HANDBOUND
AT THE
UNIVERSITY OF
TORONTO PRESS
REVUE DES PATOIS
GALLO-ROMANS
MAÇON, PROTAT FRERES, IMPRIMEURS
REVUE DES PATOIS
GALLO-ROMANS
RECUEIL TRIMESTRIEL
PUBLIÉ PAR
J. GILLIÉRON
Maître de conférences à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes
L'Abbé ROUSSELOT
Chargé du cours d'histoire de la langue française à l'Ecole des Carmes
TOME IV
PARIS
H. WELTER, ÉDITEUR
59, RUE BONAPARTE, 59
M.D.CCC.XCI
1^9/
iSÉ^'
270]
SYSTÈME GRAPHIQUE
Voyelles fondamentales.
PURES
Indét. p"" la quantité. Brèves.
Longaes.
Indét. p'"le timbre, a, e, i, o, u, u, œ,é. à. c, /, 0, a, a, œ, }. â, ?, i. ô, «, «, œ.
Oavertes. à, è, i, à, à, ù, œ. ^, â, ï, ^, lî, «, à. à^ è, t, 0, ù, «, œ.
Fermées. d, é, i, ô, liy n, œ. à, e, i, ô, ù, il, œ. ây e, t, 0, ft, «, œ.
Brèyes.
NASALES
Longues.
Indét. p*" le timbre, à, è, 7, 0, ù, il, œ, t. à, e, 0.
Ouvertes.
Fermées.
Pures.
Nasales.
a, e, 0,
à, e, 0,
œ.
œ.
Demi-nasales.
â,ë,i,ô, n,i~i,iv.
a, è, 0, à',
a, e, 0,
œ.
Voyelles intermédia' res.
ao a I 0 ar I
, a, a, e, u, u, n
i à "5
fl, a, a.
â,L
Voyelles toniques. — Toutes ces voycU-s existent avec le signe de
l'accent (,) \ a, e, i, 0, //, 11, œ, è, a, ë, etc.
£ (ch fr.),
c (ch dur ail.),
£ (ch doux ail.),
d,
4 {d anglais),
Consonnes fondamentales.
h (aspiration française, / (/ mouillée),
c'est-à-dire sonore du / (/ interdentale),
y, m (m interdentale).
SYSTEME GRAPHIQUE.
i? (;/ mouillée),
ij (jj interdentale),
« (« gutturale),
r (r linguale),
r (r voisine du £),
f (r gutturale),
j- (r interdentale),
s (s dure),
s (jh dur anglais),
t,
t (t anglais),
w (w anglais),
ib (u consonne).
f (r fortement roulée), / (/ interdental), 5; (//; doux anglais).
Consonnes intermédiaires.
^, ^, c, d', i, i, /, ;, Ji, j), /, r, I, i>, {', y, y, ^, |.
Lettres d'un type plus petit et destinées à représenter les sons à l'état
naissant ou en voie de disparaître — a, c, /, 0, », «, œ, <•■; à, è, à, à; à, «, 0,
œ } 5, ?, 5, (fy {, '^i S') '■'> ^'j '"j "> ^) '> ^'^'j ■''■'> ^»
Signes de résonnance. — Résonnance pharyngienne : ^^ résonnance
nasale : ~, ~.
PATOIS DE SAINTE-JAMME
( SOKE-ET-OISE )
INTRODUCTION
1. Les villages de la vallée du ru de Gally, petit affluent de la Maudre
ont conservé jusqu'à ce jour un parler assez différent du parisien et du
français d'école. Les différences, à vrai dire, ne sont pas assez marquées
pour le rendre difficile à comprendre ; c'est probablement à cause de cela
que ce parler a pu se conserver si longtems, tandis que bien des patois
plus différents ont complètement disparu. Néanmoins, il a une physio-
nomie originale qui mérite bien d'être étudiée.
Ce parler m'est familier dès mon enfance. Je ne l'ai jamais parlé
moi-même, et j'ai été habitué à considérer le langage des paysans de
Siiinte-Jamme qui venaient travailler chez mon père comme simplement
du « français incorrect » ; je ne le distinguais pas du reste de celui des
paysans d'Aigremont et de Chambourcy. Néanmoins, j'ai remarqué de
très bonne heure quelques formes particulières; et, à mesure que j'ai
poursuivi mes études linguistiques, je les ai observées avec plus d'intérêt
chaque fois que je revenais au pays.
Cet été, pendant un séjour de trois mois, j'ai entrepris une étude métho-
dique du patois. Je n'ai pas pu la mener à terme : elle présentait de grandes
difficultés, car nos paysans ne se rendant pas compte qu'ils parlent patois,
on ne peut pas les interroger ni même prendre des notes devant eus; en
outre, les altérations provenant de l'influence du parler parisien sont
nombreuses et difficiles à démêler. Je crois pourtant utile de consigner ici
mes observations , telles qu'elles sont.
2. J'ignore quelles sont les limites du patois. Au nord , il semble Hmité
par la foret de Marly, la plaine de la Gatine et les bois de Morainvilliers;
du moins le parler d'Aigremont, de Montaigu, de Chambourcy, villages
situés au nord , est bien moins patoisant ; mais je ne sais pas s'il en est de
8 PAUL PASSY.
même des villages situés plus à l'ouest. A l'est, Saint-Nom parait se rap-
procher du parler parisien. Au sud et à l'ouest, il m'a semblé que les
différences allaient en s'accentuant; jusqu'où? Je l'ignore.
3. Mes observations ont porté sur les villages suivants :
1° Sainte-Jamme, hameau de 300 habitants, sur la lisière de la foret de
Marly. Population de petits cultivateurs, de journaliers, de braconniers,
très peu cultivée. Aux indigènes sont mêlés un certain nombre d'étrangers,
surtout bretons ^ Beaucoup de jeunes gens quittent le village pour tou-
jours ou pour quelque tems, et il y a des relations continuelles avec
Saint-Germain; de là de nombreuses altérations dans le parler. — Les
écoles, situées à Feucherolles , ont dû aussi avoir une influence, pas très
considérable , à cause des nombreus changements du personnel enseignant.
— Des « réunions populaires évangéliques », commencées dans ce village
il y a dis ans, et qui viennent d'aboutir à l'installation d'un culte protes-
tant, ont aussi influencé le parler (au moins chez les enfants), non pas
au point de vue de la phonétique, mais à celui du vocabulaire et de la
phraséologie, tout le monde sachant par cœur les « cantiques populaires »
et divers textes bibliques.
2° Feucherolles, chef-lieu de la commune dont dépent Sainte-Jamme,
400 habitants. La population est plus cultivée qu'à Sainte-Jamme ; il y a
plusieurs boutiques, surtout de marchands de vin. Malgré la présence de
deus écoles, le fréquent passage d'étrangers, etc., le parler ne parait pas
différer sensiblement de celui de Sainte-Jamme.
3° Crêpières, gros village de 800 habitants, à l'ouest des précédents.
C'est un véritable petit centre, avec bureau de poste et télégraphe, notaire,
et plusieurs boutiques , même un tailleur. Quoique en communication
régulière avec Maule et Plaisir-Grignon, la population de Crêpières est
plus indépendante de ses voisins que celle de Feucherolles, et le parler
local parait mieus conservé.
4° Chavenay, Davron, Beynes, Montainville, Maule.
4. La plus grande partie de mes observations a été faite à Sainte-Jamme,
surtout sur la partie de la population qui a passé au protestantisme. Voici,
dailleurs , l'indication de mes principales autorités , désignées par des
initiales qui serviront dans la suite.
D., homme de 67 ans, natif de Medan, mais demeurant à Saihte-Jamme
^ Le parler de quelques-uns de ces Bretons, venus ordinairement de la
partie française des Côtes-du-Nord , ressemble étonnamment a celui des
indigènes.
PATOIS DE SAINTE-JAMME.
depuis l'âge de trois ans. Aime à lire et ;\ causer, adopte facilement des
mots nouveaus, grâce à une excellente mémoire.
C. D., sa femme, née à Crùpières, éublie à Sainte-Jamme depuis son
mariage.
A. D., leur fils, âgé de 19 ans, n'a jamais ^uiiic .Sainu-Jamiuc ; irès
peu instruit.
B., né à Sainte-Jamme, a demeuré quelque tems à Puteaux pour revenir
ensuite.
C. B., son firère, aubergiste à Sainte-Jamme.
O. B., femme de B., âgée de 48 ans.
A. B., leur fille, âgée de 9 ans.
Bo., femme d'une cinquantaine d'années, de Sainte-Jamme.
D. M., sa fille mariée, 20 ans, n'a jamais quitté Sainte-Jamme.
X. Bo., fille de Bo., 11 ans.
F., cultivateur, 55 à 60 ans, habite Sainte-Jamme.
M. F., sa femme, née à Feucherolles, établie à Sainte-Jamme depuis
longtems.
J. O., leur fille mariée, 27 ans, n'a jamais quitté Sainte-Jamme.
A. F., leur deuzième fille, 22 ans, a été deus ans à Poissy.
L. F., leur troizième fille, 15 ans; la personne la plus instruite de Sainte-
Jamme, dirige maintenant une école enfantine.
A. O., maçon, 28 ans, mari de J. O., né à Sainte-Jamme.
L. O., maçon, frère du précédent.
F. O., femme du précédent.
M., journalier, de Sainte-Jamme, très peu cultivé, ne sait ni lire ni
écrire.
F. M., E. M., A. M. (14 ans), fils du précédent, nés et élevés â Sainte-
Jamme , bons ouvriers , très peu instruits.
G., vieillard de 65 à 70 ans, de Sainte-Jamme.
10 PAUL PASSY,
PHONÉTIQUE
Variations d'ensemble.
INTONATION
5. Uintonation ne parait pas différer beaucoup de l'intonation parisienne,
si ce n'est par une tendance à baisser le ton vers le milieu d'une phrase
et à remonter ensuite. Cette particularité s'observe surtout dans les
réponses , qui font ainsi souvent l'effet de phrases inachevées :
àlfqs ë tt â là fnë:(p ?
y il è à fànç.
ACCENT DE FORCE
6. \J accent de force tombe régulièrement sur la dernière syllabe des mots
accentués, ;\ moins que celle-ci ne contienne la voyelle è. Il est assez
marqué et se déplace plus rarement qu'en français, mais i\ peu près de la
même manière. — Les syllabes protoniques longues reçoivent ordinaire-
ment un accent secondaire très marqué , souvent aussi fort que l'accent
final, parfois même davantage; il y a alors deus syllabes fortes et sensi-
blement égales : se pâ ëkri à beû:^^ « ce n'est pas écrit en bêtise »; t di k ml
k^)€trey me àvè h^y}? « il dit que vous quêterez, mais avec quoi? »
TERMINAISON DES GROUPES
7. Lorsqu'un groupe de souffle, c'est-à-dire un membre de phrase séparé
de ce qui suit par un arrêt ou un faus arrêt, se termine par une voyelle
accentuée, celle-ci peut finir de deus manières, que nous appellerons la
terminaison brusque et la terminaison traînée.
8. Dans la terminaison brusque, la voyelle est plus ouverte que de
coutume, les muscles étant, je crois, plus ou moins relâchés; elle est très
brève, et la voix s'arrête brusquement; souvent le soufile continue avec
assez de force pour qu'on entende un /;' distinct. Ex. : in knprè pâ sa, ptk
i kilp tu « ils (les gamins) ne couperaient pas ça (du fer) , puisqu'ils
coupent tout ». — là pHrbl dèfjyœJ} « la parole de Dieu ».
9. Dans la terminaison traînée, la voyelle est prononcée avec les muscles
tendus, et diphtonguée d'une manière toute particulière. Il y a à la fois
relâchement des organes et fermeture lente de la bouche ; on peut dire en
gros que les organes tendent à prendre la position de ; (§ 14), sans jamais
PATOIS DE SAINTIi-JAMMK. I I
l'atteindre, pendant que la vois résonne encor. Les voyelles bbialisces
conservent leur arrondissement, qui toutefois diminue pendant la durée
de la diphtongue; les voyelles nasalisées gardent leur nasalité. — Dans
l'impossibilité de représenter exactement ces diphtongues, nous les mar-
querons en ajoutant ;\ la voyelle les signes /, û, t; mais il faut se rappeler
que la diphtongue n'atteint jamais cette position. Ex. : âprt-ï « après » ,
Mû « deus » , ryeJ « rien » .
La diphtongaison est bien plus marquée pour les voyelles d'ouverture
moyenne ; mais on l'observe parfois dans les voyelles fermées : an sur pà
dis\ hvà h â suâj làn « elle ne sort pas d'ici avant qu'elle (b lettre) soit
lue ». Je ne l'ai pas observée à la fin d'un mot pour les voyelles ouvertes
â, h, qui sont seulement allongées.
Si on traîne beaucoup, la diphtongue peut être suivie d'une résonnance
vocalique indéterminée, sorte d'< incomplet : if/ Ô kômàse h miduè « ils ont
commencé à midi ». En jouant à « La Tour, prends garde », une bande
d'enfants, L. F. en tête, chantaient : sivt} sàvyeyè, shni sàvy^'ê, st^ki di:{f
</<^Lv/ « Si Vous saviez, si vous saviez, ce qu'ils disent de vous ».
10. Je n'ai pu recueillir aucune donnée sur les causes qui font préférer
la terminaison brusque ou la terminaison tramée. J'ai entendu dire dœh'
et dœû, fane etfàneî, dans des cas qui me paraissent identiques.
QUANTITÉ
11. La quantité est très nettement marquée. En dehors de l'allongement
des voyelles finales dans la terminaison traînée, elle est soumise à peu près
aus mêmes règles générales qu'en français^. Les voyelles des syllabes fortes
sont toujours longues devant v, ^, j, y, r finales; ô, âj â, ce, è, ô, à, ê, le
sont aussi devant les autres consonnes finales. Les autres voyelles peuvent
être brèves ou longues, mais sont plus souvent brèves; cependant le patois
fait longues certaines voyelles que je crois brèves en français : knlt
« croûte »; ru€ « ruche »; niil^ « mouche »; dils « douce ».
12. Les syllabes protoniques portant un accent secondaire sont souvent
demi-longues ou même longues : ^É/f;; « bêtise » ; buerç « bûcheron » .
i3. Remarque. — En citant des mots isolés, et même certaines phrases,
je laisse indéterminée la quantité des voyelles finales qui peuvent être
traînées ou terminées brusquement.
^ J'ai cru d'abord que les mots français en -ie, -eue se terminaient en
patois par une voyelle longue. Je crois maintenant que cela n'arrive que
dans la terminaison traînée, comme pour les autres voyelles.
12 PAUL PASSY.
Etude des sons.
VOYELLES
14. Voici la table des voyelles orales, abstraction faite de l'altération
des voyelles finales dans la terminaison brusque :
u u
1 u î
ô
œ é
ô
ê e
à
œ è
â
a a
Les voyelles u, ô, ô, â, à, è, é, î, œ, è, œ, û, sont les mêmes qu'en
français. Par ï j'indique l'intermédiaire entre u et /, par û l'intermédiaire
entre u et u\ ô est à peu près la voyelle de bonne dans la prononciation
parisienne « affectée »; â est presque Va de l'anglais inan.
i5. n, û, i s'emploient comme en français. 0, œ, e correspondent souvent
^ 0 , œ, e : kor « encor », sœr « sœur », frer « frère » , tel « tète », les
« laisse ».
16. â ne se trouve que devant r, où il remplace è et à : târ « tard », mâr
« mer ». — Le â français devant r est régulièrement remplacé par e si le
r était suivi d'un ancien é, par â s'il était final : mer « mère » ou « maire »,
7nâr « mer », fer « faire y),fâr « fer ». (Il y a pourtant des anomalies :
j'ai entendu dire îyer et îyâr « hier », pyâr « pierre ».) De même kor
« encor » s'oppose à kor « corps » .
17. à remplace parfois e devant / et ?n : bàl « belle, « à(J) « elle », ëtàrnàl
« éternel », sèdjàm « Sainte-Jamme » (autrefois Sainte-Gemme 2). Devant
r suivi d'une consonne, il remplace régulièrement è : ftirm « ferme »,
pàrdîi « perdu ».
18. â remplace à devant r quand celui-ci est suivi d'un ancien ê : ràr
« rare », bar « barre »; de même aussi kârô « carreau », mâro « marron ».
Ainsi l'on a la série : mer « mère », mâr « mer », mar « mare ». — C'est
encore â qui apparaît dans les terminaisons du futur : i vyèrâ « il viendra »,
et dans le subjonctif du verbe « aller » : fo g j ï ày « il faut que j'y aille ».
^ High-mixt et high-mixt-round de Sweet, voyelles du russe syn et du
norvégien hus. \\ ^ Cette orthographe se trouve dans une inscription de
1807, écrite sous une statue de la patronne du village. Plusieurs cartes
l'ont reproduite; d'autres écrivent Saint-James, Sainte-James, Sainte-
Gemmes, etc.
PATOIS DE SATOTE-JAMME. Ij
19. Les voyelles 5, <•, t ne se rencontrent qu'en syllabe faible et brèves :
hôvià « comment », m<V<i « méchant », hrhj^ « crever ». ô passe parfois
\ è quand la syllabe suivante contient une voyelle palatale : ;>// « joli »,
prfthta « protestant ». Ces trois voyelles peuvent disparaître quand elles
ne sont pas utiles pour soutenir les consonnes : fô kmâsé « il faut com-
mencer », âvii vit « avez-vous vu », M /;( Ôt « tous les autres ». — i surtout
tombe avec la plus grande facilité et s'ajoute de même : H p^r « le père »,
hi hsùrs « une source », hcàjt « changer ».
20. û ne se trouve, à ma connaissance, que dans le mot//lî^ « jusque »,
encor ne suis-je sûr de l'avoir observé que chez D. C'est vers û que
tendent les voyelles labialisées dans la terminaison tramée (§ 9).
21. t ne se rencontre nulle part que je sache, mais la fin des voyelles
palatales s'en rapproche plus ou moins dans la terminaison traînée.
22. Les vovelles nasalisées fl, 3, e ne donnent lieu à aucune remarque
particulière, œ manque absolument, à ce que je crois, un ayant abouti
kl :l €vâl bre « un cheval brun » . — Devant une consonne nasale , une
voyelle est parfois nasalisée comme envieux français : ïlethiè « il est l'aîné ».
CONSONNES
23. Voici le tableau des consonnes :
kg k^ g^ K § t d p b
^ n m
l
r
V y €J s-;^ fv ww
24. ', l'explosive glottale, parait se rencontrer parfois dans les interjec-
tions; en tout cas dans les cris des charretiers : dyà' « à gauche », yb\ etc.
25. h, g passent à k^ g^ devant les voyelles palatales, et sont alors suivis
d'un y transitoire : k^yi « quoi », pV « g^i »• — Devant u et w, le y dis-
paraît, k^, g^ sont labialisés et ressemblent beaucoup, pour l'oreille, à / J,
quoique la formation soit très différente : k^uré « curé », kHl^:(in « cui-
sine », môteg^u « Montaigu ».
26. k § remplacent régulièrement ty et dy, ainsi que ^ et ^y; ils sont
suivis d'un y transitoire : pîkyé « pitié », §yœ « Dieu », êkyè « inquiet »,
fi^yé « figuier ».
27. p de même correspond tant à p qu'à ny français, et est suivi d'un y
transitoire : âtty^Ô « agneau », p^nyè « panier ».
28. r varie beaucoup d'une personne à l'autre , mais est ordinairement
fortement roulé et très sonore. Il est épenthétique dans dre « dès », îâr-
14 PAUL PASSY.
(iitne « lendemain », ôljœrdt « au lieu de », jenrbl « Feuclierolles »;
prosthétique dans {f)rmark « marque », (f)rsiir6 « source », (f)rcâjé
« changer ».
Le r parisien , qui existe à peu près seul au nord et à l'est de la région
qui nous occupe, a pénétré depuis longtems à Sainte-Jamme et à Feuclie-
rolles, où cependant la grande majorité prononce r. A Sainte-Jamme, j'ai
recueilli les obser\-ations suivantes sur le conflit des deus articulations :
Aucun adulte ne prononce habituellement r, si ce n'est deus ou trois
immigrants venus du nord ou de l'est. (Les Bretons prononcent r ou f
comme les indigènes.) — Quelques femmes qui ont habité dans les villes,
par exemple O. B., mêlent constamment r et f.
Les petits enfants prononcent pour la plupart r. Les garçons de 8 à lo
ans disent déjà r; quant aus filles, presque toutes celles de moins de 15 ans
prononcent r. — D'autre part, je connais des jeunes filles de 16 à 17 ans
qui prononcent aujourd'hui r, et qui prononçaient r il y a quelques années.
— Enfin, j'ai constaté que des fillettes de 13 et 14 ans prononçaient r en
parlant et f en lisant.
Je crois pouvoir conclure comme suit. Sous l'influence des quelques
adultes qui emploient r, et des étrangers avec lesquels ils sont en rapport,
les enfants commencent par prononcer r, dont l'articulation est plus facile.
Les garçons adoptent bientôt r, qui est plus sonore, à cause de leurs courses
dans les champs, de leurs jeus en plein air, de leur imitation des charre-
tiers. Les filles conser\'ent f plus longtems, l'emploient à l'école; plus
tard, quand elles vont travailler aux champs, elles aussi adoptent r; toute-
fois , l'habitude de lire d'une manière convenue fait longtems persister f
dans la lecture.
29. F se trouve rarement, par exemple, dans l'exclamation Fèno « oh !
non ». L'« h aspirée » n'a pas laissé de traces : on dit l âc « la hache »,
/ Gtœr « la hauteur ». — Mais /; apparaît souvent à la fin des mots dans
la terminaison brusque (§ 8).
30. Les autres consonnes s'emploient à peu près comme en français.
Phonétique syntactique.
CONSONNES FINALES
3i. Les consonnes finales sont restées dans les groupes de mots très
étïoitement unis entre eus : e gràt èm « un grand homme » ; // e déz^ œr
« il est deus heures »; f €àt « il chante », // ^ « il est »; à vye « elle vient »,
àl àtà « elle entent »; 5 ete bân e:(é « c'était bien commode »; dÔnô:(}, « don-
nons-lui » , et analogiquement dèn:(î « donne-lui ». trop ne se lie pas, ni
PATOIS DE SAINTE-JAMME.
«, est non plus : H i trô érœ « il est trop heureus », àlè Ô lâp a elle est au
temple ».
32. Les voyelles nasalisées conservent communément leur nasalité dans
la liaison : mon idé « mon idée », }n œr « une heure ». — Il y a quelques
anomalies : a « en » devant une voyelle devient Hn ou nn : khbà g jènn é?
« combien est-ce que j'en ai ? », / nn a dœù <c il en a deus ».
ASSLMILATIONS
33. Les assimilations d'un mot sur l'autre sont fréquentes, mais ne
paraissent pas. différer de celles du parler parisien popubire. On dit par
exemple : stilà g j ê vtï « celui que j'ai vu », s se pâ « je ne sais pas »,
k^y i k^vi di « qu'est-ce qu'il dit. ».
ÉLISIONS ET CONTRACTIONS
34. Cqs phénomènes sont très fréquents. Nous avons vu (§ 19) que les
voyelles è, 0, e tombent continuellement. En général, toute voyelle placée
entre deus consonnes identiques tent à disparaître, et les consonnes se
contractent : à vu vu? « avez-vous vu? », là mHlàdri « la Maladrerie »,
s pure bè « ça se pourrait bien ».
35. / finale des pronoms tombe devant les consonnes, aussi bien dans
àl « elle » que dans // ; à lé nWtr à Itr « elle leur apprent à lire » .
REDOUBLEMENT
36. Il y a deus cas assez curieus de consonnes redoublées.
Le pronom complément /l, entre deux voyelles, devient habituellement
// : jt II é viî « je l'ai vu ». — Je suppose que le point de départ de ce
changement se trouve dans des locutions comme il l â vit « il l'a vu », ou
le / final de il a été conservé pour distinguer cette phrase de la phrase 1/ à
vu « il a vu » ; puis on a rattaché ce / au / suivant, et on en a fait un
mot //.
37. Le pronom à « en », entre deus voyelles, devient nn : l^bâ g jt
nn é? « combien est-ce que j'en ai? », t nn à dâii « il en a deus ». —
Le point de départ de ce redoublement doit se trouver dans un doublet
très commun de à, nà (Je nàfre là dcmarc « j'en ferai la démarche) », en
liaison nàn et par contraction nn.
Changements particuliers.
38. Je ne connais pas assez la phonétique historique du français pour
faire la comparaison du patois et du français au point de vue des sons. Je
me bornerai à signaler quelques points de détail, outre cens qui ont été
indiqués précédemment.
l6 PAUL PASSY.
GROUPES DE CONSONNES
39. Les groupes de consonnes sont souvent allégés. Sans parler des
formes comme hsûné, etc., qui sont des archaïsmes, nous remarquons les
changements suivants :
40. ly se réduit ordinairement à y : yev « lièvre », 6î1yé « soulier ». —
D'après l'analogie de ty, dy, ny, je suppose qu'il y a eu un / intermédiaire.
— Du reste, la réduction n'a pas toujours Heu : on dit e lyâ « un lien »,
ôlyœrdî « au lieu de ».
41. w disparaît dans bri « bruit »,/n « fruit y>,pll « pluie », pi « puis ' »,
pik « puisque ». C'est au contraire / qui tombe dans rivir « (re)luire »,
pi'i « plus ».
42. y tombe dans bè « bien », enclitique bà.
43. r tombe dans twA « trois » (§ 44), et dans lœ « leur », en liaison
/(?:{. — Il y a tout lieu de croire qu'il tombait autrefois dans tous les noms
en -œr^ féminin -«';(; mais dans le parler actuel je ne connais que (f)rmêtœ
« remetteur ».
GROUPES -oi, eau.
44. Au groupe graphique -oi du français répondent, dans le patois, les
formes les plus diverses. Ordinairement on a lué ou zvè : mwé ou mwè
« moi », bîuèt « boîte », 6wèf « soif yi^frwhé ou frwêsé « froisser ». Devant
r final, we ou wâ : bwer ou bwâr « boire »^. On a / dans k^yi « quoi », àstr
« assoir » ; cette dernière forme coexiste avec ckiuer et ciswâr, qui parais-
sent moins employés. Enfin è se trouve dans/r^, fred « froid, froide »,
plèyé « ployer », 6ëyé « scier », seyô « scie à main ». J'ai aussi entendu
dire 1er (ou /Ir.?) « loir », €krè « je crois », kresà « croissant »; mais ici
mes souvenirs manquent de précision : D. dit ^ Iwâr.
45. Le groupe graphique -eau est ordinairement représenté par ô et non
pas par yô comme on aurait pu l'attendre. Cependant on dit toujours e syô
« un seau ». Le mot museau n'est pas habituel dans le patois, on dit
ordinairement ^yâl; mais un jour que je fesais lire un texte phonétique
à L. F., elle s'arrêta au mot nm-^ô-, je le lui dis, elle répéta mûxjo. Enfin
niîuëfiô « petit oiseau », et buyô « bouleau », doivent être pour mwënyô,
hîilyô. Paul Passy.
^ En lisant, pwis. \\ ^ L'alternance wé-wè, we-wâ est-elle due à des diffé-
rences locales ou à l'influence du parler parisien? Je ne sais pas trop. Je
crois que we est plus commun à Crêpières qu'àSte-Jamme; et, d'autre part,
à Ste-Jamme, ce sont les gens les moins cultivés qui emploient surtout we.
LES PATOIS DU LUXEMBOURG CENTRAL
L'étude suivante embrasse le tiers central du Luxembourg belge, sauf
une petite partie à l'est composée de Bastogne et des environs. La région
explorée offre le dessin d'un losange dont les pointes sont Nassogne au
nord, Flamierge à l'est, Recogne au sud et Haut-Fays à l'ouest.
Topriénis a '', * Jlassoqnt
+ +
V
. -kLomprei *cP + + *
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•^ Ochampf»
•* J^ecojne
Légende — —
© Chef lieu dt canton (f lus cfe 2000 Aaàif^nh )
• ^%« ' ^v .>
4.+ + Limite du Luxemiouiy ef t/e Ja foyinee dt Namw^
m Freux:
S^'MarJe
UTVI BK MTOS. — 3.
PAUL MARCHOT.
L'étude n'envisage que les sons présentant une différenciation de traite-
ment avec le patois de Saint-Hubert. Les autres, qui ne sont pas étudiés ici,
offrent, dans toute la région explorée, absolument le même aboutissement quà
Saint-Hubert, et, en ce qui les concerne, on pourra recourir à mon travail
Le patois de Saint-Hubert (^Luxembourg belge) ^
La région comprend trente-six villages, dont deux seulement n'ont pas
été visités, faute de temps. Ce sont Mirwart, qui a surtout des commu-
nications avec Awenne et Tellin , et sans doute un patois peu différent
de ceux de ces localités, très ressemblants entre eux; Daverdisse, qui
est à trois quarts de lieue de Redu et à une lieue de Gembes. C'est aux
patois de ces deux villages que le sien doit ressembler le plus. Les trente-
quatre villages restants constituent la carte ci-jointe, sur laquelle on pourra
prendre connaissance de leur situation respective. Je les ai parcourus tous,
et c'est sur les lieux mêmes, de la bouche d'indigènes, que j'ai recueilli
mes matériaux. Trois, dans les nomenclatures, sont laissés de côté :
Chanly, qui parle le même patois que Resteigne, Gembes, qui parle celui
de Porcheresse, et Tillet, qui parle celui d'Amberloup. Gedinne, à une
lieue et demie à l'est de Haut-Fays, dans la province de Namur, n'est pas
cité dans mon étude. Le patois y est absolument le même qu'à Haut-Fays,
si ce n'est qu'on dit drè, droit; strè, étroit; de, doigt; tè, toit; mais se,
soif; dèr, dur; sèr, sur; mais kûr, cure.
I. are.
éclabousser plantare aller
spïte plate aie
Tous les villages autres que ceux qui donnent e.
éclabousser auscultare scopare
6pîte mte £ève
Au nord-est, Champion d'un côté, et de l'autre, au sud-ouest, Haut-
Fa3'^s, Redu, Porcheresse, Opont, Transinne, Libin, Ochamps, Anloy,
Villance et Maissin ^.
^ Bouillon, Paris. || ^ La région^ est donc très étroite entre Champion
et Libin. Elle va en s'évasant vers le sud et vers le nord.
LES i'A i >.^u-> iJ\j L\^ .\r.S\ii\w^ nyi t^r..> i i\.\l, . IQ
2. y + are.
secare écraser balncarc baisser
sdy{ spètyi bàui bàd
Resteigne, Wellin, Haut-Fays, Porcheresse et Opont'.
e, c.
Pour tout le reste de la région étudiée, il y a identité de traitement
pour are et y + are. Celui-ci donne t où are > I et â où are >• I. On a
respectivement sèyi, spètye, bàifè, bàee et ^r, spbtye^ bà^ey bàfL
Il y a donc confusion de frontières entre are et _y + are^ si ce n'est quà
r ouest y + are >► / dans un petit domaine situé à la fois sur are "^ ï et sur
are > t.
Toute la région, sauf cinq villages, confond donc les traitements àtare
pur et de y + are.
3. alam, avum, avam, al entr., ar entr., as entr.
à.
pâly bêche; £àly échelle; klâ^ clou; kàf, cave; ^ô/", écale*; wi4, mal;
î fâ, il faut; /âr, lard; rttyà, geai 3; rnâ, renard; /jw, miel; dyàp^ gerbe;
àplâs , emplâtre; àch , aise.
Champion, La Vacherie, Flamierge, Amberloup et Moircy. J'ai ren-
contré dans tous ces villages un mot qui résistait à la règle : c'est tjfo,
cheval.
Ô.
Tout le reste de la région : pbl, etc. 4.
4. aticum.
àtj.
Saint-Hubert seulement, sans doute par analogie avec le français : èràtj^
orage ; inyàty^ village ; ôvrâty, ouvrage ; sovàty^ sauvage.
àtj.
Tout le reste de la région : shàty, cirage; vï:i:ât^y visage; àtf, âge, etc.
^ Cette région / a une de ses parties sur la région are > â et l'autre sur
la région are > ^. H * Cf. Scheler, escafignon. \\ î Richard. \\ 4 Voir la confir-
mation de cette limite sous bl JiiiaL
20 PAUL MARCHOT.
5. e bref entr.
ye à l'ouest,
hibernum herbam bestam testam perdit nervum
Wellin ivyer yi'p byes tyh nyer
Resteigne — — — — pye —
Haut-Fays — — — — pyer —
A l'est, il existe une région analogue composée de Champion, La
Vacherie, Amberloup, Flamierge, Moircy, où l'on dit nnyer, nerf; vyer,
ver; ivyer, hiver; yep, herbe; byes, bête; tyes, tête.
ye et ye au nord,
nervum vermem bestam testam herbam
Tellin nyer vyer byes tyes
Grupont — — — —
Forrières — — — —
Masbourg — — — —
Nassogne — — — —
Awenne itnyer — — —
Arville nyer — — — yàp
Saint-Hubert nyâr vyâr — — —
Vesqueville nyer vyer — —
Freux nnyer — — —
Bras — — — — yep
yâ et yà.
Hatrival nnyàr vyâr îvyàr pyàt (perte) byàs tyàs^
ye.
Libin nyer t pyer yep byes tyes
ye au sud-ouest.
Redu nyer ï pyet yep
Transinne — —
Villance wyêr vyer byes iyês
Anlo}^ — — — —
Maissin — — — —
Opont — — — —
Porcheresse — — — —
^ Remarquez le traitement de Saint-Hubert, la locaHté la plcis proche
d'Hatrival, dans les tableaux 5 et 13.
LES PATOIS DU LUXEMBOURG ŒNTRAL.
21
ê au sud.
Ochamps nêr ver îvêr bis tes
Recogne — — — bel ^ tes pêrt (perte)
Sainte-Marie — — — bês — fhtës (fenêtre)
6. ellum
donne è p.irtout. Mais à Sohier, à une petite lieue au sud-ouest de Wcllin,
on rencontre déjà yà. Ce village est en dehors des limites que je me suis
fixées. Je l'ai toutefois noté comme frontière entre ê et yà. A Gedinne
(prov. de Namur), on dit encore ê.
7. ellam^.
ai à l'est.
groseille bretelle jeune fille ruelle prunelle
Forrières gri\àl bùrtàl rii-wàl pfirnàl
Nassogne — — — —
Masbourg — — —
Arville hwlsàl —
Saint-Hubert — — — — —
Vesqueville cjûr^àl —
Hatrival — — p^rnàl
Bras ger^ > bertàl — rkcâl
Sainte-Marie ger:^àl — —
Freux — bèrtàl —
Moircy S^^^'^ biirtàl — liiwàl
Amberloup — — —
La Vacherie gûr:(àl — —
Flamierge ^"^^^ — —
Champion — — basai
' Influencé par le français. |! ^ J'ai omis, par inadvertance, de recueillir
des exemples de ce phonème à Awenne, Grupont, Tellin, Resteigne,
Wellin, Redu. Je donne toutefois les traitements du reste de la région. Ij
5 Le mot est masculin : confusion avec gh:^^ grêlon (cf. franc, grésil).
22 PAUL MARCHOT.
el à l'ouest.
Haut-Fays giir^iel hitrtel hweeel rûwH
Porcheresse — — bwesil riiwel
Transinne^ — — —
Libin — — —
Villance — — —
Maissin ■ — — —
Traitement varié au sud.
Opont gfit^H bûrûl bw'e^el rûwel
Anloy gûr^ul biïrûl bwêsel
Ochamps gêr:(èl — — rîiiuel
Recogne gûrxfil bûrûl — rûiuel
On remarquera que le mot groseille seul varie; les autres mots ont el
uniformément.
8. ia, ica.
0
uy.
Sporadiquement : à Forrières, Tellin, Resteigne, Wellin, Redu et
Anloy, où l'on dit également vuy, via; pluy, plicat; stiy, secat.
oy.
Dans l'est, à Flamierge, Champion, La Vacherie, Amberloup, Moircy,
Bras, Recogne, Hatrival, Saint-Hubert, Transinne, Arville, Awenne,
Masbourg et Nassogne, où l'on dit voy, plôy, 6èy.
Traitement mixte.
La ligne Haut-Fays, Porcheresse, Opont, Maissin, Villance, Libin,
Awenne a miy, ploy, 5oy.
On a vny, plôy, doy dans quatre points séparés, à Ochamps, à Sainte-
Marie, à Vesqueville et à Freux.
g. eta.
Il y a lieu de faire une division à part pour eta qui donne ûy partout :
knïy, creta; mànuy, moneta; nuly, meule (meta).
^ Redu, qui va presque toujours avec Transinne, doit sans doute aussi
donner el.
LES PATOIS DU LUXEMBOURG CENTRAL.
-y
On dit seulement miimty à Ochamps et s^y (seta) à Viîlance, Maissin,
Hatrival, Vesqueville, La Vacherie, et sa- à Masbourg et à Nassogne.
10. e long libre.
tt'^
dans des formes qui se retrouvent dans toute la région. A St-Hubert, où
. la règle est wà, on a hivel^ nue, IwCyfwi (étoile, roi, loi, foi). A Recogne
et i Sainte-Marie, où la règle est wâ, on a mwe, mois. A Flamierge,
Champion, Amberloup, Moircy, où la règle est ^, on a mu-^, rwe, pwef
(poivre), et ainsi de suite. Ces formes sont d'habitude des mots peu usités
par le peuple ou abstraits. Je crois que ce sont des emprunts déjà assez
anciens au français : kwel, qui, à Saint-Hubert, devrait être stwàl ou tout
au moins stwel, plaide pour cette hypothèse. De plus, quand un patoisant
veut wallonniser un mot français qui renferme oi, il ne manque pas de
dire we : bon vouloir devient bô viilwer, etc.
œ à l'est.
très credere bibere piram nigrum
Flamierge trœ krœr bér par nœr
Champion _____
Amberloup — — — — niuar
La Vacherie — — —
Moircy — — — pwar nwar
Nassogne — — —
Masbourg — — —
Forrières — — — pwar
Awenne — — — —
wa à l'ouest et au sud.
Haut-Fa5's . . trwa krwar pivar
Porchcresse — — —
Opont — — —
Redu tru'à krwâr ï kru'â pwàr
Mâissin tru'à hnvàr bu'àr pwûr nwàr
Anloy — — — — —
Viîlance — — — — —
Transinne ini'â krwâr t krwà pwàr
Libin — — —
Arville . trwa krwar pwar
24 PAUL MARCHOT.
Hatrival twa kwar bwar piuar niuàr ^
Saint-Hubert twà hwàr bwàr pzvâr nwàr
Vesqueville trwa krwar bwar piuar nwar
Freux — — — — —
Sainte-Marie — — — —
Bras — — — —
Recogne iwa kwar — —
Ochamps trwà bivâr piuàr
Je donne pour mémoire les quatre villages restants (nord-ouest), où
j'ai négligé de recueillir suffisamment d'exemples et où, chose curieuse,
on trouve un inf. krwar à côté d'un ind. prés. krwe.
Tellin trwe krwar î krwe
Resteigne — — —
Wellin — — —
Grupont — —
II. e -j- gutt. + dent.
œ à l'est.
Même région que e libre >> œ, exception faite de trois villages : d'Am-
berloup et de Moircy, où l'on a bien rœ, roide, mais à côté de drè, stré,
frê, et de La Vacherie, où l'on dit drê, 6trê, fré, ré.
Dans le reste de la dite région , c'est-à-dire à Flamierge , Champion ,
Nassogne, Masbourg, Forrières, Awenne, l'on dit 6trœ, drâ, frê.
ivà au centre.
Arville strwà dnua frwà
Saint-Hubert stwà dwà fivà riuà ^
Vesqueville strwà driuâ —
Hatrival 6twà diuà fiuà —
Bras strwà drwà —
Freux — — —
Sainte-Marie — —
Recogne ' . . stiuâ diuà fwà —
Ochamps 6trwà drwà frà —
Cette région n'est plus qu'une partie de la région e libre >> lua.
^ L'r protonique tombe à Saint-Hubert, à Hatrival et à Recogne. ||
^ L'r protonique tombe encore à Saint-Hubert, à Hatrival et à Recogne.
A Ochamps, c'est le lu qui tombe dans frà. Ces chutes ont lieu pour éviter
des prononciations difficiles.
I IN PATOIS DU LUXEMBOURG CENTRAL. 25
t au sud-ouest.
Il.iut-rays, Porclicicssc, Opont, Redu, Transinne, Libin, Villancc,
Maissin , Anloy disent strP, dr^, frè, re.
Cette région coïncide avec la partie restante de la région e libre >• wa.
wï au nord-ouest.
Les quatre villages que, sous e libre, j'ai mis à part parce qu'ils pré-
sentent trwe, trois, et krwe (crédit) ;\ côté de krwar, et que je n'y ai pas
recueilli suffisamment d'exemples, présentent ici ive.
Tcllin strwï drwî ni^ frè^
Resteigne — — —
Wellin — — —
Grupont — — — /râ
12. tectum, digitum, sitim.
Ces trois mots, ce qui n'est pas facile à expliquer, reçoivent partout un
traitement uniforme et différent de celui de e -\- gutt. + dent, et de e libre.
En conséquence, je me suis vu obligé d'en faire un paragraphe spécial.
A Flamierge, Champion, Amberloup, La Vacherie, Ar\-ille, on dit /<*,
dt\ st\ Or, cette région ne coïncide avec la région e libre. > œ que pour
Flamierge, Champion, Amberloup et La Vacherie, et avec la région
e + gutt. + dent. >» œ que pour Flamierge et Champion.
A Vesqueville, Hatrival, Bras, Freux, Ste-Marie, Recogne et Ochamps,
on dit twàf dwà, swà, ce qui ne coïncide que partiellement encore avec la
région e + gutt. + dent. >> îuà, car cette dernière comprend en plus Saint-
Hubert et Arville, et ce qui est loin de coïncider avec la région e libre >> wa^
puisque la région e + gutt. -|- dent., comme on l'a vu, ne comporte guère
elle-même que la moitié de la région e libre > wa.
Enfin, on dit te, de, se dans tous les autres villages sans exception. On
comprendra que cette troisième région ne coïncidera non plus avec aucune
autre, puisque pour les deux premières il n'y a coïncidence ni avec
e + gutt. + dent., ni avec e libre 2,
^ frè est une prononciation facilitée. Voy. supra. || * Eclaircissons la
démonstration : E libre > œ dans 9 vill., lua dans 18, tfâ et wa dans 4.
voy. plus haut. E + gutt. + dent. > ce et ^ dans 2 vill., è dans i vill.,
œ dans 6, wà dans 9, e dans 9, we dans 4. Tectum, etc. > è dans 5 vill.,
wà dans 7, e dans 19.
20 PAUL MARCHOT.
Il me paraît donc démontré que le traitement de ces trois mots est tout
à fait particulier.
i3. ily, ici, ittam.
On a ey et et partout, si ce n'est dans un îlot formé de Saint-Hubert,
d'Hatrival et d'Arville. Saint-Hubert a les deux traitements : fày, fille
èrày, oreille; sbmày, sommeil; bbtey, bouteille; ttstey, outil; orvày, Arville
vhknvày, Vesqueville; kèpàt, sommet; tyeret, charrette; nfijàf, noisette
Inki't et Ifikàt, chatière; vèlet, clayon.
Hatrival et Arville ont uniformément ày, àt : fày^ Ôrày, sôrnày, ûstày,
orvay, veskiivày, kopàt , tferàt, m'ijàt , lûkàt , herwàt (brouette), bâwàt
(lucarne).
14. o bref libre.
Tout le sud, Vesqueville, Freux, Sainte-Marie, Bras, Hatrival, Arville,
Libin, Ochamps, Anloy, Villance, Maissin, Transinne, Redu, Opont,
Porcheresse, Haut-Fays a û : bû, bœuf; û, œuf; m/7, nûf, neuf, neuve;
î vu, il veut; î pu, il peut.
Recogne seul (tout au sud) commence à présenter j'é ^ ; byê, yê, nyè; ï-pyt,
il pleut; mais en même temps i vu, î pu.
Tout le reste de la région ^ a u : bfi, fi, nû, î vît, î pu.
i5, or entr., os entr.
donnent wa partout : mwàr, mwàt, mort, morte ; fwàr, fwàt, fort, forte ;
stivàt, tordre; kwâs, côte; î wàs, il ose; îrpiuàs, il repose, etc.
Il n'y a d'exceptions que pour Ochamps et Recogne (dans le sud), où
l'on a û : mur, fur, 6turt, î rpés. Ce traitement se continue dans le sud.
16. orium.
û au sud-ouest.
Haut-Fays hûlû sàlû dûshràmyû
Porcheresse — — dûshràmyû,
Opont — — —
Maissin — àlîinîi dûskràmyû
Anloy — sàlû
^ Ce son prend une grande extension au delà : Recogne est frontière. |j
- Je ne cite pas tous les villages par le menu. Un coup d'œil sur la carte
les fera apercevoir dans leur ensemble.
LES PATOIS DU LUXEMBOURG CENTRAL. 27
\'illance ^'/w àtiinû dûskrâmyû
Libin — /^-«ï kàbttlû
Transinne — iàlû
Redu — —
Sens : kiilû = filtre pour le lait (de couler) ; sàlû = saloir ; àtiinû =
entonnoir ; /^i« = hoyau d'essartage {Aq fosse) ; dûskrâmyû = démêloir;
kàhtilû = bouilloire pour la kàbèley, soupe des bestiaux (co-*bullata).
œ et wt.
Tout le reste de la région a œ. Il me semble inutile de transcrire les
exemples recueillis, qui sont les mêmes que plus haut, avec la terminaison
^. Il y a exception pour Resteigne et Wellin qui disent mûrwï, miroir;
hbliL'e ; sàlwe. Tellin me paraît frontière entre œ tx.wt: il présente kôlœ à
côté de murwe^.
17. ur libre.
A Flamierge (à l'est) , on dit dœr, dur, mais sûr^ sur ; mh^ùr, mesure.
«r.
Dans trois localités seulement, à Saint-Hubert, à Moircy et à Amber-
loup , où l'on a : dur, sûr, Mr (cura) et me:(ûr.
êr.
Dans tout le restant de l'est, c'est-à-dire à Champion, La Vacherie,
Arville, Vesqueville, Freux, Bras, Sainte-Marie, Recogne, Ochamps,
où l'on a : dir, sér, kêr. A noter seulement qu'à Champion l'r est rou-
lante.
er.
Dans toute la région restante, avec de ci de là une exception. C'est
ainsi qu'à Nassogne, Forrières et Masbourg on dit ^r, 5^, kûr^ mh^.
L'r paraît plus fortement roulée à Grupont et à Tellin,
18. unam, umam.
N. B. Les villages de Awenne, Grupont, Tellin, Resteigne, Wellin,
Transinne, Redu et Libin manquent.
^ Le peu de temps dont je disposais dans ce village m'a empêché de
recueillir plus d'exemples.
28 PAUL MARCHOT.
Dans l'extrême est, à Champion, La Vacherie, Flamierge, Amberloup,
Moircy qui disent €iim, écume; pliim, plume; mais //m, lune, qui me
paraît influencé par le français.
é.
Au sud, à Sainte-Marie, Recogne, Ochamps, Bras, Freux et Vesque-
ville, qui disent lén, eèm, plém (mais lûn à Sainte-Marie, à Freux et à
Vesque ville).
h
A Hatrival : €em,plem.
û.
Dans tous les villages restants, on a lûn, mm, plûm, à l'exception de
ceux qui n'ont pas été étudiés et d'Opont qui dit lûn, €Ûm, plûm. J'ajoute
qu'à Porcheresse on a €ïm à côté de mm.
19. utum
donne û partout, excepté :
A Champion et à Flamierge (dans l'est), où l'on a û : beifû , pointu
(de bèty, bec); wà:!^îi, osé; mûrû, mourir (infinitif refait en utum');
A Ochamps et à Opont qui disenté : ex. :piuetè, pointu; mbrè, mourir;
nxè, oser et osé pour Ochamps; hetyè, pointu; inbrè, mourir; vbU, voulu
pour Opont.
20. atura,
œr dans tout l'est.
Grupont tràvœr levœr
Awenne — spïtâr
Masbourg. verdâ
Forrières lever verdœr
Nassogne verdâ
Champion tràvœr verdâr styernœr bàtœr
Flamierge — — — —
La Vacherie — styernîmr —
Amberloup — verdœr — —
Moircy — — — —
Freux — —
Sainte-Marie tràvûr verdûr stêrnmtr
LES PATOIS DU LUXEMBOURG CENTRAL. 2$
Recogne ... tràvdr vhdœr
Ochamps — Ih'âr stirnUâr
Bras — styîrnUœr
Vesqueville — —
Hatrival — i^rdœr styàrnUâr^ spUœr
Saint-Hubert — 5tyhnûœr bàtâr
Arville — Ihœr spiUrr
Sens des mots : trûvcrr (trabem-aturd) = fenil ; Ihar = levures; styhnàr
ou slyeniUâr = litière (de styernî, *sternire, répandre de la litière); bàUtr
= petit lait, litt. batture; spitœr = éclaboussure, de spUÏy éclabousser,
qui paraît germ. : le néerl. a spuiten^ seringuer, etspatten, faire jaillir.
ûr.
Tout le reste de la région. Les exemples sont les mêmes : tràviir,
vhdfir, etc.
21. qu
donne k dans toute la région. Il n'y a qu'au nord-est, à Champion et à
Flamierge, qu'on rencontre le mélange de k et de hc.
quatuor chartam quartum quantos quando quaerere
Champion., kii'àt kwât kwâr^ kwâti kwâ ki
Flamierge . . — — — kât hâ —
Cependant le mot kwàt, quatre est plus résistant et se trouve dans tout
le Nord. Les lieux où il est resté sont Nassogne, Forrières, Masbourg,
Awenne, Grupont, Tellin, Resteigne etWellin qui disent kwàt à côté de
koty koTy kâty kâ, ker.
22. (i)s, (i)ss français, se latin
donnent tantôt c, tantôt € (respectivement /) à Flamierge et à Champion.
On y dit : ècê, oiseau (aticellutn); licef (Jegebat) ; tcef (dicebnt) à Flamierge,
lyef z Champion; mais v:(ef (Jac-ebat) \ dct, aisé; mèâôy maison.
Mais, en revanche, on dit è^ëy os (oscellum); wàely cercueil (l'Oécellutri);
ve£œ, putois (à Liège u.'tco)\ bà£e, baisser; €fitè {auscultarè); €bve (scopare)^
balayer; bàjèy baiser; ptljê, puiser. (Il faut remarquer seulement qu'à
Champion les infinitifs sont en ^.)
^ Voy. e bref entravé pour yà. \\ ^ Pour â, voy. sous ar entr. Le sens de
hvàr est monnaie, argent. Le mot est du plur. [] 3 Le sens est combien,
en quel nombre.
3o t>AUL MARCHÔt.
Dans tout le reste de la contrée, on ne rencontre plus que e et/. Il n'y
a qu'à Forrières, séparé pourtant de Champion par Nassogne, qui a uni-
formément €■ et y, que j'ai rencontré la forme mbœ à côté de hl, vâeè, bà^e,
mte, ojî (aisé), boje^ pîljè.
23. bl final.
/.
Tout le nord a/.
Champion, Flamierge, Amberloup, La Vacherie ont râf, ràcloir de
cantonnier (j-iiîabuluni) ; îâf, table ; slâf, étable.
Nassogne, Forrières, Masbourg, Awenne, Grupont, Tellin, Resteigne
et Wellin ont rof, tof, siof.
fetl.
Arville, Saint-Hubert et Freux ont rof, toi, 6tol
l.
Tout le reste de la contrée a / : Moircy, ràl, tàl, 6tâl ; les autres villages
sans exception, roi, toi, stol.
fabula mérite une mention spéciale. Il est devenu fiaba et a donné
fiâîv, floîu, selon les régions. Je n'ai retrouwé fabla quh Flamierge -.fâ/
(conformément à la règle locale).
Les anciennes formes des adjectifs en abilis ont disparu et sont rem-
placées partout par des déformations en âp des adjectifs français : emâp,
aimable. On rencontre encore ça et là Ôdol, importun (se dit d'un enfant),
cdàl à La Vacherie; àmol (amabilis), qui a pris un sens tout à fait opposé,
et signifie importun (se dit d'un enfant, c'est un synonyme de bdoï) : il se
sera employé primitivement par ironie ; cette déformation de sens prouve
sa vétusté, àmàl à La Vacherie; heyol, importun (se dit d'un enfant), de
haïr + abilis à Forrières. Ces mots tombent en désuétude et sont rem-
placés par embêtant , agaçant et autres termes du même acabit.
24. Voyelles insérées.
I
Après les mots finissant par une consonne , on insère une voyelle :
dans les mots qui commencent par s + consonne, entre s et la consonne ;
dans les mots dont la première syllabe s'élide après un mot finissant par
une voyelle, comme tyfo, cheval, comme les mots composés avec de
(demain'), avec re (revenir), avec con (commander), à cette même place de
l'élision.
LES PATOIS DU LUXEMBOURG CENTRAL. 3I
On verra que cette voyelle est toujours la môme dans ces différents cas.
Même dans les verbes où de (par confusion avec dis) donne dûs, dis, déSy
comme (à Saint-Hubert) dtisfer, défaire; dnsmdtl' , dcmoincr, etc., et où
l'élision n'est plus possible, la voyelle est la même que celle résultant de
de resté pur, de re, etc., et varie avec elle selon les villages, sans jamais
être avec elle en contradiction. Ceci semble indiquer que c'est e bref atone
de re et de de qui est le facteur générateur de cette voyelle, et qu'elle n'a
été usitée dans les autres cas que par analogie. Cette voyelle est :
/ dans tout le nord.
A Awenne, Grupont, Tellin, Resteigne, Wellin , où l'on dit .sipit'ê^
éclabousser; dïmey\ demi; tyivo, cheval.
A Forrières, Masbourg, Nassogne, Champion, Flamierge, Moircy,
Amberloup, où l'on dit sïpïte (sïpîte à Champion); dîskràmyœ, démêloir,
peigne, de dïskràmye, démêler (âkràrnyè = emmêler : le néerl. a kram,
crochet?); îyivo, cheval.
e dans le sud-est.
La Vacherie. ... ... s^pite Uevo setyernUœr
V'esqueville ]
Bras > — — dhkràmyœ
Freux . . ]
Sainte-Marie — — — sepetœr^
t.
Dans deux villages du sud :
Ochamps sèpitï iyti^ dèskremyà
Anloy — — diskràmyû
n.
Dans deux villages du sud-ouest, Opont et Porcheresse où l'on a sûpiû,
îyiivo, dïïskràmyû.
û.
Dans le reste de la contrée :
Saint-Hubert sûpïte tyiivô 5Ûpe (épais)
Arville — — —
Hatrival — — sùtyàrnUœr
Recogne — — diiskràmyâ
Libin siïpïîi — sitpè
Littér. épétoire =^ mèche de fouet.
32 PAUL MARCHOT.
Villance 6ûpUe tjûvô dûikràmyfi
Maissin — — —
Transinne — — sûpe
Redu — — —
Haut-Fays — — dmkràmyû
II
Aux trois personnes du singulier de l'indicatif présent et au singulier
de l'impératif des verbes finissant par une muette + une liquide , on
intercale une voyelle qui devient tonique. Cette voyelle est
è
A Ochamps, à Anloy et à Opont, où l'on dit €îifèl, siffle; etèr, entre.
fi à l'ouest.
Saint-Hubert ] Libin ,
Awenne Recogne ,
Grupont \ €bftil etûr
Tellin
Resteigne |
Wellin €ûfûl —
Redu £dfûl —
Transinne — —
Villance „^„, ... ^
,, . . ) €utuL etiir
Maissm / •'
Porcheresse
Haut-Fays ,
Forrières €iïfûl —
e à l'est.
Nassogne €ûfel eter
Masbourg — —
Champion sèfel —
Flamierge — —
La Vacherie — —
Amberloup — —
Moircy — —
Freux ^êfel eter
Sainte-Marie 6ûfel —
Bras ۏfel
Vesqueville — —
Hatrival €îifel —
Arville ^èfel —
NOTE COMPLEMENTAIRE.
1 . Les participes passés se règlent invariablement sur les infinitifs : à e
correspond e, fém. ey; ke correspond e, ey; à / correspond /, ty.
2. La région étudiée mesure dans sa plus grande longueur 50 kilom.,
et dans sa plus grande largeur 30. — Lomprez et Sohier, au sud-ouest
de Wellin, n'y sont pas compris.
Paul Marchot.
PATOIS DE LACHAUSSÉE
(meuse)
Ulfbsi, c°" de Filial. Lachaussée, c"" de Vigneulles.
Tvjii cC mô à phy
Toujours de mal en pis
— ; n frem kb €0 driint}
dvà su pà îîèy, hàw ^ kblè ?
— màtl nô, hây ! €'pye le su
k' n 0 m fà d'^ rayi.
— /' vyê d* là bàe n hn tt
kb s' nntâ d' sck kâf à là
hày ^àl, lu ?
— r y è jà mmwàfà dâiv
trn bàu'drày € kfti !
— ké 5' fâ ! le
kb /' kwà ierhy là }x€ à €ufyï
dà se dèy par lu
pà là! â sti dô, kiimà
k' sa va ànby ?
— lub fîvà à M, itûjà
s* fîi ! ttC pîipà va lii bàlmà , viâ
fihn n bm kb viàw ho , à
p\ kbs kâ €tè dera, kà là
mbUàs b €h kàkèy fâfây
sb pu là pwen ! â s tàwf sb
— Il ne fera pas encore chaud dormir
devant chez soi la nuit, hé ! CoHn ?
— Mâtin non , hé ! Je plains ceux
qui n'ont pas fini d'arracher (les pom-
mes de terre).
— Le vieux de là-bas n'a-t-il pas
encore son moitié-de-cinq-quarts à la
haie Charles, lui ?
— Il y a mie moins fait (tout de mê-
me) deux ou trois baudrées ^, je crois !
— Que ce soit ! (n'importe), il a
encore de quoi tirer la hanche et souf-
fler dans ses doigts par lui (tout seul)
par là ! Et à la maison, donc, comment
que cela va aujourd'hui ?
— Ma foi , comme çà , pas déjà si
fort ! mon père va tout bellement , ma
femme n'est pas encore moût haut ; et
puis qu'est-ce que je te dirai, quand la
malchance est chez quelqu'un, fanfan,
c'est pour la peine ! A cette heure, c'est
^ Quand on ne tutoie pas, on dit hàwê. Si on tutoie, on dit My.
Il * Travail quelconque fait pour la culture de la pomme de terre et
durant deux ou trois heures.
KEVCE DES MTOJS. — J.
34 l'abbé a. DION.
nih ptilte Iz n em mejt dé f pâ ma pouliche qui n'a pas mangé depuis
tmi h sltvw niâ'sâ, vlà kè hier au soleil couchant , voilà encore
nià gày kc ^tày se ktibn ttràwr ; ma chèvre qui a jeté ses cabris tout à
sb tnthvo £fi me k' sH l'heure ; c'est partout chez moi que çà
va mo. va mal.
— tn pàiur kèlè! ma sa — Mon pauvre Colin ! mais ça s'ar-
s'àrtre màtà! F pàyr, Jàfîim, rêtera, je m'attends! le père, la femme,
là pîilU, le gàyb; t fô ben la pouHche, les cabris!... il faut bien
ëspârày mu dô^ kè sa n' vrem espérer, n'est-ce pas donc, que çà n'ira
à là tîijn d' mo à pay I pas comme çà toujours de mal en pis !
L'abbé A. Dion.
' N'est-ce pas donc se dit mû dô quand on ne tutoie pas; dans le cas
contraire, c'est iièm dô.
LETTRE DE Jean TIERCELET
SUR LE CHEMIN DE FER DE CHATILLON A BESANÇON
Cette lettre a paru dans le Progrès de la Côîe-d'Or du 17 septembre 1869 ,
Elle figure aussi dans le Recueil de pièces en patois bourguignon extraites des
journaux publiés à Dijon de iSoi à ce jour, par Sildman (Milsand), Paris,
Jules Martin, 1880, in-12, p. 169-200. Elle roule sur une question d'in-
térêt local. Il s'agissait alors de construire la ligne de chemin de fer de
Châtillon-sur-Seine à Besançon , par Is-sur-Tille et Gra3% D'Is-sur-Tille
à Gray, deux tracés étaient en présence : l'un (le tracé Renaud dont il est
parlé dans la lettre) avait pour objet de desser\ir la vallée de la Haute-
Viugeanne et le canton de Fontaine-Française; l'autre devait suivre, sur
une certaine étendue, la vallée de la Bèze et desservir le canton de Mirebeau .
L'auteur de la lettre plaide en faveur du second tracé (c'est à peu prè
celui qui a été adopté, et la ligne est en exploitation depuis plusieurs
années).
Cette lettre a été écrite dans le patois qui était en usage à Bèze à cette
époque. Mais Bèze n'est distant de Bourberain que de 4 kilomètres; le
patois des deux villages n'est pas très différent. Pour transcrire cette lettre
dans le patois de Bourberain, je n'ai donc eu que très peu de changements
à faire. Je n'ai , naturellement , tenu aucun compte de l'orthographe de
l'original, et j'ai suivi le même système que pour les textes déjà publiés
dans les n" précédents de la Revue. Quant aux noms propres d'hommes
et aux termes qui n'appartiennent pas au langage populaire, je les ai
transcrits sans les accentuer. Ce qui m'a décidé à reproduire cette lettre,
c'est qu'elle me paraît un excellent spécimen de conversation entre paysans
sur un sujet d'intérêt local , avec la pointe de malice bourguignonne en
plus.
36
L ABBli RABIET.
e mosyœ l rédijou d le gà:(ct
da dijô.
ôtirpré pÔ le pyàivj, vârdt ddrtiy,
t )id:(_ eve me e l csiit, niè
e pe dex^ âwtr, dâ le kàbàn dœ
mâsyœ lagare.
Ose iiié e kâw^ d tœt sot
dœ^âiu'^ : d'économie chnussiale, dœ
kotrtbùsyô, d nôt kôsey kœy
àye môme l jo d le se
prudà, eqsélérn, kà mô kiisè pierre
croquan , è gro du pàyï , k cvô
tœt ëkéiè sa d'ébàye e mâw, Sœ
lœv :
— d ke k vo vb mâi'Ae ? en
eàwT^ m okiip ph k tœ se ; s tt
le lêtrad môsyœ renaud pÔ nd:^
àpb^e d evo nôt £œme d fer.
— kâ k s à k mdsyœ
renaud ? k di l grâ lagare, drese
dân e kàr km êpësyâ.
— t krb k s en (= s ti en) dm dœ
puyt k ve dàjèfô d le
rtisî, e pe k prie pÔ sô
se, k e repodu coquan.
— dvà kccd nô kote de
Ibnrt , e fro be d vo l
pàyï k e phi. e nô fret kœmà
de rusye. se staiirique, se cate
potographique. .., s a pb nô
blit:(e. k e vên , e pi (= pe I) 37
fre vo l pâyt , mb , e pî (= pe t) n
pedre ph le kht kœmà là.
î vbrô d hbor marstyi devœ
se for j tœt prbt e màrse, e pe
sô jœlï m lé; pà hue, l mâle
bugiiet, è krân niœlè pô l kômers,
Ihvu k tœt tfœrgty; âkê
em€œ pà Iwe , e trhhtb, brhsrt ,
A Monsieur le Rédacteur de la Ga:^elte
de Dijon,
Surpris par la pluie, vendredi der-
nier, nous nous avions misa l'abri, moi
et puis des autres, dans la cabane de
Monsieur Lagare.
On s'a mis à causer de toute sorte
de choses : d'économie sociale, de con-
tributions, de notre conseil que nous
allions renommer le jour de la Saint-
Prudent, etc., quand mon cousin Pierre
Croquan, un gros du pays, ^m' avait
tout écouté sans débailler un mot, se
lève :
— De quoi que vous vous uiéle^ ? Une
chose m'occupe plus que tout ça ; c'est
la lettre de Monsieur Renaud pour nous
empêcher d'avoir notre chemin de fer.
— Quest que c'est que Monsieur
Renaud ? que dit le grand Lagare, dres-
sé dans un coin comme un paisseau.
— Je crois que cest un homme de
Pouilly que vient du fin fond de la
Russie, et puis que prêche pour son
saint, qu'a répondu Croquan.
— Devant que de nous conter des
plaisanteries , il ferait bien de voir le
pays quil parle. Il nous traite comme
des Russiens. Ses statistiques, ses cartes
photographiques,.., c'est pour nous
blouser. Qu'il vienne, ei puis je lui
ferai voir le pays, moi, et puis je ne
perdrai pas la carte comme lui.
Nous verrons d'abord Marcilly avec
sa forge toute prête à marcher, et puis
son joli mouHn; plus loin, le mouhn
Buguet, un crâne mouHn pour le com-
merce, là où que tout y freguille; encore
un peu plus loin, à Tréchâteau, bras-
LiriTRE DK Jl AN lltRCELLT
:>/
mie } fi fôrj pè fàr
ad l às)^ ph dit k dtt fer. î lus ,
bràsn, mtèf si ri; t d^ pây
>l pàrâr A' Ihiy d IP
pyàr nô jttvr, dhw kt k on é bâti
dî pàl'e P dijô; c pâkô (= pè âkô) lï
fôrè d vœliirj làvii kï ni (&
ho d hrt sot , ment ak môsyœ
maria an f^U pôfàr dP
bàtè k va sti le mer.
y àrtvô è bê:^ : ô s krôrô
6 krœsè ^ ta ni d eœnve
kfœm ! tœ pôlâti- de tyîln^
de mekànik, deférj\ de mârtô
k tàp, de rii k ton ,
(/?^ ihrâr k^r crient ! sa
sti^rb !
e pi starïvâr ', kakmàs
tœ de kâii! ël Wo- tëri pâ, st'ê
le ! ël ncedëbbd pa, ste le !
— ^de I dëvâ en fès d au- dœ-
dœ sa €U'àu- '.
— à sbtà d fe;^, e {== y i en) e
grà déshn bét'tk lavu k ôfà
en màfhi tœt U smén ; ph
ëvà, ô s esiâ:;j dvâ de kotyâ
k â pise 1 âne pàse tro miy
pyes davé, sa kotë le mère
série, moulin et puis forge pour faire
de l'acier plus dur que du fer. A Lux,
brasserie, moulin, scierie; à deux pas,
la perrière (carrière) que donne de la
pierre non gclive, avec quoiqu'on a bâti
des palais à Dijon ; et puis encore la
forêt de Velours , là où quil ny a des
bois de toute sorte, môme que Mon-
sieur Maria en achète pour faire des
bateaux que vont sur la mer.
Nous arrivons à Bèze : on se croirait
au Creusot, tant ny a de cheminées
que fument ! Tout partout des tuileries,
des mécaniques, des forges, des mar-
teaux que tapent, des roues que tour-
nent , des ouvrières que crient ! C'est
superbe !
Et puis cette rivière que commence
tout d'un coup ! Elle ne tarit pas, celle-
lil Elle ne déborde pas, celle-là!
— Pardi ! Avec une force d'eau de
deux cents chevaux,
— En sortant de Bèze, // ny a une
grande décinw boutique, là oit qu'on fait
une machine toutes les semaines; plus
avant, on s'extasie devant des coteaux
^«'ont pissé l'année passée trois mille
pièces de vin, sans compter la mère
' Il s'agit de la rivière de la Bèze qui jaillit du fond d'un cirque, à la
manière d'un puits artésien naturel. A. Joanne, Géographie de la Côte-d'or,
p. 6, la désigne « comme une des sources les plus fortes de la France ».
Au rapport du géographe Robert, Voyage dans les treize cantons suisses, t. II,
p. 78, c'est une des plus belles sources d'Europe; elle verse immédiate-
ment une nappe d'eau de plus de 10 mètres de largeur formant une
rivière qui met en mouvement des moulins, des huileries et diverses
espèces d'usines à fabriquer le fer. On présume qu'elle est alimentée par
les eaux de la Tille qui se perdent entre Til-Chàtel et Lux, ainsi que par
celles de la Venelle, qui, depuis Sclongey, s'infiltrent dans les terres et
finissent par s'y absorber complètement entre Véronncs-les- Petites et Lux.
Cf. Courtépée, Descript. du duché de Bourgogne, t. IV, p. 717 sq.
38
L ABBE KABIET.
gôte ^ tse pÔ le véftrô, di vrt
gôrmâ !
à sœgà ndt eœvie , vhse
ncrô dèvœ sôfnrnàw k ci
hëtè, 50 ni lé e pe se sin k
màr€ ta hnà de:( àreje.
t dëjœnô, hnà d ben àtâdti ,
e le trient e pe:{^ (=^^ ^^) ëkrâi'h , e
nitrho, le pu jœJÏ viy du mod.
Une (= leenî e) tnlè k ô diro è
€(ità-w. s à stu le h an ëfrâ'^y du
bye e pekfà d le bel fer en.
à ! nnrbo e tâjo e bô vè^ê
dâ 5 niâ'îè lèf
ma nô vie dâ lextiblô,
dâ le vén , dâ le bye. efô
va kmà se grén ta le:{ à !
ô yi rekôlt œ d ke nœrt e pe
d\àltere têt le bîirgôn.
fot e pâle d bii^yâwt , ad eàrm,
ad drâbô? se n à pâ le
pou. vo vbye be k môsyœ
renand nô^ e dt de lonrt.
— sa vre ! k di l per pucin.
— e st iir, si (= si i) fà-^ hnà
lu , SI y àteso le pôpulâsyô dà
le stâsyô, y ëkafnyro sô rë^mmà
dà l guye d le r^i^e publih.
€d:{è dà : ëevân , vron ,
spo, borbœlè, vyevtn, ta ne,
kû:(;rây, mtini, trbeâr,
niëràdœ, ê/^iyi, rnev, môntâsô,
tœ de pàyt ka-n sre
pe (= pà e) dâ pye d m du f-mè d
fer. s â kdntjâ de^^ ëfâr, dà
se pâyi le !
— f krÔ, sofvot respe, k e
fà l per pucin , k le môsyœ
goutte tètée par les vignerons, des vrais
gourmands !
En suivant notre chemin , voici
Noiron avec son fourneau ^«'est ar-
rêté, son moulin et puis sa scierie que
marchent tout comme des enragés.
Nous déjeunons , comme de bien enten-
du, à la truite et puis aux écrevisses, à
Mirebeau, la plus jolie ville du monde.
Là, // ny a un moulin <^//'on dirait un
château. C'est celui-lh qu'en éniiette du
blé, et puis que fait de la belle farine.
Ah ! Mirebeau a toujours un bon voi-
sin dans ce moulin-là !
Mais nous voilà dans les houblons,
dans les vignes, dans les blés. Il faut
voir comme ça graine tous les ans !
On y récolte de quoi nourrir et puis
désaltérer toute la Bourgogne.
Faut-il parler de Bézouotte, de Char-
mes , de Drambon. Ça n'est pas la
peine. Vous voyez bien que Monsieur
Renaud nous a dit des plaisanteries .
— Ça est vrai ! que dit le père Pucin.
— A cette heure, si je faisais comme
lui, si j'entassais les populations dans
les stations, ] aplatirais sa renommée
dans la flaque d'eau de la risée publique.
Songez donc : Echevannes, Véron-
nes, Spoix, Bourberain, Viévigne, Ta-
nay, Cuiserey, Magny, Trochères ,
Marandeuil, Oisilly, Renève, Mont--
mançon, tous des pays que ne seraient
pas à deux pieds de nez du chemin de
fer. C'est qu'on y fait des affaires, dans
ces pays-là.
— Je crois, sauf votre respect, qua
fait le père Pucin, que les Monsieurs
^ Ce terme n'est pas populaire. Il est emprunté à La Monnoye, y. Glos-
saire des Noëls, s. v. meire-gôte « vin qui de lui-même sort des grappes dans
la cuve ». C'est le meilleur.
LETTRE DE JEAN TIERCELET.
)')
bassot è pi voisin àfàd\fb
lista ^ lô Ui su k hP sté
d l(t vfjân ^pfd If vnH
dsiin.
— sàkd (==sâ àkô) bé vrèy s^ !
( pè td't 1 àsàble si me h
tàpt' di me kmô (= kmà ô) fà dâ
le î'/v.
:7^, môsyœ l rédijou , s
kay ô d\. i vô I âvt
pÔ Lrkd'pyé dâ vèt gà:^t ;
sem£œ (= s à émeœ) d'importance ,
f pépier re croqua n srt ben Â;^ Àr ô knh
son èlôkâs. Jean tiercelet.
postin-cripton. i kH€tb nu letr
kà l croquan àtr à tàrptyà
dt pyè , tât à kœler.
— t vedvOf ke m di,
en létr d e môsyœ perroquet
k pàl de siipërb ii:^èn du tràse
renaud. vun, n an é yen, tœt à
grô ! ma Ih^ àvAr, ô fà bye td't
le nâw pÔ lefâr tône dit
tô ta le mite, dtt rëst , sa
knesu ; dû lo rtvâr, le frœmê
s met e jnii po bôr. propo:^
y/ se : t prârô eëkœ
en yœ sii le tràse k î no^
àrgênô, e pè ste de yd' k pàyre
l pu depô, karsotire l pli
d let, k âsônal kômérs
k on Ifâ, ëll ère l eœme d fer.
/ krb k môsyœ perroquet nephkh
âfiye le vnël.
Bassot et puis Voisin en font dix fois
autant à eux tout seuls que tous ceux
de la Vingeanne et puis de la Venelle
ensemble.
— Cest encore bien vrai, ça !
Et puis toute l'assemblée s'a mis à
taper des mains comme on fait dans
les villes.
Voilà, Monsieur le Rédacteur, ce
que nous avons dit. Je vous l'envoie
pour le recopier dans votre Gazette; c'est
un peu d'importance, et puis Pierre
Croquan sera bien aise qu'on connaisse
son éloquence. Jean Tiercelet.
Post scriptum. Je cachetais ma lettre
quand le Croquan entre en trépignant
des pieds, tout en colère.
— Je viens de voir, qu'il me dit,
une lettre d'un Monsieur Perroquet
que parle des superbes usines du tracé
Renaud. Oui, ny en a une, tout en
gros! Mais les autres, on fait bief toute
la nuit pour les faire tourner deux
tours tous les matins. Du reste, cest
connu; dans leurs rivières, les fourmis
se mettent à genoux pour boire. Pro-
pose lui ça : nous prendrons chacun
une lieue sur les tracés que rums nous
disputons, et puis celle des lieues que paie-
ra le plus d'impôts, que recevra le plus
de lettres , que révèlent le commerce
qu'on y fait, elle aura le chemin de fer.
Je crois que M. Perroquet n'a plus qu'à
enfiler la venelle ^
^ Jeu de mot avec le nom de la rivière la ^'enelle cité plus haut. Venelle
signifie petite rue, ruelle, et enfiler la venelle est synonyme de se sauver :
« J'enfile la venelle », Régnier, Satire^A, v. 328. V. aussi La Fontaine,
Fables XII, 17, et le Retour de Bontemps, p. 29 :
J'ai n'eussin baitu^lai semelle
Et vite anfilé lai venelle... L'Abbé Rabiet.
LEXIQUE SAINT-POLOIS
{S là te.)
-ff Mbit, +, terme d'amitié donné
aux petits enfants, mè pti bibtt. —
Par extension et ironiquement, œ
grà bibît, un grand dadais, garçonnet
ou jeune homme qui se laisse encore
cajoler et traiter comme un jeune
enfant.
Mblà (à ou e), +. Laisser tout â
biblà, interrompre son travail, ses
occupations ou ses affaires pour
s'occuper d'autre chose. Même
sign. : è bi è blà. fe le€e têt è bt è blà.
biblo, +, petit objet quelconque,
soit d'agrément (jouet d'enfant,
objet de curiosité), soit d'utilité
(ustensile, outil, etc.). — Terme
de tûbâkye, petit morceau de bois
lié à chaque extrémité des pèt ou
guirlandes de tabac, servant autre-
fois à lés fixer sur les traverses des
séchoirs. A cet eff'et, on y pratiquait
à des distances convenables, des
traits de scie auxquels on suspen-
dait perpendiculairement \qs pet par
l'un des deux biblo. N'est plus usité
dans cette acception. — biblo, terme
collectif, attirail, s e lu eo? e bè! f
prè mè biblo e pî f fu /' kci, pà pu târ
F a star.
bihlote (5'), +, réussir assez bien
dans ses aff^aires, épargner quelque
argent, àwi, 0 s biblôtô, ui. —
Même sign. : s belote. — En par-
lant d'une affaire, suivre son cours
régulier, sans aucun incident.
bibôkie, +, éclat, débris de bois
de petite dimension.
bjbô^, s. f. pi., mélange de fèves
et de bisailles. Usité à Torcy.
bibœ, +• s. m., heracleum sphon-
dylium; angelica sylvestris; myr-
rhis chœrophyllum. — Les petits
ménagers font de /' afîu-èy avec cette
dernière plante, très commune dans
les environs de Saint-Pol. dni oit' if
bibœ.
bibtis, +, chose de peu de valeur;
dire sans importance, œn bibus d'
âryè. — £' e tu bibtis, £0 li 0 dije lo ?
bidàfè, +, petit cheval.
bidâyô, X, mauvais petit cheval.
Banlieue : bidalô.
bide, + , cheval. — Le numéro
un (au tirage au sort par ex.), se
frer il 0 prè bide. — Un grà bide, un
grand garçon qui ne veuf rien
apprendre.
bidèl, +, chair de vieille vache,
et par extension, viande de bœuf
dure et coriace.
bidtil, -\-, boue plus ou moins
liquide. La bidtd diffère des rak en
LEXiaUE SAINT-POLOIS.
41
ce que celles-ci sont plus consis-
tantes. Une averse transforme les
ràk en bidul. — A Manin : h^duL
hWiyli, X, rempli de biJiil. œ
kmc Indityà. — t'a bUiiya, temps plu-
vieux, propre à faire de la hïdiiî. —
Banlieue : hidiilh. — Même sign. :
làbàdà.
biduye, X, patauger, marcher
dans la bîdél. — Banlieue : bidulj.
bigâr, s. m., sorte de tarte gros-
sière. ? Mrtyt d" bic^àr. Voir màiiki.
bigê Q'ii d'), jeu de billon. Usité
à Monts-en-Ternois. — Voir kiL
bigènja {à ou e), +, de travers,
en zig-zag. Un ivrogne marche en
M(;ortjà.
bigorne, -\-, marcher de travers,
en zig-zag.
bigdnjû, +, biscornu.
bigôiaj, X, s. m., bigoterie.
%r, -f, terme adouci remplaçant
le mot biigr, avec lequel il est em-
ployé concurremment. Voir ce mot.
bïgrèmà, fort, très, énormément.
A'^oir bitgrhnci.
bijïi, -\-, s. m., grosse toupie de
bois de forme oblongue; on la
nomme aussi Mifi. — mè ptî bijfi,
terme d'amitié donné parfois aux
petits enfants.
bik, -\-, chèvre; n'est usité que
dans ces mots : pyè £ b\k. Voir
màget. — zyel b)k , terme injurieux
sans signification précise, appliqué
parfois à une femme.
bik-bâk, -\-.ferel b'îk-bàk, bascu-
ler, se laisser choir. /' àiwe œ pyi d
môtèy, e pi fî màk? Voî, ^à fi k' f efî
r bik-bak e pi k' fe kœa-. — met à
btk-bàk, placer sur une corde, comme
le linge qu'on met sécher.
bU, -f , mauvaise humeur, colère;
tristesse, ennui, s fh dt'l btl^ être
très contrarié.
Inl, -|-, bille (de bois seulement).
(^n bil td khi.
binàr, véhicule à deux roues ser-
vant au transport des arbres. Voir
dyàl.
binet, X, ph3'sionomie, tète plus
ou moins ridicule.
bifio, +, s. m., sorte de charruj
sans contre ni versoir servant à
ameublir une terre déjà labourée,
ou à donner aux etœler une première
façon afin d'en faciliter le labou-
rage.
binotaj, +, s. m., fiiçon donnée
à une terre au moyen d'un binô;
état d'une terre btnôtey. — Un bim-
tà] exécuté dans une etœljr se
nomme règiyaj.
bhiÔ!?, +, donner une fliçon au
moyen du Mno. — biiiÔt? dn ilœl'er
se dit règiyk
binoiL', -f, tombereau, ktrkê fy'è à
binow.
binoûy, +, charge, contenu d'un
binouj. œn bitjote d' kréô; — an btnoù
i emôdie.
bil>, -\-, bible.
b'is, +, bise. N'est employé que
dans ces mots : l'e d* b'iSy vent du
nord, ait kôm U ve <f Vis, marclu-r
très vite.
bh, X, s. f. s., parties naturelles
de la femme.
-r- bis! bis! -f-, interj. ser\^ant à
narguer, b'is! Vis! /' H F M pà! —
42
ED. EDMONT.
Même sign. : bhJélà! Voir ce mot.
bhkà, -\-, qui fait bhke. /e bhkà
d" vèd dû byb bur kdm £o û bô tnârke !
— Même sign. : filtà, kàntilà.
bhke, -\-, pester, éprouver du
dépit sans trop oser le fjiire paraître.
tj bhkwe telniè li fel rerwe kâlôte su
r indml. — fer bhke quelqu'un,
exciter son dépit ou sa jalousie.
-[f bhkolà! +, interj. servant à
narguer, à faire biske. bhkolà! f i
vàrô pà! — Même sign. : bh! bh!
— En employant ces deux interj.,
les enfants ont la coutume de se
passer l'index sous le nez à plusieurs
reprises, comme pour les souligner
et leur donner plus de force.
bhtàtél , +5 bagatelle, futilité.
Voir bhtid.
bute, faire des bz^ae, des courses
inutiles, tile bhle. — évoye bhte,
envoyer paître. — Usité à Rame-
court.
bhtekwè (ed), +, en biais, d'angle
à autre. Par extension, de travers,
irrégulièrement, se ptirk ed piuc, il
r 0 plate tn d' bhtèkwè.
bhtél, +5 bagatelle, futilité,
conte, mensonge, mauvaise raison.
ej n ' e pwè fut ed té vu bhtél : € e
d' r àrjè ki m' fébiv! — Même sign. :
bhtàtél.
bhtél ou bhtél, +, tasse de café
avec un petit verre, ou plus exacte-
ment, mélange de café, de sucre et
d'eau-de-vie, servi dans un tout
petit gobelet et coûtant lo centimes.
— Même sign. : ptt po.
bhtéri, X, bistouri. — Banlieue :
fiîmèt, fém.
bhturnèy, + ; fer en bhtérnt'y,
quitter son ouvrage pour aller boire
au cabaret, ou bavarder au voisi-
nage; s'amuser, s'attarder en faisant
une course.
bhtéye , X , bavarder chez les
voisins, ou boire au cabaret, après
avoir, dans ce but, quitté son ou-
vrage. — Banlieue : bhtélî.
bit, -f-, membre viril. — A Auxi-
le Chcâteau : bit ed ktire, typha lati-
folia.
bitàklàj, +, état de ce qui est
bitàkley.
bitàkley, +5 tacheté, moucheté.
œn vhk bîtaklèy.
bîtàrd'. N'est employé que dans la
banlieue, et seulement dans cette
locution : marie ou evoye (quelqu'un)
ci r bitàrd', même sign. que evoye a
r bibèy. Voir ce mot.
bitèbû Qd\ +, tout au long, el
tôniuàr ofèdû se erije d' bitèbû. — Le
long de, d'un bout à l'autre, ci-n no
pu d' triue ee, d^ épyè d' tiriko, nèn o
té d' bitèbé d' se mur.
bttle, +j terme d'amitié donné
aux tout petits garçons, mè ptt bitlè.
— ■ Même sign. : bitlo.
bitlo, -\-, m., verge des petits
garçons ; familier. — Terme d'ami-
tié donné aux tout petits garçons.
bityer, +, brayette.
bive, +, m., vent de bise; se
dit surtout du vent de mars, qui
dessèche la surface des champs cul-
tivés. €6 bivè lo, £à rhû tét.
biye, +, billet. — Etre dans
/' biye de quelqu'un, posséder son
amitié à tel point qu'il ne puisse
LEXIQUE SAINT-POLOIS.
43
rien vous refuser. — Myf cT àtâf,
affiche ; n'est plus usité.
hiyôy jeu. Yo'iTk'il.
/^f:^<j/, +, pois gris (pisum arven-
se), légumineuse cultivée soit seule,
soit en mélange avec d'autres plan-
tes, pour la nourriture des bestiaux.
In^hh {e), +, en querelle, en chi-
cane. Se dit surtout de gens entre
lesquels existe un peu de brouille.
â u pàl pu à 4 hyd-je, t sot è biibts.
hi:;Èy i't, +, un peu bis. margrè
k' til et (V nièle bi::;et, h fil, àl i kèr
belot.
Z?/;;^^, X, bisaigle, outil de cor-
donnier.
bi::^et, X, bh des petites filles.
bi:^t, +, s. f. pL, débris de grès
concassés servant à Tempierrement
des routes. Se dit aussi des rognons
de grès trop petits pour être taillés.
b'i:(ir, +, hâler. €' e k' àl vu bi^
17/, dé, r gràd er. — es bi:^ir, devenir
bis. tn reste pwè kom €0 à sôlel, em
ftyet, vufigur àl vô i' bi:;^r.
^i-«. Voir bijfi.
bjil, +, vigile, ô it vu] pwè d'
eàr, il e bjil. — ô kàt Ô prhn €e bfil.
blabla, -{-, s. m. pL, flatteries,
dans un but intéressé, ml, f hi su
pà en je à hle fer de blàblâ H £e sœret
ptir âinuàr £1 e €0, do !
blà^, +, vanterie, mensonge,
conte, bey! te-t, € e tu blà^ ek te dï
lô? — Avoir del bla^, parler beau-
coup et avec facilité. — el blà^ ed
fé je, les dires du monde.
blàge, -f, dire des blà^; par
extension, bavarder.
blàgâû-, œ^y -j-, celui, celle qui
blà^; par extension, bavard.
blàkP, -\-, vaciller, flamboyer, en
parlant de la flamme d'un foyer,
d'une lampe ou d'une chandelle.
d-n kMl k' àl blàk.
blàtyi, X, en mauvaise part,
individu en guenilles, ou dont les
vêtements sont déchirés, sàkre blàtyf,
té n pœ pu'e ràbutône C tnàràti ? —
N'est guère employé dans l'accep-
tion de marchand de blé, on dit
plutôt bàlétœii.
blà, blàk, +, adj., blanc, du pie
Mil; — an rbb blàk; — dï blà kàvèû-;
— de blak-t ïok. — blàk ed eàr, blàk
i ter, qui a le teint blanc et rosé, en
parlant d'une jeune fille. — blàk
bet, animal de l'espèce ovine. —
étd'l blàk, céréale, fè janie met etd'l
blàk sur étd'l blàk. Terme vieilli. —
de ter blàk, des terres calcaires. —
fer de blà:^ yû , rouler des yeux
menaçants.
blà, +, subst., blanc, dèblàdœ.
— blà d' ëkàl ou ptt blà, blanc d'Es-
pagne. — dé blà , des moellons.
tiré dé blà.
blà-bo, +, populusalba; cheno-
podium album. — Au fig., se dit
pour désigner les pauvres gens décé-
dés, dont les parents n'ont pas ks
moyens de payer les frais d'enterre-
ment. £ é du blà-bo, €l etértnè d"
édme. Par contre, un grè mor, € i
du. kén. Une personne riche est, en
eflfet, toujours ensevelie dans un
cercueil de chêne, tandis que pour
les pauvres un cercueil de blà-bo
suffit.
blà-bônt, -h, s. m., personne du
44
ED. EDMONT.
sexe féminin, y' àvœ mt œ sàd blci-
bônt', € hivc tii kiipyow. — Au pkir.,
£Î hlà-bônt', les femmes, prises dans
un sens collectif. / n fb mï têdi
àkii⠀ΠbJa-hône, do, mn om. —
Même sign. : blàk, subst.
blàf, +; nuit à la blà€, nuit
passée sans sommeil.
blàeir, badigeonner. Voir blàkîr.
blàasàj, badigeonnage. Voir blà-
kieàj. — Blanchissage (du linge).
Peu usité dans cette acception.
blàehœr, âvj, badigeonneur. Voir
bWâeœii'.
blà£-iàl (Ji). Voir blà-kn.
blà-dyn , + . ^' blà-dyû , le Jeudi-
saint. — Argent qu'il est d'usage
de donner ce jour-là aux kàe-marây,
kàrtô, màrUo, etc., pendant la visite
qu'ils vont rendre aux personnes qui
les emploient d'habitude, kâ^e se
blà-dyû, en parlant de ces ouvriers,
faire cette visite intéressée.
bla-fer, +, fer-blanc.
bUtk, +, s., personne du sexe
féminin, n Ô œn blàk Ji M ô ctedû eb
k' 0 dijem. — Au pi., €e blàk, les
femmes en général. // o rndmè ker et
blàk, efti-lo. — Même sign. : blà-bône.
blàk-âlwàn , +, f., artemisia
absinthium. Certaines personnes
emploient les formes bàktinwàn,
bèkâniuàn , et même (faub. de
Béthune et d'Arras), blàk-àviuàn.
— A Saint-Pol-ville, conc. : Hpsèt.
blàkat, +, blanchâtre.
blàk-epen, +, aubépine. — Se
dit aussi d'une épine {bheo) servant
de borne ou d' erô. — Vieilli à Saint-
Pol-ville; on y emploie de préfé-
rence la forme epin bllie. — A Torcy :
nbbl-ep^'n.
blàk-e:^-el (Ji), X, se dit d'une
chose qui n'est pas bien fixée, qui
n'est pas mise d'aplomb, ou qui n'a
aucune stabilité, tt kero, tn ekel âl et
â blàk-e^-el. — Porter à blàk-e^-el ,
porter quelqu'un à deux sur les
mains entrelacées. — Au fig., être
à blàk-e:(^el, avoir une santé chan-
celante, être menacé d'une rechute
après une maladie, être entre la vie
et la mort.
blàkim] , -\-, badigeonnage. A
Saint-Pol-ville, conc. : blà/isaj.
blàkhâ'w, -\-, badigeonneur. A
Saint-Pol-ville, conc. : blàehœr,
blàéisèiu.
blàktr, + , blanchir. — Badi-
geonner, i blàkUiue in mà^m. A
Saint-Pol-ville, conc. : blàeir.
blàkirïy, +, blanchisserie (de
toile). Vieilli.
blàkœr, blancheur, me lèj il e d' an
blàkœr li il etèeel. N'est plus usité
que dans les faub. et dans la banlieue.
blàk-pâk, -\-, s. f., dimanche des
Rameaux. Concurremment : pak o
biUi. — Vieillis à Saint-Pol-ville.
blàkrét, +j banqueroute, faillite.
Vieilli à Saint-Pol-ville.
blâkrîitye, +, banqueroutier,
failli. Vieilli à Saint-Pol-ville.
blà-kn (â). H-; couper un arbre
à blà-kn, le scier au ras du sol ou
le couper avec la cognée de manière
à en laisser la souche (kfi) en terre.
— Même sign. : â blàe-tal (Saint-
Pol-ville).
blà-mhske, X, hesperis matrona-
LEXIQUE SAINT-POLOIS.
43
lis, la variété ;\ fleurs blanches. —
Même sign. : dànià.
hlà-tit, X, s. m., personne qui
a le teint pâle, ou l'air maladif.
bt^, blet, 4-, blet, blette. — Au
fig., (fn/hn blet, une femme molle,
sans énergie.
bl?y, X, blé, froment. — bl^
nôkàry variété de blé barbu. — ble
dt thrky maïs. — ble d* éjbw, pani-
cum Italicum. — ble meyt ou vAyt,
phalaris canariensis. — ble swàlœw,
blé mélangé de seigle. — pti bley,
blé maigre. — ble (T àrvenùr. Voir
àrvènhr. — bl^ nwàr, blé atteint de
la carie. — blê bru:^y, blé mélangé
de grains cariés qui le noircissent
(bràst). — Banlieue : blaè.
blerôv.; X, pinceau à savonner la
barbe, fait avec le poil du blaireau.
En patois, l'animal se nomme gn:(àr.
bleyô, -\-y blé petit et fort maigre.
blinWj oty -\-; pe blitno, pain dont
la mie reste molle et collante. Le
pain devient bliniô lorsqu'il est fabri-
qué avec la farine de blé germé, ce
qui arrive souvent quand la récolte
est contrariée par des pluies persis-
tantes. — S'emploie aussi dans le
même sens que le mot bIP, blet, an
pu'âr blimbt.
blimètàj , 4-, état de ce qui est
blhnb. Se prend ordinairement en
mauvaise part, kà blimotàj! n àkàt
pu dt €e ptii'àr lo, rfo, ^' è tu jùs bô à
mît 511 se fye.
blimotê, -f , V. a. et pr., rendre
blimôy devenir blîmê. de pwàr kl s'
blîmot.
blîtttètùr, +, partie blimôl (d'un
fruit).
blhnâii, (i'{. \'oir evlituffû:
bltty 4-, individu mou, indolent;
fainéant. — Par extension , niais ,
vaurien, l^y! i àfï 5' sàkre blit Pd
dôdôr! Vieilli à Saint-Pol, ville et
faub., dans cette acception. — Se
dit amicalement d'un enfant joufflu
et bien portant, œ grô blit. — Avait
peut-être autrefois la signification
de mendiant, pauvre diable, car une
vieille fenmie ruinée par la décon-
fiture d'un notaire disait : me nvϞ-
i:^ hrwH-tî kbr ê kœk kbs âpre mi,
Hstœr î rëstrô blit.
blo, +, billot (de cuisine, de
charcutier), formé ordinairement
d'un tronçon d'arbre ou d'une grosse
souche à laquelle on a adapté trois
pieds. — Au fig., enfant bien por-
tant et très lourd pour son âge. kœ
blo k' € e el efà lo! — è blo, ou
mieux è tàk e blo, ensemble, en
gros, en un seul tas. jt l e hkàtï â
pôryô e tàk e blo. — A Saint-Pol-
ville, conc. : blok.
blèki, +, bloquer. — Par exten-
sion, et, s trtivwhr blèke, être em-
pêché (de continuer son chemin,
etc.), par la pluie ou par toute
autre cause imprévue.
blôke, +, petit billot {bld) sur
lequel on hache ou on découpe la
viande. — Morceau de bois qu'on
enferme dans une maçonnerie à
l'endroit des portes et des fenêtres,
afin de pouvoir les fixer, les clouer
solidement.
blôdTè, blôdtiût, X, celui, celle qui
a les cheveux blonds. Ne se dit que
46
ÉD. ÈbMONt.
des enfants.
blâ'iï', blœ^, 4-, bleu, bleue. J^;(
yti bld'û-; — (t'n rbb blœ^; — de blœs-e
màràn; — œ kÔtrô d' kâlmad blàk à
blâ's-e rwey. — Au fig., fer vtr blâ
à quelqu'un, lui causer un éblouis-
sement en le frappant sur les yeux.
— vtr blàw, se tromper, se mépren-
dre. /' Ô vu blâû', € etœ pà lï. — et
bhi'iu, être ennuyé ou tracassé par
un événement malheureux, ne savoir
que faire pour parer à une situation
fâcheuse, bel Ô/^ t sem blâiu dpt té
€ejû lo.
bJœe, +, centaurea cyanus; c.
montana.
blâ'^ ou blœs, +, s. f., mensonge,
bourde, conte, iï, e e de blœs ek te
;//' kdt lo! — Même sign. : kaktil,
kiVâr, kiil, kràk.
blœ^àt, -f-j bleuâtre, œkotrôblœ/^àt.
bJœ^r, +, V. a. et pr., bleuir.
è V b]œ:^€à œ mole pu for, mi lèj, t
sro gràme pu bybw. — à 6 o blœ:^ se
me en ebrnci d^ àkèr^â né.
bJiik, +, boucle, de sole â blûk
d' àrjè. — Même sign. : àblnk. —
A Saint-Pol-ville, conc. : bék.
blukèt, -\-, petite boucle,
blà^, X; et, j' met dà là bln{, se
tromper à son détriment, mal cal-
culer son affaire, s' bltiT^.
blîix^., +5 tromper; — s blu~e,
se tromper, se mettre dans la gêne,
s'abuser, fen /«' enue mi blu'^ ci ^'
pii'è lo, sûpo{ !
bo, +, adj. (fém. bas), subst. et
adv., bas. œ gârnefèr bo; — de plàe
bas; — dhed^ par e bo; — el bo d' œn
pà); — €' e bo, mn om, €0 k' ofeje lo.
— e bo, au sud. el vè et e bo; — £el
plâv âl vye d' e bo. — A Saint-Pol-
ville, conc. : bà.
bo, +, bois, dans ses acceptions
les plus ordinaires, àkâtt du bo; —
dû bô mor ; — œ plô d' bo; — hàeî
du muge de £ bo; — Hbàt bo. — bé
à pye, taillis. — bo niuhr, ou plus
fréquemment nivàr bo, rhamnus
frangula. — bo d' bre , viburnum
lantana. — bo d' ko ou bàyb d' ko,
viburnum opulus. — bo d' prêt, evo-
nymus Europeus. — Au plur., bo
d' œyet, tiges desséchées du pavot
œillette, dont se servent les ména-
gers pour chauffer le four. — Au
fig., mbr bo, se dit d'un fruit sans
saveur. £e pzvâr lo € t dû vre mbr bo.
— £^ e dû bo à kbp, se dit d'une
personne âgée qui vient de tomber
malade et dont la vie est en danger.
bbw, X, s. m., poutre, aolâ-me
€ kàrtd lo â € bbw. Employé dans
ce sens concurremment avec le mot
smnyî. — Tronc d'arbre abattu et
dépouillé de ses branches, si li ^;(
irem nû^^ âstr su / bb la-bo ? — Ban-
lieue : bébii-.
bbbïn, X, bobine. Concurr. :
bàben.
-\\- bbbbiv, -\-, ad) . , beau . e ! li ^' e
bbbbw! — Bien habillé, k' il e bobow,
€ Y&neï — Au fém., bWel. ûyel H hl
e bebel, eel tit fîfil! — Subst. m.,
jouet, objet quelconque paraissant
beau aux enfants, âkâte de bobow; —
œ byb bbbbw.
bbbbs, X, subst. des deux genres,
bossu. Se dit par moquerie.
bbf, 4-, grosseur au dos ou à
LEXIQUE SAINT-POLOIS.
l'estomac, enflure, saillie. — A
Sa int-Pol- ville, conc. : bas.
/\V?, 4- . Voir bô5^.
hôfety -{-, petite bosse, petite
saillie. — Au plur., pavés défec-
tueux, inégaux ou irréguliers qui,
si on les employait, ne fourniraient
qu'un pavage bô^ii, raboteux.
hô^ô. Voir bwtsô.
hôeû^ «/, +, adj. et subst., bossu;
— raboteux, inégal, en parlant
d'un chemin. — Conc. : bùsû, tit.
bédé, bédés (à Ramecourt : bédet,
fém.), âne, ânesse. — bôdè d* se-
nikélà, sorte de cavalier en pain
d'épices commun saupoudré de non-
pareille, de 15 à 20 centimètres de
longueur, que l'on fabrique à Saint-
Pol aux approches de la Saint-
Nicolas. Les mamans ne manquent
jamais, le jour de la fête de ce saint,
d'en déposer un ou plusieurs dans
le bas (kè^) de leurs bébés. — Au
bédé d! se-nikôlà
fig. , écolier (ou écolière) paresseux,
qui n'apprend rien. //, Ô pœ d'ir ek
t' et à' riîd bédé. — Adjectivement :
i m sTin à t-îr k' h ftl âl i kér pà
bédés ék r àné pà^y.
bédé , 4- , lit de sangle pliant ,
qui se tient ouvert par le moyen
de deux traverses. — Tréteau sur
lequel les btirh mettent le linge
mouillé, pour le faire égoutter. —
Chevalet sur lequel les mànâi' éd
mâeô déposent leur bàk, afin de le
remplir de mortier et de le charger
facilement sur l'épaule. — Le gvé
des fagoteurs est quelquefois appelé
bédé.
bédkû, bédiikû. Voir bàdùkil
bégé, -f-, battre les épis des gerbes
sans les délier, ébaucher le battage,
en quelque sorte, bégé du bley ; —
dél pal bégé. — A Manin : ébéké. —
A Fruges : eépè.
bég^€y -(-, s. m., bottes de blé à
demi battues, que l'on donne quel-
quefois aux chevaux et aux mou-
tons. — A Manin : ebékU.
békàl, X, bocal, dé békàl. Le
sing. béké est aussi employé. —
Banlieue : bûfel. bàyé-mé piir e su
d ée €iik là-^>é de V bittèl.
béké, -\-, bosquet. — A Saint-
Pol-ville, conc : bôské.
békiyô, X, bûcheron, ^e békiyô i-
àbét é prém é€ bé â pyé. — Banlieue :
békiW.
bé-kété ou bà-kété, X, espace
compris entre la chaussée et les
fossés d'une route. — Même sign. :
àkôtntà, àkôtnil.
bé-pàra. Voir byù-jè.
bor, 4-, bord, dans ses acceptions
les plus ordinaires, œ bér éd kàf>yow;
— élbérdée fié. — Jupon, iil é mi
48
ED. EDMONT.
5} byè bor. Voir hètrô. — Au fig.,
parti politique, t n e piuè del rnhn
hbr ek se pcr.
bôrâs, X, s. f., borax.
borde, -\-, border, dans ses accep-
tions les plus ordinaires. — Appro-
cher de. / bèrd il eekhcin.
bôrdey, -\-;fer irn bôrdey, se soûler.
bèrdùr, +, bordure. — Au fig.,
/ n frœ pà bô d' h frôte a 5e bôrdtir,
il ne ferait pas bon de s'attaquer à
son honneur, de froisser ses con-
victions, etc.
borUy +, borgne.
bènie, +, sans intelligence, sans
capacité, en parlant des personnes.
bbrnibtis, +, s., borgne (en mau-
vaise part). — Au fig., bêta, simple
d'esprit; maladroit.
bèrmf, -\-, s. f., soufflet (sur la
figure), tè-t, do, n byè f ero an bèrmf.
— Même sign. : baf, fif, kalot, paf,
pUimhs.
bbrnifle, appliquer une bèrmf.
Usité à Manin.
bos, +; ^'^ n âviuâr œn bos, être
complètement ivre. — Même sign. :
Jéltir, kii'it.
bose, +, V. a. et pr., bosseler,
bossuer ; déformer, œ kôdrô té bosey.
Employé concurr. avec la forme
bofî.
bèsho, bèskot, +, s., bossu, bossue.
— Par extension, individu de petite
taille.
bot, -\-, botte (chaussure); botte
(de foin, paille, légumes, etc.);
grande quantité. — Au fig., en n
âvwàr h bot, en avoir sa part (de
peine, de chagrins, etc.). sàkœ-n
n 0 5' bot.
botw, vessie. Usité à Manin.
botlet, -\-, petite botte, œn botlet
M lârsô.
bètlâ'w, +, botteleur.
bothuàr, +, s. m., terme de
tébàkyi, bâti à clair-voie servant à
botteler les mànèt de tabac avant de
les transporter dans les magasins
de l'Etat.
botyow, X, boisseau, contenant
autrefois le demi-quart d'une rti:{yer,
et aujourd'hui la dixième partie
d'un hectolitre. — Son contenu.
œ botyè d' pàmel; — tnue botyÔ d'
sukrtô. — Par analogie, grand cha-
peau de dame de forme ancienne
(époque de la Restauration) ; ne se
disait que par moquerie. — Ban-
lieue : botyéow.
bous. Voir bàû.
bèv, X, s. f., lieu souterrain,
cave profonde taillée dans le roc.
Certaines maisons des rues d'Arras
et de Béthune, à Saint-Pol, possè-
dent des bèv creusées dans l'émi-
nence sur laquelle était bâti l'ancien
château.
boyèt. Voir bàyet.
boyow, -\-, boyau, kro bèyow, rec-
tum. — boyè (T ko, corde à boyau.
— boyè d" ko ou bo d' ko, viburnum
opulus.
bô! bô! +, exclam, de surprise
et en même temps d'approbation
ou de désappointement, selon le
cas.
bô, bon, +, adj., bon, bonne. —
es fer œ bô kor, se nourrir d'aliments
substantiels. — et de se bon, être de
LEXIQ.UE SAINT-POLOIS.
49
bonne humeur. — h bô triînh], se
dit (ironiquement) de deux époux
qui sont continuellement ensemble.
— Au fig., V i ft bô (dans une mai-
son), SCS habitants sont dans l'ai-
sance, il ne leur manque rien. —
Banlieue, conc. : bwe, bwht. — A
Lign y - Saint - Flochel , Marquay ,
Averdoingt, Monts - en -Ternois,
Gouy-en-Ternois : bwâi, hwen.
bôhàrdt', +, bombarder. — Par
extension, accabler de coups (faub.
de Béthune). tyâ! sinô k' ij m àrtyâ,
f Û bôbàrd'!
bôbàsé, +, faire bombance.
-ff bôbô^ bôlfoti, X, adj., bon,
bonne, e! me nènCy € et-î bôbô! —
bôbô^ s., n'est guère usité; on em-
ploie de préférence les mots ai^tik
et smttk. Voir ces mots.
bo€. Voir bo].
bôdî, +, pli fait à une robe ou
à un jupon, afin de les raccourcir
ou bien de les orner.
bô-dyûy +, crucifix. — tl bô-dyil.
Dieu , le Saint-Sacrement. — A
Saint-Pol-ville , concurr. : bô-dyœ.
boj ou bo£, +, bonde (d'un ton-
neau).
bôfê, -\-; bôje œ tônow, y mettre la
bonde.
bôjury +, bonjour. Quelques
individus disent btljur et, par abré-
viation, jur. — bôjnr! X, interj.
marquant le doute ou l'incréduHté.
dimef, it vho, «( e prêdrô en pàeiy.
îvèy bôjîir!
liotn, X, baume.
/wî, -}-, s. f., conte, histoire
fausse, t nû-n nô kôâ an hbn.
Imi, -f, s. m., borne (d*un
champ, etc.). on Ô k5jé € bon H
plàe. — Concurr. : Mr«, fém, ,
forme seule employée au fig. —
Vieilli à Saint-Fol, ville et faub.
yon-dàm^ +, atriplex hortensis.
bôrièy -f-, bonnet. — bôtû rô; voir
tiirô. — boni turnày sorte de bonnet
tuyauté qui ne se porte plus. On
le nommait aussi sàr-tet^ à cause de
de son mode d'attache. Les per-
sonnes riches d'autrefois mettaient
d'abord un serre-tête blanc, puis un
second de soie noire recouvrant le
premier de manière à laisser voir
sur le front une petite bordure
blanche, et enfin le bôré tûrnà de
dentelles qui couvrait le tout. —
bône d* evek, mitre; partie d'une
dinde rôtie comprenant les deux
cuisses et la portion du corps y
attenant, o wardre €* bôriê d* evek
pur idnu. — bônè £ prît, fruit de
l'evonymus Europeus. — A Herlin-
le-Sec : hôm £ jedàrm^ aconitum
napellus. Voir kàsk.
boni, X, boni. S'emploie souvent
dans le sens d'âbôdnvà, de dre^l.
Voir ces mots.
bônifàs, +, homme simple, cré-
dule.
bôniklè , -f- , bonnet de peu de
valeur, confectionné sans aucune
garniture; mauvais petit bonnet.
œ niêkà bôniklé d' âryè.
bonme, X, bonnement. — A
Saint-Pol-ville, conc. : bonmà. —
Banlieue : hônme, bwénnu.
bônom, -|-, pantin; dessin ou
peinture représentant un personnage
KETCE Des FATOB. — 4-
50
ED. EDMONT.
quelconque, hnn ok i se fer de byô
bdndm, do.
hon-pyh, X, gamine. — A Saint-
Pol-ville, conc. : hbn-pyes.
bontey, -\-, bonté. Employé conc. :
à Saint-Pol, ville et faubourgs, avec
la forme bôtèy; dans la banlieue,
avec les formes bwentàe, hwetà,
hôswàr, +, bonsoir. — Par abré-
viation : iwàr. Dans la banlieue,
quelques individus emploient le
mot bôvep.
bd-tà, +, bien-être, aisance, cha-
leur. — Avoir bô-tà, faire de bons
repas, avoir toujours de l'argent à
discrétion afin de pouvoir satisfaire
tous ses goûts.
bôvep. Voir bôswàr.
bœ, +, bœuf, œ bœ, de bœ. Quel-
ques individus disent, au plur., de
bâf.
bœde, âne. Forme employée dans
les environs d'Hesdin, de Fruges et
d'Auxi-le-Château.
bœfrwey, X, befîroy.
bœl, +, beuglement. €el vak àl
vye d' fer œ drol de bœl; hwe li àl o ?
Même sign. : bœlme. Les personnes
qui veulent bien parler emploient
la forme bœlmà.
bœlàj, +, s. m,, action de bœle.
bœlàr, bœlivàr, +, qui bâ4, en
parlant des animaux; — braillard,
en parlant des personnes, tîi et bœlàr
lo t m ïe£rd pwe dbrmïr ! — Même
sign. : gœlàr, gœlwar.
bœle, +, beugler, si vyb t bœhue
à tnhr. — Brailler, hurler. Même
sign.
bœlmà, bœhiie. Voir bœl.
bâ'tor ou btitor, -\-, adj. en vàk
bd'tor, vache qu'on ne peut réussir
à avoir pleine, et qui est conti-
nuellement agitée, souvent furieuse,
et pousse des beuglements sembla-
bles à ceux d'un ior (taureau). On
l'engraisse ordinairement pour la
boucherie , et il est à remarquer
que sa chair est rouge et de même
aspect ûue celle du taureau.
bœvàp, +, buvable. — A Saint-
Pol- ville, conc. : biivàp.
bœvàj, -\-, boisson, se bœvàj li
kiit pu ker ek se màkaj. — Par exten-
sion, soupe, aliment liquide quel-
conque, y e gràmè pu Jâr del ear ek
iû € bœvàj lo. — Se prend généra-
lement en mauvaise part. — Vieilli
à Saint-Pol-ville.
bœvàtye, +, s. et adj., buveur,
ivrogne, véfyn ? pu snvê k' € e pà œ
bœvàtye! — Vieilli à Saint-Pol-ville.
— Même sign. : bœvœw.
bœvàye, X, boire (s' àmû:^). t
rèvero se kàrtô, do, pas t vô têdi
bœvàye par ei par lo. — Vieilli à
Saint-Pol-ville. — BanHeue : bœvàlé.
bœvà, -\-; du ta bœvà, du temps
chaud, altérant. — A Saint-Pol-
ville, conc. : bûvà.
bœvœw, œ^. -{-, s. et adj., buveur,
ivrogne. — A Saint-Pol-ville, conc. :
bâvœr, buvœr, bûvœw. — Même
sign. : bœvàtye.
bœvriy, -H, ribote. sel bett{ lo, îl
r ofè dèn an bœvriy. — Même sign. :
rbstriy, snlriy.
hràs , -f-, brasse, mesure prise
avec les deux bras étendus, équiva-
lent à cinq pieds (i m. 65 c. envi-
LEXiatli SAINT-I'ÛLOIS.
$1
ron). c pti pàrfô d' dî bràf. — A
Saint-Pol-ville, conc. : bras.
bràeiy, +, brassée, (en bràei <f
Un; — ibn bràei d* â/urty. — A
Saint-Pol-vilIe, conc. : bràscy. —
Même sign. : brâfyô.
bràflt, +, bracelet. — A Saint-
Pol-ville, conc. : bràsli.
brêUyôy +, s. m,, brassée, œ brà-
£yô (T bo; — œ bràeyô d" Iranien. —
Même sign. : brà^ty.
bradas , perte , action de bradé.
Ô-l r hô sàîâ té d' sû'U, nu pîir^èowj
kom €èb tj tro pwà d' bradas. Usité à
Nuncq. — Voir brhdrty.
brade ^ +, v. a. et pr., gâter, me
pem i 5' bràdwet; — eltài 5' brad'. —
Oter de son prix ou de sa valeur à
une chose en la dégradant, fé, e F
kôpà kom €0, t' ô bradé € inhrsyb
d bo. — Gaspiller, fè pwe bradé el
ârjè, îl e Ira ràl à € monië et. —
Vendre à vil prix, brade s' mâreàd'î^;
— brade V metye. — Au fig., s bradé,
en parlant d'un ivrogne, commen-
cer à être soûl, im, nin dm, Ô vi'i
brade; renaît xv<-;-r. — brà^ sn efà,
le gâter, entretenir ses vices et ses
défauts en ne le corrigeant pas
quand il en est besoin. — Même
sign. : wàté.
bràdèy, +, s. m., enfant gâté;
expression de tendresse et de cajo-
lerie, œ plî bràdéy. — mot à grô, me
bràdèy. — Même sign. : wâtéy.
bradrty , + , action de brade ;
perte , déchet. îj 0 gràmè d' bradrï à
€ mbrsyb lo. — dôriè à l' bràdrh,
vendre à vil prix. — A Nuncq :
bradas, perte, déchet.
bradai, ér, -f, subst., celui, celle
qui bràd', qui gaspille, qui n'a pas
d'ordre, h bràdyi le, 1 perdre tiUi
5' tàrfen, dô! — S'emploie aussi
adjectivement, hér nû, et je 16 i sot
œ môle bràdyé, i ni san à vtr.
brà), 4-> grain humecté et germé
servant à la fabrication de la bière.
Un assez grand nombre d'individus
prononcent bràe.
bràjé, -f-, adj., altéré, pourri;
se dit particulièrement du bois qui
a subi l'action de l'humidité, et qui
présente un commencement de dé-
composition. Ainsi, dans une meule
de fagots restés longtemps à l'air,
ceux qui reposent sur le sol sont
toujours bra/'é, et leurs redô (pare-
ments) se cassent nettement et sans
grand effort comme du bois pourri.
bràje (5'), + , commencer à se
décomposer, en parlant du bois
exposé à l'humidité, né fàgô i s'
bràjwet de €^ bo.
bràjwhr, + , germoir (d'une
brasserie).
bràk, +, s. m., écervelé, étourdi,
celui qui aime à faire beaucoup de
folies et de bruit, se brak ed gHreô tl
Ô rfé d' lé syen. — Adjectivement,
il it ce mole brak. — A Manin :
ébnàk.
bràk, instrument servant à briser
les tiges de lin avant de les éktUe.
Usité à Ramecourt. Voir tnâkwàr.
bràké, broyer le lin au moyen du
brak. Usité à Ramecourt. Voir brèyé.
bràkè, -h, changer (une voiture)
de direction, brâke à driuàt.
bràkô, -h, support, morceau de
52
i:d. edmont.
bràk.
bois que l'on place sous une poutre
dont le bout commence à dépérir.
bràôc, +, brasser (la bière). —
Au fig., s'occuper, je n se mi €o k' t
bras, k' i n arvyl pwe. — Tramer,
machiner, vlo bye en œr h' i btivelt,
ee-ei; kwe k' e e-n n e Ft brast-e lo?
brâsŒiu, +, brasseur. — Con-
curremment : brHsœr.
bràsrïy, +, brasserie. Ne se dit
que du lieu où l'on fabrique la
bière.
bràv, +, adj, et subst., probe,
honnête. — Adj., bien vêtu, orné,
habillé avec soin, e! kom el vlo brài\
âvœ 5' bel ràbîytir! — s' fer bràv,
mettre ses plus beaux habits, faire
toilette de manière à pouvoir figurer
avantageusement.
bràvme, +, bravement, coura-
geusement. — Naïvement. U 6 aie
lo pu s' fer bràvme àtvHpe. — A Saint-
Pol-ville, conc. : bravmà.
brâvrîy, X, bravade.
brâvtey, X, probité. €' e 5' bravte
li al V à mi ddà.
bràyâj ou brâlàj, +, s. m., action
de brailler.
brasàr^ X, brancard. Forme em-
ployée par les individus qui ont la
prétention de vouloir bien parler.
niô bràmr dé Cabriole îl e kâse.
bràk, +, branche, dans ses accep-
tions les plus ordinaires, œn braked
seyû; — œn grès bràk; — tl rtvyer à
s' pârtâj lo e dœ bràk.
bràkàj, X, branchages. Se dit
ordinairement en mauvaise part.
bràket, +, petite branche. —
Par extension, petite quantité d'un
végétal quelconque, œn bràket ed
par se.
bràkn, fis, +, branchu. œnetfbr
bràkû. — ey! âl e byè trô bràkiis, €el
bàget lo I
brale, +, agiter, remuer. — Au
fig., bràle de e viàe, être sur le point
de perdre sa position ou sa fortune.
brcy, -\- , s. f., vase, boue qui se
dépose au fond des mares, kh de
€%l brèy.
brèdtil (ârvmr), avoir fait une
démarche sans succès ; n'avoir rien
tué, en parlant d'un chasseur.
brele, serrer fortement (un meu-
lon de foin) avec des liens de paille.
Usité à Manin.
bren, |-, saumure (?) N'est usité
LEXIQUE SAINT-POLOIS.
53
que dans cette locution : sâl^ k^m
hren.
brhy +, pleurer, crier, gémir,
se lamenter. Se dit des personnes
et des animaux, kwe k' àl o, t' fil, à
brW kom fÔ ? — £ kÔ t brL — Au
fig., il 6 etèdû (^n vàk brer, mt i n
,4 pu<e de kœl hàv, se dit de quel-
qu'un qui entend parler vaguement
d'une chose qu'il voudrait bien
connaître, mais qui ne peut y par-
venir; ou qui veut se mêler à une
conversation, après avoir saisi quel-
que lambeau de phrase pouvant
l'intéresser.
brhîy, -\-, action de brer. Même
sign. que breyàj, mais d'un usage
moins fréquent que ce dernier mot.
brhyer^, +, bréviaire.
bréyàjy +, s. m., action de brer;
pleurnicherie, niô dyti! mô dyti! kà
je II £ e Ji 0 f entré îû ^' breyàj lo ?
— Même sign. : brerty. Voir ce mot.
brÈyàr, ywàr, +, subst., enfant
pleurnicheur; celui, celle qui bre
sans cesse. S'emploie aussi adjecti-
vement. — Même sign. : breyu, tis.
— Par extension, an klèk breywàr,
une cloche qui sonne lugubrement.
breyû , us, +, subst., pleurni-
cheur, enfant grognon, tne! me!
vie! :;àbet , kœ lé breyû d* efà k' et
uh k" àl 0 ! — S'emploie aussi
adjectivement. — Même sign. :
breyàr, yu'àr.
bre^, 4-, s. f. pi., braise. N'est
employé au sing. que dans cette
phrase : met dhi bre{ su j' pip (pour
l'allumer). — dé jen bre^, même
sign. que le mot brî^t. — Au fig..
d?/ bre^y de l'argent.
brh;etj +, s. f. pi., menue braise
{pn brèQ servant à emplir les
chaufferettes, à fh dî kuvè.
bre, X, s. m., matière fécale.
— bre d* ôrel, cérumen. — brl d*
àgàs, gomme du pays, que sécrètent
le cerisier, le prunier, l'abricotier,
etc. — bre d* jiidà (faub. et ban-
lieue : brê d judo), taches de rous-
seur au visage. — Au fig., œ bre
d' tye, une chose minime, un rien.
— œ gré mÔ d* bre, une personne
d'un embonpoint e.xcessif et sans
énergie. — tne piuè d* brè, il ne
se laisserait pas marcher sur le pied
sans protester, sans sàrbifi. — On
dit sous-ent d'un jeune homme qui
fait le difficile pour se choisir une
femme : t kèro se nt de e' brè (ou
de €el bàrnèy), il choisira mal et sera
malheureux en ménage. — du bre!
exclamation de dépit, d'impatience
ou de mécontentement, h! du brè!
0 in ebhe! — Faub., conc. : brâ\
— banlieue : brè, bre.
brè, +, s. m., chose quelconque
que l'on demande, un morceau de
pain, par ex. Un mendiant {brèbctiù)
se présentant à une porte, dira :
bàye-m œ brè, s t vu pie! — Vieilli.
brèbàle, +, mener, porter par-
tout, me œ mole £él kuvH 16 de f
h\r : je V brebàl kôtind'él. — Aller
et venir. — Se dit aussi de deux
jeunes époux qui ne sont pas encore
en ménage et vont alternativement
demeurer chez les parents de l'un et
de l'aLtre. — En parlant d'un ou-
vrier, être sans ouvrage , ne savoir
54
ED. EDMONT.
que faire, vlè dœ jnr li t brlbalt ti
dd'ic. A, dans ce sens, la même sign.
que le mot bàïôee. — s" brèbàle, se
promener. / s brèbâliue de € hh £ gô^è.
brèbt', -\-, mendier, vagabonder.
Se dit surtout, et en mauvaise part,
d'un individu qui cherche hgrujJè,
à se faire payer à boire, à mendier
un repas. Vieilli.
brèbâ'ii', +, mendiant, vagabond,
gueux, quémandeur. — Par exten-
sion, celui qui demande toujours,
quoique n'ayant besoin de rien. Se
prend ordinairement en mauvaise
part. — S'emploie aussi adjective-
ment.
brèdvè, + , eau-de-vie.
brèd^è^ , X, ivre. I j' o rènâle œ
mole brèd^è^. A Ramecourt : brl^. —
Même sign. : ros ou rost, bû.
brè^,-\-, terme injurieux, femme
grande, mal bâtie et d'une intelli-
gence peu développée. — Même
sign. : eàbràk (x).
brègà, + , mauvais sujet, garne-
ment, vaurien, coureur de rues, te
brègà d' fyù t n è rhpir pwè an bon.
— Se dit aussi, avec une légère
pointe d'admiration , d'un luron ,
d'un enfant espiègle, hâ biigà, kœ
eef ek eà fe €0 ! — Adjectivement :
feje àtèsyô â vu, mè gHr^Ô; o vne rùdmè
brègà, i ni5àn à vïr. — Même sign. :
bMl. — A Saint-Pol-ville , conc. :
bfigà, subst.
brieodà), -\-, s. m., action de bri-
sbde. âvœk de fokâs Ô n fe k' du brhô-
dàj. Vieilli à Saint-Fol (x). — A
Fruges : brtfodàj.
brUode, -J-, employer son avoir,
ses denrées, etc., à des choses inu-
tiles; gaspiller, faire de la mauvaise
besogne. Vieilli àSaint-Pol (x). —
A Fruges : brtfôde.
brU',-\-, bride, de bridedeàbo; —
de brid ed boue. — br\d ed drtigô, bout
de ficelle fixé aux deux extrémités
du montant d'un cerf-volant (dràgo),
et à laquelle est lié le fil qui le main-
tient en l'air.
bridey, -(-; et brtdèy, porter au vi-
sage, à cause d'un mal de dents ou
d'une fluxion , un mouchoir plié et
passé sous le menton comme les
brides d'un bonnet. — Par exten-
sion, avoir mal aux dents.
brîf, -\-, s. f., gros morceau, œn
brif ed pè ; — œn brtf ed vyàd'. —
Même sign. : sîk, klîp, Jdipd, trik.
— Absolument : portion de pain
accompagnée d'un btirè que les ou-
vriers emportent aux champs pour
leur âr^ine. prèd' h bnf, èpèrtes brïf.
brtfodà). Voir brhodaj.
brtfôde. Voir brUÔde.
brigàd\-\-, brigade. — Par exten-
sion, grand nombre, œn brigàdd'efà.
brije,-\-, V. a. et pr., briser, dans
ses acceptions les plus ordinaires.
i brijrwe ptito tut k' t 5' en triae d' ui.
— par de kalœr kbni €0 €% ble i brijt.
— €â vu brijwe Vkœr €0 k'Hl râkôtwe
lo.
brij-fer, -f, enfant qui abîme,
déchire, casse tout ce qui lui tombe
sous la main; qui use fort vite ses
vêtements. Se dit aussi parfois d'un
brutal, capable de tout casser.
brikal , s. f. pi., ou br'tktô, s. m.
pi., H-, morceaux de briques cassées
LEXIQUE SAINT-POLOIS.
))
non utilisables. Se prend ordinaire-
ment en mauvaise part.
hïk(hl, +, s. f. pi., êtres imagi-
naires, sorte de croquemitaines dont
on emploie le nom pour faire peur
aux enfants, ou pour les empêcher
de sortir le soir, si Ù n jbk pwè^ né-
ft-t â tî : j' év ft'l tràp M gârfié e pi
j' àpèl £i brûhst. — Même sign. :
lâtti:^y^ f. pi.; lôripèty m. sing.
bnkàyô ou brikàlô, -\- , morceau de
brique pouvant encore servir. S'em-
ploie ordinairement au plur.
bnkol, -\-, pièce de harnais, etc.
— Terme injurieux qui s'applique
à une femme peu estimable, à une
coureuse, etc.
bnkôlaj,-\-, s. m., action de bri-
kùle.
brikéle, -\-, commencer un travail
et ne pas le terminer. — Vivre d'ex-
pédients, vô, il Ô du mo âsé à bnkôJè
kàm i pœ.
brikôlàw ou bnkôlye, -f- , individu
qui brikol; ouvrier qui ne peut res-
ter longtemps dans le même atelier,
qui change souvent de métier, qui
ne sait où être bien.
bnktô. Voir brikal.
bnktâw, +, briquetier. A Saint-
Pol-ville, conc. : bnktœr.
Ml, +, s. f., accroc à un vête-
ment, lambeau d'étoffe, loque, aïe
à bnl. — Par extension, petite par-
tie, if debàgâjt an bnl à viittr. —
V^ieiUi.
briUi ou briya, -f, brillant; —
prospère.
briJi ou bnyt,-\-, briller; — pros-
pérer.
brilwàr ou briyu'àr^ -f, s. f., per-
sonne qui aime les bijoux et la toi-
lette, qui veut briller, éclipser ses
compagnes. //, /^ /' màrirwit àvâk dn
brilwàr kôm el ?
brimet , -f , s. f. s., aliments que
l'on emporte des' mù^t lorsque l'on
travaille au dehors et qu'on ne re-
vient pas prendre ses repas à la mai-
son. IpèrÛ i' brimet.
briiw,-\-, pain pour les chiens fait
avec un mélange de farine et de son.
— Par extension, pain de mauvaise
qualité ou mal réussi, àvâk dîl ji
kôm €0 Ô n pœ jàme fer ek du brinô.
brtsky X, galon indiquant le grade
ou l'ancienneté (dans l'armée). —
œn vyel brisk , un vieux soldat che-
vronné. Même sign. : vyu brisko.
briskMà],-\-, s. m., état de ce qui
est briskàdk
briskadè, + , gâter, abîmer, briser.
/' e œ tu né grùjtye je brhkàde d' eel
ârniï (f ore. — me salo d' dm / m' âfô
tu briskâdè me nwlë d* mena].
brisko y X; vyû (ou vyœ) brisko,
vieux soldat à chevrons. Voir brisk.
brisko, X, petit morceau de bois
d'environ dix centimètres de lon-
gueur, servant à jouer au but (ou
au brisko). Voir but. — En langage
libre , membre viril. — Avant la
Révolution : brisko, mesure de capa-
cité de la contenance d'un botyb.\o\r
ce mot.
bro, +, bras, àvwàr mb H se bro;
— viv ed se bro; — It brb d* à-n krwe.
— Au fig-, àvîvàr d brb kâse , être
découragé, perdre son énergie par
suite d'un événement malheureux
56
ED. EDMONT.
OU d'une mauvaise nouvelle. —
N'est plus guère employé à Saint-
Pol-villc.
bro-â-trwe, +, sorte de trâéye ser-
vant à atteler trois chevaux de front,
surtout pour labourer. Peu usité à
Saint-Pol-ville.
brôdàj, +, s. m. pi., menteries.
brode, -\-, broder (sur une étoffe).
— Mentir.
brÔdœ{, -{-, brodeuse. — brodâid,
œ{, menteur, euse. fô mt /;^ âMte,
€ e tu brodœ^.
broje-tûtâr, +» subrogé-tuteur.
Forme employée par un grand nom-
bre d'individus.
brok,-\-, s. f., cannelle (d'un ton-
neau). Vieilli. — Grosse cheville de
bois que l'on met à un tonneau en
guise de cannelle et que l'on enlève
chaque fois que l'on veut tirer une
partie du liquide qu'il contient. — ■
à brok, en perce, met œ tônô d' €td' à
brok. — brbk à Un, f. pi., morceaux
de fer terminés en lame de couteau
qui servent à maintenir tendues les
Un (cordeaux) des couvreurs et des
maçons. — brbk, s. m, pi., dents.
îl b dû yeye à se ti brok.
brbkàr, +, s. m., dent canine,
longue et pointue, du chat, du chien
et de quelques autres animaux. t;(
dô ! € tye lo, si k^ i f herdrwe àvœ se
brbkàr ! — Par extension et par mo-
querie, dents d'une personne, lors-
qu'elles sont un peu longues. —
Familièrement, de peti brbkàr, les
dents d'un enfant. — Voir brbk.
brbkàtàiu, œ\^,-\-, brocanteur. Peu
usité.
brbke,-{-, V. n., poindre, commen-
cer à se montrer, en parlant d'une
dent qui perce ou d'une céréale qui
lève. îl b dejb dâ de kî brokt; — nie
swhl f kmh à brbke. — V. a., couper
mal, déchiqueter ce qui devrait être
tranché nettement. On brbk ce que
l'on veut couper en se servant d'un
outil mal affûté, i n etwî't-te piue
kbpe, €e rheen, e ttwe brbke.
brbk-epen, +, rhamnus catharcti-
cus.
brbket, +, verge des petits gar-
çons. Même sign. : btbet, bibtt, bitlo.
brbkrœ, +, bâton ou traverse ser-
vant à maintenir les pieds d'une
chaise; — degré d'échelle. Emplo3'é
concurr. avec la forme brœkrœ. —
Même sign. : béjô. Un brokrœ d'ekel
se nomme aussi ekeyô.
bras {/ e),-\-, locution marquant
une déception, ej kôtwe d' àr-etivwHr
Ib grànie d' àrjè, me e e brbs piir nn
kbr œ kbw.
brbse, brosser. Voir brÛ£e. — Au
fig., X, donner une brosey. — j' brbse
r vàt , regarder les autres manger,
passer sous la table.
brbsey, X, volée de coups de poing
ou de bâton. — Banlieue : brbsàé. —
Môme sign. : dejtlèy, dél, tbréeùr,
pli, ràkley, rhtir, tattil, trtpotèy, tuyùr.
brbske, +, brodequin.
brosœr, X, brosseur. —Banlieue,
conc. : broseû).
brbye, +, broyer. — Par exten-
sion, et tu brbye, être harassé de fa-
tigue, ressentir des douleurs par tout
le corps. — A Saint-Pol-ville, con-
curr. : brwàye. — brbye, X, briser
LEXIQUE SAINT-POLOIS.
57
les tiges du lin avec le mâkwâr, avant
de les ^kiU^. A RatîK'COurt : brâla.
hrôetk, X, bronchite.
hron,-\-, figure grasse et joufflue.
// (1 (t'n rtid hrôn, te fyûy à vw^ k' t ttièj
^ràitiè (T li huit.
brôtjô, +, coup sur le visage, et
par extension sur une partie quel-
conque du corps, fàvd' k' à pà l àli,
/' hœ pà r€û € brÔDÔ Jo.
brœen,-\-y bruine, b shnfefrt (T eel
brœen. — Au fig., semonce, répri-
mande, àl grul à tntir, stirtn dpi eel
brœen k' h mer à l Ô bàÏÏ brh. — A
Saint-Pol-ville , conc. : bruen. —
Vieilli dans le sens figuré.
brdnnàjy -f, s. m., action de bré-
ine. Peu usité.
brd^nè, +, bruiner, âvœk tn ^o, t
brœen tudt, tnô ? — A Saint-Pol-ville,
conc. : bruiné.
brœkrœ, +, bâton de chaise, etc.
Voir brôkrœ.
brœn, +, s. f., tombée du jour.
01 àvô er£e sk' à /' brœn. — A Saint-
Pol-ville, conc. : brun.
brênat,-}-, brunâtre. On dit aussi
brœnàt.
brœmt,-\-y s. f., presque la brune,
un petit espace de temps avant la
brune. / ire vu inr â V hrœnet. —
Jeune fille brune, œn tit hrœnet. —
On dit aussi brœnef. — A Saint-Pol-
ville, conc. : brwû't.
brântèy, -f-, s. f., temps brun,
obscurité, épaisseur de la nuit, d' el
brœnte k' ijejwe, f m' e trôpe d" pyesèt.
brœvà],-\-y aliment liquide; se dit
spécialement de la nourriture pré-
parée pour les bestiaux et qui a pour i
base le son ou Vàrbtilt délayé dans
de l'eau , le tout versé bouillant
sur des racines fourragères coupées
(fikt^) en menues lanières.
brœvyer, bruyère (plante). Usité
à Manin.
brd':^tl, -|-, soupe au pain. Voir
bàr:iîl.
brœy brœn, -\- y adj., brun, brune.
el brœ vep. — Subst., œ brœ, en brèn.
— A Saint-Pol-ville, le fém. brœn
est employé concurr. avec la forme
brun.
brùayèt ou bnUiyet, X, s. f . ,
menu bois, brindilles ramassées dans
les bois, les vergers, etc. an bure
d' brùeiyet. — Quelques vieillards
emploient les formes brùeilet, brtui-
[èt.
brûèn, bruine. Voir brœen.
brùlàJ,-\-, s. m., action de brûler;
état de ce qui brûle; chauffage, du
bo € et œ pti brtilàj dèn œ pwal. —
Eclairage, s' et œ byô brûlàj, du ga^,
nié € % k' €à but kèr ker.
brûle, +, brûler, dans ses accep-
tions les plus ordinaires, — Être
tout près d'un objet caché que l'on
cherche.
brûlèy, X, s. f., quantité (de café)
torréfiée à la fois dans un brûloir.
brulèyy-\-, adj., en parlant des per-
sonnes, pressé, impatient, actif, qui
voudrait voir la besogne terminée
sitôt que commandée, dé je brûler.
— tï, t' e tudt brùley.
brûle, -f-, s. m., vieux linge ou
bois mort à demi brûlé et étouffé
dans une petite boîte de cuivre ou
de fer-blanc. Le brûle tient lieu
58
ED. EDMONT.
d'amadou aux campagnards. — bwât
â hrulè, boîte de métal contenant le
brùlè. — Odeur de hrtilè, odeur de
linge brûlé. £â se riidnâ l" brûle Ut :
jn k' t n trwe du fii kœk' par ?
brùl-gœl, +, s. m., pipe très
courte.
hridœw, +, incendiaire, œ brûla
d'tiiâ:(p; œ brûlœ d' viwey.
brus ou brtisk, +, brusque.
bru,-}-, broc, œ brn d" Àd' j œ bru
d' yoif.
bruàè, petite pluie de peu de du-
rée, ïl 0 kéâ en ût brûàè F àl fro
rûdmè dû bye. Usité à Siracourt.
brébrû, -\-, s. m., individu qui
gesticule beaucoup, qui se monte
pour un rien. S'emploie aussi adjec-
tivement. — Même sign. : brà-e.
briif , -\-, s. f., brosse, œn brîi£ à
6ole. — Balai de crin ; gros pinceau
à long manche servant à badigeon-
ner, mè blàkieàiu il oblî tédî se bré-e.
— A Saint-Pol-ville, conc. : bras.
brûe , -\-, s. m., individu qui se
monte pour un rien, qui gesticule
beaucoup, kœ brii£ J' dm k al o! —
S'emploie aussi adjectivement. —
Même sign. : brnbrti.
brille, -f-, brosser, i brti-ewe s' mà-
rbn. — A St-Pol-ville, conc. : brose.
bréeiyet. Voir brûAyet.
bréîr,-\-, bruire. Forme employée
par un assez grand nombre d'indi-
vidus.
brûl, X, brouille. Même sign. :
brulrïy, bi'uyàj.
brulrîy,-\-, brouille. Même sign. :
brill (x), bruyâj. .
brûl-tnt,-\-, brouillon (personne).
brésâl, -f-, broussailles.
brmàyœw, +, couvert de brous-
sailles, œ rèdyè brésàyàhi'.
brtit, -f, pain, aie ker dû brut.
brî1tà),-\-, s. m., action de brute.
— œ byb bréla], commodité, facilité
pour bréte.
bréte, +, transporter dans une
brouette, et, par extension, dans un
véhicule quelconque, àlô, môte de
m' kàret, ej vu brûtre œ bû. — h fer
brute, se faire conduire en voiture.
— Au fig., flcâner, aller de droite et
de gauche, être toujours en quête
de nouvelles, edû li € ek'ile remue
brute, do, s grà bHlôfàr lo ?
brutèy, X, charge d'une brouette,
en brute d' hfûrey; — œn brute d' fyè.
— Banlieue : brutae, brûtàè.
brutèyet, +> petite brutèy. œn bru-
tèy et ed £ed'.
brutèiv, œ^, -\- , celui, celle qui brut.
— A Saint-Pol-ville, conc. : brutœr.
briiyàj, X, s. m., brouille, n o œ
môle d' brûyàj èter œ-w. — Banlieue :
brulaj. — Même sign. : brûl (x),
brûlrïy.
bn\àj, +, s. m., action de bn\e.
Peu usité.
bruxe,-\-, V. a. et pr., noircir, sa-
lir, barbouiller, t s' o bruT^à-e mur.
— vufb eûkre vu It buU avœk del kàs-
tônàd' blàk, pas âvœk del rus o;( ère dû
lé buli bru:^y. — bïï bruzey, blé sali par
des grains cariés. — pe bru-^y, pain
fait avec de la farine de bû bru:(ey.
bn\nr,-\-, noircissure, souillure,
saleté.
bû, -f , ivre. /' etîve bû. Employé
surtout par les individus qui veulent
LEXIQUE SAINT-POLOIS.
59
bien parler. — Môme sign. : brld:^^^,
rost.
hùf,-\-, s. f., tuyau de poêle ; con-
duit ou tuyau en terre cuite. — A
Saint-Pol-ville, conc. : bû'h. — Par
analogie, se dit plaisamment d'un
chapeau à haute forme, m^t h bue.
— bu€y dent de fer d'une er€ à bti€.
Voir tr€.
bÙ€ô^ -I-, bouchon (à bouteille).
— A Saint-Pol-ville, conc. : hu£d.
bu€ô,-\-, buisson; touffe d'arbris-
seaux sauvages. — Buisson épineux
isolé dans les champs et servant de
borne, el bneô (T fc dij-ûnt. — Partie
de bois d'une certaine étendue, ee
bÙ€Ô â ran.
bùfô-ârdà. Voir bdnsô-cirdà.
bùfôrie, +, pousser en buisson.
Peu usité.
btiftrty, X, buffleterie.
bùk, +, très petite parcelle, mi-
nime quantité; — grain de pous-
sière, etc., pouvant se trouver à la
surface d'un liquide ou dans l'œil
d'une personne, n ô de bùk de me le;
— y è œn bùk de mn œl. — Négati-
vement, piul en bùk, nullement, pas
du tout, ej n Ùwe pwè œn bùk V Ide
d" fer fb. — nô pu an bùk ed karbô
de €* pLi'àl. — Même sign. : berlùk.
bùkâj, +, tapage causé par les
coups que frappent certains ouvriers
pendant leur travail, ou par les en-
fants quand ils jouent, tu € bùkàj lo
eà m hiiî.
bùkàr, bùkii<àr,-\-, celui, celle qui
bùk. — Enfant qui joue trop bru-
yamment (avec une planche, un
marteau, par ex.), t jékrô-t-î, do.
i bukhr Jb ? — Même sign. : bùkâw^
œ{. — Vieilli à Saint-Pol-ville.
bùhèy -f , frapper, heurter, reten-
tir, f àw bùkt trué fué â el ne. —
il tônwàr Ô lé bùkê œ rhd' kow. —
Battre, hl bùkwe se gùreô diir tferm.
— 5' bùké, se battre. — Lancer la
seconde kùl. Voir but {j-d'i 0).
bùkèt, +, petite bùk. œn bùket td
€Ùk. — tiri à r bùket, tirer à la courte
paille. — Au fig. bùlût. pi., argent.
byèn ûrœ d' Hvu'Hr râ me bùket. —
S'emploie quelquefois au sing. an
tit bùket, un peu d'argent, si K i pôr-
■we kbr ràvu'àr eel th bùket lo, â tu
r mu'è. — On dit d'un individu
avare ou économe , ou bien d'un
marchand qui vend cher : / n don
pwè se bùket.
bùkœw, œ^. Voir bùkàr.
bùkii'àr,-\-, s. m., tronçon de su-
reau dont on a retiré la moelle, et
dans lequel les enfants introduisent
deux balles d'étoupe ou de papier
mâché, dont l'une, poussée avec un
petit bâton, chasse l'autre avec bruit.
— Même sign. : kânô. •
bùlti, -f , bluter.
bùltrty,-\-,s. f., endroit d'un mou-
lin où se trouve le bùltwàr.
bùltwàr, -f, blutoir.
bùo ou bùyÔ,-\-, fuseau, chargé de
fil ou non. — Partie du conduit
d'une cheminée qui dépasse le toit.
œ bùè d kminèy.
bùr,-\-, beurre, dû blà bùr, dû bùr
gan. — Au fig., fer se bùr, faire de
bonnes affaires, amasser beaucoup
d'argent. — A St-Pol-ville, conc. :
bœr.
6o
ED. EDMONT.
btiràdrïy. Voir btirly.
bures, +, femme qui fait la les-
sive (lessiveuse), f e dé biires à s môme
£î. — âvwâr an là^ M bures, être ba-
varde h l'excès.
btire, +, s. m., portion de beurre
distribuée dans les fermes aux do-
mestiques, î/r^, varie, nûken, etc.
Les btire sont préparés d'avance, et
on leur donne en petit une forme
semblable à celle des pièces de
beurre. — Vàsey, qui sert à faire
apprécier aux acheteurs le goût et la
qualité du beurre porté au marché ,
porte également le nom de bure.
bùrïy,-\-, buanderie. Quelques in-
dividus, croyant bien parler, em-
ploient la forme bûràdrïy. — Vieilli
à Saint-Pol-ville.
bùryer, -f, s. f., œn bon buryer,
une vache dont le lait est riche en
beurre , en fournit relativement
beaucoup.
bus, X, buse.
btis, X, buste.
but, -f-, but. — jive 0 but ou au
^m^o, jouer au bouchon. Ce jeu con-
siste d'abord à étape sur le sol un
brhké ou un simple bouchon sur
lequel on dépose les enjeux. Chaque
joueur, préalablement muni de deux
kùl (palets), se met ensuite à la
distance indiquée et commence par
plàee, ou jeter la plus légère de ses
deux kùl de manière à la faire tom-
ber h plat le plus près possible du
bttt; puis il bfik avec la seconde kul,
c'est-à-dire qu'il la lance avec force
contre le brhko de manière à le
chasser au loin tout en faisant
tomber l'enjeu à l'endroit où il
était placé. La mise appartient à
celui dont la kiil en est le plus près.
Si le brisko n'est abattu par aucun
des joueurs, on fait une àrmi^ (on
double la mise) et l'on recommence
la partie. La mise et les àrnvi^^ suc-
cessives font un byb klnk pour celui
qui parvient à les gagner. — fer o
but, abattre le brisko; par analogie,
culbuter une chose quelconque.
but, +, butte. — tire à V but,
tirer à la cible.
butor. Voir bœtor.
btivà, altérant. Voir bœvh.
bûvâii'. Voir bâvœw.
bùyo. Voir bùo. — Au fig., ce kûr
bûyo, -\-, une toute petite personne
bien portante. Mêmesign. : œkûrbîl.
bù:(àj, -f-, s. m., action de bu:<^.
Se prend ordinairement en mau-
vaise part.
bû:{àr, bti^iuàr, -\-, subst., celui,
celle qui bti^. — S'emploie aussi
adjectivement.
biiT^e, -f-, penser, réfléchir, avoir
l'esprit fortement préoccupé, à tédi
bû^è kàm £0 0^ âve ptir sœr kœk kos :
dije-me-l V e.
bû:{yow, -\- , biseau. Forme em-
ployée par un assez grand nombre
d'individus.
bu, -f, bout. — bé d' om, homme
de petite taille. — œ km bû, une
petite personne. Voir bûyo. — bu d'
ta, espace de temps. — à tn bu d'
€à, constamment. — o bû du kot,
b bu d' tut, après tout, en définitive.
kwe k' € é F 0 vole, Ô bû dû kàt ? —
Ô bû d' tut, enô, e e mn om.
LEXIQ.UE SAIKT-POLOIS.
6l
-ff bubue. Voir bulmk.
-jf hubuk, +, bouche des enfants.
è kuédôk'ôlô tiii d^ s' bâbuk, â i
réu} lô? — A Saint-Pol-ville, conc. :
huhuf.
-ff bubul, X, bouillie.
-ff hubury X, ventre des petits
enfants. /' Ô du yèye â te bubtir, mè
pti£è! Même sign. : huderlo.
bubury s. m., torche de paille
pour burdè. Voir burbur.
hiUty +, V. a. et pr., boucher.
âvii'àr se riè biUÈy X, être enchifrené.
bu€tyy -{-, bouchée, an btUi S pe.
bu€-tniy X, vitrier.
-ff bâderlo, X, ventre des enfants.
— Même sign. : bùbur.
biidiràyy +, s. f., festin qu'il est
d'usage de donner à ses amis lorsque
l'on a tué un porc. Même sign. :
trt^y. — bâdîriey, plat de boudin.
Ô^ àrpèrtre œ mèîè i budité â vu mer,
€à ît fro pl^.
bùdkû. Voir bàduhl.
bufty 4-, manger gloutonnement.
Même sign. : bâfre, galufê.
bujey, +, bouffée; — lubie.
bufu ou IntfUy +, bouffi, gonflé.
Se dit surtout d'un malade qui a le
visage enflé, ou d'un ivrogne à la
face tuméfiée et bourgeonnée. — A
Saint-Pol-ville, conc. : buft, bufi.
biifàùy â^y -f , glouton. Même
sign. : gàlà/y gàlfifàr, làbaf.
bùfàù-y -j-, adj., se dit du vent
quand il soufile par boufiées. el ve
il e lérjbr bùfà'w.
bugônàr, nwàry +, celui, celle
qui bougonne sans cesse.
bugTy bàgres, -|-, subst., terme
d'injure ou de mépris sans signifi-
cation précise. — A Saint-Pol-ville :
œ bô bugTy un bon garçon, un luron.
— La forme bugir s'emploie devant
une consonne, h bug/r /o, kom îl Ô
jileyî — Se dit aussi pour donner
plus de force à une expression, hi
n hvwHr 5e bugêr dé so, en avoir tout
son soûl. — bugré! jurement, em-
ployé concurremment avec la forme
moins grossière b'igr^!
bugratiy f., bugre, m., X, ononis
repens.
bugrèmày X, fort, très, énormé-
ment. Concurr. : Mgrêmà. — Faub.
et banlieue : btigèrmèy bugermè.
bufèy -f-, bouger; — se remuer,
être ou devenir plus actif.
b^'j^i +> s. m., barre de chaise;
échelon. Même sign. : brékrœ. Voir
ce mot.
bujôtéy -f-, bùjôrâ dhi Itkxl, la gar-
nir de btijô.
bûjùr. Voir bôjur.
bujtàjy -\-y s. m., action de bujte.
— Menu bois que les bujlâ ramas-
sent et coupent dans un taillis, mete
kbr œn piinî £ biijtàj de € fû. On en
façonne de grosses bourrées qu'on
lie avec deux àreel.
biijtty -\-y ramasser dans une taille
désignée par le garde toutes les brin-
dilles de bois mort, et y couper les
ronces et aussi les menus branches,
afin que le taillis, ainsi dégagé,
puisse se développer et pousser plus
vigoureusement, ô bujk mardi kî vy^y
jii k^ è:i^i vàA? Le droit de bujti est
accordé aux indigents et même aux
petits ménagers.
é2
ED. EDMONT.
bnjtâwy œ\y +, celui, celle qui
hiijct.
bnk, -f, bouche, dans ses accep-
tions les plus ordinaires. // Ô s' bnk
plan. — gràd Hik, grosse voix, fer
h gràd btik, crier fort, tempêter,
disputer. — et porte à 6 bttk, être
gourmand. — Au fig., à plan htik,
flatteusement. ô di du mô d' el i£i, e
pi € e màm^l à plan bnk Jà-bo. —
A Saint-Pol-ville, conc. : bî~i£.
biikci, +, vacarme, tapage que
l'on fait en se querellant ou en
grondant quelqu'un. — ferel békci,
crier, tempêter, gœle.
békànî, +, gronder, faire du
békci. Vieilli.
bukànâ'ii', +, individu qui békàn.
biike, +, mal de bouche (chez
les enfants).
béke, +, bouquet. — bnke tufe,
dianthus barbatus (à Herlin-le-Sec :
ku d' rà'l); l}'chnis Calcedonica
(nommé aussi krwa d' malt). —
hûke de dàm (Saint-Pol-ville), saxi-
fraga granulata.
biikh, +5 petite bouche; se dit
surtout de la bouche des enfants.
Même sign. : btike, m. (x). —
s' bàje à buket, s'entre-baiser sur la
bouche.
h^ikè, X, s. m., petite bouche
(des enfants), tyè! àv tè hùkè, me
pfieè. — Même sign. : bliket, f.
bel, -\-, boule. — Tête. // o an
rhd btil. — perd' la bel, perdre la
tête, devenir fou. Même sign. :
perd' là bîhol. — bûl ed ne], vibur-
num opulus (variété cultivée).
bùlà], +, s. m., terme de bures,
eau dans laquelle on met bouillir le
linge eT^epey (savonné), afin de pou-
voir ensuite le laver plus facilement.
bttlak, -\-, s. f., petit amas de
filasse qui se rencontre parfois dans
le fil ou dans la ficelle. — fer btilàk,
X, en parlant d'une toupie, rouler
sur le côté au lieu de tourner sur
le fer.
bélâkâw, +, se dit du fil qui con-
tient des bélàk. dû file btilHkàiv.
billâ, cit, +^ adj., bouillant, del
yb biilàt. — tu kb té bélà, très chaud.
— Au fig., œ SCI biilà, une personne
très vive, très active. — A Saint-
Pol-ville, conc. : bîiyà, àt.
bâlà, +, s. m., bourbier sans
fond , endroit où l'eau sourd en
agitant le sable ou la terre du fond.
nâft-t tédt d' en pâ ker de eï btild e
pâsà pâ e mare.
bulàje, +, boulanger. — Faub.
et banlieue, conc. : biVèje.
bille, -\-, s. m., peloton, œ bille d'
ïan. Même sign. : bélo.
bille km, +, v., n'avoir pas assez
d'argent pour payer ce que l'on
achète; ne pouvoir, faute de maté-
riaux, terminer un travail commen-
cé; se trouver sans argent, après
avoir dépensé plus que ses revenus.
biiley, +, s. f., terme de bures \
dm bide d' II], quantité de finge que
l'on peut mettre au bélà] en une
seule fois.
Ed. Edmont.
CHRONIQUE
Nous ne donnons que 4 feuilles dans ce numéro afin de reserver plus de place au
travail de M. l'abbé Rousselot que nous donnerons en entier dans un seul cahier. Mais
comme ce travail doit être présenté à la Sorbonne comme thèse, les règlements nous
obligent à en retarder la publication jusqu'après la soutenance.
Les élèves de M. Gaston Paris, originaires des pays de langue française, ont offert à
leur maître, à l'occasion du 25e anniversaire de son doctorat, un volume d'Eludés romanes
(in-80, 552 pages. Bouillon, 1891), dont voici le contenu :
Bédier (Joseph). — Le fabliau de Richeut.
Beljame (Alexandre). — La prononciation du nom de Jean X^w le financier.
BoN'N.\RDOT (François). — Trois textes en patois de Metz : Carte des Cbah'iers, la
Grosse Enix'araye, une Fiaiive récréative.
CoNSTANS (Léopold). — • Notes pour servir au classement des manuscrits du Ronian de
Troie.
Cornu (Jules). — Etudes sur le poème du Cid.
CouRAYE DU Parc (Joseph). — Chants populaires de la Basse-Normandie recueillis
par l'auteur.
Flach (Jacques). — Le compagnonnage dans les chansons de geste.
GiLLiÉRON (Jules). — Remarques sur la vitalité phonétique des patois.
Grand (Daniel). — Proclamation d'un héraut en dialecte montpelliérain (1356).
Havet (Louis). — L'5 latin caduc.
Hu'ET (Gédéon). — Remarques sur les rédactions diverses d'une chanson du xiiie siècle.
Jeanroy (Alfred). — Une pièce artésienne du xiii* siècle.
JoRET (Charles). — La légende de la rose au moyen âge chez les nations romanes et
germaniques.
L.\NGLOis (Ernest). — Quelques dissertations inédites de Claude Fauchet.
Monod (Gabriel). — Les Annales laurissenses tninores et le monastère de Lorscli,
Morel-Fatio (Alfred). — Duelos y quebrantos.
Muret (Ernest). — Sur quelques formes analogiques du verbe français.
Omont (Henri). — Les manuscrits français des rois d'Angleterre, au château de
Richement.
Pages (Amédée). — La version catalane de YEufant sage.
Piaget (Arthur), — Chronologie des Epître sur h roman de la Rose.
Psichari (Jean). — Le roman de Floritnont , contribution à l'histoire littéraire, étude
des mots grecs dans ce roman.
Raynaud (Gaston). — La Mesnie Hellequin; le poème perdu du Comte Hernequin,
quelques mots sur Arlequin,
64 CHRONIQUE.
RoussELOT (Abbé Pierre). — VS devant T, P, C dans les Alpes.
Salmon (Amédée). — Remèdes populaires du moyen âge.
SuPET (Marius). — Observations sur le « Jeu de la Feuillée » d'Adam de la Halle.
Taverney (Adrien), — Phonétique roumaine, le traitement de 7/ et du suffixe
ULUM, ULAM en roumain,
Thomas (Antoine). — Vivien d'Aliscans et la légende de saint Vidian.
W1LMOTTE (Maurice). — Glosses wallonnes du ms. 2640 de Darmstadt.
L'impression de ï Anthologie çascone, dont nous avons annoncé la mise en souscription,
est commencée.
On nous annonce la prochaine apparition d'une nouvelle revue destinée à l'étude des
Langues et des Dialectes, sous la direction de M. Zanardelli, professeur aux cours de la
ville de Bruxelles (19, rue Pépin). — 4 numéros de chacun 100 pages; abonnement,
10 fr. pour la Belgique; 12 fr. pour l'Etranger.
Le Dictionnaire général de la langue française du commencement du xvil= siècle jusqu'à
nos jours, par MM. A. Hatzfeld, A. Darmesteter et A. Thomas, est déjà à son quatrième
fascicule. Ce qui a paru contient une remarquable introduction, la lettre A et la lettre B
jusqu'à brouette. C'est plus que suffisant pour juger l'œuvre. Nous ne saurions trop
recommander cet ouvrage à nos lecteurs et à nos collaborateurs. Ils y trouveront l'histoire
des mots telle que la science a pu l'établir jusqu'à présent, et une classification métho-
dique des sons, telle qu'elle n'existe encore nulle part. Ce n'est pas seulement un livre à
consulter, c'est encore un livre à lire et des plus intéressants. L'ouvrage complet contien-
dra 30 fascicules de 80 pages, dont le prix est d'un franc. On souscrit à la librairie
Delagrave, ij,, rue Soufflot.
Le Gér.\nt.
LES
MODIFICATIONS PHONÉTIQUES
DU LANGAGE
ÉTUDIÉES DANS LE PATOIS D'UNE FAMILLE
DE CELLEFROUIN (CJMrente)
Pourquoi j'ai étudié mon patois et comment je l'ai étudié.
Les langues littéraires ont pour le phonétiste un avantage immense sur
les autres parlers , celui de posséder une histoire et de fournir une série
de textes d'âges différents où il est possible de découvrir une partie de
leurs transformations.
C'est par elles que la science nouvelle des langues devait commencer.
C'est à elles que devaient être demandées les premières bases du superbe
édifice auquel n'ont cessé de travailler de beaux génies et d'infatigables
ouvriers. Grâce à la perspicacité comme aux labeurs des premiers maîtres
et de leurs disciples immédiats, nous savons maintenant quel lien étroit
relie entre eux les idiomes qui sont parlés dans la portion occidentale de
l'ancien empire romain ; nous savons que, depuis la conquête jusqu'à nos
jours, c'est toujours la même langue qui, diversement modifiée, a servi
à l'expression de la pensée de tous les peuples devenus romains par adop-
tion. Nous pouvons même pénétrer en partie le mécanisme mer\'eilleux
de cette langue une à la fois et multiple, et suivre d'étape en étape presque
tout le travail phonétique qui, au cours des siècles, s'est accompli dans
son sein. Nous n'ignorons pas quelles conditions sont nécessaires à la
naissance des principaux phénomènes, quelle influence les sons exercent
les uns sur les autres, quelle entrave est apportée à leur évolution natu-
UVCB DES rATOtS. — J.
éé l'abbé ROUSSELOT.
relie par des barrières qui les tiennent plus ou moins longtemps empri-
sonnés. Nous distinguons les lois qui ont leur raison d'être dans notre
nature physique et celles qui prennent leur origine dans la faculté généra-
lisatrice de notre esprit. Sans doute , toutes les questions qui ont été
soulevées n'ont pas encore reçu une solution définitive; mais il semble
que l'édifice soit arrêté, non seulement dans ses lignes principales mais
encore dans plusieurs des moins importantes.
Dès lors, l'obligation s'impose aux derniers venus, s'ils veulent tra-
vailler utilement à l'œuvre commencée, de tenter une voie nouvelle et
d'exploiter de nouvelles carrières. C'est la pensée que m'inspirèrent, dès
1 879, les mauvais livres de philologie romane qui îne tombèrent sous la main .
Je fus choqué de les voir s'occuper des transformations de la lettre plutôt
que du son dont la lettre n'est que le symbole, et, au lieu d'étudier une
lettre morte, j'eus l'idée d'étudier le parler vivant. V Etude géographique sur
la limite de la langue d'oc et de la langue d'oïl , de MM. de Tourtoulon et
Bringuier, venait de me révéler l'intérêt particulier de mon patois, qui est
à cheval sur la limite des idiomes du Nord et de ceux du Midi. Sur la foi
de M. de Tourtoulon, j_' entrepris donc l'étude du sous-dialecte marchois,
auquel se rattache le patois que je parle depuis mon enfance , et je me mis
à parcourir la région qui lui a été assignée, allant de village en village,
interrogeant, sous la direction de MM. les Curés, les personnes nées dans
le pays et de parents indigènes, notant toutes les différences que je ren-
contrais, depuis Saint-Claud (Charente) jusqu'à Ids, au delà deMontluçon,
marchant toujours à la recherche d'une limite qui fuyait sans cesse devant
moi. J'atteignis, par les renseignements que je pus recueillir, les monts
de la Madeleine, et je m'arrêtai.
Je rapportai, de cette première expédition, des idées qui n'étaient plus
celles de M. de Tourtoulon et des notes que j'espère utiliser un jour,
mais que le plan de mon travail m'oWige pour le moment à laisser de
côté. J'en rapportai quelque chose de meilleur encore, l'habitude d'ob-
server.
Au retour, je tombai malade, et je fus contraint de rester dans ma
famille avant d'avoir exploré la partie du territoire linguistique située à
l'ouest et au sud de Saint-Claud. Ma mère devint alors le sujet de mes
études, et, pendant plus de trois mois, je n'eus pas d'autre préoccupation
que de surprendre ses moindres paroles.
Jusque là, je ne l'avais pas observée, persuadé que mon parler, que je
LES MODIFICATIONS FHOKhllU.UES DU LANGAGE. éj
tiens presque uniquement d'elle, était identique au sien; mais je ne tardai
pas à découvrir mon erreur, et j'acquis bien vite la conviction qu'à l'étude
géographique il est nécessaire d'ajouter l'étude généalogique des patois.
Telle a été ma première initiation à la philologie romane. Depuis, des
occupations nouvelles apportèrent un temps d'arrêt dans mon travail ;
mais elles me mirent à même d'entendre les parlers des environs de La
Rochelle, d'Agen, d'Autun, de Lyon, de Chamonix, de Bourg, d'Annecy,
etc., pendant qu'un ami éclairé de notre ancienne littérature, dont je
n'oublierai pas les affectueux encouragements, M. Octave Falateuf, enri-
chissait ma bibliothèque de dictionnaires patois.
J'étais prêt à recevoir les leçons des maîtres, et, à partir de 1885, je pus
suivre les cours de MM. G. Paris, P. Meyer, d'Arbois de Jubainville,
L. Gautier, Longnon, A. Darmesteter, Gilliéron, Morel-Fatio, W. Meyer.
Je dois à ces savants plus que je ne saurais dire. — Si jamais j'étais tenté
de l'oublier, je n'aurais, pour me le rappeler, qu'à lire la première ébauche
de ma thèse datée de février 1879.
Mais je ne serais pas juste, si, dans ma reconnaissance, je ne faisais
une large part à l'Ecole des Carmes, où j'ai trouvé, avec tous les agré-
ments de la vie de famille, des échantillons variés des divers patois de
France qui sont mis journellement à ma disposition avec une bonne grâce
charmante. C'est à ce concours inappréciable que je dois d'avoir pu habi-
tuer mon oreille à l'analyse des sons et dresser l'échelle phonétique des
différents patois gallo-romans.
Armé de ces nouveaux moyens, je repris l'enquête interrompue dans la
vallée du Son qui arrose Saint-Claud et les vallées voisines en 1886 et
1887. Je la complétai en 1889 ^^ 1890.
Enfin, je dois mentionner la mission philologique que le Ministère de
l'instruction publique m'a fait l'honneur de me confier en 1889 dans les
Alpes du versant italien, et qui m'a permis de faire la lumière sur des
points restés obscurs pour moi jusqu'à ce moment.
Au cours de mes explorations, j'ai contracté bien des dettes de recon-
naissance, et le bon accueil que j'ai rencontré presque partout me fait un
devoir d'oublier l'hostiUté ou la défiance dont j'ai été parfois l'objet.
Comment , du reste , pouvait-il en être autrement ? Une enquête sur le
patois, c'est une chose si singulière, que je devais bien m'attendre à être
traité en espion et à voir les bâtons levés sur ma tête, même dans mon
propre canton et à l'instigation d'un homme de ma propre commune.
68 l'abbè rousselot.
Aussi ne veux-je songer qu'aux personnes qui ont bien voulu se prêter
à mes recherches ou m'y aider par de gracieuses indications. Mais qu'il
me soit permis de faire une place à part dans mon souvenir aux membres
de ma famille et à leurs amis qui, dispersés dans diverses localités, ont
toujours été au devant de mes désirs, et, avant tous, à ma mère, que j'ai
torturée pendant des mois entiers, car, avec elle, je ne me bornais pas à
attendre les phénomènes, mais souvent j'employais toute sorte de moyens
pour les provoquer sans nuire à leur spontanéité.
Une grosse question pour moi, comme pour tous ceux qui débutent
dans l'étude des patois, c'a été la représentation des sons. En comparant
les appréciations de diverses personnes, je vis bientôt que l'oreille n'est
pas un instrument suffisant d'analyse. Il fallait donc trouver le moyen de
suppléer à l'imperfection de l'oreille pour préciser les faits qui sont du
domaine de la philologie. Un mot de M. Gaston Paris, une heureuse idée
de mon jeune ami J. Pierrot-Deseilligny m'ont mis sur une voie nouvelle
par l'application de la méthode graphique à l'étude des sons.
J'ai été aidé dans mes recherches par M. Branly, le professeur de phy-
sique à l'Institut catholique, qui m'a dirigé dans les commencements; par
M. Verdin, l'habile constructeur formé à l'école de M. Marey, qui a mis
à mon service son expérience et ses appareils; surtout par M. le docteur
Rosapelly, dont les premiers essais ont fait date dans la science, et qui a
bien voulu me prêter son inappréciable concours dans les expériences de
1889.
Enfin, je ne saurais oubHer celui à qui, après Dieu, je dois tout ceci,
M. le docteur Hermann de Hundertmark, dont les soins éclairés et affec-
tueux ont rétabli et conservé ma santé.
Objet et division de ce travail.
Entrepris sur une vaste échelle, ce travail n'a cessé de se restreindre au
fur et à mesure que les connaissances de l'auteur s'étendaient davantage.
A l'origine, il devait embrasser tous les patois de la zone qui entoure au
Nord le plateau central de la France, depuis la Charente jusqu'aux confins
de l'Allier et de la Loire. Plus tard, il se réduisit au seul patois de Celle-
frouin, mais il devait le comprendre tout entier, phonétique, morpho-
LES MODIFICATIONS PHONÉTiaUES DU LANGAGE. 69
logie, syntaxe et lexique. Enfin, il fut limité à hi phonétique et à ma seme
famille , non que ma famille ait un langage à part qui la distingue à pre-
mière vue des autres familles de Cellefrouin , mais parce que les modifi-
cations phonétiques qui se sont produites dans son sein m'ont paru suffi-
santes pour une étude spéciale. Aujourd'hui, il ne me semble déjà plus
mériter le titre que je lui ai donné en dernier lieu et que je lui conserve
néanmoins; car, sur les trois parties dont il se compose, la seconde seule
suppose une enquête générale sur le langage de ma famille; la première
m'est toute personnelle, et la troisième est basée en grande partie sur le
parler de ma mère.
Cette différence de méthode tient à la nature des points traités et aux
différents genres d'observation qu'ils comportent. Dans la première partie,
je cherche à déterminer la nature et les qualités des sons usités dans mon
patois d'après les procédés de la méthode graphique ; or, cette expérimen-
tation délicate, je n'ai pu la faire jusqu'ici que sur moi-même. Dans la
seconde^ je tâche de rendre compte des transformations phonétiques qui
se font jour dans les différents parlers des membres de ma famille établis
à Cellefrouin, c'est-à-dire dans cinq groupes de générations successives
qui embrassent une période d'environ cent ans; il m'a donc fallu, chose
facile du reste, recueillir des documents non seulement sur le patois de
Cellefrouin, mais encore sur celui de toute la région, et rechercher dans
les chanes les traces du parler ancien. Dans la troisième, j'étudie le mode
d'introduction de l'élément étranger dans mon patois et les modifications
qu'il éprouve; trop imprégné moi-même de français pour me fier à mes
propres impressions, j'ai dû demander à des relations intimes et prolon-
gées avec un sujet illettré les observations qui servent de base à cette
étude; or, ces conditions, je ne les ai trouvées pleinement qu'auprès de
ma mère. J'ai pu ainsi étendre l'objet de mon étude et embrasser sous
trois faces différentes la phonétique de mon patois. L'analyse scientifique
des sons de mon propre parler, outre qu'elle permet dé préciser ceux qui
n'ont pas été le sujet d'une semblable expérimentation, nous met à même
de saisir les transformations encore inconscientes qui s'opèrent dans le
parler vivant. L'histoire des sons qui composent le fonds ancien de la
langue nous montre en action et les lois purement physiologiques obser-
vées dans la première partie, et celles qui dépendent de notre nature spi-
rituelle. Enfin, la recherche des troubles occasionnés dans le langage par
l'introduction d'un élément étranger, et des modifications que ce fonds
70 l'abbé rousselot.
nouveau est obligé de subir pour se faire accepter, en dehors de l'intérêt
spécial qu'elle présente, nous autorise à jeter un regard sur cette période
encore obscure de la vie des langues qui coïncide avec la substitution
d'un idiome heureux à. un autre moins fortuné.
Ce que je propose au lecteur, c'est donc en réalité comme une prome-
nade dans un laboratoire de phonétique, où nous rencontrerons d'abord
des fourneaux en activité et des cornues toutes prêtes pour les manipu-
lations qu'il nous plaira d'entreprendre ; puis des fourneaux éteints, quel-
ques-uns fumant encore, d'autres froids depuis longtemps, mais conservant
tous des débris au moins des expériences antérieures, auxquelles des com-
paraisons, des rapprochements peuvent rendre la vie ; enfin des cuves de
mélanges qui nous révèlent la force de résistance ou d'affinité des éléments
mis en présence.
Il ne nous restera plus, après cela, qu'à réunir dans une conclusion les
idées générales qui se dégageront des faits observés.
N. B, — Les renvois de pages (lesquels ont été
faits sur le tirage à part) doivent être augmentés du
chiffre 64 pour concorder avec la pagination de
la Revue.
PREMIÈRE PARTIE
ANALYSE PHYSIOLOGiaUE DES SONS DE MON PATOIS
LEURS MODIFICATIONS INCONSCIENTES —
MESURE DU TRAVAIL QU'eN EXIGE LA PRODUCTION
L'observation attentive de la nature donne toujours au delà de nos
espérances. C'est ainsi qu'une simple analyse physiologique des sons de
mon patois nous révélera les modifications inconscientes qui y prennent
naissance, et nous fournira une évaluation approximative du travail qu'en
exige la production. Je ne séparerai pas ces trois objets qui sont liés si
intimement entre eux, et, comme les deux derniers découlent naturelle-
ment du premier, je m'attacherai uniquement à l'ordre que réclame l'ana-
lyse physiologique.
Laissant de côté, pour le moment, tout ce qui concerne l'analyse
physique des sons, nous traiterons successivement des régions d'articula-
tion, des variations qui surviennent dans la sonorité des éléments du
langage, de la mesure du souffle employé pour la parole, de la durée et
de la hauteur musicale des sons, et nous terminerons par une note sur les
sons en voie de disparaître. Mais, auparavant, je dois faire connaître la
méthode que j'ai suivie pour l'étude de ces divers phénomènes.
Cette partie, je l'ai déjà dit, est presque uniquement composée d'après
des observations personnelles, n'ayant pas eu le loisir de renouveler
les expériences sur mes compatriotes; mais, dans la plupart des cas, j'ai
le contrôle de M. le docteur Rosapelly, et cela suffit pour en vérifier la
valeur.
CHAPITRE I
MÉTHODE GRAPHIQUE APPLiaUÉE A LA PHONÉTIQUE
§ I". — Appareils.
La parole est un mouvement, c'est l'air qui sort de la bouche ou du
nez en vibrant sous l'impulsion des organes phonateurs. Il y a donc deux
moyens de la saisir : directement, en prenant le tracé des ondes sonores;
indirectement, en prenant celui des mouvements ou des vibrations des
organes qui la produisent. Ces deux moyens se complètent l'un l'autre,
et nous sont fournis par la méthode graphique. Cette méthode autorise
plusieurs procédés. Dans certains cas, on demande à l'organe lui-même
de laisser la trace de son mouvement sur un instrument placé à sa
portée. Dans d'autres, un intermédiaire est nécessaire, l'organe transmet-
tant son mouvement à un appareil qui est à la fois récepteur et inscrip-
teur. Le plus souvent, on est obligé d'employer deux intermédiaires : l'un
qui reçoit le mouvement et le transmet, l'autre qui l'écrite
Appareil enregistreur. — Toutes les fois que mes inscriptions n'ont
pas été faites par l'organe lui-même, je me suis servi, pour les recueillir,
d'un cylindre enregistreur mu par un mouvement d'horlogerie avec régu-
lateur Foucault. J'en emprunte la figure, ainsi que je le ferai pour les
appareils anciens que j'ai utilisés, au catalogue de M. Ch. Verdin,
On colle sur le cylindre une feuille de papier glacé, puis on la noircit
à la fumée d'un rat-de-cave. Les instruments inscripteurs sont disposés sur
le pied qui est engrené dans l'axe du chariot. On peut, à volonté, faire
entraîner le chariot par le mouvement du régulateur ou le laisser immo-
bile. En général , l'appareil permet à l'explorateur de choisir, suivant la
nature de ses expériences, un mouvement lent, un moyen et un rapide.
^ Il existe plusieurs essais d'inscriptions de la parole. Je signalerai à
l'occasion ceux qui m'ont été de quelque utilité.
LES MODIFlC\TIOSS PHONtTlCLUhS DU LANGAGE.
73
Lorsque les tracés ont été pris, on détache la feuille de papier avec un
canif, en la coupant à l'endroit même où elle a été collée, et on la trempe
dans un vernis ^
Lorsque l'inscription n'est pas faite par le récepteur lui-même, l'appareil
écrivant est, ou bien le tambour à levier, ou bien un signal électrique, sui-
vant que la transmission se fait par l'air ou par l'électricité.
Tambour a levier. — Le tambour à levier, dû au docteur Marey, se
compose essentiellement d'une capsule de métal munie d'un tube permet-
tant de la relier au tambour récepteur et fermée par une membrane de
caoutchouc qui porte au centre un levier inscripteur. Divers organes per-
mettent de fixer le tambour, d'allonger ou de raccourcir le levier, d'aug-
Fiçr.
^ Pour obtenir ce vernis , on fait dissoudre à saturation de la gomme-
laque incolore dans de l'alcool à 36°, on ajoute un peu de térébenthine
de Venise, et l'on filtre.
74 L ABBE ROUSSELOT.
menter ou de diminuer son amplitude. Toutes les impulsions que reçoit
la membrane du tambour récepteur sont reproduites par la membrane du
tambour inscripteur et communiquées au levier qui les amplifie et les
inscrit sur le noir de fumée du cylindre.
Signal électrique. — Lorsque la transmission se fait par l'électricité,
l'organe essentiel de l'appareil inscripteur est toujours un électro-aimant
communiquant à un levier le mouvement dont il est animé. Je me suis
servi du signal électrique de M, Marcel Deprez, construit par M. Verdin.
^"^-^•-^li^if^^q
Fig- 3-
Le levier en fer doux, sollicité par l'électro-aimant, est ramené à sa
place après le passage du courant par un ressort antagoniste, et, comme
il est limité dans son cours , il peut indiquer un grand nombre d'inter-
ruptions. Une crémaillère permet de rapprocher ou d'écarter l'instrument
du cylindre enregistreur.
Je n'ai pas essayé de recueillir tous les mouvements qui concourent à
la formation de la parole : j'ai dû me limiter à ceux qui étaient nécessaires
pour la solution des questions que j'avais à traiter. Je me suis occupé
uniquement des mouvements des lèvres , de la langue et du thorax , des
vibrations du larynx, de la langue, des dents et des fosses nasales.
Palais artificiel. — Pour déterminer les mouvements de la langue,
j'ai employé un palais artificiel exécuté à la galvanoplastie sur un moulage
de mon propre palais. Je m'étais d'abord servi, à l'exemple de M. J.
Oacley-Coles ^, d'un mélange de farine et d'eau gommée dont je barbouil-
lais le plan supérieur de ma bouche; mais les expériences de M. Rudolf
Lenz (^Zûr physiologie und geschichte der palataleti) m'ont donné l'idée
d'employer un palais artificiel.
M. le docteur Rosapelly, bien antérieurement, avait eu la même pensée
ÇEssai d'inscription des mouvemenis phonétiques — dans les Travaux du
Laboratoire de M. Marey, 1876), et M. Hagelin l'a réalisée avant moi.
Le palais artificiel, noirci au vernis du Japon et recouvert d'une couche
^ Cité par M. J. Gavarret (^Phénomènes physiques de la phonation et de
l'audition^ p. 402).
LES MODIFICATIONS PHONàTIQUES DU LANGAGE.
75
de pastel blanc, garde la trace des mouvements de la langue. Après l'expé-
rience, il n'y a qu'à le retirer et à le photographier, comme fait M. Hagelin,
ou, comme je préfère, à reporter les points de contact sur un dessin du
palais préparé d'avance. Les photographies ont plus de précision, mais
manquent de netteté. Il ne faudrait pas croire, du reste, à une rigueur
absolue dans les mouvements : ceux-ci varient d'une façon assez sensible,
suivant qu'une même articulation est produite avec plus ou moins de
force.
Explorateur interne de la langue. — On peut transformer le palais
artificiel en tambour récepteur au moyen d'une membrane de caoutchouc,
et s'en servir pour mesurer la pression de la langue sur le palais.
Explorateur externe de la langue. — Une heureuse découverte de
M. le docteur R. m'a permis de construire un bon appareil pour l'étude
des mouvements de la langue. La langue n'est pas , comme on pourrait
le croire, un muscle plat qui s'élève et s'abaisse. C'est un muscle qui se
76
L ABBE ROUSSELOT.
dilate dans tous les sens : en même temps qu'il s'élève sous le palais, il
s'abaisse sous le menton. Dès lors, un tambour placé sous le menton nous
donnera l'élévation ou l'abaissement de la langue. Ce tambour repose sur
une charpente métallique qui est fixée à la mâchoire inférieure et qui en
suit tous les mouvements. De cette façon , la membrane du tambour
n'obéit qu'à l'impulsion de l'organe à observer. Des articulations per-
mettent d'adapter l'appareil à toutes les tailles, et une disposition spéciale
rend facile l'exploration de tous les points de la langue.
Explorateur des lèvres. — Les mouvements des lèvres sont recueillis
à l'aide de l'explorateur des lèvres du docteur Rosapelly, qui est décrit
dans l'Essai d'insc. des niouv. phonétiques.
L'appareil se compose de deux leviers, dont l'un porte le tambour
récepteur, et l'autre une tige fixée au centre du tambour. A un bout, les
deux extrémités des leviers sont reliées par un caoutchouc ; à l'autre ,
elles portent deux palettes destinées à recevoir les lèvres. Les articulations
dont est pourvu l'appareil neutralisent les mouvements de la tête. On
obtient ainsi la résultante du mouvement des lèvres, c'est-à-dire leur
ouverture et leur fermeture.
La nécessité de faciliter l'expérimentation en vue de mes recherches sur
toute sorte de sujets, m'a conduit à construire un nouvel appareil qui a
en outre l'avantage de donner à volonté les mouvements de chacune des
lèvres et la résultante de ces mouvements.
LES MODIFICATIONS PHONÈTiaUES DU LANGAGE.
77
Il se compose de deux tambours dont les cuvettes sont soudées Tune
sur l'autre, et dont les membranes sont reliées, par des tiges rigides et
aniculées, à deux leviers en forme de tenailles. Les branches des leviers
sont maintenues écartées par la tension des membranes et suivent tous
les mouvements des lèvres. Relié à deux tambours inscripteurs, l'appareil
donne les mouvements de chaque lèvre; relié à un seul tambour par un
tube en F, il ne donne, comme celui de M. le docteur R., que la résul-
tante de ces mouvements. L'instrument est fixé par une vis à un pied fixe.
Si on craignait que les mouvements de la tète ne vinssent troubler l'expé-
rimentation, on pourrait le suspendre à un fil.
Explorateur de la respiration. — J'ai inscrit les mouvements
respiratoires à l'aide de l'explorateur de la respiration , du docteur Marey.
L'appareil est fixé au mo5'en de cordons sur la partie à explorer figurée par
la ligne pointée. Un levier articulé transmet les mouvements au centre
de la membrane. Je viens d'en construire un pour le travail de la
révision, avec grande cuvette et double levier amplificateur.
J'aurais pu faire usage de l'explorateur de Paul Bert, qui a l'avantage
d'être plus simple, moins cher et tout aussi sensible, m'a-t-on dit. On
peut facilement le construire soi-même : deux membranes, portant à leur
centre chacune un crochet pour maintenir le cordon qui doit entourer le
corps, et attachées aux bouts d'un tube. La dilatation du corps fait tirer
78
l'abbé ROUSSELOT.
le cordon , et par conséquent diminuer dans le tube la pression de l'air,
qui revient à son état normal quand le mouvement a cessé.
Fig. 8.
Tous ces mouvements sont d'une inscription relativement aisée. Il n'en
est pas de même des vibrations. Celles-ci, en raison de leur fréquence et
de leur peu d'amplitude, opposent à l'explorateur une grande difficulté.
Explorateur du larynx avec transmission électrique. — L'appareil
qui nous a rendu le plus de services, c'est l'explorateur du larynx, du
Fig. 9.
docteur Rosapelly. La description complète en a été donnée par l'auteur
dans son Essai d'insc, ph. Il se compose d'une petite masse inerte sus-
pendue entre les deux bornes d'un circuit électrique. Le moindre choc,
.si la masse est tenue en équilibre, suffit pour la rejeter sur l'une des deux
bornes, et, par conséquent, pour ouvrir ou fermer le courant. Un bouton
sert au réglage de l'instrument. Une lame d'acier et un manche en faci-
litent l'usage. On pose sur les cartilages du larynx soit le carré d'ébo-
nite, soit le bouton. Cet appareil peut encore servir à enregistrer les vibra-
tions qui se produisent sur des surfaces rigides comme le nez, les dents, etc.
Malheureusement, il est d'un maniement délicat qui exige une certaine
expérience et qui rend nécessaires des tâtonnements ennuyeux et de fré-
quentes reprises.
Explorateur du nez. — Un explorateur excellent pour les vibrations
du nez est celui que le hasard a fait trouver à M. le docteur Rosapelly.
Cet habile observateur cherchait le tracé de la pression de l'air dans les
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE. 79
fosses nasales, et il essayait un simple tube de verre. Faute d'un bon tam-
bour inscripteur, il en avait pris un vieux qui était au rebut. Il s'est trouvé
que ce vieux tambour était dans les conditions voulues pour saisir non
Fig. lo.
seulement la pression, mais encore les vibrations de l'air. Je m'en suis
rendu compte quand j'ai dû en construire un semblable pour mon usage.
Une membrane trop flexible est entraînée rapidement par les mouvements
d'une grande amplitude causés par la pression de l'air, et les mouvements
vibratoires sont effacés. Une membrane un peu rigide, résistant aux pre-
miers, est sensible aux seconds. Nous avons remplacé le tuyau de verre
par une petite poire en verre, en bois ou en ivoire, qui entre à frottement
dans le nez.
Explorateur du larynx avec transmission aérienne. — J'ai cherché
dans ce sens un nouvel explorateur du larynx avec transmission par air.
Après avoir expérimenté sans succès diverses sortes de membranes, j'ai
essayé d'une simple capsule appuyée sur la peau tendue, et le résultat a
Fig. II.
été satisfaisant. Je ne lui ai guère donné que i c. et 1/2 de diamètre afin
de pouvoir l'introduire dans la courbure latérale du cartilage thyroïde ,
qui est le point le plus favorable pour l'exploration.
Inscripteur de la parole. — Tous les appareils que je viens de men-
tionner sont des instruments d'analyse; ils appellent un instrument de
synthèse qui saisisse la parole elle-même dans les vibrations de la colonne
d'air parlante. C'est vers cet objet que j'ai dirigé mes premières recher-
ches, portant, comme c'est assez l'ordinaire, dès le premier coup, mon
ambition sur les points, les plus difficiles à atteindre, que je juge prudent
de réserver aujourd'hui. Cependant, mes essais n'ont point été vains, et
j'en présente les résultats dans un nouvel inscripteur de la parole. Je
n'ai pas encore eu le temps d'en tirer tout ce qu'il promet; mais j'aurai
plus d'une fois l'occasion d'invoquer son témoignage pour contrôler mes
expériences antérieures et les compléter.
C'est l'appareil dont M. Pierrot-Deseilligny m'a fourni la première idée.
8o
l'abbè rousselot.
Après avoir étudié les principales tentatives faites dans le même but : le
phonautographe de Scott (Gaverret , Phénomènes physiques de la phonation ,
p. 353), le logographe de Barlow ^ (The scient, proceed. of the Royal Dublin
soc. avril 1874, ^^ Journal de physique, 1879, p. 79), l'appareil de M. Sche-
neebeli^ (Archives des sciences physiques et naturelles, Genève, 1878, p. 79,
— et n° du 15 février 1879), les flammes manométriques de M. Kœnig3
(^Quelques expériences d'acoustique, p. 50), le téléphone inscripteur du
docteur Boudet de Paris 4, et enfin le graphophone et le nouveau phono-
graphe d'Edison 5 ; après avoir essayé de l'inscription directe de la trans-
mission par air, je me suis arrêté à la combinaison d'un microphone et
d'un signal électrique.
Le microphone est celui de M. Verdin, composé de trois charbons
Fig. 12.
horizontaux. Seulement, à l'embouchure qui portait directement la voix
^ Le phon. et le logog. sont insuffisants pour enregistrer le timbre des
voyelles. [| ^ Les résultats obtenus paraissent excellents. Les expériences
sont à reprendre. H 3 Insuffisantes, tant qu'on ne les photographiera pas.
Il 4 Le levier inscripteur, mu directement par l'électro-aimant, a des mou-
vements propres. Je n'ai pas pu enregistrer le timbre des voyelles. || 5 J'ai
essayé d'analyser les courbes du graphoph. au microscope; impossible,
car elles sont incomplètes.
LES MODIFICATIONS PHONÈTiaUES DU LANGAGE.
8l
sur la plaque vibrante, et qu'il était indispensable de toucher avec les
lèvres, j'ai substitué la disposition suivante, imitée du graphophone : un
cône de cuivre est placé devant la plaque, et l'embouchure est fixée au
bout d'un tuyau de caoutchouc. Cette modification rend l'appareil d'une
grande sensibilité et d'un usage facile. Il suffit, pour qu'il entre en mou-
vement, de parler devant l'embouchure s-ins que les lèvres y touchent.
De la sorte, on est sûr que les seules vibrations de l'air sonore agissent
sur la plaque microphonique.
Fig. 15.
Le signal diffère essentiellement de ceux que je connais; il est construit
pour donner non les interruptions, mais toutes les phases du courant, et
de manière à atténuer autant que possible l'inertie du levier. Les électro-
aimants sont forts ; aussi faut-il une pile très énergique pour en vaincre
la résistance. Dans le champ de leur influence est tendue une" membrane
de vessie portant, à son centre, d'un côté un fer doux, et de l'autre un
levier aniculé et amplificateur. Une couche de vernis la défend contre les
variations hygrométriques de l'air. Des vis permettent de la rapprocher
plus ou moins des électros-aimants, de régler la marche et le pouvoir
amplificateur du levier. Les vibrations de la membrane, traduction fidèle
KEVCI OES PATOS. — 6.
82
l'abbé rousselot.
des difiérentes phases d'aimantation de l'électro-aimant, qui elles-mêmes
correspondent exactement aux vibrations de la plaque réceptrice du micro-
phone, sont reproduites par le levier, et inscrites par lui agrandies sur le
cylindre enregistreur. Pour avoir la preuve qu'il en est bien ainsi, on n'a
qu'à faire toucher légèrement la pointe du levier à la membrane d'un
stéthoscope, et l'on entend nettement les paroles prononcées devant le
microphone.
On pourrait craindre que la voix ne fût altérée comme dans le télé-
phone. Une remarque me donne à penser que cela n'a pas lieu. La mem-
brane peut servir de téléphone; mais, au point où l'on entend le mieux,
le levier, comme affolé, ne fait que des soubresauts. Son tracé, dans ce
cas, ressemble assez à ceux du graphophone étudiés au microscope.
La membrane touche alors à l'électro-aimant; c'est là la cause de sa
marche irrégulière, et aussi, je suppose, de l'altération de la voix dans
les téléphones. Un peu plus écartée des électros-aimants, la membrane a
des vibrations plus régulières, moins fortes, et les tracés sont excellents.
Je signalerai, en terminant, trois appareils qui n'entrent pas dans la
série de ceux que je viens d'énumérer, mais qui m'ont été utiles, soit
pour contrôler, soit pour compléter mes tracés.
Spiromètre. — C'est un compteur à air sec. M. Verdin l'a employé
pour mesurer la capacité pulmonaire. Le cadran peut être gradué de
façon à laisser lire des centimètres cubes.
Fig. 14.
II
I
LES MODIFICATIONS PHOxàTiaUES DU LANGAGE. 83
Stéthoscope biauriculaire. — Cet instrument permet d'entendre des
bruits très légers. Les médecins s'en servent pour les auscultations déli-
cates.
Fig. 15.
Diapason accordé pour la voyelle a avec poids glissants. — Cet
instrument a été construit par M. Kœnig en vue de mes études compara-
tives sur le son propre de Va dans différents dialectes. On sait que, la
bouche étant disposée pour la prononciation d'une voyelle, de Va par
exemple, si l'on remplace le son du larynx par celui d'un diapason rendant
le son fondamental de cette voyelle , celle-ci se fait entendre clairement.
L'opération est délicate, mais elle permet de fixer le premier degré de
l'échelle phonétique. Je ne pouvais la négliger.
Grâce aux poids glissants, ce diapason peut donner de 1720 à 1856
vibrations simples à la seconde.
§2. — Lecture des Tracés.
Les tracés simples sont en général d'une lecture facile.
Les tracés des lèvres que j'ai utilisés indiquent seulement les différents
degrés d'ouverture et de fermeture de la bouche. Les parties les plus
hautes de la ligne correspondent à la fermeture, les plus basses à l'ouver-
ture complète, et les points intermédiaires aux positions moyennes entre
ces deux extrêmes.
La ligne du nez marque par ses ondulations la pression de l'air : elle
s'élève ou s'abaisse à proportion que celle-ci augmente ou diminue. Les
vibrations sont ordinairement très nettes, mais souvent elles ne sont visi-
bles qu'à la loupe.
Li ligne du lar\nx, tracée par l'explorateur électrique, est presque tou-
jours bien imparfaite, mais elle marque nettement d'ordinaire le commen-
cement et la fin de chaque groupe de vibrations.
84
l'abbé rousselot.
Lorsque rexpéricnce comporte plusieurs tracés simultanés, il y a di-
verses précautions à prendre au moment de l'expérimentation, afin que la
lecture puisse s'en faire sûrement. Ce qu'il importe de déterminer dans
ce cas, avant tout, c'est le synchronisme des mouvements; autrement,
la comparaison des tracés serait impossible.
Pour cela, on dispose sur le chariot les appareils inscripteurs de façon
que la pointe des styles vienne toucher le cyHndre noirci suivant une
ligne droite horizontale. La facilité que l'on a d'allonger ou de raccourcir
les appareils et les styles, permet cet arrangement. Pour s'assurer que l'on
a bien réussi, on fait glisser le chariot à droite ou à gauche; la disposition
est bonne quand tous les tracés se confondent en une seule ligne. Une
concordance rigoureuse est difficile à obtenir, mais elle n'est pas néces-
saire : une légère erreur se corrige aisément à la lecture. Or, à supposer
que les styles soient bien réglés , tous les points placés sur des perpendi-
culaires élevées sur les lignes tracées à vide seront synchroniques. En
effet, soit une rangée de styles a, b, c, d, si nous déplaçons le chariot, le
cylindre enregistreur demeurant immobile, ces styles traceront la ligne
horizontale AB; puis, si nous les ramenons à leur première place et que
nous mettions le cylindre en mouvement, eux restant fixes, ils traceront
des lignes verticales perpendiculaires à AB. Comme les points pris sur la
ligne AB sont synchroniques, les points placés sur une parallèle le sont
également. Or, une parallèle à AB est perpendiculaire à toutes les lignes
engendrées par le mouvement du cylindre tournant devant les points fixes
— B
Fig. i6. A
a, b, c, d. A la lecture, on place horizontalement les lignes tracées par les
styles; d'où il suit que les points de ces lignes, qui se correspondent verti-
calement, sont synchroniques. On peut les considérer comme tels tant
que les tracés ne s'écartent pas trop des lignes suivant lesquelles ils ont été
réglés. Mais, dès qu'ils prennent une certaine amplitude, des corrections
deviennent nécessaires. En effet, les styles, décrivant des arcs de cercle
autour de leur point d'appui, cessent de marcher d'accord dès qu'ils
s'écartent inégalement des lignes de réglage. Il faut donc reporter sur ces
lignes tous les points que l'on veut comparer. Voici comment on procède :
quand tout est prêt pour l'expérimentation, et avant d'avoir mis le cylindre
en mouvement, on fait agir tous les styles de façon à ce qu'ils décrivent
LES MODIFICATIONS PHONèTIQUES DU LANGAGE. 85
des arcs de repère d'une certaine étendue. Cela fait, on procède à Texpù-
rience. Au moment de la lecture on prend, sur les arcs de repère, trois
points à l'aide desquels on trouve les centres correspondant aux axes des
leviers, et, par ces points, on mène des parallèles aux lignes de réglage;
on obtient ainsi les lignes des axes. Alors, avec des ouvertures de compas
égales ;\ la longueur des leviers, ou, ce qui revient au môme, aux rayons
des arcs de repère, et, en prenant les centres sur les lignes des axes, on
reporte sur les lignes de réglage les points qui s'en écartent. Enfin, des
perpendiculaires élevées en ces points sur les lignes de réglage établissent
le synchronisme cherché.
Toutes ces opérations sont faites dans la figure suivante. Je suppose
quatre tracés : ceux du nez, i, du larynx, 2, de la langue, 3, et des lèvres, 4.
Fig. 17.
Les lignes pleines sont celles que l'on obtient à l'aide des appareils ; les
lignes pointées sont des lignes de construction. Les lignes AB et A'B' ont
été tracées par le déplacement du chariot lors de la vérification du réglage;
la ligne du larynx se trouve en retard d'une quantité dont il faudra tenir
compte. Dans toutes les parties où elles ont été tracées par les styles fixes,
les lignes i, 2, 3, 4 sont les lignes de réglage. Les ares de repère :(, :^', :^"
permettent d'étabHr les lignes des axes i', 3 et 4'. J'ai reproduit à dessein
les trois positions que peuvent avoir les styles par rapport au cylindre enre-
gistreur : ou bien ils tombent perpendiculairement dessus, et, dans ce
cas, la ligne de réglage et celle des axes se confondent (3) ; ou bien ils
inclinent à droite (4) ou à gauche (i).
86 l'abbé rousselot.
Le problème posé ici est de savoir dans quel rapport de temps se trou-
vent les points a, b, c, d. Au moyen d'arcs de cercles ayant leur centre
sur les lignes des axes, et pour rayon la longueur des styles, nous abais-
sons ces points sur les lignes de réglage en a', c\ d\ Nous corrigeons
l'avance de la ligne du larynx en reculant b en b\ puis nous menons une
perpendiculaire par l'un de ces points. Or, il se trouve qu'elle les réunit
tous; donc ils doivent être synchroniques.
Cette construction nous suggère un moyen de simplifier. La distance,
entre a et la perpendiculaire élevée en a\ est égale à celle qui sépare l'arc
de repère et la verticale passant par le point de rencontre de l'arc et de la
ligne de réglage. Même observation à faire pour la ligne 4. De là il suit
que, pour corriger l'erreur occasionnée par la marche du levier, il suffit
de mesurer l'écart qu'il y a entre l'arc de repère et la verticale, pris à une
hauteur égale à celle du point qu'il s'agit de rectifier, et de porter cette
distance soit à droite, soit à gauche de ce point, suivant que l'arc passe
soit à gauche, soit à droite de la verticale.
J'ai supposé jusqu'ici que les inscriptions sont instantanées, ce qui n'est
pas. Il reste donc une dernière correction à faire si l'on veut s'approcher
aussi près que possible de la vérité, celle du retard éprouvé par les
appareils inscripteurs. Ce retard a été calculé par M. Marcel Deprez
pour son signal électrique, et par M. Marey pour les appareils à transmi-
mission par air. C'est environ ^ de seconde pour l'aimantation, -^
pour la désaimantation , et ~ pour la transmission par l'air faite au
moyen d'un tube de 4""™ de diamètre et d'un mètre de longueur^, comme
ceux que j'emploie. Ces erreurs sont tout à fait négligeables pour l'objet
que je me suis proposé, et je n'en ai pas tenu compte. Je me suis servi
d'un tube d'un mètre pour l'exploration des lèvres, de 0,50'' pour celle
du nez.
Enfin, je dois dire que, dans bien des cas, il est possible de suppléer à
toutes ces corrections par des inscriptions comparatives. S'il s'agit, par
exemple, de savoir ce qui appartient à Vr dans le tracé de pra, il suffit
d'inscrire successivement /)ra et pa. La comparaison des deux tracés nous
montre les corrections toutes faites. Ce qu'il y a dans pra de plus que
dans pa doit être vraisemblablement attribué à r. De même, pour juger le
y àe pya, ou le w de pwa, on inscrit à càtèpi et pu. Les tracés ainsi obtenus,
sont les plus faciles à interpréter, et ce sont ceux que je cite de préférence.
Lorsque c'est nécessaire, j'indique dans les figures les corrections toutes
faites au moyen de lignes pointées.
^ Marey, Méth. graph., p. 477 et 479. — Trav., 1875, p. 142,
CHAPITRE II
RÉGIONS D'ARTICULATIONS
La parole se compose d'une multitude de sons et de bruits dont les
principaux seulement ont trouvé place dans nos alphabets. Nos lettres, en
effet, représentent non des unités réelles, mais des unités d'impression,
et encore pas toutes.
Je traiterai des consonnes, des voyelles et de quelques sons employés
pour des intentions particulières en dehors du discours, que l'on a appelés
interjectifs.
Les observations ont été faites à l'aide du miroir, du palais artificiel et
des explorateurs de la langue.
Le palais artificiel est représenté dans sa position normale comme s'il
était vu par un spectateur placé au fond de la gorge. De la sorte, la droite
et la gauche du palais correspondent à la droite et à la gauche du lecteur.
Il a été divisé en plusieurs régions pour aider au report des tracés et en
faciliter l'interprétation. La figure suivante le représente avec ses accidents,
Fig. 18.
ses divisions et une coupe de l'arcade prise à la limite du palais dur. Les
88
l'abbè rousselot.
articulations de même ordre ont été réunies dans le même cliché, et les
limites des régions propres à chacune se distinguent par un pointillé
spécial. Toute la partie du palais comprise entre ces limites et les dents ,
ou (pour les gutturales) le fond du palais, ou bien encore (pour /, r) une
seconde Hmite de même pointillé, a été touchée par la langue au moment
de l'articulation.
§ I". — Consonnes.
Labiales :v,f,m,b, p.
Fig. 19.
r
/
\
(
P, J>.
t, y.
Y
A
fbfv C»
I.r,
N
\
;-^
:;:.__A
La langue est dans la position du repos : elle touche au palais par les
coins à la hauteur des dernières dents. Pour w toutefois, il y a en outre
un léger abaissement de la mâchoire supérieure. La différence d'articula-
tion n'est pas là; elle se produit aux lèvres.
V diffère de / par une fermeture moins complète et une tension moins
énergique des muscles.
h se distingue du p par une pression moins forte exercée sur les lèvres.
m a sur les lèvres la même position que b.
Dentales : ;(, s, n, d, t.
Fig. 20.
LES M0DIFIC\T10NS PHONÉTIQUES DU LANGAGE.
89
Pour ;^ et i, la langue touche \ peine le bord de l'arcade dentaire, moins
pour ;; que pour s. Il ne peut pas en être autrement, puisqu'un passage
doit être réservé à l'air qui s'écoule pendant l'émission de ces consonnes.
Pour «, d et /, la langue touche tout le tour des alvéoles et ne laisse de
libre que le fond du palais. Il y a une différence notable entre ces arti-
culations : le dos de la langue va en s'élevant depuis :^ jusqu'à /.
Palatales : y, /, f, — A(0, — ^(0, — gi"), — w, — w, — k{o).
Fig. 21. Fig. 22.
Le y est la palatale qui s'avance le plus vers les dents. La langue s'ap-
plique sur les bords du palais et ne laisse au milieu qu'un sillon étroit
(cf. fig. 27). • ^
Le / et le € ne se distinguent pas d'une façon bien sensible ou du moins
bien constante ; c'est un y dont la gouttière centrale se serait bien élargie,
un peu plus d'ordinaire pour le / que pour le €.
Le ^ et le ^ diffèrent peu , et leurs positions peuvent varier d'une Éiçon
très appréciable. La figure représente celles qu'ils prennent le plus fréquem-
ment.
A côté g se placent les deux labio-palatales w et ûf.
Le u> répond à peu près au ^'(0), \e vj k g (o (cf. fig. 28). Le premier a
sur les lèvres la position du «*, le second celle d'un u.
Linguales : /, r.
Fig. 25. Fig. 24.
J]
a
^"^"""O
r:
^t
^
{/
;
* /
)\
♦ \
«
•A
.-•"■ \
90
L ABBE ROUSSELOT.
/ et r touchent au palais \ peu près au même endroit, / plus que r, mais
d'une manière différente. Pour /, la langue s'appuie par la pointe sur le
palais et vibre par les bords. Pour r, elle s'appuie par les bords et vibre
par la pointe.
Consonnes groupées et consonnes mouillas. — Dans les traces laissées sur le
palais par deux consonnes successives, il est facile de discerner ce qui est
propre à chacune d'elles. Les figures précédentes contiennent certains
groupements. En voici quelques autres :
Fig- 25. Fig. 26.
Il est permis de tirer de là les conclusions suivantes :
1° Dans un groupe, la première consonne a la tendance de s'accommoder
à la seconde. Cela ne paraît pas ipour pi, pr, bl, hr, etc.; mais cela se montre
pour gl et surtout pour ^)', ky. he.g et le k sont très avancés vers les lèvres
et fortement palatalisés : la trace de la langue sur le fond du palais ne peut
être en effet attribuée qu'à ces consonnes , le y laissant à cet endroit une
gouttière pour l'écoulement constant de l'air.
2° Les consonnes mouillées ne sont pas une simple combinaison d'une
consonne et d'un y. Il existe en effet une différence considérable entre les
tracés de n et de ny, de / et de ly. Les figures de ny, ly accusent nettement
les mouvements successifs de n, l et de y. Il en est tout autrement de celles
de n, L Les premières sont des articulations complexes; ces dernières
sont des articulations simples. Aussi ny, ly ne sauraient être maintenues,
tandis que «, / peuvent être continuées indéfiniment. On ne peut donc
pas dire, du moins pour mon patois, que / et w ne sont autre chose que
/ et « très intimement unis à des y suivants. Il est vrai que l'histoire de n
nous montre toujours* un y agissant sur la production de cette consonne.
Mais il n'en est pas de même de / : une partie seulement des / remonte
dans mon patois à ly ou yl. D'autres / (dans les groupes) se sont produits
indépendamment du y.
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE. 91
Dans cette description, je ne ferai pas entrer le /; et le ^, encore moins
le dy et le /_^', qui existent dans la région, par la raison qu'ils n'appartien-
nent pas à mon parler. Quoique je puisse les reproduire à la satisÉiction
de ceux qui les emploient, je ne saurais naturellement présenter comme
absolument corrects les mouvements que j'exécute. Le /; et le £ me sem-
blent être, comme je l'ai dit dans la Rtv. des Patois g.-r., I, 315, les frica-
tives du g et du k. Ils sortent dans le pays d'un / et d'un ^. J'ai pu
comparer en môme temps sur ce point la prononciation des Saintongeais,
des Lorrains et des Pyrénéens : je n'ai pas remarqué de différence notable.
Quant au dj et au tf, je les note comme je les entends, sans prendre parti
dans la discussion dont ils sont l'objet. Est-ce une articulation simple ou
double? Les indigènes la croient simple. C'est tout ce que je puis dire en
l'absence d'une expérience décisive.
Ainsi, le système consonnantique de Cellefrouin ne diffère pas de celui
du français commun. J'entends par là le français qui tend à s'établir dans
la classe instruite en dehors des variétés locales. Ces variétés sont plus
nombreuses qu'on ne pense , et ne sont pas toujours corrigées par une
éducation soignée. En tenant compte de celle-ci, je dois faire les remarques
suivantes :
Mon r n'est pas celle d'un Parisien (r), ni celle d'un Lorrain (f), ni
celle d'un Limousin (f), ni celle d'un Blaisois (r), ni celle de certaines
régions du Midi (r).
Mon b n'est pas le è bi-labial de certains méridionaux.
Mon d et mon t ne sont pas le 4 et le /, avec la pointe de la langue reculée
en arrière des alvéoles, qui se trouvent dans la Meuse, l'Yonne, le Gers,
etc., ni le d etle t de l'Est et du Midi.
Mon g (-f /, e, e) et mon k (+ f, î, e) diffèrent également du gy et du
hy du Centre et du Nord-Ouest , que l'on entend même à Paris dans le
parler très populaire, et au Canada dans le langage cultivé, devant a.
Un Lorrain qui me lirait ne devrait pas considérer mes sonores comme
les équivalentes des siennes.
Quant à mon n mouillée, je l'aurais crue d'un usage général, n'ayant
remarqué ny pour n que chez des personnes nées hors de France, si je
n'avais vu que M. Crouslé conseille une prononciation assez voisine de
ni « aniô » (Gr. de la lang. fr., p. 22), et que M. Passy distingue pour
cette articulation des différences considérables : — jz, t'y» ^y et même y
nasalisé (Z^i sons du fr., p. 23).
J'ajouterai, pour les Français du Nord, que VI mouillée est un son dont
ils n'arrivent qu'à grand'peine à se rendre compte.
Lorsqu'ils veulent prononcer /, ils ne font entendre que ly, ancêtre de /.
92
L ABBE ROUSSELOT.
Aussi voyons-nous çà et là ly se substituer àjy, le représentant actuel de
17 en français, sous l'influence de Littré qui n'aura gagné, par son insis-
tance à recommander un son à jamais perdu, qu'à faire rebrousser la langue
de 1800 ans en arrière. J'ai constaté le fait dans la Meuse, où l'introduction
de ly est due à un professeur de petit séminaire qui s'est appliqué à incul-
quer à ses élèves la v7-aie prononciation de Tl mouilla, et chez des Normands
qui avaient imité la prononciation d'un élève du professeur meusien ,
devenu à son tour professeur à Paris. M. P. Passy a, lui aussi, remarqué
que quelques personnes prononcent les / mouillées ly.
2. — Voyelles.
La distinction des voyelles est due aux formes variées que peut prendre,
grâce surtout aux lèvres et à la langue, le résonnateur buccal, et à l'inter-
vention, pour quelques-unes, du résonnateur nasal. De là les divisions
des voyelles en buccales et nasales, en labiales et linguales. De plus, si
l'on considère surtout l'action de la langue formant de la bouche, un
double résonnateur, en se redressant par la pointe, ou un seul, soit en.
restant étendue dans sa position normale , soit en se reculant vers le
voile du palais, on peut aussi diviser les voyelles en antérieures, neutres
et postérieures.
Voyelles neutres et voyelles antérieures.
Fig. 27. Fig. 28'.
A
^
l~\
/ A
^
f~W.
l\ i
+ 1 :
A. 1 ;
/
/
1 :
!i^-
1
*v
1 :
■■ '«'
^ Dans la fig. 28, corriger a^, a^, a 5 en œ'^, œ^, œ\
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQJLES DU LANGAGE.
93
Elévation de la langue prise sous le menton , en arrière *
Bg. 29.
Elévation de la langue prise sous le palais :
Fig. 3a' -
a — - La voyelle neutre est pour moi a^. Va que je donne naturellement
sans effort.
Autour de cet a, qui est comme le pivot de tout mon système voca-
lique, se forment deux autres a qui ouvrent l'un (a ') la série des voyelles
antérieures, l'autre (flî) celle des voj^elles postérieures.
fl' est très voisin de fl*; il m'oblige à ouvrir un peu plus la bouche et
à reculer les commissures.
a J exige que la langue se reporte en arrière, de façon que la pointe ne
dépasse pas les premières grosses molaires, et se creuse autant que possible;
de la sorte , la cavité résonnante devenant plus large , l'ouverture de la
bouche étant à peu près la même que pour les autres a, le son produit
est plus sourd.
C'est de cet a que MM. Donders, Helmholtz et.Kœnig ont recherché
le son propre. M. Donders lui a assigné le j/*.,^ ^^' Helmholtz et Kcenig
le j/*3, soit 1800 vibrations simples à la seconde. Mon a est un peu plus
aigu; il donne 181 6 vibrations. Il est égal à celui tl'un Maçonnais, et
se trouve à la fois plus aigu que les a ' du nord et de l'est de la France
(Normandie 1808, Lorraine 1806, Suisse romande 1808, Paris 1804) et
plus grave que ceux du Midi (Aveyron 1824, Gers 1&28).
^, i — Les voyelles qui continuent la série de l'a * (voyelles labiales
' Les lignes pointées dans cette figure et les suivantes permettent de
comparer l'élévation de la langue pour les différentes voyelles.
94
l'abbè rousselot.
antérieures') sont : e\ e', e^, i^ et iK L'élévation progressive de la langue
est trop visible dans les tracés pour qu'il soit utile de s'y arrêter.
ce, u — Ce sont les voyelles labiales qui correspondent aux précédentes
pour la position de la langue :
œ^ a a', œ^ k a^y œ^ e^y u^ k ei, ui h i^. '
Ce qui les différencie, c'est la fermeture des lèvres, qui grandit succes-
Fig. 31.
sivement depuis a?' jusqu'à wî, et présente les ouvertures : 2'="' 9 sur 8""" 2,
2 '"> 3 sur 5 """, V"" 4 sur 4 """^ i<^™ 2 sur 4 """, 7 ■"" sur 2 """.
Voyelles postérieures.
Fig, 32.
Elé>ratîon de la langue prise sous le menton, en arrière
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE.
95
Elévation de la langue prise sous le palais
Fig- 34.
Ouverture des lèvres :
Fig. 35-
(^37
La première voyelle de la série est flî, la seule qui ne soit pas labiale.
0 — Il y a trois variétés, La langue est à peu près dans la même position
que pour a3; pourtant elle s'élève un peu progressivement. Les lèvres
s'arrondissent et laissent une ouverture de 3 "^ 2 sur i*^ pour 0% de 2"" 4
sur 9""° pour o^^ de 1'=™ 4 sur 5""" pour oK
u — Comme pour 1'/, je n'ai que deux variétés : — w* lorsque la
langue, en se collant sur la limite du palais dur, ne laisse qu'une ouverture
en forme de losange (<C>) d'environ 6 "^ de longueur sur 4'"'" de hauteur,
et lorsque les lèvres s'écartent de i *=" 3 sur 4'""; — «^ lorsque le passage
livré à l'air n'est plus" qu'un petit trou produit par la fente du palais et la
gouttière médiale de la l.ingue, et lorsque les lèvres ne sont plus écartées
que de 7"'" sur 2,
Voyelles nasales.
Le patois de Cellefrouin ne possède que trois voyelles nasales, 5, ?, ô,
dont aucune ne répond bien exactement aux voyelles orales que je viens
de décrire.
à est un a' pour lequel le dos de la langue se relève un peu afin de
rejoindre le voile du palais qui s'abaisse en même temps.
Les mâchoires sont aussi un peu moins écartées ; cela est sensible quand
je prononce successivement rt "' à on â a^. Mais cette différence est accès-
96 L*ABBÈ ROUSSELOT.
soire, puisque je puis prononcer à avec l'ouverture de bouche requise
pour a' sans en changer le son.
è — La langue est plus basse que pour ^ ' de 2 à 3 "'"\ J'ai pu en juger à
l'aide d'un miroir placé de façon que les dents du haut viennent se refléter
sur le palais et que la partie inférieure de l'image rase la surfiice de la
langue.
Dans cette situation, la moindre élévation de la langue devient sensible
et facilement appréciable, car l'image des dents prend une coloration diffé-
rente dès qu'elle est atteinte par la langue. J'ai à faire ici la même remarque
que pour à : la langue touche plus au palais que pour la voyelle buccale
correspondante, et les mâchoires se rapprochent davantage.
Ô est très sensiblement 0'^ pour la position de la langue et des lèvres.
Classification des voyelles.
D'après ce qui vient d'être dit, il est clair que, sauf pour a, l'ouverture
et la fermeture de la bouche, produites par le dos antérieur de la langue
pour les voyelles linguales, par les lèvres pour les voyelles labiales, nous
fournissent un excellent moyen de caractériser les différents timbres des
voyelles. Nous avons de la sorte des voyelles ouvertes et des voyelles
fermées. Si, d'autre part, nous considérons la tension musculaire, nous
obtenons un résultat concordant. Les voyelles ouvertes sont, si l'on veut,
des voyelles molles, relâchées, tandis que les voyelles fermées sont des
voyelles dures, tendues, appuyées. Cette expression même à' appuyées est
la seule par laquelle je puis me fliire comprendre des paysans.
Voilà ce qui m'a fait préférer, malgré quelques inconvénients^ cette
classification à une autre qui serait fondée sur l'acoustique.
Dans la série linguale, les classifications acoustique et physiologique
marchent de pair : e grave = e ouvert, e aigu = e fermé, / grave = i ouvert,
/ aigu = /' fermé.
Dans la série labiale, c'est le contraire qui a lieu : 0 grave = 0 fermé,
0 aigu = 0 ouvert , u grave = u fermé , u ^= ît ouvert , œ grave = œ
fermé, œ = œ ouvert, u grave = u fermé, u ^^ u ouvert.
a présente une difficulté spéciale : il est le point de départ des deux
séries.
^3 appartient aux voyelles postérieures (0, u). L'analogie de ces deux
voyelles, dont la variété fermée est la plus sourde, a porté M. Gilliéron
à marquer d'un accent aigu le son grave de Va (comme 0, ?/), ce qui a
entraîné l'adoption d'un accent grave pour le son aigu de l'a (comme ô, «/).
Dès lors, a^ est considéré comme a ouvert, et a' comme a fermé. Cette
dénomination peut très bien se défendre au point de vue physiologique,
puisque, en diminuant l'ouverture de la bouche disposée pour a ^ au moyen
LES MODIFICATIONS PHONÈTIQ.UES DU LANGAGE. 97
d'un carton troué, ou tout simplement avec la main pendant l'émission
de la voyelle, on fait entendre un a '. Mais, pour les personnes qui ouvrent
plus la bouche pour ai que pour a* (et la chose est possible, pourvu
qu'elles conservent entre l'ouverture et la capacité du résonnateur le rap-
port voulu) , elle n'est point sans difficulté. Pour moi , elle est exacte ,
puisque l'a* est prononcé avec les lèvres réellement plus ouvertes que
pour l'a 3.
De la sorte , par ouverture ou fermeture des voyelles , il faudra ici
entendre l'agrandissement ou la diminution de l'orifice du résonnateur,
à savoir : pour 0, u, œ^ u, l'écartement ou le rapprochement des lèvres;
pour e, i, les divers degrés de rétrécissement du canal laissé à l'air entre la
langue et le palais; enfin, pour a, la plus ou moins grande ouverture de la
bouche par rapport à sa capacité.
Ainsi, dans la notation introduite par M, Gilliéron, et que j'ai adoptée,
les voyelles distinguées jusqu'ici par de simples exposants deviennent :
a*
à
a ^ a (moyen)
aï
â
0'
ô
0^ 0 (moyen)
o3
ô
u 2 11 (moyen)
wî
û
e'
é
e^ e (moyen)
ei
é
i^ i (moyen)
i>
i
œ^
à
œ^ œ tl è
œi
œ
«2 u (moyen)
ui
û
La voyelle moyenne œ se trouve avoir dans la notation de la Revue
deux signes , œ et ^. Ce n'est que tout récemment que je suis arrivé à me
convaincre de l'équivalence de ces deux sons. Je devrais donc supprimer t,
qui sort du système général; mais comme, en pareille matière, il n'est pas
bon de se hâter, je garde œ pour les toniques, continuant à employer è pour
les atones.
Les voyelles de Cellefrouin comparées à celles du français.
Je devrais maintenant, comme je l'ai fait pour les consonnes, comparer
le patois de Cellefrouin au français commun. Mais ici le terme de compa-
raison me manque. Le français n'a pas encore réussi à imposer son système
vocalique. En adoptant h. langue de Paris, la province a pu remanier ses
consonnes : elle avait , en général , peu â faire , et puis les différences
étaient choquantes; mais elle n'a guère touché à ses voyelles.
Le français , du reste , ne s'est pas montré exigeant sur ce point. Dans
sa patrie même , il ne semble pas tenir à une homogénéité parfaite. Il
permet pour les voyelles quelque chose de vague et de flottant : on trou-
verait dans une même famille, comme dans celle de M. Passy, une éton-
KiwB SES r&Toa. —
9^ L*ABBÉ ROUSSELOT.
liante variété. La province non plus ne tient pas à reproduire les voyelles
parisiennes, et, pour ne parler que de moi et de mes compatriotes, nous
avons l'oreille blessée par certaines voyelles de Paris. Je ne dirais pas
éôkôîâ, payas, môpànias; je préfère mon françai's régional fôkôlà , payas ,
vwpàrnàs.
Mais ce n'est pas le français parlé qui se répand ; c'est le français des
livres ; et celui-ci est plus accommodant encore. Chacun n'y lit que les
voyelles de son propre parler. L'enseignement vient bien rectifier quelques
points; mais ces points sont peu nombreux, tant est grande notre indul-
gence en cette matière ! Du reste, les maîtres ont souvent les défiiuts de
la région où ils enseignent, s'ils n'en ont pas de pires. Au surplus, l'ensei-
gnement ne corrige pas toujours. Plus d'un son barbare peut invoquer sa
paternité. A côté de l'influence des maîtres, il y a la tendance trop géné-
ralisatrice des élèves, qui est une nouvelle source d'erreurs. Je disais :
mé pér « mes pères ». Corrigé pour pér, j'ai cru qu'il fallait de même
changer mé en mè , et je dis « mè pér ». Enfin, certains mots échappent à
l'analogie des autres et entrent dans le langage avec la forme sous laquelle
ils ont été entendus : œ atone est toujours œ dans mon français, et pourtant
je dis néyî « Neuilly ».
Il n'y a donc pas de règle précise pour fixer le timbre des voyelles.
Cependant, au milieu de la variété qui règne sur ce point, on peut, dans
le plus grand nombre des sujets, reconnaître une même gamme vocalique.
Sans doute, chez les personnes peu cultivées, on surprend des voyelles
intermédiaires, comme, pour donner quelques exemples, â pour à aux
i environs de Noirétable (Loire), et dans bien d'autres endroits encore sur
•la limite de Va m >- è, â pour â en un grand nombre de lieux sporadi-
quement, à La Chaise (Charente), au Canada, etc., é et même presque
i pour é en Auvergne, u pour à et n pour u dans diverses régions du Midi,
an, en, on et même an, en, on pour à, è, ô dans tout le Midi, â pour à
dans le Nord-Est et même à Paris. Mais il est vrai de dire qu'en général
(les voyelles nasales mises à part) l'incertitude porte, non sur le son en
lui-même, mais sur l'usage qu'on en fait. La difficulté d'indiquer la valeur
précise de telle ou telle syllabe reste donc tout entière. Néanmoins, en
prenant en gros la prononciation que j'ai entendue à Paris, je puis dire
que toutes les voyelles de mon patois sont françaises. Voici les rappro-
chements qu'il est permis d'établir :
à = partir. — a^^Varis. — ^ = prtte, chocok. — ê = ïéte. — e:=ég\[se.
— é = maison, chanter. — / = R/voli. — / := nid, ici. — ô = or. —
o = choco\a. — d = gigot, maillot, autre, chapeau, etc. — w = utile. ^-
ïi = fendM, pend», pb/s. — u^^ oublier. — « = Roule, je ne sais où. —
LES MODIFICATIONS PHONfcilQLhS DU LANGAGE. 99
rtî = heure. — œ = h^«reux. — é = heureux, (eu, peu. — à = enfant. —
} = vm. — ô = on.
Je ne donne toutefois ces équivalences qu'avec réserves, parce qu'on
me les a souvent demandées, et je prie le lecteur de n'en user qu'avec
précaution (cf. Revue des Patois g. -r., I, p. 11-13).
§3. — Sons interjectife.
Il ne me reste plus, pour épuiser la liste des sons usités à ŒUefrouin,
qu'à indiquer ceux qui, à eux seuls, expriment un état de l'âme, un
sentiment, un ordre ou une prière. Les uns sont formés par l'air expiré,
les autres par l'air inspiré. Je commence par les premiers.
1° p! Les lèvres jointes sont séparées brusquement par la poussée
d'une colonne d'air énergique. Il marque le dédain, et s'accompagne d'un
haussement d'épaules, ê tel ô dt dœ ma d lil. — p! t ni âbàràs byê. « Un
tel a dit du mal de vous. — pf je m'embarrasse bien ! »
2° prr! Même position que pour « p! ». Il s'y joint une forte vibration
des lèvres. On s'en sert pour chasser les cochons. — En Suède ^, on l'em-
ploie pour arrêter les chevaux. L'r est une r labiale. Cette r est en usage,
dit-on, chez les Hottentots. Elle existe aussi après une labiale dans quel-
ques villages des Alpes italiennes.
prrà ! avec une r labiale, est employé pour arrêter les chevaux et les
ânes.
3° ps ! La langue est disposée pour l'émission de l'j; les lèvres sont
fermées. Le p éclate brusquement, et Vs se prolonge. C'est le signe du
mécontentement et l'annonce d'une colère qui ne se contient plus. Il
s'accompagne d'une grimace significative et d'un haussement d'épaules.
ps! t m âbàràs byê de s kè tû dî! « ps ! je m'embarrasse bien de ce que tu
dis ! »
^'^ ps! ps! Le même son, très rapide, avec une expression caressante,
invite les enfants à unner . ps ! ps ! fà ^^/ « ps! ps! fais ^j ».
5° ps! ps! moins rapide et excitant, sen à avâter (lancer) les chiens.
6° pst! Le même son, mais avec une s plus dure et un léger mouve-
ment de la langue contre le palais, d'où elle s'arrache brusquement, ce
qui produit un / final. C'est le signe de la rapidité, à! pst! al e Iwèf ta!
kùr âpre! « Ahl pst! elle est loin I tiens! cours après! »
* Je l'ai entendu de la bouche d'un Suédois.
100 L ABBE ROUSSELOT.
7° ks! ks ! La langue a la pointe disposée pour faire entendre Vs, et le
dos dans la position du k. On l'emploie pour exciter les chiens, ks! ks !
aie ! tnor-lû ! mor-lû ! « ks ! ks ! allez ! mors-le ! mors-le ! »
8° €t! avec les lèvres bien écartées est employé pour chasser un animal.
€t ! à€à! à pli ! à eàbr ! « €t ! à chat ! à poule ! à chèvre ! »
9° *! La bouche complètement fermée; tout l'air passe par le nez.
Prolongé, c'est le gémissement. Bref, c'est le signe de l'étonnement.
Prolongé et grondant, c'est une menace :~ ! st tâpûtt... tu ^u pàyrà! « *! si
je t'empoigne... tu le payeras! »
10" '*/ aspiration suivie d'une résonnance nasale, marque la désappro-
bation : '* ! yû sàvt bê, ké kort àrïvà kôkî ! « '* / Je le savais bien , que q^ aurait
arrivé ceci !» — '~ ! n krë pà « '" / Je ne crois pas » .
11° m! grondement nasal, qui s'accompagne du pincement des lèvres,
et qui annonce une menace : mf sï tàtràpf « ml si je t'attrape! »
Les sons produits par le souffle aspiré sont appelés inverses par M. Havet S
et transcrits par lui, d'après M. Ballu, avec les signes correspondants aux
sons ordinaires renversés. J'en ferai autant. Nous avons :
1° 4 f que M. Ballu écrit m à tort, selon moi, car 1' w est continu, et le
son qu'il s'agit de représenter est explosif. Un gros « baiser de nourrice »
ne peut pas se faire entendre sans qu'il y ait occlusion complète des lèvres.
Ce son a plusieurs significations , suivant l'expression qu'on lui donne.
Fort, c'est un avertissement donné à un animal que l'on va toucher;
répété et insinuant, c'est un appel adressé aux animaux; enfin, très-bref et
très doux , c'est une invitation à manger pour les petits oiseaux.
2°/! marque une douleur subite. /f / m su brûla ! «// je me suis brûlé ! »
3° ;/ La langue collée au palais, après avoir fait le vide, se détache avec
plus ou moins de force. Energique, i marque la désapprobation : tî '' !
t à tôrf « t! '" ! tu as tort! » ; f! ko ne pà bô! « ;/ ce n'est pas bon! » ;
répété, il invite les porcs à manger ; très doux et très rapide, il sert à appe-
ler les poules.
4° ^. La pointe de la langue est reculée jusqu'à la position du k, elle
fait le vide, se détache avec force et produit un son sec. On s'en sert pour
exciter les ânes.
' Mèm. de la Soc. de ling.y II, 221,
CHAPITRE III
FONCTION DU LAR^'NX. — VARIATIONS DANS LA SONORITÉ
DES VOYELLES NASALES ET DES CONSONNES
Les expériences utilisées dans ce paragraphe ont été faites avec l'oreille,
l'explorateur électrique du larynx, ceux du nez, des lèvres, l'explorateur
externe de la langue et le stéthoscope.
Les tracés sont reproduits par les procédés Dujardin au double de leur
grandeur naturelle, ce qui permet de distinguer à l'œil nu les parties
essentielles, qui, autrement, ne pourraient être vues qu'à la loupe.
La sonorité est due à des vibrations qui ont leur point de départ dans
le larynx et qui se propagent dans d'autres parties de l'organe vocal. Ces
vibrations jouent un rôle considérable dans la parole. Il ne suffit donc
pas, pour analyser celle-ci, même au point de vue restreint de la physio-
logie, de rechercher quelles sont les régions d'articulation et de déter-
miner à quel point exact se forme l'obstacle qui, s'opposant au passage
de l'air, produit le son.
Il faut encore savoir quelles sont, parmi les articulations, celles qu'ac-
compagnent des vibrations laryngiennes , en d'autres termes , pour me
ser\ir de l'expression consacrée, quels sont les éléments sonores et les élé-
ments sourds du langage.
Sont considérées comme sonores : toutes les voyelles, les semi-voyelles
(y, Wy îv)f les consonnes douces Q, d, g, v, :(, /), les liquides (/, w, «, r).
Sont regardées comme sourdes les consonnes fortes (j), t, k, /, j, /).
On a même cru que p et b, t et d, k et g, /et v, j et ;^, ^ et / ne sont
respectivement qu'une même articulation différenciée seulement par l'ab-
sence ou la présence de vibrations laryngiennes. Deux groupes très voisins,
£ et /, j et :( ont pu donner cette illusion.
On a dit aussi , et sans plus de motif, que les nasales (m, n) ne sont
que des sonores (h et d) prononcées avec écoulement de l'air par le nez.
Ce sont des erreurs. Au fond de toutes les articulations se trouve un
bruit caractéristique qui suffit à les distinguer. Les différences qui existent
entre les diverses régions d'articulation en sont un indice certain. Au
102 L ABBE ROUSSELOT.
reste, une expérience très facile et à la portée de tous nous en fournit la
preuve. Quelle que soit la théorie que l'on adopte sur le chuchotement,
celui-ci n'est que la parole articulée, privée de vibrations laryngiennes
proprement dites. Or, si l'on chuchote à des distances variables, l'auditeur
distingue successivement tous les sons ou peu s'en faut, les sourdes en
général plutôt que les sonores.
Voici les résultats d'une des expériences que j'ai faites à ce sujet. Les
chiffres, on le conçoit, n'ont rien d'absolu ; mais il n'y a que les distances
relatives qui aient ici de l'importance.
En chuchotant de façon qu'à 8 *" aucun son ne soit saisi , et en me
rapprochant peu à peu, je faisais entendre :
A moins de 8"", /';
A 7"" 20, ^;
A 1^., gt sonnant ^, mais moins fort;
Après 6"", w;
A 6™ 6o, ]t et €t^ qui n'étaient qu'un bourdonnement confus;
A 6"» 55, ;V et ^é, sonnant tous les deux €t avec une force égale;
A 6™ 10, ht et pè, qui n'étaient pas sentis à 6 *" 15, et qui sonnaient
avec une force égale hè\
Après 5 •", a ;
A 5"" 62, /^;
A 5 " 46, dt sonnant /é, mais moins fort; — ht et pt sonnant pt\
A 5 ■" \%^ stt\%t sonnant st avec une force égale;
A 5 "", ;V, distinct de €t ;
A 4"> 90, /é;
A 4"" 68, vt sonnant/^, mais avec moins de force;
Après 3 "", é sonnant tantôt é, tantôt /;
A 2"", mt sonnant tantôt/)^, tantôt ht\ — é, distinct de /; — 0, œ^ nty
h, rt\
A \^, mt\ — pt toujours clair;
A o™ 50, «; y^ qui commençait à se faire sentir, mais aussi bien pour
jt que pour vt\
A o™ 25, ht ti pt presque complètement distincts; — ft toujours clair;
— vt i^ fois sur 18 nettement perçu vt, — dt net ;
A G™ 10, gt qui se détachait presque complètement de ht; — ht pt ^
jt vé, tè dt, très nets ;
A 0" 05, ^^ parfaitement clair.
Il n'y a que st et :(t qui restent indistincts, même prononcés les lèvres
sur l'oreille. Quelquefois, cependant, ^é peut être saisi, mais il n'est jamais
très certain.
LES MODIFICATIONS PHONLTIQULS DU LANGAGE. 10^
Si l'on renouvelle rexpérience :\ voix modérée, on obtient, au point de
vue de la distinction des articulations, des résultats analogues.
Dans une expérience (ui aucun s(in n'est clair à 9 "" 60, on peut entendre :
A <)"", n, .-, /, (', u;
A 8- 55,/).', À-^,/^
A 7™ 70, bè, €i-^ — quelquefois se, plus rarement /^ ;
A 7 "', se et fi très distinctement ;
A 6"", de, mè, île -y
A 5 ■" 7o> /^ S^'y
A 5» 50, 7ié;
A 5 ", vêy il, œ.
Les vibrations larv'ngiennes apportent donc aux sonores un surcroît de
puissance, mais insuffisant pour qu'elles puissent égaler les sourdes.
Serait-il téméraire de conclure de là et des obser\'ations faites plus haut
que toutes les articulations peuvent avoir une variété sonore et une variété
sourde, qu'il existe, par exemple, un v sourd distinct de l'/et une/ sonore
autre que le v ?
Il ne semble pas, d'autant que nous rencontrerons deux cas au moins où
cette supposition est une réalité. Aussi, sans cependant prétendre trancher
la question, au lieu de substituer une sourde à une sonore, ou une sonore
à une sourde quand la sonorité naturelle de la consonne est modifiée, je
me contenterai, dans les transcriptions suivantes, de marquer d'une apo-
strophe la consonne qui n'a pas conser\-é sa qualité naturelle, et qui appa-
raît dans mes tracés autre que dans ma prononciation intentionnelle.
Nous venons de voir que l'oreille seule suffit à distinguer les sonores
et les sourdes quand elles sont isolées. Aussi n'y a-t-il pas de discussions
sur leur qualité parmi les phonétistes, et les variations qu'elles peuvent
subir sont-elles peu importantes. Il en est presque de même des groupes
où entrent des liquides. Mais, dès que les muettes et les spirantes sont
associées dans un même groupe, l'éloignement joue alors dans les appré-
ciations de l'oreille un rôle important, et les erreurs sont faciles. Toutes
les consonnes isolées sont perceptibles à 5 ™, tandis que tous les groupes
de consonnes ne peuvent être sûrement décomposés qu'à 10 ou 15 centi-
mètres. Les hésitations sont très marquées à 30 centimètres, et au fur et
à mesure que la distance croît, les confusions augmentent.
A 30^"*, ap^a, agsa, avpa et a:^pa ont été entendus ab^a, aksa, afpa et
aspa. Mais ce n'est guère qu'à i ™ que les changements se produisent d'une
façon constante- A cette distance :
1° ;^ et; + sourde paraissent toujours assourdis. Voici des combinaisons
où ;^ a toujours été entendu 5, et/, ^ ; a:;^po, a:^ta, ojpa, ajfa, ajta, ajsa;
104 l'abbé rousselot.
Il y a eu hésitation pour arfa = ] ^. ■ area = : aiha = . ;
^ ^ ( asfa ^ \ as^a ' { ajga '
2° Toutes les sonores, placées devant les sourdes correspondantes,
paraissent assourdies : ahpa^ avfa, adta, a:^sa, ajm, agka sont entendus :
appa, affa, atta, assa, a^^a, akka;
3° Ont été modifiés : v qx. d devant des articulations du môme ordre,
V -]- p (avpa = afpà), d -\- s (adsa = atsa); — ^4- sonore (ahba^ akva,
akda, akyU, akja, ahga sonnent toujours comme s'ils avaient un ^ ; —
t -\- g (atga = adgd) ; — s -{- € (asea = aeea).
Les autres combinaisons restent distinctes. Ainsi apba, afva, aida, as:ri^
aeja sont parfaitement saisis.
A 2"", il fout ajouter l'assimilation : àt p -\- b (apba = abbd)\ — de
i -\- d, b, 1 (aida = adda, atba ■= adba, at:^a = ad^d).
Des confusions se produisent entre des consonnes de classes ou d'ordres
différents : akga = apga, et afva = apva.
Au delà de é"\ b qx. v -\- une sourde s'assourdissent {abfa = apfa,
abta = apta, absa = apsa, abea = apm, abka = apka ; de même avta ^=
afta, etc.; — le f et le ^ deviennent indistincts, mais gardent leur qualité
respective de sourde et de sonore : le premier sonne/; le second, v; —
— les liquides /, w, n, r sont toujours entendues telles.
Mais la distance n'est pas le seul focteur dont il faille tenir compte dans
l'appréciation des renseignements que fournit l'oreille, il importe de ne
pas oublier que cet organe est susceptible d'éducation, et que souvent il
éprouve l'impression moins de ce qu'il entend que de ce qu'il a l'habitude
d'entendre. Si je dis par exemple « inô pov pyàrê », « mon pauvre Pierret »,
ma sœur, qui est très habituée à mon patois, entendra « tnô pou pyàrê »
par un v. Mais que je dise popovpo, elle entendra /)q/" par une/. La raison
de cette différence est tout entière dans des habitudes prises : pav existe
isolément, et l'ensemble de la phrase a un sens qui lui conserve dans cette
situation son individualité : il est entendu dans le groupe comme s'il était
seul. Dans popôvpo qui n'a aucun sens, l'oreille n'entend que le son. C'est
pour ce motif que, dans les expériences précédentes où j'ai employé
l'oreille comme moyen d'analyse , je ne lui ai soumis que des groupes
dénués de sens.
Ces constatations, outre qu'elles ont des conséquences, ont l'avantage
de nous montrer qu'une expérimentation mécanique peut seule nous fixer
sur les variations qu'éprouvent dans leur sonorité les éléments de la parole.
Et cette expérimentation en vaut la peine.
Dans les transcriptions phonétiques que l'on donne aujourd'hui du
français, on assimile tous les groupes dont les consonnes ont deux repré-
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE. I05
scntains dans l'alphabet, l'un pour la sourde, l'autre f)our la sonore. Il ne
semble pas y avoir de doutes parmi les phonétistes sur ce point. M. P.
Passy écrit donc metsè (médecin), :(gô (second), avegjâ (avec Jean), diddô
(dites donc), etc. {Les sons dufr.). M. Beyer : opskûr (obscur), etc. {Fran-
:^ôsiscfx' pljonciik).
Quant aux articulations qui n'ont qu'une seule représentation dans nos
alphabets (w, h, y, /, /, r, 3', w, tl'), il y a encore quelque indécision.
L'iionneur d'en avoir discerné la variété sourde en français appartient à
M. Ballu; celui d'avoir fait connaître cette découverte au monde savant,
à M. Havet {Mém. de la Soc. de îing. « Observations phonétiques d'un
professeur aveugle », t. Il, p. 219). Les nasales sont exclues de cette
catégorie par M. Havet, qui n'y voit que des sonores.
M. P. P;issy écrit en conséquence avec des sourdes les mots comme
peup/e, poutre, pwis, p/ed, ptTMah, article, et même après une sonore :
poudre, tab/e. Mais il va bien plus loin que M. Havet, et il reconnaît des
nasales sourdes dans la prononciation de quelques personnes : ham'çon,
m'sieur, han'ton, tw'ailles, ensei^«'-tu. Enfin il admet />r/W sans restric-
tion {Les sons du fr., p. 22-24). ^^ avait signalé dans sa première édition
(p. 52) une r mi-partie sourde, mi-partie sonore dans près, et inversement
dans article.
M. Franz Beyer marque du signe des sourdes : ou dans échouer , u dans
/>ttZ5, / à^iViS pion, l dans peuple, cible, r dans pâtre, sabre; il incline fortement
à admettre une partie sourde et une partie sonore dans / de plaindre^ VI
mouillée de scintille, Vn de knout.
Ce sentiment paraît général. Aussi M. Morf me reproche-t-il de n*en
avoir pas tenu compte dans mon « Introduction à l'étude des patois »
{Gôtting. gelehrte an^., 6 janvier 1889, p. 15).
Je ne pouvais donc me dispenser d'étudier la question pour mon patois.
J'avoue que, si je m'en étais rapporté uniquement au témoignage de mon
oreille et au sentiment que j'ai des sons que j'émets, je ne m'y serais pas
arrêté. Je n'avais conscience d'aucun changement survenant dans la sono-
rité de mes consonnes. Mais la question n'en était que plus attrayante.
Ne me trouvais-je pas en face d'un phénomène naissant et au début d'une
évolution encore inconsciente? La méthode graphique, du reste, me
fournissait un moyen sûr et facile de trancher la question. Tout, en effet,
se réduit à savoir si, pendant telle ou telle articulation, le larynx vibre ou
non. Or, en plaçant le son à étudier entre des articulations dont la lecture
est facile , comme des labiales par exemple , en comparant des mots ren-
fermant ce son avec d'autres ne le contenant pas, on est certain d'atteindre
la vérité.
io6 l'abbî- rousselot.
J'ai ù ma disposition , pour cette étude , non seulement les tracés pris
en avril 1889 et renouvelés en juin de la même année pour savoir si je
po3jédais réellement une variété sourde des liquides et des semi-voyelles,
et beaucoup d'autres recueillis dans des intentions tout à fait différentes,
mais encore les expériences systématiques que je viens de foire (1890) afin
de pouvoir embrasser le phénomène dans toute sa généralité.
Je n'ai rien à dire sur les voyelles buccales : toutes celles que j'ai ins-
crites sont sonores. Nous n'avons à nous occuper que des voyelles nasales
et des consonnes. Ces dernières, nous les considérerons successivement
dans les deux situations où elles se rencontrent : isolées et groupées.
Voyelles nasales.
La nasalité varie suivant la nature de l'articulation après laquelle les
voyelles nasales sont placées. Complète à l'initiale et après s, €, et proba-
blement toutes les continues , elle manque dans les premiers instants de
la voyelle après p, b, /, k et sans doute d et g. Ce foit m'a apparu dans le
tracé du groupe artificiel ôpôptô.
Fig. 36. Vitesse D,
Nez
Laryn>
Lèvres
Le premier ô commence au même point pour le nez et pour le larynx;
tous finissent en même temps pour les deux organes. Le dernier semblerait
foire exception ; il n'en est rien cependant : l'arrêt anticipé du larynx est
une erreur d'inscription qu'aident à corriger d'autres tracés (cf. fig. 51).
Mais le second et le troisième ô commencent plus tôt pour le larynx que
pour le nez.
Il en est de même dans àpâsbâ, ôkô (groupes artificiels), p'is « pense »,
pôpô « pompon », pô « pont », âtâ « antan », ta « tant », k'i «qu en »,
etc.
LES MODIFICATIONS PHONÉTICIUES DU LANGAGE. IO7
Dans sô « sont », i? « sans y>,fÔrs è pthjô « force un peu », fStrii « chan-
triez », il y a accord complet entre le nez et le larjnx.
Ce n'est pas là une particularité de mon patois : la prononciation de
M. Jean Passy est sur ce point conforme à la mienne. On peut donc croire
que ce phénomène tient à des conditions organiques générales.
Consonnes isolées.
Pour les consonnes isolées, il y a lieu de se demander si quelques-unes
ne subissent pas des variations de sonorité par suite d'une évolution propre,
ou en raison de leur position.
Dans le premier cas, entre un phénomène qui ne se produit dans mon
parler que pour les spirantes sonores/, ;(, v. Ces consonnes, qui commen-
cent sonores et finissent de même, sont souvent sourdes au milieu, en
sorte qu'il serait juste de les appeler des médio-sourdes . Le cas est presque
constant pour/ et ;(;; il est rare pour v. J'ai obser\'é le fait, non seulement
dans des expériences sur des groupements artificiels, a/a, a:^a, ûpûpjti,
œpd'pjé, ipipj'i, mais encore dans des phrases complètes : k t puj... « que
je puisse... »; k n àjà... « que nous allions... »; Ijur... « un jour... »;
k vu iHïjë ànà... « que vous vouliez aller... », etc. (V. les fig. 92 et 93.)
La concordance qui existe dans certains tracés entre les vibrations du
nez avec celles du larynx , comme on peut le constater dans le tracé de
Fig. 37. Vsse D.
Nez
Larj'nx
Lèvres
tpipTt, ne laisse aucun doute sur la réalité du fait.
Je n'ai que trois exemples pour v : si vèv fôrsavë... « si vous vous for-
io8
l'abbè rousselot.
Vs^e D.
ciez... »; kôy âvî... « il y avait... »; àvyà... « avaient... » (deux fois),
tous empruntés au discours suivi.
En dehors de ce cas , la place des consonnes est un facteur nécessaire
pour la production des changements qui s'observent dans leur sonorité.
Les consonnes finales accusent une tendance à s'assourdir. Les exemples
les plus caractéristiques nous sont fournis par b et par m. En voici un de
m pris dans deux mots appartenant à la même phrase : dans le premier,
elle est sonore; dans le second, à moitié sourde. (Voir encore le tracé,
fig. 47, inscrit dans le même moment.)
Fig. 39. Vsse D.
œ m
LES MODIFICATIONS PHONÈTiaUES DU LANGAGE. IO9
La raison de cet assourdissement est dans le repos prolongé qui suit.
Le même fait se manifeste dans le reste du morceau et dans le suivant,
inscrit trois mois plus tard (les repos sont marqués par des virgules) :
i jîir ko y àvi un dm t fin fivm\ kàvyà set âfâ — Id pu jht k ait c;rb kùm
ri... — y àtyà viàlaru , viàlœru kùm la pyerè... — l scr kè l'ôm\ ë là fœm\
dtyâ â se €ofà ... — kvù-tù tnàpôv fœm\ kè dtsî l Ôm\... « Un jour il y avait
un homme et une femme qui avaient sept enfants. Le plus jeune qui était
gros comme rien... Ils étaient malheureux, malheureux comme les
pierres... Un soir que l'homme et la femme étaient à se chauffer... »
Les trois m entièrement sonores se lient aux [mots suivants; les cinq
assourdies sont suivies d'un repos.
Cependant le fait qui paraît ici général n'est pourtant pas constant.
Nous sommes donc en présence d'une tendance plutôt que d'une loi.
Les consonnes sonores placées entre des voyelles nasales sont souvent
sensibles à l'explorateur du nez, et on les voit marquées par des vibrations
de cet appareil. Mais il ne faudrait pas conclure à leur nasalité, car elles ne
sont jamais accompagnées d'un écoulement de l'air par le nez comme il
arrive pour les nasales.
De sourdes inter\'ocaliques devenues sonores, j'ai quatre exemples. L'un
tout à fait accidentel est dû à l'influence d'une nasale précédente, ou, pour
mieux dire, à une vraie erreur de prononciation, dyàbl tûn apurl a Diable
Fig. 41. Vsse D.
Nez
Lar)-nx
Lèvres
/ — ù — n à — p ■ — îir
ton happeur^! » est devenu dyàbl tùn âmurf Les trois autres nous sont
^ Ouvrier qui raccommode avec des crampons de fer (happes) les vases
de terre fêlés.
ÎIO LABBE ROUSSELOT.
aussi fournis par des p : tô p'ôpô (p. 128), lé p'ujèn... (p. 130), et s àp't-
làv... (p. 131).
Telles sont les seules variations que j'ai observées dans la sonorité des
consonnes isolées. Les consonnes groupées en contiennent de bien plus
importantes.
Consonnes groupées.
Considérées au point de vue de l'attraction qu'elles peuvent exercer les
unes sur les autres et de la tendance qu'elles ont à s'assimiler, au moins
quant à la sonorité, les consonnes se divisent en deux classes : l'une, qui
est très assimilable, comprend les muettes (p, b, t, d, k,g) et les spirantes
(/, V, s, ;(, €, y); l'autre, qui l'est beaucoup moins, se compose des
liquides (/, /, w, «, n, r) et des semi-voyelles (y, zu, ûi). Nous étudierons
successivement ces deux classes.
MUETTES ET SPIRANTES
Les muettes et les spirantes peuvent être contiguës à des consonnes de
la même classe ou à des liquides et des semi-voyelles. Nous commencerons
par la première catégorie.
1° Groupes formés uniquement de muettes et de spirantes. — Les groupes
ainsi constitués ne se trouvent qu'à l'initiale et entre voyelles.
A l'initiale, les sourdes restent telles et les sonores s'assourdissent. Le
maintien des sourdes se déduit de la comparaison des tracés comme k vti-
tu « que veux-tu? », et wi-tu « veux-tu? » dans lesquels on constate le
même rapport entre l'instant où le larynx s'ébranle et celui où les lèvres
se ferment pour le v.
Fig. 42. Vsse E.
Larynx
Lèvres
V — M / U V U t U
LES MODIFICATIONS PHONLIU^lls DU LANGAGE.
III
L'assourdissement des sonores est clair dans
Larviix
Lèvres
vp ayrc df -/ Uni « refuser »
Entre voyelles , il y a le plus souvent assimilation de la première con-
sonne à la seconde, très rarement de la seconde à la première; quelquefois
les deux consonnes gardent leur valeur naturelle.
Pour les sourdes, une seule expérience suffit. J'ai choisi les groupes
les plus simples, comme abpa, apba, etc., plaçant entre deux a chacune
des consonnes sourdes, et les faisant suivre à tour de rôle par chacune des
sonores. La ligne du larynx, contrôlée par celle des lèvres, indique nette-
ment la qualité de la consonne qui, dans mon intention, émit sourde.
Pour juger des sonores, j'ai employé un double tracé. Par exemple, s'agis-
sait-il de connaître le sort de b dans abka, j'ai inscrit d'abord apka, puis
nbka. Si les deux tracés sont identiques, on est en droit de conclure à
l'assourdissement du b. Il n'est donc rien de plus facile que la constatation
qu'il s'agit de faire ici. Ainsi les quatre tracés suivants montrent au premier
F'g- 44- V"e E.
a-p — k~a a — b'—k—a a—e — :^—d a—e'—d—a
coup d'œil : les deux premiers, que le b de abka est devenu sourd, puis-
qu'il est identique, quant à la ligne du larynx, au premier/» de apka; les
deux seconds, que €, resté sourd dans a^-fl, est devenu sonore dans a€'da.
112 l'abbè rousselot.
Il est inutile de dire que, dans ces expériences, j'ai procédé autrement
que dans celles que j'ai rapportées plus haut. Dans les premières, je recher-
chais ;\ quelle distance l'oreille décompose les groupes; je devais donc faire
effort pour conserver à chaque consonne sa valeur propre. Dans celles-ci,
au contraire, où je me proposais d'étabUr ma prononciation réelle et de
savoir si elle différait de ma prononciation intentionnelle, je me suis étudié
à faire abstraction de l'objet de mes recherches et à parler le plus naturel-
lement possible.
Or, voici ce que j'ai pu constater. Sur 14e inscriptions de groupes
formés d'une sourde et d'une sonore, 120 présentent l'assimilation de la
sourde à la sonore, 26 seulement le maintien de la sourde, à savoir :
k Qt € -\- d 2 fois; Â; et/-f ^ 3 fois; t ttk -\-v /[ fois; p^ t, k, € -{- z, ^ fois;
/, k, f, s et € -\- j 9 fois; f,set£-\-b incomplètement atteints 4 fois.
Dans les groupes formés d'une sonore et d'une sourde, l'influence des
sourdes sur les sonores précédentes paraît encore plus puissante. Je ne
rencontre dans mes tracés que trois cas où la sonore s'est conservée (abla.
J'ai relevé quelques exemples d'un commencement d'influence de la
première consonne sur la seconde, et ils appartiennent tous à des groupes
artificiels : adpa, ûpùgpu, où la partie sourde afférente au p est diminuée
Fig. 4$. Vsse D,
Lèvres
û p ù—g p à
de moitié. On s'en rend compte en reportant sur la ligne des lèvres le
point où finissent les vibrations laryngiennes de Vu initial et celles du g.
La ligne du larynx est confirmée dans ce tracé par celle du nez.
Enfin j'ai rencontré un cas de l'action réciproque de deux consonnes
l'une sur l'autre : ko pi'is hyl « ça pousse bien », qui est devenu presque
ko pûz^ pyê, et ôpôtbô, fig. 36, qui fournit un exemple d'assourdissement de
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE. I I 3
la seconde muette et une transposition de lettres ( j'ai cru dire ôpôtbô et
j'ai inscrit ôpôpto).
Fig. 46. V»»« D.
k — 0 p û s' b' — y — c f à — r
Il ne semble pas que les muettes et les spirantes groupées se comportent
dans la conversation autrement que dans les mots isolés. Les quelques
différences qu'on peut relever tiennent à l'élasticité spéciale dont jouissent
les groupements phraséologiques.
Le/> m'y apparaît toujours sonore : pip^^ « pipes-y » ; œp^ 1 jûlû « heup !
Jiilou (petit Jules) a; àp\ va, kôkî « happe, va, ceci »; 5ûp\ Bûlo « soupe,
Boulaud »; 6iip\ Dôsltê « soupe, Docité »; œp' ! gœlàr « heup! gueulard »,
etc.
Le k est sonore dans û pïk' bè byl ^ ! « il pique be (bien) bien ! » Il est
sourd dans : k dotre... « que d'autres... n-y k v à vîijë... « que vous le vou-
liez... »; î krë k v eâtru « je crois que vous chanteriez. »
Us est sonore dans : u s bùrrâ ph « ils se bourront plo (^plane); » kd
pus' Fyê' « ça pousse bien ».
Le £ est sonore dans pus' byê! « pouche (tousse) bien ! »; — sourd dans :
aeba « achever »; e €và « un cheval »; tà€ dà pràdr « tâche d'en prendre ».
Le b est sourd dans ë b! k vû-tû ? « eh bien ! que veux-tu ?» ; — à
moitié sourd dans : fô b pràdr î « il faut be (bien) prendre! »; û bœ b forï
« il boit be (bien) fort! »; y âtâ b eàtâ « j'entends be (bien) chanter ».
Le d est sourd dans pa d ktt pâ « pas de quitte pain , c.-à-d. pas même
de pain ». Dans ...l îëd piil «...un lait de poule » répété deux fois, il est,
la première fois, sourd au tiers, la seconde aux trois quarts. 11 est presque
entièrement sonore dans pàrtî d pu màtl « partir de plus matin ».
Le ç; est à moitié sourd dans///^, pètt « joue, petit »; — sonore danstï n
brëg pâ ta ! « il ne bringue (fait des jeux de main) pas tant ! » .
^ Voir fig. io6. li 2 Voir fig. 46.
KEVb-E DES PATOIS. — 8.
I
II4 LABBÉ ROUSSELOT.
Le V est sourd dans : niô pov pyàrê^ ! « mon pauvre Pierret! »; niô pav'
pètî! « mon pauvre petit! »; il vè vfèrsàvê^ « si vous vous forciez » ; aux
trois quarts dans : ma pov' fœm î / « ma pauvre femme ! » .
Le ;( est sourd dans : Ût^ pà tô bê! « [tu ne] tais pas ton bec ! »; kœkî né
bu^ pà 6ô 60 « celui-ci ne bouse pas son sol (aire à battre le blé) ».
Le y est sourd dans M blà n èpîf pà « ce blé n'épie pas »; M « pîif pà
« qu'il ne puisse pas »; fœf pà « \né\feiige (fouis en parlant du porc)
pas »; ne 6ëf pà « [ne] scie pas », identique à 6e^ pà « [ne] sèche pas »
inscrit immédiatement après.
Il serait intéressant de rechercher si, dans les cas que nous venons de
relever, il n'y a eu en réalité que des modifications portant uniquement
sur la sonorité des consonnes. Cette étude me paraît trop compliquée
pour l'aborder en ce moment. Cependant, il nous est facile de constater
que le v assourdi est bien resté un v pour le travail des lèvres. Il suffit, en
effet, de comparer les tracés où le v est suivi d'une/, pour voir que le v
Fig. 47. Vsse D.
m à p S — V / œ — //;
perd dans ce cas les vibrations du larynx , mais qu'il reste différent de Vf
par une moindre fermeture des lèvres. Dans une série d'inscriptions où
Vf et le V ont été placés devant les mêmes sourdes, jamais la ligne des
lèvres n'a atteint pour v la même hauteur que pour /. Dans un cas, pour-
tant, elle s'en est bien rapprochée, c'est dans avfa. D'autres inscriptions
simultanées des vibrations du larynx et des traces de la langue sur le palais
(l'expérience peut se faire si Ton entoure une palatale de labiales) montrent
que le t dans atba, par exemple, est sonore, mais que, tout en se rappro-
chant de la région d'articulation du d, il ne l'atteint pas.
De plus , l'impression que j'éprouve en prononçant les consonnes
modifiées pourrait aussi être prise en considération. Si je n'y sens aucun
changement, ce doit être que les mouvements volontaires de la bouche et
Voir fig, 66. Il ' Voir fig. 38. || ^ Voir fig. 47-
LES MODIFICATIONS PHONETIQ.UES DU LANGAGE.
115
de la langue ne sont pas altérés, et que le larynx seul, dont l'action
m'échappe, est contrarié par la contiguïté d'articulations disparates.
Plus tard, sans doute, les enfants entendront les sonores assourdies
comme des sourdes et les sourdes sonorifiées comme des sonores, et,
dans leur bouche , poussée plus avant par une erreur d'oreille , l'évolu-
tion, qui n'est encore qu'à son début, atteindra sa dernière étape.
2° Groupes formés de muettes ou de spirantes et de liquides ou de semi-voyelles.
D'abord il convient d'écarter les groupes dans lesquels entrent les semi-
voyelles et ceux qui commencent par une liquide. Ils sont tous dans mes
tracés tels que j'ai eu l'intention de les prononcer, et la muette sourde se
maintient. Reste donc le cas où une sourde est suivie d'une liquide.
Dans cette situation , la sourde se trouve quelquefois modifiée (8 fois
sur plus de 100 cas). Je n'ai pas d'exemples pour /, /, €. J'en ai un pour
si y kl, kl et km, deux pour pi, ce qui est intéressant.
Mais ce qui l'est bien plus, c'est que le / et le/) suivis d'un r ont une
tendance marquée à devenir sonores : tr dans un grand nombre de tracés
Fig. 48. V»« D.
Larynx
Lèvres
l'est aux deux tiers ; pr l'est une fois entièrement.
Fig. 49. Vss« D.
Nez
Larynx
Lèvres
-à « ils prétendent ».
ii6
L ABBE ROUSSELOT.
LIQUIDES ET SEMI-VOYELLES
1° Liquides initiales ou finales. — Les liquides, initiales ou finales, s'as-
sourdissent quelquefois, mais le plus souvent elles restent sonores ou
deviennent à moitié sourdes. A la finale, la liquide peut devenir sourde,
même après une sonore. Voici quelques exemples :
/ sourde et /-sonore : l fà tû ànu? « le fais-tu aujourd'hui ? » répété
deux fois.
Fig. 50. V"e D.
r f — à t — Il à n û 1 / à
De même r a été sourde une fois dans rfa lé « refais-le ».
m sonore : m pârl tel by'e « me parle-t-elle bien ».
Fig. 51. Vsse D.
t[u\
Nez
Larynx
Lèvres
m
p — à—r—l t — ë—l b — y-
LES MODIFICATIONS PHONÉTIdUES DU LANGAGE.
117
fn mi-sonore : mfà ter sûfrî « me fait-il souffrir ».
Fig. S2-
V»« D.
m
/-
/ — œ
-/-
-ri
Les vibrations nasales ont disparu dans le travail de la gravure par une
distraction de l'ouvrier. Mais la place qu'elles occupent est indiquée par
deux traits. Il y a, comme on voit, accord entre le nez et le larynx, et Vui
sonore, comparée à celle de la figure précédente, se trouve fort abrégée.
n sonore : n fui pà « ne fouille pas ».
Fig. 55. Vss« D.
Nez
LarNTix
Lèvres
n J — ul p\à\
ii8
LABBE ROUSSELOT.
l sonore et / sourde : pœpl et pâ'pr « peuple », mœbl « meuble ».
Fig. 54. V«e D.
p — œ p / p—d' p /' m (V b /
r sonore et r sourde : pâpr « pampre », arbr et arbr' « arbre », sôfr et
sôfr' « sauf » ,
Fig- 55-
Vsse D.
Larynx
Lèvres
Larynx
Lèvres
--/-
6—0-
-/—r'
Tous ces tracés sont clairs ; mais il n'y a de vraiment démonstratifs que
ceux qui sont positifs. En effet, l'absence de vibrations au commencement
ou à la fin d'un groupe peut s'expliquer par l'inertie de l'appareil. Il ne
LES MODIFICATIONS PHO\ETIQ.UES DU LANGAGE.
119
semble pourtant pas que ce soit le cas ici. Pour nous en assurer, nous
avons eu recours à un autre moyen d'observ-ation. M. le docteur Rosapelly
a écouté les bruits qui se produisent dans mon larynx pour le cas qui nous
occupe ;\ l'aide d'un stéthoscope; la position de la consonne observée rend
l'exploration plus facile. Or l'expérience a confirmé l'exactitude de nos
tracés.
2° Liquides ou semi-voyelles plaças entre une voyelle et une sourde. — Mais
lorsque les liquides et les semi-voyelles contiguës à des sourdes sont en
contact avec des voyelles, les résultats ne sont plus tout à fait les mêmes.
Je ne trouve aucun exemple de nasales assourdies. Or les tracés sont ici
tout à fait significatifs. Tant que la pression de l'air se fait sentir dans le
nez, la ligne nasale se couvre de vibrations, quel que soit le son voisin,
sourde ou voyelle. La sonorité de la consonne est donc complète. Com-
parez kiiTCi ôfô « comme il faut » avec m krê pà « je ne crois pas », in pô
pà « je ne puis pas », kùm ko « comme çà ». Les vibrations sont plus appa-
rentes dans le i"" cas; mais elles existent dans tous.
Fig. 57. Vs« D.
k — ft m ô f—
— 0
Fig. 58.
V«e D.
■
^^
k — r — ë p à i — n p\p\ \kii\vi J^o\ a — p — 11 — a
120
L ABBE ROUSSELOT.
Il est vrai que, dans quelques tracés, les vibrations cessent au moment
où la pression de l'air commence à décroître. Mais ce serait une erreur que
d'y voir un signe d'assourdissement, car le même fait s'observe quand la
nasale est suivie d'une voyelle. Cela arrive avec les fortes pressions de
l'air : le levier inscripteur est alors emporté si rapidement, que les vibra-
tions sont effiicées.
Les liquides /, /, r et la semi-voyelle y sont toujours sonores avant les
sourdes. Le fait est aisé à constater dans les tracés suivants par la compa-
raison de la ligne du larynx avec celle des lèvres : il n'y a point d'espace
sourd entre la voyelle et la consonne sourde (cf. fig. ii6). La ligne de la
langue observée sous le menton suffit, du reste, à déterminer la place de
1'/ et celle de l'r. L'a de papa nous montre la langue s'élevant graduelle-
ment puis s'abaissant de même jusqu'à sa première position. Par consé-
quent, toute la partie de la ligne linguale de palpa qui s'élève au-dessus
du point initial de Va appartient à 1'/, D'autre part, pour Va de hàp, la
langue se creuse régulièrement, ce qui est marqué par une élévation du
tracé. Or dans kàrp, à l'élévation du tracé succède un abaissement qui
correspond à une élévation de la langue. Tout ce mouvement, étranger à
Va , doit donc être attribué à l'r.
/ et r sonores : palpa « palper », papa, kàrp « carpe », kàp.
Fig. 59. V^se D.
Langue
Laryi
I.èvies
p a l-p[^] p — ^ — p{i^] k à r p k à p
lQ\.y sonores : û n tràvàlp[à byè] « il ne travaille pas bien » répété trois
fois, la première fois avec la variante tràvây, la seconde avec cette autre
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE. 121
tràfâ. (Les vibrations du larynx, mal venues dans la photographie pour
va p.l, ont été suppléées; le point final est certain ; mais le discours suivi
offre des exemples de Vf assourdie, fig. 38 et 64),
Fig. 60. V'»»« D.
un t r — .7 V à — / p\a\ v-à-y p[a] v—à /{«]• '
3° Liquides ou sevii-voyeUes placées entre une sourde et une voyelle. — Après
les sourdes, les liquides et les semi-voyelles sont presque entièrement so-
nores : pra , phi , épia , épljt comparés à pa . Les tracés des nasales sont clairs
par eux-mcmes comme plus haut, fig. 58, celui de apna dont la ligne nasale
est couverte de vibrations. D'autre part,/>tcw, puw comparés à pu, pwa com-
paré à pu montrent que le moment où le larynx est entré en vibration ,
Fig. 61. Vsse D.
-p / — a e p la p — r — a p — a
122
L ABBE ROUSSELOT.
rapporté à celui où les lèvres se sont ouvertes , est le même dans tous les
cas, c'est-à-dire que les consonnes interposées entre le^ et la voyelle finale
sont entièrement sonores. Cependant le y a une tendance marquée à s'as-
Fig. 62. V«- E.
jLnfliJTiifiUnntiurrwjL mmii I Jimii
\ \.
p—y~ô p y e p~i
pic — a piu — e p-u
Fig. 63.
Vsse D.
- / 1 VKiv rnv*u- —
, 1 MU' 1-
]
— ---
-—
1
^^^-,
^
p—) ô
p-
— /
pïii-
p — u
sourdir. Dans pyJ (fig, 62 et 63) et dans pyë surtout, comparés à pi , il
n'est évidemment pas entièrement sonore.
Cette tendance s'accentue dans le discours suivi, et elle apparaît aussi,
quoique à un degré moindre, pour r, 1 et /.
Voici les cas que j'ai relevés :
r est sourde pendant un tiers de sa durée i fois sur 20 : ùr balr
Fig. 64.
Vsic D.
t^r
-^a-
-t r
p-r p-
-ar-
LES MODIFICATIONS PHONÉTiaUES DU LANGAGE.
123
...pour battre »; / est assourdi d'une façon notable dans ....papU
,..p;ipelin »; / dans ph^ « s bûrrà pVo « ils se bourreront bien » ; enfin
Fig. 6).
V«« D.
\u5 hYirr--à
P~
-/-
p — à p — / — €
y est en partie sourd dans ....pyhë « pierres », et dans pyâri
« Pierret ».
Fig. 66.
V"e D.
m-
P--
-y—a-
-r — e
Il est naturel, du reste, que l'assourdissement se produise dans le dis-
cours suivi et rapide plutôt que dans les mots isolés.
Il résulte de ce chapitre qu'il existe dans la sonorité de mes consonnes
des variations dont je n'ai pas conscience , plus fréquentes dans certains
cas que dans d'autres, et n'ayant à peu près dans aucun une fi.xité com-
plète. Elles ont ce vague, cette indécision qui les rend impropres à être
senties, et qui caractérise le point de départ d'une évolution phonétique.
124 LABBE ROUSSELOT.
Ce fait ne m'est pas personnel. La prononciation de M. le docteur
Rosapelly, qui est bourguignon, n'est guère différente de la mienne en ce
point. Elle nous a fourni avec des sourdes : apFa, afpa, ad^pa; avec des
demi-sonores : a^pa, ab'ka; avec des sonores : ap'ja, cip\a, afba, ab'ta^
as'ba; sans modification : abpa, afba, agpa, apga, apda, aeba, abea, asba,
absa, avpa, abka ; tantôt avec des sonores, tantôt avec des sourdes : prisme,
rythme, peuple, fable, cible, meuble, peuple, poutre, pâtre, sabre, article.
CHAPri RE IV
SOUFFLE EMPLOYÉ POUR LA PAROLE — MESURE DE L'EFFORT
ACCENT DINTENSITÉ
La voix est le résultat de la lutte qui s'exerce i certains points déter-
minés entre les organes de la parole et la poussée de l'air chassé par les
poumons. Il est donc naturel que nous observions maintenant la colonne
d'air qui est employée pour chaque son et pour un même son dans les
différentes places qu'il peut occuper dans les groupes vocaux.
N'aurait-elle d'autre intérêt que celui de mieux faire connaître le méca-
nisme de la parole et de préciser les faits de mon patois , cette étude méri-
terait notre attention. Mais elle a un intérêt qui dépasse les limites d'une
simple description : elle nous fournit des données pour juger du travail
relatif qu'exige la production des sons et nous permet de mieux com-
prendre quelques-unes de leurs transformations historiques. Pour obtenir
ce résultat, j'ai dû étendre quelque peu le champ ordinaire de mes obser-
vations. J'ai recommencé avec un compatriote, mon cousin J. B., une
partie des expériences faites sur moi-même, et j'ai eu recours à des sujets
choisis pour apprécier certains échelons phonétiques que j'ai dépassés ou
que je n'ai pas encore atteints.
On peut prendre une idée rapide de la variété qui existe dans le volume
et la marche de la colonne d'air parlante au sortir de la bouche en la
recevant sur la main. Mais une expérimentation rigoureuse ne peut se
faire par ce moyen. Je l'ai observée de deux manières : indirectement avec
V Explorateur de la respiration, directement avec une embouchure ajustée
sur les lèvres et la conduisant soit dans un Spiromètre, soit dans un tam-
bour inscripteur.
Les mouvements de la cage thoracique ne fournissent, comme on s'y
attend bien, que des tracés insuffisants pour chaque son. Mais si l'on
ripète une même syllabe plusieurs fois de suite et sans arrêt, la ligne
d'expiration marque nettement la dépense d'air qui a été faite. Celle-ci est
d'autant plus grande que le tracé modifié s'écarte davantage de celui de la
respiration normale.
Le tracé suivant représente la prononciation de M. le docteur R....
126
L*ABBè ROUSSELOT.
Fig. 67
Le Spiromètre ne peut servir aussi que pour les sons isolés, l'air ne
passant pas assez vite dans les soufflets pour que plusieurs syllabes consé-
cutives restent distinctes.
Le tambour inscripteur est heureusement d'un usage plus étendu.
Aussi vaut-il la peine que nous nous arrêtions à étudier la façon dont il
traduit le volume et la marche d'une colonne d'air connue et soumise dans
ses mouvements à notre volonté. L'expérience peut se faire de deux
façons : â voie fermée , quand toute la masse d'air étudiée est conduite
dans le tambour; à voie ouverte, quand une issue est ménagée sur le
passage de l'air, en sorte qu'une partie seulement pénètre dans l'appareil
inscripteur. J'ai fait mes expériences, dans le premier cas, avec un compte-
goutte sur lequel j'exerçais des pressions à l'aide de pinces de diverses
grandeurs; dans le second, avec une petite pompe. En remplaçant l'air par
de l'eau, j'ai pu déterminer la quantité d'air que je mettais ainsi en mou-
vement; et, en variant la rapidité des pressions, je modifiais la vitesse de
la colonne d'air. Enfin, en conduisant l'air tantôt par un tube étroit (1/2 ""°
de diamètre), tantôt par un tube plus grand (5 """ de diamètre), tantôt à
travers un vase d'un demi-litre de capacité, j'ai pu voir les changements
que la forme même de la colonne d'air imprime aux tracés.
Voici les constatations qu'il me paraît utile de relever :
1° Lorsque l'expérience se fait à voie fermée, la hauteur du tracé corres-
pond toujours au volume de la colonne d'air, quelles qu'en soient les
dimensions et la vitesse. Cette donnée correspond à celle que fournit le
spiromètre. Ainsi, dans les tracés suivants qui sont dus à des colonnes
Fig. 68. V"e F.
d'air, a) de 622"'"' 1, b) de 502™'" 1, c) de 340""" "î, d) de 250""" % e) de
LES MODinCATIONS PHONèTIQUES DU LANGAGE. ïiy
j^Qtnmq^ nous avotts les hauteurs, a) 9""°, b) 8""", c) 5""", d) 3™™, e)
2"""' 3 environ (il n'est pas nécessaire ici d'entrer dans les détails d'une
mensuration rigoureuse). Or ces chiffres approximatifs suffisent à montrer
que les hauteurs des tracés sont entre elles comme les masses d'air qui les
ont produits, puisque le i" tracé égale presque le double du 3', et le triple
du 4*^, et que le 2" est le quadruple du 5*.
L'interposition d'un vase sur le trajet de l'air diminue la pression dans
le tambour et la hauteur du tracé.
2° Quand l'expérience a été conduite à voie ouverte , le tracé fait con-
naître suivant les cas le volume de la colonne d'air ou sa vitesse. Si la
vitesse de deux colonnes d'air est la même et que le volume soit différent,
le tracé le plus haut correspond, comme c'est naturel, et comme le mon-
trent D et E, à la colonne la plus considérable. Mais si le volume reste le
même et que la vitesse soit changée, la hauteur du tracé est alors l'indice
de la vitesse. Ainsi une même quantité d'air (30''"' 'i) a donné les tracés :
A, sous une pression lente; b, sous une pression rapide; c, avec un tube
initial de 1/2°"° de diamètre; d, avec un tube de 6°"°. Ces différences
Fig. 69. Vs*e F.
s'expliquent. Plus le temps de l'émission est long, ou, ce qui revient au
même, plus le tube initial d'écoulement est étroit, plus la perte de l'air
par l'issue qui se trouve libre est considérable.
La durée de l'émission permet de donner au tracé sa vraie signification.
3° La largeur du tracé indique la durée de l'émission, déduction faite
de la partie qui correspond à la persistance de la pression dans le tambour.
4° La direction de la ligne inscrite marque le mouvement de la colonne
d'air. Si la ligne monte, la colonne d'air avance; si elle descend, l'air se
retire. Si la ligne approche de la verticale, le mouvement de l'air est
rapide, si elle prend la forme d'une courbe plus ou moins allongée, l'air
croît ou diminue graduellement.
Dans les recherches faites sur la parole, j'ai profité des deux genres
d'expérimentation. La voie fermée avec tube court n'est possible que pour
le chuchotement très faible, qui réclame peu de souffle. En outre, comme
128 l'abbé rousselot.
l'air s'amoncelle avec les syllabes, on peui craindre que la pression produite
dans le tambour par les premiers sons d'un groupe ne modiiie sensible-
ment le tracé des derniers. Un vase interposé rend possible l'étude du
souffle émis pour la voix haute, et il atténue les effets de l'accumulation
de l'air. La voie ouverte met en relief certaines particularités de l'émission,
et en outre elle permet à l'air contenu dans le tambour de reprendre,
après chaque nouvelle émission du souffle , sa pression normale.
Enfin nous avons encore à dire dans quelles conditions il est permis de
comparer entre eux, soit les chiffres fournis par le spiromètre, soit les tracés
du tambour inscripteur.
Rien n'est moins fixe que le volume d'air que nous employons dans la
parole. Il varie suivant les personnes en raison de la capacité pulmonaire.
Ainsi un sujet capable d'expirer 4 litres 1/2 d'air émet en moyenne pour
l'articulation de kà à voix ordinaire jusqu'à 236''™^, alors que d'autres
expirant de 2 à 3 litres émettent environ 90'=" ^ et souvent moins. Il varie
aussi dans chaque individu suivant le degré de force qu'il donne à sa parole
tant pour le chuchotement que pour la voix hautes
De plus, il varie selon des circonstances dont on n'a pas conscience :
il n'est pas le même le matin quand on n'est pas sorti de sa chambre , et
plus tard quand on revient de la promenade, quand on est assis et quand
on est debout. Ainsi pour ka que je croyais toujours prononcer avec une
égale force, j'ai dépensé dans des séances différentes : 1° 81"" "i; — 2° (en
rentrant de promenade), 143, 151, 145, 136, 121, 133, 158, 147, 143 '" "î;
— 3° 80, 74;— 4° 50, 46, 50, éi; — 5° 90, 81.
Mais, comme le témoignent œs chiffres et les tracés, les quantités ne
changent pas notablement dans le courant d'une même séance.
Il suit de là que sur chaque point à éclaircir il faut instituer des expé-
riences particulières, et que les résultats d'expériences isolées ne sauraient
être comparés entre eux. Des séries que je viens de citer, on ne pourrait
rapprocher pour ga que les suivantes : 1° 81'"" 1; — 2° 121, 135, 106, 10 r,
135, 130, 123, 146, 123 ; — 3° 114, 108, etc., qui ont été obtenues dans
des circonstances identiques.
* J'ai cherché quelles sont chez moi les Umites extrêmes, et j'ai trouvé :
pour le ka chuchoté de i jusqu'à 318 et même 519"" "î; pour la même
syllabe articulée à voix haute, de 16 à 280'™ 1. Avec un écart comme
celui-ci, il est clair qu'il y a une large place pour la moyenne, c'est-à-dire
pour la voix ordinaire.
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE.
129
Sons isolés.
CONSONNES
Les consonnes ont été ou chuchotées ou unies à la voyelle a. L'addition
de cette voyelle, toujours la même, ne peut nuire à la justesse des compa-
raisons.
Je me bornerai aux remarques suivantes :
1° Les continues demandent plus d'air que les instantanées correspon-
dantes. Il en est de même des consonnes issues de k et de g, qui deviennent
de plus en plus spirantes, comparées successivement à celles dont elles
sont sorties. Ce résultat, qui n'a rien d'imprévu, est absolument constant
chez tous les sujets observés.
Nous avons donc : i" p </, / < 5, k <i U <,€ <Cc; — 2" ^ < i-,
d<:(_,g<dj<j<h.
Voici les moyennes de quelques expériences. (Les chiffres indiquent des
centimètres cubes. Ceux que n'accompagne aucune désignation de per-
sonne sont de moi. C = chuchoté (les séries non précédées de ce signe se
rapportent à des sons émis à voix haute); B = ].B;Ba = ]. B. assis;
B d = ].B. debout; M = Marchois; P = Pyrénéen; S = Saintongeais;
T = Toulousain) :
SOURDES
ï
P
/
/
5
k
t€
€
£
c. 99
155
100
160
C. 87
^_
l\\\
,_,^
89
162
61
125
80
—
123
—
56I
138e
—
—
44
II9I
—
Bd. m
220 1
Bd. 86
103
Bd. 98
150
—
Ba. 65 1
102
Ba. 77
97
Ba. 62 i
93
—
S. 74
140
181
T. 88
184
250
—
M. 45
120
—
=
K£Vt1 DES PATOIS. — 9.
130
LABBE ROUSSELOT.
SONORES
b
V
d
l
g
^;
;
h
ICI
113
C. 85
120
C. 81 1
134
34
107
73
84
81
—
121
—
B. 89
104
B. 58
133
57
Bd. 80 1
—
94
144
I
Ba. 43 1
—
71
—
S. —
—
80
143
P. 24
34
55
—
M. 84
109
—
—
Tous les tracés concordent avec ces chiffres.
2° Les nasales demandent moins d'air que les instantanées correspon-
dantes. Cette constatation exige une double expérience , puisque l'air
s'écoule pour les nasales à la fois par le nez et par la bouche.
Par la bouche, j'ai obtenu : à côté de /> 99 '"■ ^, w 3 1; à côté de / 82 1/2,
n 66 1/2 et p 65 ; à côté de t 104 1/3, n 98 et ^i 40.
Par le nez : dans le chuchotement, m 6""" ^, 7, ro, 7, etc.; n 5, 6, 5,
6, etc. ; dans la voix haute, w et « i*"" "i ou 2 en moyenne.
Les tracés donnent des résultats analogues.
3° Les continues sourdes réclament plus d'air que leurs sonores
/
V
5
7
€
/
162
113
129
84
III
90
124
m
138
107
119
95
Bd. 220
103
Bd. 148
138
Bd. 150
144
Ba. 102
51
Ba. 97
75
Ba. 93
71
La même différence n'existe pas dans mon parler entre les sourdes et les
sonores instantanées. D'après des données fournies par le spiromètre, je
trouve : sur 14 fois, ^ > ^ 5 fois, = ^ 3 fois, < ^ 6 fois; sur lé, / > ^ 6
fois, = (i 2 fois, < ^ 8 fois. Dans une expérience postérieure faite en vue
LES MODIFICATIONS PHONhi ivi^..:> DU LANGAGE.
131
de trancher la question, les chiffres, si l'on écarte ceux qui s'éloignent
trop de h moyenne et qui proviennent d'articulations non uniformes,
sont sensiblement les mêmes pour pa (77) et ba (78 1/4), ta (88) et da
(873/4), ^rt (93) et ^a (94)
C'est ce qui résulte aussi des tracés du tambour inscripteur pris à voie
fermée.
Vs« F.
pa ba pa ba ta da ta da ka ga ka ga
Mais le régime du souffle est différent pour les sourdes et pour les
sonores, qu'elles soient instantanées ou continues. Les tracés pris à voie
ouverte prouvent que le jet est plus rapide pour les premières que pour les
secondes.
Fig. 71.
Vsse F.
pa ba ta da Tca ga . fa va
sa
€a ja
4° La dépense d'air est un peu plus grande pour r (56'''° "î) que pour
/ (50), — pour j (63) que pour / (41).
5° A la finale, les fricatives demandent plus d'air que les instantanées,
les nasales moins que les consonnes de leur ordre, toutes les sourdes plus
que les sonores , / plus que r et / à peu près autant que y :
at 75
nk 86
al 59 1/3
Les tracés concordent.
6" Les semi-voyelles se lient étroitement à la voyelle suivante et sont
produites avec elles par une même colonne d'air plus considérable et de
moindre durée que celle de la diphthongue correspondante. Le fait apparaît
clairement dans les inscriptions prises dans le chuchotement à voie fermée.
af 151 1/3
ar 90 2/3
aj 81 1/2
as 109 1/3
av 86 2/3
al 66 2/3
a€ 137 1/3
ai 93 2/3
ap 66 2/3
ab 44
ad 40 1/3
ag 60
ay 56
a m 24 2/3
an 26
132
l'abbé rousselot.
De ces constatations, il ressort que le développement historique des
consonnes concorde avec une augmentation de la dépense d'air. C'est dire
qu'il y a eu relâchement progressif dans la tension des muscles destinés à
barrer le passage au souffle , et par conséquent diminution de travail.
VOYELLES
Les voyelles , dans le patois de Cellefrouin , ont eu un développement
analogue à celui des consonnes. De tendues (ouvertes ou fermées), elles
sont devenues relâchées (moyennes).
Nous devrions donc nous attendre à une dépense d'air plus considérable
pour a, ôy i, o, u, u, œ, que pour â, é ou è, î, ô, û, û, œ. C'est effective-
ment ce que donnent certaines expériences. Ainsi j'ai obtenu :
a 60 rf 50
i 27
/ 17
u 50
û 40
e 6S ^50
0 54 ô 50
œ 100
œ 85
Dans une séance, M. B. a fourni les moyennes suivantes :
a 22 2/3 â 20 2/3
0 33 1/3 ô
282/3
e 54 1/3 é
33 1/3
u 60
2/3 û
31 1/3
Mais ce qui devrait être, semble-t-il, la loi, n'est que l'exception. Dans
la plupart des cas j'emploie pour les voyelles moyennes moins d'air que
pour les voyelles fermées. Voici les chiffres d'une expérience qui repré-
sentent à peu près la moyenne de celles que j'ai faites avec J. B.
a 39 2/5
â 41 2/5
u 47 2/3
û 83 2/3
e 27 1/3
é 47 2/3
u 41 1/2
û 92 3/4
i 13 1/2
/ 27
œ 4
œ 95
0 25 3/4
à 47 1/2
Les moyennes des expériences faites sur moi-même donnent les résultats
suivants :i<Ci\ u <.û; 0 < 0. Mais a^ ài fois sur 3; €>> g' 5 fois sur 6 ;
ô > a 4 fois sur 6 ; w > d 4 fois sur 6 ; «* > w 2 fois sur 4; té > œ 2 fois
sur 4; ^ > a I fois sur 7.
LES MODIFICATIONS PHONÉTICIUES DU LANGAGE.
133
Voici les chiffres d'une de ces expériences prise au hasard :
à 42 é 6<) ^55 e 26 / 35 / 18
i 34 ô 57 ^59 0 25 1/48 « 44
à ^6 ûp 52 œ 26
Les faits seuls que je viens de signaler suffisent à expliquer la contra-
diction qu'ils renferment. Il y a eu en effet, pour les voyelles comme pour
les consonnes, abaissement de la barrière opposée au passage de l'air et
relâchement des organes.
Si cette loi était la seule qui régît la transformation des voyelles, la
conséquence serait une augmentation constante dans le volume de l'air
dépensé. Mais il y en a une autre : en même temps qu'elle se relâche,
la voyelle tend à perdre de sa durée. Ainsi , malgré son accroissement
initial, la colonne d'air, s' écoulant moins longtemps, perd de son volume
total.
Ces déductions sont pleinement confirmées par les tracés du tambour
inscripteur. En opérant à voie fermée, on obtient des résultats analogues
à ceux du spiromètre. Mais les tracés obtenus à voie ouverte marquent
nettement et l'accroissement de la colonne d'air et la diminution de sa
durée.
Fig. 73. Vsse F.
a a a e é e 11 u u à ô 0 û u à œ œ
Les voyelles nasales demandent moins d'air que les voyelles buccales
correspondantes : â et J donnent de i à 2 ""' "i d'air par le nez , le plus
souvent i; dans le chuchotement, à est allé jusqu'à 4. Je n'ai jamais pu,
même en faisant des efforts, amener une variation de l'aiguille pour è.
Par la bouche, l'air qui s'écoule est en moyenne de 24 3/5 pour à, 23 3/5
pour ô, 30 3/4 pour ^.
Ces observations sqnt confirmées par les tracés qui ont en outre l'avan-
Fig. 74. Vsse F.
à è ô
tage de nous fournir le moyen d'apprécier la quantité d'air qui s'écoule
par le nez pendant l'émission de e.
134
L ABBE ROUSSELOT.
Ces faits prouvent que le passage de è h à rentre dans la loi du déve-
loppement normal des sons à Cellefrouin.
Sons groupés.
Les sinuosités des tracés de la colonne d'air parlante suffiraient presque
à eux seuls pour décomposer tous les sons qui entrent dans un groupe.
Images fidèles de la marche du souffle, elles en traduisent tous les mouve-
ments, les accroissements, les arrêts soutenus, les diminutions momenta-
nées et les interruptions complètes. Elles nous permettent de constater : la
continuité de l'émission entre une consonne et une voyelle ou entre une
instantanée sourde et une liquide; le léger repos qui sépare les consonnes
sonores et les voyelles ou les liquides, ainsi que les syllabes où n'entrent
que des continues ou des voyelles; enfin les repos prolongés qui séparent
les syllabes où se trouvent des instantanées ou bien des nasales.
Fig. 75. Vsse F.
pla pla bla bla kla gla pra bra papa tata pafa tasa fafa eaea zfi^ pyci
Mais le plus grand intérêt que présente l'étude du souffle émis pour les
groupes de sons réside dans la recherche de l'accent d'intensité. Les tracés,
en effet, nous permettent de le découvrir. Si nous émettons des groupes
composés d'une même syllabe répétée, et que nous frappions d'une inten-
sité voulue l'une d'elles, les tracés montrent, comme dans la figure sui-
vante, que c'est cette syllabe qui est produite par la colonne <l'air la plus
considérable et la plus rapide. Les deux premiers groupes ont été chu-
chotes et inscrits à voie fermée, les deux derniers ont été parlés et inscrits
à voie ouverte.
Fig. 76. Vsse F,
papa
papa papa papa
LES MODIFICATIONS PH0NÉT1Q.UES DU LANGAGE. 135
Cette constatation faite , il ne reste plus qu'à comparer entre elles les
sylbbes de groupes formés de la même façon et prononcés à l'ordinaire,
d'abord isolément , ensuite dans des phrases ayant un sens.
De l'enquête ainsi conduite, il résulte que l'accent d'intensité n'a pas
dans mon parler une place absolument fixe; mais que, dans la majorité des
cas, il frappe la dernière syllabe du groupe.
Examinons d'abord les groupes artificiels. Ce sont ceux qui présentent
la combinaison la plus simple, et où, pour différencier des syllabes inten-
tionnellement égales, agissent seules les lois de notre organisme.
J'ai inscrit papa, baba, tata, dada, kaka, papapa, papatpa, papatpapa,
apaepapa, papapapapapapa... J'en cite 6 chuchotes (voie fermée) et 2 parlés
(voie ouverte).
Fig. 77. V«e F.
papa id. papapa id. papatpapa id. papa id.
Or nous avons : 1° dans les groupes de deux syllabes, sur 155 cas :
~ "^ 125 fois, ~ ~ 30 fois. Mais il faut noter que cette dernière forme
n'est fi'équente qu'à certains jours : 5 fois sur 7 à la fin d'une séance (juillet
1889), 7 fois sur 20 et 6 fois sur 30 (décembre 1890). Elle concorde avec
un moment de fatigue.
2° Dans les groupes de trois syllabes :
a) Toutes les syllabes libres, sur 42 cas : "i î" ^7 fois, ~ "i 2 fois,
~ ~ ~ I fois, "^ I fois, ~ ~ "'" I fois. L'intensité la plus grande porte
sur la première syllabe : dans la forme ~ ~ ■'' 14 fois, dans ~ ~ ~ 2 fois.
h) La seconde syllabe entravée, sur 15 cas : "^ ~ ~ 14 'fois dont 10 avec
la plus grande intensité sur l'initiale, ~ " ~ i fois, la dernière syllabe étant
moins intense que la première.
3** Dans les groupes de quatre syllabes :
La pénultième ou l'antépénultième entravée, sur 18 cas: ~ 16 fois
bien certaines et 2 fois douteuses.
4° Dans les groupes de plus de quatre syllabes , sur 1 5 cas : "^ ~
14 fois, les atones étant sensiblement égales 11 fois, la pénultième plus
faible 4 fois, l'initiale ayant été la plus intense 6 fois; t -^ t - t i fois;
sur8cas:~~~~''"3 fois, ~ t — - t avec la pénultième la plus -faible
136 l'abbè rousselot.
4 fois, r — — avec l'initiale la plus faible i fois. J'ai encore relevé :
"^""T "^ ■" ' r — T r avec l'intensité croissant jusqu'à la
y syllabe, t-t t- t la 5e syllabe étant plus faible que la 4%
'' ■" ~ T T ~ T - T ~ Tj les 5^ et 6^ syllabes étant égales.
Dans une série d'émissions que l'on croit égales , le souffle obéit donc à
une loi rythmique suivant laquelle à un effort succède en général un
relâche, de façon que le plus grand effort se fasse sur la première ou le plus
souvent sur la dernière syllabe du groupe, et que la pénultième, si elle
n'est en même temps l'initiale , soit en règle la plus faible.
Dans les phrases, nous avons à tenir compte d'un élément étranger à
l'organisme, la pensée.
J'ai inscrit, en commençant par les phrases les plus simples :
1° u>î papa « oui, papa », 3 fois.
wî papa, 2 fois.
2° nô papa « non, papa », 5 fois.
3° nô pâ papa « non pas, papa », 6 fois.
4° tôtô e kî « tonton est ici », 5 fois.
iôtô e kî, 2 fois.
5° /ô tôlô e kî, I fois.
tôtôtôe kî, I fois.
6° mô tôtç va vnt « mon tonton va venir » (lent), i fois.'
7° mô tôlô fà fer dœ fer « mon tonton fait faire du fer » (lent), i fois.
8° T>. vîl tu ànà €à tô tôtç? « veux-tu aller chez ton tonton ? » i fois. —
Le même avec l'accent sur la première syllabe (/ç/ô), i fois.
— K. mô tôtô nepà kt, i fois.
9° D. vîï tu ànà eà ta tàtà? « veux-tu aller chez ta tata? », 2 fois.
— K. ma tàtà nepà kî, i fois.
— î va £à ma tàtà, I fois.
Je termine par deux dialogues où j'ai essayé de reproduire les principales
inflexions de la conversation, et je donne de chacun trois tracés : le pre-
mier et le second , recueillis à voie ouverte, représentent, l'un la pronon-
ciation très lente avec chaque syllabe détachée, l'autre la prononciation
ordinaire ; le troisième a été pris à voie fermée sur la prononciation chu-
chotée. Chaque groupe porte dans la figure le même numéro que dans le
texte , il sera donc facile de le décomposer. De plus , pour aider la lecture ,
les syllabes à étudier sont marquées d'une croix en dessous.
I. — I. dro!, va €à tô tôtô. I. Drôle, va chez ton tonton.
— 2. kè fer €a mô tôtôl — 2. Que faire chez mon tonton ?
— 3. ît dî dànà €a tô tôtô. — 3. Je te dis d'aller chez ton tonton.
— 4. în lèm pâ, mô tôtô. — 4. Je ne l'aime pas, mon tonton.
— ^. va tu d mem ea tô iôtô. — 5. Va tout de même chez ton tonton.
LES MODIFICATIONS PHONÈTIOPES DU LANGAGE.
Ï37
— 6. vâ-tn £à tô tôtôi
— 6.
Vas-tu chez ton tonton !
— 7. hi le m pây îuô tôtô^.
— 7-
Je ne l'aime pas, mon tonton.
Hig. 7«-
V*»< F.
kj\3^\J\X^^-ji^J\t^^^y~^-^
j--Tf»__
[I. — I. ia vhi è pôpô.
— 2. kâ pôpô?
— 3 . /<* pôpô kè tàvî dmâdâ.
— 4v kœ pôpô m pa jôlî.
— ^i.êh iHi tu un ot pôpô?
Fig- 79-
I. Tiens, voici un pompon.
— 2. Quel pompon?
— 3 . Le pompon que tu avais demandé.
— ^ 4. Ce pompon n'est pas joli.
— 5 . Eii bien ! veux-tu un autre pompon ?
V*^ F. ''■
^ Cette phrase manque dans la hgure.
138
l'abbé rousselot.
Le lecteur peut constater lui-même la place de l'accent d'intensité dans
ces deux morceaux. Mais, comme je les ai répétés plusieurs fois, je réunis
dans un tableau les autres variantes que j'ai relevées.
NOMBRE DE FOIS
DIALOGUE
GROUPES
tôtô
/ô/J
I
I
4
2
2
4
2
3
4
I
4
4
O
5
2
3
6
2
I
7
3
0
DIALOGUE
GROUPES
pôpô
pôpô
II
I
8
I
2
10
2
3
13
I
4
6
3
5
4
3
L'accent est douteux une fois
n°' I et 3 .
I" dialogue, n°' i et 3, 2* dialogue.
Ainsi dans tous les cas l'accent d'intensité peut occuper la dernière
syllabe du groupe, et il ne quitte guère cette place dans une prononcia-
tion énergique. Il tend à se porter sur la pénultième dans des phrases qui
sont dites sur un ton doux et caressant, ou qui forment une conclusion.
CHAPITRE V
DURÉE DES SONS — ACCENT TEMPOREL
D'une difficulté extrême, sinon d'une réelle impossibilité si l'on ne
consulte que l'oreille, la détermination de la durée des sons émis dans la
parole devient un jeu avec la méthode graphique. Le son lui-même, ou
le mouvement des organes cjui le produisent s'inscrivant sur un cylindre
d'une circonférence connue et d'une vitesse régulière donnée, la durée
se trouve transformée en quantité linéaire et se mesure comme toutes les
longueurs de ce genre.
Voici les échelles correspondantes aux cylindres et aux vitesses que j'ai
employés :
Fig. 80.
A ; 1 , , , ^ ,
3 4 5
K— t-
3o
io
-1
3o
30
5 JO
10. JO
5o
}0
40
3o
.60
40
80
5o
100
ÉCHELLES
CIRCONFÉRENCE
DU CYLINDRE
DURÉE DE LA RÉVOLUTION
DU CYLINDRE
A
B
C
D
. E
F
cm. mm.
41,8
41,4
41,8
41,8
4Ij4
41,4
secondes, dixiinies de sec.
1,5
1,94
8,57
10
12
75
140
l'abbé rousselot.
Comme les tracés recueillis avec les vitesses B, C, D, E ont été gravés
au double de leur grandeur, les échelles sont agrandies dans la même
proportion.
Les divisions marquent des centièmes de seconde.
Mes premières remarques sur la durée des sons datent du mois d'octobre
1888. Désireux d'utiliser des expériences fiiites en 1886 dans un tout autre
but avec le microphone de M. Verdin et le signal de M. Deprez, je com-
parai différents tracés, et je fus frappé du désaccord complet qui existe entre
la durée réelle des sons et l'idée que je m'en fusais. Des voyelles que je
croyais toujours longues sont souvent brèves; d'autres, où je ne voyais
que des brèves , dépassent souvent en durée celles que je considérais
comme longues. Quelle surprise par exemple pour moi de trouver un
a = â, <; ë, î, ô, œ! J'en eus bien d'autres. Un fait particulièrement me
Fig. 81. Vsse A.
surprit beaucoup. Au moment où je prenais mes inscriptions, j'avais
remarqué qu'il était possible d'émettre trois fois la même syllabe pendant
une révolution du cylindre; et j'avais profité de cette circonstance pour
me procurer de chaque son trois tracés que je m'attendais à trouver sem-
blables et susceptibles de se remplacer. Quelques-uns effectivement diffè-
rent peu quant à la durée (la seule qualité que l'imperfection des appareils
employés me permette de considérer) ; mais d'autres présentent des diffé-
rences considérables, comme ê par exemple :
Fie. 82. Vsse A.
Je fus ainsi amené à deux conclusions bien inattendues pour moi, à
^savoir que je possède un â et un e. Des considérations analogues me firent
LES MODIFICATIONS PHONÈTICiUES DU LANGAGE.
141
découvrir un ô et m'amenèrent à identifier œ et ê. C'est tout ce qui me
reste des comparaisons minutieuses que je fis alors. Quant aux hypothèses
que je formai sur la quantité proprement dite, il n'en reste rien. Je voyais
bien que les données sur lesquelles je travaillais étaient incomplètes. Mais
je n'osais combler les lacunes, croyant la matière trop délicate pour se
prêter à des expériences organisées en vue d'une conclusion cherchée.
C'était une erreur. Tous mes doutes se sont évanouis devant une étude
méthodique des faits.
Mes recherches nouvelles ont été faites en 1889 avec les explorateurs
du larynx, du ne^ et des lèvres, et l'inscripteur de la parole.
Les deux explorateurs du larynx peuvent suffire à isoler tous les sons.
Ils distinguent : sur le larynx, les sourdes; sur le nez, les nasales; sur les
lèvres , v et ^ ; sur les dents , /, r, /, :(, v :
Fig. 83. Vsse D.
Nez ;
{Expl. êltct.)
I" tracé : m de ama.
2" tracé : mm de amma.
Fig. 84. Vsse C,
Inscripteur
de la parole. '
Dents
{Expl. iUct.)
I" tracé : rr de arra.
2" tracé : 11 de alla.
k
142
l'abbé rousselot.
Fig. 86. V^se D.
a — V — a
Il n'y a pas jusqu'aux imperfections mêmes de l'explorateur électrique
qui ne puissent servir. On a pu remarquer dans les tracés reproduits pré-
cédemment (par ex. fig. 48) que la pointe du signal électrique est comme
fixée, pendant toute la durée de certaines consonnes sonores, à la limite
supérieure de sa course et qu'elle ne retombe qu'avec la voyelle suivante.
Ce fait est très net dans le tracé de ...Mne pu « connaît plus », où Vn,
qui a donné de superbes vibrations nasales, a produit pour le larynx des
interruptions si peu sensibles qu'on pourrait croire que la ligne est dé-
pourvue de vibrations.
Fig. 87.
Vsse D.
Nez
Larynx
Lèvres
L'inscripteur de la parole fournit des renseignements encore plus com-
plets et d'une inscription plus facile , car il nous donne , non seulement la
succession, mais encore la forme même des vibrations, comme on en peut
juger par les spécimens suivants :
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQ.UES DU LANGAGE.
143
V«»« D.
Larynx
Inscripteur
de U parole.
Larynx
Inscripteur
de la parole.
On peut même, par un réglage approprié, en écartant plus ou moins les
électro-aimants, faire disparaître telle ou telle consonne dont la place est
Rg. 90. V«« D.
Larynx
Inscripteur
de la parole.
alors marquée par un silence. Voyez aussi, plus haut, la fig. 84, et ci-
dessous la fig. 112. On s'aide, pour cela, du stéthoscope, qui rend sensibles
à l'oreille les sons reçus par la membrane inscriptrice.
144 l'abbé rousselot.
Toutefois, je dois le dire, ces divers moyens ne donnent pas des résultats
absolument identiques. Ainsi nous avons constaté que, pour les nasales,
les vibrations du nez commencent dans certains cas après celles du lar3mx
(page 42 et fig. 36). D'autre part, les tracés de l'inscripteur de la parole
s'arrêtent, alors que le larynx vibre encore. Il serait facile, je crois, de tout
concilier. Mais, sans entrer dans cette difficulté nouvelle, comme le larynx
est la source du son, je m'en tiens, en cas de conflit, à ses indications,
ou je signale les divergences.
Un mot encore pour une question de méthode. On pourrait être tenté
de croire que l'étude sur la quantité doit se faire uniquement sur des
discours suivis, car c'est le discours suivi qui seul est, à proprement parler,
le langage. Ce n'est pourtant pas par là qu'il faut commencer. Le discours
contient des éléments trop complexes pour qu'il nous soit possible d'y
démêler de prime abord les lois de la quantité. Celles-ci , nous n'avons le
moyen de les saisir que dans des groupes formés de façon à éliminer succes-
sivement toutes les causes de variabilité sauf une, celle en vue de laquelle
chaque expérience est organisée. C'est seulement lorsque la matière a été
ainsi observée sur ses principales faces que l'on peut considérer le discours
suivi où l'on constatera, si l'étude préliminaire a été bien conduite, l'appli-
cation des lois découvertes dans le détail.
Je conserverai dans l'exposition l'ordre même que j'ai suivi dans l'étude
des faits.
§ i". — Durée des sons dans les mots isolés.
CONSONNES
Dans les continues, la durée de l'émission se confond avec le temps
nécessaire pour les produire. Dans les instantanées, au contraire, il faut
distinguer deux instants, celui de l'occlusion et celui de l'émission, c'est-
à-dire un moment de silence et un moment où éclate le son. Le silence
toutefois n'est complet que pour les sourdes et les sonores initiales; il
n'existe pas pour les sonores médiales, car le larynx continue à vibrer
malgré l'occlusion du tube vocal (voir par ex. les fig. 39, 48, 54, 106).
Si l'on veut se faire une idée du phénomène, on n'a qu'à comparer entre
elles les labiales qui sont d'une étude plus facile. On verra que le larynx
entre en vibration pour va dès le moment où les lèvres se rapprochent
(voir fig. 42), pour/>a, quand elles s'écartent (voir fig. 43), pour ba ou ma,
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE. I45
un peu auparavant (voir fig. 66). Le temps où le larynx vibre avant l'ou-
verture des lèvres appartient au b ou à Vm; c'est, dans un tracé que j'ai
sous les yeux, j^ de seconde pour une occlusion de ^ de seconde. La fig.
89 nous fournit un p dont le bruit a donné aussi ^ de seconde.
Mais je n'entrerai pas plus avant dans cette question, la durée d'une
consonne étant, à proprement parler, le temps qu'elle a exigé.
Nous nous occuperons d'abord des consonnes simples , puis des
consonnes redoublées, enfin des consonnes groupées.
Consonnes simples.
Je me bornerai aux constatations suivantes qui sont les plus intéressantes
et qui se rapportent le plus directement à mon sujet :
1° Les instantanées sont légèrement plus courtes que les continues.
2° Les sonores sont souvent plus courtes que les sourdes.
3° La longueur des consonnes diminue en raison de la longueur des
mots.
4° Il existe un accent temporel, ou de durée, qui allonge les consonnes
qui en sont frappées.
Ces quatre conclusions, qui n'ont rien que de très naturel, ressortent
clairement
de seconde
Sourdes
des table
aux suivants. Les chiffres entiers représentent des j^
a p a
a p a p a
a p a
P ^
P ^
I3»5
9w II
12,2
10,8
ii»7
H
8 9
a f a
a f a f a
a f a
/ ^
/^
16
12 15
ii»5
14
14
16
12 15
12
12,8
16
18
14
i4>8
18
a t a
a i a t a
a t a t a
/ a
15
9 13
8,6
9
12,5
10 13,8
9»5
8
16
a s a
a 5 a 6 a
a 6 a
s a
5 a
17
14,5 i4»5
i3'5
12,5
14
19
II
12
i4>5
18
9
15
a k a
a k a k a
a k a
k a
k a
15
II 13,4
II
10
12
16
II 13
11,8
10
11,4
18
UTUE DES
MTOIS. — 10.
146 l'abbè rousselot.
a € a a € a € a a € a € a ^ a
19 15 16 11,8 13 16
19 15 16,8 14,5 14,5 14,8
Sonores. — Une expérience faite en vue d'étudier les voyelles nasales
nous fournit le moyen, non cherché, de comparer les sonores et les
sourdes. L'explorateur du larynx placé sur le nez, j'intercalais entre deux ô
successivement toutes les consonnes. Naturellement les sourdes sont
toujours distinctes. Les sonores sont souvent, il est vrai, envahies plus
ou moins par les vibrations nasales; mais chaque ligne nous en fournit de
parfaitement claires (fig. 107). Or la sonore, en raison sans doute d'une
différence dans la durée de l'occlusion (cf. p. 67), est presque constam-
ment plus courte que la sourde.
Le p qi\q b sont douteux.
ô f ô
ô V Ô
ôt d
ô d ô
5 s Ô
ô ;( ô
17
16
14
15
i7»5
14
19
14
13
12
18
15
17
15
13
12
18
18
19
14
14
18
d k ô
ô S
5
ô €
ô
ô j ô
ô y 5
d r d
ô l ô
15
12
18
15
13
16
16
13
13
16
13
16
15
17
II 18 (trois fois)
Les variations de durée résultant de la position de la consonne dans le
groupe vocal nous apparaissent les mêmes que pour les sourdes dans les
tracés de VInscripteur de la parole contrôlés par ceux de Y Explorateur du ne:(
pour les nasales.
b. — bababa bababababababa
II 12 13 14 13 14 14 15
V. — V av av a V a
14 12 13
d. — dadadada
11 II II
y. — jajajaja
13 12 13
w. — n an an a n a n a n a n a n a
10 12 12 12 10 14
10 13
ty, -^ n a nan a n a n a n a n a
12 15 14 15 13 14
LES MODIFICATIONS PHONETIQUES DU LANGAGE. I47
m. — matnamama mamamamamamamamama
15 14 18 14 17 12 15 13 15 13 17
ç. — fi a (; a (;a g a gagagaga
12 911 10 7 13
Ces cliiffres sont confirmés par d'autres expériences faites avec l'inscrip-
teur de la parole et la capsule exploratrice du larynx placée sur les lèvres
pour b, w, V, sur le nez pour m, p, sur les dents pour g, d.
b. — b a babababa
12 16 18 18 19
V. — va V av a v av av a
15 14 16 14 13 16
m. — a ma ma ma
15 12 15
n. — n a n a n a
13 12 15
d. — dadadadadadadadada
8 10 9 12 8 10 8 12
g. — gag agaga
13 II 15
Une autre expérience faite avec l'explorateur électrique du larynx sur
les dents a donné :
V a V a V a
7,5 8 12
10 8 14
12 5 15
Je ne m'occuperai ni des initiales ni des finales, dont l'étude est com-
pliquée, et dont j'attendrais peu de chose. Les initiales que j'ai enregis-
trées ne me révèlent rien de particulier.
tj-a ba va :i^a ga
13,5 12 14 12 10
î6
La comparaison de faf avec vav, de tat avec dad , de sas avec ::^a- , de
éa€ axecjaj autorise à regarder les finales comme égales, sinon supérieures
en durée aux initiales.
j a f dad ^^^ V a V
10,5 II 15 15 13 16 13 16
148
l'abbè rousselot.
Fig. 91.
Vssc D.
4^i]rT'^WfLj\.^'''-^ — ^>V'"r^r'WTitr>n''''mrrtL_
Consonnes redoublas.
Comme les consonnes redoublées ont été l'objet de quelques discus-
sions, je donne ici le tracé de quelques-unes à côté de celui des consonnes
simples :
Fig. 92.
a-—
Fig- 93-
-]]-
Vsse D.
- — a
Vsse D.
LES MODIFICATIONS PHONÈTiaUES DU LANGAGK. I49
Fig- 94-
V»sc D.
-mm-
-a a m-
150 l'abbè rousselot.
En comparant ces tracés, on voit du premier coup d'œil que ce que
l'on appelle « consonnes redoublées » n'est ni un groupe de deux con-
sonnes juxtaposées, ni une articulation unique simplement prolongée,
mais en réalité une consonne unique, forte et longue. L'unité est évidente
dans les tracés de ;)*, ;(;(, où la partie sourde est placée comme dans / et ;(,
c'est-A-dire au centre. La force de l'articulation est marquée particuliè-
rement par la pression des lèvres plus grande pour bb vv mm que pour
b V m. Mais ce qui nous intéresse ici, c'est la durée. La longueur de l'arti-
culation forte atteint le double de la consonne ordinaire.
Nous avons en effet, pour nous en tenir à la mesure des sourdes et des
nasales qui ne présentent aucune chance d'erreur :
apa appa ata aita
II 22 II 22
Oôa assa aea aeea aka akka
14 28 14 28 13 25
L'expérience où les nasales ont été étudiées avec l'explorateur électrique-
du larynx appuyé sur le nez, donne des chiffres peu différents (v. fig. 83) :
ma mma na nna
15 28 18 33
17 30
20 29
ama amma ana anna ana cinna
19,5 36 20 37 13 32
16 32 15 33
20 35 16 30
15 35
On trouvera plus loin (§ 2) : €àtt œ « chante-t-il », pakk vë « Pâques
34 , , ^^
qui vient », kokkô kè « quelque coup que », ppê « pépé », ppà « papa »,
12 17 10 29 33
mmà « maman. »
24
Au lieu de dire consonnes redoublées, je dirais donc consonnes doubles,
doubles pour la longueur et doubles pour la force.
Consonnes groupées.
Quelques expériences semblent indiquer que les consonnes contiguës
conservent leur durée propre :
M m f à u fà i m f à i fa a m f a a f à m p arl tœ (fîg. 51).
14 15 15 13 16 14 17 16 16 18 10
« il me fait, il fait, je me fais, je fais, elle me fait, elle fait, me parle-t-il.. »
Toutefois, la tendance qu'ont deux consonnes groupées à s'abréger n'est
pas douteuse. Ainsi nous avons :
LES MODIFICATIONS PHONèTlQUKS DU LAKGAGE. I5I
tu tn fâ tu f â im f—à i f ci
15 12 15 i) 13,5 15
A fil f â a J II 11 tu f â 11 f â p a l p a^ pa p a
14 12 16 14 10 15 8 15 17
iipafpapa papatpa
9 TJ 9 9 Ï8
10 16 10 8 17,5
9 18 9,5 7 15
10 16 10 7,3 14,5
9 17 8,5
8 18 9,7
On verni plus loin des groupes comme k tu, sce pâ « sèche pas », sef pa
25 24 T9
« scie pas », ktàtiàd « cette année », a^ta « acheter », d'fsil « difficile », pàski
16 12 15 14
« parce que »,pavpti, qui sont évidemment abrégés. (Durée dans le discours
suivi.)
L'abréviation porte surtout sur la i""^ syllabe : a € ban achever »,
10 12
fœj p à (f.feuge, pas y),pre t m ë « prête moi », kï t mma « quitte (eccuista)
7 13 5 15 8 24
mère y), k v € âtrU « que vous chanteriez ».
6 5 15
VOYELLES
Nous traiterons des voyelles d'abord dans les monosyllabes , puis dans
les groupes de deux, de trois, de quatre syllabes.
Les tracés ont été recueillis, sauf indication contraire, avec l'explorateur
électrique du larynx. On trouvera dans les tableaux suivants quelques
voyelles dont la durée manque ou bien est accompagnée d'un point d'in-
terrogation. Il m'a paru meilleur de laisser ces lacunes sans importance
et faciles à combler, que d'introduire des chiffres empruntés à d'autres
expériences, qui rompraient l'unité du tableau.
Monosyllabes.
Dans les monosyllabes, la voyelle se présente dans quatre situations.
Elle peut être : isolée, initiale-entravée , finale-libre, finale-entravée.
■ Voir fig. 59.
152
l'abbè rousselot.
Moyennes des inscriptions relevées :
VOYELLES ISOLÉES
(Insc. de la parole).
INITIALES
ÉNTRAV.
FINALES LIBRES
1
FINALES ENTRAVÉES
à
àp
Pà 23
pàp 35
à 30
âp
26
Pâ 24
P^p 25
a 20
ap
18
pa 14
pJ/> 16
è 30
èp
27
pè 25
P^P 24
é 30
ép
31
pé 30
pép 26
t 23
ep
15
^ 15
p^p 19
/ 29
ip
28
/?/ 28
pî> 27
i 18
ip
21
pi 18
pip 16
à 30
àp
25
^ô 24
pôp 23
ô 29
ôp
32
pô 28
pôp 27
0 19
op
20
/>o 19
pop 17
û 30
î'ip
30
p« 30
pî/p 28
w 18
iip
21
pLl 18
pup i-j
^ 29
œp
27
pœ 27
pàp 25
ce 30
œp
32
pœ 30
pœp 26
û? 20
œp
lé
/)â? 20
pœp 19
û 32
ûp
28
/)« 28
p//p 26
« 19
up
19
pu 18
/)Mp 16
à
ap
29
pâ 24
pôp 29
l
ip
27
pè 24
P'ep 29
ô
ôp
29
;>J 25
pjp 26
Les diverses situations de la voyelle dans les monosyllabes influent peu
sur sa durée, car les variations signalées sont de celles qui peuvent affecter
un même son, et, du reste, elles ne présentent pas la constance suffisante
pour qu'il soit possible d'établir une règle. Tout au plus pourrait-on y
reconnaître la progression suivante, plutôt encore à l'état de tendance
que de loi fixe :
Voy. isolée >> init. entravée >> finale libre >> finale entravée.
L'importance du tableau est tout entière dans le rapport du timbre et
de la quantité.
Troublé après mes premières expériences par l'anarchie qui, à première
vue, règne dans la quantité de mes voyelles, j'ai cru un instant que je
devais bannir cette notion de mon étude et attribuer uniquement le senti-
ment que j'en ai à une erreur d'éducation. En effet, les premières leçons
de grammaire que j'ai reçues m'ont appris à confondre la quantité avec
LES MODIFICATIONS PHONèTIQ,UES DU LANGAGE.
1)3
le timbre, et cette confusion persévère dans mon appréciation actuelle des
voyelles de mon patois. Je sens comme longiws toutes les voyelles ouvertes
ou fermées , comme brèves toutes les voyelles moyennes.
Ce que cette appréciation contient d'exagéré nous sera révélé par les
tableaux suivants. Mais elle est exacte pour les voyelles isolées, attendu
que la voyelle moyenne n'atteint que la moitié ou le tiers de la voyelle
ouverte ou fermée correspondante.
Cependant, je dois le dire, cette différence seule, quoiqut'elle soit bien
sensible, ne suffirait pas à me donner une sensation aussi nette que celle
que j'éprouve en comparant ces divers sons. En effet, une différence
analogue existe entre à qi à, ? et I, ô et 3 : le pà « le pain » i^. In pâ « les
pains » 28, U pe « le pin » 17, In pcè « les pins » 25, /^ /w « le pont » 16,
lii po « les ponts » 32. Mais je ne l'ai reconnue que fort tard, et encore
plutôt guidé par l'analogie qu'averti par mon oreille.
Groupes de deux syllabes.
Moyennes des inscriptions relevées :
àpà
I« EXPÉRIENXE
2e EXPÉRIENCE
npû
ire EXPl
Atone
ÎRIENCE
tonique
2e EXPÉRIENXE
atone tonique
atone
toniqae
atone
toniqae
15
23
9
17
22
27
16
22
âpâ
17
22
14
20
Upil
16
20
14
16
apa
10
16
8
12
œpœ
16
27
I)
22
èpè
20
23
14
20
œpii
23
29
17
21
épé
20
26
14
19
œpœ
18
23
II
15
epe
16
20
II
15
tipti
24
27
\ 'pi
21
27
17
21
upu
18
24
; ,>/
16
20
II
14
àpà
23
29
dpo
23
26
12
15
èpè
24
26
ôpô
2)
30
15
20
ôpô
23
28
opo
18
23
7
H
Autre expérience : a pa a f a a t a a s a a h a a € a
8 15 5,5 12 10 15 12,5 18 II 15 8 13,5
8 15 7 10 II 15 12 13,5 13 15,5 8,5 15
5'5 9
Deux points sont à remarquer dans ce tableau :
1° L'influence du rythme que nous avons déjà eu l'occasion de constater
est évidente.
La dernière voyelle du groupe est presque toujours la plus longue.
154
LABBE ROUSSELOT.
Exactement : sur 112 cas mesurés, elle s'est trouvée plus courte, 2 fois
{opà, 23,7 — 22; àpà, 17,6 — 17, et encore 1'^ et Va ne mé sont pas
naturels dans cette situation), égale, 2 fois {àpà , 15; êpê, 23,5), plus
longue, 108 fois.
La dernière syllabe du groupe porte donc Taccent temporel. Mais on
peut prévoir une légère tendance au déplacement.
2° L'écart entre les longues et les brèves diminue : la longue s'abrège et
la brève s'allonge. De la sorte, la voyelle atone ouverte ou fermée se con-
fond pour la durée avec la tonique moyenne, c'est-à-dire que ? atone longue
pour mon oreille devient égale à la brève tonique.
Groupes de trois syllabes.
Les groupes cités représentent la moyenne (23 juillet).
TOTTTFS T P^ vnv TTUPP<;
UNE VOYELLE ENTRAVÉE
pàpàtpà
. 2e EXPÉRIENCE
I^e EXPÉRIENCE
pàpàpà
I" syl.
z' syl.
5' syl.
15
I" syl.
2"^ syl.
3" syl-
,"syl.
2' syl.
3' syl.
12
II
13
II
17
15
i4»5
20
pàpâpâ
14
15
18
pàpàtpà
16,5
14
16,5
20
19
21
papapa
II
II
14
papatpa
1455
13
13
12
II
15
pèpèpè
15
14
18
pèpètpè
16
14
18
23
21
25
pépépé
14
13
20
pépétpé
i4j5
13
19
20
17
22
pepepe
14
II
16
pepetpe
12
10,5
14
14
13
19
pipipi
15
15,5
20
pipitpi
15
11^5
20
16
16
23
pipipi
12,5
13^5
16
pipitpi
10
II
17
i5»5
13.5
19
pàpàpà
15
16
19
pàpàtpà
15
i4j5
18
20
19
23
pàpàpà
17
19
20
pàpàtpà
16
16,5
20
21
23
24
popopo
14
i3j5
15
popotpo
12
II
15
12,5
15
20
pHlpî'lpî'l
15
16
20
pHipî'itpû
16,5
15
20
15
i7j5
22
piipupii
13
15
19
pipitpît
14
13
14
H
14
I7»5
pàpàpà
16
19
19
pàpàtpà
16
15
15
25
24
27
pœpœpœ
18
18
23
pœpd'tpœ
17
15
20
21
21
28
pœpœpœ
13
13
16
pœpœtpœ
15
12
12
19
iB,5
23 .
piipnpn
15
16
25
pûpûtpû
17
15
17
14
16,5
24
pupupu
15
14.5
20
puputpu
17
15
15
17
15
20
pàpàpà
16
16
17
pàpàtpà
17
15
14
18
21
23
pèpèpè
16
16
17
pèpètpè
17
14
17
23»5
22,5
25
pàpàpà
16
18
17
pàpàtpà
13
18
23
20
25
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE. 155
Autres expériences : a /) rt p a
a
fafa a t a ta a s a sa
(8 août) 7 8,5 10,5
7
8 12,5 II 11,8 11,8?} 7 10 12
7 io(?) 9,5
4
10 II 7 10 14 789
a h a k a
a € a € a
II 11,5 15
8,6 8,6(?) 13
12 12,3 13,5
6 10 12,5
7o » 9
Je n'étudierai, pour le moment, dans ce tableau, que l'influence de
Venirave sur la durée des voyelles.
Si nous comparons l'intertonique libre et l'intertonique entravée à
l'initiale, nous trouvons :
Intertonique libre : = init., 5 fois; >, 10 fois; <C, 6 fois.
Intert. entrav. \ ^' '"?• '■ = ï""-' ° f'' >' ^ Y"' ^' " ?•''
f l'^exp, : = mit., 3 lois; >>, 5 tois; -<, 13 fois.
Les cas d'égalité pourraient probablement se résoudre en l'un des deux
suivants. Mais la différence n'excédant pas 1/2 centième de seconde, me
paraît négligeable.
Si, au lieu de m'en tenir au tableau précédent, je faisais entrer en ligne
de compte tous les tracés que j'ai mesurés, la proportion serait peu modi-
fiée. Nous aurions :
Sur 40 cas, intert. lib. = init., 15 fois; >, 15 fois; <C, n fois.
Sur 93 cas, int. entrav. = init., 8 fois; >, 21 fois; <, 64 fois.
L'entrave tend donc à abréger la voyelle précédente. Cette conclusion est
confirmée par d'autres tracés, par exemple :
karp
kap
palpa
papa (fig. 59)
H
20
14
17
u mfà
ufà
imfà
ifâ
7 15
12 15
7
10 15
4 17
13 17
5 17
12 18
Groupes de quatre syllabes.
Toutes les syllabes libres.
a p a p a p a a f a f a f a a t a t a t a
6,8 10,8 10,5 11,2 897 12,5 10 II 14,5 13
5,5 10,8 8,5 9(?} 7 8,8 9,3 II 9 II 8,5 12
3(?) 10 9 8(?) 7879
156
LABBE ROUSSELOT.
a 5 a 5 a sa a k a k a k a a e a e a € a
7 8 9 II 10 9,8 11,5 13.5 6,3 8,5 7,8 12
7 9 10 12 9 12 12,5 13,5 7,5 9,8 9,5 13
5 5»5 10 12 6 7 6 12
La 2' syllabe entravée.
Les groupes cités répondent à la moyenne (23 juillet).
1" syll.
2' syll.
y syll.
4' syll.
l" syll.
2' syll. 3« syll.
4» syll.
àpà^pàpà
7
9
10
12,5
13
12
17
. 14^5
ûpihpûpû
17
17.4
i3»4
15,5
18
17
22
22
18,8
17
28
23 '4
20
âpâepàpâ
(?)
UpU€pUpU
14,8
15
12,5
12,5
13
14
apapaepa
lé
i5'5
19
15
14
20
17^5
œpœepœpœ
22(?)
i6,6(?)
15
21
èpèepèpè
i9»5
19.8
20
21,5
18,5
20,8
23
25
œpœepœpci
18,8
18,4
16
13.8
16,2
16
épéepèpé
18,5
14,8
16,8
i5»5
i9i3
16,8
25
27
œpœepœpœ
12
i4'5
12,5
18
18
19
epeepepe
II
12,2
12,3
11,2
12,8
i3>5
19
i9>5
ûpÛ€pûpû
i7»4
16
11,4
13
12,6
13-5
ipûpîpi
15.8
16,2
16,2
16
16,8
15
20,5
23».5
uptupupu
13
10,5
11,2
14
ipiepipi
12,8
12,8
i3'5
14
i4»5
12,5
i9»5
20
àpâepâpà
19
17.5
18,5
20
àpà€pàpo
14.8
19
i5(?)
i4(?)
16
18
22
21,5
èpë€pêpè
18
17
19.8
21
18,2
ôpÔ£pôpô
i7»5
17
i4'5
i4'3
17.8
16,9
20,2
20
ôpÔ£pôpô
17,2
15,2
17,8
opO€popo
i3'5
11,2
17
12,5
i7»5
15
20,2
22
LES MODIFICATIONS PH0NET1Q.UES DU LANGAGE.
157
Ces deux tableaux confirment ce que je viens de dire sur Pinfluence de
l'entrave. Si nous comparons la 2' syllabe avec la r% ou avec la 3% nous
trouvons les proportions suivantes :
> r« voyelle, 15 fois; < i fois.
> 3'
i >► I" voyelle, 17 fois; < 13 fois.
( > 3"" voyelle, 10 fois; < 22 fois.
2' voyelle libre, s ^ „ c - ^ c •
( > 3 voyelle, 7 lois; ■< 7 fois.
2" vovelle entravée.
Mais revenons à la question du rv^thme temporel que nous pouvons
maintenant étudier dans son ensemble.
Voici , en écartant les cas d'égalité et les cas douteux , les formes que
j'ai recueillies :
1° Groupes de deux syllabes :
143
2
2° Groupes de quatre syllabes : ( » est plus bref que » , = plus long
que -).
Tontes le* syll. libres.
5
3
2
2
I
G
O
I
1' syll. entrivée.
II
6
4
o
7
10
5
o
3° Groupes de trois syllabes
o
Les cas exceptionnels où la dernière voyelle est moins longue que la
précédente sont précieux à noter comme de nouveaux indices de la ten-
dance, faible encore, mais certaine, de l'accent temporel à se déplacer.
Ces quelques faits mis de côté , il nous reste :
I5B L*ABBÉ ROUSSELOt.
î° Pour les groupes pairs :
2° Pour les groupes impairs :
, i: : I : - I : I : : •
Ou bien encore dans certains cas :
1° Pour les groupes pairs :
2° Pour les groupes impairs :
La fin du groupe se compose donc en tout cas d'un iambe. Le commen-
cement seul varie. Il renferme tantôt un iambe, tantôt un trochée. Le
trochée est fréquent lorsque la seconde syllabe est entravée ou appartient
à l'iambe final, et encore lorsque le sujet parlant éprouve un peu de fatigue.
Ce dernier point est mis hors de doute par les remarques suivantes : le
8 août je n'ai fait que quelques expériences; le 23 juillet j'en ai fait beau-
coup, et celles qui sont rapportées ici sont de la fin de la séance. Or les
expériences du 8 août ne nous offrent pas un seul trochée initial. Celles,
au contraire, du 23 juillet en présentent 12 contre 12 iambes dans les
groupes formés de syllabes libres, de 36 contre 20 (i""^ expérience) et 21
contre 3 (2*^ exp.) dans les groupes de trois syllabes contenant une entrave.
Enfin, si l'on compare la fin de l'expérience du 23 juillet sur les groupes
de quatre syllabes avec le commencement, on voit que la forme iambique,
dominante au début, est presque toujours remplacée par la forme tro-
chaïque à la fin. Ces remarques concordent, du reste, avec les observa-
tions analogues qui ont été faites sur l'émission du soufile.
Donc , en résumé , deux formes rythmiques principales semblent s'im-
poser à tous les groupes, suivant que les voyelles sont libres ou entravées,
suivant que le sujet est lui-même reposé ou fatigué : lafonne iambique et la
forme trochaïco-iambique.
Cependant tous les groupes ne sont point nécessairement enfermés dans
ce cadre. Plusieurs, en effet, semblent procéder par sections de plus de
deux syllabes et pourraient bien obéir à un rythme croissant qui imposerait
aux voyelles une durée d'autant plus longue que celles-ci seraient plus
voisines de la tonique.
Au milieu de ces causes de variations , que devient pour les atones la
distinction des longues et des brèves ? C'est ce qile noils devrons mainte-
nant examiner, moins en comparant les diverses expériences les unes avec
les autres qu'en rapprochant les voyelles d'une même expérience.
LES MODIFICATIONS PHONÈTIQJJES DU LANGAGE.
I$9
Voxcllcs atones.
O '
GROUPES DE î SYLLABES
GROUPES DE 4 SYLLABES |
Rythme
tambique
Ryth. troch -ùmb.
Rythme iambique.
Rv-th.
trochaico'iamb. 1
^i»^
--— -—
-«»^
-■^,0-'—
— - —
— ^ - _— -|
^-^
I
2
I
2
j
I
2
}
à
15
10
II
12
II(?:
15
16
18
à
17
15
16
20
18
19
21
20
a
10
II
II
15
14
16
19
150
è
20
15
15
16
14
19.5
20
18,5
é
20
i4>5
13
14.8
150
16,8
18,5
lé, 8
i9>3
c
16
13
II
II
12,3
12,8
12,2
11,2
130
i
21
15
i5o'
14^5
14
15
17
15,5
t
16
12,5
130
13
10
12,8
i3>5
i4»5
14
13
II
à
23
15
19
20
19
20
18
22
0
25
17
19
16
15
i7î5
140
i7>8
0
18
13
14
14
13.5
i3j5
17
i7»5
û
21
Mo
16
16,5
15
17
13
18
u
16
13
15
13
12
i4»8
12,5
13
œ
230
16
19
16,5
16
16
12
22
ce
230
i7o
17
17
15
18,4
13.8
lé
œ
18
14
14
13
12,3
12
140
12,5
l'i
230'
15
16
18
17
17
14
12,6
u
iJî)
'^
i4'5
15
140
^3
10,5
11,2
à
23
16
16
17
15
19
17.5
18,5
e
24
16
16
17
14
18
17
19,8
0
23
16
18
17,2
15,2
i7»8
Donc, dans les groupes de deux syllabes, là où il n'y a qu'une seule
atone, celle-ci suit la loi des toniques : ouverte, ou fermée, elle est iiettetnent
longue; moyenne, elle est mttement brève.
La différence toutefois entre la longue et la brève est moindre entre les
i6o
l'abbè rousselot.
atones qu'entre les toniques. De près de moitié entre â tt a, elle est de
1/3 entre / et /, de 1/4 environ entre ô et 0, û et w, œ, œ et œ, ù et w, de
1/5 entre è^ é et e.
Cette différence décroît encore à mesure que le groupe augmente, et
quelquefois s'efface complètement. Ainsi elle n'est, par exemple, entre
ô et 0, dans la 3* syllabe des groupes de 4 syllabes, que de ^ de seconde.
Dans la 2* syllabe d'un autre groupe de 4 syllabes, œ est plus long que œ.
La différence serait encore moins sensible si l'on comparait des atones de
rangs différents, quoique, en général, elle se maintienne.
Mais, si nous comparons les atones aux toniques, c'est alors que nous
voyons des voyelles senties comme brèves dépasser souvent en longueur
d'autres voyelles senties comme longues.
Ce fait est mis en lumière par le tableau suivant, où, dans les groupes
de plus de deux syllabes, la voyelle moyenne tonique est comparée aux
voyelles ouvertes ou fermées atones les plus courtes.
GROUPES DE 2 SYLLABES
GROUPES DE 3 SYLLABES
GROUPES DE 4 SYLLABES
tonique
rapport
. atone
tonique
rapport
atone
tonique
rapport
atone
a
e
i
0
u
œ
u
11 il V 11 A 11 A 11 V A
à
â
è, é
i
d
ô
U
à
œ
û
a
e
i
0
u
œ
u
A 11 A A 11 A V 11 V A
à
â
è, é
i
à
ô
û
à
œ
û
a
i
0
u
œ
u
>
>
>
>
>
>
>
à, à
è
é
i
ô, ô
û
à, œ
u
Ainsi s'explique l'inégalité des trois voyelles que j'émettais rapidement
dans mes expériences de i88é, croyant leur donner une égale valeur. Je
formais à mon insu un groupe de trois syllabes soumis comme tous les
groupes à la loi naturelle du rythme. Si j'avais fait une pause entre chaque
émission, cette inégalité n'aurait pas existé.
Enfin je termine par un tableau comparatif des toniques Hbres suivant
qu'elles se trouvent dans des monosyllabes et des groupes de deux, trois
et quatre syllabes :
LES MODIFICATIONS PHONÈTiaUES DU LANGAGE.
i6i
Voyelle tonique libre.
GROUPES
GROUPES
GROUPES
1
MONOSYLLABES
DE 2 SYLLABES
DE 3 SYLLABES
DE 4 SYLLABES
1 à
23
23
20
18
! d
24
22
20
20
1 ^
14
16
15
17)5
é
25
23
25
24
! é
30
26
22
26
e
15
20
20
19
!
28
27
22
21
i
18
20
20
20
à
24
26
23
22
ô
' 28
30
24
20
0
19
23
21
21
û
30
27
21
22
u
18
20
17
18
' à
27
27
26
28
œ
30
29
27
22,5
œ
20
23
22
18
II
28
27
24
18,5
u
18
24
22
14
à
24
29
21
20
ê
24
26
24
21
ô
25
28
2)
18,2
Ainsi la distinction des longues et des brèves diminue à mesure que
les groupes deviennent plus étendus, et elle arrive dans certains jusqu'à
s'effacer presque complètement, comme cela se fait pour les / et les 0.
Les groupes qui ont été étudiés jusqu'ici se composent tous de la même
voyelle répétée. Mais ils nous permettent d'aller plus avant et de prévoir ce
KEVUE DES PATOU. — II.
1^2 l'abbé rousselot.
qui doit arriver pour des combinaisons formées de voyelles différentes. Du
reste, nous n'en sommes pas réduits à cette seule ressource, et diverses
expériences nous conduisent aux constatations suivantes :
1° Les voyelles naturellement brèves sont fort diminuées devant des
longues : fôià « fossés », k î t û « un quitte (seul) œuf », pîko
7 17 8,5 15 5 10
8 26
« Picaud », h—û—t—e « couteau ».
11,5 19
2° Dans les groupes composés soit de brèves, soit de longues, la tonique
demeure la plus longue : m à t î «. matin », k ô k î (<■ ceci », à tu k aussi »,
7 13 7 13 6 14
9 10 8 10
7 10
k î p ûj « que je puisse y>, ko ku « quelque œuf y), € à t e a château »,
7 13 8 24 14 19
0 t û r « autour » .
6 14 '
3° Enfin les longues elles-mêmes atones peuvent être plus courtes que
les brèves toniques :
èkût « écoute », kôk ko « quelque coup», à- tu «as-tu », dtsî
9 10 10 17 6 12 8 14
« dit », k î t à « quitter », € 0 f à,
14 19 13 14
à côté de kà pô « quel pot? », eos-të « chausse-toi », €osa
21 18 14 13 16 14
« chausse », k—œ—k-ï « celui-ci ».
23 16,5
(Tous ces exemples sont empruntés au discours suivi, p. 102 et suiv.).
Avant de quitter les voyelles, il y a deux questions auxquelles il serait
intéressant de toucher, à savoir : 1° Si les consonnes contiguës ont une
influence sur la durée des voyelles ? — 2° Quelle place revient à mes
voyelles dans l'échelle générale de la quantité ?
Je n'y puis répondre qu'en partie, et presque uniquement avec des
observations faites sur mes expériences de 1886. Mais les résultats, quoique
incomplets, auxquels je suis arrivé, méritent, je crois, d'être signalés.
LES MODIFICATIONS PHONETIQUES DU LANGAGE.
>^3
I. — Influence des consonnes sur la durée des voyelles.
r' Va se comporte autrement que les autres voyelles.
2' Les voyelles, excepté a, sont plus longues :
rt) après les continues /, v, s, m qu'après les instantanées ^, />, et après /
qu'après^ (je n'ai pas d'exemples concluants pour ^ et ^);
b) après les continues sonores (i; i, /) qu'après leurs sourdes (/, s, £);
c) inversement après les instantanées sourdes (j>, k) qu'après leurs sonores
d) après les gutturales {k, g) qu'après les labiales (/), h) ;
t') après la palatale ^ qu'après n.
3° La voyelle a, au contraire , 'est />/«^ courte :
a) après m qu'après p et b;
h) après la continue sonore v qu'après la continue sourde /;
c) après l'instantanée sourde p qu'après l'instantanée sonore b;
d) après les gutturales g, k qu'après les labiales b, p.
La différence de longueur de la voyelle suivant ces diverses positions est
variable, mais constante; elle est, du reste, comme on s'y attend bien, peu
considérable. J'en donne ici quelques exemples :
p -\- à <, b -{- à^Q 1,1
à < —
â
2,2
é >-
é
0,4
e > —
e
i»5
i > —
t
0,2
0 > —
0
2
« > —
u
2
/+à>t/ + Àide3,9
â>-
â
i»9
è <-
è
2,3
é < —
é
1,1
i <-
i
5'3
0 <-
0
3'3
« < —
u
11,4
La nature de la consonne suivante n'est pas non plus sans influence sur
la longueur de la voyelle précédente. Je n'ai d'exemples que pour a. Or
cette voyelle varie dans les proportions suivantes :
a -\- sonores > a -f- sourdes.
a + continues (/, t;), >• a + instantanées (/>, ^).
a + gutturales > fl + dentales >► a -|- labiales ,
et avec des chiffres :
a -\- b > a +/)de2,7
— d >— t 2,1
— S >— ^ 3»9
fl + î/ > a + /de 4,9
— \ > — ^ 1,2
— / > — ^ 7 '4
a +f>a 4-/)de 1,6 I a -h f >a + *de3,8 (Exp. de i886).
a + ^>fl + /, ide3,>a-}- b,fàQ 2 (exp. de 1889), a ayant succes-
sivement 13, 10, 8 centièmes de secondes. Cf. a àejaj > a de €a€, fig. 91.
164
l'abbè rousselot.
Les variantes que je viens de relever ne sont point de celles, j'en con-
viens, qui ne peuvent se produire pour chaque voyelle placée dans les
mêmes conditions. Mais la régularité avec laquelle elles entrent dans un
système rationnel a quelque chose d'attrayant et me porte à croire, jusqu'à
des études plus complètes, à une influence réelle exercée par la consonne
sur la voyelle.
II. — Pour comparer, au point de vue de la durée, mes voyelles avec
celles des autres pays, j'ai quelques tracés pris à l'aide du téléphone ins-
cripteur du D' Boudet de Paris, instrument mauvais, mais suffisant pour
ce qui nous occupe, et recueillis sur le petit enregistreur de M. Verdin
avec une vitesse que je ne puis préciser. Fruit de mes premiers tâtonne-
ments, ces tracés suffisent, malgré leurs imperfections, pour montrer que
mes voyelles ont une durée moyenne entre les voyelles rapides du Midi
et les voyelles lentes du Nord et de l'Est, qui sont elles-mêmes bien
rapides si on les compare à celles du breton et de l'arabe de Syrie.
DIPHTHONGUES
wa
17,1
22,5
26
a
12,4
13.5
15,2
we
22
22,8
27,1
e
12
15.2
17
wi
19.8
24
26,4
i
13.8
17,2
i7'3
wô
26,9
30
34^7
ô
23,2
23,9
25w
wœ
25
30j5
37j4
0
12,5
16,5
18,2
œ
20
26,8
28,5
wi
22,5
25,8
30^3
u
15
18
i9»5
WO
22,2
27,1
34'9
u
i5'3
15-3
i7»i
ay
i5'9
19,1
21,7
ey
17,8
24,4
35^1
oy
15,6
25 I
59j9
Ces chiffres, empruntés à mes expériences de 1886, montrent jusqu'à
l'évidence que les diphthongues sont plus courtes que les deux voyelles compo-
santes réunies^ et plus longues que l'une des deux isola.
Les trois tracés successifs que j'utilise ici ont été pris dans l'intervalle
de I seconde et |, pendant une seule révolution du cylindre. Les sons,
émis ainsi rapidement , ne formaient donc , à proprement parler, qu'un
seul groupe. Par conséquent, les chiff"res les plus élevés représentent soit
l'initiale^ soit la tonique-
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE. l6)
Or, en additionnant la durée qu'ont les deux voyelles composantes lors-
qu'elles sont atones, on obtient un total qui égale à peu près la durée de
la diphthongue tonique.
La diphthongue tonique égale donc en durée les deux voyelles composantes atones.
Mais, des deux voyelles contiguës, la première est celle qui s'est le plus
abrégée, qu'elle ait gardé ou non son caractère vocalique : k~t—à-t-i « que
8 10 20
j'étais », avy — à « avaient », w-t « il est », w — ô « il a ». Ces faits ont été
6 7,5 8 12 13 15
obser\és dans le discours suivi, p. 107 et 102.
SYLLABES
La durée des syllabes , quand celles-ci ne sont pas formées d'une seule
voyelle, s'obtient en additionnant les diverses durées des éléments qui les
composent : consonne -\- voyelle, pour les syllabes ouvertes; consonne-\-voyelle
-\-consonne, pour les syllabes fermées.
Je n'ai que deux obser\ations à ajouter à ce qui a été dit :
1° Comme les variations que nous avons observées dans la durée àts
consonnes et celle des voyelles sont identiques, il s'en suit que ces varia-
tions s'additionnent dans la syllabe, et que le rôle du rj'thme nous y
apparaît mieux encore que dans les consonnes et les voyelles considérées
iîolément.
2° Quoique l'entrave abrège les parties composantes de la syllabe , elle
n'arrive pas à réduire celle-ci à la durée d'une simple syllabe ouverte (cf.
p. 87 et 91).
Aussi une syllabe fermée est plus longue qu'une syllabe ouverte.
§2. — Durée des sons dans le discours.
Dans les morceaux suivants , j'ai multiplié à dessein les consonnes
sourdes, afin de rendre plus facile la mesure des voyelles. La double nota-
tion que je donne de la quantité, l'une avec les signes convenus, l'autre
avec des chiffres, permettra de comparer mon appréciation instinctive
avec la durée réelle.
i66 l'abbè rousselot.
Les tracés sur lesquels sont établies ces mesures ont été pris à l'aide
des explorateurs du larynx, du nez et des lèvres. Les vibrations du nez
m'ont permis d'isoler des consonnes autres que les nasales et les voyelles
tendues n, i, n. Je distingue les feuilles d'inscriptions par des chiffres
romains, et les lignes par des chiffres arabes. Comme le mouvement d'hor-
logerie était arrêté après chaque tour du cylindre, il est arrivé qu'au com-
mencement de certaines lignes il n'avait pas repris sa vitesse régulière.
Ce défaut est facile à reconnaître par la rapidité inusitée que semble
prendre la prononciation. L'erreur, du reste, ne peut porter que sur les
premiers mots; quand il y a doute, je les ai mis entre parenthèse.
Le signe 4= marque un silence.
L I. â--t-à — t---û^€--â--t-à k-œ k-û-k--û? Entends-tu chanter
13 6 9 10,5 10 14 14 6 15 6 18 6 9 8 10 ce coucu (coucou)?
t-à! e--k-û-t! eà—t-t-â s — ô 6—û! Ta! écoute! chante-
.896 10. .15 16 15 14 14,5 16 15 t-il son saoul?
w—e k — 5- t—-à, i--à! — 2. w--è p-T'-lè II est content, ta! il
8 12 10 14,3 15,5 18 9 10 13 15 16 3 16 a /)/(? (plane)
6Û6à ko--k û. h-w e €--e--t-t sucé quelque œuf.
8 7,3 24 .9,5 19,5 18 18 8 5 C'est fM//" (mauvais)
€--e--t — t k-û--m t--u ê chéiif comme tout et
19 13 7 II 6 10 16 12 II 15
t — û-t--à--f--ë rj=(?)/-g. — 2. k-ô p--à-6 tout-à-fait fin. Ça
10 15 5 10 14 7 22 I3(?) .11 15 17 9 passe
d é — 6--Û t-ë 6-è kt-û p--û--j dessus toi sans que
9,5 10,5 14 lé 7 5(?) .29 25 14 14 19 24 tu puisses
(10 15) (?)
â--t--â—dr. t-à--€ d-à p-r-â--dr è. — entendre. Tâche d'en
17 15 14 24 .21 14 4 20 8 6 17 16 9,5 prendre un.
ï[. I. î p-ô à-s-àyà k--b--k k-ô.
15 13 22 10 29 12 10 17 17
(157?) (8 10 II?) (710)
m-e t n p — ô p — à t-û k-ô--t--â. —
15 (?) 17 II 16 II 16 6 9 6 16 5 18
Je puis essayer quel-
que coup.
Mais je ne puis pas tout-
comptant (tout de suite)
/,- „ 'N s. „ 7 . „ „ . ...s'est accroché à une
(to €ape). — 2. 6--e a--k-ro-€--a a u-n
22,5 9,5 5 78 13 i5"25' 10
p--û s li là p---ât dé klè pue (pointe) sur la
14 19 6,5 7,5 18 12,8 .. .. 37 pente de ces
LES MODIIK AlIONS l'HONèTIQUES DU LANGAGE, l6j
fô-s--à p rè div €--i\-t--c. — fosses, près du châ-
7 i6 17 34 8 14 8 19 tcau.
{$ $ s «9?)
3. k-ôn f---h p-à bô p-à-6-'à Ça ne fait pas bon
13 12,5 14 14 50 8 6 19 13 passer
(6,5 6,;) (.... i.)
S'U k—lè f--ô—s—â. sur ces fossés.
.19 7 22 14 6 12 26
k-à t--u f--è de t--à pt-'-i--t--e Qu'as-tu fait de tes
.11 10 10 18 27 8 14,5 11,5 5,5 9 10 petites
€--à--t — e? — chattes?
12 10 10 II
m. I. û-n 6—e-t-ii--f--t; lo-t-r 5--è Une s'étouffa ; l'autre
14 7 10 14 4 12 12 14 28 2 10 9,5 12 s'est
k--ô--p--à t--re p-àtt su k-œ k--û — t—c. — coupé trois pattes sur
5 16 12 14 5 21 10... 35 7 16 7 11,5 6 19 ce couteau.
k-â orà-t--u à--€--b--àl Quand auras-tu ache-
.17 ... 15 19 6,5 10 12 13 vé?
2. pà è--k-ër. kô-n f--à p-à à-s--ë. Pas encore. Ça ne fait
7 24 6 20 .8 7 13 19 8 19 13 7 pas assez
€--à p-r k-ô. ko n s e-e p-à : chaud pour ça : ça ne
13 19 6 12 7 17 .8 8 15,5 10 24 II sèche pas.
(12 12)
prè-t-m-ë t--à s--èj. — 3. là Prète-me ta scie. La
. 18 5 15 5 6 10 15 32 16
m-1 n 6--ë-j p-à dœ-t-n. — mienne ne scie pas
10 21 13 9 19 37,5 5 15 du tout.
4. ta k--î e jôlï p-ô — p — ô. â--t là Tu as ici un joli pom-
.26 10 17 13 -18,5 II 17,3 14 7 15 pon. Où l'as-
î--n p-rë t--ô p--ô--p--ô? — tu pris, ton pompon?
i^ 13 7 15 5 12 16 10 13 II
5. k-é p-ô--p--ô ^ t le à--€t-à à t-Ô Ce pompon, je l'ai
.17 9 17 II 19 47 18 12 8 5 10 acheté à ton
/ — ô — t--ô tonton.
10 13,5 13 13
a p..r---p--o, à-t-ù f-ë_à-p-à t--ô p-ô?— A propos, as-tu fait
6 10 13,5 13 18 12 8 10 12 25 9 II 16 18 9 15 happer ton pot?
168
L ABBE ROUSSELOT.
k-â p--Ô? —
,21 II l8
6. k-œ k t-à k-à-6--à €--à t--ë t-à-t-o. —
.21 17 24 6 21 15 II 13 18 15 16 8 21 5 20
dyà-bl t-ûn àp'~tir^ ! — 7. / imdri
37 17 6 32 50
(10 13 14)
h û f--î--s è--t--rî-p--à. à--p-à e p--o ,
7 13 13 13 6 9,5 5 15 10 5 17 13 7 14 16 20
^^ n-é ^--/ï d'f-î--5--îl, èb n n 0 rë
.9 9 18 12 13 15 8 II 18 23 19 23 17 22
(13 10)
f—ë. -
12 6,5
8. kô--t--œ f--ë, t — ô pp--ë? —
.9 10 20 14 13 8.5 18 29 15
û t--ë--t-è kn-vi l h--ï--h-è t-ul t--à.
13 161617 I .15 15 18105,5814.1813 16
IV. I. lu ht-k e ne tt--â p--à ta
55 9^3 1758 i^ 18 24 II 22 .25
(40 9 6)
autre tracé : t-é--t--à
5 4 10 20 7 29 19
k k-ô : û 6--n--5 t--û S-Û--6 — à. —
22 14 14 14 13 29 II 6 10 II 10
23 17 14,5 14 14 16,5 II 7 10 13 10,5
£-0-6 t-ë.
. 14 21 13
î vob m €--o--s--â; m--ë — 2. m-à €--o--6
51 II 16 12 14 18 17 15 9 13 20 17
e t--rô e--p--ë-s; à n à--t-ré p-a. —
II 10 31 10 13. II 16 II 3 14 8 19
k--ô f--Ô ^= t--û k--î--t--â, ma p 0
.13,5 17 25 20 13 7 14 10 19 2775 15,5 19
-V p-t-ï.
13 20
Quel pot ?
Celui que tu as cassé
chez toi tantôt.
Diable ton happeur !
Je voudrais
qu'il fût étripé. Hap-
per un pot,
ça n'est pas difficile ,
eh bien ! il n'a rien
fait.
Qu'a-t-il fait ton pépé
(grand-père) ?
Il tète comme un bi-
quet, tout le temps.
Les biquets ne tètent
pas tant
que ça : il suce tout
sucé.
Chausse toi.
Je veux bien me chausser ;
mais ma chausse (bas)
est trop épaisse ; elle
n'entre pas.
Ça faut tout quitter,
mon pau-
vre petit.
■ Voir fig. 41.
LES MODIFICATIONS PHOMÈTIQUES DU LANGAGE.
169
V. I. ma p--0'i/ p-y-yàrè\ v' p-àyrè
1. 16,7 10 10 20,3 231 • . 39
nez 18
k Vit iHijê Ô n--à.
77 16 II 13
fo b p-râdr è €-vâ. — 2. p-r' — r'
11,7 16 52 17 13. . .2 3 11,5
(17 17 18)
p---àr---rt---ï dû p-n m-à-t--ï.
14 15,8 18,3 10 20 13 8 13 7 13 13
. . . . k-œ-k---î n-è b-û-'^ p-a 5--Ô 5-Ô
.23 13 16,5 17 9 13 14 12 10 20 13 15 16 16
pr rbà--t--r. —
•7 39^ II i(0
... T^. kœ b-Ui n è--p-t-f p--à dé
.20 II. . 13 II 17 7 24 18 19
(" »>)
k t--à k-ii-m k--ô f-à--^--t â--t--â.
24 20 .17 18 II 10 13 9 15 13 15 10 14
... ft-n b-rêg p--â t-â — 4. k d o-t-r--e
6 6 15. .. 13 13 8 15 . 7 12 2 10 10
II 14
5. ... s-o ppà ë 6-à k--t-t mmà s-ô k--ï. —
.1933. . 22 13 15 108 24. .20 10 13
6. ... for--s e pt--t p-r â--s--n. —
. 15 15 18 20 14 . 12 13 15 16
(•« 9)
Mon pauvre Picrret,
vous paierez,
que vous le vouliez
ou non.
Faut bien prendre un
cheval pour
partir de plus matin.
...Celui-ci ne bouse
pas son sol (aire)
pour battre.
...Ce blé n'épie pas
ce temps comme ça
faisait antan.
Il ne bringue (joue)
pas tant que d'autres
fois.
Son père et sa quitte
mère sont ici.
...Force un/k7/7(peu)
par en sus (haut).
VI. I. il €-èr-€--t p-r--i--u s a pèvèr..
4 13 7 14 5 8 8 12 12 11,5 14 8....
... àp, va, k-ô--k--î.
. . . 18 8 9 II 10
2. la balùsod p b--t-riti.
(?) 11,5 II 7 29"
3. t'è-':^ p-à t--ô b--ë.
.5 7 4 6 6 14 9 10
Il cherche partout
sans pouvoir...
...Happe, va, ceci.
La Balusaude pautrigtie
(tourne malproprement dJMt
ses mains.)
(Tu) ne tais pas ton
bec.
• Voir fig. 66. Ip Fig. 64.
I/o
l'abbè rousselot.
p--i—p--l--î.
17 15 14 12 16
4. j-u-g--g p..è-t--î. —
II 6 3,5 4 15 5 10 13
5./-,éy' ^.-«\ _
.13 7 13 13
Pipe-s-y.
Joue, petit.
(Ne) /^z/^g (fouis) pas
(en parlant à un porc)
VII. I. ;' à-t--àh €àtà. —
18 10 9 15
2....tÛ6--l b s ê--f--î--l--à 6-û t--ë..
.8 15 16 6(?) 10 14 12 II II 10 7 15 II 15
(d'après la ligne du nez)
u p-ïk' bè by-è\ —
10 17,5 18,5
3. ... î-n p--ô p--à €--â-t-à kû-m ô
9 13 14 II 15 16 II 16 9 10 . . 10 .
/ 0^ p--à-5 k î 5--Û t-îï ro-€~ii. —
14,5 10,5 14 12 14 12 14 14 .12 23 13 9
4. kà p-à-6-t-ii?
.647558
/ k-r-ê k V €--à-'t--rtè
5 7 4 8 6 5 15 14*7 37
(8 19 10)
s-t v--é V f-è--r5-àv--ëi e p-t-ï--n--ô . —
.27,5 II 20 8,5 14 33 14 15 8 4 3 11,5 4
î n k-r-ë p-à — 5. kî p--û--j.
4 9 5 5 9 7 7 -7 6 13 17
î f--t--r--e €--o--f-à un eos kî àtà^re
12 10 12 9 13 13 13 8 14
(d'après le nez)
o-t--û--r d-œ k-o. ûp'rè-t-è-n--â4
6 12 14 23 24 13 8 13 29 10 6 15 15
(nez) (nez et larynx) (nez)
6. ké kwe bô^p-r f--er p--à--s--à k-ô-k — î
.8 9 40 54 8 13 20 10 8 II 7 9 9 9 10
Autre tracé:... 5 10 20 12 5 12 7 7 7 7 10
J'entends bien chan-
ter.
Tu sens bien s'enfiler
sous toi...
Il pique be (bien) bien
Je ne puis pas chan-
ter comme il
faut, parce que je suis
tout enroué.
Qu'en penses-tu ?
Je crois que vous
chanterie-î
si vous vous forciez
un petit.
Je ne crois pas que
je puisse.
Je ferai chauffer Une
chausse que j'attacherai
autour du cou. Ils
prétendent
que c'est bon pour
faire passer ceci.
Voir fig. loé. 11 ^ Fig. 57. Il ' Fig. 38. Il 4Fig. 49.
LES MODIFICATIONS PHOSÈT1Q.LES DU LAN(,.\(,i;. IJI
/ prcldri b z\=. è le d'p-ii-l 4= à--t--û Je prendrais bien un
8 8 64 34 ^ 23 23 12 6 II 14 lait de poule aussi;
8 9 48 i> 26 18 22 13 II
8. 4= me 4= f ne p-à ê k---i---t û. maisjen'aipasunçtt//
41 30^ 10 ^ 9 78 8,5 8 8,5 15 œuf (un seul œut).
(16 14) (9 9 9) (6 12)
â-n à-t-ù, t — ë? En as-tu, toi?
9 9 6 7 12 6 10
Vm. I. n k-rè p--â. kel €---e--t--i €---àt Ne crois pas. Cette
4 5 II 6 10 . 9 II 10 7 10 13 13. chétive chatte
/-() / — û k--à--5--à 4= k-J^ — 2. {km-â) les a tous cassés, ceux
19811610714 iiii .58 que mes
k-d-k-ô-t--t^ à---v--y--à p-ô--gti. — è s-er, cocottes avaient pon-
64676 10 83 8,5 6 7,5 8 II 15 10 13 .. dus. — Un soir,
k--î à — t—-t €--à 1--Û p-i-k--Oy n--à que j'étais chez les
10 8 10 10 20 10 II 8 II 9 5 9 13 10 12 Picaud, on
d-t-s---i k là fœldr-ô-dr rj= rt--/--_y-5 bû-n dit que les feuilles de
8 8 14 13 7 23 13 ... 20 5 13 5 10 5 10 . .10 ronces étaient bonnes
à-t-n 4= à--v-"ë--k d — œ m--e. —
8 10 65 8 8,5 16 10 20 14,5 14 15 aussi avec du miel. —
3. (/^~ àhè^^ à--n à t--ë / é ^agu kt
II 12 12 II 15 17,5 3 22 23 16 Tes abeilles en ont-
â-n-àdj elles eu
9 8 26 cette année?
— w-a 4= ^y m--î 4^ lu brgà 4=
10. 56 15 15 19 62 50 53 —Oui; mais les ^f-
à tu dvora. — ^^"^ (fi^elons)
138 33 ont tout dévoré.
4. t-ô p-ër, 4= €--â--n--œ ^ pr
.15925 42 23 34 18 42 6 Ton père chante-t-il
p--a-k_k_v--ë 4r à lëglj-? PO"^
14 24 22 8 14 47 47 Pâques qui vient à
il ësp-èr k-é wà. l'église ?
17 23 14 10 . Il espère que oui.
172 l'abbé rousselot.
Une simple lecture suffit pour montrer que les inscriptions du discours
suivi confirment de tout point les principes établis plus haut. Aussi ne
m'y arrèterais-je pas, si je n'avais à noter quelques faits nouveaux relatifs
aux atones finales que l'on n'étudierait pas sûrement dans des mots isolés,
ou dus à l'influence de l'accent oratoire.
Les atones finales n'existent guère chez moi que dans les noms pluriels
et les secondes personnes des verbes; je n'ai inscrit que deux fois un è
final et dans des conditions exceptionnelles.
Je relève dans les tracés précédents :
kà-tû je dé ta pt-i--t--e €-à-t-e ?
5 ,5 10 10 II
...k d-o-tr-t f-e.
12 10 14
... kmà kôkqt-e =(= àvyà pôgu.
4 7 10
... sî vévfèrsàv-ë è ptîfjo.
14 15 3 4
ânà-t-ç—l-e =4= àgu... ?
15 3
€tr€t « il cherche ».
7 3
On voit par là que, si le mouvement de la phrase s'y prête, ces atones
étymologiques sont traitées au point de vue de la quantité comme des
toniques. Ce fait, du reste, comme nous le verrons plus tard, concorde
parfaitement avec le développement phonétique de la langue.
Dans dôtrefi, è peut fort bien être considéré comme long. Toutefois,
dans àiià tele àgû, Vt est vraiment traité comme atone, ce qu'il est en effet
dans ma prononciation sentie.
Nous avons remarqué que dans quelques groupes isolés la finale était
plus courte que la pénultième. Ce fait devient assez fréquent dans le
discours suivi, grâce à l'accent oratoire, pour les groupes qui précèdent
immédiatement un repos.
Cela a lieu : 1° dans le simple récit ou une demande non impérieuse :
t Ve à€tà à ta t--ô—t--ô. — u n-o r-ë f--e. — tâé: dà-p-r-à-dr è.
10 13,5 13 17 22 6,5 20 17 9,5
et même dans l'interrogation et l'exclamation, quand le groupe se termine
par un petit mot qui peut s'en détacher et sur lequel retombe la voix .
an â tu, te? — w—e b k — ô—t — à, t--à!
6 12 10 8 12 14,3 18 10
2° Dans les groupes où la pénultième est intentionnellement frappée :
k-à p-ô? — kwè €-e-t-î , €-e-t-ï kiim tii.
21 18 18 5 13 II
Les deux dernières syllabes mêmes peuvent être abrégées quand le der-
nier mot est peu significatif, et l'accent temporel frappe l'antépénultième :
... si vtu jorsàv—é e pttnô.
14 15 3 4
CHAPITRE VI
HAUTEUR MUSICALE DES SONS - ACCENT DACUlTÉ
La hauteur musicale d'un son dépend, comme on le sait, de la durée
de la vibration, ou, ce qui revient au même, du nombre des vibrations
exécutées par le corps sonore dans l'unité de temps, c'est-à-dire pendant
une seconde.
Les corps qui rendent des sons simples produisent des vibrations pen-
dulaires qui, recueillies sur un cylindre inscriptcur, sont représentées par
une sinusoïde régulière. Par exemple, les vibrations d'un diapason de
500 V. s. à la seconde inscrites à l'aide du signal électrique de M. Deprcz :
Fig. 97.
soit, en l'agrandissant, la courbe suivante
Lorsque la branche du diapason commence à vibrer, elle s'écarte de sa
position normale a jusqu'en x; de là, elle revient sur elle-même, repasse
par sa position normale en b et s'en écarte de nouveau jusqu'en A, d'où
elle repart dans la direction de ,3- Lorsqu'elle a atteint c, elle a accompli
une vibration complète, qu'on appelle vibration double. Je compte mes
vibrations de A en B pour plus de flicilité, et j'en double le nombre pour
me conformer à l'usage français qui compte par vibrations simples.
Le nombre des vibrations correspondant à chacune des notes de la
gamme n'a pas encore été déterminé d'une manière uniforme par les
physiciens. Le diapason officiel, fixé par M. Lissajous, donne 870 vibrations
174
L*ABBÈ ROUS^ELOT.
simples; c'est le la de la gamme d'«n. Pour Helmholtz, ce la est de
440 vibrations doubles, soit plus aigu, de 10 vibrations simples; pour
M. Kœnig, il est de 853,3 vibrations simples, soit plus grave de 18,7
vibrations simples. Comme j'aurai sans doute, pour les recherches que
j'ai en vue, à faire usage des diapasons de M. Kœnig, j'adopte sa manière
de compter et je considère comme étalon son diapason normal ut 3 =
512 V. s. à 20° c.
CD
0
OCTAVES
1
^
ut-^
Ut^
Ut 2
ut 3
Ut 4
Ut 5
Ut 6
Ut7
ut .
. 64
128
256
512
1024
2048
4096
8192
re .
. 72
144
288
57e
II52
2304
4608
mi.
. 80
160
320
640
1280
2560
5120
fa..
• 85,3
170,6
34i>3
682,6
1365.3
2730,6
5461,13
sol.
. 96
192
384
768
1563
3072
6144
la..
. 106,65
213,3
426,6
853,3
1706,6
3413.3
6826,6
SI..
. 120
240
480
960
1920
3840
7680
En multipliant par la fraction H chacune de ces notes, nous les haus-
sons d'un demi-ton. Ce qui donne :
ut '^'^"
68,26
^36, 53
273,06
546^13
1092,26
2184,52
4369,04
8738,08
YQ dièze
76,8
i53»6
307,2
614,4
1228,8
2457.6
4915.2
f^dièze
91,01
182,02
364,05
728,1
1456,2
2912,4
5824,8
sol '^'*'"
102,40
204,81
409,63
819,26
1638,52
3277,04
6554,08
l^dièzc
112,7
225,04
450,09
900,18
1800,36
3600,72
7201,44
Les corps qui produisent des sons complexes régulièrement périodiques
ou musicaux exécutent diverses vibrations qui forment une sonorité dont
la courbe peut être décomposée en autant de sinusoïdes qu'il y a de sons
simples fusionnés. La vibration la plus lente donne la durée de la période.
Voici, comme exemple, deux tracés que j'emprunte à M. Kœnig
(Quelques expériences d'acoustique, p. 13 et 26). Le premier représente,
d'après la méthode inscriptrice de Desains', la composition des mouve-
ments vibratoires parallèles de deux diapasons, dont l'un est à l'octave de
' Cette méthode consiste à fixer une plaque sur l'un des deux corps
vibrants, et, pendant qu'elle en partage tous les mouvements, à tracer sur
elle les vibrations du second corps sonore.
LES MODIFICATIONS PHOSàTIQUES DU LANGAGE. I75
l'autre. Le second, les vibrations du phonautographe sous Finiluence de
deux tiiv:iux d'orgue séparés par une octave.
Fig. 98.
M. Melde a rendu ces mouvements sensibles au moyen d'un cordonnet
de soie attaché à deux diapasons. Si ces diapasons sont à l'octave et qu'ils
soient excités en même temps, le cordonnet se partage en deux segments
égaux vibrant à l'unisson pendant qu'il effectue un mouvement vibratoire
de totalité.
Dans ce cas l'impression auditive est unique^ et la sensation musicale
est de même hauteur que le plus grave des sons composants.
Il résulte de là que la détermination de la hauteur musicale des sons
par la méthode graphique ne présente pas de grandes difficultés. Il s'agit
en somme de compter les vibrations inscrites dans l'espace d'une seconde.
L'opération se réduit à une simple addition qui se fait à l'aide de la loupe
et d'une échelle graduée d'après la vitesse du cyHndre inscripteur.
Malheureusement, ce travail, qui n'est pas toujours facile avec les
tracés originaux, devient souvent impossible avec les reproductions héléo-
graphiques. Dans ces dernières, les détails les plus délicats ont disparu,
au point d'altérer la forme caractéristique de certaines vibrations et d'en
rendre le compte très incertain. Je dois signaler comme particulièrement
défectueuses les figures 103, 104, 105, 108, m, 112. Peut-être devrais-je
les supprimer, puisqu'elles ne répondent plus à leur objet. Je les conser\-e
néanmoins, parce que, toutes grossières qu'elles sont, elles donnent à l'œil
une certaine impression de la réalité. Mais qu'on ne soit pas étonné si
on n'y retrouve pas tout ce que j'ai vu dans les originaux. Une autre
remarque qu'il est nécessaire de faire, c'est que, les vibrations n'ayant pas
toujours une durée constante pendant une même émission de voix, le
nombre en peut changer avec la partie du tracé qui est mesurée. Dès lors,
des variantes , dans des mesures successives qui ne partiraient pas exacte-
ment du même point, sont inévitables. On pourra donc dans certains cas
trouver d'autres chiffres que les miens ; mais je ne crois pas que le rapport
cherché entre les sons consécutifs en soit sensiblement modifié.
176
l'abbé rousselot.
§ I''. — Moyens employés pour déterminer la hauteur du son.
Je possède, pour la recherche de la hauteur musicale des sons dans
mon patois, diverses sortes de tracés : les vibrations de la colonne d'air
parlante reçue par l'inscripteur de la parole devant la bouche, celles du
larynx, de la langue, du nez et même des lèvres. Aucune expérience
spéciale n'a été organisée dans le but précis de déterminer l'objet qui nous
occupe. Mais ce que j'ai suffit, je crois, pour une solution satisfaisante.
Mes expériences de 1886, faites avec l'inscripteur de la parole, sur le
timbre des voyelles, peuvent nous servir de point de départ.
J'inscrivais, comme moyen de contrôle, soit les vibrations d'un diapason
de 500 V. s. à la seconde, soit les vibrations de l'air excité par une lame
d'harmonium si^, et je faisais chanter par des amis ayant des voix très
justes les voyelles sur un ton donné.
Or, en prenant comme échelle les vibrations du diapason de 500 v. s.
monté électriquement, soit 25 pour | dixième de seconde, on trouve :
Fig. 99.
ouf* 1,040 V. s., 6 mi4 2,400, â mi 3 (fin du tracé) 329; — et, à une
échelle un peu moindre (23 v. s. de la fig. 99), ô ut4, ^'ut4, à ut-+ 1,040.
Fig. 100.
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE.
177
Le diapason normal français sur lequel se réglaient les chanteurs don-
nant : ut* 1,044 V. s., mi 4 i>305 v. s., mi 3 652,5 v. s., on peut considérer
les chiffres obtenus comme exacts, avec cette restriction toutefois que
Va mi 4 répond à l'octave aiguë, et Va miî à l'octave grave des sons émis.
Avec une vitesse plus grande, le si ^ d'une lame d'harmonium m'a fourni
l'échelle suivante (comptez 25 v. s., une de plus que dans la gravure) :
Fig. loi.
D'après cette mesure, 4 si*, «si*, u si *, et « si * (échelle fig. 97, 2« tracé),
donnent 480 v. s. (nombre exact).
Fig. 102.
fl si^
« si 2
e si
» si^
Le nombre des vibrations recueillies par l'inscripteur de la parole répond
donc, en général, à la hauteur du son. Les deux exceptions signalées ne
tirent pas à conséquence. De plus, comme un seul coup d'œil sur les
tracés suffit à le montrer, les octaves graves sont fréquemment indiquées,
ainsi que les octaves aiguës, mais sans nuire à la netteté de la vibration
qui donne l'impression de la hauteur musicale.
Du reste, on est aidé dans le choix de l'octave par la hauteur de la voix
du sujet observé.
KXTCT DIS fATOK.
175
L*ABBà ROUSSELOT.
La voyelle suivantes éa, en un demi-dixième de seconde, 13 vibrations
principales se divisant nettement en deux, c'est-à-dire 520 et 1,040 à la
seconde.
Fig. 103.
Il y a donc hésitation entre ut' et ut'^ qui, étant donnée la hauteur de
ma voix, sont possibles tous les deux. Mais, si l'expérience n'était pas si
éloignée, il serait facile de savoir laquelle des deux notes est la vraie.
Les expériences de 1889 me donnent des résultats concordants et tout
à fait vraisemblables. Pour des voyelles isolées :
Fig. 104. Vsse D.
œ
Pour des mots isolés :
f—a--va
Fig. 105.
p—a — b — a
320 ( 300
) 6go
V — a—v—a
340
680
320
640
Vsse D.
/ a V a
On peut voir par ces tracés que l'octave grave est presque toujours
marquée, et, si elle l'est seule comme dans la V syllabe de paba, c'est que
le tracé est empâté.
LES MODIMCATIONS PHONIiTiaL'ES DU LANGAGE.
179
La colonne d'air recueillie dans le nez donne le même nombre de vibra-
tions. En voici un exemple intéressant :
Fig. 106. V»c D.
Nez
Larvnx
Langue
.-i—k' b-
Toutes les voyelles sont bien marquées par la ligne du nez ; la dernière ,
qui est une nasale, a une courbe spéciale. L'octave grave seule est indiquée
jusqu'au y, elle commande le groupe dans les premiers instants de 1'^,
puis elle cède au son fondamental qui prend le dessus et s'efface pour
reparaître bientôt et régner seule au moment où le son s'éteint.
Des tracés de ce genre, fréquents dans quelques expériences, sont rares
dans les autres. Je n'ai d'ordinaire que des vibrations correspondantes à
l'octave grave. Il nous sera possible d'en découvrir la raison quand nous
aurons comparé entre eux les tracés obtenus pour les vibrations des divers
organes.
Les vibrations du nez recueillies avec l'explorateur électrique du larynx
me donnent de très beaux tracés. Elles répondent à l'octave grave du son
émis. Il en est de même de celles de la langue prises sous le menton ou
sous le palais et de celles des lèvres que l'explorateur des lèvres ne m'a
données qu'une fois, et que j'ai recueillies avec la capsule exploratrice.
Nez :
Fig. 107. Vsse D.
Entre 300, et 360 v. s.
i8o
l'abbé rousselot.
Dents (voir fig. 86). Les vibrations répondent au v. — 300 v. s.
Langue :
Fig. 108. Vsse C.
Langue
Larynx
u 400 v. s.
Lèvres : vava (fig. 84) — 260 et 280,
Fig. 109. Vsse D,
Lèvres
Larynx
{Expl. à air)
S Û l-
Les vibrations du larynx méritent une étude spéciale en raison de leur
importance et des questions qu'elles soulèvent.
Recueillies au moyen de la capsule exploratrice, elles sont toujours
d'une très grande pureté, et aucun doute ne peut exister quant à leur
nombre.
J'ai pour des mots isolés de 360 à 460 v. s.
Fig. no. Vsse C.
Pression de
l'air sortant
de la bouche
Larynx
{Expl. à air)
LES MODIFICATIONS PHONèTIQUES DU LANGAGE. l8l
Dans un récit, de 280 à 520 v. s.
? j-û-r k—o
y à— in
)• d-ty-à
440 520 400
360
340 320
vi—à--ï—iv--r-û , etc.
280 320 340
Le nombre des vibrations indique pour les mots isolés fa^****^ et la"*'***,
c'est évidemment l'octave grave du son émis. Pour le récit, le chiffre le
plus élevé, 520, donne ut? qui n'est pas possible dans ce cas; le son émis
pouvait fort bien être ut 4.
Une fois, les vibrations ainsi recueillies sont complexes et marquent
l'octave aiguë, c'est-à-dire le ton naturel de ma voix. Ces vibrations
complexes, qui se soupçonnent à peine dans la figure, sont très nettes
dans l'original. Elles ressemblent à celles de la fig. 98, 2^ ligne.
Fîg. lU. Vsse c.
Lè\Tes
Larynx
{Expl. à air)
l îï V e — r j u--—f—ri
Quand les vibrations sont prises à l'aide de l'explorateur électrique, le
compte en est moins facile, parce que la difficulté du réglage en fait perdre
un bon nombre.
Dans des inscriptions bien réussies, je trouve pour le larynx le même
nombre de vibrations que pour la langue et pour le nez, par exemple :
ù é é œ œ œ œ
^ ^ f 360 320 320 (D"^ R.) 280 240 260 260
mô nô ana anima amfa àp pétrin
Nez. . .)
y J 480 320 360 360 320 400 260
in krè n pré—té—nà tu se prâ — dri le d tnd atu
Nez )
Larynx .1 "^^^ ^°° ^^° "^"^^ ^^^ ^^° +^^ ^° -^° ^'^^ ^^°
Mais, comme l'explorateur à air, l'appareil de M. le docteur R. montre
quelquefois des notes plus aiguës. En voici un exemple remarquable :
182
LABBE ROUSSELOT.
Fig. 112.
Vsse D.
tn-
—n — a
520 et 480 V. s., c'est-à-dire Vtit de la gamme naturelle et le si d'en bas,
c'est bien, à n'en pas douter, le son émis par la voix de baryton de M. le
docteur R.
J'ai quelques autres tracés analogues, par exemple dans le conte du
Petit Poucet : 6àpél-àv lé
560 480
et ailleurs je trouve :
Fig. 113. Vsse B.
2 1/2 et 3 V. d. par ^ de seconde, soit 500 et 600 v. s. à la seconde.
II y a plus. Non seulement le ton perçu par l'oreille se montre ainsi dans
les inscriptions ; mais encore nous pouvons y reconnaître un ou plusieurs
des sons partiels. Dans le tracé reproduit plus haut, on voit à la loupe des
sinuosités régulières qui doivent être attribuées aux harmoniques. J'en ai
compté 6, 6 1/2, 7 par centième de seconde, soit en vibrations simples
1,200, 1,300, 1,400 par seconde. Dans bien des cas, chacune de ces
sinuosités paraît partagée en 3, ce qui donne 3,600, 3,900, 4,200 v. s. par
seconde. Ce fait n'est pas très exceptionnel. On peut l'observer encore
dans les tracés pris avec la vitesse moyenne du régulateur. La difficulté
de les compter à une échelle si petite a fait que je les ai négligées , sauf
une fois (p. 124).
D'autres fois, le larynx inscrit moins de vibrations que le nez ou la
langue.
Ainsi, dans une expérience, les vibrations inscrites sont juste la moitié
de celles du nez (cf. fig. 41).
LES MODIFICATIONS PHONÈTiaUES DU LANGAGE. 183
pô — pÔ dyabl iûn à pur
Nez 560 480 440 480
Lar}'nx 280 240 240 240 220 240
Dans une autre, à laquelle appartiennent les tracés reproduits fig. 39,
40 et 47, j'ai une seule vibration du larynx inscrite pour 3 du nez, môme
pour 4 ou 5.
in po pa n àjà
Nez 520 480
Larynx 160
L'^ de àjà a 12 vibrations nasales pour 1/2 dixième de seconde; or le
larynx n'en a que 3, soit une pour 4, et, à côté, 2 grandes valant 5 vibra-
tions nasales et une petite en valant 2. La syllabe qui suit est de 7 vibra-
tions, ce qui doit correspondre à 14 vibrations nasales. Cette irrégularité,
on le voit, se fait toujours suivant des nombres entiers, ce qui permet, en
dehors même du contrôle du nez, d'établir le nombre exact des vibrations
laryngiennes.
S'il y a dans les faits que je viens de relever autre chose (comme il
semble bien) que des erreurs imputables à l'imperfection des appareils, et
si les vibrations des cordons laryngiens sont bien les mêmes que celles que
nous recueillons sur le cartilage, il faudrait croire que le larynx ne vibre
pas à la façon des anches, mais bien comme le cordon de M. Melde, Un
mouvement vibratoire de totalité répondrait à la note la plus grave, et
divers mouvements partiels donneraient en même temps les notes aiguës.
L'explorateur inscrirait les uns ou les autres suivant son degré de sensi-
bilité, et aussi peut-être suivant la région explorée et l'importance rela-
tive des mouvements observés. Le mouvement vibratoire le plus facile à
inscrire serait l'octave grave du ton perçu par l'oreille. En outre, le son le
plus grave ne donnerait pas la hauteur du son complexe : au-dessous du
son fondamental , il y aurait des sons partiels qui ne feraient que le ren-
forcer, comme il arrive pour les notes les plus graves du piano, qu'on
n'emploie en musique qu'associées à leurs octaves supérieures, « auxquelles
elles ajoutent le caractère de leur gravité en laissant encore appréciable la
hauteur du son. » (Helmholtz, Théorie phys. de la musiquCy p. 24.)
Je ne puis pas entrer ici dans la discussion de cette théorie. J'aurai
l'occasion d'y revenir quand j'aborderai l'étude physique des sons emplo)'és
dans la parole. Ce qu'il me suffit de constater pour le moment, c'est que
les mouvements vibratoires des organes de la parole nous fournissent le
moyen de déterminer, sinon la hauteur absolue d'un son, du moins l'inter-
valle qui sépare deux sons successifs.
184 l'abbé rousselot.
En effet, si la hauteur absolue peut faire quelque doute, si une erreur
de gamme est possible, il n'y a pas d'hésitation sur les intervalles, car
on a toujours le moyen de reconnaître si le passage d'une gamme à une
autre est réel ou apparent. J'ai du reste sur ce sujet des faits positifs.
Dans une expérience, M. le docteur R. prononçait anima, le second
a étant à l'octave aiguë du premier. Or j'ai compté pour le premier
Fig. 114. Vssc C.
a — mm a (D"" R.)
18 vibrations simples pour la durée à' un dixième de seconde, pour le
deuxième, 36. L'octave est juste. Après cela, M. le docteur R. a exécuté
sur les mêmes syllabes un accord parfait. Nous avons eu pour un dixième
de seconde : 1° 20, 2° 25, 3° 30, 4° 40 v. s., ce qui concorde exactement
avec les données scientifiques : la note grave étant i, la tierce majeure est
5/4, la quinte 3/2 et l'octave aiguë 2.
Ces chiffres sont assurés par l'accord du nez et du larynx. Ils répondent à
peu près à soP ^'^"-^ (204,81), ut^ (256), ré^'^'^^'^ (307,2), sol^'""^ (409,63).
On voit que le larynx de M. le docteur R., comme le mien, n'enregistre
d'ordinaire que la moitié des vibrations nécessaires pour le son entendu ,
c'est-à-dire qu'il donne l'octave grave de ce son.
Après ces préliminaires, je vais donner le total par seconde des vibra-
tions simples que j'ai comptées dans diverses expériences, écartant tous
les chiffres douteux, ce qui m'obligera à laisser de côté un grand nombre
de documents utilisés jusqu'ici.
Les chiffres relatifs à un même tracé et réunis par des accolades indi-
quent les vibrations simples qui entrent clairement dans les vibrations
complexes, comme fig. 96 et 106. Les chiffres imprimés en caractères
LES MODinCATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE.
185
gras marquent les octaves aiguës par rapport aux notes voisines sans que
l'octave grave apparaisse dans le tracé.
§2-
Mesure de la hauteur des sons.
Je commence par citer quelques mots de M. le docteur R. recueillis
à l'aide de l'inscripteur de la parole (A) et de l'explorateur électrique du
larynx (L). Les tracés de l'inscripteur de la parole sont empâtés et ne
laissent voir souvent que l'octave grave. Mais ceux du larynx sont remar-
quablement beaux. J'en reproduis un :
Fig. 115. V«se D.
p--a--p--a
360 360
b a-
p-a b a
280 280 300
^
a (D^ R.)
f-a
220
280.360.
J "
,240 320
280 280
240 240
220
320.280
320.360
440 440
280 240 240
200 . 240
300.300.
,280 300.280.320
320 320
y ri n
280 260 260
/"_fl
320 280
280 400
"7 "
280 320
j—a
320.
300 245 300
t~a d~
—a 360
240 320
320
240 340.280
320 280
320 360
245 320
m—
-an — a
280 480 480
1 L. 240
520
) A. 480
iL. 580
480
/ A. 260
Je passe maintenant aux sons de mon patois.
i8é l'abbé rousselot.
VOYELLES ISOLÉES
Vibrations du larynx (expl. électr.). Les voyelles à, é, /, ô, u, «, œ
prononcées ;\ la suite les unes des autres ont donné constamment dans
une série d'expériences 280 v. s. à la seconde.
GROUPES DE DEUX SYLLABES
Vibrations du larynx (expl. à air) :
p-a--p--a , avec un accent intentionnel sur la finale.
360 640
p-a-p-a, prononcé à l'ordinaire ^
360 460
Vibrations du larynx (expl. électr.) :
à—p—à a-p—a im f-à de là kà€ — e — tt
300 360 260 400 300 320 480 400
560 480
600 520
Vibrations du nez recueillies avec l'explorateur électrique appuyé sur
une narine :
ô—b—ô ô~f—ô Ô—V--Ô ô-t—ô ^
300 340 320 360 320 360 320 360
ô—e--ô ô-k—ô ô—j—5 ô—r—ô
320 360 320 360 340 420 340 400
360 400
Vibrations des lèvres recueillies avec la capsule exploratrice. — Vibra-
tions de l'air :
V — a V a V a v a v a v a
Lèv. 260 280 260 280 240 280 260 320
.. \ 320 \ 340 i 320 \ 280 i 320
( 640 \ 680 I 640 (560 I 640
Vibrations du larynx et du nez (expl. électr. et explorateur du nez) :
af- — ba a — mm — a a — m — a a — n — fa ap — n a
N. 300 320 280 320
L. 280 320 280 300 320 320 320 340 280 280 320 280 320 320
^ Voir fig. iio. Il ^Fig. 107.
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE. 187
Vibrations du larynx (expl. électr.) — Vibrations de l'air (inscript, de
la parole). — Les vibrations de l'air sont empâtées; celles du larynx ne
sont nettes que pour les consonnes.
p--a--h--a f—a — v û t—a d a
A. 320 300 A i 320 I L. 320
320 600 \ 640 j ( 240
300 300 56o j A. 320 320 j . . . [360]
340 360 600 ( ( 720
340 320 ( 160 l L. 260
j 320 300 320 \ A. 300 320
( 640 i L. 280
( A. 280 320
k—a ^ a €—a — •/ — a
A. 560.480 440 (?) A. 320 320
L. 300.280 6--a ;^ a
\ L. 260 \ L. 260
( A. 320 320 \ A. 320 320
ga — ka ( L. 280
360 360.720 \ A. 300 340
\ L. 270
( A. 280 340
L'empâtement du tracé des vibrations de l'air ne permet que rarement
de distinguer la noie sentie quand elle est associée à l'octave grave. Elle
apparaît surtout quand elle s'en détache, comme dans le dernier mot que
je viens de citer.
GROUPES DE TROIS ET DE QUATRE SYLLABES
Vibrations du larynx (expl. électr.). Elles sont fort belles.
p-a-p-a-p-a p-â-p-â-p-â p-à-p-o-p-o
320 360 360,410 290 360 400 380 380 400
300 360 400 320 360 410
p-œ-p-œ-p-œ p-ô-p-Ô-p-ô p-à-p-à-p-à
340 360 400 360 400 440 360 360 400
400 360 440
Vibrations du larynx (expl. à air) :
p-a-p-a-p-a a-p-a-p-a-tp-a
400 360 440 480 400 360 440
l'abbé rousselot.
PHRASES ET DIALOGUES
Les phrases ou parties de phrases qui suivent ont déjà été traduites dans
k chapitre précédent. Quoique l'ordre, dans lequel elles sont rangées, ne
soit pas le même, on les retrouvera sans peine, les feuilles d'expériences
étant désignées, comme plus haut, par des chiffres romains, et les lignes
par des chiffres arabes.
Vibrations du nez et du larynx. Les tracés sont ordinairement bons et
d'une lecture facile. Les vibrations du larynx et celles du nez concordent.
Celles du nez donnent souvent la gamme exacte avec l'octave grave. Celles
du larynx ne donnent, sauf deux cas, que l'octave grave.
/ — u n — â — 5e~ii p--à by~e
i 400
i 800
L. 400 360 400 360 320
N
N.
V. I. m--d p--ô--v py-à r ë v p-â--yr--ë
N. 480
L. 480 440 440 420 420 440 300
hvuvuj~è 0 n Ô. . . .
Il 360 320
I 720^ 640
L. 480 400 320
.... .fobpr-à dr e €--è~và
( 320.360 380.300 ( 380
N. 100 400 ; ^ \ ^ \ \^
* ^ ( 640.720 760 I 760
L. 1,200^ 300.320 380
2 . pr pârt—ï dé pu m à — / — ï ....
N 400 440 j ^600
L . 400 400
3 . kœ blâ n epïj pà dé k ta k-ûm ko fà:^ â — t — â
{ 360 j 360 400 [ 240
/ 720 j 720 ( 480
400
1.200^
N.
ï Vibrations très rapides et secondaires. 6 doubles par ^^ de seconde.
LES MODIFICATIONS PHONÉTiaUES DU LANGAGE. 189
« n br — è—g pà t—à — 4. k—ê d — ç-tr-4 f — t —
N. 360 360 400 440 400 500 440 300
L. 380 440 300
5 . s — Ô ppà ê sa k—î—t mm à sô kî
L. 400 420 400 360 400
6. firs è pt—t pr à su
N. 440 500 440 j ^^^
L. 400
VI. I. àp, y— à! k~ô-k—î —
N. 360
L. 400 480 280
2. l-à bàlUs—o—d p-o—trï—tt
N. 260
L. 320 380 400 300.260
4. j—ti-g, p-è — / — t — œp ! g—œ—là~r! « heup! gueulard! »
XT I 320 . i 280 o ,
L. 280 400 340
Vn. I. y à — t—â b €-à—tà.
T,T i 140 180 , i 160
N. ] ^ , 160 i
( 280 360 ( 320
L. 140
2 t--û s — ê b s è -fi-lâ su të
XT o ( 360
N. 320 400 380 I •'
-^ ^ -^ ( 720
L. 380 400 320
. . . .u p — / F bè b y è ^
VT , \ 320 280.240
N. 320 360 500 320 320 340 , ^^„^^„ jgo
L. 320 320 320
* Voir fig. 106.
î^o l'abbè ROUSSELOT.
3 . — / n pô pà €--à — ta kû-m ô f—o ^ p-às k — î 5-u
N.j 400 400 400 360 400 400.400.600
L. 360 400 420 360.320 360
tu r~o—€ — û. — 4. (Jià pas tu .?) / k — r è k v € — â-trî--è
\z
L. 400 300 360 480 440 440 500
s — î V — ê—v j-b-rs—à—v — è ^ è ptî ^ ô. — ïn
XT ô ( 480 i 400
N- 400 4B0 440 \l^^ j^^^
L. 400 380 400 480.440 440 320 400
kr ê p-à. — 5 . {kî pùj) î f—è—r-e €—o~f—à d--è s-ër
N. 480 éoo 460 460 440 440.420 400 500
L. 340 460 400 420 400
îin € b s k-i à--tà€-re 0 — / — ûr
N. 400 640.300 440 440 440 j ^^^
L. 400.320.300 320 440 460 480.420.360
d-œ k-o. û p'r — été — n â 3 — 6. kê kwè bô pr
N. 480.360 j ^ ' '^ 360 380 440 440 480 440 (?)
( 640
L. 320.260 380.440 440 (?)
f-'êr p — à — s — à k — ô — k — î t pr — à--d--n
N. 440.400 440 480 440 ^ 240 440 500 480.480
L. 400 440 480 440 300 500
b è l ê d p-îi / à~t—îl
1.T O \ 220 ( 440 _ (360 __ __ -.
^- 480 440 j ^^^ 440 440 I ^^^ 600 j ^^^ 56o.58o.56o
L. 480 440 440 300 360
8. in-e î n è pà è kît Û. —
XT ^i\ i 280.240
N. 520 440 440 440 400 (?) I ^^^
L. 440 440 440 280
ï Voir fîg. 57. jj 2 Fig. 38 (la ligne nasale manque dans la gravure).
11 ' Fig- 49-
LES MODIFICATIONS PHONETiaUES DU LANGAGE. I9f
â n â m té? —
N. 480 480 440 500
L. 480 480 480
VII. I. tn krè pà. k—ë—l €—<~t—ï c—à—t l^ô tn khs-à kl — e. —
N. 320 440 420 480
L . 400 280
{km — a) k—ô—k--ô—t — è à vy à p — Ô—g—ù.
N. 520 480 600 520 400 400 440 ^
L . 440 280
è 5—é--r k-y-à-i-i €--à l — û
KT o o i 360 ( 360. 360.320
N. 480 520 380 420. ^ ,Q .
^ ^ f 720 680.640 / 720 720
L. 480 360
p~t—k—o n à d—i—5~î ké l-à fœl
( 120
N. • ;;~ _ 400 480 520 720
/ 640 520 ^ ^ -' '
L. 52o(?) 480 400
dé r—d dr àt—y â bû—n à—t — û
N. 560 440 400 600 j ^
L. 560 420 360 600
à V — é — k d à m è
XT \ 360.280.280 360 i 240
N. 440 520 ^ , 440 400 ] ^ \ 1.
^^ ^ { 720.560 ^^ ^ ( 720.740 I 480
L. 500 240
3. t—à~^ à b œ / è à n à~t—é — / — e àgù
N. 600 560 520 560 500 400 440 360
L. 560 440 360 360 400
k-t--à nàd? — wa, etc. — (Le reste serait bon mais n'apprendrait
j^ i 360 ^^ rien de neuf.)
I 720
L. 360
Les tracés suivants sont empâtés. Le larynx ne donne que l'octave
grave du son marqué par le nez, la contre-octave du son réellement émis.
192 l'abbé rousselot.
I. I. à~t~â-t — M £ — â — t—à kœ kuk—u? — t — à!
N. 440 480
L. 240 240 200 200 280 320
ek-îi-t , €-â t-tœ 6 — ô su !
N. 480.440
L. 300 520
wè k—ô~t—à, t~al. . . — (Jw pà6 dèsu tè),
N. 560 640
L. 300
6--è k-t-û puj à — / — à-dr. tàe
N. 540 560 480 560
d'-à pr — â — dr l —
N. 520 480 560
II. 3. k~ô~n fà p—à h—ô p—à—s~à su Me f~ô—6—à
L. 400 480 520 440 480 360 730
III. I. k~â drà-tù àehà? — 2. pà e~k~è—r. —
N. 520 460
L. 309.260.240
4. ta k—î ê jôlt p-ô~p — d!
N. 480 400 520 560
L. 280
à-t Va- tu pr-e t — 5 p-ô—p—ô. —
N. éoo 560 560
L. 300 280 280 280 240
5. kœ p—Ô—p--ô! t Ve à—et à à t-ô t~ô—t~d. . . .
N. 480 éoo 480 600 ] " f- '
L. 300 260 300 280
6 dy-â-hl t-ûn à p nr!^
480 440 440 480
240 240 220 220 240
8 û tet k-îïm e bîk—ê
520 480
320.260
^ Voir fig. 41,
LES MODIFICATIONS rHONETIQUES DU LANGAGE.
193
I\'. I. lii bîk-c né m-à pà ta kkô.
N. 400 480 520
L. 400 400
RÉCIT
J'ai choisi comme exemple de récit le commencement du conte du
Petit Poucet qui fournit des intonations très variées. Voici le texte et la
traduction :
è jur ko y àin un ôm è
fin fœm k àvyâ sH àfà.
le pu jcn^ k ati grb kftm
rë, sàpêlàv l pit pési.
V atyà tnàlœniy niàlœrii
kûm là pyèrè : ï n^àiyâ,
bûn jà! pà d kît
pà à mtjà. ê sèr kè lôtn
ë là fœm ètyâ à s €ofâ, lu
pie su lu làdië : « k Vîi-tfi ,
ma pov fœm, kè disî ICym,
fbb kè nàjâ lé pàrdr :
ïn pô pà lit ver svfrî pâ
lôtà. »
Un jour ça y avait un homme et
une femme qui avaient sept enfants.
Le plus jeune, qui était gros comme
rien , s'appelait le Petit Poucet.
Ils étaient malheureux, malheureux
comme les pierres : ils n'avaient,
bonne gent ! pas de quitte (même de)
pain à manger. Un soir que l'homme
et la femme étaient à se chauffer, les
pieds sur les landiers : « Que veux-tu,
ma pauvre femme, que dit l'homme,
faut bien que nous allions les perdre :
je ne puis pas les voir souffrir plus
longtemps. »
L'inscription d'un morceau de quelque étendue ne se fait pas d'ordi-
naire sans de nombreuses lacunes. Pour les combler, j'ai renouvelé plu-
sieurs fois l'expérience tant avec l'explorateur à air qu'avec l'explorateur
électrique.
Je donnerai d'abord tous les renseignements que j'ai recueillis, et puis
je tâcherai de les fondre en une notation unique.
Je désigne par L. A. les vibrations laryngiennes prises avec l'explora-
teur à air, par L. E. celles qui ont été recueillies avec l'explorateur élec-
trique, par L. les vibrations linguales, par N. les vibrations nasales. Les
chiffres arabes désignent les diverses expériences. Dans le relevé qui suit,
je m'attache de préférence aux parties qui complètent la meilleure
inscription.
arVTE DES ?ATOB. — IJ.
194
l'abbè rousselot.
L. A.
L. E.
L. A.
L. E.
L. A.
L. E.
L. A.
L. E.
400 440
520
480
280
320
40 ■•
320
320
û
440
400 . 400
320
280
300
k--à—v—y-
300
360
240 160
—û r h ô y à V 1
460.520 340 320 480
600 440.440 380 400 360 420.440
520.520
240
320
380
280
400
300
—n
360
360
360
600 (N)
150
o~
320
— m
360
360
240
240.240
320
400 . 400
280
300
280
è
un fd'tn
320 400
320 280.240 280 360 240.400
320 320 320 3:
;20
120
320
320
320
q2o
à
360
5 ë 1 â—f-
400
320 320 320.320
320 320 300
. l-è
320
280
280
440 (N)
300
300
400
280
300 280
p ^
380 400.380
480 . 440
400
200
120
260
330
240 200 240(?)200
240 280 280.240 200
320.280 320
300 300 340
400 (?) 280
j—ê n k—à--t—t
340 480
200 200 220
240 220
320 300
360
320 280
360 250
320 330
320 300
g r è
360 320
360 380.340
220
360
330
300
LES MODIFICATIONS PHON'ETiaUES DU LANGAGE.
19)
2
L. E. . 3
5
6
k il m
280 320
320
400 320
( 56o(N) 200 200 240 240
200
( .
360
2S0 200
r-è 5--ii--p-i' / -àv l--è p-tï
400
400 320
56o 480
320
280
320.300 300 300
320
320 300
320 260
p—u—s—è.
L. A.
L. E.
360
360
320
320
360
280
y à~t--y à m à- — ht r à
400 440 1:20 340
^20 340 340.260 280 360 280 320 300.360
340 320 280 320 320 340 320.300
280
340 340
280
320 ^60 280 320
340
L. A.
L. E.
320
320
320
480 440 360
360 320
340
300
320
280
300
300
340
280
340
l"à p—y é—r--
320
280.280
280 300 280.300
360 240
320
280
320 340
280 320 320
280
L. A.
L. E.
/ n--à — V y à, b-n-n /-
^ I. 320
/ 3. 360
3. 320
4. 320
5. 280
à!
320 280 360 320 360
360 420 340 320 360
p — à
320
320
6. 310 300 280 300 320
7. 400 400
260 300.320
400.360 380
310
300
196
LABBE ROUSSELOT.
L. A.
L. E.
L. A.
L. E.
L. A.
L. E.
L. A.
L. E.
L. A.
L. E.
L. A.
L. E.
d--è k-it p--à à m-tj—à.
360
360 360
ê s ë r ké l — ô m
360.300 360
320 340
320
300
320
320
320
320 290 320 300 320
340
\6o
400
ë
360
l-à
320
f--œ-m àty à
360 360.280
!20
320
320
320
3. 320
5. 320
6. 320 280.300 300
7. 340
/ û pi ë
I. 320.340 340.300
( 320.400.340(1.)
\ 320.400
320.360
360
300
300
400
à
\ 280
/ 56o(?)
320
300
300 320
300 280.280
360 340.320
s—é €—o--f- à
280 360.340
320
320 320
320
316
320
340
6 Ù 1 Û
340.300 320 340.280
3 60 4C0
300
350 320
300
là di — ë, lu dr 0 /, //
250.400 380 360.320.340 380 360 300
\ 280.350 (L)
\ 280.350
280
320
à — ty à kû€-â kv — û t-ii m — a p-o--v j — x- — m,
320 320 300 280 400.360 440 480.400 340 280
280 360
280 280 320
280 280 340
320 300 320 400.400 340.300
k-è d-i-s-t 1—0-7)1. f- — 0 b k-è n--â--j--à l û
360 280 300 420.320 360 340.380
300 300 330 400
320 300 360 320
300
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE.
197
3. 360
p~à—rdr. î—n p ô p-à l—û v—€~r
I. 460 360.320 320.300 360.280 320.360
i 320
i 640
5. 340 300 320 320 280.320
s-ii-fr—î p-H l~ô-t~à.
( I. 320 320 280
' 3- 340
L. E. 5. 320 320
L. A.
L. E.
L. A.
Il est assez facile avec cela de restituer une notation complète du mor
ceau. Je le fais en choisissant pour base l'expérience L. A. i., et en la
complétant soit avec des chiffres empruntés aux autres, soit avec des
chiffres que je suppose d'après l'ensemble des données obtenues. Les
chiffres empruntés sont mis entre crochets; les chiffres supposés sont mar-
qués d'un astérisque. J'ajoute les notes musicales les plus rapprochées du
nombre des vibrations. Les chiffres indiquent la gamme d'ut ^ ; mais il
faut les doubler pour avoir la gamme naturelle. Nous avons rencontré çà
et là l'indice que le son inscrit est à l'octave grave du son émis.
400 440 460 520
340 *290 *3oo 320 480
I
m
i
^
^
i^
ko
y a V ï
440 360 320 [280 240] *30o 320 *340 400
i
-A^
M
1^
300 [280] 360 [320 280 320] *300 *260
lot
P 1^
x:^
kâ-
-vy à
se-
198
l'abbé rousselot.
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LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DL LANGAGE.
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200
l'abbé rousselot.
A un moment où je ne savais pas encore si je pourrais déterminer la
hauteur des sons par des moyens mécaniques, j'avais eu recours à l'oreille
exercée de M. Ballu pour me renseigner sur ce point, et j'avais choisi
comme thème les quelques phrases que l'on vient de lire. La notation qui
fut faite alors est assez semblable à celle que j'ai obtenue peu après à
l'aide de mes appareils. Les différences, en effet, tiennent soit aux variantes
inévitables du débit, soit à ce fait que, pour rendre plus facile la tâche de
M. Ballu, j'avais élevé le ton habituel de ma voix.
Depuis, environ deux ans après, j'ai eu l'occasion de demander à mon
compatriote, M. Dumas, chef d'orchestre et violoniste, une nouvelle
notation du même morceau, débité cette fois sur le ton ordinaire de la
conversation.
Je livre ces deux notations, où, à travers certaines différences, on
retrouvera le même fond. Ce sera comme une épreuve de mes moyens
mécaniques, et en même temps un exemple de l'impression définitive
que laisse dans l'oreille la hauteur changeante et souvent insaisissable de
l'émission réelle.
NOTATION DE M. BALLU
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LES MODIFICATIONS PHONÈTiaUES DU LANGAGE.
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LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE.
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Les chiffres relevés dans ce chapitre nous permettent de faire les
constatations suivantes :
1° Les voyelles isolées ne se distinguent pas, dans les limites de la voix
ordinaire, par une hauteur musicale propre à chacune d'elles. En effet,
émises à la suite les unes des autres, elles conservent sans peine le même
ton (p. 122). L'expérience signalée p. 114 ne saurait faire difficulté, car
les voyelles citées n'ont pas été prononcées dans le même instant, et
puis les différences de ton qui existent ne peuvent être attribuées à la
hauteur naturelle des voyelles, attendu que ô et ^ ont été dits sur un ton
plus élevé que à et e. Cette remarque nous permettra de pousser plus
loin que pour la quantité notre étude sur le discours suivi, où nous ne
serons plus astreints à ne comparer que des sons identiques.
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE. ^0$
2" Les consonnes sont en général moins aiguës que les voyelles
i k~r ë (p. 126), €-a — -; a, etc. (p. 123), s--a ;^ a (p. 123)
400 480 400 228 320 300 228 340
Plus rarement, elles sont du même ton : k--a — -ç a (p. 123).
320 280 280
3° D'ordinaire le voisinage d'une voyelle rend la consonne plus aiguë
et celui d'une consonne abaisse le ton de la voyelle : m — m a (p. 135)
360 420 480
fa — va (p. 121), voir surtout le beau tracé reproduit fig. 115 :
320 300
200.220.240 I 300.300.280 I 320.280.320.280
4° La voix (je veux dire la mienne) varie souvent de hauteur
pendant la durée d'une même syllabe : by 1 (p. 125)
640.640.560.480
baf a (p. 121) at u (p. 126).
340.360.340 560.580.560
Ces chiffres ne rendent qu'imparfaitement compte du phénomène. Il
n'y a pas changement brusque de ton, mais progression régulière; on
voit très bien les vibrations devenir de plus en plus larges pu étroites,
par conséquent de plus en plus lentes ou rapides (voir fig. 115). Pour
donner une idée exacte de la chose, il faudrait mesurer chaque vibration.
On a pu remarquer, dans les tracés (fig. 73), que le régime du souffle
varie aussi pendant l'émission d'une voyelle qui me donne une impression
unique.
5" Il existe un rythme musical, comme il existe un rythme temporel
et un rythme intensif. Mais ce rythme nous apparaît moins entravé
que les deux autres par les conditions matérielles de l'émission, et le plus
apte par conséquent à rendre les nuances de la pensée.
Dans les groupes artificiels, il semble peu différent des rythmes déjà
étudiés. Les mots de deux syllabes ont, d'ordinaire, l'accent d'acuité sur
la seconde syllabe qui se trouve plus aiguë que la première d'un inter\Mlle
qui varie en moyenne entre un ton et un ton et demi.
Même, dans le discours suivi, lorsque rien ne contrarie le rj'thme
musical naturel, nous trouvons la même différence dans les mots de deux
syllabes. Ainsi nous avons rencontré pasà « passer » avec 400 et 480 v. s.
(p. 126 et 128), kàvyà « qui avaient » avec 300 et 360 v. s. (p. 130).
206 L*ABBÈ ROUSSELOT.
Une seule expérience (p. 123) donne des résultats différents. Nous y
trouvons :
I" syll. < 2= syll., 6 fois; =, 6 fois; >, 3 fois.
Comment expliquer ce fait unique ?
Je n'y vois qu'une seule raison. Je me suis livré à ces expériences
immédiatement après des expériences analogues de M. le docteur R. qui,
ai-je dit , est bourguignon , et qui a conservé la tendance naturelle à ses
compatriotes d'élever la voix sur l'avant-dernière syllabe (voyez p. 121).
C'est sous l'influence de ce que je venais d'entendre que j'ai dû modifier
mon accent naturel. Ce fait a sa signification : il montre que l'accent
d'acuité n'est pas bien solidement fixé chez moi sur la dernière syllabe ,
et qu'une cause légère peut en amener le déplacement.
Les groupes de trois et de quatre syllabes ont tous un accent d'acuité
sur la dernière syllabe. La première syllabe a été une fois la plus aiguë
du groupe. Mais cela n'a rien d'anormal, et n'empêche uas que le
rythme musical ne concorde avec le rythme intensif et le rythme
temporel.
Mais où une différence se manifeste c'est dans le traitement des atones,
des toniques secondaires, et surtout dans les phrases.
Les groupes oxytons contiennent les formes suivantes, où les degrés
supérieurs d'acuité ou de gravité sont marqués par la répétition du
signe ^ ou ^ :
1° u
i ) 6 fois.
2° ^
i ; 2 fois.
3° ; \
;; 2 fois.
4° ;;
\ u ; I fois
Nous y voyons se dessiner les formes dominantes dans le discours suivi,
dans lequel l'acuité suit une marche croissante ou décroissante et dépasse
le cadre des rythmes intensif et temporel.
Les groupes terminés par une atone ont l'accent musical à la même
place que l'accent historique, alors même que l'atone est devenue plus
longue et plus intense que la tonique. Ainsi [dé là ka]€çâ (p. 122) donne
) y — 440, 400 v. s. pour une durée de j^ et ^ de seconde. Il en est de
même dans le discours suivi quand le mouvement de la phrase n'exige
pas un déplacement de l'accent musical; par ex. : kôkotë (p. 127) Mi ; [ —
480, 600, 520 pour une durée de 6, 8 |, 11 | centièmes de seconde;
àbœle (p. 127) : m ; u m — 560, 520 et 560, 500 et 400 v. s.
6° La phrase est un chant dont la mesure suit l'intensité ou k quantité
des syllabes, et la mélodie, avant tout, les mouvements de la pensée.
LES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES DU LANGAGE. 207
L'accent d'acuité frappera volontiers les syllabes les plus intenses et les
plus longues, mais il n'y est pas lié. Les atones posttoniques peuvent le
recevoir. Dans âmltçl^ àgft? « en ont-elles eu? » l'f a porté l'accent tem-
porel puisqu'il a duré ^ de seconde, et 1'^ final ^ seulement; il a dû
aussi porter l'accent d'intensité, c'est ainsi du reste que je le sens. Mais
c'est Vt final qui a reçu l'accent musical : 500 s. v. contre 400 à IV pré-
cédent (p. 127).
Inversement des toniques intensives peuvent devenir des atones musi-
cales dans le corps même de la phrase : kél €eti €àt (p. 127) : \ > \ yy n —
320, 440, 420, 480 v. s.; viô pqv pyàrç,.... (p. 124) : M \ u — 480, 440,
440, 420 V. s.; ma pqv fcBm,.... (p. 132) : M u — 480, 340, 280 v. s.;
î prâdrib e lé dpîiL... (p. 126) : u ; u u u u — 440, 500, 480, 480, 440,
440, 440 V. s.
Les finales de phrases, lorsqu'elles sont conclusives, comportent une
ou deux atones La B, potrîn (p. 125) : m — 400, 360 puis 320 v. s.;
[prfér] pàsâ kôkî (p. 126) : w ] i u — 440, 480 \ 440, 300 puis 240 v. s.;
.... [k tm kô]kote àvyâpôgu (p. 127) : ;m | u i | vu wu — 600, 520 | 400,
440 I 360, 280; . . . tàké dotrefè (p. 125) : M ;; ; u — 440, 400, 500, 440,
300.
Lorsque le mouvement de la phrase fait concorder les divers accents,
l'acuité normale est accrue sur la syllabe frappée :
ké pôpô!... (p. 128) : 480, 600 V. s.
Note sur les sons disparaissants.
Nous avons déjà eu l'occasion de considérer certains sons en tram de
disparaître, et nous avons pu constater que les premiers pas dans cette
voie sont marqués : pour les consonnes sonores, par la perte des vibra-
tions larj'ngiennes; pour les voyelles, par une diminution de l'intensité
et de la quantité. Il serait inutile de revenir sur ce sujet, si je n'avais à
rapporter un fait qui n'a pas trouvé sa place jusqu'ici et dont l'impor-
tance est considérable. En effet, il nous montre, non le commencement,
mais la dernière étape d'une évolution ; et il nous révèle la présence d'un
je ne sais quoi qui remplace une consonne disparue.
Frappé par la différence qu'il y a dans le parler d'un Lorrain (La
Chaussée, Meuse), entre àp « arbre » et le composé normal àp^ différence
2o8 l'abbé rousselot.
que j'attribuais au p représentant d'un ancien b, j'entrepris une expé-
rience pour résoudre la difficulté.
Dans les tracés que je pris, rien ne décèle une articulation spéciale
pour le p de ap « arbre » ; mais un espace sourd marque la place de l'r,
tombée pour l'oreille. La comparaison des deux tracés, si l'on rapporte
l'instant où le larynx cesse de vibrer avec celui où les lèvres se ferment,
ne laisse aucun doute à cet égard.
Fig. ii6. Vsse c.
Larynx
Lèvres
à -p (arbre) à-- p
Qu'est-ce que cet espace sourd? est-ce un simple silence? est-ce un
bruit? Sans avoir la certitude, je pencherais pour la seconde hypothèse
en raison du son étrange qui frappait mon oreille et que j'attribuais à
tort au p. A coup sûr, ce n'est plus une r.
Ainsi les lettres vivent encore alors que nous les croyons mortes, et
leurs derniers moments nous échappent comme leurs premiers.
Les conclusions de cette première partie sembleraient appeler des
modifications importantes dans la graphie de mon patois. Toutefois je
résiste à la tentation de les faire. Comme elles échappent toutes au con-
trôle de mon oreille, je serais exposé à une foule d'erreurs. Je continue
donc à écrire mon patois comme je l'entends. Le lecteur pourra toujours,
pour des cas particuliers, se rendre un compte exact de la réahté en se
reportant à ce qui vient d'être dit.
Le Gérant,
LA
MÉTHODE GRAPHIQUE
APPLIQUÉE A LA RECHERCHE DES TRANSFORMATIONS
INCONSCIENTES DU LANGAGE
Tout le monde sait aujourd'hui que les langues ne sont pas immuables,
que chaque génération reçoit cet instrument de la pensée humaine avec
les amoindrissements inévitables à toute transmission. Ces modifications,
trop peu sensibles pour frapper les sujets intéressés, transmetteurs et
récepteurs, n'échappent pas toujours à l'oreille exercée du philologue.
Mais, après une série d'observations sur le vif, celui-ci ne tarde pas à se
convaincre que ses oreilles, comme les yeux du physiologiste, ne suffisent
pas à leur tâche. Il devine que l'infiniment petit contient la raison de
tout, et que l'infiniment petit lui échappe. Mais où est le microscope
adapté à ses besoins ?
On n'a pas attendu jusqu'à ce jour pour rechercher cet instrument
destiné non pas à doubler la puissance de nos oreilles, mais à les suppléer
quand elles se récusent, à les contrôler quand elles se croient compé-
tentes.
Scott avait créé son phonautographe pour fixer le son. Une membrane
armée d'une soie de porc vibrait sous l'impulsion des ondes sonores sor-
ties de la bouche et inscrivait ses mouvements sur un cylindre noirci.
M. Schneebeli chantait des voyelles devant une plaque de phonographe et
en recueillait les tracés sur des plaques de verre enfumées. M. Barlow
proposait son lologographe qui ne différait pas essentiellement du pho-
nautographe.
Mais, avant MM. Schneebeli et Barlow, des expériences, qui n'ont été
continuées ni par les physiciens ni par les linguistes, avaient lieu au Col-
lège de France, dans le laboratoire de M. Marey. Elles étaient moins ambi-
tieuses que les essais que je viens de signaler ; mais elles étaient plus pra-
tiques et les résultats qu'elles ont donnés sont des faits acquis.
C'était vers 1876. Les esprits, qui n'étaient pas attirés comme aujour-
ftEVX.1 DES VÀTOIS. — I4.
210 l'abbè rousselot.
d'hui vers les microbes et les moyens de les détruire, étaient vivement
frappés par les belles applications que l'éminent professeur faisait de la
méthode graphique à la physiologie.
La société de Hnguistique de Paris comprit que la phonétique descrip-
tive aurait à gagner par l'emploi des mêmes moyens. Une commission fut
nommée. M. Havet fut chargée de diriger les expériences et le D*" Rosa-
pelly, qui avait montré tant de sagacité et d'ingéniosité dans ses recherches
sur la circulation du foie, eut la mission de les exécuter.
Nous devons à ces expériences de connaître la part que prend le lar3'nx
dans la production des consonnes sonores, et deux appareils, l'un nou-
veau, l'autre considérablement perfectionné : un explorateur des mou-
vements des lèvres et un explorateur du larynx (1875).
Mes recherches dans cet ordre de faits sont de beaucoup postérieures et
n'ont commencé que dix ans plus tard. Les premières auxquelles je me
livrai se rattachent plutôt à celles de M. Schneebeli qu'à celles de MM. Havet
et Rosapelly.
Je cherchai d'abord une trace permanente de la parole et je la demandai
à la colonne d'air parlante elle-même. Ce que je tentais, c'était donc de
trouver dans la courbe la nature du son. Partant d'une idée que m'avait
suggérée mon ami J. P. Deseilligny, j'arrivai à construire un nouvel
appareil inscripteur de la parole ^ qui est en réalité un téléphone écrivant.
J'ai choisi comme manipulateur, pour me servir de la terminologie du
télégraphiste, un microphone de M. Verdin, à charbons horizontaux, et
j'en modifiai l'embouchure pour lui donner une plus grande sensibilité.
J'imaginai de prendre comme récepteur écrivant une membrane munie
d'un levier amplificateur, placée dans le champ d'influence d'un électro-
aimant, subissant lui-même toutes les variations électriques de la plaque
microphonique. J'espère qu'avec quelques perfectionnements, on pourra
en faire un bon instrument de synthèse.
Pendant que je travaillais à cet appareil, j'eus la bonne fortune de faire
la connaissance de M. le D"" Rosapelly, qui est devenu pour moi un maître
et un ami. Des problèmes de linguistique me préoccupaient, qui pouvaient
être résolus par la méthode qu'il avait inaugurée. II. voulut bien faire les
expériences nécessaires avec moi. De cette collaboration sont nés six ou
sept nouveaux appareils. M. le D"^ Rosapelly trouva le moyen de recueillir
les vibrations nasales, et remarqua qu'il était possible de prendre l'éléva-
' Pour une description plus complète et la figure de cet appareil et
des suivants, voir Revue des patois gallo-romans, fasc. 14 et 15.
LA MÉTHODE GRAPHIQUE 211
tion de la langue au moyen d'un tambour placé sous le menton. De mon
côté, je trouvai un nouvel explorateur du larynx qui donne non pas seu-
lement des interruptions de courant produites par les vibrations larj-n-
gicnncs comme le premier appareil de M. R., mais les vibrations elles-
mêmes; un appareil pour explorer la langue sous le menton, un autre
pour mesurer sa pression sur le palais, un nouvel explorateur des lèvres
qui donne à volonté les mouvements de chacune des lèvres, ou seulement
la résultante de ces mouvements, à savoir l'ouverture et la fermeture des
lèvres.
Depuis, des recherches sur le régime du souffle émis dans la parole
m'ont conduit à des applications nouvelles du tambour inscripteur, et
m'ont mis sur la voie d'un nouvel explorateur de la respiration.
Enfin, j'ai construit un micromètre qui me permet d'apprécier aisément
sur mes tracés de seconde.
20.000
Aujourd'hui, nous disposons donc d'appareils pouvant inscrire la parole
elle-même d'une façon lisible, les mouvements des organes de la parole,
et les vibrations de chacun de ces organes, larynx, langue, lèvres, fosses
nasales, et jusqu'à celles des dents, c'est-à-dire avec la synthèse et l'analyse.
Avec ces moyens, nous pouvons non seulement observer le jeu des
organes et enrichir la phonétique descriptive, mais encore, et c'est ce que
je me propose de montrer dans cette communication, nous pouvons
rechercher les modifications inconscientes qui se produisent dans un parler
quelconque.
Les modifications qui transforment avec le temps la physionomie des
langues sont de deux sortes. Les unes dépendent de notre nature spiri-
tuelle; celles-là n'ont rien à faire avec nos procédés mécaniques qui
peuvent les inscrire mais non les expliquer. Les autres résultent des lois
de notre organisme ; celles-ci sont de notre ressort, et nous pouvons les
prendre dans l'organisme lui-même avant qu'elles soient devenues sen-
sibles à l'oreille.
Ces modifications comprennent trois ordres de faits. Les premiers
résultent d'une tendance soit à diminuer, soit à exagérer l'efl^ort organique
qui bouche le passage à l'air phonateur. C'est ainsi que des instantanées
ladnes sont devenues pour nous des continues : sapo)ietn = saxon. Caput
= chef — diminution de l'effort. Au contraire le u- germanique est
actuellement chez nous g — exagération de l'etfort.
Les seconds sont dus à l'action du rythme qui s'impose aux mouvements
successifs de tout organisme vivant. Ainsi des syllabes que nous croirions
égales diSerent de longueur; d'autres que nous voudrions produire avec
212 l'aBBÈ ROUSSELOT.
une même intensité ou une même hauteur musicale, si nous nous aban-
donnons, varient à ces deux points de vue. C'est sous l'influence de cette
cause que les atones latines sont tombées, que tabula est devenue tabky
que nos e muets disparaissent, que décolleter est devenu décolter.
Les troisièmes doivent leur naissance à la tendance de notre organisme
à l'économie dans les efforts successifs, tendance qui se manifeste par
l'assimilation. Ainsi une consonne sourde entre deux voyelles tend à
devenir vocalique : dans saponem, le larynx en mouvement pour a et qui
devait reprendre ses vibrations pour o a persévéré dans le mouvement
commencé et l'on a dit sahon, comme font encore les méridionaux. Inver-
sement dans abcès, le larynx, qui doit cesser de vibrer pour c, devance le
moment du repos et tend à changer le b en p, si toutefois la transforma-
tion n'est pas déjà accomplie.
Ces trois sortes de modifications se font, avons-nous dit, lentement,
par des étapes insensibles à l'oreille.
Or nous sommes à même de les saisir avec nos appareils.
Les péripéties de la lutte vocale qui s'exerce entre la poussée de l'air et
les organes de la voix nous sont révélées par le régime du souffle expiré ou
par les mouvements de la langue. Nous pouvons mesurer le souffle et en
apprécier la vitesse au moyen d'une embouchure qui conduit celui-ci dans
un tambour inscripteur. Nous inscrivons les mouvements de la langue
avec les appareils déjà nommés.
Les effets du rythme sont faciles à apprécier au moyen des inscriptions
du larynx et du nez. La longueur du tracé donne la durée du son; le
nombre des vibrations, la hauteur musicale. L'intensité est une consé-
quence de la mesure du souffle.
Enfin, les cas d'assimilation sont appréciés avec exactitude au moyen
d'inscriptions simultanées, de nature à indiquer avec précision le com-
mencement et la fin de chaque articulation, et la part qui peut être dans
chacune attribuée au larynx. Ainsi, pour revenir à l'exemple que j'ai pris
plus haut « abcès », disons-nous apcès par un/>, ou abcès par un b, ou
encore abcès par un b qui est un p, par l'absence des vibrations laryngiennes
et un b par la faiblesse de l'articulation ? En inscrivant les mouvements
des lèvres, nous aurions nettement la place réclamée par l'émission du b,
c'est le moment où les lèvres restent fermées ; et, en explorant en même
temps le larynx, nous verrons si cette place est occupée ou non par des
vibrations. Si les vibrations existent, c'est un b qui a été prononcé. Si les
vibrations font défimt, on a dit p, ou une articulation sourde intermé-
diaire entre p et b. Une nouvelle expérience étabHssant la différence entre
p Qi b peut résoudre la question.
LA MèTHODE GRAPHIQjUE. 213
Des expériences isolées sur chacun de ces différents objets serviraient à
la phonétique descriptive, mais ne diraient rien sur le fait des transfor-
mations inconscientes qui seraient en voie de se produire. Pour s'éclairer
sur cette importante question, il suffit de multiplier les expériences. Si
toutes celles qui se rapportent à un même objet sont constantes, l'évolu-
tion est accomplie et l'ère des changements close pour le moment. Si, au
contraire, nous rencontrons tantôt un fait, tantôt un autre, c'est que le
sujet observé se trouve dans ce moment critique où une évolution, soit à
son début, soit à sa fin, conserve l'indécision propre aux étapes tran-
sitoires.
Par ces moyens, nous pouvons donc saisir les phénomènes dès leur
première évolution, en noter les progrès successifs et en fixer les dernières
traces avant leur complète disparition. En un mot, la méthode graphique
nous permet de saisir les transformations inconscientes du langage.
L'Abbé Rousselot.
Les pages qu'on vient de lire sont le résumé d'une communication
faite au Congrès scientifique international des Catholiques, tenu à Paris,
du I* au 6 avril 1891.
Les deux articles suivants ont été présentés au même Congrès.
LA
PHONÉTIQUE EXPÉRIMENTALE
ET LA
PHILOLOGIE FRANCO-PROVENÇALE'
Vous avez vu tout à l'heure les ingénieux appareils de M. l'abbé Rous-
selot.,., et vous avez une idée des recherches qu'on peut faire avec leur
secours. Vous comprenez leur importance pour le progrès non seulement
de la science phonétique, mais surtout pour celui des études linguistiques
et philologiques... Leur emploi méthodique fait prévoir une nouvelle
période grammaticale... M. Sievers^, le savant germaniste, a défini la pho-
nétique comme un domaine qui relève en même temps de la physique,
de la physiologie et de la linguistique. Il appartiendrait au physicien et
au physiologiste de la cultiver pour elle-même; le linguiste n'aurait qu'à
s'informer des résultats de leurs recherches et à les utiliser pour l'expHca-
tion historique de ce qui existe à présent. Malheureusement les physiciens
et les physiologistes, auxquels on doit la fondation de cette jeune science,
ne lui portent qu'un médiocre intérêt et ne connaissent pas les besoins
des linguistes. C'étaient donc surtout les linguistes qui, marchant sur
leurs pas, entreprenaient de la faire progresser : grâce à eux, bien des
points obscurs ont été éclaircis, bien des observations utiles ont été faites.
Mais, en général, ces phonéticiens-linguistes n'avaient pas une con-
naissance suffisante des sciences naturelles et de leur méthode; ils étaient
donc forcément exposés à des erreurs et à des affirmations hasardées, s'ils
ne préféraient pas lâcher prise, dès que se posaient des problèmes qui
demandaient un examen plus sérieux. C'est pourquoi^ malgré tous leurs
efiorts, justement les questions les plus délicates, où l'on avait le plus
besoin de la phonétique, restaient sans réponse ou ne trouvaient que des
réponses mauvaises ou peu croyables. Je pense à des questions comme
celles de l'accentuation française, de l'expression physiologique et acous-
^ Pour l'article complet, voir le compte-rendu du Congrès scientif.
intern. des Cath., an. 1891. |j 2 Grundzûge der Phonetik (2. Ausg.)
Leipzig 1881, p. I s.
LA PHONÉTIdUE EXPÉRIMENTALE 21 5
tique des mouvements de l'âme, des mutations combinatoircs des
sons, etc. Souvent on lisait des analyses mê'me détaillées d'articulations
qui demandaient des jeux de muscles absolument impossibles, des expli-
cations physiologiques faites par un philologue qui ne connaissait pas le
premier mot de la physiologie... Pour être phonétiste, il faut d'abord se
faire naturaliste, physicien et physiologiste... M. Rousselot a déjà ses
rivaux'; il en trouvera, espérons-le, plusieurs encore, et bientôt il fera
école. Par lui, la phonétique est retournée à son point de départ et est
redevenue une science naturelle, ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être.
Tout bon phonétiste qui veut qu'on le croie se fera donc dorénavant
naturaliste et travaillera d'après la méthode des sciences exactes. Mais il y
a une complication. La linguistique moderne demande catégoriquement
qu'on étudie surtout et avec le plus grand soin les parlers vivants, les
patois aussi bien que les langues littéraires, dans leur système phonique
comme dans leurs flexions, leur syntaxe et leur lexique. Comme la pho-
nétique d'une langue donne l'explication de beaucoup de phénomènes des
autres parties de sa grammaire et de son lexique, c'est donc par elle qu'il
faut commencer. Or, pour étudier la phonétique d'un patois, d'un parler
vivant quelconque, il faut être phonétiste, et pour être pJjonétiste, il ne
faut pas se contenter de prendre seulement acte des recherches phoné-
tiques faites par des physiciens et des physiologistes, comme le dit
M. Sievers; non, il faut se faire naturaliste soi-même. Ainsi, la linguis-
tique moderne, la grammaire de toutes les langues vivantes, entre dans
une nouvelle phase; après avoir été une science philosophique et histo-
rique, elle sera une science naturelle.
J'ai dit que l'état actuel de la linguistique moderne exige impérieu-
sement une étude approfondie des patois qui ont réussi à survivre aux
attaques de plus en plus dangereuses de la langue littéraire. C'est presque
un lieu commun. Il y a longtemps qu'on sait quelles informations les
patois vivants peuvent donner sur les parlers du moyen âge qui possèdent,
en France, une riche littérature et dont ils expliquent la grammaire et le
dictionnaire. Il s'impose de chercher, dans ces patois, les phénomènes
naturels et artificiels qui déterminent le développement non seulement de
la langue à étudier, mais de toutes les langues. La physiologie patholo-
' MM. Schwan et Pringsheim, dans leur étude sur l'accent français,
Herrigs. Archiv LXXXV, 203 ss., et M. Ph. Wagner, Ueher die Venuendung
des GrfitT^er-Marey schen Apparats und des Pljonograplxn :^ii pJxmetischen
Untersuchungen dans les PJjomiische Studien IV.
2l6 KOSCHWITZ.
gique ne veut ou ne peut pas se passer de la biologie et de la vivisection ;
la philologie des langues modernes exige qu'on observe, même sous le
microscope, les conditions et les évolutions de leur vie actuelle, et qu'on
dissèque leurs membres vivants. Bien longtemps la grammaire n'était
qu'une sorte d'anatomie des langues mortes ou des périodes décédées des
langues vivantes; cela était indispensable pour les langues classiques et
était nécessaire aussi pour les langues modernes, puisque le présent trouve
son explication dans le passé; mais, pour bien connaître le passé des
langues et pour approfondir leurs transformations historiques, il faut
recourir au présent et lui demander des moyens d'information. Quand
nous connaîtrons bien les conditions de la vie actuelle des langues, nous
serons mieux outillés pour l'examen de leur passé. Nous aurons aussi
appris à nous résigner et à ne plus chercher l'explication de phénomènes
linguistiques qui, par la foule de leurs causes possibles, éludent chaque
investigation qui ne veut pas se perdre dans une mer d'hypothèses
infructueuses.
La philologie française a souvent recouru aux patois actuels du Nord de
la France pour y chercher l'explication de la grammaire et du lexique du
moyen âge, surtout pour localiser des sons, des formes et des textes
anciens. La philologie provençale a commencé, timidement il est vrai, à
suivre cet exemple. On a profité aussi de l'ancienne langue d'oc pour élu-
cider des questions de la grammaire française du moyen âge. On n'a pas
négligé non plus les patois occitaniens dans des études comparatives
embrassant tout le domaine roman. Mais on n'a pas encore pensé à
utiliser les idiomes actuels du Midi pour l'histoire de l'ancienne langue
française. Il ne sera donc pas superflu de montrer la nécessité de cette
utilisation et d'indiquer le chemin qu'il faut prendre pour résoudre quelques
problèmes qui ont déjà beaucoup occupé les philologues du français, mais
qui attendent encore une solution satisfaisante.
La langue occitanienne a probablement marché de pair, dans son
développement, avec la langue française, jusqu'au \T ou au vii^ siècle.
Après, elle a ralenti son cours, tandis que les dialectes du Nord ont pris
une marche plus rapide et montraient déjà au ix^ siècle un système pho-
nétique plus avancé. Depuis, les langues du Nord et du Midi se sont
séparées de plus en plus; les idiomes du Midi, réduits au xiv* siècle, à
l'état d'incultes patois, se sont conservés dans leurs variétés avec une
fidélité surprenante; les idiomes du Nord, soumis au xi^ et au xii^ siècle à
une révolution intense d'une grande partie de leur phonétique, et suppri-
més eux aussi, au xiv^ siècle, en faveur de l'idiome de l'Ile-de-France, ont
gardé leur plus grande mobilité et ont été souvent tellement modifiés
LA PHONÈTiaUE EXPÉRIMENTALE. llj
qu'ils n'accordent qu'un faible secours à l'étude de l'ancien français. Cette
situation a pour conséquence naturelle que les patois actuels du Midi
représentent souvent des étapes que les idiomes du Nord ont parcourues
au moyen âge ou dans une époque préhistorique du français. Il est donc
évident déjà, à priori, qu'il faut y chercher des éclaircissements pour l'an-
cienne grammaire française, au moins dans ces cas où les autres moyens
d'exploration, l'observation de l'ancienne orthographe, des rimes ou des
assonnances des textes français du moyen âge et l'étude des patois fran-
çais du Nord, ne donnent pas de renseignements suffisants. Néanmoins,
quelques exemples pour montrer la justesse de cette thèse ne seront peut-
être pas inutiles.
Dans des manuscrits vieux français, on trouve souvent l'orthographe
/;(, //;(, pour une / mouillée suivie d'une s. M. G. Paris qui, le premier,
a relevé ce fait% croyait que le ^ substitué à s ser\'ait à indiquer le mouil-
lement de 1'/ précédente. Schuchardt^ le contredit; d'après lui, le :^ mar-
quait, au contraire, la suppression du mouillement. Dans des formes
comme aiiiirail:(^, geiwil:;^, etc., « on conserva l'orthographe habituelle
du mot tel qu'il se présentait sans signe de flexion, et l'on préféra marquer
le changement de prononciation par la lettre de flexion (;(). » « Le fait
que lys s'est réduit à l-s est naturel, les sons mouillés demandant à être
placés à la finale ou devant des voyelles. » « Les formes modernes :
genouil-genoux, œil-yeux, travail-travaux, renvoient clairement aux formes
anciennes : getwil -génois, oil-ols, travail-tr avals. » J'ai soutenu ' que ce ;(
après les / mouillées ne marquait ni le mouillement, ni la suppression du
mouillement de 1'/, mais tout simplement l'ancienne prononciation de
^=^ts ou d:^. M. Chabaneau4 expliqua : « le y engagé dans la consonne
complexe //; se détache de / pour s'unir à j et donner à cette consonne de
quoi former un son plus sifflant. » D'après lui, soleil:^, oil:^, etc. auraient
pprdu d'abord leur / mouillée, Vy de / mouillée ayant donné, avec s de la
flexion, la combinaison :^=ts, d^ dont l'existence est assurée par des
rimes; ensuite, ces mêmes formes (soleil^, etc.) se seraient mouillées de
nouveau sous l'influence des cas obliques du singulier et des cas sujets du
pluriel qui n'ont pas d'j. M. Horning, dans une étude sur les mots en
question^, contesta cette explication. Il se demanda si, en effet, les mots
^ La vie de saint Alexis, Paris, 1872, pp. 99 et loi. |1 ^ Romania, HE,
285. jl 5 Ueberlieferung u. Sprache der Chanson du Voyage, etc., Heil-
bronn, 1876, p. 64. |j 4 Revue des langues romanes, VI, 94 ss. jj s Romanischt
Studien, IV, G2G ss.
2l8 ' KOSCHWITZ.
écrits par ;( au sujet singulier et au régime pluriel ont eu une / mouillée
ou non, et comment il fallait comprendre 1'/ qui dans cunseilT^, gmoili^ oil'^
précède 17, quand on admet que le :( soit la combinaison de Vs de la
flexion et du y qui suivait 17 (dans cunseily, etc.). Il croit que consïlium,
soliclum, etc., devenaient régulièrement cmiseily, soleily, au cas singulier,
et au régime pluriel conseilys, soleilys. Dans le groupe lys, il se serait
dégagé entre l et y un d qui, après la chute de y, se serait uni à 1'^ et
aurait produit ;(. La diphtongue à aurait donc existé dans les formes avec
;( au même titre que dans les formes sans ;{. « L"/, de soliclum,vermiclutn
ayant dû passer par é avant de devenir ei, solel:(, vermeliÇâu lieu de soleil-^, etc.)
peuven^ être des formes plus anciennes que soJeil:(, vermeil:;^ » ; mais il est
extrêmement probable que 17' a disparu pour faciliter la prononciation.
Dans des formes telles que conseil (: segreii), vcrmei^ (: pci^^, etc., on
supprimait / également pour alléger la prononciation. « OU qui se pro-
nonçait oly, et où Vo ne se diphtonguait pas nécessau'ement, a donné avec
1'^ de flexion olys oMys; d s'unissant à s a produit ;{, et y, au lieu de tom-
ber, aurait, sous l'influence de l'accent, été attiré par o et aurait formé
avec cet ola diphtongue oi... C'est ainsi que nous obtenons oil^, où toutes
les lettres auraient eu leur valeur entière. » Les formes traval:^^, mural^^, etc.
à côté de soleil^, oil^, dans les mêmes textes, « s'expliquent sans peine :
trahaclum devient travaly, avec 5 de flexion travalys, puis travaMys, et,
après la chute de Vy, travaî:<^. » On pourrait admettre aussi « que dans
trabalyo (de "trabacluni) a serait de\enu ai = travailyo ; ai n'aurait pas passé
à è sous l'influence du }'... Pour exphquer traval::^ (au lieu de travail:^
qu'on attendrait), il suffit d'admettre que ail:^ s'est simphfié en al:^, de
même que conseil:^ a été réduit à conselz^, seulement à une époque anté-
rieure, puisqu'on trouve dans les mêmes textes conseil:^ et traval:^ ».
« Cette explication est-elle la seule possible ? Si dans travail ai est diph-
tongue..., on peut toujours se demander si 1'/ n'est pas dû à l'influence de
Vy, » etc.
Les citations que nous venons de faire de l'étude de M. Horning
montrent suffisamment la complication du problème, ainsi que l'irrésolu-
tion de l'auteur et ses contradictions. Il a reconnu lui-même qu'il n'avait
pas réussi à éclaircir la question. Après lui, M. Grôber s'en est emparé'.
Celui-ci ne doute pas de la possibiHté d'une épenthèse de d entre ly et s,
mais il croit que, si elle avait eu lieu, il faudrait la trouver aussi sans
qu'une s suive le groupe ly : travaMys ferait supposer une forme analogue
' Zeitschrift filr romanische Philologie, VI, 486 ss.
LA PHONÉTIQUE EXPÉRIMENTALE. 219
travaMy qui n'existe pas. Il en conclut que 17 mouillée a été aussi devant
j, non pas la succession de /-f-)', mais une véritable / mouillée, une / qui
réunit dans son articulation / et _y, sans que ces deux éléments soient
séparables. Cette / mouillée aurait produit, devant j, l'insertion d'une
plosive dentale, phénomène lingual qui, en effet, n'est que naturel. La
possibilité d'une véritable / mouillée suivie d'une explosive dentale et 5,
est prouvée par les rimes de l'ancien provençal qui distinguent alt:^ (altus)
de alh:^ {'ûllius) et semblables. L7 mouillée ainsi que VI provenant d'une
/ double latine aurait été une / forte, c'est-à-dire une / longue. Il est
impossible de savoir si l'épenthèse d'une plosive dentale entre 1'/ mouillée
et s avait lieu, en français, après que VI mouillée avait perdu son élément
palatal, où déjà pendant qu'elle possédait encore sa prononciation primi-
tive (/). Les mots tnolre : moldre, pulverem : poldre prouvent que l'épenthèse
dentale entre / et j ne dépendait pas d'un mouillement de /. Ces obser\'a-
tions judicieuses de M. Grôber contribuaient certainement à élucider la
question; mais elles ne l'ont pas résolue. M. W. Meyer', le dernier qui
s'en soit Occupé, nous dit seulement que, dans le traitement de / mouillée
en contact avec une s de flexion, les dialectes du vieux français se séparent ;
« le normand exige ~, c'est-à-dire qu'il conserve d'abord VI mouillée et
qu'il la laisse tomber plus tard ://;^ miel::^; au contraire, le centre change.
VI mouillée en /, l (/ vélâire). On se demande quelle articulation spéciale
une / mouillée prend devant une s\ si elle produit nécessairement une
explosive dentale entre elle et la consonne suivante; quelle influence le
groupe is exerce et sur la nature des voyelles précédentes et sur l'articu-
lation de Vs qui suit ? PrononçïHt-on 5 ou ;( (j sonore) ? Etait-ce un d ou
/ qu'on insérait entre / mouillée et i ? Est-ce qu'une / mouillée suivie de s
dégage réellement devant soi un y qui se réunit avec la voyelle précédente
et produit avec elle une diphtongue? Et si ce dégagement ^^qui n'a rien
d'improbable) existe en réalité, peut-il se compliquer avec une action
simultanée de / mouillée sur la consonne suivante ?
Comment répondre à ces questions ? Les anciens textes, même quand
ils sont dépouillés et commentés avec le plus grand soin, avec la méthode
la plus rigoureuse, ne nous fournissent pas les ressources nécessaires
pour les résoudre. Les patois français actuels n'ont pas laissé de trace de
cet ancien développement et ne peuvent donc nous aider en rien. Il faut
recourir aux idiomes de la France méridionale. Là existent des patois qui
ont conservé VI mouillée avec son articulation primitive et qui ont gardé.
Grammatik der romanischen Sprarhen, Leipzig, 1890» I, 473.
220 KOSCHWITZ.
en même temps, dans la prononciation l'ancienne s finale de la flexion.
M. l'abbé Puységur, de Montant (canton de Saint-Sever, département des
Landes), en me lisant, dans son patois, à Toulouse, une petite poésie de
M. S. Salles", me faisait entendre lous youhts (str. 9) et ent'aus otiehls
(str. 1 1) (prononcé 16 hybis et eut aw hwels) avec / mouillée et s absolu-
ment dans les conditions que nous désirons. C'est dans ce patois et dans
ceux des régions voisines qui se trouvent dans une situation analogue,
qu'il faut chercher la réponse aux questions que nous avons posées. Et
que celui qui veut se charger de cette tâche n'oubHe pas de se munir de
palais artificiels, de l'explorateur des lèvres et d'un des deux explorateurs
du larynx que nous venons de voir !
Un autre problème encore plus compliqué est celui de l'origine et du
développement successif des voyelles nasales dans la langue française. On
ne connaît ni le commencement ni le progrès graduel de cette évolution
qui, pour produire l'état actuel, a eu besoin de longs siècles. Et pourtant
les savants ne l'ont nullement négligé. Diez^ crut que, déjà au ix* siècle,
on prononçait Salomon, ferculum, Zabuîon, convivium avec une voyelle
nasale, même dans une poésie latine. La rime des désinences en : an
qu'on trouve dès le xii^ siècle, lui prouvait qu'on prononçait à dans les
deux cas. En cela, M. P. Meyer' partagea son avis; il chercha à fixer la
première apparition de ces assonances (qu'il date de la Chanson de Roland)
et leur expansion dans les textes français du moyen âge. M. G. Paris ne
vit, dans son Alexis'^, aucune trace de la nasalisation de on et un ; dans a«,
en, elle était, selon lui, déjà assez développée, parce que les voyelles eQta
de ces groupes n'assonnent plus avec leurs pareilles placées dans d'autres
situations et ne sont homophones qu'entre elles. Dans in la nasalisation
n'a eu heu que beaucoup plus tard. M. d'Arbois de Jubainville' ne veut
pas croire que la nasalisation d'o« et d'w« soit postérieure au xi^ siècle à
cause des formes w/ow/afd, nomcopante, etc., qu'il trouva à côté de conpendio,
conmutit, etc., dans des documents latins de l'époque mérovingienne.
Les formes adinpJire, inpedintento, dans ces mêmes textes, lui semblent
indiquer un commencement de nasalisation de la syllabe im. M. Mall^
adopte pour uni, un (om, on') l'opinion de Diez et de M. d'Arbois de
Jubainville. M. Bœhmer? était d'avis qu'à la fin du xi= siècle, dans les
^ Semaine religieuse d'Aire et de Dax, 15 nov. 1890, pp. 47 s. [| ^Grani-
matik der romanischen Sprachen, I', 448 s. 1| ' Mémoires de la Société de
linguistique, I, 244 ss. |1 * Vie de saint Alexis , p. 82. || 5 Remania, I, 325.
Il 6 Li Cumpoi Philippe de Thaiin, Strasbourg, 1873, P- 74- Il '' Romanische
Studien, I, 611 ss.
LA PHO>4ÈTIQUE EXPÉRIMENTALE. 221
groupes de t et de a-\- nasale, n (dentale) s'était généralement transformée
en n vélaire, si cette n vélaire n'était pas primitive comme dans fianCy
sanc et semblables, et qu'à côté de la prononciation d'une voyelle orale -f-
une consonne nasale vélaire, il existait déjà, à la même époque, celle
d'une voyelle nasale + une consonne nasale vélaire : ar^ à côté de àr^.
M. Mebes ' s' efforça de démontrer que in et un n'étaient pas encore nasa-
lisés au XV* ou au xvi* siècle, et que ien, on et aussi an (en) conservaient
;/ dentale au moins jusqu'à la fin du xiii* siècle. L'assonance de an : en
ne prouve pour lui que la transition de Ve en a devant les consonnes nasales.
Dans mon étude sur la langue du Pèlerinage de Charlemagne*, j'ai cher-
ché à montrer que l'emploi de n au lieu de m après o, dans les plus anciens
textes français, ne prouve pas la nasalisation de o, mais seulement la tran-
sition de Vm final en n, que les voyelles orales devant une consonne nasale
suivie d'un e féminin n'étaient pas traitées autrement, dans les assonances
des plus anciennes poésies, que les mêmes désinences masculines, et que
l'insertion d'un b après ;//, de d après n devant une r, qui avait lieu au
xir siècle comme auparavant, supposait une dentale pour n, une labiale
pour m. En aurait pu prendre tout aussi facilement la prononciation de an
que è celle de à. En général, j'ai donc soutenu les conclusions de
M. Mebes en tant qu'elles n'étaient pas défigurées par des exagérations et
par des excursions phonétiques dénuées de sens. J'aurais dû faire valoir
aussi que souvent, dans les manuscrits du xii' et même du xiii' siècle,
une n finale est transformée en /;/ devant l;i labiale qui commence le mot
suivant : ce qui s'explique le plus facilement quand on rejette la nasalisa-
tion de la voyelle précédant l'n. Une n dentale s'assimile facilement à une
labiale qui la suit; mais comment expliquer m pour n si n ne sert qu'à
exprimer la nasalisation d'une voyelle? Après moi, M. Lûcking' a repris
la question. Un long et minutieux examen d'anciens textes français le fit
arriver à peu près aux mêmes résultats : les //, r, (n vélaires) et n (n mouil-
lées), à la fin des syllabes, sont distinguées entre elles encore au xiii* siècle,
et la transition dialectale de en en an ne prouve pas l'existence d'un a
nasalisé. Mais M. Lûcking s'est fourvoyé plusieurs fois et a trouvé une
légitime opposition dans M. G. Paris 4 qui conteste la justesse de ces con-
clusions. Il admet cette fois que, dans la Chanson de Roland, Vo devant les
nasales commençait à se nasaliser et que la nasalisation de a et de ^, dans
' Jalrrbuch fur romanische und englische litteratur, N. F. II, 385 ss. (1 * L.
r., p. 50 s. jj ' Die àltesten fran:(ôsischen Mundarten, Berlin, 1877, pp. loé
ss. Il * Romania, VII, 126.
222 KOSCHWITZ.
certaines conditions, était déjà antérieure même aux plus anciens monu-
ments de la langue française. Plus tard, M. G. Paris revint encore une
fois à la même question ^ Il soutint, en complétant ce qu'il avait affirmé
auparavant, que, « comme toutes les nasales françaises, » l't; nasal « faisait,
au moyen âge, entendre dans les terminaisons masculines la consonne
après la voyelle : bon, et non bô comme aujourd'hui, et que dans les mois
féminins où Yo est séparé de Ve (sourd) final par m ou n simple ou
redoublée, la vo)'elle était tout aussi nasale qu'elle l'est quand elle en est
séparée par ni, n suivies d'une autre consonne; ainsi Rôme,b6ne, comme
rompe, bonde ». De la même manière, femme aurait été prononcé ancien-
nement Jème puis fàme. Cette explication fait comprendre pourquoi, dans
les assonances du moyen âge, les mots féminins en oine, oin <^°"^- e, ame,
am <^°"*- e, etc. aimaient à se séparer des assonances en o, a, etc. devant
d'autres consonnes suivies d'un ^féminin. De plus, elle concorde avec les
témoignages que nous avons pour la prononciation des voyelles nasales
au xvi^ et au xvii^ siècle. M. Engelmann, dans une étude sur l'origine
des voyelles nasales en vieux français ^, soutient que les voyelles devant
les n mouillées finales étaient déjà nasalisées vers le milieu du xii^ siècle,
tandis que le mouillement de Vn durait jusqu'à la fin du xiii^ siècle.
Comme les mots avec ces désinences assonaient avec les mots où les
mêmes voyelles toniques étaient suivies d'une autre consonne, M. Engel-
mann croit que, dans les textes français du moyen âge, il était généralement
permis d'assoner les voyelles nasales avec les voyelles orales qui leur cor-
respondent. On aurait donc eu tort de conclure à la nasalisation des
désinences en voyelle + une consonne nasale, de ce qu'elles évitaient l'as-
sonance avec les mêmes voyelles suivies d'une autre consonne. Les résul-
tats de M. Engelmann ne reposent pas sur une base bien solide. Nous
omettons les mentions sommaires de notre problème faites dans les gram-
maires du vieux français plus ou moins élémentaires, et nous rappelons
seulement, en passant, les recherches de M. Haase sur les voyelles a et e
suivies d'une n entravée dans les textes picards et wallons du moyen âge',
et de M. Horning sur m -j- cons. et an -\-cons. dans les patois français
actuels de l'Esté. Thurot, dans son précieux ouvrage sur la prononciation
^ Romania, X, 53 s. || ^ Ueber die Entstehung der Nasalvocale îm Altfran-
:{Ôsischen, Halle, 1882. |[ ' Das Verhalten der pikardischen und luallonischen
Denkmàhr des Mittelalters in Be^ug aufa unde vor gedecktem n, Halle, 1880.
11 4 Zeitschrift fur romanische Philologie, XI, 542.
LA PHONtilClUE EXPERIMENTALE. 22^
française depuis le commencement du xvi' siècle', a dépouillé, par rapport
à notre sujet, les grammairiens des quatre derniers siècles : il y a trouvé
tant de détails, tant de contradictions, d'inexactitudes et d'indications
erronées qu'il est fort difficile de puiser des faits assurés dans ces maté-
riaux presque trop nombreux et pourtant insuffisants. Cependant il est
clair que l'état actuel, pour la nasalisation des voyelles et diphtongues
françaises, n'a été atteint que vers la fin du xvii' siècle et que, encore au
xvi"= siècle et même dans la langue littéraire, des divergences dialectales
se faisaient sentir. M. W. Meyer 2, venu le dernier, a résumé succinctement
une partie des études faites sur notre sujet et a cherché, pour sa part, à
élucider la question. Il croit que, déjà au moins depuis le xvi* siècle, la
voyelle nasale n'apparaît, au centre de la France, qu'à la fin de la syllabe ;
il conclut de aiiié à un ancien èné, auparavant èstié; il mentionne et explique,
sur les traces de M. G. Paris et des grammairiens cités par Thurot, les
doubles consonnes originairement dialectales dans bonm^ aimme par hônt
et èmey et Vo ouvert de pomme par pôme issu de pome avec 0 fermé. Cet 0
fermé s'est nasalisé selon lui déjà avant que se soit établie la loi de syn-
cope; « pour a le fait s'est produit encore au degré à. » Comme théorie
générale, nous apprenons que, dans la grande majorité des cas où il y a
nasalisation d'une voyelle par l'influence d'une consonne nasale qui suit,
la consonne nasale est devenue vélaire ou légèrement palatale, puis elle a
communiqué sa qualité à la vo3'elle; elle l'a nasalisée {àû ou an) et est
enfin tombée. M. Meyer croit aussi que ces phénomènes doivent être
comptés au nombre des plus difficiles de l'histoire de la phonétique romane.
Ce que nous venons de dire sur les recherches faites par rapport aux
voyelles nasales du français montre avec évidence l'embarras des savants
qui se sont occupés de cette question, sa complication et le peu d'éclair-
cissements que nous fournit l'examen de l'orthographe et des rimes ou
assonances des textes français du moyen âge. Excepté M. Meyer, personne
n'a osé se prononcer sur les causes et les étapes physiologiques qui ont
dû être parcourues par les voyelles et diphtongues orales suivies de con-
sonnes nasales. C'est qu'on manquait d'un guide. Les patois actuels du
Nord de la France, naturellement plus avancés que ceux du moyen âge,
ne nous éclairent guère sur les origines de la nasalisation ; il faut encore
recourir aux idiomes du Midi. M. Grôber a conclu, il est vrai, d'une
manière ingénieuse et de prémisses qui paraissent incontestables, que,
^ Paris, 1883, vol. II, pp. 421-555. jj * Grammatik der romanischen
Spracfjen, Leipzig, 1890, I, 309 s.
224 KOSCHWITZ.
déjà en vieux provençal, les voyelles suivies d'une ii étaient nasalisées',
mais il n'en est rien ; son argumentation ne prouve que le fallacieux de
toute étude faite sur d'anciens textes sans une bonne connaissance des
patois modernes. Cependant l'erreur de M. Grôber est excusable, d'autant
plus que bien des Méridionaux qui parlent parfaitement leurs patois, éga-
rés comme lui par l'orthographe, se trompent sur leur propre prononcia-
tion, croient prononcer une voyelle nasale pendant qu'ils font entendre
distinctement une voyelle orale suivie d'une consonne nasale, dentale ou
labiale 2. Dans les parlers du Midi et dans presque tout le territoire qu'ils
embrassent, j'ai trouvé vivantes les étapes que le français a pu ou dû
parcourir pour arriver à sa prononciation actuelle des voyelles nasales. On
y trouve souvent, dans un même patois, une voyelle orale + une con-
sonne nasale alvéolaire («) devant d'autres consonnes dentales, une
voyelle orale +une consonne nasale labiale (w) devant des consonnes
labiales, une voyelle orale + une n vélaire devant les consonnes vélaires,
une voyelle nasale très faible ou une voyelle orale + une n vélaire devant
d'autres consonnes ou à la fin des mots. C'est là à peu près l'état actuel
des idiomes du Languedoc et du midi de la Provence. Dans d'autres
patois, j'ai trouvé des voyelles nasales plus ou moins distinctes devant des
consonnes nasales conservées, des voyelles nasales d'une articulation tout
à fait particulière et inconnue au nord de la France ; enfin des combinai-
sons très variées dans le traitement de la voyelle devant des consonnes
nasales conservées ou supprimées, selon la nature des consonnes qui sui-
vaient ou suivent les consonnes nasales, selon l'accent d'intensité et selon
la place des syllabes ou des mots dans la phrase. Je ne puis prendre à tâche
de poursuivre la nasalisation telle qu'elle existe dans les voyelles du Midi,
cette entreprise nous mènerait loin : qu'il suffise d'avoir fait remarquer
qu'ici encore nous trouvons, dans les patois du Midi, vivant l'un à côté
de l'autre, tous les phénomènes et toutes les étapes de transition qu'il faut
supposer comme ayant existé auparavant dans les dialectes de la France
septentrionale. C'est donc encore dans ces patois méridionaux, trop
négligés jusqu'ici par les romanistes, qu'il faudra chercher et qu'on
pourra trouver la clef de la nasalisation française et une solution satisfai-
sante du problème que nous venons de décrire et qui a déjà causé tant de
travail plus ou moins stérile aux savants romanisants.
' Zeitschrift filr romanische Philologie, VI, 487, note. I| ^ M. W. Meyer,
/. c, p. 312, ne tient pas compte de l'état actuel de la nasaHsation dans
les idiomes provençaux.
l.A l'JKJM. lUlLl- U\l'nKI.Mr..\ 1 .\Ll-- 225
Les deux exemples donnés suffiront pour prouver la justesse de notre
tht^sc. Nous pourrions facilement en ajouter d'autres et énumérer une
foule de problèmes de la grammaire historique du français qui, malgré
tous les eiforts des savants, n'attendent pas moins leur solution définitive,
fiiute d'un recours conséquent et méthodique aux idiomes du Midi. La
transformation successive de a posttonique (et des autres voyelles postto-
niques) en e sourd (en provençal u, 0, a, e sourds) ; l'articulation exacte
des diphtongues et des triphtongues de l'ancien français «/, w, a/, «',
ou, au, eu, iai, ici, ueu, etc., qui toutes existent encore dans les patois du
Midi, et leur transformation en simples voyelles; la transition du f et du ^
prépalatal (et du / et du rf latin devant un / en hiatus) en chuintantes,
représentées dans les idiomes méridionaux par une richesse extrême de
sons différents qui nous permettront de constater presque toutes les pos-
sibilités et toutes les vraisemblances de l'histoire compliquée des palatales
latines; le changement successif des dentales et des labiales intervoca-
liques, arrivé à son dernier développement déjà dans le français du
XII' siècle, mais s' accomplissant de nos jours dans les patois méridionaux
du Sud-Ouest; bien des phénomènes de la phonétique syntaxique et de la
flexion ayant existé en vieux français et subsistant encore dans les patois
du Midi, toutes ces questions et bien d'autres d'un intérêt vital pour la
construction de la grammaire historique du français ne peuvent être et ne
seront jamais éclairées suffisamment que quand on aura appris à tirer
profit des renseignements nombreux et concluants que nous fournissent
les beaux idiomes qui, heureusement, persistent encore de nos jours au
Midi de la France.
On pourra m'objecter que, quand même il existe dans les patois occi-
taniens des évolutions phonétiques et grammaticales parallèles à celles
qui ont dû se faire au moyen âge dans le Nord de la France, il n'est nul-
lement prouvé que ces évolutions soient identiques. L'égalité des sons
français du moyen âge et du provençal moderne n'est peut-être qu'appa-
rente ; des transformations identiques dans leurs résultats ne s'accomplissent
pas nécessairement de la même manière ; les mêmes causes n'ont pas tou-
jours les mêmes effets; il ne faut jamais perdre de vue que chaque évolu-
tion phonétique est en rapport :wqc le système phonique entier d'une
langue ou d'un patois. Toutes ces objections sont bien fondées, elles nous
disent qu'en utilisant les patois méridionaux il ne faut pas identifier à la
légère. Mais il ne faut pas oublier non plus la proche parenté de la langue
du Nord et de celle du Midi. Les sons du provençal et du français sont
les continuateurs directs du même système phonique; il n'y a guère de
«s^DE Des rATOts. — i;.
226 KOSCHWITZ.
vraisemblance que la même langue latine rustique, adoptée par une même
nationalité, ait souvent développé des sons égaux pour l'oreille, mais
différents dans l'articulation. Il y a des habitudes nationales aussi dans
l'articulation des sons. Rien ne fait supposer que les sons conservés jus-
qu'aujourd'hui au Midi, mais perdus dans le Nord, ne représentent pas
fidèlement ceux qu'on employait dans le français du moyen âge. Si des
transformations identiques dans leurs résultats ne se font pas toujours de
la môme manière, il est toujours plus que probable que, sur le même sol,
dans des conditions plus ou moins identiques, ces transformations ont
pris le même chemin, et, si les mêmes causes n'ont pas toujours les
mêmes effets, il n'en est pas moins vrai que les mêmes effets sont la
règle. Certes, il n'est pas indiqué de rapprocher à la légère un phénomène
lingual quelconque du français avec un phénomène apparemment iden-
tique, mais peut-être d'origine foncièrement différente, dans quelque
autre dialecte du grand domaine roman, bien que ce soit pour maint
romaniste le dernier mot de la sagesse et de la bonne méthode; mais il
ne faut pas exagérer les scrupules non plus et ne pas fuir des rappro-
chements qui, par la nature des faits, ont toute raison d'être établis.
Si nous demandons une utilisation constante et méthodique, et, en
conséquence, une étude appliquée et approfondie des idiomes actuels du
Midi de la France, pour pouvoir construire une grammaire historique du
français, claire dans toutes ses parties, nous ne voulons pas pour cela qu'on
néglige l'étude des patois de la France du Nord. Au contraire, l'idéal,
c'est une combinaison de ces études qui seule pourra souvent mener à un
éclaircissement total des parties obscures de l'ancienne langue française.
Les patois français du Nord, qui continuent directement les anciens dia-
lectes dans lesquels nous est transmise la littérature française du moyen
âge, ont, en partie, conservé leurs anciennes formes et leur ancienne pro-
nonciation; en partie, ils se sont développés ultérieurement et se sont
même éloignés extrêmement de leur passé littéraire. Mais, dans tous les
deux cas, ils nous fournissent des renseignements sur l'ancienne langue,
soit qu'ils nous les donnent directement (dans le cas d'une conservation
intacte) ou qu'ils nous permettent de les déduire (dans le cas où le patois
aurait progressé). Toujours la comparaison de ce qu'on a trouvé ou
reconstruit, à l'aide des patois français, comme probable pour l'ancienne
langue française, avec ce qui existe, dans le cas analogue, dans les patois
conservateurs du Midi, mènera à des résultats plus assurés que ne le per-
met l'observation la plus sévère de l'ancienne orthographe et des rimes
des textes français du moyen âge. Souvent, par la combinaison des faits
LA PllONLi.viv,i. à..»à i.iilMLNTALL. 227
observes dans les patois du Nord et du Midi avec les moyens littéraires
des anciens textes, nous arriverons à l'évidence là où, sans le concours
des patois méridionaux, il n'y aurait jamais que des ténèbres.
Si, de cette manière, le passé de la langue française est éclairé par la
lumière directe que donnent les patois vivants, nous créerons une gram-
maire historique du français bien supérieure à tout ce que nous pouvons
lui demander de nos jours, alors que l'étude des patois du Nord et surtout
du Midi n'est que commencée. Une grammaire historique du français,
construite avec ces moyens, éclaircira en même temps les développements
analogues des autres langues romanes et contribuera à l'avancement de la
grammaire romane comparée bien plus que ne le fait la comparaison
intempestive ou prématurée des patois des différentes langues romanes.
Diez a créé la grammaire romane en comparant les langues romanes entre
elles; l'étude comparée des patois de la France nous permettra de con-
struire la véritable grammaire historique française. Plus tard, quand des
grammaires particulières, basées sur l'étude des patois, seront faites pour
toutes les langues romanes, on recommencera avec succès la comparaison
de ces langues, et l'on possédera ainsi la grammaire comparée des langues
romanes dans un état parfait. M. W. Meyer a repris l'ouvrage de Diez
déjà de nos jours : il est venu trop tôt, il a dû fatalement échouer. Nous
ne sommes pas encore à l'époque des revues générales ; au contraire, pour
l'étude des époques plus récentes des grammaires romanes, un sain iso-
lement vaut mieux aujourd'hui qu'une synthèse qui, présentement, ne
peut jamais qu'être incomplète et superficielle.
Résumons-nous! Sans l'étude approfondie des patois aussi bien du Midi
que du Nord de la France, pas de grammaire historique de la langue
française et, par conséquent, pas de grammaire comparée des langues
romanes qui vaille. L'étude des patois est l'A et Vu de toute grammaire
historique. Pour bien étudier les patois, il faut être un véritable phonéti-
cien, c'est-à-dire un phonéticien naturaliste, physicien et physiologiste.
Or, comme la grammaire historique, qui ne peut plus se passer de l'étude
des patois, forme une partie intégrale de la philologie, ce ne sera pas
seulement la grammaire, ce sera toute la philologie moderne qui prendra
le caractère d'une science naturelle — On a oublié trop longtemps, et on
l'oublie encore tous les jours, que les langues se composent de sons qui
appartiennent par leur effet acoustique à la physique, par leur formation
à la physiologie, et que les lettres de l'alphabet ne sont que des signes
très imparfaits de ces sons vivants du temps présent et du passé. L'étude
de la valeur réelle de ces lettres passées ou présentes ne peut être faite que
par un naturaliste qui sache reconnaître les émissions de la voix cachées
228 KOSCHWIT2.
SOUS les lettres, qui sache faire revivre le passé en donnant aux lettres
mortes une réalité vivante. Nous ne condamnonspaspour cela la méthode
historique qu'on a suivie jusqu'à présent dans les recherches grammati-
cales : elle a sa valeur et elle nous a donné la préparation nécessaire pour
bien étudier les parlers vivants, langues littéraires et patois; mais elle a
besoin d'être rajeunie ou régénérée par l'étude de l'actuaUté vivante, si
elle ne veut tomber dans un état stérile de pétrification.
Je ne veux pas revenir ici à mes idées sur le rôle que la phonétique
doit jouer dans l'étude de la syntaxe historique^, ni démontrer comment
les sciences naturelles demandent leur admission même dans l'étude his-
torique de la littérature et des mœurs, depuis que la psychologie va à
l'école de la physiologie : qu'on me permette seulement encore quelques
mots de consolation pour ceux qui aiment beaucoup les lettres et la phi-
lologie, mais qui détestent les sciences naturelles. La philologie conservera
toujours des domaines où les sciences n'entreront pas, et, ce qui nous
importe le plus, on pourra même toujours s'occuper utilement des patois
modernes, sans posséder l'outillage coûteux et décourageant que M. Rous-
selot nous a fait connaître. On n'a qu'à s'informer des résultats de la
science phonétique telle qu'elle existe, à s'habituer à bien entendre et à
bien noter ce qu'on a entendu. Avec cela et avec un peu de résignation,
quand on se trouve en face de sons inaccoutumés et difficiles à anal3'ser
et qu'il vaut mieux livrer aux investigations des phonéticiens naturalistes,
on peut facilement collectionner des matériaux des plus utiles...
' Zeitschrift fiïr fran:(osische Sprache und litteratur, XII, 12 ss.
KOSCHWITZ.
LE PATOIS D'ARRÉNS
Notes de phonétique
VOYELLES
a tonique est intermédiaire entre Va français de pas et l'a de part :
hé pîirtat « vous portez », kar « chair ».
a atone. — Protonique, il est un plus fermé : ârai « rat )). Posttonique et
précédé des labiales p et b, il tend vers o, Ex. : prùhâ « poussière », kùpâ
« culpabilité » ; précédé d'autres consonnes, il tend vers è : àrâ « mainte-
nant », tùtâ « toute ».I1 sera, néanmoins, toujours noté a.
e tonique. — Fermé àinspUk « pli », éskùt'ét « balayette », il l'est un peu
plus quand il est final : afè « rien », biiriié « levain »; il est ouvert dans
ké lit «vous l'avez», pê «pied», mais un peu moins ouvert que Vè
français.
^ atone. — Il est fermé dans : éskr^èè « écrire », b^é « boire » ; ouvert dans
pèrak « chiffon ».
i tonique et atone est identique à 1'/ français : ùhrtt « un cri », éskaJnt
« délié », sqfi « isard », hqri « crapaud ».
u tonique est idendique à Vu français : tu « toi », gurut « gruau », blu
« bleu » .
u atone. — Il tend vers œ : biirluièra « penture », trùèûkà « trébucher ».
0 tonique est ouvert : képôt « il peut », kéld « il l'eut », ardk « enroué ».
u tonique est très ouvert : bùs « vous », gù:^a « oser ».
u atone. — Il est plus ouvert encore et tend vers o : alihçrû « délié »,
parlnst'çrû « bavard ».
Les voyelles sont nasalisées quand elles étaient suivies en latin d'une
consonnes nasale : pie «plein», pâ «pain», kà « chien», bî «vin»,
M « un » , hù « bon » .
Elles se nasalisent faiblement lorqu'elles sont suivies ou môme préçé-
230 CAMELAT.
dées actuellement d'une consonne nasale : kémJii^ya « il mange », kéèîmhç
« ils veulent faire » .
Nota. — Une voyelle nasale perd de sa nasalité dans le discours
rapide : déhùmàtï pour dé bïi màfi « de bon matin ».
A la finale, on croirait entendre deux nasales, la seconde plus forte que
la première : plàà « beaucoup ».
DIPHTONGUES
ay : kristay « cristal », afétciy « retaille », pay « père ». — au : kalmi
« pierre », pùr-tan « portail ». — èy : kènèy « j'allai », héléstànkèy « je l'ar-
rêtai ». — eu : grçû « regret », /m « tôt », sçiï « ciel ». — çy' : biitéy
« vautour ». — m : mçâ « miel ». — iy : kùhiy « je le vis ». — jû : afjû
« ruisseau », mhït « menu ». — in : kiiryùs « curieux ». — ya : béryak
« ivrogne », byagyéff voyage ». — yê : liHyer « gourmand », byetya « vierge ».
— ny : ùrgùy « orgueil ». — ut : prîiéra « prunier », piiriïèra « déman-
geaison » . — ùy : krûy « quenouille » , pùy « pou » . — iva : kwqté « q uatre » .
— u'ê : dnuèla « douve », paîiuès « patois ». — lué : ivé « aujourd'hui ».
TRIPHTONGUES
çâu : pciièàn « grosse pièce de bois que l'on fixe sur les murs d'une
construction pour retenir les chevrons et les fermes. » — çtuy' : hékrkuy
« je crus ». — yqû : màtéryqâ « matériel », màtyâû « matinée ». — iuy :
kéb'iûy « je vins ». — yày : aryây' « pré inculte sur le bord du Gave ». —
yéy : myéy « milieu », — yhl : graby'eû « Gabriel ». — yiû : haréyju « éphé-
mère ». — wéy : luéy « œil », nivéyri « nourrir ». — wéû : bwçu « bœuf »,
uéâ « œuf » .
CONSONNES
En dehors des cas d'assimilation dont nous nous occuperons plus loin,
elles ne donnent lieu qu'aux remarques suivantes :
k. — Le k devant y devient M : likyèr pour likyèr « gourmand », et
devant les diphtongues éo, ta : liy à pour ké 0 « que oui » ; et My a « celui
qui a » pour et ki a.
Jjy. — §yàmès « jamais ».
y. — kélajùgat pour ké las gyîtgat « tu l'as joué ».
è. — brqèa « sage ». — v n'existe pas; /est importé du français.
l. — mâ:( ^aryen « main d'argent ».
LE PATOIS DARRiNS. 23 I
<^. — Ce caractère représente un g qui tend X devenir fri:atif : ùblij^a
« obliger ' ».
/• — Cette lettre se trouve dans les mots empruntés au français et dans
une quinzaine d'autres : en fafarnà « salir », fùtcàn ! « exclamation de
surprise », fldk « bouquet », fléskérét « loquet », farlat'ikas « contes
légers n fakyçyas « vaines caresses », énfa^a « ennuyer », etc.
s, ;^. — M. Passy croit que notre i diffère du j français en ce que le
bout de la langue s'avançant comme pour un s ordinaire, la partie immé-
diatement postérieure se relève comme pour un y. Le s se trouve surtout
\ la finale et précédé ou suivi d'un /, même remarque pour le :^. Pour
moi, n'y pouvant rien reconnaître de spécial, je note simplement ces deux
sons par s ;ç.
€yj. — Ils se forment comme en français. Le ^ final des vieillards venant
après une diphtongue dont le second élément est^, est remplacé par 5 chez
les jeunes : pa\'€ «père», wmy^ «mère», hristaye «cristaux», paréye
«paire », sont devenus pays^ mâys, kèristays^ paréys. — € final ordinaire
tend vers s devant une explosive soufflée et vers :( devant une explosive
vocalique : nhçskèmbd « un fardeau il en veut » , kébasté:^^ap « il bâtit avec » .
— €, /, s, ;^ précédées de ;/ sont allongées : sàneigâlas « s'ils ont des han-
netons », késénsaiitân « ils sautent ». On le remarque surtout en compa-
rant les mêmes fi-icatives précédées de m et de n dans les patois des
environs de Tarbes,
t€, tj. — t€ ne se trouve que dans le corps d'un mot, jamais à la
finale nièUé « apprivoisé »; // est formé par la rencontre de Vs final
(aujourd'hui tombé), de èts « ave^ » et d'un _)- suivant : milètjqmé:(tiSy nû Ut
inmés bis « vous ne l'avez jamais vu ».
h. — Il sort, comme nous verrons plus loin, de 5 ou de €.
//. — C'est une aspirée soufflée qui s'emploie devant un mot isolé
ayant une voyelle à l'initiale ou encore dans les exclamations.
y. — / est passée à y X la finale et devant le s de flexion. Ex. : kfiméy
« conseil », et sen sùréy « l'ostensoir », kabéys « épis de blé ».
y . — C'est un y soufflé '-yày .
r. — Le r n'est jamais initial d'un mot, un a le précède toujours.
Intervocal, et suivi d'une explosive, il n'a qu'un seul battement : ara
«maintenant», akérà «cela »; ils est des personnes et de petits enfants
' Le système graphique employé ici réclamerait pour ce son un g
surmonté d'un /; ; mais le temps a manqué après la remise de la copie
pour pouvoir graver ce caractère.
CA MELAT.
qui le suppriment dans ce cas, disant : nkuè pour ùkurè « un curé». Il
peut, étant intervocal, être fortement roulé : ^qra « du tout », baféya
« verser ».
/. — On trouve de nombreux exemples du son intermédiaire entre
/ et r, chez les enfants surtout. J'ai entendu : arékôrta pour arékçrta
« récolte », al-hàba pour arkoha « alcôve ».
ks, gx^, kt,pl. — Ces groupes n'existent pas dans les patois d'Arréns.
Les illettrés les trouvant dans le français, prononcent ts pour fa,^;^ pour ^:(,
th pour kt et pt. Ils disent ainsi : étsèthéyiour èksèpîé, èd^àmpl pour èg:(àmpl,
àth pour àkt.
Consonnes renforcées. — Lorsqu'on veut appuyer sur un mot dont la
première lettre est une consonne, celle-ci est renforcée, lors même qu'elle
serait placée entre voyelles. Ainsi dans : èbéroy « et joli » se prononcera :
èbhéroy; kézélè « il est laid » : kêddéllè.
La consonne initiale étant suivie d'une autre consonne, toutes les deux
sont renforcées : ke^é porôpi pour kéiéporçpi « il est propre » ; ké la khlû-
Jéétcfia pour kélakulîiMû^a « il l'a crochetée ».
La voyelle a précède toujours r initial; mais si on veut appu3'er, la
lettre euphonique disparaît, et on a r fortement roulé : f ré pour are «rien».
LETTRES ADDITIONNELLES.
Nous réunissons sous ce titre les lettres qui apparaissent entre deux
mots dont ni l'un ni l'autre, à l'état isolé, ne les possèdent actuellement.
l dans aiaséi pour a asét « à celui-là »; rt^^mpour a ares « à personne ».
g dans bùlégak pour hûlé ak « le vouloir»; ànàgak hé pour ànà ak hè
« aller le faire ».
r dans démàrasé pour demà at se « demain au soir » ; kaûkarùa pour
kqûka ùa « quelqu'une »; ârà! pour â à «. ah oui ! ».
Vr des infinitifs de la première conjugaison se conserve si le mot sui-
vant commence par une voyelle (le plus souvent devant le pronom ak
« cela » : préslarasogés pour présta asoges « prêter ceci » ; sérkqrak pour
sérka ak « chercher cela ».
y. — L'y des infinitifs en éy se conserve de même et parallèlement à la
forme en g lorsque le mot suivant a une voyelle à l'initiale :
hùJéyakhè pour bùlé ak hé et bùlégak « vouloir le faire »; kréyak pour kré
ak et krégak « le croire ».
Quelquefois ces lettres additionnelles se placent les unes pour les
autres, ainsi on dit : àncigak, ànàrak, ànàfak « aller le ». Il est à remar-
LE PATOIS D ARRENS. 233
qucr que i est d'introduction récente, provenant du dialecte d'Argelés.
Elle est constamment employée pour /; r dans le parler des Messieurs.
^ pour ; dans </^i/v,-j, qui devrait se dire étvmologiquement a ra ay:^a
« à la aise, ;\ l'aise » .
b, ^y, y pour n dans béàiité, gyihm., rjuuu, mimt « un autre ». Dans le
langage des enfimts, on trouve de nombreux exemples de fricatives se
plaçant dans le corps des mots, les unes pour les autres. J'ai entendu des
enfants dire : mùkarn pour mfikaiù, r pour ^ « mouchoir », èrûn pour
èi;iin « et dont », r pour ^ et réciproquement : ak^o ^o\xr akérà « cela »,
^ pour r, q^a pour ara v maintenant », i pour r.
RÉSON\A\CES
Dans la prononciation lente, lorsqu'une consonne explosive initiale est
suivie d'un r ou d'un /, il se place entre les deux consonnes un bruit
plus ou moins léger.
Ma mère dit : kcrnmà pour brùmà « nuage », îunilèy pour trùiéyj
knTiits pour krûts « croix », éspérit pour esprit, éspéîlngâ pour éspljnga
«épingle», félistas pour Jîistas «coup de gaule», apéléga pour apléga
« ramasser », ar/çr^a/^ pour artàrkîa «andin de foin que l'on va engranger».
Quelquefois même ce bruit acquiert la longueur d'une voyelle ordinaire.
J'ai entendu : kalan pour klqn « clef».
CHUTE DE CERTAINS SONS
Une fricative placée entre deux voyelles semblables tend à tomber, et
les deux voyelles se réunissent en une longue.
J'ai entendu : érànephasqyiikrt'x pour érânepbasqiayiikré)' « la nuit passée
je crois ».
Il y a deux mois, une personne me dit sur la route : kéî'é\zfbbilà « tu
viens du village », la finale ^yé ne fut pas articulée.
ASSIMILATION
Voyelle -f- voyelle.
Tonique -\- atone donnent une voyelle longue si elles sont de même
nature :
kéiéplâkfu, ké de plà akiil « il est bien là »; ké^élelùry ké dé le èlùr « il est
234 CAMELAT.
laid et sale » ; két'îji(çra, ké hi ijiiçra « il vit Isidore » ; iéèçli, se bo àli
« s'il veut de l'huile » ; nkaneifrit, ù kaeùîièrit « un caisson ouvert ».
é initial atone, en contact avec une voyelle tonique, peut s'élider :
hèla^uga, hè la éeuga « fois qu'elle s'essuie » ; kéhèllnhcj.^a^ ké hè U en kc^T^a
« il foit laid à la maison »; kafininàri'bàn, ké a fini en ariiàn « il acheva en
venant »; ûntaét , ù enta et « un pour lui »; képloskùta, ké plô éôkï^ta « il
pleut, écoute »; hélMka(ra, hè lu énka^ra « fais-le encadrer ».
Atone + tonique ou atone initiale. — La tonique ou l'atone initiale
s'assimilent l'atone simple :
éskèpéras, hka è pèras a amadou et pierres »; kéiemyelaklil , ké dé myélj
akiîi « il est mieux là »; criièakéhètùt, éra ifèa ké hè tût « l'intention foit
tout »; kèiérçra, ké dé éra çra « c'est l'heure »; hègunû, hè gé ù nu « fois-y
un nœud ».
Consonne entre voyelles ou /, r, ;(, tv et voyelle.
1° Les consonnes finales p, t, k, 5, € deviennent sonores devant une
voyelle.
Ex. : et kap en 1er a, êkhaèéntèfa « la tête par terre »; et mité, éintlté
« l'autre »; kém ak as a di^é, kémàga:(aii:(é « tu dois me le dire »; bés akérô,
bé:(akéro « vois cela »; ké éhlnré^ et pnme, kéh' lùréjéphîimè « le pommier
fleurit ».
2° Les consonnes douces b, d, g deviennent fi^icatives lorsqu'elles sont
entre voyelles ou entre r, :(, / + voyelle.
Ex. : arèéyqsé « se promener »; màT^aryen, màs daryén « mains d'argent »;
kaxpé'^in, kas bé^^îin « tu as besoin ».
3° Les consonnes douces b, d, gy initiales deviennent également frica-
tives lorsque, précédées d'une voyelle, elles sont suivies de r ou / ;
Ex. : nat'làiika, i)a blàfika « une blanche » ; kéiétraha, ké dé brava « elle
est sage »; ké^éjésit pour ké dés gyésit « tu es sorti »; kélajiigat pour ké
las gyu^at « tu l'as joué ».
Les mots introduits récemment du français font exception à cette règle :
îibliga « obliger ».
b intervocal suivi de w se confond avec lui : ùaiveta pour îia bw'eta
« une boîte ».
Consonne + consonne.
Explosive soufflée /j, t,k -\- p =ph, -\- t ^=^ th, -\- k = kh :
p : ékhaphèn-eat, et kap péneat « la tète penchée » ; aképhéu, aké.t peu « ce
cheveu »; saphézasat, ôdkpé^asat « sac rapiécé ».
LE PATOIS d'aRRÈNS. 255
/ ; dathu, dap tu « avec toi »; sépùrtaOnit^ se ptirtat tût « si vous portez
le tout »; 5ath()kas, se ak tçkas « si tu le touches ».
I ne se trouve pas; k n'est initial que dans le mot koy « enfant ».
h : kakh\y\ kap kny' « tète mie >>; nerakûmàkhart'û, n}ra kùtnâ et karti}
« noire comme L* charbon »; bakhaitî'c\? bé ak kaii béy? « il le faut bien
voir? »
Explosive soufflée -\- b^^ bb, -}- ci ^=dd, 4" ,^ = flh* '^ Sy "^ S9> "^ ^^^
inm, -f- » = nn, -\- n = un, -j- 1=: U, -\- [ = 11 :
b : niihbùy, iiîi p /wv « je ne vous veux pas »; ànàbbêm, ânnt bette « allez
vendre »; kabboy;j:^c, kè ak boy di-:;é « je vais le dire ».
d : akhaddékatikétçns, at kap dé kauké tém « au bout de quelque temps »;
sélêddal? se l et dat ? « l'avez-vous donné ? » ; cvibèddflau^ét, en bék d ù aû:^èt
« dans le bec d'un oiseau ».
^^y : satsa^gyqméSy se ak SAp i;yiinics « si jamais il vient à le savoir » ;
nùlayré^^yétat, tiîi l ayrct gyétat « vous ne l'auriez pas jeté »; séla^gytlnls, se
l ak §yûiiés « si tu le lui joins ».
g : n{iggo:(é^i:;éj nû p gç:^é di^é « je n'ose vous dire »; aggàbbàntat^ at gat
bantat « au chat vanté » ; kaçgoia::^i:^é, ké ak gç:(as dl:^é « tu oses le dire » .
m : nfinêgatràmniiS , nit lu' ck a trop mes « il n'y en a guère plus »;
àmmàrea, at màrea « au marcher, marcher, infinitif pris substantivement »;
bé^àmmîisu, bét ak tmisii « vovez-le monsieur ».
n : mmnè^éaré , nîi p ncî^é arc « je ne vous nie rien »; cnné, et né « le
noir »; sélànnégat^ se l ak néî^at « si vous le lui nie^ ».
n : kisànuaiité, ki sap uMté « qui sait un autre »; éntjêèré, et netré « le
genièvre »; sélànnàkqra ? se l ak nàkara ? « le lui mordra-t-il ? ».
/ ; kaUêiixc, kap léuyè « tète légère »; bélln, bét U'i « voyez-le »; hikallwén,
hjka ak huén « écarte cela » .
/ ; ùkolléyut, û kop [cynt « un coup choisi »; séUèvas? se t Ircas? « te
lèves-tu ? »; sélallésat, se l ak lésât « si vous le lui laissez ».
Explosive soufflée -\- f=f, -\- s = ts, -\- £ = te :
f : érah'(f-riprinà, ha aimp fèripiinà « le renard rusé »; nâficét, nât fwét
« aucun fouet »; safélika^akiil, se ak filikas akiii « si tu le mets là ».
s : mitsûi'ït, nû p sûtît « vous ne vous souvenez pas »; k étsaiuty kéèt sai'ui
« vous avez su »; tii~ipatsavéréyii:^é, nîi p ak sat'éréy diié « je ne saurais vous
le dire » .
€ : ùsklçt£upalénàyga, û ésklop €upat ^à qy^a « un sabot immergé dans
l'eau »; sùpét€au:^it, su pé et eatiiit « si vous l'avez choisi »; sétatenkès^ se t
ak €ukès « si tu le suças » .
236 CAMÊLAT.
Explosive soufflée + ;( ou ;'. — Le ;( initial n'existe que dans quelques
mots empruntés au français, comme T^élaîù; je ne crois pas qu'une explo-
sive soufflée le précède jamais. On ne trouve pas non plus p -\- j. Mais
/ + ; et Â; 4- / = // ••
sélètjamé^ijsta, se l et jqmh bjsta « si vous l'avez jamais vue »; iélatjénet,
se l ak jénct « si vous la gênâtes « .
Explosive soufflée -\- r. — Le r n'étant jamais initial, ce groupe ne peut
se rencontrer que dans le corps d'un mot. Or, comme nous l'avons vu,
une résonnance vocalique se place toujours entre les deux consonnes.
Explosive soufflée + h' :
p -\- li = ph : ùsklophénùt, ù èsklàp hénût « un sabot fendu ».
^ + // = //y ; sélèthikat, se l et hikat « si vous l'avez mis » .
^ + /;' = /;'' tend vers /''' ; kakhïra:^ès, ou kathïrazès, ké ak hùrazès « tu y
pratiquas un trou ».
Explosive soufflée -\- s -\- explosive soufflée ou vocalique. La première
explosive tombe :
akospériuts (a kop s périuts), a kôt s pér^iits « à coups perdus » ; àîuîims-
pér et, àmûeats péJ- et « attirés par lui »; ako/j^ékalaû (a kôp s dé kalaû),
a kot s dé kalqn « à coups de pierre »; klnskla'^gràns (Jiins klak s gràns),
klns Mat s gràns « quels grands coups ».
Nasale + labiale (^, V) = m (tnp, nih) :
w : nùèiilwnpasa , nîi hiilîim pasa « nous ne voulûmes pas passer »;
kélembis, ké l èm bis « nous l'avons vu » .
n : nu>àmpît~ut , ml an pnini « ils n'ont pas pu »; kéèàtnbéy, ké bàn béy
« ils vont voir ».
n : késplampéy, ké s plan péy « Pierre se plaint » ; élwémbatista ? é Iwén
batista ? « est-il loin, Baptiste ? » .
Nasale + dentale (/, d) = n (nt, nd) :
m : sélentùkat, se l em tùkat « si nous l'avons touché »; kéèàndém, ké bàm
déea « nous allons laisser ».
n : kélàntirat, ké l an tirât a ils lui ont tiré »; kéJàndat, ké l an dat « ils
lui ont donné ».
11 :'kemensîMntè, ké m en sûèen té « je m'en souviens, tiens »; ûpnndévus-
kqys, ùpùn dé buskays « une poignée de branchettes ».
Nasale + palatale {ky, §y) = n (jtky, n§y) :
m : gaytàniiyoy, gqytànikyoy « regarde-moi, enfant »; 7ifin:(ébéngyàmés, nîi
enzé bem^yàniés « nous ne nous voyons jamais ».
LE PATOIS d'aRRÈNS. 2$J
Il : kaiiRyoySy ke an kyoys « ils ont des enfants »; nùpiïyeffyyésiy nù pùyen
§yési « ils ne pouvaient pas sortir ».
y ; kêlcstreif^yahbés , ké l éstrcf} §ya ak bés « il le serre, tu le vois bien » .
p + ^y ne se rencontre pas.
Nasale + explosive vélaire {k, g) = A {jUk^ fig) :
m : kcJh'ikrùèit, kélhn krùt'it « nous l'avons couvert »; n- tnmangtihitSy
se tnrnàm yùhits « si nous revenons mouillés ».
n : kd'àfikaîl^i ^ ké bân kaû:^i « ils Vont choisir » ; kàngù:^at, ké an gù^at
« ils ont osé ».
H : ùèàûkwt, û bân kaût « un bain chaud » ; sétaténg'çra ! se t atèn géra !
« tu vois bien qu'il t'atteint! ».
Xasale + nasale. — La première s'assimile à la seconde.
m, «, y -f- '« = w/wz ;
kemméty ké èm met « nous avons peur »; pérùmmàmbis? pér un m an bis?
« par où m'a-t-on vu? »; ùkii;;fininià:iu, ù kii^iitj mâ^u « un coing mûr ».
m, n, n -\- n = un :
kalùsténnégat, ké a iùstém nègat « il a toujours nié »; séîànnéiéyat^ se l an
iié^tyat « si on l'a nettoyé »; éiésprannfd'agayré , et éspràn nû ba gayré
« l'épargne ne lui va guère ».
m, n, n -\- îj = nn :
knènnàiité, ké en èm nàiité v. nous en avons un autre »; kàtjnâkat, ké an
nàkat « ils ont mordu »; éstrênnàiitékçp, éstré\i muté kdp « étreint une autre
fois ».
Nasale + /, s, €, j, 1= n Çnf, ns, ns, nj) :
f : kélat'énfrikasqia , ké l a bém frikasa^a « nous b voyons brisée » ;
késîinfwétats j ké s sîin fivétats « ils se sont fouettés »; akéklni'enflnlt y akét
kivén finit « dès que ce côté sera fini... ».
5 ; kélènségit, kél em ségit « nous l'avons accompagné »; embàntànsokijj:(eny
en bàntàn sô ki li^én « en vantant ce qu'ils disent »; késplanslnsékaléy, ké s
plan sjnsé kaléy « il se plaint sans nécessité ».
£ : k'eneitmh , ké èm eibans « nous avons des chevaux »; muukût? an
€ukat? « ont-ils sucé? »; sékràn^étaféhôra, se kràn €é ta déhçra « s'il craint
qu'il s'en aille dehors ».
/ : nîibénjênât, nCt bémjenàt « nous ne le voyons pas gêné »; nùlànjâmh,
nû l an jàmés « ils ne l'ont jamais ».
/ ; késérkànlàmbniskas, késérkàm làmbniskas « nous cherchons des raisins
de vigne sauvage » ; k^énhil^nà, ké bçién lènà « ils vendent du bois de
chauffage »; ùtèrènlèy ù téféii lé « un terrain laid ».
238 CAMÈLAT.
Nasale (m, n, y) -{- 1 = vl •'
kùn'^ènlébat, kù çn^éhnlébat « nous nous l'avons levé »; nUmàiflésatj nù
m an lésât « ils ne rîi'ont laissé »; kéléstré^lèsan, ké l éstre\} lèsaû « il le serre,
laissez-le ».
La nasale + h ne souffre pjs de modification.
Latérales. — La latérale / n'est jamais finale, et jy remplace toujours /
à la fin d'un mot.
5 et ^ finales + explosive soufilée = s :
ké^éspértitt , ké dés pértiit « tu es partout » ; képar testât aria, plus rap. :
képartéstatarèa, ké partes ta tqrva « il part pour Tarbes » .
Les petits enfants prononcent érakhola ou bien érahkhàla pour éraskola
« l'école » : érakhola est la forme la plus répandue. Les petits enfants
prononcent de même èthé pour esté « celui-ci ».
i et ^ finales -f- explosive vocalique =: ^ :
kéla^lat, ké l as dat « tu lui as donné »; saféegqra 1 plus rap. : saféi^gqfa?
s afés gcffa ? « rit-il du tout ? » .
Toutefois, dans la prononciation rapide, s'c;y deviennent / :
senâjânta, se n as f^yâuta « si tu en as une autre ».
On trouve quelques exemples de la transformation du s en /; devant
un I et un î) dans la prononciation des anciens.
5, ^ -f nasale = ;(, plus rapidement /; (:^w, ;(«, :{«, — hm, hn, hy),
+ /, / =h{hl, hl), +f=h{hf) :
m : séla:{niétut, p. r. : sélah'métut, se l as met ut « si tu l'as mis »; parté:(iné,
p. r. : partéh'nù, partie nié « pars moi ».
n : kiwi:^negat, p. r. : hïvih'nêgat, kù bis négat « tu le vis noyé »; déspu:(;-
nàskut, p. r. : déspuhnàskut, déspue nàskut « depuis né ».
^ .• senàT^iàiité, p. r. : sénàshnâuté, se en as nqûté « si tu en as un autre ».
^ -j- y ne se trouve pas.
/ : nntébahlùf;ya ? tin té bas hfgya? « où vas-tu loger? »; kafénèhîèu, ké
afénée Ihl « il finit bientôt ».
i ; sahlébat.., s as lébat... « si tu as levé... »; sùiréhlèbat , se ùhrée levât
« sHl ouvre, lève-toi ».
/; demmehfï, dé et mes fi « du plus fin »; èpuhflnit é pue finit « et puis
fini ».
s + e,j == h {he, hj) :
€ : bo:(juh£iflats ? bos dus eifiats ? « veux-tu deux soufflets ? » . '
y ; sûèéhjàmes, su bés jqtnés « si tu le vois jamais ».
LE PATOIS d'aRRÊNS. 2}$
4 -\- 5 = hs :
parchsènù ! parée senù ! « parais, sinon! ».
^ -f -N -.vs;
séùassùkùij^ se bas siikù^i « si tu vas secouer » .
€ -\- € ^=€ :
kùkctû:^éeaiîtm^ kù kaii^ée eaûtiû « il le choisit tout chaud ».
5 + /; = 55 :
két'osséy kè bas hé « tu vas faire » .
€ + h = f£ :
sépartéee^luy se partes hé lu « si tu pars fais-le ». Le A n'est pas toujours
assimilé, et on l'entend quelquefois suivant 5 et €.
Conclusions :
1° L'assimilation est régressive, c'est-à-dire que le second élément
produit généralement l'assimilation du premier. Excepté cependant pour
les fricatives 5 et ^ -f- ^ comme on l'a déjà vu ;
2° Les explosives soufflées donnent une explosive aspirée';
3° Une explosive soufflée + une explosive vocalique donnent une
explosive vocalique redoublée;
4° Une explosive soufflée -\- une nasale donnent une nasale redoublée ;
5° Une explosive soufflée -\- une latérale donnent une latérale
redoublée ;
6° Une explosive soufflée -|- une fricative soufflée donnent un / + cette
fricative. Ce / disparaît devant un / (exception pour le li) ;
7° Une nasale -}- plus une explosive bilabiale donnent un m -\- cette
explosive ;
8° Une nasale -|- une explosive dentale donnent un n -H cette
explosive ;
9° Une nasale -f- une explosive palatale donnent un t? -H cette explosive ;
10° Une nasale -f- une explosive vélaire donnent un fi vélaire + cette
explosive ;
II" Nasale -f nasale donnent cette nasale redoublée ;
12° Une nasale -f /donnent un « 4- /; une nasale -|- / donnent un
y + i;
13° Une nasale + une fricative donnent un n -|- cette fricative ;
14" Une fricative -|- nasale donnent une nasale aspirée dans la pro-
nonciation rapide ;
15° Une fricative + une latérale donnent une latérale aspirée.
240 CAMELAT,
Pour ma mère, ces dernières assimilations donnent une aspirée, même
dans la prononciation lente.
IL — Notes de Syntaxe.
NOM
Les noms propres précédés du nom veulent toujours être précédés de la
préposition dé : hatistû dé kalot « Baptiste de Calot, c.-à-d. de chez
Calot ».
Il en est de même des noms féminins employés comme noms propres :
mikeû dera kqxfi pèy dçra krâmpa «Michel de la maison, Pierre de la
chambre ».
ARTICLE
1° L'article ne s'exprime pas dans les phrases partitives : kêy hnimpat
h'iû é plumets « j'ai acheté fil et plumes » .
2° On peut supprimer l'article après ou conjonction : déras pétitas ù
grânâs « des petites ou grandes ».
3° L'article ne s'emploie pas lorsque le nom est précédé des préposi-
tions a « a », en « dans », pér « par », ta « pour » : ké soy en kq^a, ké bàm
ta misa « je suis dans maison » ; « nous allons pour messe ».
4° L'adjectif possessif veut toujours être précédé de l'article : et mé çml
« le mien mari », çra tô hènnà « la tienne femme ».
ADJECTIF
1° gràn peut ne pas prendre la marque du féminin : (ta-gràn-pdrta pour
ùa-grânà-pàrta « une grande porte ».
2° Lorsqu'un adjectif se rapporte à deux substantifs de genres diffé-
rents, il s'accorde avec le dernier et ne prend pas le pluriel, à moins que
le reste de la phrase n'indique que l'adjectif se rapporte aux deux sub-
stantifs : Tia màynqia è ù màynàt héroy « une fillette et un garçon joli », ou
réciproquement : il màynàt è ùa maynàifi béràya. — ké gqyta dap éts néys
è ra bnka iivriia « il regarde avec les yeux et la bouche ouverte ».
3° L'adjectif possessif est toujours invariable à Arréns.
4° premé «premier», employé dans le sens de «avant» est toujours
suivi de ké « que » : kanUy preme ké tu « j'arrivai premier que toi
(avant toi) ».
LE PATOIS D*ARRÈNS. 24 1
5" L'article et l'adjectif possessif se suppriment devant les noms pay
« père », niày « mère », payait « grand-père », màye^ta « grand' mère »,
îinklè « oncle », tata « tante » ; mais non devant nebiit « neveu », ht
« fils », etc. : pay-ké-ié-t'fût « père est venu », êy ûnkU? « mon oncle? »
6° th pluriel de ù « un » joue le rôle d'article panitif : kù-lé-ûs-koi-fé-
pû\i « il lui donna des coups de poing ! »
PROXOM
1° Les pronoms personnels se, lu, la, û compléments d'un verbe à
l'impératif ou à l'infinitif se placent toujours après le verbe : ké màr€}n
s'tnsé pîirtasé en lôk « ils marchèrent sans se porter 5oi en lieu (nulle part) »,
pérké métçmé akérd « pourquoi mettre moi cela ».
2° Les pronoms pé « vous », té « toi b suivent le k/ qui précède le
verbe ou le verbe lui-même : ta ké pé et bîïtatakérô? « pourquoi vous avez-
vous mis cela ? », ta ké hika-pé 6Ùl ? « pourquoi vous mettre seul ? ».
3° Le pronom çn:(é « nous » se met avant le verbe : k-én:^-iàs
« tu nous veux »; et après, lorsqu'on interroge : hon:^él « nous veux-tu?».
4° Le pronom interrogatif ^/ se dit toujours des personnes : kiôûn esté
tnûndé « que sont-ils tout ce monde ».
5° Les pronoms indéfini nàt « aucun » fait au pluriel «5/5, lorsqu'il
signifie ni les uns ni les autres : nâts nîi sûn bjùts « ni les uns ni les autres
ne sont venus». kq;^a est toujours invariable.
\'ERBE
1° ké a que » précède le verbe à tous les temps, excepté à l'impératif :
ké 5oy « je suis », kayme « j'aime », kaymh « que tu aimes », ké i^éeqras
« tu laisseras», Içsa «laisse ». bé «bien » remplace quelquefois ké pour
donner plus de vigueur à la phrase : bé-M-iéroy-ija «qu'il fait jolie journée!»
2° Le verbe avoir éy se place quelquefois à la fin du membre de phrase :
ûa pù^éta a « un moment a (il y a un moment) », sé-h^-a-gas « si Êiit
tu l'as (si tu l'as fait) ». La 3^ personne du singulier a, quand elle est
précédée d'un nom féminin pluriel, subit l'attraction de Va de flexion,
qui devient long : b^as pù:^tâs pour b^ras pù:^(tas a « belles poses il y a,
c.-à-d. beaux moments il y a (il y a déjà longtemps) ».
3° L'impératif veut être suivi du subjonctif et non du futur lorsque les
deux propositions ont le même sujet : ôjas mût kân dus « sois muet
lorsque tu donnes » et non kàndqras « lorsque tu donneras ».
ftETDE DES PATOIS. — l6.
242 CAMELAT.
4° Le gascon aime à placer (complément du verbe infinitif) ou attribut
en tête de la phrase : braSé kù bùy « sage je le veux », pumas nû-n bùy
« des pommes je n'en veux pas », dçra létnl nu men pariés « de la laideur
ne m'en parle pas », tnnj^ya ké kati « manger il faut ».
5° Devant le verbe être on peut placer immédiatement l'attribut en
écartant le ké : saîliaias 6îin « sauvées elles sont ».
6° Lorsqu'un verbe de mouvement a pour complément l'infinitif sérka
« chercher », on peut supprimer l'infinitif et le remplacer par enta « pour ».
Ex. : ké-zé-ànàt-ta-ra6-bcika6 «il est allé pour les vaches (chercher s. ent.)»,
hé-^é-ànàt-ta-r-ayga « il est allé pour l'eau » .
PRÉPOSITION
i" Lorsqu'on veut montrer qu'on stationne plus ou moins momenta-
nément quelque part, on emploie la préposition en et non a : ké soy m
Paris « je suis dans Paris » et non : je suis à.
2° Lorsqu'un verbe de mouvement est suivi de l'indication du point
vers lequel on se dirige, en emploie la préposition enta ou sa contraction
ta « pour » et non à : ké-hoy ta Paris et non à Paris. De même on dit :
kèy en fera « tomber en terre » (tomber par terre), kèy ta fera « tomber à
terre », alors que la chose dont on parle est séparée de la terre. Cependant,
on emploie souvent les deux. expressions l'une pour l'autre.
ADVERBE
1° Les adverbes de quantité tàn, trop, qutcin, kqnté, plà, peuvent s'em-
ployer comme adjectifs. Ils s'accordent alors en genre et en nombre, plà
seul ne peut prendre que la marque du pluriel : ké-fio-autântas-ki-n-bûlû
« il en eut autant qu'il en voulut », tropas-ké-n-a « trop il en a ».
aûtàn peut être suivi de ktimà « comme ». Ex. : kèy autan kîimâ tu
« j'ai autant comme toi ».
2° Même, adverbe, se rend par bêt màzé£. Lorsque même signifie quand
même, lors même que, le patois d'Arréns dit seulement kàn : kân nù tnilérés
« lors même que tu ne voudrais pas». Dans la langue des jeunes, même
s'emploie comme en français.
3° bèt peut prendre une foule d'acceptions toutes différentes. Par lui-
même c'est un adjectif quaUficatif et il signifie grand, et même beau. Mais
il entre dans beaucoup de locutions. Je vais en noter quelques-unes :
bèt-dia-ké-'èlrq « quelque jour il viendra ».
LE PATOIS DARRÉNS. 243
a-èét-bùnih^la, loc. invariable = à tort et à travers.
a-lêt-pla:^iy loc. inv., littéralement : avec beau plaisir = doucement ,
sans se presser.
bélïèu {bit ïèii) = dans un moment, tout à l'heure.
bèt se pat = cela se peut, c'est vraisemblable.
bét kop = quelquefois.
bét ara {bé^cira) = maintenant, il y a un moment, tout à l'heure.
bêt mâû {bemmànï) = litt. beau mal = cela ne m'étonne pas.
b'eraiéi^^ràndah^'i (bèra dr^^rânda h&tt), interjection, pour marquer l'éton-
nement, la surprise.
à bèt bihlau, locution adverbiale : par côté.
bét hét, adverbe : cela ne m'étonne pas.
bêt krànklKm : interjection.
4° L'affirmation 0 « oui » a subi les transformations suivantes ; en
composition avec be : çt'é, ohé. De même, oui français est devenu : wé^ wé,
wi et s'adjoignant bé : wj-bé, u'fèét ; en composition avec ke : kéo a que oui »,
kiOj kyÇy kékyOy kétio.
5° Il y a un signe d'affirmation 0 inaccentué, qui se prononce en aspi-
rant légèrement, la langue effleurant le palais.
Et encore un signe de négation inaccentué, la langue placée contre le
palais comme un /, se met à sa position normale et on aspire doucement.
On peut aussi expirer.
IIL — Textes.
Parmi les textes, les uns ont été notés d'après la prononciation de ma
mère, âgée de quarante-cinq ans, qui comprend le français usuel, mais ne
le parle jamais; d'autres d'après celle de mon o\\c\e pèya dé mlstè (Pierre de
Misté), âgé de cinquante-cinq ans, qui comprend le français, l'écrit un
peu, et, comme ma mère n'a jamais quitté Arréns; le dernier, d'après
une vieille femme tmenà dêra lànà (Antonia de la Lande), que j'ai ren-
contrée fortuitement sur la route et dont j'ai noté la conversation sans
qu'elle se crût observée.
Dans la traduction littérale, je me suis attaché, non à donner une
forme française, mais à rendre le patois mot pour mot.
M. Jean Passy a très bien montré, dans son étude sur le patois d'Eaux-
Bonnes, les avantages que présentent les notations successives. Son étude
m'a servi de guide; de plus, il a bien voulu revoir mes textes.
L
244
CAMÙLAT.
PHRASES DETACHEES
Je me suis attaché à ne donner comme phrases que celles qui pouvaient
intéresser par leur construction.
Je les ai saisies au vol de la conversation ; je ne possède donc jamais
que la forme rapide. Je restitue la forme lente et je mets en regard la
la traduction littérale. Quand celle-ci n'est pas compréhensible, je la fais
suivre entre parenthèse, d'une traduction plus libre.
Conversation faite le 3 mars
parle d'abord :
è ké séû hè pét bilaj^yé?
ékéséithèpébbilagyé ?
afé dé nm nu se parut,
aféiénàii nîiséparut,
déspue ^yù ki n 6oy ^yésiia ?
déspûji}himoyés\ia ?
nu nù è tin èt'^ éts mités ?
nûnû éîinèd:(éd:{qîités
et nmtré ké èm,
émméstrékèm
pér asiwés en hàra.
pémsiwé/^énhora .
è jarànsés kln ba ?
èfarànsésklmba ?
à bèt bèt hè sarétiraèa iùi se.
oèèbbêt késafétiral'atùtsL
kàn ^yera asiu haut.
kàngyèrasiuhci'ût .
è kàn a dé sérvisé a hè ?
ékânâfésérèisahé ?
nù n a ké kwaté mes
mmàkèkwqtémès
enkora dé hèts.
énkoraiéhèts.
1891, avec twenà déra lànà. C'est elle qui
Et, qu'est-ce qu'il se fait par le
village ?
Rien de nouveau n'est pas paru,
depuis moi qui en suis sortie.
(Depuis que j'en suis sortie.)
Non, non, et où avez- vous les autres?
(Vos parents)?
Le maître nous l'avons (est).
Par là-bas en haut.
Et François, comment va ?
0 bien, bien, il rentrait tout soir.
(Tous les soirs).
Quand il était là-bas en haut.
Et combien a-t-il de service à faire ?
Il n'en a que quatre mois
encore de faits.
LH l'ATOIS d'aRRÉNS.
245
( ké séré fyèr pcr asi
\ késéréfycrp€ras'\
( en (;arlâti (ras chas.
\ èfi^arijinèra:^Qlas.
( è nùs kc ('«'t' payrarém dé i;yçjté^^é.
\ hiîiskên^cpayrarêm dêy^stégé.
[ kln fjéréty kln ayré ké hé!
I kinhérékhlnàyrékéhç !
\ a d\n syat twçnà ' .
( aiifqthwçnà.
( a dyMta bista dtinkas.
{ ayàiitai'istaijinkas.
Explication de quelques mots
Il serait fier par ici
en gardant les brebis.
Et nous, nous nous passerions d'y
être.
Quel froid, quel vent il fait !
A Dieu soyez Antonia.
A une autre vue adoncques.
éâ « y », nàû « nouveaux », kln
« comment », ici, c'est une contraction de ki ne « que j'en »; kln signifie
encore : quel comme on le verra plus loin ; asiivés = là-bas, les jeunes
disent : asfu.
Il ê kln ba akérà ?
\ èklmbàkérà ?
i è palâ béroy è biis ?
\ èpalâî'éràyçbiis ?
( è ké t paséyas béroy akiû ?
( éképhaséya:;èérôyakm ?
I ê sJnsé ké paséyànié taèç.
\ èsinséképaséyà^nétah}.
^ billet hé akérà ?
( biilélh^akérà ?
l ké m a btïy §ya.
\ kèviàîmyya.
( ké hè d^ï lôkil.
l kéhçièûlàkîi.
( ké m ayét eut parlât....
\ kemàyéieiipharlat
( 0 ho ké m 5Ùve ^ya.
\ obokensùèçya.
DIVERS
Et comment va cela ?
Et bien joliment, et vous ?
Et tu te promènes gentiment là.
Et sans que me promener aussi.
(Et je fais autre chose que me promener.)
Voulez-vous faire cela ?
Je me le veux, oui.
(Je veux le faire assurément.)
Il fait du fou.
(Il fait le fou.)
Vous m'aviez eu parlé...
Oui, oui, je m'en souviens, oui.
' Même dans la prononciation lente, a^imyat (soyez à Dieu), se dit
a^j^at.
246
CAMELAT.
itùrnâ '^ya haras dé bîjnà àra.
tnrnàyahara6 déèûnora ?
( s àin pensé à.
\ sàmpénséyd.
( lésa éras hiéstras barakas.
\ lésarahshyestra7;t>afafas.
[ siiké éras portas ùinri.
l sùkéraspàrtaziihri.
( se s en bo sérèi hé s a hqra.
\ séséniboséri'i késahqra.
( ké p êm èy qétàn dé gôy
( képémèy atltàndégày
( kîïmà p é m en et.
\ kûmâpéménçt.
I îin dés ànàt?
\ îtndé:(ânât?
i ké èy ànàt hè ù iùr dé kâ.
\ kèyànàthè ùtùriékâ.
Revenir, tu feras de bonne heure.
(N'est-ce pas que tu reviendras de
bonne iieure ?)
Je me le pense, oui.
(Je le crois.)
Laisser les fenêtres fermées.
Rien que les portes ouvrir.
(N'ouvrir que les portes.)
S'il s'en veut servir il se le fera.
Je vous ai autant d'amitié
comme vous m'en avez.
Où es-tu allé ?
Je suis allé faire un tour de chien.
(Une petite promenade.)
DEVINETTES
D'après ma mère.
Comme on le verra, ma mère n'a qu'une notion très vague du mot.
Elle le partage quelquefois en deux parties : énuiafri kntét ou bien on
réunit deux ou trois ; énùkùmbén. Pour elle, le ké fait toujours partie du
verbe qui le suit. J'ai mis entre crochets la division logique.
[ fia kan'^ilHa ^
\ ùakqê:^iléta
( tùta platéta,
\ tilt aplat cl a,
ké^its énnplànérét
kéziz;{én ùplànérét
kéhgsa qyré
kéhasâyré
[ké dits en ù plànérét~\
[ké hqsa qyré]
Une petite chose
toute plate,
dit sur une petite plaine:
Qu'il fasse vent
' kau^ilèta « petite chose » signifie aussi devinette. On dit : dihmèkqîi:^i-
Utas « dis-moi de petites choses », pour : « apprends-moi des devinettes. »
LE PATOIS D AKKi.S>.
247
ù kéhqsa 5w, [« ké basa 6Ù] ou qu'il fasse soleil,
iikchnsasi),
tùstèm yi'ihila késoy f;yii [tùstem fftih'^ia hé ioyf;yii] toujours mouillée je suis
tùsthgiihjijx késoyyit
\ ùà kauxjUta sîmépéû tiivs, s]nsé pçû né os
\ ùàkài'i:^iljta sinséfn^hièos,
( kaihépii^a dé^ros. ké n hé pùla dé gras
( ketihèpù^a^é^rçs.
cralcnha.
moi.
Une petite chose sans
poil ni os,
en fait rompre de gros.
La langue.
* *
Quatre petites demoi-
selles dans un couvent
( kwqté dàniî:;élêias enùkûmbèn m ù kûmbén
I kwqté^àmî^él'^tas ènùhùmbèn
j nù^i nephuçya neèén. nîi bén ne plwçya né ben ne voient ni pluie ni
( nîièénneplu'éyàneèèn. vent.
Les quatre demoiselles, ce sont les quartiers de la noix que l'on trouve
réunis après qu'on a brisé la coque.
( kwqté sérù l'çtas
\ kîvatêsénilçtas
I kéèièén tçsta èbqrèa.
\ két'ièéntèstèt'ari'a.
I kwqté dàtntiélétas
\ kwal^àtm:^éli;tas
( nûhén éravrûméta.
( nîit'énêraèrûméta.
kwqté sériil^tas
Quatre petites sœurs
ké biben testa é bqrba vivent tête et barbe.
(Sont placées l'une de-
vant l'autre.)
* *
Quatre petites demoi-
selles
nû ben çra brûmçta ne voient pas les nuages.
I ékhaeûxiet dé^iû lùpay et kaeûjjét dé djû lu pay Le petit caisson de Dieu
( ékhqeîlnèdd^mlùpqy le père
( kàùvrée sjnsé klqû. ké s ûîrée sjnsé klqû s'ouvre sans clef.
( késûirr^lnséklaé.
et kahl. La noix.
Car il suffit de la pointe d'un couteau pour partager la noix en deux
parties.
248
CAMELAT.
hlàriy blàn kûmâhhîdc^t , \blank,hlàûkkîfmàétknlat Blanc, blanc comme le
blànblànk hnmàkhidat,
né né hûmàphékqt.
nénékîi m àphékat.
çra pi^a.
caillé,
\né né ktïmq et pékat] noir , noir comme le
péché.
La pie.
* *
\era pèt pét déhçra] La peau en dehors,
[èra pela pét dépens] l'habit en dedans.
( érapét péddéhôra,
\ érapephéddéhqra,
( érapéla péddé^éns.
{ érapèlapéddé^éns.
La peau, c'est le suif ou la résine ; l'habit, c'est la mèche qui peut être
en coton ou en fil d'étoupe.
* *
[ éphéû péddéfùat crakrûsta. [etpàïpétdéi'atérakrùstdjLe poil par dessous la
( éphèûpéddéèqt èrakrùsta. croûte.
La croûte, c'est-à-dire le suif, la bougie ou la résine recouvre le poil ,
c'est-à-dire la mèche.
( dus kats è duz^èts [ du6 béts] Deux têtes et deux becs
( dmkad^èiu'^èts
[ nwân né tripas neèûiéts. \nù an né tripas né buzèts] sans entrailles.
( nû an né tripas ne billets.
tripas et billets sont synonymes. Cependant on dit plutôt bîïièts pour
les animaux.
ièt sakats katùrT^è hùrats
sètsakats katùr^^éhùrqts.
éras estai ans.
hqûta kïïmù palj,
hqûtakûmîfpale,
nîin par are ù dîné,
nûtnpararé ùzinè.
*
* *
Sept coups , quatorze
trous.
Les ciseaux.
[hmlta kUma ù paJJ] Haute comme une meu-
le de paille,
[uû empararé ù dînï\ elle ne soutiendrait pas
un denier.
LE PATOIS D*ARRÈKS.
249
( sérçia, berçtià hépqsa pérapçtià ....ké pqsa p^ra pçttà . . .Passe par le précipice.
1 sérènàttrçnà kcpaMiptrtipt-na
l àftiiéts enâl'aiita. cts htiièts (ttâ (^nta les boyaux dans la gorge
( è rastr'ipas ètmhmta è (ras tripas fnà hiûta et les entrailles dans le
I çrastripa:;euàhaula. giron.
Je ne comprends pas les deux premiers mots : sér^nà bérçnà.
érairûmà.
Le nuage.
I ktirùts benef^ffay
( krù:^t'ène^ita,
{ dân salut éèita.
\ dàtt6alu~èt'ita.
i saiàn bafat'àn,
\ satàmbafaèqtiy
j tiratèn dë^at'àn.
{ tiraténdé^iièàn.
l se are èy prUmcttit
\ safé èyprîimètut
I àmmàû esprit^
{ âmmàwésprit,
( asi ketnén dcstûrné,
{ asikemèndésîiirnèy
( asi kenién dé^:;jk.
\ asikemèndé^îk.
I ^ï Uét'èy déèû màit,
( dyûnléèéy déèùmâtty
( tnïèéy ànîista dàni^ta
\ trùiçyànifstaiàm^ta
PRIÈRES
1° DEVANT UNE CROIX
(D'après nu mère.)
\kiiriiis\
\dàm salut è b\ta\
Croix bénie,
donne-moi salut et vie.
Satan Barabas,
[tira té em dé dat'àn] Ote-toi de devant (moi),
si rien j'ai promis
[at mm esprit^ au mauvais esprit,
[asi ké m ht déstùrne] ici j'en reviens,
[asi ké m en dé^ik ^J ici je m'en dédis.
2° LE PATER DE pràùért
(D'après ma mère.)
[^yiï m Ijbèy de bù rnàtt] Je me levai de bon ma-
tin.
[ a mtsta ] Je trouvai à notre petite
Dame
^ Les jeunes diraient : déy^f-é.
250
CAMELAT.
[en kàtnt ké m ?nltù]
[çra kriits dat'àn]
dans le chemin.
me suit
la croix devant
Elle
( êûkâml kem metù
\ efikamî kémmétù
( érakrnts dat'àn
\ érakri}:{iai>an
\ také éphékat nîi mengân [ta ké et pékat nûméngàn] pour que le péché ne
( taképhékânmimèngân me trompe
[ nén drûniin nên bulàn [nééndrnmlnnéénbulàn] ni en dormant, ni en
( nèndrîmi^nnémbulàn veillant,
t arora dé ra mista mur [àraoradéçraniistamûr] à l'heure de notre mort
l arora^érànmtamûr
I kàn neû syâm. [kàn eu syàm] lorsque nous y serons.
( kàneîhyàm.
Au lieu de dire dyûm lébèy « moi je me levai-», ma mère sépare le ;;/ du
fjyTtm « je moi « et le reporte sur léhèy en renforçant le /. Cette forme est
intéressante, les jeunes diraient t^yù kém.
mhtgàn. On dirait aujourd'hui : méngàné « me trompe ». Ma mère récite
cette prière d'après sa grand'mère, qui était née en 1800.
3° LE PATER (éphatèr)
(D'après mon oncle.)
La division par mots est de mon oncle lui-même. Pour éviter l'accu-
mulation des consonnes au milieu des mots, il les partage en deux parties,
dans pér dnnàm «pardonnons ». Réciproquement, il donne comme n'en
formant qu'un seul : ara pour a ra; êa keras pour è a akéras. Cependant,
comme il écrit quelquefois le français, il a plus que ma mère la notion
du mot.
Je donne entre crochets la division logique.
( nîjsté pay kyets en ski, [ntisté pay M yèts en sèu\
{ nïi6tépay kyèd^^énsèû,
\ bôsté nùm sia sàntijîkat,
i bàsténûm 'siasântijikat ,
\ bôsté aféyqunié
\ bostaféyathné
\ nîis aèçnka,
{ nû'^aiçnka,
( bàsta bîïlêntat sia heta
\ bôstainilentat siaheta
Notre père qui êtes dans
le ciel.
Votre nom soit sancti-
fié,
Votre royaume
nous advienne,
Votre volonté soit faite
LE PATOIS D ARRtXS.
251
i f»w t(ra kiimà en s^'i.
\ enàiçra hîtmàns'^û.
\ damuis au dia dài'c [dat niis au d\a dé if^l
] dannû:;^au^ia^àL'(
\ nîisté pà dé kaia dIa,
i nûstépà dekalaiia,
pér dùnàt nùstas ùf^nsas [périîinàt nûstas ùf^nsas]
persil nàt nûsta::;f{fçnsa5
kiimà mis autis
kûmànû:^qutis
las pér dùuàm
laspériûmm
âkéts èa héros
akçi::^èak^ras
kln l:(àn ùfétîsat\
kln^anûfèitsat.
nùn Iceéis
nûnhléeéts
pas sùkûmba
pasukïimba
ara tèntasyû
aratcntasyû
mes debljiirânmis
m(:i;^éhliurànnùs
dé tût màû.
detùmmàu.
ataû sia.
atansia.
[/ as pérlùnàni]
\a akéts è a akèras]
\ki ^nxé àti]
[nû ens lé^éts]
[a çra tèntasyû]
dans la terre comme
dans le ciel.
Donnez-nous au jour
d'aujourd'hui
notre pain de chaque
jour.
Pardonnez nos offenses,
comme nous autres
les pardonnons
à ceux-là et à celles-là
qui nous ont offensé.
Ne nous laissez
pas succomber
à la tentation,
mais délivrez-nous
de tout mal.
Ainsi soit-il.
Nombre de formes du pater ci-dessus sont béarnaises. Par exemple : au,
dja pour a/ dia « au jour »; léeét pas pour lé^ét seulement. A part les contes,
quelques devinettes et quelques proverbes, tous les morceaux de littéra-
ture orale se disent en béarnais plus ou moins authentique. Nos paysans
éliminent à dessein dans le patois indigène l'article et, éra et emploient
volontiers lu, la. Comme on l'a vu, le ké qui précède toujours les verbes
conjugués est supprimé, tout ceci pour imiter le béarnais littéraire.
^ ùfensat devrait s'accorder et être ainsi d'un s : ùfensats.
?52
CAMÈLAT.
4° l'ave maria (ahemmoria)
(D'après mon oncle.)
La division par mots est encore de lui.
'\ ^yù hét salufé maria, [dyti k ép....]
[ ^yùkétsaln^êtnâfia,
^ plèa dé (arasya,
\ pléafé^arasya,
\ lu sénù hé dé dap bîh,
l îîtsénû héié^ahlnis,
\ biijèls bénéiiia
^vene^ita
pét désus iùtas çras hçnnài,
péddésmtùiq^éraôhennài
bénéiit kéfé é furut
bénéiikhéfé éfurût
dé bçsté béntré jè:(us.
dévd6téèéntréjè:(us .
6çnta maria mày dé djîï,
sçntàmàriàmày^éljû,
pêré^at din pér fiûs,
péré^addmpérnùs ,
paranvés pékaiûs, .
paraîSéspékaifis,
ara êarçra
arèarora
dé ntista mTir^.
dénûstàmîir.
[bits ^yèts bénézitd]
[bénéiit ké dé et furiït]
Moi, je vous salue Marie,
pleine de grâce (de grâ-
ces),
le Seigneur est avec
vous,
vous, vous êtes bénie
par dessus toutes les
femmes.
Béni est le fruit
[déét^ bçsté béntré jç^ûs] de votre ventre : Jésus.
[débébçsté...]
Sainte Marie, mère de
Dieu,
priez pour nous,
pauvres pécheurs,
[ara è a ra ora] maintenant et à l'heure
de notre mort.
LES GRACES (éras garasyas)
(D'après mon oncle)
La division par mots est de moi.
a ra pérémésyû dé diu
arapérémésyù^éziu •
A la permission de Dieu
' de bàsté pour de et bçsté, forme qui, par imitation du français, supprime
l'article précédant toujours ici l'adjectif possessif. [| ^ Il faudrait ici encore
l'article, et dire ; déra mlsta.
LE PATOIS d'aRRÈXS.
2)3
i è de ra kùmpâtjla ;
{ ^érqkîimpàmii ;
j digàm ' sçihlés pai'ers,
\ di^ànsenkéléspatèn,
( è s(nkflès aî'èmmàrias,
( êsenké:(a{'hnmària6f
I ta ras ànnàs dé et ésfhin'ièatçriy
\ taraxffnnàé de^éspurtdvtôri,
( ta ké lu bùn diê l as arépçi^é.
\ takéliihûnd^û la:^afépd^è.
( ka:;^a duos aèèmmàrias
{ ka;^a~iias aèçmmârias
\ à ra éntensyû dé nûsta dàmày
( aràniénsyù dénîiStazàmày
( kîi pula:(jà dé asisiàn:^é
[ kitpalq:iya^asistàUyé
, ara è partiktdy'eràmçns
{ arèpqrtikulyeràméns
{, à ra qra dé nîïsta mûr.
( arçraietutstamûr .
iséiihlés qûtés péras àntiàs
séùklé:^qittés péra^qnuâs
I déts nTisiés payé è nin\€
l déJmîfStéspqyj'emqye
( jarqye sqs paréns ànilts c énémlts
( farayshôs paréttî^ànilts èénémlts
I è pér tùts akéts ki gyhn tluts
( èpértii:i^akéts kiyenijûts
{ dé péréga ne diû,
I Jépérégqné:;juy
i se sùfirçeén en éspuryèatôri.
) sésiifèrêeén énéspunÉ'atôri.
\ pér a mûr dé pasyù
[ pérànuiripasyû
( dé nîisté sene.
{ dénfistésenl.
Et de la compagnie ;
disons chacun de nous, paterSy
et chacun de nous, ave maria
pour les âmes du purgatoire,
afin que le bon Dieu les repose.
Chaque deux ave maria...
à l'intention de Notre-Dame,
qu'il lui plaise de nous assister
maintenant et particulièrement
à l'heure de notre mort.
Impossible de trad. litt. Voici le sens :
Que chacun de nous dise autant
d' ave maria pour les âmes...
de nos pères et mères,
Frères et sœurs, parents, amis et
ennemis.
Et pour tous cela dont nous sommes
tenus
d'en prier Dieu.
S'ils souffrent dans le purgatoire.
Par la mort de Passion
de Notre Seigneur.
' Arréns dit di:(yàm plutôt que di^àm.
254
CAMELAT.
pér penétçmya déts nîji6tés pékats.
pérpénétçmya déhnmtéspékats .
ké djû kçn:(é dû bïinà mm.
kéiiukén:(éiû'i)finâniûr .
ké d\u kçu/^é gar^é
kezjû kénsgar^é
dé éras bérgîiijàs dé çsté mîindé
déra:(èérgîitid6 dèsténuindé
è dé éra dànnàsyù dé et qûté.
èzérqifinnàsyn décanté.
sénMés sarèès a nîista dama,
sénhUsarèes ànîtstaj^àmà.
kên^é gqrzé et kavqu,
kén^gqrdékhavqu ,
dé màû è dé dé:(^arq5ya,
démàzvè:^éié~^^arqsya,
è mis dé mûri en estât
ènû:(j^êmî{ nnèstcit
dé pékat mûr tau.
dépékàmmûrtqû.
pér tùts étsfiiçlas téréspasats.
pértûdxchfiielas téréspasats.
dé piirùfûndis
dépiirûfTindis
Aujourd'hui prémêsyîl se dirait : pérmésyû.
éspiirnèatàri n'est pas le mot français purgatoire, il signifie lieu
d'épreuve , du verbe éspnrûèa « éprouver » .
kaèaû désigne en général toute espèce de bestiaux : vaches, moutons,
etc. Etymologiquement, il ne devrait désigner que les chevaux.
On a pu remarquer que mon oncle dit toujours kéns «nous»; les
jeunes diraient kçn:;é.
Les grâces se récitent encore telles que je viens de les transcrire. Les
personnes qui n'ont pas quitté le pays et qui parlent le pur dialecte,
disent cela avec des mots choisis et des intonations que ne sauraient
employer les esprits cultivés.
Note complémentaire. — Plus exactement, a atone protonique devrait
être noté a ; posttonique, â après une labiale, â après toute autre consonne.
Camélat.
Par pénitence de nos péchés.
Que Dieu nous donne bonne mort.
Que Dieu nous garde,
des abominations de ce monde,
et de la damnation de l'autre.
Que chacun de nous dise un salve
à Notre-Dame.
Qu'elle nous garde les bestiaux,
de mal et disgrâce,
et nous de mourir en état
de péché mortel.
Pour tous les fidèles trépassés.
De profundis...
JEAN QUI DANSE'
(patois de bourn'ois — bunt — canton de l'isle-sur-le-doubs ,
DÉPARTEMENT DU DOUES.)
i yeii n'five 1 hub d
buté F an t §yé djà k
dâs. an î ^ye dite e
ka:^ k'è tiyéyè râ k d dàsi.
el été et ge, k setë tudj
Uàt, tudj fyot, tudj sat
dha lu ; elô, été 1 f;yâl,
kwe.
pè tnwâ^ sul'é tïàpate pe k'el
été bi servi jâ, tiiâ five, e po
ht teerttâby.
ttiê e iie fiû d f^rfe, e
po leint djà eue sô ptè defâ
kû ; xtè dh/we d le râkûn
pu sœ k vhi lu dèrédjî
kâ hsatèy kà e vtre, û
ht kà é jyote dh^ âr d gig
lu lô de vi.
5ôdji vér î po s el ôlèt
fit ! e nà itiâke pe yen > .
vuélè k lu djû dî rvtrô d le
Il y avait une fois un garçon de
Bournois qu'on lui disait^ Jean qui
danse. On lui disait comme ça à
cause qu'il ne faisait rien que de dan-
ser. Il était si gai, que c'était toujours
chante, toujours siffle, toujours saute
d'avec lui; allons, c'était un diable,
quoi.
Pas moins', cela n'empêche pas qu'il
était bien ser\*isant "», ma foi, et puis
bien charitable.
Mais il n'y a personne de parfait, et
puis l'ami Jean avait son petit défaut
aussi; c'était d'avoir de la rancune
pour ceux qui venaient le déranger
quand il sautait, quand il virait, ou
bien quand il sifflait des airs de guin-
gue le long des voies.
Songez voir un peu s'il allait aux
fêtes ! Il n'en manquait pas une.
Voilà que le jour du retour de la
' C'est une brave vieille femme, Julie Paillot, qui m'a appris ce conte
quand j'étais tout petit berger. Elle l'appelait le conte de sa grand'mère.
Je l'ai reconstruit fidèlement d'après mes souvenirs et ceux d'une de mes
sœurs, jj "■ Qu'on lui disait = qui s'appelait. || > Pas moins = néanmoins.
îl ♦ Servisant : celui qui aime à rendre ser\'ice. |î * On prononce aussi yen.
E_.
2\b
CH. ROUSSEY.
fi't d lîl, 5 mâgô d djà eve €ï
ta viri, £î ta sàtâ tut lï djunà,
kï'l eve rœbyâ d medjï ; d
te sot€ ke nèr epre tninœ^
kû à Hyiivï lu bel y el eve nie
Un dû le bdèn, ke s sre
mwetei devû le pe d sô vàtr !
âfrôme tïi peteû, £ï bï
ke nu ràk lu ta dhtà
1 tut€e pu medji lu lô dî
terni y e po d sa rvènî à
fyà pe n-nâ kel ï t£û:(e
de dà di€, e po kâ n
vweye pe sô dwe dvâ son éy.
kâ e fti à d:{û d le lôdjol,
^ seràte^ pii 5ofyâ n
mlnut à medjâ sô tutee k
lèfyënur âbame.
tl ôle modr le prémïr gulà,
kâ tu pii t ko vvJeVe n
pur vey puràs tut râbrlknâ
k trâvô€i le bar a pi d lu.
— mô bô môsyè, kel li
^yè, œsit pidi d mwe pu lemu d
dû. doyàsweyâ bdju
mô temJ, epoyâ mertei dà
le teâ lobwera '> ; el à et mo
kî n po pu Ivâ le emel,
e po î mû dfè, kel ^ye ■
à 5 l^yâ t£or eu i mèrdjèrô,
ï 5â kî ^ ve dmwerà
ïkî.
— elô, elô, le fàn, k lî
fête de risle, ce màgô^ de Jean avait s
tant viré, si tant sauté toute la jour-
née, qu'il avait oublié de manger; de
telle sorte qu'à une heure après minuit,
quand on clovit le bal, il avait une telle
lune dans la bedaine, qu'il se serait
mouché d'avec la peau de son ventre !
On fermait tout partout, si bien
qu'il n'eut rien que le temps d'acheter
un gâteau pour manger le long du
chemin, et puis de s'en revenir en
fuyant par une nuit qu'il y tombait
des dents de herse, et puis qu'on ne
voyait pas son doigt devant son œil.
Quand il fut au dessous ^ de la Lon-
geole5, il s'arrêta pour souffler une
minute en mangeant son gâteau que
le dessus embaumait.
Il allait mordre la première goulée,
quand tout pour un coup voilà une
pauvre vieille pauvresse toute brisée
qui traversa la haie au pied de lui.
— Mon bon monsieur, qu'elle lui
dit, ayez pitié de moi pour l'amour de
Dieu. Depuis hier au soir j'ai perdu
mon chemin, et puis j'ai marché dans
les champs labourés ; il est si mou ^
que je ne peux plus lever les sem'elles,
et puis je meurs de faim, qu'elle dit
en se laissant tomber sur un petit tas
de pierres, je sens que j'y vais rester
ici.
— Allons, allons, la femme, que lui
^ Synonyme de farceur, diable, mâgô est aussi le juron familier de
femmes. \\ ^ Au dessous = au bas. j] ^ Lieu dit du territoire de Mancenans.
jj 4 Tous les verbes de la i""^ conjugaison ont une double terminaison au
passé défini , on dit également bien î meràtî : je m'arrêterai auf nûràte. j|
5 Les illettrés disent robwerâ. jj * Pour la terre est si molle.
JEAK QUI DANSE.
->/
fiyf dfâ, ènfàpc zô l^yi ôlâ
dltû; vtK^e fè? tt'ni,
nùdji-m 6tè brîk d tutee, sa
n krôtôt d lèfct, suie va rb^yrP
1 po d kihy It pOyVb
set y yà de bwên Udb ^ pé dé
bô œy; kâ vo:^ hï sofyâ
n tninuty t vo rmùnrâ juskè
t€t VO.
le pur f an tié dttiâdî pe
inè ; ël s depadjî d niêdji n
giilâj e po à bit di ptè mbmà
ël s metl e niertct à 5 sothâ
d' epre djà. kâ e fun
àdeu dî djèlô, le véy pùràs
sïràtt. — vo:^ e prû Iwè s
ko kiy mô geeôy à vo rme^yày
î vo pru ràtrâ tut sœl ;
ià , k vb:^ e servi j à ! efà
kî vo bey àk pu
vo pzi'èn. vwèlé kèl tîre d sô
set£ô J bè vyolô tu no i po
t grô àt€Ô d pûdr .
— (ènî , môfè, vwekî t vyUô
klii sô sâtà e du lï le
rôd, è po kàn àfu€î d dàsi
kâ à lût à; kàvo lu
tnénrty tu sœ k lâtâdrâ
sràfuei d dâsij rïbô meryô.
dèvu st pudrè kî, sa âku
b'i pe; an à teerdjà votfu:^t.
dit Jean, il ne faut pas vous laisser aller
comme cela ; vous avez faim ? tenez ,
mangez-moi ce morceau de gâteau, c'est
une krblôt ' de la fête, cela vous redon-
nera un peu de cœur, et puis, vous
savez, j'ai de bonnes jambes et puis de
bons yeux ; quand vous aurez soufflé
une minute, je vous remènerai jusque'
chez vous.
La pauvre femme ne demanda pas
mieux; elle se dépêcha de manger une
goulée, et puis au bout d'un petit mo-
ment elle se mit à marcher en se sou-
tenant d'après Jean. Q.uand ils furent
au dessus du Jélo3, la vieille pauvresse
s'arrêta. — Vous êtes prou loin ce
coup-ci, mon garçon, en vous remer-
ciant, je veux prou rentrer toute seule;
Jésus 4, que vous êtes servisantl il faut
que je vous donne quelque chose pour
vos peines. Voilà qu'elle tira de son
sac un beau violon tout neuf et puis
un gros sachet de poudre.
— Tenez 5, mon fils, voici un violon
dont le son s'entend à deux lieues à la
ronde, et puis qu'on est forcé de dan-
ser quand on l'entend; quand vous le
nUnere^^y tous ceux qui l'entendront
seront forcés de danser, ribon marion.
D'avec cette poudre-ci, c'est encore
bien pis; en en chargeant votre fusil,
^ krbtôt = litt. petite croûte, désigne tout reste friand qu'on rapporte
de la fête. [) ^ Quelques vieilles personnes prononcent encore dj'ùskê. j|
3 Plateau qui domine à pic l'Isle-sur-le-Doubs, [j + On dit aussi /o : jb k te
bét : Jésus, que tu es bête ! puis jbs dans la seule expression : Jésus, Marie,
jbs, néryà. j| ' Lorsque tenez a un sens impératif, tènî devient tênit : tntl vo
trâkîl, tenez-vous tranquille. | ^ Mener le violon, mener le tambour, etc. =
jouer du violon, jouer du tambour.
UVCS DU »ATOI&, — 17.
2^8
CH. ROUSSEY.
tu 5uk vo tînt d€u, vo
lu vyl byôsî kmâ vo vurî,
u bi Hibâ àeï nue k
bâl.
à mveyà tu 6ûle, djà nà
rvène pc, el aie rmhyâ le piirâs,
kâ tu pii t ko, le
vwele kselâsï kiiià 1 Irvr c
va lu djelô â f\à le kîkâbol^ pe
deu le twe.
— nô dblœ, s kel-là btto
evu râvwîknâ, le vey, kgye djà
an œvrâ dè^ œy kmà de pote
d grâdj, 'gyâl àpûte kèl ve
tût ôèkôlnid'-eî à djlgâ, pe deu
le tiue; mâfivè, ta pe pu //,
el ne pe b:^ demve le mote
kâ el à nœ, kel loi lèvu el
vùre. tûdj à tu k yâ i
bè vyolô sko kï, sa n
bwln pir €u me fa, su kï
ve ma beyt d vtri sko kl !
fu dî,fufâ. sa pêdr en mînut,
lu vwele ksè nûtï e mnâ
sô vyolô tu dî lô di terni â
sa rvèhâ; e f:(e de sa d
kebe, kân ère dî ke lève lu
fjyâl dà le teab.
èlô, mâfivè, sa bô, vwele
mô djà k ràtri e pô ks
kwèteî, mè e nâ Myûvî pe lœy
d le né, lu bûgr, en f:^ k
d rîr d:(u se kal à s pàsâ
tout ce que vous tirerez dessus, vous
le voulez blesser comment vous vou-
drez, ou bien tuer aussi raide que
balle.
En voyant tout cela, Jean n'en reve-
nait pas; il allait remercier la pau-
vresse, quand tout pour un coup la
voilà qui s'élança comme un lièvre à
val le Jélo en faisant la kûàbol ' par
dessus les toits.
— Nom de bleu ^ , ce qu'elle a bientôt
été ressuscitée, la vieille, que dit Jean
en ouvrant des yeux comme des portes
de grange, diable emporte qu'elle va
toute s'èkôhnéeii en djtgà^ par dessus
les toits; ma foi, tant pis pour elle,
elle n'a pas besoin d'avoir les mouches
quand il est nuit, qu'elle aille où elle
voudra. Toujours est-il que j'ai un
beau violon ce coup-ci, c'est une
bonne pierre sur ma faux, ce que je
vais m'en donner de tourner ce coup-
ci ! Fut dit, fut fait. Sans perdre une
minute, le voilà qui se mit à mener
son violon tout du long du chemin en
s'en revenant; il foisait des sauts de
cabri, qu'on aurait dit qu'il avait le
diable dans les jambes.
Allons, ma foi, c'est bon, voilà
mon Jean qui rentra et puis qui se
coucha, mais il n'en ferma pas l'œil
de la nuit, le bougre : il ne faisait que
de rire dessous son bonnet en se pen-
^ kïkàbol = culbutes nombreuses et rapides. || ^ Juron très employé à
Bournois par les jeunes gens qui n'osent pas encore prononcer de gros
jurons. |] 5 sèkôlmâeî = se meurtrir et se déchirer les chairs d'un même
coup. |j * En bondissant comme le bétail qui fuit à travers champs sous
la piqûre des mouches.
JEAN Uwi i>.-»Nji.
2)9
5û k^l dli- fârdh,*ù sô vyolô.
àfwi, tût l li pihôt di
djii, kl invHî ksân Oit €u lè Uhir
e pÔ ks mhi (t mnà dt vyolô
d tilt iefoé-.
tiï pii 1 ko, vuHtÛ le djâ
ks metèn ^ debûrà de majô
à sàtà ^ pbe dàsi a mwkâ
dli in.
lefân k trâj'i evl
fyè dhii yt swfyô pyê d Ihe,
sa k drêml àkii sàten
dt le sa par lu ta ds
vètî, e yân hé pu dli mwht
deiHi yèt kàl d tuée poe
pi deteà.
It^ àm ke redj'i le
bft sàfî dèvfi yœfîirif.
âfl le djùtij le wy^ le
Ion, le biitu s tnètèn e sàtâ
trètû à s bolà d rir.
kâ e fil bl à tri, vil'l'Ïc
k (jlodô, k vèiie kùnâ
pesé deiHi le bordjèrt. à ht, s
ko kl, sfu bl m àtr abrâlt.
lis k n vwele pe me bfigr
d kebe po d bcrbî ks
vûtèn e djî^ elàiû dt btikô,
e po glodô k kiine d tût
sèfo€ à viwètà ! à nie:^ îfà,
siik à rye, siik à rye ! s dju le ,
dœkà setë 1 djnovral,
an /^^/ kèd dâsi.
sant ce qu'il allait faire d'avec son vio-
lon.
Ma foi, tout à la petite pointe du
jour, le voilà qui s'en alla sur la Cha-
rière' et qui se mit à mener du violon
de toutes ses forces.
Tout pour un coup, voilà les gens
qui se mirent à débourrer des maisons
en sautant et puis à danser au milieu
de la voie.
Les femmes qui trayaient avaient
fiii d'avec leurs seaux pleins de lait,
ceux qui dormaient encore sautèrent
du lit sans prendre le temps de se
vêtir, il y en avait plus de la moitié
d'avec leur bonnet de nuit et puis à
pieds déchaus.
Les hommes qui arrangeaient les
bêtes sautaient d'avec leurs fourches.
Enfin les jeunes, les vieux, les
borgnes, les boiteux se mirent à sau-
ter tous en se boulant de rire.
Quand ils furent bien en train, voi-
là que Claudot ', qui venait de corner %
passa d'avec la bergerie. Ah bien, ce
coup-ci, ce fut bien une autre chibre-
li4. Est-ce que ne voilà pas mes bou-
gres de chèvres et puis de brebis qui se
mirent à gambader alentour du bouc,
et puis Claudot qui cornait de toutes
ses forces au milieu ! Ah mes enfants,
ce qu'on rit, ce qu'on rit ! Ce jour-là,
depuis quand (bien que) c'était un jour
ouvrable, on ne fit que de danser.
' Place située au milieu de Boumois et où le monde se réunit habi-
tuellement le dimanche. |j ^ Berger du village il y a une vingtaine d'an-
nées. I' ' Qui venait de faire le tour du village en cornant pour rassem-
bler la bergerie et la conduire au pâturage. || ■♦ Danse du pays.
26o
CH. ROUSSEY.
inè tu le dûmiuen, Ihnt djà
gîge juske skï fève
pu nrïnrôj d\n le snli.
tu le djà eî'i bîyâj,
omit k môsyèr kurî.
t€ek ko ks piir djà
oie s kô?nsâ, suie nà fïnUe
pu; sôdjt vbr î po s môsyèr
kuri yà ^e, yà '^ye !
e pb, snete àkû rà k
dl mi dètr disputa, sak se
penîtàs ete tudj d n pe
mnâ dî vyolô du Ira
dûmwen d sât !
sete bô pu i ko, me siile
n pyè pe duri dîne, e le
fï de fi djà hdjï pàsyà6. à !
6à dîne, kës gye, von
vyè pe kà dàs, môsyèr •
kuri ? e bi ! etàt yù d se
djîi, vb vbrî vbr k vô dàsrl
kmà Ûz^àtr, bô grè magre.
■suie n fu pe lô.
lu nûgdji dlefed fôlô,
eprè evwefâ vïri le feteyu
ta djû d ta, djà rmôte
sweyôt àfybtà, kà tu pu
tkôe vwëyî môsyèr kuri k sêye
n myâl ke levé dedje tïri dsu
du tràfwe sa le pîkâ.
à nô d dlœ! kès §yè djà
tu dî ko à s frûtà le me,
î kre bi k skb kl môsyèr
kuri ve dàst devû de bel fèy.
vweyà vbr.
Mais tous les dimanches, l'ami Jean
guinguait^ jusqu'à ce qu'il n'y avait
plus nri^rôf^ dessous les souliers.
Tous les gens étaient bien aise,
hormis que monsieur curé.
Chaque coup que ce pauvre Jean al-
lait se confesser, cela n'en finissait
plus; songez-voir un peu si monsieur
curé lui en disait, lui en disait !
Et puis, ce n'était encore rien que
du miel d'être disputé, c'est que sa
pénitence était toujours de ne pas
mener du violon deux ou trois di-
manches de suite!
C'était bon pour un coup, mais cela
ne pouvait pas durer comme ça. A la
fin des fins Jean perdit patience. Ah !
c'est comme ça, qu'il se dit, vous ne
voulez pas qu'on danse, monsieur
curé ? Eh bien ! attendez un de ces
jours, vous verrez voir que vous dan-
serez comme les autres, bon gré mal
gré.
Cela ne fut pas long.
Le mercredi de la fête de Fallon,
après avoir fait virer les festoyeurs
trois jours de temps, Jean remontait
Soyote 5 en sifilant, quand tout pour
un coup il vit monsieur curé qui suivait
une (un) merle qu'il avait déjà tiré des-
sus deux ou trois fois sans la piquer
(atteindre).
Ah nom de bleu ! que se dit Jean
tout d'un coup en se frottant les mains,
je crois bien que ce coup-ci monsieur
curé va danser d'avec de belles filles.
Vo3'^ons voir.
^ Jouer de la guingue ou d'un instrument qui en imite le son.
On dit aussi nrïf ne rôf. [1 5 Lien dit entre Fallon et Bournois.
Rien,
JEAN QUI DANSE.
261
— tmsyèr huri^ k^yP djd,
btyîm iétfu:^î, vo:^ e €ur
kîn Û vo pc vuikâ, mii't'.
— môsyèr kuri, k Ithè i' h'}
lilj'c, ^ pb k sh'e k djà
hibe tû 5ùk è lyc, beyt sa
fu:^t. djà îû Uhdjï devù le pîidr
k Ve paras yh?é heyi.
efà dîr klè inyàl He vnu
s poT^â jtist €u i byôsnt
ktù tu pyc d rôs^ pb
dcphi tilt e làtu. sa bô, vwelt
k djà tnïg, ï po tu di ko^
/w, luje degrîgole e le valâ d
lârb.
— vît, vît, môs\ùr kiiri,
k^e djà, cl là sèlniâ byosi
fut vit le rcnicsâ.
môsyér ktirî àtn kmâ c pyï
à mwetâ dî bn'eeô; m? a
niotnâ kel ôle metr le nie d^u
le myâl, vwele k djà strûtî e
mm sô vyolô d tût sefoe.
à! jos, nieryâ, me^efà, e nà
pé posîby d sttnàdjîiiâ sfik s
pesî !
vwelè kân àtàdà lu vyolô,
môsyùr hun s rlévt tû dï ko
è po ke snûtî e dàsî d tut
sefo£ à mwetâ de rôs e po
de^ epèn. a ! mô du, mô dû,
nû\ pur efà, s vo:^ hn
àtàdu s pur niôsyêr kuri,
ké brtyô c btye ! e mœjur
ke sàte sè:^ eb\ s défrêsurJ, è
po e segrefnè ta k
lu sa lï peteUe tû petm.
— Monsieur curé, que dit Jean,
donnez-moi votre fusil, vous êtes sûr
que je ne la veux pas manquer, moi,
Monsieur curé, qui tenait à avoir
l'oiseau, et puis qui s.ivait que Jean
tuait tout ce qu'il voulait, bailla son
fusil. Jean le chart:ca d'avec la poudre
que la pauvresse lui avait baillé.
Il faut dire que la merle était venue
se poser juste sur un poirier sauvage
qui était tout plein de ronces et puis
d'épines tout alentour. C'est bon, voilà
que Jean vise, et puis tout d'un coup,
pan, l'oiseau dégringola à la vallée de
l'arbre.
— Vite, vite, monsieur curé, que
dit Jean, elle est seulement blessée,
fuyez vite la ramasser.
Monsieur curé entra comme il put
au milieu du buisson ; mais au mo-
ment qu'il allait mettre la main dessur
la merle, voilà que Jean se mit à me-
ner son violon de toutes ses forces.
Ah ! Jésus, Maria, mes enfants, il n'est
pas possible de s'imaginer ce qui se
passa!
Voilà qu'en entendant le violon,
monsieur curé se releva tout d'un coup
et puis qu'il se mit à danser de toutes
ses forces au mitan des ronces et puis
des épines. Ah! mon Dieu, mon Dieu,
mes pauvres enfants, si vous aviez
entendu ce pauvre monsieur curé,
quels braillements il baillait ! A mesure
qu'il sautait, ses habits se défreiichu-
raient^, et puis il s^égraffiuait tant que
le sang lui partissait tout partout.
' 5 dèfrteuri : se mettre en lambeaux.
262
CH. ROUSSEY
— ârete, ûrhc, djâ, ârcte !
k '^yé s pur môsyêr hm.
ml djâ neràte pe dï tii,
bî â kôîrâ, e vire, à sàtà
t po à s l'ÔIà d rïr clàtû
dï byasni, e po môsyèr kurt ete
fil et d vïri etu.
àfl, e lefi dèfï, djà scriîli.
sôdji vor J po s sptir
môsyèr kurt ete gonâ ! o en
pyï pe ràtrâ d djû à vledj.
mû f lût', sa bô. niê mue le k In
làdmè lu îiietl, fut e le pikôt
dî djïl, le djâdânn vnèn par
leniî djâ pfi In iiuiâ â prïjà ;
e leletfên dm le kn d
ycv tevà èpo In vyolô eUi.
à! mâfwë, sko kî, djà ère
bl vyu rtènl le kn dî tee a
yœ k le kn de tevà, mè
sa kmâ dî : e nâ pu
ta d kyo In ku kàn e t€t
le... à fwè e / In vivele k
fu âfrôniâ e po djudj'i dû 1 vïr-
te mè. à ! el u be s dèmnâ.
In pnr gyâl, le djudj n vyen
âtâdr nsô nkyete, e
In kôdânen e etr pàdu kmâ
1 po.
sôdji vo l po s le djâ
fyèn pu In vor pâdr !
kà lemne e eemâ,
tilt lei efâr eti dedje tprâtî ;
— Arrêtez, arrêtez, Jean, arrêtez!
que disait ce pauvre monsieur curé.
Mais Jean n'arrêtait pas du tout,
bien au contraire, il virait en sautant
et puis en se boulant de rire alentour
du biosnie', et puis monsieur curé était
forcé de virer étout.
Enfin, à la fin des fins, Jean s'ar-
rêta. Songez voir un peu si ce pauvre
monsieur curé était gôné ^ ! Oh il ne
put pas rentrer de jour au village.
Ma foi, c'est bon. Mais voilà que le
lendemain le matin, tout à la piquette
du jour, les gendarmes vinrent prendre
l'ami Jean pour le mener en prison ;
ils l'attachèrent derrière la queue de
leurs chevaux et puis le violon étout.
Ah ! ma foi, ce coup-ci, Jean aurait
bien voulu retenir la queue du chat au
lieu que la queue des chevaux, mais
c'est comme on dit : il n'est plus
temps de clore le c. quand on a ch..
au lit... Ah ma foi hein ' ! le voilà' qui
fut enfermé et puis jugé dans un vire'
ia-main +. Ah ! il eut beau se démener,
le pauvre diable, les juges ne vou-
lurent entendre ni son ni cloche, ils
le condamnèrent à être pendu comme
un porc.
Songez voir un peu si les gens fuyè-
rent pour le voir pendre!
Quand on l'amena à Chamar5,
toutes les affaires étaient déjà apprê-
' Poirier sauvage. || ^ Mal arrangé, déchiré. Particulièrement couvert de
boue, jj 3 Exclamation fréquemment employée dans la conversation avec
un sens affirmatif. ji 4 Dans le temps qu'il faut pour tourner la main, illico.
Il 5 Autrefois sombre promenade de Besançon, embeUie aujourd'hui, où
se font les exécutions capitales.
JEAN QUI DANSE.
265
à itL'^yâ Xiil^, s pur djà
divhi âfï byiJ klf mô, s
fn'ttalf n pt'dji pe le tel.
< fà dtr kkà kekù
il kâdihui e mo, dvà k d
mM an ï bèy tii siik è vb :
de teerpt^iû d bôbà, de pyï d
frîkù. dï bô vi, âft tu siik à
vo.
djà n sfûte pe ma d tu sûlèy
il ère bl mî êmâ nestlâ
d gbd dcrt sôfiînô; su le
fâ kkà à It dmâdè siik
â vyè, e dmàde tu bivènmà
sôvyolô pf{ lu nniâ àkii
n fwe dvà k d nièrî.
an àtàdà suie, vwHe k lu kuri
d bune, ketë vnu etû, s
nirtî e fur dvà le djudj puk an
lî bèy pe, nie e fé rà
h}u efâr, à lî beye tu d nûm.
— e byè, k fiye môsyèr kuri,
pil'hk Vil i-iilè l lèse m ne
5ô vyblô, âtàfè mwe à un àrm
dvà kïl kôniàs, vu vere
vwer kïl va àrëii de màlèr.
sa bô, à Iwëyî niôsyùr kuri
hm de kodj d tee k de bu
n lè:;^erï pe kàsâ.
tu pu 1 ko, vwele djà ks
nûtt e mnâ sô vyolô d tut
sefoe-.
à ! nie par efà, s vœ^
h'I vu ke rèniedj !
le djà kett àptlâ lu
deu làtr 6 tnetên e sàtâ
knià s lu fiyâl le::^ eve înu.
dà lu hnâsnià, e ryi
kmà dé bîisu à sâtà pè
deu lu làtr, tnë à bû dî
lées; en voyant cela, ce pauvre Jean
devint aussi blanc que la mort, ce
pourtant il ne perdit pas la tète.
Il faut dire que quand quelqu'un
est condamné à mort, devant que de
mourir on lui baille tout ce qu'il veut :
des paniers de bonbons, des plats de
fricot, du bon vin, enfin tout ce qu'il
veut.
Jean ne se f... pas mal de tout ça,
il aurait bien mieux aimé une assiettée
de gaudes derrière son fourneau ; cela
fait que quand on lui demanda ce
qu'il voulait, il demanda tout bonne-
ment son violon pour le mener encore
une fois devant que de mourir.
En entendant cela, voilà que le curé
de Bournois, qui était venu étout, se
mit à fuir devant les juges pour qu'on
ne lui baille pas, mais il n'y eut rien
à faire, on lui bailla tout de même.
— Eh bien, que dit monsieur curé,
puisque vous voulez le laisser mener
son violon, attachez-moi à unCe) orme
devant qu'il commence, vous verrez
voir qu'il va arriver des malheurs.
C'est bon, on Ha monsieur curé
avec des cordes de char que des bœufs
ne les auraient pas cassées.
Tout pour un coup, voilà Jean qui
se mit à mener son violon de toutes
ses forces.
Ah ! mes pauvres enfants, si vous
aviez vu quel ramage !
Les gens qui étaient empilés l'un
dessus l'autre se mirent à sauter
comme si le diable les avait tenus.
Dans le commencement, ils riaient
comme des bossus en se sautant par
dessus l'un l'autre, mais au bout d'un
264
CH. ROUSSEY.
vmnà, è yân eue d le mwetî
k bôlï pe d:(û lez^ âtr,
e pbk beyï bl le brùyô
dî sa gyàl. e '^~i
prû : àrete, àrete, djà, vu
ire par donc !
me djà iicMîe rà dî tii,
bl dï kdtrâr, e gige ùkû
pufo.
môsyèr kiirf, Mn fê:(e pe
etâ6yô, dœ kâ cl eu bî Iweyt,
f^è dè:;^ efo epnivâtâby pu
dàsi etû.
tu pu i ko y e fo€ d s
dèmnâ, àsk n lu vwele pe
k derhm lûrm epo ks metî
e djigâ a trêve de^ atr devu
lârb deri sô do ! à mô
du, tnô du, me pur efà,
5 vo:( evl vu ! e tu le sa e
y an eue du tra dekafyâ ! à gye
prû e djà deràtâ, kàn ete
tu fil tu, e p Ô kâ lu lèyrè
trâkîl, s bîigr le nekûte rà.
e lèfî, e s rrâti e desâdr d deu
le pyât€ à mnâ ttidj
sô vyolô, e poesà rvènî bl
trâklhnâ e bûne à s bolâ
drîr.
dé s djû te, i vofiî mÔ
bye kèl à evu bi trâkîl,
nù no:^ pu lâbetâ kâ e
mne dî vyolô, pe jnem môsyèr
kuri.
moment, il y en avait de la moitié
qui boulaient ^ par dessous les autres,
et puis qui braillaient bien les braille-
ments du cent diable. Ils disaient
prou : arrêtez, arrêtez, Jean, vous
serez pardonné !
Mais Jean n'écoutait rien du tout,
bien du contraire, il giiiguait encore
plus fort.
Monsieur curé, qu'on ne faisait pas
attention, depuis qu'il était bien lié,
faisait des efforts épouvantables pour
danser étout.
Tout pour un coup, à force de se
démener, est-ce que ne le voilà pas
qui déracina l'orme et puis qui se mit
à gambader à travers des autres d'avec
l'arbre derrière son dos! Ah mon
Dieu, mon Dieu, mes pauvres enfants,
si vous aviez vu! A tous les sauts il y
en avait deux trois de broyés ! on di-
sait prou à Jean d'arrêter, qu'on était
tous foutus, et puis qu'on le laisserait
tranquille, ce bougre-là n'écouta rien.
A la fin, il se mit à descendre de des-
sus les planches en menant toujours
son violon, et puis il s'en revint bien
tranquillement à Bournois en se bou-
lant de rire.
Depuis ce jour-là, je vous fouts mon
billet qu'il a été bien tranquille, per-
sonne n'osait plus l'embêter quand il
menait du violon, pas même monsieur
curé ! . . .
^ Qui roulaient comme des boules.
Ch. Roussey.
LEXIQUE SAINT-POLOIS
(Suite.)
bttïïty +, boulette. — Petite quan-
tité de laine, roulée en forme de
boule, servant à arrêter les bàçlur
d'un matelas. — Dans la banlieue :
bonbon quelconque en forme de
boule, bâyé-niê pur e 6û (Tee hilH !o.
— Au fig., faute, bévue, sottise.
hélïtrm. Voir belètnié.
buliy 4-j s. m., bouilli. Dans la
banlieue, concurr. : ear, dii£ car.
buliy +, sorte de bière commune
autrefois fabriquée par les ménagers
et même les sè^ye (fermiers). Cette
boisson avait pour base le son bouilli
(^///) dans l'eau, kà k'ô nàvwe k'del
bulî à bwàr^ ee kârlô i rietàt-tè picè si
dèfistl edsû sel byer. — Au fig., àiivâr
dupe kd^ e del bulî bràsey, ne manquer
de rien.
M//r, + , bouillir. — Absolument,
terme de bures^ faire bouillir le linge.
t^ àlô bulîr. — buHir su sal , faire
bouillir le linge avant de Vebnâ. —
Au fig., bùlir de s'pyow, ou simple-
ment bulir, frémir d'impatience ou
de colère. Même sign. :feké. — mal
bultr, avoir une mauvaise issue. —
A Saint-Pol-ville, conc. : buytr.
bulo, -\-, peloton, œ bulô d'/Uel.
Même sign. : bulL
bulô, +, s. m., pomme ou poire
enveloppée de pâte et cuite au four.
Même sign. : tyiityii.
bulo, bulôi, +, s., personne grasse
et dodue; se dit surtout des person-
nes de petite taille, œ pti bulo; en
grès bulot.
billot, -\-, s. f., veronica hederîe-
folia, arvensis, agrestis et filiformis.
Les pauvres gens font avec ces véro-
niques de Vàfiire pour leur vache, âm
été (T bulot.
bàlôté, X, être en bonne santé.
€à va by'è ? àwè, £à bulot. Même sign. :
ruÛ. — Prospérer, e bel j^ef, vu ju t
vo ? bè ! àwè, eà bulot œ mêlé.
balte, +, rouler (en mauvaise
part), vo, ml, ffU Feiérwe vît bultt
pu lîve. — Même sign. : gàlté.
bulàt, +; n'est usité que dans
cette locution : fer bulùt, tomber,
culbuter. — Au fig., faire faillite ou
banqueroute.
bûlvèrs, +, s. m., agitation, dé-
sordre, bouleversement, catastro-
phe.
bulîvàr, -\-, bouilloire. Même si-
gn. : buyot.
/^//if^r, X, s. f. , jeu, autrement dit
jâ <rm à ràbài. vieiin. — Voir m.
buâw, X, boueur. — A Saint-
Pol-ville, conc. : buœr.
II.
266
ED. EDMONT.
bilr, S. m. Voir Imrlmr.
biiràd', +, poussée, coups de
poing; attaque en paroles.
Imrâde, +, rudoyer; maltraiter,
donner des bmàd'.
biiràk, +, s. m., coup de vent
violent, mais de peu de durée.
hîirbnr, +, s. m., torche de paille
pour burde. Beaucoup d'individus
emploient la forme bûbtir. — A
Lenzeux : bér. — fer burbtir= burde.
biirde, +, aller, le jour du burdï^
dans les vergers, danser et chanter
autour des pommiers en portant des
torches de paille allumées. Même
sign. : fer bnrbér.
btirdi (ei), +, le premier diman-
che de carême.
burdô, +5 bâton de pèlerin. —
Poteau ou morceau de bois mobile
qui se place verticalement au milieu
d'une bàryer ou d'une porte cochère,
afin de pouvoir y appuyer ou y fixer
les deux battants. — Tige de diver-
ses plantes ; se dit surtout des pousses
de l'oseille quand elle monte pour
fleurir, de btirdô d^sûrel ; — €el surcl
cil et à burdô.
bérdôdhi, X, coureuse, femme de
mauvaise vie. Employé conc. avec
la forme bûrgMïn. — Même sign. :
drtil, màdrèl.
bêrdônàj, +, bourdonnement.
bttrdône, +, monter, pousser en
biirdô, en parlant de certaines plan-
tes, em sùrel al burdon. Même sign. :
niôû.
biirey, +, s. f., fagot de menues
branches.
bîiret, +, s. f., petit pain ou petit
gâteau de forme ronde. — Dans la
banlieue on donne également ce
nom aux brioches, an biir'èt ed de
Sit.
béret, X, s. f. pi., poils enchevê-
trés, feutrés, mè byè lape il Ô té se
pifâl ht s met à bîiret.
béreyet, +, petite burey.
biirgàj, +, voisinage, o sem ^i den
è fiiekà burgàj. — Par extension, en-
semble des localités voisines du Heu
que l'on habite, àl kônwe tu le je d'se
burgà].
burgàdhi, X, coureuse. Voir bur-
dôdin.
bûrik, +, s. m. et f., âne, ânesse.
— Au fig., personne stupide, igno-
rante. — Jer tîirne kœk'œ è burik,
l'abêtir.
hùrike, +, fagot formé de quel-
ques longues branches en guise de
parement et bourré en dedans de
brindilles ou de branches brisées;
— fagot d'épines.
burjiue, jiuà\, +, s. bourgeois. £e
burjiue d'se-po. — A Saint-Pol-ville,
conc. : burjiuà.
bnni'eiyen, +, race de bêtes à cor-
nes de petite taille.
bûrs-â-berje, capsella bursa-pasto-
ris.
btirset, 4-, petite bourse. — Par
extension et familièrement, bourse.
tu se bdm, i rue tîit de s'burset, i n'depes
pwè œ yàr.
bàrsàw. Voir bérsy&iv.
btirsye, er, +, celui, celle qui tient
la bourse.
biirsyàw, -\-, s. m., bosse à la tête
survenue à la .suite d'une chute ou
LEXIQUE SAIKT-POLOIS.
267
d'un coup, sfh œ iHirsyè } k^yii. —
A Saint-Pol-villc, conc. : iHlrson-.
hurtir, +, s. t., gonflement, mé-
téorisation (des ruminants). An vàk
/<•/ (hi hïlrfir k\îl 0. — Grande quan-
tité d'aliments prise par un individu
glouton. t')i inîrpral' un hiirùr. A
dans cette acception la même sign.
que les mots M/, bâfrK, çilvtir, pofh.
Inirye, X, bourrelier. \'oir çtJyi*.
bîirye, +, s. m. pL, débris, ro-
gnures de cuir sans valeur.
biiryoïv, +j bourreau. A Saint-
Pol-ville, conc. : iHiron.
biisbly -f-; p^^rd' la Iwsol, perdre la
tête. Même sign. : perd' là btil.
Imsfifhl^ +, bonne chère.
bnt ! but ! +, interj. marquant
l'insouciance, l'indifférence, rènàlé-
vù dvci rplœv, b:^ Hle-t et frek. btit!
but! ta ph!
bâtard', +, s. f., caprice, e si [
ârprè œn bétàrd' e pi k'i s mari pu ? —
A Saint-Pol-ville, conc. : hitâd'.
bute, -\-, heurter, mettre. VveilH.
bî'ttel, +, bouteille. — Dans la
banlieue, a le même sens que békàl.
Voir ce mot.
bîit-e-gâ'l, +, variété de pomme.
bétU, + , brique ou pierre placée
dans une maçonnerie de manière à
ne laisser voir qu'un de ses bouts.
bétikon biitik, +, s. m., boutique
(de marchand, d'artisan, etc.). avœ
se pti biittk âl pœiwfe bye. — S. f.,
en mauvaise part, maison mal te-
nue; maison où les domestiques
sont mal nourris ou mal payés. —
En langage plaisant ou libre, le der-
rière et les parties naturelles chez
les deux sexes, fô mi àmutri tu vu
lit butik kom fby do, me pti nhiè! —
bM àl àri ros, àl àrgMl d} e'riô k'ô
li vw^ tti sbûfik; làlœr à sfrÔ rfut 6
lyôlô.
buliklf, X (sauf dans le faubourg
d'Hesdin, où l'on emploie la forme
fém. Initiklet), s. m., échoppe, et par
extension petite boutique peu gar-
nie.
bîitirét, -j-, s. f., nombril, et par
extension région ombilicale.
Mtli, -\-, petit bout. — Familiè-
rement, bout de la mamelle.
Mtœr, œ^, -f-, préposé à la vente
des grains sur les marchés du Nord
et du Pas-de-Calais. — Faubourgs
et banlieue, concurr. : biitœc-.
Mine, -f, faire des rainures avec
le bouvet.
Miyàr on buljir, -f, bouleau. Vieil-
li. Voir bùye.
Iniye ou tmlj, +, bouleau (arbre).
à' ràmô d'biiyi'. Employé (de préfé-
rence) conc. avec la forme bàyâr.
buyot, +, bouilloire. Mêm sign. :
bîilwàr.
biiyàte, +, bouillir doucement.
buyô, -\-, bouillon. — buyô d'ô^
œr, breuvage empoisonné. — Par
plaisanterie, Iniyô pivètfi, lavement.
— Au fig., gbh^ œ Myà, faire une
perte considérable.
biiyô-bla , -f, verbascum thapsus.
M:^â, s. m., bouse. \'oir bii:{0.
bfi:^àtyer, -\-, vachère; ser\'ante de
ferme qui prend soin des vaches, H
Ô ti'idi Si' pye de f'h'i-o.
lm:(e, -\- , tripot, lieu de débauche
et de prostitution.
268
ED. EDMONT.
hézp , +, s. m., excrément des
bêtes à cornes; ce que ces animaux
évacuent en une seule fois. — Au
fig., œ grô hi\Ô, personne tout à la
fois lourde, malpropre et d'un cer-
tain embonpoint. — A St-Pol-ville,
beaucoup d'individus emploient la
forme bîi:(à.
Invar, -f-, s. m., aliment liquide
donné aux animaux domestiques.
Même sign. : brœvaj. Voir ce mot.
bwat ou huât, +, boîte. — Invât
à hriilè; voir hrulè.
bîvàtlet ou biuetlèt, -\-, petite boîte.
biuâ:<^ ou bive^e, +, boiser; lam-
brisser. Peu usité.
huà^rly ou biut\ny, X, boiserie.
— Banlieue : biue:{ur.
bîvt'l, s. f., buis. Usité à Maizières.
biuhô, -\-, boisson. — A Saint-
Fol- ville, conc. : bîuàsd — AManin :
bo€ô, bweed.
bzvetàj, +, état d'un individu ou
d'un animal qui bwet. MiélVi à Saint-
Pol-ville.
bîvete, +, boiter. Même sign. :
klôke.
biuetlàe, s. f., mesure agraire équi-
valente à un kârtye. Usité à Maiziè-
res, Sars-le-Bois, Ambrines, Manin,
Izel-lez-Hameau .
bwhèw, œ^, -\-, boiteux.
btueTÙr, boiserie, châssis de fenê-
tre. fâtuâ le-ee tngop su l''biue:Qn\
Usité dans la banlieue.
bwe, bon. Voir bô, bon.
bwlnmè. Voir bonme.
bwenœr, bonheur. Usité dans la
banlieue.
bwentàc, bwètâ. Voir bbnûy.
bii'e, + , faire le lessivage du linge.
Ô btirô rstnàn kt vyè, enô? — Vieilli à
Saint-Pol-ville.
b-iOey, +> s. f., lessivage du linge.
Ô fejô Tbibe de triue smàn. — Même
sign. : Ihiv (à Saint-Pol-ville : lesiii).
blueyet, X, petite bwèy.
bû'is ou hwi{, s. f., tuyau de poêle;
tuyau ou conduite en terre cuite. —
Concurr. : bti-e ; voir ce mot.
bwhô-ârdà, X, cratœgus pyracan-
tha. — Faubourgs et banlieue : bù^ô-
ârdà.
byèy, +, biais, ^e kôpe è byèy. Voir
eflhà (en).
byef, +, s. m., terre argileuse,
compacte et collante , difficile à
ameublir. — byef â ktiyovj, byef mé-
langé de silex plus ou moins gros.
byef œil'. "V^oir byevrœiv.
byer, +, bière, del fort byer ; del
byer motye; del tit byer; de! byer blàk.
— byer ed prov\yô, bière fabriquée
en mars et pouvant se conserver
longtemps.
bycrk, +, bière très faible.
byevrœiv, œ{, +, se dit d'un terrain
où le /jy^/ domine, de ter byevrœ^. —
A Manin : byefâiv.
bye, X, subst. et adv., bien. —
en pu fer ed bye, être tracassé, préoc-
cupé, n'avoir plus un moment de
repos. — Faubourgs, concurr. : byâ.
— Banheue : byê. — A Lenzeux,
Œuf-en-Ternois, Guinecourt : byê.
Cette dernière forme est aussi em-
ployée dans la banlieue par quelques
individus,
bye-dî ou bye-dtr, X, s. rri., bavar-
dage, ce que l'on vient de dire.
LEXIQ.UE SAINT-POLOIS.
269
S'emploie ironiquement, ù! ài'c mi
û bye-dt. — ri'M^ sti se byc-d'i, ne pas
ajouter un mot i ce qu'on vient de
dire.
l^'hki'rd'iv ou hyèntirœ-w, â^, X,
bienheureux. — Banlieue : hyênœtkb,
byeniircc.
hyh'fifi, ùt, X, bienvenu. — Ban-
lieue : Iryevnft.
bybw, bel, X, adj. et adv., beau,
belle, de byb swàl ; — de /'^7-t'- àvc'm ;
— œ byb àp; '- œ byô tihl ; — // o byô
Sr e fer. — Au fig. : œ byb inôr, se
dit d'une personne qui vient de mou-
rir et dont on est bien aise d'être dé-
barrassé, soit parce qu'on ne l'aimait
pas, soit parce que l'on attendait im-
patiemment sa succession. — parle
bybiu, prier, supplier, et par extension
filer doux. — A Saint-PoI-villc,
conc. : bbvj, bel. — Banlieue : /nvcl;-,
bU.
byb-frer, +, beau-frère.
byb-fyû, -\-, beau -fils.
byb-jè, -|-, s. m. pi., le beau-père
et la belle-mère.
byb-pàrà, +, s. m. pi., le beau-
père et la belle-mère. A Saint-Pol-
ville, conc. : bo-parà.
byb-pkr, +, beau-père.
byhle (5'), -\-. Voir smyiilê.
k^àe, -f , besace. — pbrtê â /;^rt^,
porter une chose sur l'épaule, à la
manière d'une besace. Conc. : bé-df.
b^ey, X , course inutile. — fér dé
/'^(\, en parlant d'un ouvrier, quitter
son ouvrage pour aller boire de ca-
baret en cabaret. L'ouvrier qui a
cette fâcheuse habitude a toujours
soin de tenir un outil à la main, en
faisant ses b:;^iy; de cette manière, il
a l'air de faire une course quelconque
ou de se rendre à son travail. —
Conc. : eb:idy.
/'-/v ou bsfy, X, vessie. îeti-îo i
kni-rii? h\c k\li- /--i €^i de Icitern.
Vieilli. — A Manin : %, bètiv.
b:(i}k', -f- , en parlant des bestiaux,
courir, sauter, gambader, soit à la
suite d'un effroi, soit à cause des
piqûres des mouches ou des taons.
rètré 1:^4 , zm vak , j b:;ent à tntir. —
En parlant des personnes, aller et
venir de côté et d'autre, faire des
sorties intempestives, dfi k\''é k'àl e
rii'ii? /;-/;/?, fel-lal ? — - En parlant
d'une jeune fille, avoir une mau-
vaise conduite, des mœurs légères.
h II méken al b:^en à- môle d'trô à tnmod',
ft'npd' >ni rivârdè. — Etre affecté d'un
tremblement nerveux. — Conc. :
eb::jiii'.
b:(îiizudr, -\-, jeune personne de
mœurs légères, coureuse. — Conc. :
éhitnwâr.
b^tr, -f-, faire. Voir /)5//-.
b^ômvii, d'}^. \'oir bi^ôna'.:.
biîi'è , besoin. — Faubourgs :
b:;;u>â, d:;iuâ. — Banlieue : c'-tc-J^,
d^ojài.
MOTS FRANÇAIS USITÉS EN SAINT-POLOIS
bà, subst., adj.,
adv.
bà! -\-, interj.
bâbtyàj.
bàbiyàr.
bàbiyt.
bà€, + (de voi-
ture).
bàee, +.
bà-fô, X.
bâfwe, X.
hàl +.
bâgà], +.
bàgàteJ, +.
bâkîe, +, V.
bàlâfrey, X.
bâlàs, X.
bâlàstàj, X.
bàlàsû, X.
bâlàstyer, X.
bâlà, +•
bàlh, +•
bàlàsî.
bàlàsmci.
bàlàswar.
bàlàsye, +
(d'horloge).
bâlbusye.
bàlè, subst.
bâlen, X (banl. :
bàlâii).
bàlivow.
bàlkô, X.
MM, +.
^05^5, +•
bâlôfè, X.
^Mw, X.
bhltir. P. u.
b&sinwàr.
bàlûrdî^. P. u.
bàskin, +.
M?w/, +.
/'^y^///, +.
bânèr, +•
bàskidi.
MmÂ% +.
bàs-kîir, +•
/;<îlr4/(s.uncours
* bâsmà (....g).
d'eau). P. u.
/'^iÔ.
M/'Mr, +.
bâs-tàl.
bàrbârîy, X.
bàstônàâ, X.
Mr/'f, +.
M/^/, +.
bàrbh, H".
M/rtr, +•
Mr%^, X.
bâtàyô, +.
bârbôtàj.
/;M, +, s.
barbote.
* bâtimà ( s).
bàrbéyà], +•
bàtîie.
bàrbnye, +.
*battnà (....^).
bârbtiyœr ou
M/ajc.
....(èî&, aq, X.
bâtœr.
bârbye, +.
bâtœi.
Mrt^, X. P. u.
bat il, +, s. f.
bàrtkàd', +.
Mv, X.
bàrikàde, +.
Miwr, X.
Mn/J, X.
bàvàrdà], X.
Z'M, X.
bavarde, X.
bàrket, +.
Mi^l
Mrait/.
Mt'l/, X.
MrJ, t>n.
bàvole, +.
bàryolà].
bâvâw, ê-^, +.
bâryÔlèy.
bâye,X, bâiller.
bas, + (mus.).
bàyônèt, + .
^M (chien).
bà:(ànèy.
M;{i, +, étoffe.
bà^lïk, + (plan-
te).
M, +.
bàbe.
bàâ, X.
bàdàj, X.
Z'^J^, X.
^^i/è/, +.
b^ûyer, X.
bàk, +.
M^'^, X.
M^â^, +.
bàkte.
bakye.
be€.
beee.
bedèn, +•
bedow, X.
bekïl, +.
Z»^/-///, +.
bel-nàr, +.
bel-sœr, -\- .
bene, +.
bemdîsitey, +.
betiedîksyô, +.
benitye, +•
/'^yl, V. P. u.
è%^, 4-, subst.
berj.
berjy'iy.
bes, +.
LEXIQUE SAINT-POLOIS.
271
I4lô, X.
l'-^ndj, X.
i\:ônt\ X.
bhrâv, 4-.
bhiè.
be, +, subst.
/'//'/■ J, X.
bifôné (y), X.
Wi/J, +.
bifk
bïftek, +.
Mfùrkâsyà, x.
Mffirkê, X.
bigétrty.
bijii.
Hjîitrly.
hîjiityt.
bitîë , + , dire
deux messes.
tinoh.
bis, +. 2 fois.
bïskâyè, +•
biskbrnû, ut.
bhkûÂy +.
^î/èr, X. ■
/wflÂ', X.
bivàke, X.
%flr, +.
b'ïyâ'ii, œ-.
b1:^à}utèL
^hK + (pigeon)
M^Ôte.
bla^, X (à ta-
bac).
blàgœr.
blàmà^, +.
bliivâ, -{-.
blà4{s\x.
blà-bek.
blcifàt.
blàeàr.
blàkèi.
blam.
blha, al, -(-.
bM, +.
blestir, +.
blî-ttr, -f .
blôkiis.
blÔnr(s), +.
/Vo, ocf', +.
W«^, +.
bou; bel, X.
/^M ou bôuà, X.
bôdnt', X-
bà-fts.
bô-frer.
bôkû.
bô-per.
borda], -\- (d'un
vêtement).
Z'()rJI/, +.
bèrdràii', X.
/'am, X, s.
bbrnà), +.
bôskè.
b&sû.
bôûy.
bôtïn, X.
*o//4;', + .
bétlé, +.
%^, +.
bô, +, subst.
*bôbàrdhm
( O-P.u.
fe/'^Ii, -f •
bôbt, +.
/«<?/'^A/, -}- s.
hbd. P. u.
bôdè.
bôd'ir, -f.
/w/ô. P. u.
/'aw , X (d'en-
fant).
bônàs, +.
bônt.
bànifye.
boni ma.
bônâ'r, -j-.
bbntriy, -\-.
bbtttye, -\- .
bar.
bâri, -f-, V.
bœre, -\-. s.
brà.
bras.
bràsàr. P. u.
bràs^y.
bras lé.
bràsyer, X.
brà^^ +.
bràv, X, adj. et
subst.
brâvàd'y X.
^ràt^, +.
brâvûy +•
bràvàr. P. u.
bràyàr, -\-.
brâyt, +.
/t^)'^/, X.
brà;^nr, -\-.
brâ:^t, +.
brà^.
brà^àj.
brisû.
brhd'ify X.
brhl, +.
bràlàyàty 4-.
br^l-bà, +.
bree,
brM, +.
br^tiy, +.
brh;jer.
bre ( d'herbe ,
etc.).
brebôryôy -{-.
^rûi/7, X.
M<^, -f-.
bridô, +.
brigàdyé, +.
M<j^, +.
^ri^. P. u.
brik, +.
^rlfy^é/, X. P. u-
briktriy, -\-.
briyO€y X.
bri:;^.
brôdèy -\r (sur
étoffe).
brédâ^, +.
brôdrty, +.
brôkàtàj, -f-.
brôkàté, +.
bros.
brôyàj.
brôék, -f-,
^rât, +.
^rô^^, -j-.
^r^i, +.
bfutr.
272
ED. EDMONT.
* brmsmci
(....,. è).
brtilci, àt, H".
brul-piirpive (â).
brtil-tn.
briiltir, +.
brûlwàr, X.
brumâiu, â^.
bruske, +.
*brûskmà{ f)
bmskrïyy +.
brût,-\-,s. etadj.
brutal, +•
brùlàltûy, +.
brutâlî:^e, +•
*brûtàlvià {....e)
brûyà, àt, +.
brûyer, X-
bru, -\- (de noix)
brnyàr, X (ban-
lieue : .../..).
èn/^é, +.
^;'«j'J, + (écrit) .
bue, X.
bûee, X, v, et s.
bùf, X.
^;1/l, X.
^#, %/, X
(musique).
tô//<\ +.
btiret, "4-.
Z'/Jr^ (outil).
bûràw, +.
M/^, +•
bûvàp.
biwàr, X.
^«w/, X.
/w, s. f.
htie.
biUe, +, adj.
bu£e, ery -\-.
bîUô, +.
biieônc.
bu€rïy, +.
bédé,
bédé, -\-.
bédirér, +•
bédœr, œ^.
béfà, àt, X.
béfe, X.
bîïftrÇs), +.
bégôrie, +.
bégrà, X.
^^l/îv, +.
M^^, +.
* bélàje {...ê..).
biil-do^, +.
bêle, + (de ca-
non).
béldnàj, 4--
bélône, +.
bélvàr.
bélverse, +.
/'«r, +, s, f.
béràe.
bérâkà, X.
burbye, X.
burdôm, +•
* bérdônmci
{.......i).
bére, +.
^^r|, +.
bérgàd'.
bérjô, +.
bérjônè, +, v.
burjôncy, + , adj .
bûrjiuà, a*.
bérjiuà^iy. P. u.
Mr/^, +•
bérbw.
bèrs, +.
bûrsiko, +•
bûrséflùr.
bihktdàd', +.
bihkùle, +.
but-à-tre. P. u.
bétône, +•
bétôy.er, -\-.
but tir.
biituraj.
biïturî.
buve, +.
bévrïy. P. u.
bévye. P. u,
Z^/}'5, a/.
béyir.
béyône, -{-.
biuà.
bwàr, +, V.
bwâsô.
bwi, +.
Z»}^?/^, +.
byèfetœr, trh, X.
bfejezà, ât, X.
byefe:(às, +.
byhi-et, X.
byeveyà, àt.
byèveyàs.
byh'nir{6Jer'),+
c
til, X, ça, cela. La forme aï ne
s'emploie que devant un verbe : £à
vye; eà kmee à s vir. On dit £6 dans
tous les autres cas : (î kdm €o; e'età
£0. — Banlieue : €â^ eâ vnwài; —
£aO , €Ï €a.b. . — A Saint-Pol-ville ,
conc. : 55. — A Ligny-St-Flochel.,
Marquay, Bailleul-aux-Comailles :
€0^ €lo, hîo (devant un verbe), €ô
vnwàiy elô e biuàè, k'hlô e byéod-; —
elo, hloj hlo (dans les autres cas),
e'i bye elo , àl fuâ kôm hlo ou kôm
€âbo, -\-, sabot ; — jouet d'enfant
en forme de toupie , appelé aussi
tupi à kàeivàr . — A Saint-Pol-ville,
conc. : sHbo.
eâbèîà], -j-, s. m., action de eà-
béte.
eàboû, -h, marcher bruyamment
avec des sabots ou d'autres chaus-
sures. — Par extension, remuer
beaucoup et avec bruit, en parlant
des enfants. — A Saint-Pol-ville :
conc. : sàbôû. — A Fruges : ^àflôte.
^âbôtye, er, +, celui, celle qui
eàbot; — fabricant de sabots. — A
Saint-Pol-ville, conc. : sàbôtyt.
eàbràk , X , terme injurieux ,
femme grande, mal bâtie et peu in-
telligente. Même sign. : brè^.
eàbuki. Voir €àbùkè.
eàbùkâw. Voir eibukâû-.
eàflôû^ marcher avec bruit. Usité
à Fruges. Voir eàbôtt.
ۈ(;re, en, +, adj., chagrin, ine.
fàk, -f , chaque; — chacun. };^Ô
d' €àk œ su ou bien i;^ J d' œ su eàk.
eàkœ^ an (ou œrî)^ -+-, chacun,
une. — à' €àkà', locution fréquem-
ment employée, œn eàkœ-n né s' bot.
— Beaucoup d'individus, croyant
bien parler, emploient la forme
sâkti.
ۈlci, lit, adj., lambin, noncha-
lant, paresseux, st k'ji rfuArœ pîi'i,
m' h'irtiljij, ej pàsré pur £àla. Usité
à Œuf-en-Ternois.
€àmâyàr yu'àr, X , celui , celle
qui chamaille. — Banlieue : eàmâ-
[àr, [u'àr.
eànâ y -f-, essaimer, nâ mùk i
€amt. Même sign. : hâniè. — Par
extension, déguerpir, décamper, se
disperser, àlô, // , €am bé làt ! —
S'emploie aussi quelquefois dans le
sens de déménager.
eàmbw. H-, chameau. — Terme
injurieux; s'adresse surtout à une
femme de mauvaise vie.
€âpèy^, chapelier. Voir kàplU.
£âp€, -\-y sapin; arbre résineux
Kxvn BU rATOB. — i8.
2 74
ËD. EDMONT.
d'une espèce quelconque : le pin, le
mélèze, le thu3'a, etc., sont des etipc.
— A Saint-Pol, conc. : 6àpl.
t'tiphjcr, sapinière. Peu usité. Em-
ployé dans la banlieue. — A Saint-
Pol-ville : sàphûr.
fàpoiv, X, chapeau. Voir kapyow.
ۈr, +, chair, viande. Dans la
banlieue, se dit spécialement de la
viande de bœuf, o méjrô del eàr à V
dhkàs; — del b^i^ €àr; — dH diî€ fàr.
— Peu usité à Saint-Pol.
eàrcy, +, s. f., raclures ou parties
charnues enlevées aux cuirs pendant
leur préparation.
sàrfn. Voir A'rjû.
ehri ou sâri, +, céleri (apium
graveolens).
fârhivttny, X, charcuterie, et
£ârkwttye, X, charcutier. Formes
employées par un grand nombre
d'individus.
€àrlàtà, +, charlatan. Les per-
sonnes qui ont la prétention de
vouloir bien parler emploient la
forme sârlâtà.
^ârtriê, er, X, perclus, e. Voir
kârtriL
ۈs-gw)l, -f-j s. m., cheville de
ter servant à faire sortir une autre
cheville. /(5rî(.'^ œ eàs-gwïlpur degivîye.
£às-klû, X, outil de fer ou d'acier
servant à enfoncer les clous ou les
pointes plus avant dans le bois. —
Même sign. : kâ^et.
eàs-mœney. Voir kàe-màney.
€âvàt, -\-, savate.
ۉvtye, -\-, savetier; par exten-
sion, mauvais ouvrier.
ۈ:^up, + chasuble. Quelques in-
dividus emploient la forme eh^ur.
€àbÔrà, X ; vyû eàhora, terme in-
jurieux usité surtout dans le fau-
bourg de Béthune.
£àbtike, -f-, faire du bruit en frap-
pant ou en remuant les meubles.
On emploie également la forme €à-
btike.
€àbùkâ'ii', œ~, + , celui , celle qui
€àbuk. On dit aussi mbûkœxu.
càdiyet. Voir kàdiyel.
^âdlœ^, X, Chandeleur. A Saint-
Pol-ville, conc. : ^àd hî'r. Y o'ir kàdtye.
£àk, -|-, chancre, cancer, affection
cancéreuse quelconque; — loupe ou
excroissance (sur un tronc d'arbre).
^âktyâj ou eàkilà], +, s. m., ac-
tion de eàkiye.
fàkiyàr, yiuar ou ^àk^làr, hvàr, -j-,
celui, celle qui ۈkel.
fàkiye ou £àkilj., +, remuer sans
cesse dans son lit. €e dœ lo i eàkelt à
tnùr.
fàkrœii', œ^, -f, chancreux, cancé-
reux.
^àp, -\-, chambre, e! €àp, dans les
chaumières des paysans, se dit par-
ticulièrement de la seconde pièce,
où sont les lits de la famille. La
première pièce est dite : êl mâ:(ô. —
Concurr. : kâp (x); — kéàp (ban-
lieue).
fàprà'l, +5 s. f. , cannelle (de
tonneau).
€àv. Voir kèf.
-f|- £e€et (fer), +, faire froid.
niÙ£ te menot, i fe €e£et.
et'de, céder. Forme des faubourgs
et de la banHeue.
€e-d'ctv, -|-, chef-d'œuvre. —
LEXICiUt SAINT-POLOIS.
27)
S'emploie surtout ironiquement en
parlant d'un ouvrage mal fait, d'une
bévue ou d'une action dont on n'a
pas à se vanter, vlà-t-i pà œ byb fi-
étih' ! — La forme s^-Sàv est em-
ployée par les individus qui ont la
prétention de vouloir bien parler.
€efy +, chef; — luron, ^fyti /tt
œ rhd' ecf. Voir bre(;a.
eek. \o\r ferk.
<v;/, -f, chaîne; — sorte de herse
en fer articulée.
€ént, +, chaîner; — passer la
£hi sur une terre ensemencée.
^hid'î , X, chènevis. Concurr. :
kènûn. Voir ce mot.
€hàn, +, baratte, œn eeran à bàû.
ii-rèy + , instrument servant à pei-
gner le lin et le chanvre, à en séparer
les étoupes de la filasse.
fhè^àj, -f, s. m., action de^mVé.
Peu usité.
eérhe, -f-, peigner le lin ou le
chanvre à l'aide du férè. — Au fig.,
par plaisanterie ou dénigrement ,
jouer du violon. Même sign. : krè-
€ôm, trè£ône. Ces trois verbes ne
s'emploient guère qu'en parlant d'un
mauvais musicien.
eêrèeœiZ'y -f-, ouvrier qui ^erè^. —
Au fig. et par analogie, ménétrier.
Même sign. : krèeônœw, trè€Ônœû',
ràklœ (ï bbybiv. On n'applique ordi-
nairement ces différents termes qu'à
un mauvais musicien; on les emploie
aussi par plaisanterie.
etre^y X, seringue. — A Saint-
Pol-ville, conc. : srè^.
ferègê, X, seringuer. — A Saint-
Pol-ville, conc. : srèc;e.
€hfn ou €hrfû, cerfeuil. — A St-
Pol-ville, conc. : àrfn'l.
€erk, -f, cercle (dans ses princi-
pales acceptions); cerceau. — Au
fig. : ? b(hru>P ehk f /â^Ài-, il a très
soif. — Quelques individus em-
ploient la forme f^k. — A Saint-
Pol-ville, conc. : s^rk.
€trklà}y -f, s. m., action de iirklè.
ehklty -\-y cercler (un tonneau,
etc.). — A Saint-Pol-ville, concurr.:
shklk
itrkîe y +, sarcler, i rerklwtt-tt
khrot. — A Saint-Pol-ville, conc. :
sirklL
eerkà'l, X, cercueil. — A Saint-
Pol-ville, conc. : s^rkàl. — Banlieue :
Ittje.
£erii, ht, -f-, charnu, bien garni
de chair. / n'epàgro, sejyû, nû ilt
kôr byè ehu. — dépu'âr fèr eirtit.
€ervely +, cervelle. — Au fig. :
d'il iit £hvelj se dit de celui qui a la
tête faible. — Consistance, du pe,
du btir se eirvel. — A St-Pol-ville,
conc. : s^rvel.
f?^yl, er, X, loueur de chaises à
l'église. Peu u.«ité.
£6, X, cent, œ €e d'à ; €et èkfi. —
Conc : sa. — Banlieue : €e.
€e€y -h, minutieux à l'excès, s'oc-
cupant à des riens. — Avare; se dit
souvent d'un marchand qui pèse ou
mesure trop juste. K b:^ ?/ bye eh?
nihe n e kôr œ mbrsyèw. — Concur. :
T T
€££€.
eeeel , -f, s. f . , cousin, tipule,
moucheron. H m^j'i à ehel , être
tourmenté par les mouches. — Par
analogie : e'i mejià é^teel, se dit d'une
276
ED. EDMONT,
substance ou d'un objet quelque
peu détérioré, paraissant en quelque
sorte mangé par les mouches. —
Au fig. : et mèj'e ti ^èeel, être tracassé
au point d'en perdre le sommeil.
Dans cette acception on dit égale-
ment : et niye â mnk.
eeeet , +, ^dj. des deux genres,
un peu /èe.
€e€è, -h, autre forme de l'adj. ûe.
Voir ce mot.
^hhie, X, flâner, se promener en
ayant Tair de tout examiner, mais
sans intention malveillante. Vieilli.
Voir rodàye.
cleône, +, agiter de droite et de
gauche, imprimer un mouvement
horizontal de va-et-vient. ۏۙne un
van, un tamis.
€ld', X, s. f. pi., cendres, phe de
€èd'; rekiile âvœk de €èd'. — Banlieue :
ۏd', ێn.
£èdrte, -f, grand morceau de toile
grossière dont on garnit intérieure-
ment le pàswàr, et dans laquelle on
dépose les cendres qui doivent être
coulées en lessive. A St-Pol-ville,
conc : 6àdne.
eedrô, +, s. m. s., cendres tami-
sées; — poussière de chaux, menue
chaux qui se trouve au fond du chau-
four. an brute d' eedrô.
€ek, X, cinq. £ek œr. A St-Pol-
ville, conc. : sek. — Banheue : £èk,
€dk. €ék s€i; en pye£ €ok ftire.
ûkcit, X, cinquante. — A St-Pol-
ville, conc. : sekàt. — Banlieue : €ekàt.
€èkàtan, -f, cinquantaine. Con-
curr. : -eekàten (><) ; sekàten (Saint-
Pol-viUe).
€èhàtyem, +, cinquantième. Con-
curr. : sekàtyem (Saint-Pol-ville).
€èkyem, +, cinquième. Concur. :
sèkyem (Saint-Pol-ville).
ێn. Voir ۏd'.
■eêtan, -\-, centaine. Conc. : seten
(x); sàten (Saint-Pol-ville),
€etùp, -{-, centuple. A Saint-Pol-
ville, conc. : sàtûp. Peu usi-té.
fètùr, -f-j ceinture, an âbluk ed
/èttir. Quelques individus, voulant
bien parler, à'iseni sàttir . — A Saint-
Pol-ville, conc. : 6ètùr. — eltûr ou
korwey, ceinture de fagoteur munie
d'un àokk servant à y suspendre la
sàrp fàgotwàr quand l'ouvrier ne s'en
sert pas. La €ètûr de fagoteur est
aussi désignée sous les noms d' oke
ou àoke. œfàgotœiu îl 0 tvdi 6n Ôke, pas
i n pœ mî jejte s sarp à ter.
£ètûrô,-\-, ceinturon. A Saint-Pol-
ville, conc. : sètârô.
€ètyèni, -(-, centième. A Saint-Pol-
ville, conc. : sàtyhn.
€fàl ou £tvàt (pi. efow ou €èvavJ)y
X, cheval, œ bô ^fal; trwà €Jbw; kàt
€évaw. Employé conc. avec la forme
^vo (+). œ ^vo, de gvo.
ffàye ou £èvàye, chevalier. Peu
usité.
£fè ou €éve, chevet, oreiller. —
Faubourgs et banlieue : À^^i'^.Voir ce
mot.
£fH ou £âuil, X, cheville. Conc. :
gwUÇ-j-).
€fîye ou €èviy'è, cheviller. — Faub.
et banlieue : ffiinye, gûnfe.
£fœw ou eèvàw, X, cheveu. —
Au fig. : €à à d' bo €fœiu, se dit de
ce qui est en mauvais état, usé, ou
i.i.xikii. r. .>.\i.\ i -rt)I,OIS.
277
de ce dont on ne peut tirer parti.
— Concurr. : kiïvd'w (+).
fi, +, ci. ffti-et, hl îmi-et. — Ici.
t] su iî, vyî'â. — Ceci, u /l-Iùl i I)
fb iiiiii fi ? €0. — e'i, ici, s'emploie
conc. avec la forme Ul. — Usité
surtout dans la banlieue.
eiHli jurier, malmener,
maltrni:,. . . u - .fitàl, ô mwè, à n t pti
fibiilcy. — Trimer, ferô F ta d' eihiiJL
— Mcnic sigii. : tolc.
cid' ou àt, +, cidre, dh dî'tf àd'.
A Saint-Pol-ville, conc. : sid', sit.
fif, +, chiffre. — kàt (\/ fif, piège
consistant en une lourde planche
supportée par trois petits bâtons
placés comme les trois lignes qui
forment le chifire 4 et accrochés l'un
à l'autre par des entailles.
afàrncy ou éifânùy, -f-, s. f., en-
chifrènement. àtràpH^ eifànicy, s'en-
chifrener.
fifârtéyèt, 4-, petite fif ânity.
fifèj +, chiffonner, fift' s' rôp; —
œ pâlie tu fifey.
fiflbtà'ii, X, siffleur. N'est guère
usité que dans les faubourgs.
fifô, X, chiffon. — Terme inju-
rieux, femme ou fille quelque peu
coquette, mais d'une propreté dou-
teuse. Même sign. : cjtnil.
fîfô, -(-, siphon (d'eau gazeuze).
A Saint-Pol-ville on emploie de pré-
férence la forme sifô.
fije, ciseau de menuisier. Em-
ployé à Ramecourt conc. avec les
formes fijéou; ajhu.
ajow, X, s. m. s., ciseaux (de
couturière, etc.); ciseau (de menui-
sier, etc.). — fïjb ârdi, ciseau à froid.
— Banlieue : fijîdwy fijku. Voir fijL
fijchi; X, s. m., tipule (les grandes
espèces).
iik, X, s. m., élégance, distinc-
tion, perfection, âmcàr du fïk; / i
lâpt' dà r àk. — Adj., beau, distin-
gué, élét: ble, parfait, an fik
p)p; (in rop tik ; nu fîk fPm.
fik, -f-, chique (de tabac). — i n
i-Ô piuê (î'ti fik, il ne vaut pas grand'
chose ; se dit d'un malade dont l'état
ne s'améliore pas. — Au fig, : kôpé
là ak ù quelqu'un, le surpasser
(chanter mieux que lui, par ex.).
àk, +, s. f., gros morceau, en
àk t'd pè. Même sign. : brif, flkô,
klip, klïpô, trik.
àkâtre, taillader, couper mal.
àkàtrtir, -\-, cicatrice; plaie qui
n'est pas encore bien cicatrisée.
àkàn, -j-, chicane, discussion,
dispute.
fikàna], -f , s. m., action de à-
kùué.
àkànar, unar; nkànâiv, œ^; àka-
ne, er, -\-, celui, celle qui eikàn, qui
aime à àkani. Formes employées
indifféremment.
fikatâ , -h, chicaner, discuter,
disputailler, disputer. — àkane
quelqu'un , lui chercher querelle.
jiï k' i vàrwc kùr Ui pu in àkàtit',
ftUb ?
àkand-ii. Voir àkàiuir.
àkàtje. Voir àkànar.
àk?, -|-, V., chiquer (du tabac).
— Manger, surtout avec appétit,
t^ k^m / fïk, tfii-lb! Même sign. :
àkt, -\-, s. m., petit morceau de
278
ED. EDMONT,
cuir aminci par un bout que les cor-
donniers placent dans le talond'une
chaussure pour le tenir un peu plus
haut sur le derrière.
Âket, +, s. f., petit morceau, de
£tket ed pâpye.
ahnà , X , avec ^/7c. Concurr. :
/ikfuc.
eihomor, -]-, sycomore (acer pseu-
doplatanus). La graine ailée de cet
arbre porte le nom de kôdako.
€lkô, +, gros morceau de pain.
Moins fréquemment usité que les
synonymes brif, ^'tk, klïp, trik.
akâ'ii', +, celui qui chique. —
Bon mangeur, œ rtid' eikâ'w.
€tktàj, +, s. m., action de eikle;
résultat de cette action ; état de ce
qui est €iktey.
€ikte , 4-, découper, mettre en
menus morceaux, faire des eiket. —
ô éilik œ mole d' parsè dsil. — Par ex-
tension, couper de travers, d'une
manière inhabile.
eikttiry +, s. f. pi., résultat de
l'action dedktî'. Même sign. : àktaj,
m. s.
/il, +, s. f., cil, sourcil. aviuHr
dé log eil ci A'- yfi. — Vieilli.
€Ïme, +, produire des niiu't, en
parlant des choux et de quelques
autres plantes.
f'imet, -\-, s. f. pi., rejetons qui
poussent sur les tiirlô de choux res-
tés en terre, kor hycn ïirœ d^ âmuar
de! siip â £tmet. — eunet, choux de
Bruxelles. — Au fig., avoir des ^/wi/
de 5' tet, avoir des soucis, de l'inquié-
tude, a s' f il hue le nul €tnièt de 5' let.
fhiie, X, ciment. Conc. : siniâ.
eiincîa], X, s. m., action de a-
inèlt'. Peu usité.
chiiric, X, lier avec du emc, en-
duire de <'hi!c. Conc. : sinutte.
^'unctycr, +. Voir fuiitycr.
£îmtyèr, +, s. des deux genres,
cimetière. Employé conçu r. avec les
formes eimètyer ( + , s. f.) et shniyer
(X).
éimiuàr, X, adj. paycl ^hiitcàr,
lèchefrite. Ce mot a complètement
disparu du langage saint-polois : on
le retrouve dans les anciens inven-
taires. Voir sinit'.
eipàr, piuàr ou Apœio , ax, X ,
celui, celle qui a l'habitude de £ipe.
Peu usités.
eipe, X, dérober adroitement, i l
Ô fipe s pèiii .
dpotàj, -f, s. m., action de apôte.
Concurr. : eipotriy.
Apole , +, trouver à redire à un
ouvrage fait, ou dénigrer une mar-
chandise pour ne pas en payer la
valeur; soulever des contestations
au moment du règlement d'un
compte ou de l'exécution d'une con-
vention ; marchander chichement.
/ipôtœv.'. ^^oir eipolyc.
npôtiïy. Voir eipoià).
/ipôt\i\ cr ou npotâ'iv, œ^, -j-? celui,
celle qui fïpbt.
€tpœii'. Voir £tpar.
€ir, -\-, cire. dH nr gàn. — /ir ti
drec (faub. et banlieue), cire molle
pour cirer les meubles. A Saint-Pol-
ville, on emploie de préférence la
forme sir.
éiràf, +, cirage. A St-Pol--ville,
concurr. : ôiràj.
LEXIQ.Lt .SAiNi-i-vM.v>lS.
279
cirer. A Saint-Pol-vilIe,
.. :,v^.. .'. ; Mil.
, trk, cirque. Forme des faiih. et
de la banlieue.
fini, -f-» sirop, du mo a' i;nijH.
— Absolument : dti flro, de la mé-
lasse, dite aussi : firô â! kàrtc-ftik.
\o\x ce mot.
i'irô^ cierge. N'est plus usité; on
le retrouve dans les vieux inven-
taires.
rin'{jyi\ X, cliirurgicn. Concur. :
5^/"«^V<?. Dans la banlieue, se dit aussi
pour médecin.
aryt\ -\-, cirier. A St-Pol-ville,
concur. : sirye.
/is, -\-, s. m., huile de schiste.
Brûler du ^is.
/ït. Voir /id'.
^itâdt'l, citadelle. Forme des faub.
et de la banlieue. Peu usité.
€it-e\ty +, n'est employé que dans
cette phrase : n' a pa (ou n 0 pwè)
(T at-fh, il n'y a pas à tortiller.
ntern, citerne. Forme des-4hub.
et de la banlieue.
fitèrm, +, garnir (une cave, etc.)
d'un enduit imperméable. A Saint-
Pol-ville, on dit plutôt sïi'cni'e.
aire, +, v. N'est employé que
dans cette expression : phn â £itfè,
pomme à cidre. A Saint-Pol-ville ,
concur. : sitre.
fîtrô, citron. Forme des faub. et
de la banlieue.
fltrônt'l, +, melissa officinalis. A
Saint-Pol-ville , concurr. : sitrônel.
^itrôni y citronnier. Forme des
faub. et de la banlieue. Peu usité.
eltrul, -|-, citrouille, potiron, diu'
sttp à àlrliï. A St-Pol-ville, conc. :
silnil.
eijàrue (Jl là), à la diab!^^
tu'àlfh à là €h'àru£. Usité à Rame-
court. Très vieilli.
avo. H-, oignon récolté l'année
précédente et replanté pour être uti-
lisé vert.
€)vyery +, civière, pàrt^ à flvyer.
— Sorte de caisse ou de bâti à claire-
voie que l'on suspend sous un cha-
riot ou une charrette.
elàgè, X, fouetter, battre, donner
la schlague. Peu usité.
^iô, idb. Voir eà.
é-lof, +• àlè à ficf, aller dormir,
aller se coucher.
fme. Voir knir.
ftnnicy. Voir kmincy
^mitw, X, ouvrier terrassier sans
domicile fixe. N'est usité que depuis
la construction du chemin de fer.
Voir rnlivû'.
fiïàp. Voir €mk.
fuàler ou entier, +, perche ou
baliveau tenant lieu de solive dans
un €nel.
eni, X, chenet. Anciennement :
kmi\iou'.
enel, -f , grenier à fourrages au
dessus des étables, dont le plancher,
formé tout simplement de perches
ou de jeunes baliveaux posés d'une
poutre à l'autre, reste complètement
à )our. — Par extension, petit gre-
nier situé au dessus d'une mansarde.
rnik ou fnàp, +, eau-de-vie.
€mki, +, boire de l'eau-de-vie.
enîkœr ou eniktrw , (r^, +, qui
aime à ftiikt.
28o
ED. EDMONT.
€0. Voir m. — £0, +, cette per-
sonne. Se prononce en ce cas avec
un air de dédain, ej n e pwc fut ed
€Ô iéi. — ^0.' exclamation affirma-
tive. €o! àwè! ptir stir li til t vtiro!
— A Saint-Pol-ville, concurr. : ià.
€0€ô {fer) ou £Ô€Ô, +, se dit de
deux petits cultivateurs qui s'asso-
cient et réunissent leurs chevaux
pour cultiver leurs terres. On dit
aussi : fer à eoeô. — Se prend par-
fois dans le sens de : vivre en con-
cubinage.
fbk, +, souche, grosse bûche
noueuse. — Absolument : £H £ok,
la bûche de Noël. N'est plus guère
employé dans cette acception. —
Au fig., personne lourde, maladroite
et stupide.
£oke, +, taller. ed:(^ àvàn kt £èht-e
bye. On emploie aussi dans le même
sens le mot jemle.
€oke,-\-, trinquer. /o k'oeokh hàn.
Concurr. : £nke.
£okk, +, petite ^0^. — Au fig. :
et khn an tit-eôket, se dit d'une vieille
personne ratatinée qui ne veut plus
quitter le coin du feu.
€Ôkle, +, éclat de bois enlevé par
la cognée à la souche d'un arbre que
l'on abat, œn Ôte d' £okle. — Au fig.,
individu peu intelligent.
eolàr, Iwàr, +> fainéant, pares-
seux, celui qui bat continuellement
le pavé sans vouloir jamais travailler
d'une manière suivie. S'emploie
aussi adjectivement,
€ole, +, pousser avec le pied, fou-
ler aux pieds. £ole a ko d' pye. — Ma-
nier sans soin, sans précaution, ^o/^ 5
màreàdi^. — Par extension, rudoyer,
maltraiter, bértide. i eUivet lœplr. —
Flâner, battre les champs ou le pavé
sans vouloir travailler d'une manière
régulière, se jyû t £hl tu V ta kbm £0.
— Au fig. : fi'lno tel nie , de lape, dk
£ bo, k' ô l^ £01 â kb d' pye, c'est-à-
dire qu'on les voit détaler à chaque
pas que l'on fait.
£oley, -f, S., se dit d'un enfant
continuellement maltraité ou battu.
£ e r £Ôlè d' es mà:{ô.
£Ôp, +, s. f., vase de verre ou de
faïence de forme cylindrique ou en
cône tronqué, contenant un demi-
litre (pety Cette contenance est loin
d'être atteinte aujourd'hui. œn£èp ed
byèr. — Contenu de ce vase, biuâr
de £op.
£Ôpàr, bouvreuil. Usité à Fruges.
Voir ruvyû.
£ope, -f-, boire des £op, surtout en
grande quantité.
£ope, -\-, heurter, buter, t m £Ôp
tédi e pàsà; — me pye il o £ope œ
kàyow. — Toucher à, être auprès
de. ^5 mâ:(on âl £bp à V nbt ; — an
jinofre sep M £bpwe à de dnp. — A
Manin : â£Ôpe.
£bpœr, celui qui aime à boire des
£bp. — Faubourgs : £bpœû'. — Même
sign. : pètlâ'w.
£br£, s. m., mauvaise odeur (de
rat, de souris, par ex.), pijfe V £br£.
Usité à Manin.
£br£el, -h, sorcière. A Saint-Pol-
ville, concur. : sbrsycr. — La forme
sbrsyel est employée par ceux qui
prétendent bien parler.
£btye, +, trou à purin. — Par
LEXiaUE SAINT-POLOIS.
281
extens., purin, urine des animaux.
\'oir nhiy rwè.
i'o!^ ou €bsy X, chose. — Se dit
aussi d'un individu ou d'un objet
dont on ne retrouve pas le nom.
t'y ! €os il ^ rôs. — pàs-né / ^è{ là-bo.
Concur. : mà€e. — eas (objet dont
le nom échappe) est toujours du
même genre que l'objet qu'il dési-
gne. — Adjectivement : et U'i eoSy
être quelque peu chagriné, éprouver
un peu de malaise.
€Ô€ô. Voir €0€ô(^fer).
€à£ô, +> fruit du pommier sau-
vage, et, par extension, mauvaise
pomme. Même sign. : ^m à kôfô. —
Au fig. : s et œn niîkàt pèm k" œ €Ôfô,
se dit d'un individu grossier ou vi-
cieux dont on a cherché vainement
à améliorer le caractère.
fôglt, +, fouetter avec une ba-
guette {eôglet).
eôcjley, X, volée de coups de ba-
guette. — Banlieue : €ôglài. — Con-
curr. : ^ôgltir.
fôglet, -\-, baguette flexible pou-
vant ser\'ir à donner une €ôglèy; ba-
guette rameuse ou non avec laquelle
on chasse les bestiaux.
^ôgltir. Voir eôgley. Ces quatre
mots sont surtout employés dans la
banlieue.
£ok. Voir eek.
-ff €œ£œ, tablier (àkôrsœ.) Usité
dans la banlieue.
^'■^/> +> cerise, ruj kotn an €rtj.
— A St-Pol-ville, conc. . irh, srt^.
£rijî, +, cerisier, appelé égale-
ment àp à £rïj. — Peu usité à Saint-
Pol-ville, où la forme sri:(^yé est em-
ployée de préférence. — A Maizié-
res : friljyéou.'.
frôy 4". s. m. pi., tiges de fèves
battues. Conc. : fàflb. Voir rhk.
ffifàj, -f , s. m., action de ^û^i.
Peu usité.
^ttfàr, eu'àr, -}-» celui, celle qui
eue. Voir €U€<riv.
é^ùety -f > sucer, à ti fi étui du rl-
gèrh. — Par extension, manger de
baisers, f ï pà làr Vô €iU kbm €Ô j;^
efà. — 5' €Ùfi, se dit ironiquement
de deux amoureux qui s'entre-bai-
sent sans cesse. — Au fig. : ^Mé"!
quelqu'un, lui tirer peu à peu son
argent ou ses marchandises, etc. /' t
bô té jus à eùei l:^ ot.
€U€et, -f , s. f., petit morceau de
toile renfermant soit une figue ou
un morceau de sucre candi, soit du
pain trempé dans du lait sucré, que
l'on donne à sucer aux jeunes en-
fants.
€Ù£ety +, s. f., lamium album,
appelé aussi brttl blàk; lonicera peri-
clymenum. S'emploie ordinaire-
ment au pluriel.
€Û€Ôtàjy +, s. m., action de €&-
£été. — Chuchoterie.
etieèti, +, suçoter. — Chuchoter.
^ùeètœwy fè^, -f , celui, celle qui
€U€ot. — Chuchoteur.
£Ù€œwy œ^y -\-, autre forme de
£U€àry €wàr. — Se dit aussi de celui
qui aime à se faire payer à boire ou
à dîner.
eturoly s. f., coup, horion. Usité
à Œuf-en-Temois. Voir briiok.
-jj- £ti€Ùky -\-y bonbon, friandise.
A Saint-Pol-ville, conc. : sùstik.
2«2
ED. EDMONT.
£Ûk^ 4-j S. f., coup, heurt, légère
contusion. ^^« ût etih. — Coup, choc
entamant l'écorce d'un arbre. — Par
extension , secousse physique ou
morale reçue par un malade, til pœ
iniirir ci V mwèdèr petit £iik.
€tik, +, sucre, du ehk d'or].
Quelques individus prononcent
ftikr. — A Saint-Pol-ville, concur. :
sùk, stikr,
ftikàd' ou etikrât, +, sucreries,
friandises. — A St-Pol-ville, conc. :
sùkàâ.
€Hke, +, heurter (un objet dur).
£Ûke £ pivàl. — Autre forme de eoke,
trinquer.
etikerye. Voir eukrie.
£ukolà, -f-, chocolat.
fukrât. Voir sûkad^.
£iikre, +,v., sucrer, mkrt'snekiiïïy.
— A Saint-Pol-ville, concur. : stikre.
fukrey, 4-, s., variété de pomme.
mkrêrïy, X, fabrique de sucre.
Peu usité. — A St-Pol-ville, conc. :
stikrêrîy.
eûkne, +, sucrier. Quelques indi-
vidus emploient la forme €Ûkerye. —
A Saint-Pol-ville, concur. : dikrie.
€ur€e, -f, s. m. s., ce qui reste
de la paille, du papier ou d'autres
matières rongées par les rats ou les
souris.
€ur€îne, +, ronger, kôpiye, en par-
lant des rats et des souris. €t ro "i
€ttr€cnt-e té mè sêkrw. — Par exten-
sion, se dit aussi parfois des autres
animaux, me piirmw il avive euretrâ
5' retràmùr.
m! eu! -f-, cri pour chasser les
poules.
m-blà Çfer) , X , revenir bre-
douille, ne pas réussir dans ce qu'on
a entrepris.
efimak, +, savetier, cordonnier.
Se dit en mauvaise part.
euvtirttf (coiffée à la) , coiffée à la
diable. Usité dans les faubourgs.
£iue, -j-, choix, avwàr el eiuè dû
rwey, avoir fille et garçon. — A St-
Pol-ville, concurr. : eiuà.
€tue::^ir. Voir ktifir.
€iuet, X, beau, bon, superbe.
eilé, s. m., mare, abreuvoir.
Usité à Manin.
£yàr. Voir tyar.
eyàs, X, diarrhée. Voir dris.
eyàt, X, excrément d'insecte, de
mouche notamment.
eyerj, cierge. Forme de la ban-
lieue.
CHRONIQUE
La Rn'ue a fait une perte qui nous est particulièrement sensible. Un de nos premiers et
plus utiles collaborateurs, M. l'abbé Rabiet, est mort à la Bourboule, le 8 août dernier, à
l'âge de trente-trois ans. Je ne puis mieux faire que de reproduire en grande partie la
notice que M. l'abbé Lejav, son ami, lui a consacrée.
« II avait fait au petit Séminaire de Plombières (Côte-d'Or) des études excellentes. Au
grand Séminaire s'étaient révélés celte ardeur de travail, cette curiosité toujours éveillée,
ce goût des études littéraires qui devaient faire à la fois l'honneur et le tourment de sa vie.
Après un court passage à Plombières, en 1 880-1881, il entrait à l'Université catholique de
Lyon l'année suivante, et en sortait licencié en 1883. Ce fut pendant les vacances de cette
année qu'il entra en relations avec une famille qui, depuis, ne cessa de l'entourer de la plus
touchante sollicitude, à laquelle il dut longtemps la tranquillité de ses études et la sécurité
de sa vie, à laquelle il aurait dû de conserver la vie elle-même, si la Providence l'avait
permis. Il revint passer l'année 1885-1884 à Plombières, où l'ancien professeur de cin-
quième a laissé à ses collègues le souvenir du meilleur des amis, et à ses élè\-es celui de
l'éducateur le plus intelligent.
« Mgr Rivet comprit que, malgré les services qu'il pouvait rendre au diocèse, il y aurait
plus grand profit à laisser poursuivre à ce jeune prêtre les hautes études à peine entrevues.
Soucieux avant tout des intérêts généraux de l'Eglise et du besoin toujours plus sensible
de s'assurer les domaines de la science en en occupant les sommets, il le laissa partir,
quoique à regret.
« Ce fut ainsi que l'abbé Rabiet put passer à Fribourg-en-Brisgau l'année 1884-1885 ;
il connut là un enseignement supérieur, tout dévoué à la recherche scientifique, dont la
fonction est de créer la science et d'en propager les méthodes, sans la préoccupation tvTan-
nique d'un programme fait d'avance.
« Cette année décida de sa vocation. Venu à Paris en octobre i88s. il fut élève de la
Faculté des lettres et de l'Ecole pratique des hautes études, et reçut une large formation
philologique. Fribourg-en-Brisgau lui avait montré le chemin ; Paris lui donna véritable-
ment le viatique nécessaire à la route. Il montra quelque hésitation, au début, sur la voie
qu'il devait suivre.
« L'archéologie, la philologie grecque, les langues romanes l'attiraient à la fois. Il
écrivit, en 1888, un petit travail ïur les Inscriptions de Cadenet (Faucluse), qui semblait
faire présager un épigraphiste. Mais, à cette époque, MM. Gilliéron et l'abbé Rousselot
fondèrent la Rcz'iie des patois gallo-romans, où ils se proposaient d'étudier les parlers vivants
d'après une méthode rigoureuse, et de les noter d'après un système uniforme et précis.
Ce fut pour l'abbé Rabiet une révélation. Il se mit à étudier son propre patois, celui qui
avait bercé son enfance sous les grands ombrages de la forêt de Velours. Ij Patois de
Botirherain parut d'abord en article, puis en brochure. En même temps, il entreprenait la
traduaion de la Grammaire des langues romanes, de M. W. Me\-er-Lûbke. Cette grammaire
devait s'appliquer à l'étude non des textes, comme l'avait fait Diez presque exclusivement,
mais des parlers vivants.
« Ces deux importants travaux mettaient en vue l'abbé Rabiet. Aussi quand, en 1889,
fut fondée l'Université catholique de Fribourg en Suisse, il fut désigné, par les professeurs
284 CHRONIQUE
de Paris, pour occuper la chaire de philologie romane. Il y a enseigné deux ans, exposant
la grammaire du vieux français et expliquant les textes, avec cette précision et cette élé-
gance qui étaient comme un ressouvenir de ses précédentes études archéologiques. Déjà
très fatigué à son départ, le rude hiver de la Suisse l'affaiblit encore. Il soutint courageu-
sement la lutte contre le mal, supportant la double tâche d'un enseignement chargé et
des fonctions de doyen, rendues plus délicates encore par la confection des règlements de
l'Université. Au mois de janvier 1891, il était très malade, quand ses amis de Paris le
virent pour la dernière fois. Depuis il n'a fait que décliner. En quittant Fribourg, au mois
de juillet, — l'année scolaire achevée, — il n'était plus que l'ombre de lui-même.
« Il s'est éteint à la Bourboule, où il venait d'arriver, comme une lampe dont l'huile est
brûlée jusqu'à la dernière goutte.
« Il laisse, outre les ouvrages mentionnés plus haut, de nombreuses notes sur les patois
de la Bourgogne et de la Gruyère. On espère en tirer parti. Il laisse surtout, à tous ceux
qui l'ont connu, le souvenir de son affection si accueillante et si intime, de son ardeur à
la poursuite du vrai, de sa largeur d'esprit et de sa générosité de caractère. Dieu l'accueille
en son repos éternel ! Il peut s'y abandonner, car il a rempli sa courte vie de l'activité de
deux jeunesses. »
— M. d'Arbois de Jubainville a fait paraître, à la librairie Bouillon, un nouveau volume.
Les noms gaulois che^ César et Hirtitis de bello gallico. Première série, les composés dont rix
est le dernier terme (in-i8 Jésus, xv-259 pages; prix, 4 fr.). Je reviendrai, dans le pro-
chain fascicule, sur ce livre dont je rendrai compte, ainsi que de deux autres du même
auteur : Les premiers habitants de V Europe et Les noms de lieux habités en France. C'est dans
les ouvrages du savant professeur du Collège de France que les hommes, curieux de con-
naître ce qui est resté dans notre langue de l'ancien celtique, doivent puiser leurs rensei-
gnements.
— Le dictionnaire général de la langue française de MM. Hatzfeld, Darmesteter et
Thomas, est à son sixième fascicule. Il est arrivé au mot coller. On trouvera sans doute
que la publication va lentement. Mais, si l'on songe à l'importance des recherches aux-
quelles est obligé M. Thomas par la tâche qu'il s'est imposée de dater l'apparition de
chaque mot nouveau dans la langue, on sera encore étonné du résultat obtenu. Les nou-
veaux fascicules sont intéressants comme les premiers. Seulement je regrette que l'on ait
conservé, même en la notant comme douteuse, certaine étymologie hasardée (calembour')
qui tenait à cœur à M. Darmesteter, mais que l'on n'a aucune raison de respecter.
— On nous signale l'apparition prochaine chez l'éditeur Vaillant-Carmanne, à Liège,
d'un volume dû à la collaboration de plusieurs membres de la Société du Folklore wallon,
les Mélanges Wallons. Il se composera d'une série d'études relatives au dialecte et aux
croyances populaires du pays wallon. On y trouvera, notamment, les articles suivants :
Auguste Gittée, A propos d'un jeu wallon, explication d'une ronde de petites filles qui a
conservé des traces très intéressantes de vieilles coutumes du mariage ; Eugène Monseur,
A propos d'un jeu wallon; Jules Simon, Les limites du picard et du zvallon en Belgique, sur la
ligne de démarcation du dialecte wallon et du dialecte picard parlé dans l'ouest du Hai-
naut; A.Bovy, Les patois de Hannut et de Jehay-Bodegnèe; G. Doutrepont et J. Haust, Les
parlers du Nord et du Sud-Ouest de la province de Liège; A. Doutrepont, Formes variées de
quelques mots wallons. Le prix est de trois francs payables à la réception. Les souscriptions
doivent être adressées à M. Aug. Gittée, professeur à l'Athénée, rue Fond-Pirette, Liège.
Le Gérant,
TABLES
TABLE GÉOGRAPHIQUE
[Les mots en italiques annoncent des publications de texte].
Aigremont, 7.
Arréns, 228.
ArrhiSj 245.
Bèze, 35.
Beynes, 8.
Bourberain, 35.
Bournois^ 255.
Bretons, 8,.n. i.
Cellefrouin , 97 sqq.
Cellejrouin , 136, 137,
166 sqq., 193 sqq.
Chambourcy, 7.
Cliavenay, 8.
Crèpières, 8.
Davron, 8.
Doubs, 255.
Fallon, 260.
Feucherolles, 8.
Lctthaussée, 33.
Luxembourg central,
17-
Mancenans, 25e, n. 3.
Maule, 8.
Meuse, 33.
Montainville, 8.
Provence, 214.
Saint-Jamme, 7.
Saint-Nom, 8.
Saint-Pol, 40, 205.
Seine-et-Oise , 7.
Vallon (pays), 284.
TABLE DES NOMS GÉOGRAPHiaUES ÉTUDIÉS
OU DONNÉS EN PATOIS
Boumois, butiêy 255.
Chamar, ^eniây 262.
Charrière ( la) , uhir,
259.
Jélo (le), ûf/é/d, 257.
Lachaussée, lâéosî, 33.
L'Isle, ///, 256.
Longeolle (la), lôdjoly
256.
Soyotte, iu'?}t»/, 260.
Vigneulles, ihjul, 33.
28é
TABLES
TABLE DES MOTS ÉTUDIÉS
al entr., 19.
-alam, 19.
ar entr., 19.
-are, 18.
-as entr., 19.
-aticLim, 19.
atura, 28.
-avani, 19.
-avum, 19.
bl final, 30.
eibrèlî, 259, n. 4.
digitum, 25.
djîgâ, 258, n. 4.
-ellam, 21.
-ellum, 21.
-eta 22.
gôné , 262.
-ia, 22.
-ica, 22.
-ici-, 26.
-ily-, 26.
(i)s,(i)ssfr.,29.
-ittam, 26.
kîkàbôl, 258;
n. I.
mère-goutte.
38, n. I.
nrînrof, 260.
-oi, -eau, 16.
or entr., 26.
orium, 26.
os entr., 26.
qu, 29.
se latm, 29.
sekôlmàn , 258,
n. 3.
sitim, 25.
tectum, 25.
umam, 27.
unam, 27,
ur libre, 27.
utum, 28.
venelle, 39, n. r.
-yare, 19.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
Accent de force, 10; d'intensité, 134. — Acuité, 173. — Appareils
pour l'étude physique des patois, 72 (v. figures). — D'Arbois de Jubain-
ville (H.), Les noms Gaulois, 284.
Carte : Luxembourg central, 17.
Consonnes : à Arréns, 230; à Saint-Jamme, 13; notées graphique-
ment, 88 et sqq; assimilations de consonnes, 234; firicatives (chute des),
233; / mouillée + s, 217; groupes, 16; terminaison des groupes, 10;
variations dans la sonorité des consonnes, lor.
Conte : Jean qui danse, 255. — Costume : hône tûrnày 49. — Croque-
mitaine (v° brïkcfsï), 55.
Devinettes, 246.
Etudes romanes (offertes à G. Paris), 63.
Fêtes : Jeudi-Saint, 44.
Figures : appareil enregistreur, 73; hode d' sè-mkôlà, 46; bràk , 52
explorateurs : de la langue (externe), 75 ; des lèvres, 76 ; de la respiration
77; du larynx, 78 et 79; du nez, 79; inscripteur de la parole, 80 et 81
notation des consonnes, 88 ss.; des voyelles, 92 ; des voyelles nasales, 106
des consonnes isolées, 107 sqq.; des groupes de consonnes, iio sqq
diverses, 140 sqq.; palais artificiel, 87; signal électrique, 74; tambour à
levier, 73; soufile (mesure du), 126 sqq.; spiromètre, 82; stéthoscope
biauriculaire, 83.
TABLE 287
Folklore : v. costume, conte, croquemitaine, devinettes, fêles, gesti-
culation, jeux, prières populaires.
Genre : changement de genre, 21, n. 3, — Gesticulation, 42.
Hatzfeld, Darmesteter, A. Thomas, Dictionnaire général de la langue
française, 64, 284. — Hauteur musicale des sons, 173.
Intonation, 10.
Jeu : bouchon (v° M/), 60.
Mot (notion du), 246.
Mélanges wallons, 284.
Xombre : pluriel, 29, n. 2.
Participes : passés, 32.
Patois, méthode, dG, 214; graphie, 5, 209. — Phonétique syntaciique,
14, 232. — Prières populaires : Ave Maria, 252 ; les Grâces, 252 ; Pater, 249.
ixabiet (Eugène), 283.
Résonnances, 233.
Sémantique : b'ih, 41; bitlo, 42; biye , 42; blà bo, 43; bla-bôtâ, 43;
blœii', 46; brhko, 55; btik, 58. — Sons : disparition, 207; durée, 138;
interjectifs (sons), 99. — Souffle, 125. — Syntaxe : du patois d'Arréns ,
240; syntactique (phonétique), 14,232.
Tutoiement et non tutoiement, 33, n. i; 34, n. i.
Voyelles : à Arréns, 229; à Saint-Jamme, 12; insérées, 30; notées
graphiquement, 92 sqq.; assimilation de voyelles, 233; nasales, 220;
quantité, n; diphtongues : à Arréns, 230; diphtongaison, 10; triphton-
gues à Arréns : 231; variations dans la sonorité des voyelles nasales, loi ;
ë entr., 20;^ libre, 23 ; f + gHr. -|- dent., 24; ô libre, 26.
Zanardelli, Langues et dialectes, 64.
TABLE DES ARTICLES PAR NOMS D'AUTEURS
Camélat. — Le Patois d'Arréns 229
Chroniques 63, 283
Dion (A.). — Patois de Lachaussée (Meuse) 33
Edmont (E.). — Lexique Saint-Polois (suite) [B. G.] 40, 265
KoscHWiTz. — La Phonétique expérimentale et la philologie franco-
provençale 214
Marchot (Paul). — Les Patois du Luxembourg central 17
Passy (Paul). — Patois de Saint-Jamme (Seine-et-Oise) 5
Rabiet (E.). — Lettre de Jean Tiercelet sur le chemin de fer de
Châtillon à Besançon 35
288 TABLE
RoussELOT (J.). — Patois de Cellefrouin; étude expérimentale des
sons 65
Première partie. Analyse physiologique des sons de
mon patois ; leurs modifications inconscientes ;
mesure du travail qu'en exige la production 71
Ch. I. Méthode graphique appliquée à la phonétique. 72
Ch. II. Régions d'articulations 87
Ch. III. Fonction du larynx; variation dans la sono-
rité des voyelles nasales et des consonnes 10 1
Ch. IV. Souffle employé pour la parole ; mesure de
l'effort; accent d'intensité 125
Ch. V. Durée des sons; accent temporel 139
Ch. VI. Hauteur musicale des sons ; accent d'acuité. . 173
La méthode graphique appliquée à la recherche des transforma-
tions inconscientes du langage 209
RoussEY (Ch.). — Jean qui danse (Patois de Bournois, Doubs). ... 255
Système graphique 5
I
PC Revue des patois gallo-
2701 romans
R$6
PLEASE DO NOT REMOVE
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