Ili! I
M
' ' '/ Vf "fi ') . , /J- J-, ' , ■
REVUE
DES
LANGUES ROMANES
REVUE
DES
LANGUES ROMANES
Tome LUI
VIe Série — Tome III
SOCIÉTÉ DES LANGUES ROMANES
MONTPELLIER
?c
z
"T.
CHANSONS POPULAIRES DU MIDI DE LA FRANCE
IV. — CRIS DES RUES
Ce chapitre manque à tous les Recueils de chants popu-
laires. Les cris des rues offrent pourtant un très grand intérêt
au point de vue du langage populaire, des usages locaux, et
plus particulièrement de l'aptitude vraiment merveilleuse
avec laquelle sont improvisées ces formules chantantes, dont
la tournure mélodique, presque toujours élégante et gracieuse
dénote chez les méridionaux un remarquable développement
du sens musical.
Un des musiciens les plus érudits, Georges Kastniîr, a con-
sacré une étude très développée à cette question; il a fait
valoir tout l'intérêt qui s'attache à « ces manifestations
» vocales, fruit du génie populaire des nations civilisées,
» empreintes, pour la plupart, d'un caractère d'originalité
» incontestable, et où Ton remarque souvent une énergie
» naïve digne d'intéresser l'artiste, souvent aussi une fixité
» d'allures non moins précieuse pour l'historien.
» C'est l'ensemble de ces cris qui sont comme la voix des
» peuples, et qui deviennent des formules traditionnelles
» affectées à certains groupes, à certaines professions dis-
» tinctes.
» Pour les marchands nomades, il n'est pas de meilleure
» enseigne que le cri : aucun autre moyen de publicité ne
» pourrait leur offrir les mêmes avantages : comment par-
» viendraient-ils à obtenir l'attention de la ménagère qui
» habite les plus hauts étages des maisons? Il est certain
» qu'occup e aux divers travaux domestiques, elle ignorerait
» le passage de la marchande dont elle aie plus besoin, si les
» sons aigus de la mélopée traditionnelle n'arrivaient tout à
» coup jusqu'à elle, en dominant tous les bruits du dehors et
» de l'intérieur » '
1 Georges KastneR. Les voix de Paris. Essai d'une histoire litté-
téraire et musicale des cris populaires de la Capitale depuis le moyen-
âge jusqu'à nos jours. Paris, 1857, in-4°.
1
fi CRIS DES RUES
Si lès colleciionneurs de chanta populaires se sont désin-
téressés de cette question, un de nos peintres les plus estimés,
qui est aussi un fervent Clapassié, Edouard Mars al a publié,
il y a quelques années, un charmant petit volume ', entière-
rement en dialecte de Montpellier, dans lequel il fait revivre,
par le dessin, la physionomie des types que l'on rencontre à
chaque pas dans les rues.
Tous sont pris sur le vif et d'une ressemblance parfaite; on
croirait entendre la voix perçante de la marchande ambu-
lante, lançant son appel aux ménagères.
C'est cette mélodie traditionnelle, si caractéristique, si
chantante, ce sont ces cris des rues qui manquent aux per-
sonnages de Marsal, que je donne aujourd'hui, après les
avoir notés pendant de longues années.
I. — Las erbetas
Très modéré
l'an - sa - la - de
Lent
fi - na.
=£=
3 il a r r, irmrg^
D'an -sa -la - deta e de res-pnun - chous.
Vif
I i' h v u l-F
Ai d'er - be-tas e de por
* imrrrrrriE^H^
1 EL Marsan. Dime'ku Carrièra* dau Clapas. (Dans les rues de Mont-
pellier.) MuimtlVliè. 1896, in- 1:2 .
CRIS DES RUES
Très vif
•_,_^ f_,_.
:?:
nt-ri r ^htmi r
A - ven d'er - be - tas
Lent
de
por-
;l:
:^=F
L"an —
— la - de
fi - na.
Les herbes menues. — Ce sont les jeunes pousses d'une
grande quantité de plantes cueillies dans les champs, les prés,
au bord des fossés, sur les taius, etc. L'énuruératiou en serait
trop longue. Ces herbes sont employées comme potages, ou
hachées comme les épinards, mais c'est surtout mandées crues
en salade, qu'on en fait la plus grande consommation.
1 à 7. J'ai de fines herbes de campagne, la fine salade, des,
poireaux (sauvages). Porre. Ail des vignes. (Azaïs. Catalogne
botanique. Béziers, 1871). Dans son glossaire botanique,
Melchior BaRthès donne le nom de 23 plantes qui com-
posent généralement la saladn menudo. — Respounchous,
raiponce.
Modéré f+s- ■v
6
1
:2_
m=â:
=*:
=p=#=
Ai de
b3=^5^ë
por - res,
de bo-nas er-
Ito La i J=5=— 5 — 6- u u
be — tas
Modéré
l'an - sa - la - de
ta
IÉeë!
gjL_4 ijIZfrz
Ai d'er
1
#=P=
V-
be
tas de cam - pa •
2§ee?ee£
rna,
l'an
J — y [i \j [i i
- la - de - ta
Modéré
p|zzz:pzz=|— i=yz=i=j=:p==p=y=zzpzz:
Fen - nas
Quau
fai lou sang nou-
CRIS DES RUES
m
vel.
Vif
, h_
las bo - nas
er - bas?
E quau lai lou sang nou- Tel, qu'iéu ai las er-bas?
Vif
10
1^11
I
=P=
quau
fai
lou
san^r nou-
ven lou bon creis - sou de la sour-sa dau
*=£
^a
%=£
HZ
-<
—> U £
Lez, Au bon creis - sou, au bon creis - sou.
12
Modéré
— fi ?r
qfc=2 q
- r — r-
—* 1
=f
r—
a -
—p—
:*BB
u V ■
b 1
b-
u
7—
7
La
Cl - cou
de la
fc=fc
£=£
bro - ca, quau
:,==,:
vou se
re - fres
ca?
8 à 10. Femmes! Qui fait le sang nouveau, j'ai les bonnes
herbes.
11. J'ai le bon cresson de la source du Lez, au bon
cresson [bis). — Les fontaines de Montpellier sont alimentées
par la source du Lez.
12. La chicorée sauvage (Az. Chondrille jonci forme), qui
veut se rafraîchir ?
GRIS DES RUES
II. — LÉGUMES
Vif
13 mi
5a
^i£=^|=gz£zjz£zfc|
xVi d'en
de - via,
dos pèr un
¥
±£
sôu, l'en
Vif
:;=:
il
de
via nou
la.
I 5
SSI
:P=ï=p=rf
\p=p:p£=&=ï£
=t=fr
Ai de por - res pur la sou - pa de vian-da.
Modéré
grJ~~~'t= t \j t
Ai un bon nia
5=
un bon plat de
±:
cos - tas.
Lent
10
17
18
W.
C
4 — p 1 ri— -M ^ - 4
Ai l'a - pe
tis das cou - rais.
Vif
i
» ; i' I 1 I f l' UUUU-LLf-tJ
I a de pe - ze, au pe - ze, au pe - ze.
Modéré
^_4_Z=£ u 7— I -h U U — tfc±H — t
t=pz
L'ar - ti - chau fin, l'ar - ti - chau blanc.
Légumes. — 13. J'ai de l'endive, deux pour un sou, l'endive
nouvelle.
14. J'ai des poireaux pour la soupe de viande.
15. J'ai un plat de Bette- Poirée.
16. J'ai des piments pour l'appétit.
17. Il y a des pois, aux pois (bis).
18. L'artichaut fin, l'artichaut blanc.
10
CRIS DES RUES
Modéré
'•' lpt=^=
ir r r i^i
Ai l'ar - ti - chau ten - dre. sieis liars.
Lenl
2o fl 2 p r, -MrfJTT^
L'ar - ti - chau nou - vel, l'ar - ti - chau.
Modère
mm
L'ar - ti-chau d'ai - ci, l'ar - ti -chau ten -dre.
Modéré
;[E£p2§yE^˧Ëfl?lfËfcËt
U-na pias-tra l'ar-ti - chau, l'ar-ti-chau ten-dre.
Modéré
23 |:^=:§=?=
a=£=£==£
j — p=».
fei
=P=P—
mm
Ai un bon plat de ca - ro tas.
Chantant
M I;êi^i^ïitliïiii=gi2l!
Ai un bon plat de ca - ro - tas
Modéré
•25
!=&:
Quau tôu d'à - pi plé, quau vôu d'à - pi?
19. J'ai l'artichaut tendre, à six liards (un sou et demi).
20. L'artichaut nouveau, l'artichau'.
21. L'artichaut d'ici, l'artichaut tendre.
22. I)eux liards (un demi-sou) l'artichaut tendre.
23-24. J'ai un hou plat de carottes.
25. Qui veut du céleri charnu, qui veut du céleri ?
(.RIS DES RUES
H
Vif
26
27
7T7TT r I (!" &=m=F\
Ai un bon plat de eau - lets flo - ris.
Modéré
a=
Un bon eau - let pèr fa' la
3£
v-
^ U-
*
soupa. un
Modéré
bon
let.
2t
î
-$=£
&=U=St
Un bon eau — let pèr fa' la
p r: i; .| f f \=\
--V zfc
sou - pa, un
Vif
A
bon eau — let.
•2(J
3U
31
['4 i r. r. rrFTr r r. " r rr -r-q=
j) 4 / p p p I ^ P - P -fr-t— ' p F
Ai de ra - be - tas, nou - ve - le - tas.
Modéré
Lou ra - be nou - vèl, quau vôu de ra - be?
Modéré
>:3
-tt
?^5
£=£=£
lfc=fcfc
D'au - ber
fi - nas, de
26. J'ai un bon plat de chou-fleurs.
27-28. Un bon chou pour faire la soupe, un bon chou.
29. J'ai des radis nouveaux.
30. Le radis nouveau, qui veut des radis?
31. Des aubeigines, des tomates, des aubergines.
12
GRIS DÈS HUES
±=^^=Z^
rf?=V J- -À I EEtEEttËtt
Ëï
«pou - mas d'à - mour, d'au-ber
znkxn
32 l a v r-rTrtt&ttïWTTr^
Quau fai la saussa rouja. à la pou-ma d'à - mour?
Vif
33
:^:
^=u:
=P
£=£
'>z=^z:=U==U=fc
La ce - ba dous-sa, Le ■■ zi
Lent
-
TT-T-rTT^
34
35
dous cinq sùus.
Le •■ zi gnan.
Lent et chantant
Ai de bn - na be - ta
ba.
Lent
_r-A
-a —
■v I b — $=$=&=
De
be
ta
ra - ba
quio
E
^
it
cha, de be - ta
Lent et traînant
ba.
HG
ïiiisîieœ^ir^il^!
-IH/-U
N'a-ven de quio - cha, de be-ta - ra
ba.
32. Qui fait la sauce rouge, à la tomate ?
33. L'oignon doux de Lézignan, deux glanes pour cinq
sous.
34. J'ai de bonnes betteraves. — •"..">. Des betteraves cuites.
3b. I)es betteraves cuites. Cette notation, par intervalles
cbrotuatiques n'est qu'approximative ; ainsi que le fait remar-
CRIS DES RUES
13
quer Kastner \ « il faut reconnaître que tous ne sont pas des
» virtuoses, il y en a qui ont l'oreille dure, qui chantent fort
» mal, avec toutes sortes d'inflexions étranges, dont les quart
» de tons ne font pas seuls les frais ». Marsal a reproduit avec
une merveilleuse exactitude ce type de marchande 2.
37
38
40
III.
Fruits
Modéré
zâ:
111
±r
Quau vôu de fi - gas?
Lent
zâ:
S— £_ZU-
Quan vôu
Modéré
de
fi
39 13
ïIëe
I
£— :=
Ai
la
be
Modéré
■jb- r r r-M-i
Ai
la pe
t:
be - la
pè - cba.
Vif
41 :
'=àz
:Vz—$.
z=U=t/=J=E=:
:f=
s
Bri - lha la ce - riei - ra,
bri - lba.
Bri - lha la frî
bri - lha.
37-38. Qui veut des figues?
39-40. J'ai la belle poire, — la belle pêche.
41-42. La cerise brille,— la fraise brille.
1 Kastner. Les voix de Paris, p. 83.
i Marsal. Dins las carrièras dau Clapas, p. 297.
CRIS DES RUES
13
2
k "L3:
V^At J-
1 ■»-
ran - ge de Ma
llior - ca.
Vif
M fp c ï r' ; nshhh r H
Ma - lhor - ca, la bar - ha cou - la.
Modéré
i5 [E^^l-ë— P1— f=g~ |=^=g=:|:=^=g
Un sou la mieu - grana, un
Vif
16 Fp JMji fi U-M^g~C=QT4l
Un sou la li - mou-na, pas que de jus
IV. — Fromages fhais
Vif
'.7
18
fc
^ I iiîilif !miHii?Iil
A - vcn lou bur - re, lous t'rou-ma - jous.
Modéré
f~{_J, f[ r [_i f;~ M f y
zzé
M
Frou -ma - ,jou< fres, hur - re t'res.
19 L^_l — D— i— S — D — D — u » r~u_l}-g
A - v.Ti de trou -ma - jous. dous très sôus.
13-4 1. Oranges de Majorque — la barbe coule.
45. Un ^on la grenade.
1 •'«. In sou le citron plein de jus.
îtT-ls. Nous avons le beurre, les fromages frais.
19. Nous avons les petits fromages, à deux pour trois sous,
50 \-A
15
SHi^
Quau vôu croum - pa — de trou - ma - jes.
Modéré
Quau vou de frou-ma-jous fres-ques? Frou-ma-jous.
Chantant
59 ti=E2==s=t=fc=É=±=£z
Quau din - na, qu'ai de tou-mas?
Chantant
S3 ÉgErnzE^H
_^ — p.
-|— r
Quau din - na. qu'ai de ton - mas?
Vif
54
^:=^=»=g= — p f E |j | i f—
v — U— J =; — i; — 5=
Ai lou bur - re de las tou - mas.
Vif
Ai lou bur - re de las tou-mas. —
•>6 Hg
Modéré
Ai de tou-mas que va-lou maiquelou bur - re.
50-51. Qui veut des fromages frais ?
52-56. Qui dîne, j'ai du lait caillé.
La tourna est du lait caillé dans une petite écuelle en pote-
rie, percée de trous, qu'on appelle la faissèla. Les tournas se
vendent un sou pièce.
16
CRIS DES RUKS
V. I.AS CaGARAULETA:
Modéré
■■ < ^S
=8^±— ^ztEt
lllipl-
N'ai de be - las ca - <ra - rau - le
u-t— F~rrn^^
tas, quau ven, que
Chantant
fu
mou?
58 ig^gii^ii^l
d=j==^:
Ai de
be — las
.0 #:
ca - ga - rau -
• iU
w^m
? I U -tr-g -tfz
le - tas, quau ven, que
Chantant
.1 i_
fu
-#^ — »-
,=P=£
Ai de bo
nas ca - ira - rau-
1=1
i
q
60
5=— r.
le - tas, quau ven, que lu - mou?
Chantant
<=3=i
gtfi=6=it
nr jmp fi-e
A - ven de be - las ca - ga - rau-
i=:=R:
ïfc
£=H
le - tas,
Vif
quau ven, que
tu - mou?
r> s>
ig=z*=ip — 0 — »z
JÊZ1Z0Z
~-W~~ f — pz=^=p z=^_|
Ye-nés que sou eau - de - ta* las ca - ga-rau - le -tas,
CIUS DES HUES
17
Lent
==£
zr
quau ven, que
fu - mou?
Vif
» i;Hiigîii;iiiiiiiïiiii;^^
Ai de be - las ca - ga - rau - le - tas,
Lent
lu - mou ?
63
ve - nés, que
Vif
Jp*-.-
P P P -p - P P P p — * 1 JZ.
Ve - nés que fu-mou las ca - ga - rau - le - tas,
Lent
64
-4 *-
quau ven, que
Chantant
lu - mou ?
^TTT:iTT"^~n^~
Ai de bo - nas ca - sra - rau - le-
-;:
_#_T ï\
m=mmm\
tas, quau
que
mou?
Les petits escargots. — « La Meissounenco, hélice des
« moissons. Hélix cespitum, ainsi appelée parce qu'après la
« moisson, on trouve cette hélice collée au chaume . » (Azaïs) .
57-64. J'ai de beaux petits escargots, venez, ils fument.
V. Marsal, p. 63.
2
18
CRIS DES RUES
Modéré
j-j— jC{-^-~r~) * p *^p
Ve - nés, que semblou de mour - gue - tas.
Vif
7<=
Ai
—g pZ_pz=^==I — » * »z:
a
K
:tfc
de ca - ga - rau - le - tas que
':
sera - blou des mour
Modéré
tas.
:=£=z
07 ife~H * "TT— p 1 r~^^u-i-L— I
Ve
nés, que fu - mou las mour - true
z==£:r==qc
Pili
=£=
tas, quau ven, que
lu
65-67. Venez, on dirait des mourgueltes. La mourguela est
Y Hélix vermiculata, elle sert aussi d'aliment. (Ch. de Bel-
levai. . Nomenclateur botanique languedocien, Montpellier,
1810).
VI. — Lou Pei
Lent
l:g-^_4—l-—l E=E| b— 7=El_ E.Eb=
Cou - si -nieira au pei, quau n'en vôu de pei?
Vif
69
^— r-nr~p~r » f. p~fTf~"~rTf"*T^r
b&
Ar - ri - va lou loup de la mar, ar - ri - va.
Le Poisson. — 68. Cuisinières, au poisson, qui veut du
poisson.
00. Il arrive le loup de la mer, il arrive.
CRIS DES RUES
19
Modéré
Ai d'an gui-las gros-sas, fen-nas soui ar - ri - va-da.
Vif
71 no ' ^^^^v^^t
L'a-len - ca - da. u - na pias-tra, dos pur un sou.
Vif
2 ^=^"=»==f=:=I'r-I=^==:g==^===
«^ ./ *■ ç> y s
la be - la
trou - cha.
70. J'ai de grosses anguilles, femmes, je suis arrivée.
71. La sardine [sèche], deux liards, deux pour un sou,
72. Nous avons la belle truite.
73
IL
/o
VII. — Coquillages
_ =g=^ f — -p=£=P=|»- r p
Vif
Ai d'ar
lis ben
bèus.
Très vif
l'ar
Modéré
&
ce - li,
l'ai
ce - li.
±z
^
:
Lou bi - chut ar
ri - va.
Vif
LgP 4 U_ l=îr=z:tr==zDz==:D= bEEEEEEE E=
Ar - ri - va lou bi - chut, ar - ri - va.
Coquillages. — 73-74. J'ai des clovisses (Venus litterata,
Azaïs).
75-70. Le bichut arrive (Bichut ascidie brune, Azaïs).
20
CRIS DES RUES
VIII. — Gâteaux
Modéré
! : SI =53= I -1 P -I — i-H ' jT-ft— I I l-p^B
A - ven de pans au su-cre, de pans au lach.
78 Y-'t
Modéré
:4:
Tas - tas tonl
-b U fc=J
caud, de flau - zou-
ffX-C-JL-C-J^I
5=
ne - tas tou - tas eau
Vif
de - tas.
79
l:^r
:=?=»:=:•:
-;— ^_^u— ;— v— ?-=2=?=>:
Fen-ne-tas, de mi-lhas-ses toutcauds, a - ro l'u-mou.
Gâteaux. — 7/. Nous avons des pains au sucre, des pains
au lait.
78. Goûtez tout chaud, des tartes à la crème toutes chaudes.
79. Femmes, j'ai des gâteaux de mais, qui fument.
IX. — Lou Fruchan
Modéré
*m
-.a=^.
8. g 1
Quau fai la sou - pa, qu'ai de ma- nouls?
Modéré
y § 'FpEEj
iHS
Quau fa - cis, qu'ai u - na ve - bou - la ?
La Makciiande de Fressure. — 80. Qui fait la soupe,
j'ai des paquets de tripes.
81. Qui fait du hachis, j'ai une caillette.
CRIS DES RtJES
21
Modéré
gq bfeEft y-fa»
lil>l^iii
p:~p:
Quau t'ai l'es -• tou - fat, qu'ai de pou - lis dou-bles?
Modéré
Quau se re - fresca, ai la pou - li - da tes - ta?
82. Qui fait l'étuvée, j'ai de beaux gras-doubles.
83. Qui se rafraîchit, j'ai une jolie tête [d'agneau].
80-83. C'est la même marchande qui annonce, sur le même
air, les différentes parties de la fressure, les tripes, etc.,
qu'elle vend au détail et dont il était intéressant de conserver
les termes. Marsal, p. 163.
85
8G
X. — Divers
Très vit'
i: ^:=^=«z:r=p:i=pi=i:z=p=j:=p:i=ii=P^=«=i:=^===i]
s ' ^•EÏ=:£lE^EËEE?EEgEfeEEp^EEËEÎEtEHl
A - ven de bon vi - na - gre, quau ne tôu?
Chantant
ili-iE^li^i^IilElill
Quau vou de bon bi - na - cre?
Modéré
Quau
Très vif
;ilill^|3i[iii^i
vou de bon vi
na - gre 2
:=g =-=p^==p===p=^=p===p= J =zg==-zq=:
As
ja - bels, quau ne
Divers. — 84-86. Nous avons du bon vinaigre, qui en
veut? Marsal, p. 139.
87-90. Qui veut des sarments secs.
3
22
88
89
yu
91
92 \-,
CRIS DES ftUES
Lent
fsÈii
:^==ç
:=fr=i:
(Juau vùu de
bels ?
Modéré
IëÉIH
• ? r
if^SI
Quau
vou de ga - bel
Vif
a <
? I r n -f— I r 7=
(Juau
vôu de
bels?
Modéré
?=lls=li^iii
A - vcn lou té de cam - pa - gna.
Assez vif
—2. - - »~~*
EEE|?iE3EEE: I p p p -HA- 1 EEEEEEEt
Ai l'es - pi - guet, lou rou-nia - nis.
Modéré
93
l:(gbÉ=t£ I ^ZU-U-U I L U [ZI-lfcrKizb— ^~ 1 [ \ 1 1
A - ven la san-to - re-ia, la fio-lha de nou - guié.
Modéré
*=*=*.
tt=U
95
p=p=»:=p:zzpH n?2=p:
C-q — * — * — é- :=5=p=p=»=p=p=;i
11
91.
92.
93.
94.
95.
LA y y v y-
Au car-bou de boi. cou - si - niei
Modéré
La cais - se - ta pèr las es - cou - bi - lhas.
Nous avons le thé de campagne.
J'ai la lavande, le romarin.
Nous avons la centaurée, la feuille de noyer.
Au charbon de bois, cuisinières.
La petite caisse pour les balayures.
crus DES RUES
•?:;
Modéré
96 BK :}
Œ 1
D'à - lu
H
± L
me - tas, quau ne
vôu? (Jua - tre pa - (juets pèr un sôu.
Chantant
D'à - lu -me -tas fan ple-zi, da - va - las, l'en - ne - tas ;
l^ii'siiH^ilpIi^ilI^i
pèr me — tre lou lioe en trin quau vôu d'à - lu - me-tas?
Très vif
98 =#==#
4 r bz-.
Brun - la
^3^1=^1=^1
de
Vif
99 liii^i^iiliïïliillliisi
Vi - tri vi - tri - er
Au vi - tri'
Modéré
100 l:|ii^li^llipillll!ii
Qua-tre sous l'estour-nel, Ai de bar-ba - jo - lets
90. Des allumettes, qui en veut? Quatre paquets pour un
sou.
97. Les allumettes font plaisir, descendez petites femmes;
pour mettre le feu en train, qui veut des allumettes?
98. Brûleur de vin. Marsal, p. 183.
99. Vitrier, au vitrier.
100. Quatre sous l'étourneau, j'ai des hirondelles de rivage.
•)',
CRIS [iF.S RUES
XI. — Pei.harot
Lent
1 liffiTElEË ^
Pe-lha-rot, pel de lu - lire, pel de la - pin.
Vif
10-2
1 de
ïlifl
Pe - lha - rot, pe - lha - rot, pel de
É É m , A
le - bre, pel de la —
pin.
Lent
03
04
05
00
a=zz=
5=é=3=
e^eï=^=î^ee3=^J
—9 ' 0 • J L -*-- °
Pe - lha — rot,
fer".
r.n:
Très vif
f P.
_W V=b- *
Pe
lhas, fer
viel.
âliilliÉlÊIllillîilil
Pe-lha-rot, pe-lha-rot,
fer - re viel.
Lent
I :(g 4 _ EEdr— 1 ^B^rz I _U p— 1 j_- 1 »
De
pe — lhas de
fer - re viel —
Le Chiffonnier. — 101-102. — Vieux chiffons, peaux
de lièvres, peaux de lapins.
103-108. Vieux chiffons, vieux fer. V. Marsal, p. 187.
CUIS DES HUES
25
Vif
107
\^=ïimé=âà^MÉM^M
pe - lhas, fer - re
viel.
Modéré
108 |^=fc=i==ip==^=E=iii=?= ^=F
I : r'^=é=— :==#z£E3b==tz::=fcfc=: Eï=E=r±:
Pc - lha - rot.
pe - lha
rot.
(A suivre.)
L. Lamuert.
NOMS DE POISSONS
NOTES ÉTYMOLOGIQUES ET LEXICOGRÀPHJQUES
III
ST. il. acciuga
Il faudra rejeter l'étymologie proposée par Diez el déve-
loppée par Kôrting, Latein.-Roman. Wib. (3e éd. 1907) à
l'arl 725 a) aphye : selon leur hypothèse l'il. acciuga vien-
drai du lat. aphya (gc. à»û«) influencé dans sa transfor-
mation phonétique par le dial. 'intima <^ gc. *àyyjùm*
Du radical ac- (acus, etc.) un latin * aceùca esl possi
ble, comme de ///'/// : * mattetica d'où le roum. mâciucâ,
le prov. massugo, fr. massue. \. port, massuca, massua.
du lat. * accuca. viendrai! lit. acciuga (Cf. it. fistuga
< lat. festfica), sard. </::ua (I). l'onr 1<' sons primitif,
lire dans Day, British Fishes, n, 206, la description du
museau de Ycia/i 'aulis encrasicholus Cuv. : « snout over-
lapping Ihe mouth, ver) prominenl .-uni pointed ».
88. anguille verniaulx
\ oir noie 126, vergne.
n1.». lat. asellus, asinus
Kôrting n'a pas d'article asellus el son article 935 usinas
esl beaucoup Irop sommaire.
' Pour lat. * accuca > Sard. azzua, il y a difficulté ;i cause du suffixe:
m Sarde, d'après les indications de Spano, I'im//i Sarda-Italia.no (I85t),
lat. -/"<> esl représenté par -».y< dans berruga, carruga, ruga, tarta-
ruga. D'autre part un a carrucca, mazzueca, nicca.
NOMS DE POISSONS 27
Asellus, employé au sens d'âne, ânon, par Ciccron,
indique dans Pline un poisson qui est sans doute le gadus
merluccius L (Cf. le grec ôvoç. ôvby.o; = gadus merluccius).
Rondelel (De Piscibus Marinis, pp. 272 sq.), a donné le
nom d'asellus à cinq poissons dont trois peuvent être
identifiés au gadus merluccius I... au gadus merlangus
Cuv. el an gadus aeglefinus L. Le même auteur non-.
fournit les noms populaires d'asello pour la cote Ligu-
rienne, asino, nasello ailleurs en Italie = gadus merluc-
cius. Florio a inséré dans son Hal.-Engl. Dict. asella, « cod
or haddock fish ». asinella, « cod-fish », nasello, nasetlo,
nasino, « cod-fish or whiting-mop », pesce asinino, « lin1
haddock fish ». Citons encore nasello à l'île d'Elbe (Rol-
land, Faune Pop., ni. 110) cl le parai, nasell (Malas-
pina) = gadus merluccius.
Il faut sans doute ajouter ici le l'r. ânon, ânon de
mer = <j<tdas aeglefinus I... dont le plus ancien exemple
que je connaisse se trouve au vers loi de la Bataille de
Karesme el de Chômage (Fabliaux el Contes, éd. Méon,
1808, iv, 94). Voir note suc hannon.
90. alar/on
Rolland, Faune Pop., ht. 0:!. cite le v. pic. ulur/on =
acipenser slurio i.. J'incline à voir dans ce mol un dérivé
du \. l'r. (norm., pic.) atargier, larder, fait sans doute
sous l'influence d'estorion, esturjon
Ce nom viendrait des habitudes du poisson. Day, Bri-
tish Fishes, u. 282, dil Vacipenser sturio I.. : « Sluggish,
wandering fish... A Schultz observes (Nature, January,
1874, p. 171) thaï a peculiar phenomenon observed, espe-
cially among the sturgeon, is tliat of a kind of \
sleep. At the approach of the cold weatherthey seek deep
portions of the river and remain there in a ^-iate of tor-
por... »
28 NOM? DE POISSONS
91. fi. bonu ou, bonite, bonilon
Les Irois mots en tête <l<" celte note ne son! cités par
Kôrling ni dans son Latein-Roman. Wtb. (éd. 1907) ni
dans son Etym. Wtb. il. Franzosischen Sprache (1908).
Le Dict. Gén. ne donne que Inutile, emprunté, selon les
auteurs de cel ouvrage, du bas-latin bonilon, d'origine
inconnue (élymologie prise à Littré).
Voici à peu près l'historique < 1 1 ■ bonicou, bonite, boni
ton, qui ne son! pas antérieurs au \\i' siècle :
(a) bonicou. Cuvier, Règne Animal, éd. 1829, n. H*'.).
cite parmi ses auxides, le bonicou ou scombre La-
roche de Risso ou scomber bisus. Il s'agil du scom-
ber tazo Lac, auxis vulgaris Cm., auxis rochei
Gûnther, dil plain bonito en anglais (Day, British
Fishes, n, 205).
(b) Inutile Un exemple dans le Dicf. Gén., tiré de la
Navigation de -/. d R. Parmeniier, avec la graphie
bonniles. Bonite esl masculin dans Furetière el
rrévoux d'après le Dicf. Gén., mais certainemenl
féminin dans l'édition de 1771 du dictionnaire de
Trévoux el dans les ouvrages de Lacépède el de
Cuvier. On dil bonite des tropiques, bonite h ventre
rayé scomber pelamys L. (angl. bonito) : Inutile à
dus rayé = semitUer sarda (angl. belted bonito :
Inutile — scomberomorus Plumierii Lac, poisson
du genre cybium Cuv. (Lacépède, f/isf . Vctf. des
/'oi'sw,//n. m. 193; Cuvier, Règne Animal, n. 201),
noie); petite Inutile = scomberoïdes sallator Lac
1 1 acépède, o/i. < •//.. ni. 55).
(c) boniton. Rondelet, De Pisc. Marin, p. 238, en par-
lait de son amia : « ab aliis boniton vocatur ».
Cilc par Colgravc.
\o\ls DJ POISSONS 29
Le New English Dicliotiary admel que l'angl. bonito
vienl de l'esp. bonito, et celle ei\ logie esl appuyée par
le nom de spanish mackerel, que portenl les bonites. Les
formes françaises, bonicou, bonite, boniton doivenl éga-
lement être tirées de l'esp. bonico, bonito (1) ; ces mois
soi 1 1 à l'origine des adjectifs dérivés du lui. bonus el qui
oni le -eus de « joli, agréable »; on comprend qu'on ail
donné ces noms à divers scombres, qui en onl tiré bien
d'autres île leurs belles couleurs. Le bonicou, par exem-
ple, a le dos d'un beau bleu, des lignes obliques noirâ-
tres et la chair d'un rouge foncé (Cuvier, op. cit, n, 199).
hue/, a un ilal. bonetto, traduil par le français boniton,
el Lacépède, op. cil-, n, 14, cite encore bonnet comme
nom du scomber pelamys L.; il l'aul le rapprocher de l'ail.
bonnet-fisch.
92. vénit. caleghero
Le vénit. scuri>olaro = recurvirostra avoeetta L., est
dû à la comparaison du bec de l'oiseau à une alêne, outil
de cordonnier (Cf. sicil. lésina, prov. alesna, fr. alêne, bet
d'alêne, nom du même oiseau). Raymond, Dict. Gén.
(1832), cite cordonnier, nom d'un espèce de goéland que
je n'ai pas trouvé ailleurs, mais qui s'expliquera peut-être
de la même façon.
("esl encore parce que l'on a comparé les arêtes des
poissons du genre gasterosteus Cuv. aux alênes des cor-
donniers qu'on leur a donné à Nice le nom de sabalié,
dans d'autres provinces ceux de savetier, cordonnier (Rol-
land, Faune Pop., m, 173).
A Youghal en Irlande, on se serl de l'expression stony
cobbler pour indiquer le trachinus ripera Cuv. (Thomp-
son, d'après Day, British Fishes, i, 82), el c'est sans doute
(H Voir Rolland, Faune Pop., m 1<J4.
30 NOMS DE POISSONS
pour s»'- épines e1 nolammenl pour In première dorsale,
donl <mi redoute tant ]<•> piqûres.
Ce seronl les dorsales du spams chromis L. qui per-
mcltronl d'expliquer ses noms vénitiens de caleghero,
scarpolero, cités pas Paolelli, Dizionario Venezianô-Ita-
liano (1851).
93. lat. * castaneola
L'adjectif instauras -a, -um (attesté dans caslanea
im.r) reste, au sens de couleur de châtaigne, dans l'il.
casiagno, -a, le prov. castan, fr. châtain, esp. cas-
tano, -<t el port, caslanho, -a. I u diminutif * castaneôlûs,
a, -um esl visible dans l'it. caslagnuolo, -a, l'esp. casta-
nuelo, -a, de couleur de châtaigne.
Dès 1554, Rondelet (De /'im. Marin., p. L53), nous dit,
'•ii parlanl de >< >i i chromis (sparus chromis L.) : « ... vnca-
turque a Liguribus casiagno ;i castanee colore ». L'exten-
sion qu'a le type * aastaneola — sparus chromis L. fait
croire qu'il remonte au latin : losc. castagnola, gên. casta-
gneùa, nie. castagnolla, Var castagnoro, B.-du-Rh. cas-
tagnolo, esp. et galic. castanola. Seul le port, castanheta
(;i sort of i'ish » dit Vieyra) -'en distingue.
Le français s'est servi de diverses formes qui sont tou-
tes empruntées :
(1) castagnole, qui remonte à * castaneola el <|ui esl
la plus commune. Exemple <!<• L336 dans Romania,
xxxi, 369.
(2) castagnol, cité d'après du Pinel, Pline, xxxn, 11.
dans Godefroy (éd. 1581, n, 559).
(!) castagnon dans Cotgrave, qui l'aura sans doute
pris à Du Pinet, Hisf. Vaf. de Pline (éd. 1581,
i. 349).
Cf. « castagnon, s. m., nom qu'on a donné à une
espèce de châtaignier » (Raymond).
NOMS DE POISSONS 31
(4) castagneau. Raymond : « s. m., espèce de poisson
qui forme le type <lu genre chromis ». C'est le
même mol que castagnol. Vussi dans Cuvier, Règne
Animal, n. 263.
(5) castagnollo. Raymond : « s. m., nom de doux
poissons que l'on pêche sur les côtes de Nice ».
Il n'y a pas lieu de prendre au sérieux l'indication
sur le genre ; il s'agil Loul simplement du prov.
castagnolo, subst. fém., qui vient de * castanëôla.
(6) castagnol, que j'ai lu dans le Dicl. Grec.-Franç.
d'Alexandre.
94. esp. chucho, etc.
Un type latin, * suctiare tiré du supin suctum de su-
gère, explique, on le suit, l'it. succiare, le prov. sussa,
chucha, le v. t'r. sucier, l'r. sucer, le port, chuchar.
L'esp. * chuchar n'est pas dans les dictionnaires ; niais
il semble bien probable que l'esp. chucho, « espèce de
chouette ou de hibou » (Cormon), se rapporte au même
radical que les mois romans que nous avons cités.
Le milan, sciscioeu, expliqué par Angiolini, Vocabo-
lario Milanese-Italiano (1897) : « assiolo chiù : uccello
simile alla civetta », à côté du milan, sciscià — il. suc-
ciare, appuie certainement ce point de vue.
C'est au sens de hibou, chouette, qu'il faut expliquer
les noms suivants de la myliobatis aquila Cuv. : castillan
chucho, valencia /ui/o, Marseille chucho, Gênes ciuccio
(Voir pour ces noms Carus, Prodromus Faunae Mediler-
raneae, n, 519).
Le poisson dont il >';iyit a l'air d'un oiseau de proie
aux ailes étendues, à cause de ses pectorales, plus larges
transversalement que dans les autres raies (Cf. ses noms
d'aigle, faucon, milan, etc.).
32 NOMS Dl POISSONS
'.t.'). ir. civelle, civette
Civelle, susbt. fém., esl cité par <li\ « rs dictionnaires
français comme nom de poisson; par Cotgrave (qui af
firme que le mol rs! lyonnais) cl par le supplémenl <iu
dictionnaire de Littré au sens de lamprillon ; par le dic-
tionnaire de Trévoux (éd. L771) avec la mention suivante :
« pelil poisson, forl commun dans la Loire, el depuis
Vngers jusqu'à la mer. Quelques-uns croienl que c'esl le
frai d'anguilles, el non une espèce particulière. » MM.
Verrier el Onillon, dans leur Gloss. Etym. et Hist. des
Patois de l'Anjou (1908) confîrmenl civelle = frai d'an-
guilles. Raymond, Dict. Gén. (1832) fournil un masculin
tii cl. « nom », dit-il, « d'un petil poisson mince el long
qu'on pêche sur les côtes de Bretagne ». Enfin Saehs-
Villalte, Franzôsisch-Deustches Wôrterbuch (éd. 1006)
donne à 1;! loi- civette el civelle comme indiquant le lam-
prillon.
On ;i proposé de voir dans civelle, frai d'anguilles, un
dérivé ilu lat. caecus (voir Kôrting, Lut. -Roman. Wlb.,
art. L700), <-i Migra l'avail rapproché de l'it. ciecolina,
petite anguille. Pour civelle lamprillon, on peul citer
le nom d'aveugle donné ;i ce poisson (Lacépède, Hist.
Xui. des Poiss., i. 28). Enfin on pourra comparer ci-
vette = miel, reptile dil ;mssi aveugle, borgne, etc. (voir
Kôrting, Lat.-Roman, 11 lh.. art. 7131, qui veut que ci-
vette, orvet, vienne « ans civette, von ciu < * caecvus).
Tout cria semble assez sur cl il sérail intéressanl de
voir dans les mots cités des survivants en France du lai.
caecus. Il n'esl pas cependanl impossible à mon avis, que
les dérivés de caepa (d'où tire) aienl exercé ici leur in-
fluence. Un citera :
NOMS DE POISSONS •'!■'>
(1) il. dial. cepoli (Roll., Faune P<>}>., m, 100), nom
du cepola taenia, d'où le cepola du latin dos natu-
ralistes, d'où le l'r. cépole. Cepola <C lat. caepulla.
(2) angev. cibot = lézard verl (Verrier Onillon, op.
cit. : poit. cibot — « corde de licou que l'on passe
dans la bouche ou sur le nez des chevaux, etc., poui
s'en servir comme d'une bride » (Lalanne, Gloss.
Poil.).
(:}) v. l'r. civelle = bande de cuir, sangle (Ex. de
1386 dans Godefroy) d'où v. l'r. civeler = sangler;
civelle se dit en Vnjou des personnes minces (Vcr-
rier-Onillon, op. cit.). Cf. civelle = lanière dans
Moisj . Dû I. du Pat. Norm.
(4) civelet = bouture d'osier (dans la Gironde, d'a-
près le Suppl. de Littré).
Tous ceux qui se sont, occupés des noms populaires
d'animaux savenl qu'on a donné aux petits poissons longs
(genre ophidium, petromyzon, cepola, etc.) des noms équi-
valanl à bande, sangle, lanière, courroie, jarretière, etc.
96. cornuda
\ ajouter au port, cornuda de ma noie 52, le cornudilla
cité connue castillan et le cornuda des Iles Baléares,
noms du zi/gaena malleus (Carus, Prodromus, etc.. n,
510).
97. galic. crabudo
Crabudo, nom en Galice du genre spinax Bonaparte,
veut dire cloué et remonte à * clavùtus. Cf. galic. raya
crabuda — raia clavata ou clavelade, dite aussi raie clouée
(Cotgrave) ou raie bouclée.
98. it. fangro
Fangro, « a fish called in latin pagrus », dit Florio dans
son Ital.-Engl. Met., éd. 1688.
■ < i \o\l- Di POISSONS
Du lai. phagrum on a l'it. fagro, et par métalhèse frago.
Fangro esl -ans doute dû a une métathèse de frango, né
de l'influence du radical du verbe [rangere sur frago.
Cf. frangolino à côté de fragolino, a ma note L4, et voir
note 20.
99. sir. /<•////</
Voir unte 100, fiatala.
100. it. /'/V,/o/„
Rondelet, De /'/se Marin., pp. 157, 257, a cité l'emploi
à Rome du mol fiatola, comme nom de poisson.
Dans le latin des naturalistes, fiatola a servi à distin-
guer d'une façon spécifique un poisson du genre stroma
tée ; c'est ce qui explique le fr. fiatole de divers diction-
naires.
Le sic. fialulu, rom. fiatola stromateus fiatola, re-
monlenl tous deux à un adjectif latin, * flatulus, -a,
-mu. tiré de flalus, souffle, vent, flatuosité, et qui a eu
le sens de puant. Qu'on compare Fit. fiatente, puant, à
côté de fetente et flatore, fetore, puanteur, dan- Duez.
Quanl au sic. fetula, fetula imperiali = stromateus
fiatola, il vient d'un adjectif * foetulus, -<t. -uni (Cf.
lai. foHulentus), de même signification que * flatulus, cil.'
plus haut.
Cf. à Valencia pudenta = stromateus fiatola, et voir
pour ces divers noms populaires Carus, Prodromus Van-
nue M editerraneae , n. 664.
101. it. fico
<>n trouve dans le Ital.-Engl. Dut. de Florin (éd. 1688)
l'article suivant :
phici, phiscide, fui. fico, a lish thaï is sometimes
white and sometimes mil of black spots, and fra-
NOMS DE POISSONS 35
mes himself ;i nesl in Lhe grass or reeds by the
sea side and there lays liis eggs and sits lus young
ones, in Rome they eall il fico.
I ;i définition montre qu'il s'agil du phycis de Rondelet
(De Piscibus Marinis, éd. 1554, pp. 186-188), don! le
célèbre ichthyologisle a «lit :
Mutai colorem phycis, reliquo tempore candidà, vere
varia.
et plus loin :
Kx his ego colligo veram phycidem hic expressam
esse : quae quanquam ad faciendam fidem salis
esse possint, tamen multo magis sententiam liane
meam confîrmavi, cum in média alga nidificantem
vidi, id quod sola phycis facit testibus Vristotele
el Plinio. Phycis piscium sola nidifical ex alga,
atque in nido parit, el id certissimum esse pisca-
tores multi observarunt. Quod autem solam nidi-
ficare aiunt in alga, id l'alsum esse compérit Gu-
iielmus Pelicerius Monspcliensis episcopus, vir in
relais pervestigandis diligentissimus et perspica-
cissimus, qui gobiones el hippocampos in alga ova
ponere et parère animadvertit.
C)r, le phycis de Rondelet, c'est le phycis mediterraneus
Laroche, le phycis tinca Schneider, le blennius phycis
Linn., le phycis blennoïdes, poisson de la division des
gadoïdes, qu'on a appelé en français le merlus barbu.
Cuvier, Règne Animal, éd. 1820. n. 242, 335, avait cru
pouvoir identifier le phycis de Pline et le pUxt'c d'Aristote
avec le genre gobie, à cause de l'habitude qu'ont ces p<>is
sons de taire leur nid dans des lieux riches en fucus.
Mais celle identification n'est rien moins que sûre, et l'opi-
nion de Rondelel me semble la meilleure, si l'on tienl
compte de l'emploi, chez les Grecs modernes, de pho-
cida = blennius phycis L.
.30 NOMS Dl porssofts
Il est d'ailleurs probable que divers poissons onl porte
des noms tirés du radical de phycis. \ côté de h<f»'i;,oTi
trouve ô »v»x^v et ô <pûxïj;, noms de poissons. Rondelet croyait
([in' fj/.i; et fvxm s'appliquait j des poissons différents
(op. cit., p. 188).
Le radical de yr/i; etc., noms de poissons, ne fait qu'un
avec celui de $.ûxo;, 'j-vza, algue; c'est de pGxoj que Pline
a tiré son phycos - fucus. J'ai déjà montré que des noms
d'algues onl été donnés à des poissons qui se plaisaient
à manger des plantes marines (Cf. note i8 cantharus).
J'appelle ici l'attention sur des noms d'algues donnés aux
poissons qui viennenl déposer leurs œufs sur ces plantes.
Je rattacherai donc au radical de j»ûxo;, algue, les noms
de poissons suivants :
(1) à Rome fico = phycis blennioïdes (1).
(2) sic baca ficu, pesce ficu = gadus minutus, dans
Rolland, Faune l'nji.. m. 1 13 (2).
(3) it. fico = ç/udus luscus, dans Lacépède, llisl. Nal.
des Poiss., h. 409.
(4) il. p^sce fico, « cod fisli » (Florio, op. cil.) (3).
A propos du gadus luscus I... Lacépède, op. cit., n.
114, nous dil : « le tacaud parvient à une longueur de
cinq ou six décimètres : il s'approche du rivage au moins
pendanl la saison de la ponte : il s'y tient dans le sable,
ou au milieu de très hauts fucus, à <\c< profondeurs quel-
quefois considérables au dessous de la surface de la mer ».
El plus loin, pour le gadus minutus L. : « le capelan...,
vers le printemps..., se rapproche des rivages, pour dépo-
(I ) A Naples ficu, à Venise //'.</" ont la même signification (Carus«
Prodvomus, etc., n. 575.
Ci) A Rome figora, à Naples fica, à Palerme pesce liai, n Messine
}>hci ficu — t//.ih/< minutas L. (Carus, Prorfromi/s, de. n. 471-2.
(3) Ajouter encore fi</ i<>ttu — gadiculu* hlennioides Gunther à Gènes
(Carus, op. cit. n.573).
NOMS DE POISSONS 37
ser ou féconder ses œufs au milieu des graviers, des
galets ei <lcs l'unis ».
Le radical de œûzo; :l d'ailleurs servi à donner des
noms à d'autres poissons qu'aux gades et à leurs proches
parents, mais toujours à des poissons qui fréquentent
les algues mi s'en nourrissent. La sciaena aquila Risso,
par exemple, qu'on a si souvent confondue avec Vuinbra
cirrosa Cuv., porte divers noms qu'on pourra rattacher
a notre série : en Provence figoun, flgou (Nice : figori),
à Gêne9 fin<t<> (I). à I île <l Elbe figaro, à Tunis fico; à
Damiette, d'après Carus, les Français lui donneraient le
nom de fêgaro (2). Lacépède <lil de Yumbra cirrosa Cuv.
(op. cit., m. 'il"), qu' » elle se nourrit d'algues et de
vers ». el <le la sciaena <«jiiil<t Risso (op. cil., i\ . Ml!').
qu' « on la trouve particulièrement dans le Nil, et il pa-
raît qu'elle se plaît au milieu des algues el d'autres plan-
tes aquatiques ».
Le professeur Schuchardt a cité, dans la Zeilschrifi fur
Romanische Philologie, xxxi, 645, figa, figo, noms à
Adria du stromateus fiatola L. (dit aussi fi</<t a Venise.
figo à Trieste, d'après Carus), el figa = labrus bimacu-
lalus L. à Spalato. Le savant romaniste explique ces noms
par la couleur du poisson qui les porte; je suppose
car il n'en dit rien - qu'il y voit des dérivés du latin
ficus, fica, figue. Pour moi, je ne crois pas qu'un pois-
son (:i) dont le do1- esl bleuâtre, avec des lâches dorées el le
ventre d'un blanc d'argent, puisse tirer son nom de la
couleur de la figue; je préfère ajouter ces noms aux déri-
vés du radical de mû/.o-.
(1) C'est la forme que donna Gasaccia, Dizionario Genovese-ltaliano .
Bonaparte donna fegaro, Sassi flgau d'après Carus.
(2) Voir Carus, Prodomits, Ec, n, G5t, el Rolland, Faune Pop , m 172.
(3) Le stromaleus fiatola L.
4
;:s
NOMS DE POISSONS
102. fr. gagnola, gagnole, Var gazané
Gagnole, s. T., esl traduit par Cotgrave : « a little,
long, small-eyed, and lesse-mouthed Qsh, covered, in
stead of scales, with a hard-and crusty skin ; some hold
il lo be a kiini of hornebeake ». <>n [e trouve dans Lacé-
pède, Hist. Mat. des Poiss., n, 27, comme nom du syn-
gnathe trompette de ce naturaliste : gagnola serait, «l'a ] > i-r*s
Bouillet, Dict. des Sciences, des Lettres et des Arts (art.
syngnathe) un nom vulgaire de ce même poisson. Gagnola,
gagnole, esl le même mot que gagnolo du Var et des
Bouches-du-Rhône, qu'on trouve dans Rolland, Faune
Pu/)., m. 94 = hippocampus brevirostris ou cheval marin,
poisson très proche parenl «les syngnathes.
Or, on sait que lit. guadagnare, prov. gazanha, gagna,
fr. gagner, vient d'un germ. *waidahian (Cf. ail. tyei-
den) = paître (Cf. fr. gagnage = pâturage). Il y a dos
indications qui font croire qu'on a tiré du radical de ce
verbe des substantifs ayant la signification d' « animal
qu'on mène au pâturage, taureau, cheval, etc.». Ainsi,
Monli, Saggio <Ii I ocabolario délia Gallia Cisalpina, etc.,
L856, atteste pour la Valteline ia phrase mena la vaca al
guadagn = il. « menare al loro la vacca ». Ainsi encore
l'abbé de Sauvages, Dict. Languedocien-Français, éd.
L785, fournit gazanhou, « un étalon, soit cheval, soit âne,
pour saillir les juments et les ânesses ».
Il sera maintenant facile de concevoir que c'esl au sens
de « petite jumenl » qu'on s'esl servi du prov. <ja<jii<>hi.
des emprunts français gagnola, gagnole pour indiquer le
cheval marin el les syngnathes. De même, gazané, dans
le Var genre syngnathus Cuv. (Rolland, op. c//.. ni.
95) esl un diminutif du \ . prov. gazanh et veut dire « petit
cheval ».
NOMS DE POISSONS 39
L03. lai. garus
<)n <i\\\ que garus est, dans Pline, Le nom «l'un poisson
avec lequel on faisait du garum, saumure très estimée
chez les Romains (Cf. à côté de yâ/>o;, yàçov le grec yupho;,
•/uoiaxo;, 110ms de poissons);
Déjà Rondelet, De /'/s* . \huiu.. éd. 1554, p. 141, avait
souçonné que le lai. garus élail un nom de son smaris
(sparus smaris L.).
Dans la Romania, \i (1877), 266 sq., Beauquier a expli-
qué par le lai. gerres el son diminutif * gerrulus divers
noms provençaux de sparus smaris L. : y. prov. gerlet,
prov. mod. gerle, jarlet, jarre, jarret. Pour les mois fran-
çais qu'il cite, jarret, par exemple, ce ne sonl que des
emprunts au provençal.
La forme même de quelques-uns de ces noms fait croire
que garus, * garulus oui exercé sur gerres, * gerrulus
une action troublante. Très important, à ce point de vue,
esl le garlet de la Vida de S. Honorât, de Ramon Feraut
(leçon .lu MS. B. \\. 13.509); l'abbé Pellegrini cite aussi
garle pour le niçois : il faut tenir compte encore de l'a de
jarre, jarret, jarlet, auxquels il convient d'ajouter le sard.
zarettu, le jarret d'Iviça (Rolland, Faune P<>i>.. ni, Ki!))
el ]"ii. zarra, qui traduit dans un dictionnaire que je pos-
sède le maltais munxara = sparus smaris L.
Le garou de Legoarant et de Littré, nom d'après eux
du sparus smaris L. sur les côtes de la Méditerranée, ne
serait, selon Beauquier, qu'une mauvaise lecture du garon
d'Antibes, cité par Rondelet, op. cit., p. 141 ; c'est sans
doute le môme mot, mais garou représente un développe-
ment phonétique plus récent que garon, d'un lat. * garo-
nem, dans le Midi de la France.
Le vénit. garizzo = it. menola (Paoletti) doit aussi être
ajouté à la liste des dérivés romans du lat. garus.
40 NOM-- 1)1 POISSONS
Enfin, le niç. gerlesco, donné par l'abbé Pellegrini
comme synonyme de gerle, me fait croire que garlesco,
nom à Toulouse du cyprinus amarus L. (Rolland, op. cit.,
m. 152), appartient à notre série. Le nom de picarel qu'a
le sparus smaris !.. vienl de ce que ce poisson pique la
langue quand on le mange salé : l'attribution de garlesco
au cyprinus muants L. viendra suis doute de l'amertume
de sa chair (Cf. son nom allemand biiierling).
104. Var gazané
Voir noie 102, gagnola, gagnole.
105. la t. g erres
Voir noie 103, lat. garus.
H h;, grelin (Cf. note 60)
Pour l'élvmologie par un angl. * grayling, cf. holl.
graeuken = « asellus minor » et l'explication de asellus,
nom de gade, « dictus a colore cinereo, ut asinus », dans
Dufflaeus, Etymologicum Teutonicae Linguae,. éd. 1605,
p. 785.
107. norm. guis eau
Lacépède, Hist. Xal. des Poissons, n, 262, dit qu' « une
autre anguille de la même rivière (entendez la Seine) est
nommée guiseau. Elle a la tète plus courte "t un peu plus
large que l'anguille commune. Le guiseau a d'ailleurs le
corps plus court : son oeil est plus gros, sa chair plus
ferme, >;i graisse plus délicate. Sa couleur varie du noir
au brun, au gris sale, au roussâtre ».
Guiseau, qui a été enregistré par Littré comme nom
d'une variété d'anguille, doit être, à cause de sa forme,
emprunté aux dialectes germaniques. On songe à un type
wisel au sens de belette ; Cf. v. h. a. wisala, moy. h. a.,
NOMS DE POISSONS 4 1
wisel au sens de belette; cf. v. h. a. wisala, moy. h. a.,
wisele, wisel, ail. wlesel, ags. lues/e (uuesulne dans le
glossaire d'Epinal), angl. veasel, holl. ilam. //esc/,
isl. / /s/a. sans pouvoir fixer clairement dans quel dialecte
particulier <>n a puisé noire mot.
Il n'y a d'ailleurs rien que de très ordinaire dans celle
attribution du nom de la belette à un poisson dont la lon-
gueur peul frapper l'imagination populaire. On citera :
(a) divers noms du genre bien/dus : moustelo dans 1''
Var.
(I>) divers noms du genre cobitis (les loches); voir,
pour ceux qui sont tirés du radical du lat. mustela,
belette, la Faune Populaire de Rolland, ni, 137.
(c) divers noms du gadus loin \.. (loin vulgdris Cuv.),
poisson qui emprunte aux anguilles un grand nom-
bre de >es noms populaires (Cf. Rolland, Faune
Pop. m. 109, el ma noie iô. bourboche).
(d) weasel-fish (el par corruption whistle-fish, whist-
ler). nom dans l'ouesl de la Cornouaille, du motella
tricirrata <>u motelle a trois barbillons (Day, British
Fishes, i. 318) : whistle-fish, whistler, brown whist-
ler (encore mie loi-. san> doute pour weasel, weasel
fish), nom en Cornouaille du motella mustela (gadus
mustela I..) d'après Day, op. cit.. i. 314; cf. sicil.
mustedda, mustiddu, noms de ce dernier poisson.
(e) divers noms du genre mustela Cuv.
On remarquera que Ion- ces poissons portent aus>i les
noms de loches : pic. lokelle = genre blennius ; loche,
nom français du genre cobitis; loche, lochette, nom du
gadus loin L. dans le Jura : /<», he de met', nom du motella
mustela a \Toirmoutier ; loquelte a Boulogne-sur-Mer =
squale (pour ces indications, voir la Faune Populaire de
Rolland, m. 82 sq.).
IV NOMS DE POISSONS
108. v. f. hannon, hennon
Le dictionnaire de Godefro} ;i un seul article : « hanon,
hannon, s. m., sorte de poisson, le merlan ou merlus »;
il cite cinq exemples. Je n'y vois rien qui permette de dire
que hannon se soit jamais dil d'un gade ; el je soupçonne
i|ii il \ a eu dans l'espril ilu compilateur <lu Dicl. <!<■ VAnc.
Langue Française, une confusion due à la ressemblance
superficielle de lut/mon, nom de coquille, avec ânon, au-
ciennemenl asnon, nom du gadus aeglefinus L.
En effet, dans le second exemple donné par Godefroy,
Littré ;i vu le plus ancien texte où se trouve .sou hannon,
s. m., nom vulgaire de plusieurs pétoncles :
xive s., liannons au civé ou cuiz en eve...
[Bibl. de l'Ec. des Chartes, 5e s., i. 223].
Le premier exemple de Godefroj vienl de la Bataille
de Karesme et de Chômage (voir Fabliaux et Contes, éd.
Méon, iv, 94, vv. j-~> sq.). Je copie le passage d'après l'édi
lion de Méon en modifianl légèremenl la ponctuation :
... Raies y vindrenl poignant,
El chiens de mer vinrenl allant,
Hados e oitres e hanons,
lj congres qui sonl gros el Ions,
Sardines, bresmes el dorées,
Barbues grasses, plaïs lees,
El bon fiel au fenoil rosti.
La genl < îharnaige onl départi,
S'onl fa.il Karesme remonter.
\l;inl es vos asnons de mer
Sur un mulel moll bien monté
Fierl une tarte en uns coslé...
On voil que les hannons semblenl être distingués dans
ce passage des asnons el des mulets, el il est intéressanl
NOMS DE POISSONS i3
de constater qu'ils sonl mentionnés immédiatement après
les oitres.
Dans le troisième exemple de Godefroy, c'esi avec les
moules que 1rs hannons sonl mentionnés : dans le qua-
trième, de 1351, qui a été pris dans le Glossaire de Du
cange (art. hanones), ils viennenl après « les moules el
les oitres ». Le cinquième, de 1418, ne permet pas d'affir-
mer quoi que ce soil sur le sens.
Je ne vois donc rien qui empêche «le voir dans fous les
exemples cités le mol hannon, nom de coquillage, que
Littré donne dans son dictionnaire et sur lequel il a ajouté,
dans le Supplémenl de 1886, le renseignement additionnel
suivanl :
On écril aussi hanon. C'esl une sorte d'huître à tesl
ire» mince, t'orl léger et brillant narré, qu'en his-
toire naturelle on désigne sous le nom générique
d'amomie, el dans le langage des pêcheurs sous le
nom de hanon. Besnon, feuilleton de VAvranchin,
22 nov. 1868.
Rolland, Faum Pop., ni, 220, cite hénon, nom, dans la
Somme, du genre cardium (la bucarde) ; ce hénon doil
être comparé a. hennon, que Godefro}' (voir son article
hadol) a trouvé dans un des ms<. de la Bataille de A /
resme ci de < 'harnaige.
Le mol doil être ancien dans le Nord de la France, car
ou lil dans Ducange, a l'art, platesia, un passage : de
platesiis, hanonibus ac anguillis Somnensibus... ». qui est
lin; d'une charte de Charles le Chauve.
C'esl sans doute le même moi que hannon, coquille de
la charrue, donl ou trouve un exemple, de lii9, dans
Godefroy.
L7( persistanl dans tous les exemples connus fait croire
a une orieine ffermanique.
'j4 noms de poissons
109. fr. \ozo
Jozo, s. m., esl une « espèce de poisson du genre des
gobies ». d'après Raymond, Dict. Gén., L832.
I 'esl le naturaliste Bloch qui s'esl servi de l'expression
gobius ji>:<> pour indiquer une variété de gobie que Cuvier
appelle le boulereau bleu (Règne Animal, n. 243).
II s'agil d1' iozo, iozzo, forme dialectale de l'it. ghiozzo,
(|in se <hl du inliiis gobio, du gobio fluviatilis el de divers
I m iissi h i -• du genre gobius L.
Ghiozzo in- remonte pas précisémenl ;'i *glûttû$, comme
['a dii hic/ (Cf. Kôrtmg, art. 4285 * glûttûs , mais à
* glùttï'ûs .
110. galic. lorcha
Un intéressant dérivé du radical du lai. lorum, lanière,
c'esl le galic. lorcha, nom de Yophidium barbatum Bloch
(Cf. sic. bandiera, nom de ce poisson dans Rolland, Faune
Pop., m. 06).
,1e suppose que de lora, pluriel de banni. cl considéré
comme féminin, viennenl le lai. *lorlcula, * lârcula d'où
/'(/'< Ua.
Pourlôrcula de lorîcula, comparer mes noies sur l'esp.
hacho, cacha dans la lier. <l. Lang. Romanes, i.i. 268, cl
lu, L00, d sur * râsculum, * râscukt pour * rasîculum,
* rasîcula dans la Rev. de Philol. Fr. cl de LUI., xxi, 251.
J 1 1. fr. inonat belle
Littré a : « monachelle, s. f., poisson du genre des
spares ». Raymond, Dict. Gén. (1832), donne déjà : « mo-
nachelle, s. f., espèce de poisson du genre des spares ».
i ela i -l sans doute le sparus chromis L. dit monachella
;i l'île d Elbe (Rolland, l'aane Pop., m. 170). Willoughby,
Hist. Piscium (1686), p. 330, ;i propos du chromis Ronde-
NOMS. DE POISSONS 45
letii -- sparus chromis L. <lil : « Monachelle Siculls (1);
Castagnole Tuscis el Liguribus » : puis plus loin : « circa
Cataniam Siciliae frequens capitur el alibi etiam in mari
Mediterraneo ».
Le sparus chromis L. <isl d'un brun châtain (Cuvier,
Règne Animal, n, 263), d'où son nom de castagnole (voir
note 93); son nom de monachella en Sicile et ù l'île d'Elbe
s'explique sans doute aussi par sa couleur. On peul com-
parer le parm. castagnoeula = gladiolus communis L..
plante qu'on appelle eu italien monacuccia (voir Malas-
pina, Dizion. l'arm. -liai., 1850-9) (2).
112. moUrneau
On lira ;'i la noie 86 crac, un extrait du Journal du sue
de Gomberville, où l'on parle de l'envoi d' « ung maque-
reau, ung mourneau, el ung gros vrac ». Maquereau est
clair ; vrac esl également un nom de poisson, que ce soit
un hareng ou. comme je l'ai cru, un labre (3); mais
qu'est-ce que mourneau ?
11 esl probable qu'il s'agil d'un poisson ; mais alors quel
sérail ce poisson ? Ne faut-il pas supposer une coquille,
la plus ordinaire de loutes, due à la lecture de n pour // ?
On lirail alors mouruau, diminutif de mourue = munie.
113. l'r. persègue, persèque
Raymond, Dict. Gén. (1832) a un article : <( persègue
ou persèque, s. m., genre de poissons de la division des
thorachiques : c'est le même que la perche ».
Persègue en français esl un nom donl se sont servis
Daubenton, Ilauy et Bonnaterre dans Y Encyclopédie Mé-
1) Traîna, Vocabolxviplto délie Voci Siciliane, etc., Palermo, 1888
cite munacfidda, « sorta di pesciatello ■•.
(2,i Cf. aussi l'adj. monnehino qui traduit le parm. colàr d' maron
dans le Dizion. Parmigtano-ltaliano de l'eschiari.
(3) Voir les notes 37 et 80.
|0 NOMS DE POISSONS
thodique pour désigner toute une série d'espèces de pois-
sons dont la perche fournissait le type : ils disaient persè-
gue perche, persègue loup, persègue sandat, etc., pour
indiquer ce qui étaient, selon eux, des espèces de persè-
gues. D'autre part, c'esl Lacépède (Hist. Nat. des Poiss.,
iv. o!'.-)). qui a attribué à une famille beaucoup moins
grande le nom de persèque (<\'<>\\ persèque perche, etc.)
qui pourrai! bien venir d'une mauvaise lecture, persèque
pour persègue (Cf. d'après Lacépède, op. cit., îv, 412 :
« petite persèque dans Bonnaterre »).
D'où vienl persègue? Très certainement d'Italie, el sans
doute de persega, cité comme nom italien de la perche
par Lacépède, op. cit., iv, o99.
Les noms italiens des perches : -- il. persico, pesce
persico, bologn. pésce perseghin, parm. pess persegh,
vénit. persego ou persega (ce dernier cité par hue/, Dict.
itul.-franç., éd. 1660), tessin. persego, persigo, pess per-
sigg, Lac majeur persighin pess persighin (perche du
deuxième âge) pess persigg (du troisième âge) présup
posent un type * persicus, -a. Le type antérieur * persus
se déduit du tosc. perso, perso <li fiume, pesce perso,
nom de la perche. On songera aussitôt au grec népxy tiré
de radj.wéjBxoç, noirâtre, moucheté. Il devient alors clair
qu'il faut identifier perso de pesce perso avec le prov. et
franc, pers, adjectif exprimanl l'idée de foncé, couleur
foncée.
Le Dict. Gén. de Eiatzfeld el Darmesteter, à l'art, pers,
adjectif de couleur, dil «pie pers esl d'origine incertaine
el croil qu'il l'an! supposer, en latin vulgaire, un adjectif
* persus au lieu de persicus, de couleur de pèche. Il fau-
dra renoncer à cette hypothèse. Le lai. persicus, pêcher.
pers!* mu, persicum malum, pêche, comparé au grec nspouri
pêcher, nipaio-j, ffepTiicôv, nspoixbv j«Aov, pêche, ne laisse aucun
NOMS DE POISSONS 47
doute qu'il s'agit de * persicus, persan (('!'. mec nspauéç per-
san) ; autre esl l'origine du lat. * persus el de son dérivé
* persicus, adjectifs de couleur; * persus esl [mur un
antérieur * /'(/(sus. du même radical que perça (Cf.
grec Tréaxo;. irgoxvoç, etc.).
Grimm, Deutsches Wôrterbuch, à l'art, bàrsich, avait
déjà comparé 1»' v. el moy. h. ail. bersich à lit. persico :
il semble fort probable, non seulemenl que bersich ■< lai.
* persicus, mais aussi que l'ail. Barsch, moy. Ii. ail. /eus.
holl. baars, aus. bears (voir nia note sur /"//■ dans la //ce.
des /^. Romanes, xlviii, 193 sq.) doivenl être rapprochés
du lai. * persus.
114. parm. pess .'/("//
!.<■ parm. /m'.s.s .7/0// = labrus iulis L. (Malaspina).
Gto£i esl la forme locale de l'it. ghiotto < latin * glidtus.
115. fr. potine
Kôrting, dans son Etym. U 76. der Franz. Sprache (Pa-
derborn 1908). a inséré :
potine, i'. kleine Sardine; abgel. v. /"»/ ('.' weil dièse
Fischchen in irdenen Bûchsen aufbewahrl werden ?)
"Mi voit, par les points d'interrogation, que l'auteur ne
tenail pas beaucoup à l'étymologie qu'il proposait pour
ce potine, qu'il avail pris sans doute dans Sachs-Villatte
ou dans Littré. <"cst aussi à Littré que remonte potinière,
lilel pour prendre le? sardines.
Je ne sais où Lit lié a pris son potine, mais il faut évi
demment l'identifier au prov. poutino. Dans le vol. m de
la Faune Populaire de Rolland, on trouve : Var poutino
= petromyzon Planai (p. 07). B.-du-Rhône poutino =
clupea sardina L. (p. 119 : à Nice poulina = sardine
dans son premier état) : Var poutino = cepola taenia (p.
160). L'abbé Pellegrini traduil le poutina de \ice par :
« peuple de sardines et d'anchois, fretin ».
18 NOMS DE POISSONS
Si l'on tient compte des noms qu'on donne, sur la côte
méditerranéenne de la France aux petits poissons du genre
ophidium el cepola (Cf. aussi fr. donzelle), il devient clair
que poutino doit se prendre dans l'acception de « petite
fille ». Cf. prov. poutino, poutouno, poulouneto, poulain.
jolie petite fille, mignonne, poupée, etc.
116. \ alencia pudenta
Pudenla = stromateus fiatola à Valencia (pour pudente
<C lat. putentem), ayant sul>i l'influence assimilatrice des
tonnes féminines en -a, présente un cas tout à fait ana-
logue au fr. puante.
Voir note 100 fiatola.
117. fr. rotengle
Le leuciscus erythrophtalmus Cuv. est appelé rotengle
en français (Littré, etc.). On trouve quelquefois rotangle.
Cuvier, Règne Animal (éd. 1829), n. 276, dit /<- rotengle.
D'autre part, dans Lacépède, //(.s/. \ul. des Poissons, v,
583, on trouve /a rotengle. Lacépède semble être le pre-
mier ;i se servir de l'expression cyprin rotengle; avant
lui, pour désigner ce même poisson, Daubenton, Hauy
et Bonnaterre se sont servis de cyprin sarve, où suite
est pris aux langues Scandinaves. Mais Lacépède ne dit
pas où il a pris rotengle.
D'après Rolland, Faune Pop., m. 141, Schinz affirme
qu'on se serl de rotengle à Neuchâtel. Bonhôte, Glossaire
Vèuchâtélois (1807) ne le donne p;is. Dans les dialectes de
l'Allemagne méridionale on appelle notre poisson rothauge
(Cf. fr. œil rouge dans Raymond). Je n'ai pas trouvé
* rothengel : il me semble cependanl sûr que c'est la seule
façon d'expliquer rotengle, qui aurait reçu ce nom à caus<
de ses nageoires rouges comparées aux ailes d'un ange
(( ï. il. aletta, nageoire, etc.).
NOMS DE POISSONS 49
118. fr. sagre
On sait que c'esl du turc saghri, zâgrl, que viennenl l'it.
zigrino, sagri, vénit. sagrin, fr. chagrin (premier exem-
ple du Dict. Gén. de 1648), peau rugueuse de certains
squales, de certaines raies.
Cela explique le vénit. sagrin = squatina laevis (squa-
lus squatina L.) dans Carus, Prodromus Faunae Wediter-
raneae, u, 515.
Cela explique aussi le fr. sagre, nom du squalus spinax
I... donné tantôl comme masc. (Boiste), tantôl comme fémi-
nin (Raymond), dans les dictionnaires, masc. dans Cuvier,
Lacépède el Broussonnet. Le sagre de ces naturalistes
vient du génois sagree de Willoughby, Hist. Piscium,
Oxford, 1686, p. 57, où Vee final est sans doute une gra-
phie à l'anglaise destinée à reproduire la prononciation
de 17 de sagri.
\ rejeter dune, à mon avis, Fétymologie de Korting,
Etym. Wtb. der Franz. Sprache, 1908, qui voudrait voir
dans sàgre, nom du squale, le même mot que sacre
( << arab. çaqr), nom d'oiseau de proie.
119. fr. sauclet
A la page 216 de son De Piscihus Marinis (éd. 1554),
Rondelet a cité le marseillais sauciez (au pluriel) comme
nom des athérines. A côté de la forme sauclet, qui esl la
lionne, un trouve enregistré dans certains dictionnaires :
soucies (qui vient de l'index de Rondelet el qui esl dans
Cotgrave) el les coquilles sancles (Dict. de Chambaud,
éd. 1815, Fleming et Tibbins, éd. 1844, etc.), sauciel
(Bouillet).
Rolland, Faune Pop., m, 158, a cité saouclet (Cette),
sauciel (Var) = genre atherina Cuv. C'est encore le même
50 NOMS DE POISSONS
mot que ciouclé (B.-du-Rhône), ceouclé (1) (Var) — spams
zébra el sparus passeroni (Rolland, "/>. cit., m. 170).
I»;uis son Dictionnaire Languedocien-Français, éd. 1785,
l'abbé de Sauvages a inséré saoucletta = serfouette H
ceoucha = sarcler, ('couda, ici. remonte, comme le v.
prov. serclar, au Lat. sarculare. C'est de même que le
saouclei de Cette, nom d'athérines, esl dérivé du lai. cïrcu-
luin (Cf. niç. sercle, seucle cercle).
L'athérine a tiré ce nom de saouclet <>u « polit cercle »
de la bande <|ui lui passe à peu près toul autour du corps :
c'est celle même bande qui, comparée à l'élole «lu prêtre,
a valu les noms de prêtre, prêtrot a Vaiherina presbyter.
Pour terminer, je remarque qu'Avril, Dict. Provençal-
Français, Api. L839, cite ciouclei = 1° melel (c'est-à-dire
l'athérine); 2° caramboou, c'est-à-dire crevette.
120. fr. saurel, sieurel, suvereau
Cotgrave a mis dans son dictionnaire ces trois noms
du caranx trachurus Cuv. et les a traduits par Fangl.
bastard mackerel iCf. fr. maquereau bâtard).
Le caranx trachurus porte des noms qui se diviseronl
en deux groupes :
(a) 1rs dérivés du lai. saurus (Cassiodore), sauru en
Sicile, sauro à Home, surellu, suredda en Sardai-
gne, sorell à Iviça, saurel dans la Narbonnaise,
d'après Rondelet (De Pisc. Marin., p. 233), à qui
Cotgrave l'a pris. Oe le trouve dans Cuvier (Règne
Animal, n. 207) cl dans divers dictionnaires, par
exemple dans Sachs-Villatle, comme nom français
<\c ce poisson.
(1) Le ceduclet du Var cité par Rolland est évidemment une faute
de lecture pour ceouclet.
\o\l^ DE POISSONS •> I
Saurus veut dire primitivemenl lézard (Cf. le grec
craûpoç, a-aûpa, lézard; c'esl aussi un in un de pois-
son). Ce nom a été donné par une analogie de
forme, au caranx trachurus. <mi peul comparer
Fit. laccrto - maquereau.
(10 les dérivés du latin sûber , * subcrûs (cf. l"il-
sovero, port, sobre), nom du liège; * sûber . * sû-
berus. Pour justifier l'attribution de divers noms
du caranx trachurus au radical de suber, je citerai
le vénit. suro = caranx trachurus el suro (liège);
l'it. sugarello (ei sugherello à l'île d'Elbe) = caranx
trachurus el l'it. sughero, sugharo, noms à côté de
surern. suvaro (Duez, Dici. //<(/.-/>.. éd. 1660), du
liège : suicvcnu du Var, suuereou, severeou des B.-
du-Rhône = caranx trachurus el le prov. suue ( <;
* sîtberem) liège; enfin le prov. sieurel = caranx
trachurus, cité par Rondelet (1). qu'il faut comparer
au prov. sioure, liège, siure à Saint-Pons (Hérault)
d'après Barthès.
( )u peul expliquer que le nom du liège ail été donné
au maquereau bâtard par 1rs nuances jaunâtres ou dorées
qui distinguenl ce poisson II faul lire les notes 39 aurion,
62 horreau pour certains noms du maquereau ordinaire,
qui viennent de ses couleurs dorées; el lire aussi, sur les
couleurs du maquereau bâtard, le passage suivant tiré de
Day, British Fishes, î. 215 :
« ( >l' a dark bluish along the back and so low as the
latéral line, beneath whieh il becomes silvery, glossed
wilh purple and gold... Edwards remarks thaï he once
(1) De Pisciltus Marinis, Lyon, 1554, p. 233 : où le mot est mal im-
primé ft où il serait facile de lire Sieurel; Valmont de Bomare ne
manque pas de donner sieurel à côté de sieurel et je remarque que
dans son Essai d'un Dict. Niçois l'abbé Pellegrini écrit deux fois
sieurel (art. gora, sciauro).
.iV NOMS DE POISSONS
Found a rather strange variety <>|' ihis species in Banffshire.
Il w;is aboul Ihe usual size bul of a most beautiful golden
colour, liurl\ striped and variegated with numerous lines
of the brightesl blue, excepl Lhe fins, which were of the
fines! carminc. »
Enfin, on peul compare^ pour l'attribution du nom du
liège à un poisson pour <lcs raisons tirées de ses belles
couleurs, divers noms anglais des labres cl surtou! ceux
du crenilabrus melops el de ses variétés : corkling, cork-
sinny, corkwing dans Day, Brilish Fi*lws. i. 253, '-Jnl (*~J).
( )n a vu que Cotgrave avail pris son saurel el son sieurel
à l'ouvrage de Rondelet : quanl à son suvereau, il le donne
lui même comme marseillais ; il faul donc n'y pas voir
autre chose que le sure/cou des Bouches-du-Rhône, que
j'ai déjà cité.
L21. vénit. scarpolero
Voir noie 9'J. vénit. caleghero.
122. l'r. sieurel
Voir note 120, l'r. saurel, etc.
123. l'r. suvereau
Voir note 120, lï. saurel, etc.
124. lai. * taranla, * hn 'anlula
De Tarentum, *Tarantum (grec répeç, rapavr»), d'où l'ii.
l'aranto, nom de la ville bien connue de l'Italie méridio
unie mi a eu un type latin, * taranta, diminutif * taran-
tula, * tarantella, d'où divers noms de la tarentule (lycosa
tarentula) :
Cl) Cf. aussi awiol, nom d'un labre dam Rondelet, De Fisc. Marin.,
179.
NOMS DE POISSONS 53
(a) prov. laranta : v. fr. tarente (Godefroy donne trois
exemples tirés de G. de Coincy, de Hélinand, de
Marc Pol) ; port, taranta. Cf. tarant gl. scorpio
dans le l ocabularius Optimus et cité par Diez.
(h) il. tarantola (Cf. fr. tarantole dans Duéz) taran-
lella; esp. tarantola; port, tarantela.
La piqûre de la lycosa larentula produisant une affec-
tion nerveuse dite tarentisme, on a donné en Italie le nom
de tarantella (d'où fr. tarentelle) à divers airs qu'on jouait
aux malades atteints de cette affection. Cf. dans Godefroy
un ex. du v. fr. tarente, au sens de danse, tiré du Ln/c
de Matheolus, de Jean Lefebvre.
On a donné des noms tirés de notre radical à divers
autres animaux, parce que le peuple a cru. à tort ou à
raison, qu'ils étaient nuisibles :
(a) au cousis ligniperda L. : parm. tarântla (Malas-
pina) ;
(b) à Yoriolus galbula L. : it. taranto, loriot (Duez) :
(c) au genre gecko et notamment au gecko fascicula-
lis : it. tarantola ; prov. taranto ; fr. tarente (Sachs-
Viilatte).
Celte attribution au gecko fascicularis des noms de la
tarentule est importante, parce que c'est là ce qui explique
qu'on a donné les noms tirés de * taranta à divers pois-
sons, qu'on compare à des lézards :
(a) au salmo sauras- L., osmerus saurus Lac. (1), sau-
rus griseus : à Rome tarantola, pesce tarantola ;
i'r. tarentole (Sachs-Villatle. qui y verrait un em-
prunt au provençal). Cf. les noms suivants de ce
(1) Lacépède, Hùt. Nat. das Poisn., V. 235-236 donne les indications
suivantes sur ce poisson : * corps, dos, tête très allongés, dos vert mêlé
de bleu et de noir, dents très fortes conformées et disposées comme
celles de plusieurs lézards ».
5
o4 NOMS DE POISSONS
poisson : Naples lacerta <lc funnall, il. lacertola,
niç. lambert : ail. gem.einer Eidechsenlachs, See~
eidechse, angl. sea-lizard.
(b) au callionymus dracunculus L. : Var laranto (Rol-
land, Faune Pop., m. 156). Cf. dans Rondelet, /Je
/'im. Matin., p. 304 son nom provençal de lacert
(pour lazert), el niç. iamber/ = callionymus lyra L.
Pour Til. tarantello, jeune thon (scoidIkt thynnus L.),
tarantello, tarantella, ventre mariné du thon (Duez, etc.),
lire dans Rondelet, De /'/se. Marin., p. 249, le passage
suivant :
[Orcynus] capitur in noslro quoque mari et Thyrreno.
Membratim et in assulas disseclus sale conditur, et
in eadis asservatur. Nostri tonnine appellant, Itali
tarantella a Tarentino, unde advehitur, sinu.
L'explication de Rondelet est possible mais peu sûre,
selon moi. 11 se pourrait qu'ici encore il y eût eu compa-
raison à la forme du lézard ; je rappelle à ce sujet le
grec xosSy/ïî, jeune thon, à côté de zo^âùÀo;, sorte de lézard
d'eau.
125. esp. torbandalo
Au chapitre xi (De Zygaena) du livre xm du De Piscibus
Marinis de Rondelet (Lyon, 1554, p. 389), on trouve cer-
taines indications sur les noms populaires du squale dit
marteau, et entre autres choses on lit : « Massilienses peis
ïouziou apellant... fîispani peis limo, lîmada, loilan-
dalo ».
Ce loilandalo a eu une certaine fortune ; dans le Glos-
sarium de Ducange, un article lui est consacré ; il se re-
trouve dans le Vocabularum Hispanico-latinum et Angli-
cum (Londres, 1617) de John Minsheu, qui doit l'avoir
pris à une édition du livre de Rondelet; c'est à la même
NOMS DE POISSONS 55
source qu'a évidemment puisé Lacépède (Hist. Nat. des
Poiss., i, 257), quand il affirme que peis limu, lima, toi-
landolo, sont des noms du marteau en Espagne, seulement
il écrit toilandolo pour le toilandalo qu'on trouve dans
Rondelet.
Or, ce toilandalo, les dictionnaires espagnols semblent
absolument l'ignorer. En revanche on trouve marteau tra
duit dans le Dict. Franc. -Esp. de Cormon (éd. 1803), par
« torbandalo, pez grande de mar », ce qui fait croire que
toilandalo est le résultat d'une faute de lecture pour tor-
bandalo.
Quelle serait l'origine de torbandalo, qui remonte, si
j'ai raison, jusqu'à 1554 ? Je crois que l'imagination popu-
laire a saisi un rapport de ressemblance entre la tête si
curieuse du marteau et une tète coiffée d'un turban. Lit.,
esp., port, turbante, le fr. tulban, turban, l'angl. turbanl,
turband, turban sont plus récents que d'autres formes du
mot où l'on a o pour u ; le tolliban de Commines (vin, 5),
le tolipan de Jean de Maumont (Romania, xxxv, 411), le
tolopan, loliban, lourbant de Cotgrave, le tourban qui
traduit le flam. turbant dans Mellema, Den Schat der
Duytscher Taie (1030), Fit. torbante (dans Duez, Dict.
ital.-franç.), etc.. On peut supposer que l'esp. torbandalo
( = zygaena malleus) se rattache à cette série antérieure.
Pour le suffixe, on comparera l'esp. bonito, bonitalo, noms
du scomber pelamys L.
126. auvergnat vergne
Les aunes ne prospèrent que dans les lieux humides
ou même baignés d'eau : leurs racines longues et entre-
lacées sont propres à fixer le sol des rivages.
Or, le leuciscus phoxinus Cuv. tire quelques-uns de ses
noms de ceux des aunes ; c'est sans doute qu'il recherche
56 NOMS DE POISSONS
les fonds pierreux ou sablonneux «les rivières, sur les
bords (lesquelles croissenl ces arbres, riions l'ail. Elritze,
v.h . ail. erlinc, ellerling en basse Saxe. Eller, Ellchen
dans le Luxembourg allemand.
Pour les dialectes de la France, on a vernhe, nom donné
à une variété de véron qui habite le< lacs de Bord et de
Saint-Andéol des montagnes d'Aubrac (Auvergne), d'après
Bonnaterre (Lacépède, Hisi. Nat. des Poiss., \. 579). Rol-
land. Faune P<>i>.. m. L39, a comme noms «lu leuciscus
phoxinus Cuv: bergne, bergnolo à Toulouse, vernieiro,
loco vernieiro dan- le Gard.
L'anguille la plus commune de France, selon Cuvier,
porte le nom d'anguille verniaux (Règne Animal, n, 349).
Je n'ai pas retrouvé ailleurs celle désignation, où verniaux
est évidemment un adjectif. Il se pourrait que verniaux
soit aussi un dérivé de * vernium, aune, puisque les an-
guilles ont l'habitude de se cacher durant la journée sous
les racines des arbres croissant au bord des rivières.
Il est. intéressant de comparer un nom anglais de truite
donné par Day, British Fishes, u, 103 ; je cite tout le
passage :
Aller-float, or aller-trout, tlus refers to a large one
frequenting a hole in a retirée! or shady portion of
a brook under the roots of an aider tree. In Here-
fordshire there is a country proverb respecting the
« aul » or « aider » :
When the bud of the aul is as big as a trout's eye,
Then the fish is in season, in the river Wye.
127. sic. vopa, vuopa, etc.
Aux dérivés du grecfiôwjra i cl[è& à la note 44, il con
vient d'ajouter le néapolitain vopa, le sicil. vuopa, vopa
à Palerme boba. à Messine opa, uoppa), à» Tarante
NOMS DE POISSONS 57
ruopa, à Malte vopa, à H i mini et ;'i Chioggia boba, à
Venise, à Triesle bobba, à Fiume buba (('unis, Prodro-
mus etc., ii. 636).
M. Merlo, dans un article « Sul trattamento degli
sdruccioli nel dialetto di Molfetta » (Memorie delV Acca-
demia délie Seieiize di Torino, 1908, p. 159), mentionne
vopa pour la Calabre et vouepe pour Molfetta, et tire de
ces tonnes la preuve que l'o d'un bopa primitif était
bref dans l'Italie méridionale.
C'est le traitement phonétique de la In labiale intervo-
catique qui semble offrir, dons les formes que nous avons
eitées, le plus de difficultés. Il est très possible que le
type primitif se soif présenté sous diverses formes pho-
nétiques. Quoi qu'il en soit. Carus, op. et loc. cit., cite,
pour la Grèce moderne, yôvna, (fo/rca, aTiôrx.
Université de Leeds, 31 juillet 1909.
Paul Barbier fils.
(A suivre.)
CONTRIBUTIONS
A LA
BIBLIOGRAPHIE DES PLAINTES DE LA VIERGE
I. — Une cinquième traduction française du
TUACTATUS DE l'LAN'CTU KEATAb: MAR1AE VIRfilNIS
(Bibl. nat. fr. 24.433).
Le moment le plus tragique de l'histoire de la Passion,
la Vierge pleurant son fils crucifié, n'a pas seulement
inspire à de nombreux peintres des créations plus ou moins
artistiques, mais il a aussi fourni le sujet d'un grand nom-
bre de compositions littéraires. Des nombreux traités la-
tins en prose sur ce sujet, c'est celui dont on lit ci-dessus
le titre, qui a été le plus en vogue, au moins en France.
Ce n'est pas ici le lieu de disserter sur la question de
savoir qui doit être considéré comme l'auteur de cette
composition, que les manuscrits attribuent à divers écri-
vains ecclésiastiques. Je me contente de dire que, par
exemple, les manuscrits de la Bibliothèque Nationale
1768, 1802 du fonds français, et 4510 des nouvelles acqui-
sitions, l'attribuent à saint Bernard, tandis que par exem-
ple le manuscrit 937 de l'Arsenal prétend que ces paroles
sunt de saint Augustin (1). Lorsque, en 1907, je publiai
une note sur ce Tractatus, on en avait déjà signalé quatre
traductions françaises conservées dans dix manuscrits,
(1) Sur cette question on peut voir Alfred Linder, Plainte de la
Vierge en vieux vénitien, Upsala, 1898, introduction, p. clxxvi.
(2) Un nouveau manuscrit fiançais du Tractatus de planctu beatae
Mariae virginU (Neuphilologische Mitteitungen, 1907, p. 33-6).
RII5T IOGRAPHIt: DF.S PLAINTES DE I \ WF.RGE.
59
sans compter une version rimée (I). Au onzième manus-
crit, que je signalai, M. 1'. Meyer, dans son compte rendu
de mon article (2), ajouta un douzième. Aujourd'hui je
voudrais signaler un manuscrit qui non seulement n'a
jamais été mentionné à ce propos, mais donl le \r\\r doit
être considéré comme une traduction indépendante des
quatre autres.
I.-' manuscrit français 24433 de la Bibliothèque Natio-
nale contient des chroniques et divers écrits pieux dont
on trouvera la mention détaillée dans le < atalogue de
19U"2. Le Tractatus, que le Catalogue désigne comme « ser-
mon sur la Passion ». a été transcrit avec peu de soin,
sur papier, par un copiste <\u XVe siècle. Cette composi-
tion est suivie d'une Vie de saint Denis en forme de prière
(18 quatrains d'alexandrins) (•">).
Comme on n'a jamais donné d'échantillons de la qua-
trième traduction, je mets ci-dessus quelques passages
de cette traduction en regard des passages tirés du manus-
crit 24 133.
Bibl. de 1 Arsenal 937. fol. 114a.
Ces paroles sunt de saint Augustin.
QUIS DABIT CAPITI HEO AQIAM ET
OCULIS MEIS YMBREM I.ACRIMAROI
UT POSSIM FLERE, ETC.
Ces paroles sunt en Jeremie et
valent autant en franrois : Qui donra
aiguë a mon chief et a mes yax pluie
de larmes que je puisse ploureir nuit
et jour desque Jhesucriz apeire a son
serjant en vision ou en songe por
m'ame conforteir ? O a-os. filles Jéru-
salem, chieres espouses Dieu, ploureiz
avuec moi desque nostre biaus sires
debounaires se moustre a dos. So-
viegne vos et peneeis entent ivement
cum c'est ameire chose de départir
B. nat. fr. 24433.fol. 181 ro
Qui a mon chief donra eaue pour
plorer et a mes ieux fontaines de larmes
que je puisse plourer nuit et jour jus-
ques a tant que nostre sire s'apparisse
a moy son sergent en \-eillant ou en
dormant pour conforter m'ame ? O
vous filles de Jherusalem , espousees et
amees. plourés ensemble avec moy
jusquez a tant que nostre beaux
amis débonnaire seurA'iensme entre
nouz. Recordez comment amere chose
est d'estre dessevrees de celui a qui
vousestes donneeset touttes sainctetés
de vous avez riens voué (sic). Rendez a
Dieu voz veuz. Vous estes vouées a
Dieu Jhesuscrist. Rendez luv voz
(1) P. Meyer. Row., XV. p. 309.
(2) Bon,.'. XXXVII, p. 623.
(3) V. P. Meyer, Hist. litt., XXXIII, p. 345.
m
BIBLIOGRAPHIE DES PLAINTES DE LA VIERGE.
amez. Aournez vous , filiez , coures
vierges saintes, courts martyrs qui
avez voué.'chasteé a Dieu, coures a la
vierge qui portaJhesucrist. Elle porta
le roy de grâce pour pardonner a tous
ceulx qui de bon cuer luy demandent.
Elle l'enfanta, elle l'alaicta et cir-
consist a l'utiesme jour et présenta au
temple au quarantiesme jour et sy
ofTri pour (pour) luy doux turtereles
el deux paires de coulons. Elle s'enfui
.h Egipte par paour du roy Herodee
(sic) alaitant son filz et nourrissant
et ot la cure de luy et elle le ensiuoit
par toux lez lieux ou il aloit. Je croy
fermement qu'elle fu entre lez dames
qui l'ensuivoient et qui lui adminis-
traient. Nulzne ce doit merveillier se
elle l'ensui voit partoux lez lieuz ou il
aloit, car il estoit ses douceurs et ses
désirs. Je cuit que elle fu dolente et
gemisant entre celles qui p[l]ouroient
Nostre Seigneur ensurquetout. Elle
p. ut cstre entre les famés de Jhesusa-
lem (sic) ausqueles Jhesucrist, qui
n'estoit pas eslevez par seignourie,
mais estoit plains de reproichez,
bleciez d'espinez et tourmentez de
douleurs, portant la croix,en l'angoisse
de la mort s'escria et dist : iO vous
filles de Jherusalem, ne plourôs pas
pour moy, mais pour vous et pour
voz enfans >. Dont ne cuides tu, dame
du monde la moy (?) de la mère
Jhesuscrist, que ce soit voir que je
di ? Pour quoy je te pri, honneur de
paradis, joie du ciel, di moy qui suis
t'ancelle, la vérité de ceste chose. Mais
je n'oblie mie la douleur de quoy je
ne doubt mie que tu souffrises (sic)
lors. Je vouldroie qu'elle fust chascun
jour en mon cuer si comme elle fu lors
en toy. Je vouldroie que tu me mous-
traces lez douleurs que tu euz jusquez
l/.181c°] aujourquetu...
Je cite encore un autre passage d'après les deux manus-
crits :
de celui a cui vos estes mariées et
a cui vos estes douneies en toute
saintei. Vos aveiz voei, rendeiz le, vos
estes voees a Dieu, rendeiz vos a Dieu.
Coureiz filles, coureiz saintes virg
coureiz meires qui aveiz a Jhesucrisl
voei chastei. Coureiz a la sainte virge
qui porta Jhesucrist. Ele porta le roi
de gloire qu'ele donra a touz ceusqui
le requerront. Ele l'engenra et alaita
el circoncisl a l'uitiesme jour e1 au
quarentieme le présenta ou temple • I
offri porlui.ij. tourtercles ou. ij. coulons
en sacrefice. Et por la paour dou
mi Herode l'en porta pn Egypte el
alaita et nourri et si grant cure en
avoit qu'ele le sivoit tout la ou il
aloit.Ce croi je qu'ele estoit entre
lesfenmes quisivoient Jhesucrist et li
ministroient. Nus ne se doit merveillier
s'ele le sivoit, car il estoit sa douçours
et ses desiers Je croi qu'ele estoit
avuec ces fenmes qui plouroient
Jhesucrist quant il fu mis ou sepucre.
Ele estoit par aventure entre ces
fenmes cui il apela filles Jérusalem
quant il fu si vilment meneiz, lai
dengiez et batuz et il dist : « Filles
Jérusalem, ne ploureiz pas por moi,
mais por vos et pour vos enfans ».
O douce dame, dame dou monde, meire
Jhesucrist, en'est ce \jol. 114 fcjvoirs
que je di? Dame, je te proi que tu
dies a ton serjant la joie dou ciel et
de paradis et la veritei de ceste chose.
Oublie la dolour que tu soustenis.
Je vodroie que ceste dolours fust
adès en moi que tu adonc sentis. Je
vodroie que tu me moustrasses les
larmes que tu ploras quant tu mon-
tas es cials por estre en joie avuec ton
ami Jhesucrist...
BIBLIOGRAPHIE DES PLAINTES DE LA VIERGE.
61
!/•'. 114 c°6] Je plouroie en disant
et. disoie en pleurant : « Mes fix, nies
fix, lasse mi, lasse mi! Qui m<' donra
que je muire por toi? Lasse chaitive,
que ferai je? Li fix muert, et por quo1
ne muert avuec lui sa très dolante
meire? Mes fix, mes fix, amors entière,
douz fix, ne me laisse pas! Trai moi
après toi et fai que je muire avuec toi.
Tu morras mauvaissement seul, se
avuec toi ne muert ta meire. 0 mors,
ne m'espargne pas. Je te désir plus
que nule rien. Pren ta force, ocis la
meire avuec l'anfant. Biaus fîx, ma
douçors et ma joie, la vie de m'ame
et touz mes confors, fai que je muire
maintenant qui te portai et or te voi
morir. Biaus fix, conois ta chaitive
meire et fai ce que je te proi. Car li li.\
doit bien faire la proiere sa meire.
Fai ce que je te requier, si me lai morir
avuec toi, si que nostre amors et nostre
cors muirent ensamble. O chalif Gyu,
félon Gyu, ne m'espargniez pas. Puis
que vos crucefiiez. mon enfant, cru-
cefiiez la meire, ou vos m'ociez d'autre
crueuse mort, mais que je muire avuec
mon fil. Lasse, por quoi muert il seul?
O félon Gyu, vos me toleiz mon enfant
et au monde sa clartei et sa joie et sa
douçour. Ma vie muert (muert) et mes
fix seus est ocis et toute m'esperance
est osteie de terre. O por quoi vit
[/. 115] la meire après la mort son en-
fant? O mors, tu ne m'espargnes pas
mon enfant : n'espargne pas la meire,
mais soies crueuse. Molt avroie errant
joie se je moroie avuec mon enfant.
La mors est douce a chaitive, mais ele
ne vient pas quant on la désire.
Biaus fix, la mors te vient tost. Miex
est il que je muire que ce que je maine
vie de mort. Mais la mors me fuit et
me lait chaitive et dolante. Or la desi-
roie je molt. O chierz filz,o debounaires
enfes, reçoi la proiere ta dolante meire.
Ne li soies pas durs qui as estpi
debounaires a touz. Reçoi moi en la
| /■'. 182 -le le regardoie en plorant
et disoie : c He biau tresdouls filz,
he biau tresdouls, lasse doulente. qui
me donra que je muire pour toy? O
vous faulx juifs que vous (sic) a
mon enfant meffait. Ha lasse dou-
lente, pour quoy ne muir je avec mon
enfant? O faulx Juifs, crucifiés moy
avec mon enfant. O Dieu, chetive,
que feray? Mon filz muer! ! Pour quoy
[/. 1S2 i'°] ne mur je avec lui qui suis
sa Iristre mère? He biau filz, une seule
amour, he beau filz tresdoulx, ne me
dejette pas, tray moy après toy si que
je puisse mourir avec toy! Tu meurs
seul. Ta mère soit occise avec toy. O tu>
mort, ne me veuilles pas espargnier.
Tu me plais sur toutes riens. Montre ta
vertu vers moy et occis ta mère em-
samble (sic) avec ton (sic) filz, ma seule
douceur, ma (ma) singulière joie. Otri,
filz, recognois ma prière, la chetive, et
sy oi ma prière. Il avient a enfant
que il oye la prière de sa mère en lui
depriant qui est desconfortee. Oy moy
orendroit et me reçoy en ta croix.
Car ceulx qui meinnent {lisez : vien-
nent) d'une car, s'entr'aiment d'une
amour, doivent périr d'une mort.
O chetifs Juifs, o félons Jeuifs, ne
m'espargniés pas! Puisque vous cru
cifiés mon filz, cruxifiés la mère, tant
que je muire avec mon enfant. Il
meurt seul malement. O vous, gens
desvoiés, vous vuidiés le mond en (?)
lumière et moy de mon filz, de ma joie,
de ma douceur me me (sic) meurt et
toute ma joie et mon espérance est
ostee de terre. Dieux, pour quoy vit
la mère en douleurs après le filz?
Prenés et pendez la mère avec sa
lignie! Vous n'espargniés mie mon
filz, dont ne m'espargniez pas. Mort,
tu es trop crueuse. Certes je aroie
grant joie se je pouoie mourir. He lasse
chetive, j'ains mieulx mourir de mort
que mener vie de mort. O, tu me laisses
tropt plaine de douleurs, o tu filz très.
0?
BNil IOGRAPHIE DES PLAINTES DE LA VIERGE.
croiz, qui as estei debounaires, avuec
toi si que je vive adès après la mort.
Certes nule chose ne m'est plus douce
que toi enbracier en la croiz et morir
avuec toi, et nule riens ne m'est plus
priez que vivre après ta mort. Lasse
moi, tu m'estoies peires, tu m'estoies
meire, tu m'estoies mariz et filx, tu
m'estoies tout. Or ai perdu mon peire,
or sui vefve de marit, j'ai perdu mon
enfant. Biaus filz, j'ai tout perdu.
Que ferai je d'or en avant'/ liasse moi,
lasse moi, biaus filz, ou irai je, tres-
chierz filz? Tres-douz fdz, ou me tor-
nerai je? Ou troverai je confort qui
m'aidera ja mais? Biaus filz, tu pues
tout, et se tu ne vues que je ne muire
avuec toi, lai moi aucun conseil. »
Et Jhesuscriz, ja angoisseus por la
destrece de la mort, li dist de saint
Jehan : * Fenme, voiz ci ton fil. » La
estoit sainz Jehanz qui plouroit et
faisoit molt grant duel. Et nostre sires
li dist : « Douce meire, tu seis que por
ce ving je en terre et pris char en toi
que je par ma mort rachatasse l'umain
pueple...
chier, tres-debonnaire roy, oy ma
prière, oy la requeste de tres-doulente
mère! Filz. ne me soies pas durs qui
suis ta mere.Et tu es débonnaire a tous,
reçoy ta mère avec toy en la croix que
je vive a tous jours avec toy après la
mort \ paiement nulle chose ne m'est
si doulce comme de toy embrassier en
la croix, et eertes nulle chose ne m'est
si dure comme de vivre. O Dieu, tu
m'estoies père, tu m'estoies espous.
tu m'estoies filz, tu m'estoies toutes
choses. Or pers mon père, or suis
veuve de mon espous, je suis descon-
fortée de ma [/. 183] lignie, or pers tout ,
lasse moy. Hee beau filz, ou iray je?
Piteux filz, piteux filz, qui me sera
confors, qui me donra des ores mais
conseil et ayde? Hee beau filz, tres-
doulx, toutes choses te sont possibles.
Se tu ne veulz que je muire, laisse moy
aucun confort. »
Adont. mon doulx filz en la grant
tristecede la mort me regarda en
l'arbre de la croix et dist de saint
Jehan : c Famé, vecy ton filz qui te
gardera comme mère ». Lequel estoit
presens et doulans et plourans. Et
dist ainsi comme s'il deist : tO mère
tres-doulce, mère tres-debonnaire, ne
te veuilles pas plaindre. Je prins
char en toy pour sauver humaine
lingnie pour (lisez : par) la croix,
Fin :
[F. 116 v" b] Jhesu, Jhesu, douz
crieres de tout, de com crueuse mort
il t'ont ocis! Celui cui terre, rneirs et
cials ne prent pas, tient or uns petiz
sepuchres. O, cum dotante vie mes
filx m'a rendue qui gist mors ou se-
puchre. Diex vint a terre, nostre vie
parmenable, et prist cors humain. Il
vint a terre, mais li sien ne le reçurent
pas, ainz li ont adès mal porchacié.
Herodes li rois li fist cruautei a son
pooir et tuit cil de Jherusalem, dès
[F. 186J Hee jhesus, douls Jhesus,
faiseur de toutes choses, hee Dieux,
qui fus occis de cruelle mort, tu qui
ciel et terre feis, or es en un petit
sépulcre. Ha lasse, com foie lingnie
[sic) m'a rendu l'umaine lignie! Mon
filz gist mort ou sépulcre de la mort
chetive. Mais Dieux m'ame (sic) par-
durable après le corps de humaine
fragilité est venus en terre, mais il
n'y est pas cogneu des siens, mais ilz
lui ont tous jours pourchassié mal.
BIBLIOGRAPHIE DES PLAINTES DE LA VIERGE.
63
qu'il estoit enfes a la memele sa meirc.
Et quant il fu hom et il preeschuit et
sanoit les malades de toutes maladies,
resuscitoit les mors, il souffri molt de
hontes des Gyus,des princes de la loi
et des Pharisiens, et a daarriens il li
ont mal porchacié et la mort, si com il
pert. O dame de gloire, o roine de joie,
fontaine de pitié, vaine de miséricorde,
planteiz de sainteié, deliz de joie,
clarteiz dou ciel, douçors de paradis,
gloire des angles, joie des sainz,
genme précieuse des virges, dame
boene eureuse, dame, je met en ta
garde mon cors et m'ame et ma vie
et ma mort et ma résurrection. Tu
soies bene f/. 1 17] oite parmenablement
et Jhesus tes filz qui vit et règne avuec
Dieu son peire et avuec Dieu le saint
espir, Diex beneoiz par tout sanz fin.
Amen.
Premiers Ilerodes forcenoit sur lui et
touls ceulx de Jherusalem, quant il
estoit petit (a) alaitani, encore.
Après, quant il fu fait homs et
donnoit parolles de salut et rompoit
les liens de chascune maladie, de
toutes langueurs (langeurs) et resu-
xitoit les mors, et tousjours a souf-
fert lors et villenies des félons Juifs
et des princes, de prouvoires, des
Pharisiens, et en la fin l'ont mort et
occis si comme le corps mort le tes-
moingne et moustre appertement a
tous. Haa dame glorieuse, royne de
paradis, fontaine de (de) pitié et de
miséricorde, vray deliz de sainctes,
o replandisseur (?) des cieulx, dame
des angles, leesce [/. 186 v°] des sains,
obenoit doulce mada {sic), je com-
ment m'ame a vous (marne a vous) et
mon corps, ma vie, ma mort et ma
resurection a toy. Tu soies benoicte
avec ton filz sans fin qui vit et règne
avec le père, le filz et le saint esprit.
Amen.
Pour faciliter les recherches ultérieures sur cette ma-
tière, qui n'est sans doute pas encore épuisée, je donne
ici la liste de tous les manuscrits que l'on connaît actuel-
lement du Traclatus de planctu Mariae en français :
Première traduction (cinq manuscrits) :
Bibl. Nat, fr., 1768, f. 64 v°.
Bibl. Nat., nouv. acq. fr., 4510 (anc. Ashburnham
Place, coll. Barrois, n° 305, f. 113 v°-121 v° (1).
Metz, Bibl. Municipale, n° 535.
Bibl. Nat. fr., 1802, f. 233 v°-242 v° b (2).
Bibl. de l'Arsenal, 2071, f. 211 (3).
Deuxième traduction (deux manuscrits) :
(i) Signalés par M. P. Meyer, Bull, de la Soc. des anc. textes, 1875,
p. 63.
(2) Le même, Bull., 1886, p. 48.
(3) Le même, Romania, 1908, p. 623 (où, au lieu de n° 2971, il faut
lire 2071).
64 BIBLIOGRAPHIE DES PLAINTES DE LA VIERGE.
Bibl. Nat. fi\, 818, f. 17.
Bibl. Nat. Fr., 123, f. 50 (1).
Troisième traduction (quatre manuscrits) :
Lyon, Bibl. Municipale, n° 772.
Bibl. Nat. fr., i22, l\ 122-125 v° a (2).
Bibl. de T Vrsenal, 5204, ï. 99-100 c (3).
Berlin, Bibl. Royale, ms. Gall. Oct. 28, f. 61
v°-82 (4).
Quatrième traduction (un manuscrit) :
Bibl. de l'Arsenal, 937, f. 114-117 (5).
Cinquième traduction (un manuscrit) :
Bibl. Nat. fr., 24433. f. 181-180 v°.
II. — Une Plainte inédile en douzains
(Ms. Cambrai, 812)
En 1904, quand je préparai mon édition du Regret Cas-
tre Dame, M. M. Roques attira mon attention sur une
Plainte de la Vierge mentionnée dans le Catalogue des
manuscrits de la Bibliothèque communale de Cambrai.
par M. Auguste Molinier (6). Je me procurai (7) une
reproduction photographique de cette pièce et je constatai
quelle n'avait que la forme strophique de commun avec
le poème de Huon, le I loi de Cambrai. Cette nouvelle
pièce s'ajoute à relies qui <>nl déjà été signalées antérieu-
rement, dans le livre de M. Eduard Wechssler (8), et
ailleurs (9). Sa plus grande originalité consiste dans la
(1) Le même, Bull., 1875, p. 63 (au lieu de n° 424, il faut lire 423).
(2) Le même. Bull., 1875, p. 64.
o
(3) A. Langfors, Neuphilologische Mitteilungen, 1907, p. 33.
(4) E. Bechmann, Zeitsrhr. f. rom. Phil., X11I, p. 38.
(5) P. Meyer, Rom., XV, p. 309.
(6) Tome XVII du Catalogue général des manuscrits des bibliothè-
ques publiques de France (1891).
(7) Avec l'aimable secours de M. Capelle, bibliothécaire de Cambrai.
(8) Die romani schen Marienklagen, Halle a. S. 1893, p. 5 et 64 suiv.
(9) Voy. A. Jeanroy, Romania, XXIII, p. 576, et P. Meyer, Bull, de
la Soc. des anc. textes, 1901, p. 68.
BIBLIOGRAPHIE DES PLAINTES DE LA VIERGE. 65
disposition : dans les huit couplets de la Plainte, la Vierge
s'adresse tour à tour à Dieu, à Jésus, au Saint-Esjprit, à
saint Jean, à Gabriel, à la croix, aux Juifs, au peuple.
Cette disposition, qui ne se rencontre, à ma connaissance,
dans aucune autre plainte romane, s'accorde pourtant bien
avec le caractère des Plaintes. Ainsi, par exemple dans la
Plainte provençale imprimée par M. W. Mushacke (1). qui
esl calquée sur le Tractatus de plançtuMariae, on a obtenu
une disposition à peu près analogue par l'addition de ru-
briques comme celles-ci : Beata Maria conqueritur de
Judeis crucifigentibus Christian. — Conqueritur beata
Maria de moite interficiente Christum. — ■ Beala M<iri<i
conqueritur de filio quia non moritur cum ipso. -- Quo-
modo comendavit Christus' matrem suam Johanni, etc.
Dans la présente Plainte, d'ailleurs, la disposition primi-
tive n'est soin eut maintenue qu'avec effort. Ainsi la stro-
phe Y pourrait être adressée à n'importe qui aussi bien
qu'à Gabriel : on n'y trouve aucune allusion à l'Annon-
ciation, ni aucune mention qui justifierait l'adresse mise
en tète de cette strophe.
Le manuscrit n° 812 (anciennement 719) de la Biblio-
thèque de Cambrai, a été exécuté au début du XVe siècle.
Il contient entre autres une des six copies connues (B3)
de la Vie de saint Grégoire en octosyllabes (2). Notre
poème occupe exactement les quatre colonnes d'un feuil-
let (3). Les feuillets de ce manuscrit ne sont pas numé-
rotés. La Plainte se trouve entre un DU de l'abre et une
Vie de Griselidis. Le poème que j'imprime ci-dessus a
évidemment été composé en pays picard, à une date qui
ne doit pas être de beaucoup antérieure h l'exécution de
l'unique manuscrit qui nous l'a conservé.
(1, Aitprovenzatisrhe Maiienklage, Halle a. S. 1890.
(2) Voy. P. Meyer, Hist. Utt., t. XXXIII, p. 352.
(3) Si M. Molinier (p. 300) dit qu'il occupe quatre colonnes el demie,
c'est parce que les folios voisins contiennent des vides.
66 BIBLIOGRAPHIE DES PLAINTES DE LA VIERGE.
('lui aprez s'ensieuent lez regrès que nostre dame fist
quant nostre sires Jhesui / isi rechupl mort et pacion en
l'abre de le crois pour humaine lignie, au jour du ven-
redy muet.
Premiers, adrechant a Dieu le père :
Pères, qui au ciel lais demeure,
Je te pri, vois couinent labeure
Ton 01 en paine et trel a mort.
Ses corps est plus noirs c'une meure ;
5 En luv nient de sanc ne demeure,
Contreval queurt et descent fort.
Ly Juis par commun acort
Sans consel Font jugiet a mort.
J'ay bien cause dont se je pleure
10 Et moustre moult grief desconfort.
He mors, me viens a reconfort !
Plus ne veul vivre jour ne heure.
Adrechant a Jhesucrist, son benoil fil :
Doulx lieux, veuilles a moy entendre.
Tes tourmens me font le cuer fendre ;
1") Ne puis parler a plus hault ton.
Ta char voy en crois fourestendre,
lez ners derompre et ta char fendre
Et ton sanc courre a grant randon.
E las, [/° 6] c'est povre gueredon,
20
Mais de riens ne te puis deffendre.
Seulement te requier ung don :
Laisse me en crois avec ty pendre.
Adrechant au saint esprit :
'S> Sains esperis, plains de douchour,
Mon las cuer rempli de dolour
BIBLIOGRAPHIE \W.< PLAINTES 1>K LA VIERGE. 67
Par amours te pri, reconforte.
Tu os chieux qui nourris la Qour
Dont ly t'ruis pont a deshonnour
30 lui crois, qui le soustienl <i porte.
Bien voy que nul/, ne le conforte :
A trois claux penl cl la supporte
Son povre corps mal sans coulour.
C'est ce que trop me desconforte.
3-") Mes désirs est que fusse morte
Plus ne puis vivre en te] langour.
Adrechant a saint Jehan l'evangeliste :
Doulx amis Jehans tresloiaulx,
Mes tourmens est tous jours nouviaux
(tuant je voy et bien considère
40 Mon fil, qui est plus doulx qû'agniaux,
Ainsy pener, pendre a trois claux
Et morir de mort tresamere
Qu'a ly paine ne se compère.
De cuer m'en plains à Dieu le père.
45 Sur luy a tant plaies et traux.
Le mort trop acale et compère.
Bien me doy clamer lasse mère,
v° a) Quant par plaies voy ses boiaux.
A Gabriel :
0 Gabriel, quant je remire
50 Le tourment et le grief martire
Que je vois mon enfant souffrir,
Tant m'est grief que ne puis mot dire.
Son corps voy qui toujours empire,
Sa faiche voy taindre et pâlir,
55 Ses membres n'ay de quoy couvrir,
Ses doulx yeux plus ne puet ouvrir ;
Dont a y bien cause se soupire.
Nul jour que cestuy ne veul vir,
Car vivre m'est a desplaisir.
60 Mors, vieng à moy, je te désire.
68 BIBLIOGRAPHIE DES PLAINTES DE LA VIERGE
A le crois :
0 croix, veuilliés ;i moy entendre.
Bien ay cause de vous rependre
Par dolour, (|iii trop fort me nuit.
Le cuer me fais partir et fendre
65 Quant voj ;i ty tenir et pendre
Le précieux el digne fruit
Quy me dounoit joye et déduit.
Tu l'a[s] prins sans mon sauf conduit :
Par raison dont le nie doibz rendre.
70 Or fay que l'aye encore anuit
Et en fay vers moy bon acuit,
Ou se non, mors me veulle prendre.
Aux Juis :
0 Juis, grans est vos orghieux,
v° h] Quant par vous trait a mort mon fieulx,
75 La quelle mort n'a deservie.
Il est vrais hons mortel et Dieux
Et en propre personne chieux
Par qui créature est en vie.
Ma substance m'avés ravie :
80 Morir le faites par envie,
Combien qu'il vous l'ust doulx et pieux.
Tant grief m'est que près ne dévie
Par dolour dont je suis remplie,
S'en désire mort pour le mieulx.
Aux pécheurs :
85 0 pécheurs, bien devés sentir
Coument pour vous il faut morir
Mon chier fil de mort dolereuse.
Approchiés vous, venés le vir :
Son sanc voy de tous lés yssir
90 Pour racater de mort crueuse
La créature ténébreuse.
BIBLIOGRAPHIE DES PLAINTES DE LA VIERGE 69
Vés ^«>n corps, sa char précieuse
Tretoute de son sanc couvrir.
Che m'est bien cose mervilleuse
95 Qu'a créature tant piteuse
On t'ait tel inarlire souffrir.
haine, royne glorieuse,
Vo (il. qui fut si grief martir,
Requerés par voix amoureuse
100 Qu'a son rengne puissons partir.
Amen.
Artur Langfors.
LES IMITATIONS DE R. GARN1ER
DANS SA TRAGÉDIE DES « JUIVES» (1)
L'héritage de l'esprit des Anciens Mystères a été re-
cueilli à ta Renaissance par les tragédies rcligeuses ;
mais, dans ces tragédies, œuvres d'humanistes, l'inspira-
'ion biblique n'esl guère pure, les souvenirs classiques
se mêlent aux souvenirs bibliques. Parfois même, ces
pièces n'ont plus rien de commun avec la Bible : elles
sont bibliques par le titre, le nom des personnages, le
sujet, mais l'imitation des auteurs de l'antiquité classique
s'y étale largement.
< l'est le cas des Juives, « l'Athalie du XVIe siècle ». Le
sujet de la pièce : Xabuchodonosor punissant Sédécias,
roi de Jérusalem, son vassal révolté contre lui, en met-
tant à mort ses enfants et en lui crevant les yeux avant
de remmener en captivité à Babylone, — est tiré de la
Bible; les personnages juifs, Sédécias, Sarrée, Amital,
ont de beaux accents religieux: la reine elle-même, femme
de Xabucbodonosor, parle de Dieu avec une crainte res-
pectueuse, mais il n'en faut pas conclure que l'inspira-
lion biblique de la pièce soit bien profonde. L'imitation
îles Livres Saints y est à peine sensible.
I
Les imitations de la Bible
Un peut retrouver dans le style de la pièce nu certain
nombre d'expressions bibliques.
(1) Voir Bernage. Robert Garnier. Thèse, 1880. — Kahnt. Gedankenkreis
der Sentenzen in Jodell's und Garnier's. Tragodie und Seneca's Einfluss auf
demselben. Inaugural Dissertation. Marburg; 1885.— Rigal. dans : Histoire de la
langue et de la littérature française, publiée sous la direction de Petit de
Julleville. Paris, 1897. Tome III, ch. VI.
LES IMITATIONS DE R. GARNIER 71
Dieu est 1" « Eternel » (1), — le « Dieu du ciel » (2), —
le « Dieu vivant » (3), — le « Dieu vengeur » (4), — le
« Dieu jaloux » (5). — C'est lui qui « a fait le ciel et la
terre » (6). — Sévère pour son peuple, il « punit les
enfants pour les péchés des parents » (7). — Le crime
des Juifs est d'avoir sacrifié sur « les hauts-lieux » (8),
d'avoir « laissé sa voie » (9); punis de leurs crimes, ils
supplient Dieu de « retirer sa verge » (10), symbole de
la vengeance.
Mais toutes ces expressions sont passées, dès le moyen
âge, dans l'usage ordinaire de la langue (11). Garnier a pu
ne pas les emprunter directement à la Bible.
D'autres, sans doute, ne se trouvaient pas encore dans
le courant de la langue : reprenant quelques-unes des ex-
presions de l'anthropomorphisme biblique, Garnier parle
de la dure main de Dieu » (12). - - Dieu « étend son
bras » (13) pour la punition; — il « voit du ciel ce qui se
passe sur la terre » (14), — il « se souvient de son peu-
ple » (15), qu'il a tiré « à main puissante » (16) de la
servitude, « arrachant le fardeau de son dos » (17) .
Les Juifs ont abandonné leur Dieu pour sacrifier à la
(1) Juives, v. 857, 991, 1141.
(2) Juives, v. 391, cf. 323.
(3) V. 84.
(4) V. 1845.
(5) V. 85, 1743.
(6) V. 85, 1392.
(7) V. 2084.
(8) V. 71.
(9) V. 1327.
(10) V. 531.
(11) Voir : Trénei.. Ancien Testament et langue française du moyen-âge
(vme-xve s.) Thèse Paris, 1904.
(12) Juives, v. 6. Cf. Quoniam est dura manus ejus super nos. I Samuel V. 7
(Les citations de la Bible sont faites d"aprôs la Vulgate).
(13) Juives, v. 362. Cf. ...extendam manum meam superte, Jérémie XV, 4.
(14) Juives, v. 2053. Cf. De coelo respexit Dominus. Psaume XXXII, 13.
(15) Juives, v. 1207. Cf. Dominus memor fuit nostri. Ps. CXIII. 12. Cf. Ps.
CXXXV, 23.
(16) Juives, v. 327. Cf. Qui eduxit Israël de medio eorum... in manu potenti.
Ps. CXXXV. 11.
(17) Juives, v. 27. Divertit ab oneribus dorsum ejus. Psaume LXXX. 7.
7? I ES IMITATIONS DE H. GARNI1 R
« Reine des cieux » (1): adoranl le veau d'or, ils ont, à
leur sortie d'Egypte, sacrifié des « holocaustes pacifi-
ques » (2).
Amital reconnaîl que le peuple juif a « provoqué la
colère de Dieu » (3), — elle supplie Dieu tout puissant
sur les volontés «les « rois de la terre » (4), de faire
miséricorde aux « restes de Juda » (5), ;'i la « semence
d'Isaac » (6).
Le chœur, abandonnant sa patrie, fait ses adieux à la
« terre ondoyante de miel » (7).
Ces expressions donnent au style de Garnier une cou-
leur biblique, qui cependant ne doit pas faire illusion :
la liste de ces expressions n'est pas très longue, et, si
Garnier, qui aime et recherche les allianees de mots
hardies, les expressions poétiques, avait eu un contact
direct et durable avec la Bible, il n'aurait pas manqué
d'en voir surgir bien davantage dans sa mémoire et d'en
laisser passer beaucoup d'autres dans son style.
Les comparaisons d'origine biblique ne manquent pas
non plus dans la tragédie des Juives : Sarrée, voulant
exprimer de façon saisissante la faiblesse des rois en face
de la puissance de Dieu la compare à la faiblesse du
roseau qui plie sous le vent :
Ces royales grandeurs dont on fait tant d'estat.
Luy sont comme un roseau de qui le vent s1 esbal (8).
Dans la Bible, le coupable esl secoué par la main de
Dieu comme un roseau sur les eaux : « ... El percutiet
(1) Juives, v. 72. Mulieres conspergunt adipem ut faciant placentas Reginae
coeli... Jérémie VII, 18. Cf. Jér. XLIV, 17.
(2) Juives, v. 353. Surgentesque mane obtulerunt holocausta et hostias paci-
ficas... Exode XXXII, r>.
(3) Juives, v. 688. Quia me ad iracundiam provoea vit. Jérémie IV, 17.
(4) Juives, v. 1142. Omnes reges Terrae. I Rois X, 23.
(5) Juives, v. 1136. Cf. Jérémie XXXI, 7. XLI, 2.
(6) Juives, v. 559, 1712. Semen Abraham, servi ejus... Ps. CIV. G.
(7) Juives, v. 822. Terram fluentem lacté et melle. Exode XXIII, 3. Cf. Nombres
XIV, 8, Deutéron. XI, 9.
(8) Juives, V. 1317.
LES IMITATIONS DE R. GARNIER 73
Doininus Deus Israël sicul moueri solet arundo in
ili/WI... » (1).
Le Prophète rappelle à Dieu les bienfaits <|ii'il a déjà
accordés à son peuple; il L'a conduit à travers les déserts,
Prenant de son salut sollicitude telle
Qu'on a de conserver de ses yeux la prunelle Cl).
C'est la comparaison même du récit de la lïiMe : « lin-
minus... cuslodivit l'uni quasi pupillam oculi siti » (3). La
pupille est devenue La prunelle «les yeux, dans Garnier,
mais la comparaison esl appliquée au même événemenl
de l'histoire juive.
Les Assyriens se sonl jetés sur Jérusalem avec la même
rage qui anime les loups à la vue d'un troupeau sans
défense :
Comme l'on voit les débiles moulons
Sans le pasteur courus des loups gloutons (4).
Ezéchiel compare les ennemis à oies loups ravisseurs :
« ... Quasi lupi rapientes praedam... » (5).
La principale promesse faite par Dieu aux patriarches,
à Abraham, à Isaac, à Jacob, est celle (Tune nombreuse
postérité :
... tu as promis des terres étrangères
Avec postérité qui s'escroitre devait
Comme un sable infini quaux rivages on voit (6).
Dieu, dans la Genèse, promet à Abraham une postérité
aussi grande que les sables qui s'étendent au bord de la
mer : « Mulliplicabo semen tuum sicul stellas cœli et velut
arenam quae est in littore maris >» (7).
(1) III. Rois XIV, 15.
(2) Juives, v. 31.
(3) Deutéronome XXXII, 10. Cf. Psaume, XVI, 8. Proverbes de Salomon VII, 2.
(4) Juives, v. 497.
(5) Ezéchiel XXII, 27.
(6) Juives, v. 15.
(7) Genèse XXII, 17. Cf. Exode XXXII, 13.
74 LES IMITATIONS DE R. GARNIER
A mitai, voulant dire combien sont innombrables les
maux qui « guerroyent », le peuple juif s'écrie :
Celuy pourrait nombrer les célestes flambeaux.
Les sables qui légers dans l'Arabie ondoyent
Qui pourrait raconter les maux qui nous guerroyent (1).
On reconnaît là une façon de parler toute biblique,
encore que Garnier l'ait développée : « Sicut enumerari
non possuni stellae coeli et metiri menu maris... » (2).
Mais ces comparaisons ne prouvent pas davantage une
influence directe de la Bible sur l'œuvre de Garnier; la
plupart étaient devenues banales déjà à son époque (3),
emportées depuis longtemps dans le torrent de la langue;
elles ne manifestent pas des emprunts directs de l'écrivain
aux Livres Saints.
On en pourrait dire autant de ce proverbe de Salomon :
« Sicut divisiones aquarum, ita cor régis in manu Domini,
quoeumque volucril, inclinabii illud » (4), ainsi traduit
par Garnier :
Supplie à l'Eternel qui les courages meut
Des grands Rois de la Terre à faire ce qu'il veut (5)
ou de cette comparaison avec les cèdres du Liban :
Comme un mont élevé sur les petits cousteaux
Ou un cèdre au Liban sur les arbres moins hauts (6).
Une seule fois Garnier a traduit un passage un peu
étendu de la Bible; le prophète, dans son monologue,
parlant du Dieu que le peuple juif a adoré, oubliant le
vrai Dieu, en fait cette description que termine une véhé-
mente imprécation contre los adorateurs d'un tel Dieu :
(t) Juives, v. 45"? sq.
(2) Jérémie, XXX, 22.
(3) Cf. Trénel, op. cit.
(4) Prov. Salomon, XXI, i.
(5) Juives, v. 1141.
(6) Juives, v. 1650.
LES IMITATIONS DE R. 'GARNIF.R 75
Il a des yeux toutefois ne voit goût In.
Des oreilles il a, toutefois il n'écoute,
On lui voit une bouche et ne saurait parler.
Il a double narine et ne respire l'air.
Ses mains sans maniment demeurent inutiles
Et ses pieds sans marcher sont plantez immobiles
Semblables soyent ceux-là qui tels Dieux vont suivant,
Au lieu de l'Eternel (1).
Simulachra genlium argentum et aurum; opéra manuum hominum — os
habent et non loquentur, oculos hahent et non vidébunt; — aurrs hobrnt ri non
audient, nares habent ri non odorabunt; monus habent et non palpabunt; pedes
habent et non ambulahunt ; non clamalm ni in gutture suo. — Similes Mis fiant
qui faciunt ra et onmes qui ronfidunt ris... (2)
Ces versets si connus du psaume ('Mil, chantés par
l'Eglise catholique dans ses offices, sont exactement re-
produits.
La vigoureuse apostrophe du prophète à son Dieu :
Jusqurs à quand Seigneur rpandras-tu Ion ire? (3)
est un souvenir des appels souvent jetés par le Psalmiste,
au milieu des maux qui l'accablent :
Usque quo. Domine, irascerisin jinein..? (\)
Il n'y a pas. dans les diverses scènes de la pièces, d'au-
tres imitations nettement caractérisées de la Bible. Une
occasion cependant étail offerte à Garnier quand il plaçait
ta la fin de sa pièce uno prophétie annonçant la punition
de Nabuchodonosor, la ruine de son empire, de sa capitale
Babylone cl l'avènement d'un roi (dément. Cyrus, qui
laissera les Juifs reprendre le chemin de leur pairie. Les
prophéties sut- la ruine de Babylone ne manquent pas
dans la Bible; on chercherait en vain dans la dernière
scène des Juives les imitations de l'une d'elles. Garnier
n'imite pas celle de Xahuni, connue l'a cru \1. Darmeste-
(1) Juives, v. 76.
(2) Psaume 113 bis, verset 4, passinr
(3) Juives, v. 1.
(4) Psaume LXXVIII, v. 5. Cf. Ps. LXXXVIIT, ','. Jérémie. X, 25.
70 LES IMITATIONS DE R. GARNIER
1er (I), il n'a pas même dans la mémoire celle de Jéré-
mie (2), ilans laquelle se déploie l'éloquence si magnifi-
que et si riche en métaphores du prophète : une seule
expression pittoresque, désignant l'endroit d'où partira
l'invasion devant s'abattre sur la ville idolâtre, appartient
à la langue de la Bible :
f 'omrne foudres je voy les peuples <T Aquilon... (3)
Ecce populus cenit ab Aquilone... (4)
L'imitation de la Bible n'est guère plus sensible dans
les chœurs de la tragédie : un seul chœur (acte III) doit
quelque chose à la Bible; on y retrouve un souvenir des
versets du psaume GXXXVI : « Super flumina Babylo-
nis... » Le psaume vante la réponse indignée que les
Juives prisonnières à Babylone firent aux vainqueurs qui
leur avaient demandé des chants. Gantier, préoccupé de
rattacher le chœur à la scène précédente, s'inspire très
librement du psaume. Confiantes dans les promesses de
Nabuchodonosor, ses Juives n'ont pas le ton enflammé
des Juives de la Bible : leur chœur, sans vivacité et sans
énergie, est une élégie un peu languissante et froide,
tournant à l'amplification et au développement abstrait et
général. L'imitation n'est sensible que dans le serment
solennel :
\os enfants nous soien* désormais Nostre langue tienne au gosier
En oubliance Et nostre dexlre
Si de toy nous perdons jamais Pour les instruments manier
La souvenance. Ne soit adextre (5)
« Si oblitus fuero lui Jérusalem, oblivionidetur dextera
mea.
» Adhaerat lingua mea faucibus meis, si non meminero
tui, si non proposuero Jérusalem, in principio laetitiae
meae... » (6).
(1) Darmesteter. Morceaux choisis du xvic s. Lib. Delagrave, p. 350, n. 18.
(2) Jérémie, LI.
(3) Juives, v. 2133.
(4» Jérémie, LI.41.
(5) Juiv, v. 1265 sq.
(6) Psaume CXXXVI, 5 sq.
LES IMITATIONS DE R. GARNIER 77
Ainsi, trop peu nombreuses et trop peu caractéristiques
sont ces imitations pour permettre de conclure à une in-
fluence réelle de la Bible sur la tragédie des Juives
Sans doute Garnier renvoie à la Bible pour le récit des
événements dont il a composé >;i tragédie (1), mais
c'est dans Josèphe qu'il a lu l'histoire traditionnelle juive
dont sa tragédie prouve une connaissance sérieuse. Il
n'a guère lu la Bible, il ne l'a pas lue comme un d'Aubigné
ou un Racine; du fleuve si large et si mêlé de la poésie
biblique, un filet plus fort eût coulé dans ses vers; son style
si plein d'images, de métaphores, de comparaisons eût t'ait
des emprunts beaucoup plus considérables aux images
tantôt familières, tantôt grandioses, aux métaphores vi-
vantes et pittoresques de la Bible. Il en eût reproduit
d'instinct, comme Racine (2), le rythme si original : le
parallélisme De la Bible encore, on retrouverait, dans
ses vers, quelques-unes des alliances de mots hardies.
Aussi, faut-il reconnaître qu'il « convient de ne parler
de l'inspiration biblique, chez Garnier, qu'avec de très
grandes réserves » (3).
II
Les imitations de Sénèque
Plus profonde et plus facile à marquer est l'influence
du théâtre de Sénèque sur la tragédie des Juives. Scévole
de Sainte-Marthe nous a laissé le témoignage de l'admira-
tion de Garnier pour les pièces du tragique latin : « Com-
me la façon d'écrire de Sénèque semblait à Garnier plus
juste et. plus réglée que celle des Grecs, il tâcha d'imiter
cet excellent auteur, en quoi il réussit parfaitement » (4).
Même dans les Juives, où il traitait un sujet religieux,
Garnier ne se détache pas de son modèle; il l'imite dans
le plan, il l'imite dans les détails.
(1) Voir Argument de la pièce. Edit. Foerster, p. 481.
(2) Voir Delfour. I,a Bible dans Racine Leroux, 1891.
(3) Delfour. Op. cit. Introduct. p. xix.
( i) Cité par Rigal dans Histoire de la langue et la littér. franç. publiée sou"? la
direction de M. Petit de Julleviile, t. III, ch. VI, p. 289.
78 LES IMITATIONS DE R. GARNIER
Les imitations dans le plan
La ruine de Jérusalem lui rappelle la triste chute de
Troie, la riche capitale de V Vsie, « l'ouvrage de la main
des Dieux » (1), mise sur la scène par Euripide dans les
Troyennes et dans Hécube, puis par Sénèque dans les
Troyennes. Garnier, avait dons sa Troade, fondu les trois
pièces (2); dans Les Juives, il ne remonte plus à Euripide,
il s'arrête à Sénèque. Au début de la pièce latine, les
femmes troyennes, prisonnières des Grecs, attendent sur
le rivage de leur patrie que les vainqueurs aient décidé
de leur sort. Le partage des captives terminé, les vents
favorables au départ pour la Grèce refusent de souffler :
les mânes d'Achille réclament leur part de butin; pour
les apaiser, on sacrifie Polyxène sur la tombe du héros;
puis, les Grecs, craignant qu'Astyanax, le fils d'Hector,
ne venge un jour son père et sa patrie, l'arrachent à sa
mère pour le faire mourir : la pièce est une succession
de tableaux lamentables montrant la fortune qui s'acharne
contre des malheureuses.
Reblatha, où est placée la scène des Juives, se trouve
sur le chemin de l'exil une étape pour les survivants du
siège de Jérusalem, comme le rivage troyen pour les
femmes troyennes. Les enfants de Sédécias sont mis à
mort par Nabuchodonosor, le vainqueur, comme Astya-
nax par les Grecs. Il n'en faut pas davantage pour que
Garnier puisse tirer parti du plan de Sénèque.
Le chœur de la pièce de Garnier sera composé de
femmes juives, de même que chez Sénèque il est formé
de Troyennes; et, de ce chœur, la pièce prendra son nom.
Amital, la mère de Sédécias, la grand-mère des jeunes
victimes, à peine nommée dans la Bible et dans Josèphe,
aura un rôle important, tout semblable à celui d'Hécube,
la grand'mère d'Astyanax, survivant à son mari et à ses
enfants : elle mènera, elle aussi, le chœur des plaintes
qui rempliront la pièce. Veuve de Josias, comme Hécube
veuve de Priam, elle pleurera les malheurs qui sont venus
(1) Sénèque. Troyennes, v. 7. "•
(2) Faguet. La tragédie française au xvip siècle. Thèse, p. 201.
LES IMITATIONS DE R. GARNIF.R 79
l'accabler au cours de sa longue existence, et le chœur
des Juives mêlera ses larmes à celles <le la vieille reine :
la scène II de l'acte II des Juives reproduit la disposition
même des scènes I et il de l'acte II des Troyennes.
Il y a dans Sénèque une scène où Ulysse vient réclamer
à Andromaque son fils, qu'il doit, conduire au supplice
(acte III, se. I): de même, dans les Juives, le Prévost est
chargé d'amener à \ahuchodonosor les enfants de Sédé-
cias; il vient les demander à leurs mères (acte IV, se. III).
Au dernier acte des Juives, le récit du châtiment de
Sédécias et de la mort de ses enfants est fait devant
Amital et les reines ses brus; la grand'mère est auprès
des mères infortunées que la cruauté de Nabuchodonosor
vient de priver de leurs enfants; elle joint ses plaintes
aux leurs (acte V. se. I): Hécube, elle aussi, assistait, à
l'acte V des Troyennes, au récit de la mort d'Astyanax, et
se lamentait avec Andromaque, sa bru.
De plus, si Garnier imagine le personnage collectif des
reines, sans analogue dans aucune tragédie antérieure aux
Juives, c'est parce qu'il veut donner, clans sa pièce, un
rôle aux mères des victimes, comme, dans les Troyennes,
Sénèque a donné un rôle à Andromaque, la mère d'Astya-
nax. Comme Josèphe parle des « femmes » de Sédé-
cias (1), Garnier, voulant à la fois être fidèle à l'histoire
et suivre la marche des Troyennes, ne recule pas devant
la hardiesse d'introduire un personnage de ce genre, dont
il restreint d'ailleurs le rôle, semblant en sentir toute la
difficulté.
Il y a donc bien des analogies entre les Troyennes de
Sénèque et les Juives de Garnier, et ce ne sont pas des
analogies fortuites, amenées par la ressemblance de deux
situations empruntées à des histoires différentes; elles
sont voulues et pleinement conscientes. Garnier, ne trou-
vant dans ses sources, surtout dans la Bible, l'indication
d'aucune scène, a calqué son plan sur celui de la pièce de
Sénèque jalonnant de scènes empruntées aux Troyennes la
(1) Josèphe. Antiquités judaïques. « ... ô 2>j8>;zt«î b &<x<ti\vjç. napa-
).a?tôv ràç •yvvaîxaç v.ai ~x ts'xvx y.o.l... yivyti ynr àurwv. » Bdit. Dindorf.
p. 380.
80 LES IMITATIONS DE R. GARNIER
roule parcourue par l'action des Juives : elles sont comme
l'armature de sa pièce; toute son originalité a consisté à
les transformer légèrement el à remplir les intervalles
par des scènes de son invention, variantes parfois de ces
scènes principales.
M. Bernage (1) dit avec raison : « Dans cotte peinture
de la ruine et de la captivité d'un peuple, les Troyennes
n'ont pas été oubliées »: mais M. Bernage a tort de ne
pas préciser davantage ce que le plan dos Juives doit aux
Troyennes; il semble n'attribuer qu'une influence tout à
l'ail secondaire à cette pièce sur 1rs Juives : c'est colin
influence au contraire qui doit être mise au premier plan.
accentuée qu'elle est par de nombreuses imitai ions de
détail que nous aurons à relever; le cadre de la pièce,
quelques scènes des plus importantes, ce sont là dos
emprunts considérables.
D'ailleurs, les Troyennes sont à peu près la seule pièce
de Sénèque qui ait eu une réelle influence sur les Juives.
11 y a bien encore, à la première scène de l'acte II des
Juives, un débat entre le roi d'Assyrie et son lieutenanl
Nabuzardan, débat à moitié politique, à moitié moral :
Nabuzardan essaie de détourner Nabuchodonosor de met-
tre à mort son vassal rebelle. M. Bernage y voit une
imitation de la scène d'Octavie (acte II, se. I), entre
Sénèque et Aéron, et croit retrouver, dans le langage
de Nabuzardan, des souvenirs du langage de Sénèque (2).
Rien n'appelle ce rapprochement : il est plus exact de
dire que Garnier ouvre le deuxième acte de sa tragédie
de la même façon que Sénèque ouvre dans toutes ses piè-
ces son deuxième acte. Il y fait paraître le personnage
principal, celui qui provoque la catastrophe; ce personna-
ge, Atrée, Médée, Clytcmnestre, Déjanire ou Néron, ex-
pose ses sinistres projets que combat un personnage de
second ordre, qui, parfois, après cette scène, ne reparaît
pins dans la pièce. Le procédé est toujours le même :
son utilité esl de taire connaître, par un dialogue, le
personnage principal, et ses projets dont le dénouement
(1) Bernage. Robert Garnier, p. 110.
(2) Bernage. Robert Garnier, p. 110.
LES IMITATIONS DE li . GARNIER 81
sera l'exécution. Garnier n'a Lui que modifier un peu
l'usage de Sénèque : dans celte scène. Nabuchodonosor
n'a pas encore imaginé le supplice qui sera le dénoue-
ment; ses dispositions changeronl au cours de la pièce;
du moins, celle scène n'esl pas une imitation d'une scène
d'Octavie plutôl que de telle autre scène correspondante
des tragédies de Sénèque.
11 n'esl pas exact non plus que, dans le plan, Thyeste
ait élé « mis largement à contribution » (1) |>;ir Garnier.
Les rapprochements entre les deux pièces ne s'imposent
pas : aucune scène du Thyeste n'a pu inspirer une scène
des Juives, bien que les situations, dans l'une et l'autre
pièce, ne soient pas sans analogie.
C'est aux Troyennes de Sénèque qu'il faut reporter le
véritable modèle des Juives: il n'y a pas, dans celte tra-
gédie de Garnier, contamination de l'action de plusieurs
pièces de Sénèque;. il n'y a pas non plus emprunts de
toutes parts aux pièces du tragique latin. Le plan esl
construit sur le plan des Troyennes, et la marche <ïu
drame est à peu près la même, d'autant plus que, lorsque
Garnier emprunte une scène, il lui donne dans sa pièce
la place correspondante à celle qu'elle avait dans les
Troyennes.
Imitations de détail
Mais si le plan des Troyennes a eu seul quelque in-
fluence sur le plan des Juives, dans le détail, nombreux
sont les souvenirs des tragédies de Sénèque, prises clans
leur ensemble.
Ce qui frappe d'abord Garnier dans Sénèque,
c'est l'éclat et le pittoresque des comparaisons qui abon-
dent chez le tragique latin : elles sont sans cesse pré-
sentes à sa mémoire, et il sait les glisser dans sa pièce
aussitôt que l'occasion s'en présente (2).
(1) Bernage, Robert Garnier, p. 110.
(2) Voir dans Bohm. Beitrâge zûr Kenntinniss des EinflûssesSeneca'saùf die
1552-1562 erschienen f ranz< >sischen Tragédien, l'histoire du texte de Sénèque. Le
xvie siècle n'a connu que la famille des mss. interpolés dont les leçons sont dési-
gnées par la lettre A dans l'édition Leo(Weidmann. Berlin 1879) d'après laquelle
je cite le texte de Sénèque.
82 LES IMITATIONS DE R. GARNIER
Urée, à la vue de son frère, qui, sans méfiance, vient
se livrer à lui avec ses enfants, peu! ;i peine retenir sa
joie et dissimuler la naine qu'il garde au fond de son
cœur contre le criminel. Son frère à sa merci, c'est la
bête sauvage tombée dans les filets du chasseur avec ses
petits :
Plagis tenctur clusa dispositis fera,
Et ipsum et una generis invisi indolem
Junctam parenti cerno. Jam tutoin loco
Versantur odia. Venit in nostras manus
Tandem Thyestes, venit et totus quidem... (1)
Avec la même comparaison empruntée au langage de
la chasse, NabuchodonOsor peint sa joie de voir Sédécias
et ses entants prisonniers :
Je le tiens, le le tiens, je tiens la beste prise,
Je jouis maintenant du plaisir de ma prise,
J'ay chassé de tel heur que rien n'est eschappé.
J'ay lesse et marquaoins ensemble enveloppé... (2).
Mais, l'élan donné à son imagination, Garnier ne s'ar-
rête plus; il poursuit sa comparaison et la complète : il
loue les précautions des veneurs, leur ardeur a s'emparer
de la bête, et tel le chasseur rentré d'une véritable expé-
dition, Xabuchodonosor continue :
IjC cerne fut bien fait, les toiles bien tendues
Et bien avaient été les bauges reconnues... (3).
Hippolyte, resté sourd aux sollicitations de la nourrice
de Phèdre, qui essayait de l'attendrir et de le convertir
à l'amour, est comparé par celle-ci à un roc défiant les
attaques des flots :
Ut dura cautes undique intractabilis
Resistit undis et lacessentes aquas
Longe remittit, verba sic spernit mea... (4).
(1) Thyeste, v. 491 sq.
(2) Juives, v. 887 sq.
(3) Juives, v. 891.
(4) Phèdres, v. 580.
LES IMITATIONS DE R. GARNIER 83
Lorsqu'il veut exprimer à Sédécias l'inutilité de toute
prière. Nabuchodonosor compare son cœur, que ni les
larmes, ni les supplications ne peuvent émouvoir, a un
roc entouré par les flots de la mer, battu sans trêve, mais
jamais entamé :
Je suis comme un rocher élevé sur la mer
Que les ilôts ni les vents ne peuvent entamer.
On pourrait escrouler plustost la terre toute
Que de me démouvoir d'une chose résoute (1 ).
Une autre comparaison empruntée à la mer est relie
d'OEdipe. pour qui les royautés, exposées sans cesse aux
coups de la Fortune, ressemblent à des rochers frappés
sans arrêt, par les eaux de la mer :
Ut alta ventos semper excipiunt juga
Rupemque saxis vasta dirimentem fréta
Quamvis quieti, verberant fluctus maris :
Imperia sic excelsa Fortunae objacent (2).
Le chœur des Juives a une comparaison, à peine diffé-
rente pour exprimer la mobilité de la fortune; ses présents
volages
... ne s'arrestent non plus
Que l'Océan qui mouille ses rivages
De flus et de reflus (3).
Un combat terrible se livre dans le cœur de Médée, qui
flotte irrésolue entre son amour pour ses enfants et sa
haine pour son mari; son cœur est agité comme une mer
dont les flots sont soulevés par la tempête :
Ut saeva rapidi bella quum venti gerunt
Utrinque fluctus maria discordes agunt
Dubiumque pelagus fervet. Haudaliter meum
Cor fluctuatur... (4).
(1) Juive, v. 1473.
(2) Œdipe, v. 8.
(3) Juives, v. 1769.
(4) Médée, v. 940.
84 LES IMITATIONS DF. R. GARNIER
Garnier, transformani légèremeni la comparaison, l'ap-
plique à la description de la douleur de Sédécias; ses
sanglots se succèdent avec la même rapidité que les va-
gues d'une mer en furie :
Luy ayant, le parler arresté de sanglots
S'entrepoussant l'un l'autre aussi dru que les flots
D'une mer courroucée... (1).
Les tyrans, cruels dans Sénèque, sont toujours des lions
ou des tigres; ils dépassenl même ces hèles sauvages en
cruauté :
Vincam saevos
Ante leones tigresque truces
Fera quam saevi corda tyranni (2).
De même. Sédécias s'adressant à Nabuchodonosor, que
rien ne peut fléchir, s'écrie :
Egorge les enfans
développant ta rage
Pire que d'un lion et d'un tygre sauvage! (3).
Les comparaisons avec les bêtes sauvages sont d'ail-
leurs des plus fréquentes dans Sénèque : Médée, possé-
dée de fureur, s'élance de tous côtés, dans son palais,
telle une ligresse parcourant les forêts à la recherche de
ses petits qu'on lui a dérobés :
Hue fert pedes et illuc
Ut tigris orba natis
Cursu furente lustrât
Gangeticum nemus... (4).
Et Sédécias, à la vue de ses enfants qui vont être livrés
au supplice, s'élance vers eux, tout chargé de ses chaînes,
(1) Juives, v. 1925.
(2) Octavie, v. 86.
(3) Juives, v. 1482.
(4) Médée, v. 862.
LES IMITATIONS DE R. GARNIER 85
Hurlant de telle sorte
Qu'une Tygre qui voit ses petits qu'on emporte (1).
Garnier est trappe par les belles maximes aussi bien
que par les comparaisons de Sénèque, niais il ne traduit
guère les maximes de Sénèque : il préfère les réflexions
un peu banales de ses personnages, et leur donne un tour
sentencieux qu'elles n'ont pas toujours cbez le poète latin:
Nostre mal ne descroit pour nous en estre plains
Où le remède faut, rien ne sert de se plaindre (2).
Phèdre reçoit, dans Sénèque, de sa nourrice, ces paro-
les de consolation :
Sepone questus : non levât miseros dolor (3).
La grandeur de la catastrophe est ainsi annoncée par
le prophète :
Les pleurs et les soupire sont pour moindres douleurs (4).
On reconnaît le mot d'Andromaque aux Troyennes :
Levia perpessae sumus,
Si flenda patimur. (5).
Après qu'il a l'ait entrevoir à Amital le sort brillant
qui attend les enfants de Sédécias à la cour d'Assyrie,
le prévost conclut sa longue tirade par une maxime :
Quand un bien se présente il ne faut différer (6).
Atrée, voulant décider son frère à accepter une part de
la royauté, exprime la même pensée, sinon en une
maxime, du moins sous une forme générale :
(1) Juives, v. 1915.
(2) Juives, v. 1302.
(3) Hippolyte, 404.
(4) Juives, 1886.
(5) Troyennes, v. 412.
(6) Juives, v. 1658.
8G LES IMITATIONS DE I!. (.ARMER
Quis influentis dona Fortunae abnuit? (H.
La maxime des reines : « Quiconque esl en malheur ne
se peul esgayer » (2) n'esl pas s'en rappeler la maxime de
Thyeste :
Proprium hoc miseras sequitur vitium
Nunquam rébus credere laefis (3).
Par contre, une maxime de Sénèquc perd quelquefois
dans Garnier son lour sentencieux :
— Incertus animus scire quum cupiat, timel (4).
— Je désire scavoir ce que plus je redoute (5).
Le bonheur souhaité par le prévost, qui maudit la vie
des cours :
O qu'heureuX est celuy qui vit tranquillement
En son petit mesnage avec contentement! (6).
est le bonheur rêvé par le (lueur d'Hercule furieux :
Haec, innocuae quibus est vitae
Tranquilla quies et laeta suo
Parvoque domus... (7).
La reine invite son mari à déposer son orgueil et à
craindre le sort :
Plus le sort nous caresse et plus craindre il nous faut,
Car plus il nous élève et plus cherrons de haut (8).
(1) Thyeste, v. 536.
(2) Juives, v. 1726.
(3) Thyeste, v. 938.
(4) Œdipe, v. 209. Cf. Hercule sur l'Œta, 754. Miserias properant suas,
nudire miseri.
(5) Juives, v. 1956.
(6) Juives, v. 1569.
(7) Hemtle furieux, V. 159.
(8) Juives, v. 941.
LF.S IMITATIONS DE R. GARNIER 87
Cette crainte de la Fortune trop souriante à l'homme
açite le chœur des Argiennes dans Agamemnon :
Quidquid in altum Fortuna tulit
Huitura levât (1).
Redoutable dans ses bienfaits, la Fortune vole incons-
tante de l'un à l'autre, incapable de se fixer quelque part :
— Volât ambiguis
Mobilis alis hora, nec ulli
Praestat velox Fortuna fidem (2).
[\eprenan1 la même image, damier l'ail dire à la reine
d'Assyrie, parlant de la Fortune :
Ses instables faveurs volent sur nostre chef
Bien souvent en leur place y laissent du meschef (3).
Mais, ce n'est pas seulement dans les maximes, les
phrases sentencieuses, parfois dans les images que Gar-
nier se souvient de Sénèque; il donne aussi à ses person-
nages les traits de personnages du tragique latin; on croi-
rait souvent entendre1 moins Nabuchodonosor, Amital,
qu'Atrée, Néron ou Hécube.
Hécuhe a prédit depuis hien longtemps, avant Cassan-
dre elle-même, les maux qui sont venus s'abattre sur la
malheureuse ville de Troie :
... quidquid adversi accidit
Quaecumque Phoebas ore lymphato furens
Credi deo vêtante, praedixit mala,
Prior Hecuba vidi gravida, nectacui metus
Et vana vates an te Cassandram fui (4).
Amital a possédé aussi ce don de prévision : avec Je ré-
mie, elle a montré à son fils les souffrances qui devaient
accabler son peuple :
(1) Agamemnon, v. 100.
(2) Hippolyte, v. 1141.
(3) Juives, v. 021.
(4) Troyennes, v. 33.
O» LES IMITATIONS DE R. GARXIER
Je prédis ces malheurs, mais je ne fus point creue,
Ny Jérémie aussi, Jérémie à qui Dieu
Faisait voir les destins du pauvre peuple Hébrieu (1).
Hécube s'accuse d'avoir provoqué le désastre en enfan-
tant Paris, la cause unique de ta guerre entre Grecs et
Troyens :
Non cautusignes Ithacus, aut Ithaci cornes,
Nocturnus in vos sparsit aut fallax Binon
Meus ignis iste est, facibusardetis meis (2).
Amital trouve là un argumenl touchant bien qu'un pou
subtil, pour la défense de son (ils :
Punissez donc son crime en moy qui suis luy-mesme,
Aussi bien suis-je assez punissable, estant celle
Qui, au monde, ay produit ce Roy vostre rebelle (3).
Hécube ne cosse de se plaindre de sa vie trop longue
et d'invoquer la Mort :
Mors votum meum
Infantibus violenta, virginibus venis
Ubieumque properas, saeva, me solam times .
Vitasque (4).
Avec des accents non inoins païens. Amital s'écrie :
Vien Mort, vien Mort heureuse! et ne viendras-tu pas?
Tu cours à tant de gens qui craignent le trespas
Et tu me fuis dolente ? (5).
Non moins emphatiques que les paroles d'Atrée, appa-
raissant sur la scène au Ve acte du Thyeste, sont celles
de Nabuchodonosor faisant son entrée au IIe acte des
Juives :
(i) Juives, v. 1040.
(2) Troyennes, v. 38.
(3) Juives, v. 1100.
(4) Troy-.nnes, v. 1171.
(.') Juives, v. 2009. Cf. V. 384.
LES IMITATIONS DF. R. GARNIES 89
— Pareil aux Dieux je marche (1).
— Aequalis astris gradior et cunctos super
Altum superbo vertice attingens polum.... (2).
Les hésitations du roi d'Assyrie, au [Ve acte des Juives,
n'ont rien d'un véritable combal se livranl dans son cœur;
elles rappellent les hésitations d'Atrée au 11e acte du
Thyeste :
Que je fusse en mon cœur si lâche et si remis,
Si faible de courage envers mes ennemis
Demeurant sans vengeance et trahissant la gloire
Et le fruit doucereux d'une telle victoire (3)
Ignave, iners, enervis et quod maximum
Probrum tyranno rébus in summis reor
Invite, post tôt scelera Ci)
11 n'est pas jusqu'à Sédécias, qui, dans une situation
pareille à celle d'OEdipe, les yeux crevés, l'âme pleine
de douleurs, ne prenne une antithèse aux plaintes du
héros grec :
— Astres
Mes yeux ne verront plus vostre lumière belle
Et vous verrez toujours ma passion cruelle (5).
— Non video noxae conscium nostrae diem,
Sed videor (6K
Les personnages des Juives ne craignent pas la mort :
nous axons vu Amital, à l'exemple d'Hécube, l'appeler
avec beaucoup de vivacité, de même les Reines, de même
Sédécias, aspirent après la mort, comme après une déli-
vrance; elle est le porl heureux où les vivants atteignent
l'oubli :
C'est mon port de salut par qui sera ma vie
De tant d'adversitez pou'" iamais affranchie (").
(1) Juives, v. 181.
(2) Thyeste, V. 88.").
(3) Juives, v. 1361.
(4) Thyeste, v. 162.
(5) Juives, v. 2093.
(6) Pliéniciennes, v. '.).
' (7) Juives, v. 1307.
90 LES IMITATIONS 1)1 R. GARNIER
L'image vient de Sénèque :
Heu quam dulce malum mortalibus additum,
Vitae dirus amor quum pateat malis
Effugium et miseros libéra mors vocei.,
Portus aeterna placidus quiète { 1 ).
< 'est qu'après la morl il n'y a ;>lus rien : elle esl la fin
de toute chose: qui arrive à ce terme dépose toul désir et
toute crainte; telles sont les considérations par lesquelles
\ahuzardan veut arr-afeher Sédécias à la morl qui le me-
nace :
La mort l'affranchira de ses tourments cruels
Qui lui seraient vivant, trespas continuels.
Ce n'est rien de mourir; la mort tant soit amère
N'est aux calamiteux qu'une peine légère (2).
Si ces réflexions n'ont pas dans la bouche de Nabu-
zardan le ton d'une philosophie désabusée, elles n'en rap-
pellent pas moins les vers du chœur des Troyennes :
Post mortem nihil est, ipsaque mors nihil
Velocis spatii meta novissima
Spem ponant avidi, solliciti metum (3).
D'après Nabuzardan encore, puis d'après Amilal. nulle
souffrance, nul châtiment ne peuvent égaler pour un roi
l'esclavage et la perte de son royaume :
A un Roy, que peut-il endurer davantage
Que de se voir réduit en si honteux servage?
Que de se voir priver de son sceptre ancien?
Que d'avoir tout perdu? Que de Roy n'estre lien? (4).
Pensée souvent exprimée par les personnages de Séné
que :
— !n servitutem cadere de regno, grave est (! ).
— Si poena petitur, quae peti gravior potest?
(1) Octavie, v. 14.
(2) Juives, v. 233.
(3) Troyennes-, v. 397.
Ci Juives, v. 219. Cf. 1053.
(1) Pkùnicienncs, v. 598.
LES IMITATIONS DE R. GARNIER 91
Famulare collo nobili subeat jugum
Servire liceat : aliquis hoc régi negai9 (1)
Les personnages sont annoncés de la mémo façon que
les personnages de Sénèque. Sédécias voit-il arriver Na-
buchodonosor, il le signale en le décrivanl :
Mais voicy le Tyran. O Pieu lf sang me glace
De voir son lier regard et sa tetrique face! (2).
Et cette description n'esl pas différente de celle de
Pyrrhus ou de Néron apparaissant sur la scène :
— Sed incitato Pyrrhus accurril gradu
Vuituque torvo... (3).
— Sed ecce gressu fertur attonito Nero
Truoique vultu ('•).
Garnier se soucie peu de marquer les moments de la
journée où se déroulent les divers actes de sa pièce : au
'2e acte cependant, par les premières paroles de la femme
de Nabuchodonosor, nous sommes avertis que le soleil
n'est pas nui tic levé depuis longtemps: elle lui adresse
son premier salut de la journée :
O heau soleil luisant qui redores le monde
Aussitôt que la nuit te voit sortir de l'onde,
Rayonnante lumière, œil de tout l'univers
Qui deschasses le somme (5).
C'est ainsi qu'Octavie indique l'instant de la journée où
s'ouvre la pièce :
.lam aga ccpIo sidéra fulgens
Aurora Fugat : surgit Titan
Radiante coma, rnundoque diem
Reddit clarum (6).
(1) Troyennes, v 746.
(2) Juives, v. 1851.
(3) Troyenies, v. 999.
(î) Octavie, v. i3fi.
(5) Juives, v. ."» • i 7 .
(6) Octavie. v. 1.
95 LES IMITATIONS DE R. GARMKR
Le style de Garnier tourne souvent au procédé; l'ex-
pression devient cliché, les termes en peuvent changer, le
moule dans lequel est coulée la pensée se retrouve tou-
jours et se laisse immédiatement reconnaître; il est loin
d'être toujours une trouvaille de Garnier.
Thyeste a de ronflantes hyperboles pour exprimer la
ténacité de la haine que son frère nourrit contre lui :
Amat Thyesten frater.' aetherios prius
Perfundet Arctos pondis et Siculirapa.v
Consistet aestus unda et ionio seges
Matura pelago surget et lurem dabit
Nos alra terris (1).
\on moins ronflantes sont les hyperboles de Nabucho-
donosor; on y retrouve aussitôt l'influence de Sénèque
qu'elles ne font que traduire, en ajoutant parfois un élé-
ment plus conforme au sujet: on dirait Garnier préoccupé
de la couleur locale :
Pardonner ? ha, plustost sera le ciel sans fiâmes,
La terre sans verdure et les ondes sans rames,
Plustost, plus tôt l'Eufrate encontre montira
Et plustost le soleil en ténèbres luira... (2)
Plustost mille couteaux plongent en ma poitrine (S)
Plustost tombe sur moy la céleste machine. '
Ailleurs. Xabuchodonosor, parlant des vains efforts de
Sédécias pour faire échec à son pouvoir, s'écrie dans son
indignation :
Contre ma volonté se penser faire roy9
C'est faire proprement aux estoiles la guerre
C'est vouloir arracher de Jupin le tonnerre (4).
Souvenir encore de Sénèque et ressemblance de plus
entre Xabuchodonosor et Atrée :
(1 ) Tkyeste,v. 476. Cf. Œdipe, v. 50». Iferade sur VŒta, 467, 1578, Ortavie, 222
(2) Juives, v. 899.
(3) Juives, v. 1459.
(4) Juives, v. 214.
LES IMITATIONS DE R. GARNIER 93
kegna nunc spcret mea?
Hac spe niinanti fulmen occurret Jovi,
Hac spe subibit gurgitis tumidi minas
Dubiumque libycae Syrtis intrabit f rot um.... (1).
Ailleurs, ce sont des expressions qui nécessitent un
commentaire et ne sont claires que pour qui a lu le tragi-
que latin, telle celle exclamation des reines à la suite du
récit du prophète :
O Scythiqucs horreur»! <2).
toute mesure cruelle dans Sénèque est digne1 des «ri-
mes des Barbares, des Gèles ou des Scythes :
Nefas,... quorl non ulla tellus barbara
Commisi*. unciuam, non vagi campis Gelae
Nec inhospitalis Taurus aut sparsus Scythes (3).
Des traits d'un goût douteux même viennent de Sénè-
que : Amital se représente en pleurs devant le cadavre
de son mari, elle se penche sur lui,
à sa bouche collée,
Les restes recueillant de son âme envolée (4).
Alcmène, devant son fils Hercule à l'agonie, fait enten-
dre cette prière :
Membra complecti ultima
O nate liceat, spiritus fugiens meo
Legatur ore (5).
Quant aux récits, ils ne sont pas tributaires des récits
de Sénèque; Garnier préfère les imaginer de toutes pièces;
il ne demande pas à sa mémoire de lui en fournir la
(1) Tkyeste,v. 2*9.
(2) Juives, v. 2030.
(3) Hippolyte, V. 1G6. Cf. Thyeste, 627.
(4) Juives, v. 415.
(5) Hercule sur VŒtn, v. 1340.
94 LES IMITATIONS DE R. GARNÏER
matière; c est tout au plus si, dans le récil du supplice,
la description de l'attitude «les vainqueurs a pu lui être
suggérée par deux vers du récil des Troyennes; l'indica-
tion de Sénèque devient, dans Garnier, un véritable ta-
bleau :
Uterque flevit cœius. Àttittlidum PhrygeS
Mixrrr gemitum; clariusvictor getrtit ( 1 ).
Ne peuvent sans plorer regarder ces misères',
Les uns se retiroyent ou destournoyrnt les yeux,
l.cs autres g. missans, detestoyent terre el cieux (2).
Enfin, la scène I de l'acte 11 mérite d'être examinée à
part; la reine demande à son nia ri la grâce des prison-
niers; à la façon de Sénèque, le débat s'ëlève bien vite
au-dessus du cas particulier: les maximes, les réflexions
générales se heurtent et s'opposent : une bonne partie de
la scène n'est qu'une mosaïque faite d'emprunts à Sénè-
que et surtout au Thyeste et à Octavie :
N. Pardonnant un outrage on en excite deux (3).
R. Des peuples vos sujets l'advis est au contraire.
N. Ce que le prince approuve à son peuple doit plaire
R. Quelle gloire de n'estre honoré que par feinte ! (4).
N. Mais c'est une grandeur de l'être par contreinte.
La louange et l'amour sont communs à chascun
Mais de contreindre un peuple à tous n'est pas commun.
Il n'appartient qu'aux grans. Les Roys sont craints de force
Et les petits aimez par une douce amorce.
R. Vous le serez comme eux n'aimant que la vertu.
N. Cela sentiroit trop son courage abatu.
Celuy ne règne pas qui son vouloir limite
Aux Rois qui peuvent tout, toute chose est licite
R. Un prince qui peut tout ne doit pas tout vouloir.
N. Conformez-vous à Dieu dont la force est suprême.
N. Dieu fait ce qu'il lui plaist et moy je fay de même,
Exstinguere hoslem, tnaxima est virtus ducis (5).
(Satelles) Fama te populi nihil (6).
(1) Troyennes, v. 1100.
(2) Juives, v. 1931.
(3) Juive*, v. 90fi s?.
( \) Juives, v. (.MÔ.
(5) Octavie, v. 443.
(6) Thyeste, v. 2'»4. . ,
LES IMITATIONS DE R. GARNIE» 95
Adversa terret ?
(AtreUS) Maximum hoc regni bonum est
Quod facta dnmini cogitur populussui.
Tam ferre quam laudare.
(Satelles) Quos cogit melus.
Laudare, eosdem reddit inimicos metus
Atqui favoris gloriam veri petit
Anima magis quant voce laudarivotet.
(Atreus) Laus vera et humili sœpe conlingil viro
Non nisi potenti falsa. Quod nolunt, velint.
fte£ velit honesta, nerno non eadern volet-
Inertis est nescire quid liceat sibi (1)..
(Néron) Fortuna nostra cuncta permittil mihi (2).
(Senèque) Id facere laus est quod decet, non quod lieet (3).
(S) Ut facta Superi comprobent semper tua (4).
(N) Stulte verebor ipse quum faciatn Deos (5).
Des maximes politiques répandues dans cette scène,
on peut rapprocher celle de Nabuzardan :
. . . Un roy qui peut tout n'a qu'à se retenir,
Si queliu un 1 a fasrhé de ne le trop punir (6).
— Quo plura possi*, plura palienler feras (").
Dans le détail, comme dans le plan, ce sont les imita-
tions des Troyennes qui dominent. Garnier écrit les Juives
la mémoire bourrée des souvenirs de cette tragédie de
Sénèque : il songe si bien à elle qu'il reprend souvent des
traits de sa propre Troade, largement copiée dans les
Troyennes de Sénèque, et ainsi Juives et Troade invitent
à de curieux rapprochements : l'imitation, dans les Juives.
n'est plus alors qu'une imitation au deuxième degré, une
variante sur un libretto bien connu. Quoi d'étonnant,
puisque l'une et l'autre pièce sont surtout des lamenta-
tions de pauvres captives sur de « moiteuses rives ? » (8).
■
(1) ftctavie.
v. 453.
12) -
v. 45!.
i3) -
v. 454.
(4) —
v. 448
(5) Cf. Hercule fwieur, 489. Quod Jovi, hoc régi îireî. ,- 7'"
(• ) Juives, v. 277. , ,
(7) Tro-:enn-s, v. 254. k, ;. | ..!
(S) fiAENIER, T oadi; v. 282. Juws, v. VY.t.
-r-.
96 LES IMITATIONS DE R. GARNIER
III
Les autres imitations
Tandis que dans ses tragédies antérieures, Garnier a
su recourir aux tragiques grecs et n'a pas dédaigné de
1rs imiter ou de leur faire des emprunts considérables,
dans les Juives il ne parait pus s'être beaucoup souvenu
d'eux. M. Hernage (1) signale « des imitations assez, nom-
breuses et ingénieuses d'Euripide et de Sophocle », niais
n'en relève aucune. En réalité. Garnier, dans sa dernière
tragédie, ne doit rien aux Grecs.
La scène même où Sédéeias, les yeux crevés, le visage
tout sanglant, reparaît pour entendre la prophétie qui doit
terminer la pièce sur un grand espoir, n'est pas une
copie de la dernière scène à'OEdipe. Dans le détail, une
seule imitation est à relever. Le chuuir des Juives oppose
la situation misérable d'Amital prisonnière, à sa grandeur
passée :
Royne, mère des Rois de l'antique Sion
Ores nostre compagne en dure affliction.... (2).
comme Hécube, dans Euripide, opposait elle-même sa
condition présente à sa puissance d'autrefois :
A'/îT w 7ràe5cf . tvjv ypxûv nph 5ôp.wv
TjDwâSs;, ûptîv, npôaQs S'àua<T<rav (3)
ce que Garnier avait déjà traduit dans sa Troade :
Compagnes oui naguère estiez l'honneur de Troye
Et maintenant des Grecs estes la vile proye.
Soustenez moy te corps, rompu d'âge et d'ennuis;
hsciaves maintenant avec vous je suis
Oe Royne triomphante et de mère féconde... (1 ).
il) Rernacë. Rober» Garnier, p. 110.
(2) Juivs, v. 393.
(3i Hécube, v. f>9 (Euripide).
(1i Garnier, Troad», III, I, ^. 1225.
LES IMITATIONS DE R. GARNIER 97
Ce rapprochement n'es! pas suffisanl pour qu'il y ait
lieu de parler d'une influence «les tragiques grecs sur les
Juives; dans celle pièce, Garnier ne les a eu aucune façon
imités, il les a complètement oubliés.
Il ne semble pas non plus que d'autres influences litté-
raires aient pu s'exercer sur les Juives; l'influence de
Sénèque domine toutes les autres, même colle de la Bible,
et cette influence est à peu près exclusive.
Cette recherche des imitations de Garnier dans les
Juives précise et rectifie sur quelques points les indica-
tions de M. Bernage. Dans la conception générale de la
pièce, le souvenir des Troyennes; dans le détail, le souve-
nir de tout le théâtre de Sénèque sont très vivants dans
l'esprit de Garnier au moment où il écrit les Juives. Inca-
pable de créer seul ses personnages, il en l'ait des répli-
ques de personnages de Sénèque; Nabuchodonosor a l'or-
gueil, la cruauté, l'impiété d'un Néron ou d'un Atrée;
Amital, un des rôles les plus considérables, est une Hé-
cube; l'un et l'autre empruntent souvent leurs pensées,
leur langage aux personnages de Sénèque. L'imitation de
Garnier dans sa dernière tragédie n'est pas assez souple
encore pour qu'on n'y retrouve la trace bien nette impri-
mée sur son esprit par l'œuvre de Sénèque : il en aime
les maximes, les comparaisons, les clichés de style, les
défauts aussi bien que les qualités; il l'a si bien présente
à la mémoire qu'à tout instant il en apparaît dans sa pièce
comme des lambeaux. Et, quand il n'imite plus Sénèque
d'une façon aussi littérale, c'est encore Sénèque qu'on
retrouve dans ces dialogues où le vers s'oppose au vers,
dans la prolixité des récits, précédés de multiples pré-
cautions oratoires, dans l'exubérance et le coloris gros-
sier -les descriptions.
Si l'on met à part quelques trouvailles de détail, intéres-
santes et parfois dramatiques, l'originalité de Garnier
n'apparaît réelle que dans les tirades religieuses, à peine
animées d'un souffle biblique, dans les récits et les
chœurs.
98 1 ES IMITATION- DE H. GARNIER
M. Bernage a donc eu raison de signaler l'influence
considérable de Sénèque sur les Juives : elle est telle que
la formule pouvant le mieux rendre compte de la pièce
serait assurémenl celle-ci : une tragédie très voisine des
Troyennes, de Sénèque, semée de soin cuirs du tragique
latin, niais dans laquelle l'inspiration religieuse se subs-
titue généralement à l'inspiration païenne. S'il est curieux
d? voir Garnier, dans une pièce biblique, s'inspirer a
peine de l;i Bible, et se souvenir ;ui contraire sans cesse
tic l'œuvre dramatique de Sénèque. nul t'ait n'est plus capa-
ble de montrer combien cette œuvre fut admirée par nos
premiers tragiques et quelle influence considérable elle
a eu sur leurs pièces, étouffant trop leur originalité.
B. Georgin.
NUOVE CORREZLONI AI TESTl Dl BONIFAGIO GALVO
I coraponiraenti di Bonifacio Calvo sono stati editi da
M. Pelaez, Giorn. stor, d. letl. ital., XXIX, 318 sgg. —
Alcune ottime correzioni suggeri 0. Schultz-Gora ne\\& Zeit-
schrift del Grober, XXI, 571-572. Adtri emendamenti costi-
tuiscono l'oggetto di questa brève nota, per la quale si utilizza
il ms. a, che raostra di riattaccarai in tutto alla fonte di 1 e
K ».
II, vv. 1-4.
Er quan vei glassatz los rius
el freitz es enics e fers,
que torz e fen, sech' e trencha,
chant eu trop miels qu'en abril. . .
I mss. dànno totz (I Ka), ma sul primo t di a il correttore
(Piero del Nero) ha posto un c, il che significa che l'originale
di a leggeva : cotz. Credo che cotz si debba conservare anzi
tutto perla correlazione dei verbi nel v. 3 (cotz corrisponde a
sech? e fen a trencha) e poi perché è molto probabile che
questo cotz sia un ricordo classico (frigus urit). Oltre a ciô,
si pensi che allô spirito umano il « freddo » e il « caldo » si
presentano talmente connessi fra loro, che in moltissime
lingue la radiée ne è la medesima. Gfr. Trombetti, Limita
d'origine del linguaggio, Bologna, 1905, 164-165 (2).
XV, 41-43.
Vai dir, sirventes noveus,
Celleis, cui sut miels,
qel bes quem fai, ecc.
1 Lo studio < I eï mss. e délie loro lezioni conduce alla conclusione
che Bonifacio Calvo e Lanfranco Cigala abbiano, essi medesimi, dato
l'ultima mano al loro canzouiere. In tutti i codici l'ordine délie poésie
è lo stesso, e le vaiianti dipendono dalla maggiore o minore abilità
dei copisti.
(2) Sul prov. coire (Rayn. cozer) si v. Levy, 5. W., I, 276.
100 NUOVE CORREZIONI AI TESTI DI DOMFACIO CALVO.
Pelaez non avverte che il v. 42 raanca di una sillaba.
Rocliegude aveva proposto : a cellei cui soi miels sieus. Si
Iegga con a : celeis cui sui miels qe mieus.
XVI, 72.
Qu'il o vueill' en grat prendre
Questo verso ha una sillaba di meno, corne hanno osser-
vato Appel (Chrest. n° 38) e Schultz-Gora, Ztf. cit., 572. La
lezione di a lo corregire, poichè prima di uueill si ha deinhee,
cioè deinhee vueill'. Schultz-Gora ha giustamente osservato
che B. Galvo si comporta con molta libertà rispetto alla
cesura (p. 573); ma qui si potrebbe anche sopprimere Y-e di
demke. Il verso in a suona dunque : qel deinhe e uueill en grat
prendre.
XVIII, 8.
Sobrera totz cels per cui mal en pren.
Secondo il Pelaez, I K darebbero questo verso cosi : sobran
tolz cels per cui mal en pren ; ma io dubito molto dell' esat-
tezza di questa lezione, poichè d [c. 271a), che è copia di K,
ha inveca : Sobran atotz cels per cui mal pren, cioè, non ha en
e legge a totz. Non ho modo di vedere I e K, ma fondandosi
su d, si puô quasi essere sicuri, corne dico, che la loro lezione
deve essere identica a quest 'ultima riportata. La correzione di
Sobran in sobrera è già nella Crest. del Bartsch, 275 l.
Il ms. a ha : sobrari atotz, ove ri è di mano del correttore.
Accettando questa lezione sobraria totz, inutile aggiungero
dopo : en.
Giulio Bertoni.
1 [Nella nuova edizione, curata dal Koschwitz e dal Wechssler
1904, col. 301 si legge infatti : Sobran atotz I Kd, en manque I Kd.]
NOTES SI |{ UAOUL DK CAMBHAI
Après avoir reposé pendanl un quarl de siècle, la ques
lion des origines de Raoul de Cambrai a été réveillée par
la polémique retentissante entre M. Bédier et M. Lon-
gnon (1). Dans son dernier article, M. Longnon exprimait
la craint»1 que la question ne fût peut-être pas susceptible
de solution certaine (2), el -i je me permets, malgré cela,
de reprendre un sujet, dont je m'étais déjà occupé il y a
deux ans. a un point de vue à la vérité très spécial (•!)• c'est
que le désir de nie tonner une opinion motivée sur le
point débattu entre M. Bédier et M. Longnon m'a amené
à faire, pour mon compte, des recherches sur les origines
de Raoul de Cambrai et (pie leur résultat m'a paru assez
assuré pour être soumis aux historiens de la littérature
française.
1. La question préalable des archaïsmes iuriditjucs
Cette question ne préjuge évidemment pas de la solu-
tion définitive, je veux dire que l'absence d'archaïs
mes juridiques dans la chanson conservée laisse entier»1
la question des origines de la geste. Mais il est clair que
(1) Les articles de M. Bédier, publiés dans la Revue historique,
ont été réimprimés dans ses Légendes épiques, II, p. 319 sqq. et p.
415 sqq. Lee articles de M. Longon ont été insérés dans Romania 37,
p. 193 sqq. et 491 sqq. ; 38, p. 219, sqq.
(2) Rom. 38, p. 222.
(3) Revue, des langues romanes, 1907, p. 237 sqq. — En me repro-
chant d'avoir tiré de mon étude des conclusions qu'elle ne compor-
tait pas, M. Paul Meyer (Rom. 37, p. 470) a dû être trompé par
une des phrases du début de mon article, où je donnais mon adhé-
sion à la théorie de M. Bédier. Je croyais alors, sans restriction, à
la thèse soutenue dans les Légendes épique.', mais je me suis bien
gardé de tirer de mes reoherches des conclusions sur les origines de
la chanson. Je me suis borné à constater que cette chanson ne
portait aucune trace d'archaïsmes juridiques.
9
L02 Mil ES SI R RA01 I. DE C \\li:i; \I.
-i les allusions juridiques «lu poème reflétaienl un étal « le
droil archaïque, la thèse de \1. Longnon recevrait un appui
considérable. Les conclusions négatives qui se dégageaient
de l'étude que j'ai publiée à ce sujel en 1907 ont été ré-
cemment contestées par M. Jacques Flach dans un article
où il a cru pouvoir me traiter de béjaune (1). Je ne crois
pas qu'il faille être historien «lu droil pour apprécier la
valeur «les objections de M. Flach; une connaissance élé-
mentaire des institutions du moyeu âge y suffirait ample-
ment. Comme toutefois certains de mes lecteurs peuvent
être complètemenl étrangers à l'histoire juridique du
moyen âge, je me mus obligé, à mon grand regret, de
discuter 1rs critiques de mon éminent contradicteur (2).
1° J'ai dit que l'hommage purement personnel, dont on
trouve une trace dans la chanson, étant encore fréquent
--mus Philippe-Auguste, ainsi que le prouve la manière
dont ce souverain lève la dîme saladine, il ne saurait
passer pour un trail archaïque (p. 245 sqq, tirage à pari
p. Il sqq). M. Flach réplique qu'au XIIe siècle, cel hom-
mage « se rencontrait, mais à titre d'exception, tandis
qu'il est la règle dans la chanson de Raoul et qu'il était
la règle dan- la réalité historique, non seulement au Xe
siècle, mais au XIe siècle ». Comme parmi les nombreux
(1) Journal des Savants, 1909. p. 122 sqq. — C'est un privilège
des gens très âgés, que cle pouvoir dire impunément des imperti-
nences aux personnes qui ne comptent que trente ans. Je vois d'au-
tant moins d'inconvénients à ce que M. Flach jouisse, par antici-
pation, de cette prérogative, que je comprends assez bien qu'il doit
m'en vouloir de la campagne que j'ai menée, dans la B( vin générale
du ilroit, contre la singulière ignorance dont font preuve, en ma-
tière historique, ses confrères, les professeurs cle droit dans les
Facultés françaises. Je suis toutefois un peu plus étonné: 1° que
M. Flach ait cru pouvoir traiter [Revue historique 86, p. 137) cle
la même façon que moi, M. Louis Halphen, un savant dont il
est très loin d'égaler le mérite : 2* qu'il oublie qu'il y a vingt ans.
alors qu'il avait à peine dépassé l'âge que M. Halphen et moi nous
avons aujourd'hui, il a attaqué, avec une vivacité extrême, M. Her-
mann Fitting, plus âgé à cette époque que n'est M. Flach à
l'heure actuelle.
(2) J'y suis tenu d'autant plus que M. Longnon {Boni. 38, p. 251,
n. 1) semble faire état de l'opinion de M. Flach.
\<>ï ES SUR I! \oi'l. DE C Wllii; AI.
103
personnages de la chanson, Bernier esl le seul qui semble
ne pas être chasé, je conclus que c'esl par antiphrase que
\l. Flach parle de la règle de l'hommage personnel dans
le poème, e'I je glisse sans appuyer sur cette petite liberté
de style (1).
2° .l";ii dit que dès la deuxième moitié du Xe siècle au
plus tard une concession féodale est réputée être faite, en
l'absence de stipulations contraires, à titre héréditaire, el
que par conséquent, la chanson eût-elle fail allusion au
principe de l'hérédité, cela ne saurail constituer une preuve
de l'existence d'un poème contemporain de Louis d'Outre
mer (p. 257 s-qq., tir. 17 sqq.). M. Flach observe d'abord
que « c'esl reprendre sous une forme nouvelle la vieille
thèse condamnée que l'hérédité des fiefs a Hé introduite
légalement (2) au IXe siècle ». Ce reproche me surprend.
Commenl M. Flach a-1 il pu me prêter l'absurde idée
d'une loi sur l'hérédité des fiefs, alors que p. 259 (tir. 25),
note I, ne devait lui laisser aucun doute qu'il ne pouvail
entrer dans mon esprit de commettre une telle monstruo-
sité? En me la prêtant gratuitement, M. Flach a-t-il voulu
me rendre ridicule ? Je me refuse à le croire, mais toul en
ne doutant pas de la lionne foi de mon contradicteur, je
me permets de protester très énergiquement contre sa
désinvolture.
(1) En note, M. Flach (p. 123) fait remarquer à ses lecteurs qu'il
avait été le premier à établir la « règle » de l'hommage purement
inel au XI siècle (dans le tome II de ses Origines d( l'an-
cienne France). J'ai cherché vainement, d'ans le volume, la page
à laquelle l'auteur fait allusion. Je constate, par contre, que : 1"
p. 498, note 2, il renvoie aux « exemples innombrables de fiefs ré-
partis entre les parents du suzerain » ; 2" p. 513, il considère la
tenure comme l'élément principal de ce qu'il appelle la vassalité
roturière, dont il fait dériver le fief militaire (sic) ; 3° p. 514, il
déclare ce fief « infiniment répandu » aux X" et XP siècles. — En-
tre les « innombrables » fiefs nobles et les fiefs roturiers « infini-
ment répandus », il est difficile, d'imaginer la « règle » de l'hom-
mage purement personnel. Mais M. Flach sait-il lui-même quelle
idée il se fait au juste de la vassalité au XI' siècle? Cf. l'opinion
de M. Heinrich Brunner sur l'ouvrage de M. Flach, opinion rap-
portée plus loin, dans la note finale de ce chapitre.
(2) Souligné par l'auteur.
104 NOTES -I R R \'»i I DE CAMBRAI.
Cette singulière remarque faite, M. Flach continue :
,« H faudrait prouver el on ne le prouve d'aucune
manière que toute reprise de fief qui se rencontre au
Xe siècle el au M" siècle était basée sur une convention
expresse, sur une stipulation spéciale ». Ce défi doit être
le résultat d'une illusion sur l'étal de notre documentation.
L'histoire des fiefs aux V el \1" siècle- ne nous est connue,
pour la plupart, que par des sources narratives, qui s'abs-
tiennenl de donner îles indications sur les clauses particu-
lières des actes d'inféodation. Je ne mentionne que pour
mémoire que nous sommes 1res loin de connaître avec
précision les généalogies de toute- les familles féodales et
que nous ne sommes pas mieux renseignés sur l'étendue
exacte des possessions de chaque vassal. Comment peut-
on songer, dans ces conditions, à établir la situation juri-
dique de chaque possesseur de fief '.' Pour retracer l'his-
toire juridique de chaque fief, il faudrait d'abord posséder
une suite ininterrompue de chartes. Combien de fiefs sont-
ils dans ce cas ?
J'ai prouvé ce que j'avançais par le texte de Richer et
par l'allusion tacite (p. 259, tir. 25) au capitulaire de
Quierzi, qui, tout en n'ayant point introduit l'hérédité des
fiefs, la suppose établie, de l'avis de ions les historiens
allemands (I). Commenl M. Flach ne s'en est-il pas
aperçu ? Est-ce qu'il n'aurait pas compris mon allusion ?
[gnorerait-il la portée que tout le monde, avec M. Brun-
ner, reconnaît au capitulaire ".' Je suis presque tenté de le
croire.
Le plus étrange dans celle discussion, c'est que M.
Flach, qui date la chanson du XIe siècle el la croit origi-
naire de Cambrai, m'objecte l'opinion de M. Parisot, qui
dit qu'en Lorraine (c'est-à-dire aussi dans le Cambrésis)
les successeurs évincés de leur- fiefs défendaient « les
armes à la main ce qu'ils considéraienl comme leurs
biens ». Je ne saurais désirer une reconnaissance plus
éclatante de ma thèse Je n'ai jamais nié — ai-je besoin de
le dire ? — ipie le XIe siècle ail connu des usurpation-.
Mai- j'estime - et ce n'est pas une opinion qui nie soit
(1) Il me suffira de citer H. Brunner, Deutsche Rechtsgisclnchte,
II, p. 256 texte et note 69.
NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI. 105
personnelle, qu'une époque qui reconnaîl dans le vol
une atteinte à l'ordre établi, n'ignore pas complètement le
droit de propriété. M. Flach aurait-il voulu que les barons
avinées s'adressassent aux tribunaux ? Je n'ose le penser.
11 y a huit ans que mon confrère eu béjaunerie, M. Louis
Halphen, a prouvé qu'il ne saurait être question de tribu-
naux stables an XIe siècle (1). Kl puisque M. Flach parle
de Cambrai -- terre d'Empire, — comment ;i-t-il pu ou-
blier certaine politique de Conrad le Salique, dont il esl
question dans tons les manuels '! (2).
3° M. Flach ;i éprouvé le besoin de faire montre de m"-
connaissances feudistiques, car il se refuse très énergique
nient n admettre que la question de l'hérédité des fiefs ne
soit pour rien dans la chanson, comme je l'ai soutenu. Il
me reproche une double erreur. Pour ce qui est de la saisie
de Cambrai, il ne nie pas qu'elle ne soit l'exercice du droit
du seigneur d'imposer le mariage à la veuve féodale, bail-
listre de ses enfants. Mais il remarque que l'exercice de
ce droit « n'aurait pu avoir un caractère dramatique, si le
principe de l'hérédité avait été déjà pleinement acquis.
Pour que le droit de garde soit odieux, il faut qu'il se
combine avec le droit de mariage, en vue de dépouiller les
enfants mineurs, et une telle spoliation n'est réalisable que si
leur droit de succession au fief n'est pas encore assez, éner-
gique pour leur permettre de rentrer en possession de lej_ir
bien ». Je ne doute point que plus d'une veuve verrait
avec joie s'imposer une consolation immédiate avec un nou-
vel époux, mais j'estime qu'un poète ne fait pas preuve
d'extravagance en supposant que son héroïne se révolte-
rait à la seule pensée de « laisser le mâtin prendre la
place du lévrier ». quand mena1 ses enfants ne devraient
pas être définitivement spoliés. Mais M. Flach est, je
crois, poète ;'i ses heuresi, et il doit s'entendre mieux que
moi aux questions purement littéraires. Acceptons donc
son point de vue et bornons-nous à lui « partir un jeu ».
(1) Revue historique 77. pp. 279-307. Ce qui y a été établi pour
l'Anjou vaut pour tonte la France, voy. Rev. histor. 97. p. 290.
note 3.
(2) Je me L'orne à renvoyer à Sehroeder. Deutsche Recktsges-
chichte i p. 412 (La cinquième édition n'est pas à ma disposition.)
106 NOTES SUP RAOUL DE CAMBRAI.
<>u bien les enfants ii'onl aucun droil à la succession de
leur père, el alors l'attribution définitive des biens du
défunt à leur paràtre, u'étant | >as une atteinte à leurs
droits, n'a aucun caractère dramatique. Ou bien ils y ont
un droil très ferme, cl alors celle attribution, étanl une
spoliation inqualifiable, devient odieuse. Ou je me trompe
fort ou le premier reproche de M. Flach s'explique par
'-ou goût, déjà constaté, pour l'antiphrase. Passons à la
seci unie objccl mu de -M . Flach.
i" J'ai prouvé que la saisie du Vcrmandois étanl repré-
sentée dans la chanson el dans la Chronique de Waulsorl
comme une injustice, cel épisode ne pouvail pas être invo-
qué à l'appui de l'hypothèse que, dans la légende de Raoul,
l'hérédité «les fiefs n'était pas encore admise (p. 253 sqq.,
tir. 19 sqq.). .1 ai eu, paraît-il, torl de m'appuyer sur la
chronique de Waul&ort : elle n'a rien à faire avec la
légende. J'admettais avec toul le monde le contraire, mais
M. Flach pourrait se lâcher, si je prenais la liberté de le
prier de prendre connaissance d'un texte avant de s'aviser
d'en parler. Je suppose donc qu'en racontanl la biogra-
phie du comte Ibert, le chroniqueur utilise la légende d»
Tristan el d'Iseut la Blonde. 11 n'eu subsiste pas moins
que. pour le jongleur, les lils Herberl onl été dépouillés
injustement. Je l'ai établi aux pp. 254-256 (tir. 19-22) do
ino*n article, el si M. Flach m'avait fait l'honneur de par-
courir mon étude avant de lancer M. Bédier de s'ètro
laissé influencer par elle (I). ce petit détail n'aurait certai-
nement pas échappé à son attention vigilante.
Désiranl pousser ma démonstration aussi loin que pos-
sible, je me suis volontairement placé dans les conditions
les plus défavorables à ma thèse, en examinant, à titre
subsidiaire, l'hypothèse où la chanson primitive aurait fait
abstraction du caractère injuste (commun à deux versions)
de la saisie du Vermandois. J'ai expliqué que dans ce
cas-là même, il ne fallait pas parler de l'hérédité des fiefs,
mais du formalisme juridique, si l'on voulait absolument
il) Bien à tort, soi! dit en passant . l'étude rie M. Bédier ayant
été rédigée et livrée à L'impression deux ou trois mois avant que
j'eusse commencé la mienne.
NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI. 107
y voir une allusion à l'état du droit contemporain (p. 251
sqq., Lit. 'S-\ sqq.). Wec sa désinvolture ordinaire, M.
Flach me prête l'idée d'avoir fail de cette hypothèse suré-
rogatoire le pivol de ma démonstration, el croil ensuite
réfuter mon raisonnemenl en observanl avec malice que
j'admets que l'ancien droil français étail empreinl « d'un
formalisme aussi rigoureux que celui des legis actiones ».
Il y ;i plus de quarante ans que M. Heinrich Brunner a
démontré que l'ancien droil français témoignai! d'un for-
malisme "ii ne peul plus rigoureux (1). Il y ;i dix ans que
les échos de sa découverte ont commencé à filtrer dans
les manuels français. J'ai le ferme espoir que M. Flach
n'entreprendra pas le volume IV des Origines de l'ancienne
France avanl de s'être familiarisé avec celle notion capi-
tale qu'un étudiant de première année sérail inexcusable
aujourd'hui d'ignorer.
J'ai terminé l'examen des objections de mon contradic
leur. Les pages que \L Flach vienl de consacrer à Raoul
de Cambrai ne sonl peut-être pas les meilleures qu'il ail
écrites. Mais ce ne sont assurémenl pas les pires. Cela
nous fait un devoir de 1rs juger avec indulgence (2).
J. Raoul de Goui = Raoul de Cambrai?
[Vous savons fort peu de chose <ïr Raoul de Goui, le
prototype du Raoul épique. La seule mention historique
le concernanl esl 1res brève. On lit dans les Annales de
Flodoard, à l'année 943, le passage que voici :
(1) Wort und Form im altfranzœsischen Prozesse, réimprime dans
Forschungen :. deustch. und franz. Rechtsgeschichte.
(2) M. Flach ajoute que ses conclusions dérivent « d'un examen
approfondi » de la question, et c'est précisément cette affirmation
qui semble avoir fait impression sur M. Longnon. Je prends la
îiLerté de faiie remarquer à M. Longnon cire c'est après s'être éga-
lement livré à un examen très approfondi des sources (voy. la lettre
déjà citée de l'auteur à la 1U vue historique, concernanl M. Hal-
phen) que M. Flach a écrit les Origines de l'ancienne Fram
livre dont un maître très indulgent. M. Heinrich Brunner a dit
[Deutschi Rechtsgeschichte II. p. 271. note 82). qu'il « enthaclt
mehr Deklamation als greifbare Résulta te ».
108 NOTF.S SUE RAOUL DE CAMBRAI.
Beribertus cornes obiit, quem sepeliernnt apud S.-Quintinum filii
sui ; et audientes Rodulfum, filium Rodulfi de Gaugiaco, quasi ad
inuadendum terram patris eorum aduenisse agressi eundem intereme-
runl. Quo audito, rex Ludouuicus ualde tiistis efticitur. (Ed. Lauer,
p. 87.)
Sur h' père de Raoul IL. Raoul lPr de Goui, le même
Flodoard nous donne le renseignement suivant qu'il rap-
porte ;'i l'année 925 :
Hugo, filins Rotberti, pactum securitatis accepit a Nordmannis,
terra filiorum Balduini, Rodulfi quoque de Gaugeio atque Hilgaudi
extra securitatem relicta. [Annales, éd. cit.. p. 32.)
\ cette mention, on en ajoute généralement deux autres
que Flodoard rapporte, en ses Annales, aux années 923
et 926, et qui concernent, l'une une expédition faite con-
jointement avec le comte Ingobran et les fidèles d'Herbert
contre les Normands, l'autre la mort du comte Raoul, fils
d'Héluis, beau-fils de Roger Ier. comte du Laonnais (1).
11 ne me semble pas toutefois très certain qu'il faille
identifier ce personnage avec Raoul Ier de Goui. Le nom
de Raoul est fort répandu au Xe siècle, et on observera
([iic Flodoard parle, aux années 925 et 943, <Yu\i Raoul
auquel il s'abstient de donner le titre comtal et qu'il croil
devoir désigner par la simple indication de sa terre, alors
qu'il qualifie le fils d'Héluis comte (sans indiquer quel
comté il administrait), en ajoutant, sans cloute pour mieux
le distinguer de ses homonymes, l'indication de ses rela-
tions d'alliance avec Roger Ier de Laon. Cette différence
dans la désignation est d'autant pins significative qu'un
pagus, dont un Gaugiacus sérail lé chef-lieu, est inconnu
aux géographes (2).
Un troisième renseignement qu'on a coutume de rap-
porter à Raoul de Goui doit être égalemenl écarté. Les
obituaires cambraisiens, dont le pins ancien est du der-
(1) Ed. cit., p. 15 et p. 36.
(2) La question de savoir si le beau-fils de Roger est le même
personnage que le comte Raoul qu'on voit figurer, conjointement
avec Haganon, dans un diplôme de Charles le Simple du 8 septem-
bre 921 pour Maroilles, diplôme cite par M. Longnon, Raoul de
Cambrai, Introd. p. XVII. note 1, peut rester indécise.
NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI. 109
nier quarl du XIe siècle (I). notent, à la date du 23 sep-
tembre, le décès d'une comtesse Alais, mère d'un Raoul (2).
Il n'y a aucune raison d'identifier avec l'adversaire des
fils Herbert ce fils de comtesse, dont il n'est même pas
assuré qu'il ail vécu au Xe siècle (3) : comme je l'ai dit,
il y a un instant, rien n'est plus commun que le nom de
Raoul. Si l'on a vu dans cette comtesse Alais la mère de
Raoul de Goui, c'est que Raoul de < 'ambrai est, dans la
chanson, le (ils d' Valais, sœur du roi Louis, épouse de
Raoul Taillefef. Mais interpréter des textes historiques a
l'aide des textes poétiques, dont ou cherche précisément
a établir l'historicité, c'est commettre une pétition de prin-
cipe (\(^ plus caractérisées (4).
Il ne nous reste, en résumé, sur Raoul de Goui cl m m
père que les deux témoignages transcrits au début de ce
chapitre. Examinons-les en tâchant de déterminer en
quelle mesure ils confirment ou infirment les données épi-
ques. La première question est naturellement celle de
l'identification géographique de Goui. On sait que M.
Longnon y voit Goui-en-Arrouaise, alors que M. Vander-
kindere, suivi par M. Ph.-Aug. Becker, se prononce en
faveur de Goui-en-Ostrevant (5). Cette dernière identifica-
tion vient d'être écartée par M. Longnon, qui fait observer
que Goui-en-Ostrevant fait, depuis 877, partie des posses-
sions de l'abbaye de Marchiennes {toc. cit.). Pour ce qui
est de sa propre identification, M. Longnon fait d'abord
(1) Longnon. Rom. 38, p. 227.
(2) Sur un document baptisé du nom de « charte de l'évêque
Liébert », mentionnant cette comtesse, voy. infra, chap. 6.
(3) Puisque la plus ancienne mention le concernant est seule-
ment de la fin du XI" siècle.
(4) Il est très caractéristique pour l'empire qu'exercent les idées
longtemps reçues même sur ceux qui les combattent avec acharne-
ment, que M. Bédier, Léçj. épiques, II, p. 382 sq., ne fait aucune
difficulté d'identifier, sur la foi de la chanson, cette Alais avec la
mère de Raoul II de Goui.
(5) L. Vandrrkindere, Formation territoriale des principauté*
belges. I, p. 56; Ph. Aug. Becker, Zeitschrift f. rom. Ph. 32, p.
750 sq. L'exposé le p'us complet de l'opinion de M. Longnon se
trouve Rom. 38, p. 222 sqq. ; c'est à ces pages que je me réfère
par la suite.
110 NOTES SI R l; \<>i i. DE C \MBRAI.
valoir La situation stratégique de Goui-en-Arrouaise, per-
mettant d'y voir le siège d' forteresse féodale, ce qui
constitue, d'après lui, la condition indispensable pour
qu'un seigneur médiéval ail pu joindre la désignation de
Goui à son nom, et écrit ensuite : <« entre tous les Gouy
de France et de Belgique, je n'ai point hésité un moment :
celui dont le héros était originaire ne saurait être que
Gouy. village situé à l'extrémité du Cambrésis, au milieu
d'une vaste région forestière, l'Arrouaise, dont les habi-
tants sont présentés par le poète comme 1rs vassaux «lu
jeune Raoul de Cambrai » (p. 222 sq.).
Si je comprends bien la pensée de M. Longnon, sa con
sidération théorique veut dire que l'on désignait les gens,
au moyen âge, par l'indication du lieu de leur résidence
habituelle, et qu'il est de bonne méthode de n'admettre
comme résidence d'un guerrier qu'un château-fort. Ainsi
comprise, La remarque me parait excellente. Quoique la
vérification en soil malaisée aujourd'hui (i). il est certain
qu'un guerrier cherchera à établir son quartier général non
en rase campagne, mais clans un petit centre stratégique
qu'il fortifiera, si toutefois il ne Le trouve pas déjà fortifié.
Ceci admis, je remarque que si Goui-en-Arrouaise répond
parfaitement à la condition qui vient d'être exposée, cette
identification n'en a pas été moins inspirée à M. Longnon,
de son propre aveu, par les indications contenues dans La
chanson de geste. Il n'a pas hésité, dit-il, à identifier
Gaugiacum de Flodoard avec un village situé en Arrouaise,
dont les habitants sonl présentés par le poêle connue les
vassaux de Raoul. Pour nous, celle considération, qui se
ramène à une pétition de principe, est -ans valeur. Un
Gaugiacum historique ne peut être identifié qu'en vertu
de considérations historiques. Tant mieux si L'identifica-
tion s'accorde avec les données épiques, tant pis si elle Les
(1) Il faudrait, pour cela, pouvoir identifier sûrement tous les
noms de lieux qu'on rencontre accolés aux noms des barons féo-
daux, chose difficilement réalisable, quand on considère le nombre
de localités disparues sans laisser de traces, et celui, également im-
posant, de noms si répandus qu'en l'absence d'autres renseignements
le choix est rendu fort embarrassant.
XOTFS SUR RAOFL DF CAMRR.M.
11
contredit; pour l'interprétation du texte de Flodoard, la
chose nous csl indifférente. Nous admettrions Goui-en-
Vrrouaise, si c'étail l'unique Goui répondanl à la condi-
tion stratégique postulée avec raison par \I. Longnon.
M .- 1 i > ce n'esl pas le cas. Ce nom. si commun dans le
Nord, «'si attesté pour plusieurs localités situées en bor-
dure ou a peu de distance d'une grande voie de commu-
nication. Je me borne pour l'instant à citer Goui-lès-Piéton
(cant. de Seneffe, arr. de Charleroi, pro\ . Hainaut, Bel-
gique), donl le territoire est traversé par une ancienne
voie romaine.
il y a même plus, nous devons rejeter absolument
Goui-en Wrouaise, puisque celle identification heurte de
fronl ce que Flodoard nous rapporte, à l'année 925, de
Raoul l,r «le Goui. Au témoignage de l'annaliste, la terre
de ce baron fut exceptée, avec celles des comtes de Flan-
dre, de Boulogne et Thérouanne et de Ponthicu. du pac-
tum securitatis conclu entre Hugues le Grand et les Nor-
mands. Outre la bizarrerie de la mention du petil pays
d'Arrouaise à côté de vastes régions non limitrophes pos-
sédées par les fils de Baudouin II el Helgaud, il convient
d'observer que Hugues ne disposait d'aucune autorité dans
le comté de Cambrésis, où est située l'Arrouaise (1). M.
Longnon est loin de méconnaître la gravité de celle objec-
tion; bien mieux, c'est à lui que revient le mérite de l'avoir
signalée pour la première l'ois (2). Il croit cependant pou-
voir l'écarter en qualifiant cette mention de la terre de
Raoul de Goui parmi les pays exceptés du traité d'inex-
plicable. Je crains que celte manière de triompher de la
difficulté n'en soit pas une. Accepter, pour expliquer un
lexte historique, une identification qui le rend inexplica
(1) Yanderkindere. lac. cit.; cf. Bédier. np. cit., p. 360 sq.
(2) On peut même dire que le passage précité de M. Vanderkindere
n'est que le développement de la pensée que M. Longnon exprime,
avec- sa concision habituelle, à la page XVII de l'Introduction de
Raoul de Cambrai: « Ses terres [de Eaoul a'e Goui], on ne sait
pourquoi, furent exceptées deux ans après (925). ainsi que le comté
dî Ponthieu et le marquisat de Flandre, de l'armistice que le duc
de France, Hugues le Grand, conclut alors avec les Normands. »
112 NOTES SUR RAOIL DE CAMBRAI.
ble, c'est avouer L'insuccès fie l'identification. Est-ce qu'il
n'existerail pas d'autres Goui dans les conditions straté-
giques requises qui s'accordassenl mieux avec le texte de
Flodoard ? Je trouve une Butte de Goui (communes de
Cahon et de Cambron, Somme), sur la rive gauche de la
basse Somme, à proximité de la route d'Eu à Abbevillè, el
limitrophe du pagus Ponliuus administré par Helgaud.
Dans le même département (arr. d'Amiens, cant. d'IIor-
Qoi) es! située la commune de Goui-1'Hôpital, près de
laquelle passe la route d' Abbevillè a Beauvais. M. Lnngnon,
(|tii connaît mieux que personne la topographie de la
France, ne serait pas embarrassé d'ajouter à ces localités
plusieurs autres que ma maladresse, jointe ;'i une vue
assez médiocre, m'empêchent de découvrir sur les car-
tes (1). S'il n'en a indiqué aucune, c'est que son désir de
trouver un Goui s'accordanl avec les données épiques lui
a t'ait fixer d'emblée son choix sur Goui-en-Arrouaise el
perdre un peu de vue qu'il s'agissait d'interpréter le texte
historique de Flodoard et non le texte poétique de Raoul
de Cambrai, lequel ignore d'ailleurs Goui. Il serait du
reste superflu de rechercher tous les Goui, existants ou
disparus, qui s'accorderaient avec le texte de Flodoard.
Pour les besoins de celle ('Inde, il suffit d'observer que
lîaoul de Goui in1 saurait être cherché dans le Cambré-
sis (2).
(1) Il convient aussi de remarquer que Goui étant un vocable très
commun dans la toponymie du nord de la France, il a pu exister et
il existe peut-être encore, quelques localités de ce nom. remplissant
les conditions voulues, que les cartes n'indiquent pas.
(2) M. Bédier. qui s'abstient de prendre parti sur Rodulfus de
Gaugiaco, dit, p. 361, que si Gaugiacum ne pouvait pas être iden-
tifié avec une localité du CamL'résis, il serait acquis que la légende
procède d'une fausse interprétation du texte de Flodoard. C'est al-
ler un peu trop vite en besogne. On peut parfaitement imaginer,
et la tenative en a été faite (Vanderkindere, loc. rit., cf. Lauer,
Innales de Flodoard, p. 87. n. 2). que le souvenir de Raoul de
Goui a été confondu dans la légende populaire, avec celui du comte
Raoul, frère de Baudouin II de Flandre, qui périt en 896 sous
S. -Quentin.
NOTES -i R R VOl I DE I VMBR VI. 113
3. Probabilité de l'origine livresque de ht légende
La mort de Raoul II de Goui n'avait pas frappé les es
prits des contemporains. Flodoard la rapporte en ses An-
nales, mais i! omet <l<v la mentionner dans l'Histoire de Vé-
glise de Reims, bien que cette mention n'y eût pas été dé-
placée, un des fils Herbert étanl archevêque de Reims, et
quoique Flodoard y parle bel et bien de la mort d'Herbert
(IV 30). Les antres historiographes ne parlent pas davan-
tage de cet événement (1). Herbert était pourtanl un per-
sonnage non seulement 1res important,mais encore laineux
de son temps : la légende s'est emparée de lui de bonne
heure (2). Si l'incursion de Raoul a passé presque ina-
perçue, c'est (pu- sans doute les contemporains jugeaient
cet incident, survenu au lendemain de la mort d'Herbert,
sans importance, qu'ils le considéraient comme un événe-
ment banal, impropre a retenir leur attention. Et cela
paraît exclure l'hypothèse des origines populaires de la
légende de Raoul de Cambrai, je veux dire d'une chanson
prenant source dans les événements mêmes et se trans-
mettant de génération en génération jusqu'au XIIe siècle,
date de la plus ancienne version conservée de la légende
(( !hronique de Waulsort) (3).
Les versions conservées sont du reste si peu d:accord
avec l'histoire qu'on a peine à s'imaginer comment elles
auraient pu procéder des événements de 943. M. Bédier
a dressé une longue liste des contre-sens historiques con-
tenus dans la chanson (4). Tout n'y est évidemment pas
également décisif : les petites bévues comme celles que
(1) Je ne fais pas, bien entendu, état d'assez nombreux témoigna-
ges, colligés dans l'Introduction de Raoul de Cambrai, qui déri-
vent tous de la chanson. Ils prouvent la popularité du poème aux
XII" et XIII* siècles, mais ne valent rien comme témoignages ae
la connaissance du fait historique. — Le silence d'un Richer est,
au contraire, d'un grand poids.
(2) Lauer, Louis IV d'Outremer, p. 292 sq.
(3) Cette remarque me dispense d'examiner la théorie de la con-
tamination de Raoul de Goui, par le comte Raoul, frère de Bau-
douin II de Flandre {Supra, p. 112, note 2).
(4) Légendes épiques II, pp. 364-372.
L14 NOTES si II RAOUL DE CAMBRAI.
M. Bédicr noie aux n"s i ri ,s de s;i liste, son! anodines.
\u cours dos siècles, une jeune sœur de Louis IV pourrai!
fort bien se transformer eu une vieille femme, dont la
figure, ;ui surplus, se prêle mieux pour certaines scènes
;i effet; les bourgeois usurpanl la place des serfs se com-
prennenl à merveille pour qui considère combien il est
difficile d': conserver fidèlemenl de petits détails iusiLMii
fiants d'un récit archaïque. Il sérail puéril d'exiger qu'un
jongleur du XIIe siècle n'adaptât pas le décor au milieu
ambianl : le roman '/ Eneas, avec ses chevaliers el ses
vassaux, aurail dû empêcher M. Bédier de se formaliser
dos bourgeois de Raoul de Cambrai. M ; i i s en éliminant
même de la liste de M. Bédier tout ce qui s'explique plus
ou moins bien par des altérations subies au cours de deux
siècles, il faul convenir que ce qui en reste l'autorise à
qualifier le poème de farrago de bévues historiques (p. 373).
Ht cette liste, ne l'oublions pas, ne conlienl pas le contre-
sens principal, la transformation inexplicable de Raoul de
Goui en un chimérique comte de Cambrai ou de Cam
brésis !
En dépit de ces incohérences, le rapprochement de
Raoul de Cambrai, fils de Raoul Taillefer avec Raoul, fils
de Raoul de Goui s'impose. Comme le dit fort bien M.
Bédier (p. 354), les quatre lignes de Flodoard concernant
Raoul II de Goui' sont comme un sommaire de la chanson
du geste. Pour expliquer celle concordance, M. Bédier a
supposé que la légende procédail du texte de l'annaliste.
.l'aurai à revenir sur celle hypothèse; pour le moment, je
me borne à noter un fait qui semble corroborer l'opinion
de M. Bédier.
Les fragments récemmenl découverts d'une version de
Raoul de Cambrai, que M. A. Bayol croit, pour des rai-
sons valables, reproduire avec plus de fidélité l'original
commun que le manuscril de Paris, nous fournissent le
renseiernemenl suivant :
125. Pour oeste gueire passèrent Sarrasin
Avuec Gourmont, le riche barbarin,
Par le conseil Vsembart le meschin
NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI. 115
Que Loeys en list aler frarin.
Cis Ysembars estoil germain cousin
Raoul l'enfant, celui de Cambresin (1).
Cetle association de la légende de Raoul de Cambrai
avec celle de Gormond el Iscmbard esl fort bien attestée :
Gautier Map. Giraud de Barri (2) cl Philippe Mousket ('■'>)
licnl ensemble les deux légendes; I.oher et Ualler contient
aussi une trace de celle union (4). Vous n'avons pourtant
aucun témoignage que l'action de Gormond et Isembard
ail jamais été liée à celle de Raoul de Cambrai. Toul
semble se réduire à une explication de la guerre nor-
mande par les guerres vermandisiennes; Raoul de Cambrai
paraît avoir été conçu comme le prologue de Gormond el
Isembard. < >r, celle dernière chanson esl très ancienne :
la Chronique <le Centule l'atteste pour le XIe siècle, une
époque pour laquelle nous n'avons aucun témoignage de
l'existence de Raoul de Cambrai. Commenl l'auteur de
celle dernière chanson -- car il est infiniment probable
que le poème original associait déjà les deux légendes —
est-il arrivé à mettre en rapporl la bataille de ('aveux
avec les guerres de Raoul '.' Les Annales de Flodoard me
paraissent en rendre assez bien cou, pic. Vprès avoir rap-
porté la morl de Raoul II de Goui, Flodoard narre les
faits que voici :
Hugo du.x Francorum erebras agit cum Nordmannis, qui pagani
adueneiant tiel ad paganismum reuertebantur. congressiones ; a qui-
bus peditum ipsius christianorum multitudo interimitur. At ipse,
connulis quoque Nordmannorum interfectis ceterisque actis in fu-
gam, castrum Ebroicas, fauentibus sibi qui tenebant illud Nord-
(1) Ed. A. Bayot, Revue des bibliothèques et archives de Belgi-
que, 1906, p. 411 sqq. L'opinion de l'éditeur sur les rapports des
niss.. p. 416.
(2) Raoul <lt Cambrai, Introd., p. XLII sq. On était enclin à voir
dans Giraud un emprunt à Gautier (Raoul de Cambrai, toc. cit.,
Zenker. Das Epos von Isembard u. Gormund, p. 24). La décou-
verte des fragments belges rend, semble-t-il, caduque cette hypo-
thèse.
(3) Zenker, op. cit., p. 28.
(4) Zenker, 'op. cit., p. 58, n. 1.
116 NOM S -i li RAOl I. DE CAMBRAI.
mannorum christianis, obtinet. Ludouuicus Rodomum repetens Tur-
modum Nordmannum qui, ad id'olatriam gentilemque ritum reuer-
sus, ad haec etiam filium Uuillelmi aliosque cogebat regique insidia-
batur, simul cum Setrico rege pagano congressus cum eis interemit,
et Erluino Rodomum commitens, reuertitur ad Compendium, ubi
iiini expectabat Hugo dux cum nepotibue suis, Heriberti filiis, de
quibus recipiendia frequens agitabatur intentio. (Ed. Lauer, p. 88.)
Je ne crois pas que M. Lauer (I) ail réussi à prouver
que Gormond et Isembard reflète 1rs événements de
943 (2), mais j'estime qu'un homme du XIIe siècle, con-
naissant la légende de Gormond el lisant les Annales de
Flodoard a pu être lente d'identifier le héros épique avec
Turmodus. Remarquons qu'un manuscrit (C) 'les Annales
contenait originairement la variante Turmondus, que les
lettres / el c se confondent dans certaines écritures et sont
fort semblables dans les autres : un Turmondus lu Cur-
mondus peut être identifié aisément avec Gormond (3).
Certes, Flodoard ne met pas en rapport la mort de Raoul et
la guerre contre les Normands. Mais considérons le style
haché et concis de l'annaliste. Il engendre une certaine
obscurité, pour les gens peu familiers avec l'histoire du
Xe siècle surtout (4). Un homme du XIIe siècle, qui
évidemment ne pouvait avoir que des connaissances his-
toriques pins ou moins vagues, a dû être assez tenté de
croire que des deux événements l'un est présenté par Flo-
doard comme la suite ou plutôt la conséquence de l'au-
tre. Il ne découvrait aucun lien intime entre eux, mais
il les croyait liés, ("est précisément l'état de rapports
(1) Eomania 26, p. 161 sqq.
(2) Je tiens les critiques de M. Ferdinand Lot (I?om. 27, p. 3 sqq.)
poui péremptoires, en dépit des observations de M. Zenker
[Zeitschr. f. rom, Ph. 23. p. 280).
(3) Je ne soutiens pas que l'identification ait été provoquée par
une faute de lecture; au contraire, j'estime que le souvenir du
Gormond épique a causé la faute. Notons néanmoins la fausse
lecture Gornutium pour Tornutium, signalée par Blosseville, Dic-
tionnaire topographique de l'/ùirp, p. 219, article Toumy.
(4) Cf. Lauer. Annales de F Indu, ml. p. XVI: « La concision et
quelquefois l'obscurité de ces mentions [= dont se composent les
Annales] laissent malheureusement, à certains endroits, une place
un peu trop large aux conjectures ».
NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI. 117
dans la chanson de Raoul de Cambrai. Isembard était tout
indiqué pour servir de joint cuire les deux événements;
ses relations de parenté avec Raoul, c'est tout ce que
Tailleur de Raoul de Cambrai se permet d'ajouter de son
crû à ce qu'on lui racontait comme se trouvant dans le
livre latin (I).
Contre l'utilisation du texte de Flodoard au XIIe siècle.
M. Longnon a opposé une lin de non-recevoir à M. Dé-
dier : les Annales étaienl peu répandues, beaucoup moins
connues, au moyen âge, que ['Histoire de l'église de
Reims (2). M. Bédier a fait observer, eu sa réplique, que
nous possédons quatre manuscrits des Annales antérieurs
au Mil" siècle. alors qu'on ne conserve que trois mss. anté-
rieurs au XVe siècle (le l'Histoire, et que ces quatre manus-
crils en supposent pour le moins cinq autres perdus, et
qu'enfin nous connaissons au moins trois écrivains, au
moyen âge, qui oui utilisé ce livre (3). Pour deux autres,
l'utilisation est vraisemblable (4). 11 ne faut pas en outre
perdre de vue que le nombre constaté des emprunts a
Flodoard n'a pas la portée que lui attribue M. Longnon.
Les passages poétiques, où l'emprunt ou l'influence du
roman de Partonopeu de Blois peuvent être constatés,
sont plutôt rares : c'était pourtant une des œuvres les plus
populaires au moyen âge, ainsi que le montre sa diffusion
prodigieuse a l'étranger, le nombre assez respectable de
manuscrits français et surtout leurs rapports de filiation
presque inextricables (5).
(1) Le fragment Lelge prétend s'appuyer sur un livre latin : Ensi
,n/i dist li livres de Vauctor. Cf. plus loin, p. 120. n. 3.
(2) Rom. 37, p. 196 sqq. ; Boni. 38, p. 219 sq. n'apporte aucun
argument nouveau.
(3) Légendes épiques II, p. 429 sqq.
(4) Dudon de S. -Quentin et l'auteur des Annales Iternenses. Cf.
Lauer, Annales de Flodoard, p. XXIX. Du reste, les Annales et
l'Histoire donnant souvent le même texte, il n'est pas impossible
que certains emprunts qu'on croit faits à l'Histoire soient en réalité
des emprunts aux Annales.
(5) J'en ai la connaissance directe, étant précisément occupé
classer les mss. de ce roman, dont je prépare une édition. Le livre
de M. Pfeiffer, Ueber die Hss. des afr. Romans Partonopeus de
q
118 NOTF.S SUR RAOUL DE CAMBRAI.
Assurément, on doil se défier de l'hypothèse de l'utili-
sation «l'un texte complètement inconnu à une époque; on
n'admettrail pas facilement, par exemple, une connais-
sance des vraies Institutions s de Gaius chez un écrivain du
XII* siècle (I). \lai< les Annales ne sonl poinl un texte in-
connu au moyen âge; leur tradition manuscrite, on vient
de le voir, est assez importante. El cela suffit pour écarter
l'objection de M. Longnon.
i. Bah >lai
L'origine livresque de la légende n'est encore qu'une
probabilité. Avant d'essayer de la rendre plus vraisembla-
ble, il convient d'examiner si elle ri'esl pas contrecarrée
par d'autres probabilités, qui nous amèneraient à chercher
ailleurs la solution du problème. Or, AI. Longnon vient
d'en mettre en avant une. qui lui esl fournie par le nom
du prétendu auteur du poème, Bertolai. « Le nom de
Bertelai, écrit-il (Rom.. 38, p. ~'i9), ne se rencontre, à ma
connaissance du moins, en aucun monument historique
postérieurement au milieu du Xe siècle. Il semble donc
que, s'd figure en quelque chanson de geste et surtout s'il
y paraît sous une forme défectueuse [Bertolai, et non
Bertelai], l'on puisse admettre que l'auteur ou le rema-
nieur de cette œuvre l'aura emprunté à une rédaction
antérieure du poème qu'il avait entrepris de rajeunir. »
La discussion qui s'est produite entre AI. Longnon et
Bîois (Ausg. a. Abh. XXV), ne laisse presque pas apercevoir ces
difficultés; on les voit mieux dans A. van Berkum, de middelne-
ih'il, bewerhing van den Partonopeus-Boman, Groningue 1897. —
Quant aux emprunts, je n'en connais qu'un qui me paraisse assuré:
Renaud de Beaujeu a exploité Partonopeu, à côté du Chrétien de
Troyes, dans son Bel Desconeù. Quant à l'influence de Partonopeu,
M. Foerster a signalé les rapports de ce roman avec les œuvres de
Chrétien. Mais il croit Chrétien antérieur à Partonopeu. Je n'ai pas
encore examiné la question. Je prouverai prochainement l'imitation
de Renaud de Beaujeu.
(1) Au lieu des Institutiones de Gaius, j'allais citer les Annales
Uedastini, quand je me suis aperçu que M. Longnon avait prouvé
l'utilisation de ces Annales quasi-ignorées au moyen âge par André
de Marchiennes (P. de Cambrai, Introd. p. XIX, n. 2).
NOTES SIR RAOUL DE CAMBRAI. 119
M. Bédier au sujet de Marsenl (1) nous rend assez scepti-
ques à l'endroil des arguments tirés de la disparition d'un
nom au bas moyeu âge. Une circonstance fortuite, le ha-
sard d'une recherche entreprise «huis un but complète-
ment différent, me confirme dans mon scepticisme. Il me
souvient d'avoir rencontré dans un obituaire de la Lépro-
serie de Popelin, établissement datant du XII0 siècle seu-
lement, la mention que voici :
XI III. kal. maii. Ob. Hugo Bertelais et uxor eius, qui dederunt
nobis decimam terre de Crollepie (2).
Hugo Bertelais est un nom composé de la même manière
que Guillelmus Burundi, Pelrus Jacobi, etc., où la forme
du génitif, commune encore au XIVe siècle, prouve que
le second élément de ces vocables était senti, au moyen
âge, comme un nom individuel, et non comme un nom de
famille (3).
J'ai cru inutile de me mettre en quête d'autres exemples
de ce nom postérieurs au Xe siècle. En effet, M. Longnon
n'a pas manqué d'observer que Bertolai revenait assez
souvent dans la bouche des jongleurs cherchant un nom à
leurs héros. Renaud de Montauban en fournit un exemple,
et il en est de même de Girari de Roussillon, d'Otinel et
d'Oijicr. On peut donc tenir pour assuré que ce vocable,
porté ou non par des personnages réels du bas moyen
âge, n'était point inconnu aux jongleurs de geste. Et
comme l'auteur de Raoul de Cambrai avait une grande
(1) Longnon, Rom. 37, p. 204 6q. ; Bédier, Lég. ép. II, p. 432 sqq.
— Longnon, Borne 38, p. 230, sqq. présente, avec un nouvel exem-
ple de Marsent de basse époque, une hypotbèse sur le prototype de
la Marsent épique que je puis me dispenser de discuter, car il est
peu probable qu'elle trouve créance, même chez les partisans les plus
fanatiques de l'historicité de la chanson.
(2) Molinier et Longnon, Obituaires de la province de Sens, I, 2"
partie, p. 974.
(3) Je n'ai pas besoin de aire qu'il ne faut pas voir un nomina-
tif dans Bertelais ; pour le texte latin du milieu du XIII' siècle,
ce nom est indéclinable, et comme dans beaucoup de noms propres,
c'est la forme de l'ancien nominatif qui l'a emporté sur celle de
l'accusatif.
120 XOTF.S SUR RAOUL DE CAMBRAI.
connaissance de la poésie épique (1), il n'y a rien d'étonnant
à ce qu'il eûl affublé de ce nom le prétendu auteur du
poènie original. Ce n'esl <lu reslc pas une hypothèse que
l'auteur du poènie conservé affuble du nom de Bertolai des
personnages fictifs, lu comparse, un parenl de Bernier,
tué par Raoul, s'appelle Bertolai. On trouvera l'indication
des trois vers mentionnant ce personnage dans la table
onomastique que \l. Longnon a jointe à l'édition du
poème.
Quant au passage de la chanson qui contient la mention
(\\\ trouvère Bertolai, il n'a pas. par lui-même, la force
probante que M. Longnon b'i attribue. M. Bédier lui en a
opposé un, fort semblable, emprunté à un roman de pure
imagination : Hervis de Metz (op. cit., p. 438), et c'est
sans doute par suite d'une petite confusion entre Girberl
de Metz et Hervis de Metz que M. Longnon a conclu à un
emprunt à Raoul de Cambrai (2), car suivanl la juste
remarque de M. Foerster, Hervis de Metz ne doit rien à
Raoul de Cambrai (3).
5. Examen de la localisation de la légende à
S,-Géri-de-( 'ambrai
Rien ne s'oposanl à ce que la légende soit d'origine
savante, nous pouvons pousser plus avant l'étude de cette
hypothèse, ("est à l'église de S.-Géri-de-Cambrai que M.
Bédier propose de rattacher la légende (p. 375 sqq.) : cet
établissement en serait l'un des points de formation. Je
ne crois pas que celte manière de voir s'impose à notre
conviction : l'argumentation de \I. Bédier ne me semble
pas très décisive
La fréquence des invocations à s. * i < '• r i qu'on constate
(1) Raoul de t'ambrai, Introd. p. LXI.
(2) Rom. 37, p. 491.
(3) Idterarisches Zentralblatt 1908. ool. 1396. — J'ajoute que rien
n'est moins certain que la mention de Bertolai dans le poème pri-
mitif. Les fragments belges indiquent comme source du poème un
« auctor » (v. 11), ce qui semble s'appliquer mieux à un livre latin
qu'au soldat-trouvère.
NOTES SUR RAOUL DF. CAMBRAI. 121
dans la chanson a'esl pas de grand poids. S. Géri esl
invoqué sepl fois par 1rs divers personnages du poème (I).
C'est un nombre respectable. Il n'esl égalé que par celui
des invocations à s. Simon (2). Mais il est dépassé par
neuf appels à s. Denis (3) et par douze à s. Riquier (4).
Ces invocations sont une grande ressource pour un poète
qui cheville, a l'ail remarquer M. Meyer (5). Pourquoi
l'auteur de Raoul, se demande M. Bédier (p. 376, ri. I).
n'invoque-t-il pas d'autres saints que lui fournissaient éga-
lement des rimes faciles en i : saints Merri, Rémi, Tierri,
Valéri, etc. ? — Probablement parce qu'ayanl l'.iil appel à
dix-huil bienheureux nommémenl (6), sans compter quel-
ques invocations génériques (7), il a cru avoir donné des
gages suffisants de son mauvais goûl el estimail superflu
de pousser plus loin la démonstration de sa piété indis-
crète.
.Mais s. Géri, dit M. Bédier, est invoqué par les trois
personnages principaux du roman dans les circonstances
graves de leur vie. C'esl en juranl s. Géri que Guerri ré-
clame au roi, au v. 65-i, qu'il rende à Raoul son héritage.
Mais c'est en faisant appel à s. Denis que le même Guerri
s'excuse, quand Aalais lui reproche de ne lui ramener
que le cadavre de sou fils (3592). < "esl en juranl s. Géri
que Raoul menace les otages de la prison (869); niais c'est
au nom de s. Riquier qu'il prétend avoir revendiqué la
terre des (ils Herbert à la cour du roi (1081). Bernier
prend à témoin s. Géri. quand il se plainl à Guerri du
meurtre de sa mère (1528); mais c'est à saint Thomas qu'il
(1) V. 654, 869, 1528, 1619, 2187. 2249, 4586-9.
(2) V. 629. 923. 1057. 1661. 1973, 3978, 4860.
(3) V. 2084, 2643, 2846, 3215, 3222. 3592, 3865, 4727-31. 5201.
(4) V. 1081, 1359. 1421, 1847, 1938, 2018, 2284, 2552, 3070. 3788.
4601. 5117.
(5) L'un ni de Cambrai, Introd. LVIII.
(6) SS. Arnaud. Augustin. Denis. Firmin, Gabriel, Géri, Ger-
trude, Gervais, Hilaire, Honoré, Jacques, Léonard, Nicolas, Paul.
Pierre, Riquier, Simon, Thomas. Cette liste n'a pas la prétention
d'être complète.
(7) Saints de Bavière, de Pavie, de Ponthieu et sans doute d'au-
tres encore que je n'ai pas notés.
122 NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI.
a recours dans la scène pathétique de la tirade LXVII, el
c'esl sous les auspices du bienheureux évêque Firmin qu'il
conçoit l'idée de se séparer du meurtrier de sa mère (1605).
Il est inutile <le poursuivre cel examen. Saint rlilaire,
saint Jacques, sainte Gertrude, saint Denis, ions les saints,
grands ou petits, sont invoqués, par les principaux per-
sonnages connue par les comparses, dans toutes les cir-
constances de leur vie, au gré de la rime et même de la
fantaisie de l'auteur.
Le second argument de M. Bédier, tiré de ce que plu-
sieurs scènes importantes de iluoitl de Cambrai sont loca-
lisées à s. Géri, n'est, pas plus résistant que le premier.
Car si l'on voulait chicaner M. Bédier, on pourrait lui
répliquer que de toutes les églises de Cambrai, le jon-
gleur, étranger à la ville, n'a entendu parler que d'une
des plus importantes, celle de s. Géri. Sans aller, pour le
moment, jusque là. j'estime qu'ayant placé une partie de
l'action à Cambrai, le poète, ayant besoin d'un moûtier, a
choisi s. Géri comme il aurait pu choisir l'église de Notre-
Dame ou l'abbaye de Saint-Sépulcre (1). Une fois son
choix fait, il l'a maintenu. Le court vocable de saint Géri,
fournissant, au surplus, une rime, fréquente dans le poème,
en i, lui a paru peul-èlre plus facile à manier que les
vocables des autres églises cambraisiennes. Mais il se peut
aussi que cette circonstance n'y soit pour rien.
Il y avait une foire très fréquentée, continue M. Bédier,
au Monl-Saint-Géri, et les jongleurs ne devaient pas y
manquer. Il y avait bien d'autres foires dans le Nord de
la France, et même ailleurs, et ce n'est pas M. Bédier qui
me démentira, si j'admets la présence des jongleurs à plus
d'une de ces fêtes populaires. Le jongleur qui a rimé
Raoul de Cambrai a fréquenté la foire du Mont-Saint-Géri
et l'église elle-même : « Il sait, je cite textuellement le
livre de M. Bédier, que le mostier de S. -Géri n'est pas une
abbaye proprement dite, mais plutôt un chapitre, une réu-
nion de clercs séculiers (H saige clerc) vivant en commun,
(1) Cf. une L'onne remarque de M. Flach, Journal des Savants,
1909, p. 122.
NOTES SUR RAOUL OF, CAMBRAI. 123
un collège de prêtres prébendes par l'évêque de Cambrai
(p. 382). Je n'ai pas réussi à trouver le passage où le
poète aurail fait allusion au « collège prébende par l'évê-
que de Cambrai ». Je remarque que saige clerc ne signifie
pas « clercs séculiers », mais « ecclésiastiques lettrés,
savants » (réguliers aussi bien que séculiers), el je conclus
en m'étonnant un pou de la précision effrayante des ren-
seignements que M. Bédier tire de trois vers, pris à trois
passages différents du poème, qui disenl le plus banale-
îiion I du monde que II saige clerc Fonl le Dieu mesiier dans
un mostier et qu'un évêque \ chante la messe hautement.
Le poète (i -ait el s'adresse à un public qui sait que
Raoul est enterré au mostier [S.-Géri] » (p. 382). — Mais
nous l'ignorons, cl peut-être le public du jongleur n'en
savait-il pas plus long que nous (1). Béroul prétend que
cil qui Vont v'eùe connaissent une relique d'Iseut à S.-San-
son. dont nous ne saxon- rien: l'auteur de la deuxième partie
de Raoul de Cambrai (version de Paris) t'ait recueillir
Bernier dans un petit prieuré Que Bernier-Pierre apellent
ou pais el qui semble n'avoir existé que dans l'imagination
du poète; une charte célèbre de Laon dit, paraît-il, des
merveilles de Roland et Turpin : Ki tant ne set, ne lad
prod entendut. M. Bédier m'en voudra-t-il d|avoir peu en-
tendu à sa démonstration et de lui dire que j'admettrai
l'existence des tombeaux des <\t'\\x Raoul, lorsqu'il m'aura
prouvé que la chanson s'adresse au public hantant le Mont-
Saint-Géri,ou que j'accepterai la localisation de la légende
à s. Géri, quand il m'aura démontré l'existence des tom-
beaux, mais <[ue je me refuserai obstinémenl à me laisser
convaincre par une pétition de principe (2).
6. Le document connu nous le nom de < '.harte
de l'évêque Liébert.
M. Bédier a produit encore un dernier el principal argu-
ment en faveur de la localisation de la légende à S.-Géri-
(1) M. Bédier le concède lui-même p. 385, n. 1.
(2) Je m'aperçois, après coup, que M. Ph. Aug. Becker croit
également à l'existence du tombeau de Raoul, voy. son excellent
Grundriss d. afrz. Literatur I, p. 81.
124 NOTES SUR RAOl'L DE CAMBRAI.
de-Cambrai (p. 383). Ces) un documenl signalé par M.
Longnon, en son introduction à l'édition de Raoul de ('am-
brai (p. XXII) el qualifié par lui (el ensuite par M. Bédier)
de charte de l'évêque Liéberi (-J- ivanl 1070). Voici ce do< u
ment publié par Duvivier d'après un manuscrit perdu (l) :
Notum sid omnibus fidclibus ecclesiae Liebertum. gratia Dei Ca-
meracensem episcopum, ea quae ad usus fratrum in ecclesia beatî
Gaugerici quidam seruientium, partim a reliquis fidelibus, post libe-
ralem elemosinae benignitatem a Lothario, item a Lothario et Carolo
regibus factam, et a Joanne papa auctoritate apostolica confirmât a m,
tradita sunt, huius cartae testimonio ne a memoria excidant commen-
dasse et episcopalis priuilegio dignitatis ne ab aliquo diripiantur
légitime laborasse. Tradidit itaque ad usus fratrum praedictorum
eomitissa Adelaidis pro sua filiique sui comitis Radulphi anima
uillam quae dicitur Conteham et quae ad eam pertinet arabilcm
terram ; cornes Ybertus Torci ; Heribertus dimidiam culturam Main-
sendis... (suivent de nombreux noms des donateurs avec indication de
ia donation)...
Habebant etiam praedicti fratres in Iuorio mansum unum, qui X.
denarios soluit, cum terra arabili ; in Uilla Puerorum unum curtil-
h:m : in Buisniis et Morchiis terram arabilem unius carruce : in
Aldoncurte et mansum unum cum terra et arabili terra ; in Fontanas
et Raillencourt et Geimont dimidia carruce arabilem terram. in
Maneriis XV. curtillos et terram arabilem quod emerunt a quodam
milite libras decem ; in Brachiol III. curtillos et terram arabilem.
Dédit etiam Christianus ecclesiae sancti Gaugerici, cuius erat aduo-
catus, adhuc uiuente et annuente uxore sua quae proprio nomine
Tressendis, Beatrix uero est appellata, ancillam unam... quod sub
hiis testibus f actum est : Wibaldo, Amulrieo, Leuiulfo, Joanne de
Rumilli, Roberto, Herberto et Petro de Jiekieres. Praeterea epis-
copi Cameracenses haec altaria (suit une énumération)... libéra tra-
didere. Ipse uero dominus Liebertus episcopus altare in jNIeobris
superaddidit... (suivent des détails) similiter et altare in Auesnis...
(suivent des détails et indication d'autres donations du même). Tem-
pore eiusdem episcopi tradidit se ecclesiae s. Gaugerici Walterus
cum uxore sua Enghelsena'i et filia eorum Enghelsendi. Tradidit
etiam idem episcopus eisdem predictis fratibus districtum claustri
eorumdem fratrum, ab antecessoribus suis olim ablatum, etiam et
cambam unam et de mathera decimam partem, et in omnibus molen-
d'inis quae sunt Salis uel Talis decimam partem in duabus s. Gau-
gerici festiuitatibus. Thelonei tertiam partem antecessores sui dede-
runt et ipse duas et secundum horum priorem. Tempore eiusdem
episcopi homo quidam nomine Robertus ecclesiae s. Gaugerici se
(1) Recherches sur le Hainaut ancien, p. 425 sqq.
NOTES SIR RAOUL DE CAMBRAI. 125
tradidit cum uxore sua Heldeuuida et filio suo Balduino et filiabus
suis Beloca uidelicet et Iohera : feiit autem similiter alius homo
qui Rothardus uocabatur ; idem quoque fecerunt duae mulieres
quarum haec sunt nomina : Aldiardis, Fulcuera.
Si par un acte au sens diplomatique on entend un écrit
destiné à porter témoignage des faits de caractère juridi-
que, ce documenl en est un très certainement. Mais cel
acte au sens diplomatique n'est pas un acte probatoire au
sens juridique. Ce n'esl pas une charte dispositive, caria
au sens technique du mot, puisqu'il ne contienl aucune
disposition; il se borne à notifier l'existence d'un privilège
de l'évêque Liéberl el à énumérer les possessions de l'ab-
baye. On remarquera du reste qu'il ne contienl ni signes
de validation ni leur annonce; il n'a pas d'eschatocole. Il
n'émane pas de Liébert, puisqu'il est conçu en la forme
indirecte, à la troisième personne, el non en la forme
directe, à la première personne, suivant l'usage constant
des actes épiscopaux. La prétendue charte de Liéberl n'esl
même pas un simple acte probatoire (schlichte Beweisur-
kundé), une notifia au sens diplomatique du mot, puisque
loiil en mentionnant des actes juridiques elle mentionne
aussi le simple l'ail de possession de certains biens par
S.-Géri. possession qui constitue bien un fait, mais non un
acte juridique : Habebani efiam praedicti fratres, etc.
Qu'est-ce donc que ce documenl '.' Je crois que c'est une
manière d'inventaire muni très maladroitement d'une for-
mule de notification à son début. Car sur la foi de cette
formule nous devrions admettre que toul ce qui esl contenu
dans l'acte avail fait l'objel d'une confirmation solennelle
de Liébert, el ce sérail une grosse erreur. Il esl impossible
qu'une autorité quelconque confirme le simple fail de pos
session. Il est lianlenieiil improbable que Liéberl ail énu-
méré, en sa charte, les témoins d'un acte de donation :
quod sub hiis testibus factum est Wibaldo, Amulrico,
Leuiulfo, Joanne de Rumilli, Roberto, Herberto et Petro
de Jiekieres, comme s'il voulait vidimer la carta donationis
au lieu de la confirmer dans un privilège global. La bizar-
rerie de ce passage est d'autant plus grande que la men-
tion de la donation dont on communique l'eschatocole est
126 NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI.
précédée de très nombreuses mentions se bornant à l'indi-
cation du donateur et de l'objet de la donation. Il esl dif-
ficile d'admettre que cette mention ail figuré dans l'acte de
Liébert, dont l'existence esl notifée au débul du document,
comme il esl difficile de ne pas suspecter tout ce qui se
lii dans le document à partir des mots Habebant etiam
praedicti fratres.
La prétendue charte de Liébert n'a, du reste, pas été
rédigée du vivanl de cet évêque, car ce n'est qu'après sa
mort qu'on pouvait écrire, en parlant de lui : Tempore
eiusdem episcopi tradidit se ecclesiae S.-Gaugerici Wal-
lerus, et continuer de même, après avoir rapporté une dis-
position de Liébert : Tempore eiusdem episcopi homo qui-
dam nomine Robertus. Mais si la morl de Liébert (avant
MiTo) fournil facilement un terminus a quo pour la date
du document, il est impossible d'en déterminer le terminus
ad (/item, car l'âge de l'unique ms. perdu, d'après lequel
ce document a été publié, esl inconnu et il n> a pas d'au
Ire point de repère.
Notre document énumère des biens de l'église de S.-Géri
au temps de l'évêque Liébert. Des chartes authentiques ont
certainement élé utilisées pour sa confection. La bulle de
Jean \ 'III que le documenl prétend être visée dans l'acte
de Liébert, existe (1). La mention de la donation de
l'avoué Chrétien a aussi bien l'air d'être tiré d'une charte
authentique. Quant au reste, je n'ai pas les moyens de con-
trôle, les sources diplomatiques de S.-Géri étant encore,
pour la plupart, inédites. La question est, d'ailleurs, de
minime importance. Four les besoins de celle étude il
suffit de constater que le documenl est rédigé très libre-
ment. L'évêque Liébert devail certainement viser, dan- sa
confirmation, les chartes de ses prédécesseurs postérieurs
à la bulle de Jean VIII. Le document les mentionne aussi,
mais non dans la partie qui pourrait contenir le résumé' de
l'acte de Liébert: il s'en occupe dans sa partie postiche.
Après la donation de l'avoué Chrétien, nous lisons : Prae-
terea episcospi Cameracenses haec altaria... libéra Ira-
il) Jatt'é n° 3188 = Duvivier, op. cit., p. 318.
NOTE? SUR RAOUL DE CAMBRAI. 127
didere. Ipse uero episcopus Liebertus allure in Meobris
superaddidit.
Cette constatation doil nous mettre en garde contre les
mentions qu'on pourrail être tenté de prime abord < 1 * -
croire empruntées au privilège de Liébert. L'étal des biens
décril dans notre pièce est dressé au moyen de plusieurs do-
cuments dont les mentions sont entremêlées. 11 esl difficile
de dire, dans ces conditions, ce qui y esl pris à la charte
de Liébert, el ce qui esl emprunté à d'autres sources. I ne
chose esl toutefois certaine: la mention de la donation du
cornes Ybertus n'a pu être tirée, sous celle l'orme, du pri
vilège de Liébert. 11 sera établi plus loin qu'au XIe siècle
Ibert dil de Ribemonl n'a été qualifié comte que dans les
documents waulsodoriens, avec lesquels un acte de Lié-
bert pour s. Géri de Cambrai n'a rien à faire. El quand
on aura remarqué que le documenl mentionne une dona-
tion de la comitissa Adelaidis pro sua filiique sui comitis
Radulphi anima, alors que les documents cambraisiens ne
connaissent que des donations de la comtesse .Mais faites
pour le repos de l'âme d'un Raoul dépourvu de titre (1), on
ne pourra se défendre de l'idée que ces intilulations sont
dues à l'influence de la chanson de geste. M. Bédier a eu
bien raison de prendre ses précautions contre ce qu'il
croyait, sur la foi de M. Longnon, être une charte de l'évê-
que Liébert, mais il a eu tort de s'appuyer sur ce docu-
ment pour faire de s. Géri un des points de forma lion de
la légende. M. Longnon a eu raison d'admettre l'influence
de la chanson sur la mention du cornes Ybertus, mais il a
eu tort de croire que c'était Liébert qui avait subi cette in-
fluence. En fait, il n'y a rien à tirer de ce document de
date inconnue, mais postérieur à la mort de Liébert, sinon
que les clercs de S. -Géri ont cru à l'historicité de la chan-
(1) Je n'ai pas besoin de dire que ce n'est pas la même chose.
Le fils de la comtesse pouvait être mort en bas âge, avoir em-
brassé la carrière ecclésiastique, etc. — Sur les documents cambrai -
siens cités dans le texte, voy. la note suivante.
128 NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI.
son de Raoul de Cambrai, tout aussi bien que les nonnes
d'Origni-Sainte-Bônoîte (1).
7. Elbertus = Albert. Le fondaient de
S.-Michel-en-Tiérache.
Avant de continuer notre enquête cnr la formation de La
légende de Raoul de Cambrai, il '-si indispensable d'éluci-
der une petite question d'onomastique au sujel de laquelle
une discussion s'esl élevée entre M. Bédier cl M. Lon-
gnon (2). Quelle esl la valeur de la graphie Elberlus que
nous rencontrerons dans quelques chartes permettanl de
contrôler les affirmations d'une chronique très suspecte au
poinl de vue historique, mais extrêmemenl précieuse pour
la critique de la chanson de geste, YHistoria Uualciodo-
rensis monasterii ?
Pour M. Longnon, Elbertus ne saurait désigner qu'Ibert,
el il cité en effet un personnage, déjà signalé du reste par
Foerstemann, dont le nom est écrit alternativement Elber-
lus el Eilbertus, colle dernière graphie indiquant qu'il >"a-
git d'un Ibert. Il esl certain que l'influence de /. contenue
primitivement dans le premier élémenl iln nom d'Ibert, a
produit une hésitation dans le traitemenl de la voyelle
initiale, ('es fluctuations sonl bien connues, cl elles ren-
dent assez malaisée Pétymologie de bien des noms propres
donl la première syllabe se termine ou se terminait par
(1) Bédier, op. rit. II, 388 sqq. Adde Ph. Durrieu, Bill. Ec. Char-
tes 53. p. 123 (sur ms. Berlin, Cab. Estampes H. S. 47). — Je me
permets de glisser rapidement sur une mention d'un nécrologe de S.
Géri, dont M. Bédier ne fait, du reste, pas état. Elle est conçue
ainsi: VIII. kal. octobris Obiit Aelaidis comitissa. [Rom. 38. 227.)
Alais est un nom trop commun au M. A. pour qu'on puisse en tirer
une conclusion quelconque en faveur de la localisation de la légende
à S. Géri. Quant à la mention de Aelaidis comitissa, matei Uodulfi
de deux autres obituaires, il suffit de remarquer qu'ils concernent
l'église cathédrale sous le vocable de Notre-Dame et non S. Géri
(Bédier, p. 385': Longnon, Rom. 38. 226 sq.), La combinaison A lais -
Raoul est au surplus banale, étant donné la grande diffusion des
deux noms.
(3) Bédier. p. 426; Longnon, Rom. 37, p. 493 sq.
nu l ES -i R R VOUL DE C Wllti; M.
,-_,,,
une liquide (I). Mais, c me l'a observé forl exactement
M. Béclier, l'influence de la liquide s'exerce aussi sur un
n initial. Je me borne à citer ici quelques exemples <lu
traitement Al-: El-:
Alligni, Alliniacum Elinvacus (Longnon, Pouillés de la
prov. de Sens, table).
Auray, Alraium Elrayum (Longnon, Pouillés de ht
prov. de Tours).
La Hallotiere la Helotiere (Longnon, Pouillés de la
prov. de Rouen).
Haudreville Heudreville (Longnon, ibid.).
Alienor, etc. Eleonor, Elienora, Helenoria (Molmicr et
Longnon, Obiluaires de lu prov. de Sens).
Almericus seu Elmericus (Molinier el Longnon, ibid.).
Allagnon Ellenionem (Chassaing el Jacotin, l)ul. topo-
(jr. Haute-Loire).
Moisu seu Heloisa (Schultz-Gorra, Toblerabhandlungen
1895, p. 185).
Alsace, Alsacence, etc. (Dip. Kami. I) pagus Elisatius
(Flodoard, Ami.).
Le l'ait que la liquide est suivie de l'explosive labiale
s 'e ne l'ail pas obstacle à ce traitement. Le nom d'Adal-
béron est rendu dans un prétendu diplôme de Lothaire
par Helberus, el l'éditeur, M. L. Halphen, remarque à ce
sujet '.«.Helberus représente la forme vulgaire el parlée du
nom Adalbero (2) ». M. Longnon semble être du même
avis. I)n moins a-t-il maintenu la forme Helberus à l'ar-
ticle Adalbero de la table de M. Halphen, qu'il avait sou-
mise à un examen très minutieux. AdaLberlus est, pour le
traitement de la voyelle initiale, dans les mêmes conditions
phonétiques (\\\' Adalbero, et on ne saisit pas bien pourquoi
M. Longnon déclare inadmissible le traitement : Adalber-
tus : Elbertus. Se refuserait-il aussi à reconnaître dans S.
(1) C'est aller pourtant un peu trop loin, que de voir, comme le
fait M. Longnon, Bom. 29, p. 497 sq., un dérivé de Hildebertus
dans Eduardus.
(2) Halphen et Lot. Recueil des actes de Lothaire et de Louis V,
p. 148.
130 NOTl S -i R RAOl l DE CAMBRAI.
Elberici d'une charte du Trésor de Rethel le signum d'un
vulgaire Vubri ( I ) ?
Je pourrais lui citer alors un Albert indiscutable dont le
nom esl écrit ailleurs Elbertus, et, par un hasard assez
plaisant, c'est au siège même de la seigneurie de Ribemont
que je trouve ce personnage. Une charte du cartulaire de
-;. Nicolas des-Prés sous Ribemont, que l'éditeur, M. Hen-
ri Stein, date des environs de 1 190, mentionne un Alberlus
de Ribodimonte, qui, dans une charte du même recueil
datanl du commencement du \IIIC siècle, est appelé El-
berlus de Ribodimonte (2). Bien mieux, nous possédons la
copie d'une charte pour S. Michel en Tiérache <>ù Albert
de Verntandois - c'est précisément le personnage qui
nous intéresse, est appelé Elbertus.
Humane consuetudinis est ut res quas sainte dei ecclesie fidelis
quisque tribuit uel pro neceseitate uendit, litteris ad memoriara pos-
terorum eommendet. Nouerit igitur uniuersa ecclesia , quod ego Uuel-
trudis dederim ecclesie sancti Michaelis archangeli uillam nomine
Boegnis, sitam in comitatu Laudunensi super fluuium nomine Auben-
ton, pro salute anime Eadulfi mariti mei et pro salute anime mee et
nostrorum infantium ; ita uidelicet ux ex una medietate acceperim in
precio solidos CXX., aliam uero medietatem. sicut supradictum est,
pro salute animai um nostrarum gratis supradicte ecclesie tradide-
îim : que habet mansum indominicatum cum omni integritate, scilicet
cum terris ciiltis et incultis, cum pratis, aquis aquarumue decursibus,
et alia mansa ibidem adiacentia, ecclesiam unam in honore sancti
Bricii, molendinum unum in supradicto flumine, siluam ubi possunt
quingenti porci saginari. Hec omnia legaliter et sub scripto tradidi
ut presens ùonatio stabilis et inuiolata permaneat. Si quis, quod fieri
non credimus, hanc cartam infringere tenptauerit, siue ex parentela
mea uel mariti mei siue alius quippiam, in primis iram domini
omnipotentis et sancti Michaelis incurat et fisco regali auri libras
('. persoluet, et quod repetit nequaquam obtineat. Huius rei testis
sum ego Uueltrudis, que hanc cartam fieri iussi. comesque Elbertus,
assensu cuius et permissu hanc uenditionem et elemosinam feci,
(1) Saige et Lacaille, Trésor '/'■-• Chartes du comté de Bethel I,
n° 9.
(2) H. Stein, Cartulaire de... Saint-Nicolas-des-Prés sous Ribe-
mont, S. Quentin 1884, n' LXXX. p. 134. et n° XXVIII. p. 64.
C'est cette alternance qui fait mettre à M. Stein un autre Elbertus
(h Itibodimonte de 1104 (n" XXI, p. 56) à l'article Albert, de la
table onomastique.
NOTES SUE RAOUL DE CAMBRAI. 131
quique hanc cartam sigillo proprio firmauit. Signum etc. Actum in
claustra Sancti Quintini die VII. kalend. Augusti .Anno incarna-
tionis domini aongentesimo LYIII (1).
Si l'on fail abstraction du mol sigillum de La formule fi-
liale «lu texte, cette charte esl excellente. Le plus sceptique
des diplomatistes n'y trouverai! rien à redire. La mention
du sceau esl évidemment forl sujette à caution, el c'esl avec
raison (|ue M. Sackur y voit une interpolation (2). Mais de
là à conclure que l'acte esl supposé, il y a un alunir. Ou n'y
esl arrivé qu'en identifianl le cornes Elbertus avec [bert, dit
de Ribemont, au sujel duquel il ne saurait, en effet, y avoir
de doute qu'il ne pouvait pas être qualifié comte dans un
acte du Xe siècle (3). Mais si l'on considère qu'un faussai-
re assez habile pour imiter à la perfection le style des char-
tes carolingiennes n'aurait pas la naïveté de mentionner
le sceau dans un acte privé qu'il se proposerait de dater
du Xe siècle, et qu'au contraire il est banal de rencontrer
des interpolations dans les formules protocolaires des
chartes conservées par des copies de cartulaires, on con-
clura (pie li- copiste du cartulaire de S. -Michel a remplacé
la mention originale du signum par celle de sigillum, et
que le cornes Elbertus n'esl autre que le comte Albert de
Vermandois, fils d'Herberl le Grand.
Ce qui me confirme dans celle interprétation, c'est la
remarque, faite déjà par M. Bédier, à savoir que notre
acte esl délivré in claustro S. Quintini, et que le comte
Allieil était précisément l'abbé laïque de S.-Quentin. Il est
vrai que M. Longnon objecte (Loin. 38, p. 241) que « à S.-
Quentin, Ybert occupait évidemment le premier rang après
le comte-abbé Aubert I. Il était le lieutenant du comte, ei
(1) Cartulaire de S. -Michel en Tiérache (XIII* siècle), ms. lat.
Fiible. Nat. 18375, p. 26 sq.
(2) Deutsch. Zeitsch. f. Geschichtswissensch. II (1889), p. 358,
note 6. C'est à tort que M. Longnon, Rom. 38. p. 234, attribue la
paternité de cette observation à M. Rolland. Cet érudit renvoie
expressément à l'article de M. Sackur.
(3) Là-dessus, tout le monde est d'accord: Sackur, op. cit., p. 358,
Rolland (Ann. Soc. Arch. Namur XIX (1891), p. 69, n. 2), Longnon,
Rom. 38. p. 233 sq.
132 NOTES SUE R \<U I. DE CAMBB \l.
comme tel, il dut porter le titre de châtelain ». mais je
crains que cctlc opinion ne puisse s'appuyer sur aucun
document. Les descendants d'Iberl portèrent le I i 1 1 ■ « * de
châtelain de S. -Quentin, mais aucun acte ne montre Ibert
pourvu de ce titre. Nous avons pourtant deux actes datés
de S. -Quentin, où [berl n'aurait pas manqué de prendre
la qualité que lui prête M. Longnon, >'\\ l'avait possédée.
Mais dans la charte datée in uico S. Quintini. II. nouembris
quinto anno regni Lolharii gloriosissimi régis, il se borne
a apposer -<>n seing en ces termes : S. Eilberti uassali (1).
Dans l'autre charte, constatanl l'échange d'un mesnil dépen-
ilani du monastère S. -Quentin, la souscription porte :
Signum Eilberti nobilis cl prudentis uiri i/ui hanc commu-
talionem fecii (?). Le l'ait qu'Ibert possède un lopin de terre
dépendant du monastère S. -Quentin, lopin dont il s'em-
presse, du reste, de se débarrasser, ne saurait évidemment
faire présumer une situation éminente d'Iberl à S. -Quen-
tin (3).
Puisque celle charte nous a amenés à S.-Michel-en-Tié-
(1) Cœrtulaire d'Homblières, ms. lat. Bibl. Nat. 13911, f° 26.
La présence d'Ibert se justifie par le fait que la charte constate
un échange entre Homblières et S. -Quentin. Ibert, qui avait ré-
formé l'abbaye d'Homblières, ne cessa jamais de s'intéresser à cet
établissement, voy. p. ex. la charte de 960, citée dans Raoul de
('timbrai, Introd. p. XXVI, note 3.
(2) Rom. 38, p. 241, n. 1.
(3) .M. Longnon constate encore, sans, semble-t-il, en tirer ar-
gument, la présence d'Ibert parmi les témoins de la charte de fon-
dation de l'abbaye de S. -Quentin (Rom. 38, p. 239, n° 3). Le texte
d • la Gallia christiana X, instr. col. 360, qui porte S. PhUberti, est
considéré comme fautif par M. Longnon, qui lit N. Eilberti en
renvoyant à la Coll. Moreau XIII, f '" 123 sq. Je remarque que
Gallia uetvs (éd .1661) IV, 770, source de Gallia christ., porte S.
PhUberti, ce qui n'a pas, à la vérité, grande importance; que
Martene Ampl. coll. I, 327 — et cela est plus grave — , qui pré-
tend publier l'acte d'après l'original (ex autographo), a S. Phili-
bâti, et qu'enfin la Coll. Moreau, à l'endroit indiqué par M. Lon-
giion, contient un acte pour Homblières, où, du reste, ne figure
ni Eilbertus, ni Philibertus. Supposant une de ces erreurs de cita-
tion qui ne sont point rares d'ans les ouvrages de M. Longnon, j'ai
cherché, mais vainement, la charte aux tomes 9, 10, 11. 12. 13. 14 et
15 de la Collection Moreau.
NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI. 133
rache, je prends la liberté d'élucider de suite la question
de la fondation de cet établissement (1). La charte de
fondation de S. -Michel n'est pas parvenue jusqu'à nous.
Mais un acte de 1 123 émananl de l'évêque de Laon, Bar-
thélémi, nous apprend le nom du fondateur; c'est Albert
de Vermandois : sicut igitur a predecessoribus uostrïs a
comiteque Elberto ipsius ecclesie <i fundamenlis precipuo
adiuiore institutum est (2). Une charte de l'évêque de Laon
Gautier, postérieure de trente ans à la précédente, dit de
même : ideirco notum esse uolumus tam presentium quam
futurorum noticie, quia cum beaii Michaelis eeclesia et
uilla ub episcopis laudunensibus per comitem Elbertum
monasterii et uille fondatorem hoc priuilegium obtinuis-
scl (3). 11 est vrai que la Uita s. Cadroë, rédigée vers 1000
à Waulsort, attribue la Fondation de S.-Michel-en-Tiérache
à une dame Hersent, qu'il n'est pas difficile d'identifier
avec la femme du noble seigneur Ibert (4). Mais j'observe
que l'auteur de la Uita est, de son propre aveu, mal ren-
seigné sur les événements qu'il raconte (5). Tout ce qu'il
sait, il le tient de ses confrères, les moines de Waulsort.
Et ceux-ci devaient être naturellement tentés d'exagérer le
rôle d'Hersent, fondatrice de leur monastère. Le témoi-
gnage de la Uita ne saurait être appuyé par une charte de
(1) Pour ce qui suit, j'ai mis largement à profit les précieux pa-
piers de Giry dont parle Bédier, p. 399, n. 1, et dont j'ai eu com-
munication à l'Ecole des Hautes-Etudes.
(2) C'ait ulaire, de S. Michel en Tiérache, ms. lat. Bibl. Nat.,
18375, p. 30 sq. Le passage cité se trouve à la p. 31. Le ms. porte
fautivement: Actum anno incarnati uerbi. M°. XX". 111°. ; la correc-
tion admise dans le texte n'a pas besoin d'être justifiée.
(3) Cent, cit, p. 31 sq. (passage cité p. 32). On est très étonné de
voir M. Longnon, Boni 37, p. 207, nier l'existence de cette charte.
Elle existe bel et bien, et M. Longnon l'utilise lui-même ailleurs
(Boni. 38, p. 235).
(4) Mabillon A A. SS. Ben. V, 489 sqq., chapp. 19 et 20. Il est
bon de remarquer, d'ores et déjà, que la Uita s. Cadroë ignore l'é-
poux d'Hersent.
(5) Epître dédicatoire : iussisti enim, ut aliquid' de actibus felicis
Kaddroë describerem, quasi aut disciplinarum quippiam consecutus
sim aut ita uiro illi familiaris fuerim, cum neque ingenium suppetat
neque gestorum eius aliquid scïam praeter audita.
10
134 NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI.
l'évêque de Laon Raoul, transcrite dans le cartulaire de
S.-Michel-en-Tiérache, el attribuant la fondation du mo-
nastère à Hersenl : c'est un faux grossier (I). \<>u^ de
vons donc nous en tenir à ce que nous apprennenl les évo-
ques Barthélemi el Gautier. Quant à l'identification <lu
cornes Elbertus avec le noble seigneur Ibert, il n'y t'aul
pas songer (2). Il est difficile d'admettre que deux évo-
ques, à qui on ne pouvait montrer que des chartes d'un no-
ble seigneur Ibert, l'eussent qualifié, de leur propre auto-
rité, corne*. Nous avons bien supposé l'influence de la
chanson sur un étal anonyme de date inconnue, mais ici
l.i situation est tout autre. On conçoit qu'un scribe rédi-
geant librement un document sans importance, relatif à
S.-Géri de Cambrai, ait été tenté d'identifier les person-
nages mentionnés par ses sources ou peut-être même chi-
(1) Giry apud Bédier, p. 402, note 1. Voici les arguments d'ordre
diplomatique que fait valoir Giry, et que M. Bédier s'abstient de
communiquer: 1" « L'usage d'une double date dont une partie est
au commencement de l'acte et l'autre, à la fin, est tout à fait inso-
lite » ; 2° « Il semble un peu étonnant qu'il [Louis IV] ait ajouté
son monogramme et son sceau à une charte d'un évêque a'e Laon.
Ces additions confirmatoires ayant été fréquentes sous les Capétiens,
il n'est pas impossible qu'il s'en rencontre déjà au X' siècle, mais
je n'en connais pas d'une authenticité certaine » ; 3" « La suscrip-
tion de l'évêque Badulphus Laudunensis episcopus m'est également
suspecte. On disait encore, au Xe siècle, Laudunensis ou sanctae
Laudunensis ecclesiae episcopus ou Laudunensis ciuitatis ou sedis
ouLaudunensium » ; 4° « On ne voit pas bien non plus comment et
de qui un archidiacre de Laon pouvait tenir en bénéfice l'oratoire de
s. Michel » ; 5° « Enfin, la stipulation que l'acte a été fait par le
conseil des fidèles : hoc ■<< riptiim consilio fiSelium nostrorum fieri
iussimus, fréquente dans les diplômes royaux des premiers Capé-
tiens, semble extraordinaire dans une charte d'évêque ». Les argu-
mente sub 1" et 2° ne sont peut-être pas décisifs, comme j'espère
rétablir ailleurs. L'arg. 3° est peu convaincant à l'égard d'une copie
du XIII* siècle. Je me réserve d'examiner, dans l'étude à laquelle
je viens de faire allusion, le bien-fondé a'e l'argument 4\ Mais la
dernière considération de Giry, et son observation communiquée
par M. Bédier sont péremptoires. — L'acte, je crois que cela n'a
pas été signalé, est publié par Mabillon AA.SS. Ben. V, p. 909.
(2) Cette identification est proposée par M. Longnon, voy. Rom.
38, p. 217. Voy. aussi la suite, le raisonnement de l'auteur concer-
nant Bucilli devant s'appliquer aussi à S.-Michel-en-Tiérache.
NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI. 135
mériques avec ceux d'une chanson de geste, dont l'action
se place à S.-Géri; mais deux évêques qui font rédiger des
actes de caractère juridique, n'ont aucune raison de s'écar-
ter de la teneur des documents <|ui leur sont soumis. Et
s'il est vrai que la chanson de Raoul de Cambrai fascina
les esprits, il serait téméraire, pour ne pas dire plus, d'ad-
mettre qu'elle eût halluciné deux prélats réglant des affai-
res banales d'une maison avec laquelle la chanson n'a au-
cune relation (1). Nous concluons donc, avec M. Bédier,
que c'est Albert de Vermandois qui fonda S.-Michel-en-
Tiérache.
8. Le fondateur de l'abbaye de Bucilli.
Ce que nous venons de dire de la fondation de S. Michel
nous permettra d'être très bref ici.
Comme tout à l'heure, nous nous séparons de M. Lon-
gnon pour suivre l'opinion de Giry et de M. Bédier. Le
lecteur n'aura qu'à se reporter au livre de M. Bédier (2),
à ajouter mutatis mutandis ce qui vient d'être exposé au
sujet de S. -Michel, et il connaîtra nos raisons. J'observe
seulement que l'argument tiré par M. Bédier de la men-
tion des biens échangés contre la crux Bucillensis con-
serve, après ce qui a été dit plus haut, toute sa valeur à
l'encontre de la remarque de M. Longnon, Rom. 38, p.
244 (3).
(1) Nous ne pouvons pas admettre que le titre de cornes ait été
introduit par les moines de S. -Michel dans les chartes produites
par eux aux évêques ou dans les modèles de chartes présentés à leur
signature. Car il faudrait admettre alors qu'à Bucilli, a'ont les char-
tes parlent également d'un cornes Elbertus, on eût commis la même
supercherie, ce qui serait évidemment absurde.
(2) P. 403 et p. 421 sqq.
(3) L'acte de Barthélemi pour Bucilli, qui sert de thème à cette
discussion, vient d'être réédité par M. Longnon, Rom. 38, p. 252 sq.
A corriger dans cette édition: p. 252, 1. 11: deperierunt] lisez avec
le ms. depiererant ; ib. 1. 13: adstantibus] lisez avec le ms. astanti-
bus; p. 253, 1. 15: in perpetuum] lisez avec le ms. im perpetuum ; ib.
1. 18, supprimez la virgule après resipuerit, qui rend inintelligible la
phrase; placez-la à la ligne suivante après uenerit ; ib. 1. 21:dominï\
lisez avec le ms. domni. Dans la formule de date, le ms. porte très
136 NOTES SUR RAOUL HF. CAMBRAI.
9. Nobilis uir Eilberlus. Cornes Eilbertus.
Abbaye de Waulsorl.
S. -Michel en-Tiérache el Bucilli ne nous intéressent que
parce que la fondation de ces établissements esl liée à
l'histoire légendaire d'Iberl dit de Ribemont. Le peu que
nous saxons d'assuré sur ce personnage, ce sont les ren-
seignements tirés des chartes qui nous le fournissent. Nous
n'avons pas de preuve qu'Ibert ail jamais possédé Ribe-
mont; c'est la chanson de Raoul de Cambrai qui en l'ait le
seigneur, plus exactement le comte. Mais il esl certain
que ce personnage n'a jamais été revêtu de la dignité
comtale; les chartes contemporaines ne connaissent qu'un
noble ou 1res estimable seigneur (nobilis, salis idoneus uir)
Ibert (1). ("esl cet [bert qui fonda, de concerl avec sa
femme, l'abbaye de Waulsorl (2), donl l'histoire est si im-
portante pour la critique de la légende de Raoul de Cambrai.
Il s'intéressa aussi à l'abbaye d'Homblières où il coopéra à
la réforme de !>Ï8 (3). Il ne semble cependant pas que le
souvenir de sa piété ait persisté longtemps après sa mort,
survenue probablement vers 969 (i). A Waulsort. du
correctement M°.C°.XX°, et non M°.CC'.XX°. comme le prétend à
tort M. Longnon, p. 253, n. 5. L'acte est transcrit au deuxième
feuillet du cartulaire comme l'indique très exactement Bédier, p.
403, n. 3, et non au premier, comme le soutient M. Longnon, Rom.
37, p. 207, à l'encontre de M. Bédier. Le premier feuillet est oc-
cupé par une table. Le ms. porte un double foliotage, l'un en chif-
fres romains, commençant au fol. 2, l'autre en chiffres arabes, com-
mençant au fol. 1. Ayant écrit: fol. 2 et non fol. II. M. Bédier
n'a commis aucune erreur. — Je note encore que dans une autre
charte de l'évêque Barthélemi, transcrite dans le même recueil, on lit :
Et quia alodium de C'uriex a pif memorie Elberto ûiromandensi co-
mité predicte ecclesie fundatore, etc. [fol. IX (10) r° col. 1, circa
fin.].
(1) Voy. en dernier lieu Rom. 38, p. 233 sq.
(2) Diplôme d'Otton I pour Waulsort du 19 septembre 946. DD.
Ott. I, n° 81.
(3) Bédier. p. 400. Cf. supra, chap. 7. p. 132, n. 1.
(4) Sacfcur, Deutsch. Zeitschr. j. Geschichtswiss. (1889) II, p. 345.
En sens contraire, Longnon, Rom. 38, p. 239. La question est inso-
luble. Le principal argument a'e M. Longnon. la prétendue présence
d'Ibert parmi les témoins de la charte de fondation pour Mont-
Saint- Quentin, a été discuté plus haut (p. 132, note 3).
NOTES SUR RAOUL DR CAMBRAI. 137
moins, on oublia vite Iberl pour reporter toute la grati
tiide sur sa femme Hersent. El il se peul fort bien que la
véritable fondatrice du monastère nii été Hersent^ à qui
son mari n'eûl prêté que l'assistance habituelle de son
autorité maritale. L'acte, déjà cité (p. L36, n. 2), d'Otton 1
semble même fournir un léger appui ;'i cette hypothèse : il
vise, à la vérité, en première ligne, le mari : ut cuidam
nobili uiro Eilberto nomine assensum preberemus de rébus
sui iuris monasterium edificare, niais il continue : ubi mm
dictus uir cl uxor sua Heresuindis « in religione feruentis-
sima » (I). Quoi qu'il en soit, il esl certain que vers la lin
du V siècle les moines de Waulsorl oublièrenl déjà [bert.
Il es! très caractéristique que la Uita S. Cadroë, rédigée ;i
cette époque au monastère, ne mentionne même pas [bert,
alors qu'elle exalte Hersent, en lui attribuant, outre la fon-
dation de Waulsort, relie de S.-Micliel-eii-Tiéraehe el de
Bucilli, fondés, comme nous l'avons vu, par Albert de Ver-
mandois (2). La Uita s. Eloquii, composée à Waulsorl au
Xe siècle ou au début du XIe siècle (3), ignore si bien Iberl.
que quand elle démarque, pour l'appliquer à la fondatrice
de Waulsort, un passage de l'Histoire de l'église de Reims
de Flodoard, elle laisse subsister sans changement le nom
de l'époux de la Hersenl mentionnée par Flodoard, eu
écrivant naïvemenl : Hadericus religiosus ac uenerandus
cames umt cum Heresinde, sua clarissima coniuge, etc. (4).
Mais si le souvenir d'Hersenl lil oublier aux moines de
Waulsort jusqu'au nom d'Ibert, celui-ci prît, après une
éclipse de cent ans environ, une revanche éclatante, lies
que les difficultés avec Hastières font compulser aux clercs
de Waulsort leurs anciennes chartes, dès la seconde moi-
(1) L'acte est rédigé à l'abbaye, et non à la chancellerie royale.
Il convient toutefois d'observer que les moines pouvaient croire
que le mari se passerait très bien d'encens, alors qu'il fierait de
bonne politique de flatter la vanité féminine de la dame Hersent.
(2) Uita s. Cadroe (Mabillon, AA. SS. Ben. V, 489 sqq.), capp.
19, 21, 23.
(3) Sackur, op. cit., p. 342, n. 3 Edition: Analectes p. servir à
l'hist. ecclés. de Belg. V. 344 sqq.
(4) Ed. cit., p. 350; Hist. eccl. Rem. IV, c. 9 (Pertz XIII, p.
574). Sur ce plagiat voy. A A. SS., April III, p. 811, note k.
138 NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI.
lié du XIe siècle, ils découvrent Ibert (1). Le sommeil sé-
culaire d'Iberl lui a été profitable: il se réveille paré de
la dignité comtale dont il n'a jamais été revêtu de son vi-
vant (2). D'où lui vient ce titre ? Je crois qu'on peut ré-
pondre à cette question sans courir grand risque de se
tromper (3).
Les chartes ont appris aux moines de Waulsort le nom
de l'époux d'Hersent; en lisant la Uita s. Eloquii, ils dur-
renl nécessairement prendre Hadericus pour un uitium
scriptoris. Mais ils n'avaient pas de raisons de suspec-
ter son titre de cornes, car la critique historique n'est pas
le t'ait des clercs de la seconde moitié du XIe siècle. Une
(1) C'est à cette date que les relations entre les deux maisons
s'enveniment. Sackur, DeustcJie Zeistchr. f. Oeschichtswissens-
chaft, II (1899), p. 347 sqq. Je ne saurais trop engager les lecteurs
à se reporter à cet excellent article. La connaissance de l'histoire de
ces contestations est indispensable pour l'étude de la légende.
(2) 1) Uita s. Deoderici (datant de 1050-1060), cap. 6 (Pertz IV,
p. 467). Ce passage, traitant de l'union entre Waulsort et Hastières,
repose évidemment sur des renseignements venus de Waulsort. —
2) Charte de Godechau, abbé de Waulsort, ao. 1080. (Bormans,
Cartulaire de Dînant, I, n° 2, p. 8 sqq.). — 3) Charte d'Arnoul de
Florennes pour Waulsort, ao. 1087, sur laquelle nous reviendrons
dans un instant. — 4) Prétendu acte du comte Ibert concernant
la translation des reliques de s. Eloque, faux grossier forgé à Waul-
sort, dont nous aurons enoore à nous occuper (Martene, Ampl. coll.
I, 287. Longnon, Rom. 38, p. 235, note 7, prend une autre édition
de cet acte, donné dans les Analectes p. serv. à l'/iist. eccl. Belg.
II, p. 266, pour un acte distinct, ce qui est assez surprenant). —
5) Prétendue bulle de Benoît VII du 28 octobre 976, fabriquée à
Waulsort, au moyen de la bulle Jaffé 2 3788 (Sackur, op. cit., p. 357
sqq.). — 6) et 7) Sur l&Uita s. Forannani, fabriqvée à Waulsort
et sur YHistoria Uuoïciodorenxis monastcrii, voy. plus loin. — Ces
documents sont les seuls où Ibert porte le titre de comte; ils nous
ramènent tous à Waulsort, et aucun n'est antérieur à l'époque des
difficultés avec Hastières. La liste de Longnon, Rom. 38, p. 234,
comporte onze numéros. Le n° 10 vient d'être éliminé ; les n°" 5, 6, 8,
l'ont été antérieurement (chap. 7 et 8) ; sur le n° 2, voy. notre
chap. 6.
(3) Je n'ai rien trouvé à ce sujet dans les papiers de Giry. Mais
il n'est pas douteux que si Giry avait pu terminer son mémoire, il
n'eût trouvé la solution. Elle est si simple, que je m'étonne que ni
M. Longnon, ni M. Rolland, ni M. Bédier, ne l'aient devinée.
NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI. 139
autre circonstance les affermissail d'ailleurs dans leur
croyance. Les seigneurs de Florennes, que nous verrons
tout ;'i l'heure en relations avec l'abbaye, croyaient^ à torl
ou à raison, que leur aïeule, l'authentique comtesse Au-
pais, femme de Godefroi, comte de Hainaut, avail épousé
en secondes noces [bert, devenu, pour sa part, veuf d'Her-
sent (I). On connaissait celle comtesse A.upais à Waul-
sort (cl à Hastières) : on y possédait des chartes attestanl
ses bienfaits (2). N'était-il pas naturel de considérer celui
qu'on croyait être le mari de la comitissa Alpaidis, Ibert,
comme un comte ? I.c comes Eilbertus né de ce double
qui pro quo, l'imagination intéressée des moines de Waul-
sort se donna libre carrière (3). I ne légende se forme
bientôt autour de lui, se développe rapidement el aboutit
finalement à la chanson de geste et au récit de VHistoria
l 'ualciodorensis monasterii.
10. Le tombeau dlbert. Lu légende de s. Forannan.
La première étape de la légende d'Ibert est marquée
par la découverte ou la remise en honneur de son tom-
beau. Ces moines de Waulsort, qui ignoraient, au débul
du M' siècle jusqu'au nom de leur fondateur, s'avisent
(1) Sur Aupais, voy. Rolland, Annales de la Société archéologique
dt Namur XIX. p. 66 sqq.
(2) Rolland, op. cit., p. 74.
(3) Il ne faut pas perdre de vue que pendant toute cette période
l'abbaye de Waulsort se o'ébat au milieu des difficultés que lui
crée Hastières. Cette dernière maison se glorifie d'être a sancto Ma-
terno episcopo primum consecrata et postea a sancto Sere.no episcopo,
qui in eadem requiescit ecclesia, dignissimis reliquiis domini nostri
Jhesit Christi et mains eius insignito >-t <ilii< innumcrabilibus reli-
quiis sanctorum ornata, quorum meritis et precibus libertas ecchtie
contra miràbiles potestates et tyibulationes conseruata est usque
nuiir et Deo meritis ipsorum adiuuante conseruabitur ; quas reliquias
aequisiuit idem sanctus Serenus episcopus a sancto Johanne epis-
copo et uenerabilii presbitero Luciano, existtns presens Iherosolimis
tempore reuelationis sanctorum reliquiarum prothomartiris Stephani
sociorumque eius. foi eciam aequisiuit ossa colli eiusdem sancti Stt
phani, que sunt in eadem ecclesia Hasteriensi. (Pertz, Script. XIV,
p. 541, Appendix). L'abbaye de Waulsort n'a rien ou presque rien
à opposer à ces magnificences. Cf. Sackur, op. cit., p. 350.
140 NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI.
subitement qu'Iberl esl enseveli dans leur moûticr. Ce
tombeau étail il authentique ? Il se peut, mais il n'importe.
Toujours est-il que la découverte lui profitable à l'abbaye.
Le 15 juillet 1087, nous voyons un certain Isembard rédi-
ger et écrire, au nom d'Arnoul III de Florcnnes, la charte
que voici (1) :
In Dei nomine. Ego Arnulphus cum uxore mea Iuettha... Qua-
propter, ut animo concupieram, in ecclcsia Uualeiodorensi sancte Dei
genitricis .Marie, in qua cornes nobilissimus iacet, qui multa bona
antecessoribus meis et Florinas gratis donauit, et amicus et non
uitricus eorum extitit, auctoritate et licentia prefati episcopi istud
facere decreui, scilicet ut ex fcota uilla Morelli Mansi de unaquaque
domo dimidium denarium uel dimidia cere afferant per manus 6ingulis
quotquot annis, et ego ipse, ob amorem et reuerentiam iam dicti
comitis XII. denarios, quadium uixero, per memetipsum offeram
singulis annis, quos uolo ut ardeant super tumulum uenerabilii uiri...
Je ne pense pas qu'on rencontre, au XIe siècle, beau-
coup de personnages, dont le tombeau, un siècle après
l'érection, ait été honoré d'une telle manière. Il faut croire
que dès cette époque, Ibert est devenu l'objet d'une lé-
gende; dès 1087, les moines de Waulsort durent savoir en
dire des merveilles. Que racontaient-ils, quelle forme re-
vêtit la légende à ses débuts ? Nous ne savons. Nous pou-
vons toutefois supposer que pendant le demi-siècle sui-
vant, sur lequel nous ne possédons pas de documents, le
souvenir et la légende du comte Ibert furent soigneuse-
ment entretenus à Waulsort. Car la Uita s. Forannani, fa-
briquée à Waulsort aux environs de 1140, nous montre ce
personnage dans la plénitude de sa gloire: il y joue un
rôle des plus importants aux côtés du saint (2).
(1) Analectes p. serv. à l'hist. eccl. Belg. XVI, p. 16 (n° VIII).
La charte porte : V enbardus dictator atque scriptor. Comme une
charte contemporaine, déjà citée, de l'abbé Godechau porte la men-
tion: Isenbardu* dictator atque scriptor (Bormans, Cartul. de Dî-
nant I, n° 2, p. 8, note 1), je n'ai pas hésité à faire la correction
admise d'ans le texte. Cet Isembard appartient évidemment à l'ab-
baye.
(2) Uita s. Forannani AA. SS. April III, p. 808 sqq. ; sur l'écrit
lui-même, voy. Sackur, op. rit., p. 349 sqq., que je suis d'assez près
(j'admets pourtant l'utilisation de la Uita s. Cadroë, ce que l'au-
teur ne fait pas) ; sur la date, Sackur. p. 351. note 5.
NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI. 141
Ce s. Forannan étail un des premiers, le pre-
mier peut-être, abbé de Waulsort (1). Il eut une des-
tinée assez semblable à celle d'Ibert. Yayant laissé aucun
souvenir à l'abbaye. - la Uita s. Cadroë l'ignore — , il
fut oublié pendanl longtemps. L'abbaye possédait pour-
tant son tombeau. Lorsque la prospérité de cette maison
eut à souffrir de la concurrence et de l'inimitié d'Hast iè-
res, eu s'avisa de tirer parti de ce monument. On ne sa-
vait à la vérité rien de cet abbé Forannan. mais on se
souvinl fort opportunément de quelques miracles opérés
sur le tombeau. Les supérieurs conventuels se réunirent
et décidèrent de tirer de l'obscurité ce thaumaturge, qui
ne pouvait être qu'un saint ('2). un grand saint, puis-
qu'Hastières était là avec ses reliques du Seigneur, de No-
tre-Dame el de s. Etienne. On trouva sans peine, confor
mément à l'usage suivi en pareille occurcnce, un moine
très âgé '/'//' antiquarum rerum monimenia in suo prudenti
pectusculo prudenter locauerat. Il ne fit aucune difficulté
de se départir de sa longue réserve et d'ouvrir à ses con-
frères --on sein prudent (Uita. prologue). Le hasard ayant
coutume de bien faire les choses à Waulsort. il se trouva
même un compatriote de Forannan qui se rappelait les
liants laits accomplis par le thaumaturge en sa patrie, en
Ecosse (cap. 22). Ce compatriote ne faisant pas partie du
monastère et le vieux moine étant sans doute trop âgé pour
tenir la plume, on chargea un autre moine, Robert, du
soin d'écrire la vie du saint.
L'œuvre de Robert contient quelques coq-à-1'àne his-
toriques -- Unsinn, dit M. Sackur — , mais ce radotage
nous est précieux, car il nous montre que la légende de s.
Forannan s'appuie sur celle d'Ibert. C'est le comte Ibert
qui est le bon génie, le protecteur et le guide de s. Foran-
nan. Quand le saint quitte, averti par une vision, son chi-
mérique évêché de Domnachmor pour se mettre en quête
de la Speciosa Uallis (Waulsort) et quand il arrive, après
une traversée périlleuse, sur le continent et se trouve
(1) Sackur, op. cit., p. 343.
(2) Uita 8. Forannani prologue.
142 NOTES SUR RAOIL DE CAMBRAI.
presque au terme de son voyage, il rencontre le comte
[bert. Celui-ci, après s'être enquis de l'objel du voyage du
saint, lui indique Waulsorl el I \ accueille magnifique-
ment (<<i[>i>. 'i et 5).
(cite rencontre et cet accueil ne doivent pas nous éton-
ner. I.a I ilu s. Cadroë (c. 10 ci 20), nous avail raconté
une rencontre cl un accueil semblables faits aux Irlandais
,'i S. Michel-en-'Tiérache. Elle eu reportail 1! neur à Her-
sent, cl il est dans la destinée du comte [bert de dépossé-
der, dans la légende, sa femme. Les moines de Waulsorl
ont dû éprouver d'autant moins de scrupules ;'i adapter
;i Waulsorl une anecdote concernanl originairemenl S.-
Michel-en-Tiérache, que c'est un des leurs qui l'avail in-
ventée vers la fin du X° siècle, à l'époque de la rédaction
de la Uita s. Cadroë (voy, plus haut, chap. 7). La dame
Hersent avail envoyé Maccalan, au dire de la Uita s. Ca-
ihiië (<<tj>. 20), à Gorze : le comte Iberl ne pouvait se dis-
penser d'envoyer Forannan dans ce monastère. Comme
toutefois il fait les choses avec plus d'apparal que son
épouse, il se rend d'abord avec son protégé, au mépris
de la chronologie (1), à Rome, chez: le pape Benoît VII -
le même donl une bulle pour S.-Panthaléon fournil aux
moines de Waulsorl le modèle pour un taux destiné ;i
réduire à l'obéissance les moines d'Hastières (2) ci c'est
ce pontife qui, après avoir conféré ;i l'évêque Forannan la
dignité abbatiale, l'envoie à Gorze s'instruire des devoirs
de la vie monacale (cap. 6).
L'auteur de la Uita s. Eloquii, qui ne connaissait pas
[bert mais lisait assidûment Flodoard, avail donné pour
mari à Hersent, un comte Hadri. Iberl ne pouvait pas
manquer de rentrer dans ses droits. La Uita s. Forannani
met les choses ;ui point : c'est Iberl qui opère la transla-
tion de s. Eloque (c///. (i). cl une belle charte, comme on
n'en voit qu'à Waulsort, contient le procès-verbal de cette
cérémonie (:i). Hersent n'y Bgure plus, bien entendu; à
(1) Sackur, op. cit., p. 354.
(2) Sackur, op. rif., p. 357 sqq.
(3) Indiquée déjà plus haut, dans une note du ehap. 9. Elle est
réimprimée dans Pertz, Scriptor. XIV, p. 516, en note.
NOTES SUR RAOUL DF. CAMBRAI.
143
côté de l'évêque-abbé Forannan el du comte [bert, il n'y
a pas de place pour elle. Mais la charte nous révèle les
noms de deux frères d'Iberl qui souscrivent l'acte : Ûuite-
rus frater dus el Boso cornes (1). Nous les retrouverons
dans YHistora V ualciodorensis monasterii avec d'autres
frères d'Ibert.
11. Historia Ualciodorensis monasterii.
On pourrai! croire que s. Eloque el s. Forannan, remis
en honneur avec tanl de soin, furenl de bon rapport pour
l'abbaye de Waulsort. 11 n'en lui rien (2). Le comte Iberl
eul une fortune meilleure. Il partagea la vogue de la cliau
son de Raoul de Cambial. Nous l'y voyons incorporé dans
VHistoria U ualciodorensis monasterii, écrite dans la
deuxième moitié du XIIe siècle (•">). Cet écrit débute par
une biographie détaillée du comte Ibert, qu'il exalte plus
que n'a fait aucun écrit précédent. Il faut cependant ren
dre celle justice à VHistoria, qu'à côté d'Ibert elle fait
une place à Hersent. La Uiia s. Cadroë ne mentionnait
que l'épouse comme fondatrice de S.-Michel-en-Tiérache
(1) Boson n'y est pas désigné comme frère d'Ibert. C'est la
Chronique de Waulsort qui établira ce lien de parenté. La sous-
cription de ce Bo<5on figure dans un diplôme de Robert de Namur
du 2 juillet 946, pour Waulsort, Martene, Ampl. Coll. I, p. 286 sq.
M. Sackur, p. 343. n. 1 et p. 380, n. 2, tente de réhabiliter ce
diplôme suspect à plus d'un titre. Je n'ose pas me déclarer convaincu
par sa démonstration. Ce qu'il note p. 380. n. 2, s'expliquerait fort
bien si le faux était antérieur à la Uita s. Forannani.
(2) Voy. les excellentes remarques de M. Sackur, op. cit., 348-9.
Ajoutez que vers la même époque les moines de Waulsort éprou-
vent le besoin de se procurer les reliques de s. Victor et s. Can-
dide, et celles des Onze mille vierges. Voy. les Translations de ces
reliques publiées dans Analeeta Bolla.nd.iana XI, p. 113, sqq. Cf.
Dom Berlière, Rev. Bénédictine IX, 380; Lahaye, Etude sur l'ab-
baye de Waulsort, p. 95. Nous aurons à revenir sur le premier de
ces textes.
(3) Ed. Waitz dans Pertz, Script. XIV, p. 503 sqq. Sur la date,
voy. sa préface. — M. Longnon a daté cet écrit du onzième siècle
[Raoul de Cambrai, Introd. p. xxxv), bien que Mabillon et Brial
l'eussent daté fort exactement du XIF siècle. A en juger par
Rom. 38, p. 235. il a abandonné depuis cette opinion insoutenable.
144 NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI.
el de Bucilli, fondés en réalité par Albert de Verman-
dois. L'Historia attribue La fondation à Ibert agissanl de
concerl avec s;i femme (capp. 9 el 10).
Il est toutefois indiscutable que c'esl [bert qui occupe
la première place dans le récit du chroniqueur. Sous sa
plume, ce personnage devient sinon un saint — il le de-
viendra plus lard (1), — du moins un homme très véné-
rable, une manière de réplique de Girart de Roussillon
de la Uità Gerardi comiïis, suivanl la juste remarque de
M. Bédier. M. Bédier ayant donné une analyse fort détail-
lée de celle vie du comte Ibert, je puis me borner à en
rappeler brièvement les traits essentiels. Deseendanl d'Ai
meri de Narbonne (2), le comte Iberl bâtil sept châteaux
el mène la vie guerrière. Pour un motif futile (l'aventure
du béryl de Waulsort), il assiège la ville de Reims et en
profane l'église. Le roi Charles, qui vienl venger cet ou-
trage, est pris en 922 par Iberl el son frère Herbert et
mené en captivité à Péronne. Il finit par être relâché
ensuite et une paix est conclue à Reims. Quelque temps
après, le («unie Herbert de S. -Quentin meurt. Le roi, se
souvenanl de sa captivité, donne les terres du défunl à
Raoul de Cambrai, que des liens de parenté unissent au
lignage royal. La suite du récit concorde, à quelques
détails pies, avec le récit de la chanson. Le chroniqueur
mentionne ensuite la mort de Bernier qui marque une
révolution complète dans le caractère d'Ibert. Il devient
d'une piété extrême et, se remémoranl son ancien sacri-
lège, bâtit sept moûtiers en souvenir des sept châteaux
(1) Bédier. p. 390.
(2) Voici sa généalogie complète qui n'est pas sans intérêt, et que
M. Bédier écourte. Ermenjnrt, sœur de Boniface. prince de Pavie.
épouse Namericus, comte de Narbonne. Leur fils, le comte Garin
i/r Asclouia [sic), engendre le comte Boson Sans Barbe. Celui-ci
engendre le comte Evroïn qui épouse Berte. fille du comte Guerri
et d'Eve. Ils ont sept fils : le comte Ibert. le comte Wedon de Roie,
le comte Herbert de S. Quentin, Gérard d'Audenarde, le comte
Boson, le comte Uuiterus et l'évêque Macuardus. Le comte Herbert
a quatre fils qu'on ne nomme pas. Ibert a, d'une femme, qu'on ne
nemme pas. un bâtard qui s'appelle Bernier.
NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI.
145
d'autrefois. Parmi ces moûtiers, il convienl de aoter ceux
de Florennes, de Waulsort, de S. -Michel en-Tiérache, de
Bucilli el d'Homblières. Après avoir insisté lônguemenl
sur les relations d'Iberl avec s. Forannan el mentionné la
pari prise par lui à la translation de s. Eloque, le chroni-
queur nous raconte le dernier acte de la vie d'Iberl en ces
termes :
(Cap. 31). Deinde regressus a rege, Uualciodorensi eeclesiae fre-
quentando adhaesil et sepulturam in ea suorum familiarium et fide-
li uni amicorum cum maximo studio preperauit. Ipse namque ab
ingressu chori usque art altare turris terrain aperiens eamque efto-
diens, duos in ea muros oonstruxit et latitudinem [corr. altitui/i/i</n\
utrorumque ad mensuram duorum cubitorum et latitudinem in men-
sura unius et dimidii cubiti composuit. Ibi ergo nobilium uirorum
corpora ex prosapia sua cum pâtre et matre et filio Bernero et fratre
Bosone iterum honorifice sepeliuit, ea uidelicet quae per eum a locis,
in quibua antea fuerant sepulta, ob dilertionis feruorem et mutuae
consanguinatatis propinquitatem sua uirtute atque dignitate trans-
lata sunt.
Le récit de la mort d'Ibert occupe le chap. 32. Mort à
Fleurus, lors d'un voyage de Waulsort à Homblières, il
esl enseveli à Waulsort par les soins de s. Forannan :
Beatus igifcur Forannanus cum turbis monachorum, clericorum et
nobilium uirorum et cum innumerabili sexu gentis utriusque, uiro-
rum et mulierum, uenerabile corpus egregii comitis a loco illo
transferens, quo defunctus hominem exuit, usque ad basilicam
Uuab iodorensis coenobii deduxit et ibi eum in condigno loco honori-
fice sepeliuit, in eo uidelicet quo se disposuerat sepeliri.
Ce qui a élé exposé dans les chapitres précédents suffit.
j'espère, à établir que le récit du chroniqueur n'est qu'un
développement naturel de la légende waulsodorienne du
comte Ibert. Depuis la fin du XIe siècle, nous voyons se
for r une légende autour d'Ibert, dont le nom, retrouvé
dans les chartes, est exploité par les moines. Quelle que
soit l'opinion qu'on se fasse sur les origines de la chan-
son, on ne saurait se refuser à reconnaître que c'est l'ab-
baye qui a fourni au jongleur le personnage du comte
Ibert et non l'inverse. Il serait déraisonnable de supposer
qu'à côté de la légende waulsodorienne d'Iberl, il s'en
146 NOTES SUR RAOUL DU CAMBRAI.
serait formé une autre, poétique, qu'un hasard aurait fait
connaître aux moines, qui se seraient empressés «le la
recueillir et incorporer au \i<Mi\ fonds de fictions dont
leur imagination intéressée avait entouré précédemment
le même nom. Il serait absurde de croire qu'un contre-
sens historique ayant fait donner par les moines de Waul-
sorl le titre de comte à Ibert, un autre accident eût amené
le jongleur à parler de même, indépendamment des moi-
nes, d'un comte [bert.
Comment et où, du reste, aurait pu survenir un accident
si insolite '.' On a peine à l'imaginer. La seule hypothèse
produite à cel égard, celle do M. Longnon, était si incon-
sistante qu'elle ne pouvait rallier personne, même avant
qu'on sût de quelle manière naquit le cornes Eilbertus mo-
nastique (1). Prétendre que le comte Ibert a été introduit
dans la chanson au XIe siècle, sous l'influence des sei-
gneurs de Ribemont, c'est oublier à la fois qu'il n'existe
aucune preuve que le noble seigneur Ibert ait jamais pos-
sédé Ribemont et qu'aucun texte ne nous autorise à croire
que les seigneurs de Ribemont aient prétendu, au XIe et
même au XIIe siècle, descendre d'un Ibert, comte ou non.
Si le poète du XIIIe siècle n'avait pas accolé le nom de la
seigneurie de Ribemont à celui du comte Ibert, jamais
celte conjecture en l'air ne serait venue à l'esprit de per-
sonne. L'origine du cornes Eilbertus établie, l'hypothèse
de M. Longnon s'écroule définitivement.
L'origine waulsodorienne de la légende du comte Ibert
implique une conséquence importante, et c'est que la ver-
sion conservée de la chanson, version qui connaît le comte
Ibert, procède nécessairement d'une rédaction waulsodo-
rienne. Les deux versions de Raoul de Cambrai : la chan-
son de geste et Yllistoria Uualciodorensis monasterii, nous
mènent également à Waulsort.
12. Une chanson retrouvée.
En examinant la Chronique de Waulsort, M. Bédier
(p. 397) se demande s'il a existé une chanson dont Ibert
(1) Yoy. Bédier, p. 407 sqq.
NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI. 147
était Le liéros principal et où l'aventure de Raoul de Cam-
brai ne formail qu'un épisode. Il se borne à poser la ques-
tion el n'ose \ répondre. Il serait en effet malaisé de «lire
si IImtI a jamais été le héros principal d'un poème, mais
on peul sans peine trouver une chanson qui raconte la
geste du lils d'Ibert el <>ù l'aventure de Raoul de ('ambrai
ne l'orme qu'un épisode. C'esl la chaïison publiée par
\l\l. Mever el Longnon, la même dont M. Bédier l'ail
l'objet di' son ('Inde. Dans ce texte, dont la partie originale
ne compte aujourd'hui que 5555 vers (la tin du poème
manque), Raoul disparaît définitivement de la chanson
avec le vers 3721. C'est la guerre de Gautier contre Ber-
nier el les lils Herbert qui est racontée dans la snite du
récit. Bernier n'est pas seulement le personnage central
de la geste : c'esl aussi, avec son père et ses oncles, le
personnage auquel vont les sympathies du jongleur (1).
La chanson a pour but d'exalter les vertus du fils d'Ibert.
C'est sa fidélité, c'est sa prouesse qu'elle chante; c'est le
conflit entre le devoir vassalique qui le lie à Raoul et les
sentiments qui l'animent à l'égard du meurtrier de sa
mère, envahisseur des terres de son père et de ses oncles,
c'est ce conflit pathétique qui est le nœud même du drame.
Tout ce qui précède dans le récit ne sert qu'à préparer
celle scène grandiose; tout ce qui la suit n'est que le déve-
loppemenl des conséquences qu'amène logiquement l'issue
fatale du conflit (2). Quant à Raoul, son rôle épisodique
s'efface même devant celui de son oncle Guerri.
Si malgré cela nous parlons (comme du reste le faisaient
déjà les gens du XIIIe siècle) d'une chanson de Raoul,
c'est que, grâce au talent poétique de l'auteur, la figure
tragique de cet adolescent desmesuré est celle qui de tous
les personnages du roman produit sur nous l'impression
la plus l'orle. En dépit de quelques belles scènes, cette
(1) Cf. G. Paris. Journal des Savants 1887, p. 623 sq.
(2) N'est-il pas très caractéristique que M. Lanson, qui n'est pas
romaniste, mais qui possède un sens littéraire très sûr, ne parle
presque que de Bernier dans son analyse de la chanson (Hist. de la
littér. franc..*, p. 27) ?
148 NOUS SUR RAOUL Dl£ CAMBRAI.
incarnation vivante de toutes Les vertus qu'est le bâtard
Bernier ne nous émeut guère; nous ne sommes pas attirés
par ce héros de roman-feuilleton, alors que nous ne pou-
son- point ne pas être touchés par La vigueur avec laquelle
Le poète a SU concevoir l'émouvant personnage de Raoul.
Mais cette illusion d'optique littéraire ne doit pas nous
donner le change sur le véritable caractère de la chanson.
("est une geste de Bernier qu'elle raconte; tout ce que
nous y Lrouvons, ions les personnages, toutes les scènes,
u'\ son! conçu- qu'en fonction du lils d'Ibert.
L3. Rapports îles deux rasions de la geste entre elles.
11 fallait dégager ce caractère de la ueste. car il nous
aidera dans la critique de la chanson. Axant toutefois
d'entreprendre celle critique, il convient de déterminer les
rapports réciproques entre la chanson conservée et la ver-
sion de YHistoria Uualciodorensis monasterii. Nous avons
établi que les deux textes nous ramènent à Waulsort, mais
il importe encore de savoir si le texte latin dérive de la
chanson conservée ou inversement, ou bien si les deux
versions ne remontent pas, Tune indépendamment de l'au-
tre, à une rédaction waulsodorienne perdue. Il est inutile
de s'arrêter longuement à la première hypothèse, qui se
heurte à la chronologie respective des deux textes. Les
manuscrits de la chanson sont du XIIIe siècle, et ni la
langue ni la versification du poème ne nous permettent
de le faire remonter au delà du début du XIIIe siècle, de
l'extrême fin du XIIe siècle, en mettant les choses au
mieux. UHistoria datant de la seconde moitié du XIIe
siècle, se plaçant aux cm irons de 1160, est antérieure
pour le moins d'un quart de siècle à la chanson.
La deuxième hypothèse, celle qui ferait dériver directe-
ment la chanson du texte du chroniqueur n'est pas plus
consistante que la première. Le récit du chroniqueur fait
l'impression d'un résumé écourté d'une geste : l'auteur,
dont la seule préoccupation est d'exalter Ibert, supprime
Aalais, Guerri, sans parler des personnages de moindre
importance, et réduit son récit à quelques traits saillants.
Le maladroit jongleur dont nous possédons l'œuvre était-
NOTES SUR RAOUL DF. CAMBRAI. 149
il d'autre part capable de tirer le poème des maigres don-
nées du chroniqueur '! Et à supposer, comme je suis très
enclin à le faire, qu'il se soit borné à écrire de mémoire
une chanson entendue par lui (1), quel indice avons-nous
que son modèle ait puisé dans YHistoria ou dans une
source dérivant de YHistoria ? Absolument aucun. Il est
donc de bonne méthode d'admettre que la chanson conser-
vée et la version du chroniqueur ne dérivent pas l'une de
l'autre, mais procèdent «l'une rédaction waulsodorienne
perdue (soit .Y).
1 î. Le motif de V attribution du Vermandois à Raoul.
La version X devait nécessairement comprendre tous
les éléments communs aux deux versions conservées. Pour
le surplus, le doute est permis. Il est certain pourtant que
tout trait particulier à l'une ou à l'autre version, qu'on
démontrera être pris par le jongleur ou par le chroniqueur
dans une source non épique, n'a pas pu être emprunté en
même temps par eux à la version X. Je n'ai acquis cette
certitude que pour un trait, celui qui concerne le motif
de l'attribution du Vermandois à Raoul dans le texte du
chroniqueur.
G. Paris avait supposé qu'en rattachant la conduite du
roi en cette affaire au souvenir de la captivité de Charles
le Simple, YHistoria avait conservé un trait de la chanson
primitive (2). M. Bédier a démontré que l'argument posi-
tif que G. Paris faisait valoir en faveur de son hypothèse
reposait sur une méprise sur le nom du roi dans YHisto-
ria (3). J'ajoute que la phrase où le chroniqueur nous dil
(1) Cette hypothèse me semble expliquer, d'une manière fort sa-
tisfaisante, les obscurités du récit et les défauts littéraires notés par
M. Paul Meyer, Raoul de Cambrai, Introd. , p. lvii sqq. Il est cer-
tain, toutefois, que le ms. de Paris n'a pas été écrit de mémoire :
des fautes comme celles des vv. 1904-5, 3495, prouvent qu'il a été
copié sur un ms., que rien n'empêche d'identifier avec la version
faite de mémoire que je suppose. Les fragments belges sont trop peu
étendus pour que j'ose les invoquer à l'appui de mon hypothèse.
(2) Journal des Savants, 1887, p. 624 sq.
(3) Lég. ep. II. p. 365, mte 2.
11
150 NOTE? SIR RAOUL DV. CAMBRAI.
que Charles le Simple capturé par Iberl el son frère, usque
ad «Peronam deductus» ab eisdem sub uinculis «carceralis
custodiae» ibidem diebus multis religatur, esl un emprunt
parfaitemenl reconnaisable à Richer I. i7, qui s'exprime
ainsi: « (Indus Peronam carcerali custodiae» deputatur (1).
Quant à !;i date de 922, où le chroniqueur place l'événe
ment, si elle n'a pu être dégagée par Lui du récit de Ri-
cher, je serais porté à admettre avec \I. Bédier (p. 398)
qu'elle lui étail fournie « par Flodoard ou par l'une des
nombreuses sources annalistiques qui relatenl la capture
du roi ». avec cette différence toutefois que je remplacerais
dans la phrase de M. Bédier le nom de Flodoard par
celui des Petites Vnnales de S. -Arnaud (2).
15. Guerri le Sor
On peut admettre avec 1res grande vraisemblance que
Guerri le Sor. quoique inconnu au chroniqueur, se trou-
vait néanmoins dans la version X. Est-ce un personnage
historique ? M. Longnon l'a cru dans l'Introduction au
Raoul de Cambrai, et il maintient son opinion à l' encontre
des objections de AI. Bédier (3). Guerri est appelé Guerri
de Cimai dans un vers unique, que M. Longnon croit ar-
chaïque. Se fondant sur cette désignation, il identifie l'on-
de de Raoul avec un personnage, appelé Guerri le Sor,
seigneur de Leuze, de qui un texte du treizième siècle, le
Chronicon Laetiense, l'ail descendre les seigneurs d'Aves-
nes. Cette chronique, observe encore M. Longnon, rap-
porte une donation faite à Guerri par le comte de Hainaut
de la terre située entre les d^ux Helpes, dont faisait jus-
tement partie < îhimai.
Je crains que M. Longnon n'ait été victime d'une petite
méprise. Je ne parle pas, bien entendu, de la position
géographique de Chimai, qui, se trouvant à quelque dis-
(1) Cet emprunt rend très vraisemblable que la mention de la
paix conclue avec le roi à Reims, mention qui semble être une allu-
sion à la comédie jouée par Herbert en 928. a été également prise à
Richer I, 54.
(2) Flodoard assigne à la capture la date de 923.
(3) Lég. épiques II, p. 356; Longnon, Rom. 38, p. 245 sq.
NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI. 151
tance à l'est de la source de la Petite Helpe, ne fait pas
précisément partie de la terre entre les deux Helpes. Il
se peut que le chroniqueur se soit exprimé inexactement;
il tant toujours admettre dos imprécisions dans les textes
historiques, quand on cherche à ident i lier des personnages
épiques. Mais le postulai et son application à Chimai
accordés sans grande difficulté, je ferai observer que le
Guerri gratifié par le comte de Ilaiuaut est non Guerri le
Sor de Leuze, le quadrisaïeul de Thierri d'Avesnes, mais
le père de celui-ci, Guerri à la Barbe, établi près delà terre
entre les deux Helpes, puisqu'il réside apudFagetum (Fayt)
super tumulum aggeris qui ibidem super fluuiurn Helpram
apparet in loco palustri (l). La preuve en est contenue
dans le récit du chroniqueur. Voici dans quelles conditions
il rapporte la donation du comte de Hainaut. Quand les
chanoines de Sainte-Hiltrude ouvrirent le tombeau de la
sainte vierge, ils y trouvèrent la charte d'une donation
très importante; un seigneur, qui avait précisément usurpé
des biens compris dans cette donation et qui se trouvait
là, uiso predicto testamento, totum quod possidebat uidens
per illud sibi auferri, ipsum de manibus legentium rapuit
et in ignem proiecit (2). Ce seigneur expéditif s'appelait
Guerri à la Barbe. Le chroniqueur rapporte deux ou trois
détails sur ce Guerri à la Barbe, dit qu'il descendait, au
témoignage des curiales hennuyers, d'un certain Guerri le
Sor de Leuze, puis, après avoir donné un. renseignement
sur ce Guerri le Sor (3), il continue textuellement :
Huic predicto Guerrieo cornes de Hainau terram inter duas Hel-
pras iacentem in feodum et hominium contulit, sicut hodie ipsius
heredes possident ; in qua possessio sancte Hiltrudis defensore
carens penitus est distracta. Erat autem possessio eius, sicut in
Uita eius inuenitur, a Molihanio usque ad uillam que Senuescus
propter aquam ibi currentem eiusdem nominis ita prius uoeabatur,
(1) Chron. Laetiense cap. 2. (Pertz, Script. XIV, p. 493).
(2) Chron. Laetiense c. 2. L'anecdote est empruntée, sauf les
noms, à la Uita s. Hiltrudis (AA. SS. Sept. VII, p. 488), écrite
vers la fin du XIe siècle, par un moine de Waulsort.
(3) Uillas que in Brabanti sunt stipenciiarias fecit, sicut hodie
sunt, domino Avesnensi.
152 NOTE? SUR RAOUL DE CAMBRAI.
nunc autem TJallis dicitur. Qui igituj infia boe termines aliquid
possident. aideant, quali ratione alienis et Deo sanctificatis utantur,
min taiiuii ta regali munificentia per manum Uuitberti comitis Deo
fideliter constet fuisse oblata. Testaments igitur l>eate uirginis com-
busto, non multo post, diuino faciente indicio, intestatus et ipse
misère obiit, et in uilla Letiensi corpusque eitia inter duas ecclesias,
beati scilicet Lamberti et aliam que inxta erat, monitu sanctae
Hiltrudis constructas, sepultum est, manenteque et permanente infa-
tnia prescripti farinons ubique proclamati.
Il est certain que predictus Guerricus ost le même per-
sonnage que vise. ;'i la fin du passage, le pronom ipse et
de l'infamie de qui I*- tombeau perpétue le souvenir. Et
ce ne saurait être que Guerri à la Barbe, Yinuasor, comme
rappelait le chroniqueur au début (non transcrit ici) de son
récit, et non Guerri le Sor, de qui le texte ne rapporte
rien de désobligeant. Ce qui achève de le démontrer, c'est
la mention que la terre donnée par le comte de Hainaut
comportait des terres distraites des possessions de S.-Hil-
trude. Si les biens de S.-Hiltrude avaient été donnés à
Guerri le Sor, Guerri à la Barbe, suffisamment garanti
par la possession paisible de ces biens pendant trois géné-
rations, n'aurait pu commettre la violence dont parle le
chroniqueur. Si fantasques que soient les personnages
inventés par les moines pour justifier l'absence de chartes,
ils ne s'avisent jamais d'encourir les foudres du ciel en
commettant un attentat inqualifiable pour la simple beauté
du geste ! Mais si la donation du comte de Hainaut a été
faite au profit de Guerri à la Barbe, la petite histoire du
Chronicon Laetlense se comprend à merveille. M. Bédier
a donc eu parfaitement raison de s'amuser des curiales
hennuyers se rappelant à deux siècles et demi de distance
le nom du quadrisaïeul de Thierri d'Avesnes; son seul tort
a été de ne pas s'apercevoir de la méprise de M. Lon-
gnon (1).
(1) Voici ce qui semble avoir provoqué cette méprise. Dans l'édi-
tion du Chronicon Laetiense, Guerri à la Barbe est appelé par deux
fois Wedricu8 (p. 493, lignes 14 et 18), Guerri le Sor est men-
tionné sous la forme Guerricus [ib. ligne 20). Comme dans le pas-
sage transi rit plus liant on lit Guerrico, on peut être tenté de croire,
NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI. 153
Mais quelles sonl les origines de Guerri le Sor ? Si
j'étais partisan de la méthode «les coïncidences onomas
tiques que M. Bédier raille si spirituellement, mais à la-
quelle il paie ailleurs son tribut, je pourrais me flatter de
les avoir découvertes. Je connais un vieux Guerri ayant
pour neveu un jeune seigneur nommé Raoul, et je suppose
que le nom d'Aalais n'était point inconnu chez eux, car
ils possèdent une serve baptisée ainsi. Coïncidence remar-
quable, je les trouve non seulement à quelques lieues de
Chimai et de Waulsort, mais encore en relations avec
l'abbaye où est née la légende du comte [bert. Car c'est
grâce à l'intervention de ce Guerri que son frère Thierri II.
abbé de Waulsort, obtient de l'adolescent Raoul les corps
de s. Candide et s. Victor, donl la translation est racontée
dans un récit publié' récemment par les Bollandistes (I).
Mais quand je parcours ce document, où l'on ne trouve
aucun trait pouvant servir de point de départ à la légende
épique, je commence à douter que deux bienfaiteurs de
l'abbaye y nient été transformés, au lendemain de leur
mort au plus tard, en personnages aussi peu édifiants que
ceux de Guerri le Sor et Raoul de Cambrai, et je me
demande si le nom providentiel de s. Candide n'est pas
pour nous faire considérer cette Translatio comme un
avertissement discret à l'adresse de ceux qui cherchent un
peu partout, à l'aide des tables ou autrement, des proto-
types réels aux personnages de fiction.
Mais si la crainte révérencieuse que nous inspire le nom
du saint martyr thébain nous décourage de rechercher
dans l'histoire les origines de Guerri, elle ne nous empê-
che point de tenter une explication de la mention de Chi-
mai. Car les noms de lieux se repèrent facilement sur une
carte, et nous pouvons remarquer, sans crainte d'erreur,
que Chimai où est établi Guerri, qu'Hirson où réside Her-
sans y regarder de plus près, qu'il s'agit là de Guerri le Sor. Les
mss. et les éditions tendent quelquefois de ces pièges aux cher-
cheurs, et c'est pourquoi il convient toujours de poursuivre jus-
qu'au bout la lecture d'un texte avant de l'utiliser.
(1) Anale cta Boïïandiana XI, p. 115 sqq.
154 NOTES SUR RAOUL DF. CAMBRAI.
bert, qu'Origni où se j < » 1 1 < • le drame, que Ribemonl <>ù
Iberl tienl étal sonl autan! d'étapes de La route qui mène
de Waulsorl à S. Quentin. Ham, Nesle el Roie, qui re-
viennent souvent, dans 1<- poème, dans un vers cliché,
continuent très exactemenl cette route à l'ouest. Roie est
encore, dans la chanson el dans la Chronique, donc cer-
tainement dans La version X, la résidence de Wcdon. Entre
Ham et S.-Quentin se trouve la ville de S. -Simon, dont le
patron est invoqué dans la chanson aussi souvent que s.
Géri, si cher à \l. Bédier (I).
Cette route est une artère importante. Les gens habitant
au delà de Waulsort devaient L'emprunter pour se rendre
•Mi [le-de-France par le chemin Sejlentois (2). Les Picards
allant en pèlerinage à Saint-Jacques-de-Liège, ou au delà
de Liège à Aix la-Chapelle et Cologne, la prenaient égale-
ment (en sens inverse). L'auteur de la version X, Localisée
à Waulsort, n'en pouvait pas ignorer les étapes principa-
les. Car il y a toute apparence que c'était vin jongleur
(1) Je note ne passant que s. Denis, invoqué encore plus souvent
que s. Simon ou s. Géri, est le patron de l'église de Louette-Saint-
Denis, où l'abbaye de Waulsort possède des biens. Voy. le diplôme
déjà cité d'Otton I, de 946: in pago Ardenna ilirto ad Lietros man-
sum indominicatum ad quem aspiciunt mansi triginta ubi est ec-
clesia in honore sancti Dyonisii constructa (Dipl. Ot. I, n" 81). —
Pour apprécier la portée de l'observation faite dans le texte, il
convient de remarquer les faits suivants : L'histoire ne connaît
aucun combat sous Origni. Aucune charte, aucune tradition monas-
tique même, ne nous autorisent à faire d'Ibert un seigneur de
Ribemont. Nous ignorons les possessions d'Eudes (Lauer, Louis d'Ou-
tremer, p. 139). La mention de Flodoard, Ann. ao. 944, ne nous
autorise pas à croire qu'il ait jamais possédé l'Amiénois où est
située la petite seigneurie de Roie, car cette mention est conçue d'e
la manière que voici: Ambianensem i/noque u r h e m, quam tenebat
Odo filius Heriberti... domestici régis recipiunt. Herbert reçut, lors
du partage de la succession paternelle, l'abbaye de s. Médard de
Soissons. et peut-être quelques dépendances de l'archevêché de
Reims. Il n'est pas certain qu'il ait succédé à son frère Albert de
Vermandois (Lauer, lnr. rit.). Tl est assuré qu'il ne possédait pas
Hirson, qui relevait alors des seigneurs de Guise (cf. Raoul de
t'ombrai, p. 368).
(2) .Sur ce chemin, voy. Longnon, table onomastique de llaoul de
Cn m h roi. art. Tellentois.
NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI. 155
battant les routes el récréant les gens qui, après avoir
cheminé de longues journées, s'arrêtaieni à l'abbaye fondée
par le noble seigneur Iberl : ce ri'esl assurémenl pas pour
charmer les loisirs des moines que ce jongleur composa
(ou recomposa) la geste du bâtard donl on montrait le
tombeau à Waulsorl !
16. Bernard de Relhel cl Ernaul de Douai.
Les Annales de Flodoard contiennent, à l'année 933, la
notice que voici :
Bicharius, episoopus Tungrensis, quoddam castellum Bernard] co
rnitis quod ipse Bernardue apud Harceias in pago Porcinse cons-
truxerat, euertit, eo quod in suae aecclesiae terra situm esset. (Ed.
Laner, p. 55.)
Ce château d'Arches, actuellement Charleville près Mé-
zières, est situé dans un pays qui n'était pas ignoré à
Waulsort. La famille de l'abbé Thierri II y était établie.
Vyvelles, distant d'une lieue à peine d'Arches, relevait de
Raoul, le neveu du frère de Thierri II, Guerri. C'est là
que les moines de Waulsort sont allés, en 1143, chercher
les reliques de s. Candide et s. Victor, à en croire la
Translatio citée dans le chapitre précédent. Le même
texte nous montre Thierri II se rendant à Mézières (c. 12).
Au nord de Mézières s'étendent les domaines du frère de
l'abbé, Guerri (c. 13). Louettes-Saint-Denis d'autre part,
où l'abbaye de Waulsorl possède des biens (cf. su/ira.
p. 154, n° 1). est située a <i\ lieues à peine du château
construit par Bernard de Rethel. Il est donc certain que le
passade qui vient d'être transcrit devait éveiller la curio-
sité d'un moine de Waulsort lisant les Annales, surtout si
ce moine était contemporain de l'abbé Thierri. Notons que
la bibliothèque de l'abbaye est bien garnie, puisque rien
qu'au cours de cette étude nous avons pu constater, dans
les écrits waulsodoriens, des emprunts à Richer et à l'His-
toire 'le l'église de Heini* de Flodoard. En racontant l'a-
venture du béryl, VHistoria Uualciodorensis monasterii
(c. 4) cite des vers latins, empruntés sans doute à une
vie de s. Eloi. Le passade emprunté à Richer semble
156 NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI.
aussi reposer, pour ce qui esl de la date, sur une source
annalistique que nous avons identifiée dicis gratia avec les
Annules Elnonenses minores. On sait du reste que Waul-
sorl esl un centre littéraire assez, important (1), et nous
avons pu constater de uisu, que les moines, exaspérés par
l.i lutte avec Hastières, compulsent avec beaucoup de zèle
les livres et les chartes, d'où ils tirent des renseignements
utiles pour leurs pieux mensonges.
L'histoire ne sait rien de la participation de Bernard de
Rethel aux événements où Raoul 11 de Goui devait trouver
la mort. Le rattachement de ce personnage à la famille
d'Herbert le Grand lui est inconnu également. Par contre,
elle sait qu'en 945 Bernard de Rethel se joignit au roi,
quand celui-ci, après avoir pillé consciencieusement le
Vcrmandois, se dirigea vers Reims (2). Faut-il admettre
que de tout ce que pouvait dire de véridique sur Bernard
de Rethel un poète contemporain, attaché à la cour ver-
mandisienne, la chanson actuelle n'aurait conservé que les
renseignements contredits par Flodoard, ou croire que le
nom d'un comparse dans le poème a été fourni au poète
par ceux à qui il devait déjà le comte Ibert ? La réponse
ne saurait être douteuse, quand on observe que l'identifi-
cation d'un comte du pagus Porciensis avec le comte de
Rethel, dont on pourrait d'abord hésiter à croire capables
les clercs de Waulsort, connaissant Arches, esl faite par
un Aubri de Trois-Fontaines, qui n'avait aucune raison de
s'intéresser au château construit par Bernard (3).
(1) Lahaye, Etude xt/r l'abbaye de Waulsort, p. 88, sqq.
(2) Flodoard, Annal, ao. 945; Hist eeel. Bon. IV, 31; Richer
II, 44.
(3) Longnon, Raoul de, ''ambrai, Introd. xxxi, note 2. — Je rap-
pelle le procédé que nous avons eu à constater en étudiant les lé-
gendes monastiques de Waulsort. Charles le Simple et sa captivité
sont mêlés à une ridicule histoire de béryl. Un cornes Hadericus de-
vient l'époux de la femme d"u noble seigneur Ibert. Cet Ibert lui-
même devient frère d'Herbert le Grand et de Gérard d'Audenarde,
personnage du milieu du XI' siècle (Wauters I, p. 487). Le grand-
père d'Ibert est pris à un diplôme de Charles le Simple (Bédier,
p. 393, n. 5). Les moines de Waulsort ne cherchent que des noms
historiques pour leurs fictions. Il leur importe peu comment ces
fictions se concilient avac l'histoire.
NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI. 157
Pour ce qui esl d'Ernaul de Douai, j'estime, avec M.
Bédier, que le plus prudent esl d'y \oirune coïncidence
fortuite. Je me refuse à le croire emprunté à Flodoard
parce que je ne vois pas ce qui aurait pu attirer l'attention
des moines de Waulsorl sur lui. Quanl à admettre que
l'Ernaul épique se rattache à l'Ernaut historique par une
tradition ('pique ininterrompue, je n'y puis songer. Car
l'Ernaul historique est un personnage peu recommandable.
Vassal d'Hugues le Grand, puis d'Herbert, il vienl enfin
au roi (jiii esl obligé de le chasser peu de temps après (1).
Richer (II, 25) l'appelle in proditione promptissimus.
J'aurais compris que la tradition épique en fît un Ganelon,
mais j'ai peine à croire que cet homme versatile et félon
se soit transformé en l'intrépide Ernaut de la chanson.
17. Dernières questions
Après avoir étudié les principaux personnages de second
plan, nous pouvons aborder la question du rattachement
d'iherl et de Bernier au lignage d'Herbert. J'accepte sans
discussion la version de la chanson, pour laquelle Ibert
est (ils et non frère d'Herbert (2), car elle est plus difficile
à expliquer que la version du chroniqueur, où Herbert,
-es quatre fils et ses cinq frères sont de simples compar-
ses, rattachés tout à fait superficiellement à Ibert et Ber-
nier. Si nous ne possédions que le récit de YHistoria Uual-
ciodorensis monasterii, nous pourrions nous borner à affir-
mer que l'introduction d'Ibert dans la famille d'Herbert
(1) Ann. Flod. 930 (p. 45). 941 (p. 81). Il est certain qu'Ernaut,
frère de Land'ri, est le même personnage qu'Ernaut de Douai. Si
M. Longnon (Rom. 38, p. 247) s'était rappelé la note de M. Lauer.
Louis d'Outremer, p. 69, n. 2, il n'aurait eu aucun doute à ce sujet.
(2) On pourrait être tenté de l'appuyer par le témoignage d'Au-
bri de Trois-Fontaines : Sepultus est cornes Heribertus in abbatia
Uualciodorensi iuxta Dinantum quant ipse fundauit (Pertz, Script.
XXIII, p. 763), puisque YHistoria Uualciodorensis monasterii nous
dit qu' Ibert avait enseveli dans le tombeau son père, sa mère, son
frère Boson et Bernier, mais non ses autres frères. Mais les mots
quam ipse fundauit font difficulté ; Aubri a pu confondre tout sim-
plement Ibert et Herl'ert.
158 NOTES SUR KAOl L DE CAMBRAI.
n'a pas d'autre bul que de rehausser la noblesse du fonda
leur de Waulsort; personne ne contredirail cette décla
ration. La question esl de savoir si nous sommes autorisés
;ï admettre une explication analogue en présence de la
version dé la chanson.
II esl indispensable de supposer que le poème primitif
connaissait le personnage de Bernier. On- pourrait certes
imaginer un poème où Raoul de Goui lutterait contre les
quatre ou cinq fils authentiques d'Herbert el contre eux
seulement, el un aulre où seraient racontées les aventures
du lils d'Ibert, le rôle «1rs fil? Herbert et celui de Raoul
étant tenus par d'autres personnages. On pourrait ensuite
concevoir, en faisanl un effort, que ces deux légendes,
complètement étrangères l'une à l'autre, se fussent fondues
en un poème unique. Mais ce serait se rendre la besogne
trop facile. Car si l'on admet, par hypothèse, que la lé-
gende d'Ibert et de son fils a pu être rattachée -ans motif
au récit de la guerre de Raoul II de Goui contre les fils
d'Herbert, autant prendre d'emblée ce récit dans Flo-
doard sans recourir à l'hypothèse inutile d'une source
épique.
Nous devons aussi supposer que des l'origine Bernier
étail lils d'un des frères combattus par Raoul. Car c'esl la
seule hypothèse que les partisans d'une tradition épique
ininterrompue puissent nous opposer sans heurter de fronl
les vraisemblances. Il s'agit uniquement de déterminer si
le père de Bernier s'appelait, dès l'origine, Ibert, ou bien
s'il portail primitivement le nom d'un des fils authentiques
d'Herbert le Grand, celui d'Albert de Vermandois pour
préciser. Considérons d'abord cette dernière hypothèse.
Le fait de la substitution, à Waulsort, dû nom d'Iberl
à celui d'Albert pourrait être admis sans grande difficulté.
Il serait moins aisé de comprendre comment un témoin
oculaire des événements de 943 aurait pu avoir l'idée de
composer une chanson dont le rôle principal sérail joué
par un lils fictif d'Albert (1) Car Bernier n'a jamais
existé : aucune source ne le mentionne. Ce silence n'esl
(3) Voy. supra, chap. 12. sur le rôle de Bernier dans le poème.
NOTES SIR RAOIL DE (AMBRAI.
159
pas décisif, dil M. Longnon : il n'esl pas invraisemblable
qu'Alberl ail eu un bâtard appelé Bernier (I). assurément,
c'est possible : ce qui l'esl moins, c'esl que ce person-
nage ail eu des aventures analogues à celles qui sont
racontées dans le poème : vassal de Raoul II do Goui, il
aurai! vu périr sa mère dans un incendie et ne se serait
décidé à quitter son seigneur que lorsqu'une sortie vio-
lente de celui-ci aurait mis sa patience à boni. Dira-t-on
que le poète de la cour de Vermandois ou les remanieurs
successifs avaient enjolivé les aventures de Bernier ? Mais
alors qu'est ce qu'aurai! chaulé au juste Bertolai ?
Les mêmes difficultés surgissent, si nous remplaçons le
chant lyrico épique de Bertolai par une tradition épique
(au -eus de M. Suchier). Car celle théorie aussi aboutirait
dans l'espèce à la conjecture en l'air de l'existence réelle
de Bernier, et elle aurait en outre à expliquer comment
ce personnage si peu remarqué des écrivains contempo-
rains a pu capter l'attention populaire au point de devenir
le héros d'une légende. Et quand on se rappelle que les
deux théories sont déjà impuissantes à rendre compte de
la transformation du Raoul de Goui en un Raoul de Cam-
brai, on n'hésitera pas à rejeter la substitution d'Ibert à
Albert de Vermandois.
Si nous admettons, au contraire, qu'Ibert était, dès
l'origine, le père de Bernier, tout s'explique. Dès la fin
du XIe siècle, les moines de Waulsort prétendent conser-
ver son tombeau. Authentique ou non, ce monument était
vaste : la Chronique de Waulsort y loge la famille entière
de son fondateur. L'idée de rattacher Ibert à une lignée
illustre devait venir naturellement aux artisans de la gloire
de l'époux d'Hersent. A deux siècles de distance l'odieux
du caractère d'Herbert ne pesait peut-être plus lourd. En
eût-il été autrement que le contraste (Mitre le père félon,
d'une part, cl, de l'autre, le fils vertueux et le petit-fils
mettant les devoirs de la fidélité au-dessus de ses affections
naturelles, ne devait pas déplaire aux moines. Herbert le
Grand fait pendant à Guerri à la Rarbe, le père de Thierri
(1) Raoul de Cambrai, Introd., p. xxix.
160 NOTES SUR RAOUL DE CAMBRAI.
d'Avesnes, le réformateur de Liessies. La légende se déve-
loppant, Iberl devienl un pieux repentanl ayanl à racheter
par de lionnes œuvres les fautes de sa jeunesse : ainsi son!
créées l'aventure <lu béryl el celle de Marsenl séduite.
Bernier est né cl on lui trouve une petite place dans le
tombeau de la famille. Un jour, un clerc, lisant les Annules
de Flodoard, remarque la mention de llinvasion de Raoul
II de Goui. Soil qu'il identifie le Goui de l'annaliste avec
le Goui cambrésien, situé sur la grande route de S. -Quen-
tin à Cambrai, soil plutôl <|ifil se rappelle avoir lu ailleurs
qu'un authentique comte Raoul, qu'on croyait, ;'i l<>rl ou à
raison, ai XII6 siècle, avoir administré le pagus Camera-
censis, avait envahi le Vermandois et avait été tué sou-.
St-Ouentin par Herbert (1), il fail <!<* Raoul «le Goui
un comte de Cambrai. La « matière », sinon le « san » «le
la chanson se trouve ainsi fournie; le jongleur y met
« sa painne et s'antancion », mais comme il est doué d'une
nature poétique autrement puissante que celui qui s'avoue
lige de Marie de Champagne, il transforme les ridicules
histoires des moines en la poignante geste du bâtard
Bernier.
Jean A cher.
(2) Voy. les témoignages, assez nombreux, colligés par Longnon,
Baoul de Cambrai, Intr. p. xix. Addc Reginon ao. 818.
BIBLIOGRAPHIE
REVUE DES REVUES
Romanische forschungen, XXVI, 1. — E. Brugyer : Mit-
teilungen ans Handschi'iften der altfranzosischen Prosaromane
Joseph und Merlin, p. 1 ; —A. Ulbrich : Verhâltuiss von Wace's
Brut zu Gottfrieds Historia, p. 181 ; — A. Oll : Eloi d'Ameival,
p. 261 ; — E.Enderlein : Zur Bedeutungsentwicklung des bestimm-
ten Artikels im Franzosischen, p. 368; — J. Werner : Guiar-
dinus, p. 417.
— XXVII, 1. — Decurtins : Kiitoromanische Chrestomathie,
p. 1.
— XXVII. 3. — G. Wissler : Das schweizerische Volksfian-
zôsisch. p. 690; — W. Etzrodt : Die Syntax dei* nnbestimmten Fiir-
wôrter personne und même, p. 852 ; — K. Glaser : Le sens péjoratif
du suffixe ard en français, p. 932.
Romania XXXVI (1,1. — II. Weeks : Etudes sur Aliscans, p. 1 ;
— P. Meyer : Les plus anciens lapidaires français, p. 44; —
A. Piagel : Le Songe de la Barge de Jean de Werchin, p. 70 ; —
M.-J. Minckwitz : Notice de quelques manuscrits du Trésor de
Brunet Latin, p. 111 ; — II.-A. Smith: Some remarks on a Berne
ms. of the Chanson du Chevalier au Cygne, p. 120; — Mélanges,
p. 129.
— 2. — A. Thomas : Fragments de farces, moralités, mys-
tères, etc , p. 177; — G. Schœpperle : Chievrefoil, p. 196; —
A. Longnon : Nouvelles recherches sur le personnage de Raoul
de Cambrai, p. 219 ; — P. Meyer : Les plus anciens lapidaires
français, p. 254; — A. Parducci : La canzone di mal maritata in
Francia, uei secoli XV-XV1, p. 286.
— 3. — A. Thomas : Notes étymologiques et lexicographiques,
p. 353 ; — E. Philipon : Le suffixe -in, -ina en moyen rhodanien,
p. 406; — A .-T. Baker : Vie de saint Panuce, p. 418 ; — Mé-
langes, p. 425.
— 4. — P. Meyer : Les plus anciens lapidaires fiançais, p. 481 ;
— A . Thomas : Notes étymologiques et lexicographiques, p. 553; —
162 BIBLIOGRAPHIE.
G. Cohtn : Le théâtre à Paris et aux environs à la fin du XIV«
siècle, p. 587 ; — Mélanges, p. 596.
Bulletin périodique de la Société ariégeoise des sciences,
lettre» et arts, XI, S. — P. Sicre : Eléments de grammaire du
dialecte de Foix, p. 4-11.
Cultura espanola. n° XIV'. — C. Michaëlis de Vasconcellos :
Kstudos sobre o romanceiro peninsular, p. 434.
— Zeitschrift fur romanische philologie, XXXIII, 3. —
F. Dosdat : Die Mundart des Kantons Pauge, p. 257 ; — .1. Speich :
Das sog. Verbaladjelctiv im Franzôsichen, p. 277 ; — C. Sal-
vioni, J. Subah, H. Schneegans : Zn : Sizilianische Gebete, Be-
sch-svôrungen und Rczepte in griechischer Umschrift, p. 323; — H.
Schuchardt : Romanisch bast-, p. 339 ; — Vermischtes, p. 347.
— 4. — A. Horning : Glossar der Mundart von Belmont, p. 385; —
H7. Meyer-Lûbhe : Franzosische Etymologien, p. 431 ; — H. Schu-
chardt :Die lingua franca, p. 441. — Span. vega, nava, p. 462 ; —
Vermischtes, p. 469.
— 6. — H. Schuchardt : bref, escop, fr. escope, p. 641 ; — J. Subah :
Zur sardischen Veibalfiexion und Wortgeschichte, p. 659; — À'.
Lewent : Z\i den Liedern des Perdigon, p. 670 ; — P. Skok : Fa-
brica, p. 688; — E. Hoepff'uer : Frage-uud Anlwortspiele, p. 695 ;
— Th. Kalepky : Zur franzôsischen Syntax, p. 711; — J. A cher •.
Corrections au Roman de Tristan, p. 720 ; — Vermischtes, p. 726.
— XXXIV. — 1, 2. — \V. Benary : Mitleilungen aus Hands-
chriften der Chanson d'Aspremout, p. 1; — R. Haberl : Beiti-iige
zur romanischen Liuguistik, p. 26; — A . Parducci : La pastorella
in Francia nei sec. XV-XVI, p. 55 ; — Vermischte?, p. 86. — R.
Habeil : Beiti lige zurromanischen Liuguistik, p. 129 ; — A. Horning :
Zum Glossar der Mundart von Belmont, p. 162 ; — E. Sicardi : Di
e per nell' italiano arcaico, p. 182 ; — A . Srpulcvi : Noterelle di
filologia dantesca, p. 191; — A. Unterforcher : Forare, rupes in
Wôrtern und Ortsnamen, p. 196; — G. Bertoni : Note etimologiche
e lessicali emiliane, p. 203 ; — Vermischtes, p. 211.
Revue de philologie française et de littérature, XXIII,
1 et 2. -- J. -P. Jacobsen : La comédie en France au moyen-âge,
p. 1 et 81 ; — G. Juret : Etude sur le patois de Pierrecourt, p. 23 ;
— A. Dauzat : La langue des sports, p. 107 ; — P. Barbier fils ;
Notes sur certains noms de poissons, p. 120.
BIBLIOGRAPHIE. 163
Revue de dialectologie romane, 2, 3, 4. — A. -M. Espinosa :
Studies in New Mexican Spanish, p. 157,269: — C. Merlo : Note
italiane centro-meridionali, p. 240 ; — M. Niepage ; Laut- und
Formenlehre der mallorkinischen Ur kundenspraçhe, p. 301; —
B. Schiidel : Die katalanichen Pyrenàendialecte, |>. 386, — Mélan-
ges, p. 203, 413.
Bulletin de dialectologie romane, 2,3, A. — M.-L. Wagner :
Los judios espanoles de Oriente y su lengua, p. 53 ; — J. Hubev ■■
Sprachgeographie, p. 89.
Zeitschrift fur franzôsische sprache und litteratur,
XXXV, 1,3. — E. Bruggtsr : L'enserrement Merlin p. 1; — O.-AI.
Jolmslon : Use of poème in the old French références of the forbid-
den fruit, p. 56; — C. Bauer : Jenn de Sehelandre, p. 60; — Tk .
RanftxZum Dictionnaire général, p. 129; — C. Salvioni : fr. opi-
niâtre, pigeon, p. 147.
Bulletin du parler français au Canada, vin, 4. — W.Meyer-
Liibke : Le fiançais au Canada, p. 121; — Lexique canadien-fran-
çais, p. 135.
Bulletin archéologique, historique et artistique de la
Société archéologique de Tarn-et-Garonne, XXXVI. — Boé :
Coutumes du lieu de Heaufort, du 30 septembre 1316, p. 142.
Memorie délia R. Accademia délie scieoze dell' Istituto
di Bologna, in, 1. — A . Tromhetti ; Saggi di glottoloiria générale
compara ta, p. 3.
Mémoires de la Société néo-philologique de Helsingfors,
V. — O.-J. Tallgren : Sur la rime italienne et les Siciliens du
XIIIe siècle. Observations sur les voyelles fermées et ouvertes,
p. 233 ; — A. Wallejiskbld : La construction du complément des
comparatifs et des expressions comparatives dans les langues ro-
manes, p. 375.
COMPTES-RENDUS
H. von Samsou-Himmelstjerna. — Rhythmik-Studien, Riga,
N. Kymmel, 1904 [136 p.].
Bien que cet ouvrage ait paru, il i a déjà six ans, il nous semble
encore aujourdui bon à signaler. La plupart des étrangers de lan-
gue germanique qui ont écrit sur le rit me des vers romans et en
164 ?
COMPTES RENDIS.
particulier des vers français se sont tenus si loin de la réalité que
l'on peut beaucoup pardonner à ceux qui s'en sont approchés, même
lorsqu'il leur arrive parfois de s'en écarter violemment.
Notre auteur s'est entouré de toutes les précautions imaginables
pour éviter l'influence de quelque idée préconçue dans ses recher-
ches sui- le ritme. Doué d'une oreille délicate, il a voulu s'en rap-
porter uniquement à elle, noter exactement ce qu'il entendait, puis
faire la statistique et voir s'il en résultait quelque règle, quelque
principe ou du moins quelque clarté. Maleureusement il a cru voir
clair trop tôt, il a sistématisé trop tôt ; il ne s'est pas rendu compte
qu'il avait eu un mauvais point de départ, en commençant son exa-
men par des poésies accompagnées de musique ou de danse, qui
devaient influer, sans qu'il pût eu avoir conscience, sur toutes ses
observations ultérieures
Tous ceux d'ailleurs qui ont quelque probité font comme lui.
Leur oreille pour guide, puis on classera les notes et on en tirera la
téorie. Combien en voit-on chaque année à la Comédie Française,
qui suivent la pièce sur le texte, et, un crayon à la main, notent
constamment les accents qu'ils ont cru entendre, les liaisons qui
n'ont pas été faites, les e muets qui n'ont pas été dits. Même
Lubarsch, dont Samson -Himmelstjerna dit avec raison tant de mal,
a certainement fait ainsi. Mais la plupart ne savent du français que
ce qu'ils eu ont entrevu à travers le parler d'une gouvernante ou d'une
bonne originaire de la Suisse allemande ; ils sont abitués à ce ritme
brutal et [>our nous intolérable que notre auteur compare avec jus-
tesse au tic-tac d'une pendule qui n'est pas d'aplomb ; ils ne pren-
nent pas garde que l'oreille, si elle est un organe aisément éduca-
ble, est éminemment suggestionnable, et que tant que son éducation
n'est pas faite, elle confond la auteur ou la durée avec l'intensité,
elle entend partout ce qu'elle est accoutumée à entendre ou ce
qu'elle s'attend à entendre; ils ignorent enfin que nos acteurs ne
reçoivent plus uujourdui aucune éducation littéraire, qu'on ne leur
a jamais enseigné ce que c'est qu'un vers, et qu'ils ont pris pour
principe de dire les vers comme de la prose moderne, remplaçant
tout l'art du poète par des gestes et des grimaces; ce sont leurs
défauts que nos bons étrangers prennent pour des qualités, et c'est
là-dessus qu'ils bâtissent leurs téories et dressent leur règles infail-
libles.
Voilà comment le dogme s'est répandu en Allemagne et en Suède,
que le ritme du vers français est iambique. Nous avons déjà parlé
de cette question" ici même (RLR, XLIV, p. 84) ; mais on ne sau-
rait trop i revenir. Quand j'étais étudiantàFribourg-en-Brisgau, où je
n'étais pas allé pour apprendre l'allemand, ni même le français, je me
COMPTES RENDUS. 165
rencontrais souvent avecquelques camarades dontlecommerce m'était
agréable, et nous causions volontiers des choses de France, qui les
intéressaient particulièrement, Un jour, un jeune Fuchs, tout frais
émoulu du gimnase, me demanda comment nous pouvions bien
trouver quelque agrément aux vers français, qui étaient si monoto-
nes et si peu naturels. « Comment vous a-t-on appris à les lire? —
Oui, c'est | Aga | memnon | c'est ton | roi qui | t'éveille. »
Telle fut sa réponse. I.e voilà bien le tic-tac d'une orloge mal
équilibrée. Je partis d'un éclat de rire. Je me levai alors et récitai
le Cor d'Alfred de Vigny. On m'écouta religieusement et quand
j'eus terminé mes auditeurs manifestèrent un entousiasme que je
n'avais jamais remarqué en aucune circonstance chez des étudiants
allemands, et dont ils ne semblaient pas capables. On décida de
consacrer la prochaine réunion au vers français. Le Vortrag abi-
tuel fut renvoyé et à sa place je lus quantité de poésie française,
j'en récitai, j'en expliquai; la clôture de la Kneipe nous surprit
avant que nous euss'ons terminé. Au lieu de se séparer, on se
déplaça. La nuit était claire et paisible; nous gravîmes les auteurs
de RossJapf pour i attendre l'aurore, puis nous redescendîmes bai' le
Hullental, et ne rentrâmes à Fribourg que tard dans la matinée.
Jamais la Forêt Noire et sa pittoresque vallée n'avaient entendu tant
de vers français, ni un lire si franc. Car le sujet s'étendait. Non
seulement je m'efforçais de faire comprendre à mes camarades la
nature du vers français, mais ceux d'entre eux qui étaient romanis-
tes m'exposaient les téories de leurs maîtres, et la critique, la
satire s'en mêlaient. Nous ridiculisions l'indécrassable pédantisme
des filologues et des grammairiens qui croient avoir bien mérité de
l'umanité lorsqu'ils ont enseigné que les pronoms sont atones, que
les adverbes prennent un nebenton et cent autres billevesées de même
valeur.
Car il était déjà question du nebenlon. J'en ai beaucoup entendu
parler depuis, de ce fameux nebenton qui domine toute l'istoire
du français et des autres langues romanes, et qui joue un si grand
rôle dans les versifications romanes. Je me suis longtemps demandé
où l'on avait bien pu le découvrir. Je suis renseigné maintenant.
Depuis quelques années j'emploie une partie de mon temps à recti-
fier la prononciation française d'étudiants étranger-, et je remarque
presque toujours que les Allemands et les Suédois, quand je leur fais
lire du français, mettent un nebenton de deux en deux sillabes.
Comme le romanisme est né en Allemagne et que l'Allemagne et la
Suède produisent chaque année une légion de romanistules qui
savent très imparfaitement les langues romanes, il n'est pas éton-
nant que ces langues aient à leurs ieux le nebenton qu'ils i mettent.
1<8
166 COMPTES RENDIS.
Nous voilà bien loin, sotnble-t-il, de l'ouvrage de Samson-Him-
melstjema. En réalité nous ne l'avons jamais perdu de vue; mais il
fallait ce détour pour arriver à voir clair au milieu de bien des
obscurités. Nous savons maintenant pourquoi les vers français sont
en général si mal compris en pays germanique. Nous savons d'où
vient le nebenton. Nous connaissons les motifs qui ont empêché
A. Tobler de saisir pourquoi l'alexandrin tipe serait plutôt un vers à
4 temps marqués qu'un vers à 6 (Archiv. f. d. Studium d. neueren
Sprachen u. Lileraluren, CXIV, p. 232j ; ce qui montre qu'on peut
faire un livre utile sur la forme extérieure du vers français sans
avoir le sentiment de son ritme. Nous comprenons pourquoi Sam-
son-Himmelstjerna qui était parti du bon pied a fini par tomber dans
l'ornière comme tant d'autres. Nous voyons enfin comment M. Saran
a pu exposer en un gros livre une téorie un peu nouvelle et diffé-
rent e sur le ritme du vers français, et comment M. Stengel, ne
sachant où se prendre, s'est rallié à cette téorie, dont l'ingéniosité
l'a séduit {Zeitschrift (. franz'ôs. Sprache u. Litteralur, XXVIII, 2,
p. 75). Mon maître Johannes Schmidt appelait les téories de ce genre de
la « filosofie » ; il les caractérisait par ces mots : das schwebt voll-
stândig in der Luft, et il ajoutait : Quand vous aurez perdu votre
temps à les lire, n'en perdez pas d'autre à les discuter ; il n'i a
qu'une chose à leur opposer, die Tatsachen, les faits.
11 i a bien ici une petite difficulté; c'est que Lubarsch, Saran et
autres sont partis de faits. Ils ont entendu au moins quelques vers
de la manière qu'ils nous décrivent. Seulement tout Français ayant
quelque abitude des vers leur déclarerait sans ésiter qu'ils ont mal
entendu. Mais les Allemands ont toujours considéré que nous ne
savons pas entendre nos vers ; eux seuls ont le don de les entendre
juste, et quand nous en parlons ils considèrent comme un simple
objet de curiosité « die Art der Wirkung franzôsischer Verse auf
f'ranzosisches Ohr ». Eureusement l'on possède aujourdui une
oreille impartiale, sans préjugés, sans mauvaises abitudes, c'est
« l'oreille inscriptrice ». La fonétique expérimentale fournit les
moyens d'enregistrer les vers tels qu'ils sont dits et avec une exac-
titude absolue. Les tracés se lisent sans difficulté ni incertitude.
Les différences de valeur des sillabes au point de vue ritmique sau-
tent aux ieux. J'ai déjà donné quelques indications à ce sujet (Petit
Traité de versification française, p. 98 sqq.); j'aurai sans doute
l'occasion d'i revenir prochainement avec plus de détails. Qu'il me
suffise pour le moment de rappeler que les résultats obtenus par
cette métode confirment rigoureusement ce qui est enseigné par les
Français sur le ritme de leurs vers et laisse toutes les autres téories
pour compte à leurs auteurs.
COMPTES RENDUS. 167
Samson-Himmelstjerna a eu le mérite de reconnaître que nos
alexandrins ont en général 4 temps marqués principaux :
J'ai retenu — le dieu — courroucé — dans mon sein.
Il aurait dû s'en tenir là et rechercher quels sont les divers
aspects que peut prendre ce tipe et les substituts qu'il admet. Il
avait tous les éléments nécessaires pour mener à bien cette étude.
Il avait remarqué en effet qu'outre les sillabes fortes il i en a
souvent d'autres qui s'élèvent au-dessus des faibles par leur inten-
sité, leur durée ou leur auteur :
Un long arbre de fer hérissé de flambeaux
Autant que d'Arachné les pièges inconnus.
Ce sont ces sillabes moyeunes qui contribuent le plus à donner au
vers français cette allure que j'ai comparée ailleurs à une ondula-
tion {Petit Traité, p. 102). Notre auteur a cherché à déterminer dans
quelles conditions ces sillabes apparaissent, et il a formulé une
règle fort ingénieuse : ces sillables seraient la première de tout
élément de 3 sillabes ne venant pas immédiatement après une sillabe
forte dans un même émistiche, — ou la seconde de tout élément
de 4 sillabes. Maleureusement cette règle ne répond pas aux faits.
Voici quelques-uns de ses exemples (p. 72 et passim) :
Et surtout Jupiter, dieu d'hospitalité
Dans l'élémen^ « Et surtout » la sillable faible est la première, et
la seconde est moyenne; c'est une montée régulière. La sillabe
« dieu <> que l'auteur donne comme faible est la plus forte de tout le
vers ; elle l'emporte légèrement sur la sillabe « - ter » ; la sillabe
« d'hos - » s'élève au dessus des faibles, parce qu'on ne peut pas
tomber brusquement d'une sillabe aussi forte que « dieu » au niveau
des faibles, les vers français n'admettant rien de violent ni de eurté.
Quant aux trois sillabes « pitali - » elles sont toutes trois faibles et
aussi faibles l'une que l'autre.
Je vous salue enfants venus de Jupiter
Les sillabes « vous » et « Ju- » sont tout à fait faibles, comme
« Je, sa -, ve -, - pi - » ; mais les sillabes « en » et « de » l'empor-
tent sur elles.
Aux mortels malheureux n'apportent point d'injures
Les sillabes « Aux» et « -por- » sont aussi faibles que « n'a -*
et t - tent » ; seule la sillabe « in - » s'élève au-dessus des faibles.
Une autre faute de notre auteur, c'est de n'avoir pas senti que les
168 COMPTES RENDIS.
sillabes moyennes ne prennent une valeur ritmique que dans les
éinistiches qui n'ont qu'une sillabe forte, comme dans l'exemple
que j'ai cité dans mon Petit Traité, p. 100. Il i en a plusieurs cas
parmi les exemples qu'il cite:
Je ne suis qu'un mortel, un des plus malheureux •
Dans le premier émistiche de ce vers les sillabes « suis >» et
4 qu'un » sont moyennes, tandis que l'auteur fait la première forte
et la seconde faible. En outre la sillabe « Je », qu'il donne comme
moyenne, est faible.
Ne me comparez point à la troupe immortelle
La sillabe « corn - » dans le premier émistiche est une moyenne à
valeur ritmique. Notre auteur i voit une faible et trouve une forte
dans « -rez », qui est faible.
Ce dernier point donne à réfléchir. Pour les erreurs relatives à la
place des sillabes moyennes, on peut se demander s'il faut les
imputer à l'oreille de notre auteur ou à la diction de son lecteur.
Mais pour des fautes comme la dernière, qui sont de véritables
fautes de français, on ne peut guère en rendre responsable une
oreille qui par ailleurs s'est montrée délicate ; il i a trop de différence
entre une sillabe faible et une forte pour qu'on puisse les confondre.
L'erreur doit revenir au lecteur consulté, « einem geborenen und
gebildeten Franzosen, der Hochschul-Professor war ». Ils sont
nombreux les exemples absolument fautifs que notre auteur signale
comme accumulations de sillabes ritmiques; en voici quelques-uns :
J'ai vu Corinthe, Argos, et Crète et les cent villes.
Fleuves, terre et uoirs dieux des vengeances trop lentes.
A peine, mes enfants, vos mères étaient nées.
Ne crains point, disent-ils, malheureux étranger.
Mortels, ne savons rien qui ne vienne de vous.
Amuse notre ennui, tu rendras grâce aux dioux.
Enfants du vieil aveugle, en quel lieu sommes nous ?
Des marchands de Cymé m'avaient pris avec eux.
Si la Grèce pour moi n'aurait point de patrie.
Les sillabes « cent, trop, -taient, crains, -vons, -dras , so- ,
-vaient, -rait », données comme fortes par Samson-Himmelstjerna,
sont faibles.
Il a reconnu avec justesse qu'il i a trois temps marqués dans
des émistiches contenant une énumération on des mots sur lesquels
on veut insister :
COMPTES RENDUS. 169
Soleil, qui vois, entends, connais tout: et toi, mer.
Vous croîtrez comme lui, grands, féconds, révérés.
M;iis il a étendu ce fénomène à des émistiches qui ne le com-
portent pas :
S>' trouble et tend déjà les mains à la prière.
Mais il entend leurs pas. prête l'oreille, espère.
Des chansons à Pbébus v"ulu ravir le prix.
Dans ces vers, rendre fortes les sillabes *< tend, prè-, -lu », c'est
changer le sens et le fausser.
Faisant le total des émistiches de ce genre et les additionnant
avec ceux où il a cru trouver des temps marqués successifs et ceux
dans lesquels il a relevé des sillabes moyennes, vraies ou fausses,
portant des temps marqués, il aboutit au total de 334 émistiches ayant
trois temps marqués contre 200 sur lesquels il ésite. 11 déclare que ces
derniers sont faiblement rittnés, mais que sûrement au sentiment et
dans l'intention du poète ils avaient aussi trois accents ritmiques. Il
finit par les leur trouver grâce à l'artifice du nebenton. En somme
rien ne l'autorise à cette généralisation et à cette conclusion. Si l'on
défalque de sou premier chiffre tous les émistiches pour lesquels il a
nettement commis une erreur, la majorité en sens inverse va être
tellement écrasante que sur les 540 émistiches considérés il n'en
restera que 4 ou 5, d'un tipe intentionnellement spécial, qui auront
réellement trois accents ritmiques.
Maurice Grammont.
R. de Goeij. — Le Rythmique du Combat du Cid contre les Mores :
Le Cid de Pierre Cor.ieille, Paris, Fischbacker et Bnij;ell"s,
Bulens.
L'auteur trouve dans la construction et le ritme du récit du Cid
une imitation très nette du mouvement des vagues dans le flux, puis
du calme de la mer étale, enfin du mouvement des vagues dans le
reflux. Imaginations et télépatie.
On voit nettemeut ce qui a suggéré à l'auteur cette idée bizarre
de chercher dans le récit d'un combat l'imitation des bruits et des
mouvements de la mer. Ce sont au début les deux vers suivants :
L'onde s'enfle dessous ; et d'un commun etïort,
Les Mores et la mer montent jusques au port.
et vers la fin celui-ci :
Le flus les apporta, le reflux les remporte.
170 COMPTES RENDUS.
Et ce qui lui a permis de l'imposer d'un bout à l'autre, malgré les
obstacles insurmontables qu'elle rencontre, c'est la manière de com-
poser de Corneille, qui très souvent consacre quatre vers à chaque
parcelle de son développement. L'auteur n'a pas vu qu'il i a dans le
Cid quantité d'autres passages auxquels son idée de flux et de reflux
s'appliquerait beaucoup mieux, mais sans plus de raison.
Maurice Grammont.
A. Dorchain. — L'art des vers, Paris, Bibliolh'eqae des « An-
nales politiques et littéraires ».
Quelques pages assez bonnes, mais insuffisamment étudiées, sur
la r'une (p. 148 à 151, p. 155). Le reste poncif, superficiel et arriéré.
Veut-on une idée de la manière de l'auteur ? 11 répète d'un bout à
l'autre de son livre que les vers sont faits pour l'oreille et pour elle
seule, qu'on doit la prendre toujours pour guide et rien qu'elle. Le
précepte n'est certes pas nouveau, mais comme il est excellent on ne
saurait le rappeler trop souvent. Mais nous lisons à la p. 2 qu'il
faut prendre garde aux points et aux virgules, à la p. 8 qu'une virgule
semble séparer les deux éléments, la mer et le ciel, à la page 9
qu'un vers est parallèle à un autre par une virgule médiane, à la
p. 62 que des hiatus, avec des virgules, concourent à opérer nette-
ment les coupures d'un vers, à la p. 74 qu'un iatus est cacofonique
malgré la virgule, à la p. 183 qu'un mot « détaché par une virgule
des dix premières syllabes de l'alesandrin, s'envole, comme un grand
albatros ouvrant tout à coup ses ailes », à la p. 195 qu'il n'i a plus
succession immédiate lorsqu'un signe de ponctuation force la voix à
séparer nettement deux mots, à la p. 108 que des césures sont déter-
minées par la ponctuation, à la p. 241 que la virgule marque une
respiration, à la p. 272 que Leconte de Lisle a eu soin de mettre
une virgule après un mot pour que nous en détachions les suivants.
J'en passe, et point des pires. La poésie réside donc pour une bonne
part dans les virgules, simples signes ortografiques dont Clair
Tisseur aurait dit sans doute qu'ils ne sont pas plus faits pour
l'oreille que la peinture pour le nez.
Au reste il est incontestable que M. Dorchain a le sentiment des
vers, et c'est un mérite assez rare pour qu'on doive le signaler ;
maleureusement il les sent souvent à faux, parce qu'il en ignore la
tecnique et sa valeur.
Malgré tout, cet ouvrage est un bon aliment pour les lecteurs
abituels des « Annales », un réconfort pour les bas-bleus de pro-
vince, une pièce importante dans le bagage d'un candidat à
l'Académie.
Maurice Grammont.
COMPTES RENDUS. 171
H. Grein. — Die « Idylles Prussiennes » von Théodore de Banville-
Ein Beitrag zur Geschichte der Kriegspoosie von 1870-71, Neun.
kirchen, 1906.
Cette étude est une sorte d'appendice à l'ouvrage du même auteur
sur la rime chez Banville, dont nous avons rendu compte ici même
(KLR, XLVII, p. 184). Elle commence par quelques indications
istoriques, continue par un peu de statistique, et se termine par
l'exposé des idées exprimées par le poète. C'est un travail de bien
peu de portée.
M. G.
A. Cassagne. — Versification et métrique «le Ch. Baudelaire,
Paris, Hachette, 1906.
« Il vous a beaucoup pris .., nie disait un de mes amis à propos
de l'auteur de cet ouvrage. Point du tout, puisqu'il ne s'en est
point caché ; utiliser, en le disant, les travaux d'un prédécesseur,
n'est pas lui prendre, mais lui rendre son bien.
[1 va de soi que lorsqu'on a pour des chapitres entiers un cadre
tout tracé, des cases toutes prêtes où l'on n'a qu'à placer les faits à
mesure qu'on les rencontre, la tâche est singulièrement simplifiée,
et l'originalité ne peut guère trouver l'occasion de se faire voir. Le
soin esta peine un mérite quand le champ d'étude est limité à un
petit Tolume de vers, dont on n'étudie que la forme. Mais la pré-
cision, la finesse, la pénétration sont des qualités personnelles (pie
l'on doit reconnaître et louer chez M. Cassagne.
L'auteur a nettement montré que la rime est la préoccupation
principale de Baudelaire dans la construction de ses vers, et que
c'est à elle qu'il faut attribuer la plupart de ses défauts. Comme il
manque de souplesse et de richesse verbale, il est obligé, pour
rimer sans trop de pauvreté, d'accumuler les rimes de même nature,
adjectifs avec adjectifs, substantifs avec substantifs, ce qui produit
fréquemment un effet de monotonie et de lourdeur ; pour amener à
la fin des vers le peu de mots rimant ensemble dont il dispose, il se
voit contraint de recourir aux inversions, aux tournures gauches et
pénibles.
C'est par l'étude sur la rime que uolre auteur ouvre son livre ;
avec raison, comme on vient de s'en rendre compte. Lorsqu'on a lu
les autres chapitres, les études sur le ritme et sur les sons, on voit
avec netteté comment et dans quelle mesure les poètes de la période
suivante, en particulier Rollinat et Verlaine, sont les continuateurs
immédiats de Baudelaire.
Quelques points de détails à rectifier ou à discuter : il i a tou-
172 COMPTES REND! JS.
jours profit à élucider des questions délicates de versification; c'est
un enseignement pour beaucoup de personnes.
La mauvaise qualité de la rime hiver, s'élever n'est pas atténuée,
comme le croit M. Cassagne (p. 9), par la liaison avec la voyelle
initiale du vers suivant. D'abord cette liaison n'est pas obligatoire,
et même si on la fait Ye tonique de s'élever reste fermé.
11 n'i a deux sillabes toniques de suite dans aucun des exemples
cités à la page 31, tels que :
Ah! que n'ai-je mis bas tout un nœud de vipères!
La sillabe mis est complètement atone. L'erreur de M. Cassagne
est un reste de l'enseignement des grammairiens, gens pour qui
les langues n'existent que dans les livres, et qui n'ont jamais eu
d'oreilles que pour ne pas entendre. La même observation s'applique
à la plupart des exemples de la page 32 comme :
Ou sous les gazons secs s'accoupler les vipères.
Les deniers d'argent clair qu'il rapporte de Rome.
Un ou deux seulement sont des vers à effet destinés à mettre un
monosillable en relief :
11 est despar/?«<rcs frais comme des chairs d'enfants.
Le siècle qui l'a vu s'en est appelé grand.
Il faut se garder de confondre les précédents avec ces derniers.
Aucun des exemples cités à la page 33 n'a un ritme binaire; ils
sont tous quaternaires :
La douleur | qui fascine | et le plaisir | qui tue.
M. Cassagne ne retrouve pas dans les trimètres de Baudelaire
l'accélération que j'ai signalée, après Becq de Fouquières, dans ce
tipe de vers, ni par suite les principaux effets dus à cette accéléra-
tion. Notre désaccord a deux causes. La première c'est que M. Cas-
sagne voit souvent chez Baudelaire des trimètres où il n'i en a pas :
Voilà le souvenir enivrant qui voltige
Dans l'air troublé; les yeux se ferment ; le Vertige
Saisit l'âme vaincue...
C'est à cause de la ponctuation que M. C. voit dans ce vers un
trimètre ; il n'a pas remarqué que le sens exige que « se ferment »
soit détaché de « les yeux » par un changement d'intonation, et que
« le Vertige », séparé de « Saisit » par une coupe, indique que
COMPTES RENDIS. 173
parallèlement « les yeux » est aussi séparé de < se ferment » par
une coupe. Ce vers est un tétramètre à césure faible ; il rentre dans
la catégorie que j'ai étudiée ailleurs en détail {Le vers français,
p. 42 à 60, — Petit Trailè p. 60 à 63). C'est d'ailleurs bien ainsi
que le lit noire auteur, puisqu'il dit : « l'élan du vers est suspendu
par l'accent tonique de yeux. Il en résulte un effet de lenteur justifié
d'ailleurs pai l'engourdissement des paupières qui s'abaissent dou-
cement; il ne s'agit pas d'un clin d'oeil ». Seulement il ne s'est pas
rendu compte que sa lecture ritmait le vers en tétramètre. 11 i a
dans la même pièce deux vrais trimètres, que l'auteur ne cite pas
ici, et qui rentrent bien dans les catégories que j'ai reconnues :
Parfois on trouve | un vieux flacon [ qui se souvient...
Teintés d'azur, | glacés de ro | se, lamés d'or.
De même est un tétramètre à césure faible :
Ma douleur, donne-moi la main; viens par ici.
A
dont 1 auteur dit : « La tonique de moi suspend le mouvement j
vers ».
De même :
Me bercent. D'autres fois, calme plat : grand miroir.
De même presque tous ceux qui sont cités aux pages 39, 46, 48.
On voit d'ailleurs souvent, par les remarques qu'il i ajoute, qu'en
général M C. les lit bien, mais il ne sent pas que sa lecture ne les
ritme pas en trimètres.
Quant au trimètre :
Chacun plantant, | comme un outil, | son bec impur
Dans tous les coins saignants de cette pourriture,
c'est bien un trimètre rapide, comme l'exigent le ritme et l'idée, quoi
qu'en dise M. C.
Enfin les deux trimètres :
Quand tu vas | balayant l'air | de ta jupe large,
Tu fais l'eÛet | d'un beau vaisseau | qui prend le large,
ils sont suivis d'un octosillabe coupé de la même manière :
Chargé de toile, | va roulant
qui indique bien quelle est l'allure de leur ritme, et il n'a jamais été
établi, à ma connaissance, que le vers léger qu'on appelle l'octosil-
labe à deux mesures ait un ritme lent.
174 COMPTES RENDUS.
L'aulre cause de notre désaccord, c'est que la plupart des vers
de Baudelaire qui n'ont pas de coupe à l'émistiche sont tout simple-
ment des vers prosaïques, comme le reconnaît M. C. C'est donc un
abus de leur donner le nom de ternaires, et en tout cas il va de soi
qu'ils ne sauraient en rien être comparés aux ternaires que nous
avons étudiés surtout dans Victor Hugo, où ils ne visent certes pas
à un effet prosaïque, mais à un effet autement poétique.
Reste la question de l'armonie, qui a déjà donné lieu à bien des
malentendus. M. Cassagne reconnaît que j'ai émis sur l'armonie du
vers français une téorie « sans précédent ». Puisque je faisais quel-
que chose de neuf, j'avais bien le droit de lui donner le nom qui me
convenait, du moment que ce nom n'avaitpas déjà un emploi précis,
et j'avais également le droit de définir ce nom conformément à l'em-
ploi que j'en voulais faire. J'ai limité ce nom d'armonie au jeu des
voyelles, et selon M. C. (p. 74-75) « il paraît exact que la modulation
des voyelles est une condition essentielle de l'harmonie. Même il
semble bien qu'elle en soit l'élément principal ». Nous sommes donc
bien près d'être d'accord ; mais M. C. s'empresse d'ajouter que les
onsonnes contribuent aussi à l'effet agréable ou désagréable qu'un
vers produit sur notre oreille. C'est bien mon avis, et même je ne
crois pas que personne l'ait dit avec plus d'insistance ni montré avec
plus de précision que moi ; mais j'ai indiqué qu'il i avait là deux
ordres defènomènes distincts et j'ai fait voir pourquoi je limitais le
nom d'armonie au jeu vocalique. M. C. veut réunir la modulation des
voyelles avec l'effet produit par les consonnes. C'est une autre
téorie ; qu'il l'expose et nous la discuterons.
Il ne parait d'ailleurs pas avoir saisi le détail de la mienne. D'après
moi, dit- il, un vers comme celui-ci, qui a « une harmonie char-
mante », serait « inharmonieux » :
Mais le vert paradis des amours enfantines.
Je n'ai jamais rien dit de tel. L'armonie de ce vers est tellement
facile à saisir qu'elle ne peut échapper à aucune oreille délicate ;
seulement ce n'est pas le maximum possible d'armonie. C'est une
armonie du second degré ; j'ai cité de très nombreux exemples sem-
blables. Continuant sa discussion, l'auteur déclare que si Baudelaire
avait écrit :
Donc le vert paradis des amours enfantines,
ce vers aurait eu, selon ma téorie, toute l'armonie désirable. En
introduisant dans ce vers un mot choquant, il me fait un prêt que je
n'avais pas sollicité. S'il avait dit simplement :
COMPTES RENDIS. 175
Dan* le vert paradis des amours enfantines,
il aurait certainement remarqué que l'armonie de ce vers ne dimi-
nuait pas et que même elle augmentait d'un degré.
Maurice Gkammokt.
R. de Souza. — Où nous en sommes, la victoire du silence,
Parts, Floury, 1906.
C'est un plaidoyer en faveur des simbolistes. On a dit qu'ils étaient
enterrés ; M. de Souza s'élève avec énergie contre cette affirmation.
Ils n'ont jamais été si vivants; mais ils travaillent en silence. Ils
ne publient pas; mais leurs cartons sont pleins. Ce qu'ils ont publié
en 20 ans est plus considérable que tout ce qui a paru eu fait de
poésie pendant n'importe quelle période égale du XIXe siècle.
Comme quantité, c'est possible. Au surplus, ajoute-t-il, ce que nous
connaissons d'eux, n'est qu'un tâtonnement, une fase préparatoiie ;
la grande période va venir et les grandes œuvres. Nous ne deman-
dons pas mieux. En ce qui me concerne, je ne m'occupe pas de
savoir s'il i a des écoles; je considère les œuvres, sans demander
au préalable d'où elles viennent. Qu'on nous donne seulement l'équi-
valent de La Légende des slèclrs ou des Nuits, et je me déclarerai
largement satisfait.
Je croyais avoir rendu justice aux simbolistes et autres, en disant
dans mon Vers français que ces écoles avaient rempli une période
de transition, et en consacrant un certain nombre de pages à étu-
dier avec soin plusieurs de leurs œuvres. Mais j'ai commis le crime
de les appeler parfois « décadents » ; je ne pensais pas que cette
étiquette, que certains d'entre eux se sont appliquée à eux-mêmes,
pût être considérée comme une injure, ni même comme un jugement.
Il est vrai que j'ai dit aussi de telle de leurs œuvres qu'elle est '« mal
écrite », ce qui soulève l'indignation de M. de Souza. Etait-il néces-
saire de préciser ? Dans son livre Où nous en sommes, l'auteur ne
donne qu'une de leurs pièces in extenso ; c'est dans une note où il
cite une page de M, Dorchain qui compare « deux chants funèbres
sur la mort d'un poète », l'un de Viélé-Griffin, l'autre de Victor
Hugo, pour faire sentir combien la comparaison est écrasante pour
le premier. L'épreuve n'est pas favorable ;i la tèse de M. Dorchain,
car la pièce de Viélé-Griffin est émue et renferme un sentiment
vrai ; le fragment de V. Hugo n'en contient aucun : ce ne sont que
des mots, et dont le choix est loin d'être toujours eureux. Cet
ommage rendu, je note, entre autres, le dernier vers de Viélé-
Griffin :
Et de parler des mots — contre ta tombe.
176 COMPTE? REND!'?.
(le n'est pas français. C'està des passages de ce genre que je fai-
sais allusion. Faites dos siinboles tant que voudrez, mais ne parlez
pas des mots, parlez français.
Depuis quelque temps M. de Souza s'est mis à faire de la foné-
tiqiie expérimentale, étude éminemment utile pour un poète. 11 ia
trouvé jusqu'à présent, à ma connaissance, la matière de deux
articles publiés dans La Phalange. Le premier, paru dans le n° du
20 août 1900, est intitulé : La réforme de l'orthographe : sa vanité.
Comme je ne veux pas reprendre eu détail pour le moment cette
question sur laquelle j'ai déjà beaucoup écrit (en dernier lieu dans
cette Revue, t. XLIX, p. 537), je me borne à indiquer ici en quelques
mots les idées de M. de Souza. Ayant reconnu que ceux qui veulent
remplacer l'ortografe usuelle par une écriture fonétique poursuivent
une chimère, comme c'est, je pense, l'avis de toutes les personnes
qui connaissent la question, il en conclut que toute réforme est
impossible. Cette conclusion dépasse les prémisses. Si cette réforme-
là est insoutenable, d'autres sont peut-être admissibles. Il est vrai
qu'il leur oppose d'autres arguments. C'est d'abord que les divers
réformistes ne sont pas d'accord sur la nature ni sur l'étendue de la
réforme à opérer. Si l'on écartait ceux d'entre eux, et ils sont aisé-
ment reconnaissables, qui n'ont vu dans la question de l'ortografe
qu'une occasion de réclame personnelle et une grosse caisse de plus
à battre en leur faveur, il serait sans doute bien facile aux autres de
s'entendre. Un autre argument, c'est que depuis un siècle notre
ortografe, jusqu'alors instable, s'est cristallisée ; l'organisation admi-
nistrative et scolaire du XIXe siècle l'a rendue immuable. Une
réforme bouleverserait tout. On a réformé l'ortografe eu Espagne,
en Allemagne et dans d'autres pays ; cela n'a rien bouleversé. En
France on a remplacé en 1878 rhylhme par rythme, dijjldhongue par
diphtongue, etc. ; cela n'a rien bouleversé. Il suffit de ne pas faire
une réforme qui soit un bouleversement ni qui soit facultative. Pas
de dogme, mais aussi pas d'anarchie.
Pour ma part je m'en tiens à ce que j'ai toujours proposé, non pas
une réforme, mais une simplification. J'ai montré comment cette sim-
plification devait être modérée et progressive, et qu'elle devait être
non pas capricieuse et arbitraire, mais absolue, c'est-à-dire porter
sur des sons et leur représentation, non pas sur des mots. Ce ne
serait pas un bouleversement, mais un simple redressement.
L'autre article est intitulé : Comment nos maîtres connaissent et
enseignent les sons du français (La Phalange, n° du 20 septembre
1909). L'auteur relève les inepties qui sont enseignées aujourdui
COMPTES RENDUS. 177
dans nos grammaires classiques sur les sons du français, et s'élève
avec indignation contre un pareil enseignement, alors que celui de
la grammaire de Port-Royal était infiniment plus près de la vérité,
bien qu'on dispose aujourdui de moyens d'étude et de contrôle, en
particulier la fonétique expérimentale, qui étaient inconnus aupa-
ravant.
Ici j'applaudis des deux mains. J'ai un fils qui va au licée, et je
dois déclarer que les livres dont il est tenu de se servir pour l'étude
des langues me causent un véritable écœurement. Si M. de Souz i
éprouve quelque plaisir à relever des erreurs et des absurdités dans
les livres de classes, je puis lui en offrir desmonceaux. Je ne veux lui
signaler pour cette fois que des grammaires et lexiques latins. Les
grammaires en question sont signées : a Othon Riemann, maître
de conférences à l'Ecole normale supérieure, et Henri Gœlzer, pro-
fesseur à la Faculté des lettres de l'Université de Paris ». Je dois
dire à M. de Souza, qui l'ignore certainement, que Riemann est mort
il i a environ 20 ans, et qu'il est incroyable combien de livres au-
dessous de toute valeur ont été faits depuis cette époque en collabo-
ration avec son cadavre. Ces ouvrages sont quelque chose d'éton-
nant pour quiconque sait un peu de latin, et Riemann, qui en savait,
aurait certainement refusé d'en signer aucun.
Le lexique est signé : E. Sommer ; il a été « revu et augmenté par
Emile Châtelain, membre de l'Institut, directeur adjoint à l'Ecole
pratique des hautes études, chargé de cours à la Faculté des lettres
de Paris ». C'est un lexique « à l'usage des classes élémentaires » ;
or si vous i cherchez un verbe, il sera bien rare que vous ne trouviez
pas d'abord, sans que rien vous en avertisse, une demi-douzaine de
sens prétendus primitifs, dont uu bon nombre ne reposent que sui-
des bévues ; quant aux sens usuels, qui sont seuls utiles pour qui
traduit un texte, et qui en tout cas dans un lexique devraient figurer
en tête de l'article, ils sont noyés au milieu ou à la lin, lorsqu'ils s"i
trouvent ; si par asard il i a des exemples, ils sont naturellement
choisis de manière à ne fournir aucune indication. Et on s'étonne
que le niveau des études baisse !
Maurice Grammont.
A. Spire. — Versets : Et vous riez, — Poèmes juifs. Paris,
Mercure de France, 19U8 [220 p.]
Le 31 décembre 1905 paraissait un Cahier de la quinzaine conte-
nant des poésies de M. Spire intitulées : « Et vous liez ! » et pré-
cédées d'un article préliminaire de M. Ch. Péguy. Quand j'eus lu ce
dernier, je me mis à rire de cette composition bizarre qui mêlait
178 COMPTES RENDUS.
Louis de Gonzague à des souaits de bonne année et à la fonétique
expérimentale. Je répondais ainsi au titre général du Cahier et
m'attendais à trouver dans les poésies qui suivaient des œuvres con-
çues dans le même goût. Je fus vite détrompé, et j'en conçus pres-
que de l'irritation contre M. Péguy ; franchement il ne devrait pas
être permis de placer une introduction aussi baroque en tête d'une
œuvre qui est véritablement sérieuse et sincère, surtout lorsqu'on la
juge telle.
Dans Versets, nous retrouvons les poésies de : Et vous riez !
augmentées de quelques pièces et suivies de Poèmes juifs. Les
misères umaines et sociales sont le tème favori de l'auteur ; il le
développe avec amour, ou plutôt avec amertume. Il trouve qu'il n'i
a pas de quoi rire, et c'est apparemment l'opinion de chacun ; seu-
lement la plupart, et je suis de ceux-là, pensent que la vie n'est pas
déjà si gaie en général qu'on doive en assombrir tous les
moments par le spectacle ou le souvenir constant des orreurs qui
l'accompagnent ou la suivent.
Ta gorge, noblesse de ta chair,
Va s'écrouler eu boue gluante,
dit-il à sa maîtresse dans Chant funéraire. Nous savons cela, et
Baudelaire, dont M. Spire est imprégné, nous a abitués à ce genre
de développements putrides ; mais ce n'est pas là que nous trouvons
sa poésie la plus sereine et la plus aute. D'autre part je dois avouer
que les idées filosophiques et sociales mises en vers ont une ten-
dance presque irrésistible à évoquer en moi le souvenir de la géo-
métrie mise en musique. 11 i a pourtant fréquemment de la poésie
dans l'œuvre de M. Spire, parfois même de la poésie gracieuse :
J'ai cueilli cette branche de saule fleurie,
Près du fleuve ivre encore des orages de mars.
Longtemps je l'ai portée à travers la campagne;
Et ses chatons de soie me chatouillaient les tempe3,
Comme les frisons fous de tes tempes dorées ;
Et ses chatons poudrés, me caressant la bouche,
Remplissaient l'air sucré d'un parfum chaud, pareil
A l'odeur de ton corps lorsque tu sors du bain.
Je signale aussi dans le même genre la pièce : Tu seras une
ride, qui figure à la p. 44 du Cahier, mais que je ne retrouve pas
dans Versets. A la poésie se joint de l'énergie dans Au peuple, de
la vigueur et du mouvement dans Ah! f aimerais aimer, pièce que
je ne retrouve pas non plus dans Versets.
En ce qui concerne la forme, je noterai d'abord que nombre de
COMPTES RENDUS. 179
vers sont parfaitement justes comme note et tirent une expression
intense des sons qui les composent. Tels ceux-ci de Au Musée:
Viens ! et dis-moi quel chagrin
Tenait tes doigts crispés entre tes lèvres tristes?
Telle encore la première strofe de : Oh ! ri inventons plus de sys-
tèmes, qui peint la sollicitude et la légèreté.
Mais la question la plus importante ici au point de vue versifica-
tion, est le ritme. C'est en effet à des vers ritmés, non à des vers
sillabés, que nous avons affaire. A vrai dire la différence est sou-
vent minime ou nulle extérieurement, comme on a pu s'en convain-
cre par la petite pièce citée plus aut (« J'ai cueilli... »), où 6 vers
sur 8 peuvent être considérés comme des vers blancs du mode clas-
sique. Pour tirer des passages analogues du livre de M. Spire, on
n'a que l'embarras du choix. Mais ces pseudo-alexandrins n'ont de
commun que le ritme avec les alexandrins classiques. La lecture qui
leur convient les en distingue souvent d'une manière fondamentale.
Si bien que deux vers consécutifs, dont l'un a deux ou plusieurs
sillables de moins que l'autre, peuvent être égaux et semblables,
parce qu'ils ont le même nombre d'éléments ritmiques et sont ritmés
pareillement. A ceux qui prétendent encore que le français n'est pas
capable de vers purement ritmiques, le livre de M. Spire répond
trionfalement.
Ce n'est pas que j'i approuve tout sans réserve, tant s'en faut.
Les poésies dt ce livre sont généralement bien ritmées, telle par
exemple Un militant; mais en réalité cette pièce est de la prose.
Sans doute ces petites lignes rendent le ritme plus sensible aux
ieux ; mais elles n'existent pas pour celui qui entend réciter le mor-
ceau, et pour celui qui sait lire il n'i avait aucun inconvénient à
écrire tout cela bout à bout. La mise à la ligne a certainement en
maint endroit fait illusion à l'auteur. Ainsi dans Au peuple, il n'i
a pas de différence entre :
Chante*lui son travail,
Et chante-lui ses jeux ;
Chante-lui ses cortèges et ses foules mystiques,
comme il écrit, et la même chose en deux lignes. Pour que les deux
petits vers soient distincts, il est nécessaire qu'ils soient assonan-
ces. C'est dire que le vers suivant :
Pendant que tu jouais, pendant que tu dormais,
présente le défaut tipografique contraire ; il en constitue deux.
180 COMPTES REND1
M. Spire a de propos délibéré renoncé à la rime. C'est à mon
avis une réaction trop violente contre l'abus de la rime riche.
Qu'on l'abandonne île temps en temps, qu'on la modère de cent
façons, je n'i vois rien à redire en principe ; mais qu'on se fasse une
loi de l'écarter totalement, c'est se priver volontairement de nombre
d'effets qui peuvent être des plus délicats otqui sont tout à fait dans
le génie de notre langue On trouve quelquefois dans son ouvrage
des assonances isolées, qui sont plutôt des rappels de sons que de
véritables assonances. Mais il a aussi par endroits des strofes
assonancées. dans Le Fleuve, par exemple, et ici nous devons lui
faire observer qu'il a eu tort de conserver l'ancienne alternance des
finales masculines et féminines, du moins en fondant cette distinc-
tion sur l'ancien principe, qui est aujourdui suranné.
En somme le livre de M. Spire est une œuvre louable, qui sou-
lève maintes questions importantes dont nous n'avons pu ici qu'ef-
fleurer quelques-unes.
Maurice Grammont.
E. Romilly. — Vers l'Effort. Stances et sonnets. Paris, Berger-
Levrmdt, 1909.
M. Romilly est un classique. Son vers est généralement correct et
facile, et souvent même, ce qui dénote un ouvrier déjà maître de son
instrument, le choix des expressions et des sons est assez abile pour
concourir artistement à l'expression de la pensée. Tels sont ces vers
de Sérénité :
Une plainte légère, à peine soupirée,
Comme un adieu d'amour que le cœur seul entend,
Du monde langoureux s'élève en tremblotant
Et remplit peu à peu la montagne empourprée,
ou ceux-ci de la même pièce :
Et la terre et le ciel, dans un baiser suprême...
A cette heure où l'on croit toucher la destinée
Sur le versant des nuits doucement inclinée,
Songent au lendemain en un doux abandon.
Seulement si sa forme est d'ordinaire nette, ferme, bien arrêtée,
elle est trop régulière, trop uniforme, trop classique même. Pour-
quoi ne pas profiter au moins des moyens ritmiques mis en œuvre
par les romantiques ? Une ou deux fois seulement M . Romilly a
tenté de mettre la sintaxe en discordance avec le ritme; le résultat
n'a pas toujours été eureux. Qu'il écrive dans Pierrot :
COMPTES RENDUS. 181
Pierrot
Rentre dans sa mansarde, et Madame la Lune
Qui passait sur le toit, voyant sa tête à l'une
Des lucarnes, lui dit eu soufflant son falot,
nous n'avons rien à i redire puisque la pièce est toute entière d'un
ton badin-, mais le même procédé est absolument choquant dans un
sonnet d'un ton élevé comme Nessus :
Le Centaure isolé ne sait au monde qu'un
Héros prodigieux qui de tous points le vaille.
Les rimes riches sont pour l'auteur un souci trop constant. Elles
deviennent vite pour le lecteur une fatigue, pour le poète une
source de lourdeur, de monotonie et de pauvreté. La rime riche n'a
pas de raison d'être quand l'idée ne la demande pas, et d'un autre
côté la recherche de la rime riche réduit singulièrement le vocabu-
laire qui peut figurer en fin de vers eti amène trop souvent des mots
de même catégorie grammaticale, surtout des adjectifs. Au surplus
il i a trop d'adjectifs dans les poésies de M. Romilly, non seulement
à la rime, mais aussi dans l'intérieur des vers; une épitète de plus
n'est pas toujours un gain pour la pensée. Qu'il i prenne garde,
l'abus de la rime riche n'est pas le seul défaut qu'on puisse relever
dans ses rimes; lui qui a un sens assez juste de la valeur expressive
des sons doit faire attention aussi à la note de ses rimes, et ne pas
nous donner quand l'idée ne l'exige pas, comme dans L'au-delà,
8 vers de suite dont les rimes en a éclatent comme la trompette du
jugement dernier.
Mais ce livre parait être un début, et comme tel il donne des
espérances; seulement nous voudrions voir M. Romilly assouplir et
varier sa versification, et renoncer au sonnet et à ses petites règles
mécaniques qui ne permettent pas à la pensée de prendre son essor
et de se déployer librement.
Maurice Grammont.
J. Rouojat. — L'ourtougràfi prouvençalo. Pichot tratat a l'usage
di prouvençau, Avlgnoun, 1908 [28 p., 1 fr.].
« Forço bràvi gènt d'en Prouvènço, dit l'auteur, amon sa lengo e
la parlon de-longo, mai auson pas l'escriéure, crente de s'embrounca
sus l'ourtougràfi ». Tel est le public qu'a en vue M. Ronjat, et
naturellement l'ortografe qu'il lui propose n'a pas la prétention
d'être scientifique, mais pratique. Du reste ce n'est pas une ortografe
nouvelle; « lou sistèmo d'escrituro qu'ai assaja de n'en resumi cla-
13
182
I OMPTES RENDUS.
ramen lis idoîo endraiarello es aqué» qu'es segui despièi mié-siècle
dins tôuti li publicacioan felibrenco ». C'est l'ortografe des félibres,
mais elle n'avait jamais été '-xposée d'une manière si nette, si précise,
si pratique.
M. G.
J. RoDjat. — Les noms de lieux dans les montagnes françaises
(La Montagne, 1908, p. 318 et 354).
Il i a beaucoup de personnes en France que l'origine et l'étimo-
logie des noms de lieux intéressent particulièrement; il en est
même un certain nombre qui consacrent la meilleure partie de leurs
loisirs à faire des recherches sur ce sujet. Maleureusement leurs
efforts n'aboutissent le plus souvent qu'à des résultats sans valeur,
faute d'une éducation scientifique préalable, faute d'une métode de
travail correcte, faute de principes directeurs.
C'est à tous ces amateurs, à toutes ces bonnes volontés que s'adresse
M.'-Ronjat pour les empêcher de s'égarer en des spéculations vaines
ou de se laisser prendre à des ressemblances fortuites et pour les
aiguiller sur la bonne voie. C'est-à-dire qu'il expose la métode que
l'on doit suivre dans les recherches d'onomastique, telle qu'elle a été
établie par les travaux scientifiques des 40 dernières années. En
voici les grands principes (p. 321-322) :
« 1° Dans l'explication d'un mot quelconque, par conséquent
» aussi d'un nom de lieu, il faut tenir compte non-seulement de sa
» forme actuelle, mais de toutes les formes attestées par les docu-
» ments, pour essayer d'atteindre la forme première dont toutes
» dérivent graduellement, et remonter de la plus récente à la plus
» ancienne ;
» 2° Comme tous les noms de lieux antérieurs au moyen âge,
» qu'ils viennent du celtique ou du germanique, sont entrés dans
» le moule latin pour suivre l'évolution qui amena le latin aux lan-
» gués néo-latines, c'est par les règles du dialecte auquel appartient
» le nom étudié qu'il faut expliquer, ses transformations phonétiques;
» 3° En ce qui concerne les noms d'origine celtique, on n'a le
» droit de présumer leur base celtique qu'autant que cette base est
» authentiquement connue comme celtique. »
Mais M. Ronjat n'a garde de s'en tenir à des formules générales
et abstraites. Il passe bien vite à l'étude des faits, c'est-à-dire des
exemples, et montre comment la métode s'i applique dans le détail.
Les exemples sont [iris un peu partout, mais le choix en- est tou-
jours judicieux ; quelques-uns sont nouveaux et reposent sur les
recherches personnelles de l'auteur.
COMPTES RENDUS. 183
Ces deux articles sont destinés à servir de guide à ceux qui ne
savent pas, mais ils peuvent être lus avec fruit même par ceux qui
savent.
Maurice Grammont.
E. Belloc. — Déformations des noms de lieux pyrénéens, Paris,
1907 (Extrait du Bulletin de giographie historique et descriptive).
Considérant combien l'ortografe officielle, celle des cartes, des
traités de géografie, des descriptions topografiques, a déformé les
noms de lieux pirénéens, les rendant souvent méconnaissables et
parfois ridicules, M. Belloc s'est proposé de retrouver la forme et
l'ortografe correctes et d'offrir ainsi une base sérieuse aux publications
officielles de l'avenir. Le but est louable et l'article fourmille de
renseignements et de rectifications utiles.
Mais la métode cloche singulièrement. Il faut « rechercher, avant
tout, dit l'auteur, la véritable signification du nom de lieu considéré.
C'est la condition primordiale, de laquelle dépend exclusivement le
résultat final ». Et si on ne trouve pas cette véritable signification? Car
M. Ronjat a parfaitement montré qu'on ne peut pas toujours arriver
à une étimologie certaine et que dans ces conditions un doute
motivé est la seule conclusion scientifique.
En second lieu on doit « vérifier sur place avec grand soin si la
dénomination locale est justifiée par les faits ». Et si elle ne l'est
pas ? S'il est intervenu quelque agent transformateur, tel que étimo-
logie populaire, calembour, antifrase?
Enfin il faut «comparer les différentes formes orthographiques ayant
pu affecter le nom primitif (dans les anciens textes) afin de tâcher
de dégager le primitif des transformations ou corrections qu'il a pu
subir aux cours des siècles ». Et l'évolution de la langue? Si l'on
remplace les noms actuels par la forme qu'ils présentaient il i a dix
ou quinze siècles, qui est-ce qui les reconnaîtra ?
La question est beaucoup plus simple; il s'agit tout bonnement
de restituer la vraie forme locale lorsqu'elle a été déformée officielle-
ment C'est à-dire que s'il i a dans les Basses-Pirénées un col que
les gens du pays appellent Col d'arrious (p. 108), alors que les
cartes le nomment Col de Darius, il n'i a pas à ésiter une minute
pour substituer la première dénomination à la seconde. Mais là où
les indigènes disent Moun-Né (p . 72 et 75), il ne faut pas écrire
Mount-Né, parce que c'est induire en erreur et engager à faire
revivre dans la prononciation le / que le parler local a depuis long-
temps supprimé ; il ne faut pas non plus traduire en français (!)
Mont-Nègre, parce que nègre n'est que l'équivalent provenço-langue-
184 COMPTES RENDUS.
docien de français noir. 11 ne faut pas simplifier IV des Lacs cVArrc-
mouliis (p. 21), parce qu'en béarnais le double?- se prononce tout
autrement que IV simple, ni déclarer que « In sillabe initiale ar n'est
qu'un explétif que les méridionaux accolent volontiers aux noms
impliquant une idée de mouvement, on, pour mieux dire, à ce qui
remue » ; en réalité le béarnais et une partie du gascon ne tolèrent
pas d'r initial et l'ont partout transformé fonétiquement en double
r précédé d'une protèse vocalique, même dans des mots qui ne
<< remuent » pas plus que arrouy « rouge », arrozo « rose », arra-
zoun « raison ». Il ne faut pas remplacer Tramesaigues par Estre-
mas-aïgues (p. 98), parce que les lieux qui poi tent ce nom ne se sont
jamais appelés Eslmnas-aïgues, qu'ils n'ontjamais signifié « à côté
des eaux », que estremas n'a jamais voulu dire « à côté » et que Estre-
mas-aïgas n'est dans les Croniques romanes des comtes de Foix qu'une
traduction erronée et une interprétation maladroite. Pourquoi vouloir
remplacer par aridenle nom d'un pic qui se nomme Ardi dent parce que
M. Belloc trouve que l'idée d'u aride » convient mieux à l'aspect de
ce pic que celle de « brûlé » (c'est sans doute le sens de ardiden) ;
mais M. Belloc n'a pas pour mission de baptiser ni de débaptiser les
montagnes. Quel est leur vrai nom local et comment les indigènes
le prononcent-ils? Voilà la seule chose à rechercher. 11 ne faut
donc pas dire, pour le nom du Pic de Crabiéoules, que les indigènes
prononcent aussi « fautivement » ou « par corruption dialectale »
Carabiéoules ou Carbiéoules; les trois formes sont régulières dans
les parlers locaux et par conséquent correctes ; la première est la
plus usitée, mais n'a pas qualité pour éliminer les autres (Cf. Mémoi-
res de la Société de Linguistique, XIII, p. 84). Lé Massif de la
Maladetta ou mieux Maladela est appelé par les Espagnols Los
Montes Malditos, et comme ce massif est situé en Espagne M. Belioc
voudrait que l'on substituât la seconde dénomination à la première.
Mais on ne parle pas castillan dans le Aut-Aragon ; comment ce
massif et son pic principal sont-ils nommés par les gens du pays ?
Il n'est pas vraisemblable que Maladeta soit, comme le dit notre
auteur, une corruption de Maldtta ; si Maladeta est employé dans
la région, ce qui est probable, c'est un beau représentant, qu'il faut
conserver, d'une forme maledïcta, qui n'est pas sans intérêt lin-
guistique.
M. Belloc veut à tout prix rectifier la forme des noms jusqu'à ce
que leur signification apparaisse clairement. C'est un principe très
dangereux. D'abord il peut arriver à l'auteur de se tromper sur la
vraie signification d'un mot, et alors sa rectification deviendra la
pire des déformations. D'autre part, quand il n'i a pas d'erreur d'in-
terprétation, quel résultat obtient-on en remplaçant la forme moderne
COMPTES RENDUS. 185
et vivante par une forme fossile et plus ou moins primitive? Tout
simplement que lorsqu'on emploiera cette forme dans le pays, on ne
sera pas compris. Quand M. Belloc va au restaurant, est-ce qu'il
demande au garçon de lui servir une « lameletie », sous prétexte
que c'est vraisemblablement la forme « primitive » de « omelette »
et qu'elle laisse bien transparaître la signification du mot? Certai-
nement non; parce qu'il sait que l'inintelligible « omelette » est très
clair pour le garçon, tandis que le translucide « lamelette » ne
signifie rien.
Il ia dans les Autes-Pirénées une Brèche Maublc ou mieux Maou-
Bic, que M. B. veut appeler l'as d"el Mâou-Pic, sous prétexte
(pie la signification est « brèche du mauvais-pic ». C'est torturer la
langue que de rétablir le P de Pic dans un parler où il devient
régulièrement B après voyelle. Quanta l'article, sa suppression est
toute naturelle devant un nom propre ou considéré comme tel ; le
nom propre qualifiant un nom commun fait fonction de génitif,
même dans les dénominations modernes ; on dit la rue Gay-Lussac
et non la rue de Gay-Lussac.
Le Vignemale s'appelait sans doute anciennement La Pegna-
Mala « la mauvaise montagne », et c'est ce nom que M. Belloc veut
restituer. Mais on dit clans le pays Bigna-Male, comme il nous le
rapporte lui-même, et cette forme est régulière après l'article fémi-
nin; Pegna-Mala n'existe plus. Quant au b de cette région, qui
n'est pas occlusif, sa transcription par v esc aussi juste que par b,
et en somme Vignemale est irréprochable. Mais sous cette forme,
nous dirait sans doute M. Belloc, la plupart des personnes ne peu-
vent pas comprendre ce que ce mot signifie ; tant pis pour elles. Je
ne crois pas d'ailleurs que cela tourmente beaucoup de monde ; je
connais pour ma part quantité de gens qui s'appellent par exemple
Jean ou Louis, et qui n'ont jamais perdu le sommeil parce que
l'ignorance de la forme ébraïque ou germanique de leur prénom les
empêchait d'i voir clair.
M. Belloc s'irrite devoir qu'on emploie les mots coume et coumo
tantôt pour désigner une montagne tantôt pour désigner une vallée.
Il fait un grand étalage de fausse érudition ethnologique (p. 45-51)
« puisée aux sources les plus sûres », telles que l'inepte et scan-
daleux Vocabulaire de MM. Laurent et Hartmann (Cf. RLR., XLV,
p. 182), pour montrer que coumo veut dire « montagne » et que
pour désigner une vallée il faut employer coumbo et imposer cette
forme « malgré les indigènes ». C'est aller bien loin ; un pas de
plus et nous courrions dresser des bûchers dans les coumes pour
ceux qui ne les appellent pas coumbos. En réalité coume est le repré-
sentant régulier de lat. culmen, avec influence possible de cumula,
186 COMPTES RENDUS.
tout comme esp. cumbre, que notre auteur ne veut pas permettre
d'en rapprocher. Quant à coumo (couma, pluriel coumes, coumos,
coumas), c'est le représentant non moins régulier de comba dans
toutes ces régions ou mb intervocalique est devenu fonétiquemeut
m et où coumbo est par conséquent un monstre.
Si nous sommes entré dans tous ces détails, c'est que nous esti-
mons que les travaux du genre de celui-ci ne sauraient trop être
encouragés, parce qu'ils présentent un double intérêt, à la fois pra-
tique et scientifique; mais nous avons voulu montrer en même
temps combien il est indispensable qu'ils soient entrepris avec une
métode rigoureusement correcte.
Maurice Grammont.
Abbé J. -M. Meunier. — De l'utilité de la linguistique et de son
application à la géographie. (Extrait de la Revue du Nivernais),
Nevers, 1908.
Article de vulgarisation. La linguistique en a besoin, comme
toutes les sciences jeunest qui ne se sont encore guère étendues au-
delà du cercle restreint des spécialistes. L'auteur montre comment
par l'étude des noms de lieux la linguistique permet de déterminer à
quel peuple ils remontent (en France, Ligures, Celtes Grecs, Gallo-
Romains, Francs, Normands, etc.). et par suite quelle est leur anti-
quité; d'autre part quelle a été l'extension de chaque peuple et
l'intensité de sa population et de sa civilisation; enfin quelle était la
place exacte de telle localité dont le nom ancien nous, est parvenu.
Ce travail est correct et bien présenté.
M. G.
Paul Meyer. — Documents linguistiques du Midi de la France,
Ain, Basses-Alpes, Autes-Alpes, Alpes-Maritimes, Paris, Chatn-
pion, 1909, grand in-8° de ix-655 p.
C'est le premier volume d'une série qui en comprendra au moins uil,
pour une trentaine de départements. Le volume suivant comprendra
l'Ardèche, l'Ariège, l'Aude et peut-être PAveiron. Les documents
rassemblés sont des documents publics de toute nature, délibéra-
tions communales, ordonnances de police, comptes, etc.. et aussi
quelques extraits de livres de raison. Ils datent en général des XVe
et XVIe siècles, période intermédiaire entre l'époque des actes
latins et celle des actes français; on trouve cependant çà et là des
actes provençaux antérieurs (jusqu'au XIe siècle) et postérieurs
(jusqu'au XVIIe).
COMPTES REND! S. 187
L'intérêt linguistique d'une telle publication est évident au. pre-
mier abord. Les textes collectionnés donnent d'autre part une foule
de renseignements intéressants de toute nature, spécialement sur
l'istoire économique. L'auteur les a recueillis avec le plus grand
soin, et ce n'est pas chose facile, étant donné le désordre qui règne
dans beaucoup d'archives communales. Quand son ouvrage sera ter-
miné, il constituera un répertoire éminemment précieux pour l'étude
istorique de la langue provençale entre les derniers troubadours et
les premiers écrivains modernes. Les provençalistes auront d'abon-
dants échantillons, bien choisis et bien commentés, des états inter-
médiaires des parlers qu'ils étudient, échantillons qu'ils sont actuel-
lement obligés de choisir eux- mêmes dans une masse de publications
presque inabordable par son éuormité même; j'en sais quelque chose
par mon expérience personnelle.
Le recueil est d'un usage très commode, grâce aux glossaires
placés à la fin de chaque section départementale; en tête de chaque
section se trouve une carte, puis un résumé istorique delà formation
du département et quelques notes sur la littérature de ses parlers
populaires.
Le département de l'Allier manque à sa place alfabétique, par
défaut de documents concernant sa partie provençale (p. 167). Par
contre, l'Ain et les Basses-Alpes ont donné lieu à des dévelop-
pements particulièrement abondants et intéressants. La partie du
recueil relative à l'Ain est l'œuvre de M. Philipon; on i trouve une
étude d'ensemble sur les p irlers de la Bresse et de la Dombes du
XIIIe au XVe siècles (p. 105 ss.), du Bugei à la même époque (p.
139 ss.), du pays de Gex (p. 153 ss.), avec de précieuses indications
sur la littérature patoise de ces trois régions '. Pour les Basses-
Alpes, M. Paul Meyer consacre au compte de Seine en 1411 une
monografie avec glossaire spécial (p. 195 ss., 222 ss.).
11 est impossible qu'un recueil aussi étendu soit exempt d'erreurs.
Je vais en signaler quelques-unes, à titre de complément utile au
lecteur plutôt qu'à titre de critique d'une publication dont plus que
tout autre j'apprécie les excellentes qualités et qui m'a rendu des
services de tout premier ordre :
P. 122, $ 68 : « Contrairement à ce qui est arrivé partout ailleurs
en roman, m initiale a persisté dans mespler <^ mespilus -J- arium.»
Le fait n'est pas spécial à la Bresse : presque toute la Gascogne et
1 On peut seulement se demander si ce travail est bien à sa place
dans un recueil de documents méridionaux. Il faudrait alors que les
volumes suivants comprissent, outre le Midi proprement dit, le Dau-
finé, la Savoie, le Lionnais et le Forez.
188 COMPTES RENDUS.
presque toute la Guienne conservent m : meaplè, mespouliè; v. le
Trésor dôu Felibrigc et V Atlas linguistique de la France, carte
Néflier,
P. 225, glossaire, v° truie*. Le Trésor a un article truie, mais pas
d'article trulo.
P. 301 : « Per cent cinquanto teules pressos a mon companhon en
sa feniero, » et note 3 : Feniero signifie meule de foin, ce qui ne
donne pas un sens satisfaisant. » Mais le sens serait satisfaisant
avec « grenier à foin, fenil, » qui est précisément la première accep-
tion mentionnée au Trésor.
P. 384, note 7 : « La g achofuo, » etc.. Le mot est masculin en
provençal, comme les composés français analogues boute- feu,
garde- feu.
P. 567, « tochdud. moulin» et note 3 : « Touc, dans les Alpes, a
le sens de <• conduit, aqueduc » (Mistral, Dou); c'est l'anc. prov.
dotz, anc. fr. doit. » Je ne serai pas seul à en douter fortement.
P. 635 (glossaire) : aissada — isado, « sorte de bêche ou de pelle >>,
et p. 589, note 7 : « Eissado est proprement une oue (Mistral), mais
il s'agit plutôt d'une sorte de pelle pour remuer la chaux. » On peut
appeler cet instrument pelle an français, mais à coup sûr prov.
aissado <^ *asciata désigne un outil dont le fer fait un angle plus ou
moins aigu avec le manche, comme dans Yascia romaine, et l'outil à
remuer la chaux a bien cette forme, et non celle d'une pelle ou d'une
bêche, dont le fer et le manche ont la même direction. Mon obser-
vation s'applique également aux deux autres passages où ce mot se
présente (p. 507, 509).
Donnons pour terminer quelques spécimens des renseignements
qu'on peut puiser dans ce recueil sur la fonétique, la morfologie et
la sintaxe de ce qu'on pourrait appeler le moyen provençal :
ou pour au prétonique, écrit dès le XVe siècle, not. p. 266, 273.
uvert <^ hibemu, avec u <? i devant labiale et différenciation
m > rt, écrit dès le XVe siècle, not. à Digne, p. 248, n° 12; un peu
partout, nombreux exemples de jort <^ diurnu, rart < carne, etc..
cha - <; lat. ca - au XIVe siècle à Forcalquier, où aujourd'ui
on a ca - (p. 337 ss.); fénomènes analogues à Digne (p. 2i5 ss.).
Chute de s douce rom. <^ lat. et germ. dintervoc, lat. s intervoc,
etc.. à Vence dès 1392, not. p. 520, n" 3, gahans « gains »,
cauhas «choses»; ailleurs insertion d'un o pour détruire l'iatus
(v. aux glossaires pauvar, cauva).
Article féminin za <; ipsa dans les serments de fidélité à l'abbé
de Lérins (XIe siècle), p. 499-501.
Un peu partout article masculin dal « du » assurant l'explication du
COMPTES RENDIS. 189
dôu actuel par une composition avec^deux prépositions, de -\- ad -\-
illu > dal ]> dau, et en proclise dôu, comme avant l'accent ou pour
au (v. plus aut).
Nombreux exemples en domaine provençal (v. aux glossaires
agut, aver,estre) et en domaine franco-provençal (p. 128) d'inter-
versions d'auxiliaires du tipe es agut « il a été » et de périfrastiques
à double auxiliaire comme p. ex. « après que seran agus trobas tais
avers » (Antibes, 1500, p. 5!5, n° 19). Anar auxiliaire du prétérit,
comme en catalan, dans uu texte de Briançon (1495), ainsi « Nonre-
nieus, quant fossen aribas a Grenoble, nos van retirai1 dever mesieurs
lo gênerai et trésorier, los advertent de la materia, los quais agueron
gran plaser per so que eran vengus a Grenoble » (p. 427, 428); ou
voit ici clairement comment cette tournure s'est introduite en partant
d'un présent narratif où le verbe conserve encore son sens de mou-
vement; je la crois du reste inusitée aujourd'hui à Briançon.
Il faut toujours prendre garde, comme M. Paul Meyer le fait
observer à plusieurs reprises, que la plupart des scribes sont plus ou
moins influencés par la tradition d'une langue littéraire et adminis-
trative commune, de sorte qu'ils ne notent pas toutes les particu-
larités de l'idiome local (il faut en outre tenir compte du fait qu'ils
peuvent être originaires d'une autre localité que celles où ils exer-
cent leurs fonctions), et que la notation d'un trait linguistique dans
leurs écrits peut être de beaucoup postérieure à l'apparition de ce
trait dans le langage parlé.
Jules Ronjat.
Arsène Vermenouze. — Jous la Cluchado (Sous le Chaume),
Aurillac, imprimerie moderne, 19o9, in-8° de 504 p.
Ce nouveau recueil de vers contient force choses intéressantes où
se retrouvent les qualités caractéristiques de l'auteur de Flour de
Brousso, qui vient d'être enlevé prématurément à l'affection de ses
nombreux amis et à l'estime de tous les lettrés : vif sentiment delà
nature, art de poser, de camper vigoureusement dès le début un tipe
du pays, ingéniosité sincère de certains détails, généreuse abondance
du développement. 11 est regrettable que l'auteur n'ait pas compris
dans son livre telle pièce d'excellente venue, comme A ma cigalo,
que les istoriens de la littérature félibréenne devront pêcher dans des
almanacs ou des journaux peu accessibles. Du moins i a-t-il fait
figurer La Grando Obro, le plus beau salut en vers que Mistral aie
jamais reçu.
190
COMPTES RENDIS.
Les écrivains eu langue d'Oc publiaient jusqu'ici leurs œuvres
soit uniquement dans leur langue, soit avec une traduction fran-
çaise en regard. Vermenouze a inauguré une nouvelle métode en
adjoignant au texte auvergnat et à la traduction française une trans-
cription ethnologique (?) due à un professeur de petit séminaire
dont les élucubratious [Introduction, Transcription etimologiqua et
Notes) ouvrent des vues vraiment affligeantes sur le niveau des études
dans l'établissement où enseigne ce Pécuchet ecclésiastique. Ledit
professeur a notamment inventé, après d'autres Pécuchels laïques
dontj'ai eu occasion de parler ici (1905, p. 477), qu'il fallait écrire
les infinitifs avec r; il restitue également n dans médecin, taben,
etc.. et même dans ensignadoun, malgré le latin -loriu et l'auver-
gnat -don, fém. -douiro ou -douciro; il nous informe gravement
que auvergnato est une forme secondaire pour la forme « régulière »
en -ado, que la diftongue auvergnate au se prononce comme aiv
dans l'anglais drawing, etc.. etc.. Si Vermenouze avait songé à
consulter quelqu'un du métier avant de confier à cet amateur un
travail quelconque, son volume aurait considérablement diminué de
poids sans rien perdre en valeur intrinsèque, tout au contraire.
Jules Ronjat.
Armand Praviel. — L'Empire du Soleil, scènes et portraits féli-
bréens. Les Pays de France, collection des écrivains régionaux.
Nouvelle librairie nationale, 85, rue de Rennes, Paris, 1909.
Série d'impressions de voyages assez confuses, entremêlées
d'appréciations aventureuses sur les idées félibréennes et la littéra-
ture provençale. L'auteur ignore à peu près tout de ces idées et de
cette littérature et ne fait que ressasser dans un stile défectueux les
verbalités qui traînent sous la plume de certains publicistes parisiens
désireux de confisquer au profit de coteries politiques ou autres le
Félibrige qui par définition doit demeurer étranger à leurs agitations
vaines. Au lieu de lire et de méditer les Discourse dicho de Mistral,
bréviaire autentique du félibre, il cherche à apercevoir la doctrine
félibréenne à travers certains commentaires fumeux qui volontai-
rement ou non la dénaturent. La place que tient dans ses préoccu-
pations tel ou tel livre, tel ou tel écrivain, est généralement ou
raison inverse de l'importance véritable du livre ou de l'écrivain.
Il consacre des pages entières à réfuter les conceptions de Napoléon
Peyrat sur la crosade contre les Albigeois; il cite comme chefs-
d'œuvre tipiques delà littérature provençale Mirèio de Mistral, la
Miôugrano entre- duberto d'Aubanel et Toloza de F. Gras.
COMPTES RENDIS. 191
Inutile de multiplier les exemples : ceux qui procèdent suffisent à
mettre en garde contre ce travail d'amateur dans le pire sens du
terme.
Jules Ronjat.
Armand Praviel et J,-R. Rozès de Brousse. — Anthologie
du Félibrige, morceaux choisis des grands poètes de la Renais-
sance méridionale au XIXe siècle, avec avant-propos et notices
bio-bibliographiques. Paris, nouvelle librairie nationale, 1909,
xvi-344 p.
Ce recueil contient, dans le texte original et en traduction fran-
çaise, un assez bon choix d'œuvres de F. Mistral, Félix Gras,
L. Roumieux, A. Fourès, Paul Froment, Filadelfo de Gerdo, l'abbé
Bessou et Arsène Vermenouze, un choix souvent assez maladroit de
pièces de Roumauille, Aubanel, Anselme Mathieu, Alfonse Tavan,
Paul Arène, Clovis Hugues, Achille Mir, Auguste Chastanet et Michel
Camelat, puis diverses productions de seigneurs de moindre impor-
tance qu'on peut s'étonner de voir représentés ici quand brillent
parleur absence des poètes comme Isidore Salles, Charloun Riéu,
Fabre (que les auteurs, à cause de son pseudonime Felibre di Tavan,
confondent p. 109 avec Alfonse Tavan) et d'autres contemporains
que je ne nomme pas pour ne point offenser leur modestie. 11 don-
nera donc au lecteur une idée assez inexacte et très incomplète de
la littérature félibréenne. Quant à relever toutes les erreurs que
l'auteur de L'Empire du Soleil i a libéralement semées un peu par-
tout, comme sa marque de fabrique, ce serait une tâche aussi longue
qu'ingrate. 11 sait peu ou mal, et ne veut rien apprendre, mais il
prétend enseigner le public. C'est une tournure d'esprit très répandue
dans le milieu Pécuchet (v. p. xi-xiv les étranges spéculations sur
la genèse d'une langue commune où se fondraient tous les dialectes,
etc..) 11 faut cependant donner quelques exemples pour justifier
mon dire. P. v, la Loire formerait limite entre les langues d'oui et
d'oc. P. vu, les Jeux Floraux de Toulouse au XIVe siècle sont
présentés comme un renouveau fécond de poésie. P. xi, détails sur
l'organisation du Félibrige : l'auteur semble n'avoir pas même lu
les statuts de l'association dont il prétend décrire le fonctionne-
ment. P. 87, raubatôri, qui veut dire enlèvement, est traduit par
séducteur. Les auteurs disent dans leur avant-propos qn'ils ont
demandé conseil à mon confrère Bacquié-Fonade. 11 ne paraît
guère qu'ils aient suivi les excellents conseils que celui-ci n'a pas
manqué de leur donner,
Jules Ronjat.
192 COMPTES RENDUS.
Escolo felibrenco de la Targo. — Flourilege prouvençau
(Anthologie provençale), trobo lirico di Felibre ohausido au det
pèr J. Bourrilly, A. Esclangon e P. Fontan. Au fougau de La
Targo, 12, quèidôu Partit (Besagno), Touloun, 1909, iv-319 p.
Contient, dans le texte original et en traduction française, un
bon choix d'œuvres de F. Mistral, V. Ralaguer, J. Boissière,
P. Devoluj-, Ad. Dumas, V. Gélu, P. Giéra, Marius Girard et Félix
Gras, un assez bon choix d'œuvres de Charloun Riéu et d'Alfonse
Tavan, un choix moins eureux d'œuvres de P. Arène, Aubanel,
Valère Bernard, Crousillat, A. Fourès, Clovis Hugues, Anselme
Mathieu et Roumanille, et une copieuse sélection de poetae minores
ou même mintmi. Les éditeurs ont l'intention do publier un second
volume où figureront entre autres plusieurs des auteurs cités p. m
et iv. Ils ont fait précéder chaque série de morceaux choissi
d'une courte notice sur leur auteur. Ces notices sont en général
exactes ; on peut cependant i relever quelques erreurs : p. 142,
lierluc-Perussis signait .4. de Gagnaud, et non .4. des Gagnaads ;
p. 199, Clovis Hugues n'a jamais publié, que je sache, un recueil
ayant pour titre L>s Oulivado ; p. 170, je crois bien que Bremoundo
de Tarascoun était née en 1858, et non en 1865 : elle n'aurait eu
que vingt ans quand elle reçut (on ne sait trop pourquoi) le prix de
poésie aux jeux floraux septennaires du Félibrige ? Dans la liste
des œuvres de F. Mistral (p. 1) on a oublié le recueil des Discours e
d'dio; un peu plus aut, le mot atavisme est employé abusivement
pour èrèditê. Pourquoi mettre sur la même ligne, comme œuvres du
« maître prosateur » Félix Gras, les Papalino, où il i a vraiment de
très jolies choses, et les Rouge dôu Miejour, qui sont un mauvais
feuilleton (p. 160)? Malgré ces taches de détail et une sélection trop
souvent critiquable, le Flourilege pourra rendre de bons services
aux curieux de poésie provençale.
J. R.
Emil Levy. — Petit dictionnaire provençal-français. Seidelberg,
Cari Winter, 1909, in-8° de vm-388 p. (n° 2 de la série 111,
Dictionnaires, de la Sammlung romanischer Elementar-und
Handbiicher publiée sous la direction de M. W. Meyer-Lùbke.)
M. Levy a rassemblé dans ce petit volume l'essentiel du Lexique
de Raynouard et de son Supplément- WôrlerUuch, i faisant même
ligurer quelques mots qu'il avait relevés trop tard pour pouvoir
les insérer dans celui-ci, et éliminant les mots dont la forme ou la
signification ne lui ont pas paru suffisamment établies, les mots
COMPTES RENDUS. 193
savants dont le sens est clair à première vue et plusieurs mots qui
se trouvent avec la même forme et le même sens en français
moderne. Il a adopté une grafie régulière, identique, sauf quelques
détails, à celle du Supplément- Wôrterbuch, distingué partout e et o
ouverts de e et o fermés et noté par — 1' n caduque. L'ouvrage
est dédié à la mémoire de Camille Chabaneau et rédigé en fran-
çais « pour rendre ommage au maître vénéré dont le nom est
inscrit à la première page ».
Tous les provençalistes seront reconnaissants à M. Levv de leur
donuer ainsi un bon instrument de travail, incomparablement plus
facile à manier que tous ceux qui existaient précédemment, et par-
faitement suffisant pour une foule de vérifications sommaires n'exi-
geant pas la consultation de grands dictionnaires plus détaillés.
L'ouvrage de M. Levy aura certainement de nombreuses éditions,
au cours desquelles l'auteur ne manquera pas de l'améliorer encore.
Voici quelques indications que je lui soumets dans cette intention,
comme la meilleure marque du simpatique intérêt que j'ai pris à la
lecture de son excellent ouvrage.
Il manque une table des abréviations employées. On pourrait
désirer des indications dialectologiques plus abondantes et plus pré-
cises. De brèves indications étimologiques seraient bienvenues et
n'alourdiraient peut-être pas trop le volume,
Certaines traductions demanderaient à être expliquées, ainsi p. ex.
gaida t guède », mot si peu connu que sûrement plus de la moitié
des lecteurs devront immédiatement le chercher dans un diction-
naire de la langue française. A albanel on pourrait ajouter oiseau
pour expliquer hobereau, bien peu usité dans cette acception.
Les parlers modernes assurent assez le sens de certains mots pour
que plus d'un point d'interrogation soit superflu, ex. boza, greza,
monjoia, mod. boso, greso, mount-joio (v. Trésor clou Felibrige).
Le timbre de la voyelle tonique est-il bien assuré dans majofa,
orne, poltz — polse — polzer, teula, teule, savorra(cî. saorra) ï
Coquilles : gran pour grau (v° gra),persuegue pour persegue.
Crafies peu conséquentes avec les règles posées p. vu ou néces
sitant une adjonction à ces règles : endemeg, rag et autres mots à
g = ch ; reconoissemen, reconnoisensa pour reconoisemen, reconoi-
sensa:
Certains mots devraient être réunis dans un seul et même article,
comme saorra « sable » et savorra « lest »(tous deux < saburra),
ou il faudrait tout au moins un renvoi d'un article à l'autre.
Finis est traduit par flasque avec un point d'interrogation. Ne
vaudrait-il pas mieux traduire par floche ? Poussin ne traduirait-il
pas polzin plus exactement que poulet? Pozaraca, puits à roue;
194 ( OMPTES RENDIS.
plutôt* noria, roue idraulique, chaîne sans fin munie de godets servant
à tirer l'eau d'un puits : chaque godet s'emplit, puise {pozu), monte,
se vide, vomit l'eau (raca), et redescend». Mecun, ad], « de Mecque»,
pour « de la Mecque ».
Certaines variantes dialectales fonétiquement et morfologiquement
intéressantes pourraient être indiquées, p. ex. forse, forsa à côté de
forfetz, forfes ; fraisne à côté de fraise, fraisir(cf. aze, aine.)
Jules Ronj.vt.
Vivo Prouvènço! porto-paraulo mesadié di recoubranço mie-
joarnalo. — Dir. P. Devoluy, carr. de la Pousterlo, 9, Nimes;
amenhtr. J. Renadiéu, balouard Siste-Isnard, 29 bis, Avignoun
(6 pajo pèr mes; abounamen pèr un an : Prouvènço e Franco, 4fr.;
estrangié, 4 fr. 50).
Proumié semestre de 1909.
Vers de C. Auzière (Abriéu), Folcô de Baroncelli-Javon (Janvié),
dôu Felibre di Tavan (Febrié), de Laforêt (Febrié, Mars,Jun), S. -A.
Peyre (Janvié), L. Teissier (Febrié), Vatton (Abriéu). Article de
dôutrino felibrenco, d'istôr; miejournalo, de critico literàri, etc.. :
letro de F. Mistral (Febrié); P. Devoluy, La traducioun franceso
en regard (Janvié, Febrié), coumençanço d'un coumpèndi de l'is-
tôri dôuMiejour, en fuietoun (Mai), discours prounouncia davans l'es-
tatuo de F. Mistral en Arle et à la Santo-Estello de Sant-Gile (Jun) ;
J. Rounjat, noto sus li cant poupulàri, emé recoustitucioun musicalo
de Quand le bouiè ven de laura (Janvié), article sus La lengo
prouvençalo e li camin roumiéu, sus l'estiganço de l'estùdi dôu
proufessour Morf au n° 1 dôu Bulletin de dialectologie romane
(Febrié, Mars), A prepaus d'ourtovgràfi (Mai) ; Jan Malan, seguido
dis Ausard, raconte de la guerro di Ceveno à la fin dôu règne de
Louis XIV (n° de Janvié à Mai) ; Bousoun di Vergno, La lengo lite-
ràri prouvençalo (Febrié), Quatre -vint-nôu (Abriéu); L. Teissier,
Felibrige e religioun (Jun); à la rubrico Boulegadisso e Nouvelun,
noto sus l'Empire du Soleil d'A. Praviel (Mars) e sus l'usage de la
lengo prouvençalo davans li tribunau (Mai).
Segound semestre de 1909.
La Grando Obro, pèr A. Vermenouze (Juliet). J. Anglade, Uensi-
gnamen de la filoulougïo roumano (Avoust) e letro sus l'estamen
dis estùdi prouvençau en Catalougno (Nouvèmbre). J. Daniel, Lou
Felibrige en Perigord, noto sus li coundicioun de la veraio prou-
pagando felibrenco (Nouvèmbre). Jan Malan, Lou Dangié d'amour,
deliciouso restitucioun d'uno cansoun poupulàri (Outobre), e Lis
COMPTES RENDUS. 195
Aucèn, cascareleto un pan escabissouso, mai bèn galantamen coun-
tado (Outobre). Edward Nicholson, Pes e mesuro de Prouvènço
(Juliet). Pèire Devoluy, Lis csti'di prouvençau, à prepaus de L'ensi-
gnamen adès dubert à l'Universita de Mount Relié (Outobre). Jùli
Rounjat, Li Prouvençau dAlemagno, noto de viage i coulounio
vaudeso de Souabo (Nouvèmbre). Quasi à cade numéro, seguido dis
Ausard de Jan Malan e di Pajo (Vistôri miejournalo de Pèire
Devoluy, article, letro e coumunicacioun diverso sus lis evenimen
felibren que se passon despièi la darriero assemblado generalo don
Felibrige, à l'aflat de gènt que cercon de faire vira l'istitucioun feli-
brenco en estrumen de poulitico o en passo-tèms d'eleicloun
vanitouso.
J. R.
A. "Wallenskôld. — Den nyprovensaliska nationalitetsrorelsen.
Tirage à part de Finsk Tidshrif't, n° 6, 1909, avec portrait de
F. Mistral, d'après Hébert, Helsingfors, Mercalors tryckeri, 1909,
in-8° de 10 p.
J'aurais mauvaise grâce à trop louer cette plaquette, parce que
j'i ai en quelque sorte collaboré par les nombreux renseignements
dont l'auteur veut bien me remercier fort aimablement à la fin de
son travail. Du moins puis-je dire que c'est une oeuvre de bonne
foi et de simpatique entousiasme pour l'action littéraire et sociale
du Felibrige et de sou illustre initiateur.
J. R.
Ernesto Monaci. — Il cinquantenario di « Mirèio ». Tirage à
part de la Nuova Antologia du 1er juin 1909, Roma, via San
Vitale, 7, in-8° de 12 p.
Le seul défaut de cet opuscule est de donner passim une impor-
tance exagérée aux manifestations de certains cercles parisiens qui
ne voient dans l'œuvre poétique et sociale de F. Mistral qu'un filon
à exploiter au profit de leur ignorante vanité. Cette réserve faite, il
n'i a qu'à louer dans l'article de M. Monaci, plein de vues péné-
trantes et souvent neuves; particulièrement intéressante, en con-
traste avec certaines excentricités de la presse parisienne (1), est
(1) t Des Français, écrivant un dialecte incompréensible aux Fran-
çais, viendraient diminuer la puissance de production de la langue
française et, par conséquent, sa puissance d'action dans le monde et,
par conséquent, le rayonnement de notre esprit national ! Allons donc!...
C'est ce qu'a tenté Mistral. C'est ce qu'ont tenté ses amis. Ils ont
196 COMPTES RENDUS.
cette conception de l'importance nationale de l'œuvre mistralienne :
Mistral a cimenté l'unité de la Gaule en donnant au peuple pro-
vençal une gloire littéraire qui le fait au moins l'égal de ses voisins
du nord, et eu détruisant ainsi les germes d'envie et de rancune
qu'avaient pu faire naître la conquête française et les tentatives
d'effacement de la langue provençale.
J. R.
A. Constantin et P. Gave. — Flore populaire delà Savoie ; pre-
mière partie, dictionnaire des noms populaires des plantes qui
croissent naturellement en Savoie ou qui y sont cultivées en pleine
terre. Annecy, impr. J. Abry, 1908, in-8°de xn-190 p. (n'est pas
mis en vente, mais offert aux romanistes et aux botanistes par la
Société Florimonlane).
Les romanistes trouveront dans ce volume plusieurs dénomina-
tions intéressantes, soit en parler de Savoie, soit en français local
(ex. art. 30, 83; 1073, vârnïë, sapin, le mot désigne en général
l'aulne dans les parlers populaires d'une moitié de la France, on
connaît les substitutions analogues de noms dans l'ensemble du
domaine indo-européen, notamment celles que M. Niedermann a
signalées dans les Mélanges Meillet), et trop d'étimologies fantai-
sistes et de détails oiseux (ex. art. 654, 834, 943). Le sistème de
transcription des mots savoyards est donné p. IX, mais on a oublié
d'indiquer ce que signifie une croix fréquemment employée au cours
de l'ouvrage devant certaines dénominations. On aurait pu suppri-
mer certaines traductions inutiles, et par contre traduire certains
noms dont la signification est loin d'être transparente dès l'abord
(exemples caractéristiques aux art. 21 et 12).
J. R.
échoué... Je célèbre donc Mistral puisqu'il a échoué dans son épou-
vantable entreprise et puisqu'il est l'auteur de Mireille. Cependant, si
un nouveau Mistral surgit et s'il écrit une nouvelle Mireille, élas ! je
n'aurai peut-être pas le courage de dire : « Périsse ce chef-d'œuvre
plutôt que le principe essentiel de la grandeur française I » j'admirerai
sans doute et j'exalterai l'œuvre du poète, mais, lui, je le ferai
fusiller » [Gil Blas du 23 mai 1909).
COMPTES RENDUS. 197
Jac. van Ginneken, S. J. — Principes de linguistique psicologi-
que, essai siutétique. Amsterdam, E. van der Vechl, Paris,
Rivière, Leipzig, Harrassowilz, 1907, in-8° de vm-552 p.
La première édition de ce livre est une tèse de doctorat rédigée
en néerlandais et publiée dans Leuvensche Bijdragen, t. VI et VII,
1904-1906. La présente traduction française a été faite par un ami
de l'auteur, mais celui-ci l'a revue et augmentée. (Test un ouvrage
du plus aut intérêt, plein de vues ardies et fécondes, même quand
elles ne sont pas strictement justes, — quelque chose comme la
Yulkerpsychologie de Wundt refaite par un psicologue qui est en
même temps linguiste ou par un linguiste qui a étudié à fond la
psicologie.
1-e livre Ier examine Les représentations des mots et des choses,
représentations orale (de l'articulation), auditive, visuelle et grafi-
que, l'une ou l'autre dominante suivant les parlers, les individus et
les mots considérés. Le livre II, L'intelligence et son adèsion,
établit que le fait psichique essentiel, celui que suppose nécessaire-
ment tout mot grammatical, est 1' adèsion ou assentiment (dans
l'édition néerlandaise beaming, de beamen, dire amen, dire oui,
reconnaître, avouer la vérité, la réalité d'une communication),
expressions que l'auteur préfère à idée et à aperception qui donnent
lieu à de nombreux malentendus. L'adésion peut être associée à une
représentation de chose et à une image verbale, ou à un seul de ces
deux faits pnchiques, et elle peut encore exister seule; elle seule
suffit à expliquer la possession d'un mot grammatical. De la nature
des adésions, adèsion de réalité et adèsion de potentialité, adèsion
absolue et adèsion relative, se déduiseut toutes les catégories gram-
maticales : les noms, représentant les choses, exigeant une plus
grande tension de l'énergie psichique, éliminant d'un fait donné un
nombre considérable d'éléments ; les verbes, représentant les faits
(actions ou états) perçus à la fois en un seul effort de l'attention.
« Nous ne pouvons avoir conscience que d'un seul fait à la fois,
mais nous pouvons fort bien nous représenter sciemment plusieurs
choses à la fois. C'est pourquoi le nom a un pluriel, et que le verbe
comme tel n'en a pas (p. 76). » Ce passage suffit à caractériser la
métode de l'auteur. Il en déduit une foule de considérations extrê-
mement ingénieuses sur la nature et les relations réciproques des
parties du discours, des aspects, des temps et des modes du verbe,
etc.. etc., choses aussi intéressantes à lire que difficiles à résumer.
Cette observation finale s'applique également au livre III, Senti-
ment et appréciation (['assentiment ou adèsion s'applique au non-
moi, le sentiment au moi; importance considérable et trop souvent
14
198 COMPTES RENDI S.
méconnue du sentiment dans la conception générale du langage;
lui seul explique p. ex. une foule d'antinomies sémantiques appa-
rentes) et au livre IV, Volonté et automatisme, mais celui-ci
demande tout au moins une analise sommaire, car c'est ici que l'au-
teur entre dans le vif du sujet au point de vue spécialement lin-
guistique.
Le chapitre Ier pose Les lois fondamentales de l'automatisme
psicologique : 1° toute représentation tend à se réaliser; 2° « une
disposition cérébrale ne saurait changer elle-même sa position : si
(die est en repos, il faut qu'elle reste en repos jusqu'à ce qu'une
intervention étrangère la mette en branle ; si elle est en mouvement,
il faut qu'elle reste en mouvement jusqu'à ce qu'elle ait cédé son
énergie à d'autres dispositions qui l'entourent (p. 250) »; 3° ritme
différenciatif auquel tendent toutes les perceptions (temps faibles et
temps forts sentis dans le métronome, etc.. ) ; 4° <( lorsque deux
dispositions psichiques ont fonctionné une ou plusieurs fois simul-
tanément, elles tendent à s'éveiller l'une l'autre (p. 2621 ». Le cha-
pitre II, La coopération pr i tique de l'automatisme et de la volonté.
est consacré à une pénétrante analise des constructions : c'est ainsi
(pie l'auteur nomme les unités linguistiques secondaires en conciliant
clans sa définition (p. 283), conformément à ses vues sur les lois de
l'automatisme, les idées de Sievers. de Hirt, de Wundt, de James,
de Monis, de Wunderlich, de Sweet, de Passy et les siennes propres
sur les groupes de souffle, stress groups, Sprechtakte, l'unité de la
volition et de l'accent, l'admissibilité des actions à distance et l'unité
d'assentiment. Le chapitre III, Principes généraux de fonétique isto-
rique, utilise les principes posés dans les chapitres précédents pour
expliquer les changements fonétiques essentiels, commandés par
les fénomènes généraux de l'accent, dénomination sous laquelle
l'auteur comprend l'accent d'intensité (accent expiratoire des con-
sonnes et accent glottal des voyelles), l'accent musical, l'accent
temporel, l'accent de timbre, l'accent d'articulation et de sonorité;
il i rattache par une analise fort intéressante tous les fénomènes
de déplacement d'accent dans la déclinaison, de différenciation, de
diftongaison, de métafonie, d'alternance, de préparation, de dissi-
milation et d'actions réciproques de voisinage entre voyelles et con-
sonnes. Suit un exposé des lois fonétiques dominé par l'idée de
Delbruck : au fond il n'i a que des changements conditionnés;
« toutes les lois fonétiques trouvent leur dernière et complète expli.
cation dans le jeu combiné de nos principes d'automatisme psicolo-
gique sur toutes les qualités des fonèmes du langage, disons sur nos
cinq sortes d'accent (p. 465) ».
11 i aurait sans doute des réserves à faire sur la fin du chapitre III,
COMPTES RENDUS. 199
explication de la mutation consonantique en celtique et en germa-
nique qui n'emporte pas de prime abord la conviction, et sur les cha-
pitres IV, Principes généraux de sémantique dinamique, et V,
Téorie générale de l'ordre des mois, pierres d'attente, l'auteur le
reconnaît lui-même, plutôt que constructions définitives. Au reste
un jugement de fond sur l'ensemble des Principes de linguistique
psicologique excéderait ma compétence, et une analise plus détaillée
dépasserait les bornes raisonnables d'un compte-rendu dans une
revue spéciale de linguistique romane (1). Mais je tiens à citer, en
terminant, un passage de la Conclusion (p. 532, 533) où l'auteur,
résumant en quelques lignes ses immenses lectures, déclare avoir-
voulu emprunter aux indo-européanisants positivistes leur métode
sûre, aux idéalistes comme Vossler et Croce leur vue de l'ensemble
des fénomènes, aux fonéticiens et aux dialectologues leur connais-
sance du menu détail linguistique, en i- joignant l'ancienne psicolo-
gie rationnelle et la nouvelle psicologie expérimentale, virlus in
medio qui donne plus de sécurité au positivisme, assure une base k
l'idéalisme et fournit une explication des changements de détail.
« Voilà ce que j'ai cherché à réaliser, mais naturellement le résul-
tat présente des couleurs moins brillantes. Plus d'une fois je me
suis écarté du juste milieu, plus souvent sans doute que je n'en ai
conscience... Néanmoins j'espère que la science linguistique du siè-
cle prochain conservera plus d'une trace de mon essai sintétique. »
Tout lecteur de cet ouvrage accueillera certainement la frase finale
par une reconnaissante beaming.
Jules Ronjat.
Pau Roman. — Lei Mount-Joio, voucabulàri dei prouvèrbi et lou-
cucien prouverbialo de la lengo prouvençalo, tome proumié, A-G.
Avignoun, Aubanel fraire, 1908. In-8° de xl-784 p.
Muunt-joio signifie, d'après le Trésor dôu Felibrige : tas de
pierres sur lesquels les pèlerins plantaient une croix, sur la route
et aux abords d'un lieu de pèlerinage ; pilier qui indique une route ;
tas de pierres élevé par les bergers pour servir de borne ; témoins
d'une borne ; carrefour où est plantée une croix, en Gascogne. Le
mot est joliment choisi pour servir de titre à un recueil de pro-
verbes et de comparaisons populaires. Le recueil lui-même est
moins réussi que son titre. Les observations qui vont suivre ont
(1) Voir le compte-rendu de M. A. Meillet dans Bulletin de la
Société de linguistique, n° 56, p. xx.
200 COMPTES RENDUS.
pour but essentiel d'aider le lecteur à le consulter utilement et
d'indiquer à l'auteur certaines améliorations désirables pour le
second volume annoncé.
Le recueil contient non seulement des proverbes provençaux au
sens le plus général du terme (Gaule méridionale, pays de langue
d'oc ou provençale lato sensu ; l'auteur a recueilli même un assez
grand nombre de proverbes catalans), mais des proverbes piémon-
tais, savoyards et daufinois qui n'i sont guère mieux à leur place
que des proverbes picards ou portugais. L'auteur paraît du reste
peu préoccupé des nuances linguistiques. Beaucoup d'indications
relatives à cet ordre d'idées sont vagues, comme Gavoulino dési-
gnant on ne sait au juste quelle partie des Alpes, ou inexactes,
comme rouman pour vièi prouvençau. La grafie appliquée aux
dialectes autres que le dialecte natal de l'auteur est trop souvent
inconséquente, et il i a même parfois altération des formes de la
langue.
Exemples de la première faute : v et b au asard, dans les textes
de Languedoc et de Gascogne, parfois simultanément et contradic-
toirement dans un seul et même article (v. p. 386, 1. 2, 5); même
observation pour -e et -o en Béarn, ainsi, v° Baliros, minyen la
carn, lèchon lous os ; le fonème gascon kw est noté tantôt quo1
tantôt quou, tantôt cou, sans qu'on sache pourquoi ; pour les formes
enclitiques des pronoms, on les trouve ici unies au mot précédent,
là séparées par un trait : ses pago at dio madech (p. 8), quel amo
pla quel hara ploura (p. 43), messidot (p. 32, pour meshido-t): qui
-us s'amigalhe (p. 50). L'auteur a eu raison de ne pas reproduire
servilement les fantaisies grafiques des recueils où il a puisé les
éléments du sien, mais si ses connaissances dialectologiques ne
lui permettaient pas d'établir une grafie uniforme, il aurait dû
prendre conseil de gens du métier.
Exemples de la seconde faute : omission indue de -s ou -i au
pluriel (p. 8, 1. 12, 13 du bas); formes ibrides comme qu rèn noun
dis, tout acordo (p. 15, 1. 1) : il faudrait quau et acordo, ou <ju
et acouerdo ; formes fausses comme dambe le bec pour dambé-l bec
(p. 9, dern. 1.) ; les textes de Gap ont généralement une finale fém.
-a parfaitement indue (la finale normale -o est donnée notamment
p. 451, 548) ; des textes limousins présentent indûment -os au plur.
fém., pour -as (not. p. 638).
Est-ce parce que les pèlerins qui dressaient des mounl-joio avaient
coutume de revenir chargés de coquilles que les fautes d'impression
abondent dans ce recueil à un degré vraiment prodigieux? Il faut
absolument publier avec le second volume de copieux errata, sous
peine d'induire maint lecteur en erreur irrémédiable.
COMPTES RENDUS. 201
Il faudra également, pour faciliter les recherches, compléter l'en-
semble du livre par une classification des proverbes suivant les
ordres d'idées qu'ils mettent enjeu. Ils sont rangés alfabétiquement
par ynot màgi, c'est-à-dire qu'il faut chercher chaque proverbe sous
le mot que la mémoire retient et qui, s'il se présente dans la conver-
sation, peut évoquer le souvenir du proverbe entier (p. vu). Les
raisons pratiques alléguées p. xi à l'appui de cette disposition sont
bonnes, mais n'excluent pas l'utilité d'un index par ordre d'idées
avec renvoi au mot màgi. D'autre part, tel proverbe peut comporter
deux mot màgi ou davantage, et il faut en ce cas — et toujours en cas
de doute — insérer le proverbe eu question sous chacun de ses mot
màgi. L'auteur l'a fait quelquefois, mais pas assez souvent, et il i a
de ce chef des lacunes regrettables, comme par exemple celles dont
on se rendra compte immédiatement en comparant les articles
bandiero et capitaux, cabeslre et cireta.
Il serait bon de définir au moins brièvement certains vocables
rares, et il serait indispensable d'indiquer la situation des localités et
de donner quelques détails sur les personnages istoriques ou légen-
daires dont le nom sert de mot màgi ; quelques exemples sont indi-
qués au préambule (p. xvm), mais il aurait fallu donner au moins
une brève explication à chaque article alfabétique mettant en jeu des
noms de lieux ou de personnes non universellement connus.
Une partie de ces fautes pourra être réparée au tome II; une
autre ne pourrait l'être que dans une deuxième édition du tome Ier.
Tel qu'il se présente actuellement dans son premier volume, ce
recueil peut assurément rendre des services, au point de vue de l'ori-
ginalité et de la saveur terradourenco du stile, aux écrivains méri-
dionaux qui le consulteront avec précaution. 11 aurait pu en rendre
de plus grands encore s'il avait été élaboré avec plus de métode.
Jules Ronjat.
Cartabèa de Santo-Estello, adouba e publica pèr lou Burèu
dôu Cjunsistôri felibren. — N° 6(1908-1909). —Vers lou Baile
dôu Counsistôri emai en librarié Roumanille, Avignoun.
Ate dôu Felibrige dins l'annado escoulado ; discours dôu Capoulié
Devoluy à la Santo-Estello de Touloun ; nouvelun dis assouciacioun
afihado; necrouloge de Chabaneau, Plauchud, Nyblom, Boheman,
etc..
J. R.
202 COMPTES RENDUS.
Frederick Bliss Luquiens. — An introduction to Old French
phonology and morphology. New Haven, Conn,, Yale University
Press, London, Henry Frowde, Oxford University Press, 1909,
147 p.
Le but de ce livre est de préparer l'étudiant à lire VA Itfranzo-
sische Grammatik de Schwan et Behrens (p. 5) L'auteur a souvent
adopté une rédaction purement schématique, et cela parfois au détri-
ment de la clarté pourtant spécialement désirable dans un guide
élémentaire : estuveir <^ * estopére (p. 135) sera sans doute pour
maint étudiant un véritable rébus ; il aurait fallu expliquer au moins
en note qu'il s'agit d'un verbe construit en partant de opus est.
L'exactitude est aussi désirable que la clarté : pourquoi donne-t-on
p. 19 fr. tour comme exemple de u fermé opposé à u ouvert dans
ang. book? p. 27 : à lat. class. b intervocalique répond lat. vulg.
v, faba > fava; il n'eût pas été inutile d'indiquer qu'il s'agit d'un
v bilabial à l'origine. Pourquoi, dans les mots du vieux français, ce
mélange, souvent peu conséquent ou insuffisamment expliqué, de
grafies traditionnelles et de transcriptions fon<Hiques ? Tout cela
semble fait pour troubler et égarer les étudiants auxquels le livre
s'adresse. Ces réserves faites, ils i trouveront en général une infor-
mation sûre, un ordre commode (1° le vieux français jusque vers
1 100 ; 2° son évolution ultérieure jusque vers 1515) et une disposition
tipografique qui fait nettement ressortir les divisions et facilite
beaucoup les recherches.
J. R.
Novelari català dels segles XIV a XVIII, publicat per R.
Miquel y Planas. Barcelona, carrer do Mallorca, 207.
Ont déjà paru dans cette série, chaque nouvelle en une petite bro-
chure indiquant les sources dans une courte notice placée à la fin :
Pierres de Provença (je ne l'ai pas sous les ieux), La istoria de
Jacob Xalabin (ms. du XVe siècle, à la Bibl. nat. de Paris, déjà
publié il i a quelques années par la Socieiat catalana de bibliàftls),
La istoria de la pilla del emperador Contasti (mèmems. que Xala-
bin, Contasti a été publié en 1901 par M. Suchier dans Romania
et a paru en 1906 dans le t. IV du Recull de textes catalans anlichs),
Storiadd amat Frondino *■ de Brisona (ms du XVe siècle, à la Bibl.
nat. de Paris, publié en 1891 par M. P. Meyer dans Rowania),
Istoria de la fiyla del rey d'Unyria (deux versions différentes d'a-
près des ms. du XIVe siècle conservés eu Catalogne), La kistoria
COMPTES RENDUS. 203
de las amors e vida del canaller Paria e de Viana fllla del Dalf de
França (réimpression, avec quelques fac-similé, donnant la compa-
raison de deux incunables conservés en exemplaires uniques, l'un à
la bibliotèque de Y Institut d'esludis catalans, l'autre à la bibliotèquo
royale de Copenague, celui-ci a été publié par M. Kaltenbacher,
Erlangen, 1904, avec quelques erreurs que relève M. Miquel y
Planas). L'édition est élégante et commode à consulter; les va-
riantes et les restitutions sont soigneusement indiquées, ainsi que la
pagination des originaux; les lignes de tipografie sont numérotées
de cinq en cinq, ce qui permet des citatious précises et des vérifica-
tions aisées. On suit dans ces nouvelles plusieurs féno mènes inté-
ressants du moyen catalan : conservation des prétérits comme dix
<; dixit (aujourd'ui digue) jusque dans Parts e Viana, substitution
de -u à -ts aux 2«s pers. du plur. des verbes (Xalabin, 1315 : No
digats res, siuo vos sou morta; Contasti, 1015 : Senyor, vos sajnals
que vos sou 1> meu pare; ces exemples sont exceptionnels sauf
dans Pan's e Viana, où -u est au contraire la règle), futur encore
coupé en deux par un pronom régime dans Contasti (190, dirlosels
avons leur direz»), etc .. . Elles sont d'autre part souvent d'une lec-
ture fort attachante : La fllla de Contasti et (la première version
surtout) La fila del rey d'Ungria sont des contes exquis de grâce
naïve et de discrète émotion.
J. R.
Claude Peyrot. — Poésies rouergates, suivies d'un choix de ses
poésies françaises, édition critique avec introduction et glossaire
par Léopold Constans, majorai du Félibrige, professeur à l'Uni-
versité d'Aix-Marseille, précédée d'une notice biographique et
littéraire par Jules Artières. Millau, Articres et J. Maury; Avi-
gnon, veuve Roamanille , 1909, in-8° de xlviii-308 p.
J'ai déjà eu l'occasion de dire (Vivo Prouvènço ! nos 37 et 01) eu
quelle estime les félibres tiennent le talent de Peyrot, qui a su
o rejouveni la sabo de la pouësio terradourenco en un siècle em-
bouni de literaturo de Court e d'Acadèmi ». Je me bornerai ici à
recommander au lecteur pressé les Quatre sosous et les pièces plus
courtes qui sont aux p. 162 et 166 de l'édition Constans; le reste
est moins intéressant. Quant à l'édition en elle-même, elle est
soignée, mais elle l'aurait pu l'être davantage. C'était une bonne
idée que de nous donner un Peyrot en saine ortografe félibréenne,
mais il fallait réaliser cette idée et laisser de côté des fantaisies gra-
fiques comme z pour s, s pour ss (agrémentées d'inconséquences
comme meisou « moisson » contre fraisses « frais », etc.), iù pour
204 COMPTES RENDUS.
in (pourquoi noter d'un accent justement l'élément faible de la dif-
tongue?). Des choses de médiocre intérêt sont longuement déve-
loppées : la notice de SI. A. répète souvent, pour des détails
biografiques, l'introduction de M. C; on dirait que l'un n'a pas lu
le travail do l'autre. Far contre, des choses fort intéressantes ne
sont pas expliquées : ainsi p. xi.v on signale sans autre commen-
taire une « rime de la lre personne du singulier de l'imparfait, Goli,
22 et 39, avec la 3e, 25-6, rime qui n'a rien que d'ordinaire à cette
époque». Un point, et c'est tout. Au passage cité je trouve en effet
\u te delorgabo — Voiijognal s'estourrabo — moun bestial s'opos-
turgabo — )u m'espotorrabo. Est-ce une licence poétique ou une
forme dialectale? M. Constans doit le savoir; il aurait pu le dire.
Jules Ronjat.
Géraud Lavergne. — Le parler bourbonnais aux XIIIe et XIVe
siècles, étude philologique de textes inédits. Paris, Champion,
Moulins, Grégoire, 1909, 176 p.
M. Géraud Lavergne publie in extenso et commente les pièces
que M. Goerlich avait déjà utilisées dans son article Der burgun-
dische Dialekt im XIII. und XIV. Jahrhundert {Franzosische Stu-
dien, VII. Band, 1. Heft, 1889). Il est archiviste paléografe, mais il
n'est pas linguiste : son édition paraît irréprochable, mais son com-
mentaire ne l'est point. Les textes publiés, relatifs à différentes
localités du Bourbonnais, sont lous écrits en français bourguignon
plus ou moins influencé par le français littéraire de l'Ile de France
et parsemé çà et là de quelques formes propres aux divers parlers
locaux du Bourbonnais. On sait que le Bourbonnais se trouve placé
au point de rencontre des trois principaux courants linguistiques de
la Gaule, français, franco-provençal et provençal : la plus grande
partie du pays use de patois ou de français régionaux analogues
aux patois ou aux français régionaux du Berri et de la Bourgogne
ou présentant une transition entre ces deux groupes linguistiques;
dans la région de Lapalisse on rencontre des patois plus ou moins
analogues à ceux du Forez, du Lionnais, du Daufiné septentrional,
etc ..; le langage indigène de Gannat est étroitement apparenté à
celui de l'Auvergne septentrionale, lequel se rattache indiscuta-
blement au groupe des parlers provençaux, lauguedociens, etc...
Dans ses grandes lignes, cette répartition parait remonter au plus
aut moyen âge, mais depuis elle s'est compliquée à une époque et
dans des conditions que nos informations ne permettent pas de
déterminer précisément, et les textes publiés par M. G. L. n'éclai-
COMPTES RENDUS. 205
rent pas particulièrement la question. Quant on parcourt, comme je
l'ai fait après M. de Tourtoulou ', le pays à l'O. de l'Allier, outre
Gannat et SaintPourçain, on entend, par exemple à Chan telle, à
Charroux, à Lscurolles, àSaint-Remi-en-Rollat, des parlera intermé-
diaires qu'un observateur connaissant le français, le provençal et un
patois des environs de Vienne sur Rhône comprend tantôt à l'aide de
l'un de ces idiomes, tantôt à l'aide de plusieurs combinés à deux ou à
trois. Classer plus exactement ces parlera exigerait, pour un seul
observateur, des années d'études sur place. Vers quelle époque se
serait particulièrement accentué le caractère composite ou transi-
tionnel qui nous les fait apparaître aujourd'ui comme une île placée
à la rencontre des trois grands courants linguistiques de la Gaule,
nous ne le saurons peut-être jamais.
Les documents publics par M. G. L. ne reflètent naturellement la
situation linguistique du Bourbonnais au moyen âge que dans la
faible mesure où ils admettent des formes locales. L'éditeur a relevé
ces formes dans le commentaire filologique qui constitue la deu-
xième partie de son livre; il les explique assez souvent d'une façon
peu eurense. Ou lit par exemple p. 117 que lat. ca __ devient che
__ (traitement français), quelquefois chi __, et qu' « à Lapalisse
Chasalet montre l'influence provençale »; non, c'est une forme locale,
naturellement conservée telle quelle, comme en général dans les
noms propres : le parler de Lapalisse conserve ici a, comme le pro-
vençal, comme l'italien, etc., mais il n'i a aucune influence étran-
gère. De même p. 120, __ a final après yod (expression trop peu
compréensive, puisque l'un des exemples cités est planclii <^ planai)
passe a _L ta sous une influence forézienne ». P. 119 : « A atone
final passe à e sourd comme en français. Ce son est rendu à Verneuil
par et: chosseis 59. Cette grafie, qui est appliquée aussi aux formes
atones ceteis, leis, deis, semble répondre à une articulation appuyée.
Il est curieux de remarquer que le curé Farge, qui a traduit pour la
région d'Ebreuil la Parabole de l'Enfant prodigue en 1808, lors de
l'enquête sur le patois, applique à l'e sourd la grafie ai : que sont a
votrais gageais.» La rédaction est souvent bizarre; pour le fond, il
n'est pas surprenant qu'à Kbreuil, qui est, d'après M. de Tourtoulon,
à cheval sur la limite du provençal et du français, on entende dans
1 Je dois remercier ici M. de Tourtoulon d'avoir bien voulu me com-
muniquer les notes (restées manuscrites) qu'il avait prises sur place en
continuant seul l'enquête commencée avec Bringuier sur la Limite
géograhque de la langue d'oc et de la langue d'oïl (n'ont été publiés
que les résultats pour la région entre l'Océan et les environs de Guéret,
Impr. nationale, 1876).
206
COMPTES RENDUS.
les pluriels masculins un e (ouvert? fermé? comment le curé Farge
prononçait-il j'ai , épais, etc.. dans son français régional?), et il est
intéressant qu'à Verneuil, au N.-O. de Saint-Pourçain, en plein
domaine linguistique français, on ait eu au moyen âge chosseis
<^ causas, ceteis <^ ecce istas et leis <; illas, mais il ne faudrait pas
confondre ces faits différents. Ibid., note 2 : « Il se produit uu fait
analogue d'allongement dans les désinences verbales en e sourd
suivi de ni; l'accent est reporté sur la posttonique, comme l'indiquent
les grafies tegnant 32, séant 69, priant 58, 05, 68, s'enseguant 65,
s'ensiguant, devant 99». Je me reporte aux pages citées et je trouve:
32 tegnant et porteint, « tiennent et portent», 69 séant, « sont sises,
sont situées », 58, 65, 68 non pas priant, mais puant « peuvent », 65
s'ensegant et s'en segant (mais non s'enseguant) « s'ensuivent »,
devant nous et davant nos « devant nous ». Il s'agit donc (sauf
pour devant, davant cité par inadvertance) de troisièmes personnes
en -tint répondant à lat. eut ou -unt, dans des actes dressés non
seulement à Verneuil (p. 58, 65, 68), mais à Bourbon (p. 99); p. 32
l'acte est publié sans mention de localité. En quoi séant <^ sedent
est-il un fait spécifiquement analogue à chosseis <^ causas et à
votrais <^*vostros'ï Qu'est-ce qui prouve qu'on accentuait seânt et
non séant? L'éditeur aurait pu nous dire comment on accentue au-
jourd'ui : c'eût été un renseignement utile au lieu d'une ipotèse
oiseuse. P. 123 on apprend non sans étonnement que d intervoca-
lique (?) se conserve dans vende <^vendita, perdes <^perdilas, etc..
« d'une manière sporadique qui atteste l'influence provençale »; cela
veut dire que, comme en Provence, lat -ndït-, -rdït- donne après
sincope -nd-, -rd-, et non -ni, -rt- comme dans l'Ile de France.
P. 124 : « Dans begstes, peysche>ies 71, » (bêtes et pêcheries, ce
dernier mot n'est pas p. 71. mais p. 70, et est écrit peyscheryes)
o malgré lagrafie, l'allongement de e en ei montre que la cbute de s
s'était déjà produite » . Pourquoi? s devant consonne peut devenir
yod ou s'amuïr par des étapes que M. Rousselot a minutieusement
étudiées, mais il n'i a rien d'impossible à ce qu'un yod se développe
entre e et s -j- consonne comme il se développe entre e et 8 finale
directe (Limousin, Trièves, etc.); en tout cas ces grafies ne prou-
vent rien, comme beaucoup d'autres grafies.
M. G. L. emploie le mot dissimulation sans en connaître le sens,
il tire enbes — embes « avec » de la « forme cardinale féminine de
*ambi (p. 132), etc.. etc.. » Malgré tout, son commentaire est uti-
lisable, à la condition de contrôler soigneusement tous les faits en
se reportant aux pages où les formes commentées apparaissent dans
les textes publiés. Quant au bref chapitre final intitulé Les résul-
tats et la question des patois, il se compose de considérations
COMPTES RENDUS. -07
vagues sur lo recul actuel des patois devant le français combinées
avec des considérations asardeuses sur l'état de choses antérieur.
J'ai cherché plus aut à résumer ce que nous pouvons savoir sur ce
dernier point. Mais je dois justifier au moins par une citation ma
critique du résumé que présente M. G. L. : « A Peure actuelle, il
est difficile de démentir preuves en main M. Dauzat qui, très
informé de toutes les questions linguistiques qui touchent à la Basse-
Auvergne, écrit : « Un paysan des environs de Moulins parle une
langue très voisine de celle du cultivateur des environs de Paris.
Un abitant de Saint-Pourçain (Allier) ne comprend pas le patois
d'Aigueperse ». On ne saurait indiquer plus clairement que le français
règne en maître en Bourbonnais et qu'il n'existe plus, dans la pra-
tique courante, entre langue française et dialectes d'oc, cette con-
tinuité par laquelle s'opérait autrefois le passage de l'une à l'autre
signalé par Raynouard ». C'est dénaturer au moins pour partie la
pensée de M. Dauzat et méconnaître gravement les faits. J'ai indi-
qué plus aut qu'entre Gannat et Saint-Pourçain. soit sur un par-
cours d'environ 20 kilomètres (Aigueperse est encore à 10 kilomètres
environ au sud de Gannat) on rencontre des parlers intermédiaires.
Mais rien ne prouve que cette nappe intermédiaire ait été jadis plus
large. Il paraît au contraire assez probable que les parlers indigènes
de Gannat et de Saint Pourçain, nettement et dès le moyen âge, se
rattachaient respectivement au sistème provençal et au sistème fran-
çais. Il est en tous cas certain que M. Dauzat a écrit [Essai de mèto-
dologie linguistique dans le domaine des langues et îles patois romans,
Paris, Champion, 1906, p. 127) : « Un paysan des environs de Moulins
parle une langue très voisine de celle du cultivateur des environs
de Paris, distance 3l3 kilomètres. Un abitant de Saint-Pourçain
(Allier) ne comprend pas le patois d'Aigueperse (Pui-de-Dôme),
distance 30 kilomètres. Le patois de Clermont-Ferrand est fonéti-
quementet morfologiquement bien plus apparenté à celui de Marseille
qu'à celui de Lapalisse ». Les premiers exeaqjles peuvent évidem-
ment s'interpréter comme les interprète M. G. L. : paysan parlant
français régional ne comprenant pas un patois provençal. Mais le
dernier tout au moins a un tout autre sens : il s'agit de la compa-
raison de deux patois. Un tout autre sens et une tout autre portée.
On enseigne généralement que le latin vulgaire de la Gaule a évolué
par dégradation continue, et Gaston Paris a dit : « Un villageois
qui ne saurait que le patois de sa commune comprendrait sûrement
celui de la commune voisine, avec un peu plus de difficulté celui
de la commune qu'il rencontrerait plus loin en marchant dans la
même direction, et ainsi de suite jusqu'à un endroit où il n'entendrait
plus que très péniblement l'idiome local ». Mes observations per-
"208 COMPTES RENDUS,
sonnelles sur la zone extrême des parlers provençaux au N. infir-
ment cette ipotèse, d'accord avec les observations de MM. de
Tourtoulon, Rousselot, Dauzat, etc.. A cette ipotèse il faut subs-
tituer une explication, (l'est ce que je tâche de faire dans
mon livre en préparation, Istoire de la langue et de la littérature
néo-provençales, en examinant de mon mieux les faits tels qu'ils
se présentent eu réalité : des Pirénées et de la Méditerranée à
la Manche, larges étendues de terrain où les gens se comprennent
non de commune à commune, mus souvent sur des centaines de
kilomètres; à la rencontre de ces étendues de terrain, soit zones
étroites où ils se comprennent de commune à commune ou entre
groupes plus considérables, mais toujours beaucoup moindres q^ie
dans les larges étendues relativement omogènes, soit lignes coupant
en deux un village ou séparant deux villages voisins qui ne se
comprennent pas l'un l'autre. Le détail est infiniment compliqué, et
tout fait nouveau peut être lumineux. Je croyais trouver une louable
abondance de faits nouveaux dans l'ouvrage de M. G. L. qui, se
trouvant sur place, dans un pays tout particulièrement intéressant
au point de vue que j'envisage, aurait pu et dû éclairer l'état ancien
par l'état actuel : un patois vivant, même à l'état de bribes, ou un
français régional conservant une partie de l'éritage fonétique du
patois qu'il a évincé, c'est la lumière nécessaire pour commenter
de vieilles chartes, surtout des chartes en français plus ou moins
régional avec des bribes de patois. Ni la matière ni les ouvriers ne
manquent (voir p. 140-142) : à M. G. L. de mettre la matière en
mouvement et les ouvriers en campagne pour que, comme il le dit,
« cet essai trop imparfait serve un jour à comparer entre eux les
faits linguistiques coustatés au xme siècle et ceux des derniers pat>»is
locaux ».
Jules Ronjat.
J.-B. Beck. — Die Melodien der Troubadours nach dem gesamten
handschriftlichen Material zum erstenmal bearbeitet uud heraus-
gegeben, nebst einer L'ntersuchung liber di^ Entwickelung der
Notenschiift (bis uni 1250) und das rythmisch-metrische Prinzip
der mittelalterlich-lyrischeu Dicbtungen, mit Uebertragung in
moderne Noten der Melodien der Troubadours und Trouvères.
Slrasburg, K.J. Trûbner. 1008; vi -j- 202 pages in-4°.
Contrairement à ce que ferait supposer le titre de l'ouvrage,
M, J.-B. Beck donne, dans ce volume, non la transcription en nota-
tion moderne des chansons des troubadours, mais une étude théo-
rique sur le principe même d'après lequel doivent être lues et
COMPTES RENDUS. 209
interprétées les mélodies du moyen-âge '. C'est une démonstration
du caractère modal du chant monodique aux XlIc-XlVe siècles et
la justification du principe de l'interprétation modale des chansons
notées en écriture neumatique (neumes proprement dits et neumes
diastématisés des écritures romane et messine) que l'auteur tente ici
avec une méthode et une rigueur qui rendent ses conclusions d'ores
et déjà acquises à la science.
Les lecteurs français connaissaient les résultats des recherches de
M. J.-B. Beck par les publications plagiaires de M. Pierre Aubry
(cf. Annales dit Midi, XXII p. 1 13 et suiv.). Ce qu'ils ignoraient, c'est
le nom de l'auteur de la découverte et le travail opiniâtre qu'elle
lui a coûté En rappelant ici leur attention là-dessus, je ne fais que
payer un tribut de juste reconnaissance à l'auteur du plus important
livre sur la rythmique médiévale qui ait paru depuis l'étude de
M. Wilhelm Meyer (de Spire) sur le Ludus de Anlcchrislo .
Pour s'apercevoir de l'immense labeur que représentent Die Me-
lodien der Troubadours, il suffit d'en parcourir la première partie
(pp. 1-82) où est dressé l'inventaire détaillé des mss. étudiés par
l'auteur. On sait les controverses auxquelles donnait lieu, avant
M. J.-B. Beck, l'interprétation des divers systèmes de notation em-
ployés au moyen-âge. Les écritures qui marquent graphiquement la
valeur de durée de chaque note (notations mesurées) emploient les
mêmes signes que les notations antérieures, toutes issues de l'écri-
ture neumatique du haut moyen-âge. Dans l'écriture romane {nota
quadrata), ce sont des carrés munis ou non d'une queue et leurs
combinaisons (ligatures et conjonctures); dans ces dernières on
rencontre aussi des losanges, que les notations mesurées emploie-
ront également pour représenter les notes simples, non groupées.
Ce qui distingue les notations mesurées de la notation antérieure,
c'est la disposition différente des mêmes signes; pour nous en tenir
aux notes simples, les carrés munis de queue, les longe, y alternent
suivant certaines règles avec des carrés qui en sont dépourvus, les
breues, et des losanges, les semibreues, quand il y en a. Si l'on
considère qu'entre les mss. où cette régularité est observée stricte-
ment et ceux où elle ne l'est point, se placent des mss. intermédiaires
qui présentent des tentatives plus ou moins heureuses d'appliquer
les principes de la disposition régulière, on concevra combien il est
malaisé parfois de distinguer la notation mesurée de celle qui ne
l'est pas.
Cette difficulté n'est pas la seule. Le caractère non mesuré d'une
notatiou dûment établi, il se pose la question de son interprétation.
1 Ces transcriptions seront publiées dans un volume ultérieur.
210 COMPTES RENDUS.
Car si les traités de musique des théoriciens du moyen-âge nous don-
nent la clef de la notation mesurée, en expliquant par le menu la
valeur de durée qui revient à chaque signe suivant la place qu'il
occupe dans une période rythmique, ils ne donnent aucun renseigne-
ment analogue sur les notations où la distribution des longe oubreues
ne correspond à aucune formule rythmique fixe (modus). Les règles
des mensuralistes sur la valeur des longe et des breues (p. ex.
longa ante longam ualet tria temporà) s'appliquaient-elles néan-
moins à ces notations non mesurées ? Ou bien les chansons notées
de la sorte devaient-elles se chanter sur un rythme uniforme pour
toutes ces compositions ou bien encore sur le rythme libre du débit
déclamatoire, comme dans le plain-chant restauré par les Béné-
dictins de Solesmes ? Depuis cent ans les musicologues en dispu-
taient sans pouvoir se mettre d'accord. Pour y voir clair, M. J.-B.
Beck a fait d'abord table rase de toutes les théories, puis, s'inter-
disant toute spéculation abstraite, s'est mis à étudier attentivement
les mss. et à les comparer. 11 a commencé par dresser le catalogue
complet des mélodies provençales; les 259 compositions représentées
par 370 textes musicaux ne lui ayant pas paru fournir une base
suffisante à ses recherches, il a étudié un millier de mélodies fran-
çaises dans environ quatre mille copies. Comparant ensuite les
résultats de ce dépouillement formidable avec ce que lui avaient
appris les mss. des motets et des autres compositions polypho-
niques et les traités des théoriciens du moyen-âge, il a abouti aux
constatations suivantes :
1° Contrairement à la croyance générale, l'écriture mesurée n'est
pas réservée à la notation des compositions polyphoniques, et l'écri-
ture non mesurée à celle des compositions monodiques. Il existe des
motets dont la musique est écrite en notes non mesurées, comme il
y a des chansons monodiques dont la mélodie est notée d'après les
règles des mensuralistes. Bien mieux, une seule et même mélodie,
employée à la fois comme monodie et comme motet, se trouve écrite
en notes non mesurées dans le texte polyphonique et en notes
mesurées dans le texte monodique (2 exemples), sans parler des cas,
assez nombreux, où le même air, tout en conservant son caractère
monodique, est transmis à la fois par les copies mesurées et non
mesurées. Il suit de là que la notation mesurée ou non d'une com-
position est indépendante du caractère de cette composition, et que,
par conséquent, une différence de graphie n'implique aucune diffé-
rence musicale. Il convient de distinguer l'évolution de l'écriture
musicale de l'évolution de la rythmique musicale.
2° L'étude comparative de plusieurs copies non mesurées de la
même mélodie démontre que dans ce système d'écriture musicale
COMPTES RENDUS. 211
les notes n'expriment pas la valeur de durée des sons qu'elles repré-
sentent. En effet, si le profil de la mélodie est conservé fidèlement
dans les différentes copies du même texte (sauf l'ornementation plus
ou moins riche de certaines notes et les transpositions de la mélodie
dans une tonalité plus élevée ou plus basse), la distribution des
notes simples, pour ne parler que d'elles, en longe et b renés dépend
uniquement de la fantaisie du scribe. Il arrive même souvent qu'un
seul et même copiste le distribue différemment dans les deux reprises
de la même phrase musicale.
3° Tous les textes sans exception, dont le rythme est exprimé
graphiquement par les notes mesurées, qu'il s'agisse des composi-
tions polyphoniques ou monodiques, nous montrent qu'aux XI Ie-
XIVe ss., la musique n'employait qu'un nombre déterminé de for-
mules rythmiques fixes, de valeur ternaire, composées de deux ou
de trois éléments. Ces formules, que les théoriciens du moyen- âge
étudient longuement dans leurs traités sous le nom des modes, se
combinent avec une liberté relative dans les compositions polypho-
niques, mais emprisonnent très étroitement le mouvement rythmique
des monodies. Des six modes principaux et de toutes leurs variétés
que nous font connaître les théoriciens et les polyphonies, les textes
écrits en notes mesurées des chansons des troubadours et trouvères
n'emploient que trois: Ier mode : longue, brève; 2e mode : brève,
longue; 3e mode : longue parfaite (= pointée) suivie de deux brèves
dont la dernière vaut le double de la première; soit dans la mesure
uniforme de trois temps d'un quart de ronde : 1er mode: blanche,
noire, 2e mode : noire, blanche; 3e mode : noire pointée, croche,
noire simple. Et ces trois formules ne se combinent pas entre elles.
Le mode adopté est suivi, sauf rares exceptions, (jusqu'au XIVe s.
du moins), non seulement à l'intérieur de chaque phrase musicale,
mais encore dans la chanson entière, d'un bout à l'autre. La seule
infraction à ce principe rigide, si infraction il y a, consiste à faire
débuter une phrase d'un mode à deux éléments par une mesure
équivalente de trois éléments (trois noires en gardant notre échelle).
Ces trois constatations sont capitales et suffiraient, à elles seules,
à renouveler entièrement le sujet, en projetant une lumière défini-
tive sur un des plus obscurs chapitres de l'histoire de la musique
médiévale. En établissant la distinction entre l'évolution de la nota-
tion et l'évolution de la musique, M. J.-B. Beck fait sortir enfin la
musicologie de l'impasse où elle se débattait depuis un siècle, et pose
un principe méthodologique qui marquera une date dans l'histoire de
la science musicale, car ses applications fécondes ne se borneront
assurément pas à l'étude delà nota quadrata. En découvrant le
caractère modal du chant monodique au moyen-âge, il restitue à la
212 COMPTES RENDUS.
musique d'alors son unité et débarrasse la science du plus singulier
problème qu'elle se soit jamais posé. Au lieu de se demander pour-
quoi les six modes, inventés pour les soi-dis3nt besoins de l'art
harmonique, après avoir obsédé l'humanité pendant deux cents ans,
disparurent aussi mystérieusement qu'ils avaient apparu, on étudiera
comment la musique strictement modale du douzième siècle, dont les
origines feront l'objet des recherches distinctes, se désagrégea pro-
gressivement sous l'influence de l'art plus raffiné et rythmiquement
plus varié des compositions polyphoniques, pour aboutir à la liberté
absolue de la musique moderne.
Mais M. J.-B. Beck ne s'en est pas tenu à ces deux découvertes.
Romaniste en même temps que musicologue, et romaniste de l'excel-
lente école de M. Grceber, il a pu aborder le dernier et le plus ardu
problème que lui posaient les chansonniers écrits en notes non me-
surées. Les troubadours et les trouvères ayant rythmé leurs compo-
sitions dans trois modes différents, à quoi reconnaissait-on le mode
d'une chanson notée dans une écriture qui n'indiquait par aucun
signe graphique le mouvement rythmique de la mélodie? L'emploi
d'une notation spéciale, de la nota quadrala Ligala, qui sans être
mesurée est indicative du mode, dans les compositions sine littera,
sans paroles, livre à l'auteur la solution du problème. C'est la
structure rythmique du vers, du texte poétique, qui déterminait le
mode employé. Cette rythmique poétique, il fallait à M. J.-B. Beck
la dégager d'abord, puisqu'elle n'était pas encore connue. Je ne
puis malheureusement, faute de place, donner un résumé, même
succinct, des belles recherches que l'auteur a faites à ce sujet. Je
dois me borner à dire que l'étude de la structure des paroles des
chansons dont la musique est écrite en notes mesurées lui a révélé
qu'en principe, le choix du mode est déterminé à la fois par le nombre
des syllabes du vefe et la correspondance des accents toniques du
vers avec les temps forts ou faibles des mesures musicales. M. J.-B.
Beck n'a étudié la rythmique du vers roman qu'autant qu'il
était nécessaire pour établir les bases de la théorie de l'interprétation
modale des chansons des troubadours et trouvères. Il ne s'est donc
occupé que du vers provençal et du vers français, et dans ces limites
encore il a dû laisser de côté tout ce qui ne se rapportait pas direc-
tement à son sujet.
Mais si fragmentaire qu'elle soit, cette esquisse suffit pour nous
faire apercevoir que, faute de connaître le rythme du vers, nous
ignorions à peu près tout de la versification romane. C'est ainsi p.
ex. que nous apprenons qu'il faut distinguer entre le vrai décasyllabe
formant des périodes, avec ou sans césure, de dix syllabes du déca-
syllabe apparent composé de deux périodes de cinq syllabes séparés
COMPTES RENDUS. 213
par une pause, et qu'en général, pour la détermination du vers
employé, il y a à tenir compte non seulement des intervalles sylla-
niques séparant les rimes, mais encore de la structure rythmique des
périodes séparées par la rime. Ailleurs on nous prouve, à l'aide des
mss. pourvus de notation mesurée, qu'entre la césure ordinaire et la
césure lyrique la différence est insignifiante, la quatrième syllabe
étant toujours chantée sur un temps fort, sans aucun égard pour
l'accent étymologique. La césure est une césure, c'est-à-dire une
coupe et non une pause.
Ces citations, cueillies au hasard, me dispensent d'insister sur
l'intérêt que présente la théorie de l'interprétation modale, même
pour ceux des philologues qui ne se sentent aucun goût pour la mu-
sique. Il sera dorénavant impossible d'aborder l'étude de la versifi-
cation sans s'être préalablement familiarisé avec les principes de la
musique modale du moyen-âge. La musicologie peut être considérée
d'ores et déjà comme une des principales sciences auxiliaires de la
philologie, et il faut souhaiter que son enseignement se développe
et répande partout où l'on enseigne les langues romanes.
Dans ce compte rendu sommaire, je me suis abstenu de toute re-
marque critique. C'est que je n'en ai à présenter aucune, sérieuse
du moins. Assurément, on pourrait reprocher à l'auteur une ou deux
méprises matérielles dans l'étude des traités théoriques du moyen-âge
et trouver à redire sur la composition du livre, qui amène quelques
redites tranchant nettement avec la concision avec laquelle sont
formulées certaines propositions, qui, dans l'intérêt de la clarté,
demanderaient à être développées avec plus de détails. Mais ce sont
là des défauts inévitables dans une étude aussi difficile qu'est celle
de M. J.-B. Beck. Le seul reproche un peu grave, qu'on soit, sem-
ble-t-il, autorisé à lui faire, c'est le parti-pris avec lequel il a négligé
la rythmique latine du moyen-âge. La théorie du vers français que
révèle l'interprétation modale des chansons des troubadours et des
trouvères concorde, dans ses lignes générales, avec les principes de
la versification rythmique du moyen-âge, tels que les a établis
M. Wilhelm Meyer (de Spire). Quand on lit le livre de M. J.-B
Beck en ayant présente à l'esprit l'étude de Wilh. Meyer sur le
Ludus de A ntechristo, on sent que le fossé qui séparait la poésie
savante des clercs de la poésie en langue vulgaire est comblé. Cela
méritait d'être noté, d'autant plus que l'étude de la rythmique latine
aurait permis à l'auteur non seulement de faire une brillante contre-
épreuve de ses conclusions, mais encore de les compléter par quel-
ques précisions nouvelles. p]n s'abstenant d'utiliser l'étude de
M. Wdh. Meyer, l'auteur a, je le crains, payé un peu trop cher les
avantages que lui assurait sa méthode de n'interroger que les mss.
15
214 COMPTES RENDUS.
notés pour résoudre les multiples problèmes qui le préoccupaient.
Toute la deuxième partie du livre en a pâti.
N'exagérons pourtant pas la portée de cette critique. L'étude de la
rythmique latine permettra de compléter les résultats obtenus par
M. J.-B. Beck, mais elle ne les modifiera pas. Car la précaution
qu'il a prise de ne formuler aucune conclusion qui ne fût imposée
par les indications impératives de la notation mesurée des mss.
exclut toute chance d'erreur. On pourra perfectionner, dans les
détails, l'œuvre de M. J.-B. Beck, mais il est impossible de toucher
à ses parties essentielles. On peut dire de sa doctrine ce que
M . D. Toustain et D. Tassin disaient de l'œuvre du fondateur de la
diplomatique : « Son système est le vrai; quiconque voudra se frayer
des routes contraires à celles qu'il a tracées ne peut manquer de
s'égarer; quiconque voudra bâtir sur d'autres fondements bâtira sur
le sable. »
Jean Acher.
José FranCOS Rodriguez. — ElTeatro en Espaûa. MCMVIII. —
Madrid, Imprenla de « Nuevo Mundo ». 1 vol. in- 16, 248 pages.
Signalons ici brièvement ce livre intéressant et aimable. C'est
une chronique de théâtre espagnol en 1908. M. F. R..., qui siège
à la Chambre des députés et qui dirige un des plus grands journaux
de la péninsule, n'en trouve pas moins les loisirs nécessaires pour
fréquenter les théâtres de la capitale, et il consigne les impressions
qu'il en rapporte, dans d'alertes feuilletons que publie régulière-
ment à Buenos Aires El Dirai E&panol. L'idée de réunir en un
volume ces pages écrites au jour le jour a été suggérée à M. F. R...
par les lecteurs mêmes et par la direction de El Diario Espaîiul.
C'est qu'en effet aucun chroniqueur n'a x'éussi à rendre avec plus
de fidélité, de clarté et d'intérêt, le mouvement général et l'orien-
tation du théâtre espagnol contemporain. Avec l'aisance d'un vrai
journaliste, avec la décision d'un homme politique, mais aussi avec
la finesse d'un lettré, M. F. R... dégage dans chaque pièce soumise
à son verdict la thèse qu'elle expose, les traits de caractère qu'elle
renferme, les états de conscience qu'elle analyse. Il ne veut se per-
dre ni dans la minutie des détails, ni dans de vagues généralisations.
11 s'interdit également la raideur de la dissertation magistrale et
le désordre de la conversation : son livre est une suite de causeries,
si vivantes et si heureusement venues, qu'en lisant nous croyons
discerner, à travers le livre, le fin sourire et l'œil pétillant de
l'homme d'action qui les a écrites.
A la fin de son livre M. F. R... adressé le bilan du théâtre espagnol
COMPTES RENDUS. 215
en décembre 1908. Des statistiques qu'il a soigneusement établies nous
apprennent qu'en douze mois 414 œuvres nouvelles ont été repré-
sentées sur les théâtres de Madrid et 72 sur les théâtres de pro-
vince ; pour les écrire, il n'a pas fallu moins de 289 auteurs, parmi
lesquels 3 appartiennent au beau sexe. Hélas ! la qualité n'a pas
répondu à la quantité, et je regrette un peu que M. F. R... n'ait
pas ajouté une statistique à toutes les autres, celle des pièoes dont
les sifflets du public n'ont pas laissé achever la représentation.
Souhaitons-lui du moins qu'il trouve les années prochaines un plus
grand nombre de pièces dignes de sa critique, et souhaitons-nous
à nous-mêmes que M. F. R... s'emploie pendant longtemps à écrire
ces annales du théâtre espagnol contemporain. Nul ne saurait s'ac-
quitter de cette tâche délicate avec plus de compétence et de
talent.
H. M.
Eduardo de Huidobro. — Pobre lengua! Catâlogo en que se in-
dican mas de cuatrocientas voces y locuciones incorrectas hoy
comunes en Espafia. Segunda ediciôn (corregida y aumentada).
— Santander. Imp. de « La Propaganda Catôlica ». 1908.
1 vol. petit in-8°, xv-193 pages.
.M. E... a déjà témoigné de l'attention qu'il prête à l'étude du
langage, par la publication d'un opuscule intitulé Palabras, giros
y bellezas del lenguaje popular de la Montana, elevado por Percda
d la dignidad Je! languaje cldsico espanol. Nous regrettons de ne
le connaître que par référence, car le titre seul nous le rend sym-
pathique. — Aujourd'hui M. H... nous donne la seconde édition du
petit livre auquel il a mis une épigraphe bien significative. Pauvre
langue ! Il prétend, en effet, dans ce travail, venger la langue cas-
tillane des affronts que les novateurs et les ignorants (ceux-là encore
plus dangereux que ceux-ci) lui font quotidiennement subir. Il ne
veut pas seulement la venger, il veut encore la préserver, et pour
cela il dispose son ouvrage sous la forme d'un dictionnaire des
locutions, mots et tours vicieux, qu'il suffira aux puristes de feuil-
leter pour connaître aussitôt les limites de ce qui leur est permis et
do ce qui leur est défendu. M. H... a donné à son recueil un tour
purement pratique : il ne s'est guère inquiété des travaux de ses
devanciers, car, s'il nomme Baralt et le P. Mir, il paraît ignorer
D. José-Rufini Cuervo et ses Apuntaciones criticas sobre el lenguaje
bogotano ; il ne s'est pas davantage préoccupé de justifier par l'his-
teire ou le raisonnement les arrêts qu'il rend sur la légitimité ou
l'illégitimité de certains mots. Sa grande règle paraît être l'usage
-'ÎG COMPTES RENDUS.
des honnêtes gens, et sans doute entend-il par là son usage par-
ticulier. Empressons-nouB de reconnaître que .M. 11... ne manque
ni de discernement ni de lecture : et le zèle qu'il met à pourchasser
le gallicisme, rend son modeste recueil particulièrement utile aux
hispanisants français. Aussi bien vaut-il mieux que M. H... se soit
gardé de la théorie pour s'en tenir à la pratique ; car, lorsqu'il
s'essaie à des généralités, comme par exemple dans son Prologue,
OÙ il opine que les Espagnols écrivent d'autant plus purement qu'ils
sont plus « cléricaux », nous avons le regret de ne pouvoir le suivre.
H. M.
F, Vézinet. — Molière, Florian et la littérature espagnole. —
Paris, Hachetle, 1909. 1 vol. in-16; 254 pages.
M. Vézinet, après nous avoir donné sur le roman contemporain
une étude de littérature espagnole, publie aujourd'hui sur les rap-
ports de la France et de l'Espagne au xvme siècle, une étude de
littérature compaiée. Le volume actuel a suivi l'autre à bref inter-
valle : de là, sans doute, dans la rédaction quelques longueurs et
négligences, qui auraient disparu avec plus de loisir (1).
Le titre adopté par M. V... est un peu obscur et inexact. En
réalité le livre comprend deux parties qui n'ont entre elles aucun
lien. La première, qui est aussi la plus importante (p. 11-178).
t îaite de Moratin et de Molière, c'est-à-dire des emprunts que le
dramaturge Moratin a faits à notre Molière vers la fin du xvm°
siècle ; l'autre est un examen des dettes que Florian le fabuliste a
contractées envers l'espagnol Iriarte (p. 179-252). Des deux Espa-
gnols en cause, l'un a imité, l'autre a été imité ; ils vivaient néan-
moins à la même époque, ils appartenaient au même milieu, tout
imprégné de culture française. Cette double circonstance induit
M. V... à déclarer que les essais qu'il publie sont à la fois « diver-
gents et convergents ». L'unité de son livre se réduit à la symétrie
da ces deux épithètes.
Que Moratin ait imité Molière, que Florian ait imité Iriarte,
c'est ce que les intéressés ont été les premiers à proclamer. Maie
encore, comment s'y sont-ils pris ? M. V... l'établit fort diligem-
ment. Il a dressé une liste très complète, très méthodique, des
emprunts de Moratin et de Florian. Il montre, par exemple, qu'en
ce qui concerne l'intrigue, Moratin, dans une seule de ses pièces,
(1) Par exemple, p. 31, « tous les agudezas du cultisme ».
Agudeza est incontestablement du féminin.
COMI'I I - Et] \M s. 217
mêle ou plus précisément contamine plusieurs comédies de Molière,
et que semblablement, en ce qui concerne les caractères, il combine
en un seul plusieurs personnages créés par son modèle. Toute cette
étude des sources moliéresques de Moratin est la partie solide du
travail de M. V... : elle m'a paru judicieuse et riche.
Mais il ne suffisait pas de disposer symétriquement sur deux
colonnes parallèles, d'un côté, le texte du modèle, de l'autre, le
texte de l'imitateur : cette confrontation ne présente d'intérêt que
si elle nous éclaire sur les intentions qui poussaient Moratin à
imiter et sur son talent personnel. Là-dessus, il faut l'avouer,
M. V... n'est pas toujours un guide parfaitement sûr. Il a bien
vu que. si Moratin imite Molière, c'est pour échapper par les bien-
faits de cette imitation à l'anémie et aux désordres organiques dont
souffrait le théâtre espagnol de ce temps : mais sur cette anémie.
sur ces désordres, il ne nous apporte aucun renseignement de pre-
mière main, rien que des assertions banales qui traînent un peu
partout depuis que Sehack les a émises ; il ne s'est pas rendu
un compte exact des conditions dans lesquelles Moratin a entrepris
de réformer le théâtre de son temps, et à vrai dire, comment s'en
serait-il rendu compte ? M. V.... qui consacre à Moratin une étude
de près de deux cents pages, paraît ignorer les trois énormes volu-
mes des Œuvres posthumes de Moratin (Madrid, 1867-1868): il
y aurait trouvé, partiellement reproduite, une correspondance fort
instructive, ainsi que des brouillons, des projets, des ébauches,
des préfaces, et généralement tous les fonds de tiroir de l'hon-
nête Moratin ; il aurait pu, grâce à ces documents, replacer l'homme
dans son milieu, et il y aurait été aidé, s'il les avait connus, par
les articles si pittoresques et si documentés que M. Juan Pérez de
Guzmân a consacrés dans la Ilustraciôn espt »ola y americana, à
l'histoire extérieure des comédies de Moratin et qui nous font saisir
sur le vif les impressions des spectateurs de la première (janvier-
février 1906).
Insuffisamment renseigné sur l'époque, 51. V... était mal à l'aise
pour apprécier l'œuvre. Je crains que le lecteur français ne prenne
chez lui qu'une idée vague ou même inexacte de Moratin. Tantôt,
en effet. 51. V... déclare que Moratin, comme Molière, oblige « le
spectateur à réfléchir et à méditer, parfois douloureusement » (p.
133) : tantôt il assure qu'à passer en revue les différents person-
nages créés par lui « on égrène une gamme d'éclats de rire »
(p. 135) : c'est éloigner, en sens contraires, de ce qui paraît être
la vérité, et M. V... lui-même semble en avoir eu conscience lors-
que, rectifiant spontanément, il insiste sur cette « discrétion »
(p. 172), qui semble la caractéristique principale de Moratin. Rien
218 COMPTES RENDUS.
dî plus sage, rien de plus tempéré que le talent de cet honnête et
laborieux écrivain : nul plus que lui n'a fui les extrêmes du pessi-
misme ou de la grosse gaieté. Et c'est peut-être pour cela, par dif-
férence de tempérament, par incompatibilité d'humeur, plus encore
que par inégalité de génie ou de fortune, qu'il a échoué dans ce ma-
riage de raison tenté par son initiative, entre le théâtre espagnol de
son temps et la muse moliéresque.
M. V... a voulu étendre ses deux études au delà des écrivains
qui en sont l'occasion, et il nous en a averti par deux sous-titres :
à propos de Moratin, il a prétendu esquisser l'histoire de Molière en
Espagne; à propos d'Iriarte, il s'est appliqué à traiter de la fable
littéraire. II prouve donc (p. 208 sq.) que la fable littéraire, loin
d'avoir été inventée par Iriarte, remonte à La Fontaine, ou même
à Horace : et quoique cette démonstration témoigne d'une compo-
sition un peu lâche dans une étude consacrée aux imitations
d'Iriarte par Florian, elle a du moins cet avantage de justifier le
sous-titre. Il n'en va pas de même dans la dissertation sur Mora-
tin : j'y ai bien trouvé des renseignements, d'ailleurs sommaires,
sur la fortune des œuvres de Molière en Angleterre, en Allema-
gne, en Danemark, en Italie, dans les Flandres, en Pologne, en
Russie, mais rien ou presque rien sur ce qu'il est advenu d'elles
en Espagne; n'était-ce point ceci, cependant, qu'on nous avait fait
espérer? Ce n'est pas que M. V... s'interdise les digressions; il
y en a plusieurs dans son livre, et de longueur respectable ; toutes
sont relatives à Molière ou à notre théâtre national, comme si sur
ce terrain purement français M. V... s'avançait avec plus de plaisir
(p. 35-42, l'intrigue chez Molière ; p. 75-78, le personnage d'Alceste ;
p. 111-119, valeur morale du théâtre de Molière ; p. 151-153. un
procédé comique de Molière ; p. 159-171, le scatologique et le ster-
coraire au temps de Molière, etc., etc.).
M. V..., nous aimons à le supposer, se prépare dans le silence du
cabinet à s'enrôler dans le groupe dés hispanisants français. Les
deux volumes qu'il a publiés, ce sont les esquisses et ébauches de
son initiation, et sans doute s'il les publie, c'est pour qu'on ne lui
reproche pas plus tard une préparation trop brève. Cet entraîne-
ment persévérant, les titres académiques de M. V... et la bonne
opinion qu'ils inspirent de lui, font espérer de lui une œuvre encore
plus approfondie et encore mieux informée que celle d'aujourd'hui.
Henri Mérimée.
COMPTES RENDUS. 219
Camille Monnet. — Projet de bibliographie lamartinienne fran-
çaise-italienne. Lettre Préface de Charles Thuriet. Turin, Lattes,
1909. Un vol. in-8" de 129 p.
M. Monnet annonce, dans son Avant-Propos, qu'il se propose de
faire une étude générale sur les rapporte de Lamartine avec l'Italie,
qui ne lui paraissent pas encore bien définis. Cette étude sera la
très bien venue. Car il y a certainement encore beaucoup de nouveau
à dire sur les rapports de Lamartine avec l'Italie. C'est d'ailleurs
ce que laisse pressentir une curieuse découverte dont M. Thuriet
nous fait part dans sa, préface : le fameux Papillon de Lamartine
(Naître avec le printemps, mourir avec les roses), pièce que nous
ivone tous apprise par cœur dans notre jeunesse, est à peu près tra-
duit d'une odelette de Malfei, l'auteur de Mérope (Nasce et muore
colle rose). — En attendant de nous donner l'étude qu'il a entre-
prise, M. Monnet nous offre une bibliographie lamartinienne qu'il
qUalifie dé française-italienne. Le sens de ce qualificatif est un pen
obscur. M. Monnet veut-il dire qu'il citera seulement les ouvrages
écrits en France et en Italie sur Lamartine? Non, puisqu'il cite
des ouvrages écrits en Allemagne. Veut-il dire qu'il citera les ou-
vrages nécessaires ou utiles pour étudier la question des rapports
de Lamartine avec l'Italie? Je le pense, mais bien des travaux
qu'il cite ne me paraissent pas intéresser cette question. C'est
donc, en somme, une bibliographie lamartinienne, sans épithète,
qu'il nous offre. Elle rendra des services. On y trouvera indiques.
notamment, des travaux italiens peu connus en France, et des arti-
cles italiens sur des livres français consacrés à Lamartine : pour
savoir ce que l'Italie pense du poète, on doit, en effet, connaître
l'accueil qu'elle fait aux livres dont il est l'objet.
Joseph Vianey.
Hugues Vaganay. — Les Amours de P. de Ronsard Vandomois
commentées par Marc Antoine de Muret. Nouvelle édition publiée
d'après le texte de 1578 et précédée d'une préface par Joseph
Vianey. Tome I. Paris, Champion, 19 1 0. Un vol. petit in-4° de
liv-515 p.
Cette nouvelle édition du livre I des Amours reproduit le texte
de l'édition de 1578. Avec les variantes, on pourra reconstituer inté-
gialement le texte de l'édition princeps de 1552; celui de l'éditi m
de 1553, où parut le commentaire de Muret ; celui des éditions de
1567 et de 1571-1572 ; celui de l'édition de 1587, publiée après la
220 COMPTES RENDUS.
mort de Ronsard, par ses exécuteurs testamentaires; celui de l'édi-
tion de 1604. intéressante par tout ce qu'un commentateur inconnu
ajouta aux notes de .Muret sur les sources des Amours. Il est re-
grettable que M. Vaganay n'ait pas pu avoir encore l'édition de
1560, première édition collective des Œuvres de Ronsard'; mais
cell«j de 1567 s'en rapproche beaucoup. Il est regrettable aussi qu'il
n'ait pas eu l'édition de 1584, dernière édition collective publiée par
Ronsard lui-même ; mais on a le texte de celle-ci dans Marty-La-
veaux. Telle qu'elle est, l'édition Vaganay offre une base excellente
pour étudier les corrections que Ronsard apporta à son texte et les
commentaires qui l'illustrèrent. Or, cette étude est du plus haut
intérêt : elle en apprend long sur les variations de la langue et du
goût de Ronsard, comme sur l'étendue et les limites ue la science
de Muret, l'un des représentants les plus typiques de l'érudition
au xvi' siècle. — Le volume de M. Vaganay est magnifique : le
papier, le caractère, le format, rappellent les belles impressions
d'autrefois. Le nouvel éditeur de Ronsard a fait preuve du goût
1» plus délicat en présentant le texte de son poète d'une façon qui
s'harmonise si bien avec lui. — De grandes commodités ont été
ménagées aux travailleurs : les variantes du texte ont été placées
autant que possible sur la page même où le texte se lit ; une ligne
spéciale a été consacrée à chaque variante, précédée du numéro du
vers ; chaque sonnet a reçu un numéro d'ordre placé entre [ ] ; le
numéro du sonnet est reproduit en haut de la page, du côté opposé
au numéro de la page ; il est donc aussi facile de faire des recher-
chées dans ce volume que d'y étudier le texte.
Joseph Vxaney.
Lage F. W. Staël von Holstein. — Le Roman d'Athis et Pro-
philias, Etude littéraire sur ses deux versions (thèse pour le
doctorat). Upsal, 1909.
L'auteur, qui avait déjà (Stockolm, 1908) étudié le poème à divers
points de vue, a repris son travail en sous-œuvre et approfondi les
questions importantes que soulève cette œuvre complexe. D'accord
avec M. A. Hilka, qui prépare depuis plusieurs années une édition
critique du texte pour la Geselhchnft fiir romanische Literotur, il
a volontairement limité sa tâche. A l'aide du manuscrit de Stockholm,
mss., et de l'édition de M. Borg, qui se limite à la première partie,
il a fouillé particulièrement les questions de sources et d'attribution.
Il a voulu cependant, pour une partie qui lui paraissait, et avec
raison, plus digne d'intérêt, la description de la tente de Bilas. don-
COMPTES RENDUS. 22 I
ner. sinon une édition critique, ce qu'il s'était interdit, du moins
une édition avec variantes, dont la base i si le manuscrit de Saint
Pétersbourg. Ce manuscrit, il est vrai, a subi quelques corrections
indispensables, mais on ne peut s'empêcher de regretter que l'éditeur
n'ait pas donné de préférence, au lieu d'un texte lorrain de graphie
d'ailleurs bizarre, relui, plus correct et plus facile à lire, que lui
fournissait le manuscrit B. N. fr. 794, dont le dialecte (est de l'Ile
de France ou ouest de la Champagne) est très rapproché de celui
de l'auteur, s'il ne le représente pas exactement. Même sans l'addi-
tion île variantes, ce texte aurait été plus satisfaisant.
Cette réserve faite, on ne peut que louer l'érudition 'le M. von
Holstein. le soin avec- lequel il scrute son texte dans les plus petits
détails et les rapprochements aussi exacts que nombreux qu'il fait
d'Athis avec les romans imités de l'antiquité, Thèbes, Troie et
VEnéas. Ce qu'il y a de plus original dans son travail, c'est la
comparaison des deux rédactions, ou plutôt la mise en relief du
manuscrit de Tours, passée jusqu'ici à peu près inaperçue, et qu'il
considère avec raison, selon nous, comme primitive, parce que plus
simple et plus logique que la vulgate, comme on va le voir. Elle
s'en différencie à partir du portrait de Gaieté, peu après le commen-
cement de la deuxième partie, et raconte désormais des événements
en grande partie différents. Le roi de Sicile, Bilas, vient, il est vrai,
réclamer sa fiancée Gaieté, mais il n'est vaincu par les deux amis,
Athis et Prophilias, qu'après qu'Athis a été emmené prisonnier par
lui. Celui-ci avait d'ailleurs bien mérité des Romains en triomphant
du roi d'Egypte Frolles, qui était venu attaquer Romulus, roi de
Rome. Quand Athis a épousé Gaieté, sœur de Prophilias, il retourne
à Athènes (3' partie) et trouve son frère mort et ses domaines
usurpés par le duc Lides, son cousin, à qui il n'a pas de peine à les
reprendre. Cette dernière partie est, comme on sait, bien plus
compliquée dans la Vulgate, qui introduit de nouveaux personnages
empruntés à l'épopée antique, Theseus et son fils Piritheus, tous
deux amoureux de Gaieté. Ce dernier déclare follement la guerre à
son voisin Télamon et à son fils Ajas, uniquement pour plaire à
celle qu'il aime, et, chose étrange, est aidé par Athis et son ami :
c'est la courtoisie poussée à l'absurde. Blessé à mort, il prie son
père de donner sa sœur Allemandine ta Prophilias. dont la femme,
Cardyonès, est morte de saisissement en apprenant la fausse nou-
velle de la mort de son époux. Bilas, dont Télamon avait sollicité
et obtenu l'appui, renonce à Gaieté et épouse Savine, sœur d'Athis.
dont le père, Savis, est encore vivant. Comme on le voit, c'est
beaucoup plus compliqué et l'intérêt n'y gagne rien.
La Vulgate peut donc être considérée comme un remaniement de
252 COMPTES RENDUS.
la deuxième et de la troisième parties telles que les donne le manus-
crit de Tours. Elle se distingue de la première rédaction, non seule-
ment par le développement et la complication de l'intrigue, mais
encore par une imitation beaucoup plus marquée des procédés chers
à l'épopée antique, description de merveilles artistiques (1), psycho-
logie raffinée de l'amour, etc. Dans cette imitation systématique des
trois poèmes qui depuis un demi-siècle se partageaient la faveur
publique, nous relevons deux traits qui ont échappé à M. von Hols-
tein. Quand Piritheus blessé à mort est transporté à Athènes sur
l'écu de Prophilias par quatre chevaliers qu'accompagne Athis, C'ar-
dyonès, qui regarde la bataille du haut des murs, demande à un
sergent qui l'on emporte ainsi, et celui-ci. trompé par les armoiries
du bouclier, avant répondu que c'est Prophilias, Cardyonès tombe
morte. De même, d'ans le Roman de Thèbes, Ismène s'évanouit en
voyant rapporter ainsi vers la ville un blessé que son cœur lui dit
être Aton (Ates), bien qu'il n'y ait aucune preuve positive. D'autre
part, le même Piritheus demande qu'on ne lui ôte pas le fer de
lance, dont l'enlèvement doit causer sa mort, jusqu'à ce que son
père lui ait promis de marier sa sœur Allemandine à Prophilias,
qui vient de perdre sa femme Cardyonès : il en est de même, dans
Troie, de Deïphebus, qu'à blessé à mort Palamède et qui ne veut
mourir qu'après avoir été vengé par Paris.
M. von Holstein, contrairement à l'opinion commune, distingue
l'Alexandre auteur d'Athis et Prophilias d'Alexandre de Bernay,
l'auteur d'une partie du Roman à" Alexandre en vers de 12 svllab°s.
Le vers 9 du poème, Ne fu pas sage-? de clergie, lui semble confirmé
par la façon simple dont la matière est traitée dans la première
/edaetion, et il fait remarquer que, dans l'épilogue du manuscrit
de Tours, qui nous l'a conservée, Alexandre se nomme encore deux
fois, sans aucune addition. Ce qu'il y a de certain, c'est que rien,
dans le ton d'Athis et Prophilias, ne rappelle le Roman d' Alexandre.
Terminons par quelques critiques de détail : P. 30, le vers est-
mal corrigé : au lieu de Qui tous jours est aprise de guerre (manus-
«rit a pris de g.), il faudrait [a] apris de g. — - P. 51-2. C'est sur-
tout pour l'identification des noms de lieux qui sont groupés ici
que l'absence d'une édition critique est à regretter. — P. 54-5. La
plupart des noms grecs attribués à l'influence des Croisades sont
simplement des emprunts à Troie, comme Amagoras (cf. Herma-
goras, l'un des Bâtards), Glaucus. Menesteiis, Thoas, etc., ou à
(1) Voyez en particulier la longue description (elle n'a pas moins
de 480 vers) de la tente du roi Bilas, donnée par la reine Candace
à Alexandre.
COMPTES RENDUS. 223
Thèbes, comme Theseus, duc d'Athènes, et Dorilas (un des Cinquante
qui assaillirent Tydée). — P. 60. C'est à tort que Thèbes, v. 6401
(D'amer beivre le monde abeivres), es! cité comme exemple de
l'emploi de beivre au sens de breuvage amoureux : c'est à la Mort
que s'adresse Ismène. — P. 93. M. von H... n'admet pas l'opinion
exprimée par m<>> ;1 v a vingt ans que Athis serait Y Athes du
Roman de Thèbes (l'Atys de Stace, VItis du Donnei des Amant*),
t c,ii. dit-il, Alexandre ne fait pas preuve d'une connaissance un
peu poussée de ce roman; si l'on considère, par contre, qu'Athis
apparaît dans plusieurs noms de lieux anciens (Athis-sur-Orge, dont
on connaît le traité en juin 1305, Athis-Orne, Athis ilons, etc.), on
voit que ce nom fut un nom déjà connu de bonne heure en France ».
Outre que Athis-sur-Orge et Athis Mons n'en font qu'un, il n'y a
qu'un village de ce nom dans la Marne, et deux hameaux, l'un dans
Seine-et-Marne et l'autre dans le Calvados: le nom n'est donc pus
tellement répandu. D'ailleurs, quelle nécessité y avait-il d'aller
prendre un nom de lieu pour en affubler le héros du poème? L'an
teur n'avait pas besoin d'une connaissance bien approfondie de
Thèbes pour aller y prendre le nom d'un personnage dont le rôlo
est des plus intéressants. Et M. von H. a montré lui-même, par
de nombreux rapprochements, que l'auteur d* Athis connaissait, non
pas un résumé en prose du Roman de Thèbes, mais le poème lui-
même.
LÉOPOLD CONSTANS.
Philologische und Volkskundliche Arbeiten Karl Vollmœller
zum 16. Oktober 1908 dargeboten von G. Baist. K. Gruber, etc..
hgg. voq Karl Reuschel und Karl Gruber. Erlanyen, Fr. Junge,
1908. 400 p. gr. in-8«.
Le nom de Karl Vollmœller est bien connu de tous ceux qui
s'occupent de philologie romane : c'est l'éditeur actif de deux gran-
des publications: les Romanîsche Forschungen et le Kritischer
Jahresbericht iiber die Fortsehritte il"r romanischen Philogie (An-
nuaire critique des progrès de la philologie romane). Nous n'oublions
pas non plus, dans cette revue, qu'il prit à sa charge, dès le premier
moment, la publication des Mélanges Chabaneau. Un certain nombre
de ses amis lui ont offert un hommage du même genre. Voici la liste
des articles qui composent ces Mélanges, avec quelques observations
sur ceux d'entre eux qui peuvent intéresser plus spécialement nos
lecteurs.
P. 1-37. Max Hofler. der Wecken. Recherches très curieuses
224 COMPTES RENDUS.
de folklore sur les formes du « petit pain » en Allemagne et sur
leur origine: quatre cartes donnent 84 variétés de ces Wecken:
plusieurs ont une forme phallique très caractérisée.
P. 40-49. A. Wagner. Six lettres de Lavater au pasteur Mettent
à Osnabriick.
P. 51-60. A. Varnhagen. Trois notules italiennes. 1. Une version
inconnue de la nouvelle du mari confesseur de sa femme: elle se
trouve dans un volume imprimé à Venise en 1561, que M. Varnhagen
possède et qui provient de lu bibliothèque de Graesse. 2. Sur les
édition du Fiore des virtù, 3. La prise de Milan par l'armée impé-
riale et papale le 19 novembre 1521.
P. 61-74. J. Pinson. « Quomodo » en latin vulgaire. M. P.
relève dans le latin des premiers siècles de l'ère chrétienne de nom-
breux exemples de quomo pour quomodo; exemples de l'emploi de
quomodo et pour expliquer la forme corne, comrru (ital. -français) ;
quomo ne pour expliquer l'it. prov. coma, me paraît plus vraisem-
blable que quomo(do) et pour corne (e me paraît être d'origine
romane et non latine). L'article se termine par d'intéressantes re-
cherches sur la syntaxe de quomodo dans les textes de latin vul-
gaire.
P. 75-81. H. Urtel. Sur l'agglutination de l'article dans les
dialectes français. Exemples empruntés principalement aux parlers
de l'Est.
P. 83-98. B. Schaedel. Sur le développement de la finale a dan*
V Ampurdà. Observations très fines faites sur le terrain par un
catalaniste qui est en même temps un habile phonéticien ; le plus
intéressant, dans cet article, est peut-être de retrouver dans un
document du XIVe siècle les traits phonétiques que des oreilles
exercées n'observent aujourd'hui qu'avec difficulté.
P. 99-104. H. Suchier. Chartes françaises de Tournus (1292). Le
plus ancien document des archives de Tournus ; malheureusement
le texte offre peu de traits bourguignons.
P. 105-111. A. Stimming. L'infinitif tira- la proposition pour en
français. Classification des différents emplois et histoire de leur
développement ; on pourrait discuter sur quelques exemples de la
langue moderne, mais c'est en somme un bon chapitre de syntaxo
historique.
P. 113-129. M. Tavernier. Sur un terminus ante quem de la
Chanson de Roland. Pénétrant article de l'auteur de la Vorgeschichte
de la Chanson de Roland. Il y établit que les ressemblances entre
le poème et YHistoria lerosolymitana de Baudri, archevêque de
Dol, sont trop nombreuses pour être dues au hasard : Baudri con-
naissait la Chanson de Bo/and en 1108: tel est le nouveau terminus
ante quem établi par M. Tavernier.
COMPTES RENDU?. 225
P. 131-139. Ed. Wechssler. Un catéchisme de l'amour en ancien
j m lirais: les Voulleurs d'amour. Texte intéressant pour l'histoire
littéraire, peut-être contemporain d'André le Chapelain; se trouve
dans un manuscrit de Paris contenant le roman en prose de Tristan.
P. 141-155. E. Stengel. Li mariage de Girbert de Metz an* la
filh du roi Von et le baptême des deux fils '/'/■'ruant (publié pour
la première t'ois d'après 14 manuscrits).
P. 157-185. W. von Zingerle. Pour le roman de la Dame à la
Lycorne et du Biau Chevalier (Roman de 8492 vers, manuscrit
du XIVe siècle). M. v. Zingerle donne une analyse détaillée de ce
roman d'aventures, étudie quelques-unes de ses sources et publie le
texte des 23 poésies lyriques intercalées dans le roman.
P. 187-204. R. Zenker. Raimbaut de Vaquai ras et l'empereur
Ali ris IV de Constantinople. La plupart des provençalistes admet-
tent que l'empereur auquel R. de Vaqueiras adresse sa pièce Conseil
don à l'emperador est Baudouin I : M. Z. est d'avis qu'il s'agit
d'Alexis IV. Les textes cités par M. Zenker prouvent bien qu'Alexis
IV avait promis son concours à la croisade et que l'on comptait sur
lui ; tout en avouant que le sirventés peut se rapporter à Baudouin,
M. Zenker, après une discussion très serrée des arguments présentés
par M. Lewent, maintient son point de vue.
P. 205-221. L. Jordan. Antoine de la Sale et le Petit Jehan de
Saintré. Jordan insiste sur la valeur littéraire du roman, surtout
dans la deuxième partie, qu'il appelle « ce que la prose française a
produit de plus génial avant Rabelais ».
P. 223-226 H. Schneegans. Henriette dans les Femmes Savantes.
Insiste sur l'esprit de repartie d'Henriette et sur le ton méprisant
et sarcastique de ses réponses. Est-ce parce que le rôle était tenu
par la femme de Molière, ajoute M. Schneegans?
P. 227-249. H. Heiss. Henri de Régnier.
P. 251-265. G. Baist. Vega et Nava. Il n'est guère facile de
résumer cet article plein de discussions et de faits. M. Baist ne
partage pas l'opinion de M. Schuchardt sur l'origine de vega, qui lui
paraît être d'origine hispano-celtique (ibérique), ni de nava, que
M. Schuchardt veut dériver de navis, et que M. Baist considère
comme un mot celtique, importé probablement en Ibérie ; à la
suite, remarques sur les dérivés de nauda, nauca.
P. 267-286, A.-L. Stiefel. Lope de Vega et la comedia « El nuevo
Pitàgoras ». Schack, qui a été le premier à parler de cette comedia,
n'aurait pas eu la pièce entre les mains, mais il aurait emprunté
l'analyse qu'il en donne à un petit volume français, intitulé Théâtre
Espagnol, et publié à Paris en 1738. La démonstration de M. Stiefel
est tout à fait concluante. La pièce attribuée à Lope de Vega dans
226 COMPTES RENDUS.
le Théâtre espagnol serait d'ailleurs l'œuvre de l'éditeur de ce der-
nier recueil (Duper ion de Caôtéra).
P. 287-294. G. Hartmann (Notes de Métrique rétoromane). P.
294: traduction rétoromane de la première strophe de Magali.
P. 295-370. K. (ii uber. Noms de lieux prégermaniques dans la
Bavière méridionale. Importante étude de toponomastique, un des
morceaux de résistance du recueil. M. Gruber étudie d'abord les
noms préoeltiques (vénètee, rétiques, noriques), puis Les noms celti-
ques (neuves et villes), enfin les noms d'origine romaine et romane
(ces derniers très nombreux).
P. 371-389. K. Reuschel. La légende de « l'enchantement d'a-
mour » de Charlenvagne dans la poésie moderne. Revue critique des
poésies (principalement allemandes) qui ont pour sujet la légende
de l'anneau de Fastrade (jusqu'à Gerhardt Hauptmann, 1908).
F. -S. Krauss. « Les fleurs naissent sous les pas des plus jolies
femmes ». Savante causerie folkloristique.
J. Anglade.
Franz Rechnitz. — Prolegomena und erster Teil einer kritischen
Ausgabe der Chançon de Guillelme. Bonn, Eisele, 1909. vm
-f- 105 p. in -8°.
La partie la plus considérable de ce travail (qui est une thèse de
Bonn) est un essai de reconstruction des mille premiers vers (1001
exactement) de la chanson de Willame. Ce texte, dont la découverte
a surpris agréablement, il y a quelques années, les romanistes,
nous est parvenu sous une forme assez corrompue. Il était tout
indiqué pour servir d'exercices de séminaire, comme on en fait
dans les Universités allemandes, et les deux réimpressions qu'a dû
en faire M. G. Baist prouvent que ce texte a été longuement étudié
dans la plupart de ces Universités. L'essai de reconstruction qu'on
nous donne ici paraît fort réussi et est accompagné de notes inté-
ressantes. Il serait à désirer que l'auteur, qui s'est déjà occupé de
ce texte, en donnât une édition complète accompagnée des notes et
surtout du dictionnaire géographique nécessaire. Deux Anhânge
terminent ce travail : le premier, qui est le plus important, est
consacré à démontrer que les autres chansons de geste du groupe
de Vivien renvoient à la chanson de Willame et que cette dernière
seule peut nous aider à retrouver le célèbre champ de bataille de
Larchamp (placé dans la Mayenne par M. Suchier et non plus aux
Alyscamps) (1). J. Anglade.
(1) Cf. maintenant Annales du Midi, 1910, I.
COMPTES RENDUS. 227
Frederik Bliss Luquiens- — The Reconstruction of the Original
Chanson de Roland. (Extrait des Transactions of the Conneclicut
Academy of Arts an l Sciences, vol. XV, July, 1909, p, 111-136).
Nouvelle contribution à l'étude du problème posé depuis long-
bemps. L'original de la Chanson de Roland, dit l'auteur, était un
poème parfaitement composé (of marked and consistent technical
excellence). Partant de ce point de vue, qu'il considère comme inat-
taquable, M. Luquiens trouve que le texte d'Oxford est d'une
cohérence et d'une unité parfaites, si l'on fait abstraction de l'épi-
sode de Baligant et des fautes dues aux copistes. L'auteur annonce
d'autres articles sur le même sujet. Quelle que soit la valeur objec-
tive de cette étude, on ne peut nier que l'auteur conduit sa dis-
cussion avec beaucoup de vigueur.
J. Anglade.
C. de Bœr. — Philomena... par Chrétien de Troyes; publié d'après
tous les manuscrits de l'Ovide Moralisé. Paris, Geuthner, 1909.
cxx-192 p. in-8°.
Le Philomena de Chrestien de Troyes fut retrouvé par Gaston
Paris dans l'immense compilation de l'Ovide moralisé: M. de Boer
nous donne ici une édition critique des 1468 vers dont se compose ce
poème narratif. L'édition est précédée d'une copieuse introduction
où sont étudiés les divers problèmes qui se rattachent à ce texte.
Et d'abord est-ce bien là le conte auquel fait allusion Chrestien de
Troyes, dans les premiers vers de Cligès? C'est sur ce point que
porte l'étude de M. de Boer. Cette étude est fort claire et assez
concluante. L'auteur en a résumé les principaux traits à la fin de
chaque chapitre, et plus spécialement dans les pages cv-cvn.
L'étude de la phonétique, de la morphologie, de la versification, de
la syntaxe, du style, nous montre que ce poème est tout à fait dans
la manière de Chrétien. (Pour la syntaxe, à vrai dire, l'auteur nous
paraît s'être contenté trop facilement, il n'a étudié à fond que
« l'infinitif pur ou prépositionnel après un verbe » ; ce choix est un
peu « arbitraire », comme il le reconnaît p. lvii ; mais il plaide
les circonstances atténuantes, et, vu l'état des études de syntaxe
historique, on aurait mauvaise grâce à les lui refuser.) Le dernier
chapitre de l'Introduction est consacré cà la discussion du nom de
Chrestien li Goi*. On serait tenté, avec M. de Boer, de lire de Oois
et d'identifier, toujours avec lui, ce mot avec Gotiaix, nom d'un
village champenois. Chrestien se serait appelé de Gois, au début
228 COMPTES RENDIS.
de sa carrière poétique, puis dé Troyes, puis Chrestien tout court.
La question est d'im portante et M. de Boer se propose de la
reprendre.
Le texte est suivi de notes abondantes, et quelques-unes ne man-
quent pas d'intérêt, roinme celle de la page 101-103 sur l'emploi
de l'adverbe tT08 en ancien français. Signalons enfin, outre plusieurs
appendices (texte d'Ovide, fragments de l'Ovide moralisé) un Index
(niiijih-t de tantes les jointes très méritoire: de nombreux indices
faits sur ce modèle faciliteraient grandement l'histoire de la langue
française. Le livre, imprimé à Groningue, fait honneur à l'impri-
meur étranger ; cependant nous avons remarqué plusieurs fois eé
pour ée et une fâcheuse coquille a donné comme titre à un article
de Gaston Paris: La dissimulation dans les langues romanes: sujet
intéressant, sans doute, mais tout autre que celui que M. Grammont
et Gaston Paris ont traité ! J. Anglade.
Karl Thûre. — Die formaleti Satz.irten bei Crestien von Troyes
(Thèse de Marbourg). Marbourg, 1909. 78 p. petit in-8°.
Recherches syntaxiques sur l'emploi des phrases dans Chrestien
de Troyes. Les deux premiers chapitres sont surtout consacrés à des
définitions, divisions et discussions, qui d'ailleurs ne manquent pas
d'une certaine originalité. Les résultats de ces recherches sont
exposés dans le chapitre III, sous forme de tableaux. D'après les
pourcentages établis par l'auteur, la Vie de Guillaume se placerait,
en ce qui concerne l'emploi des phrases étudiées, à côté d'Erec ou
plutôt (p. 63, 64) entre Erec et Cligès. L'œuvre serait donc de la
jeunesse de Chrestien de Troyes: Mais est-elle bien de lui? M.
Thùre penche pour la négative, et on sait qu'il n'est pas seul de
son avis. Il faudra d'autres travaux pour résoudre le problème.
Mais si l'étude de la versification et des rimes n'a pas donné jus-
qu'ici de résultats bien positifs, on peut se demander si des études
syntaxiques comme celle-ci en donneront de meilleurs. Il est à
craindre qu'il ne faille nous contenter, en définitive, et malgré les
formules d'arithmétique, de probabilités plu., ou moins grandes.
J. Anglade.
H. Suchier. — Aucassin et Nicoletle, texte critique accompagné
de paradigmes et d'un lexique. Septième édition. Paderborn,
Schœniugh, 1909. xn-136 p. in-8° une table contenant la notation
musicale. Prix 2 m. 60 pf.
Dox est li cans, biax li dis — et cortois et bien assis: c'est en
ces termes que le vieux trouveor, auteur de la cantefable, annonce
COMPTES RENDUS. 229
à ses auditeurs les mérites de son ouvrage. Il n'y a rien là d'exa-
géré, comme le prouveraient, sans plus, les nombreuses éditions de
ce petit chef-d'œuvre pendant le siècle dernier. Les diverses éditions
données par M. Suchier — c'est ici la septième — sont bientôt
devenues classiques. Elles offrent aux étudiants en philologie ro-
mane un texte excellent accompagné de toutes les notes grammati-
cales ou autres nécessaires, soit à l'intelligence du texte, soit à
l'étude de la langue. C'est ainsi, il nous semble, que doivent être
comprises les éditions classiques — destinées aux classes ou cours
d'Universités — des auteurs français du moyen-âge : puissions-nous
en avoir beaucoup de semblables chez nous ! Quelques virgules me
paraissent avoir été oubliées : p. 10, 15, après pers, p. 14, 76, après
a fies. P. 55, bas de la page: garric est le terme commun en Lan-
guedoc pour désigner le chêne ordinaire (qucrcus robur), moins
abondant dans le pays que l'yeuse (auzino, quercus ilex) ; garriga,
garrigo est un nom commun désignant, dans la plupart des dialectes
méridionaux, les collines dénudées et incultes. ' Sur un point de la
préface où E. Muret est mis en cause, Cf. Suchier in Zeitschrift
f. rom. Phil., 1909, dernier cahier.
J. Anglade.
Gustav George Laubscher. — The past tenses in French
(Thèse de l'Université John Hopkins). Baltimore, I. H. Farst
Company, 1909. 61 p. in-8°.
Cette question des « temps passés » (surtout du passé défini et
de l'imparfait) qui nous paraît assez simple est, pour la plupart
des étrangers, une question terriblement compliquée. Us ne s'enten-
dent guère sur la définition de ces formes, et leurs fautes les plus
grossières, dans les verbes, portent sur l'emploi de ces temps. La
brève monographie de M. L. n'a pas pour but de nous donner
l'histoire de ces temps ni de traiter à fond de leur emploi, mais de
préparer des matériaux pour la « claire intelligence du passé défini »,
en considérant la valeur inchoative de cette forme verbale. La con-
clusion du chapitre I, le plus important, est que la valeur inchoative
n'est pas l'attribut d'un temps, mais qu'elle peut l'être de tous les
temps ; tout dépend du contexte ; le passé défini, à ce point de vue,
ressemble aux autres temps du présent ou du passé. Le chapitre II
est consacré à diverses considérations sur l'emploi du plus-que-par-
fait et du passé antérieur : de nombreux exemples, choisis dans des
auteurs de différentes époques, depuis le moyen-âge, éclairent l'his-
toire de ces temps. Une abondante bibliographie, mise en tête du
volume, prouve que l'auteur est au courant de ce qui a été écrit.
16
230 COMPTES RENDUS.
Cependant je n'y vois pas l'article important de M. E. Rigal publié
dane la Bevtu Universitaire (1899, II, 125-137). M. L. n'a sans
doute pas pu utiliser l'excellente Bibliographie de la syntaxe du
français, de MM. Horluc et Marinet, Lyon, 1908.
J. Anglade.
Th. Braga. — Reeapitulaç.îo da Historia da litteratura portugueza.
1 — Edade Média. Porto, 1909. in-8° de vm-524 p. 1 vol.
Poète, philosophe, historien, érudit et critique. Theophilo Braga,
animé d'un amour ardent pour la science et pour son pays, continue
sans lassitude l'œuvre qu'il a entreprise pour faire connaître le
patrimoine glorieux de sa terre natale. Après avoir étudié, dans une
longue suite d'ouvrages, les principales époques de la littérature
portugaise, il annonce aujourd"hui un résumé de ses travaux anté-
rieurs, sous le titre de Récapitulation et sous la forme de trois
volumes consacrés au Moyen-Age, à la Renaissance, au Romantisme.
Le premier volume a été déjà publié : les deux autres ne tarderont
pas à paraître.
Dans quelques chapitres préliminaires, qui constituent une sorte
de préface à la Récapitulation tout entière, l'auteur analyse le
caractère profondément individuel de la race lusitanienne, explique
la naissance et l'évolution de la nationalité portugaise, dessine à
grands traits l'histoire de la langue et de la littérature, depuis les
origines jusqu'aux temps modernes et dans le cadre des autres
littératures européennes. Il aborde ensuite l'étude particulière du
Moyen- Age.
La première école qui se présente est celle des Troubadours ; elle
?e développe en Portugal pendant deux siècles environ, de 1185 à
1357 : et, malgré l'action des littératures étrangères, elle conserve
une physionomie propre, un caractère frappant d'inspiration popu-
laire, reconnaissable surtout dans les Cantigas de arnigo. L'oriui
nalité de la poésie portugaise n'est pas essentiellement altérée par
l'influence qu'ont exercée sur elle, au cours de son évolution, la
Provence, avec les chansons amoureuses et satiriques ; la France
proprement dite avec les pastourelles, la Bretagne avec les lais et
les romans d'aventure, auxquels se rattacherait l'Amadis de Gaule.
La discussion sur les origines de l'Amadis forme la partie la plus
attrayante de ce volume. En aucun autre endroit l'auteur n'a
déployé autant de science, de finesse, de verve entraînante, de
logique passionnée pour défendre ses idées. Il a dépensé le meilleur
de son talent et de son cœur pour démontrer que l'Amadis est une
création de l'âme portugaise, si rêveuse, si tendre, si éprise de fan-
COMPTES RENDUS. 231
taisie et d'héroïsme. Ceux-là même que Theophilo Braga n'aura pas
réussi <à convaincre ne pourront échapper au charme peisuasif de
ces pages éloquentes et sincères.
La fin de l'ouvrage comprend la période de transition qui termine
le Moyen-Age et annonce la Renaissance. Cette première phase de
Y humanisme est caractérisée en Portugal, comme dans les autres
pays de l'Europe, par le culte et l'imitation de l'antiquité. Mais
le génie national lusitanien ne fut pas étouffé par l'érudition classi-
que. Les écrivains portugais trouvèrent à l'école des anciens de
nouveaux et puissants moyens d'investigation pour mieux compren-
dre l'histoire de leur patrie, dans la race, les institutions, la langue.
Le nombre des chroniques et des traités didactiques qui appartien-
nent à cette fin du Moyen-Age est considérable, et constitue un
trésor national d'une valeur singulière. Les grandes découvertes
maritimes augmentent la richesse publique ; la vie de cour se déve-
loppe et s'embellit ; sous l'influence de l'Italie s'élabore l'idéal du
parfait gentilhomme, et le vieux fidalqo se transforme en un cour-
tisan qui désire vivre vertueusement (1).
Nous touchons ainsi au seuil de la Renaissance où Theophilo
Braga nous introduira dans le deuxième volume de cette Eécapitu-
lation. Dès maintenant on peut dire qu'il a réalisé le programme
qu'il s'est tracé et qu'il a énoncé dans la préfaoe : initier les étran-
gers à la connaissance d'une littérature trop oubliée et servir de
guide aux Portugais eux-mêmes.
M. Paoli.
A. Joannidès. — La Comédie française, 1908. Paris, Plon-
Nourrit, in-8°, 1909.
L'historiographe de la Comédie-Française a montré dans ce nou-
veau fascicule la même richesse d'information et le même scrupule
d'impartiale exactitude que dans les précédents. Notons-y d'inté-
ressants jugements de la critique parisienne sur les œuvres nouvelles,
Jes Deux hommes, Simone, Amoureuse (nouvelle seulement rue Ri-
chelieu), le bon roi Dagobert, la Furie, le Foyer; pour les œuvres
(1) « E tal tratado me parece que principalmente d'eve pertencer
para os homens da côrte, que alguma cousa saibam de semelhante
sciencia, e desejam viver virtuosamente, porque aos outros bem
penso que nâo muito lhes praza de o 1er nem de ouvir » (D. Duarte.
o Leal Conselheiro).
235 COMPTES RENDUS.
du répertoire, nous trouvons avec intérêt le chiffre total des repré-
sentations dépuis l'origine.
En 1908. comme en 1907, pas de préface écrite par un acteur de
la Comédie-Française.
E. R.
A. Joannidès. — La Comédie française, 1909. Paris, Pion,
1910, 8°.
Le volume est aussi élégant et — sinon plus — aussi riche en
renseignements que ceux qui l'ont précédé. Signalons-y en parti-
culier les extraits de la critique, choisis avec impartialité et avec
goût : il y aurait peut être avantage à ce que cette partie de l'ou-
vrage fût encore un peu étendue dans les fascicules ultérieurs.
E. R.
Albert Soubies. — Almanach des Spectacles. Auuée 1907. —
Paris, Flammarion, p. in-12. 1908.
Nous sommes en retard pour annoncer ce nouveau volume de
AI. Albert Soubies; mais nous avons assez dit précédemment les
mérites et l'utilité de V Almanach des Spectacles. Le tome 37 est
tout à fait digne de ses devanciers, et on n'y pourrait reprendre
que des vétilles : pourquoi, par exemple, citer à la bibliographie la
thèse de M. Mornet sous ce titre insuffisant: Le sentiment de la
nature en France? Et que fait au même endroit la sonate pour
clavier avant Beethoven?
Nous attendons avec confiance le volume qui résumera l'histoire
théâtrale de 1908.
E. R.
G. Desdevises du Dezert. — [/Eglise et l'Etat en Fiance, depuis
le concordat jusqu'à nos jours (1801-190G). Paris, Société Fran-
çaise d'Imprimerie et de Librairie.
Ce livre résume l'histoire religieuse de la France au XIX" siècle.
L'auteur n'a pas voulu présenter une histoire détaillée de toutes les
querelles qui se sont élevées entre l'Eglise et l'Etat ; il a cherché à
montrer pourquoi et comment se sont peu à peu constituées, en
regard' l'une de l'autre, deux Fiances différentes qui lui paraissent
répondre, toutes les deux, à des tendances légitimes de l'esprit
français, et qui n'ont malheureusement pas su se comprendre. Il a
cherché à raconter sans passion les plus récents événements et à en
tirer une leçon de tolérance et de liberté.
COMPTES RENDUS. 533
G. Hue — Le petit Faune, Paris, Société française d'Imprimerie et
de Librairie, 1909.
Un drame mystérieux éclatant brusquement dans une famille
heureuse, enviée ; toute une ville provinciale éveillée de sa léthargie,
commentant l'événement, anxieuse de connaître le coupable et pour-
suivant de sa haine celui que désigne à sa vengeance l'enquête
judiciaire; un dénouement tardif, imprévu et secret, étouffé dans
le silence et dans l'oubli, la petite ville étant depuis longtemps
retombée au sommeil ; tel est, en ses grandes lignes, le sujet du
Petit Faune, le nouveau roman de M. Gustave Hue.
C'est un livre à la fois tendre et tragique, dont L'intrigue pas-
sionnera le lecteur.
On y trouvera les qualités d'observation, le souci d'exactitude et
l'écriture nette et précise qui valurent au jeune romancier, dès ses
débuts, l'estime des lettrés.
L. Claretie. — Sourires littéraires, Paris, Société Français: d'Im-
primerie et de Librairie, 1909.
Sourires littéraires, tel est le titre aimable de l'ouvrage où l'esprit
curieux de M. Léo Claretie a su extraire une philosophie fine et
enjouée de sujets fort neufs et imprévus, soit qu'il étudie des
littératures étranges, celle de Gavroche ou celle des Griots du
Soudan, Napoléon romancier, l'ébriété de Musset, les calembours
des gens sér:eux, les rapports de la pharmacie et de l'idéal, les
derniers mots des agonisants, l'aventure de Mazoyer, l'allemand
tel qu'on le parle, etc., soit qu'il tire de hautes leçons des thèmes
qui les annoncent le moins. Le livre tient mieux que la parole du
titre : il fait sourire et il fait penser.
A. Gazier. — Abrégé de l'Histoire de Port-Royal, d'après un ma-
nuscrit préparé pour l'impression par Jean-Baptiste Racine. Paris,
Société Française d'Imprimerie et de Librairie, 1909.
L' Histoire de. Port-Eoyal de Racine n'a pas été réimprimée ail-
leurs que dans ses œuvres complètes depuis la fin du XVIII* siècle,
et les exemplaires de 1742, 1767 et 1770 sont de toute rareté. Il
était donc utile, aujourd'hui que la gloire de Racine brille d'un si
vif éclat, de publier à part cette œuvre exquise, considérée comme
un des chefs-d'œuvre de la prose française. L'édition qui vient de
paraître est donnée d'après un exoellent manuscrit préparé pour
l'impression par le fils aîné de Racine ; elle est suivie d'un appen-
234 COMPTES RENDUS.
dice relatant les derniers événements de l'Histoire de Port-Royal
(1665-1709), de notes et d'éclaircissements classés par ordre alpha-
bétique et formant une sorte de dictionnaire spécial, et enfin d'un
Essai bibliographique faisant connaître les ouvrages à consulter si
l'on veut étudier sérieusement l'Histoire de Port-Royal. Ce livre
est orné d'un beau portrait de Racine et de deux plans. Il se recom-
mande ainsi de lui-même aux admirateurs de Racine.
E. Faguet. — Discussions politiques. Société Française d'Impri-
merie eld'' Librairie.
Sous ce titre M. Faguet vient rie grouper une série d'études sur
les questions politiques et sociales qui sollicitent l'intérêt passionné
de tous ceux que préoccupe l'évolution actuelle des idées.
Les Idées maîtresses de la Révolution;
Le Droit, à propos du livre de Michelet sur les Origines du Droit
français;
La Démocratie devant la Science, à propos du livre de M. Bougie ;
Les Deux Frances, à propos du livre du professeur Seippel, de
Zurich ;
Les Trois Anti, à propos du livre de M. Anatole Leroy-Beaulieu
intitulé les Doctrines de Haine — ces trois anti sont l'antisémitisme,
l'anticalvinisme, l'anticatholicisme ;
La Psychologie du Socialisme, à propos du livre de M. Gustave
Le Bon ;
Une Histoire de la Révolution française, à propos du livre de
M. Aulard ;
Un Catéchisme démocratique, à propos du livre de M. Henry
Michel sur la Doctrine de la Démocratie,
Tels sont les principaux chapitres de cet ouvrage pénétrant dans
lequel la dialectique aiguë de M. Faguet se meut à l'aise au milieu
des questions les plus élevées. Ce sont des Discussions politiques,
mais des discussions courtoises, au cours desquelles M. Faguet,
juge impartial des idées et des tendances les plus éloignées des
siennes, reste avant tout libéral et patriote. « Je ne sais pas,
dit-il, si je suis libéral par patriotisme ou patriote par libéralisme.
Je sais que la liberté est conservatrice de la patrie et que la patrie
est conservatrice de liberté par le besoin qu'elle en a. Je demande
que ces deux sentiments soient considérés comme connexes et leur
connexion comme indissoluble, et qu'ils forment à eux deux une
religion civile professée et sentie passionnément par tous les Fran-
çais. »
COMPTES RENDUS. 235
Laura Schjch. — Silvio Pellico iu Mailaad. 1809-1820. iti-8°,
p. 136. Berlin, 1907.
Je ne sais si l'auteur dit quelque part avec netteté que ces
années continuèrent pour Pellico le dur apprentissage de douleur
et de contemplation de soi-même qui le préparait à écrire son
ohef d'œuvre, le mio Prigioni. Cela ressort de la suite des faits:
santé maladive des l'enfance, pauvreté irrémédiable, aspirations
liantes et ambitieuses toujours contrariées par la destinée, retour
constant sur soi-même, sur ses imperfections et sur son impuis-
sance ; puis l'amitié d'une âme noble qui ne le gâtait point d'éloges,
n'est-ce pas là une sorte d'éducation toute particulière? Chez un
jeune homme, amoureux de la littérature, accueilli affectueusement
dans un milieu d'écrivains jeunes et actifs, à l'époque où dans
l'Italie romantisme et patriotisme éveillaient les plus audacieuses
espérances, elle ne pouvait demeurer stérile. Le dernier mot de
l'auteur ne saurait donc me satisfaire : « Ces mémoires sans pré-
tention, non littéraires (unliterarische Memoirenwerk) assurent à
Pellico la réputation qu'il ne sut pas conquérir par ce qu'il esti-
mait son œuvre littéraire. »
N'attachons point d'importance à la distinction entre genres litté-
raires. Pour écrire « le Prigioni » il était bon d'avoir passé par
ce chemin de larmes et par le travail intense d'auteur dont nous
avons ici un tableau très soigneusement tracé.
En composant des tragédies, Pellico se trompait sur sa vocation ;
eût-il posséda les dons de journaliste de génie, l'oppression autri-
chienne en aurait étouffé le développement. On a reconnu que ses
lyrique. De cette période d'essais il gardait, sans en avoir le senti-
lyrique. De cette période d'essais il gardait, sans en avoir le senti-
ment précis, une expérience bien personnelle, et quand les murs de
la prison le séparèrent du monde, son âme délicate et tendre se
révéla dans le Journal où il écrivait pour lui-même sa vie recluse
et silencieuse. Les héros de ses tragédies laissent le lecteur froid
et indifférent. Mais de lui-même il a su parler, et c'est aussi une
manière d'être poète.
Le travail de Mme Schoch est un résumé très bien fait de tout
ce que l'on a écrit sur la période de la vie de Pellico qu'elle a
étudiée. Rien de nécessaire ne semble omis, et là où une discussion
est utile elle est conduite avec la clarté et l'abondance de renseigne-
ments qui justifient des conclusions. Telle note (22, 4) avertit avec
raison que Pellico, devenu très dévot, jugeait sévèrement la liberté
d'esprit de sa jeunesse. Ainsi, il en vint à demander que l'on ne
comprît point ses lettres dans la correspondance de Foscolo donnée
par Orlandini en 1855.
236 COMPTES RENDUS.
Le 10 août 1815, Francesca d*i Rimini fut représentée et attira
l'attention publique sur le jeune auteur. L'année suivante, Byron
était heureux de connaître a le charmant poète », se mit à traduire
la pièce, tandis que Pellico traduisait Manfred. La sympathie de
l'abbé de Brème fut très utile a Pellico. C'est dans sa loge que
Beyle (Stendhal) le rencontra dans une société toute littéraire, telle
que l'on n'en eût pas trouvé à Paris : Monti, Borsieri, Confalonieri,
Berchet, etc.. Beyle fut très touché de la pauvreté de Pellico.
En 1817, Sismondi vint aussi à Milan, et sa laideur, son entretien
discret et terne étonnèrent le jeune Italien. En 1819, Lady Morgan
s'émeut aussi de la gêne où on laisse un poète « aux sentiments
brûlants et naturels ». Le voici maintenant s'éprenant de Teresa
Bartolezzi, composant pour elle. Mais viennent les jours de la
Carboneria: Maroncelli est arrêté, puis c'est Pellico. Le martyre
du Spielberg va commencer.
Les deux chapitres suivants (position en face du Romantisme,
œuvres) forment l'essentiel de ce petit ouvrage. P. 119, à propos
de la si regrettable altération que Pellico a faite de la conception de
Dante, je rencontre une citation d'Isidoro del Lungo : « I dubbiosi
desii délie rea passione, torment osamente covata, non hanno più
ragione di farsi dall' uno ail' altro conoseere, ne il tibro d'esser
galeotto, ne infine la bocca d'esser baciata... » Sûrement, Pellico
a eu un très grand tort en plaçant la scène admirable dans les
antécédents du sujet : cela suffit à prouver qu'il n'était pas doué
pour le théâtre ; mai pourquoi écrire galeotto avec une minuscule !
Il s'agit de Galéhaut, qui donna à la reine Genièvre le conseil
d'accorder un baiser à Lancelot. Dante dit très bien : Le livre et
celui qui l'écrivit remplirent l'office de Galéhaut. Des gens peuvent
s'y tromper, et, j'ai vu, je ne dirai pas chez qui: « galérien fut
le livre ! »
De même (p. 107) dans « la Fedra di Racine tosto che Fedeo ha
contezza... » on jugera Teseo nécessaire. P. 121, 1. 11: Benvenuto
d'Imola parlant de l'amant de Francesca dit: deditus magis ocio
quant labore. Je propose labori.
Nous finissons par savoir notre texte par casur et les coquilles
nous échappent.
F. C.
Ive (Antonio). Canti populari Velletrani raccolti e annotati. In-S°,
I — XXXII, 1-325. Borna, 1907.
Ce très beau volume, dont l'édition a été encouragée par le
ministère italien, paraît fort à propos, car des préoccupations
COMPTES RENDUS. 237
nouvelles peuvent s'emparer des cerveaux populaires et la centrali-
sât ion opérer en Italie comme chez nous son œuvre de dessèchement.
J'en juge ainsi par les derniers couplets cités. Pauvre chant
populaire ! il était temps de le transcrire, car bientôt on le saura
mal, puis on ne le saura plus. Cette poésie naturelle, fruit du
terroir, non façonnée sur des modèles classiques, a une valeur ines-
timable : c'est le document humain par excellence. Sainte-Beuve
semble féliciter notre littérature d'avoir fait sa rhétorique avec
Balzac, mais il n'est pas aisé de s'aflranchir de cette maîtresse
d'emphase et de lieux communs.
Dans son introduction, M. Ive, tout en résumant les principaux
travaux sur la lyrique populaire italienne, présente sa manière
d'entendre la question, trace tout un programme d'étude, et bien
qu'il rende justice à la si haute compétence de M. D'Ancona, fait
ses réserves en quelques points. Il semble vraiment que toute
affirmation en cette matière complexe ait provoqué aussitôt contra-
diction. Mais aussi tous les éléments de la question se dégagent,
se précisent, et l'on entrevoit le terme où l'on aura une solution
satisfaisante.
M. I. apporte un soin particulier à souligner que l'auteur popu-
laire dut être illettré, analfabetico. J'admets qu'ainsi il n'a pas le
moyen de lire la Tribuna, il Secolo et les romans-feuilletons, qu'en
tout cas il ne court point le risque d'essayer d'imiter les vers de
Carducci ou de D'Annunzio, que par conséquent il ne songe pas à
gâter ses dons naturels par des emprunts maladroits. Mais je ne
concéderais point que cet illettré ne possède pas dans sa langue un
merveilleux instrument capable de tout exprimer. Il y eut sûrement
de beaux vers en Grèce avant que l'on y connût l'alphabet phénicien
et le papyrus d'Egypte.
De même que notre si aimé et si regretté Lambert, M. I. a
recueilli lui-même et oralement la plupart des couplets qu'il im-
prime. Ce sont des textes authentiques dont le linguiste autant que
le philologue pourra faire état. Il a également le droit de considérer
son œuvre comme un contributo alla demopsicologia italiana.
Le commentaire est considérable. Les comparaisons avec les
chants populaires de la plupart des peuples européens pécheraient
plutôt par l'excès d'abondance. Les notes ne font-elles pas quelque
tort au texte ?
Le tercet 228 dit :
O Ddio, quanno me dôleno li denti !
Se moverien a pietà sina li sassi,
E ttu, donna crudele, nun mi senti !
-38 COMPTES RENDUS.
« 0 Dieu, que les dents me font mal !
Les rocs eux-mêmes seraient émus de pitié,
Et toi, femme cruelle, tu ne m'entends pas ! »
M. I. renvoie à nombre d'auteurs et cite neuf passages où la
dureté de l'amante est comparée à celle du rocher : Politien,
Boiardo, Arioste en sont. L'on aurait pu mentionner aussi la can-
zone de Dante sur la Pietra;... con tutto ch'ella mi sia pietra.
Dans aucun il n'est parlé du mal de dents. Reste donc la vieille
comparaison du cœur et de la piene. Valait-il la peine de prouver
que la poésie d'art en a abusé (1)?
D'autres notes se justifient très bien. L'amant dit que le soleil
à son lever va faire la révérence devant la. belle et s'incliner
(p. 113). Il est intéressant de retrouver cette image dans d'autres
poésies populaires. Mais souvent l'on eût bien fait d'aborder l'étude
esthétique du texte. Un commentaire historique ne suffit pas et le
lecteur ne blâmera jamais un éditeur de l'aider à sentir et appré-
cier. Je prends au hasard (p. 63) et j'y vois la gradation:
Fiore de riso,
Boccucia arisarella, occio pietoso,
Boccucia arisarella de paradiso.
Du tercet précédent à celui-ci, il y a déjà gradation.
Cette langue poétique a sa valeur d'oeuvre d'art, a ses ressources,
ses procédés. Elle mérite d'être examinée à ce point de vue, et l'on
eût pu faire de préférence le sacrifice de quelques citations, fussent-
elles d'un poète de Socotora.
Pourquoi ces critiques ? pour avoir le droit de reconnaître que
ce livre représente une érudition très étendue, qu'il a été établi
avec le plus grand soin, que les citations ajoutent souvent à l'inté-
rêt de la lecture, que les StorneUi de Velletri méritaient d'être
ainsi édités. Les deux mélodies notées sont gracieuses, mais me
paraissent écrites trop haut, la seconde surtout. M. I. répondra
qu'on les chante ainsi, que les gens de Velletri se tiennent sans
effort au-dessus de la portée. Çà et là, je crains que l'on n'ait omis
de pointer quelque noire ; mais la correction serait facile.
F. Castets.
(1) Le tercet 407, entre citations et renvois, possède une note
de trente-trois lignes. Il s'agit de la constance de l'amant.
COMPTES RENDUS. 539
G. Bertoni. — Un trattatello di Medicina in volgare Rolognese.
In-8°, 13 p. Modena, 1900 (Extrait des Atti e Memorie délia K.
Diputazione di Storia patriaper le provincie Modenesi, série V, vol.
VI).
Ce texte, puisé dans le manuscrit Ghinassi (fonds Campori,
biblio. Estense) est écrit dans le dialecte de Bologne, ainsi que le
prouve M. Bertoni dans quelques pages préliminaires. C'est un
vrai traité d'hygiène. L'on donne d'abord des préceptes généraux
pour les précautions qu'il faut prendre chaque jour, puis quatre
séries de conseils répondant aux quatre saisons. L'auteur prétend
puiser dans les livres de médecine pour un ami et par affection
pour lui les préceptes qui lui assureront de bien se porter et d'e
vivre longtemps. Au saut du lit, il est bon de détendre ses membres,
puis on se peigne et on se lave les mains et la figure... « Revêts ton
corps de beaux habits parce que l'esprit en est réconforté, que cela
te rend joyeux ; puis mâche des grains de fenouil, d'anis ou de
girofle, qui parfument la bouche et éveillent l'appétit. » A table,
il faut être sobre.
Le soir, il faut dormir la tête bien couverte, se coucher d'abord
sur le côté droit, puis un moment sur le côté gauche, enfin se
retourner sur le côté droit et continuer ainsi son sommeil. A cet
endroit (p. 11), j'estime que les deux lignes qui suivent immédiate-
ment sont le commencement d'une nouvelle phrase, font partie de
l'alinéa qui vient après. Je mettrais un point après: « continua lo to
sonno », de sorte que le texte prendrait cet aspect: « Imperzo che li
tempi de l'anno prestano aiuto, in l'ordinamento di cibi de[ve] si
regnare la sanitade de l'omo. Abii che l'anno se parte, etc.. » Je
maintiendrais donc si, bien que M. B. dise qu'il est barré d'un
petit trait. Il me semble que ces quatre lignes forment bien la tran-
sition aux conseils visant les quatre saisons.
Il n'y a rien de très original dans cette hygiène ; du moins elle
est sage, sans recherche trop scientifique, sans encombrement de
drogues étranges et malpropres, sans prétention à une origine roma-
nesque, sans foi-mules magiques. C'est là une sorte de mérite très
rare au Moyen-Age.
F. Castets.
G. Bertoni. — Un nuovo documente volgare Modenese del
secolo XIV (1353). In-8°, 1-30. Modena, 1900.
Ce document est riche en noms de personnes et de lieux, contient
assez de traits linguistiques pour être classé avec les autres textes
240 COMPTES RENDUS.
en Modénais étudiés par l'auteur dans le Laudario dei Battuti di
Modena.
Le sujet est un partage de biens entre frères.
F. C,
Staël von HolsteÏD. — Le Roman d'Athis et de Prophilias, étude
littéraire sur ses deux versions; thèse de doctorat. ln-8°, m—
vu, 1-126. Upsal, 1909.
Pendant que M. Hilka prépare pour la Gesellschaft fur romanis-
chc Litteratur une édition critique de ce roman d'aventures, M.
Staël von Holstein fait paraître, avec l'assentiment de M. Hilka,
une étude littéraire au sujet d'un texte que l'on ne connaissait
guère jusqu'ici que par l'analyse que Ginguené en a donnée au t. XV
de l'Histoire Littéraire. Elle a pour but principal, nous dit-on, de
servir de complément littéraire à l'édition projetée. Il est fort heu-
reux que l'auteur par ses analyses et ses citations nous permette
de comprendre l'intérêt de ses développements, car en matière d'édi-
tion il y a parfois très loin du projet à sa réalisation.
La Bibliographie placée en tête est aussi complète qu'on peut le
souhaiter. Le plan fort simple est rempli de manière intéressante
Après une description des manuscrits, l'on a l'analyse et la compa-
raison de la version commune et de la version de Tours : celle-ci,
mieux composée et plus courte, paraît la plus ancienne. L'on passe
à la question des sources, traitée avec solidité, aux emprunts et
allusions littéraires, aux questions d'auteurs. Puis l'on a un bon
chapitre sur l'âge, la valeur et l'influence du roman.
M. Staël von Holstein n'est pas le premier à s'occuper de ce
sujet. Il connaît très bien les travaux de ceux qui l'ont précédé, en
tire parti avec indépendance et jugement. Avec M. di Francia, il
croit que pour la nouvelle 8 de la dixième journée de Décaméron,
Boccace a pour modèle principal le roman d'Athis et Prophilias,
« mais qu'avec l'épisode de la caverne commence la contamination
avec la Discipline, contamination qui se poursuit jusqu'au dénoue-
ment, où de nouveau se manifeste l'influence du roman en tant que
Fulvie est donnée à Gisippe comme Gayte à Athis. »
A propos du caractère conventionnel de la beauté féminine (p.
109), on regrette que l'auteur ignore le si agréable livre de M. R.
Renier Sul Tipn estetico délia donna nel Media vo (Ancona, 1885).
Il a tort d'ailleurs de traduire par voûtés l'indication donnée au
vers :
Sortis bien fais, auques votis.
COMPTES RENDUS. 24 1
C'est arqués qu'il faut entendre.
Cette thèse est écrite en français, grand service rendu aux roraa-
nisants qui ne savent point le Scandinave. L'on aurait donc mauvais
gré à chicaner pour quelques négligences le jeune philologue qui
porte dignement un nom illustre dans notre littérature.
F. Castets.
Berthold Fenigstein. — Leonardo Giustiniani. (1383 ?-1446).
In-8», Hl-vif, 1-150. Halle, 1909.
Thèse de doctorat sur un Vénitien qui fut homme d'Etat, huma-
niste et poète. Comme humaniste, il occupe une place importante
dans l'histoire de la Renaissance. Ses poésies en langue populaire
furent très répandues, mais sans que l'on sût qui en était l'auteur.
M. Fenigstein ne croit pas qu'il faille lui attribuer la Leandreide,
qu'il estime d'ailleurs un vrai chef-d'œuvre. L'on trouve à l'appen-
dice un choix intéressant de pièces (sonnets, chansons, etc.), qui
permettent d'apprécier le talent du poète.
F. C.
Monaci (Ernesto). — Il cinquantenario di Mireio. Nuova Anto-
logia, 1er giugno 1909.
M. Monaci, à l'occasion des fêtes d'Arles, a raconte comment
s'est formée la vocation de Mistral, quelle résistance il a rencontrée
d'abord, les défiances mêmes qu'il a dû rassurer : un Provençal se
pei mettant d'être un grand poète tout en restant Provençal de
langage et d'attitude, fut nécessairement suspect de tendances
séparatistes ! Puis Paris n'a pas l'habitude de rendre immédiate et
entière justice au talent ou au génie qui naissent et triomphent en
dehoi-s de sa zone d'influence. Je me rappelle une objection qui ne
pouvait venir à la pensée de M. Monaci : « Si c'est un vrai poète,
pourquoi n'écrit-il point en français ? » En effet, de Montaigne à
Gambette, la liste est longue des Français du Midi qui se sont fait
un nom dans les lettres et à la tribune, mais nos grands poètes
sont du Nord, ont parlé le français dès l'enfance, en sentent mieux
que nous le timbre et les délicates nuances : Mistral a été poète et
Piovençal parce que le provençal était sa langue naturelle. Cela
nous a valu Mireio et d'autres chefs-d'œuvre.
M. M. a fait ressortir la part que la Société des Langues
2Î2 COMPTES RENDUS.
Bomanes eut jadis dans le réveil de la pensée méridionale. Il a cité
ces noms aimés de Cambouliù, Boucherie, et emprunté à M. de
Berluc-Perussis des paroles intéressantes sur le rôle qu'eut nôtre-
Société naissante : « On voyait dans l'entreprise félibréenne une
originale fantaisie de rimeurs, une attrayante amusette littéraire...
mais en même temps la stérile culture d'un patois indigne de vivre.
Telle a été l'impression des burgraves, des gens de Sorbonne et
d'Institut, sauf Taillandier et quelques autres, de 1852 à 1870.
C'est seulement à la fondation de la Société romane que la pers-
pective changeant, l'opinion s'est amendée. Les romanistes sont
soudain venus qui ont ouvert une grande enquête sur les dialectes
méridionaux, qui en ont dressé la carte, écrit l'histoire, comparé
les formes, établi la grammaire, colligé le lexique, recueilli les
productions populaires... Ainsi Montpellier venant au secours d'Avi-
gnon, l'œuvre des Félibres s'est trouvée scientifiquement justifiée,
grandie, ennoblie » (P. Mariéton. L'idée latine., Lyon, 1883,, p. 13).
Il est certain qu'un moment, la Bomania, de l'Espagne à Bucarest,
eut les yeux tournés en même temps vers Montpellier et les Féli-
bres, que les Fêtes Latines réunirent dans cette ville tous ceux qui,
dans les peuples héritiers de la langue et de la culture romaines,
gardent l'amour et la fierté de leur commune origine. Mireio eut
pour écho le C liant du Latin (1).
De ces grandes journées il reste toujours quelque chose, car l'on
y sème un grain qui lèvera tôt ou tard. M. M. n'a pas oublié
que l'année de Mireille est celle où la France vint verser son sang
pour aider l'Italie à reconquérir son indépendance: « Nous ne pou-
vons, dit-il, laisser passer ce moment sans nous associer à la joie
de la première des nations-sœurs et sans rappeler la haute significa-
tion du nom qui est aujourd'hui consacré à l'immortalité ».
En 1874, aux fêtes du cinquième anniversaire de Pétrarque à
Vaucluse, la France officielle et l'Italie furent représentées par des
hommes tels que Wallon, Mézières, Augusto, Conti, Nigra. L'union
latine fut ce jour-là une réalité très vivante ; et dans M. Nigra
elle eut le plus éloquent interprète.
(1) L'hymne d'Alecsandri fut mis en musique par le maestro
Marchetti; il en a paru plusieurs traductions en diverses langues, dont
une en hébreu et cinq en italien. La traduction italienne de M. Mez-
zacapo fut couronnée au concours de la Société des Langues roma-
nes en mai 1883, et fut publiée la même année à Rome, avec une
introduction sur le mérite de l'œuvre et sur la personne de l'au-
teur.
COMPTES RENDUS. 243
M. Monaci montre comment les Cigaliers, devenus plus tard
l'Association des Félibres de Paris sous la présidence de Tourtou-
lon, surent etïacer d'anciens préjugés et confirmèrent l'union du
Nord et du Midi de notre patrie.
La fin de ce remarquable article est à citer en entier : « Telle est
la signification du cinquantième anniversaire de Mireille, tels sont
les souvenirs qu'évoque le nom de Mistral. La France s'enorgueillit
justement de ce nom. Par lui elle est revenue à posséder, comme
dans le passé, d'eux littératures ; et si autrefois celle des trouba-
dours sonna à l'Europe le réveil de la civilisation, de nos jours
celle des félibres a répandu parmi les races d'une même patrie la
réconciliation et la paix, a fait vibrer entre les autres peuples le
sentiment de l'amitié, a fait goûter le fruit de la concorde. Jamais
une littérature n'agita avec une intention commune, et j'oserais
dire collective, des conceptions plus hautes, plus nobles, plus dignes
de l'homme et du progrès social; jamais l'art, avec des moyens aussi
pauvres que ceux que Mistral mit en œuvre, ne parut s'élever à
une telle hauteur, n'exerça sur le monde une fascination aussi mer-
veilleuse. En pensant à l'histoire de Mireille, on comprend bien
comment Mistral a été le premier poète à qui l'on ait conféré le
prix Nobel et comment encore vivant il reçoit aujourd'hui les
honneurs de l'apothéose. Salut, ô maître ! et que soit avec toi en
cette heure la pensée de tous ceux qui comprennent quelle recon-
naissance t'est due. »
F. Castets.
Heinrich Gelzer. — Einleitung zu einer kritischen Ausgabe
des altfrauzœsischen Yderromans, in-8°, 90 p. Halle, 1908.
M. Gelzer nous donne ainsi l'introduction de la publication qu'il
piérare du roman du roi Yder. Ce texte existe en un manuscrit
unique à la bibliothèque de l'Université de Cambridge. G. Paris
l'a fait connaître par un bel article dans Histoire littéraire, XXX,
p 213 sq. M. G. étudie l'orthographe et la langue du copiste qui
sont très défectueuses l'une et l'autre. L'on a affaire à un scribe
anglo-normand'. Suivent un résumé du poème, des recherches sur
ses origines, sur le caractère anticlérical de certains développe-
ments, sur le stjle et la personnalité de l'auteur.
Cette étude, consciencieuse et méthodique, fait bien augurer de
l'édition annoncée. F. C.
"244 CHRONIQUE.
CHRONIQUE ÉTYMOLOGIQUE DES LANGUES ROMANES
Depuis quelques années la science étymologique a fait de rapides
progrès dans le domaine des langues romanes. Les résultats des
recherches, faites par un très grand nombre de savants, sur les
origines du vocabulaire roman, sont malheureusement dispersés dans
des revues, déjà nombreuses, dans les glossaires qui accompagnent
les éditions critiques d'anciens textes, dans les dictionnaires étymo-
logiques, dans d'autres ouvrages dont le nombre va toujours en aug-
mentant.
D'autre part, aucun ouvrage de référence ne s'est proposé de
noter, à mesure qu'ils paraissent, tant les résultats acquis en matière
d'étymologie romane que les hypothèses quelquefois fructueuses aux-
quelles a donné lieu l'étude du vocabulaire roman. Et cependant le
temps est venu, nous semble-t-il, de créer pour le savant un moyen
de se mettre, le plus promptement possible, au courant de ce qui a
été fait dans cet ordre de recherches ; s'il s'occupe d'étymologie
lui-même, il est évident qu'il lui importe de savoir tout ce qui a
été dit sur le problème spécial qui, à un moment donné, concentre
son attention, s'il ne s'en occupe pas, il veut pour le moins consta-
ter les résultats auxquels on a abouti.
La Société internationale de Dialectologie Romane se propose d'en-
registrer dans sa Bévue, d'une façon sommaire, les résultats de tou-
tes les recherches étymologiques qui concernent les langues romanes
et qui ne sont pas d'un intérêt purement local et de tenir le regis-
tre au courant de tout ce qui se publiera à l'avenir
C'est dans le but de faciliter cette tâche que les soussignés,
s'adressant à tous les savants qui s'occupent de philologie romane,
aux éditeurs et rédacteurs des revues, les prient instamment de bien
vouloir contribuer au succès de cette entreprise, en envoyant, aus-
sitôt que possible après la publication, un exemplaire de tout ou-
vrage d'intérêt étymologique (traités spéciaux, glossaires, mélanges),
ou s'il s'agit d'articles de revue, le numéro de la revue ou un tirage
à part de l'article au Secrétaire de la Société Internationale de
Dialectologie Romane, Kichard Wagnerstrasse 43, Halle a. S. (Alle-
magne) .
P. Barbier fils, Leeds. B. Schaedel, Halle a. S.
Le Gérant : Paul Hamelin.
VIE DE SAINT RICHARD
ÉVÈQUE DE GHICIIESTKU
L'ai ii i r
La littérature morale el didactique occupe la position
dominante en Angleterre pendanl les xme el \i\ siècles
cl parmi les monuments qui nous ont été conservés les
vies des saints tiennenl une place prépondérante sinon la
première.
L'auteur de la vie de sainj Richard s'esl nommé à la
fin de son œuvre. Nous citerons toul au long l'épilogue,
car la première partie du poème seule (1696 vers sur
3006) va paraître maintenanl : nous publierons la seconde
partie quand nous aurons eu l'occasion d'étudier sur tous
les manuscrits les autres œuvres de l'auteur (1).
Prium dune la duce Marie,
la mère heu e l'en amie
e saint Richard le confesseur
ko pur nus prienl nostre seigneur
k'i[l] nus doinl grâce de bien faire,
k'en lu/ nos fez Ii puissum plere;
en tele manere, le cli sanz Table,
ke ne fasuns nul Tel dampnable
mes tuz jurs le servium issi
ke venir possum a sa merci;
(e) mei en vos prières recuilliez,
pur Deu requer, ne me ubliez,
Pieres de Pecham a nun ay
ki' cesl roman/ lui translatay,
(1) Nous avons commencé une édition critique de la Lumièrt ;
on comprendra combien ce sera long quand on réfléchit qu'il y en
i au moins dix mss. et que la composition a plus de 14.000 vers.
17
246 \H DE SAINT RICHARD
I >eu me doinl si li plesl sa grâce
e nus Iresluz issi le face
ke li puissuns issi servir
l< ;i &a granl joie puissum \ enir. Vmen.
Ce même Pierre de Peckàm esl l'auteur de l'œuvre
didactique La lumière as Lais el 1res probablement aussi
de la version en vers octosyllabiques du Secret des Se-
crets Aristote du ms. 25407 de la Bibliothèque nationale
où il s'appellerait Pierre d'Abernun.
En un livre que fez ai jad
De cesie matière traité ad...
Le livre, en vérité sachiez
La Lumière as lais esl nomex (1)
Il vivail sans doute sous le règne de Henri III (1216-72).
On peu! préciser davantage la date de ses œuvres. Le
manuscrit de La Limitai- as Lais appartenant à la biblio-
thèque du chapitre de York à l'avantage de porter à
Vexplicil la date de ce poème (2). Les quatres Unes de
cest romaunz furent felz a Novel Lijii en Surie e les deux
dreijns a Oxenford, si fu comencè a la Pasche al Novel
/.//u (•'!) e terminé a la chaundelure après a Oxeneford
I" an nostre seyngnur, mil e drus senz e seisaunte setyme.
Il en résulte que la composition date de L207 8 (4).
Le manuscrit offre un intérêl de plus : c'est qu'il est
très probablement autographe, s'il faut en juger par le
premier feuillet; on y voit une figure de scribe, assis à
un pupitre avec ses plumes et son grattoir, le tout sur-
monté de la rubrique « prolog : autor ».
Quant à saint Richard dont la vie est publiée ci-des-
sous, nous savons qu'il mourut en 1253 el qu'il fui cano-
nisé en 1262 el que sa vie, écrite en latin par sou con-
11) J/o mania XV, p. 288.
(2) Voir facsûnilés de l'Ecole des Chartes (n" 320). el Suchier,
Geschichte dei franzôsischen Litteratur, p. 173.
(3) On a proposé Newetead dans le comté de Surrey.
(4) Nous supposons que, pour Pierre, l'année 1268 commençait
à Pâques.
VIE DE SAINT i:i< il \l:i>
•yû
fesseur (I) Radolfe de Bocking date d'environ L270.
D'après l'épîlre dédicatoire, l'auteur de la vie latine offre
son ouvrage à Isabelle, comtesse d'Artandel, devenue
veuve en L270. Le « chanoine de Cycestre » du vers 54
pourrai! être Bocking lui-même el il est très probable
que peu après la date précitée le mestre du vers 55
apporta l'ouvrage de Bocking à Pierre, déjà célèbre,
pour que celle composition pieuse devinl « ans luis enten-
dable ».. (Y. 53.)
Le manuscril où se trouve l'œuvre de Pierre appar-
lienl au duc de Porlland. C'esl le seul manuscrit français
que possède la bibliothèque de Welbeck. Il ;i été suffi
sammen! déeril par nous clans Romania xxxvm, p. 118.
Les Bollandistes onl publié dans les Acia Sanctorum
I Aprilis ni. pp. 276 el suivantes, deux vies de sainl Ri-
chard : la première (p. 278a-281b), 1res courte el 1res
précise, est celle que Jean Capgrave a insérée dans la
Nova legenda Anglisc, laquelle est, d'après les éditeurs.
le résonné d*'> actes qui furent rédigés pour la canoni-
sation (\\\ sainl el la seconde, beaucoup plus, longue
(282a 316b), renferme non seulement la vie du pieux
évêque de Chichester (lre partie), mais aussi les miracles
laits sur sa tombe (2e partie). Le manuscrit latin qui a été
mis à contribution pour le texte île Bocking est le codex
Lovaniensis Monasterii S. Martini. Les éditeurs (2) des
Acta dans leur introduction nous fonl savoir comment ils
en ont eu copie.
Hoc porro cum MS. Lovanii ad Martinenses exlare.
Molano indicante, cognovissemus : cjus ibi quœ-
rendi transcribendiquie curam in se sumpsil P.
Laurentius Papebrochius, transmisitque propria
manu exceptum a vetustissimo exemplari, adno-
tatis eiiani varianlibus ad marginem lectionibus,
quias eisdeni meiubranis antiqua eiiam et 'pêne
evanida scriptura adnotaral ex alio MS. quœ nobis
usui eiiam fuere (p. 277 a).
(1) Comparer les w. 97-101 et la note des éditeurs «les Acta, loc.
cit., 277 a.
(2) On aurait mieux dit « l'éditeur ». puisque Daniel Papebro-
■ in us est censé avoir rédigé seul les volumes pour avril.
248
VIE DE SAINT RICHARD
Le latin esl si obscur que nous nous hasardons ?ï en
offrir une traduction :
Quand nous eûmes appris, sur l'indication <lr Mola-
||,ls (I). que ce manuscrit existait à Louvain au
monastère de S. Martin, le Père Laurentius Pape-
brochius se chargea du soin d'y aller et de le
transcrire. J! nous en envoya la copie faite de sa
main, sur un très ancien exemplaire (ras.), y ajou-
tant les variantes marginales d'une écriture an-
cienne et presque illisible qu'il avait trouvées
dans ce même ms, et qui avaient été tirées d'un
autre ms.. Celles-ci ont été pour nous de quelque
utilité.
Ces miles marginales, sauf les deux premières qui
avaient trait peut-être au prologue, sont citées, pour ce
qui concerne la première partie, en note à la lin du pro-
logue actuel (p. 283 1»).
In altero MS. ad quod Martinianum collatum dixi-
nius, totum Opus distinguebatur titulis, in margine
infimo annotatis, quos oonsequenter describimus,
ipsum more nostro in longïora capita divisuri ; cl
liic quidem damus eosi qui ad librum priimrni
spectant libri secundo titulos in margine ipso
exhibituri invariatos.
m Incipit Vita Version française.
De patria et parentela De sa enfaunce (vv. 65-312?).
sua.
iv Quod in artibus rexit. Rubrique manque (313?-402).
v Quomodo salvatus a ruina C'ument Seint Richart fust sau-
maceriœ. vé de la ruine d'une piere
(403-482).
vi Qualiter in Jure Cument sei.it Richard lut de de-
Oanonico rexit. créez (483 584).
vu Quod Cancellariu8 fuit S Cument il fut chauncelier seint
Edmundi. Edmund l'ercevesque (585-742).
vin Quod post mortem Ji. f'd- Ko il ala a divinité apree la mort
mundi audivit Theolo- seint-Edmund L'ercevesque (vv.
giam. 743 816).
(1) C'est-à-dire Meulen qui a publié en 14 volumes des Annales
Lovanit uses.
VIE DE - \l\ I RU II Mil» ?/(!)
ix Qualiter factus Saeardos Cumenl il Eu IVt prisfcre (vv.
i amern maoeravit. 817-898).
x De provision* do eo !\u-ta De la provision* Eete a ly de!
in Prœsulatum Cicestren. evesque de Cycestre (vv. 899-
946...).
xn De febricante per capparn
ejus sanato.
xiii De quodam sanato per bo-
• tas suas.
xiiii De infirmo per lectum sanc-
ti sa nain.
miv Quod spiritu prophetiœ cla-
ruit, et de révélation*
quadam mirabili.
xiv De judseo ad fidem con-
verso.
xixi De sua praedicatione Cru-
ci s.
xlviii-viii Desunt tituli numeri.
xnx Qaod corpus ejus delatum
est Cicestriae et sepultum
ibidem.
Rubrique manque (vv, 947?-978).
De un homme que l'eu garri par
les Imtcs seint Richard (vv.
979-1000).
De un home que feu garri par
sun Ht (vv. 1001-1032).
Kr seint Richard av.il de espe
rit de prophecie et de une mer-
veilluse revelaciun (vv. 1033-
1164).
De un guif converti a la fey
(vv. 1165-1186).
De la pi^edicacium de la Croiz
(vv. 1187-1323?).
De sun corps ke fu porté a Cy-
cestre et la enterrée (vv. 1593-
1696).
La rubrique xlvii manque aussi dans le texte français;
elle résumai! probablement la scène auprès du lil de
morl (V. Î324-1508.) La traduction française du numéro
xl \ m cependant existe : Des merveilles k'avindrent a
Vhure ke seint Richard murut. (1509-1592.)
Les rubriques citées en marge dans la seconde partie
correspondent textuellement aux rubriques du texte fran-
çais. Notre auteur fail remarquer (V. 61) qu'il n'épar-
gnera pas ses peines pour bien traduire la vie latine et il
faut admettre qu'il l'a très fidèlement mise en français,
quelque réserve qu'on lasse sur le mérite littéraire de sa
traduction. Souvent même le souci de ne rien omettre lui
fait surcharger un style déjà très lourd.
Etant donnée la fidélité de sa traduction, il faut con-
clure que de Pierre de Peckham connaissait un texte
qui n'esl pas celui qui figure dans les Acla sous le nom
de Bocking, car là où le texle de Capgrave ne s'accorde
pas à celui de Bocking, c'est le premier que préfère
250 mi; de saint richard
notre auteur (Voyez V. 227-262, 817-874. 1363-1382, 1 163-
1481). Quelquefois il ne suil ni l'un ni l'autre (voyez V.
635-660, 1507-1592). L'endroil où les deux versions s'écar-
tenl le plus, c'esl lorsqu'il s'agil de la jeune Bile qu'on
avail proposée comme femme à Richard et qu'il cède
à son Frère. Le changemenl (indiqué dans les notes aux
vers 227-262) a dû s'effectuer dans un ms. qui a servi
de base à celui qu'a copié le Père Laurentius l'upe-
brochius.
A part les exceptions relevées ci-dessus et dans les
notes, la vie française suit de très près le texte de
Bocking jusqu'à la fin Au 19e paragraphe (d'après le sys-
tème de paragraphes dos Actà). Le vers 943 commence
la traduction du 20° paragraphe, puis le récit s'arrête
brusquement trois Mrs plus bas pour être suivi d'autres
vers qui correspondent au commencement du 85e para-
graphe ! Il y a donc une immense lacune dans notre ver-
sion. Nous avons vu aussi que, d'après 1rs rubriques, il
y a omission de trente chapitres. Cette omission ne pro-
vient pas d'une simple perte de feuilles dans le lus.
français que nous avons copié, ces vers (942-3) se trou-
vant en pleine colonne, mais bien d'une perte de plu-
sieurs cahiers dans le ms., sur lequel le' uis. de Welbeck
a été copié. La première partie de la version française
telle que nous l'axons (V. 1696) contient la traduction de
dix-sept chapitres sur quarante-neuf, on peut donc suppo-
ser que la lacune représente une omission beaucoup
plus considérable que ce qui nous reste.
L'œuvre
Peu de textes angli » nom ta nds étant accessibles dans
de lionnes conditions, nous avons cru devoir suivre la
méthode, autant qu'il nous a été possible, de l'une des
meilleures d'entre celles-ci, le Boeve de Haumtone de
Stimming, et de présenter à nos lecteurs une étude de
la langue et de la versification dans le même ordre que
le savant professeur de Gottingue. Il non- a paru con-
venable de renvoyer à la fin de chaque paragraphe, à La
VIE DE S M\ I i;i« Il VRD -•')'
page de son édition où il Lraite des mêmes phénomènes.
(>u y trouvera de précieux renvois à d'autres licxles
anglo-normands, ce que le cadre restreinl de notre arti-
cle ne nous permet pas de faire. Mous ne relèverons que
des exemples trouvés dans des textes qui <>nl été publiés
depuis --"ii Boeve de Haumlone. Nous indiquerons son
édition par (St.) et l'excellente étude des voyelles toni-
(|ik s de Suchier par (S.).
Langi l
Voyelles simples
§ 1. A français.
L'a tonique donne lieu à peu de remarques ; ai pour a
ne se rencontre pas dans la première partie ; dans la
seconde on trouve :
« Un prodome ke oui ai nun Symun »
(l'° 236, v° a).
A se maintient dans les mots savants estai (264) et
luminares (715) et dans achate (1054). Cette dernière
forme se trouve aussi dans La lumière as Lais (comp.
Roni. vin, p. 329, et dans Orson de Beauvais, v. 296) :
pour notre texte, il faut peut-être l'expliquer par le para-
graphe 5. \iicun d^s. mots îfcsl à la rime.
L'a protonique esl représenté par n dans aurné (1055,
1077, etc.) (cet a ne compte pas pour une syllabe el aussi
il peut être omis comme dans urnemenz (1638) comp.
paragraphe 92). Il peut rire remplacé par e: chescun
208-0, etc.; ercevesque, 585, etc., seule forme connue :
cherité, 827 ; le (article) pour la 1053 Note.
A noter esl paumeisun, 1307 ; où au pour a n'est peut-
être autre chose que le changement de un en nun; car il
faut faire observer que blaumer et paumer ne se ren-
contrent pas. senl blâmer ( p. ex. : Blâme, dame, 2e par-
lie, f" 235, \° h. comp. auss le paragraphe 37) (St., p.
173).
252 VIE DE SAINT RICHAl'Ji
§ 2. 3 français.
Slûrzinger rail remarquer dans VOrthographica yal-
lica (p. xxxix) que La graphie aun pour an entravé se
rencontre pour la première fois dans un acte de l'année
1266, tandis que Suchier (op. cit., p. 126) la relève <!éj;'i
vers 1200. On la trouve deux lois dans Vexplicit de la
Lumière, cité plus haut, lequel es! de 1268 el elle se
rencontre assez souvenl dan- le texte (par ex. : avaunl
deux fois dan- les huil premiers vers du prologue du
ins. de York) : on peul donc supposer que la graphie esl
déjà Fréquente par le milieu «lu xma siècle. Dans notre
texte, on trouve plus souvenl "// que aun : p. ex. : fe-
saunce, ï î : enfaunce, 63 rubrique .* blaundissement, 101 :
espaundeu, 1244; demaunda, il8; queraunt, 141; chaunce-
lier, 583 rubrique : auns, ion ; m/nr. 805 : niais seulemenl
essample, 336, 1 185.
t. a graphie en pour an esl rare, on n'a ici que mende-
menz, 520, à côté de mandé : comandez, 530, etc. On ne
trouve que anreis, 306, etc., à côté de einz, 314 : peîn, 365
(comp., paragraphe 14). 11 i'aul enregistrer aussi pe-
inture. L487 (Comparer penance : (initiante. Bulletin de
la S. d. a. T. fr., 1880, p. 67 el Suchier Reimprcdigt,
p 69-71). Notre texte préfère la graphie uncore, 181,
915, etc., qui esl la forme habituelle dans le français
d'Angleterre. Voy. Bozon. Contes, vocabulaire el les ren-
vois aux glossaires de la Vie de saint Gilles cl de ['Evan-
gile de Nicodème. (St., p. 173-45.)
s; 3. e ouvert fiançais.
Nous ne citons que des mois à la rime : après : ades
(comp. S., p. 34), 115, 1333; terre: guerre, 1109 (la pureté
des rimes n'esl que fortuite), les rimes en -ert sont pures:
apert (apertus) : suffert, 1471 (comp. Simund de Freine,
xxn, S. a. t. fr.) : celles en -el el -ele le sont aussi : pu-
cele : bêle, 113; bêle: delele, llSo; bêle: révèle, nuvele :
révèle, 1157 (Comp. S., p. 15); Bellus el bellos donnent
beus, 303, etc., castettos, chasteus, 512. Le son tend à
devenir fermé; est: plest, 685, 1479; estre : Cycestre, 53,
65, 619, 899, etc. Une fois est, rime avec lui-même, L 435.
(St., p. 174.)
Ml DE SAIN! RU I! MM) 253
§ i. c fermé français.
\. e latin populaire e fermé.
l/esse : desiresce, 1363; crestre: (festré), 619; On a la
graphie ei dans dette, L348, el aussi dans aperceivér, 1153.
I'.. c latin '/.
I.Y rermé long qui en résulte esl représenté par :
a) ee: née, 66. I 16; esgaree, 236; lessée, I i59; désirée,
1460 el dans le mol savanl decreez, 182 el rubrique, ïnn.
;i côté <l<' décret, 935.
h) <■/. p. ex. : m'/7 (sapil), 13 (mais ' <7 > vadil 107);
Ireienl, 726; //ici ci: (: /V/r) 1008; engendreie : consoli-
deie, 137; espeie, 1053; roseie, 1243.
c) /V. p. ex. : fie/, 940, à côté de M. 939; //Vn:. 396.
La graphie e esl naturellemenl la plus commune, p. ex:
e/es, 681, etc. Vprès palatale, on ;i e, p. ex : chéri, 743,
à la syllabe protonique, autrement a, /;. ex. : uniaumenl,
078 (Si., p. 175).
| 5. e a/o/ic français.
A.) proloniqne.
A côté <Ir l'e régulier, connue dans bénéfice, 149;
ueez, 307, 137, etc. : esleescée, 8L : signefie, 1105; seinte-
fie, 1219, d'autres graphies se rencontrent.
a) L'anglo-normand écril volontiers a connue voyelle
protonique atone ; cet a est souvent l'a latin devenu e
en français du centre, |>. ex. : chanus 214; amarement,
146; on a aussi amonasteient, 856; asaia, 1233 (comp.
esaié, 526) : saence, 359 : presaence, 105 (science 807)
el surtoul devant r, p. ex. : parceit, 1241 ; aparcever.
1153 : aparceit, 1083 ; aparceu, 1141 ; aparailia, 121.
Peut-être faut-il insérer ici caroles, 186 << corolla, on
de *choraula.
Le même phénomène se présente dans les mss. de
Chardri, Josaphaz, 718, 067, p. ex. : asaia. assai.
h) La Graphie i est surtout savante, p. ex. : artifice.
136; consolideie, 138; cristienté, 1185; crucifie, 1103:
rn/rn/c, 816 ; esperiment, 033 : //<•/-. 662 : f/(MÏ. 1013 :
tnalritnninc, 511 : medicinable, 153; ministra, 1194; or-
dme> . 817. 1130; partirai, 1405; promisteit, 802; sa-
pience, 165 ; uniaumenl, 978.
254 \ il DE SAINT i;k h \un
c) A I orthographe lalinc ou à ['assimilation esl due la
graphie o (") pour e, |». ex. : sotum cl sulum passim (;'i
côlé de selum, 217) : bosoin, 63] ci bosoigne, :'.<iii (à côlé
île besoigne, '~'i~).
'/) Cel c atone disparaît souvent, p. ex. : ver, 7<X : tem-
/'/<•/■. 131 : engendrure, 143; «;/c 210; veslure 343, 839
(comp. Rom., \. L61) : fusi, (iî'i : veraiment, 677, J 1 T-* ï ;
de/c/e (I) 183; penance, L487 ; prêcher; délivré, (.»'."i. à
côté île delivere, 666 et surtoul au futur de /V/r (voir aux
verbes paragraphe 64 et à la scansion. Il faut noter aussi
aunleriné (comp. entrin, B. de II.. 366).
<■) Cet c protonique peut être inséré là où il n'est pas
autorisé par l'étymologie, p. ex. : teneu, 383, i93 ; enlen-
deu, 518 : veneu, 554 ; feu, 1000, rubrique ; tendeu (ten-
du, 1094).
15.) posttonique.
L'e est de bonne heure muet en anglo-normand : il y a
dans lotre poème bien plus de vers où il n'esl pas scandé
que de vers où il reçoit la valeur syllabique qu'il a encore
aujourd'hui sur le continent. Il y a «les mois où cel e
manque, surtout à l'adjectif au féminin, p. ex. : lui sa
famé, 877 cl veis (: curteis), 652.
tue l'ois il est représenté par un u : ici uni. 110. où du
reste nous l'avons corrigé en e. (SI., pp. L76-184.)
S 0. è fronçais.
Les rimes en ê cl à sont pures, ou ne trouve confu-
sion que lorsque la voyelle nasale est suivie d'un groupe,
j). ex. : aprendre : répandre, 563. Le son ë est soin eut
représenté par ein : p. 'i. leinz, 166. 424, 568, etc. Comme
ailleurs on a sanz. 77(1, cl essample, 336.
§ 7. i français.
L'i se maintient ici dans la plupart des cas, comme
>\iv\s riï. 76 : la graphie ?/ est assez rare, le scribe s'en
sort cependant dans les terminaisons des verbes, p. ex. :
(1) lele et leale (prononcez lele) sont les formes ordinaires en
anglo- normand ; comp. Bozon. Bonté des femmes, 139 (Ed. XXXIX)
et Bulletin de In Snr. des nne. Textes. 1881, p. 39.
VIE DE SAINT RICHARD 555
a»;, 1301 ; say, 62; translaterai/, 61, el dans /">//. 207 el
oy (-= oï), 570. On Irouve // à La syllabe initiale dans
ymage 1463, 1465 , synagogue, IlS.î, i i/im/erie, el quel
quefois comme seconde partie de la diphtongue; p. ex. :
/(•//. 903; heyre, 1596. A côté de dimeine, 1355, un ;i de-
meine, 367. (St., p. 186.)
£ S. î français.
\olrc texte a -in, p. ex. : arm/, 12 ; cinkante, 150:5. On
n ici aussi le mot. mi-<&avanl senglement, 351, el au vers
496, coveint, où cependanl le sens exige le passé défini.
(St.. p. 188.)
§ 9. o ouvert fiançais.
a) latin populaire au.
On n'a que la graphie o pont- le son ouvert à la toni-
que, p. ex. : chose : parclose, 27-8 : purpos : repos 623-
i; ore, 24, 27, 28, etc. ; povres, 645; overe, 688; paroles,
69 : o.s/r, 842, et le verbe on- (comp. paragraphe 62), ail-
leurs aussi on préfère o à on (u), p. ex. : locr, 44 ; dis-
posé, 226; /'ost;, 1639; notiniers, 1229. A noter est /nu-
/)<■;•< -, 1596 comp. Rom. xvn, p. 1 25 et paragraphe 16).
b) Latin classique o entravé et atone.
Ici on a presque exclusivement o : par ex.: fors, 351;
Inu e:, 197; demora, 1004; demorast, 888; escolc, 405; no-
Me, 1326; noblement, 284; cors: dehors, 79 et aussi 695,
797, 833, 1269; /or:, 000. On trouve u à la protonique
//urc, 1601 ; /rue/, 1546. A noter sont les graphies apres-
reii. 1409; acheise, 391. (St., p. 189.)
S 10. o fermé français.
Des deux graphies u et o, u est de beaucoup la plus
commune; on a presque exclusivement -us et -ur, pro-
venant de -osum et -oreui. A la Ionique u est très fré-
quent : murs, 812, elc. ; sul, 453 : plusurs, 51 ; curent,
1653 : plurent. 1669. Pour o on a mo:, 1021. A la proto-
nique on a : suvent, 427 ; mustrance, 80 ; recuvereient,
172: cuvint, i96; espusez, 119: purpos, 623; prudesho-
mes, 1076. Pour o viennent se ranger plorant, 1654 :
256
VIE Dl SAINT l;l( IIMil)
oailles, 867; dévotement, 205; porpenseit, 1015 ; le pré
fixe pro se maintient, p. ex. : procuré, 157. A noter aussi
est la graphie m : /n//<\ 720, 809. (St., p. 190.)
§ II. i'i français.
Ce son esl représenté par un el on; pour le préfixe
provenanl du latin cum- on préfère com- (écril dans le
ms. en toutes lettres), p. ex. : commence, 17-4; conscience;
conseille} : compaigmins, 349 : (comp. 347) : conquist,
I7S. mais cummença, 1211. i.;i graphie me m' trouve dans
< milic. 193 ; //(////c. 296, 1471; huntuse, (i'.tT : Punteni,
750 cl régulièremenl cum. On ;i comme graphie unique
/<"//. 25, 112, 635, etc. Pour les verbes on écril de préfé-
rence '//; ;'i la Ionique ri on à la protonique : p. ex. :
titnlc, 2, 7. 15; dune, 3 : doner, 241 : doneil, ÏNI : ro»-
/<•//, 997 : pardoner, 639, mais acumplir, 197, 540 : <////
runez, j.681 : dunkes revienl 1res souvent, une fois seu
lement on /.•<•. 596. (Si., p. 101.)
>;' 12. L français, el u suiuî de consonne: nasale.
Ce son esl décril par (Jeux graphies u cl ui ; la seconde
esl rare : puur, 127 : pureiure, 127 : enclume, 703 : cs/r//.
1363; sus, 1565. Pour m : muiver, 31 : statuit, 010: /m'.s-
sr;. 1347. Les rimes en u (Mr.. 213, 289, 313, 383, 133,
elc.) : celles «mi -ue (215. 231. 247, 1119-1595); en -me
(127. I!»:',. 343, 839, 867), «mi -us (827); en -ust (445, 811.
847, 935), sont toutes pures. La rime fust: sont du vers
137'.) n'est qu'une exception apparente, voyez la note.
U esl remplacé par e dans dekes et \ekes, 1390, comme
■■iii^-si femer (= fumier). \ ie de saint Gilles, 105. D'au-
tres textes anglo-normands offrent des exemples à l'appui
de la graphie ui, p. ex. : Haveloc, hâter, 153 : puist,
161. (St., p. 193.)
DlPHTONGl ES
.5 13. ai français.
( V son esl représenté dans notre texte :
n) par ai (nie. ay), p. ex. : relrnire. 7 ; Jais, 53 ; rais,
venu (: fei), 1338, 718, elc. : ternie (: meie). 1473 ;
VIE DE SAINT RICHARD 25 î
plaies, 1 165 : el à la désinence des verbes : say, Ol' :
translateray , (il : murai, 1312; verrai : averrai, 1389-90;
irai, 1403; serai : initierai, 1404 : userai, 1439.
h) par ci : p. ex. : erses. 354 : repeire, 868 : /V//. 7.*!'i :
meisun, 1069; reisun, L068 ; creisun, 835; treita, I i67 :
pleisir, L478; greignurs, 616, où la graphie pourrai! bien
indiquer // mouilMe, el aussi au subjonctif el à l'impératif
du verbe avoir : cil. '.*7I. 974 ; c/cr. L480.
c) par c p. ex. : f///v/ (: /<■/). 108 : heser, 312 : en-
mesgrit, 553 : /V.s (=fascem) (: les, pronom), 595; /V/
(comp. afaite, 947), 2, 34, .'!7. etc. : /V:. 581 : flereit, 583:
hetement, 372 (comp. huile. 93) : lessa, 318 : lesseit, 319;
mes. 7, 23, etc. : meslre, passim. : plest, 309, 686; resun,
294; /es//.- (: crestre); 619; esfre, L313.
'(/(/c (: terre), 123, 753 : (requerre, 199) : (plere, 536,
lui;::) : fere, 28.
Les rimes relevées ci dessus montrent que le son est un
e fermé, sauf devanl /■ où il hésite entre e ouvert et e
fermé, La désinence ai des verbes ne rime qu'avec elle-
même, il faul donc conclure qu'elle demeure diphthon-
guée.
</) On a une fois la graphie ie : pies (paa^ 264. (St..
pp. 193-0).
§ 14. aï français.
Pour notre poème la confusion fit1 «in et ein est com-
plète : la graphie -e£n esl même préférée, p. ex. : seint,
34 el freq., mais sainteté, 607; t'/'/ir, 31 4 : meins, 473 :
meintenant, i30 ; prochein, 230, rime avec demein, 1437;
mais lendemain, 1355 : pleinte, L473 et même /«-in
(/M//;e?//).
A la rime on trouve une fois aîné pure : muntdine :
suveraine, 829, niais muntaine: pleine, 819. \ noter est la
graphie r^ne. 229.
§ L5. ei (oi) français.
I. La graphie ei (ey) esl de beaucoup la plus commune
pour représenter :
î. ci < latin populaire e fermé tonique : cm, 197 ;
"258 VIE DE >\l\ï RICHARD
//(•//. 510; meie, I'iT'i: peil, 185; quel, 241; receivre,
223, cl clans les désinences -eîe. -eîl.
m. r/ - ;. r hifod, tonique ou protonique :
aveir passim ; dreit passim ; franceis, 52, 58, 62 :
Ici. 343, 822; rey, 903, 909; coveitant, 809; /><•/-
/////c 486; incise 506.
m. c étymologique :
l>cis<t. 285; veiage, 1207.
II. La graphie aï est assez rare :
courlaisie, 538 (à côté de curteis, 305, 651, deux fois
à la rime), à moins qu'il ne faille admettre ici /»/-
millier et ses composés : aparailla, L21; aparail-
last, L378 (comp., paragraphe 5 A (a).
III. Très souvent la graphie <• se rencontre :
</•(' (credo), L583 : cressant, 228 : decevre, 528 : /'/es-
che 128; leaus, 104; /<w//:. 166, etc., et le mol sa
vanl descret, ~>8(.».
IV. < )n a aussi la graphie i' :
demisele, 520; envillie, 219; liaument, :!.">, 38, 629;
viigla 1 17.
V. A côté de enfeibli, 1429, on a fieblement, 1430;
/'/>/,/</•, 1365 et fkblesse, 1288.
VI. Dans la syllabe protonique où on a ei en français,
on trouve ici e connue ^<n.s enveeil : seez, 303 : ree;7,
1076. Cet e est tantôt scandé et tantôt muet (voir para-
graphes 73 seq.). L'i analogique français esl représen-
té aussi par ;. p. ex. : profiier, 394 : profitable,
276 : delitable, 374.
VII. On a une fois o/, p. ex. : mois, 1325.
Y III. Il faut aussi noter les rimes curieuses />rc/7 (im-
parfait du subj.) : enticeit, 519-20; comandeit : deil,
1493-4; peut-être avons-nous affaire à un change-
ment de conjugaison : comp. 360 ; et les formes
avec n inorganique : ensemenl (très souvent) et ensi.
(St., pp. 197-S00.)
§ 16. et français.
Ce -on est représenté par ein, p. ex.: feint, 030; pei-
nes, 1471. Puisque c'esl aussi la graphie préférée même
VIE DE SAINT RICH MU) 259
pour ain, on ne s'attend pas à Irouver ain pour ein ; rlo-
tre texte n'en offre pas d'exemple.
\ la prolonique on a <• : demeine (dominicum), 1582.
Suivie de // mouillée, <>n écril ci, p. ex. : enseigner,
1 171 : deignez. (Si., p. 201.)
Jj I 7. ie français.
I.a réduction de ie en e, caractéristique pour l'anglo-
normand, esl ici attestée par «le nombreuses rimes, p.
ex. : baillié : usé, 621-2; celles on ié pures ne sonl que
fortuites, p. ex. : pié : l>les<-ic, 475-6; ateillé: aparail-
//c. L637-8. I.a graphie e esl de beaucoup la plus usitée,
voir les rimes 93, 615, 665, 681, 1171, etc.
I a graphie ie n'est pas inconnue, p. ex. : ciel, 1140,
de : fiers, 7(i"J : mieux (à côté de meuz, 62, 1224 ; pie,
174 : piez, 913; piere, 137 (comp. Reimpredigi xm (M
Haveloc, v. L90); mV. 902; veschie, 1161. Après pala-
tale on a tantôt ie et tantôt e, p. ex. ; chiers, 1311; <7n<7,
708; <7j;V/, 10, 699, mais chef, d'il. La graphie ec ne se
Irouve qu'une seule fois : esleescée, 81. On a manere à
la rime (: père), 073 et aussi 141, 249. i se trouve aussi :
matire (: dire), 133 ; lumire, <x:io ; les mêmes mois en
rime paraissent dans les fragments d'une vie de saint
Thomas, III, 91-2 (Soc. d. aric. Textes, Ed. P. Meyer).
A la prptonique on a régulièrement e : levaient, 1448 ;
salereit, 282; mais une fois seulement, fièrement, 1460.
(SI., pp. 201-2).
§ 18. iè français.
hans noire texte nous avons presque exclusivement
ien, p. ex. : bien, 20, i7, O'i, 111, etc. ; vient, 4, 16, 24,
etc.; avient, 633 : mien, L165 : mais /><•/( 291 : cristienté,
1184. Votez aussi seens, i39, 156. (St. p. 203).
S 19. ieu français.
Provenanl du latin Deus, Deum, notre texte offre les
graphies :
/>(-(/. 31, 00, 64. 77. 84, etc. : une seule fois Deus, 822.
Judseus donne guis, 1168; iuis, 1169; guif, 1171.
Focum donne feu, 130: /u. L589, 1591 : fus, 1422.
Locum donne /i'u, 122, 947 ; lius, 1214.
260 \ll Dl SAINI RI< Il UîD
Le verbe sequor présente dans notre lexte les formes
suivantes :
siwent, LOT : m/m//. 786. (St. p. 204.)
§ 20. .»i français.
( '<• son esl représenté dans notre texte par oi, p. ex. :
poi, 508 ; poij, 207 : joie, 609, etc. ; uo/nc, 666 oi (habui),
1388; l'.i'dr, 902; voiderai, 1404; roi///V. l ',:•:>: i ■«,/</,
159. (St., p. 205.)
§ 'Jl . oi français.
Nîolre texte offre oi dans cro/r (: oir <C oru/o.s). 1463;
/(</./•, 998 : matrimoine^ 521 : tesmoine, 97 : et souvent
aussi u£, p. ex : muiste, 133 ; anguisses, 093 ; anguis-
susses, 698 ; el devant / mouillée, orguil, 162, 232 : de-
vant n mouillée la même graphie se présente, p. ex. :
enuignt, 460 : Pimparfail de connaître est toujours en
is(s)cit: coniseit, 573; eoraisseienfl, 588; recunisseii, 988.
La forme du présenl ro;//.s.sc:. L475, empêche de penser
à un changement de conjugaison. Cet oi se réduit à o
dans parose, 809 (comp. paroche, 9ô9). Pour la réduction
de oi à i, comparer aprismer Gaimar, v. 185. (St., p.
205.)
§ 22. oî français.
On trouve ici a graphie -o//;, dans bosoin, 631 ; hnsoi
gne, 242, 300 : /o;'///, 1240, el aussi um : luinteine, 561.
Il faut noter aussi queinte, 504, à côté de cointement, 532.
(St., p. 205.)
§ 23. ou français.
Ce son ne se rencontre dans notre texte que dans des
formes verbales. Pour les verbes de la première conju-
gaison il n'est employé qu'à la rime, p. ex.: a/ou/ (:oul),
1287; conformoul (: tou/), 1258; désirout (: oui), 1089 ;
grevout (: sou/), 988; mustroui (: ou/). 610.
On l'emploie surtout dans le passé défini des verbes :
aveir -ou/, 240, 389, 009. 1088, 1288, etc.; saveir -sou/,
249, 393, 395, 977. Pour deveir on a dut, 393, et au subj.
dasse, 1304 ; '/us/. 33, où la voyelle atone manque, '/eus/,
VIE DE SAINT RICHARD 261
206, L352; dusent, 565; de poeir : pot, 105; subj. pusl,
242, 1341; poust, 32; pot, 53; de uoîeir: nmi. 390, 392,
865, 1257; i:ousf, 757; volt, 122 ; n// 1286; de /</<v,> :
/i/s/ (comp. paragraphe • '»:!). 296. St., p. 206.)
§ 24. ou français.
* 'c son est représenté |>;ir peu de mois. Ici on a dons.
349, 360 : douz, 715 : une lois deu.s. ti7r>, pour e atin
duos ; ubi, donne u : la graphie ou est réservée à ou
< apud, sauf au vers 1543.) Dans le composé ou trouve
andeus, 589, 590, 593, 691 : amsdouz, 682. Aucun de ces
mots n'est à la rime. (St.. p. 206.)
>i 25. ue français.
La graphie ue esl tare ; on a luec, 563 ; <7uec. 1215,
1370 : </ur/'. :! : quoique ce mol soit écrit en toutes lettres,
il faut comprendre <iua\ puisque il rime avec chanceler,
7.">7 (comparer Boeve de Haumlone, 106-7 ; quer : honu-
rer cl Deu c omnipotent, quers : pervers, 89 a b). On
trouve la réduction à ë dans (efnes, 10 (à coté de lufnes,
9, 1572) (I dans le nom propre Neville, 901.
(Cite diphtongue sie réduit aussi ;'i u. ce qui est assez fré-
quent : junes, 830 ; avuglent, 034 ; iluc, 534 ; nu:, 1097 ;
crus (erosus), 160; put (présent de poeir), 46, 78 ; de-
vant / moulléc on a o : voil, 188 ; voillie, 1435 ; oi/s, 634;
et aussi u dans cu/7///. 260; c,/,7//. 388; quilli, 380. La
graphie oe se trouve dans doc/. 700, à côté de dol, 123'i.
On a aussi o et u dans /<n/>/c. 398, 753, 1292, et pup/c.
1592. (Comp. S., p. 78.)
Le pronom ceo a eo comme seule graphie. Ou se ren-
contre dans le seul iloukes, 489, qui est peut-être impu-
table au scribe. (St., p. 207.)
S 20. uê français.
La graphie uen est encore plus rare que ue pour o ou-
vert latin tonique; on n*a que le seul mot suens, Yod, 1369,
à coté de seens, 450, et sen 259. On préfère o/i, p. ex. :
bon. son. 229, 243, 253 ; sun, 385. Pour homo on a home
et comme pronom l'en, 33, 1163, 1650, 1758; Vem, 113,
713 : et aussi hum, 077. (St.. p. 209.)
18
262 VIE DE -\1VI KM H\ltl>
§ 27. ni français.
Pour ce son on trouve dans notre texte les graphies
suivantes :
à) ui. p. ex. : hui. 1 135 : luisauz, 7K> ; nuil, 1000 :
L519, 1557, !559 : /uu.s très souvent : puisse, 30 ; />u/.s-
senf, 1075.
6) u, p. ex. : //(//, 226 : />u/:. 68 : us (?), L540 ; nutéc,
1658; prusme, 87: amenuser, 11G8.
e) i, p. ex. : ce///, 1 452, el /(. passim. aufri, 592.
d) Pour le latin oleum, on trouve o£îe, 822 (comp. angl.,
oil).
CONSONNES
§ 28. L.
Celte consonne est depuis longtemps vocalisée devant
d'autres consonnes, p. ex. : asout, L249 ; aulcr, 1693 ;
beus ; beu, 303 ; cliasteus, 512 ; eus, 37, etc. ; iléus, 573 ;
lesqueus, 410 ; maus, 694 ; mieux, 27 ; sauveur, 164 ;
sauveté, 165 : s/iu*e, 134 : //Vu:. 396 : *'uu/, 27. La con-
sonne se conserve dans les mots ecclésiastiques culpe,
1021; sépulture, 1627; on la trouve insérée dans aime,
255. 257. clf.. à côté de aine. L392. Après e on trouve
développé ici comme sur le continent un a: beaux, 93, etc.
Dans plusieurs mots / a disparu sans laisser de trace- :
acune, 1445; as (article), 201; mut. 532, etc.; pucelle, 300;
savacium, 6 (comp. angl. vue cl Modwenna maivi*. 17 d);
cur//z (: repleniz), 1528; /'(': (: c//r). 007; vuderez, 1346;
cops, 702.
L mouillée intervocalique s'écrit :
a) -i/i-, p. ex. : alcillé, 1637 ; entrailles, 1619 : meillure,
626 ; veillescc, 216.
6) -/t-, p. ex. : aliurs, 550 ; <lcspuliée, 232.
c) -iZï£- (ou -illi-), veill'ics, 500, à côté de veilles, 836;
aparaiUié, 129; aparailia, 121: travaillia, 250." Il est possi-
ble que cette graphie représente non seulement / mouillée ,
mais un i qui s'est diphtongue avec la voyelle précédente;
les mots anglais qui en proviennent semblent prouver qu'il
y avait diphtongue : apparel et travail ( = tourment), à
côté de travel (voyager) et despoii.
VIE DE SAINT RICHARD 263
A noter sont les graphies fille, 510, el fillie, 515, el
evangelie. I. mouillée finale devient -//: vermeil el perd
le mouillemenl en se vocalisant : Éraucms, c>9i.
La consonne î, qui sera plus tard p, se trouve ici clans
le mot apostle, el se maintient, en anglais, apostle. (St.,
P. 211.)
§ 29. R.
La métathèse de r est rare dans notre texte : nous ne
trouvons que aperneit, 209; le mot, qui sera plus tard
brebis, est ici correctement berbiz, 850.
La confusion de rr avec r, et de r avec /v. si fréquente
dan- les textes anglo-normands, se trouve ici aussi (comp.,
paragraphe 47).
a) P. ex. verrai (veraeuni), 1389; murreil (impart-.),
1519; à côté de mureity 1055; guerre (adv.), 1011; hrrum,
1422; serrai, 1res fréquent.
h) murai (lui.), L312; pureit, L184; uerai (fut.), 1328:
quere, 1074.
La prononciation de /■ en anglo-normand est très fai-
ble ; on trouve à la rime, dans une traduction de l'Ancien
Testament (voir la Dissertation citer en note au vers
1217), reis: aveirs; vois: os; désires: bestes; tertres: per-
les; irascuz: murs, etc. Ici on a le mot fierté pour fiertre,
1639,1645. Purpine colur <!u vers 1604 doit être pour
pourprine. Godefroy ;i relevé celle t'urine deux fois (voir
porprin).
Celle faibesse de r est connue aussi sur le continent
voir La Prise de Cordres, Inlrod. cxviii-cxix). (St.,
P. 213.)
§ 30. M.
Notre texte ne distingue pas entre m et n finales. A
l'intérieur du vers, le mol num s'écrit le plus souvent avec
ni, p. ex. il'.». 70, 73. 74, etc; une fuis non, 881; el aussi
uun (coinp. le vers cité au paragraphe 1). A la rime on
a uun (: Edmun), 772: (: reisun), 927: une fois num (: Sy-
mun), 1407. I.a graphie sulum, 72, 70, 234, etc.; selum,
217. est beaucoup plus commune que sulun. Le pronom
264 VIE DE SAINT RICH VRD
indéfini s'écrit indifféremment l'en et Vem; celui-là devant
devant /. 113 : devant />, 713, et hum devant v, 077 (comp.
devant /. I L3 : devant ;>, 713, el hum devant r. (177 (comp..
paragraphe 26).
W s'écrit quelquefois là où on s'attend à trouver mm :
l'hune. L575 (comp. angl., flame), L575, à côté de flamme
(voir paragraphe i7) : numer, 713, 816; nomé, 913; <o
mun, 1254, à coté de commune, 303, etc. .1/ se rencon-
trent pour /i devant labiale : emflure, 161. La première
personne du pluriel est rare dans noire texte, on l'a une
fois à la rime savum : irrum, 1421-2, el aussi averurn, 6.
(St., p. 215.)
§ 31. N.
La substitution de m pour n devant labiale ne se trouve
dans noire texte que dans emflure, 101, cité au paragra-
phe précédent. Celle de / pour /; ne se trouve que dans
aime, 225, 257, etc. (voir paragraphe 28). .Y tombe régu-
lièrement dans le verbe covenir, p. ex. cuveint, 190; on
a une fois recureit pour reçurent. 702 : et elle se trouve
insérée dans vint, 1009 : ici aussi, comme dans d'autres
dialectes, dans ensement, 45, 77. 200 (comp. Roencli :
Itala und Vulgata, p. 458); n est restée dans lanterne
< la(n)lerna.
N mouillée est représentée dans notre poème :
(i) par n : Punteni, 750.
(n) par in: gainer, 1257; Boloine, 188; vergoine, 098, el
peut-être aussi flans moine cl chanoine, 52, 908.
(ni) par m ; pleniant, 1507.
(iv) par <jn : signefie, fréquent.
(v) par gni : seigniur, 1282.
(vi) par ign : gaigneit, 182.
Pour d'autres graphies trouvées dans le Domesday
Book, voir Hildebrand, Zeitschrifl fur. rom.-Phil., VIII,
321. (St., pp. 210-9.)
§ 32. P. B.
Ces consonnes donnent lieu à peu de remarques. Entre
m et n, un p peut se développer : solempnè, 308 ; solemp-
VIE DE SAINT RICHARD 265
nement, L289 ; columpne, L591, où on n'a peut-être affaire
qu'à un reste de l'orthographe bas-latine. Un j> étymologi-
que esl inséré et se maintient dans baptême, 1173. Au
vers 217, on a puplie pour public.
§ 33. V.
La confusion de / avec u ne se trouve que dans jufnes,
9 : jcfnes, lu. et jufnc. 1572. La graphie u; i ~l assez
rare, on a ewes, 168, et siwent, 107, et siweit, 786. Pour
deswarokée, 233. voir paragraphe 43. (St.. p. 219.)
§ 34. F.
Devant l's de la flexion. / disparaît dans le seul mot
que nous ayons où se trouve cette consonne : savoir, guis,
juis. 1108-9. à côté de guif (cas résime). 1104 rubrique.
(St., p. 220.)
§ 35. T.
Le / donne lieu à peu de remarques : provenant des
verbes à racine dentale, on a renl (première personne).
1 169 ; fiabet donne al, 600 (voir paragraphe 30) ; t a dis-
paru dan- quan que, 102, 101, cl souvent à la troisième
personne du passé défini. On trouve à la rime : 1° avec
la (ou delà, 724), ala, 431. 489, 555: baptiza, 1175: dédia.
L623 : demora, 1013 : parla, 1133 : respeira, 543. Autre-
ment les rimes en a sont toutes fournies par des troisiè-
mes personnes des verbes de la première conjugaison ;
p. ex. 261, 275, 317, 355, 371, etc.. 36 en tout); 2° avec
li celi ou aussi : départi, L555 : dormi 1023 : cnlendi,
I'iL'T. (D'autres formes sans / sont cuveri, 839; endormi.
1068 : senti, 1348 : suffri, 278, 1227. 3° On a aussi, à la
rime : senti : garri, 1000, mais garit : dit (part, passé),
L029 : dit : respundït, 1 131.
La seule forme provenant de apud esl au (comp. para-
graphe 24).
L'emploi de fu ou de fui est très inconséquent : la pro-
nonciation, sauf à la liaison, est /(/. ce que démontrent
assez les rime? : c.s/eu. 1007 : tendeu, 1131 ; receu, 1270;
notre texte préfère la graphie fu devant consonne (66.
"266 VIE 01". SAINT HICHARD
83, 84, L22, etc.), avec trois exceptions seulement (257,
670, 889), lesquelles peuvent être portées sur 1»' compte
du copiste : autrement on a fut : 246, 598, 642, 911, quand
il v a liaison, et fu, quand il y a pause : le vers 1071
semble taire exception.
§36. I).
Le (I s'écril quelquefois dans ad (habet) 6i, 68, 518,
616, ei même devant voyelle, 622. Dans entermedleienl,
718. un a un exemple de la substitution de <l pour s devant
/. phénomène qui est resté, en anglais, mcrfrfle.
Il n'est guère surprenant «le trouver norih, 1692, pour
nord (enmp. Wace, /.'ou.. I. 129). (St. 223.)
§ 37. S.
Pour représenter le son sourd, notre texte écrit :
a) s : ausi, 271. 345, 347, 509, etc. : usez 483, etc. :
asaia, 1233, el esaié, 526 ; asemblée, 908; asis, 413: s'nsisi.
i52 : asigné, 907 : coniseit, 573, 588 : récusent, 1354 :
usent, 1351, 1381, et aussi parose, 869 (a côté de paro-
die 959).
b) sr. : blescerez, 174: blescié, 176-82.
c) D'autres variantes graphiques sonl c et : : ces
( = ses). 1349, à côté de ses (= ces), 843 : enceveli, 1614,
à côté de enseveli, 1628 : mueer. 389. 398; et pour : :
sanz forme unique, et vessiez, 1598.
d) //i : desuth, 1484.
La s devanl consonne était déjà muette ce que prouvent:
a) l'omission de .s : b) l'insertion de s là où elle n'esl
pas autorisée par l'étymologie, et c) les rimes en -it : ist,
etc.
a) s omise : andeus, à côté de amsdotiz, 682 ; baptême.
1173; blâme, 218 (comp. paragraphe 1): blemure, 104, à
côté de blesmée, 116; eschar, 852 (: char): for, 17. 21. à
côté de /'ors. 1209: même, 210. 243, à côté de meimes,
■ \'i'2. 519. 997, rie.; pcchui\s (piscaÛores), 1557 : />/vi7
(imparf. du subj.), 867: quareme, 1322; sou/ (imparf. du
subj), 1380; ucr, 1649, à côté de /ers. 15 b/s ; riche*.
1390.
VIE DE SAINT RICHARD 267
b) s insérée : descrez, 032 ; enlremestrai, 60 ; freles-
tez, 672 ; gesta, 836 ; mestre, 708 ; mestez, 1484 ; meste,
L256; nr.s/r. 704; nestement, 311; nesfefé, 158, 273, 278,
280; preslast, 1605; fuis*, 200.
e) Rimes : profil: eslist, 945; rcnisl: spirit, 1541, etc.
Les rimes en -a*/ et en -usf sont, sans exception, des
rimes verbales.
Il faut faire observer que les graphies avec s sonl de
beaucoup les plus fréquentes.
S impure peut étire précédée ou non par e, voir 052,
1270 ; souvent aussi, là où les consonnes se trouvent
écrites, il faut scander sans e. (Voir les paragraphes 73
seq.)
L'abverbe ici s'écrit tantôt issi. (première rubrique), tan-
tôt ici (dernière rubrique). (St., p. 225-8.)
§ 38. Z.
La graphie z (< t + s, d + s) est presque la seule
usitée dans notre texte ; il y a plus de soixante mots à
la rime en -ez ou -iez : des participes, des deuxièmes
personnes des verbes et quelques substantifs provenant
de la troisième déclinaison latine. Les rimes en -iz, 73,
607, 1527, sont pures, et aussi celles en is : il semble
donc que l'auteur dislingue entre les deux sons ; nous
n'avons relevé qu'une fois s pour z, p. ex. auns, 100, à
côté de anz, 490 ; une fois mots, 1413, et une fois mox,
730, a côté de moz, 740, 1046. On a ici comme ailleurs
sanz, 315, etc. (comp. paragraphe 37); dedenz, 83, etc. ;
roi:. 008; duz, 17, etc.; romanz, 15, 28 ; so/as, 726, à côté
de solaz, 760 : laz, 526 ; fiz: diz, 607-8 ; fiz: Wiz (73)
(nom propre qui figure en anglais moderne sous la forme
de wich : p. ex. Droitwich ; Nantwich, etc.); mieuz, 27,
etc.; tuz iurs, 401, aussi tuz jurz, 721 et 724 ; seinz, 84,
etc. : <uz : parz, 370-80 ; piez, 005.
Quant aux autres rimes en s ou en z, on trouve :
a) -ors : celles-ci ne sont fournies que par les mots :
hors : cors (70, 605, 707, 833, 1260).
b) -anz : celles-ci (715, 1249) sont pures.
c) -urs (1233).
268 \ II. DE SAINT RICHARD
d) -arz, 379.
e) oiz, \'ii')-',. (Camp. Suchier, paragraphe (>".).
I) us, 827.
g) -uses, 697 ; celles-ci sont toutes pures. (Si., pp.
229-30.)
§ 39. C (K).
Ce son est 'représenté dans notre texte :
a) par k- dan- kar, la seule forme usitée : cinkanle,
L505 : kalende, 1507 : logike, 329 : vikerie, 960, el aussi
unkes, 12 : unke, :i75 : dunke, 175 : dekes el /c/.t.s sou-
vent.
b) par qru- dans le soûl mol r/ue/- (coirip. paragra-
phe 25).
c) Par c/f- une fois dans oncke, 596.
c/) Par c à la fin des mol? : (7/ur. 551 : /uee. 563 :
r'Huec, 1278.
c) /,• correspond à ch dan- le mol deswaroké, 223. (St.,
p. 231.)
§ 10. Ou.
Si Slûrzinger (Orthographia gqllica, \i-\ii) a raison de
dire que les graphies qruî, q»ue commentaient à l'emporter
sur /,i. ke, vers la fin du xine siècle, notre loxtc offre des
difficultés considérables. Les graphies pour le pronom
sont dans la proportion d'un que sur douze ke ; tandis
que pour quando, quantum et qualis, on préfère quant el
qruef. Oue se représente donc :
a) Par /.". liés souvent dans le pronom relatif <»u inter-
rogatif : que se rencontre vingt-cinq fois : qui (HT), une
seule fois : quei, aux vers 241, Gii.
b) Par qu- dans (/ne/. 163, 195. etc. : queus, 991, et
dans les composées lesqueus, 410, 566, etc. ;: quant, vingt
et une lois, une seule luis /,'</(/. I K>7 ; nequedent, 593,
713, à côté de nekedent, 1099 : quinte, 1437 : quareme,
1342 : reliques, 965 : équité, 187 : el aussi dans requite,
1340, cl quassée, 942, mots que se maintiennent, en an-
glais, requite el quash.
Dans la phrase quash a sentence — casser un arrêt.
(St., p. 234.)
vil: dk saint richard 569
§41. C (ts).
Ce son. provenanl de c + e ou +/, ou de c\ ou de //'
précédé de consonne autre que s, s,- maintient ici : cel,
ciel, Il in : face: Boniface, 881, 913; commence. 1211,
1213; chancun, \\\~: chaucure, 248; chaîner'. 990; chauce,
994; chauca, 991; descreciun, 664; naciun, 71; propice,
684, elc; une fois on trouve un e inséré; purchacea, L334.
Le pronom neutre s'écrit toujours ceo et /ïeo. 371 (comp.
paragraphe 37, c).
La graphie -m- se rencontre ici comme ailleurs (comp.,
St., p. 224, et Simun de Freine, voir à l'Introd., ouvrage
cité, lxvi), drescer, 600 ; blescé, 82, 176, et aussi dans
la terminaison des substantifs abstraits : pruesce, 20 ;
hautesce, 1130. A comparer sont prescein el apresceit,
1409, 1374, avec prochein, 1438. (St.. p. 232^3.)
§ 42. Ch.
Ce son provient régulièrement de c-f a et de p/; la pre-
mière de ces deux sources est représentée par char, 1604:
chiet, 708 : c/uzisf, 431 : charité, 681 ; cheval, 434 ; eno-
se, 28 : péchiez, 086 : tuehié, 1122 ; et la seconde par
sache, 1583 : sac/iez, 087. 1048. 1057 : prochein, 230. 1438.
."Vous avons ici, comme ailleurs, le mot d'emprunt cas.
ii.'ï. et comme dans d'autres dialectes : caruine, 1483.
La graphie -cche se rencontre aussi: iecche, 978, 1111,
et aussi -se- (comp. paragraphe 41). p. ex. apresceit,
1409. A noter est. la l'orme mi-sa\anle parochc qui se
maintient en anglais parish. (St., pp. 235-6.)
§ 13. G (= g).
Gu, qui provient du w germanique, s'écrit g devant a,
p. ex. : gardent, 078: gardeit, ï~~: gardèrent, 472; re-
garde, 1008 : regardèrent. 070 : garit, 078 ; devant e (ou
i) on trouve yuc, p. ex. guerre, 1044 : On a deux fois u; :
ueimentant, 1507 : deswarokée, 233.
G (= g latin + o, u) se maintient : p. ex. gusta, 820 ;
synagoge, 1183. (St., p. 236.)
S 44. G et, J (dj).
On écrit g devanl e el r", et / devant o, u et a : p. ex.
270 VIE DE SAINT RICHARD
geu, 1568; gelèrent, 719: gisir, 1013; grisé, 751; ajusta,
724.
§ 45. Y, .1 (= y).
L'emploi de i, / ou ;/. inséré devanl la syllabe tonique,
pour empêcher l'hiatus, ne semble pas se rencontrer clans
notre texte. On trouvera sous ei, au paragraphe 'i B. (b),
des exemples d'un emploi analogue que nous avons ex-
pliqué autrement. (St., p. 238.)
§ 46. H.
1.7i du latin se maintien! ici quelquefois comme en
français moderne : on trouve : hospital, 1273, 1275; hoste,
1009; humilité. 5, 25, 160, et aussi Jmnt, 35. où du
moins l'orthographe latine excuse la présence de h, et
halegres, 1252. forme qui peul être justifiée par l'emploi
fréquent de Ji dans la basse latinité.
L'h se trouve intercalée dans ahurnez, 656 : ahurne-
ment, 382 ; tandis que l'origine germanique ou l'analogie
expliquent sa présence dans haité, 94 : hautesee, 1130 ;
haucié, 005 : hunte, 200 ; hunluses, 007 : huiberc, 1500 :
heure, 1596 : hidur, 848 ; herbergé, 1274. 11 est à noter,
cependant, qu'au vers 1596, devant 17) de heure, Ye de de.
est éliclé.
Col emploi de /( est surtout très fréquent, dans les œu-
vres de Bozon : p. ex. Contes : (S. a.l.fr.) alouhe : Vie de
saint Pol (publiée par nous dans la Modem Langage Re-
rieir. 10i)0). couhe, 121 : poulie. 285. Vie de saint Pa-
nuce (publiée par nous clans Rnmania. 1909) : houhel, 12
(anc. fr. ivel < equalis); louher, 102.
§ 47. Lettres doubles.
L'orthographe avec lettres doubles sans que le soi-
change de valeur phonétique, se rencontre souvent dans
notre texte :
// : p. ex. apellé, 1261 ; appella, 1331 : rapella, 275 :
illuee. 1278 : celli, 1186 ; tolleit, 759 (ville à côté de vite).
rr : p. ex. terre et serrai, graphies uniques ; purreit.
240 ; verrai (veraeum). 1389 ; menai. 1390 : guerre
VIE DE SAINT RICHARD 27 I
(subs.), 1044; guerre (adv.), 1011; garri, 999: accurre-
rcnt. 1641 (comp. paragraphe 29).
Il est à noter qu'on trouve // et rr plutôt à la syllabe
protonique qu'ailleurs.
mm : p. ex. femme, graphie unique : flamme ; com-
mencé, 174 : commença, 1213 : commanda, 1379 : «"m
mune, 363 (comp. paragraphe 30).
haï : graphie rare : on trouve bonnes. 171 : on peut no
1er aussi ennui. '■'>■'>' (comp. paragraphe •!!).
PP : p. ex. appella, 1331, à côté de rapella (comp. pa-
ragraphe 32).
/>h : p. ex. abbeie, 1022 (comp. paragraphe 32).
// : p. ex. offert, 113 (rornp. paragraphe 34).
// : p. ex. mettre, 1. 17. 20. 12, «'te. (comp. paragra-
phe 35).
ss : p. ex. issi, souvent : çressance, 219 : vessel, 156
(comp. paragraphe 37).
rr ; p. ex. noces, 970, 976 ; accurrerent, 1(3 4 1 (voy. rr),
à côté de acorder, 176.
Morphologie
l.e manuscrit n'est pas beaucoup plus jeune que la
i îomposition dû poème : nous n'essayerons donc pas de
distinguer les formes à la rime de celles qui se trou-
vent à l'intérieur du vers.
§ 48. Article.
L'article défini du cas sujet est trois fois H (90. 966,
1155) : [dus souvent, le cas régime le remplace, p. ex.
73. 110, 122. 149, 270, 271, 146, etc. : le est la seule
graphie sauf, naturellement, devant voyelle.
En combinaison avec les prépositions de, a. en. les for-
mes suivantes : a) del : seule graphie ; b) al : p. ex. 105,
398. etc. ; c) le ms. porte cinq fois en le, 173, 670, 671,
672, 1283. graphie qui peut bien provenir du scribe, car
la mesure exige el.
Au pluriel, on ne trouve que les.
Combiné avec les préposition, on a : a) des: passim;
b) as, 34, 201. et aussi a les. 1230. (Voy. ce vers.)
272 VIE DE SAINT RICHARD
Au féminin, on trouve /'/ au singulier et les au pluriel;
une fois (1440), on trouve le pour la, cl nu vers 1090 :
en le honurance, où il faul peut-être corriger en /'.
L'article indéfini paraîl régulièrement comme un et une;
la forme du féminin ne compte, presque sans exception
(p. ex. 1007), que pour une seule syllabe, et, par consé-
quent e peut manquer (p. ex. L002).
On trouve aussi une fois : une^ botes, 080.
L'article peut être omis (comp., vv. 1142, 1154). Nous
avons souvent cru devoir le supprimer pour rétablir la
mesure.
Emploi de l'article
L'article défini peul paraître devant un substantif pour
être omis devanl un second (comp. 753. 1307-8), p. ex.
I) l'onur e digneté avelt. 1 L60. (St.. p. xi-xm.)
§ 40. Substantif.
La déclinaison de l'ancien français à deux cas a com-
plètement disparu : si l'on trouve correctement le nom
propre Oies (741), il n'en est pas moins en apposi-
tion avec le légat. La forme rare du nominatif : festre
( = faitre < factor) se rencontre trois fois (019, 899,
1313), mais toujours employée comme cas régime. Et si
la forme archaïque de l'article li se présente, elle ne paraît
pas moins en combinaison avec seint (996). Evesques
(346, 142), sert également pour l'accusatif que pour le
nominatif (voy. aussi 586) : tondis que /;': (comp. 607,
d'un côté, et quer, de l'autre, sont les seules formes con-
nues.
Même pour rendre le nominatif et le vocatif de Dieu,
on n'a que la seule forme Deu (comp. paragraphe 19).
A l'accusatif, la forme qui provient régulièrement du
latin est la seule usitée : p. ex. oil, 679 ; guif, 1171.
Au pluriel, on trouve anz (1388) au nominatif, et à l'ac-
cusalif : guis, 1108 : (uis, 1109, etc.
Au féminin, on n'a naturellement que la seule forme
avec s •" p. ex. botes. 989.
Le sens du génitif peut •-'exprimer par la simple appo-
VIE DE SAINT RICHARD 273
si lion quand la seconde partie indique une personne : p.
ex. de la pruesce un chevalier, 20 ; eir... son père, 230 ;
essemple son mestre, 336 ; les lescuns son mestre, 502 ;
parla volontez si fillie, 515 : la seintelé son seignur.
G08 ; le mandement Vaposldile, L204 : voy. aussi 1200,
1209, 1238.
El surtout quand il s'agit de noms propres : p. ex. Yaïe
seint Richard, 59 : en la Deu pari, 00 : le d'il Salamon,
396 ; lu reisun... lu seintelé seint Richard, 537, 974 ; la
croiz Jhesu Crist, 1195: le travail Marthe, 1459; voy.
aussi 1242, 1389.
Autrement le génitif s'exprime par une préposition :
a) de : de pasturel office le fes, 505 : de la croiz glorius
prechur, 1202 ; b) à : p. <jx. le lil al malade apresceit,
1409. (St., xiv-xvii.)
§ 49 a. Noms propres
A. Noms de lieu.
Les auteurs anglo-normands usent d'une grande licence
quand ils prennent à tâche de faire entrer des noms pro-
pres dans leurs vers. F/auteur de l'Epilogue de Lestorie
<les Engleis -"«mi tire tant Lien que mal, mais là il ne
s'agit que de dresser une liste des comtés et des évèchés ;
notre auteur s'en lire plutôt mal que bien : ainsi au vers
1003, il faut lire Begeham comme Beim ; Boloine semble
devoir être scandé B'loine, à moins qu'on ne supprime
nier. Canterbire, sauf au vers 710, où nous avons proposé
une correction, compte pour trois syllabes. Devant Cyces-
tre, aux vers 54 et 05, il parait nécessaire de supprimer
de (comp. paragraphe 49) ; ailleurs le nom (et aussi
\\ireeeslé<\ v. 66) compte pour deux syllabes. Pou;iJ
Jérusalem, voy. paragraphe 104, Oxeneford, vv. 332, .".55,
s'écrit ailleurs Oxcnford et Oxneford (Lestorie, 1, c. V.
15ii) ; Westminster s'écrit Wemusler dans le Fragment de
la Vie de saint Thomas.
B. Noms bibliques.
Bans une version anonyme de la Bible, en vers décasyl-
labiques, les noms propres, tant pour la forme que pour
274 VIE DE SAINT RICHARD
la scansion, sont traités d'une façon très arbitraire. Nous
v avons cherché les noms qui nous intéressent, et nous
trouvons, dans des leçons, appuyées par plusieurs mss.,
que David (écrit de préférence Davi) compte pour deux
syllabes, Eliseu (écrit Ilelyseu) pour trois, tandis que
Samuel peut avoir tantôt 2 et tantôt 3 syllabes. Quoique
ces recherches n'autorisent guère la l'orme Liseu, que
nous axions proposée (paragraphe 102), elles soutien-
nent la scansion de Samuel que nous avions proposée au
paragraphe 98.
§ 50. Adjectif.
Il en est de l'adjectif comme du substantif : à quelques
exceptions près la déclinaison n'existe plus. Pour notre
auteur, cet état de désordre est avantageux : il lui per-
met des rimes autrement impossibles :
e demaunda u cel hacheler fu
que esteit a cheval la venu ; 433-i.
et aussi les vers, 135-6, 551-2, 883-4, 889-90, 1219-20,
1545-6, etc. Dans d'autres vers, un retour à l'ancienne cor-
rection ne nuirait pas à la rime : p. ex.
puis à Dovere s'en est venu[z]
en une meisun est desicendufz] (1271-2).
et aussi les vers : 551-2, 1261-2, 1273-4, 1317-8, 1505-6,
1637-8, 1639-4(1, 1677-8, 1681-2, etc. : ou dans le sens
inverse : 1077-8, 1099-1100, 1143-4. Nous aurions proposé
ces changements dans un texte uni renient correct; on ne
saurait défendre ce procédé vu les rimes : -è (= ace. pour
nom.) : -é (= substantif abstrait), p. ex. 1035, 1179, 1185,
etc. On trouve aussi le nominatif pour raccusatif assuré
par la rime, 484, 863.
Au singulier, le masculin de l'adjectif a rarement la s
organique ; notre texte n'offre que les exemples suivants :
munies, 287; simples, 654; Jiumbles, 654. Plus souvent,
l'accusatif s'emploie pour le nominatif : net, 93 ; afailé,
94 : lut endurci, 90; veilant, 204 (R); pensant. 287 (R);
mendiant 285 (R) : quassé, 454 ; preisé, 506 ; sein et heité,
VIE DE SAINT RICHARD 275
fi'ii : enseveli, 749 (II). 756, etc. On peut y adjoindre les
participes suivants à la rime : renumez (masc. nom. sing.):
asez, 111-2 : grevez : pez, 548-7 ; voy. aussi 529-30, 961-2.
Ici aussi raccord ne se fait pas. p. ex. 84, 93, 94, L46,
156, 166, etc.
Au féminin, à côté d'une forme correcte : tel (940,1636).
on a telc, 28, 1292 : le fait que IV féminin de tute ne
compte si souvent pas pour une syllabe explique tut au
féminin dan- les vv. 154, 877 et ailleurs; (tute n'est pas
inconnue, p. ex. 298 (tuile 720), et au paragraphe 73).
On a correctement grant, 238, et veraie, 1473. Dans les
participes passés, l'accord se l'ait assez fréquemment,
p. ex. 81, 221-2, 231-2, 233-4, 329, etc., niais plus souvenl
il ne se l'ait pas : 145, 189, 213, 454, 789, 842, 866, 1132,
134 8. 1584.
Au pluriel du masculin on a correctement : nest, 704 :
estramé, 1529, et mari, 1382. Pour les adjectifs prove-
nant du latin unies, -eintes, on n'a que la forme en z,
p. ex. mananz, 72 : dolenz, 1382. Pour ce qui concerne
les participes, on ;i quelquefois correctement des formes
sans s (r). p. ex. ami : garni, 369-70 ; asigné : asemblé,
907-8 ; truie : glorifé, 1601-2 ; mais au contraire : furent
liez : péchez, 151-2, etc., etc. Au vers 12U. il faut corriger
semblables en semblable pour rétablir la mesure.
Au féminin, les formes donnent lieu à peu de remar-
ques, quelquefois l's du pluriel manque : tuite, 809 ; bone,
1 12. (St., p. xvin-xx.)
§ 51. Adjectif possessif.
Notre texte ne montre que très peu de formes :
Au singulier :
mon, 738, et plus souvent mun, 737, 1303, 1308, 1610.
son, 78, 79, 99, etc., etc., et beaucoup moins souvent
sun, 87, 090, 1012,. etc.
ma, 1390, et m', 1308.
sa, 36. 44, 1380. etc.
s', 213, 255, 614, et sa suivie de voyelle, 1341.
nostre 447, 628.
noslre, 447, 628.
27P) VIE DE SAINT RICHARD
lur, 536, 1009 : devant un substantif féminin. 154, 458,
750, 750.
Au pluriel :
tes, 1490.
ses, 48, 777. 1088, etc.
voz, 1314.
lur. 805-4 : cette forme est invariable jusqu'au seul
exemple : lurs quers, 590. (St.. p. xxm.)
Notez aussi : un sera frère, 259.
§ 52. Pronom a) personnel.
Toutes les formes ne se rencontrent pas clans notre
texte ; on a :
Au nominatif :
ïeo, 58, 62, 1583 (le pronom est souvent omis).
il (conjonctif), 105. 241, etc.; (disjonctif), 349, 520. etc.
ele, 1502.
lus, 306; vos, 1134 (pour l'omission, voy. 1421-2 et
1336).
il, 1270, 1381 ; (il neutre, 367).
A l'accusatif :
me, 54, 57.
le, 240, 781, etc. ; le = la, 1406, 139.
nus, 38, 42.
vus, 305, 1027.
les, 57.
Au datif :
me, 55, 293, 1385.
li, 113, 156, 239, (le = li, 267).
nus, 635.
rus, 1323; ro.s, 1481.
lur, 365, 456, 1236.
Formes fortes :
/eo, 59, 349.
il, 520, 1080, 1192, 1285, 1504.
rnei, 306, 311, 312, 1348.
le (forme forte élidée), 206.
lui, 842.
VIE Dr: SAINT RICHARD
•>-■
li (l'orme préférée), 38, 47, 172, 350, etc. ; assurée par
les rimes suivantes : merci (438), ausi (924, 932), senti
(1348). (Cette l'orme peut être élidée : 239, 270, 578, 621,
760, 920, 953.)
li (fém.), 301.
sei, 1253, L331.
les (: tes), 596.
eus, 37, 88, 351 .
§ 53. Pronom possessif (voy. adjectif possessif,
paragraphe 51).
( 'omme pronom possessif, nous comprenons la forme
forte précédée de l'article. Il n'y en que très peu d'exem-
ples dans notre poème.
Au singulier, nous ne trouvons que la meie (l'i7'i) (se.
pleinte) dont la forme est assurée par la rime veraie.
Au pluriel, notre texte n'offre que : les seens, 139, i56;
et les suens, 1369.
§ 54. Pronom c) démonstratif.
Les formes dans lesquelles la première syllabe se main-
tient ne sont pas rares dans notre texte : p. ex. :
Au singulier :
Cas sujet du masculin : icil, 475, et iceli, 477 et employé
comme adjectif : icel, 23 ; icest, 883.
Cas régime du masculin : icel, 1455 ; icest, 109; et du
neutre, icest, 467 ; iceo, 371 ; itqnt, 1674.
Au pluriel :
Cas sujet du masculin : iléus, 573, et comme adjectif,
iléus, 1046.
Les formes sans syllabe initiale sont plus fréquentes :
p. ex. :
Au singulier :
Cas sujet du masculin : cil, 115 ; cel, 455 ; celi, 397,
464, 685, 795, 815 ; celli, 1452, et comme adjectif cel, 433 ;
eesli, 980.
Cas sujet du féminin : tuite, 720.
19
278 VIE DE SAINT RICHARD
Cas régime du masculin : i<-li. 684; cesli, 280, 982,
900, cl comme adjectif : cest, L312 : veo, 74, 1404, el fiel,
li ;.-).-).
Cas régime du féminin : comme adjectif seulement, <cl.
304 : celé, 125 : /<■/. 157 : ceste, 34, etc.
Cas régime du neutre : < eo, 217, 593.
Au pluriel :
Cas sujet du masculin : ces, 792 (m-n. 843) : //eu:. 390 :
/(/i7. 1647 (tut, 1161) : «m/.-u.s. 589, 590, 593, 691.
Cas régime du masculin : ces, i39 ; amsdouz, 682 : /u:.
648, 052. (St., p. xxiv.)
§ 55. Pronom d) relatif et interrogatif.
Comme ailleurs dans les textes anglo-normands, on ne
distingue pas entre ki et ke:
Comme nominatif, ke se rencontre très fréquemment,
|i. ex. 16, 50. 07. etc.; la forme ki se trouve cependant,
1». ex. 139, 440, 1030. 1191.
Ke peut avoir la signification de cco ke, p. ex. 290, et
aussi de celui qui.
Pour l'orthographe. /."- ou </;/-, voy, paragraphe 40.
On a les formes accentuées : quel, 644 (= ki, bomp'.
Boeve de Haumtone, 1777), et quel (neutre), 241-.
Comme adjectif, on a quel (ina^r.). 163 ; et comme pro-
nom : queus (fém.), 991 : lequel, 215 : lesqueus, -Ho. 566 :
laquele, 11551. cl en le quel— elquel, loin. (St.. p, xxvi.)
^ 50. Pronom e) indéfini.
Les formes suivantes se rencontrent dans notre texte :
'0 Ici on préfère la tonne affaiblie en. p. ex. l'an. I 13.
130 ; l'en, 33; cl en sans article, 703.
I)) Chescun (suivi de ke, 208, 209, etc.), el sans ke, 352.
358, etc.. et comme adjectif 501. 620, 653, etc.: on a aussi
la combinaison chescan, 722. Il y a des vers où la locu-
tion en chescun endreit (comp. paragraphe 102) semble
former un groupe de quatre syllabes comme s'il- fallait
lire chaque.
c) le pronom neutre quantum figure ici comme quan ke
(comp., paragraphe 35), 102, 101. 1501.
VIE i>r SAINT i;i< h m;i> 279
(1) Nul sembla déjà en train de se restreindre à son
emploi actuel comme sujet du masculin singulier : on a
c pendant en nul endreit 645.
e) autrui, 592.
I) mull (+ de), 1222.
>; 07. Adverbe.
L'adverbe donne lieu à peu de remarques ici; il en sera
question plus lard quand on traitera de la versification du
poème. Il faut noter l'emploi très fréquent de drelt (ou
de /(// dreit, 121, 584, ou de <t dreit, 650, 860) lequel se
trouve dans le corps du vers, p. ex. 624, 7o.'_î, ou qui arrive
souvent si à propos [tour fournir une des nombreuses
rimes en -cil. \>. ex. 336, 361, 574, 1195, 1600.
L'adverbe se compose ici comme ailleurs: seulement IV
de la désinence féminine de l'adjectif ne compte pour une
syllabe que si rarement dans le corps du vers (p. ex. pro-
fondement 1091; dévotement, 1106; sulement, 265, 785;
la forme moderne du premier est intéressante) qu'il est
presque possible de poser comme règle que l'e qui peut
ne pas compter à l'adjectif est également muet à l'ad-
verbe. Cet e peut aussi manquer dans l'orthographe, p.
ex. chevillent, 958.
lue l'ois dans notre texte, le -ment de l'adverbe est
exprimé après le second de deux adjectifs : du: e dure-
ment. 084 (comp. « Si cruel e si longement ». « Histoire
de Guillaume le Maréchal ». Romania, XI, p. 49, vers
loi), et au vers 1375 il faut peut-être corriger humble
e curleiseinetd...
L'adverbe meimes n'a souvent qu'une syllable (comp.
paragraphe 78) ; ou trouve aussi la graphie même, 210,
laquelle s'accorde avec la prononciation.
Notre texte présente souvent lute veies (jamais tûtes),
199, 204, etc., et sous la forme lute veis (652, à la rime
avec curleis) l'adverbe est peut-être déjà en route pour
devenir toutefois, (comparer toutefois dans un fragment
de Mystère. Zeit. }'. r. Ph.. xxvi, pp. 93, 100).
Dans les locutions composées d'un adjectif +feiz, l'an-
glo-normand semble préférer feiz au singulier, p. ex.
280 \ M DE PAINT RU II VRD
Chardri, I'. P. 20, suvente feiz : Simund de Freine, Saint
Georges, L570 : Tante feiz cum... Modvenna sovente feys,
83 (I (ms. Welbeck). Dans ses Vermischte Beitrœge, zweile
Reihe, paragraphe 6, M. le professeur Tobler l'ait obser-
ver que les locutions maintes fois el mainte fois existenl
l'une à côté de l'autre! comme en latin omnes homines el
omnis homo : ailleurs, si nous ne nous trompons pas,
le sa\ant philologue allemand a expliqué toutefois comme
provenant <le huiles voies par -confusion avec fois,
et a comparé cette expression à l'anglais ail ways >
always. Nous nous demandons si la préférence pour le
singulier, en anglo-normand, n'est pas due à l'influence
anglaise. En anglo-saxon, man'uj (anglais, many) s'em-
ployait avec le singulier et avec le pluriel, mais de préfé-
rence avec le singulier. En anglais moderne on peut dire
many a lime et aussi many limes, locutions qui corres-
pondent au français moderne mainies(s) [Ois et bien des
fois.
D'autres adverbes qu'il importe de noter sont : nient,
426, etc., qui est monosyllabe (comp. Zeitschrift fur rom.
Philologie, XXVI, p. 97), anceis. 306 (: eurteis) : nenil,
303 (comp. l'anglais familier nenni et le nenni de Molière
(Bourgeois, ni, 2) et de La Fontaine (I, 3).
Pour une négation tautologique, comparer v. 463 et
Boeve de Haunitome, p. 132. vers 283 (voy. aussi Tobler,
op. eit : Liste Reihe, p. 77.
§ 58. Préposition.
A noter est l'emploi fréquent de ou (= avec), 106, 209,
etc. (comp. paragraphe 24) : pour sulum (selum), comp.
paragraphe 5 A (c).
§ 59. Conjonction.
La conjonction si ( = et) ne paraît que trois fois dans
notre texte (v. 4, 1U69, 1362).
Conjugaison
>;. 60. Changement de conjugaison*
Ce phénomène se rencontre souvent en anglo-normand ;
grâce à l'identité de- sons ci el <■ la première conjugaison
VIE DK SAINT RICHARD 581
s'accroil facilement par l'addition d'infinitifs de la troi
sième : p. ex. uvcf (: beser), 311 : (: juger, 325 : (: lier),
525 : (: cucher), 1018 : saver (: travaillier), 559 ; teer
(: lirisfi), I 165.
Vu que les rimes chez notre auteur sont du moins tou-
jours suffisantes, il faul croire que les rimes : enticeii :
preit, 519-20, el comandeii : deit, 1493 i. indiquent des
formes enticit el comandit. L'influence de la palatale n
pu amener la première, comp. exercir ; tandis que le
substantif commandie el l'emploi fréquenl de la locution
A Dieu command el d'autres où entrail cette forme du
subjonctif, a pu rendre incertain à quelle conjugaison
appartenait comander.
La rime lechisseni : garissent indique enfin, lechir,
forme qui a été relevée par Godefroy, vol. iv.
§ 61. Première conjugaison.
Présent de l'indicatif : première personne : pri 1313 ;
afi (en rime), 1583 ; bail, 1481, 1490.
Troisième personne : va (: la), Vil ; vet, 107.
Imparfait : La terminaison -oui se rencontre assez sou-
vent, mais seulement à la rime : alout, 1287 ; conformout,
1258 : desirout, 1089 ; grevout, 988 ; mustrout, 610 (comp.
paragraphe 23) : au I renient on a -cil, pas moins de 148
fois à la rime.
Passé défini : estut 1363 : eslurerit, 1482.
Futur : il n'y a rien à noter ici : blescerez, 474 ; trans-
laterai), 01 ; esposerunt, 119 ; irai, 1403 ; irrum, 1422.
Au subjonctif : troisième personne du singulier., en
-ast, p. ex. enirast, 123. (Voy. aussi vv. 887, 888, 893,
894 : au pluriel, cessassent, 1496.
Participe passé : Rien à noter. (Si. xxvi-xxix.)
§ 62. Deuxième conjugaison.
Indicatif présent : avient, 633 ; oui (audit), 1248 ; oient,
797.
Imparfait : murreit (comp. paragraphe 29). loi!).
Passé défini : à la troisième personne, le / de la ter-
minaison manque plus souvent qu'il n'est retenu : p. ex.
28'2 \ II. l»l SAIN I Kl< HARD
ausi, ITH : cuv(e)ri, 839 : dormi, 1024 : endormi, 1068 :
sri/li. 999, 1000, 1348 : suffri, 273, 1221 : .'/um. 999, à
côlé «le garil, LQ30.
Comme formes du passé défini des verbes forts on a
revint, 357, ;i côté <l<i conveinl, 896 : ///»/. 358 : tindrent,
1649 : chaisl, 151 : conquist, IT<S : o/.s/ .- (misl). 792 : oêZ
(: //.s/). 796 : o(7 (: entendit), 799 : oi'/t/j/. 1578.
Futur conditionnel : "/<•:. I 16 : murai (comp. 29), 1312;
vendreient, 1 139.
Subjonctif présent : acumplie ('.'). 5.40.
Imparfait : lechissent, garissent (comp. paragraphe
60), 139-40 : oissent, 1577 : uem'sf, 128.
Participe présenl : oiant, 338. Nous croyons que mu-
;////. I 1 19, L51 I. est plutôt substantif.
Participe passé : cuilli, 388 : quilli, '-\80 ; r/eu (monosyl-
labe), 1570 : teneu, 383, 'i(.K5. etc.
L'infinitif <///• est souvent monosyllabe : 3, 16, 21, 359,
188, 790,
.^ 63. Troisième conlugaison.
Indicatif présenl : ay, 1031 : as, 864 : ad, SU : ai, 606,
H aussi souvenl a : averum, <» : ront, 1693 : oV/7 (: esteit),
12 : estent, (.»0(.) : />r/7 (parescit), ^56 : pu/, 10. 78 : //ne:.
1336 : />;rn/. 970 : sat, 17. 196, 1311 : savum, 1421.
[mparfail : ureil. 86, etc. : soleil. 109.
Passé défini : oï, 1388 : ou/. 240, 389, etc. : urenf, 1276;
s'asis/, 152 : dut, 393 : /»o/ 105 : /u/.s/ (: fusl), 812 : sou/
(surc/r). 249, :!(.>:! : sou/ (soleir), 389, 107; .sjn/. 337; cou/,
390, 392, 865, 1257 : voustj 757; 1286 : uoi, 122.
Futur : avérai, 1388 : averrai, L390 : faudra. 1386 ; r</-
derez, 1346 : verai, 1338 : verrez, 1345.
Conditionne] : purreit, 240 : porrevt, 1191.
Subjonctif présent : eif, 971, (.»7'i : puisse. 30, 1456 :
voillie, 1 155.
[mparfail : u.s/. 153 ï ; eus/, 765 : dusse. 1304 : o7;/*/.
33 : deus/, 206, 602, 1352 : soûl 1380 : seussenl 1381 :
dussent, 565 : /u/.x/. 242, 1341 : poust, 32 : /»"/. .").",.
Impératif : r/V:. 1 180.
Infinitif : Pour les infinitifs qui ont changé de conjugai-
son, \ (i\. paragraphe 60.
VIE DE SAINT RICHARD 283
§ 64. Quatrième conjugaison.
Indicatif présenl : sut, 1420 : estes, 126 : pest, 310,
686 : siwent, 107 : rent (première personne), L308, I 169;
(•/•(•. tifi (première personne), 297, L583.
[mparfail : promisteii, 842 : recunisseit, 998 : siweit,
786.
Passé défini : asoui (absoudre), L248 : conust. 566 : /'/'.
1244 : /(/>/. 811 : /»// (/ire), i82 a : ni/.s/. 243 ; mcist, L92 :
entremirent, 1395 : //ris/. 239 : regutf, L340; /;/s/. ^96, 644;
el une forme sans / (comp. paragraphe 35) ; enlaidi,
1428.
Futur : serrai, 305 : serrez, 173 : serrunt, 120 ; ierunt,
110 : />r/. 815 : /><•:. L343 : entremestrai, 60.
Conditionne] : serreit, 160 : rendreit, L349.
Impératif : secr, 303.
Subjonctif présent : /are, 882. 914.
imparfait : d*e£f, 1494 (: comandeit, comp.
paragraphe 60) ; /us/. 52 : fuissez, 1347 : feisse, 58 ; cn-
Iremeisse, 57 : preist, 867 : />/tj7 (: enliceit, comp. para-
graphe 60), 520.
Participe passé : dit, 75 : tolleit (: esteit), 759.
Anglicismes (1)
L'étude scientifique des dialectes, en ce qui concerne
leur syntaxe caractéristique, n'en est encore qu'à ses
débuts, et les phénomènes que nous classons sous cette
rubrique sont offerts sous toutes réserves.
Le fait que le moyen anglais présente une expression
analogue à une expression anglo-normande ne saurait
non? suffire pour la qualifier d'anglicisme. Il nous fau-
drait, eu effet, prouver, d'un côté, qu'une telle locution
est inconnue aux dialectes continentaux, et, de l'autre, que
celle qui lui est parallèle en moyen anglais dérive nor-
(1) Cette question a été traitée par Burghardt dans un mono-
graphe spécial. Ueber <lcn Einfluss des Englisrhen auf das An-
gïonormannische. -- Dans la série des Studien zut englischen Phi-
lologie, Halle 1906.
284
VII. 1)1. SAINT ItICHAHI)
maternent de L'anglo-saxon, lVnt-ètre un polit nombre des
locutions qui seront relevées dans les paragraphes sui-
vant subiraient-elles avec succès l'épreuve des restrictions
proposées ci-dessus.
§ 65. Orthographe.
L'éditeur des œuvres de Simund de Freine (1) a l'ait
observer (Introd. xxxm) que les noms propres comme
celui de son auteur s'écrivent de préférence, avec un <l
final. Notre auteur préfère, en effet, la graphie Edmund,
1061, etc., sauf à la rime : p. ex. 689. 772, 1281 ; par
contre, Symun, 1407, 1 Î27. 1436, est la seule graphie
que connaisse notre poème.
i; 66. Genre du substitutif.
La confusion des genres, si fréquente dans les siècles
subséquents, est rare chez notre auteur. Nous hésitons
même à enregistrer ici âge enoilliè (v. 218), bien que nous
ne connaissions pas d'exemple cVage, au féminin sur le
continent avant Rabelais : et encore hésitons-nous davan-
tage à attribuer ce genre à l'influence anglaise : la cause
déterminante peut bien être fournie par le mot eê (aelate)
qui est des deux genres. Nous balançons également pour
ce qui concerne le honurance (1690. comp. paragraphe
48), car la bonne leçon est peut-être Vhonurance et encore
honur, lequel est tantôt du masculin et tantôt du féminin,
a pu amener le genre que l'auteur ou bien le copiste sem-
ble avoir donné à ce mot.
>; 67. Infinitif précédé de comencer (on de pren-
dre) avec ou sans à :
Noire texte offre cinq exemples de celte construction :
1 . seint Richard lores par son festre
en bien chescun jour comença crcslre, 619 20.
2. e puis quant i entré esteit
si meimes a chanter coinenceit, 1361-2.
(1) Les œuvres de Simund de Freine, pub. John E. Matzke,
(S. a. t. fr.), 1909.
VIE DE SAINT KICHARD "285
Les exemples ci-dessus traduisent cœpii... crescere et
psallere cœpit.
3. Un prestre...
Vil en S'iinge 1res bel meisun
(dune) cumenee ;i penser par reisun
(e) pense 1060-71.
i. puis commença après passer
les lius ke sunt près de la mer, 1213-4.
5. ces (— ses) membres comencerent à (ieblir 1305.
Les numéros 3 et i traduisent des participes présents,
cogitons et transiens, landis que dans le numéro 5, l'au-
teur cherche à exprimer l'idée progressive du participe
-morbo ingravescente : peut-être aussi le texte latin qu'il
avait sous les yeux était-il autrement couru.
L'auteur de l'étude citée au paragraphe précédent relève
des centaines d'exemples de cette construction, tirés
de textes anglo-normands des xn°, xme et xivB siècles,
et affirme (pie c'est là une périphrase pour le temps sim-
ple, et aussi que ce phénomène est dû à l'influence an-
glaise.
D'abord si celte construction est une simple périphrase,
ce dont nous doutons pour bien des cas, il faut admettre
que son emploi est très commun dans les textes français
de France Nous avons trouvé, dans des textes français
que nous avions sous la main, des exemples qui ressem-
blent, jusqu'à l'infinitif, à ceux qu'a relevés Burghardt.
Nous choisirons dans la masse d'exemples que celui-ci
a relevés, les suivants, tous tirés de textes du xne siècle:
1. Si tost. cum ele le vit mener
Le començal a apeler, (Adgar).
',\ E li prodom e sa muller
L'unt pris mult bel a resuner (Lestorie des En-
[gles).
3. Donc prist un jor sovent a dire
K'aler voleit à Deu servir. (Ibid.)
i. Quant ne pot eschaper
Dune cumenee a crier (Bestiaire).
5. Mcis des que il ou) tant espruvee sa vie
286 Ml. DE SAINT RICHARD
Cummençal li prophètes ;i faire ses sermuns
\(\)r sainl Jean).
6. Par le bois comence a fuir (se. la hisse) (S. Gil-
[les).
» . I mue cumen.ee a Grier
Forment a guaimentèr (Bestiaire).
8. Li abes prent a merveiller. (Brandan.)
9. Prist lui en .-un visage la culur a muer. (Fan-
| tosme.)
10. E cumença dune
A veillire a Deu orer. (Adgar.)
11. Si se comcncc a purpenser (S. Gilles).
1*2. E si començat a plurer. (Adgar.)
13. Mais de une ren li prist lalent
hunt Deu prier prent plus suvent. (Brandan.) (1).
14. Quant ennuie sunt de plurer
Sil comencent a regrater. (S. Gilles.)
15. Li reis se comence a seigner (ibid.).
Nous carderons les mêmes numéros d'ordre pour nos
exemples tirés de textes français :
1. Li uns por toz 'an prist a apeler :
« Aynieris sire fêtes nos escoutèr !
De vos meimes venom a vos clamer (Les Nar-
. [bonnais.)
2. Ses ines Bertrans l'en prist a araisnier. (Cour.
[de Louis.).
3. Erec le vavasor apele
Si li a comancié a dire (Ereic.) (2)
4. l-]t voit Huôn a escrier li prisl ; (Huon de Ror-
[deaux)
5. 11 fisl que l'rans et de bon eire
Que il H comança a feire
Sanblanl que a lui se randoit (Yvain.)
6. Coinenl l'eda a enfoïr
Et puis si s'en prisl a fuir. (Rustebuef.)
(1) Burghardt a omis cet exemple.
(2) Cité par Burghardt.
VIE DE SAINT LUCHARD 287
T. I anl doucemenl ;i guaimenteir se prist. (Ro-
[mance dans Barlsch, Langue el Litt. 112, 6.)
8. Forment s'en prisl a merveillier. (Sainte Marie
[l'Egyptienne, ms. B. M.. Add.s 36614.)
Autre version :
Mull s'en comence à merveillier. (Ibi-d. ms. Ai-.
[3516. Ces mss. sonl du Nord Est.)
9. Quant Garsire l'entent prist colour a muer. (Flo-
[rence de Rome.)
10. Derechiëf comence a
aorer (Rusiebuef).
il. l.i Emperere
Baisse! sont chief si comencet a penser. (Roland.)
12. Derechiëf comence a plorer (Rustebuef.)
13. Li plusor prirent Damedieu à priier. (Adenet,
[Enf. Ogier.)
li. Eus en son cuer la (la ville) a regreter. (Prise de
[Cordres.)
L5. De tant de reis se comence a seignier. (Cour de
[Louis.)
Même Stimming, dans une note au vers 148 de Boeve
de Haumtome (p. L30), fait observer (jue, « par analogie
du moyen anglais, les auteurs anglo-normands emploient
volontiers prendre el comencier suivis de a et d'un infini-
tif dans le sens de l'infinitif simple ». On peut opposer
aux exemples que celui-ci a relevés dans Boeve, des ex-
pressions parallèles tirées de poèmes français.
16. La dame li veit, si prenl a repeirer (Boeve, 228.)
17. El la file le rei le prent a regarder. (Ibid., 430.)
18. Quant Bradamund veit que ne poeit plus durer
Far une valeie prist a retiirner (Ibid., 621-2 ;
[même verbe, v. 739.)
19. Li cnl'es vint devaunt le emperur a vis fer
Ilardiemenl comença a parler. (Ibid., vv. 289-90,
[même verbe, 688 et 1040.)
20. Trestol en chauntanl comence a chivacher. (Ibid..
[865.)
288 Ml. DE SAINT RICHARD
21. Kaunt Bradamund le oi, si comence a trembler.
[Ibid., 901.)
Les exemples suivants correspondent à ceux que nous
venons de relever dans Boeve :
16. Yespres ert, n'i voll faire plus
A l'osl s'en prist a repairier. (Eneas, 1868.)
17. L'espee fors dcl fuerre trel
Si la comence a regarder. (Erec, i671.)
18. Vers Salerie prenenl a reslorner (Prise de Cor-
[dres, 1232.)
19. Mais li cuens Guenes se fui bien porpensez
Par grant savoir comencel a parler. (Roland,
. . [425.)
20. Ouanl li baron pensenl à deslogier
Vers Origni prisenl a chevauchier. (Raoul de
[Cambrai, 2095-6.)
21. Lonbarl l'entendent, h pristrent a trembler.
[Aym. de X.. 3960.)
Pour ce qui concerne l'influence anglaise, la question
est rendue forl compliquée par le l'ait que non seulement
gan (suivi de l'infinitif et la préposlion la) mais aus-i
can (1) (suivi de l'infinitif sans préposition) sert à former
îles périphrases Dans les plus anciens mss. du Cursor
Mundi. gan ei can sont employés indifféremment : au
commencement du xive siècle, can est d'un usage établi
dans les dialectes du Nord et le commencement de la
confusion date de la période avant 1300 pour laquelle les
documents font défaut, Can s'appropria bientôt le sens
d'un simple auxiliaire du passé comme did en anglais mo-
derne. Le plus ancien exemple (tiré du Çursor Mundi)
date d'environ 1300 :
Moyses on (lie roche kan stand (2).
Les plus anciens exemples de gan datent d'environ 1200.
(1) Cette confusion est due uniquement à la phonétique, mais à
can ont été substituées des formes du passé, coulrfp, etr., quand une
fois le changement de t/rrn à can ne fut plus compris.
(2) M. commença à se tenir (=se tint) sur le rocher.
vir. Di. ?aint richard 289
a) Tho thë gunnen hère guites beter and betere lit'
leden (1). (Ode morale, circa, 1200.)
b) Ile gan thennken olï himmsellf. (Ormin, 3274,
circa, L200.)
Il résulte donc de nos recherches que le moyen anglais
ne présente pas d'exemples de cette construction avant
1200(2), tandis que l'anglo-normand, d'accord avec l'usage
français, en offre des centaines dans les textes "du xn"
siècle. Burghardt n'en a pas relevé moins de cent dans le
Bestiaire, Brandan, Gaimar, le Jeu d'Adam, Adgar, S.
Gilles, etc.
Nous avons d'antres raisons pour douter que cette
construction soit due à l'analogie du moyen anglais. Une
vie de sainte Mari»1 l'Egyptienne, que nous allons publier
sous peu, existe dans six mss. complets : l'original est
l'œuvre d'un poète anglo-normand, et l'un des mss. est
apparenté de très près à cette œuvre, tandis que les au-
tre- sont îles versions continentales. Dans ceux-ci les so-
lécismes et les anglicismes de celui-là sont corrigés, mais
pas une seule fois une phrase avec commencer et pren-
dre n'a été changée, p. ex. :
1. A. (3) près de lui vit un homme ester
comença lui a demander (vv. 237-8).
B. (4) comence li a demander
2. A. premer les prent a tastuner
après les comence acoler (vv. 303-5).
B. premier les prent a tastoner
e en après a acoler
3. A. de la rive lost s'esloignerent
deskant a nager comencerent (vv. 295-6).
B. de le rive font eslongier
(1) Alors ils commencèrent à se détourner de leur méchanceté et
à mener une meilleure vi&.
(2) On pourrait nous objecter que cette tournure n'est pas in-
connue à l'anglo-saxon ; si des constructions analogues &e rencon-
trent comme p. ex. dans la traduction du roi Alfred de la Conso-
lation de Boèce, il n'en s'agit pas moins d'une imitation du latin.
(3) = A. Ms anglo-normand, Oxford, Corpue Christi.
(4) B. = Texte critique des mss. continentaux.
290 VIE DE SAINT RICH MM)
o les rains prirent ;i nagier
i . \. de quor comence a suspirer
c des euls forment a plorer (vv. -î'JT-8).
lî. de] cuer comence a souspirer
e des iex forment a plorer
5. \. 1rs piez començad leschier (\\. 1447).
I>. lo pies li comence a lecier.
D'après ces citations, il es1 clair que cette construction
est connue, en anglo-normand et en français, de cent ans
plus tôt qu'en anglais, et, par conséquent, nous nous
croyons autorisés à nier absolument l'influence anglaise.
Nous hésitons cependant à affirmer la converse.
Il semble résulter, des recherches que nous avons déjà
laites el que nous espérons poursuivre el publier ailleurs.
que celle périphrase est un pur latinisme. i\ous avons
relevé dans des ailleurs latins de la période même de
la bonne latinité (1), des exemples fini semblent offrir des
modèles à la construction française :
1. Cicéron : Ep. l'am., 08, Ex Asia rediens, cuni ah
Aegina Megarum versus navigarem, cœpi, regiones cir-
cumeirca prospicere.
2. Ibid. Cœpi egomet mecuin sic eogitare.
3. Sénèque (2) : Epîtres (ô.-!) Nondum oral tempestas,
sed jani inclinatio maris ac subinde crebiror l'luctus. Cœpi
gubernatorem rogare, ni me in aliquo litore exponeret.
i. Ibid. (.V)). Ex consuetudine lamen mea circjimspiçere
cœpi, an aliquid illic invenirem, quod mihi posset bono
esse, et derexi oculos in villam, (pue aliquando Vatias fuit.
5. Ibid. (9n). Ne illa quidem lam suptilis mihi quaestio
videtur quam Posidonio, utrum maliens in usu esse prius
an forcipes coeperint.
G. Ibid. (90). Primo supervacua coepii (se. luxuria), con-
cupiscere, inde contraria, novissime animum corpori ad-
dixil et ilius deservire libidini jussit.
(1) Nous regrettons que le fascicule du Thésaurus — >',, n'ait pas
encore paru.
(2) Nous suivons l'édition Teubner : nous y avons relevé plus
de quarante exemples.
VIE m SAINT i;k il \i;i> 29 I
7. [bid. (11 1). !.. Arruntius, vir rarae frugalitatis, qui
liistorias belli Punici scripsit, luit Sallustianus et in illud
genus nitens. Est apud Sallustium : 'exercitum argento
fecit', id est, pecunia paravit. Hoc Arruntius amare coe-
l>it : posuit illud omnibus paginis.
s. Pétrone : Satyrae (■>)• Perturbatus ego habit-u fratris,
quid accidisset, quaesivi. Et ille larde quidera et Lnvitus
sed postquam precibus etiam iracundiani iniscui, 'tuus'
inquit 'iste frater seu cornes paulo aide in conductam ac-
cucurrit coepitque mihi velle pudoreni extorquere.
!». lbid. (37). Mou potui amplius quicquam gustare, sed
conversus ad eum, ul quam purima exciperem, longe ac-
cersere tabulas coepi scisitarique, quœ esset inulier il la.
([uai hue et illue discurreret.
tO. Ibid. ('il). Ibi, quomodo dii volunt, amare coepi
uxorem Terentii coponis,.
La construction esl eonuue aussi des écrivains de In
basse latinité et. dans la Vulgate :
11. Paulus Diaconus : Vita Maria' Aegyptiacae, cap. xn:
Scio autem quia si cœperp narrare ea quae siint de nie.
fugies a nie, quasi quis fugiat a facie serpentis...
12. I. Reg. xiv, 35. Aedit'icavil auteni Saul allare Do-
mino : tuneque primura cœpit aedificare allare Domi
no (1). (Comp. aussi iv. Reg. x, 32.)
L3. Marci xiv, 72. Prius quaml gallus canlet bis, ter me
negabis (2). Et cœpil fïere. Comparer aussi Lucas xm, 26,
et xiv, 29.
li. Notre auteur traduit cœpît contristari par devint
mûmes, v. 287, et Ante... xgrotare cœpissetj par avant
k'amaladist (v. 1325).
(1) Il est intéressant de comparer les versions anglaise et fran-
çaise: And Sauf built an ultar unto the Lord: the sanu the «</.
the jir*t altar that lie built unto the Lord (version, 1611). Et
Saùl bâtit un autel à l'Eternel ; ce fut le premier autel qu'il
bâtit à l'Eternel (version Ostervald).
(2) La version d'Ostervald emploie chaque fois un temps simple,
par exemple : « Avant que le coq ait chanté deux fois, tu m'au-
ras renié trois fois. Et étant sorti promptement, il pleura » (Luc,
XIII, 26). Tune, inripipfis direre : alors vous direz (Luc, XIV,
29). etc.
292 VU. DF. SAINT RICHARD
L'emploi que fait Rustebuef de comencier et de j>ren-
dre mène à des conclusions pareilles. Dans sa Vie de
sainte Marie l'Egyptienne nous trouvons six exemples
(vv. 731, 871, 885, 890. 983, 1272) et dans celle de sainte
Elizabeth deux seulement, tandis que dans les chansons,
le^ complaintes et les dits, nous n'en trouvons qu'un seul
(Nouvelle Complainte d'outre-mer, 171). 11 paraîtrait donc
(pie là où il puise dans des sources latines cette cons-
truction lui vienne sous la plume, tandis que quand il
compose des œuvres originales, la périphrase est rare.
L'emploi de comencier (ou prendre), suivi de l'infinitif,
esl souvent légitime', surtout là où le verbe indique que
l'action est répétée. Tel esl l'emploi le plus fréquent dans
les plus anciennes chansons de geste de France, p. ex.
dans le Couronnement de Louis nous trouvons comencier
suivi de seignier, 335 ; reoillier (rouler les yeux), 511 ;
brochier, 671, 1885; mener guerres, 2672, et prendre suivi
de chasteier, 13 'i : ùraisnier, 101, 350 ; conseillier, 546 ;
relever, 1653.
L'emploi esl surtout fréquent avec les verbes araisnier,
brochier, huchier (1) et l'usage légitime s'est peu à peu
étendu à n'importe quel verbe. On peut juger de la fré-
quence de la tournure par le passage suivant :
Tant chevachierenl a force et a barné
Qu'il virent ('ordres, la mirable cité,
Les hautes tors et le palais listé.
Li aumaçors la prist a regarder
Ens en son cuer la prist a rerater,
De ses vers oilz comença a plorer.
Voit Aymeri, so prist a apeler :
« Sire Aymeris, envers moi entandés ;
» Veïsles honques si mirable cité ? » (Prise de
[Cordres, 2161-9.)
La construction n'est pas inconnue aux autres langues
romanes ; p. ex. Ivl iris Felips... comenza far apelar los
(1) A haute voix comença a huchier revient huit fois dans
Raoul de Cambrai ; c'est presque une cheville.
VIE DF. SAINT RICHARD w293
arcivesques e.ls evesques et homes de religio. (Bertrand
de Born (Ed. Stimming, L892) razo 17.) Cominciarsi a
dir. (Dante, Purg., xxvi, ll.)(l). Dante emploie cominciai
avec un infinitif sous-entendu un grand nombre de t'< » i -^ .
et là, les traducteurs préfèrent un temps simple.
§ 68. Infinitif précédé de volelr ('2) =angl. will,
would.
Cette construction ne se rencontre pas souvent dans
nuire texte :
I. mes en autres le vout profiter, 390.
S, "ii joie voul lur douer asent, 1-86.
Elle est rare dans 1rs textes de France (conip. Rur-
ghardt, p. 51). mais très fréquente en anglo-normand :
nous doutons qu'il faille y voir l'influence anglaise. L'em-
ploi est plus commun quand il \ a négation : p. ex. ne
voul pas celer sa clergie, 392.
§ 69. Le verbe et son complément.
comencer sans a, voy. le paragraphe précédent et Bur
ghardt, p. 28, note
covoiter sans a. vv. 809, 1167 (comparez Simund de
Freine, Rom. de Pli.. 1 186). Tant coveite <rf l><>is tenir:
variantes: vodreit a et désire a.
enginier de, 1310. Autrement nous ne trouvons que le
verbe réfléchi suivi de de. Dans noire texte, enginier a
subi peut-être l'influence de deceveir, avec lequel il est lié
dans la phrase.
eslire a, 576. Construction qui provient de la confu
sion entre eslire a eslre et eslire régime.
joindre ou. 1240. Comparez Simund de Freine. Rom.
de Phil., 1045 : Amertume od duzur ioint (variante a).
plere sans a, 536. La leçon est peut-être fautive.
(1) Blanc, Vocabolario dantesco, cite une vingtaine d'exemples
et ajoute « e spessissimo ».
(2) Tobler. Vermischte Beitrnye Erste Reïlhe, p. 166. Zweite
Reihe, p. 37.
20
W
VII. DE SAINT HKTIAHD
Peut-être faut-il ajouter : avoir talent sans de, p. ex.:
Idh-nl lui vint pour équité saver, i86-7. (Nous avons pro-
posé on note une autre leçon.)
$ 70. I.e verbe et un CQmplément adverbial.
Nous enregistrons ici quelques expressions verbales qui
sont ducs peut-être à l'usage germanique (1). de changer
le sens de l'infinitif simple par des préfixes séparables
ou lixes, j). ex :
ail : stehen, beistehen, Beisteher, er stand bei
angl : stand, stand by, bystander, lie stood by.
Il est possible aussi que le préfixe eût perdu <n signi-
fication étymologique (conip. paragraphe 73). Notre lexte
offre les exemples suivants :
expira tut hors. 1271 .
haucer dehors de cure, 665.
Iribla hors, 834.
§71. Différences de mois et de phrases.
a) estre — deveir.
1. sui a venir, 1426.
2. e pur ceo k'avenir esteil
par Deu tpie evesque serreit. 323 1.
3. ke pas sulement a bons n'esteil
a loenge e a grâce doner
mes as envius turmenter, 656-60.
\ . mais en celé (ferie) ke est a venir prochein. 1438.
5. Puisque le seinl cors Richard dreit
a laver e (a) vestir esteil, 1593-4.
h) demorer= continuer à être.
Boniface... voudreit... que sot chanceler demo-
[rasl, 888 (comp. 604).
c) devenir- venir.
mes ne saveinl u lu devenu, 436.
(1) Il paraît que dans plusieurs dialectes a voisinant des idiomes
germaniques, on se sert de ces compléments encore aujourd'hui,
p. ex. : couper bas (= allemand abschneiden), en wallon.
VIE DE SAINT RICHARD 295
(Comparez Boeve de Haumtone, 2721: Ha, Josian ou de-
venir purreis el la aote et si devient= peut-être dans Si-
inund de Freine roui, de Pli., 567. Comparez aussi Bur-
ghardt, |>. 80.)
d) enseuremeni arec < ertitude (Godefroy).
le L'eist par lui enseurement, til8.
Les deux exemples relevés par Godefroy, 111, 236, sont
tirés du Secret des Secrez, voy. [ntrod. p. 246.
e) cum (l) = que, p. ex. angl. as dans les phrases : such
as, so inany as :
L'ercevesque (mut) se joi>seii
de fiel chanceler cum il aveit, 601-2.
!') tant de=tel: vv. 1364, 1599.
g) 1. aveir le grant, 604; voy. ce vers.
2. veer son ( <dl — avoir son voil, 188.
3. ne pas prendre force, 342 = ne pas faire, force.
h) a retelée, 1053; voy. ce vers.
j) ceo, souvent inséré ; voy. vv. 703, 700.
k) Quelques adverbes et prépositions :
1. En combinaison avec ceo :
de ceo après 1000; derechef de ceo, 557; estre
ceo (en normand aussi).
2. /<-/ manere - angl. in such wise, 457.
3. ou /u/ = augl. withall, 373. 1290, 1354, 1451.
4. a la feiz, 571, 047-9, 1001 ; une feiz, 1007.
5. en uîi endreit = d'un côté, 141, 1665.
(i. endreit = angl.. straightway, 200.
§ 72. Perte de préfixe.
Les mois d'emprunt en moyen anglais témoignent sou-
vent d'une perle de préfixe, p. ex. fender (garde-feu)
< de fender. On trouve des exemples de celte perte en
anglo-normand, el il faut supposer que le préfixe est
muet dans beaucoup de cas, si on tient à rétabir la me-
sure des vers.
(1) Nous croyons que sur le continent l'emploi de comme pour
que est restreint aux locutions adverbiales. Oomp. vv. 498 9.
296 VIT. 1)1 SAINT RICHARD
Le préfixe est perdu dans : pres = apres, 812, 1269 :
cueillit. 260 (•comp. le texte latin); seigna enseigna, 388,
1226 : seignit, 1242 : seignant, 179 : veschié. 1003 :
drescer=adrescier, 600 : spécialité. 952. Dans une foule
de vers, il faut omettre le préfixe : acumplie, .ViO : acum-
plir, 497; afubler, 954; amené, 1614; aperceut, 1651 ;
apparaillast, 1378 ; aparaille, 129, 1638 ; apendeit, 412 :
apendent, 434, 930 ; après, 358, 1233 : aprestez, 1476 ;
nsignè, 907 ; asemblé. 908 ; avancer, 250 ; aventure, 765 ;
uns, 1608 ; avision, 1101; dans Gaimar, 3'i8. avendreit =
rendreit.
On a déjà noté devenir pour rr/ur (paragraphe 71 c),
dans les mots suivants, il faut supposer la perte du pré-
fixe : deces, 99 ; dehors, 1072, 1105 (notez dedenz et
dehors forment un groupe de quatre syllabes, 1072) ;
r/e/i/, 21 ; demanda, 418. 471, 433 ; endemein, 1355 :
demeine, 367, 1138 (comp. 1582) : demeneil, 96, 604 :
demureit, 1012; demura, 604, 1014, 1657; demurast, 278;
demustreit, 48 ; derechef, 641, 1391 ; dereine, 733 :
desuth, 1484 ; désirèrent, 589 ; despit, 646 : despuillié.
1656 ; f/euan/, 1388, 1464 : deuine, 1102 ; c/erisa, 1548.
Même la préposition suivie d'un infinitif semble avoir
subi la même synérèse : p. ex. de turner, 1185, et peut-
être Je sugez, 896 (oemp. Suehier : S. Auban. p. 34) et
de p/us tard, w. 155, 1036. Les locutions ./>m- '//•<■/•. 330,
et /<«/' amur. 368. comptent aussi pour deux syllabes cha-
cune.
ensemple, 1182 ; especial 1327. 1410 : espira, 1270 :
espirit (1), 148 (comp. angl. spirit); esparplie, 657 : es-
pusast, 268.
D'après Koch (Chardri, Introd., xi.n). le préfixe re-
peut aussi tomber : Mat/.ke (Simund de Freine, fnlrod..
xi. ix) doute que ce procède'1 soit légitime. Mous axons pu
proposer des corrections pour les vers 367, revint : re-
fréné, 766 ; repentante. 1234 : renumé. 1260 ; mais pour
rebuta, 179 ; regardez. 1079 : remembrer, 102 : resplen-
(1) Vu la graphie esperit 1038 et esprit 745, 1405, il faut scander
peut-Être comme le mot se prononce en fiançais moderne.
VLE DE SAINT RICHARD 297
dvsseit3 1197 : réassembla, 1008 : retenu, i04, il faul avoir
recours à la synérèse.
Dans Gaimar, Lestorie, 200, un ms. porte regehil et
deux autres gehit . la mesure exige gehit.
§ 72 à). Changement de préfixe.
A la perte de préfixe se rattache le changement de pré-
fixe : p. ex. enverrez =averrez, 1050 ; envittie = eveiltier,
218, 837, 1155, 1543; ensample, 1182.
Versification
§ 72 (b).
Les poètes anglo-normands du xiue siècle se servent
presque exclusivement de l'octosyllabe pour leurs œuvres
morales el didactiques. Ces ouvrages sont écrits en vue
de la lecture à haute voix, et cela, à un moment où, sur
le continent, les poèmes du même genre en vers octosyl-
labiques sont le plus souvent destinés à être lus en par-
ticulier. Ceux-ci son! composés par des poètes de profes-
sion qui, ayant la langue bien en main, la manient à
souhait, et ils appartiennent à une langue en plein déve-
loppement. Ceux-là sont des élucubrations de clercs dont
le français n'est point la langue maternelle : ce sont les
produits d'une littérature à son déclin.
Aussi bien, dans les premiers, comme la langue se meut
;'i l'aise, le vers est d'une facture preste et fort souple
d'allure. Dans les autres, un nombre considérable de
vers où l'ordre grammatical est sans cesse interverti
prouve l'embarras où est le poète pour amener la rime :
la marche du vers est, en conséquence, boiteuse, et su-
jette aux à-coups.
Dans le poème qui nous occupe, des centaines de vers
se distinguent de la prose par cet. ordre poétique des
mots. D'aussi nombreuses ruptures dans l'enchaînement
des idées amènent de fréquents repos dans le corps du
vers et impriment au débit les saccades et les heurts de
la conversation.
298 Ml 1)1 SAINT RICHARD
D'ailleurs, à la fin du \m' siècle, la prononciation an-
glo-normande ne ressemble plus, tanl s'en faut, à celle
de France, el on voit paraître dans les vers un nombre
variable de syllabes. Il y a, dans bien des vers de notre
poème, un efforl manifeste à couper le vers en doux, pour
en former pour ainsi dire, deux groupes de souffle.
Dans ces groupes, el dans le premier surtout, on peut
avoir plus de quatre syllabes, el à la fin du premier on
a souvent, an moins une fois sur dix nu e muet (-c es
ou cul . (comp. paragraphes \ el 105). Nous hésitons à
comparer cette syllabe hypermétrique à la césure épique,
puisque >a présence n'est guère à signaler dans les poèmes
anglo-normands avanl la période <>ù la langue commence
à s'écarter sensiblemenl de celle de France. Aussi faut-il
noter que dans notre poème une espèce de césure se pro-
dml presque toujours aux vers où l'ordre grammatical est.
changé pour des raisons poétiques.
Mous avons examiné, en ce qui concerne l'e muet après
la quatrième syllabe, deux poèmes anglo-normands com-
posés à une trentaine d'années de distance l'un de l'au-
tre, pour les comparer au poème qui nous occupe :
1° ha Vie de sainte Modwenne, nis. de Welbeck (1), les
cent premiers quatrains.
(1) Nous citerons les exemples tirés de la vie die Modwenne et
nous renverrons à l'édition de Koch pour ceux pris dans Chardri.
a) Ke Deu servirez*/ a granz dolurs 10 d
b) E des pm-eles ke purrirm dire 11 a
c) Par un eveske de bonne vie 30 b
d) De la no vêle quant Tout oïe 35 d
e) Une pucele li ad liveree 45 b
/) A un prodome k'il mut ama 46 b
g) En ouverture n'en ublie mise 53 d
ïi) Ne pour la dame ses biens celer 55 a
i) Beu fiz ele, ça entendez 59 a
j) Cez merveille de beste mue 68 b
k) Cul vert, fet. ele, par ta folie 69 c
/) La gent paene ke ert maumiee 81 a
m) Nobles pucele* i fet vêler 85 c
n) Pur Deu requérez ke l'em les guie 98 c
(Chardri. — Edition Koch. — Les vers: 61, 64, 65. 76, 83,
101, 118, 124, 151, 200, 205. 237, 243, 249, 264, 269, 272, 274,
288, 300, 301, 305, 334, 343, 348, 357, 379, 398.)
VIE DE SAINT RICHARD 299
2° Chardri : Le Petit Plet, vers 1-100.
Dans le premier, nous en trouvons 15 exemples; dans
Chardri, 28, et dans un même nombre de vers de notre
poème, 43.
Cet écart du système métrique du continenl semble
donc correspondre à la détonation plus ou moins avancée
de la langue (1).
Détermination du nombre de syllabes
Pour faciliter la comparaison avec d'autres textes an-
glo-normands, nous suivons ici, pour les différents phé-
nomènes, l'ordre adopté (d'après Gnerlich) par Matzke,
dans son édition des œuvres de Simund de Freine
8 73. L'e atone final, non suivi d'une voyelle, peut
s'élider après une voyelle :
a) Voyelle e : nulcc, 1058. (Pour née, 66, etc., coinp.
paragraphe 4 B a.)
b) Voyelle i : abbeïe, 1002 ; aie, 59 ; crucifie, 1193 ;
curteisie, 438 ; ferie, 1425 ; folie, 18 ; ioie, 728, 749, etc :
mie, 729, 1366 : maladie, 154, 494, etc. ; Marie, 625 ; par-
tie, 1105, 1107, etc. ; russeie, 1243 ; signifie, 76, 1104,
etc. ; veie, 26 ; vie, 13, 48, 49, 95, etc.
Notez surtout l'adverbe veraiemeni, 211, 537, 806, etc.,
el la graphie veraiment, 677, 1173.
L'élision se fait au pluriel également et dans les mêmes
conditions : maladies, 140; plaies, 1206; vies, 13.
c) Voyelle u : rues, 1662.
§ 7i. L'e atone peut être aussi sonore quand le
vers est sans césure :
esleie, 548 ; ioie, 609 ; veraiemeni, 1135.
(1) Nous ne voulons plus grever cette introduction déjà trop
longue par les résultats d'un long examen de textes anglo-normands
que nous avons dans nos cartons ; nous remettrons à un article
ad hoc la question de l'e muet dans la poésie anglo-normande.
300 VIF. DE SAINT KM HARD
§ 74. L'e aftone après une liquide peut s'élider :
a) Au féminin des adjectifs : bêle, 1093, 1103 ; maie,
234 ; nuit, 1112 ; mie, 860 : vile, 839.
b) Aux pronoms : celé, 362, 375, 1 439 (graphie cet,
970) ; quele, 289.
c) \ux substantifs : / : espusaille, 277 ; /iWe, 510 ;
M,7r. 822 : parole, 1242, L306 : nuce/e, 200, 509 ; ville,
67, 'i93.
El au pluriel aussi, cl dans les mêmes conditions : ca-
vales, 186 ; eles, 681 ; entrailles, 1619, 1623 ; paroles,
697, 1468.
/• : aventure. 763 : blemure, 1 < > i : offre, 1191 : f//r/
/ure. 636 : enflure, 161, 622 ; /e/v, 206, 304, 636 ; /rere,
271, 283. 295, 303 ; hure, 1512 ; /uniere 640, 891 ; ma-
nere, 249 : meihire, 626 ; père, 607, 762 ; piere, 137, 153,
476, olc. : prière, 603 ; sépulture, 1627 ; /e/re. 181, 263,
299, 307, etc. : vesture, 846 ; uncorc, 181, 1091.
Et au pluriel : frères, 792.
L'omission est surtout fréquente aux adverbes : fière-
ment, 962, 1461; folement, 10. 18 : sulement, 265, 352,
658. 1461 ; quelquefois, l'adverbe s'écrit aussi sans e :
charment, 958.
§ 76. Cet e peut être scandé dans les vers sans
césure :
bêle, llli ; celé, 362. 988 : demisele, 520 : fere, 781 ;
encore, 189 ; quele, 195 ; terre, 231, et même l'adverbe
sulement, 265, 785. Et aussi au pluriel : prières, 1314 ;
bêles, 1486 ; ve illies, 560 (comp. 836).
Il y a exception apparente au vers 788. où cure compte
pour deux syllabes : ici le texte latin n'esi pas très- fidèle-
ment mis en français, et il est probable que la leçon est
fautive.
§ 77. Le mot sjfc compte généralement pour une
syllabe, surtout quand il est suivi d'un
nom propre :
P. ex. 1413, 1436 (au vers 1427, il est écrit sir Symun,
VIE DE SAINT RICHARD 301
graphie que conserve l'anglais moderne) et aussi à un
repos, 1475. \n\ \ers 1107, la scansion est douteuse
(comp. paragraphe 100). et pour le vers 1431, nous avons
proposé une autre leçon.
§ 78. Après nue labiale les exemples ne sont pas
probants.
I .Y semble muet dans satire, 439 ; chape, 951, 966 ;
vive, 998, tandis qu'au vers 956 chape compte pour deux
syllabes. La leçon n'est pas certaine pour uisive, 866.
Dans pavement, 1368, et hastivement, 421, 428, dans des
vers sans césure. IV féminin esl sonore, tandis que pour
entivement, 1020, nous avons proposé une autre leçon.
Dans un vers sans césure, on a aubes (=2 syll.).
§ 79. L Y esl souvenl muet après une dentale :
chose, 289; 1301, etc. : dite, 1513 ; estude, 70, 789 :
église, 906. 1118, 1305, 1356, 1624, etc. ; face, 821 ; grâce
117, 175, 377, 52 i, 659 ; gute, 982, 002 ; haute, 891 ; ma-
lade, 969, 991 : malice, 180 ; mte, 127 ; parose, 869 ;
propice, 084, 685 ; place {placeai), 1208 ; rose, 1007 :
teste, 458, et les adverbes ducement, 1467 ; heiement, 372.
Tule est souvent monosyllabe : p. ex. 174, 249, 261,
298, 507, 627, 796, etc.
Quand il s'agit de composer une unité grammaticale,
Iule peut avoir deux syllabes : p. ex. de iule part, 91 ;
de lu te gent, 506, 647 ; tuite l'église, 720 ; taie manere,
842, et aussi comme pronom tute vus renl, 307.
§ 79 a. Ici comme ailleurs, l'e est sonore dans le
vers sans césure :
dévotement, 1466; dusse, 1304; multitude, 1531; puisse,
1456 ; sause, 134. Dans les locutions espuse bêle, 114 ;
gloriuse dame, 1196, la chute d'un e final fait maintenir
l'e de espuse et gloriuse.
Et aussi au pluriel, estes, 126 : fêtes, 292 ; fustes, 306;
angoisses, 693 ; cotes, 1032 ; grâces, 1308.
302 VIi: DE SAINT RICHARD
§ 80. Après palatale IV peut cire muet :
curage, 1090 : fresche, 128 : logike, 329, 334 ; potage,
365 : tecche, 1111 : et ['adverbe sagement, 503: El au plu-
riel : reliques, 905 : sages, 932 : riches, 1005.
Lorsque evesque esl suivi d'un complément, IV final
i'-l muet, 65, 925 : el dans un croupe de quatre syllabes,
l'e esl égalemenl muel : 142, 346, 1005. Dans les vers
sans césure, IV est sonore, 1040, 1062, 1449.
S 81. Après nasale la mesure exige souvent l'o-
mission de l'e :
bone, 71 : caruine, 1483 : dame, L326, L491 ; demeine,
1582 : dimeine, 1355 : disime, 1259 : femme 108 : /Van;
me, 1580, etc. : diurne, 90, 110, 883, 1017 ; prodome, 1116,
1319. 1535 : /uw. 985 : persone, 1530, 1586, 1589 ; si-
grne, 80, 1230 : mine. 1401 : vergoine, 698 ; Oxenefnrrl.
322 (du reste la graphie Oxenford esl connue d'ailleurs
ms. Egerton, Mus. brit., N° 2710).
Et aussi au pluriel : chanoine, 1)08 : /unes, 830 : peines*
1 471 ; primes, 1212 ; sûmes, 1300.
§ 82. Après nasale, Ve féminin est rarement so-
nore. Il est sonore :
1° Quand le vers est sans césure : p. ex. aime, 1516 ;
dereine, 733 (comp. paragraphe 72) ; enclume, 703 ; pei-
santime, 833.
2° Quand il s'agil de former des croupes : d(e) hume
chanu, 21'i ; eum lune bêle, 1118.
:!" Quand il y a enjambemenl ou pause : certaine, 972 ;
prodome, 1148. Pour meimes (écrit même, 243), la pro-
nonciation est flottante. Ce mot semble compter pour une
syllabe quand il est lié avec : 1. un pronom : se même.
243 ; mesmes, 345, 997 : meimes cesti, 980 ; 2. une
cou jonction : si meimes. 1362 : 3. un subtantif dont tou-
tes les syllabes soient sonores : /'( place meimes, 451 :
meimes le temptur, 519 : ke meimes la nuit, 1561 ; sauf
quand le substantif est lui-même à la césure : meimes la
manere, 141, 279, 1099. L'e final de meimes peut comp-
ter dans un vers sans césure, p. ex. 1175.
VIF. DE SAINT RICHARD 303
§ 83. Après un groupe de consonnes, e el es (pour
ent, voir plus loin) ne comptent pas dans
les cas suivants :
a) Quand le vers a une césure ou un changement brus-
que de l'ordre normal : apostles, 1140 : halegres, 1252 ;
iuvente, 184; membres, 1485 : podagre, 983; purveançe (?)
1017 : préséance, 1351 : recevre, 1552 : seinte, 1226.
b) Quand les mots se trouvent à la césure : chambres,
360 : endementres, 'i'iI : essample, 705 ; humble, 504 ;
hunte, 1471 : membres, 1008 ; portes, 1402 ; pourrie,
:>7r> : profitable, 598 : uvres, 171 : abstinence, 834 : en-
fance, 213 ; onurance, 1024.
c) Quand il y a un effort manifeste pour former un
groupe de quatre syllabes : espérance, 314 ; pople, 753 ;
porte, 417 : povres, 1627.
rf) Dans les mois suivants qui se trouvent dans les vers
où la Leçon est peut-être fautive : entente, 192 ; fierté,
1639 ; /turc, 55 ; membres, 1365.
§ 84. Après un groupe e et es ont leur valeur
syllabique :
a) Surtout dans des vers qui n'ont ni repos, ni césure :
bible, 793, 796 : conscience, 82 ; cunle, 2, 7, 15 ; en-
cuntre, 193; enlendable, 53; eschivre, 640 ; essample, 336;
medicinable, 153 ; muiste, 133 ; muslre, 533 ; seinte, 216;
semble, 848 ; semence, 145 ; triste, 288 ; iufnes, 9, 10 ;
molestes, 697 ; mûmes, 287 ; pertes, 696 : povres, 645 ;
princes, 1137 ; semblables, 876 ; simples. 871.
6) Pour former un groupe de quatre sylabes : eftset-
/>/<•, 276 ; mettre, 17 ; mustrance, 80 ; ordres, 1268.
c) Après enjambement devant une pause : chambre,
350.
$ 85. Il y a des mots qui contiennent e féminin
après un groupe de consonnes qu'il faut
considérer à part.
a) meslre : si ce mot est suivi d'un nom propre on a
élision : p. ex. m. Ilamscole, 406 ; ah. Richard, 429, 452,
3(14 Ml 1>I SAINT RICHARD
166 : -i Le iii"i '"-i seul, il compte pour deux syllabes :
336> 106, 120, 192, sauf dans le cas où se forme un
groupe, 'i 1 1 (aux vers 55, 119, les leçons sont douteu-
ses).
b) cesle : dans l'expression en ceste vie, 12, 34, etc.,
IV est sonore.
c) autres : est monosyllabe : a) dans un sens général :
22, 131, 390, 394, 1224, 1654 (sauf au vers 1588 qui est
sans césure) : b) comme adjectif : 322, 367, 420, 423, 513,
690, 1109, 1222, 1535.
Autre est aussi de deux syllabes quand il se joint à un
autre mot pour former un groupe de quatre syllabes :
106, 893.
Nostre, rostre : peuvent être monosyllabes ou dissyl-
labes quand il s"agil de former un groupe de quatre syl-
labes : 302, 308 : ils sont dissyllabes quand ils se trou-
vent en combinaison avec un mol qui perd un e féminin:
i37. ou quand ils sont dans un vers sans césure : 294.
S 86. Adverbes qu contiennent groupe + e fé-
minin.
( les adverbes forment souvent à eux seuls un groupe
de quatre syllabes : p. ex. apertement, 1566, 1672 ; so-
lempnerneni, 1177 (comp. hastwement, paragr. 78); d'au-
tres comptent leur e dans un vers sans césure : noblement,
556 ; seut/h'iucul, 351 ; tendrement, 1654 ; d'autres en-
core aspremeni, 258 ; noblement, 284, el surtout ensement,
lequel est tantôt de deux syllables : 45, 206, 212, 308,
320, 505. 531, 538, 1071, 1394, 1618, et tantôt de trois :
77, 381, 404, 512, 805, 837, 1092, 1468, 1642, 1651, 1662,
semblent se soustraire à toute règle.
§ 87. La terminaison -ent {-eient, -erent) esl
muette dans les cas suivants :
a) Après labiale : surent, 107 ; aveieni, 755, 995.
b) Après liquide : ierent, 119 : furent, 151, 688, 1500 :
prièrent. 121 : esirent, 576 ; iugerent, 602 ; ellurent, 810 ;
commencèrent, 1365 ; accurent, 1641.
c) Après dentale : fusent, 370 ; élisent, 946 ; cessas-
sent, 1496.
VIF. DE SAINT RICHARD 305
d) A la césuTe : saveient, 597 : avuglent, 634 : gardent,
678 : estèrent, 704; travaillent, 691 ; recurent, 70:? : entre-
mirent, L395 : i ■»><•/!/, 1562, 1566.
e) \pres un repos : avindrent, 1510.
£ 88. La terminaison -en/ (-eient, -ereht) reçoit
valeur syllabique :
o) Quand le vers n'a pas de césure : aveini, 547 ; /u-
/•.'///, 549, L529, 1629. 1681 ; dussent, 565 ; oient, 797 :
/ï/rn/. 1228, 1680 : urcnl, 1276 : acurent, 1661 ; alerent,
1568 ; chantèrent, 1684.
b) Pour former un groupe : furent, 197 ; loerent, 267 ;
s'entreclinent, 674 : entrejuent, 717.
§ 89. E féminin entre consonnes :
Cet c est souvent niuel, surtout dans la combinaison
mu(a c(i//i liquida : p. ex. appella, 1331 : aunteriné, 149
(voy. ce vers) ; averti, 1507 : avérai. 1388. 1446 ; averum,
6 : bacheler, 433 : blescerez, 474 ; chanceler 667 : chan-
celerie, 635 : chapelein, 955. 1328, 1495 ; chevalerie, 1 1 :
rurrn. 839 : déférence, 1663 ; délivrera, 666, 97 i (écrit
r/^/iVre. 996) : dolerus, 444 : enseveli, (614, 1638. 1687 :
espérance, 968 ; espuserunt, 119 ; livere, 78. 235 : oye-
raine, 2'»4 : overe, 688 : passereit, 1550 : pèlerinage, 534,
540, 542 (comp. fielrimage Chardri, Pe/if P/W. 362, et
angl. mod. pilgrimage) : persévérez, 1100 : povere, 235 :
révérence. 1664 : sauveté, 165 ; severer, 1154 : suverain,
252 ; Iranslateray, 61 ; vivere, 364 ; Pour /'/<:, etc., voy.
paragraphe 64 : digneté, L660 ; endemein, 1355 : ordené,
124 (comp. paragraphe 91) : parereit, 158 : pafteners,
1415 (comp. angl. mod. partner) : petite, 1278 ; venir, 32;
veneit, 1659 ; suvenir, 1676.
§ 90. La même voyelle est souvent comptée :
h) Dans des vers sans césure : apellé, 1327 : chanceler.
576, 662, 714. 888 : /Jore/c (?), 1261 ; entrecuché, 682 ;
esbaudissement, 23, 141 : pureture, 840 ; recuvereient,
172 ; supereit, 1485 ; sainement. 32. 166 ; sauveté, 26 ;
truvereit, 1129.
306 \ Il DE SAINT RICHARD
li) Pour former un groupe : angelin, llo : chapelein,
L373 : pureture, 127 : userai. L480.
c) Dans 1rs substantifs en //(<•/»/ : adresement, 808 ;
canonizement, 1333 : consentement, 515 ; desirement, ~>I0;
finement, 807 : jugement, L401, 1403 ; mandement, 1198,
1203 : martirement, 1221 : pavement, 1368 : preschement,
1197 : xtislciicinciit. 1670 ; vestemenl, 1643.
<$ 91. La synérèse d'autres voyelles se rencontre
aussi :
« : firmament, 715 : maladie, L357.
i : cherité, 827 : divinité, 790 ; humilité, 5, 25, 160, 112,
1230 : o/Y/mé (comp. 817), 845, 918.
o : pardoner, 686.
u : boiiui-é. 1643 : dretiurel, 580, 649 : dreiiureument,
600 ; honuré, 159, 1186 : su/um, 919. 945 : turturele, 1686.
Hiatus et synérèse
§ 92. a.
L'hiatus pour a ne se rencontre que dans les mois :
prescience, 195 : mence, 190. .".28, 376 (comp. paragra-
phe ") A. a).
On a synérèse dans aptai, 770 (comp, 706), el aurné,
1035, 1077.
§ 93. e.
On a hiatus dans les cas suivants : dehors, 79 (comp.
paragraphe 72) ; sec/, 613 ; numeemeni, 707 : creul, 828;
leaument, 85.
On insérera ici les cas de L'hiatus de l'article avec une
voyelle suivante : le erceves^ue, 585.
La synérèse esrt fréquente dans les verbes : aparceut,
289 : //rus/. 602, 940, 1352 ; cfeu, 1080 ; eu, 314, 493,
'i9i : feisse, 58 ; feisf, 018 : meisse, .">7 : peust, 10'i'i : /u/r-
rueu. 270 : ueer, L38, 1465 (écril uer, 78) ; ueu, 270, 2SI,
889, et aussi dans les mois suivants : abbeîe, 1002 :
beneiçon, 1243, 1354 : enseurement, 018 : meule. 1307 :
/i'uks (ce que rend pins certain la graphie delele, 1183,
VIE DE &AINT RICHARD 307
el les adverbes leaument, 38, 629 : leement, 1448, el aussi
leinz, 166, 124, 425, 568, 1005, L076 (William de Wad-
dington écrira plus tard lenz).
§ 94. i.
Il y ;i hiatus dans : aliance, 1145 : amiable, 651 : cons-
cience, To'i : dédier, L305 : envius, 000, 872 ; especiau-
nwiil, :îl (mais non pas au vers i2) : fiance, 071 ; fructe-
fier, 224 ; glorefier, 1205 ; /ici:, 151, 246 ; mendiant, 235;
obedient, 648 : patience, 703 ; pria, 54, 427 : prières,
1314 : science, 379, 559, 7:i'i ; signefiek, 1108 ; ublier,
L509.
Il y a synérèse dans les mots suivants : compatient,
257, 963 : conscience, 82 ; cristienté, 1185 : escient, 1105:
especial, 300, I0i5, 1410, 1327, 1330 ; fisieiens, 1394 ;
gloriu.se, 1491 ; gracius, 82, 91 ; nient, 426 (comp. Zeits-
chrifi fur rom. Piiilotogie , xxvi, 97) ; prières, 1020 :
sapience, 165 ; spécialité, 952 ; viande, 128.
§ 9ô. Quant à la terminaison -iun, on paraît avoir
l'hiatus quand le mot est en rime avec
un autre mot en -un et aussi quand la
rime se compose de deux mots en -/nu :
p. ex. 5, 179, 561, 725, 933, Mil : et
71, 679. 730, 920.
Dans le corps du vers, on a synérèse : 92, 17o. 694,
<J '.2. 1101, 1150, 1159. L414.
§ 96. o (u) :
Il y a hiatus dans : aluast, 1590 : joisseit, 661 ; locngc,
059 ; où\ 14, 16, 359 : pruesce, 20.
La synérèse csl la règle dans : poust, 32 : purvueu, 270;
sou[s]f, 1380.
u : Il y a hiatus dans : coniinueil, i95, 501 : /'(/ut. 127.
130 ; remuer. I(»I4 : vertuus, 502 : et synérèse dans >'<<-
muel, 2()3, el peut-être dans assiduel, i79 (comp. para-
graphe 72).
§ 97. Il y a hiatus de /■<• dans les vers suivants :
41, 230, 231. 207. 324. 329. 520, 557 : el
synérèse dans 67, 266, 346, etc.
308 \ tE DE SAINT RICHARD
>; 98. La contraction de deux syllabes dans deux
mol- qui -'■ suivent est assez raie dans
notre poème :
poi en, M : le ensement, 206 : ke ne, i95 ; fu en, 504 :
U esleit, 621, 760, 953, 1040 : //' apendeit, 930 (comp. v.
270); si /<•, 672; .s/' a, 443; que le, 904 ; e allégement, 1025;
//«//• /<-, 1059 ; // aure, 1644 : ça endreit, i42.
La contraction paraîl avoir| lieu daais beaucoup de
vers où le premier mot est e (<'/) : p. ex. e £/, 1019, 1087,
1192. etc. ; e en, 249, 1188 ; e a, 531, 1423 ; e a/, 1360 :
e le, 271, 1168, 1505 ; e de, 896, 1133 ; e aussi, 1266-7 :
e /<u/, 1 1 15 ; e par, 1683.
Le même phéanomène semble se présenter pour : ou
(ctpud), ou le, 1240, 1533, et aussi pour : ke : ke le, 122;
ke les, 190 ; ke la, 1549 : /,-<- de, ir,~>r> : /,«- ces, 1114.
Nous avons relevé ailleurs (paragraphe 72) les cas de
mutation de la syllabe initiale de : il paraît nécessaire de
scander : d' turner, d' Voir, 16 ; d cors, 93.
Ceo ^e contracte avec une voyelle suivante : p. ex. a
ceo aide, i95 : a ceo acumplir, 496 ; ceo est : passim.
$ 99. Non-élision.
Dans l'étude immense qu'a consacrée M. Rydberg (1)
à l'histoire de l'e féminin en français, il a classé les cas
d'hiatus en hiatus logique, métrique et grammatical. Quoi-
que ces divisions laissent souvent à désirer, une phrase
peut rentrer soin eut dans l'une mi dans l'autre catégorie:
nous tâcherons de profiter de ses conclusions pour ce
paragraphe.
a) Hiatus logique : pour mettre en relief un mot ou
une phrase (comp. Rydberg, p. 59).
A) (\c^ noms ou des pronoms :
1. ke mes ke enfanz de son âge, 190
2. le loerent ke il amasl. 207.
:i. par heu ke evesque serreit, 321.
(1) Gustaf Rydberg : Zur Cleschichte des f ranzo sischen e. L»*ip_
zig et Upsala 1896-1907, pp. 1096.
VIE DE SAINT RICHARD 309
î . que il une demisele preit, 520.
5. ne lu sa vie êàclasie, 1037.
B) pause dans le sens : Ici ce phénomène se
rencontre surtout après enjambement (comp. Rydberg,
p. 94).
6. maudit celi « | li e sun furmenl
ruine al pople e a la gent, 397-8
7. li offrit par la volontez
sa fillie c consentement, 51 L-5
8. la chief de pieté de sou pais
propre, esteit en exil mis. 199-700 ( 1).
Voyez aussi les vers 143, 695, 981, 1092.
C) a) avec ne, 79 ; b) se, 724, 1037. 113, 1381 :
e) le, liio : si : si espleita en sa saence (Rydberg, p. 867).
b) Hiatus métrique (Rydberg, p. 123).
9. ore a herce ore a chariie, 247
10. plein de grâce e de pitié, 1208
11. kc par bûche e par escrit, 1035.
c) Hiatus après un groupe de consonnes :
12. Bon est de mettre en escrit, 1
13. net de vie cum angle esteit, 05.
Les numéros 9 et 11 sont métriques en tant que le
vers se divise volontiers en deux groupes de quatre syl-
labes ; ils sont aussi logiques selon la définition de
M. Rydberg.
§ 100. Scansions douteuses.
Nous rangeons sous cette rubrique les vers qui ont deux
e féminins : on hésite souvent ;i décider lequel des deux
doit être muet. Pour nous prononcer, nous avons été
guidé par les mêmes principes que nous avons suivis
dans les paragraphes 73-91.
7. Retranchez l'e final de retraire.
80. Après l'enjambement on préférerait de garder l'e
final de mustrance et on pourrait corriger seing. Il est
(1) Ces vers pourraient être classés également sous (c)
21
310 VIE DE SAINT RU II Mil)
possible que en muslranct provienne «lu scribe, el que
l'auteur ait écril a mustre.
101. Nous proposons de lire i /". l'e étanl très souvent
supprimé après voyelle (voy. paragraphe 73 b), et aussi
esl il plus logique d'appuyer ireslute.
120. Corr. semblable (comp. paragraphe 50).
145. Lis. lui , l'article au féminin compte rarement
pour deux syllabes (oomg. paragraphe 81).
197. Lis. fur'.
342. Nous prenons dautre chose comme une unité de
trois syllabes.
352. Lis. un' cote surment ; voy. ci-dessus au vers
145 et paragraphe 75.
358. Lis. près pour après (comp. paragraphe 72).
382. Lis. urnement (comp. paragraphe 14 et v. 652 ci-
dessous).
418. Pour rétablir ce vers il faut lire bach'ler (para-
graphe 89), et d'manda ou manda, d'après paragraphe 72.
442. Comp. 418 ci-dessus ; ici nous préférons de lire
bacheler (trois syllabes.) vu l'enjambement, et de contrac-
ter ça endroit en çandreit (comp. landreit, contraction
commune dans les mss. de Simund de Freine, voy. Ed
Matzke, Introd., p. lui).
444. Lis. leinz comme au paragraphe 93, et venu pour
avenu (comp. paragraphe 72).
445. Lis. veraiment (comp. paragraphe 74)
450. Lis. un", comp. au vers 145 ci-dessus.
465. Lis. d'mandeit, d'après paragraphe 72.
511. Lis. plein'ment, paragraphe 82.
513. Lis. rent'.
540. Lis. pelrimage, paragraphe 89.
552. Lis. deliv'ré, paragraphe 89.
576. Pron. eslir' (comp. paragraphe 87), c'est cet e
qu'il faut supprimer plutôt que l'e médial de chanceler,
mot qu'il s'agit de mettre en relief.
654. Supprimez l's de humbles.
656. Comparez v. 382.
662, 667, 737. Lis. chanc'ler (comp. paragraphe 89).
807. Lis. fîn'ment (comp. Godefroy, s. v., citation de
Ilorn).
1
VIE DE SAINT RICHARD 3 I I
825. Pour (Mi.-eiiicnl (comp. paragraphe 80).
830. Lis. suv'raine (comp. paragraphe 89).
888. Puisque chancelier est Le mot important, il faut
lire chanceler el d'morast, paragraphe 72.
898. On peut lire vesque comme veschié, paragraphe
72. ou bien ord'nez, paragraphe 91.
910. Lis. ellur'.
1019. Pour e il (comp. paragraphe 08).
L077. Lis. fur', paragraphe 87, et urnez (comp. \. 656
ci-dessus).
1123. Lis. parti' (comp. v. 101 ci-dessus).
1180. Considéré la coupe si fréquente de i+i, nous
préférons 'près li.
1191. Corr. par ki en dunl et lis. dir* (comp. paragra-
phe 75).
13'jO. Lis. rend'reit, paragraphe 89, comme aussi pas-
s'reit au, vers suivant.
1390. Pour la raison indiquée au vers 1180, nous lisons
desk'a.
J i04. Lis. void'rai.
1 107. Lis. sir' (comp. paragraphe 77).
1423. Voy. le vers précédent.
l 'i i7. Lis. sul'inent (comp. paragraphe 75).
1476, 1180. La contraction de si vus en s'us est assez
fréquente (voy. S. de Freine, S. George, 365, 835).
1562. Lis. un' (voy. ci-dessus vv. 145, 450).
1500. Lis. vir' et comp. 72 b.
1651 A Lia. viles ei eglis»' ens'ment (comp. paraglrsy
phe 86).
Vers fautifs
Les poèmes anglo-normands incorrects du xne siècle
le sont le plus souvent par des vers trop courts; aux xme
et xive siècles, au contraire, les vers fautifs sont généra-
lement des vers hvpermétriques.
§ 101 a). Les vers de sept syllabes.
9. La leçon est probablement fautive, jufnes aurait été
312 \ll ni. SAINT i;l( Il Mil)
écrit par erreur ou peut-être faudrait-il corriger les deux
vers :
pur 1rs jefnes genz enticer
e les vies folement amer.
103. La correction proposé au vers entre crochets n'est
pas satisfaisante j mais il paraîl possible de faire précé-
der le mot nature de l'article quand il a un complément.
1037. Voy. paragraphe 99 a), 5.
1232. Voy. la correction proposée.
§ 102 b). Les vers de neuf syllabes.
16i. Lis. le v'rai 'Liseu (comp. paragraphe 49 a) et
aussi au vers 157).
369. Lis. compaignun u' spécial ami.
468. Nous avons déjà fait remarquer (paragraphe 49 a)
combien il est difficile de savoir scander les noms pro-
pres ; peut-être la copie originale portait-elle : dunt le
saumiste a saumeiez avec David en sauter comme glose.
479. Lis. siduel (comp. paragraphe 72).
507. Lis. d'ieur (comp. 72 et Suchier (Auban), p. 39).
620. Comme nous avons fait remarquer ailleurs (pa-
ragraphe 56 b), il y a des locutions dans lesquelles ches-
cun (et aukun) paraît avoir une seule syllabe, peut-être
est-ce que endreit perd la première syllabe.
672. Lis. 1' disciple et Suchier, 1 c.
716. Ce vers est probablement corrompu par le scribe
(comp. paragraphe 49 a).
774. Voy. ci-dessus, 620.
904. Lis. l'quart, voy. 567.
1190. Supprimez de (comp. paragraphe 49).
1240. Lis. ou 1' soc (comp. 567 ci-dessus).
1217. La syntaxe est si confuse ici que nous ne nous
hasardons pas à corriger ce vers.
1339. Pour esire ceo, voy. paragraphe 71 k) ; suppri-
mez euni.
1614. Voy. paragraphe 49 a.
§ 103 c). Les vers de dix syllabes.
Pour les vers 48, 51, 5'., 55, 56, 57, 58, 121, 223, 331,
VIE DE SAINT RICHARD 313
765, 859, 860, 898, 915, 115, L523, L547, qui auraient
lous, tels qu'ils sonl (huis le m<., deux syllabes de trop,
nous avons proposé des corrections en note.
168. Scandez les ewes d'Ierico de saner.
469. Nous proposons de lire « a ki Meus dreil défeis pro-
misl » : cette graphie se trouve dans le Brut el peut bien
être la bonne.
916. Au paragraphe 19 a) nous avons noté l'embarras
où se trouve notre auteur pour scander les noms pro-
pres. Pour rétablir la mesure, nous proposons de sup-
prime de, inutile devant un nom propre (conip. para-
graphe 19) et de corriger n'est pas ;jas en .sa;): gas.
111T>. Lis. de l'une e l'autre descul'rée.
I 124. Supprimez seini, que du reste le texte latin n'au-
torise pas. et. corr. s'ameient.
1192. Lis. Vmunde et supprimez e.
1194. Lis. sur et substituez servit a ministra (comp. v.
1509-92. Pour ce pnssage le texte latin manque (comp.
Introd. et tout critérium pour la correction taisant dé-
faut, nous renonçons à critiquer ces vers.
1611. Voy. paragraphe 49 à).
s 104 d). Les vers de onze syllabes.
Nous avons proposé en note ou dans les paragraphes
qui ont trait à la versification des corrections pour les
vers suivants : 43, 132, 149, 152, 694, 742, 908, 1389,
1594, 1630.
284. Le texte latin qui a Irait aux relations de Richard
avec son frère est. différent dans les deux sources et dans
la bulle de canonisation. Celle-ci porte le texte suivant :
« Invitatus ad conjugale cujusdam puellse nobilis consor-
tium, mundi hujus corde mundo immundis illccebris, ut
in sortem Domini cederet, cessit hujusmodi cessioni : et
animam suam firme proposito eojesti sponso desponsans,
sponsœ terreme sponsalia sponte sprevit... »
1217. Quelquefois on est porté à croire que l'auteur
a omis de polir ses vers et que ceux-ci ne nous sont pas
arrivés tels qu'il aurait voulu ; ce vers se serait passé
du coup de lime.
1549. Peut-être faut-il lire foule au lieu de multitude.
31 i VIE DE SAINT RICHARD
§ 105. /.'/ coupe du vers.
Le vers de notre auteur, comme nous l'avons déjà fait
observer au paragraphe 7',' I». s'écarte beaucoup «lu sys-
tème métrique du continent. Il s'évertue à bâtir son vers
de deux hémistiches de chacun quatre syllabes : dans
notre poème, nous avons compté 623 vers (I) qui ont la
coupe i + 'i. entre lesquels ceux qui onl du moins une syl-
labe hypermétrique au premier hémistiche ne remontent
pas à inoins de 132 (2). Ce chiffre est trop considérable
[tour (pie nous n'y voyions pas l'effet d'un système. Une
Vie de sainl Edmond, roi dEslanglie, dont M. Paul Meycr
a publié 23 quatrains (Romania, xxxvi, p. 533) et qui date
do la fin du \ne siècle contient trois (3) exemples de celle
coupe, et quoique ces vers se laissent facilement corri-
ger, on comprend que déjà le sentiment de la mesure est
ébranlé. Cette coupe peut se voir déjà dans Gaimar, dans
le Haveloc, dans le fragment de la vie de saint Tho-
mas (4) et ailleurs (5). La conception du vers oclosylla-
bique composé de (\eu\ groupes de quatre syllabes n'a
certes rien de nouveau : déjà, dans le premier volume de
la Romania, Gaston Paris a reconnu (6> que la forme
normale du vers est un vers où les quatrième et huitième
syllabes portent l'accent Ionique. Il admettait aussi une
syllabe hypermétrique après la quatrième. Ce qui semble
ressortir de l'étude des poèmes anglo-normands, c'est
que les ailleurs onl suivi les mômes principes que les
poètes de France, mais se sont laissés guider pour la
facture de chaque hémistiche par la prononciation vi-
(1) P. ex. vv. 3, 8. 16, 22, 26. 27, etc.
(2) Vv. 30, 39, 94, 108, 128, 139, etc.
(3) fa) En sun servise ki mis a cher (v. 11).
(b) La nus enveiet, sibi en volun (v. 37).
(c) En tûtes choses a lui obéit (v. 46).
(4) Fragments d'une vie de saint Thomas de Cantorbéri ; Société
des anciens texte* français.
(o) Voy. la note au § 72 b.
(6) Voy. aussi Suchier. S. Auban, j. 26.
VIE Dr. SAINT RICHARD 315
cieuse et la syntaxe hétéroclite dont les Français se sont
si souvenl moqués ei dont ils se soûl si souvent
plaints (1).
A.- T. Baker.
(1) Voy. Les Political Songs publiés par Wright et le prologue
de la vie de sainte Catherine, par la sœur Clémence. Notices et
Extraite xxxin, l'e partie p. 59, et le fragment de prologue d'une
vie de saint Edward le confesseur que nous avons publié dans la
M ad iin Language Revient) 1908, p. 374.
ISSI COMENCE LA VIE SEINT HICHAHH
KVESQTES DE CYCESTRE
222, r° a Bon est de mettre en escril,
verai cunte de tel e dit :
ke d'oir dune en quer de] il,
r° I) i si après en vient le profil
d'humilité e (de) devoeiun.
par nul averum savaciun ;
mes retraire cunte de folie,
8 de fol amant e tôle amie,
pur les jufnes enticer,
e les jefnes folemenl amer ;
(e) cunter ausi de chevalerie,
12 que unkes n'avint en ceste vie,
e vies ke d'aucun seit veir (le) dit,
del oïr poi en vendra profit:
si l'un cunte romanz d'aniur,
10 k'en vient del oïr a chic f de lur ?
ne sai, l'or mettre le penser
en folie, folement amer :
e quel profit (en) vient de cunter
20 de la pruesec un chevalier.
1-64. Prologue. Ce prologue ressemble pour le fond à celui du
Comput de Raùf de Lenham (comp. Romania, XV, 286) et, d'une
façon générale, à celui du Cutsot Mundi. Il est relativement court
puisque le prologue de la Lumière as Lais dans le ms. du chapitre
d'York a 700 vers environ. Il n'est pas moins long dans les autres
mss. (Voy. Rom. VIII, 325; XV, 287.)
1. comp. § 99 ; 7. comp. § 100. 9. comp. § 101 ; 14. comp. § 98 :
16. comp. § 98.
VIE Dl SAINT RICHARD •>! '
for sulemenl le delil del oïr,
ke suvenl (1rs) nulles Fe1 esbaudir V
mes icel esbaudissement,
24 de orguil vient veraiement
que contraire est a tiumilité
ke veie nus <lunc a sauvetë :
pur ceo mieuz vaut, c'est la parclose,
;?8 de Eere romariz de tel(e) chose,
de mettre hume en tel penser
dunl il s'en puisse bien enformer
d'amer Deu especiaument,
32 par uni venir poust a sainement :
l'en dust penser la curteisie
que fet as seinz en ceste vie.
ke leaumenl ci servi luinl.
222 v° a par uni en sa joie en ciel sunt:
37 les miracles ke fet pur eus miner
nus dust de li leaument amer,
cume fel oie veraiement
iO ce seinl Richard apertement.
que evesques a Cycestre esteit
ke especiaument miner nus deit
a mettre (les) miracles en (re)membrance
4-i a Deu loer pur sa i'esaunce,
e de la seinte vie ensement
ke mul put enformer la geni,
pur ceo fet bien de li muter
48 sa vie e (ses) miracles demustrer.
sa vie e (ses) miracles d'enfance
en latin -mit mi- en (re)membrance,
mes (por ceo) de plusurs est désiré
21. Délit, eomp. § 72.
22. Lis. aut comp. § 75. vu qu'on a verte et vérité, faut-il supposer
humilité avec trois syllabes? Cf. vers 5.
32. Venir, comp. § 72.
33-38. Ms. dust; = il convient...
39. Corr. or. ou bien voy. § 73.
42. Ms. muiver.
43. Comp. § 72.
48. Lis. demustrer, contracté eu deux syllabes, comp. § 72.
318 VIE DE SAINT RICHARD
52 que fust en franceis translaté,
ke lais entendable pol estre,
m'en pria un chanoine de I îycestre
par un mestre l\<' un livre me porteit,
56 kf de sa vie e (ses) miracles esteit,
ke de translater les m'entrenieisse,
e (kf jeo) le latin en franceis feisse ;
e jeo par l'aïe Seinl Richard
60 me entremeslrai en la Deu part,
e de latin le translateray
en franceis au meuz ke jeo say.
ore i met[e] entendement
64 que bien amer Deu ad talent.
De sa enfaunce.
Seinl Richard l'evesque de Cyceslre
en l'evesche fu née de Wirecestre,
en une ville ke est Wiz apelez
68 u putz a sel ad desposez.
Richard aveit a num son pere>
Ealiz aveit a num sa mère,
boue gent de vie e (de) naciun,
72 mananz a&ez sulum resun ;
après le père out num le fiz
e pur ceo num Richard de Wiz.
cest num Richard, dit en latin,
76 signifie ris sulum devin
54. Cycestre, § 50 a.
56. Voy. introd., p.
57. Coït. Ke d'cls tranlater.
63. La leçon est obscure dans le ms.
La rubrique correspond à celle qu'ont fait imprimer les éditeurs
dœ AA. SS., page 284 : De patria et parentela sua.
66. Vers trop long. Faut-il corriger el vesché (oomp. v. 1003) ?
66. Wigorniensis ctiœcesis, villa quœ secundum proprietatem Angli-
can;? linguae a puteo salis qui aquis putealibus ibidem componitur,
Wyche appellatur (aujourd'hui Droitwich).
76. Ricard us igitur etymologice potest dici quasi, Ridens. Canifl
et Dulcis. Et Ridens quidem per gratiam conscientia?, et hoc quoad
seipsum ; nam risum integrum exterioris hominis ra.ro vel non om-
nino admitt-ebat.
VIE DE SAINT RICHARD 319
e cher a Don. duz ensement ;
ceo put ver ke son livere entent.
son ris ne esleil pas dehors
80 cm mustrance par signe de cors ;
(nies) sa pensée dedanz lu esleescée,
(kar) n'oul pas sa concience blescée,
dedenz lu plein de charité,
Si pur ceo fu de Deu bien amé
e dunl a Deu très cher esteil
pur la dueur k'en li aveit.
du/, esteil a suu prusme parler,
88 duz esteil a eus conseillier ;
si cum par bon conseil d'ami
est li quer de hume tut enduci.
ho tute part esteit gracius
92 de condiciun, en murs vertous,
de cors, esteit beaux de tut bailé,
de tûtes tetches bien afaité.
net de vie cum angle esteit.
96 kar vie cum d'angle demeneit
tesmoine (d')un frère bon devin
que sa vie escrit en latin.
79. comp. § 99 a (C).
80. Comp. § 100.
81-90. Et cum médium nominis ejus imo verius cordis média, ca-
ntate sternantur. Car us potest dioi quoad Deum : quia ipse qui con-
tulit mundie conscientit? meritum, rependit ei sua? dilectionis pre-
mium. Dulcis vero fuit quoad proximum, par suavis affabilitatis
eloquia et salubria vitse eonsilia : quia juxta Sapientis vocem,
Unguento et variis odoribus delectatur cor, et bonis amici consiliis
anima dulcoratur. [Prov. 27. 9.)
91-6. Et quidem corporis venustate et gratia vultusque hilantate.
Angelicum schéma quodammodo pra?ferebat in terris, et Angelorum
vitam per munditia? sic agere studebat in carne, ut potius An-
gclicam quam humanam duceret conversationem.
93. Vers trop long, corr. fu?
97 107. Testis enim est... sacrse Religionis prof essor et Sacerdos,
qui haec soipsit : quod cum, ante annos paucos transitus sui ex hoc
mundi ad Patrem placeret ipsi Sancto predicto Fratri vitam suam
et eommissa den-udare; ipsum sic carnis florem r^erit custovisse
ut in eorera numéro... qui... novum canticum cantantes sequuntur
Agnum quo;umque ierit
320 \ Il DE SAINT RICHARD
ke cunte la k'avanl son deces
100 poi d'auns esteil de li confes
e sa vie trestute cunteit
(c li) quan ke remembrer purreit;
223 i" a (mes) la flur de sa char si gardeit
104 k<" blemure n'uni en nul endreil :
(is) si ke il |m»i chanter ;il aignel,
ou les autres le chanl nouvel,
ke siwenl l'aignel quel pari qu'il vet,
108 ko de femme uni tetche ne mal alrel:
(lunl par le cunte icesl devin
esteil le home lui angelin :
ceo mustra bien en un endreit
112 ke vie d'angle aver voleit,
quant l'en li offrit une pucele
pur aver cume espuse bcle.
cil refusa trestut ades,
116 cume plus pleinement orez après :
mes (si) cum en l'evangèlie est dil
ke les sein/., cum la es1 escrit,
nierait ospusez ne n'espusôruntj
120 mes semblables as angles (trestut) serrunl.
sa vie (a)paraiha a ceo (lut) drert
ke le lin u fu née singnefieit ;
par le sel Christ, ke singnefie
124 atrempé e bien ordené vie.
99. On pourrait corriger avant en ebiz.
101. Comp. § 100.
102. Corr. quanke li remembrer...
105-6. Ces vers paraissent être une fusion de deux versets bibli-
ques : Apocalyse 5, 9 : « Et cantabant canticum novum », et Apor.
15. 3 : « Et cantantes canticum Moysi servi Dei et canticum Agnd».
116. Voir les vers 268 et 514.
119. Matt, 22, 30, le ms. ierunt, cf. § 5 b.
120. Comp. § 100.
122. Ke le, oomp. § 98.
123. Le ms. porte ». criât, nous suppoeona «pie le scribe allait écrire
« Jliesu Crist » en toutes lettres, mais qu'il s'est repris à temps sans
biffer le ».
124. Comp. § 91.
VII. DE SAINT RICHARD 3^1
(huit apostles pur celé afere,
dit Don, mis estes sel de terre ;
sel oste pu 11 1" e pureture,
[28 e viande trop fresche met en tompmre,
ausi lu aparaillié tut jur
de osier de pechie la puur
e les antres enni en vertu temprer,
132 e de mus, e de vie dreite enformer :
issi cum de muiste matire
de sause de mer, c'est a dire,
par la chaline e bénéfice
136 de l'eu k'em fel par artifice.
une piere de sel est engendreie
e en grant cors consolideïe,
dunt bestes malades le leehissent,
140 e de lur maladies (en) garissent
(en) meiines la manere en un endroit
ce saint Richard l'evesques esteit
de muisture par ongenclrure,
144 en i'et de humaine nature,
quant de une semence corrumpu,
lu née de more e fu conceu,
ko par la grâce de vertu divine
148 e de seint espirit la chaline,
e le bénéfice fu aunteriné
126 ...Dominus ait: Vos estis sal terra : cujus sermo secundum
Apostolum in gratia fuit semper sale conditus, paratus vitioium
fœtorem reprimere et morum ornamenta eondere.
129. Aparaillié, comp. § 5. A a).
131. "Voyez la note.
133-155. Et sk-ut ex fluida materia ignis benefkio sal in solidam
Petra materiam, animalium infirmorum lambitioni profuturum ver-
titur : sic et noster Ricardus, ex fluida humani generis natura et
seir-ine corruptibili coneeptus et natus, igné spiritus Sancti ejusdem-
que gratiœ beneficio confirmatus, peceatoribus peccati infirmitate
•languentibus petra medicinalis antidotum seipsum exhibuit. AA.
SS., p. 285.
139. Leehissent, comp. § 60.
145. Comp. § 100.
149. Aunteriné, lisez auntriné ; conf. eut) in, Beuve de Haumtone,
366.
322 VIE DE SAINT RICHARD
e en vertuz consolidé.
issi k'a pechurs ke furent liez
152 en langur ë mal(adie) de péchez
medicinable piere se fist
de lur maladie les gari&t ;
c ja le plus lard en vérité
156 un vessel li esteil porté.
qne pur Eliseu li lu procuré,
lut nuvel <i pur par nesteté :
void par despil de vie honurée,
160 crus par humilité de pensée :
(e) sachez ke l'emflure quan que(s) esleil
d'orguil espaundeu rebuteit,
en quel vessel par lYuseiuement
loi le verai Eliseu, sauveur de gent,
par le sel de sapience de sauvefë
ke sauvement esteil leinz versé?
par uni avêit [il] le poer
168 les ewes de Jerico de saner,
223 v° a (la) vie de pécheur c'est a saver,
de corrupciun purreil (lut) saner;
161. Lisez si h'... comp. § 103.
155-172. Ecoe nihilominus vas. Elisteo procurante sjbi allatum.
peritatis munditia novum, terranœ feheitatis contemptu vaeuum,
mentis humilitate concavum (tumor enim infusa repellit) in quo
sale sapientirc' salubrité c infuso, vari Elissei inciustria, aquas Hie-
richontinas a sterilitate laudabilis exercitii et pestifera mortalitate
j eccati efficacités sanavit, AA. SS., p. 285.
155. Lis. de tomme au vers 1036.
157. Comp. §§ 49 a et 102.
160. Comp. § 91.
161. Notre auteur a très bien saisi le jeu de mot du texte latin ;
tumor signifie ce qui est convexe et l'orgueil ; enflure de même.
(Cf. vers 622.)
163. Nous croyens avoir lu ce mot correctement, il traduit indus-
tria du texte des AA. SS. ; Godefroy relève une exemple du mot
« enseignement » dans le sens de « sagesse ».
164. Vers trop long, comp. § 102.
166. Corr. fu; pour leinz, comp § 93.
168. Comp. § 49 a et § 104.
VIE DE SAINT RICHARD 3*23
ki ke lionne livres avant n'aveient,
l T'J par ceo ]>;ir li recuvereint.
El nuvel âge ke Seint Richard
ot commencé, de bute part
a la grâce de la nu vêle Leneicun
170 acorder e ausi en sun ;
de la malice del enemi
conquis! la mestri© issi,
ke rebuta cum fort champiun
180 la malice de (sa) temptaciun,
dunl uncore quant esteit enfant
de set ainz u moins, ne mie avant
restreint les talenz e (les) pensées
184 k'en juvente sunt acustumées
de muver, issi k'en clespit
aveit caroles e vein délit :
des t roches e de tel folie
188 ke veer son voil ne (le) voleit mie,
e encore i'u [il] si sage
ke mes ke (les) enfanz de son âge
par prière e blaundissement
192 entente meissenl k'il i alast suvenl,
lut droit encuntre [la] nature
de ago, d'aler il n'aveit cure ;
ne sai par quele persaence
190 u de quel mestre aveit saencc,
171. Peut-être la leçon doit-elle être bonnes ewts.
173. Le ms. porte en le. Voy. la note.
174. Ms. aveit.
181-06. Qui juvenis ehoreas, tripudia, et vana consmilium spec-
taculorum gênera sic detestando fugiebat, ut nec blantritiis nec
coœtaneorum suasione, contra naturam œtatis, ad ea flecti poterat
vel induci.
182. La leçon est obscure.
186. Le ms. porte d'estraches.
188. Cotnp. § 668, b. h.
190. Comp. § 99 a (A).
192. Le sens de cette fin de vers nous échappe.
193. Comp. § 101.
194. La leçon .est obscure.
324 VIE DF. SAINT RICHARD
que teles choses furenl trovez
a cas de humeine frelestez,
entendant lute veies esteil
2<»o a sa prise ke et il apernit;
e as diz son mestre dévotement
223 v° b atendil attentivement :
issi cum fisl Samuel l'enfant
204 ke tute veies presl fu e veillant
a oïr tut dévotement
ke fere deust e fere le ensemenl
issi ke en poy de Ions passeit
208 chescun ke de son âge esteit,
c chescun k'ou li aperneit
ke de même âge u plus esteit,
si passa très tut veraiement
212 e d'aprise e de murs ensement ;
Deu, cum s'enfance benure fu
que sen aveit de home chanu
lequel sanz custume aveit veue
216 ou seint[e] veillesce reecue :
selum le sage ke ceo puplie
vie sanz blâme, âge envillie.
(i)cesti des anz de sa cressance
220 a l'estudêe aveit tele aliance,
197. Ccmp. § 100.
198. A ras de, locution non relevée par Godefroy, elle paraît
signifier à rencontre de.
203. Ni l'une ni l'autre des versions publiées dans les A A. SS.,
ne font mention de l'enfant Samuel.
207-12. Omnes quoque coaetaneos et condiseipulos suos brevi tam
ei-uditionis quam eonvereationis et morum mafcuritate praecessit.
(Car.grave, p. 278.)
218. Nous comprenons éveillée, quoique âge ne semble pas se
rencontrer au féminin avant le xvi* siècle. Dans le Haveloc (ms.
P.), on lit : tele aye, v. 221, mais la leçon du texte laisse à dési-
rer. Comp. vv. 837, 1155. 1543, pour enveillie.r
219-228. Hic igitur ab annis adclescentise litterarum studiis appli-
cation velut terra supernre benedictioni proxima, imbrem doctrine?
suscipiens, jucundi germinis fnutum pariter et vigorem suo tem-
pore cœpit germir.are. (AA. SS., p. 289.)
VIE DE SAINT l;K 11 \i:i>
::•>:
(is)si cum terre bien cultivée
c en bunte lut aparailliée
;i recen re semence e germiner
224 e par verdur fruclefier :
ausi esteil par tel devise,
dispose al frut de la prise,
dunl tant cum en Lel âge esteit
228 e cressanl en anz flurisseit,
de garde issil son esne frère
ke eir esteil prochein son père,
que outra en sa terre nue
232 despuliee e despurveue,
deswarokee (e) mal atirée
su In n i la maie cuslume usée,
Dum adhuc igitur adolescen-
tise floreret in annis. in frater
ipsius senior, ad quem succes-
sîone hereditaria patrimonii ju-
ra spectabant, Ricardum, licet
a- ta te minorem hereditatis pos-
sessione digniorem judicam quid-
quid juris sibi oorapetebat ultro
donavit eidem (AA. SS., p. 285).
223. Vers trop long; peut-être faut-il corrige] germer, cf. tjtimt
v. 1246. Voyez iu te.
227-262. Frater ipsius senior,
in custodja infra œtatem exis-
tons, ad plenam œtatem suam
de custodia exiens. nudus et
pauper munis terrain suam in-
greditur, Videra igitur Richar-
dus fratria pauperitatem. cum
nihil haberet unde ei posset
subvenire.seipsum in servientem
sibi tradidit : ubi par tempera
non modica in oinni patientia.
paupertate et dejectione, magna
ad aratrum, mine ad bigam.
mine ad alia hujusmodi opéra
manus mittens, humiliter et mo-
deste servivit : unde frater
eum in tanta affeotione re-
collegit, quod totam hereditatem
suam sibi sua ebarta eonfirma-
vit.
(Capûrave, p. 278.)
On verra d'après les deux versions citées ci-dessus que notre au-
teur a connu la version qui a servi de source à Capgrave plutôt
que celle que publient les Bollandistes sous le nom de Bocking.
234. « En cas de minorité le roi peroevait les revenus du fief
pour prix de sa tutelle ». Rambaud. Civilisation, I, p. 172. Un
ministre du roi Henri I se vantait d'avoir fait le roi héritier du
rovaume entier ».
326 VIE DE SAINT 1:1(11 \KD
diiiil esteil povere e mendiant
236 e iiuil esgaree paritant.
Richard son Frère l'ennui de li
vil et s;i granl | >< >\ erte ausi,
diiiil pite l'en prisl e li peiseil
240 que n'oul dunl aider le purreit,
(lunl il puis n'aveil quei doner
ke (li) pusl n sa besoigne aider
e son servager se même mist,
244 e de vil overaine s'entremist,
en meseise e en poverté,
tut ne tut il a ceo lié,
ore n herce, ore a charue,
248 ore eu haie, livrant ore en rue,
(e) eu lute m an ère ke soûl penser
Iravaillia pur son frère avancer,
lieu, cum de char(i)té plein esteit !
252 ke del suverain mestre (ben) entendeil
la sentence ke dit de char(i)lé !
nul n'ad griegnur en vérité,
cum cil ke s'aime pur ses amis
256 dune ; pert ke bien Tout apris.
en aime li fut compatient,
(dunt) Iravaillia son cors asprement
pur un sen frère en tant amur
260 le cuillit pur son grant labur
que trestute sa terre li duna
e par sa eliarte li conferma.
239. Vers trop long ; on se demande pourtant si pite n'est pas
un cas régime vis-à-vis de pitié; comme l'est poverte (: aperte
dans Dieu le omnipotent xi) à povreté, cit à cité, etc..
247. Comp. § 99 b.
250. Comp. § 72.
252 256. Majorerai hac dilectionem nemo habet, ut animam suam
ponat quis pro amicis euis. (Vulgate, Joh., xv-13). Nul n'a un
plus grand amour que celui qui donne sa vie pour ses amis (Oster-
vald).
256. pert de pnroir.
VII. DE SAINT RICHARD 3*27
Richard puiske sa terre aveit,
264 en pies e (en) bon estât esteit;
ses charneus amis sulement
pensent de eeo ke a char apent,
le loerenl ke il amasil
268 une gentile pucele e espusast.
mes nostre seigniur que bien :-oul
[que] le office que purvueu l'ouï
e le liu de son recel ausi,
272 (que) plus profitable esteit a li ;
ne suffri (pas) que sa nesteté
de (son) corps de rien li fusl hlemé;
mes si cum Johan rapella,
',.'70 son disciple que plus ama,
263-312. Postea cum Richardus totam hereditatem a fratre paci-
fiée obtinuiseet, amici ejus carnales de quadam nobili et generosa
puella ei matrimonialiter oopulanda traetare cœperunt. Quod cum
frater ejus intellexisset et jam Ricardum dictam nobilem puellam
cum multis bonis recepturum ; de collatione terrse sure pœnituit, et
cœpit contristari : Richardus autem hoc intelligens, dixit fratri
suo : Non, carissime frater, non propter hoc turbetur cor tuum :
nam adeo curialis, ut fuisti erga me, ero ,et erga te. Ecce restituo
tibi et terrain et chartam : sed et puellam, si sibi et amicis suis
placuerit nunquam enin os ipsius deosculatus sum. (Capgrave, p.
278.)
Les Bollandistes ont ajouté la note suivante : In sequenti vita (celle
de Boeking) conformiter bullœ, dicitur ipse frater oblata heredi-
tatis c-essione, voluisse Richamum ad has nuptias pellicere. Cre-
diderim ad tantam minoris humanitatem vei^ecundatum majorem di-
simulas.se invidise sensum, et saltem verbis ursisse fratrem ut fun-
dum sponsamque retineret.
On voit de nouveau que la version de Capgrave représente mieux
celle qu'a connue notre auteur que le texte des Acta.
267. Comp. hiatus, § 99 a).
268. Peut-être faut-il corriger yente et lire spusast (comp. § 72) ?
270. Comp. § 94.
275. D'après la légende, le premier miracle de Jésus se fit aux
noces de Jean, frère de Marie. On raconte que Jean, profondément
touché par la sainteté de Jésus quitta son épouse et suivit le divin
maître. Depuis lors. Jean devint le bien-aimé du Seigneur parce
que celui-ci l'avait sauvé des convoitises de la chair. Le même
sujet est traité dans une homélie d'Aelfric. Aucun de nos textes
latins n'en fait mention.
328 VIE DE SAINT RICHARD
de] lii d'espusaille que n'alast,
mes en sa chasteté demurast,
meimes La grâce aveit doné
280 (a) cesti de garder chasteté ;
kar Deu i>si purveu V aveit
qu'en amur lut s'ale[e]reit.
iluiil quant son frère bien entendeil
284 ke marier si noblement se purreit,
li peisa mut pur celé afere
k'il li aveit done sa terre,
c devint munies e pensant
288 e i'ist lurd e triste semblant :
laquele chose Richard aparceut,
e soûl bien (on un) endroit ke ceo fut
e li diseit : « tres-ben duz frère,
292 » purquei fêtes vus tiel hère,
» kar nie mustrez par [vostre] amur
» la resun de vostre dolur ».
son frère de ceo que li desplust
296 pur hunte ne dit rien, mes se tust ;
< I ii ii t dit seint Richard : « jeo crei bien
» ke vus repentez sur lute rien
» de la terre que de vus aveie
300 » (e) de la pucele ke aveir poeie
» (e) de] bien ke poie ou li aver,
» c'est tut l'ennui de vostre penser ;
» nenil, lieu frère, pas ne seez
•°>0î » pur celfe] afere de rien grevez,
» (car jeo) serrai a vus ausi curteis
» cum vus fustes a mei anceis ;
277. Note.
278. Comp. § 72.
284. Comp. § 104.
290. Nous croyons que « endroit » est la bonne leçon ; endreit
semble bien pouvoir signifier « tout de suite » ; ee qui correspon-
drait à l' anglais « directly », « straightway » (comp. § 71).
292. ~Sls. tiel, la forme tiel peut bien être la bonne, cf., vv. 396,
940. 302, vers trop long.
304. Pour l'adjectif démonstratif, comp. v. 125.
Vil. DE SAINT RICHARD 329
» veez ci la terre, tute vus renl
308 » o votre charte ou tut ensement,
» e la pueele s'il plest a li.
» (e) s'il plest a ses amis ansi :
» (kar) [lestement (par mei) la poez aver
312 » kar unk(es) par mei n'oul un beser. »
Richard dunkes es*! revenu
en l'espérance k'aveit einz eu,
e atente d'aA er cum sagej
310 en ciel pardurable eritage,
ki' plus terre ne désira ;
la terre pur ceo tantost lessa
e la pueele ausi lesseit
320 e ses amis ensement k'aveit;
c a l'estodie lantost s'est mis
a Oxenet'ord, puis a Paris.
e pur ceo k'avenir esteit
32-i par heu que evesque serreit,
307. comp. § 93. Pour la scansion du premier hémistiche. Comp.
Veez (i)ri la /ri que Moises fist : Résurrection dans Monmerqué:
Théâtre fr. du m-â. v. 335, page 19.
308. ensement, comp. § 86.
311. Kar et par met sont supprimés à cause de la répétition du
vers suivant.
313. La rubrique 4 semble manquer, cf. Introduction.
313. -322. Ici notre auteur ne suit ni Capgrave ni Bocking. D'après
celui-ci on lit : At Richardus regeneratus in spem vivam par Chris-
tum, hereditatem incorruptibilem et immarcessibilem conservatam
in cœlis, cujus participatio ejus in id ipsum, et ideo fratrum mul-
titudino non minoratam, potius elegit quam terranam ad scho-
las... revertitur... AA. SS. , p. 285.
Capgrave a résumé ce passage comme suit : Confestim igitur reli-
quit Richaraus ta m terrain quam puellam et omnes amicos et ad
studium Universitatis primo Oxonise, deinde Parisiis se transtulit.
ubi Logicam addidicit (p. 278).
315. Voyez notre note.
322. Ris. e puis a prix.
323-332. Ad scholas ergo Richardus revertitur. litterarurn studio
diligenter insistons : et ut pectori summi Sacerdotis futuri non irra-
tionabiliter Rationale judici necteretur ; post humiliorb litteratu-
rae scientiam sufficienter adeptam, rationalem scientiam, id est, Lo-
gicam, ut ad intelligenda cetera aptior redderetur et acutior, arbi-
tratus est aggrediendam.
330 VIE DE SAINT RÏCHXRD
(ke) sen e raisun deveil aver
;i dreil entendre e dreil juger,
pur ceo ini-i i] par I >eu sanz fable
328 a La saence dreil resunable,
kc es! logike de clers numée,
pur aver en (autre) clergie outrée
e (par)agu aver l'entendement
332 en autre clergie quant les aprent ;
Richard puisk'a Paris esteit
223 y" b en logike feseil bon espleit,
(e) diligent e veillianl esteil
336 par essample son mestre dreit
.Ihesu Crist ki entre les mestres sist
niant <• demandant aprisl ;
ausi se pena de bien l'ère
3-iO pur sutive de clergie enquere,
dunt tant entente a sa prise niisl
ke force de autre chose ne prist ;
dunt de mangers e de vesture
325. Ms. eirisun;
332. Coœt. V aprent? voy. v. 332.
333-342. Et factum est, post triduum invenerunt illnm in templo
sedentem in medio doctorum. audientem illos et interrogantem eos
(Ltjca, 2, 57). Capgrave et le Bocking des Acta omettent cette com-
paraison.
337. Voy. la note.
340. Ms. sutivete.
342. Clodefroy a relevé (iv, p. 65 a) ne pas faire force d'une
chose dans le sens de « n'en être pas effrayé, n'en pas faire diffi-
culté » ; cette locution-ci doit avoir la même signification, comp.
§ 100.
343.-374. Tantaque fuit discendi affectio, quod' de victi aut ves-
titu parum aut nihil curavit. Nain, sicut narrare eonsueverat, ipse
et duo socii ejus existentes in caméra, non nisi unicain habebant
cappam, et tunicam tantum ; et quilibet eoum lectum infimum.
Exeunte ergo uno cum cappa ad lectionem audiendam, i-eliqui in
caméra residebant : et sic alternatim exierunt: panisque et parum
de vino cum potagio eis pro cibo sufficiebat. Non enim carnes aut
pisces, nisi in die Dominica, vel die solemni, vel sociorum seu ami-
corum piicscntia ; eorum paupertas ipsos comedere permisit : et
tamen saepe retulit, quod numquam in vita sua tam jucundam,
tam delectabilem duxerat vitam. (CArr;RAVE, 278.)
VIE DE SAINT RICHARD 331
344 esteil nuit petite tute sa cure,
kar ausi cum il meimes cunteil
avanl e après ke evesques esteit
entre .unis e cumpaign(un)s ausi,
348 ke tant desufferl lores suffri
ke il e dons compaignuns esteienl
ou li eu chambre, si n'aveienl
fors une chape entre eus senglement
352 e chescun une cote sulement ;
e un !il Ke esteil bas asez
sulun lur eises e privele/.,
diiiil quant l'un ou la chape a escole ala,
356 l'autre ou sun compaignun demura
en lur chambre (jeke) taunt ke revint,
puis elieseun après cel ordre tint,
quanl en la chape va oir saence
360 les dous en chambre funt résidence ;
(is)si ke elieseun par ordre dreit
en celé chape fet sun espleit ;
sachez ke lur commune esteit
364 mut petite e lur vivere estreit ;
pein e potage lur fu asez
kar char ne peissun n'uni mangez
225 r° a s'il ne t'ust demeine u autre jur
368 solempne u si rie fust par amur
de compaignun u d'especial ami
ke pur eus fussent de mieux garni.
quant seint Richard icco cunta
372 e 1res bêtement reliera
344. Corr. fu?
352. Comp. § 100.
355. Voy. la note.
356. Comp. § 72.
358. Comp. § 100.
359. Supprimez la.
360. Ms. à la.
367. demeine, cf. § 72.
372. Le ms. porte deretirita, le verbe, quel qu'il soit, traduit
retulit ».
332 VIE DE SAINT RICHARD
h ilit ou lui k'unke en sa vie
n'aveil plus delilablc vie ;
en celé poverte, par diligence
376 si espleita e-n sa saence
e par grâce ke de I >en aveit
k'entre les parfiz granl sen parlait
c plein de science des arz
380 fu. k'oul quilli de tute parz,
a l'escole en quer ensemenl
d'éloquence aveit ahurnement :
issi [ke] Irestuz fu teneu
384 digne a mestre d'estre receu.
a sun païs puis repeira,
(c) a Oxeneiord tost s'en ala,
dos arz tosl après comença
388 cco k'oul cuilli axant seigna,
ne n'oul pas eo k'il soûl mucer,
mes en autres le \<>nt profiter,
(kar) ne par achesce ne par en\ ie
392 ne vont pas celer sa clergie,
car bien sont (ke) ne dut pas mucer
ceo que poul a autres profiter,
kar bien sont sulum le dil
396 Salomon ke tieuz sunt maudit :
373. nu tut; comp. § 71 (k).
375-392. Et cum Richardus scientiae et eloquentia? donis ador
natus, magistralem rathedram ibidem ascendere ab omnibus accla-
mabatur dignus ; rediit ad patriam suam et ad Universitatem Oxo-
niensem se deolinavit : et ibidem post modicum t-empus cathedrom
magistralem ascendit : aliis. quae antea collegerat. liberaliter studens
erogare. (Capgravk, p. 278.)
382. Comp. § 100.
388. Comp. § 72.
395. On pourrait corriger saveit.
396. Les textes latins omettent ce proverbe de Salomon: Qui abs-
condit frumenta, maledicitur in populis : benedictio autem super ca-
put vendentium (Vulgate, Prov., 11, 26). et selon la version d'Os-
tervald : Celui qui retient le blé est maudit du peuple ; mais la bé-
nédiction est sur la tête de celui qui le vend.
VIE DE SAINT RICHARD 333
« maudil celi que sun furménl
» Mince al pople e a la genl ».
(Seiht) Richard par le suverairi rectur
500 en l'escole esteit guvernur3
tuzjurz en suautime charité
en (lueur e humilité.
Cument Seini Richard fust sauvé
de la ruine d'une piere.
Par testemoine de bone gent,
ïoi leatis e religi.us ensemont,
laul curn Richard fu a l'escole
un meslre k'out nom mestre Ranscole,
la feste seiulfe] sont célébrer
408 che&cun an e grant feste aver
u compaignuns (e amis) aver soleit
entre lesqueus a une feste esteit
me&tre llichard bien renumez
412 de boue murs e (de) science asez ;
cuire les meillurs asis esleil
l'uni a sa personc mieuz apendeit ;
398. Con.n. § 99.
399. Regens igitur Richardus, non sine superni Rectoris regi-
inine, directus et custoditus est. AA. SS., p. 285.
401. Suautime, Godefroy n'a relevé ce mot que comme substan-
tif.
Cette rubrique correspond exactement à celle du ms, sur lequel
Papebroch a fait sa collation (voy. Introduction); elle était ainsi
conçue : Quomoda salvatus n ruina maceriœ.
403 414. Notre auteur suit de très près la version du Bocking des
Acta. Nempe, ut fidelium et religiosorum compertum est attesta
tione, cum quidam scholaris, Oxoniœ cathedram magistralem asoen-
surus, celebri convivio sui magistratus initia solennizare decrevis-
set, Magistrum Richardum de Wycïo scientia tune et moribus fa-
mosum, ad suas epulas et mensœ snse decorem .studuit invitare
(p. 285).
406. Le nom du maître qui donnait la fête ne figure dans aucune
des deux versions latines.
414. Apendeit (comp. § 72), on pourrait supprimer mieuz.
334 VIF. DE SAINT RICHARD
tost après ceo ke asis esteienl
416 au manger, en la sale entreienl
genl qui diseienl qu'a la porto viigla
un très hou bacheler ki demaunda
si mestre Richard leinz esleii
420 c ou les autre? mestres i mangeit,
c dit du tut hastivement
volt ke la li l'ust en présent :
les autres li prièrent k 'il entrast,
424 e ou le mestre (leinz) asez parlast
e mangasf leinz tut a leisir ;
(mes) eeo ne i'ust nient, mes son désir
tuz jurz fu e pria suvent
428 ke venist a li hastivement.
Quant mestre Richard oui oi tant.
s'en leva tant tost mcinlenant
e a la porte (tantost) s'en ala,
432 reiiarda(st) partui sa e la,
e demanda u col bacheler fu
415 436. Cum subito inter prandendum intrant aeditui, qui dicunt
quemdam egregiœ forma? juvenem pro foribus equo residentem
assistere, qui sciscitatus an Magister Richardus de Wycio intror-
sus cum ceteris recumberet, ejus se dixit ardenter et festinanter
velle frui pra?sentia : et quamvis diligenter et amicabiliter, ut in-
traret, ab eis obnixe rogaretur, quatenus cum dicto Magistro habe-
ret colloquium... nullo modo acquievit, sed hoc solum iterum atque
iterum replicans rogavit, ut dictus Magistcr sine morœ dispendio
ad se venire festinaret. Alagister igitur Richardus ha?c audiens,
concito surrexit et ad fores usque perrexit. Cumque hue illucque
circumspicei^et, et sollicite ab iis qui aderant inquireret, intellexit
hujusmodi ibidem adfuisse ; sed cjua diverterit vel quando, non est
inventus qui scire edicere (p. 286).
417. Le ms. porte que la porte, rugla ; nous ne savons si notre
auteur a voulu traduire œditui (gardien d'un temple) par « ceux
qui veillaient à la porte », ou s'il veut dire qu'un jeune bacheler
attendait à la porte.
418. Comp. § 100.
419. Comp. § 85.
422. Ms. voit.
428. Coït, vinst; comp. § 63 et le vers 1260.
433. demanda, comp. § 72.
VIE DE SAINT RICHARD 335
que esteit a cheval la venu.
Les autres diseienl ke la ïu,
436 mes ne saveient u lu devenu.
veez (de) nôstre sire la merci
e La curteisde que est en li,
ki si sauve ces que les seens sunl,
440 ki en li boue espérance unt ;
car endementres ke queraunl va
le bacheler ça endreit e la
merveillus cas si a Deu ne plust
i 1 1 e dolerus leinz avenu fust,
dunt de la leste veraiement
le liait ust lurné amarement ;
mes nostre sire par sa duçur
418 deslurba del cas la dolur
kar (tant) cum le mestre dehors esteit,
une grant piere del mur rueit,
e en Ja place, meimes chaist
452 u mestre Richard avant s'assist;
issi sul ust [il] demuré,
sa teste ust este tut quassé.
436. df venu, cf. § 72 xi.
437 448. 0 immerifa Dei pietas, qui sic suas mirificare novit mi-
sericordias, ut salvos faciat sperantes in se ! Dum enim Magister
Richardus, a prandio surgens, hue illucque juvenem inquirendo mo-
ra-s necteret ; ecce casua inopinabilis, et qui totam convivii jocun-
ditatem, nisi Deus aliter providisset, verteiet in luctum. (AA. SS.,
p. 286.)
439. Ms. ices.
442. Comp. § 100.
443. Ms. en merveillus..., § 98.
444. Comp. § 100.
445. Comp. § 100.
449-462. A lapidea enim macerise, desuper eminente, intérim lapis
tant;p molis decidit, ubi prisu Magister Richardus sederat, quod du-
bium esse non potuit, si sessionem continuasset, quin caput ejus
conquassasset. Sed ille qui de futura resurrectione spem suis tri-
bî-endo promisit, dicens. Capillus (Luc, 21-18) de capite vestro non
peribit ; sui Richardi caput. oleo lœtitiae in Pontificalem dignita-
tem perungendum, ab exitali lapiciis casu voluit observare, p. 286).
451. Comp. § 82, 3*.
336
VIE DE SAINT HICHAUn
Mes ce] k'en espérance mist
156 les seens k'en disanl lur promist,
quant tel manere il on diseit,
ke poil de lur teste ne perereil ;
le chief suri Richard defendeil
460 k'enuignt, cum oui purveu, serrcit
a l'evesche la digneté,
de] cas dé la piere a sauvé :
dunl no pas dit n'estre ne deil
225 v° !» ke celi k'en la Forme pareil
d'un bachelier ke lanl demandeil
nioslre Richard ke son angle n'esteil
o fu dol îiumbrc, ioost sachez,
468 dunl David on sauter ad parle/..
ko a dreiturel défense a Deu promisl,
quant en prometanl issi le dit,
a ses angles (de)manda ke bons sunt
ÎT'J de loi ke partut gardérurit,
e on lur moins serrez portez
ke vostre pie pas ne blescerez.
ieil (dunike) ko s'en promet dol pic
jTG ko de piere no serra (pas) blescié,
iceli lo chief Richard gardeit
ke do la piere (pas) blescé n'esteil.
463-482. Unde dubium esse non débet, illum qui in forma juve-
nis Magistrum Rirhardum requirebat de numéro eorum extitisse,
de quibus Psalmista (Ps. 91,12), viro justo promittene Deo protec-
tionem, dicit: Angelis suis mandavit ae te, ut oustodiant te in
omnibus viis tuis : in manibus portabuunt te, ne forte offendas pd
lapidem pedem tuum. Qui ergo sanctorum pedes, ne offendant ad
lapidem, per Angelos custodive piomisit, ipse Rlcardi caput, ne a
lapide Iœderetur, custodivit. Perst-at igitur docendo pariter et dis-
cendo assiduus B. Ricardus ; ex discipulorum doctrina sibi meri-
tum, discipulis profeetum cupiens amy.liare (p. 286).
La rubrique latine est conçue comme suit : Qualiter in Jure Ca-
vonico rexit.
465. Oomp. § 100.
468. Comp. § 102.
469-481. Ces vers sont évidemment fautifs. Voy. § 103, et la note.
VIE DE SAINT ItlUI \i:i> 337
Richard assidue] l'u en seignianl
480 e ausi fu en estudjanl :
iluiil par la doctrine kc disciples doneit,
granl mérite de Deu gaigneit.
( 'muent seini Richard
lui de decreez.
Seinl Richard quant avril asez
484 en ail travailliez e enseignez,
par la disposiciun divine,
talent li vint en la peitrine
pur équité saver ou ver(i)tez
488 a Roloine aler oir decreez :
puis après iloukes s"en ala
e set an/, u plus esteit la,
e en s'aprise fist tel espleil
492 que son mestre que dunkes esteit,
le meillur de la vile teneu,
en maladie fu si reteneu
ke ne pot (les) leçuns continuer
226 i" a ilunl (li) cuveint a ceo aide aver:
a ceo acuniplir l'u en pensant ;
479. Vers trop long, comp. § 102.
483 496. Postea B. Richardus Bononiam proficiscens, per septen-
nium et amplius mellea Canonum fluenta hausit, quod Magister
suus, infirmitate detentus, ad lectiones suas vioe sua continuandas,
prae omnibus discipulis suis dictum Richardum elegit.
484. Lis. geignez, comp. § 72.
487. On pourrait corriger pur équité en d'équité.
488. oir, comp. § 98 et 50 a.
493 4. Il est à noter que l'e muet a déjà si peu de valeur sylla-
bique qu'il peut être inséré là où il n'est pas autorisé par l'éty-
mologie comme dans t< ncu et reteneu.
Pou. ce chapitre, notre auteur a suivi un texte qui ressemble à
celui de Capgrave.
497. Comp. § 98.
497 516. Qui per dimidium annum et amplius se prudenter et
humiliter in illo officio babebat, quod a tota Universitate laudem
et honorem meruit obtinere singularem : nec non a Magistro suo
tantam gratiam invenit. quod uni .uni i'iliam heredem cum omnibus
terris et bonis suis, ex voluntate filiae obtulit affectuose.
338 \ll m SAINT RICHARD
mes nul de ses escolers ne li plut tant
cum seinl Richard a cet afere,
500 k'enprisl la bosoigne par son (re)quere,
(lunt demi an continueit
les lesçuns sou mestre a (grant) espleit
e sagemenl se aveit en li^-.int ,
504 e queinte e humble fu en desputant,
en cunseil e parole ensement,
dunl fu preise de tule gent
ke de tute l'université
508 loenge e amur arc/7 gaigné.
E de son mestre Lant gre aveit
que sa fille ke son heir esteit,
ou tûtes ses terres pleinement
512 e chasteus e vignies ensement
ou rentes e autres biens asez
li offrit par la volent ez
sa fillie e consentement,
516 e ceo par grant desirement.
Seint Richard ki espiré fu
del seint espirit ad entendeu
ke meimes le temptur (ke) l'enticcit
520 que il une demisele preit ;
par son matrimoine k'il aveit
[is]si cum dit avant esteit,
decevre ki dune fu en penser,
524 si grâce n'ust de Deu a rester.
hore par ceste e par a ver
498. Vers trop long, on pourrait lire: nul escol&r ne li -plut tant.
508. Vers trop long, corrigez ot gaigné
511. Comp. § 100.
513. Comp. § 100.
515. Pour ce vers, comp. § 99.
517-36. Sed B. Richardus alia cogitans a Spiritu sancto inspi-
ratus, humiliter gratias ei ref erebat ; et exponens quasdam curia-
les cautelas et peregiïnationis caussam, promisit se voluntatem ipso-
rum in suo reditu perfioere. (Capgravk, p. 278.)
520. Comp. § 99.
524. Pour rester = résister, cf. « ^lais vus doinst vertu a rester a
la temptacion ». Ms. B. N., 19525 (cité par 'Godefroy).
\ll 1)1 SAINT RICHARD 339
a esaie ses laz lier.
himi seinl Richard oui desirance
528 de cest laz aver deli\ erance :
226 r" li ke fusl a mendemenz liez
que nostre sire ad comandez.
ni meslre, e ;i la pucele ensement,
532 iinii de grez e grâce ur rent
e lur mustre cointement com sage,
al repeirer de pèlerinage,
ke lur disl k*| il | aveil a fere,
"».",('. lur promisl lur curage plere
La raisun seinl Richard veraiement
a la pucele c (a son) père ensement
plest ke [celi] face cum >;i^f
540 e acumplie son pèlerinage ;
Seinl Richard dunkes si perneit
cel pèlerinage k'en quer aveit
e a son païs repaira
544 c sein e heité s'en vinl la.
(lunt ou le prophète en ver(i)lé
dire poeil k'apparaillié
lien aveient a nies pez,
548 dunt jeo esteie tant grevez,
ke mal nie turent par itant
par ennui [tresjtut crupissant,
mes le lien esl despescé
526. Ce vers se rapporte peut-être au verset 110 du psaume 119 :
Fostterunt peccatores hiqueum mihi:et de mandatis tuis non errnri.
534. Le ms. porte k' après h lepeirer.
537-84. Ac sir Richardus in terram suam reversus, statim post
adventum suum in Angliam ad Universitatem Oxoniensem remeans,
in laboribus, vigiliis et multi moda afflictione corporali vivens, una-
nimi c„:isensu ibidem Cancellarius est effectus. (Capgrave, p. 278.)
Quoique le passage qui se rapporte à ce chapitre, dans le Bocking
des A' ta. suit de beaucoup plus long, il ressemble moins au texte
français que cet abrégé de Capgrave.
540-2. pelerinagi ; comp. § 100 et § 89.
546. Ce vers ressemble au vers 526.
651-2. Comparer Ps. 124.7. Anima nostra sieut passer irepta est
de laqueo venantium : Laqueus contritus est et nos liberati sumus.
340 VIE I»l SAINT RI( Il \IU)
552 e par grâce sui deliveré.
Seinl Richard après ceo ke lu
dilue en Engletere veneu
;i I Ixeneford losl s'en ala,
r>.— »* *» e en decrez noblement lui la.
Derechef de ceo ke avedl
par granl travail fel son expleil
alliurs en science e saver
5G0 par veillies e uiul travaillier
c en luinteine regiun,
226 v" ;i ou corporele affliciun ;
luec par science e enseignement,
564 par grâce ke espanl Largement,
e de ceo ke dussenl aprendre,
conusl lesqueus sunl a répandre ;
ke de l'ur veissel verser voleint
f>(iS de ceo ke leïnz trop poi aveient,
e avenl en éscrivre e lire,
que ussent oy de bien dire.
e plus sages a la feiz se l'uni
572 de ceo ke riule rien apris n'en uni ;
iléus Ires bien en coniseit ;
par uni l'université dreil
par un consent e un curage
576 l'eslirent a chanceler cum sage.
ke en cel office mustreit
le iresor de sen qu'en li esleit.
552. Comp. § 89 et § 100.
667. Vers trop long, comp. § 102.
567-73. Le sens de ce passage nous échappe.
576. Comp. § 100.
578 7. La fin du quinzième paragraphe du IVcking ressemble
assez au texte français: In quo nimirum of'ficio detexit effectu
operis thesaurem sapientiac et scientiœ, quem armariolo reconai-
derat mentis. Fuit c-nim in oaussaruin discussionibus prudens inves-
tigator ac diligentissimus, în pronuntiando verax, in juciicio justus,
in sententiis proferendis discretus, in omni actione compositrt>-.
La rubrique latine est conçue comme suit: Quod Cancellarivs
lui/ 11. Edmuitdi.
578. Pour ce vers, voir § 98.
VIE DE SAINT RICHARD 341
en ses diz esteit véritable,
580 (e) en jugement dreiturel e stable,
descret en tuz ses fez esteit
(e) veriuus en chescun endreit,
(is)si ke sa faîne a tuz llereit
58'i cum duz o durement fut lu dreit.
Cument il fut chauncelier seint Edmund
Vercevcsque.
Dunl seint Edmund le ercevesque
e ilr Nicole Robert l'evesque,
ke les vertuz k'en li esteient
588 e murs île grant tens coniseient ;
en un tens andeus le désirèrent,
(e) lurs quers andeus en li fichèrent ;
dunt mes ke chescun volonté
592 e entent (a) autri fust celé,
226 v° h andeus nequedent ceo pensèrent
e en lur penser désirèrent
ke de pasturel office le fes
596 portast oncke seus entre les ;
584. Comp. § 57.
585-618. Beatus vero Edmundus, tune Archiepiscopus Cantua-
riensis, qui conversationem ejus et dicretam scientiam diu ante
cognoverat, ac etiam Robertus Lincoln iensis Episcopus, dictus Gros-
sumeaput, vir venerabilis sanetitatis, uno eodemque tempore, licet
utriusque intentio utrumque lateret, Magistrum Richardum in Con-
cellarium suum adoptare magna cum instantia Laborarunt Tandem
voto disti Patris Cantunriensis, cujus preces et mandata praevene-
rant, gratias obsequitur, et reventer obtempérât voluntati. Beatus
igitur Edmundus prepriam sui nominis inscriptionem et dignitatis
imaginem, titulum scilicet et sibilum, et totius Archiepisoopatus
majora quœque ei commisit. (Cai-gravk, p. 278-9.)
E86. Pour ce vers, voir Haveloc, 192, et Estorie des Engleis-
Epilogue, 144.
Seul, Capgrave fait mention du célèbre Robert Grossetête, évêque
de Lincoln.
589. Pour ce vers, voir § 72.
592. Cf. § 89.
595. Lis. d'office pasturel.
?3
3 i2 \ Il ni 5AIN1 RICHARD
kar bien saveienl lui ;i devise
ausi bien a endocli iner
ke profitable lut ;i l'église,
600 cum dreitureumenl le- torz drescer :
i.'iui cum i-si [l'u] lur penser,
jugèrent lequel le deust aver :
seinl Edmund par sa prière devant
(hi'i ou li demurer aveil le grant.
Al père vient i^si apelé,
le fiz k'at chier e mut amé ;
le père conisseil bien le fiz
608 par mérite de i'ez e de diz,
dunt joie de quer de li ont
k'en fel. e (en) semblant li muslrout
le secund le feseit après li
612 en lionur e en charge ausi,
pur ceo son seel li baillieit
u sun num e s'vmage esteit,
dunt de lute Tercevesché
616 1rs greignurs choses li ad baillié,
par son acost ajustement
le feist par lut enseurement.
Seint Richard lores par son festre
600. dresrrr = adrpcie> , i. e. régler, faire droit, cf. Ainceis h'
(le povre ome) deis entendre et conseillier, Par l'amor Diu de son
dreit adrecier. [Couronnement de Louis, 184 5], et Boeve de Haum-
tome, v. 1015 (U.) et § 91.
603-4. Nous comprenons : Saint Edmond, pour lui avoir, le pre-
mier, offert le poste, a pu se l'adjoindre.
604. Les locutions connues sont nmetre, finir ou e&tre » h <jni>itù.
617. acost — habile?
618. Cf. § 72 (d).
619. Pour festre, comp. v. 899.
619. Notre auteur se rappelle peut-être le verset : Puer (Chris-
tas) autem cresc&bat et confortabatur, plenus sœpienta et gratia
Dei erat in illo (Lijca, 2.40).
619-634. Cœpit igitur Ricardus quotidie in bonis crescere, minis-
terium sibi creditum fastu dempto superbiae prudenter excarcere,
Domini sui Archiepiscopi studiens j.er omnia providere quieti, quem
sciebat optimum partent cum Maria (S. Luc x, 42), eligere pariter et
\ll DE SAINT RICHARD 343
620 en biens chescun jur commença crestre,
e l'office ke li esteil baillié
san/ enflure d'orguil ad usé ;
par lui purveil en son purpos
624 ke l'ercevesque fusl (dreit) en repos;
kar bien soûl ke ou la Marie dreil
227 r° a la meillure vie eslu aveit ;
pur ceo s'entenle © Iule s'amur
G'JS esteit pur servir nostre seignur.
seinl Richard leaumenl s'entremist,
des conseils e bosoins entreprisi
e en que] cause u bosoin esteit ;
632 des dons tuz jurz ses mains gardeit,
kar bien sont k'il avient suvent
ke dons avuglent les oils de gent :
lanl eiiui lu en la chancelerie
636 de fere dreiture ne se Feint mie,
nies a lu/ fenestres e ouverture
i'et [il] pur aver lur dreiture,
e uiustre a tuz dreil en ver(i)té
640 (e) lumere d'eschivre fauseté.
Derechef ver(i)te ne lessa mie
pur grosur divine ke lui en vie,
diligere, et proximorum pro caussis diversis ad Archiprœsulis cu-
riam adventantium considère utilitati : in omni caussa vel negotio
manus excutiens penitus a munerutm aôceptione, quae oeulos excœ-
care soient (Caporave, solvt) etiam sapientum. A A. SS., 286-7.
620. Comp. §§ 67, 102.
628. Coït. fu.
630. Le ms. porte s'entremist.
635-660. Ni le Bocking des Acta ni Capgrave n'offrent de texte
qui corresponde à ces vers. Capgrave semble donner le résumé d'un
paragraphe qui aurait pu servir de source (comp. la note).
Inerant siquidem ei inerabilis sequitas, affabilis ben'gnitas, mo-
desta simplicités, simplex humilitas, ceterique tranquilli mores et
actus, p. 279.
637. Voyez note.
639. Comp. § 72.
641. Comp. §
642 et 646. Comp. § 72.
642. Ce vers est certainement fautif.
3 i '» \I! Dl SAINT RICHARD
ne tanl riche home se liant ke i'ust
64 'i pur quei sa dreite ver(i)le lusi
ne les povres en nul endreil
pur lur défaut en despil n'aveit,
mes en l'oreile de tute gent,
6-;i8 a lu/, esteil obedient,
sur tute rien dreiturel esteit
e affable e bénigne a dreit,
amiable esteil e curteis
652 e Large a lu/, e tute veis,
en murs, en fez, en c-hecun endreil
simples, humbles et peisible esteit.
de ers (luises (e semblables) entre privez
656 entre ses compaignuns ahurnez
sa mérite esparplie tant flereit,
ke pas sulemenl a bons n'esteit
a loênge e a grâce doner
660 mes as envius turmenter.
L'ercevesque (mut) se joisseit
de fiel chancelier cum il aveit
ke par (son) travail e diligence
664 e par (sa) descreciun c science
de cure ke esteit dehors haucé,
e de noise l'aveit (si) deliveré.
643. Ms. ne h. ne fut
649. Comp. § 91.
652. Comp. § 5 B et § -57.
653. Comp. § 102.
654. Comp. § 92 et § 100.
656. Comp. § 100.
657. Comp. § 72.
661-678. Gratulabatur Archiepiscopus se Caneelarii sui sollicita
discrétions ac discreta sollicitione ab exteriorum tumultibus libe-
rari : gaudebat Cancellarius Domini sui sanctitaté ac cœlesti conver-
sations informai i : declinabantur in alterutrum, sanctus in sanctum ;
magister in discipulum, discipulus in magistrum ; pater in filium,
filins in patrem ; ita ut vivaci inspector, spiritualiter conversanti,
videre asset duo Cherubim glorise, Arcam Domini, id est, Eccle-
siam Cantuarienisem protegentia.
662-667. Comp. § 100.
VIE DE SAINT Iil( Il VRD 345
Le chanceler de la sainteté
668 son seigniur s'esjoil en ver(i)té,
chescun en autre se declineit,
le seinl el seinl ceo l'ut tut dreil
le meslre el disciple reclineil
672 (e) le disciple el mestre h le feseit,
le père en ûz, le fi/ en père,
s'entreclinent «mi tele manere,
si iiim deus chérubins esteient
676 ke l'arche aostre seigniur regardeient ;
ausi poel hum vereimenl dire
ke l'église gardenl de Canterbire;
par l'oil de seinte intenciun
680 chescun autre regarde en son,
e par les eles de charité
si ont amsdouz entrecuché :
[vis] uni lu/, jurz de volunté
684 a celi ke est propice (unt) turné
ce est celi (pie propice nus est
(e) a pardoner pèche/, quant li plest ;
estre ceo ces chérubins sache/
688 de overe de martel furent forgez ;
l'un, c'est a saver, seint Edmun,
670-2. Le ms. porte trois fois en le.
672. Comp. § 102.
679-688. Sanctfe intentionis oculo invicem se inspicientia, et alis
gemiric-p sanctitatis se mutuo contingentia, versis semper vultibus
voluntatum in propitiatorem in ipsum videlicet qui est propitiatio
pro peccatis nostris. Fuerunt nihilominus piaîdicta- duo Cherubim
opère- productili, id est malleorum tunsione producta et fabre-
facta.
683. Nous ne pouvons lire le premier mot de ce vers ; le ms.
semble porter e/ec : le vers correspond à versis semper vultibus...
689-704. Quia uterque Sanctus iste, Edmundus videlicet et Ri-
cardus. unus quidem, id est Archispiscopus, patiendo ; alter vero,
id est discipulus, compatiendo et collaborando pro libertate Ec-
clesiœ et justitia. tribulr.tiones innumeras et angustias, damna re-
rum et rapinas, corporum laTjores et molestîas, opprobria verbo-
rum et contumelias. provinciae denique suœ proscriptionem et exi-
lium, tanquam malleorum duros ictus et fréquentes, super patientiœ
incudem, velut auri dignissima materia, absque tinnitu murmuris
perpessus est. (AA. SS., p. 286.)
3 i6 VIE DE SAINT RICHARD
l'autre, (seint) Richard sun compaignun,
and eus travaillenl pur La franchise
227 v° a e la dreiture de seinte église :
693 (liini niiilt anguisses e travaus,
c innl (di-) tribulatiuns e (de) maus
de aneme e travail de cors,
696 pertes de choses dedenz e dehors,
molestes e paroles huntuses3
e par vergoine très anguissuses,
la chief <l<i piele de son pais
700 propre, esteil en exil mis ;
i>si [dreit] cum de martilliers
dur cops recurent suvenl <• fiers
sur l'enclume (dreit) de pacience
704 kar nest(e) esteient de conscience.
autres ensamples poet en asez
[ajapter de lur granl buntez,
e en Latin numeement,
708 kar la chiet il plus proprement :
car de divinité en (la) clergie
proprement chiet l'alegorie,
e en Latin plus proprement
712 kc ne fe! en franceis veraiement ;
nequedent loin poet bien numer
695. Voy. la note.
700. Comp. § 99.
701. On pourrait insérer dreit: deux ver? plu? bas. ce mot peut
être supprimé, comp. le texte latin.
702. Le ms. porte recureit.
705-12. Le poète ne se hasarde pas à traduire le passage suivant:
Fuerunt quoque duae virga? a Zacharia assumpta», quarum unam
vnravit Decorem, Archipraesulem scilicet propter vitae contemplative^
pulschritudinem ipsum decoranteni. per quam :n suis deliciis spe-
ciosa fit anima et suavis ; alterum vero, id est, Cancellarium, vo-
cavit Funiculum, propter activœ vitae multiplieem occupationem,
qua in singulis negotiis unieuique metiebatur juste, tanquam in
funiculo distributionis. (Cf. Zacharie xi, 7 et AA. SS., p. 287.)
710. chiet = cheoir dans le sens de tenir n paraît être rare, voy.
Godefroy rx, p. 69 a.
713-20. Sed nec istos duos magna luminaria appellare formidem,
qua? in Ecclesiœ Cantuariensis firmamento conjuncta, ex sua pro-
pinquinate non eclipsim generarent, sed radiosa? lucis fulgore to
tam Ecclesiam perdustrarent (AA. SS., p. 287.)
M! m. -\1M RICHARD 34*7
l'ercevesque e son chanceler
don/ luminares en firmamenl granz
Tlii de l'église de Canlerbire cler luisanz
k'entrejuent, issî csteienl,
(e) lur rais issî s'enlremedleienl
ke par les rais ke de eus getereni
720 luile l'église enluminèrent.
(Seinl) Richard Luz jurz m seinl Edmun
(en) chescan de sa Iribulaciun
c deçà la mer e delà
72 i a li lu/ jurz se ajusta
(kar) bien sout cum eu -a passiun
en solas se Ireienl cunpaigniun,
c ces k'en&emble sufferunl
728 peines, ensemble en joie serrunt ;
c h ne Ici mie par reisun
tesir les mox d'affectiun
ke seinl Edmund ver li aveil
732 quanl en son lil mortel esteitj
que en sa dereine volenté
le feil d'amur li acl mustré,
quanl il son testament feseil
736 de seinl Richard issi diseit :
« ico devis a niuii chanceler,
715. Aère trop long, oomp. § 91.
716. Vers trop long, supprimer cler, et voy. § 102.
721. 11 faut supprimer seint, comme au vers 787, et passim, voy.
la note.
721-42. Constanter igitur et perseveranter B. Edmundo in suis
tribulationibus. tam in provincia qnam in exilio, Sanctus adhœsit
Rica i dus ; non ignai'us, quod qui fuennt socii passionum, simul
erunt et consolationis : et qui oompatiuritur, conregabunt. Nec si-
lentio arbitrer praetereunduin illa mine alïectionis verba, qu;e idem
Edmundus in ultima voluntate de Beato expressit Ricardo : Legamus
dilecto, inquit, Cancellario nostro, quem jam diu nobis invisceravi-
mus, euppam nostram. Qua3 quidem verba sant;e recordationis Otto,
tune in Anglia Sedis Apostolicse Legatus, non parum admirans.
iterum atque iterum coram se fecit recita ri. (AA. SS. , p. 287.)
722. en paraît avoir été ajouté par le scribe.
737. divisrr — attribuer par testament, voir Bozon, 12, 113, comp.
§ 100.
348 Ml M SAINT RICHARD
» ma cupe » ; n'esteit j » ; i «^ enfance,
740 kar ces moz mis! en remembrance
le légal Otes ki dune esteil
ke rechercer (devanl li) suveni feseit.
Ke il ala a divinité après ht mort
se//// Edmund l'ercevesque.
Quanl seint Edmund aveit chevi
7ii sa bataille e estrifs (k'aveit) ici,
e l'esprit ilcl cor;, parli esteit,
pur son exil le ciel changeil
e a Deu en sa joie ala,
748 a ses angles s'acompaignia
son cors esteil enseveli
en lur église de Punteni,
ke gist [la] sanz corruptiun
752 ke apparut a sa translaciun;
(la) clergie e (le) puple d'Engleterre
sen doleit mut pur cel afere
ke il aveient tel trésor perdu,
228 r° a k'en lur terre enseveli ne t'u:
757 mes cum Deu voust l'u droit issi
» ke tuz jurz ai eu en mon quer,
738. Ms. ad.
741. D'après la note des éditeurs des Acta, ce légat vint en An-
gleterre en 1257 et y resta jusqu'en 1241. Il a pu recevoir les der-
nières volontés d'Edmond qui est mort à Pontigny dans la même
année.
La rubrique latine est ainsi conçue : Quod post mortem E. Ed.-
mundi audivit Thcologiam.
743-56. Cum autem, expleto sui certaminis eursu, felix ille B.
Edmundi spiritus, corpore exiitus et patriam pro exilio eommu-
tans ad Deum a quo illum recepit, remeasset, laetantium socianaus
consortio Angelorum, sepultaqiie apud Pontiniacum sacra sui cor-
porîs gleba, per inconuptionem vernante non immerito, tanti pi-
gnoris thesauro destitutus, clerus et populus Iuxit Angiorum
(p. 287).
757-66. Quoata nem divino nutu justissime videtur eil'eetum, ut
et corpus ejus in pace sepeliretur, et suis per?ecutoribus tanti sola-
men muneris auferretur. Orbatus igitur B. Ricardus tanti Parvis et
VIE DE SAINT RICH \RD 349
ke le cors fu la enseveli
e a ses enemis fusl tolleit
760 le don de solaz k'en li esteit.
Seinl Richard dune mut s'en doleit
ke tant (de) père prive esteit,
e si ne t'usi (ceo) ke bien saveit
764 ke Deu en sa grant joie esteit :
par aventure trop Trust, dolusé,
nies (ceo) de son doel l'ad refréné.
Seinl Ëdmund après li lesseit
768 un fîz ke semblable li esteil :
lut ne li fusl del tut semblable
tant cum poeil si fu sanz fable.
Deu cum fusl très duz [i]cest nun
772 a numer suvent Seint Edmun,
dunl (au)si suveiit cum l'en soleit
prêcher u dire en aukun endreit,
de bienfez des seinz tantost tucha
tam dilecti corporali praesentia, doloris forsitan metas excessisset,
nisi divina? dispositioni remurmurando contraire timuisset et ipsum
Patrem venerandum praesentis vitae miseriam beatœ vitae immorta-
litate commutasse certissime credidisset.
765. Lis. venture, comp. § 72.
766. Vers fautif supprimer ceo.
767-86. Mortuus est igitur Pater, et quasi non est mortuus : reli
qnit enim post se ,etsi non pt omnia similem (quod tamen divina?
scientia? aestimo relinquiedum) audenter tamen asserere me posse
confido. ad ejus simititudinem. quantum permisit humana fragili-
tas, ferventer anhelantem. 0 quam frequene, quam familiare, quam
votia pariter et vooe recitabile sibi fuit illud B. Edmundi nomen
venerabile ! Quotiescumque enim dioeretur, fieret, seu predicaretur
quidquam ad sanctos B. Edmundi mores attinens, subjungere sole-
bat : Sic agere, sic loqui, sic se gerere, sic praeaicare, Dominus
meus E. Edmundus solebat: aetuum enim suorum, virtutum, seu
verborum sedulus et sollieitus erat recitator sed multo sollicitor
imitator (p. 287).
773-5. Vers trop long, oomp. § 102.
775. Ce vers est visiblement corrompu, nous ne tâchons pas de le
corriger, puisque le texte latin n'y correspond qu'à peu près ; la
version que notre auteur avait sous les yeux était sans doute autre-
ment conçue.
350 VIE DE S VINT RICHARD
776 de seinl Edmund e si apte
ses fez, -<vs diz el murs ausi
ke oui en quer lêneu de li,
e dit : « issi soleil parler
780 » seinl Edmund e issi prêcher,
» e issi fere le soleil
» iiMiii seignur seinl Edmund lut dreit »,
issi rehers[e]ur esteil
784 de verluz ke seinl Edmun aveil :
e ne mie iceo sulement,
mes en (ses) fez le siweil ensement.
Seinl Richard dune delivere estedt
788 de la cuit k'avanl aveil ;
a l'estude k'out avant lessé
se mist a oir dii mité,
e a Orliens tantosl se misl
792 as frères prechurs et la oist
d'un frère ke la bible liseit,
ke bon clerc e de\ in esteit,
e celi tant espleil la fîst
796 que Iule la bible près oit,
ne mie cum ces ke oient dehors,
mes el quer mestre dedenz le cors,
mes seinl Richard dehors oit
800 e pleinement dedenz l'entendit.
787-805. Solutus igitur tam a curise qiiam cura? sollicitudine B.
Ricardus, studium litterarum. quod ad tempus intermiserat, fine
debito cupiens terminale, ad Theologiam se contulit, et Aurelianis
in domo Fratrum Predicatorum a quodam Fratre ejusdem ordinis,
laudabilis ■scientia?, auctiendo, in ea tantum profecit, quod pro ma-
jori patte tntius sacrae bibliotheca? textum andivit et dedicit : non ut
plerique, qui auribus audïunt et non intelligent; sed audiens exterius,
audivit interius ; ut efficacius postmodum impleret. quod dicitur in
Apocalypsi (xxxvi, 17), Qui audit, dicat, Veni ; et ut dignius ap-
prehenderet prie-mi uni perferte nudientium. quod in Job repromit-
fcitur, si audierint et observaverint, complebunt dies suos in bono
et annos suos in gloria. (Job, xxxvi, 11.)
790. Pour rfivinfé, comp. v. 54.
797. dehors, comp. § 72.
798. Ms. en le.
\ II. DE SAINT RICHARD 351
issi que après aver purreit
le guerdon ke Job promisteitj
(ke dit) ke ces ke oient e i etendruni
Soi lui- jurs en bien parempleruht
e lur aunz en joie ensement.
c"osi la fin d'estudie vereiemenl ;
ceo lu de sa science finement
808 e de sa \ ie l'adresemenl :
on tuite choses (e) partut coveitanl
I feu retenir k'il ama laul ;
issi ke ceo ke oil k'a fore fust,
812 près en fel parfere le pusl ;
dunt (l*1 li dreil esteil escril
ceo que <'sl en l'evangelie <lil :
« celi que enseignera e Ira
816 » grant en [le] ciel mime serra. »
Cumenl il fit jel prestre.
Puis a prestre ordiner se fîst,
que le li/. au père eu offris!
806. estudie se trouve en rime avec vie, voy. Vie de S. Thomas
I. 83. Soc. des a. t. fr.
806-816. Hoc quoque studii finem, hoc scientise su<e terminum
hoc etiam vit» suae directionem in omnibus et per omnio cupiens
retinere, post ipsum ad quem' omnia referebat Deum ; ut quœ au
diendo facieuda didieerat, operum veritate compleret. Unde non
immerito in ipso oompletum est quod scribitur in Evangelio, Qui
feoerit et docuerit hic magnus vocabitur in regno cœlerum. (Matt
v. p. 19; A A. SS.)
807. Comp. § 100.
817. Le chapitre qui avait pour rubrique : Qualiter fqctus Sa-
c<r<l<>.< carnem maceravit est très abrégé dans Capgrave et aussi
dans le Bocking des Alla.
817-74. Caphraye : Bockin<; :
Et. ut pro grege Domini Pa- Cum igiturAurelianlis in Theo-
tri Filium immolaret. ad sacrum logia studeret, a loci Diœcesano
Presbyteratus Ordinem se fecit cui jam mores et scientia B. Ri-
inibi promoveri. A suscepti au- cardi non latebant, ordinem 6us-
tem Ordinis Sacerdotalis tempo- cepit Sacei'dotii : et ex tune in
re, ornatus vestium plus habuit tantum carnem maceravit, quod
352 Ml DE -VINT RICHARD
pur le pnple 11 vin de inontaine
820 gusta de seinte doctrine pleine,
e la l'ace de hume ke de heu esleit
de] oile de Ici Deus en uigneit ;
(issi) ke par la parole Deu l'oie
824 e le guster del pein de vie,
e le beivre angelin cnsemenl,
e de grâces ou l'enoitemenl
en son quer cher(i)lé plus c plus
828 de Deu cre[e]ut et fust diffus;
pur laquele chose e[n] la muntaine
munta de luinire suveraine,
assez de plus légèrement
832 d'aviser Deu omnipotent;
e la peisantime del cors
par abstinence tribla tut hors,
e l'umne par pèche enveilli
humiliores. Et cura ibidem sa- nisi de consilio amicorum pru-
crae Scripturae pocula suavia lu- dentium secum indulgentius egis-
culenter hausisset, ad ageiidam set, ipsam Buam carnem deficere
curam proximorum et oves pro- toegisset (p. 287).
prias pascendas accedit : ad uni-
oam siquidem, solam, quam
habebat (voir v.869), parochiam
revertitur, ut illa pusillanimes
consoletur et corripiat inquietos
(p. 279).
819-32. Le sens de ce passage et très obscur et le texte est pro-
bablement fautif: comp. les notes.
820. Peut-être faut-il supprimer de.
825. Comp. § 100.
826. Le ms. porte le voitement , nous croyons avoir donné la
bonne leçon ; enoi(Ptne?\t paraît du moins trois fois dans la Lumière
as Lais et aussi le verbe enoitier dans le Secret ries Secrets (v. Go-
defroy s. v.), comp. aussi vv, 1167, 1169 de ce poème. Dans les
Contes moralises de Bozon, le mot signifie augmenter (voy. vocab.
p. 305).
830. Comp. § 100.
835. Le ms. porte e lunUne ; notre auteur traduit-il exspolicmtex
vos velerem hominem nun actibvs suis (Col. 3-9)? On ne trouve
pas ailleurs umme pour home.
\ h DE SAINT RICH Mil) 353
830 par veilles e junes gesta de li,
e par oreisuns ensemenl
ke feseit suvenl longement,
sa char cuveri de v île vesture
8'i0 plein de vermine e (de) pureture,
e si ad superfluité
tute manere de lui osté;
o si l'uni ses k'ou li esteient
844 plus prive/, de veir [ceo] cunteient
ke puis le tens ke online esteit
a prestre, orriemenl despiseit
de vesture mes tant lî desplust
848 ke semble ke hidur en eust;
ne autre vesture ne voleil
fors cum la berbiz la porteit,
cest [aveit] plus près de la char,
852 dunt se pena, n'est pas eschar,
e pu ceo sa char enmesgrit
sa face de colure en pâlit,
pur ceo ses amis ke l'ameient
856 ke repeirast l'amonasleient,
puis k'aveit par nul tens issi
se meimes par peines emmegri,
e quant le frut de repentance aveit
861 c le guerdon de seinz apris a dreit;
e la parole avait divine
cuilli e eslue en (sa) peitrine,
sulum le sage k'ad ceo loez,
864 miel as truve, manger assez.
Dunt ne vout (pas) ke sa charité
852. Pour cette expression, comp. Lumière as Lais, vers 86, Rom.
vin, Z'1, xv, 289.
852. Par tint.
857. Aïs. aucun.
859 60. Vers trop long. On pourrait corriger quant frut de... e
guerdon (h seinz apris dreit; « dreit » porte si souvent dans ce
texte le même sens que « a dreit ». Cf. 704 et passim.
864. Ce vers semble rappeler le verset des Proverbes, cap. xxiv,
13: C'omede. fifi mi, me], quia bonum est.
354
VIE DE SAINT i;l< H \l;l>
-.in/ "\ ère, uisive fusl 1 1 n \ é,
ko de se-; oailes ne preisl cure.
808 pur ceo repeire a lur pasture;
(c'est) a une suie parose k'il aveil
pur la demurer returneit,
pur les simples reconforter,
812 e les envius pur amender,
e les pécheurs endoctriner,
e de vertus eus enformer.
De ces choses e autres bontez
870 semblables que feseit asez
e tut sa famé lui envirun
e de sa \ Le e (de) religiun;
(is)si ke l'élit que dune ested
880 de Cantebire l'odur flereit,
ke oui a non le bon Boniface,
que Deu verai merci li face,
icesl noble borne décrus fu,
884 que fusl ou li quant lu eslu :
l'estre de li tint delitus,
pur ceo fu de li desirus.
229 r° a E voudreit ke ou li habitast,
888 e que son chanceler demorast;
(mes) cumenl ke fut de ceo purveu,
(ne) porquant encontre sa volente fu;
mes la lumere de si haute vie
892 ne se pot lungement celer mie
866. La leçon n'est pas certaine.
875-898. Cupiens post haee venerabilis Pater Bonifacius, Cantua-
riensis Ecclesiœ tune Electus, successor B. Edmundi, ad commodum
disciplinée, jucundam cohabitationem tam gratiosj bominis experiri ;
ipsum ad offkium pristinum, videlicet Cancellarise Ecclesiœ Can-
tuariensis vocavit invitum. Capgravk, p. 279.
881. Nous citerons en entier la note des éditeurs des Acta : Fuit
Bonifacius Archiepjscopus Cantuariensis, Reginse Aleonorœ avun-
mhis, post mortem S. Edmundi indignis modis oommendatus, et
tandem ab Innocent io IV exeunte anno Christi 1245 in Gallia con-
seciatus : quas autem hic narrantur praecedenti anno contigei unt.
888. Comp. § 100.
vit ni -w\ i iiit 11 vrd 355
que le< autres n'enluminast,
e pai essample (en) bien enformast,
pur ceo en l'onur(ance) Jhe&u Christ
896 e de sugez ausi le profil
purveu li fu cum vos orez
par heu a evesque estre ordinez.
De la provision fête u /// del evesque
de Cycestre.
Puiske par la volente del festre,
900 mort lu le evesque de Cycestre,
ke Rauf de Nevile fu mimé,
par unt le sie esteit voidé;
de] rey Henri ke dune regneit
90î cpie le quart Henri des reis esteit
aveil le chapitre cuin fu raisun
de celle église lur electiun
puis quant esteient a jur asigné
896. La leçon n'est pas très claire : on trouve « sugez seies »
dans le Psautier d'Oxford, et « Suis soubgiz a nostre Signour »
dans le Psautier de Metz XXXVI, 6 (Godefroy) et aussi Li autre
(rets) e.<t aver endreit li FA endreit de ces sugez ausi dans le Secret
(/i < Secrets. Voir à l'introduction, et pour la scansion § 72.
898. Coiup. § 93 et § 100.
La rubrique latine est ainsi conçue : De provisione de eo farta in
Pia iulatum cicestrensem.
899. Le cas sujet provenant de fàctor semble être assez rare; on
en trouve quelques exemples cités par Godefroy sous faitor, tous
tiiés île Wace ou de Benoit. Il y en a d'autres exemples aux vers
619 et 1313.
904. Les éditeurs des Aeta ont corrigé quarto en tertio; il est
curieux cependant que notre auteur, qui vivait sous Henri III,
ait pu continuer cette erreur. Comp. § 102.
900-10. Cum per mortem ...Radulfi, cognomento de Nevile ...prœ-
fata Ecclesia viauata esset Pastore et Capitulo pra?dictae Ecclesia'
a Rege Angliœ Henrico Tertio, concessa esset , prout mons est,
electionis libéra facultas ; convenientes statuto die Canonici prœdic-
t?e Ecclesia?, quemdam aulicum in hoc forsan régis favorem se
cicdentes habituros, Ecdesiœ tamen Archidiaconum, in Pastorem
et Episcopum sibi elegerunt. (AA. SS. § 19.)
356 VIE DE SAINT RU HARD
908 les chanoines a (ce)le église asemblé
pur aver de] rey plus fa\ ur
diluent un chanoine curteûr.
E puis cum reisun fu e dreit
912 a l'ercevesque présente csteit
ke (dune) esteit nome Boniface,
(pie Deu veray merci li face,
ke (uncore) encevesque n'esteil pas
910 de Canterbire mes eslit, n'est pas gas,
ke sulum eunseil jur establit
229 r° (*> par reisun ordiner (de) lur eslit;
ke sulum statuit de dreit canun
920 a deit fu i'et l(ur)'electinu;
a lin e (au) jur ke mis esteit,
l'eldst de Cantebire veneit
ou ses sufragans ke ont ausi
924 ke la esteicnl venu ou li,
entre eus l'evesque Robert esteit,
(ke pas) n'esteit petit en son endreit,
ke Robert Grosseteste out a nun;
928 lequel non out dreit par reisun,
911-32. Cum vero electionem de eo factam Metropolitanœ Sedis
tune ele-cto, Bonifacio nomine, présentassent ; deliberato con-
silio diem statuit. qua de eleeti electkmisque meiïtis secundum
Citnonum statuta cognosoeret. Adveniente itaque statuto die, loco
pra.fi ni to adest Electus Cantuariye, cum qv,ibusdam suis suffraga-
neis, viris utique vitaî et scientiœ eminentis : inter quos ille fa-
mosissimus quondam Lincolniensis venerabilis Pater Robertus in
Ecclesiœ corpore membrum non modieum (quod et cognomen suum,
id est, Grandecaput, quod vulgariter, Grosseteste, dicitur, satis
prœtenait) adsunt et cum eisdem Magistri et Clerici utriusque Juris
periti. (AA. RS. § 19.)
912. Peut-être faut-il corriger escevesque en eslit; comp. le texte
latin.
Le procédé n'a guère changé en Angleterre où on emploie encore
aujourd'hui le terme congé d'élire pour indiquer le permis donné,
non plus par le roi, mais par le premier ministre, d'élire un évê-
que ; le chapitre encourt le risque de prœmunire, c'est-à-dire de
confiscation de biens, s'il refuse d'élire la personne nommée dans
l'acte.
916. Vers trop long, comp. § 103.
VIE DE SAINT RICHARD 357
ke par (son) son e reisun k'aveit,
le îuiii asez bien li apendeit;
e si oui mestres e clers ausi,
932 sages de lei e descrez ou li;
en m ein tenant sur l'electiun
(e)dcl eslist fisl inquisiciun,
de < îycestre si digne fust
93G la persone k'evesque estre dust.
(mes) de sa persone tant quis esteit,
kant a science e murs k'aveit
que n'est pas del tut tel trové
9i0 que deust aver tiel digneté :
(pur ceo) par cunseil e reisun musfcréje],
a l'electiun de li quassée;
l'elist de Cantebire meintenant
94i a (Ires) tuz les sages k'aveit la tant
ou vin I ke sulnm l)eu e profit
a l'église élisent un elist;
une feiz sana par sa vesture,
9i8 une feiz par son lit e chaucure
une feiz le liu u reposeit
vertu de saner gent aveit.
933-42. Fanta igitur super eleetione et Electi Cicestriensis per-
& lia diligenti discussione, meritisque dinumeratis, et appensis
pisedicti Electi scientia et moribus, inventus est minus habens :
et idéeo de eonsilio prudentum, qui afl'uerunt, palam sua cassata
est electio (AA. SS. p. 287).
943-6. Pour l'élection de S. Richard, Capgrave n'a que la courte
mention : dictusque Sicardus ex communi consensu omnium Eqiis-
copus &8t electus; tandis que tout un chapitre y a trait dans les
Ailn.
946. Pour la lacune qui se trouve entre ce vers et celui qui est
numéroté 974, voir à l'introduction.
947-9. Le ma. porte chaque fois a fa feiz, la locution une feiz se
trouve aux vers 984-1007. .1 la feiz a plutôt la signification de par-
fois, tandis que une feiz se trouve en anglo-normand dans le sens
qui semblent demander le contexte et la mesure. Cf. S. Gilles, vers
111. Simunu de Freine, R. Ph. 152.
24
358 VIE ni" SAINT RICHARD
229 v° a Car une chape k'out a tens usé
95'^ a un chapelein par speciauté,
ke familiers e cher li esteit,
pur a fut» 1er e porter doneit;
le chapelein ke sa seintete s<ml
956 de la chape granl deinté oui ;
la chape prisl ne pas (sul) a user,
mes com relique chermeni garder.
avint puis en la paroche dreil
960 cesl prestre ke vikerie Deu esteit,
ke d'une quarteine lu travaillez
e travaillant 1res ierement grevez;
cest prodome compacient esteit
9(Vi hiliI a l'enfermeté k'il aveit,
e ses reliques pas n'oblia,
la chape ke li seint li dona,
mes la prent en ferme créance
968 e si fet en certeine espérance,
954. Afubler, comp. § 72.
947-62. Le dernier passage de la source latine que nous avons
cité (voir plus haut, vv. 933-42) est tiré du 19e paragraphe de la
vie des Ad a, celui-ci du 85'. La rubrique latine est conçue comme
suit : De febricitante per cappam ejus sanato. Voici le texte des
Ai ta : Nec solummodo sacrarum manuum suarum contactu (le
saint avait guéri un aveugle par l'imposition des mains) sanitatum
signa et virtutes operari dignatus est Deus, sed etiam de vestibus
quibus aliquando utebatur, seu calceamentis quibus calceatus in,-
cessit, seu de lecto vcl loco in quo quievit, infirmantes sensere
sanitatis efïeetu oxisse virtutem. Nam cum aliquando cappam quam
dam, qua usus fuerat ad tempus. cuidam Capellano sibi dilecto fa-
miliaritatis giatia contulisset ; iciem Capellanus, Pontificis sanc-
titatem intelligent, cappam ipsam, non tam ad utendum quam
looc Reliquiarum recondendum, reverenter suscepit. Contigit igitur
in ] arocbia illa. cui prsefatus Sacerdos praeerat (Vicarius quippe erat
et Decanus) quod quidam quartanse fcypo graviter laboraret.
962. Vers corrompu.
963-78. Cujus infirmati compatiens Saoerdbs, ac suarum non im
memor Reliquiai uni. cappam sibi a Sancto datam, cum spe certa
et fide non ficta, in ipsa aeoessionis hora infirmo Buperposuit;
mcnena ut oertam haberet fiduciam, meritis se B. Ricardi poste
liberari. Statim igitus ut infirmus cappam semsit et tettigït, acces-
sionem evasit, et ad plénum convaluit. AA. SS. § 85.
\ll m SAINT RICHARD 359
(e) sur le malade la chape estent
a ce) houre ke l'accès le prent,
e l'amoneste Ici 1 eit fiance
97'J certeine, de seinte espérance;
e par le mérite de seinteté
(seint) Richard de mal L'eit deliveré,
le malade puiske senti aveit
970 la chape de l'accès eschapeit,
e de la maladie pleinement
garit sanz tecche uniaument
De un homme (/ne feu garri par les botes
seint Richard.
Un miracle ansi de un aveneit,
98U meimes cesti un haillif esteit
a l'eve&que e bien serveit;
a cesti une gute mut greveit
en piez ke podagre nun aveit,
984 is&i k'une feiz tant le greveit
k'a peine les piez muver poeit,
e puis ke seint Richard ceo soûl
988 ke celé gonte tant le grevout
unes botes k'ime feiz user soleit
cesti a chaucer enveeit,
de queus le malade se chauça
992 par unt la goule lantost passa,
i-si bien c-periment ont
ke par les botes ke chauce ont,
978. L'emploi métaphorique de sans tache (en latin : absque, sine
macula) est très fréquent dans la Bible. Cf. I Timothée VI, 13-4 :
Prcecipio tibi... ut serves mandatum sine macula usque ad adven-
tum Domini. Le verbe enlachier sert aussi à exprimer : affecté
d?. quelque maladie (voir Codefroy, les nombreux exemples eous
ma.' et s. v.).
985. Il n'est nullement certain qu'un vers ait été omis ici ; on
verra plus loin (1347-9) que notre auteur ne se gêne pas de rimer
trois vers sur la même voyelle : à la rigueur il y en a sept i. i.
989. Ms. à la feiz. Cf. 947. Comp. § 72.
300 Ml DE SAINT RH HARD
les piez (seint) Richard aveienl tuché,
990 de la gute lu tut délivré,
kar (ausi) cum il meimes puis 1»' conteit,
c par vive voiz recunisseit
que il lu si parfit garri
lUÛÛ k'apres tlcl ma] rien n'en senti.
De un home que feu garri pur son lit.
Seint Richard une feiz s'en ala
a un abheie ke mut ama,
a Begeham ke i'u en sa vesché
1004 ke esleit del ordre de premustré,
lequel les moines ke leinz furent
cum angle Deu a joie [rejçurent.
avint ke un chanoine une feiz
997. Le latin semble autoriser cette correction.
La rubrique latine est fidèlement traduite : De infirmo per lectum
sancti sanabo.
979-1000. Quidam etiam, Ricardus de Catham nomine, officium
villici seu ballivi, ut vulgu dieitur, in B. Ricardi gerebat obsequio.
Hic cum gutta, quam podagram vel arteticam vocant, fréquenter
vexaretur, vice quadam in tantum ea torquebatur, quod vix pedes
movere poterat. Quod postdam Sancto viro innotuit, botas, quosdam,
quibus uti solebat, transmisit eidem, quibus infimius calceatus, cito
p«sr morbi sui plenam curationem experimemto probavit, quia vir-
tutis, ex contractu sacrorum pedum beati Ricardi, etiam pellibus
mortui animalis potuit inesse : nam sicut ipse postea viva vooe
t'atebatur, adeo perfecte curatus est, ut nec morbi reliquias post-
modum sentiret. AA. SS. § 86.
1001. Ms. A la feiz.
1003 D'après la note des éditeurs des Arta, Begeham (6iV/ = grand,
Ar/w = hameau) serait une abbaye, fondée en 1200, près de Lewes
dans le comté de Sussex, L'abbaye n'existe plus, mais l'église de
Hamsey, entourée de vieux bâtiments, derniers restes peut-être de
l'abbaye, est une des promenades favorites des habitants de cette
ville. Il est plus probable qu'il s'agit de Bayham dans le même
comté. Il y avait là un couvent de Prémontrés. Comp. Sussex Ar-
cheological Society's Collections, vols, iv, ix et xxi, p. 24.
Pour la scansion, comr-. § 50 a.
1005. Ms. a la bone.
1006. Ms. curent.
\ Il DE SAINT RICHARD 361
100S en lu/ ses membres fn tanl greviez;
de lur hosle nekedenl ke la vint
c de sa sainteté li suvint,
ca guerre ne lu ke la n'esleit
1012 diuii suii lil entier i demureit,
u soleil gisir quant esteit la
sanz remuer entier i demora;
dunl le chanoine se porpenseit
1016 e cunseil ausi ceo loeil
se en cel lil se (misl e) alasl rucher
(ke) pot de sou mal saule aver;
e il sur le lil après s'estend
1020 e -es prières dil ententivement
e bat sa culpe e ces moz «lil :
« sire heu veray Jhesu Crisl,
» (jco) vus pri ke pur l'amur eeh
1024 » ke procheinement issi dormi,
» me donez saute e allégement
» de m'anguisse si veraiement,
» cum jeo crei que pleisant vus seil
1028 » e seint en vostre face sei »,
u'aveil la parole plus tos't dit
ke de sa maladie ne garit,
1001-8. Divertit aliquando S. Ricardus ad Abbatiam de Begeham
Ordinis Praemonstratensis in diœcesi Cioestrensi, quem tanr|iiam
Angelum Domini gratanter pariter et gaudenter susceperunt. Fac-
tum est igitur, poet Sancfci recessum de monasterio praefato, ut
quidam Canonicus gravi doloris angustia in omnibus membris vexa-
retur, in tantum ut vix praB dolore sciret quid ageret.
1012-14. Voir § 72.
1017. Ms. K'en.
1019. Voir § 100 et § 98.
1020. Corr. ententifment; comp. Continuation du Brut de Wace
ot IV Rois iv. Au vers 1277 comme dans une vie de sainte Osith,
contenu© dans ce ms., on trouve la même forme; sainte Osith e.nten-
tivement [ f 138, v° a]; mais ici le mot compte pour cinq syllabes.
Dans ce poème la versification est presque correcte.
1025. Comp. § 102.
1030. Maladie. Nous ne savons pas s'il faut laisser oe mot ou
bien le corriger en malaise ou mfseine ou bien en maladie.
362 Ml DE SAINT RICHARD
e pleinement sa sanfe recul,
1032 par vertu del lit ou il jut.
Ke Seint Richard aveii de esprit de pro-
phecie et de une rrierveilluse revelaciun.
Par tels miracles ke Deu Feseît,
(e) santc a gent par li doneit,
(Seint) Richard de mérite i'u aorné,
1036 e ja (de) plus lard en vérité,
ne lu sa vie esclarsie
d'esperit k'aveit de prophecie,
k'avant l'enterrement bien saverl
1040 l'evesque que devant li esteit,
ke evesque après li scrreil
de Cyceslre c le liu tendreit;
(e) les cuntes k'avfn|ren]t en Engleterre
1009-32. Hospiti» tamen, quem apud se nuper récupérant, sano-
titatis non immerr.or ; cum lectus Sancti, in quo quieverat, immo-
tu.- adhuc permaneret ; incidit ei consilium bonum, ut in lecto ipso
spe sanitatis recuperanda' se oollocaret. Super lectum itaque Sancti
se extendens, pectus suum manibus tundendo, sub his verbis orare
cccpit : Domine Deus, peto ut per aniorem illius, qui hic proxime
doi miens requievit, mihi tribuas sanitatem ; sicut credo veraciter,
quod ipse sib Sanctus in conspectu tuo. Quo dicto, omni doloris
infirmitate sublata, continuo plenae restitutus est sanitati. (AA.
SS. § 87.)
1C32. Ms. Par la vertu <hl seint en hel Vit il jut.
Rubrique : Quod spiritu prophetiœ claruit, et de revelatione qua-
dam mirabih.
1036. Voir au vers 155-1040 devant; comp. § 72.
1037. Comp. § 99 a.
1033-42. Talibus igitur Pontifex insignis Pichardus sanitatem et
prodigiorum pollens insigniis, et meritorum titulis adornatus, spi-
ritu nihilominus phrophetia? claruisse dignoscitur : nam et seipsum
ad Pontificatus apicem cathedra? Cicestrensis, ante sui praecleces-
scris sepulturam, assumendum cognovit ; et obitus sui tempus spiritu
révélante pra^dixil ; § 88.
1043. Le sens de ce vers est obscur et rien dans les textes latins
ne vient trancher la question. A plusieurs reprises une foule d'étran-
gers, venant de Poitou, de Provence et de Gascogne, étaient des-
cendus en Angleterre. Les barons depui? longtemps établis dans le
Ml DE SAINT lil( HARD 363
104 i diseil [il] bien avanl La guerre.
\ son prestre ke especial aveit,
a li par iteus moz diseîl :
« joo ne verrai mes vous le verrez
ln'iS » [e] en bref tens bien le sachez
» quant les paroles Jhesu Grist
» serrunt enverrez ke sunl escrit
» (e) en evangelie, c'est a saver :
1052 » k\ ad deux cotes a user
ii vende La une a recelée
» e li achate en une espeie ».
e, le tens avanl ke il mureit
1056 par le seinl esperil demustreit :
«. i' ceo sachez », dit tnul suvent,
« eu m orez après apertement ».
e d'autres de li par le seint esperil
1060 île ceo après de li (avant) avant fit dit
kar seint Edmunrl ou li esteit,
avant dil ke evesque serreit;
e a un prestre de lion afere,
1064 dovoul, (e) ententif a Deu plere
avinl en sunge k'evesque serreit,
(kar) la nuit procheine avant esteit
pays résolurent de chasser 1rs intrus. A la tête des barons anglais
était Simon <li> Montfort, lui -ménie, Provençal il' origine ; vain-
queurs à la bataille de Lewos, ils furent complètement battus par
le parti royal à Evesbam, on 1265. On est tenté de suggérer comme
leçon possible L'estrts (ou estrifs) k'avint en Engleterre.
La « guerre des barons » sévit pendant la période 1258-65.
1050. Il faut peut-être corriger serrunt en ierent (cf. vers 19).
Ci< >dof roy n'enregistre pas enverrer qui doit être un synonyme de
avérer. § 72 a.
1052. Notre auteur semble avoir mélangé deux versets bibliques :
Qui habet duos tunicas, clef non habenti (Luca? in, 11) et Qui non
habet, vendat tunicam suam et emat gladium (Lucse xxu, 36).
1053. Ms. vende le une a retelée. Nous ne connaissons pas d'ail-
leurs n retp/re quoique a retaille se trouve dans Godefroy ; la locu-
tion existe encore aujourd'hui en anglais : to sett refait = vendre en
détail. Le sens me paraît, trop obscur pour que nous nous décidions
pour l'une ou pour l'autre expression.
1065. Ms. avisiun.
364 Ml DE SAINT RICHARD
le jur ke fu après <'slu
1068 quant endormi en son lil lu
si vi(n)l en smige très bel tneisun
(lune comence (a) penser par reisun,
(e) pense si la meisun fu ensement
1072 dedenz si bêle cum dehors resplent
(e) ala plus près, si li (re)sembleit
si la vérité en quere purreil
k 1075 e en celé meisun regardeit
230 v° a e dous prudeshomes leinz \<veif
ke de pontifeaua furent aurnez,
e il attentivement ad regardez
e par lur faces apareeveit
1080 ke l'un scint Edmund ki jadis esteit
rercevesqiue de Canterbirc
e l'autre après dnnkc mire
c la face seinl Richard aparceit
1084 k avant ou l'ercevesque esteit,
lequel, cum avis li esteit,
un mitre sur son chief poseit
e il après mut se merveilliet
1088 ke de pontificaus vestu esteit
kar unkes evesque ne desirout,
1069. M s. vint, comp. § 31.
1063-85. Et cuidam Sacerdoti, honeste viro ac Deo devoto, visio
digna relatu de ejus apparuit Pontifioio. Nocte siquidem proxima
diem prseoedente, qua ad Episcopatum fuerat assumendus, vidit in
so'mnis domum exterins admodum pulchram. Cogitans autem pênes
se et mente pertractans, an pulchritudine tMDnsimili intrinsecus nite-
rel, qua î^efulgere videbatur extrinserus, propius ad explorandum,
ut sibi videbatur, accessit : et introspiciens vidit duos viros, Pon-
tifiralibus insignibus redemitof=, quos diligentius intuens, agnovit
pe'- faciès unum eorum esse B. Edniundum.... alium vero Magis-
trum Richardura... cujus capiti B. Edmundns mitram videbatur
imponere. (AA. SS. § 88.)
1077. Comp. § 100.
1078. On pourrait supprimer re ; comp. § 72.
1080. On rétablirait la mesure en supprimant seint, comme aussi
au vers 1083, et en corrigeant jadis en <inz.
1089. Le mot evesqve est probablement une mauvaise leçon; il
faudrait un mot qui traduise inftiJa, ce que paraît indiquer suffi-
vie de saint richard 365
n'en curage d'aver avant nën out,
cil uroeore plus profondement
1092 regarde e veit ensemenl
nue bêle persone de blanc vestu
ke la main ver eus oui tendu
(e) ceo de (seint) Père e (de seint) Pol dit esleit
109G en seinte église si diseit.
les glorius princes k'en terre esteient
si euni en lnr vie s'entreameient
(en) meimes la manere en veritez
1100 en la mort ne furent persévérez :
de cesle (a)visiun le frère ke escrit
eesi livre en latin devine e dit :
par la bêle meisun seinte église
1104 seignefie sulum ma devise,
c la partie dehors signefie
seinte église k"ore est en ceste vie,
e (de) la partie ke dedenz esteit
1108 seinte église signefieit,
230 v° I» bêle est en l'une e l'autre partie,
(mes) celé en ciel plus bêle k'en ceste vie,
(car) tecche n'i ad de tribulaciun,
1112 ne nule manere de templaciun,
somment le verbe aver du vers luisant. Peut-être faut-il corriger
aube, vêtement que portait la personne k'aveit la main vers ru.*
tendent (v. 1132). Voir aussi 1094.
1092. Comp § 99.
1086 1100. Admirans autem cur Ponfcificalibus induebatur, qui
necdum Praesulatns infulam fuerat assecutus. diligentique contem
platus intuitn : videt quamdam elegantis formœ personam, albis
indutam, manu versus ipsos protensa dieentem illud. quod in Apos-
tolorum Pétri et Pauli Lande piommtiat Eeelesia. Gloriosi prin-
cipes terne, quomodo in vita sua dilexerunt se, ita et in morte non
sunt separati. § 88.
1097. Ce vers du Benedictus est imité du 23e verset du Tr chapitre
du second livre des Rois: San! et Jonathan amabUts et decori in
vita sua, in mnrfr qunque non sunt divisi.
1102. Comp. § 72.
1105-8. Ces vers ne traduisent pas le texte latin. La leçon est
probablement coi rompue.
1112. Ms. de.
366 VII. DE - MM RICHARD
seinte fj-rlise en ceste vie
bêle est, mes lanl bêle n'es! mie,
(kar) de l'une e de l'autre desculuréc
1 1 16 esl en ceste \ ie e blesmée,
(hml i n l 'hançuns ke I >eu révèle
esl ceste église cum lune bêle,
(mes) l'église <lc cel ke n'est pas veue
1120 endreij cum le soleil esleue,
ke la partie dedenz sign(ef)ieil
cum la |li| fus luchie esteit,
en quele partie veu esteienl
1124 seint Edmun e Richard ke s'enlrameient,
de ceo ke (seint) Edmun sur le chief mist
seinl Richard une nuire cum il ilist.
ceo par aventure signefie
11*28 la joie k'oul ja deservie,
quanl [le] ciel après truvereil
sulum ke heu ordine aveil ;
e le prodome k'en aubes fu
1132 k'aveil la main vers eus tend eu
e de glorius princes de terre parla
1115. Vers trop long ; camp. § 103.
1101-16. LTt ergo de visione prsefata dicam quod mihi videatur
| ci tender ; per domum pulchram, Ecclesiam luiiversalem possmus
ateipere figiuatam : cujus par exterior est ista quse militât, par
vero interior illa quae triumphat : in utraque vero pulchra est et
décora : sed pars interior pulchrior, quia caret macula tentationis
et tribulationis ; exterior vero et si pulchra, minus tamen, quia utra-
que prsedicta macula decoloratur.
1120. Esl rue. traduit littéralement le latin electa : le mot est tra-
duit dans la version d'Osterwald — pure comme le soleil.
1121-2. Nous comprenons : car la partie intérieure brillait comme
si on y avait mis le feu. Voir la note.
1123. Comp. § 100.
1?24. Vers trop long; comp. § 103.
1118-30. Unde et in Canticis (cap. vi, 9) dicitur : Pulchra est
luna, quoad partem exteriorem : Electa ut sol, quecad partem in-
teiiorem : in qua ainbo visi sunt. quia ante tempora secularh
in sorte Sanctorum ibidem praedestinati. Quod autem capiti B. Ri-
chardi mitram Pontificalem B. Edmundus videbatur imponere, hoc
frrsan datur intelligi, quod ope soi meriti destinatum gloripe bra-
vium Deo ordinante fuerat obtenturus. § 89.
VIF DE SAINT lil( HARD 367
cum en l'avisiun escrit esl la,
ceo signefie veraiement
1 L36 demustrance de l'angle enseinement,
kanf dous princes de terre esteient
car lur char demeine bien guverneiént,
issi k'a la hautesce vendreient
1 1 10 de! ciel u les apostles esteient;
d'autre pari tant amur entre eus ouf
321 r° a ke morl départir mort ne pout;
si cum de Jérôme esl demustrez
1 1 -i i ke ces k'en amur sunl dreit liez,
(l')aliance entre eus ne (le) désir,
distance de liu ne poet partir;
iluul ceste chose mul muveit
1148 cest prodome ceo ke diseit,
seiul Edmun en sun muriant
a seinl Richard k'il ama tant
ke lungement l'ont en vérité
I 152 dedenz son quer finement enté,
dunt en poet bien aparceiver
ke mort n'en poet pas severer ;
li prodome puis k'il enveillia
1156 mul de ceste avisiun pensa,
1134. On rétablirait la mesure en corrigeant en le sunge, comme
an vers 1065.
1136. D'mustrcmce; comp. § 72.
1138. Lis. d'meinej voy. § 72.
1141. Cf. § 85.
1131-42. Vir quoque qui albis inctutus protensa manu dixit : Glu
riosi principes et cetera, et Angelica? revelationis insinuât docu-
mcntum, et hoc dat intelligi quod Sanctus uterque. Edmundus
scilicet et Richardus. proprife camis tanquam terrae principatu, et
Apostolici culminis primatu insignes extitere ; et nihilominus cari-
tatis vincxdo ita indivisibles, quod ipsa quoque mors nexum uni-
tatis inter eos rumpere non potuit. § 89.
1144. Cf. § 98.
1147. Peut-être faut-il restituer esmoveit : le préfixe es- étant
d'une prononciation si flottante a pu tomber : comp. § 72 et § 72 a.
1149. Muriant. Cette forme se trouve aussi aux vers 1511-1636.
Le mot a. trois syllabes dans Cbardri. P. P. 172. 420. Voir aussi
Godefroy.
368 VII DE SAINT RICHARD
mes l'endcinain \ inl la auvele
ke mu! ceste avisiun révèle
car la auvele tele fu
1160 ke (mestre) Richard de Wiz fu eslcu
a la veschie de Cycestre;
(e) ce] prodome, le devant di preslre
après Te Deum ke l'en chanta,
1164 sa (a)visiuri loant Deu cunta.
De un guif converti en lu feu.
A lasser ne i'et (pas) mien escient
cum en la fei esteit fervent,
cncite seinte église enoiter,
1168 e le synagôge (des guis) amenuser;
dunt des jnis fere enoitement
e dreite fei coveite ensement,
dunl un guif par li enseignié
1172 de la fei baptême ad demandé.
e grâce de baptême oui veraimenl
a Westminster u ont mut(e) genl,
e le rei meimes esteil la,
1176 lequel de ses (propres) mains baptiza,
1143-64. Quippe cum dicat Hieronymus ; quos conjuxit vineulum
caritatis, distantia loci non poses disjungi. Ad qnem intellectum
hoc quoque me provocat, quod S. Edmundus hora transi tus eui
dixit, se B. Richardum a diu sibi inviscerasse, ut merito dicantur
in morte non esse separati. Cum autem Sat'erdos, cui revelata fuerat
visio, de ipsa solicitas cogitaret. in crastino rumor increbut, ma-
gistrum Richardum de Wicio ad Episcopatum Cioestrensem assump-
tum : et cum propter hoc Te Deum laudamus, audiret de cantan :
ipse quoque ciun oeteris Deum laudans, visionem enarravit. § 89.
La rubrique est : De Judrta ad fidom converse
1167. Coveite; comp. § 69. — enoiter; comp. v. 826.
1168. Nous croyons que (des guis) n'est autre qu'une glose, à
moins que ce n© soit un© anticipation du vers suivant.
1169. Comp. § 826.
1172. Demandé, cf. § 72.
116-76. Tllud demum praetermittendum non arbitrer, quam fervens
fidei Christian» extiti pemulator, cupiens et merito ©t numéro ipsius
cultum augeri, et ad hoc totis viribus penitus elaborans. Unde sicut
Ml DE SAIN I RICH VHl) 369
c ceo sachiez solempnement
kar le rei inclines In présent,
e par gre de li fu numé
1 180 après li Henri en vérité,
dunl seinte église enoitement
de IVi recul ensample ensement,
le synagoge ou fey delelé
1184 i pureil prendre si voleit bêle
essample de turner a cristienté
puiske tant celli fu honuré.
De la predicaciun de la croiz.
Seint Richard en fey resplendisseit
1188 e en miracles ke (por li) Deu feseit;
(e) en ses feiz tuz jurs Deu siweit,
ou li de la croiz pernance porteit,
par ki ou l'apostle dire porreit,
1102 le munde a li et il al munde esteit
crucifie, si k'al deservise
pro impediendo perfidiœ Judaicœ incremento, ut prœfati sumus,
novae synagogœ non patiebatur œdificium, sic . verre fidei venientes
sacramentum Judeos réopère voluit, in Ecclesiœ matris augmentum.
IJnde e' quendam Judœum per ipsum in fiden instructum et bap-
tismi gratiam postulantem, apud Westmonasterium pressente Rege
ac procerum multitudine, propriis manibus solenniter baptizavit.
1180. Comp. §§ 72 et 100. La rubrique latine est ainsi conçue :
De sua prœdica/ione Ciucis.
1185. Cf. § 72; essample ; comp. § 72.
1177-86. Régis nomen ipso Rege favente sibi imponens, et bap-
tizatum gratanter in filium adoptans : ob hoc nimirum Ecclesia
matiis, ex novae régénérât ionis proie, augmentans gaudium; et pei-
ndre Synagogre, non parvum prrebens incentivum, acl veram fidem
se con. .rtendi.
1187. Resplendisseit; comp. § 72.
1190. Comp. § 102.
1191. Comp § 100.
1192. Epître aux Galates vi, 14. « Mihi autem absit gloriari,
nisi in cruoe Domini nostri Jesu Christi : per quem mihi mundus
erneifixus est, et ego mundo. »
1192. Comp. § 103.
370 VIE DE SAINT RICHARD
desuz la croiz ministra seinte église
ke par la croiz (e) Jhesu Ciist dreit
1196 gloriuse fin de vie prendreit;
diiiii de l'apostoile prechement
de la croiz recul (le) mandement
;i aider a la seinte terre
1200 ke fu dune en péril de guerre.
Seinl Richard dunkes cum bon cloctur,
e de la croiz (le) glorius prechur,
ne mie sul pur le mandement
1204 l'apostoile, mes pur le talent
k'aveit en la croiz glorifier
e de plaies nostre seignur prêcher;
dont l'apostle seint Pol pust crier :
1208 ja Deu me place mei déliter
fors en la croiz nostre seignur
qu'est Jhesu Crist nostre sauveur ;
pur eeo sein! Richard cumença
1194. Corap. § 103.
1195. Le scribe n'a pas compris que Jesv Crist est au génitf, je
ci ois devoir supprimer le « e ».
1200. Il s'agit de la septième croisade; l'apostoile (v. 1204) est
le pape Innocent IV.
1187-1206. Post vitam igitur mira-culorum gloria fulgidam et
mcium honestate praeclaram, qua Christum secutus Crucem suam
jugiter ferre didicerat, per quam sibi mundus ipseque- mundo fue-
rat ( rucifixus ; tandem ut sub Crucis mysterio pariter et ministerio.
in Christo et cum Cbristo vitae finem sumeret gloriosum, Crucis
prsedicationem a Sede Apastolica pro Terrse sanctœ subsidio acoe-
pit delegatam. Prbcedit ergo Crucis Christi minister et prœdicator
gluiiosus, non in Romame commissionis pegmate (d'après la note
des éditeurs des Acta, ce mot veut dire « exaltation ») sed in Cru-
( i> stigmate qurerens gloriari. § 91.
1205. Corr. ot.
1207-10. Cum Apostolo damans : Mihi autem absit gloriari nisi
in cruce Domini nostri Jesu Christi... Notre auteur ne traduit pas
les versets bibliques, Ezéchiel ix, 4, et Ps. cxviii, 14, cités dans
le texte des Acta.
1211-21. Igitur a Cicestrensi sanctuario inripiens per loca
maritima transiens, ac per Metropolitanîe Sedis diœcesim,
et civitatem, Cantuariam loquor. nostram quodammodo Jérusalem,
propter gloriosom Martyrum... Thomae. § 91.
VIE i>r SAINT l;l( Il \l;|) 371
1212 primes a < îycestre e la prêcha,
puis commença après passer
les luis ke sunl près de la mer
e par iluec l'(erc)eveske passeil
1210 jekes a (sie de) Canterbire veneit
ke esl cum a une Jherusalem le veiage
e lin de devociun de pèlerinage,
car le lin est mul seintefié
1220 par le glorius martir amé
(-fini) Thomas ke suffri martirement,
(e) nui/, d'autres cors sein/, ensement
snnl en ce] lin cum seint Ephé
1224 e autres dunt est le meuz amé.
(Innl la e par tute la marine
la seinte parole seigna divine
e de la croiz numeêment
1228 dunt firent croise meinte gent,
e des notiners la fierté
pensa mettre en humilité
e par lur pèche l'abundance
1232 e des peines la vengance,
après asaia ses auditurs
mettre en repentance par dol e plurs
e par le prechement k'il prêcha
1236 le signe de la croiz lur dona.
1217-8. Vers fautifs : Le nom de cette ville est souvent abrégé
dans les mss. Jhrln et semble avoir eu une prononciation flottante,
on le trouve tantôt avec trois, tantôt avec quatre syllabes. Dans
une traduction anglo-normande de la bible on a : En Jérusalem,
pur- garder sun paleis et aussi II esgarda, Jérusalem l'antive ; le-
çons qui sont appuyées par quatre mss. Voy. notre étude : Die ver-
sifizierte CJbersetzung der franznsischen Bibcl (Dissertation d'Hei-
delberg, 1897). Dans la vie de S. Gille.--. on a deux fois Jérusalem
avec quatre syllabes.
1223. S. Elphège. mort en 1012.
1232. Corr. de lur.
1233. Apres ; comp. § 72.
1234. Repentance, lis. pentonce,; oomp. § 72 et le vers 1487.
1222-36. Nec non Epbelgi aliorumque pretiosa pignora Sanctorum.
ferali a nautarum colla jugo Crucia studuit submittere ostensisque
372 VIE DE SAINT ltl< Il \il.
travailla le bon cullivur
i->i c/ champ Qostre seigniur,
231 v° b e par la charue de la croiz k'aveil
1240 ou le soc de lange ke joint esteit
le*- quers terriens de lui parceit,
la parole .Thesu I Irisl seigneit
e la ruseie de (la) beneiçpn
12 iî dcl ciel espandeu lu en sun;
dunl cuiii il aveit en désir,
plusurs en veil bien germir.
Les contriz conforte e nuriseil
1248 les confes out e enseigneit
e si asout les repentanz
e respunt a les conseillianz,
les desesperanz reformeit
1252 les halegres (bien) amonesteit
les pourus en sei aforceit,
a trestuz comun se feseit,
que nul [en] conter ne pureit
1256 la meste de bunte k'il aveit;
pur ceo k'a Deu tuz gainer vout
peccatorum abominationibus, pœnisque in eorum vindictam inse
quentibus, dolorem et luctum incutere satagabat auditoribus, et
sic pœnse crucem tamquam... signum ipsis salubriter impressit.
§ 91.
1237. Ms en le.
1240. Comp. § 102.
1243. Nous lisons benisson, comme encore dans Cotgrave, 1611
1246. Un mot semble manquer dans le corps du vers, omission
d'autant plus fâcheuse qu'on aurait peut-être pu relever un dérivé
de sulcus; germir paraît être rare, Godefroy n'en a relevé que
deux exemples, tous deux tirés d'auteurs anglais, et dont l'un se
trouve dans le prologue de La lumière as lais; il est à remarquer
que l'un des mss. de ce texte a remplacé germir par germiner. Cf.
Ramaraa vm, 328.
1247. Comp. § 102.
1250. Peut-être faut-il lire : respunde.it as.
1256. Le ms. semble porter kameste; nous croyons avoir donné
la bonne leçon ; nous comprenons meste dans le sens de mete :
étendue, mesure. L'->- peut être insérée. Comp. § 37.
\ll. DE SAINT RICHARD 373
pur Deu a luz se conformout.
Entrecus le dis.ime jur avanl
L2G0 ke venisl al port renumé tant
eu liu ke Dovere esl apellé
si l'u de maladie grevé;
mes ces jurnees ne lessa mie
L264 de prêcher pur la maladie,
mes chescun jur c en prêchant
e ausi en confessiuns oiant
e ausi pur ©nfanz confermer
12GS o pur ordres eus célébrer
ke près la vertu de sou cors
par travail espira il lui hors;
1271 puis a Dovere s'en est venu
1237-58. Laborat igitur in agro Domenieo cultor indeffessus, et
Crucis aratro cum vomere lingurc conjuncto terrena corda proscin-
<iit . et seniiniverbius Christi rore cœlestis benedictionis adhibito,
sulcos justitiae gaudenter vidit germinare. Quam gratanter enim eon-
tritos refovit, confidentes audit et instruit, pœnitentes absolvit,
consultantibus respondet, desperantes reformat, alacres adhortatur,
trementes roborat, denique qualiter omnibus omnia factus est, quis
sufficiet enarrare'.' Xam quia omnes Christo lucrifacere voluit, om-
nibus propter Christum se studuit conformare. § 91.
1269. Près; comp. § 72.
1260. Corr. uinst [vint, >'!/nf: se trouve déjà dans Bœve de Ham-
U ne), ou comp. § 72.
1259-70. Le texte du Bocking des Actn omet toute mention de
si maladie ; ce sera donc le texte de Capgrave que nous suivrons :
Et décima die, antequam ad illum famosum poiium, qui Dovera
dit itur. pervenisset, cœpit a-grotare. Nec tamen in agro Domenieo
laborare omisit ; sed singulis diebus praedicando confessiones audien-
do, pueros confirmando, et etiam Ordines celebrando, usque ad
exinanitionem virtitus corporis sui indesinentei laboravit (Capgrave.
§ 16).
1270. Comp. § 69.
1271-6. Les deux textes sont presque identiques ; notre auteur
semble suivre d'abord celui de Capgrave et puis, à partir du mot
dediast (1285), celui de Bocking.
Ad Doveriam igitur pervo- Rogatus quoque a magistro et
niens, in quadam domo, quœ vo- Fratribus dicti hospitalis, ut ec-
catur Hospitale-Dei. hospitavit : clesiolam quamdam cum cœme-
rogatusque a Magistro dicti bos- terio pauperum sépulture cons-
pitalis, ecclesiam quamdam cum tructam. in honore quondam
0>K
374
232 r° n
\ll Ml -\IM RICHARD
on une meisun est descendeu
ke hospital Deu esteil numé
c on colo vilo csl herbergé.
le meslre de] hostel ke la fn,
1276 e ses frères ke furent receu,
ententivement 1<' prieienl
k'une j »r l i te église qu'illuec aveient
on un cymiterie ensement
1280 fol pur ensevelir la genl
en l'onurance seinl Edmun
ke sun seigniur (ja) l'n e patrun,
l'ercevesque de Canterbire
L284 I )n ki esteil granl mestre e sire,
dediast e il haitemenl
ou joie vut lur doner asenl.
Apres a cel lin s'en alout
1288 ou granl fieblesce de cors k'il out
o solempnement la dédia,
(o) ensemblemenl ou lui prêcha,
o ceste parole avant inisl
1292 al pople o on lole manere olist :
» seigniur, je vus pri pur l'amur
» k'ensemblement ou moi nostre segnur
» benesquiez o ?i looz
129G » k'a nus de sa grâce ad donéz,
» on l'onur de li en vérité
» plein de grâce e <lo pitié
raiiH'terio paupereum sepulturse
constructam, in honore quon-
dam Domini sui. ,Beati Ed-
mundi,, patroni sui, solenniter
censecravit.
Cap'jrwf., § 17.
Domini et patroni sui B. Ed-
mundi Cantuariensis Episcopi
edicarefc : animo pariter et vultu
audenti favorem praeetitit et as-
sensuru.
A A. SS. § 92.
1275. Ms. hospital; au vois 1273 peut-être faut-il dire également
ke hostel Dell.
1286. M«. joissant.
1289. Solempnement. Cf. § 86
1294. On pourrait corriger k'ensembh ou //ici...
1295 96. Ms. loee : donée à la rime.
1298. Comp. § 99 b.
VIE DE SAINT RICHARD 375
» c noslre pastur seinl Edmun
1300 » sûmes ;i cesle dedicasiun;
» kar c'est la chose k'ay désiré
» [de]puis le lens ke esl sacré,
» e ceo lu lu/, jurs mun désir
1304 » k'avanl ceo ke dusse mûrir,
232 i" b » une église suveranz dédier
» en son onur puisse e (con)sacrer;
» (liinl de tute là meule veraiemenl
1308 » de mun quer a Deu grâces renl
» ke du désir ke m'aime ad eu
» n'esl pas enginie ne deceu.
» Mrs ores (très) chiers amis bien le soi
1312 » ke tosl après cisl jur murai,
» (luiii jeo vus pri pur Deu le festre
» ke puisse eu vu/ prières eslre. »
Apres la messe dune célébrée
1316 (sa) beneiçun a la genl donée.
a cel hoHel s'en esl aie
u avant esteil herbergé.
Icesl prodome cum (avant) dit esteit
1320 longement avant sa mort saveit,
1287-1300. Locum igitur dedicandœ basilic?? adiens, ipsam solen-
niter consecravii et dévote. Inter prredicandum au te m (nam sermo-
tien ipso die populo exhibuit) hujusmodi verba proposuit : Caris-
snni. rogo una mecum benedicite Dominum et laudate, qui nobis
do sua gratia conibulit, in honore suo Sanctique Patris Eclmundi,
pi a senti dedicationi inteiesse. AA. SS. § 92.
1307. Ce mot meole se trouve dans Marie de France. Voy.
O.odefroy x, p. 162.
1313. Festre. Voy. aux vers 619, 899.
1301-18. Hoc enim fuit quod semper, a tempore quo munus oon-
seerationis assecutus sum, optavi : hoc quod votis omnibus expe-
tivi. ut antequam diem clauderem extremum, unam saltem basilicam
in honore ipsius possim conseerare. Unde et totis medullis cordis
mei Deo gratia -5 refeio, cjui animas me;e desiderio me non defrauda-
vit Et nui!" caiissimi, scio quia velox est depositio tabernaculi
mei, quam vestraruin orationum suftragiis peto communiri. Missa
itaque cum débita celebritate finita, et sacra benedictione firmata
p'ebe, Pontife < ad supradictum hospitale revertitur. AA. SS. § 92.
1317. Mb. hospital.
376 VIE DE SAINT RICHARD
cum par divers tens (avant) le diseit
cuni Id.-l vus serrai demustrez
1324 si cum en cest escrit oiez
Un mois avant k'amaladist
une noble dame k'en Deu amail
especiale en l)eu mut il esleit
1320 entur salu mut travaillieit;
puis quant de li parti csteit
son chapelein k'especial aveit,
prive[e]ment a sei appella
1332 ke puis après mut travailla,
e son canonizement après
purchacea a grant joie ades;
e ces paroles a li diseit,
1330 cum oïr poez orcndreit :
« sachez le voir en bone fei
» en ceste vie plus ne verai. »
232 v° a estre ceo cum le chapelein avantdit
13i0 de l'evesque cungé requit
ke pust sa église \ isiter
en quareme e la sujurner;
l'evesque respunt : ne le frez mie,
1344 de mei ne départez vus mie,
kar sachez k'en bref lenz verrez
ke pur Iule sclesie ne vuderez
1322. Il n'est nullement certain qu'un vers ait été omis; notre
autrui a souvent plus de deux vers rimes sur la même voyelle.
Voyez l'introduction et aux vers 985, 1387.
1325. Un nouveau chapitre commençait probablement ici; voy.
à l'introduction.
1327. Faut-il corriger il en li? comp. le v. 1410.
1326. Le ms. porte amait : faut il corriger datie.it et supposer qu'il
manque deux vers, dont l'un aurait ist à la rime et l'autre -eit?
Nous avons déjà vu enticeit en rime avec- prcif, 519-20.
1325-34. Voyez la note.
1319 38. Rien dans les deux textes latin ne correspond à ces vers.
1339. Vers trop long; comp § 102.
1346. Sclesie, telle est la leçon du ms. ; le mot ne nous est pas
connu d'ailleurs ; nous nous demandons s'il représente une pronon-
ciation clerquoise. du latin ecclesia.
Vil !H SAINT RICHARD 377
ko fuissez do mei départi :
1348 car le prodome la mort senti
e ces amis voul aver près do li.
e soûl ke la deite rendercit
de nature e ke tosl passerait,
e prière e présence voul aver
]'.u)^ de ses amis quant deusl aler,
(c) k'en lur quer de mieuz tu/, jurs eusenl
(c) sa beneicun ou lut récusent.
Le dimeine ke L'endemain esleit
1356 ke l'église devanl dite dedieit,
lui fui travaillie de maladie,
pur ceo lesser ne [ceo] voul mie
ke le malin ne s'en levast,
1360 e al oralorîe no s'en alasl
e puis quant [i] entré esteit
si meimes a chanter comenceit,
mes quant estut d'oïr sa messe,
KiCï de sa maladie fu en tant de destresce,
(e) ces membres commencèrent a fieblir
ke ne pout mie sustenir,
1339-47. Ecce autem anus de sibi familiariter caria accedens ad
eiim. ante scilioet quam œgrofcare cœpisset, visitandi quamdam
e< i li siarri sibi commissam lioentiam petivit. Pontifex autem petenti
non acquiescens, respondit : Si mme recedis videbis horam. ante-
quam pevertaris, qua fcota ecclesia nolles a me separari. AA. SS.
§ 93. (Ce paragraphe est entre crochets dans le texte des Acta.)
1349. Vers trop long. Ce vers est peut-être une glose.
1349. Comp § 100.
1357. Scansion ; voir § 59.
1348-62. Jam quidem prsesensit horam instare, qua nebitum ma-
(mrse persolvens ex hoc mundo fuerat migraturus : in qua nimirurn
sibi caros adesse voluit, exitum suum eorum prece pariter et prse-
sentia felicius sperans consummare : dicturusque vale ultimum.
su:' înemoriam eorum cordibus fortius voluit infigi et ipsos paterna
benedictione potiri. Feria igitur secunda, in crastino scilicet il lins
D< minicœ qua prsedictam basilicam dedicaverat, licet jam febrici-
tare cœpisset. hora tamen surgendi nesciens se tricare.mane oratorium
mgressus, psallere cœpit. § 93.
1364. On pourrait corriger de son mal- fu en tant.
1365. Voy. § 67.
378 VII. DE SAINT RICHARD
mes (dreil) eum en paumeisun esteit
1368 sur le dur pavemenl i ueil;
les suens [ajdonkes le levèrent
e a -"ii lil le ramenèrent,
e iluec[ques] -'en est cucfaé.
137? e lantost si ad apelré
-ire Williame sun chapelein
ke tant aveil en quer prescein,
humble(ment) e curteisemenl diseit
1376 k'eschaper de ce! mal ne purreit
e commanda ke cointement
apparaillast a son enterrement
trestut cco ke mester fi] fusl
1380 issi ke sa mené nel sont;
kar ben sou! se il le s[e]ussent,
ke trop dolenz e mari fussent ;
i ajusta e dit aussi :
L384 « sache/, le, 1res duz beaus ami,
» k'avant la mort kc me vendra,
» ma parole une partie (de)faudra,
» mes nekedenl ma memone e sen autant
13S8 » axerai eum oi sel anz devant,
» e par le num noslre sire Deu verrai
1373. Comp. § 77.
1378. Voir § 70.
1375. Comp. § 57.
1376. Corr. de/.
1378. Comp. § 70.
1380. Sout est peut être une simple erreur pour t-ou.sl ; comp. Le
ver-5 suivant, sevssent.
1363-82. Dum autem ad Missam audiendam stetisset, et morbo
ingravescente membra imbecilla sustentare non valeret. quasi syn-
cepen passus pavimento prosternitur. Suorum igitur manibus su-
blevatus, ad leetum reducitur ibidemque reclinatnr. Cuiaam deinde
V. illelmo, Capellano suo, eo valde familiari, dixit, quod ab illa
infiimitate evadere non pot ni t : jussitque eum funeri necessaria
CcMïfce preparare, ne familia sua percipiens turbaretur. (Capgrave,
§<S H, 18.)
Dans le texte de Bocking, il n'est question ni de la Messe ni du
chapelain Guillaume.
1387. On rétablirait la mesure en supprimant nekedent.
Ml Dl SAINT IiK H\I(D :î7(.l
)> dekes a ma fin bien averrai »;
l'evesque derechief plus penseit
1392 de salu de l'ame ke ne feseit
d santé de cors, nies nekedenl
asez i) oui fisiciens ensemenl
ke s'enlremirenl a lur poer
1390 la maladie (de) son cors osier
ki la qualité de] malade esperimenterent
o signes e urines de li jugèrent;
devant h unes (il) lur dit : sachez,
1400 ne covint (pas) ke vos travailliez
de nia urine pur jugement,
kar (la) morl en portes sachez m'aient;
par kel jugement m'en irai,
233 r" .i e ceo tabernacle voiderai,
1 105 r l'esprit s'en départira.
e a(ce)li ke le doua (-Vu) ira.
quant le prodome sire Symun
1408 k'' d»' Terreinges porta le niim,
le lit al malade apresceit,
car mut especial a li esteil,
(tant) cum de sa maladie treterent
1412 e trestuz entur en parlèrent,
li <li"-eil ces mots, sire Symun :
« sire ore est (le) tens de la passiun,
1383 90. Le contenu de ces vers manque dans les textes latins,
au lieu de quoi, il y est question d'une dernière confession géné-
îaio.
1391-98. Anim;e quippe saluti potius quam corporis considère
gestions (Sacramentorum medkamenta salutaria principaliter adhi-
bere curavit). § 93. Affufirunt tamen nihilominus et medici corpo-
rales, diligenti suorum industria accersiti : cumque de morbi qua-
lît-ate, consideratis aegrotantis symptomatibus, urina? nihilominus
hypostasi et colore, coram ipso judicarent. § 94.
1397-8. Le texte est visiblement corrompu, ces d'eux vers repré-
sentent une fusion de trois ou peut-être de quatre vers.
1399. Le sens est obscur et il est peu probable que nous avons
donné la bonne leçon. Le ms. porte nies, le scribe aurait écrit une
barre en moins ; comp. Godefroy sous mège.
1404. Comp. § 100.
380 VIE DE SAIN! RICHARD
» c pur ceo ke parteners estes ou li.
1416 » si serrez par sa grâce en joie ausi. »
desqueus paroles le scint en hel
est reformé e lui refet,
si ke i »o l dire ceo k'esl escril :
1420 « hetie sui de ceo ke m'est dit,
» ke amunte, tanl I >i< n le savum,
n en la meisun nostre seignur irrum »:
e turne le chief e a li parleit
1424 e reste parole dune li diseil :
« la quinte ferie lut a pleisir,
» a une grant feste sui a venir. »
Sir Symun pas bien n'entendi
1428 les paroles ke parla a li,
car l'espire enfeibli aveil
(e) pur ceo mut fieblement parleit:
dunt sire Symun rien ne dit,
1432 mes (si) tule rien ne respundit;
a ki l'evesque après (li) diseil:
« n'attendez vos pas orendreit
1399 1416. Ait Sanctus : Non oportet jam de urinse meae judi
cio fore solicites, mors enim jam in januis existit : eu jus judicio
n nstat mo cito hujus corporis tabernaculum egressnrnm. et spi-
ritum dirigi ad eura qui dédit illum. um autem ille vir vita? vouera -
bilis, Domnus Simon de Teringe.ad lectum aegratautis ausu familiari
propinquius accedsret. et de morbi gravedine verbà contexerent ;
Donrinus Simon subintulit. Domine, inquit, jam instant Dominicse
Passionie tempora : et quia tribulationis particeps estis, eritis
ipso largiente et consolationis § 94.
1416. On pourrait corriger serrez par grâce...
1421. Peut-être faut-il lire ke [ = kar) amunt (comp. Psaumes
cyxn, 1).
1425. Quinte : comp. le texte latin et aussi 1435.
1429. M s. les esperiz.
1431. Voy. § 77 et la note.
1417-32. Ex quibus verbis Sanctus factus est hilarior, tamquam
in seipsium transformans illud Psalmitse, Lsetatue siini in bis quœ
dicta sunt mihi, in domum Domini ibimus. Et convertens caput
ad secura loquentem, dixit, Feria sexta in magno festo futurus sum.
Ei quoniam attenuato spiritu verba sua jam quasi sibilus aura
tennis effexta sunt. Dominus Simon, prima verba non intelligens,
conticuit. § 94.
\ i! m SAINT RU il \i;i> 381
» là quarte ferie, hui cesl jur n'en esl ? »
1 136 sire Symun respunl : « sire si est. »
« ne mie la quinte ferie (fit il) demein,
» lin'-- en celé ke est a venir prochein,
» dunkes a < • t - 1 * » grant feste serrai
1 140 » c a grant joie le userai. »
après aparceu bien esteit
le jur il»' sa mort ceo k'en diseit.
un jur quant [mut] pire esteit
1 i ii pur fieblesce del cors ke il aveit,
ke acune chose supereit,
e un (li) ilil ke un mes en avereil
en sa cène trestut sulement
1 148 e li dit : « en mangez leement ».
E l'evesque puis (li) respundit :
« un sul mes a super (bien) suffit »:
cl dit ou lut tantost a li :
1452 « savez bien quel mes est celli ?
» c'est le nies dunt scint Phelipe dist,
» (sire), niustre nus le père e nos suffit ;
» icel nies Deu me voillie cloner,
I 156 » dunt en ciel en puisse super » ;
kar [ja] trestute sa pensée
a Deu aler ont aturnée ;
kar le travail Marthe oui (tut) lessée
1460 e un sul fièrement désirée
ke Marie sulement desireit
1447. Comp. § 100.
1433-48. Tura Episcopus, Nonne bene me intelligis? nonne hodie
est quarta feria? Cui ille, Imo, Domine. Et Sanctus, Non. inquit.
) i s ; proxima quinta feria ; sed in proxima sequente magno illo per-
fruar. Quod ex mortis sua? die et hora postmodum fidem faoere
videbatur eveutus. § 94.
Cum autem prae nimia oorporis debilitate in cœna aliquid sumere
lui-. e4 diceret quispiam, Domine, unicum solum ferculum
habebitis in cœna, comedatis libenter ;
14-57. Le texte latin suggère la correction proposée.
1459-60. Pour ces participes, voir § 50.
382 VIE DE sain i i;m 11 V.RD
ke lui'' la meillurc chose esteit.
L'ymage dunkes de la nui/,
1464 laquelle lisl porter devanl -es oiz
ke les ymages des plaies put veer
dévotement le liu beiser,
lesicfueus Lreita mut ducement
1 168 e ces paroles disl ensemenl :
« Grâces renl vos Jhesu Crist e grez
233 \° a » de luz les biens l<e Ici m'avez,
x pur peines e hunte ke lui apert
1 172 » (k')avez pur mes péchez sulïcrt;
» dunt de ceste pleinte de vos fu veraie,
» ne pas dolur cum est la nieie,
» e vos(lrc), sire, 1res bien conissez,
1476 » si vus plcst k'ai est(r)é apreslez,
» îaorl c turmenz pur mis suffrir,
» si il vus venist sire a pleisir;
» e si cum savez que vérité est,
1480 » de mei eiez merci si vus plest,
1449-62. Respondit, sufficit, et iinum sufïioere débet in cœna :
et adjunxit. Seitis quod est illud'.' Hoe est illud, de quo B. Philip-
pus dixit ad Christum, Domine, ostende nobis Patrem et sufficit
nul ii:; : et illud ferculum clet ille mihi Dominus in meam cœnam.
Jam quippe mentis directione pergeret cœpi in Ueum. ac piœgus-
tando videie quam suavis et Dominus : Marthœque solicitudine chea
plu rima sequestrata. illus unum ferventer esuiiit, quod Maria prœ
ceteris eligens veritatis judicio necessarium prœdicatur. § 95.
1464. Voy. § 72.
1467. Voy. la note.
1476. § 100.
1463 81.Amplexatus que imaginem Crucifixi.quam sibi afferri aevote
f.ostulaveiat ; loca vulnemm pise devotionis osculis. ac si recentet
morientem Salvatcxrem videret. cœpit dulciter demukere. in haec
veiba dicens : Châtias tibi ago, Domine Jesu Cbiiste, de omnibue
benefieiis qua? mihi prsestitisti, pro pœnis et opprobiie quse pro
me pertulisti, propter qure planctus ille lamentabilis tibi vere c<>m-
ptlrb.tt. Non est dolor similis sicut dolor meus. Et tu nosti. Do-
mine, quod si tibi placeret omnia opprobria et tormenta atque
mortem pro te paiatus essem sustinere : et sicut tu scis hoc veium
esse, miserere mei quia tibi commendo anima m meain. Capgrave,
§ 18.
1479. Voy. la note.
1480. Comp. § 100.
\ h hl SAINT liK H Mil) 383
» kar m'aime vos bai] orendreil ».
:i cens ke i esturent si diseil :
« ceste caruine puante prenez,
1484 « e eu la terre desuth la mestez. »
les membres ke par nature aveit
bêles k'e[n] vie turmenteit,
par penance d'austérité
1 iSS en la mort despil par humilité,
(e) celé voiz del sauter suvent dit :
« en les mains sire, bail mun esperit »;
e a gloriuse dame veraiement,
1492 eu quer e en voiz dist ensement :
Maria mater graliœ,
Mater misericordiœ,
Tu nos ab hoste protège,
Et hora mortis suscipe.
e a ses chapeleins coniaiuleil
ke chescun eu 1 oreille li deil
e ceo tant cum il lu si en \ ic
1496 de dire ceo ne ccssasscn! mie;
entre sa seinlc devociun,
e les (scintes) paroles de s'oreisun,
u frères e preslres en présent
1500 e clers e lais firent ensement,
223 \° b père seint Richard s'aime rendist
;i sun creatur que ele fis!;
c des auz cinkante sis aveil
1184. Comp. § 72.
1489. Psaumes xxxi, 5.
1482-92. Et eircumstantibus ait : Cadaver istud putiidum deorsum
i>i berram deponite. Membra nimirum corporis, quœ dono naturse ha-
buit elegantia, sicut noverat subjugare, ea vivens affligendo per
pœnitentiae austeritatem ; sic moriens quoque contemnere noverat
per humilitatem. Illam autem Psalmist?c vocem, qua dicit, In ma-
lins tuas. Domine, commendo spiiitum meum. frequentius iterans
et ad gloriosam Virginem vicissim oorde simul et oie se convertens
ait : Maria mater, etc. § 96.
1493-1508. Et prseœpit Capellanis suis quod illa verba in auri-
bus dicere non cessarent. Inter suspiria igitur pise devotionis atque
384 VIE Dl SAINT RH HARD
1504 quanl il de ces! munde passeit,
e le novirae an ke esteit sacré
s en esl au ciel ;i I leu aie :
le liers kalende d'averil esteit
1508 en ciel a la feste s'en aleit.
Des merveiîlies k'avindrent a l'hure
/."c sein! Richard murul.
Ni ne fel pas a ublier
des miracles k'avindrent de ounter,
quant en ,r>;uii] muriant esteit,
1512 en celé hure de mort ke passeit,
kar en la («lavant) dite meisun aveit
un (frère) religius ke prestre esteit
que mut désira
1 r> 1 G de ver cornent l'aime passa,
[que] quant de] cors deveit passer
(que) pust la manere ver e saver.
avint celé nuit quant il murreit
1520 ke cest prodome en (sun) lit dormeit,
en [sun] dormant [is]si sungeit
ke dehors en la curt esteit,
e aparut le jur resplendissant
1524 plus ke n' esteit nul jur avant,
verba sacrae orationis, adstantibus Presbyteris ac Olericis pariter
el laicis fidelibus, beatus Pater Richaxdus animam.... reddidit
Creatori. Transiit autem ex lioc mundo, aetatis suas anno circiter
quinquagesimo sexto. Pontificatus autem anno nono, tertio Nonas
Aprilis... § 96.
Ce chapitre ne se trouve ni dans le Bocking des Acta, ni dans la
version de Oapgrave. Il paraît que le scribe du ms. dont se sont
servis les Rollandistes l'a tout simplement omis. Dans la liste des
rubriques, citée pp. 284-85 des Acta, et que notre auteur traduit
tx ujours textuellement .on lit : « Desunt tituli numeri » xlvit,
\i.viii. Ce chapitre a dû être ce dernier. Les vers de ce chapitre
sont si incorrecte que nous doutons de son authenticité.
1511. Muriant; comp. 1149.
1515. Le ms. semble porter < nevs, faut-il lire p[tj]u{m.s?
1521. Pour la correction, comp. Gaimar, 195.
1523. On rétablirait la mesure en corrigeant lusant.
VIE l>i; SAIN! RU 11 Mil) 385
plus k'a nul tens unkes veu n'aveil;
(e ausi) li lu ke chescun arbre esteit
rie bries flurs trestut repleniz,
1528 c curt e meisuns e curtiz
furent estramé tut entur
de diverse manere de llur;
1531 e granl multitude de geut
r° a en la cuit agarda ensemenl;
e sur la chambre u le scinl giseit
enfanz de blanc vestuz gardeit;
le prodome mut se merveillieit
153G ke (le) tous de flurs lores pas n'esteit,
e de la multitude ausi feseil
des prodomes e (des) enfanz k'il veit.
Estes vos que vint une huslheit,
îrViO lus de la chambre la u giseit,
e li dist Lantost [ke] venist
ver del seint passer le sperit;
il tantost u ceo enveillia
1544 (e) hastivement ou autrefs] (frères) ala;
en la chambre del seint est entré
c truva Talme del cors severé;
(e) il dune (de) la visiun purpensa
IMS devant dite e espunt e devisa
ke la multitude de bers (e enfanz) que vit
la mené fu de Jhesu Crist,
laquele vint ou très grant clarté
1552 ensamblement ou diversité
des flurs illukes esteient cuilli
a recevre la seinte aime de li.
Un autre merveillie avint ausi
1529. Ms. estrainè, graphie qui est connue d'ailleurs ; Jhmi. xv, p.
303. vers 328.
lf'39. Huslheit: telle est la leçon du ms. Ce mot et Vus du vers
suivant et le sens du passage sont obscurs ; comp. la note.
1539. Vint pourrait être vi(n)t, comme au vers 1069.
1545. Vers trop long. § 102.
1548. Briement la matère espondre 'I deviser, Roman ae B-erte,
cité par Raynouard. iv, 612 (22) ; comp. § 72.
386 VII DE SAINT RICHARD
]~)7)G c en même l'ure ke il départi,
kar pechurs celé nuit ne sai quant
c autres de] port de Witsant
ke en la mer la nuil \ eillierent
1560 e le port de celé mer gardèrent,
ke meimes la nuit quanque la lurent
une flamme \ irenl e aparcurent,
ke 1res clerc resplendisseit,
1564 ke de la meisun (avant) dite munteit
vers le ciel sus al Grmament,
ke trestuz virent apertement,
les muntaines environ ensement:
dunl en pleniant e weimentant
1568 entre eus alerent juganl
de celé meisun dunl la flamme munteit
e mut de la vile alumée esteit.
L'endenaein a ce] port veneit
1572 le noble ke le jufnc nomé csleit
Williame de lunge espée a ki demandeient,
(l)a sa gent ausi le feseient,
de celé l'Iame u arsun k'aveient veu
1576 kar a Dovere aveit celé nuit geu,
si rien en dissent u virent
e il diseienl que riens ne oïrent;
le- autres quant ceo afermeienl
1580 ke la flamme virent e le diseienl.
le noble Williame se convertit
a sa gent demeine h lur dit :
« Sache, ke jeo le ère e nfi
1584 » que l'aime de] cors est départi
» saint Richard (mun seignur) ke en ciel esteit,
» s'aime portée par la flamme dreit;
» ceo n'est pas mut a merveillier,
1549. Comp. § 104.
1557. M s 'prêcheurs.
1558. Witsnnd (9) (Pas-de-Calais); comp. Roland. 1429.
1562. Comp. § ICO.
1569, 1570, 1572, 1573. 1575. 1575; comp. § 103.
VIE Dl SAINT RICHARD 387
1588 » mes ke Deus eusl bien Le! poer
» ke l'aime par la flamme (de fu) portasl
» c en joie de! ciel I aluast,
» ke par une columpne de lu amena
1592 » Sun puple quant en Egypte ala. »
De sun corps ke fu porté <i Cycestre
cl la enterrée
Puisque le seint cors Richard dreit
a laver e (a) ve&tir (porté) esteit,
e lu sa char trestute une.
1596 ko <!o heyre e huiberc corrumpue,
e par divers nuz (ke) fu penée,
dunl plein <lc vissiez fu truvee
de tant de blandisur resplendiseit,
1000 cum home fut d'un cors relevé droit
cum a la resurreciun serrunt truvé
après ceo ke serrunt glorifié;
e esteit entre la blanchisur
1604 de sa char purpine eolur
ke fu do peines ke suffert aveit,
kant en cesl siècle avant esteit;
culur de rose, culur de lis
1608 mêle resembla, oeo lur fu avis,
La rubrique latine est ainsi conçue : Qund corpus ejus delatum est
Cyee.stria et sepultum ibidem.
1594. Le texte latin n'autorise pas porté lequel paraît être pris à
1 1 rubrique.
1598. Ms. ju turnee.
lf-93. Corr. resplendissait en luiseit.
1601. Vers trop long.
L593-1606. Cum... corpus Ricardi ad tavandum et Pontificalibus...
induendum esset nudatum ; caro. qua? cilicii asperitate exarata.
qua> loriese pondère prsegravata, et cingulorum diversorum nodosa
poenalitate fuerat uloerata : tanti candoris nitore resplenduit, ut
quoddam fufcurse ressurectionnis insigne etiam mortua videretur
praoferre ; eratque videre lilium candoris inter spinas livoris : et.
dum pœnse stigmata, quse vivendo pertulit, colore purpureo crucis
alborem distinguèrent. § 97.
1608. Comp. § 102.
388 VII. Dl SAINT RI( 1IAUI)
dunl seinte église put chanter île li
blanc est e vermeil mun ami,
kar aperl signe asez aveit
1612 seinl Richard ke ou les seinz esteit.
Pur ceo ke ^un (seinl) cors deveit cstre
i nceveli e amené a Cycestre,
si cum avant le deviseit,
1616 ke bien grant chemin d'iluec esteit,
ou purveance d'home ne (pas) sulemenl
mes ou purveance Deu ensement,
puis ke les entrailes leles aveit
1620 k'unkes as povres clore ne soleit.
ses enlrailes quant mort esteit
k'a povres donez fussent voleit;
(huit les entrailes (de) sun cors doua
1624 a l'église ke devant dédia
en l'onurance seint Edmun dreil
ke sun seignur jadis esteit
que sépulture des povres dédia
1628 e vout ke fussent enseveli la;
(si) cum lurent honorablement
cum a prodome e a evesque apent,
dunt meint home pas ne s'aperceveit
1032 cum amenablement ceo fet esteit
en remenbrance seint Edmun dreit
1610. Canttqm des Cantiques, v. 10 : « Mon bien-aimé est blanc
et vciniêil ».
1607-12. Rosse speciem, liliis admitxtae, representare videbantur.
Sic perdileetus ille candidus et rubicundus... de quorum numéro
B. Ricardum fore censensum praefati notitia decc-ris voluit decla
rare. § 97.
1614. Cf. § 72, § 89 et § 102.
1620. Ms. close, voleit; oomp. le texte latin: corr. k'unk'as...
1613-22. Cum vero corpus suum aj-ud Gyceetriam, in ecclesia sua
cathodrali, ante obitus sui diem sepeliendum delegaverat, quœ in
loco sua? migrationis non modici itinerie intervalle distabat, non
tam humana quam divina actum aastimo providentia, ul qui num-
quam sua' viscera misericortliae indigentibus claudere oonsuevifc,
mortuus quoque etiam corporie sui viscera pauperibua largiretur.
1630. Vers trop Long] cum a prou et evesque api ut.
VIF, DE SAINT RICH VRD 389
ses entrailes en ce] lin retendreit,
ke par bûche e par cscrit
1636 en murianl tel chose dit.
l'ui^ quant le cors tu ateillé
c d'urnemenz d'evesque aparaillié
e dignement en sun fierté posé.
IC'iO on lequel esteil d'iluec porté,
de tule parz i acurrerenl gent,
des homes el de femmes ensement;
desqueus chescun se tinl bonuré
1644 k'en peust rien de li aver tuché
u de Qerle n de vestement
u quele chose que fust ensement,
luil tindrent ke seintefie esteient
1648 de ceo que li tucher poeient.
Le cors vers Cycestre porte esteil,
endementres ke l'en le porteit
par viles e églises ensement
1652 on siinez k il ot solempnement,
1634. Corr. illuec pour en cel liu.
1635. Comp. § 99 6.
1636. Muriant. Cf. 1149. 1511.
1623-36. Unde et viscera ejusdem a corpore separata, in basili-
ca quam ad pauperum sepulturam in honore S. Édmundi Confes-
sons, quondam Domini sui, paulo ante dedicaverat venerabiliter
recondita. Quod quidem quam convenienter actum sit, quis non
autumafc? ut ipsius viscera B. Edmundi memoria contineret, quem
sil>i invisoerasse verbis pariter et scripto ultimse voluntatis fuerat
attestatus. § 98.
1639. On écrit généralement fiertre; comp. Note,
1640. Corr. fu.
1644. Comp. § 72.
1646. Comp. § 86.
1637-48. Corpore autem aptato, et schemate Pontifice digno in
feretro collocato, fit undique concursus populi ; ad ta m venerahiles
exequias eatervatim convenitur, felicem se quisque reputat, si vel
feietrum fcangat vel vestimentorum sanctorum fimbriam contectet...
quae contacta sancti corporis sanctificata reputabant. § 98.
1649. Comp. § 102.
1650. Corr. dementres; comp § 72.
1651. Comp. § 100.
26
390 vil; de saint richard
la rmvni gant, les uns chantant
les autres mul tendrement plorant
ke de (ici prelast ciim ouï esté
L656 se vciriii lores estre despuillié;
benuré se lindrent u demura
une nutée quanl l'en le porta.
quanl a la cité dcl sié vcncit
1660 u l'onur c dignete aveit,
235 r° a lui i acurenl pleinemenl
par rues e vendes ensemenl
de povere ne de riche n'ol déférence,
1664 nul n'aporla autre révérence;
les riches le pleinenl en un endreit
des granz honurs ke (suvent) lur fe&eil
dunt pleinemenl aveienl failli
1008 quanl issi d'eus esteit départi;
e les povres le plurent ensement
])ur défaut de lur sustenement
k' avant aveient de li suvent
1G72 ke lores perdirent apertement.
Aies les uns e (les) autres neporquant
reconfortez sun-1 par itant
ke ciel plus puissant ICI esteit
1676 diinl suvenir d'eus en bien purreit.
1649-54. Defertur itaque corpus versus Cicestriam : et dum per
monasteria,e cclesias seu villas et municipia deportatur, pulsatis cam-
panis oecurunt solenniter psallentes pariter et plorantes. § 99.
1656 et 1657. D&spuillié et demura; comp. § 72.
1659. Faut-il prononcer v'neit.
1663. Déférence. Cf. § 72.
1668. Corr. fu ou comp. § 72.
1670. Dans le § 74 du texte des Acta, il est question d'un mi-
r;icle : fabas pauperibus distibuendas multiplient.
1653-70. Quia etsi tanti pastoiïs se vident prsesentia corporali
destitutos, patrocinio tamen et interventu in cœlestibus &e sperant
l>i(.tegendos, beatos quoque se reputant apud quos tantus thésaurus
v-jI peruniuis noctis spatium contigit reservari. Cum ergo ad civi-
tatem. sua? Sedis honore decoratam, pervenissent : accurunt oerbatim
do vicis et plateis simul in unum dives et pauper ; et dives quidem
de honorificentiœ tiulo, pauper vero de eleemosynœ cumulo. in
prsesenti sublato, flebiliter conqueruntur.
VIE DE SAINT RICHARD 391
le cors en L'église esteil porté
ou cliant e plurs entremêlé,
e en lur chanl mêle ou plur
1680 dur père firent deu honur;
tant cum furent envirunez
de dolur e de ceo mut grevez
e par en travail faillit lur chant
1684 pur ceo chantèrent sanglutant,
le chant de russinol e suspire esteit
de la turturele mêle tut dreit.
oesl sein) cors enseveli esteit
10SS devant l'auter ko dedieit
en sa vie par devociun
en le honurance seint Edmun,
en umble lin si cuin voleit
1002 (ke) ver h1 north en L'église esteit,
on grand miracle u merveille ront
sicum le livere après respunt;
en l'onur(ance) Deu omnipotent
1090 ke vit. e règne sanz finement. Amen.
Ici finist le primer livere et comence
le prologue del secund livre.
1677. Corr. /;/.
1685. Le traducteur l'emporte sur le poète.
1671-86. Utrosi|ue tamen refovet et consolatur, quod in eœlo
quam in terra potentior effectus. utrisque poterit competenti bene-
ficio subvenire. § 99. Delato igitur in ecclesiam Pontificis corpore.
eerneres musicam in luctu non importune misceri : et dum cantando
modulatius tantôt Patri déferre cupiunt devoti filiii debitum honoris
obsequium, orbitatis dolore cogente, cantique singultu interruputi,
modulamina plnlomela? et turturis suspiria conjunguntur.
1693. Ront; comp. § 63.
1694. Comp. introduction.
1689-96. Corpus autem ejus venerabile in ipsa ecclesia, coram
altari B. Edmundi Confessons, quod ipsemet ibidem ad Aquilona-
rem ecclesiœ partem erexerat, in humili loco sepultum est • ubi magna
et miranda ad Dei laudem fiunt miracula, quae sequentis libelli
pagina, Christo largiente, declarabit : ipso prœstante, qui cum
Pâtre et Spiiitu sancto vivit Deus. per omnia secula seculorum.
Amen. § 100.
392 VIE DE SAINT RICHARD
NOTES
131. aube*: La copie originale portait vraisemblable-
ment autri que le scribe aurait changé en les autres.
17.'i-r>. Nous comprenons : « Richard, encore mineur,
s'était mis à se conformer à la (nouvelle) bénédiction et
croissait en grâce » (comp. S. Luc II. 52). Par bénédic-
tion nous comprenons la grâce qui lui avait été donnée
de -!• préparer pour son saint office.
223. Apareillier : ce verbe est généralement suivi d'une
préposition avant l'infinitif, niais la préposition peut man-
quer, yoy. Godefroy smis aparailliér.
-70-2. On peut transposer le que du vers 272 et le pla-
cer au commencement du ",'7<>.
"J77. del se rapporte à rapella, il aurait fallu ajouter
qu'il ni alasi (comp. v. 192).
305. Les mots (pie les scribes insèrent volontiers sont :
et, car. (pie, les pronoms, etc., on est autorisé donc à
supprimer car \eet.
31."). Nous prenons atente comme un verbe, quoique
nous n'en connaissions pas d'expemple avec le complé-
ment de : ce n'est peut-être pas trop hardi, vu que le
verbe tenter se construit avec de.
330. duhe paraît avoir élé pris au vers 332.
337. Jhesu (Crist) est vraisemblablement mie glose in-
troduite dans le corps du vers.
355-8. Les quatre vers sont probablement une addition
du copiste.
'ilS. très l>eu : On pourrait supprimer très beu, mais vu
la fidélité de lu traduction ihmis préférons garder ces mots
et de scander comme nous l'avons proposé au paragra-
phe 100.
181. Comme au vers 1685, la traduction est exacte,
mais le vers est fautif : nous ne savons quelle correction
proposer.
635-60. La bulle de canonisation du Pape Urbain IV of-
fre un texte qui correspond assez à ces vers : « Cumque
datam illi a Domino gratiam pleniorem exolveret familia-
VIE DE SAINT RICHARD 393
ris experientia, quam vulgaris fama promrserat; circa to-
tius Vrchiepiscopatus administra tionem ipsius ministerio
utebalur; ipsum suam dexteram repulabat, liduni sui pec-
lus consilii, fidelem ministrum justitiae, ac eruditam lin-
g'iiam fructuosœ doctrinae. lu lus autera el aliis inferio-
ribus administrationibus suœ curae commissis, veri Dei
divina ipsum prosequente gratia, taliter niinislravit, quod
in veracitate sermonis, censura justitiae, mansuetudinis le-
nitate, humilitatis cultu, omnibus se amabilem exhibuit,
omnibus utilem; pauperes auxilio, divites consilio refo-
vendo ; in his qua>i slc^lla matutina resplendens, suis cres-
cenlibus meritis in plenœ lunae claritatem excrevit. »
695. aneme : ce mot n'est pas très lisible dans le nis.,
la locution mous d'aneme traduit assez bien angustias.
721. Le récit de Capgrave omet le mol sanctus ou Dea-
ius, il esl donc permissible de supprimer seint ici.
817-32. Ce passage esl 1res obscur el malheureusement
le texte latin manque. Richard esl envisagé d'abord comme
prêtre officiant, puis comme prophète, el il esl comparé
;i Moïse. Nous entendons : le fiz ou père en offrisi (v. 818)
-desservir la messe ; par ht parole Deu l'oie (v. 822)
= en entendant la parole de heu (la syntaxe esl curieuse;
[oie: vie dan- le Brandan] enoitément (v. 826) = aecroisse-
nn'iil (an vers 1167 enoiter esl opposé à amenuser) : avi-
ser (v. 832) ^regarder. .Nous traduisons le passage « Puis
il se lil ordonner prêtre pour qu'il pût faire le sacrifice du
Fils au Père au nom du peuple. Avec le vin il goûta plei-
nement la sainte doctrine et la face de l'homme de Dieu
l'ut ointe avec l'huile de la Loi. Par la parole de Dieu
qu'il avait entendue, par le pain du ciel dont il avait
goûté, par le breuvage des aimes qu'il avait bu et par
l'accrois&emenl de grâce en lui, la charité croissait el se
répandait de plus en plus en son cœur, de sorte qu'il put
monter plus aisément sur la montagne de lumière divine
pour regarder l'Omnipotent. »
1121-2. 11 nous semble que le scribe a écrit signefieit par
erreur pour signieit, el (pie notre auteur se rappelle* le
verset <\r>. Psaumes : signalum est super nos lumen vul-
lus lui (Ps. iv, 0). (Je passage est traduit dans le Psau-
394 VII. DE SAJJM RI< Il Mil)
lier d'Oxford : Seignel est sur mis la lumière del tuen
ruli el encore : I liens, la lumière de ton vis
Ksi signiee a les amis (Lib. Psal. Michel).
La Iraduclion des Quatre livres des Rois ;i l'expression
E li feus leri luchiez... pour traduire : Hazael ait : Civita-
Ics connu igné succendes (i\- Reg. vm, IV).
1328-36. L'explication du texte français esl rendue plus
difficile par le manque de deux vers après amaladist. Il
s'agit fie démontrer que sainl Richard avait, par plusieurs
fois, prédil sa mort. Nous supposons mie noire auteur
veul «lin1 que Richard s'était beaucoup occupé du salut
(v. 1328) de colle dame noble, cl qu'il était allé lui ren-
dre visite et que, sa visite terminée, il s'élait exprimé à
-nu chapelain (à Radolphe, voy. l'Introd., p. 246) en ces
termes: « Sache/, que je ne la reverrai plus en ce monde »
(vv. 1337-8). Un passage lire de l'Epilogue de la vie de
Bocking — Epilogus Episcopo cl Capitulo Cicestrensi di~
reclus — jette du jour sur ces vers. La comtesse d'Arun
del, pour ne pas paraître ingrate des bienfaits de Richard,
avail chargé Bocking d'écrire la vie du pieux évoque de
Chichesler. Radolphe loue les aumônes de la comtesse
el la compare à la veuve de Sarepla (ni (i) Rois xvn) qui
avait fourni au prophète Elie sa nourriture pendant la fa
mine.
Ad illam (se. viduam Sareplanani) pascendus mittitur
Elias, ad islam vero pascendus in suis membris quotidie
venit Christus. Illius augmentavit Dominus olei in lecyto
parliculam, nec non et hydriae farinulam istius vero, inler
toi expensarum et eleemosynarum profusioncm, in tant uni
auget Dominus promptuaria, ut non solum advenlantibus
extraneis, verum etiam ipsfs rerum et possessionum pro-
curatoribus et dispensatoribus novum quotidie infera! slu-
porcm; mirantibus nimirum et super hoc mirando confe
rentibus, quomodb respecfu possessionum suse facultatis
sufficiat tam inexhaustae profusio largitatis. Illa veteris
legis vidua coniniendabilis; haec novae gratiœ, vita génère
el opinione laudabilis... Ad hœc quis novit, si Dominus
ipsius vilain per mulieris soliciludinem conscribi voluit qui
quoad vixit muïierum vilain et maxime hujus de qua lo-
VIE Dl 9ÂINT RICHARD 395
quimur, ad virtutum profectum tam solicite informare -lu-
duil ? Rependil ipsa quod potuit, el Sancti benefîciis in
grata nolens apperere, quod per semel ipsam nequivil,
alieno labore perficere procuravîl. Quem quidem laborem
ego, licel indignus, tam propter tanti Patris impetranda
suffragia, quam pro prsedictae viduœ, sciMcel Comitissœ
de Vrundel, Ysabellae videlicel de Albaniaco, devota ins-
tantia duxi subeundum, examinatam vitae et miraculorum
prsedicti Sancti a Romana Sede veritatem et fidedium rc-
lationem secutu"s
1365. Le texte latin sur lequel notre auteur a fait sa
traduction était .-ans doute différent (voy. paragraphe 07).
1467. Le verbe traitier dans les sens de toucher semble
«'•ire assez rare; Godefroy en cite un exemple (Vol. VIII,
l>. 7) lire de la Règle de Cîteaux : « l.i priestres doit tenir
juin- ses dois dont il doil huilier corpus domini ». Notre
auteur traduit tirs bien le rriot rare demulcere par ireiter
mal ducemenl.
1479. Un pourrail corriger lerilé eu veir, le texte latin
semble autoriser une telle correction.
1539. Nous avons examiné le ms. à plusieurs reprises,
niais nos efforts à trouver une meilleur leçon sont restés
infructueux : la leçon est bien telle que nous Taxons im-
primée. Si on prend huslheii dans le sens de huisselet,
ce qui esd appuyé par Vus du vers suivant, il est curieux
même dan- un songe de voir venir une petite porte qui
vous dise d'aller voir « passer l'esprit du saint homme ».
Nous avons songé que peut-être avons-nous affaire à un
mol anglais comme on en trouve clans Lestorie de Gaimar,
p. ex.
Et un des chevalers le rei
Ke Syward oui mené od sei
El ses hùscherles ( = fr maisniee) k'il menât
En Escoce morz les laissât [Ms. D. vv. '507-00]
On aurait donc ici /iu.smei/ = une domestique (Ih cl m
pourraient facilement se confondre dans le ms.) et on
changerait Vus en hors; ce qui donnerai! le sens suivant:
Voici qu'une domestique sortit de la chambre où gisait le
396 VIE Dl SAINT RI< HARD
saml horru i vini lui duc de venir voir passer l'espril
du saint...
1639. Le texte latin semble autoriser la correction « di-
gnement en ûertre posé ».
166-71. \u paragraphe 23 de la bulle, allusion es! faite
;ï ses aumônes : [pse namque vocatus ad regimen Cices-
Irensis Ecclesiae, factus esl solilo magis vigil ad curam,
iidii segnis ad opus, suavis ad mores... Ex lune ille in per-
secutionum perpessione fortior; in liberatis ecclesiasticse
defensione constantior... in ©leemosynarum largitione pro-
Fusior...
L695. Nous croyons devoir corriger en l'onurance en en
Vonur. Notre scribe a plusieurs fois déjà commis la faille
connue sous le nom de homoioteleuton; cinq vers plus
haut la phrase esl bien à sa place.
Sheffield, avril 1910.
[NTORNO A PEIRE DE LA CARAVANA
O LA CAVARANA
\cll;i Malricola dei notai bologuesi, ail' anno L223, il
rorraca lia trovalo un Arnaldonus filius domini Peronilti
de Lagaravana e si è chiesto a ragione : « Che questo
» Pcronitlus sia Pcire, l'autore del servenlese d'esorta-
o zione ai Lombardi ? (1) ».
Ouesta demanda è rimasta sinora senza risposta, e si
capisce Eacilmente perché. Il fatto che i codiçi, che oon-
lengono il famoso componimento D'un serventes faire (e
cioè i mss. I». 1, K : \ - lia il solo nome del trovatorc
senza la poesia, \. Crescini, Manualello', p. 27G) dànno
tutti l'riic. sarebbe già une ragione per dubitare dcll'
identifLcazione del Torraca, per non parlare poi délia nian-
canza assoluta di dati, nella quale ci si trova dinanzi al
padre di questo « Arnaldonus ». La cronologia pertanto
non si oppone ail' iden'tijficazione proposta; e neppure \'i
si oppone la forma Lagaravana cou un g spiegabilissimo
solto L'aspetto fonetico. Anche la metatesi reciproca v-r o
/-[■ non l'a diffîcoltà. De] resto, rieordo che mentre I' lia
Cauarana, 1. K e N* hanno concordemente Carauana.
|o posso aggiungere che questo « Peronillus ». padre di
Arnaldo, era chiamato anche semplicemente « Pétrus », il
che cosiituisce un piccolo passo avanti verso l'identifica-
zione cou l'autore dell' esortazione ai Lombardi. Infatti,
in un documenta dell' anno 1233, ricordato per altra ra-
gione da \. Solmi (2), troviamo il nostro Arnaldonus
quondam Pétri de <'<tvnninn domini Federici imperatoris
(1) F. Torraca. Per la storia lettararia <l'l secolo XI If. in Ras
seyna critica délia letterat. italiana, X (1905). p. 97. sgg. n" IV.
(2) A. Solmi, Sulla storia délia Sardegna nel medio Evo, in Arch.
stor. Sardo, IV (1908), p. 90, na 2.
398 [NTORNO A PEIRE DE ! \ ( \li\\\W.
notarius. K da notarsi altrcsi che menlrc la matricola dà
Garavana, il nuovo atto lia Cavarana, ma non si
puô ragionevolmente sollevar dubbio alcuno sulla identitâ
délia persona qui nominala. < i Iroviamo nei documenti a
quell' alternative v-r o r-v, di cui dànno eseinpio i ma-
noscrilti.
I'. dunque assai probabile che siasi scovato finalmente
il célèbre trovatore. E se ciô fosse, com' i'» propendo a
credere, sapremmo anche cou relativa precisione la data
délia sua morte, che sarebbe awenuta ne! decennio 1223
1233. Tuitto queslo non è senza importanza per la data fiel
serventese. E noto che il Canello propose di riferire l'e-
sortazione di Peire ail' anno 1196, quando Arrigo VI cer-
cava di raffermare il partito impériale contro la léga
guélfa dell' Ilalia Superiore (1); montre il Torraca vorrebbe
d'iscendere sino al 1236. perché meglio in laie anno si sa-
rebbe potuto dire che l'imperatore (che sarebbe allora Fe-
derico II) aiosia grans genz (v. 6) (2). Ora, se l'identifi-
cazione col padre di ArnaJdo coglic nel vero, l'opinione del
Torraca dovrà essere abbandonata, perché il trovatore
nel 1236 era morto da Ire anni per lo meno; mentre sem-
bla acquistare maggior verosimiglianza quclla del Ca-
nello. Confesso che è assai significativa per me la con-
cordanza awertita dal Canello Ira la slrofc 3 di Peire
(De Pulla. us sovegna, Dels valenz baros) e i versi se-
guenti di Peire Vidal (Bon' aventura) :
Lombart, membrens cura Polba fo conquiza,
de ltis doumas e dels valens baros
scrittitra il ll!)i e il 1195, quando Arrigo \'I infieri in
Puglia et in Sicilia contro i baroni che spogliô e mandô
a morte o in esilio. Il Torraca molto aculamente si in-
dustria di diminuire l'impressione che produce l'accordo
fra Peire Vidal e il trovatore italiano; ma io credo diffi-
cile non annuel 1ère che l'un dei due abbia qui imitalo l'al-
(1) Cankij,o, Giornale di filol. romanza, vol. III (1880). n* 7. p. 3.
(2) Torraca, Eassegna critica de/lu hit. ital. cit., IV (1899), p. 11.
[NTORNO \ IMllil. 1)1. LA CARAVANA. 399
tro e che le allusioni si riferiscano entrambe ai medesimi
l'ail i.
Anche l'aficrmazione de] Torraca (p. 12), che un canin
in lingua provenzale, composto ne] 1 196 da un italiano,
che non fosse dei marchesi Lancia o «Ici marchesi Mala-
spina, s-arebbe un miracôlo, non mi par giusta. E forse il
chiaro erudito sarà ora disposto ad annetterle minor va-
lore, dopo le prove di antichità fornite per Rambertino
Buvalelli (I). L'indice cronologico dell' attività dei pri
un trovatori ilaliani puô oggidi spostarsi di quasi un
quarto di secolo, senza gran Icina di errare. Il Buvalelli,
morto ne! 1221, dovè appunto poetare sul finire de! sec.
\ll o nei primissimi anni dei sec XIII.
Gillio Bertoni.
(1) .Si veda la mia edizione ni Rambertino Buvalelli e h *ur rime
provenzali, vol. 17 délia Gesel/sr/iaft f. romanische Literatur ,Dres
den, 1908.
CORRESPONDANCE DE LA VILLE DE PERPIGNAN.
i Su iie
LXXXV
Entente économique entre Barcelone et Perpignan
Al X ( ÎORTES DE MoNÇO
1537, 30 août (1)
Magnifichs y honorables senyors. - Fêla inslruccio a
nostres sindichs tramesos a les L'orls ques célébrer) de
présent sobre lo dret que l'an pagar als draps de Perpinyaj
ques portavèn de la presenl terra en Castella, y ]><•!• lo
que séria interes de aqueixa eiuta (2) y dels mercaders
d'ella, lia paregut fervos la présent, gregant a V. M. vul-
len scriure y fei mémorial a llur (3) sindicbs que axi be
en dit cars tinguen conformitat ab nostres sindichs, assi
ques pugue impotrar nos fassa abus de qui al devant de
pagar lai dret, que, en cert, podentse impetrar, sera gran
utilital de toi la Principal de Cathalunya y Comtats de
Bossello y Cerdanya. E axi mateix, los tenim fêtes ins
truccions sobre que don Fiances de Beumont, Capita ge
neral, ha fêta parar taula de carniceria y fa tallar carn en
aquella, francha «le impositions, contra privilegis y actes
de Cort. E per lu que es interes de tôt 1<> Principat de
Cathalunya per lo rompimen! de dits privilegis y actes
de Cort, [ici' ço supplicam ;i Vostres Merces vullen axi be
scriure a dits Huis sindichs fassen lot aquell favor y
(1) Cette lettre est la première que nous ayons rencontrée en dé-
pouillant les volumes du xvi' siècle.
(2) Sic.
(3) Sic.
CORRESPONDANCE DE f.\ VILLE DE PERPIGNAN. 401
pari que eonvindra acerca dil negoci a dits nostres sin-
dichs, e sera ajustar ;i les tantes obligacions nosaltres \
tota aquesta universitiat tenim a tota la universitat de
aqueixa ciutat. E la Sanctissima Trinitat las \i<lns y casas
de vostres magnifîchs y honorables persones guarde, con-
serve y prospère. De Perpinya ;i xxx de &gost mvxxxvii.
Al manar de V. M. prests. Los Consols de Perpinya.
LXXXV1
Noi VEl LES DE LA Pr.STE. MESURES PRISES A El M
1561, 3 novembre.
Moll magnifîchs y de molla providencia senyors. —
I)cls Consols de Narbona liaveni cobra! resposta de una
nostra, quels teniem scrit, fahentnos asaber coin e? ver
([ne, a Imii Hoc qui s diu Mossan (1). que es a una llegua
de Narbona, île non nioreii de pesta, y que ells se guar-
den de aqueix Une. y que ya som nosaltres prou informats
del mal contigios es en Carcassona y en Toloza, per hont
estam posais de fer moll bona guarda de las dites paris.
Ans paregut Terne aquest avïo a Y. M. per que puguen
inirar per la salut de aqueixa Ciutat. Lu li> de Cerel, no
si ha mogul res mes de] passai. Es ver lois han buydal
lo lloch, y de nmi -es seguit que dos mestres de cases se
(M'en ixil de Yilaniiilaca (2) y se eren enclosos en hun nioli
ccrea de la ciutal d'EIna, y lo lui es mort, l'altro resta en-
contrat. Los de la ciulat han fcla moll bona provisio, que
han trel lois los ((iic. 'des ([ii" lo-, dits mestres cran arri-
bats (Mi lo nioli. hi eren anats a moire, \ estan vuy en dita
ciutat ah moll bona sanilat y bona porta y guarda. Placia
a la Sanctissima Trinitat conserve la salut a qui la le y
la smillore a <iuiu ha nienesler. y a Vostres Magnificen-
(1) Moussan, arrondissement et canton de Narbonne (Aude).
(2) Villemolaque, arrondissement de Perpignan, canton de Thuir
(Pyi énées-Orientales).
402 CORRESPONDANCE DE LA VILLE DE PERPIGNAN.
cies y ;i llurs cases guarde y prospère coin desijen. I»e
Perpinya, a ni de nohembre mdlxi.
Senyors, al manar de vostras merces prests. Los Con-
sols de la vila de Perpinya.
LXXXVII
Situation sanitaire. Liberté des communications
1564; 20 février.
Molt magnifichs y de molta providencia senyors. —
Molis dies fan que Nostre Senyor Deu es estiat servir re-
mediar lo mal de pesta es stada en esta vila y tornar
bona sanital als particulars d'ella, de lai manera que ha
molls anys no havem tinguda millor sanitat de toi genero
de mal que vu y. E axi, après de haver i'eles gracies a
Deu Omnipotent, ab solempne professo y ab lo cantich
de Te Dcum laudamus, nos lia paregut fer aquesl avis a
V. M. perque som certs sen alegraran, y pregarlo sien
contents douar communicatio als négociants y altres a qui
occorrera anar en aqueixa ciulat. ab certifficatio nostra
expedida en la forma acostumada. E confiant V. M. ho
faran, corn be tenen acostumat, y manaran admelre nos-
tres cerliffications, no insistiren mes de que la Sancli^-
sima Trinitat las molt magnificas personas de V. M. guar-
de, conserve y prospère com desigen. De Perpinya. a xx
de febrer mdlxiiii. — Senyors, a la ordinacio de \ . M.
prests. Los Consols de la vila de Perpinya.
LXXXVIII
Même sujet. Nouvelles instances
1564, 12 avril.
Molt magnifions y de molla providencia senyors. —
Entes tenim que V. M. fan alguna difficultat en dexer
intrar roba o altres mercaderies y persones qui vagen de
CORRESPONDANCE 1)11 LA VU. 11. DE PERPIGNAN. i03
la présent vila aqui, posanl dubte en lo quels tenim scrit
de la bona sanitat tenim en esta vila, de que fem molta
maravella de V. M., per que, haventse seguida novedat
alguna en la presenl vila del mal de pesta, prou poden
estar certs los haguerem avisais de la novedat, y hague
rem dexal de fer certifficatoris de sanitat; pero, merce a
Deu, esia vila y 1ns poblats d'ella han estât y estan, del
tlia que ferem lo Te Deum laudamus, que ère lo diumenge
de Carnastoltes, y ja molt abans estavem ensa, tant bons
y tant sans de tota specia de mal, quant trenta anys lia
hagen stat, per laquai sanitat lo senyor Governador y
tots l«>s doctors y allies persones, qui estaven fora per
lo mal, son vuy dins esta vila, y lo exercici de les coses
de justicia va avant com de abans de la [testa anava, y
axiu certiffîcam ;i Y. M., pregantlo quant podem de la
sanitat de aqueixa ciiit.il y partioulars d'ella los placia
avisarnos, per lo que assi se ha douai alguna cosa de no
estar sana aquexa ciutat, lo que no crehem, fins tinguam
llur avis y vejam cessen les certifficatories de la sani-
tat, que quiscun dia vehem per assi se expedeixen per
no impedir les robes, persones y mercaderies van aqui
de la presenl vila, per que com altre cosa fos, lo que
Deu no vulla, nosaltrcs los avisarem. E la Sanctissima
Trinilal las iiioll magnificas personas de V. M. guarde,
conserve y agumente coin desijen. De Perpinya, a xn
de abril mdi xiiii. — Senyors, a la ordinacio de Y. M.
prests los Consols de la vila de Perpinya.
LXXXIX
Mission de Jo.w Puig. abus nr; Vf.txk nT)\)s
1568, 4 septembre.
Molt magnifîchs y de molta provideneia senyors. —
Trametem aqui lo exhibidor de la présent qui es mossen
Joan Puig, burges de la présent vila, per informar a Sa
MM CORRESPONDANCE M LA Ml. 1.1. I>i: PERPIGNAN.
Excellencia île una novedal fêta per don Pedro d'Oms y
de Cardona, lloctinenl de Governador d'estos Comtats en
menyspreu de nostre offici cônsular y d'esta universitat,
com (Ici dil mossen Puig Y. M. enlendran, ;il quai nos
Faran merce donar fe y crehença, y, en lo que tocara a
favorirnos, seran ^<'i\ i I ^ fer Lanl en afavorir aquest nc-
goci com de Y. M. confiam y tenen de bona costuma. Las
vidas y casas <\<~\< quais guarde, conserve y augmente
la Sanctissima Trinital com desigen. De Perpinya, ;i nu
île setembre mdlxviii. — Senyors, ;i la ordinacio de V. M.
presls. Los Consols île la vila de Perpinya.
XC
LIBÉRATION DR MlOUEL CaSQUER ET DR SON
CHARGEMENT DE BLÉ
1571, 27 août.
Moll magnifîchs y do molta providencia sefiors. -
Per mossen Miquel Casquer tenim rehebuda la de Vostres
Magnificencies, de vu del présent, a xi de dil, y ah
aquella tenim entes com dil Casquer, com a comprador
de Vostres Magnificencies havia compral cerl numéro de
forment per provisio de aqueixa ciutat, lo quai havia
deixat en poder d'En Limos, de Santa Maria la Mar, y que
dil Limos nol havia pogut carregar, per que li era estât
fet embarch. Nosaltres per lo que desijam complaure a
Vostres Magnificencies y en aqueixa a ciutat. per esser
tanl principal, havem volgut entendre dil negoci y fem
maravella que dil Limos âge dil lai. per que per lo
senyor Governador, a suipp-licacio del sindic d'esla vila.
a causa que lo Mal sen era moll montai de preu en la
plassa publica y no sen trobava, forem fêtes prohibicions
y crides que ningu lio^.-i^ Iraure blal per mar ni per
terra, \ après se entengue que una barcha carregava de
forment hora de nil. y nos dix de qui era. y aixi lo
nostre veguer, per virtul de dites prohibicions, a inslan-
CORRESPONDANCE DE LA VILLE DE PERPIGNAN. i05
ria de] sindich, ana y troba una barcha havia corregada
de forment, y no trobaren ningu digues de qui era dil for-
ment, per 'i1"' '"ls fugiren, y vehent asso se vehe dit
formenl era caygul en frau, y per ço 1" apporlaren dins
la presenl vila, y per dila corl de] Governador se vene en
la plassa publica, ;il prcu ques valia, ab notari y allres
persones abonades, y l<> procehil fonc déposai ;i la taula
de la vila, y lins dil Casqucr es arribat, no ses cuir- de
qui era nii forment, per que dil Limos no lin may dit tal
cosa; \ vehenl la Ielra de Vostras Magnificencies, \ -a
bent era dil formenl de aqueixa ciutat, havem déterminât
de un fer contrari aigu al dil Casquer de cobrar si»s
dinés, per que, -i de altre fos estai, haguerem instanl \
fet confiscar dil forment, es In procehil per quanl era
estai carregal hora captada contra les prohibicions fêtes
per dil Governador, pero, per esser de aqueixa ciutat,
se ha tingut toi respecte se deu en aqueixa ciutat, com
per dil Casquer V. M. Iu> entendran, que no estava eu
nostra nia fer altre e<><a nies de callar la instancia. E
Nostre Senyor las magnifîcas personas de Y. M. guarde,
prospère y augmente com design. De Perpinya, a xxvn
de agosl mdlxxi.
\ la ordinacio y complacentia de Vostras Magnifîcen
cies promptes. Los Consols de la vila de Perpinya.
XCI
Mission de FraNcès Masdemont. Commerce du blé
1572,. 7 mai.
Mol! magnifions y de molta providentia senyors.
A causa de esser stada la presenl anyada en esta terra
moll sterill de forment, per haverse évacuai y trel en lo
any abans moll forment, lani per aqueixa ciutal mm
allres parts de Cathalunya, som restats molt buyts y
nous aliasla pera la provisio necessaria. ^ . per dit ef-
fecte, havem fel portar certa quantital île blat de Cer-
27
406 CORRESPONDANCE DE LA VILLE DE PERPIGNAN.
danya, la quai no abasta; y entenent que, en Roses, y ha
una ii.iii de forment de aqueixa ciutat, vehent que estam
prop de La culeta, y que, gracies ;i Nostre Senyor, se
spere bona anyada, havem tramesa una letra pera Vos-
tres Magnifîcencies, per al magnifich micer Forl. de fe
y crehensa, pera que tractas ab Vostres Magnificencies,
sobre lo dit blal de dita nau, y fins vuy no tenim resolu-
cio de dil negoci. Per ço, lia paregul en aquest Conseil
trametre La persona de] honorable en Frances Masde-
mont, burges, h» quai va aqui ah poder bastant per trac-
tai- di negoci, coin podran veure, al quai V. M. donaran
fe y crehensa en tôt lo que, per part noslre y de esta uni-
versitat, explicara y dira, demanantlos de merce Lo ma-
nen acomodar en loi lo que sia posible, y spedirlo, per
que lo temps passa, coin de Voslres Magnificencies con-
fiam. Offerintnos que. en semblants casos, farem lo ma-
teix. E i\ostre Senyor las vidas y personas de Vostres
Magnificencies guarde y prospère coin clesijen. De Per-
pinya, a vu de maig mdlxxii.
Al que Vostres Magnificencies manaran prests, los
Consols de l;i \il;i de Perpinya.
XCll
Etat sanitaire de Nar bonne
1580, 7 avril.
Ilustres Senyors.
Una dels magnifichs Consols de la ciutat de Narbona
havem rebuda lo die présent, ah la quai tenim entes
estan admirats y quasi queixosos que :,o permeten Vos-
tres Magnificencies intren aqui, en Barcelona, persom^s
de dila ciutat de Marbona, y ah dita lur carta, narren
que, pochs dies l'a. hun mercader frances, habitant en
dita ciutat, ana en Barcelona ah cerlificatoria de alli y
de Perpinya, y no permeteren intras en Barcelona, del
que fan molla maravella, haventhy en dita ciutat tant
CORRESPONDANCE DE LA VILLE M PERPIGNAN. 'j'17
bona sanital com publicamenl se diu hy lia, y fenl tant
bona guarda coin fan. Cerlificam, per ço, a Vostres Ma-
gnifîcencies, com la fama publica es. y a nosaltres Los
Consols de \arbona diverses vegades han scrit, com en
dita ciutal tenen bona sanital, y per lestimoni de moites
y diverses persones dignes de fe tenim entes com alli se
fa, per causa de) morbo contagios de pesta, de les I ;s
guardes se fassen y pugan fer en altres parts, y suppli-
cam a Vostres Magnifîcencies sien servits en no permetre
sels fassa impedimenl en la entrada, pus tenen bona sani-
lal y aporlen certifîcatoria de assi, que essenl altra cosa,
lo que \Tostrc Senyor per sa infînita clementia no per
mêla, serien Vostres Magnifîcencies per nosaltres llarga-
menl n\ isals. cujes illustres persones Moslre Senyor guar-
de, \ ab salul conserve, com desijen. De Perpinya ;ils vu
de abri] mdlxxx.
A la ordinatio de Vostres Magnifîcencies promptes.
Los < kmsols de la vila de Perpinya.
XCIII
La peste en Languedoc
1580, 26 octobra
Illustres y de moll gran providencia senyors. — Dels
Consols de Narbona de xvi dcl correnl, havem rebuda
carta, lo die présent, ab la quai nos donen avis (\<> com
en Beziers > en Pesanas (!) se ha innovai lo morbo de
la pesta, de! que Deu Omnipotent, }>*'i la sua clementia,
nos vulla preservar, y ab la mateixa carta nos certi
fiquen que, en dila ciutat, tenen bona sanitat, y fan moll
bona guarda. Nosaltres assi aixi be fem moll bona guar-
da y no admetem certifîcatoria de bona sanitat, sino es
de dita ciutal de Narbona y de Lleucata (2), y, per que
(1 ) Pézenas.
(2) Leucafce.
408 CORRESPONDANCE Dl 1 \ VILLE DE PERPIGNAN.
es justa raho que lingam ab Vostras Magnificencies tota
bona correspondentiai, fem lo presenfl avis. E Nostre
Senyor 1rs illustres persones do Voslres Magnificencies
guarde \ conserve com desijen. De Perpinya, als xxvi
de octubre mdlxxx.
A la ordinacio do Vostres Magnificencies promptes.
I os Consols de la vila de Perpinya.
XCIV
La peste en Provence, l'épidémie de Millas
1587.. 5 avril.
Illuslrcs Senyors.
Lo die passât, reberem una letra dois consols de Nar-
bona, los quais, com a bons vehins y desijosos de la
conservacio de la salul publica d'esta terra, nos lian
avisât com. en Marsella, os lo morbo de poste, y on
moites viles y llochs de la costa do Provença. Per ço. y
per correspondre a la obligacio tenim, se fa la présent
a Vostres Magnificencies, supplicantlos pus restaran avi-
sats, manen se tingua bona y diligent guarda per tota
aqueixa cosla de la marina de Cathalunya, com saben
Vostras Magnificencias importa per a guardarse y preser-
varse do sémillant mal. Y aixi be, nos avisen que un mer-
cader, nomenat Pierris Langier, havia carregat un vexell
de baies de canem y do altres mercaderies, les quais ha-
via ti-oles de Marsella, honl es a peste, com es dit, y
que hauria Tel venda \ desayxida do dit canem y mer-
caderies en algun Uoch o vila de aqueixa costa de Catha-
lunya : importava sien servits Vostres Magnificencies
manar l'or diligentia ahonl hauria fêta venda dit merca-
der, at'li y effecte se possassen en tal cobro dites mer
caderies, si y sclmuis la qualitat del dit mal de peste re-
quer. Y no obstant que dits <<msols do Narbona nos hajen
donat dit avis, tambe nos lenon scril que dit meroader
CORRESPONDANCE DE LA VILLE DE PERPIGNAN. i09
Pierris Langier havia fêta vcnda a una vila nomenada
La Cadiere y a allra vila nomenda La Ciutal de algunes
baies de les que aportava en dit vexe'll de canem, y de
aixo résulta la peste en dits llochs, 3 per ço Vostres Ma-
gnificencies manaran fer diligencia la que saben conve :
que nosaltres per esta costa de Rossello fera In mateix.
Per que som cerls Vostres Magnificencies s'en alegra-
ran, I"- avisam corn la morbo de Millas esta molt remé-
diât, llahos ;i Deu, y que ha molts dies no ses incontrat
de peste sino nu home; verital es que t « >l s han desam-
parada In dita vila de Millas ys son aposentats per lo ter
me de Millas, per barracas y xosses, \ proven en elles
moll l>e, y procuren ;il» loin diligencia per lies o quatre
liomens natejar y desenfaçir les cases de dita «le Millas.
A Nostre Senyor Deu placia donarlos complida salut y a
Vostres Magnifîcencies y als lots guardar y conservar
com desijam. De Perpinya, als v de abril 1587.
[lduslres Senyors, a la ordinacio de Vostres Magnifî-
cencies promptes. Los Consols de La vila de Perpinya.
XCV
Extension de la Peste en Provence
1587, 17 juillet.
Illustrissim y Exm Senor.
Per relacions de persones dignes de le, tenim entes
com en quarante quatre llochs o viles de la Provença,
Règne de França, es lo mal contagios de pestilencia, y
aixi he (mi Avinyo y Sorbies (1) y allées llochs comar-
cans de! mateix Règne de França, y que en ells lo dil
morbo pestilenl va grassanl de quiscun die y l'en! stra-
go de persones eu gran manera, senyaladamenl en una
(1) Sorgues, arrondissement d'Avignon, oanton de Bédarridc
(\ axi cluse).
ilO CORRESPONDANCE DE LA Ml II ni PERPIGNAN.
vila diuen es en les ultimes paris de la Provcnça no
menada Dreguinyan (1) en la quaJ (segons nos han
referit) son morts tosl los poblats en ella. [ncontinenl lia-
gul esl avis y relacio, havem scril als consols de \ar
bona, vehyns d'esta frontera (2) (en la quai ha bona sa
nilal ys l'a moll bona y diligenl guarda), pregantlos nos
scriguen de! que passa acerca de eixos particulars, y de
quincs paris per raho de! dil morbo se guarden. En lia
ver rebuda llur carta, seriurem largamenl a V. Ex a, sup-
plicant a V. Ex sic servi! manar fer bona y diligenl
guarda per la costa de aqueixes mars, ailes la Provença
es terra maritima y per mai- a costa de Cathalunya po-
dria rebre notables danys, en deservey de Sa Magestat
del Rcy nostron seftor y en ruyna dels poblats en Ca-
thalunya. \osaltres eslam y estarem sempre desvelles en
saber y entendre si per esles mars nrriben vexells de
paris infectes, per a dbnarne a V. Exa prompte avis, y
altrament fer lo que nostre offîci consular nos obligue.
Aixi be tenirn enles, estos dics proxim passats, que de
les paris de Provença es arribada en les niais de Top
lliure una barca carregada de species y altrcs mercade
ries, laquai los de Coplliure expelliren, no permetenl
aquella de&carregas dites mercaderies, y aixi baixant y
veninlsen envers estes nostres mars, se posa dita barca
en lo Cap de les Couilleres son en lo Vezeomtat de Canet,
que es lloch agrest y solitari y no iioch de descarrega-
dor. y, liora captada de nil, ha descarregat en la sorra
del mar les baies de dites mercaderies, y a fugit promp-
tament a la volta de Cathalunya, y avisais nosaltres per
les canonges de Elna del fet, encontinenl luueni despat-
xada genl per a guardar dites mercaderies, affî ningu
toque aqueles, sino sols très o quatre persones que ana-
ven en dita barca. lesquals son y estan en dita marina, de
lesquals lenim relacio es dita mercaderia, y en
dita sorra estaran, fins a tant hajen niolt be y exac-
tamen purgat. \;. Ex a sera servit manar per diligencies
(1) Draguignan.
(2) C'est-à-dire de la frontière franco-espagnole.
CORRESPONDANCE DE 1 \ VILLE DE PERPIGNAN. '1 1 1
si la dita barca y os per eixa costa per que se ha entes
que aquella va pera descarregar mes roba aporta per
dita costa de Cathalunya, y aixi be sera servil nianar
scriure al- consols de Copïliure tinguen ab nosaltres y
ah esta universital de Perpinya tota la corresp'ondencia
que acerca de asso y altrameni conve \ son tengul y
obligats tenir y manar fer bona guarda per los llochs
maritims y altres de] Principat, en los finals, segons se
enlen, se l'a va moll poca o ninguna guarda, y al Vez-
comte de Canel que scrigua y mane a sus vassalls de!
seu Vezcoratal que no sien tanl pocli diligents en lo fet
de la guarda corn son. E Nostro Senyor la IIIma y Exm;i
persona de V. Exa guarde, conserve y en majores car-
rcchs augmente, ab niolta salut y vida, com desijam.
De Perpinya. a xvn de juliol lo87.
Illm y Ex"1 Senor: De V. Exa inolt affectais y dévots
scrvidors qui les mans li besen. Los Consols de la vila
de Perpinya.
XCVI
Même sujei
1587, 17 juillet.
lllm y Exm Senor.
Apres de haver scrila y closa la charta per a V. Exa
havem rebuda leli-a dels consols del lloch de Tuyxa (1),
vehi d'esta nostra frontera, ab la quai restam avisats coin
lo mal contagios de peste es en dos llochs comarcans de
la ciutal <\<- Carcassona, lo hu dels quais se nomena Mon-
lirach y l'allro Mila Petit (2). Xoslre Senyor Deu, per
la sua immensa boudai y misericordia, s'en vulla apiedar
y los pobles qui estan ab salut y sanital conservarlos en
ella.
(1) Tuchan. arrondissement de Carcassonne (Aude).
(2) Montirat, canton de Capendu ; ilillepetit, même canton, com-
mune de Trèbes (Aude).
112 CORRESPONDANCE l'I LA VILLE Dl PERPIGNAN.
En haver rebul lo avis dels de Narbona sobre del ina-
leix particular eK> poste, oom \;i ab la altra tenim scrit
a V. Exa,del que entendrem donarem Uarch avis à V.
Ex" , cuja Il!"'a y Exm* persona la Sanctissima Trinitai
guarde, conserve y en majors carrech[&] augmente ab
molta salut y vida, con desijam. De Perpinya, a xvu de
juliol L587.
Illm y Exm Sefior. Do Y. Ex molt affectats y dévots
servidors qui les mans H besen. — Los Consols de la
vila île Perpinya.
X(\ Il
MEME SUJE1
1587, 31 juillet.
Illcs Senors.
La de Vostres Magnifîcencies, de xvm del corrent mes
de juliol, havem rebuda lo (lie presenl per mans d'En
Bosch, correu de peu de eixa ciutat, ab la quai tenim
entes com a noticia de V. M. os pervengut que, en al
guns llochs maritims île aquesl Comtat de Rossello, no
deixen «le donar contratacio y pratica a quants vexells
y mercaderies arriben do parts infectes del Règne de
França. Nosatrs, lins a&si, nu havem sabut ni entes sie
fet tal, o si cosa alguna es arribada a nostra noticia, es
que on 1<> principi del dit correni mes <lo juliol arriba
un vexell on les mars de Coplliure, carregal do species
y altres mercaderies, In quai incontinent coin a venint
de parts infectes repulsaren y expelliren lois dr Coplliu-
re, y aquell, a hores captades >\<' nit, descarrega on lo
cap de les Couilleres, pari agresta y moll solitaria, pari
di- les dites mercaderies eu la sorra, y sen ana, que no
se ha sabuda nova de aquell, Icsquals mercaderies havem
manal despegar per la sorra del mar, y ad aquelles havem
certa guarda, affi ningu toque aquelles, lins a tanl hajen
moll exactamenl purgat, y, ;ils llochs maritims d'estes
CORRESPONDANCE DE LA VILLE DE PERPIGNAN. 413
mars, havem exhortai y encarregal no permeten en ma-
riera alguna communicalio ni pratica a tais vexells. Sup-
plicam a V. \1. sien servits manar lo mateix per eixcs
marines, y ques Fassa moll bona y diligent guarda, tant
en elles coin en les viles \ llochs del Principal apartades
del mar, per estar ençesa la Provença y altres parts de
França del foch de pestilenlia, lo quai avis havem rebut
per charta dels consols de Narbona, als quais haviem
scril nos avisassen de les parts en les quais es dil mal de
pestilentia, les quais passen numéro de quaranta, en 1rs
quais dil mal va a tall de spasa. Nostro Senor per sa
infinita clementia, sie servi! remediarlos e als pobles qui
tenim salul conservarla. E Nostro Senor les illustres per-
sones <l«' V. \l. guarde y conserve com desijen. De Per-
pinya, als xxxi y ultim de juliol mdlxxxvii.
A la honôr de V. M. apparellats. Los Consols de la
vila do Perpinva.
XCVIII
La peste a Elne
IUCS Senors.
Apres de haver scril a Vostres Magnificencies la ul-
tima nostra de xxxi del corrent, en resposta de la de
Y. M. de x 1 1 [ i° del mateix a nosaltres tramesa per home
propri, se lia succehit que en Elna, se son encontrades
del morbo de peste quatre persones, les quais son mor-
tes, y en una (!<> les dues cases de Nidoleres un minyô, lo
quai diuhen esta ya bo. Mosen Antoni ïoli nostro syn-
dieli qui es arribat de eixa eiulal de Barçelona, nos lia
referit que V8. M8, tenien Ietra de algun particular ab la
quai donava ;i\i» com de Elna eren fugides mes de
quarante persones e aqueixes infectos del dit morbo, y
que anaven divnganl per In terra a régna solta, del que
havem fêta no poca maravella, «pie aqueixa tal persona
haja scril I" que no p;:>sa aixi, perque les persones que
i l'i C0RRESP0NDANC1 DE LA VILLE DE PERPIGNAN.
son ixdes il*' Elna s<m personcs de ses cases \ tenen que
gastar, les quais estan disperses per I" terme de dita
ciulal ab barraques se han fêtes y estan purgant, per
raho de la conlagio, sols se enten de hun mosso de
rnossen Rollan, notari de dita ciutat, 1<> quai sen es anat,
nos sab ;il I. Del Volo ny de Banyuls, gracies al Scnor,
no sen diu lins assi cosa alguna. Nostro Senor sie ser
vil apiedarse dels l<>K Si altra [cosa] se innovarn, scran
V8. M8, avisais, cujes Ills persones Nostro Senyor guarde
y conserve com desijen. De Perpinya, als .xxini0. de de-
zembre L587.
Illustres Senyors, a la ordinacio de V8. M8, promptes.
Los ('<»iis(ds de la vila de Perpinya.
[A suivre.) .1. Calmette el E.-G. HurtebIse.
BIBLIOGRAPHIE
K E V U E L) ES » E VU ES
Zeitschrift fur romanische philologie, XXXIV, 3.4. — II. Schu-
chardt: Sachwortgeschichtliches ùber den Dreschflegel, p. 257; —
/-. Karl: Vie de sainte Elisabeth de Hongrie, par Nicolas Bozon,
p. 295; — A. Jve: Le Santé Parole tratte da un codiee fiorentino
del sec. XV 3 p. 315; — //. Schuchardt: Span. ladilla, sard. gin-
tilla. surzaga, p. 331 ; — H. Suchier: Nochmals die Vivienschlacht,
p. 343; — E. Langlois: Une mélodie de chanson de geste, p. 349;
— E. Lommatzsch: Eine Episode des « Baudouin de Sebourg » und
ihre Quelle, p. 352; — K. Christ: Bruchstûcke der « Estoire de
Troie » von Beneeit de Ste More. p. 358; — L. Karl: Die Episode
ans der Vie de Madeleine, p. 362: — Vermischtes, p. 368; — C.
Salvioni: Appunti vari sui dialetti ladini, p. 385; — G. Ziccardi:
Il dialetto di Agone, p. 405; — M. Morgana: Frammenti di canti
popolari negli scrttori napoletani dei secoli XVII e XVIII, p.
437; — Schultz-Gora: Ueber einige Stellen bei Rambaut de Va-
queiras, p. 458; — Vermischtes, p. 474.
Archiv fur das Studium der neueren Sprachen und Litera
turen, CXXIV, 1 u. 2. — •/. /;/(/.• Sprachgeographische Untersu-
chungen, p. 83.
Revue de dialectologie romane. II. 1.2. — .1/. Niepage: Laut-
nnd Formenlehre der mallorkinischen Urkundensprache, p. 1 ; —
G. Pascu: Dm Sufixele romîneisti. p. 56; — G. Millardet: Un
exemple de sélection morphologique: l'indicatif présent de facere
dans le gascon des Landes, p. 84: — Mélanges, p. 91.
Bulletin de dialectologie romane, II, 1.2. — B. Schàdel :
Ueber Schwankungen und Fehlergrenz-en beim phonetischen No-
tieren, p. 1 ; — G. Panconcelli-Calzia: Le applicazioni degli appa-
recchi fonautoglifici nella Linguistioa, p. 30.
416 ( OMl'l ES RENDUS.
COM PII. s- 1; EN DUS
Pio Rajaa — ]« Perla Storia del Tenuis, dans le Marzocco, 13
février 1910.
L'on a joué au Tennis à Florence en 1325, et ce jeu y était
importé pai 'les Français. .M. Pio Rajna nous L'apprend. Il a décou-
vert dans la Chronique de Donato Yelluti le passage suivant:
a Tommaso di Lipaccio était un clerc possédant un bénéfice au delà
des monte. C'était un homme beau et grand, hardi comme un lion.
Il vendit le bénéfice et rentra dans son pays quand nous vinrent
cinq cents cavaliers français. Jamais je ne vis plus belle ni meil-
leure troupe. Ils recevaient une i'orte solde, et l'un d'entre eux
dépassait du col et de la tête les hommes les plus grands: il avait
le pied plus long que la moitié d'un bras. Presque tous périrent
dans la défaite d'Altopascio. Tommaso jouait chaque jour à la
balle avec eux et c'est de ee temps que l'on a commencé dans notre
pays à jouer au Tenes... (Cronica di Firenze di I)<>n<it<> Velluti dall'
anno 1300 in cirai fino al 1370. Firenze, 1731, p. 34. Texte revu et
corrigé par M. P. R. sur l'autographe.)
Ces Français, enrôlés, avec l'autorisation de leur roi Charles IV,
pour la guerre contre Castruccio, arrivèrent à Florence vers la fin
de 1324, et les opérations militaires, qui devaient aboutir à la
défaite d'Altopascio, commencèrent seulement en mai. Nos compa-
triotes eurent le temps de lier connaissance avec les Florentins.
M. Rajna se demande si ce Tenes n'est pas le Tennis, puisqu'il
s'agit d'un jeu de balle. Il examine ee que les Anglais pensent eux-
mêmes d'un mot si populaire chez eux. Johnson donne le français
/<//<: en s 'appuyant sur l'autorité de Skinner, qui, dans Etymolo-
gicon /i/t</uae Anglicanae, Londini, 1671. paraît, entre autres éty-
mnl-igies, préférer celle-ci: « ...ni a F[runco]G[al!iro], Tenez
Accipe, quod Celtae. omnium in hac arte peritissimi, dicere soient
cum pilam percutiunt ».
La question serait donc réglée, car l'altération de tenes en tennis
est tout à fait conforme au génie de la langue anglaise. Mais
M. P. R, juge impossible que tenes, avec l'accent sur la dernière,
ait pu devenir sur les rives de l'Arno autre chose que tenesse,
« comme l'on disait Palamide&se, Meliadusse, Breusse, comme de
nos jours l'on dit gasse, omnibusse ». Je reproduis ses termes:
« ... teniamo sicuri che in una città di linguaggio affine al franoese
r dove anche proprio il franoese, per ragione sopratutto de' oom-
merci, era familiare a moltissimi, il Tenez sarebbe stato, caso mai,
COMPTES RENDUS. i 17
ripetuto a sensu, non già ad orecchio ; e perô il giuoco si sarebbe
chiamato < ï * • I Prendi, o in qualche modo simile ».
Les préférences de M. P. R... seraient plutôl pour une origine
allemande. Terme, aire à battre les grains, s'est dit Tenni ou Denni
dans le vieux haut-allemand. En l'unissant à spieî, spil, l'on aurait
Ti nnispil qui, en changeant de pays, serait devenu Tennis par
simple abréviation. Ce qu'il faut pour ec jeu, c'est un sol où la
balle puisse rebondir : à «et égard l'aire est un lieu très convenable,
et l'expression anglaise lawntennis comprend tout au moins l'indi-
cation d'un champ uni.
M. P. R. prévoit une objection. Comment les Français, s'ils
ont emprunté le mot aux Allemands, ne l'ont-ils pas modifié confor
mément aux habitudes de leur prononciation? Ainsi il en vient à
essayer une autre étymologie française: tenes dérivant de tencier,
mais au sens de barrière. Dans le tennis actuel, le filet qui divise
le camp est une pièce essentielle. Il a pu être jadis une cloison,
une claie. .Mais tens avec cette acception est contestable et Yi de
tennis n'est pas expliqué. M. P. R. se fait à lui-même toutes les
objections et constate avec une bonne humeur souriante qu'ainsi il
est démontré une fois de plus que la science de la parole est matière
à controverse, litigiosa.
Pour mon humble part, j'hésite à abandonner tenes au sens
français du mot. Il a d'abord pour lui la vieille tradition anglaise.
ce qui a son importance. Y-elluti avait vécu en France, savait le
français, connaissait l'orthographe du mot. Il la conserve, sans
penser à se conformer à l'usage de ses compatriotes d'ajouter se
pour faire ressortir la place de l'acoent. Le fait ne me paraît pas
tellement invraisemblable. Puis l'analogie du tenes latin pour l'as-
pect du mot écrit.
M;iis pour l'essentiel, on se rallie à la conclusion de M. P. R.
« toutes les obscurités qui subsistent à cet égard et les incertitudes
encore moins susceptibles d'être écartées en ce qui concerne les
lois qui réglaient ce jeu à l'époque archaïque à laquelle nous sommes
remontés, n'empêchent point que la mention laconique laissée par
Velluti ne donne à l'improviste un fondement solide à l'histoire du
Tennis et qu'elle ne la renouvelle... A Florence revient le droit
de réclamer comme sien le premier joueur de Tennis dont le nom
nous soit parvenu. »
M. Rajna achève son agréable et savant article en proposant au
Lawn-Tennis Club de Florence d'élever un monument en l'honneur
de Tommaso di Lippacio et donne en pur et spirituel style lapidaire
le texte de l'inscription.
Il ne me restait d'autre souvenir de Donato di Mico Vellutelli
ilS COMPTES RENDUS.
que celui de l'émotion avec laquelle .M. Isidoro de] Lungo racontait
jadis comment lis tiens Franoesi coupèrent la queue d'un beau
palefroi qu'il leur avait vendu et le lui renvoyèrent dans cet étal.
« senza alcuno apparente motivo ». ajoutait M. del Lungo, qui
voyait dans cet acte la marque des « rancori brutali contadineschi
contro la vecchia cittadinanza ». Velluti se vengea d'ailleurs de
Façon aussi brutale, plus cruelle sûrement à nos yeux: il tua le
garçon qui lui avait ramené sa marchandise ainsi détériorée. Tout
cela se passait en France. Les Franzesi étaient bien en cour, et la
vie de Velluti fut menacée, ce qui nous semble assez naturel. Il
eut même contre lui l'influence de Giano délia Bella : « Duole lo
impararlo ! » s'écriait M. del Lungo qui ressent pour ces Franzesi,
protégés et agents de Philippe le Bel. une extrême antipathie (1).
M. del Lungo prépare une réédition de la Chronique de Velluti (2)
en se servant du manuscrit autographe qui a été conservé par la
famille, aujourd'hui représentée par les Velluti-Zati. dues de Saint-
Clément. Nul autant que lui n'est qualifié pour donner de ce texte
l'édition la plus instructive, nul ne le commenterait avec une science
aussi complète et aussi sûre du Moyen- Age florentin.
L'un des articles les plus intéressants du livre de M. del Lungo
où il est traité incidemment de la Chronique de Velluti, est celui
où il est question du compagnon d'Aymeri de Xarbonne, le vieux
Cluillaume de Durfort, qui mourut à Campaldino (1289) et dont l'on
a le tombeau à l'Annunziata de Florence (Op. 1. pp. 135-188).
L'on a vu plus haut que les Français qui apportèrent le Tennis
en Toscane ressemblaient fort à des mercenaires. A une date bien
plus ancienne, les seigneurs de Xarbonne paraissent avoir loué
volontiers à leurs amis ou alliés les troupes qu'ils entretenaient.
L'on trouve à ce sujet, dans l'inventaire de Loijvet, publié pal
M. Bei thelé. le résumé de documents précieux :
« 4290. L'an 1254. le 24 novembre, Amalric, par la grâce de Dieu
vicomte et seigneur de Xarbonne. promet et jure sur les Saints
Evangiles aux Consuls de Montpellier de faire la guerre à tous
ceux qui s'opposeront à eux, hormis le roi de France et ses frères
et le roy de Castille, et de les défendre et protéger eux et toute
leur ville et communauté — et eux promettent audit Vicomte de
(1) Del Lungo Ne' tempi di Dante, p. 66. — Velluti « traf-
ficava oltralpe di cavalli ». qui nous dira qu'il n'avait pas maqui-
ynonné la bête?
(2) Je prends ce renseignement dans une note de l'article de
M. Rajna.
( OMPïES REND1 S. i 19
paier, par jour, à toux qu'il amènera, six sous melgorois pour
chaque soldai qui mènera un cheval armé et 4 sous melgorois pour
chaque arbalesl i ter à cheval.
4221. Quittance du dit Amalric de Vu bonne de 5.000 sous mel-
gorois des 30.000 que les Consuls nul promis de luy paier; l'an
1254, le 19 décembre. » (1).
F. Castets.
G. Bertoni. — La Versione francese délie prediche di S. Gregorio
su Ezechiele (revisione del ms. di Berna, 79). Gr. in-8°, 28 p.,
avec fîie-similés. Modena, 1908.
K. Hofmann avait donné en 1881-1882 une édition diplomatique
de la traduction française des homélies du pape Grégoire sur Ezé-
ehiel. d'après l'unique manuscrit qui nous ait conservé ce texte,
le 79 de Berne. M. B. a revu cette édition sur le manuscrit et a
relevé de nombreuses divergences qui proviennent soit de mauvaises
lectures, soit de distractions, soit d'oublis. Ainsi l'on rencontre
parfois ce que l'on appelle un « bourdon », qui s'explique le plus
souvent parce que trompé par la répétition à distance d'un même
mot, le copiste ou le typographe franchit et omet les mots ou les
lignes intermédiaires. Dans les manuscrits anciens l'on en rencontre
des exemples (2) et nos livres imprimés n'en sont pas exempts
M. B. en a relevé ici une douzaine, dont certains comprennent
plusieurs lignes.
Cette révision a été faite avec un soin si évident et si scrupuleux
qu'il est bien difficile que les moindres fautes ou divergences aient
échappé à l'attention du critique.
Quand il s'agit d'un texte te] que celui-ci, dont l'original a dû
être écrit vers le milieu du douzième siècle, une édition diplomati-
que est toute indiquée ; mais elle ne vaut que par une extrême
fidélité qu'il est très malaisé d'obtenir, et l'on ne saurait faire trop
de vœux pour que les manuscrits qui ont un intérêt pour l'histoire
de la langue soient tous reproduits par la photographie.
(1) Archives <!>■ ht Ville de, Montpellier: inventaires et documents.
Tome I, p. 384. Cf. H. générale du Languedoc, VI, p. 853, et
Anglade, Le Troubadour Guiraui Biquier, p. 37.
(2) V. dans la Chanson des Quatre Fils Aymon deux exemples,
l'un probable, d'environ 80 vers (Y. 4815, note), l'autre certain
(V. 12030-12066). Dans les éditions modernes, l'omission parfois
semble voulue. J'en ai constaté une de cette nature dans une des
lettres les plus importantes de Torquato Tasso.
120 COMPTES RENDUS.
Le manuscrit présente la marque de corrections on d'altérations
provenant <lu fait du copiste; et de son côté Hofmann a parfois
corrigé sans en avertir ou sans y penser. L'exemple d'un homme
e mérite doit rendre indulgent, et M. lî. a eu le soin de termi-
ner ses pages d'introduction en pendant hommage à la science et à
la sagacité de Hofmann.
Dans ces premières panes, l'on a une rapide étude de la langue
du texte. C'est du plus ancien Lorrain, et pour ne citer qu'un des
traits caractéristiques de ce dialecte, l'on y rencontre souvent le
futur archaïque en it, si rare dans les autres documents lorrains.
Les manuscrits lorrains de .Montpellier, particulièrement le H. 43
et le H 164, sont d'aspect un peu moins ancien.
F. C.
E. Levi-Malvano. — L'EIegia amorosa nel Settecento. In-8°,
212 p. Torino, 1908.
L'auteur dit: « Le dix-huitième siècle, qui n'eut pas de très
grands poètes, eut en revanche de grands peintres : ce furent les
peintres français. Les vrais poètes de ce siècle furent Watteau,
Fragonard, Boucher, La Tour (p. 18) ».
« Ils ont chanté la grande élégie amoureuse du XVIII* siècle
sur les toiles exquises où se reflète toute la mollesse de leur temps,
la légèreté des âmes, la grâce des manières, le bon goût des esprits,
la volupté des mœurs, où un mince voile de mélancolie jeté çà et là
sans pédantisme tient lieu de la grande passion et du sentiment
intense ». Les poètes aimables dont nous entretient agréablement
M. Levi-Malvano, peignent fidèlement, avec talent, ces mœurs
raffinées d'un temps dont la mièvrerie nous devient aussi étrangère
que le devint pour les Romains cette urbanité dont Pline le Jeune
fut le dernier représentant. Rolli, Savioli, à certains égards Monti
lui-même, nous laissent absolument* froids. Elèves des élégiaques
latins, ils n'en ont point la passion ardente. Mais ils peuvent être
l'objet d'une étude intéressante, car ce sont des stylistes, et à ce
titre ils ont leur place dans l'histoire de l'art. M. L. les fait con-
naître sans exagérer leur mérite, et l'on comprend, grâce à lui. l'ad
miration et les éloges que leurs contemporains leur prodiguaient.
En parcourant ce volume, on pense au tableau que Stendhal a
présenté des mœurs italiennes dans la Chartreuse de Parme: l'époque
des Rolli et des Savioli se continuait dans le monde aristocratique
dont ils avaient amusé les loisirs. Peut-être aurait-on pu rechercher
si le très long séjour que Rolli a fait en Angleterre, où il a composé
la majeure partie de ses écrits, si le contact avec une poésie étran-
COMPTES RENDUS. 42 1
. n'ont pas eu quelque influence sur le développement de son
talent. M. L. a grand'raison d'insister sur l'art, avec- lequel ces
poètes ont employé les ressources oV la métrique italienne, et
surtout de montrer coininent Parmi, Foseolo, bien d'autres se
sont, formés en quelque mesure à leur école. Cette seconde par-
tie du volume est instructive. Il n'y a que du bien à
dire du soin avec lequel la publication nous est offerte: le frontis-
pice représente une de ces scènes d'amours champêtres où de belles
dames déguisées en bergères reçoivent l'hommage d'un joli garçon:
les pieds sont nus, concession faite au genre rustique. Sur le monu-
ment qui est derrière eux, on lit: Fontaine de l'Amour. C'est bien
en effet l'amour fiançais que décrivent nos élégiaques italiens, trop
français peut-être, car malgré tout, malgré tous les déguisements
et tous les raffinements, j'ai peine à croire que le tempérament
passionné de l'Italie ait pu tellement s'endormir qu'aucun éclat
violent ne le révèle. Papier, impression, le format lui-même, tout
est plaisant.
Cependant je risque une critique. Lorsque le bon Flaecus en
vient au vers élégiaque, il avoue ignorer qui en est l'inventeur, et
dit que les grammairiens ne l'éclairent pas: Grammatici évitant et
adhuc sub judice lis est. M. L.. ne mentionne pas l'avis d'Horace,
et juge nécessaire de consulter la science moderne. Il cite donc
M. Croiset et nous apprend que sl^^ est de même racine que
l'arménien elegn, elegneay, roseau, flûte de roseau. Mais il croit
devoir faire plus, désigner les plus anciens poètes élégiaques. M.
Croiset ayant mentionné que d'après Plutarque Clonas et Sakadas
sont les deux noms à citer, bien qu'il ne reste rien ni de l'un ni de
l'autre, M. L. résume le tout en une ligne: « L'elegia greca fu da
principio religiosa con Clonas e Jakad'as ». Je sais bien que l'on
est obligé de prendre ainsi la science toute faite, mais quand cela
est indispensable, et. franchement, je ne vois aucun lien entre
l'élégie primitive et l'élégie italienne du XVIIIe siècle. On eût mieux
fait de s'en tenir aux vers d'Horace; l'on eût ainsi évité de créer
ce Jakadas, lequel n'est sans doute qu'une faute d'impression.
A propos des peintres fiançais : Basta rammentare le tele de!
dolce Frago : « l'inspiration favorable, le serment d'amour, la fon-
taine d'amour, le songe d'amour, la résistance inutile, le baiser à
la dérobée, l'instant désiré » e moite altre anoora. Le dolce Frago
est sans cloute Fragonard. Nous ne relirons jamais assez nos épreu
ves.
A la page 32, il est parlé des hexamètres d'Euripide. Ce sont des
iambiques trimètres. Y. Horat, Ad Pisones, 251-257.
F. Castets.
28
i22 COMI'I I - RENDUS.
E. Faral. — Les jongleurs en France au Moyen Age. In-8"
I XII. 1339. Paria, Champion, 1910.
(,111c sont [es jongleurs ': se demande d'abord M. Faral. Et. ré-
sumant en fait son ouvrage, il donne pour définition, à titra pro-
visoire: « tous «lux qui faisaient profession de divertir les hom-
mes. » Il montrera en effet que le mot valait pour les acrobates et
faiseurs de tours aussi bien que pour Les chanteurs de « geste »
et les conteurs. Le mot lui-même, dans sa forme romane, date
du VIIIe ou du IX' siècle. Le sujet est extrêmement étendu, car
il comprend une variété infinie de manifestations de la vie durant
une longue période.
La première partie (1-60) donne les origines. La seconde (61-
221) présente l'époque florissante, le « règne », des jongleurs.
La troisième a pour objet leur décadence (222-251). La conclusion
(253-262) rassemble les résultats obtenus. Suivent quatre appen-
dices et un index.
La seconde partie, de beaucoup la plus longue, est fort intéres-
sante. Après avoir classé les jongleurs en raison de la multiplicité
d'emplois auxquels s'applique le nom, M. P. leî montre dans les
fêtes privées ou publiques, clans les foires, puis se transformant en
ménestrels, s 'organisant en corporations et confréries (la confré-
rie des Ardents d'Arras, p. 133-138; le Puy d'Arras, p. 138-141).
Après l'examen des vices attribués aux jongleurs, l'on en vient à
Rutebeuf considéré tomme le type supérieur du jongleur, avec des
caractères particuliers d'originalité et de réflexion. N'a-t-il pas
pris la défense de Guillaume de Saint-Amour? Le chapitre IX
(167 221), Les jongleurs et les genres littéraire*, malgré tout
le soin que l'auteur y a mis, ne pouvait être qu'une vue rapide
d'éléments très nombreux. M. P. y prouve tout au moins une con-
naissance complète de la poésie du Moyen Age et l'art de l'in-
terpréter au point de vue où il se place. Il dit d'ailleurs lui-
même: « Aussi bien ne viserons-nous, ici, à acquérir qu'une
notion approximative de l'œuvre accomplie par les jongleurs, et
si nous nous permettons quelques conclusions, nous garderons ton
jours le sentiment qu'elles sont nécessairement un peu vagues et
peut-être insuffisamment fondées » (p. 167).
.Mais « l'industrie complexe qui avait fleuri au XIIe et au
XIIF siècle, se résolvait en une série de spécialités distinctes et
isolées. On ne rangeait plus dans une classe unique les chanteurs,
les acteurs, les montreurs et les poètes... La poésie et l'art, sous
leurs formes les plus belles, ont cessé d'être populaires ». Et
COMPTES RENDUS. 423
ainsi La condition des auteurs change; ils deviennent de plus en
plus hommes de Lettres au sons moderne du mot (1).
Le jongleur, néanmoins, ne disparaît pas encore de l'histoire
des Lettres. Le théâtre comique lui appartient. « Il faudra Long
temps pour qu'il lui échappe. » Ainsi commence la troisième
partie, où M. F. maintient qu'il faut d'abord écarter les souvenirs
classiques, et L'influence supposée des mystères religieux. Il place
« L'origine du théâtre comique dans L'antique tradition mimi-
que dont les jongleurs étaient les dépositaires » (p. 228).
Cette tradition se réduit, à « L'esprit mimique, esprit fort riche,
qui s'exprime de manières très diverses par des danses, des scè-
nes muettes, îles dialogues ou autrement... Le mime littéraire
n'est qu'une variété du mime en général, aussi voisine des bas-
fonds que des sommets de l'art » (p. 229).
Puis l'on étudie: 1" la danse mimique; 2" le caractère minii
que de la littérature du Moyen Age ; 3" le monologue drama-
tique ; 4" le mime dialogué, et l'on arrive ainsi au drame pro-
prement dit. L'auteur est convaincu que « les comédiens du XV
siècle sont les descendants directs des jongleurs » (1).
Dans sa conclusion, M. Faral reconnaît que les jongleurs, en
qui il voit les continuateurs des mimes de L'antiquité gréco-ro-
maine, se sont comme « tapis et terrés pendant la tourmente qui,
trois siècles pleins, balaie l'Europe. C'est seulement au IX' siècle
que, par bandes, ils commencent à émerger d'un passé obscur »
(]). 253).
(1) P. 225 et G. Paris, Esquisse de lu littérature française nu
Moyen Age, p. 210.
(1) Sous le titre de l'un rivoluzione negli studi irttorno aile
« Chansons de geste ». M. Pio Eajna vient d'étudier dans les Studi
Medievali (1910, t. III, fasc. 3, p. 331-391), le premier volume
de M. Bédier: Le Cycle de Guillaume d'Orange. La conclusion est
défavorable aux idées présentées par M. Bédier: « Conchiudo che,
per il pubblico a eui s'indirizza il volume del Bédier, nonostante
le doti d'ingegno sfavillanti del suo autore, e forse fino ad un
certo segno, per ragion loro, è stato detto, scritto e publicato pres-
soehè inutilmente. Cose buone e non belle soltanto, neoessaria-
mente vi abbondano ; ma disseminate eome sono in un insieme che
non posso chiomar buono, perché, seeondo me non vero, giovano
poco e eontribuiscono a far accogliere simultaneamente dagl' incauti
il non vero ». De telles paroles sont graves, émanant d'un homme
qui possède si merveilleusement notre épopée en son histoire.
'f!'\ COMPTES lilNDi S.
« ... Quant à la littérature, c'esi aux jongleurs qu'elle doit le
meilleur de sa substance, ...ils créaient, amplifiaient et répan-
daient une tradition légendaire nationale où l'imagination popu
laire s'abreuvait. » (P. 259.)
Ainsi. .M. Parai attribue définitivement aux jongleurs une part
de création, part non limitée, dans la tradition légendaire. C'est
leur accorder beaucoup quand on me t'ait pas d'autre réserve. L'on
est donc tenté de revenir à une distinction entre ce personnel si
mêlé et très peu respecté et les auteurs des premiers chants de
notre épopée ; on lui imputerait volontiers le tort de les avoir
si facilement altérés. On se résignerait même à admettre que dans
la Gaule du Nord les scôps germains firent naître par leur exem-
ple des imitateurs romans. Il y avait chez les Grecs des mimes
et des acrobates, mais les aèdes en paraissent très différents, à en
juger par Démodokos et Phémios, les chantres divins, en qui
l'on a bien quelque excuse à entrevoir une relation, une parenté
originelle avec l'auteur de notre héroïque Roland. Affaire de senti-
ment, soit, mais en littérature le sentiment a sa valeur et peut
éclairer là où les documents font défaut.
Tout au commencement de son livre. M. F. avait rencontré
l'opinion que les jongleurs sont des héritiers des skôps germains
en tant qu'ils sont des poètes et des chanteurs épiques. Plus loin,
p. 55, traitant des jongleurs et des chansons de geste, il retrouve
Gaston Paris et M. Rajna dont il écarte la doctrine, s 'appuyant
sur l'opinion de M. Bédier « qui a montré le rapport étroit de
ces chansons, sous leur forme la plus ancienne, avec certains
centres de pèlerinage. .. Ces histoires pleines du tumulte des ai
nies, c'est pour les dévots curieux et inoffensifs qu'ils les au-
raient souvent imaginées ». Sou nul ne veut pas dire toujours, et
la thèse, ainsi formulé, offre une voie à la conciliation entre des
vues qui, de prime abord, semblent contradictoires.
Mais ce n'est pas le lieu d'examiner les travaux, d'ailleurs très
remarquables, de M. Bédier; M. Faral n'y fait en somme qu'al-
lusion, incidemment, et l'essentiel de son ouvrage subsisterait, alors
même que l'on se refuserait à nier avec lui tout lien entre le
skôps germain et le jongleur français.
Je n'ai présenté qu'un cadre écourté d'un ouvrage plein de cho-
ses et d'idées. L'auteur a peut être trop cédé h la tentation si
naturelle- d'agrandir le rôle du jongleur: le caractère d'une thèse
de doctorat me paraît se déceler en ce que l'on se préoccupe de
formuler des conclusions aux endroits eux-mêmes où l'on sent
qu'elles ne sont qu'a demi- convaincantes. Mais le soin apporté
à la composition de l'ensemble et à la distribution des parties, la
COMPTES RENDUS. 125
clarté 6t l'agrément de L'exposition, et la documentation très com-
plète, sont des mérites de premier ordre, surtout en un pareil
sujet, dont il convient de reconnaître la difficulté. Si M. Faral
a suivi, comme il semble, Les cours de M. Bédier, Le maître peut
être fier du disciple.
Parmi ceux >jui uni combattu vivement L'engouement que L'on
avait' pour Les «liants et récits profanes, je crois que l'on aurait
pu citer Gautier de Ooinci. 11 prédit « maie honte » à ceux
qui ne noient point aux mirai les et leui préfèrent le roman de
Renaît :
Si coin Tardius li Limeçons
Lut et chanta les .ni. liçons
Sur la bièi e dame Coupée
Que Renaît a voit esoroupée.
(Roquet, p. 271.)
Ailleurs il soutient que, malgré tout.
Plus délitant sont, fcuit li conte
A bonnes genz. par saint Orner,
Que de Renart ne de Romer
Ne ue Tardiu le limeçon
(Poquet, p. 375).
Les contes dont il s'agit ici, sont les siens.
Pour le si joli fabliau de Merlin Mellot, il eût été bon de ren-
voyer aussi à la version que Méon a donnée sous le titre du
Vilain Asnier {Nouveau recueil, II, p. 236). &e texte, pris de la Vie
(/(.s Pères, est plus complet que la version en quatrains mono-
rimes que Jubinal a imprimée (Nouveau recueil, I, p. 128); il
avertit que le fabliau a déjà été publié par iléon sous un autre
titre: mais il parle à tort d'une conformité des deux éditions.
Les deux textes diffèrent par l'étendue et par le mètre employé
( V. t. I, Préface, vr). A la fin de son second volume, Jubinal
décrit un manuscrit (Nationale 1132, suppl. français), où il a
rencontré aussi le Dit <J< Mellin Mellot. Il cite les huit premiers
vers de l'introduction, qui n'ont rien de commun avec le texte de
la Vie des Pères. L'auteur dit qu'il ignore qui a écrit cette narra-
tion. Les vers sont octosyllabes comme ceux de la version de Méon.
Ferdinand Castets.
i26 < ompi i - m mm s.
J. Beck. — La Musique des Troubadoure, Paris, II. Laurens (Col-
lection des Musiciens célèbres). 128 pages, petit in-8°. (2 fr. 50.)
l'eu <ir temps après la publication de Bon grand ouvrage sur les
Melodien der Troubadours (cf. Rev. lang. rom., t. LUI, p. 208),
M. Jean I!. Beck t'ait paraître un livre de vulgarisation sur le
même sujet. I ta ne saurait trop le remercier d'avoir mis ainsi à la
portée «le toul le monde les résultats de ses recherches. Les Melo-
dien der Troubadours n'étaient pas, à la vérité, destinées exclu-
sivement aux musicologues de profession : l'auteur, qui écrivait
autant pour les romanistes que pour les musicologues, ne sup-
posait à ses lecteurs presque aucune instruction musicale ou mu
sicologique. .Mais la musicologie a malheureusement l'inconvénient
d'inspirer un respect par trop mêlé de crainte aux profanes pour
que les Melodien der Troubadours aient pu compter sur la diffu-
sion qu'elles auraient dû, en bonne justice, avoir parmi les phi
lologues.
Vn petit livre do popularisation n'a pas à se heurter à ces pré-
ventions, et aidera sans doute les romanistes à aborder l'étude des
Melodien der Troubadours, dont la connaissance leur est indispen-
sable. Il rendra aussi de grands services aux étudiants, qui ne sau-
raient se désintéresser complètement d'un sujet qui domine à la
fois la théorie du vers roman et l'histoire de la poésie lyrique au
moyen âge. Le grand public, enfin, saura gré à l'auteur de lui avoir
donné un livre de lecture agréable autant qu'instructive, qui le
renseignera de première main sur l'œuvre de nos anciens chanson-
niers (1).
M. Beck ne semble pas avoir eu en vue d'autres catégories de lec-
teurs que celles que je viens d'énumérer. On se tromperait pour-
tant, si l'on croyait que Lu Musique des Troubadours n'est qu'un
résumé populaire des Melodien der Troubadours. Assurément, l'ex-
posé de la théorie de l'interprétation modale des chansons notées
en caractères non mesurés y tient une grande place, puisque c'est
cette théorie qui nous permet de reconstituer les mélodies mé-
diévales dans leur rythme original. Mais M. Beck ne s'en est pas
tenu là. Avec juste raison, il a pensé qu'un livre comme le sien
ne pouvait pas se borner à l'exposé d'un seul problème, si impor-
tant qu'il fût, mais qu'il devait offrir aux lecteurs tous les ren-
(1) Le livre s'occupe autant de la musique des troubadours que
de celle des trouvères. « Troubadour » est pris, dans le titre
de l'ouvrage, au sens large du mot.
COMPTES RENDUS. 12*7
seignements et toutes les explications qui sonl nécessaires pour
apprécier et comprendre la musique des troubadours et des trouvères.
De la sorte, il nous a donné une esquisse d'ensemble, qui cons
bîtue un manuel, élémentaire mais très nourri, de musicologie
appliquée à la philologie romane. On en jugera quand j'aurai
donné un résumé succinct du livre.
Après un court avant propos, où M. Beck justifie la disposi
tion (m livre et sa méthode d'exposition, il aborde, dans la pre-
mière partie de l'ouvrage, le côté théorique du problème. P. 8 à
24 contiennent une esquisse <\u développement de la musique anté
rieurement aux troubadours. P. 24 à 46 sont consacrées à l'es
posé de l'évolution de la notation musicale, depuis les neumes primi-
tifs jusqu'au système proportionne] de la notation Eranconienne. Le
chapitre suivant (p. 47 à 61) traite du rythme, de la mesure et de
l'interprétation modale. Après avoir ainsi préparé le lecteur a com
prendre l'œuvre musicale des troubadours et des trouvères, M. Beck
étudie, dans la seconde partie du livre, les principaux genres lyri-
ques. Cette étude est combinée avec l'analyse musicale d'une ving-
taine de mélodies que M, Beck transe lit en notation moderne. De
courtes mais très suffisantes remarques sur la théorie médiévale
de la tonalité, intercalées dans les analyses, complètent cette partie
du livre. Une bibliographie raisonnée, un répertoire des définitions
et trois tables terminent le volume.
Quand on considère que le livre n'a que 128 pages, dont huit
sont occupées par la bibliographie et les différentes tables, vingt-
quatre par les douze planches hors texte, une quinzaine par les
transcriptions des chansons et quatre à cinq par les treize figures
(fac-similés pour la- plupart) insérées dans le texte, on est vrai-
ment surpris de l'art avec lequel M. Beck a su faire tenir en si
peu de place tant de matières. Dans l'avant-propos, M. Beck nous
explique qu'il n'a réalisé ce tour de force qu'en s'astreignant à une
concision extrême, et exprime la crainte que la clarté de l'expo-
sition n'en ait pâti. Cette crainte semble un peu chimérique : l'ou-
vrage est parfaitement clair, d'un bout à l'autre Quant à la con-
cision, il est certain qu'il serait difficile de retrancher quoi que
ce soit du livre. Mais je n'ai pas remarqué que le style en soit
particulièrement condensé. A deux ou trois phrases près, qui sem-
blent en effet un peu trop ramassés (1). La Musiqut des Trou-
(1) P. 51 (après la citation) ; p. 95 (début). On remarque aussi
que M. Beck. qui semble avoir voulu d'abord accompagner ses
transcriptions du texte poétique intégral, a dû y opérer au der-
WN COMPTES RENDUS.
badours se lit non seulement facilement, mais enoore trèa agréable-
ment. La langue, en est, à la vérité, sobre. .Mais est-ce vraiment un
défaut y Pour ma part, j'estime qu'on exagère singulièrement le.
■ du o grand public » pour le vain verbiage et j'ai bien peur
que les soi-disant élégances de style dont <>n a loutume (remail-
ler les livres de vulgarisation ne constituent une injure gratuite à
l'égard des gens, qui, pour n'être pas des spécialistes, ne sont
pas nécessairement des gens sans goût.
L'abseme de toute rhétorique est du reste conforme au but que
s'est proposé M. Beck en écrivant son livre. Il n'a pas voulu amuser
ses lecteurs, mais les instruire, et la rigueur avec laquelle il con-
çoit ses devoirs d'initiateur scientifique est extrême (voy. p. ex. la
sévérité avec laquelle il juge lui même la méthode d'exposition par
lui employée dans la seconde partie de l'ouvrage, méthode que je
( pois d'ailleurs excellente). Je crains même (pie sous ce rapport-là,
M. Beck n'ait commis un petit excès en s'interdisant d'harmoniser
ses transcriptions, son livre « devant rester strictement documen-
taire ». Je ne saisis pas bien en quoi ce caractère documentaire
serait altéré, si M. Beck avait fait suivre le texte original des
accords consommante, dont la substance mélodique est au surplus
renfermée, de l'aveu de l'auteur, dans la suite tonale des phrases ou
les ornements de l'original. En invitant les lecteurs à faire sacri-
fice des habitudes esthétiques modernes, M. Beck parle bien à son
aise, puisqu'il ne lui coûte rien à lui, qui vit depuis des années
dans l'intimité des mélodies pures du moyen âge, de renoncer
à l'accompagnement harmonique. Mais ne fait sacrifice qui veut.
et la plupart dt^ lecteurs de M. Beck lui sauront mauvais gré de
leur avoir offert des textes en leur interdisant de les goûter. En
faisant, l'année dernière, à l'Académie des Inscriptions et (U^ Bel-
les-Lettres, une communication sur son système de l'interprétation
modale, M. Beck n'a pas craint de s'accompagner sur le piano, et
personne ne l'en a blâmé, que je sache (1). Ce qui était de mise à
nier moment des amputations. Voy. notamment p. 104, où l'on
suppose la connaissance des couplets finaux de la chanson de la
11' Ile Doëtc, alors que, p. 103, on n'en a communiqué (pie le
premier. Il en est de même de la chanson Voir: vos que je vos
chant, p. 107.
(1) La seule critique que M. Beck se soit vu adresser au sujet
de cette communication a été présentée, à une séance subséquente
de l'Académie des Inscriptions, par M. Pieire Aubry. .Mais elle
portait sur tout autre chose. Comme M. Pierre Aubry l'a dé-
COMPTES REND1 S. 129
l'Institut de France n'aurait certainement pas été déplacé dans
un livre de vulgarisation. M. Beck semble s'en rendre compte lui-
même puisqu'il promet de publier prochainement un Choix dt chan-
sons '/' s troubadoursi transcrites avec accompagnement de piano
ou de harpe.
Cette petite réserve fait») je n'ai qu'à louer la méthode de l'au
teur. Sun trait distinctif, c'est de ne dire rien qui ne puisse être
compris par le lecteur. .M. Beck prend à cœur d'expliquer chaque
proposition qu'il formule. Rien n'avait plus besoin d'être traité de
cette manière-là qu'un ouvrage de musicologie, Car, si les ouvrages
de vulgarisation qui s'adressent à l'intelligence et non à la mé
moire des licteurs ne sont pas très communs en général, ils sem-
blent faire complètement défaut en matière musicale, Si l'exemj le
de M. Beck était suivi par ses confrères, la musique cesserait
bientôt d'être, pour la plupart des mortels, un livre fermé de
sept sceaux. Ce qu'on peut affirmer d'ores et déjà, c'est que la
musique des troubadours ne saurait plus passer pour en être un,
au plus grand avantage des romanistes.
Jo viens de dire que malgré l'exiguïté de la place disponible,
les explications de M. Beck sont claires. J'ajouterai que, grâce
à l'emploi judicieux de l'illustration, elles sont très vivantes. Les
cbjap^tres les pins techndqu|e6|, comme par exemple ceux con-
sacrés à la paléographie musicale, n'ont, eux mêmes, rien de sec
ni d'aride. On suit partout l'auteur avec intérêt parce qu'on
n'est jamais avec lui dans le domaine <h- la spéculation abstraite.
Son procédé habituel, c'est de partir d'un exemple concret —
fac-similé, chanson, phrase mélodique ou expérience acoustique, —
et de présenter ses explications sous la forme du commentaire d'où
se déduit la règle générale.
Les chansons transcrites dans la seconde partie de l'ouvrage sont
claré lui-même, avec une délicatesse charmante, « il était venu à
l'Académie simplement pour combler une lacune bibliographique de
la communication de M. Beck, et rappeler qu'au mois de juin
1907 il avait publié dans la Revue musicale et ensuite en tirage à
part, c'est-à-dire quelques mois avant le livre de M. Beck, une
longue étude à ce sujet ». (Académie des Inscr. et Belles-Lettres,
comptes rendus des séances. 1S09, p. 231.) On sait que depuis,
une sentence arbitrale, rendue à l'unanimité des voix, a constaté
que l'étude dont M. Aubry avait r\u pouvoir entretenir l'Académie
constituait un plagiat au préjudice de M. Beck. Voy. Annales du
Midi, XXII, p. 113 sqq.
130 COMI'Ï ES RI MHS.
accompagnées d'une traduction en vers quand elles sont proven-
çales, en prose quand elles sont françaises. Cette différence
me semble pas très justifiée. Je doute que les chansons des trou-
vères puissent, « à la rigueur, être exécutées dans leur textes
originaux » par des Lecteurs non romanistes.
J'insiste tant sur la manière dont M. Beck traite son Bujet,
parce que ce point me paraît capital pour juger de la valeur d'un
ouvrage de vulgarisation. 11 convient pourtant de dire aussi quel-
ques mots du sujet lui-même. L'idée principale du livre, celle
qui la domine d'un bout à l'autre et en fait l'originalité scienti-
fique, c'est le caractère savant de la lyrique médiévale, ses ori-
gines religieuses et l'influence profonde que la musique pieuse
des clercs ne cesse jamais d'exercer sur l'art >\i^ troubadours et
dis trouvères. La théorie des origines populaires de la poésie ly-
rique ne résiste pas à l'examen musical. La preuve la plus topique
peut en être fournie précisément poux les chansons narratives et
dramatiques, qui passaient jusqu'à présent pour avoir conservé le
mieux le caractère populaire. La musique dés aubes et des chan-
sons d'histoire est artificielle et compliquée, et est « peut-être
la plus savante que des troubadours aient composée » : dans les
romances et les pastourelles, on surprend aussi de réminiscences de
mélodies pieuses; plusieurs d'entre elles « se chantent même, note
pour note, sur des airs des compositions religieuses ». Dans ses
analyses musicales, M. Beck insiste sur les modulations raffinées
de toutes ces mélodies qui exigeaient, pour être exécutées, des
chanteurs rompus à toutes les difficultés du métier. Quant aux
rapports des chansons à personnages avec la musique de danse,
M. Beck les constate surtout clans les pastourelles. L'apparition
soudaine de la lyrique provençale dans la deuxième moitié du on-
zième siècle est mise en relation avec le développement de la
musique religieuse à la même époque en Limousin, particulière-
ment à Sainu-Martiai-de-Lknoges.
Ce bref aperçu suffit, j'espère, pour montrer l'intérêt du livre
non seulement pour les musicologues, mais aussi et surtout pour les
romanistes. La plupart des questions qui concernent l'histoire de
la vérification et l'histoire de la poésie au moyen âge ne peuvent
être résolues que par une étude minutieuse de l'histoire de la
musique. Cette thèse, dont le bien-fondé ne fait pas de doute pour
ceux qui s'occupent de la poésie latine au moyen âge depuis
la publication de la belle étude de M. Wilhelm Meyer (de Spire)
sur les Fragmenta Burana, devrait aussi être admise par les ro-
manistes. Mieux que tous les raisonnements, le livre de M. Beck
les convaincra de la nécessité' d'étudier de très près l'histoire de
COMI'I I S RENDUS. 131
la musique. Et, grâce à la simplicité et à la clarté avec lesquelles
M. Beck expose lis problèmes 1rs plus ardus de la musicogra
phie, ils n'éprouveront aucune difficulté à s'initier à cette science,
qui est moins impénétrable qu'on ne pense communément.
En s'astreignant à écrire an petit livre de vulgarisation et en
trouvant un éditeur assez généreux pour le donner au public
pour un prix infime, M. Beck, aidé par son éditeur, a fait tout
ce qu'il était en son pouvoir de Eaire pour faciliter aux roma-
nistes de se familiariser avec un ordre de recherches qui passait,
bien à tort, pour être étranger à leurs études. C'est à eux do
profiter de cette occasion et de combler au plus tôt cette fâcheuse
lacune de leur éducation professionnelle.
Je termine cette notice par quelques observations de détail ;
chemin faisant, je note et corrige les fautes d'impression quand
elles ont quelque importance.
P. 29. « forme dite liquescente qui se place le plus souvint à
la rencontre de deux consonnes ou de deux demi voyelles ». On
enseigne généralement que cette forme se place soit au-dessus du
groupe iniitn cum liquida, soit au-dessus d'une diphtongue. Si la
formule de M. Beck n'implique aucune différence de doctrine, il
aurait été préférable de garder les termes traditionnels, quitte à
les expliquer au glossaire-index. La phrase aurait gagné à la fois
en clarté et en précision. — P. 83. Il ne fallait pas parler de
la « chanson couronnée » sans expliquer ce que Jean de Grouchi
entend par contins coronatus. Le lecteur, non prévenu, y verra
à coup sûr une chanson distinguée dans un concours par un prix
au lieu d'y voir le nom d'un genre lyrique J'ignore aussi sur
quoi l'auteur fonde l'hypothèse qu'il formule dans ce passage. —
P. 86, 1. 4 d'en bas. Lisez: de Saint-Cire. — P. 87. 1. 19. Sup-
primez: qui (après la virgule). — P. 91, 1. 8. Lisez: chant XXVIII.
- — P. 94. au début de l'alinéa, lisez : jocs partitz. — Planche
YIII. La légende qui l'accompagne porte seulement : « Une page
d'un chansonnier fiançais du début du XIVe siècle. Notation me-
surée. Bibl. Nat. f. fr. 846. » M. Beck, cédant sans doute à un
scrupule de fausse modestie, n'a pas cru devoir y ajouter un renvoi
aux Melodien rfrr Troubadours, p. 122. n. 1 et a, où sont expli
quées les irrégularités de la notation de ce ms. C'était pourtant
indispensable, puisque ces irrégularités sont assez nombreuses.
Jean Acher.
P. -S. — Le compte rendu que j'avais publié ici (LUI, p. 208 sqq.)
des Melodien der Troubadours de M. Beck provoqua- une protes-
43*2 COMPTES RI M»i:S.
bation de la pari d'un privat-dooent de musicologie à Strasbourg,
M. Ludwig Friedrich), qui m'écrivit, au mois de juin dernier, pour
réclamer pour lui l'honneur d'avoir établi le premier l'interpréta-
tion modale dee chansons dee troubadours et des trouvères que M.
Beck se serait ensuite appropriée. A ma demande de vouloir bien
m'indiquer l'ouvrage où il avait exposé la théorie de l'interpréta-
tion modale. M. Ludwig répondit qu'il n'avait encore rien publié à
io sujet, mais qu'il avait communiqué oralement cette théorie à
M. Beck; qu'un livre en coure d'impression de M. Ludwig devait
saisir l'opinion publique de cet incident, et que la feuille conte-
nant l'exposé de ses griefs était tirée depuis de longs mois. Avant
de faire droit à la réclamation de M. Ludwig je crus devoir pren-
dre quelques renseignements à Strasbourg. Ils furent nettement
défavorables à M. Ludwig. C'est ainsi, par exemple, que M. G.
(Jroeber. que M. Ludwig prétendait avoir entretenu en temps utile
de ses prétentions à la priorité, opposa un démenti formel à cette
affirmation et qu'il se déclara- prêt à certifier que M. Beck était en
possession de sa méthode comparative dès avant l'arrivée de M.
Ludwig à Strasbourg. Et comme M. Ludwig se refusa, an surplus.
à me communiquer la feuille de son livre dont il vient d'être parlé,
on ne peut garder aucun doute sur le caractère de .*cs prétentions.
■ le n'en parle ici que pour mettre en garde contre M. Ludwig ceux
des romanistes qui peuvent avoir l'occasion de s'occuper des mélo-
dies des trouvères et des troubadours et qui sont, par conséquent,
exposés à subir des réclamations de ce personnage. La découverte
de M. Beck excite des convoitises, c'est la seule moralité de cette
histoire. J. A.
C. Frati. — Re Enzo e un' antica versione francese di due trattati
di i'alooneria [Estratto dalla Miscettanea Tassoniana, p. 61-81].
Modcne, G. Ferraguti. 1908.
Il s'agit de deux traités de fauconnerie contenus dans un ma-
nuscrit du XIVe siècle, qui, après avoir appartenu a la Bibliothè-
que de l'Université de Padoue, se trouvent maintenant à la Biblio-
thèque Saint-Marc, de Venise. La traduction fut faite sur l'ordre
du roi de Sardaigne, Henri, second fils de l'empereur Frédé-
ric H. et passionné, comme son père, pour l'art de la faucon-
nerie. Elle paraît être du milieu du XIII" siècle, et cette date
reculée donne une grande valeui à cette traduction française exé-
cutée par un italien.
M. C. Frati étudie sommairement les diverses copies de l'ori-
ginal latin (traduit lui-même de l'arabe) ; il décrit ensuite le
COMPTES RENDUS. i33
tnanuserii et publie — en outre des prologues — la lin de cha-
cun des livres àbnl se compose le premier traité de faucon-
nerie. Le second, qui est moins important, est décrit suivant la
même méthode.
.1. ÂNGLADE.
W. Kùchler. — Dis Cent Nouvelles Nouvelles. Chemnitz. W.
Gronau, 1906. Gr. in 8, 1-68 p.
L'auteur de cette Habitationsschrift de l'Université de Gies
sen s'est attache surtout a rechercher les sources des Cent Nou-
velles Nouvelles. La question de savoir quel est l'auteur du recueil
le laisse indifférent, ou plutôt ce n'est pas là l'objet de son tra
vail ; mais l'étude des sonnes est faite avec un grand soin et une
grande minutie, 'l'ont ce qui appartient aux recueils antérieurs,
français ou étrangers, tout ce qui se retrouve dans le folklore est
rapproché de chaque récit : un petit nombre de nouvelles ont
résisté à ces consciencieuses recherches. Les conclusions les plus
importantes cte l'auteur sont les suivantes: l'influence italienne est
à peu près nulle, car ce qui est — ou paraît — imité du Pogge
était déjà connu par le folklore et l'auteur des Cent Nouvelles
Nouvelles n'a rien emprunté de spécifiquement italien.
Cette recherche des sources n'est d'ailleurs qu'un chapitre d'un
travail plus général dont la suite a paru dans la Zeitschrift fiir
franzôsische Spraclte und Litteratur de Behrens. Cette suite se
compose do deux chapitres: l'un sur la technique des Cent Nou-
velles Nouvelles (style, composition, caractères;) et l'autre sur
l'esprit du recueil et ses rapports avec l'esprit de son époque*. Mais
tout ceci est subjectif; c'est surtout la première partie, avec les
résultats objectifs qu'elle nous offre, qui nous paraît importante
pour l'histoire de la nouvelle en France.
J. Anp.lade.
R. Menéndez-Pida!. — L'Epopée Castillane à travers la Litté-
rature espagnole. Traduction de Henri Mérimée, avec une pré-
face de Ernkst Mérimée, Paris, Colin. Prix: 3 fr. 50.
Voici un ouvrage qui vient à son heure pour rectifier la, con-
naissance incomplète et même erronée que nous avons de l'épopée
espagnole.
L'auteur, M. Ramén Menéndez Pidal, doit être placé au pre-
mier rang des érudits qui étudient l'évolution historique et phi-
lologique des légendes épiques de l'Espagne. Depuis 1898, date à
laquelle il publia La Légende des Infants de Lara qui fit sensa-
134 COMPTES li INDUS.
tioii dans le i ide des romanistes, il a, dans de nombreuses
monographies, élm-idé certains points obscurs de la question si
délicate et si controversée de l'épopée espagnole. Il restait à ex-
poser cette question dans un ouvrage d'ensemble, accessible au
public cultivé.
L'occasion a été fournie à M. Pidal par l'Université améri-
caine .lohns Uopkins, qui lui avait demandé d'occuper, en 1909.
une chaire où se firent entendre des maîtres comme M. Bru-
netiére. Les conférences qu'il a données là-bas ont été prononcées
en français d'après une traduction préparée par M. Henri .Méri-
mée, maître de conférences à l'Université de Montpellier. C'est
cette traduction retouchée et mise à jour sur les indications de
l 'auteur lui-même qui forme le présent ouvrage
En sept chapitres, où l'exposition alerte, vivante et colorée e6t
soutenue par une documentation extrêmement précise, M. Pidal
suit à travers les siècles les transformations qu'a subies l'épopée
castillane, dans les chansons de geste du haut moyen-âge dans les
« romaines » de la pré Renaissance, dans les « comédies » du
théâtre classique, et jusque dans les œuvres lyriques des poètes
modernes. L'ouvrage est magistralement présenté aux lecteurs fian-
çais par une préface de M. Ernest Mérimée, qui est en Fiance,
l'un des restaurateurs et l'un ries représentants les plus autorises
des études hispaniques.
M. Cagnac. — Fénelon, études critiques. Pari*, Société Fran~
çaise d'Imprimerie et do Librairie. Prix: 3 fr. 50.
M. Moïse Cagnac donne enfin au public lettré ses Etudes criti-
ques sur Fénelon. Depuis sa remarquable thèse de doctorat: Fé-
nelon, directeur de conscience, 1901, les hommes de lettres avaient
convié le jeune docteur à une étude complète des ouvrages du
grand archevêque de Cambrai. C'est chose faite aujourd'hui.
Sans doute un volume ne serait pas trop pour chaque partie
de cette œuvre immense: Pédagogie, Littérature, Politique, As
cétisme, Controverses sur le Jansénisme. Mysticisme; mais le
temps n'est pas aux ouvrages trop longs, et M. Cagnac a dû
mettre en dix chapitres la matière de plusieurse volumes. Syn-
thèse difficile, qu'avait jadis tentée M. Lanson pour Bosquet (So-
ciété française d'Imprimerie et de. Librairie). Moïse Cagnac a sui/i
le même plan que M. Lanson ; il a élevé à Fénelon un monu-
ment remarquable.
Les deux grands évêques du XVII' siècle ont trouvé en MM
Lanson et Cagnac des critiques clairvoyants. Les jugements ne
COMPTES RENDUS. 135
sont pas tout admiraiifs. La critique es! Eranche, Loyale. Les dé
faute îles grands hommes ne sauraient nous étonner. ( ela I'
proche de nous. Nous entendons mieux les Leçons qu'ils nous don-
nent.
E. Montier. — De L'Amitié, suite des « Propos du Véghel ».
Paris, Sociéti Française d' Im/primerù il <!< Librairie. Prix:
1 franc.
Cette nouvelle, étude de M. Edward Montier fait suite aux
propos du Véghel: ['Education du sentiment et Au seuil des
noces, qui ont remporté auprès des jeunes gens et de leurs édu-
cateurs eux-mêmes an si encourageanl succès.
De l'Amitié est un dialogue encore, facile et poétique, une an
thologie psychologique pourrait-on dire, de ce sentiment précurseur
de l'amour à travers les âges, depuis Achille ei Patrocle jusqu'à
Laoordaire et Montalembert.
L'auteur, avec une singulière acuité, a creusé Le problème de
l'amitié; il en a suivi l'évolution païenne jusqu'au Christ, et après
lui, et à son modèle s 'élevant aux sublimités de l'apostolat en
mun.
Cette nouvelle causerie, au bord de la mer, à la manière anti-
que, a le charme attendri et pénétrant de ses devancières. Elle
constitue le bréviaire des amis chrétiens. La grâce abandonnée du
style, la multiplicité des images, l'accent de sincérité des pensées,
t'ont très vivante cette dissertation dans laquelle semble Ri con-
courir la psychologie et La littérature.
J.-H. Rosi:y. — Les Audacieux. Paris, Société Françaisi d'Impri-
merie et de Librairie.
Ce recueil de nouvelles vivantes et vibrantes, aventures et dra-
mes, qui presque toutes nous montrent l'effort de l'homme aux
prises avec tous les dangers, est une forte et nouvelle leçon d'éner
gie et d'initiative donnée par les deux maîtres écrivains à nos
jeunes générations.
E. Faguet. — La démission de la morale. Pari*, Société Française
d'Imprimerie et de Librairie.
« J'aurais peut-être dû. dit M. Faguet en terminant son livre
sur la Démission de la morale, ne pas écrire ce volume et me
contenter de transcrire cette ligne d'Alfred de Vigny : L'honneur.
c'est, la poésie du devoir. »
Tous ceux qui connaissent les qualités d'analyse et de synthèse
436 comptes ni ndus.
que possède M. Faguel ne regretteront pas, après l'avoir lu, qu'il
ail écrit oe nouvel ouvrage. I! y étudie successivement la morale
avant Fiant, la morale de riant, le Néo-Kantisme, puis en réaction
contre Haut la morale sans obligation ni sanction. 11 analyse en-
suite la moral< de Nietzsche qui n'est, dit-il. « qu'un stoïcisme
dépassé ». 11 indique enfin certains moralistes qui ont voulu faire
rentrer la morale dans la sociologie et ont imaginé la morale Bcience
des mœurs.
Il arrive a cette conclusion que toutes ces conceptions ont abouti
a une sorte île démission de la moi aie.
Dans un dernier chapitre. M. Faguet détermine comment il en-
tend la position du problème et il montre la morale <l< l'honneur
rejoignant toutes les autres avec lesquelles elle semble être en
contradiction, les absorbant toutes parée qu'elle les contient et
les faisant renaître plus pleines, plus consistantes et plus vivantes.
J.-H. Rosny. — Les Œuvres de Shakespeare, nouvelle traduction.
Tome I: Hamlet. Macbeth. Beaucoup de bruit pour lien. Paris,
Société Française d'Imprimerie et <!<• Librairie.
Il est curieux de voir des maîtres écrivains comme .1.-11.
Rosny entreprendre la. tâche ardue et délicate de traduire à nou-
veau les œuvres de Shakespeare. La connaissance approfondie qu'ils
ont de la langue et de la pensée anglaises, leur sens très net
de l'art dramatique devait mieux qu'à tous autres faciliter une telle
entreprise.
Ils ont voulu faire cette œuvre en maîtres consciencieux, dési-
reux surtout de n'altérer en rien, par une traduction approchée,
la pensée de Shakespeare. C'est pourquoi, gardant les tournures
savantes, sans briser les moules, avec une sévérité de méthode qui
aurait eltrayé d'autres traducteurs, ils ont réussi à nous donner une
transposition véritable de Shakespeare en français qu'apprécieront
tout particulièrement les lettrés qui liront dans ce premier volume:
Hamlet, Macbeth et Beaucoup <l< bruit pour rien.
A. Soubies. — Almanach des spectacles. Année 1908. Paris, L'ihini-
rit i/i .- Bibliophiles.
Entre autres documents intéressants, nous trouvons dans ce vo-
lume, si élégant et si recherché des amateurs, la liste, aussi com-
plète que possible, des pièces représentées en France pour la pre-
mière fois pendant le dernier exercice. Cette liste se décompose
ainsi: Comédie- Française, 7: Opéra-Comique, 3; Odéon, 18; Gym-
nase, 7; Vaudeville, 5; Palais-Royal, 5; Variétés, 3; Porte-Saint-
COMPTES RI ND1 S. 137
M ; i , i i 1 1 . 2: Ambigu, 6; Châtelet, 1: l: e, 3; Théâtre An-
toine, 6: Théâtre Sarah-Bernhardt, 5: Théâtre Réjane, 7: Nou-
veautés, 2; Athénée, 7: Bouffes-Parisiens, 4: Folies-Dramati-
ques, 6: Dejazet, 3; Cluny, 10: théâtres divers et cafés-conoerts,
539; province, 228; soit un total de 975 pièces (104 de plus qu'en
1907) ! La production théâtrale, on le voit, est extrêmement abon-
dante.
E. Bourciez. — Eléments de linguistique romane. Paris, L'. hîmck-
sieck, 1910 (nouvelle collection à l'usage des classes, secvjnie sé-
rie, VI), XXII-698 p.
Ce livre s'adresse « avant tout aux étudiants proprement dits,
mais aussi à ceux qui. même sans éducation linguistique préa-
lable, désireraient acquérir sur ce vaste sujet quelques notions
précises » (préface, p. i). On comprend doue qu'il soit court:
il s'agissait de permettre au public ainsi, défini « d'embrasser
d'une vue plus rapide l'ensemble des faits: donner une orienta-
tion générale à ceux qui veulent entreprendre une étude, c'est
souvent leur en inspirer le goût (ibid.). De là le plan suivi :
première partie. Le latin (p. 25-140) ; deuxième. Fase romane primi-
tive (p. 141-310) ; troisième. Les langues romanes (p. 311-670). La
première partie (jusque vers le V siècle ap. J.-C.) comprend
un chap. I" sur les conditions istoriques. un chap. II sur les
sons du latin, un chap. III sur la formation du vocabulaire, les
emprunts, les créations de mots par dérivation et composition, les
changements de sens, un chap. IV sur les formes latines, et un
chap. V sur la frase latine. A ces chapitres correspondent ceux
de la deuxième partie (jusqu'à la constitution définitive des dif-
férentes langues romanes) : I, conditions istoriques nouvelles; II,
différenciation des sons ; III, répartition des mots ; IV, évolu-
tion des formes; V, évolution de la frase. Au contraire, la troi-
sième partie est divisée par groupes linguistiques, avec deux cha
pitres pour la Gaule, en raison de l'importance des innovations
modernes : I, l'ancien français et le provençal : II. l'espagnol et le
portugais; III, l'italien: IV, le roumain: V, les idiomes réti-
ques; VI, le français moderne (avec quelques détails, à titre com-
paratif, sur les parlera modernes du Midi et de la moyenne vallée
du Rône).
Ce plan intéressant a été suivi avec beaucoup de métode et un
soin louable d'éviter les redites. L'auteur a mis à profit les
idées de F.-G. Mohl et de tous ceux qui, réagissant contre l'abus
des reconstitutions arbitraires ou inutiles, ont cherché, par l'étude
comparative des langues italiques et par l'examen attentif des do-
29
138 ( oui'i ES RENDUS.
c nments d<n latin tardif, à préciser ce qu'on a pu apprendre du
latin vulgaire depuis Le traité magistral de M. Schuchardt; place
due est faite (et peul être parfois un peu largement) à l'osque et
à l'ombrien, el abondantes sont les références au Corpus inscrip-
tionum et an Corpus glossariorum. Cela marque un véritable
progrès. C'est également une chose excellente que de mettre en
tête de chaque chapitre un exposé istorique des conditions sociales
et politiques «lu peuple dont il s'agit d'étudier la langue. L'ex-
position est généralement très claire: ainsi les §§ 60 et 76, sur
la formation du vocabulaire latin, me semblent des modèles du
genre.
Je ne vois à ce livre — outre quelques erreurs de détail pres-
que inévitables dans une telle œuvre de généralisation — d'autre
défaut que sa brièveté même: elle a parfois amené l'auteur soit
à négliger des faits d'une certaine importance (p. ex. au chap. VI
de la troisième partie on attendrait au moins un bref résumé
de l'évolution du provençal comparée à celle du français), soit à
présenter ou à paraître présenter comme généraux à tout un grand
domaine linguistique des faits en réalité beaucoup plus limités
(assez nombreux exemples plus loin). Cela est dangereux surtout
pour le public novice auquel le livre s'adresse. De même, quand
les meilleurs bacheliers arrivent à l'Université ignorant qu'il faut
étudier les zona avant de s'occuper des lettres qui les représen-
tent imparfaitement, on ne saurait trop prendre garde de ne don-
ner que des éclaircissements fonétiques rigoureusement exacts et
pi Tris. Pourquoi choisir, comme tipe de o fermé, fr. pot (p. ix),
dont la prononciation varie tant de Paris à Lion? § 5 b: « l'a est
la voyelle fondamentale ( ?), celle qui se prononce la bouche
grande ouverte, et avec un point d'articulation aussi éloigné que
possible » (de quoi?) Pourquoi appeler (§ 57 a) c latin devant
e et /' « vélaire » au lieu de « occlusif » ?
Voici maintenant diverses notes prises, en vue de suggérer des
améliorations pour une nouvelle édition, au cours de la lecture de
cet ouvrage excellent, commode <à consulter, et que je voudrais
seulement encore plus commode et encore meilleur :
P. xviii : la Bévue des langues romanes n'est pas citée à côté
de Bomania, Romanische Forschungen, etc..
Il i a à la fin de l'ouvrage un bon index analitique des faits
linguistiques principaux, mais un index par mots le compléte-
rait eureusement. P. ex., si l'on veut savoir dans quelles condi-
tions, et à quelle époque les substantifs neutres en latin clas-
sique ont emprunté la flexion des masculins, on peut longtemps
lier à Accusatif, à Cas obliques, à Déclinaisons, à Genre, à
COMPTES i: i:\M S. 5t39
Neutrt . à Pluriels, alors qu'on trouverait Immédiatement le § re-
latif à la question au moyen d'un article marmorem ■■' L'index.
Dans le même ordre d'idées, l'abréviation Mulom. Chir., employée
§ 216 b, n'est pas expliquée à la liste des abréviations ; la table
des notations fonétiqims (p. ix, x) n'explique pas la valeur
de ). cité dans im ex. albanais § 185 c, ni celle de c clans un
ex. slave cité § 246 b (le lecteur pourra croire qu'il s'agit d'un
e ouvert, comme dans les ex. romans), ni (elle des signes employés
§§ 345 et 393 a pour transcrire des sons arabes.
§ 105 c: « ni/il/ sort tout à fait d'usage » ; vil est conservé dans
niéu (Comtat Venaissin), mu — niou (Daufiné S.-O.) : n'en sias
pas niéu l'encauso « vous n'en êtes nullement la cause ».
§§ 153, 266 a. La fermeture de e et de o devant nasale et la
chute de n finale romane ne sont pas des faits généraux pour tout
lo Midi de la Gaule, mais seulement (en gros) pour les pays à l'O. du
Rône. La fermeture De se produit au reste (ors des cas d'analogie
comme bona suivant bonu, so'nat suivant sonu, etc...) que quand
la nasale est implosive en roman: lang. bengut subj., mais béni
indic. Dans la Provence proprement dite on dit bon, et non boun
ou hou, et il en a toujours été ainsi. Si les troubadours de ce pays
font rimer p. ex. dons <^ dumnvs avec preons <^ profundus, c'est
par observation des règles de la y.otvîî, ;le même qu'ils écrivent
bo et non bon, bien que Vn finale de bonu ait persisté jusqu'à nos
jours dans le langage de leurs compatriotes. Qui nous donnera ja-
mais une grammaire istorique du vieux provençal tenant compte
des influences réciproques zowj — -dialectes?
§ 156 (1. Le passage de e à i devant l et n mouillées n'est pas
limité en Gaule au lionnais (avilli <^ apic(u)la) ; il i a de nombreux
exemples provençaux dès le aut moyen âge.
§ 158: « dans le Xord de l'ancienne Gaule... n s'est obscurci en
c ». Fermé jusqu'à serait, je crois, plus juste que obscurci en. —
V radre et salvar du Serment de Strasbourg ne prouvent rien pour
la date de a ^> e en français ; Eulalie, si proche dans le temps, a
partout c; au lieu d'admettre un arcaïsme de grafie, il est bien
plus naturel de considérer le Serment comme rédigé en franco-pro-
vençal, ce pour quoi il i a d'ailleurs d'excellents arguments lin-
guistiques et istoriques.
§ 179 c. Pourquoi donner, sans autre explication, manicare
<; manducare tomme forme usitée dans l'Italie du centre (où je
n'ai jamais entendu que mangiare) ?
§§ 180 d et 273 c. Lat. ps ne devient pas toujours ni partout
ys dans le S. de la Gaule: v. prov. eps, eus, eis <^ ipsu, prov.
i H) COMPTES RENDUS.
mod. nus <^ hapsu, gasc. tous <^ lupxu (v. A'' uue de dialectolo-
gie mm mu . 1909. p. 150).
§ 183 <v. Odo; a été adopté non dans « les pays méditer-
ranéens ». maie en Ibérie et en Italie ; la Gaule a conservé (av)tm-
ml us, même sur la côte méditerranéenne.
§ 197 b : « C'est seulement en Ibérie qu'apparaît -unus (lut. apru-
nus, esp. asnuno, cabruno, le-bruno, ptg. ovelhum) ». En prov.
-un, -uno est très usité comme collectif (subst.) : lou retint
« les rats », Vamœrun « L'amertume », la cabruno « l'espèce ca-
prine », etc.; r"est une substantivation d'adj. d'appartenance
comme de tota bestia chabruna (leide d"Embrun, antérieure au
X Y" siècle, dans P. Meyer, Documents linguistiques du Midi de
la France, t. I, p. 443).
§ 204 r : (désinence de la 3. p. pi.) « -en(t) est resté seul de
bonne eure... en Gascogne r. ; formule trop absolue: on a de nom-
breux ex. de -07i <^ -uni dans les textes gascons du moyen âge.
§ 208 e. L'inf. *fare pour facere n'a pas été adopté dans tout
le S. de la Gaule, tant s'en faut. Poser */ere lat. me semble inu-
tile: cat. fer, gasc. Jiè s'expliquent facilement par des analogies
romanes partant d'autres fuîmes à -e- .• le verbe « faire » a fré-
quemment plusieurs tèmes : it. feci, facesti ; Bigorre inf. hè, fut.
harèi; vaudois inf. fa, imparf. subj. fesèssou, etc..
§ 210 b. Le paradigme probable des parfaits lat. vulg. en -dëdi
généralisés est attribué à l'influence de « certaines dissimilations
fonétiques » sur lesquelles il serait bon de s'expliquer plus avant.
Il serait, d'autre part, utile de marquer l'accent sur Y e.
§ 263 b. « Dans la zone provençale, uo reste au nord et au
centre, d'où ensuite ilo, io (langued. mod. fioc, lim, auvgn. fio =
fôcum); il passe à lce écrit oc au sud-ouest (béarn. Iioec), à gg à
l'est (prov. fuec)... tearro, puai,-, muait sont modernes sur la
côte de Provence et dans d'autres parties du domaine ». La rédac-
tion pourrait faire croire que fio — fioc ne se dit qu'en Languedoc,
Limousin et Auvergne et se dit partout dans ces pays, mais fioc
est assez général en Guienne, et Toulouse et Foix disent foc. On
a, d'autre, part, fuoe en Rouergue et juô dans la vallée de la
Drôme. Prov. fuec est aujourd'ui fue (avec e fermé, et non
ouvert) à Marseille, Toulon, etc., mais Arles, Avignon, Nimes,
etc., fiù. Tearro <^ ferra est inconnu sur la côte de
Provence: on a tcarra, avec un a de glissement, dans
les Alpes (notamment à Barcelonette), tiarro, liai ra dans L'Au-
vergne septentrionale (notamment Ambert, Tiers, Clermont-Fer-
rand ; Vinzelles taira). Les grafies puarc, muart ne sont ni Lit-
téraires ni fonétiques: on écrit poiiarc, mouart, et on prononce pirar,
COMPTES RENDUS. 441
i/iii-m. La diftongaison 'spontanée de o lat. (en boute position,
et non pas seulement au cas d'entrave, comme La rédaction pourrait
le faire nuire) se produit dans beaucoup de parlera méridionaux
(Provence orientale, Daufiné occidental, Auvergne, Rouergue, etc...);
on ii. suivant les parlera et suivant les séquences, ouo, "in1, ouaj
le fait c:-î peui être assez ancien, et h s rédacteurs d'actes pouvaient
fort bien écrire encore << quand ils prononçaient déjà ouo ou même
oua.
§ 264 a: « zone dite « franco provençale », dont le centre est
Lyon, et qui s'étend approximativement jusqu'à Bourg et Ge-
nève, au sud jusqu'auprès de Grenoble, à l'ouest jusqu'à Saint
Etienne ». Ainsi cette zone ne comprendrait ni la Suisse romande,
ni la Savoie, ni la vallée d'Aoste, ni Grenoble. Au § 262 la déli-
mitation est moins précise, mais plus exacte: « bassin moyen du
Rhône (Lyonnais. Savoie, Suisse romande) » ; mais il faudrait ajou-
ter le Forez, le nord du Daufiné, les autes vallées de Piémont.
la Bresse, le Bugei, etc.. et le sud de la Franche-Comté.
§ 264 b : « au Midi, leit se trouve surtout en Auvergne, en Gas-
cogne, et à l'Est de la Provence: ailleurs lait ou lach ». 11 fau-
drait distinguer. Là où et ~> eh, a reste ; là où et ^> it, lait reste
ou devient lèit; lèit est limité, à ma connaissance, à l'agenais et
à la plupart des parlera de Gascogne ; à l'Est de la Provence, les
parlera vaudois ont soit lait, soit la(ch).
§ 267 b. e j_ ne passe pas à a _i en catalan, mais à un son
de la série a; a _•_ et j_ a passent à des sons voisins ; de là
les grafies nabot, sagur <^nepote, securu, qui pour cela ne repré
sentent nullement l'a de fr. chapeau ou de prov. nuulur; cf. le
Manual de fonètica catalana de M. Schadel et ses études sur les
dialectes pirénéens dans la Revue di dialectologie romani, et ibid.
celles de M. Niepage sur les anciens textes majorquins.
§ 268 a: __ a lat. serait devenu _ o dans le Midi « sauf en
Bas-Languedoc, et çà et là le long des Alpes et des Pirénées ».
_^ a est limité en Bas-Languedoc à Montpellier, Cette, Lodève et
environs, et occupe d'autre part beaucoup de autes vallées alpi-
nes, Nice et Menton, quelques coins des Pirénées et de très no-
tables parties de l'Auvergne, du Vêlai et du Vivarais. Ailleurs
(Limousin, parties de l'Auvergne, Diois, Trêves) on a _^_ o <^_j_ a,
_ii"et_a <^_^ as.
§ 268 b. Je ne vois pas en quoi j_ e provençal est « faible » plus
qu'une autre voyelle posttonique quelconque.
§ 269 b, sur la perte de l'élément labial (ou plutôt Labiovélaire)
de kw, i/ir en domaine provençal: « ancien béarnais goerre, encore
devant a aujourd'hui quoate, goarda ». Ce sont des faits diffé-
i 15 COMPTl - REND1 S.
Kiits. et d'ailleurs continuée jusqu'à nos jours. On <lil aujourd'hui
en Béarn i en Gascogne gouerre, quate, guarda (grafies plus net-
tes "ii plus élégantes que go-, ijuo-). c'est-à-dire que lat. qu, gu
soni restés kw, <jir devant a, et que germ. w est devenu gie
devant toute voyelle; certaine parlers ont réduit gw, d'origine
latine ou gei tnanique, à w.
§ 272 c: « au lat. mpïam, rubëum répondent prov. sapcha, rage,
comme a. fr. sache, roge; mais d'autre part lat. cavëa, simlutti
«ont devenus au Nord cage, singe, au Sud gabia, simi ». Les mots
cités ne prouvent rien ou prouvent peu* Comme le singe ne vit
pas à l'état de nature en Gaule, le nom qui le désigne est, a
priori, suspect de traitement savant. Je connais deux mots con-
tenant lat. vulg. -my- continuée en formation populaire : vindt
min "> v. prov. vendemia, vendenha, verenha, correspondant res-
pectivement à prov. lang. mod. vendémi, véndémio, dauf. nn-
dèimo, Vaucluse vendenjo, Alpes et Périgord vendegno, rouerg.
bendegno, gasc. beregno, bregnoj eximiu "> gasc. eichinge (chez
P. de Garros), verbe dérivé escinja à Toulouse (chez Gouaelin).
Gabia, avec ses deux frappantes anomalies, g <^ c et h <^ v, ne
peut pas être un tipe convenable de traitement régulier (on a
«railleurs caujo et cauye en Gascogne): Heviariu ^> v. prov. leu-
giet; "leviu \, lèuge un peu partout dans les parlers méridio-
naux actuels; * pluvia ^> prov. auv. lim. ptucio, lang. en général
plèjo; phi via ^> gasc. ploujo, plouye, plugt et pluye.
§ 273 c : et ^> yt « au Nord et dans une partie du Sud (fr.
prov. fait = f(irtum) ». On en déduirait que tout le v. prov. disait
fait, ce qui est inexact. « Toutefois, au centre de la zone méri
dionale (Limousin, Languedoc, partie de la Provence), yt par t'
est passé à (s , d'où fach ». La délimitation géografique (déjà
donnée au § 180 b) est inexacte: en gros, on a yt au N. et au
S.-O. du domaine provençal, ch à l'E. et entre le N. et le S.-O. ;
plus précisément: yt toujours en Oisans, au Monestier de Cler-
mont, à Valence, en Vivarais, en Vêlai, dans l'Auvergne sauf
Aurillac, à Agen, en Gascogne, à Toulouse, Foix, Carcassonne :
ailleurs toujours ch, sauf un partage entre yt et ch extrême-
ment enchevêtrés dans les vallées vaudoises et quelques mots à
yt en Limousin et à Albi.
§ 276 a: s de flexion généralement conservée dans le Midi, sauf
en Limousin et en Provence; il faudrait ajouter: et dans une
bande au X. du domaine (Auvergne septentrionale. Vêlai septen-
trional et la plus grande partie <lu Vivarais). Il serait bon d'in-
diquer que plusieurs parlers traitent -s différemment aux noms
et aux verbes.
COMPTES REND1 S. 44,5
§ 288 h, impératif. « Pour 2 pi. les langues de la Gaule em-
ploient lis formée de l'indicatif. » Il faudrait dire « en gêné
rai », car il i a dos parlera méridionaux qui distinguent cantat .
cantate de cantats, resp. contas - ^ cantatis (ex. Aurillac, Ustoa
on pays de Foix)j e< il a'esl pas impossible que les 2. p. pi. prés,
iml. à -/ au lieu de -t.-- ou -- (lîéarn. lîi^orre. (lévaudan) soient
empruntées à l'impératif, où -t < lat. -<e esi oormal: il i aurait
donc là. au contraire, emploi à l'indicatif des Formes de l'impé-
ratif. J'ignore si ces faits son! anciens: les poètes écrivent plus
ou moins une xoiv/j , et les impératifs sont raies dans les
«haïtes, (railleurs aussi plus ou moins influencées pal la -/.otv/j-
§ 320 d: que énonciatif « est devenu de règle en ga«con ino
derne ». La proposition est trop générale; voir R.L.B., 1908, p.
509.
§ 335: « Il i a dans la prononciation espagnole quelque chose
de l'âpreté qu'ont les plateaux de L'Ibérie centrale, quelque chose
aussi de la fierté autaine des hidalgos; sous l'influence d'un climat
délicieux, le portugais semble au contraire avoir subi une sorte
d'amollissement progressif. » Etait-il bien utile de dire cela dans
un livre OÙ des notions plus essentielles sont exposées avec un
resserrement qui rend inévitable des inexactitudes assez fâcheu-
ses?
§ 337 a : « en espagnol le d secondaire aussi de amado ne se
fait plus entendre dans la prononciation ». Est-ce bien sûr? j'ai
entendu amau (deux sillabes) en Navarre; je ne doute pas qu'ail-
leurs on ne puisse entendre amao (soit en trois sillabes, soit en
deux), mais je crois bien qu'en Castille on entend amado (avec
un o plus ou moins faible). Le § 365 a me paraît plus exact,
mais peu clair: « en Espagne le d s'efface aujourd'hui dans la
prononciation vulgaire, seulement -ao dans la prononciation soi-
gnée ». Cela veut dire évidemment que le d n'est pas complè-
tement tombé ; cela veut-il dire que la prononciation soignée est -ao,
et la prononciation vulgaire aào ? le contraire semblerait plus na-
turel.
§ 340 d: « Vers le XIV siècle homne devint, par une sorte de
dissimilatiiin. homre, puis hombre... » Il vaudrait mieux dire
par différenciation (v. M.S.L., t. XII, p. 14 et se.).
§ 341 h : « // final (dans pan, ladrôn) a un son vélaire ». Est-ce
bien sur? X'i a-t-il pas plutôt une voyele segmentée, première par-
tie orale, deuxième nasale, et ensuite une ?; dentale?
§ 342 a. *Bvscare « chercher » n'est pas spécial à l'Ibérie :
bousca est très usité en provençal moderne.
COMI'I ES IM NDUS.
§ 348 h. « Cf. le béarn. cassourre « chêne » à La Bn de l'alinéa
suffit à indiquer que le suffixe -urro n'est pas « Bpécial à la
Péninsule ». comme il est dit quelques lignes plus aut.
§ 349 II Pourquoi esp. -ote serait-il emprunté au français, qui
peu du suffixe -ot, -otte, alors que le suffixe correspondant
est extrêmement répandu en Gascogne?
§ 361 a: « 80 a été usité longtemps, et reste encore popu-
laire; on avait aussi a. esp. seo (sedeo) d'où semble sorti par
métatèse soe (Alexandre) devenu soy au XIV siècle ». de ne vois
pas bien la raison de cette métatèse: oe est insolite en esp., alors
une eo est courant [veo, crco, etc.). Pourquoi ne pas admettre,
comme pour la Gaule (J$ 208 a), *8oyo refait sur kayo? Sue peut
être une simple grafie signifiant soy.
§ 368 c, port, maaes, sans doute coquille pour maes.
§ 370 a, lat. vulg. quatro, coquille pour quattro.
§ 371 a : « En esp... vos atone s'est réduit fonétiquement à os ».
C'est, je crois, un fait de fonétique sintaetique plutôt qu'une
réduction fonétique proprement dite.
§ 384 a: « lejos (laxus) » ; il faut sans doute lire: (laxoB).
§ 388 a: « estoy comiendo, je suis en train de déjeuner ». Le
sens de déjeuner étant mal fixé (a Paris «repas de midi », dans
beaucoup d'autres pays « repas du matin »), il vaudrait mieux
traduire par manger, cpii est une acception très usuelle de co-
rne r.
% 393 (/. « Es tan hermosa que todos la miran » n'est pas le
même cas que « tanto vales cuanto tienes » ; il vaudrait mieux
séparer ces deux exemples, et rapprocher le premier des construc-
tions analogues citées après le second, « no es tan rico como
erecn. nào e tâo rico como crêem ».
§ 399. Les Français des vallées vaudoises sont linguistiquement
des Provençaux, et il n'i a pas des populations de langue non
italienne seulement dans les vallées vaudoises, mais dans tontes
les autes vallées des Alpes à l'O. et au N.-O. du Piémont. Plus
loin, la statistique mentionne « quelques Allemands dans le ïirol ».
lapsus pour « en Lombardie ». et ne tient pas compte des abi-
tants de langue italienne dans le Tirol méridional.
§ 400. A italien est-il vraiment si « voisin de n » ?
§ 403 a, réduction de boutade, virtude, etc.. à bontà, virtù
« par une sorte de dissimulation qui s'est produite dans des grou-
pes comme citta(de) di Borna ». Ce n'est pas une sorte de dissi-
milation. mais la résolution d'une superposition sillabique.
§ 404 a, sur i et g latins devenus en it. d% « Ce riz est passé
COMPTES RI M'I S. i 10
à (h dans l'Italie du Nord ». Je crois dans /' I tulii du Nord trop
général.
« La prononciation ; pour s est propre à Rome et aux environs:
zale (^it. sale) ». Les faits romains ne sont pas particuli
s — : ; il s'agit d'un trouble général de la qualité sourde ou bo
aux faits sardes rites à la fin de l'alinéa.
§ 404 c, « élément labial » de l;n- et ;/»•,• plutôt labiovélaire.
§ 405 d, sur s intervoc. en Toscane. Les Italiens eus i
ne peuvent s'entendre Là-dessus; j'ai lu je ne sais combien de cen-
taines de pages de VArchivio glottologico sans i trouver une con-
clusion nette et sûre; en un mois de séjour en Toscane y
bien n'avoir jamais entendu d' s sonore d'un Toscan parlant
toscan: il en est autrement avec la lingua toscana in bocca ro
maria qui passe, à tort ou à raison, pour le standard Italian; je
crois que 1 « ésitation » signalée est moins le fait de la langue
en elle-même que d'observateurs pas toujours scrupuleux dans le
choix de leurs témoins.
§ 408: « L'italien... n'admet aucune consonne à la finale ». La
proposition est trop absolue: les dialectes du nord en admettent
mp; pour les autres, la vraie d'une manière g<
nérale à la panse, mais on a en proclise per, del, sul, etc., en
liaison étroite h< n ti voglio, etc...
§ 410 6: « Un argot spécial appelé ici « furbesco »... a fourni
aussi certains ternies à la langue littéraire: ...lôffia « vei
Ce vocable fait-il vraiment, à proprement parler, partie de la
langue littéraire'.
§ 414 a, lavamane, coquille pour lavamani; lavamara serait une
forme vulgaire (cf. § 428). déplacée ici au milieu de formes de La
langue littéraire.
.M. Bourriez écrit respectivement è, ê les < toniques ouverts et
fermés (il faudrait indiquer que ce n'est pas L'ortografe d'usage); il
«rit à tort, je crois, mènto (§ 421 a), trê (§ 431 a) ché (§ 436 a),
mé, té se (§ 432 or), allorchê, prima ché, finché, perché, etc..
(§ 451). benché (§ 256 6); j'ai toujours entendu e fermé entre
m et n, ouvert dans les monosillabes et les oxitons (les Italien;
écrivent du reste se, allorchê, etc...).
§ 423 a: « Dante use aussi au parfait 3 pi. d'une forme can
tônno , qui est restée d'un emploi courant à Lueques (cf. cantôrno
dans l'Ombrie et à Rome) ». Il serait bon de noter que Benvenuto
Cellini employait constamment -nrno.
§ 434. It. ste.sso fait tellement concurrence à un <l< simo qu'on
peut dire qu'il l'a presque expulsé de l'usage courant.
§ 442 a: la tournure dimandar <l<l pane « ne paraît pas avoir
i 16 COMPTES RI NDl S.
progressé dans la langue moderne ». C'est au contraire la seule
tournure usuelle,
§ 465: « groupes etnografiques »; j'aimerais mieux « etni-
ques ».
§ 511 : la mention du seul Fogl (coquille pour Fôgl) d'Engiadina
pourrait faire nuire au lecteur qu'il ne se publie qu'un seul pé-
riodique en réto-roman.
§ 512 il : le passage où est cité engad. flukr <^ florem est vrai-
ment trop bref pour que le lecteur ait une idée utile de ce trai-
tement si curieux.
§ 522. Dans un résumé de l'évolution sémantique des idiomes
réto-romans en 15 lignes et avec 6 exemples ne devraient figu-
rer que des faits sûrs. Or il est très douteux que ce soit « par
une meta fore bien naturelle que vadrtt (dérivé de vitrum) a dé-
signé le « glacier » éblouissant ». Le métafore inverse est na-
turelle, cf. fr. glace « verre coulé en plaque : miroir ». Je ne
sais ce que devient fit ru en reto-rom. ; on se sert eu général de
glas, emprunté à l'ail. Mais fratre ûonnant frar, vitru ne pour-
rait guère donner que * n r (ou diftongué *veir, etc..) J'aimerais
mieux partir de oetere, qui donne en romanche veder, fém. vedra:
le glacier (probablement aussi le névé, et encore l'avalanche an-
cienne, le RœtoroTrurnischex I) ùrkrbucli, Sursélvisch-Deutsch, de
Carigietj Bonn et Chur, 1882. traduit vadretg par « Sturz-
schneemasse, die einen Fluss ùberbrùekt ») serait « la vieille nei-
ge », cf. ail. Firn, Ferner.
J'avoue ne pas voir très nettement ce que représente le suf-
fixe. Je ne sais où on dit vadret; en sursilvain on a vadretg, et
etg peut être soit -eticu, variante de -atieu (cf. temeletg « crain-
tif »), soit le suffixe postverbal tiré de *-idiare [lèghigiar « viser,
faire attention, tendre en secret à... » , legetg « intention cachée.
but secret » ; ughigiar « oser, risquer ». ugetg « entreprise témé-
raire, risque ») : *vetereticu ^> *vedretg « vieillissant, d'aspect
ancien, de date ancienne ». ensuite substantivé (cf. voyage à côté
de sauvage), ou "vedrigiar « vieillir », d'où *vedretg « chose an-
cienne ». La sincope est normale au fém. analogique vedra et
devant suffixe accentué; l'étape *vedr- est attestée par l'ital.
oedretta, probablement emprunté, avec substitution de suffixe, sur
les correspondances detga — detta <' dicta, vendetga — vendetta <^
vindicte, etc.. ; le passage à vadr- n'est pas plus étonnant que
cusarin ■_- consobrinu (Gartner, Handbuch der ràtorom . Spr. ?/.
/./'/., Halle a. S. 1910, p. 106) ou que laghigiar, lagetg à côté de
lèghigiar, legetg (Carigiet).
§ 525. imparfait subj. des conjugaisons correspondant aux lat. en
COMPTES RENDUS. i i 7
■ère et en -ire refait t-n adaptant les désinences dn présent subj.
à ev- caractéristique de l'imparfait ind. Cette forme « remplace
l'imparfait dans le discours indirect où le roman met l'indicatif,
mais où l'allemand emploie toujours le subjonctif: // bàb a detg
élu igls affons durmevien « le pèr< a dit que les enfants dor-
maient ». En réalité l'allemand aurait ici le présent indicatif,
comme dans le discours direct, der Vater hai y*"!//, dass der
Kleine scUàft, comme der Vater hat gesagt: der Kleine schlâft,
tandis que le fr. aurait dormait en stile indirect et dort en stile
direct. Je mets le verbe au singulier pour distinguer nettement
temps et modes (prés. ind. schlâft, subj. schlafe, imparf. ind.
schlief, subj. schliefe, tandis qu'au plur. schlafen est commun au
prés. ind. et subj., schliefen à l'imp. ind. et subj.). On peut
trouver schlafe ou schliefe dans des manuels scolaires allemands
aussi imaginatifs que nos manuels français, mais les auteurs mêmes
de ees manuels, quand ils parlent naturellement, disent schlâft.
§ 527 c: article dans les Grisons il, /'. lits; oubli de igl, igls,
cependant cité dans l'exemple final du § 525 b.
§ 529 : « engad. un, romoh. ins sa bucca « on ne sait pas » (cf.
uno en esp. § 380) ». Il serait intéressant d'indiquer que Nice et
le Limousin emploient de même un, l'un.
§ 530: « romanche... in prau vert « un pré vert ». mais huei
/min ri verts « ce pré est vert ». De même el ri vinius (cf. a. fr.
il est raii/z), mais avec un sujet neutre fut ri fatg [totum est fac-
tura) ». Il serait, je crois, plus simple et plus exact a la fuis
d'exposer les choses ainsi: certains parlers rom. conservent -.-■ de
flexion dans les adjectifs et part. pass. employés au mas-
culin comme prédicats (ou attribut*, si on préfère cette
expression), mais non quand l'adj. ou le part. pass. est
employé comme prédicat (ou attribut) correspondant à un pronom
sujet, ou comme épitète d'un subst. masculin. « C'est, en
somme, un état de choses qui semble attester ici pour le moyen
âge la persistance d'une déclinaison, mais qui a pu se fixer ensuite
sous une influence germanique en quelque sorte indirecte : on a
maintenu, quoique par un procédé di fièrent, la distinction qui
existe pour l'adjectif allemand entre der gute Vater et ih r Vater
ist gut ». Je ne vois pas l'utilité de cette ipotèse. Les faits ne
concordent pas: on dit en ail. 1. ein guter Vater, 2. der gute Vater,
5. der Voter ist au/, 4. er ist gtlconvmen, 5. ailes ist getan; pour
correspondre à peu près à l'ail, il faudrait que le rom. eût 1. in
*l)ii)i.< bàb, 2. il *biens bob, 3. il bah ri *bien, 4. el ei *viniu,
5. fut ri fatg; or il n'i a correspondance qu'au cinquième ternie,
puisque le rom. dit 1. 2. bien, 3. biens, 4. vinius, 5. fatg, et que
1 («S COMPTES RENDIS.
l'iill. dit 5. getan, mais non 1. 2. ';/»//, 3. *guter, 4. *;/</,'<//(
mener. Les formes ;rom. zéro ou -ey ail. zéro, -t ou </) ut leur
emploi (voir le tableau qui précède) diffèrent trop pour qu'où
puisse songer a une influence comparable à celle qui fait dire aux
descendants des Vaudois réfugiés en Souabe ///</ vendua vacha
• nu verkaufte Kuh. D'autre part, l'emploi des prédicats à -a a
perdu île si >n extension géografique et morfologique dans les temps
modernes (Gartner, p. 203). c'est-à-dire juste au moment où l'al-
lemand se répandait en pays romanche, tandis que dans le vieux
texte d'Einsiedeln "perdutus et 'perduli sont respectivement re-
présentés par yerdudus et perdudi, comme M. Bourciess le note
lui-même à la fin du § 530.
Observation anlogue sur « venit amatus... qui s'accorde bien
d'ailleurs avec l'allemand <* .■;■/'/</ geliebt ». L'adoption de venir
comme auxiliaire lu passif est bien antérieure a toute infiltration
allemande importante; elle s'étend, dans d'autres parties de la
Romania, à des langues pour lesquelles toute influence allemande
est ici ors de cause.
§ 531, autre abus de comparaisons avec l'allemand: dans les vei'o .-
réfléchis « le pronom se place devant le participe comme en alle-
mand : romch. cl ci se cdtsaus « il s'est levé » (cf. ail. er hat
sich (/ifrcut) ». Le fénomène est autre et îapellcrait plutôt, si
l'on devait nécessairement comparer, les faits Scandinaves et sla-
ves : le réfléchi se est généralisé non seulement à toutes les per-
sonnes, mais à toutes les formes du verbe, agglutiné comme un
préfixe inséparable (scand. et si., comme un suffixe), et l'usage
est d'écrire en un seul mot, ex. selegrar « me, te, se, nous, vous
réjouir », part. pass. selegrau(s), prés. ind. jeu sedegrél « je me
réjouis ». etc.. Or sich frcucn signifie en ail. « se réjouir », mais
non « me, te. nous, vous réjouir », et on dit ich freue mich, i>~/i
liabi mich gefreut, et non ich *s%chfreue, ich habe *sichgrefreut.
§ 537. Je ne comprenais pas bien cette statistique des personnes
qui parlent français. La Fiance a environ 39 millions d'abitants.
Défalquons 1 million d'étrangers, 150.000 Flamands, 1 million de
Bretons, 150.000 Basques et 300.000 Corses, reste 36.400.000, plus
les Belges, Suisses romands, etc — total pour l'Europe « un
groupe compact de 40 à 41 millions d'ommes. Toutefois, il con-
vient d'ajouter que souvent ces ommes, suitout au Midi, n'em-
ploie journellement que des dialectes plus ou moins ap-
parentée à la langue nationale ». Bon, mais je ne vois pas en
quoi la situation «les Provençaux diffère de celle des Corses. Pour
donner uni' Idée exacte «les choses, il faudrait dire à peu près ceci :
39 millions d'abitants, dont 1 million d'étrangers ressortissant à
COMPTES REND! S. i 4 0
diverses nationalités, 150.000 Flamands, 1 million de Bretons, 150.000
Basques, 300.000 Corses et environ (.l millions de Provençaux, Lan-
guedociens et Gascons et 2 millions de Savoyards, Bressans,
Foréziens, etc., soit environ 13.600.000 personnes qui savenl en
général le français, mais se serveni abituellement d'une autre Lan
guej reste environ 25.400.000, parmi lesquelles il sera.it intéres
saut de distinguer celles qui ne se servent que du français (lit-
téraire ou régional) et celles qui, toul en sachant le français (lit-
téraire ou régional), parlent le plus souvent un patois français
(picard, normand, etc...).
§ 541. Les conséquences du traitement de l'e caduc en français
moderne sont exposées d'une façon qui n'est pas toujours exacte
et claire. Une distinction peroeptible à l'oreille entre ami et amie
me semble être un mirage dans le genre de celui dont je signale
la possibilité sous le § 554 d. La distinction entre cheval et ache-
ter (fin de l'alinéa a) me paraît arbitraire ; ce passage, ainsi que
la fin de l'alinéa b et l'alinéa c, serait à modifier complètement
en résumant l'exposé de La loi des trois consonnes que M. Gram-
mont a donné dans les M.S.L., t. YIII. p. 53 et ss.
§ 550 c: « Le gérondif et le participe présent... sont restés plus
distincts en français qu'ailleurs ». Moins à coup sûr qu'en italien :
stiamo leggendo contre società aventt sede in Italia; fr. vous al-
lions toujours chantant et sociétés ayant (et non ayantes) leur
siègt i h Frana .
§ 554 (/: les mots finissant au singulier sur une voyelle tonique
brève allongeaient cette voyelle au pluriel par compensation de
l'amuïssement de s. « Depuis la Révolution, cette distinction est
à peu près abolie ». A-t-elle jamais existé? nous ne pouvons guère
avoir là-dessus que le témoignage suspe< t de grammairiens qui, do
très bonne foi, voulant qu'il subsistât quelque chose de l'an-
cienne -s, ont pu croire entendre â plus long dans enfant* que
dans enfant.
§ 555 a, à propos des adjectifs français qui ont la même forme
au masc. et au f érn. , ex. rouge, a Les patois méridionaux ont au
contraire établi une différence pour ces adjectifs: prov. mod.
rudze « rouge », fém. rudzo ». Ces grafies feraient croire qu'on
prononce partout dz ; il vaudrait mieux écrire, comme on le fait
en provençal, rouge, roujo, où g, j représentent les spirantes va-
riées des différents parlers, S dz, dy, ~ etc., et même §. D'au-
tre part, le fait n'est pas moderne : le vieux prov. avait déjà
ror/e <^ rubeu, et bien certainement roja <^ rubea, bien que je ne
le trouve pas attesté dans les lexiques que j'ai à ma disposition.
§ 562 h. On dit en français régional en Arles, en Avignon
150 COMPTES RENDUS.
d'après Le prov. en .!//<, en Avignoun, mais on ne dit pas <n
Aix, paroe qu'en prov. on dit à-z-Ais, où -:- représente le »/ de
lat. ad. en liaison étroite devant voyelle. En est remplacé par sur
« jour marquer l'extériorité (seules se sont conservées des ex-
pressions mourir in croix, îtn en selle) ». La tournure aller,
monter en biciclette, restée populaire malgré les journalistes et les
académiciens, montre que l'ancien emploi de in est resté familier
au langage parlé.
§ 567 (/: « Le tour pour grands i/m soient les rois n'a duré que
jusqu'à l'époque de Corneille ». Il me semble bien l'entendre
encore aujourd'ui; en tout cas il est aisément compris et ne
choque pas.
Jules Ron.tat.
F. Mistral. — La Genèsi traducho en prouvençau, l'nri.<, Cham-
pion, 1910, xi-303 p.
Lou chapitre proumié de la Genèsi a pareigu dins VArmana prou-
vençau de 1878, e despièi F. Mistral n'en largué au mens un cado
annado, enjusqu'au chap. XXXIII, publica dins lou tome de
1908. Lou voulume qu'aro recebèn caup lou teste de la Vulgato
à man drecho, la traducioun prouvençalo à man gaucho e uno traou-
cioun franceso pèr J.-J. Brousson en dessouto. Acô permet de vèire
quant fidelamen F. Mistral a segui Fôuriginau latin, tau qu'eu lou
dis en soun avans-prepaus :
« La grand coumparitudo de la vido biblico e cte sa lengo pas-
touralo em' aquelo di pastre e gardian de Prouvènço, i'a long-
tèms que nous avien donna idèio e goust de traduire en prouven-
çau lou libre de la Genèsi
» La parladuro simplo de l'Escrituro Santo, retipado au lengage
de nosti païsan, mostro, miés que rèn autre, la drecho parentèlo
don latin poupulàri emé lou parla famihié de la Provincia Bo-
mana, encaro viéu à traves cie champ ».
Aquelo Genèsi es la proumiero versioun que s'es facho en
prouvençau mouderne. En vièi prouvençau, nous dis C. Chabaneau
dins uno letro ta F. Mistral qu'eu enseris en soun avans-pre-
paus, se couneis que la traducioun counservado à la Biblioutèco
naciounalo de Paris (ms. 2426) e publicado en apoundoun i Bio-
graphies des Troubadours, p. 193; d'àutri versioun (B N 6261.
Genèsi ih Scriptura, Récits d'histoire suinte en béarnais p. p.
Lespy e Raymond) soun incoumplèto o mesclado d'elemen estrangié
à la Biblo ; la Genèsi manco dins tôuti H Biblo vaudeso, que nous
soun vengudo mai o mens incoumplèto.
COMPTES RENDUS. 451
Es ciounc, la Genèsi mistralenco, un evenimen majeur de la r-es-
pelido di letro prouvençalo, e nàutri Eelibre saludan, esmougu, La
nouvelle mount-joio que aoste Mèsti aubouro à l'ounour de sa
fôngo, n'acreissèni lou trésor literàri emé lou proumié Libre sant <li
crestian de tout terraire.
Lis escrivan prouvençau ié pescaran d'àuti Leiçoun pèr bèn es-
eriére, e li Lenguisto de bèus eisèmple de Bintàssi, ansin i ch. III,
v. 11, ch. XIII, \. 3, ch. XV, v. 10, ch. XXXI, v. 32, ch.
XXXVII, v. 21, ch. XXXVIII, v. 15.. ch. XLVIII, v. 10, e un
pau de-pertout, moustrant lis acord de paraulo e li biais de dire
que se pratieon en Prouvènço, tau que soun, et noim tau (|iie trop
souvent li depinton uni boni gènt couplant sènso èime li coum-
pèndi escoulàri de gramatico franceso.
Uno causo m'a un pau estouna dins un libre édita pèr lou
libraire de la Société de linguistique, adounc aprouvesi de touto
ineiio de caratère: li mot tau que patrto soun de-longo es. ri patrio,
noun pas que lis 6 e ô de l'ourtougràfi prouvençalo soun drechamen
emplega en tout resoontre.
Jùli PnOUNJAT.
Joseph François Baptistan Denis Julien. — Julienno provençalo, s.
1. n. d., 39 p., avec quelques jolies illustrations.
Alexandrins de la plus extrême platitude (l'auteur en convient
lui même passim, notamment p. 11) écrits en provençal (c'est-à-
dire pensés en français, puis l'auteur a mis des -o à la place
des -< £ém. et inséré çà et là quelque vocable du terroir qu'il
n'avait pas oublié) par un brave omme de Lourmarin établi en
Amérique, mort sans avoir jamais revu son village natal et lais
sant à ses éritiers un manuscrit où il avait entrepris d'en célé-
brer les attraits. Intention touchante et publication pieuse. Sujet
de tèse pour romanistules allemands ou suédois: Ueber das werden
einer misch- (julienne, mélange de légumes variés) :u einei lehn-
sprache. Unicum pour bibliomanes (cf. p. 5) : le seul livre pro-
vençal (?) écrit et publié en Amérique. J. R.
Vivo Pouvènço ! porto-paraulo mesadié di recoubranço miejour-
nalo. ■ — Dir. P. Devoluy, carr. de la Pousterlo, 9. Nimes; ame-
7ii*tr. J. Renadiêu, balouard Siste-Isnard, 29 bis, Avitfnoun (6
pajo pèr mes ; abounamen pèr un an : Prouvènço e Franco, 4 fr. ;
estrangié, 4 fr. 50).
Proumié semestre de 1910.
Vers de Jan de la Vau-Longo (Janvié. Jun), F. de Baroncelli-
Javon (Mars), R. Michalias (Mars), Laforêt (Janvié, Mars, Abriéu) ;
Ï52 COMPTES RI NDUS.
Lou Poutoun, restitucioun eequisto d'une cansoun poupulàri, pèr
Jan .Malan (.Mais); traducioun, dira lou mètre ôuriginau, dVni Ge-
8tmg der Geister iiber den Wassem de Goethe, pèr 3. Rounjat
(Mai). Article de dôutrino felibrenco, d'istùii miejournalo, de cri-
tioo literàri, etc.: Laforêt e Jan Patarin (Janvié), Jùli Veran
Mars), sus l'eraignamen dmi prouvençau e li teourio mougudo
pèr aquéli que F. Mistral noumo ciraire de boto on un article do
VAiôli reproudu au n" de Febrié (vèire tambèn aqui-sus la Boule-
gadisso d'Abriéu) ; P. Devoluy. seguido di Pajo d'istôri miejour-
nalo (Feb., Abr., .Mai, Jun, l'autour arribo aqui en pleno Crou-
sado albigesu) ; Jan Malan, seguido dis Ausord (Feb., Mars, .Mai; à
la Boulegadisso de Mai, noto intéressante- sus Jan Cavalié, d'après
un libre de M. F. Puaux) ; J. Rounjat, Paraulo vuejo e fa ri
ri nt (.Mars), eomto-rendu de l'edicioun nouvello de Peyrot (Jan-
vié) ; à la Boulegadisso de Janvié, critioo di Mount-joio de P.
Roman; bel article sus l'obro scientifico dôu Felibre di Tavan
(Jun) ; poulemico contro li tendènci di nouvèu felibre qu'ignoron
au cop li lèi de sa lengo e lis endraiado de la dùutrino mistra
lenoo (Feb., Abr., Mai, Jun, ma j amen à la Boulegadisso; vèire tam-
bèn lis article amusant e venjatiéu de Matablat, Abr.. Mai. Jun).
J. R.
Henri Schoen, docteur es lettres, piofesseur agrégé de l'Univer-
sité. — Frédéric Mistral et la littérature provençale. Paris,
Fischbacher, 1910, in-8" de 46 p. (tiré à part de la Revue dt
Belgique).
Un communiqué de l'auteur nous apprend :
« La faveur avec laquelle le grand publie et la presse française
et étrangère ont accueilli les travaux de M. Schoen sur Coppée et
Sardou a décidé l'éditeur à continuel' la même collection par une
étude sur Mistral et Ut littérature provençale. L'enthousiasme que
l'auteur de « Mireille » et la poésie provençale ont soulevé réoera
ment, non seulement dans tout le Midi, mais aussi dan6 la France
entière et à l'étranger, donnent à ce livre une actualité particu-
lière. Grâce au vaillant poète de Maillane, on peut dire que la
cause de la littérature méridionale est gagnée. »
Une collection comprenant Coppée, Sardou et Mistral, cela donne
une idée de la manière de M. Schoen. Il étudie le «vaillant poète de
Maillane » très sommairement et ne dit rien de bien neuf ni de
bien profond sur son œuvre littéraire ou sur son action sociale.
Les faits sont du moins présentés en général exactement, et c'est
déjà quelque chose, quand on pense aux élucubrations fantai-
CORRESPONDANCE 453
sistes 'li1 ceux qui veulent exploiter la gloire australienne au profit
de leur conceptions politiques, d'ailleurs contraires à l'enseigne-
ment de Mistral, ou simplement au profit de leur réclame person-
nelle.
Jules Ronjat.
CORRESPONDANCE
Je prie la direction de la ff< vue de vouloir bien insérer dans son
plus prochain numéro les quelques explications qui suivent, et par
lesquelles je réponds aux peu bienveillantes appréciations de M.
Ronjat.
Confraternelle-mont à vous
Raymond Four, à Saint-Saury (Cantal).
Dans son compte rendu cte Jous là. Cluchàdo, la dernière œuvre
de V-ermenouze, M. Ronjat, qui a quelques prétentions à l'infail-
libilité philologique, .ne pardonne pas au traducteur du majorai au-
vergnat d'avoir établi un système orthographique en opposition
avec ses idées à lui.
Il lui reproche en particulier d'avoir restitué IV des infinitifs.
I'îi de médecin, taben, etc.. et surtout d'avoir audacieusement écrit
< nsignadoun, malgré le latin -torium et l'auvergnat -doit, fém.
-douiro.
Pour ce qui est du premier grief, je n'essayerai pas de lui
répondre: d'autres Pécuchets /niques l'ont fait avant moi sans ar-
river à le convaincre, tant il est vrai qu'il n'y a pas pire sourd
Mais, tout ecclésiastique et Pécvc/ief que je suis, je me permet-
trai de dire à M. Ronjat : vous ne savez pas distinguer un subs-
tantif d'un adjectif... Vous confondez mouchoir, râcloir, ensei-
gnoir (passez-moi ce barbarisme) avec moucheur, râcleur, ensei-
gneur (eî de deux).
Mouchadoun, rascladoun, ensignadoun étaient tout d'abord, —
j'en conviens et ce n'est pas M. Ronjat-La Mirandole qui me
l'apprit, — les adjectifs mouchadour-ouiro, rascladour-ouiro et en-
signadour-ouiro employés substantivement; il m'avouera toutefois
que ces mots étant devenus de vrais substantifs, il importe abso-
lument de les distinguer de leur forme première, de l'adjectif dont
ils ont perdu le sens. On ne peut raisonnablement écrire ensignadoun
(lieu où l'on enseigne) comme ensignadour-ouiro (qui enseigne).
Bascladour, mouchadour, escupidour et autres ne peuvent signi-
30
i.Vi I I IRRESPONDANCE.
fier que râcleur, moucheur, cracheur, et la forme en oun [rascla-
doun, mouchadoun, escupidoun, etc.) peut seule répondre sans
confusion possible aux formes substantives du français en oir [râ~
cloir, mouchoir, crachoir).
Ma thèse est d'ailleurs confirmée par le seul fait que nous cons-
tatons l'existenci d s dérivés: rascladounot. moucJtadounèl, arru-
cadounàt et autres.
.Mais peut être n'est-ce là qu'une élucubration de professeur de
petit séminaire?...
La transcription étymologique des poèmes de Jous la Cluchàdo
n'est pas irréprochable sans doute de tous points; elle le serait si
M. Ronjat l'avait faite: il suffit pour s'en convaincre — mon Dieu,
que je suis donc méchant ! — de relire la Grando Obro de Verme-
il, iiizi' telle que mon Aristarque l'orthographiait naguère dans Vivo
Prouvi nçot
Quoi qu'il en soit, les lecteurs de la Rt vue des langues romanes
jugeront que, pour être huguenot, on n'est pas dispensé d'être
poli, et qu'une critique où la malveillance tient lieu d'arguments
n'est pas précisément une critique impartiale.
Qu'ils lisent le beau livre de Vermenouze, ci cette lecture leur
sera beaucoup plus profitable que les récriminations hargneuses du
super-philologue Ronjat.
Raymond Four.
M. Four me fait savoir, d'autre part, en une lettre personnelle.
qu'il est maintenant curé de campagne, et non plus professeur r)e
petit séminaire. Je m'en réjouis doublement: il n'enseignera plus
le latin à sa manière, et il pourra, dans son commerce avec les
paysans, améliorer ses connaissances en langue d'Oc.'
En me qualifiant de « huguenot ». il veut sans doute insinuer
que je critique de parti pris tout ce que peut faire un « cura ».
Erreur: v. mon compte rendu des Principes de Jac. van Ginneken.
-5. /., ici-même, p. 197. Si j'ai noté que M. Four était professeur
de petit séminaire, c'est : 1° pour expliquer comment il peut pos-
séder quelques rudiments de latin ; 2° pour le rapprocher de laï-
ques présentant un état mental analogue, et mnitier ainsi que la
tournure d'esprit que je caractérise par le souvenir de « Péouchst »
n'est l'apanage exclusif d'aucun abit.
Le fond' de sa lettre est instructif au même titre que certaines
coni eptions sur l'onomastique : c'est toujours le sistème de la
charrue avant les bœufs: « 11 faut rechercher avant tout la véri-
table signification du nom de lieu considéré » (ici-même, p. 183) ;
de même M. Four dit: « Il importt absolument de distinguer » les
CORRESPOND \NC.E. 155
substantifs continuant lat. -torvu, -toria « de l'adjectif dont ils
ont perdu le sens. On ne peut raisonnablement écrire ensignadoun
(lieu où l'on enseigne) comme ensignadour, -ouiro (qui enseigne) ».
Pourquoi? on ne le saura jamais; en attendant, tout le monde,
sauf M. Four t une demi-douzaine d'autres esprits ingénieux,
écrit -doit conformément à ta prononciation. L'existence de dimi-
nutifs avec -7i- n'i fait rien. En vpr. on écrivait canso et canso-
neta. A Montpelliei on dit mUJiou, fém. milhouna fe* non iitlhoury)
refait sur les nombreux adj. et subst. en -ou < lat. -onc, fém.
-ouno; ee n'est pas une raison pour écrire milhoun au m
M Four écrit ironiquement que la « transcription ethnologique m
des poèmes de Vermenouze serait irréprochable si je l'avais faite.
Non, et poin une bonne raison, c'esl que je n'aurais jamais fait
rien de pareil. Je me serais contenté de publier le livre dans son
texte original grafié suivant les règles félibréennes (voir mon
Ourtougràfi prouvençalo et mon article -I prepaus d' ourtougràfi
dans Vira Prouvènço! de mai 1909).
.M. Four déclare que dans ma critique « !a nnlvciltanea tient
lieu d'arguments ». Or, j'ai cité ici même, p. 190, à titre d'échan-
tillon. (\viis. autres méprises assez fortes. J'aurais pu accumuler ce
genre d'arguments, mais ma bienveillance pour M. Four et pour
nos lecteurs m'en a détourné. Une autre fois je tâcherai de faire
mieux.
Jules Ronjat.
Toulouse, le 9 août 1910.
Monsieur le Dikectkur,
Par votre lettre datée du 29 juillet, vous me déclarez que vous
ne pouvez insérer la réponse que je vous ai adressée relativement
aux comptes rendus de mes ouvrages, l'Empire <ln Soleil et l'Antho-
logù il h Félibrigt . comptes rendus publiés clans la Eevin des Lan
gués Romanes par M. J. Ronjat. Vous assurez que M. Ronjat ne
m'a pas attaqué personnellement, alors que ses deux articles sont
pleins de critiques les plus enfiellées ; vous en tirez argument pour
me refuser de répondre dans le même ton.au nom de la jurisprudence : '
avocat et docteur en droit, je n'ai pas la même confiance que vous
dans l'invariabilité de la jurisprudence. .Mais je ne veux pas irri-
ter le débat, et puisque vous voulez bien me promettre de publier
dans votre Revue les rectifications détaillées que je croirai devoir
apporter aux assertions de M. Ronjat, je leur répondrai ceci:
156 CORRESPONDANCE.
I. Au sujet de l'Empire du Soleil.
■ Ii ferai remarquer que toute la notice est pleine d'injures absolu-
ment gratuites : ignorance, « stile défectueux », appréciations en
me qu« .M. Ronjat relève d'autres faits précis que les deux
suivants :
1' « L'Empin ,/ti Soleil consacre des pages entières à réfuter les
eptions «le Napoléon Peyrat sur la Croisade contre les Albi-
geois ». — Rien de plus naturel quand on songe que cette étude
se place au moment où j'étudie le mouvement de la Louscto en
1876-1877. Fourès et ses dis.iples n'ont-ils pas été directement ins-
pirés de Peyrat'.' Fourès lui-même ne lui a-t-il pas dédié, « au grand
historien de la Croisade ». ses plus fougueuses inspirations? Tout
dernièrement encore, Prosper Estieu. dans la Canson Occitana, lui
consacrait tout un poème. Je demande que l'on montre l'erreur
énorme que j'ai commise en donnant à Napoléon Peyrat une grande
importance dans le mouvement albigéiste languedocien.
2° « L'Empin </u Soh il cite T<>I<'za de Félix Gras comme « l'un
des chefs-d'œuvre tipiques » de la littérature provençale ». — Je
croyais jusqu'à présent que Félix Gras venait apès Mistral et
Aubanel, comme le chef de la seconde génération félibréenne, et
1,11.- ses grands poèmes comme Toloza méritaient une particulière
estime. On peut discuter sur ce point; on peut me reprocher d'avoir
oublié Li Carbounié ou le Roumancero Prouvençau. Mais je de-
mande cà tous les lecteurs de bonne foi si deux opinion* personnelles
de cette espèce peuvent suffire « à mettre en garde » contre mon
livre et à le faire traiter de « traçai! â'amateur dans le pire sens
du terme ».
Franchement, si l'Empin du Soleil est un livre si mauvais, M.
Ronjat aurait mieux fait de choisir des exemples plus concluants,
surtout en présenoe <\'-u\ ouvrage auquel Imitr In presse (sauf le
Vivo Prouvençof de MM. Dévoluy et Ronjat) a bien voulu recon-
naître des qualités, et au sujet duquel Frédéric Mistral s'est donné
li peine de m'écrire une longue lettre, dont je vous ferai grâce,
mais qui commence ainsi :
« Mon cher Ami,
» ïuEnvpire du Soleil me révèle une fois de plus une de ces
d'or dont la sympathie spontanée réalise le rêve de Fonl
Ségugne. Vous avez deviné d'instinct tout ce que notre indépen-
e et notre rêve de jeunesse entrevirent dans l'azur de notre
ciel provençal, et des compréhensions et des adhésions comme
vôtres suffisent à démontrer que les voix du Félibrige n'ont pas
crié dans le désert, etc... »
CORRESPONDANCE. i .', /
II. L'Anthologie du Félibrige,
Ici, M. Ronjat est plus précis :
1 11 nous reproche de mauvais choix dans l'œuvre de Roumanille,
Aubanel, Anselme Mathieu, Tavan, Arène, Clovis Hugues, Mir,
Chastanel et CaméLat. Il est vrai que nous avons omis la Vénus
d'Arles : mais La Eaute en est tout entière à M. Aubanel fils qui
h ',. pas cru devoir nous autoriser à cette reproduction.
En oe qui concerne Roumanille, nous avons représenté chacun
dee genres où il excellait: évidemment, il y manque l'un des contes
qui firent sa gloire; mais notre anthologie était fermée à la prose.
Foui- Tavan. nous avons les Frisons de Mariette que l'on cite
partout et qui nous ont paru bien surfaits.
Pour Mir et Chastanet, leurs contes et récits en vers s'impo-
saient, il est vrai, plus que les petits morceaux que nous avons
cités : niais La place nous était mesurée. Qu'aurait il fallu alors
donner aux ai. très ?
Quant à Mathieu, Arène, Clovis Hugues, nous serions curieux
que M. Ronjat nous indiquât la pièce célèbre <le ces auteurs que
nous avons laissée de côté. Toutes ces critiques sont des affirma-
taons purement gratuites.
Cela est si vrai que. pour Camélat, notre choix, critiqué par M.
Ronjat, coïncide exactement avec celui que M. de Cardaillac, tra
ducteur et préfacier de Bêline-, indique dans sa préface, par ses cita
tiens. 11 reproduit ces passages comme les plus admirables. Si nous
nous trompons, c'est donc en bonne, compagnie.
2' M. Ronjat nous reproche ri'avoir donné place en notre livre
à des « seigneurs de moindre importance ». Or, ces félibres qui,
à son gré, ne devraient pas figurer dans notre anthologie sont :
Jean Monné, les félibresses Antoinette de Reaueaire et Brémonde,
Albert Arnavielle, Prosper Estieu, Antonin Perbosc, Sarrau et
l'abbé Roux. Passe pour Sarrau, dont l'œuvre n'est pas encore suf-
fisamment connue. Quant aux autres, nous n'avons rien à ajouter.
M. Ronjat peut les dédaigner : c'est une opinion.
3U Nous avons omis Salles et Charloun : il y a là, en effet, une
omission regrettable ; mais où nous pouvons répondre, c'est lorsque
M. Ronjat nous reproche d'avoir omis Fabre et de l'avoir confondu
avec Tavan.
Quand nous avons dit (p. 109) que Tavan avait pris le pseudo-
nyme de Felibre di Tavan, nous n'avons nullement confondu celui-
ci avec Fabre : ce pseudonyme, nous l'avons trouvé signalé dans
l'Histoire du Félibrige de Gaston Jourdanne, ainsi que nous vous
l'avons indiqué dans notre lettre précédente.
Quant à Fabre, comment aurions-nous pu publier un extrait de
i58 CORRESPONDANCE.
œuvres dans ootre anthologie, puisqu les deux livrée ont paru
en même temps, en 1909' I. de l'illustre entomologiste ont
Roumanille l'année dernière !
4 Votre collaborateur, m'attaquant personnellement, me repro
ensuite toutes sortes d'opinions qui ne cadrent pas avec les
mes, et n'en demeurent pas moins controversées. L'unification des
dialectes, à laquelle travaillent certains félibres, est elle a priori un
absurde? La limite des « langues d'oui et d'oc » est-elle si
nettement ti:.< ■ ! i ; Qu • l'on discute, mais pourquoi inju-
rier '.'
5" « Les Jeux Floraux de Toulouse sont présentés comme un
renouveau fécond de poésie, au xn" siècle ». — ■ Nous n'avons nul-
lement dit cela. .Nous avons simplement signalé que le collège 'I s
Sept- Troubadours avait étc la seule organisation qui, pendant plu-
sieurs siècles, avait réagi contre l 'envahissement du français
qui est la pure vérité. Jl n'a pas suscité de grands poètes: il n'en
a pas moins fait oeuvre utile et importante.
G « L'auteur — pourquoi pas les auteurs? nous étions deux —
semble n'avoir pas même lu les statuts de l'association dont il
nd décrire le fonctionnement, »
Ceci veut dire qu'en étudiant le Félibrige, nous nous sommes
fondés sur les statuts de 1876, qui sont la charte fondamentale du
Félibrige, tel que Mistral l'a voulu, et que nous avons délib
ment laissé' de côté les modifications apportées à ces statuts en
1905, modifications dont on demande l'annulation aujourd'hui, d'ac-
cord avec Mistral et la majorité du Consistoire. Nous avons le
droit de nous attacher à ce qui est essentiel dans l'organisation
félihréenne. et de négliger ce qui est heureusement provisoire.
7" Noue avons traduit Raubalàri par Séducteur. Il est exact
que c'est Rapt ou Enlèvement qu'il faut dire : mais la menu- er-
reur est commise dans le meilleur livre écrit jusqu'à présent sur
Aubanel, par M. Nicolas Welter, traduction de F. Charpin, Avi-
gnon, Aubanel, p. 239.
Puisque vus m'assurez, Monsieur, que « vous êtes tout disposés
à insérer une réponse aux comptes rendus de M. Roniat », je
compte sur votre loyauté' pour publier celle- cj, -l'y tiens essentiel-
it pour établir la \érité aux yeux de votre public qui a vu
avec quelle acrimonie j'avais été pris à partie.
Veuillez agréer. Monsieur, l'assurance de ma considération très
distinguée. Armand Prayikt..
Je n'ai pas a refaire l'éducation linguistique, istorique et lit-
ire de .M. Praviel, encore moins à discuter avec lui. Les cho
I ORRESPOND \ M i . i59
qu'il i ,! cidées depuis longtemps et ne s.- <h
mf entre Bouvard el Pécuchet. La Loire limite du français
l'f du provençal, Peyrai pris au sérieux comme istorien, les poètes
i ' l< ' ugés non d'après leur valeur, mais d'après leur célé-
brité, etc.; décidément, nous ne parlons pas la même langue.
Je n'ai pas avancé dans nus comptes pendus un seul l'ait inexact,
et tout omme de goûl el de s, mis qui voudra s'imposer la lecture
'les deux volumes en question verra que mes critiques ne sont «pie
trop fondées.
M. Pravie] se charge lui-même de corroborer mes dires en indi-
quant qu'il a puise lui-même quelques bévues dans des ouvrages
antérieurs, [mpossible d'avouer plus nettement qu'il travail] de
nie main.
.M. Praviel aurai! très facilement trouvé des pièces de Fabre
dans ['Armana prouvençau, où elles eut paru longtemps avant la
publication de VAntologie du Félibrige. Mais il ignore peut-être
l'existence de ce recueil. 11 aurait trouvé une liste autentique de
pseudonimes félibréens dans Mann Espelido, livre paru en 1906.
11 aurait trouvé des pièces de Clovis Hugues et de Paul Arène
dans 1'Armana prouvençau, VAiàli, Prouvènço! Mais il n'ai
pas les documents de première main.
11 ne me convient pas d'examiner en détail les mérites des dames
on des messieurs substitués à des poètes comme Salles ou Char
loun Riéu. ni d'une façon générale de faire intervenir des tiers
an déliât, -le tiens cependant à noter que la bévue raubatàri n'est
pas du t'ait de mon ami Welter : dans son excellent livre, Theodoi
Aubanel, ein provenzalischer Sànger der Schônheit, raubatàri est
brè exactement traduit par Entfuhrung (p. 216). Les aveux de
M. Praviel montrent qu'ici ce n'est pas même de seconde main qu'il
travaille, mais de troisième, puisqu'il cite Welter d'après mie Ira
dvetion française. S'il ne sait pas l'allemand, il pouvait du moins
chercher raubatàri dans un dictionnaire. Il demeure néanmoins sur-
prenant qu'un omme qui ignore un vocable aussi usuel .se; mêle
d'écrire sur la littérature provençale.
Ji passe condamnation sur les aménités de M. Praviel, compre-
nant l'accès de mauvaise humeur qui a pu le saisir quand il a lu,
au lieu du commumqué d'auteur inséré tel quel, un compte rendu
élaboré en connaissance de caase par quelqu'un qui s'est donné
li peine (c'est bien le mot) de lire ses livres.
Un mot pour éclaircir un détail auquel M. Praviel l'ail une allu-
sion aussi obscure que tendancieuse. Fidèle a sa coutume de me-
surer ses développements en raison inverse de l'importance
du sujet, il insiste particulièrement dans son livre, en par-
160 I CORRESPONDANCE'.
lant de l'organisation félibn m une prétendue Reine
du Félibrig: qui, conti à son dire actuel, n'exis-
tait pae plus (l.in, le statul de 1876 (v. art. 46) que dans celui de
1905 (v. règlement intérieur, art. 20) : il n'a probablement jamais
lu ni l'un ni l'autre, et ici comme ailleurs ses prétendues rectifica-
tions n'aboutissent qu'à déceler son Impuissance radicale à arti-
culer un fait exact.
Jules Ronmat.
ERRATA
P. 188, 1. 21. au lieu de aissado, lire eissado.
P. 193, 1. 5, supprimer la barre sous l'n et lire simplement n
avec un point en dessous.
\
ETUDE
Sur les sources de .1. M. de Heredia
DANS LES CINQUANTE -SEPT PREMIERS SONNETS DES Troph < (1)
S'il me fallait illustrer par un exemple ce dicton que
la Fortune se plaîl à combler ceux qui la dédaignent,
Heredia me le fournirail plutôt que toul autre. Il esl peu
de poètes qui aient, autanl que lui, affecté le mépris de
la gloire; il n'en esl pas qu'elle ail aussi rapidement élevés
aussi haut. Ses sonnets datent, en somme, de 1893, el
seize ans leur ont suffi pour se ménager une place que
Leconte de Lisle a mis près d'un demi siècle à conquérir,
que Musset peut-être n'obtiendra jamais. J'entends «pie
les Trophées sonl devenus « classiques ». Déjà diverses
Facultés des Lettres les onl inscrits à leur programme
île licence pour 1910-1911, et. sans aucun doute, cet
exemple ne tardera guère à être suivi.
Nous sommes donc autorisés à penser que l'œuvre de
Heredia entre dans une ère nouvelle, qui est celle de la
critique. Les jalousies et les malveillances se sont effa
cées ; les louanges hyperboliques el vaines se sonl étein
tes avec le poète. Je suis presque assuré que M. Raoul
Rosières remette l'article injuste dont la Revue Bleue
salua l'apparition des Trophées, el il me semble que
M. Gaston Deschamps ou M. Doumic auraient aujour-
d'hui l'éloge moins facile ; car, désormais, il nous importe
(1) D'après un mémoire proposé par l'auteur à la Faculté des
Lettrée de Montpellier pour les épreuves du diplôme d'Etudes supé-
rieures (Session de juin 1909).
31
t62 III DE SI i; LES SOI li( l &
peu que tel ou le] écrivain, si éminenl soil il, aime ou
n'aime pas les Trophées. Nous voulons savoir avanl tout
ce qu'esl le livre par lui même.
< >r. l'on ne peut juger une œuvre donl on ne connaîl
pas les sources. Que dirail on des Bucoliques de Virgile,
si l'on ne connaissait pas rhéoorite ".' Que n'en dirait-on
pas si l'on possédait les élégies de Gallus? Il n'étail
pas dix personnes au monde pour apprécier ;'i leur
valeur les poèmes Scandinaves de Leconte de Lisle avanl
l'ouvrage de M. Vianej (I). Bien plus encore Heredia, par
~,-i recherche du détail précis, exige du lecteur une étude
approfondie de ses modèles el des documents qu'il a mis
m œuvre. Et c'est pourquoi ou l'a tant loué et critiqué
a tort et à travers, .l'ai mi tel écrivain que je ne nommerai
pas lui reprocher comme un anachronisme énorme son
Priape grognon, pourtant exactement copié sur une épi-
gramme du pseudo-Catulle. Ceux-là mêmes qui recon-
naissent chez lui telle ou telle influence hésitent et restent
prudemment dans le vague dès qu'il s'agit de la définir.
M. Lanson trouve qu'il procède de Gautier plus que de
Leconte de Lisle : selon M. Lemaître, c'est dans des
catalogues '\r collections, selon VI. Gaston Deschamps,
c'est dans des monographies que Heredia aurait puisé
la matière de ses sonnets. 11 est impossible qu'ils n'aient
pas raison : le toul esl de savoir jusqu'à quel point.
Le temps m'a fait défaut pour étudier l'œuvre entière
de Heredia : j'ai dû ne m'occuper que des cinquante-sept
premiers sonnets. l)u moins ai je voulu être aussi complet
que possible. Obligé de lire attentivement des centaines
de livres el n'ayant eu aucune peine à retenir par cœur
800 vers sonores, j'ai minutieusement relevé tous les
passages qui me semblaient avoir fourni à Heredia. non
pas seulement l'idée générale d'un sonnet, mais encore
l'idée particulière de tel ou tel vers. Je n'ai point la
prétention d'avoir épuisé mon sujet : tous les jours, je
m'aperçois du contraire. Vussi liens je beaucoup à remer
il) Les Sources <h Loconte de Vlsle, par -I .Vianey (Montpel-
lu-i. 1910).
DE J. M. DE HEKED1A i63
cier ici MM. les professeurs Coulet, Maury el Vianey de
la bienveillance extrême avec laquelle ils onl jugé mon
travail et des nombreux conseils qu'ils m'ont donnés.
Je prif <lc même mes lecteurs de m'accorder toute
leur indulgence. Je sais bien qu'ils ne me garderont
point rigueur d'une aridité qui lient, en partie, à la
nature même tic mes recherches : j'espère qu'ils me par
donneront aussi «le n'avoir ]>;is osé apprécier l'origina
lité si fameuse de Heredia; j'ai craint, n'ayanl étudié
qu'une moitié des Trophées, de formuler des conclusions
qu'aurait démenties un bon tiers <lu recueil. Vussi sou-
haité je qu'il n'y ail à ecl égard aucune équivoque possi
ble. Tout Ce que je vais dire ne doit être entendu que tics
Sonnets antiques1. Je tâcherai cependant de ne rien avan
cer qui ne puisse s'entendre de toul le recueil.
L'Ol BL1
l)c même qu'il y ;i deux parties dans son livre, il y
;i deux hommes dans Heredia. Il ;i eu. comme tant d'au-
tres, une première el une seconde manière, qui se
révéla vers 1880 cl que ce sonnel peut caractériser.
Il ne serait pas difficile de montrer que, pur ses ori-
gines, il explique les deux tiers des Trophées. Nous
devons y voir sans doute l'une tics dernières productions
'l'un poète qui, plus que ne l'a cru M. Jules Lemaître,
est allé rêver au chemin d'Ardiège. L'Oubli n'a point «le
sources à proprement parler : c'est au cœur mémo de
l'artiste qu'il a jailli et il en traduit fidèlement les
désirs et les aspirations. Il n'est pas jusqu'aux maîtres
habituels de Heredia dont nous ne retrouvions l'influence
dans ces quatorze vers : Banville., Leconte de Lisle cl
Chénier ont développé en lui le <_:<>ùl de l'antique, mais
c'est Louis Ménard qui le lui a inspiré. J'aurai bien
d'autres noms à citer au cours de celle étude, ceux de
Gautier, et de Hugo, el de Paul de Saint-Victor : mais
ils ne sont point les ancêtres directs tic Heredia : je tiens
à le dire hardiment toul au début : si l'on n'a pas
lu de fort près les Rêveries d'un Païen Mystique, les
il) i • i i Ml SUR LES SOU RC US
Poèmes et le Polythéisme Hellénique (I). l'on ne compren
dra jamais les Trophées el particulièrement VOubli, qui en
esl la pièce liminaire. Il convient, en effet, d'attacher
une grande importance au plan même <lu recueil, préci
sémenl parce qu'il esl un peu factice et que Heredia ;i
mis quarante ans à le trouver. Ce n'esl poinl par hasard
que Sur VOrlhrys esl le dernier des sonnets grecs; que
/Vu/ /c l aisseau de I irgile esl le premier <l<-s sonnets
latins : que ceux ci se terminent à leur lour par ['Exilée,
el que le recueil se ferme s-ur un Marbre brisé. Il faut,
n\;tnt toutes choses, lire ces quatre sonnets, el peut-être
aussi Médaille Antique, Les Funérailles, Vendange, Lu
Vie des Morts, pour comprendre toul ce que veul dire
el tout ce que dil VOubli.
Mais Heredia ne sérail poinl Heredia s'il n'avait em-
prunté çà el là quelques images ou quelques détails, \insi
le premier \ ers des Trophées :
Le temple esl en ruine au haut du promontoire,
;i été suggéré par les premières lignes de Pausanias :
Dans cette partie du continent de ta Grèce qui regarde les
Cyclades et la nier Egée, s'élève, à l'entrée de l'Attique, le pro-
montoire de Sunium; au bas est une rade, et au haut un
temple dédié à .Minerve Suniade. (Pausianas, l, 1, 1, traduc-
tion Gédoyn.)
Je ne sache pas que personne ail fourni à Heredia le
beau tableau du second quatrain, mais les vers 2 à ."> vien-
nenl de Louis Ménard. Il suffit, pour le voir, de comparer
les deux passages :
Et la mort a mêlé, dans ce fauve terrain,
Les Déesses de marbre et les héros d'airain
Dont l'herbe solitaire ensevelit la gloire.
(1) La Préface notamment est d'un© importance capitale, non
seulement pour l'étude des Trophées, mais encore pour l'histoire
du Néo-Hellénisme. Malheureusement ces ouvrages sont devenus
fort rares. Cependant le troisième est à la Sorbonne et le second à la
Bibliothèque universitaire île Besançon. Quant au premier, on l'a
réédité récemment.
DE J. M. DE HEREDIA i<(.)
Un jour pourtant, pleurant leur force e1 leur jeunesse,
Les Dieux de Phidias, les grands Dieux de la Grèce,
Joncheront de débris le temple délaissé.
Pot nu s. EDuphorion, 11.)
Il esl possible aussi que Heredia se soi! inspiré de
Leconle de Lisle, qui avait, avanl lui, imité ces trois vers :
L'harmonieuse rlellas, vierge aux tresses dorées,
A qui l'amour d'un monde a dressé des autels,
Gît, muette à jamais, au bord des mers sacrées
Près des membres divins de ses blancs [mmortels.
i Poi mes antiques. Dies I ne. |
Plus parliculièremenl le vers 'i rappelle un passade
du Chant alterne :
Volupté, volupté
Ta belle bien-aimée, errante et solitaire.
Voit l'herbe de l'oubli croître sur ses autels.
Ce sonnel nous révèle d'ailleurs un des procédés d'uni
tation chers à Heredia, qui se borne souvent à prendre
à son modèle un tour de phrase, un mot, une construc-
tion hardie. Unsi lorsqu'il écril :
La Terre maternelle et douce aux anciens Dieux
il se souvienl évidemment que Leconte de Lisle a dil :
() terri' du repos, doute aux hommes pieux,
Revêts-les de silence, ô Terre maternelle.
(P. A. Prière Védique pour les morts.)
De même le dernier tercel :
Mais l'Homme, indifférent au rêve des aïeux,
Ecoute sans frémir, du fond des nuit s sereines,
La mer qui se lamente en pleurant les sirènes
esl en grande partie tiré de Banville, donl Heredia « con
lamine » deux passages :
O Dieux, pendant les nuits sereines, anxieux,
J'ai longtemps écouté le bruit qui vient des cieux.
| H.rili s. La Cithare, i
l66 il ! ni SUP u- SOI la ES
Ainsi la mer. songeant par les nuits lumineuses,
Me faisait tressaillir de tendresse et d'effroi...
...Ces yeux où les chansons <les Sirènes soupirent...
(Exilés. L'attrait du Gouffre. )
Mémée
Ce sonnet (1) a deux sources principales : l'une, peu
importante, esl le poème de Banville de même nom, l'au
tre esl l'idylle XXV de Théocrite, Héraklès Léontophone.
Chez Théocrite, le héros raconte lui-même son exploit
avec une simplicité affectée, mais avec complaisance,
puisque son récil occupe 115 vers dune pièce qui en ;i
275. Il raconte que, résolu à tuer le monstre, il chercha
longtemps ses traces (212 215), sans que personne -
présentai pour les lui indiquer, car « lu pâle crainte
retenait chacun dans les étables ». Il aperçoil enfin l'ani-
mal, le guette au passage ei lui décoche une flèche, qui
retombe san< entamer son cuir épais : « Etonné, le lion
leru brusquement sa tête fauve, promena ses regards
île tous entes, cl. ouvrant lu gueule, laissa voir ses dents
m ides <le meurtre » (230-233). Ils s'étreignenl alors, et
Théocrite nous décrit minutieusement toutes les péripé-
ties de la lutte. Vainqueur, Héraklès écorche la bêle en
m' servant des propres griffes de l'animal et se revêt de
sa dépouille : « Telle fui. mon ami, la mort de lu bêle
de Némée, qui avait fait laid de mal aux brebis cl aux
hommes ».
On voit que Heredia a pris fort peu de chose à Théo-
crite : il ne nous raconte pas le combal : du milieu c\\\
joiii-. il transporte la scène an crépuscule. La raison de
ces modifications resterail obscure si le ton même des
deux morceaux ne non-, la révélait. Le poète grec, fidèle
à la coutume alexandrine, lente de rajeunir nu sujet
vieilli en multiplianl les anachronismes. Son Héraklès
esl nn homme plus fort que les autres, mais n'en différant
il) Publié avec les cinq suivants dane la Bévue des Deux-Mondes
de? 15 janvier 1888.
DE J. Al. DE Ul .III IU \ 107
pas essentiellemenl : il a le parler simple des bergers de
Sicile ou des chevricrs de Cos : il narre sa chasse comme
on raconle la morl d'un sanglier. Heredia au contraire
revienl au style épique, crée un décor grandiose, agran
dil à l'infini l'ombre crépusculaire du demi dieu, donne
enfin a tout le morceau la profondeur un peu obscure
d'un poème orphique ou d'un hymne sacré (1).
.1'' m" crois pas qu'il se soil le moins du monde inspiré
d'Apollodore (II. 5, I). non plus que de Pausaniàs (I.
27 + III. IN • \. 10, II. 25, '•!(■.). ni même qu'à propos
du sec I quatrain, il faille rappeler un passage de !a
Légende de- Siècles ('-!). mais le vers 2 :
En suivant sur le sol la formidable empreinte
vieil! peut être de I .econle de Lislc :
Et des laines lions suivant le- pas empreints
(P. A. Khirôn.)
et le vers M est une i, irei - adaptation de Banville :
Ils étaient à la fais deux héros et deux bêtes.
(Exilés. Némée.)
Il es! éviileni qu'une !'<>i< la lutte terminée, et Eïéra-
klès revêtu de la peau du lion, il n'y a plus qu'un person
nage, qui esl a la fois le monstre el I" héros. Ce sera
donc un monstrueux héros : niai- peut-être, dan-- I.
mation de ce mut final, l'influence de Banville s'est c
binée avec celle de \ iclor Hugo, à qui celle même épi-
thète e-i chère.
S l YMPHAl I
Nombreux sont le- auteurs de l'antiquité qui cul raconté
la légende des Stymphalides. Cependanl ce n'est ni Dio
(1) Preller, Griech. M y th. IT. 190. et Schwartz, Ursprung der My-
thol., page 215.
(2) Le Mariagi dt Roland .
Le.- liai ai les ont amènes
Ont raison d'avoir peui I fuir dans la plaine
Et d'oser de très loin les regarder à peine.
468 El DDE -V I, I ES SOI R< I -
dore de Sicile (IV, 31, 5), ni Pausanias (III. 22), m Apol
lodore (II. •'>. 6,), m Scrvius (Ad Virg. /En. VIII, 300),
<[ni <>ii! fourni son sujel ;i Heredia. Il l'a trouvé avec
bien d'autres dans le Polythéisme Hellénique de Louis
Vlénard. Non seulement l'exploit d'Hercule y est raconté
tout au long d'après les sources les plus certaines, mais
encore il y est interprété selon la mythographie con-
temporaine. Est il besoin de rappeler que les oiseaux
abattus par le héros sonl les nuages orageux < I i ^ s i | »« '• s par
les rayons solaires? Leurs plumes homicides sonl les
éclairs. Heredia adopte celle interprétation, cl reprenant
avec un arl plus patienl la méthode de Leconte de Lisle
(Héraklès Solaire), il s'attache a laisser deviner le sens
profond du mythe par le choix des expressions et une
perpétuelle amphibologie. Mais Leconte de Lisle l'étalé;
I [eredia se borne a le suggérer.
Stymphale, qui no doit rien aux auteurs de l'Antiquité,
doil fort peu aux poètes modernes. Le geste de l'Archer,
« ajustant au nerf la flèche triomphale » rappelle peut
être deux vers de Victor Hugo :
Le Soleil, dans les monts où sa clarté s'étale.
Ajuste à son nerf d'or sa flèche horizontale.
(Contemplations. Joies du Soir.)
et l'expression : « plut une pluie horrible » doit être une
réminiscence de Leconte de Lisle :
et par nappes compactes
Et par torrents, la Pluie horrible commença.
(P. B. Qaïn, XCII.)
Enfin le dernier vers :
Hercule tout sanglant sourire au grand ciel bleu
a été suggéré d'abord par la lin d'un poème de Banville
consacre' à Hercule :
Ils regardaient blanchir le grand ciel étoile
(Exilés. Tueur de Monstres.)
el par un mol de Victor Hugo :
DE J. M. DE HEUEDIA 169
Mais tout le grand ciel bleu n'emplirait pas mon cœur.
(Léyendi des Siècles. Aymerillot. )
Nessl-s
Il n \ ;i aucun doute possible sous les sources de
Vessus : Les Centaures onl été introduits dans la poésie
moderne par Maurice de Guérin. I .a nouvelle que celui ci
publia, le I") mai 1840, dans la Revue des Deux-Mondes,
cl (|iu a suffi à immortaliser son nom, a créé le type
étrange que Leconte de Lisle devail reprendre dans Khi-
rôn, donl Heredia devail l'aire Nessus. 1res certaine
ment, Nessus esl lils de Khirôn el petit-fils de Macarée.
J'ajouterai même qu'il esl père du Polyphème de M.
Albert Samain, donl le Cyclope esl un véritable Cen-
taure (1). 11 esl toul à l'ail inutile d'invoquer à propos
de ce sonnet les récits d'Hygin (XXXIIJ -el XXXIV) el de
Diodore de Sicile (IV. 36, M) : niais le vers 1 :
Et leurs torrents glacés lavaient mon poil vermeil
nie remel eu mémoire un passage de Banville :
Moi qui... (Achille chez Khirôn.)
Baignais mon large front dans les lieuves glacés
i Déïdamia, I, 2.)
et le vers 5 :
Tel j'ai grandi, beau, libre, heureux sous le soleil
esl formé de deux hémistiches de Leconte de Lisle :
(1) J'étais alors le fils bien-aimé de la terre,
... Et quand je m'étendais sur elle quelquefois,
Baigné du vent du large et de l'odeur des bois,
Il me .semblait sentir une vague caresse...
J'étais aillent el fort et libre en mes ébats....
Debout, en plein soleil, je buvais la lumière.
A l'aurore, en piaffant j'entrais dans In rivière.
Et j'avais, bondissant </<' la plaine <m vallon,
Des besoins <l< lu unir corn/nu un jeune étalon.
Ne nous y trompons pas : c'est Polyphème, ô xvxt.tu^ ô notp xpfot
ùpxaîos no>yy«fxo;, 'lui l)arl(' :,insi-
470 ÉTUDE SI R LES SOI H< l -
...J'avais erré, sauvage <t lïbn sous les "irs...
...Tel je vivais heureux sur la terre sublime
i Kliimn. ll.i
Quanl à la cheville du douzième vers :
Car un Dieu, maudit soit le nom dont on U nomme
commune chez de Laprade, fréquente chez Hugo, elle esl
habituelle à Leconte <le Lisle (1).
La ( Ientai resse
J'ai lr<»p de doutes sur le sens que Heredia a voulu
donner au symbole de la Centauresse pour en parler ici.
Quant aux sources du sonnet, qu'il me suffise, pour les
indiquer, de reproduire quelques lignes de la préface
des Pages choisies de Louis Ménard (2), par M. Berthe
lot :
Louis Ménard portait dans la peinture son ingénieux esprit
et créa (3) le type de la Centauresse, négligé jusqu'à lui...
Ce tableau.... refusé au Salon... fut exposé au Salon des
Refusés... il devint la propriété du philosophe Renouvier, qui
l'emporta dans son ermitage métaphysique d'Avignon, où il
doit être encore.
Signalons seulement que le vers :
Des fils prodigieux qu'engendra la Nuée
rappelle Chénier :
Le peuple monstrueux des enfants de la Nue
(L' Aveugle.)
(1) P. B. I.i Corbeau. D. P. Parfum d'Aphrodite, etc.
(2) Berthelot, Etude sur la vit <t les œuvrer de Louis Ménard,
Parie, riiez Y. Juven, 1909.
(3) Expression inexacte. Le type de la Centauresse «'tait parfai-
tement connu des Anciens, comme en témoignent un grand nombre
de vases peinte et des bas-reliefs.
Di: J. M. DE III l!ll»[\
( 'km ai res i: i Lapiïhi
C'esl encore ['Aveugle <|iii ;i inspiré .1 Heredia Cen-
taures cl Lapilhes.
Les ailleurs anciens ne |'<>nl pas mention île l;i présence
d'Hercule aux noces de Pirothoos el d'Hippodamia (I),
Chénier le premier le place à côté de Thésée, supprimé
par Heredia, qui dispose toute la scène autour d'Her
eule, ;i>M7 connu d'ailleurs comme Tueur de Centaures
(xsvTauorj'i/ovoî ). La description du second quatrain vienl
d'un autre passade de Chénier, le meurtre des Préten
dants :
La coupe de sa main fuit. Il expire. Il bombe.
...Sous ses pieds agités et mourants
Table, vases, banquet, tout tombe et tout s'écroule,
Tout est souillé de sang. De leurs sièges en foule
Us s'élancent soudain. Confus, tumulteux,
Us errent...
et le gesle d'Hercule rappelle celui de Roland, dans le
Petit Uni de Calice, IV :
Le chevalier leva lentement sa visière :
— (( Je m'appelle Roland, pair de France », dit-il.
Fuite de < i:\t\i res
J'ignore les sources de ce sonnet, mais 1res certaine
ment les Centaures poursuivis par Hercule ne sont pas
le- hôtes grossiers de Pirothoos. L'on sait eu effet que le
Centaure l'Indu-., recevanl Hercule dans son antre, ou-
vrir en son liumieur un tonneau de vin précieux (2) ;
l'odeur attira d'autres Centaures, qui attaquèrenl le héros.
Celui-ci, vainqueur, les poursuivil 1 < > m u t ( ■ 1 1 1 j .^ dans la
nuit, el les aurail l<>us exterminés, si leur mère Néphélé
n'eût versé pour protéger leur retraite une pluie abou
(1) Hésiode, Bouclier, 177-190. — Homère, Iliade, 1.263 et 2.743;
Odyssés, 21.295. — Apollodore II. — Hygin, XXX11II. — Diodore
.!.• Sicile, IV. 70. - Ovide, Métanu, XII. 210-535.
(2) Cf. Théoorite», Vil. in fine.
'l7"? ÉTUDE SUR LES SOI RCES
dante (I). Ce sonl là les Cenlaurcs que représente Hère
dia, sans se préoccuper de la valeur de ce mythe solaire,
voire même s;m> respecter la tradition.
J'hésite à signaler quelques rapprochements sans im
portance. Disons pourtant que le vers :
Ravins, torrents, halliers, sans que rien les arrête,
mille beaucoup à un vers de Leconte de Lisle :
Arbres, buissons, enclos, rocs, rien ne les arrête
(P. B. La Vigne de Naboth.)
el rappelle Némée :
A travers le hallier, la ronce et le guéret.
De même, en lisant :
Ils flairent dans la nuit une odeur de lion
on se souvient du mol de Roland :
...Je sens une odeur de panthère,
Comme si je passais dans les monts de Tunis.
(Le Petit Iîui de Galice, VI.)
La poursuite elle-même fait souvenir d'Angus el de
Tiphaine :
Rien, ni le roc debout, ni l'étang insalubre,
Ni le houx épineux, ni le torrent profond.
Rien n'arrête leur course: ils vont; ils vont; ils vont!
Clairs de lune, halliers, bruyères, crépuscule...
...etc., etc.
(L'Aigle du Casque.). . . .
La Naissance d'Aphrodite
Louis Ménard nous axertit qu'il existait, touchant la
naissance de la déesse de Paphos, deux traditions très
inégalement répandues. La première, malgré l'autorité
d'Homère (Iliade, Y, 370) n'eul jamais beaucoup de pogu
(1) Ddodore de Sicile. IV. 12. 6. — Paiisanias. V. 19. — Apol-
lodore, II. 5, 4.
Iil I. M. Dl !lllill)l\ W.'<
larité. A la fille de Zeus el de Dioné, les Grecs préférè-
rent l'Aphrodite Vnadyamène de l;i Théogonie (173-206).
Les Orphiques en firenl le symbole d'une idée assez
vague pour (pic les Modernes aienl \<\\ voir dans la déesse
naissant de la mer la Vie sortanl des profondeurs océa
niennes ci dans le sang d'Ouranos fécondant les vagues
la semence vitale parvenant à notre planète à travers
les espaces interstellaires. Mais ce sonl des rêveries. Les
Vnciens mil cru simplement que celle légende symboli
sail l'apparition de l'élémenl féminin cl sa puissance civi
lisatrice.
Ji' n'aurais su reconnaître l'intention de Heredia sans
un petit poème de Lecomte de Lislc, qui esl nue des sour
ces principales de ce sonnet : la fille d'Océan, c'est la
Beauté sous ses deux aspects les plus purs, la Femi i
la Fleur.
Heureuse In coupe où nage ta feuille!
Ruisselante encor du flot paternel,
Quand de la mer bleue Aphrodite éclose
Etinoela nue aux clartés du ciel,
La Terre jalouse enfanta la Rose;
El l'Olympe entier, d'amour transporté,
Salua la Fleur avec la Beauté.
(P. A. Odes Anaeréontiques, IX.)
Sans citer ici de Banville Le Jugement de Paris et le
Forgeron, qu'il sera bon de relire après le sonnet, je
me borne a reproduire un passage de la Cithare, qui a
quelque analogie avec !<• premier tercet :
Aphrodite
Qui par le doux désir prit les Olympiens...
Et qui, vivante fleur que sa beauté parfume,
Apparut sur la mer dans la sanglante écume.
Un mont parut où
Les Immortels vêtus de pourpre étaient debout.
deux strophes de Louis Ménard, qui traitenl le même
sujet :
Quand la faux de Kranos rendit le ciel stérile,
474 i. il DE -i l; LES SOI EU i S
Le sang du grand ancêtre et sa fécondité
Répandirent dans l'onde nue écume subtile
D'où sorti! comme un lys la blanche Aphrodite.
Alors le ciel sourit, et; dans l'éther immense,
Des Dieux et des Titans monta l'hymne joyeux;
Et l'univers charmé salua ta naissance,
O mère, ô Volupté des hommes et des Dieux!
et trois vers de Leconte de Lisle, que rappelle le premier
quatrain :
Dans les lianes maternels de la Terre couchés
Sur le jeune avenir, leurs yeux (des Titans) sont
j ai tachés.
(P. A. Niobé.)
Hésiode n'a fourni à Heredia que les deux premiers
vers, surtoul le premier : « Avanl toutes choses fui Khaos,
cl puis Gaia au large sein » (I). (Traduction Leconte de
Lisle.)
(Le lecteur désireux d'étudier plus à fond ce sonnet un
peu obscur aura peut-être intérêl à consulter ['Hymne
Homérique, VI, vers 5 à 18. Cf. aussi l'Anthologie Grec-
que (traduction Hachette, tome 11. pas^e 10: 5. épioramiiies
177 à 183.)
Jason et Médée
Apollonius de Rhodes, que Heredia a certainement lu.
ne l'a que peu inspiré :
Médée referma la boîte qui contenait ses nombreux poi-
sons... Elle s'avance vers la Toison, semblable à un nuage
f|iie les rayons du soleil levant font paraître tout en feu...
Jason la suit, non sans effroi.
(La Toison ravie, ils reviennent au rivage.)
Semblable à une jeune fille qui, retirée dans son apparte-
ment, reçoit sur sa robe les rayons de la lune et s'amuse
(1) Cf. Aussi Leconte de Lisle. P. A. Hélène.
O Terre au large flanc, mère antique des choses,
Toi qu'embrasse Océan de ses flots amoureux...
im .1. M. Dl HERED1 \ i/o
à considérer leur aimable clarté, Jason contemple aveu plai-
sir la Toison qu'il tient dans ses mains et dont l'éclat s< ré-
hit et répand un tmi<!< ./< feu mr son visage... et les
précieux flocons dont ell< est chargée éclairent les pas du
héros. (Argonautiques, IV. traduction Caussin.)
Villeurs, au chanl I. le poète l'ail la description inévi
table des armes de Jason, don d'Athéné, insistanl surtout
sur leur éclal qui l'ail ressembler le guerrier « à un aslre
brillant ».
( )u voil que Heredia a pris peu de chose a \pollonius,
et n'a pas craint de transporter la scène au milieu du joui'.
Mais les tercets mais révèlent des imitations plus précise®.
i 'esl ainsi que le- vers :
Illuminant les bois d'un vol de pierreries,
De grands oiseaux passaient sous les voûtes fleuries
sont une réminiscence de Banville :
dans les rameaux échevelés
Volent de grands oiseaux peints d'azur et de soufre.
(Exilés. L'Education d'Eros.)
que les mots : un vol de pierreries mais rappelleront
les flots de pierreries des Poèmes Barbares (un Couchei
de Soleil) ou bien le brouillard de pierreries de {'Illusion
Suprême. Mais la métaphore de lien. lia esl, comme tou-
jours, plus hardie. J'insiste particulièrement sur le vers
Il :
Et dans les lacs d'argent pleuvait l'azur des eieux
qui esl nue heureuse adaptation du célèbre début de
Midi :
Midi, roi des étés, épandu sur les plaines.
Tombe en nappes d'argent des hauteurs du ciel bleu.
Quant aux autres auteurs qui onl parlé de Jason et de
Médée, je ne crois pas que Heredia les ail seulement
lus (1).
(1) Hygin, 3 et 188. Apollodore, I, 9, 1 et 1.30. — Diodore de
Sicile, IV, 48, 1 à 4, etc..
176 ÉTUD] SUR LES SOI EU ES
Le Thermodon
Sujel célèbre s il en fut, immortalisé par le pinceau de
Rubens (1). la défaite des Vmazones devail tenter le burin
de Heredia. Peul rire avanl de le traiter, a i il lu ['His-
toire îles Amazones, de l'abbé Guyon : il m'a été impossi
ble de me procurer l'ouvrage; je me borne à le signa
1er (2). ( he même, voir Bergmann, Les Amazones dans
l'Histoire et dans ht Fable. Colmar, 1848.)
La première source du Thermodon est le poème de
Gautier, qui porte le même titre et qui est inspiré par le
tableau de Rubens. Le vers 5 du sonnet :
Cadavres, armes, chars que la mort y roula
nous prouve que Heredia ;i lu le morceau bizarre de
Gautier, trop long pour rire cité en entier :
Les flots, toujours béants, de leurs gueules voraces
Dévorent cavaliers, chevaux, casques, cuirasses,
Tout ce que le combat jette à leur appétit.
et plus loin :
Les bras abandonnés trempent, les mains ouvertes,
Dans la vase du fleuve, entre les algues vertes,
Où l'eau les soulève en passant.
Mais Gautier termine par des conseils prudhommesques
aux Amazones : elles auraienl vaincu i>;ir l'amour ! que
n'ont elles vaqué en paix aux soins de leur ménage? Cette
fin gâte ce beau poème, donl le dernier vers, magnifi-
que, esl curieux à rapprocher de celui de Heredia :
Et dans l'eau, jusqu'au soir, il plut des corps de
[femmes !
1) Bataiih de& Amazones, à la galerie de Munich. (En voir ta
reproduction dans le Dictionnaire Larousse.)
(2) Cf. Pausanias, 1, 2, 1 et 1, 15. 17. 25. et IV, 25. — Apollodore,
II, 5, 9. — Euripide, Hercule furieux, 408. sqq.
DE J. M. DE HEREDIA 177
Banville (I) (toujours Banville!) a servi, lui aussi, de
modèle à Hcrcdia. Je uc lui rendrai pas le mauvais ser
vice de citer son Anliope en entier. Si le lecteur l'a
oubliée, puisse-t-il croire que les tercets sonl meilleurs
que les quatrains :
Près tin clair Ilissos au rivage fleuri,
L'indomptable Thésée a vaincu les guerrières;
Mourantes, leurs chevaux les t rainent clans les pierres:
Pas un de ces beaux corps qui ne râle, meurtri.
Le silence est affreux, et parfois un grand cri
L'interrompt. Sous l'effort îles lances meurtrières,
On voit des yeux, éteints déjà, sous les paupières
S'entr'ouvrir. Tout ce peuple adorable a péri.
On peul voir que ses modèles n'onl pas fourni à Heredin
les noms de ses Vmazones. S'il ne les a pas trouvés chez
l'abbé Guyon ou chez Bergmann, il n dû les emprunter
a Diodore de Sicile (2), qui raconte tout au long la victoire
du héros :
Aaella attaqua Philippis, Prothoé, Euribœa, Celœna, Eu-
ribia, Pliobé, Déjanine, Astérie. Marpé, Termessa, Alcippé.
(Edition latine de Weneling, chez 1. Westenius, Amsterdam,
1746, livre II. 15.)
11 est possible que le tour qui lui permet d'énumérei
>i\ noms propres lui ;iii été suggéré par un passage de
Victor Hugo :
Où donc est Mars? où donc Eros? où donc Psyché?
Où donc le doux oiseau bonheur, effarouché?
i ( 'nu templations. Cérigo.)
Artémis
Exagérée par les uns. négligée par les autres, l'influence
de Paul de Saint-Victor sur Heredia n'est point essentielle.
(1) Cf. aussi Penthésilêe et Thalestris.
(2) Et non à Hygin. qui en cite quine, dont pas un seul, sauf un.
celui d'Hippolytr. n,- - i etrouve che Heredia.
32
I/O Ml DE SUR LES SOI RCES
Les Deux Masques sonl l'œuvre brillante d'un rhéteur,
mais ils sonl vides, H sous l'orbe des paupières, on ne
voil palpiter aucune prunelle. Heredia leur ;i emprunté
çà el là quelques images étincelanles, il ne leur doil point
--oii tempérament poétique.
<>n comprend toutefois qu'un lecteur bénévole se laisse
prendre à certaines ressemblances partielles el appli
que ;'( l'ensemble des Trophées ce qui ne convienl qu'à
deux ou trois sonnets. Lorsque M. L'abbé Delfour (1) a lu
Artémis, il se souvenail sans doute de certaine page
(I Hommes et Dieux ; il s'esl empressé de s'y reporter,
el. comme il ignorail l'existence de Louis Ménard, il a pu
croire le personnage s'y prêtail -- que Paul de Saint-
Victor lui l'hiérophante qui initia solennellement Heredia
aux mystères <le La poésie hellénique. Cette page, la
voici :
C'est ainsi que l'adorait la Grèce. (Artémis.)... Grande,
svelte, dépassant de la tête le cortège errant de ses Nym-
phes... — Sa figure est telle d'Apollon à peine adoucie; au-
cune mollesse n'alanguit sa beauté hautaine. Sa bouche en-
tr'ouverte aspire le souffle des bois; ses narines palpitent com-
me à l'odeur de la proie; ses yeux fixes lancent des regards
rapides et droits comme des flèches; ses hanches étroites
sont celles d'un éphèbe plutôt que d'une femme; son sein, ré-
tréci par l'exercice des jeux héroïques, a la verdeur de la
puberté. L'idée de la course s'attache à ses jambes, comme
l'idée du vol aux ailes de l'oiseau. La bottine crétoise chausse
sou pied agile; le court chiton d'Orient étreint de ses plis
sa taille élancée et se retrousse à son genou sous la morsure
de l'agrafe. Souvent encore, avec une grâce hâtive, elle noue
son manteau en guise de ceinture au tour de ses flancs. Le
premier souffle dénouera ses cheveux relevés en onde sur son
front, ou noués derrière sa nuque en une simple touffe. Tou-
jours en marche, toujours en mouvement, retournant la tête
comme à l'appel d'une fanfare, tirant une flèche du carquois
qui bat -es épaules ou domptant une biche cabrée sous sa
main, ses statues offrent l'image de l'activité éternelle.
("est ainsi qu'au son des cors et aux aboiements de sa
(1) La Religion des Contemporains. Paris, 1895.
1)1 .!. Al. Dl. III lilDlA iT'.l
meute, elle parcourt les bois et les monts, suivie du chœur
de ses Nymphes, farouches et vierges comme elle. La troupe
indomptée Franchi! les précipices et passe les fleuves à la
nage, lançant ses traits aux aigles, perçant de ses javelots
les sangliers et les oins. A midi, les guerrières agrestes s'en-
dorment sous les vastes chênes, parmi les molosses-; au cré-
puscule, à l'heure où les lionnes vont boire, elles lavent dans
les sources froides leurs mains sanglantes et Leurs bras pou-
dreux (1).
L'imitation esl visible dans l'ensemble. Mais repor
tons Huns encore à un passage do Leconte do Lisle ; elle
no le soin pas moins :
Et toi, sœur d'Apollon, ô mâle chasseresse,
() vierge aux flèches d'or! Intrépide Déesse,
Tu ban tes les sommets battus des sombres vents;
Sous In pluie et la neige, et de sang altérée.
Tu poursuis sans repos de ta flèche acérée
Les grands lions couchés au fond des bois mouvants.
Nul n'échappe à tes coups, ô Heine d'Ortygie!
La source des forêts lave ta main rougie
Et quand Apollon passe en dardant ses éclairs
Tu livres ton beau corps aux baisers des Mots clairs.
(P. A. Niobé.)
Voyez encore, dans Khirôn :
...O Déesse intrépide des bois,
Qui te plais aux soupirs des cerfs, aux longs abois
Des lévriers lancés sur la trace odorante;
Vierge au cœur implacable, et qui, toujours errante.
Tantôt pousses des cris féroces, l'arc en main.
L'œil brillant, et tantôt, au détour du chemin,
Entrelaces de chœur de les nymphes chéries.
Art émis!...
Esl-il nécessaire do supposer que Heredia a consulté
onooro l'Hymne Homérique ;'i Arlémis '.' S;m^ aucun doute,
(1) Ne pas oublier que Homme* <t Dieux sont de 1867; les
Poi mes Antiques sont de 1853.
480 l'.ïi Dl. SI li LES SOI lit ES
il le connaissait : mais comme loul ce qu'il aurait pu y
trouver avail déjà été pris par Leconte de Lisle, nous
n'avons plus le droil d'affirmer qu'il s'esl reporté aux
sources mêmes.
I h mot, lu ronce, rend plus probable l'imitation de
Bion, qui écrit (1. 21 el 22) : « Aphrodite erre par 1rs
Lois el les ronces la blessenl el fonl jaillir le sang sacré ».
(Traduction Leconte «le Lisle.) Il es! de même possible
que l'idée du vers :
Tes bras glorieux que le 1er a vengés,
ail été suggérée à Heredia par l'ensemble du poème de
Niobé, dont il imitail une partie.
Signalons encore le poème de Banville — (Le Sang de
ta Coupe - - « Artèmis parlant pour la chasse »), dont
Heredia a sans aucun doute reproduit quelques traits.
Nous terminerons par un rapprochement étrange : qu'on
lise attentivement, très attentivement, ces trois vers :
Et bien plus il te plaît, Déesse, cpie la ronce
Te morde, et que la dent ou la griffe s'enfonce
Dans tes bras glorieux que le fer a vengés.
el qu'on se rappelle un poème de Leconte de Lisle, qui
n'a aucune espèce de rapports avec Artèmis, YEpée
d'Angantyr. On y trouve :
Au faite du cap noir sous la mer qui s'enfonce,
La fille d'Angantyr que nul bras n'a vengé,
Hervor, le sein meurtri par la pierre et la rbhce,
Trouble de ses clameurs le héros égorgé.
Coïncidence? ou plutôt ne touchons-nous pas du doigt
nu de ces procédés déconcertants qui caractérisent les
imitations de Heredia ? (I ).
(1) Cf. encore, à propos de ce sonnet,, Callimaque, Hymne à
Artèmis. — Pindare, Pyih., IV, 90. — Apollodore (I, 4, 1). —
Leconte de Lisle, D. P., Parfum d' Artèmis et P. A, Thyoné, II,
l à 6.
DE J. Al. Kl HEREDÏA 'i S 1
La Chassi
Je n'ai pas à reproduire les sources principales de ce
sonnet. On ne saurai! le séparer du précédent, non plus
que du sui\;iul : Artémis, La ('liasse el Nymphée formenl
comme un tryplique (I) qui pourrati s'intituler /-'/ Journée
d'Arlémis. Leurs sources sont les mêmes el I»1 lecteur
voudra l'ion se reporter aux passages cités plus haut.
Mais le <lél>ul de ce sonnel esl 1 1 irectemen ! inspiré 'I''
Leconte 'le I .isle :
Le quadrige hennit; l'éclair sort de l'essieu;
Et tout flamboie cl ton! s'illumine d'un Dieu,
Les monts, la nier joyeuse et sonore, les plaines,
Les fleuves et les bois et les cités hellènes.
(D. P. Apollonide.)
Les vers 3 el i sonl ;i rapprocher de Victor Hugo,
Orientale*, Le Feu du Ciel, IV.
L'Egypte! elle étalait, toute blonde d'épis,
Les champs bariolés comme un riche tapis,
Plaines (pie des plaines prolongent.
et d'Hésiode (Théogonie, 861-862). « Et la Terre immense
brûlait comme une vapeur ardente. » (Trad. Leconte de
Lisle.)
Eniiii le vers :
Et l'ombre où rit le timbre argentin des Fontaines
esl une réminiscence de Leconte de Lisle :
Sons le faîte mouillé des bois et incelants.
Sonne le timbre clair et joyeux des fontaines.
(P. B. Le Barde de Tcmrah.)
Nymphée
Très probablemenl ce sonnel esl un des derniers qu'ail
écrits le poète ; il n'est donc pas étonnanl qu'il y reprenne
(1) Habitude d'Heredia: Cf. Andromède, Antoine <i Cléopâtre
Lu Vision de Khem.
182 ÉTUDE SI R LES 501 RC1 S
quelques expressions et quelques Images qui lui avaient
déjà servi. Les mots : « Le Char plonge » rappellent le
vers de Sur VOthrys :
Le soleil plonge au couchant radieux.
tandis que ['Oubli a trop «le rapports avec l<is vers sui
vants pour qu'il n'y ;iil entre eux qu'une analogie fortuite :
La mer, de son soupir puissant La mer qui se lamente... où
Emplit le ciel sonore... [soupire un refrain...
...En l'azur noir... Emplissait le ciel calme
La nuit sereine... Sur l'azur infini
Du fond des nuits sereines
Le second hémistiche :
...où la pourpre se traîne.
rappelle Leconte de Lisle :
Sa pourpre flotte encor sur la cime des monts
(P. A. Khi ru i>.)
et le \ ers :
Silencieusement s' argenté le croissant
doit être rapproché de Gautier : (Lu Basilique.)
Aux vitraux diaprés des sombres basiliques
Les flammes du couchant
(tandis que s'argente)
Silencieusement l'aiguille de la tour.
Le premier tercet esl imité de Chénier :
Tel, lorsque n'ayant plus de traits dans son carquois,
Diane se repose et dort au sein d'un bois.
(Le Sommeil de Diane, éd. Dimoff, p. 20.)
mais le vers li, dont les trois premiers mots sont repris
du vers 4 de Némée, a été suggéré à la fois par Leconte
de Lisle, Louis Ménard et Paul de Saint- Victor :
Dans le cortège effréné de Bacchus galope la cavalerie mons-
trueuse des Centaures, qui hennissent au fumet du vin, comme
1rs cerfs brament après la fraîcheur <les eaux vives. (Les
Deux Masques, I, page 14.)
DE J. fA. DE HEREDIA 483
Les cerfs brament aux pieds des chênes radieux
(P. B. /.'■ Barde <l< Temrah.)
Dans La mer d'Hespérie aux vagues empourprées
Hélios éteint afee flammes sacrées.
Pan, le divin pasteur, do sa ilûte aux sept voix
Apaise Lentement l'harmonieuse plainte,
Et sous Les dômes verts des antres d'Aracynthe
S'endorment en paix les grands cerfs des bois.
(Endymion, I, 1.)
Bien enlendu, ces vers sonl égalemenl la source du
second lercet, mais Le quatorzième vers est directement
inspiré (le I. écoule de l.isle (1) :
Pan
Emplit les verts roseaux d'une amoureuse haleine.
(P. A. Pan.)
Pan
Le l'an île Leconte de l.isle. donl avail été imité le
dernier vers du sonnet précédent, esl la source principale
de celui-ci :
...Et d'un rire sonore, il éveille les bois.
...Dans les grottes de pampre, au creux des antres liais,
Le long des cours d'eau vive échappés des forêts,
Sous le dôme touffu des épaisses yeuses,
Le Dieu fuit de midi les ardeurs radieuses;
Il s'endort; et les bois respectant son sommeil,
Gardent le divin Pan des flèches du Soleil
Pan, d'amour enflammé, dans les bois familiers.
Poursuit la vierge errante à l'ombre des halliers,
La saisit au passage; et, transporté de joie,
Aux clartés de la lune, il emporte si( proie.
Ilei'cdia a pourtanl rapproché encore de ces vers un
passage de Chénier, qu'il avail étudié minutieusement
(1) Au lecteur désireux d'étudier à fond oe sonnet, je conseille
la lecture de l'Hymne homérique à Hélios (notamment les vers
15-16) et de l'Anthologie grecque (Trad. Hachette),, I, nage 316,
épip. 433 + p. 371. ép. 823 + p. 372. ép. 826 + II. p. 171, ép.
226, etc.
,,x'«
I -i i; i ES SOI R< i -
dans l'appendice critique de sou édition des Bucoliques
(pages 250 251) :
Je sais, quand le midi leur tait désirer l'ombre,
Entrer à pas muets sous le roc trais et sombre
D'où, parmi le cresson et L'humide gravier,
La Naïade se fraye un oblique sentier.
Là, j'épie à loisir la Nymphe blanche et nue,
Sur un banc de gazon mollement étendue,
Qui doit, et sur sa main, au murmure des eaux,
Laisse tomber son front couronné de roseaux
i Ed. Dimoff, p. 32.)
Plus spécialement, <>n peul établir quelques rapports
partiels entre les passages sni\ nuls :
Divin chasseur de Nymphes Faune, Nympharum fugien-
[nues [tium amator..
(Hor. Carm. III, 13.)
Il est doux d'écouter les — 11 est doux, ô Chevrier,
soupirs, les bruits frais, Qui le bruissement de ce pin, au-
près des sources... (Théocrite,
I, 1, Trad. Leconte de Lisle.)
1 1 est doux de reposer,
l'été, en plein air, auprès
d'une eau courante (Théocrite,
VIII, 77. Trad. Leconte de
Lisle.)
— Qu'il est doux, qu'il est
doux d'écouter des histoires...
(Vigny. La Neige.)
Quand le Soleil, vainqueur A travers les massifs des pâ-
[étineelant des nues [les oliviers.
Dans la mouvante nuit darde L'Archer resplendissant darde
[l'or de ses traits [ses belle flèches,
Qui, par endroits, plongeant
[au fond des sources fraîches.
Brisent leurs pointes d'or con-
[tre les durs graviers.
(Lee. de L. P. A. Paysatjc.)
montent à midi des sources in-
connues.
Dans la mouvante nuit
Au fond des bois mouvants
(Lee. de L. P. A. A'iobc.)
Di j. M. ni ni i;i m \ tob
Enfin, il convienl de rapprocher du sonnel loul entier
quelques strophes de Leconte de Lisle dans la Source (I) :
Nul d'il étincelant d'un amoureux désir
N'a vu sous ces voiles limpides
La Nymphe au corps do neige, aux longs cheveux tlui-
[des,
Sur le sable arpenté dormir.
Mais l'Aigipan lascif, sur le prochain rameau
Entr'ouvre la touillée épaisse
l'A voit, tout enlace d'une humide caresse.
Ce corps souple briller sur l'eau.
Aussitôt il rit d'aise en sa joie inhumaine;
Son rire émeut le trais réduit;
Et la vierge s'éveille, et. pâlissant au bruit.
Disparait comme une ombre vaine.
Le Bain dls Ny.mphes
Ce sonnel lui publié pour la première loi- dans la
Revue <lcs Deux-Mondes du 1~> mai 1890, sous le litre
de \ymphée, réservé plus lard au treizième morceau du
recueil. Il portail une épigramme supprimée depuis :
9 ■ niger in ripis errât cum forte Caystri
Inter Ledaeos ridetur corvus olores
Martial (2).
Le Bain de* Nymphes n'est pas sans analogie avec
l'Eglogue YI dos Œuvres Latines do Sannazar. Mais
chez celui-ci, ce sonl «les Satyres ([ni. du rivage, appellent
le- Nymphes par do trompeuses promesses. Elles se lais-
(1) Voir aussi Banville. La Source, et Leconte de Lisle. //</« m .
VI, le Chœur des Femmes, strophe VI. Pour comprendre comment
le Pan du Ménale (ou le Pan Orphique) a pu devenir le Satyre de
ce sonnet, voir Hugo, Pan et l.< Satyre — Hymne homérique à
Pan. — Mûller, Essais de Myth. convp. (Trad. Perrot, p. 205-206).
— Cox. Myth. of th<- Aryan nations, II. 248.
(2) Epigr. lib. I. 54. 7 et 8.
186 i 1 1 in -i r i es 501 m i -
scnl lenler, mais, près d'être saisies, elles invoquenl le
Dieu du Fleuve, qui les métamorphose en saules. 11 esl
impossible de savoir s>i Heredia ;i connu cette églogue et
\ ,-i songé. Chénier ;i traité aussi, dans divers fragments,
des sujets Loul semblables (I). s;ms que l'on puisse décou
vrir aucun rappor] précis entre ses vers el ceux <lc Here-
dia.
Il esl probable que les sources principales de ce sonnet
son! le passage de Lu Source, de Leconte de Lisle, repro
duil plus haut, el son Hylas :
L'eau faisait ruisseler sur leurs blanches épaules
Le trésor abondant de leurs cheveux dorés,
Comme au déclin du jour le feuillage des saules
S'épanche en rameaux épais.
Parfois dans les roseaux, jeunes enchanteresses,
Sous l'avide regard des amouteux Sylvains,
De nacre et de corail enchâssés dans leurs tresses.
Elles ornaient leur front divin.
Tantôt se défiant et d'un e.ssor rapide,
Troublant le flot marbré d'une écume d'argent,
Elles ridaient l'azur de leur palais limpide.
De leur corps souple et diligent.
Sous l'onde étincelante un sentait leur cœur battre;
De leurs yeux jaillissait un humide clarté;
Le plaisir rougissait leur jeune sein d'albâtre
Et caressait leur nudité.
Victor Hugo a également inspiré le poète; entre ce
sonnel el Sara In Baigneuse, il j a de telles ressemblances
qu'on ne saurait nier une imitation consciente. Ainsi :
Frôle d'un pied craintif l'eau froide du bassin
vienl «le :
Elle bat d'un pied timide
l'onde humide.
cl les vers :
(1) Edition Dimoff, pages 31-33.
DE J. M. ni: ni 1: idi \ i87
Une gaîté divine emplit le grand bois sombre.
Mais deux yeux, brusquement, ont illuminé l'ombre.
ne foui que reprendre ceux ci :
Sans craindre de voir dans l'ombre
Du bois sombre
Deux yeux s'allumer soudain.
Ouanl mu débul :
C'est un vallon sauvage abrité de l'Euxin.
il esl peul être imité de Théocrite, Mil. 39-40 : « Bienlôl
Hylas découvril une source au fond d'un vallon élroil ».
ou de Banville, L'Education d'Eros (I). ;'i moins, ce qui
est plus probable encore, qu'il ne soil original.
Le Vase
Je n'ai presque rien ;'i dire de ce sonnet. Soil qu'Here-
dia ail eu sous les yeux le Vase antique donl il l'ail la
description, soil qu'il ail imaginé son sujel de toutes piè
ces. ,i l'imitation de Virgile (Bue. III) cl Théocrite (I). ou
de Leconte de Lisle (l\ A. Le Vase), il esl très probable
qu'il a l'orl peu emprunté aux écrivains antérieurs. J'a-
voue ne pas comprendre comment le Nil peul être la
« source immortelle des fleuves ». malgré deux passages
de Diodore de Sicile. 1. 12, 0 et I. 19, i, cl un troisième
de P. de Saint-Victor (Les Deux Masques, I. pages 346
à 350).
Le premier quatrain rappelle le sonnel de Jason </
Médée, niais le détail des yeux magiques esl visiblemenl
emprunté ;'i l'Anthologie Grecque, traduction Hochettc,
II, p. 157. de L38 à 144, tandis que le vers :
Et posant aux deux bords leurs seins fermes et blancs
paraîl une réminiscence de Leconte de Lisle.
(1) Il arriva d'abord pics d'un lac... etc.. Cf. aussi : Th. Gau-
tier, Le Nue.
188 II l M SUR II- SOURCES
...El posanl tour à tour sur ta ronce cl sur l'herbe
Leurs pieds fermes et blancs
(P. B. Qaïn.)
el que I idée «lu vers 8 csl reprise dans le sonnel l en
dange (I).
ARIANE
On peul soutenir cjue la source principale de ce sonnet
csl le laineux épisode des Noces de Thélys el de Pelée
(LXIV, 53-267). Il esl plus probable Loutefois que l'idée
,i été suggérée à Heredia, soit par Ménard (Ihi Polylh.
Ilcll.. p. 181), soil plutôt par Chénier (éd. Dimoff, p. 13);
A Catulle, en cil VI . il n'a presque rien pris : il csl même
curieux de constater que ce qu'il en ;> innlé se rapproche
beaucoup moins du texte latin que de sa traduction en
vers par M. E. Rostand. Ainsi le vers :
Au choc clair et vibrant des cymbales d'airain
esl plus près de :
La cymbale d'airain jette des sons perçants
(juc de :
A ut tereti tenues tinuitus aère ciebant.
Mais les mois : son large sein décèlenl le spuvenir de
Chénier et des larges flancs de son tigre.
< csl sans doute à Banville que Heredia a pris l'idée
de représenter Ariane, étendue au dos du monstre royal
(L'Education de l'Amour). Mais ['Ariane des Exilés, 1res
inférieure, mérite à peine d'être mentionnée. Enfin, Non-
nos el ses Dionysiaques ne sonl pour rien dans ce sonnet.
Le lecteur aura l'ail de lui-même un rapprochemenl qui
s'impose. Sans parler de Vendange, le fameux Samouraï
esl composé sur le même plan qu'Ariane, 11 convient sur
tout de remarquer les deux premiers quatrains :
(1) Cf. Mùller-Wieseler, Denkmûler der alten Kùnst.
189
m j. »\i. DE m ni i»i\
D'un doigt distrait Frôlant la sonore bîva,
A travers Les bambous tressés en fine latte,
Elle a vu, par la berge éblouissante ef plate.
S'avancer le vainqueur que son amour rêva.
An choc- clair et vibrant des cymbales d'airain,
Nue, allongée au dos d'un grand tigré, la Heine
Regarde, avec L'Orgie immense qu'il entraîne,
Jacchos s'avancer sur 1< sable marin.
Bacchanale
Si tanl esl que ce sonnel ;til une source précise, elle
doit être le passage de Khirôn, dans lequel le Centaure
annonce sa morl prochaine à Orphée :
Iakkhos, lakkhos! Dieu bienveillant, traîné
Par la fauve panthère! Iakkhos, couronné
De pampres et de lierre et île vendanges mûres!
Dien jeune, qui te plais aux furieux murmures
Des femmes de l'Edôn et du Mimas! ô toi
Qui déchaînes, la nuit, sur les monts pleins d'effroi.
Comme un torrent de feu l'ardente Sabasie...
Il sera intéressant de comparer Le tableau peinl par
Heredia à celui que trace de la même scène Ménard dans
son Polythéisme Hellénique (p. 181 182), el surtoul de
Saint-Viclor, Les licit.i- Masques, (I, p. 6 sqq.) Banville
n'a probablement rien fourni. (Cf. pourtant dans les Sta-
lactites, Le Triomphe de Bacchos), non plus qu'Euripide.
Mais l'idée de placer le thiase sur les bords du Gange a
peut être élè suggérée au poète par nue noie de Chénier,
sur Denys le Géographe, que l'on trouvera à la page 15
de l'édition DimofF. lue seule imitation est manifeste;
le vers :
Où près des seins rayés luisent des ventres blancs
est une reprise de celui-ci :
Le tigre au ventre blanc, au souple dos rayé.
(Leconte de Lisle, P. A. Bhagavat.)
90 I I I l»l. SUR LES SOI IU l -
Le Réveii d'un h ni
Le Réveil il un Pieu a l.iui de sources qu'il csl délical
de
aire un choix. Le lecteur voudra bien se reporter
.1 I'. de Sainl Victor (Les Deux Masques, I. Introduction,
pages •l'.i 15). Toul le sonnet est peul être tiré de ces cinq
on six pages. Mais, comme elles-mêmes ne font que re-
produire des passages d'auteurs anciens <>u modernes, il
est difficile de dur si Heredia ;i ou n'a pas consulté Bion,
I. cl Théocrite, XV, cS'i sqq., el Lucien, De Dea Syria,
VI, et les Hymnes Orphiques, Parfum d'Adonis, cl Ovide,
Métamorphoses, X, 708 à 736. Citons cependant, puisque
l'ouvrage est rare, quelques lignes de Ménard :
\ Alexandrie, les femmes venaient contempler Adonis sni
sa couche funèbre... le bel adolescent aux bras roses, le jeune
époux de dix-neuf ans... On les étendait l'un près de l'autre,
sur des tapis... parmi les plantes hâtives aux Heurs éphémè-
res... Qu'il est charmant sur son lit d'argent... le cher Ado-
nis!... Le siège principal de son culte était Byblos... c'était
un grand deuil dans tout le pays; on se frappait la poitrine,
on se lamentait sur la mort du Dieu... le lendemain, il mon-
tait au ciel et l'on célébrait sa résurrection... ("était un cu-
rieux mélange d'ascétisme et de sensualité...
Je mo borne à citer pour mémoire, non que Heredia
s'y soil reporté, niais précisément parce qu'il ne l'a pas
l'ail, le scholiaste de Théocrite, an vers 112 des Syracu-
saines, Hésivchius cl Suidas au mol tôûviHoç axvinot , cl M.
Rochette, Mémoire sur les Jardins d 'Adonis. Il csl bien
entendu que le lecteur connaîl de Leconte de Lisle, dans
les Poèmes Antiques, Le Retour d Adonis : dans les Poè-
mes Tragiques, La Résurrection d Adonis ; dans les Pet
niers Poèmes. Le Parfum d Adonis. Ce dernier morceau
liés courl :
O jeune dieu pleuré des vierges de Syrie
...Et. Kypris, les cheveux épais, les yeux en pleurs...
Je puis faire du moins, triste et doux souvenir.
Croître et s'épanouir, au sol où tu reposes,
Sous mes pleurs l'anémone et dans ton sang les roses.
ni l. M. Dl lil REDIA i'.II
serail peul èlre une des sources du sonnet, si l'on u'avail
plusieurs raisons de croire qu'il lui esl postérieur. Il y
aurail quelque intérêt à rapprocher du dernier vers le
rragmenl de Chénier, que l'on trouve à la page 243-244 de
l'édition Dimoff.
I .\ Magicienm
Existe-t-il un rapport entre ce s iet et le précédent?
Il ne le semble guère, el cependant cela est. Souvenez
vous que les Eumolpicles dévouèrent Alcibiade aux dieux
infernaux pour avoir mutilé les Hermès; que c'esl seule
ment par les historiens d'Alcibiade que nous connaissons
les rites de cette malédiction sacrée : que le crime fut
commis lors <lu départ de la flotte pour la Sicile, et que
le même jour les femmes d'Athènes célébraient, comme
celles de Byblos, la mort d'Adonis. Le rapport pour être
fortuit n'en est pas moins presque certain.
Mais qu'est cette Magicienne '."' qu'esl sa victime ".'
Je crois que Heredia a voulu peindre les sentiments d'un
Delphis quelconque « envoûte » par une Simaitha. Ses
sources seraient donc la deuxième idylle de Théocrite, la
huitième Bucolique de Virgile, les épodes V et \\ Il d'Ho-
race. Qu'on lise plutôt :
« ... Il n'y a plus de trêve à mon mal : la nuil chasse le
jour et le jour chasse la nuit, el rien ne peul apaiser le
souille de ma poitrine... Je crois que les incantations
Sabines brisent la tête... » (Horace, XVII, passim) (Trad.
Lee. de Lisle), et plus loin Canidia répondra au poète
qu'il sera torturé connue Tantale, Prométhée ou Sisyphe,
el qu'il aura vainement la hantise du suicide.
M. le Professeur Viancy voit dans ce sonnet une imita
tion de quelques vers de Racine (Phèdre, 249, 286, 308,
etc.) et de La Jeune Malade de Chénier; et c'est une
explication séduisante. Le vers :
O haine do Vénus! ô fatale colèrel
serait In source de celui-ci :
Dont m'enveloppe encore la colère des Dieux
i'.)-J 1. 1 1 di. >i i! LES SOI i;( i -
Si l'on compare de même :
Quand tua bouche implorait le nom de la Déesse
J'adorais Hippolyte; et le voyant sans cesse,
Même au pied des autels que je faisais fumer.
J'offrais tout à ce dieu que je n'osais nommer.
avec :
En tous lieux, même au pied des autels que j'em-
I brasse,
Je la vois qui m'appelle et m'ouvre ses bras blancs.
ou bien :
J'ai pris la vie en haine et ma flamme en horreur
avec :
Partout je sens, j'aspire, à moi-même odieux
on comprend toul ce qu'a de tentanl une pareille hypothèse;
él je m- me dissimule pas que peu de lecteurs croiront
avec moi que ces vers «le Phèdre u'onl avec ceux de
Heredia qu'un rapporl lointain. Ils chantaienl sans doute
dans sa mémoire comme dans la nôtre. Est-il un poète,
surtout un poète « hellénique ». qui puisse représenter
un amour funeste sans songer au chef-d'œuvre de Ha
cine '! Ouanl à l'influence de Chénier, elle esl plus don
Leuse. M semble qu'il soil possible encore d'invoquer
une troisième source, le passage où Flaubert. fail raconter
à Spendius par Mathô sa passion pour la Bile d'Hamilcar .
Enfin Mathô leva vers lui de grands yeux troubles. --
Ecoute, fit-il, c'est une colère des Dieux! la fille d'Hamilcar
me poursuit! J'en ai peur, Spendius! »
Il se serrait contre sa poitrine, comme un enfant épouvanté
par un fantôme. — « Parle-moi! je suis malade! je veux
guérir! j'ai tout essayé! Mais toi tu sais peut-être des Dieux
plus forts ou quelque invocation irrésistible?... Les yeux me
brûlent, j'entends sa mis. Elle m'environne, elle me pénètre...
As-tu vu ses grands yeux...? »
Un moyen de tout concilier sérail d'admettre comme
sources à la fois Virgile, Horace, Racine et Flauberl ;
Di i. M. ni lil i;ll»l\ i'. 13
mais il semble bien que le rapprochement avec Salammbô
soil décisif.
Esl il nécessaire de supposer que les mots à moi-même
odieux £onl imités., non de Racine, mais de I. réunie de
Lisle.
Le Tueur de sa mère à lui-même odieux?
(Les Erinnyt s. i
l ne pareille rencontre esl sans doute 1res fortuite.
Ou me pardonnera de m'arrêter aux deux vers :
L'Eumolpide vengeur n'a poinl dans Samothrace
Secoué vers le seuil les longs niant eaux sanglants.
C'est qu'il n"\ avail poinl d'Eumolpides à Samothrace;
que les prêtres de Samolhrace n'avaient poinl de robes
rouges; que, -'il- les avaient secouées, c'eûl été, non pas
vers le seuil, mais vers l'Occident, c'est-à-dire du côté
opposé à l'entrée, s'il faul en croire les Antiquités Grec-
ques de Schoemann.
Ces deux vers sont tirés d'un passage de Ménard et
d'un passage de Henri Houssaye, un des familiers du
cénacle où fréquentail I leredia.
Ménard raconte, à propos des mystères d'Eleusis, donl
le sacerdoce étail une propriété des Eumolpides, qu'à lo
suite du procès sur la mutilation des Hermès el la parodie
des Mystères, « les Eumolpides, secouant vers le Cou
chant leurs robes de pourpre, prononcèrenl leurs terri
Mes imprécations ». Ailleurs il rapporte la tradition qui
fail descendre les Eumolpides d'un ancêtre ihrace du
nom d'Eumolpe... el l'on voit la genèse de l'erreur de
I leredia.
1. écoute de Lisle s'était inspiré de ce passage en écri
varil :
Nul n'écartera plus vois les louchants mystiques
La pourpre suspendue au-devant de l'autel.
(P. -A. Vies Ira.)
Henri Houssaye, dans son Histoire d'Alcibiade (Paris,
33
19 i III M -I R I ES SOUR< ES
Didier el Cie, 1874, lomc 11. page 95), répèle à peu près
la même chose :
Pour donner à la sentence (de mort prononcée par défaut
ccintrc Alcibiade) un caractère sacré, les prêtres de Démeter et
des autres divinités vénérées en Attique reçurent l'ordre de
prononcer contre Alcibiade les sacramentelles imprécations.
Au soleil couchant, les prêtres et les prêtresses, se tenant
debout, le maudirent en secouant leurs longues robes de pour-
pre, selon l'antique coutume d'Athènes.
Ménard el Houssaye uni Irouvé ces renseignements
dans Plutarque, Alcibiade, XXII; C. Nepos, Alcibiade.
IV : Lysias, De Imp. And., XLII, cl dans Andocidc. Le
Lecteur désireux d'avoir en mains tous les éléments du
problème, pourra consulter encore : Plutarque, Numa,
XIV; Porphyre, De Antris Nympharum, p. 251; Lucien.
De Domo, VI, De Syria Dea, XV, Démonax, XXXIV,
Alexander, XXXIX.
Ï5PHINX
Autre sonnet, qui sérail parfaitemenl obscur, si nous
ne savions qu'il a été inspiré a Heredia par un groupe
du sculpteur E. Christophe (1). Nous possédons dans les
Derniers Poèmes quelques vers de Leconte de Lisle qui
ont la même source indiquée dans une épigramme :
Le Baiser suprême
Heureux qui, possédant la Chimère Eternelle,
Livre au monstre divin un cœur ensanglanté,
Et savoure, pour mieux s'anéantir en elle,
L'Extase de la mort et de la Volupté.
Dans l'éclair d'un baiser qui vaut l'éternité.
Il y a peut-être quelque intérêt a rapprocher de ce
sonnel quelques autres poèmes, particulièrement YEkhidna
de- Poèmes Barbares, le S/;/////./' de Gautier, la Chimère
et le Tueur de Monslres de Banville. Il n'y a sans doute
(1) Musé-s du Luxembourg.
DE J. M. DE HEREDIA ill.i
aucun rapport d'inspiration entre ces quatre strophes et
une vingtaine de vers de Ménard, Poèmes, Endymion, I.
où esl célébrée l'étreinte meurtrière el féconde de la
Volupté (I).
\1 VRSYAS
Marsyas esl le premier exemple de ce que nous appel-
lerons, pour plus d(^ brièveté, les sonnets anthologiques.
Ce sont ceux qui sonl plus ou moins directement des
paraphrases d'épigrammes tirées de ^Anthologie Grec
</uc. Je renverrai le lecteur à la traduction en deux volu
mes. signée F. I).. et publiée chez Hachette en 1863.
C'est certainement l'ouvrage que Heredia ;i eu entre les
mains ; il l'a lu, relu, et médité. Von seulement il «m a
tiré douze ou treize sonnets, mais on peut bien dire que
ce sont les Antipater (ou, tout aussi, justement, les Anli
paters), les Vrchia®, les Méléagre, les Philippe tic Thesea
Ionique qui ont donné aux sonnets grecs des Trophées
cette fraîcheur, cette délicatesse, ce fini, en un mot, que
ne saurai! expliquer tout à l'ait l'influence do Ménard cl
de Leconte de Lisle. ("est sans doute Chénier qui a amené
Heredia à l'Anthologie Grecque; la meilleure preuve en
esl que ce sont surtout les épigrammes préférées de l'an
leur des Bucoliques qui sont imitées dans les sonnets,
non seulemenl celles qu'il avait reprises, mais encore
celles qu'il se proposait de reprendre. Toutefois il ne
semble pas, ceci dit. que Heredia se soit astreint à ne
voir dans l'Anthologie que ce qu'y a vu Chénier. Celui ci
se plaisait aux épigrammes erotiques dont elle fourmille;
on sait assez les habitudes de Heredia en pareille ma-
tière.
Les sonnets anthologiques sonl composés selon trois
procédés différents. Tantôl le poète se borne è imiter de
très près une seule épigramme grecque (Regilla, Le
Coureur): tantôl il eu réunit deux ou trois (Marsyas, Le
Laboureur, Epigramme Votive, Epigramme Funéraire),
(1) Volupté! Volupté! Source <lr boute vie... etc..
i'.Mi l l i lu -II; Il - SOI R< I -
tanlôl enfin, avec des bribes glanées çà el là, il arrive à
composer de véritables épigrammes, qui ne décèlenl pas
son travail personnel, tanl elles semblenl coulées sur le
modèle des autres. La pâte n'esl |>;is la même, cl c'esl tout.
Marsyas est donc imité de plusieurs poètes grecs, d'Ar-
chias, 'I Ucée el de deux des Antipaters. Qu'on nous par-
donne de citer loul au long certaines « poésies ». donl
Heredia n'a imité qu'une partie. Il peul rire intéressanl
de savoir ce qu'il a laissé de GÔté. Nous soulignerons
seulement les passages directement repris par lui :
Archias. 'fi voilà pendu, malheureux, à oc pin épais où
ta dépouille veine est le jouet des vents. Pendu! aussi pour-
quoi as-tu provoqué Apollon à une lutte inégale, o Satyre, toi
qui habite [mm le ciel, mais] les rochers de Célènes? Et nous,
Nymphes, nous n'entendrons plus sur les monts phrygiens,
comme autrefois, les doux sons de ta flûte. (Volume I, page
234, épigramme 696.)
Ai. cée. -- Dans les forêts de pins de Phrygie, tu ne chan-
teras plus comme autrefois, en tirant des sons d'harmonieux
roseaux; dans tes mains l'instrument de la Tritonide Minerve
ne brillera plus comme autrefois, o Satyre, fils d'une Nym-
phe; car des liens indissolubles étreignent tes mains, parce
que, simple mortel, tu as provoqué au combat un dieu, Apol-
lon. Tes roseaux, qui rendaient des sons aussi doux que la
lyre, t'ont donné pour prix de la lutte, non une couronne,
mais la mort. (II, p. 136, ép. 8.)
Antipatek. - Aux doux sons que tirait de ses belles fixités
l'harmonieux Glaphyrus, Apollon charmé, s'écria: « Marsyas,
tu as menti: tu n'avais rien trouvé... et si autrefois tu avais
soufflé dans de telles flûtes, ton père Hyagnis n'aurait pas
pleuré la triste issue de ta lutte musicale sur le~s bonis du
Méandre. (Le traducteur ajoute en note: « Maflsyae fut
i voulu' vif. ») (I, p. 285, ép. 266.)
\ celle dernière épigramme, Heredia a emprunté aussi
les quelques mois qu'il mil en tête du sonnet, lorsqu'il le
publia pour la première fois, le 15 mai 1890, dans la
Revue des Deux-Mondes; c'esl exactement : « Ton père
Hyagnis ne t'aurail pas pleuré. » (Antipater.)
DE I. M. DE III RED1 \ 197
C'csl probablement Leconte <li* Lisle qui lui a fourni
le vers :
Les pins <lu bois natal que charmait ton baleine
Vont pas brûlé ta chair...
en mettanl 'Lins la bouche d'Orestès parlanl à l'ombre de
son père, les mots :
l'n bûcher glorieux de grands pins et d'érables
N'a point brûlé ta chair ei tes os vénérables.
(Les Erinnyes, II, 3.)
Mais Heredia n'a rien emprunté à Chénier, qui a traité
le même sujel (éd. Dimoff, page Ni 85). Le vers 7 vienl
peul être d'Antipater de Sidon (I, 128, 8). En somme, le
poète h ;i rien imaginé par lui-même, mais il essaie de
rappeler au lecteur le sens du mythe de Marsyas, en op
posanl les mots de Phrygiè au ciel hellène, el le plectre
aux roseaux (I) el nous laisse deviner que le Satyre de
Célène fui une divinité fluviale, ce qu'il snil pour l'avoir
In soil dans quelque ouvrage de mythologie (2), soil chez
llyuin (3) el Pauaanias (3)
Andromède (au Monstre)
Ce sonne! parul le 15 mai 1885, dans la Revue des
Deux-Mondes. Il portail les deux épigrammes suivantes,
supprimées en 1893 :
« Elle fut exposée au monstre ><■ (Apollodore.)
Et le cavaliei Versées. {Hésiode.)
Le premier vers étail :
La Vierge inanimée, hélas! encor vivante.
(1) A noter que les mots : sous un doigt trop savant, semblent
contredire cette interprétation.
(2) Dechaiimk. Myth., p. 146-447.
(3) Hygin. CLX. [taque Apollo victum Marsyan ad arborem re-
ligatum Scythae fcradidrl qui eum membratim separavit. Reliquum
corpus discipulo Olympo sepulturae tradidit, e eu jus sanguine flu-
nieii Marsya esi appellatum. (Cf. Pausanias, X. 30, 9.)
498 El l DE SI li LES SOI la ES
Heredia l'a heureusemenl corrigé :
La Vierge Céphéenne, hélas! encor vivante.
En outre, le vers 6, au lieu de crache portail (elle,
moins expressif.
Malgré les citations d'Apollodore el d'Hésiode, la source
principale de ce sonnel esl le sonnet de Banville, intitulé
indromède, infinimenl plat, malgré d'heureuses trouvail-
les, dont Heredia a l'ail son profil (1) :
Andromède gémit dans le désert sans voile,
N ne et pâle, tordant ses bras sur le rocher.
Rien sur le sable
pas même un chasseur dans un abri de toile,
Le soleil la déchire, impitoyable archer,
Et le monstre bondit comme pour s'approcher
De la vierge qui meurt, plus blanche qu'une étoile.
Ame enfantine et douce, elle agonise, hélas!
Mais Persée aux beaux yeux, le meurtrier d'Atlas.
Vient et fend l'air, monté sur le divin Pégase.
Il vient, échevelé, tenant son glaive d'or,
Et la jeune princesse, immobile d'extase,
Suit des yeux dans l'azur son formidable essor.
(Les Exilés.)
Apollodore dit simplement :
« Cépheus eut réponse de l'oracle d'Ammon que cette cala-
mité cesserait lorsque Androméda, fille de* Cassiopea, serait
exposée au monstre marin. Ce qu'il fut contraint de faire par
les Ethiopiens, et lia sa fille à un rocher. Persée qui la vit,
fort belle, en devint amoureux et promit à Céphée de tuer le
monstre, s'il voulait lui donner à femme. Les serments donnés-
sur cela, Persée assaillit le monstre et le tua, puis délia An-
dromède... (suit le récit des infortunes de Persée). (Traduc-
tion Passerat, page 88.)
Hésiode appelle quelque pari Persée (Bouclier. 216J
(1) Je regrotte qu'il ne me soit pas permis de reproduire le son-
net en entier.
DE J. M. DE HEREDIA 'l 99
' inné™ ïlepoeùç, ce que Leconte de Lisle Iraduil ' «El là étail
le cavalier Persée ». Mais il n'y a aucun rapport entre
ce passage el le ravissement d'Andromède. C'est peut-
être des vers 228 231 que Heredia a tiré son dernier
vers : « El lui-même, Persée, semblait se hâter en s'al-
longeant, el derrière lui, les Gorgones couraient pour le
saisir ».
Ovide, au livre IV, de ses Métamorphoses (vers 604
sqq.) a longuement traité le même sujet : Heredia a lu le
poète latin et l'a imité parfois. \msi des vers 672 et
suivants :
Quam siniul ad duras religatam brachhia fautes
l'iTlit Abantiades, nisi quod leuis aura capillos
Mouerat, et fcepido manabant lumiua iletu.
Marmoreuin ratus esset opus...
il a tiré son premier quatrain, s;ms qu'il soij besoin
d'invoquer le passage de Maintins (1. 351) :
Juxtacpie relictam
Andromedan uastos metuentem piscis hiatus,
Exjjositam ponto deflet, scopulisque reuinctam...
on perce cependant l'intention de révéler l'identité de la
mer déchaînée par les venls d'équinoxe el du monstre.
El des vers 71 1 sqq. :
Cum subito iuvenis pedibus tellure repuisa
Arduus in nubes abiit ; ut in aequore sunimo
CTmbra uiri uisa est, uisam fera saeuit umbram.
vient s;nis doute la belle image de la lin :
Allonger sur la mer sa grande ombre d'azur
Ajoutons encore que l'ensemble de ce dernier tercet est
imité, non seulemenl de celui de Banville, mais encore
d'un autre passage des Exilés, dans Lu Cithare :
Penchés sur des chevaux à l'ardente crinière
Coursiers de neige ailés au vol terrible et sûr.
D'autres livrent bataille à des hydres d'azur.
500 i i i ni SUR LES -"i EU ! -
Enfin (I). il cs( intéressanl (2) de rapprocher de ce
sonnel quelques vers de Victor 1 1 n^< » :
Et le hennissement du cheval blanc Aurore
le flot monstrueux qui sourit
L'horizon semble un rêve éblouissant où nage
L'écaillé de la mer, la plume du nuage,
Car l'Océan est hydre, ei le nuage oiseau.
(Contemplations. Eclaircie.)
Persée e i Vndromî m
Lorque (•>) Heredia mil en lête de ce sonnel l'épi-
gramme : « El Persée s'envola » (Hésiode), il devail
citer de mémoire, c;ir le seul passage du poète grec où
il soil parlé de Persée, esi le suivanl : (Gf. le sonnel pré-
cédent).
« Et Persée. s'envolanl loin de la terre féconde en
troupeaux, parvinl jusqu'aux dieux. » (Théog., 284 285.)
Encore n'y a-t-il aucun rapporl entre ces deux vers el
le ravissemenl d'Andromède, qu'Hésiode semble ignorer.
Aussi c'esl probablemenl dans le dictionnaire de Bouilhel
que Heredia a trouvé que Persée moula sur Pégase pour
délivrer la vierge. Chez tous les auteurs, sur tous les
vases peints, le héros est, dans ce cas particulier, repré
sente comme volanl avec les ailes qu'il s'attache aux
talons. (Cf. Fedde. De Perseo el Andromeda, 1860.)
11 est possible que l'attitude de Pégase,
Qui piaffe dans la mer, et hennit, et refuse
ait été inspirée à Heredia par le vers d'Horace :
(1) Les sources principales de nos connaissances sur la légende
d'Andromède sont, outre les auteurs déjà cités : Germanicus et
Aiatus, Hérodote. VII, 61. — Euripide, fragments d'Andromède»
Hygin. Tort. Astr. II, 10 et Fab. LXI V + Phérécyde (Ap. Sch.
Ap. Rhod. IV, 1091). Voir particulièrement Clermont-Ganneau,
Horus et Saint-Georges [Revm Archéol. 1876).
(2) Il serait intéressanl de voir le parti qu'a tiré le poète du mar-
in i de Puget et du tableau du Titien, qu'il a pu admirer an Louvre.
(Cf. aussi, au Palais Farnèse, une toile de Véronèse.)
(3) Revue des Deux-Mondes, du 15 mai 1885.
ni ; j. M. ni HEREDIA 50d
Pegasus terrenum equitem gravatus
(Carm. IV, 27.)
Les deux versions de ['Enlèvement d'Europe, dans Ché
nier (éd. Dimoiï, pages 18 el 252) onl peul être servi à
I [eredia. l 'ar exemple, les vers :
Bile, d'un faible effort, ramène sur la croupe
Ses licaux pieds qu'en fuyant baise un flot vagabond.
\ iendraienl de ceux ci :
Ki redoutant la vague et Ses assauts humides
Retire et veut sous soi cacher ses pieds timides.
Mais, dans Ovide, nous trouvons aussi un tableau ana
logue, source du précédent :
...Lactumque uereri
Assilientis aquae timidesque reducere plantas
(VI, 105-106.)
En toul cas, le dernier vers :
Bat le ciel ébloui de ses ailes de flamme
paraîl bien tiré de ( lermanicus :
Sed Pegasus aetlieie summo
Ueloces agitât pennas
Lu Ravissement d'Andromède (I)
L'"csl bien le passage d'Ovide cité plus haut qui esl la
source principale de ce sonnet. II esl trop long pour être
reproduil en entier. Disons seulement que le Persée du
poète latin, s'il voyagea bien comme celui de Heredia, à
travers l'espace, le fait avant de rencontrer Andromède :
Et liquidum motis talaribus aéra findit.
Gentibus innumeris circumque infraque relictis
Aethiopum populos Cepheaque conspicil arua.
(668-671.)
el un pou plus haul :
(1) Publié pour la première fois avec les deux précédents, dans
la Revue des Deux-Mondes, du 15 mai 1885. La première version
502 I i UDE SI R LES SOI R( I -
tenerum
Aéra carpebal stridentibus alis...
Cumque super Libycas uictor pendent barenas...
Inde per immensum uentis discordibus actus,
Nunc hue. nunc illuc exemplo nul)is aquosao,
Fertur, et ex alto seductas aethere longe
Despectat terras totumque superuolat orbeni.
Ter gelidas Arctos, ter Cancri bracchia uidit...
(604 sq.)
Les deux cilations de la première version sonl un peu
fantaisistes. Vratus (188-256), décrivant les constellations
d'Andromède, Pégase et Persée, ne dil pas un mot
d'Athéné. Heredia a dû confondre avec Erotosthène, t|iii
écril : Athéné la plaça parmi les étoiles ». De même
Hygin n'a pas une ligne que Heredia puisse traduire
comme il le fait.
est si différente de la seconde que l'on permettra de les reproduire
l'une à côté de l'autre. (Autorisation spéciale de la Maison Le-
nitrre.)
Texte de 1885 Texte de 1893
Athéné la plaça parmi les astres
[(Aratus).
Elle fut, dit-on, mise au nombre
[des étoiles (Hygin).
D'un vol silencieux le grand che- D'un vol silencieux, le grand
[val ailé [cheval ailé.
Soufflant de ses naseaux des jets Soufflant de ses naseaux élargis
[d'ardente brume, [l'air qui fume.
Les emporte dam un frémisse- Les emporte avec un frémisse-
[ment de plume [ment de plume
A travers la nuit bleue et l'éther A travers la nuit bleue et l'éther
[étoile. [étoile.
Ils vont. L'Afrique plonge au Ils vont. L'Afrique plonge au
[gouffre flagellé. [gouffre flagellé.
Puis le désert, F Asie et Je Liban Puis l'Asie... un désert... le Li-
[qui fume, [ban ceint de brume...
Et voici qu'apparaît toute blan- Et voici qu'apparaît toute blan-
[che d'écume [che d'écume.
La moi' mystérieuse où vint som- La mer mystérieuse où vint som-
[brer Hellé. [brer Hellé.
DE J. M. DE HEREDIA 503
Mais il est probable que ce presligieux tableau a été
d'Athéné. Heredia a «lu confondre avec Eratosthène, qui
de Xlouça-al-Kèbur (Leconte de Lisle, Poèmes Tragiques),
par /// Excelsis (Poèmes Barbares) et par Hugo, qui ter-
mine ainsi la XII' pièce des Feuilles d'Automne :
Mais la unit rend aux cieux leurs étoiles, leurs gloi-
res,...
L'œil, dans Unis profondeurs, découvre à chaque pas
Mille inondes nouveaux qu'il ne soupçonnait pas,
Soleils plus flamboyants, plus chevelus dans l'ombre,
Qu'en L'abîme sans fin il voit luire sans nombre.
Le < m:\ hier (1)
I il paire invite un autre pâtre à passer la nuit sous
son toit, c'est le thème de Sur l'Othrys ; c'est aussi le
sujet traité par Virgile dans les cinq derniers vers de la
première Bucolique. M;iis Heredia ne doil rien à Virgile,
el le débul semble imité de Leconte de Lisle :
Bélier, pais l'herbe en fleur; et toi, chèvre indocile,
Broute l'amer cytise aux pentes du coteau
(P. A. Les Bucoliastes.)
II est inutile d'invoquer Pausanias (VIII, '■>('), 8) pour
Texte de 1885 Texte de 1893
Et le vent gonfle ainsi que deux Et le vent gonfle ainsi que deux
[immenses voiles [immenses voiles
Les ailes qui, volant d'étoiles en Les ailes qui, volant d'étoiles en
[étoiles, [étoiles,
Aux amante enivrés font un tiède Aux amants enlacés font un tiède
[berceau ; [berceau ;
Tandis que l'œil au ciel et s'étrei- Tandis que l'œil au ciel où pal-
[gnant dans l'ombre, [pite leur ombre.
Ils voient, étincelant du Bélier Ils voient, irradiant du Bélier
[au Verseau, [au Verseau,
Leurs constellations poindre dans Leurs constellations poindre dans
[l'azur sombre. [l'azur sombre
(1) Publié dans la Revue des Deux-Mondes du 1" janvier 1888.
Deux variantes : le vers 3, au lieu de pentes porte gorges; au
vers 10, démon est écrit avec un majuscule.
504 ÉTl DE SUR l ES SOI R< ES
expliquer la superstition des paysans de Menai.'. Volons
toutefois que les vers d'Horace :
Uelox amoenum saepe Lucretilem
.Mutai Lycaeo Faunus ei igneam
Défendit aestatem capellis
(Jsque meis pluuiosque uentos.
(Cann. I, XVII.)
combinés avec ceux de < Ihénier :
(Les Nymphes dansent au clair de lune.)
lie Satyre joyeux au regard enflammé
Crie, en des bonds légers les lance, les entraine...
(Ed. Dimoff, p. 32.)
et de rhéocrite :
Dametas et Daphnis jouèrent de la syrinx « et les génisses
dansèrent sur l'épais gazon ». ràpprsyvr'Ê'v pxtaxa rai vôpnsc y.vrixu
7roîa(VI, 4.->).
donnent Ions les détails du vers:
Et, vois, au clair de lune il fait danser nus chèvres.
Néanmoins Heredia a peut-être imité seulement les
quatre derniers vers d'un poème célèbre de Victor Hugo :
Et l'oreille tendue à leurs vagues chansons,
Dans l'ombre, au clair de lune, à travers les buissons,
Avides, nous pourrons voir à la dérobée
Les satyres dansants qu'imite Alphésibée.
(Voix Intérieures. A Virgile.)
Les Bergers (1 )
« Glaucon ei Corydon onl immolé à Pan, gardien du
monl Cyllène, la génisse aux belles cornet; el ses cornes
«le douze palmes, ils les onl attachées en son honneur,
(1) Publié en même temps que le précédent clans la même Revue.
Au vn.* 9. Chèvre-pied es1 écrit avec un C minuscule; au vos 1
on lit : mi vallon de Cyllène. Comme la correction faite à la pièce
précédente avait biffé le mot gorge, Heredia l'a repris ici.
DE J. M. I»l III Kl l»l \ •)!).)
avec un long clou, au Ironc d'un platane loufl'u, belle
offrande au dieu des Bergers. »
(Anthologie. Erycius, I. 84, 96.)
relie esl probablemenl la source principale de ce son
nel : c'esl peu. \ussi le poète a i il glané çà el là quelques
détails. Le vers i rappelle la légende de Pan amoureux
de Pit.ys el son interprétation par Max Mûller (Op. laud.,
Irad. Perrot, p. 205 206) el par Dechar (p. 157). Le don
fait au dieu esl un souvenir des festins d'Hécate ' Kotvoç
v.ûuy,: ! — Hermès n'est-il pas le père de Pan, et !<• vrai
démon «lu Cyllène ? Enfin la dernière strophe, suggé
rée peut-être par une épigramme de l'Anthologie (II.
172, 235), esl imitée de Leconte de Lisle :
Unis au romarin le myrte pour les Lares.
Offerts d'une main pure aux angles de l'autel.
Souvent, ô Philydé, mieux que les dons plus rares
!.. - Dieux aiment l'orge et le sel.
(P. A. Etudes latines, X.)
ou d'Horace (donl la strophe précédente n'esl qu'une Ira
duction. Cf. < .uni.. 111. 23, 13 sqq.)
Epigramme Votive (I)
L'Anthologie contienl un nombre considérable d'épi-
grammes votives; Heredia en a imité une demi-dou-
zaine, niais ne s'esl astreinl à en suivre aucune. Le mou-
vemenl du vers 1. « Au unir Ares ». rappelle celui d'une
dédicade de l'uni le Silentiaire (I. 82, 84), donl esl tirée
aussi l'idée première des urines ébréchées. On trouvera,
ù la page "J<.,.'">. une poésie de Léonidas el une autre d'Anti
pater, qui décrivenl des offrandes analogues, tuiles ù
Mur-. (Cf. I. 94, 165.) Enfin les sources des tercets sonl
trois épigrammes, l'une de Simonide :
Ces flèches qui se reposent ici des sanglants combats, ap-
penduee aux voûtes du temple3 sonl une consécration à Mi-
(1) Publié avec les deux sonnets précédents. Même texte, à part
deux ou trous différences dans la ponctuation.
506 i:i l DE SI I! LES soi eu ES
aerve. Que de fois, dans le tumulte de la mêlée, elles se sont
teintes du mii^ des cavaliers Perses. (I, 69,2.)
l'autre de Mnasalque :
Apollon, Promachus te consacre ce carquois vide et cet arc
recourbé : ses flèches ailées sont au cœur d'ennemis qui les
ont reçues dans la mêlée ; à eux de t'en faire l'hommage.
(I, 70-9.)
In dernière de l 'allimaque :
Ménœtas de Lyctos a consacré cet arc en disant: << Prends,
Sérapis. Je te donne l'arc et le carquois. Quant aux flèches,
les Hespérites les ont. » (II, 36,7.)
Esl-il besoin de rappeler un passage l>i<Mi connu où
Pausanias, |>;ir l'exemple d'Eschyle, nous montre quel
titre de gloire ce lui ;'i Athènes que d'avoir combattu à
Marathon ? (I. 14).
Epigr wimi: Funéraire (1 )
Chénier avail ou l'intention (!<• traiter ce même sujet,
connue le prouve le canevas de Pannychis el sa traduction
en six vers de l'épigramme d'Anyté. Peut-être Heredia
a-t-il voulu faire ce que n'avail pas fail Chénier, peul être
avait-il remarqué de lui-même les gracieuses poésies
grecques qui devaient inspirer « Pannychis ». Je voi-
les citer, en reproduisant en regard les vers de Heredia
qui en sont directement imités :
— Passant, quoique la pier- Ici gît. Etranger... Sa pier-
re sépulcrale qui me couvre [re funéraire...
soit petite, n'en loue pas
moins Pliilénis; car la saute-
relle, qui, naguère, chantait
dans les buissons et dans les
chaumes, elle l'a aimée deux
ans, elle l'a nourrie, s'endor-
(1) Publié avec le.s précédents. Pas de variantes.
IU I. M. I»l lll.l!l.|)|\
50"
tuant avec plaisir ii ses chan-
sons. Même après ma mort,
elle ne m'a pas négligée ; ce
pii ii monument, c'esl elle qui
me l'a élevé en souvenir de
mes \ ocalises.
{Lêonidas, l, 156-198.)
Naguère, posée sur un ra-
meau vert de picéa ou suc la
cime ombreuse d'un pin, har-
monieuse cigale, tu chantais
ton air au berger, sur tes
flancs, avec tes pattes, plus
agréablement que sur une ly-
re... Si tu as succombé, il ne
faut pas trop t'en indigner:
Homère, le prince des poètes,
n'a-t-il pas été tué par des
énigmes de pêcheurs F
{Archias, I, 158, 213.)
Sauterelle, charme de mes
amours, consolation de mes in-
(,uie pendant deux saisons
[nourrit la jeune Sellé
Et dont l'aile, vibrant sous le
j pied...
Bruissait dans le pin...
Que d'hommes n'on pas eu ce
[suprême destin!
La muse des guérets, des sil-
[lons et du blé ;
sommes, muse des guérets aux la lyre naturelle.
Et l'Aurore pieuse y fait cha-
[que matin
Une libation de gouttes de ro-
! see.
Et dont l'aile vibrant sous le
[pied dentelé...
ailes harmonieuses, naturel
écho de la lyre... je te pro-
mets un présent matinal, une
ciboule fleurie et des gouttelet-
tes de la rosée des champs.
(Méléagre, I, 155, 195.),
Sauterelle tu imites.
avec des pattes dentelées, lés
accords de la lyre.
(Méléagre, I. 155-196.)
Myro a construit pour une
sauterelle... et pour une ci-
gale... ce tombeau qu'elle a
baigné de ses larmes.
(Anyté (?) I, 155,190.)
Je ne peux pas me résoudre à ne poinl rappeler deux
vers de Victor Hugo qui ont dû graver une image précise
Des
larmes d'un
[tombe est
enfant sa
arrosée
508 I I I DE SI l: LES SOI lu EU
dans le souvenir de Heredia, image qui s'esl évoquée
d'elle-même, lorsque le su j<M s'y esl prêté. Les vers :
...Blanche, ;ui milieu d'une touffe de thym,
Ra pierre funéraire est fraîchement posée.
ne paraissenl ils pas calqués sur ceux-ci, lires des Con
templnlions {Lu < 'larlé <lu dehors) :
...J'aurai ma tombe aussi dans l'herbe,
Blanche au milieu du frais gazon...?
Le Naufragé
Les épigrammes funéraires de naufragés abondenl dans
l'Anthologie, el 1rs Grecs furenl un peuple de marins.
Ces! pourquoi les choses de la mer tiennent une si grande
place dans l'œuvre de Chénier. Heredia devail donc don
blemenl écrire Le Naufragé. D'autre part, il esl difficile
d'admettre qu'il ait pu aborder un pareil sujel sans se
souvenir de la magnifique page de Victor Hugo, ce lugu-
bre Oceano Nox, qui esl resté dans huiles los mémoires.
N'essayons pus toutefois de chercher des emprunts précis
faits pur le sonnel au, poème. A peine le vers :
- En la nuit sans aurore et sans astre et sans lune
rappelle I il celui-ci :
- Dans une mer sans tond, par une nuit sans lune.
Encore n'est-il pas certain qu'il y ail là une imitation
réfléchie, car Leconte de Lisle parle aussi dans Qaïn
d'une nuit sans aurore el il dil dans ['Illusion Suprême :
- Celui qui va goûter le sommeil sans aurore
Et les morts
C'esl donc par une ('Inde d'ensemble, el non de détails,
qu'il esl possible de sentir ce que la pensée de Heredia
doil à celle de Victor Hugo.
Il esl ;'i noter que les épigrammes grecques donl esl tiré
ce s, el onl fourni égalemenl la matière du suivant.
ni : j. m. Di m n i.di \ 509
Si même l'on adaptait les tl<iu\ tercets «lu Naufragé aux
quatrains de la Prière du Mort, on obtiendrait un morceau
très analogue à ceux de I anthologie.
Les quatre premiers vers sont imités principalement
dune épigranunc du Thébain Perses :
Sans te préoccuper du funeste coucher de l'Arcture pluvieux,
tu t'es embarqué, Théotime, <t ton navire bien équipé t'a con-
duit, toi et tes compagnons, à travers la mer Egée, jusque chez
Pluton. Hélas! Hélas! Eupolis et Aristodice, qui t'ont donné
le jour, embrassenl un tombeau vide ei l'inondent de pleurs.
(I, 210, 539.)
Virgile (Géorgiques, I. 204, sqq.), Alcée de Messénie
(I, 203, 195) el Héraclide de Sinopc (I. 185, 392), attestent
aussi les terribles dangers que l'Arcture fail courir aux
n;i\ igateurs.
Il sérail hasardeux de supposer les vers 6 el 7 :
Dans le sable où pas même un chevreau no pâture
La tempête a creusé sa triste sépulture;
imités d'Homère (ce sérail l'unique imitation que j'aurais
relevée) :
Ses os ont été jetés sur le rivage et ils y sont enfouis sous
un grand amoncellement de sable (Odyssée, XIV, 130.)
De même nous hésiterons à voir autre chose qu'un rap
port entre le vers :
Au pli le plus profond de la mouvante dune,
el le mot d'Horace :
Toi, matelot, ne manque pas de donner un peu de sable
mouvant à mes os. (Trad. Leconte dv Lisle, Carm., I, 28,23.)
M;iis le dernier tercet, cl loul particulièremenl le der
nier vers :
Soyez-lui, toi, légère, et toi, silencieuse.
est imité de l'une quelconque de ces trois épigrammes :
Posidippe (I, 166-267). — Matelots, pourquoi m'enterrez-vous
près du rivage?... j'ai peur des vagues, cause de mon tré-
pas.
34
Ô II) i SU H LES SOI i;< ES
A.BOHIAS il. L67-278). Moi, Théris, naufragé que les Bote
ont jeté ;i la côte, je n'oublierai pas. même après ma mort,
les rivages où l'on ne peu! dormir. Toujours... j'entends le
bruit odieux de la mer frémissante.
Antipateb (1. 168, 287). Moi, Lysis, enterré sous cette
roche solitaire, je ne cesserai pas, même mort, d'être tour-
menté par l'impitoyable mer, grondant à mes oreilles et près
de mon tombeau qui en est assourdi.
La Prière m Muni ( I )
Ce sonnel esl lire entièremenl de l'Anthologie. La sou
daineté du débul esl à la fois habituelle aux poètes de la
Couronne de Méléagre el chère à Heredia : il esl donc
inutile d'en parler. Mais une épigramme anonyme a fourni
le schéma de la première phrase :
Si jamais tu vas en Phthie... et dans la eité de Thaumnsie,
dis, étranger, qu'en passant par la forêt déserte de Malée, tu
as vu ce tombeau érigé à Derxias que des brigands ont sur-
pris seul et traîtreusement dans l'ombre... (I, 210, ôii.)
Damagète a inspiré l'idée d'adresser l'étranger aux
parents du défunl :
Au nom de Zens hospitalier, nous t'en conjurons, étranger,
va dire à notre père Casinus, dans la Thèbes d'Eolie, que Méris
et Polynice sont morts: ajoute ceci: que nous ne pleurons pas
sur notre sort, bien que tués par la main perfide des Thraces,
mais sur sa vieillesse attristée' par la privation de ses enfants.
(I, 210,540.) (2).
I.a chair assassinée ;i été dévorée par les loups parce
qu'Antipater de Macédoine el Léonidas d'Alexandrie font
subir le même sort ;i un naufragé (I. t69-289) (I. 211,
(1) Bévue </<« Deux-Mondes, 15 mai 1890. Une épigr. supprimée
en 1893 : « Au nom de Zeus hospitalier » (Damagète), et le vers
12 très différent :
Approche-toi sans peuq, parle lui sans alarmes.
(2) Cf. aussi I, 204, 499 et 500 et 502 ; + I, 210, 540 et 568.
Mais'- 'est Beredia qui cite Damogète.
i»i J. M. m m i;i:l>i\ 51 1
550). La victime n'a pas été pleuréc, parce qu'on trouve
dans l'Anthologie l'épigrammc anonyme :
() trois fois malheureux, ici j'ai péri mui^ le tri- d'un bri-
gand ut je ui- sans que personne me pleure, il. 241,737.)
Enfin les Irréels sonl imités Je Phalécus :
Phocus a péri loin de -a patrie. Son vaisseau n'a pu sou-
tenir, n'a pu repousser {leçon douteuse) la furie des vagues, et
il a disparu dans la traversée de la mer Kgée, sous les ilôts vio-
lemment soulevés par le Notus. Mai- dan- la terre de ses
pères, il a obtenu un cénotaphe, autour duquel Prométhis, s;i
mère, semblable à un oiseau plaintif, pleure tous les jours son
(ils, en disant avec des cris de douleur comment il est mort
avant l'Age. (Il, 39,27.) (1)
Les imitations partielles d'auteurs modernes sonl insi
gnifiantes. De même que dans le s el précédent, un
mol : une femme au front blanc esl emprunté à Oceann
Mox :
Vos veuves un front blanc, la--e< de vous attendre.
el l'urne vide qu'embrasse la mère nous rappelle nu vers
de Chénier :
Vois; j'embrasse ton urne et je te parle en vain.
Ajoutons encore qu'il \ aurail quelque intérêl ù rap
procher de- vers 7 el S le débul de In scène II de l'acte
1 1 des Erinnyes.
L'Esclave (2)
Dans le poème inachevé de L'Esclave, el donl nous
avons plusieurs reprises, Chénier, faisanl le canevas d'une
œuvre qui aurail été probablemenl définitive, écril :
Boux. ■ — Voici comme il faut arranger cela.
Dire en quatre vers que sur le rivage de telle île (la plus
près do Délos) un jeune esclave Délien venait dire ceci cha-
que j(our)... (Ed. Dimoff, p. 197.)
(1) Cf. I, 82, 374.
(2) Nouvelle Revue, 15 février 1893. (l'as de variantee.)
512 ÉTUDE SUR LES SOURCES
Chénier se proposai! de placer Là un couplel analogue
.-ni sonnel de Heredia : mais l'esclave, entendu par la fille
de son maître, aurail été, sur la prière de celle ci, affran-
chi par le prie.
Toile esl la source certaine de ces quatorze vers;
néanmoins il- ne doivenl rien dan- le détail à ceux que
Ohénier avail ébauchés. Le tableau du premier quatrain
esl repris de Médaille Antique. Mais la Cléariste d'Heredia
est la même évidearmienl que celle des Poèmes Antiques :
Kléarista s'en vient par les blés onduleux
Avec ses noirs sourcils arqués sur ses yeux bleus...
Ses tresses où, parmi les roses de Milet,
Ou voit fleurir les violettes
Du faîte où ses béliers touffus sont assemblés
Le berger de l'Hybla voit venir par les blés,
Dans le rose brouillard, la forme de son rêve.
Citerons-nous encore, à propos du vers :
Reverrai-je ses yeux de sombre violette ?
celui du Manchu ?
Tes beaux yeux de soutint améthyste.
ou. à propos du débul :
Tel, nu. sordide, affreux, nourri des plus vils mets,
Esclave, vois, mon corps en a gardé les signes...
la strophe VI, de la Mort de Sigurd?
Moi-même un chef m'a prise, et j'ai, durant six ans.
Sou1- sa tente de peau nettoyé sa chaussure.
Vois! n'ai-je point gardé l'immonde flétrissure
Du fouet de l'esclavage et des liens cuisants?
Raoul Thauziès.
(A suivre.)
GORREZION] Al. TESTO DELLA « PASSIONE »
EDITA DAL BOl'CIIERIE.
Si Iralta di un testo Franco-italiano, da non confondersi
cou quello ili Niccolô da Verona che porta il medesimo
lilol<> ©d è di gran lunga superiore ( I ). Il nostro testo è ano-
îiiino. conservato ne] cod. marciano franc. \1 (inembr.
-ce. XIV), e lu pubblicato per intero dal Boucherie in
questa lin ne il. lang. romanes, I. 1870, estr. di pagg. 39.
L'edizione de] Boucherie mm è cattiva : ma in parecchi
punli si puô mig'liorare sia per congettura, sia cil con-
l'i'oiiid tlcl prezioso ms. di \ enezia. Ecco qui parecchie cor
rezioni :
v. 33. nuits. Il ms. ha uns.
v. 57. Il ms. ha realmente notri.
v. 07. camin. Leggi co] ms. çamin.
v. 103. Il ms. lia : des munis (I. moins) de ces tapin
y. 105. Se pur setas. Il ms. reca : Se pur ietas.
x. 175. marbrine. Il ms. ha veramente mâbrine.
\ . 198. aute. Ms. aut, cioè autre.
\. 210. passablement. Ne] cod. si legge : passiblemenl.
v. 255. ht sable. Corréggi, col ms., salle.
v. 291 . prence. Ne] ms. /»/ m< e.
x. 294. '/'////' se slonia. Il ms. ha : £uy/ se stoia.
x. 310. Quem vultis vos Johannem vel Baraba. ]l Hou
chérir dice in nota; il faudrail Jesum. -\(vl
ms. abbiamo infatti : ih'm, cioè Jhesum.
(1) La. Passione di Niccolô (la Verona è cons©rvata ne! ood. mai
ciano App. franc. .XXXIX. e fu public ata, nel 1893. da ('. Castel-
lani negli Atli <l<i /'. Istit. Veneto di Scienze, /.>//. e Arti, T. V.
S. VII. Ho pubblicato parecchie oorrezioni alla sibampa de! (
lani in Zeitschr. j. mm. Phil., 1910. n" I. Il nostro testo è alquanto
più brève di quello del Da Verona.
514 CORHEZIOM AL TESTO DELLA « PASSIONS »
v. 313. Johannem. Ne] cod. ih in. e vedi il v. 310.
\ . 348. < rOrr., col ms., vignirent.
v. 349. Ms. En tiel.
\. 353. servians. Ne] cod. abbiamo serions con abbrc
viazione di er.
\. 359. rens avoir. Leggere naturalmente : / c/* savoir.
v. 365. Il m-, non ha sum esprixe, ma suni esprixe.
\. 396. >'//■ // minislrenl li noble crucifix. Il nis. ha
rnisf; c;//.
Vi 110. Il ras. legge : .1 c/7 <7</7 (//V/;/ Deus (/ ïuî le
beneiç.
\. 155. /a. in o/7 /r/. r espunto ni'l dis.
\. 180. A c non le pois lacer mon file joios. Boucherie
propose tancer (ant. fr. tenser, tençer, di-
fendere), ma la proposta è inutile, perché il
nis. ha toçer, con o e c addossati, cioè « toc-
care ». Si veda, al v. 02. boçe = bocca.
v. 501. condançe. Nel ms. abbiamo correttamente :
condaneç.
v. 505. Ms. noire.
v. 512. grattent siarà un errore <li stampa per grabent,
come lia il ms., il quale lia anche mescrean-
ce, non yïà mescreace.
v. 515. treble. Bene il ms. tremble.
\. 522. Non Ellye, nia E//y nel ms.
v. 535. pasine. Ne] ms. pasmé.
\. 549. Leggi : /io/i /n.s sconfit.
y. 550. celus. E un errore di stampa per ceuls.
\. 567. £/n chrestion chi itjiler en fu centurions. Non
h l'Ogga chrestian, ma chevalier, perché il
ms. ha c/i'r.
Giulio Bertoni.
r.ir.LKMiUAIMIIK
REVUE DES REVUES
Romania. avril-juillet 1910. — D.-S. Blondheim : Contribution à
la lexicographie française d'après des sources rabbiniques, p. 129; —
.1. Thomas: Notes étymologiques et lexicographiques, p. 184; —
/'. Meyer: Le Salut Notre-Dame; — La lettre de prêtre Jean,
p. 268; — G. Schoepperle: The love-potion in Tristan and Isolt.
p. 277; — C. Brunel: Randon, protecteur des troubadours, p. 297;
— G. Bertoni: Note e correzioni ail' antico testo picinontese dei
Parlamenti ed epistole, p. 305: — ■ .1/. Jackson: Antonio Pucci's
poems in the Codice kirkupiano. p. 315; — .1. l'ingi-l : Ballades de
Gruillebert de Lannoy et de Jean de Werchin, p. 324; — Mélanges,
p. 369.
Archiv fur das Studium der neueren Sprachen und Literaturen.
t'XXIY. 3. u. 4. — 0. NobUing: Berichtigungen und Zusâtze zuirî
portugiesischen Teil von Kôrtings Lateinisch-romanischem Worter-
buch, p. 332.
Zeitschrift fur romanische Philologie. XXXIV, 5. — W. Meyer-
Lubke: Aucassin und Nicolette, p. 513; ■ — Th. Kalepky: Zur
franzôsischen Syntax, p. 523; — E. Sicardi: Per due luoghi délia
\'ita Nuova, p. 530; — E. Quaresima: Zu Carlo Battisti's Die
Nonsberger Mundart, p. 538; — A. Fokkert: Quelques mots espa-
gnols et portugais d'origine orientale, p. 560; — Yertnischtes. p.
569.
Zeitschrift fur franzôsische Sprache und Litteratur. XXXVI,
5 u. 7. — A'. Morgenroth: Sprachpsychologische Untersuchungen,
p. 173; — II". v. Zingerle: Zum altfranzôsischen Artusromane Li
Atre Perillos. p. 274; — F. Rechnitz: Bermerkungen zum Texte
der Tristan von Thomas und der beiden Folies Tristan, p. 294; —
//. Haberl: Lautgeschichtliches, p. 300; — G. Manz: Nachtràge zu
Thurot, De la prononciation française, p. 310.
516 COMPTES REND1 S.
COMPTES RENDUS
A. Kolsen. — Sàmtliche Lieder des Trobadors Giraul de Boraelh,
mit Uebersetzung, Commentai and Glossar. Halle a. >'.. M. Nie-
meyer, 1910, in-8 , pp. xi-496.
11 Monaco alvergnate Bernart Amoros lasciô scritto, com'è noto,
in testa al suo canzoniere. que trop volgra esser prims e sotils
nui qui a pogues lut entendre, specialmen <li lus chansos d'en Gfiraui
de Bornelh (1). E infatti le poésie di Giraut (e non Guiraut. cf.
A. Thomas. Romania, 1906. p. 106) presentano numerosi problemi e
numerose difficoltà d'interpretazione. .V risolvere quelli e queste, s'è
accinto il Kolsen con piena coscienza dell' arduo cômpito assunto e
ton soda preparazione. In questo primo volume, a cui i'aranno sèguito
le note e il glossario, egli ci dà, criticamente ricostruiti, i testi
ilcl fecondo trovatore, accompagnât] ognnno d'una traduzione lette-
rale o quasi letterale.
Molti scogli il Kolsen ha superati ; ma molti altri lo studioso
incontrerà nel suo cammino. sol che si faccia a percoriere le pagine
di quest' utile e bella opéra. Qui faccio seguire alcune osservazioni
che m'è accaduto di tare durante la lettura délia faticata ricostru-
zione critica dell' erudito tedesco. Numéro i testi seguendo l'ordine
del Kolsen.
X. 6. w. 25-28:
Per qu'eu conose e sai qu'es vers
Que viure -m val menhs que morirs?
Pos que -lh sofranh jois et jauzirs
E -m falh amors e sos poders !
Anzi tutto. punteggierei in modo diverso. ^Ietterei. cioè, punto e
virgola dopo morirs e punto fermo dopo poders. E poi la traduzione
dei w. 27-28 non mi convince : « Da ihm [dem Leben] doch Freude
» und Genuss abgeht und die Liebe und ihre Macht mich im Stiche
» làsst. » Perche mai nel v. 27 si alluderebbe alla vita (viure), e nel
verso seguente al poeta stesso ? Si legga con C: Qar mi sofranh
(ovvero, pos '/m: -m s.).
X. 7. v. 47. Con plus languisc. Si puô conservare con.
X. 7. w. 18-19: MaS ela ///'" <"fii.-- — Vas cui serai aclis. Non è
del tutto certo che ela sia la donna amata. Protebbe essere Amors
délia strofe précédente.
(1) E. Stengel. in Revue des tong. roni., XL1 (1898). p. 350.
COMF1 ES REND1 S. 51 7
V. 45. Tan sui sobrajazenz « l»in ich so aufgerechl ». Il verso
manca in (': trovasi soltanto in II e Sg. Temo proprio che sobre-
jazenz vada canoellato e che si tratti unicamente di sobrejauzenz.
Vv. 75-76:
Car sus parlais cortes
En so servir m'amt s.
« «la ihr artiges Reden mich in ihren Diensl gebrachl luit ». La
traduzione è giusta, sicchè m'ames, inveoe de! corretto m'a mes, sarà
uiKi svista (1).
N" 8. v. 37. Sos corn sarà questa volta « il suo cuore ». piuttosto
che il « suo corpo ».
Str. VI. Strofe corrotta. Certo l'infcerpretazione del R. non regg< :
ma non saprei che cosa sostituirvi. Forée: qui si fossatz — de leis
privatz. Punto dopo ardimens.
\ 22, vv. 9-11:
E si "m dolh — Dinz e defurs chan.
Per que "m paregra virars vils
*»i t'in tenu no -m lies Aniors ?
« Und im limer bin ich betrùbl and àusserlich singe ich. Warum
» sollte niir, abgeselien davon. dass die Minne mich gebunden hat,
» das Aufgeben der i^iebe gemein erscheinen ? » Non mi pare. Pro-
pongo : « e io mi dolgo dentro. e di fuori canto : chè mi parrebbe
» riprovevole questo contrasto (quesl utare di sentiment!), qua-
» lora non fossi in potere d'amore (non fossi legato da amore). »
Bisogna accettare vils per vil; ma ciô non costituirà una grande
difficoltà.
X" 25. v. 58: Pero ben ai lo tenus agut. Kols. traduce: « Jedoch
» bat es wohl fur mich eine Zeit gegebeiu » Per fcogliere ogni dubbio
circa il significato di ai, bisogna traduire: o Jedoch habe ich wohl
die Zeit gehabt. etc. »
X. 40. vv. 1-3:
Xo pose sofrir c'a la dolor
De la den la Lenga no vir.
E -\ cor ab la novela flor. ec< .
(1) In Ramb. Btjv. m VIIj 33 délia mia edizione) : el sett servi)
sut mes. Non vedo perché lo Stinuniiig. Zeitschr. /. roman. Philol.,
XXXIV, 288 scriva, a proposito délia mia traduzione di questo
passo : « nicht: son messo al suo servire, sondera ich habe mich in
ihren Dienst gestéllt ». lo dico appunto ciô che dice lo Sti dng.
5 18 COMl'l I - lil M)i s.
ii traduce: « Mi kann nichi umhin beim Zahnechmerz die
» Zunge liin (nul her zu wenden und den Sinn /u àndern beim Deuen
» Blumenflor. « I<> credo che vir vada con a la dolot (che la lingua
Nun si volga verso il dolore de! dente) e credo pure che si debba
leggere l CMSgVa) a la novela flor. Y. il « cor » che si vo
i] Bon i lie appare.
N* 42.. vv. 37-39:
C'ab plus d'ardimen
Mo fat cor no -s vira
Tan no m'espaven !
Il K. traduce: « Denn grosserer Kiilinlicil unie ineiti torichtes
» lier/, nich fàhig » e spiega in nota: « Denn mit melir Kuhnheit
» wûrde inan mein torichtes Herz nicht sehen ». Ritengo errata
questa traduzione, come ritengo errata la costituzione del testo.
Tutti i codici, salvo uno, hanno Mos e tutti quanti hanno fatz
(focs). E poi tutti hanno cors, salvo Sg che ha cor. la quale forma è
anche di nominative Insomma. Mu.< futz cors deve essere soggetto
di vira, che a sua volta è 3 «près. sing. di virar. Il poeta vuol dire:
« Non è da credersi che il mio stolto cuore si inardisca banto, che
» io non abbia alcuno spavento (non abbia, cioè. alcun pensiero). Tutt'
» altro ! Egli mi diee sovente che avrô danno {Anz me <litz sovem —
» C'a mon dan serai) ecc. »
Si noti che i tre versi 37-39 mancano de! tutto in V (1).
N° 44. vv. 22-25:
Ara tan pretz e bobans
Qu'entr' altres chantadors
M'abat ma m ci' amors
E :m reten a solatz.
K. traduce ma mei' amors per « meine einseitige Liebe » : ma si
badi che U dà men, S me e en: mer. credo che n, anche qui.
abbia conservato la buona lezione. È noto che moite volte a coglie
nel segno. staccandosi dagli altri canzonieri. Leggerei dunque ma
mer' amors e intenderei : « il mio fino amore ». Pârtendo da una
forma come mer, si spiegano, soto il rispetto paleografico. assai
(1) Nello stesso componimento. al v. 36. il K. legge Si :us me prec
milan, certo per la ragione délia « lectio difficilior ». perché BIKQ
S hanno en prec (LCR// sbagliano. leggendo repren). In rruesto caso,
non so se non sia forse meglio preferire en prec per la chiarezza de!
passo. Vedasi anche il v. 56 dello stesso componimento.
« OMPTES R] \l'l S. 5 19
facilmente men e mei, corne erronée trascrizioni dei copisti, a cui il
dotto mers non era Familiare.
\'v. 40-41 : '/'///( £e«i <•'"' chap del cors — Remanlia 7 pros e :l gratz.
Qui temer deve avère il senso di « esitare, dubitare ». Cioè: « tanto
» dubito che alla fine (alla fine délia corsa) si abbia L'utile e La
» ricoinpensa. »
X° 45. v. 52. Leverei il punto d'interrogazione dopo lonhatz c
prenderei combat come soggiuntivo, scrivendo: s< combat' e 'l sens.
Il h 58 è la famosa fcenzone di Giraui con Linhaure sul trobar
dus. È una poesia preziosissima per La storia di questo génère e
mérita che noi <i arrestiamo ad esaminarla, anche perché contiene
un passo (str. VI). <.ho è uno scoglio, contro cui molli tianno invano
lottato (1). Linhaure (secondo una congettura de! Kolsen stesso,
Raimbaul d'Aurenga) domanda (str. 1) a G. de B. perché mai egli
vada biasimando il « trovar chiuso » e Giraut risponde che, in
Eondo, ritiene clie ognuno debba poetare secondo la propria voglia
[guecs se troV a so talan), ma che, a suo parère,
.. es mais amatz
Chans et prèzatz,
Qui -l t'ai Ievet e venansal.
(Str. [I, 11-13.)
Linhaure risponde (str. III) che il « trovar chiuso » non è lodato
dagli stolti e si capisce perché: essi non distinguono il grano dal
loglio ne sanno « so que plus char es ni mais val (v. 21) » ; Giraut
insiste, affermando che bisogna poetare in modo de farsi capire (str.
IV); al che Linhaure obbietta che non si deve troppo pensare alla
propria rominanza e alla fortuna délia proprie rime. Meglio che
queste siano auree e poco diffuse, piuttosto che cattive e intelligibili
a tutti (str. V). E qui Giraut detta questa strofe, che ha dato c
darà ancora molto filo da torcere:
Linhaure. fort de bon conselh
Es fis amans contrarian :
E pero. si -m val mais d'à l'an
Mos sos levatz.
C'us enrauniatz
Lo m dezagenz ni -m dia mal
A cui om no -n deia censal !
(1) Cfr. Lr.vv. Swpp!.-W., II. 56: Appel. Archiv. f. dat Studium
der neueren Sptachen u. I.ii.. XCVII, 187; Jeanroy, Annale* du
Midi, XXI. 367.
520 OMF1 I - RENDUS.
Inutile ch' io passi in rassegna le dichiarazioni date sin qui.
[ngegnosa e bella, tra le altre. mi pare quella dello Jeanroy, ma
anch'essa non mi accontenta de] tutto. Tuttavia, mi fornisce qualche
elemento per la seguente mia tnterpretazione. Io credo che Giraut
voglia qui chiudere la controversia. Si noti che egli non si oppoii-
volentieri a Linhaure, che ohiama « senhei ». e gli mostra sempre
molto riguardo. Nella str. 11. v. 14. dopo aver difeso il « trovar
chiuso ». sente il bisoguo di scusarsi e dice: E vos no m' <> tornétz
n mal. lnsonima. Giraut non vuol contendere a lungo con un suo
protettore e chiude o meglio intona la strofe in modo, che la
chiusa (Ici componimento non possa essere lontana. Dice. secondo
me: « [Signer] Linhaure! io ?o hene che un amico fedele è pieno
» di buone intenzioni quando redarguisce. Taie voi siete : siete molto
» benevolo a mio riguardo, benchè mi contradiciate su! trovar
» chiuso. Epperô. mi t'a maie levare la voce contro cl i voi.
» Yedete ? Questo mio canto. levàtovi contro. mi cagiona più d'af-
» fanno di quello che mi casïionerebbe un giullare arrochito (rauco)
» che me lo guastasse. disabbellendolo e dicendolo maie, uno di quei
» giullari, a cui non occorre dare paga o ricompensa. » Questo
mi pare il senso délia strofe. confermato da ciô che segue. Infatti,
Linhaure sente quasi il dovere di scusarsi e dice :
Xo sai de que "ns anem parlan
Xi don fui natz;
Si sui torbatz,
Tan près d'un fi joi natural !
Can d'als consir. no m'es coral.
Qualche altro appunto su questo componimento. Al v. 13 venansal
(* vern-act ,-alt m . Appel. An //.. cit. 187) è tradotto per « einfach ».
11 senso è « comune. volgare ». Cfr. E. Levy, Petit Dictionn., s. v.
Al v. 15 bisognerà interpretare corne indica Jeanroy. Ann., cit.,
p. 367. Trepelh lia una radiée germanica penetrata anche nei dial.
ital. del Nord (p. es., intraplar, inciampare; trapèl, inciampo).
Ain lu- per mir.tiit (v. 24) si tengano présenta le osservazioni dell'
Appel 187 e dello Jeanroy 367: i quali dicono. su per giù. la stessa
cosa. Quanto al v. 42. accetto, come più prohabile, la lezione del
Kolsen. Jeanroy vorrebbe leggere con 1)X Que nol deing (l) <l<i<j')
a homt sesal; ma confessa che il testo e il senso gli sono molto dubbi
(limii sesal equivarrebbe a mercenario).
N° 59. Tenzone fra G. de B. e il re d'Aragona. I vv. 6-7:
E iKi m' en tenhatz per guerrer,
An/, me respondetz franchamen
sono cosi tradotti dal Kolsen: « und haltet mich deshalb nicht fur
( OMPÏES REND1 S. 52 I
» einen Feind, sondera antwartet mir freimiitig. » Siccome franc
h;i anche il senso di « dolce, affabile ». bisognerà bradurre « dolce-
mente, affabilmente ». piuttosto che - francamente ». <Mà l'Appel,
Arch., cit. 188. aveva notato il contraste Era tener per guerrer e
respondre franchamen e aveva proposto « wohlgesonnen ...
migliore «.IL « Freimùl ig ».
Per la strofe II tli questa poesia, debbo Eare un osse-rvazione,
che mi obbliga a riprodurre 6 versi:
Guiraut de Bornelh, s'en mezeis
No in défendes ab mo saber, —
Be sai vas on voletz tener.
Pero lie vos tenh a Eolor,
Si us cudatz que per ma ri< or
Valha mens a dru! \ ertader !
K. interpréta per ma ricor « wegen meines hohen Standes >» ; ma
a me pare che si debba tradurre letteralmente ricchezza, danaro,
perché tutta la forza délia risposta sta qui. 11 Re u'Aragona, rivol-
gendosi a Giraldo. che gli chiede se una donna en la vostr' amor
... n tant d'onor Corn d'un altri pro chevaler, dice: « ben so a che
COSa voleté alludeie (cioè ai min (ieiiaro. e non già ail' alta
posizione, che, in ogni caso, onorerebbe tanto più la donna amata
o amante) ». Sicchè ricor va proprio tradotto per » danaro ». Vedasi
anche il tenore délie strofe seguenti. Tutta la tenzone riposa su
ricor, per cosi esprimermi.
V 61, vv. 52-56:
(''amies ni parens
Ni larga possessios
Ni conquist ni dos
No valran dos aguilens
.1 J'estrenher de las dens.
« denn ein Freund, ein Werwandter, ausgedehnter Uesitx. Eroberung
» und Freigebigkeit werden beim Weltgericht ganz und gar nicbts
» wert soin. » La frase estrenher dt las dens deve significare l'ago-
nia. cioè: « amioo, parente ecc. nulla varranno su! punto di morire,
» di chiudere la bocca (stringere i denti) per sempre »
N* 63, vv. 66-68:
Reis n' Anfos cel c'tis je
Volha e'ades siatz
Plus pros e mais prezatz.
K. traduce : « welche Trene ùbt ». Ma allora occorrerebbe usa.
,.)-)
( (i\ll'l I > i:i ND1
non us, i lu è soggiuntivo. Si legga: c.el qui us fe, • colui che vi
Eece ». /'. per fetz, è usato spesso accanto a /e». Abbiamo un'
allusion* a Di ». Cfr. I" stesso Giraut, n 7. v. 81 : E deus, que:l
formi t (h n'i< a.
68, w. 16-17 : S'en cudes encontrar — Bêlas mans mm pgj
gans. « Wenn ich erwarten kônnte, iïeundliches Kntgegenkoiiunen
» zu finden >. E in nota « liebe Eîànde, die sicb mir nichl behand
g schuhf antgegeuistrecken. » Nom credo che questo sia il senso del
passo. II poeta vuol dire: « se \<> mi pensassi <li trovaré, tese verso
» di me. délie tnani belle (degli amii i veri), ma belle non già in
causa dei guaiui. ma per loro natura (degli amici, eioè. intima-
« mente fedeli). »
Moltissimi dubbi restano poi allô studioso circa numerosi passi.
quali sono stati ricostruiti dal Kolsen. Le note, ehe formeranno il
setondo volume, daràn conto, senza fallo, <li codeste ricostruzioni e
spiegheranno le ragioni, che hanno indotto l'autore a certe sue
preferenze in fatto di lezioni e d'interpret'azioni. In ogni modo,
anche cosî com' è. quest' opéra è degna di molta considerazione.
G. Bertoni.
E. Faral. — Les jongleurs en France au moyen âge. (BibliotJièqut
dt l'Ecole des Hautes-Etudes, fasc. 187.) Paris, II. Champion,
1910. x-339 pages in-8
Ce livre, qui est une thèse pour le doctorat es lettres (1). provoqua,
lors de la soutenance en Sorbonne. des critiques aussi justes que
sévères de la part du jury, ce qui causa une vive mais légitime
émotion parmi le public assez nombreux qui assistait à cette céré-
monie. On remarquait en effet parmi ce jury trois membres Je
l'Ecole Pratique des Hautes-Etudes, et l'on savait que la thèse de
M. Faral avait obtenu l'honneur d'être publiée dans la Bibliothèqut
ili l'Ecole des Hautes-Etudes. L'Ecole des Hautes-Etudes n'accor-
dant d'habitude cette faveur qu'aux ouvrages dont la valeur scienti-
fique est incontestable, le public était très déconcerté d'apprendre
de la bouche du jury, composé en majorité de membres de l'Ecole,
(1) Doctorat régulier, et non doctorat in partibus infidelium qui,
sous le vocable officiel de « doctorat de l'Université ». a été institué
pour permettre aux étrangers d'obtenir, en Sorbonne. le titre de
du. leur avec plus de Facilité qu'ils n'en trouvent dans leur pays
d'origine.
comptj ? iii;.\Di s. 523
que le livre de M. Faral était une publication complètement man
quée. Son étonnement était d'autant plus grand qu'une mention
imprimée au verso du faux-titre du livre lui apprenait que le « vo
lume était publié avec l'aide du Fonds spécial mis à la disposition
de l'Ecole » par un bienfaiteur, qui évidemment avait fait ce don
dans la supposition que l'Ecole mettrait pour le moins autant de
discernement à gérer l'argent dû à la générosité privée qu'elle en
met dans la gest ion de ses tonds ordinaires. Les personnes ignorant
avec quelle légèreté impardonnable esl gaspillé, par des gens par
ailleurs très consciencieux, l'argent mis à la disposition des savants
par des particuliers généreux, s'imaginaient que, dans les critiques
du jury, l'expression dépassait la pensée et que le livre de M. Faral
était moins mauvais qu'on ne lui faisait croire. Une lecture atten
tive du livre ne continue' malheureusement pas cette manière de
voir. Toutes les critiques du jury étaient fondées, et elles étaient
loin d'épuiser le sujet.
Ce qui trappe d'abord dans cet ouvrage, c'est son étendue hors
de propos avec le sujet traité. M. Freymond avait jadis écrit une
plaquette de cinquante-sept pages sur les jongleurs (1) ; M. Faral
n'ajoute pas grand' chose aux recherches de son prédécesseur, mais
il délaie les matériaux réunis par M. Freymond dans trois cenl
trente-neuf pages de verbiage dont la composition a dû être fort
laborieuse à en juger par la part qu'y tient l'artifice rhétorique.
L'effort que M. Faral a dû déployer pour porter le poids de sa
thèse a quatre-vingt-seize décagrammes, exigés par l'usage de toute
thèse présentée en Sorbonne. semble l'avoir absorbé si complètement
qu'il ne lui est plus resté de courage ou de temps pour vérifier les
textes c Ltés par ses prédécesseurs, pour les corriger au besoin ou
pour les mettre en concordance avec les éditions nouvelles qu'on en
a faites depuis. Comme il a été relevé lors de la soutenance,
l'ouvrage de M. Faral témoigne sous ce rapport d'une rare insou-
ciance.
On peut aussi reprocher à l'auteur d'être souvent mal renseigné
sur l'état actuel de la science dans les questions qu'il se propose
d'élucider. Il parle, par exemple, assez longuement des vagants, leur
consacre même la moitié d'un chapitre et un appendice, mais il est
évident qu'il ne s'est nullement préoccupé de s'informer d'abord de
ce qu'on sait actuellement à ce sujet. 11 trace un portrait de Golias
et des auteurs des poésies dites des vagants dont son imagination a
(1) HabilitationpscJirift de Heidelberg (1883). et non dissertation
de Halle, comme le dit M. Faral clans sa Bibliographie.
524 < o\ii'i liS i;i mm s.
fait presque tous les trais, sans même soupçonner que des gens
aussi compétents dans la matière que .M. Wilhelm Meyer (de Sj i
se sont inscrits en faux contre L'idée romantique que les poésies
dites goliardesques, qui révèlenl si souvent une mande maîtrise de
li forme et une finesse de sentiments non moins grande, aienl été
composées par des truands. (Voy. aujourd'hui à ce sujet Jacob
Werner, Neues Archiv., XXXV, p. 707 sqq.). De la poésie lyrique
latine au moyen âge, .M. Faral a d'ailleurs une connaissance singu-
lièrement imparfaite, puisqu'au sujet de Primat il écrit, trois ans
après la retentissante publication de .M. Wilh. Meyer (de Spire), ce
qui suit : « On sait peu de choses de Primat... Quant à savoir ce que
lut sa vie. ce que fut son œuvre, il faut y renoncer. Il est impossL
ble de dire ce qui lui revient vraiment des exploits, des mots et des
vers qu'on lui attribue. » (P. 264. note.)
11 serait pourtant injuste d'insister sur les lacunes de l'information
de M. Faral. La recherche historique le préoccupe visiblement
moins que l'art d'arranger des phrases. Le chapitre Y 1 1 1 de la
deuxième partie de son livre est particulièrement caractéristique à
( tt égard. 11 est intitulé: « Un type de jongleur. Rutebeuf ». 11
débute par l'aveu de M. Faral que nous savons fort peu de choses
sur Rutebeul. C'est évidemment une condition assez mauvaise pour
un historien cherchant un exemple concret du type abstrait qu'il
vient de dégager par l'analyse critique, mais c'en est une excellente
pour qui veut accumuler de belles périodes sans être gêné par
L'obligation de dire des choses précises. Le portrait, forcément
imaginaire, de Rutebeuf se prêtait d'autant mieux aux développe-
ments rhétoriques sur « le type de jongleur » qu'il ne paraissait
nullement a M. Faral être représentatif de ce type. « Si nous
l'avons choisi comme type, nous confesse-t-il, c'est moins parce
qu'il nous a paru représenter l'espèce la plus commune des jongleurs,
que parce que. haussant son art à un degré aussi élevé que n'importe
lequel de ses contemporains, il compte parmi les plus brillants et
les plus dignes d'estime. » (P. 162.) On conçoit tous les effets de
style que M. Faral a tirés de ce sujet curieux d'un fantôme tran
chant si heureusement sur l'espèce commune des gens dont il incarne
le type. Le plus remarquable est celui qui est obtenu par le contraste
de deux passages juxtaposés aux pp. 161-162. Le premier débute
ainsi: « Comme les jongleurs, il [Rutebeuf] fut médisant et joueur:
c'est encore lui qui le confesse. S'il avoue qu'il a fait métier de
dauber les uns pour amuser les autres..., il faut le croire. » Le
second se termine ainsi : « Rutebeuf n'a pas parlé pour le plaisir de
médire. En blâmant tel ou tel. il a défendu tel autre. » Il serait
difficile de donnei' par de* procédés plus simples une vision plus
( oMl'i l - [ŒND1 S. Olb
parfaite de l'art de jongleur. ( 'est de l'impressionisme évidemment,
mais de cet impressionisme vigoureux qui \otis ébahit par La
tion de vérité qu'il donne !
M. Faral connaît sa Eorce et il en abuse parfois, comme par
exemple dans cette phrase, qui est destinée à prouver que mimes,
histrions et jongleurs, « des pins vieux aux plus jeunes, des carre-
fours de l'antique Syracuse a ceux des villages de France, ils for-
meront une chaîne ininterrom] il qu'on suit du regard jusqu'au
bout )) (p. 11): « Ainsi, pendanl la période qui précède l'âge caro
lingien, tous lis auteurs, poètes, musiciens, qu'on désigne du nom
de mimes, nous sont, il faut en convenir, mal connus (1) : du moins
peut "ii affirmer avei certitude qu'ils ont existé et qu'Us ont main
tenu toujours tirante la tradition romaine » (p. L6). Dans son
avant-propos, M. Faral écrivait: « C'est une grande ambition de
vouloir apporter la lumière en une question si complexe: le reproche
de témérité qu'e urent ceux qui s'y risquent suffirait à les rendre
s'ils ne croyaient pas qu rite porte en elle-mêmi
son excuse. » Un ne saura jamais tout le mal qu'engendrent les
croj ances erronées !
Le livre se termine par une liste chronologique des témoignages
relatifs aux jongleurs du IX' au XIII' siècle. Ce serait là la seule
partie utile de l'ouvrage, si malheureusement M. Faral n'avait pas
colligé sa liste avec toute la négligence dont il est capable. Vous
/.. par exemple, l'indication du passage célèbre de Guillaume
di Dole, qui nous renseigne sur l'exécution partielle de chansons de
geste par les jongleurs; il manque (n° 154). La supplique de Guiraui
Riquier au roi Alphonse au sujet des jongleurs avec la rép<
figure pas toutefois aux années 1274-75. où tout le monde la cher-
chera, mais entre les années 1288 et 1296 (n° 289). L'ordonnance
chronologique de la liste est d'ailleurs bien trouble: les ti°" 224-232.
qui sont tous antérieurs, de l'aveu de l'auteur, à 1250, ne viennent,
par exemple, que bien apies le n' 211. en regard duquel est mise la
mention: « deuxième moitié du XII! siècle ». Cela rend la liste
temeht inutilisable. Les textes, les textes latins et provençaux
surtout, sont fréquemment cités d'après les éditions vieillies et
caduques. D'autres fois, il arrive à M. Faral de dédoubler un per-
sonnage: Gosbert de Puicibot figi l'abord au n" 245 sous le
nom de Gaubert de Puycibbt et ensuite au ji" 262 sous le vocable
d'Aubert de Puycibot. 11 n'y a pas jvsqu'à la numération des
(1) Euphémisme, voy. p. 15: « pour se persuader de la difficulté
de rien savoir sur ce point, on peut... ».
35
526 COMPTES RENDUS.
articles de la liste qui ne se lessente de l'incurie de M. Parai. Les
numéros se suivent comme ils peuvent : on passe «lu 29 au 31, du
39 au 41. du 44 au 46. etc. ('ne note mise a la fin de la liste
contient cet avis: « On aura remarqué des lacunes dans la série des
numéros du précédent appendice. Nous nous réservons de les i
Mit dans une liste plus complète. » si cette liste voit jamais ir
jour, il faut souhaiter qu'elle soit non seulement plus complète,
mais enroie. mais surtout moins désordonnée que le fatras actuel.
Jean Achkk.
P. Reiche. — Beitraege zu Artur Lângfors' Ausgabe des R<
\ostre Dame. Berlin, Mayei //. Wiïller, 1909. 63 pages in-8 ".
I liss. inaug. de Berlin.)
Les chapitres 11 et .111. qui contiennent une analyse détaillée du
poème et un tableau indiquant la répartition des strophes du Regret
dans les différents manuscrits qui nous l'ont conservé, sont utiles.
M. Lângfors ayant omis de munir son édition de ces deux accessoires.
Le chapitre premier (introduction littéraire) et le chapitre IV
larques sui le texte), sont .^ans valeur: les remarques de M.
Reiche sont vraiment par trop triviales et sa critique littéraire est
bien superficielle. Une bonne observation pointant à signaler à la
32 suiv. : M. Reiche constate, dans la Passion dite de Semur.
un emprunt littéral fait à la strophe XI du Regret
J. A.
W. Fœrster. — Kristian von Troyes. Cligès. Dritte umgearbeitete
u. vermehrte Ausgabe (Romanische BibHothek 1). Halle s. S. 1910.
xc-288 pages.
La succession rapide des « petites éditions » de Chrétien de Troies
est la meilleure preuve de la faveur dont elles jouissent. En 1906.
M. Fœrster nous donnait la troisième petite édition d'Ivain. en
1909 la deuxième d'Erec; aujourd'hui il nous offre la troisième de
Cligès. Si considérable que puisse être le talent de Chrétien, il ne
saurait suffire pour expliquer ce succès qui dépasse même celui de
la cantefàble. Ni Erec, ni Cligès. ni Ivain lui-même n'eussent
trouvé tant de lecteurs, s'ils n'avaient eu la bonne fortune d'être
publiés par M. Fœrster.
Malgré cet accueil favorable, M. Fœrster n'est jamais satisfait
de lui-même. Il n'y a pas une seule des « petites éditions » qui
( n\l|- [ I - |;| \DI
:.->■
reproduise purement et simplemenl l'édition précédente. Toutes
.mi des éditions « n augmenté* i cette révision va
parfois jusqu'à la refonte complète. Les deux derniers volumes
notamment, Ereca b1 Cligèe*, constituent des oeuvres presque
entièrement nouvelles. N'ayant pas ici à rendre compte d'Erec*,
ji n i arlerai d réalisés par cette édition sur la précédente
qu'autant qi ont communs au volume qui fait l'objet de la
présente notice.
Les quarante-cinq pages d'introduction du petit Cligès* oi
doublées dans i liges '' (1). 1 innovation très heureuse, qui
urée dans Erec*, les o Exkurse » dont se compo
les anciennes introductions ont été transformés en chapitres munis
de litres, ce qui contribue ndre plus clair l'exposé et facilite
ièrement les rei remier chapitre traite de la \ ie
œuvres de Cl On j trouve un exposé complet et
de toutes les questions que soulèvenl ces deux prob
L'intérêt capital de ce morceau réside dans la longue note (p. Y i I
sqq.) où M. Fœrster examine l'attribution de Philomena à Chré
tien. Que les objections que M. V. fait valoir contre cette attribution
soient très graves, c'est certain. De même, il est incontestable que
hi démonstration de Ai. de Boer dans l'introduction à son édition
de Philomena est bien faible, quand on la compare à relie que M. F.
a présentée pour attribuer à ( hrétien Guillaume d'Angleterre. Mais
bien que je considère l'essai de M. de Boer comme peu heureux,
j'aimerais réserver mon jugement sur le fond du débat. La tradi-
tion manuscrite de Philomena renionl b, toui eriti re, à une
seule < opie, celle que l'auteur d'Ovide moralisé a insérée dans son
ouvrage. Nous ne possédons don< de Philomena qu'un texte tardif,
copié par un vei de profession) ce qui est une assez mau
vaise garantie de la fidélité du texte 11 se peut que Philomena soit
de Chrétien, encore qu'il i de doute que la version recons-
truite par M. de Boer ne l'autori p i lui attribue] dt piano cette
œuvre.
Au sujet de Guillaume d'Angleterre, M. F. n'apporte évidemment
aucun argument nouveau (voy. pourtant la remarque p. XII sur la
difficulté d'admettre trois Chrétien): cette question a été étudiée
par lui maintes fois (en dernier lieu Literaturblatt, 1908. p. 107
sqq.; adde l'observation de M. Groeber dans p Erei J. p. XI), et
(1) Le volume entier accuse une augmentation de six feuilles
d'impression par rapport à l'édition précédente. Le prix est re
même.
528 COMPTES RENDUS.
comme 1rs adversaires de ['attribution de ce poème à Chrétien n'onl
donné, somme toute, que des raisons bien Fragiles de leur opinion,
il suffisait parfaitement de résumer la discussion Bans cherchei
] , reprendre.
.1. glisse rapidement, malgré leur intérêt, sur les p. XIV X.W'lll.
qui sont consacrées à la chronologie des œuvres de Chrétien et .1
l'esquisse de l'évolution littéraire du poète, de même que sur le
chapitre suivant (analyse de C'Iigès et étude sur la source du poi
pour arriver aux chapitres 3-5 qui traitent des rapports des œuvres
de Chrétien avec la légende de Tristan. Les idées que M. F. expri-
mait à ce sujet dans l'édition antérieure n'ont pas subi de modifica-
tions sensibles. Que Cligès soit une contre-partie de Tristan, un
Antitristan, cela ne faisait doute pour personne depuis la démons
tration que M. F. en a donnée en 1901. Les différences qui séparaient,
a cet égard G. Paris de M. Fœrster étaient, on peut le diie. pure-
ment verbales. Je crois du reste que la formule de M. F. est plus
lieureuse que celle à laquelle s'est arrêté G. Paris. La tendance de
CHgès est bel et bien d'opposeï à la conception dominante de la
légende de Tristan une conception différente, et le caractère polémi-
que de Cligès n'est pas niable. Je crois aussi que cette opposition
est de caractère moral, mais je me demande si l'idéal moral de
étien esl bien celui (pie M. F. nous propose de dégager de son
œuvre. Sous ce rapport je suivrais plutôt G. Paris (1) que M.
ITœrster. Chrétien n'oppose pas. dans Cligès, l'amour conjugal de ses
héros à l'amour coupable de Tristan et Iseut, mais il réagit contre
(e qu'il considère comme la vilenie (5252) d'Iseut, contre le fait que
ses cors fn a deus rantiers, alors que ses cuers fit a l'un antiers.
L'histoire d'Iseut choque Chrétien non parce qu'elle est l'histoire
de l'amour adultère, mais parce qu'elle est l'histoire d'un amour
qui lui semble malpropre. L'amour de Fenice est aussi coupable que
relui d'Iseut. Le fait que son mariage avec Alis n'est pas consommé
n'y change rien. 11 est vrai «pie Cligès finit par épouser Fenice,
alors que Tristan et Iseut meurent adultères. Mais je ne vois pas
m' que la morale y gagne. Que les coupables survivent ou non à
l'époux outragé, cela est moralement indifférent, puisque c'est le
hasard seul qui en décide. Dira-ton (pie Fenice et Cligès ont. dès
le début de leurs relations, l'intention de s'unir par les liens du
mariage des qu'ils seront débarrassés d'Alis, alors que Tristan ut
fseut n'ont pas de ces préoccupations? (2). On ne ferait qu'aggraver
(1) Journal des Savants, 1902. p. 443 sqq.
(2) Telle semble' être l'opinion de M. Fœrster, p. XLVIT : « wâh-
t oMi'l l - REND1 S. 529
leur ras. du moins au point de vue de la morale L']
n'a jamais vu de bon œil le mariage entre les personnes ayant
perpétré ensemble le crime d'adultère. Quand un mariage pareil
était prémédité, c'est à-dire promis du vivant de L'époux outragé, 'I
devenait particulièrement odieux, Un synode de 895 (concilium
Triburianum) Frappe d'anathème une union contractée dans ce
conditions. Dès le XII' siècle, i promesse semblable liait con
sidérée, aux termes du Décret 'le Gratien, comme un empêchement
dirimanl au mariage, c'est adiré qu'elle empêchait a la t'ois la
célébration 'lu mariage et rendait le mariage célébré nul et de nui
effet. Ce n'est du leste pas la seule critique qu'on puisse taire i
l'union de Fenice avec ('li^es: ce mariage vicié par ce qu'on appell
en ternies de droit i m j>< tli nu ni u m <■ ri m i n i.< . l'est elleore par Ull
autre empêchement dirimant résultant de ce que Fenice est veuve
de l'oncle de Cligès : à ce degré, L'alliance forme obstacle au maris
et le rend nul {impedimentum affinitatis) (1).
Chrétien se soucie bien peu de la morale catholique et La sainte',-'
du sacrement de mariage ne Le préoccupe nullement. Fenice foule
aux pieds ce sacrement par trois fois, d'abord en se mariant ave-j
Alis dans l'intention bien arrêtée de ne pas consommer ce ma-
riage (2). puis en perpétrant l'adultère avei Cligès, et enfin en épou-
sant son complice. Et Chrétien est de cœur avec son héroïne. 11 se
rend pourtant assez bien compte que la ((induite de Fenice n'a rien
d'édifiant: il tire une conclusion fort juste de son roman: -lu n'iert
rend im zw-eiten... ein Mittel gesucht und gefunden wird, um die
BÛndi ;e Liebe zu einem moraliechen Sohlusse, zur Ehe, zu brin
gen ». — La promesse de mariage pointait s'induire de l'étrang
explication des paroles de s. Paul: meiius est matrimonium contra-
lien quam uri que Chrétien met dans La bouche de Fenice au \.
5324 sqq., combinée avec les vers Nt ja mes ne serai d'anpin Dame,
se vos n'nn estes sire, 5353 sq.
(1) Le mariage entre la tante et Le oeveu est aujourd'hui admis
par la plupart des législations civiles et ne nous choque pas (en
France | rtant, il est prohibé en principe. Le Président de la
République peut néanmoins accorder une « dispense » aux inté-
ressés, mais seulement « pour des causes graves »). Mais il convient
de remarquer que cette conception est toute moderne: le moyen âge
l'ignorait complètement.
(2) La non consommation du mariage n'est louable que quand elle
se produit pour un motif pieux. Dans le cas contraire, elle est
réprouvée par L'Eglise.
530 < ompi i - m mm s.
tant ricin m tant noble, Uanpererriz, ques qu'ele soit; Que Vanpe-
n< lu croit Tant con de cesti li ramanbre. ("est une triste
lufiion, si l'on Be place au poinl de vue <lo la morale chrétienne,
pour laquelle le mariage est une chose sainte et l'adultère un péché
mortel. .Mais Chrétien n • ee place pas à ce poinl de vue; la morale
chrétienne lui importe peu. du moins dans ce roman courtois, qui,
destiné à la belle société de son temps, n'envisage les choses qu'au
point de vue de la morale mondaine de la seconde moitié du dou-
zième siècle. Si Chrétien proteste si vivement contre les amours de
Tristan et d'Iseut, si son héroïne, adultère comme Iseut, mais plus
fourbe et par conséquent pins coupable qu'Iseut (1), accable la
malheureuse amante de Tristan des épithètes les plus désobligeantes,
c'est que la passion tragique d'Iseut choque la morale mondaine .le
la société courtoise: Amors en li trop lUena. Cette morale mondaine
ne réprouve ni l'adultère ni le mensonge, mais elle est scandalisée
qu'un cœur qui est // l'un antiers puisse être logé dans un corps où
il y aurait deux parceniers. L'amant doit avoir pleine possession de
sa maîtresse, autrement l'amour n'est pas resnable, n'est pas preuz.
Vostres est mes eue/*, vostre est mes cors, Ne ja nus pur mon essan-
pleire N'aprandra vilenie a feire; Car quant mes cuers an vo
mist, Le cors vos dona et promist Si que autre part n'i avra... S
jt vos aim et vos m'ornez. Ja n'an seroiz Tristcmz clamez, Ne je n'an
serai ja Iseuz; Car puis m seroit l'amors preuz (5250 sqq.).
Ce postulat mondain est l'opposé même de la morale chrétienne.
L'Eglise enseigne: Non moechabéris, en entendant par là défendre
toute infraction, même celle commise en pensée, à la fidélité conju-
gale; la morale mondaine dit: X>- tir mon cors ne de mon cuer
N'iert feite partir a nul fuer (3159 sqq.). en entendant par là
réprouver toute infraction, même celle commandée par In' situation
(1) L'artifice de la mort feinte est vraiment d'une cruauté par
trop révoltante. Faire pleurer sa mort par le mari et lui faire
vénérer sa mémoire pour pouvoir s'unir à l'amant, cela passe toute
mesure. L'autre artifice (le philtre servi à Alis), dont les effets sont
décrite avec tant de complaisance par Chrétien (vo;, . surtout 3366
n'est que répugnant. Un catholique doit être en outre choqué
par ce détail, relevé déjà par G. Paris, que le lit nuptial venait
d'être béni (3330 sq.). — A cette occasion il est bon de remarquer
«pie Chrétien se permet assez souvent, dans Cliçès, d'étranges pri-
vautés avec des choses qui n'en comportent pas. V. 5324 sqq. a été'
talé plus haut: v. 5711-18 n'est pas. non plus, d'un goût excel-
lent ; v. 6090 96 est le pire de tous.
( OMl'i l - l;l \Dl S.
531
elle-même, à la fidélité due par la femme adultère .1 son complice.
C'est pour n'avoir pas - gé 1 observer ce précepte de la morale
oise qu [seul esl de garce par Fenice (3161). Chrétien
et la belle société dont il esl le porte-parole ne se doutent même pas
qu'une passion coupable est une chose suffisamment grave tal
elle-même pour que la femme qui trompe son mari n'éprouve
besoin de se jouer de lui par dessus le marchi
fatalement la morale courtoise. Pour Chrétien el pour la société
mondaine de sou temps, l'amour prime tout, ei le mari ne compte
pour rien. J'hésite donc à <lin' avec M. Fœrster que, dans Cligès,
nous avons le spectacle d'une arg verwickeîte, mit Pflichtenlcolli
sionen belastett ZAebe, die, schnurgerade -.mu Ehebruch :</ fuehren
scheint, daim... zut gewuenschten streng moralischen Loesung durcit
die Ehe fuehrt (p. XL). Il n'y a pas de conflits des devoirs parce
nice m- croit avoir de devoirs qu'envers Cligès; elle ne se
soucie ni île ce qu'elle doit a son mari ni de ce qu'elle doit à Dieu.
Sa conscience est tranqui] elle est toujours en règle avec
les préceptes de la morale mondaine, la seule qui existe pour elle.
Son anioin- pour Cligès n'est ontrarié par aucun autre sentiment et
ses relations adultères avec lui m- deviennent point meilleures au
point de vue catholique par le t'ait que, devenue veuve, elle s'unit a
son amant pai- nu mariage que l'Eglise réprouve et considère comme
nul.
La première partie du roman ne contredit nullement cette inter-
prétation. L'histoire d'Alexandre et Soredamor ne choque pas la
morale chrétienne, c'est certain, mais elle ne choque pas non plus
la morale mondaine. Elle heurte, à la vérité, une doctrine courtoise,
celle • ;ui croit l'amour inconciliable avec le mariage, mais c'est
précisément la doctrine 'pie Chrétien répudie formellement de
deuxième partit du roman (6753 sqq.). Il faut aller même, je crois.
plus loin, et admettre que les deux parties du poème se complètent
l'une l'autre, qu'elles sont lues organiquement ensemble, en visant
les deux la conception de l'amour qui domine dans la légende
de Tristan. I.- sens de Cligès est celui-ci: quand les deux êtres
s'aiment, ils doivent s'appartenir entièrement. Iseut, si elle ('tait
courtoise, aurait dû ou bien se marier avec Tristan (Soredamor) ou
bien épouser Marc, mais en trouvant le moyen de ne pas devenir,
par ce mariage, infidèle à son amant (Fenice). Qu'elle se marie avec
l'un ou l'autre, cela est indifférent; la seule chose qui importe.
c'est de ne jamais cesser d'appartenir intégralement a Tristan. Le
mariage n'est rien, l'amour est tout. L'amour est un sentiment à la
fois trop profond et trop intime | supporter le partage, par trop
profond et intime aussi, ajoute Chrétien à cette occasion, pour
i n\ii'l ES RI \l»l S.
eindre ave< la bénédiction nuptiale, une cérémonie à laquelle il
singulier de vouloir attribuer une influence, quelle qu'elle soit,
sur les sentiments qui naissent et existent en dehors de toute inter-
vention extérieure, [ntervention du prêtre, mais aussi, mais surtort
intervenu mnes. Car, et c'est le deuxième grief de Chré-
tien contre Tristan, ce ne sont pas des philtres bus sur la haute mer
qui puis.--. ut Faire naître l'amour dans le cœur des hommes et des
femmes. Alexandre et Soredamor n'ont rien bu, et ils s'aiment (la
reine seule a pu avoir la pensée d'attribuer le trouble des amants
a l'action de l'élément liquide. 541. sqq.). Cligès et Fenîce n'ont
rien bu. et ils s'aiment, d'un amour, bien entendu, plus profond
que le couple avant vidé le hanap, qui, tout en prétendant y avoir
Uu l'amour indissoluble, s'accommode d'une petite combinaison à
trois <>u chacun trouve son compte. Les philtres n'inspirent que des
simulacres: simulacres d'amour (Alis) et de mort (Fenice), ils n'ins
pilent pas l'amour et la mort que Tristan et Iseut croient y avoir
t îouvés.
Ne nous attardons pourtant pas outre mesure sur cette contro-
verse. Quelle que soit l'interprétation de l'idée maîtresse de Cligès,
il est incontestable que ce roman est dirigé contiv Tristan, et cela
amène M. Fœrster à examine]' les formes littéraires de cette dernière
légende. Et tout d'abord Chrétien a-t-il écrit lui-même un Tristan? La
question ne taisait pas de doute jusqu'à la publication de l'article
de G. Paris sur Cligès, qui, s'autorisant de ce que. dans le v. 5 de
Cligès, Chrétien dit avoir écrit Del mi Marc et d'Iseut la blonde
et non Dp Tristan et d'Iseut la blonde, a proposé de n'y voir qu'une
allusion à un petit poème épisodique où aurait été traité quelque
incident de la légende dans lequel Marc aurait eu une part prépon-
dérante. M. F. combat cette opinion en réfutant un à un tous les
arguments de G. Paris et • eux que ~S\. Golther y a ajoutés.
L'objection principale de M. Golther contre un Tristan de Chrétien,
la difficulté d'attribuer au poète, qui devaiu alors être nécessairement
assez jeune encore, l'invention du chef-d'œuvre que devait être le
Tri<hin primitif, disparaît si l'on admet que ce Tristan primitif
était antérieur à Chrétien, ce que M. Fœrster essaie d'établir dans
le chapitre suivant. A pi es quelques pages consacrées encore a la
discussion de la chronologie relative des poèmes de Chrétien et de
Thomas sur Tristan. M. F. revient à t 'fiais en étudiant la diffusion
et le succès de ce roman au moyen âge.
Cette belle introduit ion littéraire est suivie d'une introduit ion
philologique non moins précieuse, ha tradition manuscrite de Cligès,
la langue de Chrétien, l'unification orthographique du texte y sont
traitées avec la, maîtrise habituelle de M. Fœrster. En ce qui con
comi'i es i;i \im s. 533
cerne les rapports <l« ^ manuscrits entre eux, M. F., en comparant de
nouveau les deux Eamillesa -. si affermi dans la conviction que
hétypes «le tes deux familles ne pouvaient pas repn
deux copies plus ou moins fidèles d un original unique, mais d<
dériver de deux rédactions ou éditions différentes de l'ouvrage.
.M. F. est tenté d'attribuer ces deux éditions à Chrétien lui-même,
qui, après avoir publié une première fois son ouvrage, en aurait
ensuite donné une seconde édition revue el corrigée. Cette hypo-
séduisante, mais elle se heurte à une petite difficulté:
entre le v. 3475 et le v. 3480 se place une corruption commune aux
deux versions v et a corruption trop grave pour qu'elle ait pu
échapper à Chrétien revoyant et corrigeant un exemplaire de son
ouvrage. Il est vrai que cette objection s'évanouit, si l'on admet
que l.i tradition manuscrite de l'une (lr.< deux éditions a été conta-
minée par la tradition de l'autie. Ce qui .-'est produit, au témoignage
du tableau de filiation, au degré B. a pu parfaitement se produire
aussi an degré antérieur à la division des deux familles en groupes
S, AMP, B et CTR.
Les incertitudes de la tradition son! la cause "pie le texte de
Cligès n'a jamais pu être établi d'une façon définitive et que les
éditions successives de M. F. y apportent des changements conti-
nuels. On sait que M. F., qui passe, avec juste raison, pont- lé
maître de la critique des textes, n'a nullement la superstition du
tableau de filiation et de la reconstruction mécanique du texte
critique, c'est même dans ses éditions des œuvres de Chrétien que
nous axons appris tous à nous méfier des conclusions qu'uni
ception trop étroite de la valeur du tableau de filiation suggère aux
éditeurs. La nouvelle édition de Cligès ne difïèie pas à cet -
de ses aînées. Au contraire, il me semble que l'idée qui a ton joui. s
guidé M. F. dans sa besogne d'éditeur y apparaît avec pins de
force et de relief encore qu'ailleurs. Rien n'est plus typique sous ce
rapport que le mot dont M. F. se sert pour désigner l'opération
délicate de l'établissement du texte : il l'appelle non Textherstellung,
mais Textmacherei (p. LXXIII), en marquant par ce mot a nuance
péjorative la vanité' de tout effort vers la certitude en cette matière.
La plupart des « notes » sont consacrées a illustrer cette pensée:
celles qui concluent par un imu liquet dépouillé' de tout artifice ne
sont pas les moins précieuses (1).
(1) Dans un article publie dans la /. /. frz. S/u. n. Lit.,
XXXVI-, p. 114 sqq., qui constitue une manière d'Addendum à
Cligès, M. Fœrster revient encore sur cette idée.
53 i I OMPl ES RI ND1 S.
Parmi ce qu'on pourrait appeler des modifications de principe
apportées au texte de Cligès, je ne vois guère à signaler que l'intro-
duction plus rigoureuse de la forme iere 3. sg. impf. au lieu -1
des éditions précédentes (voy. note sur v. 72). des Formes Eingli
terre, çainglent, leingue au lieu des lui mes non iotacisées [langue
815 doil être corrigé conformément à la p. LXXVII), fanto
iiDiii. sg. au lieu de fantosme el une part plus large faite à nëi*
aux dépens de nés des éditions antérieures. Il me semble aussi que
M. F. s'est efforcé cette fois de tenir compte encore davantage des
protestations qu'avait soulevées le maintien fréquent des hiatus
dans les premières éditions, et l'on peut se demander à ce propos
si cette concession faite à l'horreur qu'éprouvent certaines personnes
à voir s'entrechoquer la terminaison vocalique d'un mot avec la
voyelle initiale du mot voisin ne va pas un peu loin. Somme toute
M. F. ne maintient aujourd'hui que (/i/rui(/in: il, 4613. 6319. 6668. et
il ('prouve des scrupules ou des hésitations pour des hiatus aussi
Lnoffensifs que prendre et 3637. juerr'è et 4060. Tl n'y a pas jusqu'à
que U 6476 qu'il ne croie devoir justifier expressément par la
remarque: « hiatus assuré! »
TTne innovation, qu'on trouve déjà dans Erec* . est le choix de
variantes dont M. F. accompagne le texte de cette petite édition
Sortie de l'enseignement de M. F. à Bonn et destinée aux besoins
de renseignement, cette innovation est des plus heureuses et ne
contribuera pas peu à faire des «petites éditions» de Chrétien les plus
parfaits des livres d'exercices scolaires qu'on puisse souhaiter. Le
choix donne satisfaction à tout le monde: la phonétique, la morpho-
logie, la syntaxe, la stylistique et la versification y sont prises en
égale considération. Une explication de Chrétien peut se joindre à.
n'importe quel de ces enseignements.
Le plus grand soin a été apporté à la confection du glossaire
auquel a collaboré M. H. Breuer. Comme celui d' I rains etd'Erec *
il est complet cette fois-ci (1).
Je termine cette notice par quelques observations le détail.
P. LXXIX. Au sujet du traitement de l'article défini masc. sg.
nom. devant un mot commençant par une voyelle, il convient d'ob
. r que Chrétien emploie, dans Cligès, la forme Varfperere de
préférence à U anperere.. L'anpererc: 51. 93. 122. 170. 368: 2390.
(1) M. Fœrster annonce la publication prochaine, toujours ave<
le dévoué concours de .M. Breuer, d'un glossaire c plel de toutes
les œuvres de Chrétien, y compris le G'raal, accompagné 'l'une
< ude sur la vie, les ouvres et la langue du poète.
comi'i es ri mm s. 535
447. 4o7. 526. 632. 657. 661. 677. 681. 686, 700, 713. 976; 3043. 138.
239. 314. 329. 333. 388. 391. 470. 571. 952, 979: 4002. 020. 026, 096;
5121. 674. 701. 741. 759. 765. 787. 907; 6097. 587. 631. 776. — TA
anperere: 240. 405; 2670: 4207. 212. 216, 281. 338. 619; 5124, 676:
6081.
V. 17. D'après la note but v. 5. la construction syntaxique
vers ferait difficulté. Il me semble pourtant que fist d'Erec et
d'Enide, del roi Marc et d'Iseut la blonde à côté de Et le Mors de
l'Espaule fist Et de In Hupe- et de V Aronde et </< I Rossignol In
Alliance est parfaitement justifié. Quand on dit feirè le Mors, ou
indique que l'aventure du Mors, prise dans sa totalité, forme le
sujet (lu récit, tandis que par feire d'Erec et d'Enide ou exprime
l'idée qui ai pas les personnages d'Erei e1 d'Enide considé
rés dans la totalité de leur existence, mais seulement certaines
aventures de leur vie qu'on raconte.
626 sqq. -le crois qu'en ponctuant : « /'<</■ fol ». fet il « m< puis
finir. — l'ur fol/ Voiremant sui /< fosj Quant et <i>t< ji pans dire
n'os, {(''h tost un tomeroit a pis), An /"lie ni mon panser mis.
/>"n iip me rient V miauz panser Que fui me feïsse apeler? ou
supprimerait toutes les difficultés de ce passage. Alexandre dit : « .Me
tenir pour fou? Mais je le suis bien. Eu effet, quand je fais de
< e que i sprimei tout haul (et cela, je ne puis le faire
parce qu'il pourrait facilement m'en cuire) le sujet de mes réflexions,
il est bien évidenrt que ma pensée es! tournée vers des choses folles.
Mais alors, puisqu'il est que le sujet de nés préoccupations
est déraisonnable, ne vaut-il pas mieux que je m'y abanbonne en
pensée plutôt .pie de me faire traiter publiquement de fou en disant
lue;, ce qui me tient au cœur? » V. 634-636. la décision
prise dans le v. 633 conformément au raisonnement qui vient d'être
rapporté ici. lui inspire des doutes. V. 637 sqq.. l'objection est
précisée, et . .ite discussion se poursuit ensuite en oscillant toujours
entre les deux solutions.
860. Vilainement, lisez vilainnemant.
1121. La note sur i <■ vers serait mieux placée un peu plus haut
v. 995. où le mot desirriei ><■ rencontre pour la première fois.
1347 sq. Je ne connais que deux exemples ^\r la construction assez
île dans Chrétien: De buens mires assez i ot, Clig. 5871. Ceh i ot.
ht por son repeiri I ?ez de bêles chat e, R. Charr. 983.
déterminés peut être par la présence <i'j l'adjectif attributif. Il serait
donc préférable de ne pas faire suivre ici l'adverbe de la préposition
■I'. mais d'employer la construction: assez (adverbe au verbe) +
l'expression partitive des decohz, des plaiiez, des nfolez, qui se
rencontre naturellement de tout temps: Eollanz i lm et Oliver II
536 COMPTES REND1 S.
bcr. Neimea li dux < des cdtres osez, Roi. Oxf. 672. Quasez i a de
la cent paienùr, ib. 2427 (au v. 2694 il faut lire aussi dt la au lien
de il' celé [ + 1]). Asez i moerent et des uns et des autres, ib.
3477 (1).
1703. note. Ainz dans ce vers esl adverbe au verbe h va: « se leva
plus tôt que de coutume » : la construction ainz qui + impf. eubj.
aurait le sens: « se leva avant qu'elle eût pris l'habitude de se
lever, c'est-à dire se Leva, par exemple, pour la première fois depuis
qu'elle existe ». Le renvoi à flfr est taux (faute d'impression, le
vers 1312 ne contenant pas à' ainz). Dans Rigomer 10771. la correc-
tion admise dans le texte est excellente. Au v. 10773 vint est
embarrassant. J'hésite à le corriger en vigne, parce que Tobler
V. 15.. 1. 28 signale, dans un texte provenant de la même région
que Rigomer. un exemple certain de L'indicatif précédé à' ainz qui :
Prenez en droit, ainz qe riens lot mesfai RCambr. 939.
2045-8. Répétition textuelle de 1775 sqq.
2843 sqq. Voy. G. Paris. Jour. Sai\, 1902. p. 440 (note), qui
observe avec raison qu'ici nous sommes en présence d'un chant
exécuté, a l'unisson, en chœur par plusieurs personnes et non en
présence d'un vrai chant polyphonique (motet) comme dans le
passage bien connu d'Inzin.
2897. Tous les manuscrits, saut Li. portant qui son cm r a repost,
je propose de lire Celui, eut son cuer a repost, Ne n'a taJant qu ele
l'an ost. Celui à qui elle a réservé (gardé en secret) son cœur et à
qui elle ne le veut pas enlever: a» = Cligès. V = cuer.
2935. Ses, lisez Sel
3637. Le texte primitif (prendre et mener quite) semble avoir
subi, par anticipation, l'influence de la note sur ce vers. La uaria
lectio est devenue, par suite de cet accident, peu claire.
3709, note. Lisez l'ire au lieu de H ire, ce mot étant du féminin
chez Chrétien.
3966. Cette note n'est pas à sa place. C'est sans doute au v. 4139
qu'elle se rapporte. Je crois du reste que la contradiction signalée
par M. F. n'est qu'apparente. Car abstraction faite de ce que rien
ne nous empêche d'admettre que ce soit le Saxon qui parle le grec
et non Cligès qui entend le saxon, il convient l'observer que le
truchement du v. 3959 sqq. était nécessaire pour faire connaître !e
message du Saxon non seulement à deux empereurs, dont l'un. Alis.
pouvait ignorer l'idiome germanique, mais aussi aux deux armées.
(1) C'est M. Roques qui a attiré, il y a deux ans. mon attention
sur le caractère tardif des constructions assez de et /nu/1 de.
compi es i;i ndi s. r>;>7
dont l'une, celle d 'A lis. n'entendait sûrement que le grec. L'inter-
vention de l'ost, ou du moins des hauts barons qui s'j trouvaient,
dans toutes les décisions concernant la guerre étant usuelle, il y
avait intérêt à Faire la proposition (verbale) devant les armées
assemblées (3965).
5231. note, ligne 6. Lisez 5228 sq., ce qui donne encore plus de
force à l'explication de M. F.
5679. Lisez li au lieu <le ï'i. Soi tnetrt an grant péril sans d'autre
complément est une locution des plus usuelles; je ne crois pas
d'autre part qu'on rencontre cette locution accompagnée d'une
détermination supplémentaire de la direction dans laquelle s'effectue
la « mise en péril ». chez Chrétien du moins.
5806-7. Je lirais Or s< dëust Des correcier Et giter fors de ta
baittie, en entendant : Dieu aurait dû se courroucer et se mettre
hors de ton pouvoir [de nuire]. Le prénom réfléchi se, qui est le
complément au verbe dëust, lequel commande les deux verbes corre
cier et giter, indique que les deux actions exprimées par les infinitifs
ont le sens réfléchi. Dieu est représente comme subissant, par l'effet
de sa patience inépuisable (5803 1. la puissance de La mort (5804) qui
l'atteint dans ses œuvres (5805). On exprime le souhait qu'il se
départisse de cette attitude qu'on croit être dictée par son indul-
gence exagérée envers un pouvoir considéré comme malfaisant a
son égard.
6213. note adde Clig., 5995.
6328. Le nouveau texte est préférable à celui de l'édition précé
dente, puisqu'on ne trouve pas chez Chrétien d'exemple assuré de
fiin -+- inf. = uerb. fini/mu.
6378. note. Jehan, qui croit son souterrain, pourvu de tout
« confort moderne » (5629 sqq.), bien aesié, 5632. et très delitabh,
5635. ignorait sans doute que Fenice finirait par s'y ennuyer. ( liges
probablement aussi. Le désir qu'exprime Fenice semble en outre
être une envie subite, inspirée par le chant du rossignol. Jusque Là
elle devait se plaire dans le souterrain. La nostalgie (\\\ grand air
ne s'empare d'elle qu'au bout de quinze mois. Je ne trouve rien de
singulier dans la conduite de Jehan. Par contre, je suis surpris que
Cligès et Fenice. lorsqu'ils sont découverts, s'empressent de fuir au
lieu de rentrer dans le souterrain où personne ne les aurait trouvés
(5576 sqq.). Il est vrai que cette fuite, qui s'accomplit avec le
secours de la magie, ne présente aucun danger (6660). Elle doit
pourtant exposer les amants à des fatigues, inséparables de tout
voyage, même accompli avec- le concours d'une magicienne.
Glossaire. Amis 4225 semble avoir le sens d'amis charneus, pa-
rents. .4 liront re prépos. et ancontre subst. devraient former deux
538 i OMPl ES i;i:mm s.
articles suivahl l'usage adopté dans les glossaires de M. F. Antra
Imtii. ajoutez l'indication r. réfléchi de même antravenir. .1
ajoutez le seul cas. dans Cligès, où ce mot est adverbe. 1024.
C'Judonge (498) est plutôt la plainte «au eujet «l'un tort que le tort
donnant lieu à une plainte. C'ontrenwnder, li^ez [contremander], I)< .
à la lin «If cet article lisez: bei m- u. inf. mil vorangehendem Arti-
l.il, etc. l'u'i. les trois exemples sont identiques. La traduction
indiquée en second lieu suffit pour tout l'article. Garcenier, la
traduction affaiblit un peu (peut-être a dessein) le sens de ce mot.
Muni 2. main ù main, 3653. me paraît avoir la signification usuelle
main contre main, la main dans la main: la trêve est prise au moyen
de la paumée, elle a dû être aflee de lu main. Plevir, biffez la pre-
mière traduction ou remplacez-la par: [fuet tint Schuld] einstehen,
hafttn. Recovrier, lisez 1933 au lieu de 933. Respondre, ajouter un
article: 2. respondre, 2515. re -t- exponere. Sore, lisez: s. sot 2
(au lieu île 1).
Jean AcHER.
L. Pfandl. — Hippolyte Lucas, sein Leben und seine dramatifichen
Werke. Munchen, A. Buchhotz, 1903. Un vol. in-8 de 289 p.
Hippolyte Lucas a joué un rôle assez notable dans deux épisodes
au moins de l'histoire dramatique en France au XIXe siècle: par
ses nombreuses adaptations de pièces de Lope, de Calderon, d'Alar-
con, de Rojas Zorilla, il contribua autant que personne chez nous,
vers la fin de l'époque romantique, à populariser la littérature
espagnole: un peu plus tard, par ses tragédies d'Alceste et de
Médée, par sa comédie des Nuées, il participa un des premiers au
mouvement qui. après l'échec des Burgraves, ramena le goût français
vers le classicisme et l'hellénisme; ceux qui écrivent aujourd'hui
des drames antiques pour le théâtre d'Orange ont en Lucas un
précurseur très honorable, bien qu'oublié. Le reste de son œuvre
dramatique compte moins.
Il était donc désirable que l'on eût une bonne monographie de
Lucas. Ce qu'on peut reprocher à celle que nous donne M. Ludvig
Pfandl, c'eal de ne pas suffisamment raconter et expliquer les
divers mouvements littéraires auxquels le poète fut mêlé, c'est d'étu-
dier trop exclusivement en elle-même et pour elle-même une œuvre
dramatique qui est intéressante surtout par ce qu'elle nous apprend
sur certains courants. Tel qu'il est fait, le livre de M. Pfandl rendra
cependant de grands services. Chaque pièce de Lucas est analysée
en détail, comparée à ses sources avec précision, caractérisée avec
justesse; pour chaque pièce, il est donné un résumé des critiques
I (iMi-i i - l;l.M)i
539
don! rllc fut l'objet; el c'est même là la partie la plus utile de cette
monographie, les pièces de Lucas nous important avant tout aujour-
d'hui par ce qu'elles nous révèlent sur le goûl de la génération qui
les applaudit. Une bibliographie détaillée, très précise et très bien
bée, des œuvres publiées et inédites de Lucas complète heu-
reusement l'otn rage.
Joseph Yiwi.i.
G. Michaut. Pages de critique et d'histoire littéraire (XIX siècle).
Paris, Fontemoing, 1910. Un vol. in-18 de 311 p. Prix: 3 fr. 50.
Dans ce volume sont réunies sept études de <l;itt\s différentes et de
sujets divers: La littérature contemporaine à l'Université; Senan-
cour; l'idée du romantisme en lo25: la doctrine et l'école de l'art
pour l'art: le roman d'amour et le « Livre d'amour » de Sainte-
Beuve; la Confession de Sainte-Beuve; .M. Brunetière et l'Ency-
clopédie. - - Dans toutes ces études l'auteur applique une méthode
aussi exacte que possible, aussi soucieuse que possible des textes il
des laits: il ne tire ses idées générales que des textes .'t des faits; il
n'appuie ses jugements personnels que sur des textes et des faits.
Et c'est la d'abord, comme il nous le dit lui-même dans son « Aver-
tissement ». ce qui fait l'unité de ce recueil. — Ce qui en fait
encore l'unité — et la valeur — c'est que M. Michaut a un remar-
quable talent de systématisation. Qu'il veuille définir une école, la
doctrine d'un critique, une intelligence et une sensibilité, ou qu'il
veuille expliquer la fortune d'une œuvre, il ex elle a dégager le
caractère fondamental, la faculté dominante, l'idée essentielle. Et
tout cela est exposé avec clarté, avec logique et avec vigueur.
Dans la première étude, qui sert aux autres d'introduction, M.
Michaut revendique pour les Universités le droit d'étudier la litté-
rature tout à fait contemporaine. Il montre fortement ce que cette
étude peut avoir d'efficace pour la formation (liez l'étudiant d'un
esprit indépendant et combien elle peut être utile même à l'intelli-
gence de la littérature classique. — La cause que V.. Michaut plai-
dait ainsi il y a cinq ans dette étude est de 1905) est aujourd'hui
gagnée. Dan- presque toutes les Universités françaises il s'est fait
en ces dernières années des cours, des thèses, des mémoires où la
littérature la plus récente a été. ave< grand profit, étudiée selon une
méthode vraiment scientifique, ("est l'honneur de M. Michaut
d'avoir été un des promoteurs de ce mouvement, et par son ensei-
gnement et par ses ouvrages.
Joseph VlANEY.
5 iO ( OMPl I - HINDI S.
E. Dupuy. — Alfred de Vigny, Ses amitiés, Son rôle littéraire.
I. Les Amitiés. Paris, Société français* d'imprimerit et </< librai-
rie, 1910. — Un vol. in 18 de 411 p. Prix: 3 fr. 50.
ivre sur les amitiés <ie Vigny est digne à tous égards des
excellents travaux qui ont classé M. Ernest Dupuy an premier
rang des critiques les mieux informés de l'époque romantique. Dan.-;
les trois premiers chapitres sont étudiées 1rs amitiés du foyer, du
collège (Ravignan, le comte d'Orsay), du régiment (notamment
Taylor, Gaspard de Pons. France d'Houdelot) ; dans les liait der-
niers, les amitiés du Cénacle (les trois Deschamps, H. de Latouche,
Nodier, Ancelot, Brifaut, A. Soumet. Guiraud, Hugo. A. Dumas.
Lamartine, Sainte-Beuve, Gustave Planche. Fontaney, A. de Mus-
set, Th. Gautier). Et de cette série d'études jaillit sur le noble
poète un jour vraiment nouveau: car l'impression principale qu'el-
les nous laissent, c'est qu'il y eut chez Vigny plus de bonté, de
tendresse, d'exquise délicatesse qu'on ne le croyait. Ces études font
en outre pressentir ce que montrera sans doute la série suivante
qui nous est annoncée par M. Dupuy: que le rôle littéraire de
Vigny fut encore plus important qu'on ne le supposait. On savait
bien qu'il eut de très fidèles et de très enthousiastes disciples. Mais
M. Dupuy nous apprend qu'il fut pour beaucoup de jeunes talents
un patron aussi efficace que généreux: c'est lui qui révéla à Planche
sa vocation littéraire et lui ouvrit la carrière: il fut plusieurs fois
pour A. Dumas un censeur éclairé; il fut un de ceux qui facilitèrent
les débuts de Th. Gautier.
En même temps qu'il précise la physionomie morale et littéraire
d'Alfred de Vigny, ce livre jette de la lumière sur bien des hommes,
sur bien des choses de l'époque romantique. (Signalons, en particu-
lier, les pages sur le comte d'Orsay: elles sont pleines de détails
intéressants sur le succès (pie nos romantiques eurent en Angle-
terre.) M. Dupuy a utilisé un grand nombre de documents inédits.
Mais il l'a fait avec discernement. 11 ne cite que ce qui est signi-
ficatif. Ce livre très solide est un livre très bien construit. Ai-je
besoin d'ajouter que l'exposition ne cesse d'être distinguée, vivante.
émue sans affectation?
Joseph Vianet.
TABLE DES MATIÈRES
Tomï 1.1 II
ARTICLES DE FOND
Pages
Ami m: (J.). — Nol I! tmbrai 101
Barbier fils (P. " 26
rgin (B.). ta agédie
1 uives 70
Thauziès il!.. Etudi -ni les sources de J. M. «le Heoredia . . 461
TEXTES ET DOCUMENTS
I î ai. \ di ri l: rd lyêque de Chichester.. 245
Bertoni (G.). — Con zioni al beeto délia Passione 513
— testa di Bonifai io Calvo. 99
Calmette (J.) •! Eurtebisi (E.-G.). — Cbrrespondanci de La
ville de Perpignan 400
Lamberi (L.). — Chansons populaires <lu midi de La France.. 5
Lanofors A.i. - Contributions à ta bibliographie des Plaintes
de la Vierge 58
VARIÉTÉS
I'.i.iit ni (G.). — fntorno a Peire de la Cafavana 397
BIBLIOGRAPHIE
1° Revue des revues 161, 415, 515
2 Comptes rendus
Bkck. — Die Melodien der Tiroubadours (Acher) 208
La Musique des Troubadours (Acher) 426
Belloc. — Déformations des noms de lieux pyrénéens (Gram-
.MONT 183
Bertoni. — Un tiattatello di Medicina in volgare Bolognese
(Castets) 239
La versione francese délie prediche di s. Gregorio
su Ezeohiele (F. C.) 419
Boer. Philomena (Anglade) 227
Bourciez. — Eléments de linguistique romane (Ronjat) 437
36
542 TAULE DES MATIÈRES
Braga. - Recapitulaçâo da I la littaratuira portugueza
Paoli) 230
îagne. — Versification et métrique de Baudelaire (Grammont) 171
Dorchain. - L'.ii i des a re (Gb lmmont) 170
ESCOLO FELIBRENCO DE l A TaRGO (J. R.) 192
Farae. Lee jongleurs en France au Moyen-âge Castets),
(Acheb) 422. 522
Foerster. Kiistian von Troyes, Cligès' Lcher) 526
Ginneken. — Principes «le linunist Lque psicologique (Ronmat) . . 197
1\k. — Carati populari Vedletrani (Castets) 236
Kolsen. — Samtliche Liedei iln Trobadors Giraul dé Bornelh
B] ! TO.M) 516
Lavergne. — Le parler bourbonnais (Ronjat) 204
Levt. — Petit dictionnaire provençal-français (Ronjat) 261 ''"'
Levi-Malvano. - L'Elegia amorosa ne] Setteoemito (Castets).. 420
Mkyf.r. — Documents linguistiques du Midi de la France (Ron-
jat) 186
Mistral. — La Genèei traducho en prouvençau (Rot7Njat) . . . . 450
Monaci. — Il cinquantenario di Mireào (Castets) 241
Philoeogische t-nd Voeksktjndliche Arbeiten K. VollmôLler
dai geboten ( Anci.adk) 223
Praviel. — L'Empire du Soleil (Ronjat) 190
Praviel et Rozès. — Anthologie du Félibrige (Ronjat) .... 191
Rajna. — Per la Storia del Tennis dans le Marzocco (Castets). 416
Rodrigtjez. — El teatro en Espafia (H. M.) 214
Roman. — Lei Mount- Joio (Ronjat) 199
Romilly. — Vers l'effort (Grammont) 180
Ronjat. — Les noms de lieux dans les montagnes françaises
(Grammont) 182
Rounjat. — L'ourtougràfi prouvençalo (M. G.) 181
Samson-Himmelstjerna. — Rhythmik Studien (Grammont).... 163
Schoch. — Silvio Pellioo in Mailand (F. C.) 235
SorzA. — Où nous en sommes (Grammont) 175
Spire. — Versets (Grammont) 177
Stase von Hot.stein. — Le roman d'Athis et Propbilias (Cons-
tats) 220
Vermenotjze. — -Tous la Cluchado (Ronjat) 189
VéziNET. — Molière. Florian et la littérature espagnole (Méri-
mée) 216
3° Ouvrages annoncés sommairement :
ont., 239 — Bliss-Ltjqtjxens, 202, 227 — Cagnac, 434 — Carta-
ni.T- r>F. Santo-Estello, 201 — Claretie, 233 — Constantin et Gave,
196 — Desdevises \n- Dézert, 232 — Duptjt, 540 — Fagtjet, 234.
TABLE
DES MATIÈRES 543
435 — l'iM I Fbati, 432 — Gabier, 233 — (Iei.zer, 243
Gœij, 169 — Hue, 233 - Sutdobro, 215 — Joannidès, 231,
232 — Julien, 4SI Kùchler, 433 — Laubscher, 229 — Menen-
dez-Pidàl, 433 -• Meunier, 186 — Michai î. 639 Monaci, 195
- Monnet, 219 Montées,, 435 — Novelab,] Catala, 202 P] i
rot, 203 — Pfandl, 538 - Re< bnitz, 226 — Reiche, 526 — Rosny,
435, 436 — Schœn, 452 — Soubees, 232, 436 — Staël von Hoi
tkix, 240 — Suchier, 228 — Thùre, 228 — Vaganay, 219 — Vivo
Prouvenço ! 194, 451 — Wajllenskôld, 195.
Correspondance 453
Chronique 244
Talilc des Matières 541
PC
2
t.
Revue des langues romanes
53
PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY
HP
8fiHf|K