de blason et qui est d'origine latine. Il dérive de barbus
et veut dire, comme l'a déjà affirmé Littré ^, sans toutefois en
indiquer clairement l'origine, tout simplement barbeau., ou,
pour employer la nomenclature ichthyologique, le Cyprinus
barbus, poisson de rivière appartenant à la famille des Cypri-
rioïdes et à l'ordre des Physostomiens.
* V. aussi ci-dessus, p. 195, note 1. —
2 Bar =r barbeau d" Dict. Hist. de l'Ane. Lang. Fr. de La Gurne de
Sto Palaye, éd. 1876.
LE MOT BAR 197
Ce mot barbus a été tiré de barba (cf les composés Aheno-
barbus, Aenobarbus, cognoraen gentis Domitiae Romanae;
Mjrobarbus d'' Ausone, Epigr. XXX.) en raison des barbil-
lons qui garnissent la mâchoire du baibeau. On n'en trouve
pas d'exemples avant le quatrième siècle de notre ère, mais
il est employé dans la dixième idjUe d'Ausone (Mosella) dans
le passage où cet auteur énumère les poissons dans les eaux
de la Moselle'.
Barbus est d'ailleurs représenté sous une forme régulière
par barbo en italien, en espagnol et en portugais, et toujours
avec la même signification, celle de barbeau. L'allemand barbe
(bart/isch), bien que féminin remonte à une forme barbo du
vieux haut- allemand quiétaitmasculine et semble bien emprun-
tée du latin, importée sans doute, comme le prétend le Dic-
tionnaire de Moriz Heine -, par les moines (jui voyaient dans
le barbeau la plus délicate des viandes de carême.
Enfin, pour le français, le développement barbum > barbo
>• * barp >> bar nous semble parfaitement régulier. Les seuls
mots qu'on puisse mettre en regard de barbus pour le traite-
ment phonétique de RB. final sont les adjectifs orbus et *cûrbns
(latin classique cûrvus) et le substantif *cÔrbus^ forme secon-
daire de côrvus, car pour sorbus, verbum, turbo et autres ils
n'ont pas eu de développements populaires dans notre langue *.
* Le mot barbus revient deux fois :
(a) Tuque per obliqui fauces vexate Saravi,
Qua bis terna fremunt scopulosis ostia pilis,
Cum defluxisti famae majoris in amnem,
Liberior laxos exerces, barbe, natatus.
Tu melior pejore aevo : tibi contigit omni
Spirantum ex numéro non illaudata senectus. (vv. 91-6).
(b) Tu quoque flumineas inter memorande cohortes,
Gobio, non major geminis sine pollice palmis,
Praepinguis, teres, ovipara congestior alvo,
Propexique jubas imitatus gohïo bar bi. (vv. 131-4). —
^ Deutsches Wôrterbuch, Liepzig, 1890, 3 vol.
' Voici la liste des mots en RB — final qui n'ont pas subi l'évolution
phonétique dans la langue populaire pour ce qui concerne le français •
Les nominatifs : càrbo, turbo.
Les accusatifs : curbem^ môrhum, ûrbem, ôrbem, sôrbum, zirbum.
,Les premières pers. du sg. du présent : curbo (1. cl. ciirvo), turbo.
198 LE MOT BAR
Godefroy donne quelques exemples de orp (<; ôrbtim ou
orbi), remplacé comme masculin par le féminin orbe (<; ôrba)
qui persiste toujours dans les expressions stéréotypées : mur
orbe, coup orbe. *C6rbum de même a donné corp à côté de corf
(jui représente phonétiquement côrvum. Le Lateinisch-Roma-
nisclies Worterbuch de Kôrting donne le vieux français corp
comme dérivé de *cûrbum. D'après ces trois exemples barbum
deviendrait *barp. Quant à l'évolution de barbos, on ne trouve
pas, du moins dans le Dictionnaire de Godefroy, la graphie ors
(•< ôrbus, ôrbos), cors (<; côrbus, côrbos), mais il ne peut y
avoir aucun doute sur l'équivalent phonétique en vieux fran-
çais de orbes, côrbos quand on compare avec corpus ( >• v, f,
cors) et nervos (> v. f. ners). On doit donc avoir en vieux
français bars (-< barbos) et c'est bien la forme attestée par
tous les textes.
Pour *barp on n'en trouve pas d'exemples. Dès le XIIP siècle
il y a toujours bar. Nous n'avons malheureusement pas de
mots latins avec RP — flnal qui aient subi une évolution pho-
nétique régulière', et les mots orp, corp qui représenteraient
l'évolution parallèle de RB ~ final étant perdus' depuis
longtemps, il se trouve que bar {= barbeau) reste le seul mot
qui nous offre le développement continu et probablement tout
à fait régulier de RP — , RB — finals.
Il ne peut y avoir aucun doute sur l'équation bar (terme
héraldique) == barbeau. L'on sait que les armes parlantes qui
figuraient symboliquement le nom d'une ville ou d'une famille
ont eu une grande faveur au Moyen-Age. Eh ! bien, le barbeau
se retrouve dans les armes d'un certain nombre de villes et de
familles dont le nom contenait la syllabe bar. Il suffit d'indi-
quer les villes de Bar-le-Duc, Bar -sur -Seine, Montbard, Bar-
' Liste de mots avec RP — final qui n'ont pas de représentants popu-
laires en français :
Les accusatifs : carpum (xajorôç), ' serpem (pour serpentem) et
stïrpem.
L'adjectif : turpem, turpe.
Les premières pers. du sg. du présent : cavpo (excarpo), sarpo,
'tarpo .
' On sait que corp persiste dans le mot cormoran.
LE MOT BAR 199
flem\ les familles Bartet, Barharin, liernieres (Barnières), et
d'autres encore*.
Enfin l'expression héraldique équivalente en anglais est
/>iar/>e/ (c'est-à-dire barbeau), 11 est possible que le mot bar lui-
même ait passé en anglais avec le sens de barbeau. En effet,
le dictionnaire de Charabaud ^ traduit bar [terme de blason —
poisson ordinairement courbé et adossé] par : bar or barble.
Cependant les ouvrages anglais qui traitent plus particulière-
ment du blason, dictionnaires et grammaires héraldiques, ne
connaissent pas d'autre terme que barbel et bar (= barbel)
n'existe dans aucun des grands dictionnaires récents de la
langue anglaise.
Nous croyons en avoir dit assez pour établir que dans la
nouvelle édition du Dictionnaire général il conviendrait de
faire les deux articles suivants :
1. BAR ou *BARS [bar] s. m.
[Etjm. Emprunté du germanique bars — , perche.
Il 1530. Palsgi'ave 196 [ : bace, fjsshe, ung bar. —
1611 Gotgrave bar, the fish called base].
Il Loup de mer (labrax lupus).
2. BAR [bâr], s. m.
[Etjm. Du latin barbus (Ausone) = barbeau.
Il XllI s*. En sa baniere ot un grand bar d*
Barbazan, Recueil de Fabliaux fv; 90]. —
Il (Blason). Barbeau (Cjprinus barbus). —
II serait bon aussi d'ajouter dans la troisième édition du
Lateinisch- Romanisches Worterbuch de Kortlng au n° 1231,
parmi les dérivés du mot barbus le français bar (zz: barbeau) et
d'intercaler entre les numéros 1248 et 1249 un nouvel article
donnant les dérivés romans du germanique bars— et entre
autres le français bar (zz loup de mer).
Paul Barbier fils.
Leeds, février 1905.
' V. Le Dictionnaire héraldique de Grandmaison, Paris 1852, p. 75 à
l'article Bar (poisson qui paraît dans l'écu en pal et de profil, mais un
peu courbé).
* Ed. des Carrières, Lond. 1815, 4 vol.
« JANA DE MOURMEIROUN «
ESSAI DE RESTITUTION d'uN CHANT POPULAIRE MONTPELLlÉnAlN
à M. Antonm Glaize
L'histoire du soldat que la guerre retient loin de sa famille
et qui, au retour, trouve sa femme infidèle ou remariée, eut
d'assez nombreux exemples sous la République et le premier
Empire. Elle en a trouvé encore en 1870-71 dans les hostilités
franco-allemandes. A plus forte raison devait-elle se produire
au cours des Croisades, des expéditions d'outre-mer, des colo-
nisations de l'Amérique du Nord ou du Sud et généralement
de toutes les circonstances qui conduisent un homme au delà
des mers ou des frontières de son pays.
Le premier époux acceptait rarement d'être éconduit; sa
colère avait parfois des éclats tragiques ; l'épouse reprenait
le lien momentanément rompu ; en d'autre cas, lorsqu'il y
avait eu des enfants, et que la femme semblait heureuse d'avoir
contracté le second mariage, lorsque ses fils du premier lit y
avaient trouvé bonheur et sécurité, le revenant se sacrifiait et
reprenait le cours des pérégrinations lointaines. On devine,
qu'il n'y portait pas toujours le courage et l'entrain du début
et qu'une fin quelquefois désespérée clôturait l'aventure en
régularisant d'une façon définitive les liens qui lui avaient fait
fuir le sol natal.
C'est le récit d'une histoire semblable que raconte une chan-
son depuis longtemps populaire dans l'ouest de la France, sous
le titre du Retour du marin et sous celui de la Belle Hôtesse; la
Normandie, l' Aunis, la Saintonge et le Poitou, en possèdent des
versions presque semblables. Bujeaud Ta comprise dans son
recueil' ; Anatole Boucherie, qui eut au plus haut degré le
' Chants et clianson^ populaires des provinces de VOuest [Poitou, Sain
tonge, Aunis et Angoumois), avec les airs originaux recueillis et annotés par
Jérôme Bujeaud. Niort, L. Clouzot, 188G, 2 vol. gr. in-8°, 332-364 pages
(p. 89-90 du tome 1).
JANA DE MOURMEIROUN 201
sentiment des délicatesses de la poésie rustique, la préférait
à toutes celles de son pays natal. Oscar Havard la cite élogieu -
sèment dans une chronique de la Libre Parole*., mais ne
remarque pas qu'elle s'ap[)arente d'assez près à rOdyssée, où
après vingt ans de guerre et de courses sur les mers, le héros
aborde l'île d'Ithaque, la veille du jour où Pénélope sera forcée
de choisir un nouvel époux ^.
Quand le marin revient de guerre,
Tout doux. . .
Tout mal chaussé, tout mal vêtu :
— « Pauvre mai'in, d'où reviens-tu ?
Tout doux ! »
— « Madame, je reviens de guerre,
Tout doux. . .
Qu'on m'apporte ici du vin blanc,
Que le marin boive en passant,
Tout doux ! »
Brave marin se mit à boire,
Tout doux . . .
' Numéro du 28 février 1902, sous le pseudonyme de Gallus.
^ Une famille cettoise qui s'est fait un nom fort honorable dans les
fonctions électives et les lettres locales, celle des Doumet, en fournit un
exemple à la fin du premier Empire. La femme remariée reprit sa place
au foyer du premier époux.
Avant l'amendement voté par la Chambre des députés sur la proposition
de M. l'abbé Lemire, la jurisprudence avait depuis longtemps prévu les
cas où la femme pouvait se considérer comme veuve et contracter une
seconde union, mais elle n'avait pas réalisé l'unité de législation : une
divergence notable en était la cause. Les cours du Midi n'admettaient
pas que la mort de l'époux pût être déduite de son absence prolongée.
Les tribunaux du Nord étaient autrement faciles, et la raison en est
simple. L'Océan, pour ainsi dire sans limites précises, était, par voie de
conséquence, plus fertile en naufrages et en pertes de navires, alors que
sur la mer Méditerranée, la piraterie barbaresque tendait moins à la mort
qu'à l'esclavage de l'homme. La facilité relative des évasions et la rédemp-
tion des captifs, très fortement organisée en Languedoc, étaient encore
un argument dans la bouche des juristes méridionaux.
Grâce à M. Lemire, la législation et la jurisprudence française sont
d'accord aujourd'hui pour interpréter les cns où la femme sans nouvelles
de son mari, a le droit de se considérer comme veuve et de convoler en
secondes noces.
202 JANA DE MOURMEIROUN
Se mit à boire et à chanter,
Et la belle hôtesse a pleuré,
Tout doux !
— (' Ah ! qii'avez-vous, la belle hôtesse ?
Tout doux ! . . .
Regrettez-vous votre vin blanc
Que le marin boit en passant?
Tout doux !
— C'est point mon vin que je regrette,
Tout doux . . .
C'est la perte de mon mari. . .
Monsieur, vous ressemblez à lui. . .
Tout doux !
— Ah ! dites-moi, la belle hôtesse.
Tout doux. . .
Vous aviez de lui trois enfants,
Vous eu avez six à présent,
Tout doux !
— On m'a écrit de ses nouvelles.
Tout doux. . .
Qu'il était mort et enterré
Et je me suis remariée,
Tout doux! »
Brave marin vida son verre,
Tout doux...
Sans remercier, tout en pleurant.
S'en retourna au régiment,
Tout doux.
« Quelle discrétion! quelle sobriété! quelle douceur! dit
avec raison M. Havard. Tandis que le rythme des premiers
vers, alerte et fringant, tressaille comme une ronde d'avril,
le rjthme des derniers chemine, douloureux et lent, et s'éteint
mouillé de larmes dans le crépuscule des soirs. Voilà le
lyrisme populaire !.. Toute l'histoire d'une âme — des espoirs
cueillis au matin et des sanglots qui se brisent au seuil de la
nuit — se déroule dans cette chanson sans art, se déploie dans
ce symbole, calme et pur, que ne pollue aucune description
savante, que n'alourdit aucune rhétorique raisonneuse... »
Le Languedoc, pays maritime comme l'Aunis et la Nor-
JANA DE MOURMEIROUN
203
raandie, doit avoir eu et peut-être a-t-il encore des exemples
du thème qui nous occupe. Dans tous les cas, j'ai cru devoir
en essayer la restitution luontpelliéraine. Heureux si je
donnais à mes couplets la poésie exquise, mais un peu trop
condensée de l'original français ! J'ai imaginé, sur le rythme
des berceuses, le refrain [)resque partout diminutivé qui les
termine.
M. Gustave Michel-Quatrefages a bien voulu, avec sa science
et sa compétence accoutumée, noter l'air complet de cet
essai :
E^53^jEj:
=p:=P=
:^=i=t==^=y==g=
:t:
m
Coun-tent de vei - re sa moun - ta -gna, Pei-roun-pei-
ret, ri-boun - ri - ba-gna, La be - la Ja - naelous en-
fants— Qu'a-viè lais - sat dem-pioi set ans, — Pei-roun-pei-
ret, — Ri-boun-ri - ba-gna,
Ri-boun-ri - ba - gna.
Les luttes qui ont existé entre les pays riverains de la chaîne
des Pyrénées justifieront la plupart des mentions géographi-
ques de l'imitation montpelliéraine.
LaCerdagne est le nom d'un ancien comté presque toujours
uni au Roussillon.
Saint-Jean-Pla-de-Cors est aujourd'hui un chef-lieu de
canton de l'arrondissement de Céret (Pyrénées-Orientales) .
Le même département compte deux Caudiès, l'un dans l'arron-
dissement de Prades, l'autre dans celui de Perpignan.
Mormoiron est un chef-lieu de canton de l'arrondissement
de Carpentras (Vaucluse). Sa population est d'environ trois
mille âmes et le provençal qu'elle parle possède, si j'en crois
204 JANA DE MOURMEIROUN
des renseignements qui m'ont été autrefois donnés par M. For-
tunat Martellj, des finales féminines en a.
Le nom propre de Guilhermenc, Guillermin, Guilhemin,
Guillemin, existe à Montpellier au même titre que celui de
liamondenc (Rajmondin) à Toulouse et sur beaucoup d'autres
points du Languedoc. On sait que tous les seigneurs de Mont-
pellier ont porté le nom de Guilhem et que les comtes de
Toulouse se sont presque tous nommés Raymond. J'ai cru
pouvoir déduire de la première forme le nom de Guilherme,
qui peut-être n'est pas tout à fait périmé dans la région médi-
terranéenne.
Il était et il est encore d'usage de boire du vin blanc sur les
châtaignes rôties.
On dit communément vi à Montpellier, quand il s'agit de
vin rouge ou de vin en général, et vin blanc. L'n final du
substantif ne se prononce que dans ce dernier cas.
Ainsi que je l'ai fait dans le Medeci et le Députât de Balhar-
ijuef, dans le Merlussat de Pampalibourna et la plupart des
contes publiés par VArmanac mount-pelieirenc, je me suis
efforcé de n'employer que des termes connus de tout le monde
à Montpellier. Font seuls exception les substantifs cantagna.
malamagna et tristagna^ qui n'existent que dans sa langue
littéraire.
JANA DE MOURMEIROUN'
En guerra quaii perd e quau gagaa,
Peiroun-{)eiret, i-ibouii-ribagua ;
Quau demora en presou long tenis
Dins la pena e lou languimeut,
Peirouu-peiret, ribouu-ribagua,
Ribouu, ribagua !
Countent de veire sa mountagna,
Peiroun-peiret, riboun-ribagna,
• Cette imitation a été composée à la demande d'un Montpelliérain, le
jeune Campet, qui voulait pouvoir chanter du languedocien en réunion
de camarades et d'amis. Le cas était trop rare pour n'être pas noté.
JANA DE MOURMEIROUN 205
La bêla Jana * e lous enfants
Qu'aviè quitat dempioi très ans,
Peiroun-peiret,. . .
Guilherme partiguet d'Espagna,
Peiroun-peiret, riboun-ribagna,
Prenguet lou cami dau pais
E, passa, passa, que t'ai vist,
Peiroun-peiret,. . .
Sans capità de raalamagna,
Peiroun-peiret, riboun-ribagna,
Per Narbouna, en Ate, Avignoun,
S'agandiguet à Mourmeiroun,
Peiroun-peiret,. , .
Drecha en travès de sa barragna,
Peiroun-peiret, riboun-ribagna,
— (( D'ounte, dis Jana, tournàs-ti.
Tant mau caussat, tant pau vestit?»
Peiroun-peiret,.. .
— « De lion, mai que lion, d'en Cerdagna,
Peiroun-peiret, riboun-ribagna,
Pourtàs-ine 'n pichè- de vin blanc
E de castagnas sus lou banc. »
Peiroun-peiret,...
* En Languedoc, et surtout aux environs de Montpellier, la bêla Jana
n'est connue que par la couiparaison populaire : Parla mai que la hela
Jana^ Parla couma la hela Jana^ identifiée par la Rèmo Jano de Mistral
avec Jeanne 1'"= (1325-1382), reine de Naples, comtesse de Provence.
Au contraire de cette œuvre dramatique, le Dictionnaire (II, 153) du
poète de Maillane ne donne à pai'lo coume la ùello Jano que le sens de
« babiller comme une vieille commère ».
^ Le picfié {pechié en Provence et peccarium, picarium, en bas latin)
est une petite cruche à une ou deux anses contenant, selon Mistral, un
peu plus d'un litre de vin blanc; deux litres en Béarn.
On dit communément aneroun heure soun pichè de vi, Begiieroun
foulheta (ils burent une feuillette de vin).
Se faire set pichès de michant sang, c'est avoir beaucoup de chagrins.
Le DiC</o««a»'e montpelliérain, encore manuscrit, de Raymond Martin
précise mieux la contenance de la foulheta et du pichè :
« Fouïéta ; ancienne mesure pour les liquides. C'était la moitié d'un
pichè. Voy. ce mot ».
On trouve à pichè les mentions suivantes :
'(Pichè, ancienne mesure pour les liquides. A Montpellier unpicnè d'oli
206 JANA DE MOURMEIROUN
Tout beguent faguet sa cantagna,
Peiroua-peiret, riboun-ribagna,
Emé fossa dichs e redichs,
La bêla Jana ploura e ris,
Peii'oim-peiret, . ..
— <i De qu'es que vous mes tant en lagna,
Peiroun-peiret, riboun-ribagna,
Me planiriàs-ti lou vin blanc
E la castagna amai lou pan ? )>
Peiroun-peiret,.. .
— « Planisse pas vi ni castagna,
Peiroun-peiret, riboun-ribagna.
Ploure moun paure orne e sa mort :
L'an tuât à Sent-Jan-Descort,
Peiroun-peiiet,...
» D'aco d'aqul soui en tristagna,
Peiroun-peiret, riboun-ribagna,
Car ie semblàs que se pot pas,
De ma vida, ie mai sembla. »
Peiroun-peiret, . . .
« Rescoundés pas fuset, escagna,
Peiroun-peiret, riboun-ribagna,
Qu'aviès be d'el très manidets !
D'ounte ven que soun pas pus très ?
Peiroun-peiret, . ..
» D'ounte ven que vous fan coumpagna
Peiroun-peiret, riboun-ribagna,
Très autres qu'an lou peu tant blound
Couma l'irange e lou limoun ? »
Peiroun-peiret,...
— « M'an un jour mandat de l'Espagna
Peiroun-peiret, riboun-ribagna,
Que moun ome, l'avien tuât,
Alor n'ai un autre espousat. »
Peiroun-peiret,...
une de ces mesures pleines d'huile pesait environ deux livres et un quart
de Paris .»
La foidheta ne doit pas être confondue avec la ful'ieta ou feuillette
« ancienne mesure pour le vin, qui équivalait à un demi-muid ou 144
pintes de Paris.»
JANA DE MOURMEIROUN 207
Coupet un rounze à la barragna,
Peiroun-peiret, riboun-ribagna,
E diguet : — aLoii segound marit
Uouma l'autre vous aima-ti ? »
Peiroim-peiret,. . .
— « Que tragoun sus ieu la Tourmagna',
Peiroun-peiret, riboun-ribagna,
E lou Ventour - e soun neviè.
Se moun dire era messouriè, •* :
Peiroun-peiret,. . .
» Es sans pou, michantun, ni cagna,
Peiroun-peiret, riboun-ribagna,
E fai soun drech, sans jalousie,
As manidets de moun premiè ! »
Peiroun-peiret,...
Despeloufet una castagna,
Peiroun-peiret, riboun-ribagna,
De vi beguet un goubelet
E s'en anet plourant, soulet,
Peiroun-peiret,...
S'encaminet mai en Cerdagna,
Peiroun-peiret, riboun-ribagna.
E mouriguet, set jours après,
D'un cop de lança à Candies,
Peiroun-peiret,. . .
Alph, Roque-Ferrikr.
' Monument romain qui domine la ville, la promenade et la fonlaine
de Nimes.
* Le mont Ventous.
^ Le g médian tombe souvent en montpelliérain. Fowmùjuiè, Messour-
guiè, AgoHst, Vauguieira deviennent dans ce cas, Fowmihiè, Messouriè,
A oust, Vdiiliieira.
I DODICI CANTI
COMPLÉMENTS A L INTRODUCTION
1" Remarques sur le Guentio il Meschino d'après le manuscrit 491 de la Biblio-
thèque nationale ; — 2" Tullia d'Aragona. Béatrice Pia degli Obizzi et l'Ala-
manni. d'après Sperone Speroni; — 3" de l'auteur des Dodici Canli ; —
4° Extraits du Guerino il Meschino.
Remarques sur le Guerino il Meschino , d'après le manuscrit 491 de la
Bibliothèque Nationale
L'introduction placée en tête du texte des Dodici Canti contient un
résumé du Guerino il Meschino, rédigé d'après les sommaires de
Dunlop et de Ferrario, seules ressources que j'eusse alors à ma dis-
position ^ Depuis, j'ai pu consulter le manuscrit italien 491 de la
Bibliothèque Nationale. M. Mazzatinti le mentionne ainsi : Libre
cliiamato il Misckino [Guerino^ di Duracio, et l'attribue au XV^ siècle.
C'est un bel in-folio, relié aux armes de France, de 134 feuillets. Le
texte est incomplet et s'arrête à l'endroit où Guérin, arrivé en Irlande
où il doit descendre dans le Purgatoire de saint Patrice, rend visite à
l'archevêque d'IIiberuie : F» 134, verso A : singhioregyia questo i^aese
* Le sommaire que Gaspary donne du Meschino (Geschichte der ital.
Literatur, II, p. 265) oublie trop des faits essentiels : l'amour dont Gue-
rino est d'abord épris pour Eliséna, son amour pour la belle Antinisca,
son voyage au pays du Prétre-Jean, la mention précise qu'il a recours à
la sibylle de Cumes (le royaume enchanté d'Alcine ne peut que tromper
le lecteur/. Si mutilée que fût son édition (V. sa note à cet endroit), il
semble difficile que ces parties aient été omises. D'ailleurs, Dunlop et
Ferrario pouvaient être consultés. Si je relève ces imperfections, c'est
uniquement pour justifier le développement que j'ai donné à l'étude du
Meschino à propos des Dodici Canti. Il m'était vraiment impossible de me
borner à renvoyer à l'ouvrage de Gaspary, ouvrage dont, autant que per-
sonne, je reconnais le haut mérite.
I DODIGI GANTI 209
lo archiepiscopo tVlhernia, ei anno cossi rnullie U sacertloti como U
seculari, et e beato clii pote avère ijarentato collo sacerdote, et ad
quesla cicta d'Ibernia arrical ijo et andai allô archiepiscopo d'Ibernia...
Le reste de la page est en blanc.
Dans le cours du texte, trois colonnes de suite (F" 33, recto B,
verso A B) sont restées en blanc, sauf les trois premières lignes du
recto B : et Turchi rade volte aspectano s'eij/i mm si se)itino forti et
da inulti cavallieri Grec. .. La suite reprend au F" 34, recto, où il
Meschino est en train de tuer un lion. La partie absente comprend le
combat de Guérin et de Pantifero, roi de Solta (Folta).
J'ai copié la plus grande partie de ce manuscrit. C'était le seul
moyen de me faire quelque idée de ce que vaut le roman, car avec les
altérations des noms propres, la diversité des formes dialectales ou
barbares, les oublis et les répétitions de mots ou même de membres
de phrase, les passages n'offrant aucun sens, avec les mille traces, en
un mot, de l'ignorance et de l'inintelligence du copiste, la simple lec-
ture ne me laissait qu'une impression vague.
Les chapitres, indiqués avec rubriques incorrectes pour les pre-
miers folios, sont ensuite simplement séparés par un blanc. La
place pour la lettre ornée reste vide. La division en livres n'est pas
marquée, quoiqu'elle soit annoncée au titre. Je reproduis ce titre parce
qu'il diffère de celui que j'avais donné d'après la première édition :
In nomme deW autissimo dio e dellavergine Maria : qui comencia
il primo libre cliiamato il Mischino di Duraio. Qiicsto nome fu su-
pranome, che suo proprio nome fue Gherino del sangue de' riali di
Francia, ed e partito quisto valu [met]to in octo parti e tracta tucti
parte del mulnyiu, zo e Asia, Africa, Europia, e de multi grande
facte de arme che fequi Mischino cercando che fu il suo pâtre, como
la storia dimostra, e cummincia il primo de Terra de Luvore nello
capitolo primo .
J'ai averti de l'incorrection du texte pour n'en plus parler. On notera
que le sujet vrai du roman, Guérin à la recherche de ses parents, est
indiqué, tandis qu'il est omis dans le titre de l'édition. Mais ce qui suit
immédiatement n'est pas le chapitre annoncé, c'est un exorde où
l'auteur parle de son entreprise et de lui-même; le ton est d'un mora-
liste. Je résume ou traduis cette curieuse préface de l'auteur des
Reali.
11 est naturel et ordinaire que les hommes écoutent avec plaisir le
récit d'aventures et de choses anciennes dont ils n'avaient jusque-là
aucune connaissance, et qui ainsi leur paraissent nouvelles : « Pour
cette raison je me suis délecté à faire connaître nombre d'histoires
nouvelles et plaisantes, et parmi beaucoup d'histoires, j'ai trouvé cette
14
210 r DODICI GANTi
légende qui me plut grandement'. Je ne veux donc pas être ingrat
envers les bienfaits que j'ai reçus de Dieu et de la nature humaine,
car ma nature a reçu des cieux au-delà de mon mérite, étant donnée
la bassesse de ma condition, »
Si d'autres font plus mal que lui, bien que de naissance meilleure,
Dieu en sait la raison, que ce soient leurs péchés ou les péchés de
leurs pères : «J'en vois d'autres, de plus vile condition que moi, qui
se sont élevés, se tiennent et vivent mieux que moi. Cela me récon-
forte, car si nous sommes tous nés de pères créés, un seul auteur
nous distribue diversement ses grâces. » Chacun peut être vertueux
et honnête en cette vie. Comme Adam, nous possédons le libre-arbitre,
nous sommes des animaux raisonnables, et méritons d'être punis
quand nous sommes en faute. Quant à la part de la fortune dans
notre destinée, si elle brille plus dans un lieu que dans un autre, cela
résulte de ce que la fortune distribue des instruments à tous et que
chacun s'ingénie à apprendre à jouer de plusieurs ; sans doute la
fortune entonnera une musique parfaite, mais craignez que les cordes
ne soient fausses, car les consonnances ne se correspondraient
point, et ce serait votre faute à vous qui voulez sans raison et non la
faute de la fortune. « C'est pourquoi j'implore le nom du Dieu très-
haut et de toutes les puissances ordonnées par lui dans les cieux afin
qu'ils m'accordent, non pour aucune autre raison que leur grâce, de
construire ce petit ouvrage de mes mains de la façon qui pourra me
donner le plus de profit et de plaisir.»
Les premières lignes donnent à penser que le Guerîno a été com-
posé quand l'auteur avait déjà écrit plusieurs de ses romans et s'était
fait une réputation. On pourrait le considérer comme une pure inven-
tion d'Andréa da Barberino, qui aurait voulu rivaliser enfin avec les
oeuvres qu'il s'était borné jusque-là à remanier, s'il ne disait qu'il a
trouvé cette légende, ne la distinguant point de celles qu'il a emprun-
tées. Mais que vaut cette affirmation, et n'y faut-il pas voir seulement
la marque du désir de se concilier la confiance de lecteurs habitués à
croire à la réalité historique des faits qui leur étaient contés ? Le cha-
pitre premier seul rattache le Guerino à la tradition épique ; tout le
reste semble dû à l'imagination de l'auteur, personnages et aventures.
Le succès de ce roman, son immense etdurable popularité, demeurent
' Naturalimente pare de co7isueti(dine che H homini se delectano de
udb^e novelle li aventuri et cose anlic(jiie fosseno no7i siano stati palisati
alla volgare (jente, peixhe cose anticque et non palesate pari7io nove alla
mente di i/iielloro che no le anno piu udite, per questo me sono delectato
declar[are] moite ystorie ?iovelle avendo piacere, de moite ystorie trovai
questa leqenda che molto mi piacque....
I DODICI CANTI 511
inexplicables, quand on se borne à la connaissance de sommaires où
l'on n'a guère qu'une sèche onumération de noms propres et d'aven-
tures dont se dégage une impression d'ennui. 11 en est autrement
quand on lit patiemment le vieux chroniqueur. On passe rapidement
sur les endroits où il étale une science géographique de très mauvais
aloi, et l'on s'attache aux récits, aux peintures de caractères, aux
observations morales. L'histoire de Guérin est la biogr.iphie d'un
personnage qui n'a de commun avec les vassaux de Charlemagne que
sa parenté; c'est un pur roman, et si la nature des aventures et des
exploits qui lui sont attribués est empreinte encore du goût du temps
pour les narrations chevaleresques, un autre goût très nouveau d'ordre
tout psychologique commence à s'y faire jour.
Guérin, à la recherche de sa famille, parcourt le monde. Dans ce
cadre immense, plus encore que dans les Reali, l'auteur avait l'occa-
sion de faire parade de ses connaissances ; mais le personnage de
Guérin est toujours au premier plan, attirant sur lui les regards et
l'intérêt. Souvent l'auteur lui cède la parole, et le chevalier raconte ce
qu'il a vu et ce qu'il a fait. A en juger parle texte dont j'ai dû me
servir, Andréa ne s'inquiète guère de ménager la transition : brusque-
ment du genre historique on passe à celui des Mémoires. Le caractère
lui-même du héros est composé avec soin ; c'est un mélange de cou-
rage et de dévotion, de persévérance et de bon sens, de courtoisie et
de finesse. S'il a pour devoir essentiel de ne rien épargner pour
découvrir de qui il est né, il n'en a pas moins conscience de son rôle de
chevalier chrétien, et il mettra partout son épée à la défense de la
justice. Quand le traître Alfumet le questionne indiscrètement sur sa
religion, il répond seulement : Adoro la fortana ! et un peu plus
loin : Alla guerra vado ijo ! voulant se faire passer pour un merce-
naire en quête d'un seigneur qui accepte son service. Mais quand il
reproche aux Médiens de défendre mollement les droits de leur jeune
reine Amidan, il se présente sous uu autre aspect : « Vous voyez que
je suis fils de l'Aventure, que je n'ai point de père et que je secours
les peuples et les seigneurs dans le besoin. Je combats pour la jus-
tice, et pour cela je suis venu à votre aide et à la défense de cette
dame abandonnée et trahie par ses sujets. »
C'est l'attitude du chevalier errant, mais les motifs qui le guident
n'ont rien de commun avec l'étalage orgueilleux de la force : sa
pensée est d'un âge moderne.
Dans toutes les guerres auxquelles il prend part, il est promptement
choisi comme chef, et fait preuve de la connaissance de la stratégie
du temps. Qu'il ait affaire à des géants, à des monstres ou à des
Sarrasins, c'est à son adresse plutôt qu'à sa vigueur qu'il doit la
victoire.
212 I DODICI CANTI
Il parle volontiers et prononce de vrais discours, tantôt militaires,
tantôt dévots. Il est d'ailleurs d'une piété qui ne se dément jamais,
et il professe le plus grand mépris pour la croyance et les mœurs des
mahométans. Une des choses qui le choquent le plus en Orient est
que l'on s'asseoit à terre sur des tapis et que l'on mange au même
plat, alla porcescJia. Il impute volontiers à ces peuples des penchants
détestables, qu'il attribue à l'influence du signe du Scorpion qui
excite les passions luxurieuses.
Quand Pantifero, roi de Solta, lui témoigne une admiration malhon-
nête, il répond d'abord qu'il est homme et non femme, puis interdit
nettement au priuce toute familiarité indiscrète. Ceci est bien. Mais
pour sortir de la prison où Pantifero l'a jeté, il ne s'en résignera pas
moins à écouter les conseils de ses compagnons, à épouser la fille du
roi avec l'arrière-pensée de lui être infidèle. Il prêtera serment sur les
livres sacrés de Mahomet, d'Apollon et de Rilis, en se touchant la
dent', mais il comptait bien s'enfuir au plus tôt. Et l'auteur d'ajouter
que ce serment ne valait pas mieux que les idoles invoquées, et que,
dans la suite, le Prêtre-Jean consulté jugea qu'il ne pouvait lier un
chrétien. La jeune abandonnée eut un fils, Peliones Lapares, qui fut
de plus grande prouesse que son père '-.
C'est d'ailleurs le seul exemple de f;iiblesse que l'on puisse repro-
cher à Guérin, faiblesse bien excusable, puisque Pantifero le laissait
mourir de faim et de soif dans son cachot : sa chasteté n'échoua sur
aucun autre écueil. Il portait sur lui des reliques destinées à le
protéger contre les tentations mauvaises. Quand il était parti de
Constantinople, l'impératrice lui avait donné une petite croix d'or en
ajoutant les plus sages recommandations : ?ma crocelta cVoro cKegli
Vavesse al collo. Nella croce era commesso dentro del sangue di
Christo, e-Ua de Noslra Dompna, e de lu ligno de la croce de
Christo, e dixili : Omne voila che lu [V] abbi adossa, nessuna fan-
tasia non ti potra nocere ; ma giiardati de non peccare carnalimente
cum essa adosso, et piu che tu jjoi riguarda de peccare in peccato
mortale cum essa adosso.
' Maugis d'Aigremont^ v. 2949 :
Son doi fiert à sa dent por Maugis miex fier.
Cf. le combat d'Ogier et de Braihier, dans Ojier de Dannemarclie.
^ Era la terra in grande didore^ ma sopra a tucti era adolorata la
diriiicella, la quale romasa gravida d'uno fanciullo masculo el qiialeehhe
nome PelioJie Lapares, et foy di maiore prudeza che non foi il pâtre, et
feci grandi buctalie [cum] multi franchi si?ignori, specialimente cum soi
fratelli nati in Taranto, corno la storia dicc seqiiendo per ordine. Il Mes-
chino cavalco
I DODICI GANTI 213
Guérin, vivant au milieu d'infidèles, est obligé souvent de dissimuler
sa qualité de chrétien; il en prend son parti, mais se dédommage de
cette contrainte, soit en protestant dans sou for intérieur, soit en tour-
nant en dérision les usages auxquels il feint de se conformer.
Lorsqu'il consulte les Arbres du Soleil et delà Lune et que le prêtre
l'invite à prier Apollon et Diane, il les conjure au nom de la Sainte
Trinité, et débite une profession de foi toute chrétienne, voulant ainsi
atténuer son tort de recourir à des divinités païennes.
A la Mecque, il est admis dans la mosquée, où, d'après la légende,
le cercueil de Mahomet demeurait suspendu en l'air par suite de l'at-
traction des pierres d'aimant dont la voûte aurait été formée '. 11 se
rit de la naïveté des infidèles qui ignorent la raison du prétendu
miracle, et blâme surtout leur façon de se prosterner la face contre
terre. Ainsi ils font à Mahomet tout l'honneur qu'il mérite, puisqu'au
lieu de lui présenter la plus belle chose que Dieu ait faite, « ils lui
montrent...., c'est-à-dire la partie malhonnête de la personne. » L'idée
lui vient aussitôt de mettre à profit cet usage pour insulter Mahomet.
' D'après Guérin, 'la Mosquée consacrée à Mahomet est beaucoup plus
petite que l'église de Sa7ita Maria RUoJida qu'il a vue à Rome. L'alman-
zor se déchausse avant d'y entrer. A l'intérieur se tenaient l'Archaliffe et
ses prêtres. Jusqu'à mi-hauteur les murs étaient blancs et noirs au-
dessus : il y avait deux fenêtres et deux portes, au levant et au cou-
chant ; au milieu était un autel avec un cercle d'albâtre et une bordure
d'or. Autour de l'autel des prêtres criaient, mais Guérin ne put com-
prendre ce qu'ils chantaient. Sous la coupole était une cassette de fer
poli, longue d'une brasse et un peu moins large, qui demeurait suspendue
et ne touchait à rien : Je connus alors la tromperie du faux Mahomet, car
je sus que cette église à partir du milieu de la liauteur était toute en
calamité, laquelle est une pierre marine d'une couleur entre le noir et le
gris (hiagio), qui a pour propriété d'attirer le fer par sa fraîcheur. Et
cette calamité a encore une autre plus grande vertu qu'en touchant la
pointe d'un fer léger si l'on met le fer en équilibre, la partie qui aura
touché la calamité se tournera vers la Tramontane, et pero H 7iaviga?iti
vanno securi per lo mare cidla stella e col partire de la carta et de bos-
secta de la calamita. Et per qi/esta raione Carea dl Magomecto cK eni di
ferro sta susspesa perche la calamita la tene. » — Andréa connaissait donc
l'usage de la boussole. Quant à l'église Santa Maria Rofonda, surnom dû
à la forme du monument (dans les vieux textes français: Nostre Dame
de la Ronde), c'est le Panthéon d' Agrippa que Boniface IV consacra en
610 à la Vierge et aux martyrs, d'où le vocable : chiesa di S. Mai-ia ad
Martyres. Raphaël, Balthazar Peruzzi (le peintre architecte, l'auteur de
la Farnesina et du Palais Massimi), Jean d'Udine (par qui Raphaël fit
exécuter la décoration des pilastres et des murs des Loges), Annibal Gar-
rache, d'autres artistes y ont leur sépulture.
214 I DODIGI CANTI
Il s'agenouille, levant les hanches aussi haut qu'il peut, mais tour-
nant le dos au cercueil, et prononce l'oraison suivante : 0 maldecto
seminalore di [s]candoli, la divina iusticia dega ad te aviauiento
de li anime cJii tu ai facto et fai perdere per la lua falsa operacione !
Cette attitude parut étrange à l'Archaliffe, c'est-à-dire au Pape des
Sarrasins, et Guérin eût payé cher la liberté qu'il avait prise, s'il ne
se fût tiré habilement d'affaire. Il allégua que malheureux pécheur il
était indigne de tourner ses regards vers le cercueil de Mahomet, et
qu'il s'était comporté de même eu présence des Arbres du Soleil et de
la Lune. L'explication parut suffisante et dès lors on le considéra
comme un saint homme et un vrai croyant : fui/ yhiamato santo di
loro fede.
Malgré tout lesoinque l'auteurapporte à faire ressortir la dévotion de
son héros, et bien qu'il lui fasse réciter son credo ou les psaumes de
la pénitence, toute la partie des voyages qui précède le départ pour
le Purgatoire de saint Patrice, est entachée d'irrégularités graves au
point de vue chrétien. Le voyage aux Arbres du Soleil et de la Lune
a été conseillé par les devins de l'empereur, et c'est eu fait un pèle-
rinage païen que Guérin entreprend. C'est tellement vrai que lorsqu'il
arrive au sommet de la montagne d'où son regard plonge sur la mer
des Indes, il nous dit que par cette mer on se rend au pardon aux
Arbres du Soleil comme on le fait pour le pardon à Rome, et que l'on
y va avec un plus grand espoir de se sauver que ne font les chrétiens quand
il s'agit d'aller au sépulcre de Jérusalem. 11 repart, mécontent de
la réponse qu'il a reçue, et se venge en raillant les Arbres du
Soleil qui ne sont que des cyprès moins beanx que ceux de Grèce;
mais arrivé au rivage il reconnaît qu'il y trouve des navires chargés
de pèlerins arabes et persans qui se rendaient aux Arbres du Soleil
'< par la dévotion qu'avaient les chiens de Sarrasins. » Le mot inju-
rieux n'excuse point sa démarche : il a fait ce qu'il reproche aux
païens, et il partira pour l'Occident, comme il lui a été ordonné par
l'oracle.
En Occident, un devin de Tunisie complète le renseignement qu'il
avait reçu, et lui apprend qu'il doit consulter la Sibylle de Cumes i. Il
1 Avendo udito Guerino che in sullo monte era une indivino et quale
nvea nome Galgibat, si mose da Tunisi cum certe guide et ando ad
f/uello monte et trovo quello vecchio7ie, et illo lu adimando si li sappesse
insuiqhiare chi fosse stato suo pâtre e-lla sua mndve. Respose che no.
E-llo Mischino lu adimando si in Africa piu verso Ponejite si trovaria
che li lo saperia a dire. [Respose] : Andando ad monte Adtalente elli
altri canoscuno certi corsidi stelle et quelli de la natura secundo il curso
de li cieli dehia alcuna volta pvoducere, ma cheilli ti possano a dire el
I DODICI CANTI 215
s'engagera donc dans une entreprise tout aussi répréhensible que la
première. Mais il n'a pas la conscience tranquille, et de même qu'au
seuil du pays consacré à Apollon et à Diane il s'était confessé au prêtre
chrétien qu'il emmenait avec lui, de même il se confessera aux moines
qui gardent le chemin conduisant au séjour de la Sibylle. A toutes les
objections qui lui sont faites, il répond qu'il n'agit point dans des
vues intéressées, qu'il a le devoir de retrouver sa famille, mais il ne
sera |)leinement rassuré que lorsque le Pape l'aura béni et lui aura
imposé comme pénitence d'aller à St- Jacques- de-Compostelle purger
le pays des voleurs qui l'infestent, et en Irlande où il devra des-
cendre dans le Purgatoire de saint Patrice d'où il rapportera au
Saint-Père l'exacte relation de ce qu'il aura vu.
L'équilibre est ainsi rétabli, ces pèlerinages chrétiens effacent la
faute commise, à la grande joie des âmes naïves qui depuis des siècles
s'intéressent aux aventures de Guérin.
Parmi les faits qu'il observe dans ses voyages, les plus curieux sont
peut-être les exemples de tolérance religieuse qu'il rencontre en
Orient et qu'il rapporte sans se risquer à aucune appréciation.
Le royaume de Tigliaffa, situé à dix jours de marche avant le pays
des Arbres du Soleil, est peuplé d'hommes noirs, de haute taille, s'en-
tendant très bien au commerce et tous chrétiens. Guérin y avait été
fort bien accueilli parce qu'il était chrétien et qu'homme de guerre il
pouvait être très utile à un moment où certains Sarrasins se révol-
taient contre l'autorité de Tigliaffa. Grâce à l'emploi du feu suggéré
par Guérin, les éléphants de l'ennemi sont mis en fuite, les Sarrasins
perdent 24,000 hommes, tandis que les chrétiens n'en perdent que 1000.
Pendant dix joui's on poursuit la conquête; toutes les villes remet-
taient leurs clefs aux vainqueurs. «Je demandai pourquoi on ne les
faisait pas baptiser. Gariscopo répondit : Parce que ce n'est point
l'usage; chacun peut garder la foi qu'il veut, pourvu qu'il obéisse à
son seigneur.» Quand il revient par la mer des Indes de son pèlerinage
aux Arbres du Soleil, il a la curiosité de visiter l'île de Parlobania où
taie fu tuo padre, questo non sanno ; ma perche viiy [siete] gentile et da
bene, yo vi mette/'o in bona via. Nui trovamo per scriptiira che la Sibilla
Umana non e ancora morta et non deve morire dacqui ad in finem
mundi, et questo trovamo ca ellaey in Ytalia nelle montanghie de Penino
le quale venyono per lo mezo de Ytalia, e sentiamo ca ella eni in 7iel mezo
de Italia. Se vuy andate allei, ella vi sapera directo adiré perche ella sa tucte
le cose passate e-lli presenti, et si tu non vai allei yo non saperia insin-
ç/hiare dove tu possi sapere nel mundo. — Dans mon Introduction j'ai
omis de dire comment Guérin apprend qu'il doit consulter la Sibylle de
Gumes.
216 I DODICI GANTI
l'on compte dix villes et cent châteaux-forts. La capitale est Galabis.
«Je leur demandai quelle est leur foi. On me dit qu'il y a des chrétiens,
des sarrasins et des païens, et que la religion n'y est l'objet d'aucune
dispute. Chaf'.un garde la foi qu'il lui plaît, mais il est interdit sous
peine du feu de renier sa religion*dans l'île... Leur loi a pour but de
permettre aux gens de toute croyance de faire le commerce chez
eux. »
Rapporter ainsi les faits revient à les approuver. Dans nos Chan-
sons de Geste, on sait comment les choses se passent. A la fin du
Maugis d'Aigreniont (v. 9489 sq.), Vivien l'Amachour, frère de Mau-
gis, se convertit et abandonne Mahon, Jupitel
Et la mauvaise foi que fist Luciabel.
11 revient à Monbranc, emmenant avec lui deuxévêques; ses sujets
sont baptisés d'office,
Et qui ne le volt fere, si ot le chief copc.
A propos de la confusion des musulmans et des païens et de l'asso-
ciation du nom de Mahomet à ceux de Jupiter, Trivigante, Belfagor,
Ranke cite un document qui prouve que cette confusion était dans
tous les esprits : « On se souvient que le duc Conrad de Masovie, lors-
qu'il chargea les chevaliers Teutouiques de combattre les païens prus-
siens, leur accorda tout ce qu'ils pourraient conquérir sur ces Sarra-
sins : quklquid de personis velhonis omnium Sarracenorum adipisci
potuerint *.»
Ranke constate que dans les Reali les conversions sont faites par
les armes, qu'elles ne sont jamais obtenues par la mission ou la prédi-
cation. Mais si Andréa se conforme à la tradition des Chansons de
Geste, nous voyons par les traits que nous avons relevés dans le Gué-
rin, que la conception d'un régime de tolérance lui paraissait justi-
fiable.
Le chapitre qui suit l'exorde du Guerino est un court résumé de
VAspromonte et ne sert qu'à placer dans la descendance de Girard de
Fratta Milon de Tarente, père de Guérin. Cette descendance est d'ail-
leurs conforme à la généalogie constituée par l'auteur des Reali. Ce
fait confirme dans la pensée que le Guerino a été une des dernières
œuvres, sinon la dernière, d'Andréa da B:irberino.
Le courage de Guérin se soutient parmi les mille épreuves qu'il
traverse. Une seule fois il est sur le point de renoncer à sa tâche. En
1 L. Ranke, Zu dev italienischen Poésie, mémoire lu à 1" Académie
royale des Sciences. Berlin, 1837, pag. 3, note.
I nODICI CANTI 217
se rendant au pays du Prètre-Jean, il avait eu à combattre un terrible
dragon dont le souffle l'avait laissé à demi-empoisonné. Il est obligé
de prendre huit jours de repos. Kn commémoration de sa victoire, on
cloue la tête du dragon à la [)orte de l'église du lieu avec cette ins-
cription : Guerino, vocato Misdiino . cercando per Ia[mia] sangui-
viu
nita, neW anni del nostro signore Ihesu CrisLo c xxx'^ arriva in
questo paesCj yo iiccisi guesto dragone.
On avait dû le frotter d'onctions diverses, et ainsi l'on découvrit la
petite croix, don de l'impératrice auquel il devait sans doute sa victoire
sur le monstre. Mais une fois guéri, quand il dut reprendre son
voyage, il ressentit un profond découragement.
« Quand je voulus partir de ce village, j'étais pensif, et sans grand
effort j'en serais demeuré là de mou entreprise, me plaignant de ma
mauvaise fortune. Un prêtre, qui était attaché au temple de ce lieu, me
prit par la main, me mena à l'église et commença à me parler en grec.
Il raisonna avec moi et me demanda pourquoi j'étais ainsi pensif. Je
le priai de me confesser, ce qu'il fît. Je lui racontai toutes mes actions
depuis le commencement jusqu'à la fin, toutes les choses que j'avais
promises ou faites. Et il me réconforta de cette manière : 0 noble
homme, celui qui commence une chose noble, et qui d'un bon principe
la conduit jusqu'à mi-chemin, et puis l'abandonne, n'acquiert point
de gloire de son entreprise ; mais s'il agit bien au commencement, au
milieu et à la fin, sa fatigue ne lui est pas un dommage. Et il me
demanda : Sais-tu ce qu'est la foi ? Le Mischino dit : La foi est une
parfaite et ferme croyance en Dieu qui est la souveraine Trinité, Père,
Fils et >'aint-Esprit, sans aucun doute ; elle consiste à croire aux dix
commandements de la loi et à y obéir, à croire aux douze articles de
Il foi et aux sept du Saint-Esprit, à suivre et à accomplir les sept
œuvres de miséricorde. C'est ainsi que je crois. 11 me demanda :
Qu'est-ce que la charité ? Je lui répondis : Aimer Dieu et son prochain.
Alors le prêtre : Si la charité est ce que tu dis, et si ton père et ta
mère sont plus que ton prochain, car tu sais que c'est le premier des
sept commandements qui ont été faits à nous pour nous, dis-moi, fils :
qu'as-tu fait jusqu'ici pour ton père en ne suivant pas l'œuvre com-
mencée? Si tu voulais dire que la fatigue en est grande, je te le
concède ; mais tu as cherché en Asie et dans l'Inde Majeure, qui sont
les parties les plus redoutables et les plus sauvages de tout le cercle
do la terre, car non seulement il y a des animaux sauvages, mais la
nature même des hommes y est sauvage. En Afrique et en Europe, les
hommes sont raisonnables, et s'il y a aussi beaucoup d'animaux féroces,
la nature en est autre qu'en Inde et en Turquie. Que l'espérance te
gouverne, va jusqu'à bonne fin, aie confiance en Dieu, aime ton père
218 I DODIGI CANTI
et ta mère : l'espérance en Dieu t'aidera. Poursuis ton entreprise
avec toute ta force en la modérant par la prudence. — Je me jetai,
dit Guérin, à ses pieds, je lui baisai les pieds et les mains ; il me fixa
une pénitence, me donna sa bénédiction, et je lui dis : 0 mou père,
vous m'avez remis dans mes premières forces, que Dieu vous le rende
pour moi ! Je pris congé de lui et de tous ceux qui étaient là, et nous
prîmes notre chemin vers la cité dite Dragonda où j'avais appris que
le Prêtre- Jean se trouvait. )/
Tout en chevauchant, le chevalier commente longuement et théolo-
giquement ce que le prêtre lui a dit des devoirs des fils envers leurs
parents, et il conclut en promettant à Dieu de ne jamais se reposer
tant qu'il n'aura pas retrouvé sa famille.
Guérin, à vrai dire, s'attarde volontiers en route, soit qu'il accepte
toutes les occasions de montrer sa valeur, soit qu'il examine curieu-
sement les lieux qu'il traverse : c'est un chevalier errant, c'est un
condottiere, c'est dans quelque mesure un explorateur. Au pays du
Prêtre-Jean, parmi les choses (jui provoquent son admiration, deux
surtout sont à noter : les sources de la richesse du roi-pontife, et la
raison pour laquelle cette contrée est dite la Terre de Vérité,
A Dragonda, Guérin se rend au palais du Prêtre-Jean: « Les che-
vaux une fois attachés, nous entrons dans l'escalier pour monter au
palais. Cet escalier était pour la plus grande partie d'albâtre, et les
l'ampes où l'on pose les mains, étaient toutes dorées avec beaucoup de
pierres précieuses qui y étaient incrustées, et le mur était tout d'une
mosaïque historiée. Au-dessus c'était également une mosaïque couleur
d air, semée d'étoiles d'or. Je demandai comment il pouvait y avoir une
telle richesse dans ce pays, et les guides m'enseignèrent quatre raisons.
La première est que l'on n'a point de guerre ni de soldats à payer; la
seconde est le grand tribut que lui versent les Sarrasins pour qu'il ne
perde pas l'eau du Nil ; la troisième est le grand péage qui se paie au
détroit de la Mer Rouge où le Prêtre-Jean possède trois cités avec des
ports très beaux et sûrs; la quatrième est que toutes les marchan-
dises de ce royaume paient un certain droit au Prêtre-Jean. Pensez la
grande recette et la petite dépense durant tant de centaines d'années,
dites-vous s'il doit posséder de grandes richesses ! Et ce pays est
appelé la Terre de 'Vérité. »
L'auteur du Guerino transforme la légende du Prêtre-Jean en la ren-
dant plus vraisemblable, en y diminuant la part du merveilleux et en
augmentant celle des raisons naturelles. Cette tendance a été notée
déjà dans les Reali. Mais à propos du tribut payé par les Egyptiens,
il parait avoir inventé.
A plusieurs reprises, pendant qu'il est au pays du Prêtre-Jean,
Guérin parle de Portes-de-Fer établies sur le Nil et séparant ce
I DODICI GANTI 219
royaume de celui des Rgyptiens. Quand il reprend son voyage et se
rend en Egypte, il rencontre d'abordées Portes et en explique l'usage
en se trompant sur la valeur des termes.
« Ici sont les Portcs-de-Fer. Je passai le fleuve du Nil : entre ces
montagnes (les monts Camerat) sont les Portes-de-Fer. Ces Portes, je
les voulus voir, et jamais je ne vis rien de plus fort. 11 y avait là un
mur fait de très grandes pierres en travers du Nil, à l'endroit où le
fleuve passe entre ces montagnes et par le milieu arrive en P^gypte.
Ce mur est large de trois cents brasses, et à côté du mur, sur une
montagne, de toutes parts, est une forteresse si terrible et si forte
que je m'en émerveillai. Au dessus du mur du côté de l'Inde, c'est un
mur très fort avec viagt tours, c'est-à-dire vingt en haut et vingt du
côté de l'Egypte ; le grand mur qui est fondé Haus le lit du fleuve, est
long de mille brasses et il a trois ouvertures très grandes où passe
l'eau du Nil, et à ces ouvertures il y a des sarracinesques très grandes
que l'on peut faire descendre de sorte que l'eau ne puisse pas venir en
Egypte. Je demandai où se répandrait l'eau du Nil si ces herses
{caleracte) étaient fermées. On me répondit qu'une partie s'écoulerait
le long des montagnes de la Mer Rouge, que l'autre irait vers le cou-
chant dans la mer de Lybie, et que toute l'Egypte, qui forme un seul
royaume, périrait faute d'eau parce qu'il n'y pleut jamais et que
deux fois l'an le fleuve baigne leurs terres; par suite de cette frayeur,
ils paient un grand tribut au Prêtre-Jean. »
De là Guérin se rend à Syène (Senesi) où était une garnison du
Soudan d'Egypte.
On voit que j'ai traduit caleracte par herses, sens justifié parce qui
précède et ce qui suit. Le mot a eu ce sens dans notre langue elle-
même : « Herse sarrasine ou cataracte est une contreporte suspendue,
faite de grosses membrures de bois à quarreaux pour empescher l'effori
du pétard, ou bien pour arrester une surprise par sa cheute. » Traité
des Fortifications ou Architecture militaire, parle P. Georges Four-
nier, 2* éd., Paris, Jean Henault, 1654, p. 38. Mais dans le texte
lui-même du Guerino, l'on a un autre exemple du mot pris dans ce
sens. La porte par laquelle la fllle du roi Pantifero passe pour aller
s'entretenir avec Guérin dans la tour où il est tenu prisonnier, est
munie d'une cataracte.
J'imagine que notre chroniqueur, ayant entendu parler de Portes
de fer et de cataractes du Nil, a cru qu'il s'agissait de vraies portes et
de herses. La forteresse qu'il décrit complaisamment, aurait pour base
de simples contre-sens.
L'on ne peut éviter deux remarques. L'idée que TAbyssinie pourrait
détourner en partie les eaux du Nil au détriment de l'Egypte parait
ancienne, et naguère en Orient elle prit une consistance nouvelle.
220 I DODICI CANTI
D'autre part, l'administration anglaise, pour assurer la régularité de
l'irrigation de l'Egypte, a réalisé ce que le moyen âge avait rêvé : un
barrage imuieuse emmagasine les eaux du Nil à l'endroit dont parle
Guérin. Mais les clefs du barrage ne sont point aux mains des succes-
seurs du Prêtre-Jean. Les archéologues se sont émus de cette mesure
si utile en elle-même : ils craignent que le joli temple de Fhihe ne
soit submergé.
Parmi les mérites que Guérin reconnaît aux sujets du Prêtre Jean,
la véracité est celui sur lequel il insiste le plus'. Il en parle longue-
ment dans sa descrijition de la ville d'Antona, séjour habituel du
Prêtre-Jean : « Bien que j'aie vu les terres, les cités, les palais et les
logements des pays de Grèce, de Syrie, d'Italie et de toutes les parties
du monde, non, lecteur, je n'ai troiivé nulle part tant de beaux édi-
fices ni dans une cité tant d'hommes riches de toute richesse mon-
daine et temporelle; je n'ai point trouvé au monde de peuple qui
gardât sa foi comme eux, je n'ai point trouvé de peuple plus véridique,
où il y eût moins de mensonge. Chez eux les menteurs sont plus mépri-
sés que les usuriers en Grèce ; ils ignorent ce que c'est que l'usure,
et l'on fait chez eux justice sévère des malfaiteurs et en particulier de
ceux qui sont contraires à la foi du Christ. »
Il semble que l'auteur ait eu une antipathie particulière pour les men-
teurs et les usuriers et qu'il ait ainsi jugé bon de donner en exemple
à ses concitoyens un pays d'Utopie où régneraient la vérité et le
désintéressement. Mais lorsque Guérin a triomphé des Cinnamoniens,
ennemis du Prêtre-Jean, et que celui-ci consulte sa cour sur la récom-
pense qu'il convient d'attribuer au vaillant étranger, il se produit des
désaccords qui prouvent bien que l'exacte Justice n'est pas plus de ce
monde au Pays-de- Vérité qu'ailleurs. L'euvie, dit Guérin, se donna
libre carrière. L'un disait: c'est un étranger; une petite récompense
lui suffira : des armes et des chevaux le contenteront, car c'est un
homme qui ne pense que batailles. Un autre proposait qu'on lui
donnât un ou deux des châteaux conquis et une petite pension. D'autres
dirent qu'il ne fallait pas lui donner de châteaux, parce que si le pou-
voir lui plaisait, il était si vaillant homme qu'il lui serait aisé de se
1 L'expression Pays-de-Vérité, employée plus haut, semble de l'invention
de notre auteur. Pour le fond, il s'inspire de la lettre fameuse attribuée
au Roi-Pontife : 51. Inter nos nullus mentifw, nec aliquis potest men-
tiri. Et si quis ibl mentiri coepefit, statim moritur i. quasi mortuus inter
nos reputatuv, nec eius mentio fit apud nos i. nec honorem ulterius apud
nos co)isequifur, 52. Omnes sequimur veritateyn et diligimus nos invicem-
Adulter non est inter nos. Nullum vicium apud nos régnât. Friedrich
Zarncke, der Priester lohannes, erste Abhandlung, p. 90.
I DODICI CANTI 221
faii'e seigneur fin pays. Qu'on lui dunne un navire chargé de richesses
et qu'on l'adresse au Soudan de Babylono ', à Alexandi'ie. D'autres
conseillaient qu'on lui donnât des chameaux sans navire et qu'on lui
fit avoir du Soudan la paie d'un mercenaire. Ceux-là enfin, par jalou-
sie, voulaient le renvoyer sans plus. Un dit néanmoins : Nous avons
besoin d'un capitaine. D'autres étaient d'avis de lui accorder un loge-
ment avec des terres et du bétail.
L'équité et la reconnaissance étaient négligées à peu près par tous
dans cette délibération qui rappelle les entretiens du roi Yon et de ses
conseillers au sujet de Renaud fils d'Aymon. Mais le Prêtre-Jean est
sourd à ces invitations dictées par l'ingratitude et la jalousie : il
demande à Guérin d'accepter la moitié de son empire. Le chevalier
refuse, car il doit repartir à la recherche de ses parents
L'auteur, pour accroître l'intérêt du récit et pour faire valoir le côté
affectueux du caractère de Guérin. lui donne souvent un compagnon
de route et d'aventure. C'est d'abord Brandis. Ce chevalier gascon
et un autre chevaliei', l'Ameri de Oriensis {sic), s'étaient vantés à
Paris, devant la cour du roi de France et pour répondre aux vanteries
d'autres chevaliers, de faire le tour du monde par terre et par mer,
s'engageant à ne point s'abandonner jusqu'à la mort. Ils avaient par-
couru tous les pays d'Europe, étaient venus de Constantinople en Col-
chide et de là en Arménie, où le géant sauvage tua le compagnon de
Brandis et enferma celui-ci dans la caverne d'où il fut tiré par Guérin.
Dès lors les deux chevaliers vivent dans une étroite amitié, et se
séparent seulement quand Brandis épouse Amidan, la jeune reine de
Médie dont Guérin a restauré l'autorité. Elle s'était d'abord épiise de
Guérin, mais il ne songeait point à s'airêteret lui donna Brandis pour
mari. 11 exigea seulement que l'on prît des sièges au repas, que l'on
mangeât à la façon des Grecs et qu'Amidan reçût le baptême.
Dans son voyage aux Arbres du Soleil et de la Lune, Guérin a pour
compagnon, à partir de TigliafFa, ua capitaine, Cai'iscopo, né à Saba
dans l'Arabie Heureuse, mais qui s'était converti au christianisme et
avait servi en Grèce.
Quand il quitte Alexandrie et entre dans le désert de Lybie, il sauve
des mains d'une bande de malandrins un chevalier anglais, Diamone,
né dans la cité de Norgalles et descendant de Joseph d'Arimathie -.
• Dans le Guerino, comme dans Joinville et dans la carte catalane
de 1375, par Babylone il faut entendre le Vieux-Caire.
* Norgalles, dans le cycle d'Artus, est un pays limitrophe des royaumes
de Logres et de Sorelois. — Arimuthle : le texte donne di Brama, mais
Arimathie s'était déjà transformé en Baramachie, Lùseth, Le roman en
prose de Tristan^ etc., p. 498, 1. 39. L'on a Joseph di Barimatlia dans le
222 I DODICI CANTI
Les deux chevaliers vivent fraternellement ensemble jusqu'au moment
où, arrivés en Sicile, Guérin doit se diriger vers l'Italie pour y con-
sulter la Sibylle, et Diamone s'embarque et reprend son pèlerinage
au Saint-Sépulcre. Leurs adieux sont touchants. Diamone dit : « Frère
chéri, je t'aime plus que si nous étions nés d'un même père et d'une
même mère... Si vous arrivez en Angleterre à ma cité appelée Nor-
galesse, réclamez-vous de moi, car il vous sera fait honneur et je
veux que vous la considériez comme vôtre. Portez de mes nouvelles à
ma dame et à mes parents. » Puis ils s'embrassèrent, se baisèrent et
allèrent au vaisseau; quand leur pleur eut pris fin, ils payèrent le
patron.
Ce dernier détail est tout à fait dans le ton général d'un récit où
l'auteur s'applique à ne rien dire que de vraisemblable. Quand l'hôtelier
demande au héros de Cervantes s'il a de l'argent sur lui: « De l'ar-
gent! répond Don Quichotte tout surpris de l'indiscrétion de ce lan-
gage, je n'y ai pas même songé. Je n'ai jamais lu qu'aucun chevalier
errant s'en soit muni pour aller aux aventures». Mais Guérin a un
sentiment plus précis des réalités pratiques de la vie, et s'il refuse de
partager le pouvoir d'Amidan et du Prêtre-Jean, il ne part jamais en
voyage sans prévoir qu'il lui faudra payer son écot aux hôtelleries où
il s'arrêtera '. Quand le pape lui a donné des instructions qui im-
pliquent un voyage à Saint-Jacques et un autre en Irlande, le bon che-
valier ne peut s'empêcher ijle s'écrier : « 0 Saint Père, je ferai tout cela
si je vis assez pour arriver là-bas ; une seule chose m'embarrasse et
me sera d'un grand ennui. Il me demanda quelle était cette chose qui
m'embarrassait. Je lui répondis : La pauvreté. Et il me fit donner
trois cents deniers d'or.» Cette simplicité plaisait d'autant plus qu'elle
était une nouveauté.
En Afrique, Guérin se lie d'amitié avec le roi Artilaffo. En Calabre,
l'hôtelier chez lequel il descend, s'éprend également pour lui d'une
vive affection. Ce n'est pas seulement un chevalier avide d'aventures
ou un voyageur curieux, ce n'est pas seulement un homme de guerre
Volgarizzamento toscnno des Voyages de Mandeville, éd. Zambrini, I,
p. 98. — Dans son voyage en Angleterre et en Irlande, Guérin, après
avoir vu Antona et Londras^ se rend à la hâte à Norgalles où il trouve
son ami Dinamon (et non plus Diamon). Celui-ci voudrait lui faire accepter
en mariage sa sœur âgée de quinze ans ; mais Guérin refuse et reste
fidèle à la belle Antinisca. Dinamon s'ofl're à lui pour l'accompagner en
Irlande.
1 Quand Guérin prend congé de l'empereur, celui-ci voulait lui don-
ner une escorte; il la refusa et n'accepta qu'une somme d'argent : egli
nolla vole, ma certi danari indi porto.
I DODIGI CANTI 253
habile et courageux : il a le don de se concilier l'estime et le dévoue-
ment de tous ceux ijui ont l'occasion d'apprécier sa droiture et sa
bonté.
Dès le commencement du roman, l'amitié de Guérinet d'Alexandre,
fils de l'empereur de ConstantiiiO|)le, est un puissant élément d'intéi'ét,
sans lequel le long récit de tournois et de combats serait d'une fati-
gante monotonie.
La susceptibilité qui lui fait refuser la main d'Eliséna, malgré les
prières de son ami Alexandre et de tonte la famille impériale, est le
trait le plus heureux : par la dignité de son attitude plus encore que
par les services qu'il leur a rendus, il se place au niveau de ses pro-
tecteurs.
Sa fidélité à sa fiancée Antinisca ne subit point d'éclipsé. Un mo-
ment, il est près de succomber aux provocations sensuelles de la
Sibylle, mais il a recours à la prière et triomphe.
Partout où il paraît, il se place au premier rang par son intelli-
gence et sa générosité autant que par sa valeur.
Ce n'est pas la reproduction banale d'un type ancien et usé, c'est un
personnage vraiment original et nouveau.
La lourdeur et la prolixité du récit, le caractère historique et dévot
auquel l'auteur a visé, s'ajoutent au pédantisme des descriptions pour
rendre difficile la lecture d'un tel ouvrage •. Mais ceux pour qui il a
été composé étaient séduits par cela même qui nous fatigue. L'auteur
s'est inspiré de la méthode du Pseudo-Turpin qui, de nos légendes
héroïques fit un amalgame à prétentions historiques et à leçons pieuses.
Il a placé son héros dans la Geste des Reali, lui a donné les vertus que
Turpin attribue à Roland, et, suivant l'exemple de l'Entrée de
Spagne, l'a mené, comme Roland, en Orient. Dans une certaine me-
sure, comme le Roland du poème franco-italien et de la Spagna en
vei's, Guérinest donc un chevalier ei-rant, mais il est aussi un voyageur
possédant ce bagage de connaissances pseudo scientifiques dont
Andréa est fier, et décrivant les pays et les peuples. Les Grecs, grands
navigateurs, admiraient surtout dans Ulysse celui qui « avait vu les
villes et connaissait les mœurs de beaucoup d'hommes ».
Le merveilleux des voyages d'Ulysse est en bien des points de
même famille que les histoires étranges qui passionnaient la curiosité
1 M . Rajna, dans son étude sur les Renli, analyse avec une précision par-
faite les procédés de l'auteur et juge la valeur littéraire de son œuvre.
Je ne puis que renvoyer à ces paj^es magistrales. V. surtout p. 289-309.
Je solliciterai néanmoins quelque indulgence pour le Giieri?io, où le
désaccord est bien moindre entre la nature du sujet et la manière de l'au-
teur que dans les Reali, où c'est la matière de France qui est en cause.
224 I DODICI CANTI
naïve de nos pères, et l'on reconnaît volontiers une parenté entre
Polyphi'^me et le géant qui avait mis en réserve dans une sorte de silo
le chevalier gascon et le prêtre arménien afin de les manger à loisir.
Giiérin rencontrera tous les animaux légendaires et tous les hommes
monstrueux dont depuis Hérodote l'Orient et l'Afrique sont peuplés.
L'érudition de l'auteur n'omettra ni la licorne, ni l'extraordinaire
récolte du poivre, ni les mœurs de l'éléphant, ni les pygmées, ni rien
en un mot de ce qu'il a pu recueillir d'étoimant et d'incroyable. Mais
il allie à ce respect de la tradition légendaire des préoccupations nou-
velles; quand il entre sur le territoire d'un peuple, il donne la stature,
la couleur, la chevelure des gens, leur beauté ou leur laideur, leurs
mœurs, leur religion, parfois leurs institutions, leui's relations commer-
ciales. En tout cela, il met une précision minutieuse, comme il l'a fait
dans les Reali, où M. Pio Rajna l'a remarqué. Ainsi il suppose
que la crédulité du lecteur sera satisfaite et rassurée. Les énuméra-
tions géographiques, souvent d'une sécheresse de manuel, plus encore
que les itinéraires des Reali, tendent au même but, et sont mieux jus-
tifiées puisque le Guerino est essentiellement un récit de voyages, un
véritable tour du monde,
L'Italien du XIV'' siècle s'intéressait à tout ce qu'on lui contait
des pays lointains, où l'on n'allait plus seulement dans l'espoir do
reconquérir Jérusalem, mais avec lesquels on nouait des relations de
plus en plus fréquentes.
La conception d'Andréa vaut surtout par la décision avec laquelle
elle est traitée et conduite. Elle n'est pas restée sans attirer l'atten-
tion de poètes infiniment supérieurs comme science et comme génie à
l'auteur des Reali, et elle a exercé une réelle influence sur l'évolution
de l'épopée romanesque en Italie. La belle Antinisca est le prototype
d'Angélique, princesse du Cathay ; le séjour enchanté de la Sibylle, les
moyens de séduction qu'elle emploie, ont ouvert la voie où l'on ren-
contrera Falérine, Morgane, Alcine, Armide ; mais ces parties de
l'œuvre n'en font pas toute l'importance : elle résulte de l'ensemble
des éléments dont j'essaie de donner quelque idée.
La première partie est bien composée. L'enfance de Guérin, sa liai-
son avec Alexandre, les sympathies qu'il inspire à tous, sa légitime
ambition, les difficultés qu'il rencontre pour être admis à prouver sa
vaillance, ses premiers exploits dont d'abord il ne peut réclamer la
récompense, sa douleur quand Eliséna lui reproche la bassesse de
son origine et l'accuse de lâcheté, la défaite finale des Turcs due à
lui seul, forment une introduction où l'intérêt va croissant. Elle mo-
tive en outre fort heureusement la décision de Guérin, il ne peut se
résigner à rester sans nom et sans famille; son amour-propre blessé
par Eliséna et par un des champions tuics qu'il a vaincus, le rend sourd
I DODICI CANTI 225
à toutes les caresses et à toutes les prières : il est nécessaire qu'il
parte, qu'il tienne la parole qu'il a donnée à Brunor, le Sarrasin.
Celui-ci, fils d'Astilladoro, s'était écriée quand la paix avait été con-
clue : « 0 maudite fortune, comment peux-tu souffrir qu'un esclave
revendu ait vaincu le sang Troyen, lui qui ignore de qui il est fils et
ce qu'est son père ! Le Meschino l'entendit, s'avança et dit : 0 Bru-
noro, fils d'\stilladoro, tu as dit ces paroles pour rae déprécier, mais
je te jure parce Dieu qui fit le ciel et la terre, que je ne me reposerai
jamais et ne cesserai point de chercher jusqu'à ce que j'aie trouvé
mon lignage, et je te jure que s'il est noble, pour ces paroles tu
mourras de mes mains. »
Quand l'empereur sut que Guérin avait pris un tel engagement, il
fit chercher partout les corsaires qui avaient vendu l'enfant àEpidonio.
mais toutes les recherches furent vaines, et l'on dut recourir à l'art
des nécromants : « On ne put rien découvrir, si ce n'est qu'un enchan-
teur d'Egypte ayant évoqué un esprit et l'ayant questionné sans rien
en obtenir, lui demanda finalement de quel côté il devait aller pour
retrouver son père et sa famille. L'esprit dit à haute voix : Aux Arbres
du Soleil et de la Lune où Alexandre de Macédoine alla, et dont il
sut où il devait mourir' : là il saura de son père et de sa parenté,
mais pour s'y rendre il supportera de grandes fatigues, de grands
travaux, s'il peut survivre à ces épreuves. Le Meschino se réjouit
fort de cette réponse et demanda de quel côté se trouvaient les
Arbres du Soleil. 11 lui tut répondu : A la fin de la terre^ vers l'Orient
d'où se lèvent le Soleil et la Lune. »
Ainsi renseigné, Guéria n'a plus qu'à partir, il ira par le monde,
du Levant au Couchant, de l'étoile du Midi à la Tramontane -, jusqu'à
ce qu'il soit éclairé sur son origine.
Il peut sembler futile de déterminer les analogies que présentent
les introductions du Rolayid Amoureux et du Guerino. i*A cependant
le plus beau diamant n'est d'abord qu'une pierre sans éclat, enveloppée
• La légende de ces arbres prophétiques est plus vieille que le Guérin.
Mandeville décrivait V Arbre du Souleil et r Arbre de la Lune qui parlè-
rentà Alexandre et li annoncèrent trépas (Denis, Monde Enchanté, p. 114);
texte du volgarizzarnento antico coscano : Da questa riviera, a XV. qior-
nute dilungi, si va pe deserti, e sonvi gli alberi del sole e délia luna, e
quali parlarono ad Alessandro Re e predicerono a lui la morte sua. Ed.
Zambrini, II, 188.
2 D'après le Guerino., les montagnes qui s'étendent vers l'Inde finissent
par cacher la Tramontane (l'étoile polaire), et sur la mer des Indes on
navigue en se guidant d'après la Stella Ostra, l'étoile australe ou du midi.
Andréa savait que l'Hindoustan est borné au Nord par les plus hautes
montagnes du Monde.
15
256 I DODICI CANTI
d'une gangue grossière. L'essentiel, dans ces rapprochements d'œu-
vres de valeur si différente, est qu'ils soient fondés sur une étude
attentive des textes.
L'empereur de Constantinople, dans le Guerino, donne un tournoi
auquel prennent part chrétiens et sariasins : son intention est de
marier Eliséna, bien qu'il s'engage seulement à décerner au vainqueur
le prix ordinaire de ces luttes courtoises. Plus tard, lorsque les Turcs
assiègent Constantinople, et que le sort de la guerre est confié à
cinquante champions pour chacun des deux partis, l'empereur jure que
si sa bataille a le dessous, il livrera à Astilladoro sa ville et toutes ses
terres, partira avec une seule galère chargée de ce qu'il lui plaira d'eu-
lever et emmènera sa dame et sa fille. Prince chrétien, il ne pouvait
faire d'Eliséna le prix d'un tournoi ou d'une bataille. Mais les deux
éléments de ce tournoi et du mariage de la princesse n'en étaient pas
moins associés à un moment : Boiardo n'hésite point, et Angélique
s'offrira comme prix au vainqueur de son frère.
La lance d'or finit par tomber aux mains d'Astolphe, et c'est ce
chevalier sur lequel [)ersonne ne comptait, qui triomphe de Grandoine
et rend à la liberté tous les plus vaillants champions chrétiens. De
même c'est grâce aux succès inespérés de Guérin qu'Alexandre est
échangé contre les prisonniers sarrasins.
Tel détail, tout au commencement du Roland Amoureux, procède
directement de la lecture du Guerino. Quand les princes mahométans,
répondant à l'invitation de Charlemagne, prennent place à sa table :
A la sua fronte furno i Saracini
Che non volsero usar banco ne sponda :
Anzi sterno a glacer corne mastini
Sopra a tapeti, come è lor usanza,
Spregiando seco il costume di Franza.
L'on a vu plus haut avec quelle sévérité Guérin condamne l'habi-
tude qu'ont les Orientaux de s'asseoir sur des tapis. Boiardo n'eût
pas songé de lui-même à relever si durement cet usage.
Dans les tournois qui ont lieu à Constantinople et dans les combats
proprements dits qui mettent fin à la guerre, Andréa s'est plu à convo-
quer en quelque sorte les représentants de tous les peuples sarrasins
qu'il connaissait par le roman et par l'histoire. Que fait Boiardo sinon
d'imiter cet exemple? J'en dirai autant de la fécondité avec laquelle
il multiplie dans la suite du poème les princes mahométans. Le pro-
cédé est le même, mais il est employé avec une habileté, une aisance
et un agrément dont le vieux roman est par trop dépourvu L
1 Le mont de Carène, situé au-delà du désert de sable, grand outre
mesure, dont la cîme atteint au ciel et sur lequel s'étend une plaine de
I DODICI CANTI 227
Dans son dessein de transformel' les légendes françaises en romans
historiques et de donner à sa narration le caractère de la vraisem-
blance, Andréa da Barberino, substitue volontieis des raisons natu-
relles au merveilleux des récits qu'il utilise.
La Dame du Lac dérobe Lancelot à sa mère. La scène est poétique,
l'on est en plein pays de Féerie. Le Maug'is (VAirjremont, œuvre mixte,
où est tentée une fusion du roman breton et de la Chanson de geste,
était connu d'Andréa qui s'en est servi dans son Rinaldo '. L'on y
trouve une première adaptation des Enfances de Lancelot. Les Sarra-
sins surprennent le duc Beuves d'Aigremont en rase campagne, au
moment où la duchesse mettait au monde deux fils qui devaient être
cent milles {Orl. Inn. IL 16, ott. 15, 16), est-il emprunté à la géographie
du Guerino ? Notre chevalier, dans son voyage aux Arbres du Soleil et
de la Lune, rencontre des montagnes appelées Coronas ou Corone, les
plus hautes montagnes du monde, qui s'étendent de l'Arménie aux Indes.
A un endroit, le guide dit : Ora siamo nuy in Persia in uno reame chi
a nome Parlhioma Mawiticha. Cette étrange qualification de la Par-
thiène a pu créer une confusion dans l'esprit de Boiardo qui place en
effet sa montagne de Carène en Tingitane (II, 16, ott. 14). D'autre part
l'on a vu que le vieux Galgibat apprend à Guérin qu'il y a en Afrique sur
une montagne qui parait située entre le Couchant et le Midi, des astro-
logues savants. Le protecteur de Roger ne serait-il pas du nombre? —
Guérin en descendant des montagnes traverse l'Arachosie qui, dans les
cartes da géographie ancienne, confine à la Chaarène. Peut-être a-t-on
là l'origine du nom des montagnes Corone, puis Carène.
1 Dans mes Rechei-dies sur les rapports des Chansons de Geste et de
V Épopée chevaleresque italienne, enive autres choses, j'ai tâché de démon-
trer : 1° que dans le Maugis d\4.igremo)it l'on a le trait d'union entre le
récit épique de nos trouvères et les romans du cycle breton : 2° que le
Rinaldo da Montalbano, si important dans la formation de l'épopée
italienne, utilise les données essentielles du Maugis. L'épisode lui-même
de l'enchanteur déguisé en cardinal que M. Rajna jugeait invenzione
italiana senz altro, est emprunté pour le fond au Maugis français
(V. P. Rajna, Rinaldo da Montalbano, p. 21 ; mes Recherches, p. 201,
215, et Maugis d'Aigremont, v. 4452-4627). Cette Chanson de Geste me
paraît donner déjà en France l'orientation que la légende des Fils Aymon
prendra définitivement en Italie. Dans une œuvre médiocre se cachait
un germe qui fut d'une fécondité merveilleuse. Je me permets d'insister
sur cette position du Maugis dans l'histoire littéraire, parce que Renaud
de Montauban, comme M. Rajna l'a si bien montré, est le protagoniste
du roman chevaleresque en Italie et que par suite c'est dans les récits
dont il est l'objet, que l'on doit et l'on peut étudier les transformations
de la matière épique transmise à l'Italie par les Jongleurs français.
Rinaldo, p. 97. Or, c'est dans le Maugis que l'histoire des fils Aymon
prend les allures du roman.
228 I DODICI GANTI
Vivien et Maugis. Vivien est enlevé par un espion et porté au roi
Aquilant de Majorque. Maugis, dérobé par une esclave que des ani-
maux féroces dévorent, est recueilli par la fée Oriande qui en fera un
magicien. Plus tard, la fée lui révèle son origine, et il est aussitôt
en friçon
De son père veoir le riche duc Beuvon
Et la gentil duchoise à la clère façon :
Ne sera mes aèse, si verra Aigrement.
Le chroniqueur paraît s'inspirer du commencement du Maugis, car
c'est à la suite d'une victoire des Sarrasins que le fils de Milon est
emporté loin de son pays par Sefferra; celle-ci et sa compagne dispa-
raissent comme l'esclave de la duchesse d'Aigremont, et l'enfant n'a
plus auprès de lui personne qui sache de qui il est né. Mais il ne
sera point recueilli par une fée : des corsaires le vendent à Epidonio.
Oriande, dès la première heure, a su à quelle famille il appartenait :
son neveu Espiet avait assisté au combat, il reconnaît la tête de
l'esclave qui jadis lui avait rendu service, et conclut immédiatement
que l'enfant est un des deux fils de Beuves. En tout ceci il n'y a rien
de merveilleux que le séjour où Oriande élève Maugis après l'avoir
fait baptiser. Son frère Baudri qui avait appris les Sept Arts à Tolède
et qui avait plus de cent ans, est chargé d'instruire l'enfant :
Oriande la fée o la viaire cler
Entendi moult forment à Maugis alever,
A mestre le fesoit jor et nuit doctriner.
Puis que vint en eage et que il sot parler
E que il sot cheval et poindre et galoper,
Des eschez et des tables li fist assez mostrer
E trestoz estrumenz li aprist a soner,
Et par ordre de game sot trestoz cbanz chanter.
Et quant il fu d'aage que pot armes porter,
La fée Fadoba et li çaint le brant cler,
Si en fist son ami que moult le pot amer;
Son cors li abandone besier et acoler,
Desoz son covretor ensemble o li joer;
Rien ne li contredit que voeille demander.
Mes dont il ert venus li fist moult bien celer
Que ne se puist de li partir ne dessevrer.
Guérin, devenu le fils adoptif d'Epidonio, reçoit également l'éduca-
tion la plus soignée. Outre le grec et le latin, il apprend plusieurs
langues, l'arabe, le turc, qui pourraient lui être utiles pour faire le
commerce et naviguer. Ce programme répondait à la condition de
Guérin; l'auteur ajoute qu'il était bien de sa personne, robuste et
I DODICI CANTI 229
adroit. De là à l'emporter sur tous les chevaliers de la cour dans les
exercices du corps les plus difficiles, il y a loin, et Maugis, en ceci,
recevait une éducation mieux calculée. Et cependant, une fois intro-
duit à la cour, Guérin est le plus vigoureux et le plus habile des
jouteurs : sans y penser, Andréa donne ainsi dans l'invraisemblable.
Maugis et Guérin sont tous les deux munis d'un talisman contre les
sortilèges. Celui de Guérin était la petite croix dont il a été parlé plus
haut Maugis était protégé par un anneau d'or que sa mère lui avait
mis à l'oreille; c'est grâce à lui qu'il triomphe dans la conquête de
Bayard, le cheval faé qu'un diable, un serpent et un dragon gardaient
dans l'île de Bocau, Ce détail est d'ailleurs emprunté de l'endroit où
la Dame du Lac donne à Lancelot, quand elle se sépare de lui, un
anneau qui conjure tous les sortilèges et qui sera utile au chevalier
dans l'aventure du Val sans retour.
Maugis , pour tromper le diable de Bocan, se déguise lui-même en
diable, revêt une peau d'ours, se garnit de queues de renard et de
quatre cornes. Ainsi « enharnaché », muni de son anneau, sachant
de la clergie assez plus qu Ypocraz,
Le deable conjure tôt bellement en baz
De Damedex de gloire et de S. Nicolas.
Roenarz s'endort sur une pierre. Maugis
III. des noms Damedeu a sor le perron paint
Qu'il ne se puet movoir, ainz se dolose et plaint :
La grant force de Dieu einsi le tient et vaint.
Mais le serpent ne peut être vaincu comme l'a été le démon, par
des enchantements. Maugis, en le conjurant « de Dieu le glorieux»,
obtient seulement qu'il s'étende un instant sur le sol. Après un long
combat, le serpent est tué, mais son corps enferme le chevalier dans
un creux de roche où il avait dû se réfugier.
Quant l'a veii Maugis, moult se va esmaiant,
Forment reclaime Deu le père tôt poissant
Qui de la sainte Virge nasqui em — Beliant,
Que d'ileques le gete par son digne cornant.
Ainsi bloqué, entouré de serpents, de scorpions, de lézards, de vers
félons
Qui ont les escharbocles enmi les eulz devant,
Maugis passe la nuit dans une grande frayeur, implorant Dieu,
priant
docement la vertu soveraine
Qu'à sauveté le mete et jeté de cel paine.
230 I DODICI CANTI
Le jour paraît, Maugis en loue Jésus-Christ; il dépèce le corps du
serpent et sort ainsi de la grotte. Mais il rencontre alors le dragon qui
gardait Bayard :
James plus fière beste hom mortiex ne vera,
Et est chose faée.
Maugis prononce doucement le nom de Jésus-Christ, puis il a recours
à sou art magique :
11 sot moult d'ingromance, le dragon conjura
Que il de lui mal fere nule poeste n'a :
Tost et isnellement sus en l'air s'envola.
Maugis dès lors se rendra maître, sans peine aucune, de Tillustre
cheval que plus tard il donnera à son cousin Renaud:
N'avoit un tel destrier jusqu'en Ynde major
Ne jusqu'à l'Arbre Sec en l'ille Tenebror.
Déjà dans le Maugis, à l'emploi de la magie ou « nécromancie »,
est associé l'appel fréquent à la protection de Dieu. Des trois éléments
de merveilleux de la Chanson de Geste, féerique, magique et chrétien,
les deux derniers subsisteraient seuls dans le Guérin, si à certains
égards la Sibylle ne tenait de la nature des Fées. Dans le Maugis, la
conjuration purement chrétienne est si fréquemment employée que
l'usage qu'en fait Guérin aux Arbres du Soleil, chez la Sibylle ou
ailleurs, ne peut être considéré comme une nouveauté.
Je ne sais si l'Arbre Sec du Maugis n'a point rappelé à Andréa les
Arbres du Soleil, qu'il connaissait d'ailleurs. Quant à l'expression
hide Majeure, désignant l'Inde proprement dite, elle est de la géo-
graphie du Moyen Age, et Andréa l'emploie couramment.
C'est à sa conjuration que Maugis doit d'être débarrassé du dragon
faé; de même Guérin, se rendant à Dragouda, triomphe du dragon,
grâce à la croix-reliquaire qu'il porte sur lui.
La part du merveilleux romanesque se réduit (en laissant de côté
le Purgatoire de saint Patrice, dont je n'ai point à m'occuper ici) aux
incidents de la visite de Guérin à la Sibylle de Cumes ; mais, pour
l'auteur, la Sibylle est un personnage historique, consacré non seu-
lement par l'autorité de Virgile, mais par la légende chrétienne elle-
même. L'inspiration ici serait de nature purement classique, si la
Sibylle n'avait les dons magiques et n'était tenue de se métamorpho-
ser régulièrement en serpent. Et cependant quand Guérin, la croyant
une fée ou un démon, essaie de l'exorciser, elle se rit de son erreur et
lui affirme qu'elle est de chair et d'os comme lui. L'imitation de Dante
est notable à plusieurs endroits de ce curieux épisode, mais le soin
I DODIGI GANTI
231
«vec lequel Guérin se munit de tout ce qui lui sera nécessaire pour
voyager la nuit en cette région dangereuse, le briquet, les allumettes
soufrées et les flambeaux, u'oot rien de commua avec la poésie.
Le Guerino marque le terme de l'évolution de l'épopée française
transplantée en Italie. Le genre, en tant que représentation d'un idéal
sérieux, est désormais épuisé. Des essais franco-italiens aux Reali, il
n'avait pu s'élever au-dessus d'une médiocrité qui satisfaisait et satis-
fait encore aujourd'hui les goûts populaires, mais qui ne pouvait inté-
resser ni la société cultivée de Florence, ni les cours brillantes de
Ferrare ou de Milan. Quand Pulci, pour amuser les bourgeois Tos-
cans, et Boiardo, pour égayer les seigneurs du temps, reprirent les
thèmes archaïques, la grande refonte à l'italienne que les éléments
français avaient subie dans les Reali et l'exemple de création indé-
pendante donné dans le Guerino servirent de point de départ à leurs
inventions où la matière de France, associée dans Boiardo à la galan-
terie et à la courtoisie de la cour d'Artus, atteignit à la beauté d'un
genre vraiment littéraire, mais en perdant de sa grandeur primitive
au profit de la variété et du ch:irme. Dans Arioste enfin, l'épopée
romanesque n'est souvent qu'un jeu d'esprit, mais c'est l'œuvre d'art
la plus exquise.
L'auteur des Dodici Canti a fait une bien petite place à Guérin. Au
chant I, oct. 13, il l'annonce comme l'ancêtre des Délia Rovere. Peut-
être l'idée de le choisir pour cet emploi lui a-t-elle été suggérée par
le passage suivant. Guérin est arrivé sur la place où s'élève le temple
d'Apollon : era 'nchi una grande rovora, zo e una grande quercia, et
inturno alla piazza el alla mosc/iea, zo e al tempio, avea uno grande
hosco folto d'alorû. Aller a mi tornarono a mente le antique storie de
nohili Tiomini valenii et virtuosi incoronati d'aloro, perche A polio foy
c/iia))iato idio de la sapiencia, el quale albero dissino i poeti essere
istraforniato délia bella vergine Penisa filliola di Pinea^ , per la
carita di Febo, zo e del sole chiamato Apollo.
Ce grand rouvre, placé là sans autre explication, dans le voisinage
du bois sacré d'Apollon et tout près des Arbres du Soleil et de la Lune,
a pu retenir l'attention du lecteur. Trouver en lieu si romanesque les
armes parlantes des Délia Rovere n était pas chose ordinaire et il était
aisé, avec quelque adresse, d'en tirer parti dans son poème. Il ne nous
a donné que des parcelles de la vie de Guérin et ne revient à lui qu'au
chant VIII (oct. 121-150), où, après la mort de la reine des Amazo-
nes, Guérin commence avec Renaud un long duel dont nous n'avons
1 Peneia nympha ou Peneis, fille du fleuve Peneus, plus ordinairement
Daphné (laurier). Ov. Metamorph. I, 452 sq.
232 I DODICI GANTI
pas la fin, bien qu'il soit repris chant IX, oct. 1-14, 104-128; chant X,
oct. 1-82; chant XI, oct. 65-127 ; chant XII, oct. 1-70.
Il est à noter que, de parti-pris, l'auteur arrête les aventures de Gué-
rin au moment où il revient de son voyage aux Arbres du Soleil. 11
suppose que le chevalier a été fait prisonnier par les Amazones et
qu'il a dû suivre leur reine en Espagne. Il raconte l'enfance de Guérin,
en ayant la malencontreuse idée de transformer Sefferra en une magi-
cienne qui le plonge dans les eaux du Styx et lui fournit des armes
enchantées que seul il pourra porter. 11 est à présumer qu'il avait dans
la pensée d'intercaler dans son récit la reconnaissance de Guérin et de
ses parents et, par conséquent, une partie du roman, tandis que Syl-
vana aurait eu pour mission de renseigner Guérin '.
Ce personnage, aimable et gracieux, est heureusement substitué à
la Sibylle de Cumes, mais il n'était point nécessaire de lui imposer la
dure obligation de la métamorphose en serpent.
Mieux eût valu que l'auteur des Doclici Canti eût posé dès le com-
mencement, d'une manière définitive, le personnage de Guérin et que
tout en le mêlant, j)uisque c'était la règle, aux héros ordinaires de
l'épopée, il l'eût montré, sans autre délai, en quête de son père et de sa
geste. Mais l'exemple et l'autorité de Boiardo, où Roger n'apparaît que
tard dans le récit, l'ont sans doute détourné du plan qui était le plus
naturel et le plus conforme à son désir de flatter l'amour-propre de la
famille délia Rovere.
Il
Tullia d'Arago7ia , Béatrice Pia dvgli Ohizzi et l'Alamaniii, d'ap
Sperone Speroni.
Dans les quelques pages où Gaspary traite de Tullia (II, p. 509-
513), il ne pouvait que mentionner brièvement le dialogue de Speroni
sur l'Amour qui est consacré tout entier à célébrer la beauté et les
mérites de Tullia-. Les interlocuteurs sont Niccolo Grazia, Tullia et
1 II fallait pour cela que Guérin vînt à son tour aux Jardins de Syivana
où est le chêne d'émeraudes chargé de glands d'or, etc. (ch. IV, oct. 38,
sq.). Syivana eût alors révélé à Guérin l'avenir de sa race {ifjid., oct. 41-42).
Pour les armoiries et le chêne symbolique, cf. I, oct. 6 ; VI, oct. 36 ;
XI, oct. 90; XII, oct. .37, 86-89, 96-97.
' Tous ceux qui dans ces derniers temps se sont occupés de Tullia
d'Aragona, ont traité du dialogue de l'amour. L'édition des dialogues de
Sperone Speroni dont je me suis servi, est celle des fils d'Aide : Dialogi
di M. S. Speroni novamente ristampati et con molta diligenza riveduti et
I DODICI GANTI 533
son amant, Bernardo Tasso, le père de Torquato. 11 est parlé d'abord
de la jalousie, parce que Bernardo est sur le i)oint de quitter sa maî-
tresse pour répondre à l'appel du pi'ince de Salerne', puis, par une
suite naturelle, l'éloge de TuUia et de Bernardo, la définition plato-
nicienne de l'amour fournissent matiôre aux discussions et aux distinc-
tions les [)lus délicates. Les opinions de Molza et de Pétrarque, et
celle dft Broccardo, véritable et folle apothéose de la courtisane en
général, sont présentées incidemment. L'attitude de TuUia est dis-
crète et modeste. On ne saurait traduire ces subtilités raffinées. Pour
ceux qui n'ont pas sous la main le volume de Sperone Speroni, je
citerai le passage qui suit l'éloge de la courtisane que fait Grazzia
d'après le Broccardo : Tullia. Queuta vostra ragione èsimile moUo aile
dipinlure, le quali noi vulgarmenle appelliamo lontani : ove sono
paesi, per H quali si vedono caminare alcune piccole figuretle, che
correctif Vinegia, 1543. M. Angelo Solerti, entre autres renseignements
qu'il avait eu robligeance de me communiquer, m'indiquait l'ouvrage de
M. Bottari : Dei dialoghi morali di Sperone Speroni, Cesena, 1878, mais
je n'ai pu me le procurer à temps.
* Les poésies de Bernardo Tasso, publiées en 1531 à Venise, lui valu-
rent la faveur de Ferrante Sanseverino, prince de Salerne, qui l'appela
à sa cour et lui constitua un revenu de 900 ducats. Il suivit son patron
dans diverses expéditions, en Afrique, en Flandres, en Allemagne. Le
prince l'autorisa à ae retirer à Sorrente pour s'y livrer plus librement à
l'étude. En 1547 Sanseverino accepta d'aller avec d'autres députés solli-
citer de la cour impériale que l'inquisition ne fût pas établie à Naples :
Bernardo l'y avait encouragé. A la suite de cette démarche, le prince
dut chercher un asile à la cour de France où le fidèle Bernardo l'accom-
pagna. Bernardo recevait de Sanseverino une pension annuelle et le roi
Henri II se montra d'abord libéral envers lui. On se refroidit néanmoins
bientôt, et la gène à laquelle il fut réduit et la mort de sa femme Porzia
de' Rossi, l'amenèrent à prendre congé. Guidubaldo II, duc d'Urbin,
l'accueillit généreusement et je vois dans les notes de Dionigi Atanagio
qu'en 1557, celui-ci fut invité par le duc et sur la prière de Bernardo, à
venir revoir VAniadis. L" Atanagio vint à Pesaro, ove desideroso con In
diligentia, et con la prestezza di sodisfare al Principe padrone e al gen-
tilhuomo a)7iic(i, facendo piu fafica, che le sue deboli forze sostener non
potevano, fu costretto da tre volte in su a giacere gravemente. Tiraboschi,
VII, p. 1228-1230, Dionigi Atanagio, de i,e Rime di diversi nohili poeti Tos-
cani, t. I, note au f. 199, a — M. Hauvette ne parait point connaître ou
admettre le voyage de B. Tasso, en France vers 1548 ; il dit en effet :
« Giovanni Rucellai en 1520, Bernardo Tasso en 1528 et en 1544, ne fai-
saient en France que de fugitives apparitions pour s'acquitter de mis-
sions spéciales. » Henri Hauvette, Luigi Alamanni. Paris, Hachette,
1903, p. XVI. Peut-être M. Hauvette en cet endroit ne pensait-il qu'au
règne de François 1"'.
234 I DODIGI GANTI
paiono huomini : ma sottïlmente considerate, nonhanno i^arte alcuna,
cke à membro tVhuomo si rassomigli. Perd io vorrei, che poste da
canto le Poésie, la servitic, la viltà, la bassezza, et la inconstantia di
questa vita, si contemplasse da voi : biasimando chi Vha per buona,
et colei (s^alcuna ven ha) iscusando, la quai, giovane, et sciocca, in
questo errore sospinta, cerca d'uscirne, quando che sia : a coloro
accostandosi, che ammonendo, et aiutando, son possenti à levarla da
cotai mlseria. Ma il Brocarda, per famore ch' egli portava à qualcK
una, b per meglio mostrare il ftore del suo ingegno, non i^er giustitia,
toise à favorir causa si dishonesta. Grazzia.. Ne vile ne bassa, non
direbbe egli la cortigiana, serva, et inconstante si bene. Per la quai
cosa, inollo piu, che per niun' allra cagione, sommamente loda, et
honora la vita sua, ag guagliandola al Sole : il quale, perch' egli sia
Dio, non sdegna ynaidi farne parte del suo splendore, noi à guisa di
balia servendo, che Vadoriamo, il quale mai non stà fernio, ne sempre
liice in un luogo, ma di continovo movendosi, et liora al tauro, et
hora al leone, et Jiora ad un altro segno aggiungendosi, l'hore et le
stagioni distinguendo, con una invariabil varietà conserva lo stato
delV universo : taie fu Sapho, taie colei, onde Socratu sapientissimo,
et ottimo huomo, d'havere, che cosa Amor fusse, imparato si gloriava.
Degnate adunque d'essere la terza in numéro, fra cotanto valore; et
di lai nostri ragionainenti, pregate A^nore che ne cornponga una
novellata : ove il vostro nome si scriva : non altramente, che ne dia-
loghi di Platone, si faccia quello di Diotima. La quai cosa, accià si
faccia con vostra gloria, insegnateci in che maniera V amante amando
la cosa amata, muova lei ad amare, et corne esser possa, che alcuna
voUa la cosa amata, amando, odii et voglia maie alV amante; percià
che cotali sententie sono grandemenle diverse tra se medesime, et
dalla comune opinione de gli huomini, et appunto hanno bisogno del
vostro ingegno, cJi essere le dimostri, à chi l'ode, (se non veroj almeno
verissimili. Tullia. Io non credo ch'' egli sia donna nata, che piu ami
di nie; et meno s'intenda de secreti d'Amore.
Malgré cette déclaration modeste, Tullia tente de résoudre le pro-
blème, et s'en tire par d'ingénieuses comparaisons : l'auiant finit par
refléter à un tel degi'é la beauté dont il est épris et qu'il ne cesse de
contempler, que celle-ci en retour s'éprend de ce qui en somme est son
image.
Le dialogue d' A more est la première, la plus riche pour le fond, la
plus variée, et, pour la forme, la plus achevée des compositions réunies
dans le petit volume qui, mieux que son théâtre, défend le nom de
Sperone Speroni contre l'oubli. La dignité soutenue du ton en un sujet
où la moindre dissonance eût détruit l'effet de l'ensemble, la vérité de
la passion, l'habileté dans la conduite de l'expression d'idées dont la
I DODICI CANTI 235
finesse va parfois presque jusqu'à l'imperceptible ténuité, la diversité
des nuances, l'enjouemont le [jIus natui oi et le plus agréable placent
cette imitation de la grande manière des dialogues de Platon au nom-
bre de ces bijoux merveilleux que la Renaissance, dans son admira-
tion tout athénienne pour la beauté, ciselait avec une ferveur que le
moraliste moderne, se préoccupant du contenu de l'amphore plus que
de la pureté de son gnlbe et de l'élégance de ses peintures, est souvent
disposé à trouver excessive. Mais l'Art n'a-t-il pas souvent raison
contre la raison ?
Le Grazzia promet àTullia qu'elle vivra toujours. « De quelle façon?»
demande-t-elle. Grazzia : « Dans les vers de Tasso, où comme reliques
dans un tabernacle, votre nom, vos louanges, vos vertus seront dévo-
tement adorés par les fidèles d'Amour ». Ces beaux esprits jugeaient
tout naturel d'élever un monument à la gloire d'une courtisane, et il
faut avouer que leur entreprise a été sanctionnée par le succès : à lui
seul le dialogue d'Amore assurait l'immortalité au nom et à la beauté
de Tullia d'Aragona.
Dans la préface où Barbaro dédie à Ferdinand Sanseverino, prince
de Salerne, l'édition des dialogues de son ami, il lui rappelle le dialo-
gue à'Amore comme savant, agréable, élégant : dotto, 2^iacevole,
élégante, s^altro si Iruova. On ne peut mieux le juger.
Sperone Speroni ne s'est [)as borné à célébrer les charmes de la
maîtresse de Bernardo Tasso. Parmi h s personnes que Barbaro, dans
sa préface, mentionne comme ayant approuvé les dialogues, l'on ren-
contre « l'illustre Béatrice Pia ». Il s'agit de Béatrice degli Obizzi, qui
figure parmi les dames auxquelles Luigi Alamanni a offert l'encens
de ses vers et d"im amour, tantôt réel, tantôt de pure convention.
Dans trois des dialogues, il est question de Béatrice Pia. Le second,
délia Dignità délie Donne, lui est tout entier consacré. Les interlo-
cuteurs sont Michèle Barozzi et Daniel Barbaro. Celui-ci rapporte à son
ami une conversation à laquelle l'Obizza a pris part et où elle a soutenu
que la dignité de la femme consiste dans la soumission à son époux.
L'entretien avait eu lieu à un moment où le seigneur degli Obizzi
devait quitter Padoue pour Ferrare où l'appelait la nécessité de sur-
veiller ses biens. En acceptant ce déplacement, Béatrice faisait un
sacrifice, car sa santé se trouvait beaucoup mieux de l'air de Padoue
que de celui de Ferrai'e : « Mais le désir de son mari et son amour poui-
lui pouvaient en elle plus que le souci de s.i personne. Pour cette
raison, comme une dame sage, ainsi placée entre le plaisir et l'ennui
de son départ pour Ferrare, elle n'est ni affligée ni contente, n
— Barozzi : -< Gela lui advient parce qu'elle est épouse, c'est-à-dire
esclave de son mari.... ■> La remarque fut faite par Brevio un soir de-
vant Béatrice elle-mérae, et ainsi s'engagea la discussion.
236 I DODICI CANTI
Dans le dialogue délie Laudi del Cathaio villa délia S. Béatrice
Pia de gli Obici, les deux interlocuteurs sont Morosini et Portia.
Pendant que Béatrice, Alamanni et Varchi se promènent ensemble,
Morosini emploie un tour ingénieux pour célébrer les mérites de Béa-
trice, tout en faisant la cour à la jeune Portia, qui de son côté paraît
disposée à bien accueillir, à l'occasion, les hommages de Varchi.
« Votre nom, dit Morosini, a été choisi par moi comme un taber-
nacle dans lequel, sur l'autel d'Amour, serait placé mon Dieu ; pour
cette raison si parfois je m'incline et vous honore, je fais (et je fais
bien) ce que nous faisons dans nos temples, où ne pouvant à toute
heure toucher ou voir les reliques des saints, nous embrassons dévo -
tement les ferrures et les marbres de leurs châsses. Donc, désormais,
acceptant mon s.icrifice, qu'il ne vous pèse point que dans le son de
votre nom, pendant que je le prononce et l'honore, mon âme consi-
dère son paradis et puisse adorer la divinité de Béatrice. » Ces com-
pliments ne satisfont qu'à demi la jeune fille qui aimerait mieux être
aimée pour elle-même, et il doit vers la fin les reprendre en décrivant
de façon flatteuse les charmes du tabernacle auquel il l'assimile.
La villa elle-même n'est point décrite. 11 est question du cours de
Bacchillone uniquement pour y trouver un prétexte à l'éloge de Béa-
trice. Les passages qui intéressent aujourd'hui sont ceux où dans
quelque mesure Alarnanui est en cause. A un moment Morosini prie
Portia do parler bas pour ne point attirer sur eux l'attention de Varchi.
Elle répond : « Varchi n'est pas tellement dépourvu de sens que son
attention, lorsqu'il parle avec la Signora et l'Alamanni, se porte à
autre chose qu'à les regarder et à les écouter. «
En parlant de ceux qui sans être beaux peuvent inspirer l'amour
par leur mérite de poètes, Portia cite Varchi et ajoute : « J'en dirais
tout autant de l'Alamanni qui, à mon jugement, est un des plus nobles
génies que j'aie jamais rencontrés. » Mais Morosini trouve l'éloge
insuffisant : « L'Alamanni n'est pas seulement poète, mais il est beau
et délicat outre mesure. Il est tel que bien qu'il mérite tout votre
amour, néanmoins, comme il est dangereux de lui vouloir du bien et
qu'en l'aimant vous éprouveriez probablement ces feux, ces glaçons,
et ces autres déplaisirs que je ressens, je vous conseille, dans votre
intérêt, de ne point l'aimer. — Portia : J'aimerais mieux un sonnet
fait à n)a louange par l'Alamanni et le Varchi que d'un prince un
présent de mille écus. »
Vers la fin Morosini essaie encore de conter fleurette à Portia, mais
celle-ci détouine la conversation et nous avons ainsi quelques détails
sur les inconvénients de la villa et l'hospitalité que Varchi et Ala-
manni y recevaient : « Il vaudrait mieux me parler des serpents et des
cousins qui rendent le Cathaio inhabitable en été, et m'expliquer pour-
I DODICI GANTI 237
quoi des bêtes aussi nuisibles et viles ont pour [lartage la compagnie
de Madame Béatrice. — Morosini : Qui sait si les cousins et les ser-
pents ne sont pas les colères et les soupirs amoureux du Bacchillone
et de la montagne, car je ne crois point que leur amour soit plus
heureux que le mien. — Portia : S'il en était ainsi, les soupirs du
Bacchillone le vengeraient fort bien de qui le fait soupirer, parce que
les cousins nous piquent d'âi)re manière et ne nous laissent point
reposer, et que les serpents, parfois, sont venus jusque dans nos
chambres : oui, avant-hier, sous le lit de l'Alamanni et du Varchi, on
en a trouvé un gi'and et horrible, et on a eu beaucoup de peine à le
tuer. Morosini : Peut-être ce serpent signifiait-il la jalousie et l'envie
que le fleuve porte aux rivaux que vous recevez ici ; peut-être vaincu
par la douceur des vers des deux poètes divins, entra-t-il dans la mai-
son pour les écouter, et ce fut péché que de le tuer. »
Le dernier dialogue a pour titre: Dialogo intitolalo Panico elBichl.
Panico, jouant aux tables avec une très noble dame, a gagné la partie,
mais ne sachant quel prix lui demander de sa victoire, il n'ose même
plus la revoir. Bichi maintient que, pour lui, s'il jouait une discrétion
avec sa dame, il n'hésiterait point à lui réclamer quelque grande faveur.
Les amants modestes aiment souvent de telle sorte qu'une dame ne
s'en doute pas. Panico résiste : il ne peut que s'incliner avec vénéra-
tion devant les vertus de cette dame comme devant les choses divines.
Ainsi la discussion se continue, les deux amis soutenant chacun sa thèse
jusqu'à la fin. La dame n'est pas nommée, mais les lignes suivantes
désignent assez une Béatrice : Panico : Al parlare, voi mostrate
sapere chi è la donna délia quale noi ragionianio. Bichi : Per certo
qualclie casa mi fo à creder di saperne, risgnardando aile Iode, che
voi le date ; le quali sono proprie d'una signora, il cui nome, non
che altro, ha vertu di far beato chi le è fedele.
Il semble évident que la seule Béatrice dont il puisse être question
ici est Béatrice Pia, l'Obizza célébrée dans les deux autres dialogues.
La part faite à Alamanni dans mon introduction à propos du manus-
crit où j'ai puisé les Dodici Canti, m'a paru autoriser ce rapide exa-
men des dialogues de Sperone Speioni où il est parlé de Béatrice Pia
et d'Alamanni qui l'a chantée. La grande dame si respectée que Spe-
rone lui consacre le dialogue sur la Dignité des Femmes et que par-
tout son nom n'est prononcé qu'avec une vénération pieuse, accueille
dans sa villa du Cathaio les poètes qui, en retour de sa protection,
célèbrent sa beauté et ses vertus, et Alamanni est du nombre. Si l'on
se reporte à ce que le dernier biographe d'Alamanni dit des relations
du poète et de Béatrice, on trouve seulement : « Alamanni la vit à
Ferrare lors de son voyage de 1539-1540; peut-être la rencontra- t-ii
encore en 1541 lorsqu'il se rendit à Venise. Nous ne savons rien de
238 I DODICI GANTI
plus sur les relations du poète et de la belle Ferraraise ; c'est à ses
vers qu'il faut demander le reste, et ce reste se réduit à fort peu de
chose*. » Je ne sais si je nie fais illusion, mais la présence de l'Ala-
manni au Cathaio, ces promenades, où avec Varchi il accompagne
Béatrice, ces entretiens dans les jardins de la villa, cette hospitalité
qui dure plusieurs jours, jusqu'à cette aventure comique des deux poètes
trouvant sous leur lit l'horrible serpent que l'on occit à grand'peine,
me paraissent nous introduire dans l'intimité du poète et de celle qu'il
honorait de ses vers. Dans ces conditions, je ne pouvais négliger d'in-
diquer une source où l'on puiserait encore avec profit, et d'apporter
une modeste contribution à l'histoire des belles dames du XVl"^ siècle
et de leurs adorateurs ou de leurs protégés.
M. Hauvette a emprunté à Benvenuto Cellini un court portrait
d'Alaraanni : era bello cVnspetlo e di proportion <ii corpo e con suave
voce'^. Sperone permet d'ajouter à ces traits, d'ailleurs si bien choisis
par le grand artiste : << il est non seulement poète, mais il est beau et
délicat outre mesure ». L'excès de beauté dont la délicatesse est un
des caractères, paraît un trait tout féminin, et le dessin de la physio-
nomie de l'aimable poète gagne sûrement en vérité à être ainsi achevé.
Le portrait que M. Hauvettiî reproduit en tête de son livre, d'après
l'édition de ÏAvarchide (1570), date évidemment de la vieillesse
1 Op. 1. p. 166. Dans les lignes qui précèdent, M. Hauvette dit : « Béa-
trice Pia, seconde fille de Lodovico Pio, était issue d'une famille prin-
cière qui, dans une résidence de troisième ordre, Carpi, avait donné à
la Renaissance quelques-uns de ses Mécènes les plus distingués. »
Cette tradition se continuait dans la famille, car je vois que l'Atanagio,
dans le commentaire de l'un de ses sonnets adressés à Ridolfo Pio, car-
dinal de Carpi, dit de lui qu'il était un des plus anciens et plus aima-
bles seigneurs et bienfaiteurs qu'il avait eus à Rome.
Telle que Béatrice nous apparaît dans les dialogues de Speronî, son
attitude tient en effet du Mécène, de même qu'il y a une nuance particu-
lière dans les louanges qui lui sont offertes. Le sonnet de Varchi que
M. H. cite page 168, après avoir énuméré en un quatrain les autres fem-
mes aimées par Alamanni, finît par une image grandiose en l'honneur
de Béatrice : De même qu'une source abondante, après avoîr embelli
tour à tour ses deux rives (ici les noms des simples mortelles),
Poscia raccolte în un sue forze al fine
Per dar suo dritto a Tetî, con dorate
Arène entra nel mar carco di prede ;
E voi raccolto ogni sapere e fede,
Neir ampio e cupo mar délie divine
Lode di Béatrice entrate.
' Op. 1. p 113.
I DODICI GANTI 239
d'Alamanni ^ : les traits sont nobles; les yeux, très beaux, grands et
doux, atténuent le caractère de sévérité qu'imprime à cette figure d'une
régularité classique le nez droit et fort qui s'était sans doute accentué
avec les années. Le charme d'une beauté délicate s'était effacé avec la
jeunesse, ce charme qui rendait, comme le dit Morosini à Portia, si
dangereux de l'aimer : cosa pericolosa il volerli bene.
Ferdinand Castets.
[A suivre).
' 0]). 1. p. 95. M. Hauvette a essayé de peindre, non seulement, la
physionomie morale du poète républicain et patriote, mais sa physiono-
mie proprement dite : « Si son visage reflétait exactement son àme, ses
traits devaient avoir une expression grave et douce, d'une gravité
qu'avaient accentuée les mécomptes et les tristesses d'une vie agitée, d'une
douceur qui était innée.... Causeur aimable dont le regard devait sou-
vent se voiler de mélancolie... ». Ce n'est pas le portrait complet d'un de
ces poètes de la Renaissance qui consacraient à l'amour une bonne part
de leur temps et de leur talent. Alamanni a aimé beaucoup et a su se
faire aimer : il plaisait aux dames parce qu'il était hello et delicato oltra
misiira. Et ses amours pour Flora, Cynthia, la Ligura planta, la Vermi-
glia Rosa, Béatrice Pia lui ont dicté tout un Cayizoniere. L'expression
mélancolique me paraît très contestable.
LES DELIBERATIONS
DU
CONSEIL COMMUNAL D'ALBI
DE 1372 A 1388
{Suite)
L'an MCCCLXXXI, a IIII de dezembre...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que Ivan de
Bearn, bastart, filh que es del comte de Fojss ', ha tramezes
dos escudiers e moss. Bertrau Frotier atn letras de cresensa
a lor ; laquai crezensa es aital que los digs escudiers han dig
als senliors cossols que lo dig Ivan los saluda e fa lor asaber
que, [en la venguda que feiro las gens d'armas que preiro,
davan Rabastenxs, Benezech e d'autras gens] ^, el e sos com-
panhos so mal a caval, quar per las guerras, seguen la def-
fensa del pays, bo aviau [jerdut; e que el lor pregava que Ihi
volguesso donar et ajudar de que pogues ajudar a si et a sos
companlios ; e que fazesso en manieira que fos lor honor e el
que ne agues profieg. E dissero maj los senhors cossols que
» h'IIist. de Lanr/. le nomme Ivain. Gaston Phébus l'aimait tellement
qu'il voulait lui laisser, à sa mort, le comté de Foix, IX. p. 961.
- Les mots compris entre les crochets sont cancellés. C'est sur ce mem-
bre de phrase que M. Gabiô s'appuie pour établir l'authen Licite du com-
bat de Rabastens. Cf. L'Albig. pend, la quer. du comte de Foix et du duc
de Berry. M. Cabié^ dans Notes et documents sur les différends des com-
tes de Foix et d'Armagnac en 1381, publiés dans les Annales du Midi
(1901 pp. 500-29) est revenu sur cette question qu'il élucide de façon
définitive.
Le Benezech dont il s'agit, plus connu sous les noms de Benezat Chip-
parel, était un chef de routiers, florentin d'origine. Cf. Hist. de Lang.
IX pp. 803, 871, 878, 891, 897.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 241
los digs escudiers lor aviau may dig e preguat que els vol-
guesso ajudar e donar al dig Ivan en manieira que lor agues que
grazir, quar el los ho poJia be servir. It. dissero may los
senhors cossols que lo dig Ivan a trainezas letras semblans a
moss. d'Albi e que els ero anatz parlar am moss. d'Albi sus
aquestas causas, et aviau sus aquo agudas motas de paraulas.
Par que los senhors cossols demandero cosselh als singulars
que fariau sus aisso. Et auzidas per los sobreescrigs las cau-
sas desus dichas, totz tengro que se mossenher hi vol contri-
buir e pagar la meitat que entra la vila e moss. d'A.lbi Ihi
dono L franxs, autramen no.
Et en après fo saubuda la voluntat de moss. d'Albi que el
ne paguera la meitat dels digs L franxs ; e fo aponchat per
los senhors cossols, atendut [lo] cosselh desus dig, que la vila
pague l'autra meitat.
L'an dessus, a XVI de dezembre..,
Sobre aisso que dissero que Hue de Laval, estan bada per
la vila, sus lo pueg de Caslucet \ era estât et encaras es près
per los Engles de las Plancas ; loqual no podia issir ses fi-
nanssa, e que, segon so que aviau entendut j>er alscunas gens,
Ihi covenia paguar raager finanssa, quar era bada, que no
feira ; et aviau sopleguat, alsculs amicxs del dig Hue, que,
per amor de Dieu, hom Ihi vuelha ajudar a paguar sa finansa.
Per que demandero cosselh los senhors cossols als singulars
que deviau far sus aquo. Et auzidas per totz los cossols e sin-
gulars las causas sobredichas, totz tengro que, atendut que,
estan bada el avia près aquel dampnatge, et que creziau que
Ihi calgues far major finansa que no feira, tengro totz et
acosselhero que la vila Ihi ajudes delters de sa finansa.
L'an MCCCLXXXI, a XIX de dezembre...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que Bertran
de Baretge ^ capitani de alscunas gens d'armas dels Poissenxs,
1 Caslucet, qu'on écrit encore Gaylucet, aujourd'hui Gariucet, est aux
portes d'Albi. Ce détail montre l'audace des Anglais.
^ UHist. de Lang. est muette sur ce capitaine fuxéen. Nous verrons
(délibér. du 12 févr. 1382 nouv. sty.) qu'il tenait garnison à Paulin, dans
le voisinage même de St-Jean-de-Janes.
16
242 DÉCEMBRE 1380-JANVIER 1381
lor ha trameza una letra en laquai lor escriu que el es en lo
pays, am sas gens d'armas, per gardar lo pays de las gens
d'armas, las[quals] so Engles segon que ditz, que au près lo
loc de Jenas ', e que els hau mestiers de vieures, e que Ihin
vuelho donar afi que non ajo razo de far autres dampnatges
per lors vieures, Per que demandero cosselh quen fariau.
Sus aisso totz tengro que hom Ihi done una pipa de vi e XXV
Ibr. de candelas de seu.
L'an MCCCLXXXI, a V de jenoier. . .
Sobre aisso que aissi fon dig que Mondi Gasc avia bailat en
paga al filh del senher de Lescura lo loc de la Rajnaudia ^,
e que lo filh del dig senher de Lescura hi volia mètre alscu-
nas gens d'armas ; et era estât mogut que, entre las gens del
comtat de Lamarcha ^ e de esta vila paguesso lo pretz per
que lo dig loc era estât bailat al filh del [senher de] Lescura,
e que esta vila pagues lo ters, e que en après lo dig loc se
deroques e que de la terssa part e de la materia esta vila se
pagues de so que hi auria paguat ni prestat. Per que deman-
dero cosselh los senhors cossols als singulars que s'en deuria
far. Sobre [aquo] totz tengro que non hi mezes hom denier,
quar pro avia la vila d'autras bezonhas.
L'an dessus, a VI de jenoier...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que, coma lo loc
de la Raynaudia fos estât bailat en pagua ad Escura per la
soma de 111'= francxs, et lo dig Escura lo volgues bailar ad
alscunas gens d'armas, segon que era estât reportât ; e las
gens del comtat de Lamarcha ne aguesso aguda sentida ; e
vezen perlas dichas gens del comtat que, se en lo dig loc se
metiau gens d'armas, pogra esser gran dampnatge del pays,
aviau fag dire als senhors cossols que els volguesso prestar
• Aujourd'hui St-Jean-de-Janes, comm. de Paulinet, cant. d'Alban,
arr. d'Albi. La prise de ce fort doit donc remonter à la première quin-
zaine de décembre.
2 II existe aux environs d'Albi deux lieux dits de ce nom. Le fils du
seigneur de Lescure Sicard III était Jean.
3 C-à-d. le comté de Castres. Bouchard VII était comte de Castres et
de Lamarche.
\
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 243
los digs C franxs, que la terra de Lamarcha pag-uera lo de-
rnoran entro la soma dels di^s IIIc franxs, \)ev laquai soma
lo dig Escura volia donar e bailar a las gens del dig eomtat
lo dig loc de la Raynaudia '. E per so los senhors cossols de-
mandero cosselh als singulars quen fariau. Et auzidas per
totz los sobredigs las causas dessus dichas, totz dissero e
tengro que lo loc d'esta vila es tant afazendat que non poiria
prestar I d. ; per que hom no lor preste ponh.
L'an MCCCLXXXl, a VII de jenoier...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que lo ves-
conite de Paulinh lor avia tramez unas letrasclausas per las-
quais lor fazia saber que el avia tuestiers de balestiers e de
artilharia ; per que lor pregava que Ihin volguesso prestar
IIII balestiers XV jorns, e may una caissa d'artilharia, Per
que demandero cosselh los senhors cossols que fariau sus
aisso. Et auzidas per los sobredigs las causas dessus dichas,
totz tengro que, atendut que los balestiers e l'artilharia fa be
mestiers per la defFenssa de la presen ciutat, (que) hom no
Ihin baile pong.
L'an MCCCLXXXl, a XVIII de jenoier...
Sobre aisso que aissi fon dig per los senhors cossols que a
lor era estât mogut per alscus se fora expedien que hom ânes
a Carcassona sus aquo que los senhors de Carcassona aviau
escrig per letras que los capitols de Tholosa et els ero prestz
de anar al rey, aissi coma era estât aponchat al cosselh dariei-
ramen tengut a Mazeras per los cornus, per explicar al rey los
dampnatges quesufertalo pays, e se los senhors cossols d'esta
vila hi voliau anar ni traraetre, (|ue s'en aparelhesso e que la
anesso ; e quant hom séria a Carcassona hom ubris se séria
expedien que moss. d'Albi la ânes per los comus coma aquel
que auzaria miels dire totas causas al rey et a moss. d'Anjo
que I autre. Per que los senhors cossols demandero cosselh
als singulars que séria sus aisso expedien de far. Sus aisso
1 11 est utile de savoir que St-Juéry, dont le lieu de la Raynaudié est
voisin, faisait partie du comté de Castres. C'est ce qui explique l'im-
portance des sacrifices consentis par le comté.
244 FÉVRIER 1382
totz tengro, atendut que la vila d'Albi es vesina e propdana
dels comtes d'Armaiihac e de Fojss, e que tais causas se poy-
riau explicar al rej, que se la presen ciutat era en causa de
trametre ne poiria aver gran malvolensa, e per consequen
sufertar grans dampnatges, e que aitant be se fara ses nos que
am nos, totz tengro que hom non hi ane ni lu trameta. It.
dissero may les senhors cossols que els aviau a segre, e nom
de la presen universitat, e far motas de bezonhas coma a la
liligi dessus [d'ei dig G™ Colobres] e d'autres, et a la repara-
cio de la muralha et a pagar badas e motz d'autres despens
que covenia far per lo profieg e garda de la dicha universitat
e que els non au denier de que ho fasso ; per que dissero de
que ho fariau. Sus aquo totz tengro que se lève e se empauso,
per segre e far las causas desus dichas, XXX cornus, losquals
aqui meteiss los senhors cossols, am cosselh e voluntat dels
singulars, (aqui meteiss) empausero.
L'an dessus, a XII de febrier...
Sobre aisso que aissi fon dig per los senhors cossols que Ber-
tran de Baretge, capitani de las gens d'armas que so a Pau-
linh, avia trameza una letra clausa als senhors cossols en
laquai lor escriva que el avia estât en !o dig loc, am sos com-
panhos per gardar que los enemicxs del rey nostre senhor no
coreguesso ni raubesso lo pays, e que, de aitant coma hi avia
estât, negus non avia donat dampnatge en esta vila ; e que el
ni sas gens no podiau pas estar aqui per gardar lo pays ses
qualsque cortezias que lo pays Ihi fassa de que vins ; per que
lor pregava que els Ihi volguesso donar e far qualque plazer,
afi que poguesso miels defFendre lo pays. E sus aquo los sen-
hors cossols demandero cosselh que fariau sus aquo. Et auzit
per los cossols e singulars las causas desus dichas, totz tengro
que hom Ihi donc doas pipas de vi e I cartairo de candelas de
seu.
Aissi es lu letra que fn autriada a Johan Dommainil,
al[ias] lo Moyne, juponier.
Sapian totz que l'an MCCCLXXXI, a XIIII del mes de
febrier, fo acordat entre los honorables senhors m^ Bernât
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 245
LoDC, Ar. del Port, Frances Donat, Isarri Redon, R. Vidal,
P. Soelli, P. Isarn, Johan del Pueg, cossols de la ciutat d'Albi,
per lor coma cossols e per los autres senhors cossols lors
companhos, e per tota la universitat de la présent ciutat, d'una
part, e Johan Donmainil, juponier, d'autra; que lo dig Johan
Donmairiil fos e sia per totz temps may d'aissi avan, tant que
viura, veray babiran e ciutada de la dicha ciutat, am aital
condicio que los senhors cossols del dig loc devo tener quiti
lo dig Johan de totz cornus e talhs que so estatz empausatz
saentras, ni se empausariau d'aissi avan per l'espazi de dos
ans propda venens, comensans lo premier dia del mes de
mars propda venen, per los senhors cossols del dig loc, de la
testa de si e de sa molher e de totz sos bes mobles, seno que
conquistes possessori penden lo dig terme, per loqual possessori
fos tengut de paguar, coma I autre talhiable per lo dig temps
que lo tenria, a totz los cornus e talhs que se empausariau
per tôt lo dig temps. E non re mens sia tengut lo dig Johan
de gardar e gachar, de nuegs e de dias, d'aissi avan, en la
presen ciutat coma I autre veray habitan e talhiable de la
dicha ciutat E se cas era que ]o dig Johan s'en ânes, penden
lo dig terme o aorep, per mudar son habitacio en autre loc
foras de la presen ciutat, que en aquel cas fos tengut de
pagar, per sa persona e per sos bes mobles e no mobles, totz
los cornus que seriau empausatz del dia presen tro lo jorn que
s'en anaria. Et en aissi ho promes lo dig Johan, juran sus los
S. de Dieu Evangelis de ssa propria ma drecha corporalmen
tocatz. Et en testimoni de las causas dessus dichas, los sobre-
nompnatz senhors cossols, e nom que dessus, autriero aques-
tas presens letras, del sagel del dig cossolat sageladas, escri-
chas ad AIbi, de la ma de mi G™ Prunet, notari del dig loc,
de voluntat de las partidas desus dichas, Tan el dia dessus, en
testimoni d'en Galhart G-olfier e d'en Peire Clergue d'Albi *.
1 II est intéressant de comparer cette charte de bourgeoisie avec celle
dont M. Ch. Portai donne une reproduction phototypique dans son
Histoire de la ville de Cordes. Les consuls de cette localité s'engagent
seulement à assurer le plein usage de leurs coutumes et à prendre fait
et cause pour le sollicitant. La charte de bourgeoisie d'Albi est, comme
on le voit, beaucoup plus large.
246 FÉVRIER-MARS 1381
L'an dessus, a XXI de febrier...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que, en aquesta
sepmana, lo senher de Venes ' avia tranaezas très lettras, una
als senhors cossols, autra a m° d'Albi, autra al capitol de S'*
Cezelia, en lasquals en effieg se contenia que el avia pessada
una via per la quai Ihi semblava que, se los cornus de la viga-
ria e del comtat e las gens de la glieia hi voliau socorre, los
enemicxs del pays que teno occupât lo loc de Jenas s'en ana-
riau ; e que els volguesso anar o tremestre, dimergue propda
venen, a Rialinon, en loqual loc foro los cossolatz del comtat
e las gens del comte de Lamarcha e del avesque de Castras ',
per penre provisio e donar cosselh sus la dicha bezonha ; e
que sus aquo era estât aponchat que los senhors cossols hi
tramezesso I o dos bos homes. Per que dissero que els no
trobavo negus que hi volgues anar seno al perilh e despens de
la vila ; per que ordenesso quai volriau que hi anaria ni se
aquel ho aquels que hi anariau hi anariau al despens e péril
de la vila. Sus aquo tots tengro que razo era e que ad els pla-
zia que los senhors cossols hi trameto aquel ho aquels que lor
plazera al perilh e despens de la vila.
L'an MCCCLXXXI, a II de mars \..
Sobre aisso que, coma moss. d'Albi agues azempratz los
senhors cossols, coma cossols, que els Ihi prestesso Il«
franxs, el lor assignaria de bos deutes de que los cobrariau.
Per que dissero los senhors cossols als singulars e demandero
cosselh quen fariaue, se Ihin diziaud'oc, d'on los auriau, quar
els non aviau I d. Sobre aisso totz dissero et acosselhero que
hom Ihin disses d'oc, atendut que hom trobava hom que los
1 Philippe. Ce seigneur joua un certain rôle dans la querelle du comte
de Foix et du duc de Berry. Son alliance avec le premier valut à Gaston
Phébus la soumission de toute la partie de l'Albigeois située au sud du
Tarn (Hist. de Lang., Hist. des Lang . IX. p. 894, note). Philippe était
fils d'Isarn et de Jeanne de Laroche. Il était mineur en 1355; en 1364, il
épousa Marquise de Lomagne et mourut en 1402. Cf. Le Château de
Venés, dans Rev. du T. Il p. 134.
^ Le siège était alors ocuppé par ElieN. de Donzenac (1380-1383).
3 En marge on lit : A quest cosselh fo escrig a relacio d'en P. Clergue,
thesourier. Cette délibération fut prise dans la salle capitulaire du cha-
pitre de S' Salvi.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 247
prestera e preira en paga los deutes que moss d'Albi volia
bailar ; mas que hom Ihi dones per sos trebalhs II s. par Ibr.,
que so XX Ibr; loqual home era G™ Condat.
L'an dessus, a III de mars...
Sobre aisso que dissero que lo senhor de Venes era vengut
en esta vila et avia dig a moss. d'Albi, al capitol et als senhors
cossols que, vezen que los Eagles que teno lo loc de .Jenas
dono grand dampnatge al pays, el avia agut tractamen am las
gens del comtat e d'autras de la vigaria d'Albi que hom fezes
certas gens d'armas am que hom vis se los ne pogra gitar ;
lasquals gens Ihi aviau repost que els hi contribuiriau volun-
tiers se lo loc d'Albi e la vigaria hi volia[u] contribuir; per que
avia pregat,lo senher de Venes, als senhors cossols d'esta vila
que hi volguesso contribuir. Per que demandero cosselh los
senhors cossols als singulars se hi contribuiriau ; losquals
respondero que no voliau que hom hi ajudes de I d., seno que
hom agues licencia del rey o de son loctenen.
L'an dessus, a XV de mars...
Sobre aisso que lo senher de Venes demandava als senhors
cossols d'ilbi IX gros per fuoc que dizia que dévia hom donar
e pagar a las gens d'armas que ero estadas ordenadas per
mètre lo seti a Jenas; quar, segon que dizia, los autres locxs
del comtat de Castras e de la vigaria los aviau pagatz. E sobre
una demanda que fazia I home d'armas de Jenas de VI franxs
que dizia que Ihi dévia G™ Gautbert per fermanssa que avia
fâcha per Peire de Causac ; losquals dizia que hom Ihi fezes
paguar, ho autramen el no douera dampnatge a la vila. Fo
aponchat per totz los sobre escrigs que hom no dones re al
senher de Venes per razo del digs IX gros per fuoc, quar
moss. de Barri avia mandatz los comus per mètre provisio al
regimeii del pays; e que G°> Gautbert trameta, a son despens,
a Jenas per acordar sus la demanda dels digs VIfranxs, en tal
manieira que la vila non puesca penre dampnatge.
L'an dessus, a XVIII de mars \..
Sobre aisso que aissi fou dig que moss. d'Armanhac deman-
' Fin marge on lit ; Aquest cosselh fo escrig a relacio d'en P. Clergue,
ihesaurier.
248 MARS-AVRIL 1382
dava que la vila Ihi pagues II«XLVIII franxs per I franc per
fuoc per una assignacio a luj fâcha per moss. de Berri. Fo
aponchat per totz los sobreescrigs que hom trameta una letra
de escuza al dig moss. d'Armanhac en que Ihi fassa hom sa-
ber que d'aco maj non ausitn parlar ni jamay non hi cossen-
tim ; e que en esta vila non ha mas VIP^ fuocxs; et otra
aquo que hom trameta a Carcassona per saber la vertat, e
que escriva hom a m''^ Arnaut Paya que nos escuze al dig
moss. d'Armanhac, e que hom escriva a m** G" Chatbert que
era a Bezers que hi meta lo melhor cosselh que poira, e que
hom sapia am Rialmon el am Castras eossi s'en regisco.
L'an dessus, a XXIIII de mars...
Sobre la demanda que faziau las gens d'armas que teniau
lo loc de Tersac ^ per lo comte de Cumenge desquais ero
capitanis Johan Guiot e Johan de Vilanova *, que demandavo
que la vila d'Albi lor dones viures. Fo aponchat per totz los
sobreescrigs que hom lor dones aitant coma la vila avia pré-
sentât a Bertran de Baretge, capitani de la establida de Pau-
linh, so es asaber doas pipas de vi e I cartairo de candelasde
seu.
L'an MCCCLXXXII, a II d'abril...
Sobre aisso que dissero que moss. Bertran Frotier ^ era
vengut en esta vila parlar am los senhors cossols alsquals avia
dig, per manieira de cosselh, que el se duptava que la presen
ciutat elshabitans d'aquela presesso dampnatge gran per razo
quar hom reculhia en la dicha ciutat las gens d'armas que
estan al loc de Tersac, que ero enemicxs de moss. de Foiss ;
e que el avia entendut que se hom los reculhia plus que lo
loc d'esta vila fora coregut per los Foissenxs e dampnegat ;
mas que acoselhava que, ad evitar aquel dampnage, (que)
hom no permezes que negun home d'armas ni de companhas
d'aquels de Terssas ni d'autta part, sian Foissenxs ho Ar-
manhagues, intres dins esta vila, mas que se voliau neguna
' Gant. d'Albl, à 5 kilom. de cette ville sur le Tarn.
2 Du parti des d'Armagnac.
^ C'était le sénéchal du comte de Fois à Lautrec.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 249
autra causa d'esta vila, que hom loi* ne fezes aver per lor
argen, e que lor ho bailes foras la vila e que no sa intresso
pong, It. dissero maj que Pei'sona, que derriora al loc de Flo-
rentinh ', volia dampnejar esta vila e las gens que hi so per
merca que demanda per so fraire, que ditz que fo près per
los Armanhagues et aprionat e menât en esta vila, e le aviau
fag fiuar, estan en la |)resen ciutat e que so que enten a
demandar, el se era ufert de far so que moss. Bertran Fro-
tier ne ordenaria. It fo maj dig que alscunas gens aviau
reportât que moss. d'Armanhac volia venir en esta vila e, se
venia, se hom lo laissara intrar. it. fo maj dig que fraire
Amaniau, governador [de] l'aveseat per moss. d'Albi, avia dig
que G™ Colobres se era rancurat a luy, dizen que los seuhors
cossols Ihi passo los covienhs que Ihi aviau de tener quiti dels
comus entre lo jorn que fo acordat que revendes la renda
que avia sus la vila; e que lo dig fraire Amaniau acosselhavo
que dreg ihi fos fag e que se mezes en via d'acordi. It. avia
maj dig lo dig fraire Amaniau que lo débat que es entre
moss. d'Albi e la vila per las taulas del mazel novelamen
fâchas, (que) se acordes afî que la vila uonagues questio ni plag
am moss. d'Albi. Per que demandero cosselh los senhors cossols
als singulars que feiro sus las causas dessus dichas. E sus
aquo fo aponchat et acosselhat que expedien era que hom
seguis lo cosselh del dig moss. Bertran Frotier sus aquo que
ditz que no sa intro ne Foissenx ni Armanhagues, mas que so
que lor fara mestiers de la vila, lor fassa hom aver per lor
argen deforas la vila. Quant a'n aco de Persona, tengro que,
puejs que el ho vol mètre en moss. Bertran Frotier, que
aitant be ho hi meta la vila e que se acorde, quar miels séria
que, se covenia a far, (que) la vila Ihi dones qualque causa,
al mens que hom poiria, que se las gens ne prendiau damp-
natge, quar I home ho poiria tôt pagar e maj. It. sus aquo
de la intrada de moss. d'Armanhac, totz tengro que se moss.
d'Armanhac ho de Foiss voliau venir en esta vila amiablamen,
ses armas e ses autras gens d'armas, que hom lor fezes tôt lo
plazer que hom lor poiria far; mas se far se podia, per neguna
via, teniau maj aprofechable que no sa intresso, quar perilh
' Gant, de Gadalen, arrond. de Gaillac.
250 AVRIL 1382
era que, per aitals intradas, lo loc presen s'en perda. It. sus
aquo d'en Colobres e de las taulas tengro que se acorde al
miels que acordar se poira.
L'an dessus, a VIII de abril. G™ Blanc e P. Albert, juratz
de la ciutat d'Albi, feiro relacio que els ero auatz vezer,
de mandamen dels senhors cossols del dig loc, I débat
que es entre R. Sivalh, de una part, e B, Rata, d'au-
tra, de una paret que es entre II airals que so sobre S. An-
ton!, losquals so, la I del dig R. Sivalh, e l'autre del dig B.
Rata, que sténo, so es asaber aquel del dig B. Rata am Fort
de Jacme Miquel et am lo cami oominal ; e aquel de R. Sivalh
te se am la voûta ({ue va vas la Greba del lop et am la carieira
cominal : en laquai paret lo dig R. Sivalh, afferman que era
sua, diss que lo dig B. Rata donava gran darapnatge. E sus
aquo los digs juratz, segon que dissero, ero anatz, a requesta
del dig R. Sivalh e de mandamen que dessus, sus lo dig débat
e reconogro que tota la dicha paret era del dig R. Sivalh, e
que lo dig B. Rata avia fossa e curada la dicba paret al pe,
per l'espazi de II canas o may, davas la paret del airal del
dig B. Per que ordenero e dissero que lo dig B. Ihi causse e
Ihi fassa caussar la dicha paret descaussada, de terra e de
peira, en tal manieira que esta en segur, et aquo al propri
des(pes)pens del dig Bernât, e que d'aissi avan lo dig B. no
deia cavar lo pe de la dicha paret.
L'an dessus, lo mecres a XXIII d'abril...
Sobre aisso que aissi fon dig per los senhors cossols que las
gens d'armas Foissenxs aviau ademprat(z) lo loc d'esta vila
que hom lor fezes aver viures per lor argen. It, dissero maj
los senhors cossols que a lor era estât reportât per aiscunas
gens que Persona se volia perfossar a donar dampnatge al loc
et a las gens d'esta vila e levar merca per aiscunas querelhas
que fa per so fraire, contengudas en lo cosselh tengut a II dias
d'aquest presen mes. It. que hom dones e fezes qualsque ser-
vizis a las gens que teno lo loc de Tersac K It. dissero may
1 Terssac venait d'être pris par les gens d'armes du comte de Foix;
il faut sans doute placer au 20 ou au 21 la prise de celte localité. Le
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 251
que a lor era estât reportât que los Foissenxs voliau requerra
lo loc d'esta vila que hom gites de la vila B. de Bordas e G™
Guitbert, quar so Armanhaguezes, dizens que els lors procuro
dampnatge. It. dissero maj que a lor era estât reportât que
Isarn Ebral se perforssava de mètre en coratge a las gens
d'armas dels Foissenxs de corre sobre esta vila, quar la vila no
paga los VIII<= franxs que so degutz a so fraire [)er la renda
que avia en esta >ila. Per que demandero cosselh los senhors
cossols aïs singulars cossi s'en regiriau. Totz tengro que hom
lor fassa aver viures per lor argen. Quant a'n aco de Persona,
tengro totz que, atendut que es home desrazonable e poiria
donar e /ar subdamen gran dampnatge, non obstan que la
vila nolh aja negun tort, (que) veja hom se se poira tractar am
Persona, que hom Ihi doue qualque causa, no fazen mencio
d'aquela merca ni de sso que demanda, mas afi que demore
amie de la vila e non hi fassa ni hi procure negun dampnatge,
e que Ihi sia donat so que los senhors cossols conoisseran ; e
se causa era que lo dig Persona demandes causa trop exces-
siva que en aquel cas hom trameta a moss. de Foiss, sople-
gan que, en aquo et en las autras causas, nos done remedi que
sas gens no nos dam[)nejo, e Ihi diga hom ho ihi fassa saber
que se lo dig Persona ho autres se rancuravo de la vila d'Albi,
que la vila ne estara a sa conoissensa. It. sus aquo de donar a
las gens que teno de presen lo loc de Tersac, tengro que hom
no lor done encaras neguna causa. It. sus aquo de Isarn
Ebral, totz dissero que no creziau que lo dig Isarn sia tan nessi
que fezes ni procures aquo ; e sus acjuo no fo fag autre apon-
chamen. It. sus aquo de gitar foras de la vila B. de Bordas e
G"" Guitbert, totz tengro que non es fazedor, ni d'aquo no los
deu hom auzir, quar en cas semblan, poiriau far las gens
d'armas dels Armanhagues d'autres homes que demoro en
esta vila que se dizo esser Foissenxs, e se aquo se fazia, la
vila se poiria despopular de gens ; per que no se deu far.
L'an MCCCLXXXII, a XXVII d'abril...
Sobre aisso que los senhors cossols dissero que lo senher del
22 avril, en effet, la ville paya du vin donné à Bertrand Frotier qui
venait du siège de Terssac. Comptes consulaires de 1382, CG. 156.
252 MAI 1382
Castelar de la garniso de Tersac, avia mandat als senhors
cossols d'esta vila que la vila lor dones viures per las gens
que aviau près lo dig loc de Tersac. Sus aquo fo aponchat que,
quant a presen, no lo fo res donat.
L'an dessus, a I de maj...
Sobre la cavalgada que aviau fâcha las gens d'arraas de la
garniso de Tersac quant preiro P. Olier, mazelier d'Albi, e
d'autras gens d'esta vila. E fo aponcliat que hom escriva a
fraire Amaniau que era anat al comte de Foiss per expliquar
ganre de greugz que las dichas gens d'armas faziau et enten-
diau a far contra la vila d'Albi, e que hom Ihi mande la dicha
cavalgada el dam{)natge que aviau donat e que ho diga al dig
comte de Foiss ; et issamens que hom ne escriva al dig moss.
de Foiss que hi vuelha remediar, e que lo gardia de fraires
menors ane a Tersac per parlar am las dichas gens d'armas et
aver siguranssa de lor a II bos homes que puesco anar e tor-
nar pertractar am lor sus las causas que entendiau demandar
a la presen ciutat ; losquals dos homes foro Frances Picart e
Miquel Hugat.
L'an dessus, a II de raay. . . .
Sobre aisso que, coma P. Olier e d'autres homes e bestials
d'esta vila fosso estatz preses et aprionatz perlas gens d'armas
de moss. de Foiss que estau a Tersac, fo aponchat que hom lo
seguis e lor tractes lors finanssas ; lasquals finanssas se
paguesso de lors propris bes, e que Frances Picart e Miquel
Hugat ho seguisso.
L'an dessus, a III de may. . .
Sobre aisso que P. Olier dizia que el era estât aprionat per
las gens d'armas que ero en establida en lo loc de Tersac per
moss. de Foiss, per la merca que demandava Persona a la vila
d'Âlbi, am loqual avia finat lo dig P. Olier a VP^ franxs et
una quantitat de viures, los(|uals dizia que la vila Ihi dévia
setisfar. Fo aponchat que lo dig P. Olier pague sa finanssa de
SOS propris bes ; et en cas que la vila fos tenguda al dig Per-
sona de so que demandava a la vila, que en aquel cas la vila
ne sia tenguda al dig P. Olier. It. fo may aponchat per totz
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 253
los sobreescrigs que dels viures que lo dig P. Olier els autres
prioniers que ero estatz aprionatz per las dichas gens d'armas,
que la vila lor hi ajude de doas pipas de vi e de detz sestiers
de sivada ' .
L'an dessus, a XIIII de ju'.h... ^
Sobre aisso que aissi fon dig que lo Pauco de Lantar, que
demora capitani per moss. de Foj^ss en lo loc de Tersac,
avia mandatais senhors cossols que Ihi pretesso una bombarda
garnida de polveras. Per que deraandero cosselh los senhors
cossolhs als singulars quen fariau. Sus aquo totz tengro et
acosselhero que hom no Ihi trarnezes pong la dicha bombarda
ni las polveras, quar en esta vila era grandamen necessaria.
L'an dessus, a XIII de may...
Sobre una letra que avia trameza lo senher de Venes que hom
Ihi pagues IX gros per fuoc que dizia que ero estatz ordenatz
per pagar a las gens que deviau mètre lo seti a Jenas ; e coma
d'aisso agues d'autras vetz escrig et hom Ihi agues fâcha res-
postaquehomno Ihi avia re promes,per sso Ihin pagariadenier;
e coma G™ del OLer e d'autres d'esta vila passes a Venes am
bestias carguadas de mercadarias, e lo dig senher de Venes
las agues presas de fag per la demanda que fazia dels digs IX
gros per fuoc, fo aponchat que iiom Ihi escriusses que el redes
aquo que avia près de las dichas gens, atendut que lo loc
d'esta vila no Ihi avia re promes, e que hom requeregues la
cort del rey quen fezes enformacio.
L'an dessus, a XXX de may...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que P, de Sas
Ribieiras, que esta en establida a Paulinh " ; lor avia escrig
» Le 10 mai, le Conseil vota 20 francs pour participation à la finance
d'Olier et de ses compagnons.
* La délibération qui précède et celle qui suit sont du mois de mai. Il
y a donc erreur, non de date, mais de transcription. Le secrétaire de la
maison commune rédigeait les délibérations sur feuille volante, puis les
transcrivait sur le registre.
* Capitaine inconnu. Nous allons voir qu'il était sous le commande-
ment de Pauco de Lantar. Il était donc Fuxéen.
254 JUIN 1382
que Ihi volguesso donar certas provesios de vi, de farina, de
carn salada et d'autras cauzas, o miels es speciôcat en las
letras que sus aquo lor avia tramezas, autramen no se poirau
tener que no se avitalhesso dels bestials qne trobariau d'Albi.
It. aviau maj receubut autras letras del Pauco de Lantar en
que lor escrivia que Bernât de Bordas • era son prionier e que
el Ihi avia donada la fe, e sus aquo s'en era anat ses sa licen-
cia; per que demandava que Ihi fos relaxât Po aponchat que
hom escriva al Pauco que, atendut que quant la vila donec a
luy et a sos companhos, estans en lo loc de Tersac, darieira-
men, dels viures, els promeiro tener segurs la villa d'Albi e
las gens d'aquela; que el aja a mandar al dig F, de Sas Ribiei-
ras que no nos done negiin dampnatge ni no nos demande re.
Quant d'aco de Saliers*, que hora Ihi escriva que los cossols
d'esta vila non au neguna juridiccio ni poder de relaxar negun
home.
L'an dessus, a IX de jun...
Sobre aisso que lo Pauco avia mandat als senhors cossols
que els fezesso paguar I escudier de sa companha de très
francxs que Ihi dévia I macip que era près en la cort del rey,
autramen el ne lèvera merca sus la vila.E sus aisso fo dig que
lo dig massip era foras de la dicha cort et esta va en la presen
ciutat, mas raay era expedien que la vila pagues los digs très
francxs que se ne era correguda ni ne levabo merca; per que
fo a[)onchat que la vila lors pagues e que entretan hom vis se
hom los poiria cobrar del dig masip.
L'an dessus, a XVIII de jun.,.
Sobre aisso que fo dig que lo Pauco de Lantar amenassava
totjorndefar guerra en esta vila, segon que per alscunas
gens era estât reportât. It. cossi regiria hom de saber las
cauzas aponehadas al cosselh de Limos e de Cabestang tengut
per los comus ^. It. cossi se regirau sus la relaxacio fâcha per
' C'est le personnage dont les Fuxéens demandaient l'expulsion d'Albi.
Cf. délibération du 23 avril 1382.
* Surnom de Bernard de Bordes.
^ Les communes étaient assemblées le 30 mai ; dans cette réunion inter-
vint un accord entre les trois sénéchaussées. On voit qu'Albi n'y avait
pas envoyé de délégué. Cf. bist. polit, et adm., p. 676.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 255
las gens de moss. d'Albi de Hobat. Fo aponchat, quant a'n
aco del Pauco que, afi que sia may aimable a la vila, (que) hom
lo servisca d'aucatz e de galinalz. Quant ad aco del cosselh,
fo aponchat que hom trameta a Beze[r]s per saber lo apon-
cliameu del cosselh tengut a Cabestaiih. Quant de la relaxacio
de Obat que hom s'en apele.
L'an dessus, a XXIX de jun...
Sobre aisso que aissi fon digque lo vescomte dePaulinh avia'
escrig als senhors cossols que els Ihi volguesso ajudar e donar
doas pipas de vi e XII Ibr. de cera obrada. Fo aponchat que
la vila Iho done, mas que ho trameta querre.
L'an dessus, a IX de julh, los senhors M^ Helias de Vesplau,
M*" B. Lonc, Isarn Redon, P. Soelh, R. Vidal, P. Isard,
M*" G" Chatbert, Frances Donat, Johan Golfier, Johan del
Pueg, cossols, tengro cosselh am los singulars que s'ensego,
am :
en Galhart Golfier. NoBertranGarrigas,Guirautde Labroa,
P. del Noguier, Duran Daunis, No Sicart Nicolau, Brenguier
de Varelhas, No Emeric Fabre, NP Johan Duran, No Bertran
Prunet, Johan Rofiac, No R. de Montelhs, Domenge de Mon-
nac, G"" Montagut, P, Vinlias, B. Esteve, especier, No Felip
Vaissieira, G™ Rofiac, No G™ Senhe, No Ar. Blanquier,
M" Azemar Grasset, No Pos Galaup, Pos Picart, Pos Renhas,
B. Col, Ar. Azemar, No Johan Artois, Lombart Segui,
M" Johan Augier, P. Maestre, No Frances Gui, No M" Isarn
de Rius, Dorde Komanhac, R. Vinhal, No P. Boyer, No G"
Condat, B. Esteve, Hug Viguier, R. Imbert, No Johan Pa-
raire, M* Dorde Gaudetru, Jolian Bélier, No B. de Brinh,
No P. Olier, P.delSolier, Berthomieu Gausit, No G» Valeta,
Johan Guilabert, No P. Costa, No G"' Alric, G" Brandier,
No R. Roquas, Johan Jorda, No Johan Ros, No G™ Fontanier,
No R. Massabuou, P. Sabaiier, G"» Isalguier, Johan Pradier,
R. Robi, Guiraut Marti, Frances Picart, No Ar. Arufat, B.
Andral. Johan Segui, M^P. Rigaut, Sicart Lobat, Johan Mathiu,
No Johan Cambares, No P. Paraii-e, P. Giri.
Sobre lo débat que G"" Colobres avia am la vila de sso que
dizia que la vila Ihi dévia quitar totz los talhs que poiria dever
tro lo dia que fe la reira venda de la renda. Totz los sobres-
256 JUILLET 1382
crigs que no so ponchatz al cap : No, volgro que lo dig débat
se acordes, els autres en que ha eserig al cap : No, dissero
que hom Ihi fassa razo et el a la vila. It. d'aquels que se teno
greugatz del aliuramen del moble novelamen fag, fo aponchat
que les senhors cossols, una essemps am los aliurados, ho
répare.
L'an dessus, a XXV de julh. . ..
Sobre aisso que aissi fo dig per los senhors cossols que lo
Pauco de Lantar lor avia trames, lo dia presen, I escudier,
companli seu, am una letra de crezensa, laquel crezensa es
aital, so es asaber que lo dig escudier diss que lo Pauco pre-
gava als senhors cossols d'Albi que Ihi volguesso donar lo rossi
maurel del coUector del Papa que es ad Albi. Per que deman-
dero cosselh que fariau sus aquo. Et auzidas las paraulas
dessus, totz tengro que atendut que el a soen preses ganre
d'autres plazers e servizis de la vila, e que, qui Ihol donava,
poiria tornar en prejudissi de la vila, quar covenria per aven-
tura que hom ne dones en autras partz, totz ho la majer par-
tida tengro que hom nolh done re.
L'an dessus, a XXX de julh. . .
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que non ha gajre
que lo Paucolor avia escrig una letra de cresensa. aissi coma es
explicat al cosselh contengut en aquest libre, tengut a XXV
d'aquest presen mes, de que encaras no Ihi avia hom fâcha
neguna resposta, et aras, lo dia presen, el avia trameza P
autra letra en que raandava que el se miravilhava que hom lo
preses tant pauc que de so que el avia mandat no Ihi (Ihi)
agues hom fâcha resposta, e que hom lolh fezes, lo dia presen.
Dissero may los senhors que a lor semblava que, segon la
ténor de las letras per lo Pauco, lo dia presen, tramezas, las-
quais foro legidas en presencia dels sobrescrigs, (que) qui no
fazia so que volia, que se perforsses de donar dampnatge; per
que demandero cosselh que deviau far sus aisso. Sus aquo
totz tengro que, atendut que moss. d'Armanhac, am ganre de
gens d'armas, so davant Rosieiras assetiatz, no séria savieza
que hom Ihi dones re, quar perilh séria que, se ho sabia, ne
portes mala voluntat a la vila, mas que hom Ihi trameta
Johan del Luc, ho 1 autre que ho sapia dire, que escuze la
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 257
vila, dizen que de so que ha mandat dels buous ni del
rossi del collector que dizia que mal de luy, lo avian fag
vendre; que diga que nul temps n'en sabem re ; quant d'aco
qu'avia mandat de Saliers, que Ihi diga que non avem neguna
juridiccio de so que demanda que hom Ihi done ; que Ihi diga
que, quant a presen e que poguesem, non auzaram, atendut
lo temps quai es els vesis que avem entre nos quant ne parlam;
e que la vila Ihi es bona ad amie et el a la vila, e que ho
vuelha esser, quar totz temps la vila Ihi fara plazer e Ihin ha
fagz, estan a Padiers ', a Rosieiras et a Tersac.
L'an dessus, a III de aost, G™ Blanc e P. Albert, juratz de
la ciutat d'Albi, feiro relacio, en la raayo cominal, que els ero
anatz vezer I dampnatge donat per fuoc en una ca[na]bieira
que es de Azemar Calvet, laquai es en I terra del dig Azemar,
assetiada a la Greba del lop, que ste am la terra de G™ Guit-
bert et am lo cami cominal; loqual fuoc, segon que dissero,
era estât mes en la rastolha que era en la dicha terra del dig
G™ Guitbert, e d'aqui, continuan lo dig rastolh, lo dig fuoc se
era près en la dicha canabieira ; per loqual dampnatge, dis-
sero los digs juratz, que aquel que ha mes lo fuoc en lo dig
rastolh, del quai se es près a la dicha canabieira, fassa amassar
la dicha cambetz arssa e mètre en manolhs e que sia tengut de
setisfar al dig Azemar Calvet aitans de manolhs de bona cam-
betz, ben avenguda, coma n'i aura de la arssa e maj la meitat
de m. carto de grana de cambetz, e que so que costara de
amassar la dicha cambetz arssa se pague mieg e mieg per
aquel que ha mes lodig fuoc e per lo dig Azemar; e que aquel
que ha mes lo dig fuoc pague per lor salari II s.
L'an el dia dessus. G™ Blanc e P. Albert, etc., que els ero
anatz vezer, etc. utia tala fâcha per bestial boj en l'erba
johanenca de I prat de R. Bona, mazelier, que es dejotz lo
cami de Fon morta, que ste am la terra de B. Giladieu; laquai
tala estimero a IIII quintals de fe, e per lor salari II s.
L'an dessus, a IX d'aost, G" Blanc e P. Albert, etc., que els
ero anatz vezer, etc. una tala fâcha per porcxs en una milhieira
* Cant.de Valence, arrond. d'Albi.
17
258 AOUT 1382
que es de Johan Regort, que ste am la terra de Johan Rascalo
et am lo riu de Bondidor, laquai estimero a I carta de milh,
e per lor salari lis.
L'an dessus, a XXIII d'aost,etc., una tala fâcha per bestial
en una quantitat de pezes en costolha que ero trags, que ero
de Mathieu del Pueg, mazelier d'Albi ; et ero en una terra del
dig Mathieu, etc.; laquai tala estimero a mieja carta de pezes
e per lor salari II s.
L'an dessus, a XXX d'aost, etc., una tala fâcha per bestial
en una milhieira que es de Johan Regort, que es a Bondidor,
que ste am lo riu de Bondidor ; laquai tala estimero ad una
emina de railh e per l'or salari II s.
L'an el dia dessus [XXX d'aost MCCCLXXXII]...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que lo prebost
els canonges de S. Salvi lor au dig que els fasso adobar lo
cloquier de S. Salvi en que sta la bada, loqual esta en perilh
de cazer, autramen els ho plegariau ad esquivar major damp-...
natge, Per que demandero cosselh quen deuriau far. It. sobre
aisso que dissero may los senhors cossols que lo vicari de moss.
d'Albi lor avia dig que, qui pogues far qualque acordi am
totas las garnisos de las gens d'armas, Engles o Frances, que
son entorn esta vila, afi que hom pogues reculhir las vende-
mias e far las autras bezonhas seguramen, que a luy semblava
que séria expedien que la vila lor dones qualque causa, al
mens que hom pogra, que se tôt se perdia. Per que deman-
dero cosselh los senhors cossols als singulars quen fariau. Sus
aquo totz tengro, ho la major partida, quant a'n aco del clo-
quier, que la vila hi ajude de XXX francxs. Quant a las gens
d'armas tengro que lo dig moss. lo vicari podia far lo dig
acordi, am una que hom per la vila ne fezes acordi sus aquo,
mas am lo dig moss. lo vicari.
L'an dessus, a X de setembre....
Sobre aisso que dissero que P. de Lautrec avia escrig als
senhors cossols que el era a Vilafranca et avia près XXVIII
homes d'armas dels Engles que teniau Castel Panis, laquai
causa avia fâcha per lo profieg del pays, e coma el e sos com-
DÉLIBÉRATIONS IST'^-ISSS 259
panhos aguesso mestiersde socors del pays, pregava que hom
Ihi volgues donar de que pogues sostener si e sos companhos
per estar e gardar lo pays. Sus aquo totz tengro que hom nolh
doue re, quar aitant be los faria finar e pueiss los ne tra-
meta '.
Ici se termine le premier registre des délibérations du conseil de
ville d'Albi, inventorié BB 16. Il reste quatr<'. folios qui ont été
utilisés pour des procès-verbaux de dégâts, des rapports de jurés
sur des différends survenus entre voisins, etc. Nous reproduisons
les parties les plus intéressantes. Notons que le registre a été ren-
versé, le dernier folio devenant le premier.
Sec se lo eventari fag per los senhors eossols de l'an LXXIII,
de las causas que ero en Testai de la mayo cominal ; e fo fag
a XVI de jun, l'an desus.
Premieyramen, a la sala, una taula de noguier clavelada et
una cayssa granda en que estau los encartamens;
It. una autra taula e taulier;
It. VIII bancx ;
It. al corredor del dig ostal, P taula et una cayssa ;
It. entre tôt l'ostal, XXXV balestas e I albrier, que avols
que bonas;
It, a la cambra de la sala, VII torns de balesta apelatz azes,
ab dos que n'a al cortil ;
It. IIII jaques e VI canes e IIII pavezes e IIII ginoezas que
avols que bonas, las doas no valo;
It. IX cayssas en lasquals ria, eu una partida, una quan-
titat de virâtes am garetz ;
It. II crocz de balesta e dos bancals e I torn, apelat caval,
de plom que es d'aygueira ;
It. II cavilhas de fer que so de la brida;
It. IIII frachissas de fer ad obs de baux;
It. III espazas.
Conoguda causa sia a totz homes presens et endevenidors
que ieu, Duran Sobira, et ieu, Johan Bélier, eossols de la
1 Cette délibération est sur feuille volante.
260 SEPTEMBRE 1373-1380
ciutat d'Albi e coma espondiers de la malautia del Vigua
d'Albi, e nom de la dicha malautia, donam e lausam a vos.
P. Gasquet, affanaire d'Albi, et a totz homes als cals vos o vol-
riatz, etc., una terra que es a Milhasola, que ste am la terra
de Bertran Covert e am la terra que fo de Johaa Arnaut, sir-
ven, et am lo cami cominal, etc.; ab una emina de seguiel de
ces que devetz donar cadans en la festa de S. Jolia, ses tôt
autre servisi, et ara XII d.r[amondenx] de reiracapte; e tenem
nos per paguatz, etc. Et ieu, P. Gasquet desus dig, de grat e
de bona voluntat, prend! e reseubi de vos autres, senhors
cossols, la sobredicha terra, al ces et al acapte sobredig, e
promet! a paguar cadans lo ces el reirecapte, etc. Actum
Albie, die IX mensis junii. anno Dn! M'CCCLXXIII.
It. foro en conviens entre los senhors el dig Peire Gasquet,
que del terme de S. Jolia venen, no deu paguar re de ces,
mas promes per adenan e per cadans.
L'an MCCCLXXIIl, aXIlI de setembre, Ar. Lumbart e'n
Cabede, etc., ero anatz vezer e regardar, etc,, una tala de
II feniers de B. Malacosta, fabre de S. Ginieis *, en I prat
seu que es en la ribieira de Carofol ; local fe es estât talat per
bestial boy; et estimero la dicha tala a VI quintals de fe e
per lor maltrag a II s.
L'an M»CCC°LXXX, a XXI de setembre, en Bernât Bru,
G™ Taurinas, fustier, G™ Engilbert e R. Engilbert, massoniers,
juratz et prevezedors, dissero que els ero anatz. . vezer I débat
que era entre en P. Molinier, d'una part, e'n Galhart del
Faro, d'autra, sobre un toat que part de una dobla que es a la
Costa en Gieissa ^ ; laquai dobla es mejeira entre lo dig
Galhart el dig P. Molinier e Gairaut Viguier; sobre aisso que
lo d!g P. Molinier dizia quel suffertava gran dampnatge per
fauta dels autres dessus nompnatz, parceniers en la dicha
dobla, quar no la teniau cnrada e neta, e per fauta quar la
dicha dobla non estava neta e curada, las aygas que partis-
siau de la dicha dobla no podiau passar per lo dig toat la on
1 Comm. de Puygouzon, cant. d'Albi.
s Aujourd'hui rue d'Engueysse.
I
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 261
dévia, et que, per razo d'aquo.las aygas aviau près autre
cami, on tant que veniau donar en l'ostal en que lo dig
P. Molinier esta de presen, et en l'ostal de moss. Bernât de
Montât, capela: de laquai cauza sufFertavo gran dampnatge,
segon que lo dig P. Molinier dizia. E sus aquo los sobredigs
prevezedors ero anats sus los digs debat[z], e reportero que la
dicha dobla se deu curar o far curar la dieha dobla et adobar
tôt lo dig toat que puesca Taigua passar dreg que no done
negun dampnatge ; et aquo se deu far al despens dels sobre-
digs Galhart del Faro, del dig P. Molinier e del dig Guiraut
Viguier, e que de tôt so que costaria, lo dig Galhart del Faro,
atendut que loseu hostal se servis naaj de la dobla que ambi-
dos los autres, e que lo compendi el orezier que era vengut
ni cazeg en la dicha dobla era vengut, la major partida, del ostal
del dig Galhart, pague la meitat, et entre lo dig P. Molinier e
Guiraut Viguier, l'autra meitat per engals partz. It. dissero
maj [que] lo dig Guiraut avia caussada la paret del seu hostal,
que es davas la boea del dig toat, de terra, que far non dévia;
que la dicha caussada de la terra se voste de dia en dia, e que
la hi fassa de teula, al despens del dig Guiraut. It. dissero may
que los digs Galhart P. e Guiraut meto may II fiais de teula
sobre lo dig toat e que lo fasso cubrir be e perfiechamen,
que neguna bestia ni autra cauza non hi puesca penre damp-
natge, et aquo sian tengutz de far encontenen. En après, Tan
dessus, a XXIIII de setembre, constituit[z] personalmen en
la mayo cominal del cossolat d'Albi, los discrets senhors en
Sicart Nicolau, m*' P. de Rieus, Bertomieu Prunet, Johan
Segui, Hue Viguier, cossols de la ciutat d'Albi, auzida pre-
mieiramen la relacio per los sobredigs juratz e prevezedors
dessus fâcha, ordenero que las cauzas contengudas desus en
la dicha relacio se fasso e se complisco de pong en pong o
miels dessus es contengut.
Testes : P. Goelh, Poncius Galaubi, Johannes Baldini.
Conoguda causa sia a totz homes presens et endevenidors
que coma fos questio e débat entre Guiraut de Labroa, habitan
d'Albi, de una part, e Johan Ros e sa moiher, habitant del dig
loc, d'autra part, sobre aisso que lo dig Guiraut de Labroa
dizia e prepausava que lo dig Johan Ros e sa moiher avia
262 SEPTEJIBRE 1380
I hostal en la ciutat d'Albi, en la carieira apelada de l'Ort de
S. Salvi \ que ste am l'ostal del dig Guiraut et am la carieira
cominal et am sas autras cofrontacios; en loqual ostal del dig
Johan e de sa mollier ha, en la part en déferas, davas la
carieira, I escalier que se aperte al dig hostal del dig Johan e
de sa molher, e que dejotz lo dig escalier a una sot que ste
am lo dig escalier, en laquai sot lo dig Johan e sa molher tero
porcxs, losquals fau gratis foliis, femps et aigas, iasquals Ihi
dono gran dampnatge al dig seu hostal que es en la dicha
carieira, que ste am l'hostal del dig Johan e de sa molher,
coma dessus es dig, et am Postal de moss. Bertran de Caus-
sieras et am la carieira cominal etam sas autras cofrontacios ;
per que ditz lo dig Guiraut que la dicha sot es aqui fâcha en
prejudici del dig seu hostal; per so ditz que la dicha sot se
deu vostar. It. era maj débat e questio, entre las dichas par-
tidas, sobre aisso que lo dig Johan Ros e sa molher diziau que
lo meja que es entre los digs hostals de las dichas partidas, en
loqual meja, de presen, ha una porta per laquai lo dig Gui"
raut intra e iejss en lo dig seu hostal, et issimen ha, de presen,
en lo dig meja una fenestra, es mejanssier de las dichas par-
tidas; e que en lo dig meja no deu aver neguna porta ni
fenestra; per que requeriau lo dig Johan e sa molher que la
dicha porta e la dicha fenestra fos vostat e sarrat', coma era
anticamen, el tems que no hi avia porta ni fenestra. E sus aquo,
segon que aissi fon dig, ad evitar plag e questio entre lor,
aviau requeregutz los senhors cossols d'Albi que els, una
essemps am B, Serras, P. Riquait, fustiers, et am.G. Engil-
bert, massonnier, juratz de la ciutat d'Albi, anesso sus lo dig
débat pervezer e declar[ar] lo dreg de cascunadelas partidas
desus dichas. Per que, constituitz personalmen en la mayo
cominal del cossolat del dig loc los sobrenompnatz B. Serras,
P. Riquart, G" Engibbert, juratz dessus digs, dissero e feiro
relacio que els ero anatz, essemps am m^ Helias de Vesplau,
P. Soelh, R. Vidal, P. Isarn, cossols de la ciutat d'Albi, vezer
lo dig débat e lo loc ont era; e vista e regardada la causa del
dig débat ad huelh, dissero e feiro relacio, e de presen dizo e
Aujourd'hui l'Ort on Salvi.
Gorrec : fosso vostadas e sarradas
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 263
fau [relacio] que la sot sobredicha es fâcha en la propria poses-
sio dels sobreiiigs Johan Ros e de sa molher e que ladicha sot
no se deu vostar del loc ont esta, seno que lo dig Johan Ros
e sa molher o sos successors lan volguesso de lor voluntat
vostar, exceptât que, dissero los digs juratz, (que) los pals de
la dicha sot se tiro en ins, en tal manieira que non hiesco mas
aitant comahieiss la branca del escalier on las digs pals de la
dicha sot so clavelatz. It. dissero que lo dig Johan e sa molher
fasso far I rec que partisca de dins la dicha sot en foras, vas
la carrieira, per on l'aiga que se faria dins la dicha sot puesca
issir e rajar vas la dicha carieira, e que los digs Johan e sa
molher fasso adobar la passada oominal que es razen la dicha
sot, en tal manieira que las gens que hi au passada puesco pas-
sar ses effangar, aissi coma se deu far per una carieira publica.
It. sus lo débat del meja dessus dig en que era la dicha porta e
fenestra, loqual los digs Johan e sa molher diziau que era me-
janssier, dissero los digs juratz e feiro relacio, e de presen fau,
que lo dig meja es mejanssier de las dichas partidas, e que la
porta e la fenestra desus dichas, que so en lo dig meja,, per
lasquals lo dig Guiraut ha plechieu, non hi devo esser, ans se
devo vostar, e sarrar lo loc en que so de tortis o de autra
paret, al despens del dig Guiraut; e que d'aqui avan neguna
de las dichas partidas no devo far neguna porta ni fenestra
veirial en lo dig meja seno que lo dig Guiraut ho autra per-
sona per lui pogues mostrar, per carta o per autras degudas
proaussas *, lo contrari ; e se en lo dig meja, d'aissi avan,
calia neguna causa reparar, que las dichas partidas lo ajo a
reparar mejanssieiramen. Et aquesta relacio feiro los digs
juratz, segon que dissero, e de presen fau, per regardamen
dels locxs on lo dig débat era ; e quar els ero enformatz, am
mossen Johan Cantamerle, capela, del quai fo saentras lo dig
hostal del dig Guiraut, loqual moss. Johan lor avia depausat e
dig, segon que dissero, que, el temps que lo dig hostal del dig
Guiraut era seu, el, am licencia de Riguel Doat, del quallo dig
hostal dels digs Johan Ros e de sa molher fo saentras, fe far
la dicha porta que es en lo dig meja majanssier etam conviens
de aquela vostar e sarrar e tornar en Testamen d'avan, a la
' La vraie lecture est paussas, avec tilde d'usage au p.
264 FÉVRIER 1380
requesta del dig Riguel o de sos successors ; e maj quar vist
et auzit legir I insturmen public, receubut, l'an MCCLXXII,
el mes de septembre, per la ma de m'' Bernât Fabre, notari
d'Albi saenreires, en local fa mencio, segon que dissero, que
lo dig raeja es mejanssier e no s'i deu far porta ni fenestra,
ni trauc, ni autra vista. De quibus omnibus, etc., etc. Acta
fuerunt hec Albic, die XIII mensis Julii anno Dni MCCCLXXX
secundo, etc., etc.
G. Prunet notari.
Le registre contient encore quelques délibérations sur feuilles
volantes qui ont été collées sur les quatre derniers folios, ainsi
qu'un état des communs imposées de septembre 1573 à octobre i585.
Nous reproduisons les deux plus intéressantes de ces délibérations
et le relevé des impositions .
Lo darrier dia de febrier. Fan LXXX...
Sobre aisso que fon dig que alcuns aviau ubertas paraulas
que hom fezes servizi a moss. d'Armanhac aô que per las gens
d'armas no fos hom dampnegat, e que hom prezes qualque
patu am los Engles de Turia. Toz tengro que hom ne aja
miels son cosselh, e que, de presen, no s'en aponche re, mas
que los affanaires totz obro essemps vas una part del vinhier.
It. que lo capitol avia requeregut que hom garnis la paret nova
de S'® Cezelia aissi quant hom avia promes. Sus aquo totz ten-
gro que no se garnisca pong, seno que lo capitol e la clercia
se obiigues de gardar. ït. de una letra de moss. lo senescalc,
empetrada per moss. B. Bona, per laquai afermava que alcus
cossols, en la dicha letra nompnatz, amagademen aviau fags
intrar e vendre dins la vila d'Albi, amagadamen e contra la
libertat de la vila, vis de la Ribieira, e que hom enebis a'n
aquels que, en prejudici de las dichas libertatz e de las gens
de la vila, no sa fezesso intrar negus vis dels locxs de la
Ribieira, et otra aquo que fosso citatz, sobre fag enjurios, a
Carcassona. Per que demandero cosselh se hom sostenria
que...'
* Délibération inaclievée.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 565
L'an LXXXI, a XVI d'abriL...
Sobre aisso que fon d'ig que Johan A.laraan e I autre escu-
Hier ero vengutz en esta vila, aru letras de crezensa de moss.
P. Arnaut de Bearn que se endressavo als senhors cossols
d'esta vila ; laquai crezensa ara que el era alotgat, am ganre
de gens d'arraas, a Buset e que el no podia viure am sas gens
se[s] far dampnatge, seno que lo pays Ihi ajudes, per razo
quar els no prendriau negus gatges de moss. de Foyss, per
que era aqui ; per que ne soplegava als senhors cossols que
els Ihi volguesso ajudar de viures, de que el e sas gens
poguesso viure et estar ses far nagiin dampnatge.
Fo demorat en eosselh que hom Ihi escriusses que moss. de
Foiss avia mandat los cornus a certana jornada per tener eos-
selh sobre alscunas auzas que el lor volia dire e que los sen-
hors cossols d'esta vila hi deviau anar, e que Ihi plagues,
atendut que encaras hom no sabia que volgra moss. de Foiss,
que el(s) volgues agardar que lo eosselh fos tengut, quar ven-
gutz que fosso aquels que anero al dig eosselh, hom Ihi feira
la melhor resposta que hom pogra.
Etat des communs imposés de 1373 a 1383
L'an MCCCLXXIU, en setembre foro empausatz, XVI
cornus.
L'an meteiss en dezembre, XII cornus.
L'an LXXV, en jun, XX comus.
L'an meteiss, en febrier (nouv. stij. 1576), XII comus.
L'an LXXVI, en jun, IlII comus e m.
L'an meteiss, en aost, XVI comus.
L'an meteis, en novembre, VI comus.
L'an meteiss, en febrier [nouv. sty. ^577), XIX comus.
L'an LXXVII, IIII^VI comus.
L'an meteiss, XIIII comus.
L'an LXXVIII, XXVI comus.
L'an LXXX, a XIII d'abril, levatz per Vidal Guini e R.
Conchart, IIII comus.
266 ÉTAT DES COMMUNS IMPOSÉS DE 1373 A 1383
L'an meteiss, a XXIX de jun, levatz per Vidal Guini e R.
Conchart, XII cornus.
L'an meteisss, a IX de febrier [nouv. sly. '/55/), levatz per
R. Vinhal, IlII cornus.
L'an LXXXI, aXVII de may, levalz per R. Vinhal, I cornus.
L'an meteiss, a VII de julh, levatz per P. Rorssa e per R.
Vinhal, VIII cornus.
L'an meteiss, en febrier [nouv. sty. 1582], levatz per P.Alric
Sartre, e perR. de Landas, IIIl cornus.
L'an LXXXII, en julh, levatz per Ar. Clapissa, VI cornus.
L'an LXXXII, en julh, levatz per Isarn Redon, I comus.
L'an meteiss, a VIII d'octobre, levât [z] per Ar. Clapissa,
IIII comus.
L'an meteiss, a XXVI de novembre, levat[z] per Ar. Cla-
pissa, un comus.
L'an meteiss, a X de mars {nouv. stij. 1383], VIII comus.
L'an LXXXIII, en julh, levatz per Azemar de Brinh e per
G"" Montagut, X comus.
L'an meteiss, en octobre, levatz per Vidal Guini e per
P. Malhol ', VI comus.
L'an LXXX, a XIII d'abril, IIII comus.
L'an meteiss, LXXX, a XIX de jun, XII comus.
L'an meteiss, LXXX, a X de febrier, IIII comus.
It. l'an LXXXI, a XVII de maj, I comus.
It. l'an meteiss, LXXXI a VII de julh, VIII comus.
It. l'an meteiss, LXXXI, a {blanc) de febrier, IIII comus.
It. l'an LXXXII, a (blanc) de julh, VI comus.
It. l'an LXXXII, a [blanc) de julh, 1 comus.
It. l'an meteiss, a VIII d'octombre, IIII comus.
It. Tan meteiss, a XXVI de novembre, IIII comus.
It. l'an meteiss, aX de mars, VIII comus,
• L'état était incomplet. Le scribe laisse quelques lignes et poursuit,
dans l'ordre chronologique, la liste des impositions.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 267
It. l'an meteiss ', a {blanc) de julh, X cornus.
It. Tan meteiss, a {blanc), d'octombre, VI cornus.
REGISTRE BB 17 2
L'an LXXXII de setembre...
Dissero les senhoi's cossols que [2 mots effacés) Castel Pugo ^
lor avia escrig de Florentinh en foras (jue el era vengut, de
presen, de moss. de Foyss, et avia trobat son hostal ses pa
e ses vi ; per que lor pregava que Ihin volguesso donar e far
plazer de so que lor plazeria. E sus aquo, auzidas per totz los
sobredigs las causas dessus dichas, totz tengro que, atendut
que em sus las vendemias, e qui Ihi dizia [un mot effacé] séria
perilh de sufertar gran dampnatge, (que) hom Ihi donc de pa
e de vi, al mens que hom poira e so que als senhors cossols
sera vist.
L'an LXXXII, a XXIIII de setembre...
Dissero los senhors cossols que alscus ero vengutz a lor
[nombreux mots illisibles) moss. lo vicari de moss. d'Albi e dire
e mostrar lo dampnatge que [tnots illisibles) los Engles de
Thuria per las gens e per los bestials que au [mots illisibles)
de presen, en la corssa que au fâcha en esta vila, e que Ihi
plagues {mois illisibles) a penre qualque remedi, o per manieira
de escriure an aquels {mots illisibles] o en autra manieira que
hom pogues cobrar las gens que au {mots illisibles) que ho
fezes. It. dissero raay que sus aquo els ero anatz parlar am
moss. lo vicari, loqual lor resporidec que el non avia ueguna
* Il faut lire LXXXIII, ainsi quà l'art, suivant. Ces deux communs
font double emploi avec ceux de juillet et octobre que nous avons déjà
rencontrés.
2 Le premier folio de ce registre a disparu ; le second est à peu près
illisible, riiumidité ayant fuit disparaitre un certain nombre de mots sur
les bords extérieurs.
■' Ce personnage est-il le fils du Castel Pugon qui, le 14 février 1338,
livra au comte de Foix le château d'Aire, moyennant la somme capitale
de 1000 liv. tour, et une rente viagère de 50 liv.? Cf Hist. de Lang. IX,
p. 506, note 3.
268 SEPTEMBRE 1382
conoissensa am los digs Engles de Thuria, mas tant solamen
am I que apelo Amanieu Brengier e que el volontiers Ihin
escriura; totas vetz ad el semblava que se hom fazia quelque
acordi ara lor, a cert terme, que pogues hom aver vendemiat
e cubert, que tôt jorn nos farian aitals o majer[s] damp-
natges, seno que hom fezes de manieira que hom agues X
homes d'armas e que aquels, am los autres companhos de la
vila que poii'ian esser L o raaj, lor yssisso en cas que sa cor-
reguesso, e que hom vendemies per cartiers del vinhier, que
enaissi hom se poiria salvar e reculhir los frugz, autramen no.
It. dissero may los senhors cossols que non hagajre, darriei-
ramen, mossenher lo senescalc de Carcassona mandée cosselh
a Carcassona per mètre provesio per ' las gens d'armas de
Jenas, e que en lo dig cosselh anec, per lo loe d'esta vila,
B, Esteve, cossol, loqual reportée [que] lo cosselh se era ten-
gut e lo aviau prolongat q(ie hom hi tomes a S. Miquel propda
venen, e que en lo dig cosselh era estât dig que als Bretos que
ero vengutz al comte de Foiss era estât ^ per tal que totz s'en
anesso e voguesso las très senescalcias, VI milia franxs '
se apertenia a la senescalcia de Carcassona II m. franxs,
que montava per fuoc de la dicha senescalcia IlII gros.
Per que demandero cosselh los senhors eossols "* per esta
vila tornaria al dig cosselh e se hom hi an...^ la contri-
bucio. Fo aponchat, quant a'n aco de la... ^ que may era
expedien que hom agues aquels homes o may, coma
sobre dig es, que qui fazia negun acordi am los Engles.
Quant a la anada del dig cosselh de Carcassona, tengro que
hom la ane e que lor explique los mais que sufertam per las
garnissos que so entorn nos e que se els volo contribuir a gitar
las gens d'armas que so entorn nos, que hom contribuisca als
digs II m. franxs, autramen no.
' Déchirure. Il faut sans doute lire gitar.
* Déchirure ; le mot disparu doit être prepausat ; on voit un p avec le
signe d'abréviation.
* Déchirure et mots etfacés.
* Mots effacés : et si l'on y va si l'on accordera la contribution.
5 d" d°
6 ^o ^o
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 269
L'an MCCCLXXXII, a VII d'octombre...
Tengro cosselh sobre la correguda que avia fâcha e fâcha far,
lo dia propda passât, lo Pauco de Lantar, sus esta vila, perla
merca de IIII'^-^X franxs que demanda a la universitat de la
pt'esen ciutat per Bernât (le Bordas, loqual ditz que t'o son
prionier e s'en anec e Ihi rompec la fe ; en laquai correguda
ero estadas aprionadas diversas gens e ganre de besHal gros e
menut d'esta vila. E sus aquo la era anat moss. lo vicari de
moss. d'A.lbi, en Domenge de Monnac e'n G™ Coudât, cossols,
per vezer se hom se pogra acordar amb el ; losquals reportero
aissi meteiss que el demandava los digs IIIF'^X franxs per lo
dig B. de Bordas, e denaaiidava inay que la vila Ihi dones, otra
aquo, o en deniers o en viures, la valor de C franxs d'aur, et am
aquo voliaredre tôt quant era estât près en la dicha correguda,
antratnen lo dig Pauco dizia que el corregra sus esta vila e
preira gens e bestial e hi donera tôt lo dampnatge que pogra,
e que no redra re que agues près. E sus aquo fo de cosselh de
la major partida que de tôt aquo la vila se acorde am el e que
se ne poc re aver de Bernât de Bordas dessus dig, que hom
aja tôt quant aver ne poira *.
It. aqui meteiss volgro e cossentiro, una partida dels singu-
lars, que, per pagar las causas davan dichas, que devo esser
donadas e pagadas al dig Pauco, e per pagar so que ha costat
per las gens d'armas, a pe et a caval, que au gardât en las
presens vendemias las gens els bestials que vendemiavo, (que)
los senhors cossols empauso très o quatre cornus, aquels que
eonoisserau que hi farau mestiers.
L'an dessus, a IX d'octombre —
Sobre aquo que Johan del Luc avia dig als senhors cossols
que lo senher de Monferran, que era a Florentinb, los pregava
que Ihi volguesso donar e trametre dos lensols e I par de botas.
E sus aquo totz tengro que no Ihi done hom re.
L'an dessus, a XU d'octombre...
Tengro cosselh sobre aisso que aissi fo dig per los senhors
' Les consuls invitèrent de Bordes à payer ces 90 francs ; mais il s'y
refusa, disant qu'il n'était tenu à rien. Cependant il consentit à payer
30 francs en cinq annuités. Délibér. du 8 octobre 1382.
270 OCTOBRE-NOVEMBRE 1382
cossols que lo Pauco de Lantar demanda a la universitat de
la presen ciutat que Ihi done I corssier de Y]^^ franxs, autra-
men el dampnejara la presen ciutat els habitans d'aquela. Per
que demandero cosselh los senhors cossols als singulars se la
vila Ihi donaria aquels VF^ franxs o no. E sus aquo la major
partida tengro que lo Pauco ha agut, motas vetz, dos e ser-
vizis de la presen ciutat, et ha agut IIIl'^'^X franxs per merca,
e de tôt aquo no se te per paguat, e que per so non esta que
las gens de sa garniso no danjpnejo las gens de la presen ciu-
tat, e prendo e raubo et aucizo las autras gens que so dels
locxs entorn nos quant veno ni parto d'esta vila, tengro que
hom no lor done re ni permeta que negus d'aquelas gens
d'arœas sa intro.
L'an MCCCLXXXIl, a II de novembre, los senhors cossols
loguero Pos Donarel per bada de dias e de nuegz, al cloquier
de S. Salvi, del dia presen tro lo dia de la festa de Totz Sanghs
propda venen, lo dia de la dicha festa enclus, per pretz de
XXIII franxs ; e lo dig Pos jurée esser bo(s) e lial(s) en lo dig
offici.
L'an dessus, a VII de novembre...
Tengro cosselh, en la majo cominal, sobre unas letras que
lor avia, lo dia presen, tramezas en Bernât Esteve, que era a
Garcassona, al cosselh que s'i te am los autres cornus', en
lasquals avia escrig que los cornus aviau aponchat que deviau
anar en Fransa, a nostre senhor lo rej, per explicar e dire
las causas que ero estedas aponchadas en lo dig cosselh ; e
deviau partir lo jorn de S. Marti ^, e que, se era vist que de
esta vila hi ânes persoua, (que) hom aparelhes e provesis quai
hi anaria e de so que mestiers aura. E sus aisso totz o la major
partida tengro que [d'Jesta vila non hi ânes persona, et aco
per motas razos que aissi foron dichas.
L'an dessus, XIII de novembre...
Tengro cosselh, en la mayo cominal, sobre una letra clauza
que avia trameza lo comte d'Armanhac als senhors cossols,
* Outre la décision dont parle Estève, les communes octroyèrent au
duc de Berry 2 francs par jour. Cf. Inst. polit et adin. p. 616.
* 11 novembre.
I
DÉLIBÉRATIONS 1375-1388 271
en laquai escrivia e raandava que mossenher de Berri Ihi avia
assignat, sobre la universitat de la presen ciutat, 11^ III franxs.
It. raandava may, en las dichas letras, que el era en lo loc de
Castelnou de Monmiralh * ara ganre de gens que ero vengudas
amluy; en loqual non avia vitalhas de quel [e] sas gens, que
aqui ero, poguesso viure, e que el avia mestiers de viures e que
hom Ihi tramezes qualque home per acordar am luy de so que
horo Ihi poiria valer de viures, afi que las dichas sas gens non
agiieso razo de far mal ni desplazer a la presen ciutat. Sus
totas las cauzas sobredichas totz tengro que hora aja una segu-
ransa del dig moss. d'Arnianhac per aquel o per aquels que
hom Ihi trametia per parlar am luy sus las cauzas sobredichas,
et, aguda que hora la aja, que hom hi trameta qualque home
que ho sapia far, loqual escuze la vila sus los IF III franxs,
dizen que nulh temps no fo proraes a moss. de Berri neguna
[soma] per que el deia aver fâcha aquela assignacio ; e que
dels viures Ihin done hora, o en vitalhas o en argen, en tal
manieira que hom ne demore acordan am luy, al miels que
hom poira.
L'an MCCCLXXXII, a XXIII de novembre...
Tengro sobre aisso que los senhors cossols dissero que mos-
senher lo comte d'Armanhac lor avia mandat per sas letras
que la vila d'Albi Ihi pague IF III franxs, e may que, quar lo
loc de Castelnou de Monmiralh, que ha agut de novela con-
questa, es mal provesit, (que) hom Ihi tramezes calacom per
acordar am luy dels viures de que hom Ihi poiria valer ni
socorre, afi que las gens d'armas (jue so aqui am luy non ajo
razo de mal far. E sus aquo, vistas las dichas letras, fon de
cosselh que hom la tramezes, am letra de crezensa, fraire
Bernât Grimai, del orde [de] Presicadors, per explicar a luy
e dire, sus la cauzas que avia mandadas, tropas cauzas, losquals
hom Ihi diss; et aras lo dig fraire Bernât era tornat et avia
reportât que el era estât de part delà e que non ha pogut par-
lar am lo dig mossenher d'Armanhac, mas que Ihi mandée que
se porta[vaJ letras que las bailes; e te ho ; e bailadas que las
' Chef- lieu de cant. de l'arrond. de Gaillac Nous allons voir que le
comte venait d'acquérir cette place.
272 NOVEMBRE 1382
ac, après tornec a luj son secretari, e dis Ihi que el no podia
pas parlar am lo dig moss. d'Armanhac que Ihi mandava que
el Ihi mandes la crezensa que volia dire ; e non re mens may
Ihi diss se portava los 11'^ III franxs ; et el respondec que no ;
et en après, dichaque ac la crezensa al secretari, el Ihi tornec
resposta, dizen que lo covenia que la vila d'Albi pagues los
digs IF e III franxs e may gran quantitat de viures et al res
no s'i faria ; e quant Ihi demandée prolongui de la asseguransa,
el Ihi diss que non agra pong. Per que demandero cosselh los
senhors cossols als singulars que fariau sus aisso. E sus aquo,
totz tengro que, atendut que el(s) nos podia donar mot gran
dampnatge, (que) hom se acorde ara luy de tôt so que deman-
dava als miels que hom poira.
L'an dessus, a XXI de novembre...
Sobre aisso que aissi fon dig per los senhors cossols que,
atendut que fraire B. Grimai que era [a]nat, non ha gaire, am
letras de crezensa de la vila a moss. d'Armanhac, non avia
pogut parlar am el, mas avia aguda avol resposta per son
secretari, els hi aviau trames areire G™ Guitbert am letras de
crezenssa ; loqual G™ Guitbert era vengut, lo dia presen, et
avia portadas letras de mossenher d'Armanhac, en lasquals
escrivia als senhors cossols d'Albi que, d'aissi a dimergue
propda venen ^ els o un de lor siau estât a luy per acordar
ara luy dels 11*^ III franxs e dels viures que deraanda a la vila,
et ha donada seguransa tro alaras, aulramen el non agarda
plus que no fassa so quelh semblara. Per que demandero cos-
selh los senhors cossols als singulars que fariau sus aquestas
causas ni se la anariau los senhors cossols ni quans. Sus aquo
la major partida tenc que la ano II cossols e que se acordo
am el als miels que poirau.
L'an dessus, a XXVI de novembre...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que alscus de
lor, so es asaber sen Galhart Golfler e'n Duran Daunis, cos-
sols, ero anatz a moss. d'Armanhac per parlar am luy et acor-
' Le délai accordé par le comte n'était que de deux jours : le 21 novem-
bre était, en 1382, un vendredi.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 273
dar sus las demandas que fa a la vila, coma es contengut als
cosselhs tenguiz a XVllI e XXI d'aquest presen mes de novem-
bre; e dissero que aprop motas de paraulas, els acordero am
moss. d'Arraanhac que per la assignacio que Ihi avia fâcha
raoss. de Berii sus esta vila, e per autras demandas que lo dig
moss. d'Armanliac fazia a la vila de diversas causas, demorero
en acort am luj que liom Ihi dones, per totas demandas la
soma de IIIFfranxs pagadors, II'' a la festa de S'"' Lucia, e C a
la festa de Nostra Dona Candelieira, et C a la festa de Pascas
propdamen venen. E per so los dessus nompnatz, essemps am
los cossols, volgro e cossentiro que liom fezes et endisses
IIII comus, losquals aqui meteiss feiro et endissero.
L'an MCCCLXXXII, a XXV de dezembre...
Sobre la ambaissada que era estada ordenada al cosselh ten-
gut dariejramen a Carcassona perles comus de las IllI senes
calcias, so es asaber que IIII^'^ bos homes dels comus deviau
anar en Franssa per far la reverencia a nostre senlior lo rey
et a luy explicar e dire los mais e las tr ibulacios d'aquest pays
e motas d'autras causas, losquals hi deviau anar al despens
comu de las dichas senescalcias. E demandero los senhors
cossols als singulars se d'esta vila hi trametia hora qualque
bos hom ni quai. E sus aquo la major parlida tengro que,
atendut que aitant be pagariau hom sa part dels autres que hi
anariau (que) d'esta vila hi ânes hom, so es asabar aquel que
als senhors séria vist fazador.
L'an dessus, a XII de jenier...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que per alscus
era estât dig que expedien foro que hom notifhque a moss.
d'Armanliac las corregudas e lo damptnage que an donat e
dono de tôt jorn los Engles de Turia en esta vil;i, en las gens
et en los bestials que au preses. Per que demandero cosselh
qui hom hi trameira qualque home ni per quai forma. E sus
aquo totz tengro que hom hi trameta qualque home am letra
de cresensa, loqual home sapia parlar e sia tal que Ihi diga los
digs dampnatges, e Ihi pregue, de part dels senhors cossols,
que Ihi plassa [que] vuelha far tan que las gens que so presas
sian relaxadas, e que d'aissi avan no nos coresco.
18
274 JANVIER 1382
L'an dessus, a XIIII de jenier...
Sobre aisso que los senliors cossols dissero que els aviau
tengut cosse'h, am moss. lo vicari et ani las autras gens de
moiS. d'Aibi e de la Gleia, sur los dampnatges que suiferta la
j)resen ciutat e las gens d'aquela que non ausa[n] issir de la
vila ni far sas fazendas seguramen, ses perillis de las personas
e dels bes ; et era estât vist e dig, en lo dig cosselh, que, se
hom volia far sas fazendas, covenia que hom apatues am
totas las garnisos de Engles e de Frances que so en aquest
pays, 0 que hom se aparellies a far bona guerra a tota manieira
de gen que nos darapneges; e fo raaj vist en lo dig cosselh
que raaj era expedien que hom fezes guerra a'n aquels que
nos venriau dampnegar que qui se apatuava am lor, quar !o
patu costaria trop e que séria causa de mal isample ; e fo dig,
en lo dig co>?elh, per lo dig moss. lo vicari que moss, d'Aibi e
las gens de la Glieja feiro certas gens d'armas, en cas la vila
ne volgues far aitans e contribuir segon sa cota. Per que sus
aisso demandero cosselh los senhors cossols als singulars que
voliau que fezesso, afi [que] las gens fezesso las besonlias.
E sus aisso totz tengro que se fassa provesio que hom fassa
bona guerra a tôt home que nos porte dampnatge, e que hom
no fassa patu am neguna garniso, ni lor dons pauc ni pro de
vitalhas, ni am lor argen ni ses argen, ni ajo d'esta vila jupos,
ni jaques, ni fers, ni clavels, ni neguna autra causa; e se
negus hi trametia re, que hom lor voste qui ho poc trobar; e
sus aquo que los senliors cossols provezisco aissi quant lor
sera vist.
L'an dessus, a XXVI de jenier...
Sobre aisso que aissi fon dig que lo senher de Maria avia dig
als senhors cossols que el era estât près per los Engles de
Jenas et era estât defardat e Ihi costava trop, e lor avia pre-
guat que Ihivolguesso ajudar e donarde que se pogues mètre,
el e ses companhos, en arnes. Per que demandero cosselh
los senhors cossels als singulars se Ihi donariau ho neni. Sus
aquo tôt totz tengro que ad el ni a d'autres de aitals compa-
nhos no donesso re.
L'an dessus, lo premier dia defebrier...
Sobre aisso que aissi fon dig per los senhors cossols que las
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 275
donas parentas de raoss. d'Albi ero vengudas en esta vila, e
semblava lor que, atendut que de novel ero vengudas, (que)
per honor de moss. d'Albi, hom lor dévia far qualque presen ;
et aviau parlât entre lor que, se la vila lor donavallll entor-
cas, cascuna de III Ibr., e II Ibr. de doblos e quatre Ibr. de
cofîraens, (que) estaria be fag. Per que demandero cosselh als
cosselhiers e singulars se els lor semblava ni voliau que fezesso
aquel presen a las dichas donas bo no. Sus aquo totz tengro
que lor fo donat lo dig presen.
L'an dessus, a XXI de febrier...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que mossenher
lo senescalc de Carcassona lor avia dig que el era en tractât
am Bertran de Monclar que te lo loc de la Rajnaudia que el
vogues lo loa am ceria fiuanssa que hom Ihi done, en laquai
contribujra tôt lo comtat de Castras, se lo loc e la vigai'ia
d'Albi hi vol contribuir. E sus aquo demandero cosselb aïs sin-
gulars se voliau que lo loc d'esta vila lii coniribuisca. Sus aquo
totz tengro que esta vila hi contribuisca, mas que lo loc de la
Rajnaudia se deruisca en manieira que plus gens que puesco
donar dampnatge en lo pays '.
L'an dessus, a XXV de febrier...
Sobre aisso que aissi fon dig que las gens d'armas que ero en
establida en esta vila, als gatges cornus de las senescalcias-,
aviau dig e preguat als senhors cossols d'esta vila que els lor
volguesso prestar viures tro que fosso paguatz de lors gatges,
quar autramen no poiriau demorar en la presen ciutat. Per que
los senhors cossols demandero cosselh se hom lor ne prestaria
0 no. E sus aquo fon dig que, atendut que hom ha a far las
' La phrase est incorrecte ; il faut supph'cr quelques mots comme :
non hi fasso lor establida, ou bien construire ainsi la fin de la phrase ;
que plus ge7is no puesco donar.
2 II est probable que cette garnison avait été établie à Albi à la suite
des décisions prises par les communes convoquées par Arnaut d'Espa-
gne, au mois de janvier, pour protéger le pays contre les Tuchins et les
Anglais. Les délégués des communes avaient voté un subside au séné-
chal pour l'entretien d'un certain nombre de gens d'armes. Cette délibé-
ration prouve qu'on négligeait de pourvoir à leurs besoins. Gf Uiat. de
Long. IX, p. 913.
276 FÉVRIER-MARS 1383
obras, e que, se gens d'armas correguesso en las pertenenssas
d'esta vila, hom lor resestigra plus tost am las gens d'armas
que demoravo en esta vila en esfablida que no faria se no sa
ero, tengro totz e fon de cosselli que hom lor prestes viures tro
que fosso e siau paguatz de lors gatges.
L'an dessus, a III de mars...
Sobre aisso que aissi fo dig que las gens d'armas que estavo,
de mandaraen de rao?s. lo senescalc, en establida en esta vila
als gatges cornus de las senescalcias, disiau que els no podiau
viure ni tener lor estât en esta vila per los gatges que pren-
diau ; per que demandavo que hom lor fezes avantatge. Sus
aquo fon de cosselh de la major partida qne hom no lor fassa
negun avantatge ni lor dones re per avantatge ; mar que se
s'en voliau anar d'esta vila que hom aja recors a moss, lo
senescalc que nos provezisca d'els o d'autres ',
L'an MCCCLXXXIII, a XXV de mars. . ^
Dissero los senhors cossols que totz los cornus de la senes-
calcia de Carcassona so mandats a Carcassona el dilus propda
venen per aver cosselh sus lo tractât que se mena per moss.
lo senescalc, que las gens d'armas de totas las garnisos
d'Albeges hi esto foras dels locxs que teno, ara finanssa,e que
a lor semblava que, atendut que lo loc d'Albi suffertava majs
de darapnatge que loc de tota la senescalcia, era expedien e
necessari que, se moss. lo vicari de moss. d'Albi, que es savia
persona et a la beson[li]a al cor e saubra miels far que autre
que los autres comus de la dicha senescalcia contribuisso en
la dicha finansa fazedoira, hi volia anar per la presen ciutat,
Ique) fo be fag e profleg a la vila d'Albi. Per que dissero e
demandero cosselh aïs singulars que lor semblava sus aisso.
Et aqui meteiss los cossols e singulars toiz essemps tengro
que se liom podia acordar am lo dig moss. lo vicari que, per
certa causa, non pas que pogues montar lo despens que el ni
* La garnison ne se laisse pas rebuter par ce refus ; elle l'ail intervenir
le vicaire général, qui n'est pas plus heureux. Dèlib. du 25 mars.
^ La délibération précédente, 3 mafs, est de 1382; celle-ci, 25 mars,
est de 1383. C'est une nouvelle preuve que, dans l'Albigeois, l'année ol'fi-
cielle commençait le 25 mars.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 277
sas gensfariau, mas raenre causa razonabla e sertana cauza,
estia la pauc o pro, tengro que la ane e que es expedien de
neguu autre *.
L'an desius, a VI d'abril...
Sobre aisso que los senhors cossols dissero que los Praires
del Carme del coven d'Albi ero vengutz a lor e loi- aviau dig
que els teniau capitol gênerai, e que, per amor de Dieu, lor
volguesso donar e ajudar de que poguesso sostener lo despens
que lor ne covenia de sufeitar. Per que demandero cosselh
als singulars qwen deviau far. Sus aquo totz tengro, o la
major partida, que hom lor done quatre franxs.
L'an dessus, a XXII d'abril...
Sus aisso que aissi fou dig per los senhors cossols que moss,
d'Armanhac avia mandat que, coma el agues assignat sus esta
vila al Bore de Corn C. franxs per so que redes lo loc de
Rosieiras al dig moss. d'Armanhac, e sus aquo el agues tra-
mes el dig loc de Rosieiras Barba per penre la possesio del dig
loc que lo dig Bore llii dévia perbailar e nom de moss. d'Ar-
manhac ; e lo dig Bore non agues volgut bailarlo dig loc al
dig Baiba tro fos paguat dels digs C francxs, e lo dig Barba
agues setisfag la dig Bore del digs C franxs, e per la dicha setis-
faccio Ihi agues bailat I corssier que Ihi avia costat Yi^^ franxs
per pretz de IIIl'''^ franxs, en que perdia XL franxs ; e lo dig
Barba demandes que lo loc d'esta vila llii setisfezes e Ihi pagues
los digs XL franxs que perdia en lo dig corssier, per fauta quar
la vila non avia paguat avan los digs C franxs . Demandero cos-
selh les senhors cossols als singulars se los digs XL franxs pa-
gariau al dig Barba, e que tumbe sobre aquels que non an pa-
guat los comus empausatz per setisfar lo deute que era degut
a moss. d'Armanhac, de que los digs C franxs dissendiau.
It. fo maj dig que lo dig Barba demanda que esta vila Ihi dones
' VHist. de Lang. ne mentionne pas cette réunion des communes de
la sénéchaussée de Carcassonne. Nous allons assister à l'exécution des
décisions qui y furent prises, c'est-à dire l'évacuation du pays par les
An^dais et les routiers
278 AVRIL-MAI 1382.
viures. Sus aquo fon de cosselh de la major partida que liom
Ihin done al mens que hom pojra.
L'an dessus, a XIII de maj —
Tengro cosselh, en la majo cominal, sobre aisso que moss.
Bertran de Lantar, avia escrig als senhors cossols que el e sos
compaiihos de Tersac ero mal provezitz de viures e pregava
lor [que] Ihin volguesso donar o de que ne aguesso. It, que
sus las causas per que lo procuraire del rey ha litigadas e
litiga am lo scindic de la vila et am m® Isarn de Rius per so
que dizo que hom a vexât los sirvens et autras gens am la
cort del officiai per so que deviau dels comus, las gens de
moss. d'Albi ne aviau parlât am los senhors cossols e lor aviau
dig que se los seijhors cossols ni los autres de la vila no
])odiau vexar qualsque gens que fosso per so que lor foro
degut am la cort del officiai, que fora gran prejudici a la vila,
e que se hom se volia adhunir am moss. d'A'bi que prezesso
la causa ess^emps e la menesso, els voluntiers fariau e'n paga-
riau la meitat de so que costaria. It. sus aisso (jue dissero los
senhors cossols que Johan Talhafer, encantaire, era tais que
no s'en podiau be ajudar a lor plazor, ni los servia aissi quant
degra, e que els Iho aviau dig e Ion aviau reptat, e per so re
non aviau acabat, ans ero de voler, se era de cosselh, que lo
gitesso de lor servizi el cassesso de gatges. E sus tôt aisso
tengro, la major partida, que, ad evitar majors danipnatges,
sus aquo de moss. Bertran de Lantar, (que) hom Ihi done viu-
res aquels que als senhors cossols sera vist. E quant ad aco
que hom puesca citar las gens en la cort del officiai, tengro
que la vila se adhunisca am moss. d'Albi e que hom obtenga
aquela libertat. E quant sus aquo de Johan Talhafer, tengro
que el non era sufficien a tener lo offici, quar non ho sabla far,
0 que hom ne aja I autre que hi sia sufficien.
L'an dessus, aXX[ de raay...
Sobre aisso que los senhors cossols dissero que per alscus
bos homes era estât mogut que expedien foro que hom trame-
zes qualque bos hom en Franssa per vezer se hom pogra aver
del rej neguna gracia, e per far passar la reparacio en Cambra
de Comptes, e per motas d'autras bezonhas que la vila ha. Per
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 270
que los senhors cossols demandero cosselh quen deviau far.
Sus aquo totz tengro que hom hi tramezes qualque bos hom e
savi que ho sapia far.
L'an dessus, a IX de jun...
Sobre lo tractât que se mena entre moss. d'Armanhac els
cornus de la vigaria d'Albi, de la jutjaria d'Aibeges e del com-
tat de Castras sus la vueja dels locxs de Thuria, de Jenas, de
las Plancas, de Rosieiras, de Gaycre', de la Bofia, de S. Sir-
guet -e de autres locxs, que moss. d'Armanhac ne vol gitar
las garnisos de las gens d'armas que son en los digs locxs e
vol proraetre de gardar lo pays de tota pilharia per certa
soma de pecunia que hom Ibi done. Fo aponchat, en aquest
cosselh, que los singulars tengro que se fassa, e remeiro als
digs senhors cossols que ho fezesso al miels que poirian. It.
sobre aquo que lo Pauco demanda C carradas de viures, tengro
que los senhors cossols, am cosselh de moss. lo vicari de moss.
d'Albi, ne fasso so que lor ne semblara.
Aug. Vidal.
f/1 suivre.)
* Comm. de Cadix, cant. de Valence d'AUjigeois.
^ M. Ed. Gabic a définitivement identifie ces deux dernières localités.
St-Sirguet ne serait autre que St-Girq ou St-Cirguet, cant. de Caussade
(Tarn-et-Garonne), et la Bofîa, I-altouiïie ou St-Paul-de-Labouffie, cant.
de Gastelnau (Lot). Cf. Campaçjntj de Gaucher de Passac contre les routiers
du Sud-Ouest de la France, dans Rev. du Tarn, XVIII, p. Gl et suiv.
BIBLIOGRAPHIE
REVUE DES REVUES
Boletin de la Real Academia de la Historia, XLVI, 4. —
F. Fila : El jubileo del aâo 13U0. Su recuerdo iiioniimental en el
Rosellôn. Observaciones sobre la métrica rimada de aquel tiempo,
p. 301.
Butlleti del Centre excursionista de Catalunya, XV,
n"^ 120 et 121. — J. Pecanins : Fum, fum, fiim y L'Escolta, cançons
populars catalanes, p. 21 ; — V. Bosch : La reina euvejosa, cançô
popular, p. 57.
Bulletin du parler français au Canada, III, 8. — P. Potier :
Façons de parler proverbiales, triviales, figurées, etc. des Canadiens
au XVIII*^ siècle, p. 252; — Lexique canadien-français (5Ui7e), p. 256.
Giornale storico délia letteratura italiana, XLV, 2-3. —
y. Pirazzoli : Sopra due framinenti poetici dell' Ariosto, p. 315; —
li. Benjadani : Nota suUa questione délie a Filippiche», p. 332.
Archivio glottologico italiano, XVI, 3. — Salvioni : Appunti
suir autico e moderno luccheso, p. 395, — cremon. « scutunuija »,
lomb. «rierât», p. 477, — « bugliôlo, Li'igno », ven. « vanéza », friul.
« puinte », p. 487, — « boulanger », p. 516, — « Sauthià », p. 548, —
Poésie in dialetto di Caverguo, p. 549; — Scuiian/jclo : 11 vocalismo
del dialetto d'Adernô, p. 479 ; — Guarno-'w : 11 sardo e il côrso in
iiua uuova classificaziono délie lingue romanze, p. 491 ; — Toppïno :
11 dialetto di Castelliualdo, p. 517.
Revue de TUniversité de Bruxelles, X, 5-6. — 0. Grojean'
Notes sur quelques jurons français, p. 401.
COMPTES RENDUS
Œuvres complètes de Victor Hugo, édition de l'Iuiprimerie
Nationale, Paris, Paul Ollendorff, grand in-S" à 10 fiaucs le
volume. — Roman, tome II; Théâtre, tome III,
Exécuteur testamentaire de Victor Hugo, dont il avait été pendant
BIBLIOGRAPHIE 281
de très longues années l'ami intime et fidèle, le poète l'aul Mcurice a
beaucoup fait — et ne croit pas avoir assez fait encore — pour la
gloire du grand écrivain qui a été l'honneur des lettres françaises au
XIX° siècle/Après les œuvres posthumes, après les deux éditions
dites définitives, voici qu'il publie une édition nouvelle, plus complète
qu'aucune des précédentes et qui, le cédant en luxe typographique à
la seule édition nalioixale, l'emportera de beaucoup sur toutes et par
la correction de son texte et par l'abondance de sa documentation.
Deux volumes ont paru, comprenant, l'un Notre-Dame de Paris, l'autre
Marie Tudor, Anyelo, In Esiaeralda, Ritij Blas et les Durgraves.
L'édition complète en contieudra quarante, et il en paraîtra chaque
année de six à huit. ~\
C'estrimprimerie~Nationale qui s'est chargée dupremier tirage, el elle
a voulu se montrer digne de sa vieille réputation(L'impression a toute
la beauté grave qui convient à un monument littéraire. Chaque œuvre
est accompagnée d'une sorte d'album contenant : en fac-similés, la
première page du manuscrit de Victor Hugo (quand ce manuscrit a
été conservé), les dessins que le j-oète y a semés çà et !à, et la cou-
verture de la première édition ; — puis, des gravures enqiruntées aux
diverses éditions illustrées ; — enfin des documents artistiques fournis
\)av la Maison dcYictor Hurio, les archives de la Comédie-F]ançaise,etc7)
Nous avons ainsi sous les yeux, outre le beau portrait de Victor
Ilugo peint par Devéria en 1829, de curieuses illustrations signées
Tony Johannot, Célestin Nautcuii, Louis Boulanger, RafFet, Meis-
sonnier, Viollet-Leduc, Brion, Luc-Olivier Merson, Carolus Duran,
Roybet, Rochegrosse. Les amis des beaux livres auront lieu d'élre
satisfaits.
(yEi les lettrés le seront davantage encore, car, si l'édition nouvelle
n'est pas vraiment une édition critique, elle mettra du moins à la dis-
position des travailleui's [)lus de textes nouveaux, plus de variantes,
plus de renseignements de toute soite qu'ils ne se permettaient d'en
espérer ;
Les textes nouveaux formeront environ quatre gros volumes, et de
quelle importance ! Lettres à Juliette, lettres à Louis Blanc, à
M. Paul Meurice, à Vacquerie, à Noël Parfait, articles iné<lits pour
LiUéraLure et pliilosoplde mêlées, etc., etc.. Mais contentons-nous
d'examiner les deux volumes parus .
(pous le titre de reliquats {reliquat de Ituy Blas, reliquat dos Misé-
rahles...) Victor Hugo a laissé des dossiers pi'écieux contenant des
notes préparatoires, des plans, des rédactions abandonnées, des
témoins variés de son labeur acharné et si fécond. Rien de plus ins-
ti'uctif que ces documents aujourd'hui mis à notre disposition par
M. Meurice/" ;
282 . - BIBLIOGRAPHIE
Pour Notre-Dame, on possède environ vingt-cinq feuilles, où Victor
Hugo a noté des traits de mœurs, des détails sur le vieux Paris, les
divers noms qu'il a successivement songé à donner au sonneur
(Malenfant, Mardi-Gras, Babylas, Quatre-Vents, Quasimodo....) des
bouts de phrases et des images, qui n'ont pas toujoui's été utilisés pourla
rédaction définitive, et surtout deux canevas qui, écrits côte à côte à des
dates différentes, constituent un inestimable témoin de la façon dont
le livre a été conçu. Vers 1828, eu effet, Victor Bugo écrit un pre-
mier scénario, où le beau gendarme Phœbus de Châteaupers n'existe pas
encore, où la Esmerald.i n'est aux prises qu'avec " l'amour de l'ai'chi-
diacre et du sourd muet », où Claude Frollo fait intenter à l'Egvp-
tienne uu simple procès en sorcellerie. Vers 1830, le drame se corse
dans un scénario complémentaire. Phœbus de Châteaupers entre en
conquéi-ant dans cette sombre histoire, et la scène de nuit où Phœbus
est poignardé par l'archidiacre est conçue de toutes pièces. Mais la
chai'])ente de l'œuvre n'a pas encore pris sa dernière forme : Jehan
Frollo n'est pas précipité du haut des toui-s de Notre-Dame, il est
ti-aîtreusemeut assassiné dans le bouge d'isabeau la Thierrje.
Quelques remarques, qui ont plusieurs fois été faites, sont confir-
mées par l'étude de ces scénarios. D'abord, dès la constitution som-
maire d'un de ses plans, Victor Hugo voit nettement tel ou tel menu
détail de l'œuvre qu'il s'agit d'écrire, et il éprouve le besoin de noter
tel ou tel trait qui sera plus tard mis en belle lumière : « Faut-il passer
outre et pendre? — Je n'y vois pas d'inconvénients, dit le juge. — J'en
vois beaucoup, dit Gringoire. » — « Quelqu'un à sa place. — Et qui?
— Vous. — Tiens, dit Gringoire en se grattant la tête, cette idée ne
me sei'ait jamais venue. » Ensuite, quand Victor Hugo renonce pour
une œuvre à l'une de ses inventions, il est rare qu'il la sacrifie complè-
tement, il la réserve pour une œuvre postérieure. Ce prodigieux inven-
teur est aussi un profiteur, ce prodigue est économe. On lit dans le
scénario de 1830 : « Isabeau la Thierrj'e. Phébus lui fait voir son poi-
gnard.— Jean livré mort à l'archidiacre au lieu de Phébus. La scène du
bord de l'eau. — C'est mon frère » ; on reconnaît la scène de Le Roi
s'amuse où Isabeau, devenue Saltabadil, livrera à Claude, devenu Tri-
boulet, au lieu de Phébus, devenu François P""^ son frère Jehan, devenu
sa fille Blanche.
''"Pour la Esmeralda le reliquat nous gardait un scénario qui diffère
beaucoup de la pièce représentée et deux versions du dernier acte.
Pour Ruy Blas, on nous fait connaître une longue variante du début
de la pièce.
Pour Marie Tudor, Victor Flugo rédige, du 7 au 10 août 1833, un
premier acte fort intéressant, mais qui n'est qu'une façon de prologue:
Fabiano y commence à peine sa fortune, il n'est encore ni le favori de
BIBLIOGRAPHIE 583
la reine ni ramant de Jane, l'action n'est pas engagée. Le 11, le dra-
maturge réfléchit et comprend que son premier acte n'amorce pas suf-
fisamment l'action. Le 12, il laisse décidément de côté ce prologue,
sauf à s'en inspirer plus tard quelque peu pour l'exposition de liuy
Blas,et, avec sa merveilleuse souplesse, il se met à écrire le premier
acte définitif. — (Le prologue abandonné nous est donné tout entier
par M. Meui'ice".
j^Pour les Burgraves, on nous donne aussi un remarquable prologue,
dont quelques vers sont passés dans la rédaction définitive du diame,
dont quelques autres traces étaient visibles sur le manuscrit de la
Bibliothèque Nationale, mais que tous les lettrés auront grand plaisir
à lire d'un bout cà l'autre. Et ce n'est pas tout. Ce hardi chof-d'œuvre
des Burgraves est un de ceux qui comportaient de la part du poète le
j)lus de tâtonnements; à ces tâtonnements nous assistons maintenant
avec une curiosité passionnée. Nous voyons les rôles de Régiua,
d'Otbert (primitivement George) et surtout de Guanhumara se trans-
former sous nos yeux; nous nous demandons même pourquoi Victor
Hugo n'a pas conservé une mystérieuse et troublante scène entre le
Mendiant-Donato et Guanhumara. Le reliquat des Burgraves est ainsi
singulièrement riche : il ne forme pas moins de six cents vers inédit^. Et
quand il a achevé de nous le livrer, ]\L Meurice pose ces deux questions
importantes [Thcâire, 111, p. 615) :
« Ici se termin'i le manuscrit préparatoire, où le poète puisera, pour
sou travail définitif, des vers ou des groupes de vers, des récits, des
scènes importantes ébauchées, d'autres entièrement achevées. On a jiu
observer cette façon suiiérieure de procéder : composer le plan, le cor-
riger, le compléter, eu écrivant le drame. L'action privée était ainsi
déjà solidement établie. L'action héroïque, celle de Barberousse, dont
il ne reste aucun brouillon, était-elle préparée de même?
« Autre question plus générale. Victor Hugo, avant de s'isoler pen-
dant quelques jours, comme c'était sa coutume, pour écrire et pai'a-
chever son manuscrit définitif, a-t-il fait pour ses autres drames, sans
qu'il en soit resté trace, ce même travail de préparation? et le manus-
crit-brouillon des Burgraves a-t-il été seul conservé parce qu'il con-
tenait des morceaux non employés qui valaient ti'op pour être
détruits ? »
Après les dossiers conservés par M. Meurice, les manuscrits
déposés à la Bibliothèque Nationale éclairent aussi d'une vive lumière
les procédés de travail de Victor Hugo. 11 est inutile que nous insis-
tions sur ce point, puisque nous avons rendu compte, ici-même, des
deux remarquables volumes de MM. Paul et Victor Glachant : Essai-'
critique sur le théâtre de Victor Hugo.ÇSi le plan de l'édition nouvelle
ne comportait point les innombrables variantes relevées dans VEssai
284 BIBLIOGRAPHIE
critique, ]M. Meurice pouvait cependant nous donner plus de spé-
cimens choisis des corrections du poète que n'en contenaient les deux
éditions définitives, et c'est ce qu'il a fait avec raison. D'ailleurs, ses
lectures différent parfois de celles de MM. Glacliant^_et les remarques
dont il accompagne ses notes sont souvent précieuses.] Signalons un
simple détail, mais qui a bien son intérêt. Dans leuféTude svw Angelo,
t. II, p. 133, MM. Glachant avaient écrit: << D'après le Témoin de la
vie de Victor Hugo (t. 11), «le drame, dans son état primitif, avait
cinq actes. La mort d'Homodei, au lieu d'être en récit, était en action.
Rodolfo allait punir l'espion dans un bouge de bandits, où se mêlaient
le vin et le sang. » L'on craignit que le bouge d'Homodei ne fît tom-
ber Anrjelo, comme le bouge de Saltabadil avait fait siffler Le Roi
s'amuse, et Victor Hugo se i-ésigna à couper l'acte. — Qu'est devenu
ce curieux morceau? Il n'en existe pas trace dans le manuscrit de la
Bibliolhèque. Mais il serait bien étonnant que l'auteur l'eût détruit. «
L'auteui' ne l'a pas détruit, en effet, mais ce curieux morceau est tout
au long dans le manuscrit comme dans les éditions. 11 résulte des
explications de M. Meurice (p. 252 et 257) que M""^ Victor Hugo a
visé la troisième journée, première partie ^ ; seulement elle a employé
quelques expressions inexactes, et c'est ce qui a trompé MM. Glachant.
Je viens, sans m'en apercevoir, d'emprunter un renseignement — et
combien en pourrais-je emprimter d'auti-es, des plus dignes d'intérêt?
-t- sl une section non encore signalée de l'édition nouvelle. Chaque
œuvre est suivie : 1° d'un historique du livre ou de la pièce; 2° d'une
revue de la critique; 3" d'une notice bibliogia[>hique ; A" d'une notice
iconographique. Pour les drames, on nous donne en outre un tableau
des distributions successives des rôles. De toutes ces indications les
curieux sans doute seront fiùands et les travailleuis feront le pKis
grand [)rofit. Mais ceux-ci prieront M. Meurice de leur être de plus en
plus utile en donnant à ces renseignements une précision de plus eu
plus grancTë7\< En 1832, dit"]\L Meurice, Notre-Dame de Paris fut
liubliée enflais volumes au prix de vingt-deux francs cinquante, aug-
mentée de trois chapitres, dont le fameux chapitre Ceci tuera cela »
(p. 450). Pourquoi ne pas ajouter les titi-es des deux auties : Impopu-
larité et Abbas beatï Martini ? — Plus loin, un article du Journal des
Débats est signé N.: pourquoi ne pas dire qu'il est de Désiré Nisard
et qu'il a été reproduit dans les Essais sur l'Ecole romantique, Cal-
mann-Lévy, 1891, in-16? — Pour beaucoup d'articles, le nom de l'au-
teur et le titre du journal sont cités, mais la date manque; une étude
de I\I. Filon sur Marie Tudor est môme mentionnée sans autre détail,
1 La première journée, la dnixiènie journée et les trois parties de la
troisième, voilà qui fait bien les cinq actes.
!
BIBLIOGRAPHIE 285
p. 132: il s'agit d'un aiticlo sur lefi Drames de V/clor Ilugo et
l'Hisloire d'Angleterre paru dans \c Journal des Vcbats le 24 déccin-
bre-1902. ^
/ Oserai-je adresser à M. Mcurice deux autres demandes? Victor
Hugo est un classique et, dans les éditions, si belles soient-elles, des
classiques les vers sont d'ordinaire numérotés. Pourquoi ne pas per-
mettre aux historiens de la littérature, aux critiques, aux philologues
, de citer Victor Hugo avec la même facilité qu'Homère, Virgile ou Cor-
neille? 11 n'a été jusqu'ici publié que trois œuvres en vers : la Esnie-
ralda, Ruy Blas et les Burgraves ; la petite réforme que je propose
est donc encore possible et facile. — A coup sur, il serait moins aisé
de faire suivre les textes de l'appareil complet des variantes; mais ce
serait là un tel enrichissement de l'édition, et qui rendrait aux lettres
un si grand service, que nous ne craignons pas d"ap[)eler sur ce point
[^'attention du pieux éditeur de Victor Hugo.
Ç Souhaitons la publication régulière de la très belle et très utile édi-
tion de l'Imprimerie Nationale; nous tiendrons d'ailleurs nos lecteurs
au courant de ses progrès.
Eugène R(GAL.
Paul Stapfer. — Victor Hugo à Guernesey, souvenirs personnels.
Paris, Société française d'Imprimerie et de Librairie, 1905, in-lG.
Peut-être ce livre, qui est orné de nombreuses et curieuses photo-
gra[)hies de Victor Hugo, de sa famille, de Hauteville-House, mais qui
contient aussi des autographes de Victor Hugo élogieuxpourM. Stapfer,
des photographies des élèves et d'un volume de M. Stapfer, enfin
celle du professeur de littérature française M. Stapfer lui-même,
— peut-être ce livre devrjit-il avoir pour titre : M. Sta^ifer et Victor
Hugo à Guernesey . Mais ma remarque n'est pas un reproche, car, si
le u moi » de M. Stapfer se montre volontiers, il n'est pas haïssable,
et tant s'en faut, étant celui d'un homme d'espi'it, auquel vont natu-
rellement la curiosité et la sympathie de ses lecteurs. D'ailleurs, ce
sont ici souvenirs personnels et, pour que l'auteur pût dire : Telle
chose m'advint », force lui était bien de commencer par dire : <( J'étais
ta.. »
Ces souvenirs personnels nous étaient déjà connus en grande partie,
car, parlant de Victor Hugo dans plusieurs de ses ouvrages, M. Stapfer
n'avait pu se refuser le plaisir et l'avantage de rappeler des conver-
sations du poète lui-même, de citer de lui des jugements et d'éclairer
ses œuvres par ses déclai'ations à demi confidentielles. « J'avais sou-
vent eu l'impression, dit-il p,211, que l'exilé de Guernesey comptait
un peu sur mon intermédiaire pour faire entendre ses paroles en
France, et que, loin d'appréhender mes indiscrétions, il versait dans
286 BIBLIOGRAPHIE
mon oreille des discours pour tout l'univers. Cet immortel a toujours
pris soin de la publicité de l'heure présente ; il ne dédaignait nulle-
ment pour la construction du temple de sa gloire la petite pierre cpie
j'y [)Ouvais apportei'. »
Mais, pendant la vie de Victor Hugo ou au lendemain de sa mort
triomphante, mais dans des ouvrages de critique littéraire où l'anec-
dote ne devait se glisser que timidement, les souvenirs de M. Stapfer
ne pouvaient se produire avec toute leur ampleur, comme ils le font
aujourd'hui. Victor Hugo à Guerjieseij est donc, en somme, un litre
nouveau, amusant, instructif, après la lecture duquel l'illustre exilé
sera mieux connu et l'auteur de tant de chefs-d'œuvre à certains
égards mieux compris. M. Stapfer, avec raison, a voulu présenter ses
souvenirs dans l'ordre — ou dans le désordre, comme on voudra —
où ils ont été recueillis, et l'impression de vie et de vérité est ainsi
plus forte. Mais il eût rendu service à bien des lecteurs en groupant
ensuite dans un index les hommes et les choses dont Victor Hugo l'a-
vait entretenu.
Eugène Rigal.
Emile Faguet, de l'Académie française. — Propos Littéraires,
(troisième sévie\ . Par is , Société française d' Imprimerie et de Librairie
1905, in-18,
La troisième série des Propos littéraires commence par des études sur
Malherbe et sur la Poésie française de 1600 à 1620,da.ns lesquelles sont
démêlés avec finesse les caractères d'une période de transition, où, au
milieu d'efforts très divers et quelque peu anarchiques, l'humanisme
cependant s'acheminait vers le classicisme. — Puis, brusquement,
M. Faguet nous parle des deux Faust, si différents, de Gœtheet de
Leuau et caractérise les deux poètes. — Enfin, le reste du volume
(sauf le dernier article, consacré à Nietzsche, et qui n'ajoute rien au
remarquable ouvrage, d'ailleurs écrit postérieurement : En lisant
Nietzsche) est consacré au XIX" siècle français. Il y a des articles
amusants, et qui n'en font pas moins penser, sur un certain nombre
de poètes et de romanciers, de romanciers surtout : Balzac, Flaubert,
Anatole France, Loti, Barres, etc. Les plus importantes de ces études
ont été écrites au lendemain de la mort de quelques écrivaius : Renan,
Taine, Edmond de Goncourt, Guy de Maupassant, Emila Zola. Est-il
utile d'ajouter que ce ne sont pas des éloges ou des pamphlets de
circonstance? et que les jugements de M. Faguet, s'ils ne peuvent
prétendre à rallier toutes les opinions, sont toujours sincères, motivés,
et très dignes d'un critique dont nous avons maintes fois signalé ici
les éminentes qualités.
Eugène Rigal.
BIBLIOGRAPHIE 287
Henri d'Alméras. — Les Romans de l'IIistoii'e. — Los dévotes de
Robespierre. Catlierine Théot elles Mystères de la Mèie de Dieu. Le
déisme et le culte de la Raison pendant la Révolution. — Paris,
Société française cVintprinierie el de librairie, 1905, in-lG.
La multiplicité des titres que 1\L d'Alméras a donnés à son nouvel
ouvrage en accuse le défaut, qu'elle a pour office d'excuser, La «Mère
de Dieu», Catherine Théot, et les pauvres mystiques qui l'entouraient
méritaient-elles vraiment le nom de << dévotes de Robespierre» ? Kn
tous cas, leur histoire i'ern[)]issait mal un J((i-<(? volume. M. d'Alméras
a commencé par l'étendre en citant entièrement dans son texte des
documents qu'il eût suffi d'analyser, sauf à les joindre aussi aux pièces
intéressantes qui sont reproduites dans l'Appendice. Il aensuite insisté
sur les fêtes de la Raison et de l'Etre supiême, où la Mère de Dieu
et ses fidèles n'ont pourtant joué aucun rôle.
Ajoutons, pour être juste, que ce défaut a été assez habilement
pallié et qu'un lien visible rattache ici les «les Mystères de la Mère
de Dieu », perfidement exploités par les ennemis de Robespierre, à
l'histoire de la gi'andeur et de la chute du dictateur déiste.
L'ancien chartreux dom Gerle, à la fois le sectateur et le directeur
spirituel de Catherine Théot, était un ancien collègue de Robespierre
à la Constituante et avait obtenu de lui un certificat de civisme : cette
curieuse figure a été peinte dans le livre de M. d'Alméras.
Comme le premier des Romans de V Histoire, consacré à Caglios-
tro, celui-ci montre jusqu'où est allée la crédulité humaine à la fin
d'un siècle qui avait tenu ;',vant tout à être raisonnable et à combattre
la superstition '.
E. R,
M. Roustan et C. Latreille. — Lyon contre Paris après 1830.
Le mouvement de décentralisation littéi'aire et ai'tistique. — Paris,
Champion, 1905, 71 pages, 8°.
Curieuse étude, dont le titre et le sous-titre font bien pressentir
lintéiêt. Après un examen rapide, mais animé, des revendications
lyonnaises, des Revues, de l'Académie, des sociétés littéraires et
artistiques fondées à Lyon, en un mot des efforts faits par les vail-
lants fils d'une originale cité pour secouer le joug intellectuel de
Paris, MM. Roustan et Latreille étudient successivement la musique,
la peinture, la poésie et la littérature lyonnaises après 1830. Les mor-
' P. 46, 1. 9, il faut sans doute lire firté au lieu de pitié. — P. 135,
qu'est-ce que : «Je poussais de rage» ? — P. 199, pouvait-on dire que
« le Comité de sûreté générale s'affirmait j)ositiviste » ?
288 BIBLIOGRAPHIE
ceaux cites n'ont pas toujours un accent bien personnel et prouvent
que l'influence parisienne s'exerçait toujours; mais il est intéressant
de voir ce que devenait le Romantisme en un tel milieu et quel était
pour cette pai'tie de la province le rôle d'un Lamartine, d'un Victor
Hugo ou d'un Béranger. E. II.
R. Michalias. — Rrs de lous Suts, Amhert, iinpr. J. Mlgcon,
1904 f avec traduction française).
C'est un recueil de vers en langage d'Ambert qui présente un grand
intérêt dialectologique et dénote un réel talent de poète sentant et
comprenant la vie des choses (voir notamment la pièce de la page 01
sur la vie et la mort des arbres). Une analyse développant ces deux
points de vue m'entraînerait trop loin : il me suffira de dire que ces
clianls des montagnes, reprenant une tradition littéraire perdue depuis
VOme content de Pasturel, assurent à leur auteur, — son maître et ami
Arsène Vermenouze appartenant à une autre famille dialectale — , la
première place parmi les écrivains du paider d'Auvergne.
J. R.
P. Roman. — Lou Gai-Sabé. Antonlouglo prouvençalo pèr l'an 1905.
1° annado. Avignouyi, Aiihancl fraire, 1905.
Cette anthologie contient une trentaine de morceaux choisis en vers
ou en prose, groupés sous quatre titres : lei troubadour, lei Iroubaire,
lou flourege, lei felibre. La plupart des pièces, sauf celles des félibres,
sont accompagnées d'une notice biogra[)hique et bibliographique sur
leur auteur. C'est une petite chrestomathie, commode et élégamment
publiée, qui permettra aux amateurs de parcourir à grandes enjambées
et sans fatigue la littérature provençale eu commençant par Bortran de
Born pour finir par Marins Pelabon.
J. Angîade. — Deux troubadours narbonnais : Guillem Fabre,
Bernard Alanhan. Narhonne, F. Caillard, 1905, in-8", 35 p.
Cette brochure de notre coUaborateiu' est une étud3 consacrée à
deux compatriotes — et deux contemporains — de Guiraut Riquier.
Les documents sont assez abondants sur le premier ; il n'en est pas
de môme du second, dont le nom n'apparaît pas dans les documents
narbonnais de l'époque. Les textes des poésies sont publiés avec tra-
duction et commentaire. A propos iïavalssa, qui se trouve dans B.
d'Alanlian, M. A. propose de le rattacher au latin uascus, a, uni.
Le Gérant responsable: P. IIamelin.
GOiNTENANGES DE TABLE EN VERS PROVENÇAUX
A M. Frédéric BRAUN
14. IL 1905
Il y a Iongtem[)S que j'avais copié à Florence le petit poèn.e didacti-
que ^ qui suit et que j'en avais promis la reproductiou à la Revue des
langues romanes. L'édi.tion de M. L. Biadene^ (ainsi que le compte
' Je préfère ce terme français à 1'» Ensenhamen » provençal, qui
s'appliquait, à ce qu'il paraît, à des compositions didactiques d'un
caractère spécial. V. J. BaUie. Der Begrifl des provenzalischen « Ensen-
hamen/>, dans VArcliiv fur das Studium der neueren Sprachen, vol. 113
(1904), p. 394 ss.; cf. W. Bohs, l'introduction à son édition du poème de
Rainion Vidal, Abrils issi' e maijs intrava, dans les Romanische For-
schiingen, XV, 1, p. 204 ss. Sur la littérature des « Ensenhamen» v.
aussi l'article de Ramiro Ortiz, Il « Reggimento » del Barberino ne' suoi
rapport! colla letteratura didattico-morale degli Ensenhamen, Zeitscitr.
fur roman. PhiloK, vol XXVIII (1904), p. 550 ss. et 679 ss.— Nos Conte-
nances ont reçu de M. Biadene (v. ci-dessous) le titre suivant: Com hom
se deu tener a taula. — Les questions de ce genre ont été traitées souvent
dans la littérature du moyen-àge. Toute une série des « Contenances »
en prose et en vers nous a été signalée par K. Weinhold, Die Deutschen
Frauen im Mittelalter^, I (1882), p. 160 ss.; ajouter le teste latin publié
par M. Biadene (ms. Ambrosianus 95 Sup. c. 33r-v) qui n'est qu'un
remaniement du poème publ. par M. Novnti (Carmina medii aevi p. 49),
le texte italien imprimé dans la Rivisfa di filol. rom. 11,45 ss., un autre
signalé dans la ZsfrPh, III, 126, Chastiement des dames de Robert de
Biais (v. Méon, Fabliaux et contes, Paris 1808, II, p. 184 ss.) ; v. aussi
Montaiglon, Recueil de poésies franc., I, ?• 186; Domostroï (Ménager)
russe du XVI s. (Etudes critiques sur le D. de /. Nekrasov, Tchteniya
Obchtchestva istorii i drevnosteï ross., 1872, II, p i ss.. A. Mikhaïlov,
Journal du Ministère de l'Instruction publ., 1889, II, p. 294 ss., 111, p.
125 ss.; ibd., 1889, VI, P- 372 et 1890, VIII, p. 332 ss. Sur les «Conte-
nances » suédoises v. H. Schùck, Svensk literaturhistoria, (Stockh. 1890)
I, p. 352 ss.
* Il a été signalé pour la première fois par M. P. Meyer, qui en a
imprimé de petits fragments, v. Romania XIV (1885). p. 519.
^ Cortesie da tavola in latino e in provenzale. Nozze Cassin-D'Ancona.
Pisa XXI gennajo MDCCCXCIII.
19
290 CONTENANCES DE TABLE EN VERS PROVENÇAUX
rendu qu'en a donné M. Tohler^) m'avait échappé alors. Je n'ai eu
connaissance de ce travail qu'après avoir mis la dernière main à mon
texte'. J'espère qu'on voudra bien excuser cette inadvertance en pen-
sant qu'il est difficile de se tenir au courant des publications de ce
genre.
Si je me permets de remplir la promesse faite à la Revue des
Langues Romanes, en pul)liant un texte déjà mis au jour, c'est que je
pense que la nouvelle reproduction de ce petit document littéraire
pourra être utile, les « Cortesic » de M. Bladene étant peu accessibles
et, par conséquent, peu connus. ■^
V. Chichmarev
1. Quan tu a la taula seras, fol. 16 v°.
la vianda tu senharas.
Avan que manges pensaras
dels paoures e los serviras,
5. que a Dieu deu donar la flor
de son condug, da la milhor,
c' aysel servir Dieus vol en grat
2. ms. scnhasras. — 4. M. P. Meijer imprime: paures ; je garde
la gra[ihie du ms., où Vou représente Vu de la diphtongue au, confor-
mément à l'usage du temps ; v. P. Meijer, Mémoires de la Société
de linguistique, 1, p. 157, et \V. Miishache, Geschichtliche Entwicke-
lungder Mundart von Montpellier, Heilbroun, 1884, p. 42. — 5. Corr.:
que a Dieu deu [hon] donar la flor. ... ou : que a Dieu deu[s]. ... de
ton condug? M. Biaden". intercale hoti et traduit les vv. 5 et ss. : chè
a Dio si deve dare la parte più scelta del projirio cibo, la migliore,
chè quel serviie Dio ha a grado più che non il rilievo.gli avanzi, délia
mensa. — 7. Corr. avec M. P. Meyer : col en grat ?
* A rcJiiv fiir das Stiidium der neucren Sprache?i, vol. 90 (1893), p. 326 ss.
* J'exprime ici ma plus vive reconnaissance à M. Pio liajna, qui a bien
voulu me communiquer son exemplaire des « Cortesie ».
* Sur les détails techniques des Contenances v. A. Schultz, Das hôfische
Leben im Mittelalter; M. Bartsch, Die Formen des geselligen Lebens im
Mittelalter, dans ses Gesammelte Vortriige und Aufsiitze, Freiburg i. B,
TUbingen, 1883, p. 272 ss.; Mûller, Die tàglichen Lebensgewohnbeiten in
den altfranzôsischen Artusromanen, Marburg, 1889 ; ^. Franklin, La vie
privée d'autrefois — Les repas, Paris, 1889; Laura Torretta, Il « Wâscher
Gast » di Tommasino di Celclaria e la poesia didattica del secolo XIII,
dans les Studl rnedievali, vol. I (1904), fasc. 1, p. 35 ss.
CONTENANCES DE TABLE EN VERS PROVENÇAUX 291
plus que non fay del relevât.
E quant a taula maniaras,
10. de trop rieyre ti gardaras,
car tost homs si faj escarnir
en tôt luoc hon el vol trop rir.
Non comens premier a maniar,
tro autre veias comensar.
15. Non vullias a sobre parlar
sobre taula a ton maniar,
quar faj si hom tenir per fol
e cuia hom que vin Tafol.
Bon guardar fay am qui maniaras
20. e con captenir ti deura?,
car sil honras el t' onraraf^n]
de so que davan lur tenran.
Ni non vullias trop enconb[r]ar
sobre taula a ton maniar,
25. que semblarie fosas glot
8. relevât — n'est pas dans Raynouard {Lexique) ; le mot doit
avoir ici le sens de Fit. rilievi, fr. reliefs, prov. releu, cf. la note de
M. P. Meyer. — 10. rieyre, v. Mistral, Lou trésor, s. v. rire : reire,
en rouerg. moderne ; reire, rieire. — 12. ms. trupiri. M. P. Meyer
imprime : crupir, en marquant le mot d'un point d'interrogation.
M. Biadene garde : crupir, leçon du ms., et l'explique par (( avvilii'si »
(marqué d'un?). Mais cet « avvilir.si » est loin de donner au passage
un sens satisfaisant. Du reste, l'explication paraît ne pas satisfaire
M. Biadene lui-même. J'accepte la correction (trop rir) proposée
par M. Tabler, qui est très simple et donne un sens bien meilleur.
— 17. ms. quan. M. P. ilfet/er préférerait : qu'auz. — • 19. Sur la
locution : fay bon, fr. fait bon, v. Tabler, Vermischte Beitriige zur
franz. Grammatik, Leipzig, 1886, p. 179 ss. — 21. ms. tonrara ou
tenrara ? — 23. ms. enconbar. — 25. semblarie. Notre texte nous
oifre plusieurs exemples de l'affaiblissement de ia en ie : v. tenrie
30, poyrie 51, Normandie 61. La Vie de Ste Marguerite et Lo Gar-
dacors que contient le même ms florentin, offrent tonte une série de
formes analogues: crezie à coté de benezia, sie — sia, vie - via,
Marie — Maria, Lucia, etc., nous rencontrons aussi sien à côté de
sian, tenrien, etc.
292 CONTENANCES DE TABLE EN VERS PROVENÇAUX
e d'ayso esser escarnit tantost.
Ni digas (ges) : « D'ayso vuel maniar »,
mas d'aquo que ti voiran dar.
Ni (non) digas ges : «D'ajso [non] vuelh »,
30. que tenriet o liora as erguelh,
mas cubri gent si not sap bon, fol. 17 ?'°
digas que tôt es bel e bon.
Ni [non] digas : « Aj per engal »,
qui que partisca ben ho mal.
35. E garda sobre ton maniar,
non vulhas en l'autruj badar.
]Ni non ti vuelhas escaudar
ta boca, (per) cochos de maniar,
que vergonha es de retrayre
40, mosels que veia hom atrayre.
Jamays non vulhas comensar
de vin heure ans el maniar.
Laysa comensar lo milhor
e aysi tu auras lauzor.
45. Tos vestimens vuelhas gardar
que non calha de maniar,
que cant tos vestimens en layses,
2G. ms. escarnit ou e?carnir? Corr. : d'ayso ers esc. t.? ou, comme
le propose M. Biadene : e d'ayso escarnir t'an tost il y a beaucoup
d'exemples de cette forme décomposée du futur en ancien piovençal.
— 29. ms. Ni non digas ges d'ayso vuelh. — 31. ms. non. — 33.
ms. per golut. Per engal — est la correction proposée par M. Pio
Rajna. La copie de Pierre de Serras donne : Ni digas non ay etc.,
mais le manuscrit original poi'tait, probablement, — « Ni non
digas » etc., qui aura contribué, eu ce cas-là, à l'altération du v. 29-
40. mosels, cf. mocel 50 et tesor 72, où le groupe rs protonique
s'est réduit à s. — 42. ms. en sel maniar. M. Biadene met une vir-
gule après maniar. — 44. ms. E aysi. M. Biadene lit : c'aysi et cor-
rige: que avsi. — 46. Corr. : y calha del maniar? Du reste, le vers
n'est pas très clair. M. Tabler propose de corriger — no i caia. Sur
calhar (coagulare) v. A'. Slichel, Beitiâge zur Lexicographie des
altprovenz. Verbums, Marburg 1890 = Ausgab. & Abhandl. hrsgb.
von K. Stengel, Lxxxvi, p. 24 ; Stimmlng, Bertran de Born, 2, 30
note; Chabaneau, Revue des langues romanes, ix, p. 203. — 47. ms.
Que cane.
CONTENANCES DE TABLE EN VERS PROVENÇAUX 293
ben es senhal que lag te payées.
Ni ia non vullias per ton grat
5'). heure, trol mocel aias pasat,
car mal Icu pojrie avenir
d'est[r]anguolhar e de morir.
Ni ia non vulhas convidar
ni de heure ni de nianiar
55. [s]els que a la taula seran,
car he leu a mal so tenran,
si donc de costa non ti se.
Ni non tencgas enap pel pe,
car non pot hom tan gen pauzar
60
Ni non vulhas heure nulha via
a costuma de Normandie,
car ellos heuran a una taula
sinquanta ves ses tota faulha. fol 17 v° .
65. Suau heura?, auzaut e gent,
non a signe de motas gens
que heven ara gola hadada,
la goria par que aion trencada.
A r enap non vulhas toccar,
70. quant seras plens de hon vin clar,
50, Le copiste a mis au commencement des vv. 50-61 des paroles
qui se trouvent au commencement des vv. 52-62, et qu'il a biffées
ensuile. Au v. 60, qui manque dans notre texte, correspondent les
paroles Si donc. Appartenaient-elles vraiment à ce vers? Il est bien
plus probable que ce Si donc ait été mis tout simplement par erreur,
puisqu'il se trouve au v. 55 à côté de Ni non au vers suivant, de même
qu'au V. 58 à côté de Ni non au v. 50. — 50. Le vers est trop long.
M. Tabler, en s'appuyant sur le vfr., propose de lire: mors, au lieu de
mocel. — 55. ms. els, sels est eu marge. — 57. Le sens n'est pas
bien clair : «N'invite pas , excepté ceux qui seront assis à côté de
toi»? — 58. ms. tencgas en appelpe. — 59. Corr. : nol pot? — 61.
ms. penre. M. Biadene garde la leçon du ms. — 65. auzaut, cf. le
v. 84. La diphthongne au de la première syllabe s'est développée
sous rinfluence de celle de la seconde. — 67. ms. : verien am gola ;
— 69. ms. A leuar. M. Tabler corrige : A l'enap. M. Biadene irn-
piime : A levar.
294 CONTENANCES DE TABLE EN VERS PROVENÇAUX
am tos det grases ni honglas,
tro al tesor los aias torcat ;
ni am la man que sie orezada
non bevas, tro Taias torcada.
75. E quant lo vin voiras levar,
non vu'has las hongîas ficar,
que si la hongla es ficoza,
elasera enverinosza.
De cals ti vuelh ieu castiar
80. que non los vulhas lag maniar,
an[z] los prenguas cortesamens
an los très det tan solaraens.
De sopas quant maniaras,
auzaut e gent ti pajseras,
85. e sien ben amezuradas,
que non las mordas dos vegadas.
Ni ia no(n) t(i) fasas escarnir
nulh temps per masal cajs implir,
ni non i metas per mon grat,
90. tro l'autra n[on] aias passât.
E beuras ton vin ben temprat
que non fasas parlar de fat :
la colpa non es ges del vin,
mas de tu quel baves (en)aysi. fol. 18 r°.
95. Motas vegadas li ven dol
qui vol beure a tôt son vol,
71. honglas ( : torcat) = honglatz — ongle. M. Tobler propose
de lire : onchas = onchatz. — 77. ms. sicoza. — 78. ms . enveri-
noszo. — 79. cals — n'est pas dans le Lexique roman. C'est le
lat. coagulum (cf. it. caglio, qualio, gaglio, etc.). E. Levy, Proven-
zalisches Supplément- Wôrterbuch: calh := saure Milch, Quarkkaese,
V. Mistral, calh, cai = matière coagulée, partie caséeuse du l^it,
lait caillé ; matière qui sert à faire cailler le lait, présure. — 81 .
ms. an los. — 83. ms. sopar. Sopa — soupe, sont des tranches de
pain destinées à être trempées dans le bouillon (V. G. Paris, Ro. x,
p. 60; Littré, Dictionnaire), cf. esp. ptg. sopa, l'it. zuppa = pane
intinto nel vino ou pane intinto in qualsivoglia altro liquore, minestra
fatta di pane messo nel brodo (Fanfani). — 88. ms. masas cays. —
92. ms. denfans. Corr. : de fat ou en fat?
CONTENANCES DE TABLE EN VERS PROVENÇAUX 295
la non vulhas nulh temps parlar
am lo cay plen de to maniai',
e garda que non t(i) esca vent
100. de nulha part ton ejsient,
la non vulhas ton nas torquar
am la man nuza ni mocar.
En aital luoc tu ti cejras
que ia vergonha non auras
105. que diga hom : « d'aqui levas! »
e (ti) i sejras quan (que) plus onrat.
Mezura es bona per tôt
e a taula sobre que tôt,
car sel que masa maniara
110. lo cors e l'arma nafrara :
lo cors per so quar se fendra,
l'arma per so car peccara.
Non ti oblides per ton gran ben,
si as amor de Dieu ni fe.
115. A Dieus lauzor deias donar
can de taula voiras levar.
Tôt homs ejsemple penra en te
de laysar mal e faran ben.
Amen.
100. ms. eysient, M. Biadene : ensient. — 105. levas = levatz,
M. Biadene corrige: levât. — 111. ms. fordra ou fondra? J'accepte
la conjecture de M. Pio Rajna proposée à M. Biadene. — 115. ms.
en tu, cf. le v. 94.
UNE VARIANTE ALLEMANDE
« APRES LA BATAILLE »
Victor Hugo, passé au rang des classiques, subira de plus
en plus leur sort commun : son œuvre s'augmentera de com-
mentaires et d'appendices, et un jour viendra où les écrits de
ses interprètes formeront une bibliothèque, comme il est
arrivé pour Dante, Shakespeare et Gœthe. On recherchera
les sources de son inspiration, on établira des rapprochements :
on le fait déjà, et en vérité cette érudition est le meilleur
hommage rendu au génie. Tout ce travail m'encourage à
reproduire un récit que j'ai rencontré dans le Livre allemand
de lecture pour les écoles bourgeoises et populaires du D"" Karl
Wagner : La bouteille à demi-pleine.
« Dans une guerre entre la Suède et le Danemark, un Alle-
mand de Flensburg, ville qui appartenait alors aux Danois,
avait pris part comme simple soldat à une bataille où les
Danois avaient eu la victoire. Après le combat, placé en sen-
tinelle, il avait obtenu, non sans peine, une bouteille de bière
pour étancher sa soif brûlante. Comme il la portait à sa bou-
che pour se restaurer, tout près de lui retentit l'appel suppliant
d'un Suédois qui, privé de ses deux jambes, demandait avide-
ment à boire. Cédant à la compassion, notre guerrier se
penche vers celui qui l'implorait, et, oublieux de sa pro[)re
souffrance, lui tend la pleine bouteille. Au même instant, le
perfide Suédois, pour assouvir une dernière fois sa haine
nationale contre les Danois, dirige un pistolet sur son doux
bienfaiteur. Mais celui-ci a le Seigneur Dieu pour bouclier :
l'arme rate. L'Allemand saisit tranquillement la bouteille, boit
UNE VARIANTE ALLEMANDE 597
la moitié du contenu, et la tend au mourant désarmé, en
disant : Maintenant tu n'auras que la moitié. Pour cette raison,
les descendants du brave homme portent dans leurs armes une
bouteille à demi-pleine » '.
En Allemagne, il serait possible de retrouver la source et
de déterminer l'authenticité historique de cette anecdote qui
paraît tout d'abord une variante d'Api^ès la Bataille, le mor-
ceau si connu de la Légende des Siècles ; mais la priorité de la
forme allemande ne prouverait point que Victor Hugo Tait
imitée. Dans toutes les armées européennes, des exemples
analogues de compassion pour les blessés sont nombreux, et
l'un ne fait point de tort à l'autre. L'idée de punir le traître
en réduisant sa part est un mouvement d'humeur naturel chez
un simple soldat. Mais nulle part comme à la guerre ne se
dessine avec vérité le tempérament de chaque peuple : la
bonhomie elle-même des races du nord s'y nuance très diver-
sement. Le soir de Vitoria, le caporal anglais Lawrence ren-
contre un blessé français auquel, comme au Danois de Flens-
burg, un boulet avait enlevé les jambes. Le malheureux,
craignant d'être tourmenté par les Espagnols, supplie le
caporal de ne pas l'abandonner. Lawrence consent à lui tenir
compagnie «mais aussi longtemps qu'il le juge bon», et
aussitôt pense à bien employer son temps. Il fouille le sac du
mourant, y trouve un morceau de porc cuit et trois ou quatre
livres de pain. Il découpe un peu de pain et de viande qu'il
laisse au Français et prend le reste. Sur les sept dollars espa-
gnols et les sept shillings que le blessé avait dans sa poche,
il lui rend un shilling et repart rejoindre sa compagnie.
Lawrence est un excellent homme, mais il n'oublie jamais son
intérêt, qu'il s'agisse de sa bourse ou de son estomac-.
' Deutsches Lesehuch fur Biirger iind Yolkschulen, v. Dr. Karl
Wagner, 23= éd., Stuttgart, 1873, p. 89. — P. 105-107, l'on a une
narration assez longue portant sur les privations que les soldats
prussiens s'imposaient pour désaltérer les blessés autrichiens, le soir
de la bataille de Nachod (27 juin 1866).
2 Les Mémoires d'un grenadier anglais (1791-1867), traduits par
Henry Gauthier-Villars, ont paru dans la Revue hebdomadaire, année
1897.
298 DE « APRÈS LA BATAILLE »
Le ton du récit allemand n'a rien de l'allure épique et che-
valeresque de la Légende : c'est celui d'une Morale en action.
Mais procéder à une comparaison terme à terme de deux
pages d'un caractère si différent, serait imposer à soi et au
lecteur un labeur stérile.
Ferdinand Castets.
DISCOURS
PROUNOUNCIA AU FE3TENAU DE SANTO-ESTELLO
lou i2 de jun 1905
EN Arle
Gènti Dono e car Felibre,
Eici sian dins la noblo ciéuta d'Arle, au mitan d'aquelo
planuro superbo qu'es lou caire-fourc soubeiran di pople latin,
lou nous ilustre d'aquéli grand camin de meraviho qu'espan-
diguèron, autre-tèms, la civilisaeioun et lou renoum dis àvi.
Arle! Gallula lloma Arelas ! Vilo de Constantin, capitaio
de la Pas Roumano ! Es la leiçoun de ti rouino passade e de
toun nouvelun prssènt que venèn teta vuei coume lou la de
nosto raço.
Gerto, Midamo, lis ensignamen d'Arle mancon pas, e lou
proumié de tôuti es aquéu de la Bèuta. Despièi lis antiqui
Venus e li dansairis de pèiro que fan l'amiracioun dôu mounde,
enjusqu'i chato inmourtalisado pèr Mirèio, la tiero est ramudo
e flourido, di rèino de belesso qu'enlusiguèron aqueste pais
prestigious. Arle, « ove'l Rodano stagna», coume dis lou
grand Dante; Arle, ounte lou Rose s'espalargo, pèr veni, dins
soun amplitude, «embrassa l'iscle inmènse de Camargo»,
Arle es la terre d'elèi de tôuti li pantai d'alegranço e de
malancounié, e lou mai agradiéu di pres-fa sarié seguramen
de segre emé vautre un d'aquéli draiôu de délice esperitau
que van dôu Teatre antique esbarlugant de lumière à la pre-
feundo douceur d'un calabrun is Aliscamp.
Mai, vuei, vous n'en demande escuso, es une leiçoun un pau
sévère bessai, mai necite à nèstis amo, une leiçoun d'enavans
e de fe que venèn cerca dins l'istôri d'Arle.
La grand planuro roudanence que, de Nimes à-z-Ais e
300 DISCOURS PROUNOUNCIA
d'Aurenjo à Marsiho, servo li soubro li mai estounanto di
tèms passa, aquéu centre geoulougi dôu « Bacin prouvençau »
que li serriero ceveneso e lis Aup dôufinenco e niçardo enclau-
son coume un nis de perfum e de joio, aquéu mesouioun de
la naciounalita prouvençalo a jouga dins Tistôri di Gaulo un
rôle capitau.
Emé lou Bacin de Toulouse e lou Bacin de Paris, lou Bacin
d'Arle es l'un di très grand centre pouliti que se disputon au
courrènt di siècle la prepoutènci en Gaulo, es l'un di très
grand pôle d'atracioun di pople, l'un di très grand fougau
ounte s'atubon à-de-rèng li reneissènço e s'ourganisou li forço
vivo di civilisacioun.
La Naturo ansin l'a raarca, e l'Istôri ansin lou counfiermo.
De tout segiir, lou passât de tôuti li terraire nostre s'amerito
l'estùdi e l'afecioun, car lôuti an vist se debaiia de triounfle e
de mau-parado, et tôuti aboundon en ensignamen souciau
fruchié. Mai l'on pou dire que lis evenimen essenciau, aquéli
qu'an muda prefoundamen lou destin di pople de la Gaulo,
de-longo an agu pèr fougau aquéli très centre pouliti majour :
lou païs d'Arle, Toulouso, Paris.
Es pas besoun de faire d'alôngui pèr rapela l'empèri de
Toulouso au tèms di Vesigot, e, plus tard, emé la dinastio
naciounalo di poupulàri Comte Ramoun, que segnourejavon
sus quasimen tout lou Miejour. L'impourtariço istourico de la
planuro roudanenco es encaro mai esclatatito : capitalo
au tèms di Rouraan, Arle demoro pièi long-tèms la capitalo
ideiouso de l'ideious Reiauœe d'Arle. Lou Bacin d'Arle vèi
flouri li pouderôusi republico d'Avignoun, de Marsiho e d'Arle
que tenon tèsto loungatnen is assaut di prince fourestié d'Uba.
Es d'Avignoun, dins lou Bacin d'Arle, que, setanto an à-de-
rèng, la Papauta vèn dita si lèi au mounde crestian. Enfin,
pèr mousti'a l'impourtanço majouro d'aquéli pôle d'atracioun,
d'aquéli pivèu geoulougi, estrategi, couraerciau, d'aquéli cen-
tre soubeiranamen istouri de Toulouso e d'Arle, basto proun
de raarca que dins la guerro naciounalo dôu siècle tregen,
quand la barbarie trioutifio de la civilisacioun et que la pre-
poutènci poulitico vai passa definitivamen à Paris, es encaro
dins li piano de Toulouso e d'Arle que se debanon lis evenimen
majour, aquéli que decidon di resulto finalo. Es à Muret, es à
AU FESTENAU DE SANTO-ESTELLO 301
Toulouse, es à Bèu-Caire, e, finalanien, souto li barri d'Avi-
gnoun, que lou nous de la guerro se trenco e que l'Astrado de
la patiio miejournalo se dcrruno de façoun decisivo.
Li piano deToulouso e d'Arlo, vaqui dounc, pèriiàutri Mie-
journau, lou teatre di respelido e di casudo, la terro di rouino
e di flourido, vaqui li cros ornai li brès de nosto naciounalita.
E, aro, aquéli causo estent segiiro e bèn entendudo, vole,
pôr la pensado, me repourta 'iné vous au mitan dôu siècle
dès-e-nouven, en 1850, alor que la boulegadisso felibrenco
èro pancaro araoudado, e, à supausa qu'à-n-aquelo epoco la
counsciènci di naciounalita fugue estado poussiblo emai assa-
bentado coume l'es vuei, vole nie demanda quétis idèio, quéti
desiranço apassiounado aurieu alor coumpli la courado d'un
lèime enfant de nosto terro d'O poussedissènt aquelo coun-
sciènci.
Vaqui, me sèmblo, ço que se sarié di :
Se lou Miejour dèu respeli, lou fougau de sa respelido
s'atubara seguramen dins li païs de Toulouso o d'Arle, car
ristôri atoustèras counfierma laNaturo. Mai, se l'on counsidèro
pausadamen li causo, es de souveta vuei que lou Destin elegi-
gue de preferènci lou païs d'Arle : la situacioun de noste
Miejour au mitan dis àutri nacioun lou destine en efèt, coumo
au tèras de Roumo, à servi de liame i pople latin. Or, la
planuro d'Arle es la grand crousiero d'aquéli pople, en même
tèms qu'un di caire-fourc majourau dôu ixiounde entié pèr lou
trafé e lis escàmbi de touto raeno. Aquéu grand caire-fourc di
pople poussedis sus la mar nostro un port soubeiran qu'es lou
jouièu lou mai requist di nacioun rnarino, acjuelo « porto dôu
Levant », aquelo flour dis âge, Marsiho^ que resisto despièi
dous milo an,gaiardo e que mai pouderouso, is assaut de tôuti
li pèsto, que vèngon de l'adré vo de l'uba ..
E, pèr marca li rode ounte s'atubon fourçadamen li reneis-
sènço, dequé i'araai? l'a lou lustre de l'istôri e di tra iicioun...
Or, vous lou demande, queto istôri e quéti tr.idicioun podon
se coum[iara en lustre à-n-aquéli di vilo dôu relarg d'Arle,
d'Avignoun, de Marsiho, de Nimcs, di Baus, d'Aurenjo ?. . .
Ounte soun lis espandidou capable de coungreia mai de fierta
naciounalo qu'aquéli de la Roco de Dom, di palais d'Arle,
dôu Lacidoun marsihés?...
302 DISCOURS PROUNOUNCIA
E, aro, quente es lou pres-fa niajour de tôuti H pople
qu'aparon soun èirae, que defèndon sa persounalita? Tout lou
mounde lou saup: es, en subre de tout, de garda jalousairien
sa lengo, de Tenlusi, de la mètre à l'ounour dôu mounde. Car
la lengo, acô's l'amo mémo d'un pople, sa tradicioun vivènto,
la cadeno aubenco e trignoulejanto que ligo li vivent i mort,
H felen is aujôu, Tome à la raço... Aqui-dessus, poudès inter-
rouga lou passât emai lou présent, vous respoundran d'uno
souleto voues que la lengo es lou substraturu même d'uno
raço. Tant que la lengo viéu, la raço vléu, e se la lengo tre-
lusis, la raço mounto.
Or, s'en-liô mai jamai s'es prouvado une lengo mai vivènto
que nosto lengo d'O, dins tôuti si manifestacioun dialeitalo;
p'en-liô mai jamai s'es escampihado une flourido de parla
naiurau mai fougous, mai entimamen fraire que li nostre, en-
liô mai, tambèn, se rescontro, dins touto la terro d'O ,un dia-
lèite mai evidentamen elegi de l'Astrado qu'aquéu de la pla-
nuro d'Arle.
E pode n'en parla libramen, à cor dubert, car siéu pas, iéu,
d'Arle nimai d'Avignoun. Davale di mountagno aupenco ounte
ai teta un parla vièi, rufe e sanitous. Enfant, ai gaubeja li
parla de Toulouso ; jouvènt^ ai pantaia dins aquéli dôu Len-
gadô e dôu NiçarJ. E s'ai ansin pouscu prépara dins iéu, pèr
l'esperiènci dirèito, la counsciènci, vuei pousitivamen coun-
quistado, de l'unita de nosto lengo, es donne pas un sentiraen
de particulari-sme estré que me buto, mai bèn la forço de
l'esclatanto verita que m'em[iaraulo irresistiblamen quand dise
la vertu soubeirano dôu parla d'Arle.
Certo, li caratère essenciau di dialèite astra pèr douna lou
vanc i respelido literàri di lengo soun proun clar e proun
couneigu pèr que sufigue de li rapela : aquéli dialèite soun
parla pèr de poupulacioun noumbrouso de pacan soulidamen
enracina dins lou terraire, vivent dins un relarg vaste e drud,
facilamen dubert is escàrabi, semena de vilo abourgalido e
richo... Or, aquéli coundicioun se rescontron meravihousa-
men dins la grand planuro roudanenco, ounte, di Sànti-Mario
à Mountelimar e de Niraes à Seloun, tout un pople de mei-
nagié gaubejo vigourousamen,e quasi sènso nuanço dialeitalo,
la lengo agusto de nùsti rèire.
AU FESTENAU DE SANTO-ESTELLO 303
Enfin, pèr li coundicioun mémo de aoun séjour, de souii
estage, lou parla d'Arle poussedis la fourtuno uMcnco d'èstre
l'un di mai evouluï, valènt-à-dire l'un di mai moudeiTio
di parla d'O; e acù's taml)èii — ristôri nous l'ensigno — uno
di coundicioun essencialo di parla que l'Astrado elegis pèr
cap-d'oustau dins li familio lenguistico que .se destressounon
vers la glôri dôu Verbe.
Mai es pas lou tout qu'uno lengo fugue vivènto e vigou-
rouso dins tôuti si parla, nimai qu'elo poussedigue un dialèite
gaiard e mouderne coume lou paria d'Arle. La voues de TIs-
tôri es unenco aqui-dessus tambèn : pèr qu'un pople re-
prengue, dins sa lengo, counsciènci d'éu-meme, fau de touto
nécessita qu'un pouèto naciounau s'auboure. Tôuti li raço ma-
trassado lou cridon loungamen dins si doulènci : « Ço que nous
fauto, cridon, es un pouèto naciounau... Ah! nasque enfin un
grand pouèto pèr noste sauvamen, qu'acô nous vaudra miés
que cent bataio gagnado !... »
Es pèr ac6, Midamo e car Felibre, que lou pensaire
de 1850, counsciènt dôu deveni di naciounalita, aurié segu-
ramen claus sa dicho coume seguis :
Pèr qu'uno respelido miejournalo ague l'astrado la meiouro,
es de souveta qu'elo chausigue pèr fougau la terro d'Arle,
ilustre caire-fourc di pople e mesouioun de la naciounalita
prouvençalo; es de souveta que lou sentimen de la lengo vèngue
ressuscita l'enavans de la raço; es de souveta, pèr compli tau
pres-fa, que lou dialèite d'Arle fugue elegi dôu Verbe e qu'un
grand pouèto s'auboure pèr l'ilustra magnificamen. . .
Quentojoio, o Felibre! quento fe, quento esperanço indes-
trutiblo dèvon-ti pas enarta nôstis amo, quand vesèn que lou
pantai naciounau de 1850 s'es coumpli pan pèr pan... quand
vesèn que l'asard i'es pèi' rèn, e que, segound soun èirao per-
sounau, se d'uni dison qu'èro uno causo escricho, d'àutri
podon facilamen cerca li resoun pousitivo e determinanto
d'aquéu miracle esmouvènt, d'aquéu miracle iinen que raarco
la respelido miejournalo pèr la mai glouriouso dis astradol...
Es toujour que, dôu terraire d'Arle, en 1859, un cop de cam-
pano a restounti sus l'univers entié, sonnant i quatre vent la
neissènço de Mirèio. Es toujour qu'uno lengo secutado cinq
siècle à-de-rèng, e mespresado de si fiéu éli-meme, a, tout
304 DISCOURS PROUNOUNCIA
d'un vanc, remounta vers li cimo de la glèri. Es toujour que,
perla vertu de l'engèni, vounge milioun d'ome esparpaia, des-
natura, isoula mouralaraen, an représ, en cinquanto an, coun-
sciènci de sa lengo et de sa raço, e que, vuei, li pensaire dôu
mounde entié regardon versMaiano coume de-vers la Mèco di
Tèms avenidou.
Gènti dono e car Felibre, uno raçoque, dôu prefound de si
fruchaio, coungreio au soulèu de Dieu un miracle tau que
Mirèio, acô's uno raço que se sauvo e que s'ilustro pèr l'eter-
nita.
Es pèr acô que, de tout caire e cantoun de nosto terro d"0,
touti li mascle d'aquelo raço, tôuti lis ome de bon voulé, d'en-
avans e de fe, qu'an l'estrambord de la patrio, de la grando
patrie, — car la pafiio es toujour granio, — es pèr acô que,
tôuti, nous sian vuei acaraina vers Arle, de cors e d'amo, pèr
veni rendre ôumage au pouéto soubran que nous a tira dôu
sourne, car tôuti' coumprenèn e sabèn que la coumunioun dins
Mirèio es la coundioioun essencialo de tout ome se disent
leimamen Felibre.
Mai, se tôuti couneissèn dins nosto amp lou camin glourious
de Maiano, ounte lou grand raistèri de la raço s'es coumpli,
se tôuti coumprenèn la [lourtado avenidouiro d'aquéu nou-
velun literàri que, desfourrelant coiirae un glàsi la lengo
mistralenco, a fa fiouri dins cinquanto au mai de cap-d'obro
que ges d'autro lengo d^'Europo, se tùuti nourrissèn pèraquelo
lengo mistralenco la mai fihalo amiracioun, es-ti, pèr acô, de
dire que lou Mistralisiiie de nosto aino nous coumande d'aban-
douna li parla luro terrenalo qu'an bresilia sus nôsti brès!....
Ah! fiéu despietalous e desnatura, aquéu que lou pretendrié !
Liogo lie coundana c )urae de patoues abastardi e mespresable
li parladufo terr.idour, nco que souii lou rajinun vivent e lou
fuiun fougous de nosto lengo d'O, lou Mistralisme, tout au
contro, ajustamen destressouna pertout l'amour, lou respèt
e lou culte d'aquéli parladuro. Es eu qu'a pertout prouclama
lou dre à la vido de tôuti li manifestacioun de l'amo peire-
nalo. Es eu que dis au pastie, au pacan, à Toubrié, au boui-gés,
es eu que dis en tôuti : c< Parlo la lengo de ta maire, ilu-tro-
la pèrtoun obro, pèr toun acioun, pèr l'eisèmple de touto ta
vido, à touto ouro, en tout liô ». Es eu que, pèr la voues dôu
AU FESTENAU DE SANTO-ESTELLO 305
Trésor mistialen, nous etisigiio H règlo et lou bon biais de
tôuti iiôsti parla. Es eu quo saludo de-longo, coume un bon
fraire einat, la flourido di pouèto de toute la lengo d'O. Es
eu que vai cerca li Vennenouzo, lis Arnavielle, li Mir, li Cas-
tela, li Roubert Benoit, lis IsidorSalles, li Camelat, li Lacoarret,
li Michalias, li Fe(lières,e tôuti, e tôuti lis autre, autant bèn li
Biarnés que li Perigourdin e li Limousin, autant bèn li Tou-
lousen que lis Auvergnas et li Cevenôu, es eu que li recarnpo
tôuti dins uno mémo couraunioun calendalo e que ié dis :
« Salut à vautre, lôimis enfant de la Terro-Maire, que revihas
l'enavans naturau, que deseadenas lou libre èime de la Patrio !
Beven ensemble lou vin de nôsti plant ! 0, touquen lou got
coume de fraire que se retrobon, car rebastissèn tôuti lou vièi
casau de lafamiho, à passa tèms rouina pèr Tenenii coumun!»
Vaqui,Midamo e car Felibre, l'essènci mémo de la dôutrino
felibrenco. Vaqui lou Mistralisme éu-meme. Aquelo dôutrino
a pèr elo de s'apieja sus li fa vivent, sus lis èime naturau
vivent, sus Fengèni espountaniéu vivent, e noun pas sus li
farfantello vuejo di principe a priori, e noun pas sus li litera-
turo d'imitacioun e de coumando.
E, aro, en espérant l'obro dôu tèms, dins l'asseguranço
qu'avèn de nosto respelido e di lèi de soun endeveni ; en
espérant lis escasènço fatalo que, belèu à la subito, nous four-
çaran d'intra dins li bataio decisivo, nous unissèn tôuti eici
dins la ciéutamistralenco pèr eicelènci, à constat dôu Museon
mistralen, dins l'esmeraviliamen de la bèuta de Mirèio.
E tôuti, couneissènt que sian dôu Felibrige vertadié, cou-
neissènt qu'eu soulet destressounolis èime e li parla terrenau
de tout lou Miejour, qu'eu soulet nous adraio e nous enauro
vers l'unita prefoundo de nostolengo, couneissènt enfin qu'un
tau Felibrige es aquéu di Primadié, aquéu de Font-Segugno
e de iMaiano, iéu vous demande d'apoundre vôsti voues à la
miéuno pèr crida d'un soulet alen : a Vivo lou Felibrige que
viéu et qu'a de viéure ! Vivo lou Felibrige mistralen ! »
Pèire Devoluy.
20
L'APOCALYPSE EN HAUT-ENGADINOIS
(Suite et fin)
Cap. X
(1) Et eau hae uis un ôi^er aungel pusaimt gniand giu da
schil, uostieu cun iina niifla, et lin arch celestiêl su sieu chiô ;
et sia fatscha era sco l'g sulailg, et haiiaiua pes 8co culuonnas
d'fœ : (2) et liauaiua in sieu maun tin cudeschét auert : et
matét sieu pe dret stilg mêr, et snister su la terra. (3) Et
clamô cun granda uusth, sco cura ch'iin liun brtigia. Et cura
chel hauét clamô, schi faflaun set thuns lur uusths. (4) Et cura
Ts set thuns liauessen [840j faflô lur uusths, schi er'eau par
scriuer. Et hse udieu tina uusth da schil dschant â mi : Isigla
las chiôsas chi haun faflô l's set thun?, et nu scriuer aquellas.
(5) Et l'g aungel qusel ch'eau hae uis stand sur Vg mêr et sur
terra, ho aluô sieu maun â schil, (6) et ho gitirô très aquel chi
uiua saimper me, quel chi ho creô l'g schil et aquellas chiôses
chi Sun in aquel, et la teria et aquellas chiôses chi sun in
aquêl : che nu uigna ad essor plu tijrnp. (7) Mu îls dis de la
uusth dailg setteuel aungel, cura chel curaainza ê sunêr cun
la tuba, alhura uain â s' cumplijr l'g segret da dieu : daco chel
ho predgiô très ses faraalgs protêts. (8) Et, hae udieu tina uusth
da schil darchiô faflant cun me, et dschant : Vo et prain l'g
cudesthét, chi es auert in maun delg aungel, chi sto stilg mêr
et su la terra. (9) El eau sun ieu tiers l'g aungel dschant agli
chel dés â mi l'g cudesthét.Et el dis â mi : Prain l'g cudesthét
et l'g trauuonda, et el uain â fêr malagiêr tieu uainter, mu in
tia bnochia uain el ad esser dutsth sco un mel. (10) Et eau lise
prais l'g cudesthét giu delg maun delg aungel et l'g hae trauun-
dieu, schi malagiêua mes uainter. (11) Et el dis â mi : Tu
stouuas aunchia profetizêr ils paiauns, et in las [841] leaungias
et ils pouuels et bgier araigs.
APOCALYPSIS DALG BIOG lOHANNIS DUCTUR 307
Cap. XI
(l)Et es â mi stô dô iina chianna suragiaunta ad iina perchia
et es stô dit â mi : Sto sii et imziira Vg taimpel da dieu, et Tg
huttêr, et aquels chi adiiran in aquel. (2) Et la cuort chi es
traunter l'g taimpel, bitta our dadoura, et nun imziirêr aquella,
par che ch'ella es dêda als paiauns, et la cittêd ssentauignen
els â zappignêr quaraunta duos mais : (3) et eau uœlg dêr â
duos mias pardiittas : che profetizan, uesiieus cun sacks, milli
et duaschient sasaunta dijs. (4) Aquels sun las duos uliuas et
l's duos chiandalijrs stand in terra in la ueziida da dieu. (5) Et
sch' iinqualchiiin uuol nuoscher ad els, sclii uo our da lur
bouchia fœ, ettrauuonda lur inimichs, et sch' iinqualcliiiin l's
uuol uffender, schi stouua el gnir amazô in aquella guisa.
(6) Et aquels haun pusaunza da clogier l'g schil che nu ploua
ils dis da lur profetia : et haun pusaunza sur las ouuas da las
miidêr in saung, et da batter la terra cun inmlinchia plêia et
inmiiQchia uuota che uœglian. (7) Et cura l'g haun glijfrô lur
testimuniaunza, la bestchia quœla chi uain sii delg abijss nain
â fêr incunter els gueira, et uain à l's uainscher et â l's amazêr.
(8) Et lur corps uignen â giaschair par las [)lazzas da la cittêd
granda, qusela chi spirituelmang uain anuranêrla [842] Sodom
et Aegyptus, innua ch' er nos signer es crucifichiô. '9) Et
aquels da las sclattas et dais pœuels et da las leaungias et
dais paiauns uignen â uair lur corps par trais dijs e miz, et nu
uignen â l's laschêr metter lur corps ils mulimains. (10) Et
aquels chi sefdan in terra uignen â s'allegrêr sur els et ad esser
leeds et â s' trametter duns liiin liôter, per che aquels duos
profets apasc[h]iunêuan aquels chi habitêuan sur terra.
(11) Et dsieua trais dijs et miz l'g spiert de la uitta da dieu es
ieu in aquels. Et sun stôs sii lur pes, et es gnieu iina granda
temma sur aquels chi l's haun uis. (12) Et haun udieu ûna
granda uusth da schil dsehant ad els : Gni sii aqui. Et els sun
ieus siin schil in iina niifla et lur inimichs l's haun uis. (13) Et
in aquella hura es gnieu iina granda terra trimbla, et la
dijsthma part de la cittêd es crudêda : et sun amazô in aquella
terra trimbla set milli persunas : et l's ôters sun astramantôs
308 APOCALYPSIS DALG BlÔG lOHANNIS DUCTUR
ethaun dô glœrgia â dieu da schil.(14) L'g seguond useestirô
uia. Et uhé l'g ters use uaiii â gnir bôd. (15) Et l'g setfseuel
aungel ho sunô cun la tuba, et sun duantêdas grandas uusths
in schil, dschant : L' [s] ariginams da quaist muond sun fats
ses da nos signer et da aieu Christ, et uain â reguêr saimper et
saimpermae.Amen. (16) Et l's uainc e quater seniours qusels chi
sezan auaunt dieu in lur sizs .sun tumraôs sii lur fatschas, et
haun a[843]durô dieu, (17) dschant : Nus dschain gracias âti,
signer deus omniputaint, quae! che tu ist et che tii eras et che
tli uainst â gnir : per che che tu lises arfschieu latiagranda
pusaunza et haest aregnô. (18) Et Ts paiauns sun irôs, et es
gnieu la tia ira, et l'g tijrap dais morts che uignen giùdgiôs : et
che tii dettas la mersché â tes famalgs préfets et â tes sencs et
ad aquels chi temman tieu num als pitsthens et als grands, et
che tii mettas à gippiri aquels chi mettan â perdar la terra.
(19) Et l'g taimpel da dieu in schil es auert, et es stêda uisa
l'archia da sieu testamaint aint in sieu taimpel : et sun duantô
liiischernas et uusths et tliuns et terras trimblas et granda
tempesta.
Cap. XII
(1) Et es parieu in schil iina granda isaina. Una duonna
uestida cun Tg sullailg et la liiina suot ses pes et in sieu chiô
iina curuna da dudesth stailas. (2) Et siand purtaunta, schi
bragiu' ella par parturir, et ho dœglias par parturir. Et es
uaisa iin' ôtra isaina in schil. (3) Et uhé lin grand drauun
cuotsthen,chiho set testas et dijsth corns, et sii sias testas set
curuna?, (4) et la sa cua treia la terza part de las stailas
dalg schil, et ho tramis aquella in terra. Et l'g drauun es stô
auaunt la duonna, qusela chi era par parturir, che cura chella
haués parturieu sieu fllg, chel l'g trauundés. (5) Et ella partu-
rit iin masckièl, qusel chi gniua ad arischer tuot pouuels cun
iina perchia d'fier. [844] Et l'g ses filgs es stô dô d'maun tiers
dieu et tiers sieu siz. (6) Et la duonna es fiigida in iin deserd,
innua che l'g era agli appinnô iin lœda dieu, innua chella uain
nudriêda milli diiaschient sasauiita dis. (7) Et es duantô iina
granda battagliain schil. Michael et ses aungels cumbattaiuen
APOCALYPSIS DALG BIOG lOUANNIS DUCTUR 309
cun Vg drauuu, et l'g drauun er cun ses aungels cunbattaiuen,
(8) et nun haun pudieu stêr scunterné haun pudieu acchiatêr
plu lœ in scliil. (9) Et es dsthchiatschô oura aquel grand drauun
la uyglià zerp, quselachiho nura l'gdiauel etsatanas, quœl chi
surmaina tuotelg muond, et es bittô in terra, et cun el sun
bittôs oura ses aungels. (lOj Et eau lise udieu iina granda
uusth. dschant: Huossa es duantcTg salùl et la uirtiiJ, et Vg
ariginam da nos dieu et la pusaunza da sieu Christ : perche
elg es chiatschô oura l'g aechiiisêdar da nos frars, quœlchi
acchiùsêua els auaunt dieu d\ii et d' not : (11) et els Vg haun
uit très l'g saung de .^l'g agnilg, et parmur dalg plêd de la
sia testimuniaunza, et nunhaun amô lur uittainfinaâ la mort.
(12) Par aqué 's allegro uus schils et uus chi stses in els. Vse â uus
chi stses in terra et îlg mêr, [)ar che l'g diauel aquel es gnieu
giu tiers uus, qusel chi ho iioa grand'ira, sauiand chel ho aun-
chia poick tijmp. (13) Et dsieua che i'g drauun ho uis chel es
stô bittô in terra, schi ho el perseguittô la duonna quela chi
hauaiua parturieu l'g masckie! [845]. (14) Et â la duonna
Sun stêdas dêdas duos êlas d'iina granda eaula, chella sthuulàs
îlg désert, in sleu lœ, innua chella uain nudriêda par tijmp,
et par tijmps, et par meza l'g tijmp our da la fatstha da la
zerp. (15) Et la zerp ho bittô our de la sia buochia dsieua la
duonna un 'ouua co lin fliiin, par chella gnis pigliêda dalg fliim.
(IG) Et la terra ho agiiidô la duonna, et la terra ho auiert
sia buochia et ho asuruieu l'g fliim, quel che l'g draun hauaiua
bittô our da sia buocchia. (17) Et l'g drauun es stô irô incunter
la duonna : et es tirô uia par fêr battaglia cun l's ôters.
L'g sem da quella, quaels chi saluan l's cumandamains da
dieu, et haun la testimuniaunza da lesu Christi. Et stet su l'g
sablun delg mêr.
Cap. XI ri
(1) Et hee uis gniand sii delg mêr iina bestchia quœla chi
hauaiua set testas et dijsth corns, et sur ses corns dijsth curu-
nas, et sur sias testas l'g nura de la blastemma. (2) Et la best-
chia quasla ch'eau hae uis suragiêua lia Liunpard, et ses pes
eran sco l's pes d'iin huors, et la sia buochia sco la buochia
310 APOCALYPSIS DALG BlÔG lOHANNIS DUGTUR
d'un liun. Et Tg drauun ho dô agli sia uirtiid et sien siz et sia
granda pusaunza (éd. pusaunaa). (3) Ethse uis iin dases chiôs
amazô sco da mort, et la sia plêia da mort es guarida. Et es
stô ûna mûraueglia par l'uniuersa terra [846] dsieua la best-
chia. (4) Et haun adurô l'g drauun qusel chi ho dô pusaunza â
la bestchia, dschant : chi sumaglia â quaista bestchia et chi po
cumbatter cun ella? l5) Et es agli dô iina buocchia da faflêr
grandas chiôses et blastemas. Et es agli dô pusaunza da fêr
[guerra] mais quaraunta duos. (6) Et ho auiert sia buocchia in
blastemnias incunter dieu, par blastmêi' sieu num et sieu
tabernacquel et aquels chi staun in schil. (7) Et es agli dô da
fêr guerra incunter l's ssencs et da l's uainscher. Et es agli dô
pusaunza in scodùna sclatta, in scodiin pœuel, in scodiina
leaungia, in scodiina lieud, (8) et uignen à l'aduiêr tuots
aquels chi habitten sur la terra : da qnœls lur nura nun es
scrit îlg cudesh de la uitta delg agnilg, quse chi es amazô dalg
priim cumanzamaint delg muonrj. (9) Schi qualchiiin ho ura-
glia, schi ôJa. (10) Chi maina in praschun, uo in praschun : et
chi amaza cun la spêda stouua er mûrir cun la spêda.Aqui es la
pacijncia et la fe dais ssencs. (11) Et hse uis iin' ôtra bestchia
gniand six de la terra, quse'.a hauaiua duos corns, qusels chi sum-
giêuan aquels delg agnilg. etfaflêuasco l'g drauun. (12) Et fo
tuotta la pusaunza de la priimma bestchia in sia ueziida, et l'o
che la terra et aquels chi staun in ellaaduran la priimma best-
chia, da quaela fiit guarieu la plêia da mort. il3) Et fo grandas
isainas, chella fo er gnir l'g fœ giu da schil in la ueziida da la
lieud. (14) Et surraaina aquels chi staun in terra très las isai-
nas chi sun dêdas da fêr agli, in la ueziida de la bestchia,
dschant ad aquels chi staun in terra, che faschen l'inmêgina
de la bestchia, qusela chi ho la plêia de la spêda, et es uiuida.
(15) Et es agli dô chella dés l'g spiert â l'imêgina délia best-
chia, et che l'imêgina délia bestchia fauella, et fascha che
tuots aquels chi nun aduran l'imêgina délia bestchia che
uignen amazôs. (16) Et fo che tuots pitschens et grands et
aricks et pouuers, libers et famalgs prendan l'g signêl sii lur
maun dret, â sii lur fruns. (17) Et ch'iin nu possa né cum-
prêr ne uender upœia cliel hêgia l'g signêl u l'g num de la
bestchia u l'g inn[u]tuber da sieu nura. (18) Aqui es la sabijn-
scha, chi ho intellét fo araschan [548] delg innumber de la
APOGALYPSIS DALG BIOG lOIIANNIS DUGTUR 811
bestchia, perche elg es Tg innumber delg hum, et l'g sieu
innuiïiber es sijsschient et sasaunta sijs.
Cap. XIIII
(1) Et he uis, et uhé un agnilg chi sto sûlg munt da Sion, et
cun el schient quarauiita quater milli chi haun l'g )ium dalg
ses bab scrit in lur fruns. (2) Et hae udieu ûna uusth da schil
SCO la uusth da bgierrcis ouuas, et sco la uusth dad iiu grand
tliuu, et hse udieu la uusth dais chiantaduors chi sunêuan cun
lur citras. (3) Et chiauntan sco iina nuoua chianzun auaunt l'g
thrun, et auaunt Ts quater alinueris et l's seniours : et ùngiun
nu pudaiua imprender quella chianzun ôter co aquella schient
quaraunta quater milli, quœls chi sun cumprôs de la terra.
(4) Aquaists sun aquels,chi nu s'haun brudgiôs cun las dunauns :
per che che sun vergins. Aquasls uaun partuot sieua l'g agnilg
innua chel mad uo. Aquels sun cumprôs de la lieud l'g prûm
friit â dieu et agli agnilg (5) et in lur buocchia nun es acchiattô
ingian. Per che els sun sainza macla auaunt Tg thrun da dieu.
(G) Et hse uis un ôter aungel schuuland par meza l'g schil, chi
hauaiua l'g perpetusel euangeli, par predgiêr ad aquels chi
staun sii la terra, â tuotta la lieud, â scodiina sclatta, et â
scodùna leaungia, et â scodùni [849] pœuel, (7) dschant cun
granda uusth : Tmé dieu et dêd agli hunur, per che elg es
gnieu l'hura da sieu giiidici : ei aduro aquel chi ho fat l'g schil
et la terra et l'g mêr, et las funtaunas da l'ouua. (8) Et iin ôter
aungel es gnieu sieua, dschant: Ella es tumêda, Babylon,
aquella granda cittêd : per che ch'ella ho dô da baiuer dalg uin
da l'ira da sieu ruffianseng â tuotta la lieud. (9) Et l'g ters
aungel es gnieu dsieua aquels, dschant cun granda uusth:
Sch' iinqualchiiin adura la bestchia et la sia imêgina et prain
l'g signêl in sieu frunt u in sieu maun, (10), er aquel uain â
baiuer deig uin da l'ira da dieu, quel chi es mastdô cun l'g
spiir uin in l'g bacchiêr de la sia ira. Et uain â gnir apaschiunô
cun fœ et cun suol[)er in la ueziida da ses saines aun,i:re]s, et
auaunt la ueziiiia dalg agnilg. (11) Et l'g fiim da lur turmaint
uain ad ir sii saimper et saimpermœ. Né haun pôs né d' di né
d' not aquels chi aduran la bestchia et la sia immêgina, et
31 '2 APOCALYPSIS DALG BlÔG lOHANNIS DUCTUR
sch' unqualchiûn arschaiua la nuoda dalg sieu nura. (121. Aqui
es la pacijncia dais ssencs. Aqui aquels chi saluan Ts cuman-
daraains et la fe da lesii. (13) Et hse udieu iina uusth da schil
dscbant â mi : Scriua : Bios l's morts chi muoren îlg signer da
quinder inuia. (14) Schi schert l'g spiert disth : par chels
hêgian pôs da lur fadias, mu lur heures uaun dsieua els.
(14) Et lise uis, et uhé [850] iina niifla alun, et sur la niifla iin
chi sezaiua, chi era sumgiaunt alg filg del hum, chi hauaiua sii
sieu chiô iina curuna d'ôr et in sieu maun iina fôtsth agiiizêda.
(15) Et iin ôter aungel es ieu our delg taimpel clamand cun
granda uusth ad aquel chi sezaiua sii la niifla : metta la tia
fôtsth et seia : per che elg es gnieu (éd. gnien) l'hura â ti, che
tii seias, per che che la mes de la terra es guida secchia.
(16) Et aquel chi sezaiua sii la niifla ho mis sia fôtsth in terra
et la terra es sgiêda. (18) Et un ôter aungel es gnieu our delg
huttêr, qusel chi hauaiua pusaunza sur l'g fœ, et ho clamô cun
granda uusth ad aquel chi hauaiua la fôtsth agiiizêda, dschant:
metta tia fôtsth agiiizêda et nindemgia l's punchiêrs de la terra,
per che las sias hiiias siin madiiras. (19) Et l'g aungel ho rais
sia fôtsth agiiizêda in terra et ho uinderagiô : la uigna de la
terra, et ho mis aint îlg grand tuorohiel da Tira da dieu.
(20) Et l'g luorchiel es chialchiô our dadour la cittèd, et es ieu
saungour delg tuorchiel, inflna sii als frains dels cliiauals da
lung inûna milli et sijs schient stêdis.
Gap. XV
(1) Et hse uis iina ôtra granda et miirafgliusa isaina in
schil, set aungels, quels chi [851] hauaiuen set las plii dauous
plêias, per che in els es glifrô Tira da dieu. (2) Et hse uis sco
iin mêr d'uaider mastdô cun fœ, et aquels chi mnêuan la uic-
toria de la hestchia, et de la sia immêgina, et dalg innumber
da sieu num, stand t-ii l'g mêr d'uaider, et hauaiuen las citras
da dieu, ^3) et chiantêuan iina chianzun da Moysi famalg da
dieu, et la chianzun dalg agnilg, dschant : Grandas et miiraf-
gliusas las tias houres, signer deus omniputaint, giiistas et
uairas sun las tias nias, ô araig del.s ssencs. (4) Chi nu daia
tmair, signer, et nu daia glurifichiêr tieu num ? Per che tii
APOCALYPSIS DALG BlÔG lOHANNIS DUCTUR 313
sul ist bun. Per che tuots pouuels uignen â gnir et alurêr te
in tia ueziida, per che che tes giiidicis sum manifestôs, (5) Et
dsieua aqué hse eau uii*:, et uhé elg es auert l'g taimpel dalg
tahernaquel da la testimuniaunza in schil, (6) et sun ieu oura
set aungels, chi hauaiuen set plêias, dalg tairapel, uestieus
cun linzœl net et alf, et schintôs intuorn lur bruosths cun
schintas d'ôr. (7) Et iin dais quater alimeris det als set aun-
gels set tazzas d'ôr, plainas da Tira dalg uiuaint dieu saimper
et saimper mte. (rS) Et Vg taimpel es implieu d' fûm de la
maiestêd da dieu, et da la sia uirtiiJ, et uiigiiin nu pudaiua
antrêr îlg taimpel, infina clic nu f'iissen glifrêdas las set plêias
dais set aungels.
[852] Cap. XVI
(1) Et eau hse udieu iina granda uusth delg taimpel, dschant
als set aungels : Izen et spandé oura in terra las set tazzas da
Tira da dieu. (2) Et es tirô uia l'g piiim aungel, et ho spauns
la sia tazza in terra, et es fat iina mêla plêia et nuschaifla â la
lieud, quels chi hauaiuen la nuoda de la bestchia, et in aquels
chi adurêuan la sia immêgina. (3) Et l'g seguond aungel ho
spauns la sia tazza îlg mêr, et es duantô saung sco da iiu
muort, et scodùna huorma chi uiuaiua îlg mêr es muorta.
(4) Et l'g ters aungel ho spauns la sia tazza îls fliims, et in las
funtaunas da l'ouua, et sun duantêdas saung. (5) Et hae udieu
iin aungel dschant : Signer, (ii ist quel chi ist et chi eras, et
ssenc, per che che tii haest giudichiô aquaistas chiôses, (6) per
cho els haun spauns l'g saung da tes ssencs et da tes profets,
et tu hses dô ad els saung da baiuer. Per che els sun vengiauns.
(7) Et hae udieu iin ôter schant : Schi, signer deus omniputaint,
l's tes gïlilicis sun uairs et giiists. (8) Et l'g quart aungel ho
spauns sia tazza î'g sullailg et es dô agli da apaschiunêr la
lieud cun la sckialmauna très l'g fœ. (9i Et la lieud haun
hagic-u chiôd cun granda sckialmauna, et haun blastmô l'g
num da dieu, qusel chi ho la pusaiinza sur aquaislas plêias,
né haun hagieu ariiflijnscha da lur putrœgnas, par dêr agli
[853] glœrgia. (10) Et l'g quint aungel ho spauns la sia tazza sii
l'g siz da la bestchia, et sieu ariginam es gnieu sckiùr, et haun
314 APOCALYPSIS DALG BlÔG lOHANNlS DUCTUR
murdieu lur leaungias par gramezchia, (11) et haun blastmô
Vg dieu da schil par lur duluors et par lur bignuns, né sun
imgiurôs da las lur houres. (12) Et Tg sijsseuel auiigel ho
spauns la sia tazza in aqué grand fliim Euphratem, et l'ouua
es sùtta, par che gnis appinô la uia dels araigs da leuant,
(13) Et eau he uis gniand our da la buochia dalg drauun et
our da la buochia de la bestchia et our de la buoehia dalg
fuos profet trais mêlnets spierts in mœd da raunas. (14) Per
che é sun spierts dais dimunis chi faun isainas par che giessen
tiers l's araigs da tuotta la terra als araspêr à la battaglia da
quel grand di delg omniputaiiit dieu. (15) Uhé eau uing sco
iiu lêdar. Biô es aquel chi uaglia et chiiira sia uesckioiainta,
chel nu uigna ad ir niid et che uezan sia tuorp. (10) Et ho
araspô aquels îlg lœ chi uain anutnnô in liebreasth Armagge-
don. (17) Et l'g setteuel aungel ho spauns sia tazza îlg Iser. Et
es ieu oura ûna granda uusth da schil dalg thrun, dschant :
Elg es fat. (18) Et sun gnieu liiischernas et uuslhs, et ihuns et
iina granda (éd. grauda) terra trimbla, talla chi mse nun es
stêda, dapœia che la lieud es stêda sur terra lin talla taunt
granda terra trimbla. (19) Et la granda cittêd es fatta in trais
pars [854] et las cittêds dais paiauns sun aruinèdas. Et la
granda Babijlon es gnida in memœrgia aiiaunt dieu, per dêr
agli l'g baccliiêr dalg uin dalg desthdeng de la sia ira.
(20) Scodûna isla es fiigida et l's munts nu sun acdiattôs.
(21) Et es gnieu ûna granda terapesta giu da schil sco un
talent in la lieud, et la lieud haun blastmô dieu par la plêia de
la tempesta, par che la sia plêi.i es siêda fatta fick granda.
Cap. XVII
(1) Et uen lin dais set aungels, qusels chi hauaiuen set tazzas
et ho faflô cun me dscliant â mi : Vitten ch'eau vœlg amussêr
â ti la cundannaschuii de la granda pittanna, qusela chi seza
sur bgierras ouuas, (2; cun aquaela haun aruffianô l's araigs
de la terra, et sun inauriôs aquels chi staun sur terra cun l'g
uin da sieu pittanœng. (3j Et l'g spiert m'ho purtô îlg deserd.
Et, lue uis iina duonna seziand siin iina bestchia cuotsthna
plaina d'nums de la blastemma, chi ho set testas et dijsth(s)
APOCALYPSIS DALG BIÔG lOIIANNIS DUCTUR 315
corns. (4) Et la duonna era uestiila d' purpur et d' sckiailatta,
et era sardurêda (sic) cun our, et cuti pedra preciusa, et cun
perlas, et hauaiua in sieu maun iin bachiêi* d'ôr, plain d'iiuri-
bles chiôses e d' spurcliijn.sclia de la sia luxiirgia. (5) Et in
sieu fîunt era scrit l'g nura : L'g Secret, Babijlon granda
mamma deig pittanœng, et da las horibias chiôses de la terra.
(6) Et hae uis ûna [855] duontia aiura dalg saung dais sasncs, et
dalg saung dais marters da lesu. Et eau m'hse straiii-afgliô
cura eh' eau hœ uais aquella cun ùna gianda miirauseglia.
(7) Et i'g aungei dis â mi: per che hsest miiraueglia? Eau uœlg
dir â ti I'g segret de la duonna, et da la bestchia chi port'
aquella, qusela chi ho(t) set testas et dijsth corns. (8) La
bestchia, qusela che lii lises uis, es stêda et nun es, et uain â
gnir sii delg abijs, et uain ad ir in perdizun, et uigiien â
s'astmiirafgliêr tuot aquels chi staun in terra : da qusels lur
nums nu sun scrits îlg cudesth de la uitta, dalg mund creô
itinô, ueziand la bestchia, qusela chi era et nun es. (9) Et aqui
es Tg inclijt, qusel chi ho sabbijnscha. Las set testas sun set
munts, sur qusels chi seza la duonna, et sun set araigs.
(10) Schinc sun tumôs, et un es aunchia, et liôter nun es
aunchia gnieu. Et cura chel uain, schi stouua el stêr poick
tijrai). (11) Et la bestchia qu^la chi era et nun es, et aquel es
I'g utta3uel, et dais set, et uain ad ir â gippiri. (12) Et Ts
dijslh corns qusels che tii lises uis sun dijsth araigs qusels chi
nun haun aunchia arfschieu i'g aiiginam. Mu els uignen ad
arschaiuer la pusaunza sco araigs in iin' hura cun la bestchia.
(13) Aquels haun tuot iin cuselg et daun lur uirliid et pusaunza
â la bestchia. (14) Aquels uignen â cumbatter cun I'g agnilg.
Et I'g agnilg uain â l's uainscher : per che el es I'g signer dais
signuors, et araigs dels araigs. [^56] Et aquels chi sun clamôs
cun el, et elets, et fldels, (15) Et el dis â mi : Las ouuas, quselas
che tii bœs uis, innua chi seza la pittauna, sun l's pouuels et
la lieud, et l's paiauns et las leaungias. (16) Et l's dijsth corns,
qusels che tii hses uis in la bestchia, aquels chi uignen ad
hauair in œdi la pittauna, et uignen à fêr eila déserta et niida,
et uignen â raagliêr sia chiarn, et uignen â la briischêr cun
fœ. (17) Per che deushodô in lur cours, che faschen aqué chi
plêscha agli, et che faschen iina uœglia et che detten lur ari-
ginam â la bestchia, infina che uain cumplieu la uerua da dieu.
316 APOCALYPSIS DALG BlÔG lOHANNIS DUGTUR
(18). Et la duonna che tii haes uis es la cittêdgranda, qiijela chi
ho Vg ariginam sur l's araigs de la terra.
Cap. XVIII.
(1) Et dsieua aqué hse eau uis lin ôter aungel gniand giu da
scliil, chi hauaiua granda pusaunza, et !a terra es gnida clêra
de la sia splendur. (2) Et ho clamô cun forza ad huôta uusth,
dschant : ella es tumêda, la granda Bahijlon, et es fatta iina
habitaunza dais diraunis, et ûii salf da scoduu mêl spiert, et un
salf da scodûn brudi et iriêluuglieu utschilg : (3i per che che
delg uin da Tira da sieu pittanseng haun bauieu tuot pouuels.
Et l's araigs de la terra haun aruffianô cun ella, et Ts rnerchia-
dauns da la terra sun gnieus aricks de la pusaunza da lur
delets. [857] (4) [Et] hse udieu iina ôtra uusth da schil
dschant : Izen our da quella, mieu pœuel, che uus nu saias
personêuels da lur pchiôs et che uus nun arschaiuas da lur
plêias. (5) Per che lur pchiôs sun arriuôs infina siiu schil, et
deus s'ho algurdô da lur nusthdsets. (6) Arendé agli suainter
chella ho fat â uus, et indublô agli l'g dubel suainter sias
houres. Maté aint agli l'g dubel in aqué baechiér chella ho
mis aint â uus. (7) Quaunt sco ella s'ho hundrô se suessa et es
stêda iu delets, taunt matté aint agli turmaint et plaunt; per
che ella disth in sieu cour : Eau sez aregina, et nu sun uaidgua
et nu uing â uair plaunt. ^8) Très aqué in iin di uignen â gnir
sias pleias, la mort, l'g plaunt et la fam, et uignen abriischôs
cun fœ : per che che l'g signer deus es pusaunt, qusel chi
uain â giiidichiêr aquella. (9) Et l's araigs de la terra uignen
â cridêr aquelîa, et fêr mel uiers par aquella, qusels chi haun
aruffianô, et sun uiuieus in delets cun ella, cura che uignen â
uair l'g fiim da sieu arder, (10) stand dalsenslh parmur de la
temma da sieu turmaint, dschant : Vse, uae ad aquella granda
cittêd Babijlon, aquella pusaunta cittêd, per che in iin' hura
es gnieu l'g tieu giudici. (11) E l's merchiadouns da la terra
cridan et piaunschan sur ella, par che chella nu cumpra plii
la lur merchantia (12) d'ôr, d'argient, d'peJra preciusa, né
d"per[858] las né d' bucchiaschin, né d' sckiarlatta né d'saida
né d'iingiiin.lain sauurieu né d'iiûgiiiu uaschilg d'auœri, né
APOGALYPSIS DALG BlÔG lOHANNIS DUGTUR 317
d'iingiiim naschilg d' lain prccius né d'iutun, né d'fier né
d'raarmel (13) né cinamonura, né d'chiôia sauurida, né d'hiit,
né inschais né uin né œli né da la flur d' farina né furmaintné
giumaiiis né nuorsas né chiauals né chiarettas né d'sckiefs né
da las liormas da la lieud. (14) Et l's pums deig ariginam de la
tia horma sun partieu our da te. Et tuotta grascha et tuottas
bellas chiôsas sun passé Jas uia â ti, et nu uainst huossa plu â
las acchiatêr. (15). L's merchiadauns da quaistas chiôses,
qusels chi sun fats arieks, uiguen â stêr da lœnsth dad ella,
par temma da sieu turraaint, cridant, planschant, (16) et
dschant : Vae, use ad aquella granda cittéd, quela chi era uestida
cun buchiaschin, cum sckiarlatta et era cun saida, et era sai-
durêda cun or et cun pedra preciusa et cun perlas, (17) Per
che in lin' hura sun é abandunê las tauntas arichezzas. Et
scodiin guuernadur da nefs, et la cumpagnia tuotta tla las nefs,
etnautijrs, et chi lauuran îlg mêr, sun stôsda lœnsth : (18j et
haun clamô ueziand l'g l'g fiitn da sieu arder dschant:
Quela era sumgiaunta ad aquella granda cittêd ? (19) Et hauu
mis puolura su lur chiôs et haun clamô ciidant et planj^chant :
Vae uae, aquella granda cittêd, in aquela che sun gnieus
aricks, tuot aquels chi [859] hauaiuen nefs îlg mêr da lur
pritsths, per che in iin' hura es ella abandunêda (éd. abundu-
nêda. (20) 'S'allegrô sur aquella, l'g schil, et saines apostels
et profets, per che deus ho giûdichiô uos giiidici dad ella.
(21) Et iin ferm aungel prandét su iina pedra sco iina granda
muola et la bittô îlg mêr dschant : cun aquaista frtiza uain â
gnir bittêda aquella granda cittêd Babjlon, et nu uain plii mse
â s'acchiatêr. (22) Et la uusth da quels chi sunan las cytras
et dais chiantaduors et da quels chi sunan tiuels, et la tiiba, nu
uain â gnir udida plii in te, et scodiin artischaun, da qusel art
chi saia, nu uain â s'acchiatêr plii in te. Et la uusth dalg
mulin nu uain â gnir udida plii in te. (23) et la liiislh da la
glimijra nu uain â dêr plii clêr in te, et la uusth dalg spus et de
la spusa nu uain aqui dsieua â gnir udida in te : par che tes
merchiadauns eran princips de la terra : par che tuots pouuels
Sun sur[u]ieus in tes zœbers, (24) et in ella es acchiattô l'g
saung dais profels et dais ssencs et da tuots aquels chi sun
stôs amazôs sur terra.
318 APOCALYPSIS DALG BlÔG lOHANNIS DUCTUR
Cap. XIX
(1) Dsieua aquellas chiôses he eau udieu lina granda uusth
da bgierra lieud in schil, chi dschaiua : Alléluia Tg salûd et
l'hunur et la glœrgia et pusauiiza â dieu nos signer (2) per
che ses giûdicis sun uairs et giiists, per che el ho gividichiô
da la gratida pittauna, qusela chi ho cun sicu pittanœng guastô
la terra, et ho fat uandetta [860] dalg saung da ses fanialgs
car dalg maun da quella. (3) Et darchiô dissen é : Alléluia.
Et l'g fûm giet sii saimper et saimpermse. Et s'bittaun giu Ts
uainc e quater seniours et Ts quater alimeris, et aduran dieu
chi sezaiua sûlg trun, dschant : amen, alléluia. (5) Et es ieu
iina uusth our delg thrun dschant : dsché lôd â nos dieu, tuots
sœncs, et aquels chi tmais dieu, pitschens et grands. (6) Et
hae udieu la uusth dad lin grand pœuel, sco la uusth da bgier-
ras ouuas, et sco la uusth da grand thuns, dschant : Alléluia,
per che nos signer deus omniputaint ho regnô. (7) N's aile-
grain et stain lêds et dain glœrgia â dieu, per che é sun gnieu
las nuozzas dalg agnilg et la sia mugliêr s'ho parderschida.
(8) Et es agli dô, chella s'uijsta cun buchiaschin l'g plii net et
l'g plii fin, per che l'g buchiaschin sun las giiistiflcatiuns dais
S8encs.(9} Et dis â mi : scriua : biôs sun aquels chi sun clamôs â
Ia[s] nuozzas dalg agnilg. Et dis â mi : Aquaista uerua da dieu
Sun uaira. (10) Et eau sun tumô giu auaunt ses pes per l'g adu-
rêr. Et el dis â mi : guarda che tu nu faschas. Eau sun famalg
cun te et cun tes frars, quels chi baun la testimuniaunza da
lesu. Adura dieu. Per che la testimuniaunza da lesu es l'g
spiert de la profecise. (11) Et eau hse uis l'g schil auert, et uhé
lin chiaualg alf : etiin chi sezaiua siin el : chi hauaiua num
fidel et uraest, et cun iusticia giiidichia et cumbatta. (12) Et
ses œilgs er-[8Gl]-ran sco flamma delg fœ, et in sieu chiô eran
bgierras curunas, et hauaiua un num scrit d'ingiun nu so ôter
00 el, (13) et era uestieu cun iina uesckimainta titta cun
saung. Et l'g num uain anumnô l'g plêd da dieu. (14) Et l's
exercits chi sun in schil giaauen dsieua el cun chiauals alfs,
uestieus cun bucchiaschin alf et net : (15) et our da sia buoc-
chia gniuaiina spêda tagliainta dad amauduos mauns, par chel
APOCALYPSIS DALG BIÔG lOHANNIS DUCTUR 319
batta cun aquella l's paiauns. Et uain ad arischer aquels cun
ûna perchia d'fier, et el sues uain â chialchiêr Yg tuorchiel
da la fiirgia et da Tira delg- omniputaint dieu. (16) Et ho in sia
uesckimainta et in sia cuossa scrit lin iiura : Araig dels araigs
et signer dais signuors. (17j Et lise uis iin aungel stand îlg
suUailg, et claraand cun granda uusth dschant â tuot utschels
quœls chi sthuolan par mezal'g schil : Gni et 's araspô â la
scliaina da dieu, (18) che uus maglias las chiarns dels araigs
e las chiarns dels chiapitaunis e las cliiarns dels pusaiins, et
las chiarns dels chiauals et da quels chi seza[n] sûn els, et las
chiarns da tuot libers et famalgs, et d'pitschens et grands.
(19) Et hae uis la bestchia et l's araigs de la terra, et lur exer-
cits araspôs par fer battaglia cun aquel chi sezaiua sùlg
chiaualg et cun sieu exercit. (20) Et la bestchia es appiglièda
et cun ella l'g pseuloprofet qusel chi hauauia fat isainas
auaunt ella, [862] cun aquaelas chel hauaiua sufmnô aquels chi
hauaiuen arfschieii l'g signêl de la bestchia, et aquels chi
haun adurô sia immêgina. Et aquels duos sun bitlôs uifs îlg
leich del fœ, chi arda cun suolper, (21) et T.s ôters sun amazôs
cun la spêda da quel chi seza sii l'g chiaualg, quasla chi uain
ourdasiabuo-jchia, et tuot uschels sun as adu'ôs dalur chiarns.
Cap. XX
(1) Et hae uis vin nungel gniand giu da schil chi hauaiua la
clef delg Abjs, et iina granda chiadaina in sieu maun. (2) Et
appigliù l'g drauun Tg uijig sorpaint, quœlchi es Tg diauel, et
salarias, et l'g lié par milli ans, (3) et l'g bittô îlg abjs, et l'g
s^arrô alaint, et isaglô sur el, chel nu surmaina plu la lieud,
influa che gnissen curaplieus l's milli ans. Et dsieua aqué
stouua el gnir un po d'un tijmp dslhliô, (4) et eau he uis Ts
sizs et sun sazieus sur aquels, et es ad els dô giudici, et las
hormas da quels chi sun sckiauazôs parmur de la testimu-
niaunza da lesu, et parmur dalg plêd da dieu, et aquels chi
nun haun adurô la bestchia né la sia imêgina né arfschieu la
sia nuoda in lur friins u in lur mauns, et sun uiuieus et haun
aregnô cun Christo milli ans. (5) Aquaista es la priimma are-
sùstaunza. (G) Biô et ssenc es a-[803]-quel chi ho part in la
320 APOGALYPSIS DALG BIOG lOHANNIS DUCTUR
priimma aresûstaunza. Et in aquels la seguonda mort nun ho
pusaunza, dimperse els uignen ad esser sacerdots d:i dieu et
da Christi, et uignen ad aregnêr cun el milii ans. (7) Et cui'a
che Sun cumplieus Ts milli ans, schi uain satanas alargio da
sia prascliun, (8) et uain ad ir oura par chel surmaina la liend,
qusela chi es sii l's quater chiantuns de la terra. Gog et Ma-
gog et chel araspa aquels in battaglia, da (|iiels lur inunaber es
SCO l'g sablun deig mêr, (9) et sun ieus su l'g laed delà terra,
et incrasaun aint l'g chiamp dais ssencs et la cittêd chiêra. Et
es gnieu giu l'g fœ da dieu da schil, et ho traundieu aquel>\
(lO)etrg diaue! qusel chi surmnêua aquels, es bittô îig leich
delgfœ et delg suolper, innua che la bestchia et l's fôs profets
uignen appaschiunôs d'di et d'not saimper et saimpermse.
(11) Et bas uis iin grand thrun et alf, et un chi seza siin el, da la
ueziida da qusel chi fiigia la terra et l'g schil, et nun es
acchialtô ad els lœ. (12) Et hse uis grand morts et pischens
stant in la ueziida da dieu et l's cudesths sun auerts, et iin
ôter cudesth de la uitta es auert, et l's morts sun giiidichiôs
our da quellas chiôses chi eran scrittas ils audesths suainter
lur houres : (13) l'g mêr ho dô (do) l's muorts, quels chi eran
in el, et la muort et l'g infiern haun dô aquels chi eran in els,
et [804] es da scodiin da quels giiidichiô suainter lur houres.
Et l'g ifiern et la mort sun bittôs îlg leich delg fœ. Aquaist es
la mort seguonda, (15) et aquel chi nun es acchiattô scrit ilg
cudesth de la uitta, aquel es bittô îlg leich delg fœ.
Cap. XXI
(1) Et hse uis l'g schil nuof et la terra nuoua. Per che l'g
priim schil et la priimma terra era sinida et l'g mêr nun era
huossa. (2) Et eau lohanues hse uis la ssenchia cittêd nuoua
Hierusalem guiand giu da schil parderta dadieusco iina spusa
affiteda â sieu marid. (3) Et hse udieu dalg thrun iina granla
uusth, dschant : Uhé l'g tabernacquel da dieu cun la lieud, et
uain ad habiter cun els. Et els pouuels uignen ad esser ses.
(4) Et deus uain âterscher scodiina larma giu da lur œlgs. Et
lamort nu uain ad esserplii né plaunt né bragizzi, néplû dulur,
per che las priimmas sun tirêdas uia. (5) Et aquel chi sezaiua
I
APOCALYPSIS DALG BlÔG lOHANNIS DIIGTUR 321
îlg- thrun dis : Uhé eau fatsth tuottes chiô-a>î nuoiias. Et dis
à mi : Scriuri, per che aquaisia uerua es fîdela et uaira.
(6) Elges fat. Eau sun alplia et oméga, l'g cumainzamaint et
la fin. Eau uœlg dêr par amur ad uni chi ho sait da lafuntauna
de rouua uiua. (7) Aquel chi la uainscha uain â possidair tuot,
et eau uœlgesser ses deiis et [865] el uain ad esser â mi filg .
(8) Mu als tmuos et als mel crettaiuels et als horribals et als
humicidiers et als [littanijrs et als zoebers et idolaters et â
tuots mansnôrs, lur part uain ad esser îlg leich chi arda cun fœ
et suolper, qusel chi es la mort seguouda. (9) Et uen tiers me
iin dais set aungels, da quels chi bauaiuen las set tazzas plai-
nas da las set las plii dauous plêias, et ho faflô cun me, dschant.
uitten et ea[u] uœlg amussêr â ti la spusa muglier delg agnilg:
(10) Et l'g spierl m'purtô sûn un grand munt et hôt, et
mussô â mi la granda citêd Hierusalera ssenta, guiand da dieu
giu da schil, (11) chi hauaiua la claritsed da dieu. Et la sia liiisth
era sumgiaunta â ha pedra la plu preciusa sco â laspidi chi
trêia â christalg : (12) et hauaiua iin grand rniir et hôt, et
hauaiua dudesth aungels : et l's nums scrit[s] su sura, quœls
chi sun Ts nums da las sclattas dais filgs da Israël, (13) da
damaun uard trais portas, dad' iingiiin' hura trais portas, da
mezdi trais portas, da saira uard trais portas : (14) et l'g miir de
la cittêd, chi ho dudesth fundamains, et in aquels fundamains
dudesth nums dais apostels delg agnilg. (15) Et aquel chi
faflêua cun me hauaiua iina imziira, iina chianna d'or, par
imzurêr la cittêd et las sias portas et sieu miir. (16) Et la
cittêd es [860] missa in quêdar, et la sia lungeza es inguœl
taunt SCO la ledezza : et el ho imziirô la cittêd cun la chianna
d'ôr par dudesth milli stôdis, et la sia lungezza et hutezza et
ledezza eran inguêlas. (17) Et ho imzurô l'g miir da quella,
schient quaraunta quater bratsths rauots, l'iraziira e[r]a d'iin
hum, quselachi es dalg aungel. (18) Et la miirêda delg raiir era
d'iaspide. Mu ella cittêd era d'ôr net, sumgiaunt ad iin net
uaider, (10) et l's fundamains delg miir de la cittêd eran hûr-
nôs sii cun imiinchia pedra preciusa. L'g priim fundamaint
/éd. — ains) era laspis : l'g seguond Saphir : l'g tersCalcedo-
nius : l'g quart Smaragdus : (20) l'g quint Sardonjx : l'g
sijsajuel Sardius : l'g settseuel Chrysolitus : l'g uttreuel Beril-
lus : l'g nuêuel Topazius : l'g dijsthaeuel Chrysoprasus : l'g
21
322 APOGALYPSIS DALG BlÔG lOHANNIS DUCTUR
ùndasclieuel Hjacintus : Tg dudastheuel Ametjstiis. (21) Et
dudesth portas sun dudesth perlas, in imunchia porta era iina
perla. Et la plazza de la citêd era ôr net, sco un uaider liûs-
chaint. (22) Et eau nu lise uis taimpel in aquella : per che Vg
signer deus omniputaint et l'g agnilg es l'g taimpel da quella
(23) Et la cittêd nun ho bsiing né d' sullailg né d' liûna par
fêr dêr in aquella : per che la claritsed da dieu fo liûsth in ella
et la sia glimijra es l'g agnilg. (24) Et l's pouuels chi sun
saluôs uignen â chiaminêr in aquella cun la sia liùsth, et l's
araigs de la [867] terra uignen â ranèr aintin ella la lur glœr-
gia. (25) Et làs sias portas nu uignen â gnir sarrêdas traunter
di. Per che allô nu uain ad esser net. (27) (')Etnu uain ad ir
aint in aquella iinqualchiôsa chi la brudgia u chi fatscha
sthgrischur, et manzœgnia : mu suiettamang aquels chi sun
scritsîlg cudesth de la uitta delg agnilg.
Cap. XXII
(1) Et amussô â mi lin fliim piir d'ouua uiua chi liiischiua
sco un crjstalg, qusel chi gniua oura dalg agnilg. (2) In miz
la sia plazza, et dad amanduos uards dalg fliim l'g lain de la
uitta, chi purtêua dudesth frïits, dant sieu friit inmunchia
mais, et la fœglia delg lain â la sandsed délia lieud. (3) Et
ûngiiina chiôsa maledida nu uain ad esser plii : mu l'g thrun
da dieu et del agnilg uignen ad esser in quella et ses seruiains
uignen â seruir agli. (4) Et uignen â uair la sia fatscha, et sieu
num in lur fruns. (5) et nu uain ad esser plii net. Et las gli-
mijras nun haun bsiing d' liiisth né da la liiisth del sullailg :
par che l'g signer deus fo liiisth ad els, et uignen ad aregnêr
saimper et saimpermse. (6j Et dis â mi ; Aquaista es uerua
fidela et uaira. Et l'g signer deus dais ssencs et dais prophets
ho tramis sieu aungel ad amussêr â ses famalgs aquellas chiô-
ses chi stouuan duantêr bôd. [868] (7) Et uhé eau uing praist.
Biô es aquel chi salua la uerua de la profetia da quaist cudesth.
(8) Et eau loannes quœl chi hœ udieu et uis aquaistas chiôses.
Et dsieua ch' eau ha3 udieu et hae uis, schi m' Ime eau bittô giu
* Le verset (26) manque.
APOCALYPSIS DALG BlÔG lOHANNIS DUCTUR 323
par adurêi' auaunt Ts pes delg aungel, quel clii amussêua â nii
aquaistas chiôscs. (9) Et dis â mi : Guarda che tu nu fatschas,
per che er eau sun famalg cun te et cun tes frars profets et
cum aquels chi saluan la uerua de la profetise da quaist
cudesth. Adura dieu. (10) Et dis â mi : Nun isaglêr la uerua
de la profetise da quaist cudesth. Per che Vg tijmp es ardaint.
(11) Aquel chi nuostha, nuosth' aunchia : e aquel chi es brudi,
brudgi' auDchia : et chi es giûst, uigna auuchia giijstischô : et
l'g ssenc uigna aunchio santifichiô : (12) et uhé eau uing bôd,
et mia paiaglia es cun me, par ch' eau detta â scodiini, suain-
ter che uain ad esser la sia houra (éd. huora). (13) Eau sun
(sun) alpha et oméga, Tg priim et l'g plii dauous, l'g principi
et la fin. (14) Bios aquels chi saluan ses cumandamains, che
lur pusaunza saia îlg lain de la uitia, et che giaien aint in la
cittêd très las portas. (15j Mu our dadoura Fs chiauns et l's
zsebers, et l's spourgs et l's homicidiers, et chi seruan als
idols, et scodiin chi amma et fo la manzœgna. (16) Eau lesus
hae tramis mieu aungel, chel detta â uns testimuuiaunza in
las baselgias da [869] quaistes chiôses. Eau sun la risth et la
sclatta da Dauid, la staila starliiischainta et diauna. (17) Et l'g
spiert et la spusa dian : uitten. Et aqusel chi ôda, dia : el uain.
Et chi ho sait, uigna : et chi uuol, d' prend' ouua de la uitta
par dun. (18) Per che eau protest â scodiini chi ôda la uerua
de la profetia da quaist cudesth. Sch' iinqualchiiin metta tiers
ad aquaistas chiôsas, che deus uain â metter sur el las plêias
scrittas in aquaist cudesth. (19) Et sch' iinqualchiiin inminues-
cha de la uerua da quaista profetia, deus uain ad aluêr uia la
sia part our delg cudesth de la uitta, et de la ciltêd ssenta, et
our da quella[sj chiôses chi sun scrittas in aquaist cudesth.
(20) Disth aquel chi do testimuuiaunza da questes chiôses :
Schert eau uing bôd. Amen, Schi, uitten, signer lesu. (21) La
gracia da nos signer lesu Christi saia cuu uus tuots. Amen.
ET EAV STEVAN ZORSCH
CHIATAUNI DA CHIAMUASTHCH H.E AGIUDO
STHQUISCHER DELG
AN. 1560
J. Ulrich.
LA CHRONIQUE FRANÇAISE DE MAITRE GUILLAUME CRETIN
(Suite)
G9 \°-l\ v°. XXII. Childebert se brouille avec Gontran, et demande
l'alliance de Chilpérich. — Apiès une première bataille gagnée par
Gontran, les armées se trouvent derechef en présence, et une affreuse
mêlée semble inévitable. La paix est cependant conclue grâce à
l'entremise de quelques hommes sensés. — 71 v°. Chilpérich déclare
qu'il punira de mort ceux de ses gens qui enlèveront leurs biens aux
campagnards. — 72 \°. 11 tue de sa propre main un seigneur qui n'a
pas tenu compte de cet ordre. Réflexions du poète à ce propos.
Si n'affiert pas qu'ung roj de noble cueur
Soit du meffait luy mesme exécuteur,
Mais quant il est question que gensdarmes
Sus peuple font si terribles vacarmes, —
Jusques a tout leur bien prendre et piller,
Batre, fouUer aux piedz et houspiller,
Et beaucoup pis que raortelz adversaires, —
Je dis qu'on doibt ordonner commissaires,
Hommes feaulx et notables, pour veoir
Les grandz excès qu'on fait et y pourvoir,
A ce que bruyt de tel murmur s'efface,..
On dit assez, mais querez qui le face !
7.3 r°. XXIII. De sinistres présages annoncent l'approche d'une
épidémie. — 73 v". Le fils de Chilpérich succombe, et le roi impute
son infortune aux maléfices de Mommolin, qui avait, la chose est
notoire, des rapports avec les sorcières.
Si m'esbahis qu'homme de tel crédit
Tant forvoya, veu ce que l'escript dit,
Qu'il s'accointa de truandes sorcières,
Et leur donna force rentes foncières
Affin d'avoir le sang des innocens
LA CHRONIQUE FRANÇAISE DE GUILLAUME CRETIN 325
Pour le servir, hors l'aison de bon sens,
A charmes, sortz, mixtions de bruvaiges,
Dont il usoit en façons moult saulvaiges.
Lors, pour le faict de caste mesprison,
Fut détenu en estroicte prison.
Puys, veuz les cas si énormes, infâmes
Et excessifz de ces vilaines femmes,
Par le récit de leurs confessions,
On avança les exécutions,
Et entre mains des bourreaux délivrées
74 r° Furent par force a chevaulx desmembrées.
Sur ce, le roy Mommolin fist lier
Estroictement et batre a ung pillier,
L'interroguant de la faulte commise
Dont luy estoit fort grande coulpe mise,
Et, par exprès, luy enquist quelz prouffitz
Avoit receuz a la mort de son filz :
A quoy rendit response vaine et crue,
Disant qu'au faict de ceste mort mescreue
N'y entendoit aulcun mal ne sçavoit.
Mais, quelques fois, sortz et charmes avoit
Bien praticquez, affin d'avoir sa grâce
Pour enrichir luy et toute sa race.
Sans autrement l'affaire discuter,
Voult Chilperich le faire exécuter.
Et si ne fust la prière humble et doulce
De Fredegonde, il avoit la secousse ;
Mais tant requist pour luy et supplia
Qu'en sa faveur le roi a ce plia,
Et le remist a pleine délivrance.
Si n'eut il pas pourtant la recouvrance
De sa santé, car ses membres cassez
Des maux receuz furent trop plus qu'assez ;
Partant d'ennuyz, tristesses langoureuses,
Tourmentz et griefz de peines douloureuses
74 v° Qu'eut en prison, en trois ou quatre pas
Franchit le sault de l'extrême trespas.
XXIV. Fredegonde donne le jour à un autre fils. — 75 r°. Il reçoit
326 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
le nom de Clotaire. — Réjouissances publiques. — 75 v°-76 r°. La
naissance de cet enfant n'empêche pas le roi dêtre accablé de soucis.
Il cherche de la distraction, et se rend à Chelles pour y goûter les
plaisirs de la campagne... Malencontreuse inspiration !
77 r°. XXV. Advint un jour, comme désir pourchace
L'homme au plaisir et dedujt de la chace,
Ce roy voulut a l'assemblée aller
De grand matin, pour luj mesmes bailler
Le cerf aux chiens et le veoir courre a force.
Or de malheur (ainsi qu'on se parforce
Aulcunes fois quelque chose esprouver
Qu'on ne devroit vouloir jamais trouver)
Passant parmy une chambre seconde.
Il veit couchée en son lict Fredegonde
Qui devers luy le doz tourné avoit.
Mais estre la présent ne le sçavoit.
En se jouant, sans mot dire, luy gecte
De sa houssine et legiere vergette
Ung petit coup seuUement sur le doz,
Par quoy lascha de sa bouche ces motz:
« Laisse, Landry. Qui te donne, dist elle,
De me frapper la hardiesse telle ? »
Sur ce le roy passe oultre et aux tesmoings
Ne sonna mot, si n'en pensa pas moins,
Car il entra en une frenaisie
De grosse, lourde et forte jalousie,
Dont, pour passer tel ennuy, s'en alla
Courre le cerf.
Or, entendez cela
Que Chilperich, contre le loz et famé
77 v** De preudhommie, entretenoit la femme
De ce Landry du palais gouverneur.
Et luy aussi la royne par honneur,
Sans regarder au cas de griefve coulpe,
Faisoit au roy de mesme et tel pain souppe.
Lors Fredegonde, ayant en soy pensé
Avoir très fort son mary offensé.
Secrètement par une damoyselle
DE MAITRE GUILLAU3IE CRETIN 327
Manda Landrj' soudain venir ver.s elle.
Luy arrivé, aregretz, plainctes, pleurs
Et grandz souspirs, descouvrit ses douleurs,
Disant: a Landry, si ores plaings et pleure,
C'est a bon droit. Bien doibz mauldire l'heure
Qu'oncques me veis. Le fier dard qui tout mord,
Par mon deffault, te rendra tantost mort ;
N'avise plus vivre au monde, mais pense
De ton sepulchre! 0 quelle recompense
As tu d'avoir accomply mon désir:
C'est dure mort qui ton cueur vient saisir.
Las, aujourd'hui ! Je, povre malheureuse,
Ay dicte au roy parolle douloureuse ;
J'ay dict un mot, cuydant parler a toy.
Duquel congnoist la foy queje lui doy
Par mariaige avoir esté brisée,
Dont je seray a tousjours desprisée. »
78 r° En recitant ce qu'avoit dit au roy,
Tumba Landry en piteux desarroy ;
Triste, tremblant, pale, piteux en face
Et douloureux au cueur, ne scet qu'il face ;
Attainet de dueil, comme prest de pasmer,
Ne peult parolle ouvrir ny entamer,
Et bien long temps en la place demeure
N'actendant fors le coup dont fault qu'il meure ;
Hors de propos, perturbé en son sens,
Ses vertueux effors renduz absens.
Tout eslongné de sa force virile.
Et joincte a luy foiblesse puérile,
Ja sembloit mort et a demy transy.
Lors, le voyant ceste femme estre ainsi,
Luy entrouvrit son arrière bouticque
De criminelle et meurdriere praticque,
Et dit : « Amy, se voulons esviter
Péril de mort, force est gentz inviter
Et conrier par presentz de pecune
A nous ayder: manière n'y voy qu'une.
C'est que le roy, quant il va quelque part,
(Mesmes chasser) tousjours retourne tard
328 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Pource te fault praticquer gentz de care
Qui coups mortelz donnent sans dire gare,
Ausquels feras ouffres, a plains bandons,
78 v" De grandz trésors, richesses etbeaulx dons,
A ce qu'au soir leurs forces esvertuent
Et que celluj, a son arriver, tuent
Par qui nous sont telz dangiers présentez,
Desquelz serons, ce jour propre, exemptez.
Soit or qu'on parle ou qu'on s'en vueille taire,
Par le moyen de nostre filz Clotaire,
Nous deux pourrons du rojaulme jouyr
Paisiblement et nos cueurs esjouyr. »
Le conseil pris de ceste desloj'alle
Trop desrogante a majesté rojalle,
Soudainement Landry trouva marchantz.
Mais quelz? Helas ! vains, lasches et meschants,
Gentz duitz a sang et acharnez pour telles
Effusions mener a fins mortelles.
Marché tranché, fut complot pris et fait
Rendre a ce soir le roy mort et deffait ;
Et tout ainsi que les paillardz promirent,
Luy arrivant, bien attistrez se mirent
Au propre lieu ou descendre debvoit.
La, congnoissantz que peu de gentz avoit
Auprès de luy pour l'emprise defîendre.
Et qu'estoit nuict, de glayves luy vont fendre
Et entamer les trippes et boyaulx.
Luy tombé mort, les traistres desloyaux
79 r° Et faulx raeurdriers, affin qu'improperée
Ne leur fust faulte, a voix désespérée
Crièrent tous en courant ça et la :
« Le roy est mort ! Son nepveu a cela
Le renge et mect ! » Par parolles semblables
Ne furent veuz estre du faict coulpables.
La court esmeue a ce bruit grand et fort.
Tout plain de gentz firent entier effort
D'aller après les aucteurs de ce crime,
Dont maintz d'entre eulx jusques lendemain prime
Coururent, mais, nonobstant leurs affustz,
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 329
Sans rien trouver retournèrent confuz.
Si tost que fut la chose révélée
A Fredegoiide, en sorte escervelée
Alla criant, gémissant, souspirant,
Tordant les braz et ses cheveulx tirant,
Comme a raonstrer, parplairicte violente,
Estre très fort angoisseuso et dolente,
Mais de cela mentoit, voire a veue d'œil.
Quoj que la bouche en raonstrast avoir dueil.
Si en rioit son cueur, pensant l'emprise
Avoir * sortj effect de bonne prise.
Aussi Landry, en faisant l'ignorant.
Mena grand dueil pour l'avoir a garand
Et luj donner convenable subside
79 v° Contre ce vil et horrible homicide.
Guillaume Crétin insiste sur la méchanceté des assassins, puis il
confesse que la victime n'avait, somme toute, que trop mérité son
sort. — 80 r°-81 v°. Vices de Chilpérich. Son épitaphe.
82 r° et v°. XXVI. Contran accepte la tutelle de son neveu Clo-
taire, et il promet aux Parisiens de respecter leurs franchises. — 83
r°. Childebert lui envoie une ambassade pour réclamer des places
qu'il prétend siennes. Violente réponse de Gontran. — 83 v°-84 v°.
Suite et fin de la réponse. Les députés répliquent aigrement. — 85 r".
On les chasse. — Frédegonde, qui voit avec douleur la prospérité de
Brunechilde, dépêche, mais inutilement (85 v°], un meurtrier à sa
rivale. — 86 v". L'un de ceux qui ont tué Chilpérich est puni.
87 r°-88 r". XXVIl. Gondouault [Gondowald], qui se prétendait
fils légitime de Clotaire [l*""], encore qu'il ne fût que bâtard, réclame
à Gontran, par ambassade, une part de l'héritage paternel. Au mépris
du droit des gens, Gontran maltraite les messagers, et recherche
ensuite (88 v°-89 v"), pour repousser l'usurpateur, l'alliance de Chil-
debert. Les deux rois s'engagent à agir ensemble. — 90 v°-92 r°.
XXVlll. Ils assiègent Gondouault dans une forteresse réputée impre-
nable, mais ils le décident, au moyen d'une fausse lettre, à quitter
cette citadelle, à partir pour Bordeaux. Là, il est pris et massacré.
— Quelque temps plus tard, Gontran s'éteint, plein de gloire.
93 ro-94 v". XXIX. Childebert déclare la guerre à Landry et à
Ms: Avoit.
330 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Frédegonde, qui habitaient alors Soissons. La reine lève des troupes,
et les anime par une harangue. — Bataille.
La, Frédegonde entre ses braz porta
Le roy son filz, ou bien se comporta
Selon vertu de femme encouraigée,
Car, comme estans a bataille rengée
G-ensdarmes prestz ungs sus autres charger.
Marcha devant pour les encouraiger.
Est il vivant a qui le sang ne mesle
Voyant son roy alaictantia mamelle
Ja au conflict de bataille estre mys.
Contre le choc de si fortz ennemys?
Homme ne sçay, sans porter quelque honte,
Qui lascheté luy fist.
Or, dit le conte,
95 r° Qu'après avoir maint souldart abatu
Et tout le jour vaillamment combatu
Jusqu'à soleil couchant, de plaine traicte,
Fist commander Landry sonner retraicte
En la forest qui assez près battoit
Du lieu ou l'ost de Childebert estoit.
La séjourna ceste nuict son armée,
Non pour debvoir estre en riens desarmée
Ny a long somme aulcun laisser fléchir,
Mais pour ses gentz et chevaulx refreschir.
Lors Frédegonde, a heure non suspecte,
Fist desloger gensdarmes sans trompette
Et, sans ouyr d'aulcunes voix le son,
De main a main chanta ceste leçon
Que de tout l'ost n'y eust personne franche
Qui ne portast de ramée une branche,
Voulut aussi que tout homme l'aval
Une campane, au col de son cheval,
Pendist affin des ennemys surprendre
En desaroy, et tous vaincuz les rendre.
Ainsi tout doulx approucherent du parc
95 v" Des ennemys, n'en restant qu'ung traict d'arc
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 331
Sans ce que ceulx du guect les apperceussent,
Rien ne doubtans comme si de vray sceussent
N'j avoir fors la forest et chevaulx
Prenans pasture. Or, pour les grandz travaulx
Qu'au jour devant ceulx du partj contraire
Avoient portez, fort bien les sceut attraire
A longuement dormir le dieu Sumpnus ;
Et, ce matin, comme geutz qui sont nudz,
Non esperans avoir aulcuns alarmes,
Tous despouillez de leurs meilleures armes,
Si très soudain se trouvèrent surpris
Qu'au descharger, tant morts, navrez que pris,
De gentz y eut merveilleuse defïaicte.
L'invention de telle sorte faicte
Donne a congnoistre a quelle utilité
Tourne esperit plain de subtilité :
Subtilité (dit on) vault mieulx que force.
Qui n'a bon sens ses forces ja n'efforce
A guerroyer, s'il n'y va bien d'aguet.
Homme endormy jamais ne fist bon guect.
La, Fredegonde et Landry (dit l'histoire)
Par bonne astuce y obtiendrent victoire,
Et Childebert (non luy, mais mieulx ses gentz)
Par trop dormir comme sotz negligentz,
96 r" Ainsi deffaictz sans eulx povoir deffendre,
Se veirent lors membres et testes fendre.
Bien peu ou nulz du conûict eschappez,
En ung instant furent touchez, happez
Et butinez leurs trésors, biens et tentes.
Tout au plaisir et selon les ententes
De Fredegonde et du seigneur Landry,
Qui, pour ne veoir leur honneur amoindry,
Egallement a tous les départirent,
Dont fort contentz et joyeulx se partirent.
Childebert tourne ses armes contre la Lombardie, puis (96- v") con-
tre la Bourgogne. — La mort le frappe en chemin. — 97 r°. Toutes
les chroniques ne lui donnent pas le nom de Childebert, mais Crétin
s'est conformé à la tradition la plus générale.
332 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
98 r»-99 r°. XXX. Frédegoude s'empresse d'attaquer Théodebert et
Théodorich, les deux fils de Childebert, et ils sont vaincus par le
jeune Clotaire aidé de Landry. Mais ce fut le dernier triomphe de
cette reine terrible. Elle ne tarda point à expirer, et on l'ensevelit
auprès de son mari Chilpérich. Sont-ils, se demande notre auteur, en
paradis l'un et l'autre ?
Se leurs corps sont falerez, diaprez
Et préservez de caducques molestes,
Et âmes sont aux royaulmes célestes,
C'est un grand cas ! Dieu est misericors,
Mais, veuz les maulx par eulx mjs en recordz,
Je suys d'avis qu'il est bien difficile
Qu'en leur salut nostre espoir ne vaxile.
De ceste femme on escript tant d'excès
Qu'ilz font doubter l'ame, après son décès,
Avoir souffert grand peine en purgatoire,...
Se pis n'y a. Peu d'œuvre méritoire
Et beaucoup vice en sa vie a commys;
Son cueur cruel ne souffrit homme mys
Et loinggecté hors la saincte amour d'elle
Qu'il n'en receust playe afflicte et mortelle;
Cruelle en ire, ireuse en cruaulté,
Traytresse en dol, double en desloyaulté.
Tant estoit qu'oncq ne fut rassasiée
D'espendre sang; elle, fantaisiée.
Peuples et gentz innocens tourmentoit,
99 v" Et lourd travail sus leur mal augmentoit.
Ung cas commist que grandement déteste
Quant flst navrer l'archevesque Prétexte
Disant la messe au sainct temple de Dieu,
Lors que d'exil fut remys en son lieu :
Mort en receut, dont le tiens mys au roolle
Des sainctz martirs méritans l'aureolle.
Maintz autres maulx fist elle, et ne sçay pas
Si bien en fut contricte a son trespas. —
Celluy Seigneur qui de tous faictz dispose
Le vueille ainsi, affin qu'au ciel repose !
100 v°-103 r°. XXXI. Poussés par Brunechilde, Théodebert et
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 333
Théodoricli (iéclareiit la guerre à (Uotaire, et lui imposent uu ti'aité
onéreux. — Luttes de Landry et de Berthault [Herthoald]. Ce der-
nier finit par succomber, mais ses comi)agiions le vengent.
104 i"-106 r°. XXXIL Hrouille entre Thcodorich et son frère. On
les réconcilie au moment où leurs armées étaient sur le point de se
heurter. — Meui'tre de Prothadius.
107r°-112r". XXXIIL Théodorich épouse, puis répudie la fille du
roi des Goths. Justement indigné, le père de cette princesse s'unit,
pour punir son gendre, non seulement à Clotaire et à Théodebert,
mais aussi au roi des Lombards Apres s'être résigné à un accord qui
lui ôte deux provinces, Théodorich s'efforce d'obtenir la neutralité du
roi Clotaire, puis, marchant contre Théodebert, il le défait, s'empare
de lui, l'égorgé ainsi que ses deux, {sic) fils. — Le poète ne semble
pas croire à cette vengeance atroce.
112 v° Si c'est mensonge ou pure tragédie
N'afferme pas. Quoj' que rédige et die.
Ce n'est qu'api'ôs autres plusieurs aucteurs :
Doncq si je mentz, qu'on les tienne menteurs.
Ibid. et 113 r°. Des dissentiments s'élèvent entre Brunechilde
et Théodorich. — 113 v°. Celui-ci se prépare à de nouvelles con-
quêtes, lorsqu une soudaine maladie l'emporte. Certains prétendent
qu'il fut empoisonné ; d'autres qu'il succomba à un flux du ventre.
Crétin ne se prononce pas, et il se borne à constater : « Fust par poi-
son ou flux, il est notoire Qu'il deceda ». — Conclusion du second
livre.
Gravons dit etteu, depuys Clotaire *,
Ce qu'a semblé bon estre a dire et taire,
Car il suffist, tant du bel que du let,
Cueillir sans plus la cresme sus le laict ;
Et pour autant que nostre présent livre
A coninieucé sus l'un, l'offie se livre
Mectre icy fin, pour commencer le tiers
A l'autre aussi : ce que fais volunliers,
111 1° Carmes espritz demandent reposée,
Par quoj la plume au séjour ay posée.
* Entendez depuis Clotaire /".
334 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
B. N. fr. 2819.
[Fos l-C] Table des matières, — [7 r".] Frontispice, — [7 \'°-8 r».]
Prologue : L'auteur avoue, une fois de plus, que la tâche qu'il a
acceptée passe ses forces. Il est vieux, il est ignorant, et il ne possède
aucun des mérites qui reluisent chez les grands écrivains. De là sa
lenteur, ses faiblesses.
Se Cicero, ains du monde partir,
[8 \°] Par testament m'eust voulu départir
Quelque élégance et doulceur de sa muse,
L'œuvre fust faict ou la et deçà muse ;
Se Juvenal, que mort vif a cité,
M'eust resigné une vivacité
De motz subtilz couchez en ses satyres,
Telle couleur couverte cessast yres
Aux cueurs de ceulx qu'on picque, sans couvrir,
Aucunesfoiz jusques au sang ouvrir ^ ;
Se Perse, Omere, Ovide avec Therence,
Ou mieulx Virgile, eussent loy ne taire en ce
Leurs doulx escriptz, et Terre susciter (?),
En mon endroict, de les ressusciter,
On y trouvast tare fort différente,
Car en leurs champs n'ay povoir d'y faire ente
Qui porte fruict, veu qu'on treuve en moy sons
Mal resonantz ; par quoy (comme en moyssons
Vont simples gentz pas a pas, non grand erre,
Cueillir petitz espiz de grain en terre)
Suivre les fault de loing pour assembler
Ce qu'après eulx bon me pourra sembler.
A tout le moins se j'eusse en Poge prise
[9r°] Quelque leçon, l'escript que pou je prise
Fust embelly de motz facecyeux.
1 Le sens paraît être : Si Juvénal m'avait transmis le secret des tour-
nures subtiles qu'il employait dans ses Hutires, j'éviterais, en mettant un
voile sur mon sti/te, d'irriter les espjnts de mes lecteurs, ta72dis qu'il
m'arrive, it moi qui ne sais ]ias habiller la vérité, de les piquer jusqu'au
sang.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 335
Regrets stériles !... Lorstjue l'ou manque de talent, et que l'on doit
néanmoins produire une œuvre, le seul remède est de s'adi-esser à
Dieu, d'implorer son assistance. Guillaume Crétin demande, en consé-
quence, au ciel de rendre le 3'' livre de la Chronique plus digne d'être
lu que les précédents.
[9 v"] .
Mais se deflfault notoire y est prouvé,
Ainsi que l'or en fournaise esprouvé,
Offre je fays (sans que grâce on me face)
De l'amender. Si ne craings d'homme face,
Fors de celuy qui peult bien mes defîaullz
Rompre et trencher de congnée ou de faulx.
Si luj supplye, avant que sermon œuvre
[10 r"j Pour en ses mains faire adresser mon œuvre,
Son plaisir soit accepter le caz tel
Comme s'il fust composé de Castel,
De Sainct Gelajs, Molinet, du grand Georges
Ou Meschinot. J'ay mis en ma grange orges,
Non purs fromentz dont pain ont distillé
Doulx a gouster, et ne me dj stillé
En l'art comme eulx, mais aj plume apprestée
Selon que Dieu grâce plus m'a prestée ^
1 r°-5 v°. I. Après un vain essai de résistance, Brunechilde tombe
entre les mains de Clotaire. — 6 v°-7 v°. II. Celui-ci, dans un ample
réquisitoire, énumère à la captive tous les crimes commis par elle. —
8 T". Elle est condamnée à mourir par l'assemblée des barons.
8 v° Adonc le roy, pour rendre humiliée
Sa grant fierté, voulut que fust lyée
Et garrottée a la queue au destryer.
Le plus mauvais et rude a mestryer
Qu'on sceust trouver. Lors, nue en sa chemise,
Braz et cheveulz liez, tout ainsi mise,
Fut le bourreau par contraincte monté
Sur ce cheval farouclre et mal dompté.
» Ce prologue est l'une des rares parties du poème qui présentent une
suite de rimes équivoquces.
336 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Mais, au picquer, r|uand sentit a ses trousses
Pendre le fex, tant donua de secousses
Et tant rendit ce chetif corps escoux
De course?, saultz, grandz ruades et coupz,
Qu'adjoustant playe a navreure nouvelle,
Du chef rompu i'eyt voiler la cervelle,
Et, traversant par buissons et sentiers
Fort espineux, nulz des membres entiers
Restèrent sains, mais, trainnée et tyrée
La malheureuse en tel point martjrée,
Nerfz, veynes, oz, tous ensemble nombrez,
Piteusement luy furent desmembrez,
9 r° Sans y laisser sur son corps pel entière.
La rigueur de ce supplice a dû rendre le ciel indulgent pour cette
femme infortunée. — 9 v°. Elle eut, du reste, quelques vertus, et la
tradition ne lui est pas unanimement hostile.
Aucuns autheurs, personnes vénérables,
En leurs esczùptz luj furent favorables,
Mesmes Bocace et Grégoire de Tours. —
Or, plaise a Dieu, après mondains destours
10 r° De mort receue et peyne temporelle,
Luj donner vie en la gloire éternelle !
lOv-llr". III. Eloge de Clotaire. — llv°-12v°. Intrigues et
trahisons. — 13 r". L'un des coupables est mis à mort. — Naissance
de Dagobert.
13 V-IS r". IV. Pour rintelligence des chapitres qui vont suivre,
le poète revient en arrière et raconte la légende de saint Denys. —
15 v°. Cet homme de Dieu accomplit en France force miracles. —
16 ro-I7 r°. Mais, par ordre de l'empereur de Rome, il est emprisonné,
torturé, puis décapité à Montmartre avec deux de ses disciples. Denys
ramasse sa tète coupée, et s'en va, la tenant à la main, chez une
chrétienne nommée Catulle. — 17 v°. Cette dame éprouve une surprise
que Guillaume Crétin ne trouve pas déplacée.
A dire vray, ce povoit transporter
Ung esperit, voyant homme porter
Sa teste ainsi, C'estoit chose admirable!
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 337
18 v° et v°. Catulle ensevelit l'apôtre des Gaules, et exhale des
plaintes, hélas ! abondantes. — 19 r°-20 r". Tandis qu'elle exprime sa
douleur, passent des truands qui conduisent à la voirie les cadavres
des disciphis. La pieuse femme appelle ces vilaines gens, les enivre,
et substitue les corps de deux porcs aux restes mortels des martyrs
qu'elle enterre honorablement auprès de leur maître. — 20 v°. Depuis
lors, le tombeau de ces trois saints fut le théâtre de nombreux
prodiges.
21 v''-23 v°. V. Maintenant le chroniqueur nous ramène à l'époque
de Dagobert. — Un jour que ce prince était en chasse, un cerf qu'il
poursuivait chercha un asile dans la chapelle où se trouvait le sépulcre
de Denys et de ses comi)agnons. Les veneurs tentèrent de franchir le
seuil sacré, mais ils furent comme rivés au sol, car les bienheureux
avaient pris sous leur protection la bête... A partir de cette heure, la
chapelle parut singulièrement vénérable au fils de Clotaire.
24 v°-28 v°. VI. Il avait pour gouverneur un certain Sadregisille,
qui ne le prisait « ung ongnon », et le traitait fort durement. Mais
son élève, pour lui enseigner quelle révérence est due aux rois, le fit
étriller des mieux, et lui coupa, en outre, la barbe. Dès que Clotaire
connut la mésaventure du pédagogue, il montra un déplaisir si vif que
le coupable jugea à propos de s'absenter, et qu'il courut au tombeau
des trois martyrs. Aussitôt son père ordonna qu'il fût arraché à ce
refuge. — 29 v°-31 v°. VIL Les saints apparaissent à Dagobert pen-
dant son sommeil, et s'engagent, pourvu qu'il leur construise un beau
temple, à terminer vite et bien cette affaire si fâcheuse. Là-dessus
arrivent les gendarmes de Clotaire. Un mystérieux pouvoir les retient
à l'entrée de la chapelle ; une nouvelle troupe est semblablement
arrêtée. — 32 r°-33 v°. Le roi accourt en personne. Il était, en route,
d'une humeur de loup, mais, en approchant du sanctuaire, il devint
un a doulx aignel ». — Entrevue du père et de l'enfant ; réconcilia-
tion, attendrissement, joie partout.
34 v". VIIL Mariage de Dagobert. — 35 r°-36 r°. 11 obtient le
royaume d'Austrasie, et lutte contre les Saxons. — 36 v"- 39 r". Clo-
taire amène du renfort, et les ennemis sont vaincus.
39 v''-40 \°. IX. Ordonnances établies par Clotaire. — Il songe à
abdiquer, puis, ému par la douleur de ses barons, il renonce à ce
dessein, — 41 r''-43 v°. Réunion d'un concile. Vertus des prélats qui
gouvernaient l'Eglise à cette époque. Arnoul [Arnulfj, Eloy, Fiacre. —
Portrait de Clotaire; sa mort; son tombeau.
44 v°-46 r". X. Lorsqu'on lui apprend que son père n'est plus, Da-
gobert s'afflige en tant que fils, et se réjouit fort en qualité d'héritier.
— Il est sacré à Reims. — 11 cède, par bonté d'âme, une partie du
royaume à son frère Aribert.
22
338 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
46 v°-b2 1°. XI. Construction de l'église Saint-Denys ; elle est riche
ment dotée et décorée avec soin. — Remarquables mérites de Dago-
bert. — Ses voyages eu Bourgogne, en Austrasie. — Ses mariages
successifs.
53 r". XII. Dagobert lors très fort se desplaisoit
Que Genyus ' a luj ne complaisoit,
Disant : « Par trop vers moj se desnature, —
Veu qu'on le tient ministre de nature
Pour labourer, semer et cultiver
Tant en printemps, autumpne, esté qu'yver,
Et, par liqueur d'amoureuse rozée,
Rendre la terre amplement arrozée —
Qu'ores ne m'a de tant favorizé,
Et mon labeur si bien autorizé,
Que, par regard de céleste influence,
•Je n'ay produyct des fruictz en affluence. »
Après ces motz, se voyant demeuré,
Qui jour et nuyct avoit tant labouré,
Et son labeur trouvant comme inutile,
Délibéra terre avoir plus fertile :
Par ce moyen, Raguetrude a plaisir
Choisit pour faire a ses costez gésir.
Mais a sçavoir s'excuse légitime
Eut en ce cas ? Pour response j'extime
53 v° Qu'offensa Dieu, car on ne doibt jamais
Commettre ung mal pour bien quelconque, mais
Les princes ont aultre loy, ce leur semble,
Que simples gentz. Le tout meslé ensemble,
Entre eulx et nous ne gyst exception,
Car Dieu n'entend avoir acception
D'homme vivant, en tant que touche offense
Contrevenant a ce dont faict deffense.
Or passons oultre.
Advint, touchant cela,
1 Personnage du Roman de la Rose. — Dans les vers qui suivent,
Crétin expose, d'une manière pudiquement allégorique, les attributions
de Genius.
DE MAITRK GUILLAUME CRETIN 339
Que cesie fleur sou germe ne cela,
Car, sans doubter estre a ce mal luenée,
Fejt ung beau fllz en celle raesrae année.
A Orléans elle acoucha et geut,
Le roy présent, et si a point escheut
Que la survint Aribert. Lors grand feste
Pour la venue et de l'enfïent fut faicte.
De frère a frère y eut tout tel reccueil
Qu'en pareil caz cueur doibt penser, et qu'œil
Peult adviser personne estre pourveue
D'ample soulaz, quant voit a pleine veue
Le sien amj, et prochain d'elle sent
Ce qui long temps avoit esté absent.
54 r° L'appareil faict qu'au baptesme on doibt faire,
Le bon preudhomme Amand, en ceste affaire,
Pour baptiser l'enffent fut depputé,
Cai" il estoit sainct homme repputé,
Et, a bon droict, l'Eglise tel l'approuve.
(C'est sainct Amand qu'au Cathalogue on trouve.)
L'enffent tenu sur fontz par Aribert,
Le dénomma en son nom Sygibert.
Or, retenez qu'a ce divin oracle
Sur l'heure j eut un évident miracle,
A extimerplus sans comparaison
Que je ne dj : car, après l'oraison
Que sainct Amand disoit, n'eut personnaige
Qui mot sonnast, l'enffent (tenant en aaige
Quarante jours sans plus, comme examen
Fut sur ce faict) seul respondit : « Amen ! »
A pleine voix fort haulte et bien ouje,
Dont les deux roys et la tourbe esjouye
Se deurent fort, comme croyre se doibt,
Esmerveiller et dire que c'estoit.
Pour l'advenir, presaige et asseurance
De tel enffent avoir bonne espérance.
54 v" Les piestres la furent ce ver chantantz
Qui dit de bouche aux enffentz alaittantz :
o 0 tu, Seigneur, que sans cesse loue ange,
As huy parfaicte icy digne louange ! »
340 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Je laisse a dire et au penser remetz
Quels appareils on feyt de divers metz,
Quels feux de joje et quelles rondes tables
Dressèrent peuple et personnes notables
De toute France. Il ne fault pas doubter
Que tout compter sembleroit radotter.
55 r° et v°. Dagobert donne à son fils nn gouverneur; il se propose
ensuite de parcourir celles de ses provinces qu'il n'a pas encore
visitées, mais un changement déplorable se produit en lui à ce moment.
56 r" et v°. Xlll. 11 éloigne de sa cour les gens de bien et lâche la
bride à ses passions.
Pour lors estoit si fort exercité
A exploicter vaine lubricité
Que par pays tenoit concubiuaige
De sept ou hujt putains en son mesnaige,
Sans le surplus qu'en reserve laissoit
En plusieurs lieux. Pensez combien let soit
A ung grand prince et chose mal honneste,
Quant l'aiguillon d'amours tant l'admonneste,
Et l'appétit sensuel le contrainct
De forvoyer, qu'au moins ne se restrainct
Jusques sa honte a raison rendre esgale,
Pour caultement esviter le scandale,
Comme en conseil l'apostre a bien cotte :
Si non casle^ dit il, tamen caute.
57 r° Aux princes, grandz, prelatz et gentz d'Eglise
S'extend le mot; mais chascun scandalize
Fort son estât, parles traictz gracieux
De Cupido, qui tant bende les yeulx
Aux enyvrez de ceste mère goutte
Qu'advis leur est le monde ne veoir goutte.
Autres vices de Dagobert. — 57 v". Il ravage la ville de Poitiers.
— 58 r° et v°. 11 chasse, puis rappelle saint Amand. — 59 r". Bonheur
des princes qui ont de sincères conseillers.
59 vo. XIV. Mort d'Aribert et de son fils. — 60 r". Retour du roi de
France à la sagesse. — 60 v''-61 v". 11 fait la guerre aux Esclavons
et conclut avec les Saxons une alliance peu profitable. — 62 r°-63 i°.
DE MAITRE GUILLAUME CRÉTIN 3''ll
Il cède l'Austrasie à Sygibert et réserve la Neustrie et la Bourgogne
pour un autre enfant (Clovys ou Loys), qui lui était né depuis peu.
Les deux fils s'engagent à vivre toujours d'accord. — 63 y". Institution
de la foire du lendit. Crétin remarque qu'on devrait l'appeler foire de
Vesdict.
65 r° '. XV. Dagobert est vainqueur des Gascons. — 65 v°-66 v°. Il
se prépare à envahir la Bretagne, mais le chef de ce pays, Nydicahil
[Judicaël], vient à Clichy et obtient, par sa soumission, la paix.
67 v°-69 r°. XVI. Consécration de l'église Saint-Denys. Elscorté
a des deux benoistz apostres , Pierre et Paul », d'une multitude de
dignes martyrs et d'une « belle tourbe d'anges », Jésus descend du
ciel pour bénir le monument. Depuis lors, le 23 février de chaque
année, les fidèles viennent en foule à ce sanctuaire pour obtenir le
pardon de leurs péchés. Le chroniqueur regrette que ce pardon soit
accordé (ou plutôt vendu) par des prêtres avides, ignorants, sans
scrupules.
Bien est il vray que la se peult commettre
Maint grand abuz qu'on ne devroit permettre,
Et mesmement d'ung tas de confesseurs
Qui n'ont sçavoir pour rendre confèz seurs
De leurs péchez, car plusieurs n'ont ententes,
En confessant personnes pénitentes,
69 v° Sinon de prendre argent a toutes mains :
Quant au salut des âmes, c'est du mains.
Si grand abuz maint cueur d'homme en infeste,
Qui tourne a honte apperte et manifeste
A ceulx ajantz l'auctorité sur eulx,
Et deussent bien d'examen rigoureux
Les esprouver. Mais diray je? On leur gette,
Pour trois grans blancs, en main une vergette
Et le billet de papier par dessus,
Sans veoir s'ilz ont les sainctz ordres receuz.
C'est grand pitié comme avarice aveugle
Ainsi les gentz! Livrer a un aveugle
Ung aultre aveugle a condujre et mener !
On entend bien, helas! qu'au cheminer,
Veuz les chemins pleins de trous ou s'embuschent,
* Le feuillet 64 est blanc au r°, et porte, au v°, une vignette.
342 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
(Qu") Au creux d'enfer tous deux vont et trebuschent.
Gentz aveuglez, pensez vous estre absoulz
Pour desbourser deux, trois ou quatre souldz?
Mais cuidez vous, simples bestes, soubz umbre
De telz pardons, qu'en portant la ung nombre
De gros péchez, sojez nectz et curez, —
Et les petits portez a vos curez ?
70 r° Confession doibt estre pure, entière
Et toute vraye. — Or, c'est une matière
Ou ne me vueil fonder quant a présent.
Car d'en toucher voj mon sens propre exempt.
70 v°-74 i'°. XVII. Harangue solennelle de Dagobert à ses fils et
aux trois états du royaume. Considérations politico-religieuses. Le
prince sent sa fin prochaine : il prêche la concorde, récite son testa-
ment et demande des messes.
75 r". XVIU. De fait, la mort, cette furye fatale, a résolu de l'en-
lever à la teire.
75 v° Il fut saisj d'excessif mal de flux,
Dissenterye appelé en praticque
De médecine. Et dit l'histoire antique
Qu'a Espyney, près de Paris, estoit
Lors que ce flux si fort le molestoit,
Dont, meu de crainte et pensée esbahje,
De la se feyt porter en l'abbaye
De Sainct Denys, pour son mal aleiger;
Mais congnoissant sadouUeur rengreger,
Et tous les artz d'abusifves praticques
Aux médecins (drogues de leurs bouthiques
Et restaurantz dont uzent en ce cours)
Ne luy porter efFect de bon secours,
Plus n'espéra faire longue demeure.
76 r''-77 Y". Il mande son chambellan et ses amis, déplore ses
égarements, et fait une prière de deux pages.
Après ces motz si fort accès l'esprit
Que tost fut mys en l'agonie extresme.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 343
Adone Cloto, ourdissant chesne et tresme
Du fil de vie, endura sans propos
Tout detrencher par la fiere Attropos
Qui, gloutte a prendre en ce plat souppe grasse,
Clouyt le paz au bon roy, l'an de grâce
Six centz quarante et cinq *, moysde febvrier.
78 l'^-TO v°. Le peuple est inconsolable ; on conduit le défunt à
Saint-Denys. — Vision de Jean l'anachorète : les diables emportent
en bateau l'âme du pauvre Dagobert ; elle appelle à son secours
Denys, Maurice et Martin ; ils se présentent aussitôt, fendent « vagues
et undes >', arrachent aux démons leur proie, et remontent vers Dieu
en chantant. Guillaume Crétin affirme que l'histoire est authentique,
et la preuve, dit-il, c'est qu'elle a été racontée par Audoeuus (saint
Ouen), personnage grave, notable preudhomme, et qui n'avançait que
les choses dont il était sûr.
80 r°-81 r». XIX. Partage du royaume. — 81 v''-82 r°. Luttes entre
Flocate, gouverneur de Bourgogne, et Vuyllebault^; celui-ci est tué
dans une rencontre. «L'histoire dit ce combat près Authun Avoir esté:
du lieu ce m'est tout ung. » — 82 v°. Mort de la femme de Dagobert.
83 r° et v°. XX. Famine en France. — Clovys épouse Bathilde. —
84 r" et v°. Privilèges accordés au monastère de Saint-Denys. —
Réflexions sur la vie des moines : elle est souvent peu édifiante. —
Clovys ordonne que la châsse de saint Denys soit ouverte, et il vole
l'un des bras du martyr. — 85 r". Cette profanation excite le cour-
roux céleste. Clovys perd l'usage de la raison ; il se décide à restituer
le bras, « mais quoy qu'après sentist amendement. Si fut tousjours
foible d'entendement ». — 85 v°-86 r". Sa mort — Bathilde entre
au couvent et y mène une existence exemplaire.
86 v°-87 v". XXI. Histoire de Grimouauld [Grimoald] et de son fils
Hildebert.
88r°-90r°. XXII. Règne stérile de Clotaire 111. Ce prince, d'ail-
leurs, ne vit guère. « Laissons le la : ce n'est pas grand dommage ! »
90 v°-93 ro. XXIII. Autres rois fainéants : Théodorich et Childé-
rich. Celui-ci est tué ; celui-là tondu, puis chassé, mais, après quel-
que temps, la couronne lui est rendue. — 93 v°-95 r". XXIV. Il est
vaincu et banni par Ebroin, qui accapare le pouvoir comme maire du
palais, et accomplit (95 v°-96 \°) beaucoup d'actions indignes.
97 yO-QS r". XXV. Il rétablit Théodorich sur le trône, et arrête, par
* La date est fausse. Dagobert mourut en 638.
2 Flaokhat et Willibald.
344 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
une belle victoire, les entreprises des ducs Martin et Pépin [de Héris-
tall], Martin est occis; Pépin, plus heureux, se sauve. — 98 v°.
Assassinat d'Ebroin. — 99 r^-lOl r°. La mairie du palais échoit d'abord
à Varracon [Waratte], qui a son fils pour rival, puis à Berquaire
[Berther], personnage inepte et lâche, que ses propres soldats égor-
gent après une bataille gagnée par Pépin.
102 r'-lOS re, XXVI. Dagobert [111] n'a de la royauté que le titre.
— La veuve de Pépin, Plectrude, aspire à gouverner les Français. —
Un seigneur nommé Raganfrède [Raghenfrid] se distingue par quel-
ques expéditions guerrières. — Mort de Dagobert; les enfants qu'il
laisse sont en bas âge, et son sceptre est dévolu à Daniel [Chilpérich].
103 v°. C'est à ce moment qu'entre en scène Charles-Martel. —
104 r'-lOS v°. Plectrude, sa marâtre, le retenait prisonnier à Cologne,
mais il réussit à se sauver. — (Ici Guillaume Crétin s'interrompt, et
rac mte comment fut fondée l'abbaye du Mont-Saint-Michel.)
106 v^-lOS v°. XXVII. Victoires remportées par Charles-Martel sur
Chilpérich et Raganfrède. — 109 r" et v". Défaite des Saxons et des
Allemands. — Un accord est conclu avec Eudes, roi des Gascons.
— 110 r». Mort de Chilpérich.
111 r° et vo. XXVIII. Les Turcs envahissent la France méridio-
nale ; ils s'emparent de Bordeaux et saccagent cette ville, dont les
habitants sont plongés dans la douleur et l'effroi.
On ne sçauroit d'ung jour avoir escrjs
Les pleurs, clameurs, souspirs, plainctes et crjs
Dont se plaingnit la cité douloureuse,
Au jour dolent et heure malheureuse.
112 r" Qui lors ouyst getter crjs et sangloutz,
En la fureur de ces Turqz au sang gloutz
Des povres gentz, ce fust assez pour dire
Estre sur eulx allumé le feu d'jre.
Loupz affamez a travers grandz troppeaulx
D'aigneaulx petitz, pour griffes mettre aux peaulx
Et a leur col les emporter et pendre,
Ne sont point tant cruels a sang espendre.
Qui vejst adonq grandz et petitz crier,
A joinctes mains mercy a Dieu prier,
Voyantz sur eulx fondre telles tempestes,
Gorges coupper, abattre et coupper testes *,...
* Anacoluthe. Parmi ceux qui auraient pu entendre les supplications
de ce peuple et assister à son égorgement, il ne se serait trouvé personne
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 345
Trouveroit on au monde cueurs si durs
Qui, par pitié, n'eussent erreur veoirTurqz
D'austérité severe et incivile
Tjrannizer et traicter ainsi viile ?
A.insi que feu ardant qui en four est,
Ou flamme esprise eramy une forest
Consomme et ard ce que peult encontrer,
Les chiens mastins, tous/orcenez d'entrer,
A feu et sang ainsi la cité misrent,
Et nul vivant en eschapper permisrent.
112 v° Qui d'œil verrait telles occisions,
Faire des corps grandes incisions,
Membres trenchez, testes escervelées,
Femmes courir toutes deschevelées,
Les cueurs navrez, desja presque transsiz
Pour leurs marjs auprès d'elles occiz,
Pères, enffentz, frères, seurs et parentes,...
Diroit on pas causes estre apparentes
Pour en mener, tant de cueur comme d'œil,
Fort, excessif, grand et extrême dueil?
Certes je tiens, a franchement respondre,
Cela devoir a raison correspondre.
Considéré le mal qui en deppend
Et qu'a nous tous autant a l'œil en pend.
Les Turcs se dirigent vers Poitiers.
Les cloches dont, lors, sonnèrent matines
Furent canons, faulcons et serpentines;
Respons, versetz, hjmpnes, motetz et chantz
Portèrent crys despiteux et trenchantz ;
113 r° Processions, de Mars sont avantgardes ;
Chappes aussi, harnojs cliquantz et bardes;
L'eau benjste est pleine de sang bouillant.
Et l'aspergés, glaive a mortel taillant ;
En lieu de croix, picques ; et pour banieres,
qui eût l'âme assez dure pour ne pas prendre en pitié une ville ainsi
traitée. — Le début du f" 112 v° offre une construction toute semblable.
346 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Fiers estendardz de sauvaiges manières ;
Quanta Tencens, il est certain qu'a nom
Souffre, salpestre et pouldre de canon '.
Prise de Poitiers. — 113 v- 115 r». Les infidèles s'approchent de
Tours, mais Charles-Martel se porte à leur rencontre. Bataille. Les
Français tuent 385,000 Turcs. Crétin célèbre cette magnifique vic-
toire.
115 v°-117v°, XXIX. Charles-Martel réprime une révolte en Bour-
gogne; il triomphe des Frisons; il enlève Avignon aux Arabes, et
accomplit des exploits si nombreux (118 r")que le chroniqueur renonce
à les narrer tous parle menu. — 118 v°-119 r°. Malheureusement, ce
héros adjuge à ses barons les biens ecclésiastiques, atl'on a le droit,
en conséquence, de se demander s'il est présentement au Paradis.
Crétin n'en est pas sûr, et il constate que, dans le tombeau de cet
homme qui avait mis la main sur l'argent des prêtres, un serpent fut
découvert. C'est là un signe inquiétant. — 119 vo-120 r». Charles par-
tage le royaume entre ses fils, puis il meurt.
121 r°-124-v". XXXI. Griffon [Grippo] est vaincu et emprisonné par
ses fières. — Après d'heureuses campagnes contre les Bavarois et les
Germains, Carloman est touché de la grâce, et se fait moine. — Grif-
fon recouvre la liberté ; il attaque son frère Pépin le Bref, et finit par
succomber.
125 vo-127 ro. XXX. Le pape Zacharie déclare que le titre de roi
de France appartient légitimement à Pépin et non pas à Childérich.
Celui-ci est déposé et tondu ; la lignée de Pharamon est éteinte. —
127 \o. Guerre avec les Saxons. — Le pape Etienne vient en France. —
128 r»-129 v°. Pépin est sacré par le pape; il lui promet son aide contre
les Lombards, et se prépare à passer les Alpes. — 130 r''-131 v".
Expédition victorieuse. Gratitude du saint-père: il accorde à son libé-
rateur un privilège notable. — Mort du roi des Lombards.
132 r°-133 v°. XXXII. L'empereur de Constantinople envoie une
ambassade à Pépin. — Les Saxons éprouvent de nouveaux revers. —
Fondation du Parlement de Paris.
134 r" 0, le grand bien que feyssent telles gentz 2,
1 Cf. Molinet, Le Temple de Mars : « Le chant de ce temple est
alarme, | Les cloches sont grosses bombardes, | L'eaue benoiste est sang
et larme, | L'espergès ung bout de guisarme, | Les chappes sont har-
nas et bardes, | Les processions avantgardes, | Et l'encens pouldre de
canon. »
* Les personnages chargés de rendre la justice.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 347
Si quelque peu fussent plus diligentz
D'expédier les procez qu'on intente,
Car, sans mentir, trop longue en est l'attente !
C'est grand pitié d'oujr les attendantz
Faisantz regretz dont il y a tant d'ans
Qu'ilz sont après. Souvent si longue suytte
Cause plusieurs mourir a la poursuytte.
Soliciteurs, en ce rojal manoir,
Vojt on courir sur pavé blanc et noir,
Soirs et matins, pour présenter requestes
A presidentz et seigneurs des enquestes ;
Genoulx flechiz, de main, de bouche et d'jeulx,
Les vont ainsi adorant comme dieux.
Leur hault sçavoir. grand sens, langue hebrayqu e,
Grecque, latine, et vertu(z) heroyque
Au vif semblant des sénateurs romains,
Font qu'après eulx courent et courront maintz.
134 v° Telz hommes sont droictz comme joncz oucjerges,
Patrons d'honneur, de justice concierges,
Pilliers de paix, arches de vérité,
Qui — sans faveur, heyne ou sévérité —
Font leur renom luyre comme en verrière
Luyt le soleil, et n'ont huys de derrière.
Le droit gardé parleurs fermes arrestz.
Jugent despendz, dommaiges, interestz,
Myses et coustz, a aulcuns bien propices.
Aux aultres mal : car trop y a d'espices !
C'est incident. Mais, tous propos hors mys,
Bien heureux est qui n'a plait n'ennemys!
Qui a repos d'esperit vie affecte
Achepte paix tousjours, et maison faicte.
135 v°- 136 v*. XXXIII. Campagne de Pépia en Aquitaine. — Sa
mort.
137 r°-138 r". Histoire du saint homme Gengoul, le modèle des
maris patients. Après l'avoir beaucoup trompé, sa femme l'expédie
dans l'autre monde, mais, là, il prend bien sa revanche, et il afflige
soudain son épouse d'une maladie étrange... et sonore. Le miracle est
édifiant, quoique sale. L'enseignement qu'il renferme mérite d'être
348 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
retenu : les fenames risquent beaucoup en bafouant « Les bons
marys que Dieu veult colloquer La sus au cieL.. « — 138 v°. Gen-
goul ne fut pas, en son temps, le seul personnage digne de figurer
au calendrier. Crétin en cite quelques autres. Et je pourrais, dit-il,
faire une liste plus étendue :
Mais je m'en tajs : assez ont exemplaire
Jeunes prelatz, si a Dieu veuUent plaire,
Ediffier peuples du bon endroict.
Suffise a tant. Quant chacun yra droict,
Lors charité, qui zèle aux cueurs alurae,
Les esmouvra. — C'est fin du tiers volume.
Mieulx que pis.
B. N. fr. 2820.
[1 v°,] Frontispice. — [2 r".] Prologue. Guillaume Crétin se regarde,
tant qu'il n'aura pas achevé son ouvrage, comme le débiteur du roi.
Par bonheur, c'est là un créancier de bonne composition et qui sait
attendre. — [2 \°-A r".J L'auteur de la Chronique va aborder un sujet
non moins difficile que magnifique, et il nous raconte un songe qu'il
prétend avoir eu à ce propos. Un matin de mai (c'est le cadre du
Roman de la Rose), le bon Guillaume, qui s'était endormi dans la
campagne, crut voir un chevalier combattant, pour une très belle
dame, contre une vieille personne fort désagréable. La belle dame
s'appelait Foi Catholique ; la femme laide et revêche figurait l'hérésie
des Sarrasins ; quant au chevalier, il était empereur et roi. A son
réveil, Cretia devine que ce champion de l'orthodoxie n'est autre que
Charlemagne, et il se propose de le célébrer dignement. — [4 v°.] Excel-
lence de ce prince. — Le poète s'accuse, une fois encore, de travailler
trop lentement.
Très humblement, Sire, je vous supplje,
Se plus tost n'aj ma promesse acomplye,
Excusez l'aaige et foible antiquité.
J'espère bien me trouver acquicté
[5 r»] A l'advenir, et mieulx vous satisflFaire,
Si a Dieu plaist ceste grâce me faire
La santé, vie et aviz me prester,
I
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 349
Et que veuillez œil et cueur apprester
Tendre vers moy votre main libérale,
En excusant ma parolle rurale.
1 ro.4 ro. I. Les deux fils de Pépin furent Charles et Carloman. —
Le premier triomphe du roi d'Aquitaine Hunulphe (Hunald).
5 V-l v°. II. A la requête du pape Adrien, Charles va combattre les
Lombards. — 7 v°-9 i°. 11 remporte une victoire éclatante ; il met le
siège devant Pavie, laisse une partie de ses gens autour de cette place
et se dirige vers Rome. — 9 v°-10 v". Ou l'accueille comme un libé-
rateur; il reçoit du saint-père maints privilèges, puis il reprend la
route de Pavie. — 11 v°-12 v». 111. Cette ville, qui est désolée par la
famine, se décide à capituler. — 13 ro-14 v». Campagne contre les
Saxons ; les troupes françaises les dispersent, et regagnent leurs
foyers.
15 v°-16 v» IV. Les douze pairs. — 17 r"-l9 r". Heureuse guerre
en Espagne ; les Gascons trahissent et sont punis.
19 v°-24 vo. V. Le duc des Bavarois, Tassillon, se prépare à attaquer
Charlemagne ; la peur le pousse ensuite à demander humblement la
paix ; il l'obtient, mais il continue à nouer de ténébreuses intrigues,
dont il aura plus tard sujet de se repentir. — Révolte et châtiment
des Bretons. — Louable activité du roi. — II ordonne aux Normands
de respecter ses frontières.
25 vo-27 r". VI. Il passe en Italie, où il désarme le duc de Béné-
vent. — 27 v°. Ambassade de l'empereur Constantin.
28 ro-30 r". Tassillon supplie le pape de le réconcilier avec Charles,
mais lorsque le saint-père invite les députés du Bavarois à donner
des garanties, ils répondent qu'on ne les a point chargés d'en fournir.
Ils sont, en conséquence, éconduits, et les Français se disposent à
marcher contre le duc. — 31 v°-33 \°. VII. Celui-ci, à l'approche
de l'armée, fait une soumission entière et consent à être jugé par
l'assemblée de la noblesse. Le tribunal le déclare coupable de trahison
et le condamne à mourir. Le roi adoucit l'arrêt, et il acquiert une
grande réputation de clémence en se bornant à ordonner que Tassillon
soit tondu.
34 v°-37 v°. VIII. Préparatifs contre les Huns. Charles habitue ses
troupes à la discipline, et Crétin constate avec mélancolie que l'on ne
voit jdus dans les armées l'ordre qui y régnait alors. — Les Huns
éprouvent de graves échecs. — 38 r<* et v". La peste désole le camp
des vainqueurs. — Digression : Pourquoi les princes français ne meu-
rent-ils jamais ni de la peste, ni victimes de l'artillerie ? Discussion
de ce problème. — 39 v°-40 r». IX. Les Huns reprennent courage et
350 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
obtiennent même quelques succès. — 40 v°. Imprécations contre la
guerre. — 41 r». Fermeté du roi dans les revers. — 41 vo-42 ro. l^es
ennemis continuent à prospérer, et Crétin à maudire la guerre. —
42 v"-43 r°. A la fin, Charlemagne est vainqueur, et des richesses
inouïes tombent entre ses mains.
43 v°-45 v°. Nouvelle agression des Normands ; le grand roi les
repousse, puis retourne à Aix.
47 ro ij-49 r°. X. Indignement violenté par quelques seigneurs
romains, le pape Léon vient demander secours à Charles, qui le
rétablit sur le trône pontifical. — 49 v°-51 r". Par gratitude, Léon
donne au roi de France le titre d'empereur.
52 l'O et v°. XI. Guillaume Crétin, qui va tracer le portrait de Char-
lemagne, déclare qu'il se contentera de reproduire les renseignements
que fournit la Chronique de Turpin '-. Après avoir fait l'éloge de ce
personnage pieux, il nous dépeint le grand Charles comme suit :
Or donq, ainsi que Tulpin nous informe
De la beaulté corporelle et la forme
Du magnanime empereur, ses recordz
Sont lelz qu'il fut puissant homme de corps :
D'iiujt piedz des siens fort longs portoit stature,
Et tant longueur contenoit la ceinture
53 r° Dont se ceygnit, oultre ce qui pendoit
Du reste a bas, lors que ceynct en estoit^;
Ample de reins, le ventre convenable;
Cuysses, braz, mains de grosseur raisonnable
Selon le corpz ; d'ung espan et demy
La face avoit *, couUeur vifve parmy ;
Nez, yeulx, sourcilz bien longs ; le front très large,
Comme on diroit d'ung demy pied en marge ;
Barbe d'ung pied monstrant virilité
* Le ms. présente, à cet endroit, deux vignettes successives.
* Il est vrai qu'il emprunte beaucoup à Turpin, mais il ne doit guère
moins à Eginhard. — Cf. Tiirpi7ii Historia CaroU Magni et Rotholandi,
XX, p. 39-40, (édition F. Gastets, Montpellier et Paris, 188U); (Euvres
complètes d'Eginhard, t. I, Vita Caroli impei^atovis, XXII-XXVII, p.72-87,
(édition A. Teulet, Paris, 1840).
^ « Cingulum namque, quo ipse cingebatur, octo palmis extensum
liabebatur, praeler illud quod dependcbat. » Turpin, XX, p. 39.
* « Habebat in longitudine faciès eius unum palmum et dimidium. »
Id., ibid.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 351
Portoit tousjours, et, a la vérité,
Ce mot latin vir (qui est a dire liommo)
Pris de vi'rtus, dont vertu se dénomme,
Denotte bien qu'homme est deffectueux
S'il ne se monstre en tous faictz vertueux.
Vertueux fut, lessant faictz puerilles
En jeunes ans, et, par actes virilles,
Obtint grandeur de magnanimité ;
Grand cueur eut il en la sublimité
Des faictz ardus, quant, d'aaige primeraiue,
Tant exaulsa, par pitié souveraine,
La saincte loy qu'onq homme plus avant
Ne fut, ce croj, tel affaire suyvant.
53 v° Science ajma, et tant myct cueur en elle
Que, non content de langue maternelle
Dont usent gros eutéuderaentz ruraulx,
Se feyt instruire es sept artz liberaulx,
Et (pour parler en saine conscience)
Tant se monstra jaloux de la science
Qu'aveq le nom de preux et belliqueur
Il savoura ceste doulce liqueur,
Et, pour avoir ses volluntez complectes,
Tant jour que nuyct eut quant et luj tablectes
Pour rédiger par escript promptement
Ce qui s'otfroit a son entendement.
Considérant qu'homme n'est si habile
Qui n'avt mémoire oublieuse et labile,
Et par cela ne voulut demourer
Qu'il n'eust de quoy le tout remémorer.
Hommes plusieurs estrangiers eut a gaiges
Pour l'introduyre a differentz langaiges.
A ce propos deubt il pas s'esjoujr
D'ambassadeurs en tout passaige ouyr?
Je dy cela devoir bien correspondre
A prince grand d'escouter et respondre
54 r" Sans truchement ; raison a ce consent
Qu'ung mot de luj, sans doubter, en vault cent.
En langue grecque, hebrayque et latine
Fut bien instruict, mais, entre sa doctrine,
352 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Grec entendit mieulx qu'il ne sceut parler.
Pierre de Pize,au bruit voilant par faer,
Son précepteur fut premier en gramaire,
Et Alcuyn, pour directeur sommaire.
Lors père abbé de Sainct Martin a Tours,
Des aultres artz les argumentz et tours
huy sceut monstrer, si très bien le conduyre
Dresser, mener, fonder et introduire
Qu'entre les clercz fut dit la grâce avoir
D'homme extimé en bon et grand sçavoir ^
En ses repaz avoit souvent lecture
D'histoire honneste; en la Saincte Escripture
Se delectoit, et j prenoit plaisir.
Par temps de paix, qu'il estoit a loysir,
Il ayma fort, entre aultres, le volume
Jadiz passé parla volante plume
Sainct Augustin, pour lire en temps et lieu.
Intitulé de la Cité de Dieu ^.
54 v° Fervent estoit au sainct divin office,
Journellement assistant au service
Lorsqu'on chantoit, toutes heures du jour,
Et finnamment luy estant a séjour ^.
Aulmosnier fut, piteux et débonnaire.
Quant au manger, pour repaz ordinaire,
Aux jours de chair (se ne faulx en mon ton)
Souvent mangeoit ung quartier de mouton,
* « Nec patrio lantum sermone cotentus, etiam peregrinis linguis
ediscendis operam impendit ; in quibus latinumita didicit, ut aeque illa
ac patria lingua orare sit solitus ; graecam vero melius intelligere quam
pronuntiare poterat... In discenda grammatica Petrum Pisanum, diaco-
num, senem audivit. in caeteris disciplinis Albinum, cognomento Alcoinum,
item diaconum,... praeceptorem Labuit. » Eginhard, vita Car. imp., XXV,
p. 80.
^ « Inter coenandum aut aliquod acroama, aut lectorem audiebat.
Legebantur ei historiae et antiquorum res gestae. Delectabatur et libris
sancti Augustini, praecipueque his qui de Givitate Dei praetitulati sunt.»
Ibid., XXIV, p. 78.
^ « Ecclesiam et mane et vespei'e, itemnocturnis horis et sacrificii teni-
pore, quoad eum valetudo permiserat, impigre frequentabat.., •» Ibid.,
XXVI, p. 82.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 353
D'ung porc Tespaulle; aussi avoit de crue
Lyevre, ojson gras, ung paon ou une grue,
Sans le gybier, pour redoubler en tiers,
Et venoysons dont mangea volluntiers.
Nul doibt pourtant esbahy par trop estre
Du compte ouyr : s'il sçavoit bien repaistre,
Sobre fut il en boyre toutesfoys,
Car au repaz ne buvoit que deux foys
Ou troys au plus; bien raangeoit pomme ou poyre
L'après disnée, et peu vin a son boyre.
Une heure après, tout nu prenoit délit
A reposer quelque temps en son lict.
Cela faisoit, car, ainsi qu'on traveille,
La nuyctmectoit son esperita veille :
55 r° Souvent trois foys ou quatre se levoit,
Devocion vers la mynuyct avoit
Faire envers Dieu oraisons acceptables,
A une aultre heure escripvoit a ses tables
Ce qui venoit en mémoire au resveil.
Ainsi mesloit aveq repoz traveil,
Sachant nature avoir mys en ouvraige
L'oysel au vol et l'homme au labouraige.
Et voilà l'exemple que Crétin propose aux princes de son temps.
— 55 v°-56 v°. 11 critique les gentilshommes qui penseraient déroger
en s'instruisant, et plaide avec quelque vigueur la cause de la science.
— Il revient ensuite à Charlemagae, et déclare que sa force physique
égalait son énergie morale.
Si grande force eut celuy empereur
Qu'en guerre, estant aux combatz, de fureur,
Par le povoir de sa dextre bruyante.
Joyeuse en main, l'espée flamboyante,
Ung homme armé de cuyrace et armet
Tout pourfendoit en deux, puis le sommet
Jusqu'à donner sur l'arçon de la selle
De son dextrier. L'escript aussi ne celle
57 r" Qu'ensemble joinctz quatre fers de cheval
Facillement (comme l'eau court a val)
23
354 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
A ses deux mains les sçavoit tous extendre
Ainsi qu'eust faict ecljsses de boys tendre.
Force de braz si grande et telle avoit
Qu'ung homme fort et puissant enlevoit,
Ayant les piedz posez sur sa main dextre,
De terre en hault. C'estoit ung tour de maistre!
58 r° et v"^. XII. A cette époque, les chants liturgiques n'étaient
pas les mêmes dans toutes les églises. Le pa|)e, à la prière de l'em-
pereur, décide que cette diversité doit prendre fin, mais il ne sait à
quel genre de musique il convient d'accorder la préférence. Son choix
est fixé par un prodige.
Advint ung soir, la journée acomplye,
Que luy estant en re^lise,a complye,
Feyt apporter le livre sur l'aultier
Ou contenu estoit l'office entier
Dont sainct Grégoire avoit, en consonance,
Faict lectre et chant de douice résonance ;
Celuy aussi fut la mesmes posé
Par sainct Ambroise escript et composé.
Les livres cloz et portes bien fermées
Pour rendre au vray les doubtes affermées,
Le jour pongnant venu du lendemain
(Sans ce qu'on eust myse aux livres la main),
Signes fort grandz donnèrent bien a croire
Que Dieu vouUoit l'office sainct Grégoire
Estre a jamais célèbre toutes partz :
Car les feuilletz en divers lieux espars
59 r° Furent trouvez, demonstrantz devoir celle
Forme tenir l'Eglise universelle.
Celuy de sainct Ambroise, la trouvé
En son entier et ouvert, fut prouvé
Devoir tenir la cité mylannoyse :
Et par ainsi a bout se myct la noyse.
Pour enrichir le martyrologe, Charles fait rechercher les noms des
saintes personnes qui ne figurent pas encore sur la liste officielle des
bienheureux. — 59 v. Institution de la leçon lue à prime en l'hon-
neur des saints connus et inconnus.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 355
60 r''-G2 v. Doux relij^ieux très doctes arrivent d'Kcosse. Ce sont
Rabamis et Gléinent, que parfois l'on nomme Claude. Ils annoncent
(qu'ils communiqueront la science à qui voudi'a, et ils passent d'abord,
à cause de cette promesse, pour « esventez du cerveau». Jugement
fort téméraire ! Clément [le Scott] professe avec beaucoup de succès
à Pavie. Quant à son compagnon, il resta en France, assista de ses
lumières Alcuin, et fut, en somme, l'un des fondateurs de l'Univer-
sité parisienne. — Crétin la célèbre sur le mode dithyrambique.
63 r° 0 quel grand bien, quel plaisir de bon heur
Receut Paris, quel prouffitet honneur
Lorsqu'ainsi futl'estude translatée,
Dont science est en tous lieux dilatée!
Ce fut un bien, encore est ce ' et sera.
Qui, Dieu aydant, jamais ne cessera,
Et par lequel l'Eglise militante
Se maintiendra en foy ferme et constante.
Pour décider toutes difflcultez,
Dedans Paris, en maintes facultez,
Se produit fleur d'excellente clergie.
Et, mesmement, (la) saincte théologie
Tant y flourit qu'en plusieurs régions
Gentz séculiers et de religions
Portent le fruict de vertueux mérite,
Qui aux sainctz cieulx des justes l'ame hérite,
La, rudes sens, par l'estude adextrez.
Sont tost renduz fort sçavantz et lectrez ;
Les esperitz tardifz d'apprendre et rares
Deviennent promptz ; ceulx de langues barbares,
63 v° Par très expers regentz leurs directeurs,
Se font a temps eloquentz orateurs.
C'est a Paris ung chef d'œuvre admirable,
Comme extiraé trésor innumerable,
Veuz tant de biens qu'en sa diversité
Porte et contient celle université;
C'est une mer qui va, flue et redonde
En tant de lieux, et court par si rojde onde
1 Ms. : esse.
356 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Que les ruysseaulx, fluantz en toutes partz,
Sont aujourd'huy parmy le monde espars ;
C'est ung soleil de divine lumière,
Prenant clarté de la cause première,
Dont clairs engins, en vertuz relujsantz.
Sont envers Dieu et les hommes plaisantz ;
C'est de tout bien ung si profond abisme
Qu'a peine puis en escrire la dixme, —
Par quoy vueil bien a tant m'en déporter.
64 v°-65 v". XIII. L'empereur donne des noms aux douze vents et
aux douze mois ' ; il édifie plusieurs temples, élève, à Aix-la-Cha-
pelle, une cathédrale somptueuse, et veille à la restauration des égli-
ses déjà existantes... — 66 r" et v°. Ici le chroniqueur s'interrompt pour
reprocher aux abbés et aux prêtres de son siècle leur incurie, leur
égoïsme. — 67 r". Charlemagne, au contraire, réunit cinq conciles
afin de réformer le clergé. — 67 v". Et, de nouveau, notre auteur
prend à partie les ecclésiastiques, ses contemporains.
J'en vueil a vous, bestes bruttes, peccores,
Gentz ignorantz, pervers et dissoluz !
J'en vueil a vous, ce sont motz absoluz !
Et si on dit, veu que je suis d'Eglise,
Qu'en ce caz trop mon estât scandalise,
A ce respondz : Vice qui notoire est,
L'honneur de Dieu touchant, et l'interest
Du bien commun et la chose publique,
Se doibt blasmer a réplique et duplique.
08 r" Est il vivant qui n'ayt doubte et orreur
Voyant l'Eglise aveuglée en l'erreur
De telz suppostz et si pervers ministres,
Tenantz les partz obliques et sinistres?
Ou songez vous, nos révérends prelatz ?
Le caz va mal. C'est chose impropre, helas !
Ordres donner a hommes inutilles
Qui n'ont sçavoir, maintien, façons ne stilles
D'honnestetez. Prenez la chose a cueur,
Et commandez tenir forte rigueur
A l'examen. Ce n'est pas conscience
1 Egiuhard, VUu Car. itnp., XXIX, p. 91-3.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 357
De les passer, s'ilz n'ont bonne science,
Tiltre vallable et suffisant pour eulx
Entretenir.
0 chetifs, malheureux,
Prestres voUantz, qui donnez exemplaire
Si scandaleux, comment pensez vous plaire
Au Créateur ? Bien monstrent vos semblantz
Que célébrez pour Tame de six blans,
Car, plusieurs jours, ne dictes messe aulcune
Si de quelcun ne recevez pecune,
D'amour de Dieu est tout homme indigent,
S'il n'a le cueur a luy plus qu'a l'argent.
68 v° On ne deust mectre aux divins sacrifices
Fort ceulx qui sont pourveuz de bénéfices.
Tant on en fait ! C'est trop de la moictié 1
Et n'est ce pas une grosse pitié
Que gentz d'Eglise exercent de la sorte
Ce digne estât, dont fault que rumeur sorte ?
Pour le bruit tel que d'ung et aullre avez
Qu'ilz sont si folz, legiers et despravez ',
On ne leur porte honneur ne révérence.
Je ne voy point qu'il y ait différence
Entre l'habit des gentz lays et le leur :
C'est caz estrange, et qui cause douUeur
Aux cueurs des bous personnaiges et graves !
Mais le parler n'y proffite deux raves.
Car non, sans plus, les moyens et petitz
Suivent leurs vains sensuelz appetitz :
Les cardinaulx, prelatz et grosses testes
Causent mouvoir merveilleuses tempestes^,
Et, par ce, sont simples prestres engrandz
Vices]ensuyvre, ainsi que font les grandz.
De cela vient que peuple, en tout affaire,
Fait hardiement ainsi qu'il leur voit faire.
* Ms. : destravez.
' Comprenez : Ce ne so7it pas seulemejit les moyens et les petits qui
suivent leurs appétits sensuels, mais les cardinaux et les prélats causent
de 77ierveilleuses tempêtes....
358 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
69 v° Mais qui en parle, on dit qu'il est resveur ;
Pour ce m'entays. Plaise au benoist Saulveur
Ordre y donner, tellement que le monde
Vertu eslise, esvitant vice immunde !
L'empereur comble de ses grâces les cités de Florence et de Gênes.
— 69 v^-TO r". Sa renommée pénètre jusque cbez les infidèles.
71 i"'-72 v°. XIV. 11 comptait achever son existence en repos, mais
saint Jacques de Galice lui apparaît une nuit, et lui ordonne d'aller
guerroyer contre les Turcs '. — 73 r"-77 v°. Départ pour l'Espagne.
— Siège de Pampelune : les murailles de la ville tombent d'elles-
mêmes ^. — Pèlerinage à Compostelle. — Les Turcs sont baptisés en
masse. — Charles regagne ses états.
78 v°-79 ro ^. XV. A peine de retour, il apprend que le roi païen
Aygolaad '' est sorti de l'Afrique pour envahir l'Espagne. 11 s'agit de
réduire ce nouvel adversaire, et les Français accourent, infatigables.
(Laissons-les, dit le poète, passer les Pyrénées à leur aise, et, pen-
dant qu'ils passeront, je vous conterai, moi, une histoire. — 79 v°-81 \°.
Il y avait une fois un gendarme qui n'était pas riche, puisqu'il ne pos-
sédait rien au monde que son cheval. En mourant, il recommanda à
un sien parent de vendre la bête en question et de distribuer aux pau-
vres l'argent qu'il se procurerait de la sorte. Le cheval fut vendu cent
sous, mais le parent du charitable gendarme garda la somme pour
lui. Aussi qu'arriva-t-il ? — Des diables !... Ils emportèrent cet homme
indélicat. Morale : Si vous ne respectez pas les testaments, vous vous
en trouverez mal ^.) — 82 r". Maintenant nos troupes ont franchi les
monts; Aygoland et Charles sont eu présence. — 82 v''-85 r". L'un
consulte les sorts, et ils lui jiromettent la victoire ; l'autre voit les
lances de ses soldats se couvrir d'une jeune verdure. — Terrible
mêlée! — Charles triomphe, et son ennemi quitte l'Espagne.
86 v" ^-89 r°. XVI. Oui, mais il ne reste guère en Afrique, et il
revient même d'un tel élan qu'il ne s'arrête que devant Agen. — Prise
* Turpin; I, p. 2-4.
2 Id., II, p. 4-5.
' Le ms. porte 78 par erreur.
* Turpin, VI-XIV, p. 10-25. — Par la suite, Aygoland est devenu l'un
des personnages épiques du moyen âge. Cf. E. Langlois, Taljle des noms
propres de toute nature compris dans les ChaJisons de geste imprimées.
Paris, 1904.
» Turpin, VII, p. 10-11.
* Les {"' 85 vo et 86 r" sont occupés par une peinture compliquée, et
qui tient toute la largeur du volume.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 359
de cette ville ; les Sarrasins s'y établissent, mais Charlemagne y entre
sous un déguisement, étudie à son aise les ressources de la place, et
la recouvre peu de temps après. — Fuite du roi païen ; il se dirige
vers Saintes, et l'empereur chevauche derrière lui. — 89 v^-OO v°.
Bataille. Aygoland est vaincu, et il se retire à Pampelune. — 91 r" et
v". Charles veut l'y aller chercher ; il rassemble des forces imposantes :
124,000 hommes, « sans les piétons, aventuriers etaultres ». — 92 v"-
96 v. XVII. Les infidèles se préparent de leur côté, et voici les deux,
armées front contre front. — .A.près plusieurs escarmouches qui se
terminent toutes à la confusion des Turcs, Aygoland vient trouver l'em-
pereur, se déclare prêt à recevoir le baptême, puis renonce brusque-
ment à ce dessein. — 96 v''-97 r°. Dès lors, il faut combattre.
— Défaite et (enfin!) mort d'Aygoland.
97 v°-98 v". Massacre de mille chrétiens qui pillaient sans vergogne
durant la nuit*. — Le duc de Navarre attaque les Français : il est
repoussé, puis occis. — Récit d'un notable miracle et réflexions du
chroniqueur sur les jugements de Dieu.
99 v". XVIII. (Crétin s'excuse des erreurs qu'il a pu commettre.)
— 100 r°-101 r". L'amiral de Babyloue arrive en face de l'empereur
avec une nuée de païens, parmi lesquels on remarque le formidable
géant Ferracut. Il défie les barons de Charlemagne, et déconfit en
champ clos Ogier le Danois, Arnoul de L'Aubespine et quelques
autres. — 101 v°-103 r". Alors se présente Roland. 11 assène à Fer-
racut, qui l'a soulevé bien haut, un coup de poing sur le menton. Les
deux champions roulent à terre, et se gourment si longtemps qu'à la
fin « le grand riflard » est contraint de demander une trêve. — 104 v-
106 r°. Le lendemain, Roland se hâte vers le lieu du combat. Arrive
le colosse, «...faisant plus grand bruit en sa marche Qu'une grosse
eau passante en estroicte arche ». Le duel recommence, et telles sont
l'adresse et la vaillance du paladin que son adversaire se sent las et
dit : Reposons-nous. — 106 v°-108 v. 11 se couche sur l'herbe et
s'endort. Toujours courtois, Roland lui place, en guise de coussin,
une grosse pierre sous la tête. — Ferracut se réveille, et il se met à
causer très gentiment. Son corps, déclare-t-il, est invulnérable : seul
le nombril ne repousse pas le fer. Cette naïve confidence ne tombe
point, écrit le poète, « en oreille de veau », et Roland note le rensei-
gnement. Ensuite le Turc et le chrétien vantent leur religion respec-
tive ; chacun affirme que la sienne est la bonne, et, comme ils ne se
persuadent pas l'un l'autre par la parole, ils conviennent, en saisis-
sant leurs armes, que la meilleure religion sera celle du vainqueur.
1 Turpin, XV, p. 25-6.
360 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
— 109 l'o-UO v. Le géant succombe après une ardente résistance, et
la foule des infidèles est dispersée ou massacrée '.
lllv°-113v°. XIX. Mais il reste à vaincre deux princes païens.
Charlemagne leur présente la bataille sous les murs de Cordube. Les
Sarrasins placent à l'avant-garde des gens déguisés en diables et qui
agitent des campanes. Ce spectacle, ce carillon effarouchent les des-
triers des Français, mais on reprend l'avantage après avoir bouché
les yeux des chevaux et leurs oreilles. Les ennemis reculent, se
débandent^. — 114 r^-IlS v°. Prise de Cordube. — Partage des terres
conquises. — Pèlerinage à Compostelle.
116 r"-! 17 v°. XX*. Le catholicisme commence à s'établir en
Espagne. — L'église de Compostelle est splendidement dotée, en
sorte qu'elle s'élève au rang de Rome et d'Ephèse, qui sont les plus
vénérables sièges du monde chrétien.
118 v. XXL L'auteur revient et insiste sur ce qui précède, et il
continue ensuite son récit. — 119 r" et v°. Au moment de rentrer en
France, Charlemagne envoie un messager aux deux rois de Saragosse
(Béligand et Marsire) pour leur enjoindre de se convertir. Le messa-
ger, c'est Ganelon. 11 trahit. — 120 v° et v". Invectives du poète. —
121 r°-122 v». Apportant de mensongères promesses, Ganelon regagne
le camp. Afin que l'empereur ne conçoive aucun soupçon, les Sarrasins
lui offrent des présents infinis. 11 consent à repasser les monts, et
confie l'arrière-garde à Roland. — Ganelon engage Béligand et Mar-
sire à attaquer le paladin dans les défilés de Roncevaux. On écoute ce
conseil, et l'on dresse une embuscade à cet endroit. — 123 r° et v°.
L'arrière-garde est presque anéantie. Les quelques chevaliers qui
survivent cherchent un refuge parmi les bois.
124 v° XXII. Si en ce jour, veu l'excez violent,
Rolland sentit son cueur triste, doUent
Et desplaisant, ce ne fut de merveille.
Tant plus homme a grand cueur, et plus travaille
Quant il se vo_yt en périlleux danger, 5
• Cet épisode est emprunté entièrement à Turpin (XVII, p. 27-34.) Le
géant Ferracut est cité ou joue même un rôle dans quelques chansons de
geste, mais, d'ordinaire, on le nomme Fernagu.
2 Turpin, XVIII, p. 34-6.
' Dans le titre de ce chapitre, Crétin invoque, pour tout ce qui va
suivre, l'autorité de « Vincent Thistorial ». Néanmoins, en ce qui concerne
la bataille de Roncevaux et la mort de Roland, notre chroniqueur conti-
nue à s'inspirer de Turpin (XXI-XXIII, p. 41-49.)
DE MAITRE GUILI.AUME CRETIN 361
Dont n'a moyen qui le puisse aleiger.
Ainsi perplex, triste en pensée et face,
Loing^ du moj'en dont son ennuy efface,
En la forest, comme errant chevallier,
Fut regardant s'il sçauroit raljer 10
Aulcuns des siens, affin qu'a l'eschappée
Eulx quant et luj, au trenchent de Tespée,
Sceussent vanger le sang de leurs aniys :
Car mieulx aimoit en honneur ostre mys
A dure mort que voulloir vivre en honte. 15
Lors en tel soing, comme nous dit le conte,
Ung pajan seul trouva qu'humilja
Et a quelque arbre estroictement lya ;
Puis, désirant sçavoir d'heure abrégée
Ou la payanne armée estoit rengée, 20
125 r® En certain mont, sur ung arbre assez hault
Alla monter, ou son œil, de plein sault,
Sceut explorer une fort grande plaine,
De Sarrazins terre ' couverte et pleine.
Lors le sien cor, en reprenant son vent, 25
Sonna longz motz, les redoublant(z) souvent,
Et a tel son, comme si ce fust prise,
Vindrent a luy cent chevalliers d'emprise.
De ce joyeux et eulx d'amour espriz
Reprindrent cueur et forces d'esperitz, 30
Délibérez, sans plus longue demeure
Sur le péril que chacun d'eulx y meure,
Faire l'essay d'eschapper les destroitz.
En priant Dieu leur donner telz octroys
Que, se contre eulx Sarrazin qui vive entre, 35
Force leur doint luy passer sur le ventre.
Rolland, après la bende ralyer,
Alla celuy Sarrazin deslyer,
Puis l'advertit que, s'il avoit envye
Avoir de luy beneffice de vie 40
Et recouvrer liberté à son vueil.
Se delivrast, a vue et plein gect d'œil,
' Toute ?
362 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
125 v" Luy demonstrer le roj Marsire en place.
« Sinon, dit il, ains que d'icy desplace,
Je te feray sortir l'ame du corps. » 45
L'espée au poing, faisant ces durs recordz,
Luj présenta en barbe toute nue,
Dont eut Taecès de fièvre continue,
Doubtant venir jusques au chef trencher :
A tant promict Marsire remercher. 50
Sur ce les franoz champions se serrèrent
Et, en partant de celle i)lace, errèrent
Tant et si fort qu'ilz furent près du lieu
Ou triumphoit Marsire au beau meiilieu
De grosse trouppe en bataille rengée, 55
Signe monstrant de chiennaille enraigée.
Ce Sarrazin, l'ordre contreroulant
De la bataille, alla dire a Rolland
Si son regard au roj Marsire gecte
Estre celuy portant ronde targette, 60
Sur roux bayard monté, le bon cheval
Acom[)aré au coursier Bucifal
Ou aux destriers Montaigne et Galatée '.
Après ouyr l'enseigne relatée,
126 r° Les chevalliers, des armes revestuz 65
De nostre foy, reprinses les vertus
Force et prouesse, en sorte que leur semble
Mourir grand gaing, joinctz et serrez ensemble,
Chargèrent boys gros, pesant, ferme et rond,
Donnantz le choc, fendirent de plein front 70
Ceste orde, vile et meschante canaille 2.
Sur ce Rolland, a quelque pris qu'en aille,
VouUant du tout appliquer son désir
• Cf. Romania, VI, 271.
2 La phrase est atrocement chevillée et, par suite, peu intelligible.
Essayons de l'éclaircir : Api-ès avoir entendu le signalement du roi Mar-
sire, les chevaliers, revêtus des armes de la foi, et ayant si bien reconquis
leur force et leur prouesse que mourir leur semblait un gain, se réunirent
en un groupe compact, mirent en arrêt leur lance, dont le bois était gros,
pesant, ferme et rond, puis, donnant le choc, fendirent, etc. — Le v. 69
m'est obscur, et je ne suis pas certain de l'interpréter comme il faut.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 363
A bon exploict, ungTurq alla choisir
Grand et puissant, excédant d'apparence 75
Les aultres tous : mais, pour la différence,
Ne délaissa l'aller tost affronter.
Se la endroict se sceurent bien frotter,
Ja n'est besoing le ramener a doubte.
Pensez chacun y mjct sa force toute, 80
Et se l'ung fut aux coupz donner hastif,
L'aultre monstra estre en revenge actif.
Si ne dura longuement leur bataille,
Car, du fort braz a Rolland, telle taille
De Duranda sur ce Turq deschargea 85
Que le tarder du combat abrégea.
126 v° Et tout ainsi que le boucher acoustre
Mouton en deux, il pourfendit tout oultre
Et départit son corps profondément
Depuis le chef jusques au fondement, 90
Si qu'une part alloit pendant a dextre
Sur le cheval, et l'aultre a la senestre.
Lors Sarrazins furent effarouchez;
Non seulement souldardz, mais les gros chefz,
Du grand exploict tellement s'estonnerent 95
Que plusieurs d'eulx leurs rojs habandonnerent,
Dont fut Rolland plus chauld de batailler.
Corps cravanter, trencher et détailler.
Comme ung fauscheur qui de sa faulx aterre
L'herbe du pré et la mect loute a terre, 100
Tout ainsi fut, par l'affilé trenchant
De Duranda, de part en part fauschant
Ce qu'il trouva, et tant fendit la presse
Qu'au roy Marsire alla de dure aspresse,
Lequel fuyant mort par terre abatit. 105
La Beligand assez mal combatit,
Et ama raieulx de fuytte avoir envje
Que, pour venger son frère, y perdre vie.
127 r° Luy et les siens, tous mellencolieux.
Las et craintifz, partirent de ces lieux, 110
Doubtantz encor l'empereur par Gascongne
Povoir tourner sur eulx a leur vergongne.
364 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Si estoit ja oultre montz, sans sçavoir
L'affaire tel qu'on fejt aux siens avoir.
Or entendez (que je ne m'entretaille 115
Sur le propoz) au fort de la bataille
Noz chevalliers tous cent furent occiz,
Fors Bauldouyn, Thierry et cinq ou six
Qui tout espoir de résister perdirent,
Pour ce fuitifz par les boys se rendirent. 120
Si vaillant n'est, se voyant estre ainsi,
Qui près ne soit demy mort et transy.
Quant a Rolland, neantmoins ses vaillances,
Environné de quatre grosses lances.
Tant fut navré, en cestuy oultre paz, 125
Que plus n'actend fors l'heure du trespaz.
Si évada du conflict et print voye.
Suivons le; il vault qu'en dueil on le convoyé.
128 r" ' Triste, dolent, foible, pesant et las,
S'en va Rolland, ja entrepris es las 130
D'acceleree, excessifve agonye,
Sans ayde avoir de nulle compagnye.
Dolent, que dy je? Hellas, voire a bon droict,
(Qui bien le caz considérer vouidroit)
Tant pour raison de la mort regrettée 135
Des chevalliers catholiques — traictée
Par faulseté conficte en faction
De fiel amer et putréfaction —
Qu'a cause aussi de sçavoir la dampnable
Secte payanne, orde et abhominable, 140
Estre esjouye en prenant vengement
Des chevalliers. Ce fut rengreigoment
De mal sur mal, adjoinctes les mors telles
Au corps navré de playes si mortelles.
Ainsi afflict, selon certains rapportz, 145
Jusque[s] au pied des cysereans portz,
Près Roncevaulx arrivant soubz un arbre,
* An fo 127 v°, renlumineur a représenté Roland qui tâche de briser
son épée.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 365
Se rajct a pied jouxte ung perron de marbre * .
128 v° Vuide de sang, tout afFoibly et las,
En plaingtz, regretz et très piteux helas, 150
Disoit : a Mon Dieu, fault il qu'icj demeure,
Et que tout seul, comme une beste, meure
Sans nul espoir de remède et secours?
Francz chevalliers qui vivez en ce cours,
Et qui voz corps exercitez aux armes, 155
Fondez en pleurs, plourez a chauldes larmes
Le vraj patron de prouesse et valleur.
Passant le paz en extrême doulleur ! »
Lors le vaillant chevallier sans reproche.
Comme celuy qui de sa fin approche, 160
Eut bien en luj consideracion
Qu'en telle fièvre et alteracion
N'estoit possible avoir longue durée,
Veu la grand soif qu'il avoit endurée
Par excessifve extrémité d'ardeur. 165
Considérons des vertus la grandeur
Du si vaillant chevallier magnanime ;
Tout homme, ayant voulloir pusillanime,
Devroit souvent la constance admirer
De ses haultz faictz et en eulx se mirer. 170
129 r° Estant assiz sur la fresche verdure,
En telle ardeur que bien deubt trouver dure
Veu ce qu'avoit navreures et coujjz tant.
Il se monstra pacient et constant.
Sur Duranda, l'espée interprétée 175
Donne dur coup-, tint sa veue arrestée
Bien longuement. Quoj plus? la tira hors
* » Tune Rotholandus tanto bello fatigatus, de nece Christianorum et
tantorum heroum dolens, Sarracenorum ictibus magnis et percussioiiibus
acceptis affliclus, usque ad pedem portuum Cisere per nemora solus
pervenit, et ibi sub arbore quadam, juxta lapidera marmoreum qui ibi
erectus erat in prato optimo super Runcievallem, equo desiliit. > Tur-
pin, XXII, p. 44-5. — Le mot Cisere est écrit Sizre dans la Chans. de
Roi., 583, 719.
2 « Durenda interpretatur durum ictum cura ea dans, quia prius defi-
ciet brachium quam spata. » Turpin, uôi sup.
366 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
De son fourreau toute nue, et allers
Luy dit ces motz :
« 0 espée admirable,
Chef d'œuvreexquiz fait d'art incomparable, 180
Plus tost beaucoup de touz hommes les braz
Fauldront que toy, car jamais ne fauldras !
Du signe grand de la croix es signée,
Ou Jesuscrist rendit vie assignée
A tous humains. Je voj sur toy (r)escript 185
Alpha et w ' qui, pour vray, me descript
Commencement de toutes choses estre
Du seul motif dont procède leur naistre :
C'est Dieu sans fin et sans commencement,
Qui aultrement le dit ou pense ment. 190
O reluysante et triumphante espée,
La chair payanne as souvent decouppée
129 v° De poincte ayguë et acéré trenchant !
Maint lasche Juif et Sarrazin meschant
As detrenchez ! Tu as esté forgée 195
Divinement, a ce que fust vengée
La digne mort du benoist Rédempteur.
La larme a l'œil et triste ennuy au cueur,
Par dolentz plaingtz te regrette et lamente,
Et ma douleur de durs regretz augmente, 200
Tant suis doubtant que tumbes en la main
De quelque Turq Sarrazin inhumain,
Ou d'homme plein non de noble paraige,
Mais de villain, lasche et meschant couraige^.»
Ses regretz faictz, voullant qu'homme n'usast 205
De celle espée et qu'il n'en abusast,
(Comme en challeur homme de cueur s'efforce)
1 Ms. : 0.
^ « 0 mucro pulcherrime et semper lucidissime,... litteris clarissimis
inagno Dei nomino «m insculpte,... quis amplius tua fortitudine utetur?...
0 quotiens Doinini nostri lesu Christi sanguinem per te vindicavi ! . . .
quotiens Christi inimicos pereml ! quotiens Sarracenos trucidavi! quotiens
ludaeos ac perfidos pro cliristianae fidei exaltatione destruxil... 0 spata
felicissima,... si miles ignavus aut timidus te habuerit, nimis ex hoc
doleo ; si Sarracenus aut alius perfidus, valde Holeo. » Turpin, ubi sup.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 367
Guidant la rora[)i'e y employant sa force,
Trois fort graudz coupz sur le perron dressa
Et en deux partz promptement le froissa. 210
Ce fut grand caz, fendre dure matière,
Et celle espée estre saine et entière!
Voyant cela, print sonner le sien cor
Bien longuement, affin que si encor
130 r° Quelqu'nng, après celle desconficture, 215
Estoit caché par les boys d'aventure,
Qu'a luy survint pour luy donner confort.
A force vent feyt lors si grand effort
Qu'on dit avoir fendu le cor d'yvoire.
C'est bien soufflé ! Créez ce qu'en dy, voire, 220
Et en regretz |)renez compassion
Du chevallier qui telle passion
Lors endura (sont ce paroUes vaines?)
Quant il rompit de son col nerfz et veynes.
Tant et si fort a celle heure sonna 225
Qu'a l'empereur le son en resonna,
Quoy que de la y eust longue distance ;
Pour ce voulut tourner a toute instance,
Et pensa bien la matière s'offrir
Que son nepveu devoit peine souffrir. 230
Le desloyal traytre Gannes, pour rendre
Sur ce raison, la parolle alla prendre :
(( Sire, dit il, ja ne vous esmayez
Touchant Rolland ; doubte de lui n'ayez.
Je suis bien seur qu'il faict très bonne chère. 235
Souvent, pour une occasion legiere,
130 v° Sonne sa trompe. En la forest s'esbat,
Car de la chace ayme tousjours l'esbat.
Cause n'y voy qu'on s'en dueille et courrouce.
Si, en ces boys, de quelque beste rousse 240
A rencontré, et loysir de courre a,
Soyez certain qu'a force la courra.»
Cela disoit de bouche menteresse,
Et la pensée en fiction traytresse
Sçavoit le neu du poinct ou tout gysoit, 245
Qui aultrement alloit que ne disoit :
368 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Mais homme au droict ne fut pour contredire,
Qui causa foy adjouxter a son dire.
Lors Bauldoujn, par tel son entendu,
Alla trouver plat sur l'herbe estendu 250
Rolland, ainsi peu près qu'homme trespasse,
Qui, le voyant, luy prie de voix basse :
(( Franc chevallier que j'ay ayraé tant cher,
Trouve façon de tel sang m'estancher,
Et s'en moy as vraye amour et certaine, 255
Cherche de l'eau en ruysseau ou fontaine,
Dont puisse ung peu, par moderacion,
Réfrigérer mon alteracion. »
131 i" Grand devoir feyt par toute l'estendue
D'en recouvrer, qui fut peine perdue, 260
Car goutte d'eau ne trouve en mont ne val ;
Pour ce saisit Tespée et le cheval
Du bon Rolland; comme ayant vie extaincte
11 le laissa, car il doubtoit l'actainte
Des ennemys et leur aygre fureur, 265
Gaignant pays vers l'ost de l'empereur.
Au mesme lieu Thierry survint a l'heure.
Qui, prins de dueil, lamente, plaingt et pleure.
Voyant Rolland avoir membres retraictz
Et ja tirer, ce semble, aux derniers traictz. 270
Lors doulcement l'exorte et admonneste
De son salut.
Or, par coustume honneste,
En l'ost françoys la reigle s'observoit
Qu'avant combactre ung chacun recevoit
Son Créateur. C'estoit loy ordonnée 275
De bonne part. Rolland, ceste journée,
Se confessa et feyt administrer
Avant vouUoir en la bataille entrer,
Dont croy qu'estoit, selon bon vray semblable.
En seur estât. La coustume louable 280
131 v° Se deubt en guerre observer mesmement
Quant on se voyt en péril eminent,
(Comme en bataille on se fourre et contourne)
Car tel y va qui jamais n'en retourne.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 369
Qu'ost ce de ceulx, en tel conflict, surpris, 285
Qui lors ne sont confessez ne contrictz ?
Extimez vous que la plus part ne verse
De mal endroict? Gentz de faulse et perverse
Condicion ainsi circonvenuz,
D'oeuvre, mérite et grâce trouvez nudz, 290
Ont ilz avis ne mémoire sensible
D'eulx repentir? Il est comme impossible.
Se mort les prend en l'obstinacion,
Je croj que tous vont a dampnacion.
A tant m'en tajs, et aultrement n'en juge : 295
Tout gist en Dieu qui est le juste juge.
Thierry, voyant son amy labourer
Aux derniers trectz, a force de plourer
Luy arrouza de ses larmes la face,
Dieu suppliant que vray pardon luy face. 300
Adonq Rolland, de foible et basse voix,
Ainsi parla :
« Mon Rédempteur, tu voys
132 r° Qu'ay délaissez parentz, pays et terre
Pour debeller celle gent qui tant erre,
Et, exaulsant ta saincte loy, ay faictz, 305
Soubz ton povoir, armes de grandz effectz,
Dont mon corps a souffertes peynes dures,
Playes, gratidz coupz,faim, soif, challeurs, froidures,
Et tellement que l'angoisse de mort.
Après telz maulx, me navre, pique et mort ! 310
Mon facteur es : regarde ta facture ;
Mon Créateur, je suis ta créature.
Vertu de vie en raoy fault et peryt;
Le corps se meurt. — Te plaise a l'esperit.
Après ce dur passaige transitoire, 315
Donner repoz en seur repositoire !
Tu es celuy qui les très bonnes partz
A tes servans et bons amys dépars.
0 Jesuchrist, filz de la doulce mère
Vierge Marie, honteuse mort amere 320
Souffris pour moy, par trois jours pris séjour
Au tien sepulchre, et au troisiesme jour
24
370 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Ressuscitas, puis montas a la dextre
De Dieu ton père. Or suis je prochain d'estre
132 \° Au paz mortel. Si croy, mon Rédempteur, 325
Que je, pécheur et povre viateur,
Au dernier jour me fei'as, comme espère,
Ressusciter pour vie avoir prospère,
Sans ce que mort ja me puisse empescher.
Je te verray en ceste mienne chair, 330
Et de mes jeulx auraj a [pleine veue
La vision dont saincte ame estpourveue. »
Ces propres niotz trois foiz rejterez,
Ses membres froidz et sens tous altérez.
Très instamment voulut Dieu prier a ce 335
Qu'en cest endroict il lui pleust de sa grâce
Avoir pitié des siens chevalliers fi'ancz,
En celuy jour corps et vies ofFrans
Pour le soustien de sa foj, contre ceste
Dampnée, inique et malheureuse secte 340
Des mescreans ; qu'il voulsist pardonner
Tous leurs meffaictz, et ample part donner
De ses trésors, mectant au ciel leurs âmes
Hors le péril des infernales fiâmes.
Son oraison parfaicte, vers les cieulx 345
Tendit les braz, et, en levant ses jeulx,
133 r° En termes telz dit ce que vous recorde :
« Maintenant voy,par la miséricorde
Du doulx Jhesus, ce qu'œil onq ne sceut veoir.
Oreille ouyr, ne cueur d'homme, pour voir, 350
Comprendre sceut : les biens que Dieu prépare
Aux siens amjs. » — Lors, ainsi que se pare
Bon et lojal catholique au partir
Du cours présent, ce glorieux martyr,
Armé de foy vraye et saine doctrine, 355
Les braz en croix posez sur sa poictrine,
Thierry présent (comme l'histoire dit).
Terre eut le cor[)S, et l'ame au ciel rendit.
134 i'o-135 1". XXXlil. En célébrant la messe dans le camp de
rempercui', Tuipiii, ravi eu extase, voit; Marsire en enfer et Roland au
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 371
ciel '. — Arrivée de Thierry : il raconte, bieu affligé, le drame de
Koncevaux. — L'année rebrousse chemin. — 135 v"-137 v». Charles
pleure devant le cadavre de son neveu et ébauche une oraison funè-
bre. Beaucoup de Français reconnaissent leurs parents parmi les
morts. La désolation est générale. — 138 r° et v°. On s'élance à la
poursuite des païens, et, pour qu'on ait le temps de les atteindre, le
soleil arrête sa course. (Certaines gens nient ce prodige, mais le chro •
niquear les renvoie à Vincent et à Turpin ''. Du reste, pourquoi
Dieu n'aiderait-il pas ses amis? Lisez les saints livres, et vous veirez
que les miracles ne lui coûtent rien.) — 139 r"-140 v°. Ecrasement des
vilains Turcs. — Jugement de Ganelon : Pinabel descend dans la lice
pour cette méchante cause, mais il est vaincu parTliierry, et le traître
est écartelé.
141 v°-142 r». XXIV. Obsèques de Roland et de tous les preux tués
à Roncevaux. — 142 v". Licenciement de l'armée. — 143 r°. L'empe-
reur va à Saint-Denys. — 143 v". 11 travaille à établir l'équité dans ses
états. — 144 r°. Il se rend à Aix-la-Chapelle, où il entre à grand
triomphe. — 144 v^-HS r". (Crétin place ici la relation d'un joli
miracle qu'il avait oublié de consigner.)
146 r° et v". XXV ^. Signes qui annoncent la mort de Charlemagne'*.
— 147 r° et v". Il mande son fils auprès de lui, et partage ses trésors.
— 148 r". Beauté de son œuvre. — 148 v°. Le pape Léon célèbre
l'office funèbre de l'empereur. — 149 r". Celui-ci est très sûrement au
nombre des élus : Turpin l'affirme ^, et l'on doit le croire, car il a eu,
à ce sujet, une révélation d'en haut.
Excuses du poète : il a omis certaines choses, il en a exprimé
d'autres faiblement, mais il s'est, en somme, fort appliqué :
Et pource, ceulx qui verront ou je faulx
Vueillent sans plus corriger mes defîaultz :
Se feu d'amour a ce leurs cueurs alume,
Tout ira bien. — C'est fin du quart volume.
Mieulx que pis .
B. N. fr. 2821.
[1 r°.] (i Prologue sur le quint volume. » — La science est très
» Turpin, XXV, p. 50.
" XXVI, p. 52.
' Ms. : XXIV.
*■ Eginhard, Vita Car. imp., XXXII, p. 96 sqq.
" XXXIL p. 60 sqq.
372 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
nécessaire à un prince. — [1 v°-3 r°.] Opinions des anciens à cet
égard. — [3 v''-4 i°.] François l"'', qui aime à s'instruire, deviendra
un roi incomparable. - Le poète lui demande d'être indulgent pour
ses vers.
Très humblement, Sire, je vous supplje
Considérer combien la force plye
De moy qui suis le moindre des petitz,
Voz escoUiers et simples apprentifz ;
Et mon labeur recepvez en raesme ordre
D'acception que s'il donnoit a mordre
Fruict savoureux, de bon et friant goust.
Vous plaise aussi avoir esgard au coust,
Ou mjse est forte et recepte afïoiblje :
Celuy est sot, comme on dit, qui s'oublje*.
1 r". 1. D'un père excellent ne saurait naître un mauvais fils. —
1 V". Louis le Débonnaire fut, en conséquence, vertueux. — 2 1°. Il
exécute le testament de Charlemague. — 2 v°. Diverses ambassades
qu'il reçoit. — 3 r° et v°. 11 tâche de rendre meilleures les mœurs des
prêtres, et impose aux laïques des lois utiles. — 4 r° et v". Ses trois
fils (Lothaire, Pépin et Loys) furent ingrats, et lui causèrent mille
tribulations. — Après la mort de sa première femme, il épousa la
belle Judith, et en eut un enfant appelé Charles [le Chauve].
5 v°-6 v°. II. Louis rend aux Saxons et aux Frisons les franchises
que le grand empereur leur avait ôtées. — 6 v". Révolte des Gascons
et des Esclavons. — 7 r° etv°. Un grave dissentiment s'élève entre
Louis et Bernard, roi de Lombardie. Celui-ci est poussé par trois
prélats (Anseaulme, Walfiède et Théodulphe), qui cherchaient seule-
ment leur intérêt pi'opre.
Quant vent d'orgueil, en une teste raze,
Feu d'avarice attise et fort embraze,
Dieu scet comment, soit par phas ou nephas,
Faiucte amytié d'Annas a Cayplias -
* Guillaume Crétin semble solliciter ici la munificence royale. A
l'entendre, son œuvre, qui lui coûterait toujours beaucoup, lui rappor-
terait moins qu'autrefois. En vertu du proverbe Fol qui s'oublie, il
demande ingénument que la recette ne baisse pas, puisque lu mise n'a
point changé.
» Jean, XVIII, 13, 24.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 373
Est proumenée ; il n'est riens qu'on ne face
Soubz semblant mjs en jpocrite face .
8 r°-d v°. Le Débonnaire lève une grosse armée. Bernard comprend
que la résistance est impossible ; il se livre à l'empereur, qui le punit
très cruellement, ainsi que ses complices. — Les Bretons se soulèvent.
— 10 r°-ll r'^. On porte chez eux la guerre. — Nouvelle rébellion en
Gascogne. — Incursions des Normands.
12 r°. III. Les frontières méridionales de la France sont menacée
par le roi païen Azon (Aizo). On se dispose à le refouler dans ses
états, mais (12 v*^) les capitaines chargés de ce soin s'en acquittent
avec nonchalance. — - 13 r" et v°. Louis est obligé d'envoyer à la
rescousse Lothaiie et Pépin : ils arrivent trop tard; l'ennemi s'est
retiré avec un riche butin'. — 14 r°. Mort du roi des Bretons. —
14 v^-lS r". L'empereur choisit Bérard (Bernhard) comme Prévôt du
Palais, et lui donne une si grande puissance que l'on ne tarde guère
à conspirer contre ce favori et contre son maître.
16 r°. IV. Le poète adi-esse des malédictions aux adversaires de
Louis. — Ils vont trouver le roi Pépin et parviennent (16 v») à l'atta-
cher à leur cause. — 17 r" et v°. Le Débonnaire destitue Bérard;
Judith, à qui l'on attribuait toutes les fautes de son mari, est obligée
de s'enfuir à Laon, mais, tombée entre les mains des conjurés, elle
doit s'engager à prendre le voile. — 18 r". Réflexions de l'auteur :
il faut qu'un prince se garde également de la dureté et de la faiblesse.
— 18 v"-19 r°. Ap'ès avoir annoncé à son époux qu'elle renonce aux
grandeurs, Judith se rend à Poitiers et se retire au monastère de Sainte-
Radegonde.
{A suivre) Henry Guy.
1 Eginhard, Hludoivicus, p. 386 sqq.
BIBLIOGRAPHIE
REVUE DES REVUES
Romanische forschungen, XIX, 2. — Sechchaye : L'imparfait du
subjonctif et ses concurrents dans les hypothétiques normales en
français, p. 321 ; — Fiset : Das altfranzôsische Jeu- Parti, p. 407; —
Fehse : Sprichwoi't und sentenz bei Eustache Deschamps uml dichtern
seiner zeit, p. 545 ; — Ulrich : Drei romanische fassungen der beiden
Jakobsbrûder, p. 595; — Baist : Banse ; bouleau; bride; buiron ;
cagot ; caraffa ; conjogle ; corma ; guige ; hot, hocq, ho; piéton;
royaume ; toenard ; triege, p. 633.
Revista de Aragon, 'VI, abril 1905. — P. Meneii : Influencia
de la lengua espahola en el arabe vulgar de Marruecos, II, p. 178,
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La simplification de l'orthographe française, p. 41.
Bulletin du parler français au Canada, III, 9 et 10. —
A . Rivard : La simplification de l'orthographe, p. 270 ; — Le P .
Palier : Façons de parler proverbiales, triviales, figurées, etc. des
Canadiens au XVllI^ s-iècle, p. 291 ; — Lexique Canadien-Français,
p. 294 et 324.
L'Hermine, XXXII, 2. — G. Saint-Mieux : De la formation des
noms de lieux du Poulet (suite), p. 47.
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la conjugaison catalane, p. 128 ; — C Michaelis de Vasconcellos :
Algumas palavras a respeito de pûcai'os de Portugal, p. 140.
Romania, n» 134. — A. Thomas : Gloses provençales inédites
tiiées d'un ms. des « Derivationes » d'Ugucio de Pise, p. 177; —
G. Huet : Sur quelques formes de la légende du « Chevalier au
cygne », p. 206 ; — P. Meyer : Notice du ms. 305 de Queen's Col-
BIBLIOGRAPHIE 375
lege, Oxford (légondicr français), p. 215 ; — R. Weeks : P^tudes sur
« Aliscans » (suite), p. 237 ; — P. Meyer : L'inscni)lioa en vers de
l'épée de Gauvain, p. 278 ; — G. Raynaud : Une nouvelle version du
fabliau de « La Nonnette », p. 279; — A. Thomas : Ponthus de La
Tour-Landri, — Normand ;< caieu », — Franc. '< milouin », — F^rov.
(( colonhet » et « colonhier », p. 283; — A. Daiizat : Provençal
bodosca, bedosca, p. 298 ; — G. N'njra : « trekawda .> (Haute-Savoiei,
« trekawdé, trakudé » (Aoste), p. 301 ; — A . Mussafia : Per il « Tris-
tano i> di Beroul, éd. Muret, p. 304.
COMPTES RENDUS
Hugo Schuchardt aa Adolf Mussafia, Gniz, ira friihjahr 1905,
in-f de 42 p.
Au moment où M. Mussafia quitte l'enseignement après une car-
rière brillamment remplie, M. Schuchardt adresse à son ami une sorte
de lettre ouverte, qui est le présent ouvrage. Voulant lui faire on-
neur non seulement par le fond, mais encore par la forme, il l'a
richement éditée en un superbe caïer in-f", très soigneusement
imprimé et orné de belles illustrations.
Ne se sentant pas, dit-il, à même d'apprécier comme il convient
tous les travaux de M. Mussafia, il se borne à déclarer que le plus
important pour lui est le Beitrag zur kunde der nordUalienischen
mundarten im XV. jahrhunderte, paru en 1 873. Les remarques de
cette étude contiennent en effet une riche collection de sinonimes
éclairés par la lumière de l'étimologie; or on a peu travaillé dans
cette voie, la sinonimique istorique des langues romanes n'a guère
reçu que des contributions isolées, et M. Schuchardt le regrette. Il
n'est pas moins important, dit-il, de savoir comment se nomme tel
objet que de savoir ce que signifie tel mot. Deux vocables différents
pour exprimer une même idée ne la rendent généralement pas avec la
même nuance, et ces nuances correspondent à des points de vue
divers ou dénotent de la part du sujet parlant une autre condition
sociale, un autre tempérament. La multiplicité des noms d'un objet ou
d'un instrument tient non seulement à ce qu'on a pu l'envisager d'un
autre biais, mais aussi à ce qu'il n'a pas partout et toujours la même
forme extérieure, ni le même fonctionnement. De là la nécessité pour
les filogogues, les étimologistes, les linguistes de bien connaître les
objets qui sont désignés par les mois dont ils s'occupent. Et il cite
des exemples, qu'il empruntera de préférence aux sinonimes recueillis
par M. Mussafia, Après quelque ésitation, après un développement sur
376 BIBLIOGRAPHIE
le « fuseau » et la « quenouille » que bien des gens confondent, après
un autre sur les « chenets », « landiers » et objets analogues, il s'ar-
rête définitivement aux « dévidoirs », Il i a deux espèces principales
de « dévidoirs » que l'on prend trop souvent l'un pour l'autre et que
M. Mussafia dans son travail avait avec raison nettement distingués :
celui qui sert à mettre en écheveaux le fil que l'on tire du fuseau, et
celui qui sert à mettre en bobines ou en pelotons le fil que l'on tire
des écheveaux. Le premier est vertical, le second orizontal. M. Schu-
chardt décrit toutes les formes de ces deux objets, depuis les plus
simples jusqu'aux plus compliquées, depuis les plus anciennes jus-
qu'aux plus modernes, en éclairant son développement par de très
nombreuses illustrations qui reproduisent les objets ; il donne leurs
divers noms dans les différentes régions et cherche à établir l'étimo-
logie de ces noms
Après cela, laissant de côté les mots pour l'istoire desquels
le Beitrag de M. Mussafia lui fournit les premiers éléments, il aborde
une catégorie d'objets vers lesquels il a été amené par son propre
dada (zu der ich vielmehr auf eigenem Steckenpferd gelangt bin).
Or, quand M. Schuchardt enfourche son dada, on sait où ce dernier
le conduit : à la pêche et aux engins de pêche, à cause de turbare et de
trovare. Ici c'est d'une certaine classe de filets que nous entretient
l'auteur, et dans cette seconde partie ce n'est plus l'examen des objets
mais celui de leurs noms qui est au premier plan, sans toutefois que
leur description et leur représentation soient négligées.
Tout cela ]>eut paraître assez décousu, et rien n'est plus naturel
puisque c'est une lettre et que M. Schuchardt, pour l'écrire, a laissé
aux dadas qu'il montait la bride sur le cou. 11 i a pourtant une unité
qui règne sur le tout : elle se trouve dans la métode, dans l'idée
chère à M. Schuchart et qui fait le fond de ses Romanische etijnio-
logien; nous l'avons déjà signalée deux fois dans cette Revue (XLIl,
p. 564 etXLIV, p. 181 sqq.) : ne pas étudier les mots sans bien con-
naître les objets désignés par eux et l'istoire de l'application de ces
mots aux objets qu'ils désignent.
Ajoutons que l'on retrouve tout au long de ce travail les qualités
abituelles de l'auteur : précision, finesse et pénétration appuyées sur
une érudition qui n'est limitée ni en étendue ni en variété ; toutes
les langues du monde, tous les ordres d'idées sont à l'occasion appe-
lés à la rescousse. Comme d'ordinaiie, l'ouvrage, est émaiilé d'étimo-
logies généralement excellentes : les unes sont franchement neuves,
les autres, anciennes mais mal établies, avaient besoin de confir-
mation. Citons celles de fr. écheveau p. 8, port, sarilho p. 9, fr.
happe p. 10, fr. travouil p. 12, lat. alabrum p. 13, it. hicocca p. 22,
it. corlo p. 23, it. negossa p. 36, etc.
BIBLIOGRAPHIE 377
Sans doute toute la partie non linguistique de son érudition ne lui
est pas toujours personnelle; il a mis à contribution les connaissances
des nombreux amis et correspondants qu'il possède un peu partout.
Mais tous ces documents épars et décousus, il se les rend propres et
les vivifie par la manière dont il les groupe et par les observations
de profonde psichologie que lui suggère leur rapprochement. 11 faut
ajouter d'ailleurs qu'il n'utilise jamais un document étranger sans dire
qui le lui a fourni et sans remercier celui à qui il le doit; parfois
même, on l'avouera, l'ampleur du remerciement passe de beaucoup la
valeur du renseignement communiqué. Est-ce à ce sentiment de recon-
naissance exagérée qu'il faut attribuer l'éloge outré que fait M. Schu-
chardt de l'atlas de MM. Gilliéron et lùlmont? Il le qualifle tout sim-
plement d' « admirable » (beioundernswert) et M. Fôrster n'en parle
pas d'un ton plus modeste dans la Gr'ôbers ZeilschnfL (XXVIll, 495
et XXIX, 13). Il est vrai que M. Gilliéron a obligeamment fourni à
M. Schuchardt des renseignemtnts qui lui ont été utiles; mais M.
Schuchardt ne pense pas sans doute que la gratitude doive dispenser
de l'exactitude. Que demandent en effet avant tout MM. Schuchardt
et Fôrster à V Ailas-Gillièronl la forme exacte du mot qui est usité à
tel endroit pour rendre telle idée; et ils ne sont ni l'un ni l'autre gens
à se contenter d'à peu près. Or, si nous avons fait voir [Indogerma-
nische Forschungen, XVI, Anz, s. 12 iF.) quels services peut rendre
cet atlas et quelle est l'étendue de ces services, nous n'avons pas moins
nettement montré que pour ce qui est des mots et de la forme des
mots tout doit être considéré a priori comme faux. Rien ne saurait
être accepté qu'après une minutieuse vérification. Ce qui est «admi-
rable », c'est que deux simples particuliers aient conçu et entrepris
avec leurs seules ressources personnelles une œuvre aussi colossale,
qui, en raison de l'utilité qu'elle devait avoir, aurait dû être accomplie
aux frais nationaux. Mais ce qui est déconcertant et lamentable, c'est
que ce grand effort n'ait pas été mieux dirigé et que les deux auteurs
aient obéi à des principes aussi saugrenus. On n'imagine pas, pour
faire une enquête sur les patois de France, d'envoyer par toute la
France la même personne avec une liste de 1800 mots ou bouts de
frases, surtout quand cette personne, bien qu'ayant une oreille déli-
cate et exercée, ne possède qu'une préparation scientifique et linguis-
tique à peu près nulle; elle est obligée de poser partout ses questions
en français et par conséquent de s'adresser à des gens qui savent
d'autant moins de patois qu'ils connaissent plus de français ; elle est
incapable, dans un très grand nombre des patois explorés, de com-
prendre un seul mot de ce qu'on lui répond, si bien que lorsque la ré-
ponse consiste en plusieurs mots l'interrogateur ne sait pas quels sont
dans cet ensemble les fonèmes qui correspondent au mot qui Tinté-
378 BIBLIOGRAPHIE
resse ; il ne peut couper qu'au asard, et quant il arrive que l'interrogé
n'a pas compris la question et par suite fait un contre sens dans sa
réponse, l'interrogateur ne s'en doute même pas. M. Schuchardt, qui
rêve de cartes dans le genre de celles de M. Gilliéron, mais illustrées,
qui voudrait voir sur une même planche non seulement tous les sino-
nimes, tous les divers noms qui désignent un même objet, mais en
même temps la représentation par l'image de la forme ou des diverses
formes de cet objet, croit-il trouver satisfaction dans le présent Allas
pour la première partie de ses desiderata? Pense-t-il rencontrer une
riche moisson de sinonimes, alors que l'enquêteur a eu pour prin-
cipe de ne jamais revenir sur une même question, parce qu'il avait
peur « d'extorquer » une réponse qui ne se présentait pas spontané-
ment, qui n'était pas « une traduction de premier jet»? Qu'est-ce donc
que la traduction de premier jet quand la question est posée en fran-
çais à des gens qui savent le français à côté du patois? C'est dans
certaines cartes (il est facile de s'en rendre compte) deux fois sur trois
du français patoisé ; la vraie forme patoise ou, quand il i a des sino-
nimes dans la même localité, la seconde forme ou la seconde locution,
auiait souvent pu être enregistrée si l'on avait accordé un instant de
réflexion à l'interrogé; mais on s'est gardé de l'attendre ou de la lais-
ser surgir, ne voulant accueillir que des réponses de prime saut,
comme si la spontanéité n'était pas supprimée par le fait seul qu'il i a
traduction et interprétation .
Maurice Grammont.
E, Modigliaui. — Il Ganzoniore di Fraucesco Petrarca riprodotto
letteralmente dal Cod. Vat. Lat. 3195, cou tre fotoincisioni, Roma,
Societù ftlologica ro7nana, 1904. XXXI, 1G5, iu-4'', L. 15.
La Società filologica romana vient de publier une reproduction
diplomatique du Canzoniere de Pétrarque d'après le célèbre manuscrit
du Vatican. M. Ettore Modigliani a donné ses soins à ce travail délicat
pour lequel il a droit aux remerciements de tous les romanisants et de
tous ceux qui conservent le culte de la littérature italienne classique.
Dans sa préface, véritable introduction, M. Modigliani mentionne
les diverses études dont ce manuscrit a été l'objet et celles où il a été
utilisé : Nolhac, le Canzoniere autographe de Pétrarque, Paris, 1886;
Mestica, il Canzoniere del P. a riscontro col nis. del Bembo, etc., dans
le Giornale storico délia Lelt. /toZ. XXI, 1893; Nolhac, Fac-similés
de V écriture de P , et Appendices an « Canzoniere ^■> autographe, Rome,
1887: le Rime di Petrarca.. . . da Giov. Mestica, Firenze, Barbera,
1896; Nolhac, Pétrarque et V humanïs)ne, Paris, Bouillon, 1892, etc.
Mais il ne me semble pas dire de façon expresse que l'autographe de
BIBLIOGRAPHIE 379
Pétrarque a été découvert par M. de Nolhac, et ne renvoie nette-
ment ni à son article de la Revue Critique (188G, p, 469 sq.) ni à sa
lettre publiée dans le Giornale storico d. Lett. ital. Vil, p. 466. Pour
les hommes du métier, ces indications n'étaient point indispensables,
mais tel des lecteurs qu'aura la Préface de l'éditeur italien, sera
sûrement hors d'état de deviner que M. de Nolhac a eu le mérite de
cette découverte. Les sirrqiles mots : In storia esterna fiel codice 3195
è oramai abbaslanza nota, sont vraiment insuffisants quand il s'agit
d'un manuscrit précieux entre tous, qui pour un tiers est de la main
de Pétrarque.
La description donnée par M. M. entre dans tous les détails que
l'on peut souhaiter et paraît de la plus minutieuse exactitude.
Le manuscrit comprend d'abord un index qui n'est pas de la main
de Pétrarque et qui n'a pas été corrigé par le poète : certaines formes
dialectales paraissent indiqueruu scribe ombrien, peut-être de Pérouse.
Le texte lui-même est divisé en deux parties : « la première com-
mence au f* 1 et se termine par trois feuilles blanches, 50, 51, 52; la
seconde va du f° 53 recto au f° 72 verso, le dernier du manuscrit. Dans
chacune des deux parties, le texte a été écrit par deux mains distinctes,
celle du copiste et celle du poète. Dans la première partie, le scribe a
transcrit toutes les compositions depuis le sonnet Uvi chalcostate, le
premier du manuscrit, jusqu'au sonnet Una candida cerva ( f» 38
verso) inclus, moins le madrigal Or vedi amor (f" 26, recto) et le
sonnet Geri quando talor écrits tous deux par Pétrarque, l'un sur la
rature de vers qui étaient de la main du copiste, l'autre sur un espace
laissé en blanc; dans la seconde partie, les compositions, depuis la
canzone I vo pensando, par laquelle elle commence, f" 53 recto, jus-
qu'au sonnet Al cader duna planta {{° (S2, recto) inclusivement. Les
deux fois, lamainde Pétrarque suit celle du copiste et continue jusqu'à
la fin des deux parties. »
M M. suppose que Pétrarque commença par faire copier dans ce
manuscrit et peut-être en même temps les premières poésies des deux
parties, et qu'il n'avait pu calculer avec précision quel espace était
nécessaire pour la première, de sorte qu'il laissa finalement sept pages
en blanc, entre les deux parties.
Bien que l'écriture de Pétrarque ait un caractère calligraphique, à
certains endroits, elle perd quelque peu de sa régularité, et l'on n'en
peut être surpris ; mais ce qui intéresse le plus et ce que l'on avait
déjà remaiTjué, « les ratures sont très nombreuses, ratures de lettres,
de syllabes, de mots, même de vers et de compositions entières, pres-
que toutes dues à la main de Pétrarque, qui non seulement revoyait
la copie du scribe, mais en plusieurs endroits revenait sur ce qu'il avait
transcrit lui-même, soit pour corriger quelque lapsus calami, soit pour
380 BIBLIOGRAPHIE
modifier la forme, toujours dans l'intentioa d'atteindre à plus d'élé-
gance et d'harmonie ».
D'autres que Pétrarque ont laissé dans le manuscrit des traces de
leur main ; des lettres, des mots, sans doute devenus illisibles, ont
été écrits à nouveau. M. M. attribue ces retouches à Bembo dont il
croit reconnaiti'e l'écrilure.
M. M. a eu l'idée excellente de faire impiimer en caractère ordi-
naire le texte dû au copiste et en italiques ce qui est de la main de
l'auteur. 11 a d'ailleurs fidolement reproduit la ponctuation employée
par Pétrarque et le copiste, ponctuation conforme à celle qui est indi-
quée dans VAi's jjutictandi attribué à Pétiarque, et à celle que Pétrar-
que a suivie dans deux manuscrits autographes, ceux du BucoUcum
Carmen et du De sui ipsiiis et mulloriim ignormitia) Vat. lat. 3358,
3359), que M. M. a examinés.
Une édition diplomatique n'est pas une simple reproduction maté-
rielle, telle que l'est une photographie d'un texte; elle pose certains
j)roblènies, oblige à divers compléments. Pour la séparation des mots,
M. M. a tâché de s'inspirer de l'usage suivi dans le manuscrit. Il a
intercalé dans le lexte, à leur place, les mots ajoutés, il a donné en
note les lettres exponctuées ainsi que toutes les remarques diverses
que lui suggérait l'aspect du manuscrit. Le seul Errata, à la fin du
volume, prouverait à lui seul avec quelle attention et quelle compétence
M. M. s'est acquitté d'une tâche très difficile.
On ne saurait être trop reconnaissant envers ceux qui consentent à
se couiber sur les vieux manuscrits et à nous les faire exactement con-
naître. Tel mot a été mal lu bien des fois qui, une fois fidèlement
copié, met à même de résoudre une question douteuse. Si l'on me
permet un souvenir si lointain qu'il en devient impersonnel, je rappel-
lerai qu'en 1880 je préparais une édition du Pseudo-Turpin pour la
Société des Langues Romanes d'après les sept manuscrits de la Biblio-
thèque de l'Ecole de Médecine de Montpellier. Au chapitre 32, je fus
arrêté par le mot aucona, qu'aucun éditeur n'avait reproduit; on le
remplaçait au hasard par arcus ou arca, ce qui ne donnait point de sens.
Je le maintins néanmoins, vu l'accord des manuscrits, Or, pendant que
je corrigeais les épreuves de la Préface, je trouvai dans VAcademy
(14 août 1880) une note sur des articles du P. Fedel Fita dans VIlus-
tracion catôlïca de mars et mai de la même année, portant sur un
manuscrit de Turpin, conservé à Compostelle, où l'on a une liste de
22 mots basques, dont aucona signifiantJaveZoi. Ainsi le chapitre XXXII
du Turpin a été rédigé par un moine espagnol, ce qui exclut l'hypo-
thèse de G. Paris qu'à partir du chapitre VI (sauf les interpolations
dues aux religieux de Saint-Denis) l'on a l'œuvre d'un moine de Saint-
BIBLIOGRAPHIE 381
André de Vienne. La célèbre Chronique, pour l'unsemble et jusqu'à la
fin, est définitivement d'origine espagnole.
Mais, il faut l'avouer, peu de chose suffît [)our dérouter un œil
ine.Kpérimenté et pour certains, le Pétrarque ainsi reproduit, demeui'e
lettre morte. Ils s'en consoleront, sans doute, comme fit l^étrarque
lui-même, quand, en 1363, le grec Nicolas Sigeros lui envoya un
manuscrit d'Homère ; il le mit dans sa bibliothèque et ne sachant point
le grec, il se contentait d'en tirer, de contempler, de couvrir de baisers
le texte immortel. La plupart n'en useront que pour le comparer à
leur édition ordinaire, mais tous auront du moins la certitude que les
vers de l'amant de Laure nous sont arrivés sans altération à travers
les siècles et que l'on en possède un exemplaire authentique; ils sau-
ront gré à la Société romaine de philologie et à M. Modigliani d'avoir
consacré à Pétrarque ce très beau volume, chef-d'œuvre de typographie,
à l'occasion du sixième centenaire de la naissance du poète.
Ferdinand Castets.
Edgar EAving Brandon, professeur à l'Université Miami. —
Robert Estienne et le Dictionnaire français au XV!*^ siècle. —
Baltimore, J.-H. Furst Compagny , 190-i, 133 pages, in-8°.
Ce travail consciencieux explique bien les principaux caractères et
le développement de l'oeuvre lexicographique de Robert Estienne. 11
montre comment, après s'être séparé de son beau-père et établi à son
compte, Estienne fut poussé par son ami Budé à imprimer de préfé-
rence des livres classiques; comment il fut amené, dès lors, à entre-
prendre un dictionnaire latin ; comment son Thésaurus, conçu uni-
quement en vue de développer la connaissance de la bonne latinité,
lui inspira l'idée de composer un dictionnaire latin-français, puis un
dictionnaire français-latin; comment en s'occupant du vocabulaire
latin il fut conduit à s'intéresser presque davantage au vocabulaire
français et finit par réunir tous les éléments d'un dictionnaire fran-
çais, qu'il n'eut pas le temps de finir; pourquoi, cependant, l'œuvre
lexicographique d'Estieune joue un rôle peu important dans l'histoire
de la langue française.
Les citations qui éclairent les thèses de M. Brandon sont générale-
ment bien choisies, mais elles sont un peu trop rares, et l'on est
étonné qu'elles soient toujours rejetées dans les notes.
Les deux ou trois maigres pages consacrées aux dictionnaires latins
qui ont précédé le Thésaurus sont vraiment par trop insuffisantes pour
nous permettre de bien comprendre quelle fut l'originalité de Robert
Estienne.
382 BIBLIOGRAPHIE
Il est fâcheux qu'un volume si bien imprimé soit déparé par un
assez grand nombre de fautes d'accentuation. Il est plus fâcheux
encore qu'on ait à y relever quelques fautes de français. P. 84, dessin
pour desnein n'est peut-être qu'un lapsus. Mais p. 54, il est parlé du
style profus d'Estienne. P. 52, conformément à l'usage du XVI* siè-
cle, mais contrairement au nôtre, dont n'est précédé d'aucun antécé-
dent (dont on ne peut pas être sûr). P. 49, au lieu de « lui qui provoque
la critique», on lit cette chose barbare : « lui qui ailleurs invite des
criticismes^ semble les redouter ici».
Il faut, enfin, reprocher à M. Brandon d'avoir plus d'une îo'xs, mal
disposé ou mal choisi ses titres. Ainsi, dans l'appendice bibliogra-
phique, aucune espèce de titre ne précède l'énumération des éditions
du Thésaurus publiées du vivant de l'auteur. Mais un titre en capitales,
précédé et suivi d'un espace blanc, annonce les Editions posthumes.
Cependant, sept lignes plus loin, un simple titre en italiques, mis sur
la même ligne que le commencement du texte, annonce que l'on passe
aux éditions du Dictionarium Latlno-galUcum . A la page suivante, un
titre en capitales, mis en relief par des blancs, annonce Detx autres
ÉDITIONS. Deux pages plus loin, le Dictionnaire français-latin est
annoncé par un titre du même genre, et c'est encore un titre du même
genre qui annonce dans la même page les Editions posthumes de ce
dictionnaire. On voit combien toute cette disposition manque de logique
et de clarté.
Le chapitre III, qui est annoncé à la table des matières, ne
l'est pas à l'endroit où il commence, p. 46 : on n'a là qu'un .simple
sous-titre en italiques qui semble annoncer une subdivision du cha-
pitre II; cependant, p. 55 commence bien un chapitre IV, sans qu'on
ait eu un chapitre III.
Le chapitre II est intitulé, p. 30, la Publication du Thésaurus : ce
titre mal choisi n'indique qu'une partie, et la moindre, de ce qui fait
l'objet du chapitre. A la table des matières, le même chapitre est
intitulé le Thésaurus de Robert Estienne, titre meilleur, quoiqu'il ait
le tort de convenir aussi au chapitre III.
L'ouvrage serait mieux intitulé ainsi : Robert Estienne et son œuvre
lexicograp hique.
Disons, en terminant, que l'exemplaire envoyé à la Revue des lan-
gues romanes est incomplet des pages 101 à 109.
Joseph ViANEY.
Jules Lemaître, de l'Académie Française. — En marge des vieux
livres, Contes. — Paris, Société française d'imprimerie et de librai-
rie, 1905, iu-16 Jésus, avec couverture illustrée, 3 fr. 50.
BIBLIOGRAPHIE 383
Un fia lettré lit V Odyssée, V Iliade, le Zend-Avesla, V Enéide, les
Evangiles, la. Légende dorée. Et d'abord il les lit respectueusement et
sans arrière-pensée, afin de les goûter comme il convient. Mais ensuite,
ayant l'espiit curieux et l'imagination prompte, sentant vivement les
contrastes et les ressemblances entre les sentiments antiques et les
sentiments modernes, aimant surtoutà réfléchir et à philosopher, il se
lî'.isse aller à combiner des suites aux incidents qu'il vient de lire, à
fondre les idées d'autrefois avec celles d'aujourd'hui, à chercher quelles
déformations diverses ont dû subir dans des âmes diverses les mêmes
enseignements, les mêmes prédications, la même « Bonne Nouvelle».
Il se demande si la fidèle Pénélope n'a jamais eu le cœur troublé par
les paroles flatteuses ou les regards attendris qui lui ont été prodigués
pendant l'absence de son époux : — comment s'est apaisé le désordre
jeté parmi les ombres de l'Hadès par le sang que leur a fait boire
Ulysse; — ce qui serait advenu du désespoir de Didon si elle n'était
pas morte sur son bûcher. 11 se raconte l'histoire attendrissante et
comique à la fois de la onze millième vierge, toujours zélée pour faire
son devoir, n'arrivant jamais à le faire à temps, obligée, pour ne [las
renoncer au martyre, de se faire tuer un jour après sainte Ursule et
ses pudiques comi)agnes. Il invente d'ingénieuses et profondes légen-
des, qui montrent la complexité du cœur humain et le trouble jeté dans
les âmes, non pas seulement par la Folie de la Croix, mais par ce
qu'on pourrait appeler la Folie de VEvangile. Et il arrive ainsi à écrire
en marge des vieux livres une série de contes, où le modernisme et la
couleur antique ne s'accordent pas toujours d'une façon pleinement
satisfaisante, mais qui sont tous intéressants, dont la plupart font
penser, et dont quelques-uns sont purement exquis. M. Jules
Lemaître avait déjà donné un certain nombre de contes de ce genre
dans le volume intitulé Myrrha ; on lira avec un grand plaisir ceux
qu'il a réunis dans son nouveau volume.
Eugène Rigal.
Ant. Chansrouz. — Le vin de la Coupe-Sainte, br. de 17 pages,
Nirnes, Imprimerie générale, 1905 (extrait de la Revue du Midi).
Mon confrère Chansroux (couverture) ou Champ-Roux (p. 3, et note)
se plaint aimablement et longuement que mon meilleur ami le FcUbre
di Laiiselo, dans sa Crounico felihrenco de VArmanaprouvençau de
cette année, ait commis un regrettable /a/)SMS-co^am«(!)ea donnant pour
Genestet le vin que nous bûmes l'an passé eu fêtant le cinquantenaire
du Félibrige. Ce vin fut gracieusement offert aux Félibres par Chans-
roux (ou Champ- Roux). 11 était délicieux. Mais il n'était pas de
Genestet, 11 venait du Pià-Rouge, la colline Rouge voisine de Beau-
384 BIBLIOGRAPHIE
caire, « par covrui>tion j^hylologique : \e Pied- Rouge, sRns doute parce
» qu'on en revient avec la chaussure rougie : donc : Pio ou Pioch-
» Rouge, c'est-à-dire la colline d'un ocre-vif». A la bonne heure !
J. R.
Armanac de Gascougno, Auch, impr, Cocharaux, 1905.
J'ai déjà dit tout le bien que je pensais de V Armanac pour 1904.
Celui-ci continue très heureusement la même tradition, tant parla
valeur des pièces qu'il contient que par la claire simplicité de la gra-
phie employée.
J . R.
Armana prouvençau pèr lou bel an de Dieu 1905, Avignoun,
J. Roumanille.
Le plus félibréen des almanachs régionaux. Oni fait l'istoire du féli-
brige depuis la fameuse assemblée de Font-Ségugue (21 mai 1854), et
l'on i relate les derniers événements intéressant cette tentative de
décentralisation linguistique et littéraire. Mais c'est là seulement une
petite partie de l'almanach, qui est essentiellement une collection de
poésies et de récits en prose, anecdotes, contes populaires, gale-
iades, etc. On i lit les signatures de Mistral, de Tavan et surtout celle
du « Felibre di Lauseto » et de « Lou Cascarelet» qui désignent un
même auteur. [,a bonne moitié de ce petit livre est sortie de sa plume,
mais il l'a taillée assez fine et il lui a confié une langue assez souple
et assez pure, pour que beaucoup de confrèies en félibrige puissent
en être jaloux. Il ne manque à cette brochure que quelques illus-
trations umoristiques pour qu'elle devienne le lesehuch des veillées pro-
vençales.
M. G.
A. del Sourelh. — Nostres bourgés : Per un Riban. Toulouse, à
la Terro iVOc, 1905.
Amusante comédie en un acte et eu prose (parler d'Agen) mettant
en scène les ridicules des bourgeois parvenus et leur goût pour les
décorations.
Lemouzi, 13'' année. — Le n° d'avril du Lemouzi est consacré tout
entier à la mémoire de Josep/i Roux. Nombreux sont les auteurs qui
y ont collaboré.
Le Gérant : Paul Hamelin.
LES VERSIONS FRANÇAISES INÉDITES
DE LA
DESCENTE DE SATNT PAUL EN ENFER
I. — Version d'Henri d'Arci
Je me propose de publier dans une série d'articles les diffé-
rentes versions françaises inédites de la Descente de Saint
Paul en Enfer, auxquelles j'ajouterai quelques remarques
linguistiques là où il y aura lieu. On trouvera ces dif-
férentes versions réunies et étu liées, avec de précieux
renseignements bibliographiques, dans un intéressant mémoire
du tome XXXV (p. 131 sqq) des Notices et Extraits des
Manuscrits * par M. Paul Mejer, dans lequel les résultats de
H. Brandes ^ et aulres sont résumés et considérablement
amplifiés. Ces versions sont au nombre de six, dont deux
seulement ont été publiées en entier jusqu'ici ^. Après l'étude
de M. Paul Meyer mentionnée ci-dessus, les divers articles
* Notice sur le ms. français 24682 de In Bilil. nat., concernant divers
onvra'ies composés ou écrits en Angleterre.
2 Visio S. Pauli. Ein Beitraq znr Visionslitteralur, mit eineni denfs-
cfien und ztvei tateinisclien texten, von H. Brandes, Leipzig, 1885.
3 Une version du commencement du XI V" siècle en vers de huit syl-
labes, dont on possède deux copies (l'une à la Bibliothèque municipale de
Toulouse, et l'autre à Cambridge), a été publiée par M. P. Meyer dans le
t. XXIV (p. 355 sqq) de la fiom7?î/a. Une seconde version, celle du trou-
vère anglais Adam de Ros. conservée dans quatre mss (outre un fragment
à Oxford) a été publiée d'après un seul ms (celui de Paris) et d'une façon
très peu satisfaisante par Ozanam, dans la quatrième partie de son livre
intitulé : Dante et ta plutosophie catholir/ue an XIII" siècle (Paris, 1835).
Elle paraîtra sous peu. d'après tous les mss, dans la /ts fur fr. Sfjr.
u» d Lift.
25
386 LES VERSIONS FRANÇAISES INÉDITES
que ce savant a consacrés au même sujet dans la Homanin
(VI, p. 11 sqq, etXXIV, p. 355 sqq), et le travail de M. Brandes,
il serait superflu de revenir sur les origines de la légende de
la descente de Saint Paul en enfer, ou d'en discuter les nom-
breuses traductions ou imitations françaises. Il suffit ici de
rappeler que l'importance de cette pieuse légende réside sur-
tout en ce qu'elle est la source principale des idées qu'on se
faisait au mojen-Age des peines et des tourments réservés
aux damnés dans l'autre monde.
La version anglo-normande qui suit de la Descente do
Saint Paul en enfer, conservée dans le ms. fr. 24862 (f° lOP
à 103*^) de la Bibliothèque Nationale, a été signalée pour la
première fois, je pense, par M. Paul Mejer (op. cit., p. 27 sqq).
M. P. Mejer en a imprimé le début et la fin (une cinquantaine
de vers environ) et a également donné maint intéressant
détail sur l'auteur de notre poème. Cet auteur s'appelait
Henri d'Arci et était templier de l'établissement de Bruern ou
Bruer Temple dans le Lincolnshire. Il nous fournit lui-même
les deux premiers renseignements dans les vers qui terminent
sa Vie de Sainte Thaïs et que je reproduis ici d'après la trans-
cription de M. P. Mejer :
Henri d'Arci, frère del temple Salemun ,
• Pur amur Deu vus ai fet cest sermun ;
A vus le présent e as frères de la maisun.
Ne quer loer de vus si bone volenté nun,
Mes ore larrai d'escrire, par le vostre congié,
Ke le mielz del essaraplaire ai enromancé ;
Mes asquanz des cliapitles ai je entrelessié,
Ces en qui je ne vi gères d'utilité.
E si ceste translaciun vus vient rien a gré,
Prest sui en autres choses a vostre volenté.
Mes ore, a ceste feiz, voil un poi reposer.
Nequedent, ainz que je leisse del tut ester.
De la venue Antecrist voil traiter,
U neistra e cumbien devra régner
E les granz merveiles qu'il fra voil remembrer,
E u murra e comenttrestut voil comter ;
E del fjur] de juise e del grand jugement
DE LA DESCENTE DE SAINT PAUL EN ENFER 387
Dirrai aucune chose pur Deu ensement.
Puis dirrai, par la grâce del seint Espirit,
Des peines que seint Pol l'apostle en enfert vit,
Oez dune le sermun ententivement,
Ke, si bien l'escotez, si avrez amendement.
Notre poème a été écrit vers le milieu du XIIT' siècle, et
san3 doute composé à une époque un peu plus ancienne. Il
présente les traits linguistiques auxquels on s'attend dans une
composition faite de 1 autre côté de la Manche vers cette date.
Voici les principaux faits qui caractérisent la langue d'Henri
d'Arci, ou au moins celle du copiste :
(1) A précédé d'une mouillure aboutit à e au lieu de ie : lais-
sèrent 20, chens 103, mangèrent 121, manger \22^ treschere 130,
preez im, chef 20Q, derech>^f2Çi\, fichez 2\Q. On constate la
même mutation pour le suflixe. ~ arius : manere 29, 114,
131, musterQb^ nsurers^O, deners SI, mester 202, volenters 215,
ascer 264 .
(2) Le suffixe — atorém devient — iv\ au lieu de eor ou
— eeur comme en français : pecchurs 20, 125, 184, etc., lechurs
119, 211.
(3) La terminaison — ère des infiniiifs est rendue par — er
au lieu de eir [air) : saver 5, aver 6, 71, 89, etc.
(4) L'ê latin est parfois représenté par e au lieu de ie :
pez 210.
(5) L'o fermé est régulièrement rendu par u : vus 1, etc,
mustrai 1, 15, cum 1, unt 3, mustré 18, ti'estuz 11, anumbrer 13,
pur 16, 36, etc., dunt 17, dune 19, colurs21, mult 32, puiïr 33,
dolur 34, peissuns 42, lus 44, etc. On lit plora au vers 53, et
home (105, 130, 202) à côté de urne 170.
(G) Enfin, on peut noter les formes liu (locus) et ciu (cecus^
qui se rencontrent également dans le Voyage de Saint Brandan
et autres ouvrages anglo normands.
Quant à la versification, elle est très défectueuse, même
pour une composition écrite en Angleterre; la moitié, ou peu
s'en faut, des vers sont ou bien trop longs ou trop courts
d'après les exigences de la métrique française. On peut, il est
vrai, supposer que quelques-uns sont corrects selon la mé-
trique anglo -normande qui pouvait négliger Ve féminin ou
388 LES VERSIONS FRANÇAISES INÉDITES
bien aussi Ve protonique; mais même en admettant cette pos-
sibilité, il j a encore un bon tiers des vers qui clochent. Le
fait est que Henri d'Arci, pas plus que beaucoup de ses con-
frères qui composaient en Angleterre, ne savait ce qu'il fallait
ou ce qu'il ne faUait pas compter dans un veis français; il
semble s'être contenté du coup de sonnette, pour ainsi dire,
de la rime, pourvu que chaque vers eût à peu près la même
longueur sur le papier.
Notons enfin que le poème d'Henri d'Arci[ suit d'assez près,
en la condensant toutefois, la rédaction latine que Brandes
appelle la quatrième rédaction et dont le texte se trouve à la
fin de sa dissertation (p. 75 sqq).
De PENIS INFERNI QUAS PaULUS VIDIT ET REMISSIONE MISERORUM
QUAM IPSE QUESIVIT.
F°.101c.Si vus musterai cum jol trovai escrit
Des peines que Saint Pol la (sic) apostle vit,
Les aimes d'enfer unt repos al dimeine,
Car de ço traiin le livre atestimoine.
5. E si vus volez véritablement saver
Qui feiseit as aimes icel repos aver,
Jel vus dirrai ben ainz que jo parole d'el :
Ço fu Pol li apostle, li archangle Michael,
Car Deu voleit que Saint Pol veïst les turmenz,
10. Eles peines d'enfer li a tut mu.stré.
Metez ore entente trestuz, ço vus pri,
Mes tuz sanz prière si frez vus, ço qui,
Car quant vus orrez ja les peines anumbrer
N'y aura nul, ço quid, n'ait la'ent de plorer.
15. Oez dune les peines que ci vus musteray,
Car pur warnnissement a vus le.^ conteray .
Quant Saint Michel et Saint Pol, dunt jo vus dei
[conter],
Furent venu a emfer et durent entrer,
Dune vit Pol devant les portes aibres ardanz,
20. E pecchurs pendirent sur els forment i)lainanz :
Les uns pendirent par les mains chaitifment assez,
DE LA DESCENTE DK SAINT PAUL EN ENFER 389
Les uns par les chevols, et les uns par les piez,
Les uns parles oreilles atachez esteient,
E les uns par les langes, [les] uns par braz pendoient;
25. Puis laissèrent ces pendre, si alerent avant.
Lors vit Saint Pol un [f]u mult durement ardant,
E la flambe que issi fu de set colurs,
E en celé furneise ardeient les pecch(e)urs,
E set peines, cheiine de diverse manere,
30. Erent entur la furneise : neif fut la premere ;
La secunde iert fu, la tierce serpenz esteit,
La quarte sanc, la quinte glace qui mult par iert freit ;
La siste peine iert fuldre, e la setme puiir.
Ces qui la enz penerent assez orent dolur :
c5. Co furent cels qui mururent senz repentance,
Pur ço suffrirent illoec mult griefe pénitence.
Iloec ardent et plurent mult dolurusement ;
Mort deniandeut mult suvenerement ;
Mes pur nient le désirent : ja aime ne murra,
40. Mes en peines u en joie tuz jurz vivera.
Puis vit un fluvie qui horrible ert a veer
Et les diables y noent cum peissuns en mer,
E denvoroient les aimes qui en cel ewe furent,
Cum lus funt, berbiz, et unques merci n'urent,
45. E sur cel fluvie ot un punt par unt passèrent
Les aimes de cels qui dreiturels erent ;
Cheiine aime ultre cel puncel passer poeit,
Sulunc que cheiine deservi aveit ;
Iloec vit Saint Pol les aimes tuimentées,
50, Les unes tresqu'al genuil y furent plungées,
E les unes tresqu'al lèvres, les unes tresqu'al surciz
E les unes furent plungées tresqu'al umbliz.
Quant Pol vit ces turmenz si plora tendrement,
E puis demande al angle si faiterement :
55. Pur Deu dites, ço pri, si nel celez nient,
Purquei sunt les aimes plungées si diversement.
Dune diseit li angle: bien monterai quel sunt
Cels qui tresqu'al genuil en cel ewe estunt :
Envius furent mult, dctracions amerent ;
60. Deriere lur prosme e frères mal parlèrent;
390 LES VERSIONS FRANÇAISES INÉDITES
Iceus tresqu'al umbliz en cel ewe sunt rais ;
Avutres e forniceres furent quant erent vis,
E pur ço sunt ore en ceste damnaciun.
Cels qui plungé sunt as lèvres si faitement
65. Tancer soleient entre sel al muster suvent,
E quant parvindrent relment al iglise
Ne voleient unques entendre al servise,
Et de la parole Deu ne tindrent unques plait,
Mes a fable tindrent que li prestre diseit ;
70. Ices tresqu'as surcilz sunt plungé aval.
Heité furent quant virent lur prosme aver mal,
E mult furent joins enz en lur curages,
Quant virent à lur prosmes avenir damages.
Dune plora Pol e dist : mar furent unques nez
75. Ces a qui si granz turmenz sunt aparailliez.
D'iloec l'amena l'angle en un altre liu,
Qui mult ert tenebrus e escur e ciu.
Iluec vit Saint Pol homes et femmes plusurs,
E mangèrent lur langes a mult grant dolurs.
80. Dune diseit li angle : ce furent usurers,
E soleint douer a gable lur dener.s,
E rien ne presterent s'il ne seusent purquei ;
Pur ço sunt en peines, car merci n'orent en sei.
Puis a veu Saint Pol un allre liu tenebrus,
85. En qui furent tûtes peines, e mult fu hisdus :
Iluec furent femmes, chascun noeit dedenz,
Vestues furent de neirs vestemenz,
Lur vestement fu de peiz od le suflfre mellé ;
Qui les veïst ardre el feu peiist aver grand pité ;
90. Les draguns, les crapolz mult les anguisserent,
E les grant serpenz qui les envirunerent ;
E quatre diables alerent iluec envirun ;
Cheiin ot en sa main un ardant bastun,
E cheiin de ces si faitement cria :
95. Cunissez le fiz Deu qui le mund rachata!
Dune plora Saint Pol e enquist qui celés erent
Qui si dolurusement en cel liu penerent.
Dune dist l'angle : cestes qui sunt en cest turment
Ne se warderent pas al siècle chastement,
DE LA DESCENTE DE SAINT PAUL EN ENFER 391
100. Einz perdirent lur virginité en putage,
E en lecherie despendirent lur âge,
Puis lur enfanz tuèrent e jetèrent
A chens u a pors, u en ewe neerent,
E ne voleient unques pénitence fere ;
105. Pur ço lur estuvera ceste pénitence traire.
Puis vit homes et femmes en un liu glacial,
Qui merveilluses peines sufïrirent e mal,
Car de l'une part le fu ardantesteit,
E de l'autre part urent desmesurable freit.
110. Dune dist l'angle : ces que veez en cest tourment
Soleient nuire(nt) as orfanins e as vedves suvent.
Puis fu Saint Pol amené d'iloc un petit
U multz homes e femmes sur un ewe vit,
Qui fruiz de diverses maneres aveient
115. Devant els, mes une atucher nepoeient ;
E faim e sei urent e talent de manger,
Mes une al fruit ne l'ewe ne porent athucher.
Dune dist l'angle : as tu veii, Pol, ceste gent?
Il furent lechurs de viande sulement,
P20 . E les juinnes ne voleient pur Deu warder mie,
Einz mangèrent suvent par glutonie ;
Pur ço y unt si grant talent de boivre et de manger
Que tut li pain del mund nés poiist saiiler.
E en après en un altre liu vit maintenant
125. Un pecchur entre quatre diables waimentant ;
E Sain Pol enquist del angle que cil esteit.
Un espirit négligent fu, ço li diseit,
Qui les commandemenz Deu ne voleit guarder,
Ni(l) chaste ne fu n'en cors n'en penser,
130. Mes aver fu tut dis, orguillus e treschere;
Pur ço suflfri peines en ceste manere.
Dune commença Saint Pol a plurer tendrement,
E li angle dist : purquei plurs tu si faiterement?
Uncore n'as pas veu les greindres turmentz
135. Ne les peines qu'en [enjfer suefïrent les dolenz.
Dune lui a un puz large e parfunt muntré,
Qui de set sceaus esteit mult ben enselé,
Puis li dist : sta luinz pur la puiir qu'istra !
392 LES VERSIONS FRANÇAISES INÉDITES
Lores uvri le puiz, e la puiir munta,
140. E passa tûtes les peines qui en emfer erent.
Mar furent nez icels qui leiiiz surjurnerent !
D'une dist l'angle : cels qui serrunt plungé ci,
Pur tant cum le secle durra, n'en averunt merci.
E quel sunt cels, dist Saint Pol, dites mei pur Deu.
145. Ce sunt li paen, dist l'angle, e li fol judeu
Que nièrent que Deus fust de la virgne né,
Ne baptesme ne crurent ne crestienté,
Ne del cors Jesu Crist ne furent acomunez,
E perpetuelment sunt pur ço dampnez,
150. Puis vit u homes e femmes en un liu peuerent,
E vers e serpenz a rage les detirerent;
Clieiin aime ert sur altre cheitivement,
Car mult ert anguisus a suffrir cel turment,
E la parfundesce del liu u ces furent mis
155. Y ert cum de ciel a terre, ço li fu avis.
Iluec les oï Saint Pol estrange doel faire,
E crier e braere, cum se ço fust toneire ;
Puis warda u set diables vindrent,
E l'aime d'un pecheiir entr'eus orent e tindrent,
160. Qui meimes icel jur del ciel prise esteit ;
E waimenta e cria e mult grant doel feiseit.
Dune crient les angles encuntre la chaitive :
Allas î que feisistes pur tant cum fus en vie ?
Ore irras en peine, ja ne repeireras,
105. Pur les comandemenz Deu que ne guardas.
Dune li fu sa chartre de ses peccliez baillée ;
Celé la list ; sei meïsme juga a dampnée.
Dune pristrentles diables la chaitive erraument
Si la mistrent en peines, sulung sun jugement.
170. Dune dist l'angle : cres tu que l'ume recevera
Sulun ço qu'il al siècle deservi aura?
Puis vit Saint Pol les angles Deu iloc dejuste,
Qui portèrent vers le ciel une aime juste;
Dune vindrent plus de mil angles contre lui,
175. Qui feiseient mult grant joie e disaient issi :
0 tu, sainte aime cum tu es boneiirée !
Car en grant joie serras ja alevée,
I
DE LA DESCENTE DE SAINT PAUL EN ENFER 393
Car les comraandemenz wardas de Jesu Crist ;
Puis reçut la chartre ; ses bons ovres list.
180. Lores Saint Michel la salua en parais,
U les sainz nostre sire en joie sunt mis,
E si grant cri fu feit cuntre sa venue,
Cum si ciel e terre fust tute cummeû[e],
E les pechurs qui furent en erafer ensement
185. Crièrent tuz et distrent issi faite(re)ment :
Michel li archangles e Pol l'atni Jesu
Requérez Dampnedeu pur la nostre salu !
Preez Deu pur nus anidui ensemblement
Que des peines nus doinst aukun alegeraant !
190. Dune lur respondi l'angle : issi faiterement :
Plurez trestuz et jo plurarai ensement,
E Po! urez od nus ensemble, saverun
Si Deus nus volssist faire u relais u pardon.
Quant ço oïrentqui en les peines erent
105. Od haute voiz tuit ensemble à Deu crièrent ;
E Saint Michel et Saint Pol crièrent ensement ;
E mil milliers des angles od eles ensemblement.
Dun fu le sun de lur cri 1res qu'ai quart ciel oï
Cum distrent : Deu aiez de pechurs merci !
200. Deu descendi del ciel od curune en sun chef.
Quand les pechurs le virent si distrent derechef :
Aiez merci de nus, car gfant mester en avun !
Aez merci de nus sire cum vus prium!
Dune fu la voiz Deu partut les peines oïe :
2i»5. Quel ben feïstes pur me quant fastes en vie ?
Jo fu mis en croiz e pur vus mort suffri.
E que feïstes pur mei quant vus criez merci?
Li Gosté oi percié pur vus. Que feistes vus pur mei?
E fiel me donastes pur estancher ma sel.
210. Pur vus oi e mains e pez fichez de clos.
Et vus fustes el secle et lechurs e fols,
Avutres forniceres fustes e envius,
Larruns, roburs, avers, maldisanz^ orgoillus.
Juine ne wardastes, n'almosne ne feïstes,
215. Mes partut trichastes e volenters mentlstes.
Trestuit feïstes quanque votre char voleit.
394 LES VERSIONS FRANÇAISES INÉDITES
De pénitence ne tenistes nul plait.
Dune chaï Michel devant Deii, e Pol altresi,
E rail milliers d'angles, e crièrent merci :
220. Repos eiissent cil al dimeine, suvaus non,
Tuz cels qui furent en enfernal dampneisun.
Dune parla notre sire, disant si faitement :
Pur Michel e pur Pol qui ci sunt en présent,
E pur les miens angles qui ci sunt ensemeut,
225. E pur la meie bunté, ce sacez nomeënaent,
Repos vus durrai del none al samadi
Tresque vienge la prime ure del luendi.
Dune furent mult lié cels qui en emfer penerent,
E mult loerent Deu e sil glorifièrent.
230. Pur ço cels qui le dimeine ben guarderunt
Compainie od les angles Deu al ciel averunt,
Car le dimeine est plus haut que ne sai dire,
Car en dimeine fn né Jesu Crist nostre sire,
E en dimeine Jesu Crist de mort releva.
235. En dimeine le saint espirit en terre envea.
Al dimeine converti Deu Tewe en bon vin,
A unes neces u fu maistre Architriclin.
En dimeine mil homes put Deu plenierment
De cinq pains d'orge e dons peissuns sulement.
240. Et en dimeine serra le dorein jugement.
Et en dimeine jugera Deu trestute gent.
Pur ço commanda Deu e warda la dimeine
En la lei de checun servil overaine.
Ço est d'iveresce, que de checun mal est rascine,
245. D'avuterie, de larecin, de plait, de tençun,
De tote luxurie, de tote fornicatiun.
E ne devun al dimeine fors aler à l'aglise
Pur urer, pur entendre al Dampnedeu servise,
E pur oïr la parole Jesu Crist del prestre.
250. Les malades devun reviser e pestre.
Les morz pur amur de Deu devun ensevelir,
Les fameillanz saiiler, et les nuz vestir.
Rachater devun cels qui sunt en chaitiveisun,
E reguarder devun cels qui sunt en prisun.
255. Les povres, les estranges devun herberger.
DE LA DESCENTE DE SAINT PAUL EN ENl-'ER 395
Les orphanius, les vedves devum conforter.
Les descordatit devum a concorde treire,
Teles oevres devum al dimeine fera.
E qui tuit issi le dimeine wardera
260. Od les angles de! ciel tuz jiirz régnera.
Puis demanda Saint Pol si faitemenfc e enquist
Quantes peines a enfer, e li angle li dist :
Si cent homes fassent parlant dès le commencement,
Puis que Adam fu fait en parais primerement,
260. E cheûn d'ous eust cent langes de fer u d'ascer
Entre eus tuz ne puissent les peines anumbrer.
Pur ço, vus ki m'nvez oi des peines parler
Werpissez vosz pecchez, si les leissez ester.
Ore larrai atant, que mes n'escriverai,
270, Car arivé sui al port là u jo desirai,
E bien dei estre quite, ço m'est avis,
Quant ai enromancé ço que vus pramis.
L.-E. Kastner.
Déceiiibi'e 1904.
I DODICI CANTI
COMPLÉMENTS A l'iNTRODUGTION
[Suile et fin)
iir
De fauteur des Dodici Canti
Dans mon introduction (V, VI), api'ès avoir décrit le manuscrit où
a été conservé le texte des Dodici C«jiii, j'avais jugé que la mention
suivante inscrite à la [iremière feuille de garde, Manoscritto originale
di alcune poésie inédite di Luiyi Alamanni et del Susio, obligeait à
se demander si les Dodici Canti pouvaient être attribués à l'Alamanni.
J'avais d'ailleurs noté déjà qu'un paraphe qui revient deux fois dans
le manuscrit me semblait réunir les initiales L. A. Je me bornais
finalement à citer deux pièces de l'Alamanni où sont exprimés des
sentiments que l'on rencontre aussi dans les Dodici Canti, et je
disais : « Je ne me crois pas autorisé à tirer une conclusion des indi-
cations que j'ai rapidement réunies; mais je ne pouvais éviter, engagé
que j'étais à le faire par le titre même du manuscrit, de les soumettre
au lecteur. D'autres plus compétents, si l'objet leur paraît méiiter
quelquo intérêt, décideront avec sûreté s'il n'y eut entre Alamanni et
l'auteur des Dodici Canti qu'une communauté de sentiments, une
haine éga'e pour le nom des Médlcis. »
Donc, je n'avais point d'oi)inion faite, je m'en remettais à celle des
plus conqiétents.
M. Henri Hauvette, qui [jréparait alors son ouvrage sur Alamanni,
s'émut de l'hypothèse, si discrètement présentée, et, dans le Giornale
siorico délia Letteralura italiana (t. XXXV, p. 171-172), se hâta
d'annoncer qu'il serait « bien aise de couper court, sans plus tarder,
à l'hypothèse extraordinaire, grâce à laquelle M. Castets croit avoir
découvert l'auteur de ces Dodici Canti ».
Pourquoi dire que je crois avoir fait une découverte, quand je ne le
dis pas moi-même ? Avant la publication de l'ouvrage de M. Hauvette,
I DODICr CANTI 397
je lie soupçoiiuais point (luo l'un no jiouvail, [lailer d'Alamaïuii sans
entrer dans une chasse icscrvée.
A propos de celui des titres du nianiisci'it (jue je viens du cilcr, ji;
remarquais : « I.a men ion de inannscrit original, donnée au titre du
recueil, pouvant s^ippUqucr à la première parlie, m'amenait à exami-
ner si nous ne posséderions jias un texte autograiihe de Luigi
Alamanni. » '
M. Hauvette réplique : » Tout d'abord^ il n'est pas exact que le
ms. 8583 de l'Arsenal atti-ibue ce poème à l'Alauianni. »
Mais je ne l'avais pas dit !
Dans sa thèse, M. Hauvette se borne à dire que lattribulion à
Luigi Alamanni est « une supposition absolument gratuite, et à
l'appui de laquelle on ne saurait faire valoir même l'ombre d'un argu-
ment : aussi échappe-t-elle à toute discussion » -.
S'il en est ainsi, il était donc supei'flu d'exiii<ser une discussion si
développée dans le Giornale. Je réponds à la pensée, et ne m'anête
pas à la forme qui cependant n'est point sans intérêt
M. Hauvette a d'ailleurs raison d'écarter l'attribution à Luigi Ala-
manni. Il connaît l'écriture de ce poète et elle ne ressemble point à
celle du manuscrit des Dodici Canti. Kn second lieu, la biographie de
l'Alamanni, telle que M. Hauvette l'a minutieusement établie, ne
permet point d'accepter que l'auteur de la Coliivazione ait vécu à la
cour d'Urbin.
Mais il est fâcheux que les réserves que j'avais si clairement
exprimées aient paru indignes de l'honneur d'une simple mention.
J'avoue encore que j'ai vu avec quelque surprise que les brèves
indications que j'avais données sur les sentiments de l'Alamanni, aussi
bien que les citations de vers caractéristiques, aient été purement
négligées, soit dans l'article du Giornale, soit surtout dans la thèse de
M. Hauvette. Je lis dans celle-ci : « Le souvenir de l'Arno remonte
ù sa mémoire lorsqu'il regarde d'un œil d'envie le calme avec lequel
la Seine serpente au milieu d'heureuses et libres campagnes ; lorsqu'il
voit le laboureur français creuser paisiblement son sillon, c'est encoie
vers la Toscane terrorisée par l'étranger que se reporte sa pensée ))^.
1 Le mot inédite n'était pas absolument injustifié, et je constate
aujourd'hui que d'après M. Hauvette lui-même, si d'une manière générale
les nombreuses poésies données dans le ms. de l'Arsenal comme de
l'Alamanni, sont empruntées à une édition, il en est une assez importante,
qui lui a paru in(idite, sur l'authenticité de laquelle il hésite à se pro-
noncer, et qu'il a imprimée dans sa thèse, comme j'avais imprimé les
Dodici Canti.
' Op. 1., ]). 421.
'' Op. 1., p. 1S(J, n° 3.
398 I DODICI CANTI
J'avais ciLé, avant M. Hauvette, les quatrains auxquels il renvoie
en note: mais, en elfot, rien ne l'obligeait à mentionner autre chose
que l'hypothèse dont il avait été choqué.
M. Hauvette s'étonne que j'aie pu seulement concevoir la pensée
qu'Alamanui ait jamais écrit un poème aussi « détestable » que les
Dodici C'anli. Mais il avoue lui-même que dans le Gijrone « la versifi-
cation même et le style accusent une négligence surprenante chez
l'autoui- de la CoUivazione^ il est visible aussi que l'obligation
de rimer l'a souvent gêné, lui a suggéré des expressions impropres et
l'a parfois conduit à écrire des phrases à peu près incompréhensibles,
à force d'inversions et de périphrases '^. ... Il est sans doute possible
de parcourir sans ennui un ou plusieurs morceaux bien choisis du
Gyrone, mais non p;is l'ensemble de l'œuvre » "*. Je ne disais guère
autre chose.
M. Hauvette ne se rend peut-être point compte que d'autres que
lui jugent plus sévèrement encore le Gyrone, moins sévèrement les
Dodici Canti, et trouvent par conséquent qu'attribuer à l'auteur du
premier de ces romans la paternité du second n'était pas en soi
chose tellement irrévérencieuse. On serait d'ailleurs en droit d'être
moins rigoureux pour l'œuvre qui n'a pas été achevée et revue que pour
celle que l'auteur a imprimée.
Dans l'article du Giornale, M. Hauvette déclare qu'il serait étrange
qu'Alamanni, « dont l'évolution classique s'accentuait de plus en plus
avec les années, se soit avisé de composer vers quarante ans le détes-
table poème dont on veut le rendre responsable*. C'est avec des prin-
cipes bien différents qu'il devait entreprendre, quelques années plus
tard, de traiter la matière de Bretagne ».
' Op. 1 , p. 328.
- Op. 1., p. 32'J. M. Hauvette cite à ce propos une octave qui eût dû le
rendro plus indulgent pour les Dodici Canti:
Non vedete voi ben, signer mio caro,
Clie amor lu prima et la natura al monde
Che aspra legge facesse il nodo avaro
Del sponsalitio cluro et ingiocondo?
Che i padri empi et le madri a paro a paro
Ne congiungesser, lassi! et non seconde
Il naturale desio che ne sospinge,
Ma seconde che 'I cemmodo dipinge.
L. V, st. 130.
■' Op. 1., p. 331.
* Un auteur est responsable de ce qu'il publie, non des notes, des
ébauches plus ou moins réussies, plus ou moins informes que l'on trouve
dans ses papiers.
r DODICI CANTI 390
Je note en passant qu'Alnmanni, né en 1495, avait exactement
quarante ans en 1535, que ia composition des Dodici Canli se place
entre 1534 et 1538, et que l'auteur de ce l'oman était âgé de 40 ans
quand il l'a commencé, ce qui prouve qu'il était exactement contem-
porain d'Alamunni ; mais je ne prétends rien induire de cette concor-
dance de dates. J'admiie plutôt comment M. Ilnuvette, dans sa thèse,
a pu si complètement oublier ce qu'il avait écrit dans le Giornalc.
Il y professe en effet, au sujet du G//rono, une opinion très différente.
Il dit que « c'est un ariêt, presque un recul, dans l'évolution de plus
en plus classique qui le portait vers la reconstitution des genres cul-
tivés par les anciens » '. A la page 326, M. Hauvette déclare que la
seule intention classique que l'on dccouvi'e dans le Gyrone est que
ce poème est divisé en livres et non en chants, et que « ce n'est
guère ».
Mais le Gyrone est de 1548. Il n'y avait donc pas lieu de parler,
dans l'article du Giornale, de l'évolution classique d'Alamanni à pro-
pos des Dodici Canli, qui sont antérieurs de dix ans au Gyrone, où
le goiît classique d'Alamanni se trahit uniquement par la .substitution
du mot Livres à celui de Chants.
« Le seul crime du poète italien », dit M. Hauvette, à propos de ce
malheureux Gyrone, it et il serait difficile d'en imaginer un plus grave,
est de n'avoir pas essayé d'être lui-même ; c'est d'avoir reproduit, avec
une exactitude presque mécanique, un roman assez médiocre, sans
que, à aucun moment, son tour d'esprit particulier y ajoutât i-ien
d'essentiel » -.
Tout cela est, en effet, très exact, et Alamanni est un grand cou-
pable d'avoir rimé ce poème aussi ennuyeux que long. Mais pourquoi,
si d'autres raisons ne s'y opposaient, Alamanni, avant de se résigner
à imiter un vieux roman pour faire plaisir à François I", n'aurait-il
pas essayé de composer une épopée romanesque sur les traces de
Boiardo et d'Arioste ? Cette hypothèse n'est point justifiée par les
faits, soit, mais en soi elle n'avait rien dont pût s'effaroucher la
conscience de critique la plus scru[)uleuse.
Le domaine des lettres doit être une Terre de Vérité, comme
l'empire du Prêtre-Jean, mais ce doit être aussi un pays de liberté et
d'échanges faciles. J'avais soumis un cas aux gens compétents : plus
heureux que Guérin consultant les Arbres du Soleil et de la Lune, j'ai
eu une réponse immédiate et que je crois définitive, et j'aurais mau-
vaise grâce à raisonner davantage sur les termes de l'oracle. Je
♦ Op. 1., p. 332.
^ Op. I., p. :«8.
400 I DODICI CANTI
n'ajouterai qu'un mot. Dans ces compléments à mon introduotion, j'ai
dû parfois me sép irer de M. Hauvette sur quelques points dont je ne
m'exagère pas l'importance. Je crois avoir rempli ce devoir sans
ressentir aucune joie à redresser mon prochain, sans permettre à ma
plume aucun écart qui pût l'appeler ces zanzare du Cathaio qui, pun-
gendo aspramente, troublaient les nuits de Beatiice Fia et des poètes
ses hôtes.
En relisant les Dodici Canti, j'aurais aimé à trouver enfin quelques
indications précises sur la personne de l'auteur. Je vois qu'il faut me
borner à l'envoyer à ce que j'avais dit d'abord et à mieux présenter
les dates sur lesquelles je viens d'appeler l'attention.
L'auteur parle toujours de François-Marie comme d'un personnage
vivant, et fait allusion au pontificat de Paul 111, qui ceignit la tiare
en 1534. François-Marie mourut en 1538. L'on a donc une période de
quatre ans où l'on peut placer la composition du roman. L'auteur l'a
commencé à l'âge de 40 ans. La mort de François-Marie suffirait à
expliquer pourquoi les Dodici Canti sont restés à l'état d'ébauche
incomplète'.
Je sais qu'il doit m'être difficile d'apprécier avec impartialité un
roman auquel j'ai fini par m'intéresser, en raison de la peine et du
temps qu'il m'a coûtés. Cependant, je n'en suis pas moins tenu de
dire ce que j'en pense. Je tiouve odieuse et abominable toute l'histoire
imaginée par yVlfégra pour tromper Roland. L'anneau de Gygès est
prétexte à détails erotiques, dont l'on est justement froissé. La scène
où la fille de l'hôtelier, une fois détrompée par Bradamante, va cher-
cher une consolation auprès de Serpentin, a été suggérée par le
passage du Guerino, où le chevalier renvoie la fille de la maison à
Brandis, son compagnon de voyage. Le personnage de Sylvana est
d'une heureuse invention, et les aventures de Renaud et de Guerino à
la cour de Gi'enade ne manquent pas d'intérêt. Pour le reste, il me
semble que l'auteur conte agréablement, pose bien ses personnages,
sait conduire le dialogue, emploie assez heureusement les éléments de
la Fable, place à pi'opos ses l'éflexions morales. Je tiens compte évi-
demment de rét;it d'imperfection où le texte nous est parvenu. En
matière épique, même dans ce genre romanesque, dire que les deux
' Dans une lettre aimable et encourageante (mars 1900), M. Emilio
Teza, tout en m'engap;eant, avec sa bonne grâce ordinaire, à renoncer à
l'hypothèse de l'attribution à l'Alamanni, et en m'indiquant diverses
fautes du texte ou de l'imprimô qui avec d'autres auront leur place à
Vevrata, me proposait pour ce poème le titre de VA?igelica : il me tenterait
fort; mais je crois plus sûr de conserver la simple désignation du cata-
logue: celle-là du moins échappera à toute critique.
I nODICI GANTI -'lOl
tiers d'un poème supporLciit la lecture, est en somme un élot^c.
Mon opinion est que les Dodici Canti le méritent ; mais, je le ié[>ùlo,
cette opinion est à priori suspecte. Resterait à faire le (lé[)art des
emprunts faits à Boiardo et Arioste et de ce qui est de l'invention
propre de l'auteur, mais ce serait le traiter en classique et dépasser
la mesure.
Que dire de l'iiomme lui-même, si ce n'est qu'il fut un des pension-
naires des ducs dUrbin, qu'il chantait avec d'autres dans la volière
dorée, où ces princes riches et généreux appelaient les beaux esprits?
Cette domesticité brillante ne leur pesait point, à en juger par ce
qu'en ra|i[)orte avec admiration un de ceux qui la partagèrent à Urbin,
un peu plus tard que l'auteur des Dodici Canti : lUtrovaronsi Vanno
1558, a la carte d'Urbino, antico ricetto di tutti gli huomini valorosi,
molli grandi et iUustri j^oeti, cio furono M. Bernardo Cappella,
M. Bernardo Tassa, M. Girohtmo Mutio, M. Antonio Gallo, et jnu
altri ; i quali non facevano altro, che, quasi candidi et dolcissinii
cigni, cantare a (tara, et celehrare co loro versi la eccelsa bellezza et
la niolto piu eccelsa virta de la Ilhtstrissinia Sig. Duchessa '.
Ainsi, à l'ombre des délia Rovere, se continuait la fêle de la
Renaissance.
Les formes dialectales éparses dans le texte et le long et enthou-
siaste développement en l'honneur de Venise, permettent, semble-t-il^
de supposer que l'auteur était originaire de la Vénétie. Peut-être des
recherches dans cette région aboutiiaient elles à écarter le voile qui
cache à nos regards curieux un des << cygnes mélodieux et très blancs »
qui chantaient les louanges de François-Marie.
IV
EXTRAITS DU GUERINO IL MESCHINO
Les extraits du manuscrit 101 de la Bihliotlièque Nationale que j'ai cru utile
de donner ici, malgré l'état du texte qui est reproduit tel quel, se rapportent à
quelques-uns des endroits intéressants du récit. Ils achèveront de donner une
idée de la manière de l'auteur dans le Gnerino.
A
Antenisca devant le Soudan de Perse
Essendo tornato in sullo palazo l'almauzore a lo Misehino cuu
molti baroni foi data lacqua alli mani, et una damicella ionse in suUa
sala como lu Amansore soldano di Persia foi posto assidere, la quale
* Dionigi Atanagio, op. 1. I, note au f" 196, h.
26
402 I DODICI CANTI
damicella era realimente vestita la qnale non mostrava non avère
XIII anni compiuti, cnn capilli biiindi et tanto bella ch'ella parea
uno angelo cli paradiso, et ingenuchiossi dinanli allô snldano cum
diricto pianto. Ella avea ad secu dai geatili cavallieri et dui gentil!
cammarieri et facea si grande il pianto ch'ella non potea parlare.
Dice il INIischino : Ad me indi increscie molto tanto che j'o dissi :
0 singnore, yo vi prego che vuy habiate pieta di qnesta damicella
che vuy vedete che per dilore non puo parlare. Fate che parla uno
di quelli cavallieri per lei di qiielli ch'ella ae cun seco. Et illo
commando ad uno che parlasse per lei et illo dixe : Santa curona,
questa damicella ene fîlliola de! re di Pers[ep]oli el quale fue Filisteno
el quale FiIiste[n]o ave doy fiUioli masculi e questa femina, e-lli
Turchi sotto la singnoria del re Chalismarte li sono venuti adosso
cun IIIC milia arniati et anno morto il re Filisteno culli dui soi fillioli
et anno presa la cicta de Pers[ep]oli, Erabacta, Cessafia et tucte le
terre di Persia del fiume KeguU in fine al fiume Ulano, et non e da
maravelliare donde era il re Galismarco avia taata potenza, impero
ch'egli e singnore di Damasco, teni Asalta e Gudea Pulistina to
spinando Saria et Ermunia, jNIedia, Cilica, Panfilia, Isavera, Liconia,
Pastigonia et Tribusuuda ; et a uno fiatello che a nome Astilladoro
chi tene tucto lo resto de Turchia et inolti altri provincie et reami; et
dichi : Mi singnore, corauuca fo morto el nostro re si nuy non
avessimo campata questa fanciulla, ella sarebbe mala capitata, et
sapiati che Turchi si moveano et per la Pei'sia cuU' armata si veneauo
contra ad viiy, per la Felice Persia, si vuj non riparati. Per dio
siavi recommandata questa pupilla, la quale pupilla, si per lu vostro
aiuto non e vendicata, convien ch'ella vada mendicando. Como scacciata,
ella si recommanda ad [vuy] che slti soldano di Persia.
Avendo il cavallieri compiuta la sua diceria, oinne uno sussperava
et cossi il soldano corne li altri, dice il Mischino : Ad me incresse di
quella damicella che sempre piangea et non era alcuno conforto ne
speranza di aiuto; yo mi levai in pie et feci riverentia allô Amansore
nostro soldano et dixi : per lo dio Magomecto, questo ene grande
peccato et pregovi per la fede grande de lo Apollono di cui o viduto
li alberi, che vuy li dati aiuto.
B
GuÉRIN ENGAGE SA FOI A AnTENISCA
Tornata la bella Anteuisca alla cicta de Persopoli, li fecéro li citatiui
grande allegre/.a et grandi piaciri di tinireza, et quando Guerino la
vede si acciese tucto de ardente amore et disse inverso allô cielo :
I DODIGI CANTI 403
0 vero dio, donnmi gratia che yo mi difenda da questa nostra fi-agile
carne tanto che yo ritrovo il padre mio et la inia generatione ! et
reciputa la dimicella cuni «grande honore et reverenza renderili la
singnoria et delli per Goveniamento tre citatini, el maiore di tiicti tro
fiie Pei'midesse. Et non passarino cinque imni che Persenico nepote
de lu Amansore se innamom de Antenisca et incomminciao secreta-
mente ad odiare Guerino, et per timenza de la sua spada non si
demost;ava et anche timea la gente di l'oste, perche Guerino era
molto amato da tucta la genta di arme. Et essendo uno di Guerino
nella sua cammera infra se stesso si lamentava et doleasi del camino
chi avea alfare secundo la ressposta ch'egli ebbe delli arberi del
Sole che in Ponente saperebbe chi fosse la sua generatione. Essendo
in questo pensiero, ionse allui qnello citatino chiamato Permidesse et
poi ch' i-l'ebbe salutato si presero per mano, et de moite coae
raionando Permidesse infra l'altre cose che illo raiuno, fue che illo lo
cominincio a prégare che-lli fosse da piacere di pilliare Antenisca per
mullie et egli si facesse singnore del leame de Persopoli. Guerino li
resspose : 0 nobile amico, ad me convene primo cercare li parti di
Ponente per comniandamente di Apollo, ma prima cacciaremo li Turchi
da tucta Suria. Et Permadesse torno culla ressposta ad Antenisca la
quale udita la ressposta mando a dire ad Guerino che li andasse ad
parlare. Et illo inchi ando et ella lo commincio a pregare dolcimento
che-lli fosse di piacere de non si paitire da Persopoli et che illo
pilliasse la singnoria de Persopoli ; et Guerino resspose suspirando
ch'egli non potea al présente perche egli avea ancora a-ccercare mezo
il mundo et ella comincio a-llac:imai-e et disse : 0 singnore mio, yo sus-
perava ('sicj socto la vostra spada vivere securanel regno che vuy mi
havite renduto, et per questa cagione ve iuro et per tucti li dei, como
yo sentiro che vuy siati partito, yo culli mie proprie mane mi occidero
per vostro amore, se vuy non mi promectite, fenito vostro viaio, che
vuy tornareti per me, et yo vi iuro asspectarivi dechi anni che mai
non tolliero marito. Disse Guerino : 0 nobile dumpna, non dire, per
dio, che tu saresti vecchia Et ella resspose : Di questo non mi euro,
puro che vuy iurati di tornare ad me et di non torre altra dompna. Et
mentre che queste parole erano tra loro, ionse Permidesse el citatino
et Amidiosca l'ostieri et missere Amorrecto filliolo de l'ostieri, facti
richi per la virtu di Guerino, et quistoro disgero a-Uoro secreto parlare
et seppino corne egli circava il padre suo et la ressposta ch' egli avea
udito d'Apollo e da Diana; et recommandata loro Antenisca jurolla
per sacramento per sua dompna et légitima sposa in presentia de
quistosro tre, et promisi di tornare infra X anni et che si in questo
tempo non tornasse, ch'ella fosse libéra et potesse tollere marito ; et
iuro per la fede del summo Dio non tollere altra dompna clie le! per
404 I DODICI CANTI
[moglie et] questa iuro per tucti li dei non torre altio marito, et questi
tre fossino testimonii et jurarano de noUa abandonare mai, et [che]
la guai'dia de la sua bella persona remanesse [a] li tre, et cossi basa-
rano in Locca cullo Mischino che ssi ghiamava Giierino impalnnati, et
inrati la fe tucti li quatro ussirino da la camniera et l'altra matina
fecero radiinari tucti li maiuri de la cicta et molti altri gentili homini
del regno soctoposti allei et foi jier tucto delibeiato che la doinpna
Antenisca fosse reina del reame ma ch'ella non portasse curona da
quello di insino ad X anni, che Permidesse e Aminigra fossero bali
da la fauciuUa; e appresso ordinai'ano che-lla gente si mictesse in
punto per cavalcare et cacciare li Turchi di tucto il paese di Persia et
de Soria, et passati dechi iurni, si parti da Persopoli cum cinquanta
milia Persiani, et Antenisca lasso piangendo, et andaiono verso de
una cicta di Pei'sia Tinticha, e corne savio cupitauo iuchi posse il
campo perche ancoi'a la tinevano li Tui'chi.
C
Portrait de la princesse Rampilla
Essendo partito il famiglio de Rampilla la quale era grande de
jiersona et bene informata, et era negra quanto uno carbone
spento, cullo capo ricienuto e-lli capilli incresspati, la bocca grossa
de multi dienti tucti bianchi, occhi rossi chi pareano de foco, disse il
misso : Diciti ad Guerino che yo li servo la mia virginecta.
Entrée de Guérin chez la Sibylle de Gumes
Aperta la porta, lo Mischino entra dentro a di settanta una di
cansei'e et ad hora XII* del di, et questi dimicelle dissero : Ben sia
venuto missere Guerino ; nuilti dissero che nuy sapiamo la vostra
venuta. Et questi erano tre damicelle tanto polite et belle che lengua
mia noUo [)oria dire, t;into era la loru belleze; et quando intrava
dentro mi dava lu sole alla faccia, et achiusa la porta, l'una de loro
mi disse cun uno falso riso: Custui sera nostro singnore. Ma yo li dissi
tra me stesso : Tu non pensi bene. Et una mi levo la borrecta et la
tasca et l'altra prese lu donpieri ; la terza mi prese per mano, et yo
possi la spata alla vagina, et colloro mi iiibi.inmio et passammo una
altra porta, et iongemo ad uno grande iardino sottu ad una bellissima
logia tucta storiata,et-cqui erano piu di cinquanta damicelle l'una piu
I DODICI CANTI ■'1O5
bella et l'altra piii, et tiicte se rovolsino vorso me, et in niezo di loro
era una dompna allô mio parère la piii bella che yo havesse mai
viduta, et iina di quelle tre ch'ei'ano ciim inico mi dissiuo : Quella ene
madompna Sibilla. Mt inverso lei andavaino, etella venia verso noi, et
iuiito presso a-llei mi iiichinai, et ella si inchino ad me et presimi per
mano et disse: Ren venga missere Guerino. Et yo la salutai in questa
forma : Quella virtu che vuy aviti piu speranza ve aiuta. Et rnentro
che yo favellava, ella si sforzava di farimi belle sombianti, et tanto
era la sua vacheza ad videre che omne corpo humano inde séria ingan-
nato, et cum dolci solazi di risi et di belli recollentie, et data in lei
tucta belleza et honesta, et li membri sono de smisurata gentiliza et
di grandeza piu comunale et tanto colurita che quasi del mio prepo-
sito mi cavo, et era smarrito tra multi rosai pieni di spine, se Dio,
per la sua gratia non mi avesse facto tornare la mente al pecto, et
dixi tre volte : Ihesu Nazareno, liberami di questa incantacione ! et
dixili tra me nel mio core. Et ragionando cullei, la falsa mi rivolta si
parlio da me, et ella mi incomenza a dire tucte le pêne ch' i avea sus-
tenute da quel punto che Alexandro mi avea fatto libero per fine ad
questo lamento che yo facea cullei, tucto lu viagio che yo avea facto
tuctu mi disse, et poi [disse] : Voghio che tu venghi et vidi se yo one
de lu thesoro quanto il Presto lohanne. Et menommi in una sua cam-
mera del palazo sue ch' era uno palazo grande et reale, et mostrommi
tanto horo e tanto argento et tante perne et tante petre preciose et
tanti iohelli et tanti richeze che ss'elli non fossero eose false, tucto
questo mundo che yo havea cercato, non valea la terza parte. Et poi
tornammo in una sala multa ricca cqua inchi foi apparechiato da man-
giare et posto ad m.mgiare da tante daiiimicelle ch' inchi serviano
ch' era una cosa maravelliosa ; et quando aveamo mangiato mi meno
in uno iardino che mi parea essiri intrato in uno paraviso novello nel
quale erano de tucti li fructi chi per lengua humana .si poctessero
contare, et per questo conobbi ch' eiano cose [fatate] ^ perche erano
multi fructi fore de stagione.
E
Gor.KIN RÉSISTE AUX SÉDUCTIONS DE LA SiBYLLE
La sera foi minato in una ricca cammera e-lla Sibilla venne ad
tucti quelli piachiri di iochi et di solazi chi ad uno corpo humano si
potesse fare per farilo innamorare. Et quando yo foi intrato nel letto
' Ms. Fatale.
406 I DODICI CANTI
ella mi si culco al lato mostrandomi la sua bella persona e-lli soi
blanchi carni e-lli memelle chi proprio pareano de avolio ; et yo Mis-
chino da capo ripriso foi da hi ardente amore, et factomi il signo de
la croche pcr questo nou si paitiva la Sibilla, ma per venire allô
effecto de lu suo desiderio piu ad me si accostava, et yo ricordato de
li parole de li tre romiti dissi tre volte : Ihesu Nazareno Christo, tu mi
aita. Dissi celatamente dentro lo mio core questo nome ; eni di tanta
vii'tu che como yo l'ebbe dicto, ella si levo foro de lu lecto et partiosi,
et nou sapea quale era la cagione che la facea partii'e ; et yo rimaso
sulo tucta la nocte dormivi in pace senza essiri combactuto da ley
ne de altre fate, et nissuna sappe la-ccagione. Ad questo si videa che
lu aniuio de lu homo non posano sapere elle, si parlare nollo fa
manifesto.
Culla gratia de Dio, dice il Mischino, yo dormivi tucta la nocte
e-lla matina a bona hora la Sibilla mi veune ad visitare cum moite
damicelle : et quando foi levato mi fo ap|)arichiato una bella robba di
seta, et uno portante leardo, et montai a-ccavallo cuUoro et fo quello
di menato per una bella pianura et vidi questo ch'era il mercoridi, et
questo di mi fo mostrato tucto lu paesi de la sapia Sibilla, et promic-
teami de farimi singnore; et vidi moite castelle et ville, et viddi molti
palaggi et molti iardeni ; ma yo inmaginai tucto questo essere incante-
simi, perche in poco loco de la montanghia non era possibile che tante
cose capessei'o, et pero imaginai che tucte erano cose [fatate] ', et
mostravami quello che non era e pareami fare quello che yo non facea.
F
La Sibylle a raconté à Guérin s-on liistnire, lui a expliqué savamment comment
l'homme est composé de trente-quatre éléments, et lui a dit les raisons de la
diversité des formes que ses sujets prennent lors de leur métamorphose en
serpents. L'extrait suivant comprend les faits depuis cet entretien jusqu'au
jour où Guérin recouvre sa liberté, après avoir passé un année entière dans
le séjour de la Sibylle, En sortant, il retrouve Marco, personnage condamné
au supplice de servir de pont pour pénétrer chez la Sibylle. — Je re[)roduis
le manuscrit sans essayer de le corriger, car il en est d'autres certainement
infiniment meilleurs. Le livre de la Sibylle est cependant celui où le copiste
paraît s'être le plus appliqué à ne pas gâter le texte
Poy che yo ebbe intiso la ccagione de li sopradicti vermini e '1
perche illi deventavano de divariati condicioni, et como erano appro-
priati ad secti peccati mortali, rendivi gratia a Dio et pregaillo che
mi guardasse da tanta miseria et pregaillo che mmi desse gratia che
yo eusisse suno de l'anima et de lu corpo, et che yo ritrovasse il pâtre
1 Ms. fatale.
I DODICI CANTI 407
mio e lia mia matrc et alla fine mia mi diga gratia de mi salvari
l'anima mia, et dicoti, luectore, che in quolla septimana yo foi miilLo
stimulato et molestato et tnntato de luxuria cuin omne modo de inten-
cione ch'clli sapeauo o pothiano sapere, ma yo sempre mi recomandai
ad Ihesu Nazareno Cristo, et lui mi aiiitava. Et omne matino yo diceva
li septi salmi pcnitenciali et multi orationi ; et cum questi fatighe yo
passai quella septimana tanto che yo li vidi iina altra volta tramutare
in figura prava et pessima, et quando foruno tornati in loi'o, yo la
pregai multo per la virtu in clic piu speranza avea ch'ella mi dicesse
ch'era il padi-e mio poi ch'ella mi lo avea decto ca lu sajjcva. Et ella
mi ressposi de luxuria si lo volea sapere, e yo intacecti et nolli
ressposi. Ella si adiro che tucto lo [ajuno passe, et mai non appi da
lei altra ressposta ch'indi havessc havuta insiuo ad questo di essendo
presso ad tre iurni alla fine de l'anno le fate tucti erano deventati
vermi secundo che la divina iusticia havia ordinato, et yo imaginai
como poétesse sapere chi era il padre mio, et pensando como mi avea
perduto uno anno, multo mi confortai et deliberaimi di pregare da
capo la Sibilla, et s'elia non mi lo volesse dire per preghieiri, di scou-
giurarila, et como ella fo tornata in sua figura humaaa andai a llei et
in questa foima li parlai : 0 savissima Sibilla, yo ti prego per la tua
virtu, ti sia di piacerede dirimi chi foruno limei antiqui et che ene de lu
padre et de la matre mia ad zio che non abia perduta tanta fatiga indanno.
Ella risspose : Ad me incresse che t'o dicto quello che t'o dicto, impero
che tu si nato de gentile linghiaiu et si tanto villano cavallieri. Quando
yo intisi la sua rissposta tucto turbato cum ira parlai verso lei : Per
quella virtu che soleano avère le foghie che tu ponivi insullu altare,
almeuo per quelle cosi vanne forme mostrando vora la tua proficia et
non curavano il suffiare del vento ', ti prego che tumiinsinghi il pâtre
mio. E-Ua Sibilla s'inde rise et disse : El duca Enea Troyano fo de
piu gentile condiccione di te, et per o lu condussi per tucto lo Inferno
et mostraili lu sua padre Anchise e (piale gentili Romani che di lui
doveano nassire, profetaiidoli il poniiuentn di Roma, como car disso
Carmenta matre del Re, et v'ando pailando d'ICreule-, et trasi lo a
salvamento da lu Inferno. Ma tocc.ii a stare tre iurni et si tu remane-
rai assai in captivita per te far anno, et dicoti che da me et de altra
persona chi in questo loco sia, non poterai sapei'e che tu sappi di tua
schyaeta. Dice Guerino : Yo avendo puro la volunta di trovare lo mio
padre, vinci la mia ira, et da capo li conmenciai ad promectere ch'ella
1 Foliis tantum ne carmina manda,
Ne turbata volent, rapidis ludibria ventis.
^n. VI, 74.
^ ^n. VIII, 339, 193.
408 I DODICI GANTI
mi lo insinghiasse che allô muiido yo li daria boiia fama, decia la
sua nobilita et tenei'ia celato la loro tramutacione di figura umana in
bructi vermi, ma snlo la sua nobilita et belleza dirai. Non altra mente
ella nii l'esspose [eu m] [iropria inteacione femininile che non curano
ne honore ne pareutato ne richeza per contentare lu loro appetito e
abandonano lu amoi'e de Dio e del pioximo per questa dureza che yo
vidi in lei, mi ionse ira sopra ira et dissi verso lei : Oy iniquissima et
rinigata fata maldecta da lu eterno Dio, yo ti sconiuro per la divina
potencia Pâtre et Filio et Spiritu Santo che tu mi dici chi e il pâtre
mio sincomo tu mi dicisti che sa[)ivi chi ei'a. Et ella mi respose :
0 falso cristiano, le tue seoniure non possiuo offendere ad me, impero
che yo n,;n sono cor[>o fantasco ma sono et foi di carne et osse como
si tu, solamente per lo mio difecto lo divino iudicio mi ave cossi con-
dingnata. Va ad scougerare le demotiii li quali non auno coi'po et li
spirti inmun-li, che da me non pot[r]osti alcuna cosa sapere piu
innanci, et nanti che tu lo sapia, tu provarai Tultime [jai-ti di Ponenti
e-lli secti circhi de lo Inferno et Ha ti serra mostrato tua padre
per figura. Per queste parole, o lectoi'e, yo molto inpagurai temendo
non trovare mai il mio padre siuo di po la mia morte dampnato alli
pêne infernale. Non dimeno feci bono core et dissi : 11 tuo iudicio non
serra vero perla gratia de Dio. Allui per confessione posso alla peni-
tenciu toi'nare, et cossi faro. Or fammi rendere tucte li cose che yo
arricai in questo maldecto loco. Et ella conmando che mi fossino dati,
et fommi renduta la mia tasca, et la mia spata, cum doi pani dentro
et lo figile e Ui solfanelli et l'esca, uno dopiere intero e M muzicone.
E lia Sibilla mi disse : Non creda la tua ira potere offondere ad me
che tu ne altii persuni mortali non mi po fare ni maie ni bene. ludicato
eue di quello chi di me debbe essere. Et sparimmi da nanci. Et da
questo punto in qua nolla vidi mai piu, et conobbi tucte li loro figure
essire adirate et disg[razi]ate inverso di me. Et immaginai non essere
per altro si no per la invidia et jier dilore clio non aveano potuto mec-
tere [mi| nel loro numéro dovo loro vicii, et da po che yo ebbe avuto
tocte li mie cose ch'inchi stecti tre iurni, et oume matina yo rengra-
ciava Dio et dicea li se[)ti salmi peuitenciali et multi orationi et
sempre : Ihesu Nazareno, tu nii aiuta. Et cossi stecti infine il terzo
iurno, et la matina dicti li mie orationi, conminciai a cercare la porta
donde yo era intrato, ma nienti mi venia a dire. Per questo cominciai
ad avère pagura, et ricomandai mi a Dio i)er la sua gratia et miseri-
cordia non mi lassasse perire. Veramente parea ad me essere ad uno
forte [IJaberinto \nn scuro che quello chi fo facto i[n] Greti al Minu-
tauro divuratore de 11 Antenaxi tribntati per lo iudicio de Minos.
Essendo l'ultirao di, ail' ora di noua, dice il Mischino, venne ad me
una doncella, et dissimi : 0 cavallieri, perche ti stormenti ? forza ene
I DODICI GANTI 409
a nnni per la diviua potciicia di inostrare ti l'ora et lo paiiLo cho tu
indi devi ussii-e, et peio non ti sbagottiri et vieni presso ad me et yo
ti inostraro la porta et la nscita di questa habitacione. Et yo li andai
dircto et appresso a lloi se(piitai picno do alligreza perche mi cnuvenia
inostrai-c- a dire l'ora el lu [)Uuto. Klla mi mono per uno cortiUio per
lu quale yo canossivi esseià passato quando entrai; et iunto, Lectorc,
in verita tucto quelle anno ch' inchi erastato mai non vidi quille cor-
tillio ne la porta alla quale noi lungeinino, et avca li viduti multe
volte in anima, ma la l'orza di loro [fu] raiom; non mi lassiar [e] videre;
etquesta damicella mi disse remanirc, mi f,n-ia perdonare de la Sibilla,
et ancora si ingenghiava de ingannai-i me. Yo ressposi clie voi-ia |;iu
tosto la morte ca essii'e iudicato in quelle loco eulloro. Ancora mi disse:
0 nobile Guerino, di te mi renci-esse, et dirocti quelle chi ovo nell'animo.
Sappi si in qiiesto tenqjo chi tu si stnto in (piesLa habitacione tu havissi
j)assato il punto de la morte per (piesta stancia. [icrche in questo
loco non more mai j)ei'sona, si no como tu ai viduto per fine al di de
lu ludicio div no, ma si tu in questo anno fossi stato allô mundo, tu
havissi devuto morire. Mectere la mano oy lo digito da fore di questa
porta, subito toruavi tanto quanto da foie ne mecterai in ceunere. Et
yo li ressposi : Non ti venga pieta di me che ad me midesmo impero
che la fede, la speranza et la carita chi one in Dio mi cavera ail' anno
sauto di quisto bructo et laido loco che vollio stare innanti alla mise-
ricordia de Dio che stare in tanto obrobrio [ej vituperio quanti stati
vuy. Oi-a a|)eriini la |)()rta. Et ella asspito i;no i>ocu et poi mi apei'se,
e disse : Te i)rova cullo digito. Yo gridai : Yo voghio andare ad ti'ovare
Marco cambiato de si bella figura a bructo verme figuiato serpente.
Et ella aperse la posta, et yo comenzai ad al ta voce: Domme ne in
flore (sic) tuo ariijuas me neque in ira tua corripies me, et saltai fore
de la porta. Et ella d sse : Va, che tu non pochi trovare scacta lua.
Et yo la intisi et dissi : Va et di alla Sibilla che yo so vivo et campato
et viviro sano et alegro per la gratia de Dio, et salvero 1 anima mia.
Et vuy in questa scelerata perduta vita vivere omne iurno morendo,
deventando de belli figure bructi vermini et pessime bestie irraionevole
per li peccati [che] mutano la vostra figura et laida [la fannoj. Et ella
inserro la porta et yo acciesi il dompieri et poi fichi oratione a Dio
et allui mi recommeudai et poi mi mossi.
La damicella da [)0 li i^aiole riserro la porta, et yo facta la oratione
intrai in camino per la scura tomba, et quando mi parse essere dovo
yo trovai Marco comenciai a gridare : Ihesu Nazareno Cristo, fammi
salvo. Et poi ghiamai Marco ad alta voce diceado : Yo m'inde vao.
Alloia yo sentivi mughiere et gridare piu di centoper dolore ch' ebbino
di me chi m' inde andava. Yo mi fermai et ghiamai Marco. Et illo mi
resspose et disse : Che adunandi ad me? Et yo li disse ; 0 Marco, yo
410 I DODICI CANTI
ritorno ad videre la tua citate; che novelle voi che yo dica di te? Non
ne dire ni maie ne bene. Yo lu aderaandai si avea speranza de partirisi
da quello loco. Et illo mi resspose : AUo dl de lu iudicio pa[i']teremo
de dolore pieni et afflicti piangend > di questo loco tuctj quanti, et non
asspecta[m]o la secunda morte. Et yo 11 dixi : Adunca |si tu raorto,
po che aspect! la secunda morte. Resposimi : Yo non sono morto
ma so piu peiu che morto, considerando dovu yo sono per quello
peccato de accidia e di pigricia et di negrigencia Et dicte queste
parole si percuotea in terra; et cossi faceano multialtri chi stavano in
questo miilesmo loco per simile peccato. Et yo li dissi : Perche non
vi occiditi l'uno Taltro et usseriti da questo tenebroso loco. Ressposirai:
La morte noi serebbe vita ma nuy non jjossiamo perche lo divino
iudicio e terminato che nuy stamo cqua cossi in fine a tanto ch' egli
venera a iudicare al mundo et che li tronbe soneranno et diceranno :
Veniti allô iudicio; et allora inchi sera tolta le vita naturale, et resus-
sitati anderimo allô iudicio. Ancora ademandai : Haviti vuy veruno
amore in Dio oy in nui oy inverso nissuna altra creatura ? Ressposimi
Marco : Nissuno amore régna in nuy, ma nuy portamo odio et invidia
alli bructi vermini chi sono allô mundo; non e si bructa cosa allô
mundo che nui non volessimo essire piu tosto che cqui. Or pensa se
nuy portamo invidia alli altre cose piu belle et quanto invidia portu ad
te, che puro mi era uno pocu de allegreza pensando che tu chi ai
cercato tucto lo mundo, etfatigato tanto, disse, cum tanta virtu, fosse
i-emaso lia dentro culla Sibilla avendo facto tante bactallie, et una vile
et vana femmina, piena de iniquitate, te avesse vinto. Et sappi per vero
che per la tornata che tu fai in direto mi dai tanto acressimento de
dolore che lo mio dolore si invene radoppiato. Et yo li ressposi :
Ancora ti voghio aiongere maiore dolore, impero che yo m'inde audero
ad Roma et pilliaro confescione da lu santo Papa pâtre di Roma, et
renderommi in culpa de li mi miei peccati, et conmunicarommi. Et
vuy remaneti in questo bructo loco. Promecto vi de farivi scomunicare.
Allora tucti si incominciaro a ffare beffa di me, et cominciarono multi
de li altri a dire : el indice che ss' a iudicati e ssi grande che sua
sentencia non si po appellare. Per questo nonni curamo d' essiri scom-
rnunicati, che nuy non potuno avère peiu che habiamo. Et yo li
ressposi : Et cossi vuy maledicti ve remaniti. Et prisi mio camino, et
quando passai il fîumicello [Marco grido] : Va, che non trovi mai il
padre tuo ne lia tua generacione, et mai non possi avère posa. Yo
m' inde rise, perche tanto mi possono nocere la loro biastema quanto
po iuvare a Uoro li mie orationi, si lo divino iudicio 1' a iudicati. Cossi
montai l'erta per le ténèbre socto, et in capo di quella [salita] vene
meno il dompieri et yo acciesi l'altro et misimi in camino.
Ferdinand Castets.
SUR LA LANGUE DE FOURES
Notre Revue a récemment i)ub'ié un article de M. Clavelier
sur La langue de Fourcs. Le sujet est assez intéressant et
assez complexe pour que j'y puisse revenir, prenant texte des
déclarations de Fauteur sur « la faiblesse de nos connaissances
en patois » et de la phrase qui clôt son avant-propos :
« Malgré tous les efforts (jue nous avons tentés pour aboutir
à des conclurions termes et décisives, nous avons, malgré
tout, l'imiiression que bon nombre de mots signalés par nous
comme inusités, sinon incompris, doivent êtte connus et em-
ployés dans certaines parties du Lauragais par des |)ersoniies
sachant mieux que les auties leur langue maternelle. »
Ma connaissance du [>arler lauragais, tel ([ue le parlent les
gens du cru, sans aucune adjonction de mots abstraits ou de
dérivés autres que ceux qui sont strictement nécessaires à une
causerie etitre paysans, est sans doute inférieure à celle que
possède M. Clavelier, et j'aurais mauvaise grâce à me vanter
d'une information supérieure à la sienne en ce qui concerne
les autres [)arlers populaires du Midi. Je me bornerai tlonc à
faire ici quelques rectifications, à suggérer là quelques doutes,
sans autre prétention que d'inciter le lecteur à une recherche
décisive, en suivant l'ortlre adopté par M. Clavelier pour
classer les mots considérés comme étrangers à ce que j'appel-
lerai, pour exprimer en deux mots la définition donnée p'us
haut, le vulgaire lauragais.
I
Mots repris a l'anciennk languk — M. Clavelier note lui-
même que nombre de mots ainsi classés sont actuellement
vivants dans d'autres dialectes, et à la liste qu'il donne
412 SUR LA LANGUE DE FOURÈS
p. 104-105 il faudrait sûrement ajouter abel , qui est le
nom du sapin dans nombre de pays où abonde cet arbre; èfjo,
nom courant de la jument en Camargue, pajs d'élevage.
Escoimdre est courant un j>eu partout au sens de cacher;
esquerro se lit à chaque instant dans des publications
essentiellement populaires, comme les almanachs [latois de
l'Ariège et de Lavaur; em/)èri e»i très vivant en Provence, au
moins dans la locution faire l'empèri^ triom[»her, faire le
maître, etc ; h/oiis et l/ragard, sauf erreur, ne sont pas non
plus partout défunts; quant à coubsel/i (avec /A peut-être réduit
soit à / soit à yj, je ne vois guèi'e d'autre mot par lequel les
gens du Lauiagais pourraient désigner un conseil municipal,
chose dont ils parlent sûrement en leur langage. Lièrol ou
Ll'irol les gei.s du Velay, où la Loire prend sa source, l'ap-
pellent plutôt Lèye ou Aè/, qui continue plus régulièrement
l'ancien Liger, Liijeris. Futo est une sira()le adaptation du fr.
fiiilc, et sa place serait plutôt à la section VIII.
II
Mots présentant uniî forme irrégulière. — Camises n'est
pas un pluriel irrégulier: les pluriels redoublés, rèises, pelses,
oustalses, etc... de sg, rè/, pel, oustal, etc... sont extrêmement
fréquents à Mont{)ellicr, Béziers, Toulouse, AIbi, etc... et
dans tout le Lauragais, et en ouvrant au hasard Les Gril/ts,
j'j trouve (préface, p. VIII) //a/ses, plur. de fiai. «L'adjectif
mascte semble bien n'avoir pas de féminin. » Pourquoi? Même
en français on dit bien une perdrix mâl(', une fleur mâle. Bierge,
au lieu du vulgaire birrjo (o par imitation du fr. e) se rappro-
che non seulement de la « forme étymologique », mais des
mots très usités dans le langage populaire comme fèbre,
lèbre, etc... où l'e final continue régulièrement e latin.
III
Mots nu langage courant employés dans un sens peu
HABITUEL. — « As)>oula = raffermir, consolider. — Sens habi-
tuel : pré[»arer une aire (B). Dans certains endroits s'assoula
SUR TA LANGUE DE FOURÈS M^
signifie tomber par terre. » Esl-ce bien le même verbfi ?
« Merillio = merveille. — Sens habituel : = sorte de raisin
(Jasmin). A.Toii\ouse, merilhou =: lentille.» Est-ce bien le même
mot? Je verrais dans merillt) = merveille une crase de mera-
bilko — mirabilia. et dans ynerilho = sorte de raisin un conti-
nuateur du neutre * melicula = petites [)ommes, avec dissimi-
lation régulière do /. Quant à Irelus, il eût été intéressant de
noter que ce mot, en beaucoup de pays, a pour sens principal
ou même unique le sens indiqué ici comme peu hi-tbituel ;
observations analogues pour curo^ pairolo, rai, placés parnji
les mots à sens détourné avec anaira dont « s'élever dans les
airs » est le sens primitif plutôt que détourné, cap qui, au
moins en composition, s'emploie couramment au figur/', cou-
berto qui, sous réserve des modifications dialectales, s'emploie
communément au sens de pont, lillac, dans divers pays de
navigation maritime ou fluviale. « ^S'iè/i = siège, assiégement,
au lieu de : siège, chaise. Extension de sens légitime et peut-
être ancienne. » Peut-être est de trop.
IV
Mots formés a l'aide de suffixes ou de préfixes. — Empe-
raire n'est pas créé « par substitution du suffixe patois - aire
au suffixe français - eur i^ : c'est une restitution d'un mot
ancien qui trouverait sa place naturelle à la sect, I. — « Din-
cevdou zzz vainqueur par analogie du nom propre Bnicens'^
ou d'après celle du participe latin : vincendus'i Mais ce der-
nier a le sens passif. » N'est-ce pas une simple coquille pour
le dérivé très régulier bincedou ?
Pour justifier mewowrenso (au lieu de membranso ou memou-
ranso), il est inutile de recourir à l'analogie de soubenenso : le
mot rime probablement avec quelque autre en - enso régu-
lièrement issu d'un thème verbal en - e ; d'ailleurs beaucoup
de parlers font en - e«/ les participes présents oi les adjec-
tifs verbaux, ou font en - en les 1. pers. plur. des verbes en
- a, et confondent aisément les désinences des substantifs
verbaux des deux thèmes, — confusion aidée par l'usage du
français, où - ance et - ence ont abouti à un son unique.
414 SUR LA LANGUE DE FOURÈS
« Chabaliè = chevalier, » Sauf erreur, ce mot veut dire
également cavalier.
Poumariè n'est probablement pas un mot savant, et ne sau-
rait en tout cas représenter \dX. poynarium, qui a déjà donné
régulièrement poumiè, ma,i s pomarariuyn ou * pomariurium, avec
réduplication du suffixe - arium, lequel plus ordinairement
s'unit à un suffixe différent, p. ex. - etum, - eta, - o/utn :
Poiimaret^ Poumaredo, Poumairol.
Parmi les noms déverbatifs (p. 11^, 119), il eût été peut-être
utile de distinguer ceux que Fourès a imaginés, comme per-
turba, manejo, de ceux qu'il trouvés tout faits dans le fontis
de sa langue, comme bnf, uscle. Tanco ne paraît point tiré du
verbe tança comme Irobo de trouba ; c'est bien plutôt tança
qui dérive de tanco, comme fr. barrer de barre. C'est à tort
que figure dans cette catégorie de mots le ppa. pris substan-
tivement pertrat (on attendrait d'ailleurs plutôt périrait,
comme fait, lait, - et - latin donnant - it - en Lauragais).
V
Mots composés. — Les gens du Lauragais ont sûrement un
composé usuel pour désigner un nœud coulant; est-ce nouz^l
conrredou, employé par Fourès? Ce qui est sûr, c'est que
courredou est ici non un substantif signifiant couloir, corridor,
mais un adjectif veibal ou un substantif pris adjectivement,
désignant en général un être ou un objet qui court, et tiré du
radical verbal qui donne l'infinitif courre : le suffixe - dou,
auquel aboutissent lat. - torem et - torium , fournit des
adjectifs aussi bien que des substantifs. En Provence on dit
nous courrènt, avec le pprés. de verbe courre.
VIT
Mots étrangers au dialecte. — Il faudrait s'entendre 1 1
distinguer. Coumpeirè {ou coumpeirés'l) , gabian, pichoulino, pour
prendre trois exemples caractéristiques, sont des mots légiti-
mement empruntés aux parlers des pays où abondent et sont
usuellement dénommés les pierriers, les goélands, les olives,
SUR LA LANGUE DE FOURÈS 415
choses rares ou inconnues en Lauragais, Ahadesso, crudH,
mejan, pagnn (je pense qu'il faut lire ainsi, et non juii/rm),
preguièro sont des termes abstraits oi!i savants, légitJmemenl
construits suivant les lois de la phonétique lauragaise, et
dont la place serait aux sect. I et VIII. Je serais surpris si
fado n'était pas couramment usité ; à coup sûr, febrons est
compris de tous les gens (jui disent fèhre, et calpre est le seul
légitime et vivant continuateur lauragais du hit. cnrpinum^ à
moins que l'arbre ne soit devenu rare en Lauragais et que
son nom indigène n'ait été supplanté par le fr. charme.
VIII
Mots calqués sur le latin ou sur les langues sœurs. —
M. Clavelier estime que les mots empruntés au latin don-
nent au patois, plus encore qu'au français, «un vernis
savant et une couleur artificielle ». Affaire de goût. En tout
cas il est permis de parler de l'Autriche en dialecte lauragais,
et il est légitime de l'appeler Ouslrio (ou plutôt, sans doute,
Austno).
C'est affaire de goût également que de décider si certains
emprunts au français constituent un fravesdssement ou une
mascarad".. Mais on peut regretter qu'à des mois comme oucello,
noucttluco, abelhoufage, etc., Fourès n'ait pas préféré des
vocables du terroir dont la recherche eût été intéressante et
l'emploi — même en un sens légèrement détourné — éminem-
ment légitime : bien souvent tel dialecte de la langue d'Oc
fournit un mot du cru, simple ou composé, excellent pour
nommer bien des choses que le français ne peut désigner que
par formation savante ou emprunt au dehors (p. ex. terrenau,
autochtone; sistre, poudingue; mau/o-crtr, Carnivore, etc.).
Pèire n'est pas un déguisement du français Pierre, mais bien
le continuateur légitime de Petrum en Lauragais, comme
pèiro de petram Cette restitution louable ne saurait d'ailleurs
légitimer Roubespèire pour Robespierre : les noms propres,
sauf les noms très usités de pays, de villes, de personnages
antiques, ne se traduisent pas. Councieutadin est aussi légitime
que Pèire.
41G SUR LA LANGUE DE FOURÈS
IX
Mo'js INCONNUS. — Aial {"aqua/em) est le nom rouergat [aio
= aqua) du vent qui amène la pluie, Teau ; airjnl serait la
forme proprement lauragaise.
Babarilhos se dit bavariho à l'E. du Rhône et désigne une
bavure, des filaments baveux, spécialement ceux des escar-
gots : fa babarilhos, ÎAire un miroitement comme la bave d'es-
cargot sèche, d'où : éblouir.
Brengidèio est pour berenrjuiero^ comme cranfo pour qua-
ranto. Berenguièro et berenguiè désigiient communément ce
vase domestique en divers parlers : il est difficile de ne pas
y voir le nom propre de même forme, nom de fabricant ou
prénom employé plaisamment comme en fr. Thomas ou Jules.
Bermo est sans doute emprunté au fr. benne, emprunté lui-
même au néerlandais brème.
Caprou (pi. caprous) paraît, bien être un dérivé de cap — capu,
peut-être un doublet de capeirou, chaperon, comme brenguièro
de berenguièro.
Carcados a pu être importé par des bateliers de la Gascogne
occidentale disant carca pour laur. carga.
Clascassa semble bien une onomatopée.
Gradino est le fr. gradine, it. gradina, de grado^ degré ;
l'outil est une spatule-grattoir à coches étagées en degrés.
Il est difficile de ne pas voir dans lanisses {ou lanissosl),
cheveux ftisés, un dérivé de lano — lana par le suffixe -is,
f. -isso — -ûius, -ilia.
IJnlos, préceinte, bordage de navire, est peut-être limites
passé à *limilas, avec t pour d comme dans les doublets atife
— ande, branda — branla., etc., ou comme dans béarn. enta
= inde - ad.
Languno est visiblement laguno avec nasale adventice; cf.
les doublets sagagna — sangagna, grousello — grounzello, etc.
Matatruc [)araît bien une variante du composé mato Iruc,
litt. « abat-coups », d'où a brutal, lourd ».
Noi est en catalan noy, au sens de « jeune garçon»,
lequel doit être parent de novi — nobi, fiancé, jeune marié.
Se paissi e^i xxn doublé de se passif comme maili de mali.
SUR LA LANGUK DE KOUHKS 417
Siigros, pi. su'/rosses, «nervure d'aile (\o. p-rilloii «, pourrait
s'expliquer [tar la prép. sus ou su?' et l'adj. c//os ; cf. les subst.
fr. surdent, smy'ct, etc. .
Siéuse [pèiro-sieuse ; roc-sieure est [)eut-être une coquille
pour sieiise, plutôt (|u'un rhotacismo qui n'est pas appuyé
d'autres exemples) ou séuse continue régulièrement silïcem en
Provence, comme éusc — ilïceni et féuse — fdïcem : Fourès a
dû emprunter le mot tel quel à ses confrères d'outre Rhône,
sans réfléchir que la forme strictement lauragaise eût été
seize, comme e/ze et felze, sans vocalisation tic /.
Sanioustaire dérive de samousl ', variante de seinousla, su-
mousla, «surmoûter», ôter le surmoût de la cuve, et, par
extension, fouler le raisin.
Je n'ai pas grand mérite à présenter ces compléments à
l'intéressante étude de M. Clavelier : je les ai presque tous
trouvés du premier coup dans le Trésor doa Feiibrige ou dans
le dictionnaire de Hatzfeld et Darraesteter. M. Clavelier n'eût
pas eu grand peine à les y trouver avant moi. Le recueil
Sacaze aurait pu lui fournir d'autres indications intéressantes
sur les formes de la langue de Fourès, dont il a examiné
presque uniquement le vocabulaire. Ce recueil contient, de la
main de Fourès lui-même, la transcription en vu g aire laura-
gais des deux récits que M. Sacaze avait fait traduire par les
instituteurs de toutes les communes des départements entre
Garonne, Océan et Pyrénées. Dans ce document, Fourès écrit
l'article maso. plur. /es devant les consonnes dures, lei ilevant
les consonnes molles, les 3. [)e\:f. plur. du prétérit -èoun, aiô =
il avait, saià = il savait, tandis que dans ses œuvres littérai-
res il écrit constamment les, -èroun, aviù, sabià, de même qu'il
emploie des y étymologiques et rend par ieu la diphtongue in\
Je n'ai sous la main que ces quelques notes prises sur le
recueil Sacaze (à la Bibliothèque de Toulouse) ; en les
complétant par le dépouillement complet de la transcription
donnée par Fourès et par une enquête orale sur les formes
du bulgaire lauragais, on connaîtrait exactement les modifi-
cations que la graphie littéraire de Fourès a fait subir à ce
•^1
418 SUR LA LANGUE DE FOURÈS
vulgaire pour le rapprocher de ses origines ou d'autres dia-
lectes précédemment cultivés.
M. Clavelier donne à son étude une conclusion déjà annoncée
dans l'avant-propos, et parfaitement juste, sinon bien d'accord
avec toutes les prémisses : après avoir déblayé une « avalanche
de mots, et de mots rares et parfois étranges » (je viens d'aug-
menter ce déblaiement), il nous dit que la plupart des mots
des sect. III, IV et V a seraient sans doute compris dans la
patrie de Fourès, même par des illettrés ». Je le crois sans
peine : un peuple qui, laissant tomber n fin. rom., dérive sans
difficulté, de bouci\ aboucina, ne saurait hésiter à sentir quun
orne fcbrous est un orne qvHa la febre. Qui peut le plus peut le
moins.
Ce peuple, évidemment, doit peu goûter, s'il les lit, les
hymnes de Fourès à la sainte Liberté, à la Paix, au Progrès,
à la Justice, etc.. *. Sa langue, rebelle à ses eff'orts et comme
réfractaire à de si hauts desseins, perd, avec sa belle simplicité,
ses réelles qualités de naturel et de pittoresque... Sa langue
change d'aspect, devient trouble, confuse et comme un peu
fangeuse... ». Non. La langue n'y est pour rien : ce sont les
idées qui sont troubles et confuses. Quand, dans un langage
très voisin de celui de Fourès, Paul Froment médite [Pensndos
itibèr) sur les mystères d'après la mort, il sait trouver des
vers d'une forme aisée et magnifique pour exprimer clairement,
avec la précision saisissante du véritable poète, des idées au
moins aussi abstraites que la sainte Liberté, la Paix, etc.. Jo
pourrais sans peine multiplier les exemples, mais celui-là est
suffisamment probant.
Le démon intérieur de Fourès lui fournissait d'exquises
impressions de nature, des vues nettes et jolies sur la vie des
bêtes et des choses, et Fourès a tiré de ces sensations des
vers délicieux. Les hasards de l'existence avaient égaré Fourès
dans ce qu'on appelle communémexii la politique : étant poète,
il s'est cru obligé de mettre la politique en vers, en verslaura-
gais, mauvais; beaucoup de poètes français ont mis la poli-
tique en vers, en vers français, mauvais également pour la
plupart. Il ne s'ensuit nullement que le parler du Lauragais,
ou celui de France, soit incapable d'exprimer en vers des
idées abstraites.
SUR LA LANGUE DP: FOURÈS 419
M. Clavelier a donc tort quand il impute à la langue de
Fourès les péchés de Fourès méconnaissant sa véritable per-
sonnalité poétique. Mais il a cent fois raison quand il dit — et
le patient relevé de mots rares qu'il nous apporte, à l'exami-
ner de près, appuie cette conclusion ultime — que l'auteur
de la préface des Gr//As, de La Poiiitno,>\e ISoslris sabucSy etc.,
a écrit, en une langue très intelligible pour ses compatriotes,
des poèmes excellents.
Jules RONJAT.
LES DELIBERATIONS
DU
CONSEIL COMMUNAL D'ALBI
DE 1372 A 1388
{Suite et fin)
L'an dessu?, a XIII de jun...
Sobre aisso que aissi fon dig que las gens que ero venguiz
en esta vila, el cosselh que se te sus lo tractât que se mena
que moss. d'Armanhac gite las garnisos de las gens d'arinas
del pays, acosselho que moss, lo vicari de moss. d'Albi e
i home de cascun loc d'aquels que so vengutz al dig cosselh,
una essemps am moss. Alrie de Mejanel, jutge de Roergue,
ano a moss. d'Arraanhac per vezer se poirau acordar lo dig
tractât. Per que los senhors cossols demandero cosselh als
singulars i-e els voliau que negus hi ânes per esta vila. E sus
aquo totz tengro que expedien era que hom la ane, e que los
seuhors cossols hi trameto aquel que lor semblara et hi prengo
lo melhor cosselh que poirau.
L'an dessus, a XXI de jun...
Sobre aisso que los senhors cossols dissero que moss. lo
vicari de moss. d'Albi era vengut de moss. d'Armanhac ont
era anat, essem[)S am los cornus de la jutjaria d'Albeges, del
comtat de Castras e de la vigaria d'Albi, per tractar ara lo dig
moss. d'Aimanhac que las gens d'arraas que so sus lo pays ne
hi esto ; loqual moss. lo vicari ha l'eportat segon que aissi fon
dig, que moss. d'Armanhac ne vol gitar e vejar los locxs de
Jana*, de las Plancas, de Rosieiras, de Trevas, ' e de ganre
' Trébas, cant. de Valence d'Alliigeois.
DÉLIBÉRATIONS 1 37'?- 1388 'j'^l
d'autres locxs norapnatz en lo dig tractât; mas (|iie vol que
hom Ihi done 1 rejre deyme en la forma que la Gleja lo leva.
It. dissero may que mojanssan lo dig tractât, lo dig moss.
d'Armanhac ha fag raetre lo seti davan Turia; et es estât dig
per alscus senhors qiie hom done a las gens que so al dig seti
qualsque viures, losquals se pago de cornu de iota la vigaria
d'Albi, del comtat de Castras e de la jutjaria d'Albeges. Per
que demandero cosselh los senhors cossols als singulars que
voliau que se fezes sus tôt aisso. E sus aisso tot[z], o la major
partida, tengro que lo dig reire [dejme] llii sia donat per las
cauzas dessus dichas, ara aital con Jicio que se coraunique en
tal manieira que tota per,«oiia pague per sol e per Ibr., segoii
la valor de sos bes e que en aquels que auriau trop pagat del
dig reyre deyuie, lorsia restituit ; e que om s'en regisca en la
manieira que los autres cornus dels locxs del comtat e de la
jutjaria e de la vigaria s'en regirau. It. tengro may sus lo do
dels viures dessus que hom lor ne doneaissi quant aïs senhors
cossols d'esta vila sera vist.
L'an dessus, a VI de julh...
Sobre aisso que dissero los senhoi's cossols que la cort de
moss. d'Albi ha requeregutz los senhors cossols que els vuelho
provesir de far 1 hostal que sia bordel de foras la vila, en que
estiau, de dias, las avol femnas, et. autre hostal diiis vila en
que estiau la nueg, ho en lor défaut els hi provesirau. Per
que demandero cosselh als singulars quen fariau ni quen
deviau far. Sus aquo la major parti la tenc que la vila fasca lo
dig bordel.
L'an MCCGLXXXIII, a XII de julh...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que, lo dia pre-
sen, lo rey lor avia trameza uiia Ittra clausa en que el lor
mandava que els fosso a Léo sus lo Rozer, lo dia de la festa
de la Magdalena. en loqual loc aladonc seriau alscus grans
homes de son cosselh, sobre ceitauas causas tocan lo profleg e
la honor de son realrae '. It. dissero may que semblans letras
' Ces grands personnages étaient : l'évéque de Laon, le chancelier de
France, Pierre de Ghevreuse, Philippe de Saint-Pierre, trésorier de
France. Le but delà réunion des communes était le vote des aides, telles
422 JUILLET-AOUT 1383
so esfadas tramezas a motz d'autres cornus del realrae. Per que
dissero se lii irametiau. E sus aquo totz tengro que hom hi ane
ho hi tratneta. Item sus lo acort fag ammoss. d'Armanhac sus
la vueja dels locxs, fo aqui dig et explicat lo dig tractât ; e fo
dig que covenia que subdamen hora provesis per pagar la
quota, tocau en esta vila, de la dicha finansa, ques tota la
finansa XII " francxs. Sus aquo totz, exceptât Ar. Arufat e
Johan Luj^rier, tengro que hom talha la quota apertenen en
esta vila, e que se partisca per gâchas, e que cascuna gâcha
responda de sa part e que se love en la melhor forma que
poira*.
L'am MCCCLXXXIII, a XI de aost.
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que liom avia
saentras fag presen e do als senhors avesques d'esta vila, en
lor novela intrada, e que moss. l'avesque d'esta vila, que huej
es, deu intrar aras novelamen en esta vila. Per que dissero se
era cosselh que hom Ihi fezes presen e do, aissi quant hon ha
fag saentras als autres. E sus aquo totz tengro que hom Ihi
fassa presen e do aquel que als senohrs cossols sera vist faze-
dor *. It. dissero may les senhors cossols que G™ Arnaut, ser-
vidor de moss. d'Albi, es vengut a lor et lor ha sopleguat que,
atendutque el es servidor castela del dig senhor e voira gardar
lo be e la honor d'esta vila a tôt son poder, (que) los senhors
cossols de la presen ciutat Ihi fezesso gracia que lo tenguesso
quiti del cornu de sa persona. Per que dissero los senhors cos-
sols e demandero cosselh als singulars quea deviau far. E sus
que celles qui avaient été établies dans les communes de langue d'oil.
L'assemblée consentit la levée de 12 deniers par livre sur toutes les mar-
chandises vendues, du huitième du vin vendu au détail et de 21 francs
pour chaque muid de sel. Le Languedoc protesta généralement contre
cette décision. Cf. Ilist. de Lang. IX, p. 914.
1 Une délibération du 16 juillet modifia, sur ce dernier point, celle
du 12. Sur 80 conseillers ou notables présents, 70 furent d'avis de lever,
sous forme de prêt, la quote-part de la ville et de s'imposer d'un nombre
suffisant de communs pour rembourser les sommes prêtées.
* Le nouvel évéque était Jean de Saya. Il fit son entrée solennelle
le 12 août. Le 16 août le Conseil décide de lui faire cadeau de 150 flo-
rins et de 4 pipes de vin. Cf. Gartulaires d'Albi, dans cette Revue,
ann. 1902, p. 458.
DÉLIIÎKRATIONS 1372-1388 423
aquo totz tengro que Ihi sia fâcha la dicha gracia, mas que se
fassa en riianioiraquo los autres que venriau après luj non ho
puesco demandar per costuma.
' L'an el dia desus dig, en lo dig cosselh, dissero may los
senhors cossols que m* G'" Prunet se era complang a lor dizen
queel avia arendat, Tan MGCCLXXXI, fiuen en l'an LXXXII,
lo pon de Tarn, en la forma que s'era acostumat de arenda als
autres arendados ; enloqual arendamen el avia perdut maj de
la mejtat del just pretz, es aco per cauza de las gens d'armas
que, dins lo temps del dig arendamen, preiro los locxs de las
Plancas e de Padiers e de Rosieiras e de Gênas e motz d'au-
tres locx, e que la vila li dévia estar en la perdua que i avia
fâcha en lo dig arendamen, per razo car als autres arrendados
que avian, davan luj, arendat lo dig pon, avia hom estât en la
perdua que avian fâcha per la guera. Per que demandero cos-
selh los senhors cossolhs als singulars que devo far. E sus
aquo totz tengro que hom li remeta e li quite de so que deu de
resta del dig arendamen, per razo de la perdua que i a fâcha
per la guera, so que als senhors cossols seravist. E en après,
lo diameteit, los senhos en Galhart Golfier, en Duran Daunis,
m^ Dorde Gaudetru, en Berthomiau Garigas, en G™ Colobres
m^ Azemar Grasset, m^ Isarn de Rius, m" P. Costa, en Bren-
guier de Varelhas e'n G™ Condat, cossols, atendut lo cosselh
sobredig, remeiro e quitero al dig m" G" Prunet et a sos com-
panhos, per la perdua que avian fâcha en lo dig arendamen,
per cauza de la guera, quatre Ibr, e sine s. Escrig per mi
Johan Lujrier, de voluntat dels digs senhoz cossols.
L'an dessus, a XVI d'aost...
Sobre aisso que fon dig aissi que en la novela intrada de
moss. d'Albi, moss. P. Podat avia ferit maliciosamen en G"
Condat, am 1® verga, en tal partit que Ihi trenquet la verga
dessus, de que enjuriec lo dig cossol e per consequen tota la
1 Toute cette fin de délibération est d'une autre main. Il est à remar-
quer que le G" Prunet dont il va s'agir est précisément le secrétaire
des consuls II n'a pas cru devoir intervenir, même en qualité de scribe,
dans une affaire qui l'intéressait personnellement.
424 AOUT-SEPTEMBRE 1383
vila. Perqiie dissero los digs senhors cossols que s'en dévia
far. Totz tenj.TO que, se tort ha, quen sia punit, se far se poc.
L'an MCCCLXXXIII, a XXV d'aost...
Sobre aisso que dissero les senhors cossols que rnos?. d'Ar-
raanhac lor ha escrigs que els vuelho trametre al seti, davan
Thuria, XX raanobras am picos et am aissadas et am marras ;
que cascus dones cosselh quen fora fazedor. Sus aquo totz ten-
gro que liom n'i tratnela X o XII.
L'an dessus, a I de setembre...
Sobre aisso que los senhors cossols dissero que moss. d'Albi
lor ha diii' que moss. Bertran de Lmtar llii a escrig que los
senhors cossols d'esla vila Ihi aviau, saenti'as nonhagayre,
prouiesas et ufert de donar V pipas de vi e XXV sestiers de
sivada e que el non ho avia volgut penre, quar era tant pauc ;
empro aras Ihi escrivia que el e sas gens non aguesso raso
quen presesso. Per que demandero cos?elh quen feira. Sus
aquo, la major partida tenc que hom Ihi dones aquo que Ihi fo
promes, per estalbiar major dampnatge. It. dissero maj los
senhors cossols que moss. d'Albi lor avia dig que fezesso bas-
tir lo loc que era triât per bordel ho lo relaxesso. Sus aquo fo
de cosselh que la vila lo bastisca et aja lo profieg.
L'an MCCCLXXXIII, a XXIIII de setembre...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que mo-s lo
vicari de moss. d'Albi lor avia dig que el era vengut de moss.
lo comte d'Armanhac, ont era anat sus lo tractât que se era
menât am luj, per los cornus, sus la vueja dels locxs que leno
las gens d'armas ocupatz ; et era deraorat am lo dig moss. lo
comte que encoutenen se pagne so que es empres de pagar de
sse ; e de las pagas en levenidoiras, lo dig moss. lo comte vol
que Albi ihi obligue tôt so que s'en deu per AIbi e per los
autres locxs de la vigaria, e Castras, per los locxs del comtat.
Per que dissero los senhors cossols als singulars se els voliau
que els fezesso la dicha obliganssa. Sus aquo, totz tengro que
may era expedien que se fas.-a que se no se fazia, mas, aitant
quant hom poira, ne desduga los locxs de la vigaria ijue no so
solvables, afi que la dicha vueja se fassa ; quar, se no se fazia,
DÉLIBÉRATIONS 137^-1388 ''i25
tant gran seiia lo dampnatge que lo puys sufertaria que non
auria comte ; e tengro may totz (ine hotu s'en regisca am lo
cosselh del tlig inoss. lo vicari.
L'an dessus, a II d'octonibre. .
Sobre aisso que dissero los senhors cos.-ols que lo Pauco de
Lantar demandava als senhors cosiols et a la luiivcrsilat del
dig loc (jue hom liii pague et Ihi done III parelhs de biious, so
es assaber I parelh losquals e', de presen, ha fags penre i)er
sas gens de Tersac, que so d'alcus homes d'Albi, per setis-
faccio de una carreta que ditz que Ihin ha nienada lo macip
de G"" Guitbert. It. I autre parelh per lo parelh dels buous
que ditz que ihin menée lo dig masip am la carreta, et l'autre
parelh que vol que sian donatz al regen d'Albi. It. demanda
maj que hom Ihi done C francxs et 1 ({uintal de torchas; e per
toi aquo el prometra que nul temps may el no demandara
neguna causa al loc d'esta vila. E sus aisso, los senhors cossols
dissero e demandero cosselh ais siogulars que deviau far. Sus
aquo tot[z] tengro que hom no ihi done re.
L'an dessus, a VI d'octombre...
Sobre aisso que aissi fou dig que m^ Arnaut Paya que era
anat, una cssemps am los autres cornus, a moss. d'Armanhac,
avia trameza una letra ais senhors cossols en que lor avia
escrjg que los cornus de Carcassona e de Bederres aviau por-
tada tota lor quota de sso que lor monta la finanssa fâcha am
moss. d'Armanhac sus la vueja dels locxs de Thuria, de Janas,
de Gurvala ' e dels autres locxs en lo tractât sus aquo fag
contengutz; et avia mandat que hom fezes de guiza que non
* Gant. d'Alban et arrond. d'Albi. Voir dans les Chroniques: de Frois-
sart (II, p. 439, 4i4 et suivantes) le récit que le chroniqueur fait de la
prise de Curvalle, qu'il appelle Gréniale, par Espaignolet de Paperan.
Ce chef des routiers, a la solde des Anglais, probablement en 1382,
s'était emparé du château par escalade; il le garda pendant un an.
Espaignolet y avait fait creuser une galerie qui de l'extérieur aboutissait
à la grande salle. Ce travail, exécuté secrètement, étant terminé, il rendit
Curvalle à son seigneur Raymond, moyennant 2,000 francs. Mais quinze
jours après, Espaignolet, utilisant, avec ses routiers, la galerie souter-
raine, reprit le château et fit Raymond prisonnier. Celui-ci paya
2,000 francs pour sa rançon personnelle; mais il dut laisser son château
aux mains des routiers. En 1384, Gaucher de Passac prit d'assaut le
426 OCTOBRE 1383 -FÉVRIER 1384
estes per lo loc d'Albi ni per los locxs de la vigaria, quar, se ho
fazia, les locxs per que demorarieu ne sufririau mot gran
dampnatge. It. avia may mandat que moss. d'Armaiihac era
mot corrossat, quar hom fazia aver viures a las gens d'armas
de Tersac, quar d'aqui en fora^ los porto als Engles de Tliuria,
e que sus aquo moss. d'Armanhac escriura. It. dissero maj los
senhors cossols que estai era tengut cosselh per moss. d'Albi,
ara ganre de bos e notables homes, sus las gens d'armas de
Tersac e de Paulinh, que hom los ne gite, qui poc, am finanssa
0 per guerra, e que hom no lor done ponh de viures d'aissi
avan. E sus aisso los senhors cossols demandero cosselh als
singulars. E sus aisso, tengro totz que hom levé tôt quant
levar se poira dels detz cornus darieiramen empausatz, de que
pague hom la causa sobredicha, e se aco non abasta, que los
senhors cossols empauso may cornus aque)[s] que mestiers hi
fariau, Tengro may que, se per finanssa razonabla hom poc
far que los locxs de Tersac e de Paulinh se vuejo de las gens
d'armas, (que) se fassa, autramen que hom lor fassa tal guerra
que convenga e que d'aissi avan non trago ni a.jo ponh de
de viures d'esta vila.
L'an MCCCLXXXIIII, a IX de febrier...
Sobre aisso que los senhors cossols dissero que m^ Gorgori
de Corbieira, viguier d'Albi ', lor avia reportât que per alscus
senhors era estât mogut ti*actat que las gens d'armas de las
garnisos de Tersac e de Paulinh vogesso, mejanssan certa
finansa per los locxs del comtat e de la vigaria donadoira, et
avia lor may dig, se lo tractât anava avan, se lo loc d'esta vila
hi volria contribuir^ ; et per so los senhors cossols demandero
château de Curvalle et fit pendre Espaignolet de Paperan et tous les
routiers qui n'avaient pas péri dans le combat.
Cf. aussi Campagne de Gaucher de Passac el délibération du 2 octo-
bre 1384.
* Il occupa la charge de 1377 à 1384. Cf. Liste des vigiiiers dWlbi.
'^ Il n'est plus question du terrible Pauco de Lantar qui avait fait de
Terssac le centre de ses fructueuses opérations. Cette place allait être
rachetée. Dom Vaissete nous apprend que, le 29 mars 1384, la viguerie
d'Albi fut autorisée à s'imposer de 1,600 livres pour le rachat de Terssac
et de Paulin. Hist. de Lang., IX, p. 919. Cf. aussi délibôr. des 5 et
20 mars 1384.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 427
cosselh als singulars se voliau que lo loc d'Albi contribuisca
a'n aco. Sus aquo, totz los sobrenonipnatz, exceptât aquels
que al cap de lor nom ha escrig no, losquals no voliau que
lor fos re donat, tengro que, obtenguda premieirainen licencia
de moss. lo senescalc de Carcassona, (que) hom, per lo loc
d'esta vila, contribuisca a la dicha fmarisa, en cas que los
digs dos locxs se voja, autramen no '.
L'an dessus, a V de mars...
Sobre aquo que Peyre Clergue, cossol, cra anat à Castras,
essemps am moss. B. de Goi'ssolas et am lo officiai de moss.
d'Albi, sus lo tractât coraensat am los cornus del comtat e de
la vigaria sus la vueja dels locxs de Tersac e de Paulinh, que
avia escrig que els aviau mogut tractât que, en la fiiians!?a que
se faria per !a bueja dels digs locxs, Albi pagnes per sa quota
e respondes per lo ters de la vigaria; et avia escrig que, sus
aquo, los senhors cossols li mandesso lor voler. Fo aponchat
que lo loc d'Albi no se cargue de pagar a la contribucio dessus
dicha ni ad autra, mas per sa quota.
L'an MCCCLXXXllII, a XI de mars ..
Sobre la provesio que las gens del afan no se perdo n'i sian
preses per las gens d'armas, tengro totz et accosselhero que
hom aja dels piscos del pays, e que lor done hom qualque
causa per que vuelho demorar en esta vila e gardar las gens,
e que tôt home que hi esta foras la vila, sia affanaire ho autre,
que porte son arnes, e que entretant hom veja, am los senhors
en cuj es lo poder, que se hom poc aver X o XV o XX homes
d'arma? per la garda de la vila, losquals se pago de Fargen de
las emposicios d'aquest avescat, que hom los aja.
L'an dessus, a XX de mars...
Sobre aisso que aissi fon dig que Bertran de Baretge avia
escrig a moss. B. de Gorssolas que el hi volgues bailar e tra-
metre II rossis que lo dig moss. Bernât lia, per cert pretz, en
deduccio de so que la vila et la vigaria d'Albi Ihi deu per la
finaiissa fâcha per los cornus de la vigaria d'Albi e del comtat
' Vingt-quatre conseillers ou notables seulement assistent à cette déli-
bération ; quatre se prononcent contre la proposition du viguier.
428 MARS-AVRIL 1384
de Castras per la bueja del loc de Paulinli, de la paga faze-
doira dinienge propda veiien; e sus aquo, raoss. Bernât davan
dig avia trames querre los senhors cossols e lor avia dig se
voliau que el llii tramezes los digs rossis ni se els Ihi respon-
driau del pretz per que los bailaria al dig Bertran. E dissero
los senhors cossols que los covienhs fags sus la dicha bueja so
aitals : que los cornus del comtat e de la vigaria deu ' paguar,
dimenge, la meitat de la dicha finanssa, e l'autra nieitat d'aqui
a Pascas, et en cas que no se pagues als termes, que Tacordi
sia per no fag. Per que demandero cosselh se séria expedien
de bailar de presen en pagua los digs rossis. Sus aquo, tolz
tengro que hom s'en regisua aaj cosselh de moss. Bernât de
Gorssolas, e que se causa es que baile los rossis, que los sen-
hors cossols, e nom de la universitat, Ihin respondo e s'en
acordo amb el.
L'an MCCCLXXXIIII, a XVIII de abril...
Sobre la letra que avia trameza moss. Plielip Bona, als sen-
hors cossols, en laquai lor avia escrig que el volia far son ma-
trimoni am sa fermada, a XXVU d'aquest presen mes d'avril,
e que lor plagues [que] hi volguesso esser per far honor a luj.
Tengro I partida que I deis senhors cossols, ara I singular,
hi ane, e que la vila done e fassa presen al dig moss. Piielip
de quatre marcxs d'argent en tassas; autra partida dels cos-
sols e singulars tengro que lo dig presen se fas-^a, mas que
non hi ane negun cossol per lo [)erilh dels camis, mas que
trameta hom qualque home entendut de part delà a moss. Ar.
Paya que hi es e que lo encargue hom que fassa lo presen
per la vila -.
L'an MCCCLXXXIIII, a XX il'abril.
Sobre aisso que aissi fo dig que moss. Bernât do Gorssolas
era vengut de Lautrec ■' e de Castras ont era anat per lo fag
de la bueja de Paulinh, loqual ha reportât que las gens de la
garuiso de Paulinh volo dezemj'arar voluiitieiramen lo loc de
' Gorrec : devo.
2 Le 19 avril, le Conseil clé(ùde que deux consuls iront iiorter les tasses
d'argent à Philippe Bonne.
^ Chef-lieu de cant. de l'arrond. de Castres.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 429
Paulinli e bailar al vescomte dti Faulinh et al stMihei' d'Arifat ',
mas que lo senlier d'Arifat ni lo vescomte no la volo penre en
garda, quar non an gêna que lo pogucst^o gardai-; e que lor
era vengut a noticia que las gens de Curvala lo volian venir
combatre e penre, raas que his gens d'armas lo aguesso dezam-
parat; e que sus aquo se era aponcliat, atn los cossols de Cas-
tras, ([ue Castras hi trameta XX homes et Albi, par la viga-
ria, X, que gurdo lo loc e debaio la borgada tro que sia
debatut. Et auzit aisso per totz los sobredigs, to(z tengro que
sus aisso hom aja eosselh am las gens del rej et am moss. B.
de Gorssolas e que hi ane hom be e saviarnen et am bon eos-
selh.
L'an dessus, a XII de may.
Sobre aquo que los senhors cossols dissero que lo coUector
del papa avia preguat a lor et a las gens de moss, d'Albi, que
lor plagues [que] volguesso consentir que el fezes sarrar la
voûta que es entre la sua fenial del Fia de S' Salvi et Tort de
m^ G™ Bestor o de sa molher. It. que moss. Bernât de Gors-
solas lor avia dig que, a lor requesta, el avia seguit, per
la part de la vigaria, lo fag de la bueja de Paulinh, en que
avia ganre despendut del seu, e demandava que del despens
hom Ihin fezes setisfaecio. Sus aisso, totz los sobredigs tengro
que, aitant quant es del fag de la voûta, que hom ane sus lo
loc e que ses poc sarrar, ses prejudici ni dampnatge, que hom
ne fassa plazer al dig collector. E quant a'n aco del dih moss.
Bernât de Gorssolas, fon dig que el avia agut mot granda
diligencia e trebalh e despens per lo fag de la dicha bueja;
per que hom s'en acorde am luy de so quen demandara^
L'an MCCCLXXXIIII, lo premier dia dejun...
Sobre aisso que m^ Johan Oalmetas avia traajez(es) I maestro
en ariz per tener las escolas, en cas que als senhors plagues;
e fon dig que lo dig maestro no volia demorar seno que hom
Ihi doues de que se pogues sustentar e Ihi agues hostal tro que
' Tous deux étaient coviconites de Paulin. Aril'at, comm. du can(. de
Montredon-Labessonié, arrond. de Castres.
^ Dans une délibéi-ation du 15 mai, l'indemnité l'ut fixée à 2 francs par
jour du vacation.
430 JUIN 1384
las escolas se sian assetiadas. E fon aponchat que en cas que
vulha deraorar e vulha aver am si qualque bachalier, que liorn
Ihi done tant solamen VI sestiers de fromen e doas pipas de
vi, e que llii aja hom ostal perl an '.
L'an dessus, a V de jun. .
Sobre aisso que aissi fon dig que lo capitani trames per lo
rej sur la garda del pays, loqual era a Galhac 2, dévia venir,
lo dia presen en esta vila, una esseraps am los senescalcs de
Toloza e de Carcassona et am moss. Beneduc^ et am P. de
Lautrec et amganre d'autres grans senhors, am ganre de gens
d' armas ; se hom lor faria presen ni lor dévia re donar. E fo
aponchat que los senhors cossols servisso e donesso als sobre-
digs senhors, als quais lor semblara, so que lor séria vist
fazedor.
L'an dessus, a XII de jun. .
Sobre la letra que lo comte d'Armanhac e de Cumenge avia
trameza als senhors cossols d'Albi, contenen que els fosso, lo
dia presen, a Castras am so que deviau paguar per la bueja de
Gurvala e dels autres locxs contengutz en lo tractât per los
cornus am son pajre, comte que era d'Armanhac*. E fon de
* C'est la première mention qui soit faite des écoles de la ville Mais
Albi était doté, depuis des siècles, d'une école épiscopale; on trouve, en
eflet, le nom d'un cabiscole ou capiscole {caput schole) dans l'acte de
naissance du pont vieux, qu'on date généralement de 1035, Au concile
qui se tint à Albi en 1070 figurait le capiscole de la cathédrale. Cf. notre
Histoire des riœs du vieil Albi, dans Rev. du Tarii, XX, p. 68.
' Ce capitaine était Gaucher de Passac. Cf. Campagne de GaucJier de
Passac et Chroniques de Jean Froissart (II, p. 439 et suiv. seconde
édition de Buchon). M. Cabié complète très heureusement le récit de
Froissart.
3 Probablement le Benedict de la Faignole du récit de Froissart. Le
sénéchal de Toulouse était alors Hugues de Froideville, et celui de Car-
cassonne, Roger d'Espagne. Parmi les grands seigneurs qui accom-
pagnaient Gaucher de Passac et que la délibération ne désigne pas,
devaient se trouver ceux qui sont nommés dans la Chronique : le sénéchal
de Rouergue, Arnaut de Landorre, le comte d'Astarac, Guillaume Can-
deron. Selon Froissart, l'armée de Gaucher, qui se trouvait à Albi le
5juin 1384, comprenait « environ 400 lances et bien 1000 portant pavois
que gros varlets ».
* Jean d'Armagnac était mort à Avignon le 20 mai 1.384, d'après les
Memorias de Jacme Mascara (p. 84), et le 25 du même mois, d'après
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 431
cosselli que m« Ar. Paja e'n P. Glergue auo al digloc de Gas-
ti-as, e que, se aqui ha persona am sufficien poder, (que) hom
se acorde am el d'aitant quant montara la quota tocati a la
vifjai'ia, foras dels locxs do Rialinou e de Senegatz ', que per
aquels non obligiies re ; e que hom Iho prorueta e Iho obligue
de pag'uar al terme melhor que poyrau ; autramen se non hi
avia persona sufficien per lo dig comte, que hom demore acor-
dan am los cornus que hi seran, disen que hoB s'en acordara
am lo comte ; e non remens que hom ane vas luy e Ihi soplegue
que el se vuelha cargar per uos e per la dicha vigaria, e que
hom Iho encarte e Iho prometo paguar al terme que Ihi pla-
zera.
L'an MCCCLXXXIIII, a XV de jun...
Sobre una letra clausa que avian trameza en P. Clergue,
cossol, e m® Ar. Paya, que eio à Castras, als senhors cossols
d'esta vila, que els aviau agut parlaraen am los cossols de
Rialmon, quar recuso a paguar lor quota a lor apertenen de
la bueja tractada am lo comte d'Armanhac, disons que no
volo paguar mas certa causa, so es asaber Ile francxs. Sus
laquai causa fo aissi aponchat per la major partida dels cossols
e singulars, que hom no fassa negun autre acordi am lor, mas
que pago tant solamen lor quota.
Ite tengro may cosselh sobre alscus comessaris que ero
vengutz novelamen sus la emposicio de la saP que demando
que lot home pague la emposicio de la sal que ha gastada ho
veududa que non era e^tada gabelada per lo mes de seterabre,
e per lo doblamen de la sal per lo mes d'abril ; e per aquo
demanda'^ que se la vila vol finar per tôt lo comu que els pen-
rau fînanssa ; de que demanda* IIIP^ francxs. E fo aissi
aponchat que se los digs comissaris voliau penre qualque
petita causa tro en la soma de IIII a VIII francxs, (que) per
Vffisf. de Lang. (IX, p. 920). Le nouveau comte d'Armagnac était
Jean III qui succéda à son père dans les comtés d'Armagnac, Fézensac
et Rodés, et les vicomtes de Lomagne etd'Auvilar.
' Réalmont, chel-lieu de cant. de l'arrond. d'Aibi; Sénégas, comm. de
Si Pierre de Trivisy, canton de Vabre, arrond. de Castres.
^ Cf. délibération du 12 juillet 1383.
^ et * Correc: demando.
432 JUIN 1384
comprar fatiga, hom los lor done, autraraen que seguisco lor
comessio aissi quant deuran ; empro tengro tolz que se los
digs comissaris greugavo las gens otra la forma de lor coraissio
que la vila ho prenga et ho defFenda.
L'an dessus, a XXI de jun...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que Pos Gliej-as
e R. Borralh, encantaires e servidors de! cossolat, se ero
motas vetz rancuratz a lor, dizens que liom lor avia donat
saentras a cascu per lor penssio e gatge per an XII floris e
las raubas, et aras lor ho avia raermat que los XII floris e las
raubas acostumadas lor avia [hom] tornat ad VIII floris, otra
lor voler e cossentimen ; e que se hom no lor donava los digs
XII floris, otra las raubas, que els no demorariaii plus al ser-
vizi dels senhors cossols. Et aqui meteiss, auzidas per los sin-
gulars aqueslas causas, totz tengro e acosselhero que hom no
lor done a cascu mas hueg floris e las raubas acostumadas, e
se non ho volo penre que hom aja autres servidos.
L'an dessus, a XXVI de jun...
Sobre aisso que aissi fon dig per los senliors cossols que
m'' Ar. Paya, que era a Rodes sus lo tractât de la bueja dels
locxs que teno las gens d'armas, avia trameza una letra que
estât era tractât et acordat am que hom pague ', d'aqui a
dimergue propda venen, a moss. d'Armanhac IV[.V'= francxs e
V* après 1 mes ; e per aquo far encartar et obligar, hom hi
ânes ho Ihi tramezes I scindicat que el agues poder de obligar
la causa ; autramen qui non ho fazia, lo loc d'Albi els autres
de la vigaria ne sufertariau gran dampnatge. Per que sus
aisso demandero cosselh los senhors cossols als singulars ;
losquals acosselhero que hom fassa en raanieira que tant del
argen dels XVIII comus, tant de raaleu d'aqui ont hom ne
])oira aver, ho fassa tôt l'argen que hom poira per paguar las
causas sobredichas ; e que hom prenga dels singulars de la
[vila] certa soma de vi et aja hom letra de devet, o miels en
lo cosselh tengut pro[)danamen davant aquest es contengut, e
* Pour la régularité de la phrase, il faudrait supprimer am, ou bien
éci'ire : am nioss. d'Armcmhac.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 433
que se venda, e de l'argon que ne issira e de aquel que hora
levara tant dels XVIII cornus davant digs, tant de so que devo
los cornus de la vigaria per lo fag de la bueja, que boni setis-
fassa a'n aquels que prestarau la monedaper paguar de presen
e a la resta que sera deguda al dig moss. d'Armanhac ; e que
hora fassa I scindicat. Aqui meteiss fo fag, aissi quant en I
insturmen receubut per m^ G" Prunet es contengut. It. tengro
maj totz que se fassa devezio per gâchas de totz los deutes
que la vila deu e de so que liom deu a la vila.
L'an dessus, a I de julh...
Sobre aisso que fo dig que la vila ha diversas jornadas a
Carcassona am los cossols de Rialmon e de S. Gauzen \ quar
recuso a paguar lor quota de las buejas dels locxs que teno e
teniau las gens d'armas, et issimen am las gens de Saliers'
que recuso a paguar los talhs empausatz per los senhors cossols
d'Albi del temps que an habitat en la presen ciutat. It. sobre
aquo que Ar. Paja avia escrig per sas letras que Guilhamot
de Saunhac dévia esser, dema o dimergue propda, a Castras
per recebre l'argen delà bueja, e que hora hi ânes peracordar
am luy de la quo[ta] apertenen ad Albi et a la vigaria, de que
Ihi dévia hora bailar lo dig dimergue M.V" francxs e V dins
1 mes. Tengro totz que hom ane tener a Carcassona las dichas
jornadas e que I dels senhors cossols ane a Castras per acordar
am lo dig Guilhaumot de Saunhac de la diclia moneda; e que
tôt home pague totz los XVIII comus novelamen empausatz ;
e se mestiers es, per suplir l'argen que se deu paguar per la
dicha bueja, que hom fassa prestar aquels que prestar pojrau.
L'an MCCCLXXXIIII, a VI de julh. . .
Sobre aisso que dissero que lo prebost de S. Salvi era ven-
gut aras novelamen ^, et avia fag gran covit tant dels canonges
de S''* Cezelia, tant de las gens de moss. d'Albi, quant dels
senhors cossols totz e de motz d'autres bos homes de la presen
ciutat; e que per alscus bos homes era estât dig que los
senhors cossols d'esta vila Ihi deviau far presen. Sus aquo
1 Gant, de Graulhet, arrond. de Lavaur.
^ Gomm. du cant. d'Albi.
* Le nouveau prévôt était Guillaume Maître, un Albigeois.
28
434 JUILLET 1384
tengro totz et acosselhero que los senhors cossols ihi fasso
presen de una bona pipa de vi de IIII sestiers o entorn.
L'anMCCCLXXXIIII, a XVI de julh...
Sobre aisso que aissi fo dig que raoss. Felip Bona dévia
venir, lo dia presen, en esta vila, una essemps am lo conesta-
ble de Carcassona et ara ganre d'autras gens per far deliurar
la moneda que la vigaria d'Albi deu pagwar per lo fag de la
bueja acordadaam lo comte d'Armanliac; loqual moss. Felip,
estant a Paris et en autras partz, fegs, per la vila d'Albi, grans
profiegs et houors. Per que dissero se, per sa venguda novela,
hom Ihi dévia re donar. E sus aquo totz tengro et acosselhero
que hom Ihi deu donar, e que los senhors cossols Ihi dono e
trameto una pipa de vi, aital quant lor semblara, et entorcas
tro en la soma que lor sera vist f^zedor.
L'an MCCCLXXXIlir, a XVIII de julh...
Sobre aisso que aissi fon dig que los jutjes deputatz a conois-
ser de las merv;as que demande los Engles de Thuria e d'Aigo '
aviau fag ajornar Padier d'Albi e I Presicador d'Albi, ad ins-
tancia dels digs Engles. E sus aquo los senhors cossols d'Albi
aviau trames per tener la dicha jornada, per excusar lo dig
Padier que non era en esta vila, e per saber que voliau deman-
dar, so es asaber Bertran Baldi d'Albi, loqual Bertran, en
après, avia reportât que Ar. Guilhamet de Lustrac, conestable
de Thuria, demandava al dig Padier II francxs I quart per los
dregs de 1 prionier que près sobre si que era près a Thuria.
It. Doraergo, de la dicha garniso de Thuria, demanda a Salvi
de Labroa que fon tengut per lo filh d'en Bernât Bru e per
R. Atbert, al[ias] de Vaurs, d'Albi, de très francxs d'aur ; e
que a la dicha jornada era estât ordenat et aponchat per los
digs jutges que lo dig Bertran aja a presentar, lo dia presen,
los sobredigs Padier e Salvi, autramen declaravo e teniau per
declarada esser deguda la causa ad sobredigs Engles e la
raerca a lor esser justa. Per que fo aissi dig per los senhors
cossols que cascus dones cosselli sus aisso, que s'en dévia far.
' Aygou, dans la comm. de Sl-Cirgue, cant. de Valence d'Albigeois,
le seul fort occupé par les Anglais ou les roiiliers dans ces parages. Cf.
Camp, de Gaucher de Passac, p. 70, note 1.
DÉLIBÉRATIONS 137^2-1388 435
E sus aisso la major partida tengro que, alemlut que los sobre-
digs Padier ni Salvi no son en esta vila e la jornada es tant
brev, e séria perilh que los digs Engles correguesso sus esta
vila per aquo, de que poiria issir gran dampnatge, (que) la
vila pague per los sobredigs Padier e Salvi las causas dessus
dichas, e que entretant lioin fassa compellir los sobredigs Padier
e Salvi o lo dig en Bernât Bru per las causas dessus dichas.
L'an MCCCLXXXIIII, a XIIII d'aost . .
Sobre aisso que fon dig en lo dig cosselh que las gens d'ar-
mas de la garniso de Razissa* demandava^ en lo loc d'esta
vila una merca i)er I home de Galhac que fo lor prionier el
temps que moss- de Berri era en aquest pajs; e las dichas gens
d'armas ero alotjadas als Piesicadors ^, dizens que lo dig home
avia finat a L francxs et en après el s'enfugic e se reduss en
esta vila, e que alscunas gens de la vila Ihol avian amagat ;
per que els demandavo los digs L francxs^ autramen se la
vila no los lor pagues, els corregro e levero merca sus lo loc
d'esta vila. It. fo dig per los cossols e singulars sobredigs que
vertat era que lo dig prionier se gandic en esta vila e avans
que s'en partis, el e sonpajre e Peire de Causac d'Albi encar-
tero e se obliguero e proraeiro pagar tôt lo dampnatge que lo
loc d'Albi ni los singulars d'aquel ne sufFertesso per aquela
causa. E sus aisso fo aponchat perles senhors cossols e singu-
lars que hom se acorde als miels que hom poyra d'aquela
causa e que entretant hom compellisca lo dig P. de Causac els
autres obligatz que pago aquo que costara, e se paguar non
ho podo de i)resen, que la vila d'Albi ho pague e que lo dig
P. de Causac els autres obligatz o encarto a la vila a paguar e
cert jorn.
L'an dessus, a XX d'aost. . .
Sobre aisso que dissero que en esta vila ero vengutz sobre
la vila comessaris per la meitat dels VIII " L francxs* que son
' Gomm. du Travet, cant. de Réalmont, arrond. d'Albi.
2 Correct : demandavo.
^ Au couvent des frères Prêcheurs d'Albi, situé en face de la porte de
Ronel.
* Un grand nombre de villes de Languedoc avaient été condamnées à
une amende de 80.000 francs d'or, à payer au roi en commun, pour leurs
436 AOUT-SEPTEMBRE 1384
degutz al roj nostre ss. et a raoss, de Berri, losquals ero
venguiz a paga lo premier dia d'aquest presen mes ; e que los
comessaris no s'en volo anar tro que aquo sia pagat ho ajo
revocatoira del thesaurier que lor a donada la diclia comessio.
Per que lengro cosselli quen fariau. E sus aquo tolz tengro
que horn la trarneta C francxs e que hom veja homse lo thesau-
rier voira donar sosta tro ad I jorn,afi que los digs comessaris
no gasto la vila.
L'an MCCCLXXXIIII, a XXIX de setembre, ad Albi, en la
majo Gominal del cossolat del dig loc, costituitz personalmen
davan lo honorable e discret senhor m^ R. Ychart, savi en
dreg, jutge de la cort temporal de rnoss. Tavesque d'Albi, et
en presencia de rai notari e dels testimonis sotz escrigs, so es
asaber los discretz senhors en Duian Daunis, en Felip Vais-
sieira, en Dorde Romanhac, en P, Borssa, en Vidal Guini,
m® G" Chatbert, m^ P. de Ri us, en Guiraut Marti, n'Azemar
Blanquier, cossols de la ciutat d'Albi, losquals aqui meteiss,
essemps e cascu de lor coma cossols, dissero e prepausero al
dig raoss. lo jutge que, coma els aguesso mestiers de aver
I recebedor en lor cossolat, aissi quant es acostumat, et
aguesso helegit en Johan Gaudetru, cossol del dig loc, loc '
Gompanho aqui presen, coma maj sufficien, segon [que] lor
«emblava, en lo dig offici que 1 autre que els poguesso trobar,
e lo dig Johan ho agues récusât de penre, i)er so sopleguem,
los digs senhors cossols, que el volgues pronunciar, declarar
et ordenar lo dig Johan esser recebedor de lor e de lor presen
cossolat, e lo volgues condempnar a penre lo dig offici. Et
aqui meteiss lo dig raoss. lo jutge, auzida la relacio a luy fâcha
per los digs senhors cossol*, que lo dig Johan era maj suffi-
cien en lo dig offici que autre que els poguesso trobar, ordenec,
protiunciec et déclarée que lo dig Johan Gaudetru fos recebe-
dor dels digs senhors cossols e de lor presen cossolat et a lor
rébellions préccdentes. Quelques-unes d'enlre elles, parmi lesquelles
Albi, avaient été dispensées du paiement de coLle amende, par lettres du
duc de Berry du 28 avril 1384, données à Béziers. Mais le duc leur fit
payer cette faveur. D'après dom Vaissete, Allii dut donner 850 francs.
C'est de cette somme qu'il s'agit ici. Cf. fli<if. di; I,a>ig., IX, pp. 918-919.
* Correc. : /o)\
DÉLiBÉnATioNS 1372-1388 437
perilh; et ad aquo lo dig Johan aqui presen condampnec. De
quihus superius nominali..., etc., etc.
L'an MCCCLXXXniI, a II d'octombre...
Sobre I mandamen que avia trames moss. lo senescalc de
Tliolosa que hom trameses la meitat dels homes d'esta vila ni
seti de Curvala e may dels viures per las gens que hi anariau
e per venre a las gens que so al dig seti. Tengro que hom la
trameta homes be a pong, scgon lo mandamen, tro al nombre
de L o LX, e que hom hi trameta dels viures aissi quant al
mandamen se conte.
L'an MCCCLXXXIIII, aXXIIII d'octombre...
Sobre aisso que aissi fon dig que moss. lo prebost de S.
Salvi avia preguat als senhors cossols que fezesso gracia al
loc de Cambo * de so que hom lor demanda per causa de la
bueja, que lor demanda hom XVIII francxs e que hom los
quites per IX francxs. E fo de cosselh sus aquo que hom no
lor fassa neguna gracia seno de espéra.
It. fo dig se hom tengra plus las badas a Caylucetni aFoyss.
E fon aponchat que se encaras.
It. fo aissi aponchat que hom fassa do e presen a moss.
d'Albi per sa novela venguda^, en las causas que los senhors
cossols volrau tro en la valor de IIII^^ francxs.
It. fo aissi aponchat que hom aja licencia del senhor que
hom puesca coraprar del arendador que ho a com|)rat del
senhor la emposicio del vi, e que, obtenguda la licencia, (que)
la vila ho compre et ho torne al XIP ho ad aco que los senhors
cossols volrau; e que la vila ho verida ho se baile a levar, e se
s'i pert, que tôt lo cornu d'esta vila pague la perdua, empro
no s'i fassa negun merme, mas per las gens talliables.
L'an MCCCLXXXIIII, a XII de novembre...
Sobre aisso que aissi fon dig per los senhors cossols que
moss. Bernât Bona lor avia trames unas letras clausas en las-
quais lor escrivia que, lo jorn de S»''' Cezelia propda venen,
1 Gomm. du cant. de Valence d'Albigeois.
* Guillaume de la Voûte, d'abord administrateur de l'église de Toulon,
ensuite évoque de Marseille, do Valence et de Die.
438 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1384
P. Ramoa, viguier de Carcassona, so filb, dévia penre sa
raolher, e que lor plagues que hi vuellio esser. Eper so deman-
dero cosselh los senhors cossols als singulars que voliau ni
que acosselhavo quen deviau f ir. E sus aquo totz tengro que
los senhors cossols hi ano e fasso en la manieira metelssa que
feiro a moss. Phelip Bona quant près sa molher.
L'an dessus, a XVIII de novembre...
Sobre aquo que lo sotz viguier de Tholosa avia trames
I bailet am una letra del cancellier de moss. de Berri contra
los senhors cossols d'Albi que paguesso al dig sotz viguier
IX francxs a luj degutz per lo loc d'Albi e per tota la vigaria
per SOS trebalhs que fe en anar penre alscus homes que ero de
las companhas que ero preses a Rocacorba ' e los menée ad
Albi, a la cort del viguier ; quar autramen las gens de Razissa
no voliau vejar ; e per so lo dig sos viguier ton députât per
moss. lo cancellier a far aquo. Sus aisso, tengro totz que per
lo loc d'esta vila bom pague la terssa part del despens e que
aja recors [)er las II partz contra los autres locxs de la
vigaria.
It. sobre lo deu degut a moss. Meno de Castelpers, tengro
que, afi que negun despens non venga, (que) qualque bos
home que ho sapia far ane vas lo dig moss. Meno, e que am
luy, se lo troba, autramen am Johan d'Autraigas, son procu-
raire, se acorde, se far se poc, que, fazen alcun servizi, alon-
gue lo terme de la pagua tro ad I terme competen que hom lo
puesca paguar.
L'an MCGCLXXXIIII, a XXIII de dezembre...
Sobre aisso que aissi fo dig que en Peire de Lautrec^ avia
dig e preguat als senhors cossols que Ihi volguesso ajudar e
donar qualques viures ati que el pogues miels gardar, am sas
' Roquecourbe, chef-lieu de cant. de Tarrond. de Castres.
2 Le chevalier Pierre de Lautrec, que nous avons déjà rencontré est
célèbre par le duel qu'il eut à Toulouse, le 11 janvier 1385, par suite,
moins d'un mois après sa demande de vivres aux consuls d'Albi, avec
l'écuyer Arnaud de la Motte, et auquel le duc de Berry assista comme
témoin. Cf. Hist. de Lang., IX, p. 925.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 439
gens, lo loc de Curva'a que llii ara estât bailat en garda per
las gens del rej nostre senlior. E sus aisso, totz tengro que
hom nolli done re.
It. tengro maj cosselh sus lo ajornamen que ha fag far lo
senescalc de Tholosa contra los cossols els capitanis de l'an
passât, per la rebellio que ditz que Ihi fe hom, quar nolh tra-
mes[ero]balestiers que ditz que mandet[z] que hom Ihi trame-
zes, se la causa se dévia segre al despens de la vila. E sus
aquo totz tengro que al despens de la vila se mené.
L'an dessus, a XXX de dezembre ..
Sobre aisso que aissi fo dig (|ue moss. Enric de Mejanel avia
escrig e fag asaber als senhors cossols d'Albi que el sabia I bo
metge que vengra eslar en esta vila, se la vila Ihi volgues
donar certa pencio. It fo maj dig aissi que sus aquo los senhors
cossols ne aviau parlât am moss. l'ofâcial d'Albi, et lo dig
moss. lo officiai lor avia dig que el lo conoissa et que Ihi
sembla que sia home sufficien, e que se el vol venir estar ad
Albi, moss. d'Albi el ca[)itol Ihi donnarau certa causa. Per
que dissero los senhors cossols se la vila Ihi donaria ni quant.
Sus aquo, tengro la major partida que, per lo terme de I o de
II ans, la vila Ihi done, cascun an, X o XII francas ses al res,
en cas que sia sufficien.
L'an dessus, a XIX de jenier...
Sobre la finanssa que aviau fâcha los cossols et capitanis de
l'an propda passât, ajornatz non ha gajre davant lo senescalc
de Tholosa, per alscus bans que aviau tiencatz alcus singulars
de la villa et del Cap del [)ont, segoti que dizia. Tengro la
major partida que la vila d'Albi pague la dicha finanssa •. It.
sobre uiiacrida que aviau facha(s) far las gens de moss. d'Albi
que negun revendedor non auzi * comprar neguna mercadaria
victual, coma lebres, conilh?!, perlitz, (lebres), cabritz, galinas,
ni autras mercadarias serablans tro sia passât hora de tercia.
Tengro la major partida que tôt home e totafempna compre e
puesca comprar totas las horas que se voira.
' Une délibération du 27 du même mois nous apprend que cette finance
avait été fixée à 30 francs
^ Gorrec. : auze.
440 JANVIER-FÉVRIER 1385
L'an MCCCLXXXIIII, a XXX de jenier...
Sobre aisso que aissi fo dig que los officiers de la cort tem-
poral de moss. d'Albi cro anatz a Tostal en que demora
Bertran de S. Antoni, bada de Foiss, per intenta de penre sa
filhastra ses negima colpa et ad horas sospecbosas, volens,
segon que se ditz, enjuriar et envilanir la dicha filhastra; e
quar lo dig Bertran no los laissava intrar, aviau près de fag
lo dig Bertran e Ion avia menât, baten et feren et per forssa,
e apelan al viguier; de laquai causa era estada fâcha rancura
per alscunas gens, dizens que aisso es causa de mal issimple,
et que aital poirian far d'autras fempnas et d'autras gens. Per
que demandero cosselh los senhors cossols que se dévia far en
aisso. Et auzidas per los cossols et singulars las causas sobre-
dichas, totz tengro que los senhors cossols ano a moss. d'Albi
e Ihi notiffico aquesta causa, e Ihi digo que hi prenga remedi
e'n fassa punicio d'aquels que ho an fag; et se far non ho vol
que hom s'en rancure a la cort del rey et que la cort ne fassa
dreg.
L'an MCCCLXXXIIII, a III de febrier...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols als singulars que
moss. lo senescalc de Carcassona lor avia trameza una lettra
clausa, en que lor escrivia que el dévia far la honor de son
pajre que fo saeutras, lo XII join de febrier, al loc de S. Gauden
jotz Tholosa' e que lor plagues [quej hi volguesso far la honor
que lor plairia. Per que demandero cosselh que deviau fcir.
Et sus aisso totz tengro que hi ano dos bos homes, cossols ho
autres, e que hom hi donne I drap d'aur e VIII entorcas de
terna Ibr,, e se hom podia far que, per certa causa se cobres
lo drap que ho fassa, autramen hom lo done.
L'an MCCCLXXXIIII, a XXI de febrier...
Sobre aisso que dissero que los giuliers de la cort del rey
d'Albi deraando setisfaccio de las gens que teno arrest dins la
cort del rey d'Albi, quant veno comessaris per lo senhor per
los deutes en que lo cossolat Ihi es obligat e que, segon que
aissi fon dig, per aitals causas los digs gieuliers no devo re
* Chef-lieu d'arrond. de la Haute-Garonne.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 441
aver ni levar. Per que demandero cosselli los senhors cossols
als singulars se la vila deffendria afî que no vengues en conse-
quencia. E sus aquo, totz tengro que se deffenda de manieira
que se paguar no s'en deu, que no s'en pague re.
L'an dessus, a XV de mars...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que moss. d'Albi
avia dig que la paret que es al pe del cloquier de S'^ Cezelia,
laquai era casecha, se refezes per la segurtat de la vila; et
era estât aqui dig que, atendut que aiscus diziau que, per
colpa de B. Serras, fustier, que avia fâcha la dicha paret e no
la avia fâcha perfiecha, aissi quant degra, la dicha paret era
casecha, e que el la dévia refar a son despens ; e d'autres
diziau que non era casecha per colpa del dig m'* B. Serras,
mas quar hom no las avia cubertas aissi quant degra ; e totas
aquelas causas atendudas, era estât dig que la dicha paret se
fezes e que de sso que costaria lo dig B. Serras pagues lo ters,
et entre la vila e la Glieya las II partz. Per que los senhors
cossols demandero cosselh als singulars que voliau que fezesso
d'aquo. E sus aquo, tengro la major partida e dissero que la
dicha paret se era perduda per colpa del dig B. Serras, e que
se aparia que per sa colpa fos perduda, que se refassa a tôt
son despens.
L'an MCCCLXXXV, a XVII de jun...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que en G"" Colo-
bres los avia amonestatz per L Ibr. que Ihi ero degudas a la
festa de Pantacosta propda passada e demandero cosselh se
Ihi fariau sospendre la amonicio o se laissariau escumengar,
atendut que hom no ha de presen de que lo pague. Sus aquo,
totz tengro que se de son bon grat no la vol sospendre, que la
fasso sospendre en manieira que no demoro escumengatz,
exceptât lo cossol els singulars de la gâcha de las Combas
sobre escrigs que dissero que els se hufrian de pagar la quota
apertenen a la lor gâcha de las Combas de so que era degut
al dig G™ Colobres et a'n Ar. Ferran.
L'an MCCCLXXXV, a XXIIII de jun...
Sobre aisso que los senhors cossols dissero que moss.
442 JUIN-JUILLET 1385
l'avesque de Cosserans ' avia mandat per sas letras als cosso-
latz d'Albi e de la vigaria et als autres de la jutjaria d'Albeges,
que el avia près tractât am los Engles de Pena^ e que los digs
cossolats anesso parlar amb el a Rabastenxs, per auzir las
causas que sus aquo el lor volgro ^ explicar ; a laquai jornada
ero estat[z] et avia lor explicat [que] tractamen se menava
que los digs Engles dezamparesso lo dig loc mejanssan certa
finanssa que monta entorn XLIIII milia francxs ; de lafjual
caus I, se se fazia, covenria que tôt lo pays hi ajudes de XXX
milia e la resta pagaria lo rey. E sus aquo, agudas motas
paraulas entre los senhors cossols e singulars, totz tengro
que, se la dicha bueja se poc far, (que) tant solaraen per lo loc
d'esta vila hom Ihi ufrisca donar dos francxs per fuoc, e se
hom ho [poc] passar per mens que hom ho fassa, e que hom
no se cargue per negun loc de la vigaria ni per autre, seno
tant solamen per lo loc d'Albi. It. fo maj dig que lo dig raoss.
de Cosserans demandava que lo pays ajudes [de] IIII^^ sestiers
de fromen per avidar los prioniers que prendiau las gens
d'armas els piscos del senhor; quar era estât fag aponchamen
que totz aquels que hom preira los gardes hom e que no los
aucizes, quar en major loc pogro tener los. Sus aquo, totz
tengro que hom no lor done re plus, mas coma dessus es dig.
L'an MCCCLXXXV, a XXVIII de julh, los senhors en Felip
Vaissieira, B. Col, Johan Gaudetru, Guiraut Marti, P. Borssa,
Vidal Guini, Azemar Blanquier, m" G™ Chatbert bailero a'n
Frances Picart e a'n Isarn Redon los comptes de la aminis-
tracio fâcha per Johan Luyrier, recebedor dels senhors cos-
sols, Tan propda passât, per auzir e comptar e far relacio(r)
d'aquels.
1 L'évèque de Gouserans était conseiller général du roi en Languedoc.
* Gant, de Vaour, arrond. de Gaillac, sur l'Aveyron. Gette imprenable
forteresse avait été prise, vers le mois d'octobre 1383, par le capitaine
Ranronet del Sort, qui commandait aux troupes de LabouHie et d'autres
forts. Cet exploit d'un des plus redoutables capitaines des compagnies
jeta l'épouvante dans tout le pays. Cf. Histoire de la province de Qtierci/,
par Lacoste, III, p. 276. Revue du Tarn, XVIII, p. 66, dans Camp, de
Gaucher de Pessac, et Hist. de Lang.^ IX, p. 923, note 1.
' Corrcc: vol.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 443
It. bailero maj los sobrenompnatz seiihors cossols, per auzir
e palpar los comptes de la presa e mesa fâcha per n'Azemar
Blanquier, l'an LXXVIII, fie la emposicio de la raanganaria,
a P. Clergue et a P. Boyer.
It. deputero maj auzidors dels XVI cornus endigs Tan LXXX,
levatz per Vidal Guini e per R. Conchart, so es asaber lo dig
P. Clergue e P. Bojer.
L'an MCCCLXXXV, a XXIII d'aost...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que lo pi-ebost
de S. Salvi los avia requeregutz e preguatz (jue volguesso
ajudar a la reparacio del cloquier, alssi coma d'autras vetz
es estât parlât. Sus aisso, tengio que hom lor done XL francxs,
mas meto lo cloquier e la bada en bon estât,
It. sobre aquo que dissero que a lor semblava que expedien
fora de tornar lo nombre dels cossol«, que so a XII, que tornes
a VI, am certs cosselhs, e que se hi mezes qualque bon apon-
charaen que se ajustesso per las bezonhas de la vila. Sus aisso,
tengro, una partida, que torno a VI, et autra partida que lo
nombre no se moga.
It. sobre aquo que dissero que esta vila non avia negun
metge, que hi era be necessari, e que els trobavo I bon metge
que sa volia venir, mas que hom Ihi done pencio. Sus aisso,
tengro, una partida, que hom aja lo metge e que Ihi done, la
vila, pencio de [blanc], et autra, que se vol venir, hom lo
tenga quiti e que autra pencio non aja.
It. sobre aisso que, en lo temps d'aquest presen cossolat, lo
senescalc de Tholosa fe ajornar m" G™ Chatbert et Johan
Gaudetru, coma capitanis de la presen ciutat, e d'autres, que
lor empausava que hom Ihi avia fâcha rebellio en sa intrada,
e que, anan a Tholosa, lo dig m® G"' Chatbert perdec, en lo
dig viatge, una mula e deraandava que la vila lalh pague. Sus
aisso, tengro, la major partida, que los senhors cossols ajo lor
cosselh que, atendut que lo dig m* G" Chatbert no prendia en
lo dig viatge mas lo despens, se hom lalh deu setisfar, e se
far se deu, que Ihi sia setisfacha, e se hom no ihin es tengut
de dreg, que hom Ihin setisfassa de qualque partida, que hom
no perda de tôt.
L'an dessus, a VIII de setembre, los senhors... cossols
444 SEPTEMBRE 1385
ordenero i\\\e, atendut que sobre la l'estitucio que demandava
m" G™ Chatbert de la mula que avia perduda, coma al cosselh
dessus es contengut, los digs seiihors oossols aviau agut,
segon que dissero, lor cosselh am savis en dreg et am autres,
et ateududas motas autras causas justas qu'^ movo lor coratge,
dissero et ordenero que al dig m® G™ Chatbert sia paguat, dels
bas de la universitat, per la dicha mula hueg francxs d'aur.
L'an MCCCLXXXV, lo premier jorn de cetembre...'.
Sobre aquo que I comessari de Franssa, trames per lo rey,
loqual avia ajornatz los oossols a dissapde propda a Carcas-
sona, a Tostal de la Corona, loqual comessari ha nom Marti de
Folques, maestre gênerai de las raonedas. E fo aponchat que
los senhors cossols hi trameseso I home suficien amb I massip
e que saubes que demandera lo comessari, e saubuda que aja
sa demanda, que s'en aeoselhe am moss. de crims^ et am los
cossols de Carcassona ; et acosselhat que s'en sia, que se
acorde al miels que poira de las causas que lo dig comissari
demandara.
L'an MCCCLXXXV, a IIII del mes de cetembre...
Sus aquo que en la vila d'Albi avia comessaris contra totz
los gentils homes aven cesses en la viguaria d'Albi, e de totz
autres homes e femnas aven cesses ni rendas en la dicha
viguaria, que moss. de Berri avia endigs sobre cascu tenen
fieu noble e sobre tôt autre singular aven rendas en la dicha
viguaria, XII d. m® per Ibr. per XV homes d'armas que avia
tengudas el dugat de Guiana^. Totz tengro que hom se acor-
des am los digs comessaris als miels ([ue pogra e que totz
aquels que avian fieus ni rendas en la ciutat d'Albi ni en la
pertenensa que paguesso lo despens.
L'an MCCCLXXXV, a XXVII de setembre...
Sobre la ufra fâcha per ajutori de bastir lo cloquier de
S. Salvi que foro ufertz XL francxs, fo dig que lo prebost
* Les deux délibérations qui suivent sont d'une autre main.
^ C'est-à-dire le juge criminel, Bernard Bonne, coseigneur d'Hautpoul.
' h'IIist. de L'UKj. ne contient aucune allusion à cette imposition de
12 deniers et 1 maille sur les l)iens nobles et sur les rentes.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 445
de s. Salvi la avia exceptada {^raciosarnen ; totas vetz avia
dig que, atendut ([ue el entendia far la obra ]»ona e bêla e
perfieclia, Ihi semblava que la huefra ara pauca e pregava que
lioni hi volgues ajudar de major sorna.
It, que al pont de Tarn fa mestiers gran reparacio e may a
la muralha. Fer que dissero se hom ho faria reparar ni de que.
It. que per lo trespassamen de las nionedas, quar hotn avia
presas raonedas denedadas, hom avia fâcha, am lo maestre de
las monedas que era trames per lo rej a Carcassona, una
finanssa de XL francxs. Per que demandero cosselh de que se
pagariau.
It. sobre las letras que hom empêtrée del rej contra los
clercxs que contribuisso per lo possessori que teno, que avia
acostumat de contribuir per los anticxs possessors, se voliau
que se enseguisso.
Fo aponchat, quant a'n aco del cloquier, que hom lor pague
los digs XL francxs e que hom meta en esperanssa lo prebost
que, el cas que el fassa la obra tant perfiecha coma ditz, (que)
hom Ihi fara causa de que se deura tener per content.
Quant a'n aco del pont de Tnrn e de la muralha, tengro que
se repare, e que los XL francxs degutz per lo trespassamen
de la moneda que se pago, e que hom enseguisca las dichas
letras contra los clercxs. E per far las causas sobredichas, una
partida tenc que hom fassa I o II comus, et autra partida, que
no s'en fassa potig de cornu, mas que de las restas dels comus
se levé de que se pague.
Et aqui meteiss, l'an el dia dessus, los sobrenompnatz
senhors cossols endissero per las causas sobredichas, II comus.
L'an dessus, a III d'octombre...
Sobre aisso que aissi fon dig que lo vigaier que aras es ' es
vengut ad Albi, e se enformava de las gens d'esta vila dels
quais moss. de Berri poiria aver prest ; et era estât dig per
alscus bos homes als senhors cossols que savieza fora qui ser-
via lodig viguier, a'n aquela fi que fezes bona relacio a moss.
1 Guillaume de Lurciac, damoisel, sergent d'armes. Il avait succédé
à Grégoire de Corbière que nous avons quelquefois rencontré. Cf. Lisle
des viyuiet's, dans Annuaire ibi Tani, 1875, p. 352-356.
446 OCTOBRE 1385
de Berri afi que, se far se podia, lo dig moss. de Berri no vol-
gues levar negun prest de las gens d'esta vila. Per que deman-
dero cosselh los senhors cossols que s'en dévia far. Esusaisso,
totz tengro que hom done al dig viguier per servizi lasomade
ving floris o mens qui podia.
L'an el dia dessus [MCCCLXXXV, a VIII d'octombre], los
senhors cossols, costituit[z] personalmen en la mayo cominal,
en presencia de mi notari e dels testiraonis sots escrigs, bai-
lero a Johan Lujrier lo offici de la recepta gênerai de lor
cossolat, aissi quant es acosturaat de aministrar per los autres
recebedors gênerais dels senhors cossols del dig loc saentras
passatz, exceptât que fo expressaraen dig que lo dig Johan
Lujrier deia e siatengut de far bona diligencia de far lo
compte als singulars e taliiables de la dicha ciutat de so que
deuriau per las restas dels cornus a la diclia universitat, e,
déclarât so que deuriau los digs singulars, far [paguaij.
L'an dessus, a XI d'octombre...
Fo aissi dig que lo rejre gag de la presen ciutat es mot
avol, perso quarhom no los provezis de candelas. E sus aisso,
fo aponchat e fo de cosselh que [la] universitat de la presen
ciutat provezisca lo dig reyre gag de candelas, afi que lo rejre
gag sia bo e fassa bona diligencia, e que d'aissi avan hom no
demande pong de candelas a las donas veusas.
L'an dessus, a XIII d'octombre...
Sobre aisso que fon dig que non ha gayre, so es asaber l'an
presen, m* G™ Chatbert anec a Caroassona, al mandamen que
avia fag lo maestro de la moneda que era aqui vengut, per lo
rey nostre senhor, loqual mandava a las universitat[z] dels
lo'^,xs que meto certa soraa d'aur a la seca de la moneda de
Tholosa, et aquo quar las gens de la universitat d'Albi aviau
presa moneda denedada per lo rey nostre senhor e per sas
gens; e quant venc lo m* G",el reportée que el avia fag acordi,
e nom de la universitat d'Albi, que dins cert terme, so es asa-
ber d'aqui al terme de Totz Sanhs propda venen •, C marcxs
1 II faut suppléer ici, par exemple : hom Iramelria a la dicha seca.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 ^i\l
d'aur e XX d'argen ; et a'n aquo far se encartée coma cossol
e ne obliguec lo3 bas de la universitat. It. reportée may (jue,
se la universitat de la presen ciutat volia donar e paguar al
dig maestre de la moneda Xfj fraucx^, (que) la dicha univer-
sitat séria quitia de mètre los digs C raarcxs d'aur e XX d'ar-
gen en la dicha seca, It. fo aissi may dig [)er los senliors cos-
sols que els, volens |)aguar los digs XL francxs al dig maestre,
aviau encargat en Guiraut Marti, que era aras novelamen
anat a Tholosa, que saubes se lo dig maestre de la moneda hi
era e que parles amb el e saubes se hom llii portera aqui los
digs XL francxs o en quai loc ; loqual en Guiraut Marti avia
reportât que el avia parlât am lo dig maestre et el Ihi avia dig
e repost que el no penria pong los digs XL francxs ni re, mas
volia que hom raeses los digs marcxs d'aur e d'argen en la
dicha seca, aissi quant era encartât, e sus aquo, el avia saubut
am diverses cambiadors de Tholosa se els se volgro cargar de
mètre los digs marcxs d'aur e d'argen en lo dig loc, et avia
trobat qui ho volia far, dins cert terme, mas costaria LXX
francxs o may. Per que demander© cosselh los senhors cossols
als singulars que feiio d'aisso. E sus aisso, totz tengro que
m* G™ Chatbert, que fe lo dig aeordi, ho seguisca et ane al dig
maestre e fassa tant, se poc, que prenga los digs XL francxs,
aissi coma Ihi avia promes ; autramen que hom fassa al miels
que poira. It. tengro que l autre bon home ane am m" G" a
Tholosa per segre lo dig negoci e que, en cas que non ho
poguesso acabar am lo dig maestre, que vejo s'en pogro aver
remessio de mossenher de Berri, e que seguisco que los locxs
que contradizo a paguar so que devo per lasbuejas pago *.
L'an dessus, a X de novembre...
Sobre aisso que aissi fon dig que lo jutge d'Albeges era
vengut et era de presen en la presen ciutat per far paguar so
que es estât endig per la bueja de Pena, et es perilh que el
vuelha greuar aquels que Ihi semblara; e sera miels que hom
mesesprovesio de que se pagara so de que la presen ciutat ne
' Le maître des monnaies se laissa attendrir par l'offre de 120 francs.
(Délib. des 23 octobre et 10 novembre 1385.) Ce fait, entre beaucoup
d'autres, en dit long sur l'élasticité de conscience des agents royaux.
418 NOVEMBRE 1385
deuria paguar, que negus no era trop greujal. Fo aponchat
que hom sapia so que demandara lo dig jutge d'Albeges, e
saubut que hom ho aja, que hom endisca los talhs que mes-
tiers ho fariau par aquo paguar, e que hom trie cer!z homes
d'esta vila que, per mauieirade compra ho autramen, levo los
digs talhs e que se cargo de paguar so de que lapresen ciutat
deura paguar per lo dig fag de la dicha bueja.
L'an dessus, a XX de novembre. . .
Sobre aisso que aissi fon dig que lo jutge d'Albeges el jutge
de Lauragues, comessaris, segon que diziau, deputatz per
moss. de Berri, losquals ero verigutz en esta vila per levar
prest dels singulars de la presen ciutat, et aquels entendia[u]
compellir a prestar al dig moss. de Berri II™ francxs ; losquals
comessaris voliau que los senhors cossols de la presen ciutat
norapnesso aquels que poiriau far lo dig prest, e recebedor a
levar aquel, lo recebedor nom[)no al perilh delssenhors cossols;
e de aquo far los compelliau per arestacio de lors personas.
Per que demandero cosselh que fariau. Sobre aisso totz tengro
que davant totas causas hom aja copia de lor comessio, e vista
aquela, hom aja son cosselh, e se la denegava^ a bailar, o
autramen los voliau forssar ad elegir, a lor perilh, recebedor,
que s'en apelo ; totas vetz dissero que, aitant quant hom ho
poira alongar, que se alongue tro que hom veja se aquels
d'esta vila que so anatz a Tholosa a moss. de Berri, per veser
se sus aisso poira hom aver remedi, se lo aurau agut.
L'an dessus, a XXII de novembre. . .
Sobre aisso que dissero que l'avesque de Cosserans era ven-
gut en esta vila, se hom Ihi dévia far presen ni quai. Sus aquo,
totz tengro que, atendut que el es tal senhor que en lo prest
ordenat a levar per lo jutge d'Albeges e per lo jutge de Lau-
ragues dels habitans d'Albi, el podia per aventura donar bon
remedi, acosselhero que la vila Ihi donc II sestiers de sivada
e IIII entorcas, cascuna de très Ibr. e doas o très Ibr. de doblos
de cera.
* Correct. : denefjavo.
DÉLiBÉnATioNS 137-2-1388 449
L'an dessup, a XXV de novembre. . .
Sobre aisso que disserolos senhors cossols [(jue els] aviau
obstengudas unas letras clausas del cosselh de mosg. de Barri
que s'eiidressavo a! [s] jutge[sj d'Alheges e de Lauragues,
comissaris deputatz per moss. de Berri a far presiar o levar
prest dels singulars dels locxs de la vigaria d'Àlbi e d'autres ;
lasquals letras hom avia agudas afi que hom agues remedi del
prest que los digs comissaris aviau endig als singulars d'Albi,
jasia que los senhors cossols no sabiau que bi avia escrig ;
totas vetz demandero cosselh qual[s] las lor portarian. E sus
aquo, totz tengro que expedien era que qualque bos hom hi
ânes, et helegiro per anar hi m** Azemar Grasset.
L'an dessus, a XXV de novembre, . .
Sobre unaletra que avia tramesa en Frances Picart, cossol,
que era a Tholosa, per segre remedi am moss. de Berri sus lo
prest que avia[u] empausat lo jutge d'Albeges e lo jutge de
Lauragues, comissaris deputatz per moss. de Berri ; en laquai
leira, entre las autras causas, avia escrig als senhors cossols
que hom Ihi tram zes XX parelhs de perlitz am que servis as
aquels que Ihi poiriau ajudar ad expedir la besonha per que
ella es. E sus aisso, totz tengro que hom los Ihi trameta'.
L'an dessus, a XX de dezembre. . .
Sobce aquo que dissoro los senhors cossols que moss. de
Berri avia autriadas unas letras que las gens de la Glieya e la
clercia ajude* a paguar los 11"^ franxs que novelamen ha
endigs per prest als singulars d'Albi, e que els aviau presenta-
das las dichas letras a moss. d'Albi et a las gens de la Glieja.
E sus aquo aviau agutz essem[)S diverses tractatz ; en losquals
tractatz era presen moss. raves(iue de Cosserans; e que après
motas paraulas, las gens de la Glieja aviau repost que per
aquelas letras no donariau I petit denier; mas atendens e
* Malgré démarches et cadeaux, la ville ne put échappei" à ce prêt
forcé. Le 13 décembre, les consuls firent porter l'argent à Toulouse par
le juge royal d'Albi, un des consuls et le receveur Luyrier. (Délib. du
13 décembre 1385.)
- Correct. : ajudo. On voit ici un des nombreux cas où l'accord du verbe
se fait avec une partie du sujet.
29
450 JANVIER 1386
vesen la paubrieira de las gens de la presen cintat, el[s] dona-
riau par ajutori del dig prest IP francxs, am piotestacio que,
en cas que moss. de Berri compellis et endisses negun prest
novelamen a las dichas gens de la Glieya, que los senhoi's
cossols lor ne fezesso desdure los digs IP francxs o los lor
restituisso ; et en aquo far voliau [que] se obliguesso. Per que
demandero cossclh se es expedien de penre, am aquela condi-
cio, los digs IP francxs. E [sus] aquo, totz tengro que, atendut
que autra causa non hi [déchirure portant sur un mot) hom far,
(que) expedien es de penre.
L'an MCCCLXXXVI, a XIX de jenier. . .
Sobre aisso que aissi fo dig per los senhors cossols que per
alscus senhors lor era estât dig que expedien fora de segre
moss. de Berri que fezes assignar so que an paguat los singu-
lars d'esta vila per la bueja del loc de Pena, e que, se far se
podia, hom ne aja letra. It. quj segues hom lo dig moss. de
Berri a Carcassona e d'aqui tro Avinho, se mestiers es, que
nos fassa gracia de so que es eucaras degut per los digssin;:;u-
lars de resta del dig prest o de so que liora ne poiria aver. It.
dissero maj los senhors cossols que los heretiers de Frances
de Lagrava son tengut[z] a la universitat per diverses cornus:
et era estât parlât per alscus que, atendut que la vila non ha
pong d'hostal per mayo cominal (que) fora expedien, se se podia
acordar, que la vila preses l'ostal de la Galinaria en que hom
ha tenguda lonc temps majo cominal, per covenhable prest',
que se fezes. Per que sus tôt aisso demandero cosselh quen
fariau. Sus aisso, totz tengro, quant a segre la gracia e la assi-
gnacio dessus dicha, que hom ho(m) seguisca, e se mestiers hi
a de servir, per miels e plus tost aquo obtener, que hom ho(m)
servisca. Quant ad aquo del hostal, tengro, la major partida,
que se volo bailar lo dig hostal en [>aga per causa razonabla,
(({ue) hom lo aja, e que pueiss la vila lo repare.
L'an dessus, a XXIX de jenier...
Sobre la provesio de paguar la resta deguda dels II"" francxs
endig[s] per moss. de Berri als singulars d'esta vila per la
1 Correct. : pretz.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 -iSl
bucja de Fena. Tengro que tôt lo dig prest se comunique, se
far se poc ses perilh, e que se indisco i)er aquo XX cornus,
losquals se levo per via de prest, e que se paguo segon lo
aliuramen novelamen fazedor, loqual aliuramen volgro totz
que se fassa de novel del possessori e del moble, et que tota
persona pague per tôt quant aura valen ; et que entretan, quar
lo dig aliuramen no poiria tant siibdamen esser fag, coma quai
paguar lo dig deute, que los digs XX cornus se levo segon que
monta lo cornu de presen, segon lo aliuramen de presen dariei-
raraen fag, e que quant lo dig aliuramen novelamen fazador
sia fag, que los digs XX cornus sia[u] comptat[z] al cascu
segon aquel novel. E aqui meteiss helegiro aliuradors, so es
asaber: de la gâcha de Verdusiia, m* G™ Garnier, del Viga,
Miquel Hugat, de S"" Marciana, Johan Gaudetru, de S. Africa,
Isarn Redon, de S. Stephe, P.Clergue, de las Combas e d'otral
pon, Bertomieu Prunet ; losquals jurero, sus los S. de Deu
Avangels, de be e lialmen, cessan tôt frau, aliurar cascuna
persona segon la valor dels bes que trobar lor poyran.
L'an dessus, a XVIII de mars...
Sobre aisso que aissi fo dig per los senhors cossols que lo
senher de Lescira es tengut a la universitat d'AIbi en la soraa
de Iin<= francxs d'aur, et que per alscus excequtors amicxs de
la dicha universitat era estât dig als senhors cossols d'AIbi, que
se els voliau que la excequcio se fassa contra lo dig senher
de Lescura per la dicha soma, que els segriau la excequcio e
non demandariau re de las despessas tro que la excequcio fos
eomplida. Per que demandero cosselh los senhors cossols als
singulars so hom feira excequtar lo dig senher de Lescura per
lo dig deute ho no. E sus aquo, tengro que atendut que la uni-
versitat de la presen ciutates mot cargada de deutes, losquaU
110 poc paguar ses mot gran despens, que hom veja se lo dig
senher de Lescura volia {)aguar amigablamen lo dig deute, e
se far non ho vol, que hom Ion fassa compellir et excequtar.
L'an MCCCLXXXir, a VI de maj...
Sobre la paret nova del pe del cloquier de S'"' Cazelia que
covenia que se fassa, quar [era] estât comandat per moss.
d'AIbi. It. que per alscus era estât dig que la porta de la Tre-
45'2 MAI-JUIN 1386
balha se desmure et que la teula que hi es se meses a la paret
sobredieha. It. de aver I raetge en esta vila sufficien e que
hom Ihi done pencio. Tengro, la major partida, que, atendut
que cove [que] la dicha paret se fassa, (que) se fassa e que la
dicha porta se desmure, atendut que aras non es negun perilh
de gens d'armas, et que la materia se meta la on los senhors
cossols volrau, It. que del metge veja hom se hom poiiia aver
m® P. del Bruelh de que d'autras vetz es estât parlât, e se vol
venir estar en esta vila que hom Ihi done pencio per I an ses
plus, XVI francxs et so que costaria lo loguier de I hostal per
I an tant solamen ; se aquo no vol penre, que los senhors
cossols ne ajo autre, aquel que lor sera vist. E quaraissi fon
dig que los senhors cossols non aviau de que pogues?o far
Tobratge de la dicha paret ; tengro que los senhors cossols
empauso lo talh que lor semblara de que se puesca far.
L'an dessus, a XVIII de maj...
Sus aquo que aissi fou dig(s) que los mazelier[s] del gran
mazel demande als mazeliers que au logadas las taulas de la
vila que lor fasso I dinar aissi quant entre lor es acostumat. E
sus aquo ajo comeiisat plag en la cort tempe rai ; e los digs
mazeliers de las taulas de la vila ajo requeregutz los senhors
cossols que lor prengo la causa, dizens que, quant els loguero
las dichas taulas, lor senhors cossols lor promeiro que, en cas
que los autres mazeliers los demandesso la dicha festa,que els
los ne deffendero, et que autramen els non agro donati denier
de loguier a las dichas taulas, Tengro totz que los senhors
cossols, al despens de la vila^ ior prenga » la dicha questio e
plag e la raeno diligenmen e la defFendo
L'an dessus, a X de jun...
Sobre aisso que aissi fo dig per los senhois cossols que, en
esta vila, cro venguts comissaris sobre totz los fabres, que
cascuu fabre pague al menescalc del rey certa soma de pecunia;
6 aviau raaj entendut que issinien veniaii may comissaris
sobre totz los autres mestiers; laquai cau^a msy no fo fâcha,
que saubes ; et era estât dig pei' aUcus que hom se empauses
* Correct. : prengo.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 453
a la excequcio e trameses a Carcassona per vezer cossi s'en
regisso. It. dissero raay los senhors cossols que els aviau
entendut que Feli[)s de S. P. ' et d'autres grand senhors per
lo rey veniau en aquest pays e deviau esser brev a Carcassona
per endire alcun subcidi; e que per alscus lor era estât dig
que fora savieza que ânes [hom] a lor et lor expliques la pau-
brieira de la vila, afi que se neguna endicio faziau, que ne
agues hom quabiue gra[cia], se far se podia. Sobre a\sso, totz
tengro que los senhors cossols se hopauso en la excequcio
sobredicha, e trameto a Carcassona o la on lor sera vist per
sentir cossi s'en regisso als autres locxs et per segre et far
las autras causas.
L'an dessus, a XII de juin...
Sobre las letras que ha tramesas lo rey nostre senhor e sos
coselhier? als senhors cossols en que se contenia que dos dels
senhors cossols e f o II dels plus notables singulars fosso, lo
XX^ jorn d'aquest mes, a Bezers, per auzir certanas causas
que los digs cosselhiers entende a dire de part lo rey. Tengro
que hi ano I cossol e I singular aquels que los senhors cossols
helegiriau -.
L'an dessus, a XXVII de juu...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que aquels que
ero anatz a Bezers, al cosselh mandat per lo rey nostre senhor
e per sos deputatz ero vengutz et aviau reportât que lo rey
avia fâcha sa empresa de anar, an gran multutut de gens
d'armas en Englaterra, e per so voila que hom Ihi soccore-
gues sublamen de IIII francxs per fuo;; ; losquals aviau endigs,
pagadors la meytat a la fi d'aquest presen mes, e l'autra
' Philippe de St-Pierre, trésorier génÔT-al de France, que nous avons
déjà rencontré. Parmi les hauts personnages que la délibération ne dési-
gne pas, citons Philii)pe Bonne, Jean Omart, Guiraut Malepue, gouver-
neur de Montpellier. Cf. Hist. de Lang.^ IX, p. 928, note 7. Sur le vi-ai nom
de Jean Omart, voir note de la délibération du 1'"' mars qui suit.
2 Les Mémoires de Mascaro ne contiennent aucune allusion à cette
réunion. h'Hisf. de Lnng. est également muette sur ce point. Nous
allons voir, dans la délibération qui suit, que les conseillers du roi y
entretinrent les délégués des communes d'un projet d'invasion de
l'Angleterre.
454 JUIN-JUILLET 1386
meitat, a la fi del mes de julh propda venen ; per que hom vis
de que se pagaria, que dépens n'en vengues. E sus aquo, totz
tengro que se las gens de la Glieja hi volo cossentir, que hom
empause certa emposicio sus lo blat que hom molra, e se cos-
sentir non hi volo, que hom empause reyre dejme sobre los
blatz e que se venda, e que hom empause los comus que hi
fariau mestiers per comunicar lo dig rejre deyme'.
L'an dessus, a X de julh...
Sobre la provesio de paguar los IIII francxs per fuoc novela-
men endigs, tengro que se vendoX comus al may ufren,als quais
ha hom ufert V^LX Ibr., e que qui may n'o s'en troba que
s'en dono, e que cascus pague segon lo liuramen en que huey
es ; e se, segon lo aliuramen novelamen fazedor, negus mer-
mava, que los compradors dels digs comus prometo pagar ad
aquels que mermaran ad I terme, et que en après la vila o deu
redre als digs compradors, e se creissiau d'aliurameu, que
aquel creiss sia de la vila -.
L'an dessus, a XXV de julh...
Sobre aquo que los digs senhors dissero que, per alcus
amicxs de la universitat de la presen ciutat era estât dig que
expedien fora de tornar lo nombre del cossolat, que non hi
agues mas VI cossols e XXIIII cosselhs, so es asaber de cas-
cuna gâcha IIII cosselhs ; per que demandero cosselti als sin-
gulars que voliau que s'en fezes. Sus aquo, totz tengro que
torno a VI cossols et a XXIIil cosselhs.
L'an el dia dessus...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que moss. d'Albi
lor avia dig que lo senher de Lescura se era tirât a luy et lo
avia preguat que el fezes tant, am pregarias am los senhors
cossols d'esta vila, que lo volguesso sufertar 1 pauc de temps
* On sait que Charles VI projetait une descente en Angleterre avec
une armée à la tète de laquelle il mettait Olivier Glisson. Les Anglais
brûlèrent les provisions rassemblées, et la tempête détruisit les bâtiments
réunis à l'Ecluse. Ce fut là Torigine de l'expédition des Flandres.
Cf. Mémo, de Jac. Masc, p. 88, et Hist. de Lang., IX, p. 930.
- Ce fut Jean Luyrier qui acheta les 10 communs au prix de 560 livres.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 ^155
de so que el dévia a la universitat d'Albi ses far neguna exce-
qucio contra luy ni coutia sos bas, quar el era en tractât de
penre molher, et aver bona cabenssa ; e séria perilli que, se
hom lo fazia excequtar ni penre sos bes, (séria perilh que)
perdes sa cabenssa. E sus aquo, lo dig moss. d'Albi los avia
preguatz que lio fezesso, e lor avia dichas tropas razos per era
expedien de far [sic). Per que demandero cosselh als singulais
que voliau quen fezesso. Sus aquo, totz tengro et acosselhero,
aitant quant es en lor, que hom meta en bona esperanssa lo
dig senher de Lescura de sostar per alcun terme, e que los
seuliors cossols digo e fasso resposta a moss. d'Albi que, per
honor de lu}^ hom lo tenra encaras en sostar, ses far neguna
excequcio contra luy ni contra sos bes.
L'an dessus, a IIII de setembre...
Sobre aisso que aissi fo dig per los senhors cossols d'Albi
que moss. Jacme de Nogaret, viguier d'Albi \ lor avia dig que
el avia fag alcus (rebalhs per la universitat de la presen ciutat,
sobre una comissio que avia aguda per visitar la clausura, et
una autra a far paguar a moss. lo senescalc de Carcassona
XII d. m° per Ibr. per certanas gens d'armas e diverses autres
trebalhs, que la vila Ion voJgues setisfar. It. fo may dig que
m* Johan Pradal avia dig, de part del jutge del rey que huey
es, que los senhors cossols d'Albi aviau acostumat de donar e
servir als jutges del rey que so estatz saentras d'Albi, e que
el se meravilhava que hom no lo servis coma los autres, e que
hom lo volgues servir. Sus tôt aisso, tengro totz, quant ad
aquo del viguier, que los senhors cossols ne fasse so que lor
sera vist; quant ad aquo dol jutge, tengro que no Ihi sia donat
denier, quar perilh es que per temps pogues tornar en con-
sequencia.
L'an MCCCLXXXVI, a XXVI de setembre...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que, coma d'au-
tras vetz era estât parlât que le [sic] prebost de S. Salvi no
volia acabar de far o far far la gachola novelamen comensada
* 11 venait de succéder à de Lurciac. 11 occupa la charge jusqu'en 1405.
11 signait: Jacuiers de Nogaret. Cf. Liste des viguiers.
456 SEPTEMBRE 1386
al cloquier de S. Salvi, disen que hotn Ihi avia en coviens o Ion
avia mes en esperanssa de donar LX francxs, de que non avia
agut mas XX; e que se los senhors cossols, e nom de la uni-
voFàitat, no llii pagava^ las - XL que restavo, el no la acabaria
ni la faria acabar; e dizia raay que el volia que los senhors
cossols, e nom de la universitat, Ihi fezesso carta cossi la vila
se servizia de la dicha gacliola de sa precaria, e que se, par
temps venen, coras que fos, el o los canonges del dig mones-
tier no voliau gitar de la dicha bada que ho poguesso far. E
los senhors cossols, e non de la diclia universitat, Ihi aguesso
repost que eis e la dicha universitat ero en pocessio e saysina,
per tant de temps que memoria de home non era en contra,
que en la gachola del dig cloquier esta la gâcha e la bada per
cornar e gachar, de nueg e de dias, per la garda del loc^, per
que no Ihi fariau ni Ihi autriariau carta d'aquo ; e sus a([uo
espères a movre gran litigi. Et era estât mogut per alscus
amicxs de la dicha universitat que, en cas que lo dig prebost
volgues far complir la dicha gachola aissi quant avia promes
et hom demores en segur que per temps avenidor no pogues,
el ni lo dig monestier, vedar que la gachola non hi estes,
coma es acostumat, que dels XL francxs que la vila Ihi dévia
donar, per ajutori de la dicha gachola, Ihin fezes hom LX
francxs, se per mens no se podia far. E sus aisso, los senhors
cossols demandero cossolh als cosselhiers e singulars. Et après
motas paraulas, tengro totz los cossols, coselhiers e singu-
lars que, per evitar plag e despens, en cas que lo dig prebost
vuelha(r) far acabar la dicha gachola, aissi quant ha promes,
et hom demore en segur que per temps no poguesso vedar que
la gâcha e bada non hi estes, coma es acostumat, que la vila
Ihi done may, otra los digs XL francxs, X o XV o XX francxs,
als miels que los digs senhors cossols poirau acordar. It. fo
* Correc : pagavo.
^ Correc : los.
^ Dans le Bulletin de la Société archéologique du Midi de la France
de 1901, N" 28, pp. 37- 'i7, nous avons consacré une étude à la cons-
truction de cette tour de guet. 11 y est constaté, d'après une transaction
du 14 aoiit 1387, que la coutume de tenir un guetteur communal dans la
gachola remontait à 500 ans environ.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 457
majdig en lo dig cosselh que lo senlior de Florenssac ' avia
escrig a raoss. d'Albi que lo rey lo avia mandat per anar al
passatge que deu far otra mar en Englaterra; e coma el agues
presa jornada am hiy, al jorn de Totz Sangs propda venen,
per declarar lo débat que era comensat de la johanada mesa
novelamen siis lo pueg de Gaslucet, et el covengues anar al
raandamen del rey, que Ihi plagues de proloiigar la diclia jor-
nada al jorn que Ihi plazeria. E sus ai]U0, mos.*. d'Albi agues
mandat uls senhors cossols que anesso parlar am lu_y per coii-
sultar essemps quai resposta Ihi faiia; per so deiuandero cos-
selh los senhors cossols als cosselhiers e singulars se era
expedien de prolongar la jornaila. Sus aisso, tetigro totz que,
puejss que lo rey lo avia mandat, el covenia que hi ânes; per
que dissero que la dicha jornada se pro'.ongue aissi quant a
moss. d'Albi plazeria.
L'an dessus, a III d'octombre. . .
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que els aviau
cobradas las letras del rej e de moss. de Barri e dels senhors
de Cambra de comptes, en lasquals mando a'n Johan Ohau-
chat, thesaurier gênerai 2, que pague o fassa pagar als cos-
sols et habitans d'Albi tôt so que appara que aura paguat per
lo prest en dig per la bueja de Pena, et aquo del argen que
recebra de so que devo las universitatz al terme de Martero
propda venen, per las condampnacios ; se era expedien que
los senhors cossols ho seguisco. E sus aijuo, aprop raotas pa-
raulas, totz tengro et acosselhero que los senhors cossols ho
seguisco e qui ^ hi ano, per segre la dicha causa, m'' Dorde
Gaudretru e'n P. Clergue, cossols, e que los senhors cossols
costituisso scindicxs e procuraires los digs m^ Dorde e P.
' Il s'agit certainement de Bertrand II, seigneur de Florensac, tuteur
de Philippe IV de Lévis, seigneur de Graulhet, qu'en récompense de ses
services Charles VI fit gouverneur du château de Montargis et son con-
seiller. Cf. Biotjraphie deu seigneurs de Graulhet, depuis 061 jusqu'à 1793,
par L. M. Toulouse, A. Chauvin et fils, 1880, p. 41.
- Ce trésorier général laissa, à son décès, les comptes de sa gestion
assez embrouillés, et ses héritiers furent, en 1388, poursuivis comme rede-
vables de fortes sommes. Cf. Hist. de Larig., IX, p. 935, note 2,
' Correc : que.
458 NOVEMBRE 1386, MARS 1387
Clergue, e lor dono plenier poder de recebre e quitar de tota
la dicha soma que apara que pet- los digs cossols e singulars
d'Albi sera estada pagada ; et acosselhero maj que hom ser-
visca lo dig Johan Ghaucliat de C o de II"^ fraiicxs, o de may o
de mens, al meus que poyrau, los(]ua!s se desdugo de la dicha
L'an dessus, a XX de novembre...
Sobre lo débat dels raazeliers que demande que los mazeliers
que talha * a las taulas de la vila que so a la pila no devo aqui
talharseiio que fasse la festa acostumadade far per los autres
mazeliers novels que tallio a l'autre grau mazel ; que, segon
que aii«si fo dig, au ufert de estar a dreg. ïengro los senhors
e singulars que se ho vole mètre al cosselh del rej o de Car-
cassona que se fassa, autramen que la vila ho defïeuda.
L'an dessus, a XV de mars. .
Sobre lo subcidi novelamen endig per lo rej nostre senhor
6 per sas gens sus aque deputatz, de que es venguda manda
aras novelamen, que se pague dins lo presen mes*.
It. sobre aquo que moss. Felip Bona escrig que la univer-
sitat de la presen ciutat s'era excequtada de paguar lo subciili
saentias endig per lo passatge d'otra mar, segon lo nombre
dels fuocxs aiitic, quar las letras de la reparacio darieiramen
fâcha no son excequtadas ni registradas a la thesauraria.
It. sobre aquo que demanda moss. B. R. Isalguier, de que es
venguda excequcio centra los senhors cossols et es jornada
assignada ad allegar a la fi d'aquest presen mes.
It. sobre las letras autriadas per lo rey que lo prest fag per
la bueja de Pena sia redut, se hom ho segra.
It. sobre la prevesio de que se segrau las causas sobredichas.
Tengro, quant al subcidi novelamen endig, que hom ane a
Cai'cassona saber am los cossols de Carcassona cossi s'en
régisse e que s'en regisca hom cerna els.
It. que hem fassa excequtar e registrar al libre dels thesau-
riers las letras de la reparacio darieira.
' Gorrec : talho.
- Nous verrons (délib. du 27 mars 1387) que ce subside, dont les
auteurs ne fixent pas la quotité, fut de 2 francs par feu.
DÉLIBKUATIONS 1372-1388 459
U. que hom parle am moss. B. Ramon Isalguier e que lioiu
seguisca la causa be a pong.
It. que hom seguisca las diclias letras del rej qiio houi cohre
lo dig prest endig e fag par la bueja do Pena, se far se poc.
It. que per segre las causas dessus dichas que se endisco
talhs aquels que hi serau necessaris ; e que entretant, quar la
endiccio séria trop longa de levar, (que) les senhors cossols
vejo se poirau trobar, am las gens que lor sera vist, prest am
que subdamen hom seguisca las causas sobredichas e que sa|)io
que deuran paguar de las causas dessus dichas, e quaut ho
aurau saubut, que se endisca so que hi fara mestiers.
L'an MCCCLXXXVII, a XXVII de mars...
Sobre aisso que aissi fo dig que en P. Clergue, cossol d'Albi,
era vengut de Carcassona ont era anat per saber se lo subcidi
dels II francxs per fuoc novelamen per lo rey nostre senhor
endig se pagaria. Et avia reportât que covenia que se pagues
e subdamen, autramen hom ne sufertaria gran despens. E sus
aquo, auzida la relacio sobredicha, tengro totz los cossols e
singulars que, per paguar lo dig subcidi, hom endisca e levé
"V cornus, otra lo cornu al cosselh preceden contengut; losquals
V cornus se vendu e se meto a l'encan e se liuro al maj ufren.
Et aqui meteiss, atendut lo voler dels sobredigs, los senhots
cossols endissero los digs "V cornus. E fo aissi dig que se vendo
e se levo am la protestacio contenguda a la venda dels X
cornus propdanamen vendutz.
L'an dessus, a XXIX de mars...
Sobre aisso que aissi fo dig que los V cornus propda endigs
so estatz meses a l'encan public, aissi quant es acostumat, et
encaras no s'en trobo mas CL Ibr. de tor[nes]. Per que deman-
dero los senhors cossols cosselh als singulars se voliau que se
donesso per las dichas CL Ibr., qui may non trobava. E sus
aquo, totz los cossols e singulars tengro et acosselhero que
hom los fassa maj tornar a l'encan e criJar qui los voira com-
prar, e que se liuro e se vendo ad aquel qui maj ho voira
douar al ium de la candela.
L'an MCCCLXXXVII, a XXVII d'abril...
Sobre aisso que dissero los senhors cossols que lo fi'aire
460 JUILLET 1387
Menor que es filh de R. Roquas, una essemps am I autre fraire
Menor, ^on oncle, ero veugutz als senhors cossols e lor aviau
dig que ententa era al dig fiih de R. Roquas de anar a Paris
estudiar e far el maestre en taulagia ; e quar era paubre, ses
socors de sos senhors e de sos amicxs non lu podia anar, lor
avia soplegat be et huniilmen que los senhors cossols, e nom
de la universitat del dig loc, Ihi volguesso ajudar. It. dissero
raaj que Guiraut del Mur avia dichas alscunas enjurias a'n
Miquel Hugat coma cossol(s) capitani et issimen als raazeliers
generalraen, que tocavo a dezonor de tota la vila. Per que
demandero cosselh quen fariaii. E sus aquo, totz tengro, quant
ad aco del dig fraire Menor, filh de R. Roquas, que la vila Ihi
done, per socorre a las causas que enten far, coma dig es,
siejs francxs ; e que d'aquo de Guiraut del Mur, que venga a
la mayo cominal et, en presencia de ganre de bos homes,
humilmen querisca perdo de las dichas enjurias al dig Miquel
Hugat et als senhors cossols.
L'an MCCCLXXXVII, a VIII de julh...
Que estât era aponchat et en cosselh tengut entre los senhors
cossols e diversses singulars de la presen ciutat, que hom
seguis en Franssa la remessio dels 11^X1111 francxs que
demanda en Johan Chauchat, thesaurier gênerai, de resta del
subcidi endig per lo viatge d'Espanha ', e que, segon lo dig
aponchamen, els aviau demandât prest ad alscus singulars del
dig loo, dels quais non podiau encaras aver I denier; per que
protestavo et excusan lor dissero als singulars que se els
aguesso de que ho seguisco, (que) els ho seguero voluntiers,
e que se negus hi vol prestar e mètre provesio de que se
seguisca, els se prestz de segre.
L'an dessus, a XVII de julh...
Tengro cosselh en la mayo cominal sobro aisso que P.
Clergue, cossol, e m* G™ Bestor, singular, dissero que els ero
anatz, de voluntat dels senhors cossols de la presen ciutat a
Tholosa, per parlar am lo sen Johan Chauchat, thesaurier
gênerai, et am los autres senhors gênerais del rey nostre
' Sur ce viatge d'Espanha, cf. Hist. de Lang., IX, p. 933.
DiS^LinÉRATioNS 137M388 /i61
senhor, que ero a Tholosa, per avor reraedi e remessio dels
11'= XIIII francxs que demanda lo sobredig thesaurier a la
universitat de la presen ciutat per lo viatge d'Lî'spaniia, otra
los II francxs per fuoc darieiramen endigs, losquals II francxs
per fuoc la dicha universitat ha paguatz. K dissero que els non
au pogut trobar negun remedi am lo dig thesaurier ni am los
autres senhors gênerais, seno que hom pague los digs 11*=
XIIII francxs. E tengro totz los senhors e singulars sus aisso
que, atendut que, per lo dig viatge d'Espanha, no foro endigs
a totz los cornus mas los digs II francxs per fuoc, e los autres
cornus non au plus paguat, e sian estatz paguatz ; et atendut
que, qui pagava los II" XIIII francxs, poyria tornar en autras
causas en gran consequencia e dampnatge a la dicha univer-
sitat, (que) hora se apele del dig thesaurier e de sas excequ-
cios que fa per los digs IP XIIII francx, e quehomane intimar
la dicha appellacio al dig thesaurier que deu esser a Carcas-
sona, e que hora seguisca en Franssa la diclia appellacio al
plus subde que hom jioyra. Et aqui meteiss los senhors cos-
sols dissero als singulars que els ero prestz de segre lo presen
aponcharaen, mas que ajo de que, totas vetz dissero que els
non aviau denier de que ho seguisco ; mas que cascus dones
cosselh de que se faria ; sobre laquai causa no fo re aponchat,
quar cascus s'en anec ses donar negun cosselli sus aquo '.
L'an MCCCLXXXVII, a XXV de setembre, los senhors
cossols m*^ G"" Bestor, sen Duran Daunis, n'Uc Viguier, R. de
Montalasac, Azemar de Brinh, m* G" Chatbert, e'n Bertho-
mieu Garigas, meyro en sosta a'n Johan Guilabert lo cornu
de sa testa per lo temps de lor cossolat e de l'an LXXXIII
enssa, car el n'avia aguda letra dels senhors d'aquel an, e
d'aqui enssa e de tôt lo temps de lor presen cossolat, e
may d'aitan quant [)lazera als autres senhors cossols que ven-
ran apreslor; et ajsso feyroper honor de Dieu, car es persona
mizerabla e enpoten e vielha. Fah fo Tan el dia dessus, e que
pague per tôt son possessori '.
> Dans la délihcr. du l'J juillet, lo conseil autorisa rimioosilion de
2 communs dont la perception fut confiée à Guiraut Marti (pii dut avan-
cer 50 livres Marti reçut 2 sous par livre perçue.
" Cet article est d'une autre écriture.
402 OCTOBRE 1387, janvier 1388
L'an MoCCCLXXXVII, a VI d'octembre ..
Sobre aisso que fon dig per los senliors cossols que lo
senhor avia trameza una manda que hom Ihi pagues, de fag,
las II paitz de ia endicio del viatge d'Espanlia; laquai endicio
era a major somaque non dévia, segon la reparacio ; et aysso
demanda per tener las frontieyras als Engles '. Et aqui metejs
dissero e teugro totz que hom fezes cornus de que se pagues, e
que se devezis[co] per gâchas <anses de cornus que sufisca a
pagar la pura e vera sort el despens que d'aqui se ensegra.
E may fon dig que hom tramezes al cosselh del sentior per
tornar la ssoma demandada per lo senhor en razo ; et el cas
que non ho volguesso far, d'apelar e segre en Fr^nsa; e may
que aqtiel que hi anara demande e fassa son poder, am lo dig
cosselh del senhor et am lo tezaurier del dig senhor, de cobrar
e de far assincnar lo prest que an fag las gens d'esta vila-.
L'an MOGGLXXXVII, a XII de jenier...
Sobre la manda que ha portada aras novelamen moss lo
viguier d'Âlbi de paguar los III francxs perfuoc endigs per la
bueja gênerai novelamen fazedoira ^, que ditz que se pago
d'aissi al premier jorn de febrier propda venen. Dissero los
senhors cossols e singuiars que els aviau enlendut que los
senhors de Carcassona aviau trames al rey per saber se el vol
que losdigs III t'rancxs per fuoc se pago o no ; per que tengro
que hom trameta a Carcassona per saber se los cossols de
Carcassona hi an trames, e, se trames hi au, que hom agarde
qiijil resposta auriau del dig nostre senhor lo rey, e se trames
non hi aviau que hom hi tramezes subdamen en Franssa per
saber se lo dig nostre senhor lo rey vol que se pago ; et entre-
1 L'imposition pour la garde des frori libres fut de 1 franc 1/4 par feu.
Les habitants d'Albi ne payèrent ce subside qu'à raison de 140 feux. Cf.
Hist. de Lang., IX, p. 933.
^ Cette délibér. est encore d'une autre main.
^ Voici comment s'exprime Jacques Mascaro au sujet de ce subside
que ne mentionne pas VHist. de Lang . « Pus aquel an meteis [1387],
» paguet la dicha viela e tôt lo pais très franx per fuoc, que dizie hom
» e farie entendre que lo comte d'Armanhac dévia far hoiar las plassas
» e los lox que tenian los Engles en Roergue e en autre pais, e los dévie
» gitar foras del reaime de Franssa, malalag s'es enseguit » P. 91. Cf.
aussi délibér. du 10 février ci-après.
DÉLIlîKHATIONS 1372-1388 -^163
tan que hom fassa resposta al dig moss. lo viguier que lo loc
d'esta vila fara coma los autres locxs notables de la son'-'
farau.
L'an MCGGLXXXVII, a X do febrier..,
Sobre aisso que dissero I0.9 senhoi'S cossols que moss. lo
viguier d'Albi era vengut ain iinas letras de comissio a luy
(loriada(s) pei" moss. P. Es[)i, comissari députât per lo rey
nostre senhor a far levar los III francxs per fuoc novelamen
endigs per paguar a las buejas dels loc[xs] tractada per raoss.
lo comte d'Armanhac; en las quais letras so contengudas las
letras reals en las quais lo dig nostre senhor lo vey manda que
los digs III franaxs {)er fuoc se pago e se levo, per vigor de
lasquals lo dig moss. lo viguier volia compellir la universitat
de la présent ciutat a pagar lo dig subcidi.Tengro totz que hom
fassa tant, se [lOC, am lo dig moss. lo viguier, que el doue sosta
deVIIIoXjorns, et entretant que hom aura bist e saubut
cossi s'en regisso a Garcassona et als autres locxs : et aladonc
se los autres locxs pago, que aquest fassa coma los autres.
L'an dessus, a XXVIl de febrier...
Que moss. d'Albi lor avia dig que el volia que quitesso tôt
lo deute que dévia lo senher de Lescura per très cens francxs
pagadors so es asaber, en contenen Vil l'"' francxs, e lo pre-
mier dia del mes d'aost propda venen la resta dels digs III^
francxs, am aitals covienhs que, en cas que lo dig senher de
Lescura no pagues la dicha resta dels digs très cens francxs,
(que) la gracia e remessio que hom Ihi faria per raso de so
que dévia a la vila fos nulla; que lo dig senher de Lescura
deu piometre de far la devesio de las terras et juridiccio de
Lescura e d'Albi, totas vetz que per lo dig moss. d'Albi ne
sera requeregut; et en cas que non ho fezes, que la gracia e
remessio del dig deute fos nulla„ E sus aisso los senhors cos-
sols demandero cosselh als singulars se voliau que la vila fezes
aquel acordi am lo dig senher de Lescura ; los quais senhors e
singulars, o la major partida, tengro que, am las condicios
sobredichas, lo dig acordi se fassa, atendut que la moneda
que vol paguar encontenen es ben necessaria per paguar
als deutes que la vila deu e tropas de autras rasos aissi dichas
e recitadas.
464 MARS-AVRIL-MAI 1388
L'an dessus, lo premier dia de mars...
Tengro cossc-lh sus las caus?!S que era expedien(s) de donar
als serihors que veriiau de presen per tener cosselh en esta
vila. E dissero que fos donat :
Prenaieiramen a moss. d'Arraanhac II pipas de vi, VI ses-
tiei's de sivada, IIII entorcas de terna Ibr. am los II doblos
que s'i aperteno ;
It. a moss. de MaUiares ' I pipa de vi, II entorcas, III ses-
tiers de sivada ;
It. a moss. de Cosserans, I vaissel de vi, III sestiers de
sivada;
It. al governador de Montpellier ^ IIII sestiers de vi, Il ses-
tiers de sivada;
It. a moss, Johan Aujart^ coma al governador sobredig;
It. a moss. Felip Bona II Ibr. de cofimens, II entorcas am
los doblos.
L'an MCCCLXXXIII, a V d'abril. . .
Sobre la ordenanssa fâcha novelamen per moss. d'Albi,
laquai fo aissi legida. E tengro totz que en la dicha orde-
nanssa avia ganre de greus; per que acosselbero e tengro que
hora se tire a moss d'Albi e Ihi diga que, per la dicha orde-
danssa, no vuelha re ennovaren prejudici del cossolat ni dels
habitans de la dicha ciutat tro que hom aja vist et agut cos-
selh sus la dichas ordenanssas, e que entretant hv)m aja son
cosselh sobre aquo cossi s'en régira hom.
L'an dessus, a V de maj...
Sobre so que era degut al senhor(s) II francxs e quart per
1 Quelques mois après, le dimanche 5 juillet, l'évèque de Maillezais,
ainsi que l'écrit M. Aug. Molinier, assistait, avec l'évèque de Conserans,
à la consécration de la chapelle de la Mai/re de Dieu de la Pieta, au cou-
vent des Carmes de Béziers . Cf. Mémor. de Jac. Mascara, p. 92.
' Guiraud Malepue.
3 Le nom de ce conseiller du roi est bien tel que nous l'écrivons. La
confusion est d'autant plus difficile que, contrairement à l'habitude du
scribe, Aujart s'écrit ici, non avec un i, mais avec un j. Il faut donc
lire Aujart ou Oujart, comme écrivent dom Vaissete et Ménard, et non
Omart, comme le veut M. Aug. Molinier. Cf. Hist. de Laïuj., IX, p. 928,
note 1.
DÉLIBÉRATIONS 1372-13(88 'jGS
fuoc novelamen e darieiramen endig, que monta IIP XV
francxs', e so que es degut a'u Felip Vaissieira, que monta
CL francxs. Tengro totz que se negun home se vol encargar
de paguar les sobredigs deutes, que monta entre tôt Illl"
LXV francxs e may tôt despens que la universitat de la pre-
sen ciutat ne suffertes, de dimergue proda venen enla, que
hom Ihin done ho Ihin fassa venda de VIII comus, losquals
sian vendutz e se deio levar en la manieira contenguda en la
carta de la venda fâcha saentras deU detz e dels V cornus
darieiramen vendutz. Et atendut lo dig cosselh, aqui meteiss
les sobrenompnafz senhors cossols, de cosselh e de voler dels
sobrenompnatz singulafs, eiidissero, per paguar los sobredigs
deutes, VIIT comus.
L'an MCCCLXXXVIir, a XIII de jun . . .
Dissero que tôt jorn ara granda dissensio sus lo aliurameu
dels mobles, que alscus teniau que hom los allures, agut sagra-
men e revelan los mobles; autres teniau que fosso aliurat[z]
adalbiri dels senhors cossolf^, aguda enformacio am sabedors.
Tengro sus aquo que, fâcha enformacio per los senhors cossols
am sabedors, que fasso lo aliuramen dels mobles a lor albiri.
L'an dessus, a XX de julh. . .
Les senhors m^ G" Bestor, en Duran Daunis, B. Col, R. de
Montalazac, Azemar de Brinh, Dorde Romanhac, cossols, orde-
nero e donero mandamen a'n Frances Donat, lor recebedor,
de paguar e comptar a'n Felip Vaissieira, per lo viatge que fe
a Rodes, quant moss. Felip Bona hi fe anar luy e m*^ Dorde
Gaudetru e d'autres d'esta vila per tener arest de part de la
tro que moss. d'Armanhac fos paguat de so que la vila Ihi
dévia per la bueja, so es asaber, per cascun jorn que vaquée
en lo dig viatge, aitant que ne es estât comptât e paguat, per
cascun jorn, al dig m" Dorde Gaudetru.
L'an dessus, a XXV de julh. . .
Sobre aisso que aissi fo dig que los cossols de Pueg Gozo*
' Le nombre de feux est de 315/'2 l/4--=140. C'est, ainsi que nous l'avons
vu, le nombre fixé par VHist. de Long., IX, p. 933.
* Puygouzon, cant. d'Albi.
30
466 AOUT 1388
aviau fags bandir e mètre en las mas de la cort de Pueg Gozo
aiscus blatz et outres t'rugs d'alscus habitans d'esta vila per
los talhs e cornus que dise que so empausatz de en lo dig loc
{sic) de Pueg Gozo, dizens que, sego[n] que aissi fo dig, (que)
los senliors cossols d'Albi aviau fag bandir aiscus blatz e frugs
de gens de Pueg Goso que ero en la senhoria d'AIbi e que els
non lio debandirau seno que hom lor reraoga los bans que
hom ha fags mètre a las gens de Pueg Gozo. Per que deman-
dero cosselh cossi s'en regiiau. E dissero que, atendut que am
la lor senhoria an bandit e mes bans en los frugs que so en la
senhoria d'Albi, (que) hom se tire a las gens de moss. d'AIbi
et a las gens del rej, e que lor ho diga [que] en fasso enfor-
macio et en nutra raanieira seguisca hom son dreg aitant
qunnt poira.
L\an MCCCLXXXVIII, a XVIII de aost. . .
Sobre ais^o que aissi fo dig que moss, l'avesque d'AIbi ha
traraezes querre los senhors cossols d'esta vila e lor a dig e
comandat, en pena de L marcxs d'argen, que hom repare la
clausura de la vila. It. que lo coven dels Carmes avia preguat
los senhors cossols que lor ajudesso a far lo cor, de so que lor
plazeria. P. que lo viguier d'Albi avia dig e fag dire als senhors
cossols que el, segon que dizia, [avia fags] aiscus trebaUi[s]
per la vila, e que hom Ihi volgues donar e remunerar de qual-
que causa. It. que, coma hom voIgu^s far mètre a la torrela
del cloquier de S. Salvi que fa bastir la vila lo senhal de
S. Salvi e de moss. d'Autpol, e la emagena de S. Salvi, que lo
prebost de S. Salvi hi metia débat que los digs senhals de la
vila ni de moss. d'Autpol no s'i meto. E sus tôt aisso ten;.'ro
totz. quant als comandamens que ha fag[s] moss. d'Albi am
pena, atendut que non ho ha fag en la forma que deu, segon lo
acordi fag saentras entre moss. Hue A'bert, avesque d'Albi e
los senhors cossols, que hom s'en apele en cas que revocar
non ho vuelha, e que hom ho seguisca, e que per so non estia
que la dicha reparacio se fassa. E sus aco dels Carmes, tengro,
la major partida, que non ajo re. It. sus aquo del viguier,
tengro que se hom Ihi deu re quel pague, autraraen que no
Ihi sia re donat. It. quant a'n aco de S. Salvi, tengro que los
digs serhnls s'i meto, vuelha lo senhor o no.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 467
L'an dessus, a XXIII d'aost...
Sobre aisso que aissi fo dig que moss. d'Albi, o alscus de
SOS officiers, avia dig als seiiliors coï-sols que los seus molis
de la pre?en ciutat e la pai«sieira hau mestiers de reparacio ;
et avia los adempratz que li volguesso ajudar e donar ara que
los pogues far reparar. Par que demaiidero cosselh los senhors
cossols als sirigulars cossi s'en regiriau, ni se voliau ni acos-
selhavo que bon Ihi done ho no. Et auzidas per los singulars
las causas sobredichas, totz tengro et, acosselhero que, aten-
dut que la vila ha pro a far en reparar la clausurH, (que) hom
no Ihi done re. It. sobre los comandaraens que moss. d'Albi, o
SOS officiers, avia fags als senliors cossols am grans penas,
que reparesso la clausura de la viln, dissero et acosselbero
que hom veja se moss. d'Albi els digs sos officiers volrau
revocar los digs comandamens, et se non ho volo far, que hom
s'en apele e que [liom] seguisca la appellacio. It. sobre lo
nombre dels senhors cossols fazedors novelamen, tengro, la
major partida fiue torno al nombre de VI, e que prengo, cascu,
detz Ibr. de gatges, losquals meto en far rauba del cossolat.
Ici se clôt le registre des délibérations proprement dit. Les
quatre derniers folios sont occupés par des actes d'accord, des
procès-verbaux de dégâts, etc. , etc. iXoas en reproduirons quel-
ques-uns.
L'an MCCOLXXXin, a XXIX dias del mes d'aost, costi-
tuitz personalmen, ad Albi, en la majo comina', B. Serras,
fustier, G™ Engilbert e Ramon Engilbert, massoniers. Repor-
tero e feiro relacio que els ei-o analz vezer, de mandamen
dels senhors cossols del dig loc, una essemps am los senhors
en Durau Daunis, m° Dorde Gaudetru, m^ Azemar Grasset e'n
G™ Colobres, cossols del dig loc, I i.'ebat que era entre na
Peirona Engilberta d'Albi, de una part, e m*^ R. Prevenquier,
notari del dig loc, d'autra part, sus una paret que es entre los
hostals de las dichas partidas, assetiatz dins la ciutat d'Albi, en
lacarieira de Rocalaura, que se cofronto, so es asaber l'ostal de
la dicha Peirona am l'ostal del dig m*^ R., de una i)art, e d'autra
part, am l'ostal d'en Guiraut de Not e de sa molher, et am la
carieira cominal et am sas autras cofrontacios ; et l'ostal del
468 PIÈGES DIVERSES
dig m* R. cofronta se am Tostal de la dicha Peirona, d'una
part, e d'autra part, am l'ostal de moss. Johan Lamesoa,
capela, et am la dicha carieira cominal et am sas autras
cofrontacios ; sobre aisso que la dicha Peirona dizia, segon
[que] aissi fon dig, que le dig m^ R. Prevenquier cavava o
fazia cavar dins lo dig seu hostal, razen lo pe de la dicha
paret, en gran prejudici e dampnatge de la dicha Peirona e
del dig seu hostal, e que par causa del dig cavamen, la dicha
paret se poira perdre e cazer, e per consequen tôt lo dig son
hostal darapnegar e desruir ; lo dig m* R. dizen lo contrari,
motas causas encontra prepausan. E sus aquo, los juratz * sian
estat[zj, coma sobredig es, sus lo débat, et au reportât e dig e
fâcha relacio que lo dig m® R. poc cavar dins lo dig seu hostal,
razen lo pe de la dicha paret, aissi quant ha comensat, ses
far negun prejudici a la dicha Peyrona ni al dig seu hostal ;
mas afi que la dicha paret demore uiaj en segur e sia may
forta, dissero los digsjuralz que lo pe de la dicha paret, davas
casouna de las dichas partida>!, per tôt l'ample de la dicha
paret, sia entrepeirada, al despens cornu de las dichas partidas;
loqual entrepeiraraen monte en aut entro que la dicha paret
demore e puesca demorar en segur, am aital condicio que, fag
que sia lo dig enlre[)eiramen o davant, encontenen que la
dicha [)aret sera uberta per far lo dig entrepeiramen, se maes-
tres experts ad aquo conoissiau o podiau conoisser que la una
de las dichas partidas degues may j'agar que l'autra per causa
del dig entrepeiramen, que aquela partida que séria coiiogut
que deuria raaj paguar pague e sia tenguda de pagar lo dig
sobreplus que per los digs maestres séria conogut. De quibus
omnibus di'ctl jurati, etc., etc.
i;an MCCCLXXXIIII, a XXIII de julh, G-" Blanc e Peire
Albert, juratz de la ciutat dWlbi, feii'o relacio en la mayo
comitial del cossolat del dig loc, que els ero anatz, de manda-
men dels senhors cossols, vfzer un débat que era entre Azemar
Blanquier, d'una part, e'n Bernât Gavauda, d'autra ; que dis-
sero, los dig[s] juratz que lo dig Bernât Gavauda ténia a parso.
' Au manusc. : jurarat.
DÉLIBÉRATIONS 1372-1388 469
so es asaber a miejas, del dig Azemar doas pessas de prat
assetiadas el Ga de Lescura, que sténo, so es asaber la una
am lo prat de R. Sarr^izi et ara l'autre prat del dig Azemar et
am lo fluvi de Tarn ; e l'autra pessa te se e se cofronta am la
terra del dig Bernât Gavauda et am lo dig prat de R. Sarrazi
et am lo fluvi de Tarn. K lo dig Azemar ditz, segon que los
digs juralz reportero, que lo dig Bernât Gavauda ilii fa, cascun
an, paisser los digs pratz c que no los governo ai.-si quant
deuria, en tal manieira que el non poc aver la part, ni lo pro-
fieg que deuria ni ad el se aperte. K sus aquo, los di;.'[s] jurat[z]
reportero que els ero anatz vezer los pratz e los aviau be e
diligenmen regardalz, et aviau irobat rjue los digs pratz non
ero govetnatz aissi (juant deuria, ])er so quar son estatz pas-
cutz per bestials e no se sego en temps degut, ni, l'erba
segada, lo dig Bernât non aresa ni fag aresar en la forma que
deuria ; e que en lo dig [irat ba traucxs et autras causas per
fauta d'aquel que lo te, quar no los governa be, aissi quant
deu ; e que lo dig Azemar es damnejat de la sua part de Terba
dels digs pratz de l'an presen tant solamen que ba mav agut
que non ba ni aura, so es asaber XII quintals de fe, so es
asaber, en la pessa del prat(z) que ste am lo dig Azemar et am
lo dig R. Sr^rrazi, VII quintals, et en l'autra pessa, V quintals.
Et a' Il aco los digs juratz ho estimoro e de presen bo estimo,
e per lor salriri II s.
It. reportero may los sobredigs juratz que els ero anatz
vezer... una tala Cacha per bestial en una quantiiat de milh
que es en las terras del dig Azemar Blaiiquier, assetiadas al
Ga de Lescura, que sieno am las terras de B. Gavauda et am
la barta del dig Azemar e lo pi at cominal ; laquai tala estimero
a una cartieira de milb, e per lor salari II s.
L'an MCCCLXXXlIll, a III de may, Frances Be o Guilhem
Blanc, jurats... feiro relacio que els ero anatz vezer... una
tala fâcha e dampnatge fag per bestial en una quantitat de
pajlieira en grana, (jue es en una teira de Peyrona, molher
que fo de P. Duro, sirven saentras habitan d'Albi, assetiada
otral pon de Tarn, el loc apelat al Toron vielh, que ste am
los ortz de Vidal Calmet et ara lo fluvi de Tarn ; laquai tala e
dampnatge estimero a una emiiia de grana, e per lor salari II s.
470 PIÈGES DIVERSES
L'an dessus, aXXIIII d'aost, G™ Blanc e G" Guitart juratz...
feiro relacio... que els ero anatz vezer... una tala fâcha per
bestial en una milhieira que es de P. Viguier, que es aFalgai-
rac, que ste(no) ara las terras de Azemar Calvet et ara las
terras que foro de G" Miquel et am lo cami cominal ; laquai
tala estimero a très e[iïi]j[n]as de milh, e per lor salari II s.
Aus". Vidal.
BIBLIOGRAPHIE
REVUE DES REVUES
Revue hispanique, année 1904. — Floresta de philosophes,
p, 5 ; — G, Baisl: << Hispanioliis? », \\. 155; — A.-R. Gonçalves
Yianna : Etymologies porttigaises.p. 157; — P . Groussac : Le com-
mentateur du « Laberiuto », \). lOl; — R. Foulchè-Delbosc : Note
sur le sonnet « Superbicolli », p. 225; — J. Puyol y Alonso : Una
puebla en el siglo XllI, p. 243,
Annales du Midi, n" 67. — G. Berloni : Sur quelques vers de
Guillaume IX, p. .361 ; — E. Aude : Les plaintes de la Vierge auprès
de la croix et les quinze signes de la fin du monde, p. 365.
Zeitschrlfc fiir franzôsische sprache und litteratur ,
XXVlIl,5et7. — C. Friesland : Franzôsische sprichworter-bibliogra-
phie, p. 260; — L.-E. liasbier : A neglected french poetic form,
p. 288; — D. Behrens : Wortgeschichtliche miszellen, p. 298.
Revista de Aragon, VI, jul.-sept. 100."). — P.Meneu: Influen-
cia de la lengua espaûoia en el arabe viiigar de Marruecos, p. 335 ;
— F. Codera : Algo de dialectos es[ianoles â pi'incipios del siglo XIII,
p. 339.
Studi medievali, I, 3. — N. ZingarelU : Ricerche sulla vita e le
rime di Bernart de Vcntadorn, [>. 309; — P. Savj-Lopez : Le rime
di Guiraut d'Espauha, p. 394 ; — (-'. Sa/viotii : Appunti di latino
médiévale, p. 410.
Giornale storico délia letteratura italiana, XLVI, 1-2. —
G. Lega : Una ballata politica del sec. XllI, p. 82; — G. Malagoli:
Per un verso dell' Ariosto e par una particolare forma sintattica
italiana, p, I 19.
Revue de philologie française et de littérature, XIX, 2 et 3.
— L. Vignon : Les patois delà région lyonnaise : le pronom régime de
la 3^ personne, le régime directneutre,p. 89; — P. i/e^er: La simplifîca-
472 BIBLIOGRAPHIE.
tion orthographique (suite et fin), p. 141 ; — J .-H. Reinhold : Quel-
ques remarques sur les sources de « Floire et Blanceflor », p. 153. —
E. Casse et E. Cliaminade : Vieilles chansons patoises du Périgord
(suite), p. 176 ; — L. Cléclat : L'usage orthographique du XYllI" siè-
cle, p. 191; — Ph . Fab'ia : Malgoirès, une étymologie toponymique,
p. 194; — L. Clédat : Le verlje « falloir-faillir », p. 199; — J. Bas-
tin : Faillirai et défaille, p. 20.3 ; — L. Clédat : Le rapport de l'Aca-
démie française sur la réforme de l'orthographe, p. 229.
Lemouzi, août 1905. — M. Gencs : Propos linguistiques, p. 232;
— r. Delnwnd : Dires et proverbes limousins, p. 2.35.
Journal des Savants, aoiit 1905. — M. Roques : Méthodes éty-
mologiques, p. 419.
COxMPTES RENDUS
Henri Chardon. — Nouveaux documents sur les comédiens de
campagne, la vie de Molière et le théâtre de collège dans le Maine.
Tome second. — Robert Garnier, sa vie, ses poésies inédites, avec
son véritable portrait et un fac-similé de sa signature. — Paris,
Champion, 1905, 2 vol. in-S".
Longtemps interrompu dans ses travaux par la maladie, M. Chardon
a repris, avec une étonnante activité, la série de ses recherches fécon-
des ; et, comme il avait déjà fort avancé la préparation d'un cei't.nin
nombre d'ouvrages, il peut maintenant les publier coup sur coup, sans
qu'on ait le droit de l'accuser de publications hâtives. Nos lecteurs se
souviennent peut-être qu'il y a quelques mois, nous leur avons signalé
deux importants volumes sur Scarron inconnu. Voici deux volumes
encore, tous deux inspirés par le même souci du Maine et de son his-
toire, mais dont les sujets, cette fois, sont foncièrement différents.
A vrai dire, le sujet du premier de ces volumes manque singulière-
ment d'unité, et le titre même adopté par l'auteur le fait entendre. Dans
sa chasse ardente aux documents, M. Chardon s'était successivement
lancé sur les différentes pistes qui s'offraient à lui, et de ces pistes
successives il nous avait vite entretenus. Restait à nous dire jusqu'où
chacune des pistes pouvait le conduire ; restait à nous donner une
sorte d'appendice général ou de conclusion générale, et c'est l'affaire
de ce volume.
M. Chardon, en 1876, nous avait appris quelle était la troupe
d'acteurs nomades dont Scarron s'était fait l'historiographe plus ou
BIRLIOGRAPIIIE. 473
moins fidèle dans le Roman Comique : en 1905, il nous donne quelques
renseignements encore sur Filandre, sur les Longchamp, etc.
En 1876 et en 1S8R, il avait suivi foi'ce ti-oupes de campagne dans
leurs pérégrinations, même liors de France: en 1905, il complète ses
informations et nous donne des indications nouvelles sur les Raisin,
les Villiors et d'autres, qui ne sont pas [)armi les membres les moins
notables de « l'ordre vagabond des comédiens de campagne » ; il
groupe les divers détails (pii uiit fin être recueillis sur les voyages des
comédiens français hors do France.
Comment s'enquérir des comédiens nomades s;ins s'informer du plus
grand d'entre eux, de Molière? 11 avait été fort question des pérégrina-
tions de ]\Iolière dans le volume de 188G : dans celui de 1905, les
découvertes des vingt dernières années sont résumées et classées avec
clarté.
Mais comment se résoudre à parler de Molière sans s'arrêter à
examiner, à résoudre quelques-uns des problèmes que sa vie offre à
notre curiosité? De là, les l'évélations sur Tristan de Vauselles et
Marie Courtin, sur Madeleine de l'Hermite et ses deux mariages, sur
M. de Modène, sur Madeleine Béjart : les études de M. Bernardin
sur ces pei'sonnages amènent M. Chardon à nous les présenter de nou-
veau une dernière fois.
Enfin, l'historien du théâtre au XYI*", au XVI I*', voire au
XVIII* siècle ne peut complètement négliger les représentations des
collèges. N'est-ce pas dans les collèges que Jodelle et ses successeurs
ont cherché et parfois trouvé des interprètes? Les pièces religieuses
des collèges n'ont-elles [)as eu leur influence sur l'éclosion de
Pohjeucte, de Samt-Genest, à'Esfher et à' A thalie ? Et n'est-ce pas dans
un collège que La Mort de César, de Voltaire, a été jouée en 1735?
De tous côtés, dans ces dernières années, des historiens se sont
trouvés pour le théâtre scolaire. M. Chardon a joint ses efforts aux
leurs. Il a étudié les fêtes et les représentations des collèges du
Mans, il a reproduit des affiches et des programmes curieux ; il a
monti'é même l'influence des événements politiques sur le théâtre des
collèges. Que dites-vous, par exemple, de ce titre savoureux : Pasto-
rale en deux actes et en vers sur la victoire remportée auprès de
Nantes par les armées de la République, par Michel Boyer, profes-
seur au collège national du Maim, représentée dans Vacle de la distri-
bution des prix du collège, en présence des autorités constituées le
6 août 1793 et iinpriiuée par ordre de l'administration du département
de la Sarthe.
A moins d'entrer dans des détails minutieux, pour lesquels la place
me manquerait, je ne puis analyser plus complètement un volume
comme celui de M. Chardon. J'aurais seulement bonne envie de
474 BIBLIOGRAPHIE.
répondre à une question posée p. 189 sur l'influence des tragédies de
Jacques de la Taille et du Père Musson, dont Darius est le héros, et
sur les traditions de la tragédie classique au XVI» et au XYll» siècle ;
mais, outre que le passage de M. Chardon est un peu obscur, ceci
encore m'entraînerait bien loin.
Je regrette qu'une œuvre aussi touffue, où tant de noms sont pro-
noncés, ne soit pas terminée par un index. M. Chardon ne croit-il pas
qu'un index général de ses principaux ouvrages serait fort utile aux
chercheurs et empêcherait ces erreurs de faits et de dates, dont il a
une horreur légitime, de se conserver religieusement ?
L'unité qui ne pouvait se trouver dans le tome second des Nouveaux
documents sur les comédiens de campagne. . . . est, au contraire, fort
nette dans le volume sur Robert Garnier.
Robert Garnier, né à la Ferté-Bernard, dans le déparlement actuel
de la Sarthe, est le plus grand nom de l'histoire littéraire du Maine;
mais les Manceaux jusqu'ici ne s'étaient pas fort appliqués à l'étude
de leur grand homme, et M. Hauréau lui-même, dans son Histoire
littéraire du Maine, n'avait pas évité les erreurs graves à son sujet.
Hors du Maine, on avait étudié de près dans Garnier le dramaturge;
mais on avait négligé le poète lyrique; et sur l'homme même, sur sa
vie, on se contentait de renseignements traditionnels, fort peu nom-
breux et fort peu sûrs. Contre cet état de choses, M. Chardon a jugé
qu'il était temps de réagir, et il l'a fait, avec la conscience et la sûreté
ordinaires de son érudition.
Con)mençons par indiquer les lacunes, volontaires ou non, de cet
ouvrage.
Tout d'abord, c'est à peine une étude littéraire. M. Chardon, modes-
tement, a pensé qu'après MM. Bernage, Faguet, Fœrster et le signa-
taire de ce compte rendu, il n'aurait rien d'important à dire sur les
œuvres dramatiques de l'auteur Ae's, Juives et de Bradamante. Il s'est
contenté de quelques indications de détail, et c'est ici sans doute que
les connaissances de M. Chardon sont le plus souvent en défaut. 11
n'est pas exact que la Didon de Jodelle ait été accueillie avec succès
six ans après la Cléopâtre (p. V)2j; — il ne faudrait pas, parmi les
ouvrages sur les comédiens italiens en France, oublier celui de Baschet
(p. 132 n.) ; — une phrase comme celle-ci donne une idée tout à fait
erronée : « quant à Bradamante, on a de nombreux témoignages de
ses représentations au commencement du XVII'^ siècle» (p. 143); —
et de même celle-ci, sur le huguenot v'-O Montchrestien (p. 225; :
n Montchvest'ien vit rejn'ésenter de son vivant 2)lusieurs de ses œuvres.»
Je n'ai garde d'insister, et, puisque M. Chardon a fait allusion aux
polémiques sur les représentations des tragédies au XVI'= siècle, je me
BIBLIOGRAPHIE. 475
contente de le renvoyer à mes articles de \a. Revue d'histoire littéraire
de la France, 1905 : la mise en scène dans les tragédies du XV/« siècle
(janvier à mars et avril à juin); les trois éditions de la « Sophonisbe »
de Montchreslien et la question de la mise en scène dans les tragé-
dies du XVI^ siècle (juillet à septembre). Notons seulement que les
recherches persévéï'antes de M. Chardon ne lui ont fait découvrir de
représentations de pièces de Garnier ni dans les collèges du Mans, ni
ailleurs *.
Le poète lyrique étant beaucoup moins connu en Garnier que le
dramatique, M. Chardon s'est attaché à lui avec plus d'amour, et il
lui a rendu plus de services. Si les Plaintes amoureuses, publiées à
Toulouse en 1565, ont échap|)é à ses recherches, comme à celles de
Tamizey de Larroque (et peut-être en effet n'existent-elles plus, et
peut-être Garnier a-t-il travaillé lui-même à les faire disparaître), en
revanche M. Chardon a pu nous donner d'autres poésies de jeunesse
qui ont été couronnées aux jeux floraux ou qui ont été composées
pour une entrée à Toulouse du roi Charles IX; il a reproduit, presque
en fac-similé et d'après un exemplaire unique, VHymne de la Monar-
chie, réfutation anticipée du Contrun de la Boétie, dédiée en 1567 à
Guy du Faur, seigneur de Pibrac. Enfin il a appelé l'attention sur ce
qui est, à son sens, le chef-d'œuvre du poète, VElégie sur le trépas
de Pierre de Ronsard.
Mais c'est surtout la biographie de Robert Garnier qui a occupé
M. Chardon. Et toutes les obscurités n'en ont pas disparu, car beau-
coup viennent, soit de hasards divers, soit de la disparition rapide
des descendants du poète, soit du silence volontaire qui a été gardé
sur un magistrat ligueur après le triomphe d'Henri IV. Mais voici
que, grâce à M. Chardon, bien des confusions sont dissipées entre
Robert Garnier et ses homonymes Claude ou Sébastien ; les dates
essentielles de sa vie sont maintenant établies ; ses fréquentations
sont mieux connues, sa physionomie est plus distincte.
Le chapitre premier de l'ouvrage est consacré aux Premières années
et aux premières poésies. Un passage de Vauquelin, dont on n'avait
pas tiré parti, fixe la naissance du poète à l'année 1545 ou à l'an-
' P. 140-1, M. Chardon écrit : « S'il fallait en croire Henri Duval, les
pièces de la Renaissance auraient été jouées par les basochiens, voire par
les confrères de la Passion. M. Faguet a ajouté foi à ces dires... » Ce
n'est pas aux dires d'Henri Duval (Bibliothèque nationale, mss fonds
français, n° 15048), mais à ceux de Mouhy (n°» 9229-9235) que M. Faguet
a ajoute foi. Seulement Mouhy est tout aussi indigne de créance
qu'Henri Duval.— M. page 141, il faut lire : la Lucelle et non la Pucelle,
de Louis de Jars.
476 BIBLIOGRAPHIE.
née 1544. Nous faisons connaissance avec ses deux sœurs et avec
quelques autres de ses parents. Puis nous suivons Garnier étudiant
à Toulouse, dans une ville troublée, où il conquiert de bonne heure
une notoriété poétique, où il exhale ses premiers soupirs amoureux,
et où il noue quelques relations fort utiles. Arrivé à Paris comme
avocat au Parlement, Garnier n'oublie pas Toulouse et reste lié avec
certains Toulousains, comme du Faur de Pibrac et Etienne Potier,
sieur de la Terrace, auxquels il dédiera plus tard des tragédies; en
même temps, il élargit son horizon littéraire en fréquentant certains
poètes et érudits de l'école de Ronsard.
Les chapitres 11 et 111, qui traitent de Robert Garnier magistrat,
et du Mariage de Robert Garnier, sont parmi les plus riches en ren-
seignements nouveaux. Garnier est nommé conseiller au présidial du
Mans en 1569, et lieutenant criminel en 1574; il épouse en 1573 une
jeune fille qui appartenait à une famille lettrée, et qui elle-même
mérite de figurer au nombre des femmes poètes du XV I« siècle, Fran-
çoise Hubert. De ce mariage sont nées deux filles : Diane en 1579, et
Françoise en 1582.
Les chapitres IV et V, étant les chapitres particulièrement « litté-
raires » de l'ouvrage, ne sont pas (j'ai déjà dit pourquoi) au nombre
des plus importants : c'est là qu'est étudié Garnier poète tragique.
Mais c'est là aussi que sont indiquées ses relations littéraires, et ou
devine ce qu'on peut attendre, en pareille matière, de l'érudition éten-
due de M. Chardon.
Nouveaux surtout sont les chapitres suivants. Garnier, dont les
préfaces montrent la tristesse patriotique, paraît s'être assombri sur-
tout, [)0ur des raisons diverses, dans ses dernières années :
En 1583, sa femme Françoise est l'objet d'une tentative d'empoi-
sonnement ; en 1586, il est nommé conseiller au grand conseil, mais
peut-être à titre purement honorifique ; en septembre 1588, Françoise
meurt; puis le poète-magistrat est entraîné dans la ligue mancelle ;
il fait un testament (que M. Chardon reproduit) le 13 septembre 1590,
et il meurt le 20 septembre : — le 20 septembre et non pas le 15 août !
en 1590 et non pas en 1600 ! La mort de Garnier a été placée aux
dates les plus différentes: la voici fixée maintenant.
Et de même l'on saura la vérité sur l'iconographie du poète, et l'on
ne prendra plus — il le faut espérer, du moins — pour un portrait
authentique de Robert Garnier le portrait authentique de Claude, que
M. Faguet a donné sous son faux nom dans son Histoire de la litté-
rature française, et avec lui les auteurs du Nouveau Larousse, et
bien d'auti'es encore.
Signalons enfin l'histoiie des deux filles du poète : Diane, mariée
en 1594, morte en 1621, et Françoise, mariée en 1600, morte en 16Û5,
BIBLIOGRAPHIE 477
Quelques renseignements, d'inégale valoui-, sur l'école de Garnier :
Montchrestien, Luc Percheron, Nicolas de Moutreux, etc., terminent
l'ouvrage.
11 est fâcheux que, dans un livre où les citations ont tant d'impor-
tance, elles soient si souvent inexactes. Un errata serait utile — et
pour les deux volumes dont j'ai parlé. M. Chardon laisse échapper
trop de fautes dans son impression, comme, aussi bien, ti'op de négli-
gences dans son style.
Mais, si je signale avec franchise les imperfections du dernier
ouvrage de M Chardon, je n'en ai [)as moins plaisir à [)i'oclamer que
cet érudit vient d'élever, à l'honneur de Robert Garnier, un fort utile
monument, en attendant les bustes qu'il propose de consacrer, au
foyer du théàti'e du Mans et au foyer de la Comédie-Frannaise, à l'un
des plus estimables prédécesseui's de Rotrou et de Pierre Corneille.
Eugène RiGAL.
Recueil de TAcadéinie des Jeux Floraux de Toulouse. —
Toulouse, impr. DouUidoure- Pi-'ivat, 1905.
Des critiques littéraires malveillants ont trop souvent calomnié le
genre académique. Il est parfois plein d'agrément imprévu. Voyez
par exemple le rapport sur les prix de la fondatien Ozenne pour la
vieille langue populaire des pays languedociens : c'est un dithyrambe
au los de la rénovai-ion occitane, c'est-à-dire d'nn essai de langue d'Oc
commune élaboré, au moyen de quelques naïfs archaïsmes et de force
barbarismes non moins naïfs, par deux hommes à demi-culture, en qui
semblent revivre les âmes de Bouvard et de Pécuchet. Ce volapûk
méridional n'ayant [)as fait jusqu'ici beaucoup de prosélytes, le rappor-
teur se voit forcé de proposer aux suffrages académiques des composi-
tions en vulgaires plus ou moins illustres, tout en déplorant que
celui-ci n'ait pas employé un verbe moins évolué, que celui-là n'adopte
pas une graphie inspirée des grandes et normales lois de révolu-
tion, etc. . . Un poème écrit dans la langue de Mistral est classé dans
le sous-dialecte nîmois, lequel est déjàplus rude, mais seprête davan-
tage aux chants lyriques. La langue avignonnaise est considérée comme
une altération du vrai provençal, produite pjar V influence française et
surtout par V influence italienne, à laquelle elle doit, entre autres
adultérations, son pluriel anti-occitan en i par la suppression de la
finale féminine.
Tout commentaire affaiblirait l'effet Je ce... comment dire?
Mumpitz ? ou desmargaduro '^
Jules RoNJAT.
478 BIBLIOGRAPHIE
E Houchart, Estelle, poème en français et en provençal en regard,
Avignon, Aubanel frères, imprimeurs, 1905.
Ce livre n'est pas un poème provençal avec traduction française en
regard, mais un poème provençal et un poème françiis sur le même
sujet. Ce sujet, l'auteur l'expose ainsi à la fin de son avertissement au
lecteur :
« L'Art idéal, sous la forme d'un Etranger ;
)) La Provence, naïve dans sa joie, radieuse dans sa beauté, reli-
gieuse dans son amour, en Estelle ;
» l.e générosité et la franchise, avec Maître Arnal ; la passion fou-
gueuse, avec Reynaud : telles sont les figures du poème.
» La trame, que serait-elle, sinon :
» L'Art grandissant devant la Provence, Jans la Lumière et dans
l'amour du Beau. »
Sujet nébuleux, figures vagues, regrettables licences prises avec la
langue provençale, en somme Estelle vaut par les intentions de
l'auteur infiniment plus que par une réalisation qui ne se hausse point
à leur niveau. J. R.
Th. D. Sperantia. — Introducere in literatura popularà româna,
Bucuresci, Lipografia « Clemen^a », 1904.
Dans la première partie de cet ouvrage l'auteur caractérise la litté-
rature po[)ulaire comme orale etvivanle (par opposition à la littérature
proprement dite, écrite et, dans une certaine mesure, morte, en tant
qu'elle ne subit plus de modifications une fois que l'écriture l'a fixée),
puis il en étudie, citant de très nombreux exemples roumains et
étrangers, la forme, la syntaxe, le style, etc..
Dans la seconde il recherche l'origine de la littérature populaire et
classe les difi'érentes sources de son inspiration.
N'étant nullement un spécialiste du folh-lore, je ne saurais émettre
un avis autorisé sur la valeur de toutes les thèses exposées par
M. Sperantia. .Te me permettrai seulement de douter qu'il ait tenu un
compte suffisant de l'influence du rythme musical sur la métrique
populaire, et de regretter une certaine discordance entre la classifica-
tion générale proposée p. 292 ss. et l'inventaire analytique beaucoup
plus complexe qui la suit. J. R.
C. Salvioni. — Appunti sul dialetto di Val-Soana (Estratto dai
(( Rendiconti » del R. Ist. Lomb. di Se. e Lett., série II, vol. XXXVIl,
p. 1043-1056), Milano, 1904.
M. Salvioni a eu l'occasion d'interroger longuement deux abitants
de Valprato, localité qui fait partie du domaine dont M. Nigra a étu-
BIBLIOGRAPHIE 479
dié la langue dans son article bien connu de VArcItivio ylotlologico
italiano, t. III : « Fonetica del dialetto di Val Soana ». Comme les
documents dont disposa M. Nigra lui avaient été fournis essentielle-
ment par un abitant de Roi»co et qu'il n'eu avait eu cjue d'indirects
sur Valprato, ceux de M. Salvioni dilTèrent sensiblement de ceux de
son prédécesseur et surtout les complètent. C'est pourquoi il a cru bon
de les publier dans la longue note que nous signalons ici, et qui sera
suivie d'autres sur la morfologie et le vocabulaire du même parler.
11 faut lui savoir gré de nous donner ces renseignements, rendus dou-
blement précieux par la netteté avec laquelle on nous les présente, et
l)ar l'intérêt tout particulier qu'offre le patois auxquel ils se rapportent.
M. G.
A. Dujarric-Descombes. — Lagrange-Chancel, poète périgourdin,
plaq. 16 p. in-8°, Pêrigueux, impr. D. Joucla, 1905.
Donne quelques détails biographiques sur L.-C, et reproduit deux
pièces de circonstance par lui com[)osées : il eu appert, entre autres
choses, que veis 1736 on disait déjà en Périgord mouyen, mais qu'on
disait encore vousz= noce, aujourd'hui géuéralemeut délogé par voues
ou vouas emprunté au français. J. R.
CHRONIQUE
Société des textes français modernes — 11 vient de se for-
mer une Société des textes français modernes. Son but est de se pro-
curer et d'offrir au public des éditions coriectes, qui soient de bons
instruments de travail pour le critique, l'historien de la littérature et
le gi'ammairien, qui fournissent au goût des amateurs lettrés des
textes bien établis et qui soient accessibles à toutes les bourses.
Elle se propose de publier de préférence les œuvres des quatre der-
niers siècles de notre littérature qui deviennent difficiles à rencontrer
ou sont trop onéreuses à acquérir. Ce n'est pas vers les curiosités
rares ou scandaleuses qu'elle se portera, mais vers les textes impor-
tants, les ouvrages qui ont un intérêt considérable pour le critique et
l'historien par le succès ou l'influence qu'ils ont eus, par la lumière
qu'ils jettent sur les grandes œuvres et sur les mouvements ou les
époques littéraires.
Le dessein de la Société étant de donner son principal soin à la cor-
rection du texte, ce ne sont pas seulement les écrits d'auteurs peu
connus qui sortiront de ses mains, car il y a des noms comme Ronsard,
Marot, d'Aubigné, Bernardin de Saint-Pierre, Chateaubriand, qui
attendent encore une édition satisfaisante. Ce sont des éditions criti-
480 CHRONIQUE
ques que l'on veut faire, présentant les variantes des différentes impres-
sions et, quand il y aura lieu, les diverses rédactions des manuscrits ;
les préfaces seront sobres et précises, et des tables seront jointes aux
textes.
Les menribres ordinaires delà Société paieront une cotisation annuelle
de dix francs et auront droit à toutes les publications faites dans
l'année.
Pour tous renseignements relatifs à la Société et à son fonctionne-
ment, s'adresser à M. E. Huguet, professeur à la Faculté des lettres
de l'Université de Caen, secrétaire général de la Société.
Pensées de Pascal. — La librairie Hachette vient de publier en pho-
totypie le fac-siinile du manuscrit original des Pensées de Pascal; en
regard elle donne le texte imprimé et des notes par M. L. Brunschvicg
Chansons populaires. — Notre confrère, M. L. Lambert, direc-
teur du Conservatoire de musique de Montpellier, vient de publier
chez l'éditeur Welter deux beaux volumes in-S" de VI 11-390 et 348 p.,
intitulés Chants et chansons populaires du Languedoc, publiés avec
la musique et la traduction française (20 fr. ). La haute compétence
de l'auteur est depuis longtemps connue, car il avait déjà donné en
1874 et 1875 à la Eeviie des langues romanes, en collaboration avec
A. Moutel, la première partie de cette collection, composée des chants
du berceau. La publication fut interrompue par la maladie, puis la
mort, de son collaborateur; mais M. Lambert continua pendant trente
ans à recueillii- des chansons partout où il en a trouvé l'occasion. La
collection a ainsi augmenté sans cesse d'étendue et d'importance et
elle compte maintenant plus de quinze cents chants ou versions diffé-
rentes. L'auteur nous les donne dans l'ordre qui avait été déjà adopté
dans la précédente publication, c'est-à-dire qu'il suit l'homme d'âge
en âo-e, au moyen des chants créés par lui-même, de la naissance à la
tombe, en passant successivement par toutes les phases de son exis-
tence. Les chants du premier âge sont suivis des jeux de l'enfance,
les danses, rondes, les chants d'amour, de mariage, les métiers,
les chants satiriques, les chants relatifs aux usages, les chansons
pastorales, les chants religieux, noëls, cantiques, les légendes drama-
tiques, les chansons narratives, les chants historiques et politiques.
On ne saurait trop savoir gré à M. Lambert d'avoir sauvé de l'oubli
tout cet ensemble de chansons populaires au moment où elles sont en
train de se perdre, où les traditions locales s'éteignent et disparais-
sent, où les parlers provinciaux s'anéantissent; aussi nous sommes
certains que son bel ouvrage obtiendra tout le succès qu'il mérite.
Le Gérant : Paul Hamelin.
CANDIDE, SIMPLICIUS ET CANDIDO
On est en droit de se demander si l'homme qui a rapporté
d'Angleterre Newton et Shakespeare, qui lisait tout, qui
apprenait tout, qui étendait à toutes les branches des lettres
et des sciences sa curiosité aussi perspicace qu'insatiable, n'a
rien gardé de son séjour en Allemagne que l'ennui d'avoir eu
affaire à la rapacité de Hirsch et à la vanité de Maupertuis,
et enfin le désagrément d'être arrêté à Francfort dans les cir-
constances que chacun sait'.
Je crois que, sans son voyage en Prusse, Voltaire n'eût pas
composé Candide tel que nous l'avons. Or, dans la série de ses
oeuvres, ce roman a une importance capitale. On peut en
réprouver les tendances philosophiques et religieuses, en b'â-
mer le ton et l'allure, mais les lecteurs de Voltaire sont d'ac-
cord pour y voir un de ses chefs-d'œuvre.
Je noterai en passant que l'on a lu souvent, sans être cho-
qué, dans Lesage, les mêmes choses qui, dans Vo'taire, pren-
nent un caractère agressif : question de date, et aussi de
condensation de pensée, de relief de stvle, enfin d'intention
militante -.
Zadig nous offre le premier cadre où Voltaire ait développé
largement ses idées sous la forme narrative. Mais Zadig n'est
pas naïf ; c'est un homme sage, instruit, spirituel, qui aie
tort de croire que l'on peut avoir impunément du sens et de
la vertu dans un monde qui ne tolère ni l'un ni l'autre. L'inté-
rêt naît du contraste entre la droiture et la perfidie, la vérité
et le mensonge. A qui Voltaire a-t-il emprunté ce type de
Zadig? A lui-même. Ce babylonien n'est qu'un prête-nom.
* Quelques-unes des parties de cet article ont paru déjà dans le Pro-
grès républicain du Midi, Montpellier, 16 décembre 1879.
"* V. par exemple, dans Estevanille Gonzalez, comment, accusé de
rajeunir la beauté des dames par Vopération du diable^ il est traduit
devant le tribunal de l'inquisition. Gh. XL-XLIV.
31
482 CANDIDE, SIMPLICIUS ET CANDIDO
Donnez-lui la santé cliancelante, la susceptibilité nerveuse,
l'agitation capricieuse de l'auteur, et le portrait sera d'une
ressemblance parfaite.
La doctrine que Voltaire approuve dans Zadig (discours de
l'ange Jezrad) diffère complètement du pessimisme désolant
qui règne dans Candide : « Mais quoi ! dit Zadig, il est donc
nécessaire qu'il y ait des crimes et des malheurs, et que les
malheurs tombent sur les gens de bien? Les méchants, répon-
dit Jezrad, sont toujours malheureux ; ils servent à éprouver
un petit nombre de justes répandus sur la terre ', et il n'y a
point de mal dont il ne naisse un bien. Mais, dit Zadig, s'il n'y
avait que du bien et point de mal ? Alors, reprit Jezrad, cette
terre serait une autre terre; l'enchaînement des événements
serait un autre ordre de sagesse; et cet ordre, qui serait par-
fait, ne peut être que dans la demeure éternelle de l'Etre
suprême de qui le mal ne peut approcher. Il a créé des mil-
lions de mondes, dont aucun ne peut ressembler à l'autre:
cette immense variété est un attribut de sa puissance immense.
Il n'y a ni deux feuilles d'arbre sur la terre, ni deux globes
dans les champs infinis du ciel, qui soient semblables ; et tout
ce que tu vois sur le petit atome où tu es né, devait être dans
sa place et dans son temps fixe, selon les ordres immuables
de celui qui embrasse tout ; il n'y a point de hasard; tout
est épreuve, ou punition, ou récompense ou prévoyance » -.
Zadig adore la Providence et se soumet.
' C'est tout simplement la doctrine janséniste, telle qu'elle est déve-
loppée dans Nicole.
* Desnoiresterres [Voltaire à la Cour, -p. 146, note) a tort de dire que
Voltaire, dans Zadig, n'y est que pour sa forme spirituelle et charmante :
« le fond est emprunté à l'anglais Thomas Parnell qui l'a emprunté aux
homélies d'Albert de Padoue, mort en 1713 (sic), lequel en a trouvé le
germe dans nos vieux fabliaux ». Et il renvoie à Littré, Etude sur les Bar-
bares et le Moyen Age, Paris, Didier, 1867. — L'opinion de M. Littré
n'allait point jusqu'à refuser à Voltaire la paternité de la conception- de
Zadig. Voici exactement ce qu'il disait : « Il n'est personne qui, en
lisant Zadig de Voltaire, ne soit frappé de l'épisode de l'ange qui, sous
la forme d'un ermite, se fait pendant quelque temps le compagnon de
Zadig; puis, quand on rencontre ce récit dans l'anglais Thomas' Par-
nell, on retire à Voltaire cette notable conception; mais, il ne faut pas
s'arrêter là; elle se trouve dans les homélies d'Albert do Padoue, mort
CANDIDE, SIMPLICIUS ET CANDIDO 483
On ne peut méconnaître ici une forte part de l'optimisrae
tel qu'il ressort de la Théodicée de Leibniz.
La morale d'un récit antérieur de peu est, pour le fond, la
même : « Ituriel résolut de laisser aller le monde comme il va,
car si tout n'est pas bien, tout est passable '. »
Voltaire, dans cette première série de ses romans, comme
dans la plupart des autres, ne fait que se jouer, avec autant
d'agrément que de malice, de la contradiction qui existe entre
les prétentions et les faiblesses de l'homme.
Pope et son Essai sur C Homme sont tout aussi présents à
son esprit que les doctrines de Leibniz. Les ligues citées plus
haut rappellent au lecteur le plus distrait les derniers vers de
la première épître :
Toute la nature n'est qu'un art que tu ne connais pas,
Tout hasard, une direction que tu ne vois pas,
Tout conflit, une harmonie que tu ne peux comprendre,
Tout mal particulier, un bien général,
Et, en dépit de l'orgueil, en dépit d'une raison égarée,
Il n'y a qu'une vérité de claire : Tout ce qui est, est bien.
Candide marque dans le cours des opinions de Voltaire le
moment où les objections contre l'ordre universel hantaient
le plus obstinément son esprit.
Le doubla titre, Candide ou rOptimisme, appelle d'abord
l'attention. Ce roman est un procès fait à l'optimisme et à la
métaphysique leibnizienne -. Cette métaphysique était-elle
alors si répandue en France qu'il convînt d'en faire le siège
en 1313, et, finalement au delà d'Albert de Padoue, dans l'un de nos
fabliaux les plus remarquables ». Notons en passant que l'origine de
la plupart des autres chapitres de Zadig est connue.
Dans une très intéressante lecture donnée à l'Académie des Inscrip-
tions et Belles-Lettres, le vendredi 12 novembre 1880, Gaston Paris a étu-
dié à fond l'histoire de la légende de VAyige et VErmite. L'origine juive
est démontrée. V. G. Paris, La Poésie du Moi/en Age, p. 151-187.
' Le Monde comme il va, vision de Babouc.
'^ Gaston Paris, à propos de l'Ange et VErmite (1. 1., p. 18G), admet trop
promptement que, dans Candide comme dans Zadig, Voltaire a l'air de
défendre l'optimisme : « On sent qu'il voudrait bien que l'optimisme fût
la vérité, mais qu'il est loin de le trouver évident. » Cela est exact de
Zadig, mais Canrifd* est une diatribe impérieuse et violente contre l'opti-
misme. L'écart est très grand entre les deux romans.
484 CANDIDE, SIMPLIGIUS ET CANDIDO
régulier? D'où vient cette préoccupation ? Voltaire regrettait-il
de paraître s'être rallié dans Zadig à une philosophie qui ne
comptaitguère de disciples en France, mais qui était sur tant de
points en contradiction avec celle de Locke? Où a-t-il pris ce
personnage de Pangloss ?
C'est à Cirey que Voltaire paraît avoir lié connaissance
avec un des représentants de l'école de Leibniz. M™'' du Châ-
telet avait pour maître de mathématiques un géomètre alle-
mand, Kœnig, qui avait fini par la gagner complètement aux
doctrines leibniziennes '.
Aujourd'hui que grâce à M. Desnoiresterres nous avons le
détail minutieux de la vie de Voltaire, nous pouvons sup-
poser quels combats furent livrés entre l'ami de Locke et de
Newton et les admirateurs de la Théndicée. Les bonnes rela-
tions n'en souffrirent pas, et si Kœnig fut renvojé, c'est que
M™^ du Châtelet eut à se plaindre de ses façons.
Les dispositions que Voltaire apportait à l'étude de la méta-
physique leibnizienne étaient d'ailleurs sérieuses et dignes de
l'étendue de son intelligence. Nous avons, dans la Correspon-
dance, une lettre d'octobre 1736 où il remercie le prince royal
de Prusse de lui avoir envoyé, avec des vers à corriger, un
troisième cahier de la métaphysique de Wolf, le célèbre vul-
garisateur des idées de Leibniz, Son jugement mérite d'être
rapporté : « Je vous dirai sur cette métaphysique un peu
longue, un peu trop pleine de choses communes, mais
d'ailleurs admirable, très bien liée et souvent très profonde ;
je vous dirai, monseigneur, que je n'entends goutte à l'être
simple de Wolf. Je me vois transporté tout d'un coup dans un
climat dont je ne puis respirer l'air, sur un terrain où je ne
puis mettre le pied, chez des gens dont je n'entends point la
langue. Si je me flattais d'entendre cette langue, je serais
peut-être assez hardi pour disputer contre M. Wolf, en le res-
pectant s'entend. »
A Postdam et à Berlin, Voltaire, déjà averti et informé, put
constater que Leibniz, interprété par Wolf, régnait souve-
rainement en dehors de l'entourage tout français de Frédéric.
1 Voy. pour les rapports de Kœnig et de M™» du Châtelet, Desnoi-
resterres, Voltaire à Cirey, p. 258, 314-319.
CANDIDE, SIMPLICIUS ET CANDIDO 485
Un système où il n'avait peut-être vu d'abord qu'un ensemble
de thèses d'école, dut lui paraître bien autrement important
et considérable, quand il reconnut quelle immense autorité la
métaphysique de Tharmonie préétablie et des causes finales
conservait dans le pays où elle avait pris naissance. Le hasard
fit que les derniers incidents de son séjour en Allemagne
appelèrent encore son attention sur Leibniz et sur ses dis-
ciples.
On sait comment Kœnig eut un démêlé avec Maupertuis au
sujet d'une lettre de Leibniz dont l'original ne put être
retrouvé, comment l'irascible président fit condamner le
pauvre géomètre allemand par l'Académie de Berlin, comment
enfin Voltaire prit fait et cause pour Kœnig et se brouilla avec
le roi '. Lorsqu'il dut quitter la Prusse, Voltaire, avant d'ar-
river à Francfort, s'arrêta à Leipzig, où il était en relations
quotidiennes avec le fameux critique Gottsched, qui venait,
en wolfien zélé qu'il était, de se prononcer contre Mauper-
tuis. On nous dit qu'il aurait voulu obtenir par Gottsched l'in-
tervention de Wolf dans le débat*. Se défiait-il de l'efficacité
de la Diatribe du docteur Akakia ?
Rien dans ses relations avec les wolfiens n'eût fait présager
la furieuse attaque à laquelle il allait se livrer contre leur doc-
trine ; mais, après sa désagréable aventure de Francfort, il
revenait le cœur ulcéré, enveloppant très injustement dans sa
colère et le Salomon du Nord et les Allemands de tout pays et
de toute condition, moins disposé que jamais à goûter les
abstractions germaniques.
Il avait vu et entendu des docteurs savants en toute chose,
dissertant et argumentant, comme on ne le faisait plus en
France, sur les matières les plus subtiles. Dans Kœnig, d'abord,
puis et surtout dans ce Gottsched qui est devenu pour ses
compatriotes le pédant par excellence et qu'il avait cru devoir
caresser, il avait trouvé le type du métaphysicien scolastique
expliquant tout, justifiant tout par ses principes. Ce type se
réalisa en Pangloss, qui, d'un bout à l'autre du roman, en dépit
' Desnoirestenes, Voltaire à Postdatn, passim.
" V. Julian Schmicbt, Histoire de la Vie intellectuelle en Alleynagne,
tom. II, p. 79.
486 CANDIDE, SIMPLICIUS ET CANDIDO
de tous les accrocs que subissent ses théories dans rexpérience
de la vie, enseignera avec tant de conviction la métaphysico-
tliéologo-cosmol >-ni(jologie et déraontreia à Candide que «tous
les événenaents sont enchaînés dans le meilleur des mondes
possibles ».
L'occasion qui décida Voltaire à composer Candide, peut
avoir été la ruine de Lisbonne, malheur épouvantable dont
toute l'Europe fut émue. « Voilà un horrible argument contre
l'Ojitimisme », écrit-il le 30 novembre 1755 '. Le poème sur
le Désastre de Lisbonne garde la marque de cette émotion. Le
tremblement de terre forme un épisode de Candide (ch. V).
J'ai peine à croire que les premiers chapitres de Candide
aient été composés à Schv/dtzingen, dans la compagnie de
l'Electeur palatin, et soumis au fur et à mesure à ce prince ^
qui ne devait pas être entièrement exempt de cette suscepti-
bilité patriotique dont il est possible de retrouver la trace
dans les critiques allemands de notre temps ^.
Nous avons vu dans quelle mesure les rapports de Voltaire
avec les A.lleraarirls avaient pu influer sur le choix du sujet, et
suggérer la pensée de personnifier dans Pangloss le système
qu'il s'agissait de discréditer. D'oii vient Candide, ce jeune
homme naïf et confiant, si différent du têtu docteur qui pro-
fessait à outrance les causes finales et l'optimisme? Ni dans
Swift, ni dans Rabelais, ni même dans Cervantes, nous
n'en trouvons le modèle. Si comme Don Quichotte, il poursuit
sa belle à travers le monde, ce n'est nullement un cheva-
lier errant. A^utant que Pangloss, plus que Pangloss, il est
d'origine germanique : son nom n'est qu'une traduction, sa
naïveté n'est qu'un héritage. Il tient l'un et l'autre du Sim-
plicius de Grimmelshausen.
Le roman de Grimmelshausen, qui commence à être connu
en France *, date de la fin du XVIl" siècle. 11 obtint vite une
* Voy. dans Desnoiresterres, Voltaire aux Délices, pag. 129-142, tou-
ce qui a trait au poème le Désastre de Lisbonne.
'^ Desnoiresterres, Voltaire aux Délices, pag. 292.
* Strauss et Hettner apprécient peu le mérite de Candide. Par contre
Mahrenholtz [Voltaire-Studien, Oppeln, 1882) rend justice sans restric-
tion à tout l'esprit et à l'imagination inépuisable avec lesquels sont décrites
les conséquences de l'optimisme de Leibniz. V. p. 137.
* La thèse française de M. Antoine sur le Simplicissimus de Grim-
CANDIDE, SIMPLICIUS ET CANDIDO 487
grande popularité et a été imité souvent. Dix ans avant le
voyage jde Voltaire à Postdam, paraissait encore un Simpli-
cissimus redivivus *.
Comment Voltaire qui ne savait guère l'allemand, a-t-il connu
cet ouvrage ? On lui en aura parlé, et il s'en sera fait raconter
ou traduire les principaux chapitres. Il aura immédiatement
apprécié la valeur de cette conception originale qui, tout en
empruntant le cadre du roman picaresque, l'avait rempli de
personnages et de tableaux vraiment germaniques.
Simplicius lui-même ne doit rien à l'Espagne. C'est un gar-
çon honnête, d'une naïveté rustique, fort différent de Guzman
d'Alfarache. Voltaire, séduit par la vérité du caractère, s'en
empare, le nomme Candide et en fait l'écolier docile du leib-
nizien Pangloss. Le contraste soutenu entre la simplicité de
l'un et la pédante obstination de l'autre, fait le plus grand
intérêt du roman.
L'imitation de Voltaire ne s'est pas bornée à emprunter le
héros principal. Le château comique de la Westphalie où est
élevé Candide, n'est que la transformation de la demeure rus-
tique du Spessartoù se passe l'enfance de Simplicius. Les atro-
cités de la guerre ruinent le château comme la chaumière.
Est-il possible que Voltaire, s'il a eu connaissance de la page
suivante, n'y ait pas vu un argument contre l'optimisme, plus
probant encore que le tremblement de terre de Lisbonne?
Des soldats, pendant la guerre de Trente ans. ont envahi la
demeure du père nourricier de Simplicius : a On commença
par ôter les pierres des pistolets et par serrer à leur place
les pouces des paysans, et l'on tortura ces pauvres diables
comme s'il s'agissait de brûler des sorcières. Ils prirent un de
ces paysans prisonnier-*, le fourrèrent dans le poêle et y mirent
le feu, quoiqu'il n'eût encore rien avoué. A. un autre, ils cei-
gnirent la tête avec une corde et la serrèrent avec un garrot,
à tel point que le sang lui sortit par la bouche, le nez et les
melshausen est de 1882, postérieure de trois ans à la première forme de
l'article ci-dessus. M. Antoine n'a pas remarqué d'analogie entre Simpli-
cius et Candide. Le titre du roman allemand est bien Sùnplicissimus,
quoique le héros y soit dit Simplicius.
1 Gœdeke, Grundi'iss, tom. I, L. 5, p. 509, Simplicissimus redivivus,
s. 1. 1743, 8».
488 CANDIDE, SIMPLICIUS ET CANDIDO
oreilles. Chacun inventait un nouveau genre de torture pour
ces pauvres paysans, et chaque victime avait son supplice
particulier. Mais mon Knan (mon père), d'après ce que j'en
jugeais alors, fut le plus heureux et le mieux partagé. Car il
avoua en riant ce que les autres avaient dû avouer au milieu
des tourments et des cris de douleur. Sans doute on lui accorda
cet honneur parce qu'il était le chef de la maison. Ils le mirent
auprès d'un grand feu, le garrottèrent de manière à ce qu'il
ne pût remuer ni bras ni jambes, lui frottèrent la plante des
pieds avec du sel humide, et les lui firent lécher par une chè-
vre, ce qui le chatouilla tellement qu'il faillit crever de rire.
Comme je n'avais jamais vu mon Knân rire aussi longtemps,
je trouvai cela si gentil et si charmant, que, pour lui tenir
compagnie, ou plutôt parce que je n'en comprenais pas davan-
tage, je ne pus m'empêcher de rire avec lui. C'est en riant de
la sorte qu'il avoua ce qu'on voulait savoir de lui, et dit où
était caché son riche trésor qui consistait en perles, en or et en
bijoux, et qu'on n'aurait pas soupçonné dans la maison d'un
paysan. Des femmes, des servantes et des jeunes filles prison-
nières, je ne saurais rien dire, parce que les soldats ne me
laissaient pas voir comment ils les traitaient. Ce que je sais
bien toutefois, c'est que de temps à autre on entendait dans
les coins des cris déchirants ; et j'imagine que ma Meuder
(ma mère) et notre Ursele n'ont pas été plus épargnées que
les autres. Au milieu de cette désolation, je tournais tranquil-
lement la broche, sans me soucier de rien, parce que je ne
comprenais pas encore bien ce que cela voulait dire. J'aidai
aussi à faire boire les chevaux, ce qui me donna l'occasion de
voir notre servante dans l'écurie. Elle était si drôlement ajus-
tée et chiffonnée que je ne la reconnus point; mais elle me dit
d'une voix faible et dolente : 0 mon garçon, sauve-toi, sinon
les cavaliers te prendront avec eux. Arrange-toi pour t'esqui-
ver ; tu vois bien comme ils m'ont,.. Elle ne put en dire davan-
tage. )i Livre P', chap. 4 *,
La pauvre Ursule deviendra Pâquette, mais les conséquen-
ces de l'intimité de celle-ci avec Pangloss me paraissent déri-
1 Je cite d'après l'exacte traduction donnée de ce passage dans le
livre de M. Antoine, p. 122-123.
CANDIDE, SIMPLICIUS ET CANDIDO 489
ver des chapitres où Simplicius, le Beau Alemand, a de peu
honorables succès auprès des dames de Paris.
Le ton des deux romans est celui de l'ironie, incisive et
maligne dans Candide, brutale dans Simplicius. Un pauvre
enfant, sans connaissance aucune du monde, est jeté au milieu
des horreurs de la guerre de Trente Ans : il les décrit sans
paraître les comprendre, avec une vérité qui fait dresser les
cheveux. L'ironie voltairienue est de meilleure compagnie et
d'un plus grand style, mais elle atteint dans Candide à des
effets d'une intensité qui me paraît peu explicable chez l'au-
teur de Zadig,s[ Ton suppose qu'il a complètement ignoré le
livre de Grimmelshausen.
Comme Candide, Simplicius parcourt le monde, mais en
suivant un autre itinéraire. Ainsi il ne va point en Amérique
où l'élève de Fangloss me semble quelque peu entraîné par
l'exemple de certains personnages de Lesage. Mais dans
Grimmelshauseii les voyages du héros sont une addition inu-
tile : Simplicius quitte sa métairie où il vivait heureux,
tente fortune en Russie, se met au service du tsar, est en-
levé par des Tartares, vendu à des Chinois, donné par
ceux-ci au roi de Corée. Celui-ci, en reconnaissance de
ses services, lui rend la liberté, et l'adresse, par le Ji^pon, aux
Portugais de Macao. Il tombe plus tard entre les mains des
corsaires mahométans de la mer des Indes, est vendu à des
marchands d'Alexandrie, expédié à (îoustantinople où il rame
sur les galères du Grand Turc, jusqu'au jour où le navire est
pris par un vaisseau vénitien. Redevenu libre, il part de Venise
avec d'autres pèlerins allemands, visite Rome et Lorette, et
revient dans la Forêt-Noire par le Gothard, sans rapporter
rien cliez lui de ces voyages que la longue baibe qu'il avait
laissé pousser à l'étranger.
Dégoûté du monde, il finira en ermite daus une île déserte
près de Madagascar. Comme plus tard Robinson Crusoë, Sim-
plicius est un bon chrétien. Candide, au contraire, quand il est
au terme de ses aventures, passe de l'optimisme au scepti-
cisme : « Mais cultivons notre jardin. »
Dans Voltaire, on reconnaît ç:i et là des souvenirs du
voyage à Postdam : ainsi les traits contre la province de
Westphalie, la scène de l'enrôlement où est dépeinte la ma-
nière dont procédaient les recruteurs de l'armée de Frédéric,
490 CANDIDE, SIMPLIGIUS ET CANDIDO
par-dessus tout le hobereau, frère de Cunégonde, dont rien
ne peut corriger l'arrogance et qui garde sa moi'gue vaniteuse
dans les forêts du Paraguay et jusque sur les galères turques
où, comme Simplicius, il est contraint de ramer.
Faut-il ajouter quelque importance à des détails tels que la
mention de Venise dans les deux romans, le rôle des deux
anabaptistes?... On ne sait, et c'est vraiment d'une impression
d'ensemble que se dégage la supposition que Voltaire a connu
le roman allemand avant d'écrire le sien.
Pourquoi le héros chez lui est-il Candide et non Simplice?
Certainement pour ne pas encourir le reproche de plagiat qui,
dans le cas eût été très mal fondé ; mais peut-être aussi parce
qu'il avait rencontré dans la comédie anglaise un personnage
de ce nom, ayant, avec l'amant, de Cunégonde, une ressem-
blance de caractère.
Dans son étude sur /^Honnête Courlhane, de Decker et
Middleton {The Honest W/iore, 1604), Hazlitt, gr;ind admira-
teur de cette pièce, trace ainsi le portrait d'un des personnages :
(( Candido, le brave homme du drame, est un caractère d'une
simplicité et d'une originalité (quaint ness) inconcevables. Sa
patience et sa bonne humeur ne peuvent être troublées par
rien. L'idée (car ce n'est rien qu'une idée) est drôle et très
bien soutenue. Il n'est pas seulement résigné aux injures, mais
((il les transforme», comme dit Falstaff, des maladies ((en
avantages» *. Ce Candido qui prend toutes choses par le bon
côté, n'est-il pas un optimiste, et à ce titre n'a-t-il pas pu
arrêter l'attention de Voltaire?
Il est aisé d'accepter que les aventures de Cunégonde et de
la vieille doivent beaucoup à la nouvelle de Boccace, où l'on
voit la fiancée du roi de Garbe passer de main en main avant
d'arriver à son légitime possesseur. Il est plus difficile, je le
reconnais, d'admettre que la lecture de Voltaire se soit étendue
jusqu'à l'œuvre de Grimmelshausen ou au vieux théâtre anglais,
mais en soi la chose n'a rien d'impossible, puisque Voltaire a
eu l'occasion, en Allemagne et en Angleterre, de feuilleter le
' Hazlitt, Lectures on the Lilerature oj the arje of Elizabftk, lecture 3
on Marston, Chapman, Decker and Webster.
CANDIDE, SIMPLICIUS ET CANDJDO 491
Simplicius eiVHonest Whore^. Les titres, à eux seuls, étaient
dénature à solliciter sa curiosité.
Tout d'abord, j'étais porté à voir dans l" Ingénu un second
Simplicius, élevé non au Spessart, mais chez les Hurons, ce qu^
diffère peu. Mais c'est des Mémoirei^ de Uobert Chevalier, dit
de Beauchesne, publiés par Lesage (1732), que Voltaire s'est
inspiré ici. Il ne leur doit d'ailleurs que le caractère du per-
sonnage -.
Ferdinand Castets,
1 C'est à son séjour en Angleterre que Voltaire doit d'avoir connu Piler-
mite de Parnell (1679-1717), dont il a intercalé une imitation dans Zadig,
ce que Fréron lui reprocha durement.
* L'enfance de Beauchesne chez les Iroquois, sa violence et son courage
indomptables, la vigueur extraordinaire du « gros garçon d'assez bonne
mine, blanc et blond », son embarras naïf quand les dames, chez M. de
Remoussin, le prennent pour cible de leurs coquetteries, sont des traits
qui ont pu intéresser Voltaire. D'après Dunlop [History of Fiction, IIP,
p. 327), la principale situation est tirée de la Baronne de Liez, roman
de Duclos.
DEUX FAUTES DANS LE DISCOURS DE BOSSU KT
SUR L'HISTOIRE UNIVERSELLE
Dans les éditions du Discours sur l'Histoire universelle que
j'ai pu voir \ on lit^ : « 11 (Alexandre le Grand, aux Indes) fut
contraint de céder à ses soldats rebutés qui lui demandaient
du repos. Réduit à se contenter des superbes monuments
qu'il laissa sur le bord de l'Araspe, il ramena son armée», etc.
L'Araspe, quelle est cette rivière? En vain vous le deman-
derez aux commentateurs, aux lexicographes^ aux géogra-
phes. Nul ne connaît un cours d'eau de ce nom. La rivière au
bord de laquelle Alexandre dut arrêter sa marche victorieuse
est l'Hjphase ou Hypase^ (Vipaça, aujourd'hui Béyah).
Un peu plus loin les éditions portent : « Mais ce qu'il j avait
de plus funeste pour sa maison et pour son empire, est qu'il
laissait des capitaines à qui il avait appris à ne respirer que
l'ambition et la guerre. Il prévit à quels excès ils se porte-
raient quand il ne serait plus au monde : pour les retenir, et
de peur d'en être dédit, il n'osa nommer ni son successeur ni
le tuteur de ses enfants. »
On comprend : a de peur d'en être dédit, il n'osa nommer
son successeur.» Mais que peut bien signifier ceci : « pour les
retenir, il n'osa nommer son successeur? » Le beau moyen de
* De l'édition princeps, Paris 1681, à celle de M. A. Gasté, Paris 1885,
qui reproduit « aussi fidèlement que possible » la troisième, «revue par
l'auteur», Paris 1703, laquelle, d'après M. Gasté, « présente le texte
définitif» de Bossuet.
2 Troisième partie, chapitre 5, près de la fin.
3 Yyao-iç, Arrien ; Hypasis, Quinte-Gurce, Pline; YTravtç, Straboa,
Diodore de Sicile. Cette dernière variante est curieuse (Strabon 15, 1, 17,
p. 691, parle d'un peuple rTrxTÎwv dans les mêmes parages), mais ne nous
intéresse pas ici.
DEUX FAUTES DANS LE DISCOURS DE ROSSUET 493
retenir des généraux ambitieux et batailleurs : ne pas oser !
Et à supposer que Bossuet, par une sorte de zeugnae, ait voulu
dire : « pour les retenir, il ne nomma pas sou successeur»,
c'eût été une étrange précaution à prendre contre eux. Pour-
quoi, si chacun avait un droit égal à prétendre au trône, se
battraient-ils moins entre eux que si un seul l'avait ? N'insis-
tons pas. Il suffit d'un moment de réflexion pour voir que
Bossuet a dû écrire : « Il prévit à quels excès ils se porteraient
quand il ne serait plus au monde pour le^ retenir : et de peur
d'en être dédit, il n'osa nommer ni son successeur ni le tuteur
de ses enfants. »
Conviendra-t-il de corriger ces deux fautes dans les éditions
à venir du Discours? La seconde, oui; mais non la première.
C'est pour cette différence et dans l'intérêt de la méthode cri-
tique qu'il valait la peine de les relever.
Gomment Hjphase ou Hypase ' est-il devenu Araspe?Ce
n'est pas par une erreur visuelle du compositeur; on ne peut
prendre Hjpase pour Araspe, si mal que le mot soit écrit ; et
Bossuet avait une bonne écriture. C'est bien plutôt et sans
aucun doute par une confusion qui se fit dans l'esprit de Bos-
suet entre THyphase (affluent de l'Acésine, qui se jette dans
rindus), l'Hy daspe (autre affluent de la même rivière) etl'Aruxe
(fleuve de Perse), trois noms souvent mentionnés par les his-
toriens d'Alexandre. Peut-être aussi Araspe, nom d'homme
qu'il avait pu rencontrer dans la Gyropédie ou chez Phitarque,
se mêla-t-ilaux trois autres noms dans les souvenirs flottants
de l'orateur. Et c'est Araspe qu'il jeta sur le papier. Mais
précisément parce qu'elle suppose tant de réminiscences clas-
siques, la confusion doit être attribuée à l'auteur et non à
l'imprimeur. Il y a donc eu un moment où Bossuet a cru que
* C'est là, en eft'et, l'orthographe qui lui était fournie par les «Maté-
riaux du Discours sur l'histoire universelle » qui sont conservés dans un
manuscrit de la Bibliothèque Nationale, fonds français 12834, et dont les
éditeurs du Catalogue général des manuscrits français, MM. Omont et
Couderc, disent (t. II, p. 607) : « Très peu de ces matériaux sont auto-
graphes, mais beaucoup portent des corrections de la main de Bossuet.»
Dans ce manuscrit, on lit au f° 58 \- : « 11 subjugue toutes les Indes jus-
qu'au fleuve Hypase ou il est contreint de s'arrester voyant son armée
rebutée»; et les trois derniers mots sont corrigés en «ses soldats rebutez».
494 DEUX FAUTES DANS LE DISCOURS DE BOSSUET
la rivière qui marqua la limite de la marche cF Alexandre vers
l'orient s'appelait Araspe. L'erreur est de lui, il l'a commise
au moment où il écrivait cette page ; et comme il ne Ta corri-
gée dans aucune des éditions soi-disant revues par lui, il
paraît qu'il ne s'en est jamais aperçu ; nous n'avons pas le
droit d'y toucher.
Tout au contraire, la seconde faute est du fait de l'impri-
meur et non de l'auteur. Comment celui-ci ponctua-t-il sa
phrase ? On ne le saura probablement jamais, puisque le manus-
crit autographe paraît être perdu. Mais sa pensée, nous l'avons
vu, ne peut être que celle ci : « ...quand il ne serait plus au
monde pour les retenir : et de peur d'en être dédit, il n'osa
nommer», etc. C'est l'imprimeur qui la défigura en plaçant le
double point après « monde ». Si Bossuet, dans trois éditions
successives ' laissa subsister cette fausse ponctuation, c'est
évidemment par inadvertance; jamais cette ineptie : « pour
les retenir, il n'osa nommer son successeur» n'entra dans gon
esprit ; jamais elle n'a été qu'une simple faute d'impression.
Nous avons le droit et le devoir de la faire disparaître ^.
En note cependant, si l'on dispose de ce mojen, on avertira
le lecteur que Bossuet, dans ce passage, a eu deux défaillan-
ces : Tune de mémoire, sur un nom géographique, en compo-
sant; et l'autre, d'attention, sur un signe de ponctuation, en
corrigeant les épreuves. Deux péchés assurément véniels,
mais qui contribuent, pour leur faible paît, à caractériser sa
manière de travailler.
Max Bonnet.
• 1681 ; 1682 ; 1703.
* Après "monde», au lieu de deux points, certaines éditions ont un
point final ; d'autres, point et virgule. Réaume, Histoire de Bossuet, I,
p. 460, citant toute la page, écrit : « pour les retenir, ou de peur d'en
être dédit ». Est-ce une nouvelle faute d'impression ou une conjecture
malheureuse ?
UNA NUOVA GRAMMATICA LATINO-ITALIANA
DEL SEC. XIII
lo ho fiducia di recare, con la présente publicazione, nu
modesto contributo alla storia degli studi di grammatica nei
seooli XIII e XIV.
Tutti sanno che la produzione linguistica delT età di mezzo
si présenta, a seconda che venne suggerita da intendimenti
pratici o da intendinaeiiti teoriei, sotto una doppia espressione
letteraria. Alla prima categoria dei tcattati di rettorica pra-
tica si riferiscono le famose artes dictandi e i non meno noti
formulari^ che miravano ad agevolare, per via di proposizioni
fatte , Tespressione dei propri sentimenti in buona lingua
latinaa coloro che per Tiiso délia favella volgare erano venuti
perdendo la consuetudine dell' antica' ; alla seconda apparten-
gonoinvece iglossariele graminatiche,destinate afare appren-
dere il latino ^.
Queste grammatiche, rimaneggiamenti in génère di quelle
classiche antishe, di Donatoe di Prisciano sopratutto, e degne
ad ogni modo di attirare Tattenzione degli studiosi délia
1 Su le artes e sugli antichi dettatori si vedano gli studi seguenti :
Grôber. : Ueberdcht ûber die lateinische LitLeratur von der Mitte des
6 Jahrhunilerts bis 1350, ia Gnindriss /'. roman. Philol. II Bd. p. 352-3.
RocKiNOER. : Briefsteller imd For)neUjûcher, iu Quellt?i. z. bayer.
Gesch. IX, 1.
F. Casini. : La cultura bolognese dei secoli XII e XIII, in Gior}i. stor.
délia Letlerat. ital. I, p. 9, ss.
A. Gaudenzi. ; Guidonis Fabe dictamica'' rhetorica , in Propugnatore.
N. S. T. V. P. 1, p. 109.
G. Bkrtoni — E.-P. ViciNi. : Gli sliidi di grammatica e la rinascenza
a Modena, 1905, p. 103, ss.
2 et. Grober, Z. c. p. 251.
496 UNA NUOVA GRAMMATIGA LATINO-ITALIANA
cultura médiévale, non offrirebbero grande interesse per
il filologo, se un certo numéro di esse, composte in tempi a
noi più vicini, specialmente se indirizzate ai laiei presso i
quali riutelligenza délie significazioni latine andava ottene-
brandosi, non si fossero fatte eco del linguaggio volgare.
Precisamente a questo gruppo di grammatiche, le quali
fanno alla parola latina seguire la traduzione in volgare ed
adoperano eserapi in volgare, appartiens il documento che io
sto per rendere, in parte, di pubblica ragione.
Esso acfiuista maggiore importanza per il fatto che, meno
fortunate dei trattati di Guido Faba e di Buoncompagno da
Signa di altri, coteste grammatiche ci pervennero in numéro
cosi scarso, o sono almeno cosi poco conosciute, che non saprei
mettere accanto alla présente altro che il frammento lalino-
bergamasco, edito dal Sabbadini '.
La nostra graramatica trovasi nel cod. lat, mss. 23503,
appartenente alla R. Biblioteca di Monaco in Baviera.
È pergamenaceo ; rilegato in robuste assi con dorso in pelle ;
misura cm. 23 1/2 X 17.
Comprende 31 carte, di cui l'ultima serve di guardia ; la
scrittura si estende dalla c. 1 ■■ sino alla c. 28'" (=30"'); la
numerazione è récente e anche inesatta : saranno segnate
rispettivamente con c. Q bis e c.16 bis, due carte saltate dal
numeratore.
Il codicft è scritto in chiara, regolare e bella scrittura semi-
gotica. Le iniz:ali dei capoversi sono più grandi e in lettere
rosse. Le iniziali dei capitoli sono aiicora assai più grandi ;
pure in rosso e ornate di fregi.
Assai difficile è precisare Tepoca in cui sarebbestato scritto
il codice; i caratteri esteriori dc\ codice lo fanno oscillare tra
la fine del sec. XIII e la prima parte del sec. XIV.
Se è stato colloca'o da noi, nel titolo di queste pagine, addi-
ritiura nel sec. XIII, egli è perché esso appare una copia
e non un testo originale; contiene infatti alcuni errori che
1 In Studi medievali, 1904, fasc. II, p. 282-292.
DEL SEC. XIII 497
piuttosto che auna semplice svista delT araanuense sembrano
doversi attribuire a una cattiva lettura del testo : scieis cl"
per sciera; procui cl"; 'unorum c 24 "" per tuorum-^ quarte,
cl' dicetuare, c.24'" ; ecc. Molti altri esernpi ci offre anche il
testo sopratutto nella parte non riprodotta.
Prima di dare il soraraario del contenuto del codice occore
rilevare che questo, cosi corne ci è pervenuto, appare fram-
mentario. Il primo quaderno e forse anche i prirai due ' deb-
bono essere stati asportati dal codice. Questo sospetto infatti
ci vien sûggerito sia dalla mancanza di alcune trattazioni, ad
es. quella délie declinazioni, ecc; sia dalT assenza di un inci-
pit; sia dalla identità délia prima lettera iniziale con quelle
degli altri capitoli.
Dei capitoli rimastici, il primo (c. l'"-c.7") tratta dei nomi
eterocliti 2.
Il seconde (c. 7-'-c 10'), délie proposizioni relative.
Il terzo (c 10 ''-c 15'), degli avverbi di luogo.
Il quarto (c. IS'-c IG»"), dei partitivi.
Il quinto (c 16'"-c 17"), dei participi.
Il sesto (c 18''-c. 26'"), dei comparativi.
Il settimo e ultimo (c. 2Gr-c. 28''), dei superlativi.
Seguono, nella stessa carta 28'", altre 14 righe,'_nelle quali si
tratta dei nomi patronimici ; probabilmente sono un' aggiunta
posteriore, sia perché scritte in carattere corsivo, sia perché
è lasciato in bianco lo spazio in cui il rubricatore avrebbe
dovuto disegnare la lettera iniziale.
Tempo è ormai di mettere in rilievo le particolarità lingui-
stiche principal! :
Per quanto spetta alla grafia, notevole è Tuso di se per
sch : sciera, c. P; sciata, c 1".
L'n finale é rappresentato spesso per m;plem, c 24''; piera,
0.24''; um, c24r; mem, c25"; ecc
ch^ sta talvolta per il semplice c . : chanta, c ^bis^ :
Aggiungo due casi nei quali non sarà certo a vedersi un
semplice fatto di trascrizione :
' Ogni quaderno del codice consta di 8 carte.
* Questo capitolo, comprendendo la maggior parte délie parole in vol-
gare, verra stampato integralmente.
32
498 UNA NUOVA GRAMMATICA LATINO-ITALIANA
c, intervocalico rappresentato talvolta da s : piase, e. 6"" ;
talvolta da ç: tenace, c.3'; talvolta con x : piaxe, c. 2', paxo,
cl'.
s intervocalico rappresentato da x : caxa, P, ecc.
VOCALI TONICHE :
Apofonesi : capilli, c. 6bis^; quisti, c. 2"^; baruni, c. 5^/s'';
Nulla da osservare per quanto spetta ad u e i lunglii e tonici ;
infatti: fumo, c. l'; padulo, c.4'' (Meyer-Lubke, Gram. I, 60
e 483); vita, c. 1'; viso, c. 1^
i brève e È lungo rappresentati da e : vêla, c. 2''; sete, cl'';
tevaro, c 5^ Da aggiungersi il solito : libro, c 4".
il brève et ô lungo son dati per o .• torre, c 3"^; tosso, c3'';
rove, c 4'.
Uû è conservato nei latinismi : mundo, c. V; pulvero,
c Sr.
Abbiamo qui anche il difficile : lupo c 4^.
ô, brève è rappresentato generalmente da o : homo, c. 16',
ecc; logo, c 6'; scola, c. 24'' ; bone, c. 1".
Ma anche dal dittongo uo: scuole, 5èîs''; suoçera, c S"" ;
çuoghi, c G",
Da citarsi anche : nuora, c 3^
È brève, generalmente conservato anche in sillaba libéra :
Pero, c 2P', ecc; ma abbiamo anche spesse volte : Piero,
c. 21', ecc.
Non si dittonga in sillaba chiusa.
SuFMSso : ARius : maneria, c 1''; già in latino volgaro,
maneries, c P.
DiTTONGHi. Abbiamo, cielo, con Vi, c. 6"; celo, senza 1'?',
c 7'.
au, si risolve per o : cosa, c. 1''; povero, c. 2"; meloro, se
viene da 7nalus laurus, c 3"".
un au in al in aldù (udito), c. 25'.
VOCALI ATONE :
Il fatto più importante è che caduta le vocali e, quasi
sempre figura sostituita con o :
onoro, c ô^ ; salo, aero, maro, c 1 "■ ; famo, c 1 ■■, morto,
sauguo, 0.2'; tosso, c. 5 ' ; vallo, c. 3 ', ecc
DEL SEC. XIII 499
Qualche volta perô resta Ve : seto, c. 5' ; odore, c 5''; fine,
c. 4'"; nuxe, c. 4 "■ ; torre, c. S"".
I, postonico, non finale, dinanzi a r dà a; dataro, c, 4'';
in altii casi, e ; portego, c. S'; femena, c. 16". ecc.
Per le vocali protouiche in sillaba iniziale debbo citare
dinanzi a nasale lo svolgimento die par o : somente, c. 4'.
Vocale estirpatrice di iato : aiero, o. l '', accanto a : aero, c. l"".
CONSONANTl :
p, protonico, e postonico si risolve per v ; cevôla, c. 14^;
scove, c. 5 bis" ; pavolo, c. 7 '' ; pevere, c. 4 '' ; povero, c. 2''.
B, protonico e postonico si ritlette per v : fave, c. S"" ; rove,
c, 4 ■■; tavola, c. 3 ' ; avero, c. 1 ".
V, postonico cade in : ua, c. 3 "■ ; si conserva in : nave, c. 2 ".
T, postonico, si conserva in : sete, vita, satute c. 1 ■".
Si digrada in : desarraado, c. 5 bis" ; amado, c. 16" ; fadiira,
c. 5"^, menaçadi, c. IT'; protonico, tra voc.,si digrada e scom-
pare : leamo, c. 1 ""; bateura, c. 2^; albergaoro, c. 2'' ; hospeali,
c. 2", accantoalle forme hospetali, c. 2" ; aibatura, c.7^
c, postonica, si digrada: figo, c. 4''; segura, c. 5''; logo,
c, 6' ; çuoghi, c. 6 " ; portego, c. 3 ''.
j, iniziale, si svolge per z : zoventù, c. 1 "■; zuatio, c. 21 " ecc;
zudei, c. 5 bis" ; zove, c. 5"; çogolari, c. 5 Ois".
nei nessi :
Dj, postonico, : orzo, cl"; verça, c, 5 ■" ; nieço, c 24 ^
NJ, protonico, : signoria, c. 2''; e post : bagao, c.7 "■; vigne,
c. 5 bis^; castagna, c 4^
TJ, postonico, : piaza, c. 1(5 bis ".
LJ, protonico, : meioro, c. 24", miiari, c. 6''; ôiolo, c 5 ô« ',
accanto a filioli, c. 5 bis".
cj, postonico, : faça c 1'.
L, tra vocali, dà r in : dataro, c. 4 ^
V, iniziale per g : gumero, c 5 ^
N, intercalato, davanti una fricativa : insivam, c l"".
Gruppi :
CL, GL, PL, BL, FL, iniziali, si risolvono corne di consueto:
biancho, cl"; chiave, c 5''; piaza, c. 10 bis"; flore, c 3"^^, ecc
500 UNA NUOVA GRAMMATIGA LATINO-ITALIANA
Rileviamo il notevole : biava, c. S""; e lo svolgimento dioL :
ianda, c. 4 ■', dove, probabilmente, è da vedere nient'altro cbe
un segno grafico per g palatile.
CL, postonico, : vermeio, c. l''.
TL, postonico, : vechia, c. 3^ Citi<mo anche : scoglio, c. 2".
CR, dà gr : ale2:ro, c. 4 ""i agro, c. 4 ''.
Metatesi : prea, c. 4 ""'.
Articoli :
sing. masch. : lo, c. l'', ecc. ; el. c. S"", ecc.
genit. : de lo, c. ô"", ecc; del, c. S*", ecc.
ablat. : dal, c. S'',
féminin, : la, c. 1 ■■ ; ecc.
plur. : i, c. 16 bis"' ; li, cl' (de li c. 1 "), ecc.
NUMERALI :
maschile : due, cl"; dui, c. P ; du, c 24'" ; ecc.
fem. : doa, c 25'.
a tre a tri, c. 5 bis''.
seto, c 25^
Pronomi :
io, c 1"; eo, c. 2" ; me, c. 2'"; lo, lu e lui, c 22'".
tu, ti, c 25^
Aggettivi possessivi :
masch. plur. : mei, cl"; toj, c 24 ^
SOSTANTIVI :
Il plurale e per i, fenomeno assai fréquente nel veneto • :
vestiraente, c 5 bis" ; reprensione, c. 5 bis''.
ScAMBio Di DECLiNAZioNB : vcsta, C. 3"; segura, c. 5'';
sanguo, c. 2'".
ScAMBioDi suFPisso : salutevelo, c. 4' ; volevole, c 4".
Verbi :
PRES. iNDic. : vago, c. 6"'; ô, c 1 ' ; sono, c. 2"; sum, c. 21",
1 Cf. l'introduzione del Mussafîa all'edizione del « De regimine rectoris »
di Ira Paolino.
À
DEL SEC. XIII 501
ecc; cito anche : voio, c. ^^5 ■"; soio, c. 24'" ; vécu, c. 2" ; leço,
c.23^
Infinito : daro, c. 25 ' ; araaro, c. 16 ".
Particip. passati; (0, caie qualche volta, : amà, c. 16'; aldu
c. 25"', abiu, c. 1", accanti ad, abiudo, c. 5 bis" ; amado,
c. 16"; al plurale: vegnuj. c. I6ô«s''; batuj, c. IQbis"; accante
a menaçadi, c. 17'.
Va rilevato anche il diffuso : fir, infinito, da fiein, c. iQbis'';
ecc.
SiNTASSI.
Riguardo alla sintassi, mi basti richiamare l'attenzione su
l'impiego délia terza persona singolare con soggetto plurale.
Tuttavia : insiuam, c. l"' ; correno, c. 24 ■".
Un ultimo punto rimane ancora a chiarirsi : il luogo, cioè,
di provenienza del codice.
Le caratteristiche linguistiche, riprodotte più sopra, dirao-
strano in maniera évidente che il testo deve essere stato scritto
neir Italia settentrionale : basta, infatti, fare attenzione al
digradamento délie sorde intervocaliche, al trattamento délia
consonante j, délia vocale e postonica finale, ecc. Ora, quanto
facile riesce questa constatazione generica, altettanto diffi-
cile è poter fissare con precisione aquale determinata regione
il testo appartenga.
A questa difflcoltàsi urta serapre nella piiblicazione di testi
antiihi.
Il Mussafla, publicando i testi antichi veronesi, accortosi
che alcuni tra essi avrebbero potuto attribuirsi benissimo cosi
alla Lorabardia come al Veneto, propose a fine di spiegare
questo notevole fenomeno una sua teoria secondo la quale nella
Lombardia e nel Veneto si sarebbe verificata una tendenza
artificiale a darci una lingua litteraria e comune, risultante
di forme proprie alT una o ail' altra regione.
Altriinvece vollero spiegare il fenomeno ricorrendo ail' ipo-
tesi di un adattamento al proprio vernacolo effettuato dagli
amanuensi.
L'Ascoli' fece ragione di tutte queste ipotesi dimostrando
1 Arch. Glott. Ital., I, p. 309, ss.
502 UNA NUOVA GRAMMATIGA LATINO-ITALIANA
che alcune forme linguistiche similari (le apofonesi, peres.)
sono oiiginarie ed indigène tanto alla Lombardia che al Veneto
e vanno anche !=pesso spiegate con il reciproco influsso Ira
i vari dialetti, durante il période délia loro costituzione orga-
nica, per cui forme diverse venivano assunte a esprimere lo
fetesso fatto linguistico. Di queste, ciascun dialetto, man mano
che andava specificandosi, ritenne quelle che più rispondevano
air indole propria, eliminando a poco a poco le altre.
Qualunque siano ad ogni modo i cocfficienti produttori di
questo livellamento, la difficoltà creata dall' assenza di diflfe-
renziazione nella struttura primitiva dei dialetti settentrio-
nali è taie che il Salvioni afferma che senza il sussidio di testi-
monianze storiche è pressochè impossibile, nella generalità
dei casi, determinare con esattezza la provenienza di un
testo *.
A questa legge comune non si sottrae neppure il nostro : il
SUD volgare si ritrova pressochè tutto, cosi nel pianto veneziano
délia Vergine publicato dal Linder -, o nella « Cronica degli
Imperatori », édita dal Cerruti ^, corne nella parafrasi lora-
barda dei a Neminem iaedi nisi a se ipso », di san Giovanni Cri-
sostomo publicata dei Fërster ''. Nouostante perô Tincertezza
générale délie forme, la maggior parte dei testi racchiudono
in se alcuni sottili fenomeni rivelatori, che perraettono allô
studioso di fissarne i caratteri specifi.
Cosi anche riguardo al nostro testo io credo di poter fare
ancoia un passo innanzi aff'ermando che nel Veneto bisogna
rintracciarne la patria.
Infatti non solo Tautore appare dagli esempi de! capitolo
terzo (c. 10''-c. 15'') avère grande famigliarità con i paesi dei
Veneto, non solo l'affinità tra il nostro e gli antichi testi vene-
ziani sembi'a più intima, ma abbiamo ancora délie forme che
0 sono caratteristiche al dialetto veneto o per lo meno vi sono
» Giorn. stor. délia letterat. ital., XLIV, 1905, p. 420, ss.
^ A. Linder., Plainte de la Vierge en vieux vénitien. Upsala, 1898.
=* Arch. Glott. Ital., vol. III, p. 177, ss.
* Arch. Glott. Ital., vol. VII, p. i, ss.
DEL SEC. XIII 503
più diffuse che altrove ; cosi l'impiego délia terza persona
singolare [)er la plurale *, la forma pi per plus 2, ecc.
Arrivato a questo punto, non mi sembra temerario fare
ancora un ultime pas^so, afïermando che Torigine del nostro
testo è da ricercarsi in Verona. lufatti non solo tutri i feno-
meni linguistici dà me accennati sono corauni al dialetto
veronese, mail nostro testo volgare ci offre alcune forme che
possono considerarsi quasi come caratteristiche di quel dia-
letto; cito : il fenoraeno dolT-o postonico finale^ e la termi-
nazione aro degli infiniti verbali''.
Di più a Verona ci richiama lo stesso autore il qualo nei
suoi esempi la cita di preferenza. Più che venti volte è citata
Verona nel capitolo terzo ed è generalmente nominata la
prima nelle série di nomi di città ^; appresso viène Vicenza,
citata nove volte.
A Verona finalmente ci riporta un' indicazione esteriore del
codice, Infatti nella parte interna dell' ultimo riguardo si tro-
vavano scritte due righe, destinate probabilmente a indicare
il proprietario del manoscritto. Disgraziatamente, ail' epoca
forse del suo trafugamento in Gerinania, sono state profonda-
mente raschiate, di maniera che appena, è oggi possibile di leg-
gere : Iste libe^'fuit ; e poi al principio délia seconda riga
si intravede : de verona
Dopo ciô, diquesta grammatichetta, che possiamo chiamare
addirittura latino-veronese, riproduciamo tutti quel frammenti
che contengono le parti volgari ^.
c. P].
Nota, quod sunt quedam nomina masculini generis non
declinata in plurali que in bis uersibus continentur:
» Cf. Arch. Glott. Ital. I, 137; Linder, /. c. p. cxv.
* Cf. K. von Ettmayer, Lombardisch-Ladinisches au6 Siidtirol. Estratto
dalle Romanische-Forschungen, vol. XIII, 2: p, 570.
3 Cf. Arch. I, p. 307. Meyer-Ltibke, I, 807.
* Cf. Arch. I, p. 424, note 2; Oehlert, Alte-Verones. Passion.
Halle, 1891, p. 58.
^ Cf. mss. c. 11', li''', ecc.
"^ Ho tralasciato di trattare délie relazioni tra la nostra grammatica
e gli altri analoghi componimenti del medio evo, perché intendo occupar-
mene più diffusarnente a proposito délia publicazione intégrale del testo
che spero fare tra brève.
504 UNA NUOVA GRAMMATIGA LATINO-ITALIANA
Cura fumo fimus, sanguis cum puluere, limus,
Aer, sol, pontus, cum mundo uisus et ether.
Hic fumus, huiusfumi, lo fumo.
Hic fimus, huius fimi, lo fango sive lo leamo.
Hic sanguis, huius sanguinis, lo sanguo.
Hic puluis vel puluer, huius pulueris, la poluero.
Hic limus, huius limi, el luamo.
Hic aer, huius aeris, taero.
Hic sal, huius salis, lo salo.
Hic pontus, huius ponti, lo maro.
Hic mundus, huius mundi, lo mundo.
Hic uisus, huius uisi, lo viso.
Hic ether, huius etheris, lo aiero.
Et nota quod quando datur thema per supradicta nomina ia
Dominatiuo plurali, quo carent, debemus récurera ad hoc no-
men maneries et ponere in illo casu quem uult uerbum et pre-
dicta nomina in genitivo, uel ad nomina adiectiua ponderalia
et ponere ipsa cura predictis nominibus in eo casu quem
requirit uerbum ut in hoc exemplo : dui fumy msiuam de caxa
toa debemus dicere : duplex fumus exibat domum tuam, vel
dicere : maneries fumi exibat domum tuam.
Nota, quod sunt quedam nomina femini[nij, generis que de
usu non declinantur in plurali numéro et sunt ista que in his
uersibus continentur :
Lux, sitis vel labes, mors, uita, famés, quoque, tabès,
Gloria, fama, salus, humus, paj, cum lue tellus, ;
Adde senecta senectus, adde iuuentus iuuenta,
Hiis iungas soboles, societur eis quoque proies.
Hec lux, huius lucis, la luso.
Hec sitis, huius sitis, la sete.
Hec labes, huius labis, la brutura.
Hec mors, huius mortis, la morto,
Hec vita, huius, uite, la vita.
Hec famés, huius famis, la famo.
Hec tabès, huius tabis, la brutura.
Hec gloria, huius glorie, la gloria.
Hec fama, huius famé, la fama.
DEL SEC. XIII
i05
Hec salus, huius salutis, la salute.
Hec humus, huius hurai, la terra.
Hec pax, huius pacis, la paxo.
Hec lues, huius luis, la brutura.
Hec telus, huius teluris, la teira.
l Hec senectus, huius senecte.
( Hec senectus, p. eodem.
[ Hec juuentus, huius iuuentutis, la zouenth.
\ Hec juuenta, p. eodem.
Hec proies, huius prolis, la sciata.
Hec soboles, huius sobolis, p. eodem.
Et nota quod quando datur thema in plurali numéro, quo
carent, debemus facere la [c. 1''] tinum sicut dictura fuit supra
in anteriori régula. Ut in hoc exemple : 20, à abiu due sete,
débet dicere : ego habui duas maneries sitis, vel duplicem
sitis {sic).
Nota, quod sunt quedam nomina neutri generis que carent
tribus casibus in plurali, scilicet genetiuus, datiuus et ablati-
uus et sunt ista que continentur in istis versibus.
Era seu maria, uina, dant, ordea, mêla,
Très, casus iura tibi prebent oraque thura.
Hoc es, huius eris, lauero.
Hoc mare, huius maris, lo inaro.
Hoc vinum, huius uini, lo vino.
Hoc ordeum, huius ordei, torzo.
Hoc mel, huius melis, lo melo.
Hoc lus, huius iutis, lo brodo.
Hoc os, huius oris, la bocha.
Hoc thus, huius thuris, lo incenso.
Et nota quod quando datur thema per predicta nomina in
illis casibus quibus carent debemus facere sicut dictum fuit
superius in antecedenti régula, ut in hoc exemplo : de H met
uini Vuno h uenneio e l'altro h biancho; debemus dicere : mane-
ries mei uini una est alba, reliqua vero vermilia, vel debemus
recurere ad casus quos habent et rautare constructionem,
ut inter mea aliquid est album aliquid est vermilium. Et
nota quod lus habet plures significationes, sed in predicta
régula capitur p. lo brodo. Unde uersus :
506 UNA NUOVA GRAMMATICA LATINO-ITALIANA
Jus, aqua, ius rectum, lus locus, atque potestas.
Jus ad caponem, ius pertinetad racionera,
Jus cum brodescit genètivo dativo carescit.
Nota, quod omnia nomina quarte {sic) declinalionis carent
tribus casibns scilicet : genetiuo, datiuo et ablatiuo, prêter
ista que continentur in istis uersibus :
Sunt res atque dies, acies, facie-, speciesque,
Is quoque nianeries addatur materiesque,
Hec re?, huius rei, la cosa.
Hic vel liée dies, huius diei, lo <li.
Hec acies, huius aciei, lo laio del ferro.
Hec materies, huius materiei, la materia.
Hec faciès, huius faciei, la faça.
Hec maneries, huius maneriei, la maneria.
Hec species, huius speciei, la qualità over la beça^ over le
specie.
Et nota quod quando datur thema quinte declinationis in
illis casibus quibus carent, debenius edere latinum ut dictum.
fuit superius in precedenti régula, ut in hoc exemplo : De le
sporinçe alc'iuneè bone, alchune e rie: Manerierum spei aliqua
est bona, aliqua e<t mala. Et nota quod hoc nomen acies quod
est (est) in precedenti régula invenitur per lo taio e per lo
veâere c per la sciera -. Et hoc nomen speeies inuenitur per la
beleça e per la potentia e per la sapientia e per lacidenie par-
tium^ omnium. Unde versus :
c.2^J
Est acies oeuli, feri bellique furentis,
Accidit atque potest, species et prédicat ornât,
Signât arroraata^ quidetn ista vocanda tibi.
Nota, quod omnia nomina meiallorura et umidorura non
declinantur in plurali nisi : es et metallum et nisi fanpasum,
' Cosi nel cod. Evidenternente va letto : he[lé\ça.
^ Nel ms. scieis. Circa al suono duro sci, si cfr. più sopra sciata
(schiatta).
' Nel m. pro cui.
* -ta pare abraso.
DEL SEC. XIII 507
ordeum, fiirnientum et lujiinup^ faba, melapopo, unda ' strec-
tara (?) liquor, uis et mare. El iK^ta quod quarulo datur thema
in phirali numéro per siipradicta nomiiia que carent ipso,
deberaus coraponere latinum ut dictum fuit superius in pre-
cedentibus regulis, ut in lioc exem[)lo : de li olij a/cliuni dulci
alchuni amari : Manerierum olei aliqua est dulcis, aliqua
amara.
Nota, quoi sunt quedam nomina que in singulari numéro
carent nominatiuo et uocatiuo et sunt ista : vioisi, necis, pré-
cis, dapis, contis, opis, fori^', fVigis, dicionis, lateris, quam-
pluris, uisceris, uerberis, et tabi, non habent in singulari
numéro nisi genetiuum et ablatiuum et omnia sunt feminini
geneiis nisi lateris et tabi, que sunt masculini generis et w'ui
visceris et uerberis, que sunt neutri generis et quampluris
quod est neutri generis.
Genetivo : huius uicis, la volta.
— huius précis^ la preçjera.
— huius dapis, la viuanda.
— huius foris, la porta.
— huius frigis, la biaua.
— huius quampluris.
— huius uisceris, lo enteriore.
— huius necis, la morto.
— huius contis, la scoglio.
— huius opis, la uitorio.
— huius dicionis, /a Sf^norw.
— huius lateris lo quarello.
— huius uerberis, la bateura.
— huius tabi, /a sanguo fiacido.
Et nota quod quando jdatur theaia [)er predicta nomina in
nominatiuo casu quo carent, vel in illis casibus quibus carent,
debemus recurere ad hoc nomen maneries etponere in eo casu
quera uult uerbum et predicta nomina in geuetiuo casu et
possuraus etiam alio modo, scilicet recurere ad dictum singu-
larem si habent et ad infiniturn illius udi'bi quod datur thema,
ut in hoc exemple : quesia noUa me piaxe. Istam uicem est pla-
cere michi, vel maneries istius vicis placet michi :
• Ms. uuda.
508 UNA NUOVA GRAMMATICA LATINO-ITALIANA
Nota, quod sunt quedam nomina apud antiquos que erant
omnis generis sed apud nos perdiderunt neutrum genus et
sunt comuuis generis et continentur in istis versibus.
Degener et sospes, pauper quoque diues et ospes
Omnis erant generis que sunt coraunia nuper
-Tem vel -tes fugiunt neutrum, sed cetera sumunt.
c. 2^]
Hic et hec degener, huius degeneris, lo vilano.
Hic et hec sospes, huius sospitis, sano e saluo.
Hic et hec pauper, huius pauperis, Comopouero.
Hic et hec diues, huius diuitis, romn richo.
Hic et hec hospes, huius hospitis, Como albei^gaoro.
Hic et hec incolumis, et hocincolume, l'omo sano e saluo.
Hic et hec ignobilis, et hoc ignobile, /owo yz'/ano.
Nominatiuo egenus egena egenura, t'ojno pouero.
Et nota quod licet predicta nomina sint comunis generis
possunt taraen iungi cum norainibus neutri generis in quolibet
casu, prêter quam in genetiuo singulari et prêter quam in
accusatiuo nominatiuo et vocatiuo, in quibus casibus non pos-
sunt iungi cum neutro génère quia quoad uocem et quoad
intelleclum sunt tamen comunis generis in predictis casibus.
Unde si detur thema taie : eo ueçu uno bello hospeale, non pos-
sumus dicere : video unum hospitalem pulcrum, imo debemus
dicere per latinum et hoc potest fieri per latinum et sum, es,
est, ut egouideo unum hospitale quod est diues, et si datur
thema in hoc exemplo quisti dui hospitali sono richi, debemus
dicere : istorum duorum hospitalium utrumque est diues, vel
uolumus dicere per ista vocabula : ista duo hospitalia sunt
locuplecia.
Nota, quod omnia nomina secunde declinationis sunt mas-
culini generis desinentia in-MS, ut hic dominus et hic deus prê-
ter illa que continentur in istis versibus que sunt feminini
generis et sunt ista :
Artus, diptongus, nardus, costusque, fasellus,
Aluus, cristalus, sjnodus, balamus, quoque uanu?,
Carbasus, atque colus, abisus, humus quoque botrus,
His crinusbisus iungantur et ipsa papirus.
DEL SEC. XIII 509
Hec artus, liuius arti, una Stella.
Hec diptongus, liuius diptongi, lo ditongo.
Hec nardus, liuius nardi, unguento.
Hec costus, huius costi, una herba.
Hec faselus, huitis faseli, una pizola naiie.
Hec aluus, huius aluui, lo uentre.
Hec cristalus, huius cristali, lo cristalo.
Hec sjnodus, huius synodi, la congregalione dei chierexi.
Hec vanus, huius vani, lo nalo.
Hec balamus, huius balami, vna generatiom.
Hec carbasus, huius carbasi, la uela de la naue.
c. 3>-]
Hec colus, huius coli, la rocha da filare.
Hec abisus, huius abisi, /' abiso,
Hec humus, huius humi, la terra.
Hec botrus, huius botri, el gram de Tua.
Hec eremus, huius eremi, uno uechio.
Hec bisus, huius bisi, la purpura hiancha.
Hec papirus, huius papiri, la ckarta, ouer el çogelo.
Nota, quod omnia nomina quarte declinationis desinencia
in-ws sunt masculini generis, ut hic uisus ; prêter ista que
continentur in istis uersibus que sunt feminini generis et sunt
ista :
Porticus atque tribus, nurus, manus, aut annus, idus,
Acus atque specus, penus, domus excipe socrus.
Et pinus cum quercus, ficus quoque dicito laurus.
Hec porticus, huius porticus, elportego.
Hec tribus, huius tribus, la sciata.
Hec nurus, huius nuri, la nuora.
Hec manus, huius manus, la mano.
Hec annus, huius annus, la vechia.
Et pluralis nominatiuo hec idus genetiuo harum idus una
parte del mundo.
Hec acus, huius acus, fauchia.
Hec specus, huius specus, la beltresca.
Hec penus, huius penus, la chaneua dal uim.
Hec domus, huius domus, la chaxa.
Hec socrus, huius socri, la suoxera.
510 UNA NUOVA GRAMMATICA LATINO-ITALIANA
Hec pinus, huius pini, lo pino.
Hec quercus, huius quercus, larouere.
Hec ficus, huius ficus, lo figo.
Hec laurus, huius laurus, lo meloro.
Et nota quod omnia nomina desinentia in(h)is, hahentia du-
plicem consonantem ante -is vel habentem mm duplicis vel
unam ex liquidis vel n ante -is et corripientia penultimam cres-
centis genetiui sunt masculin! generis, ut hic piscis et hic lapis,
prêter ista que in his uersibus continentur que sunt feminini
generis :
Dyplovs et cassis, cuspis, capis et clamis, assis,
Aspis, glis et febris, erinis, eumenis, ebris,
Lis, neptis, lactis, pelis, piscisque parassis,
c. 3^]
Piramis et peluis, tussis, pelis, malapestis,
Restis et oressis, turris, uallis quoque uestis.
Hec clamis, huius clamidis, lo mantello.
Hec asis, huius asidis, la tauola.
Hec aspis, huius aspidis, Vaspro sordo.
Hec glis, huius glitis, la lapola ouero lo apio.
Hec glis, huius glissis, la terra tenace.
Hec febris, huius febris, la fehre.
Nec ( erinis, \ huius j erinis, la furia infernale.
Nec ( eumenis, ( huius ( eumenis, p. eodem.
Hec edris, huius edridis, la loriachet^sa.
Hec lis, huius litis, la briga.
Hec neptis, huius neptis, la neça.
Hec lactis, huius lactis, la rosella ouero lo flore.
Hec polis, huius polis, la cita, vel planta.
Hec pissis, huius pissidis, la busula.
Hec parasis, huius parasidis, la scudella.
Hec piramis, huius piramidis, lo anello.
Hec peluis, huius peluis, la choncha ouer lo baçino.
Hec tussis, huius tussis, la losso.
Hec pellis, huius pellis, la pelle.
Hec pestis, huius pestis, la pestilentia.
Hec restis, huius restis, la soga.
DEL SEC. XIII 511
Hec orresis, huius orresis, la incendia de la gola,
Hec turris, huius turris, la torve.
Hec uallis, huius ualli.s, la uallo.
Hec uesti.'?, huius uestis, la uesla.
Nota, quod orania iioraina fructuum arboruin sunt neutritis
generis et secunde declinationis, ut sucinura et hoc malum,
prêter ista que contineutur in his uer^ibus :
Aiboris est omnis fructus générique neutralis,
Prêter auelana, nux, glans, castauea, ficus,
Uua, galla, grasuUa, amigdula, cnrica, bâcha,
Hic datilus, cedrus, gariofalus atque racemus,
Femina lumea, piper neutrale tenes,
c. 4']
Cucumer cum pepo simul dicuntur esse melones.
Hec auelana, huius auelane, lanoxela.
Hec nux, huius nucis, la nuxe.
Hec glanis, huius glandis, la ianda.
Hec castanea, huius castanee, la castagna.
Hec ficus, huius ficus, lo figo.
Hec uua, huius uue, l'uua.
Hecgalhi, huius galle, la galla.
Hec grasula, huius grasule, quedam maneries uuarum.
Hec amigdula, huius amigdule, lamandola.
Hec caricha, huius eariche, la figa sécha.
Hec bâcha, huius bâche, l'orbaga.
Hic datilus, huius datili, lo dataro.
Hic cedrus, huius cedri, lo cedro.
Hic garifolus, huius garifoli, logarofalo.
Hic recemus, huius racemi, lo 7'aspo de tuua.
Hec limea, huius lume, la lumea.
Hoc piper, huius piperis, lo peuere.
Hic cucumer, huius cucumeris, lo popone.
Hic pepo, huius peponis, lo melone.
Nota, quod omnia nomina arborum sunt feminini generis
et secunde declinationis, ut : hec auelanus,-ni ; prêter dumus,
rubus, oleaster et piaster, que sunt masculini generis et prê-
ter : pinus, ficus, quercus, laurus, que sunt quarte declina-
tionis. Unde uersus de génère :
512 UNA NUOVA GRAMMATICA LATINO-ITALIANA
Feminini generis genus arboris omne teneto
Ni dumus et rubus, oleaster siue piaster.
Hic dumus^ huius diimi, to caslagno.
Hic rubus, huius rubi, lo roue.
Hic oleaster, huius oleastri, toHuo saluaticho.
Hic piaster, huius piastri, lo pino salualicho.
Nota, quod omnia nomina incerti generis sunt ista que
coûtinentur iu isto uersu :
Di, cor, si, fi, bu, li, cru, car, ser, pau, tal, dar, mar, bidens
et semeiitis.
Hic uel hec dies, huius diei, lo di.
Hic uel hec cortex, huius corticis, la scorca ouer la buça.
Hic uel hec silex, huius silicis, la prea.
c. 4^].
Hic uel hec finis, huius finis, la fine.
Hic uel hec bubo, huius bubonis, lo guffo.
Hic uel hec linx, huius lincis, lo lupo çeruero.
Hic uel hec crimis, huius criminis, la groppa.
Hic uel hec cardo, huius cardonis, lo carichano.
Hic uel hec serpens, huius serpentis, lo serpente.
Hic uel hec panthera, huius panthère, la pantera.
Hic uel hec talpa, huius talpe, la talpa.
Hic uel hec dalraa, huius dalme, lo dajno.
Hic uel hec margo, huius marginis, lo spacio de lo libro.
Hic uel hec bidens, huius bidentis, la pegora ouer lo folcone.
Hic uel hec sementis, huius sementis, la somente.
Nota, quod undecim sunt nomina adiectiua que in nomina-
tiuo et acusatiuo singulari uariantur per très articulos diuisis
uocibus et diuisim et sunt ista que in his uersibus continentur :
Cauipester, uolucer, alacerque, saluber, quoque equester,
Siluester, celeber, acerque, celerque, pedester,
In his bis quinque tenet hic -er hec -is es hoc-e,
Ut summam teneas his omnibus adde paluster.
Hic campester, hec-stris et hoc campestre, dicampo.
Hic uolucer, hec -cris et hoc uolucre, uoleuole.
Hic alacer, hec -cris et hoc alacre, alegro.
Hic saluber, hec -bris et hoc salubre, saluteuelo.
DEL SEC. XIII 513
ITic eqncster, liec-stris et hoc équestre, dn cntialo.
Hic siluoster, hec -stris et hoc siluestre, (Je sehia.
Hic celeber, hec -bris et lioc célèbre, honorenelo.
Hic acer, hec -cris et hoc acre, agro.
Hic celer, hec -ris et hoc celere, prei^lo.
Hic pedester, hec -stris et hoc pédestre, da pe.
Hic paluster, hec -stris et hoc palustre, da })adul().
Nota, quoil suiit quelara noinina habentia duplicein termi-
nationem in nominatiuo et uocatiuo casu singulari in bis uer-
sibus coiitinentur :
Est arbor, honor, o lor et siuiul a !iie labor,
Ciner uel uomis, cucuraer gernitianlia puluis.
Bis duo sunt or et os rectos facieutia casus.
c. 5'].
Hec arbor uel arbos, l'arbore.
Hic odor uel odos, l'oiore.
Hic ciner uel cinis, la cenere.
Hic cucumer uel cucuniis, lo cocumern.
Hic honor uel honos, tonoro.
Hic labor uel labos, la fadiga.
Hic uomer uel uomis, lo gumero.
Hic puluer pel puluis, lapuluero.
Nota, quod oraiiia noinina propria locorum sutit feraitiini
generis uel neutri, prêter viens, quod est masculin! generis et
nomina coraposita qiie tenent quod habeiit in siniplicitate .
Unde versus :
Femina uel neutra sunt nomina qnoque locorum,
Excipiuntur uicus et nomina compositorum.
Nota, quod sunt quedam nomina terminantia acusatiuutn
singularein -em et in -im et quedam in -im tantura et (pie faciunt
in acusatiuo iu-em et in-im faciunt in ablatiuo in-e et in-i et
que faciunt in acusatiuo in-im tantum, faciunt in ablatiuo iui
tantuna. Versus :
Turrira, maguderim, burim, tiberimque securim,
Vim, peluim, nauim, tussim, pupim quo(|ue clauim,
His adiungas sitim, cui iungas ()ostmolum rostim,
Inuenies turrem ueruntamen atque securem,
Et peluem, nauem, tussem, pupem quoque ciauem.
33
514 UNA NUOVA GRAMMATICA LATINO-ITALIANA
Hec turris, huius turris, la torre.
Hic maguder, huius maguderis, la lorso de la uerça.
Hec buris, huius buris, la bora de In aratro.
Hic tiber, huius tiberis, la teuaro de roma.
Hec securis, huius securis, la s''(jura.
Hec uis, acGusatiuo uim, vocatiuo vis, ablatino ab hac vi,
la força, et non habet plus in singularn numéro, in plurali uero
habet omnes casus.
Hec pelui-i, huius peluis, la concha.
Hec naui>\ liuius, nauis, la nnue.
Hec lussisj huius tussis, la tosso.
Hec pupis, liuius pupis, la popa.
Hec clauis, huius clauis, la chi'aue.
Hec sjtis, huius sitis, la sete.
Hec restis, huius restis, la soga.
Nota, quod omnia nomina que faciunt in nominatiuo in
neutre génère in-e, faciunt in abiatiuo singulari in -i, ut: hoc
mare, abiatiuo : ab hoc mari; et hic et hec utilis et hoc utile,
abiatiuo ab lioc et ab hac et ab hoc utiii; prêter : gausape,
presepe, cèpe et nomina [)ropria locorum; ut uignale casti-
lione, que faciunt tantum in-e; unde versus:
c. 5']
Nomen in -e neutrum sextum dat in-i modo casum,
Gausape, piesepe non mutant eneque cèpe,
Gausai)e cum proprijs et non mutare iubeto.
Hoc gausape, huius gausapis, la louaia.
Hoc presepe, huius presepis, la magnaora.
Hoc cèpe, huius cèpe, indeclinabile : la ceuola.
Nota, quod omnia nomina feminini generis desinenfia in -a,
descendentia a masculinis mutata-us in -a in datiuo et abia-
tiuo pluralibus, ad diferentiam suorum mascolinorum, in -abus
ut equa, equabus et sic de aliis, prêter quara si esset nomen
adiectiuum, ut albus, alba, album, quod non facit albabus. Et
prêter quam si esset res inanimata, ut banchui», bancha, quod
non facit banchabus. Et prêter quam si esset res que cognosci
non posset per sexurn^, ut columbu, -ba, quod non facit colum-
babus. Unde uersus :
DEL SËG, XIII blo
A ueniens ex-us, sine neuti'o, transit in abus.
Hcc animatoruiu sunt discernentia sexus.
Nota, quoil siuit qiiedam tioraina substantiva, a quibus
deriuantur adiectiua pi'ime et secuntle declinationis et tei'cie
tt sont ista :
Cera, iugum, limu?, animiif', colus, aima, bacilus,
Cura norraa neruus, cuiu freno colige frenum.
A cera deriuatur sincerus, -ra, -rum ; et hic et hec sinceris
et hoc sincère, quod estdictu : chiarn.
A iugum deriuatur bimgus, -ga, -gum, et iiic et hec bongus
et lioc bonge, quod est dictu : de dui zoue :
A limus deriuatur sublimu^i, -ma, -nium, et hic et hec subli
mis et hoc sublime, quod est dictu : alto.
Ab animus deriuatur magnanimus, -ma, -ranm, et liic et hec
magnaniraus et hoc magnanime, ([uod est dictu ; de grande
animo.
A colus deriuatur columus, -ma, -mum, et hic et lioc colu-
mis et hoc colume, quod est dictu : snno et salao.
Al) arma deriuatur inermus, -ma, -mura, et liic et hoc inermis
et hoc inerme, quod est dictu : desarmado.
A bacilus deriuatur inbecilus, -la, -lum, et hic et hec inbecilis
et hoc inbecile, quod est dictu : débile.
A norma deriuatur enorraus, -raa, -mum, et hic et hoc enor-
mis et hoc énorme, quod est dictu : sença régala.
c. h (bis)']
A neruus deriuatur eneruus, -ua, -uuni, et hic et hec eiie-
ruis et hoc enerue, quod est dictu : delnle.
A freno deriuatur efrenus, -na, -nura, et hic et hec efreni.'J
et hoc efrene, quod est dictu : sfrennto.
A cliuus deriuatur decliuus, - ua, -um et hic et hoc decliuis et
hoc decliue, quod estdictu : inclinato.
Nota, quod nullum nomen proprium declinatur in plurali
nisi istis modis, scilicet, diuisione, ut, duo galee; institutione,
ut, pise euenta; ut, ecce duos petres; oppinione, ut, duos
soles ; translatione de una significatione ad aliara, ut, salo-
mones idest sapientés : cognatione, ut, gualas (?). Unde uersus :
516 UNA NUOVA GRAMMATICA LATINO-ITALIANA
Diuidit, instituit euentam, oppinio transfert,
Pluralis numeri signât cognatio riomen.
Nota, quod sutit quedatn nomina masculini generis, que
apud modernos tantum pluraliter declinantur et sunt ista sci-
licet : fori, liberi, mânes, pénates, etc.
Plurali nominatiuo : hi fori, fororum, tabulata nauium.
— — hi liberi, liberorum, /?' /?//«//.
— — hi mânes, manium, le anime infernale.
— — hi pénates, penatum, furie infernales.
— — hi sales, salium, li çogolarij.
— — hi cani, canoruni, li capelli canudi.
— — hi cases, casium, le reti.
— — hi uepres, ueprium, le uepre.
- — hi sentes, sentium, le spine.
— — hi fasces, fasciura, li onori.
— hi canceli, cancelorura, li canceli.
— — hi gemini, geminorum, uno segno celés-
tiale .
— — hi superi, su perorum, /« (/e2 (il soMwra.
— — hi inferi, inferorum, li dei di sotla.
— — hi terni, -ne, -narum, a tre a tri.
— — hi quaterni, -ne, -narum, a 5'2<a^ro a çwa-
tro.
— — hi proceres, procerum, li baruni.
— — hi antes, antium, li cavipi de le w'gne.
Et nota, quod quedam ex predictorum nominum in fre-
quenti usu inveniuntur in singulari numéro, ut, nomina bipar-
tita, scilicet, terni, quaterni, et casses et sentes, [c. b(ljis)'']
Unde licet uteremur talibus nominibus in singulari numéro
peccaremus et alia autem tanlum in usu plurali. Unde si datur
thema in numéro plurali per predicta nomina debemus recu-
rere ad alia uocabula in singulari numéro declinata, ut in hoc
exemplo : io ô abiudo uno fiiolo, debemus dicere ; ego habui
unum filium et non liberos.
Nota, quod sunt quedara nomina feminini generis tantum
pluraliler declinata, scilicet, anchie, brache, cerimonie,
delitie, diuitie, argutie, blanditie, exequie ; et nomina ciuita-
tum, ut, pise, tebe, etathene; et nomina librorum, ut, decre-
tales et ysagoge.
DEL SEC. XIII 517
Plurali nominatiuo : he ^nchie, -a.r\\m, H /)enduni delà ouetula.
— — he brache, -arum, le brache.
— — he cerimonic, -arum, le obseruantie de U
zudei.
— — lie delicie, arum, le delicançe.
— — he a.r'fiiit\e,-'Aruïo, le reprens/'one.
— — he diuitie, -arum, le richeçe.
— — he bhitulitie, -arum, /(? /osen^/Ae.
— — he exequie, -arum, // offitij de le sépul-
ture.
— — he exiraie, -arum, le spollie.
he exquilie, -arura,
- — he excubie, -arum, le guardie .
— — he fasimie, -arum, le chançone che se
chanta a H puti de fassa.
— — he gades, -diuiu, li ter mini de hercules.
— — he iaducie, -arum, le induxie.
— — he indume, -arum, le uestimente.
— — he insidie, -arum, ti aguati.
— — he kalende, -arum, /e ca/e;7c?e.
— — he ferie, -arum, le ferle.
— — he mine, -arum, le menace.
— — he manubrie, -arum, le mnneglii.
— — he nundine, -âvum, li merchati.
— — he noue, -arum, la nona.
— — he nuptie, -arum, le noce.
— — he [nimïtie, ■àrnïû, le primitue cosse.
— — he scole, -arum, /e scMo/e.
— — he scale, ■ arum, le scale.
— — lie seope, -arum, le scoue.
— — he teuebre, -arum, le ténèbre.
c. 6']
Plurali nominatiuo : he illeeebre, -arum, i falsi delecti.
— — he bige, -arum, lo carro de doe rote.
— — he trige, -arum, lo carro de tre rote.
— — he (juadrige, -arum, lo carro de quatro
rôle.
— — lie dire., -a.rnm, le furie infertiale.
— — he ydus^ -duum, una parte del tempo.
518 UNA NUOVA GRAMMATIGA LATINO-ITALIANA
Plurali nominatiuo : he facie,-arum, li belli costtimi.
__ — he fallere, arum, le corierte.
— — he letariie, -arum, le letanie.
— — he quisquilie, -arum, le gusse de le f'aue.
— — he îlecretales, -lium, lo decrelale.
— — he jsagoge, -arum, lo libro de aristotile.
Nota, quod quedani predictorum nominum, licet inuenientur
in siûgulari numéro, non debent uti, et si datur thema in
singulari, possumus facere per predicta nomina, ut, io iiago a
la scola, ego uado ad scola?.
Nota, quod sunt quedam nomina neutri g-eneris apud moder-
nos tautuin pluraliter declinata, sciiicet, ylia, arma, açima,
castra, chochjlia, carmiua, menia, milia, magalia, magnalia,
papalia, séria et cartesia, tempe, bachanalia et saturnalia.
Plurali nominatiuo : liée jlia, yliura, li fianchi.
— — hec arma, -orum, le arme.
— — hec açima, -orum, le case açime.
— — hec castra, -orum, le schùre.
— — hec conchilia, -orum, li calcine li.
— — hec carmina, -num, li reuolçementi del'
aqua.
— — hec menia, -nium, li raurt.
— — hec esta, -orum, liinteriori.
— — hec milia, -lium,, li miiari.
— — hec magalia, -liura, le campane^'
— — hec magnalia, -liura, le grande cosse.
— — hec mapalia, -lium, le capanne.
— — hec verria, -orum le nouelle oiier cosse
utile.
— — liée charchasia, -orum, lemaçarole.
— — hec tempe, iudeclinabile, li luogld de-
leteueli .
— — hec bachanalia, -lium, la f esta de Bacho.
— — hec saturnalia, -lium, /a /es/a rfe .S«r<«'no.
c. 6^]
Et nota, quod predicta nomina in predictis significationibus
' Nel ms., tra, Va e la n, c'è inscritta in alto una piccola g, a modo di
correzione.
DEL SEC. XIII 519
non inueniunUir declinari in singulari numéro, et quando datur
thema in sinj^iilari numéro debemus facere per pluralem et
debemus recurere ad alla nomina singulariter declinata, ut in
hoc exemplo : la viia arma me piase; mea arma placent michi.
Nota, quod ï>unt quedam nomina etheroclita quoad genus que
in singulari numéro sunt masculini generis,et in plurali neutri
scilicet : locus , iocus, sibillus, menalus, tartarus, supparus,
infernus, auernus, balteusJ, pilleus, jsmaru3 et didimus. Et
tria ex predictis nominibus, scilicet, locus, iocus et sibillus,
possunt et inueniri masculini generis in plurali, ut hi loci et
hoc loca. Et, quedam sunt que in singulari numéro sunt neutri
generis et in plurali sunt masculini, scilicet : porrum, filum,
frenum, rastruni, celum, pellagus et uulgus; potest tamen
inueniri, lu fi i et hoc fila, lil freni et bec frena. Et quedam
sunt que in singulari numéro sunt feminini generis et in plu-
rali sunt neutri, scilicet, suppelex, tilis, altilis, arbatus, perga-
mus, garbasus, intumus, topesta, digesta, retorica, cantica,
pascua, georgica, bucolica, oiçania, potest et inueniri çiçanie
in plurali. Et quedam sunt in singulari numéro neutri generis
et in plurali feminini, scilicet : epulum, cèpe et balneum, potest
tamen inueniri hec balnea in plurali.
Hic locus, --îi, plurali nominatiuo :hi loci et hec loca /o logo.
Hic iocus, -ci, — — hi ioci et hec ioca, li
çuoyhi.
Hic sibillus, -li, plurali nominatiuo : hi sibilli et hec sibilla,
li fischi.
Hic menalus -li, plurali nominatiuo : hi et hec menala, une
monfe.
Hic tartarus -ri, plurali nominatiuo : hi et hec tartara,
la mferno.
Hic supparus. ri, plurali nominatiuo : lii et hec suppara,
l'ornamenlo de H maneged.
Hic infernus, -ni, pluraU nominatiuo : hi et hec inferna,
p. eodem.
Hic auernus, -ni, plurali nominatiuo : hi et hec auerna,
p. eodem.
Hic trenarus , -ri, plurali nominatiuo : hi et hec trenara,
p. eodem.
Hic balteui, tei, plurali nominatiuo : hi baltei, lo scaçiale.
520 UNA NUOVA GRAMMATICA LATINO-ITALIANA
Hic pilleus,-i, — — hec pillea, w?îo ??îon/e.
Hic ysmarus, ri, — — hecj9ma.ra.,uno tnonte.
Hic didimus,-mi, — — hec diàimsi, uno 7nonte.
Hoc porrum, ri, — ^ hi porri, /i porri.
Hoc fllum, -li, — ■ — hi fili et hec fila, /o/?/o.
Hoc frenum, -ni, — — hi freni et hec frena,
lo freno.
Hoc rasti'um, -ri, pi irali nominatiuo : hi rastri, lo raslello.
Hoc celum, -li, — — hi celi, lo ci'elo.
Hec pellagus, gi, — — hi pellagi, lopellago.
Hec uulgus, gi, plurali nominatiuo : hi uulgi, lo pouolo.
Hec suppelex, -lis, — — hec su[)pelectilia , la
masarni.
Hec altilis, lis, plurali nominatiuo : hec altilia, lo celo.
Hec arhatus, ti, — — hec arbuta, l'arbatura.
Hec pergamus, -mi , plurali nominatiuo : hec pergama , li
mûri di troia.
Hec garbasus, -si, plurali nominatiuo : hec garbassa, lauella
de la naue.
Hec intubus, -bi, plurali, nominatiuo , hec intuba, quedam
erba.
Hec toi)ica-ce, plurali nominatiuo : hec topica, lo libro de
aristolile.
Hec digesta, ste, pluia!i nominatiuo : hec digesta, lo dignsto
de la leye.
Hec retorica, -ce, plurali nominatiuo : hec retorica, lo libro
de Tulio.
Hec cantica, -ce, plurali nominatiuo : hec cantica, lo libro
de Salamone.
Hec pascua, -e, plurali nominatiuo : hec pascua, la pastura.
Hec georgica, -ce, plurali nominatiuo : hec georgica, lo libro
de Virgilio.
Hec bucolica, -ce, plurali nominatiuo : hecbucolica, lo libro
de Virgilio.
Hec çiçania, -e , plurali nominatiuo : hec çiçania et hec
cicanie, la çincania.
3 3 ' J J
Hoc epulum,-li, plurali nominatiuo : he epule, le iduande.
Hoc cèpe, -pe, — — he cèpe, le çeuole.
DEL SEC. XIII 521
Hoc balneum, -nei, plurali norainatiuo : lie balriee vel hec
balnea, lo bagno.
Nota, qiiod noruen etherocliturn potest dici quatuor modis,
pfimo modo, ([uoad genus, ut uisura est supia. Secundo
modo, quoad tuitnerum, utquando iiuinerus pluralis non deriua-
tur a singulari ut norainatiuo ego et plurali nominatiuo nos.
Tercio raolo quoad declinationem, videlicet quando nomen est
unius declinationis in singulari et alterius in plurali, ut hoc
uas, -sis et plurali nominatiuo, hec uasa, -sorum, secunde decli-
nationis et in singulari tercie. Quarto modo, quoad casus,
scilicet quando unus casus regulariter non formatur «b altero,
ut hic Jupiter, genetiuo huius iouis. Dicitur etiam uerbum
etheroclitum quoad personam, scilicet quando secunda per-
sona non forraatur a prima, ut sum, es ; et dicitur quoad tem-
pus, scilicet quando preteritum non formatur a presenti, ut
fero, tuli. Unde uersus :
Est genus et numerus et declinatio casus
Nomen etherolitum reddit tempusque personam.
Nota, quod deriuatio in arte gramatice fit septem modis.
Primo modo uoce tantum, ut a lacertus, lacerta. Secundo
significatione tantum, ut ab uno, semai. Tercio uoce et signi-
flcatione, ut ab amo, amor. Quarto adiectione ut a iustus, -sti,
addita -tia, fit iustitia. Quinto diminutione, ut a consulo,
remota-o, fit consul. Sexto per traslationem de greço in lati-
num, ut a theus, deus. Septimo per contrarium, ui a luceo,
lucus.
c. 7^]
Et nota, quod sunt quedam nomina que deriuantur per con-
trarium, etsunt ista que in istis uers bus continentur.
Lucus et officium, bellum, libitinaque parca,
Ista per antifresim sunt dicta nomina quinque.
Expliciunt etheroclita. Deo gratias. Amen.
c. 16"]
Nota, quod participium desineus in -ans uel in -ens tria
habet vulgaria, ut amans, idest, roino e In femena e la cosa,
amatido ouer che amaua ouer che ama. Participium vero desi-
522 UNA NUOVA GRAMMATIGA LATINO-ITALIANA
nens in -tus, in -sus et in -xus et in -us tr ia habet vulgaria, ut
amatus, idest lo liomo e la fcmena e !a cosa canado, che ama, ouer
che sta amà. Participium vero desinens in rus habet etiam
tria vulgaria ut amaturus, ide.«-t, l'omo e la femena e la cosa da
douer amaro ouer che amara ouer che dera amaro. Pariicipium
vero desinens in -dus habet etiam tria vulgaria ut amandus,
idest, l'otno e la femena e la cosa da fir ama, ouer che ftr ama,
ouer che dera fir amà.
c. 16 bis ^]
Si non inuenitur participium latinum potest fieri duobus
modis, ut pero amà coi'e, petrus (juem aliquis amauit uel amaue-
rat cuiit.
Nota, quod quaudo datur thema per participium desinens
in -dus, si participium reperitur latinum potest fieri ini'"'modis.
Primo modo per participium, ut Pero da fir amà core, petrus
amandus curit.
Nota, quod quando datur thema per participium quo care-
mus, aut participium ponatur in consequentia, aut si non
ponatur in consequentia tune débet rasolui in uerbo indicatiui
modi cum ista coniunctione dum uel postquam uel subiunctiui
modi in coniunctione ut in hoc exemplo : Vegnuy i scolari
a la scola el maistro lege ; die : postquam scolares uenerunt ad
scolas magister legit. Si vero illud participium non ponatur in
consequentia tune recurendum est ad uerbum et hoc relatiuo
qui, quod potest esse duobus modis uel verbum et partici-
pium habent idem uulgare et tune relatiuum débet poni in
supposito uerbi, ut in hoc exemplo : i scolari baluj ua a la piaza.
Si veio participium et uerbum non habent idem uulgare tune
relatiuum débet poni in supposito, ut in [c. l?""] hoc exemplo :
i scolari nienaçadi ua a la piaza, die : scolares, quibus uapula-
tus fuit magister uadunt ad plateam.
c. 21 "]
. Nota, quod quando datur thema in urio accidente ad unum
terminum, illic est unica comparatio et debemus componere
latinum hoc modo ; quia debemus ponere latinum inter termi-
nes si inuenitur et si non inuenilur, positiuum et magis aduer-
bium, ut sum fortior te et sum magis plus quam tu uel te; et
si datur taie thema in uno accidente ad duos terminos, ut si
dicatur : io sumpiii forte de piero che de martim, illic sunt très
DEL SEC- XIII 523
comparationes que sic dernonstrantuf, quia primo uolo dicere,
che siapiù forte de piero et sic est una. Secundo, uolo dicere,
c/ie sia piu forte de mariim, et sic suut due. Tertio, che sia più
forte de pero che de marthti et sic sunt très, quarurn due sunt in
latine et altéra inteiligitur quia primo ponitur nomea compa-
ratiuum, postea magis quam inter duos termiiios [)Ositos in
ahlatiuo casu et magis quam inteiligitur comparatiuus prece-
dens. Unde débet dici ego sum fortior petro magis quam raar-
tino et !?i delur ihema in uno accidente ad très terminos ut si
dicatur : io sum piUforlo de zuano che de piero che de niartim, illic
suntseptein comparationes que sic demonstrantur (juia primo
uolo dicere, che sià pm forte de zuano, et sic est una. Secundo,
che sia piu forte depero et sic sunt due. Tertio, che sia più forte
de marlim, et sic sunt très. Quarto, cAs sia più forte de zuano
che de martim, et sic sunt quatuor. Quinto, che sia più forte de
zuano che de piero, et sic sunt quinque. Sexto, che sia piic forte de
martim che de pero, et sic sunt sex. Septimo, che sia più forte de
zuano che de pero che de martim, et sic sunt septem.
c. 22 ']
Et nota, quod ternaini qui sunt copulati reputantur pro uno
etsi dicatur: loswnpiù biancho de piero de martim, \\\\ç, estunica
comparatio quia duo termini copulantur pro uno et débet dici
sic, ego sum a'.bior peiro et sum altior martino.
c. 22'-]
Nota, quod datur theraa in uno accidente ad uuura terminum
illic est utiica comparatio sicut dictum fuit superius, etsi datur
thema in duobus accidentibus ad unum terminum, ut si dica-
tur: io sum più biancho che forto de pero, illic sunt très compa-
rationes, que sic demonstrantur, quia primo uolo dicere, che
sia pjiù biancho de pero, et sic est una. Secundo, che sià più forte
de lu, et sic sunt due. Tertio, che sia più biancho che forto de Io,
et sic sunt très et débet ïic fieri latinum, quia debent poni illa
duo nomina comparatiua que sunt in themate et in medio
unum magisquara ut ego sum albior petro magisquam sim for-
tior eo, et si non inuenitur nomeu comparatiuum ponere
debemus loco comparatiui positiuum et magis ut ego sum
magis pius magis quam rubens petro. Et nota quod si
datur thema in tribus accidentibus ad unum terminum,
ut si dicatur : îo sum più biancho che sauio che forlo de pero.
524 UNA NUOVA GRAMMATIGA LATINO-ITALIANA
illic sunt septem comparationes, que sic demonstrantur, quia
primo uolo dicere, che sm più biancho de piero^ et sic est^una.
Secundo, che sia più sauio de hd, et sic sunt due. Tertio, che
sia pni forte de lui, et sic sunt tre«!. Quarto, che sia piîi biancho
che sauio de lui, et sic sunt quatuor. Quinto, che sia più che forto
de lui, et [c. 22^] sic sunt quinque. Sexto, che sia più sauio che
forto de lui, et sic sunt sex. Septirao, che sia più biancho che
più sauio che piû forte de lui, et sic sunt septem.
c. 22^]
Et nota, quod si datur thema in duobus accidentibus ad
unum terminum, illic sunt très comparationes, ut dictum fuit
superius, nisi quod loco eomparatiui debemus ponere uerbum
et magis siue minus, ut ego niagis quam magis oneror raar-
tino et sic de a'ijs. Et not-i quod in talibus comparacionibus
terminus potest esse duplex, ^cilicet, terminus uerbi et termi-
nus comparationis, terminus uerbi est qui déterminât uerbum^
ut amo più piero che marlim. tune est unica comparatio quia
est absque termino eomparatiui et débet sic dici ego magis
amo petrum quam martinum.
c. 22^]
Nota, quod si datur thema in duobus accidentibus ad duos
terminos, ut si dicatur : io sum più forte che sauio de piero che de
niartim, illic possunt esse septem comparationes ; très sunt in
diuersos respectus, nam si uolumus intelligere quod ambo illi
termini redantur utri(iue comparatiuo etunt septem, quod sic
demostratur, quia primo uolo dicere, che io sia più forte de
piero, et sic est una. Secundo, che sia più sauio de lu, et sic
sunt due. Tertio, che sia più forte che sauio de lui, et sic sunt
très. Quarto, che sia piîi forte de martim, et sic sunt quatuor.
Quinto, che sia più sauio de martim^ et sic sunt quinque. Sexto,
che sia [c. 23''] più forte che sauio de lu. Septimo, che sia piû
forto che sauio de pero che de martiin, et sic sunt septem. Et
débet fieri s>ic latinum, quia primo debent poni illa nomina
comparatiua in eo casu quem uult dicio re^ens et inter ea
unum magis quam et ambo termini in ablatiuo et in medio
unum magis quam et sic erunt quatuor et très intelliguntur
quia post magis quam ponitur inter terminos intelliguntur illic
très comparationes et [lonuntur unum intelligitur sic, ego sum
sapientior magis quam fortior, magis quam sapientiormartino,
DEL SEC. XIII 5^5
et si uolutnus intelligere primus terminus reddatur primo
comparatio et secundus secundo tercio et erutit très coiupH-
rationes, que sic deraonstrantur, quia primo uolo dicere, cke
io sia più sauio de pero, et sic est una. Secundo, che sia piii
forto de martim, et sic sunt due. Tertio, c/ie sia piu sanio che
forto de biaxio che de marlun, et sic sunt ti es
Nota, quod quando datur thema in uno accidente ad unum
terminum per minus, iilic est uniclia comparatio, ut dictura
fuit superius et débet fîeri latinura per positiuum et minus,
quod valet tantum quantum tuum compaiatiuum, et hoc fit
quia comparatiuum significans minus non inuenitur-, ut, io sum
incm biancho de piero, débet sic fieri latinum, ego sum minus
albus petro; et si datur thema in duobus accidentibus ad
unum terminum, ut si dicatur, io sum mem biancho che mem
forto de pero , illic sunt très comparationes, ut dictum fuit
superius in comparacionibus per magis
c. 28^ J
Nota, quod si datur thema in duobus accidentibus sine in
duobus actibus per magis siue per minus absque terraino, illic
est unicha comparatio ut si dicatur, io sum più biancho che
forlo, et io amo mem che non ieço, et tune débet componi lati-
num per positium et raagis siue per minus aduerbia. Unde
debemus dicere, ego sum magis albus et ego raagis amo quam
legam. Et si datur thema in talibus coraparationibus siue in
talibus actibus, ut si dicatur, io sum più biancho che forte che
sauio, et io leço pm che non amo che non corro, illic sunt très
comparationes que sic demostrantur, quia [)rimo uolo dicere,
che io sia più forto che sauio. Secundo, volo dicere, che io sia pm
biancho che forto. Tertio, uolo dicere, che io sia pih biancho
che non sum forto e piîi sauio, et sic débet fieri latinum quia
debemus ponère tria ina-^ns quara ut ego sum magis sapiens
magis quam diues magis ijuam albus et sic de alijs.
c. 24^]
Nota, quod si datur taie thema : iosum più richo che nonsoio,
isiud latinum potest fieri per istam dicionem : solito , cum
comparatione absque termino, illic est unicha comparatio et
possumus uti nomine comparatiuo, quia fit comparatio res-
pectu diuersorura temporum, ut patet dicendo, io sum più ri-
cho che non soi'o, illic est unicha comparation, quia volo facere
556 UNA NUOVA GRAMMATIGA LATINO-ITALIANA
comparatiotiem de meis diuitijs pi'esentibus ad meas diuitias
preteritas et possum dicere duobus modis ut ego sum dicior
solito et tune intelligitur ego sum dicior me solito esse diuite,
idest dura eram solitus esse diues, uel alio modo scilicet ego
sum dicior quam solito, idest quam preterito tempore. Et si
datur thema cum termino ut si dicatur, io sum pih forlo de
pero che non soio, hic sunt très comparationes, que sic deraos-
trantur, quia primo uolo dicere, che da gui endre era pm forte
de pero. Secundo, uolo dicere, che sùi pih forto de lai, et sic
sunt due. Tertio, uolo dicere, che sia piii forto de pero che da
qui endre et sic sunt très et débet sic fieii iatinum quia primo
débet ()oni istud nomeu comparatiuum cum suo termino et
inter terminum et solito unum magis quam et taliter illud
comparatiuum non precesit, ut ego sum fortior petro magis
quam solito, et sic intelligitur, ego sum fortior petro magis
fuerim fortior eo solito.
c. 24 ']
Nota, quod si datur laie thema : qucslo vasello è pih de meço
mem che plein, hic unum comparatiuum est excessus alterius
et potest intelligi duobus modis, scilicet, che lo plus sit exces-
sus de lo niem, ut dicatur, istud uas est plénum pluri medie-
tate sua minus toto siue sua totale, et possumus intelligere
che /o minus sit excessus de lo plus ut dicatur, istud uas est
plénum magis quam ad médium sine medietate minorumquam
ad sumum uel minori toto. Et possum etiam facere per uerba
secundiim diuersos respectus siue intellectus , ut istud uas
superhabundat a medio quam uacet a toto, uel istud vas
magis vacat a toto quam superhabundet a medio.
Et nota, quod dum volumus intelligere che lo plus sit exces-
sus de li mem intelligitur, quod modica quantitas uini sit in
uase et dum volumus intelligere che el mem sit ex [c. 24 ^]
cessus del plus intelligitur, quod modica ijuantitas vini deficiat
in vase et patet recte in cunctibus.
Nota, quod si datur taie thema : um pih de um home corre.
débet sic fieri Iatinum, quia primo debemus capere unum
noraen comparatiuum quod est in themate et postea suam deter-
minationem cum qua semper est de dre alche [sic), et illud
quod remanet debemus ponere in ablatiuo (juia est excessus,
ut plureshomines homo currunt; et si datur taie thema : du pih
DEL SEC. XIII 527
de du homini correno, istud latinutn potest intelli;:! iIuobiH
modis, quia primo potest inteiligi che lo du sit terminus com-
paratu'^, ut duo plures homines uno ('urrunt, alio modo potest
inteiligi che lo ^/u sit excessus, et liunc debemus dicere, duobus
plures homines uno currunt, et si dicatur, uno mem de du
homini corro, non possumus dicere, uno pauciores homines
duobus currunt, quia non de du uno est unu3 et de uno non
potest dici pauciores, sed debemus dicere pauciores in plurali
numéro dum modo illud de quo dicitur sit pluralis numeri. Et
si datur taie thema : Ui pin de quatro sette homini corre, debe-
mus capere neutrum et ponere in illo casu quem unit ver-
bum et sibi dicetuare {sir) nomen eomparatiuum et ilium neu-
trum cum quo semper est de che vel et debemus ponere in
terminatione comparatiui et aliu 1 quod remanet debemus
ponere in terminatione comparatiui et aliud quod remanet
debemus ponere in excessu; ut septem homines plures qua-
tuor tribus currunt.
Nota, quod nomen eomparatiuum quando ponitur istud
vulgaro ly le lo uel la semper importât particionem dum non
sint illa que requiruutur in particione, ut in hoc exemple,
prestame lo meioro de li toy cauagli, et, io sum lo meioro scolaro
de la mia scola, et débet tune nomen eomparatiuum determi-
nari per genetiuura, uel per ablatiuum mediante de uel e uel
ex, uel per acusatiuum mediante inter, ut, concède mihi
meliorem tuorum equorum, et, ego sum melior scolaris nos-
trarum scolarum, et intelligitur sic : presta mihi unum equum
tuorum ' equorum meliorem aliis, et si diceretur per abla-
tiuum tuuc esset dictuni quod tu prestares unum de tuis.
Et nota quod huuis modi latiiium est abuxio in comparatione
de qua dicetur inferius et est consequens et intelligitur sco-
larium.
Nota, quod si datur thema : io leço piuche non posso, non de
c. 25 *■] bet dici latinum, ego lego plus quam posum, quia
sequerelur falsa sententia, sed debemus ponere illud quam
huic aduerbio comparatiui et illud aduerbium capitur in vi
sui positiui et cum abiuxio (?) in significatioue, ut ego lego
quam plus posum, et sic intelligitur ego lego tam plus, idest
1 Ms. Vnoruni.
528 UNA NUOVA GRAMMATIGA LATINO-ITALIANA
tam multum quam plus, idest quam raultum posura, et de aliis
intelligitur, sic ego ueniara qnam citius potero, et si datur
taie theuma : 20 uoio inançi una sperma cite hum caiialo, non
bene diceretur par magis nec per prius quia sequeretur, quod
uelem utrumque, sed débet dici per potius quia est aduerbium
eligendi et inuenitur etiam nomine et deriualur ab isto nomine
potis, ut ego uolo potius unam paltnatam quam unurn equum
et possumus etiara dicere per istara dictionera quam, ut uolo
palmatam quam equum et tune est coniunciio electiua quia
quam potest esse aduerbium temporis et aduerbium quanti-
tatis et nomen relatiuum et coniunctio electiua. Unde uersus :
Si quam sequteris désignât tempus et ista,
Comperat et nomen quam tamen uocat eligit atque.
Nota, quod si datur taie theuma : dame h dhiari che tu me d'i
daro 10 non te H domandaro pi, non débet (débet fieri latinum
per plus siue per magis, quia sequeretur falsa sententia, vide-
licet competere contra illos sed non plures, sed debemus dicere
per amplius. Et si diceretur, l'o à aldîi la lectiom pi che scto
uolte, posumus dicere per aduerbia scilicet ego audiui lectio-
nem plures quam septies, et taie latinum potest dampnari quia
adverbia non posunt determirare uerbum modo non détermi-
nât, quia maie ad hoc dicimus quiod (sic) quantum ad modura
significandi la septies déterminât verbum sed quantum ad signi-
ficationem déterminât lo plures qui tantum ualet lo septies
quantum septem uicibus et erit compositio sic dicendo bene,
maie. Sed nota quod uolendo figure {sic) esse dubium debemus
interponere isrtud adverbium; quam, ut legi lectionem plures
quam septies et curit septies déterminât unura uerbum legi '
quod subintelligitur.
Nota, quod quando datur taie theuma : io à pi che doatanti
dtnari d't ti, débet dici latinum ego habeo plures denarios
duplo illorum quos tu habes siue duplo sui, [c. '^5"] et tune
intelligitur denariorum habitorum a se et talis sensus quod si
tu habes duos denarios ego habeo plures quatuor, sed non dico
quod et si dicatur, io à doa tanto pi dinnri de ti, tuiic istud doa
tanto est exoesus et, debemus dicere ego habeo duplo plures
* Mss. legu.
DEL SEC. XIII 529
denarios illis quos tu liabes, et est sengus quod si tu habes
duos denarios ego habeo sex Unde iîcito numéro tuorurn dena-
riorum statim scitur ' meus numerus, et sic dicatur absquo
nomine comparatiuo, ut io 6 doa tanti ilenari de (i, non potest
dici per quam quia ipse non baberet ad cuius determinationum
ueniret, sed debemus dicere isto modo, ego babeo diiplum illo-
rum denarioruiu quos tu liabes uei ego bubeo denarios in
duplo tui.
Nota, qnod si datur taie theurua : io à x soldi et du dinari pi
ouer du dinari mem, non possumus dicere per plures nec per
pauciores ponendo copulam, quia sequeretur falsa sententia,
quia si diceremus ego habeo decem solidos et duobus plures
sequeretur quod haberes ^ solidos additis duobus denarijs et
si dicatur in temate meno non debemus dicere per plus nec per
minus, sed debemus dicere per citerior quod sunt nomina cora-
paratiua, ut ista hora est ulterior ora tertie et citerior (ora)
hora uespertina.
c. 27']
Nota, quod nonien superlatiuum uult determinari per gene-
tiuum pluralem uel singularem norainis colectiui et sui generis
quando respectiue ponitur, ut ego sum fortissimus horaino-
rum {sic) siue istius populi et non bene diceretur ego sum for-
tissimus petro. Et hoc est quia nomen superlatiuum habet uim
nominis comparatiui et de uno non potest fleri comparatio sed
debemus dicere quando non habet genetiuura pluralem uel sin-
gularem nominis colectiui et sui generis et comparatiuum et
multo, ut io sum fortissimo de marti, ego sum multo fortior
raartino et io sum fortissimo di lioni, ego sura multo fortior
leonibus et non bene diceretur ego sum fortissimus leonum,
quia ego non sum de génère leonum.
Antonino de Stefano.
Fribourg (Suisse).
< Mss. sitîir.
34
LA CHRONIQUE FRANÇAISE DE MAITRE GUILLAUME CRETIN
{Suite et fin)
20 1'°. V. Lothaire se joint aux révoltés. — 20 v". Violences exer-
cées contre les parents de Bérard. — 21 r°. On décide que la querelle
de Louis et de ses fils sera soumise à une assemblée plénière. Les
mutins demandent qu'elle se réunisse en France; l'empereur souhaite
qu'elle ait lieu en Allemagne. — 21 v". Son désir, à la fin, prévaut.
On enjoint aux nobles et aux prélats d'assister sans armes au plaid.
L'abbé Hildo, qui ne tient pas compte de cet ordre, est chassé. —
22 r° et v°. Menées des deux partis. — Après la première séance de
l'assemblée, Louis mande Lothaire auprès de lui. Le père et le fils pa-
raissent ensemble à une fenêtre. La foule, qui les juge réconciliés, se
livre à des transports de joie et se range du côté de l'empereur. —
23 r". Les conspirateurs sont punis. L'un d'eux, l'évêque d'Orléans,
Théodulphe, est emprisonné à Angers '.
Mais, par après, Dieu qui jamais n'oublye
Homme contrict, quant de cueur le supplye,
23 v° L'exercita en occupation
Telle qu'on eut de luj compassion,
Comme entendrez s'avez la pacience
De l'escouter. Homme plein de science
Estoit celuy prélat. Or, comme espris
D'affliction en ce qu'avoit mespris,
La exposa son sçavoir en chant d'iiympnes
Et beaulx respons. Entre aultres choses dignes
D'acception, il feyt Gloria laus
Qu'au jour nommé dimanche des rameaulx
1 Les événements que Crétin relate dans ce chapitre eurent lieu en 830,
et l'incarcération de Théodulphe est, en réalité, antérieure de douze ans.
Cf. Gall. Christ., t. VIH, col. 1420.
LA CHRONIQUE FRANÇAISE DE GUILLAUME CRETIN 531
En saincte Eglise universelle on chante.
Je ne croj point personne si meschante
Et indevote, en contemplant TefFect
De ce beau chant [tant doulcement est faict!)
Qui, par pitié, de l'œil ou cueur ne pleure.
Advint qu'ung jour des rameaulx, a telle heure
Que se faisoit celle procession
Par le clergé d'Angers, la stacion
Ou l'empereur assistoit en personne
Fut faicte au lieu, comme le plus consonne,
Tout droit devant la prison ou, captif,
Estoit celuy povre evesque, actentif
24 r° D'ouyr etveoir l'adoracion faire
Devant la croix. Ce faict, pour satisfaire
A son désir, de haulte et doulce voix
Print a chanter ces beaulx vers, toutesvojs
Ce ne fut pas sans arrouzer sa face
De larme chaulde. Ainsi veult que se face
Tout cueur piteux, désirant avoir d'œil
Signe duquel demonstre en porter dueil.
Ce mot diray affin qu'on le retienne :
Le bon prélat, en chantant celle aothienne,
Ayde receut des esperitz divins.
Parle récit d'aucteurs vrays, non devins;
En leurs escriptz bien autentiques disrent
Qu'anges du ciel a son chant respondirent :
C'est reigle vraye et sans exception
Qu'il fut trouvé digne d'acception.
Quant l'empereur eut la louenge ouye,
Donnée a Dieu de pensée esjouye,
Fut si contrict qu'ains aultre chose ouvrer
Le prisonnier envoya délivrer.
Quoy plus? luy fut toute faulte coramyse
Entièrement pardonnée et remyse.
24 v°-26 r". VL Lieux communs : Lorsque la Discorde laisse en
paix les hommes, ce n'est jamais pour longtemps. La fortune varie et
nos joies ne durent point. L'histoire du Débonnaire le démontre. —
26 ¥"-27 v°. 11 vivait tranquillement sur son trône reconquis, recevait
532 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
des ambassades qui lui apportaient de beaux présents, instituait,
en dévot personnage qu'il était, la fête de la Toussaint, et ne songeait
à nul mal, lorsque, de nouveau... — 28 r°. ses fils se levèrent contre
lui.
Pères, gardez de lascher trop la bride
A voz enfFentz, car il n'y a remvde :
28 v° S'un pied laschez, ilz en gaigneront deux,
Et ja n'aurez honneur ne plaisir d'eulx.
Le pape Grégoire IV passe les monts. — 29 v°. Il déclare, en
arrivant en France, qu'il veut ramener l'union dans la famille impé-
riale. — 29 v°. Réponse de Louis. — 30 r°-31 v°. Le pape se rend
chez les mutins, et négocie avec eux. Us débauchent les partisans de
leur père, qui se trouve bientôt sans armée. Il est réduit alors à
demander une entrevue à ses fils. Ils consentent. Grégoire devine que
cette conférence ne produira rien de bon, et il se hâte de retourner
à Rome. — 31 v''-32 v°. L'empereur est reçu par ses enfants d'une
façon en apparence respectueuse, mais ils ne laissent pas de le sépa-
rer de sa fernme, qu'ils exilent à Tortone, et de l'envoyer lui-même
au couvent de Saint-Médard, à Soissons. — 32 \° . Crétin déplore
cette rigueur.
33v°-39r°. VII. Plaintive élégie du Débonnaire. Le chroniqueur
lui cède la parole, et il en abuse cruellement.
40 ro-4I v". Vlll. Lothaire réunit une assemblée à Compiègne, et
y traîne son malheureux père. Les états décident que l'empereur sei'a
tondu. Faute d'avoir les moyens de résister, il consent et prend le
froc. — Lothaire, bien joyeux, s'achemine vers la ville d'Aix.
42v"-44r°. IX. Mais la prospérité des méchants est passagère.
Effrayé par une faction puissante, et qui juge odieuse sa conduite,
Lothaire remet son père en liberté, puis s'éloigne en déclarant n'avoir
agi que d'après l'opinion des évoques et des gentilshommes qui
assistaient au plaid de Compiègne.
44 V^
Et par ainsi la besogne acomplye,
Fut entre mains l'empire restablye
Du bon Loys, qui, pour habit cloistrier,
De chevallier print ceinture et bauldrier,
En lieu de froc et gonne moniale,
Sceptre receut et robe impériale,
Et, pour couvrir la tonsure du chef
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 533
Tripple couronne affublant derechef,
45 r° En belle, grande et notable assemblée,
A crj public et non de force emblée,
(Comme de Dieu et tout le peu{)le amé)
Vray empereur fut allors proclamé,
Au gré, plaisir, confort, joye et lyesse
Des bienveillantz
Lothaire, qui est parti plein de courroux, met le siège devant
Chalon, s'en empare, pille l'église de cette ville, et se livre (45 v°) à
beaucoup d'autres excès. — 46 r°-47 v". Pendant ce temps, l'empe-
reur accueille avec bonté ses fils, Loys et Pépin, qui se montrent fort
repentants ; il remercie le Seigneur qui lui a rendu le sceptre; il se
divertit quelquefois en chassant. (N. B. Il avait du goût pour ce
sport, mais il ne s'y adonnait point d'une manière exclusive, pas-
sionnée.)
48 v°. X. Revenu de Tortone, Judith est tourmentée par un gros
souci : son époux est déjà vieux ; il a partagé son héritage entre les
trois enfants du premier lit; le jeune Charles n"a donc rien à attendre.
Afin de lui ménager un protecteur, sa mère eût désiré le placer sous
la tutelle de Lothaire. Mais celui ci prêterait-il les mains à un tel ar-
rangement ? — 49 1" et v". Le Débonnaire écrit à son fils et l'invite à
venir traiter cutte question avec lui. Lothaire, qui ravageait pour lors
l'Italie, ne se presse pas d'obéir. — 50 r°. 11 se décide enfin à se
présenter à la cour, et accepte la tutelle de Charles. — 50 v°. Nouveau
partage de l'empire. — 51 r" et v°. Il lèse les intérêts de Loys, roi
de Bavière, qui se prépare à soutenir ses droits par les armes. Néan-
moins, comme il apprend que son père lève contre lui de grandes
troupes, il feint adroitement de se soumettre.
52 v°. XL Mort de Pépin, roi d'Aquitaine. — A qui donner sa
couronne? On ne tombe pas d'accord sur ce sujet, et l'on choisit
l'empereur comme arliitre. — 53 r° Pour traiter ce point litigieux, il
convoque une assemblée à Clermont, maison ne peut, faute de temps,
arriver à une solution, car, sur ces entrefaites, le roi Loys excite les
Germains à la révolte. — 53 v°. Le Débonnaire conduit son armée
contre ces méchantes gens. . Hélas! il était vieux, il était malade,
et cette campagne l'acheva.
54 i" Ses pavillons et tentes feyt dresser,
Près la cité de Mayence, en quelque isle
Ou esperoit avoir repos tranquille,
534 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Mais, nonobstant la doulce humanité
De l'aer si doulx, tout plein d'aménité,
Tant fut saisj de l'ajgre amaritude,
Qui tost se tourne en amere egritude,
Que la perdit toute force et vigueur,
Par quoy tumba en si forte langueur
Qu'il n'eut de vie espérance certaine,
Et demoura toute une quarantaine
De jours et nuictz en l'extrême danger
Du paz mortel, sans boyre ne manger
Fors le repaz de divine bouthique
Qu'on dict et tient le très sainct viatique
Du sacré corps et sang très précieux
De Jesuchrist, souverain roy des cieulx,
Pour restaurant a l'ame salutaire.
54 yo-BB 1'°. Le mourant adresse à Lothaire ses recommandations
ultimes, puis, l'ayant couronné de ses propres mains, il se met à sou-
rire doucement, en homme que visitent les esprits divins. — 55 v°.
Peu après il rendit l'âme, et une comète parut, juste à ce moment,
dans le ciel. — 56 r°. Imitez l'empereur Louis! Il fut patient, dévot, et
certains de ses .ictes honorent beaucoup sa mémoire. On doit notam-
ment se souvenir qu'il fit transférer à Saint-Denys les corps des mar-
tyrs Hippolyte et Tiburce.
57 r°. XII. Il est notoire que les enfants des rois enterrent avec
plaisir leurs parents. — 57 v°. Lothaire se conforme à cette coutume ;
il ne pleure point le Débonnaire, et s'empresse de chercher querelle à
Judith et à Charles. — 58 r". Bientôt la guerre s'allume entre les
quatre frères. Us forment deux camps, mais de quel côté Loys et
Pépin [II] s'étaient rangés, voilà ce que le chroniqueur ne sait point
du tout.
Je suis perplex pour la diversité
De noz autheurs : en controversité
D'oppinions, les ungs Lothaire tiennent
Joinct a Pépin d'Aquitaine, et maintiennent
Charles avoir Lojs avecques luj.
Sur ce ne suis pour desmentir nuUuy,
Mais plusieurs ont escript tout le contraire '.
1 Ils ont eu grand tort.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 535
58 V». Charles réunit des troupes, et il les exhorte à bien combattre.
— 59 r°. Elles lui jurent fidélité... On va partir; on s'équipe,
59 v" Or est saison, quant la trompette sonne,
De préparer les marsiaulx tournoys,
Gentz et chevaulx adextrez au liarnojs,
Trousser chanfrains, selles d'armes et bardes,
Mectre en charroy faulcons, canons, bombardes, —
Cloches d'enfer, vulcanistes bastons,
Non pour sonner matines en baz tons,
Mais tant tonner qu'aer fende, terre tremble.
Et que le coup vie a l'ung ou l'aultre emble, —
Lances en main, javelines, passotz,
Picques, pongnars, cuyraces et cuyssotz,
Armetz au chef, gorgerins et barbuttes,
Fortz hallecretz, halbardes, haquebuttes,
Haches, estocz, arbalestes et dardz,
Suyvre guydons, enseignes, estendardz :
60 r° Car il est temps que chacun s'appareille
Monstrer d'eflfect se la force a pareille
A son heyneux, pour soustenir combact.
Lorsque l'on prétend acquérir de la renommée, il s'agit de ne s'é-
pargner point et de ne pas craindre les horions. — 60 v». Les deux
armées vont à la rencontre l'une de l'autre, et elles traversent les pro-
vinces à grand tumulte.
Onques le brujt de fouldres et tempestes
Ne rendit son pour estonner tant testes
Que le strepit merveilleux et tonnant
Pour l'heure fut tout le monde estonnant,
Car il sembloit que deubst terre a coup fondre,
Et le pajs en abisme confondre,
Comme se lors fust sur champs Lucifer,
Accompaigné des sattrappes d'enfer
Aveq Megere et toutes les furyes.
Certes ce sont merveilleuses faeryes
D'infiniz maulx que train de guerre accroist :
Qui ne le voyt bien a peine le croyt!
536 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
' 61 v. Dans la plaine de Fontenay [Fontenailles], voici les adver-
saires en présence. — 61 vo-62 r». Les gens de Charles reculent d'a-
bord, mais il les rallie, les ramène... — 62 v°. Parenthèse : Crétin
déplore les querelles des rois.
Princes, helas ! vous acquérez renoms
D'estranges.ioz, et, par ces deux pronoms
Qui sont meum et tuum, menez guerre
Pour les pays ungs sur aultres conquerre.
Or plaise a Dieu si bien vous accorder
Qu'en brief puissiez l'unjon recorder
Qui mecte fin a voz querelles telles,
Et qu'alliez tous contre les infiJelleiS !
Dirajje ung mot? Seigneurs, bien mestier est
Que de lafoj querellez l'interest ;
63 r° Le temps S3 perd et l'heure ja moult tarde.
Vous arrestez icj a la moustarde,
Et différez, pour voz telz quelz proffitz,
Garder l'honneur du benoist crucifix.
Description de la bataille. — 63 v". Suite de la description. Jamais
une mêlée ne fut à ce point sanglante. — 64 r°. 11 y eut des deux côtés
un carnage presque égal. Néanmoins Charles demeura vainqueur.
— Et c'est là, note le bon Guillaume, un événement considérable, en
sorte que, l'ayant conté, il est à propos de poser la plume un instant,
de souffler avant d'aller plus loin.
B. N. fr. 2822.
65 r° '. XIII. Après la victoire, Charles le Chauve poursuit Lothaire.
— 65 v"-68 r°. Ici, un passage très confus : les frères ennemis
bataillent quelque temps encore, puis se décident à conclure un accord.
C'est assurément du traité de Verdun que le chroniqueur a voulu nous
parler, mais il le place en 84G.
68 v°-69 r°. Lothaire partage son royaume entre ses enfants ; il se
retire du monde et prend « monial habit». L'un de ses fils, qui por-
tait le même nom que lui, ti'ansgresse la loi de Sainte-Eglise, et veut
avoir deux épouses à la fois. Cette prétention plonge Guillaume
1 Ce volume continue la pagination du précédent. Même observation
pour les numéros des chapitres.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 537
Crétin dans une sorte de stupeur; il qualifie ce prince de grand folas-
tre, et ne peut assez admirer qu'un homme souhaite deux femmes,
alors qu'il est déjà si dosagréahle d'en avoir une. — 69 v°. Les pré-
lats, qui avaient autorisé cette bigamie, furent déposés. Quant à
Lotliaire [II], il fut puni par le ciel de sa conduite incivile, et ne
tarda pas à mourir misérablement.
Diray je ung mot sur ce qu'ores en sens ?
Désir me prend qu'au propos assooye
70r°Icy endroict forme de facecje :
Il n'est que bon, sans trop papelarder,
Aulcunesfoiz termes entrelarder
De motz joyeux, pour matière pesante
Aux auditeurs rendre guaye et plaisatite.
Entendez donc, vous aultres mariez
Qui en mesnaige estes tant hariez,
Vous seroit bien a gré la fascherye
Deux femmes prendre, obstant la tricherye
Qu'aulcunes ont ? Sans propoz varyer,
Se l'ung de vous estoit a marier
Vouldroit il pas, estant hors de servaige,
Le reste user de ses jours en veufvaige ?
Tant d'hommes voy que c'est pitié jaloux,
Plus desirantz tumber en piège a loups
Que retourner en celle forte nasse
Dont sont sortys ' : plusieurs en amenasse.
Qui les vouldroit recevoir a tesmoings.
Nottez pourtant, de femmes n'en dy moings.
Maintes en scay si mal apparyées
Que si souhet de n'estre mariées
A heure et temps leur estoit imparty,
70 v° Cent foiz le jour tiendroient ce party,
Car marys ont de si villaine race
Qu'en eulx n'a bien, beaulté, bonté ne grâce.
Mais s'ainsi est (ce qu'advient bien a tard]
1 L'idée de cette nasse symbolique paraît appartenir à l'auteur des
Quinze joyes de mariage, mais celui-ci déclare, plus subtil que notre
rhétoriqueur, que l'homme, bien « embarré» dans le piège, ne demande
qu'à y rester, et que «s'il n'y estoit, il se y mectroit a grande haste ».
538 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Qu'ajent tous deux voulloir de telle part
Jusques garder paix et amouT* ensemble,
Je croj que l'an tout entier ne leur semble
Durer ung jour. Au contraire, quant sont
Si malheureux que riotte et noyse ont
De tel endroict qu'il faille, par l'amorse
Du goust hejneux, désirer le diverse,
La sont logez près les faulxbourgs d'enfer.
Quant femme auroit quatre testes de fer,
On les pourroit plus tost casser et fendre
Qu'elle ne fejst ce qu'on luy veult deflfendre.
Femmes en rue et en l'église veoir
Scayvent d'attraictz fort doulx monde pourveoir
D'humains plaisirs; ce sont belles noblesses :
Mais a l'hostel semblent estre deablesses.
Marjs aussi se montrent fort doulcetz
Devant les gentz, mais infinis procès
Se meuvent lors que, hors de compagnie,
71 r° Sont a privé. Dieu scet la letanje
Qu'on chante! Mais, pour serrer huys et pontz,
A tous versetz sontserviz de respons.
Se le marj sur sa femme crie, elle
Lui scet chanter si haulte kyrielle
Qu'il dict le mot que Villon ne nya.
Quel mot ? Heureux VJtomme est qui rien ny a ! '
Les jouyssantz des belles Quinze joy es
De mariaige entendent les raontjoyes
De telz plaisirs trop mieulx que ne les scay.
Or reprenons l'endroict que je laissay.
72 r°-73 v°. XIV. A peine Charles le Chauve a-t-il appris la mort
de Lothaire II qu'il entre dans le royaume d'Austrasie et s'y établit.
Peu après, il consent à partager l'héritage avec Loys le Germanique.
En fait, cette dépouille ne revenait ni à l'un ni à l'autre, mais à leur
neveu, l'empereur Louis [II]. Ce dernier, dont les droits sont défendus
par le pape Adrien d'une manière véhémente, meurt pendant les négo-
ciations. Alors Charles se dispose à passer les monts afin d'obtenir du
Saint-Siège la couronne impériale désormais sans maître.
* Grand Testament (édition Jannet), p. 4o et suiv.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 539
Or, cependant qu'il sçaura préparer
Son appareil sans rien desemparer,
74 r° Puisque du vray l'hjstoire nous informe,
Icy endroict entendz mectre, par forme
De passetemps, ung petit incident.
Advint ce temps merveilleux accident :
Comme ung estât parfoiz se scandalize,
Les moynes, lors desservantz a l'église
De sainct Martin, en la ville de Tours,
L'amour de Dieu ayantz mys aux destonrs
Par vanité mondaine et orgueilleuse,
Menèrent vie infâme et scandaleuse.
Ces appostatz pervers, irregulievs,
Prindrent habitz pareilz aux secuUiers.
Que diroit on se tel vice laissoye
A reprimer? Moynes porter la soye,
Boucles d'argent pour soulliers falerer,
Bagues aux doigtz, esse ordre a tollerer ?
Porter, au lieu d'estamine en chemise.
Fine hollande a corps et manche myse ?
Pour la tonssure, acoustrer les cheveulx
En perruquetz, sont ce point lasches veux?
Pour livres veoir, manier dez et cartes,
Et pour jeusner, pastez, flascons et quartes?
74 v" Pour continence et chasteté tenir,
A pain et pot putains entretenir,
Et, pour chanter au chœur la psalmodye,
Rire et baver? — Je supplye qu'on me dye
S'il advenoit qu'en cestes régions
Tel train fut veu en nos religions,
Se devroit pas impugner celle chose ?
Excusez moy s'escripre une touche oze :
Ce fut bien faict mendiantz reflformer,
Mais cause y eut de matière former
Sur possidentz, et mieulx desserrer bourses
Que les bissacz. Ce sont choses rebourses
Moynes souffrir, ainsi apostatantz,
Matins et soirs tant estre a potz tastantz
Qu'aulcuns ont nez a fleur et poulce d'aulne,
540 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Si djappré du vermillon de Beaulne,
Qu'onq ne fut mieulx (cela puis bien pleuvyr)
Enluminé B de Beatus vir.
75 r° et v°. La justice divine ne laissa pas impunie une aussi fâcheuse
dissolution. Excepté un, tous les moines de Tours eurent la peste et
moururent. C'est là un fort bon enseignement pour les ecclésiastiques.
Puissent-ils ouvrir les yeux à temps!
76 v°-77 v°. XV. Ce chapitre commence par une confession ingéaue
de l'écrivain. Il sait beaucoup mieux coudre que tailler, ce qui revient
à dire qu'il a plus de peine à ordonner son plan qu'à versifier. C'est
pourquoi il lui arrive de mettre la charrette avant les bœufs, et la pièce
à côté du trou. 11 y a, dans son œuvre, des omissions. Et, justement,
il en a remarqué une ici même, et il va remédier à ce défaut. Ainsi le
lecteur chagrin n'aura plus sujet de critiquer, attendu qu'un mal réparé
n'est pas un mal, et que ceux qui perdent, et puis retrouvent, n'ont
rien perdu... Qu'avait donc oublié le candide rhétoriqueur? l'eu de
chose,... seulement les invasions normandes. 11 se hâte de les relater,
et nous apprend que le roi Charles renvoya dans leur pays ces bar-
bares qui s'étaient emparés de presque toute la terre angevine.
Quelques-uns d'entre eux se firent chrétiens; les autres aimèrent
mieux « vivre en l'abuz de leurs sectes infectes ».
78 r"-79 r°. Tranquille du côté des Normands, Guillaume Crétin
reprend le fil de la narration qu'il avait abandonnée au i° 73 v°. et il
rejoint Charles en Italie. Ce piince met en déroute les deux fils du roi
de Germanie, son compétiteur, et la dignité impériale lui est conférée.
11 donne la lieutenance de l'empire à son beau-frère.
80 r°-81 \°. XVI. Réflexions morales : les rois qui aspirent à s'em-
parer de l'héritage d'autrui doivent s'attendre à maintes tribulations.
Cette vérité est rendue manifeste par l'histoire de Charles le Chauve.
Il voulut dépouiller de sou domaine l'un de ses neveux', et il leva,
dans cette intention, de nombreuses troupes. Mais elles arrivèrent
exténuées et toutes trempées de pluie en face d'un adversaire attentif
et résolu, qui les accueillit si rudement qu'elles furent contraintes de
s'enfuir. Charles lui-même tourna le dos. — (82 r°. Parenthèse!... Le
chroniqueur déclare que la couardise est chose méprisable, et il flétrit,
par voie d'allusion, l'uu de ses contemporains, qui, « puis une coup-
pie d'ans», conseilla à la gendarmerie française de ne point livrer
bataille, alors que l'on avait toutes les chances d'obtenir la victoire,
' Le Germanique venait de mourir (août 876), et il s'agit ici de son fils
Louis, qui eut, en effet, à défendre ses terres contre Charles.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 541
puisque l'on se trouvait au milieu d'une très vaste plaino, que nos sol-
dats brûlaient d'un beau zèle, et qu'ils étaient (82 v") huit fois plus
nombreux que l'ennemi '.) — Rejoignons maintenant Charles et les
siens : lui, il s'éloigna sain et sauf, mais ses gens (S3 r°) furent mas-
Faci'és en foule; ceux qui perdirent seulement leurs bagages et leurs
habits durent s'estimer heureux.
Nouvelle incursion des Normands.
83 vo-85 r". Mariage de Judith, fille de l'empereur, avec Baudouin,
forestier de Flandre; cette province est érigée en comté.
85 v°-87 v". XVll. Le pa[»e demande à l'empereur du secours contre
les Turcs. — Démêlés entre Charles le Chauve et l'un de ses neveux,
Chariot^. Les deux adversaires entrent en campagne, mais, mal ren-
seignés sur leurs forces respectives, ils s'enfuient chacun de leur côté.
Quelz vaillantz corps ! Leur doibt on reprocher
Trop fcstre ar lanlz pour l'ung l'autre approcher?
A ceulx ne doibt, qui marchent de mesrae ordre,
Estre imputé eulx voulloir entreraordre :
Ceulx font ainsi qui, doubtantz estre escoux,
S'en vont fuyantz pour mieulx charmer les coups.
88 r°-89 r°. L'empereur tombe malade à Mantoue; un médecin juif
lui donne un remède empoisonné, qui le tue en douze jours. Le cada-
vre se décomposa si vite qu'on ne put le transporter que beaucoup
plus tard à Saint-Denys. — 89 v. Charles avait offert à cette abbaye
* Guillaume Crétin ne se montre pas tendre pour le personnage qui
avait retenu, dans la circonstance dont il est ici question, l'ardeur guer-
rière des Français, et il le nomme brutalement cazamiiei\ asnier et ceti-
drier. Cette véhémence, bien rare chez notre poète, est d'autant plus
étrange qu'il adresse cette invective à un seigneur de marque, au maré-
chal de Châtillon. Ce fut lui, en effet, qui engagea François I", à l'heure
où, sur la rive de l'Escaut, il aurait pu écraser l'armée de Charles-
Quint, à ne pas commander la charge. (22 octobre 1521.) Si ce déplorable
avis n'avait pas été écouté, l'empereur eût perdu honnew^ et chevaiice à
la fois, car « ce jour là Dieu nous avoit baillé noz ennemis entre nos
mains , que nous ne voulûmes accepter, chose qui depuis nous cousta
cher». (Martin du Bellay, collection Petitot, 1" série, t. XVII, p. 327.) —
En notant que l'affaire dont il parle a eu lieu « puis une coupple d'ans »,
le rhétoriqueur nous fournit, en ce qui concerne la date à laquelle il écri-
vait, une indication utile, et qui nous permet de placer, vers la fin de
l'année 1523, la rédaction de cette partie de la Chronique.
^ Ce nom désigne Karioman, le fils aîné de Louis le Germanique.
54^ LA CHRONIQUE FRANÇAISE
des reliques très insignes, et c'est peut-être par lui, et non par Dago-
bert, que la foire du lendit avait été fondée. Crétin ne s'embarrasse
pas de savoir auquel des deux princes il faut attribuer le mérite de
cette institution. Une chose très sûre, c'est que l'Eglise en profite : le
reste n'importe guère. — Un peu avant sa mort, l'empereur (et il l'a
raconté lui-même) eut une vision : il crut être entraîné dans l'enfer, et
là (90 ro) il aperçut au milieu des flammes ceux de ses prédécesseurs
qui avaient livré leurs sujets à l'insolence de la soldatesque, et quan-
tité de prélats, coupables d'avoir, en leur temps, poussé à la guerre
les rois. — 90 v°-9l V. Charles construit le monastère de Saint-Cor-
neille; il compose un répons que l'on chante encore à l'office des
« benoistz sainctz apostres »; il accepte de bon gré une Vie de saint
Germain écrite en vers héroïques par un religieux nommé Henri.
92 vo-93 r". XVIII. De ses deux femmes Hermeutiude et Richante
[Rikhilde], Charles le Chauve eut plusieurs enfants : trois moururent
très jeunes, et un autre, qui s'appelait Chai'les, voulut se mesurer
avec un gentil gendarme fort expert à la lutte, et fut jeté à terre si
lourdement qu'il rendit l'âme. — 93 v°. Charlemaine [Karloman], qui
fut, lui aussi, fils de l'empereur, reçut les ordres sacrés : cependant il
mena une vie si déréglée, il ourdit tant de complots, que son père
le fit dégrader, et ordonna ensuite — car il ne s'amendait point — que
ses yeux fussent crevés. Le poète se demande s'il y a lieu d'approu-
ver, ou non, cet acte de paternelle justice. On a le droit d'hésiter,
attendu que l'histoire fournit, à cet égard, des précédents fort con-
tradictoires. Et voici d'abord un exemple qui ne plaide pas en faveur
de Charles le Chauve :
Tel tour ne monstra pas
L'homme de bien qui, aux juges d'Athènes,
Fort suppljade souUaiger en peynes
Le sien filz lors condempné les deuxyeulx
Avoir crevez, pour ung caz vicieux
94 r° Par luj commis. Ce dolent et las père
Leur dit : « Seigneurs, touchant ce mal aspere,
Faictes, sans trop mon filz voulloir grever,
A luy et moj chacun ung œil crever :
Ainsi sera, sur la loj discutée,
Vostre sentence entière exécutée,
Et n'y aura matière de retour.»
Charles le Chauve obmyct faire ce tour.
Oui, mais il peut citer pour sa décharge et le Romain Manlius qui
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 543
condamna son enfant à être tranché et détaillé, et Saiil qui eût sacrifié
Jonathas, si les Hébreux (94 v°) n'avaient pas intercédé pour lui, et
Romulus qui tua Réinus, et Salomon qui, lui non plus, n'épargna point
son frère... Tout cela prouve que Charles le Chauve n'a pas montré,
en somme, une sévérité excessive. Et qui sait même (95 r°) s'il n'a
pas, en le privant de la vue, rendu service à son lil.s ? Celui-ci, une
fois aveugle, a pu changer de mal en bien sa conduite ', car les yeux
no sont que trop souvent la cause de nos criminelles passions.
L'empereur avait un autre enfant, nommé Louis. Ce fut lui qui eut
la couronne. A vrai dire, il craignait grandement l'opposition de
Richante et du roi de Provence, Bosso, mais il manœuvra sifuieii;ent
(95 v°) qu'il finit par être sacré à Reims. — (96" r°. Discussion d'un
point historique : est-il exact qu'un certain Lothaire régna après
Charles le Chauve et avant Louis? Guillaume Crétin repousse cette
opinion.) — 96 V. Deux factious se forment en Italie : l'une se déclare
en faveur du l'oi d'Allemagne, l'autre soutient le roi de France. Les
deux rivaux leçoiveut des sobriquets désobligeants. Le prince ger-
main est appelé
Charles le gras pour ce qu'estoit ventru ;
Aultres, de cueur et vouUoir malostru,
Le roy Lojs surnommèrent le bègue.
Nulle raison y saiche qu'on allègue,
Fors qu'au parler povoit balbucier. —
Si ne me vueil de cela soucier.
97 r°. Le pape Jean VIII se résout à déférer l'empire au roi fian-
çais, et il irrite, de la sorte, le parti contraire, qui l'oblige à chercher
un refuge de ce côté-ci des Alpes.
97 v°-99 v°. XIX. Jean VIII tient un concile en France. — Consi-
dérations sur la politique du Saint-Siège; elle devrait toujours être
tournée vers la concorde. — Après avoir placé sur la tête de Louis le
Bègue la couronne impériale, le pape retourne à Rome. — 100 r» et v".
Il fait de Charles le Gros un empereur, pour le récompenser d'avoir
chassé de l'Italie les Turcs. Voilà donc deux empereurs à la fois.
N'était-ce pas un de trop? Cretia pose ce problème, et il finit par
conclure (101 r") que la situation n'était pas trop anormale.
Le roi de France envoie des ambassadeurs demander la paix aux
* Cette ingénieuse hypothèse soull're une difficulté: c'est que le pau-
vre Karloman mourut peu de mois après la peine qu'il avait subie, en
sorte que le temps lui manqua pour en recueillir le bénéfice.
544 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Germains. — 101 v°-I02r°. Un traité est signé; ses clauses. — Rien
n'est plus avantageux pour un prince que d'être représenté par des
personnes modérées et conciliantes.
102 v°. Louis le Bègue meurt en l'année 881 [sic).
103 r° et v°. 11 laissait sa femme enceinte et deux fils bâtards, en
sorte que l'on discuta longuement avant de lui désigner un succes-
seur. Le poète résume les diiFérenles opinions que Ton produisit alors,
puis il déclare :
Ce m'est tout ung, mais, ainsi comme ainsi,
Le ventre seul estant lors roy de France,
Tout alla mal
Une assemblée réunie à Meaux décida que « ce qui estoit a naistre»
ne pouvait être regardé comme roi, puisqu'on ignorait à quel sexe
appartiendrait l'enfant attendu.
104 y°. XX. Loisqu'Alexandre mourut^ sa femme était grosse, et
l'un des chefs Macédoniens, iSIéléagre, invita le conseil des généraux
à élire un régent sans plus tarder^ : mais cet avis ne prévalut point.
— 105 r°-106 r". En France, beaucoup de seigneurs et de prélats pen-
sèrent comme Méléagre ; ils commencèrent par offrir le sceptre au
roi de Germanie, et ils résolurent ensuite, cette combinaison ayant
échoué, d'élever au trône les bâtards. — 106 v°. Du reste, ils vécu-
rent peu :
Car nous trouvons Charlemaine, en ung val,
Comme il courut a course de cheval
Pour efforcer une jeune pucelle
Qui devant luy s'enfuyoit, comme celle
Ayant désir garder la dignité
El tendre fleur de sa virginité,
107 r° Gaigna Thostel par une basse porte :
Et luy, ainsi que désir charnel porte
Folz amoureux, le cheval tant brocha
Des espérons que la porte approcha.
Et, la entrant a force et par contraincte,
Receut de mort la douloureuse estraincte,
Car tout son corps fut rompu et brisé.
' Tout ce passage est médiocrement exact. Voyez Quinte-Curce, X, vi,
ad fin.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 545
Porte sa fin devoir estre prisé ?
Non. — Mal finit qui tel acte pourchace.
Quanta Louis, il périt d'ua coup d'épieu qu'ua veneur lui donna par
maladresse, en essayant de frapper un sanglier; le fer entra comme
dans du beurre. .
107 v°-110 \°. Odo [Eudes] s'empare du pouvoir souverain et s'illustre
dans une guerre contre les Normands. La naissance de Charles [le
Simple], fils posthume de Louis le Bègue, ne le décide nullement à
renoncer à la couronne. Soutenu par ses fidèles, il résiste aux parti-
sans du jeune roi. Très longue fut la guerre, et le menu peuple eut
infiniment à souffrir de la brutalité des soudards. Mais, au bout de
neuf ans, l'usurpateur tomba malade, et, sentant que son heure allait
sonner, il manda tous ses amis afin de leur adresser une sujjrême allo-
cution.
111 v°-113 r°. XXI. Odo commence son discours par un lieu com-
mun : Nous mourrons tous ! et il le continue en avouant quo Charles
est le vrai, le seul roi «... Lors bouche et yeulx clouyt | Si que
depuis parler on ne l'ouyt. » Les assistants s'engagent à respecter
dorénavant le prince légitime, mais Odo avait un frère, du nom de
Robert, qui prononce (113 v°-l 14 i°; un plaidoyer pro domo sua, et ne
cache point aux auditeurs qu'il ne serait pas fâché d'être leur maître.
On l'écoute froidement, et il n'y a pas lieu d'en être ébahi, car les
Français (114 v°; ont une naturelle aversion pour ceux qui jettent le
trouble dans les successions dynastiques.
Les Normands envahissent la France. — Prise de Rouen par Rollo.
Le chroniqueur nous fournit (115 r°), sur la patrie de ce chef barbare,
quelques renseignements géographiques :
Cestuy Rollo, comme par escript voj je,
Estoit natif du lieu nommé Nort Wojge
En Dannemarque
115 v°-116 v°. Autres conquêtes des Normands. — La province de
Sens est ravagée. — Un miracle de saint Benoît. — 117 r»-118 v«.
Rollo sème partout la terreur. — Siège de Chartres : la ville est sauvée
grâce à la très excellente chemyse de Nostre-Dame. — 119 r» et v°.
Charles le Simple se résigne à traiter avec Rollo. — (120 r°. Et ici se
placent, on ne sait trop pourquoi, quelques vers sur l'origine des Nor-
mands et sur l'étymologie de leur nom :
Le nort est dict vent de Septentrion;
35
546 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
Man aussi vault autant a dire qn homme.
Assemblez donq, c'est JSormandye, et comme
On trouve escript aux vrajs oi'iginaulx,
Normans ce sont gentz septentrionaulx.)
120 v''-121 r". Guillaume Longue-Epée et le duc Robert. — Lutte de
ce dernier contre Charles. — (Je pauvre roi était uu « homme de doulce
lance », et il tâchait en vain de se défendre contre ses adversaires. —
121 v°-123 v°. De même que les arbres ne produisent pas indéfiniment
de bons fruits, et que des rameaux tordus poussent souvent sur un
tronc bien droit, ainsi il arrive qu'un père excellent ait une progéni-
ture indigne. Charlemagne siège au point culminant d'une lignée :
après lui on va de chute en chute, et l'Histoire passe, avec un chagrin
croissant, de Louis le Débonnaire à Charles le Chauve, de Charles le
Chauve à Louis le Bègue... Enfin, on rencontre Charles le Simple : il
marque, celui-là, le terme de la décadence, car il est impossible d'aller
plus bas.
124 v"-125 v". XXll. Fin de l'histoire du duc Robert : il rassemble
une grosse armée et meurt dans une bataille. — Hébert [HéribertJ de
Vermandois offre l'hospitalité au roi Charles dans l'un de ses châteaux,
et l'y retient prisonnier. — 126 r" et v". La femme du captif, Edith
[OdgiweJ, cherche un refuge en Angleterre. — Raoul de Bourgogne
monte sur le trône. — Mort de Charles le Simple à Péronne, en 926
[sic).
127 r^ et v". Digression : les rois français [Est-ce une consolation à
l'adresse de François I^""?] n'ont que faire du titre d'empereur... Othon
s'empare de la couronne impériale.
Les pa'ïens envahissent la Bourgogne. — 128 r". Sanglante bataille.
— Mort de Raoul.
128 v''-129 v". Edith revient d'Angleterre avec son fils, Louis le
Transmarin. On accueille ce jeune prince d'une manière enthousiaste ;
on le fait roi, et il épouse une sœur d'Othon, Eugeberge [Gerberge].
130 v°-132 r**. XXIll. De terrifiants présages annoncent une immi-
nente calamité. — Quelques seigneurs d'importance se révoltent
contre Louis, mais, soutenu par Othon, il force à l'obéissance les mu-
tins. — 11 convoque une assemblée plénière — 132 v*'-l34 v". Aper-
cevant, au milieu de l'assistance, son ennemi Hébert de Vermandois,
et résolu à punir la trahison commise envers Charles, il feint d'avoir
reçu, du roi de la Grande-Bretagne, une lettre sur ce sujet : quel trai-
tement faut-il infliger à un vassal qui invite son suzerain à dîner chez
lui, et l'égorgé pendant le repas? .. Louis consulte, à ce propos, tous
ceux qui se trouvent présents au plaid, et ils répondent d'une seule
voix que le meurtrier mérite d'être pendu, et tel est l'avis d'Hébert
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 547
lui-même. Alors le roi lui crie : Tu viens, par ta propre sentence, de te
condamner !
Se tel dictum fut dur a escoutter
Aux assistentz, plus amer le gouster
Luy deubt sembler, en avalant la pojre
D'estranguillon. Au mont, ce dit rhjstoiro,
On le pendit, et encor, comme appert.
Est cestuy lieu nommé le Mont Hébert.
Ainsi au roj ses terres confisquées
Furent des lors au dommaine appliquées
Mais neantmoins aucuns hjstoriens
De tout cela trouvent n'en estre riens.
135 r°. Crétin avoue qu'il ignore si cette anecdote est véiitable ou
non. Que chacun en croie ce qu'il voudra! Lui, il s'en lave les
mains.
Assassinat de Guillaume de Normandie.
135 ^-136 v". Son fils Richard est en butte aux violences de Louis
le Transmarin, qui aspire à le dépouiller de son héritage, mais le
Danois Aigrot [Haigrold ou Haroldj embrasse la cause de l'orphelin,
et, débarquant avec de grandes forces, il fait prisonnier le roi de
France. Sa femme obtient sa liberté ; il livre son fils en otage.
\M r». Richard épouse la fille de Hugues le Grand; elle était dans
la fleur de la jeunesse et pouvait «... tenir rencz au pas j Ou coupz
mortelz ne se recoyvent pas ».
Mécontent de ce mariage, le Transniarin charge le comte de Flan-
dre, Arnoul [Arnolfe], de pousser contre les Normands le roi de Ger-
manie, Othon. — 137 v°-138 v. Celui-ci entre en campagne, mais il
essaie inutilement de s'emparer de Rouen : son neveu est tué devant
cette ville, et il en conçoit un tel chagrin qu'il pense à se venger sur
la personne du comte de Flandie. Ai noul prend la fuite eu toute hâte.
Mort du roi Louis. Les chroniqueurs ne savent pas bien si c'est en
950 ou en 955 qu'il expira *.
Quant a cela, n'ayez soing quelle ou quante
Datte ce fut : ce ne vault ung bouton,
Car de chercher cinq piedz en ung mouton
Est temps perdu ; on ne s'en fait que rire.
* C'est en 954, le 10 septembre.
548 LA CHRONIQUE FRANÇAISE
139 r° et v. Il y eut, en ce temps-là, une grande famine dans le
royaume. — Louis laisse deux fils, Charles et TiOthaire : celui-ci reçoit
la couronne, et fait inhumer son père à Saint-Remi de Reims.
140 v°-141 r°. XXIV. La famille de Hugues le Grand; il partage
son héritage entre ses trois fils, Hugues-Capet, Othon, Henri.
141 \°. Guillaume Crétin doit à la lecture attentive des textes une
connaissance exacte de la généalogie des princes. Seul, un homme
d'étude peut acquérir, sur un tel sujet, des notions claires.
Celui le sçet qui ce baston manye,
J'entendz celuy qui souvent livre tient
Pour lyre au long l'histoire, et la retient.
Homme lisant, ou bien escoutant * lyre
Sans retenir, semble son d'une lyre
Qui d'armonye une oreille est persant
Et va, parl'aultre, en l'aer se dispersant.
Qui ne prend goust a ce que lyt, oublye
Aussi léger que vent emporte oublye.
142 r° Soit que lysez ou oyez, eslisez
Loysir pour bien gouster ce que lysez.
Othon [le GrandJ s'applique à établir la concorde entre les siens ; il
les invite tous à se rendre à Aix, et il leur offre (142 v°) un somp-
tueux banquet, où il fut largement bu. On se sépara très amis. —
143 r" et \°. Et la tranquillité régna jusqu'au moment où un différend
vint mettre aux prises Richard de Normandie et Thibaut, comte de
Chartres. Ce dernier va trouver la reine Eugeberge, et la supplie de
détruire son adversaire par trahison.
0 proditeur chestif et malheureux,
Mieulx t'eust valu, comme chevaleureux,
Estre en honneur occiz en la bataille
Que vivre en honte I Or fault que le bruit aille
Te reprochant le remors qui te mord
Duquel cherchas ton heyneux mectre a mort.
144 1° Qui tant la foy de sa noblesse blece,
L'honneur et pris de gentillesse lesse.
Quant, par tel crime et foriïait, efiort fait
Rendre en ce poinct homme d'effect deffait.
• Ms. : escoute.
DE MAITRE GUILLAUME CRETIN 549
Lothaire, qui seconde les desseins de Thibaut, lève des troupes en
Bourgogne, envahit la Normandie et assiège Bayeux [Evreux]. —
144 v°-146v°, Richard ne tarde pas à ressaisir l'avantage; il repousse
le comte de Chartres, puis il appelle les Danois, et ces barbares dévas-
tent la France si férocement que le roi Lothaire est trop heureux de
conclure la paix, en payant les frais de la campagne. — 147 r° et \o.
Ah ! l'excellente chose que la paix ! Ceux qui la conseillent aux puis-
sants du monde doivent être bénis. Quant aux hommes qui poussent à
la guerre, ce sont, pour les peuples, des artisans de ruine... Le rhé-
toriqueur ne vise point, en éci-ivant cela, telle ou telle personne en
particulier : « et se quelqu'ung est rongneux, si se gratte. »
148v«-149 vo. XXV. Mort d'Othon [le Grand]. Son fils, Othon [II]
lui succède et révèle tout de suite ses instincts belliqueux, car il cherche
querelle à Lothaire, et décide Charles, le frère de ce roi, à venir en
Germanie. — 150 r"- 151 r". Il lui cède la Lorraine, que Lothaire envahit
aussitôt. Mais, après une guerre où la Fortune se plut à faire éprouver
ses caprices aux combattants, cette province fut rendue à Othon.
151 \°. Mort de Lothaire eu 986. Louis, son fils, ne lui survit pas
longtemps, et passe le bac sans aviron. — 152 r** et v*'. La couronne
appartenait, après ce double trépas, légitimement à Charles, mais,
comme il avait accepté la tutelle d'un souverain étranger, les seigneurs
refusèrent de lui donner le sceptre, et ils l'offrirent à Hugues- Capet.
Charles essaya de défendre ses droits. En vain! Assiégé dans la ville
de Laon, il finit par être livré à ses ennemis, — et voilà Hugues-Capet
qui règne tout seul en France.
153 r° Or donq, après avoir sçeu diffinir
Une lignée, aj pensé d'y finir
Propoz tenu, pour celle mectre en œuvre
D'Hue Capet: mais, avant que j'j oeuvre,
Requier delay et ung peu de repoz
Pour rendre plu.^ mes foibles sens dispoz.
Par trop souvent bender l'arc et l'estendre
Au long tirer, devient débile et tendre.
Selon le mot vulgaire que plyer
Vault mieux que rompre. — Atant vueil supplyer
Mon souverain maistre et seigneur, qui ayme
Lecture ouyr, ce volume cinquiesme
Ore accepter de gré aussi affect
Que d'humble vueil le sien Crétin l'a fait.
Selon son rude et maternel langaige.
550 LA CHRONIQUE FRANÇAISE DE GUILLAUME CRETIN
Ou faillentbledz pour argent mect l'en gage,
Si rendent grain gerbes trop mieulx qu'espis
Selon raison. C'est pour fin. Mieulx que pis.
Ici se termine la Chronique française due à Guillaume Crétin. Ella
a été continuée par un poète dont nous ne savons rien, sinon qu'il
avait comme devise: «Autant ou plus. » Voulait-il signifier par ces
trois mots qu'il se montrerait au moins l'égal de son très illustre devan-
cier? Je l'ignore, mais une cliose est sûre, c'est que si cet inconnu
nourrissait, au fond de l'âme, cette prétention qui pouvait paraître, en
ce temps-là, exorbitante, il a, par contre, affecté la modestie dans les
quelques vers qu'il a écrits en manière de préface. 11 confesse qu'il est
« trop foible n pour suivre la route dit chantre à langue cVor, et il con-
jecture que si le roi lui a commandé, à lui indigne, de mener à sa fin
l'œuvre interrompue, il ne doit pas cet honneur à son bien mince talent,
mais à ce fait que, depuis plus de deux années, il remplissait auprès
de Crétin, fort âgé et presque aveugle, le rôle d'un humble collabora-
teur. Je le secourais un peu, déclare-t-il, et, de la sorte, j'ai vu de
quelle façon il nouait les parties de son histoire, et je me suis rendu
compte de sa. procédure ^ .
Constatons, pour finir, que la Chronique française et le recueil édité
par François Charbonnier ne constituent certainement pas l'œuvre
entière de Guillaume Crétin. Si jamais il se rencontre un érudit qui ait
assez de loisir et d'abnégation pour consacrer au roi de la rhétorique
une étude complète et détaillée, il faudra qu'il s'attelle au dépouille-
ment des manuscrits, et ils lui fourniront des pièces que Charbonnier
n'a pas connues ou bien qu'il a dédaignées. En voici trois que l'on peut
signaler dès à présent. Ce sont 1°) une lettre laudative adressée à Jean
Lemaire de Belges^; 2") une sorte de satire dirigée contre les dames
de Lyon 3; S**) une épître à maître François Robertet^. Ces morceaux
ont tout juste la même valeur que les autres productions de cet écri-
vain, attendu qu'il les a rimes selon son immuable méthode, — labo-
rieusement et /Jis que mieux. Henry Guy.
' Notices et Extraits des mss. de la B. N. et autres biblio-
thèques PUBLIÉS PAR l'Institut de France, t. 33, 2° partie ; E. Langlois,
Notices des mss. fr. et 'provençaux de Rome antérieurs au XVI' s.,
p. 71-72.
' Elle a été publiée par Stecher, Œuvres de Jean Lemaire., IV, 187-8.
' B. N. fr. 1721, i"' 48 r^-SO r».
* B. N. fr. 1717, l"' 67 r'>-68 v». — Suit la «Responce dudit Robertet
audit Grestin».
LA GORRESPONDANGE DE LA VILLE DE PERPIGNAN
DE 1399 A 1450
(Recherches dcuvi les archives municipales de Barcelone)
Depuis longtemps la ville de Perpignan ne possède plus aucun
registre de correspondance remontant au moyen âge. Cette corres-
pondance n'a pourtant pas péri tout entière : un bon nombre d'ori-
ginaux subsistent dans les archives des villes catalanes avec lesquelles
les consuls perpignanais étaient en relation, notamment dans la riche
collection des Carias Comunas conservée aux archives municipales
de Barcelone. Il m'a paru intéressant de relever, dans ce dépôt, les
lettres adressées de Perpignan au Sage Conseil pendant la première
moitié du XV« siècle ^
Ces textes, que je transcris ci-après, ne sont pas seulement précieux
pour l'étude de la langue catalane à une époque où elle se présente
encore dans toute sa pureté. L'historien y trouve à glaner aussi bien
que le philologue, et, si l'histoire locale peut y faire son profit de
maint détail nouveau, l'histoire générale elle-même ne saurait s'en
désintéresser. C'est que l'extension et la vitalité du régime municipal
en Catalogne au XV' siècle donnent aux missives des villes catalanes
une portée à laquelle les documents français du même genre ne
sauraient prétendre. Le Principal de Catalogne est alors constitué en
un véritable Ktat, sous la forme éminemment originale d'une fédération
de communes, dont le Sar/e Conseil de Barcelone exerce, pour ainsi
dire, la présidence. Dès lors, la cortespondarice du Sage Conseil et
des municipalités catalanes d6i)as.se souvent l'horizon étroit des inté-
rêts locaux; c'est l'intérêt du Principat lui-même qui est en jeu, rien
de moins que la vie politique et économique de l'Etat catalan dans les
multiples manifestations de son activité. Ce qui frappe dans les lettres
' La première lettre est de 1399 : c'est la plus ancienne qu'il m'ait été
donné de retrouver. Les Cariai Comunas sont rangées chronologique-
ment et sans classement de provenance dans des portefeuilles dépourvus
de numérotation. La date sert donc de cote et en tient lieu.
552 CORRESPONDANCE DE LA VILLE DE PERPIGNAN
des Consuls de Perpignan aux Conseillers de Barcelone, c'est justement
la cohésion et la solidarité des villes catalanes, et l'on aperçoit, en
toute circonstance, le souci de gérer les intérêts communs par l'en-
tente et par l'union, soit qu'il s'agisse de veiller à la défense de la
frontière nationale, de sauvegarder le commerce national contre les
corsaires, ou encore de maintenir l'intégrité des privilèges et des cons-
titutions séculaires contre les entreprises de la reine et de ses agents.
Joseph Calmette.
I
Envoi de commissaires pour délibérer sur les intérêts
du commerce catalan
1399, 30 octobre.
Molt honorables e raolt savis senyors. Sobre lo loable pro-
veyment que vostres saviesas, axi corn de aquelles es propi,
ban proposât e continuen fer, en reparaclo de la œeroaderia,
massa en les présents terres desusada, segons en vostres
lettres a nos destinades es largament exprimit, havem haut
nostre gênerai conseil e acort, per loqual tots, de .j. voler, a
vostres dites savieses notifficam qu'en lo die e loch que per
vosaltres seran sobre asso assignats trametrem sens dilacio
aliunas persones en tais causes expertes per fer e ordenar,
per part nostra, tôt quant sera util e necessari en la reparaclo
e maiiteniment de la dita mercaderia. E lo Sant Sperit, molt
honorables senyors, sia en vostra garda. Scrit en Perpenja
a .XXX. de utubre del anj M. CCCXCVIIIJ. Los consols de la
vila de Perpenya a vostre honor e plaser aparellats.
II
La ville de Perpignan se recommande a Benanat Geli
1402, 2 août.
Molt honrat e savi senyer. Nos scrivim als honorables
conseilers de aquexa ciutat per ardues afiers de aquesta vila
DE 1399 A 1450 553 _
al présent posada, como degut, en massa gran destruccio, - .j>
spgons aço veurets en les letres que trametem als dits honora-
bles consellcrs. E per tal, corn a nostra salut liavein mester
bon sforç e presta ajuda de aqiiexa honorabla ciutat, pregam
vos afïecituosament que porets e sius plaura sia [)rest, com la
triga sia massa a nos uociva. E sia, molt honrat senjer, lo Sant
Sperit vostra garda. Sciita a Perpenya a dos d'agost de! any
M. GCCC dos. Los consuls de la vila de Perpenya a vostra
honor aparellats.
Al molt honrat e savi sonyer Benanat Geli, scriva de la
casa del conseil de la ciutat de Barcelona.
III
La situation municipale a Perpignan, la mission di<:
BÉRENGER d'OmS.
1404, 26 mars.
Molt honorables et savis senyors. Vostres savieses certi-
ficham que, segons havera entés, es donat entenent, per alguns
qui han cabut en lo régiment d'aquesta vila en lo temps
passât, que aci ha gran dems a colpa nostra, tinentse per
agreviat.s de la raisatgeiia que havem tramesa al senyor rey
per be e utilitat d'aquesta univer'sitat e bo e sa enteniment:
els se sforcen dir moites paraules en contrari ; pero cresem
que sens informacio ledesma noy dariets fe. E après, senyors,
es vengut assi mossen Berenger d'Olms, qui, per part del dit
senyor, bavent de a^so e d'altres fets spécial carrech, se es
interposât entre nosaltres, qui, apresent, havem carrech
del regimen de aquells qui fan part e instancia contre aquell,
e hauts sobre aço molts rahonaments, es stat offert bestant-
ment per nostra part ab voler del conseil, per squivar totes
divisions e discordies, de mettre los dits débats, que ells hi
pretenen, en mans e poder del dit mossen Berenger e al
strenyer : ells ho han desviat, segons se potmostrar clarament,
e, attenent que sta per ells e que lo dit mossen Berenger, per
part del dit senyor, nos satisfa, en la major part de les coses,
554 CORRESPONDANCE DE LA VILLE DÉ PERPIGNAN
perque havem fêta la dita misatgeria, havem délibérât de
ferne tornar de présent los misatgés,e, de fet, los ne scrivira,
e axi mateix, per tolre e cessar per tôt nostre poder tota
manerade occasio de divis quis pogués seguir entre nos e ells,
oferinsnos apparellats d'estarlos a tota ralio e justicia, con-
fiants fermament que vosaltres, senjors, sots d'aquesta
intencio, perço vos placia que, pus nosaltres fem tal provisio
d'escriure en aquells qui son stats trameses al dit senyor per
part dels regidors e cessant tota discordia, pusquem tractar
e finar de amistat e de bona concordia entre nosaltres, de
laquai se spere molts bens a la comunitat o als singlars per
ells, e de aço nos offerim apparellats, segons dites. Molthono-
rables e savis senjos, vos plasen que fer puxam, som appa-
rellats de complir. E lo San Sperit, molt honorables senyors,
sia vostra garda. Scrita en Perpenya a .XXVI. dies de marc
del any .M. CGC. IIIj. Los consols de la vila de Perpenja,
apparellats a vostre plaser e honor.
IV
Le (( Pariage » et les privilèges. Appel a la municipalité
DE Barcelone
1404, 12 juillet.
Molt honorables e savis senjors. Segons ténor de alcunes
letres per los honrats consols de mar d'aqueixa ciutat particu-
larment dirigides als honorais en Père Redon, deffenedor e
clavari del pariatge, e consols de mar de la présent vila, vosal-
tres, senjors, corn cap del Principat de Cathalunja, segons
lohablemeiit liavets acostumat, preservar les altres ciutats e
viias, menbres del dit Principat, de totes inquietacions e
greuges a ells imposât? contre degut, havets aquests dies com
no lunj passais provehit que l'honrat en Frances Fojs, havent
sobre aço comissio del senjor rej, ha aci traraesa ab carta
revocacio île tôt ço (|ue de part sua, en nom del senjor rej,
era stat aci provehit en la fet del dit pariatge, per forma que,
oltre très aujs, segons per les forces dels capitols del dit
DE 1399 A 1450 555
pariatge ser nos podia, lo dit di[n]er no sia exigit ni cuUit,
notifflcants los dits honrats consols de mar ah lurs sobredites
letres, que per la quantitat quis diu resta a pagar dels .XXM.
florins assi[gnats] per lo se[oors] de Cerdanja, vostres savieses,
en nom de tota la ciutat, havets assegurat de mètre... tôt ço
que per lo dit Principat sia degut en lo damuntdit subsidi, per
forma que les ciutais a viles del meteys... o defenedors e cla-
vai'is del dit dret no sien inquietats per la dita raho, conclusins ■ —
los dits honrats consols, ab les lurs dites letres, que prestament
totes quantitats pecouniarios pervengudes del dret del dit
pariatge, en la collecta del dit deffenedor de aquesta vila, sien
als dits honrats consols trameses o en lur nom en certa per-
sona per ells sobre aço eleta en tal forma que prestament
pugem finalraent e justa provehir, tant en lo fet de la resta
del dit secors de Gerdanja, cotu eu sntisfer alcutis doutes
que son deguts a alguns qui son stats dampnificats tant en
Cerdenya com en altra manera per lo dit subsidi.
E considerades les dites choses en les dites letres contengu-
des, e vits e reconeguts los capitols del dit pariage, havem
atrobat que, satisfet e pagat, per lo deffenedor de aquesta vila,
la part provenjent a la sua collecta en los dits .XXVI. florins,
la res'a deu assi roman[dre ..] en defensio de la mercaderia e
ordinacio dels consellers del dit fenedor, affermant que perço
en lo dit secors son stades paga les majors qu[an]titats quels
dits honrats consols de mar... de voler haver la resposta
di[ta], la quai [per] les dites rahons deu assi romandie spe-
cialment com... raolts assi que satisfaccio... dels dans a ells
donats en les man de Cerdanja en lo temps del dit pariatge.
Nos empero, honorables senjors, som aparellats fer obligacio
ab tota la universitat de aquesta vila, semblant que, per
vosaltres... stada fêta sobre les dites coses e a vosaltres, per
indempnitat de la [di]ta ciutat, per tôt ço e quant hi fos
[dejgut per [par]t de [ajquesta collecta, en manera que vos-
tres savieses conegen que en aço volera vostres vestigies del
tôt seguir e préservant la dita ciutat... de la forma que havets
fêta. E la Deitat increada, molt honorables senyors, sia conti-
nuadament vostra garda. Scrita en Perpenya a .Xlj. de juliol
del any M. CCCC. quatre. Los consols de Perpenya apparellats
a vostre pler e honor.
556 CORRESPONDANCE DE LA VILLE DE PERPIGNAN
V
Commission franco-ca.talane pour la réglementation
des <( marques ».
1404, 15 septembre.
Molt honorables e molt savis senyors. Vostra letra havem
reebuHa ensems ab un mémorial interclus en aquella, per
Tonrat en Johan Fabre, sobre lo fet de les marques. E segons
vostre letre, apar quel senyor rej, ha supplicacio vostra, ha
anuUades les primeres commissions fêtes a mossen lo
governador de Rossello tôt sol, a atorgala o ja fermada,
servant la pratica antigua, novella comissio al dit mossen lo
governador e a dos juristes, .j. de Barcelona per vosaltres,
senyors, e. j, d'esta vila per nosaltres elegidors, segons en
vostra letra aque.-<tas e altres cos s sobre aquest negoci larga-
ment son contenguiies. Don, honorables senyors, r^ponents a
vostres letra e mémorial, vos sertifieam que nosaltres, haut
conseil e acort sobre aquestes affers, havem elegit de nostra
part per jurista l'avocat Enric Guillem Vilanova, licenciât en
leys d'aquesta vila, loqual es ja entervengut en aquestes
affers, e, haut vostre assentiment, havem acordat ab lo loctinent
de mossen lo governador Jornada de les revistes ab lo senescal
de Carcassona sia en altre terme alongada, segons ell vos
n'escriu per sa letra largaraent. Perque, senyors, placlaus
traballar en ferespatxar la dita commissio bastant a conclusio
final del negoci e tramettre aci per certa persona per tal quen
puxa esser trames translat al dit senescal, que la haura
ab semblant poder del rey de França. Del fet, senyors, de
que escrivits, qu'en Francesch d'Alçamora sia scriva d'aquest
negoci, nos plau, pus a vosaltres es placient que y intervynga,
Mas nos apar, parlant ab honor de vosaltres, sia a aquest molts
qui hi han cabut e encara han entervenir necessariament
en los afers, qu'en déjà esser remogut en P. dez Camps,
notari d'aquesta vila, loijual de molt de temps ensa ha molt tre-
ballat e dins e defora en los dits afiers, qui son novell acte.
DE 1399 A 1450 557
e es estât tostemps présent e ha preses tols los processes e
scripturessens proffit aigu, que encara no han liant, re.^. E sia,
senyors, lo San Sperit en vostra garda. Scrita a Per|)enja a.
.XV. de setembre l'any M. CCCC quatre. Ijos consols de Per-
penya a vostre lionor apparellals.
VI
Même sujet
1405, 12 août.
Molt honorables et savis senyors. Dies ha que scriviem a
les vostres honorables savieses, notiflcantsvos la jornada quel
senescal de Caicassona o son loctinent deve-i esseren aquesta
vila ab los diputats per part dels sotmeses del rey de Françi
persospendre e levar lo fet de les marques. E coni la jornada
sia lo .XIX. dia del présent mes e sia cert que, si en aquest
fet se dona bona fi, axi com créera que fara, si a Deus plau,
que s'en seguira profit gran als sotsraeses del senyor rey e
del rey de França, e cessaran raolts dans e inconvénients que
prr fet de les marques se porien seguir, per tant, molt hono-
rables e savis senyors, vos pregam que, jui-isla que devets
elegir o qualsevol altre persona per entervenir en aquest
negoci elegiats, provehiu que sia aci à la jornada, E ab tant,
molt honorables senyors, sia la Santa Tritiitat vostra guarda,
Scrita en Perpenya a .Xlj. dies d'agost del any .M. CCCC. V.
Los consols de Perpenya apparellats a vostre pler et honor.
VII
MÊME SUJET
1405, 13 août.
Molt honorables e molt savis senyor.s. Apres que vuy vos
haguem scrit queus plagués eligir la persona que trametriets
a aquesta vila per lo fet de les marques e que cuytas sa ven-
guda (car lo .XVIIIj. dia del présent mes hic séria per la dita
558 CORRESPONDANCE DE LA VILLE DE PERPIGNAN
ralio lo senescal de Carcassona ab aquells qui per la part del
rej de França son a aço ordenats), havem reebuda una letra,
ti'ellat de laquai vos trainetem dins la présent, e aparnos que
los dessusdits, per la causa en la dita letra contenguda, han
mudada la jornada a .XV. de setembre. Pregani vos, raolt
honorables senjors, que a la jornala vos tingats per dit de
trametreich persona certa. E ab tant, sia la Sancta Trinitat
vostra guarda. Scrita en Perpenja a .XIIj. de agost del any
.M. CCCC. V. Los consols de la vila de Perpenja a vostre
plaer e honor.
VIII
Mesures a prendre contre les Corsaires
1405, 3 décembre.
Molt honorables et savis senyors. Notirlcam a vostres hono-
rables savieses que a nos es stada molt dezplasent e couguxosa
la relacio quens han fêta los honorables consols de raar de
aquesta vila de les noves per los honorables consols de mar de
aqueixa ciutat a ells nolificades, contenent corn diverses cor-
saris, ab fictes, falses e colorades maneres, han robades moites
mercaderies e robes, sens alguna justa causa o raho, de
sotsmeses del seuyor rey, e que les dits corsaris fan prepara-
toris de envasir, combatre, pendre e robar totes fustes que
pusquen trobar dels dits sotsmesos, e les mercaderies, robes
e altres bens que en aqaelles sien a ells raatexes apropriar.
Per laquai raho, les dits consols de mar, haut sobre las dites
coses ab nosaltres ample rahonament, per lo gran, évident e
manifest dan e scandol ques segueix per les mais e reprovades
obres que fan los dits corsaris, de que son dignes de gran e
greu punicio, han convocat conseil en loqual son stats pré-
sents quaix tots los meroaders e prohomens de la dita vila,
losquals han, procèdent a matura delliberacio e coloqui entre
ells, concordat que son stades eletes .VI. notables persones
d'ells raatexes, dues de lesquals trametem à les vostres
savieses, ço es en Bernât Joan, e N'Johan Tallant, mercaders,
per delliberar ab vostres savieses e mètre en algun orde que
DE 1399 A 1450 559
sia fêta pro[visi]o \)ei' obviar a [l]a malvada entencio e pro-
posit dels dits corsaris, induits de diabolicil sperit, on tant
que, migençant vostra bona ordinacio, les fustes dels dits
sotsmeses e lurs persones, mercaderies, robes e bens naveguen
e pusquen navegar segurament, e ajtals ma'vats corsaris, si
fer se pora, Iiagen e porten la pena que naerexen, de fer sem-
blants maies obres, e altres n'en prenguen exerapli. E corn
aquexa ciutat sia membre pidncipal de la raorcaderia ques fa
dins la senjoria del senyor rey, per laquai mercaderia molts
bens procehexen a vosaltres, se pertanya assenyaladaraent,
per moites rahons, consellar e donar e posar tais remedis qui
en semblant coses per utilitat de la co-a publica de dit Princi-
pat de Cathalunya se pertanye, laquai pren e prindra gran
dan si en aquest tan greu c énorme acte nos provesia, sia
posât remedi. Per tant, raolt honorables senyors, aflfectuosa-
ment vos pregam que ab los dits Bernât Joan e Joan Tallant
vullats ymaginar, provehir e mètre en orde e donar e adnii-
nistrar les vostres san e bon e proficos conseil que en lo dit
fet sia donat e posât tal remedi que les dits navilis, persones,
mereaderies, robes e bens puxen segurament e sens perill e
temença dels dits corsaris navegar. Certificam vostres hono-
rables savieses que nosaltres, en ajudar e donar conseil e
favor en les dites coses, farem ço que puscam e a nos sia pos-
sible e permes, car de aço sera fet servey a Deu e repoitara
sens tôt dupte assenyalat e gran be la dita cosa publica. E ab
tant, molt honorables senyors, sia la Santa Trinitat vostra
guarda. Scrita eti Perpenya a .IIj. dies de dehembre del any
.M. CCCC V. Los consols de la vila de Perpenya apparellats a
vostre plaher e honor.
BIBLIOGRAPHIE
REVUE DES REVUES
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]i& plus ancien cahier des Etats de Béarn, Marsan et Gabardan (mars-
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trique des substantifs masculins en ancien provençal, p. 353 ; — H.
Omont : Notice sur des feuillets retrouvés du ms. 525 de Dijon, p. 3&4;
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p 375; — P. Meyer : Fragments de manuscrits français, p. 429;
— /. Derocquigny : Ane. fr. « besuchier », p. 458; — A. Thomas :
fr. « élauguer, élangueur », fr. d,al. « fenerotet », fr. « rancune »,
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philologia poi'tuguesa, p. 159 ; — E. Dias : Notas criticas a textos
portugueses, p. 179; — /. Leite de Vasconcellos : Textos archaicos,
p. 187.
Revue hispanique, XII, n° 42. — Inventari dels bens mobles del
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den vier Haimonskindern, p. 1; — G. Hartmann: Zur geschichte
der italienischen orthographie, p. 199; — F. Luquiens : The Roman
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XXI, 2. — K. Lewent : Das altprovenzalische Kreuzlied, p. 321;
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BIIBLIOGRAPHIE 561
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canadienne-française, [>. (jl ; — Lexique canadien-français, p. 31
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dites, p. 457; — A. Vidal : Les comptes consnlaires de Moiitagnac
(Hérault), p. 517.
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1 u. 3. — E. Bru//f/er : L'iMisoriomcnt Morlin. Stiidien znr Merlin-
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Behrens : Wortgeschichlliches, [). 141; — G. Keidel : The Foliation
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ca.ssonne, 2'' série, t. L — E. Balchbrc : Les noms latius et romans
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Archiv fur das studium der neueren sprachen und litte •
raturen, CXV, 1 et 2, — E. Tappole.t : Phonetik und Semantik in
der etytnologischen Forschuug, \). lUl ; — E. Mackel : Beitràge zur
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COMPTES RENDUS
E. Sheldon. — Concordanza délie opère it.iliane in prosa e del Canzo-
niere di Dante Alighieri. Publication da la DA^TE Society de
Cambridge (Massaciiusetts). Ocford, 1905, [ VlIl-740 p. in-8"].
La « Dante Societ}^ » de Cambridge (Massachusetts) date d'environ
vingt cin(j ans. Rlie eut [)our premliM- pi'ésident Longfellow, l'illirsti',;
SLuienv iVEvmigéllae, i{m ;ivait traduit la Divine Comédie. Autour de
lui se groupèrent de zélés admirateurs de l'Alighieri, rpii, soit par
leurs travaux personnels, soit en encourageant le travail d'autrui, ont
largement contribué à mieux faire connaître aux Américains le grand
poète du Moyen-Age. Dès le principe, la Société dépassa les limites
de r l'état de Massachusetts. En 1888, sur 51 membres, 27 appaitien-
nent à d'autres Etats de l'Union. En 1893, le nombre des adhérents
est de 65; sur 31 étrangers à l'Etat, 7 résident en Angleterre '.
* Une société, ayant un but tout semblable. V American Dunte Society,
s'est fondée à New-York en 1890. Son premier Year Book (1890-1891) con-
tient deux conférences : «- Les maîtres de Dante » par Thomas Davidson
et « La doctrine du péché chez Dante » par W. T. Harris.
33
562 BIBLIOGRAPHIE
Le caractère éminent de la Société est de s'être proposé un idéal
très élevé. Autour de l'œuvre de Dante s'est constituée, durant le
siècle dernier, toute une philologie spéciale, très féconde, s'inspii'ant
de l'étude minutieuse des écrits du poète et de son tem[)S. Sa biogra-
phie, son commentaire, ont été refaits. Les manusciits ont été l'objet
d'un exameu attentif. ICditions du texte et des commentaires anciens,
traductions plus fidèles, se sont multipliées. Kn Italie, en Allemagne,
en France, en Angleterre, des hommes de très haut mérite ont \érita-
blement renouvelé le sujet par l'étendue et la précision méthodique de
de leurs recherches. La Société de Cambrid^^e ne se contente pas de
vulgariser de l'autre côté de l'Atlantique les résultats de ce grand
labeur. On lui doit des œuvres oiiginales dontcertaines sont très
importantes.
En première ligue ondoitciter la Concordance de laDivine Comédie
publiée en 1888 par le professeur Fay aux frais de la Société. Plus
tard parurent : Butler, traduction annotée deVE7ifer; Norton, tra-
duction de la « Divine Comédie « (Boston, 1891 et suiv.) et de la
« Vie Nouvelle » (Boston, 1892) ; Latham, traduction de onze lettre^
de Dante, etc.
Pour répandre le goût de la lecture et de l'étude de Dante, la
Société a souvent mis au concours, entre les étudiants et gradués de
Harvard et des autres Universités des Etats-Unis, quelques questions
obligeant à un effort de réflexion et de critique. Voici celles qui furent
posées pour Tannée 1892-1893,:
1" Comparer le système des péchés que Dante suit en Enfer et en
Purgatoire et eu expliquer les apparentes différences dans les deux
royaumes ;
2o Qui était la Mathilde du Paradis Terrestre et quel est son carac-
tère allégorique et symbolique;
3" Delà connaissance que les écrivains anglais de Chancer à Gray
ont eue de la Divine Comédie.
En 1891,1e prixTiinmins futdécerné à une dame : Lucy Allen Paton,
pour un mémoire sur la personnalité de Dante : ihe personul character
of Dante '. 11 a été publié dans le Bulletin de la Société qui néanmoins
est plutôt consacré à la réimpression de documents rares.
L'organisation d'une section réservée à Dante dans la Bibliothèque
du Collège de Harvard a été une des mesures les plus utiles. A en
juger par les indications figurant à 1' « Anuual Report » de la Société
1 Le titre complet est : The persoiial diaractev of Dante ax revealed
in /lis ivritings />// Lucy Allen Paton, heing the essay hy a memijer of the
school for the collégiale instruction for tvomen, in Cambridge, Mass., to
icliiclt Tho Sara Greene Timmins prize loas awarded ni 1891.
BIBLIOGRAPHIE 563
pour les seules années 1888, 1893, 1893, cette collection est déjà
extrêmement liclie. En 1888, elle comptait plus de mille volumes.
Pour 1892, le nombre des titres d'ouvrages ou d'articles do périodi-
ques, relatifs k Dante, reçus à la Hibliothèque, est de 172 ( « à [teu
de chose près le même que l'année précédente » ) : 52 représentent
les acquisitions faites sur les fonds de la Société; 53 sont des dons
d'auteurs, d'éditeui-s, d'amis de la Société; les autres ont été achetés
par la Bibliothèque. Pour 1893, les chiffres correspondants sont 154,
10,60. La collection est non seulement à la disposition dos étudiants
de Harvard et des sociétaires résidant à Cambridge, mais le prêt des
ouvrages est accordé aux sociétaires non résidants.
La constitution d'une telle Bibliothèque spéciale, formée et accrue
par l'accord de la Société et de l'Université, est en soi un bien consi-
dérable : l'on y reconnaît cette union de l'initiative hardie et de l'esprit
pratique qui caractérise la jeune et active civilisation des Etats-Unis.
Bien des romanisants d'Europe env'eront aux étudiants de Harvard ua
aussi précieux instrument de travail.
Le catalogue de la collection se forme année par année, grâce à
l'insertion à VAnnual Report de la liste, dressée avec toutes les indi-
cations nécessaires, des acquisitions nouvelles.
N'est-il pas intéressant de voir au pays que colonisèrent jadis les
farouches puritains ', un tel effort pour s'assimiler la poésie du plus
grands des Latins, de celui dont l'œuvre, de prime-abord, semblerait
ne devoir provoquer chez les descendants des passagers du May-
1 L'éducation nationale a dû longtemps se ressentir de l'influence du
rigoureux Gode Bleu, dont il suffirait de citer l'articIeSl : « Il est défendu
à tout le monde de lire la liturgie anglicane, de fêter la Noël, de faire
des pâtés de hachis {mince-pies), de danser et de jouer de tout instru-
ment, le tambour, la trompette et la guimbarde exceptés. » On faisait
grâce aux instruments mentionnes dans la Bible! La peine de mort frap-
pait le quaker obstiné tout comme le sorcier. Dans IVaodsfock, ce roman
de Walter Scott, où est si bien tracé le portrait de Gromwell, les dis-
cussions entre presbytériens, indépendants et cavaliers donnent mieux,
me semble-t il, que Old Mortality, l'image de la phraséologie de ces
temps étranges; mais les émigrants, dans leur exil, n'emportaient avec
eux que la Bible dont ils étaient incapables de comprendre les gran-
dioses beautés. Tout se répète, et l'on a parfois sous les yeux des
exemples auxquels on ne songe point. Après la révocation de l'édit de
Nantes, quelques centaines de calvinistes, conduits par un neveu de
l'amiral Duquesne, cherchèrent un asile au Sud de l'Afrique. Leurs des-
cendants n'ont rien gardé de la mère-patrie, sont revenus à la vie
patriarcale, et naguère, par leur ténacité héroïque, ont fait l'admiration
du monde.
S64 BIBLIOGRAPHIE
flower, chez les lecteurs assidus de la Bible, qu'un sentiment de
répulsion? Mais depuis cette année de 1639, où le ministre Jfwn
Harvard fonda et dota de 800 livres sterling le collège qui porte son
nom, où pour la première fois une presse fut mise en mouvement à
Cambridge, un désir intense s'est peu à peu dégagé dans le sein de ce
peuple que l'argent et le travail, moneij and business, semblaient
avoir accaparé pour des siècles encore, celui de puiser l'art et la
poésie aux sources vives de la grande tradition euro[)éeune.
La Concordance de la Commedia de M. Fay avait rendu des ser-
vices qui ont fait sentir plus vivement la nécessité d'un livre analogue
pour les autres œuvres italiennes du poète. M. Sheldon a eu raison
de nous le donner. 11 a tenu à bien mentionner que la collaboration
de M. A. -G. Whitelui a été fort utile. Les œuvres latinesn'ont pas été
comprises dans le plan de l'auteur. Elles méritent en effet de faire
l'objet d'un livre distinct.
M. Sh. a suivi le texte des œuvres de l'Alighieri qui a été publié
par M. Moore (Oxford, 2^ éd. 1897; 3« éd. 1904).
Les mots sont rangés dans l'ordre alphabétique; les citations for-
ment deux séries, le haut des pages étant attribué à la poésie et lebas
à la prose. Les citations sont placées dans l'ordre du texte original.
L'ordre des œuvres poétiques est : Canzoni, Sestine, Bcdlate,
Sonetti, Sahni penitenzlali, Professione di Fede.
Ces quelques indications suffisent pour montrer comment est distri-
l'uée la matière dans cet ouvrage considérable, répertoire conscien-
cieux et complet, qu'il faudra consulter pour peu que l'on étudie la
langue et les œuvres de Dante. Les principaux mérites à souhaiter
dans un livre de cette nature sont la clarté et l'exactitude, mais celui
d'une bonne disposition typographique n'est pas moins désirable. A
ces derniers points de vue, la Concordanza de M. Sh. aura sûrement
l'approbation de tout critique impartial : elle est appelée à occuper
une place très honorable dans la liste des ouvrages consacrés à nous
faciliter l'intelligence de l'œuvre du grand poète '.
1 Dans quelle mesure les grands poètes peuvent-ils être vulgarisés
avec succès à l'étranger? Un de ceux qui ont fait le plus pour la littéra-
ture italienne i^épondait de façon peu encourageante : « A. Gaspary,
dans une lettre à F. de Sanctis du 22 mai 1877, publiée dans le journal
napolitain La Tavola Rotonda (ann. III, n»" 26-29) émet ce jugement
remarquable sur le culte de Dante en Allemagne : « L'œuvre de Goethe
» ne sera comprise chez vous que par les esprits d'une culture raffinée,
» comme il en est chez nous pour la Divine Comédie. En dépit de toutes
1) les fatigues, de tous les commentaires, de tous les etibrts de la science,
* l'œuvre de Dante est toujours la propriété intellectuelle d'un petit
)' nombre. Le reste l'admire en paroles (a fvasi) et enrage souvent en
BIBLIOGRAPHIE 565
Je u'ose dire qu'elle remplira parfaitement l'atlentc que le titre
pourrait provoquer. Il ne s'agit pas ici d'une concordance à déter-
miner entre les pensées de Dante, mais d'une notation exacte des mots
encadrés d'une partie très courte du texte avec renvoi au passage
d'où la citation est extraite. L'on a ainsi sous les yeux les éléments
qui permettent de compai'er les divers emplois du mot. C'est déjà
beaucoup, et aller au delà eût été s'engager dans une entrepi-ise d'un
caractère tout différent et d'une valeur scientifique moins certaine.
Ici s'Hp[)lique fort bien le pioverbe : à chaque jour suffit sa peine. La
tâche que l'auteur s'était tracée était aussi étendue que difficile. L'on
est heureux de reconnaître qu'il s'en est acquitté avec le soin le plus
méritoire.
Ce n'est point que ça et là l'on ne trouve l'occasion d'objection
légère. Je me bornerai à noter quelques endroits où l'on jugera peut-
être qu'une correction serait désirable.
Vers la fin de la Canzone sur la Noblesse, que Dante donne et com-
mente au Traité IV du Conoito (Le dolci rime d'ainor ch'io sulia), il
dit :
E gentilezza dovunque è virtute,
Ma non virtute ov' alla ;
Siccome ô '1 cielo dovunque la stella,
Ma ciô non e converso.
Le sens littéral est : « La noblesse est partout où est la vertu,
mais la vertu n'est point partout où est la noblesse ; tout comme le
ciel est partout où est l'étoile, mais la réciproque n'a pas lieu, »
Moore imprime « è converso » ; Kraticelli estime que « e converso »
est une locution latine. Je crois, en effet, que Dante, grand admira-
teur de la logique, avait noté que la proposition affirmative universelle
ne se convertit pas exactement - et que dans le passage correspon-
dant du Convito (IV, 19) il a éprouvé un très vif plaisir à démontrer
la richesse de sa distinction et la beauté de la comparaison qu'il établit
» secret d'être obligé de dire ce ^lu'il ne pense point. » Bulletino délia
Società danfesca ifalia7ia, ott. 1893, p 24. Mais l'on est en droit d'espérer
davantage d'une nation jeune, sans passé qui l'enchaîne. D'ailleurs, le
sentiment religieux, si vivace aux Etats-Unis, y assurera de plus en plus
des lecteurs à la Commudia.
' Sheldon, Concordanza, p. 142, v. converso (2).
^ A converti donne L c'est-à-dire une particulière affirmative ; tout
homme est mortel; quelque mortel est homme. Le caractère d'universalité
du sujet disparait dans la proposition ainsi convertie et elle n'est pas
exactement réciproque. Cf. Logique de Port Royal, II" Partie, ch. 14,
566 BIBLIOGRAPHIE
entre le ciel et la noblesse. Quels mots emploie-t-il à cet endroit?
m non è questo vero e conversa : « et ceci n'est pas vrai par réci-
proque. » M. Sheldon reproduit au bas de la page (citations emprun-
tées aux ouvrages en prosej ce passage ainsi orthographié, sans
s'apercevoir que le Convito répète ici purement le texte de la Canzone
avec addition du mot vero, et que la leçon de Fraticelli ' y trouve
sa confirmation. Cette contradiction remonte au texte de Moore que
M. S. a plis pour base.
Au mot Ortensio l'on tiouve : Maiitossi ad Orlensio.l.e mérite de la
brièveté est en lui-même ti'ès grand et dans cet ouvrage il était plus
indispensable qu'en tout autie. Mais il y avait place pour plusieurs
mots de plus, et un mot suffisait pour apprendie que c'est Mai'tia qui
a épousé Horteusius. Le mal serait moindre si à l'article Marzia une
citation nous informait qu'après s'être séparée de Caton elle prit Hor-
teusius pour mari, mais c'est seulement à l'article Catone que cette
séparation est mentionnée, et il faut qu'un heureux hasard mène au
mot marilure pour que l'on lise la citation intégrale : Marzia mari-
tossi ad Ortensio. N'était-elle pas aussi nécessaire en face des noms
des deux époux : Marzia, Ortensio ?
Le nom de Maria est sans doute identique à lui-même, mais ce
n'est pas un nom commun, de sorte qu'il est d'usage dans les diction-
naires de le ré[iéter en marge, selon qu'il s'agit de la mère de Jésus,
de Marie sœur de Marthe, etc. Or la citation : Maria ottima parte lia
eletia et celle où il est parlé de la visite des saintes femmes au
sépulcre, viennent à la suite des passages concernant la Vierge, sans
que rien avertisse d'un changement de personnes.
Pourquoi au mot metafistca le Convito, II, 15, n'est-il pas plus
complètement cité? Je lis dans ce passage : il ciel stellato si pub coin-
parare alla fisica per tre pi'opnttù e alla metajîsica per altre ire; et
avec Dante l'on est certain que chacune de ces ressemblances sera
soigneusement démontrée. M. Sh. cite la première partii- de la phrase
aux mots fisica et stellato. A l'article Metajîsica l'on a : si piià com-
parare alla Metafisica; mais ce lambeau de phrase sans sujet,
' M. Sh. l'indique sous cette forme (F e), mais si l'on ne se reporte
aux textes, Ton ne peut deviner qu'un rapport existe entre cette ligne
de la Canzone et celle du Convito qui est citée au bas de ïa page. — Au
troisième alinéa de l'accord conclu en 1306 entre l'évéque de Luni et les
marquis Malaspina (représentés par Dante Alighieri), l'on a deux fois la
locution latine e co7iverso, avec le sens de réciproquemHnt. V. le texte
donné par Fraticelli, Vita di Dante Alighieri, c. VI, n° 21. Au texte de
Ja Canzone, Fraticelli note : « Cosi Matteo Yilloni « csenii,io dimirabile
carità mtra padre e figliiiolo ed e conversa- »
BIBLIOGRAPHIE 567
avec la suppression dn per altre tre [proprietà'\, ne retient pas l'atten-
tion Tout au moins fallait-il reproduire il ciel stellato.
Au mot Scienza manrpie la définition : la prima sclenza che si chiama
metiifisicd (Cou vil. 11, 14). On l'a au mot metafisica, mais elle était
nécessaire dans les deux articles.
Ou lit p. 320 : è un rilraiinenlo cCanimo da laide cose.
p. 586 : Lo Pudore è un ritraimeuto d'animo.
p. 576 : Lo Pudore è un ritraimento d'animo da.
Dinns la première citation l'expression du sujet était aus-i néces-
saire (jue dans les deux autres, et la place suffisait pour ajouter deux
mots et plus.
Dante dit : Secondochè Lesiinionia TuUio in quelle di Senetlute
{Coiivit. IV, 24). Dans la Concordama, au mot senettute l'on a seu-
lement : Tnllio in quello di Senetlute ; par contre, à l'article TuUio,
l'on a: seco7idocIiè testtDionia T-allio . Pourquoi couperainsi, aux dépens
de la cl.ii'té et s'interdire de ré[)éter, (piand, par trop de concision, on
court le risque d'être inintelligible?
Mais à quoi bon insister sur ces détails ? Tout compte fait, il valait
mieux pécher ainsi, en quelques rares endi'oits, par un excès de fidé-
lité au plan tracé, puisque sans ce plan aussi bien conçu que suivi,
l'entreprise eût été inéilisable. Grâce à la Société de Cambridge et à
M. Sheldon, la philologie dantesque s'est enrichie d'un excellent
ouvrage qui est en même temps un magnifique volume.
Ferdinand Castets.
E. Huguet. — Le sens de la forme dans les métaphores de Victor
Hugo, Paris, Bac/tetle, 1904 [Vlll-392 p. iu-8o].
M. Huguet définit lui-même son livre à la première ligne de
l'avant-propos, en déclarant qu'il « n'est pas auti'e chose qu'un
musée ». C'est un musée des métafoi'es de V. Hugo, où elles sont
groupées par catégories ; et ce musée a sur beaucoup d'autres
l'avantage d'être muni d'un pr(icieux catalogue, p:ir le moj'en d'une
table à deux fins, qui contient à la fois et en les distinguant tipogra-
fiquement les noms des objets qui donnent lieu à des métafores et les
mots employés nnétaforiquenioiit.
Toutes les métafores d;ins lesquelles on peut trouver une idée de
forme sont repi'ésentées dans cette galerie, et il n'était pas malaisé à
l'auteur de n'en omettre aucune espèce, puisqu'il dispose d'un dic-
tionnaire complet des métaphoi-es de Victor Hugo, qu'il a fait pour
sou usage personnel et ipi'il ]iubliera peut-être un jour. Il ne faudrait
pas s'imaginer pourtant qu'il a mis dans cette collection tous les exem-
ples de métafores où l'on peut percevoir une idée de forme que con-
568 BIBLIOGRAPHIE
tiennent les œuvres Je Victor Hugo. Ce n'est pas son dictionnaire
qu'il nous donne ici dans un ordre analitique; il en a seulement extrait
de nombreuses citations pour les réunir en chapiti'es. On peut même
trouver que par endroits il a a accumulé ces citations en trop grande
abondance ; il n'était pas utile de donner une cinquantaine d'exemples
(p. 17-4 et suiv.) où les feuillages des plantes, leurs racines, leurs
brindilles sont comparés à des chevelures; il n'en fallait pas non
plus vingt-cinq pour nous faire comprendre que la comparaison du
ciel avec un plafond est familière à son auteur.
On sera peut-être tenté de dire qu'un travail de ce geure ne deman-
dait pas un grand talent, qu'ua peu de patience suffisait, et d'autre
part qu'a le besoin d'un pareil livre ne se faisait pas sentir, car il est
plus agréable et souvent plus profitable de lire tout entières seulement
quelques pièces de Victor Hu^'O que de butiner à travers toutes ses
œuvres découpées en petites tranches.
A quoi nous rëpoudrotis en principe que les ouvi'ages le patience
sont fréquemment plus utiles que les ouvrages de talent. Nous ajou-
terons que dans le cas particulier M. Huguet ne s'est pas borné à
vider chez son imprimeur quelques tiroirs de fiches. Les exemples
sont accompagnés d'un commentaire et souvent analisés avec finesse;
les chapitres s'ouvrent, se développent et surtout se terminent par
des aperçus et des conclusions qui résultent s rictement des exemples
cités. Sans doute ces conclusions, après tout ce qui a été écrit sur
Victor Hugo, ne sauraient être déclarées neuves, mais elles ne res-
semblent pas aux banalités qu'on a coutume de répéter au sujet de
cet auteur, et elles n'avaient guère été indiquées avec quelque exacti-
tude que dans l'article si suggestif et si pénétrant que Baudelaire a
consacré à notre poète en 1863.
Victor Hugo est un des rares écrivains qui méritent d'être ainsi dis-
séqués. Ses métafores sont intéressantes non seulement parce qu'elles
sont logiques, coéreuteset strict-ment vraies, mais surtout peut être
parce qu'elles ne sont pas seulement des procédés de développement
et de stile, mais essentiellement des procédés de pensée qui caracté-
risent le génie du poète. On a dit qu'il n'i avait dans les œuvres de
V. Hugo que des lieux communs et pas une idée neuve; qu'est-ce qui
n'est pas lieu commun en littérature ? qu'est-ce qui n'a pas été dit ? et
avoir des idées neuves ne consisterait-il pas à en présenter d'ancien-
nes sous uu jour nouveau et à voir les choses d'un regard personnel ?
On a souvent die aussi et l'on répète à satiété que les plus beaux
développenientï de Victor Hugo et ses métafores les plus saisissan-
tes lui ont été suggérées par le rapprochement des mots et surtout
pir la l'ime. Il suffit de voir dans l'ouvrage de .M. Huguet les exem-
ples en prose à côté des exemples en vers pour reconnaître que ses
BIBLIOGHAI'IIIE 569
coiiipai'uisons los plus étranges au premier aboiil, les jilus inatten-
dues, sont exactement les mêmes dans sa prose que dans ses vers ;
elles ne doivent donc rien à la rime. Il court beaucoup d'erreurs de ce
genre, qui loin des faits flottent dans l'irréel et servent à nos éini-
nents critiques à confectionner la pâture débilitante qu'ils offrent à
leur public ; le livre de M. Hiiguet réussira sans doute à en arrêter
quelques-unes, et nous augurons qu'il eu sei'a de même des volumes
qui doivent suivre celui-ci.
Maurice Gkammont.
P. Boyer. — Un vocabulaire français-russe de la fin du XVI^ siècle,
extrait du Grand Insulaire d'André Thevet, Pans, Leroux, 1905
[64 p. gr. in-S"]
L'auteur des Sctiijularitez de la France antarctique, de la Cosmo-
graphie universelle et d'autres ouvrages eu [lariie encore inédits,
Audi'é Thevet que ses contemporains ont bafoué et vilipendé, l'accu-
sant à lenvi de sottise, de plagiat et de mensonge, a fait preuve au
cours de ses longs voyages tant au Levant qu'aux. Indes occidentales
d'une curiosité digne d'un vrai savant, a été mainte fois plagié lui-
même, a trouvé dans Nicot pour l'introduction du tabac en France son
Améric Vesjiuce, et fournit enfin daus ses ouvrages nombre de rensei-
gnements précieux que l'on clierclierait vainement ailleurs.
11 a toujours montré uu grand souci des langages parlés par les
omnies dont il visite ou décrit les pays, il paraît en avoir connu per-
sonnellement plusieurs assez bien, et il donne de la plupart des
spécimens plus ou moins étendus ou des fragments de leur vocabu-
laire. Le plus considérable de ces derniers est son Dictionnaire des
Moscovites, qui ne comprend pas moins de 644 mots ou petites frases
et qui figure à la suite de la description de l'île d'Alopécie dans soa
ouvrage inédit intitulé Grand Insalaire et Pilotage.
Ce Dictionnaire des Moscovites est intéressant comme témoignage
des relations qui dès la fin du XVI'' siècle s'étaient établies entre les
Français et les Russes, au moment ou le tsar Feodor, fils d'Ivau le
Terrible, et Henri 111 négociaieut uu traita de commerce « eu toute
amitié et fraternelle correspondance»; mais il est important surtout
pour l'étude du vocabulaii-e, des fjrmes et de la prononciation de la
langue l'usse en ce même temps.
Le procédé de travail d'André Thovet, exclusivement oral et auditif,
apparaît clairement : il se faisait tiadinre eu russe des mots et des
frases françaises et notait de son mieux la réponse qu'il avait en-
tendue, transcription purement fonétique ou du moins s'efForçant
d'être telle. 11 lui arrivait parfois de comprendre mal et de ne pas
570 BIBLIOGRAPHIE
entendre fiistinctenient ; c'est ce qui exiiliqne l'étrangeté souvent décon-
cei'tante de ses transcriptions. Dans certains cas d'ailleurs son em-
barras étiiit fort excusîible : c'est quand il devait rendre des sons ou
des grou[)i-s de sons dont le français ne [lossédait pus l'équivalent. 11 a
procédé par à peu près et c'est là le point capital pour le r>.)inaniste : son
audition est bien celle d'une oreille française insuffisamment exercée
et sa transcription, souvent très diverse pour le même son, mais
s'en rapprochant en généi'al autant que le permettaient les moyens à
sa dis[iosition, accuse nettement un transcripteiir français. Nous n'en
citerons qu'un exemple : sa reproduction des groupes de consonnes.
Ou bien il les simplifie pu- chute des éléments implosifs, zaguy pour
zajgut, resoqua pour rechiàLka. ou bien il les disjoint par l'interca-
lation d'une voyelle dappui qui est ordinairement e : quetto pour hto,
la feqiia pour/«r/i'a, seto \)Qm- slo ; polletenicq, pour ptôtnihû, est
un cas plus complexe avec sa transcription de 17 vélaire, mais d'au-
tant plus intéressant.
M. P. Boyer a dû, à cause de l'incertitude et de l'inconstance des
transcriptions de Thevet, les commenter fréquemment en note et
donner en face de chacune les mois russes qu'elles représentent,
dûment accentués et ramenés, autant qu'il a été nécessaire, aux for-
mations en usage à la fin dti XVI*^ siècle. Il l'a fait avec la précision
et la compétence qu'on lui connaît.
Maurice Gkammont.
B. Anquetil. — La partie de mer ou la vengeance du matelot créan-
cier, pièce satirique en patois normand, éditée pour la première fois
avec un avant-piopos, des variantes et des notes dial ctologiques,
par Ch. GuEKLiN de Gukr, Paris, Welier, 1903 [72 p. in-8°].
M, Guerlin de Guer s'est fait une spécialité de l'étude des parlers
normands et s'est acquis une notoriété dans ce domaine. Jusqu'à pré-
sent il n'avait guèie fait porter ses recherches que sur les patois
actuellement vivants; cette fois il a [iris pour tâche de publier un
texte patois ancien et d'en éclairer les formes au moyen de celles qui
sont usitées aujourdui. Il a examiné toutes les œuvres du poète
bayeusain Ancpietil, qui sont conservées pour la plupart à la biblio-
tèque de Bayeux, mais dont aucune n'avait élé imprimée jusqu'à cejour.
Son choix s'est fixé sur la plus importante d'entre elles : La Partie
de mer ou la Vengeance du matelot créancier. C'est un dialogue sati-
rique d'environ 5U0 vers, où i'on voit, un matelot qui veut se venger
jiar la plume des êtes du châtiau auxquels il a fourni des coquilliges
et (pli l'ont éconduit sans le payer. Dépourvu d'instruction, il n'est pas
à même de faire en personne la satire qu'il rêve ; mais il a un fils
lUBLIOGRAPIIIK 571
qui rovienl. du collôfçe et sait le grec et le latin. Il l'emmène en mer
pour n'être entendu de personne et lui expose ses gi'iefs qu'il devra
mettre en bonne forme. La satire est très violente et eut en son temps
beaucoup de succès dans le pays, car les personnages qui i sont visés
étaient aisément reoonnaissables pour tout le inonde. Le développe-
ment est facile, mais au point de vue littéraire la vaLur de cette
œuvre est en somme plutôt médiocre.
M. Guerlin de Guer l'a éditée avec tout le soin que l'on peut accor-
der aux chefs-d'œuvre des classiques Dans un avant-propos il a
reconstitué au moyen de recherches dans les archives la biografie de
son auteur, Bernardin Anquetil, dit l'abbé Anquetil, qui naquit à Man-
deville en 1755, i passa la plus grande partie de son existence, et i
mourut en 1826 ; il i a joint quelques notes sur sa famille et ses parents
les plus rapprochés ; il a identifié les personnages désignés à mots
couverts dans la pièce et nous a fourni aussi sur eux des renseigne-
ments j)récis ; enfin il a dressé la liste complèle des 114 ])ièces qui
constituent l'œuvre d'Anquetil. four la Partie de mer il a eu entre
les mains neuf manuscrits différents qu'il décrit et apprécie, et
dont il nous donne les variantes au bas du texte. Va\ note il explique
les ex|tressions locales ou les mots patois et signale leur correspon-
dant dans le patois actuel de Mande ville.
La conclusion à laquelle on arrive après avoir lu tout cela, c'est
que la pièce d'Anquetil ne méritait pas un travail aussi appi'ofondi que
celui que M. Guerlin de Guer lui a consacré. Ce qui pouvait présenter
le plus d'intérêt dans une œuvre de ce genre, c'est le patois; et en
définitive il n'en offre qu'assez [leu. D'abord la pièce n'est pas toute en
j>atois; le fils du matelot parle français, et la langue du matelot lui-
même, au lieu d'être du pur patois, n'est en somme que du français
«saupoudré» de patois. De plus ce patois n'est pas pur; M. Guerlin
de Guer i a relevé plusieurs expres-ioiis dialectales qui son inusitées
à Mandeville. Enfin ce qui est léellement de Mandeville est d'un
intérêt secondaire, car il ne parait jias que le [laib-r de cette localité
ait notablement changé dei)uis cent ans. Quand les formes d'Anquetil
diffèrent des formes modernes données par l'éditeur, c'est surtout
parce que l'ortografe maladroite du poète e.^t calquée sur celle du
français et tend ainsi à rapprocher, au moins pour les ieux, les mots
patois des mots français. On aiiiierait d'ailleurs que les traits qui dis-
tinguent le [)atois d'Anquetil du [latDis actuel eussent été rassemblés
en quelques lignes et mis en relief.
Tout en louant lé soin et l'érudition de M. Guerlin de Guer nous
l'egrettons qu'il n'ait pas [)U les faire porter sur une leuvre qui nous
ait livré un parler populaire dans un état nettement antérieur à la
fase actuelle. Maurice Grammont.
572 BIBLIOGRAPHIE
A. Piagnoli. — Fonetica parmigiana riordinata ed accresciuta
délie note moifologiche per cura di Antomo Bosei.i.i, l'orino, 1904
[84p.J.
A Piagnoli travaillait depuis longtemps à une fonétiqne parmesano
quand la mort est venue l'empêcher d'i mettre la dernière main.
M. Boselli, qui s'est chargé de publier l'étude de Piagnoli, l'a aupa-
ravant soigneusement revue et complétée; il a classé les faits suivant
un ordre plus abituel et par suite plus commode, il a supprimé les
digressions inutiles et resserré les développements trop longs, il a
réuni en un appendice les observations relatives au parler à'OUrEnza,
ce qui a deux avantages : celui que signale l'auteur de diminuer nota-
blement le nombre des notes an bts des pages, et, ce qui est beaucoup
plus important, celui de groui)er les particularités de ce sons-dialecte
et de permettre au lecteur de les embrasser d'un coup d'œil. M. Boselli
ne s'est pas borné à vérifier scrupuleusement tous les détails du
manuscrit laissé par Piagnoli, à i-efondre en grande partie sa lédaction,
à ordonner et à rectifier à l'occasion les faits et les renseignements
réunis par son devancier, il a en outre ajouté à la Fonélique de
Piagnoli deux chapitres qui lui sont personnels, celui qui est intitulé
Accidenti generali et les Note morfologiche.
Le tout est exposé avec clarté et compétence. Les changements
fonétiques sont présentés nettement et leurs exceptions apparentes
exjdiquées en général d'une manière satisfaisante. Une petite carte
qui termine l'ouvrage permet de se faire une idée exacte du domaine
géografique qu'occupent les jiarlers étudiés.
En somme nous voilà en possession, avec cette brochure, d'une
petite grammaire iiarmesane, que les travaux de MM. K. Gorra et
A. Restori faisaient désirer, mais dont ils ne i)0uvaient tenir lieu.
M. G.
H -J. Chaytor. — Mémoires d'un touriste by Stendhal, édités
dans Oxford modem french séries, Oxford, 1905, iD-12° [Xll,
104 p.], 2 sh.
Ce petit volume est le 15° de 1' « Oxford Modem French séries», qui,
commencée en septembre 1904, atteint aujourd'hui le n" 16, par le
Voyage aux Pyrénées de Taiue. Le choix dos auteurs iLamartine,
Hugo, Karr, Gautier, Balzac, Tocqueville, Taine, etc.) a été fait par
M. Léon Delbos en vue de familiariser l'élève aVec des pages qui
aient une valeur littéraire : » Pour acquérir la coimaissance approfon-
die d'une langue étrangère, il ne suffit pas de passer quelques mois
dans le pays où elle est parlée » [General Préface, III).
BIBLIOGnAPIilR 573
M. Delbos estime que si le Français et l'Allemand doivent occuper
une place à côté du Latin et du Grec dans l'éducation moderne, il
convient de les étudier dans le même esprit que les langues anciennes ;
ainsi l'on en retirera un pi-ofit égal, parce qu'à l'étude matérielle de la
langue d'une nation se joindra celle de ses idées et de son histoire.
L'on entrevoit que M. D. n'est pas du tout sympathique à « ce que
l'on appelle la Nouvelle Méthode » d'enseigner les langues vivantes :
il est remarquable que l'Angleterre, le pa^-s pratique par excellence,
donne l'exemple de la lésistance aux tentatives qui sont faites pour
réduire ces langues au rôle d'instruments de i-elatioiis commerciales.
La biographie de Stendhal et les notes (qui sont placées à la suite
du texte) sont instructives et intéressantes dans leur brièveté.
F. C.
Albert Soubies. — Almanach des spectacles, année 1904. Paris,
Flammarion, 1905, p. in- 12, 5 fr.
C'e^t le trente-quatrième volume de cette précieuse collection, si
riche en renseignements sur le théâtre contemporain. Ou y i-emarquera
la liste des représentations données sur les scènes de quartiers, k
Paris, par la Comédie-Française et l'Opéra-Comique.
Dans la bibliographie quelques indications manquent de précision :
HÉMO.N, Cours de liltéruture (quels fascicules?); Théâtre classique
populaire (quelles pièces?). — La mention suivante peut induire eu
erreur : « Montchrestien (de). La Reine cVEscosse. Trag. adap.
Michaut. In-16. Fontemoini; » ; M. Michaut ou, plus exactement,
les élèves de seconde année de l'Ecole normale supérieure, sous la
direction de XL Michaut, n'ont pas donné de la Reine d'Escosse une
adaptation, mais une édition critique. — F. 129. il faut lire Chaidou
(et noQ Chartou) le nom de l'auteur de Scarron inconnu.
Ij'eau-forte de Lalauze (pii orue le volume représente une scène des
Oiseaux de passade.
E. R.
Th. Joran. — Le Mensonge du féminisme, opinions de Léon H.,.,
Paria, Henri Jouve, 1905, in-lS.
Signalons à ceux que le sujet intéresse les « confessions d'un anti-
féministe », Léon H. ., publiées par Théodore Joran. On verra dans
cet ouvrage le peu de confiance et de sympathie inspiré i)ar les reven-
dications féminines à un homme qui eut à souffrir toute sa vie d'avoir
épousé une pédante sans cœur. Dans sa tristesse un peu amère, ce
574 BIBLIOGRAPHIE
malheureux avait gardé une vive intelligence jointe à un vigoureux
bon sens, et il y a beaucoup à aiipreudi-e clans la série d'impressions
et d'articles que M. .lorau a réunis so\is ce titre expressif : « le
mensonge du féminisme ». Ajoutons qu'une introduction de M. Joran
lui-même sur Léon H... iious rend dès l'abord l'auteur sympathique et
son œuvre attirante.
ERRATUM
I
P. 293. vers 70, lire : i
Quant sera (s) de bon vinclar.
TABLE DES MATIEHES
Tome XLVIII
ART1CLP]S DE FOND
Pages.
BxRBiER. — Le mot bar comme nom de poisson en français et
en anglais 193
Castkts. — Candide, Simplicius et Candido 481
Cla-VELier. — Etude sur la langue de Fourès 97
CouLET. — Sur le débat provençal du corps et de l'âme 141
RoNJAT. — Sur la langue de Fourès 411
Roque- Fekrier — « Jana de Mourmeiroun » 200
Sneyders r>E VoGEL — La suite de Parthénopeu de Blois et
la version hollandaise. 5
TEXTES ET DOCUMENTS
Calmette. — La correspondance de la ville de Perpignan de
1399 à 1450 551
Castets. — I dodici canti ...... 208, 396
Chichmarev. — Contenances de table en vers provençaux 289
Devoluy. — Discours prounouncia au festenau de Santo-Estello,
lou 12 de jun 1905, en Arle 299
Guy. — La chronique française de maître Guillaume
Crétin 174, 324, 530
Kastner. — Débat du corps et de l'âme en provençal 30
— Les versions françaises inédites de la descente
de saint Paul en enfer 385
PÉLissiER. — Documents sur les relations de l'empereur Maxi-
milien et de 1 udovic Sforza eu l'année 1499. ... 157
Strfano — Una uuova grammatica latino-italiana del sec. XIII. 495
Thérond. — Contes lengadoucians 65
Ulrich. — L'Apocalypse en haut-engadinois 75, 306
ViUAL — Les délibéi'ations du Conseil communal d'Albi, de 1372
à 1388 240, 420
VARIÉTÉS
Bonnet. — Deux fautes dans le discours de Bossuet sur l'his-
toire universelle 492
('astets. — Une variante allemande de « Après la bataille » .... 296
576 TAÈLE DÈS MATIERES
RIRLIOGRAPHIE
1° Revue des revues 88, 18(3, 280, 374, 471 , 5G0
2" Comptes rendus ci'itiqucs
Anquktil. — La partie «le mer ou la vengeance du matelot
(Grammont) 570
Retz — La littérature compii'ée ( Via.ney) 89
RoYhR. — Un vocabulaire français-russe de la fin du XVI<=
siècle Grammont) 569
Rrandon. — Robert Estienne et le Dictionnaire français au
XV1« siècle (ViANEYi 381
Chvrdon. — Nou^'eaux documents sur les comédiens de cam-
pagne, tome H (Rigal) 472
Dklfour. — Catholicisme et romantisme (Rigai.) 91
Faguet. — Propos de théâtre, 2'^ série (Rigal) 187
— Propos littéraires, 3® séfie (Rigal) 286
HuGUET. — Le sens de la forme dans les métaphores de Victor
Hugo (Grammûnt) 567
Un- idéaliste, Emile Ti.ollieï (1856-1903). — Œuvres choisies
(RiGAL) 189
Lemaitrr. — En marge des vieux livres. (Montes. (Rigal) 382
Modigliani. — 11 cauzoniere di Francesco Petrarca ^Castets).. 379
Œuvres complètes de Victor Hugo, édition de l'Imprimerie
Nationale Rigal) 280
Recueil de l'Académie des Jeux floraux de Toulouse (Konjat).. 477
ScHUCHARDi an Mussafia (Grammont) 375
Sheldov. — Concordanza délie opère italiane iu prosa et del
canzonieie di Dante Alighieri (Castrtsi. 561
Stapfer. — Victor Hugo à Guernesey (Rigal) 285
3° Ouvrages annoncés sommairement :
Almkras, 93, 287 — Anglade, 288 — Armanac de Gascoug.no, 383
— Armana prouvënçau, 384 — Chansroux, 383 — Châtelain, 191 —
Chaytor, 572 — Dujarric-Descombes, 478 — Era bouts deramoun-
TANHO, 191 — Houchart, 478 — JoANMDÈs, 190 — Joran, 573 —
Lacoche, 192 — Leite de Vasconcellos, 191 — Lemouzi, 384 —
MiCHALiAS, 288 — Piagnoli, 572- Revue hispanique, 192 — Roman,
288 — RoMSTAN et Latreillk, 287 — Salvioni, 94, 191, 478 — Sou-
ries, 94, 573 — SouRELH, 384 — Sperantia, 478 — Stiefel, 190 —
Wright, 192.
CHRONIQUE
Chansons populaires 480
Pensées de Pascal .... 480
Rapport sur le concours pour le prix Boucherie 95
Société des textes français modernes 479
Erratum 574
Le Gérant 7'e'sponxable : P. Hamelin.
MONTPELLiER. — IMPRIMERIE GENERALE DU MIDI.
PC
2
Revue ^96 langues ronanes
PLEASE DO NOT REMOVE
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UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY