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Full text of "Revue des patois gallo-romans"

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HANDBOUND 
AT  THE 


UNIVERSITY  OF 
TORONTO  PRESS 


REVUE  DES  PATOIS 


GALLO-ROMANS 


MAÇON,    PROTAT    FRERES,    IMPRIMEURS 


REVUE  DES  PATOIS 


GALLO-ROMANS 


RECUEIL    TRIMESTRIEL 

PUBLIÉ   PAR 

J.  GILLIÉRON 

Maître  de  conférences  à  l'Ecole  pratique  des  Hautes-Etudes 


L'Abbé  ROUSSELOT 

Chargé  du  cours  d'histoire  de  la  langue  française  à  l'Ecole  des  Carmes 


TOME    IV 


PARIS 
H.     WELTER,     ÉDITEUR 

59,    RUE   BONAPARTE,    59 
M.D.CCC.XCI 

1^9/ 


iSÉ^' 


270] 


SYSTÈME  GRAPHIQUE 


Voyelles  fondamentales. 

PURES 

Indét.  p""  la  quantité.  Brèves. 


Longaes. 


Indét. p'"le  timbre,  a,  e,  i,  o,  u,  u,  œ,é.  à.  c,  /,  0,  a,  a,  œ,  }.  â,  ?,  i.  ô,  «,  «,  œ. 
Oavertes.  à,  è,  i,  à,  à,  ù,  œ.  ^,  â,  ï,  ^,  lî,  «,  à.  à^  è,  t,  0,  ù,  «,  œ. 
Fermées.        d,  é,  i,  ô,  liy  n,  œ.        à,  e,  i,  ô,  ù,  il,  œ.        ây  e,  t,  0,  ft,  «,  œ. 


Brèyes. 


NASALES 

Longues. 


Indét.  p*"  le  timbre,  à,  è,  7, 0,  ù,  il,  œ,  t.    à,  e,  0. 


Ouvertes. 
Fermées. 


Pures. 
Nasales. 


a,  e,     0, 
à,  e,     0, 


œ. 
œ. 


Demi-nasales. 
â,ë,i,ô,  n,i~i,iv. 

a,  è,     0,  à', 

a,  e,     0, 


œ. 


Voyelles  intermédia' res. 


ao      a       I       0       ar       I 
,  a,  a,  e,  u,  u,  n 

i      à      "5 

fl,  a,  a. 


â,L 


Voyelles  toniques.  —  Toutes  ces  voycU-s  existent  avec  le  signe  de 
l'accent  (,)  \  a,  e,  i,  0,  //,  11,  œ,  è,  a,  ë,  etc. 


£  (ch  fr.), 

c  (ch  dur  ail.), 

£  (ch  doux  ail.), 

d, 

4  {d  anglais), 


Consonnes  fondamentales. 

h  (aspiration   française,     /  (/  mouillée), 
c'est-à-dire  sonore  du     /  (/  interdentale), 

y,  m  (m  interdentale). 


SYSTEME   GRAPHIQUE. 


i?  (;/  mouillée), 
ij  (jj  interdentale), 
«  («  gutturale), 

r  (r  linguale), 


r  (r  voisine  du  £), 
f  (r  gutturale), 
j-  (r  interdentale), 
s  (s  dure), 
s  (jh  dur  anglais), 
t, 


t  (t  anglais), 

w  (w  anglais), 
ib  (u  consonne). 


f  (r  fortement  roulée),    /  (/  interdental),  5;  (//;  doux  anglais). 

Consonnes  intermédiaires. 

^,  ^,  c,  d',  i,  i,  /,  ;,  Ji,  j),  /,  r,  I,  i>,  {',  y,  y,  ^,  |. 

Lettres  d'un  type  plus  petit  et  destinées  à  représenter  les  sons  à  l'état 
naissant  ou  en  voie  de  disparaître  —  a,  c,  /,  0,  »,  «,  œ,  <•■;  à,  è,  à,  à;  à,  «,  0, 

œ }  5,   ?,  5,   (fy  {,  '^i  S')   '■'>   ^'j   '"j   ">   ^)   '>  ^'^'j  ■''■'>  ^» 


Signes  de  résonnance.  —  Résonnance  pharyngienne  :  ^^  résonnance 
nasale  :  ~,  ~. 


PATOIS    DE    SAINTE-JAMME 

(  SOKE-ET-OISE  ) 


INTRODUCTION 

1.  Les  villages  de  la  vallée  du  ru  de  Gally,  petit  affluent  de  la  Maudre 
ont  conservé  jusqu'à  ce  jour  un  parler  assez  différent  du  parisien  et  du 
français  d'école.  Les  différences,  à  vrai  dire,  ne  sont  pas  assez  marquées 
pour  le  rendre  difficile  à  comprendre  ;  c'est  probablement  à  cause  de  cela 
que  ce  parler  a  pu  se  conserver  si  longtems,  tandis  que  bien  des  patois 
plus  différents  ont  complètement  disparu.  Néanmoins,  il  a  une  physio- 
nomie originale  qui  mérite  bien  d'être  étudiée. 

Ce  parler  m'est  familier  dès  mon  enfance.  Je  ne  l'ai  jamais  parlé 
moi-même,  et  j'ai  été  habitué  à  considérer  le  langage  des  paysans  de 
Siiinte-Jamme  qui  venaient  travailler  chez  mon  père  comme  simplement 
du  «  français  incorrect  »  ;  je  ne  le  distinguais  pas  du  reste  de  celui  des 
paysans  d'Aigremont  et  de  Chambourcy.  Néanmoins,  j'ai  remarqué  de 
très  bonne  heure  quelques  formes  particulières;  et,  à  mesure  que  j'ai 
poursuivi  mes  études  linguistiques,  je  les  ai  observées  avec  plus  d'intérêt 
chaque  fois  que  je  revenais  au  pays. 

Cet  été,  pendant  un  séjour  de  trois  mois,  j'ai  entrepris  une  étude  métho- 
dique du  patois.  Je  n'ai  pas  pu  la  mener  à  terme  :  elle  présentait  de  grandes 
difficultés,  car  nos  paysans  ne  se  rendant  pas  compte  qu'ils  parlent  patois, 
on  ne  peut  pas  les  interroger  ni  même  prendre  des  notes  devant  eus;  en 
outre,  les  altérations  provenant  de  l'influence  du  parler  parisien  sont 
nombreuses  et  difficiles  à  démêler.  Je  crois  pourtant  utile  de  consigner  ici 
mes  observations ,  telles  qu'elles  sont. 

2.  J'ignore  quelles  sont  les  limites  du  patois.  Au  nord ,  il  semble  Hmité 
par  la  foret  de  Marly,  la  plaine  de  la  Gatine  et  les  bois  de  Morainvilliers; 
du  moins  le  parler  d'Aigremont,  de  Montaigu,  de  Chambourcy,  villages 
situés  au  nord ,  est  bien  moins  patoisant  ;  mais  je  ne  sais  pas  s'il  en  est  de 


8  PAUL   PASSY. 


même  des  villages  situés  plus  à  l'ouest.  A  l'est,  Saint-Nom  parait  se  rap- 
procher du  parler  parisien.  Au  sud  et  à  l'ouest,  il  m'a  semblé  que  les 
différences  allaient  en  s'accentuant;  jusqu'où?  Je  l'ignore. 

3.  Mes  observations  ont  porté  sur  les  villages  suivants  : 

1°  Sainte-Jamme,  hameau  de  300  habitants,  sur  la  lisière  de  la  foret  de 
Marly.  Population  de  petits  cultivateurs,  de  journaliers,  de  braconniers, 
très  peu  cultivée.  Aux  indigènes  sont  mêlés  un  certain  nombre  d'étrangers, 
surtout  bretons ^  Beaucoup  de  jeunes  gens  quittent  le  village  pour  tou- 
jours ou  pour  quelque  tems,  et  il  y  a  des  relations  continuelles  avec 
Saint-Germain;  de  là  de  nombreuses  altérations  dans  le  parler.  —  Les 
écoles,  situées  à  Feucherolles ,  ont  dû  aussi  avoir  une  influence,  pas  très 
considérable ,  à  cause  des  nombreus  changements  du  personnel  enseignant. 
—  Des  «  réunions  populaires  évangéliques  »,  commencées  dans  ce  village 
il  y  a  dis  ans,  et  qui  viennent  d'aboutir  à  l'installation  d'un  culte  protes- 
tant, ont  aussi  influencé  le  parler  (au  moins  chez  les  enfants),  non  pas 
au  point  de  vue  de  la  phonétique,  mais  à  celui  du  vocabulaire  et  de  la 
phraséologie,  tout  le  monde  sachant  par  cœur  les  «  cantiques  populaires  » 
et  divers  textes  bibliques. 

2°  Feucherolles,  chef-lieu  de  la  commune  dont  dépent  Sainte-Jamme, 
400  habitants.  La  population  est  plus  cultivée  qu'à  Sainte-Jamme  ;  il  y  a 
plusieurs  boutiques,  surtout  de  marchands  de  vin.  Malgré  la  présence  de 
deus  écoles,  le  fréquent  passage  d'étrangers,  etc.,  le  parler  ne  parait  pas 
différer  sensiblement  de  celui  de  Sainte-Jamme. 

3°  Crêpières,  gros  village  de  800  habitants,  à  l'ouest  des  précédents. 
C'est  un  véritable  petit  centre,  avec  bureau  de  poste  et  télégraphe,  notaire, 
et  plusieurs  boutiques ,  même  un  tailleur.  Quoique  en  communication 
régulière  avec  Maule  et  Plaisir-Grignon,  la  population  de  Crêpières  est 
plus  indépendante  de  ses  voisins  que  celle  de  Feucherolles,  et  le  parler 
local  parait  mieus  conservé. 

4°  Chavenay,  Davron,  Beynes,  Montainville,  Maule. 

4.  La  plus  grande  partie  de  mes  observations  a  été  faite  à  Sainte-Jamme, 
surtout  sur  la  partie  de  la  population  qui  a  passé  au  protestantisme.  Voici, 
dailleurs ,  l'indication  de  mes  principales  autorités ,  désignées  par  des 
initiales  qui  serviront  dans  la  suite. 

D.,  homme  de  67  ans,  natif  de  Medan,  mais  demeurant  à  Saihte-Jamme 


^  Le  parler  de  quelques-uns  de  ces  Bretons,  venus  ordinairement  de  la 
partie  française  des  Côtes-du-Nord ,  ressemble  étonnamment  a  celui  des 
indigènes. 


PATOIS  DE  SAINTE-JAMME. 


depuis  l'âge  de  trois  ans.  Aime  à  lire  et  ;\  causer,  adopte  facilement  des 
mots  nouveaus,  grâce  à  une  excellente  mémoire. 

C.  D.,  sa  femme,  née  à  Crùpières,  éublie  à  Sainte-Jamme  depuis  son 
mariage. 

A.  D.,  leur  fils,  âgé  de  19  ans,  n'a  jamais  ^uiiic  .Sainu-Jamiuc  ;  irès 
peu  instruit. 

B.,  né  à  Sainte-Jamme,  a  demeuré  quelque  tems  à  Puteaux  pour  revenir 
ensuite. 

C.  B.,  son  firère,  aubergiste  à  Sainte-Jamme. 
O.  B.,  femme  de  B.,  âgée  de  48  ans. 

A.  B.,  leur  fille,  âgée  de  9  ans. 

Bo.,  femme  d'une  cinquantaine  d'années,  de  Sainte-Jamme. 

D.  M.,  sa  fille  mariée,  20  ans,  n'a  jamais  quitté  Sainte-Jamme. 
X.  Bo.,  fille  de  Bo.,  11  ans. 

F.,  cultivateur,  55  à  60  ans,  habite  Sainte-Jamme. 

M.  F.,  sa  femme,  née  à  Feucherolles,  établie  à  Sainte-Jamme  depuis 
longtems. 

J.  O.,  leur  fille  mariée,  27  ans,  n'a  jamais  quitté  Sainte-Jamme. 

A.  F.,  leur  deuzième  fille,  22  ans,  a  été  deus  ans  à  Poissy. 

L.  F.,  leur  troizième  fille,  15  ans;  la  personne  la  plus  instruite  de  Sainte- 
Jamme,  dirige  maintenant  une  école  enfantine. 

A.  O.,  maçon,  28  ans,  mari  de  J.  O.,  né  à  Sainte-Jamme. 

L.  O.,  maçon,  frère  du  précédent. 

F.  O.,  femme  du  précédent. 

M.,  journalier,  de  Sainte-Jamme,  très  peu  cultivé,  ne  sait  ni  lire  ni 
écrire. 

F.  M.,  E.  M.,  A.  M.  (14  ans),  fils  du  précédent,  nés  et  élevés  â  Sainte- 
Jamme  ,  bons  ouvriers ,  très  peu  instruits. 

G.,  vieillard  de  65  à  70  ans,  de  Sainte-Jamme. 


10  PAUL    PASSY, 


PHONÉTIQUE 


Variations  d'ensemble. 


INTONATION 


5.  Uintonation  ne  parait  pas  différer  beaucoup  de  l'intonation  parisienne, 
si  ce  n'est  par  une  tendance  à  baisser  le  ton  vers  le  milieu  d'une  phrase 
et  à  remonter  ensuite.  Cette  particularité  s'observe  surtout  dans  les 
réponses ,  qui  font  ainsi  souvent  l'effet  de  phrases  inachevées  : 

àlfqs  ë  tt  â  là  fnë:(p  ? 
y  il  è  à  fànç. 

ACCENT    DE    FORCE 

6.  \J accent  de  force  tombe  régulièrement  sur  la  dernière  syllabe  des  mots 
accentués,  ;\  moins  que  celle-ci  ne  contienne  la  voyelle  è.  Il  est  assez 
marqué  et  se  déplace  plus  rarement  qu'en  français,  mais  i\  peu  près  de  la 
même  manière.  —  Les  syllabes  protoniques  longues  reçoivent  ordinaire- 
ment un  accent  secondaire  très  marqué ,  souvent  aussi  fort  que  l'accent 
final,  parfois  même  davantage;  il  y  a  alors  deus  syllabes  fortes  et  sensi- 
blement égales  :  se  pâ  ëkri  à  beû:^^  «  ce  n'est  pas  écrit  en  bêtise  »;  t  di  k  ml 
k^)€trey  me  àvè  h^y}?  «  il  dit  que  vous  quêterez,  mais  avec  quoi?  » 

TERMINAISON    DES  GROUPES 

7.  Lorsqu'un  groupe  de  souffle,  c'est-à-dire  un  membre  de  phrase  séparé 
de  ce  qui  suit  par  un  arrêt  ou  un  faus  arrêt,  se  termine  par  une  voyelle 
accentuée,  celle-ci  peut  finir  de  deus  manières,  que  nous  appellerons  la 
terminaison  brusque  et  la  terminaison  traînée. 

8.  Dans  la  terminaison  brusque,  la  voyelle  est  plus  ouverte  que  de 
coutume,  les  muscles  étant,  je  crois,  plus  ou  moins  relâchés;  elle  est  très 
brève,  et  la  voix  s'arrête  brusquement;  souvent  le  soufile  continue  avec 
assez  de  force  pour  qu'on  entende  un  /;'  distinct.  Ex.  :  in  knprè  pâ  sa,  ptk 
i  kilp  tu  «  ils  (les  gamins)  ne  couperaient  pas  ça  (du  fer) ,  puisqu'ils 
coupent  tout  ».  —  là  pHrbl  dèfjyœJ}  «  la  parole  de  Dieu  ». 

9.  Dans  la  terminaison  traînée,  la  voyelle  est  prononcée  avec  les  muscles 
tendus,  et  diphtonguée  d'une  manière  toute  particulière.  Il  y  a  à  la  fois 
relâchement  des  organes  et  fermeture  lente  de  la  bouche  ;  on  peut  dire  en 
gros  que  les  organes  tendent  à  prendre  la  position  de  ;  (§  14),  sans  jamais 


PATOIS    DE   SAINTIi-JAMMK.  I  I 

l'atteindre,  pendant  que  la  vois  résonne  encor.  Les  voyelles  bbialisces 
conservent  leur  arrondissement,  qui  toutefois  diminue  pendant  la  durée 
de  la  diphtongue;  les  voyelles  nasalisées  gardent  leur  nasalité.  —  Dans 
l'impossibilité  de  représenter  exactement  ces  diphtongues,  nous  les  mar- 
querons en  ajoutant  ;\  la  voyelle  les  signes  /,  û,  t;  mais  il  faut  se  rappeler 
que  la  diphtongue  n'atteint  jamais  cette  position.  Ex.  :  âprt-ï  «  après  » , 
Mû  «  deus  » ,  ryeJ  «  rien  » . 

La  diphtongaison  est  bien  plus  marquée  pour  les  voyelles  d'ouverture 
moyenne  ;  mais  on  l'observe  parfois  dans  les  voyelles  fermées  :  an  sur  pà 
dis\  hvà  h  â  suâj  làn  «  elle  ne  sort  pas  d'ici  avant  qu'elle  (b  lettre)  soit 
lue  ».  Je  ne  l'ai  pas  observée  à  la  fin  d'un  mot  pour  les  voyelles  ouvertes 
â,  h,  qui  sont  seulement  allongées. 

Si  on  traîne  beaucoup,  la  diphtongue  peut  être  suivie  d'une  résonnance 
vocalique  indéterminée,  sorte  d'<  incomplet  :  if/  Ô  kômàse  h  miduè  «  ils  ont 
commencé  à  midi  ».  En  jouant  à  «  La  Tour,  prends  garde  »,  une  bande 
d'enfants,  L.  F.  en  tête,  chantaient  :  sivt}  sàvyeyè,  shni  sàvy^'ê,  st^ki  di:{f 
</<^Lv/  «  Si  Vous  saviez,  si  vous  saviez,  ce  qu'ils  disent  de  vous  ». 

10.  Je  n'ai  pu  recueillir  aucune  donnée  sur  les  causes  qui  font  préférer 
la  terminaison  brusque  ou  la  terminaison  tramée.  J'ai  entendu  dire  dœh' 
et  dœû,  fane  etfàneî,  dans  des  cas  qui  me  paraissent  identiques. 

QUANTITÉ 

11.  La  quantité  est  très  nettement  marquée.  En  dehors  de  l'allongement 
des  voyelles  finales  dans  la  terminaison  traînée,  elle  est  soumise  à  peu  près 
aus  mêmes  règles  générales  qu'en  français^.  Les  voyelles  des  syllabes  fortes 
sont  toujours  longues  devant  v,  ^,  j,  y,  r  finales;  ô,  âj  â,  ce,  è,  ô,  à,  ê,  le 
sont  aussi  devant  les  autres  consonnes  finales.  Les  autres  voyelles  peuvent 
être  brèves  ou  longues,  mais  sont  plus  souvent  brèves;  cependant  le  patois 
fait  longues  certaines  voyelles  que  je  crois  brèves  en  français  :  knlt 
«  croûte  »;  ru€  «  ruche  »;  niil^  «  mouche  »;  dils  «  douce  ». 

12.  Les  syllabes  protoniques  portant  un  accent  secondaire  sont  souvent 
demi-longues  ou  même  longues  :  ^É/f;;  «  bêtise  »  ;  buerç  «  bûcheron  » . 

i3.  Remarque.  —  En  citant  des  mots  isolés,  et  même  certaines  phrases, 
je  laisse  indéterminée  la  quantité  des  voyelles  finales  qui  peuvent  être 
traînées  ou  terminées  brusquement. 


^  J'ai  cru  d'abord  que  les  mots  français  en  -ie,  -eue  se  terminaient  en 
patois  par  une  voyelle  longue.  Je  crois  maintenant  que  cela  n'arrive  que 
dans  la  terminaison  traînée,  comme  pour  les  autres  voyelles. 


12  PAUL   PASSY. 


Etude  des  sons. 


VOYELLES 


14.  Voici  la  table  des  voyelles  orales,  abstraction  faite  de  l'altération 
des  voyelles  finales  dans  la  terminaison  brusque  : 


u         u 

1     u     î 

ô 

œ     é 

ô 

ê    e 

à 

œ     è 

â 

a     a 

Les  voyelles  u,  ô,  ô,  â,  à,  è,  é,  î,  œ,  è,  œ,  û,  sont  les  mêmes  qu'en 
français.  Par  ï  j'indique  l'intermédiaire  entre  u  et  /,  par  û  l'intermédiaire 
entre  u  et  u\  ô  est  à  peu  près  la  voyelle  de  bonne  dans  la  prononciation 
parisienne  «  affectée  »;  â  est  presque  Va  de  l'anglais  inan. 

i5.  n,  û,  i  s'emploient  comme  en  français.  0,  œ,  e  correspondent  souvent 
^  0 ,  œ,  e  :  kor  «  encor  »,  sœr  «  sœur  »,  frer  «  frère  »  ,  tel  «  tète  »,  les 
«  laisse  ». 

16.  â  ne  se  trouve  que  devant  r,  où  il  remplace  è  et  à  :  târ  «  tard  »,  mâr 
«  mer  ».  —  Le  â  français  devant  r  est  régulièrement  remplacé  par  e  si  le 
r  était  suivi  d'un  ancien  é,  par  â  s'il  était  final  :  mer  «  mère  »  ou  «  maire  », 
7nâr  «  mer  »,  fer  «  faire  y),fâr  «  fer  ».  (Il  y  a  pourtant  des  anomalies  : 
j'ai  entendu  dire  îyer  et  îyâr  «  hier  »,  pyâr  «  pierre  ».)  De  même  kor 
«  encor  »  s'oppose  à  kor  «  corps  » . 

17.  à  remplace  parfois  e  devant  /  et  ?n  :  bàl  «  belle,  «  à(J)  «  elle  »,  ëtàrnàl 
«  éternel  »,  sèdjàm  «  Sainte-Jamme  »  (autrefois  Sainte-Gemme 2).  Devant 
r  suivi  d'une  consonne,  il  remplace  régulièrement  è  :  ftirm  «  ferme  », 
pàrdîi  «  perdu  ». 

18.  â  remplace  à  devant  r  quand  celui-ci  est  suivi  d'un  ancien  ê  :  ràr 
«  rare  »,  bar  «  barre  »;  de  même  aussi  kârô  «  carreau  »,  mâro  «  marron  ». 
Ainsi  l'on  a  la  série  :  mer  «  mère  »,  mâr  «  mer  »,  mar  «  mare  ».  —  C'est 
encore  â  qui  apparaît  dans  les  terminaisons  du  futur  :  i  vyèrâ  «  il  viendra  », 
et  dans  le  subjonctif  du  verbe  «  aller  »  :  fo  g  j  ï  ày  «  il  faut  que  j'y  aille  ». 

^  High-mixt  et  high-mixt-round  de  Sweet,  voyelles  du  russe  syn  et  du 
norvégien  hus.  \\  ^  Cette  orthographe  se  trouve  dans  une  inscription  de 
1807,  écrite  sous  une  statue  de  la  patronne  du  village.  Plusieurs  cartes 
l'ont  reproduite;  d'autres  écrivent  Saint-James,  Sainte-James,  Sainte- 
Gemmes,  etc. 


PATOIS  DE  SATOTE-JAMME.  Ij 

19.  Les  voyelles  5,  <•,  t  ne  se  rencontrent  qu'en  syllabe  faible  et  brèves  : 
hôvià  «  comment  »,  m<V<i  «  méchant  »,  hrhj^  «  crever  ».  ô  passe  parfois 
\  è  quand  la  syllabe  suivante  contient  une  voyelle  palatale  :  ;>//  «  joli  », 
prfthta  «  protestant  ».  Ces  trois  voyelles  peuvent  disparaître  quand  elles 
ne  sont  pas  utiles  pour  soutenir  les  consonnes  :  fô  kmâsé  «  il  faut  com- 
mencer »,  âvii  vit  «  avez-vous  vu  »,  M  /;(  Ôt  «  tous  les  autres  ».  —  i  surtout 
tombe  avec  la  plus  grande  facilité  et  s'ajoute  de  même  :  H  p^r  «  le  père  », 
hi  hsùrs  «  une  source  »,  hcàjt  «  changer  ». 

20.  û  ne  se  trouve,  à  ma  connaissance,  que  dans  le  mot//lî^  «  jusque  », 
encor  ne  suis-je  sûr  de  l'avoir  observé  que  chez  D.  C'est  vers  û  que 
tendent  les  voyelles  labialisées  dans  la  terminaison  tramée  (§  9). 

21.  t  ne  se  rencontre  nulle  part  que  je  sache,  mais  la  fin  des  voyelles 
palatales  s'en  rapproche  plus  ou  moins  dans  la  terminaison  traînée. 

22.  Les  vovelles  nasalisées  fl,  3,  e  ne  donnent  lieu  à  aucune  remarque 
particulière,  œ  manque  absolument,  à  ce  que  je  crois,  un  ayant  abouti 
kl  :l  €vâl  bre  «  un  cheval  brun  » .  —  Devant  une  consonne  nasale ,  une 
voyelle  est  parfois  nasalisée  comme  envieux  français  :  ïlethiè  «  il  est  l'aîné  ». 

CONSONNES 

23.  Voici  le  tableau  des  consonnes  : 

kg         k^  g^  K  §        t  d  p  b 

^  n  m 

l 
r 
V  y        €J  s-;^    fv     ww 

24.  ',  l'explosive  glottale,  parait  se  rencontrer  parfois  dans  les  interjec- 
tions; en  tout  cas  dans  les  cris  des  charretiers  :  dyà'  «  à  gauche  »,  yb\  etc. 

25.  h,  g  passent  à  k^  g^  devant  les  voyelles  palatales,  et  sont  alors  suivis 
d'un  y  transitoire  :  k^yi  «  quoi  »,  pV  «  g^i  »•  —  Devant  u  et  w,  le  y  dis- 
paraît, k^,  g^  sont  labialisés  et  ressemblent  beaucoup,  pour  l'oreille,  à  /  J, 
quoique  la  formation  soit  très  différente  :  k^uré  «  curé  »,  kHl^:(in  «  cui- 
sine »,  môteg^u  «  Montaigu  ». 

26.  k  §  remplacent  régulièrement  ty  et  dy,  ainsi  que  ^  et  ^y;  ils  sont 
suivis  d'un  y  transitoire  :  pîkyé  «  pitié  »,  §yœ  «  Dieu  »,  êkyè  «  inquiet  », 
fi^yé  «  figuier  ». 

27.  p  de  même  correspond  tant  à  p  qu'à  ny  français,  et  est  suivi  d'un  y 
transitoire  :  âtty^Ô  «  agneau  »,  p^nyè  «  panier  ». 

28.  r  varie  beaucoup  d'une  personne  à  l'autre ,  mais  est  ordinairement 
fortement  roulé  et  très  sonore.  Il  est  épenthétique  dans  dre  «  dès  »,  îâr- 


14  PAUL   PASSY. 


(iitne  «  lendemain  »,  ôljœrdt  «  au  lieu  de  »,  jenrbl  «  Feuclierolles  »; 
prosthétique  dans  {f)rmark  «  marque  »,  (f)rsiir6  «  source  »,  (f)rcâjé 
«  changer  ». 

Le  r  parisien ,  qui  existe  à  peu  près  seul  au  nord  et  à  l'est  de  la  région 
qui  nous  occupe,  a  pénétré  depuis  longtems  à  Sainte-Jamme  et  à  Feuclie- 
rolles, où  cependant  la  grande  majorité  prononce  r.  A  Sainte-Jamme,  j'ai 
recueilli  les  obser\-ations  suivantes  sur  le  conflit  des  deus  articulations  : 

Aucun  adulte  ne  prononce  habituellement  r,  si  ce  n'est  deus  ou  trois 
immigrants  venus  du  nord  ou  de  l'est.  (Les  Bretons  prononcent  r  ou  f 
comme  les  indigènes.)  —  Quelques  femmes  qui  ont  habité  dans  les  villes, 
par  exemple  O.  B.,  mêlent  constamment  r  et  f. 

Les  petits  enfants  prononcent  pour  la  plupart  r.  Les  garçons  de  8  à  lo 
ans  disent  déjà  r;  quant  aus  filles,  presque  toutes  celles  de  moins  de  15  ans 
prononcent  r.  —  D'autre  part,  je  connais  des  jeunes  filles  de  16  à  17  ans 
qui  prononcent  aujourd'hui  r,  et  qui  prononçaient  r  il  y  a  quelques  années. 
—  Enfin,  j'ai  constaté  que  des  fillettes  de  13  et  14  ans  prononçaient  r  en 
parlant  et  f  en  lisant. 

Je  crois  pouvoir  conclure  comme  suit.  Sous  l'influence  des  quelques 
adultes  qui  emploient  r,  et  des  étrangers  avec  lesquels  ils  sont  en  rapport, 
les  enfants  commencent  par  prononcer  r,  dont  l'articulation  est  plus  facile. 
Les  garçons  adoptent  bientôt  r,  qui  est  plus  sonore,  à  cause  de  leurs  courses 
dans  les  champs,  de  leurs  jeus  en  plein  air,  de  leur  imitation  des  charre- 
tiers. Les  filles  conser\'ent  f  plus  longtems,  l'emploient  à  l'école;  plus 
tard,  quand  elles  vont  travailler  aux  champs,  elles  aussi  adoptent  r;  toute- 
fois ,  l'habitude  de  lire  d'une  manière  convenue  fait  longtems  persister  f 
dans  la  lecture. 

29.  F  se  trouve  rarement,  par  exemple,  dans  l'exclamation  Fèno  «  oh  ! 
non  ».  L'«  h  aspirée  »  n'a  pas  laissé  de  traces  :  on  dit  l  âc  «  la  hache  », 
/  Gtœr  «  la  hauteur  ».  —  Mais  /;  apparaît  souvent  à  la  fin  des  mots  dans 
la  terminaison  brusque  (§  8). 

30.  Les  autres  consonnes  s'emploient  à  peu  près  comme  en  français. 


Phonétique  syntactique. 


CONSONNES   FINALES 


3i.  Les  consonnes  finales  sont  restées  dans  les  groupes  de  mots  très 
étïoitement  unis  entre  eus  :  e  gràt  èm  «  un  grand  homme  »  ;  //  e  déz^  œr 
«  il  est  deus  heures  »;  f  €àt  «  il  chante  »,  //  ^  «  il  est  »;  à  vye  «  elle  vient  », 
àl  àtà  «  elle  entent  »;  5  ete  bân  e:(é  «  c'était  bien  commode  »;  dÔnô:(},  «  don- 
nons-lui »  ,  et  analogiquement  dèn:(î  «  donne-lui  ».  trop  ne  se  lie  pas,  ni 


PATOIS  DE   SAINTE-JAMME. 


«,  est  non  plus  :  H  i  trô  érœ  «  il  est  trop  heureus  »,  àlè  Ô  lâp  a  elle  est  au 
temple  ». 

32.  Les  voyelles  nasalisées  conservent  communément  leur  nasalité  dans 
la  liaison  :  mon  idé  «  mon  idée  »,  }n  œr  «  une  heure  ».  —  Il  y  a  quelques 
anomalies  :  a  «  en  »  devant  une  voyelle  devient  Hn  ou  nn  :  khbà  g  jènn  é? 
«  combien  est-ce  que  j'en  ai  ?  »,  /  nn  a  dœù  <c  il  en  a  deus  ». 

ASSLMILATIONS 

33.  Les  assimilations  d'un  mot  sur  l'autre  sont  fréquentes,  mais  ne 
paraissent  pas.  différer  de  celles  du  parler  parisien  popubire.  On  dit  par 
exemple  :  stilà  g  j  ê  vtï  «  celui  que  j'ai  vu  »,  s  se pâ  «  je  ne  sais  pas  », 
k^y  i  k^vi  di  «  qu'est-ce  qu'il  dit.  ». 

ÉLISIONS   ET   CONTRACTIONS 

34.  Cqs  phénomènes  sont  très  fréquents.  Nous  avons  vu  (§  19)  que  les 
voyelles  è,  0,  e  tombent  continuellement.  En  général,  toute  voyelle  placée 
entre  deus  consonnes  identiques  tent  à  disparaître,  et  les  consonnes  se 
contractent  :  à  vu  vu?  «  avez-vous  vu?  »,  là  mHlàdri  «  la  Maladrerie  », 
s  pure  bè  «  ça  se  pourrait  bien  ». 

35.  /  finale  des  pronoms  tombe  devant  les  consonnes,  aussi  bien  dans 
àl  «  elle  »  que  dans  //  ;  à  lé  nWtr  à  Itr  «  elle  leur  apprent  à  lire  » . 

REDOUBLEMENT 

36.  Il  y  a  deus  cas  assez  curieus  de  consonnes  redoublées. 

Le  pronom  complément  /l,  entre  deux  voyelles,  devient  habituellement 
//  :  jt  II  é  viî  «  je  l'ai  vu  ».  —  Je  suppose  que  le  point  de  départ  de  ce 
changement  se  trouve  dans  des  locutions  comme  il  l  â  vit  «  il  l'a  vu  »,  ou 
le  /  final  de  il  a  été  conservé  pour  distinguer  cette  phrase  de  la  phrase  1/  à 
vu  «  il  a  vu  »  ;  puis  on  a  rattaché  ce  /  au  /  suivant,  et  on  en  a  fait  un 
mot  //. 

37.  Le  pronom  à  «  en  »,  entre  deus  voyelles,  devient  nn  :  l^bâ  g  jt 
nn  é?  «  combien  est-ce  que  j'en  ai?  »,  t  nn  à  dâii  «  il  en  a  deus  ».  — 
Le  point  de  départ  de  ce  redoublement  doit  se  trouver  dans  un  doublet 
très  commun  de  à,  nà  (Je  nàfre  là  dcmarc  «  j'en  ferai  la  démarche)  »,  en 
liaison  nàn  et  par  contraction  nn. 

Changements  particuliers. 

38.  Je  ne  connais  pas  assez  la  phonétique  historique  du  français  pour 
faire  la  comparaison  du  patois  et  du  français  au  point  de  vue  des  sons.  Je 
me  bornerai  à  signaler  quelques  points  de  détail,  outre  cens  qui  ont  été 
indiqués  précédemment. 


l6  PAUL   PASSY. 


GROUPES   DE   CONSONNES 

39.  Les  groupes  de  consonnes  sont  souvent  allégés.  Sans  parler  des 
formes  comme  hsûné,  etc.,  qui  sont  des  archaïsmes,  nous  remarquons  les 
changements  suivants  : 

40.  ly  se  réduit  ordinairement  à  y  : yev  «  lièvre  »,  6î1yé  «  soulier  ».  — 
D'après  l'analogie  de  ty,  dy,  ny,  je  suppose  qu'il  y  a  eu  un  /  intermédiaire. 
—  Du  reste,  la  réduction  n'a  pas  toujours  Heu  :  on  dit  e  lyâ  «  un  lien  », 
ôlyœrdî  «  au  lieu  de  ». 

41.  w  disparaît  dans  bri  «  bruit  »,/n  «  fruit  y>,pll  «  pluie  »,  pi  «  puis  '  », 
pik  «  puisque  ».  C'est  au  contraire  /  qui  tombe  dans  rivir  «  (re)luire  », 
pi'i  «  plus  ». 

42.  y  tombe  dans  bè  «  bien  »,  enclitique  bà. 

43.  r  tombe  dans  twA  «  trois  »  (§  44),  et  dans  lœ  «  leur  »,  en  liaison 
/(?:{.  —  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  qu'il  tombait  autrefois  dans  tous  les  noms 
en  -œr^  féminin  -«';(;  mais  dans  le  parler  actuel  je  ne  connais  que  (f)rmêtœ 
«  remetteur  ». 

GROUPES  -oi,  eau. 

44.  Au  groupe  graphique  -oi  du  français  répondent,  dans  le  patois,  les 
formes  les  plus  diverses.  Ordinairement  on  a  lué  ou  zvè  :  mwé  ou  mwè 
«  moi  »,  bîuèt  «  boîte  »,  6wèf  «  soif  yi^frwhé  ou  frwêsé  «  froisser  ».  Devant 
r  final,  we  ou  wâ  :  bwer  ou  bwâr  «  boire  »^.  On  a  /  dans  k^yi  «  quoi  »,  àstr 
«  assoir  »  ;  cette  dernière  forme  coexiste  avec  ckiuer  et  ciswâr,  qui  parais- 
sent moins  employés.  Enfin  è  se  trouve  dans/r^,  fred  «  froid,  froide  », 
plèyé  «  ployer  »,  6ëyé  «  scier  »,  seyô  «  scie  à  main  ».  J'ai  aussi  entendu 
dire  1er  (ou  /Ir.?)  «  loir  »,  €krè  «  je  crois  »,  kresà  «  croissant  »;  mais  ici 
mes  souvenirs  manquent  de  précision  :  D.  dit  ^  Iwâr. 

45.  Le  groupe  graphique  -eau  est  ordinairement  représenté  par  ô  et  non 
pas  par  yô  comme  on  aurait  pu  l'attendre.  Cependant  on  dit  toujours  e  syô 
«  un  seau  ».  Le  mot  museau  n'est  pas  habituel  dans  le  patois,  on  dit 
ordinairement  ^yâl;  mais  un  jour  que  je  fesais  lire  un  texte  phonétique 
à  L.  F.,  elle  s'arrêta  au  mot  nm-^ô-,  je  le  lui  dis,  elle  répéta  mûxjo.  Enfin 
niîuëfiô  «  petit  oiseau  »,  et  buyô  «  bouleau  »,  doivent  être  pour  mwënyô, 
hîilyô.  Paul  Passy. 

^  En  lisant,  pwis.  \\  ^  L'alternance  wé-wè,  we-wâ  est-elle  due  à  des  diffé- 
rences locales  ou  à  l'influence  du  parler  parisien?  Je  ne  sais  pas  trop.  Je 
crois  que  we  est  plus  commun  à  Crêpières  qu'àSte-Jamme;  et,  d'autre  part, 
à  Ste-Jamme,  ce  sont  les  gens  les  moins  cultivés  qui  emploient  surtout  we. 


LES  PATOIS  DU  LUXEMBOURG  CENTRAL 


L'étude  suivante  embrasse  le  tiers  central  du  Luxembourg  belge,  sauf 
une  petite  partie  à  l'est  composée  de  Bastogne  et  des  environs.  La  région 
explorée  offre  le  dessin  d'un  losange  dont  les  pointes  sont  Nassogne  au 
nord,  Flamierge  à  l'est,  Recogne  au  sud  et  Haut-Fays  à  l'ouest. 


Topriénis  a      '',       *  Jlassoqnt 


+  + 


V 


.    -kLomprei  *cP      +       +    * 


Mssbowg 
nt 


C/tjf/npIon 


Jlstrival 
hin 


•La  Vacherit 


.  FJimitrye 
Moirej 


+  /.       7  Iransinnt 

fîL  Â-      -"d    V  7  -Lia 

x^       Mâ/ssïn»      aViUance  nras , 

+  AnJoy  • 

ûponj» 

•^  Ochampf» 

•*  J^ecojne 

Légende  — — 

©      Chef  lieu  dt   canton   (f  lus  cfe  2000  Aaàif^nh    ) 

•        ^%«  '  ^v  .> 

4.+  +  Limite    du  Luxemiouiy  ef  t/e  Ja  foyinee  dt  Namw^ 


m  Freux: 
S^'MarJe 


UTVI  BK  MTOS.  —  3. 


PAUL    MARCHOT. 


L'étude  n'envisage  que  les  sons  présentant  une  différenciation  de  traite- 
ment avec  le  patois  de  Saint-Hubert.  Les  autres,  qui  ne  sont  pas  étudiés  ici, 
offrent,  dans  toute  la  région  explorée,  absolument  le  même  aboutissement  quà 
Saint-Hubert,  et,  en  ce  qui  les  concerne,  on  pourra  recourir  à  mon  travail 
Le  patois  de  Saint-Hubert  (^Luxembourg  belge)  ^ 

La  région  comprend  trente-six  villages,  dont  deux  seulement  n'ont  pas 
été  visités,  faute  de  temps.  Ce  sont  Mirwart,  qui  a  surtout  des  commu- 
nications avec  Awenne  et  Tellin ,  et  sans  doute  un  patois  peu  différent 
de  ceux  de  ces  localités,  très  ressemblants  entre  eux;  Daverdisse,  qui 
est  à  trois  quarts  de  lieue  de  Redu  et  à  une  lieue  de  Gembes.  C'est  aux 
patois  de  ces  deux  villages  que  le  sien  doit  ressembler  le  plus.  Les  trente- 
quatre  villages  restants  constituent  la  carte  ci-jointe,  sur  laquelle  on  pourra 
prendre  connaissance  de  leur  situation  respective.  Je  les  ai  parcourus  tous, 
et  c'est  sur  les  lieux  mêmes,  de  la  bouche  d'indigènes,  que  j'ai  recueilli 
mes  matériaux.  Trois,  dans  les  nomenclatures,  sont  laissés  de  côté  : 
Chanly,  qui  parle  le  même  patois  que  Resteigne,  Gembes,  qui  parle  celui 
de  Porcheresse,  et  Tillet,  qui  parle  celui  d'Amberloup.  Gedinne,  à  une 
lieue  et  demie  à  l'est  de  Haut-Fays,  dans  la  province  de  Namur,  n'est  pas 
cité  dans  mon  étude.  Le  patois  y  est  absolument  le  même  qu'à  Haut-Fays, 
si  ce  n'est  qu'on  dit  drè,  droit;  strè,  étroit;  de,  doigt;  tè,  toit;  mais  se, 
soif;  dèr,  dur;  sèr,  sur;  mais  kûr,  cure. 

I.  are. 


éclabousser  plantare  aller 

spïte  plate  aie 

Tous  les  villages  autres  que  ceux  qui  donnent  e. 


éclabousser  auscultare  scopare 

6pîte  mte  £ève 

Au  nord-est,  Champion  d'un  côté,  et  de  l'autre,  au  sud-ouest,  Haut- 
Fa3'^s,  Redu,  Porcheresse,  Opont,  Transinne,  Libin,  Ochamps,  Anloy, 
Villance  et  Maissin  ^. 


^  Bouillon,  Paris.  ||  ^  La  région^  est  donc  très  étroite  entre  Champion 
et  Libin.  Elle  va  en  s'évasant  vers  le  sud  et  vers  le  nord. 


LES     i'A  i  >.^u->    iJ\j     L\^  .\r.S\ii\w^  nyi    t^r..>  i  i\.\l, .  IQ 

2.  y  +  are. 

secare  écraser  balncarc  baisser 

sdy{  spètyi  bàui  bàd 

Resteigne,  Wellin,  Haut-Fays,  Porcheresse  et  Opont'. 

e,  c. 

Pour  tout  le  reste  de  la  région  étudiée,  il  y  a  identité  de  traitement 
pour  are  et  y  +  are.  Celui-ci  donne  t  où  are  >  I  et  â  où  are  >•  I.  On  a 
respectivement  sèyi,  spètye,  bàifè,  bàee  et  ^r,  spbtye^  bà^ey  bàfL 

Il  y  a  donc  confusion  de  frontières  entre  are  et  _y  +  are^  si  ce  n'est  quà 
r ouest  y  +  are  >►  /  dans  un  petit  domaine  situé  à  la  fois  sur  are  "^  ï  et  sur 
are  >  t. 

Toute  la  région,  sauf  cinq  villages,  confond  donc  les  traitements  àtare 
pur  et  de  y  +  are. 

3.  alam,  avum,  avam,  al  entr.,  ar  entr.,  as  entr. 

à. 

pâly  bêche;  £àly  échelle;  klâ^  clou;  kàf,  cave;  ^ô/",  écale*;  wi4,  mal; 
î  fâ,  il  faut;  /âr,  lard;  rttyà,  geai 3;  rnâ,  renard;  /jw,  miel;  dyàp^  gerbe; 
àplâs ,  emplâtre;  àch ,  aise. 

Champion,  La  Vacherie,  Flamierge,  Amberloup  et  Moircy.  J'ai  ren- 
contré dans  tous  ces  villages  un  mot  qui  résistait  à  la  règle  :  c'est  tjfo, 
cheval. 

Ô. 

Tout  le  reste  de  la  région  :  pbl,  etc.  4. 

4.  aticum. 

àtj. 
Saint-Hubert  seulement,  sans  doute  par  analogie  avec  le  français  :  èràtj^ 
orage  ;  inyàty^  village  ;  ôvrâty,  ouvrage  ;  sovàty^  sauvage. 

àtj. 
Tout  le  reste  de  la  région  :  shàty,  cirage;  vï:i:ât^y  visage;  àtf,  âge,  etc. 


^  Cette  région  /  a  une  de  ses  parties  sur  la  région  are  >  â  et  l'autre  sur 
la  région  are  >  ^.  H  *  Cf.  Scheler,  escafignon.  \\  î  Richard.  \\  4  Voir  la  confir- 
mation de  cette  limite  sous  bl  JiiiaL 


20  PAUL    MARCHOT. 


5.  e  bref  entr. 

ye  à  l'ouest, 

hibernum     herbam     bestam  testam  perdit     nervum 

Wellin ivyer            yi'p           byes  tyh  nyer 

Resteigne —              —             —  —  pye          — 

Haut-Fays —              —             —  —  pyer         — 

A  l'est,  il  existe  une  région  analogue  composée  de  Champion,  La 

Vacherie,  Amberloup,  Flamierge,  Moircy,  où  l'on  dit  nnyer,  nerf;  vyer, 
ver;  ivyer,  hiver;  yep,  herbe;  byes,  bête;  tyes,  tête. 

ye  et  ye  au  nord, 

nervum     vermem  bestam  testam     herbam 

Tellin nyer           vyer  byes  tyes 

Grupont —             —  —  — 

Forrières —             —  —  — 

Masbourg —             —  —  — 

Nassogne —             —  —  — 

Awenne itnyer           —  —  — 

Arville nyer             —  —  —          yàp 

Saint-Hubert nyâr          vyâr  —  —           — 

Vesqueville nyer           vyer  —  — 

Freux nnyer          —  —  — 

Bras —            —  —  —          yep 

yâ  et  yà. 

Hatrival nnyàr    vyâr     îvyàr  pyàt  (perte)     byàs     tyàs^ 

ye. 

Libin nyer     t  pyer    yep     byes     tyes 

ye  au  sud-ouest. 

Redu nyer  ï  pyet  yep 

Transinne —  — 

Villance wyêr  vyer  byes  iyês 

Anlo}^ —  —  —  — 

Maissin —  —  —  — 

Opont —  —  —  — 

Porcheresse —  —  —  — 


^  Remarquez  le  traitement  de  Saint-Hubert,  la  locaHté  la  plcis  proche 
d'Hatrival,  dans  les  tableaux  5  et  13. 


LES   PATOIS   DU    LUXEMBOURG   ŒNTRAL. 


21 


ê  au  sud. 

Ochamps nêr    ver     îvêr    bis     tes 

Recogne —      —      —      bel  ^  tes    pêrt  (perte) 

Sainte-Marie —      —      —      bês    —    fhtës  (fenêtre) 

6.  ellum 

donne  è  p.irtout.  Mais  à  Sohier,  à  une  petite  lieue  au  sud-ouest  de  Wcllin, 
on  rencontre  déjà  yà.  Ce  village  est  en  dehors  des  limites  que  je  me  suis 
fixées.  Je  l'ai  toutefois  noté  comme  frontière  entre  ê  et  yà.  A  Gedinne 
(prov.  de  Namur),  on  dit  encore  ê. 

7.  ellam^. 

ai  à  l'est. 

groseille  bretelle    jeune  fille     ruelle     prunelle 

Forrières gri\àl  bùrtàl                           rii-wàl      pfirnàl 

Nassogne —  —                               —             — 

Masbourg —  —                                               — 

Arville hwlsàl         — 

Saint-Hubert —  —               —             —             — 

Vesqueville cjûr^àl  — 

Hatrival —  —                                           p^rnàl 

Bras ger^  >  bertàl            —           rkcâl 

Sainte-Marie ger:^àl  —               — 

Freux —  bèrtàl            — 

Moircy S^^^'^  biirtàl            —           liiwàl 

Amberloup —  —               — 

La  Vacherie gûr:(àl  —                               — 

Flamierge ^"^^^  —              — 

Champion —  —             basai 


'  Influencé  par  le  français.  |!  ^  J'ai  omis,  par  inadvertance,  de  recueillir 
des  exemples  de  ce  phonème  à  Awenne,  Grupont,  Tellin,  Resteigne, 
Wellin,  Redu.  Je  donne  toutefois  les  traitements  du  reste  de  la  région.  Ij 
5  Le  mot  est  masculin  :  confusion  avec  gh:^^  grêlon  (cf.  franc,  grésil). 


22  PAUL   MARCHOT. 

el  à  l'ouest. 

Haut-Fays giir^iel  hitrtel  hweeel       rûwH 

Porcheresse —              —  bwesil       riiwel 

Transinne^ —              —  — 

Libin —              —  — 

Villance —              —  — 

Maissin ■ —              —  — 

Traitement  varié  au  sud. 

Opont gfit^H          bûrûl          bw'e^el  rûwel 

Anloy gûr^ul        biïrûl  bwêsel 

Ochamps gêr:(èl             —               —  rîiiuel 

Recogne gûrxfil        bûrûl            —  rûiuel 

On  remarquera  que  le  mot  groseille  seul  varie;  les  autres  mots  ont  el 
uniformément. 

8.  ia,  ica. 

0 

uy. 

Sporadiquement  :  à  Forrières,  Tellin,  Resteigne,  Wellin,  Redu  et 
Anloy,  où  l'on  dit  également  vuy,  via;  pluy,  plicat;  stiy,  secat. 

oy. 

Dans  l'est,  à  Flamierge,  Champion,  La  Vacherie,  Amberloup,  Moircy, 
Bras,  Recogne,  Hatrival,  Saint-Hubert,  Transinne,  Arville,  Awenne, 
Masbourg  et  Nassogne,  où  l'on  dit  voy,  plôy,  6èy. 

Traitement  mixte. 

La  ligne  Haut-Fays,  Porcheresse,  Opont,  Maissin,  Villance,  Libin, 
Awenne  a  miy,  ploy,  5oy. 

On  a  vny,  plôy,  doy  dans  quatre  points  séparés,  à  Ochamps,  à  Sainte- 
Marie,  à  Vesqueville  et  à  Freux. 

g.    eta. 

Il  y  a  lieu  de  faire  une  division  à  part  pour  eta  qui  donne  ûy  partout  : 
knïy,  creta;  mànuy,  moneta;  nuly,  meule  (meta). 

^  Redu,  qui  va  presque  toujours  avec  Transinne,  doit  sans  doute  aussi 
donner  el. 


LES   PATOIS   DU    LUXEMBOURG   CENTRAL. 


-y 


On  dit  seulement  miimty  à  Ochamps  et  s^y  (seta)  à  Viîlance,  Maissin, 
Hatrival,  Vesqueville,  La  Vacherie,  et  sa-  à  Masbourg  et  à  Nassogne. 


10.  e  long  libre. 


tt'^ 


dans  des  formes  qui  se  retrouvent  dans  toute  la  région.  A  St-Hubert,  où 
.  la  règle  est  wà,  on  a  hivel^  nue,  IwCyfwi  (étoile,  roi,  loi,  foi).  A  Recogne 
et  i  Sainte-Marie,  où  la  règle  est  wâ,  on  a  mwe,  mois.  A  Flamierge, 
Champion,  Amberloup,  Moircy,  où  la  règle  est  ^,  on  a  mu-^,  rwe,  pwef 
(poivre),  et  ainsi  de  suite.  Ces  formes  sont  d'habitude  des  mots  peu  usités 
par  le  peuple  ou  abstraits.  Je  crois  que  ce  sont  des  emprunts  déjà  assez 
anciens  au  français  :  kwel,  qui,  à  Saint-Hubert,  devrait  être  stwàl  ou  tout 
au  moins  stwel,  plaide  pour  cette  hypothèse.  De  plus,  quand  un  patoisant 
veut  wallonniser  un  mot  français  qui  renferme  oi,  il  ne  manque  pas  de 
dire  we  :  bon  vouloir  devient  bô  viilwer,  etc. 

œ  à  l'est. 

très    credere  bibere  piram    nigrum 

Flamierge trœ     krœr         bér  par          nœr 

Champion _____ 

Amberloup —        —           —  —         niuar 

La  Vacherie —        —  — 

Moircy —        —           —  pwar      nwar 

Nassogne —        —  — 

Masbourg —        —  — 

Forrières —        —           —  pwar 

Awenne —        —           —  — 

wa  à  l'ouest  et  au  sud. 

Haut-Fa5's . .  trwa  krwar  pivar 

Porchcresse —          —  — 

Opont —          —  — 

Redu tru'à  krwâr  ï  kru'â    pwàr 

Mâissin tru'à  hnvàr  bu'àr      pwûr     nwàr 

Anloy —          —  —         —         — 

Viîlance —          —  —  —         — 

Transinne ini'â  krwâr  t  krwà    pwàr 

Libin —          —  — 

Arville  .    trwa  krwar  pwar 


24  PAUL   MARCHOT. 

Hatrival twa      kwar      bwar  piuar    niuàr  ^ 

Saint-Hubert twà      hwàr      bwàr  pzvâr     nwàr 

Vesqueville trwa     krwar     bwar  piuar    nwar 

Freux —         —          —  —        — 

Sainte-Marie —         —           —  — 

Bras —         —          —  — 

Recogne iwa      kwar         —  — 

Ochamps trwà                 bivâr  piuàr 

Je  donne  pour  mémoire  les  quatre  villages  restants  (nord-ouest),  où 
j'ai  négligé  de  recueillir  suffisamment  d'exemples  et  où,  chose  curieuse, 
on  trouve  un  inf.  krwar  à  côté  d'un  ind.  prés.  krwe. 

Tellin trwe     krwar    î  krwe 

Resteigne —         —  — 

Wellin —  —  — 

Grupont —         — 

II.  e  -j-  gutt.  +  dent. 

œ  à  l'est. 

Même  région  que  e  libre  >>  œ,  exception  faite  de  trois  villages  :  d'Am- 
berloup  et  de  Moircy,  où  l'on  a  bien  rœ,  roide,  mais  à  côté  de  drè,  stré, 
frê,  et  de  La  Vacherie,  où  l'on  dit  drê,  6trê,  fré,  ré. 

Dans  le  reste  de  la  dite  région ,  c'est-à-dire  à  Flamierge ,  Champion , 
Nassogne,  Masbourg,  Forrières,  Awenne,  l'on  dit  6trœ,  drâ,  frê. 

ivà  au  centre. 

Arville strwà     dnua    frwà 

Saint-Hubert stwà      dwà     fivà      riuà  ^ 

Vesqueville strwà     driuâ  — 

Hatrival 6twà      diuà      fiuà        — 

Bras strwà     drwà  — 

Freux —         —  — 

Sainte-Marie —         — 

Recogne ' .  .     stiuâ      diuà      fwà        — 

Ochamps 6trwà     drwà    frà  — 

Cette  région  n'est  plus  qu'une  partie  de  la  région  e  libre  >>  lua. 


^  L'r  protonique  tombe  à  Saint-Hubert,  à  Hatrival  et  à  Recogne.  || 
^  L'r  protonique  tombe  encore  à  Saint-Hubert,  à  Hatrival  et  à  Recogne. 
A  Ochamps,  c'est  le  lu  qui  tombe  dans  frà.  Ces  chutes  ont  lieu  pour  éviter 
des  prononciations  difficiles. 


I  IN  PATOIS  DU  LUXEMBOURG  CENTRAL.  25 

t  au  sud-ouest. 

Il.iut-rays,  Porclicicssc,  Opont,  Redu,  Transinne,  Libin,  Villancc, 
Maissin ,  Anloy  disent  strP,  dr^,  frè,  re. 

Cette  région  coïncide  avec  la  partie  restante  de  la  région  e  libre  >•  wa. 

wï  au  nord-ouest. 

Les  quatre  villages  que,  sous  e  libre,  j'ai  mis  à  part  parce  qu'ils  pré- 
sentent trwe,  trois,  et  krwe  (crédit)  ;\  côté  de  krwar,  et  que  je  n'y  ai  pas 
recueilli  suffisamment  d'exemples,  présentent  ici  ive. 

Tcllin strwï  drwî     ni^    frè^ 

Resteigne —  —        — 

Wellin —  —        — 

Grupont —  —       —     /râ 

12.  tectum,  digitum,  sitim. 

Ces  trois  mots,  ce  qui  n'est  pas  facile  à  expliquer,  reçoivent  partout  un 
traitement  uniforme  et  différent  de  celui  de  e  -\-  gutt.  +  dent,  et  de  e  libre. 
En  conséquence,  je  me  suis  vu  obligé  d'en  faire  un  paragraphe  spécial. 

A  Flamierge,  Champion,  Amberloup,  La  Vacherie,  Ar\-ille,  on  dit  /<*, 
dt\  st\  Or,  cette  région  ne  coïncide  avec  la  région  e  libre.  >  œ  que  pour 
Flamierge,  Champion,  Amberloup  et  La  Vacherie,  et  avec  la  région 
e  +  gutt.  +  dent.  >»  œ  que  pour  Flamierge  et  Champion. 

A  Vesqueville,  Hatrival,  Bras,  Freux,  Ste-Marie,  Recogne  et  Ochamps, 
on  dit  twàf  dwà,  swà,  ce  qui  ne  coïncide  que  partiellement  encore  avec  la 
région  e  +  gutt.  +  dent.  >>  îuà,  car  cette  dernière  comprend  en  plus  Saint- 
Hubert  et  Arville,  et  ce  qui  est  loin  de  coïncider  avec  la  région  e  libre  >>  wa^ 
puisque  la  région  e  +  gutt.  -|-  dent.,  comme  on  l'a  vu,  ne  comporte  guère 
elle-même  que  la  moitié  de  la  région  e  libre  >  wa. 

Enfin,  on  dit  te,  de,  se  dans  tous  les  autres  villages  sans  exception.  On 
comprendra  que  cette  troisième  région  ne  coïncidera  non  plus  avec  aucune 
autre,  puisque  pour  les  deux  premières  il  n'y  a  coïncidence  ni  avec 
e  +  gutt.  +  dent.,  ni  avec  e  libre 2, 

^  frè  est  une  prononciation  facilitée.  Voy.  supra.  ||  *  Eclaircissons  la 
démonstration  :  E  libre  >  œ  dans  9  vill.,  lua  dans  18,  tfâ  et  wa  dans  4. 
voy.  plus  haut.  E  +  gutt.  +  dent.  >  ce  et  ^  dans  2  vill.,  è  dans  i  vill., 
œ  dans  6,  wà  dans  9,  e  dans  9,  we  dans  4.  Tectum,  etc.  >  è  dans  5  vill., 
wà  dans  7,  e  dans  19. 


20  PAUL   MARCHOT. 


Il  me  paraît  donc  démontré  que  le  traitement  de  ces  trois  mots  est  tout 
à  fait  particulier. 

i3.  ily,  ici,  ittam. 

On  a  ey  et  et  partout,  si  ce  n'est  dans  un  îlot  formé  de  Saint-Hubert, 
d'Hatrival  et  d'Arville.  Saint-Hubert  a  les  deux  traitements  :  fày,  fille 
èrày,  oreille;  sbmày,  sommeil;  bbtey,  bouteille;  ttstey,  outil;  orvày,  Arville 
vhknvày,  Vesqueville;  kèpàt,  sommet;  tyeret,  charrette;  nfijàf,  noisette 
Inki't  et  Ifikàt,  chatière;  vèlet,  clayon. 

Hatrival  et  Arville  ont  uniformément  ày,  àt  :  fày^  Ôrày,  sôrnày,  ûstày, 
orvay,  veskiivày,  kopàt ,  tferàt,  m'ijàt ,  lûkàt ,  herwàt  (brouette),  bâwàt 
(lucarne). 

14.  o  bref  libre. 

Tout  le  sud,  Vesqueville,  Freux,  Sainte-Marie,  Bras,  Hatrival,  Arville, 
Libin,  Ochamps,  Anloy,  Villance,  Maissin,  Transinne,  Redu,  Opont, 
Porcheresse,  Haut-Fays  a  û  :  bû,  bœuf;  û,  œuf;  m/7,  nûf,  neuf,  neuve; 
î  vu,  il  veut;  î  pu,  il  peut. 

Recogne  seul  (tout  au  sud)  commence  à  présenter  j'é  ^  ;  byê,  yê,  nyè;  ï-pyt, 
il  pleut;  mais  en  même  temps  i  vu,  î  pu. 

Tout  le  reste  de  la  région  ^  a  u  :  bfi,  fi,  nû,  î  vît,  î  pu. 

i5,  or  entr.,  os  entr. 

donnent  wa  partout  :  mwàr,  mwàt,  mort,  morte  ;  fwàr,  fwàt,  fort,  forte  ; 
stivàt,  tordre;  kwâs,  côte;  î  wàs,  il  ose;  îrpiuàs,  il  repose,  etc. 

Il  n'y  a  d'exceptions  que  pour  Ochamps  et  Recogne  (dans  le  sud),  où 
l'on  a  û  :  mur,  fur,  6turt,  î  rpés.  Ce  traitement  se  continue  dans  le  sud. 

16.  orium. 

û  au  sud-ouest. 

Haut-Fays hûlû    sàlû  dûshràmyû 

Porcheresse —       —  dûshràmyû, 

Opont —       —  — 

Maissin —    àlîinîi  dûskràmyû 

Anloy —      sàlû 


^  Ce  son  prend  une  grande  extension  au  delà  :  Recogne  est  frontière.  |j 
-  Je  ne  cite  pas  tous  les  villages  par  le  menu.  Un  coup  d'œil  sur  la  carte 
les  fera  apercevoir  dans  leur  ensemble. 


LES   PATOIS   DU    LUXEMBOURG   CENTRAL.  27 

\'illance ^'/w  àtiinû     dûskrâmyû 

Libin —       /^-«ï     kàbttlû 

Transinne —      iàlû 

Redu —       — 

Sens  :  kiilû  =  filtre  pour  le  lait  (de  couler)  ;  sàlû  =  saloir  ;  àtiinû  = 
entonnoir  ; /^i«  =  hoyau  d'essartage  {Aq  fosse)  ;  dûskrâmyû  =  démêloir; 
kàhtilû  =  bouilloire  pour  la  kàbèley,  soupe  des  bestiaux  (co-*bullata). 

œ  et  wt. 

Tout  le  reste  de  la  région  a  œ.  Il  me  semble  inutile  de  transcrire  les 
exemples  recueillis,  qui  sont  les  mêmes  que  plus  haut,  avec  la  terminaison 
^.  Il  y  a  exception  pour  Resteigne  et  Wellin  qui  disent  mûrwï,  miroir; 
hbliL'e  ;  sàlwe.  Tellin  me  paraît  frontière  entre  œ  tx.wt:  il  présente  kôlœ  à 
côté  de  murwe^. 

17.  ur  libre. 

A  Flamierge  (à  l'est) ,  on  dit  dœr,  dur,  mais  sûr^  sur  ;  mh^ùr,  mesure. 

«r. 

Dans  trois  localités  seulement,  à  Saint-Hubert,  à  Moircy  et  à  Amber- 
loup ,  où  l'on  a  :  dur,  sûr,  Mr  (cura)  et  me:(ûr. 

êr. 

Dans  tout  le  restant  de  l'est,  c'est-à-dire  à  Champion,  La  Vacherie, 
Arville,  Vesqueville,  Freux,  Bras,  Sainte-Marie,  Recogne,  Ochamps, 
où  l'on  a  :  dir,  sér,  kêr.  A  noter  seulement  qu'à  Champion  l'r  est  rou- 
lante. 

er. 

Dans  toute  la  région  restante,  avec  de  ci  de  là  une  exception.  C'est 
ainsi  qu'à  Nassogne,  Forrières  et  Masbourg  on  dit  ^r,  5^,  kûr^  mh^. 
L'r  paraît  plus  fortement  roulée  à  Grupont  et  à  Tellin, 

18.  unam,  umam. 

N.  B.  Les  villages  de  Awenne,  Grupont,  Tellin,  Resteigne,  Wellin, 
Transinne,  Redu  et  Libin  manquent. 

^  Le  peu  de  temps  dont  je  disposais  dans  ce  village  m'a  empêché  de 
recueillir  plus  d'exemples. 


28  PAUL   MARCHOT. 

Dans  l'extrême  est,  à  Champion,  La  Vacherie,  Flamierge,  Amberloup, 
Moircy  qui  disent  €iim,  écume;  pliim,  plume;  mais  //m,  lune,  qui  me 
paraît  influencé  par  le  français. 

é. 

Au  sud,  à  Sainte-Marie,  Recogne,  Ochamps,  Bras,  Freux  et  Vesque- 
ville,  qui  disent  lén,  eèm,  plém  (mais  lûn  à  Sainte-Marie,  à  Freux  et  à 
Vesque  ville). 

h 
A  Hatrival  :  €em,plem. 

û. 

Dans  tous  les  villages  restants,  on  a  lûn,  mm,  plûm,  à  l'exception  de 
ceux  qui  n'ont  pas  été  étudiés  et  d'Opont  qui  dit  lûn,  €Ûm,  plûm.  J'ajoute 
qu'à  Porcheresse  on  a  €ïm  à  côté  de  mm. 

19.  utum 

donne  û  partout,  excepté  : 

A  Champion  et  à  Flamierge  (dans  l'est),  où  l'on  a  û  :  beifû ,  pointu 
(de  bèty,  bec);  wà:!^îi,  osé;  mûrû,  mourir  (infinitif  refait  en  utum'); 

A  Ochamps  et  à  Opont  qui  disenté  :  ex.  :piuetè,  pointu;  mbrè,  mourir; 
nxè,  oser  et  osé  pour  Ochamps;  hetyè,  pointu;  inbrè,  mourir;  vbU,  voulu 
pour  Opont. 

20.  atura, 

œr  dans  tout  l'est. 

Grupont tràvœr  levœr 

Awenne —  spïtâr 

Masbourg. verdâ 

Forrières lever  verdœr 

Nassogne verdâ 

Champion tràvœr  verdâr    styernœr        bàtœr 

Flamierge —  —  —  — 

La  Vacherie —  styernîmr       — 

Amberloup —  verdœr        —  — 

Moircy —  —  —  — 

Freux —  — 

Sainte-Marie tràvûr  verdûr    stêrnmtr 


LES  PATOIS   DU    LUXEMBOURG   CENTRAL.  2$ 

Recogne ...     tràvdr    vhdœr 

Ochamps —        Ih'âr      stirnUâr 

Bras —  styîrnUœr 

Vesqueville —  — 

Hatrival —         i^rdœr    styàrnUâr^  spUœr 

Saint-Hubert   —  5tyhnûœr    bàtâr 

Arville —        Ihœr      spiUrr 

Sens  des  mots  :  trûvcrr  (trabem-aturd)  =  fenil  ;  Ihar  =  levures;  styhnàr 
ou  slyeniUâr  =  litière  (de  styernî,  *sternire,  répandre  de  la  litière);  bàUtr 
=  petit  lait,  litt.  batture;  spitœr  =  éclaboussure,  de  spUÏy  éclabousser, 
qui  paraît  germ.  :  le  néerl.  a  spuiten^  seringuer,  etspatten,  faire  jaillir. 

ûr. 

Tout  le  reste  de  la  région.  Les  exemples  sont  les  mêmes  :  tràviir, 
vhdfir,  etc. 

21.  qu 

donne  k  dans  toute  la  région.  Il  n'y  a  qu'au  nord-est,  à  Champion  et  à 
Flamierge,  qu'on  rencontre  le  mélange  de  k  et  de  hc. 

quatuor     chartam     quartum     quantos     quando     quaerere 
Champion.,     kii'àt  kwât  kwâr^         kwâti        kwâ  ki 

Flamierge . .       —  —  —  kât  hâ  — 

Cependant  le  mot  kwàt,  quatre  est  plus  résistant  et  se  trouve  dans  tout 
le  Nord.  Les  lieux  où  il  est  resté  sont  Nassogne,  Forrières,  Masbourg, 
Awenne,  Grupont,  Tellin,  Resteigne  etWellin  qui  disent  kwàt  à  côté  de 
koty  koTy  kâty  kâ,  ker. 

22.  (i)s,  (i)ss  français,  se  latin 

donnent  tantôt  c,  tantôt  €  (respectivement  /)  à  Flamierge  et  à  Champion. 
On  y  dit  :  ècê,  oiseau  (aticellutn);  licef  (Jegebat)  ;  tcef  (dicebnt)  à  Flamierge, 
lyef  z  Champion;  mais  v:(ef  (Jac-ebat) \  dct,  aisé;  mèâôy  maison. 

Mais,  en  revanche,  on  dit  è^ëy  os  (oscellum);  wàely  cercueil  (l'Oécellutri); 
ve£œ,  putois  (à  Liège  u.'tco)\  bà£e,  baisser;  €fitè  {auscultarè);  €bve  (scopare)^ 
balayer;  bàjèy  baiser;  ptljê,  puiser.  (Il  faut  remarquer  seulement  qu'à 
Champion  les  infinitifs  sont  en  ^.) 

^  Voy.  e  bref  entravé  pour  yà.  \\  ^  Pour  â,  voy.  sous  ar  entr.  Le  sens  de 
hvàr  est  monnaie,  argent.  Le  mot  est  du  plur.  []  3  Le  sens  est  combien, 
en  quel  nombre. 


3o  t>AUL   MARCHÔt. 


Dans  tout  le  reste  de  la  contrée,  on  ne  rencontre  plus  que  e  et/.  Il  n'y 
a  qu'à  Forrières,  séparé  pourtant  de  Champion  par  Nassogne,  qui  a  uni- 
formément €■  et  y,  que  j'ai  rencontré  la  forme  mbœ  à  côté  de  hl,  vâeè,  bà^e, 
mte,  ojî  (aisé),  boje^  pîljè. 

23.  bl  final. 

/. 
Tout  le  nord  a/. 

Champion,  Flamierge,  Amberloup,  La  Vacherie  ont  râf,  ràcloir  de 
cantonnier  (j-iiîabuluni)  ;  îâf,  table  ;  slâf,  étable. 

Nassogne,  Forrières,  Masbourg,  Awenne,  Grupont,  Tellin,  Resteigne 
et  Wellin  ont  rof,  tof,  siof. 

fetl. 

Arville,  Saint-Hubert  et  Freux  ont  rof,  toi,  6tol 

l. 

Tout  le  reste  de  la  contrée  a  /  :  Moircy,  ràl,  tàl,  6tâl  ;  les  autres  villages 
sans  exception,  roi,  toi,  stol. 

fabula  mérite  une  mention  spéciale.  Il  est  devenu  fiaba  et  a  donné 
fiâîv,  floîu,  selon  les  régions.  Je  n'ai  retrouwé  fabla  quh  Flamierge  -.fâ/ 
(conformément  à  la  règle  locale). 

Les  anciennes  formes  des  adjectifs  en  abilis  ont  disparu  et  sont  rem- 
placées partout  par  des  déformations  en  âp  des  adjectifs  français  :  emâp, 
aimable.  On  rencontre  encore  ça  et  là  Ôdol,  importun  (se  dit  d'un  enfant), 
cdàl  à  La  Vacherie;  àmol  (amabilis),  qui  a  pris  un  sens  tout  à  fait  opposé, 
et  signifie  importun  (se  dit  d'un  enfant,  c'est  un  synonyme  de  bdoï)  :  il  se 
sera  employé  primitivement  par  ironie  ;  cette  déformation  de  sens  prouve 
sa  vétusté,  àmàl  à  La  Vacherie;  heyol,  importun  (se  dit  d'un  enfant),  de 
haïr  +  abilis  à  Forrières.  Ces  mots  tombent  en  désuétude  et  sont  rem- 
placés par  embêtant ,  agaçant  et  autres  termes  du  même  acabit. 

24.  Voyelles  insérées. 

I 

Après  les  mots  finissant  par  une  consonne ,  on  insère  une  voyelle  : 
dans  les  mots  qui  commencent  par  s  +  consonne,  entre  s  et  la  consonne  ; 
dans  les  mots  dont  la  première  syllabe  s'élide  après  un  mot  finissant  par 
une  voyelle,  comme  tyfo,  cheval,  comme  les  mots  composés  avec  de 
(demain'),  avec  re  (revenir),  avec  con  (commander),  à  cette  même  place  de 
l'élision. 


LES   PATOIS   DU    LUXEMBOURG   CENTRAL.  3I 

On  verra  que  cette  voyelle  est  toujours  la  môme  dans  ces  différents  cas. 
Même  dans  les  verbes  où  de  (par  confusion  avec  dis)  donne  dûs,  dis,  déSy 
comme  (à  Saint-Hubert)  dtisfer,  défaire;  dnsmdtl' ,  dcmoincr,  etc.,  et  où 
l'élision  n'est  plus  possible,  la  voyelle  est  la  même  que  celle  résultant  de 
de  resté  pur,  de  re,  etc.,  et  varie  avec  elle  selon  les  villages,  sans  jamais 
être  avec  elle  en  contradiction.  Ceci  semble  indiquer  que  c'est  e  bref  atone 
de  re  et  de  de  qui  est  le  facteur  générateur  de  cette  voyelle,  et  qu'elle  n'a 
été  usitée  dans  les  autres  cas  que  par  analogie.  Cette  voyelle  est  : 

/  dans  tout  le  nord. 

A  Awenne,  Grupont,  Tellin,  Resteigne,  Wellin ,  où  l'on  dit  .sipit'ê^ 
éclabousser;  dïmey\  demi;  tyivo,  cheval. 

A  Forrières,  Masbourg,  Nassogne,  Champion,  Flamierge,  Moircy, 
Amberloup,  où  l'on  dit  sïpïte  (sïpîte  à  Champion);  dîskràmyœ,  démêloir, 
peigne,  de  dïskràmye,  démêler  (âkràrnyè  =  emmêler  :  le  néerl.  a  kram, 
crochet?);  îyivo,  cheval. 

e  dans  le  sud-est. 

La  Vacherie. ...      ...     s^pite     Uevo    setyernUœr 

V'esqueville ] 

Bras >       —        —      dhkràmyœ 

Freux  .  .    ] 

Sainte-Marie —        —  —  sepetœr^ 

t. 
Dans  deux  villages  du  sud  : 

Ochamps sèpitï     iyti^     dèskremyà 

Anloy —        —      diskràmyû 

n. 
Dans  deux  villages  du  sud-ouest,  Opont  et  Porcheresse  où  l'on  a  sûpiû, 
îyiivo,  dïïskràmyû. 

û. 
Dans  le  reste  de  la  contrée  : 

Saint-Hubert sûpïte    tyiivô     5Ûpe  (épais) 

Arville —        —  — 

Hatrival —        —      sùtyàrnUœr 

Recogne —         —      diiskràmyâ 

Libin siïpïîi       —      sitpè 


Littér.  épétoire  =^  mèche  de  fouet. 


32  PAUL   MARCHOT. 

Villance 6ûpUe  tjûvô  dûikràmyfi 

Maissin —  —             — 

Transinne —  —  sûpe 

Redu —  —            — 

Haut-Fays —  —  dmkràmyû 

II 

Aux  trois  personnes  du  singulier  de  l'indicatif  présent  et  au  singulier 
de  l'impératif  des  verbes  finissant  par  une  muette  +  une  liquide ,  on 
intercale  une  voyelle  qui  devient  tonique.  Cette  voyelle  est 

è 
A  Ochamps,  à  Anloy  et  à  Opont,  où  l'on  dit  €îifèl,  siffle;  etèr,  entre. 

fi  à  l'ouest. 

Saint-Hubert ]  Libin , 

Awenne Recogne , 


Grupont \  €bftil  etûr 

Tellin 

Resteigne | 

Wellin €ûfûl  — 

Redu £dfûl  — 

Transinne —  — 


Villance „^„,    ...  ^ 

,,  .    .                          )  €utuL    etiir 

Maissm /  •' 

Porcheresse 

Haut-Fays , 

Forrières €iïfûl     — 


e  à  l'est. 


Nassogne €ûfel  eter 

Masbourg —  — 

Champion sèfel  — 

Flamierge —  — 

La  Vacherie —  — 

Amberloup —  — 

Moircy —  — 


Freux ^êfel  eter 

Sainte-Marie 6ûfel  — 

Bras ۏfel 

Vesqueville —  — 

Hatrival €îifel  — 

Arville ^èfel  — 


NOTE   COMPLEMENTAIRE. 

1 .  Les  participes  passés  se  règlent  invariablement  sur  les  infinitifs  :  à  e 
correspond  e,  fém.  ey;  ke  correspond  e,  ey;  à  /  correspond  /,  ty. 

2.  La  région  étudiée  mesure  dans  sa  plus  grande  longueur  50  kilom., 
et  dans  sa  plus  grande  largeur  30.  —  Lomprez  et  Sohier,  au  sud-ouest 
de  Wellin,  n'y  sont  pas  compris. 

Paul  Marchot. 


PATOIS    DE    LACHAUSSÉE 
(meuse) 
Ulfbsi,  c°"  de  Filial.  Lachaussée,  c""  de  Vigneulles. 


Tvjii  cC  mô  à  phy 


Toujours  de  mal  en  pis 


—  ;  n  frem  kb  €0  driint} 
dvà  su  pà  îîèy,  hàw  ^  kblè  ? 

—  màtl  nô,  hây  !  €'pye  le  su 
k'  n  0  m  fà  d'^  rayi. 

—  /'  vyê  d*  là  bàe  n  hn  tt 
kb  s'  nntâ  d'  sck  kâf  à  là 
hày  ^àl,  lu  ? 

—  r  y  è  jà  mmwàfà  dâiv 
trn  bàu'drày  €  kfti  ! 

—  ké  5'  fâ  !  le 

kb  /'  kwà  ierhy  là  }x€  à  €ufyï 
dà  se  dèy  par  lu 
pà  là!  â  sti  dô,  kiimà 
k'  sa  va  ànby  ? 

—  lub  fîvà  à  M,  itûjà 

s*  fîi  !  ttC  pîipà  va  lii  bàlmà ,  viâ 
fihn  n  bm  kb  viàw  ho ,  à 
p\  kbs  kâ  €tè  dera,  kà  là 
mbUàs  b  €h  kàkèy  fâfây 
sb  pu  là  pwen  !  â  s  tàwf  sb 


—  Il  ne  fera  pas  encore  chaud  dormir 
devant  chez  soi  la  nuit,  hé  !  CoHn  ? 

—  Mâtin  non ,  hé  !  Je  plains  ceux 
qui  n'ont  pas  fini  d'arracher  (les  pom- 
mes de  terre). 

—  Le  vieux  de  là-bas  n'a-t-il  pas 
encore  son  moitié-de-cinq-quarts  à  la 
haie  Charles,  lui  ? 

—  Il  y  a  mie  moins  fait  (tout  de  mê- 
me) deux  ou  trois  baudrées  ^,  je  crois  ! 

—  Que  ce  soit  !  (n'importe),  il  a 
encore  de  quoi  tirer  la  hanche  et  souf- 
fler dans  ses  doigts  par  lui  (tout  seul) 
par  là  !  Et  à  la  maison,  donc,  comment 
que  cela  va  aujourd'hui  ? 

—  Ma  foi ,  comme  çà ,  pas  déjà  si 
fort  !  mon  père  va  tout  bellement ,  ma 
femme  n'est  pas  encore  moût  haut  ;  et 
puis  qu'est-ce  que  je  te  dirai,  quand  la 
malchance  est  chez  quelqu'un,  fanfan, 
c'est  pour  la  peine  !  A  cette  heure,  c'est 


^  Quand  on  ne  tutoie  pas,  on  dit  hàwê.  Si  on  tutoie,   on  dit  My. 
Il  *  Travail  quelconque  fait  pour  la  culture  de  la  pomme  de  terre  et 
durant  deux  ou  trois  heures. 

KEVCE    DES    MTOJS.   —    J. 


34  l'abbé    a.    DION. 

nih  ptilte  Iz  n  em  mejt  dé  f  pâ  ma  pouliche  qui  n'a  pas  mangé  depuis 

tmi  h  sltvw  niâ'sâ,  vlà  kè  hier  au  soleil  couchant ,  voilà  encore 

nià  gày  kc  ^tày  se  ktibn  ttràwr  ;  ma  chèvre  qui  a  jeté  ses  cabris  tout  à 

sb  tnthvo  £fi  me  k'  sH  l'heure  ;  c'est  partout  chez  moi  que  çà 

va  mo.  va  mal. 

—  tn  pàiur  kèlè!  ma  sa  —  Mon  pauvre  Colin  !  mais  ça  s'ar- 

s'àrtre  màtà!  F  pàyr,  Jàfîim,  rêtera,  je  m'attends!  le  père,  la  femme, 

là  pîilU,  le  gàyb;  t  fô  ben  la  pouHche,  les  cabris!...  il  faut  bien 

ëspârày  mu  dô^  kè  sa  n'  vrem  espérer,  n'est-ce  pas  donc,  que  çà  n'ira 

à  là  tîijn  d'  mo  à  pay  I  pas  comme  çà  toujours  de  mal  en  pis  ! 


L'abbé  A.  Dion. 


'  N'est-ce  pas  donc  se  dit  mû  dô  quand  on  ne  tutoie  pas;  dans  le  cas 
contraire,  c'est  iièm  dô. 


LETTRE  DE  Jean   TIERCELET 

SUR   LE   CHEMIN   DE  FER  DE   CHATILLON  A  BESANÇON 


Cette  lettre  a  paru  dans  le  Progrès  de  la  Côîe-d'Or  du  17  septembre  1869 , 
Elle  figure  aussi  dans  le  Recueil  de  pièces  en  patois  bourguignon  extraites  des 
journaux  publiés  à  Dijon  de  iSoi  à  ce  jour,  par  Sildman  (Milsand),  Paris, 
Jules  Martin,  1880,  in-12,  p.  169-200.  Elle  roule  sur  une  question  d'in- 
térêt local.  Il  s'agissait  alors  de  construire  la  ligne  de  chemin  de  fer  de 
Châtillon-sur-Seine  à  Besançon ,  par  Is-sur-Tille  et  Gra3%  D'Is-sur-Tille 
à  Gray,  deux  tracés  étaient  en  présence  :  l'un  (le  tracé  Renaud  dont  il  est 
parlé  dans  la  lettre)  avait  pour  objet  de  desser\ir  la  vallée  de  la  Haute- 
Viugeanne  et  le  canton  de  Fontaine-Française;  l'autre  devait  suivre,  sur 
une  certaine  étendue,  la  vallée  de  la  Bèze  et  desservir  le  canton  de  Mirebeau . 
L'auteur  de  la  lettre  plaide  en  faveur  du  second  tracé  (c'est  à  peu  prè 
celui  qui  a  été  adopté,  et  la  ligne  est  en  exploitation  depuis  plusieurs 
années). 

Cette  lettre  a  été  écrite  dans  le  patois  qui  était  en  usage  à  Bèze  à  cette 
époque.  Mais  Bèze  n'est  distant  de  Bourberain  que  de  4  kilomètres;  le 
patois  des  deux  villages  n'est  pas  très  différent.  Pour  transcrire  cette  lettre 
dans  le  patois  de  Bourberain,  je  n'ai  donc  eu  que  très  peu  de  changements 
à  faire.  Je  n'ai ,  naturellement ,  tenu  aucun  compte  de  l'orthographe  de 
l'original,  et  j'ai  suivi  le  même  système  que  pour  les  textes  déjà  publiés 
dans  les  n"  précédents  de  la  Revue.  Quant  aux  noms  propres  d'hommes 
et  aux  termes  qui  n'appartiennent  pas  au  langage  populaire,  je  les  ai 
transcrits  sans  les  accentuer.  Ce  qui  m'a  décidé  à  reproduire  cette  lettre, 
c'est  qu'elle  me  paraît  un  excellent  spécimen  de  conversation  entre  paysans 
sur  un  sujet  d'intérêt  local ,  avec  la  pointe  de  malice  bourguignonne  en 
plus. 


36 


L  ABBli    RABIET. 


e  mosyœ  l  rédijou  d  le  gà:(ct 
da  dijô. 

ôtirpré  pÔ  le  pyàivj,  vârdt  ddrtiy, 
t  )id:(_  eve  me  e  l  csiit,  niè 
e  pe  dex^  âwtr,  dâ  le  kàbàn  dœ 
mâsyœ  lagare. 

Ose  iiié  e  kâw^  d  tœt  sot 
dœ^âiu'^  :  d'économie  chnussiale,  dœ 
kotrtbùsyô,  d  nôt  kôsey  kœy 
àye  môme  l  jo  d  le  se 
prudà,  eqsélérn,  kà  mô  kiisè  pierre 
croquan ,  è  gro  du  pàyï ,  k  cvô 
tœt  ëkéiè  sa  d'ébàye  e  mâw,  Sœ 
lœv  : 

—  d  ke  k  vo  vb  mâi'Ae  ?  en 
eàwT^  m  okiip  ph  k  tœ  se  ;  s  tt 
le  lêtrad  môsyœ  renaud  pÔ  nd:^ 
àpb^e  d  evo  nôt  £œme  d  fer. 

—  kâ  k  s  à  k  mdsyœ 
renaud  ?  k  di  l  grâ  lagare,  drese 
dân  e  kàr  km  êpësyâ. 

—  t  krb  k  s  en  (=  s  ti  en)  dm  dœ 
puyt  k  ve  dàjèfô  d  le 

rtisî,  e  pe  k  prie  pÔ  sô 
se,  k  e  repodu  coquan. 

—  dvà  kccd  nô  kote  de 
Ibnrt ,  e  fro  be  d  vo  l 

pàyï  k  e  phi.  e  nô  fret  kœmà 
de  rusye.  se  staiirique,  se  cate 
potographique. ..,  s  a pb  nô 
blit:(e.  k  e  vên ,  e  pi  (=  pe  I)  37 
fre  vo  l  pâyt ,  mb ,  e  pî  (=  pe  t)  n 
pedre  ph  le  kht  kœmà  là. 

î  vbrô  d  hbor  marstyi  devœ 
se  for j  tœt  prbt  e  màrse,  e  pe 
sô  jœlï  m  lé;  pà  hue,  l  mâle 
bugiiet,  è  krân  niœlè  pô  l  kômers, 
Ihvu  k  tœt  tfœrgty;  âkê 
em€œ  pà  Iwe ,  e  trhhtb,  brhsrt , 


A  Monsieur  le  Rédacteur  de  la  Ga:^elte 
de  Dijon, 

Surpris  par  la  pluie,  vendredi  der- 
nier, nous  nous  avions  misa  l'abri,  moi 
et  puis  des  autres,  dans  la  cabane  de 
Monsieur  Lagare. 

On  s'a  mis  à  causer  de  toute  sorte 
de  choses  :  d'économie  sociale,  de  con- 
tributions, de  notre  conseil  que  nous 
allions  renommer  le  jour  de  la  Saint- 
Prudent,  etc.,  quand  mon  cousin  Pierre 
Croquan,  un  gros  du  pays,  ^m' avait 
tout  écouté  sans  débailler  un  mot,  se 
lève  : 

—  De  quoi  que  vous  vous  uiéle^  ?  Une 
chose  m'occupe  plus  que  tout  ça  ;  c'est 
la  lettre  de  Monsieur  Renaud  pour  nous 
empêcher  d'avoir  notre  chemin  de  fer. 

—  Quest  que  c'est  que  Monsieur 
Renaud  ?  que  dit  le  grand  Lagare,  dres- 
sé dans  un  coin  comme  un  paisseau. 

—  Je  crois  que  cest  un  homme  de 
Pouilly  que  vient  du  fin  fond  de  la 
Russie,  et  puis  que  prêche  pour  son 
saint,  qu'a  répondu  Croquan. 

—  Devant  que  de  nous  conter  des 
plaisanteries ,  il  ferait  bien  de  voir  le 
pays  quil  parle.  Il  nous  traite  comme 
des  Russiens.  Ses  statistiques,  ses  cartes 
photographiques,..,  c'est  pour  nous 
blouser.  Qu'il  vienne,  ei  puis  je  lui 
ferai  voir  le  pays,  moi,  et  puis  je  ne 
perdrai  pas  la  carte  comme  lui. 

Nous  verrons  d'abord  Marcilly  avec 
sa  forge  toute  prête  à  marcher,  et  puis 
son  joli  mouHn;  plus  loin,  le  mouhn 
Buguet,  un  crâne  mouHn  pour  le  com- 
merce, là  où  que  tout  y  freguille;  encore 
un  peu  plus  loin,  à  Tréchâteau,  bras- 


LiriTRE   DK    Jl  AN     lltRCELLT 


:>/ 


mie  }  fi  fôrj  pè  fàr 

ad  l  às)^  ph  dit  k  dtt  fer.  î  lus , 

bràsn,  mtèf  si  ri;  t  d^  pây 

>l  pàrâr  A'  Ihiy  d  IP 

pyàr  nô  jttvr,  dhw  kt  k  on  é  bâti 

dî  pàl'e  P  dijô;  c  pâkô  (=  pè  âkô)  lï 

fôrè  d  vœliirj  làvii  kï  ni  (& 

ho  d  hrt  sot ,  ment  ak  môsyœ 

maria  an  f^U  pôfàr  dP 

bàtè  k  va  sti  le  mer. 

y  àrtvô  è  bê:^  :  ô  s  krôrô 
6  krœsè  ^  ta  ni  d  eœnve 
kfœm  !  tœ  pôlâti-  de  tyîln^ 
de  mekànik,  deférj\  de  mârtô 
k  tàp,  de  rii  k  ton , 
(/?^  ihrâr  k^r  crient  !  sa 
sti^rb  ! 

e  pi  starïvâr  ',  kakmàs 
tœ  de  kâii!  ël  Wo-  tëri  pâ,  st'ê 
le  !  ël  ncedëbbd  pa,  ste  le  ! 

—  ^de  I  dëvâ  en  fès  d  au-  dœ- 
dœ  sa  €U'àu-  '. 

—  à  sbtà  d  fe;^,  e  {==  y  i  en)  e 
grà  déshn  bét'tk  lavu  k  ôfà 

en  màfhi  tœt  U  smén  ;  ph 
ëvà,  ô  s  esiâ:;j  dvâ  de  kotyâ 
k  â  pise  1  âne  pàse  tro  miy 
pyes  davé,  sa  kotë  le  mère 


série,  moulin  et  puis  forge  pour  faire 
de  l'acier  plus  dur  que  du  fer.  A  Lux, 
brasserie,  moulin,  scierie;  à  deux  pas, 
la  perrière  (carrière)  que  donne  de  la 
pierre  non  gclive,  avec  quoiqu'on  a  bâti 
des  palais  à  Dijon  ;  et  puis  encore  la 
forêt  de  Velours ,  là  où  quil  ny  a  des 
bois  de  toute  sorte,  môme  que  Mon- 
sieur Maria  en  achète  pour  faire  des 
bateaux  que  vont  sur  la  mer. 

Nous  arrivons  à  Bèze  :  on  se  croirait 
au  Creusot,  tant  ny  a  de  cheminées 
que  fument  !  Tout  partout  des  tuileries, 
des  mécaniques,  des  forges,  des  mar- 
teaux que  tapent,  des  roues  que  tour- 
nent ,  des  ouvrières  que  crient  !  C'est 
superbe  ! 

Et  puis  cette  rivière  que  commence 
tout  d'un  coup  !  Elle  ne  tarit  pas,  celle- 
lil  Elle  ne  déborde  pas,  celle-là! 

—  Pardi  !  Avec  une  force  d'eau  de 
deux  cents  chevaux, 

—  En  sortant  de  Bèze,  //  ny  a  une 
grande  décinw  boutique,  là  oit  qu'on  fait 
une  machine  toutes  les  semaines;  plus 
avant,  on  s'extasie  devant  des  coteaux 
^«'ont  pissé  l'année  passée  trois  mille 
pièces  de  vin,  sans  compter  la  mère 


'  Il  s'agit  de  la  rivière  de  la  Bèze  qui  jaillit  du  fond  d'un  cirque,  à  la 
manière  d'un  puits  artésien  naturel.  A.  Joanne,  Géographie  de  la  Côte-d'or, 
p.  6,  la  désigne  «  comme  une  des  sources  les  plus  fortes  de  la  France  ». 
Au  rapport  du  géographe  Robert,  Voyage  dans  les  treize  cantons  suisses,  t.  II, 
p.  78,  c'est  une  des  plus  belles  sources  d'Europe;  elle  verse  immédiate- 
ment une  nappe  d'eau  de  plus  de  10  mètres  de  largeur  formant  une 
rivière  qui  met  en  mouvement  des  moulins,  des  huileries  et  diverses 
espèces  d'usines  à  fabriquer  le  fer.  On  présume  qu'elle  est  alimentée  par 
les  eaux  de  la  Tille  qui  se  perdent  entre  Til-Chàtel  et  Lux,  ainsi  que  par 
celles  de  la  Venelle,  qui,  depuis  Sclongey,  s'infiltrent  dans  les  terres  et 
finissent  par  s'y  absorber  complètement  entre  Véronncs-les- Petites  et  Lux. 
Cf.  Courtépée,  Descript.  du  duché  de  Bourgogne,  t.  IV,  p.  717  sq. 


38 


L  ABBE    KABIET. 


gôte  ^  tse  pÔ  le  véftrô,  di  vrt 
gôrmâ  ! 

à  sœgà  ndt  eœvie ,  vhse 

ncrô  dèvœ  sôfnrnàw  k  ci 
hëtè,  50  ni  lé  e  pe  se  sin  k 
màr€  ta  hnà  de:(  àreje. 
t  dëjœnô,  hnà  d  ben  àtâdti , 
e  le  trient  e  pe:{^  (=^^  ^^)  ëkrâi'h ,  e 
nitrho,  le  pu  jœJÏ  viy  du  mod. 
Une  (=  leenî  e)  tnlè  k  ô  diro  è 
€(ità-w.  s  à  stu  le  h  an  ëfrâ'^y  du 
bye  e  pekfà  d  le  bel  fer  en. 
à  !  nnrbo  e  tâjo  e  bô  vè^ê 
dâ  5  niâ'îè  lèf 

ma  nô  vie  dâ  lextiblô, 
dâ  le  vén ,  dâ  le  bye.  efô 
va  kmà  se  grén  ta  le:{  à  ! 
ô  yi  rekôlt  œ  d  ke  nœrt  e  pe 
d\àltere  têt  le  bîirgôn. 

fot  e  pâle  d  bii^yâwt ,  ad  eàrm, 
ad  drâbô?  se  n  à  pâ  le 
pou.  vo  vbye  be  k  môsyœ 
renand  nô^  e  dt  de  lonrt. 

—  sa  vre  !  k  di  l  per  pucin. 

—  e  st  iir,  si  (=  si  i)  fà-^  hnà 
lu ,  SI  y  àteso  le  pôpulâsyô  dà 

le  stâsyô,  y  ëkafnyro  sô  rë^mmà 
dà  l  guye  d  le  r^i^e  publih. 
€d:{è  dà  :  ëevân ,  vron , 
spo,  borbœlè,  vyevtn,  ta  ne, 
kû:(;rây,  mtini,  trbeâr, 
niëràdœ,  ê/^iyi,  rnev,  môntâsô, 
tœ  de  pàyt  ka-n  sre 
pe  (=  pà  e)  dâ  pye  d  m  du  f-mè  d 
fer.  s  â  kdntjâ  de^^  ëfâr,  dà 
se  pâyi  le  ! 

—  f  krÔ,  sofvot  respe,  k  e 
fà  l  per  pucin ,  k  le  môsyœ 


goutte  tètée  par  les  vignerons,  des  vrais 
gourmands  ! 

En  suivant  notre  chemin ,  voici 
Noiron  avec  son  fourneau  ^«'est  ar- 
rêté, son  moulin  et  puis  sa  scierie  que 
marchent  tout  comme  des  enragés. 
Nous  déjeunons ,  comme  de  bien  enten- 
du, à  la  truite  et  puis  aux  écrevisses,  à 
Mirebeau,  la  plus  jolie  ville  du  monde. 
Là,  //  ny  a  un  moulin  <^//'on  dirait  un 
château.  C'est  celui-lh  qu'en  éniiette  du 
blé,  et  puis  que  fait  de  la  belle  farine. 
Ah  !  Mirebeau  a  toujours  un  bon  voi- 
sin dans  ce  moulin-là  ! 

Mais  nous  voilà  dans  les  houblons, 
dans  les  vignes,  dans  les  blés.  Il  faut 
voir  comme  ça  graine  tous  les  ans  ! 
On  y  récolte  de  quoi  nourrir  et  puis 
désaltérer  toute  la  Bourgogne. 

Faut-il  parler  de  Bézouotte,  de  Char- 
mes ,  de  Drambon.  Ça  n'est  pas  la 
peine.  Vous  voyez  bien  que  Monsieur 
Renaud  nous  a  dit  des  plaisanteries . 

—  Ça  est  vrai  !  que  dit  le  père  Pucin. 

—  A  cette  heure,  si  je  faisais  comme 
lui,  si  j'entassais  les  populations  dans 
les  stations,  ]  aplatirais  sa  renommée 
dans  la  flaque  d'eau  de  la  risée  publique. 

Songez  donc  :  Echevannes,  Véron- 
nes,  Spoix,  Bourberain,  Viévigne,  Ta- 
nay,  Cuiserey,  Magny,  Trochères , 
Marandeuil,  Oisilly,  Renève,  Mont-- 
mançon,  tous  des  pays  que  ne  seraient 
pas  à  deux  pieds  de  nez  du  chemin  de 
fer.  C'est  qu'on  y  fait  des  affaires,  dans 
ces  pays-là. 

—  Je  crois,  sauf  votre  respect,  qua 
fait  le  père  Pucin,  que  les  Monsieurs 


^  Ce  terme  n'est  pas  populaire.  Il  est  emprunté  à  La  Monnoye,  y.  Glos- 
saire des  Noëls,  s.  v.  meire-gôte  «  vin  qui  de  lui-même  sort  des  grappes  dans 
la  cuve  ».  C'est  le  meilleur. 


LETTRE    DE  JEAN    TIERCELET. 


)') 


bassot  è  pi  voisin  àfàd\fb 
lista  ^  lô  Ui  su  k  hP  sté 
d  l(t  vfjân  ^pfd  If  vnH 
dsiin. 

—  sàkd  (==sâ  àkô)  bé  vrèy  s^  ! 

(  pè  td't  1  àsàble  si  me  h 
tàpt'  di  me  kmô  (=  kmà  ô)  fà  dâ 
le  î'/v. 

:7^,  môsyœ  l  rédijou ,  s 
kay  ô  d\.  i  vô  I  âvt 
pÔ  Lrkd'pyé  dâ  vèt  gà:^t  ; 
sem£œ  (=  s  à  émeœ)  d'importance , 
f  pépier re croqua n  srt  ben  Â;^  Àr  ô  knh 
son  èlôkâs.  Jean  tiercelet. 


postin-cripton.  i  kH€tb  nu  letr 
kà  l  croquan  àtr  à  tàrptyà 
dt  pyè ,  tât  à  kœler. 

—  t  vedvOf  ke  m  di, 
en  létr  d  e  môsyœ  perroquet 
k  pàl  de  siipërb  ii:^èn  du  tràse 
renaud.  vun,  n  an  é yen,  tœt  à 
grô  !  ma  Ih^  àvAr,  ô  fà  bye  td't 
le  nâw  pÔ  lefâr  tône  dit 
tô  ta  le  mite,  dtt  rëst ,  sa 
knesu  ;  dû  lo  rtvâr,  le  frœmê 
s  met  e  jnii  po  bôr.  propo:^ 
y/  se  :  t  prârô  eëkœ 
en  yœ  sii  le  tràse  k  î  no^ 
àrgênô,  e  pè  ste  de  yd'  k  pàyre 
l  pu  depô,  karsotire  l  pli 
d  let,   k  âsônal  kômérs 
k  on  Ifâ,  ëll  ère  l  eœme  d  fer. 
/  krb  k  môsyœ  perroquet  nephkh 
âfiye  le  vnël. 


Bassot  et  puis  Voisin  en  font  dix  fois 
autant  à  eux  tout  seuls  que  tous  ceux 
de  la  Vingeanne  et  puis  de  la  Venelle 
ensemble. 

—  Cest  encore  bien  vrai,  ça  ! 

Et  puis  toute  l'assemblée  s'a  mis  à 
taper  des  mains  comme  on  fait  dans 
les  villes. 

Voilà,  Monsieur  le  Rédacteur,  ce 
que  nous  avons  dit.  Je  vous  l'envoie 
pour  le  recopier  dans  votre  Gazette;  c'est 
un  peu  d'importance,  et  puis  Pierre 
Croquan  sera  bien  aise  qu'on  connaisse 
son  éloquence.         Jean  Tiercelet. 


Post  scriptum.  Je  cachetais  ma  lettre 
quand  le  Croquan  entre  en  trépignant 
des  pieds,  tout  en  colère. 

—  Je  viens  de  voir,  qu'il  me  dit, 
une  lettre  d'un  Monsieur  Perroquet 
que  parle  des  superbes  usines  du  tracé 
Renaud.  Oui,  ny  en  a  une,  tout  en 
gros!  Mais  les  autres,  on  fait  bief  toute 
la  nuit  pour  les  faire  tourner  deux 
tours  tous  les  matins.  Du  reste,  cest 
connu;  dans  leurs  rivières,  les  fourmis 
se  mettent  à  genoux  pour  boire.  Pro- 
pose lui  ça  :  nous  prendrons  chacun 
une  lieue  sur  les  tracés  que  rums  nous 
disputons,  et  puis  celle  des  lieues  que  paie- 
ra le  plus  d'impôts,  que  recevra  le  plus 
de  lettres ,  que  révèlent  le  commerce 
qu'on  y  fait,  elle  aura  le  chemin  de  fer. 
Je  crois  que  M.  Perroquet  n'a  plus  qu'à 
enfiler  la  venelle  ^ 


^  Jeu  de  mot  avec  le  nom  de  la  rivière  la  ^'enelle  cité  plus  haut.  Venelle 
signifie  petite  rue,  ruelle,  et  enfiler  la  venelle  est  synonyme  de  se  sauver  : 
«  J'enfile  la  venelle  »,  Régnier,  Satire^A,  v.  328.  V.  aussi  La  Fontaine, 
Fables  XII,  17,  et  le  Retour  de  Bontemps,  p.  29  : 

J'ai  n'eussin  baitu^lai  semelle 

Et  vite  anfilé  lai  venelle...  L'Abbé  Rabiet. 


LEXIQUE    SAINT-POLOIS 

{S  là  te.) 


-ff  Mbit,  +,  terme  d'amitié  donné 
aux  petits  enfants,  mè  pti  bibtt.  — 
Par  extension  et  ironiquement,  œ 
grà  bibît,  un  grand  dadais,  garçonnet 
ou  jeune  homme  qui  se  laisse  encore 
cajoler  et  traiter  comme  un  jeune 
enfant. 

Mblà  (à  ou  e),  +.  Laisser  tout  â 
biblà,  interrompre  son  travail,  ses 
occupations  ou  ses  affaires  pour 
s'occuper  d'autre  chose.  Même 
sign.  :  è  bi  è  blà.  fe  le€e  têt  è  bt  è  blà. 

biblo,  +,  petit  objet  quelconque, 
soit  d'agrément  (jouet  d'enfant, 
objet  de  curiosité),  soit  d'utilité 
(ustensile,  outil,  etc.).  —  Terme 
de  tûbâkye,  petit  morceau  de  bois 
lié  à  chaque  extrémité  des  pèt  ou 
guirlandes  de  tabac,  servant  autre- 
fois à  lés  fixer  sur  les  traverses  des 
séchoirs.  A  cet  eff'et,  on  y  pratiquait 
à  des  distances  convenables,  des 
traits  de  scie  auxquels  on  suspen- 
dait perpendiculairement  \qs  pet  par 
l'un  des  deux  biblo.  N'est  plus  usité 
dans  cette  acception.  —  biblo,  terme 
collectif,  attirail,  s  e  lu  eo?  e  bè!  f 
prè  mè  biblo  e  pî  f  fu  /'  kci,  pà  pu  târ 
F  a  star. 

bihlote  (5'),  +,  réussir  assez  bien 
dans  ses  aff^aires,  épargner  quelque 


argent,  àwi,  0  s  biblôtô,  ui.  — 
Même  sign.  :  s  belote.  —  En  par- 
lant d'une  affaire,  suivre  son  cours 
régulier,  sans  aucun  incident. 

bibôkie,  +,  éclat,  débris  de  bois 
de  petite  dimension. 

bjbô^,  s.  f.  pi.,  mélange  de  fèves 
et  de  bisailles.  Usité  à  Torcy. 

bibœ,  +•  s.  m.,  heracleum  sphon- 
dylium;  angelica  sylvestris;  myr- 
rhis  chœrophyllum.  —  Les  petits 
ménagers  font  de  /'  afîu-èy  avec  cette 
dernière  plante,  très  commune  dans 
les  environs  de  Saint-Pol.  dni  oit'  if 
bibœ. 

bibtis,  +,  chose  de  peu  de  valeur; 
dire  sans  importance,  œn  bibus  d' 
âryè.  —  £'  e  tu  bibtis,  £0  li  0  dije  lo  ? 

bidàfè,  +,  petit  cheval. 

bidâyô,  X,  mauvais  petit  cheval. 
Banlieue  :  bidalô. 

bide,  + ,  cheval.  —  Le  numéro 
un  (au  tirage  au  sort  par  ex.),  se 
frer  il  0  prè  bide.  —  Un  grà  bide,  un 
grand  garçon  qui  ne  veuf  rien 
apprendre. 

bidèl,  +,  chair  de  vieille  vache, 
et  par  extension,  viande  de  bœuf 
dure  et  coriace. 

bidtil,  -\-,  boue  plus  ou  moins 
liquide.  La  bidtd  diffère  des  rak  en 


LEXiaUE  SAINT-POLOIS. 


41 


ce  que  celles-ci  sont  plus  consis- 
tantes. Une  averse  transforme  les 
ràk  en  bidul.  —  A  Manin  :  h^duL 

hWiyli,  X,  rempli  de  biJiil.  œ 
kmc  Indityà.  —  t'a  bUiiya,  temps  plu- 
vieux, propre  à  faire  de  la  hïdiiî.  — 
Banlieue  :  hidiilh.  —  Même  sign.  : 
làbàdà. 

biduye,  X,  patauger,  marcher 
dans  la  bîdél.  —  Banlieue  :  bidulj. 

bigâr,  s.  m.,  sorte  de  tarte  gros- 
sière. ?  Mrtyt  d"  bic^àr.  Voir  màiiki. 

bigê  Q'ii  d'),  jeu  de  billon.  Usité 
à  Monts-en-Ternois.  —  Voir  kiL 

bigènja  {à  ou  e),  +,  de  travers, 
en  zig-zag.  Un  ivrogne  marche  en 
M(;ortjà. 

bigorne,  -\-,  marcher  de  travers, 
en  zig-zag. 

bigdnjû,  +,  biscornu. 

bigôiaj,  X,  s.  m.,  bigoterie. 

%r,  -f,  terme  adouci  remplaçant 
le  mot  biigr,  avec  lequel  il  est  em- 
ployé concurremment.  Voir  ce  mot. 

bïgrèmà,  fort,  très,  énormément. 
A'^oir  bitgrhnci. 

bijïi,  -\-,  s.  m.,  grosse  toupie  de 
bois  de  forme  oblongue;  on  la 
nomme  aussi  Mifi.  —  mè  ptî  bijfi, 
terme  d'amitié  donné  parfois  aux 
petits  enfants. 

bik,  -\-,  chèvre;  n'est  usité  que 
dans  ces  mots  :  pyè  £  b\k.  Voir 
màget.  — zyel  b)k ,  terme  injurieux 
sans  signification  précise,  appliqué 
parfois  à  une  femme. 

bik-bâk,  -\-.ferel  b'îk-bàk,  bascu- 
ler, se  laisser  choir.  /'  àiwe  œ  pyi  d 
môtèy,  e  pi  fî  màk?  Voî,  ^à  fi  k'  f  efî 
r  bik-bak  e  pi  k'  fe  kœa-.  —  met  à 


btk-bàk,  placer  sur  une  corde,  comme 
le  linge  qu'on  met  sécher. 

bU,  -f ,  mauvaise  humeur,  colère; 
tristesse,  ennui,  s  fh  dt'l  btl^  être 
très  contrarié. 

Inl,  -|-,  bille  (de  bois  seulement). 
(^n  bil  td  khi. 

binàr,  véhicule  à  deux  roues  ser- 
vant au  transport  des  arbres.  Voir 
dyàl. 

binet,  X,  ph3'sionomie,  tète  plus 
ou  moins  ridicule. 

bifio,  +,  s.  m.,  sorte  de  charruj 
sans  contre  ni  versoir  servant  à 
ameublir  une  terre  déjà  labourée, 
ou  à  donner  aux  etœler  une  première 
façon  afin  d'en  faciliter  le  labou- 
rage. 

binotaj,  +,  s.  m.,  fiiçon  donnée 
à  une  terre  au  moyen  d'un  binô; 
état  d'une  terre  btnôtey.  —  Un  bim- 
tà]  exécuté  dans  une  etœljr  se 
nomme  règiyaj. 

bhiÔ!?,  +,  donner  une  fliçon  au 
moyen  du  Mno.  —  biiiÔt?  dn  ilœl'er 
se  dit  règiyk 

binoiL',  -f,  tombereau,  ktrkê  fy'è  à 
binow. 

binoûy,  +,  charge,  contenu  d'un 
binouj.  œn  bitjote  d' kréô;  —  an  btnoù 
i  emôdie. 

bil>,  -\-,  bible. 

b'is,  +,  bise.  N'est  employé  que 
dans  ces  mots  :  l'e  d*  b'iSy  vent  du 
nord,  ait  kôm  U  ve  <f  Vis,  marclu-r 
très  vite. 

bh,  X,  s.  f.  s.,  parties  naturelles 
de  la  femme. 

-r-  bis!  bis!  -f-,  interj.  ser\^ant  à 
narguer,  b'is!  Vis!  /'  H  F  M  pà!  — 


42 


ED.    EDMONT. 


Même  sign.  :  bhJélà!  Voir  ce  mot. 

bhkà,  -\-,  qui  fait  bhke.  /e  bhkà 

d"  vèd  dû  byb  bur  kdm  £o  û  bô  tnârke  ! 

—  Même  sign.  :  filtà,  kàntilà. 
bhke,    -\-,    pester,    éprouver    du 

dépit  sans  trop  oser  le  fjiire  paraître. 
tj  bhkwe  telniè  li  fel  rerwe  kâlôte  su 
r  indml.  —  fer  bhke  quelqu'un, 
exciter  son  dépit  ou  sa  jalousie. 

-[f  bhkolà!  +,  interj.  servant  à 
narguer,  à  faire  biske.  bhkolà!  f  i 
vàrô  pà! — Même  sign.  :  bh!  bh! 

—  En  employant  ces  deux  interj., 
les  enfants  ont  la  coutume  de  se 
passer  l'index  sous  le  nez  à  plusieurs 
reprises,  comme  pour  les  souligner 
et  leur  donner  plus  de  force. 

bhtàtél ,  +5  bagatelle,  futilité. 
Voir  bhtid. 

bute,  faire  des  bz^ae,  des  courses 
inutiles,  tile  bhle.  —  évoye  bhte, 
envoyer  paître.  —  Usité  à  Rame- 
court. 

bhtekwè  (ed),  +,  en  biais,  d'angle 
à  autre.  Par  extension,  de  travers, 
irrégulièrement,  se  ptirk  ed  piuc,  il 
r  0  plate  tn  d'  bhtèkwè. 

bhtél,  +5  bagatelle,  futilité, 
conte,  mensonge,  mauvaise  raison. 
ej  n  '  e  pwè  fut  ed  té  vu  bhtél  :  €  e 
d'  r  àrjè  ki  m' fébiv!  —  Même  sign.  : 
bhtàtél. 

bhtél  ou  bhtél,  +,  tasse  de  café 
avec  un  petit  verre,  ou  plus  exacte- 
ment, mélange  de  café,  de  sucre  et 
d'eau-de-vie,  servi  dans  un  tout 
petit  gobelet  et  coûtant  lo  centimes. 

—  Même  sign.  :  ptt  po. 

bhtéri,  X,  bistouri.  —  Banlieue  : 
fiîmèt,  fém. 


bhturnèy,  +  ;  fer  en  bhtérnt'y, 
quitter  son  ouvrage  pour  aller  boire 
au  cabaret,  ou  bavarder  au  voisi- 
nage; s'amuser,  s'attarder  en  faisant 
une  course. 

bhtéye ,  X ,  bavarder  chez  les 
voisins,  ou  boire  au  cabaret,  après 
avoir,  dans  ce  but,  quitté  son  ou- 
vrage. —  Banlieue  :  bhtélî. 

bit,  -f-,  membre  viril.  —  A  Auxi- 
le  Chcâteau  :  bit  ed  ktire,  typha  lati- 
folia. 

bitàklàj,  +,  état  de  ce  qui  est 
bitàkley. 

bitàkley,  +5  tacheté,  moucheté. 
œn  vhk  bîtaklèy. 

bîtàrd'.  N'est  employé  que  dans  la 
banlieue,  et  seulement  dans  cette 
locution  :  marie  ou  evoye  (quelqu'un) 
ci  r  bitàrd',  même  sign.  que  evoye  a 
r  bibèy.  Voir  ce  mot. 

bitèbû  Qd\  +,  tout  au  long,  el 
tôniuàr  ofèdû  se  erije  d'  bitèbû.  —  Le 
long  de,  d'un  bout  à  l'autre,  ci-n  no 
pu  d'  triue  ee,  d^  épyè  d'  tiriko,  nèn  o 
té  d'  bitèbé  d'  se  mur. 

bttle,  +j  terme  d'amitié  donné 
aux  tout  petits  garçons,  mè ptt  bitlè. 
— ■  Même  sign.  :  bitlo. 

bitlo,  -\-,  m.,  verge  des  petits 
garçons  ;  familier.  —  Terme  d'ami- 
tié donné  aux  tout  petits  garçons. 

bityer,  +,  brayette. 

bive,  +,  m.,  vent  de  bise;  se 
dit  surtout  du  vent  de  mars,  qui 
dessèche  la  surface  des  champs  cul- 
tivés. €6  bivè  lo,  £à  rhû  tét. 

biye,  +,  billet.  —  Etre  dans 
/'  biye  de  quelqu'un,  posséder  son 
amitié  à  tel  point  qu'il  ne  puisse 


LEXIQUE  SAINT-POLOIS. 


43 


rien  vous  refuser.  —  Myf  cT  àtâf, 
affiche  ;  n'est  plus  usité. 

hiyôy  jeu.  Yo'iTk'il. 

/^f:^<j/,  +,  pois  gris  (pisum  arven- 
se),  légumineuse  cultivée  soit  seule, 
soit  en  mélange  avec  d'autres  plan- 
tes, pour  la  nourriture  des  bestiaux. 

In^hh  {e),  +,  en  querelle,  en  chi- 
cane. Se  dit  surtout  de  gens  entre 
lesquels  existe  un  peu  de  brouille. 
â  u  pàl  pu  à  4  hyd-je,  t  sot  è  biibts. 

hi:;Èy  i't,  +,  un  peu  bis.  margrè 
k'  til  et  (V  nièle  bi::;et,  h  fil,  àl  i  kèr 
belot. 

Z?/;;^^,  X,  bisaigle,  outil  de  cor- 
donnier. 

bi::^et,  X,  bh  des  petites  filles. 

bi:^t,  +,  s.  f.  pL,  débris  de  grès 
concassés  servant  à  Tempierrement 
des  routes.  Se  dit  aussi  des  rognons 
de  grès  trop  petits  pour  être  taillés. 

b'i:(ir,  +,  hâler.  €'  e  k'  àl  vu  bi^ 
17/,  dé,  r  gràd  er.  —  es  bi:^ir,  devenir 
bis.  tn  reste  pwè  kom  €0  à  sôlel,  em 
ftyet,  vufigur  àl  vô  i'  bi:;^r. 

^i-«.  Voir  bijfi. 

bjil,  +,  vigile,  ô  it  vu]  pwè  d' 
eàr,  il  e  bjil.  —  ô  kàt  Ô  prhn  €e  bfil. 

blabla,  -{-,  s.  m.  pL,  flatteries, 
dans  un  but  intéressé,  ml,  f  hi  su 
pà  en  je  à  hle  fer  de  blàblâ  H  £e  sœret 
ptir  âinuàr  £1  e  €0,  do  ! 

blà^,  +,  vanterie,  mensonge, 
conte,  bey!  te-t,  €  e  tu  blà^  ek  te  dï 
lô?  —  Avoir  del  bla^,  parler  beau- 
coup et  avec  facilité.  —  el  blà^  ed 
fé  je,  les  dires  du  monde. 

blàge,  -f,  dire  des  blà^;  par 
extension,  bavarder. 

blàgâû-,  œ^y  -j-,  celui,  celle  qui 


blà^;  par  extension,  bavard. 

blàkP,  -\-,  vaciller,  flamboyer,  en 
parlant  de  la  flamme  d'un  foyer, 
d'une  lampe  ou  d'une  chandelle. 
d-n  kMl  k'  àl  blàk. 

blàtyi,  X,  en  mauvaise  part, 
individu  en  guenilles,  ou  dont  les 
vêtements  sont  déchirés,  sàkre  blàtyf, 
té  n  pœ  pu'e  ràbutône  C  tnàràti  ?  — 
N'est  guère  employé  dans  l'accep- 
tion de  marchand  de  blé,  on  dit 
plutôt  bàlétœii. 

blà,  blàk,  +,  adj.,  blanc,  du  pie 
Mil;  —  an  rbb  blàk;  —  dï  blà  kàvèû-; 

—  de  blak-t  ïok.  —  blàk  ed  eàr,  blàk 
i  ter,  qui  a  le  teint  blanc  et  rosé,  en 
parlant  d'une  jeune  fille.  —  blàk 
bet,  animal  de  l'espèce  ovine.  — 
étd'l  blàk,  céréale,  fè  janie  met  etd'l 
blàk  sur  étd'l  blàk.  Terme  vieilli.  — 
de  ter  blàk,  des  terres  calcaires.  — 
fer  de  blà:^  yû ,  rouler  des  yeux 
menaçants. 

blà,  +,  subst.,  blanc,  dèblàdœ. 

—  blà  d'  ëkàl  ou  ptt  blà,  blanc  d'Es- 
pagne. —  dé  blà ,  des  moellons. 
tiré  dé  blà. 

blà-bo,  +,  populusalba;  cheno- 
podium  album.  —  Au  fig.,  se  dit 
pour  désigner  les  pauvres  gens  décé- 
dés, dont  les  parents  n'ont  pas  ks 
moyens  de  payer  les  frais  d'enterre- 
ment. £  é  du  blà-bo,  €l  etértnè  d" 
édme.  Par  contre,  un  grè  mor,  €  i 
du.  kén.  Une  personne  riche  est,  en 
eflfet,  toujours  ensevelie  dans  un 
cercueil  de  chêne,  tandis  que  pour 
les  pauvres  un  cercueil  de  blà-bo 
suffit. 

blà-bônt,  -h,  s.  m.,  personne  du 


44 


ED.  EDMONT. 


sexe  féminin,  y'  àvœ  mt  œ  sàd  blci- 
bônt',  €  hivc  tii  kiipyow.  —  Au  pkir., 
£Î  hlà-bônt',  les  femmes,  prises  dans 
un  sens  collectif.  /  n  fb  mï  têdi 
àkiiâ  €Î  bJa-hône,  do,  mn  om.  — 
Même  sign.  :  blàk,  subst. 

blàf,  +;  nuit  à  la  blà€,  nuit 
passée  sans  sommeil. 

blàeir,  badigeonner.  Voir  blàkîr. 

blàasàj,  badigeonnage.  Voir  blà- 
kieàj.  —  Blanchissage  (du  linge). 
Peu  usité  dans  cette  acception. 

blàehœr,  âvj,  badigeonneur.  Voir 
bWâeœii'. 

blà£-iàl  (Ji).  Voir  blà-kn. 

blà-dyn ,  + .  ^'  blà-dyû ,  le  Jeudi- 
saint.  —  Argent  qu'il  est  d'usage 
de  donner  ce  jour-là  aux  kàe-marây, 
kàrtô,  màrUo,  etc.,  pendant  la  visite 
qu'ils  vont  rendre  aux  personnes  qui 
les  emploient  d'habitude,  kâ^e  se 
blà-dyû,  en  parlant  de  ces  ouvriers, 
faire  cette  visite  intéressée. 

bla-fer,  +,  fer-blanc. 

bUtk,  +,  s.,  personne  du  sexe 
féminin,  n  Ô  œn  blàk  Ji  M  ô  ctedû  eb 
k'  0  dijem.  —  Au  pi.,  €e  blàk,  les 
femmes  en  général.  //  o  rndmè  ker  et 
blàk,  efti-lo.  — Même  sign.  :  blà-bône. 

blàk-âlwàn ,  +,  f.,  artemisia 
absinthium.  Certaines  personnes 
emploient  les  formes  bàktinwàn, 
bèkâniuàn ,  et  même  (faub.  de 
Béthune  et  d'Arras),  blàk-àviuàn. 
—  A  Saint-Pol-ville,  conc.  :  Hpsèt. 

blàkat,  +,  blanchâtre. 

blàk-epen,  +,  aubépine.  —  Se 
dit  aussi  d'une  épine  {bheo)  servant 
de  borne  ou  d'  erô.  —  Vieilli  à  Saint- 
Pol-ville;  on  y  emploie  de  préfé- 


rence la  forme  epin  bllie.  —  A  Torcy  : 
nbbl-ep^'n. 

blàk-e:^-el  (Ji),  X,  se  dit  d'une 
chose  qui  n'est  pas  bien  fixée,  qui 
n'est  pas  mise  d'aplomb,  ou  qui  n'a 
aucune  stabilité,  tt  kero,  tn  ekel  âl  et 
â  blàk-e^-el.  —  Porter  à  blàk-e^-el , 
porter  quelqu'un  à  deux  sur  les 
mains  entrelacées.  — Au  fig.,  être 
à  blàk-e:(^el,  avoir  une  santé  chan- 
celante, être  menacé  d'une  rechute 
après  une  maladie,  être  entre  la  vie 
et  la  mort. 

blàkim] ,  -\-,  badigeonnage.  A 
Saint-Pol-ville,  conc.  :  blà/isaj. 

blàkhâ'w,  -\-,  badigeonneur.  A 
Saint-Pol-ville,  conc.  :  blàehœr, 
blàéisèiu. 

blàktr,  + ,  blanchir.  —  Badi- 
geonner, i  blàkUiue  in  mà^m.  A 
Saint-Pol-ville,  conc.  :  blàeir. 

blàkirïy,  +,  blanchisserie  (de 
toile).  Vieilli. 

blàkœr,  blancheur,  me  lèj  il  e  d'  an 
blàkœr  li  il  etèeel.  N'est  plus  usité 
que  dans  les  faub.  et  dans  la  banlieue. 

blàk-pâk,  -\-,  s.  f.,  dimanche  des 
Rameaux.  Concurremment  :  pak  o 
biUi.   —  Vieillis  à  Saint-Pol-ville. 

blàkrét,  +j  banqueroute,  faillite. 
Vieilli  à  Saint-Pol-ville. 

blâkrîitye,  +,  banqueroutier, 
failli.  Vieilli  à  Saint-Pol-ville. 

blà-kn  (â).  H-;  couper  un  arbre 
à  blà-kn,  le  scier  au  ras  du  sol  ou 
le  couper  avec  la  cognée  de  manière 
à  en  laisser  la  souche  (kfi)  en  terre. 
—  Même  sign.  :  â  blàe-tal  (Saint- 
Pol-ville). 

blà-mhske,  X,  hesperis  matrona- 


LEXIQUE   SAINT-POLOIS. 


43 


lis,  la  variété  ;\  fleurs  blanches.  — 
Même  sign.  :  dànià. 

hlà-tit,  X,  s.  m.,  personne  qui 
a  le  teint  pâle,  ou  l'air  maladif. 

bt^,  blet,  4-,  blet,  blette.  —  Au 
fig.,  (fn/hn  blet,  une  femme  molle, 
sans  énergie. 

bl?y,  X,  blé,  froment.  —  bl^ 
nôkàry  variété  de  blé  barbu.  —  ble 
dt  thrky  maïs.  —  ble  d*  éjbw,  pani- 
cum  Italicum.  —  ble  meyt  ou  vAyt, 
phalaris  canariensis.  —  ble  swàlœw, 
blé  mélangé  de  seigle.  —  pti  bley, 
blé  maigre.  —  ble  (T  àrvenùr.  Voir 
àrvènhr.  —  bl^  nwàr,  blé  atteint  de 
la  carie.  —  blê  bru:^y,  blé  mélangé 
de  grains  cariés  qui  le  noircissent 
(bràst).  —  Banlieue  :  blaè. 

blerôv.;  X,  pinceau  à  savonner  la 
barbe,  fait  avec  le  poil  du  blaireau. 
En  patois,  l'animal  se  nomme gn:(àr. 

bleyô,  -\-y  blé  petit  et  fort  maigre. 

blinWj  oty  -\-;  pe  blitno,  pain  dont 
la  mie  reste  molle  et  collante.  Le 
pain  devient  bliniô  lorsqu'il  est  fabri- 
qué avec  la  farine  de  blé  germé,  ce 
qui  arrive  souvent  quand  la  récolte 
est  contrariée  par  des  pluies  persis- 
tantes. —  S'emploie  aussi  dans  le 
même  sens  que  le  mot  bIP,  blet,  an 
pu'âr  blimbt. 

blimètàj ,  4-,  état  de  ce  qui  est 
blhnb.  Se  prend  ordinairement  en 
mauvaise  part,  kà  blimotàj!  n  àkàt 
pu  dt  €e  ptii'àr  lo,  rfo,  ^'  è  tu  jùs  bô  à 
mît  511  se  fye. 

blimotê,  -f ,  V.  a.  et  pr.,  rendre 
blimôy  devenir  blîmê.  de  pwàr  kl  s' 
blîmot. 

blîtttètùr,  +,  partie  blimôl  (d'un 


fruit). 

blhnâii,  (i'{.  \'oir  evlituffû: 

bltty  4-,  individu  mou,  indolent; 
fainéant.  —  Par  extension ,  niais , 
vaurien,  l^y!  i  àfï  5'  sàkre  blit  Pd 
dôdôr!  Vieilli  à  Saint-Pol,  ville  et 
faub.,  dans  cette  acception.  —  Se 
dit  amicalement  d'un  enfant  joufflu 
et  bien  portant,  œ  grô  blit.  —  Avait 
peut-être  autrefois  la  signification 
de  mendiant,  pauvre  diable,  car  une 
vieille  fenmie  ruinée  par  la  décon- 
fiture d'un  notaire  disait  :  me  nvϞ- 
i:^  hrwH-tî  kbr  ê  kœk  kbs  âpre  mi, 
Hstœr  î  rëstrô  blit. 

blo,  +,  billot  (de  cuisine,  de 
charcutier),  formé  ordinairement 
d'un  tronçon  d'arbre  ou  d'une  grosse 
souche  à  laquelle  on  a  adapté  trois 
pieds.  —  Au  fig.,  enfant  bien  por- 
tant et  très  lourd  pour  son  âge.  kœ 
blo  k'  €  e  el  efà  lo!  —  è  blo,  ou 
mieux  è  tàk  e  blo,  ensemble,  en 
gros,  en  un  seul  tas.  jt  l  e  hkàtï  â 
pôryô  e  tàk  e  blo.  —  A  Saint-Pol- 
ville,  conc.  :  blok. 

blèki,  +,  bloquer.  —  Par  exten- 
sion, et,  s  trtivwhr  blèke,  être  em- 
pêché (de  continuer  son  chemin, 
etc.),  par  la  pluie  ou  par  toute 
autre  cause  imprévue. 

blôke,  +,  petit  billot  {bld)  sur 
lequel  on  hache  ou  on  découpe  la 
viande.  —  Morceau  de  bois  qu'on 
enferme  dans  une  maçonnerie  à 
l'endroit  des  portes  et  des  fenêtres, 
afin  de  pouvoir  les  fixer,  les  clouer 
solidement. 

blôdTè,  blôdtiût,  X,  celui,  celle  qui 
a  les  cheveux  blonds.  Ne  se  dit  que 


46 


ÉD.  ÈbMONt. 


des  enfants. 

blâ'iï',  blœ^,  4-,  bleu,  bleue.  J^;( 
yti  bld'û-;  —  (t'n  rbb  blœ^;  —  de  blœs-e 
màràn;  —  œ  kÔtrô  d'  kâlmad  blàk  à 
blâ's-e  rwey.  —  Au  fig.,  fer  vtr  blâ 
à  quelqu'un,  lui  causer  un  éblouis- 
sement  en  le  frappant  sur  les  yeux. 
—  vtr  blàw,  se  tromper,  se  mépren- 
dre. /'  Ô  vu  blâû',  €  etœ  pà  lï.  —  et 
bhi'iu,  être  ennuyé  ou  tracassé  par 
un  événement  malheureux,  ne  savoir 
que  faire  pour  parer  à  une  situation 
fâcheuse,  bel  Ô/^  t  sem  blâiu  dpt  té 
€ejû  lo. 

bJœe,  +,  centaurea  cyanus;  c. 
montana. 

blâ'^  ou  blœs,  +,  s.  f.,  mensonge, 
bourde,  conte,  iï,  e  e  de  blœs  ek  te 
;//'  kdt  lo!  —  Même  sign.  :  kaktil, 
kiVâr,  kiil,  kràk. 

blœ^àt,  -f-j  bleuâtre,  œkotrôblœ/^àt. 

bJœ^r,  +,  V.  a.  et  pr.,  bleuir. 
è  V  b]œ:^€à  œ  mole  pu  for,  mi  lèj,  t 
sro  gràme  pu  bybw.  —  à  6  o  blœ:^  se 
me  en  ebrnci  d^  àkèr^â  né. 

bJiik,  +,  boucle,  de  sole  â  blûk 
d'  àrjè.  —  Même  sign.  :  àblnk.  — 
A  Saint-Pol-ville,  conc.  :  bék. 

blukèt,  -\-,  petite  boucle, 

blà^,  X;  et,  j'  met  dà  là  bln{,  se 
tromper  à  son  détriment,  mal  cal- 
culer son  affaire,  s'  bltiT^. 

blîix^.,  +5  tromper;  —  s  blu~e, 
se  tromper,  se  mettre  dans  la  gêne, 
s'abuser,  fen  /«'  enue  mi  blu'^  ci  ^' 
pii'è  lo,  sûpo{ ! 

bo,  +,  adj.  (fém.  bas),  subst.  et 
adv.,  bas.  œ  gârnefèr  bo;  —  de  plàe 
bas;  —  dhed^  par  e  bo;  —  el  bo  d'  œn 
pà);  —  €'  e  bo,  mn  om,  €0  k'  ofeje  lo. 


—  e  bo,  au  sud.  el  vè  et  e  bo;  —  £el 
plâv  âl  vye  d'  e  bo.  —  A  Saint-Pol- 
ville,  conc.  :  bà. 

bo,  +,  bois,  dans  ses  acceptions 
les  plus  ordinaires,  àkâtt  du  bo;  — 
dû  bô  mor ;  —  œ  plô  d'  bo;  —  hàeî 
du  muge  de  £  bo;  —  Hbàt  bo.  —  bé 
à  pye,  taillis.  —  bo  niuhr,  ou  plus 
fréquemment  nivàr  bo,  rhamnus 
frangula.  —  bo  d'  bre ,  viburnum 
lantana.  —  bo  d'  ko  ou  bàyb  d'  ko, 
viburnum  opulus.  —  bo  d' prêt,  evo- 
nymus  Europeus.  —  Au  plur.,  bo 
d'  œyet,  tiges  desséchées  du  pavot 
œillette,  dont  se  servent  les  ména- 
gers pour  chauffer  le  four.  —  Au 
fig.,  mbr  bo,  se  dit  d'un  fruit  sans 
saveur.  £e  pzvâr  lo  €  t  dû  vre  mbr  bo. 

—  £^  e  dû  bo  à  kbp,  se  dit  d'une 
personne  âgée  qui  vient  de  tomber 
malade  et  dont  la  vie  est  en  danger. 

bbw,  X,  s.  m.,  poutre,  aolâ-me 
€  kàrtd  lo  â  €  bbw.  Employé  dans 
ce  sens  concurremment  avec  le  mot 
smnyî.  —  Tronc  d'arbre  abattu  et 
dépouillé  de  ses  branches,  si  li  ^;( 
irem  nû^^  âstr  su  /  bb  la-bo  ?  —  Ban- 
lieue :  bébii-. 

bbbïn,  X,  bobine.  Concurr.  : 
bàben. 

-\\-  bbbbiv,  -\-,  ad) . ,  beau .  e  !  li  ^'  e 
bbbbw!  —  Bien  habillé,  k'  il  e  bobow, 
€  Y&neï  —  Au  fém.,  bWel.  ûyel  H  hl 
e  bebel,  eel  tit  fîfil!  —  Subst.  m., 
jouet,  objet  quelconque  paraissant 
beau  aux  enfants,  âkâte  de  bobow;  — 
œ  byb  bbbbw. 

bbbbs,  X,  subst.  des  deux  genres, 
bossu.  Se  dit  par  moquerie. 

bbf,    4-,  grosseur   au   dos  ou  à 


LEXIQUE  SAINT-POLOIS. 


l'estomac,  enflure,  saillie.  —  A 
Sa int-Pol- ville,  conc.  :  bas. 

/\V?,  4- .  Voir  bô5^. 

hôfety  -{-,  petite  bosse,  petite 
saillie.  —  Au  plur.,  pavés  défec- 
tueux, inégaux  ou  irréguliers  qui, 
si  on  les  employait,  ne  fourniraient 
qu'un  pavage  bô^ii,  raboteux. 

hô^ô.  Voir  bwtsô. 

hôeû^  «/,  +,  adj.  et  subst.,  bossu; 
—  raboteux,  inégal,  en  parlant 
d'un  chemin.  —  Conc.  :  bùsû,  tit. 

bédé,  bédés  (à  Ramecourt  :  bédet, 
fém.),  âne,  ânesse.  —  bôdè  d*  se- 
nikélà,  sorte  de  cavalier  en  pain 
d'épices  commun  saupoudré  de  non- 
pareille,  de  15  à  20  centimètres  de 
longueur,  que  l'on  fabrique  à  Saint- 
Pol  aux  approches  de  la  Saint- 
Nicolas.  Les  mamans  ne  manquent 
jamais,  le  jour  de  la  fête  de  ce  saint, 
d'en  déposer  un  ou  plusieurs  dans 
le  bas  (kè^)  de  leurs  bébés.  —  Au 


bédé  d!  se-nikôlà 

fig. ,  écolier  (ou  écolière)  paresseux, 
qui  n'apprend  rien.  //,  Ô  pœ  d'ir  ek 
t'  et  à'  riîd  bédé.  —  Adjectivement  : 


i  m  sTin  à  t-îr  k'  h  ftl  âl  i  kér  pà 
bédés  ék  r  àné  pà^y. 

bédé ,  4- ,  lit  de  sangle  pliant , 
qui  se  tient  ouvert  par  le  moyen 
de  deux  traverses.  —  Tréteau  sur 
lequel  les  btirh  mettent  le  linge 
mouillé,  pour  le  faire  égoutter.  — 
Chevalet  sur  lequel  les  mànâi'  éd 
mâeô  déposent  leur  bàk,  afin  de  le 
remplir  de  mortier  et  de  le  charger 
facilement  sur  l'épaule.  —  Le  gvé 
des  fagoteurs  est  quelquefois  appelé 
bédé. 

bédkû,  bédiikû.  Voir  bàdùkil 

bégé,  -f-,  battre  les  épis  des  gerbes 
sans  les  délier,  ébaucher  le  battage, 
en  quelque  sorte,  bégé  du  bley ;  — 
dél  pal  bégé.  —  A  Manin  :  ébéké.  — 
A  Fruges  :  eépè. 

bég^€y  -(-,  s.  m.,  bottes  de  blé  à 
demi  battues,  que  l'on  donne  quel- 
quefois aux  chevaux  et  aux  mou- 
tons. —  A  Manin  :  ebékU. 

békàl,  X,  bocal,  dé  békàl.  Le 
sing.  béké  est  aussi  employé.  — 
Banlieue  :  bûfel.  bàyé-mé  piir  e  su 
d  ée  €iik  là-^>é  de  V  bittèl. 

béké,  -\-,  bosquet.  —  A  Saint- 
Pol-ville,  conc  :  bôské. 

békiyô,  X,  bûcheron,  ^e  békiyô  i- 
àbét  é  prém  é€  bé  â  pyé.  —  Banlieue  : 
békiW. 

bé-kété  ou  bà-kété,  X,  espace 
compris  entre  la  chaussée  et  les 
fossés  d'une  route.  —  Même  sign.  : 
àkôtntà,  àkôtnil. 

bé-pàra.  Voir  byù-jè. 

bor,  4-,  bord,  dans  ses  acceptions 
les  plus  ordinaires,  œ  bér  éd  kàf>yow; 
—  élbérdée  fié.  —  Jupon,  iil  é  mi 


48 


ED.   EDMONT. 


5}  byè  bor.  Voir  hètrô.  —  Au  fig., 
parti  politique,  t  n  e  piuè  del  rnhn 
hbr  ek  se  pcr. 

bôrâs,  X,  s.  f.,  borax. 

borde,  -\-,  border,  dans  ses  accep- 
tions les  plus  ordinaires.  —  Appro- 
cher de.  /  bèrd  il  eekhcin. 

bôrdey,  -\-;fer  irn  bôrdey,  se  soûler. 

bèrdùr,  +,  bordure.  —  Au  fig., 
/  n  frœ  pà  bô  d'  h  frôte  a  5e  bôrdtir, 
il  ne  ferait  pas  bon  de  s'attaquer  à 
son  honneur,  de  froisser  ses  con- 
victions, etc. 

borUy  +,  borgne. 

bènie,  +,  sans  intelligence,  sans 
capacité,  en  parlant  des  personnes. 

bbrnibtis,  +,  s.,  borgne  (en  mau- 
vaise part).  —  Au  fig.,  bêta,  simple 
d'esprit;  maladroit. 

bèrmf,  -\-,  s.  f.,  soufflet  (sur  la 
figure),  tè-t,  do,  n  byè  f  ero  an  bèrmf. 

—  Même  sign.  :  baf,  fif,  kalot,  paf, 
pUimhs. 

bbrnifle,  appliquer  une  bèrmf. 
Usité  à  Manin. 

bos,  +;  ^'^  n  âviuâr  œn  bos,  être 
complètement  ivre.  —  Même  sign.  : 
Jéltir,  kii'it. 

bose,  +,  V.  a.  et  pr.,  bosseler, 
bossuer  ;  déformer,  œ  kôdrô  té  bosey. 
Employé  concurr.  avec  la  forme 
bofî. 

bèsho,  bèskot,  +,  s.,  bossu,  bossue. 

—  Par  extension,  individu  de  petite 
taille. 

bot,  -\-,  botte  (chaussure);  botte 
(de  foin,  paille,  légumes,  etc.); 
grande  quantité.  —  Au  fig.,  en  n 
âvwàr  h  bot,  en  avoir  sa  part  (de 
peine,    de  chagrins,  etc.).   sàkœ-n 


n  0  5'  bot. 

botw,  vessie.  Usité  à  Manin. 

botlet,  -\-,  petite  botte,  œn  botlet 
M  lârsô. 

bètlâ'w,  +,  botteleur. 

bothuàr,  +,  s.  m.,  terme  de 
tébàkyi,  bâti  à  clair-voie  servant  à 
botteler  les  mànèt  de  tabac  avant  de 
les  transporter  dans  les  magasins 
de  l'Etat. 

botyow,  X,  boisseau,  contenant 
autrefois  le  demi-quart  d'une  rti:{yer, 
et  aujourd'hui  la  dixième  partie 
d'un  hectolitre.  —  Son  contenu. 
œ  botyè  d'  pàmel;  —  tnue  botyÔ  d' 
sukrtô.  —  Par  analogie,  grand  cha- 
peau de  dame  de  forme  ancienne 
(époque  de  la  Restauration)  ;  ne  se 
disait  que  par  moquerie.  —  Ban- 
lieue :  botyéow. 

bous.  Voir  bàû. 

bèv,  X,  s.  f.,  lieu  souterrain, 
cave  profonde  taillée  dans  le  roc. 
Certaines  maisons  des  rues  d'Arras 
et  de  Béthune,  à  Saint-Pol,  possè- 
dent des  bèv  creusées  dans  l'émi- 
nence  sur  laquelle  était  bâti  l'ancien 
château. 

boyèt.  Voir  bàyet. 

boyow,  -\-,  boyau,  kro  bèyow,  rec- 
tum. —  boyè  (T  ko,  corde  à  boyau. 
—  boyè  d"  ko  ou  bo  d'  ko,  viburnum 
opulus. 

bô!  bô!  +,  exclam,  de  surprise 
et  en  même  temps  d'approbation 
ou  de  désappointement,  selon  le 
cas. 

bô,  bon,  +,  adj.,  bon,  bonne.  — 
es  fer  œ  bô  kor,  se  nourrir  d'aliments 
substantiels.  —  et  de  se  bon,  être  de 


LEXIQ.UE  SAINT-POLOIS. 


49 


bonne  humeur.  —  h  bô  triînh],  se 
dit  (ironiquement)  de  deux  époux 
qui  sont  continuellement  ensemble. 
—  Au  fig.,  V  i  ft  bô  (dans  une  mai- 
son), SCS  habitants  sont  dans  l'ai- 
sance, il  ne  leur  manque  rien.  — 
Banlieue,  conc.  :  bwe,  bwht.  —  A 
Lign y  -  Saint  -  Flochel ,  Marquay , 
Averdoingt,  Monts  -  en -Ternois, 
Gouy-en-Ternois  :  bwâi,  hwen. 

bôhàrdt',  +,  bombarder.  —  Par 
extension,  accabler  de  coups  (faub. 
de  Béthune).  tyâ!  sinô  k'  ij  m  àrtyâ, 
f  Û  bôbàrd'! 

bôbàsé,  +,  faire  bombance. 

-ff  bôbô^  bôlfoti,  X,  adj.,  bon, 
bonne,  e!  me  nènCy  €  et-î  bôbô!  — 
bôbô^  s.,  n'est  guère  usité;  on  em- 
ploie de  préférence  les  mots  ai^tik 
et  smttk.  Voir  ces  mots. 

bo€.  Voir  bo]. 

bôdî,  +,  pli  fait  à  une  robe  ou 
à  un  jupon,  afin  de  les  raccourcir 
ou  bien  de  les  orner. 

bô-dyûy  +,  crucifix.  —  tl  bô-dyil. 
Dieu ,  le  Saint-Sacrement.  —  A 
Saint-Pol-ville ,   concurr.  :  bô-dyœ. 

boj  ou  bo£,  +,  bonde  (d'un  ton- 
neau). 

bôfê,  -\-;  bôje  œ  tônow,  y  mettre  la 
bonde. 

bôjury  +,  bonjour.  Quelques 
individus  disent  btljur  et,  par  abré- 
viation, jur.  —  bôjnr!  X,  interj. 
marquant  le  doute  ou  l'incréduHté. 
dimef,  it  vho,  «(  e  prêdrô  en  pàeiy. 
îvèy  bôjîir! 

liotn,  X,  baume. 

/wî,  -}-,  s.  f.,  conte,  histoire 
fausse,  t  nû-n  nô  kôâ  an  hbn. 


Imi,  -f,  s.  m.,  borne  (d*un 
champ,  etc.).  on  Ô  k5jé  €  bon  H 
plàe.  —  Concurr.  :  Mr«,  fém, , 
forme  seule  employée  au  fig.  — 
Vieilli  à  Saint-Fol,  ville  et  faub. 

yon-dàm^   +,  atriplex  hortensis. 

bôrièy  -f-,  bonnet.  —  bôtû  rô;  voir 
tiirô.  —  boni  turnày  sorte  de  bonnet 
tuyauté  qui  ne  se  porte  plus.  On 
le  nommait  aussi  sàr-tet^  à  cause  de 
de  son  mode  d'attache.  Les  per- 
sonnes riches  d'autrefois  mettaient 
d'abord  un  serre-tête  blanc,  puis  un 
second  de  soie  noire  recouvrant  le 
premier  de  manière  à  laisser  voir 
sur  le  front  une  petite  bordure 
blanche,  et  enfin  le  bôré  tûrnà  de 
dentelles  qui  couvrait  le  tout.  — 
bône  d*  evek,  mitre;  partie  d'une 
dinde  rôtie  comprenant  les  deux 
cuisses  et  la  portion  du  corps  y 
attenant,  o  wardre  €*  bôriê  d*  evek 
pur  idnu.  —  bônè  £  prît,  fruit  de 
l'evonymus  Europeus.  —  A  Herlin- 
le-Sec  :  hôm  £  jedàrm^  aconitum 
napellus.  Voir  kàsk. 

boni,  X,  boni.  S'emploie  souvent 
dans  le  sens  d'âbôdnvà,  de  dre^l. 
Voir  ces  mots. 

bônifàs,  +,  homme  simple,  cré- 
dule. 

bôniklè ,  -f- ,  bonnet  de  peu  de 
valeur,  confectionné  sans  aucune 
garniture;  mauvais  petit  bonnet. 
œ  niêkà  bôniklé  d'  âryè. 

bonme,  X,  bonnement.  —  A 
Saint-Pol-ville,  conc.  :  bonmà.  — 
Banlieue  :  hônme,  bwénnu. 

bônom,  -|-,  pantin;  dessin  ou 
peinture  représentant  un  personnage 


KETCE   Des  FATOB.   —  4- 


50 


ED.    EDMONT. 


quelconque,  hnn  ok  i  se  fer  de  byô 
bdndm,  do. 

hon-pyh,  X,  gamine.  —  A  Saint- 
Pol-ville,  conc.  :  hbn-pyes. 

bontey,  -\-,  bonté.  Employé  conc.  : 
à  Saint-Pol,  ville  et  faubourgs,  avec 
la  forme  bôtèy;  dans  la  banlieue, 
avec  les  formes  bwentàe,  hwetà, 

hôswàr,  +,  bonsoir.  — Par  abré- 
viation :  iwàr.  Dans  la  banlieue, 
quelques  individus  emploient  le 
mot  bôvep. 

bd-tà,  +,  bien-être,  aisance,  cha- 
leur. —  Avoir  bô-tà,  faire  de  bons 
repas,  avoir  toujours  de  l'argent  à 
discrétion  afin  de  pouvoir  satisfaire 
tous  ses  goûts. 

bôvep.  Voir  bôswàr. 
bœ,  +,  bœuf,  œ  bœ,  de  bœ.  Quel- 
ques individus  disent,  au  plur.,  de 
bâf. 

bœde,  âne.  Forme  employée  dans 
les  environs  d'Hesdin,  de  Fruges  et 
d'Auxi-le-Château. 
bœfrwey,  X,  befîroy. 
bœl,  +,  beuglement.  €el  vak  àl 
vye  d' fer  œ  drol  de  bœl;  hwe  li  àl  o  ? 
Même  sign.  :  bœlme.  Les  personnes 
qui  veulent  bien  parler  emploient 
la  forme  bœlmà. 

bœlàj,  +,  s.  m,,  action  de  bœle. 
bœlàr,  bœlivàr,  +,  qui  bâ4,  en 
parlant  des  animaux;  —  braillard, 
en  parlant  des  personnes,  tîi  et  bœlàr 
lo  t  m  ïe£rd  pwe  dbrmïr  !  —  Même 
sign.  :  gœlàr,  gœlwar. 

bœle,  +,  beugler,  si  vyb  t  bœhue 
à  tnhr.  —  Brailler,   hurler.  Même 


sign. 

bœlmà,  bœhiie.  Voir  bœl. 


bâ'tor  ou  btitor,  -\-,  adj.  en  vàk 
bd'tor,  vache  qu'on  ne  peut  réussir 
à  avoir  pleine,  et  qui  est  conti- 
nuellement agitée,  souvent  furieuse, 
et  pousse  des  beuglements  sembla- 
bles à  ceux  d'un  ior  (taureau).  On 
l'engraisse  ordinairement  pour  la 
boucherie ,  et  il  est  à  remarquer 
que  sa  chair  est  rouge  et  de  même 
aspect  ûue  celle  du  taureau. 

bœvàp,  +,  buvable.  —  A  Saint- 
Pol- ville,  conc.  :  biivàp. 

bœvàj,  -\-,  boisson,  se  bœvàj  li 
kiit  pu  ker  ek  se  màkaj.  —  Par  exten- 
sion, soupe,  aliment  liquide  quel- 
conque, y  e  gràmè  pu  Jâr  del  ear  ek 
iû  €  bœvàj  lo.  —  Se  prend  généra- 
lement en  mauvaise  part.  —  Vieilli 
à  Saint-Pol-ville. 

bœvàtye,  +,  s.  et  adj.,  buveur, 
ivrogne,  véfyn  ?  pu  snvê  k'  €  e  pà  œ 
bœvàtye!  —  Vieilli  à  Saint-Pol-ville. 
—  Même  sign.  :  bœvœw. 

bœvàye,  X,  boire  (s'  àmû:^).  t 
rèvero  se  kàrtô,  do,  pas  t  vô  têdi 
bœvàye  par  ei  par  lo.  —  Vieilli  à 
Saint-Pol-ville.  —  BanHeue  :  bœvàlé. 
bœvà,  -\-;  du  ta  bœvà,  du  temps 
chaud,  altérant.  —  A  Saint-Pol- 
ville,  conc.  :  bûvà. 

bœvœw,  œ^.  -{-,  s.  et  adj.,  buveur, 
ivrogne.  —  A  Saint-Pol-ville,  conc.  : 
bâvœr,  buvœr,  bûvœw.  —  Même 
sign.  :  bœvàtye. 

bœvriy,  -H,  ribote.  sel  bett{  lo,  îl 
r  ofè  dèn  an  bœvriy.  —  Même  sign.  : 
rbstriy,  snlriy. 

hràs ,  -f-,  brasse,  mesure  prise 
avec  les  deux  bras  étendus,  équiva- 
lent à  cinq  pieds  (i  m.  65  c.  envi- 


LEXiatli    SAINT-I'ÛLOIS. 


$1 


ron).  c  pti  pàrfô  d'  dî  bràf.  —  A 
Saint-Pol-ville,  conc.  :  bras. 

bràeiy,  +,  brassée,  (en  bràei  <f 
Un;  —  ibn  bràei  d*  â/urty.  —  A 
Saint-Pol-vilIe,  conc.  :  bràscy.  — 
Même  sign.  :  brâfyô. 

bràflt,  +,  bracelet.  —  A  Saint- 
Pol-ville,  conc.  :  bràsli. 

brêUyôy  +,  s.  m,,  brassée,  œ  brà- 
£yô  (T  bo;  —  œ  bràeyô  d"  Iranien.  — 
Même  sign.  :  brà^ty. 

bradas ,  perte ,  action  de  bradé. 
Ô-l  r  hô  sàîâ  té  d'  sû'U,  nu  pîir^èowj 
kom  €èb  tj  tro  pwà  d'  bradas.  Usité  à 
Nuncq.  —  Voir  brhdrty. 

brade ^  +,  v.  a.  et  pr.,  gâter,  me 
pem  i  5'  bràdwet;  —  eltài  5'  brad'.  — 
Oter  de  son  prix  ou  de  sa  valeur  à 
une  chose  en  la  dégradant,  fé,  e  F 
kôpà  kom  €0,  t'  ô  bradé  €  inhrsyb 
d  bo.  —  Gaspiller,  fè  pwe  bradé  el 
ârjè,  îl  e  Ira  ràl  à  €  monië  et.  — 
Vendre  à  vil  prix,  brade  s'  mâreàd'î^; 
—  brade  V  metye.  —  Au  fig.,  s  bradé, 
en  parlant  d'un  ivrogne,  commen- 
cer à  être  soûl,  im,  nin  dm,  Ô  vi'i 
brade;  renaît  xv<-;-r.  —  brà^  sn  efà, 
le  gâter,  entretenir  ses  vices  et  ses 
défauts  en  ne  le  corrigeant  pas 
quand  il  en  est  besoin.  —  Même 
sign.  :  wàté. 

bràdèy,  +,  s.  m.,  enfant  gâté; 
expression  de  tendresse  et  de  cajo- 
lerie, œ  plî  bràdéy.  —  mot  à  grô,  me 
bràdèy.  —  Même  sign.  :  wâtéy. 

bradrty ,  + ,  action  de  brade  ; 
perte ,  déchet.  îj  0  gràmè  d'  bradrï  à 
€  mbrsyb  lo.  —  dôriè  à  l'  bràdrh, 
vendre  à  vil  prix.  —  A  Nuncq  : 
bradas,  perte,  déchet. 


bradai,  ér,  -f,  subst.,  celui,  celle 
qui  bràd',  qui  gaspille,  qui  n'a  pas 
d'ordre,  h  bràdyi  le,  1  perdre  tiUi 
5'  tàrfen,  dô!  —  S'emploie  aussi 
adjectivement,  hér  nû,  et  je  16  i  sot 
œ  môle  bràdyé,  i  ni  san  à  vtr. 

brà),  4->  grain  humecté  et  germé 
servant  à  la  fabrication  de  la  bière. 
Un  assez  grand  nombre  d'individus 
prononcent  bràe. 

bràjé,  -f-,  adj.,  altéré,  pourri; 
se  dit  particulièrement  du  bois  qui 
a  subi  l'action  de  l'humidité,  et  qui 
présente  un  commencement  de  dé- 
composition. Ainsi,  dans  une  meule 
de  fagots  restés  longtemps  à  l'air, 
ceux  qui  reposent  sur  le  sol  sont 
toujours  bra/'é,  et  leurs  redô  (pare- 
ments) se  cassent  nettement  et  sans 
grand  effort  comme  du  bois  pourri. 

bràje  (5'),  + ,  commencer  à  se 
décomposer,  en  parlant  du  bois 
exposé  à  l'humidité,  né  fàgô  i  s' 
bràjwet  de  €^  bo. 

bràjwhr,  + ,  germoir  (d'une 
brasserie). 

bràk,  +,  s.  m.,  écervelé,  étourdi, 
celui  qui  aime  à  faire  beaucoup  de 
folies  et  de  bruit,  se  brak  ed  gHreô  tl 
Ô  rfé  d'  lé  syen.  —  Adjectivement, 
il  it  ce  mole  brak.  —  A  Manin  : 
ébnàk. 

bràk,  instrument  servant  à  briser 
les  tiges  de  lin  avant  de  les  éktUe. 
Usité  à  Ramecourt.  Voir  tnâkwàr. 

bràké,  broyer  le  lin  au  moyen  du 
brak.  Usité  à  Ramecourt.  Voir  brèyé. 

bràkè,  -h,  changer  (une  voiture) 
de  direction,  brâke  à  driuàt. 

bràkô,  -h,  support,  morceau  de 


52 


i:d.  edmont. 


bràk. 


bois  que  l'on  place  sous  une  poutre 
dont  le  bout  commence  à  dépérir. 

bràôc,  +,  brasser  (la  bière).  — 
Au  fig.,  s'occuper,  je  n  se  mi  €o  k'  t 
bras,  k'  i  n  arvyl  pwe.  —  Tramer, 
machiner,  vlo  bye  en  œr  h'  i  btivelt, 
ee-ei;  kwe  k'  e  e-n  n  e  Ft  brast-e  lo? 

brâsŒiu,  +,  brasseur.  —  Con- 
curremment :  brHsœr. 

bràsrïy,  +,  brasserie.  Ne  se  dit 
que  du  lieu  où  l'on  fabrique  la 
bière. 

bràv,  +,  adj,  et  subst.,  probe, 
honnête.  —  Adj.,  bien  vêtu,  orné, 
habillé  avec  soin,  e!  kom  el  vlo  brài\ 
âvœ  5'  bel  ràbîytir!  —  s'  fer  bràv, 
mettre  ses  plus  beaux  habits,  faire 
toilette  de  manière  à  pouvoir  figurer 
avantageusement. 

bràvme,  +,  bravement,  coura- 
geusement. —  Naïvement.  U  6  aie 
lo  pu  s'  fer  bràvme  àtvHpe.  —  A  Saint- 
Pol-ville,  conc.  :  bravmà. 

brâvrîy,  X,  bravade. 

brâvtey,  X,  probité.  €'  e  5'  bravte 
li  al  V  à  mi  ddà. 

bràyâj  ou  brâlàj,  +,  s.  m.,  action 
de  brailler. 

brasàr^  X,  brancard.  Forme  em- 


ployée par  les  individus  qui  ont  la 
prétention  de  vouloir  bien  parler. 
niô  bràmr  dé  Cabriole  îl  e  kâse. 

bràk,  +,  branche,  dans  ses  accep- 
tions les  plus  ordinaires,  œn  braked 
seyû;  —  œn  grès  bràk;  —  tl  rtvyer  à 
s' pârtâj  lo  e  dœ  bràk. 

bràkàj,  X,  branchages.  Se  dit 
ordinairement  en  mauvaise  part. 

bràket,  +,  petite  branche.  — 
Par  extension,  petite  quantité  d'un 
végétal  quelconque,  œn  bràket  ed 
par  se. 

bràkn,  fis,  +,  branchu.  œnetfbr 
bràkû.  —  ey!  âl  e  byè  trô  bràkiis,  €el 
bàget  lo  I 

brale,  +,  agiter,  remuer.  —  Au 
fig.,  bràle  de  e  viàe,  être  sur  le  point 
de  perdre  sa  position  ou  sa  fortune. 

brcy,  -\- ,  s.  f.,  vase,  boue  qui  se 
dépose  au  fond  des  mares,  kh  de 
€%l  brèy. 

brèdtil  (ârvmr),  avoir  fait  une 
démarche  sans  succès  ;  n'avoir  rien 
tué,  en  parlant  d'un  chasseur. 

brele,  serrer  fortement  (un  meu- 
lon  de  foin)  avec  des  liens  de  paille. 
Usité  à  Manin. 

bren,    |-,  saumure  (?)  N'est  usité 


LEXIQUE   SAINT-POLOIS. 


53 


que  dans  cette  locution  :  sâl^  k^m 
hren. 

brhy  +,  pleurer,  crier,  gémir, 
se  lamenter.  Se  dit  des  personnes 
et  des  animaux,  kwe  k'  àl  o,  t' fil,  à 
brW  kom  fÔ  ?  —  £  kÔ  t  brL  —  Au 
fig.,  il  6  etèdû  (^n  vàk  brer,  mt  i  n 
,4  pu<e  de  kœl  hàv,  se  dit  de  quel- 
qu'un qui  entend  parler  vaguement 
d'une  chose  qu'il  voudrait  bien 
connaître,  mais  qui  ne  peut  y  par- 
venir; ou  qui  veut  se  mêler  à  une 
conversation,  après  avoir  saisi  quel- 
que lambeau  de  phrase  pouvant 
l'intéresser. 

brhîy,  -\-,  action  de  brer.  Même 
sign.  que  breyàj,  mais  d'un  usage 
moins  fréquent  que  ce  dernier  mot. 

brhyer^,  +,  bréviaire. 

bréyàjy  +,  s.  m.,  action  de  brer; 
pleurnicherie,  niô  dyti!  mô  dyti!  kà 
je  II   £   e  Ji  0  f  entré  îû  ^'  breyàj  lo  ? 

—  Même  sign.  :  brerty.  Voir  ce  mot. 
brÈyàr,  ywàr,    +,  subst.,  enfant 

pleurnicheur;  celui,  celle  qui  bre 
sans  cesse.  S'emploie  aussi  adjecti- 
vement. —  Même  sign.  :  breyu,  tis. 

—  Par  extension,  an  klèk  breywàr, 
une  cloche  qui  sonne  lugubrement. 

breyû ,  us,  +,  subst.,  pleurni- 
cheur, enfant  grognon,  tne!  me! 
vie!  :;àbet ,  kœ  lé  breyû  d*  efà  k'  et 
uh  k"  àl  0  !  —  S'emploie  aussi 
adjectivement.  —  Même  sign.  : 
breyàr,  yu'àr. 

bre^,  4-,  s.  f.  pi.,  braise.  N'est 
employé  au  sing.  que  dans  cette 
phrase  :  met  dhi  bre{  su  j'  pip  (pour 
l'allumer).  —  dé  jen  bre^,  même 
sign.  que  le  mot  brî^t.  —  Au  fig.. 


d?/  bre^y  de  l'argent. 

brh;etj  +,  s.  f.  pi.,  menue  braise 
{pn  brèQ  servant  à  emplir  les 
chaufferettes,  à  fh  dî  kuvè. 

bre,  X,   s.   m.,  matière  fécale. 

—  bre  d*  ôrel,  cérumen.  —  brl  d* 
àgàs,  gomme  du  pays,  que  sécrètent 
le  cerisier,  le  prunier,  l'abricotier, 
etc.  —  bre  d*  jiidà  (faub.  et  ban- 
lieue :  brê  d  judo),  taches  de  rous- 
seur au  visage.  —  Au  fig.,  œ  bre 
d'  tye,  une  chose  minime,  un  rien. 

—  œ  gré  mÔ  d*  bre,  une  personne 
d'un  embonpoint  e.xcessif  et  sans 
énergie.  —  tne  piuè  d*  brè,  il  ne 
se  laisserait  pas  marcher  sur  le  pied 
sans  protester,  sans  sàrbifi.  —  On 
dit  sous-ent  d'un  jeune  homme  qui 
fait  le  difficile  pour  se  choisir  une 
femme  :  t  kèro  se  nt  de  e'  brè  (ou 
de  €el  bàrnèy),  il  choisira  mal  et  sera 
malheureux  en  ménage.  — du  bre! 
exclamation  de  dépit,  d'impatience 
ou  de  mécontentement,  h!  du  brè! 
0  in  ebhe!  —  Faub.,  conc.  :  brâ\ 

—  banlieue  :  brè,  bre. 

brè,  +,  s.  m.,  chose  quelconque 
que  l'on  demande,  un  morceau  de 
pain,  par  ex.  Un  mendiant  {brèbctiù) 
se  présentant  à  une  porte,  dira  : 
bàye-m  œ  brè,  s  t  vu  pie!  —  Vieilli. 

brèbàle,  +,  mener,  porter  par- 
tout, me  œ  mole  £él  kuvH  16  de  f 
h\r  :  je  V  brebàl  kôtind'él.  —  Aller 
et  venir.  —  Se  dit  aussi  de  deux 
jeunes  époux  qui  ne  sont  pas  encore 
en  ménage  et  vont  alternativement 
demeurer  chez  les  parents  de  l'un  et 
de  l'aLtre.  —  En  parlant  d'un  ou- 
vrier, être  sans  ouvrage ,  ne  savoir 


54 


ED.    EDMONT. 


que  faire,  vlè  dœ  jnr  li  t  brlbalt  ti 
dd'ic.  A,  dans  ce  sens,  la  même  sign. 
que  le  mot  bàïôee.  —  s"  brèbàle,  se 
promener.  /  s  brèbâliue  de  €  hh  £  gô^è. 

brèbt',  -\-,  mendier,  vagabonder. 
Se  dit  surtout,  et  en  mauvaise  part, 
d'un  individu  qui  cherche  hgrujJè, 
à  se  faire  payer  à  boire,  à  mendier 
un  repas.  Vieilli. 

brèbâ'ii',  +,  mendiant,  vagabond, 
gueux,  quémandeur.  —  Par  exten- 
sion, celui  qui  demande  toujours, 
quoique  n'ayant  besoin  de  rien.  Se 
prend  ordinairement  en  mauvaise 
part.  —  S'emploie  aussi  adjective- 
ment. 

brèdvè,  + ,  eau-de-vie. 

brèd^è^ ,  X,  ivre.  I  j'  o  rènâle  œ 
mole  brèd^è^.  A  Ramecourt  :  brl^.  — 
Même  sign.  :  ros  ou  rost,  bû. 

brè^,-\-,  terme  injurieux,  femme 
grande,  mal  bâtie  et  d'une  intelli- 
gence peu  développée.  —  Même 
sign.  :  eàbràk  (x). 

brègà,  +  ,  mauvais  sujet,  garne- 
ment, vaurien,  coureur  de  rues,  te 
brègà  d' fyù  t  n  è  rhpir  pwè  an  bon. 
—  Se  dit  aussi,  avec  une  légère 
pointe  d'admiration ,  d'un  luron , 
d'un  enfant  espiègle,  hâ  biigà,  kœ 
eef  ek  eà  fe  €0  !  —  Adjectivement  : 
feje  àtèsyô  â  vu,  mè  gHr^Ô;  o  vne  rùdmè 
brègà,  i  ni5àn  à  vïr.  — Même  sign.  : 
bMl.  —  A  Saint-Pol-ville ,  conc.  : 
bfigà,  subst. 

brieodà),  -\-,  s.  m.,  action  de  bri- 
sbde.  âvœk  de  fokâs  Ô  n  fe  k'  du  brhô- 
dàj.  Vieilli  à  Saint-Fol  (x).  —  A 
Fruges  :  brtfodàj. 

brUode,  -J-,  employer  son  avoir, 


ses  denrées,  etc.,  à  des  choses  inu- 
tiles; gaspiller,  faire  de  la  mauvaise 
besogne.  Vieilli  àSaint-Pol  (x).  — 
A  Fruges  :  brtfôde. 

brU',-\-,  bride,  de  bridedeàbo;  — 
de  brid  ed  boue.  —  br\d  ed  drtigô,  bout 
de  ficelle  fixé  aux  deux  extrémités 
du  montant  d'un  cerf-volant  (dràgo), 
et  à  laquelle  est  lié  le  fil  qui  le  main- 
tient en  l'air. 

bridey,  -(-;  et  brtdèy,  porter  au  vi- 
sage, à  cause  d'un  mal  de  dents  ou 
d'une  fluxion ,  un  mouchoir  plié  et 
passé  sous  le  menton  comme  les 
brides  d'un  bonnet.  —  Par  exten- 
sion, avoir  mal  aux  dents. 

brîf,  -\-,  s.  f.,  gros  morceau,  œn 
brif  ed  pè  ;  —  œn  brtf  ed  vyàd'.  — 
Même  sign.  :  sîk,  klîp,  Jdipd,  trik. 

—  Absolument  :  portion  de  pain 
accompagnée  d'un  btirè  que  les  ou- 
vriers emportent  aux  champs  pour 
leur  âr^ine.  prèd'  h  bnf,  èpèrtes  brïf. 

brtfodà).  Voir  brhodaj. 

brtfôde.  Voir  brUÔde. 

brigàd\-\-,  brigade.  —  Par  exten- 
sion, grand  nombre,  œn  brigàdd'efà. 

brije,-\-,  V.  a.  et  pr.,  briser,  dans 
ses  acceptions  les  plus  ordinaires. 
i  brijrwe  ptito  tut  k'  t  5'  en  triae  d'  ui. 

—  par  de  kalœr  kbni  €0  €%  ble  i  brijt. 

—  €â  vu  brijwe  Vkœr  €0  k'Hl  râkôtwe 
lo. 

brij-fer,  -f,  enfant  qui  abîme, 
déchire,  casse  tout  ce  qui  lui  tombe 
sous  la  main;  qui  use  fort  vite  ses 
vêtements.  Se  dit  aussi  parfois  d'un 
brutal,  capable  de  tout  casser. 

brikal ,  s.  f.  pi.,  ou  br'tktô,  s.  m. 
pi., H-,  morceaux  de  briques  cassées 


LEXIQUE  SAINT-POLOIS. 


)) 


non  utilisables.  Se  prend  ordinaire- 
ment en  mauvaise  part. 

hïk(hl,  +,  s.  f.  pi.,  êtres  imagi- 
naires, sorte  de  croquemitaines  dont 
on  emploie  le  nom  pour  faire  peur 
aux  enfants,  ou  pour  les  empêcher 
de  sortir  le  soir,  si  Ù  n  jbk  pwè^  né- 
ft-t  â  tî  :  j' év  ft'l  tràp  M  gârfié  e  pi 
j'  àpèl  £i  brûhst.  —  Même  sign.  : 
lâtti:^y^  f.  pi.;  lôripèty  m.  sing. 

bnkàyô  ou  brikàlô,  -\- ,  morceau  de 
brique  pouvant  encore  servir.  S'em- 
ploie ordinairement  au  plur. 

bnkol,  -\-,  pièce  de  harnais,  etc. 
—  Terme  injurieux  qui  s'applique 
à  une  femme  peu  estimable,  à  une 
coureuse,  etc. 

bnkôlaj,-\-,  s.  m.,  action  de  bri- 
kùle. 

brikéle,  -\-,  commencer  un  travail 
et  ne  pas  le  terminer.  — Vivre  d'ex- 
pédients, vô,  il  Ô  du  mo  âsé  à  bnkôJè 
kàm  i  pœ. 

brikôlàw  ou  bnkôlye,  -f- ,  individu 
qui  brikol;  ouvrier  qui  ne  peut  res- 
ter longtemps  dans  le  même  atelier, 
qui  change  souvent  de  métier,  qui 
ne  sait  où  être  bien. 

bnktô.  Voir  brikal. 

bnktâw,  +,  briquetier.  A  Saint- 
Pol-ville,  conc.  :  bnktœr. 

Ml,  +,  s.  f.,  accroc  à  un  vête- 
ment, lambeau  d'étoffe,  loque,  aïe 
à  bnl.  —  Par  extension,  petite  par- 
tie, if  debàgâjt  an  bnl  à  viittr.  — 
V^ieiUi. 

briUi  ou  briya,  -f,  brillant;  — 
prospère. 

briJi  ou  bnyt,-\-,  briller;  —  pros- 
pérer. 


brilwàr  ou  briyu'àr^  -f,  s.  f.,  per- 
sonne qui  aime  les  bijoux  et  la  toi- 
lette, qui  veut  briller,  éclipser  ses 
compagnes.  //,  /^  /'  màrirwit  àvâk  dn 
brilwàr  kôm  el  ? 

brimet ,  -f ,  s.  f.  s.,  aliments  que 
l'on  emporte  des'  mù^t  lorsque  l'on 
travaille  au  dehors  et  qu'on  ne  re- 
vient pas  prendre  ses  repas  à  la  mai- 
son. IpèrÛ  i'  brimet. 

briiw,-\-,  pain  pour  les  chiens  fait 
avec  un  mélange  de  farine  et  de  son. 
—  Par  extension,  pain  de  mauvaise 
qualité  ou  mal  réussi,  àvâk  dîl  ji 
kôm  €0  Ô  n  pœ  jàme  fer  ek  du  brinô. 

brtsky  X,  galon  indiquant  le  grade 
ou  l'ancienneté  (dans  l'armée).  — 
œn  vyel  brisk ,  un  vieux  soldat  che- 
vronné. Même  sign.  :  vyu  brisko. 

briskMà],-\-,  s.  m.,  état  de  ce  qui 
est  briskàdk 

briskadè,  + ,  gâter,  abîmer,  briser. 
/'  e  œ  tu  né  grùjtye  je  brhkàde  d'  eel 
ârniï  (f  ore.  —  me  salo  d'  dm  /  m'  âfô 
tu  briskâdè  me  nwlë  d*  mena]. 

brisko  y  X;  vyû  (ou  vyœ)  brisko, 
vieux  soldat  à  chevrons.  Voir  brisk. 

brisko,  X,  petit  morceau  de  bois 
d'environ  dix  centimètres  de  lon- 
gueur, servant  à  jouer  au  but  (ou 
au  brisko).  Voir  but.  —  En  langage 
libre ,  membre  viril.  —  Avant  la 
Révolution  :  brisko,  mesure  de  capa- 
cité de  la  contenance  d'un  botyb.\o\r 
ce  mot. 

bro,  +,  bras,  àvwàr  mb  H  se  bro; 

—  viv  ed  se  bro;  —  It  brb  d*  à-n  krwe. 

—  Au  fig-,  àvîvàr  d  brb  kâse ,  être 
découragé,  perdre  son  énergie  par 
suite  d'un  événement  malheureux 


56 


ED.    EDMONT. 


OU  d'une  mauvaise  nouvelle.  — 
N'est  plus  guère  employé  à  Saint- 
Pol-villc. 

bro-â-trwe,  +,  sorte  de  trâéye  ser- 
vant à  atteler  trois  chevaux  de  front, 
surtout  pour  labourer.  Peu  usité  à 
Saint-Pol-ville. 

brôdàj,  +,  s.  m.  pi.,  menteries. 

brode, -\-,  broder  (sur  une  étoffe). 
—  Mentir. 

brÔdœ{,  -{-,  brodeuse.  —  brodâid, 
œ{,  menteur,  euse.  fô  mt  /;^  âMte, 
€  e  tu  brodœ^. 

broje-tûtâr,  +»  subrogé-tuteur. 
Forme  employée  par  un  grand  nom- 
bre d'individus. 

brok,-\-,  s.  f.,  cannelle  (d'un  ton- 
neau). Vieilli.  —  Grosse  cheville  de 
bois  que  l'on  met  à  un  tonneau  en 
guise  de  cannelle  et  que  l'on  enlève 
chaque  fois  que  l'on  veut  tirer  une 
partie  du  liquide  qu'il  contient.  — ■ 
à  brok,  en  perce,  met  œ  tônô  d'  €td'  à 
brok.  —  brbk  à  Un,  f.  pi.,  morceaux 
de  fer  terminés  en  lame  de  couteau 
qui  servent  à  maintenir  tendues  les 
Un  (cordeaux)  des  couvreurs  et  des 
maçons.  —  brbk,  s.  m,  pi.,  dents. 
îl  b  dû  yeye  à  se  ti  brok. 

brbkàr,  +,  s.  m.,  dent  canine, 
longue  et  pointue,  du  chat,  du  chien 
et  de  quelques  autres  animaux.  t;( 
dô  !  €  tye  lo,  si  k^  i  f  herdrwe  àvœ  se 
brbkàr  !  —  Par  extension  et  par  mo- 
querie, dents  d'une  personne,  lors- 
qu'elles sont  un  peu  longues.  — 
Familièrement,  de  peti  brbkàr,  les 
dents  d'un  enfant.  —  Voir  brbk. 

brbkàtàiu,  œ\^,-\-,  brocanteur.  Peu 
usité. 


brbke,-{-,  V.  n.,  poindre,  commen- 
cer à  se  montrer,  en  parlant  d'une 
dent  qui  perce  ou  d'une  céréale  qui 
lève.  îl  b  dejb  dâ  de  kî  brokt;  —  nie 
swhl  f  kmh  à  brbke.  —  V.  a.,  couper 
mal,  déchiqueter  ce  qui  devrait  être 
tranché  nettement.  On  brbk  ce  que 
l'on  veut  couper  en  se  servant  d'un 
outil  mal  affûté,  i  n  etwî't-te  piue 
kbpe,  €e  rheen,  e  ttwe  brbke. 

brbk-epen,  +,  rhamnus  catharcti- 
cus. 

brbket,  +,  verge  des  petits  gar- 
çons. Même  sign.  :  btbet,  bibtt,  bitlo. 

brbkrœ,  +,  bâton  ou  traverse  ser- 
vant à  maintenir  les  pieds  d'une 
chaise;  — degré  d'échelle.  Emplo3'é 
concurr.  avec  la  forme  brœkrœ.  — 
Même  sign.  :  béjô.  Un  brokrœ  d'ekel 
se  nomme  aussi  ekeyô. 

bras  {/  e),-\-,  locution  marquant 
une  déception,  ej  kôtwe  d'  àr-etivwHr 
Ib  grànie  d'  àrjè,  me  e  e  brbs  piir  nn 
kbr  œ  kbw. 

brbse,  brosser.  Voir  brÛ£e.  —  Au 
fig.,  X,  donner  une  brosey.  —  j'  brbse 
r  vàt ,  regarder  les  autres  manger, 
passer  sous  la  table. 

brbsey,  X,  volée  de  coups  de  poing 
ou  de  bâton.  —  Banlieue  :  brbsàé.  — 
Môme  sign.  :  dejtlèy,  dél,  tbréeùr, 
pli,  ràkley,  rhtir,  tattil,  trtpotèy,  tuyùr. 

brbske,  +,  brodequin. 

brosœr,  X,  brosseur.  —Banlieue, 
conc.  :  broseû). 

brbye,  +,  broyer.  —  Par  exten- 
sion, et  tu  brbye,  être  harassé  de  fa- 
tigue, ressentir  des  douleurs  par  tout 
le  corps.  —  A  Saint-Pol-ville,  con- 
curr. :  brwàye.  —  brbye,  X,  briser 


LEXIQUE    SAINT-POLOIS. 


57 


les  tiges  du  lin  avec  le  mâkwâr,  avant 
de  les  ^kiU^.  A  RatîK'COurt  :  brâla. 

hrôetk,  X,  bronchite. 

hron,-\-,  figure  grasse  et  joufflue. 
//  (1  (t'n  rtid  hrôn,  te  fyûy  à  vw^  k'  t  ttièj 
^ràitiè  (T  li  huit. 

brôtjô,  +,  coup  sur  le  visage,  et 
par  extension  sur  une  partie  quel- 
conque du  corps,  fàvd'  k'  à  pà  l  àli, 

/'  hœ  pà  r€û  €  brÔDÔ  Jo. 

brœen,-\-y  bruine,  b  shnfefrt  (T  eel 
brœen.  —  Au  fig.,  semonce,  répri- 
mande, àl  grul  à  tntir,  stirtn  dpi  eel 
brœen  k'  h  mer  à  l  Ô  bàÏÏ  brh.  —  A 
Saint-Pol-ville ,  conc.  :  bruen.  — 
Vieilli  dans  le  sens  figuré. 

brdnnàjy  -f,  s.  m.,  action  de  bré- 
ine.  Peu  usité. 

brd^nè,  +,  bruiner,  âvœk  tn  ^o,  t 
brœen  tudt,  tnô  ?  —  A  Saint-Pol-ville, 
conc.  :  bruiné. 

brœkrœ,  +,  bâton  de  chaise,  etc. 
Voir  brôkrœ. 

brœn,  +,  s.  f.,  tombée  du  jour. 
01  àvô  er£e  sk'  à  /'  brœn.  —  A  Saint- 
Pol-ville,  conc.  :  brun. 

brênat,-}-,  brunâtre.  On  dit  aussi 
brœnàt. 

brœmt,-\-y  s.  f.,  presque  la  brune, 
un  petit  espace  de  temps  avant  la 
brune.  /  ire  vu  inr  â  V  hrœnet.  — 
Jeune  fille  brune,  œn  tit  hrœnet.  — 
On  dit  aussi  brœnef.  — A  Saint-Pol- 
ville,  conc.  :  brwû't. 

brântèy,  -f-,  s.  f.,  temps  brun, 
obscurité,  épaisseur  de  la  nuit,  d'  el 
brœnte  k'  ijejwe,  f  m'  e  trôpe  d"  pyesèt. 

brœvà],-\-y  aliment  liquide;  se  dit 
spécialement  de  la  nourriture  pré- 
parée pour  les  bestiaux  et  qui  a  pour  i 


base  le  son  ou  Vàrbtilt  délayé  dans 
de  l'eau ,  le  tout  versé  bouillant 
sur  des  racines  fourragères  coupées 
(fikt^)  en  menues  lanières. 

brœvyer,  bruyère  (plante).  Usité 
à  Manin. 

brd':^tl,  -|-,  soupe  au  pain.  Voir 
bàr:iîl. 

brœy  brœn, -\- y  adj.,  brun,  brune. 
el  brœ  vep.  —  Subst.,  œ  brœ,  en  brèn. 

—  A  Saint-Pol-ville,  le  fém.  brœn 
est  employé  concurr.  avec  la  forme 
brun. 

brùayèt  ou  bnUiyet,  X,  s.  f . , 
menu  bois,  brindilles  ramassées  dans 
les  bois,  les  vergers,  etc.  an  bure 
d'  brùeiyet.  —  Quelques  vieillards 
emploient  les  formes  brùeilet,  brtui- 
[èt. 

brûèn,  bruine.  Voir  brœen. 

brùlàJ,-\-,  s.  m.,  action  de  brûler; 
état  de  ce  qui  brûle;  chauffage,  du 
bo  €  et  œ  pti  brtilàj  dèn  œ  pwal.  — 
Eclairage,  s'  et  œ  byô  brûlàj,  du  ga^, 
nié  €  %  k'  €à  but  kèr  ker. 

brûle,  +,  brûler,  dans  ses  accep- 
tions les  plus  ordinaires,  —  Être 
tout  près  d'un  objet  caché  que  l'on 
cherche. 

brûlèy,  X,  s.  f.,  quantité  (de  café) 
torréfiée  à  la  fois  dans  un  brûloir. 

brulèyy-\-,  adj.,  en  parlant  des  per- 
sonnes, pressé,  impatient,  actif,  qui 
voudrait  voir  la  besogne  terminée 
sitôt  que  commandée,  dé  je  brûler. 

—  tï,  t'  e  tudt  brùley. 

brûle,  -f-,  s.  m.,  vieux  linge  ou 
bois  mort  à  demi  brûlé  et  étouffé 
dans  une  petite  boîte  de  cuivre  ou 
de    fer-blanc.    Le    brûle   tient  lieu 


58 


ED.    EDMONT. 


d'amadou  aux  campagnards.  —  bwât 
â  hrulè,  boîte  de  métal  contenant  le 
brùlè.  —  Odeur  de  hrtilè,  odeur  de 
linge  brûlé.  £â  se  riidnâ  l"  brûle  Ut  : 
jn  k'  t  n   trwe  du  fii  kœk'  par  ? 

brùl-gœl,  +,  s.  m.,  pipe  très 
courte. 

hridœw,  +,  incendiaire,  œ  brûla 
d'tiiâ:(p;  œ  brûlœ  d'  viwey. 

brus  ou  brtisk,  +,  brusque. 

bru,-}-,  broc,  œ  brn  d"  Àd'  j  œ  bru 
d'  yoif. 

bruàè,  petite  pluie  de  peu  de  du- 
rée, ïl  0  kéâ  en  ût  brûàè  F  àl  fro 
rûdmè  dû  bye.  Usité  à  Siracourt. 

brébrû,  -\-,  s.  m.,  individu  qui 
gesticule  beaucoup,  qui  se  monte 
pour  un  rien.  S'emploie  aussi  adjec- 
tivement. —  Même  sign.  :  brà-e. 

briif ,  -\-,  s.  f.,  brosse,  œn  brîi£  à 
6ole.  —  Balai  de  crin  ;  gros  pinceau 
à  long  manche  servant  à  badigeon- 
ner, mè  blàkieàiu  il  oblî  tédî  se  bré-e. 
—  A  Saint-Pol-ville,  conc.  :  bras. 

brûe ,  -\-,  s.  m.,  individu  qui  se 
monte  pour  un  rien,  qui  gesticule 
beaucoup,  kœ  brii£  J'  dm  k  al  o!  — 
S'emploie  aussi  adjectivement.  — 
Même  sign.  :  brnbrti. 

brille,  -f-,  brosser,  i  brti-ewe  s' mà- 
rbn.  —  A  St-Pol-ville,  conc.  :  brose. 

bréeiyet.  Voir  brûAyet. 

bréîr,-\-,  bruire.  Forme  employée 
par  un  assez  grand  nombre  d'indi- 
vidus. 

brûl,  X,  brouille.  Même  sign.  : 
brulrïy,  bi'uyàj. 

brulrîy,-\-,  brouille.  Même  sign.  : 
brill  (x),  bruyâj.  . 

brûl-tnt,-\-,  brouillon  (personne). 


brésâl,  -f-,  broussailles. 
brmàyœw,  +,  couvert  de  brous- 
sailles, œ  rèdyè  brésàyàhi'. 

brtit,  -f,  pain,  aie  ker  dû  brut. 
brî1tà),-\-,  s.  m.,  action  de  brute. 

—  œ  byb  bréla],  commodité,  facilité 
pour  bréte. 

bréte,  +,  transporter  dans  une 
brouette,  et,  par  extension,  dans  un 
véhicule  quelconque,  àlô,  môte  de 
m'  kàret,  ej  vu  brûtre  œ  bû.  —  h  fer 
brute,  se  faire  conduire  en  voiture. 

—  Au  fig.,  flcâner,  aller  de  droite  et 
de  gauche,  être  toujours  en  quête 
de  nouvelles,  edû  li  €  ek'ile  remue 
brute,  do,  s  grà  bHlôfàr  lo  ? 

brutèy,  X,  charge  d'une  brouette, 
en  brute  d'  hfûrey;  —  œn  brute  d' fyè. 

—  Banlieue  :  brutae,  brûtàè. 
brutèyet,  +>  petite  brutèy.  œn  bru- 
tèy et  ed  £ed'. 

brutèiv,  œ^,  -\- ,  celui,  celle  qui  brut. 

—  A  Saint-Pol-ville,  conc.  :  brutœr. 
briiyàj,  X,  s.  m.,  brouille,  n  o  œ 

môle  d'  brûyàj  èter  œ-w.  —  Banlieue  : 
brulaj.  —  Même  sign.  :  brûl  (x), 
brûlrïy. 

bn\àj,  +,  s.  m.,  action  de  bn\e. 
Peu  usité. 

bruxe,-\-,  V.  a.  et  pr.,  noircir,  sa- 
lir, barbouiller,  t  s'  o  bruT^à-e  mur. 

—  vufb  eûkre  vu  It  buU  avœk  del  kàs- 
tônàd'  blàk,  pas  âvœk  del  rus  o;(  ère  dû 
lé  buli  bru:^y.  —  bïï  bruzey,  blé  sali  par 
des  grains  cariés.  —  pe  bru-^y,  pain 
fait  avec  de  la  farine  de  bû  bru:(ey. 

bn\nr,-\-,  noircissure,  souillure, 
saleté. 

bû,  -f ,  ivre.  /'  etîve  bû.  Employé 
surtout  par  les  individus  qui  veulent 


LEXIQUE  SAINT-POLOIS. 


59 


bien  parler.  —  Môme  sign.  :  brld:^^^, 
rost. 

hùf,-\-,  s.  f.,  tuyau  de  poêle  ;  con- 
duit ou  tuyau  en  terre  cuite.  —  A 
Saint-Pol-ville,  conc.  :  bû'h.  —  Par 
analogie,  se  dit  plaisamment  d'un 
chapeau  à  haute  forme,  m^t  h  bue. 

—  bu€y  dent  de  fer  d'une  er€  à  bti€. 
Voir  tr€. 

bÙ€ô^  -I-,  bouchon  (à  bouteille). 

—  A  Saint-Pol-ville,  conc.  :  hu£d. 
bu€ô,-\-,  buisson;  touffe  d'arbris- 
seaux sauvages.  —  Buisson  épineux 
isolé  dans  les  champs  et  servant  de 
borne,  el  bneô  (T  fc  dij-ûnt.  —  Partie 
de  bois  d'une  certaine  étendue,  ee 
bÙ€Ô  â  ran. 

bùfô-ârdà.  Voir  bdnsô-cirdà. 

bùfôrie,  +,  pousser  en  buisson. 
Peu  usité. 

btiftrty,  X,  buffleterie. 

bùk,  +,  très  petite  parcelle,  mi- 
nime quantité;  —  grain  de  pous- 
sière, etc.,  pouvant  se  trouver  à  la 
surface  d'un  liquide  ou  dans  l'œil 
d'une  personne,  n  ô  de  bùk  de  me  le; 

—  y  è  œn  bùk  de  mn  œl.  —  Négati- 
vement, piul  en  bùk,  nullement,  pas 
du  tout,  ej  n  Ùwe  pwè  œn  bùk  V  Ide 
d"  fer  fb.  —  nô  pu  an  bùk  ed  karbô 
de  €*  pLi'àl.  —  Même  sign.  :  berlùk. 

bùkâj,  +,  tapage  causé  par  les 
coups  que  frappent  certains  ouvriers 
pendant  leur  travail,  ou  par  les  en- 
fants quand  ils  jouent,  tu  €  bùkàj  lo 
eà  m  hiiî. 

bùkàr,  bùkii<àr,-\-,  celui,  celle  qui 
bùk.  —  Enfant  qui  joue  trop  bru- 
yamment (avec  une  planche,  un 
marteau,  par  ex.),  t  jékrô-t-î,  do. 


i  bukhr  Jb  ?  —  Même  sign.  :  bùkâw^ 
œ{.  —  Vieilli  à  Saint-Pol-ville. 

bùhèy  -f ,  frapper,  heurter,  reten- 
tir, f  àw  bùkt  trué  fué  â  el  ne.  — 
il  tônwàr  Ô  lé  bùkê  œ  rhd'  kow.  — 
Battre,  hl  bùkwe  se  gùreô  diir  tferm. 

—  5'  bùké,  se  battre.  —  Lancer  la 
seconde  kùl.  Voir  but  {j-d'i  0). 

bùkèt,  +,  petite  bùk.  œn  bùket  td 
€Ùk.  —  tiri  à  r  bùket,  tirer  à  la  courte 
paille.  —  Au  fig.  bùlût.  pi.,  argent. 
byèn  ûrœ  d'  Hvu'Hr  râ  me  bùket.  — 
S'emploie  quelquefois  au  sing.  an 
tit  bùket,  un  peu  d'argent,  si  K  i  pôr- 
■we  kbr  ràvu'àr  eel  th  bùket  lo,  â  tu 
r  mu'è.  —  On  dit  d'un  individu 
avare  ou  économe ,  ou  bien  d'un 
marchand  qui  vend  cher  :  /  n  don 
pwè  se  bùket. 

bùkœw,  œ^.  Voir  bùkàr. 

bùkii'àr,-\-,  s.  m.,  tronçon  de  su- 
reau dont  on  a  retiré  la  moelle,  et 
dans  lequel  les  enfants  introduisent 
deux  balles  d'étoupe  ou  de  papier 
mâché,  dont  l'une,  poussée  avec  un 
petit  bâton,  chasse  l'autre  avec  bruit. 

—  Même  sign.  :  kânô.  • 

bùlti,  -f ,  bluter. 

bùltrty,-\-,s.  f.,  endroit  d'un  mou- 
lin où  se  trouve  le  bùltwàr. 

bùltwàr,  -f,  blutoir. 

bùo  ou  bùyÔ,-\-,  fuseau,  chargé  de 
fil  ou  non.  —  Partie  du  conduit 
d'une  cheminée  qui  dépasse  le  toit. 
œ  bùè  d  kminèy. 

bùr,-\-,  beurre,  dû  blà  bùr,  dû  bùr 
gan.  —  Au  fig.,  fer  se  bùr,  faire  de 
bonnes  affaires,  amasser  beaucoup 
d'argent.  —  A  St-Pol-ville,  conc.  : 
bœr. 


6o 


ED.    EDMONT. 


btiràdrïy.  Voir  btirly. 
bures,  +,  femme  qui  fait  la  les- 
sive (lessiveuse),  f  e  dé  biires  à  s  môme 
£î.  —  âvwâr  an  là^  M  bures,  être  ba- 
varde h  l'excès. 

btire,  +,  s.  m.,  portion  de  beurre 
distribuée  dans  les  fermes  aux  do- 
mestiques, î/r^,  varie,  nûken,  etc. 
Les  btire  sont  préparés  d'avance,  et 
on  leur  donne  en  petit  une  forme 
semblable  à  celle  des  pièces  de 
beurre.  —  Vàsey,  qui  sert  à  faire 
apprécier  aux  acheteurs  le  goût  et  la 
qualité  du  beurre  porté  au  marché , 
porte  également  le  nom  de  bure. 

bùrïy,-\-,  buanderie.  Quelques  in- 
dividus, croyant  bien  parler,  em- 
ploient la  forme  bûràdrïy.  —  Vieilli 
à  Saint-Pol-ville. 

bùryer,  -f,  s.  f.,  œn  bon  buryer, 
une  vache  dont  le  lait  est  riche  en 
beurre ,     en    fournit    relativement 
beaucoup. 
bus,  X,  buse. 
btis,  X,  buste. 

but,  -f-,  but.  — jive  0  but  ou  au 
^m^o,  jouer  au  bouchon.  Ce  jeu  con- 
siste d'abord  à  étape  sur  le  sol  un 
brhké  ou  un  simple  bouchon  sur 
lequel  on  dépose  les  enjeux.  Chaque 
joueur,  préalablement  muni  de  deux 
kùl  (palets),  se  met  ensuite  à  la 
distance  indiquée  et  commence  par 
plàee,  ou  jeter  la  plus  légère  de  ses 
deux  kùl  de  manière  à  la  faire  tom- 
ber h  plat  le  plus  près  possible  du 
bttt;  puis  il  bfik  avec  la  seconde  kul, 
c'est-à-dire  qu'il  la  lance  avec  force 
contre  le  brhko  de  manière  à  le 
chasser    au    loin    tout    en    faisant 


tomber  l'enjeu  à  l'endroit  où  il 
était  placé.  La  mise  appartient  à 
celui  dont  la  kiil  en  est  le  plus  près. 
Si  le  brisko  n'est  abattu  par  aucun 
des  joueurs,  on  fait  une  àrmi^  (on 
double  la  mise)  et  l'on  recommence 
la  partie.  La  mise  et  les  àrnvi^^  suc- 
cessives font  un  byb  klnk  pour  celui 
qui  parvient  à  les  gagner.  —  fer  o 
but,  abattre  le  brisko;  par  analogie, 
culbuter  une  chose  quelconque. 

but,   +,   butte.  —  tire  à  V  but, 
tirer  à  la  cible. 
butor.  Voir  bœtor. 
btivà,  altérant.  Voir  bœvh. 
bûvâii'.  Voir  bâvœw. 
bùyo.  Voir  bùo.  —  Au  fig.,  ce  kûr 
bûyo,  -\-,  une  toute  petite  personne 
bien  portante.  Mêmesign.  :  œkûrbîl. 
bù:(àj,  -f-,  s.  m.,  action  de  bu:<^. 
Se  prend   ordinairement   en  mau- 
vaise part. 

bû:{àr,  bti^iuàr,  -\-,  subst.,  celui, 
celle  qui  bti^.  —  S'emploie  aussi 
adjectivement. 

biiT^e,  -f-,  penser,  réfléchir,  avoir 
l'esprit  fortement  préoccupé,  à  tédi 
bû^è  kàm  £0  0^  âve  ptir  sœr  kœk  kos  : 
dije-me-l  V  e. 

bû:{yow,  -\- ,  biseau.  Forme  em- 
ployée par  un  assez  grand  nombre 
d'individus. 

bu,  -f,  bout.  —  bé  d' om,  homme 
de  petite  taille.  —  œ  km  bû,  une 
petite  personne.  Voir  bûyo.  —  bu  d' 
ta,  espace  de  temps.  —  à  tn  bu  d' 
€à,  constamment.  —  o  bû  du  kot, 
b  bu  d' tut,  après  tout,  en  définitive. 
kwe  k'  €  é  F  0  vole,  Ô  bû  dû  kàt  ?  — 
Ô  bû  d'  tut,  enô,  e  e  mn  om. 


LEXIQ.UE  SAIKT-POLOIS. 


6l 


-ff  bubue.  Voir  bulmk. 

-jf  hubuk,  +,  bouche  des  enfants. 
è  kuédôk'ôlô  tiii  d^  s'  bâbuk,  â  i 
réu}  lô?  —  A  Saint-Pol-ville,  conc.  : 
huhuf. 

-ff  bubul,  X,  bouillie. 

-ff  hubury  X,  ventre  des  petits 
enfants.  /'  Ô  du  yèye  â  te  bubtir,  mè 
pti£è!  Même  sign.  :  huderlo. 

bubury  s.  m.,  torche  de  paille 
pour  burdè.  Voir  burbur. 

hiUty  +,  V.  a.  et  pr.,  boucher. 
âvii'àr  se  riè  biUÈy  X,  être  enchifrené. 

bu€tyy  -{-,  bouchée,  an  btUi  S  pe. 

bu€-tniy  X,  vitrier. 

-ff  bâderlo,  X,  ventre  des  enfants. 
—  Même  sign.  :  bùbur. 

biidiràyy  +,  s.  f.,  festin  qu'il  est 
d'usage  de  donner  à  ses  amis  lorsque 
l'on  a  tué  un  porc.  Même  sign.  : 
trt^y.  —  bâdîriey,  plat  de  boudin. 
Ô^  àrpèrtre  œ  mèîè  i  budité  â  vu  mer, 
€à  ît  fro  pl^. 

bùdkû.  Voir  bàduhl. 

bufty  4-,  manger  gloutonnement. 
Même  sign.  :  bâfre,  galufê. 

bujey,  +,  bouffée;  —  lubie. 

bufu  ou  IntfUy  +,  bouffi,  gonflé. 
Se  dit  surtout  d'un  malade  qui  a  le 
visage  enflé,  ou  d'un  ivrogne  à  la 
face  tuméfiée  et  bourgeonnée.  —  A 
Saint-Pol-ville,  conc.  :  buft,  bufi. 

biifàùy  â^y  -f ,  glouton.  Même 
sign.  :  gàlà/y  gàlfifàr,  làbaf. 

bùfàù-y  -j-,  adj.,  se  dit  du  vent 
quand  il  soufile  par  boufiées.  el  ve 
il  e  lérjbr  bùfà'w. 

bugônàr,  nwàry  +,  celui,  celle 
qui  bougonne  sans  cesse. 

bugTy    bàgres,    -|-,   subst.,    terme 


d'injure  ou  de  mépris  sans  signifi- 
cation précise.  —  A  Saint-Pol-ville  : 
œ  bô  bugTy  un  bon  garçon,  un  luron. 

—  La  forme  bugir  s'emploie  devant 
une  consonne,  h  bug/r  /o,  kom  îl  Ô 
jileyî  —  Se  dit  aussi  pour  donner 
plus  de  force  à  une  expression,  hi 
n  hvwHr  5e  bugêr  dé  so,  en  avoir  tout 
son  soûl.  —  bugré!  jurement,  em- 
ployé concurremment  avec  la  forme 
moins  grossière  b'igr^! 

bugratiy  f.,  bugre,  m.,  X,  ononis 
repens. 

bugrèmày  X,  fort,  très,  énormé- 
ment. Concurr.  :  Mgrêmà.  —  Faub. 
et  banlieue  :  btigèrmèy  bugermè. 

bufèy  -f-,  bouger;  —  se  remuer, 
être  ou  devenir  plus  actif. 

b^'j^i  +>  s.  m.,  barre  de  chaise; 
échelon.  Même  sign.  :  brékrœ.  Voir 
ce  mot. 

bujôtéy  -f-,  bùjôrâ  dhi  Itkxl,  la  gar- 
nir de  btijô. 

bûjùr.  Voir  bôjur. 

bujtàjy  -\-y  s.  m.,  action  de  bujte. 

—  Menu  bois  que  les  bujlâ  ramas- 
sent et  coupent  dans  un  taillis,  mete 
kbr  œn  piinî  £  biijtàj  de  €  fû.  On  en 
façonne  de  grosses  bourrées  qu'on 
lie  avec  deux  àreel. 

biijtty  -\-y  ramasser  dans  une  taille 
désignée  par  le  garde  toutes  les  brin- 
dilles de  bois  mort,  et  y  couper  les 
ronces  et  aussi  les  menus  branches, 
afin  que  le  taillis,  ainsi  dégagé, 
puisse  se  développer  et  pousser  plus 
vigoureusement,  ô  bujk  mardi  kî  vy^y 
jii  k^  è:i^i  vàA?  Le  droit  de  bujti  est 
accordé  aux  indigents  et  même  aux 
petits  ménagers. 


é2 


ED.    EDMONT. 


bnjtâwy  œ\y  +,  celui,  celle  qui 
hiijct. 

bnk,  -f,  bouche,  dans  ses  accep- 
tions les  plus  ordinaires.  //  Ô  s'  bnk 
plan.  —  gràd  Hik,  grosse  voix,  fer 
h  gràd  btik,  crier  fort,  tempêter, 
disputer.  —  et  porte  à  6  bttk,  être 
gourmand.  —  Au  fig.,  à  plan  htik, 
flatteusement.  ô  di  du  mô  d'  el  i£i,  e 
pi  €  e  màm^l  à  plan  bnk  Jà-bo.  — 
A  Saint-Pol-ville,  conc.  :  bî~i£. 

biikci,  +,  vacarme,  tapage  que 
l'on  fait  en  se  querellant  ou  en 
grondant  quelqu'un.  — ferel  békci, 
crier,  tempêter,  gœle. 

békànî,  +,  gronder,  faire  du 
békci.  Vieilli. 

bukànâ'ii',  +,  individu  qui  békàn. 
biike,   +,   mal  de  bouche  (chez 
les  enfants). 

béke,  +,  bouquet.  —  bnke  tufe, 
dianthus  barbatus  (à  Herlin-le-Sec  : 
ku  d'  rà'l);  l}'chnis  Calcedonica 
(nommé  aussi  krwa  d'  malt).  — 
hûke  de  dàm  (Saint-Pol-ville),  saxi- 
fraga  granulata. 

biikh,  +5  petite  bouche;  se  dit 
surtout  de  la  bouche  des  enfants. 
Même  sign.  :  btike,  m.  (x).  — 
s'  bàje  à  buket,  s'entre-baiser  sur  la 
bouche. 

h^ikè,  X,  s.  m.,  petite  bouche 
(des  enfants),  tyè!  àv  tè  hùkè,  me 
pfieè.  —  Même  sign.  :  bliket,  f. 

bel,  -\-,  boule.  —  Tête.  //  o  an 
rhd  btil.  —  perd'  la  bel,  perdre  la 
tête,  devenir  fou.  Même  sign.  : 
perd'  là  bîhol.  —  bûl  ed  ne],  vibur- 
num  opulus  (variété  cultivée). 
bùlà],  +,  s.  m.,  terme  de  bures, 


eau  dans  laquelle  on  met  bouillir  le 
linge  eT^epey  (savonné),  afin  de  pou- 
voir ensuite  le  laver  plus  facilement. 
bttlak,  -\-,  s.  f.,  petit  amas  de 
filasse  qui  se  rencontre  parfois  dans 
le  fil  ou  dans  la  ficelle.  — fer  btilàk, 
X,  en  parlant  d'une  toupie,  rouler 
sur  le  côté  au  lieu  de  tourner  sur 
le  fer. 

bélâkâw,  +,  se  dit  du  fil  qui  con- 
tient des  bélàk.  dû  file  btilHkàiv. 

billâ,  cit,  +^  adj.,  bouillant,  del 
yb  biilàt.  —  tu  kb  té  bélà,  très  chaud. 
—  Au  fig.,  œ  SCI  biilà,  une  personne 
très  vive,  très  active.  —  A  Saint- 
Pol-ville,  conc.  :  bîiyà,  àt. 

bâlà,  +,  s.  m.,  bourbier  sans 
fond ,  endroit  où  l'eau  sourd  en 
agitant  le  sable  ou  la  terre  du  fond. 
nâft-t  tédt  d'  en  pâ  ker  de  eï  btild  e 
pâsà  pâ  e  mare. 

bulàje,  +,  boulanger.  —  Faub. 
et  banlieue,  conc.  :  biVèje. 

bille,  -\-,  s.  m.,  peloton,  œ  bille  d' 
ïan.  Même  sign.  :  bélo. 

bille  km,  +,  v.,  n'avoir  pas  assez 
d'argent  pour  payer  ce  que  l'on 
achète;  ne  pouvoir,  faute  de  maté- 
riaux, terminer  un  travail  commen- 
cé; se  trouver  sans  argent,  après 
avoir  dépensé  plus  que  ses  revenus. 
biiley,  +,  s.  f.,  terme  de  bures \ 
dm  bide  d'  II],  quantité  de  finge  que 
l'on  peut  mettre  au  bélà]  en  une 
seule  fois. 


Ed.  Edmont. 


CHRONIQUE 


Nous  ne  donnons  que  4  feuilles  dans  ce  numéro  afin  de  reserver  plus  de  place  au 
travail  de  M.  l'abbé  Rousselot  que  nous  donnerons  en  entier  dans  un  seul  cahier.  Mais 
comme  ce  travail  doit  être  présenté  à  la  Sorbonne  comme  thèse,  les  règlements  nous 
obligent  à  en  retarder  la  publication  jusqu'après  la  soutenance. 

Les  élèves  de  M.  Gaston  Paris,  originaires  des  pays  de  langue  française,  ont  offert  à 
leur  maître,  à  l'occasion  du  25e  anniversaire  de  son  doctorat,  un  volume  d'Eludés  romanes 
(in-80,  552  pages.  Bouillon,  1891),  dont  voici  le  contenu  : 

Bédier  (Joseph).  —  Le  fabliau  de  Richeut. 

Beljame  (Alexandre).  —  La  prononciation  du  nom  de  Jean  X^w  le  financier. 

BoN'N.\RDOT  (François).  —  Trois  textes  en  patois  de  Metz  :  Carte  des  Cbah'iers,  la 
Grosse  Enix'araye,  une  Fiaiive  récréative. 

CoNSTANS  (Léopold).  — •  Notes  pour  servir  au  classement  des  manuscrits  du  Ronian  de 
Troie. 

Cornu  (Jules).  —  Etudes  sur  le  poème  du  Cid. 

CouRAYE  DU  Parc  (Joseph).  —  Chants  populaires  de  la  Basse-Normandie  recueillis 
par  l'auteur. 

Flach  (Jacques).  —  Le  compagnonnage  dans  les  chansons  de  geste. 

GiLLiÉRON  (Jules).  —  Remarques  sur  la  vitalité  phonétique  des  patois. 

Grand  (Daniel).  —  Proclamation  d'un  héraut  en  dialecte  montpelliérain  (1356). 

Havet  (Louis).  —  L'5  latin  caduc. 

Hu'ET  (Gédéon).  —  Remarques  sur  les  rédactions  diverses  d'une  chanson  du  xiiie  siècle. 

Jeanroy  (Alfred).  —  Une  pièce  artésienne  du  xiii*  siècle. 

JoRET  (Charles).  —  La  légende  de  la  rose  au  moyen  âge  chez  les  nations  romanes  et 
germaniques. 

L.\NGLOis  (Ernest).  —  Quelques  dissertations  inédites  de  Claude  Fauchet. 

Monod  (Gabriel).  —  Les  Annales  laurissenses  tninores  et  le  monastère  de  Lorscli, 

Morel-Fatio  (Alfred).  —  Duelos  y  quebrantos. 

Muret  (Ernest).  —  Sur  quelques  formes  analogiques  du  verbe  français. 

Omont  (Henri).  —  Les  manuscrits  français  des  rois  d'Angleterre,  au  château  de 
Richement. 

Pages  (Amédée).  —  La  version  catalane  de  YEufant  sage. 

Piaget  (Arthur),  —  Chronologie  des  Epître  sur  h  roman  de  la  Rose. 

Psichari  (Jean).  —  Le  roman  de  Floritnont ,  contribution  à  l'histoire  littéraire,  étude 
des  mots  grecs  dans  ce  roman. 

Raynaud  (Gaston).  —  La  Mesnie  Hellequin;  le  poème  perdu  du  Comte  Hernequin, 
quelques  mots  sur  Arlequin, 


64  CHRONIQUE. 


RoussELOT  (Abbé  Pierre).  —  VS  devant  T,  P,  C  dans  les  Alpes. 
Salmon  (Amédée).  —  Remèdes  populaires  du  moyen  âge. 

SuPET  (Marius).  —  Observations  sur  le  «  Jeu  de  la  Feuillée  »  d'Adam  de  la  Halle. 
Taverney  (Adrien),  —  Phonétique  roumaine,  le  traitement  de  7/  et   du  suffixe 
ULUM,  ULAM  en  roumain, 
Thomas  (Antoine).  —  Vivien  d'Aliscans  et  la  légende  de  saint  Vidian. 
W1LMOTTE  (Maurice).  —  Glosses  wallonnes  du  ms.  2640  de  Darmstadt. 

L'impression  de  ï Anthologie  çascone,  dont  nous  avons  annoncé  la  mise  en  souscription, 
est  commencée. 

On  nous  annonce  la  prochaine  apparition  d'une  nouvelle  revue  destinée  à  l'étude  des 
Langues  et  des  Dialectes,  sous  la  direction  de  M.  Zanardelli,  professeur  aux  cours  de  la 
ville  de  Bruxelles  (19,  rue  Pépin).  —  4  numéros  de  chacun  100  pages;  abonnement, 
10  fr.  pour  la  Belgique;  12  fr.  pour  l'Etranger. 

Le  Dictionnaire  général  de  la  langue  française  du  commencement  du  xvil=  siècle  jusqu'à 
nos  jours,  par  MM.  A.  Hatzfeld,  A.  Darmesteter  et  A.  Thomas,  est  déjà  à  son  quatrième 
fascicule.  Ce  qui  a  paru  contient  une  remarquable  introduction,  la  lettre  A  et  la  lettre  B 
jusqu'à  brouette.  C'est  plus  que  suffisant  pour  juger  l'œuvre.  Nous  ne  saurions  trop 
recommander  cet  ouvrage  à  nos  lecteurs  et  à  nos  collaborateurs.  Ils  y  trouveront  l'histoire 
des  mots  telle  que  la  science  a  pu  l'établir  jusqu'à  présent,  et  une  classification  métho- 
dique des  sons,  telle  qu'elle  n'existe  encore  nulle  part.  Ce  n'est  pas  seulement  un  livre  à 
consulter,  c'est  encore  un  livre  à  lire  et  des  plus  intéressants.  L'ouvrage  complet  contien- 
dra 30  fascicules  de  80  pages,  dont  le  prix  est  d'un  franc.  On  souscrit  à  la  librairie 
Delagrave,  ij,,  rue  Soufflot. 


Le  Gér.\nt. 


LES 

MODIFICATIONS    PHONÉTIQUES 

DU    LANGAGE 

ÉTUDIÉES    DANS   LE   PATOIS    D'UNE   FAMILLE 
DE  CELLEFROUIN  (CJMrente) 


Pourquoi  j'ai  étudié  mon  patois  et  comment  je  l'ai  étudié. 

Les  langues  littéraires  ont  pour  le  phonétiste  un  avantage  immense  sur 
les  autres  parlers ,  celui  de  posséder  une  histoire  et  de  fournir  une  série 
de  textes  d'âges  différents  où  il  est  possible  de  découvrir  une  partie  de 
leurs  transformations. 

C'est  par  elles  que  la  science  nouvelle  des  langues  devait  commencer. 
C'est  à  elles  que  devaient  être  demandées  les  premières  bases  du  superbe 
édifice  auquel  n'ont  cessé  de  travailler  de  beaux  génies  et  d'infatigables 
ouvriers.  Grâce  à  la  perspicacité  comme  aux  labeurs  des  premiers  maîtres 
et  de  leurs  disciples  immédiats,  nous  savons  maintenant  quel  lien  étroit 
relie  entre  eux  les  idiomes  qui  sont  parlés  dans  la  portion  occidentale  de 
l'ancien  empire  romain  ;  nous  savons  que,  depuis  la  conquête  jusqu'à  nos 
jours,  c'est  toujours  la  même  langue  qui,  diversement  modifiée,  a  servi 
à  l'expression  de  la  pensée  de  tous  les  peuples  devenus  romains  par  adop- 
tion. Nous  pouvons  même  pénétrer  en  partie  le  mécanisme  mer\'eilleux 
de  cette  langue  une  à  la  fois  et  multiple,  et  suivre  d'étape  en  étape  presque 
tout  le  travail  phonétique  qui,  au  cours  des  siècles,  s'est  accompli  dans 
son  sein.  Nous  n'ignorons  pas  quelles  conditions  sont  nécessaires  à  la 
naissance  des  principaux  phénomènes,  quelle  influence  les  sons  exercent 
les  uns  sur  les  autres,  quelle  entrave  est  apportée  à  leur  évolution  natu- 

UVCB   DES  rATOtS.    —    J. 


éé  l'abbé   ROUSSELOT. 


relie  par  des  barrières  qui  les  tiennent  plus  ou  moins  longtemps  empri- 
sonnés. Nous  distinguons  les  lois  qui  ont  leur  raison  d'être  dans  notre 
nature  physique  et  celles  qui  prennent  leur  origine  dans  la  faculté  généra- 
lisatrice  de  notre  esprit.  Sans  doute ,  toutes  les  questions  qui  ont  été 
soulevées  n'ont  pas  encore  reçu  une  solution  définitive;  mais  il  semble 
que  l'édifice  soit  arrêté,  non  seulement  dans  ses  lignes  principales  mais 
encore  dans  plusieurs  des  moins  importantes. 

Dès  lors,  l'obligation  s'impose  aux  derniers  venus,  s'ils  veulent  tra- 
vailler utilement  à  l'œuvre  commencée,  de  tenter  une  voie  nouvelle  et 
d'exploiter  de  nouvelles  carrières.  C'est  la  pensée  que  m'inspirèrent,  dès 
1 879,  les  mauvais  livres  de  philologie  romane  qui  îne  tombèrent  sous  la  main . 

Je  fus  choqué  de  les  voir  s'occuper  des  transformations  de  la  lettre  plutôt 
que  du  son  dont  la  lettre  n'est  que  le  symbole,  et,  au  lieu  d'étudier  une 
lettre  morte,  j'eus  l'idée  d'étudier  le  parler  vivant.  V Etude  géographique  sur 
la  limite  de  la  langue  d'oc  et  de  la  langue  d'oïl ,  de  MM.  de  Tourtoulon  et 
Bringuier,  venait  de  me  révéler  l'intérêt  particulier  de  mon  patois,  qui  est 
à  cheval  sur  la  limite  des  idiomes  du  Nord  et  de  ceux  du  Midi.  Sur  la  foi 
de  M.  de  Tourtoulon,  j_' entrepris  donc  l'étude  du  sous-dialecte  marchois, 
auquel  se  rattache  le  patois  que  je  parle  depuis  mon  enfance ,  et  je  me  mis 
à  parcourir  la  région  qui  lui  a  été  assignée,  allant  de  village  en  village, 
interrogeant,  sous  la  direction  de  MM.  les  Curés,  les  personnes  nées  dans 
le  pays  et  de  parents  indigènes,  notant  toutes  les  différences  que  je  ren- 
contrais, depuis  Saint-Claud  (Charente)  jusqu'à  Ids,  au  delà  deMontluçon, 
marchant  toujours  à  la  recherche  d'une  limite  qui  fuyait  sans  cesse  devant 
moi.  J'atteignis,  par  les  renseignements  que  je  pus  recueillir,  les  monts 
de  la  Madeleine,  et  je  m'arrêtai. 

Je  rapportai,  de  cette  première  expédition,  des  idées  qui  n'étaient  plus 
celles  de  M.  de  Tourtoulon  et  des  notes  que  j'espère  utiliser  un  jour, 
mais  que  le  plan  de  mon  travail  m'oWige  pour  le  moment  à  laisser  de 
côté.  J'en  rapportai  quelque  chose  de  meilleur  encore,  l'habitude  d'ob- 
server. 

Au  retour,  je  tombai  malade,  et  je  fus  contraint  de  rester  dans  ma 
famille  avant  d'avoir  exploré  la  partie  du  territoire  linguistique  située  à 
l'ouest  et  au  sud  de  Saint-Claud.  Ma  mère  devint  alors  le  sujet  de  mes 
études,  et,  pendant  plus  de  trois  mois,  je  n'eus  pas  d'autre  préoccupation 
que  de  surprendre  ses  moindres  paroles. 

Jusque  là,  je  ne  l'avais  pas  observée,  persuadé  que  mon  parler,  que  je 


LES   MODIFICATIONS    FHOKhllU.UES    DU    LANGAGE.  éj 

tiens  presque  uniquement  d'elle,  était  identique  au  sien;  mais  je  ne  tardai 
pas  à  découvrir  mon  erreur,  et  j'acquis  bien  vite  la  conviction  qu'à  l'étude 
géographique  il  est  nécessaire  d'ajouter  l'étude  généalogique  des  patois. 

Telle  a  été  ma  première  initiation  à  la  philologie  romane.  Depuis,  des 
occupations  nouvelles  apportèrent  un  temps  d'arrêt  dans  mon  travail  ; 
mais  elles  me  mirent  à  même  d'entendre  les  parlers  des  environs  de  La 
Rochelle,  d'Agen,  d'Autun,  de  Lyon,  de  Chamonix,  de  Bourg,  d'Annecy, 
etc.,  pendant  qu'un  ami  éclairé  de  notre  ancienne  littérature,  dont  je 
n'oublierai  pas  les  affectueux  encouragements,  M.  Octave  Falateuf,  enri- 
chissait ma  bibliothèque  de  dictionnaires  patois. 

J'étais  prêt  à  recevoir  les  leçons  des  maîtres,  et,  à  partir  de  1885,  je  pus 
suivre  les  cours  de  MM.  G.  Paris,  P.  Meyer,  d'Arbois  de  Jubainville, 
L.  Gautier,  Longnon,  A.  Darmesteter,  Gilliéron,  Morel-Fatio,  W.  Meyer. 
Je  dois  à  ces  savants  plus  que  je  ne  saurais  dire.  —  Si  jamais  j'étais  tenté 
de  l'oublier,  je  n'aurais,  pour  me  le  rappeler,  qu'à  lire  la  première  ébauche 
de  ma  thèse  datée  de  février  1879. 

Mais  je  ne  serais  pas  juste,  si,  dans  ma  reconnaissance,  je  ne  faisais 
une  large  part  à  l'Ecole  des  Carmes,  où  j'ai  trouvé,  avec  tous  les  agré- 
ments de  la  vie  de  famille,  des  échantillons  variés  des  divers  patois  de 
France  qui  sont  mis  journellement  à  ma  disposition  avec  une  bonne  grâce 
charmante.  C'est  à  ce  concours  inappréciable  que  je  dois  d'avoir  pu  habi- 
tuer mon  oreille  à  l'analyse  des  sons  et  dresser  l'échelle  phonétique  des 
différents  patois  gallo-romans. 

Armé  de  ces  nouveaux  moyens,  je  repris  l'enquête  interrompue  dans  la 
vallée  du  Son  qui  arrose  Saint-Claud  et  les  vallées  voisines  en  1886  et 
1887.  Je  la  complétai  en  1889  ^^  1890. 

Enfin,  je  dois  mentionner  la  mission  philologique  que  le  Ministère  de 
l'instruction  publique  m'a  fait  l'honneur  de  me  confier  en  1889  dans  les 
Alpes  du  versant  italien,  et  qui  m'a  permis  de  faire  la  lumière  sur  des 
points  restés  obscurs  pour  moi  jusqu'à  ce  moment. 

Au  cours  de  mes  explorations,  j'ai  contracté  bien  des  dettes  de  recon- 
naissance, et  le  bon  accueil  que  j'ai  rencontré  presque  partout  me  fait  un 
devoir  d'oublier  l'hostiUté  ou  la  défiance  dont  j'ai  été  parfois  l'objet. 
Comment ,  du  reste ,  pouvait-il  en  être  autrement  ?  Une  enquête  sur  le 
patois,  c'est  une  chose  si  singulière,  que  je  devais  bien  m'attendre  à  être 
traité  en  espion  et  à  voir  les  bâtons  levés  sur  ma  tête,  même  dans  mon 
propre  canton  et  à  l'instigation  d'un  homme  de  ma  propre  commune. 


68  l'abbè  rousselot. 


Aussi  ne  veux-je  songer  qu'aux  personnes  qui  ont  bien  voulu  se  prêter 
à  mes  recherches  ou  m'y  aider  par  de  gracieuses  indications.  Mais  qu'il 
me  soit  permis  de  faire  une  place  à  part  dans  mon  souvenir  aux  membres 
de  ma  famille  et  à  leurs  amis  qui,  dispersés  dans  diverses  localités,  ont 
toujours  été  au  devant  de  mes  désirs,  et,  avant  tous,  à  ma  mère,  que  j'ai 
torturée  pendant  des  mois  entiers,  car,  avec  elle,  je  ne  me  bornais  pas  à 
attendre  les  phénomènes,  mais  souvent  j'employais  toute  sorte  de  moyens 
pour  les  provoquer  sans  nuire  à  leur  spontanéité. 

Une  grosse  question  pour  moi,  comme  pour  tous  ceux  qui  débutent 
dans  l'étude  des  patois,  c'a  été  la  représentation  des  sons.  En  comparant 
les  appréciations  de  diverses  personnes,  je  vis  bientôt  que  l'oreille  n'est 
pas  un  instrument  suffisant  d'analyse.  Il  fallait  donc  trouver  le  moyen  de 
suppléer  à  l'imperfection  de  l'oreille  pour  préciser  les  faits  qui  sont  du 
domaine  de  la  philologie.  Un  mot  de  M.  Gaston  Paris,  une  heureuse  idée 
de  mon  jeune  ami  J.  Pierrot-Deseilligny  m'ont  mis  sur  une  voie  nouvelle 
par  l'application  de  la  méthode  graphique  à  l'étude  des  sons. 

J'ai  été  aidé  dans  mes  recherches  par  M.  Branly,  le  professeur  de  phy- 
sique à  l'Institut  catholique,  qui  m'a  dirigé  dans  les  commencements;  par 
M.  Verdin,  l'habile  constructeur  formé  à  l'école  de  M.  Marey,  qui  a  mis 
à  mon  service  son  expérience  et  ses  appareils;  surtout  par  M.  le  docteur 
Rosapelly,  dont  les  premiers  essais  ont  fait  date  dans  la  science,  et  qui  a 
bien  voulu  me  prêter  son  inappréciable  concours  dans  les  expériences  de 
1889. 

Enfin,  je  ne  saurais  oubHer  celui  à  qui,  après  Dieu,  je  dois  tout  ceci, 
M.  le  docteur  Hermann  de  Hundertmark,  dont  les  soins  éclairés  et  affec- 
tueux ont  rétabli  et  conservé  ma  santé. 


Objet  et  division  de  ce  travail. 


Entrepris  sur  une  vaste  échelle,  ce  travail  n'a  cessé  de  se  restreindre  au 
fur  et  à  mesure  que  les  connaissances  de  l'auteur  s'étendaient  davantage. 
A  l'origine,  il  devait  embrasser  tous  les  patois  de  la  zone  qui  entoure  au 
Nord  le  plateau  central  de  la  France,  depuis  la  Charente  jusqu'aux  confins 
de  l'Allier  et  de  la  Loire.  Plus  tard,  il  se  réduisit  au  seul  patois  de  Celle- 
frouin,  mais  il  devait  le  comprendre  tout  entier,  phonétique,  morpho- 


LES   MODIFICATIONS   PHONÉTiaUES   DU   LANGAGE.  69 

logie,  syntaxe  et  lexique.  Enfin,  il  fut  limité  à  hi  phonétique  et  à  ma  seme 
famille ,  non  que  ma  famille  ait  un  langage  à  part  qui  la  distingue  à  pre- 
mière vue  des  autres  familles  de  Cellefrouin ,  mais  parce  que  les  modifi- 
cations phonétiques  qui  se  sont  produites  dans  son  sein  m'ont  paru  suffi- 
santes pour  une  étude  spéciale.  Aujourd'hui,  il  ne  me  semble  déjà  plus 
mériter  le  titre  que  je  lui  ai  donné  en  dernier  lieu  et  que  je  lui  conserve 
néanmoins;  car,  sur  les  trois  parties  dont  il  se  compose,  la  seconde  seule 
suppose  une  enquête  générale  sur  le  langage  de  ma  famille;  la  première 
m'est  toute  personnelle,  et  la  troisième  est  basée  en  grande  partie  sur  le 
parler  de  ma  mère. 

Cette  différence  de  méthode  tient  à  la  nature  des  points  traités  et  aux 
différents  genres  d'observation  qu'ils  comportent.  Dans  la  première  partie, 
je  cherche  à  déterminer  la  nature  et  les  qualités  des  sons  usités  dans  mon 
patois  d'après  les  procédés  de  la  méthode  graphique  ;  or,  cette  expérimen- 
tation délicate,  je  n'ai  pu  la  faire  jusqu'ici  que  sur  moi-même.  Dans  la 
seconde^  je  tâche  de  rendre  compte  des  transformations  phonétiques  qui 
se  font  jour  dans  les  différents  parlers  des  membres  de  ma  famille  établis 
à  Cellefrouin,  c'est-à-dire  dans  cinq  groupes  de  générations  successives 
qui  embrassent  une  période  d'environ  cent  ans;  il  m'a  donc  fallu,  chose 
facile  du  reste,  recueillir  des  documents  non  seulement  sur  le  patois  de 
Cellefrouin,  mais  encore  sur  celui  de  toute  la  région,  et  rechercher  dans 
les  chanes  les  traces  du  parler  ancien.  Dans  la  troisième,  j'étudie  le  mode 
d'introduction  de  l'élément  étranger  dans  mon  patois  et  les  modifications 
qu'il  éprouve;  trop  imprégné  moi-même  de  français  pour  me  fier  à  mes 
propres  impressions,  j'ai  dû  demander  à  des  relations  intimes  et  prolon- 
gées avec  un  sujet  illettré  les  observations  qui  servent  de  base  à  cette 
étude;  or,  ces  conditions,  je  ne  les  ai  trouvées  pleinement  qu'auprès  de 
ma  mère.  J'ai  pu  ainsi  étendre  l'objet  de  mon  étude  et  embrasser  sous 
trois  faces  différentes  la  phonétique  de  mon  patois.  L'analyse  scientifique 
des  sons  de  mon  propre  parler,  outre  qu'elle  permet  dé  préciser  ceux  qui 
n'ont  pas  été  le  sujet  d'une  semblable  expérimentation,  nous  met  à  même 
de  saisir  les  transformations  encore  inconscientes  qui  s'opèrent  dans  le 
parler  vivant.  L'histoire  des  sons  qui  composent  le  fonds  ancien  de  la 
langue  nous  montre  en  action  et  les  lois  purement  physiologiques  obser- 
vées dans  la  première  partie,  et  celles  qui  dépendent  de  notre  nature  spi- 
rituelle. Enfin,  la  recherche  des  troubles  occasionnés  dans  le  langage  par 
l'introduction  d'un  élément  étranger,  et  des  modifications  que  ce  fonds 


70  l'abbé  rousselot. 


nouveau  est  obligé  de  subir  pour  se  faire  accepter,  en  dehors  de  l'intérêt 
spécial  qu'elle  présente,  nous  autorise  à  jeter  un  regard  sur  cette  période 
encore  obscure  de  la  vie  des  langues  qui  coïncide  avec  la  substitution 
d'un  idiome  heureux  à. un  autre  moins  fortuné. 

Ce  que  je  propose  au  lecteur,  c'est  donc  en  réalité  comme  une  prome- 
nade dans  un  laboratoire  de  phonétique,  où  nous  rencontrerons  d'abord 
des  fourneaux  en  activité  et  des  cornues  toutes  prêtes  pour  les  manipu- 
lations qu'il  nous  plaira  d'entreprendre  ;  puis  des  fourneaux  éteints,  quel- 
ques-uns fumant  encore,  d'autres  froids  depuis  longtemps,  mais  conservant 
tous  des  débris  au  moins  des  expériences  antérieures,  auxquelles  des  com- 
paraisons, des  rapprochements  peuvent  rendre  la  vie  ;  enfin  des  cuves  de 
mélanges  qui  nous  révèlent  la  force  de  résistance  ou  d'affinité  des  éléments 
mis  en  présence. 

Il  ne  nous  restera  plus,  après  cela,  qu'à  réunir  dans  une  conclusion  les 
idées  générales  qui  se  dégageront  des  faits  observés. 


N.  B,  —  Les  renvois  de  pages  (lesquels  ont  été 
faits  sur  le  tirage  à  part)  doivent  être  augmentés  du 
chiffre  64  pour  concorder  avec  la  pagination  de 
la  Revue. 


PREMIÈRE  PARTIE 

ANALYSE     PHYSIOLOGiaUE     DES     SONS     DE     MON      PATOIS 
LEURS    MODIFICATIONS   INCONSCIENTES  — 
MESURE    DU  TRAVAIL   QU'eN  EXIGE  LA  PRODUCTION 


L'observation  attentive  de  la  nature  donne  toujours  au  delà  de  nos 
espérances.  C'est  ainsi  qu'une  simple  analyse  physiologique  des  sons  de 
mon  patois  nous  révélera  les  modifications  inconscientes  qui  y  prennent 
naissance,  et  nous  fournira  une  évaluation  approximative  du  travail  qu'en 
exige  la  production.  Je  ne  séparerai  pas  ces  trois  objets  qui  sont  liés  si 
intimement  entre  eux,  et,  comme  les  deux  derniers  découlent  naturelle- 
ment du  premier,  je  m'attacherai  uniquement  à  l'ordre  que  réclame  l'ana- 
lyse physiologique. 

Laissant  de  côté,  pour  le  moment,  tout  ce  qui  concerne  l'analyse 
physique  des  sons,  nous  traiterons  successivement  des  régions  d'articula- 
tion, des  variations  qui  surviennent  dans  la  sonorité  des  éléments  du 
langage,  de  la  mesure  du  souffle  employé  pour  la  parole,  de  la  durée  et 
de  la  hauteur  musicale  des  sons,  et  nous  terminerons  par  une  note  sur  les 
sons  en  voie  de  disparaître.  Mais,  auparavant,  je  dois  faire  connaître  la 
méthode  que  j'ai  suivie  pour  l'étude  de  ces  divers  phénomènes. 

Cette  partie,  je  l'ai  déjà  dit,  est  presque  uniquement  composée  d'après 
des  observations  personnelles,  n'ayant  pas  eu  le  loisir  de  renouveler 
les  expériences  sur  mes  compatriotes;  mais,  dans  la  plupart  des  cas,  j'ai 
le  contrôle  de  M.  le  docteur  Rosapelly,  et  cela  suffit  pour  en  vérifier  la 
valeur. 


CHAPITRE  I 

MÉTHODE  GRAPHIQUE  APPLiaUÉE   A   LA  PHONÉTIQUE 


§  I".  —  Appareils. 

La  parole  est  un  mouvement,  c'est  l'air  qui  sort  de  la  bouche  ou  du 
nez  en  vibrant  sous  l'impulsion  des  organes  phonateurs.  Il  y  a  donc  deux 
moyens  de  la  saisir  :  directement,  en  prenant  le  tracé  des  ondes  sonores; 
indirectement,  en  prenant  celui  des  mouvements  ou  des  vibrations  des 
organes  qui  la  produisent.  Ces  deux  moyens  se  complètent  l'un  l'autre, 
et  nous  sont  fournis  par  la  méthode  graphique.  Cette  méthode  autorise 
plusieurs  procédés.  Dans  certains  cas,  on  demande  à  l'organe  lui-même 
de  laisser  la  trace  de  son  mouvement  sur  un  instrument  placé  à  sa 
portée.  Dans  d'autres,  un  intermédiaire  est  nécessaire,  l'organe  transmet- 
tant son  mouvement  à  un  appareil  qui  est  à  la  fois  récepteur  et  inscrip- 
teur.  Le  plus  souvent,  on  est  obligé  d'employer  deux  intermédiaires  :  l'un 
qui  reçoit  le  mouvement  et  le  transmet,  l'autre  qui  l'écrite 

Appareil  enregistreur.  —  Toutes  les  fois  que  mes  inscriptions  n'ont 
pas  été  faites  par  l'organe  lui-même,  je  me  suis  servi,  pour  les  recueillir, 
d'un  cylindre  enregistreur  mu  par  un  mouvement  d'horlogerie  avec  régu- 
lateur Foucault.  J'en  emprunte  la  figure,  ainsi  que  je  le  ferai  pour  les 
appareils  anciens  que  j'ai  utilisés,  au  catalogue  de  M.  Ch.  Verdin, 

On  colle  sur  le  cylindre  une  feuille  de  papier  glacé,  puis  on  la  noircit 
à  la  fumée  d'un  rat-de-cave.  Les  instruments  inscripteurs  sont  disposés  sur 
le  pied  qui  est  engrené  dans  l'axe  du  chariot.  On  peut,  à  volonté,  faire 
entraîner  le  chariot  par  le  mouvement  du  régulateur  ou  le  laisser  immo- 
bile. En  général ,  l'appareil  permet  à  l'explorateur  de  choisir,  suivant  la 
nature  de  ses  expériences,  un  mouvement  lent,  un  moyen  et  un  rapide. 

^  Il  existe  plusieurs  essais  d'inscriptions  de  la  parole.  Je  signalerai  à 
l'occasion  ceux  qui  m'ont  été  de  quelque  utilité. 


LES   MODIFlC\TIOSS    PHONtTlCLUhS    DU    LANGAGE. 


73 


Lorsque  les  tracés  ont  été  pris,  on  détache  la  feuille  de  papier  avec  un 
canif,  en  la  coupant  à  l'endroit  même  où  elle  a  été  collée,  et  on  la  trempe 
dans  un  vernis  ^ 


Lorsque  l'inscription  n'est  pas  faite  par  le  récepteur  lui-même,  l'appareil 
écrivant  est,  ou  bien  le  tambour  à  levier,  ou  bien  un  signal  électrique,  sui- 
vant que  la  transmission  se  fait  par  l'air  ou  par  l'électricité. 

Tambour  a  levier.  —  Le  tambour  à  levier,  dû  au  docteur  Marey,  se 
compose  essentiellement  d'une  capsule  de  métal  munie  d'un  tube  permet- 
tant de  la  relier  au  tambour  récepteur  et  fermée  par  une  membrane  de 
caoutchouc  qui  porte  au  centre  un  levier  inscripteur.  Divers  organes  per- 
mettent de  fixer  le  tambour,  d'allonger  ou  de  raccourcir  le  levier,  d'aug- 


Fiçr. 


^  Pour  obtenir  ce  vernis ,  on  fait  dissoudre  à  saturation  de  la  gomme- 
laque  incolore  dans  de  l'alcool  à  36°,  on  ajoute  un  peu  de  térébenthine 
de  Venise,  et  l'on  filtre. 


74  L  ABBE   ROUSSELOT. 

menter  ou  de  diminuer  son  amplitude.  Toutes  les  impulsions  que  reçoit 
la  membrane  du  tambour  récepteur  sont  reproduites  par  la  membrane  du 
tambour  inscripteur  et  communiquées  au  levier  qui  les  amplifie  et  les 
inscrit  sur  le  noir  de  fumée  du  cylindre. 

Signal  électrique.  —  Lorsque  la  transmission  se  fait  par  l'électricité, 
l'organe  essentiel  de  l'appareil  inscripteur  est  toujours  un  électro-aimant 
communiquant  à  un  levier  le  mouvement  dont  il  est  animé.  Je  me  suis 
servi  du  signal  électrique  de  M,  Marcel  Deprez,  construit  par  M.  Verdin. 


^"^-^•-^li^if^^q 


Fig-  3- 


Le  levier  en  fer  doux,  sollicité  par  l'électro-aimant,  est  ramené  à  sa 
place  après  le  passage  du  courant  par  un  ressort  antagoniste,  et,  comme 
il  est  limité  dans  son  cours ,  il  peut  indiquer  un  grand  nombre  d'inter- 
ruptions. Une  crémaillère  permet  de  rapprocher  ou  d'écarter  l'instrument 
du  cylindre  enregistreur. 

Je  n'ai  pas  essayé  de  recueillir  tous  les  mouvements  qui  concourent  à 
la  formation  de  la  parole  :  j'ai  dû  me  limiter  à  ceux  qui  étaient  nécessaires 
pour  la  solution  des  questions  que  j'avais  à  traiter.  Je  me  suis  occupé 
uniquement  des  mouvements  des  lèvres ,  de  la  langue  et  du  thorax ,  des 
vibrations  du  larynx,  de  la  langue,  des  dents  et  des  fosses  nasales. 

Palais  artificiel.  —  Pour  déterminer  les  mouvements  de  la  langue, 
j'ai  employé  un  palais  artificiel  exécuté  à  la  galvanoplastie  sur  un  moulage 
de  mon  propre  palais.  Je  m'étais  d'abord  servi,  à  l'exemple  de  M.  J. 
Oacley-Coles  ^,  d'un  mélange  de  farine  et  d'eau  gommée  dont  je  barbouil- 
lais le  plan  supérieur  de  ma  bouche;  mais  les  expériences  de  M.  Rudolf 
Lenz  (^Zûr  physiologie  und  geschichte  der  palataleti)  m'ont  donné  l'idée 
d'employer  un  palais  artificiel. 

M.  le  docteur  Rosapelly,  bien  antérieurement,  avait  eu  la  même  pensée 
ÇEssai  d'inscription  des  mouvemenis  phonétiques  —  dans  les  Travaux  du 
Laboratoire  de  M.  Marey,  1876),  et  M.  Hagelin  l'a  réalisée  avant  moi. 
Le  palais  artificiel,  noirci  au  vernis  du  Japon  et  recouvert  d'une  couche 

^  Cité  par  M.  J.  Gavarret  (^Phénomènes  physiques  de  la  phonation  et  de 
l'audition^  p.  402). 


LES   MODIFICATIONS   PHONàTIQUES  DU   LANGAGE. 


75 


de  pastel  blanc,  garde  la  trace  des  mouvements  de  la  langue.  Après  l'expé- 
rience, il  n'y  a  qu'à  le  retirer  et  à  le  photographier,  comme  fait  M.  Hagelin, 
ou,  comme  je  préfère,  à  reporter  les  points  de  contact  sur  un  dessin  du 
palais  préparé  d'avance.  Les  photographies  ont  plus  de  précision,  mais 
manquent  de  netteté.  Il  ne  faudrait  pas  croire,  du  reste,  à  une  rigueur 
absolue  dans  les  mouvements  :  ceux-ci  varient  d'une  façon  assez  sensible, 
suivant  qu'une  même  articulation  est  produite  avec  plus  ou  moins  de 
force. 

Explorateur  interne  de  la  langue.  —  On  peut  transformer  le  palais 
artificiel  en  tambour  récepteur  au  moyen  d'une  membrane  de  caoutchouc, 
et  s'en  servir  pour  mesurer  la  pression  de  la  langue  sur  le  palais. 

Explorateur  externe  de  la  langue.  —  Une  heureuse  découverte  de 
M.  le  docteur  R.  m'a  permis  de  construire  un  bon  appareil  pour  l'étude 


des  mouvements  de  la  langue.  La  langue  n'est  pas ,  comme  on  pourrait 
le  croire,  un  muscle  plat  qui  s'élève  et  s'abaisse.  C'est  un  muscle  qui  se 


76 


L  ABBE    ROUSSELOT. 


dilate  dans  tous  les  sens  :  en  même  temps  qu'il  s'élève  sous  le  palais,  il 
s'abaisse  sous  le  menton.  Dès  lors,  un  tambour  placé  sous  le  menton  nous 
donnera  l'élévation  ou  l'abaissement  de  la  langue.  Ce  tambour  repose  sur 
une  charpente  métallique  qui  est  fixée  à  la  mâchoire  inférieure  et  qui  en 
suit  tous  les  mouvements.  De  cette  façon ,  la  membrane  du  tambour 
n'obéit  qu'à  l'impulsion  de  l'organe  à  observer.  Des  articulations  per- 
mettent d'adapter  l'appareil  à  toutes  les  tailles,  et  une  disposition  spéciale 
rend  facile  l'exploration  de  tous  les  points  de  la  langue. 

Explorateur  des  lèvres.  —  Les  mouvements  des  lèvres  sont  recueillis 
à  l'aide  de  l'explorateur  des  lèvres  du  docteur  Rosapelly,  qui  est  décrit 
dans  l'Essai  d'insc.  des  niouv.  phonétiques. 


L'appareil  se  compose  de  deux  leviers,  dont  l'un  porte  le  tambour 
récepteur,  et  l'autre  une  tige  fixée  au  centre  du  tambour.  A  un  bout,  les 
deux  extrémités  des  leviers  sont  reliées  par  un  caoutchouc  ;  à  l'autre , 
elles  portent  deux  palettes  destinées  à  recevoir  les  lèvres.  Les  articulations 
dont  est  pourvu  l'appareil  neutralisent  les  mouvements  de  la  tête.  On 
obtient  ainsi  la  résultante  du  mouvement  des  lèvres,  c'est-à-dire  leur 
ouverture  et  leur  fermeture. 

La  nécessité  de  faciliter  l'expérimentation  en  vue  de  mes  recherches  sur 
toute  sorte  de  sujets,  m'a  conduit  à  construire  un  nouvel  appareil  qui  a 
en  outre  l'avantage  de  donner  à  volonté  les  mouvements  de  chacune  des 
lèvres  et  la  résultante  de  ces  mouvements. 


LES   MODIFICATIONS   PHONÈTiaUES   DU    LANGAGE. 


77 


Il  se  compose  de  deux  tambours  dont  les  cuvettes  sont  soudées  Tune 
sur  l'autre,  et  dont  les  membranes  sont  reliées,  par  des  tiges  rigides  et 
aniculées,  à  deux  leviers  en  forme  de  tenailles.  Les  branches  des  leviers 
sont  maintenues  écartées  par  la  tension  des  membranes  et  suivent  tous 
les  mouvements  des  lèvres.  Relié  à  deux  tambours  inscripteurs,  l'appareil 


donne  les  mouvements  de  chaque  lèvre;  relié  à  un  seul  tambour  par  un 
tube  en  F,  il  ne  donne,  comme  celui  de  M.  le  docteur  R.,  que  la  résul- 
tante de  ces  mouvements.  L'instrument  est  fixé  par  une  vis  à  un  pied  fixe. 
Si  on  craignait  que  les  mouvements  de  la  tète  ne  vinssent  troubler  l'expé- 
rimentation, on  pourrait  le  suspendre  à  un  fil. 

Explorateur  de  la  respiration.  —  J'ai  inscrit  les  mouvements 
respiratoires  à  l'aide  de  l'explorateur  de  la  respiration ,  du  docteur  Marey. 
L'appareil  est  fixé  au  mo5'en  de  cordons  sur  la  partie  à  explorer  figurée  par 
la  ligne  pointée.  Un  levier  articulé  transmet  les  mouvements  au  centre 


de  la  membrane.   Je  viens  d'en  construire  un  pour   le    travail  de   la 
révision,  avec  grande  cuvette  et  double  levier  amplificateur. 

J'aurais  pu  faire  usage  de  l'explorateur  de  Paul  Bert,  qui  a  l'avantage 
d'être  plus  simple,  moins  cher  et  tout  aussi  sensible,  m'a-t-on  dit.  On 
peut  facilement  le  construire  soi-même  :  deux  membranes,  portant  à  leur 
centre  chacune  un  crochet  pour  maintenir  le  cordon  qui  doit  entourer  le 
corps,  et  attachées  aux  bouts  d'un  tube.  La  dilatation  du  corps  fait  tirer 


78 


l'abbé  ROUSSELOT. 


le  cordon ,  et  par  conséquent  diminuer  dans  le  tube  la  pression  de  l'air, 
qui  revient  à  son  état  normal  quand  le  mouvement  a  cessé. 


Fig.  8. 


Tous  ces  mouvements  sont  d'une  inscription  relativement  aisée.  Il  n'en 
est  pas  de  même  des  vibrations.  Celles-ci,  en  raison  de  leur  fréquence  et 
de  leur  peu  d'amplitude,  opposent  à  l'explorateur  une  grande  difficulté. 

Explorateur  du  larynx  avec  transmission  électrique.  —  L'appareil 
qui  nous  a  rendu  le  plus  de  services,  c'est  l'explorateur  du  larynx,  du 


Fig.  9. 


docteur  Rosapelly.  La  description  complète  en  a  été  donnée  par  l'auteur 
dans  son  Essai  d'insc,  ph.  Il  se  compose  d'une  petite  masse  inerte  sus- 
pendue entre  les  deux  bornes  d'un  circuit  électrique.  Le  moindre  choc, 
.si  la  masse  est  tenue  en  équilibre,  suffit  pour  la  rejeter  sur  l'une  des  deux 
bornes,  et,  par  conséquent,  pour  ouvrir  ou  fermer  le  courant.  Un  bouton 
sert  au  réglage  de  l'instrument.  Une  lame  d'acier  et  un  manche  en  faci- 
litent l'usage.  On  pose  sur  les  cartilages  du  larynx  soit  le  carré  d'ébo- 
nite,  soit  le  bouton.  Cet  appareil  peut  encore  servir  à  enregistrer  les  vibra- 
tions qui  se  produisent  sur  des  surfaces  rigides  comme  le  nez,  les  dents,  etc. 
Malheureusement,  il  est  d'un  maniement  délicat  qui  exige  une  certaine 
expérience  et  qui  rend  nécessaires  des  tâtonnements  ennuyeux  et  de  fré- 
quentes reprises. 

Explorateur  du  nez.  —  Un  explorateur  excellent  pour  les  vibrations 
du  nez  est  celui  que  le  hasard  a  fait  trouver  à  M.  le  docteur  Rosapelly. 
Cet  habile  observateur  cherchait  le  tracé  de  la  pression  de  l'air  dans  les 


LES   MODIFICATIONS   PHONÉTIQUES   DU   LANGAGE.  79 

fosses  nasales,  et  il  essayait  un  simple  tube  de  verre.  Faute  d'un  bon  tam- 
bour inscripteur,  il  en  avait  pris  un  vieux  qui  était  au  rebut.  Il  s'est  trouvé 
que  ce  vieux  tambour  était  dans  les  conditions  voulues  pour  saisir  non 


Fig.  lo. 


seulement  la  pression,  mais  encore  les  vibrations  de  l'air.  Je  m'en  suis 
rendu  compte  quand  j'ai  dû  en  construire  un  semblable  pour  mon  usage. 
Une  membrane  trop  flexible  est  entraînée  rapidement  par  les  mouvements 
d'une  grande  amplitude  causés  par  la  pression  de  l'air,  et  les  mouvements 
vibratoires  sont  effacés.  Une  membrane  un  peu  rigide,  résistant  aux  pre- 
miers, est  sensible  aux  seconds.  Nous  avons  remplacé  le  tuyau  de  verre 
par  une  petite  poire  en  verre,  en  bois  ou  en  ivoire,  qui  entre  à  frottement 
dans  le  nez. 

Explorateur  du  larynx  avec  transmission  aérienne.  —  J'ai  cherché 
dans  ce  sens  un  nouvel  explorateur  du  larynx  avec  transmission  par  air. 
Après  avoir  expérimenté  sans  succès  diverses  sortes  de  membranes,  j'ai 
essayé  d'une  simple  capsule  appuyée  sur  la  peau  tendue,  et  le  résultat  a 


Fig.  II. 


été  satisfaisant.  Je  ne  lui  ai  guère  donné  que  i  c.  et  1/2  de  diamètre  afin 
de  pouvoir  l'introduire  dans  la  courbure  latérale  du  cartilage  thyroïde , 
qui  est  le  point  le  plus  favorable  pour  l'exploration. 

Inscripteur  de  la  parole.  —  Tous  les  appareils  que  je  viens  de  men- 
tionner sont  des  instruments  d'analyse;  ils  appellent  un  instrument  de 
synthèse  qui  saisisse  la  parole  elle-même  dans  les  vibrations  de  la  colonne 
d'air  parlante.  C'est  vers  cet  objet  que  j'ai  dirigé  mes  premières  recher- 
ches, portant,  comme  c'est  assez  l'ordinaire,  dès  le  premier  coup,  mon 
ambition  sur  les  points,  les  plus  difficiles  à  atteindre,  que  je  juge  prudent 
de  réserver  aujourd'hui.  Cependant,  mes  essais  n'ont  point  été  vains,  et 
j'en  présente  les  résultats  dans  un  nouvel  inscripteur  de  la  parole.  Je 
n'ai  pas  encore  eu  le  temps  d'en  tirer  tout  ce  qu'il  promet;  mais  j'aurai 
plus  d'une  fois  l'occasion  d'invoquer  son  témoignage  pour  contrôler  mes 
expériences  antérieures  et  les  compléter. 

C'est  l'appareil  dont  M.  Pierrot-Deseilligny  m'a  fourni  la  première  idée. 


8o 


l'abbè  rousselot. 


Après  avoir  étudié  les  principales  tentatives  faites  dans  le  même  but  :  le 
phonautographe  de  Scott  (Gaverret  ,  Phénomènes  physiques  de  la  phonation , 
p.  353),  le  logographe  de  Barlow  ^  (The  scient,  proceed.  of  the  Royal  Dublin 
soc.  avril  1874,  ^^  Journal  de  physique,  1879,  p.  79),  l'appareil  de  M.  Sche- 
neebeli^  (Archives  des  sciences  physiques  et  naturelles,  Genève,  1878,  p.  79, 
—  et  n°  du  15  février  1879),  les  flammes  manométriques  de  M.  Kœnig3 
(^Quelques  expériences  d'acoustique,  p.  50),  le  téléphone  inscripteur  du 
docteur  Boudet  de  Paris  4,  et  enfin  le  graphophone  et  le  nouveau  phono- 
graphe d'Edison  5  ;  après  avoir  essayé  de  l'inscription  directe  de  la  trans- 
mission par  air,  je  me  suis  arrêté  à  la  combinaison  d'un  microphone  et 
d'un  signal  électrique. 

Le  microphone  est  celui  de  M.  Verdin,  composé  de  trois  charbons 


Fig.  12. 


horizontaux.  Seulement,  à  l'embouchure  qui  portait  directement  la  voix 


^  Le  phon.  et  le  logog.  sont  insuffisants  pour  enregistrer  le  timbre  des 
voyelles.  [|  ^  Les  résultats  obtenus  paraissent  excellents.  Les  expériences 
sont  à  reprendre.  H  3  Insuffisantes,  tant  qu'on  ne  les  photographiera  pas. 
Il  4  Le  levier  inscripteur,  mu  directement  par  l'électro-aimant,  a  des  mou- 
vements propres.  Je  n'ai  pas  pu  enregistrer  le  timbre  des  voyelles.  ||  5  J'ai 
essayé  d'analyser  les  courbes  du  graphoph.  au  microscope;  impossible, 
car  elles  sont  incomplètes. 


LES   MODIFICATIONS   PHONÈTiaUES  DU    LANGAGE. 


8l 


sur  la  plaque  vibrante,  et  qu'il  était  indispensable  de  toucher  avec  les 
lèvres,  j'ai  substitué  la  disposition  suivante,  imitée  du  graphophone  :  un 
cône  de  cuivre  est  placé  devant  la  plaque,  et  l'embouchure  est  fixée  au 
bout  d'un  tuyau  de  caoutchouc.  Cette  modification  rend  l'appareil  d'une 
grande  sensibilité  et  d'un  usage  facile.  Il  suffit,  pour  qu'il  entre  en  mou- 
vement, de  parler  devant  l'embouchure  s-ins  que  les  lèvres  y  touchent. 
De  la  sorte,  on  est  sûr  que  les  seules  vibrations  de  l'air  sonore  agissent 
sur  la  plaque  microphonique. 


Fig.  15. 


Le  signal  diffère  essentiellement  de  ceux  que  je  connais;  il  est  construit 
pour  donner  non  les  interruptions,  mais  toutes  les  phases  du  courant,  et 
de  manière  à  atténuer  autant  que  possible  l'inertie  du  levier.  Les  électro- 
aimants sont  forts  ;  aussi  faut-il  une  pile  très  énergique  pour  en  vaincre 
la  résistance.  Dans  le  champ  de  leur  influence  est  tendue  une"  membrane 
de  vessie  portant,  à  son  centre,  d'un  côté  un  fer  doux,  et  de  l'autre  un 
levier  aniculé  et  amplificateur.  Une  couche  de  vernis  la  défend  contre  les 
variations  hygrométriques  de  l'air.  Des  vis  permettent  de  la  rapprocher 
plus  ou  moins  des  électros-aimants,  de  régler  la  marche  et  le  pouvoir 
amplificateur  du  levier.  Les  vibrations  de  la  membrane,  traduction  fidèle 


KEVCI  OES   PATOS.    —   6. 


82 


l'abbé  rousselot. 


des  difiérentes  phases  d'aimantation  de  l'électro-aimant,  qui  elles-mêmes 
correspondent  exactement  aux  vibrations  de  la  plaque  réceptrice  du  micro- 
phone, sont  reproduites  par  le  levier,  et  inscrites  par  lui  agrandies  sur  le 
cylindre  enregistreur.  Pour  avoir  la  preuve  qu'il  en  est  bien  ainsi,  on  n'a 
qu'à  faire  toucher  légèrement  la  pointe  du  levier  à  la  membrane  d'un 
stéthoscope,  et  l'on  entend  nettement  les  paroles  prononcées  devant  le 
microphone. 

On  pourrait  craindre  que  la  voix  ne  fût  altérée  comme  dans  le  télé- 
phone. Une  remarque  me  donne  à  penser  que  cela  n'a  pas  lieu.  La  mem- 
brane peut  servir  de  téléphone;  mais,  au  point  où  l'on  entend  le  mieux, 
le  levier,  comme  affolé,  ne  fait  que  des  soubresauts.  Son  tracé,  dans  ce 
cas,  ressemble  assez  à  ceux  du  graphophone  étudiés  au  microscope. 
La  membrane  touche  alors  à  l'électro-aimant;  c'est  là  la  cause  de  sa 
marche  irrégulière,  et  aussi,  je  suppose,  de  l'altération  de  la  voix  dans 
les  téléphones.  Un  peu  plus  écartée  des  électros-aimants,  la  membrane  a 
des  vibrations  plus  régulières,  moins  fortes,  et  les  tracés  sont  excellents. 

Je  signalerai,  en  terminant,  trois  appareils  qui  n'entrent  pas  dans  la 
série  de  ceux  que  je  viens  d'énumérer,  mais  qui  m'ont  été  utiles,  soit 
pour  contrôler,  soit  pour  compléter  mes  tracés. 

Spiromètre.  —  C'est  un  compteur  à  air  sec.  M.  Verdin  l'a  employé 
pour  mesurer  la  capacité  pulmonaire.  Le  cadran  peut  être  gradué  de 
façon  à  laisser  lire  des  centimètres  cubes. 


Fig.  14. 


II 


I 


LES   MODIFICATIONS   PHOxàTiaUES   DU    LANGAGE.  83 

Stéthoscope  biauriculaire.  —  Cet  instrument  permet  d'entendre  des 
bruits  très  légers.  Les  médecins  s'en  servent  pour  les  auscultations  déli- 
cates. 

Fig.  15. 


Diapason  accordé  pour  la  voyelle  a  avec  poids  glissants.  —  Cet 
instrument  a  été  construit  par  M.  Kœnig  en  vue  de  mes  études  compara- 
tives sur  le  son  propre  de  Va  dans  différents  dialectes.  On  sait  que,  la 
bouche  étant  disposée  pour  la  prononciation  d'une  voyelle,  de  Va  par 
exemple,  si  l'on  remplace  le  son  du  larynx  par  celui  d'un  diapason  rendant 
le  son  fondamental  de  cette  voyelle ,  celle-ci  se  fait  entendre  clairement. 
L'opération  est  délicate,  mais  elle  permet  de  fixer  le  premier  degré  de 
l'échelle  phonétique.  Je  ne  pouvais  la  négliger. 

Grâce  aux  poids  glissants,  ce  diapason  peut  donner  de  1720  à  1856 
vibrations  simples  à  la  seconde. 


§2.  —  Lecture  des  Tracés. 


Les  tracés  simples  sont  en  général  d'une  lecture  facile. 

Les  tracés  des  lèvres  que  j'ai  utilisés  indiquent  seulement  les  différents 
degrés  d'ouverture  et  de  fermeture  de  la  bouche.  Les  parties  les  plus 
hautes  de  la  ligne  correspondent  à  la  fermeture,  les  plus  basses  à  l'ouver- 
ture complète,  et  les  points  intermédiaires  aux  positions  moyennes  entre 
ces  deux  extrêmes. 

La  ligne  du  nez  marque  par  ses  ondulations  la  pression  de  l'air  :  elle 
s'élève  ou  s'abaisse  à  proportion  que  celle-ci  augmente  ou  diminue.  Les 
vibrations  sont  ordinairement  très  nettes,  mais  souvent  elles  ne  sont  visi- 
bles qu'à  la  loupe. 

Li  ligne  du  lar\nx,  tracée  par  l'explorateur  électrique,  est  presque  tou- 
jours bien  imparfaite,  mais  elle  marque  nettement  d'ordinaire  le  commen- 
cement et  la  fin  de  chaque  groupe  de  vibrations. 


84 


l'abbé  rousselot. 


Lorsque  rexpéricnce  comporte  plusieurs  tracés  simultanés,  il  y  a  di- 
verses précautions  à  prendre  au  moment  de  l'expérimentation,  afin  que  la 
lecture  puisse  s'en  faire  sûrement.  Ce  qu'il  importe  de  déterminer  dans 
ce  cas,  avant  tout,  c'est  le  synchronisme  des  mouvements;  autrement, 
la  comparaison  des  tracés  serait  impossible. 

Pour  cela,  on  dispose  sur  le  chariot  les  appareils  inscripteurs  de  façon 
que  la  pointe  des  styles  vienne  toucher  le  cyHndre  noirci  suivant  une 
ligne  droite  horizontale.  La  facilité  que  l'on  a  d'allonger  ou  de  raccourcir 
les  appareils  et  les  styles,  permet  cet  arrangement.  Pour  s'assurer  que  l'on 
a  bien  réussi,  on  fait  glisser  le  chariot  à  droite  ou  à  gauche;  la  disposition 
est  bonne  quand  tous  les  tracés  se  confondent  en  une  seule  ligne.  Une 
concordance  rigoureuse  est  difficile  à  obtenir,  mais  elle  n'est  pas  néces- 
saire :  une  légère  erreur  se  corrige  aisément  à  la  lecture.  Or,  à  supposer 
que  les  styles  soient  bien  réglés ,  tous  les  points  placés  sur  des  perpendi- 
culaires élevées  sur  les  lignes  tracées  à  vide  seront  synchroniques.  En 
effet,  soit  une  rangée  de  styles  a,  b,  c,  d,  si  nous  déplaçons  le  chariot,  le 
cylindre  enregistreur  demeurant  immobile,  ces  styles  traceront  la  ligne 
horizontale  AB;  puis,  si  nous  les  ramenons  à  leur  première  place  et  que 
nous  mettions  le  cylindre  en  mouvement,  eux  restant  fixes,  ils  traceront 
des  lignes  verticales  perpendiculaires  à  AB.  Comme  les  points  pris  sur  la 
ligne  AB  sont  synchroniques,  les  points  placés  sur  une  parallèle  le  sont 
également.  Or,  une  parallèle  à  AB  est  perpendiculaire  à  toutes  les  lignes 
engendrées  par  le  mouvement  du  cylindre  tournant  devant  les  points  fixes 


—  B 


Fig.  i6.      A 


a,  b,  c,  d.  A  la  lecture,  on  place  horizontalement  les  lignes  tracées  par  les 
styles;  d'où  il  suit  que  les  points  de  ces  lignes,  qui  se  correspondent  verti- 
calement, sont  synchroniques.  On  peut  les  considérer  comme  tels  tant 
que  les  tracés  ne  s'écartent  pas  trop  des  lignes  suivant  lesquelles  ils  ont  été 
réglés.  Mais,  dès  qu'ils  prennent  une  certaine  amplitude,  des  corrections 
deviennent  nécessaires.  En  effet,  les  styles,  décrivant  des  arcs  de  cercle 
autour  de  leur  point  d'appui,  cessent  de  marcher  d'accord  dès  qu'ils 
s'écartent  inégalement  des  lignes  de  réglage.  Il  faut  donc  reporter  sur  ces 
lignes  tous  les  points  que  l'on  veut  comparer.  Voici  comment  on  procède  : 
quand  tout  est  prêt  pour  l'expérimentation,  et  avant  d'avoir  mis  le  cylindre 
en  mouvement,  on  fait  agir  tous  les  styles  de  façon  à  ce  qu'ils  décrivent 


LES   MODIFICATIONS   PHONèTIQUES  DU    LANGAGE.  85 

des  arcs  de  repère  d'une  certaine  étendue.  Cela  fait,  on  procède  à  Texpù- 
rience.  Au  moment  de  la  lecture  on  prend,  sur  les  arcs  de  repère,  trois 
points  à  l'aide  desquels  on  trouve  les  centres  correspondant  aux  axes  des 
leviers,  et,  par  ces  points,  on  mène  des  parallèles  aux  lignes  de  réglage; 
on  obtient  ainsi  les  lignes  des  axes.  Alors,  avec  des  ouvertures  de  compas 
égales  ;\  la  longueur  des  leviers,  ou,  ce  qui  revient  au  môme,  aux  rayons 
des  arcs  de  repère,  et,  en  prenant  les  centres  sur  les  lignes  des  axes,  on 
reporte  sur  les  lignes  de  réglage  les  points  qui  s'en  écartent.  Enfin,  des 
perpendiculaires  élevées  en  ces  points  sur  les  lignes  de  réglage  établissent 
le  synchronisme  cherché. 

Toutes  ces  opérations  sont  faites  dans  la  figure  suivante.  Je  suppose 
quatre  tracés  :  ceux  du  nez,  i,  du  larynx,  2,  de  la  langue,  3,  et  des  lèvres,  4. 

Fig.  17. 


Les  lignes  pleines  sont  celles  que  l'on  obtient  à  l'aide  des  appareils  ;  les 
lignes  pointées  sont  des  lignes  de  construction.  Les  lignes  AB  et  A'B'  ont 
été  tracées  par  le  déplacement  du  chariot  lors  de  la  vérification  du  réglage; 
la  ligne  du  larynx  se  trouve  en  retard  d'une  quantité  dont  il  faudra  tenir 
compte.  Dans  toutes  les  parties  où  elles  ont  été  tracées  par  les  styles  fixes, 
les  lignes  i,  2,  3,  4  sont  les  lignes  de  réglage.  Les  ares  de  repère  :(,  :^',  :^" 
permettent  d'étabHr  les  lignes  des  axes  i',  3  et  4'.  J'ai  reproduit  à  dessein 
les  trois  positions  que  peuvent  avoir  les  styles  par  rapport  au  cylindre  enre- 
gistreur :  ou  bien  ils  tombent  perpendiculairement  dessus,  et,  dans  ce 
cas,  la  ligne  de  réglage  et  celle  des  axes  se  confondent  (3)  ;  ou  bien  ils 
inclinent  à  droite  (4)  ou  à  gauche  (i). 


86  l'abbé  rousselot. 


Le  problème  posé  ici  est  de  savoir  dans  quel  rapport  de  temps  se  trou- 
vent les  points  a,  b,  c,  d.  Au  moyen  d'arcs  de  cercles  ayant  leur  centre 
sur  les  lignes  des  axes,  et  pour  rayon  la  longueur  des  styles,  nous  abais- 
sons ces  points  sur  les  lignes  de  réglage  en  a',  c\  d\  Nous  corrigeons 
l'avance  de  la  ligne  du  larynx  en  reculant  b  en  b\  puis  nous  menons  une 
perpendiculaire  par  l'un  de  ces  points.  Or,  il  se  trouve  qu'elle  les  réunit 
tous;  donc  ils  doivent  être  synchroniques. 

Cette  construction  nous  suggère  un  moyen  de  simplifier.  La  distance, 
entre  a  et  la  perpendiculaire  élevée  en  a\  est  égale  à  celle  qui  sépare  l'arc 
de  repère  et  la  verticale  passant  par  le  point  de  rencontre  de  l'arc  et  de  la 
ligne  de  réglage.  Même  observation  à  faire  pour  la  ligne  4.  De  là  il  suit 
que,  pour  corriger  l'erreur  occasionnée  par  la  marche  du  levier,  il  suffit 
de  mesurer  l'écart  qu'il  y  a  entre  l'arc  de  repère  et  la  verticale,  pris  à  une 
hauteur  égale  à  celle  du  point  qu'il  s'agit  de  rectifier,  et  de  porter  cette 
distance  soit  à  droite,  soit  à  gauche  de  ce  point,  suivant  que  l'arc  passe 
soit  à  gauche,  soit  à  droite  de  la  verticale. 

J'ai  supposé  jusqu'ici  que  les  inscriptions  sont  instantanées,  ce  qui  n'est 
pas.  Il  reste  donc  une  dernière  correction  à  faire  si  l'on  veut  s'approcher 
aussi  près  que  possible  de  la  vérité,  celle  du  retard  éprouvé  par  les 
appareils  inscripteurs.  Ce  retard  a  été  calculé  par  M.  Marcel  Deprez 
pour  son  signal  électrique,  et  par  M.  Marey  pour  les  appareils  à  transmi- 
mission  par  air.  C'est  environ  ^  de  seconde  pour  l'aimantation,  -^ 
pour  la  désaimantation ,  et  ~  pour  la  transmission  par  l'air  faite  au 
moyen  d'un  tube  de  4""™  de  diamètre  et  d'un  mètre  de  longueur^,  comme 
ceux  que  j'emploie.  Ces  erreurs  sont  tout  à  fait  négligeables  pour  l'objet 
que  je  me  suis  proposé,  et  je  n'en  ai  pas  tenu  compte.  Je  me  suis  servi 
d'un  tube  d'un  mètre  pour  l'exploration  des  lèvres,  de  0,50''  pour  celle 
du  nez. 

Enfin,  je  dois  dire  que,  dans  bien  des  cas,  il  est  possible  de  suppléer  à 
toutes  ces  corrections  par  des  inscriptions  comparatives.  S'il  s'agit,  par 
exemple,  de  savoir  ce  qui  appartient  à  Vr  dans  le  tracé  de  pra,  il  suffit 
d'inscrire  successivement /)ra  et  pa.  La  comparaison  des  deux  tracés  nous 
montre  les  corrections  toutes  faites.  Ce  qu'il  y  a  dans  pra  de  plus  que 
dans  pa  doit  être  vraisemblablement  attribué  à  r.  De  même,  pour  juger  le 
y  àe  pya,  ou  le  w  de  pwa,  on  inscrit  à  càtèpi  et  pu.  Les  tracés  ainsi  obtenus, 
sont  les  plus  faciles  à  interpréter,  et  ce  sont  ceux  que  je  cite  de  préférence. 

Lorsque  c'est  nécessaire,  j'indique  dans  les  figures  les  corrections  toutes 
faites  au  moyen  de  lignes  pointées. 

^  Marey,  Méth.  graph.,  p.  477  et  479.  —  Trav.,  1875,  p.  142, 


CHAPITRE  II 


RÉGIONS    D'ARTICULATIONS 


La  parole  se  compose  d'une  multitude  de  sons  et  de  bruits  dont  les 
principaux  seulement  ont  trouvé  place  dans  nos  alphabets.  Nos  lettres,  en 
effet,  représentent  non  des  unités  réelles,  mais  des  unités  d'impression, 
et  encore  pas  toutes. 

Je  traiterai  des  consonnes,  des  voyelles  et  de  quelques  sons  employés 
pour  des  intentions  particulières  en  dehors  du  discours,  que  l'on  a  appelés 
interjectifs. 

Les  observations  ont  été  faites  à  l'aide  du  miroir,  du  palais  artificiel  et 
des  explorateurs  de  la  langue. 

Le  palais  artificiel  est  représenté  dans  sa  position  normale  comme  s'il 

était  vu  par  un  spectateur  placé  au  fond  de  la  gorge.  De  la  sorte,  la  droite 

et  la  gauche  du  palais  correspondent  à  la  droite  et  à  la  gauche  du  lecteur. 

Il  a  été  divisé  en  plusieurs  régions  pour  aider  au  report  des  tracés  et  en 

faciliter  l'interprétation.  La  figure  suivante  le  représente  avec  ses  accidents, 

Fig.  18. 


ses  divisions  et  une  coupe  de  l'arcade  prise  à  la  limite  du  palais  dur.  Les 


88 


l'abbè  rousselot. 


articulations  de  même  ordre  ont  été  réunies  dans  le  même  cliché,  et  les 
limites  des  régions  propres  à  chacune  se  distinguent  par  un  pointillé 
spécial.  Toute  la  partie  du  palais  comprise  entre  ces  limites  et  les  dents , 
ou  (pour  les  gutturales)  le  fond  du  palais,  ou  bien  encore  (pour  /,  r)  une 
seconde  Hmite  de  même  pointillé,  a  été  touchée  par  la  langue  au  moment 
de  l'articulation. 

§  I".  —  Consonnes. 


Labiales  :v,f,m,b,  p. 


Fig.  19. 


r 

/ 

\ 

( 

P,  J>. 

t,    y. 

Y 

A 

fbfv  C» 

I.r, 

N 

\ 

;-^ 

:;:.__A 

La  langue  est  dans  la  position  du  repos  :  elle  touche  au  palais  par  les 
coins  à  la  hauteur  des  dernières  dents.  Pour  w  toutefois,  il  y  a  en  outre 
un  léger  abaissement  de  la  mâchoire  supérieure.  La  différence  d'articula- 
tion n'est  pas  là;  elle  se  produit  aux  lèvres. 

V  diffère  de  /  par  une  fermeture  moins  complète  et  une  tension  moins 
énergique  des  muscles. 

h  se  distingue  du  p  par  une  pression  moins  forte  exercée  sur  les  lèvres. 

m  a  sur  les  lèvres  la  même  position  que  b. 

Dentales  :  ;(,  s,  n,  d,  t. 

Fig.  20. 


LES   M0DIFIC\T10NS   PHONÉTIQUES   DU   LANGAGE. 


89 


Pour  ;^  et  i,  la  langue  touche  \  peine  le  bord  de  l'arcade  dentaire,  moins 
pour  ;;  que  pour  s.  Il  ne  peut  pas  en  être  autrement,  puisqu'un  passage 
doit  être  réservé  à  l'air  qui  s'écoule  pendant  l'émission  de  ces  consonnes. 

Pour  «,  d  et  /,  la  langue  touche  tout  le  tour  des  alvéoles  et  ne  laisse  de 
libre  que  le  fond  du  palais.  Il  y  a  une  différence  notable  entre  ces  arti- 
culations :  le  dos  de  la  langue  va  en  s'élevant  depuis  :^  jusqu'à  /. 

Palatales  :  y,  /,  f,  —  A(0,  —  ^(0,  —  gi"),  —  w,  —  w,  —  k{o). 

Fig.  21.  Fig.  22. 


Le  y  est  la  palatale  qui  s'avance  le  plus  vers  les  dents.  La  langue  s'ap- 
plique sur  les  bords  du  palais  et  ne  laisse  au  milieu  qu'un  sillon  étroit 
(cf.  fig.  27).  •         ^ 

Le  /  et  le  €  ne  se  distinguent  pas  d'une  façon  bien  sensible  ou  du  moins 
bien  constante  ;  c'est  un  y  dont  la  gouttière  centrale  se  serait  bien  élargie, 
un  peu  plus  d'ordinaire  pour  le  /  que  pour  le  €. 

Le  ^  et  le  ^  diffèrent  peu ,  et  leurs  positions  peuvent  varier  d'une  Éiçon 
très  appréciable.  La  figure  représente  celles  qu'ils  prennent  le  plus  fréquem- 
ment. 

A  côté  g  se  placent  les  deux  labio-palatales  w  et  ûf. 

Le  u>  répond  à  peu  près  au  ^'(0),  \e  vj  k  g  (o  (cf.  fig.  28).  Le  premier  a 
sur  les  lèvres  la  position  du  «*,  le  second  celle  d'un  u. 

Linguales  :  /,  r. 

Fig.  25.  Fig.  24. 


J] 

a 

^"^"""O 

r: 

^t 

^ 

{/ 

; 

*         / 

)\ 

♦  \ 

« 

•A 

.-•"■    \ 

90 


L  ABBE   ROUSSELOT. 


/  et  r  touchent  au  palais  \  peu  près  au  même  endroit,  /  plus  que  r,  mais 
d'une  manière  différente.  Pour  /,  la  langue  s'appuie  par  la  pointe  sur  le 
palais  et  vibre  par  les  bords.  Pour  r,  elle  s'appuie  par  les  bords  et  vibre 
par  la  pointe. 

Consonnes  groupées  et  consonnes  mouillas.  —  Dans  les  traces  laissées  sur  le 
palais  par  deux  consonnes  successives,  il  est  facile  de  discerner  ce  qui  est 
propre  à  chacune  d'elles.  Les  figures  précédentes  contiennent  certains 
groupements.  En  voici  quelques  autres  : 

Fig-  25.  Fig.  26. 


Il  est  permis  de  tirer  de  là  les  conclusions  suivantes  : 

1°  Dans  un  groupe,  la  première  consonne  a  la  tendance  de  s'accommoder 
à  la  seconde.  Cela  ne  paraît  pas  ipour pi,  pr,  bl,  hr,  etc.;  mais  cela  se  montre 
pour  gl  et  surtout  pour  ^)',  ky.  he.g  et  le  k  sont  très  avancés  vers  les  lèvres 
et  fortement  palatalisés  :  la  trace  de  la  langue  sur  le  fond  du  palais  ne  peut 
être  en  effet  attribuée  qu'à  ces  consonnes ,  le  y  laissant  à  cet  endroit  une 
gouttière  pour  l'écoulement  constant  de  l'air. 

2°  Les  consonnes  mouillées  ne  sont  pas  une  simple  combinaison  d'une 
consonne  et  d'un  y.  Il  existe  en  effet  une  différence  considérable  entre  les 
tracés  de  n  et  de  ny,  de  /  et  de  ly.  Les  figures  de  ny,  ly  accusent  nettement 
les  mouvements  successifs  de  n,  l  et  de  y.  Il  en  est  tout  autrement  de  celles 
de  n,  L  Les  premières  sont  des  articulations  complexes;  ces  dernières 
sont  des  articulations  simples.  Aussi  ny,  ly  ne  sauraient  être  maintenues, 
tandis  que  «,  /  peuvent  être  continuées  indéfiniment.  On  ne  peut  donc 
pas  dire,  du  moins  pour  mon  patois,  que  /  et  w  ne  sont  autre  chose  que 
/  et  «  très  intimement  unis  à  des  y  suivants.  Il  est  vrai  que  l'histoire  de  n 
nous  montre  toujours*  un  y  agissant  sur  la  production  de  cette  consonne. 
Mais  il  n'en  est  pas  de  même  de  /  :  une  partie  seulement  des  /  remonte 
dans  mon  patois  à  ly  ou  yl.  D'autres  /  (dans  les  groupes)  se  sont  produits 
indépendamment  du  y. 


LES   MODIFICATIONS   PHONÉTIQUES   DU    LANGAGE.  91 

Dans  cette  description,  je  ne  ferai  pas  entrer  le  /;  et  le  ^,  encore  moins 
le  dy  et  le  /_^',  qui  existent  dans  la  région,  par  la  raison  qu'ils  n'appartien- 
nent pas  à  mon  parler.  Quoique  je  puisse  les  reproduire  à  la  satisÉiction 
de  ceux  qui  les  emploient,  je  ne  saurais  naturellement  présenter  comme 
absolument  corrects  les  mouvements  que  j'exécute.  Le  /;  et  le  £  me  sem- 
blent être,  comme  je  l'ai  dit  dans  la  Rtv.  des  Patois  g.-r.,  I,  315,  les  frica- 
tives du  g  et  du  k.  Ils  sortent  dans  le  pays  d'un  /  et  d'un  ^.  J'ai  pu 
comparer  en  môme  temps  sur  ce  point  la  prononciation  des  Saintongeais, 
des  Lorrains  et  des  Pyrénéens  :  je  n'ai  pas  remarqué  de  différence  notable. 
Quant  au  dj  et  au  tf,  je  les  note  comme  je  les  entends,  sans  prendre  parti 
dans  la  discussion  dont  ils  sont  l'objet.  Est-ce  une  articulation  simple  ou 
double?  Les  indigènes  la  croient  simple.  C'est  tout  ce  que  je  puis  dire  en 
l'absence  d'une  expérience  décisive. 

Ainsi,  le  système  consonnantique  de  Cellefrouin  ne  diffère  pas  de  celui 
du  français  commun.  J'entends  par  là  le  français  qui  tend  à  s'établir  dans 
la  classe  instruite  en  dehors  des  variétés  locales.  Ces  variétés  sont  plus 
nombreuses  qu'on  ne  pense ,  et  ne  sont  pas  toujours  corrigées  par  une 
éducation  soignée.  En  tenant  compte  de  celle-ci,  je  dois  faire  les  remarques 
suivantes  : 

Mon  r  n'est  pas  celle  d'un  Parisien  (r),  ni  celle  d'un  Lorrain  (f),  ni 
celle  d'un  Limousin  (f),  ni  celle  d'un  Blaisois  (r),  ni  celle  de  certaines 
régions  du  Midi  (r). 

Mon  b  n'est  pas  le  è  bi-labial  de  certains  méridionaux. 

Mon  d  et  mon  t  ne  sont  pas  le  4  et  le  /,  avec  la  pointe  de  la  langue  reculée 
en  arrière  des  alvéoles,  qui  se  trouvent  dans  la  Meuse,  l'Yonne,  le  Gers, 
etc.,  ni  le  d  etle  t  de  l'Est  et  du  Midi. 

Mon  g  (-f  /,  e,  e)  et  mon  k  (+  f,  î,  e)  diffèrent  également  du  gy  et  du 
hy  du  Centre  et  du  Nord-Ouest ,  que  l'on  entend  même  à  Paris  dans  le 
parler  très  populaire,  et  au  Canada  dans  le  langage  cultivé,  devant  a. 

Un  Lorrain  qui  me  lirait  ne  devrait  pas  considérer  mes  sonores  comme 
les  équivalentes  des  siennes. 

Quant  à  mon  n  mouillée,  je  l'aurais  crue  d'un  usage  général,  n'ayant 
remarqué  ny  pour  n  que  chez  des  personnes  nées  hors  de  France,  si  je 
n'avais  vu  que  M.  Crouslé  conseille  une  prononciation  assez  voisine  de 
ni  «  aniô  »  (Gr.  de  la  lang.  fr.,  p.  22),  et  que  M.  Passy  distingue  pour 
cette  articulation  des  différences  considérables  :  —  jz,  t'y»  ^y  et  même  y 
nasalisé  (Z^i  sons  du  fr.,  p.  23). 

J'ajouterai,  pour  les  Français  du  Nord,  que  VI  mouillée  est  un  son  dont 
ils  n'arrivent  qu'à  grand'peine  à  se  rendre  compte. 

Lorsqu'ils  veulent  prononcer  /,  ils  ne  font  entendre  que  ly,  ancêtre  de  /. 


92 


L  ABBE    ROUSSELOT. 


Aussi  voyons-nous  çà  et  là  ly  se  substituer  àjy,  le  représentant  actuel  de 
17  en  français,  sous  l'influence  de  Littré  qui  n'aura  gagné,  par  son  insis- 
tance à  recommander  un  son  à  jamais  perdu,  qu'à  faire  rebrousser  la  langue 
de  1800  ans  en  arrière.  J'ai  constaté  le  fait  dans  la  Meuse,  où  l'introduction 
de  ly  est  due  à  un  professeur  de  petit  séminaire  qui  s'est  appliqué  à  incul- 
quer à  ses  élèves  la  v7-aie  prononciation  de  Tl  mouilla,  et  chez  des  Normands 
qui  avaient  imité  la  prononciation  d'un  élève  du  professeur  meusien , 
devenu  à  son  tour  professeur  à  Paris.  M.  P.  Passy  a,  lui  aussi,  remarqué 
que  quelques  personnes  prononcent  les  /  mouillées  ly. 


2.  —  Voyelles. 


La  distinction  des  voyelles  est  due  aux  formes  variées  que  peut  prendre, 
grâce  surtout  aux  lèvres  et  à  la  langue,  le  résonnateur  buccal,  et  à  l'inter- 
vention, pour  quelques-unes,  du  résonnateur  nasal.  De  là  les  divisions 
des  voyelles  en  buccales  et  nasales,  en  labiales  et  linguales.  De  plus,  si 
l'on  considère  surtout  l'action  de  la  langue  formant  de  la  bouche,  un 
double  résonnateur,  en  se  redressant  par  la  pointe,  ou  un  seul,  soit  en. 
restant  étendue  dans  sa  position  normale ,  soit  en  se  reculant  vers  le 
voile  du  palais,  on  peut  aussi  diviser  les  voyelles  en  antérieures,  neutres 
et  postérieures. 

Voyelles  neutres  et  voyelles  antérieures. 

Fig.  27.  Fig.  28'. 


A 

^ 

l~\ 

/  A 

^ 

f~W. 

l\  i 

+  1   : 

A.  1   ; 

/ 

/ 

1    : 

!i^- 

1 

*v 

1  : 

■■  '«' 

^  Dans  la  fig.  28,  corriger  a^,  a^,  a 5  en  œ'^,  œ^,  œ\ 


LES   MODIFICATIONS   PHONÉTIQJLES   DU    LANGAGE. 


93 


Elévation  de  la  langue  prise  sous  le  menton ,  en  arrière  * 

Bg.  29. 


Elévation  de  la  langue  prise  sous  le  palais  : 

Fig.  3a'  - 


a  — -  La  voyelle  neutre  est  pour  moi  a^.  Va  que  je  donne  naturellement 
sans  effort. 

Autour  de  cet  a,  qui  est  comme  le  pivot  de  tout  mon  système  voca- 
lique,  se  forment  deux  autres  a  qui  ouvrent  l'un  (a  ')  la  série  des  voyelles 
antérieures,  l'autre  (flî)  celle  des  voj^elles  postérieures. 

fl'  est  très  voisin  de  fl*;  il  m'oblige  à  ouvrir  un  peu  plus  la  bouche  et 
à  reculer  les  commissures. 

a  J  exige  que  la  langue  se  reporte  en  arrière,  de  façon  que  la  pointe  ne 
dépasse  pas  les  premières  grosses  molaires,  et  se  creuse  autant  que  possible; 
de  la  sorte ,  la  cavité  résonnante  devenant  plus  large ,  l'ouverture  de  la 
bouche  étant  à  peu  près  la  même  que  pour  les  autres  a,  le  son  produit 
est  plus  sourd. 

C'est  de  cet  a  que  MM.  Donders,  Helmholtz  et.Kœnig  ont  recherché 
le  son  propre.  M.  Donders  lui  a  assigné  le  j/*.,^  ^^'  Helmholtz  et  Kcenig 
le  j/*3,  soit  1800  vibrations  simples  à  la  seconde.  Mon  a  est  un  peu  plus 
aigu;  il  donne  181 6  vibrations.  Il  est  égal  à  celui  tl'un  Maçonnais,  et 
se  trouve  à  la  fois  plus  aigu  que  les  a  '  du  nord  et  de  l'est  de  la  France 
(Normandie  1808,  Lorraine  1806,  Suisse  romande  1808,  Paris  1804)  et 
plus  grave  que  ceux  du  Midi  (Aveyron  1824,  Gers  1&28). 

^,  i  —  Les  voyelles  qui  continuent  la  série  de  l'a  *  (voyelles  labiales 


'  Les  lignes  pointées  dans  cette  figure  et  les  suivantes  permettent  de 
comparer  l'élévation  de  la  langue  pour  les  différentes  voyelles. 


94 


l'abbè  rousselot. 


antérieures')  sont  :  e\  e',  e^,  i^  et  iK  L'élévation  progressive  de  la  langue 
est  trop  visible  dans  les  tracés  pour  qu'il  soit  utile  de  s'y  arrêter. 

ce,  u  —  Ce  sont  les  voyelles  labiales  qui  correspondent  aux  précédentes 
pour  la  position  de  la  langue  : 

œ^  a  a',  œ^  k  a^y  œ^  e^y  u^  k  ei,  ui  h  i^.  ' 

Ce  qui  les  différencie,  c'est  la  fermeture  des  lèvres,  qui  grandit  succes- 

Fig.  31. 


sivement  depuis  a?'  jusqu'à  wî,  et  présente  les  ouvertures  :  2'="'  9  sur  8"""  2, 

2  '">  3  sur  5  """,  V""  4  sur  4 """^  i<^™  2  sur  4 """,  7  ■""  sur  2 """. 


Voyelles  postérieures. 
Fig,  32. 


Elé>ratîon  de  la  langue  prise  sous  le  menton,  en  arrière 


LES  MODIFICATIONS   PHONÉTIQUES   DU    LANGAGE. 


95 


Elévation  de  la  langue  prise  sous  le  palais 

Fig-  34. 


Ouverture  des  lèvres  : 

Fig.  35- 


(^37 

La  première  voyelle  de  la  série  est  flî,  la  seule  qui  ne  soit  pas  labiale. 

0  —  Il  y  a  trois  variétés,  La  langue  est  à  peu  près  dans  la  même  position 
que  pour  a3;  pourtant  elle  s'élève  un  peu  progressivement.  Les  lèvres 
s'arrondissent  et  laissent  une  ouverture  de  3  "^  2  sur  i*^  pour  0%  de  2""  4 
sur  9""°  pour  o^^  de  1'=™  4  sur  5"""  pour  oK 

u  —  Comme  pour  1'/,  je  n'ai  que  deux  variétés  :  —  w*  lorsque  la 
langue,  en  se  collant  sur  la  limite  du  palais  dur,  ne  laisse  qu'une  ouverture 
en  forme  de  losange  (<C>)  d'environ  6  "^  de  longueur  sur  4'"'"  de  hauteur, 
et  lorsque  les  lèvres  s'écartent  de  i  *="  3  sur  4'"";  —  «^  lorsque  le  passage 
livré  à  l'air  n'est  plus"  qu'un  petit  trou  produit  par  la  fente  du  palais  et  la 
gouttière  médiale  de  la  l.ingue,  et  lorsque  les  lèvres  ne  sont  plus  écartées 
que  de  7"'"  sur  2, 

Voyelles  nasales. 

Le  patois  de  Cellefrouin  ne  possède  que  trois  voyelles  nasales,  5,  ?,  ô, 
dont  aucune  ne  répond  bien  exactement  aux  voyelles  orales  que  je  viens 
de  décrire. 

à  est  un  a'  pour  lequel  le  dos  de  la  langue  se  relève  un  peu  afin  de 
rejoindre  le  voile  du  palais  qui  s'abaisse  en  même  temps. 

Les  mâchoires  sont  aussi  un  peu  moins  écartées  ;  cela  est  sensible  quand 
je  prononce  successivement  rt  "'  à  on  â  a^.  Mais  cette  différence  est  accès- 


96  L*ABBÈ   ROUSSELOT. 


soire,  puisque  je  puis  prononcer  à  avec  l'ouverture  de  bouche  requise 
pour  a'  sans  en  changer  le  son. 

è  —  La  langue  est  plus  basse  que  pour  ^  '  de  2  à  3  "'"\  J'ai  pu  en  juger  à 
l'aide  d'un  miroir  placé  de  façon  que  les  dents  du  haut  viennent  se  refléter 
sur  le  palais  et  que  la  partie  inférieure  de  l'image  rase  la  surfiice  de  la 
langue. 

Dans  cette  situation,  la  moindre  élévation  de  la  langue  devient  sensible 
et  facilement  appréciable,  car  l'image  des  dents  prend  une  coloration  diffé- 
rente dès  qu'elle  est  atteinte  par  la  langue.  J'ai  à  faire  ici  la  même  remarque 
que  pour  à  :  la  langue  touche  plus  au  palais  que  pour  la  voyelle  buccale 
correspondante,  et  les  mâchoires  se  rapprochent  davantage. 

Ô  est  très  sensiblement  0'^  pour  la  position  de  la  langue  et  des  lèvres. 

Classification  des  voyelles. 

D'après  ce  qui  vient  d'être  dit,  il  est  clair  que,  sauf  pour  a,  l'ouverture 
et  la  fermeture  de  la  bouche,  produites  par  le  dos  antérieur  de  la  langue 
pour  les  voyelles  linguales,  par  les  lèvres  pour  les  voyelles  labiales,  nous 
fournissent  un  excellent  moyen  de  caractériser  les  différents  timbres  des 
voyelles.  Nous  avons  de  la  sorte  des  voyelles  ouvertes  et  des  voyelles 
fermées.  Si,  d'autre  part,  nous  considérons  la  tension  musculaire,  nous 
obtenons  un  résultat  concordant.  Les  voyelles  ouvertes  sont,  si  l'on  veut, 
des  voyelles  molles,  relâchées,  tandis  que  les  voyelles  fermées  sont  des 
voyelles  dures,  tendues,  appuyées.  Cette  expression  même  à' appuyées  est 
la  seule  par  laquelle  je  puis  me  fliire  comprendre  des  paysans. 

Voilà  ce  qui  m'a  fait  préférer,  malgré  quelques  inconvénients^  cette 
classification  à  une  autre  qui  serait  fondée  sur  l'acoustique. 

Dans  la  série  linguale,  les  classifications  acoustique  et  physiologique 
marchent  de  pair  :  e  grave  =  e  ouvert,  e  aigu  =  e  fermé,  /  grave  =  i  ouvert, 
/  aigu  =  /'  fermé. 

Dans  la  série  labiale,  c'est  le  contraire  qui  a  lieu  :  0  grave  =  0  fermé, 
0  aigu  =  0  ouvert ,  u  grave  =  u  fermé ,  u  ^=  ît  ouvert ,  œ  grave  =  œ 
fermé,  œ  =  œ  ouvert,  u  grave  =  u  fermé,  u  ^^  u  ouvert. 

a  présente  une  difficulté  spéciale  :  il  est  le  point  de  départ  des  deux 
séries. 

^3  appartient  aux  voyelles  postérieures  (0,  u).  L'analogie  de  ces  deux 
voyelles,  dont  la  variété  fermée  est  la  plus  sourde,  a  porté  M.  Gilliéron 
à  marquer  d'un  accent  aigu  le  son  grave  de  Va  (comme  0,  ?/),  ce  qui  a 
entraîné  l'adoption  d'un  accent  grave  pour  le  son  aigu  de  l'a  (comme  ô,  «/). 

Dès  lors,  a^  est  considéré  comme  a  ouvert,  et  a'  comme  a  fermé.  Cette 
dénomination  peut  très  bien  se  défendre  au  point  de  vue  physiologique, 
puisque,  en  diminuant  l'ouverture  de  la  bouche  disposée  pour  a  ^  au  moyen 


LES   MODIFICATIONS   PHONÈTIQ.UES  DU   LANGAGE.  97 

d'un  carton  troué,  ou  tout  simplement  avec  la  main  pendant  l'émission 
de  la  voyelle,  on  fait  entendre  un  a  '.  Mais,  pour  les  personnes  qui  ouvrent 
plus  la  bouche  pour  ai  que  pour  a*  (et  la  chose  est  possible,  pourvu 
qu'elles  conservent  entre  l'ouverture  et  la  capacité  du  résonnateur  le  rap- 
port voulu) ,  elle  n'est  point  sans  difficulté.  Pour  moi ,  elle  est  exacte , 
puisque  l'a*  est  prononcé  avec  les  lèvres  réellement  plus  ouvertes  que 
pour  l'a  3. 

De  la  sorte ,  par  ouverture  ou  fermeture  des  voyelles ,  il  faudra  ici 
entendre  l'agrandissement  ou  la  diminution  de  l'orifice  du  résonnateur, 
à  savoir  :  pour  0,  u,  œ^  u,  l'écartement  ou  le  rapprochement  des  lèvres; 
pour  e,  i,  les  divers  degrés  de  rétrécissement  du  canal  laissé  à  l'air  entre  la 
langue  et  le  palais;  enfin,  pour  a,  la  plus  ou  moins  grande  ouverture  de  la 
bouche  par  rapport  à  sa  capacité. 

Ainsi,  dans  la  notation  introduite  par  M,  Gilliéron,  et  que  j'ai  adoptée, 
les  voyelles  distinguées  jusqu'ici  par  de  simples  exposants  deviennent  : 


a* 

à 

a  ^     a  (moyen) 

aï 

â 

0' 

ô 

0^     0  (moyen) 

o3 

ô 

u  2    11  (moyen) 

wî 

û 

e' 

é 

e^     e  (moyen) 

ei 

é 

i^     i  (moyen) 

i> 

i 

œ^ 

à 

œ^     œ  tl  è 

œi 

œ 

«2     u  (moyen) 

ui 

û 

La  voyelle  moyenne  œ  se  trouve  avoir  dans  la  notation  de  la  Revue 
deux  signes ,  œ  et  ^.  Ce  n'est  que  tout  récemment  que  je  suis  arrivé  à  me 
convaincre  de  l'équivalence  de  ces  deux  sons.  Je  devrais  donc  supprimer  t, 
qui  sort  du  système  général;  mais  comme,  en  pareille  matière,  il  n'est  pas 
bon  de  se  hâter,  je  garde  œ  pour  les  toniques,  continuant  à  employer  è  pour 
les  atones. 

Les  voyelles  de  Cellefrouin  comparées  à  celles  du  français. 

Je  devrais  maintenant,  comme  je  l'ai  fait  pour  les  consonnes,  comparer 
le  patois  de  Cellefrouin  au  français  commun.  Mais  ici  le  terme  de  compa- 
raison me  manque.  Le  français  n'a  pas  encore  réussi  à  imposer  son  système 
vocalique.  En  adoptant  h.  langue  de  Paris,  la  province  a  pu  remanier  ses 
consonnes  :  elle  avait ,  en  général ,  peu  â  faire ,  et  puis  les  différences 
étaient  choquantes;  mais  elle  n'a  guère  touché  à  ses  voyelles. 

Le  français ,  du  reste ,  ne  s'est  pas  montré  exigeant  sur  ce  point.  Dans 
sa  patrie  même ,  il  ne  semble  pas  tenir  à  une  homogénéité  parfaite.  Il 
permet  pour  les  voyelles  quelque  chose  de  vague  et  de  flottant  :  on  trou- 
verait dans  une  même  famille,  comme  dans  celle  de  M.  Passy,  une  éton- 


KiwB  SES  r&Toa.  — 


9^  L*ABBÉ   ROUSSELOT. 


liante  variété.  La  province  non  plus  ne  tient  pas  à  reproduire  les  voyelles 
parisiennes,  et,  pour  ne  parler  que  de  moi  et  de  mes  compatriotes,  nous 
avons  l'oreille  blessée  par  certaines  voyelles  de  Paris.  Je  ne  dirais  pas 
éôkôîâ,  payas,  môpànias;  je  préfère  mon  françai's  régional  fôkôlà ,  payas , 
vwpàrnàs. 

Mais  ce  n'est  pas  le  français  parlé  qui  se  répand  ;  c'est  le  français  des 
livres  ;  et  celui-ci  est  plus  accommodant  encore.  Chacun  n'y  lit  que  les 
voyelles  de  son  propre  parler.  L'enseignement  vient  bien  rectifier  quelques 
points;  mais  ces  points  sont  peu  nombreux,  tant  est  grande  notre  indul- 
gence en  cette  matière  !  Du  reste,  les  maîtres  ont  souvent  les  défiiuts  de 
la  région  où  ils  enseignent,  s'ils  n'en  ont  pas  de  pires.  Au  surplus,  l'ensei- 
gnement ne  corrige  pas  toujours.  Plus  d'un  son  barbare  peut  invoquer  sa 
paternité.  A  côté  de  l'influence  des  maîtres,  il  y  a  la  tendance  trop  géné- 
ralisatrice  des  élèves,  qui  est  une  nouvelle  source  d'erreurs.  Je  disais  : 
mé pér  «  mes  pères  ».  Corrigé  pour  pér,  j'ai  cru  qu'il  fallait  de  même 
changer  mé  en  mè ,  et  je  dis  «  mè  pér  ».  Enfin,  certains  mots  échappent  à 
l'analogie  des  autres  et  entrent  dans  le  langage  avec  la  forme  sous  laquelle 
ils  ont  été  entendus  :  œ  atone  est  toujours  œ  dans  mon  français,  et  pourtant 
je  dis  néyî  «  Neuilly  ». 

Il  n'y  a  donc  pas  de  règle  précise  pour  fixer  le  timbre  des  voyelles. 
Cependant,  au  milieu  de  la  variété  qui  règne  sur  ce  point,  on  peut,  dans 
le  plus  grand  nombre  des  sujets,  reconnaître  une  même  gamme  vocalique. 
Sans  doute,  chez  les  personnes  peu  cultivées,  on  surprend  des  voyelles 
intermédiaires,  comme,  pour  donner  quelques  exemples,  â  pour  à  aux 
i  environs  de  Noirétable  (Loire),  et  dans  bien  d'autres  endroits  encore  sur 
•la  limite  de  Va  m  >-  è,  â  pour  â  en  un  grand  nombre  de  lieux  sporadi- 
quement, à  La  Chaise  (Charente),  au  Canada,  etc.,  é  et  même  presque 
i  pour  é  en  Auvergne,  u  pour  à  et  n  pour  u  dans  diverses  régions  du  Midi, 
an,  en,  on  et  même  an,  en,  on  pour  à,  è,  ô  dans  tout  le  Midi,  â  pour  à 
dans  le  Nord-Est  et  même  à  Paris.  Mais  il  est  vrai  de  dire  qu'en  général 
(les  voyelles  nasales  mises  à  part)  l'incertitude  porte,  non  sur  le  son  en 
lui-même,  mais  sur  l'usage  qu'on  en  fait.  La  difficulté  d'indiquer  la  valeur 
précise  de  telle  ou  telle  syllabe  reste  donc  tout  entière.  Néanmoins,  en 
prenant  en  gros  la  prononciation  que  j'ai  entendue  à  Paris,  je  puis  dire 
que  toutes  les  voyelles  de  mon  patois  sont  françaises.  Voici  les  rappro- 
chements qu'il  est  permis  d'établir  : 

à  =  partir.  — a^^Varis.  —  ^  =  prtte,  chocok.  — ê  =  ïéte.  —  e:=ég\[se. 
—  é  =  maison,  chanter.  —  /  =  R/voli.  —  /  :=  nid,  ici.  —  ô  =  or.  — 
o  =  choco\a.  —  d  =  gigot,  maillot,  autre,  chapeau,  etc.  —  w  =  utile.  ^- 
ïi  =  fendM,  pend»,  pb/s.  —  u^^  oublier.  —  «  =  Roule,  je  ne  sais  où.  — 


LES   MODIFICATIONS   PHONfcilQLhS   DU    LANGAGE.  99 

rtî  =  heure.  —  œ  =  h^«reux.  —  é  =  heureux,  (eu,  peu.  —  à  =  enfant.  — 
}  =  vm.  —  ô  =  on. 

Je  ne  donne  toutefois  ces  équivalences  qu'avec  réserves,  parce  qu'on 
me  les  a  souvent  demandées,  et  je  prie  le  lecteur  de  n'en  user  qu'avec 
précaution  (cf.  Revue  des  Patois  g. -r.,  I,  p.  11-13). 


§3.  —  Sons  interjectife. 


Il  ne  me  reste  plus,  pour  épuiser  la  liste  des  sons  usités  à  ŒUefrouin, 
qu'à  indiquer  ceux  qui,  à  eux  seuls,  expriment  un  état  de  l'âme,  un 
sentiment,  un  ordre  ou  une  prière.  Les  uns  sont  formés  par  l'air  expiré, 
les  autres  par  l'air  inspiré.  Je  commence  par  les  premiers. 

1°  p!  Les  lèvres  jointes  sont  séparées  brusquement  par  la  poussée 
d'une  colonne  d'air  énergique.  Il  marque  le  dédain,  et  s'accompagne  d'un 
haussement  d'épaules,  ê  tel  ô  dt  dœ  ma  d  lil.  —  p!  t  ni  âbàràs  byê.  «  Un 
tel  a  dit  du  mal  de  vous.  —  pf  je  m'embarrasse  bien  !  » 

2° prr!  Même  position  que  pour  «  p!  ».  Il  s'y  joint  une  forte  vibration 
des  lèvres.  On  s'en  sert  pour  chasser  les  cochons.  —  En  Suède ^,  on  l'em- 
ploie pour  arrêter  les  chevaux.  L'r  est  une  r  labiale.  Cette  r  est  en  usage, 
dit-on,  chez  les  Hottentots.  Elle  existe  aussi  après  une  labiale  dans  quel- 
ques villages  des  Alpes  italiennes. 

prrà  !  avec  une  r  labiale,  est  employé  pour  arrêter  les  chevaux  et  les 
ânes. 

3°  ps  !  La  langue  est  disposée  pour  l'émission  de  l'j;  les  lèvres  sont 
fermées.  Le  p  éclate  brusquement,  et  Vs  se  prolonge.  C'est  le  signe  du 
mécontentement  et  l'annonce  d'une  colère  qui  ne  se  contient  plus.  Il 
s'accompagne  d'une  grimace  significative  et  d'un  haussement  d'épaules. 
ps!  t  m  âbàràs  byê  de  s  kè  tû  dî!  «  ps  !  je  m'embarrasse  bien  de  ce  que  tu 
dis  !  » 

^'^  ps! ps!  Le  même  son,  très  rapide,  avec  une  expression  caressante, 
invite  les  enfants  à  unner .  ps  !  ps  !  fà  ^^/  «  ps!  ps!  fais  ^j  ». 

5°  ps! ps!  moins  rapide  et  excitant,  sen  à  avâter  (lancer)  les  chiens. 

6°  pst!  Le  même  son,  mais  avec  une  s  plus  dure  et  un  léger  mouve- 
ment de  la  langue  contre  le  palais,  d'où  elle  s'arrache  brusquement,  ce 
qui  produit  un  /  final.  C'est  le  signe  de  la  rapidité,  à!  pst!  al  e  Iwèf  ta! 
kùr  âpre!  «  Ahl  pst!  elle  est  loin I  tiens!  cours  après!  » 

*  Je  l'ai  entendu  de  la  bouche  d'un  Suédois. 


100  L  ABBE    ROUSSELOT. 


7°  ks!  ks  !  La  langue  a  la  pointe  disposée  pour  faire  entendre  Vs,  et  le 
dos  dans  la  position  du  k.  On  l'emploie  pour  exciter  les  chiens,  ks!  ks  ! 
aie  !  tnor-lû  !  mor-lû  !  «  ks  !  ks  !  allez  !  mors-le  !  mors-le  !  » 

8°  €t!  avec  les  lèvres  bien  écartées  est  employé  pour  chasser  un  animal. 
€t  !  à€à!  à  pli  !  à  eàbr  !  «  €t  !  à  chat  !  à  poule  !  à  chèvre  !  » 

9°  *!  La  bouche  complètement  fermée;  tout  l'air  passe  par  le  nez. 
Prolongé,  c'est  le  gémissement.  Bref,  c'est  le  signe  de  l'étonnement. 
Prolongé  et  grondant,  c'est  une  menace  :~  !  st  tâpûtt...  tu  ^u  pàyrà!  «  *!  si 
je  t'empoigne...  tu  le  payeras!  » 

10"  '*/  aspiration  suivie  d'une  résonnance  nasale,  marque  la  désappro- 
bation :  '*  !  yû  sàvt  bê,  ké  kort  àrïvà  kôkî  !  «  '*  /  Je  le  savais  bien ,  que  q^ aurait 
arrivé  ceci  !»  —  '~  !  n  krë  pà  «  '"  /  Je  ne  crois  pas  » . 

11°  m!  grondement  nasal,  qui  s'accompagne  du  pincement  des  lèvres, 
et  qui  annonce  une  menace  :  mf  sï  tàtràpf  «  ml  si  je  t'attrape!  » 

Les  sons  produits  par  le  souffle  aspiré  sont  appelés  inverses  par  M.  Havet  S 
et  transcrits  par  lui,  d'après  M.  Ballu,  avec  les  signes  correspondants  aux 
sons  ordinaires  renversés.  J'en  ferai  autant.  Nous  avons  : 

1°  4  f  que  M.  Ballu  écrit  m  à  tort,  selon  moi,  car  1'  w  est  continu,  et  le 
son  qu'il  s'agit  de  représenter  est  explosif.  Un  gros  «  baiser  de  nourrice  » 
ne  peut  pas  se  faire  entendre  sans  qu'il  y  ait  occlusion  complète  des  lèvres. 
Ce  son  a  plusieurs  significations ,  suivant  l'expression  qu'on  lui  donne. 
Fort,  c'est  un  avertissement  donné  à  un  animal  que  l'on  va  toucher; 
répété  et  insinuant,  c'est  un  appel  adressé  aux  animaux;  enfin,  très-bref  et 
très  doux ,  c'est  une  invitation  à  manger  pour  les  petits  oiseaux. 

2°/!  marque  une  douleur  subite. /f  /  m  su  brûla  !  «//  je  me  suis  brûlé  !  » 

3°  ;/  La  langue  collée  au  palais,  après  avoir  fait  le  vide,  se  détache  avec 
plus  ou  moins  de  force.  Energique,  i  marque  la  désapprobation  :  tî  '' ! 
t  à  tôrf  «  t!  '"  !  tu  as  tort!  »  ;  f!  ko  ne  pà  bô!  «  ;/  ce  n'est  pas  bon!  »  ; 
répété,  il  invite  les  porcs  à  manger  ;  très  doux  et  très  rapide,  il  sert  à  appe- 
ler les  poules. 

4°  ^.  La  pointe  de  la  langue  est  reculée  jusqu'à  la  position  du  k,  elle 
fait  le  vide,  se  détache  avec  force  et  produit  un  son  sec.  On  s'en  sert  pour 
exciter  les  ânes. 


'  Mèm.  de  la  Soc.  de  ling.y  II,  221, 


CHAPITRE  III 

FONCTION  DU  LAR^'NX.  —  VARIATIONS  DANS  LA  SONORITÉ 
DES  VOYELLES  NASALES  ET  DES  CONSONNES 


Les  expériences  utilisées  dans  ce  paragraphe  ont  été  faites  avec  l'oreille, 
l'explorateur  électrique  du  larynx,  ceux  du  nez,  des  lèvres,  l'explorateur 
externe  de  la  langue  et  le  stéthoscope. 

Les  tracés  sont  reproduits  par  les  procédés  Dujardin  au  double  de  leur 
grandeur  naturelle,  ce  qui  permet  de  distinguer  à  l'œil  nu  les  parties 
essentielles,  qui,  autrement,  ne  pourraient  être  vues  qu'à  la  loupe. 

La  sonorité  est  due  à  des  vibrations  qui  ont  leur  point  de  départ  dans 
le  larynx  et  qui  se  propagent  dans  d'autres  parties  de  l'organe  vocal.  Ces 
vibrations  jouent  un  rôle  considérable  dans  la  parole.  Il  ne  suffit  donc 
pas,  pour  analyser  celle-ci,  même  au  point  de  vue  restreint  de  la  physio- 
logie, de  rechercher  quelles  sont  les  régions  d'articulation  et  de  déter- 
miner à  quel  point  exact  se  forme  l'obstacle  qui,  s'opposant  au  passage 
de  l'air,  produit  le  son. 

Il  faut  encore  savoir  quelles  sont,  parmi  les  articulations,  celles  qu'ac- 
compagnent des  vibrations  laryngiennes ,  en  d'autres  termes ,  pour  me 
ser\ir  de  l'expression  consacrée,  quels  sont  les  éléments  sonores  et  les  élé- 
ments sourds  du  langage. 

Sont  considérées  comme  sonores  :  toutes  les  voyelles,  les  semi-voyelles 
(y,  Wy  îv)f  les  consonnes  douces  Q,  d,  g,  v,  :(,  /),  les  liquides  (/,  w,  «,  r). 
Sont  regardées  comme  sourdes  les  consonnes  fortes  (j),  t,  k,  /,  j,  /). 

On  a  même  cru  que  p  et  b,  t  et  d,  k  et  g,  /et  v,  j  et  ;^,  ^  et  /  ne  sont 
respectivement  qu'une  même  articulation  différenciée  seulement  par  l'ab- 
sence ou  la  présence  de  vibrations  laryngiennes.  Deux  groupes  très  voisins, 
£  et  /,  j  et  :(  ont  pu  donner  cette  illusion. 

On  a  dit  aussi ,  et  sans  plus  de  motif,  que  les  nasales  (m,  n)  ne  sont 
que  des  sonores  (h  et  d)  prononcées  avec  écoulement  de  l'air  par  le  nez. 

Ce  sont  des  erreurs.  Au  fond  de  toutes  les  articulations  se  trouve  un 
bruit  caractéristique  qui  suffit  à  les  distinguer.  Les  différences  qui  existent 
entre  les  diverses  régions  d'articulation  en  sont  un  indice  certain.  Au 


102  L  ABBE    ROUSSELOT. 


reste,  une  expérience  très  facile  et  à  la  portée  de  tous  nous  en  fournit  la 
preuve.  Quelle  que  soit  la  théorie  que  l'on  adopte  sur  le  chuchotement, 
celui-ci  n'est  que  la  parole  articulée,  privée  de  vibrations  laryngiennes 
proprement  dites.  Or,  si  l'on  chuchote  à  des  distances  variables,  l'auditeur 
distingue  successivement  tous  les  sons  ou  peu  s'en  faut,  les  sourdes  en 
général  plutôt  que  les  sonores. 

Voici  les  résultats  d'une  des  expériences  que  j'ai  faites  à  ce  sujet.  Les 
chiffres,  on  le  conçoit,  n'ont  rien  d'absolu  ;  mais  il  n'y  a  que  les  distances 
relatives  qui  aient  ici  de  l'importance. 

En  chuchotant  de  façon  qu'à  8  *"  aucun  son  ne  soit  saisi ,  et  en  me 
rapprochant  peu  à  peu,  je  faisais  entendre  : 

A  moins  de  8"",  /'; 

A  7""  20,  ^; 

A  1^.,  gt  sonnant  ^,  mais  moins  fort; 

Après  6"",  w; 

A  6™  6o,  ]t  et  €t^  qui  n'étaient  qu'un  bourdonnement  confus; 

A  6"»  55,  ;V  et  ^é,  sonnant  tous  les  deux  €t  avec  une  force  égale; 

A  6™  10,  ht  et  pè,  qui  n'étaient  pas  sentis  à  6 *"  15,  et  qui  sonnaient 
avec  une  force  égale  hè\ 

Après  5  •",  a  ; 

A  5""  62,  /^; 

A  5  "  46,  dt  sonnant  /é,  mais  moins  fort;  —  ht  et  pt  sonnant  pt\ 

A  5  ■"  \%^  stt\%t  sonnant  st  avec  une  force  égale; 

A  5  "",  ;V,  distinct  de  €t  ; 

A  4">  90, /é; 

A  4""  68,  vt  sonnant/^,  mais  avec  moins  de  force; 

Après  3  "",  é  sonnant  tantôt  é,  tantôt  /; 

A  2"",  mt  sonnant  tantôt/)^,  tantôt  ht\  —  é,  distinct  de  /;  —  0,  œ^  nty 
h,  rt\ 

A  \^,  mt\  —  pt  toujours  clair; 

A  o™  50,  «;  y^  qui  commençait  à  se  faire  sentir,  mais  aussi  bien  pour 
jt  que  pour  vt\ 

A  o™  25,  ht  ti pt  presque  complètement  distincts;  — ft  toujours  clair; 
—  vt  i^  fois  sur  18  nettement  perçu  vt,  —  dt  net  ; 

A  G™  10,  gt  qui  se  détachait  presque  complètement  de  ht;  —  ht  pt ^ 
jt  vé,  tè  dt,  très  nets  ; 

A  0"  05,  ^^  parfaitement  clair. 

Il  n'y  a  que  st  et  :(t  qui  restent  indistincts,  même  prononcés  les  lèvres 
sur  l'oreille.  Quelquefois,  cependant,  ^é  peut  être  saisi,  mais  il  n'est  jamais 
très  certain. 


LES    MODIFICATIONS    PHONLTIQULS    DU    LANGAGE.  10^ 


Si  l'on  renouvelle  rexpérience  :\  voix  modérée,  on  obtient,  au  point  de 
vue  de  la  distinction  des  articulations,  des  résultats  analogues. 

Dans  une  expérience  (ui  aucun  s(in  n'est  clair  à  9  ""  60,  on  peut  entendre  : 

A  <)"",  n,  .-,  /,  (',  u; 

A  8-  55,/).',  À-^,/^ 

A  7™  70,  bè,  €i-^  —  quelquefois  se,  plus  rarement /^  ; 

A  7  "',  se  et  fi  très  distinctement  ; 

A  6"",  de,  mè,  île -y 

A  5  ■"  7o>  /^  S^'y 

A  5»  50,  7ié; 

A  5  ",  vêy  il,  œ. 

Les  vibrations  larv'ngiennes  apportent  donc  aux  sonores  un  surcroît  de 
puissance,  mais  insuffisant  pour  qu'elles  puissent  égaler  les  sourdes. 

Serait-il  téméraire  de  conclure  de  là  et  des  obser\'ations  faites  plus  haut 
que  toutes  les  articulations  peuvent  avoir  une  variété  sonore  et  une  variété 
sourde,  qu'il  existe,  par  exemple,  un  v  sourd  distinct  de  l'/et  une/ sonore 
autre  que  le  v  ? 

Il  ne  semble  pas,  d'autant  que  nous  rencontrerons  deux  cas  au  moins  où 
cette  supposition  est  une  réalité.  Aussi,  sans  cependant  prétendre  trancher 
la  question,  au  lieu  de  substituer  une  sourde  à  une  sonore,  ou  une  sonore 
à  une  sourde  quand  la  sonorité  naturelle  de  la  consonne  est  modifiée,  je 
me  contenterai,  dans  les  transcriptions  suivantes,  de  marquer  d'une  apo- 
strophe la  consonne  qui  n'a  pas  conser\-é  sa  qualité  naturelle,  et  qui  appa- 
raît dans  mes  tracés  autre  que  dans  ma  prononciation  intentionnelle. 

Nous  venons  de  voir  que  l'oreille  seule  suffit  à  distinguer  les  sonores 
et  les  sourdes  quand  elles  sont  isolées.  Aussi  n'y  a-t-il  pas  de  discussions 
sur  leur  qualité  parmi  les  phonétistes,  et  les  variations  qu'elles  peuvent 
subir  sont-elles  peu  importantes.  Il  en  est  presque  de  même  des  groupes 
où  entrent  des  liquides.  Mais,  dès  que  les  muettes  et  les  spirantes  sont 
associées  dans  un  même  groupe,  l'éloignement  joue  alors  dans  les  appré- 
ciations de  l'oreille  un  rôle  important,  et  les  erreurs  sont  faciles.  Toutes 
les  consonnes  isolées  sont  perceptibles  à  5  ™,  tandis  que  tous  les  groupes 
de  consonnes  ne  peuvent  être  sûrement  décomposés  qu'à  10  ou  15  centi- 
mètres. Les  hésitations  sont  très  marquées  à  30  centimètres,  et  au  fur  et 
à  mesure  que  la  distance  croît,  les  confusions  augmentent. 

A  30^"*,  ap^a,  agsa,  avpa  et  a:^pa  ont  été  entendus  ab^a,  aksa,  afpa  et 
aspa.  Mais  ce  n'est  guère  qu'à  i  ™  que  les  changements  se  produisent  d'une 
façon  constante-  A  cette  distance  : 

1°  ;^  et;  +  sourde  paraissent  toujours  assourdis.  Voici  des  combinaisons 
où  ;^  a  toujours  été  entendu  5,  et/,  ^  ;  a:;^po,  a:^ta,  ojpa,  ajfa,  ajta,  ajsa; 


104  l'abbé  rousselot. 


Il  y  a  eu  hésitation  pour  arfa  =  ]    ^.   ■  area  =  :  aiha  =       .      ; 

^         ^         (  asfa      ^  \  as^a     '  { ajga  ' 

2°  Toutes  les  sonores,  placées  devant  les  sourdes  correspondantes, 
paraissent  assourdies  :  ahpa^  avfa,  adta,  a:^sa,  ajm,  agka  sont  entendus  : 
appa,  affa,  atta,  assa,  a^^a,  akka; 

3°  Ont  été  modifiés  :  v  qx.  d  devant  des  articulations  du  môme  ordre, 
V  -]-  p  (avpa  =  afpà),  d  -\-  s  (adsa  =  atsa);  —  ^4-  sonore  (ahba^  akva, 
akda,  akyU,  akja,  ahga  sonnent  toujours  comme  s'ils  avaient  un  ^  ;  — 
t  -\-  g  (atga  =  adgd)  ;  —  s  -{-  €  (asea  =  aeea). 

Les  autres  combinaisons  restent  distinctes.  Ainsi  apba,  afva,  aida,  as:ri^ 
aeja  sont  parfaitement  saisis. 

A  2"",  il  fout  ajouter  l'assimilation  :  àt  p  -\-  b  (apba  =  abbd)\  —  de 
i  -\-  d,  b,  1  (aida  =  adda,  atba  ■=  adba,  at:^a  =  ad^d). 

Des  confusions  se  produisent  entre  des  consonnes  de  classes  ou  d'ordres 
différents  :  akga  =  apga,  et  afva  =  apva. 

Au  delà  de  é"\  b  qx.  v  -\-  une  sourde  s'assourdissent  {abfa  =  apfa, 
abta  =  apta,  absa  =  apsa,  abea  =  apm,  abka  =  apka  ;  de  même  avta  ^= 
afta,  etc.;  —  le  f  et  le  ^  deviennent  indistincts,  mais  gardent  leur  qualité 
respective  de  sourde  et  de  sonore  :  le  premier  sonne/;  le  second,  v;  — 
—  les  liquides  /,  w,  n,  r  sont  toujours  entendues  telles. 

Mais  la  distance  n'est  pas  le  seul  focteur  dont  il  faille  tenir  compte  dans 
l'appréciation  des  renseignements  que  fournit  l'oreille,  il  importe  de  ne 
pas  oublier  que  cet  organe  est  susceptible  d'éducation,  et  que  souvent  il 
éprouve  l'impression  moins  de  ce  qu'il  entend  que  de  ce  qu'il  a  l'habitude 
d'entendre.  Si  je  dis  par  exemple  «  inô  pov  pyàrê  »,  «  mon  pauvre  Pierret  », 
ma  sœur,  qui  est  très  habituée  à  mon  patois,  entendra  «  tnô  pou  pyàrê  » 
par  un  v.  Mais  que  je  dise  popovpo,  elle  entendra /)q/" par  une/.  La  raison 
de  cette  différence  est  tout  entière  dans  des  habitudes  prises  :  pav  existe 
isolément,  et  l'ensemble  de  la  phrase  a  un  sens  qui  lui  conserve  dans  cette 
situation  son  individualité  :  il  est  entendu  dans  le  groupe  comme  s'il  était 
seul.  Dans  popôvpo  qui  n'a  aucun  sens,  l'oreille  n'entend  que  le  son.  C'est 
pour  ce  motif  que,  dans  les  expériences  précédentes  où  j'ai  employé 
l'oreille  comme  moyen  d'analyse ,  je  ne  lui  ai  soumis  que  des  groupes 
dénués  de  sens. 

Ces  constatations,  outre  qu'elles  ont  des  conséquences,  ont  l'avantage 
de  nous  montrer  qu'une  expérimentation  mécanique  peut  seule  nous  fixer 
sur  les  variations  qu'éprouvent  dans  leur  sonorité  les  éléments  de  la  parole. 
Et  cette  expérimentation  en  vaut  la  peine. 

Dans  les  transcriptions  phonétiques  que  l'on  donne  aujourd'hui  du 
français,  on  assimile  tous  les  groupes  dont  les  consonnes  ont  deux  repré- 


LES   MODIFICATIONS   PHONÉTIQUES   DU    LANGAGE.  I05 

scntains  dans  l'alphabet,  l'un  pour  la  sourde,  l'autre  f)our  la  sonore.  Il  ne 
semble  pas  y  avoir  de  doutes  parmi  les  phonétistes  sur  ce  point.  M.  P. 
Passy  écrit  donc  metsè  (médecin),  :(gô  (second),  avegjâ  (avec  Jean),  diddô 
(dites  donc),  etc.  {Les  sons  dufr.).  M.  Beyer  :  opskûr  (obscur),  etc.  {Fran- 
:^ôsiscfx'  pljonciik). 

Quant  aux  articulations  qui  n'ont  qu'une  seule  représentation  dans  nos 
alphabets  (w,  h,  y,  /,  /,  r,  3',  w,  tl'),  il  y  a  encore  quelque  indécision. 
L'iionneur  d'en  avoir  discerné  la  variété  sourde  en  français  appartient  à 
M.  Ballu;  celui  d'avoir  fait  connaître  cette  découverte  au  monde  savant, 
à  M.  Havet  {Mém.  de  la  Soc.  de  îing.  «  Observations  phonétiques  d'un 
professeur  aveugle  »,  t.  Il,  p.  219).  Les  nasales  sont  exclues  de  cette 
catégorie  par  M.  Havet,  qui  n'y  voit  que  des  sonores. 

M.  P.  P;issy  écrit  en  conséquence  avec  des  sourdes  les  mots  comme 
peup/e,  poutre,  pwis,  p/ed,  ptTMah,  article,  et  même  après  une  sonore  : 
poudre,  tab/e.  Mais  il  va  bien  plus  loin  que  M.  Havet,  et  il  reconnaît  des 
nasales  sourdes  dans  la  prononciation  de  quelques  personnes  :  ham'çon, 
m'sieur,  han'ton,  tw'ailles,  ensei^«'-tu.  Enfin  il  admet />r/W  sans  restric- 
tion {Les  sons  du  fr.,  p.  22-24).  ^^  avait  signalé  dans  sa  première  édition 
(p.  52)  une  r  mi-partie  sourde,  mi-partie  sonore  dans  près,  et  inversement 
dans  article. 

M.  Franz  Beyer  marque  du  signe  des  sourdes  :  ou  dans  échouer ,  u  dans 
/>ttZ5,  /  à^iViS  pion,  l  dans  peuple,  cible,  r  dans  pâtre,  sabre;  il  incline  fortement 
à  admettre  une  partie  sourde  et  une  partie  sonore  dans  /  de  plaindre^  VI 
mouillée  de  scintille,  Vn  de  knout. 

Ce  sentiment  paraît  général.  Aussi  M.  Morf  me  reproche-t-il  de  n*en 
avoir  pas  tenu  compte  dans  mon  «  Introduction  à  l'étude  des  patois  » 
{Gôtting.  gelehrte  an^.,  6  janvier  1889,  p.  15). 

Je  ne  pouvais  donc  me  dispenser  d'étudier  la  question  pour  mon  patois. 
J'avoue  que,  si  je  m'en  étais  rapporté  uniquement  au  témoignage  de  mon 
oreille  et  au  sentiment  que  j'ai  des  sons  que  j'émets,  je  ne  m'y  serais  pas 
arrêté.  Je  n'avais  conscience  d'aucun  changement  survenant  dans  la  sono- 
rité de  mes  consonnes.  Mais  la  question  n'en  était  que  plus  attrayante. 
Ne  me  trouvais-je  pas  en  face  d'un  phénomène  naissant  et  au  début  d'une 
évolution  encore  inconsciente?  La  méthode  graphique,  du  reste,  me 
fournissait  un  moyen  sûr  et  facile  de  trancher  la  question.  Tout,  en  effet, 
se  réduit  à  savoir  si,  pendant  telle  ou  telle  articulation,  le  larynx  vibre  ou 
non.  Or,  en  plaçant  le  son  à  étudier  entre  des  articulations  dont  la  lecture 
est  facile ,  comme  des  labiales  par  exemple ,  en  comparant  des  mots  ren- 
fermant ce  son  avec  d'autres  ne  le  contenant  pas,  on  est  certain  d'atteindre 
la  vérité. 


io6  l'abbî-  rousselot. 


J'ai  ù  ma  disposition ,  pour  cette  étude ,  non  seulement  les  tracés  pris 
en  avril  1889  et  renouvelés  en  juin  de  la  même  année  pour  savoir  si  je 
po3jédais  réellement  une  variété  sourde  des  liquides  et  des  semi-voyelles, 
et  beaucoup  d'autres  recueillis  dans  des  intentions  tout  à  fait  différentes, 
mais  encore  les  expériences  systématiques  que  je  viens  de  foire  (1890)  afin 
de  pouvoir  embrasser  le  phénomène  dans  toute  sa  généralité. 

Je  n'ai  rien  à  dire  sur  les  voyelles  buccales  :  toutes  celles  que  j'ai  ins- 
crites sont  sonores.  Nous  n'avons  à  nous  occuper  que  des  voyelles  nasales 
et  des  consonnes.  Ces  dernières,  nous  les  considérerons  successivement 
dans  les  deux  situations  où  elles  se  rencontrent  :  isolées  et  groupées. 

Voyelles  nasales. 

La  nasalité  varie  suivant  la  nature  de  l'articulation  après  laquelle  les 
voyelles  nasales  sont  placées.  Complète  à  l'initiale  et  après  s,  €,  et  proba- 
blement toutes  les  continues ,  elle  manque  dans  les  premiers  instants  de 
la  voyelle  après  p,  b,  /,  k  et  sans  doute  d  et  g.  Ce  foit  m'a  apparu  dans  le 
tracé  du  groupe  artificiel  ôpôptô. 

Fig.  36.  Vitesse  D, 

Nez 


Laryn> 


Lèvres 


Le  premier  ô  commence  au  même  point  pour  le  nez  et  pour  le  larynx; 
tous  finissent  en  même  temps  pour  les  deux  organes.  Le  dernier  semblerait 
foire  exception  ;  il  n'en  est  rien  cependant  :  l'arrêt  anticipé  du  larynx  est 
une  erreur  d'inscription  qu'aident  à  corriger  d'autres  tracés  (cf.  fig.  51). 
Mais  le  second  et  le  troisième  ô  commencent  plus  tôt  pour  le  larynx  que 
pour  le  nez. 

Il  en  est  de  même  dans  àpâsbâ,  ôkô  (groupes  artificiels),  p'is  «  pense  », 
pôpô  «  pompon  »,  pô  «  pont  »,  âtâ  «  antan  »,  ta  «  tant  »,  k'i  «qu  en  », 
etc. 


LES  MODIFICATIONS   PHONÉTICIUES   DU    LANGAGE.  IO7 

Dans  sô  «  sont  »,  i?  «  sans  y>,fÔrs  è  pthjô  «  force  un  peu  »,  fStrii  «  chan- 
triez  »,  il  y  a  accord  complet  entre  le  nez  et  le  larjnx. 

Ce  n'est  pas  là  une  particularité  de  mon  patois  :  la  prononciation  de 
M.  Jean  Passy  est  sur  ce  point  conforme  à  la  mienne.  On  peut  donc  croire 
que  ce  phénomène  tient  à  des  conditions  organiques  générales. 


Consonnes  isolées. 

Pour  les  consonnes  isolées,  il  y  a  lieu  de  se  demander  si  quelques-unes 
ne  subissent  pas  des  variations  de  sonorité  par  suite  d'une  évolution  propre, 
ou  en  raison  de  leur  position. 

Dans  le  premier  cas,  entre  un  phénomène  qui  ne  se  produit  dans  mon 
parler  que  pour  les  spirantes  sonores/,  ;(,  v.  Ces  consonnes,  qui  commen- 
cent sonores  et  finissent  de  même,  sont  souvent  sourdes  au  milieu,  en 
sorte  qu'il  serait  juste  de  les  appeler  des  médio-sourdes .  Le  cas  est  presque 
constant  pour/  et  ;(;;  il  est  rare  pour  v.  J'ai  obser\'é  le  fait,  non  seulement 
dans  des  expériences  sur  des  groupements  artificiels,  a/a,  a:^a,  ûpûpjti, 
œpd'pjé,  ipipj'i,  mais  encore  dans  des  phrases  complètes  :  k  t  puj...  «  que 
je  puisse...  »;  k  n  àjà...  «  que  nous  allions...  »;  Ijur...  «  un  jour...  »; 
k  vu  iHïjë  ànà...  «  que  vous  vouliez  aller...  »,  etc.  (V.  les  fig.  92  et  93.) 

La  concordance  qui  existe  dans  certains  tracés  entre  les  vibrations  du 
nez  avec  celles  du  larynx ,  comme  on  peut  le  constater  dans  le  tracé  de 

Fig.  37.  Vsse  D. 

Nez 


Larj'nx 


Lèvres 


tpipTt,  ne  laisse  aucun  doute  sur  la  réalité  du  fait. 

Je  n'ai  que  trois  exemples  pour  v  :  si  vèv  fôrsavë...  «  si  vous  vous  for- 


io8 


l'abbè  rousselot. 


Vs^e    D. 


ciez...  »;  kôy  âvî...  «  il  y  avait...  »;  àvyà...  «  avaient...  »  (deux  fois), 
tous  empruntés  au  discours  suivi. 

En  dehors  de  ce  cas ,  la  place  des  consonnes  est  un  facteur  nécessaire 
pour  la  production  des  changements  qui  s'observent  dans  leur  sonorité. 

Les  consonnes  finales  accusent  une  tendance  à  s'assourdir.  Les  exemples 
les  plus  caractéristiques  nous  sont  fournis  par  b  et  par  m.  En  voici  un  de 
m  pris  dans  deux  mots  appartenant  à  la  même  phrase  :  dans  le  premier, 
elle  est  sonore;  dans  le  second,  à  moitié  sourde.  (Voir  encore  le  tracé, 
fig.  47,  inscrit  dans  le  même  moment.) 

Fig.    39.  Vsse  D. 


œ m 


LES   MODIFICATIONS   PHONÈTiaUES  DU   LANGAGE.  IO9 

La  raison  de  cet  assourdissement  est  dans  le  repos  prolongé  qui  suit. 
Le  même  fait  se  manifeste  dans  le  reste  du  morceau  et  dans  le  suivant, 
inscrit  trois  mois  plus  tard  (les  repos  sont  marqués  par  des  virgules)  : 
i  jîir  ko  y  àvi  un  dm  t  fin  fivm\  kàvyà  set  âfâ  —  Id  pu  jht  k  ait  c;rb  kùm 
ri...  —  y  àtyà  viàlaru ,  viàlœru  kùm  la  pyerè...  —  l  scr  kè  l'ôm\  ë  là  fœm\ 
dtyâ  â  se  €ofà ...  —  kvù-tù  tnàpôv  fœm\  kè  dtsî  l  Ôm\...  «  Un  jour  il  y  avait 
un  homme  et  une  femme  qui  avaient  sept  enfants.  Le  plus  jeune  qui  était 
gros  comme  rien...  Ils  étaient  malheureux,  malheureux  comme  les 
pierres...  Un  soir  que  l'homme  et  la  femme  étaient  à  se  chauffer...  » 
Les  trois  m  entièrement  sonores  se  lient  aux  [mots  suivants;  les  cinq 
assourdies  sont  suivies  d'un  repos. 

Cependant  le  fait  qui  paraît  ici  général  n'est  pourtant  pas  constant. 
Nous  sommes  donc  en  présence  d'une  tendance  plutôt  que  d'une  loi. 

Les  consonnes  sonores  placées  entre  des  voyelles  nasales  sont  souvent 
sensibles  à  l'explorateur  du  nez,  et  on  les  voit  marquées  par  des  vibrations 
de  cet  appareil.  Mais  il  ne  faudrait  pas  conclure  à  leur  nasalité,  car  elles  ne 
sont  jamais  accompagnées  d'un  écoulement  de  l'air  par  le  nez  comme  il 
arrive  pour  les  nasales. 

De  sourdes  inter\'ocaliques  devenues  sonores,  j'ai  quatre  exemples.  L'un 
tout  à  fait  accidentel  est  dû  à  l'influence  d'une  nasale  précédente,  ou,  pour 
mieux  dire,  à  une  vraie  erreur  de  prononciation,  dyàbl  tûn  apurl  a  Diable 
Fig.  41.  Vsse  D. 


Nez 


Lar)-nx 


Lèvres 


/ — ù — n  à — p  ■ — îir 
ton  happeur^!  »  est  devenu  dyàbl  tùn  âmurf  Les  trois  autres  nous  sont 


^  Ouvrier  qui  raccommode  avec  des  crampons  de  fer  (happes)  les  vases 
de  terre  fêlés. 


ÎIO  LABBE   ROUSSELOT. 

aussi  fournis  par  des  p  :  tô  p'ôpô  (p.  128),  lé  p'ujèn...  (p.  130),  et  s  àp't- 
làv...  (p.  131). 

Telles  sont  les  seules  variations  que  j'ai  observées  dans  la  sonorité  des 
consonnes  isolées.  Les  consonnes  groupées  en  contiennent  de  bien  plus 
importantes. 


Consonnes  groupées. 


Considérées  au  point  de  vue  de  l'attraction  qu'elles  peuvent  exercer  les 
unes  sur  les  autres  et  de  la  tendance  qu'elles  ont  à  s'assimiler,  au  moins 
quant  à  la  sonorité,  les  consonnes  se  divisent  en  deux  classes  :  l'une,  qui 
est  très  assimilable,  comprend  les  muettes  (p,  b,  t,  d,  k,g)  et  les  spirantes 
(/,  V,  s,  ;(,  €,  y);  l'autre,  qui  l'est  beaucoup  moins,  se  compose  des 
liquides  (/,  /,  w,  «,  n,  r)  et  des  semi-voyelles  (y,  zu,  ûi).  Nous  étudierons 
successivement  ces  deux  classes. 

MUETTES   ET   SPIRANTES 

Les  muettes  et  les  spirantes  peuvent  être  contiguës  à  des  consonnes  de 
la  même  classe  ou  à  des  liquides  et  des  semi-voyelles.  Nous  commencerons 
par  la  première  catégorie. 

1°  Groupes  formés  uniquement  de  muettes  et  de  spirantes.  —  Les  groupes 
ainsi  constitués  ne  se  trouvent  qu'à  l'initiale  et  entre  voyelles. 

A  l'initiale,  les  sourdes  restent  telles  et  les  sonores  s'assourdissent.  Le 
maintien  des  sourdes  se  déduit  de  la  comparaison  des  tracés  comme  k  vti- 
tu  «  que  veux-tu?  »,  et  wi-tu  «  veux-tu?  »  dans  lesquels  on  constate  le 
même  rapport  entre  l'instant  où  le  larynx  s'ébranle  et  celui  où  les  lèvres 
se  ferment  pour  le  v. 

Fig.    42.  Vsse   E. 


Larynx 


Lèvres 


V — M         / U  V U         t U 


LES   MODIFICATIONS  PHONLIU^lls    DU    LANGAGE. 


III 


L'assourdissement  des  sonores  est  clair  dans 


Larviix 


Lèvres 


vp ayrc  df -/ Uni  «  refuser  » 

Entre  voyelles ,  il  y  a  le  plus  souvent  assimilation  de  la  première  con- 
sonne à  la  seconde,  très  rarement  de  la  seconde  à  la  première;  quelquefois 
les  deux  consonnes  gardent  leur  valeur  naturelle. 

Pour  les  sourdes,  une  seule  expérience  suffit.  J'ai  choisi  les  groupes 
les  plus  simples,  comme  abpa,  apba,  etc.,  plaçant  entre  deux  a  chacune 
des  consonnes  sourdes,  et  les  faisant  suivre  à  tour  de  rôle  par  chacune  des 
sonores.  La  ligne  du  larynx,  contrôlée  par  celle  des  lèvres,  indique  nette- 
ment la  qualité  de  la  consonne  qui,  dans  mon  intention,  émit  sourde. 
Pour  juger  des  sonores,  j'ai  employé  un  double  tracé.  Par  exemple,  s'agis- 
sait-il de  connaître  le  sort  de  b  dans  abka,  j'ai  inscrit  d'abord  apka,  puis 
nbka.  Si  les  deux  tracés  sont  identiques,  on  est  en  droit  de  conclure  à 
l'assourdissement  du  b.  Il  n'est  donc  rien  de  plus  facile  que  la  constatation 
qu'il  s'agit  de  faire  ici.  Ainsi  les  quatre  tracés  suivants  montrent  au  premier 
F'g-  44-  V"e  E. 


a-p — k~a  a — b'—k—a  a—e — :^—d         a—e'—d—a 

coup  d'œil  :  les  deux  premiers,  que  le  b  de  abka  est  devenu  sourd,  puis- 
qu'il est  identique,  quant  à  la  ligne  du  larynx,  au  premier/»  de  apka;  les 
deux  seconds,  que  €,  resté  sourd  dans  a^-fl,  est  devenu  sonore  dans  a€'da. 


112  l'abbè  rousselot. 


Il  est  inutile  de  dire  que,  dans  ces  expériences,  j'ai  procédé  autrement 
que  dans  celles  que  j'ai  rapportées  plus  haut.  Dans  les  premières,  je  recher- 
chais ;\  quelle  distance  l'oreille  décompose  les  groupes;  je  devais  donc  faire 
effort  pour  conserver  à  chaque  consonne  sa  valeur  propre.  Dans  celles-ci, 
au  contraire,  où  je  me  proposais  d'étabUr  ma  prononciation  réelle  et  de 
savoir  si  elle  différait  de  ma  prononciation  intentionnelle,  je  me  suis  étudié 
à  faire  abstraction  de  l'objet  de  mes  recherches  et  à  parler  le  plus  naturel- 
lement possible. 

Or,  voici  ce  que  j'ai  pu  constater.  Sur  14e  inscriptions  de  groupes 
formés  d'une  sourde  et  d'une  sonore,  120  présentent  l'assimilation  de  la 
sourde  à  la  sonore,  26  seulement  le  maintien  de  la  sourde,  à  savoir  : 
k  Qt  €  -\-  d  2  fois;  Â;  et/-f  ^  3  fois;  t  ttk  -\-v  /[  fois;  p^  t,  k,  €  -{-  z,  ^  fois; 
/,  k,  f,  s  et  €  -\-  j  9  fois;  f,set£-\-b  incomplètement  atteints  4  fois. 

Dans  les  groupes  formés  d'une  sonore  et  d'une  sourde,  l'influence  des 
sourdes  sur  les  sonores  précédentes  paraît  encore  plus  puissante.  Je  ne 
rencontre  dans  mes  tracés  que  trois  cas  où  la  sonore  s'est  conservée  (abla. 

J'ai  relevé  quelques  exemples  d'un  commencement  d'influence  de  la 
première  consonne  sur  la  seconde,  et  ils  appartiennent  tous  à  des  groupes 
artificiels  :  adpa,  ûpùgpu,  où  la  partie  sourde  afférente  au  p  est  diminuée 

Fig.   4$.  Vsse  D, 


Lèvres 


û p ù—g p à 

de  moitié.  On  s'en  rend  compte  en  reportant  sur  la  ligne  des  lèvres  le 
point  où  finissent  les  vibrations  laryngiennes  de  Vu  initial  et  celles  du  g. 
La  ligne  du  larynx  est  confirmée  dans  ce  tracé  par  celle  du  nez. 

Enfin  j'ai  rencontré  un  cas  de  l'action  réciproque  de  deux  consonnes 
l'une  sur  l'autre  :  ko pi'is  hyl  «  ça  pousse  bien  »,  qui  est  devenu  presque 
ko  pûz^  pyê,  et  ôpôtbô,  fig.  36,  qui  fournit  un  exemple  d'assourdissement  de 


LES   MODIFICATIONS   PHONÉTIQUES   DU    LANGAGE.  I  I  3 

la  seconde  muette  et  une  transposition  de  lettres  (  j'ai  cru  dire  ôpôtbô  et 
j'ai  inscrit  ôpôpto). 

Fig.  46.  V»»«  D. 


k — 0        p û s'        b' — y — c  f à — r 

Il  ne  semble  pas  que  les  muettes  et  les  spirantes  groupées  se  comportent 
dans  la  conversation  autrement  que  dans  les  mots  isolés.  Les  quelques 
différences  qu'on  peut  relever  tiennent  à  l'élasticité  spéciale  dont  jouissent 
les  groupements  phraséologiques. 

Le/>  m'y  apparaît  toujours  sonore  :  pip^^  «  pipes-y  »  ;  œp^  1  jûlû  «  heup  ! 
Jiilou  (petit  Jules)  a;  àp\  va,  kôkî  «  happe,  va,  ceci  »;  5ûp\  Bûlo  «  soupe, 
Boulaud  »;  6iip\  Dôsltê  «  soupe,  Docité  »;  œp' !  gœlàr  «  heup!  gueulard  », 
etc. 

Le  k  est  sonore  dans  û  pïk'  bè  byl  ^  !  «  il  pique  be  (bien)  bien  !  »  Il  est 
sourd  dans  :  k  dotre...  «  que  d'autres...  n-y  k  v  à  vîijë...  «  que  vous  le  vou- 
liez... »;  î  krë  k  v  eâtru  «  je  crois  que  vous  chanteriez.  » 

Us  est  sonore  dans  :  u  s  bùrrâ  ph  «  ils  se  bourront  plo  (^plane);  »  kd 
pus'  Fyê'  «  ça  pousse  bien  ». 

Le  £  est  sonore  dans  pus'  byê!  «  pouche  (tousse)  bien  !  »;  —  sourd  dans  : 
aeba  «  achever  »;  e  €và  «  un  cheval  »;  tà€  dà pràdr  «  tâche  d'en  prendre  ». 

Le  b  est  sourd  dans  ë  b!  k  vû-tû  ?  «  eh  bien  !  que  veux-tu  ?»  ;  —  à 
moitié  sourd  dans  :  fô  b  pràdr  î  «  il  faut  be  (bien)  prendre!  »;  û  bœ  b  forï 
«  il  boit  be  (bien)  fort!  »;  y  âtâ  b  eàtâ  «  j'entends  be  (bien)  chanter  ». 

Le  d  est  sourd  dans  pa  d  ktt  pâ  «  pas  de  quitte  pain ,  c.-à-d.  pas  même 
de  pain  ».  Dans  ...l  îëd  piil  «...un  lait  de  poule  »  répété  deux  fois,  il  est, 
la  première  fois,  sourd  au  tiers,  la  seconde  aux  trois  quarts.  11  est  presque 
entièrement  sonore  dans  pàrtî  d  pu  màtl  «  partir  de  plus  matin  ». 

Le  ç;  est  à  moitié  sourd  dans///^,  pètt  «  joue,  petit  »;  —  sonore  danstï  n 
brëg  pâ  ta  !  «  il  ne  bringue  (fait  des  jeux  de  main)  pas  tant  !  » . 


^  Voir  fig.   io6.  li  2  Voir  fig.  46. 

KEVb-E   DES   PATOIS.   —   8. 


I 


II4  LABBÉ   ROUSSELOT. 


Le  V  est  sourd  dans  :  niô  pov  pyàrê^  !  «  mon  pauvre  Pierret!  »;  niô  pav' 
pètî!  «  mon  pauvre  petit!  »;  il  vè  vfèrsàvê^  «  si  vous  vous  forciez  »  ;  aux 
trois  quarts  dans  :  ma  pov'  fœm  î  /  «  ma  pauvre  femme  !  » . 

Le  ;(  est  sourd  dans  :  Ût^  pà  tô  bê!  «  [tu  ne]  tais  pas  ton  bec  !  »;  kœkî  né 
bu^  pà  6ô  60  «  celui-ci  ne  bouse  pas  son  sol  (aire  à  battre  le  blé)  ». 

Le  y  est  sourd  dans  M  blà  n  èpîf  pà  «  ce  blé  n'épie  pas  »;  M  «  pîif  pà 
«  qu'il  ne  puisse  pas  »;  fœf  pà  «  \né\feiige  (fouis  en  parlant  du  porc) 
pas  »;  ne  6ëf  pà  «  [ne]  scie  pas  »,  identique  à  6e^  pà  «  [ne]  sèche  pas  » 
inscrit  immédiatement  après. 

Il  serait  intéressant  de  rechercher  si,  dans  les  cas  que  nous  venons  de 
relever,  il  n'y  a  eu  en  réalité  que  des  modifications  portant  uniquement 
sur  la  sonorité  des  consonnes.  Cette  étude  me  paraît  trop  compliquée 
pour  l'aborder  en  ce  moment.  Cependant,  il  nous  est  facile  de  constater 
que  le  v  assourdi  est  bien  resté  un  v  pour  le  travail  des  lèvres.  Il  suffit,  en 
effet,  de  comparer  les  tracés  où  le  v  est  suivi  d'une/,  pour  voir  que  le  v 
Fig.  47.  Vsse  D. 


m à  p S — V  / œ — //; 

perd  dans  ce  cas  les  vibrations  du  larynx ,  mais  qu'il  reste  différent  de  Vf 
par  une  moindre  fermeture  des  lèvres.  Dans  une  série  d'inscriptions  où 
Vf  et  le  V  ont  été  placés  devant  les  mêmes  sourdes,  jamais  la  ligne  des 
lèvres  n'a  atteint  pour  v  la  même  hauteur  que  pour  /.  Dans  un  cas,  pour- 
tant, elle  s'en  est  bien  rapprochée,  c'est  dans  avfa.  D'autres  inscriptions 
simultanées  des  vibrations  du  larynx  et  des  traces  de  la  langue  sur  le  palais 
(l'expérience  peut  se  faire  si  Ton  entoure  une  palatale  de  labiales)  montrent 
que  le  t  dans  atba,  par  exemple,  est  sonore,  mais  que,  tout  en  se  rappro- 
chant de  la  région  d'articulation  du  d,  il  ne  l'atteint  pas. 

De  plus ,  l'impression  que  j'éprouve  en  prononçant  les  consonnes 
modifiées  pourrait  aussi  être  prise  en  considération.  Si  je  n'y  sens  aucun 
changement,  ce  doit  être  que  les  mouvements  volontaires  de  la  bouche  et 


Voir  fig,  66.  Il  '  Voir  fig.  38.  ||  ^  Voir  fig.  47- 


LES    MODIFICATIONS    PHONETIQ.UES    DU    LANGAGE. 


115 


de  la  langue  ne  sont  pas  altérés,  et  que  le  larynx  seul,  dont  l'action 
m'échappe,  est  contrarié  par  la  contiguïté  d'articulations  disparates. 

Plus  tard,  sans  doute,  les  enfants  entendront  les  sonores  assourdies 
comme  des  sourdes  et  les  sourdes  sonorifiées  comme  des  sonores,  et, 
dans  leur  bouche ,  poussée  plus  avant  par  une  erreur  d'oreille ,  l'évolu- 
tion, qui  n'est  encore  qu'à  son  début,  atteindra  sa  dernière  étape. 
2°  Groupes  formés  de  muettes  ou  de  spirantes  et  de  liquides  ou  de  semi-voyelles. 

D'abord  il  convient  d'écarter  les  groupes  dans  lesquels  entrent  les  semi- 
voyelles  et  ceux  qui  commencent  par  une  liquide.  Ils  sont  tous  dans  mes 
tracés  tels  que  j'ai  eu  l'intention  de  les  prononcer,  et  la  muette  sourde  se 
maintient.  Reste  donc  le  cas  où  une  sourde  est  suivie  d'une  liquide. 

Dans  cette  situation ,  la  sourde  se  trouve  quelquefois  modifiée  (8  fois 
sur  plus  de  100  cas).  Je  n'ai  pas  d'exemples  pour  /,  /,  €.  J'en  ai  un  pour 
si  y  kl,  kl  et  km,  deux  pour  pi,  ce  qui  est  intéressant. 

Mais  ce  qui  l'est  bien  plus,  c'est  que  le  /  et  le/)  suivis  d'un  r  ont  une 
tendance  marquée  à  devenir  sonores  :  tr  dans  un  grand  nombre  de  tracés 
Fig.  48.  V»«  D. 


Larynx 


Lèvres 


l'est  aux  deux  tiers  ;  pr  l'est  une  fois  entièrement. 

Fig.  49.  Vss«  D. 


Nez 


Larynx 


Lèvres 


-à  «  ils  prétendent  ». 


ii6 


L  ABBE   ROUSSELOT. 


LIQUIDES  ET   SEMI-VOYELLES 

1°  Liquides  initiales  ou  finales.  —  Les  liquides,  initiales  ou  finales,  s'as- 
sourdissent quelquefois,  mais  le  plus  souvent  elles  restent  sonores  ou 
deviennent  à  moitié  sourdes.  A  la  finale,  la  liquide  peut  devenir  sourde, 
même  après  une  sonore.  Voici  quelques  exemples  : 

/  sourde  et  /-sonore  :  l  fà  tû  ànu?  «  le  fais-tu  aujourd'hui  ?  »  répété 
deux  fois. 

Fig.  50.  V"e  D. 


r      f — à  t — Il  à n û  1  / à 

De  même  r  a  été  sourde  une  fois  dans  rfa  lé  «  refais-le  ». 

m  sonore  :  m  pârl  tel  by'e  «  me  parle-t-elle  bien  ». 

Fig.    51.  Vsse  D. 


t[u\ 


Nez 


Larynx 


Lèvres 


m 


p — à—r—l         t — ë—l     b — y- 


LES  MODIFICATIONS   PHONÉTIdUES   DU    LANGAGE. 


117 


fn  mi-sonore  :  mfà  ter  sûfrî  «  me  fait-il  souffrir  ». 
Fig.  S2- 


V»«  D. 


m 


/- 


/ — œ 


-/- 


-ri 


Les  vibrations  nasales  ont  disparu  dans  le  travail  de  la  gravure  par  une 
distraction  de  l'ouvrier.  Mais  la  place  qu'elles  occupent  est  indiquée  par 
deux  traits.  Il  y  a,  comme  on  voit,  accord  entre  le  nez  et  le  larynx,  et  Vui 
sonore,  comparée  à  celle  de  la  figure  précédente,  se  trouve  fort  abrégée. 

n  sonore  :  n  fui  pà  «  ne  fouille  pas  ». 

Fig.  55.  Vss«  D. 


Nez 


LarNTix 


Lèvres 


n  J — ul  p\à\ 


ii8 


LABBE   ROUSSELOT. 


l  sonore  et  /  sourde  :  pœpl  et  pâ'pr  «  peuple  »,  mœbl  «  meuble  ». 
Fig.  54.  V«e  D. 


p — œ p /    p—d' p /'     m (V b / 

r  sonore  et  r  sourde  :  pâpr  «  pampre  »,  arbr  et  arbr'  «  arbre  »,  sôfr  et 
sôfr'  «  sauf  » , 


Fig-  55- 


Vsse   D. 


Larynx 


Lèvres 


Larynx 


Lèvres 


--/- 


6—0- 


-/—r' 


Tous  ces  tracés  sont  clairs  ;  mais  il  n'y  a  de  vraiment  démonstratifs  que 
ceux  qui  sont  positifs.  En  effet,  l'absence  de  vibrations  au  commencement 
ou  à  la  fin  d'un  groupe  peut  s'expliquer  par  l'inertie  de  l'appareil.  Il  ne 


LES  MODIFICATIONS   PHO\ETIQ.UES   DU    LANGAGE. 


119 


semble  pourtant  pas  que  ce  soit  le  cas  ici.  Pour  nous  en  assurer,  nous 
avons  eu  recours  à  un  autre  moyen  d'observ-ation.  M.  le  docteur  Rosapelly 
a  écouté  les  bruits  qui  se  produisent  dans  mon  larynx  pour  le  cas  qui  nous 
occupe  ;\  l'aide  d'un  stéthoscope;  la  position  de  la  consonne  observée  rend 
l'exploration  plus  facile.  Or  l'expérience  a  confirmé  l'exactitude  de  nos 
tracés. 

2°  Liquides  ou  semi-voyelles  plaças  entre  une  voyelle  et  une  sourde.  —  Mais 
lorsque  les  liquides  et  les  semi-voyelles  contiguës  à  des  sourdes  sont  en 
contact  avec  des  voyelles,  les  résultats  ne  sont  plus  tout  à  fait  les  mêmes. 

Je  ne  trouve  aucun  exemple  de  nasales  assourdies.  Or  les  tracés  sont  ici 
tout  à  fait  significatifs.  Tant  que  la  pression  de  l'air  se  fait  sentir  dans  le 
nez,  la  ligne  nasale  se  couvre  de  vibrations,  quel  que  soit  le  son  voisin, 
sourde  ou  voyelle.  La  sonorité  de  la  consonne  est  donc  complète.  Com- 
parez kiiTCi  ôfô  «  comme  il  faut  »  avec  m  krê  pà  «  je  ne  crois  pas  »,  in  pô 
pà  «  je  ne  puis  pas  »,  kùm  ko  «  comme  çà  ».  Les  vibrations  sont  plus  appa- 
rentes dans  le  i""  cas;  mais  elles  existent  dans  tous. 
Fig.  57.  Vs«  D. 


k — ft m     ô    f— 


— 0 


Fig.  58. 

V«e  D. 

■ 

^^ 

k — r — ë    p à     i — n    p\p\  \kii\vi  J^o\  a — p — 11 — a 


120 


L  ABBE    ROUSSELOT. 


Il  est  vrai  que,  dans  quelques  tracés,  les  vibrations  cessent  au  moment 
où  la  pression  de  l'air  commence  à  décroître.  Mais  ce  serait  une  erreur  que 
d'y  voir  un  signe  d'assourdissement,  car  le  même  fait  s'observe  quand  la 
nasale  est  suivie  d'une  voyelle.  Cela  arrive  avec  les  fortes  pressions  de 
l'air  :  le  levier  inscripteur  est  alors  emporté  si  rapidement,  que  les  vibra- 
tions sont  effiicées. 

Les  liquides  /,  /,  r  et  la  semi-voyelle  y  sont  toujours  sonores  avant  les 
sourdes.  Le  fait  est  aisé  à  constater  dans  les  tracés  suivants  par  la  compa- 
raison de  la  ligne  du  larynx  avec  celle  des  lèvres  :  il  n'y  a  point  d'espace 
sourd  entre  la  voyelle  et  la  consonne  sourde  (cf.  fig.  ii6).  La  ligne  de  la 
langue  observée  sous  le  menton  suffit,  du  reste,  à  déterminer  la  place  de 
1'/  et  celle  de  l'r.  L'a  de  papa  nous  montre  la  langue  s'élevant  graduelle- 
ment puis  s'abaissant  de  même  jusqu'à  sa  première  position.  Par  consé- 
quent, toute  la  partie  de  la  ligne  linguale  de  palpa  qui  s'élève  au-dessus 
du  point  initial  de  Va  appartient  à  1'/,  D'autre  part,  pour  Va  de  hàp,  la 
langue  se  creuse  régulièrement,  ce  qui  est  marqué  par  une  élévation  du 
tracé.  Or  dans  kàrp,  à  l'élévation  du  tracé  succède  un  abaissement  qui 
correspond  à  une  élévation  de  la  langue.  Tout  ce  mouvement,  étranger  à 
Va ,  doit  donc  être  attribué  à  l'r. 

/  et  r  sonores  :  palpa  «  palper  »,  papa,  kàrp  «  carpe  »,  kàp. 

Fig.  59.  V^se  D. 


Langue 


Laryi 


I.èvies 


p a l-p[^]  p — ^ — p{i^]   k à r p       k à p 

lQ\.y  sonores  :  û  n  tràvàlp[à  byè]  «  il  ne  travaille  pas  bien  »  répété  trois 
fois,  la  première  fois  avec  la  variante  tràvây,  la  seconde  avec  cette  autre 


LES   MODIFICATIONS   PHONÉTIQUES   DU    LANGAGE.  121 

tràfâ.  (Les  vibrations  du  larynx,  mal  venues  dans  la  photographie  pour 
va  p.l,  ont  été  suppléées;  le  point  final  est  certain  ;  mais  le  discours  suivi 
offre  des  exemples  de  Vf  assourdie,  fig.  38  et  64), 

Fig.  60.  V'»»«  D. 


un       t r — .7 V à — /    p\a\   v-à-y  p[a]  v—à       /{«]•      ' 

3°  Liquides  ou  sevii-voyeUes  placées  entre  une  sourde  et  une  voyelle.  —  Après 
les  sourdes,  les  liquides  et  les  semi-voyelles  sont  presque  entièrement  so- 
nores :  pra ,  phi ,  épia ,  épljt  comparés  à  pa .  Les  tracés  des  nasales  sont  clairs 
par  eux-mcmes  comme  plus  haut,  fig.  58,  celui  de  apna  dont  la  ligne  nasale 
est  couverte  de  vibrations.  D'autre  part,/>tcw,  puw  comparés  à  pu,  pwa  com- 
paré à  pu  montrent  que  le  moment  où  le  larynx  est  entré  en  vibration , 

Fig.    61.  Vsse   D. 


-p / — a        e p la      p — r — a      p — a 


122 


L  ABBE   ROUSSELOT. 


rapporté  à  celui  où  les  lèvres  se  sont  ouvertes ,  est  le  même  dans  tous  les 
cas,  c'est-à-dire  que  les  consonnes  interposées  entre  le^  et  la  voyelle  finale 
sont  entièrement  sonores.  Cependant  le  y  a  une  tendance  marquée  à  s'as- 

Fig.  62.  V«-  E. 


jLnfliJTiifiUnntiurrwjL  mmii  I  Jimii 


\     \. 


p—y~ô      p y e      p~i 


pic — a      piu — e      p-u 


Fig.  63. 

Vsse   D. 

-     /     1          VKiv  rnv*u- — 

, 1        MU'        1- 

] 

— --- 

-— 

1 

^^^-, 

^ 

p—) ô 


p- 


— / 


pïii- 


p — u 


sourdir.  Dans  pyJ  (fig,  62  et  63)  et  dans  pyë  surtout,  comparés  à  pi ,  il 
n'est  évidemment  pas  entièrement  sonore. 

Cette  tendance  s'accentue  dans  le  discours  suivi,  et  elle  apparaît  aussi, 
quoique  à  un  degré  moindre,  pour  r,  1  et  /. 

Voici  les  cas  que  j'ai  relevés  : 

r  est  sourde  pendant  un   tiers  de  sa  durée  i  fois  sur  20  :  ùr  balr 


Fig.  64. 


Vsic  D. 


t^r 


-^a- 


-t r 


p-r         p- 


-ar- 


LES  MODIFICATIONS   PHONÉTiaUES   DU    LANGAGE. 


123 


...pour  battre  »;  /  est  assourdi  d'une  façon  notable  dans   ....papU 
,..p;ipelin  »;  /  dans  ph^  «  s  bûrrà  pVo  «  ils  se  bourreront  bien  »  ;  enfin 


Fig.  6). 


V««  D. 


\u5  hYirr--à 


P~ 


-/- 


p — à      p — / — € 


y  est  en  partie  sourd  dans  ....pyhë  «   pierres  »,  et  dans  pyâri 

«  Pierret  ». 


Fig.  66. 


V"e  D. 


m- 


P-- 


-y—a- 


-r — e 


Il  est  naturel,  du  reste,  que  l'assourdissement  se  produise  dans  le  dis- 
cours suivi  et  rapide  plutôt  que  dans  les  mots  isolés. 


Il  résulte  de  ce  chapitre  qu'il  existe  dans  la  sonorité  de  mes  consonnes 
des  variations  dont  je  n'ai  pas  conscience ,  plus  fréquentes  dans  certains 
cas  que  dans  d'autres,  et  n'ayant  à  peu  près  dans  aucun  une  fi.xité  com- 
plète. Elles  ont  ce  vague,  cette  indécision  qui  les  rend  impropres  à  être 
senties,  et  qui  caractérise  le  point  de  départ  d'une  évolution  phonétique. 


124  LABBE  ROUSSELOT. 


Ce  fait  ne  m'est  pas  personnel.  La  prononciation  de  M.  le  docteur 
Rosapelly,  qui  est  bourguignon,  n'est  guère  différente  de  la  mienne  en  ce 
point.  Elle  nous  a  fourni  avec  des  sourdes  :  apFa,  afpa,  ad^pa;  avec  des 
demi-sonores  :  a^pa,  ab'ka;  avec  des  sonores  :  ap'ja,  cip\a,  afba,  ab'ta^ 
as'ba;  sans  modification  :  abpa,  afba,  agpa,  apga,  apda,  aeba,  abea,  asba, 
absa,  avpa,  abka  ;  tantôt  avec  des  sonores,  tantôt  avec  des  sourdes  :  prisme, 
rythme,  peuple,  fable,  cible,  meuble,  peuple,  poutre,  pâtre,  sabre,  article. 


CHAPri  RE  IV 

SOUFFLE  EMPLOYÉ  POUR  LA  PAROLE  —  MESURE  DE  L'EFFORT 
ACCENT  DINTENSITÉ 


La  voix  est  le  résultat  de  la  lutte  qui  s'exerce  i  certains  points  déter- 
minés entre  les  organes  de  la  parole  et  la  poussée  de  l'air  chassé  par  les 
poumons.  Il  est  donc  naturel  que  nous  observions  maintenant  la  colonne 
d'air  qui  est  employée  pour  chaque  son  et  pour  un  même  son  dans  les 
différentes  places  qu'il  peut  occuper  dans  les  groupes  vocaux. 

N'aurait-elle  d'autre  intérêt  que  celui  de  mieux  faire  connaître  le  méca- 
nisme de  la  parole  et  de  préciser  les  faits  de  mon  patois ,  cette  étude  méri- 
terait notre  attention.  Mais  elle  a  un  intérêt  qui  dépasse  les  limites  d'une 
simple  description  :  elle  nous  fournit  des  données  pour  juger  du  travail 
relatif  qu'exige  la  production  des  sons  et  nous  permet  de  mieux  com- 
prendre quelques-unes  de  leurs  transformations  historiques.  Pour  obtenir 
ce  résultat,  j'ai  dû  étendre  quelque  peu  le  champ  ordinaire  de  mes  obser- 
vations. J'ai  recommencé  avec  un  compatriote,  mon  cousin  J.  B.,  une 
partie  des  expériences  faites  sur  moi-même,  et  j'ai  eu  recours  à  des  sujets 
choisis  pour  apprécier  certains  échelons  phonétiques  que  j'ai  dépassés  ou 
que  je  n'ai  pas  encore  atteints. 

On  peut  prendre  une  idée  rapide  de  la  variété  qui  existe  dans  le  volume 
et  la  marche  de  la  colonne  d'air  parlante  au  sortir  de  la  bouche  en  la 
recevant  sur  la  main.  Mais  une  expérimentation  rigoureuse  ne  peut  se 
faire  par  ce  moyen.  Je  l'ai  observée  de  deux  manières  :  indirectement  avec 
V Explorateur  de  la  respiration,  directement  avec  une  embouchure  ajustée 
sur  les  lèvres  et  la  conduisant  soit  dans  un  Spiromètre,  soit  dans  un  tam- 
bour inscripteur. 

Les  mouvements  de  la  cage  thoracique  ne  fournissent,  comme  on  s'y 
attend  bien,  que  des  tracés  insuffisants  pour  chaque  son.  Mais  si  l'on 
ripète  une  même  syllabe  plusieurs  fois  de  suite  et  sans  arrêt,  la  ligne 
d'expiration  marque  nettement  la  dépense  d'air  qui  a  été  faite.  Celle-ci  est 
d'autant  plus  grande  que  le  tracé  modifié  s'écarte  davantage  de  celui  de  la 
respiration  normale. 

Le  tracé  suivant  représente  la  prononciation  de  M.  le  docteur  R.... 


126 


L*ABBè   ROUSSELOT. 


Fig.  67 


Le  Spiromètre  ne  peut  servir  aussi  que  pour  les  sons  isolés,  l'air  ne 
passant  pas  assez  vite  dans  les  soufflets  pour  que  plusieurs  syllabes  consé- 
cutives restent  distinctes. 

Le  tambour  inscripteur  est  heureusement  d'un  usage  plus  étendu. 
Aussi  vaut-il  la  peine  que  nous  nous  arrêtions  à  étudier  la  façon  dont  il 
traduit  le  volume  et  la  marche  d'une  colonne  d'air  connue  et  soumise  dans 
ses  mouvements  à  notre  volonté.  L'expérience  peut  se  faire  de  deux 
façons  :  â  voie  fermée ,  quand  toute  la  masse  d'air  étudiée  est  conduite 
dans  le  tambour;  à  voie  ouverte,  quand  une  issue  est  ménagée  sur  le 
passage  de  l'air,  en  sorte  qu'une  partie  seulement  pénètre  dans  l'appareil 
inscripteur.  J'ai  fait  mes  expériences,  dans  le  premier  cas,  avec  un  compte- 
goutte  sur  lequel  j'exerçais  des  pressions  à  l'aide  de  pinces  de  diverses 
grandeurs;  dans  le  second,  avec  une  petite  pompe.  En  remplaçant  l'air  par 
de  l'eau,  j'ai  pu  déterminer  la  quantité  d'air  que  je  mettais  ainsi  en  mou- 
vement; et,  en  variant  la  rapidité  des  pressions,  je  modifiais  la  vitesse  de 
la  colonne  d'air.  Enfin,  en  conduisant  l'air  tantôt  par  un  tube  étroit  (1/2  ""° 
de  diamètre),  tantôt  par  un  tube  plus  grand  (5  """  de  diamètre),  tantôt  à 
travers  un  vase  d'un  demi-litre  de  capacité,  j'ai  pu  voir  les  changements 
que  la  forme  même  de  la  colonne  d'air  imprime  aux  tracés. 

Voici  les  constatations  qu'il  me  paraît  utile  de  relever  : 

1°  Lorsque  l'expérience  se  fait  à  voie  fermée,  la  hauteur  du  tracé  corres- 
pond toujours  au  volume  de  la  colonne  d'air,  quelles  qu'en  soient  les 
dimensions  et  la  vitesse.  Cette  donnée  correspond  à  celle  que  fournit  le 
spiromètre.  Ainsi,  dans  les  tracés  suivants  qui  sont  dus  à  des  colonnes 
Fig.  68.  V"e  F. 


d'air,  a)  de  622"'"'  1,  b)  de  502™'"  1,  c)  de  340"""  "î,  d)  de  250"""  %  e)  de 


LES   MODinCATIONS  PHONèTIQUES   DU   LANGAGE.  ïiy 

j^Qtnmq^  nous  avotts  les  hauteurs,  a)  9""°,  b)  8""",  c)  5""",  d)  3™™,  e) 
2"""'  3  environ  (il  n'est  pas  nécessaire  ici  d'entrer  dans  les  détails  d'une 
mensuration  rigoureuse).  Or  ces  chiffres  approximatifs  suffisent  à  montrer 
que  les  hauteurs  des  tracés  sont  entre  elles  comme  les  masses  d'air  qui  les 
ont  produits,  puisque  le  i"  tracé  égale  presque  le  double  du  3',  et  le  triple 
du  4*^,  et  que  le  2"  est  le  quadruple  du  5*. 

L'interposition  d'un  vase  sur  le  trajet  de  l'air  diminue  la  pression  dans 
le  tambour  et  la  hauteur  du  tracé. 

2°  Quand  l'expérience  a  été  conduite  à  voie  ouverte ,  le  tracé  fait  con- 
naître suivant  les  cas  le  volume  de  la  colonne  d'air  ou  sa  vitesse.  Si  la 
vitesse  de  deux  colonnes  d'air  est  la  même  et  que  le  volume  soit  différent, 
le  tracé  le  plus  haut  correspond,  comme  c'est  naturel,  et  comme  le  mon- 
trent D  et  E,  à  la  colonne  la  plus  considérable.  Mais  si  le  volume  reste  le 
même  et  que  la  vitesse  soit  changée,  la  hauteur  du  tracé  est  alors  l'indice 
de  la  vitesse.  Ainsi  une  même  quantité  d'air  (30''"'  'i)  a  donné  les  tracés  : 
A,  sous  une  pression  lente;  b,  sous  une  pression  rapide;  c,  avec  un  tube 
initial  de  1/2°"°  de  diamètre;  d,  avec  un  tube  de  6°"°.  Ces  différences 
Fig.  69.  Vs*e  F. 


s'expliquent.  Plus  le  temps  de  l'émission  est  long,  ou,  ce  qui  revient  au 
même,  plus  le  tube  initial  d'écoulement  est  étroit,  plus  la  perte  de  l'air 
par  l'issue  qui  se  trouve  libre  est  considérable. 

La  durée  de  l'émission  permet  de  donner  au  tracé  sa  vraie  signification. 

3°  La  largeur  du  tracé  indique  la  durée  de  l'émission,  déduction  faite 
de  la  partie  qui  correspond  à  la  persistance  de  la  pression  dans  le  tambour. 

4°  La  direction  de  la  ligne  inscrite  marque  le  mouvement  de  la  colonne 
d'air.  Si  la  ligne  monte,  la  colonne  d'air  avance;  si  elle  descend,  l'air  se 
retire.  Si  la  ligne  approche  de  la  verticale,  le  mouvement  de  l'air  est 
rapide,  si  elle  prend  la  forme  d'une  courbe  plus  ou  moins  allongée,  l'air 
croît  ou  diminue  graduellement. 

Dans  les  recherches  faites  sur  la  parole,  j'ai  profité  des  deux  genres 
d'expérimentation.  La  voie  fermée  avec  tube  court  n'est  possible  que  pour 
le  chuchotement  très  faible,  qui  réclame  peu  de  souffle.  En  outre,  comme 


128  l'abbé  rousselot. 


l'air  s'amoncelle  avec  les  syllabes,  on  peui  craindre  que  la  pression  produite 
dans  le  tambour  par  les  premiers  sons  d'un  groupe  ne  modiiie  sensible- 
ment le  tracé  des  derniers.  Un  vase  interposé  rend  possible  l'étude  du 
souffle  émis  pour  la  voix  haute,  et  il  atténue  les  effets  de  l'accumulation 
de  l'air.  La  voie  ouverte  met  en  relief  certaines  particularités  de  l'émission, 
et  en  outre  elle  permet  à  l'air  contenu  dans  le  tambour  de  reprendre, 
après  chaque  nouvelle  émission  du  souffle ,  sa  pression  normale. 

Enfin  nous  avons  encore  à  dire  dans  quelles  conditions  il  est  permis  de 
comparer  entre  eux,  soit  les  chiffres  fournis  par  le  spiromètre,  soit  les  tracés 
du  tambour  inscripteur. 

Rien  n'est  moins  fixe  que  le  volume  d'air  que  nous  employons  dans  la 
parole.  Il  varie  suivant  les  personnes  en  raison  de  la  capacité  pulmonaire. 
Ainsi  un  sujet  capable  d'expirer  4  litres  1/2  d'air  émet  en  moyenne  pour 
l'articulation  de  kà  à  voix  ordinaire  jusqu'à  236''™^,  alors  que  d'autres 
expirant  de  2  à  3  litres  émettent  environ  90'="  ^  et  souvent  moins.  Il  varie 
aussi  dans  chaque  individu  suivant  le  degré  de  force  qu'il  donne  à  sa  parole 
tant  pour  le  chuchotement  que  pour  la  voix  hautes 

De  plus,  il  varie  selon  des  circonstances  dont  on  n'a  pas  conscience  : 
il  n'est  pas  le  même  le  matin  quand  on  n'est  pas  sorti  de  sa  chambre ,  et 
plus  tard  quand  on  revient  de  la  promenade,  quand  on  est  assis  et  quand 
on  est  debout.  Ainsi  pour  ka  que  je  croyais  toujours  prononcer  avec  une 
égale  force,  j'ai  dépensé  dans  des  séances  différentes  :  1°  81""  "i;  —  2°  (en 
rentrant  de  promenade),  143,  151,  145,  136,  121,  133,  158,  147,  143  '"  "î; 
—  3°  80,  74;— 4°  50,  46,  50,  éi;  —  5°  90,  81. 

Mais,  comme  le  témoignent  œs  chiffres  et  les  tracés,  les  quantités  ne 
changent  pas  notablement  dans  le  courant  d'une  même  séance. 

Il  suit  de  là  que  sur  chaque  point  à  éclaircir  il  faut  instituer  des  expé- 
riences particulières,  et  que  les  résultats  d'expériences  isolées  ne  sauraient 
être  comparés  entre  eux.  Des  séries  que  je  viens  de  citer,  on  ne  pourrait 
rapprocher  pour  ga  que  les  suivantes  :  1°  81'""  1;  —  2°  121,  135,  106,  10 r, 
135,  130,  123,  146,  123  ;  —  3°  114,  108,  etc.,  qui  ont  été  obtenues  dans 
des  circonstances  identiques. 


*  J'ai  cherché  quelles  sont  chez  moi  les  Umites  extrêmes,  et  j'ai  trouvé  : 
pour  le  ka  chuchoté  de  i  jusqu'à  318  et  même  519""  "î;  pour  la  même 
syllabe  articulée  à  voix  haute,  de  16  à  280'™  1.  Avec  un  écart  comme 
celui-ci,  il  est  clair  qu'il  y  a  une  large  place  pour  la  moyenne,  c'est-à-dire 
pour  la  voix  ordinaire. 


LES   MODIFICATIONS   PHONÉTIQUES  DU   LANGAGE. 


129 


Sons  isolés. 


CONSONNES 


Les  consonnes  ont  été  ou  chuchotées  ou  unies  à  la  voyelle  a.  L'addition 
de  cette  voyelle,  toujours  la  même,  ne  peut  nuire  à  la  justesse  des  compa- 
raisons. 

Je  me  bornerai  aux  remarques  suivantes  : 

1°  Les  continues  demandent  plus  d'air  que  les  instantanées  correspon- 
dantes. Il  en  est  de  même  des  consonnes  issues  de  k  et  de  g,  qui  deviennent 
de  plus  en  plus  spirantes,  comparées  successivement  à  celles  dont  elles 
sont  sorties.  Ce  résultat,  qui  n'a  rien  d'imprévu,  est  absolument  constant 
chez  tous  les  sujets  observés. 

Nous  avons  donc  :  i"  p  </,  /  <  5,  k  <i  U  <,€  <Cc;  —  2"  ^  <  i-, 
d<:(_,g<dj<j<h. 

Voici  les  moyennes  de  quelques  expériences.  (Les  chiffres  indiquent  des 
centimètres  cubes.  Ceux  que  n'accompagne  aucune  désignation  de  per- 
sonne sont  de  moi.  C  =  chuchoté  (les  séries  non  précédées  de  ce  signe  se 
rapportent  à  des  sons  émis  à  voix  haute);  B  =  ].B;Ba  =  ].  B.  assis; 
B  d  =  ].B.  debout;  M  =  Marchois;  P  =  Pyrénéen;  S  =  Saintongeais; 
T  =  Toulousain)  : 

SOURDES 


ï 


P 

/ 

/ 

5 

k 

t€ 

€ 

£ 

c.  99 

155 

100 

160 

C.  87 

^_ 

l\\\ 

,_,^ 

89 

162 

61 

125 

80 

— 

123 

— 

56I 

138e 

— 

— 

44 



II9I 

— 

Bd.  m 

220 1 

Bd.   86 

103 

Bd.   98 



150 

— 

Ba.   65 1 

102 

Ba.  77 

97 

Ba.  62  i 



93 

— 

S.   74 



140 

181 

T.  88 

184 

250 

— 

M.  45 

120 

— 

= 

K£Vt1   DES    PATOIS.   —   9. 


130 


LABBE    ROUSSELOT. 


SONORES 


b 

V 

d 

l 

g 

^; 

; 

h 

ICI 

113 

C.  85 

120 

C.  81 1 



134 



34 

107 

73 

84 

81 

— 

121 

— 

B.  89 

104 

B.  58 

133 

57 
Bd.   80 1 

— 

94 
144 

I 

Ba.   43  1 

— 

71 

— 

S.  — 

— 

80 

143 

P.  24 

34 

55 

— 

M.  84 

109 

— 

— 

Tous  les  tracés  concordent  avec  ces  chiffres. 

2°  Les  nasales  demandent  moins  d'air  que  les  instantanées  correspon- 
dantes. Cette  constatation  exige  une  double  expérience ,  puisque  l'air 
s'écoule  pour  les  nasales  à  la  fois  par  le  nez  et  par  la  bouche. 

Par  la  bouche,  j'ai  obtenu  :  à  côté  de  />  99  '"■  ^,  w  3 1;  à  côté  de  /  82  1/2, 
n  66  1/2  et  p  65  ;  à  côté  de  t  104  1/3,  n  98  et  ^i  40. 

Par  le  nez  :  dans  le  chuchotement,  m  6"""  ^,  7,  ro,  7,  etc.;  n  5,  6,  5, 
6,  etc.  ;  dans  la  voix  haute,  w  et  «  i*""  "i  ou  2  en  moyenne. 

Les  tracés  donnent  des  résultats  analogues. 

3°  Les  continues  sourdes  réclament  plus  d'air  que  leurs  sonores 


/ 

V 

5 

7 

€ 

/ 

162 

113 

129 

84 

III 

90 

124 

m 

138 

107 

119 

95 

Bd.   220 

103 

Bd.   148 

138 

Bd.   150 

144 

Ba.   102 

51 

Ba.   97 

75 

Ba.   93 

71 

La  même  différence  n'existe  pas  dans  mon  parler  entre  les  sourdes  et  les 
sonores  instantanées.  D'après  des  données  fournies  par  le  spiromètre,  je 
trouve  :  sur  14  fois,  ^  >  ^  5  fois,  =  ^  3  fois,  <  ^  6  fois;  sur  lé,  /  >  ^  6 
fois,  =  (i  2  fois,  <  ^  8  fois.  Dans  une  expérience  postérieure  faite  en  vue 


LES   MODIFICATIONS    PHONhi  ivi^..:>    DU   LANGAGE. 


131 


de  trancher  la  question,  les  chiffres,  si  l'on  écarte  ceux  qui  s'éloignent 
trop  de  h  moyenne  et  qui  proviennent  d'articulations  non  uniformes, 
sont  sensiblement  les  mêmes  pour  pa  (77)  et  ba  (78  1/4),  ta  (88)  et  da 
(873/4),  ^rt  (93)  et  ^a  (94) 

C'est  ce  qui  résulte  aussi  des  tracés  du  tambour  inscripteur  pris  à  voie 
fermée. 


Vs«  F. 


pa  ba  pa  ba     ta  da  ta  da  ka  ga  ka  ga 

Mais  le  régime  du  souffle  est  différent  pour  les  sourdes  et  pour  les 
sonores,  qu'elles  soient  instantanées  ou  continues.  Les  tracés  pris  à  voie 
ouverte  prouvent  que  le  jet  est  plus  rapide  pour  les  premières  que  pour  les 
secondes. 


Fig.  71. 


Vsse    F. 


pa  ba     ta     da         Tca    ga .  fa  va 


sa 


€a  ja 


4°  La  dépense  d'air  est  un  peu  plus  grande  pour  r  (56'''°  "î)  que  pour 
/  (50),  —  pour  j  (63)  que  pour  /  (41). 

5°  A  la  finale,  les  fricatives  demandent  plus  d'air  que  les  instantanées, 
les  nasales  moins  que  les  consonnes  de  leur  ordre,  toutes  les  sourdes  plus 
que  les  sonores ,  /  plus  que  r  et  /  à  peu  près  autant  que  y  : 

at     75 
nk    86 
al     59  1/3 
Les  tracés  concordent. 

6"  Les  semi-voyelles  se  lient  étroitement  à  la  voyelle  suivante  et  sont 
produites  avec  elles  par  une  même  colonne  d'air  plus  considérable  et  de 
moindre  durée  que  celle  de  la  diphthongue  correspondante.  Le  fait  apparaît 
clairement  dans  les  inscriptions  prises  dans  le  chuchotement  à  voie  fermée. 


af  151  1/3 

ar     90  2/3 

aj     81  1/2 

as   109  1/3 

av    86  2/3 

al     66  2/3 

a€  137  1/3 

ai    93  2/3 

ap     66  2/3 

ab     44 
ad    40  1/3 
ag     60 


ay     56 
a  m    24  2/3 
an     26 


132 


l'abbé  rousselot. 


De  ces  constatations,  il  ressort  que  le  développement  historique  des 
consonnes  concorde  avec  une  augmentation  de  la  dépense  d'air.  C'est  dire 
qu'il  y  a  eu  relâchement  progressif  dans  la  tension  des  muscles  destinés  à 
barrer  le  passage  au  souffle ,  et  par  conséquent  diminution  de  travail. 


VOYELLES 

Les  voyelles ,  dans  le  patois  de  Cellefrouin ,  ont  eu  un  développement 
analogue  à  celui  des  consonnes.  De  tendues  (ouvertes  ou  fermées),  elles 
sont  devenues  relâchées  (moyennes). 

Nous  devrions  donc  nous  attendre  à  une  dépense  d'air  plus  considérable 
pour  a,  ôy  i,  o,  u,  u,  œ,  que  pour  â,  é  ou  è,  î,  ô,  û,  û,  œ.  C'est  effective- 
ment ce  que  donnent  certaines  expériences.  Ainsi  j'ai  obtenu  : 


a    60           rf     50 

i     27 

/     17 

u     50 

û    40 

e     6S           ^50 

0     54           ô     50 

œ  100 

œ    85 

Dans  une  séance,  M.  B.  a  fourni  les  moyennes  suivantes  : 

a    22  2/3             â    20  2/3 

0     33  1/3            ô 

282/3 

e     54  1/3             é 

33  1/3 

u     60 

2/3             û 

31  1/3 

Mais  ce  qui  devrait  être,  semble-t-il,  la  loi,  n'est  que  l'exception.  Dans 
la  plupart  des  cas  j'emploie  pour  les  voyelles  moyennes  moins  d'air  que 
pour  les  voyelles  fermées.  Voici  les  chiffres  d'une  expérience  qui  repré- 
sentent à  peu  près  la  moyenne  de  celles  que  j'ai  faites  avec  J.  B. 


a    39  2/5 

â    41  2/5 

u     47  2/3 

û    83  2/3 

e     27  1/3 

é     47  2/3 

u    41  1/2 

û    92  3/4 

i      13  1/2 

/     27 

œ    4 

œ    95 

0     25  3/4 

à     47  1/2 

Les  moyennes  des  expériences  faites  sur  moi-même  donnent  les  résultats 
suivants  :i<Ci\  u  <.û;  0  < 0.  Mais  a^  ài  fois  sur  3;  €>>  g' 5  fois  sur  6 ; 
ô  >  a  4  fois  sur  6  ;  w  >  d  4  fois  sur  6  ;  «*  >  w  2  fois  sur  4;  té  >  œ  2  fois 
sur  4;  ^  >  a  I  fois  sur  7. 


LES  MODIFICATIONS   PHONÉTICIUES   DU    LANGAGE. 


133 


Voici  les  chiffres  d'une  de  ces  expériences  prise  au  hasard  : 

à  42  é  6<)  ^55  e  26  /  35  /  18 
i  34  ô  57  ^59  0  25  1/48  «  44 
à    ^6        ûp    52        œ    26 

Les  faits  seuls  que  je  viens  de  signaler  suffisent  à  expliquer  la  contra- 
diction qu'ils  renferment.  Il  y  a  eu  en  effet,  pour  les  voyelles  comme  pour 
les  consonnes,  abaissement  de  la  barrière  opposée  au  passage  de  l'air  et 
relâchement  des  organes. 

Si  cette  loi  était  la  seule  qui  régît  la  transformation  des  voyelles,  la 
conséquence  serait  une  augmentation  constante  dans  le  volume  de  l'air 
dépensé.  Mais  il  y  en  a  une  autre  :  en  même  temps  qu'elle  se  relâche, 
la  voyelle  tend  à  perdre  de  sa  durée.  Ainsi ,  malgré  son  accroissement 
initial,  la  colonne  d'air,  s' écoulant  moins  longtemps,  perd  de  son  volume 
total. 

Ces  déductions  sont  pleinement  confirmées  par  les  tracés  du  tambour 
inscripteur.  En  opérant  à  voie  fermée,  on  obtient  des  résultats  analogues 
à  ceux  du  spiromètre.  Mais  les  tracés  obtenus  à  voie  ouverte  marquent 
nettement  et  l'accroissement  de  la  colonne  d'air  et  la  diminution  de  sa 
durée. 

Fig.  73.  Vsse  F. 


a  a  a  e  é  e  11  u  u  à  ô  0  û  u  à  œ  œ 
Les  voyelles  nasales  demandent  moins  d'air  que  les  voyelles  buccales 
correspondantes  :  â  et  J  donnent  de  i  à  2  ""'  "i  d'air  par  le  nez ,  le  plus 
souvent  i;  dans  le  chuchotement,  à  est  allé  jusqu'à  4.  Je  n'ai  jamais  pu, 
même  en  faisant  des  efforts,  amener  une  variation  de  l'aiguille  pour  è. 
Par  la  bouche,  l'air  qui  s'écoule  est  en  moyenne  de  24  3/5  pour  à,  23  3/5 
pour  ô,  30  3/4  pour  ^. 

Ces  observations  sqnt  confirmées  par  les  tracés  qui  ont  en  outre  l'avan- 

Fig.  74.  Vsse  F. 


à      è      ô 
tage  de  nous  fournir  le  moyen  d'apprécier  la  quantité  d'air  qui  s'écoule 
par  le  nez  pendant  l'émission  de  e. 


134 


L  ABBE   ROUSSELOT. 


Ces  faits  prouvent  que  le  passage  de  è  h  à  rentre  dans  la  loi  du  déve- 
loppement normal  des  sons  à  Cellefrouin. 


Sons  groupés. 


Les  sinuosités  des  tracés  de  la  colonne  d'air  parlante  suffiraient  presque 
à  eux  seuls  pour  décomposer  tous  les  sons  qui  entrent  dans  un  groupe. 
Images  fidèles  de  la  marche  du  souffle,  elles  en  traduisent  tous  les  mouve- 
ments, les  accroissements,  les  arrêts  soutenus,  les  diminutions  momenta- 
nées et  les  interruptions  complètes.  Elles  nous  permettent  de  constater  :  la 
continuité  de  l'émission  entre  une  consonne  et  une  voyelle  ou  entre  une 
instantanée  sourde  et  une  liquide;  le  léger  repos  qui  sépare  les  consonnes 
sonores  et  les  voyelles  ou  les  liquides,  ainsi  que  les  syllabes  où  n'entrent 
que  des  continues  ou  des  voyelles;  enfin  les  repos  prolongés  qui  séparent 
les  syllabes  où  se  trouvent  des  instantanées  ou  bien  des  nasales. 

Fig.    75.  Vsse   F. 


pla  pla  bla  bla  kla  gla  pra  bra  papa  tata  pafa  tasa  fafa  eaea  zfi^  pyci 

Mais  le  plus  grand  intérêt  que  présente  l'étude  du  souffle  émis  pour  les 
groupes  de  sons  réside  dans  la  recherche  de  l'accent  d'intensité.  Les  tracés, 
en  effet,  nous  permettent  de  le  découvrir.  Si  nous  émettons  des  groupes 
composés  d'une  même  syllabe  répétée,  et  que  nous  frappions  d'une  inten- 
sité voulue  l'une  d'elles,  les  tracés  montrent,  comme  dans  la  figure  sui- 
vante, que  c'est  cette  syllabe  qui  est  produite  par  la  colonne  <l'air  la  plus 
considérable  et  la  plus  rapide.  Les  deux  premiers  groupes  ont  été  chu- 
chotes et  inscrits  à  voie  fermée,  les  deux  derniers  ont  été  parlés  et  inscrits 
à  voie  ouverte. 

Fig.  76.  Vsse  F, 


papa 


papa      papa      papa 


LES   MODIFICATIONS   PH0NÉT1Q.UES  DU   LANGAGE.  135 

Cette  constatation  faite ,  il  ne  reste  plus  qu'à  comparer  entre  elles  les 
sylbbes  de  groupes  formés  de  la  même  façon  et  prononcés  à  l'ordinaire, 
d'abord  isolément ,  ensuite  dans  des  phrases  ayant  un  sens. 

De  l'enquête  ainsi  conduite,  il  résulte  que  l'accent  d'intensité  n'a  pas 
dans  mon  parler  une  place  absolument  fixe;  mais  que,  dans  la  majorité  des 
cas,  il  frappe  la  dernière  syllabe  du  groupe. 

Examinons  d'abord  les  groupes  artificiels.  Ce  sont  ceux  qui  présentent 
la  combinaison  la  plus  simple,  et  où,  pour  différencier  des  syllabes  inten- 
tionnellement égales,  agissent  seules  les  lois  de  notre  organisme. 

J'ai  inscrit  papa,  baba,  tata,  dada,  kaka,  papapa,  papatpa,  papatpapa, 
apaepapa,  papapapapapapa...  J'en  cite  6  chuchotes  (voie  fermée)  et  2  parlés 
(voie  ouverte). 

Fig.  77.  V«e  F. 


papa  id.  papapa  id.  papatpapa  id.    papa      id. 

Or  nous  avons  :  1°  dans  les  groupes  de  deux  syllabes,  sur  155  cas  : 
~  "^  125  fois,  ~  ~  30  fois.  Mais  il  faut  noter  que  cette  dernière  forme 
n'est  fi'équente  qu'à  certains  jours  :  5  fois  sur  7  à  la  fin  d'une  séance  (juillet 
1889),  7  fois  sur  20  et  6  fois  sur  30  (décembre  1890).  Elle  concorde  avec 
un  moment  de  fatigue. 

2°  Dans  les  groupes  de  trois  syllabes  : 

a)  Toutes  les  syllabes  libres,  sur  42  cas  :  "i  î"  ^7  fois,  ~  "i  2  fois, 
~  ~  ~  I  fois,  "^  I  fois,  ~  ~  "'"  I  fois.  L'intensité  la  plus  grande  porte 
sur  la  première  syllabe  :  dans  la  forme  ~  ~  ■''  14  fois,  dans  ~  ~  ~  2  fois. 

h)  La  seconde  syllabe  entravée,  sur  15  cas  :  "^  ~  ~  14  'fois  dont  10  avec 
la  plus  grande  intensité  sur  l'initiale,  ~  "  ~  i  fois,  la  dernière  syllabe  étant 
moins  intense  que  la  première. 

3**  Dans  les  groupes  de  quatre  syllabes  : 

La  pénultième  ou  l'antépénultième  entravée,  sur  18  cas:  ~  16  fois 

bien  certaines  et  2  fois  douteuses. 

4°  Dans  les  groupes  de  plus  de  quatre  syllabes ,  sur  1 5  cas  :  "^  ~ 

14  fois,  les  atones  étant  sensiblement  égales  11  fois,  la  pénultième  plus 
faible  4  fois,  l'initiale  ayant  été  la  plus  intense  6  fois;  t  -^  t  -  t  i  fois; 
sur8cas:~~~~''"3  fois,  ~  t  —  -  t  avec  la  pénultième  la  plus  -faible 


136  l'abbè  rousselot. 


4  fois,  r  —  —  avec  l'initiale  la  plus  faible  i  fois.  J'ai  encore  relevé  : 

"^""T         "^       ■"  '       r  —  T      r  avec  l'intensité  croissant  jusqu'à  la 

y  syllabe,  t-t  t-  t  la  5e  syllabe  étant  plus  faible  que  la  4% 
''       ■"  ~  T  T  ~  T  -  T  ~  Tj  les  5^  et  6^  syllabes  étant  égales. 

Dans  une  série  d'émissions  que  l'on  croit  égales ,  le  souffle  obéit  donc  à 
une  loi  rythmique  suivant  laquelle  à  un  effort  succède  en  général  un 
relâche,  de  façon  que  le  plus  grand  effort  se  fasse  sur  la  première  ou  le  plus 
souvent  sur  la  dernière  syllabe  du  groupe,  et  que  la  pénultième,  si  elle 
n'est  en  même  temps  l'initiale ,  soit  en  règle  la  plus  faible. 

Dans  les  phrases,  nous  avons  à  tenir  compte  d'un  élément  étranger  à 
l'organisme,  la  pensée. 

J'ai  inscrit,  en  commençant  par  les  phrases  les  plus  simples  : 

1°  u>î  papa  «  oui,  papa  »,  3  fois. 

wî  papa,  2  fois. 
2°  nô papa  «  non,  papa  »,  5  fois. 
3°  nô  pâ  papa  «  non  pas,  papa  »,  6  fois. 
4°  tôtô  e  kî  «  tonton  est  ici  »,  5  fois. 

iôtô  e  kî,  2  fois. 
5°  /ô  tôlô  e  kî,   I  fois. 

tôtôtôe  kî,  I  fois. 
6°  mô  tôtç  va  vnt  «  mon  tonton  va  venir  »  (lent),  i  fois.' 
7°  mô  tôlô fà  fer  dœ  fer  «  mon  tonton  fait  faire  du  fer  »  (lent),  i  fois. 
8°  T>.  vîl  tu  ànà  €à  tô  tôtç?  «  veux-tu  aller  chez  ton  tonton  ?  »  i  fois.  — 

Le  même  avec  l'accent  sur  la  première  syllabe  (/ç/ô),  i  fois. 

—  K.  mô  tôtô  nepà  kt,  i  fois. 

9°  D.  vîï  tu  ànà  eà  ta  tàtà?  «  veux-tu  aller  chez  ta  tata?  »,  2  fois. 

—  K.  ma  tàtà  nepà  kî,  i  fois. 

—  î  va  £à  ma  tàtà,  I  fois. 

Je  termine  par  deux  dialogues  où  j'ai  essayé  de  reproduire  les  principales 
inflexions  de  la  conversation,  et  je  donne  de  chacun  trois  tracés  :  le  pre- 
mier et  le  second ,  recueillis  à  voie  ouverte,  représentent,  l'un  la  pronon- 
ciation très  lente  avec  chaque  syllabe  détachée,  l'autre  la  prononciation 
ordinaire  ;  le  troisième  a  été  pris  à  voie  fermée  sur  la  prononciation  chu- 
chotée.  Chaque  groupe  porte  dans  la  figure  le  même  numéro  que  dans  le 
texte ,  il  sera  donc  facile  de  le  décomposer.  De  plus ,  pour  aider  la  lecture , 
les  syllabes  à  étudier  sont  marquées  d'une  croix  en  dessous. 

I.  —  I.  dro!,  va  €à  tô  tôtô.  I.  Drôle,  va  chez  ton  tonton. 

—  2.  kè  fer  €a  mô  tôtôl  —  2.  Que  faire  chez  mon  tonton  ? 

—  3.  ît  dî  dànà  €a  tô  tôtô.  —  3.  Je  te  dis  d'aller  chez  ton  tonton. 

—  4.  în  lèm  pâ,  mô  tôtô.  —  4.  Je  ne  l'aime  pas,  mon  tonton. 

—  ^.  va  tu  d  mem  ea  tô  iôtô.  —  5.  Va  tout  de  même  chez  ton  tonton. 


LES   MODIFICATIONS   PHONÈTIOPES   DU    LANGAGE. 


Ï37 


—  6.  vâ-tn  £à  tô  tôtôi 

—  6. 

Vas-tu  chez  ton  tonton  ! 

—  7.  hi  le  m  pây  îuô  tôtô^. 

—  7- 

Je  ne  l'aime  pas,  mon  tonton. 

Hig.  7«- 

V*»<  F. 

kj\3^\J\X^^-ji^J\t^^^y~^-^ 


j--Tf»__ 


[I.  —  I.  ia  vhi  è  pôpô. 

—  2.  kâ  pôpô? 

—  3 .  /<*  pôpô  kè  tàvî  dmâdâ. 

—  4v  kœ  pôpô  m  pa  jôlî. 

—  ^i.êh  iHi  tu  un  ot  pôpô? 

Fig-  79- 


I.  Tiens,  voici  un  pompon. 

—  2.  Quel  pompon? 

—  3 .  Le  pompon  que  tu  avais  demandé. 
— ^  4.  Ce  pompon  n'est  pas  joli. 

—  5 .  Eii  bien  !  veux-tu  un  autre  pompon  ? 

V*^  F.      ''■ 


^  Cette  phrase  manque  dans  la  hgure. 


138 


l'abbé  rousselot. 


Le  lecteur  peut  constater  lui-même  la  place  de  l'accent  d'intensité  dans 
ces  deux  morceaux.  Mais,  comme  je  les  ai  répétés  plusieurs  fois,  je  réunis 
dans  un  tableau  les  autres  variantes  que  j'ai  relevées. 


NOMBRE  DE  FOIS 

DIALOGUE 

GROUPES 

tôtô 

/ô/J 

I 

I 

4 

2 

2 

4 

2 

3 

4 

I 

4 

4 

O 

5 

2 

3 

6 

2 

I 

7 

3 

0 

DIALOGUE 

GROUPES 

pôpô 

pôpô 

II 

I 

8 

I 

2 

10 

2 

3 

13 

I 

4 

6 

3 

5 

4 

3 

L'accent  est  douteux  une  fois 
n°'  I  et  3 . 


I"  dialogue,  n°'  i  et  3,  2*  dialogue. 


Ainsi  dans  tous  les  cas  l'accent  d'intensité  peut  occuper  la  dernière 
syllabe  du  groupe,  et  il  ne  quitte  guère  cette  place  dans  une  prononcia- 
tion énergique.  Il  tend  à  se  porter  sur  la  pénultième  dans  des  phrases  qui 
sont  dites  sur  un  ton  doux  et  caressant,  ou  qui  forment  une  conclusion. 


CHAPITRE  V 

DURÉE  DES  SONS  —  ACCENT  TEMPOREL 


D'une  difficulté  extrême,  sinon  d'une  réelle  impossibilité  si  l'on  ne 
consulte  que  l'oreille,  la  détermination  de  la  durée  des  sons  émis  dans  la 
parole  devient  un  jeu  avec  la  méthode  graphique.  Le  son  lui-même,  ou 
le  mouvement  des  organes  cjui  le  produisent  s'inscrivant  sur  un  cylindre 
d'une  circonférence  connue  et  d'une  vitesse  régulière  donnée,  la  durée 
se  trouve  transformée  en  quantité  linéaire  et  se  mesure  comme  toutes  les 
longueurs  de  ce  genre. 

Voici  les  échelles  correspondantes  aux  cylindres  et  aux  vitesses  que  j'ai 

employés  : 

Fig.  80. 

A   ; 1 , , , ^ , 


3     4      5 


K— t- 


3o 


io 


-1 
3o 


30 


5  JO 
10.  JO 


5o 


}0 

40 


3o 

.60 


40 

80 


5o 

100 


ÉCHELLES 

CIRCONFÉRENCE 
DU    CYLINDRE 

DURÉE  DE  LA  RÉVOLUTION 
DU    CYLINDRE 

A 
B 
C 
D 
.  E 
F 

cm.     mm. 
41,8 

41,4 
41,8 
41,8 

4Ij4 
41,4 

secondes,     dixiinies  de  sec. 

1,5 
1,94 
8,57 
10 

12 
75 

140 


l'abbé  rousselot. 


Comme  les  tracés  recueillis  avec  les  vitesses  B,  C,  D,  E  ont  été  gravés 
au  double  de  leur  grandeur,  les  échelles  sont  agrandies  dans  la  même 
proportion. 

Les  divisions  marquent  des  centièmes  de  seconde. 

Mes  premières  remarques  sur  la  durée  des  sons  datent  du  mois  d'octobre 
1888.  Désireux  d'utiliser  des  expériences  fiiites  en  1886  dans  un  tout  autre 
but  avec  le  microphone  de  M.  Verdin  et  le  signal  de  M.  Deprez,  je  com- 
parai différents  tracés,  et  je  fus  frappé  du  désaccord  complet  qui  existe  entre 
la  durée  réelle  des  sons  et  l'idée  que  je  m'en  fusais.  Des  voyelles  que  je 
croyais  toujours  longues  sont  souvent  brèves;  d'autres,  où  je  ne  voyais 
que  des  brèves ,  dépassent  souvent  en  durée  celles  que  je  considérais 
comme  longues.  Quelle  surprise  par  exemple  pour  moi  de  trouver  un 
a  =  â,  <;  ë,  î,  ô,  œ!  J'en  eus  bien  d'autres.  Un  fait  particulièrement  me 

Fig.    81.  Vsse   A. 


surprit  beaucoup.  Au  moment  où  je  prenais  mes  inscriptions,  j'avais 
remarqué  qu'il  était  possible  d'émettre  trois  fois  la  même  syllabe  pendant 
une  révolution  du  cylindre;  et  j'avais  profité  de  cette  circonstance  pour 
me  procurer  de  chaque  son  trois  tracés  que  je  m'attendais  à  trouver  sem- 
blables et  susceptibles  de  se  remplacer.  Quelques-uns  effectivement  diffè- 
rent peu  quant  à  la  durée  (la  seule  qualité  que  l'imperfection  des  appareils 
employés  me  permette  de  considérer)  ;  mais  d'autres  présentent  des  diffé- 
rences considérables,  comme  ê  par  exemple  : 

Fie.  82.  Vsse  A. 


Je  fus  ainsi  amené  à  deux  conclusions  bien  inattendues  pour  moi,  à 
^savoir  que  je  possède  un  â  et  un  e.  Des  considérations  analogues  me  firent 


LES  MODIFICATIONS   PHONÈTICiUES  DU   LANGAGE. 


141 


découvrir  un  ô  et  m'amenèrent  à  identifier  œ  et  ê.  C'est  tout  ce  qui  me 
reste  des  comparaisons  minutieuses  que  je  fis  alors.  Quant  aux  hypothèses 
que  je  formai  sur  la  quantité  proprement  dite,  il  n'en  reste  rien.  Je  voyais 
bien  que  les  données  sur  lesquelles  je  travaillais  étaient  incomplètes.  Mais 
je  n'osais  combler  les  lacunes,  croyant  la  matière  trop  délicate  pour  se 
prêter  à  des  expériences  organisées  en  vue  d'une  conclusion  cherchée. 
C'était  une  erreur.  Tous  mes  doutes  se  sont  évanouis  devant  une  étude 
méthodique  des  faits. 

Mes  recherches  nouvelles  ont  été  faites  en  1889  avec  les  explorateurs 
du  larynx,  du  ne^  et  des  lèvres,  et  l'inscripteur  de  la  parole. 

Les  deux  explorateurs  du  larynx  peuvent  suffire  à  isoler  tous  les  sons. 
Ils  distinguent  :  sur  le  larynx,  les  sourdes;  sur  le  nez,  les  nasales;  sur  les 
lèvres ,  v  et  ^  ;  sur  les  dents ,  /,  r,  /,  :(,  v  : 

Fig.  83.  Vsse  D. 


Nez  ; 
{Expl.  êltct.) 

I"  tracé  :  m  de  ama. 
2"  tracé  :  mm  de  amma. 

Fig.    84.  Vsse  C, 


Inscripteur 
de  la  parole.  ' 


Dents 


{Expl.  iUct.) 


I"  tracé  :  rr  de  arra. 
2"  tracé  :  11  de  alla. 


k 


142 


l'abbé  rousselot. 


Fig.  86.     V^se  D. 


a — V — a 


Il  n'y  a  pas  jusqu'aux  imperfections  mêmes  de  l'explorateur  électrique 
qui  ne  puissent  servir.  On  a  pu  remarquer  dans  les  tracés  reproduits  pré- 
cédemment (par  ex.  fig.  48)  que  la  pointe  du  signal  électrique  est  comme 
fixée,  pendant  toute  la  durée  de  certaines  consonnes  sonores,  à  la  limite 
supérieure  de  sa  course  et  qu'elle  ne  retombe  qu'avec  la  voyelle  suivante. 
Ce  fait  est  très  net  dans  le  tracé  de  ...Mne  pu  «  connaît  plus  »,  où  Vn, 
qui  a  donné  de  superbes  vibrations  nasales,  a  produit  pour  le  larynx  des 
interruptions  si  peu  sensibles  qu'on  pourrait  croire  que  la  ligne  est  dé- 
pourvue de  vibrations. 


Fig.  87. 


Vsse  D. 


Nez 


Larynx 


Lèvres 


L'inscripteur  de  la  parole  fournit  des  renseignements  encore  plus  com- 
plets et  d'une  inscription  plus  facile ,  car  il  nous  donne ,  non  seulement  la 
succession,  mais  encore  la  forme  même  des  vibrations,  comme  on  en  peut 
juger  par  les  spécimens  suivants  : 


LES   MODIFICATIONS  PHONÉTIQ.UES   DU   LANGAGE. 


143 


V«»«  D. 


Larynx 


Inscripteur 
de  U  parole. 


Larynx 


Inscripteur 
de  la  parole. 


On  peut  même,  par  un  réglage  approprié,  en  écartant  plus  ou  moins  les 
électro-aimants,  faire  disparaître  telle  ou  telle  consonne  dont  la  place  est 

Rg.  90.  V««  D. 

Larynx 


Inscripteur 
de  la  parole. 


alors  marquée  par  un  silence.  Voyez  aussi,  plus  haut,  la  fig.  84,  et  ci- 
dessous  la  fig.  112.  On  s'aide,  pour  cela,  du  stéthoscope,  qui  rend  sensibles 
à  l'oreille  les  sons  reçus  par  la  membrane  inscriptrice. 


144  l'abbé  rousselot. 


Toutefois,  je  dois  le  dire,  ces  divers  moyens  ne  donnent  pas  des  résultats 
absolument  identiques.  Ainsi  nous  avons  constaté  que,  pour  les  nasales, 
les  vibrations  du  nez  commencent  dans  certains  cas  après  celles  du  lar3mx 
(page  42  et  fig.  36).  D'autre  part,  les  tracés  de  l'inscripteur  de  la  parole 
s'arrêtent,  alors  que  le  larynx  vibre  encore.  Il  serait  facile,  je  crois,  de  tout 
concilier.  Mais,  sans  entrer  dans  cette  difficulté  nouvelle,  comme  le  larynx 
est  la  source  du  son,  je  m'en  tiens,  en  cas  de  conflit,  à  ses  indications, 
ou  je  signale  les  divergences. 

Un  mot  encore  pour  une  question  de  méthode.  On  pourrait  être  tenté 
de  croire  que  l'étude  sur  la  quantité  doit  se  faire  uniquement  sur  des 
discours  suivis,  car  c'est  le  discours  suivi  qui  seul  est,  à  proprement  parler, 
le  langage.  Ce  n'est  pourtant  pas  par  là  qu'il  faut  commencer.  Le  discours 
contient  des  éléments  trop  complexes  pour  qu'il  nous  soit  possible  d'y 
démêler  de  prime  abord  les  lois  de  la  quantité.  Celles-ci ,  nous  n'avons  le 
moyen  de  les  saisir  que  dans  des  groupes  formés  de  façon  à  éliminer  succes- 
sivement toutes  les  causes  de  variabilité  sauf  une,  celle  en  vue  de  laquelle 
chaque  expérience  est  organisée.  C'est  seulement  lorsque  la  matière  a  été 
ainsi  observée  sur  ses  principales  faces  que  l'on  peut  considérer  le  discours 
suivi  où  l'on  constatera,  si  l'étude  préliminaire  a  été  bien  conduite,  l'appli- 
cation des  lois  découvertes  dans  le  détail. 

Je  conserverai  dans  l'exposition  l'ordre  même  que  j'ai  suivi  dans  l'étude 
des  faits. 


§  i".  —  Durée  des  sons  dans  les  mots  isolés. 


CONSONNES 

Dans  les  continues,  la  durée  de  l'émission  se  confond  avec  le  temps 
nécessaire  pour  les  produire.  Dans  les  instantanées,  au  contraire,  il  faut 
distinguer  deux  instants,  celui  de  l'occlusion  et  celui  de  l'émission,  c'est- 
à-dire  un  moment  de  silence  et  un  moment  où  éclate  le  son.  Le  silence 
toutefois  n'est  complet  que  pour  les  sourdes  et  les  sonores  initiales;  il 
n'existe  pas  pour  les  sonores  médiales,  car  le  larynx  continue  à  vibrer 
malgré  l'occlusion  du  tube  vocal  (voir  par  ex.  les  fig.  39,  48,  54,  106). 

Si  l'on  veut  se  faire  une  idée  du  phénomène,  on  n'a  qu'à  comparer  entre 
elles  les  labiales  qui  sont  d'une  étude  plus  facile.  On  verra  que  le  larynx 
entre  en  vibration  pour  va  dès  le  moment  où  les  lèvres  se  rapprochent 
(voir  fig.  42),  pour/>a,  quand  elles  s'écartent  (voir  fig.  43),  pour  ba  ou  ma, 


LES   MODIFICATIONS   PHONÉTIQUES  DU   LANGAGE.  I45 

un  peu  auparavant  (voir  fig.  66).  Le  temps  où  le  larynx  vibre  avant  l'ou- 
verture des  lèvres  appartient  au  b  ou  à  Vm;  c'est,  dans  un  tracé  que  j'ai 
sous  les  yeux,  j^  de  seconde  pour  une  occlusion  de  ^  de  seconde.  La  fig. 
89  nous  fournit  un  p  dont  le  bruit  a  donné  aussi  ^  de  seconde. 

Mais  je  n'entrerai  pas  plus  avant  dans  cette  question,  la  durée  d'une 
consonne  étant,  à  proprement  parler,  le  temps  qu'elle  a  exigé. 

Nous  nous  occuperons  d'abord  des  consonnes  simples ,  puis  des 
consonnes  redoublées,  enfin  des  consonnes  groupées. 

Consonnes  simples. 

Je  me  bornerai  aux  constatations  suivantes  qui  sont  les  plus  intéressantes 
et  qui  se  rapportent  le  plus  directement  à  mon  sujet  : 

1°  Les  instantanées  sont  légèrement  plus  courtes  que  les  continues. 

2°  Les  sonores  sont  souvent  plus  courtes  que  les  sourdes. 

3°  La  longueur  des  consonnes  diminue  en  raison  de  la  longueur  des 
mots. 

4°  Il  existe  un  accent  temporel,  ou  de  durée,  qui  allonge  les  consonnes 
qui  en  sont  frappées. 

Ces  quatre  conclusions,  qui  n'ont  rien  que  de  très  naturel,  ressortent 
clairement 
de  seconde 
Sourdes 


des  table 

aux  suivants.  Les  chiffres  entiers  représentent  des  j^ 

a  p  a 

a  p  a   p  a 

a  p  a 

P  ^ 

P      ^ 

I3»5 

9w   II 

12,2 

10,8 

ii»7 

H 

8       9 

a  f  a 

a  f  a  f  a 

a  f   a 

/   ^ 

/^ 

16 

12       15 

ii»5 

14 

14 

16 

12       15 

12 

12,8 

16 

18 

14 

i4>8 

18 

a  t  a 

a  i  a  t  a 

a  t  a  t    a 

/  a 

15 

9       13 

8,6 

9 

12,5 

10       13,8 

9»5 

8 

16 

a  s  a 

a  5  a  6  a 

a   6    a 

s    a 

5    a 

17 

14,5   i4»5 

i3'5 

12,5 

14 

19 

II 

12 

i4>5 

18 

9 

15 

a  k  a 

a    k    a    k   a 

a    k    a 

k    a 

k    a 

15 

II       13,4 

II 

10 

12 

16 

II       13 

11,8 

10 

11,4 

18 

UTUE   DES 

MTOIS.    —    10. 

146  l'abbè  rousselot. 


a  €  a  a   €    a    €   a  a   €   a   €   a    ^   a 

19  15       16  11,8  13       16 

19  15       16,8  14,5   14,5   14,8 

Sonores.  —  Une  expérience  faite  en  vue  d'étudier  les  voyelles  nasales 
nous  fournit  le  moyen,  non  cherché,  de  comparer  les  sonores  et  les 
sourdes.  L'explorateur  du  larynx  placé  sur  le  nez,  j'intercalais  entre  deux  ô 
successivement  toutes  les  consonnes.  Naturellement  les  sourdes  sont 
toujours  distinctes.  Les  sonores  sont  souvent,  il  est  vrai,  envahies  plus 
ou  moins  par  les  vibrations  nasales;  mais  chaque  ligne  nous  en  fournit  de 
parfaitement  claires  (fig.  107).  Or  la  sonore,  en  raison  sans  doute  d'une 
différence  dans  la  durée  de  l'occlusion  (cf.  p.  67),  est  presque  constam- 
ment plus  courte  que  la  sourde. 

Le  p  qi\q  b  sont  douteux. 


ô  f  ô 

ô  V  Ô 

ôt  d 

ô  d  ô 

5  s  Ô 

ô  ;(  ô 

17 

16 

14 

15 

i7»5 

14 

19 

14 

13 

12 

18 

15 

17 

15 

13 

12 

18 

18 

19 

14 

14 

18 

d  k  ô 

ô  S 

5 

ô  € 

ô 

ô  j  ô 

ô  y  5 

d  r  d 

ô  l  ô 

15 

12 

18 

15 

13 

16 

16 

13 

13 

16 

13 

16 

15 

17 

II  18  (trois  fois) 

Les  variations  de  durée  résultant  de  la  position  de  la  consonne  dans  le 
groupe  vocal  nous  apparaissent  les  mêmes  que  pour  les  sourdes  dans  les 
tracés  de  VInscripteur  de  la  parole  contrôlés  par  ceux  de  Y  Explorateur  du  ne:( 
pour  les  nasales. 
b.  —    bababa  bababababababa 

II   12  13    14  13   14  14  15 

V.  —    V  av  av  a  V  a 
14  12   13 

d.  —    dadadada 

11  II   II 

y.    —   jajajaja 
13   12   13 
w.  —   n  an  an  a  n  a  n  a  n  a  n  a  n  a 

10  12  12  12  10  14 

10  13 
ty,  -^   n  a  nan  a  n  a  n  a  n  a  n  a 

12  15   14  15   13    14 


LES  MODIFICATIONS   PHONETIQUES   DU   LANGAGE.  I47 

m.  —  matnamama  mamamamamamamamama 

15   14  18  14  17  12  15   13   15   13   17 

ç.  —  fi  a  (;  a  (;a  g  a  gagagaga 

12  911  10  7  13 

Ces  cliiffres  sont  confirmés  par  d'autres  expériences  faites  avec  l'inscrip- 
teur  de  la  parole  et  la  capsule  exploratrice  du  larynx  placée  sur  les  lèvres 
pour  b,  w,  V,  sur  le  nez  pour  m,  p,  sur  les  dents  pour  g,  d. 

b.  —  b  a  babababa 

12  16   18  18  19 

V.  —  va  V  av  a  v  av  av  a 

15  14  16  14  13   16 

m.  —  a  ma  ma  ma 
15     12  15 

n.    —  n  a  n  a  n  a 

13  12    15 

d.    —  dadadadadadadadada 
8    10  9  12   8    10  8  12 

g.    —  gag  agaga 

13  II    15 

Une  autre  expérience  faite  avec  l'explorateur  électrique  du  larynx  sur 
les  dents  a  donné  : 

V  a  V  a  V  a 
7,5    8     12 
10    8     14 
12     5     15 

Je  ne  m'occuperai  ni  des  initiales  ni  des  finales,  dont  l'étude  est  com- 
pliquée, et  dont  j'attendrais  peu  de  chose.  Les  initiales  que  j'ai  enregis- 
trées ne  me  révèlent  rien  de  particulier. 

tj-a  ba  va  :i^a  ga 

13,5  12  14  12  10 

î6 

La  comparaison  de  faf  avec  vav,  de  tat  avec  dad ,  de  sas  avec  ::^a- ,  de 
éa€  axecjaj  autorise  à  regarder  les  finales  comme  égales,  sinon  supérieures 
en  durée  aux  initiales. 

j  a  f  dad  ^^^  V  a  V 

10,5   II  15   15  13   16  13   16 


148 


l'abbè  rousselot. 


Fig.  91. 


Vssc    D. 


4^i]rT'^WfLj\.^'''-^ — ^>V'"r^r'WTitr>n''''mrrtL_ 


Consonnes  redoublas. 


Comme  les  consonnes  redoublées  ont  été  l'objet  de  quelques  discus- 
sions, je  donne  ici  le  tracé  de  quelques-unes  à  côté  de  celui  des  consonnes 

simples  : 

Fig.  92. 


a-— 

Fig-  93- 


-]]- 


Vsse   D. 


- — a 

Vsse   D. 


LES   MODIFICATIONS   PHONÈTiaUES   DU    LANGAGK.  I49 


Fig-  94- 


V»sc  D. 


-mm- 


-a  a m- 


150  l'abbè  rousselot. 


En  comparant  ces  tracés,  on  voit  du  premier  coup  d'œil  que  ce  que 
l'on  appelle  «  consonnes  redoublées  »  n'est  ni  un  groupe  de  deux  con- 
sonnes juxtaposées,  ni  une  articulation  unique  simplement  prolongée, 
mais  en  réalité  une  consonne  unique,  forte  et  longue.  L'unité  est  évidente 
dans  les  tracés  de  ;)*,  ;(;(,  où  la  partie  sourde  est  placée  comme  dans  /  et  ;(, 
c'est-A-dire  au  centre.  La  force  de  l'articulation  est  marquée  particuliè- 
rement par  la  pression  des  lèvres  plus  grande  pour  bb  vv  mm  que  pour 
b  V  m.  Mais  ce  qui  nous  intéresse  ici,  c'est  la  durée.  La  longueur  de  l'arti- 
culation forte  atteint  le  double  de  la  consonne  ordinaire. 

Nous  avons  en  effet,  pour  nous  en  tenir  à  la  mesure  des  sourdes  et  des 
nasales  qui  ne  présentent  aucune  chance  d'erreur  : 

apa  appa  ata  aita 

II  22  II  22 

Oôa  assa  aea  aeea  aka  akka 

14  28  14  28  13  25 

L'expérience  où  les  nasales  ont  été  étudiées  avec  l'explorateur  électrique- 

du  larynx  appuyé  sur  le  nez,  donne  des  chiffres  peu  différents  (v.  fig.  83)  : 

ma  mma  na  nna 

15  28  18  33 

17  30 

20  29 

ama  amma  ana  anna  ana  cinna 

19,5  36  20  37  13  32 

16  32  15  33 

20  35  16  30 

15  35 

On  trouvera  plus  loin  (§  2)  :  €àtt  œ  «  chante-t-il  »,  pakk  vë  «  Pâques 

34  ,    ,     ^^ 

qui  vient  »,  kokkô  kè  «  quelque  coup  que  »,  ppê  «  pépé  »,  ppà  «  papa  », 

12  17  10  29  33 

mmà  «  maman.  » 

24 

Au  lieu  de  dire  consonnes  redoublées,  je  dirais  donc  consonnes  doubles, 

doubles  pour  la  longueur  et  doubles  pour  la  force. 

Consonnes  groupées. 

Quelques  expériences  semblent  indiquer  que  les  consonnes  contiguës 
conservent  leur  durée  propre  : 

M  m    f  à  u  fà  i  m    f  à  i  fa    a  m    f  a  a  f  à  m  p  arl  tœ  (fîg.  51). 
14  15       15       13   16      14         17   16       16    18  10 
«  il  me  fait,  il  fait,  je  me  fais,  je  fais,  elle  me  fait,  elle  fait,  me  parle-t-il..  » 

Toutefois,  la  tendance  qu'ont  deux  consonnes  groupées  à  s'abréger  n'est 
pas  douteuse.  Ainsi  nous  avons  : 


LES  MODIFICATIONS   PHONèTlQUKS   DU   LAKGAGE.  I5I 

tu  tn    fâ  tu  f  â  im    f—à  i  f  ci 

15    12  15  i)    13,5  15 

A  fil   f  â         a  J  II  11  tu   f  â         11  f  â  p  a  l  p  a^      pa  p  a 

14  12  16  14  10  15  8  15  17 

iipafpapa  papatpa 

9  TJ    9  9   Ï8 

10   16    10  8  17,5 

9   18     9,5  7   15 

10   16   10  7,3   14,5 

9    17     8,5 
8   18     9,7 
On  verni  plus  loin  des  groupes  comme  k  tu,  sce  pâ  «  sèche  pas  »,  sef  pa 

25         24  T9 

«  scie  pas  »,  ktàtiàd  «  cette  année  »,  a^ta  «  acheter  »,  d'fsil  «  difficile  »,  pàski 
16  12  15  14 

«  parce  que  »,pavpti,  qui  sont  évidemment  abrégés.  (Durée  dans  le  discours 

suivi.) 

L'abréviation  porte  surtout  sur  la  i""^  syllabe  :  a  €     ban  achever  », 

10  12 
fœj    p  à  (f.feuge,  pas  y),pre  t    m  ë  «  prête  moi  »,  kï  t  mma  «  quitte  (eccuista) 

7  13  5   15  8  24 

mère  y),  k  v   €  âtrU  «  que  vous  chanteriez  ». 
6  5   15 

VOYELLES 

Nous  traiterons  des  voyelles  d'abord  dans  les  monosyllabes ,  puis  dans 
les  groupes  de  deux,  de  trois,  de  quatre  syllabes. 

Les  tracés  ont  été  recueillis,  sauf  indication  contraire,  avec  l'explorateur 
électrique  du  larynx.  On  trouvera  dans  les  tableaux  suivants  quelques 
voyelles  dont  la  durée  manque  ou  bien  est  accompagnée  d'un  point  d'in- 
terrogation. Il  m'a  paru  meilleur  de  laisser  ces  lacunes  sans  importance 
et  faciles  à  combler,  que  d'introduire  des  chiffres  empruntés  à  d'autres 
expériences,  qui  rompraient  l'unité  du  tableau. 

Monosyllabes. 

Dans  les  monosyllabes,  la  voyelle  se  présente  dans  quatre  situations. 
Elle  peut  être  :  isolée,  initiale-entravée ,  finale-libre,  finale-entravée. 

■  Voir  fig.  59. 


152 


l'abbè  rousselot. 


Moyennes  des  inscriptions  relevées  : 


VOYELLES   ISOLÉES 
(Insc.  de  la  parole). 

INITIALES 

ÉNTRAV. 

FINALES  LIBRES 

1 

FINALES  ENTRAVÉES 

à 

àp 

Pà           23 

pàp           35 

à        30 

âp 

26 

Pâ           24 

P^p           25 

a       20 

ap 

18 

pa        14 

pJ/>            16 

è        30 

èp 

27 

pè        25 

P^P            24 

é        30 

ép 

31 

pé        30 

pép         26 

t        23 

ep 

15 

^         15 

p^p          19 

/        29 

ip 

28 

/?/         28 

pî>         27 

i        18 

ip 

21 

pi         18 

pip         16 

à        30 

àp 

25 

^ô        24 

pôp         23 

ô        29 

ôp 

32 

pô        28 

pôp         27 

0         19 

op 

20 

/>o         19 

pop         17 

û        30 

î'ip 

30 

p«        30 

pî/p        28 

w        18 

iip 

21 

pLl             18 

pup         i-j 

^       29 

œp 

27 

pœ            27 

pàp        25 

ce        30 

œp 

32 

pœ        30 

pœp        26 

û?         20 

œp 

lé 

/)â?        20 

pœp        19 

û        32 

ûp 

28 

/)«        28 

p//p         26 

«        19 

up 

19 

pu        18 

/)Mp         16 

à 

ap 

29 

pâ        24 

pôp         29 

l 

ip 

27 

pè        24 

P'ep         29 

ô 

ôp 

29 

;>J        25 

pjp         26 

Les  diverses  situations  de  la  voyelle  dans  les  monosyllabes  influent  peu 
sur  sa  durée,  car  les  variations  signalées  sont  de  celles  qui  peuvent  affecter 
un  même  son,  et,  du  reste,  elles  ne  présentent  pas  la  constance  suffisante 
pour  qu'il  soit  possible  d'établir  une  règle.  Tout  au  plus  pourrait-on  y 
reconnaître  la  progression  suivante,  plutôt  encore  à  l'état  de  tendance 
que  de  loi  fixe  : 

Voy.  isolée  >>  init.  entravée  >>  finale  libre  >>  finale  entravée. 

L'importance  du  tableau  est  tout  entière  dans  le  rapport  du  timbre  et 
de  la  quantité. 

Troublé  après  mes  premières  expériences  par  l'anarchie  qui,  à  première 
vue,  règne  dans  la  quantité  de  mes  voyelles,  j'ai  cru  un  instant  que  je 
devais  bannir  cette  notion  de  mon  étude  et  attribuer  uniquement  le  senti- 
ment que  j'en  ai  à  une  erreur  d'éducation.  En  effet,  les  premières  leçons 
de  grammaire  que  j'ai  reçues  m'ont  appris  à  confondre  la  quantité  avec 


LES   MODIFICATIONS   PHONèTIQ,UES   DU    LANGAGE. 


1)3 


le  timbre,  et  cette  confusion  persévère  dans  mon  appréciation  actuelle  des 
voyelles  de  mon  patois.  Je  sens  comme  longiws  toutes  les  voyelles  ouvertes 
ou  fermées ,  comme  brèves  toutes  les  voyelles  moyennes. 

Ce  que  cette  appréciation  contient  d'exagéré  nous  sera  révélé  par  les 
tableaux  suivants.  Mais  elle  est  exacte  pour  les  voyelles  isolées,  attendu 
que  la  voyelle  moyenne  n'atteint  que  la  moitié  ou  le  tiers  de  la  voyelle 
ouverte  ou  fermée  correspondante. 

Cependant,  je  dois  le  dire,  cette  différence  seule,  quoiqut'elle  soit  bien 
sensible,  ne  suffirait  pas  à  me  donner  une  sensation  aussi  nette  que  celle 
que  j'éprouve  en  comparant  ces  divers  sons.  En  effet,  une  différence 
analogue  existe  entre  à  qi  à,  ?  et  I,  ô  et  3  :  le pà  «  le  pain  »  i^.  In pâ  «  les 
pains  »  28,  U pe  «  le  pin  »  17,  In pcè  «  les  pins  »  25,  /^  /w  «  le  pont  »  16, 
lii  po  «  les  ponts  »  32.  Mais  je  ne  l'ai  reconnue  que  fort  tard,  et  encore 
plutôt  guidé  par  l'analogie  qu'averti  par  mon  oreille. 


Groupes  de  deux  syllabes. 
Moyennes  des  inscriptions  relevées  : 


àpà 

I«  EXPÉRIENXE 

2e  EXPÉRIENCE 

npû 

ire  EXPl 
Atone 

ÎRIENCE 
tonique 

2e  EXPÉRIENXE 

atone        tonique 

atone 

toniqae 

atone 

toniqae 

15 

23 

9 

17 

22 

27 

16 

22 

âpâ 

17 

22 

14 

20 

Upil 

16 

20 

14 

16 

apa 

10 

16 

8 

12 

œpœ 

16 

27 

I) 

22 

èpè 

20 

23 

14 

20 

œpii 

23 

29 

17 

21 

épé 

20 

26 

14 

19 

œpœ 

18 

23 

II 

15 

epe 

16 

20 

II 

15 

tipti 

24 

27 

\     'pi 

21 

27 

17 

21 

upu 

18 

24 

;     ,>/ 

16 

20 

II 

14 

àpà 

23 

29 

dpo 

23 

26 

12 

15 

èpè 

24 

26 

ôpô 

2) 

30 

15 

20 

ôpô 

23 

28 

opo 

18 

23 

7 

H 

Autre  expérience  :  a pa      a  f  a       a  t  a         a   s   a       a  h  a        a  €  a 

8   15   5,5    12     10  15      12,5    18     II   15       8     13,5 
8   15       7   10     II    15      12     13,5    13   15,5  8,5   15 

5'5     9 
Deux  points  sont  à  remarquer  dans  ce  tableau  : 

1°  L'influence  du  rythme  que  nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  constater 
est  évidente. 

La  dernière  voyelle  du  groupe  est  presque  toujours  la  plus  longue. 


154 


LABBE   ROUSSELOT. 


Exactement  :  sur  112  cas  mesurés,  elle  s'est  trouvée  plus  courte,  2  fois 
{opà,  23,7  —  22;  àpà,  17,6  —  17,  et  encore  1'^  et  Va  ne  mé  sont  pas 
naturels  dans  cette  situation),  égale,  2  fois  {àpà ,  15;  êpê,  23,5),  plus 
longue,  108  fois. 

La  dernière  syllabe  du  groupe  porte  donc  Taccent  temporel.  Mais  on 
peut  prévoir  une  légère  tendance  au  déplacement. 

2°  L'écart  entre  les  longues  et  les  brèves  diminue  :  la  longue  s'abrège  et 
la  brève  s'allonge.  De  la  sorte,  la  voyelle  atone  ouverte  ou  fermée  se  con- 
fond pour  la  durée  avec  la  tonique  moyenne,  c'est-à-dire  que  ?  atone  longue 
pour  mon  oreille  devient  égale  à  la  brève  tonique. 

Groupes  de  trois  syllabes. 

Les  groupes  cités  représentent  la  moyenne  (23  juillet). 


TOTTTFS  T  P^  vnv     TTUPP<; 

UNE  VOYELLE   ENTRAVÉE 

pàpàtpà 

.  2e  EXPÉRIENCE 

I^e   EXPÉRIENCE 

pàpàpà 

I"  syl. 

z'  syl. 

5'  syl. 
15 

I"  syl. 

2"^  syl. 

3"  syl- 

,"syl. 

2'  syl. 

3'  syl. 

12 

II 

13 

II 

17 

15 

i4»5 

20 

pàpâpâ 

14 

15 

18 

pàpàtpà 

16,5 

14 

16,5 

20 

19 

21 

papapa 

II 

II 

14 

papatpa 

1455 

13 

13 

12 

II 

15 

pèpèpè 

15 

14 

18 

pèpètpè 

16 

14 

18 

23 

21 

25 

pépépé 

14 

13 

20 

pépétpé 

i4j5 

13 

19 

20 

17 

22 

pepepe 

14 

II 

16 

pepetpe 

12 

10,5 

14 

14 

13 

19 

pipipi 

15 

15,5 

20 

pipitpi 

15 

11^5 

20 

16 

16 

23 

pipipi 

12,5 

13^5 

16 

pipitpi 

10 

II 

17 

i5»5 

13.5 

19 

pàpàpà 

15 

16 

19 

pàpàtpà 

15 

i4j5 

18 

20 

19 

23 

pàpàpà 

17 

19 

20 

pàpàtpà 

16 

16,5 

20 

21 

23 

24 

popopo 

14 

i3j5 

15 

popotpo 

12 

II 

15 

12,5 

15 

20 

pHlpî'lpî'l 

15 

16 

20 

pHipî'itpû 

16,5 

15 

20 

15 

i7j5 

22 

piipupii 

13 

15 

19 

pipitpît 

14 

13 

14 

H 

14 

I7»5 

pàpàpà 

16 

19 

19 

pàpàtpà 

16 

15 

15 

25 

24 

27 

pœpœpœ 

18 

18 

23 

pœpd'tpœ 

17 

15 

20 

21 

21 

28 

pœpœpœ 

13 

13 

16 

pœpœtpœ 

15 

12 

12 

19 

iB,5 

23   . 

piipnpn 

15 

16 

25 

pûpûtpû 

17 

15 

17 

14 

16,5 

24 

pupupu 

15 

14.5 

20 

puputpu 

17 

15 

15 

17 

15 

20 

pàpàpà 

16 

16 

17 

pàpàtpà 

17 

15 

14 

18 

21 

23 

pèpèpè 

16 

16 

17 

pèpètpè 

17 

14 

17 

23»5 

22,5 

25 

pàpàpà 

16 

18 

17 

pàpàtpà 

13 

18 

23 

20 

25 

LES   MODIFICATIONS   PHONÉTIQUES    DU    LANGAGE.  155 


Autres  expériences  :  a /)  rt   p  a 

a 

fafa        a  t  a    ta          a  s  a  sa 

(8  août)         7     8,5   10,5 

7 

8  12,5   II   11,8  11,8?}  7  10  12 

7  io(?)  9,5 

4 

10  II         7   10       14        789 

a  h  a   k  a 

a   €  a    €    a 

II   11,5   15 

8,6  8,6(?)  13 

12  12,3   13,5 

6       10     12,5 

7o       »       9 

Je  n'étudierai,  pour  le  moment,  dans  ce  tableau,  que  l'influence  de 
Venirave  sur  la  durée  des  voyelles. 

Si  nous  comparons  l'intertonique  libre  et  l'intertonique  entravée  à 
l'initiale,  nous  trouvons  : 

Intertonique  libre  :  =  init.,  5  fois;  >,  10  fois;  <C,  6  fois. 

Intert.  entrav.   \  ^'  '"?•  '■  =  ï""-'  °  f''  >'  ^  Y"'  ^'  "  ?•'' 
f   l'^exp,  :  =  mit.,  3  lois;  >>,  5  tois;  -<,  13  fois. 

Les  cas  d'égalité  pourraient  probablement  se  résoudre  en  l'un  des  deux 
suivants.  Mais  la  différence  n'excédant  pas  1/2  centième  de  seconde,  me 
paraît  négligeable. 

Si,  au  lieu  de  m'en  tenir  au  tableau  précédent,  je  faisais  entrer  en  ligne 
de  compte  tous  les  tracés  que  j'ai  mesurés,  la  proportion  serait  peu  modi- 
fiée. Nous  aurions  : 

Sur  40  cas,  intert.  lib.  =  init.,  15  fois;  >,  15  fois;  <C,  n  fois. 
Sur  93  cas,  int.  entrav.  =  init.,    8  fois;  >,  21  fois;  <,  64  fois. 

L'entrave  tend  donc  à  abréger  la  voyelle  précédente.  Cette  conclusion  est 
confirmée  par  d'autres  tracés,  par  exemple  : 


karp 

kap 

palpa 

papa  (fig.  59) 

H 

20 

14 

17 

u  mfà 

ufà 

imfà 

ifâ 

7       15 

12  15 

7 

10  15 

4       17 

13  17 

5        17 

12  18 

Groupes  de  quatre  syllabes. 

Toutes  les  syllabes  libres. 

a  p  a  p  a  p  a  a  f  a  f  a  f  a  a  t  a  t  a   t  a 

6,8  10,8  10,5   11,2  897     12,5  10  II   14,5  13 

5,5  10,8     8,5     9(?}  7  8,8  9,3   II  9  II     8,5  12 

3(?)  10      9       8(?)  7879 


156 


LABBE   ROUSSELOT. 


a  5  a  5  a  sa  a  k  a  k  a  k  a  a  e  a  e  a  €  a 

7     8       9   II  10  9,8  11,5   13.5         6,3  8,5  7,8    12 

7     9     10  12  9   12    12,5    13,5         7,5   9,8  9,5     13 

5   5»5   10  12  6      7      6      12 

La  2'  syllabe  entravée. 

Les  groupes  cités  répondent  à  la  moyenne  (23  juillet). 


1"  syll. 

2'  syll. 

y  syll. 

4'  syll. 

l"  syll. 

2'  syll.       3«  syll. 

4»  syll. 

àpà^pàpà 

7 

9 

10 
12,5 

13 

12 

17 

.  14^5 

ûpihpûpû 

17 
17.4 

i3»4 
15,5 

18 

17 

22 
22 

18,8 
17 

28 

23 '4 
20 

âpâepàpâ 

(?) 

UpU€pUpU 

14,8 
15 

12,5 
12,5 

13 
14 

apapaepa 

lé 
i5'5 

19 
15 

14 

20 

17^5 

œpœepœpœ 

22(?) 

i6,6(?) 

15 

21 

èpèepèpè 

i9»5 
19.8 

20 
21,5 

18,5 

20,8 

23 
25 

œpœepœpci 

18,8 
18,4 

16 
13.8 

16,2 
16 

épéepèpé 

18,5 
14,8 

16,8 

i5»5 

i9i3 
16,8 

25 

27 

œpœepœpœ 

12 

i4'5 

12,5 

18 

18 
19 

epeepepe 

II 

12,2 

12,3 
11,2 

12,8 
i3>5 

19 
i9>5 

ûpÛ€pûpû 

i7»4 
16 

11,4 
13 

12,6 
13-5 

ipûpîpi 

15.8 
16,2 

16,2 
16 

16,8 
15 

20,5 
23».5 

uptupupu 

13 

10,5 

11,2 

14 

ipiepipi 

12,8 
12,8 

i3'5 
14 

i4»5 
12,5 

i9»5 
20 

àpâepâpà 

19 

17.5 

18,5 

20 

àpà€pàpo 

14.8 
19 

i5(?) 
i4(?) 

16 
18 

22 
21,5 

èpë€pêpè 

18 

17 

19.8 

21 
18,2 

ôpÔ£pôpô 

i7»5 
17 

i4'5 
i4'3 

17.8 
16,9 

20,2 
20 

ôpÔ£pôpô 

17,2 

15,2 

17,8 

opO€popo 

i3'5 
11,2 

17 
12,5 

i7»5 
15 

20,2 
22 

LES  MODIFICATIONS   PH0NET1Q.UES   DU    LANGAGE. 


157 


Ces  deux  tableaux  confirment  ce  que  je  viens  de  dire  sur  Pinfluence  de 
l'entrave.  Si  nous  comparons  la  2'  syllabe  avec  la  r%  ou  avec  la  3%  nous 
trouvons  les  proportions  suivantes  : 

>  r«  voyelle,  15  fois;  <  i  fois. 

>  3' 
i  >►  I"  voyelle,  17  fois;  <  13  fois. 

(  >  3""  voyelle,  10  fois;  <  22  fois. 


2'  voyelle  libre,  s  ^  „         c  -      ^      c  • 

(  >  3    voyelle,  7  lois;  ■<  7  fois. 

2"  vovelle  entravée. 


Mais  revenons  à  la  question  du  rv^thme  temporel  que  nous  pouvons 
maintenant  étudier  dans  son  ensemble. 

Voici ,  en  écartant  les  cas  d'égalité  et  les  cas  douteux ,  les  formes  que 
j'ai  recueillies  : 


1°  Groupes  de  deux  syllabes  : 


143 
2 


2°  Groupes  de  quatre  syllabes  :  (  »  est  plus  bref  que  »  ,  =  plus  long 
que  -). 


Tontes  le*  syll.  libres. 

5 

3 

2 
2 
I 

G 
O 
I 


1'  syll.  entrivée. 
II 

6 

4 
o 

7 
10 

5 
o 


3°  Groupes  de  trois  syllabes 


o 


Les  cas  exceptionnels  où  la  dernière  voyelle  est  moins  longue  que  la 
précédente  sont  précieux  à  noter  comme  de  nouveaux  indices  de  la  ten- 
dance, faible  encore,  mais  certaine,  de  l'accent  temporel  à  se  déplacer. 


Ces  quelques  faits  mis  de  côté ,  il  nous  reste  : 


I5B  L*ABBÉ   ROUSSELOt. 

î°  Pour  les  groupes  pairs  : 


2°  Pour  les  groupes  impairs  : 

,    i:  :  I  :    -    I  :  I  :  :    • 

Ou  bien  encore  dans  certains  cas  : 
1°  Pour  les  groupes  pairs  : 

2°  Pour  les  groupes  impairs  : 

La  fin  du  groupe  se  compose  donc  en  tout  cas  d'un  iambe.  Le  commen- 
cement seul  varie.  Il  renferme  tantôt  un  iambe,  tantôt  un  trochée.  Le 
trochée  est  fréquent  lorsque  la  seconde  syllabe  est  entravée  ou  appartient 
à  l'iambe  final,  et  encore  lorsque  le  sujet  parlant  éprouve  un  peu  de  fatigue. 
Ce  dernier  point  est  mis  hors  de  doute  par  les  remarques  suivantes  :  le 
8  août  je  n'ai  fait  que  quelques  expériences;  le  23  juillet  j'en  ai  fait  beau- 
coup, et  celles  qui  sont  rapportées  ici  sont  de  la  fin  de  la  séance.  Or  les 
expériences  du  8  août  ne  nous  offrent  pas  un  seul  trochée  initial.  Celles, 
au  contraire,  du  23  juillet  en  présentent  12  contre  12  iambes  dans  les 
groupes  formés  de  syllabes  libres,  de  36  contre  20  (i""^  expérience)  et  21 
contre  3  (2*^  exp.)  dans  les  groupes  de  trois  syllabes  contenant  une  entrave. 
Enfin,  si  l'on  compare  la  fin  de  l'expérience  du  23  juillet  sur  les  groupes 
de  quatre  syllabes  avec  le  commencement,  on  voit  que  la  forme  iambique, 
dominante  au  début,  est  presque  toujours  remplacée  par  la  forme  tro- 
chaïque  à  la  fin.  Ces  remarques  concordent,  du  reste,  avec  les  observa- 
tions analogues  qui  ont  été  faites  sur  l'émission  du  soufile. 

Donc ,  en  résumé ,  deux  formes  rythmiques  principales  semblent  s'im- 
poser à  tous  les  groupes,  suivant  que  les  voyelles  sont  libres  ou  entravées, 
suivant  que  le  sujet  est  lui-même  reposé  ou  fatigué  :  lafonne  iambique  et  la 
forme  trochaïco-iambique. 

Cependant  tous  les  groupes  ne  sont  point  nécessairement  enfermés  dans 
ce  cadre.  Plusieurs,  en  effet,  semblent  procéder  par  sections  de  plus  de 
deux  syllabes  et  pourraient  bien  obéir  à  un  rythme  croissant  qui  imposerait 
aux  voyelles  une  durée  d'autant  plus  longue  que  celles-ci  seraient  plus 
voisines  de  la  tonique. 

Au  milieu  de  ces  causes  de  variations ,  que  devient  pour  les  atones  la 
distinction  des  longues  et  des  brèves  ?  C'est  ce  qile  noils  devrons  mainte- 
nant examiner,  moins  en  comparant  les  diverses  expériences  les  unes  avec 
les  autres  qu'en  rapprochant  les  voyelles  d'une  même  expérience. 


LES   MODIFICATIONS   PHONÈTIQJJES   DU   LANGAGE. 


I$9 


Voxcllcs  atones. 


O    ' 

GROUPES  DE  î  SYLLABES 

GROUPES  DE  4  SYLLABES      | 

Rythme 

tambique 

Ryth.  troch  -ùmb. 

Rythme  iambique. 

Rv-th. 

trochaico'iamb.  1 

^i»^ 

--— -— 

-«»^ 

-■^,0-'— 

—        -        — 

— ^       -       _— -| 

^-^ 

I 

2 

I 

2 

j 

I 

2 

} 

à 

15 

10 

II 

12 

II(?: 

15 

16 

18 

à 

17 

15 

16 

20 

18 

19 

21 

20 

a 

10 

II 

II 

15 

14 

16 

19 

150 

è 

20 

15 

15 

16 

14 

19.5 

20 

18,5 

é 

20 

i4>5 

13 

14.8 

150 

16,8 

18,5 

lé, 8 

i9>3 

c 

16 

13 

II 

II 

12,3 

12,8 

12,2 

11,2 

130 

i 

21 

15 

i5o' 

14^5 

14 

15 

17 

15,5 

t 

16 

12,5 

130 

13 

10 

12,8 

i3>5 

i4»5 

14 

13 

II 

à 

23 

15 

19 

20 

19 

20 

18 

22 

0 

25 

17 

19 

16 

15 

i7î5 

140 

i7>8 

0 

18 

13 

14 

14 

13.5 

i3j5 

17 

i7»5 

û 

21 

Mo 

16 

16,5 

15 

17 

13 

18 

u 

16 

13 

15 

13 

12 

i4»8 

12,5 

13 

œ 

230 

16 

19 

16,5 

16 

16 

12 

22 

ce 

230 

i7o 

17 

17 

15 

18,4 

13.8 

lé 

œ 

18 

14 

14 

13 

12,3 

12 

140 

12,5 

l'i 

230' 

15 

16 

18 

17 

17 

14 

12,6 

u 

iJî) 

'^ 

i4'5 

15 

140 

^3 

10,5 

11,2 

à 

23 

16 

16 

17 

15 

19 

17.5 

18,5 

e 

24 

16 

16 

17 

14 

18 

17 

19,8 

0 

23 

16 

18 

17,2 

15,2 

i7»8 

Donc,  dans  les  groupes  de  deux  syllabes,  là  où  il  n'y  a  qu'une  seule 
atone,  celle-ci  suit  la  loi  des  toniques  :  ouverte,  ou  fermée,  elle  est  iiettetnent 
longue;  moyenne,  elle  est  mttement  brève. 

La  différence  toutefois  entre  la  longue  et  la  brève  est  moindre  entre  les 


i6o 


l'abbè  rousselot. 


atones  qu'entre  les  toniques.  De  près  de  moitié  entre  â  tt  a,  elle  est  de 
1/3  entre  /  et  /,  de  1/4  environ  entre  ô  et  0,  û  et  w,  œ,  œ  et  œ,  ù  et  w,  de 
1/5  entre  è^  é  et  e. 

Cette  différence  décroît  encore  à  mesure  que  le  groupe  augmente,  et 
quelquefois  s'efface  complètement.  Ainsi  elle  n'est,  par  exemple,  entre 
ô  et  0,  dans  la  3*  syllabe  des  groupes  de  4  syllabes,  que  de  ^  de  seconde. 
Dans  la  2*  syllabe  d'un  autre  groupe  de  4  syllabes,  œ  est  plus  long  que  œ. 
La  différence  serait  encore  moins  sensible  si  l'on  comparait  des  atones  de 
rangs  différents,  quoique,  en  général,  elle  se  maintienne. 

Mais,  si  nous  comparons  les  atones  aux  toniques,  c'est  alors  que  nous 
voyons  des  voyelles  senties  comme  brèves  dépasser  souvent  en  longueur 
d'autres  voyelles  senties  comme  longues. 

Ce  fait  est  mis  en  lumière  par  le  tableau  suivant,  où,  dans  les  groupes 
de  plus  de  deux  syllabes,  la  voyelle  moyenne  tonique  est  comparée  aux 
voyelles  ouvertes  ou  fermées  atones  les  plus  courtes. 


GROUPES  DE  2  SYLLABES 

GROUPES  DE  3  SYLLABES 

GROUPES  DE  4  SYLLABES 

tonique 

rapport 

.    atone 

tonique 

rapport 

atone 

tonique 

rapport 

atone 

a 

e 
i 

0 

u 
œ 
u 

11   il  V  11  A  11  A  11  V  A 

à 
â 

è,    é 
i 
d 
ô 
U 

à 
œ 
û 

a 

e 
i 

0 

u 

œ 

u 

A  11  A  A  11  A  V  11  V  A 

à 

â 

è,  é 

i 

à 
ô 
û 
à 
œ 
û 

a 

i 
0 
u 
œ 
u 

> 

> 
> 

> 
> 
> 
> 

à,  à 

è 

é 

i 
ô,  ô 

û 
à,  œ 

u 

Ainsi  s'explique  l'inégalité  des  trois  voyelles  que  j'émettais  rapidement 
dans  mes  expériences  de  i88é,  croyant  leur  donner  une  égale  valeur.  Je 
formais  à  mon  insu  un  groupe  de  trois  syllabes  soumis  comme  tous  les 
groupes  à  la  loi  naturelle  du  rythme.  Si  j'avais  fait  une  pause  entre  chaque 
émission,  cette  inégalité  n'aurait  pas  existé. 

Enfin  je  termine  par  un  tableau  comparatif  des  toniques  Hbres  suivant 
qu'elles  se  trouvent  dans  des  monosyllabes  et  des  groupes  de  deux,  trois 
et  quatre  syllabes  : 


LES   MODIFICATIONS   PHONÈTiaUES  DU    LANGAGE. 


i6i 


Voyelle  tonique  libre. 


GROUPES 

GROUPES 

GROUPES 

1 

MONOSYLLABES 

DE  2  SYLLABES 

DE  3  SYLLABES 

DE  4  SYLLABES 

1    à 

23 

23 

20 

18 

!    d 

24 

22 

20 

20 

1    ^ 

14 

16 

15 

17)5 

é 

25 

23 

25 

24 

!  é 

30 

26 

22 

26 

e 

15 

20 

20 

19 

! 

28 

27 

22 

21 

i 

18 

20 

20 

20 

à 

24 

26 

23 

22 

ô 

'   28 

30 

24 

20 

0 

19 

23 

21 

21 

û 

30 

27 

21 

22 

u 

18 

20 

17 

18 

'         à 

27 

27 

26 

28 

œ 

30 

29 

27 

22,5 

œ 

20 

23 

22 

18 

II 

28 

27 

24 

18,5 

u 

18 

24 

22 

14 

à 

24 

29 

21 

20 

ê 

24 

26 

24 

21 

ô 

25 

28 

2) 

18,2 

Ainsi  la  distinction  des  longues  et  des  brèves  diminue  à  mesure  que 
les  groupes  deviennent  plus  étendus,  et  elle  arrive  dans  certains  jusqu'à 
s'effacer  presque  complètement,  comme  cela  se  fait  pour  les  /  et  les  0. 

Les  groupes  qui  ont  été  étudiés  jusqu'ici  se  composent  tous  de  la  même 
voyelle  répétée.  Mais  ils  nous  permettent  d'aller  plus  avant  et  de  prévoir  ce 


KEVUE   DES   PATOU.    —    II. 


1^2  l'abbé  rousselot. 


qui  doit  arriver  pour  des  combinaisons  formées  de  voyelles  différentes.  Du 
reste,  nous  n'en  sommes  pas  réduits  à  cette  seule  ressource,  et  diverses 
expériences  nous  conduisent  aux  constatations  suivantes  : 

1°  Les  voyelles  naturellement  brèves  sont  fort  diminuées  devant  des 
longues  :  fôià  «   fossés  »,  k  î  t  û   «   un  quitte  (seul)  œuf  »,  pîko 

7  17  8,5   15  5   10 

8  26 

«  Picaud  »,  h—û—t—e  «  couteau  ». 
11,5   19 
2°  Dans  les  groupes  composés  soit  de  brèves,  soit  de  longues,  la  tonique 
demeure  la  plus  longue  :  m  à  t  î  «.  matin  »,  k  ô  k  î  (<■  ceci  »,  à  tu  k  aussi  », 

7  13  7  13  6  14 

9  10  8  10 

7  10 
k  î  p  ûj  «  que  je  puisse  y>,  ko  ku  «  quelque  œuf  y),  €  à  t  e  a  château  », 

7    13  8    24  14    19 

0  t  û  r  «  autour  » . 
6  14  ' 

3°  Enfin  les  longues  elles-mêmes  atones  peuvent  être  plus  courtes  que 
les  brèves  toniques  : 

èkût  «  écoute  »,  kôk  ko  «  quelque  coup»,  à- tu  «as-tu  »,  dtsî 
9  10  10       17  6     12  8  14 

«  dit  »,  k  î  t  à  «  quitter  »,  €  0  f  à, 
14  19  13   14 

à  côté  de  kà  pô  «  quel  pot?  »,  eos-të  «  chausse-toi  »,  €osa 
21   18  14       13  16  14 

«  chausse  »,  k—œ—k-ï  «  celui-ci  ». 
23     16,5 
(Tous  ces  exemples  sont  empruntés  au  discours  suivi,  p.  102  et  suiv.). 

Avant  de  quitter  les  voyelles,  il  y  a  deux  questions  auxquelles  il  serait 
intéressant  de  toucher,  à  savoir  :  1°  Si  les  consonnes  contiguës  ont  une 
influence  sur  la  durée  des  voyelles  ?  —  2°  Quelle  place  revient  à  mes 
voyelles  dans  l'échelle  générale  de  la  quantité  ? 

Je  n'y  puis  répondre  qu'en  partie,  et  presque  uniquement  avec  des 
observations  faites  sur  mes  expériences  de  1886.  Mais  les  résultats,  quoique 
incomplets,  auxquels  je  suis  arrivé,  méritent,  je  crois,  d'être  signalés. 


LES    MODIFICATIONS    PHONETIQUES    DU    LANGAGE. 


>^3 


I.  —  Influence  des  consonnes  sur  la  durée  des  voyelles. 
r'  Va  se  comporte  autrement  que  les  autres  voyelles. 
2'  Les  voyelles,  excepté  a,  sont  plus  longues  : 
rt)  après  les  continues  /,  v,  s,  m  qu'après  les  instantanées  ^,  />,  et  après  / 
qu'après^  (je  n'ai  pas  d'exemples  concluants  pour  ^  et  ^); 

b)  après  les  continues  sonores  (i;  i,  /)  qu'après  leurs  sourdes  (/,  s,  £); 

c)  inversement  après  les  instantanées  sourdes  (j>,  k)  qu'après  leurs  sonores 

d)  après  les  gutturales  {k,  g)  qu'après  les  labiales  (/),  h)  ; 
t')  après  la  palatale  ^  qu'après  n. 

3°  La  voyelle  a,  au  contraire , 'est />/«^  courte  : 
a)  après  m  qu'après  p  et  b; 
h)  après  la  continue  sonore  v  qu'après  la  continue  sourde  /; 

c)  après  l'instantanée  sourde  p  qu'après  l'instantanée  sonore  b; 

d)  après  les  gutturales  g,  k  qu'après  les  labiales  b,  p. 

La  différence  de  longueur  de  la  voyelle  suivant  ces  diverses  positions  est 
variable,  mais  constante;  elle  est,  du  reste,  comme  on  s'y  attend  bien,  peu 
considérable.  J'en  donne  ici  quelques  exemples  : 


p  -\-  à  <,  b  -{-  à^Q  1,1 


à  <  — 

â 

2,2 

é  >- 

é 

0,4 

e   >  — 

e 

i»5 

i  >  — 

t 

0,2 

0   >  — 

0 

2 

«  >  — 

u 

2 

/+à>t/  +  Àide3,9 


â>- 

â 

i»9 

è   <- 

è 

2,3 

é   <  — 

é 

1,1 

i   <- 

i 

5'3 

0   <- 

0 

3'3 

«  <  — 

u 

11,4 

La  nature  de  la  consonne  suivante  n'est  pas  non  plus  sans  influence  sur 
la  longueur  de  la  voyelle  précédente.  Je  n'ai  d'exemples  que  pour  a.  Or 
cette  voyelle  varie  dans  les  proportions  suivantes  : 

a  -\-  sonores  >  a  -f-  sourdes. 

a  +  continues  (/,  t;),  >•  a  +  instantanées  (/>,  ^). 

a  +  gutturales  >  fl  +  dentales  >►  a  -|-  labiales , 
et  avec  des  chiffres  : 


a  -\-  b  >  a  +/)de2,7 

—  d  >—       t       2,1 

—  S  >—      ^       3»9 


fl  +  î/  >  a  +  /de  4,9 

—  \  >  —       ^       1,2 

—  /  >  —       ^       7 '4 


a  +f>a  4-/)de  1,6  I  a  -h  f  >a  +  *de3,8  (Exp.  de  i886). 

a  +  ^>fl  +  /,  ide3,>a-}-  b,fàQ  2  (exp.  de  1889),  a  ayant  succes- 
sivement 13,  10,  8  centièmes  de  secondes.  Cf.  a  àejaj  >  a  de  €a€,  fig.  91. 


164 


l'abbè  rousselot. 


Les  variantes  que  je  viens  de  relever  ne  sont  point  de  celles,  j'en  con- 
viens, qui  ne  peuvent  se  produire  pour  chaque  voyelle  placée  dans  les 
mêmes  conditions.  Mais  la  régularité  avec  laquelle  elles  entrent  dans  un 
système  rationnel  a  quelque  chose  d'attrayant  et  me  porte  à  croire,  jusqu'à 
des  études  plus  complètes,  à  une  influence  réelle  exercée  par  la  consonne 
sur  la  voyelle. 

II.  —  Pour  comparer,  au  point  de  vue  de  la  durée,  mes  voyelles  avec 
celles  des  autres  pays,  j'ai  quelques  tracés  pris  à  l'aide  du  téléphone  ins- 
cripteur  du  D'  Boudet  de  Paris,  instrument  mauvais,  mais  suffisant  pour 
ce  qui  nous  occupe,  et  recueillis  sur  le  petit  enregistreur  de  M.  Verdin 
avec  une  vitesse  que  je  ne  puis  préciser.  Fruit  de  mes  premiers  tâtonne- 
ments, ces  tracés  suffisent,  malgré  leurs  imperfections,  pour  montrer  que 
mes  voyelles  ont  une  durée  moyenne  entre  les  voyelles  rapides  du  Midi 
et  les  voyelles  lentes  du  Nord  et  de  l'Est,  qui  sont  elles-mêmes  bien 
rapides  si  on  les  compare  à  celles  du  breton  et  de  l'arabe  de  Syrie. 


DIPHTHONGUES 

wa 

17,1 

22,5 

26 

a 

12,4 

13.5 

15,2 

we 

22 

22,8 

27,1 

e 

12 

15.2 

17 

wi 

19.8 

24 

26,4 

i 

13.8 

17,2 

i7'3 

wô 

26,9 

30 

34^7 

ô 

23,2 

23,9 

25w 

wœ 

25 

30j5 

37j4 

0 

12,5 

16,5 

18,2 

œ 

20 

26,8 

28,5 

wi 

22,5 

25,8 

30^3 

u 

15 

18 

i9»5 

WO 

22,2 

27,1 

34'9 

u 

i5'3 

15-3 

i7»i 

ay 

i5'9 

19,1 

21,7 

ey 

17,8 

24,4 

35^1 

oy 

15,6 

25   I 

59j9 

Ces  chiffres,  empruntés  à  mes  expériences  de  1886,  montrent  jusqu'à 
l'évidence  que  les  diphthongues  sont  plus  courtes  que  les  deux  voyelles  compo- 
santes réunies^  et  plus  longues  que  l'une  des  deux  isola. 

Les  trois  tracés  successifs  que  j'utilise  ici  ont  été  pris  dans  l'intervalle 
de  I  seconde  et  |,  pendant  une  seule  révolution  du  cylindre.  Les  sons, 
émis  ainsi  rapidement ,  ne  formaient  donc ,  à  proprement  parler,  qu'un 
seul  groupe.  Par  conséquent,  les  chiff"res  les  plus  élevés  représentent  soit 
l'initiale^  soit  la  tonique- 


LES  MODIFICATIONS   PHONÉTIQUES  DU   LANGAGE.  l6) 

Or,  en  additionnant  la  durée  qu'ont  les  deux  voyelles  composantes  lors- 
qu'elles sont  atones,  on  obtient  un  total  qui  égale  à  peu  près  la  durée  de 
la  diphthongue  tonique. 

La  diphthongue  tonique  égale  donc  en  durée  les  deux  voyelles  composantes  atones. 

Mais,  des  deux  voyelles  contiguës,  la  première  est  celle  qui  s'est  le  plus 
abrégée,  qu'elle  ait  gardé  ou  non  son  caractère  vocalique  :  k~t—à-t-i  «  que 

8    10   20 

j'étais  »,  avy — à  «  avaient  »,  w-t  «  il  est  »,  w — ô  «  il  a  ».  Ces  faits  ont  été 

6  7,5  8  12  13   15 

obser\és  dans  le  discours  suivi,  p.  107  et  102. 


SYLLABES 


La  durée  des  syllabes ,  quand  celles-ci  ne  sont  pas  formées  d'une  seule 
voyelle,  s'obtient  en  additionnant  les  diverses  durées  des  éléments  qui  les 
composent  :  consonne -\- voyelle,  pour  les  syllabes  ouvertes;  consonne-\-voyelle 
-\-consonne,  pour  les  syllabes  fermées. 

Je  n'ai  que  deux  obser\ations  à  ajouter  à  ce  qui  a  été  dit  : 

1°  Comme  les  variations  que  nous  avons  observées  dans  la  durée  àts 
consonnes  et  celle  des  voyelles  sont  identiques,  il  s'en  suit  que  ces  varia- 
tions s'additionnent  dans  la  syllabe,  et  que  le  rôle  du  rj'thme  nous  y 
apparaît  mieux  encore  que  dans  les  consonnes  et  les  voyelles  considérées 
iîolément. 

2°  Quoique  l'entrave  abrège  les  parties  composantes  de  la  syllabe ,  elle 
n'arrive  pas  à  réduire  celle-ci  à  la  durée  d'une  simple  syllabe  ouverte  (cf. 
p.  87  et  91). 

Aussi  une  syllabe  fermée  est  plus  longue  qu'une  syllabe  ouverte. 


§2.  —  Durée  des  sons  dans  le  discours. 


Dans  les  morceaux  suivants ,  j'ai  multiplié  à  dessein  les  consonnes 
sourdes,  afin  de  rendre  plus  facile  la  mesure  des  voyelles.  La  double  nota- 
tion que  je  donne  de  la  quantité,  l'une  avec  les  signes  convenus,  l'autre 
avec  des  chiffres,  permettra  de  comparer  mon  appréciation  instinctive 
avec  la  durée  réelle. 


i66  l'abbè  rousselot. 


Les  tracés  sur  lesquels  sont  établies  ces  mesures  ont  été  pris  à  l'aide 
des  explorateurs  du  larynx,  du  nez  et  des  lèvres.  Les  vibrations  du  nez 
m'ont  permis  d'isoler  des  consonnes  autres  que  les  nasales  et  les  voyelles 
tendues  n,  i,  n.  Je  distingue  les  feuilles  d'inscriptions  par  des  chiffres 
romains,  et  les  lignes  par  des  chiffres  arabes.  Comme  le  mouvement  d'hor- 
logerie était  arrêté  après  chaque  tour  du  cylindre,  il  est  arrivé  qu'au  com- 
mencement de  certaines  lignes  il  n'avait  pas  repris  sa  vitesse  régulière. 
Ce  défaut  est  facile  à  reconnaître  par  la  rapidité  inusitée  que  semble 
prendre  la  prononciation.  L'erreur,  du  reste,  ne  peut  porter  que  sur  les 
premiers  mots;  quand  il  y  a  doute,  je  les  ai  mis  entre  parenthèse. 

Le  signe  4=  marque  un  silence. 

L    I.  â--t-à — t---û^€--â--t-à   k-œ  k-û-k--û?  Entends-tu   chanter 

13  6  9  10,5  10  14    14  6  15   6  18  6  9  8  10  ce  coucu  (coucou)? 

t-à!  e--k-û-t!  eà—t-t-â    s — ô       6—û!  Ta!  écoute!  chante- 

.896  10.     .15    16   15    14  14,5    16   15  t-il  son  saoul? 

w—e     k — 5- t—-à,    i--à! — 2.  w--è    p-T'-lè  II  est  content,  ta!  il 

8  12   10  14,3    15,5   18  9  10  13   15    16  3   16  a /)/(?  (plane) 

6Û6à  ko--k     û.  h-w e       €--e--t-t  sucé    quelque    œuf. 

8  7,3  24   .9,5    19,5   18  18  8  5  C'est fM//" (mauvais) 

€--e--t  —  t   k-û--m    t--u     ê  chéiif  comme  tout  et 
19  13  7   II  6   10  16  12  II   15 

t — û-t--à--f--ë  rj=(?)/-g.  —  2.  k-ô    p--à-6  tout-à-fait    fin.    Ça 

10  15    5   10  14  7       22     I3(?)         .11   15    17  9  passe 

d é — 6--Û    t-ë        6-è    kt-û     p--û--j  dessus  toi  sans  que 

9,5   10,5   14  lé  7  5(?)   .29  25   14  14  19  24  tu  puisses 

(10  15)  (?) 

â--t--â—dr.    t-à--€    d-à    p-r-â--dr    è.  —  entendre.  Tâche  d'en 

17   15   14  24     .21   14  4  20  8  6   17   16  9,5  prendre  un. 


ï[.   I.  î    p-ô  à-s-àyà  k--b--k  k-ô. 
15    13   22   10  29   12   10  17  17 

(157?)       (8  10  II?)  (710) 

m-e  t    n    p  —  ô    p — à    t-û   k-ô--t--â.  — 
15   (?)   17   II    16  II    16  6  9  6   16  5    18 


Je  puis  essayer  quel- 
que coup. 

Mais  je  ne  puis  pas  tout- 
comptant  (tout  de  suite) 


/,-    „  'N  s.       „       7      .  „   „   .  ...s'est  accroché  à  une 

(to  €ape).  —  2.  6--e      a--k-ro-€--a  a  u-n 

22,5  9,5   5  78  13    i5"25'  10 

p--û       s li     là      p---ât  dé    klè  pue  (pointe)  sur  la 

14  19     6,5  7,5   18  12,8   ..    ..    37  pente  de  ces 


LES    MODIIK  AlIONS    l'HONèTIQUES   DU    LANGAGE,  l6j 

fô-s--à   p rè div   €--i\-t--c.  —  fosses,  près  du  châ- 

7  i6  17      34       8  14  8   19  tcau. 

{$  $  s  «9?) 

3.  k-ôn      f---h    p-à  bô  p-à-6-'à  Ça  ne  fait  pas  bon 

13   12,5   14  14  50     8  6  19  13  passer 

(6,5  6,;)  (....  i.) 

S'U  k—lè    f--ô—s—â.  sur  ces  fossés. 

.19  7  22  14  6  12  26 

k-à    t--u    f--è  de  t--à        pt-'-i--t--e  Qu'as-tu  fait  de  tes 

.11   10  10  18    27    8  14,5   11,5   5,5  9   10                  petites 

€--à--t — e?  —  chattes? 

12  10  10  II 


m.   I.  û-n    6—e-t-ii--f--t;   lo-t-r      5--è  Une  s'étouffa  ;  l'autre 

14  7  10  14  4  12  12  14  28  2   10  9,5   12  s'est 

k--ô--p--à    t--re    p-àtt  su   k-œ    k--û — t—c. —  coupé  trois  pattes  sur 

5  16  12  14  5  21   10...   35  7   16  7  11,5  6   19  ce  couteau. 

k-â    orà-t--u     à--€--b--àl  Quand  auras-tu  ache- 

.17   ...  15   19  6,5   10  12  13  vé? 

2.  pà    è--k-ër.  kô-n  f--à  p-à  à-s--ë.  Pas  encore.  Ça  ne  fait 

7  24  6  20  .8  7  13  19  8  19  13  7  pas  assez 

€--à    p-r    k-ô.    ko  n      s e-e  p-à  :  chaud  pour  ça  :  ça  ne 

13   19  6  12  7  17   .8  8  15,5   10   24    II  sèche  pas. 

(12  12) 

prè-t-m-ë  t--à     s--èj.  —  3.  là  Prète-me  ta  scie.  La 
. 18  5   15  5  6  10  15  32               16 

m-1  n  6--ë-j  p-à  dœ-t-n.  —  mienne  ne  scie   pas 

10  21    13  9   19   37,5   5    15  du  tout. 

4.  ta     k--î     e    jôlï  p-ô — p — ô.      â--t  là  Tu  as  ici  un  joli  pom- 
.26   10  17   13           -18,5    II    17,3    14  7   15  pon.  Où  l'as- 

î--n   p-rë    t--ô    p--ô--p--ô?  —  tu  pris,  ton  pompon? 
i^   13  7  15   5   12  16  10  13   II 

5.  k-é  p-ô--p--ô ^  t  le     à--€t-à  à  t-Ô  Ce  pompon,  je  l'ai 
.17  9  17  II   19     47     18  12    8    5   10  acheté  à  ton 

/ — ô — t--ô  tonton. 
10  13,5   13    13 

a  p..r---p--o,  à-t-ù   f-ë_à-p-à    t--ô  p-ô?—  A  propos,  as-tu  fait 

6  10  13,5  13  18  12  8  10  12  25  9  II  16  18  9  15  happer  ton  pot? 


168 


L  ABBE    ROUSSELOT. 


k-â    p--Ô?  — 

,21    II     l8 

6.  k-œ  k  t-à  k-à-6--à    €--à    t--ë    t-à-t-o.  — 

.21  17  24  6  21  15  II  13  18  15  16  8  21  5  20 

dyà-bl    t-ûn  àp'~tir^  !  —  7.  /  imdri 

37    17  6        32  50 

(10  13  14) 

h  û  f--î--s  è--t--rî-p--à.  à--p-à  e  p--o , 
7  13  13  13  6  9,5  5  15  10  5  17  13  7  14  16  20 
^^  n-é     ^--/ï   d'f-î--5--îl,   èb     n     n     0    rë 

.9  9   18   12   13    15   8   II   18    23    19  23    17  22 

(13  10) 
f—ë.  - 

12  6,5 

8.  kô--t--œ    f--ë,      t  —  ô    pp--ë?  — 

.9   10  20  14   13   8.5    18  29   15 
û    t--ë--t-è  kn-vi    l     h--ï--h-è    t-ul   t--à. 

13  161617  I  .15  15  18105,5814.1813  16 

IV.  I.  lu  ht-k e       ne    tt--â    p--à     ta 

55  9^3  1758  i^  18  24  II  22  .25 

(40  9  6) 

autre  tracé  : t-é--t--à 

5  4  10  20  7  29  19 
k  k-ô  :   û       6--n--5  t--û    S-Û--6  —  à.   — 

22  14  14  14  13  29  II  6  10  II  10 

23  17  14,5  14  14  16,5  II  7  10  13  10,5 
£-0-6  t-ë. 

. 14  21  13 
î  vob  m  €--o--s--â;  m--ë  —  2.  m-à    €--o--6 
51   II  16  12  14  18  17      15  9  13  20  17 
e     t--rô  e--p--ë-s;  à     n     à--t-ré  p-a.   — 
II  10  31  10  13.  II  16  II  3  14  8  19 

k--ô      f--Ô   ^=  t--û   k--î--t--â,     ma       p 0 

.13,5  17  25  20   13  7  14  10  19  2775  15,5  19 
-V  p-t-ï. 
13  20 


Quel  pot  ? 

Celui  que  tu  as  cassé 
chez  toi  tantôt. 
Diable  ton  happeur  ! 
Je  voudrais 

qu'il  fût  étripé.  Hap- 
per un  pot, 
ça  n'est  pas  difficile , 
eh  bien  !  il  n'a  rien 

fait. 

Qu'a-t-il  fait  ton  pépé 
(grand-père)  ? 
Il  tète  comme  un  bi- 
quet, tout  le  temps. 

Les  biquets  ne  tètent 
pas  tant 


que  ça  :  il  suce  tout 
sucé. 

Chausse  toi. 

Je  veux  bien  me  chausser  ; 
mais  ma  chausse  (bas) 

est  trop  épaisse  ;  elle 
n'entre  pas. 
Ça  faut  tout  quitter, 
mon  pau- 
vre petit. 


■  Voir  fig.  41. 


LES    MODIFICATIONS    PHOMÈTIQUES    DU    LANGAGE. 


169 


V.    I.     ma    p--0'i/ p-y-yàrè\  v'  p-àyrè 

1.  16,7  10  10  20,3   231        • .     39 
nez  18 

k  Vit  iHijê  Ô     n--à. 
77      16   II    13 
fo  b    p-râdr   è     €-vâ.  —  2.  p-r' — r' 
11,7   16  52   17   13. .  .2  3    11,5 

(17  17  18) 

p---àr---rt---ï    dû    p-n   m-à-t--ï. 
14  15,8  18,3    10  20  13  8  13  7   13    13 
. .  . .  k-œ-k---î      n-è    b-û-'^   p-a    5--Ô    5-Ô 
.23  13  16,5  17  9  13  14  12  10  20  13  15  16  16 
pr    rbà--t--r.  — 

•7  39^   II   i(0 

...    T^.  kœ     b-Ui   n      è--p-t-f  p--à    dé 

.20  II. .    13    II   17  7    24    18  19 

("  »>) 
k  t--à   k-ii-m     k--ô    f-à--^--t     â--t--â. 

24    20   .17   18   II    10   13   9   15    13   15    10   14 
...   ft-n  b-rêg  p--â   t-â    —  4.  k  d  o-t-r--e 
6  6  15. ..  13  13  8  15  .  7  12  2  10  10 

II   14 

5.  ...   s-o  ppà  ë    6-à     k--t-t  mmà  s-ô    k--ï.  — 

.1933.   .  22  13  15  108  24.    .20  10  13 

6.  ...  for--s      e    pt--t    p-r    â--s--n.  — 

. 15    15    18  20  14   . 12  13    15    16 
(•«  9) 


Mon  pauvre  Picrret, 
vous  paierez, 

que  vous  le  vouliez 
ou  non. 

Faut  bien  prendre  un 
cheval  pour 

partir  de  plus  matin. 

...Celui-ci  ne  bouse 
pas  son  sol  (aire) 
pour  battre. 

...Ce  blé  n'épie  pas 


ce  temps  comme  ça 

faisait  antan. 

Il  ne  bringue  (joue) 

pas  tant  que  d'autres 

fois. 

Son  père  et  sa  quitte 
mère  sont  ici. 
...Force  un/k7/7(peu) 
par  en  sus  (haut). 


VI.    I.  il    €-èr-€--t  p-r--i--u       s a   pèvèr.. 

4  13  7   14  5   8  8  12   12  11,5   14  8.... 
...   àp,  va,  k-ô--k--î. 
. .    . 18  8  9  II   10 

2.  la  balùsod  p b--t-riti. 

(?)      11,5   II  7    29" 

3.  t'è-':^  p-à  t--ô    b--ë. 
.5  7  4  6  6   14  9   10 


Il    cherche    partout 
sans  pouvoir... 
...Happe,   va,   ceci. 

La  Balusaude  pautrigtie 

(tourne  malproprement  dJMt 
ses  mains.) 

(Tu)  ne  tais  pas  ton 
bec. 


•  Voir  fig.  66.  Ip  Fig.  64. 


I/o 


l'abbè  rousselot. 


p--i—p--l--î. 

17    15    14    12    16 

4.    j-u-g--g    p..è-t--î.  — 

II  6  3,5  4  15  5   10  13 
5./-,éy'   ^.-«\  _ 

.13  7  13   13 


Pipe-s-y. 

Joue,  petit. 

(Ne) /^z/^g  (fouis)  pas 
(en  parlant  à  un  porc) 


VII.  I.  ;'  à-t--àh  €àtà.   — 
18  10  9  15 

2....tÛ6--l   b         s     ê--f--î--l--à  6-û     t--ë.. 
.8  15  16  6(?)  10  14  12  II  II  10  7  15  II  15 

(d'après  la  ligne  du  nez) 

u      p-ïk'  bè  by-è\  — 
10  17,5 18,5 

3.  ...   î-n   p--ô    p--à    €--â-t-à    kû-m   ô 

9  13  14  II  15  16  II  16  9  10  .  .  10   . 

/ 0^    p--à-5  k   î     5--Û    t-îï     ro-€~ii.  — 

14,5    10,5    14  12   14  12   14  14   .12  23    13   9 

4.  kà  p-à-6-t-ii? 
.647558 

/  k-r-ê  k  V    €--à-'t--rtè 

5  7  4  8  6  5   15   14*7    37 

(8  19  10) 

s-t  v--é  V  f-è--r5-àv--ëi  e  p-t-ï--n--ô .  — 
.27,5  II  20  8,5  14  33  14  15  8  4  3  11,5  4 
î  n  k-r-ë  p-à —  5.  kî  p--û--j. 
4  9  5   5  9  7  7             -7  6  13   17 
î    f--t--r--e    €--o--f-à   un  eos  kî  àtà^re 
12   10  12  9  13   13   13  8  14 

(d'après  le  nez) 

o-t--û--r   d-œ  k-o.  ûp'rè-t-è-n--â4 

6  12  14  23  24  13  8  13     29    10  6  15  15 

(nez)  (nez  et  larynx)  (nez) 

6.  ké  kwe  bô^p-r  f--er   p--à--s--à  k-ô-k — î 

.8  9  40       54  8   13   20  10   8  II    7  9  9  9    10 

Autre  tracé:...      5    10  20  12    5    12    7  7  7  7    10 


J'entends  bien  chan- 
ter. 

Tu  sens  bien  s'enfiler 
sous  toi... 

Il  pique  be  (bien)  bien 

Je  ne  puis  pas  chan- 
ter comme  il 
faut,  parce  que  je  suis 
tout  enroué. 
Qu'en  penses-tu  ? 

Je    crois    que    vous 
chanterie-î 

si  vous  vous  forciez 

un  petit. 

Je  ne  crois  pas  que 

je  puisse. 

Je  ferai   chauffer  Une 

chausse  que  j'attacherai 

autour   du   cou.    Ils 
prétendent 

que  c'est  bon   pour 
faire  passer  ceci. 


Voir  fig.  loé.  11  ^  Fig.  57.  Il  '  Fig.  38.  Il  4Fig.  49. 


LES    MODIFICATIONS    PHOSÈT1Q.LES    DU    LAN(,.\(,i;.  IJI 

/    prcldri  b  z\=.  è  le  d'p-ii-l  4=  à--t--û  Je  prendrais  bien  un 

8  8     64       34  ^  23  23   12  6   II   14  lait  de  poule  aussi; 

8  9     48       i>    26    18  22  13   II 

8.  4=  me  4=  f  ne  p-à  ê    k---i---t     û.  maisjen'aipasunçtt// 

41  30^  10  ^  9  78  8,5  8  8,5   15  œuf  (un  seul  œut). 

(16  14)         (9    9  9)      (6  12) 

â-n  à-t-ù,  t  —  ë?  En  as-tu,  toi? 

9  9  6  7   12  6   10 


Vm.   I.   n  k-rè  p--â.  kel  €---e--t--i    €---àt  Ne  crois  pas.  Cette 

4  5   II  6  10  .  9  II   10  7   10  13   13.  chétive  chatte 

/-()  / — û   k--à--5--à  4=  k-J^  —  2.  {km-â)  les  a  tous  cassés,  ceux 

19811610714     iiii  .58  que  mes 

k-d-k-ô-t--t^  à---v--y--à    p-ô--gti.  —  è    s-er,  cocottes  avaient  pon- 

64676  10  83  8,5  6  7,5  8  II  15       10  13  ..  dus.  —  Un  soir, 

k--î    à  —  t—-t     €--à    1--Û  p-i-k--Oy  n--à  que   j'étais  chez  les 

10  8  10  10  20  10  II  8  II  9  5   9  13   10  12  Picaud,  on 

d-t-s---i    k   là   fœldr-ô-dr  rj=  rt--/--_y-5    bû-n  dit  que  les  feuilles  de 

8  8  14  13  7  23  13 ...    20  5   13   5   10  5   10   .  .10  ronces  étaient  bonnes 
à-t-n  4=  à--v-"ë--k    d  —  œ      m--e.  — 

8  10  65  8  8,5   16  10  20  14,5   14  15  aussi  avec  du  miel. — 

3.  (/^~  àhè^^  à--n    à     t--ë / é  ^agu  kt 

II   12  12  II   15   17,5  3  22  23   16  Tes  abeilles  en  ont- 

â-n-àdj  elles  eu 

9  8  26  cette  année? 
—  w-a  4=   ^y  m--î    4^  lu  brgà  4= 

10.    56  15    15    19  62       50       53  —Oui;  mais  les  ^f- 

à    tu  dvora.  —  ^^"^  (fi^elons) 

138     33  ont  tout  dévoré. 

4.  t-ô    p-ër,  4=  €--â--n--œ  ^  pr 

.15925     42    23  34  18   42    6  Ton  père  chante-t-il 

p--a-k_k_v--ë   4r  à  lëglj-?  PO"^ 

14  24  22   8   14  47       47  Pâques   qui  vient   à 

il  ësp-èr   k-é  wà.  l'église  ? 

17  23   14  10     .  Il  espère  que  oui. 


172  l'abbé  rousselot. 


Une  simple  lecture  suffit  pour  montrer  que  les  inscriptions  du  discours 
suivi  confirment  de  tout  point  les  principes  établis  plus  haut.  Aussi  ne 
m'y  arrèterais-je  pas,  si  je  n'avais  à  noter  quelques  faits  nouveaux  relatifs 
aux  atones  finales  que  l'on  n'étudierait  pas  sûrement  dans  des  mots  isolés, 
ou  dus  à  l'influence  de  l'accent  oratoire. 

Les  atones  finales  n'existent  guère  chez  moi  que  dans  les  noms  pluriels 
et  les  secondes  personnes  des  verbes;  je  n'ai  inscrit  que  deux  fois  un  è 
final  et  dans  des  conditions  exceptionnelles. 

Je  relève  dans  les  tracés  précédents  : 


kà-tû  je  dé  ta  pt-i--t--e    €-à-t-e  ? 
5 ,5    10     10  II 
...k  d-o-tr-t  f-e. 
12   10  14 
...  kmà  kôkqt-e  =(=  àvyà  pôgu. 
4  7   10 


...  sî  vévfèrsàv-ë     è     ptîfjo. 

14  15        3    4 
ânà-t-ç—l-e  =4=  àgu...  ? 

15     3 
€tr€t  «  il  cherche  ». 

7     3 


On  voit  par  là  que,  si  le  mouvement  de  la  phrase  s'y  prête,  ces  atones 
étymologiques  sont  traitées  au  point  de  vue  de  la  quantité  comme  des 
toniques.  Ce  fait,  du  reste,  comme  nous  le  verrons  plus  tard,  concorde 
parfaitement  avec  le  développement  phonétique  de  la  langue. 

Dans  dôtrefi,  è  peut  fort  bien  être  considéré  comme  long.  Toutefois, 
dans  àiià  tele  àgû,  Vt  est  vraiment  traité  comme  atone,  ce  qu'il  est  en  effet 
dans  ma  prononciation  sentie. 

Nous  avons  remarqué  que  dans  quelques  groupes  isolés  la  finale  était 
plus  courte  que  la  pénultième.  Ce  fait  devient  assez  fréquent  dans  le 
discours  suivi,  grâce  à  l'accent  oratoire,  pour  les  groupes  qui  précèdent 
immédiatement  un  repos. 

Cela  a  lieu  :  1°  dans  le  simple  récit  ou  une  demande  non  impérieuse  : 

t  Ve  à€tà  à  ta  t--ô—t--ô.  —  u  n-o  r-ë  f--e.  —  tâé:    dà-p-r-à-dr  è. 
10  13,5    13  17  22  6,5  20      17      9,5 

et  même  dans  l'interrogation  et  l'exclamation,  quand  le  groupe  se  termine 
par  un  petit  mot  qui  peut  s'en  détacher  et  sur  lequel  retombe  la  voix  . 

an  â  tu,  te?  —  w—e  b  k — ô—t — à,  t--à! 
6    12    10        8  12       14,3     18     10 

2°  Dans  les  groupes  où  la  pénultième  est  intentionnellement  frappée  : 

k-à  p-ô?  —  kwè  €-e-t-î ,  €-e-t-ï  kiim  tii. 
21    18  18     5       13    II 

Les  deux  dernières  syllabes  mêmes  peuvent  être  abrégées  quand  le  der- 
nier mot  est  peu  significatif,  et  l'accent  temporel  frappe  l'antépénultième  : 

...  si  vtu  jorsàv—é    e    pttnô. 
14  15       3   4 


CHAPITRE  VI 


HAUTEUR  MUSICALE  DES  SONS  -  ACCENT  DACUlTÉ 


La  hauteur  musicale  d'un  son  dépend,  comme  on  le  sait,  de  la  durée 
de  la  vibration,  ou,  ce  qui  revient  au  même,  du  nombre  des  vibrations 
exécutées  par  le  corps  sonore  dans  l'unité  de  temps,  c'est-à-dire  pendant 
une  seconde. 

Les  corps  qui  rendent  des  sons  simples  produisent  des  vibrations  pen- 
dulaires qui,  recueillies  sur  un  cylindre  inscriptcur,  sont  représentées  par 
une  sinusoïde  régulière.  Par  exemple,  les  vibrations  d'un  diapason  de 
500  V.  s.  à  la  seconde  inscrites  à  l'aide  du  signal  électrique  de  M.  Deprcz  : 

Fig.  97. 


soit,  en  l'agrandissant,  la  courbe  suivante 


Lorsque  la  branche  du  diapason  commence  à  vibrer,  elle  s'écarte  de  sa 
position  normale  a  jusqu'en  x;  de  là,  elle  revient  sur  elle-même,  repasse 
par  sa  position  normale  en  b  et  s'en  écarte  de  nouveau  jusqu'en  A,  d'où 
elle  repart  dans  la  direction  de  ,3-  Lorsqu'elle  a  atteint  c,  elle  a  accompli 
une  vibration  complète,  qu'on  appelle  vibration  double.  Je  compte  mes 
vibrations  de  A  en  B  pour  plus  de  flicilité,  et  j'en  double  le  nombre  pour 
me  conformer  à  l'usage  français  qui  compte  par  vibrations  simples. 

Le  nombre  des  vibrations  correspondant  à  chacune  des  notes  de  la 
gamme  n'a  pas  encore  été  déterminé  d'une  manière  uniforme  par  les 
physiciens.  Le  diapason  officiel,  fixé  par  M.  Lissajous,  donne  870  vibrations 


174 


L*ABBÈ   ROUS^ELOT. 


simples;  c'est  le  la  de  la  gamme  d'«n.  Pour  Helmholtz,  ce  la  est  de 
440  vibrations  doubles,  soit  plus  aigu,  de  10  vibrations  simples;  pour 
M.  Kœnig,  il  est  de  853,3  vibrations  simples,  soit  plus  grave  de  18,7 
vibrations  simples.  Comme  j'aurai  sans  doute,  pour  les  recherches  que 
j'ai  en  vue,  à  faire  usage  des  diapasons  de  M.  Kœnig,  j'adopte  sa  manière 
de  compter  et  je  considère  comme  étalon  son  diapason  normal  ut  3  = 
512  V.  s.  à  20°  c. 


CD 

0 

OCTAVES 

1 

^ 

ut-^ 

Ut^ 

Ut  2 

ut  3 

Ut  4 

Ut  5 

Ut  6 

Ut7 

ut . 

.  64 

128 

256 

512 

1024 

2048 

4096 

8192 

re  . 

.  72 

144 

288 

57e 

II52 

2304 

4608 

mi. 

.  80 

160 

320 

640 

1280 

2560 

5120 

fa.. 

•  85,3 

170,6 

34i>3 

682,6 

1365.3 

2730,6 

5461,13 

sol. 

.  96 

192 

384 

768 

1563 

3072 

6144 

la.. 

.  106,65 

213,3 

426,6 

853,3 

1706,6 

3413.3 

6826,6 

SI.. 

.   120 

240 

480 

960 

1920 

3840 

7680 

En  multipliant  par  la  fraction  H  chacune  de  ces  notes,  nous  les  haus- 
sons d'un  demi-ton.  Ce  qui  donne  : 


ut  '^'^" 

68,26 

^36, 53 

273,06 

546^13 

1092,26 

2184,52 

4369,04 

8738,08 

YQ  dièze 

76,8 

i53»6 

307,2 

614,4 

1228,8 

2457.6 

4915.2 

f^dièze 

91,01 

182,02 

364,05 

728,1 

1456,2 

2912,4 

5824,8 

sol  '^'*'" 

102,40 

204,81 

409,63 

819,26 

1638,52 

3277,04 

6554,08 

l^dièzc 

112,7 

225,04 

450,09 

900,18 

1800,36 

3600,72 

7201,44 

Les  corps  qui  produisent  des  sons  complexes  régulièrement  périodiques 
ou  musicaux  exécutent  diverses  vibrations  qui  forment  une  sonorité  dont 
la  courbe  peut  être  décomposée  en  autant  de  sinusoïdes  qu'il  y  a  de  sons 
simples  fusionnés.  La  vibration  la  plus  lente  donne  la  durée  de  la  période. 

Voici,  comme  exemple,  deux  tracés  que  j'emprunte  à  M.  Kœnig 
(Quelques  expériences  d'acoustique,  p.  13  et  26).  Le  premier  représente, 
d'après  la  méthode  inscriptrice  de  Desains',  la  composition  des  mouve- 
ments vibratoires  parallèles  de  deux  diapasons,  dont  l'un  est  à  l'octave  de 


'  Cette  méthode  consiste  à  fixer  une  plaque  sur  l'un  des  deux  corps 
vibrants,  et,  pendant  qu'elle  en  partage  tous  les  mouvements,  à  tracer  sur 
elle  les  vibrations  du  second  corps  sonore. 


LES   MODIFICATIONS   PHOSàTIQUES   DU   LANGAGE.  I75 

l'autre.  Le  second,  les  vibrations  du  phonautographe  sous  Finiluence  de 

deux  tiiv:iux  d'orgue  séparés  par  une  octave. 

Fig.  98. 


M.  Melde  a  rendu  ces  mouvements  sensibles  au  moyen  d'un  cordonnet 
de  soie  attaché  à  deux  diapasons.  Si  ces  diapasons  sont  à  l'octave  et  qu'ils 
soient  excités  en  même  temps,  le  cordonnet  se  partage  en  deux  segments 
égaux  vibrant  à  l'unisson  pendant  qu'il  effectue  un  mouvement  vibratoire 
de  totalité. 

Dans  ce  cas  l'impression  auditive  est  unique^  et  la  sensation  musicale 
est  de  même  hauteur  que  le  plus  grave  des  sons  composants. 

Il  résulte  de  là  que  la  détermination  de  la  hauteur  musicale  des  sons 
par  la  méthode  graphique  ne  présente  pas  de  grandes  difficultés.  Il  s'agit 
en  somme  de  compter  les  vibrations  inscrites  dans  l'espace  d'une  seconde. 
L'opération  se  réduit  à  une  simple  addition  qui  se  fait  à  l'aide  de  la  loupe 
et  d'une  échelle  graduée  d'après  la  vitesse  du  cyHndre  inscripteur. 

Malheureusement,  ce  travail,  qui  n'est  pas  toujours  facile  avec  les 
tracés  originaux,  devient  souvent  impossible  avec  les  reproductions  héléo- 
graphiques.  Dans  ces  dernières,  les  détails  les  plus  délicats  ont  disparu, 
au  point  d'altérer  la  forme  caractéristique  de  certaines  vibrations  et  d'en 
rendre  le  compte  très  incertain.  Je  dois  signaler  comme  particulièrement 
défectueuses  les  figures  103,  104,  105,  108,  m, 112.  Peut-être  devrais-je 
les  supprimer,  puisqu'elles  ne  répondent  plus  à  leur  objet.  Je  les  conser\-e 
néanmoins,  parce  que,  toutes  grossières  qu'elles  sont,  elles  donnent  à  l'œil 
une  certaine  impression  de  la  réalité.  Mais  qu'on  ne  soit  pas  étonné  si 
on  n'y  retrouve  pas  tout  ce  que  j'ai  vu  dans  les  originaux.  Une  autre 
remarque  qu'il  est  nécessaire  de  faire,  c'est  que,  les  vibrations  n'ayant  pas 
toujours  une  durée  constante  pendant  une  même  émission  de  voix,  le 
nombre  en  peut  changer  avec  la  partie  du  tracé  qui  est  mesurée.  Dès  lors, 
des  variantes ,  dans  des  mesures  successives  qui  ne  partiraient  pas  exacte- 
ment du  même  point,  sont  inévitables.  On  pourra  donc  dans  certains  cas 
trouver  d'autres  chiffres  que  les  miens  ;  mais  je  ne  crois  pas  que  le  rapport 
cherché  entre  les  sons  consécutifs  en  soit  sensiblement  modifié. 


176 


l'abbé  rousselot. 


§  I''.  —  Moyens  employés  pour  déterminer  la  hauteur  du  son. 


Je  possède,  pour  la  recherche  de  la  hauteur  musicale  des  sons  dans 
mon  patois,  diverses  sortes  de  tracés  :  les  vibrations  de  la  colonne  d'air 
parlante  reçue  par  l'inscripteur  de  la  parole  devant  la  bouche,  celles  du 
larynx,  de  la  langue,  du  nez  et  même  des  lèvres.  Aucune  expérience 
spéciale  n'a  été  organisée  dans  le  but  précis  de  déterminer  l'objet  qui  nous 
occupe.  Mais  ce  que  j'ai  suffit,  je  crois,  pour  une  solution  satisfaisante. 

Mes  expériences  de  1886,  faites  avec  l'inscripteur  de  la  parole,  sur  le 
timbre  des  voyelles,  peuvent  nous  servir  de  point  de  départ. 

J'inscrivais,  comme  moyen  de  contrôle,  soit  les  vibrations  d'un  diapason 
de  500  V.  s.  à  la  seconde,  soit  les  vibrations  de  l'air  excité  par  une  lame 
d'harmonium  si^,  et  je  faisais  chanter  par  des  amis  ayant  des  voix  très 
justes  les  voyelles  sur  un  ton  donné. 

Or,  en  prenant  comme  échelle  les  vibrations  du  diapason  de  500  v.  s. 
monté  électriquement,  soit  25  pour  |  dixième  de  seconde,  on  trouve  : 

Fig.  99. 


ouf*  1,040  V.  s.,  6  mi4  2,400,  â  mi 3  (fin  du  tracé)  329;  —  et,  à  une 
échelle  un  peu  moindre  (23  v.  s.  de  la  fig.  99),  ô  ut4,  ^'ut4,  à  ut-+  1,040. 

Fig.   100. 


LES  MODIFICATIONS   PHONÉTIQUES   DU   LANGAGE. 


177 


Le  diapason  normal  français  sur  lequel  se  réglaient  les  chanteurs  don- 
nant :  ut*  1,044  V.  s.,  mi 4  i>305  v.  s.,  mi  3  652,5  v.  s.,  on  peut  considérer 
les  chiffres  obtenus  comme  exacts,  avec  cette  restriction  toutefois  que 
Va  mi  4  répond  à  l'octave  aiguë,  et  Va  miî  à  l'octave  grave  des  sons  émis. 

Avec  une  vitesse  plus  grande,  le  si  ^  d'une  lame  d'harmonium  m'a  fourni 
l'échelle  suivante  (comptez  25  v.  s.,  une  de  plus  que  dans  la  gravure)  : 

Fig.  loi. 


D'après  cette  mesure,  4 si*,  «si*,  u  si  *,  et  «  si  *  (échelle  fig.  97,  2«  tracé), 
donnent  480  v.  s.  (nombre  exact). 


Fig.    102. 


fl  si^ 


«  si  2 


e   si 


»  si^ 


Le  nombre  des  vibrations  recueillies  par  l'inscripteur  de  la  parole  répond 
donc,  en  général,  à  la  hauteur  du  son.  Les  deux  exceptions  signalées  ne 
tirent  pas  à  conséquence.  De  plus,  comme  un  seul  coup  d'œil  sur  les 
tracés  suffit  à  le  montrer,  les  octaves  graves  sont  fréquemment  indiquées, 
ainsi  que  les  octaves  aiguës,  mais  sans  nuire  à  la  netteté  de  la  vibration 
qui  donne  l'impression  de  la  hauteur  musicale. 

Du  reste,  on  est  aidé  dans  le  choix  de  l'octave  par  la  hauteur  de  la  voix 
du  sujet  observé. 


KXTCT  DIS  fATOK. 


175 


L*ABBà   ROUSSELOT. 


La  voyelle  suivantes  éa,  en  un  demi-dixième  de  seconde,  13  vibrations 
principales  se  divisant  nettement  en  deux,  c'est-à-dire  520  et  1,040  à  la 
seconde. 

Fig.   103. 


Il  y  a  donc  hésitation  entre  ut'  et  ut'^  qui,  étant  donnée  la  hauteur  de 
ma  voix,  sont  possibles  tous  les  deux.  Mais,  si  l'expérience  n'était  pas  si 
éloignée,  il  serait  facile  de  savoir  laquelle  des  deux  notes  est  la  vraie. 

Les  expériences  de  1889  me  donnent  des  résultats  concordants  et  tout 
à  fait  vraisemblables.  Pour  des  voyelles  isolées  : 

Fig.    104.  Vsse  D. 


œ 


Pour  des  mots  isolés  : 
f—a--va 

Fig.   105. 


p—a — b — a 
320  (  300 
)  6go 


V — a—v—a 
340 
680 


320 
640 


Vsse  D. 


/ a V a 

On  peut  voir  par  ces  tracés  que  l'octave  grave  est  presque  toujours 
marquée,  et,  si  elle  l'est  seule  comme  dans  la  V  syllabe  de  paba,  c'est  que 
le  tracé  est  empâté. 


LES   MODIMCATIONS   PHONIiTiaL'ES   DU    LANGAGE. 


179 


La  colonne  d'air  recueillie  dans  le  nez  donne  le  même  nombre  de  vibra- 
tions. En  voici  un  exemple  intéressant  : 

Fig.  106.  V»c  D. 


Nez 


Larvnx 


Langue 


.-i—k'   b- 


Toutes  les  voyelles  sont  bien  marquées  par  la  ligne  du  nez  ;  la  dernière , 
qui  est  une  nasale,  a  une  courbe  spéciale.  L'octave  grave  seule  est  indiquée 
jusqu'au  y,  elle  commande  le  groupe  dans  les  premiers  instants  de  1'^, 
puis  elle  cède  au  son  fondamental  qui  prend  le  dessus  et  s'efface  pour 
reparaître  bientôt  et  régner  seule  au  moment  où  le  son  s'éteint. 

Des  tracés  de  ce  genre,  fréquents  dans  quelques  expériences,  sont  rares 
dans  les  autres.  Je  n'ai  d'ordinaire  que  des  vibrations  correspondantes  à 
l'octave  grave.  Il  nous  sera  possible  d'en  découvrir  la  raison  quand  nous 
aurons  comparé  entre  eux  les  tracés  obtenus  pour  les  vibrations  des  divers 
organes. 

Les  vibrations  du  nez  recueillies  avec  l'explorateur  électrique  du  larynx 
me  donnent  de  très  beaux  tracés.  Elles  répondent  à  l'octave  grave  du  son 
émis.  Il  en  est  de  même  de  celles  de  la  langue  prises  sous  le  menton  ou 
sous  le  palais  et  de  celles  des  lèvres  que  l'explorateur  des  lèvres  ne  m'a 
données  qu'une  fois,  et  que  j'ai  recueillies  avec  la  capsule  exploratrice. 

Nez  : 

Fig.   107.  Vsse  D. 


Entre  300,  et  360  v.  s. 


i8o 


l'abbé  rousselot. 


Dents  (voir  fig.  86).  Les  vibrations  répondent  au  v.  —  300  v.  s. 
Langue  : 

Fig.   108.  Vsse  C. 


Langue 


Larynx 


u  400  v.  s. 
Lèvres  :  vava  (fig.  84)  —  260  et  280, 

Fig.   109.  Vsse  D, 

Lèvres 

Larynx 
{Expl.  à  air) 

S Û  l- 


Les  vibrations  du  larynx  méritent  une  étude  spéciale  en  raison  de  leur 
importance  et  des  questions  qu'elles  soulèvent. 

Recueillies  au  moyen  de  la  capsule  exploratrice,  elles  sont  toujours 
d'une  très  grande  pureté,  et  aucun  doute  ne  peut  exister  quant  à  leur 
nombre. 

J'ai  pour  des  mots  isolés  de  360  à  460  v.  s. 

Fig.  no.  Vsse  C. 


Pression  de 
l'air  sortant 
de  la  bouche 


Larynx 
{Expl.  à  air) 


LES   MODIFICATIONS   PHONèTIQUES   DU   LANGAGE.  l8l 


Dans  un  récit,  de  280  à  520  v.  s. 

?      j-û-r          k—o 

y  à— in 

)•  d-ty-à 

440      520      400 

360 

340  320 

vi—à--ï—iv--r-û ,  etc. 

280  320  340 

Le  nombre  des  vibrations  indique  pour  les  mots  isolés  fa^****^  et  la"*'***, 
c'est  évidemment  l'octave  grave  du  son  émis.  Pour  le  récit,  le  chiffre  le 
plus  élevé,  520,  donne  ut?  qui  n'est  pas  possible  dans  ce  cas;  le  son  émis 
pouvait  fort  bien  être  ut  4. 

Une  fois,  les  vibrations  ainsi  recueillies  sont  complexes  et  marquent 
l'octave  aiguë,  c'est-à-dire  le  ton  naturel  de  ma  voix.  Ces  vibrations 
complexes,  qui  se  soupçonnent  à  peine  dans  la  figure,  sont  très  nettes 
dans  l'original.  Elles  ressemblent  à  celles  de  la  fig.  98,  2^  ligne. 

Fîg.    lU.  Vsse  c. 


Lè\Tes 

Larynx 
{Expl.  à  air) 

l îï         V e — r        j u--—f—ri 

Quand  les  vibrations  sont  prises  à  l'aide  de  l'explorateur  électrique,  le 
compte  en  est  moins  facile,  parce  que  la  difficulté  du  réglage  en  fait  perdre 
un  bon  nombre. 

Dans  des  inscriptions  bien  réussies,  je  trouve  pour  le  larynx  le  même 
nombre  de  vibrations  que  pour  la  langue  et  pour  le  nez,  par  exemple  : 
ù        é         é  œ        œ        œ        œ 

^     ^    f     360     320     320  (D"^  R.) 280     240     260     260 

mô         nô       ana       anima       amfa       àp      pétrin 

Nez.   .    .) 

y    J  480   320   360    360    320   400   260 

in     krè    n  pré—té—nà   tu  se      prâ — dri  le     d  tnd    atu 

Nez         ) 

Larynx  .1  "^^^  ^°°     ^^°     "^"^^     ^^^     ^^°     +^^     ^°    -^°     ^'^^    ^^° 

Mais,  comme  l'explorateur  à  air,  l'appareil  de  M.  le  docteur  R.  montre 
quelquefois  des  notes  plus  aiguës.  En  voici  un  exemple  remarquable  : 


182 


LABBE   ROUSSELOT. 


Fig.   112. 


Vsse   D. 


tn- 


—n — a 


520  et  480  V.  s.,  c'est-à-dire  Vtit  de  la  gamme  naturelle  et  le  si  d'en  bas, 
c'est  bien,  à  n'en  pas  douter,  le  son  émis  par  la  voix  de  baryton  de  M.  le 
docteur  R. 

J'ai  quelques  autres  tracés  analogues,  par  exemple  dans  le  conte  du 
Petit  Poucet  :  6àpél-àv    lé 

560  480 
et  ailleurs  je  trouve  : 

Fig.   113.  Vsse  B. 


2  1/2  et  3  V.  d.  par  ^  de  seconde,  soit  500  et  600  v.  s.  à  la  seconde. 

II  y  a  plus.  Non  seulement  le  ton  perçu  par  l'oreille  se  montre  ainsi  dans 
les  inscriptions  ;  mais  encore  nous  pouvons  y  reconnaître  un  ou  plusieurs 
des  sons  partiels.  Dans  le  tracé  reproduit  plus  haut,  on  voit  à  la  loupe  des 
sinuosités  régulières  qui  doivent  être  attribuées  aux  harmoniques.  J'en  ai 
compté  6,  6  1/2,  7  par  centième  de  seconde,  soit  en  vibrations  simples 
1,200,  1,300,  1,400  par  seconde.  Dans  bien  des  cas,  chacune  de  ces 
sinuosités  paraît  partagée  en  3,  ce  qui  donne  3,600,  3,900,  4,200  v.  s.  par 
seconde.  Ce  fait  n'est  pas  très  exceptionnel.  On  peut  l'observer  encore 
dans  les  tracés  pris  avec  la  vitesse  moyenne  du  régulateur.  La  difficulté 
de  les  compter  à  une  échelle  si  petite  a  fait  que  je  les  ai  négligées ,  sauf 
une  fois  (p.  124). 

D'autres  fois,  le  larynx  inscrit  moins  de  vibrations  que  le  nez  ou  la 
langue. 

Ainsi,  dans  une  expérience,  les  vibrations  inscrites  sont  juste  la  moitié 
de  celles  du  nez  (cf.  fig.  41). 


LES  MODIFICATIONS   PHONÈTiaUES   DU   LANGAGE.  183 

pô — pÔ         dyabl   iûn       à pur 

Nez 560  480    440     480 

Lar}'nx 280     240         240     240     220     240 

Dans  une  autre,  à  laquelle  appartiennent  les  tracés  reproduits  fig.  39, 
40  et  47,  j'ai  une  seule  vibration  du  larynx  inscrite  pour  3  du  nez,  môme 
pour  4  ou  5. 

in  po  pa  n  àjà 

Nez 520  480 

Larynx 160 

L'^  de  àjà  a  12  vibrations  nasales  pour  1/2  dixième  de  seconde;  or  le 
larynx  n'en  a  que  3,  soit  une  pour  4,  et,  à  côté,  2  grandes  valant  5  vibra- 
tions nasales  et  une  petite  en  valant  2.  La  syllabe  qui  suit  est  de  7  vibra- 
tions, ce  qui  doit  correspondre  à  14  vibrations  nasales.  Cette  irrégularité, 
on  le  voit,  se  fait  toujours  suivant  des  nombres  entiers,  ce  qui  permet,  en 
dehors  même  du  contrôle  du  nez,  d'établir  le  nombre  exact  des  vibrations 
laryngiennes. 

S'il  y  a  dans  les  faits  que  je  viens  de  relever  autre  chose  (comme  il 
semble  bien)  que  des  erreurs  imputables  à  l'imperfection  des  appareils,  et 
si  les  vibrations  des  cordons  laryngiens  sont  bien  les  mêmes  que  celles  que 
nous  recueillons  sur  le  cartilage,  il  faudrait  croire  que  le  larynx  ne  vibre 
pas  à  la  façon  des  anches,  mais  bien  comme  le  cordon  de  M.  Melde,  Un 
mouvement  vibratoire  de  totalité  répondrait  à  la  note  la  plus  grave,  et 
divers  mouvements  partiels  donneraient  en  même  temps  les  notes  aiguës. 
L'explorateur  inscrirait  les  uns  ou  les  autres  suivant  son  degré  de  sensi- 
bilité, et  aussi  peut-être  suivant  la  région  explorée  et  l'importance  rela- 
tive des  mouvements  observés.  Le  mouvement  vibratoire  le  plus  facile  à 
inscrire  serait  l'octave  grave  du  ton  perçu  par  l'oreille.  En  outre,  le  son  le 
plus  grave  ne  donnerait  pas  la  hauteur  du  son  complexe  :  au-dessous  du 
son  fondamental ,  il  y  aurait  des  sons  partiels  qui  ne  feraient  que  le  ren- 
forcer, comme  il  arrive  pour  les  notes  les  plus  graves  du  piano,  qu'on 
n'emploie  en  musique  qu'associées  à  leurs  octaves  supérieures,  «  auxquelles 
elles  ajoutent  le  caractère  de  leur  gravité  en  laissant  encore  appréciable  la 
hauteur  du  son.  »  (Helmholtz,  Théorie  phys.  de  la  musiquCy  p.  24.) 

Je  ne  puis  pas  entrer  ici  dans  la  discussion  de  cette  théorie.  J'aurai 
l'occasion  d'y  revenir  quand  j'aborderai  l'étude  physique  des  sons  emplo)'és 
dans  la  parole.  Ce  qu'il  me  suffit  de  constater  pour  le  moment,  c'est  que 
les  mouvements  vibratoires  des  organes  de  la  parole  nous  fournissent  le 
moyen  de  déterminer,  sinon  la  hauteur  absolue  d'un  son,  du  moins  l'inter- 
valle qui  sépare  deux  sons  successifs. 


184  l'abbé  rousselot. 


En  effet,  si  la  hauteur  absolue  peut  faire  quelque  doute,  si  une  erreur 
de  gamme  est  possible,  il  n'y  a  pas  d'hésitation  sur  les  intervalles,  car 
on  a  toujours  le  moyen  de  reconnaître  si  le  passage  d'une  gamme  à  une 
autre  est  réel  ou  apparent.  J'ai  du  reste  sur  ce  sujet  des  faits  positifs. 

Dans  une  expérience,  M.  le  docteur  R.  prononçait  anima,  le  second 
a  étant  à  l'octave  aiguë  du  premier.  Or  j'ai  compté  pour  le  premier 
Fig.   114.  Vssc  C. 


a — mm a  (D""  R.) 

18  vibrations  simples  pour  la  durée  à' un  dixième  de  seconde,  pour  le 
deuxième,  36.  L'octave  est  juste.  Après  cela,  M.  le  docteur  R.  a  exécuté 
sur  les  mêmes  syllabes  un  accord  parfait.  Nous  avons  eu  pour  un  dixième 
de  seconde  :  1°  20,  2°  25,  3°  30,  4°  40  v.  s.,  ce  qui  concorde  exactement 
avec  les  données  scientifiques  :  la  note  grave  étant  i,  la  tierce  majeure  est 
5/4,  la  quinte  3/2  et  l'octave  aiguë  2. 

Ces  chiffres  sont  assurés  par  l'accord  du  nez  et  du  larynx.  Ils  répondent  à 
peu  près  à  soP  ^'^"-^  (204,81),  ut^  (256),  ré^'^'^^'^  (307,2),  sol^'""^  (409,63). 
On  voit  que  le  larynx  de  M.  le  docteur  R.,  comme  le  mien,  n'enregistre 
d'ordinaire  que  la  moitié  des  vibrations  nécessaires  pour  le  son  entendu , 
c'est-à-dire  qu'il  donne  l'octave  grave  de  ce  son. 

Après  ces  préliminaires,  je  vais  donner  le  total  par  seconde  des  vibra- 
tions simples  que  j'ai  comptées  dans  diverses  expériences,  écartant  tous 
les  chiffres  douteux,  ce  qui  m'obligera  à  laisser  de  côté  un  grand  nombre 
de  documents  utilisés  jusqu'ici. 

Les  chiffres  relatifs  à  un  même  tracé  et  réunis  par  des  accolades  indi- 
quent les  vibrations  simples  qui  entrent  clairement  dans  les  vibrations 
complexes,  comme  fig.  96  et  106.  Les  chiffres  imprimés  en   caractères 


LES   MODinCATIONS   PHONÉTIQUES    DU   LANGAGE. 


185 


gras  marquent  les  octaves  aiguës  par  rapport  aux  notes  voisines  sans  que 
l'octave  grave  apparaisse  dans  le  tracé. 


§2- 


Mesure  de  la  hauteur  des  sons. 


Je  commence  par  citer  quelques  mots  de  M.  le  docteur  R.  recueillis 
à  l'aide  de  l'inscripteur  de  la  parole  (A)  et  de  l'explorateur  électrique  du 
larynx  (L).  Les  tracés  de  l'inscripteur  de  la  parole  sont  empâtés  et  ne 
laissent  voir  souvent  que  l'octave  grave.  Mais  ceux  du  larynx  sont  remar- 
quablement beaux.  J'en  reproduis  un  : 

Fig.  115.  V«se  D. 


p--a--p--a 
360  360 

b a- 

p-a b a 

280  280  300 

^ 

a   (D^  R.) 

f-a 

220 

280.360. 

J    " 
,240  320 

280  280 

240    240 

220 

320.280 

320.360 

440  440 

280  240  240 

200 . 240 

300.300. 

,280  300.280.320 

320  320 

y ri n 

280  260  260 

/"_fl 

320  280 

280       400 

"7   " 
280  320 

j—a 
320. 

300  245  300 

t~a d~ 

—a                  360 

240  320 

320 

240  340.280 

320  280 

320       360 

245  320 

m— 

-an — a 

280  480  480 

1  L.   240 

520 

)  A.   480 

iL.   580 

480 

/  A.   260 

Je  passe  maintenant  aux  sons  de  mon  patois. 


i8é  l'abbé  rousselot. 


VOYELLES    ISOLÉES 

Vibrations  du  larynx  (expl.  électr.).  Les  voyelles  à,  é,  /,  ô,  u,  «,  œ 
prononcées  ;\  la  suite  les  unes  des  autres  ont  donné  constamment  dans 
une  série  d'expériences  280  v.  s.  à  la  seconde. 

GROUPES  DE   DEUX  SYLLABES 

Vibrations  du  larynx  (expl.  à  air)  : 

p-a--p--a ,  avec  un  accent  intentionnel  sur  la  finale. 

360  640 
p-a-p-a,  prononcé  à  l'ordinaire  ^ 

360  460 
Vibrations  du  larynx  (expl.  électr.)  : 
à—p—à        a-p—a       im  f-à    de  là  kà€ — e — tt 
300  360     260  400     300  320  480  400 

560  480 
600  520 
Vibrations  du  nez  recueillies  avec  l'explorateur  électrique  appuyé  sur 
une  narine  : 

ô—b—ô        ô~f—ô        Ô—V--Ô        ô-t—ô  ^ 

300  340  320  360  320  360  320  360 

ô—e--ô        ô-k—ô        ô—j—5        ô—r—ô 

320  360  320  360  340  420  340  400 

360  400 
Vibrations  des  lèvres  recueillies  avec  la  capsule  exploratrice.  —  Vibra- 
tions de  l'air  : 

V — a V a        V a v a        v a v a 

Lèv.     260  280  260  280  240  280  260  320 

..  \  320        \  340  i  320  \  280        i  320 

(  640        \  680  I  640  (560       I  640 

Vibrations  du  larynx  et  du  nez  (expl.  électr.  et  explorateur  du  nez)  : 

af- — ba      a — mm — a        a — m — a        a — n — fa      ap — n a 

N.  300  320  280  320 

L.  280  320    280  300  320    320  320  340    280  280  320    280  320  320 


^  Voir  fig.  iio.  Il  ^Fig.  107. 


LES   MODIFICATIONS   PHONÉTIQUES    DU    LANGAGE.  187 

Vibrations  du  larynx  (expl.  électr.)  —  Vibrations  de  l'air  (inscript,  de 
la  parole).  —  Les  vibrations  de  l'air  sont  empâtées;  celles  du  larynx  ne 
sont  nettes  que  pour  les  consonnes. 

p--a--h--a  f—a — v û  t—a d a 

A.  320  300  A  i  320       I  L.     320 

320  600    \   640       j  (  240 

300  300     56o       j  A.  320  320  j  . . .  [360] 
340  360     600       (  (  720 

340  320    (  160       l  L.     260 

j  320  300  320  \   A.  300     320 
(  640       i  L.     280 

(  A.  280     320 

k—a ^ a  €—a — •/ — a 

A.  560.480       440  (?)    A.  320    320 

L.        300.280  6--a ;^ a 

\  L.  260  \  L.  260 

(  A.     320  320  \  A.     320  320 

ga — ka  (  L.  280 

360  360.720  \  A.     300  340 

\  L.  270 

(  A.     280  340 

L'empâtement  du  tracé  des  vibrations  de  l'air  ne  permet  que  rarement 
de  distinguer  la  noie  sentie  quand  elle  est  associée  à  l'octave  grave.  Elle 
apparaît  surtout  quand  elle  s'en  détache,  comme  dans  le  dernier  mot  que 
je  viens  de  citer. 

GROUPES   DE   TROIS   ET   DE    QUATRE   SYLLABES 

Vibrations  du  larynx  (expl.  électr.).  Elles  sont  fort  belles. 
p-a-p-a-p-a  p-â-p-â-p-â         p-à-p-o-p-o 

320  360  360,410    290  360  400    380  380  400 

300  360  400       320  360  410 
p-œ-p-œ-p-œ        p-ô-p-Ô-p-ô        p-à-p-à-p-à 

340  360  400    360  400  440    360  360  400 

400  360  440 

Vibrations  du  larynx  (expl.  à  air)  : 

p-a-p-a-p-a  a-p-a-p-a-tp-a 

400  360  440   480  400  360  440 


l'abbé  rousselot. 


PHRASES  ET   DIALOGUES 

Les  phrases  ou  parties  de  phrases  qui  suivent  ont  déjà  été  traduites  dans 
k  chapitre  précédent.  Quoique  l'ordre,  dans  lequel  elles  sont  rangées,  ne 
soit  pas  le  même,  on  les  retrouvera  sans  peine,  les  feuilles  d'expériences 
étant  désignées,  comme  plus  haut,  par  des  chiffres  romains,  et  les  lignes 
par  des  chiffres  arabes. 

Vibrations  du  nez  et  du  larynx.  Les  tracés  sont  ordinairement  bons  et 
d'une  lecture  facile.  Les  vibrations  du  larynx  et  celles  du  nez  concordent. 
Celles  du  nez  donnent  souvent  la  gamme  exacte  avec  l'octave  grave.  Celles 
du  larynx  ne  donnent,  sauf  deux  cas,  que  l'octave  grave. 


/ — u    n — â — 5e~ii      p--à  by~e 

i  400 
i  800 
L.  400  360  400  360  320 


N 


N. 


V.   I.  m--d    p--ô--v  py-à r ë    v  p-â--yr--ë 

N.  480 

L.  480    440      440    420    420      440    300 

hvuvuj~è         0  n Ô. . .  . 

Il  360     320 

I  720^    640 

L.            480    400  320 

....  .fobpr-à dr  e     €--è~và 

(  320.360  380.300  (  380 

N.     100    400     ;      ^      \    ^      \  \^ 

*        ^      (  640.720  760  I  760 

L.    1,200^  300.320  380 

2 .  pr  pârt—ï  dé  pu  m à — / — ï .... 

N 400        440  j  ^600 

L .        400  400 

3 .  kœ  blâ  n   epïj  pà  dé  k  ta  k-ûm  ko  fà:^  â — t — â 
{  360  j  360  400  [  240 
/  720                          j  720  (  480 


400 
1.200^ 


N. 


ï  Vibrations  très  rapides  et  secondaires.  6  doubles  par  ^^  de  seconde. 


LES   MODIFICATIONS   PHONÉTiaUES  DU    LANGAGE.  189 

« n  br — è—g  pà  t—à  —  4.  k—ê  d — ç-tr-4    f — t   — 

N.  360  360    400     440      400  500  440  300 

L.  380  440  300 

5 .  s — Ô  ppà  ê        sa     k—î—t     mm à        sô         kî 

L.   400  420  400      360        400 

6.  firs  è  pt—t    pr  à        su 

N.         440     500    440  j  ^^^ 
L.        400 

VI.  I.     àp,  y— à!  k~ô-k—î  — 
N.  360 

L.  400    480    280 

2.  l-à     bàlUs—o—d  p-o—trï—tt 

N.  260 

L.  320  380      400    300.260 

4.  j—ti-g,  p-è — / — t  —  œp !        g—œ—là~r!  «  heup!  gueulard!  » 

XT  I  320         .     i  280  o       , 

L.  280    400  340 

Vn.   I.    y        à — t—â  b  €-à—tà. 

T,T  i  140     180       ,     i   160 

N.  ]     ^         ,       160  i 

(  280     360  (  320 

L.  140 

2 t--û  s — ê         b  s è -fi-lâ  su      të 

XT  o     (  360 

N.  320    400     380  I  •' 

-^         ^         -^       (  720 

L.  380  400  320 

. . .  .u   p — / F       bè        b y è ^ 

VT  ,  \   320  280.240 

N.    320    360    500    320    320    340  ,  ^^„^^„  jgo 

L.    320  320    320 

*  Voir  fig.  106. 


î^o  l'abbè  ROUSSELOT. 


3 .  —  / n  pô  pà  €--à — ta  kû-m      ô  f—o  ^        p-às  k — î   5-u 

N.j  400  400        400  360  400  400.400.600 

L.    360    400  420  360.320  360 

tu  r~o—€ — û.  —  4.  (Jià  pas  tu  .?)     /   k — r è  k   v  € — â-trî--è 

\z 

L.    400  300  360    480  440  440  500 

s — î  V — ê—v  j-b-rs—à—v — è  ^  è  ptî ^ ô.   —  ïn 

XT  ô  (  480  i  400 

N-     400  4B0  440       \l^^  j^^^ 

L.  400    380    400    480.440    440  320     400 

kr ê  p-à.  —  5 .  {kî  pùj)  î  f—è—r-e  €—o~f—à  d--è  s-ër 

N.  480  éoo  460  460  440  440.420  400  500 

L.                   340  460  400  420  400 

îin      € b s        k-i      à--tà€-re        0 — / — ûr 

N.     400  640.300  440    440    440  j  ^^^ 

L.  400.320.300    320  440    460     480.420.360 

d-œ  k-o.  û     p'r — été — n â  3  —  6.  kê  kwè  bô  pr 

N.  480.360  j  ^  '  '^    360  380  440  440  480         440  (?) 
(  640 

L.         320.260    380.440  440  (?) 

f-'êr  p — à — s — à     k — ô — k — î  t  pr — à--d--n 

N.  440.400  440  480  440   ^       240  440  500  480.480 

L.     400  440  480  440   300  500 

b         è  l  ê  d  p-îi /        à~t—îl 

1.T         O  \  220  (  440     _        (360     __      __      -. 

^-     480     440  j  ^^^     440     440  I  ^^^     600  j  ^^^     56o.58o.56o 

L.     480    440  440  300      360 

8.       in-e  î  n è        pà        è        kît        Û.  — 

XT  ^i\  i  280.240 

N.  520  440  440      440  400  (?)  I  ^^^ 

L.      440      440  440        280 


ï  Voir  fîg.  57.  jj  2  Fig.  38  (la  ligne  nasale  manque  dans  la  gravure). 
11  '  Fig-  49- 


LES   MODIFICATIONS   PHONETiaUES   DU   LANGAGE.  I9f 

â n       â m       té?  — 

N.     480    480  440     500 

L.     480  480  480 

VII.    I.  tn  krè  pà.  k—ë—l  €—<~t—ï    c—à—t  l^ô  tn  khs-à    kl — e.  — 
N.  320      440     420     480 

L .  400       280 

{km — a)  k—ô—k--ô—t — è         à vy à    p — Ô—g—ù. 

N.  520  480  600  520  400  400  440   ^ 

L .  440      280 

è    5—é--r  k-y-à-i-i  €--à       l — û 

KT    o        o      i  360  (  360. 360.320 

N.     480     520     380     420.     ^  ,Q  . 

^    ^   f  720  680.640     /  720  720 
L.  480  360 

p~t—k—o         n à     d—i—5~î  ké  l-à  fœl 

(  120 

N.  •  ;;~   _    400  480  520  720 

/  640  520  ^    ^    -'     ' 

L.      52o(?)    480  400 

dé  r—d dr  àt—y â  bû—n        à—t — û 

N.    560         440  400      600  j  ^ 
L.        560  420  360  600 

à V — é — k        d à         m è 


XT  \  360.280.280  360  i  240 

N.  440  520        ^  ,  440     400  ]  ^  \     1. 

^^     ^         {  720.560  ^^       ^       (  720.740  I  480 

L.     500  240 

3.  t—à~^  à b œ / è        à n à~t—é — / — e  àgù 

N.  600  560  520  560  500  400      440  360 

L.      560  440      360  360  400 

k-t--à  nàd?  —  wa,  etc.  —  (Le  reste  serait  bon  mais  n'apprendrait 
j^    i  360  ^^  rien  de  neuf.) 

I  720 
L.      360 

Les  tracés  suivants  sont  empâtés.  Le   larynx  ne  donne  que  l'octave 
grave  du  son  marqué  par  le  nez,  la  contre-octave  du  son  réellement  émis. 


192  l'abbé  rousselot. 


I.  I.  à~t~â-t — M  £ — â — t—à  kœ  kuk—u?  —  t — à! 
N.        440    480 

L.  240     240    200     200  280  320 

ek-îi-t ,  €-â t-tœ  6 — ô  su  ! 

N.  480.440 

L.     300  520 

wè  k—ô~t—à,  t~al. . .  —  (Jw  pà6  dèsu  tè), 

N.     560    640 

L.  300 

6--è  k-t-û  puj  à — / — à-dr.  tàe 
N.  540  560  480  560 

d'-à  pr — â — dr  l — 

N.  520  480  560 

II.  3.  k~ô~n  fà  p—à     h—ô  p—à—s~à  su  Me  f~ô—6—à 
L.  400  480     520     440     480  360     730 

III.  I.  k~â  drà-tù  àehà?  —  2.  pà  e~k~è—r.  — 
N.  520  460 

L.  309.260.240 

4.  ta  k—î  ê  jôlt  p-ô~p — d! 
N.  480  400  520  560 
L.  280 

à-t  Va- tu  pr-e    t — 5    p-ô—p—ô.  — 
N.     éoo  560     560 

L.     300  280     280     280    240 

5.  kœ  p—Ô—p--ô!  t  Ve  à—et  à  à  t-ô    t~ô—t~d. . . . 

N.  480     éoo  480     600  ]  "  f-  ' 

L.  300        260  300      280 

6 dy-â-hl  t-ûn  à p nr!^ 

480       440     440     480 
240       240       220     220     240 

8 û  tet  k-îïm        e     bîk—ê 

520     480 

320.260 


^  Voir  fig.  41, 


LES   MODIFICATIONS   rHONETIQUES   DU    LANGAGE. 


193 


I\'.  I.  lii  bîk-c      né  m-à     pà      ta  kkô. 
N.  400  480  520 

L.  400  400 


RÉCIT 


J'ai  choisi  comme  exemple  de  récit  le  commencement  du  conte  du 
Petit  Poucet  qui  fournit  des  intonations  très  variées.  Voici  le  texte  et  la 

traduction  : 


è  jur  ko  y  àin  un  ôm  è 
fin  fœm  k  àvyâ  sH  àfà. 
le  pu  jcn^  k  ati  grb  kftm 
rë,  sàpêlàv  l  pit  pési. 
V  atyà  tnàlœniy  niàlœrii 
kûm  là  pyèrè  :  ï  n^àiyâ, 
bûn  jà!  pà  d  kît 
pà  à  mtjà.  ê  sèr  kè  lôtn 
ë  là  fœm  ètyâ  à  s  €ofâ,  lu 
pie  su  lu  làdië  :  «  k  Vîi-tfi , 
ma  pov  fœm,  kè  disî  ICym, 
fbb  kè  nàjâ  lé  pàrdr  : 
ïn  pô  pà  lit  ver  svfrî  pâ 
lôtà.  » 


Un  jour  ça  y  avait  un  homme  et 
une  femme  qui  avaient  sept  enfants. 
Le  plus  jeune,  qui  était  gros  comme 
rien ,  s'appelait  le  Petit  Poucet. 
Ils  étaient  malheureux,  malheureux 
comme  les  pierres  :  ils  n'avaient, 
bonne  gent  !  pas  de  quitte  (même  de) 
pain  à  manger.  Un  soir  que  l'homme 
et  la  femme  étaient  à  se  chauffer,  les 
pieds  sur  les  landiers  :  «  Que  veux-tu, 
ma  pauvre  femme,  que  dit  l'homme, 
faut  bien  que  nous  allions  les  perdre  : 
je  ne  puis  pas  les  voir  souffrir  plus 
longtemps.  » 


L'inscription  d'un  morceau  de  quelque  étendue  ne  se  fait  pas  d'ordi- 
naire sans  de  nombreuses  lacunes.  Pour  les  combler,  j'ai  renouvelé  plu- 
sieurs fois  l'expérience  tant  avec  l'explorateur  à  air  qu'avec  l'explorateur 
électrique. 

Je  donnerai  d'abord  tous  les  renseignements  que  j'ai  recueillis,  et  puis 
je  tâcherai  de  les  fondre  en  une  notation  unique. 

Je  désigne  par  L.  A.  les  vibrations  laryngiennes  prises  avec  l'explora- 
teur à  air,  par  L.  E.  celles  qui  ont  été  recueillies  avec  l'explorateur  élec- 
trique, par  L.  les  vibrations  linguales,  par  N.  les  vibrations  nasales.  Les 
chiffres  arabes  désignent  les  diverses  expériences.  Dans  le  relevé  qui  suit, 
je  m'attache  de  préférence  aux  parties  qui  complètent  la  meilleure 
inscription. 


arVTE   DES   ?ATOB.    —    IJ. 


194 


l'abbè  rousselot. 


L.  A. 


L.  E. 


L.  A. 


L.  E. 


L.  A. 


L.  E. 


L.  A. 


L.  E. 


400  440 

520 

480 

280 

320 

40  ■• 

320 

320 

û 

440 
400 . 400 

320 


280 
300 
k--à—v—y- 
300 

360 
240  160 


—û r   h ô  y à V 1 

460.520   340         320   480 
600     440.440  380  400  360  420.440 


520.520 

240 

320 

380 

280 


400 
300 


—n 
360 
360 
360 

600  (N) 
150 


o~ 


320 


— m 


360 

360 

240 

240.240 

320 

400 . 400 

280 

300 

280 

è 

un       fd'tn 

320   400 


320  280.240  280  360  240.400 
320   320   320  3: 


;20 


120 


320 
320 


320 
q2o 


à 

360 


5 ë 1   â—f- 


400 
320  320  320.320 
320  320   300 
.  l-è 
320 


280 


280 

440  (N) 
300 


300 
400 
280 

300  280 
p ^ 

380  400.380 

480 . 440 

400 

200 

120 

260 
330 


240    200    240(?)200 
240    280  280.240  200 
320.280  320 


300       300    340 
400  (?)    280 

j—ê n  k—à--t—t 

340  480 

200     200  220 

240  220 

320  300 

360 

320  280 

360  250 


320   330 
320   300 

g r è 

360  320 

360    380.340 

220 


360 

330 
300 


LES  MODIFICATIONS   PHON'ETiaUES   DU    LANGAGE. 


19) 


2 

L.  E.  .  3 

5 
6 


k il m 

280   320 

320 

400   320 

(  56o(N)  200  200  240  240 


200 


(  . 


360 
2S0  200 


r-è   5--ii--p-i' / -àv       l--è  p-tï 

400 


400      320 
56o   480 

320 
280 
320.300  300  300 


320 
320  300 
320  260 


p—u—s—è. 


L.  A. 


L.  E. 


360 
360 


320 

320 
360 
280 


y à~t--y à  m à- — ht r à 

400   440   1:20     340 

^20  340      340.260  280  360  280  320  300.360 
340        320    280  320  320  340  320.300 

280 
340  340 
280 
320        ^60  280        320 

340 


L.  A. 


L.  E. 


320 
320 
320 


480   440  360 
360  320 

340 


300 
320 

280 


300 
300 

340 


280 


340 


l"à  p—y é—r-- 


320 
280.280 
280  300  280.300 
360   240 


320 


280 

320  340 
280  320  320 
280 


L.  A. 


L.  E. 


/  n--à — V y à,      b-n-n      /- 


^  I.  320 
/  3.  360 

3.  320 

4.  320 

5.  280 


à! 

320  280  360  320   360 
360  420     340  320   360 


p — à 


320 
320 


6.  310  300  280  300  320 

7.  400       400 


260  300.320 

400.360  380 


310 


300 


196 


LABBE    ROUSSELOT. 


L.  A. 


L.  E. 


L.  A. 


L.  E. 


L.  A. 
L.  E. 

L.  A. 
L.  E. 

L.  A. 
L.  E. 

L.  A. 
L.  E. 


d--è   k-it  p--à      à       m-tj—à. 
360 

360  360 


ê   s ë r  ké  l — ô m 

360.300  360 
320   340 


320 


300 


320 


320 


320 


320  290  320  300  320 


340 


\6o 


400 


ë 
360 


l-à 
320 


f--œ-m  àty à 

360     360.280 


!20 


320 


320 
320 


3.      320 

5.  320 

6.  320  280.300  300 

7.  340 
/ û        pi ë 

I.  320.340    340.300 

(  320.400.340(1.) 
\   320.400 


320.360 
360 
300 

300 

400 

à 
\   280 
/  56o(?) 


320 


300 

300   320 
300  280.280 
360  340.320 
s—é  €—o--f- à 


280  360.340 
320 


320  320 
320 


316 
320 
340 


6 Ù  1 Û 

340.300  320  340.280 

3  60  4C0 

300 


350        320 


300 


là di — ë,  lu  dr 0 /,     // 

250.400     380  360.320.340  380  360  300 

\  280.350  (L) 
\  280.350 
280 
320 

à — ty à  kû€-â  kv — û t-ii  m — a      p-o--v  j — x- — m, 

320  320  300   280  400.360  440  480.400  340   280 
280  360 

280  280   320 

280   280   340 
320  300   320  400.400    340.300 

k-è   d-i-s-t   1—0-7)1.  f- — 0 b  k-è   n--â--j--à   l û 

360  280  300       420.320   360        340.380 
300     300         330  400 

320     300  360  320 

300 


LES   MODIFICATIONS   PHONÉTIQUES   DU    LANGAGE. 


197 


3.  360 


p~à—rdr.         î—n      p ô       p-à       l—û         v—€~r 

I.  460    360.320   320.300     360.280  320.360 

i  320 
i  640 
5.  340      300      320   320        280.320 
s-ii-fr—î    p-H      l~ô-t~à. 
(  I.  320  320  280 

'  3-  340 

L.  E.     5.  320  320 


L.  A. 
L.  E. 

L.  A. 


Il  est  assez  facile  avec  cela  de  restituer  une  notation  complète  du  mor 
ceau.  Je  le  fais  en  choisissant  pour  base  l'expérience  L.  A.  i.,  et  en  la 
complétant  soit  avec  des  chiffres  empruntés  aux  autres,  soit  avec  des 
chiffres  que  je  suppose  d'après  l'ensemble  des  données  obtenues.  Les 
chiffres  empruntés  sont  mis  entre  crochets;  les  chiffres  supposés  sont  mar- 
qués d'un  astérisque.  J'ajoute  les  notes  musicales  les  plus  rapprochées  du 
nombre  des  vibrations.  Les  chiffres  indiquent  la  gamme  d'ut  ^  ;  mais  il 
faut  les  doubler  pour  avoir  la  gamme  naturelle.  Nous  avons  rencontré  çà 
et  là  l'indice  que  le  son  inscrit  est  à  l'octave  grave  du  son  émis. 


400  440  460   520 


340  *290  *3oo  320  480 


I 


m 


i 


^ 


^ 


i^ 


ko 


y a V ï 


440   360   320  [280  240]     *30o   320  *340  400 


i 


-A^ 


M 


1^ 


300  [280]  360  [320  280   320]  *300  *260 


lot 


P 1^ 


x:^ 


kâ- 


-vy à 


se- 


198 


l'abbé  rousselot. 


320  400  380  [480]  [400   440]     360  320  *30o  280  320  *3éo 


i 


?^~^"rU 


i 


?a! 


lé      pu  jcn,       kà tî  g r 0      kû-—m       rë, 

*32o     400     *36o     [320     360]    *300 


i 


^J^     J      ^     Tt^ 


|t= 


sa -plàv      lé        ptï        pîL se. 

[320   340  340  260   280   360  280   320   300   360] 


0        # 


^ 


M 


y à ty à  m à / œ r û, 

320      480       440       360       [340       320       280]      [340      320] 


i 


i 


52 


5i 


m -à là rû         kûm         là        py e rë  : 

[310   300   280   300   320]     280   360   320   360 


i 


# 


^ 


tj   r    p 


1^ 

t        nà V -y à,  h un 

[300    *290      320      290       320      300J 


pà    d    ht        pà 


ml -jà. 


[3: 

i6\    360 

300 

360     [360 

340       320] 

360 

320 

ti 

y 

fr\ 

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-xO    - 

i^ 

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ît* 

V 

w 

w 

ké        Vô m 


là 


LES    MODIFICATIONS    PHONÉTIQUES    DL    LANGAGE. 


199 


360      *320  360  2§0  280  [280  360  340] 


è-^—^'^-'^^: 


6é 


M 


fœm        a tyà  à  6è  €0 fà, 

320  340  340  300  340  300  320  340  280  260  400  380 


m 


J^~^^~~^~\ 


ité — é- 


§     ê 


360 


-il  p\- 


-i'         611 


l ti 


là di è  : 


320     340     380     360     300     320     320     300   *300    280 


52 


i 


:pE 


é      ^      CJ 


(M  dro /        H        à tyà  kû — ai) 

400  360  440  480  400  340  280  360  280  300  *28o 


3 


i^ 


^M. 


M 


U     ''     ^    ^^    ^ 
pov     f(i'm,      ké     df 5/      rôfUy 


kvii — 
420 


tu  ?       ffjâ 

320  360  [360  320]  340  360  460  360  320  320 


i 


i 


M 


tÉZ=$s 


^ 


^ — é— 

JQ ])         ^        no, jQ,         l u      pârdr  :  î n       pô 

300  [320]  360  280  320  360  320  320  280  *26o  *26o 


m 


* 


t^ 


pà 


0 — ■—* 


l {i  y cr       iù — -frî       pu       là ta. 


200 


l'abbé  rousselot. 


A  un  moment  où  je  ne  savais  pas  encore  si  je  pourrais  déterminer  la 
hauteur  des  sons  par  des  moyens  mécaniques,  j'avais  eu  recours  à  l'oreille 
exercée  de  M.  Ballu  pour  me  renseigner  sur  ce  point,  et  j'avais  choisi 
comme  thème  les  quelques  phrases  que  l'on  vient  de  lire.  La  notation  qui 
fut  faite  alors  est  assez  semblable  à  celle  que  j'ai  obtenue  peu  après  à 
l'aide  de  mes  appareils.  Les  différences,  en  effet,  tiennent  soit  aux  variantes 
inévitables  du  débit,  soit  à  ce  fait  que,  pour  rendre  plus  facile  la  tâche  de 
M.  Ballu,  j'avais  élevé  le  ton  habituel  de  ma  voix. 

Depuis,  environ  deux  ans  après,  j'ai  eu  l'occasion  de  demander  à  mon 
compatriote,  M.  Dumas,  chef  d'orchestre  et  violoniste,  une  nouvelle 
notation  du  même  morceau,  débité  cette  fois  sur  le  ton  ordinaire  de  la 
conversation. 

Je  livre  ces  deux  notations,  où,  à  travers  certaines  différences,  on 
retrouvera  le  même  fond.  Ce  sera  comme  une  épreuve  de  mes  moyens 
mécaniques,  et  en  même  temps  un  exemple  de  l'impression  définitive 
que  laisse  dans  l'oreille  la  hauteur  changeante  et  souvent  insaisissable  de 
l'émission  réelle. 


NOTATION    DE    M.    BALLU 


}  r  }  J  }  } 


t 


s^t 


ji'ir,       ko        yà vï         un        ôm        è         un      firm 


^:    ^H 


}  ,ï-  !■  > 


S=^ 


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-vyâ      set         à -fà.  Je        pu       jèn, 


kâ- 


^^ 


LES   MODIFICATIONS   PHONÈTiaUES   DU    LANGAGE. 


201 


^e 


t  II  ; 


i 


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_)•« — /vJ        ///<7 — //r rw,     ;//<7 — Ar ni     ^</m     là     py'e — rë 

9:        ^x  ^ 


^- 


\^ T»-* ' — — ' 


^ 


iià—vyà,    biin    jâ  ! 
O 


pà       de     kit     pà      à      mi—jâ. 


#^- j  j  /  J' ^ 


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t=;!S=î 


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e       ser 


kt^       idtn       è 


la       fœm      à tyCi      a       .<«' 


^ 


lOL 


202 


l'abbé  ROUSSELOT. 


à 


S    h    \s  : 


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m 


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€0 — -/a,     lu       pt 1 


su 


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à tyà       kû m)  :  kvu tu  ?     ma.       pbv      fœm 


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lu      pàrdr  : 


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i  k  h  -f^ 


ê 


pô       pà         lu        ver       su -frî       pt'i         lô ta. 

—9r 


^ 


tn 


^- 


^-G- 


LES   MODIFICATIONS   PHONÉTIQUES   DU   LANGAGE. 


NOTATION    DE  M.    DUMAS 


203 


î 


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y  à li 


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ôm         ê      un      fœni        kà vyà    sèt      à — -fd. 


6=?S 


isz=h 


tv 


t=s 


F> 


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lé      pi'i       jën,     kà — ii      gro    kûm 


ri. 


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U       ptï     pu- 


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yà- 


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V 


i 


4 


^ 


^ 


tyà       nia lœ ni,       ma là rû         kûm       là 


h  k    N   Ml   f^=¥^ 


^ 


E^ 


S^ 


\\>0    jé     4    0    \^'     J^  t 


i 


5 


p)é — rë  :  î      nà — vyà,  hûn         jà!  pà  dkU   pâ     à      mi — jà. 


r  r    7 


¥ 


IV— K- 


^ 


5^r,      kè      lôm       i        là 


204 


LABBE    ROUSSELOT. 


r:K 


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i 


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^fcfcà 


^^ 


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fc 


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^# 


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drôl,     il 


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h  k  h 


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3 


^^ 


t 


fbb       kè       m 'jà         lû      par dr  : 


é^ ^ 


1^        ^        f^        1^       f=ï? 


^^=? 


t 


in       pô      pà       lû      ver      su — -frî      pu        lô- 


-tâ. 


^^- 


Les  chiffres  relevés  dans  ce  chapitre  nous  permettent  de  faire  les 
constatations  suivantes  : 

1°  Les  voyelles  isolées  ne  se  distinguent  pas,  dans  les  limites  de  la  voix 
ordinaire,  par  une  hauteur  musicale  propre  à  chacune  d'elles.  En  effet, 
émises  à  la  suite  les  unes  des  autres,  elles  conservent  sans  peine  le  même 
ton  (p.  122).  L'expérience  signalée  p.  114  ne  saurait  faire  difficulté,  car 
les  voyelles  citées  n'ont  pas  été  prononcées  dans  le  même  instant,  et 
puis  les  différences  de  ton  qui  existent  ne  peuvent  être  attribuées  à  la 
hauteur  naturelle  des  voyelles,  attendu  que  ô  et  ^  ont  été  dits  sur  un  ton 
plus  élevé  que  à  et  e.  Cette  remarque  nous  permettra  de  pousser  plus 
loin  que  pour  la  quantité  notre  étude  sur  le  discours  suivi,  où  nous  ne 
serons  plus  astreints  à  ne  comparer  que  des  sons  identiques. 


LES  MODIFICATIONS   PHONÉTIQUES   DU   LANGAGE.  ^0$ 

2"  Les  consonnes  sont  en  général  moins  aiguës  que  les  voyelles 

i  k~r ë    (p.  126),  €-a — -; a,  etc.  (p.  123),  s--a ;^ a  (p.  123) 

400  480  400  228  320  300  228  340 

Plus  rarement,  elles  sont  du  même  ton  :  k--a — -ç a  (p.  123). 

320  280  280 
3°  D'ordinaire  le  voisinage  d'une  voyelle  rend  la  consonne  plus  aiguë 

et  celui  d'une  consonne  abaisse  le  ton  de  la  voyelle  :   m — m a  (p.  135) 

360  420  480 
fa — va  (p.  121),  voir  surtout  le  beau  tracé  reproduit  fig.  115  : 
320  300 

200.220.240  I  300.300.280  I  320.280.320.280 

4°  La   voix   (je   veux  dire   la   mienne)    varie    souvent   de    hauteur 

pendant   la   durée   d'une  même   syllabe  :   by 1  (p.  125) 

640.640.560.480 
baf a  (p.  121)  at u  (p.  126). 

340.360.340  560.580.560 

Ces  chiffres  ne  rendent  qu'imparfaitement  compte  du  phénomène.  Il 
n'y  a  pas  changement  brusque  de  ton,  mais  progression  régulière;  on 
voit  très  bien  les  vibrations  devenir  de  plus  en  plus  larges  pu  étroites, 
par  conséquent  de  plus  en  plus  lentes  ou  rapides  (voir  fig.  115).  Pour 
donner  une  idée  exacte  de  la  chose,  il  faudrait  mesurer  chaque  vibration. 
On  a  pu  remarquer,  dans  les  tracés  (fig.  73),  que  le  régime  du  souffle 
varie  aussi  pendant  l'émission  d'une  voyelle  qui  me  donne  une  impression 
unique. 

5"  Il  existe  un  rythme  musical,  comme  il  existe  un  rythme  temporel 
et  un  rythme  intensif.  Mais  ce  rythme  nous  apparaît  moins  entravé 
que  les  deux  autres  par  les  conditions  matérielles  de  l'émission,  et  le  plus 
apte  par  conséquent  à  rendre  les  nuances  de  la  pensée. 

Dans  les  groupes  artificiels,  il  semble  peu  différent  des  rythmes  déjà 
étudiés.  Les  mots  de  deux  syllabes  ont,  d'ordinaire,  l'accent  d'acuité  sur 
la  seconde  syllabe  qui  se  trouve  plus  aiguë  que  la  première  d'un  inter\Mlle 
qui  varie  en  moyenne  entre  un  ton  et  un  ton  et  demi. 

Même,  dans  le  discours  suivi,  lorsque  rien  ne  contrarie  le  rj'thme 
musical  naturel,  nous  trouvons  la  même  différence  dans  les  mots  de  deux 
syllabes.  Ainsi  nous  avons  rencontré  pasà  «  passer  »  avec  400  et  480  v.  s. 
(p.  126  et  128),  kàvyà  «  qui  avaient  »  avec  300  et  360  v.  s.  (p.  130). 


206  L*ABBÈ   ROUSSELOT. 


Une  seule  expérience  (p.  123)  donne  des  résultats  différents.  Nous  y 
trouvons  : 

I"  syll.  <  2=  syll.,  6  fois;  =,  6  fois;  >,  3  fois. 

Comment  expliquer  ce  fait  unique  ? 

Je  n'y  vois  qu'une  seule  raison.  Je  me  suis  livré  à  ces  expériences 
immédiatement  après  des  expériences  analogues  de  M.  le  docteur  R.  qui, 
ai-je  dit ,  est  bourguignon ,  et  qui  a  conservé  la  tendance  naturelle  à  ses 
compatriotes  d'élever  la  voix  sur  l'avant-dernière  syllabe  (voyez  p.  121). 
C'est  sous  l'influence  de  ce  que  je  venais  d'entendre  que  j'ai  dû  modifier 
mon  accent  naturel.  Ce  fait  a  sa  signification  :  il  montre  que  l'accent 
d'acuité  n'est  pas  bien  solidement  fixé  chez  moi  sur  la  dernière  syllabe , 
et  qu'une  cause  légère  peut  en  amener  le  déplacement. 

Les  groupes  de  trois  et  de  quatre  syllabes  ont  tous  un  accent  d'acuité 
sur  la  dernière  syllabe.  La  première  syllabe  a  été  une  fois  la  plus  aiguë 
du  groupe.  Mais  cela  n'a  rien  d'anormal,  et  n'empêche  uas  que  le 
rythme  musical  ne  concorde  avec  le  rythme  intensif  et  le  rythme 
temporel. 

Mais  où  une  différence  se  manifeste  c'est  dans  le  traitement  des  atones, 
des  toniques  secondaires,  et  surtout  dans  les  phrases. 

Les  groupes  oxytons  contiennent  les  formes  suivantes,  où  les  degrés 
supérieurs  d'acuité  ou  de  gravité  sont  marqués  par  la  répétition  du 
signe  ^  ou  ^  : 


1°    u 

i   )     6  fois. 

2°      ^ 

i   ;     2  fois. 

3°     ;    \ 

;;     2  fois. 

4°     ;; 

\   u   ;     I  fois 

Nous  y  voyons  se  dessiner  les  formes  dominantes  dans  le  discours  suivi, 
dans  lequel  l'acuité  suit  une  marche  croissante  ou  décroissante  et  dépasse 
le  cadre  des  rythmes  intensif  et  temporel. 

Les  groupes  terminés  par  une  atone  ont  l'accent  musical  à  la  même 
place  que  l'accent  historique,  alors  même  que  l'atone  est  devenue  plus 
longue  et  plus  intense  que  la  tonique.  Ainsi  [dé  là  ka]€çâ  (p.  122)  donne 
)  y  —  440,  400  v.  s.  pour  une  durée  de  j^  et  ^  de  seconde.  Il  en  est  de 
même  dans  le  discours  suivi  quand  le  mouvement  de  la  phrase  n'exige 
pas  un  déplacement  de  l'accent  musical;  par  ex.  :  kôkotë  (p.  127)  Mi  ;  [  — 
480,  600,  520  pour  une  durée  de  6,  8  |,  11  |  centièmes  de  seconde; 
àbœle  (p.  127)  :  m  ;  u  m  —  560,  520  et  560,  500  et  400  v.  s. 

6°  La  phrase  est  un  chant  dont  la  mesure  suit  l'intensité  ou  k  quantité 
des  syllabes,  et  la  mélodie,  avant  tout,  les  mouvements  de  la  pensée. 


LES   MODIFICATIONS  PHONÉTIQUES  DU    LANGAGE.  207 

L'accent  d'acuité  frappera  volontiers  les  syllabes  les  plus  intenses  et  les 
plus  longues,  mais  il  n'y  est  pas  lié.  Les  atones  posttoniques  peuvent  le 
recevoir.  Dans  âmltçl^  àgft?  «  en  ont-elles  eu?  »  l'f  a  porté  l'accent  tem- 
porel puisqu'il  a  duré  ^  de  seconde,  et  1'^  final  ^  seulement;  il  a  dû 
aussi  porter  l'accent  d'intensité,  c'est  ainsi  du  reste  que  je  le  sens.  Mais 
c'est  Vt  final  qui  a  reçu  l'accent  musical  :  500  s.  v.  contre  400  à  IV  pré- 
cédent (p.  127). 

Inversement  des  toniques  intensives  peuvent  devenir  des  atones  musi- 
cales dans  le  corps  même  de  la  phrase  :  kél  €eti  €àt  (p.  127)  :  \  >  \  yy  n  — 
320,  440,  420,  480  v.  s.;  viô pqv pyàrç,....  (p.  124)  :  M  \  u  —  480,  440, 
440,  420  V.  s.;  ma  pqv  fcBm,....  (p.  132)  :  M  u  — 480,  340,  280  v.  s.; 
î  prâdrib  e  lé  dpîiL...  (p.  126)  :  u  ;  u  u  u  u  —  440,  500,  480,  480,  440, 
440,  440  V.  s. 

Les  finales  de  phrases,  lorsqu'elles  sont  conclusives,  comportent  une 
ou  deux  atones  La  B,  potrîn  (p.  125)  :  m  —  400,  360  puis  320  v.  s.; 
[prfér]  pàsâ  kôkî  (p.  126)  :  w  ]  i  u  —  440,  480  \  440,  300  puis  240  v.  s.; 
....  [k  tm  kô]kote  àvyâpôgu  (p.  127)  :  ;m  |  u  i  |  vu  wu  —  600,  520  |  400, 
440  I  360,  280;  . . .  tàké  dotrefè  (p.  125)  :  M  ;;  ;  u  —  440,  400,  500,  440, 
300. 

Lorsque  le  mouvement  de  la  phrase  fait  concorder  les  divers  accents, 
l'acuité  normale  est  accrue  sur  la  syllabe  frappée  : 

ké  pôpô!...  (p.  128)  :  480,  600  V.  s. 


Note  sur  les  sons  disparaissants. 


Nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  considérer  certains  sons  en  tram  de 
disparaître,  et  nous  avons  pu  constater  que  les  premiers  pas  dans  cette 
voie  sont  marqués  :  pour  les  consonnes  sonores,  par  la  perte  des  vibra- 
tions larj'ngiennes;  pour  les  voyelles,  par  une  diminution  de  l'intensité 
et  de  la  quantité.  Il  serait  inutile  de  revenir  sur  ce  sujet,  si  je  n'avais  à 
rapporter  un  fait  qui  n'a  pas  trouvé  sa  place  jusqu'ici  et  dont  l'impor- 
tance est  considérable.  En  effet,  il  nous  montre,  non  le  commencement, 
mais  la  dernière  étape  d'une  évolution  ;  et  il  nous  révèle  la  présence  d'un 
je  ne  sais  quoi  qui  remplace  une  consonne  disparue. 

Frappé  par  la  différence  qu'il  y  a  dans  le  parler  d'un  Lorrain  (La 
Chaussée,  Meuse),  entre  àp  «  arbre  »  et  le  composé  normal  àp^  différence 


2o8  l'abbé  rousselot. 


que  j'attribuais  au  p  représentant  d'un  ancien  b,  j'entrepris  une  expé- 
rience pour  résoudre  la  difficulté. 

Dans  les  tracés  que  je  pris,  rien  ne  décèle  une  articulation  spéciale 
pour  le  p  de  ap  «  arbre  »  ;  mais  un  espace  sourd  marque  la  place  de  l'r, 
tombée  pour  l'oreille.  La  comparaison  des  deux  tracés,  si  l'on  rapporte 
l'instant  où  le  larynx  cesse  de  vibrer  avec  celui  où  les  lèvres  se  ferment, 
ne  laisse  aucun  doute  à  cet  égard. 

Fig.  ii6.  Vsse  c. 


Larynx 


Lèvres 


à -p  (arbre)  à-- p 

Qu'est-ce  que  cet  espace  sourd?  est-ce  un  simple  silence?  est-ce  un 
bruit?  Sans  avoir  la  certitude,  je  pencherais  pour  la  seconde  hypothèse 
en  raison  du  son  étrange  qui  frappait  mon  oreille  et  que  j'attribuais  à 
tort  au  p.  A  coup  sûr,  ce  n'est  plus  une  r. 

Ainsi  les  lettres  vivent  encore  alors  que  nous  les  croyons  mortes,  et 
leurs  derniers  moments  nous  échappent  comme  leurs  premiers. 


Les  conclusions  de  cette  première  partie  sembleraient  appeler  des 
modifications  importantes  dans  la  graphie  de  mon  patois.  Toutefois  je 
résiste  à  la  tentation  de  les  faire.  Comme  elles  échappent  toutes  au  con- 
trôle de  mon  oreille,  je  serais  exposé  à  une  foule  d'erreurs.  Je  continue 
donc  à  écrire  mon  patois  comme  je  l'entends.  Le  lecteur  pourra  toujours, 
pour  des  cas  particuliers,  se  rendre  un  compte  exact  de  la  réahté  en  se 
reportant  à  ce  qui  vient  d'être  dit. 


Le  Gérant, 


LA 


MÉTHODE    GRAPHIQUE 

APPLIQUÉE    A    LA    RECHERCHE    DES    TRANSFORMATIONS 
INCONSCIENTES  DU    LANGAGE 


Tout  le  monde  sait  aujourd'hui  que  les  langues  ne  sont  pas  immuables, 
que  chaque  génération  reçoit  cet  instrument  de  la  pensée  humaine  avec 
les  amoindrissements  inévitables  à  toute  transmission.  Ces  modifications, 
trop  peu  sensibles  pour  frapper  les  sujets  intéressés,  transmetteurs  et 
récepteurs,  n'échappent  pas  toujours  à  l'oreille  exercée  du  philologue. 
Mais,  après  une  série  d'observations  sur  le  vif,  celui-ci  ne  tarde  pas  à  se 
convaincre  que  ses  oreilles,  comme  les  yeux  du  physiologiste,  ne  suffisent 
pas  à  leur  tâche.  Il  devine  que  l'infiniment  petit  contient  la  raison  de 
tout,  et  que  l'infiniment  petit  lui  échappe.  Mais  où  est  le  microscope 
adapté  à  ses  besoins  ? 

On  n'a  pas  attendu  jusqu'à  ce  jour  pour  rechercher  cet  instrument 
destiné  non  pas  à  doubler  la  puissance  de  nos  oreilles,  mais  à  les  suppléer 
quand  elles  se  récusent,  à  les  contrôler  quand  elles  se  croient  compé- 
tentes. 

Scott  avait  créé  son  phonautographe  pour  fixer  le  son.  Une  membrane 
armée  d'une  soie  de  porc  vibrait  sous  l'impulsion  des  ondes  sonores  sor- 
ties de  la  bouche  et  inscrivait  ses  mouvements  sur  un  cylindre  noirci. 
M.  Schneebeli  chantait  des  voyelles  devant  une  plaque  de  phonographe  et 
en  recueillait  les  tracés  sur  des  plaques  de  verre  enfumées.  M.  Barlow 
proposait  son  lologographe  qui  ne  différait  pas  essentiellement  du  pho- 
nautographe. 

Mais,  avant  MM.  Schneebeli  et  Barlow,  des  expériences,  qui  n'ont  été 
continuées  ni  par  les  physiciens  ni  par  les  linguistes,  avaient  lieu  au  Col- 
lège de  France,  dans  le  laboratoire  de  M.  Marey.  Elles  étaient  moins  ambi- 
tieuses que  les  essais  que  je  viens  de  signaler  ;  mais  elles  étaient  plus  pra- 
tiques et  les  résultats  qu'elles  ont  donnés  sont  des  faits  acquis. 

C'était  vers  1876.  Les  esprits,  qui  n'étaient  pas  attirés  comme  aujour- 

ftEVX.1   DES  VÀTOIS.   —    I4. 


210  l'abbè  rousselot. 


d'hui  vers  les  microbes  et  les  moyens  de  les  détruire,  étaient  vivement 
frappés  par  les  belles  applications  que  l'éminent  professeur  faisait  de  la 
méthode  graphique  à  la  physiologie. 

La  société  de  Hnguistique  de  Paris  comprit  que  la  phonétique  descrip- 
tive aurait  à  gagner  par  l'emploi  des  mêmes  moyens.  Une  commission  fut 
nommée.  M.  Havet  fut  chargée  de  diriger  les  expériences  et  le  D*"  Rosa- 
pelly,  qui  avait  montré  tant  de  sagacité  et  d'ingéniosité  dans  ses  recherches 
sur  la  circulation  du  foie,  eut  la  mission  de  les  exécuter. 

Nous  devons  à  ces  expériences  de  connaître  la  part  que  prend  le  lar3'nx 
dans  la  production  des  consonnes  sonores,  et  deux  appareils,  l'un  nou- 
veau, l'autre  considérablement  perfectionné  :  un  explorateur  des  mou- 
vements des  lèvres  et  un  explorateur  du  larynx  (1875). 

Mes  recherches  dans  cet  ordre  de  faits  sont  de  beaucoup  postérieures  et 
n'ont  commencé  que  dix  ans  plus  tard.  Les  premières  auxquelles  je  me 
livrai  se  rattachent  plutôt  à  celles  de  M.  Schneebeli  qu'à  celles  de  MM.  Havet 
et  Rosapelly. 

Je  cherchai  d'abord  une  trace  permanente  de  la  parole  et  je  la  demandai 
à  la  colonne  d'air  parlante  elle-même.  Ce  que  je  tentais,  c'était  donc  de 
trouver  dans  la  courbe  la  nature  du  son.  Partant  d'une  idée  que  m'avait 
suggérée  mon  ami  J.  P.  Deseilligny,  j'arrivai  à  construire  un  nouvel 
appareil  inscripteur  de  la  parole  ^  qui  est  en  réalité  un  téléphone  écrivant. 
J'ai  choisi  comme  manipulateur,  pour  me  servir  de  la  terminologie  du 
télégraphiste,  un  microphone  de  M.  Verdin,  à  charbons  horizontaux,  et 
j'en  modifiai  l'embouchure  pour  lui  donner  une  plus  grande  sensibilité. 
J'imaginai  de  prendre  comme  récepteur  écrivant  une  membrane  munie 
d'un  levier  amplificateur,  placée  dans  le  champ  d'influence  d'un  électro- 
aimant, subissant  lui-même  toutes  les  variations  électriques  de  la  plaque 
microphonique.  J'espère  qu'avec  quelques  perfectionnements,  on  pourra 
en  faire  un  bon  instrument  de  synthèse. 

Pendant  que  je  travaillais  à  cet  appareil,  j'eus  la  bonne  fortune  de  faire 
la  connaissance  de  M.  le  D""  Rosapelly,  qui  est  devenu  pour  moi  un  maître 
et  un  ami.  Des  problèmes  de  linguistique  me  préoccupaient,  qui  pouvaient 
être  résolus  par  la  méthode  qu'il  avait  inaugurée.  II.  voulut  bien  faire  les 
expériences  nécessaires  avec  moi.  De  cette  collaboration  sont  nés  six  ou 
sept  nouveaux  appareils.  M.  le  D"^  Rosapelly  trouva  le  moyen  de  recueillir 
les  vibrations  nasales,  et  remarqua  qu'il  était  possible  de  prendre  l'éléva- 


'  Pour  une  description  plus  complète  et  la  figure  de   cet  appareil  et 
des  suivants,  voir  Revue  des  patois  gallo-romans,  fasc.  14  et  15. 


LA    MÉTHODE   GRAPHIQUE  211 

tion  de  la  langue  au  moyen  d'un  tambour  placé  sous  le  menton.  De  mon 
côté,  je  trouvai  un  nouvel  explorateur  du  larynx  qui  donne  non  pas  seu- 
lement des  interruptions  de  courant  produites  par  les  vibrations  larj-n- 
gicnncs  comme  le  premier  appareil  de  M.  R.,  mais  les  vibrations  elles- 
mêmes;  un  appareil  pour  explorer  la  langue  sous  le  menton,  un  autre 
pour  mesurer  sa  pression  sur  le  palais,  un  nouvel  explorateur  des  lèvres 
qui  donne  à  volonté  les  mouvements  de  chacune  des  lèvres,  ou  seulement 
la  résultante  de  ces  mouvements,  à  savoir  l'ouverture  et  la  fermeture  des 
lèvres. 

Depuis,  des  recherches  sur  le  régime  du  souffle  émis  dans  la  parole 
m'ont  conduit  à  des  applications  nouvelles  du  tambour  inscripteur,  et 
m'ont  mis  sur  la  voie  d'un  nouvel  explorateur  de  la  respiration. 

Enfin,  j'ai  construit  un  micromètre  qui  me  permet  d'apprécier  aisément 

sur  mes  tracés de  seconde. 

20.000 

Aujourd'hui,  nous  disposons  donc  d'appareils  pouvant  inscrire  la  parole 
elle-même  d'une  façon  lisible,  les  mouvements  des  organes  de  la  parole, 
et  les  vibrations  de  chacun  de  ces  organes,  larynx,  langue,  lèvres,  fosses 
nasales,  et  jusqu'à  celles  des  dents,  c'est-à-dire  avec  la  synthèse  et  l'analyse. 

Avec  ces  moyens,  nous  pouvons  non  seulement  observer  le  jeu  des 
organes  et  enrichir  la  phonétique  descriptive,  mais  encore,  et  c'est  ce  que 
je  me  propose  de  montrer  dans  cette  communication,  nous  pouvons 
rechercher  les  modifications  inconscientes  qui  se  produisent  dans  un  parler 
quelconque. 

Les  modifications  qui  transforment  avec  le  temps  la  physionomie  des 
langues  sont  de  deux  sortes.  Les  unes  dépendent  de  notre  nature  spiri- 
tuelle; celles-là  n'ont  rien  à  faire  avec  nos  procédés  mécaniques  qui 
peuvent  les  inscrire  mais  non  les  expliquer.  Les  autres  résultent  des  lois 
de  notre  organisme  ;  celles-ci  sont  de  notre  ressort,  et  nous  pouvons  les 
prendre  dans  l'organisme  lui-même  avant  qu'elles  soient  devenues  sen- 
sibles à  l'oreille. 

Ces  modifications  comprennent  trois  ordres  de  faits.  Les  premiers 
résultent  d'une  tendance  soit  à  diminuer,  soit  à  exagérer  l'efl^ort  organique 
qui  bouche  le  passage  à  l'air  phonateur.  C'est  ainsi  que  des  instantanées 
ladnes  sont  devenues  pour  nous  des  continues  :  sapo)ietn  =  saxon.  Caput 
=  chef  —  diminution  de  l'effort.  Au  contraire  le  u-  germanique  est 
actuellement  chez  nous  g  —  exagération  de  l'etfort. 

Les  seconds  sont  dus  à  l'action  du  rythme  qui  s'impose  aux  mouvements 
successifs  de  tout  organisme  vivant.  Ainsi  des  syllabes  que  nous  croirions 
égales  diSerent  de  longueur;  d'autres  que  nous  voudrions  produire  avec 


212  l'aBBÈ   ROUSSELOT. 


une  même  intensité  ou  une  même  hauteur  musicale,  si  nous  nous  aban- 
donnons, varient  à  ces  deux  points  de  vue.  C'est  sous  l'influence  de  cette 
cause  que  les  atones  latines  sont  tombées,  que  tabula  est  devenue  tabky 
que  nos  e  muets  disparaissent,  que  décolleter  est  devenu  décolter. 

Les  troisièmes  doivent  leur  naissance  à  la  tendance  de  notre  organisme 
à  l'économie  dans  les  efforts  successifs,  tendance  qui  se  manifeste  par 
l'assimilation.  Ainsi  une  consonne  sourde  entre  deux  voyelles  tend  à 
devenir  vocalique  :  dans  saponem,  le  larynx  en  mouvement  pour  a  et  qui 
devait  reprendre  ses  vibrations  pour  o  a  persévéré  dans  le  mouvement 
commencé  et  l'on  a  dit  sahon,  comme  font  encore  les  méridionaux.  Inver- 
sement dans  abcès,  le  larynx,  qui  doit  cesser  de  vibrer  pour  c,  devance  le 
moment  du  repos  et  tend  à  changer  le  b  en  p,  si  toutefois  la  transforma- 
tion n'est  pas  déjà  accomplie. 

Ces  trois  sortes  de  modifications  se  font,  avons-nous  dit,  lentement, 
par  des  étapes  insensibles  à  l'oreille. 

Or  nous  sommes  à  même  de  les  saisir  avec  nos  appareils. 

Les  péripéties  de  la  lutte  vocale  qui  s'exerce  entre  la  poussée  de  l'air  et 
les  organes  de  la  voix  nous  sont  révélées  par  le  régime  du  souffle  expiré  ou 
par  les  mouvements  de  la  langue.  Nous  pouvons  mesurer  le  souffle  et  en 
apprécier  la  vitesse  au  moyen  d'une  embouchure  qui  conduit  celui-ci  dans 
un  tambour  inscripteur.  Nous  inscrivons  les  mouvements  de  la  langue 
avec  les  appareils  déjà  nommés. 

Les  effets  du  rythme  sont  faciles  à  apprécier  au  moyen  des  inscriptions 
du  larynx  et  du  nez.  La  longueur  du  tracé  donne  la  durée  du  son;  le 
nombre  des  vibrations,  la  hauteur  musicale.  L'intensité  est  une  consé- 
quence de  la  mesure  du  souffle. 

Enfin,  les  cas  d'assimilation  sont  appréciés  avec  exactitude  au  moyen 
d'inscriptions  simultanées,  de  nature  à  indiquer  avec  précision  le  com- 
mencement et  la  fin  de  chaque  articulation,  et  la  part  qui  peut  être  dans 
chacune  attribuée  au  larynx.  Ainsi,  pour  revenir  à  l'exemple  que  j'ai  pris 
plus  haut  «  abcès  »,  disons-nous  apcès  par  un/>,  ou  abcès  par  un  b,  ou 
encore  abcès  par  un  b  qui  est  un  p,  par  l'absence  des  vibrations  laryngiennes 
et  un  b  par  la  faiblesse  de  l'articulation  ?  En  inscrivant  les  mouvements 
des  lèvres,  nous  aurions  nettement  la  place  réclamée  par  l'émission  du  b, 
c'est  le  moment  où  les  lèvres  restent  fermées  ;  et,  en  explorant  en  même 
temps  le  larynx,  nous  verrons  si  cette  place  est  occupée  ou  non  par  des 
vibrations.  Si  les  vibrations  existent,  c'est  un  b  qui  a  été  prononcé.  Si  les 
vibrations  font  défimt,  on  a  dit  p,  ou  une  articulation  sourde  intermé- 
diaire entre  p  et  b.  Une  nouvelle  expérience  étabHssant  la  différence  entre 
p  Qi  b  peut  résoudre  la  question. 


LA   MèTHODE   GRAPHIQjUE.  213 

Des  expériences  isolées  sur  chacun  de  ces  différents  objets  serviraient  à 
la  phonétique  descriptive,  mais  ne  diraient  rien  sur  le  fait  des  transfor- 
mations inconscientes  qui  seraient  en  voie  de  se  produire.  Pour  s'éclairer 
sur  cette  importante  question,  il  suffit  de  multiplier  les  expériences.  Si 
toutes  celles  qui  se  rapportent  à  un  même  objet  sont  constantes,  l'évolu- 
tion est  accomplie  et  l'ère  des  changements  close  pour  le  moment.  Si,  au 
contraire,  nous  rencontrons  tantôt  un  fait,  tantôt  un  autre,  c'est  que  le 
sujet  observé  se  trouve  dans  ce  moment  critique  où  une  évolution,  soit  à 
son  début,  soit  à  sa  fin,  conserve  l'indécision  propre  aux  étapes  tran- 
sitoires. 

Par  ces  moyens,  nous  pouvons  donc  saisir  les  phénomènes  dès  leur 
première  évolution,  en  noter  les  progrès  successifs  et  en  fixer  les  dernières 
traces  avant  leur  complète  disparition.  En  un  mot,  la  méthode  graphique 
nous  permet  de  saisir  les  transformations  inconscientes  du  langage. 

L'Abbé  Rousselot. 


Les  pages  qu'on  vient  de  lire  sont  le  résumé  d'une  communication 
faite  au  Congrès  scientifique  international  des  Catholiques,  tenu  à  Paris, 
du  I*  au  6  avril  1891. 

Les  deux  articles  suivants  ont  été  présentés  au  même  Congrès. 


LA 

PHONÉTIQUE     EXPÉRIMENTALE 

ET    LA 

PHILOLOGIE    FRANCO-PROVENÇALE' 


Vous  avez  vu  tout  à  l'heure  les  ingénieux  appareils  de  M.  l'abbé  Rous- 
selot.,.,  et  vous  avez  une  idée  des  recherches  qu'on  peut  faire  avec  leur 
secours.  Vous  comprenez  leur  importance  pour  le  progrès  non  seulement 
de  la  science  phonétique,  mais  surtout  pour  celui  des  études  linguistiques 
et  philologiques...  Leur  emploi  méthodique  fait  prévoir  une  nouvelle 
période  grammaticale...  M.  Sievers^,  le  savant  germaniste,  a  défini  la  pho- 
nétique comme  un  domaine  qui  relève  en  même  temps  de  la  physique, 
de  la  physiologie  et  de  la  linguistique.  Il  appartiendrait  au  physicien  et 
au  physiologiste  de  la  cultiver  pour  elle-même;  le  linguiste  n'aurait  qu'à 
s'informer  des  résultats  de  leurs  recherches  et  à  les  utiliser  pour  l'expHca- 
tion  historique  de  ce  qui  existe  à  présent.  Malheureusement  les  physiciens 
et  les  physiologistes,  auxquels  on  doit  la  fondation  de  cette  jeune  science, 
ne  lui  portent  qu'un  médiocre  intérêt  et  ne  connaissent  pas  les  besoins 
des  linguistes.  C'étaient  donc  surtout  les  linguistes  qui,  marchant  sur 
leurs  pas,  entreprenaient  de  la  faire  progresser  :  grâce  à  eux,  bien  des 
points  obscurs  ont  été  éclaircis,  bien  des  observations  utiles  ont  été  faites. 
Mais,  en  général,  ces  phonéticiens-linguistes  n'avaient  pas  une  con- 
naissance suffisante  des  sciences  naturelles  et  de  leur  méthode;  ils  étaient 
donc  forcément  exposés  à  des  erreurs  et  à  des  affirmations  hasardées,  s'ils 
ne  préféraient  pas  lâcher  prise,  dès  que  se  posaient  des  problèmes  qui 
demandaient  un  examen  plus  sérieux.  C'est  pourquoi^  malgré  tous  leurs 
efiorts,  justement  les  questions  les  plus  délicates,  où  l'on  avait  le  plus 
besoin  de  la  phonétique,  restaient  sans  réponse  ou  ne  trouvaient  que  des 
réponses  mauvaises  ou  peu  croyables.  Je  pense  à  des  questions  comme 
celles  de  l'accentuation  française,  de  l'expression  physiologique  et  acous- 

^  Pour  l'article  complet,  voir  le  compte-rendu  du  Congrès  scientif. 
intern.  des  Cath.,  an.  1891.  |j  2  Grundzûge  der  Phonetik  (2.  Ausg.) 
Leipzig  1881,  p.  I  s. 


LA   PHONÉTIdUE  EXPÉRIMENTALE  21 5 

tique  des  mouvements  de  l'âme,  des  mutations  combinatoircs  des 
sons,  etc.  Souvent  on  lisait  des  analyses  mê'me  détaillées  d'articulations 
qui  demandaient  des  jeux  de  muscles  absolument  impossibles,  des  expli- 
cations physiologiques  faites  par  un  philologue  qui  ne  connaissait  pas  le 
premier  mot  de  la  physiologie...  Pour  être  phonétiste,  il  faut  d'abord  se 
faire  naturaliste,  physicien  et  physiologiste...  M.  Rousselot  a  déjà  ses 
rivaux';  il  en  trouvera,  espérons-le,  plusieurs  encore,  et  bientôt  il  fera 
école.  Par  lui,  la  phonétique  est  retournée  à  son  point  de  départ  et  est 
redevenue  une  science  naturelle,  ce  qu'elle  n'aurait  jamais  dû  cesser  d'être. 

Tout  bon  phonétiste  qui  veut  qu'on  le  croie  se  fera  donc  dorénavant 
naturaliste  et  travaillera  d'après  la  méthode  des  sciences  exactes.  Mais  il  y 
a  une  complication.  La  linguistique  moderne  demande  catégoriquement 
qu'on  étudie  surtout  et  avec  le  plus  grand  soin  les  parlers  vivants,  les 
patois  aussi  bien  que  les  langues  littéraires,  dans  leur  système  phonique 
comme  dans  leurs  flexions,  leur  syntaxe  et  leur  lexique.  Comme  la  pho- 
nétique d'une  langue  donne  l'explication  de  beaucoup  de  phénomènes  des 
autres  parties  de  sa  grammaire  et  de  son  lexique,  c'est  donc  par  elle  qu'il 
faut  commencer.  Or,  pour  étudier  la  phonétique  d'un  patois,  d'un  parler 
vivant  quelconque,  il  faut  être  phonétiste,  et  pour  être  pJjonétiste,  il  ne 
faut  pas  se  contenter  de  prendre  seulement  acte  des  recherches  phoné- 
tiques faites  par  des  physiciens  et  des  physiologistes,  comme  le  dit 
M.  Sievers;  non,  il  faut  se  faire  naturaliste  soi-même.  Ainsi,  la  linguis- 
tique moderne,  la  grammaire  de  toutes  les  langues  vivantes,  entre  dans 
une  nouvelle  phase;  après  avoir  été  une  science  philosophique  et  histo- 
rique, elle  sera  une  science  naturelle. 

J'ai  dit  que  l'état  actuel  de  la  linguistique  moderne  exige  impérieu- 
sement une  étude  approfondie  des  patois  qui  ont  réussi  à  survivre  aux 
attaques  de  plus  en  plus  dangereuses  de  la  langue  littéraire.  C'est  presque 
un  lieu  commun.  Il  y  a  longtemps  qu'on  sait  quelles  informations  les 
patois  vivants  peuvent  donner  sur  les  parlers  du  moyen  âge  qui  possèdent, 
en  France,  une  riche  littérature  et  dont  ils  expliquent  la  grammaire  et  le 
dictionnaire.  Il  s'impose  de  chercher,  dans  ces  patois,  les  phénomènes 
naturels  et  artificiels  qui  déterminent  le  développement  non  seulement  de 
la  langue  à  étudier,  mais  de  toutes  les  langues.  La  physiologie  patholo- 


'  MM.  Schwan  et  Pringsheim,  dans  leur  étude  sur  l'accent  français, 
Herrigs.  Archiv  LXXXV,  203  ss.,  et  M.  Ph.  Wagner,  Ueher  die  Venuendung 
des  GrfitT^er-Marey  schen  Apparats  und  des  Pljonograplxn  :^ii  pJxmetischen 
Untersuchungen  dans  les  PJjomiische  Studien  IV. 


2l6  KOSCHWITZ. 


gique  ne  veut  ou  ne  peut  pas  se  passer  de  la  biologie  et  de  la  vivisection  ; 
la  philologie  des  langues  modernes  exige  qu'on  observe,  même  sous  le 
microscope,  les  conditions  et  les  évolutions  de  leur  vie  actuelle,  et  qu'on 
dissèque  leurs  membres  vivants.  Bien  longtemps  la  grammaire  n'était 
qu'une  sorte  d'anatomie  des  langues  mortes  ou  des  périodes  décédées  des 
langues  vivantes;  cela  était  indispensable  pour  les  langues  classiques  et 
était  nécessaire  aussi  pour  les  langues  modernes,  puisque  le  présent  trouve 
son  explication  dans  le  passé;  mais,  pour  bien  connaître  le  passé  des 
langues  et  pour  approfondir  leurs  transformations  historiques,  il  faut 
recourir  au  présent  et  lui  demander  des  moyens  d'information.  Quand 
nous  connaîtrons  bien  les  conditions  de  la  vie  actuelle  des  langues,  nous 
serons  mieux  outillés  pour  l'examen  de  leur  passé.  Nous  aurons  aussi 
appris  à  nous  résigner  et  à  ne  plus  chercher  l'explication  de  phénomènes 
linguistiques  qui,  par  la  foule  de  leurs  causes  possibles,  éludent  chaque 
investigation  qui  ne  veut  pas  se  perdre  dans  une  mer  d'hypothèses 
infructueuses. 

La  philologie  française  a  souvent  recouru  aux  patois  actuels  du  Nord  de 
la  France  pour  y  chercher  l'explication  de  la  grammaire  et  du  lexique  du 
moyen  âge,  surtout  pour  localiser  des  sons,  des  formes  et  des  textes 
anciens.  La  philologie  provençale  a  commencé,  timidement  il  est  vrai,  à 
suivre  cet  exemple.  On  a  profité  aussi  de  l'ancienne  langue  d'oc  pour  élu- 
cider des  questions  de  la  grammaire  française  du  moyen  âge.  On  n'a  pas 
négligé  non  plus  les  patois  occitaniens  dans  des  études  comparatives 
embrassant  tout  le  domaine  roman.  Mais  on  n'a  pas  encore  pensé  à 
utiliser  les  idiomes  actuels  du  Midi  pour  l'histoire  de  l'ancienne  langue 
française.  Il  ne  sera  donc  pas  superflu  de  montrer  la  nécessité  de  cette 
utilisation  et  d'indiquer  le  chemin  qu'il  faut  prendre  pour  résoudre  quelques 
problèmes  qui  ont  déjà  beaucoup  occupé  les  philologues  du  français,  mais 
qui  attendent  encore  une  solution  satisfaisante. 

La  langue  occitanienne  a  probablement  marché  de  pair,  dans  son 
développement,  avec  la  langue  française,  jusqu'au  \T  ou  au  vii^  siècle. 
Après,  elle  a  ralenti  son  cours,  tandis  que  les  dialectes  du  Nord  ont  pris 
une  marche  plus  rapide  et  montraient  déjà  au  ix^  siècle  un  système  pho- 
nétique plus  avancé.  Depuis,  les  langues  du  Nord  et  du  Midi  se  sont 
séparées  de  plus  en  plus;  les  idiomes  du  Midi,  réduits  au  xiv*  siècle,  à 
l'état  d'incultes  patois,  se  sont  conservés  dans  leurs  variétés  avec  une 
fidélité  surprenante;  les  idiomes  du  Nord,  soumis  au  xi^  et  au  xii^  siècle  à 
une  révolution  intense  d'une  grande  partie  de  leur  phonétique,  et  suppri- 
més eux  aussi,  au  xiv^  siècle,  en  faveur  de  l'idiome  de  l'Ile-de-France,  ont 
gardé  leur  plus  grande  mobilité  et  ont  été  souvent  tellement  modifiés 


LA    PHONÈTiaUE   EXPÉRIMENTALE.  llj 

qu'ils  n'accordent  qu'un  faible  secours  à  l'étude  de  l'ancien  français.  Cette 
situation  a  pour  conséquence  naturelle  que  les  patois  actuels  du  Midi 
représentent  souvent  des  étapes  que  les  idiomes  du  Nord  ont  parcourues 
au  moyen  âge  ou  dans  une  époque  préhistorique  du  français.  Il  est  donc 
évident  déjà,  à  priori,  qu'il  faut  y  chercher  des  éclaircissements  pour  l'an- 
cienne grammaire  française,  au  moins  dans  ces  cas  où  les  autres  moyens 
d'exploration,  l'observation  de  l'ancienne  orthographe,  des  rimes  ou  des 
assonnances  des  textes  français  du  moyen  âge  et  l'étude  des  patois  fran- 
çais du  Nord,  ne  donnent  pas  de  renseignements  suffisants.  Néanmoins, 
quelques  exemples  pour  montrer  la  justesse  de  cette  thèse  ne  seront  peut- 
être  pas  inutiles. 

Dans  des  manuscrits  vieux  français,  on  trouve  souvent  l'orthographe 
/;(,  //;(,  pour  une  /  mouillée  suivie  d'une  s.  M.  G.  Paris  qui,  le  premier, 
a  relevé  ce  fait%  croyait  que  le  ^  substitué  à  s  ser\'ait  à  indiquer  le  mouil- 
lement  de  1'/  précédente.  Schuchardt^  le  contredit;  d'après  lui,  le  :^  mar- 
quait, au  contraire,  la  suppression  du  mouillement.  Dans  des  formes 
comme  aiiiirail:(^,  geiwil:;^,  etc.,  «  on  conserva  l'orthographe  habituelle 
du  mot  tel  qu'il  se  présentait  sans  signe  de  flexion,  et  l'on  préféra  marquer 
le  changement  de  prononciation  par  la  lettre  de  flexion  (;().  »  «  Le  fait 
que  lys  s'est  réduit  à  l-s  est  naturel,  les  sons  mouillés  demandant  à  être 
placés  à  la  finale  ou  devant  des  voyelles.  »  «  Les  formes  modernes  : 
genouil-genoux,  œil-yeux,  travail-travaux,  renvoient  clairement  aux  formes 
anciennes  :  getwil -génois,  oil-ols,  travail-tr avals.  »  J'ai  soutenu  '  que  ce  ;( 
après  les  /  mouillées  ne  marquait  ni  le  mouillement,  ni  la  suppression  du 
mouillement  de  1'/,  mais  tout  simplement  l'ancienne  prononciation  de 
^=^ts  ou  d:^.  M.  Chabaneau4  expliqua  :  «  le  y  engagé  dans  la  consonne 
complexe  //;  se  détache  de  /  pour  s'unir  à  j  et  donner  à  cette  consonne  de 
quoi  former  un  son  plus  sifflant.  »  D'après  lui,  soleil:^,  oil:^,  etc.  auraient 
pprdu  d'abord  leur  /  mouillée,  Vy  de  /  mouillée  ayant  donné,  avec  s  de  la 
flexion,  la  combinaison  :^=ts,  d^  dont  l'existence  est  assurée  par  des 
rimes;  ensuite,  ces  mêmes  formes  (soleil^,  etc.)  se  seraient  mouillées  de 
nouveau  sous  l'influence  des  cas  obliques  du  singulier  et  des  cas  sujets  du 
pluriel  qui  n'ont  pas  d'j.  M.  Horning,  dans  une  étude  sur  les  mots  en 
question^,  contesta  cette  explication.  Il  se  demanda  si,  en  effet,  les  mots 

^  La  vie  de  saint  Alexis,  Paris,  1872,  pp.  99  et  loi.  |1  ^  Romania,  HE, 
285.  jl  5  Ueberlieferung  u.  Sprache  der  Chanson  du  Voyage,  etc.,  Heil- 
bronn,  1876,  p.  64.  |j  4  Revue  des  langues  romanes,  VI,  94  ss.  jj  s  Romanischt 
Studien,  IV,  G2G  ss. 


2l8  '  KOSCHWITZ. 


écrits  par  ;(  au  sujet  singulier  et  au  régime  pluriel  ont  eu  une  /  mouillée 
ou  non,  et  comment  il  fallait  comprendre  1'/  qui  dans  cunseilT^,  gmoili^  oil'^ 
précède  17,  quand  on  admet  que  le  :(  soit  la  combinaison  de  Vs  de  la 
flexion  et  du  y  qui  suivait  17  (dans  cunseily,  etc.).  Il  croit  que  consïlium, 
soliclum,  etc.,  devenaient  régulièrement  cmiseily,  soleily,  au  cas  singulier, 
et  au  régime  pluriel  conseilys,  soleilys.  Dans  le  groupe  lys,  il  se  serait 
dégagé  entre  l  et  y  un  d  qui,  après  la  chute  de  y,  se  serait  uni  à  1'^  et 
aurait  produit  ;(.  La  diphtongue  à  aurait  donc  existé  dans  les  formes  avec 
;(  au  même  titre  que  dans  les  formes  sans  ;{.  «  L"/,  de  soliclum,vermiclutn 
ayant  dû  passer  par  é  avant  de  devenir  ei,  solel:(,  vermeliÇâu  lieu  de  soleil-^,  etc.) 
peuven^  être  des  formes  plus  anciennes  que  soJeil:(,  vermeil:;^  »  ;  mais  il  est 
extrêmement  probable  que  17'  a  disparu  pour  faciliter  la  prononciation. 
Dans  des  formes  telles  que  conseil  (:  segreii),  vcrmei^  (:  pci^^,  etc.,  on 
supprimait  /  également  pour  alléger  la  prononciation.  «  OU  qui  se  pro- 
nonçait oly,  et  où  Vo  ne  se  diphtonguait  pas  nécessau'ement,  a  donné  avec 
1'^  de  flexion  olys  oMys;  d  s'unissant  à  s  a  produit  ;{,  et  y,  au  lieu  de  tom- 
ber, aurait,  sous  l'influence  de  l'accent,  été  attiré  par  o  et  aurait  formé 
avec  cet  ola  diphtongue  oi...  C'est  ainsi  que  nous  obtenons  oil^,  où  toutes 
les  lettres  auraient  eu  leur  valeur  entière.  »  Les  formes  traval:^^,  mural^^,  etc. 
à  côté  de  soleil^,  oil^,  dans  les  mêmes  textes,  «  s'expliquent  sans  peine  : 
trahaclum  devient  travaly,  avec  5  de  flexion  travalys,  puis  travaMys,  et, 
après  la  chute  de  Vy,  travaî:<^.  »  On  pourrait  admettre  aussi  «  que  dans 
trabalyo  (de  "trabacluni)  a  serait  de\enu  ai  =  travailyo  ;  ai  n'aurait  pas  passé 
à  è  sous  l'influence  du  }'...  Pour  exphquer  traval::^  (au  lieu  de  travail:^ 
qu'on  attendrait),  il  suffit  d'admettre  que  ail:^  s'est  simphfié  en  al:^,  de 
même  que  conseil:^  a  été  réduit  à  conselz^,  seulement  à  une  époque  anté- 
rieure, puisqu'on  trouve  dans  les  mêmes  textes  conseil:^  et  traval:^  ». 
«  Cette  explication  est-elle  la  seule  possible  ?  Si  dans  travail  ai  est  diph- 
tongue..., on  peut  toujours  se  demander  si  1'/  n'est  pas  dû  à  l'influence  de 
Vy,  »  etc. 

Les  citations  que  nous  venons  de  faire  de  l'étude  de  M.  Horning 
montrent  suffisamment  la  complication  du  problème,  ainsi  que  l'irrésolu- 
tion de  l'auteur  et  ses  contradictions.  Il  a  reconnu  lui-même  qu'il  n'avait 
pas  réussi  à  éclaircir  la  question.  Après  lui,  M.  Grôber  s'en  est  emparé'. 
Celui-ci  ne  doute  pas  de  la  possibiHté  d'une  épenthèse  de  d  entre  ly  et  s, 
mais  il  croit  que,  si  elle  avait  eu  lieu,  il  faudrait  la  trouver  aussi  sans 
qu'une  s  suive  le  groupe  ly  :  travaMys  ferait  supposer  une  forme  analogue 


'  Zeitschrift  filr  romanische  Philologie,  VI,  486  ss. 


LA   PHONÉTIQUE   EXPÉRIMENTALE.  219 

travaMy  qui  n'existe  pas.  Il  en  conclut  que  17  mouillée  a  été  aussi  devant 
j,  non  pas  la  succession  de  /-f-)',  mais  une  véritable  /  mouillée,  une  /  qui 
réunit  dans  son  articulation  /  et  _y,  sans  que  ces  deux  éléments  soient 
séparables.  Cette  /  mouillée  aurait  produit,  devant  j,  l'insertion  d'une 
plosive  dentale,  phénomène  lingual  qui,  en  effet,  n'est  que  naturel.  La 
possibilité  d'une  véritable  /  mouillée  suivie  d'une  explosive  dentale  et  5, 
est  prouvée  par  les  rimes  de  l'ancien  provençal  qui  distinguent  alt:^  (altus) 
de  alh:^  {'ûllius)  et  semblables.  L7  mouillée  ainsi  que  VI  provenant  d'une 
/  double  latine  aurait  été  une  /  forte,  c'est-à-dire  une  /  longue.  Il  est 
impossible  de  savoir  si  l'épenthèse  d'une  plosive  dentale  entre  1'/  mouillée 
et  s  avait  lieu,  en  français,  après  que  VI  mouillée  avait  perdu  son  élément 
palatal,  où  déjà  pendant  qu'elle  possédait  encore  sa  prononciation  primi- 
tive (/).  Les  mots  tnolre  :  moldre,  pulverem  :  poldre  prouvent  que  l'épenthèse 
dentale  entre  /  et  j  ne  dépendait  pas  d'un  mouillement  de  /.  Ces  obser\'a- 
tions  judicieuses  de  M.  Grôber  contribuaient  certainement  à  élucider  la 
question;  mais  elles  ne  l'ont  pas  résolue.  M.  W.  Meyer',  le  dernier  qui 
s'en  soit  Occupé,  nous  dit  seulement  que,  dans  le  traitement  de  /  mouillée 
en  contact  avec  une  s  de  flexion,  les  dialectes  du  vieux  français  se  séparent  ; 
«  le  normand  exige  ~,  c'est-à-dire  qu'il  conserve  d'abord  VI  mouillée  et 
qu'il  la  laisse  tomber  plus  tard  ://;^  miel::^;  au  contraire,  le  centre  change. 
VI  mouillée  en  /,  l  (/  vélâire).  On  se  demande  quelle  articulation  spéciale 
une  /  mouillée  prend  devant  une  s\  si  elle  produit  nécessairement  une 
explosive  dentale  entre  elle  et  la  consonne  suivante;  quelle  influence  le 
groupe  is  exerce  et  sur  la  nature  des  voyelles  précédentes  et  sur  l'articu- 
lation de  Vs  qui  suit  ?  PrononçïHt-on  5  ou  ;(  (j  sonore)  ?  Etait-ce  un  d  ou 
/  qu'on  insérait  entre  /  mouillée  et  i  ?  Est-ce  qu'une  /  mouillée  suivie  de  s 
dégage  réellement  devant  soi  un  y  qui  se  réunit  avec  la  voyelle  précédente 
et  produit  avec  elle  une  diphtongue?  Et  si  ce  dégagement  ^^qui  n'a  rien 
d'improbable)  existe  en  réalité,  peut-il  se  compliquer  avec  une  action 
simultanée  de  /  mouillée  sur  la  consonne  suivante  ? 

Comment  répondre  à  ces  questions  ?  Les  anciens  textes,  même  quand 
ils  sont  dépouillés  et  commentés  avec  le  plus  grand  soin,  avec  la  méthode 
la  plus  rigoureuse,  ne  nous  fournissent  pas  les  ressources  nécessaires 
pour  les  résoudre.  Les  patois  français  actuels  n'ont  pas  laissé  de  trace  de 
cet  ancien  développement  et  ne  peuvent  donc  nous  aider  en  rien.  Il  faut 
recourir  aux  idiomes  de  la  France  méridionale.  Là  existent  des  patois  qui 
ont  conservé  VI  mouillée  avec  son  articulation  primitive  et  qui  ont  gardé. 


Grammatik  der  romanischen  Sprarhen,  Leipzig,  1890»  I,  473. 


220  KOSCHWITZ. 


en  même  temps,  dans  la  prononciation  l'ancienne  s  finale  de  la  flexion. 
M.  l'abbé  Puységur,  de  Montant  (canton  de  Saint-Sever,  département  des 
Landes),  en  me  lisant,  dans  son  patois,  à  Toulouse,  une  petite  poésie  de 
M.  S.  Salles",  me  faisait  entendre  lous  youhts  (str.  9)  et  ent'aus  otiehls 
(str.  1 1)  (prononcé  16  hybis  et  eut  aw  hwels)  avec  /  mouillée  et  s  absolu- 
ment dans  les  conditions  que  nous  désirons.  C'est  dans  ce  patois  et  dans 
ceux  des  régions  voisines  qui  se  trouvent  dans  une  situation  analogue, 
qu'il  faut  chercher  la  réponse  aux  questions  que  nous  avons  posées.  Et 
que  celui  qui  veut  se  charger  de  cette  tâche  n'oubHe  pas  de  se  munir  de 
palais  artificiels,  de  l'explorateur  des  lèvres  et  d'un  des  deux  explorateurs 
du  larynx  que  nous  venons  de  voir  ! 

Un  autre  problème  encore  plus  compliqué  est  celui  de  l'origine  et  du 
développement  successif  des  voyelles  nasales  dans  la  langue  française.  On 
ne  connaît  ni  le  commencement  ni  le  progrès  graduel  de  cette  évolution 
qui,  pour  produire  l'état  actuel,  a  eu  besoin  de  longs  siècles.  Et  pourtant 
les  savants  ne  l'ont  nullement  négligé.  Diez^  crut  que,  déjà  au  ix*  siècle, 
on  prononçait  Salomon,  ferculum,  Zabuîon,  convivium  avec  une  voyelle 
nasale,  même  dans  une  poésie  latine.  La  rime  des  désinences  en  :  an 
qu'on  trouve  dès  le  xii^  siècle,  lui  prouvait  qu'on  prononçait  à  dans  les 
deux  cas.  En  cela,  M.  P.  Meyer'  partagea  son  avis;  il  chercha  à  fixer  la 
première  apparition  de  ces  assonances  (qu'il  date  de  la  Chanson  de  Roland) 
et  leur  expansion  dans  les  textes  français  du  moyen  âge.  M.  G.  Paris  ne 
vit,  dans  son  Alexis'^,  aucune  trace  de  la  nasalisation  de  on  et  un  ;  dans  a«, 
en,  elle  était,  selon  lui,  déjà  assez  développée,  parce  que  les  voyelles  eQta 
de  ces  groupes  n'assonnent  plus  avec  leurs  pareilles  placées  dans  d'autres 
situations  et  ne  sont  homophones  qu'entre  elles.  Dans  in  la  nasalisation 
n'a  eu  heu  que  beaucoup  plus  tard.  M.  d'Arbois  de  Jubainville'  ne  veut 
pas  croire  que  la  nasalisation  d'o«  et  d'w«  soit  postérieure  au  xi^  siècle  à 
cause  des  formes  w/ow/afd,  nomcopante,  etc.,  qu'il  trouva  à  côté  de  conpendio, 
conmutit,  etc.,  dans  des  documents  latins  de  l'époque  mérovingienne. 
Les  formes  adinpJire,  inpedintento,  dans  ces  mêmes  textes,  lui  semblent 
indiquer  un  commencement  de  nasalisation  de  la  syllabe  im.  M.  Mall^ 
adopte  pour  uni,  un  (om,  on')  l'opinion  de  Diez  et  de  M.  d'Arbois  de 
Jubainville.  M.  Bœhmer?  était  d'avis  qu'à  la  fin  du  xi=  siècle,  dans  les 

^  Semaine  religieuse  d'Aire  et  de  Dax,  15  nov.  1890,  pp.  47  s.  [|  ^Grani- 

matik  der  romanischen  Sprachen,  I',  448  s.  1|  '  Mémoires  de  la  Société  de 

linguistique,  I,  244  ss.  |1  *  Vie  de  saint  Alexis ,  p.  82.  ||  5  Remania,  I,  325. 

Il  6  Li  Cumpoi  Philippe  de  Thaiin,  Strasbourg,  1873,  P-  74-  Il  ''  Romanische 

Studien,  I,  611  ss. 


LA   PHO>4ÈTIQUE   EXPÉRIMENTALE.  221 


groupes  de  t  et  de  a-\- nasale,  n  (dentale)  s'était  généralement  transformée 
en  n  vélaire,  si  cette  n  vélaire  n'était  pas  primitive  comme  dans  fianCy 
sanc  et  semblables,  et  qu'à  côté  de  la  prononciation  d'une  voyelle  orale  -f- 
une  consonne  nasale  vélaire,  il  existait  déjà,  à  la  même  époque,  celle 
d'une  voyelle  nasale  +  une  consonne  nasale  vélaire  :  ar^  à  côté  de  àr^. 
M.  Mebes  '  s' efforça  de  démontrer  que  in  et  un  n'étaient  pas  encore  nasa- 
lisés au  XV*  ou  au  xvi*  siècle,  et  que  ien,  on  et  aussi  an  (en)  conservaient 
;/  dentale  au  moins  jusqu'à  la  fin  du  xiii*  siècle.  L'assonance  de  an  :  en 
ne  prouve  pour  lui  que  la  transition  de  Ve  en  a  devant  les  consonnes  nasales. 
Dans  mon  étude  sur  la  langue  du  Pèlerinage  de  Charlemagne*,  j'ai  cher- 
ché à  montrer  que  l'emploi  de  n  au  lieu  de  m  après  o,  dans  les  plus  anciens 
textes  français,  ne  prouve  pas  la  nasalisation  de  o,  mais  seulement  la  tran- 
sition de  Vm  final  en  n,  que  les  voyelles  orales  devant  une  consonne  nasale 
suivie  d'un  e  féminin  n'étaient  pas  traitées  autrement,  dans  les  assonances 
des  plus  anciennes  poésies,  que  les  mêmes  désinences  masculines,  et  que 
l'insertion  d'un  b  après  ;//,  de  d  après  n  devant  une  r,  qui  avait  lieu  au 
xir  siècle  comme  auparavant,  supposait  une  dentale  pour  n,  une  labiale 
pour  m.  En  aurait  pu  prendre  tout  aussi  facilement  la  prononciation  de  an 
que  è  celle  de  à.  En  général,  j'ai  donc  soutenu  les  conclusions  de 
M.  Mebes  en  tant  qu'elles  n'étaient  pas  défigurées  par  des  exagérations  et 
par  des  excursions  phonétiques  dénuées  de  sens.  J'aurais  dû  faire  valoir 
aussi  que  souvent,  dans  les  manuscrits  du  xii'  et  même  du  xiii'  siècle, 
une  n  finale  est  transformée  en  /;/  devant  l;i  labiale  qui  commence  le  mot 
suivant  :  ce  qui  s'explique  le  plus  facilement  quand  on  rejette  la  nasalisa- 
tion de  la  voyelle  précédant  l'n.  Une  n  dentale  s'assimile  facilement  à  une 
labiale  qui  la  suit;  mais  comment  expliquer  m  pour  n  si  n  ne  sert  qu'à 
exprimer  la  nasalisation  d'une  voyelle?  Après  moi,  M.  Lûcking'  a  repris 
la  question.  Un  long  et  minutieux  examen  d'anciens  textes  français  le  fit 
arriver  à  peu  près  aux  mêmes  résultats  :  les  //,  r,  (n  vélaires)  et  n  (n  mouil- 
lées), à  la  fin  des  syllabes,  sont  distinguées  entre  elles  encore  au  xiii*  siècle, 
et  la  transition  dialectale  de  en  en  an  ne  prouve  pas  l'existence  d'un  a 
nasalisé.  Mais  M.  Lûcking  s'est  fourvoyé  plusieurs  fois  et  a  trouvé  une 
légitime  opposition  dans  M.  G.  Paris 4  qui  conteste  la  justesse  de  ces  con- 
clusions. Il  admet  cette  fois  que,  dans  la  Chanson  de  Roland,  Vo  devant  les 
nasales  commençait  à  se  nasaliser  et  que  la  nasalisation  de  a  et  de  ^,  dans 

'  Jalrrbuch  fur  romanische  und englische  litteratur,  N.  F.  II,  385  ss.  (1  *  L. 
r.,  p.  50  s.  jj  '  Die  àltesten  fran:(ôsischen  Mundarten,  Berlin,  1877,  pp.  loé 
ss.  Il  *  Romania,  VII,  126. 


222  KOSCHWITZ. 


certaines  conditions,  était  déjà  antérieure  même  aux  plus  anciens  monu- 
ments de  la  langue  française.  Plus  tard,  M.  G.  Paris  revint  encore  une 
fois  à  la  même  question  ^  Il  soutint,  en  complétant  ce  qu'il  avait  affirmé 
auparavant,  que,  «  comme  toutes  les  nasales  françaises,  »  l't;  nasal  «  faisait, 
au  moyen  âge,  entendre  dans  les  terminaisons  masculines  la  consonne 
après  la  voyelle  :  bon,  et  non  bô  comme  aujourd'hui,  et  que  dans  les  mois 
féminins  où  Yo  est  séparé  de  Ve  (sourd)  final  par  m  ou  n  simple  ou 
redoublée,  la  vo)'elle  était  tout  aussi  nasale  qu'elle  l'est  quand  elle  en  est 
séparée  par  ni,  n  suivies  d'une  autre  consonne;  ainsi  Rôme,b6ne,  comme 
rompe,  bonde  ».  De  la  même  manière,  femme  aurait  été  prononcé  ancien- 
nement Jème  puis  fàme.  Cette  explication  fait  comprendre  pourquoi,  dans 
les  assonances  du  moyen  âge,  les  mots  féminins  en  oine,  oin  <^°"^-  e,  ame, 
am  <^°"*-  e,  etc.  aimaient  à  se  séparer  des  assonances  en  o,  a,  etc.  devant 
d'autres  consonnes  suivies  d'un  ^féminin.  De  plus,  elle  concorde  avec  les 
témoignages  que  nous  avons  pour  la  prononciation  des  voyelles  nasales 
au  xvi^  et  au  xvii^  siècle.  M.  Engelmann,  dans  une  étude  sur  l'origine 
des  voyelles  nasales  en  vieux  français  ^,  soutient  que  les  voyelles  devant 
les  n  mouillées  finales  étaient  déjà  nasalisées  vers  le  milieu  du  xii^  siècle, 
tandis  que  le  mouillement  de  Vn  durait  jusqu'à  la  fin  du  xiii^  siècle. 
Comme  les  mots  avec  ces  désinences  assonaient  avec  les  mots  où  les 
mêmes  voyelles  toniques  étaient  suivies  d'une  autre  consonne,  M.  Engel- 
mann croit  que,  dans  les  textes  français  du  moyen  âge,  il  était  généralement 
permis  d'assoner  les  voyelles  nasales  avec  les  voyelles  orales  qui  leur  cor- 
respondent. On  aurait  donc  eu  tort  de  conclure  à  la  nasalisation  des 
désinences  en  voyelle  +  une  consonne  nasale,  de  ce  qu'elles  évitaient  l'as- 
sonance avec  les  mêmes  voyelles  suivies  d'une  autre  consonne.  Les  résul- 
tats de  M.  Engelmann  ne  reposent  pas  sur  une  base  bien  solide.  Nous 
omettons  les  mentions  sommaires  de  notre  problème  faites  dans  les  gram- 
maires du  vieux  français  plus  ou  moins  élémentaires,  et  nous  rappelons 
seulement,  en  passant,  les  recherches  de  M.  Haase  sur  les  voyelles  a  et  e 
suivies  d'une  n  entravée  dans  les  textes  picards  et  wallons  du  moyen  âge', 
et  de  M.  Horning  sur  m -j- cons.  et  an -\-cons.  dans  les  patois  français 
actuels  de  l'Esté.  Thurot,  dans  son  précieux  ouvrage  sur  la  prononciation 


^  Romania,  X,  53  s.  ||  ^  Ueber  die  Entstehung  der  Nasalvocale  îm  Altfran- 
:{Ôsischen,  Halle,   1882.  |[  '  Das  Verhalten  der  pikardischen  und  luallonischen 
Denkmàhr  des  Mittelalters  in  Be^ug  aufa  unde  vor  gedecktem  n,  Halle,  1880. 
11  4  Zeitschrift  fur  romanische  Philologie,  XI,  542. 


LA    PHONtilClUE    EXPERIMENTALE.  22^ 

française  depuis  le  commencement  du  xvi'  siècle',  a  dépouillé,  par  rapport 
à  notre  sujet,  les  grammairiens  des  quatre  derniers  siècles  :  il  y  a  trouvé 
tant  de  détails,  tant  de  contradictions,  d'inexactitudes  et  d'indications 
erronées  qu'il  est  fort  difficile  de  puiser  des  faits  assurés  dans  ces  maté- 
riaux presque  trop  nombreux  et  pourtant  insuffisants.  Cependant  il  est 
clair  que  l'état  actuel,  pour  la  nasalisation  des  voyelles  et  diphtongues 
françaises,  n'a  été  atteint  que  vers  la  fin  du  xvii'  siècle  et  que,  encore  au 
xvi"=  siècle  et  même  dans  la  langue  littéraire,  des  divergences  dialectales 
se  faisaient  sentir.  M.  W.  Meyer  2,  venu  le  dernier,  a  résumé  succinctement 
une  partie  des  études  faites  sur  notre  sujet  et  a  cherché,  pour  sa  part,  à 
élucider  la  question.  Il  croit  que,  déjà  au  moins  depuis  le  xvi*  siècle,  la 
voyelle  nasale  n'apparaît,  au  centre  de  la  France,  qu'à  la  fin  de  la  syllabe  ; 
il  conclut  de  aiiié  à  un  ancien  èné,  auparavant  èstié;  il  mentionne  et  explique, 
sur  les  traces  de  M.  G.  Paris  et  des  grammairiens  cités  par  Thurot,  les 
doubles  consonnes  originairement  dialectales  dans  bonm^  aimme  par  hônt 
et  èmey  et  Vo  ouvert  de  pomme  par  pôme  issu  de  pome  avec  0  fermé.  Cet  0 
fermé  s'est  nasalisé  selon  lui  déjà  avant  que  se  soit  établie  la  loi  de  syn- 
cope; «  pour  a  le  fait  s'est  produit  encore  au  degré  à.  »  Comme  théorie 
générale,  nous  apprenons  que,  dans  la  grande  majorité  des  cas  où  il  y  a 
nasalisation  d'une  voyelle  par  l'influence  d'une  consonne  nasale  qui  suit, 
la  consonne  nasale  est  devenue  vélaire  ou  légèrement  palatale,  puis  elle  a 
communiqué  sa  qualité  à  la  vo3'elle;  elle  l'a  nasalisée  {àû  ou  an)  et  est 
enfin  tombée.  M.  Meyer  croit  aussi  que  ces  phénomènes  doivent  être 
comptés  au  nombre  des  plus  difficiles  de  l'histoire  de  la  phonétique  romane. 
Ce  que  nous  venons  de  dire  sur  les  recherches  faites  par  rapport  aux 
voyelles  nasales  du  français  montre  avec  évidence  l'embarras  des  savants 
qui  se  sont  occupés  de  cette  question,  sa  complication  et  le  peu  d'éclair- 
cissements que  nous  fournit  l'examen  de  l'orthographe  et  des  rimes  ou 
assonances  des  textes  français  du  moyen  âge.  Excepté  M.  Meyer,  personne 
n'a  osé  se  prononcer  sur  les  causes  et  les  étapes  physiologiques  qui  ont 
dû  être  parcourues  par  les  voyelles  et  diphtongues  orales  suivies  de  con- 
sonnes nasales.  C'est  qu'on  manquait  d'un  guide.  Les  patois  actuels  du 
Nord  de  la  France,  naturellement  plus  avancés  que  ceux  du  moyen  âge, 
ne  nous  éclairent  guère  sur  les  origines  de  la  nasalisation  ;  il  faut  encore 
recourir  aux  idiomes  du  Midi.  M.  Grôber  a  conclu,  il  est  vrai,  d'une 
manière  ingénieuse  et  de  prémisses  qui  paraissent  incontestables,  que, 

^  Paris,   1883,  vol.  II,   pp.  421-555.  jj  *  Grammatik  der  romanischen 
Spracfjen,  Leipzig,  1890,  I,  309  s. 


224  KOSCHWITZ. 


déjà  en  vieux  provençal,  les  voyelles  suivies  d'une  ii  étaient  nasalisées', 
mais  il  n'en  est  rien  ;  son  argumentation  ne  prouve  que  le  fallacieux  de 
toute  étude  faite  sur  d'anciens  textes  sans  une  bonne  connaissance  des 
patois  modernes.  Cependant  l'erreur  de  M.  Grôber  est  excusable,  d'autant 
plus  que  bien  des  Méridionaux  qui  parlent  parfaitement  leurs  patois,  éga- 
rés comme  lui  par  l'orthographe,  se  trompent  sur  leur  propre  prononcia- 
tion, croient  prononcer  une  voyelle  nasale  pendant  qu'ils  font  entendre 
distinctement  une  voyelle  orale  suivie  d'une  consonne  nasale,  dentale  ou 
labiale  2.  Dans  les  parlers  du  Midi  et  dans  presque  tout  le  territoire  qu'ils 
embrassent,  j'ai  trouvé  vivantes  les  étapes  que  le  français  a  pu  ou  dû 
parcourir  pour  arriver  à  sa  prononciation  actuelle  des  voyelles  nasales.  On 
y  trouve  souvent,  dans  un  même  patois,  une  voyelle  orale  +  une  con- 
sonne nasale  alvéolaire  («)  devant  d'autres  consonnes  dentales,  une 
voyelle  orale  +une  consonne  nasale  labiale  (w)  devant  des  consonnes 
labiales,  une  voyelle  orale  +  une  n  vélaire  devant  les  consonnes  vélaires, 
une  voyelle  nasale  très  faible  ou  une  voyelle  orale  +  une  n  vélaire  devant 
d'autres  consonnes  ou  à  la  fin  des  mots.  C'est  là  à  peu  près  l'état  actuel 
des  idiomes  du  Languedoc  et  du  midi  de  la  Provence.  Dans  d'autres 
patois,  j'ai  trouvé  des  voyelles  nasales  plus  ou  moins  distinctes  devant  des 
consonnes  nasales  conservées,  des  voyelles  nasales  d'une  articulation  tout 
à  fait  particulière  et  inconnue  au  nord  de  la  France  ;  enfin  des  combinai- 
sons très  variées  dans  le  traitement  de  la  voyelle  devant  des  consonnes 
nasales  conservées  ou  supprimées,  selon  la  nature  des  consonnes  qui  sui- 
vaient ou  suivent  les  consonnes  nasales,  selon  l'accent  d'intensité  et  selon 
la  place  des  syllabes  ou  des  mots  dans  la  phrase.  Je  ne  puis  prendre  à  tâche 
de  poursuivre  la  nasalisation  telle  qu'elle  existe  dans  les  voyelles  du  Midi, 
cette  entreprise  nous  mènerait  loin  :  qu'il  suffise  d'avoir  fait  remarquer 
qu'ici  encore  nous  trouvons,  dans  les  patois  du  Midi,  vivant  l'un  à  côté 
de  l'autre,  tous  les  phénomènes  et  toutes  les  étapes  de  transition  qu'il  faut 
supposer  comme  ayant  existé  auparavant  dans  les  dialectes  de  la  France 
septentrionale.  C'est  donc  encore  dans  ces  patois  méridionaux,  trop 
négligés  jusqu'ici  par  les  romanistes,  qu'il  faudra  chercher  et  qu'on 
pourra  trouver  la  clef  de  la  nasalisation  française  et  une  solution  satisfai- 
sante du  problème  que  nous  venons  de  décrire  et  qui  a  déjà  causé  tant  de 
travail  plus  ou  moins  stérile  aux  savants  romanisants. 

'  Zeitschrift  filr  romanische  Philologie,  VI,  487,  note.  I|  ^  M.  W.  Meyer, 
/.  c,  p.  312,  ne  tient  pas  compte  de  l'état  actuel  de  la  nasaHsation  dans 
les  idiomes  provençaux. 


l.A     l'JKJM.  lUlLl-    U\l'nKI.Mr..\  1  .\Ll--  225 

Les  deux  exemples  donnés  suffiront  pour  prouver  la  justesse  de  notre 
tht^sc.  Nous  pourrions  facilement  en  ajouter  d'autres  et  énumérer  une 
foule  de  problèmes  de  la  grammaire  historique  du  français  qui,  malgré 
tous  les  eiforts  des  savants,  n'attendent  pas  moins  leur  solution  définitive, 
fiiute  d'un  recours  conséquent  et  méthodique  aux  idiomes  du  Midi.  La 
transformation  successive  de  a  posttonique  (et  des  autres  voyelles  postto- 
niques) en  e  sourd  (en  provençal  u,  0,  a,  e  sourds)  ;  l'articulation  exacte 
des  diphtongues  et  des  triphtongues  de  l'ancien  français  «/,  w,  a/,  «', 
ou,  au,  eu,  iai,  ici,  ueu,  etc.,  qui  toutes  existent  encore  dans  les  patois  du 
Midi,  et  leur  transformation  en  simples  voyelles;  la  transition  du  f  et  du  ^ 
prépalatal  (et  du  /  et  du  rf  latin  devant  un  /  en  hiatus)  en  chuintantes, 
représentées  dans  les  idiomes  méridionaux  par  une  richesse  extrême  de 
sons  différents  qui  nous  permettront  de  constater  presque  toutes  les  pos- 
sibilités et  toutes  les  vraisemblances  de  l'histoire  compliquée  des  palatales 
latines;  le  changement  successif  des  dentales  et  des  labiales  intervoca- 
liques,  arrivé  à  son  dernier  développement  déjà  dans  le  français  du 
XII'  siècle,  mais  s' accomplissant  de  nos  jours  dans  les  patois  méridionaux 
du  Sud-Ouest;  bien  des  phénomènes  de  la  phonétique  syntaxique  et  de  la 
flexion  ayant  existé  en  vieux  français  et  subsistant  encore  dans  les  patois 
du  Midi,  toutes  ces  questions  et  bien  d'autres  d'un  intérêt  vital  pour  la 
construction  de  la  grammaire  historique  du  français  ne  peuvent  être  et  ne 
seront  jamais  éclairées  suffisamment  que  quand  on  aura  appris  à  tirer 
profit  des  renseignements  nombreux  et  concluants  que  nous  fournissent 
les  beaux  idiomes  qui,  heureusement,  persistent  encore  de  nos  jours  au 
Midi  de  la  France. 

On  pourra  m'objecter  que,  quand  même  il  existe  dans  les  patois  occi- 
taniens  des  évolutions  phonétiques  et  grammaticales  parallèles  à  celles 
qui  ont  dû  se  faire  au  moyen  âge  dans  le  Nord  de  la  France,  il  n'est  nul- 
lement prouvé  que  ces  évolutions  soient  identiques.  L'égalité  des  sons 
français  du  moyen  âge  et  du  provençal  moderne  n'est  peut-être  qu'appa- 
rente ;  des  transformations  identiques  dans  leurs  résultats  ne  s'accomplissent 
pas  nécessairement  de  la  même  manière  ;  les  mêmes  causes  n'ont  pas  tou- 
jours les  mêmes  effets;  il  ne  faut  jamais  perdre  de  vue  que  chaque  évolu- 
tion phonétique  est  en  rapport  :wqc  le  système  phonique  entier  d'une 
langue  ou  d'un  patois.  Toutes  ces  objections  sont  bien  fondées,  elles  nous 
disent  qu'en  utilisant  les  patois  méridionaux  il  ne  faut  pas  identifier  à  la 
légère.  Mais  il  ne  faut  pas  oublier  non  plus  la  proche  parenté  de  la  langue 
du  Nord  et  de  celle  du  Midi.  Les  sons  du  provençal  et  du  français  sont 
les  continuateurs  directs  du  même  système  phonique;  il  n'y  a  guère  de 


«s^DE  Des  rATOts.  —  i;. 


226  KOSCHWITZ. 


vraisemblance  que  la  même  langue  latine  rustique,  adoptée  par  une  même 
nationalité,  ait  souvent  développé  des  sons  égaux  pour  l'oreille,  mais 
différents  dans  l'articulation.  Il  y  a  des  habitudes  nationales  aussi  dans 
l'articulation  des  sons.  Rien  ne  fait  supposer  que  les  sons  conservés  jus- 
qu'aujourd'hui au  Midi,  mais  perdus  dans  le  Nord,  ne  représentent  pas 
fidèlement  ceux  qu'on  employait  dans  le  français  du  moyen  âge.  Si  des 
transformations  identiques  dans  leurs  résultats  ne  se  font  pas  toujours  de 
la  môme  manière,  il  est  toujours  plus  que  probable  que,  sur  le  même  sol, 
dans  des  conditions  plus  ou  moins  identiques,  ces  transformations  ont 
pris  le  même  chemin,  et,  si  les  mêmes  causes  n'ont  pas  toujours  les 
mêmes  effets,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  les  mêmes  effets  sont  la 
règle.  Certes,  il  n'est  pas  indiqué  de  rapprocher  à  la  légère  un  phénomène 
lingual  quelconque  du  français  avec  un  phénomène  apparemment  iden- 
tique, mais  peut-être  d'origine  foncièrement  différente,  dans  quelque 
autre  dialecte  du  grand  domaine  roman,  bien  que  ce  soit  pour  maint 
romaniste  le  dernier  mot  de  la  sagesse  et  de  la  bonne  méthode;  mais  il 
ne  faut  pas  exagérer  les  scrupules  non  plus  et  ne  pas  fuir  des  rappro- 
chements qui,  par  la  nature  des  faits,  ont  toute  raison  d'être  établis. 

Si  nous  demandons  une  utilisation  constante  et  méthodique,  et,  en 
conséquence,  une  étude  appliquée  et  approfondie  des  idiomes  actuels  du 
Midi  de  la  France,  pour  pouvoir  construire  une  grammaire  historique  du 
français,  claire  dans  toutes  ses  parties,  nous  ne  voulons  pas  pour  cela  qu'on 
néglige  l'étude  des  patois  de  la  France  du  Nord.  Au  contraire,  l'idéal, 
c'est  une  combinaison  de  ces  études  qui  seule  pourra  souvent  mener  à  un 
éclaircissement  total  des  parties  obscures  de  l'ancienne  langue  française. 
Les  patois  français  du  Nord,  qui  continuent  directement  les  anciens  dia- 
lectes dans  lesquels  nous  est  transmise  la  littérature  française  du  moyen 
âge,  ont,  en  partie,  conservé  leurs  anciennes  formes  et  leur  ancienne  pro- 
nonciation; en  partie,  ils  se  sont  développés  ultérieurement  et  se  sont 
même  éloignés  extrêmement  de  leur  passé  littéraire.  Mais,  dans  tous  les 
deux  cas,  ils  nous  fournissent  des  renseignements  sur  l'ancienne  langue, 
soit  qu'ils  nous  les  donnent  directement  (dans  le  cas  d'une  conservation 
intacte)  ou  qu'ils  nous  permettent  de  les  déduire  (dans  le  cas  où  le  patois 
aurait  progressé).  Toujours  la  comparaison  de  ce  qu'on  a  trouvé  ou 
reconstruit,  à  l'aide  des  patois  français,  comme  probable  pour  l'ancienne 
langue  française,  avec  ce  qui  existe,  dans  le  cas  analogue,  dans  les  patois 
conservateurs  du  Midi,  mènera  à  des  résultats  plus  assurés  que  ne  le  per- 
met l'observation  la  plus  sévère  de  l'ancienne  orthographe  et  des  rimes 
des  textes  français  du  moyen  âge.  Souvent,  par  la  combinaison  des  faits 


LA    PllONLi.viv,i.    à..»à  i.iilMLNTALL.  227 

observes  dans  les  patois  du  Nord  et  du  Midi  avec  les  moyens  littéraires 
des  anciens  textes,  nous  arriverons  à  l'évidence  là  où,  sans  le  concours 
des  patois  méridionaux,  il  n'y  aurait  jamais  que  des  ténèbres. 

Si,  de  cette  manière,  le  passé  de  la  langue  française  est  éclairé  par  la 
lumière  directe  que  donnent  les  patois  vivants,  nous  créerons  une  gram- 
maire historique  du  français  bien  supérieure  à  tout  ce  que  nous  pouvons 
lui  demander  de  nos  jours,  alors  que  l'étude  des  patois  du  Nord  et  surtout 
du  Midi  n'est  que  commencée.  Une  grammaire  historique  du  français, 
construite  avec  ces  moyens,  éclaircira  en  même  temps  les  développements 
analogues  des  autres  langues  romanes  et  contribuera  à  l'avancement  de  la 
grammaire  romane  comparée  bien  plus  que  ne  le  fait  la  comparaison 
intempestive  ou  prématurée  des  patois  des  différentes  langues  romanes. 
Diez  a  créé  la  grammaire  romane  en  comparant  les  langues  romanes  entre 
elles;  l'étude  comparée  des  patois  de  la  France  nous  permettra  de  con- 
struire la  véritable  grammaire  historique  française.  Plus  tard,  quand  des 
grammaires  particulières,  basées  sur  l'étude  des  patois,  seront  faites  pour 
toutes  les  langues  romanes,  on  recommencera  avec  succès  la  comparaison 
de  ces  langues,  et  l'on  possédera  ainsi  la  grammaire  comparée  des  langues 
romanes  dans  un  état  parfait.  M.  W.  Meyer  a  repris  l'ouvrage  de  Diez 
déjà  de  nos  jours  :  il  est  venu  trop  tôt,  il  a  dû  fatalement  échouer.  Nous 
ne  sommes  pas  encore  à  l'époque  des  revues  générales  ;  au  contraire,  pour 
l'étude  des  époques  plus  récentes  des  grammaires  romanes,  un  sain  iso- 
lement vaut  mieux  aujourd'hui  qu'une  synthèse  qui,  présentement,  ne 
peut  jamais  qu'être  incomplète  et  superficielle. 

Résumons-nous!  Sans  l'étude  approfondie  des  patois  aussi  bien  du  Midi 
que  du  Nord  de  la  France,  pas  de  grammaire  historique  de  la  langue 
française  et,  par  conséquent,  pas  de  grammaire  comparée  des  langues 
romanes  qui  vaille.  L'étude  des  patois  est  l'A  et  Vu  de  toute  grammaire 
historique.  Pour  bien  étudier  les  patois,  il  faut  être  un  véritable  phonéti- 
cien, c'est-à-dire  un  phonéticien  naturaliste,  physicien  et  physiologiste. 
Or,  comme  la  grammaire  historique,  qui  ne  peut  plus  se  passer  de  l'étude 
des  patois,  forme  une  partie  intégrale  de  la  philologie,  ce  ne  sera  pas 
seulement  la  grammaire,  ce  sera  toute  la  philologie  moderne  qui  prendra 
le  caractère  d'une  science  naturelle —  On  a  oublié  trop  longtemps,  et  on 
l'oublie  encore  tous  les  jours,  que  les  langues  se  composent  de  sons  qui 
appartiennent  par  leur  effet  acoustique  à  la  physique,  par  leur  formation 
à  la  physiologie,  et  que  les  lettres  de  l'alphabet  ne  sont  que  des  signes 
très  imparfaits  de  ces  sons  vivants  du  temps  présent  et  du  passé.  L'étude 
de  la  valeur  réelle  de  ces  lettres  passées  ou  présentes  ne  peut  être  faite  que 
par  un  naturaliste  qui  sache  reconnaître  les  émissions  de  la  voix  cachées 


228  KOSCHWIT2. 


SOUS  les  lettres,  qui  sache  faire  revivre  le  passé  en  donnant  aux  lettres 
mortes  une  réalité  vivante.  Nous  ne  condamnonspaspour  cela  la  méthode 
historique  qu'on  a  suivie  jusqu'à  présent  dans  les  recherches  grammati- 
cales :  elle  a  sa  valeur  et  elle  nous  a  donné  la  préparation  nécessaire  pour 
bien  étudier  les  parlers  vivants,  langues  littéraires  et  patois;  mais  elle  a 
besoin  d'être  rajeunie  ou  régénérée  par  l'étude  de  l'actuaUté  vivante,  si 
elle  ne  veut  tomber  dans  un  état  stérile  de  pétrification. 

Je  ne  veux  pas  revenir  ici  à  mes  idées  sur  le  rôle  que  la  phonétique 
doit  jouer  dans  l'étude  de  la  syntaxe  historique^,  ni  démontrer  comment 
les  sciences  naturelles  demandent  leur  admission  même  dans  l'étude  his- 
torique de  la  littérature  et  des  mœurs,  depuis  que  la  psychologie  va  à 
l'école  de  la  physiologie  :  qu'on  me  permette  seulement  encore  quelques 
mots  de  consolation  pour  ceux  qui  aiment  beaucoup  les  lettres  et  la  phi- 
lologie, mais  qui  détestent  les  sciences  naturelles.  La  philologie  conservera 
toujours  des  domaines  où  les  sciences  n'entreront  pas,  et,  ce  qui  nous 
importe  le  plus,  on  pourra  même  toujours  s'occuper  utilement  des  patois 
modernes,  sans  posséder  l'outillage  coûteux  et  décourageant  que  M.  Rous- 
selot  nous  a  fait  connaître.  On  n'a  qu'à  s'informer  des  résultats  de  la 
science  phonétique  telle  qu'elle  existe,  à  s'habituer  à  bien  entendre  et  à 
bien  noter  ce  qu'on  a  entendu.  Avec  cela  et  avec  un  peu  de  résignation, 
quand  on  se  trouve  en  face  de  sons  inaccoutumés  et  difficiles  à  anal3'ser 
et  qu'il  vaut  mieux  livrer  aux  investigations  des  phonéticiens  naturalistes, 
on  peut  facilement  collectionner  des  matériaux  des  plus  utiles... 

'  Zeitschrift  fiïr  fran:(osische  Sprache  und  litteratur,  XII,  12  ss. 

KOSCHWITZ. 


LE   PATOIS    D'ARRÉNS 


Notes  de  phonétique 


VOYELLES 


a  tonique  est  intermédiaire  entre  Va  français  de  pas  et  l'a  de  part  : 
hé  pîirtat  «  vous  portez  »,  kar  «  chair  ». 

a  atone.  —  Protonique,  il  est  un  plus  fermé  :  ârai  «  rat  )).  Posttonique  et 
précédé  des  labiales  p  et  b,  il  tend  vers  o,  Ex.  :  prùhâ  «  poussière  »,  kùpâ 
«  culpabilité  »  ;  précédé  d'autres  consonnes,  il  tend  vers  è  :  àrâ  «  mainte- 
nant »,  tùtâ  «  toute  ».I1  sera,  néanmoins,  toujours  noté  a. 

e  tonique.  —  Fermé  àinspUk  «  pli  »,  éskùt'ét  «  balayette  »,  il  l'est  un  peu 
plus  quand  il  est  final  :  afè  «  rien  »,  biiriié  «  levain  »;  il  est  ouvert  dans 
ké  lit  «vous  l'avez»,  pê  «pied»,  mais  un  peu  moins  ouvert  que  Vè 
français. 

^ atone.  —  Il  est  fermé  dans  :  éskr^èè  «  écrire  »,  b^é  «  boire  »  ;  ouvert  dans 
pèrak  «  chiffon  ». 

i  tonique  et  atone  est  identique  à  1'/  français  :  ùhrtt  «  un  cri  »,  éskaJnt 
«  délié  »,  sqfi  «  isard  »,  hqri  «  crapaud  ». 

u  tonique  est  idendique  à  Vu  français  :  tu  «  toi  »,  gurut  «  gruau  »,  blu 
«  bleu  » . 

u  atone.  —  Il  tend  vers  œ  :  biirluièra  «  penture  »,  trùèûkà  «  trébucher  ». 

0  tonique  est  ouvert  :  képôt  «  il  peut  »,  kéld  «  il  l'eut  »,  ardk  «  enroué  ». 

u  tonique  est  très  ouvert  :  bùs  «  vous  »,  gù:^a  «  oser  ». 

u  atone.  —  Il  est  plus  ouvert  encore  et  tend  vers  o  :  alihçrû  «  délié  », 
parlnst'çrû  «  bavard  ». 

Les  voyelles  sont  nasalisées  quand  elles  étaient  suivies  en  latin  d'une 
consonnes  nasale  :  pie  «plein»,  pâ  «pain»,  kà  «  chien»,  bî  «vin», 
M  «  un  » ,  hù  «  bon  » . 

Elles  se  nasalisent  faiblement  lorqu'elles  sont  suivies  ou  môme  préçé- 


230  CAMELAT. 

dées  actuellement  d'une  consonne  nasale  :  kémJii^ya  «  il  mange  »,  kéèîmhç 
«  ils  veulent  faire  » . 

Nota.  —  Une  voyelle  nasale  perd  de  sa  nasalité  dans  le  discours 
rapide  :  déhùmàtï  pour  dé  bïi  màfi  «  de  bon  matin  ». 

A  la  finale,  on  croirait  entendre  deux  nasales,  la  seconde  plus  forte  que 
la  première  :  plàà  «  beaucoup  ». 

DIPHTONGUES 

ay  :  kristay  «  cristal  »,  afétciy  «  retaille  »,  pay  «  père  ».  —  au  :  kalmi 
«  pierre  »,  pùr-tan  «  portail  ».  —  èy  :  kènèy  «  j'allai  »,  héléstànkèy  «  je  l'ar- 
rêtai ».  —  eu  :  grçû  «  regret  »,  /m  «  tôt  »,  sçiï  «  ciel  ».  —  çy'  :  biitéy 
«  vautour  ».  —  m  :  mçâ  «  miel  ».  —  iy  :  kùhiy  «  je  le  vis  ».  —  jû  :  afjû 
«  ruisseau  »,  mhït  «  menu  ».  —  in  :  kiiryùs  «  curieux  ».  —  ya  :  béryak 
«  ivrogne  »,  byagyéff  voyage  ».  — yê  :  liHyer  «  gourmand  »,  byetya  «  vierge  ». 

—  ny  :  ùrgùy  «  orgueil  ».  —  ut  :  prîiéra  «  prunier  »,  piiriïèra  «  déman- 
geaison » .  —  ùy  :  krûy  «  quenouille  » ,  pùy  «  pou  » .  —  iva  :  kwqté  «  q uatre  » . 

—  u'ê  :  dnuèla  «  douve  »,  paîiuès  «  patois  ».  —  lué  :  ivé  «  aujourd'hui  ». 

TRIPHTONGUES 

çâu  :  pciièàn  «  grosse  pièce  de  bois  que  l'on  fixe  sur  les  murs  d'une 
construction  pour  retenir  les  chevrons  et  les  fermes.  »  —  çtuy'  :  hékrkuy 
«  je  crus  ».  — yqû  :  màtéryqâ  «  matériel  »,  màtyâû  «  matinée  ».  —  iuy  : 
kéb'iûy  «  je  vins  ».  — yày  :  aryây'  «  pré  inculte  sur  le  bord  du  Gave  ».  — 
yéy  :  myéy  «  milieu  »,  — yhl  : graby'eû  «  Gabriel  ».  — yiû  :  haréyju  «  éphé- 
mère ».  —  wéy  :  luéy  «  œil  »,  nivéyri  «  nourrir  ».  —  wéû  :  bwçu  «  bœuf  », 
uéâ  «  œuf  » . 

CONSONNES 

En  dehors  des  cas  d'assimilation  dont  nous  nous  occuperons  plus  loin, 
elles  ne  donnent  lieu  qu'aux  remarques  suivantes  : 

k.  —  Le  k  devant  y  devient  M  :  likyèr  pour  likyèr  «  gourmand  »,  et 
devant  les  diphtongues  éo,  ta  :  liy  à  pour  ké  0  «  que  oui  »  ;  et  My  a  «  celui 
qui  a  »  pour  et  ki  a. 

Jjy.  —  §yàmès  «  jamais  ». 

y.  —  kélajùgat  pour  ké  las  gyîtgat  «  tu  l'as  joué  ». 

è.  —  brqèa  «  sage  ».  —  v  n'existe  pas;  /est  importé  du  français. 

l.  —  mâ:(  ^aryen  «  main  d'argent  ». 


LE   PATOIS    DARRiNS.  23  I 


<^.  —  Ce  caractère  représente  un  g  qui  tend  X  devenir  fri:atif  :  ùblij^a 
«  obliger  '  ». 

/•  —  Cette  lettre  se  trouve  dans  les  mots  empruntés  au  français  et  dans 
une  quinzaine  d'autres  :  en  fafarnà  «  salir  »,  fùtcàn  !  «  exclamation  de 
surprise  »,  fldk  «  bouquet  »,  fléskérét  «  loquet  »,  farlat'ikas  «  contes 
légers  n  fakyçyas  «  vaines  caresses  »,  énfa^a  «  ennuyer  »,  etc. 

s,  ;^.  —  M.  Passy  croit  que  notre  i  diffère  du  j  français  en  ce  que  le 
bout  de  la  langue  s'avançant  comme  pour  un  s  ordinaire,  la  partie  immé- 
diatement postérieure  se  relève  comme  pour  un  y.  Le  s  se  trouve  surtout 
\  la  finale  et  précédé  ou  suivi  d'un  /,  même  remarque  pour  le  :^.  Pour 
moi,  n'y  pouvant  rien  reconnaître  de  spécial,  je  note  simplement  ces  deux 
sons  par  s  ;ç. 

€yj.  —  Ils  se  forment  comme  en  français.  Le  ^  final  des  vieillards  venant 
après  une  diphtongue  dont  le  second  élément  est^,  est  remplacé  par  5  chez 
les  jeunes  :  pa\'€  «père»,  wmy^  «mère»,  hristaye  «cristaux»,  paréye 
«paire  »,  sont  devenus  pays^  mâys,  kèristays^  paréys.  — €  final  ordinaire 
tend  vers  s  devant  une  explosive  soufflée  et  vers  :(  devant  une  explosive 
vocalique  :  nhçskèmbd  «  un  fardeau  il  en  veut  » ,  kébasté:^^ap  «  il  bâtit  avec  » . 
—  €,  /,  s,  ;^  précédées  de  ;/  sont  allongées  :  sàneigâlas  «  s'ils  ont  des  han- 
netons »,  késénsaiitân  «  ils  sautent  ».  On  le  remarque  surtout  en  compa- 
rant les  mêmes  fi-icatives  précédées  de  m  et  de  n  dans  les  patois  des 
environs  de  Tarbes, 

t€,  tj.  —  t€  ne  se  trouve  que  dans  le  corps  d'un  mot,  jamais  à  la 
finale  nièUé  «  apprivoisé  »;  //  est  formé  par  la  rencontre  de  Vs  final 
(aujourd'hui  tombé),  de  èts  «  ave^  »  et  d'un _)-  suivant  :  milètjqmé:(tiSy  nû  Ut 
inmés  bis  «  vous  ne  l'avez  jamais  vu  ». 

h.  —  Il  sort,  comme  nous  verrons  plus  loin,  de  5  ou  de  €. 

//.  —  C'est  une  aspirée  soufflée  qui  s'emploie  devant  un  mot  isolé 
ayant  une  voyelle  à  l'initiale  ou  encore  dans  les  exclamations. 

y.  —  /  est  passée  à  y  X  la  finale  et  devant  le  s  de  flexion.  Ex.  :  kfiméy 
«  conseil  »,  et  sen  sùréy  «  l'ostensoir  »,  kabéys  «  épis  de  blé  ». 

y  .  —  C'est  un  y  soufflé  '-yày  . 

r.  —  Le  r  n'est  jamais  initial  d'un  mot,  un  a  le  précède  toujours. 
Intervocal,  et  suivi  d'une  explosive,  il  n'a  qu'un  seul  battement  :  ara 
«maintenant»,  akérà  «cela  »;  ils  est  des  personnes  et  de  petits  enfants 

'  Le  système  graphique  employé  ici  réclamerait  pour  ce  son  un  g 
surmonté  d'un  /;  ;  mais  le  temps  a  manqué  après  la  remise  de  la  copie 
pour  pouvoir  graver  ce  caractère. 


CA  MELAT. 


qui  le  suppriment  dans  ce  cas,  disant  :  nkuè  pour  ùkurè  «  un  curé».  Il 
peut,  étant  intervocal,  être  fortement  roulé  :  ^qra  «  du  tout  »,  baféya 
«  verser  ». 

/.  —  On  trouve  de  nombreux  exemples  du  son  intermédiaire  entre 
/  et  r,  chez  les  enfants  surtout.  J'ai  entendu  :  arékôrta  pour  arékçrta 
«  récolte  »,  al-hàba  pour  arkoha  «  alcôve  ». 

ks,  gx^,  kt,pl.  —  Ces  groupes  n'existent  pas  dans  les  patois  d'Arréns. 
Les  illettrés  les  trouvant  dans  le  français,  prononcent  ts  pour  fa,^;^  pour  ^:(, 
th  pour  kt  et  pt.  Ils  disent  ainsi  :  étsèthéyiour  èksèpîé,  èd^àmpl  pour  èg:(àmpl, 
àth  pour  àkt. 

Consonnes  renforcées.  —  Lorsqu'on  veut  appuyer  sur  un  mot  dont  la 
première  lettre  est  une  consonne,  celle-ci  est  renforcée,  lors  même  qu'elle 
serait  placée  entre  voyelles.  Ainsi  dans  :  èbéroy  «  et  joli  »  se  prononcera  : 
èbhéroy;  kézélè  «  il  est  laid  »  :  kêddéllè. 

La  consonne  initiale  étant  suivie  d'une  autre  consonne,  toutes  les  deux 
sont  renforcées  :  ke^é  porôpi  pour  kéiéporçpi  «  il  est  propre  »  ;  ké  la  khlû- 
Jéétcfia  pour  kélakulîiMû^a  «  il  l'a  crochetée  ». 

La  voyelle  a  précède  toujours  r  initial;  mais  si  on  veut  appu3'er,  la 
lettre  euphonique  disparaît,  et  on  a  r  fortement  roulé  :  f  ré  pour  are  «rien». 

LETTRES   ADDITIONNELLES. 

Nous  réunissons  sous  ce  titre  les  lettres  qui  apparaissent  entre  deux 
mots  dont  ni  l'un  ni  l'autre,  à  l'état  isolé,  ne  les  possèdent  actuellement. 

l  dans  aiaséi  pour  a  asét  «  à  celui-là  »;  rt^^mpour  a  ares  «  à  personne  ». 

g  dans  bùlégak  pour  hûlé  ak  «  le  vouloir»;  ànàgak  hé  pour  ànà  ak  hè 
«  aller  le  faire  ». 

r  dans  démàrasé  pour  demà  at  se  «  demain  au  soir  »  ;  kaûkarùa  pour 
kqûka  ùa  «  quelqu'une  »;  ârà!  pour  â  à  «.  ah  oui  !  ». 

Vr  des  infinitifs  de  la  première  conjugaison  se  conserve  si  le  mot  sui- 
vant commence  par  une  voyelle  (le  plus  souvent  devant  le  pronom  ak 
«  cela  »  :  préslarasogés  pour  présta  asoges  «  prêter  ceci  »  ;  sérkqrak  pour 
sérka  ak  «  chercher  cela  ». 

y.  —  L'y  des  infinitifs  en  éy  se  conserve  de  même  et  parallèlement  à  la 
forme  en  g  lorsque  le  mot  suivant  a  une  voyelle  à  l'initiale  : 

hùJéyakhè  pour  bùlé  ak  hé  et  bùlégak  «  vouloir  le  faire  »;  kréyak  pour  kré 
ak  et  krégak  «  le  croire  ». 

Quelquefois  ces  lettres  additionnelles  se  placent  les  unes  pour  les 
autres,  ainsi  on  dit  :  àncigak,  ànàrak,  ànàfak  «  aller  le  ».  Il  est  à  remar- 


LE    PATOIS    D  ARRENS.  233 

qucr  que  i  est  d'introduction  récente,  provenant  du  dialecte  d'Argelés. 
Elle  est  constamment  employée  pour  /;  r  dans  le  parler  des  Messieurs. 

^  pour  ;  dans  </^i/v,-j,  qui  devrait  se  dire  étvmologiquement  a  ra  ay:^a 
«  à  la  aise,  ;\  l'aise  » . 

b,  ^y,  y  pour  n  dans  béàiité,  gyihm.,  rjuuu,  mimt  «  un  autre  ».  Dans  le 
langage  des  enfimts,  on  trouve  de  nombreux  exemples  de  fricatives  se 
plaçant  dans  le  corps  des  mots,  les  unes  pour  les  autres.  J'ai  entendu  des 
enfants  dire  :  mùkarn  pour  mfikaiù,  r  pour  ^  «  mouchoir  »,  èrûn  pour 
èi;iin  «  et  dont  »,  r  pour  ^  et  réciproquement  :  ak^o  ^o\xr  akérà  «  cela  », 
^  pour  r,  q^a  pour  ara  v  maintenant  »,  i  pour  r. 

RÉSON\A\CES 

Dans  la  prononciation  lente,  lorsqu'une  consonne  explosive  initiale  est 
suivie  d'un  r  ou  d'un  /,  il  se  place  entre  les  deux  consonnes  un  bruit 
plus  ou  moins  léger. 

Ma  mère  dit  :  kcrnmà  pour  brùmà  «  nuage  »,  îunilèy  pour  trùiéyj 
knTiits  pour  krûts  «  croix  »,  éspérit  pour  esprit,  éspéîlngâ  pour  éspljnga 
«épingle»,  félistas  pour  Jîistas  «coup  de  gaule»,  apéléga  pour  apléga 
«  ramasser  »,  ar/çr^a/^  pour  artàrkîa  «andin  de  foin  que  l'on  va  engranger». 

Quelquefois  même  ce  bruit  acquiert  la  longueur  d'une  voyelle  ordinaire. 
J'ai  entendu  :  kalan  pour  klqn  «  clef». 

CHUTE   DE   CERTAINS   SONS 

Une  fricative  placée  entre  deux  voyelles  semblables  tend  à  tomber,  et 
les  deux  voyelles  se  réunissent  en  une  longue. 

J'ai  entendu  :  érànephasqyiikrt'x  pour  érânepbasqiayiikré)'  «  la  nuit  passée 
je  crois  ». 

Il  y  a  deux  mois,  une  personne  me  dit  sur  la  route  :  kéî'é\zfbbilà  «  tu 
viens  du  village  »,  la  finale  ^yé  ne  fut  pas  articulée. 


ASSIMILATION 

Voyelle  -f-  voyelle. 

Tonique  -\-  atone  donnent  une  voyelle  longue  si  elles  sont  de  même 
nature  : 

kéiéplâkfu,  ké  de  plà  akiil  «  il  est  bien  là  »;  ké^élelùry  ké  dé  le  èlùr  «  il  est 


234  CAMELAT. 

laid  et  sale  »  ;  két'îji(çra,  ké  hi  ijiiçra  «  il  vit  Isidore  »  ;  iéèçli,  se  bo  àli 
«  s'il  veut  de  l'huile  »  ;  nkaneifrit,  ù  kaeùîièrit  «  un  caisson  ouvert  ». 

é  initial  atone,  en  contact  avec  une  voyelle  tonique,  peut  s'élider  : 

hèla^uga,  hè  la  éeuga  «  fois  qu'elle  s'essuie  »  ;  kéhèllnhcj.^a^  ké  hè  U  en  kc^T^a 
«  il  foit  laid  à  la  maison  »;  kafininàri'bàn,  ké  a  fini  en  ariiàn  «  il  acheva  en 
venant  »;  ûntaét ,  ù  enta  et  «  un  pour  lui  »;  képloskùta,  ké  plô  éôkï^ta  «  il 
pleut,  écoute  »;  hélMka(ra,  hè  lu  énka^ra  «  fais-le  encadrer  ». 

Atone  +  tonique  ou  atone  initiale.  —  La  tonique  ou  l'atone  initiale 
s'assimilent  l'atone  simple  : 

éskèpéras,  hka  è  pèras  a  amadou  et  pierres  »;  kéiemyelaklil ,  ké  dé  myélj 
akiîi  «  il  est  mieux  là  »;  criièakéhètùt,  éra  ifèa  ké  hè  tût  «  l'intention  foit 
tout  »;  kèiérçra,  ké  dé  éra  çra  «  c'est  l'heure  »;  hègunû,  hè  gé  ù  nu  «  fois-y 
un  nœud  ». 

Consonne  entre  voyelles  ou  /,  r,  ;(,  tv  et  voyelle. 

1°  Les  consonnes  finales  p,  t,  k,  5,  €  deviennent  sonores  devant  une 
voyelle. 

Ex.  :  et  kap  en  1er  a,  êkhaèéntèfa  «  la  tête  par  terre  »;  et  mité,  éintlté 
«  l'autre  »;  kém  ak  as  a  di^é,  kémàga:(aii:(é  «  tu  dois  me  le  dire  »;  bés  akérô, 
bé:(akéro  «  vois  cela  »;  ké  éhlnré^  et  pnme,  kéh' lùréjéphîimè  «  le  pommier 
fleurit  ». 

2°  Les  consonnes  douces  b,  d,  g  deviennent  fi^icatives  lorsqu'elles  sont 
entre  voyelles  ou  entre  r,  :(,  /  +  voyelle. 

Ex.  :  arèéyqsé  «  se  promener  »;  màT^aryen,  màs  daryén  «  mains  d'argent  »; 
kaxpé'^in,  kas  bé^^îin  «  tu  as  besoin  ». 

3°  Les  consonnes  douces  b,  d,  gy  initiales  deviennent  également  frica- 
tives lorsque,  précédées  d'une  voyelle,  elles  sont  suivies  de  r  ou  /  ; 

Ex.  :  nat'làiika,  i)a  blàfika  «  une  blanche  »  ;  kéiétraha,  ké  dé  brava  «  elle 
est  sage  »;  ké^éjésit  pour  ké  dés  gyésit  «  tu  es  sorti  »;  kélajiigat  pour  ké 
las  gyu^at  «  tu  l'as  joué  ». 

Les  mots  introduits  récemment  du  français  font  exception  à  cette  règle  : 
îibliga  «  obliger  ». 

b  intervocal  suivi  de  w  se  confond  avec  lui  :  ùaiveta  pour  îia  bw'eta 
«  une  boîte  ». 

Consonne  +  consonne. 

Explosive  soufflée /j,  t,k  -\-  p  =ph,  -\-  t  ^=^  th,  -\-  k  =  kh  : 
p  :  ékhaphèn-eat,  et  kap  péneat  «  la  tète  penchée  »  ;  aképhéu,  aké.t  peu  «  ce 
cheveu  »;  saphézasat,  ôdkpé^asat  «  sac  rapiécé  ». 


LE    PATOIS    d'aRRÈNS.  255 


/  ;  dathu,  dap  tu  «  avec  toi  »;  sépùrtaOnit^  se  ptirtat  tût  «  si  vous  portez 
le  tout  »;  5ath()kas,  se  ak  tçkas  «  si  tu  le  touches  ». 

I  ne  se  trouve  pas;  k  n'est  initial  que  dans  le  mot  koy  «  enfant  ». 

h  :  kakh\y\  kap  kny'  «  tète  mie  >>;  nerakûmàkhart'û,  n}ra  kùtnâ  et  karti} 
«  noire  comme  L*  charbon  »;  bakhaitî'c\?  bé  ak  kaii  béy?  «  il  le  faut  bien 
voir?  » 

Explosive  soufflée  -\-  b^^  bb,  -}-  ci  ^=dd,  4"  ,^  =  flh*  '^  Sy  "^  S9>  "^  ^^^ 
inm,  -f-  »  =  nn,  -\-  n  =  un,  -j-  1=:  U,  -\-  [  =  11  : 

b  :  niihbùy,  iiîi  p  /wv  «  je  ne  vous  veux  pas  »;  ànàbbêm,  ânnt  bette  «  allez 
vendre  »;  kabboy;j:^c,  kè  ak  boy  di-:;é  «  je  vais  le  dire  ». 

d  :  akhaddékatikétçns,  at  kap  dé  kauké  tém  «  au  bout  de  quelque  temps  »; 
sélêddal?  se  l  et  dat  ?  «  l'avez-vous  donné  ?  »  ;  cvibèddflau^ét,  en  bék  d  ù  aû:^èt 
«  dans  le  bec  d'un  oiseau  ». 

^^y  :  satsa^gyqméSy  se  ak  SAp  i;yiinics  «  si  jamais  il  vient  à  le  savoir  »  ; 
nùlayré^^yétat,  tiîi  l  ayrct  gyétat  «  vous  ne  l'auriez  pas  jeté  »;  séla^gytlnls,  se 
l  ak  §yûiiés  «  si  tu  le  lui  joins  ». 

g  :  n{iggo:(é^i:;éj  nû  p  gç:^é  di^é  «  je  n'ose  vous  dire  »;  aggàbbàntat^  at  gat 
bantat  «  au  chat  vanté  »  ;  kaçgoia::^i:^é,  ké  ak  gç:(as  dl:^é  «  tu  oses  le  dire  » . 

m  :  nfinêgatràmniiS ,  nit  lu'  ck  a  trop  mes  «  il  n'y  en  a  guère  plus  »; 
àmmàrea,  at  màrea  «  au  marcher,  marcher,  infinitif  pris  substantivement  »; 
bé^àmmîisu,  bét  ak  tmisii  «  vovez-le  monsieur  ». 

n  :  mmnè^éaré ,  nîi  p  ncî^é  arc  «  je  ne  vous  nie  rien  »;  cnné,  et  né  «  le 
noir  »;  sélànnégat^  se  l  ak  néî^at  «  si  vous  le  lui  nie^  ». 

n  :  kisànuaiité,  ki  sap  uMté  «  qui  sait  un  autre  »;  éntjêèré,  et  netré  «  le 
genièvre  »;  sélànnàkqra  ?  se  l  ak  nàkara  ?  «  le  lui  mordra-t-il  ?  ». 

/  ;  kaUêiixc,  kap  léuyè  «  tète  légère  »;  bélln,  bét  U'i  «  voyez-le  »;  hikallwén, 
hjka  ak  huén  «  écarte  cela  » . 

/  ;  ùkolléyut,  û  kop  [cynt  «  un  coup  choisi  »;  séUèvas?  se  t  Ircas?  «  te 
lèves-tu  ?  »;  sélallésat,  se  l  ak  lésât  «  si  vous  le  lui  laissez  ». 

Explosive  soufflée  -\-  f=f,  -\-  s  =  ts,  -\-  £  =  te  : 

f  :  érah'(f-riprinà,  ha  aimp  fèripiinà  «  le  renard  rusé  »;  nâficét,  nât  fwét 
«  aucun  fouet  »;  safélika^akiil,  se  ak  filikas  akiii  «  si  tu  le  mets  là  ». 

s  :  mitsûi'ït,  nû  p  sûtît  «  vous  ne  vous  souvenez  pas  »;  k  étsaiuty  kéèt  sai'ui 
«  vous  avez  su  »;  tii~ipatsavéréyii:^é,  nîi  p  ak  sat'éréy  diié  «  je  ne  saurais  vous 
le  dire  » . 

€  :  ùsklçt£upalénàyga,  û  ésklop  €upat  ^à  qy^a  «  un  sabot  immergé  dans 
l'eau  »;  sùpét€au:^it,  su  pé  et  eatiiit  «  si  vous  l'avez  choisi  »;  sétatenkès^  se  t 
ak  €ukès  «  si  tu  le  suças  » . 


236  CAMÊLAT. 

Explosive  soufflée  +  ;(  ou  ;'.  —  Le  ;(  initial  n'existe  que  dans  quelques 
mots  empruntés  au  français,  comme  T^élaîù;  je  ne  crois  pas  qu'une  explo- 
sive soufflée  le  précède  jamais.  On  ne  trouve  pas  non  plus  p  -\-  j.  Mais 

/  +  ;  et  Â;  4- /  = // •• 

sélètjamé^ijsta,  se  l  et  jqmh  bjsta  «  si  vous  l'avez  jamais  vue  »;  iélatjénet, 
se  l  ak  jénct  «  si  vous  la  gênâtes  « . 

Explosive  soufflée  -\-  r.  —  Le  r  n'étant  jamais  initial,  ce  groupe  ne  peut 
se  rencontrer  que  dans  le  corps  d'un  mot.  Or,  comme  nous  l'avons  vu, 
une  résonnance  vocalique  se  place  toujours  entre  les  deux  consonnes. 

Explosive  soufflée  +  h'  : 

p  -\-  li  =  ph  :  ùsklophénùt,  ù  èsklàp  hénût  «  un  sabot  fendu  ». 
^  +  //  =  //y  ;  sélèthikat,  se  l  et  hikat  «  si  vous  l'avez  mis  » . 
^  +  /;'  =  /;''  tend  vers  /'''  ;  kakhïra:^ès,  ou  kathïrazès,  ké  ak  hùrazès  «  tu  y 
pratiquas  un  trou  ». 

Explosive  soufflée  -\-  s  -\-  explosive  soufflée  ou  vocalique.  La  première 
explosive  tombe  : 

akospériuts  (a  kop  s  périuts),  a  kôt  s  pér^iits  «  à  coups  perdus  »  ;  àîuîims- 
pér  et,  àmûeats  péJ-  et  «  attirés  par  lui  »;  ako/j^ékalaû  (a  kôp  s  dé  kalaû), 
a  kot  s  dé  kalqn  «  à  coups  de  pierre  »;  klnskla'^gràns  (Jiins  klak  s  gràns), 
klns  Mat  s  gràns  «  quels  grands  coups  ». 

Nasale  +  labiale  (^,  V)  =  m  (tnp,  nih)  : 

w  :  nùèiilwnpasa ,  nîi  hiilîim  pasa  «  nous  ne  voulûmes  pas  passer  »; 
kélembis,  ké  l  èm  bis  «  nous  l'avons  vu  » . 

n  :  nu>àmpît~ut ,  ml  an  pnini  «  ils  n'ont  pas  pu  »;  kéèàtnbéy,  ké  bàn  béy 
«  ils  vont  voir  ». 

n  :  késplampéy,  ké  s  plan  péy  «  Pierre  se  plaint  »  ;  élwémbatista  ?  é  Iwén 
batista  ?  «  est-il  loin,  Baptiste  ?  » . 

Nasale  +  dentale  (/,  d)  =  n  (nt,  nd)  : 

m  :  sélentùkat,  se  l  em  tùkat  «  si  nous  l'avons  touché  »;  kéèàndém,  ké  bàm 
déea  «  nous  allons  laisser  ». 

n  :  kélàntirat,  ké  l  an  tirât  a  ils  lui  ont  tiré  »;  kéJàndat,  ké  l  an  dat  «  ils 
lui  ont  donné  ». 

11  :'kemensîMntè,  ké  m  en  sûèen  té  «  je  m'en  souviens,  tiens  »;  ûpnndévus- 
kqys,  ùpùn  dé  buskays  «  une  poignée  de  branchettes  ». 

Nasale  +  palatale  {ky,  §y)  =  n  (jtky,  n§y)  : 

m  :  gaytàniiyoy,  gqytànikyoy  «  regarde-moi,  enfant  »;  7ifin:(ébéngyàmés,  nîi 
enzé  bem^yàniés  «  nous  ne  nous  voyons  jamais  ». 


LE   PATOIS  d'aRRÈNS.  2$J 


Il  :  kaiiRyoySy  ke  an  kyoys  «  ils  ont  des  enfants  »;  nùpiïyeffyyésiy  nù  pùyen 
§yési  «  ils  ne  pouvaient  pas  sortir  ». 

y  ;  kêlcstreif^yahbés ,  ké  l  éstrcf}  §ya  ak  bés  «  il  le  serre,  tu  le  vois  bien  » . 
p  +  ^y  ne  se  rencontre  pas. 

Nasale  +  explosive  vélaire  {k,  g)  =  A  {jUk^  fig)  : 

m  :  kcJh'ikrùèit,  kélhn  krùt'it  «  nous  l'avons  couvert  »;  n-  tnmangtihitSy 
se  tnrnàm  yùhits  «  si  nous  revenons  mouillés  ». 

n  :  kd'àfikaîl^i ^  ké  bân  kaû:^i  «  ils  Vont  choisir  »  ;  kàngù:^at,  ké  an  gù^at 
«  ils  ont  osé  ». 

H  :  ùèàûkwt,  û  bân  kaût  «  un  bain  chaud  »  ;  sétaténg'çra  !  se  t  atèn  géra  ! 
«  tu  vois  bien  qu'il  t'atteint!  ». 

Xasale  +  nasale.  —  La  première  s'assimile  à  la  seconde. 

m,  «,  y  -f-  '«  =  w/wz  ; 

kemméty  ké  èm  met  «  nous  avons  peur  »;  pérùmmàmbis? pér  un  m  an  bis? 
«  par  où  m'a-t-on  vu?  »;  ùkii;;fininià:iu,  ù  kii^iitj  mâ^u  «  un  coing  mûr  ». 

m,  n,  n  -\-  n  =  un  : 

kalùsténnégat,  ké  a  iùstém  nègat  «  il  a  toujours  nié  »;  séîànnéiéyat^  se  l  an 
iié^tyat  «  si  on  l'a  nettoyé  »;  éiésprannfd'agayré ,  et  éspràn  nû  ba  gayré 
«  l'épargne  ne  lui  va  guère  ». 

m,  n,  n  -\-  îj  =  nn  : 

knènnàiité,  ké  en  èm  nàiité  v.  nous  en  avons  un  autre  »;  kàtjnâkat,  ké  an 
nàkat  «  ils  ont  mordu  »;  éstrênnàiitékçp,  éstré\i  muté  kdp  «  étreint  une  autre 
fois  ». 

Nasale  +  /,  s,  €,  j,  1=  n  Çnf,  ns,  ns,  nj)  : 

f  :  kélat'énfrikasqia ,  ké  l  a  bém  frikasa^a  «  nous  b  voyons  brisée  »  ; 
késîinfwétats  j  ké  s  sîin  fivétats  «  ils  se  sont  fouettés  »;  akéklni'enflnlt  y  akét 
kivén  finit  «  dès  que  ce  côté  sera  fini...  ». 

5  ;  kélènségit,  kél  em  ségit  «  nous  l'avons  accompagné  »;  embàntànsokijj:(eny 
en  bàntàn  sô  ki  li^én  «  en  vantant  ce  qu'ils  disent  »;  késplanslnsékaléy,  ké  s 
plan  sjnsé  kaléy  «  il  se  plaint  sans  nécessité  ». 

£  :  k'eneitmh ,  ké  èm  eibans  «  nous  avons  des  chevaux  »;  muukût?  an 
€ukat?  «  ont-ils  sucé?  »;  sékràn^étaféhôra,  se  kràn  €é  ta  déhçra  «  s'il  craint 
qu'il  s'en  aille  dehors  ». 

/  :  nîibénjênât,  nCt  bémjenàt  «  nous  ne  le  voyons  pas  gêné  »;  nùlànjâmh, 
nû  l  an  jàmés  «  ils  ne  l'ont  jamais  ». 

/  ;  késérkànlàmbniskas,  késérkàm  làmbniskas  «  nous  cherchons  des  raisins 
de  vigne  sauvage  »  ;  k^énhil^nà,  ké  bçién  lènà  «  ils  vendent  du  bois  de 
chauffage  »;  ùtèrènlèy  ù  téféii  lé  «  un  terrain  laid  ». 


238  CAMÈLAT. 

Nasale  (m,  n,  y)  -{- 1  =  vl  •' 

kùn'^ènlébat,  kù  çn^éhnlébat  «  nous  nous  l'avons  levé  »;  nUmàiflésatj  nù 
m  an  lésât  «  ils  ne  rîi'ont  laissé  »;  kéléstré^lèsan,  ké  l  éstre\}  lèsaû  «  il  le  serre, 
laissez-le  ». 

La  nasale  +  h  ne  souffre  pjs  de  modification. 

Latérales.  —  La  latérale  /  n'est  jamais  finale,  et  jy  remplace  toujours  / 
à  la  fin  d'un  mot. 

5  et  ^  finales  +  explosive  soufilée  =  s  : 

ké^éspértitt ,  ké  dés  pértiit  «  tu  es  partout  »  ;  képar  testât  aria,  plus  rap.  : 
képartéstatarèa,  ké  partes  ta  tqrva  «  il  part  pour  Tarbes  » . 

Les  petits  enfants  prononcent  érakhola  ou  bien  érahkhàla  pour  éraskola 
«  l'école  »  :  érakhola  est  la  forme  la  plus  répandue.  Les  petits  enfants 
prononcent  de  même  èthé  pour  esté  «  celui-ci  ». 

i  et  ^  finales  -f-  explosive  vocalique  =:  ^  : 

kéla^lat,  ké  l  as  dat  «  tu  lui  as  donné  »;  saféegqra  1  plus  rap.  :  saféi^gqfa? 
s  afés  gcffa  ?  «  rit-il  du  tout  ?  » . 

Toutefois,  dans  la  prononciation  rapide,  s'c;y  deviennent  /  : 

senâjânta,  se  n  as  f^yâuta  «  si  tu  en  as  une  autre  ». 

On  trouve  quelques  exemples  de  la  transformation  du  s  en  /;  devant 
un  I  et  un  î)  dans  la  prononciation  des  anciens. 

5,  ^  -f  nasale  =  ;(,  plus  rapidement  /;  (:^w,  ;(«,  :{«,  —  hm,  hn,  hy), 
+  /,  /  =h{hl,  hl),  +f=h{hf)  : 

m  :  séla:{niétut,  p.  r.  :  sélah'métut,  se  l  as  met  ut  «  si  tu  l'as  mis  »;  parté:(iné, 
p.  r.  :  partéh'nù,  partie  nié  «  pars  moi  ». 

n  :  kiwi:^negat,  p.  r.  :  hïvih'nêgat,  kù  bis  négat  «  tu  le  vis  noyé  »;  déspu:(;- 
nàskut,  p.  r.  :  déspuhnàskut,  déspue  nàskut  «  depuis  né  ». 

^  .•  senàT^iàiité,  p.  r.  :  sénàshnâuté,  se  en  as  nqûté  «  si  tu  en  as  un  autre  ». 

^  -j-  y  ne  se  trouve  pas. 

/  :  nntébahlùf;ya ?  tin  té  bas  hfgya?  «  où  vas-tu  loger?  »;  kafénèhîèu,  ké 
afénée  Ihl  «  il  finit  bientôt  ». 

i  ;  sahlébat..,  s  as  lébat...  «  si  tu  as  levé...  »;  sùiréhlèbat ,  se  ùhrée  levât 
«  sHl  ouvre,  lève-toi  ». 

/;  demmehfï,  dé  et  mes  fi  «  du  plus  fin  »;  èpuhflnit  é  pue  finit  «  et  puis 
fini  ». 

s  +  e,j  ==  h  {he,  hj)  : 

€  :  bo:(juh£iflats  ?  bos  dus  eifiats  ?  «  veux-tu  deux  soufflets  ?  » .  ' 

y  ;  sûèéhjàmes,  su  bés  jqtnés  «  si  tu  le  vois  jamais  ». 


LE   PATOIS   d'aRRÊNS.  2}$ 


4  -\-  5  =  hs  : 

parchsènù !  parée  senù  !  «  parais,  sinon!  ». 

^  -f  -N     -.vs; 

séùassùkùij^  se  bas  siikù^i  «  si  tu  vas  secouer  » . 

€  -\-  €  ^=€  : 

kùkctû:^éeaiîtm^  kù  kaii^ée  eaûtiû  «  il  le  choisit  tout  chaud  ». 

5  +  /;  =  55  : 

két'osséy  kè  bas  hé  «  tu  vas  faire  » . 
€  +  h  =  f£  : 

sépartéee^luy  se  partes  hé  lu  «  si  tu  pars  fais-le  ».  Le  A  n'est  pas  toujours 
assimilé,  et  on  l'entend  quelquefois  suivant  5  et  €. 


Conclusions  : 

1°  L'assimilation  est  régressive,  c'est-à-dire  que  le  second  élément 
produit  généralement  l'assimilation  du  premier.  Excepté  cependant  pour 
les  fricatives  5  et  ^  -f-  ^  comme  on  l'a  déjà  vu  ; 

2°  Les  explosives  soufflées  donnent  une  explosive  aspirée'; 

3°  Une  explosive  soufflée  +  une  explosive  vocalique  donnent  une 
explosive  vocalique  redoublée; 

4°  Une  explosive  soufflée  -\-  une  nasale  donnent  une  nasale  redoublée  ; 

5°  Une  explosive  soufflée  -\-  une  latérale  donnent  une  latérale 
redoublée  ; 

6°  Une  explosive  soufflée  -|-  une  fricative  soufflée  donnent  un  /  +  cette 
fricative.  Ce  /  disparaît  devant  un  /  (exception  pour  le  li)  ; 

7°  Une  nasale  -}-  plus  une  explosive  bilabiale  donnent  un  m  -\-  cette 
explosive  ; 

8°  Une  nasale  -|-  une  explosive  dentale  donnent  un  n  -H  cette 
explosive  ; 

9°  Une  nasale  -f-  une  explosive  palatale  donnent  un  t?  -H  cette  explosive  ; 

10°  Une  nasale  -f-  une  explosive  vélaire  donnent  un  fi  vélaire  +  cette 
explosive  ; 

II"  Nasale  -f  nasale  donnent  cette  nasale  redoublée  ; 

12°  Une  nasale  -f  /donnent  un  «  4-  /;  une  nasale  -|-  /  donnent  un 

y  +  i; 

13°  Une  nasale  +  une  fricative  donnent  un  n  -|-  cette  fricative  ; 
14"  Une  fricative  -|-  nasale  donnent  une  nasale  aspirée  dans  la  pro- 
nonciation rapide  ; 

15°  Une  fricative  +  une  latérale  donnent  une  latérale  aspirée. 


240  CAMELAT, 


Pour  ma  mère,  ces  dernières  assimilations  donnent  une  aspirée,  même 
dans  la  prononciation  lente. 

IL  —  Notes  de  Syntaxe. 

NOM 

Les  noms  propres  précédés  du  nom  veulent  toujours  être  précédés  de  la 
préposition  dé  :  hatistû  dé  kalot  «  Baptiste  de  Calot,  c.-à-d.  de  chez 
Calot  ». 

Il  en  est  de  même  des  noms  féminins  employés  comme  noms  propres  : 
mikeû  dera  kqxfi  pèy  dçra  krâmpa  «Michel  de  la  maison,  Pierre  de  la 
chambre  ». 

ARTICLE 

1°  L'article  ne  s'exprime  pas  dans  les  phrases  partitives  :  kêy  hnimpat 
h'iû  é plumets  «  j'ai  acheté  fil  et  plumes  »  . 

2°  On  peut  supprimer  l'article  après  ou  conjonction  :  déras  pétitas  ù 
grânâs  «  des  petites  ou  grandes  ». 

3°  L'article  ne  s'emploie  pas  lorsque  le  nom  est  précédé  des  préposi- 
tions a  «  a  »,  en  «  dans  »,  pér  «  par  »,  ta  «  pour  »  :  ké  soy  en  kq^a,  ké  bàm 
ta  misa  «  je  suis  dans  maison  »  ;  «  nous  allons  pour  messe  ». 

4°  L'adjectif  possessif  veut  toujours  être  précédé  de  l'article  :  et  mé  çml 
«  le  mien  mari  »,  çra  tô  hènnà  «  la  tienne  femme  ». 

ADJECTIF 

1°  gràn  peut  ne  pas  prendre  la  marque  du  féminin  :  (ta-gràn-pdrta  pour 
ùa-grânà-pàrta  «  une  grande  porte  ». 

2°  Lorsqu'un  adjectif  se  rapporte  à  deux  substantifs  de  genres  diffé- 
rents, il  s'accorde  avec  le  dernier  et  ne  prend  pas  le  pluriel,  à  moins  que 
le  reste  de  la  phrase  n'indique  que  l'adjectif  se  rapporte  aux  deux  sub- 
stantifs :  Tia  màynqia  è  ù  màynàt  héroy  «  une  fillette  et  un  garçon  joli  »,  ou 
réciproquement  :  il  màynàt  è  ùa  maynàifi  béràya.  —  ké  gqyta  dap  éts  néys 
è  ra  bnka  iivriia  «  il  regarde  avec  les  yeux  et  la  bouche  ouverte  ». 

3°  L'adjectif  possessif  est  toujours  invariable  à  Arréns. 

4°  premé  «premier»,  employé  dans  le  sens  de  «avant»  est  toujours 
suivi  de  ké  «  que  »  :  kanUy  preme  ké  tu  «  j'arrivai  premier  que  toi 
(avant  toi)  ». 


LE   PATOIS   D*ARRÈNS.  24 1 


5"  L'article  et  l'adjectif  possessif  se  suppriment  devant  les  noms  pay 
«  père  »,  niày  «  mère  »,  payait  «  grand-père  »,  màye^ta  «  grand' mère  », 
îinklè  «  oncle  »,  tata  «  tante  »  ;  mais  non  devant  nebiit  «  neveu  »,  ht 
«  fils  »,  etc.  :  pay-ké-ié-t'fût  «  père  est  venu  »,  êy  ûnkU?  «  mon  oncle?  » 

6°  th  pluriel  de  ù  «  un  »  joue  le  rôle  d'article  panitif  :  kù-lé-ûs-koi-fé- 
pû\i  «  il  lui  donna  des  coups  de  poing  !  » 

PROXOM 

1°  Les  pronoms  personnels  se,  lu,  la,  û  compléments  d'un  verbe  à 
l'impératif  ou  à  l'infinitif  se  placent  toujours  après  le  verbe  :  ké  màr€}n 
s'tnsé pîirtasé  en  lôk  «  ils  marchèrent  sans  se  porter  5oi  en  lieu  (nulle  part)  », 
pérké  métçmé akérd  «  pourquoi  mettre  moi  cela  ». 

2°  Les  pronoms  pé  «  vous  »,  té  «  toi  b  suivent  le  k/  qui  précède  le 
verbe  ou  le  verbe  lui-même  :  ta  ké  pé  et  bîïtatakérô?  «  pourquoi  vous  avez- 
vous  mis  cela  ?  »,  ta  ké  hika-pé  6Ùl  ?  «  pourquoi  vous  mettre  seul  ?  ». 

3°  Le  pronom  çn:(é  «  nous  »  se  met  avant  le  verbe  :  k-én:^-iàs 
«  tu  nous  veux  »;  et  après,  lorsqu'on  interroge  :  hon:^él  «  nous  veux-tu?». 

4°  Le  pronom  interrogatif  ^/  se  dit  toujours  des  personnes  :  kiôûn  esté 
tnûndé  «  que  sont-ils  tout  ce  monde  ». 

5°  Les  pronoms  indéfini  nàt  «  aucun  »  fait  au  pluriel  «5/5,  lorsqu'il 
signifie  ni  les  uns  ni  les  autres  :  nâts  nîi  sûn  bjùts  «  ni  les  uns  ni  les  autres 
ne  sont  venus».  kq;^a  est  toujours  invariable. 

\'ERBE 

1°  ké  a  que  »  précède  le  verbe  à  tous  les  temps,  excepté  à  l'impératif  : 
ké  5oy  «  je  suis  »,  kayme  «  j'aime  »,  kaymh  «  que  tu  aimes  »,  ké  i^éeqras 
«  tu  laisseras»,  Içsa  «laisse  ».  bé  «bien  »  remplace  quelquefois  ké  pour 
donner  plus  de  vigueur  à  la  phrase  :  bé-M-iéroy-ija  «qu'il  fait  jolie  journée!» 

2°  Le  verbe  avoir  éy  se  place  quelquefois  à  la  fin  du  membre  de  phrase  : 
ûa  pù^éta  a  «  un  moment  a  (il  y  a  un  moment)  »,  sé-h^-a-gas  «  si  Êiit 
tu  l'as  (si  tu  l'as  fait)  ».  La  3^  personne  du  singulier  a,  quand  elle  est 
précédée  d'un  nom  féminin  pluriel,  subit  l'attraction  de  Va  de  flexion, 
qui  devient  long  :  b^as  pù:^tâs  pour  b^ras  pù:^(tas  a  «  belles  poses  il  y  a, 
c.-à-d.  beaux  moments  il  y  a  (il  y  a  déjà  longtemps)  ». 

3°  L'impératif  veut  être  suivi  du  subjonctif  et  non  du  futur  lorsque  les 
deux  propositions  ont  le  même  sujet  :  ôjas  mût  kân  dus  «  sois  muet 
lorsque  tu  donnes  »  et  non  kàndqras  «  lorsque  tu  donneras  ». 

ftETDE   DES   PATOIS.    —    l6. 


242  CAMELAT. 

4°  Le  gascon  aime  à  placer  (complément  du  verbe  infinitif)  ou  attribut 
en  tête  de  la  phrase  :  braSé  kù  bùy  «  sage  je  le  veux  »,  pumas  nû-n  bùy 
«  des  pommes  je  n'en  veux  pas  »,  dçra  létnl  nu  men  pariés  «  de  la  laideur 
ne  m'en  parle  pas  »,  tnnj^ya  ké  kati  «  manger  il  faut  ». 

5°  Devant  le  verbe  être  on  peut  placer  immédiatement  l'attribut  en 
écartant  le  ké  :  saîliaias  6îin  «  sauvées  elles  sont  ». 

6°  Lorsqu'un  verbe  de  mouvement  a  pour  complément  l'infinitif  sérka 
«  chercher  »,  on  peut  supprimer  l'infinitif  et  le  remplacer  par  enta  «  pour  ». 
Ex.  :  ké-zé-ànàt-ta-ra6-bcika6  «il  est  allé  pour  les  vaches  (chercher  s.  ent.)», 
hé-^é-ànàt-ta-r-ayga  «  il  est  allé  pour  l'eau  » . 

PRÉPOSITION 

i"  Lorsqu'on  veut  montrer  qu'on  stationne  plus  ou  moins  momenta- 
nément quelque  part,  on  emploie  la  préposition  en  et  non  a  :  ké  soy  m 
Paris  «  je  suis  dans  Paris  »  et  non  :  je  suis  à. 

2°  Lorsqu'un  verbe  de  mouvement  est  suivi  de  l'indication  du  point 
vers  lequel  on  se  dirige,  en  emploie  la  préposition  enta  ou  sa  contraction 
ta  «  pour  »  et  non  à  :  ké-hoy  ta  Paris  et  non  à  Paris.  De  même  on  dit  : 
kèy  en  fera  «  tomber  en  terre  »  (tomber  par  terre),  kèy  ta  fera  «  tomber  à 
terre  »,  alors  que  la  chose  dont  on  parle  est  séparée  de  la  terre.  Cependant, 
on  emploie  souvent  les  deux. expressions  l'une  pour  l'autre. 

ADVERBE 

1°  Les  adverbes  de  quantité  tàn,  trop,  qutcin,  kqnté,  plà,  peuvent  s'em- 
ployer comme  adjectifs.  Ils  s'accordent  alors  en  genre  et  en  nombre,  plà 
seul  ne  peut  prendre  que  la  marque  du  pluriel  :  ké-fio-autântas-ki-n-bûlû 
«  il  en  eut  autant  qu'il  en  voulut  »,  tropas-ké-n-a  «  trop  il  en  a  ». 

aûtàn  peut  être  suivi  de  ktimà  «  comme  ».  Ex.  :  kèy  autan  kîimâ  tu 
«  j'ai  autant  comme  toi  ». 

2°  Même,  adverbe,  se  rend  par  bêt  màzé£.  Lorsque  même  signifie  quand 
même,  lors  même  que,  le  patois  d'Arréns  dit  seulement  kàn  :  kân  nù  tnilérés 
«  lors  même  que  tu  ne  voudrais  pas».  Dans  la  langue  des  jeunes,  même 
s'emploie  comme  en  français. 

3°  bèt  peut  prendre  une  foule  d'acceptions  toutes  différentes.  Par  lui- 
même  c'est  un  adjectif  quaUficatif  et  il  signifie  grand,  et  même  beau.  Mais 
il  entre  dans  beaucoup  de  locutions.  Je  vais  en  noter  quelques-unes  : 

bèt-dia-ké-'èlrq  «  quelque  jour  il  viendra  ». 


LE   PATOIS  DARRÉNS.  243 


a-èét-bùnih^la,  loc.  invariable  =  à  tort  et  à  travers. 

a-lêt-pla:^iy  loc.  inv.,  littéralement  :  avec  beau  plaisir  =  doucement , 
sans  se  presser. 

bélïèu  {bit  ïèii)  =  dans  un  moment,  tout  à  l'heure. 

bèt  se  pat  =  cela  se  peut,  c'est  vraisemblable. 

bét  kop  =  quelquefois. 

bét  ara  {bé^cira)  =  maintenant,  il  y  a  un  moment,  tout  à  l'heure. 

bêt  mâû  {bemmànï)  =  litt.  beau  mal  =  cela  ne  m'étonne  pas. 

b'eraiéi^^ràndah^'i  (bèra  dr^^rânda  h&tt),  interjection,  pour  marquer  l'éton- 
nement,  la  surprise. 

à  bèt  bihlau,  locution  adverbiale  :  par  côté. 

bét  hét,  adverbe  :  cela  ne  m'étonne  pas. 

bêt  krànklKm  :  interjection. 

4°  L'affirmation  0  «  oui  »  a  subi  les  transformations  suivantes  ;  en 
composition  avec  be  :  çt'é,  ohé.  De  même,  oui  français  est  devenu  :  wé^  wé, 
wi  et  s'adjoignant  bé  :  wj-bé,  u'fèét  ;  en  composition  avec  ke  :  kéo  a  que  oui  », 
kiOj  kyÇy  kékyOy  kétio. 

5°  Il  y  a  un  signe  d'affirmation  0  inaccentué,  qui  se  prononce  en  aspi- 
rant légèrement,  la  langue  effleurant  le  palais. 

Et  encore  un  signe  de  négation  inaccentué,  la  langue  placée  contre  le 
palais  comme  un  /,  se  met  à  sa  position  normale  et  on  aspire  doucement. 
On  peut  aussi  expirer. 


IIL  —  Textes. 


Parmi  les  textes,  les  uns  ont  été  notés  d'après  la  prononciation  de  ma 
mère,  âgée  de  quarante-cinq  ans,  qui  comprend  le  français  usuel,  mais  ne 
le  parle  jamais;  d'autres  d'après  celle  de  mon  o\\c\e pèya  dé  mlstè  (Pierre  de 
Misté),  âgé  de  cinquante-cinq  ans,  qui  comprend  le  français,  l'écrit  un 
peu,  et,  comme  ma  mère  n'a  jamais  quitté  Arréns;  le  dernier,  d'après 
une  vieille  femme  tmenà  dêra  lànà  (Antonia  de  la  Lande),  que  j'ai  ren- 
contrée fortuitement  sur  la  route  et  dont  j'ai  noté  la  conversation  sans 
qu'elle  se  crût  observée. 

Dans  la  traduction  littérale,  je  me  suis  attaché,  non  à  donner  une 
forme  française,  mais  à  rendre  le  patois  mot  pour  mot. 

M.  Jean  Passy  a  très  bien  montré,  dans  son  étude  sur  le  patois  d'Eaux- 
Bonnes,  les  avantages  que  présentent  les  notations  successives.  Son  étude 
m'a  servi  de  guide;  de  plus,  il  a  bien  voulu  revoir  mes  textes. 


L 


244 


CAMÙLAT. 


PHRASES   DETACHEES 


Je  me  suis  attaché  à  ne  donner  comme  phrases  que  celles  qui  pouvaient 
intéresser  par  leur  construction. 

Je  les  ai  saisies  au  vol  de  la  conversation  ;  je  ne  possède  donc  jamais 
que  la  forme  rapide.  Je  restitue  la  forme  lente  et  je  mets  en  regard  la 
la  traduction  littérale.  Quand  celle-ci  n'est  pas  compréhensible,  je  la  fais 
suivre  entre  parenthèse,  d'une  traduction  plus  libre. 


Conversation  faite  le  3  mars 
parle  d'abord  : 

è  ké  séû  hè  pét  bilaj^yé? 

ékéséithèpébbilagyé  ? 

afé  dé  nm  nu  se  parut, 

aféiénàii  nîiséparut, 

déspue  ^yù  ki  n  6oy  ^yésiia  ? 

déspûji}himoyés\ia  ? 

nu  nù  è  tin  èt'^  éts  mités  ? 

nûnû  éîinèd:(éd:{qîités 

et  nmtré  ké  èm, 

émméstrékèm 

pér  asiwés  en  hàra. 

pémsiwé/^énhora . 

è  jarànsés  kln  ba  ? 

èfarànsésklmba  ? 

à  bèt  bèt  hè  sarétiraèa  iùi  se. 

oèèbbêt  késafétiral'atùtsL 

kàn  ^yera  asiu  haut. 

kàngyèrasiuhci'ût . 

è  kàn  a  dé  sérvisé  a  hè  ? 

ékânâfésérèisahé  ? 

nù  n  a  ké  kwaté  mes 

mmàkèkwqtémès 

enkora  dé  hèts. 

énkoraiéhèts. 


1891,  avec  twenà  déra  lànà.  C'est  elle  qui 

Et,   qu'est-ce   qu'il   se  fait    par    le 

village  ? 
Rien  de  nouveau  n'est  pas  paru, 

depuis  moi  qui  en  suis  sortie. 
(Depuis  que  j'en  suis  sortie.) 
Non,  non,  et  où  avez- vous  les  autres? 
(Vos  parents)? 
Le  maître  nous  l'avons  (est). 

Par  là-bas  en  haut. 

Et  François,  comment  va  ? 

0  bien,  bien,  il  rentrait  tout  soir. 

(Tous  les  soirs). 

Quand  il  était  là-bas  en  haut. 

Et  combien  a-t-il  de  service  à  faire  ? 

Il  n'en  a  que  quatre  mois 

encore  de  faits. 


LH  l'ATOIS  d'aRRÉNS. 


245 


(  ké  séré  fyèr  pcr  asi 

\  késéréfycrp€ras'\ 

(  en  (;arlâti  (ras  chas. 

\  èfi^arijinèra:^Qlas. 

(  è  nùs  kc  ('«'t'  payrarém  dé  i;yçjté^^é. 

\  hiîiskên^cpayrarêm  dêy^stégé. 

[  kln  fjéréty  kln  ayré  ké  hé! 

I  kinhérékhlnàyrékéhç  ! 

\  a  d\n  syat  twçnà  ' . 

(  aiifqthwçnà. 

(  a  dyMta  bista  dtinkas. 

{  ayàiitai'istaijinkas. 

Explication    de   quelques    mots 


Il  serait  fier  par  ici 

en  gardant  les  brebis. 

Et  nous,  nous  nous  passerions  d'y 

être. 
Quel  froid,  quel  vent  il  fait  ! 

A  Dieu  soyez  Antonia. 

A  une  autre  vue  adoncques. 

éâ    «  y  »,    nàû    «  nouveaux  »,   kln 


«  comment  »,  ici,  c'est  une  contraction  de  ki  ne  «  que  j'en  »;  kln  signifie 
encore  :  quel  comme  on  le  verra  plus  loin  ;  asiivés  =  là-bas,  les  jeunes 
disent  :  asfu. 


Il  ê  kln  ba  akérà  ? 

\  èklmbàkérà  ? 

i  è  palâ  béroy  è  biis  ? 

\  èpalâî'éràyçbiis  ? 

(  è  ké  t  paséyas  béroy  akiû  ? 

(  éképhaséya:;èérôyakm  ? 

I  ê  sJnsé  ké  paséyànié  taèç. 

\  èsinséképaséyà^nétah}. 

^  billet  hé  akérà  ? 

(  biilélh^akérà  ? 

l  ké  m  a  btïy  §ya. 

\  kèviàîmyya. 

(  ké  hè  d^ï  lôkil. 

l  kéhçièûlàkîi. 

(  ké  m  ayét  eut  parlât.... 

\  kemàyéieiipharlat 

(  0  ho  ké  m  5Ùve  ^ya. 
\  obokensùèçya. 


DIVERS 

Et  comment  va  cela  ? 

Et  bien  joliment,  et  vous  ? 

Et  tu  te  promènes  gentiment  là. 

Et  sans  que  me  promener  aussi. 
(Et  je  fais  autre  chose  que  me  promener.) 
Voulez-vous  faire  cela  ? 

Je  me  le  veux,  oui. 

(Je  veux  le  faire  assurément.) 

Il  fait  du  fou. 

(Il  fait  le  fou.) 

Vous  m'aviez  eu  parlé... 

Oui,  oui,  je  m'en  souviens,  oui. 


'  Même  dans  la  prononciation  lente,  a^imyat  (soyez  à  Dieu),  se  dit 

a^j^at. 


246 


CAMELAT. 


itùrnâ  '^ya  haras  dé  bîjnà  àra. 
tnrnàyahara6  déèûnora  ? 

(  s  àin  pensé  à. 

\  sàmpénséyd. 

(  lésa  éras  hiéstras  barakas. 

\  lésarahshyestra7;t>afafas. 

[  siiké  éras  portas  ùinri. 

l  sùkéraspàrtaziihri. 

(  se  s  en  bo  sérèi  hé  s  a  hqra. 

\  séséniboséri'i  késahqra. 

(  ké  p  êm  èy  qétàn  dé  gôy 

(  képémèy  atltàndégày 

(  kîïmà  p  é  m  en  et. 

\  kûmâpéménçt. 

I  îin  dés  ànàt? 

\  îtndé:(ânât? 

i  ké  èy  ànàt  hè  ù  iùr  dé  kâ. 

\  kèyànàthè  ùtùriékâ. 


Revenir,  tu  feras  de  bonne  heure. 
(N'est-ce  pas  que  tu  reviendras  de 

bonne  iieure  ?) 
Je  me  le  pense,  oui. 
(Je  le  crois.) 
Laisser  les  fenêtres  fermées. 

Rien  que  les  portes  ouvrir. 

(N'ouvrir  que  les  portes.) 

S'il  s'en  veut  servir  il  se  le  fera. 

Je  vous  ai  autant  d'amitié 

comme  vous  m'en  avez. 

Où  es-tu  allé  ? 

Je  suis  allé  faire  un  tour  de  chien. 
(Une  petite  promenade.) 


DEVINETTES 

D'après  ma  mère. 

Comme  on  le  verra,  ma  mère  n'a  qu'une  notion  très  vague  du  mot. 
Elle  le  partage  quelquefois  en  deux  parties  :  énuiafri  kntét  ou  bien  on 
réunit  deux  ou  trois  ;  énùkùmbén.  Pour  elle,  le  ké  fait  toujours  partie  du 
verbe  qui  le  suit.  J'ai  mis  entre  crochets  la  division  logique. 

[  fia  kan'^ilHa  ^ 
\  ùakqê:^iléta 
(  tùta  platéta, 


\  tilt  aplat  cl  a, 
ké^its  énnplànérét 
kéziz;{én  ùplànérét 
kéhgsa  qyré 
kéhasâyré 


[ké  dits  en  ù  plànérét~\ 
[ké  hqsa  qyré] 


Une  petite  chose 
toute  plate, 
dit  sur  une  petite  plaine: 
Qu'il  fasse  vent 


'  kau^ilèta  «  petite  chose  »  signifie  aussi  devinette.  On  dit  :  dihmèkqîi:^i- 
Utas  «  dis-moi  de  petites  choses  »,  pour  :  «  apprends-moi  des  devinettes.  » 


LE    PATOIS   D  AKKi.S>. 


247 


ù  kéhqsa  5w,  [«  ké  basa  6Ù]  ou  qu'il  fasse  soleil, 

iikchnsasi), 

tùstèm  yi'ihila  késoy  f;yii      [tùstem  fftih'^ia  hé ioyf;yii]  toujours  mouillée  je  suis 


tùsthgiihjijx  késoyyit 

\  ùà  kauxjUta  sîmépéû  tiivs, s]nsé  pçû  né  os 

\  ùàkài'i:^iljta  sinséfn^hièos, 

(  kaihépii^a  dé^ros.  ké  n  hé  pùla  dé  gras 

(  ketihèpù^a^é^rçs. 
cralcnha. 


moi. 
Une  petite  chose   sans 

poil  ni  os, 
en  fait  rompre  de  gros. 

La  langue. 


*  * 


Quatre  petites  demoi- 
selles dans  un  couvent 


(  kwqté  dàniî:;élêias  enùkûmbèn  m  ù  kûmbén 

I  kwqté^àmî^él'^tas  ènùhùmbèn 

j  nù^i  nephuçya  neèén.       nîi  bén  ne  plwçya  né  ben  ne   voient   ni  pluie    ni 

(  nîièénneplu'éyàneèèn.  vent. 

Les  quatre  demoiselles,  ce  sont  les  quartiers  de  la  noix  que  l'on  trouve 
réunis  après  qu'on  a  brisé  la  coque. 


(  kwqté  sérù  l'çtas 
\  kîvatêsénilçtas 
I  kéèièén  tçsta  èbqrèa. 
\  két'ièéntèstèt'ari'a. 


I  kwqté  dàtntiélétas 
\  kwal^àtm:^éli;tas 
(  nûhén  éravrûméta. 
(  nîit'énêraèrûméta. 


kwqté  sériil^tas 


Quatre  petites  sœurs 


ké  biben  testa  é  bqrba      vivent  tête  et  barbe. 

(Sont  placées  l'une  de- 
vant l'autre.) 


*  * 


Quatre   petites   demoi- 
selles 
nû  ben  çra  brûmçta  ne  voient  pas  les  nuages. 


I  ékhaeûxiet  dé^iû  lùpay  et  kaeûjjét  dé  djû  lu  pay  Le  petit  caisson  de  Dieu 
(  ékhqeîlnèdd^mlùpqy  le  père 

(  kàùvrée  sjnsé  klqû.  ké  s  ûîrée  sjnsé  klqû         s'ouvre  sans  clef. 
(  késûirr^lnséklaé. 
et  kahl.  La  noix. 

Car  il  suffit  de  la  pointe  d'un  couteau  pour  partager  la  noix  en  deux 
parties. 


248 


CAMELAT. 


hlàriy  blàn  kûmâhhîdc^t ,  \blank,hlàûkkîfmàétknlat  Blanc,  blanc  comme  le 


blànblànk  hnmàkhidat, 
né  né  hûmàphékqt. 
nénékîi  m  àphékat. 
çra  pi^a. 


caillé, 
\né  né  ktïmq  et  pékat]      noir ,   noir    comme    le 

péché. 
La  pie. 

*  * 


\era  pèt  pét  déhçra]  La  peau  en  dehors, 

[èra  pela  pét  dépens]         l'habit  en  dedans. 


(  érapét  péddéhôra, 
\  érapephéddéhqra, 
(  érapéla  péddé^éns. 
{  érapèlapéddé^éns. 

La  peau,  c'est  le  suif  ou  la  résine  ;  l'habit,  c'est  la  mèche  qui  peut  être 
en  coton  ou  en  fil  d'étoupe. 


*  * 


[  éphéû  péddéfùat  crakrûsta.  [etpàïpétdéi'atérakrùstdjLe  poil  par  dessous  la 
(  éphèûpéddéèqt  èrakrùsta.  croûte. 

La  croûte,  c'est-à-dire  le  suif,  la  bougie  ou  la  résine  recouvre    le  poil , 
c'est-à-dire  la  mèche. 


(  dus  kats  è  duz^èts  [ du6  béts]  Deux  têtes  et  deux  becs 

(  dmkad^èiu'^èts 

[  nwân  né  tripas  neèûiéts.  \nù  an  né  tripas  né  buzèts]  sans  entrailles. 

(  nû  an  né  tripas  ne  billets. 

tripas  et  billets  sont  synonymes.  Cependant  on  dit  plutôt  bîïièts  pour 
les  animaux. 


ièt  sakats  katùrT^è  hùrats 
sètsakats  katùr^^éhùrqts. 
éras  estai  ans. 


hqûta  kïïmù  palj, 
hqûtakûmîfpale, 
nîin  par  are  ù  dîné, 
nûtnpararé  ùzinè. 


* 

*  * 


Sept    coups ,    quatorze 
trous. 
Les  ciseaux. 


[hmlta  kUma  ù  paJJ]  Haute  comme  une  meu- 
le de  paille, 

[uû  empararé  ù  dînï\       elle  ne  soutiendrait  pas 

un  denier. 


LE  PATOIS  D*ARRÈKS. 


249 


(  sérçia,  berçtià  hépqsa  pérapçtià  ....ké pqsa  p^ra  pçttà  . .  .Passe  par  le  précipice. 

1  sérènàttrçnà  kcpaMiptrtipt-na 

l  àftiiéts  enâl'aiita.  cts  htiièts  (ttâ  (^nta         les  boyaux  dans  la  gorge 

(  è  rastr'ipas  ètmhmta  è  (ras  tripas  fnà  hiûta     et  les  entrailles  dans  le 

I  çrastripa:;euàhaula.  giron. 

Je  ne  comprends  pas  les  deux  premiers  mots  :  sér^nà  bérçnà. 


érairûmà. 


Le  nuage. 


I  ktirùts  benef^ffay 
(  krù:^t'ène^ita, 
{  dân  salut  éèita. 
\  dàtt6alu~èt'ita. 
i  saiàn  bafat'àn, 
\  satàmbafaèqtiy 
j  tiratèn  dë^at'àn. 
{  tiraténdé^iièàn. 
l  se  are  èy  prUmcttit 
\  safé  èyprîimètut 
I  àmmàû  esprit^ 
{  âmmàwésprit, 
(  asi  ketnén  dcstûrné, 
{  asikemèndésîiirnèy 
(  asi  kenién  dé^:;jk. 
\  asikemèndé^îk. 


I  ^ï  Uét'èy  déèû  màit, 
(  dyûnléèéy  déèùmâtty 
(  tnïèéy  ànîista  dàni^ta 
\  trùiçyànifstaiàm^ta 


PRIÈRES 

1°    DEVANT    UNE   CROIX 
(D'après  nu  mère.) 


\kiiriiis\ 

\dàm  salut  è  b\ta\ 


Croix  bénie, 

donne-moi  salut  et  vie. 

Satan  Barabas, 
[tira  té  em  dé  dat'àn]      Ote-toi  de  devant  (moi), 

si  rien  j'ai  promis 
[at  mm  esprit^  au  mauvais  esprit, 

[asi  ké  m  ht  déstùrne]     ici  j'en  reviens, 
[asi  ké  m  en  dé^ik  ^J       ici  je  m'en  dédis. 

2°  LE  PATER  DE  pràùért 

(D'après  ma  mère.) 

[^yiï  m  Ijbèy  de  bù  rnàtt]  Je  me  levai  de  bon  ma- 
tin. 

[ a  mtsta ]  Je  trouvai  à  notre  petite 

Dame 


^  Les  jeunes  diraient  :  déy^f-é. 


250 


CAMELAT. 


[en  kàtnt  ké  m  ?nltù] 
[çra  kriits  dat'àn] 


dans    le    chemin. 

me  suit 
la  croix  devant 


Elle 


(  êûkâml  kem  metù 

\  efikamî  kémmétù 

(  érakrnts  dat'àn 

\  érakri}:{iai>an 

\  také  éphékat  nîi  mengân  [ta  ké  et  pékat  nûméngàn]  pour    que  le  péché  ne 

(  taképhékânmimèngân  me  trompe 

[  nén  drûniin  nên  bulàn    [nééndrnmlnnéénbulàn]     ni    en  dormant,  ni  en 

(  nèndrîmi^nnémbulàn  veillant, 

t  arora  dé  ra  mista  mur    [àraoradéçraniistamûr]    à  l'heure  de  notre  mort 

l  arora^érànmtamûr 

I  kàn  neû  syâm.  [kàn  eu  syàm]  lorsque  nous  y  serons. 

(  kàneîhyàm. 

Au  lieu  de  dire  dyûm  lébèy  «  moi  je  me  levai-»,  ma  mère  sépare  le  ;;/  du 
fjyTtm  «  je  moi  «  et  le  reporte  sur  léhèy  en  renforçant  le  /.  Cette  forme  est 
intéressante,  les  jeunes  diraient  t^yù  kém. 

mhtgàn.  On  dirait  aujourd'hui  :  méngàné  «  me  trompe  ».  Ma  mère  récite 
cette  prière  d'après  sa  grand'mère,  qui  était  née  en  1800. 

3°  LE  PATER  (éphatèr) 

(D'après  mon  oncle.) 

La  division  par  mots  est  de  mon  oncle  lui-même.  Pour  éviter  l'accu- 
mulation des  consonnes  au  milieu  des  mots,  il  les  partage  en  deux  parties, 
dans  pér  dnnàm  «pardonnons  ».  Réciproquement,  il  donne  comme  n'en 
formant  qu'un  seul  :  ara  pour  a  ra;  êa  keras  pour  è  a  akéras.  Cependant, 
comme  il  écrit  quelquefois  le  français,  il  a  plus  que  ma  mère  la  notion 
du  mot. 

Je  donne  entre  crochets  la  division  logique. 

(  nîjsté  pay  kyets  en  ski,     [ntisté pay  M  yèts  en  sèu\ 

{  nïi6tépay  kyèd^^énsèû, 

\  bôsté  nùm  sia  sàntijîkat, 

i  bàsténûm  'siasântijikat , 

\  bôsté  aféyqunié 

\  bostaféyathné 

\  nîis  aèçnka, 

{  nû'^aiçnka, 

(  bàsta  bîïlêntat  sia  heta 

\  bôstainilentat  siaheta 


Notre  père  qui  êtes  dans 
le  ciel. 

Votre  nom  soit  sancti- 
fié, 

Votre  royaume 

nous  advienne, 

Votre  volonté  soit  faite 


LE   PATOIS   D  ARRtXS. 


251 


i  f»w  t(ra  kiimà  en  s^'i. 

\  enàiçra  hîtmàns'^û. 

\  damuis  au  dia  dài'c         [dat  niis  au  d\a  dé  if^l 

]  dannû:;^au^ia^àL'( 

\  nîisté  pà  dé  kaia  dIa, 

i  nûstépà  dekalaiia, 

pér  dùnàt  nùstas  ùf^nsas  [périîinàt  nûstas  ùf^nsas] 

persil  nàt  nûsta::;f{fçnsa5 

kiimà  mis  autis 

kûmànû:^qutis 

las  pér  dùuàm 

laspériûmm 

âkéts  èa  héros 

akçi::^èak^ras 

kln  l:(àn  ùfétîsat\ 

kln^anûfèitsat. 

nùn  Iceéis 

nûnhléeéts 

pas  sùkûmba 

pasukïimba 

ara  tèntasyû 

aratcntasyû 

mes  debljiirânmis 

m(:i;^éhliurànnùs 

dé  tût  màû. 

detùmmàu. 

ataû  sia. 

atansia. 


[/  as  pérlùnàni] 
\a  akéts  è  a  akèras] 
\ki  ^nxé  àti] 
[nû  ens  lé^éts] 

[a  çra  tèntasyû] 


dans  la    terre   comme 

dans  le  ciel. 
Donnez-nous    au    jour 

d'aujourd'hui 
notre    pain   de  chaque 

jour. 
Pardonnez  nos  offenses, 

comme  nous  autres 

les  pardonnons 

à  ceux-là  et  à  celles-là 

qui  nous  ont  offensé. 

Ne  nous  laissez 

pas  succomber 

à  la  tentation, 

mais  délivrez-nous 

de  tout  mal. 

Ainsi  soit-il. 


Nombre  de  formes  du  pater  ci-dessus  sont  béarnaises.  Par  exemple  :  au, 
dja  pour  a/  dia  «  au  jour  »;  léeét  pas  pour  lé^ét  seulement.  A  part  les  contes, 
quelques  devinettes  et  quelques  proverbes,  tous  les  morceaux  de  littéra- 
ture orale  se  disent  en  béarnais  plus  ou  moins  authentique.  Nos  paysans 
éliminent  à  dessein  dans  le  patois  indigène  l'article  et,  éra  et  emploient 
volontiers  lu,  la.  Comme  on  l'a  vu,  le  ké  qui  précède  toujours  les  verbes 
conjugués  est  supprimé,  tout  ceci  pour  imiter  le  béarnais  littéraire. 


^  ùfensat  devrait  s'accorder  et  être  ainsi  d'un  s  :  ùfensats. 


?52 


CAMÈLAT. 


4°  l'ave  maria  (ahemmoria) 

(D'après  mon  oncle.) 


La  division  par  mots  est  encore  de  lui. 

'\  ^yù  hét  salufé  maria,         [dyti  k  ép....] 

[  ^yùkétsaln^êtnâfia, 

^  plèa  dé  (arasya, 

\  pléafé^arasya, 

\  lu  sénù  hé  dé  dap  bîh, 

l  îîtsénû  héié^ahlnis, 

\  biijèls  bénéiiia 


^vene^ita 
pét  désus  iùtas  çras  hçnnài, 
péddésmtùiq^éraôhennài 
bénéiit  kéfé  é  furut 
bénéiikhéfé  éfurût 
dé  bçsté  béntré  jè:(us. 
dévd6téèéntréjè:(us . 
6çnta  maria  mày  dé  djîï, 
sçntàmàriàmày^éljû, 
pêré^at  din  pér  fiûs, 
péré^addmpérnùs , 
paranvés  pékaiûs, . 
paraîSéspékaifis, 
ara  êarçra 
arèarora 
dé  ntista  mTir^. 
dénûstàmîir. 


[bits  ^yèts  bénézitd] 


[bénéiit  ké  dé  et  furiït] 


Moi,  je  vous  salue  Marie, 

pleine  de  grâce  (de  grâ- 
ces), 

le  Seigneur  est  avec 
vous, 

vous,    vous  êtes   bénie 

par     dessus    toutes   les 

femmes. 
Béni  est  le  fruit 


[déét^  bçsté  béntré  jç^ûs]  de  votre  ventre  :  Jésus. 
[débébçsté...] 

Sainte  Marie,  mère  de 
Dieu, 

priez  pour  nous, 

pauvres  pécheurs, 
[ara  è  a  ra  ora]  maintenant  et  à  l'heure 

de  notre  mort. 


LES  GRACES  (éras  garasyas) 

(D'après   mon  oncle) 


La  division  par  mots  est  de  moi. 
a  ra  pérémésyû  dé  diu 
arapérémésyù^éziu    • 


A  la  permission  de  Dieu 


'  de  bàsté  pour  de  et  bçsté,  forme  qui,  par  imitation  du  français,  supprime 
l'article  précédant  toujours  ici  l'adjectif  possessif.  [|  ^  Il  faudrait  ici  encore 
l'article,  et  dire  ;  déra  mlsta. 


LE   PATOIS   d'aRRÈXS. 


2)3 


i  è  de  ra  kùmpâtjla  ; 

{  ^érqkîimpàmii  ; 

j  digàm  '  sçihlés  pai'ers, 

\  di^ànsenkéléspatèn, 

(  è  s(nkflès  aî'èmmàrias, 

(  êsenké:(a{'hnmària6f 

I  ta  ras  ànnàs  dé  et  ésfhin'ièatçriy 

\  taraxffnnàé  de^éspurtdvtôri, 

(  ta  ké  lu  bùn  diê  l  as  arépçi^é. 

\  takéliihûnd^û  la:^afépd^è. 

(  ka:;^a  duos  aèèmmàrias 

{  ka;^a~iias  aèçmmârias 

\  à  ra  éntensyû  dé  nûsta  dàmày 

(  aràniénsyù  dénîiStazàmày 

(  kîi  pula:(jà  dé  asisiàn:^é 

[  kitpalq:iya^asistàUyé 

,  ara  è  partiktdy'eràmçns 

{  arèpqrtikulyeràméns 

{,  à  ra  qra  dé  nîïsta  mûr. 

(  arçraietutstamûr . 

iséiihlés  qûtés  péras  àntiàs 
séùklé:^qittés  péra^qnuâs 

I  déts  nTisiés  payé  è  nin\€ 

l  déJmîfStéspqyj'emqye 

(  jarqye  sqs  paréns  ànilts  c  énémlts 

(  farayshôs  paréttî^ànilts  èénémlts 

I  è  pér  tùts  akéts  ki  gyhn  tluts 

(  èpértii:i^akéts  kiyenijûts 

{  dé  péréga  ne  diû, 

I  Jépérégqné:;juy 

i  se  sùfirçeén  en  éspuryèatôri. 

)  sésiifèrêeén  énéspunÉ'atôri. 

\  pér  a  mûr  dé  pasyù 

[  pérànuiripasyû 

(  dé  nîisté  sene. 

{  dénfistésenl. 


Et  de  la  compagnie  ; 

disons  chacun  de  nous,  paterSy 

et  chacun  de  nous,  ave  maria 

pour  les  âmes  du  purgatoire, 

afin  que  le  bon  Dieu  les  repose. 

Chaque  deux  ave  maria... 

à  l'intention  de  Notre-Dame, 

qu'il  lui  plaise  de  nous  assister 

maintenant  et  particulièrement 

à  l'heure  de  notre  mort. 

Impossible  de  trad.  litt.  Voici  le  sens  : 
Que   chacun  de  nous  dise   autant 

d'  ave  maria  pour  les  âmes... 
de  nos  pères  et  mères, 

Frères  et  sœurs,   parents,  amis  et 

ennemis. 
Et  pour  tous  cela  dont  nous  sommes 

tenus 
d'en  prier  Dieu. 

S'ils  souffrent  dans  le  purgatoire. 

Par  la  mort  de  Passion 

de  Notre  Seigneur. 


'  Arréns  dit  di:(yàm  plutôt  que  di^àm. 


254 


CAMELAT. 


pér  penétçmya  déts  nîji6tés  pékats. 

pérpénétçmya  déhnmtéspékats . 

ké  djû  kçn:(é  dû  bïinà  mm. 

kéiiukén:(éiû'i)finâniûr . 

ké  d\u  kçu/^é  gar^é 

kezjû  kénsgar^é 

dé  éras  bérgîiijàs  dé  çsté  mîindé 

déra:(èérgîitid6  dèsténuindé 

è  dé  éra  dànnàsyù  dé  et  qûté. 

èzérqifinnàsyn  décanté. 

sénMés  sarèès  a  nîista  dama, 

sénhUsarèes  ànîtstaj^àmà. 

kên^é  gqrzé  et  kavqu, 

kén^gqrdékhavqu , 

dé  màû  è  dé  dé:(^arq5ya, 

démàzvè:^éié~^^arqsya, 

è  mis  dé  mûri  en  estât 

ènû:(j^êmî{  nnèstcit 

dé  pékat  mûr  tau. 

dépékàmmûrtqû. 

pér  tùts  étsfiiçlas  téréspasats. 

pértûdxchfiielas  téréspasats. 

dé  piirùfûndis 

dépiirûfTindis 

Aujourd'hui  prémêsyîl  se  dirait  :  pérmésyû. 

éspiirnèatàri  n'est  pas  le  mot  français  purgatoire,  il  signifie  lieu 
d'épreuve ,  du  verbe  éspnrûèa  «  éprouver  » . 

kaèaû  désigne  en  général  toute  espèce  de  bestiaux  :  vaches,  moutons, 
etc.  Etymologiquement,  il  ne  devrait  désigner  que  les  chevaux. 

On  a  pu  remarquer  que  mon  oncle  dit  toujours  kéns  «nous»;  les 
jeunes  diraient  kçn:;é. 

Les  grâces  se  récitent  encore  telles  que  je  viens  de  les  transcrire.  Les 
personnes  qui  n'ont  pas  quitté  le  pays  et  qui  parlent  le  pur  dialecte, 
disent  cela  avec  des  mots  choisis  et  des  intonations  que  ne  sauraient 
employer  les  esprits  cultivés. 

Note  complémentaire.  —  Plus  exactement,  a  atone  protonique  devrait 
être  noté  a  ;  posttonique,  â  après  une  labiale,  â  après  toute  autre  consonne. 

Camélat. 


Par  pénitence  de  nos  péchés. 

Que  Dieu  nous  donne  bonne  mort. 

Que  Dieu  nous  garde, 

des  abominations  de  ce  monde, 

et  de  la  damnation  de  l'autre. 

Que  chacun  de  nous  dise  un  salve 

à  Notre-Dame. 
Qu'elle  nous  garde  les  bestiaux, 

de  mal  et  disgrâce, 

et  nous  de  mourir  en  état 

de  péché  mortel. 

Pour  tous  les  fidèles  trépassés. 

De  profundis... 


JEAN   QUI    DANSE' 

(patois  de  bourn'ois  —  bunt  —  canton  de  l'isle-sur-le-doubs  , 

DÉPARTEMENT    DU    DOUES.) 


i  yeii  n'five  1  hub  d 
buté  F  an  t  §yé  djà  k 
dâs.  an  î  ^ye  dite  e 
ka:^  k'è  tiyéyè  râ  k  d  dàsi. 
el  été  et  ge,  k  setë  tudj 
Uàt,  tudj  fyot,  tudj  sat 
dha  lu  ;  elô,  été  1  f;yâl, 
kwe. 

pè  tnwâ^  sul'é  tïàpate  pe  k'el 
été  bi  servi jâ,  tiiâ  five,  e  po 
ht  teerttâby. 

ttiê  e  iie  fiû  d  f^rfe,  e 
po  leint  djà  eue  sô  ptè  defâ 
kû  ;  xtè  dh/we  d  le  râkûn 
pu  sœ  k  vhi  lu  dèrédjî 
kâ  hsatèy  kà  e  vtre,  û 
ht  kà  é  jyote  dh^  âr  d  gig 
lu  lô  de  vi. 

5ôdji  vér  î  po  s  el  ôlèt 
fit  !  e  nà  itiâke  pe  yen  > . 

vuélè  k  lu  djû  dî  rvtrô  d  le 


Il  y  avait  une  fois  un  garçon  de 
Bournois  qu'on  lui  disait^  Jean  qui 
danse.  On  lui  disait  comme  ça  à 
cause  qu'il  ne  faisait  rien  que  de  dan- 
ser. Il  était  si  gai,  que  c'était  toujours 
chante,  toujours  siffle,  toujours  saute 
d'avec  lui;  allons,  c'était  un  diable, 
quoi. 

Pas  moins',  cela  n'empêche  pas  qu'il 
était  bien  ser\*isant  "»,  ma  foi,  et  puis 
bien  charitable. 

Mais  il  n'y  a  personne  de  parfait,  et 
puis  l'ami  Jean  avait  son  petit  défaut 
aussi;  c'était  d'avoir  de  la  rancune 
pour  ceux  qui  venaient  le  déranger 
quand  il  sautait,  quand  il  virait,  ou 
bien  quand  il  sifflait  des  airs  de  guin- 
gue  le  long  des  voies. 

Songez  voir  un  peu  s'il  allait  aux 
fêtes  !  Il  n'en  manquait  pas  une. 

Voilà  que  le  jour  du  retour  de  la 


'  C'est  une  brave  vieille  femme,  Julie  Paillot,  qui  m'a  appris  ce  conte 

quand  j'étais  tout  petit  berger.  Elle  l'appelait  le  conte  de  sa  grand'mère. 

Je  l'ai  reconstruit  fidèlement  d'après  mes  souvenirs  et  ceux  d'une  de  mes 

sœurs,  jj  "■  Qu'on  lui  disait  =  qui  s'appelait.  ||  >  Pas  moins  =  néanmoins. 

îl  ♦  Servisant  :  celui  qui  aime  à  rendre  ser\'ice.  |î  *  On  prononce  aussi  yen. 


E_. 


2\b 


CH.    ROUSSEY. 


fi't  d  lîl,  5  mâgô  d  djà  eve  €ï 
ta  viri,  £î  ta  sàtâ  tut  lï  djunà, 
kï'l  eve  rœbyâ  d  medjï  ;  d 
te  sot€  ke  nèr  epre  tninœ^ 
kû  à  Hyiivï  lu  bel  y  el  eve  nie 
Un  dû  le  bdèn,  ke  s  sre 
mwetei  devû  le  pe  d  sô  vàtr  ! 

âfrôme  tïi  peteû,  £ï  bï 
ke  nu  ràk  lu  ta  dhtà 
1  tut€e  pu  medji  lu  lô  dî 
terni  y  e  po  d  sa  rvènî  à 
fyà  pe  n-nâ  kel  ï  t£û:(e 
de  dà  di€,  e  po  kâ  n 
vweye  pe  sô  dwe  dvâ  son  éy. 

kâ  e  fti  à  d:{û  d  le  lôdjol, 
^  seràte^  pii  5ofyâ  n 
mlnut  à  medjâ  sô  tutee  k 
lèfyënur  âbame. 

tl  ôle  modr  le  prémïr  gulà, 
kâ  tu  pii  t  ko  vvJeVe  n 
pur  vey  puràs  tut  râbrlknâ 
k  trâvô€i  le  bar  a  pi  d  lu. 

—  mô  bô  môsyè,  kel  li 

^yè,  œsit  pidi  d  mwe  pu  lemu  d 
dû.  doyàsweyâ  bdju 
mô  temJ,  epoyâ  mertei  dà 
le  teâ  lobwera  '>  ;  el  à  et  mo 
kî  n  po  pu  Ivâ  le  emel, 
e  po  î  mû  dfè,  kel  ^ye     ■ 
à  5  l^yâ  t£or  eu  i  mèrdjèrô, 
ï  5â  kî  ^  ve  dmwerà 
ïkî. 

—  elô,  elô,  le  fàn,  k  lî 


fête  de  risle,  ce  màgô^  de  Jean  avait  s 
tant  viré,  si  tant  sauté  toute  la  jour- 
née, qu'il  avait  oublié  de  manger;  de 
telle  sorte  qu'à  une  heure  après  minuit, 
quand  on  clovit  le  bal,  il  avait  une  telle 
lune  dans  la  bedaine,  qu'il  se  serait 
mouché  d'avec  la  peau  de  son  ventre  ! 

On  fermait  tout  partout,  si  bien 
qu'il  n'eut  rien  que  le  temps  d'acheter 
un  gâteau  pour  manger  le  long  du 
chemin,  et  puis  de  s'en  revenir  en 
fuyant  par  une  nuit  qu'il  y  tombait 
des  dents  de  herse,  et  puis  qu'on  ne 
voyait  pas  son  doigt  devant  son  œil. 

Quand  il  fut  au  dessous  ^  de  la  Lon- 
geole5,  il  s'arrêta  pour  souffler  une 
minute  en  mangeant  son  gâteau  que 
le  dessus  embaumait. 

Il  allait  mordre  la  première  goulée, 
quand  tout  pour  un  coup  voilà  une 
pauvre  vieille  pauvresse  toute  brisée 
qui  traversa  la  haie  au  pied  de  lui. 

—  Mon  bon  monsieur,  qu'elle  lui 
dit,  ayez  pitié  de  moi  pour  l'amour  de 
Dieu.  Depuis  hier  au  soir  j'ai  perdu 
mon  chemin,  et  puis  j'ai  marché  dans 
les  champs  labourés  ;  il  est  si  mou  ^ 
que  je  ne  peux  plus  lever  les  sem'elles, 
et  puis  je  meurs  de  faim,  qu'elle  dit 
en  se  laissant  tomber  sur  un  petit  tas 
de  pierres,  je  sens  que  j'y  vais  rester 
ici. 

—  Allons,  allons,  la  femme,  que  lui 


^  Synonyme  de  farceur,  diable,   mâgô  est  aussi  le  juron  familier  de 
femmes.  \\  ^  Au  dessous  =  au  bas.  j]  ^  Lieu  dit  du  territoire  de  Mancenans. 
jj  4  Tous  les  verbes  de  la  i""^  conjugaison  ont  une  double  terminaison  au 
passé  défini ,  on  dit  également  bien  î  meràtî  :  je  m'arrêterai  auf  nûràte.  j| 
5  Les  illettrés  disent  robwerâ.  jj  *  Pour  la  terre  est  si  molle. 


JEAK   QUI    DANSE. 


->/ 


fiyf  dfâ,  ènfàpc  zô  l^yi  ôlâ 
dltû;  vtK^e  fè?  tt'ni, 
nùdji-m  6tè  brîk  d  tutee,  sa 
n  krôtôt  d  lèfct,  suie  va  rb^yrP 
1  po  d  kihy  It  pOyVb 
set  y  yà  de  bwên  Udb  ^  pé  dé 
bô  œy;  kâ  vo:^  hï  sofyâ 
n  tninuty  t  vo  rmùnrâ  juskè 

t€t  VO. 

le  pur  f an  tié  dttiâdî  pe 
inè  ;  ël  s  depadjî  d  niêdji  n 
giilâj  e  po  à  bit  di  ptè  mbmà 
ël  s  metl  e  niertct  à  5  sothâ 
d'  epre  djà.  kâ  e  fun 
àdeu  dî  djèlô,  le  véy  pùràs 
sïràtt.  —  vo:^  e  prû  Iwè  s 
ko  kiy  mô  geeôy  à  vo  rme^yày 
î  vo  pru  ràtrâ  tut  sœl  ; 
ià ,  k  vb:^  e  servi j à  !  efà 
kî  vo  bey  àk  pu 
vo  pzi'èn.  vwèlé  kèl  tîre  d  sô 
set£ô  J  bè  vyolô  tu  no  i  po 
t  grô  àt€Ô  d  pûdr . 

—  (ènî ,  môfè,  vwekî  t  vyUô 
klii  sô  sâtà  e  du  lï  le 
rôd,  è  po  kàn  àfu€î  d  dàsi 
kâ  à  lût  à;  kàvo  lu 
tnénrty  tu  sœ  k  lâtâdrâ 
sràfuei  d  dâsij  rïbô  meryô. 

dèvu  st  pudrè  kî,  sa  âku 
b'i  pe;  an  à  teerdjà  votfu:^t. 


dit  Jean,  il  ne  faut  pas  vous  laisser  aller 
comme  cela  ;  vous  avez  faim  ?  tenez , 
mangez-moi  ce  morceau  de  gâteau,  c'est 
une  krblôt  '  de  la  fête,  cela  vous  redon- 
nera un  peu  de  cœur,  et  puis,  vous 
savez,  j'ai  de  bonnes  jambes  et  puis  de 
bons  yeux  ;  quand  vous  aurez  soufflé 
une  minute,  je  vous  remènerai  jusque' 
chez  vous. 

La  pauvre  femme  ne  demanda  pas 
mieux;  elle  se  dépêcha  de  manger  une 
goulée,  et  puis  au  bout  d'un  petit  mo- 
ment elle  se  mit  à  marcher  en  se  sou- 
tenant d'après  Jean.  Q.uand  ils  furent 
au  dessus  du  Jélo3,  la  vieille  pauvresse 
s'arrêta.  —  Vous  êtes  prou  loin  ce 
coup-ci,  mon  garçon,  en  vous  remer- 
ciant, je  veux  prou  rentrer  toute  seule; 
Jésus 4,  que  vous  êtes  servisantl  il  faut 
que  je  vous  donne  quelque  chose  pour 
vos  peines.  Voilà  qu'elle  tira  de  son 
sac  un  beau  violon  tout  neuf  et  puis 
un  gros  sachet  de  poudre. 

—  Tenez  5,  mon  fils,  voici  un  violon 
dont  le  son  s'entend  à  deux  lieues  à  la 
ronde,  et  puis  qu'on  est  forcé  de  dan- 
ser quand  on  l'entend;  quand  vous  le 
nUnere^^y  tous  ceux  qui  l'entendront 
seront  forcés  de  danser,  ribon  marion. 

D'avec  cette  poudre-ci,  c'est  encore 
bien  pis;  en  en  chargeant  votre  fusil, 


^  krbtôt  =  litt.  petite  croûte,  désigne  tout  reste  friand  qu'on  rapporte 
de  la  fête.  [)  ^  Quelques  vieilles  personnes  prononcent  encore  dj'ùskê.  j| 
3  Plateau  qui  domine  à  pic  l'Isle-sur-le-Doubs,  [j  +  On  dit  aussi  /o  :  jb  k  te 
bét  :  Jésus,  que  tu  es  bête  !  puis  jbs  dans  la  seule  expression  :  Jésus,  Marie, 
jbs,  néryà.  j|  '  Lorsque  tenez  a  un  sens  impératif,  tènî  devient  tênit  :  tntl  vo 
trâkîl,  tenez-vous  tranquille.  |  ^  Mener  le  violon,  mener  le  tambour,  etc.  = 
jouer  du  violon,  jouer  du  tambour. 

UVCS    DU  »ATOI&,    —    17. 


2^8 


CH.    ROUSSEY. 


tu  5uk  vo  tînt  d€u,  vo 
lu  vyl  byôsî  kmâ  vo  vurî, 
u  bi  Hibâ  àeï  nue  k 
bâl. 

à  mveyà  tu  6ûle,  djà  nà 
rvène  pc,  el  aie  rmhyâ  le  piirâs, 
kâ  tu  pii  t  ko,  le 
vwele  kselâsï  kiiià  1  Irvr  c 
va  lu  djelô  â  f\à  le  kîkâbol^  pe 
deu  le  twe. 

—  nô  dblœ,  s  kel-là  btto 
evu  râvwîknâ,  le  vey,  kgye  djà 
an  œvrâ  dè^  œy  kmà  de  pote 
d  grâdj,  'gyâl  àpûte  kèl  ve 
tût  ôèkôlnid'-eî  à  djlgâ,  pe  deu 
le  tiue;  mâfivè,  ta  pe  pu  //, 
el  ne  pe  b:^  demve  le  mote 
kâ  el  à  nœ,  kel  loi  lèvu  el 
vùre.  tûdj  à  tu  k  yâ  i 
bè  vyolô  sko  kï,  sa  n 
bwln  pir  €u  me  fa,  su  kï 
ve  ma  beyt  d  vtri  sko  kl  ! 
fu  dî,fufâ.  sa  pêdr  en  mînut, 
lu  vwele  ksè  nûtï  e  mnâ 
sô  vyolô  tu  dî  lô  di  terni  â 
sa  rvèhâ;  e  f:(e  de  sa  d 
kebe,  kân  ère  dî  ke  lève  lu 
fjyâl  dà  le  teab. 

èlô,  mâfivè,  sa  bô,  vwele 
mô  djà  k  ràtri  e  pô  ks 
kwèteî,  mè  e  nâ  Myûvî  pe  lœy 
d  le  né,  lu  bûgr,  en  f:^  k 
d  rîr  d:(u  se  kal  à  s  pàsâ 


tout  ce  que  vous  tirerez  dessus,  vous 
le  voulez  blesser  comment  vous  vou- 
drez, ou  bien  tuer  aussi  raide  que 
balle. 

En  voyant  tout  cela,  Jean  n'en  reve- 
nait pas;  il  allait  remercier  la  pau- 
vresse, quand  tout  pour  un  coup  la 
voilà  qui  s'élança  comme  un  lièvre  à 
val  le  Jélo  en  faisant  la  kûàbol  '  par 
dessus  les  toits. 

—  Nom  de  bleu  ^ ,  ce  qu'elle  a  bientôt 
été  ressuscitée,  la  vieille,  que  dit  Jean 
en  ouvrant  des  yeux  comme  des  portes 
de  grange,  diable  emporte  qu'elle  va 
toute  s'èkôhnéeii  en  djtgà^  par  dessus 
les  toits;  ma  foi,  tant  pis  pour  elle, 
elle  n'a  pas  besoin  d'avoir  les  mouches 
quand  il  est  nuit,  qu'elle  aille  où  elle 
voudra.  Toujours  est-il  que  j'ai  un 
beau  violon  ce  coup-ci,  c'est  une 
bonne  pierre  sur  ma  faux,  ce  que  je 
vais  m'en  donner  de  tourner  ce  coup- 
ci  !  Fut  dit,  fut  fait.  Sans  perdre  une 
minute,  le  voilà  qui  se  mit  à  mener 
son  violon  tout  du  long  du  chemin  en 
s'en  revenant;  il  foisait  des  sauts  de 
cabri,  qu'on  aurait  dit  qu'il  avait  le 
diable  dans  les  jambes. 

Allons,  ma  foi,  c'est  bon,  voilà 
mon  Jean  qui  rentra  et  puis  qui  se 
coucha,  mais  il  n'en  ferma  pas  l'œil 
de  la  nuit,  le  bougre  :  il  ne  faisait  que 
de  rire  dessous  son  bonnet  en  se  pen- 


^  kïkàbol  =  culbutes  nombreuses  et  rapides.  ||  ^  Juron  très  employé  à 
Bournois  par  les  jeunes  gens  qui  n'osent  pas  encore  prononcer  de  gros 
jurons.  |]  5  sèkôlmâeî  =  se  meurtrir  et  se  déchirer  les  chairs  d'un  même 
coup.  |j  *  En  bondissant  comme  le  bétail  qui  fuit  à  travers  champs  sous 
la  piqûre  des  mouches. 


JEAN    Uwi    i>.-»Nji. 


2)9 


5û  k^l  dli-  fârdh,*ù  sô  vyolô. 

àfwi,  tût  l  li  pihôt  di 
djii,  kl  invHî  ksân  Oit  €u  lè  Uhir 
e  pÔ  ks  mhi  (t  mnà  dt  vyolô 
d  tilt  iefoé-. 

tiï  pii  1  ko,  vuHtÛ  le  djâ 
ks  metèn  ^  debûrà  de  majô 
à  sàtà  ^  pbe  dàsi  a  mwkâ 
dli  in. 

lefân  k  trâj'i  evl 
fyè  dhii  yt  swfyô  pyê  d  Ihe, 
sa  k  drêml  àkii  sàten 
dt  le  sa  par  lu  ta  ds 
vètî,  e  yân  hé  pu  dli  mwht 
deiHi  yèt  kàl  d  tuée  poe 
pi  deteà. 

It^  àm  ke  redj'i  le 
bft  sàfî  dèvfi  yœfîirif. 

âfl  le  djùtij  le  wy^  le 
Ion,  le  biitu  s  tnètèn  e  sàtâ 
trètû  à  s  bolà  d  rir. 

kâ  e  fil  bl  à  tri,  vil'l'Ïc 
k  (jlodô,  k  vèiie  kùnâ 
pesé  deiHi  le  bordjèrt.  à  ht,  s 
ko  kl,  sfu  bl  m  àtr  abrâlt. 
lis  k  n  vwele  pe  me  bfigr 
d  kebe  po  d  bcrbî  ks 
vûtèn  e  djî^  elàiû  dt  btikô, 
e  po  glodô  k  kiine  d  tût 
sèfo€  à  viwètà  !  à  nie:^  îfà, 
siik  à  rye,  siik  à  rye  !  s  dju  le , 
dœkà  setë  1  djnovral, 
an  /^^/  kèd  dâsi. 


sant  ce  qu'il  allait  faire  d'avec  son  vio- 
lon. 

Ma  foi,  tout  à  la  petite  pointe  du 
jour,  le  voilà  qui  s'en  alla  sur  la  Cha- 
rière'  et  qui  se  mit  à  mener  du  violon 
de  toutes  ses  forces. 

Tout  pour  un  coup,  voilà  les  gens 
qui  se  mirent  à  débourrer  des  maisons 
en  sautant  et  puis  à  danser  au  milieu 
de  la  voie. 

Les  femmes  qui  trayaient  avaient 
fiii  d'avec  leurs  seaux  pleins  de  lait, 
ceux  qui  dormaient  encore  sautèrent 
du  lit  sans  prendre  le  temps  de  se 
vêtir,  il  y  en  avait  plus  de  la  moitié 
d'avec  leur  bonnet  de  nuit  et  puis  à 
pieds  déchaus. 

Les  hommes  qui  arrangeaient  les 
bêtes  sautaient  d'avec  leurs  fourches. 

Enfin  les  jeunes,  les  vieux,  les 
borgnes,  les  boiteux  se  mirent  à  sau- 
ter tous  en  se  boulant  de  rire. 

Quand  ils  furent  bien  en  train,  voi- 
là que  Claudot  ',  qui  venait  de  corner  % 
passa  d'avec  la  bergerie.  Ah  bien,  ce 
coup-ci,  ce  fut  bien  une  autre  chibre- 
li4.  Est-ce  que  ne  voilà  pas  mes  bou- 
gres de  chèvres  et  puis  de  brebis  qui  se 
mirent  à  gambader  alentour  du  bouc, 
et  puis  Claudot  qui  cornait  de  toutes 
ses  forces  au  milieu  !  Ah  mes  enfants, 
ce  qu'on  rit,  ce  qu'on  rit  !  Ce  jour-là, 
depuis  quand  (bien  que)  c'était  un  jour 
ouvrable,  on  ne  fit  que  de  danser. 


'  Place  située  au  milieu  de  Boumois  et  où  le  monde  se  réunit  habi- 
tuellement le  dimanche.  |j  ^  Berger  du  village  il  y  a  une  vingtaine  d'an- 
nées. I'  '  Qui  venait  de  faire  le  tour  du  village  en  cornant  pour  rassem- 
bler la  bergerie  et  la  conduire  au  pâturage.  ||  ■♦  Danse  du  pays. 


26o 


CH.    ROUSSEY. 


inè  tu  le  dûmiuen,  Ihnt  djà 
gîge  juske  skï  fève 
pu  nrïnrôj  d\n  le  snli. 

tu  le  djà  eî'i  bîyâj, 
omit  k  môsyèr  kurî. 

t€ek  ko  ks  piir  djà 
oie  s  kô?nsâ,  suie  nà  fïnUe 
pu;  sôdjt  vbr  î  po  s  môsyèr 
kuri  yà  ^e,  yà  '^ye  ! 

e  pb,  snete  àkû  rà  k 
dl  mi  dètr  disputa,  sak  se 
penîtàs  ete  tudj  d  n  pe 
mnâ  dî  vyolô  du  Ira 
dûmwen  d  sât  ! 

sete  bô  pu  i  ko,  me  siile 
n  pyè  pe  duri  dîne,  e  le 
fï  de  fi  djà  hdjï  pàsyà6.  à  ! 
6à  dîne,  kës  gye,  von 
vyè  pe  kà  dàs,  môsyèr    • 
kuri  ?  e  bi  !  etàt  yù  d  se 
djîi,  vb  vbrî  vbr  k  vô  dàsrl 
kmà  Ûz^àtr,  bô  grè  magre. 

■suie  n  fu  pe  lô. 

lu  nûgdji  dlefed  fôlô, 
eprè  evwefâ  vïri  le  feteyu 
ta  djû  d  ta,  djà  rmôte 
sweyôt  àfybtà,  kà  tu  pu 
tkôe  vwëyî  môsyèr  kuri  k  sêye 
n  myâl  ke  levé  dedje  tïri  dsu 
du  tràfwe  sa  le  pîkâ. 

à  nô  d  dlœ!  kès  §yè  djà 
tu  dî  ko  à  s  frûtà  le  me, 
î  kre  bi  k  skb  kl  môsyèr 
kuri  ve  dàst  devû  de  bel  fèy. 
vweyà  vbr. 


Mais  tous  les  dimanches,  l'ami  Jean 
guinguait^  jusqu'à  ce  qu'il  n'y  avait 
plus  nri^rôf^  dessous  les  souliers. 

Tous  les  gens  étaient  bien  aise, 
hormis  que  monsieur  curé. 

Chaque  coup  que  ce  pauvre  Jean  al- 
lait se  confesser,  cela  n'en  finissait 
plus;  songez-voir  un  peu  si  monsieur 
curé  lui  en  disait,  lui  en  disait  ! 

Et  puis,  ce  n'était  encore  rien  que 
du  miel  d'être  disputé,  c'est  que  sa 
pénitence  était  toujours  de  ne  pas 
mener  du  violon  deux  ou  trois  di- 
manches de  suite! 

C'était  bon  pour  un  coup,  mais  cela 
ne  pouvait  pas  durer  comme  ça.  A  la 
fin  des  fins  Jean  perdit  patience.  Ah  ! 
c'est  comme  ça,  qu'il  se  dit,  vous  ne 
voulez  pas  qu'on  danse,  monsieur 
curé  ?  Eh  bien  !  attendez  un  de  ces 
jours,  vous  verrez  voir  que  vous  dan- 
serez comme  les  autres,  bon  gré  mal 
gré. 

Cela  ne  fut  pas  long. 

Le  mercredi  de  la  fête  de  Fallon, 
après  avoir  fait  virer  les  festoyeurs 
trois  jours  de  temps,  Jean  remontait 
Soyote  5  en  sifilant,  quand  tout  pour 
un  coup  il  vit  monsieur  curé  qui  suivait 
une  (un)  merle  qu'il  avait  déjà  tiré  des- 
sus deux  ou  trois  fois  sans  la  piquer 
(atteindre). 

Ah  nom  de  bleu  !  que  se  dit  Jean 
tout  d'un  coup  en  se  frottant  les  mains, 
je  crois  bien  que  ce  coup-ci  monsieur 
curé  va  danser  d'avec  de  belles  filles. 
Vo3'^ons  voir. 


^  Jouer  de  la  guingue  ou  d'un  instrument  qui  en  imite  le  son. 
On  dit  aussi  nrïf  ne  rôf.  [1  5  Lien  dit  entre  Fallon  et  Bournois. 


Rien, 


JEAN    QUI    DANSE. 


261 


—  tmsyèr  huri^  k^yP  djd, 
btyîm  iétfu:^î,  vo:^  e  €ur 
kîn  Û  vo  pc  vuikâ,  mii't'. 

—  môsyèr  kuri,  k  Ithè  i'  h'} 
lilj'c,  ^  pb  k  sh'e  k  djà 

hibe  tû  5ùk  è  lyc,  beyt  sa 
fu:^t.  djà  îû  Uhdjï  devù  le  pîidr 
k  Ve  paras  yh?é  heyi. 

efà  dîr  klè  inyàl  He  vnu 
s  poT^â  jtist  €u  i  byôsnt 
ktù  tu  pyc  d  rôs^  pb 
dcphi  tilt  e  làtu.  sa  bô,  vwelt 
k  djà  tnïg,  ï  po  tu  di  ko^ 
/w,  luje  degrîgole  e  le  valâ  d 
lârb. 

—  vît,  vît,  môs\ùr  kiiri, 
k^e  djà,  cl  là  sèlniâ  byosi 
fut  vit  le  rcnicsâ. 

môsyér  ktirî  àtn  kmâ  c  pyï 
à  mwetâ  dî  bn'eeô;  m?  a 
niotnâ  kel  ôle  metr  le  nie  d^u 
le  myâl,  vwele  k  djà  strûtî  e 
mm  sô  vyolô  d  tût  sefoe. 
à!  jos,  nieryâ,  me^efà,  e  nà 
pé  posîby  d  sttnàdjîiiâ  sfik  s 
pesî  ! 

vwelè  kân  àtàdà  lu  vyolô, 
môsyùr  hun  s  rlévt  tû  dï  ko 
è  po  ke  snûtî  e  dàsî  d  tut 
sefo£  à  mwetâ  de  rôs  e  po 
de^  epèn.  a  !  mô  du,  mô  dû, 
nû\  pur  efà,  s  vo:^  hn 
àtàdu  s  pur  niôsyêr  kuri, 
ké  brtyô  c  btye  !  e  mœjur 
ke  sàte  sè:^  eb\  s  défrêsurJ,  è 
po  e  segrefnè  ta  k 
lu  sa  lï  peteUe  tû  petm. 


—  Monsieur  curé,  que  dit  Jean, 
donnez-moi  votre  fusil,  vous  êtes  sûr 
que  je  ne  la  veux  pas  manquer,  moi, 

Monsieur  curé,  qui  tenait  à  avoir 
l'oiseau,  et  puis  qui  s.ivait  que  Jean 
tuait  tout  ce  qu'il  voulait,  bailla  son 
fusil.  Jean  le  chart:ca  d'avec  la  poudre 
que  la  pauvresse  lui  avait  baillé. 

Il  faut  dire  que  la  merle  était  venue 
se  poser  juste  sur  un  poirier  sauvage 
qui  était  tout  plein  de  ronces  et  puis 
d'épines  tout  alentour.  C'est  bon,  voilà 
que  Jean  vise,  et  puis  tout  d'un  coup, 
pan,  l'oiseau  dégringola  à  la  vallée  de 
l'arbre. 

—  Vite,  vite,  monsieur  curé,  que 
dit  Jean,  elle  est  seulement  blessée, 
fuyez  vite  la  ramasser. 

Monsieur  curé  entra  comme  il  put 
au  milieu  du  buisson  ;  mais  au  mo- 
ment qu'il  allait  mettre  la  main  dessur 
la  merle,  voilà  que  Jean  se  mit  à  me- 
ner son  violon  de  toutes  ses  forces. 
Ah  !  Jésus,  Maria,  mes  enfants,  il  n'est 
pas  possible  de  s'imaginer  ce  qui  se 
passa! 

Voilà  qu'en  entendant  le  violon, 
monsieur  curé  se  releva  tout  d'un  coup 
et  puis  qu'il  se  mit  à  danser  de  toutes 
ses  forces  au  mitan  des  ronces  et  puis 
des  épines.  Ah!  mon  Dieu,  mon  Dieu, 
mes  pauvres  enfants,  si  vous  aviez 
entendu  ce  pauvre  monsieur  curé, 
quels  braillements  il  baillait  !  A  mesure 
qu'il  sautait,  ses  habits  se  défreiichu- 
raient^,  et  puis  il  s^égraffiuait  tant  que 
le  sang  lui  partissait  tout  partout. 


'  5  dèfrteuri  :  se  mettre  en  lambeaux. 


262 


CH.    ROUSSEY 


—  ârete,  ûrhc,  djâ,  ârcte  ! 
k  '^yé  s  pur  môsyêr  hm. 

ml  djâ  neràte  pe  dï  tii, 
bî  â  kôîrâ,  e  vire,  à  sàtà 
t  po  à  s  l'ÔIà  d  rïr  clàtû 
dï  byasni,  e  po  môsyèr  kurt  ete 
fil  et  d  vïri  etu. 

àfl,  e  lefi  dèfï,  djà  scriîli. 
sôdji  vor  J  po  s  sptir 
môsyèr  kurt  ete  gonâ  !  o  en 
pyï  pe  ràtrâ  d  djû  à  vledj. 

mû  f lût',  sa  bô.  niê  mue  le  k  In 
làdmè  lu  îiietl,  fut  e  le  pikôt 
dî  djïl,  le  djâdânn  vnèn  par 
leniî  djâ  pfi  In  iiuiâ  â  prïjà  ; 
e  leletfên  dm  le  kn  d 
ycv  tevà  èpo  In  vyolô  eUi. 

à!  mâfwë,  sko  kî,  djà  ère 
bl  vyu  rtènl  le  kn  dî  tee  a 
yœ  k  le  kn  de  tevà,  mè 
sa  kmâ  dî  :  e  nâ  pu 
ta  d  kyo  In  ku  kàn  e  t€t 
le...  à  fwè  e /  In  vivele  k 
fu  âfrôniâ  e  po  djudj'i  dû  1  vïr- 
te  mè.  à  !  el  u  be  s  dèmnâ. 
In  pnr  gyâl,  le  djudj  n  vyen 
âtâdr  nsô  nkyete,  e 
In  kôdânen  e  etr  pàdu  kmâ 
1  po. 

sôdji  vo  l  po  s  le  djâ 
fyèn  pu  In  vor  pâdr  ! 

kà  lemne  e  eemâ, 
tilt  lei  efâr  eti  dedje  tprâtî  ; 


—  Arrêtez,  arrêtez,  Jean,  arrêtez! 
que  disait  ce  pauvre  monsieur  curé. 

Mais  Jean  n'arrêtait  pas  du  tout, 
bien  au  contraire,  il  virait  en  sautant 
et  puis  en  se  boulant  de  rire  alentour 
du  biosnie',  et  puis  monsieur  curé  était 
forcé  de  virer  étout. 

Enfin,  à  la  fin  des  fins,  Jean  s'ar- 
rêta. Songez  voir  un  peu  si  ce  pauvre 
monsieur  curé  était  gôné  ^  !  Oh  il  ne 
put  pas  rentrer  de  jour  au  village. 

Ma  foi,  c'est  bon.  Mais  voilà  que  le 
lendemain  le  matin,  tout  à  la  piquette 
du  jour,  les  gendarmes  vinrent  prendre 
l'ami  Jean  pour  le  mener  en  prison  ; 
ils  l'attachèrent  derrière  la  queue  de 
leurs  chevaux  et  puis  le  violon  étout. 

Ah  !  ma  foi,  ce  coup-ci,  Jean  aurait 
bien  voulu  retenir  la  queue  du  chat  au 
lieu  que  la  queue  des  chevaux,  mais 
c'est  comme  on  dit  :  il  n'est  plus 
temps  de  clore  le  c.  quand  on  a  ch.. 
au  lit...  Ah  ma  foi  hein  '  !  le  voilà' qui 
fut  enfermé  et  puis  jugé  dans  un  vire' 
ia-main  +.  Ah  !  il  eut  beau  se  démener, 
le  pauvre  diable,  les  juges  ne  vou- 
lurent entendre  ni  son  ni  cloche,  ils 
le  condamnèrent  à  être  pendu  comme 
un  porc. 

Songez  voir  un  peu  si  les  gens  fuyè- 
rent  pour  le  voir  pendre! 

Quand  on  l'amena  à  Chamar5, 
toutes  les  affaires  étaient  déjà  apprê- 


'  Poirier  sauvage.  ||  ^  Mal  arrangé,  déchiré.  Particulièrement  couvert  de 

boue,  jj  3  Exclamation  fréquemment  employée  dans  la  conversation  avec 

un  sens  affirmatif.  ji  4  Dans  le  temps  qu'il  faut  pour  tourner  la  main,  illico. 

Il  5  Autrefois  sombre  promenade  de  Besançon,  embeUie  aujourd'hui,  où 

se  font  les  exécutions  capitales. 


JEAN  QUI    DANSE. 


265 


à  itL'^yâ  Xiil^,  s  pur  djà 
divhi  âfï  byiJ  klf  mô,  s 
fn'ttalf  n  pt'dji  pe  le  tel. 

<  fà  dtr  kkà  kekù 
il  kâdihui  e  mo,  dvà  k  d 
mM  an  ï  bèy  tii  siik  è  vb  : 
de  teerpt^iû  d  bôbà,  de  pyï  d 
frîkù.  dï  bô  vi,  âft  tu  siik  à 
vo. 

djà  n  sfûte  pe  ma  d  tu  sûlèy 
il  ère  bl  mî  êmâ  nestlâ 
d  gbd  dcrt  sôfiînô;  su  le 
fâ  kkà  à  It  dmâdè  siik 
â  vyè,  e  dmàde  tu  bivènmà 
sôvyolô  pf{  lu  nniâ  àkii 
n  fwe  dvà  k  d  nièrî. 

an  àtàdà  suie,  vwHe  k  lu  kuri 
d  bune,  ketë  vnu  etû,  s 
nirtî  e  fur  dvà  le  djudj  puk  an 
lî  bèy  pe,  nie  e  fé  rà 
h}u  efâr,  à  lî  beye  tu  d  nûm. 

—  e  byè,  k  fiye  môsyèr  kuri, 
pil'hk  Vil  i-iilè  l  lèse  m  ne 
5ô  vyblô,  âtàfè  mwe  à  un  àrm 
dvà  kïl  kôniàs,  vu  vere 
vwer  kïl  va  àrëii  de  màlèr. 

sa  bô,  à  Iwëyî  niôsyùr  kuri 
hm  de  kodj  d  tee  k  de  bu 
n  lè:;^erï  pe  kàsâ. 

tu  pu  1  ko,  vwele  djà  ks 
nûtt  e  mnâ  sô  vyolô  d  tut 
sefoe-. 

à  !  nie  par  efà,  s  vœ^ 
h'I  vu  ke  rèniedj  ! 

le  djà  kett  àptlâ  lu 
deu  làtr  6  tnetên  e  sàtâ 
knià  s  lu  fiyâl  le::^  eve  înu. 

dà  lu  hnâsnià,  e  ryi 
kmà  dé  bîisu  à  sâtà  pè 
deu  lu  làtr,  tnë  à  bû  dî 


lées;  en  voyant  cela,  ce  pauvre  Jean 
devint  aussi  blanc  que  la  mort,  ce 
pourtant  il  ne  perdit  pas  la  tète. 

Il  faut  dire  que  quand  quelqu'un 
est  condamné  à  mort,  devant  que  de 
mourir  on  lui  baille  tout  ce  qu'il  veut  : 
des  paniers  de  bonbons,  des  plats  de 
fricot,  du  bon  vin,  enfin  tout  ce  qu'il 
veut. 

Jean  ne  se  f...  pas  mal  de  tout  ça, 
il  aurait  bien  mieux  aimé  une  assiettée 
de  gaudes  derrière  son  fourneau  ;  cela 
fait  que  quand  on  lui  demanda  ce 
qu'il  voulait,  il  demanda  tout  bonne- 
ment son  violon  pour  le  mener  encore 
une  fois  devant  que  de  mourir. 

En  entendant  cela,  voilà  que  le  curé 
de  Bournois,  qui  était  venu  étout,  se 
mit  à  fuir  devant  les  juges  pour  qu'on 
ne  lui  baille  pas,  mais  il  n'y  eut  rien 
à  faire,  on  lui  bailla  tout  de  même. 

—  Eh  bien,  que  dit  monsieur  curé, 
puisque  vous  voulez  le  laisser  mener 
son  violon,  attachez-moi  à  unCe)  orme 
devant  qu'il  commence,  vous  verrez 
voir  qu'il  va  arriver  des  malheurs. 

C'est  bon,  on  Ha  monsieur  curé 
avec  des  cordes  de  char  que  des  bœufs 
ne  les  auraient  pas  cassées. 

Tout  pour  un  coup,  voilà  Jean  qui 
se  mit  à  mener  son  violon  de  toutes 
ses  forces. 

Ah  !  mes  pauvres  enfants,  si  vous 
aviez  vu  quel  ramage  ! 

Les  gens  qui  étaient  empilés  l'un 
dessus  l'autre  se  mirent  à  sauter 
comme  si  le  diable  les  avait  tenus. 

Dans  le  commencement,  ils  riaient 
comme  des  bossus  en  se  sautant  par 
dessus  l'un  l'autre,  mais  au  bout  d'un 


264 


CH.    ROUSSEY. 


vmnà,  è  yân  eue  d  le  mwetî 
k  bôlï  pe  d:(û  lez^  âtr, 
e  pbk  beyï  bl  le  brùyô 
dî  sa  gyàl.  e  '^~i 
prû  :  àrete,  àrete,  djà,  vu 
ire  par  donc  ! 

me  djà  iicMîe  rà  dî  tii, 
bl  dï  kdtrâr,  e  gige  ùkû 
pufo. 

môsyèr  kiirf,  Mn  fê:(e  pe 
etâ6yô,  dœ  kâ  cl  eu  bî  Iweyt, 
f^è  dè:;^  efo  epnivâtâby  pu 
dàsi  etû. 

tu  pu  i  ko  y  e  fo€  d  s 
dèmnâ,  àsk  n  lu  vwele  pe 
k  derhm  lûrm  epo  ks  metî 
e  djigâ  a  trêve  de^  atr  devu 
lârb  deri  sô  do  !  à  mô 
du,  tnô  du,  me  pur  efà, 
5  vo:(  evl  vu  !  e  tu  le  sa  e 
y  an  eue  du  tra  dekafyâ  !  à  gye 
prû  e  djà  deràtâ,  kàn  ete 
tu  fil  tu,  e  p  Ô  kâ  lu  lèyrè 
trâkîl,  s  bîigr  le  nekûte  rà. 
e  lèfî,  e  s  rrâti  e  desâdr  d  deu 
le  pyât€  à  mnâ  ttidj 
sô  vyolô,  e  poesà  rvènî  bl 
trâklhnâ  e  bûne  à  s  bolâ 
drîr. 

dé  s  djû  te,  i  vofiî  mÔ 
bye  kèl  à  evu  bi  trâkîl, 
nù  no:^  pu  lâbetâ  kâ  e 
mne  dî  vyolô,  pe  jnem  môsyèr 
kuri. 


moment,  il  y  en  avait  de  la  moitié 
qui  boulaient  ^  par  dessous  les  autres, 
et  puis  qui  braillaient  bien  les  braille- 
ments du  cent  diable.  Ils  disaient 
prou  :  arrêtez,  arrêtez,  Jean,  vous 
serez  pardonné  ! 

Mais  Jean  n'écoutait  rien  du  tout, 
bien  du  contraire,  il  giiiguait  encore 
plus  fort. 

Monsieur  curé,  qu'on  ne  faisait  pas 
attention,  depuis  qu'il  était  bien  lié, 
faisait  des  efforts  épouvantables  pour 
danser  étout. 

Tout  pour  un  coup,  à  force  de  se 
démener,  est-ce  que  ne  le  voilà  pas 
qui  déracina  l'orme  et  puis  qui  se  mit 
à  gambader  à  travers  des  autres  d'avec 
l'arbre  derrière  son  dos!  Ah  mon 
Dieu,  mon  Dieu,  mes  pauvres  enfants, 
si  vous  aviez  vu!  A  tous  les  sauts  il  y 
en  avait  deux  trois  de  broyés  !  on  di- 
sait prou  à  Jean  d'arrêter,  qu'on  était 
tous  foutus,  et  puis  qu'on  le  laisserait 
tranquille,  ce  bougre-là  n'écouta  rien. 
A  la  fin,  il  se  mit  à  descendre  de  des- 
sus les  planches  en  menant  toujours 
son  violon,  et  puis  il  s'en  revint  bien 
tranquillement  à  Bournois  en  se  bou- 
lant de  rire. 

Depuis  ce  jour-là,  je  vous  fouts  mon 
billet  qu'il  a  été  bien  tranquille,  per- 
sonne n'osait  plus  l'embêter  quand  il 
menait  du  violon,  pas  même  monsieur 
curé  ! . . . 


^  Qui  roulaient  comme  des  boules. 


Ch.  Roussey. 


LEXIQUE    SAINT-POLOIS 

(Suite.) 


bttïïty  +,  boulette.  — Petite  quan- 
tité de  laine,  roulée  en  forme  de 
boule,  servant  à  arrêter  les  bàçlur 
d'un  matelas.  —  Dans  la  banlieue  : 
bonbon  quelconque  en  forme  de 
boule,  bâyé-niê  pur  e  6û  (Tee  hilH  !o. 
—  Au  fig.,  faute,  bévue,  sottise. 

hélïtrm.  Voir  belètnié. 

buliy  4-j  s.  m.,  bouilli.  Dans  la 
banlieue,  concurr.  :  ear,  dii£  car. 

buliy  +,  sorte  de  bière  commune 
autrefois  fabriquée  par  les  ménagers 
et  même  les  sè^ye  (fermiers).  Cette 
boisson  avait  pour  base  le  son  bouilli 
(^///)  dans  l'eau,  kà  k'ô  nàvwe  k'del 
bulî  à  bwàr^  ee  kârlô  i  rietàt-tè  picè  si 
dèfistl  edsû  sel byer.  —  Au  fig.,  àiivâr 
dupe  kd^  e  del  bulî  bràsey,  ne  manquer 
de  rien. 

M//r,  +  ,  bouillir. — Absolument, 
terme  de  bures^  faire  bouillir  le  linge. 
t^  àlô  bulîr.  —  buHir  su  sal ,  faire 
bouillir  le  linge  avant  de  Vebnâ.  — 
Au  fig.,  bùlir  de  s'pyow,  ou  simple- 
ment bulir,  frémir  d'impatience  ou 
de  colère.  Même  sign.  :feké.  —  mal 
bultr,  avoir  une  mauvaise  issue.  — 
A  Saint-Pol-ville,  conc.  :  buytr. 

bulo,  -\-,  peloton,  œ  bulô  d'/Uel. 
Même  sign.  :  bulL 

bulô,  +,  s.  m.,  pomme  ou  poire 


enveloppée  de  pâte  et  cuite  au  four. 
Même  sign.  :  tyiityii. 

bulo,  bulôi,  +,  s.,  personne  grasse 
et  dodue;  se  dit  surtout  des  person- 
nes de  petite  taille,  œ  pti  bulo;  en 
grès  bulot. 

billot,  -\-,  s.  f.,  veronica  hederîe- 
folia,  arvensis,  agrestis  et  filiformis. 
Les  pauvres  gens  font  avec  ces  véro- 
niques de  Vàfiire  pour  leur  vache,  âm 
été  (T bulot. 

bàlôté,  X,  être  en  bonne  santé. 
€à  va  by'è ?  àwè,  £à  bulot.  Même  sign.  : 
ruÛ.  —  Prospérer,  e  bel  j^ef,  vu  ju  t 
vo  ?  bè  !  àwè,  eà  bulot  œ  mêlé. 

balte,  +,  rouler  (en  mauvaise 
part),  vo,  ml,  ffU  Feiérwe  vît  bultt 
pu  lîve.  —  Même  sign.  :  gàlté. 

bulàt,  +;  n'est  usité  que  dans 
cette  locution  :  fer  bulùt,  tomber, 
culbuter.  — Au  fig.,  faire  faillite  ou 
banqueroute. 

bûlvèrs,  +,  s.  m.,  agitation,  dé- 
sordre, bouleversement,  catastro- 
phe. 

bulîvàr,  -\-,  bouilloire.  Même  si- 
gn. :  buyot. 

/^//if^r,  X,  s.  f. ,  jeu,  autrement  dit 

jâ  <rm  à  ràbài.  vieiin.  —  Voir  m. 

buâw,  X,  boueur.  —  A  Saint- 
Pol-ville,  conc.  :  buœr. 


II. 


266 


ED.    EDMONT. 


bilr,  S.  m.  Voir  Imrlmr. 

biiràd',  +,  poussée,  coups  de 
poing;  attaque  en  paroles. 

Imrâde,  +,  rudoyer;  maltraiter, 
donner  des  bmàd'. 

biiràk,  +,  s.  m.,  coup  de  vent 
violent,  mais  de  peu  de  durée. 

hîirbnr,  +,  s.  m.,  torche  de  paille 
pour  burde.  Beaucoup  d'individus 
emploient  la  forme  bûbtir.  —  A 
Lenzeux  :  bér.  — fer  burbtir= burde. 

biirde,  +,  aller,  le  jour  du  burdï^ 
dans  les  vergers,  danser  et  chanter 
autour  des  pommiers  en  portant  des 
torches  de  paille  allumées.  Même 
sign.  :  fer  bnrbér. 

btirdi  (ei),  +,  le  premier  diman- 
che de  carême. 

burdô,  +5  bâton  de  pèlerin.  — 
Poteau  ou  morceau  de  bois  mobile 
qui  se  place  verticalement  au  milieu 
d'une  bàryer  ou  d'une  porte  cochère, 
afin  de  pouvoir  y  appuyer  ou  y  fixer 
les  deux  battants.  —  Tige  de  diver- 
ses plantes  ;  se  dit  surtout  des  pousses 
de  l'oseille  quand  elle  monte  pour 
fleurir,  de  btirdô  d^sûrel  ;  —  €el  surcl 
cil  et  à  burdô. 

bérdôdhi,  X,  coureuse,  femme  de 
mauvaise  vie.  Employé  conc.  avec 
la  forme  bûrgMïn.  —  Même  sign.  : 
drtil,  màdrèl. 

bêrdônàj,  +,  bourdonnement. 

bttrdône,  +,  monter,  pousser  en 
biirdô,  en  parlant  de  certaines  plan- 
tes, em  sùrel  al  burdon.  Même  sign.  : 
niôû. 

biirey,  +,  s.  f.,  fagot  de  menues 
branches. 

bîiret,  +,  s.  f.,  petit  pain  ou  petit 


gâteau  de  forme  ronde.  —  Dans  la 
banlieue  on  donne  également  ce 
nom  aux  brioches,  an  biir'èt  ed  de 


Sit. 


béret,  X,  s.  f.  pi.,  poils  enchevê- 
trés, feutrés,  mè  byè  lape  il  Ô  té  se 
pifâl  ht  s  met  à  bîiret. 

béreyet,  +,  petite  burey. 

biirgàj,  +,  voisinage,  o  sem  ^i  den 
è  fiiekà  burgàj.  —  Par  extension,  en- 
semble des  localités  voisines  du  Heu 
que  l'on  habite,  àl  kônwe  tu  le  je  d'se 
burgà]. 

burgàdhi,  X,  coureuse.  Voir  bur- 
dôdin. 

bûrik,  +,  s.  m.  et  f.,  âne,  ânesse. 

—  Au  fig.,  personne  stupide,  igno- 
rante. —  Jer  tîirne  kœk'œ  è  burik, 
l'abêtir. 

hùrike,  +,  fagot  formé  de  quel- 
ques longues  branches  en  guise  de 
parement  et  bourré  en  dedans  de 
brindilles  ou  de  branches  brisées; 

—  fagot  d'épines. 

burjiue,  jiuà\,  +,  s.  bourgeois.  £e 
burjiue  d'se-po.  —  A  Saint-Pol-ville, 
conc.  :  burjiuà. 

bnni'eiyen,  +,  race  de  bêtes  à  cor- 
nes de  petite  taille. 

bûrs-â-berje,  capsella  bursa-pasto- 
ris. 

btirset,  4-,  petite  bourse.  —  Par 
extension  et  familièrement,  bourse. 
tu  se  bdm,  i  rue  tîit  de  s'burset,  i  n'depes 
pwè  œ  yàr. 

bàrsàw.  Voir  bérsy&iv. 

btirsye,  er,  +,  celui,  celle  qui  tient 
la  bourse. 

biirsyàw,  -\-,  s.  m.,  bosse  à  la  tête 
survenue  à  la  .suite  d'une  chute  ou 


LEXIQUE  SAIKT-POLOIS. 


267 


d'un  coup,  sfh  œ  iHirsyè  }  k^yii.  — 
A  Saint-Pol-villc,  conc.  :  iHlrson-. 

hurtir,  +,  s.  t.,  gonflement,  mé- 
téorisation  (des  ruminants).  An  vàk 
/<•/  (hi  hïlrfir  k\îl  0.  —  Grande  quan- 
tité d'aliments  prise  par  un  individu 
glouton.  t')i  inîrpral'  un  hiirùr.  A 
dans  cette  acception  la  même  sign. 
que  les  mots  M/,  bâfrK,  çilvtir,  pofh. 

Inirye,  X,  bourrelier.  \'oir  çtJyi*. 

bîirye,  +,  s.  m.  pL,  débris,  ro- 
gnures de  cuir  sans  valeur. 

biiryoïv,  +j  bourreau.  A  Saint- 
Pol-ville,  conc.  :  iHiron. 

biisbly  -f-;  p^^rd'  la  Iwsol,  perdre  la 
tête.  Même  sign.  :  perd'  là  btil. 

Imsfifhl^  +,  bonne  chère. 

bnt  !  but  !  +,  interj.  marquant 
l'insouciance,  l'indifférence,  rènàlé- 
vù  dvci  rplœv,  b:^  Hle-t  et  frek.  btit! 
but!  ta  ph! 

bâtard',  +,  s.  f.,  caprice,  e  si  [ 
ârprè  œn  bétàrd'  e  pi  k'i  s  mari  pu  ?  — 
A  Saint-Pol-ville,  conc.  :  hitâd'. 

bute,  -\-,  heurter,  mettre.  VveilH. 

bî'ttel,  +,  bouteille.  —  Dans  la 
banlieue,  a  le  même  sens  que  békàl. 
Voir  ce  mot. 

bîit-e-gâ'l,  +,  variété  de  pomme. 

bétU,  + ,  brique  ou  pierre  placée 
dans  une  maçonnerie  de  manière  à 
ne  laisser  voir  qu'un  de  ses  bouts. 

bétikon  biitik,  +,  s.  m.,  boutique 
(de  marchand,  d'artisan,  etc.).  avœ 
se pti  biittk  âl pœiwfe  bye.  —  S.  f., 
en  mauvaise  part,  maison  mal  te- 
nue; maison  où  les  domestiques 
sont  mal  nourris  ou  mal  payés.  — 
En  langage  plaisant  ou  libre,  le  der- 
rière et  les  parties  naturelles  chez 


les  deux  sexes,  fô  mi  àmutri  tu  vu 
lit  butik  kom  fby  do,  me  pti  nhiè!  — 
bM  àl  àri  ros,  àl  àrgMl  d}  e'riô  k'ô 
li  vw^  tti  sbûfik;  làlœr  à  sfrÔ  rfut  6 
lyôlô. 

buliklf,  X  (sauf  dans  le  faubourg 
d'Hesdin,  où  l'on  emploie  la  forme 
fém.  Initiklet),  s.  m.,  échoppe,  et  par 
extension  petite  boutique  peu  gar- 
nie. 

bîitirét,  -j-,  s.  f.,  nombril,  et  par 
extension  région  ombilicale. 

Mtli,  -\-,  petit  bout.  —  Familiè- 
rement, bout  de  la  mamelle. 

Mtœr,  œ^,  -f-,  préposé  à  la  vente 
des  grains  sur  les  marchés  du  Nord 
et  du  Pas-de-Calais.  —  Faubourgs 
et  banlieue,  concurr.  :  biitœc-. 

Mine,  -f,  faire  des  rainures  avec 
le  bouvet. 

Miyàr  on  buljir,  -f,  bouleau.  Vieil- 
li. Voir  bùye. 

Iniye  ou  tmlj,  +,  bouleau  (arbre). 
à'  ràmô  d'biiyi'.  Employé  (de  préfé- 
rence) conc.  avec  la  forme  bàyâr. 

buyot,  +,  bouilloire.  Mêm  sign.  : 
bîilwàr. 

biiyàte,  +,  bouillir  doucement. 

buyô,  -\-,  bouillon.  —  buyô  d'ô^ 
œr,  breuvage  empoisonné.  —  Par 
plaisanterie,  Iniyô  pivètfi,  lavement. 
—  Au  fig.,  gbh^  œ  Myà,  faire  une 
perte  considérable. 

biiyô-bla ,  -f,  verbascum  thapsus. 

M:^â,  s.  m.,  bouse.  \'oir  bii:{0. 

bfi:^àtyer,  -\-,  vachère;  ser\'ante  de 
ferme  qui  prend  soin  des  vaches,  H 
Ô  ti'idi  Si'  pye  de  f'h'i-o. 

lm:(e,  -\- ,  tripot,  lieu  de  débauche 
et  de  prostitution. 


268 


ED.  EDMONT. 


hézp ,  +,  s.  m.,  excrément  des 
bêtes  à  cornes;  ce  que  ces  animaux 
évacuent  en  une  seule  fois.  —  Au 
fig.,  œ  grô  hi\Ô,  personne  tout  à  la 
fois  lourde,  malpropre  et  d'un  cer- 
tain embonpoint.  —  A  St-Pol-ville, 
beaucoup  d'individus  emploient  la 
forme  bîi:(à. 

Invar,  -f-,  s.  m.,  aliment  liquide 
donné  aux  animaux  domestiques. 
Même  sign.  :  brœvaj.  Voir  ce  mot. 

bwat  ou  huât,  +,  boîte.  —  Invât 
à  hriilè;  voir  hrulè. 

bîvàtlet  ou  biuetlèt,  -\-,  petite  boîte. 

biuâ:<^  ou  bive^e,  +,  boiser;  lam- 
brisser. Peu  usité. 

huà^rly  ou  biut\ny,  X,  boiserie. 
—  Banlieue  :  biue:{ur. 

bîvt'l,  s.  f.,  buis.  Usité  à  Maizières. 

biuhô,  -\-,  boisson.  —  A  Saint- 
Fol- ville,  conc.  :  bîuàsd — AManin  : 
bo€ô,  bweed. 

bzvetàj,  +,  état  d'un  individu  ou 
d'un  animal  qui  bwet.  MiélVi  à  Saint- 
Pol-ville. 

bîvete,  +,  boiter.  Même  sign.  : 
klôke. 

biuetlàe,  s.  f.,  mesure  agraire  équi- 
valente à  un  kârtye.  Usité  à  Maiziè- 
res, Sars-le-Bois,  Ambrines,  Manin, 
Izel-lez-Hameau . 

bwhèw,  œ^,  -\-,  boiteux. 

btueTÙr,  boiserie,  châssis  de  fenê- 
tre.  fâtuâ  le-ee  tngop  su  l''biue:Qn\ 
Usité  dans  la  banlieue. 

bwe,  bon.  Voir  bô,  bon. 

bwlnmè.  Voir  bonme. 

bwenœr,  bonheur.  Usité  dans  la 
banlieue. 

bwentàc,  bwètâ.  Voir  bbnûy. 


bii'e,  + ,  faire  le  lessivage  du  linge. 
Ô  btirô  rstnàn  kt  vyè,  enô?  —  Vieilli  à 
Saint-Pol-ville. 

b-iOey,  +>  s.  f.,  lessivage  du  linge. 
Ô  fejô  Tbibe  de  triue  smàn.  —  Même 
sign.  :  Ihiv  (à  Saint-Pol-ville  :  lesiii). 

blueyet,  X,  petite  bwèy. 

bû'is  ou  hwi{,  s.  f.,  tuyau  de  poêle; 
tuyau  ou  conduite  en  terre  cuite.  — 
Concurr.  :  bti-e  ;  voir  ce  mot. 

bwhô-ârdà,  X,  cratœgus  pyracan- 
tha.  —  Faubourgs  et  banlieue  :  bù^ô- 
ârdà. 

byèy,  +,  biais,  ^e  kôpe  è  byèy.  Voir 
eflhà  (en). 

byef,  +,  s.  m.,  terre  argileuse, 
compacte  et  collante ,  difficile  à 
ameublir.  —  byef  â  ktiyovj,  byef  mé- 
langé de  silex  plus  ou  moins  gros. 

byef  œil'.  "V^oir  byevrœiv. 

byer,  +,  bière,  del  fort  byer ;  del 
byer  motye;  del  tit  byer;  de!  byer  blàk. 

—  byer  ed  prov\yô,  bière  fabriquée 
en  mars  et  pouvant  se  conserver 
longtemps. 

bycrk,  +,  bière  très  faible. 

byevrœiv,  œ{,  +,  se  dit  d'un  terrain 
où  le  /jy^/ domine,  de  ter  byevrœ^.  — 
A  Manin  :  byefâiv. 

bye,  X,  subst.  et  adv.,  bien.  — 
en  pu  fer  ed  bye,  être  tracassé,  préoc- 
cupé, n'avoir  plus  un  moment  de 
repos.  — Faubourgs,  concurr.  :  byâ. 

—  Banheue  :  byê.  —  A  Lenzeux, 
Œuf-en-Ternois,  Guinecourt  :  byê. 
Cette  dernière  forme  est  aussi  em- 
ployée dans  la  banlieue  par  quelques 
individus, 

bye-dî  ou  bye-dtr,  X,  s.  rri.,  bavar- 
dage,  ce  que  l'on   vient  de  dire. 


LEXIQ.UE   SAINT-POLOIS. 


269 


S'emploie  ironiquement,  ù!  ài'c  mi 
û  bye-dt.  —  ri'M^  sti  se  byc-d'i,  ne  pas 
ajouter  un  mot  i  ce  qu'on  vient  de 
dire. 

l^'hki'rd'iv  ou  hyèntirœ-w,  â^,  X, 
bienheureux. —  Banlieue  :  hyênœtkb, 
byeniircc. 

hyh'fifi,  ùt,  X,  bienvenu.  —  Ban- 
lieue :  Iryevnft. 

bybw,  bel,  X,  adj.  et  adv.,  beau, 
belle,  de  byb  swàl ;  —  de  /'^7-t'-  àvc'm  ; 
—  œ  byb  àp;  '-  œ  byô  tihl ;  —  //  o  byô 
Sr  e  fer.  —  Au  fig.  :  œ  byb  inôr,  se 
dit  d'une  personne  qui  vient  de  mou- 
rir et  dont  on  est  bien  aise  d'être  dé- 
barrassé, soit  parce  qu'on  ne  l'aimait 
pas,  soit  parce  que  l'on  attendait  im- 
patiemment sa  succession.  — parle 
bybiu,  prier,  supplier,  et  par  extension 
filer  doux.  —  A  Saint-PoI-villc, 
conc.  :  bbvj,  bel.  —  Banlieue  :  /nvcl;-, 
bU. 

byb-frer,  +,  beau-frère. 

byb-fyû,  -\-,  beau -fils. 

byb-jè,  -|-,  s.  m.  pi.,  le  beau-père 
et  la  belle-mère. 

byb-pàrà,  +,  s.  m.  pi.,  le  beau- 
père  et  la  belle-mère.  A  Saint-Pol- 
ville,  conc.  :  bo-parà. 

byb-pkr,  +,  beau-père. 

byhle  (5'),  -\-.  Voir  smyiilê. 

k^àe,  -f ,  besace.  — pbrtê  â  /;^rt^, 
porter  une  chose  sur  l'épaule,  à  la 
manière  d'une  besace.  Conc.  :  bé-df. 

b^ey,  X ,  course  inutile.  —  fér  dé 


/'^(\,  en  parlant  d'un  ouvrier,  quitter 
son  ouvrage  pour  aller  boire  de  ca- 
baret en  cabaret.  L'ouvrier  qui  a 
cette  fâcheuse  habitude  a  toujours 
soin  de  tenir  un  outil  à  la  main,  en 
faisant  ses  b:;^iy;  de  cette  manière,  il 
a  l'air  de  faire  une  course  quelconque 
ou  de  se  rendre  à  son  travail.  — 
Conc.  :  eb:idy. 

/'-/v  ou  bsfy,  X,  vessie.  îeti-îo  i 
kni-rii?  h\c  k\li-  /--i  €^i  de  Icitern. 
Vieilli.  —  A  Manin  :  %,  bètiv. 

b:(i}k',  -f- ,  en  parlant  des  bestiaux, 
courir,  sauter,  gambader,  soit  à  la 
suite  d'un  effroi,  soit  à  cause  des 
piqûres  des  mouches  ou  des  taons. 
rètré  1:^4 ,  zm  vak ,  j  b:;ent  à  tntir.  — 
En  parlant  des  personnes,  aller  et 
venir  de  côté  et  d'autre,  faire  des 
sorties  intempestives,  dfi  k\''é  k'àl  e 
rii'ii?  /;-/;/?,  fel-lal  ?  — -  En  parlant 
d'une  jeune  fille,  avoir  une  mau- 
vaise conduite,  des  mœurs  légères. 
h  II  méken  al  b:^en  à-  môle  d'trô  à  tnmod', 
ft'npd'  >ni  rivârdè.  —  Etre  affecté  d'un 
tremblement  nerveux.  —  Conc.  : 
eb::jiii'. 

b:(îiizudr,  -\-,  jeune  personne  de 
mœurs  légères,  coureuse.  —  Conc.  : 
éhitnwâr. 

b^tr,  -f-,  faire.  Voir /)5//-. 

b^ômvii,  d'}^.  \'oir  bi^ôna'.:. 

biîi'è ,  besoin.  —  Faubourgs  : 
b:;;u>â,  d:;iuâ.  —  Banlieue  :  c'-tc-J^, 
d^ojài. 


MOTS  FRANÇAIS  USITÉS  EN  SAINT-POLOIS 


bà,  subst.,  adj., 
adv. 

bà!  -\-,  interj. 

bâbtyàj. 

bàbiyàr. 

bàbiyt. 

bà€,  +  (de  voi- 
ture). 

bàee,  +. 

bà-fô,  X. 

bâfwe,  X. 

hàl  +. 

bâgà],  +. 

bàgàteJ,  +. 

bâkîe,  +,  V. 

bàlâfrey,  X. 

bâlàs,  X. 

bâlàstàj,  X. 

bàlàsû,  X. 
bâlàstyer,  X. 
bâlà,  +• 
bàlh,  +• 
bàlàsî. 
bàlàsmci. 
bàlàswar. 
bàlàsye,  + 

(d'horloge). 
bâlbusye. 
bàlè,  subst. 
bâlen,  X  (banl.  : 

bàlâii). 
bàlivow. 
bàlkô,  X. 


MM,  +. 

^05^5,  +• 

bâlôfè,  X. 

^Mw,  X. 

bhltir.  P.  u. 

b&sinwàr. 

bàlûrdî^.  P.  u. 

bàskin,  +. 

M?w/,  +. 

/'^y^///,  +. 

bânèr,  +• 

bàskidi. 

MmÂ%  +. 

bàs-kîir,  +• 

/;<îlr4/(s.uncours 

* bâsmà  (....g). 

d'eau).  P.  u. 

/'^iÔ. 

M/'Mr,  +. 

bâs-tàl. 

bàrbârîy,  X. 

bàstônàâ,  X. 

Mr/'f,  +. 

M/^/,  +. 

bàrbh,  H". 

M/rtr,  +• 

Mr%^,  X. 

bâtàyô,  +. 

bârbôtàj. 

/;M,  +,  s. 

barbote. 

*  bâtimà  ( s). 

bàrbéyà],  +• 

bàtîie. 

bàrbnye,  +. 

*battnà  (....^). 

bârbtiyœr     ou 

M/ajc. 

....(èî&,  aq,  X. 

bâtœr. 

bârbye,  +. 

bâtœi. 

Mrt^,  X.  P.  u. 

bat  il,  +,  s.  f. 

bàrtkàd',  +. 

Mv,  X. 

bàrikàde,  +. 

Miwr,  X. 

Mn/J,  X. 

bàvàrdà],  X. 

Z'M,  X. 

bavarde,  X. 

bàrket,  +. 

Mi^l 

Mrait/. 

Mt'l/,  X. 

MrJ,  t>n. 

bàvole,  +. 

bàryolà]. 

bâvâw,  ê-^,  +. 

bâryÔlèy. 

bâye,X,  bâiller. 

bas,  +  (mus.). 

bàyônèt,  + . 

^M  (chien). 

bà:(ànèy. 

M;{i,  +,  étoffe. 
bà^lïk,  +  (plan- 

te). 
M,  +. 
bàbe. 
bàâ,  X. 
bàdàj,  X. 
Z'^J^,  X. 
^^i/è/,  +. 
b^ûyer,  X. 
bàk,  +. 
M^'^,  X. 
M^â^,  +. 
bàkte. 
bakye. 
be€. 
beee. 

bedèn,  +• 
bedow,  X. 
bekïl,  +. 
Z»^/-///,  +. 
bel-nàr,  +. 
bel-sœr,  -\- . 
bene,  +. 
bemdîsitey,  +. 
betiedîksyô,  +. 
benitye,  +• 
/'^yl,  V.  P.  u. 
è%^,  4-,  subst. 
berj. 
berjy'iy. 
bes,  +. 


LEXIQUE   SAINT-POLOIS. 


271 


I4lô,  X. 
l'-^ndj,  X. 
i\:ônt\  X. 
bhrâv,  4-. 
bhiè. 

be,  +,  subst. 
/'//'/■  J,  X. 
bifôné  (y),  X. 
Wi/J,  +. 
bifk 

bïftek,  +. 
Mfùrkâsyà,  x. 
Mffirkê,  X. 

bigétrty. 
bijii. 
Hjîitrly. 
hîjiityt. 

bitîë ,     + ,     dire 
deux   messes. 
tinoh. 

bis,  +.  2  fois. 
bïskâyè,  +• 
biskbrnû,  ut. 
bhkûÂy  +. 
^î/èr,  X.    ■ 
/wflÂ',  X. 
bivàke,  X. 
%flr,  +. 
b'ïyâ'ii,  œ-. 
b1:^à}utèL 
^hK  +  (pigeon) 

M^Ôte. 

bla^,  X  (à  ta- 
bac). 
blàgœr. 


blàmà^,  +. 
bliivâ,  -{-. 
blà4{s\x. 
blà-bek. 
blcifàt. 
blàeàr. 
blàkèi. 
blam. 

blha,  al,  -(-. 
bM,  +. 
blestir,  +. 
blî-ttr,  -f . 
blôkiis. 

blÔnr(s),  +. 
/Vo,  ocf',  +. 

W«^,  +. 
bou;  bel,  X. 
/^M  ou  bôuà,  X. 

bôdnt',  X- 

bà-fts. 

bô-frer. 

bôkû. 

bô-per. 

borda],  -\-  (d'un 

vêtement). 
Z'()rJI/,  +. 
bèrdràii',  X. 
/'am,  X,  s. 
bbrnà),  +. 

bôskè. 
b&sû. 
bôûy. 
bôtïn,  X. 

*o//4;',  + . 

bétlé,  +. 
%^,  +. 
bô,  +,  subst. 


*bôbàrdhm 

( O-P.u. 

fe/'^Ii,  -f  • 
bôbt,  +. 

/«<?/'^A/,    -}-   s. 

hbd.  P.  u. 

bôdè. 

bôd'ir,  -f. 

/w/ô.  P.  u. 

/'aw ,  X  (d'en- 
fant). 

bônàs,  +. 

bônt. 

bànifye. 

boni  ma. 

bônâ'r,  -j-. 

bbntriy,  -\-. 

bbtttye,  -\- . 

bar. 

bâri,  -f-,  V. 

bœre,  -\-.  s. 

brà. 

bras. 

bràsàr.  P.  u. 

bràs^y. 

bras  lé. 

bràsyer,  X. 

brà^^  +. 

bràv,  X,  adj.  et 
subst. 

brâvàd'y  X. 

^ràt^,  +. 

brâvûy  +• 

bràvàr.  P.  u. 

bràyàr,  -\-. 

brâyt,  +. 

/t^)'^/,  X. 

brà;^nr,  -\-. 
brâ:^t,  +. 


brà^. 
brà^àj. 
brisû. 
brhd'ify  X. 
brhl,  +. 
bràlàyàty  4-. 
br^l-bà,  +. 
bree, 

brM,  +. 

br^tiy,  +. 

brh;jer. 

bre  (  d'herbe  , 

etc.). 
brebôryôy  -{-. 
^rûi/7,  X. 
M<^,  -f-. 
bridô,  +. 
brigàdyé,  +. 
M<j^,  +. 
^ri^.  P.  u. 
brik,  +. 
^rlfy^é/,  X.  P.  u- 
briktriy,  -\-. 
briyO€y  X. 
bri:;^. 
brôdèy    -\r    (sur 

étoffe). 
brédâ^,  +. 
brôdrty,  +. 
brôkàtàj,  -f-. 
brôkàté,  +. 
bros. 
brôyàj. 
brôék,  -f-, 
^rât,  +. 
^rô^^,  -j-. 
^r^i,  +. 

bfutr. 


272 


ED.  EDMONT. 


*  brmsmci 

(....,.  è). 
brtilci,  àt,  H". 
brul-piirpive  (â). 
brtil-tn. 
briiltir,  +. 
brûlwàr,  X. 
brumâiu,  â^. 
bruske,  +. 

*brûskmà{ f) 

bmskrïyy  +. 
brût,-\-,s.  etadj. 
brutal,  +• 
brùlàltûy,  +. 
brutâlî:^e,  +• 
*brûtàlvià  {....e) 
brûyà,  àt,  +. 
brûyer,  X- 
bru,  -\-  (de  noix) 

brnyàr,  X  (ban- 
lieue :  .../..). 
èn/^é,  +. 
^;'«j'J,  +  (écrit) . 
bue,  X. 

bûee,  X,  v,  et  s. 
bùf,  X. 
^;1/l,  X. 
^#,    %/,    X 


(musique). 
tô//<\  +. 
btiret,  "4-. 
Z'/Jr^  (outil). 
bûràw,  +. 
M/^,  +• 
bûvàp. 
biwàr,  X. 
^«w/,  X. 
/w,  s.  f. 
htie. 

biUe,  +,  adj. 
bu£e,  ery  -\-. 
bîUô,  +. 
biieônc. 
bu€rïy,  +. 
bédé, 
bédé,  -\-. 
bédirér,  +• 
bédœr,  œ^. 
béfà,  àt,  X. 
béfe,  X. 
bîïftrÇs),  +. 
bégôrie,  +. 
bégrà,  X. 
^^l/îv,  +. 
M^^,  +. 
* bélàje  {...ê..). 
biil-do^,  +. 


bêle,  +  (de  ca- 
non). 

béldnàj,  4-- 
bélône,  +. 
bélvàr. 
bélverse,  +. 
/'«r,  +,  s,  f. 
béràe. 
bérâkà,  X. 
burbye,  X. 
burdôm,  +• 
*  bérdônmci 

{.......i). 

bére,  +. 

^^r|,  +. 
bérgàd'. 
bérjô,  +. 
bérjônè,  +,  v. 
burjôncy,  + ,  adj . 
bûrjiuà,  a*. 
bérjiuà^iy.  P.  u. 
Mr/^,  +• 
bérbw. 
bèrs,  +. 
bûrsiko,  +• 


bûrséflùr. 
bihktdàd',  +. 


bihkùle,  +. 
but-à-tre.  P.  u. 

bétône,  +• 
bétôy.er,  -\-. 
but  tir. 
biituraj. 
biïturî. 
buve,  +. 
bévrïy.  P.  u. 
bévye.  P.  u, 
Z^/}'5,  a/. 
béyir. 
béyône,  -{-. 
biuà. 

bwàr,  +,  V. 
bwâsô. 
bwi,  +. 

Z»}^?/^,  +. 
byèfetœr,  trh,  X. 
bfejezà,  ât,  X. 
byefe:(às,  +. 
byhi-et,  X. 

byeveyà,  àt. 

byèveyàs. 

byh'nir{6Jer'),+ 


c 


til,  X,  ça,  cela.  La  forme  aï  ne 
s'emploie  que  devant  un  verbe  :  £à 
vye;  eà  kmee  à  s  vir.  On  dit  £6  dans 
tous  les  autres  cas  :  (î  kdm  €o;  e'età 
£0.  —  Banlieue  :  €â^  eâ  vnwài;  — 
£aO ,  €Ï  €a.b. .  —  A  Saint-Pol-ville , 
conc.  :  55.  —  A  Ligny-St-Flochel., 
Marquay,  Bailleul-aux-Comailles  : 
€0^  €lo,  hîo  (devant  un  verbe),  €ô 
vnwàiy  elô  e  biuàè,  k'hlô  e  byéod-;  — 
elo,  hloj  hlo  (dans  les  autres  cas), 
e'i  bye  elo ,  àl  fuâ  kôm  hlo  ou  kôm 

€âbo,  -\-,  sabot  ;  —  jouet  d'enfant 
en  forme  de  toupie ,  appelé  aussi 
tupi  à  kàeivàr .  —  A  Saint-Pol-ville, 
conc.  :  sHbo. 

eâbèîà],  -j-,  s.  m.,  action  de  eà- 
béte. 

eàboû,  -h,  marcher  bruyamment 
avec  des  sabots  ou  d'autres  chaus- 
sures. —  Par  extension,  remuer 
beaucoup  et  avec  bruit,  en  parlant 
des  enfants.  —  A  Saint-Pol-ville  : 
conc.  :  sàbôû.  —  A  Fruges  :  ^àflôte. 

^âbôtye,  er,  +,  celui,  celle  qui 
eàbot;  —  fabricant  de  sabots.  —  A 
Saint-Pol-ville,  conc.  :  sàbôtyt. 

eàbràk  ,  X  ,  terme  injurieux  , 
femme  grande,  mal  bâtie  et  peu  in- 
telligente. Même  sign.  :  brè^. 


eàbuki.  Voir  €àbùkè. 

eàbùkâw.  Voir  eibukâû-. 

eàflôû^  marcher  avec  bruit.  Usité 
à  Fruges.  Voir  eàbôtt. 

ۈ(;re,  en,  +,  adj.,  chagrin,  ine. 

fàk,  -f ,  chaque;  —  chacun.  };^Ô 
d'  €àk  œ  su  ou  bien  i;^  J  d'  œ  su  eàk. 

eàkœ^  an  (ou  œrî)^  -+-,  chacun, 
une.  —  à'  €àkà',  locution  fréquem- 
ment employée,  œn  eàkœ-n  né  s' bot. 
—  Beaucoup  d'individus,  croyant 
bien  parler,  emploient  la  forme 
sâkti. 

ۈlci,  lit,  adj.,  lambin,  noncha- 
lant, paresseux,  st  k'ji  rfuArœ  pîi'i, 
m'  h'irtiljij,  ej  pàsré  pur  £àla.  Usité 
à  Œuf-en-Ternois. 

€àmâyàr  yu'àr,  X ,  celui ,  celle 
qui  chamaille.  —  Banlieue  :  eàmâ- 
[àr,  [u'àr. 

eànâ  y  -f-,  essaimer,  nâ  mùk  i 
€amt.  Même  sign.  :  hâniè.  —  Par 
extension,  déguerpir,  décamper,  se 
disperser,  àlô,  // ,  €am  bé  làt  !  — 
S'emploie  aussi  quelquefois  dans  le 
sens  de  déménager. 

eàmbw.  H-,  chameau.  —  Terme 
injurieux;  s'adresse  surtout  à  une 
femme  de  mauvaise  vie. 

€âpèy^,  chapelier.  Voir  kàplU. 

£âp€,  -\-y  sapin;  arbre  résineux 

Kxvn  BU  rATOB.  —  i8. 


2  74 


ËD.   EDMONT. 


d'une  espèce  quelconque  :  le  pin,  le 
mélèze,  le  thu3'a,  etc.,  sont  des  etipc. 

—  A  Saint-Pol,  conc.  :  6àpl. 
t'tiphjcr,  sapinière.  Peu  usité.  Em- 
ployé dans  la  banlieue.  —  A  Saint- 
Pol-ville  :  sàphûr. 

fàpoiv,  X,  chapeau.  Voir  kapyow. 

ۈr,  +,  chair,  viande.  Dans  la 
banlieue,  se  dit  spécialement  de  la 
viande  de  bœuf,  o  méjrô  del  eàr  à  V 
dhkàs;  —  del  b^i^  €àr;  —  dH  diî€  fàr. 

—  Peu  usité  à  Saint-Pol. 

eàrcy,  +,  s.  f.,  raclures  ou  parties 
charnues  enlevées  aux  cuirs  pendant 
leur  préparation. 

sàrfn.  Voir  A'rjû. 

ehri  ou  sâri,  +,  céleri  (apium 
graveolens). 

fârhivttny,  X,  charcuterie,  et 

£ârkwttye,  X,  charcutier.  Formes 
employées  par  un  grand  nombre 
d'individus. 

€àrlàtà,  +,  charlatan.  Les  per- 
sonnes qui  ont  la  prétention  de 
vouloir  bien  parler  emploient  la 
forme  sârlâtà. 

^ârtriê,  er,  X,  perclus,  e.  Voir 
kârtriL 

ۈs-gw)l,  -f-j  s.  m.,  cheville  de 
ter  servant  à  faire  sortir  une  autre 
cheville.  /(5rî(.'^  œ  eàs-gwïlpur  degivîye. 

£às-klû,  X,  outil  de  fer  ou  d'acier 
servant  à  enfoncer  les  clous  ou  les 
pointes  plus  avant  dans  le  bois.  — 
Même  sign.  :  kâ^et. 

eàs-mœney.  Voir  kàe-màney. 

€âvàt,  -\-,  savate. 

ۉvtye,  -\-,  savetier;  par  exten- 
sion, mauvais  ouvrier. 

ۈ:^up,  +  chasuble.  Quelques  in- 


dividus emploient  la  forme  eh^ur. 

€àbÔrà,  X  ;  vyû  eàhora,  terme  in- 
jurieux usité  surtout  dans  le  fau- 
bourg de  Béthune. 

£àbtike,  -f-,  faire  du  bruit  en  frap- 
pant ou  en  remuant  les  meubles. 
On  emploie  également  la  forme  €à- 
btike. 

€àbùkâ'ii',  œ~,  + ,  celui ,  celle  qui 
€àbuk.  On  dit  aussi  mbûkœxu. 
càdiyet.  Voir  kàdiyel. 
^âdlœ^,  X,  Chandeleur.  A  Saint- 
Pol-ville,  conc.  :  ^àd hî'r.  Y o'ir kàdtye. 
£àk,  -|-,  chancre,  cancer,  affection 
cancéreuse  quelconque;  —  loupe  ou 
excroissance  (sur  un  tronc  d'arbre). 
^âktyâj  ou  eàkilà],  +,  s.  m.,  ac- 
tion de  eàkiye. 

fàkiyàr,  yiuar  ou  ^àk^làr,  hvàr,  -j-, 
celui,  celle  qui  ۈkel. 

fàkiye  ou  £àkilj.,  +,  remuer  sans 
cesse  dans  son  lit.  €e  dœ  lo  i  eàkelt  à 
tnùr. 

fàkrœii',  œ^,  -f,  chancreux,  cancé- 
reux. 

^àp,  -\-,  chambre,  e!  €àp,  dans  les 
chaumières  des  paysans,  se  dit  par- 
ticulièrement de  la  seconde  pièce, 
où  sont  les  lits  de  la  famille.  La 
première  pièce  est  dite  :  êl  mâ:(ô.  — 
Concurr.  :  kâp  (x);  —  kéàp  (ban- 
lieue). 

fàprà'l,    +5    s.   f. ,   cannelle   (de 
tonneau). 
€àv.  Voir  kèf. 

-f|-  £e€et  (fer),  +,  faire  froid. 
niÙ£  te  menot,  i  fe  €e£et. 

et'de,  céder.  Forme  des  faubourgs 
et  de  la  banHeue. 

€e-d'ctv,    -|-,    chef-d'œuvre.    — 


LEXICiUt    SAINT-POLOIS. 


27) 


S'emploie  surtout  ironiquement  en 
parlant  d'un  ouvrage  mal  fait,  d'une 
bévue  ou  d'une  action  dont  on  n'a 
pas  à  se  vanter,  vlà-t-i  pà  œ  byb  fi- 
étih'  !  —  La  forme  s^-Sàv  est  em- 
ployée par  les  individus  qui  ont  la 
prétention  de  vouloir  bien  parler. 

€efy  +,  chef;  —  luron,  ^fyti  /tt 
œ  rhd'  ecf.  Voir  bre(;a. 

eek.  \o\r  ferk. 

<v;/,  -f,  chaîne;  —  sorte  de  herse 
en  fer  articulée. 

€ént,  +,  chaîner;  —  passer  la 
£hi  sur  une  terre  ensemencée. 

^hid'î ,  X,  chènevis.  Concurr.  : 
kènûn.  Voir  ce  mot. 

€hàn,  +,  baratte,  œn  eeran  à  bàû. 

ii-rèy  + ,  instrument  servant  à  pei- 
gner le  lin  et  le  chanvre,  à  en  séparer 
les  étoupes  de  la  filasse. 

fhè^àj,  -f,  s.  m.,  action  de^mVé. 
Peu  usité. 

eérhe,  -f-,  peigner  le  lin  ou  le 
chanvre  à  l'aide  du  férè.  —  Au  fig., 
par  plaisanterie  ou  dénigrement , 
jouer  du  violon.  Même  sign.  :  krè- 
€ôm,  trè£ône.  Ces  trois  verbes  ne 
s'emploient  guère  qu'en  parlant  d'un 
mauvais  musicien. 

eêrèeœiZ'y  -f-,  ouvrier  qui  ^erè^.  — 
Au  fig.  et  par  analogie,  ménétrier. 
Même  sign.  :  krèeônœw,  trè€Ônœû', 
ràklœ  (ï  bbybiv.  On  n'applique  ordi- 
nairement ces  différents  termes  qu'à 
un  mauvais  musicien;  on  les  emploie 
aussi  par  plaisanterie. 

etre^y  X,  seringue.  —  A  Saint- 
Pol-ville,  conc.  :  srè^. 

ferègê,  X,  seringuer.  —  A  Saint- 
Pol-ville,  conc.  :  srèc;e. 


€hfn  ou  €hrfû,  cerfeuil.  —  A  St- 
Pol-ville,  conc.  :  àrfn'l. 

€erk,  -f,  cercle  (dans  ses  princi- 
pales acceptions);  cerceau.  —  Au 
fig.  :  ?  b(hru>P  ehk  f  /â^Ài-,  il  a  très 
soif.  —  Quelques  individus  em- 
ploient la  forme  f^k.  —  A  Saint- 
Pol-ville,  conc.  :  s^rk. 

€trklà}y  -f,  s.  m.,  action  de  iirklè. 

ehklty  -\-y  cercler  (un  tonneau, 
etc.).  —  A  Saint-Pol-ville,  concurr.: 
shklk 

itrkîe  y  +,  sarcler,  i  rerklwtt-tt 
khrot.  —  A  Saint-Pol-ville,  conc.  : 
sirklL 

eerkà'l,  X,  cercueil.  —  A  Saint- 
Pol-ville,  conc.  :  s^rkàl.  —  Banlieue  : 
Ittje. 

£erii,  ht,  -f-,  charnu,  bien  garni 
de  chair.  /  n'epàgro,  sejyû,  nû  ilt 
kôr  byè  ehu.  —  dépu'âr  fèr  eirtit. 

€ervely  +,  cervelle.  —  Au  fig.  : 
d'il  iit  £hvelj  se  dit  de  celui  qui  a  la 
tête  faible.  —  Consistance,  du  pe, 
du  btir  se  eirvel.  —  A  St-Pol-ville, 
conc.  :  s^rvel. 

f?^yl,  er,  X,  loueur  de  chaises  à 
l'église.  Peu  u.«ité. 

£6,  X,  cent,  œ  €e  d'à  ;  €et  èkfi.  — 
Conc   :  sa.  —  Banlieue  :  €e. 

€e€y  -h,  minutieux  à  l'excès,  s'oc- 
cupant  à  des  riens.  —  Avare;  se  dit 
souvent  d'un  marchand  qui  pèse  ou 
mesure  trop  juste.  K  b:^  ?/  bye  eh? 
nihe  n  e  kôr  œ  mbrsyèw.  —  Concur.  : 

T     T 

€££€. 

eeeel ,  -f,  s.  f . ,  cousin,  tipule, 
moucheron.  H  m^j'i  à  ehel ,  être 
tourmenté  par  les  mouches.  —  Par 
analogie  :  e'i  mejià  é^teel,  se  dit  d'une 


276 


ED.    EDMONT, 


substance  ou  d'un  objet  quelque 
peu  détérioré,  paraissant  en  quelque 
sorte  mangé  par  les  mouches.  — 
Au  fig.  :  et  mèj'e  ti  ^èeel,  être  tracassé 
au  point  d'en  perdre  le  sommeil. 
Dans  cette  acception  on  dit  égale- 
ment :  et  niye  â  mnk. 

eeeet ,  +,  ^dj.  des  deux  genres, 
un  peu  /èe. 

€e€è,  -h,  autre  forme  de  l'adj.  ûe. 
Voir  ce  mot. 

^hhie,  X,  flâner,  se  promener  en 
ayant  Tair  de  tout  examiner,  mais 
sans  intention  malveillante.  Vieilli. 
Voir  rodàye. 

cleône,  +,  agiter  de  droite  et  de 
gauche,  imprimer  un  mouvement 
horizontal  de  va-et-vient.  ۏۙne  un 
van,  un  tamis. 

€ld',  X,  s.  f.  pi.,  cendres,  phe  de 
€èd';  rekiile  âvœk  de  €èd'.  —  Banlieue  : 
ۏd',  ێn. 

£èdrte,  -f,  grand  morceau  de  toile 
grossière  dont  on  garnit  intérieure- 
ment le  pàswàr,  et  dans  laquelle  on 
dépose  les  cendres  qui  doivent  être 
coulées  en  lessive.  A  St-Pol-ville, 
conc  :  6àdne. 

eedrô,  +,  s.  m.  s.,  cendres  tami- 
sées; —  poussière  de  chaux,  menue 
chaux  qui  se  trouve  au  fond  du  chau- 
four.  an  brute  d'  eedrô. 

€ek,  X,  cinq.  £ek  œr.  A  St-Pol- 
ville,  conc.  :  sek.  —  Banheue  :  £èk, 
€dk.  €ék  s€i;  en  pye£  €ok  ftire. 

ûkcit,  X,  cinquante.  —  A  St-Pol- 
ville,  conc.  :  sekàt. — Banlieue  :  €ekàt. 

€èkàtan,  -f,  cinquantaine.  Con- 
curr.  :  -eekàten  (><)  ;  sekàten  (Saint- 
Pol-viUe). 


€èhàtyem,  +,  cinquantième.  Con- 
curr.  :  sekàtyem  (Saint-Pol-ville). 

€èkyem,  +,  cinquième.  Concur.  : 
sèkyem  (Saint-Pol-ville). 

ێn.  Voir  ۏd'. 

■eêtan,  -\-,  centaine.  Conc.  :  seten 
(x);  sàten  (Saint-Pol-ville), 

€etùp,  -{-,  centuple.  A  Saint-Pol- 
ville,  conc.  :  sàtûp.  Peu  usi-té. 

fètùr,  -f-j  ceinture,  an  âbluk  ed 
/èttir.  Quelques  individus,  voulant 
bien  parler,  à'iseni  sàttir .  — A  Saint- 
Pol-ville,  conc.  :  6ètùr.  —  eltûr  ou 
korwey,  ceinture  de  fagoteur  munie 
d'un  àokk  servant  à  y  suspendre  la 
sàrp  fàgotwàr  quand  l'ouvrier  ne  s'en 
sert  pas.  La  €ètûr  de  fagoteur  est 
aussi  désignée  sous  les  noms  d'  oke 
ou  àoke.  œfàgotœiu  îl  0  tvdi  6n  Ôke,  pas 
i  n  pœ  mî  jejte  s  sarp  à  ter. 

£ètûrô,-\-,  ceinturon.  A  Saint-Pol- 
ville,  conc.  :  sètârô. 

€ètyèni,  -(-,  centième.  A  Saint-Pol- 
ville,  conc.  :  sàtyhn. 

€fàl  ou  £tvàt  (pi.  efow  ou  €èvavJ)y 
X,  cheval,  œ  bô  ^fal;  trwà  €Jbw;  kàt 
€évaw.  Employé  conc.  avec  la  forme 
^vo  (+).  œ  ^vo,  de  gvo. 

ffàye  ou  £èvàye,  chevalier.  Peu 
usité. 

£fè  ou  €éve,  chevet,  oreiller.  — 
Faubourgs  et  banlieue  :  À^^i'^.Voir  ce 
mot. 

£fH  ou  £âuil,  X,  cheville.  Conc.  : 
gwUÇ-j-). 

€fîye  ou  €èviy'è,  cheviller.  —  Faub. 
et  banlieue  :  ffiinye,  gûnfe. 

£fœw  ou  eèvàw,  X,  cheveu.  — 
Au  fig.  :  €à  à  d'  bo  €fœiu,  se  dit  de 
ce  qui  est  en  mauvais  état,  usé,  ou 


i.i.xikii.  r.    .>.\i.\  i  -rt)I,OIS. 


277 


de  ce  dont  on  ne  peut  tirer  parti. 

—  Concurr.  :  kiïvd'w  (+). 

fi,  +,  ci.  ffti-et,  hl  îmi-et.  —  Ici. 
t]  su  iî,  vyî'â.  —  Ceci,  u  /l-Iùl  i  I) 
fb  iiiiii  fi  ?  €0.  —  e'i,  ici,  s'emploie 
conc.  avec  la  forme  Ul.  —  Usité 
surtout  dans  la  banlieue. 

eiHli  jurier,   malmener, 

maltrni:,. . .  u  -  .fitàl,  ô  mwè,  à  n  t  pti 
fibiilcy.  —  Trimer,  ferô  F  ta  d' eihiiJL 

—  Mcnic  sigii.  :  tolc. 

cid'  ou  àt,  +,  cidre,  dh  dî'tf  àd'. 
A  Saint-Pol-ville,  conc.  :  sid',  sit. 

fif,  +,  chiffre.  —  kàt  (\/  fif,  piège 
consistant  en  une  lourde  planche 
supportée  par  trois  petits  bâtons 
placés  comme  les  trois  lignes  qui 
forment  le  chifire  4  et  accrochés  l'un 
à  l'autre  par  des  entailles. 

afàrncy  ou  éifânùy,  -f-,  s.  f.,  en- 
chifrènement.  àtràpH^  eifànicy,  s'en- 
chifrener. 

fifârtéyèt,  4-,  petite  fif ânity. 

fifèj  +,  chiffonner,  fift'  s'  rôp;  — 
œ  pâlie  tu  fifey. 

fiflbtà'ii,  X,  siffleur.  N'est  guère 
usité  que  dans  les  faubourgs. 

fifô,  X,  chiffon.  —  Terme  inju- 
rieux, femme  ou  fille  quelque  peu 
coquette,  mais  d'une  propreté  dou- 
teuse. Même  sign.  :  cjtnil. 

fîfô,  -(-,  siphon  (d'eau  gazeuze). 
A  Saint-Pol-ville  on  emploie  de  pré- 
férence la  forme  sifô. 

fije,  ciseau  de  menuisier.  Em- 
ployé à  Ramecourt  conc.  avec  les 
formes  fijéou;  ajhu. 

ajow,  X,  s.  m.  s.,  ciseaux  (de 
couturière,  etc.);  ciseau  (de  menui- 
sier, etc.).  —  fïjb ârdi,  ciseau  à  froid. 


—  Banlieue  :  fijîdwy  fijku.  Voir  fijL 
fijchi;  X,  s.  m.,  tipule (les grandes 

espèces). 

iik,  X,  s.  m.,  élégance,  distinc- 
tion, perfection,  âmcàr  du  fïk;  /  i 
lâpt'  dà  r  àk.  —  Adj.,  beau,  distin- 
gué, élét:  ble,  parfait,  an  fik 
p)p;  (in  rop  tik ;  nu  fîk  fPm. 

fik,  -f-,  chique  (de  tabac).  — i  n 
i-Ô  piuê  (î'ti  fik,  il  ne  vaut  pas  grand' 
chose  ;  se  dit  d'un  malade  dont  l'état 
ne  s'améliore  pas.  —  Au  fig,  :  kôpé 
là  ak  ù  quelqu'un,  le  surpasser 
(chanter  mieux  que  lui,  par  ex.). 

àk,  +,  s.  f.,  gros  morceau,  en 
àk  t'd  pè.  Même  sign.  :  brif,  flkô, 
klip,  klïpô,  trik. 

àkâtre,  taillader,  couper  mal. 

àkàtrtir,  -\-,  cicatrice;  plaie  qui 
n'est  pas  encore  bien  cicatrisée. 

àkàn,  -j-,  chicane,  discussion, 
dispute. 

fikàna],  -f ,  s.  m.,  action  de  à- 
kùué. 

àkànar,  unar;  nkànâiv,  œ^;  àka- 
ne,  er,  -\-,  celui,  celle  qui  eikàn,  qui 
aime  à  àkani.  Formes  employées 
indifféremment. 

fikatâ ,  -h,  chicaner,  discuter, 
disputailler,  disputer.  —  àkane 
quelqu'un ,  lui  chercher  querelle. 
jiï  k'  i  vàrwc  kùr  Ui  pu  in  àkàtit', 
ftUb  ? 

àkand-ii.  Voir  àkàiuir. 

àkàtje.  Voir  àkànar. 

àk?,  -|-,  V.,  chiquer  (du  tabac). 

—  Manger,   surtout  avec  appétit, 
t^  k^m  /  fïk,  tfii-lb!  Même  sign.  : 

àkt,  -\-,  s.  m.,  petit  morceau  de 


278 


ED.    EDMONT, 


cuir  aminci  par  un  bout  que  les  cor- 
donniers placent  dans  le  talond'une 
chaussure  pour  le  tenir  un  peu  plus 
haut  sur  le  derrière. 

Âket,  +,  s.  f.,  petit  morceau,  de 
£tket  ed  pâpye. 

ahnà ,  X  ,  avec  ^/7c.  Concurr.  : 
/ikfuc. 

eihomor,  -]-,  sycomore  (acer  pseu- 
doplatanus).  La  graine  ailée  de  cet 
arbre  porte  le  nom  de  kôdako. 

€lkô,  +,  gros  morceau  de  pain. 
Moins  fréquemment  usité  que  les 
synonymes  brif,  ^'tk,  klïp,  trik. 

akâ'ii',  +,  celui  qui  chique.  — 
Bon  mangeur,  œ  rtid'  eikâ'w. 

€tktàj,  +,  s.  m.,  action  de  eikle; 
résultat  de  cette  action  ;  état  de  ce 
qui  est  €iktey. 

€ikte ,  4-,  découper,  mettre  en 
menus  morceaux,  faire  des  eiket.  — 
ô  éilik  œ  mole  d'  parsè  dsil.  —  Par  ex- 
tension, couper  de  travers,  d'une 
manière  inhabile. 

eikttiry  +,  s.  f.  pi.,  résultat  de 
l'action  dedktî'.  Même  sign.  :  àktaj, 
m.  s. 

/il,  +,  s.  f.,  cil,  sourcil.  aviuHr 
dé  log  eil  ci  A'-  yfi.  —  Vieilli. 

€Ïme,  +,  produire  des  niiu't,  en 
parlant  des  choux  et  de  quelques 
autres  plantes. 

f'imet,  -\-,  s.  f.  pi.,  rejetons  qui 
poussent  sur  les  tiirlô  de  choux  res- 
tés en  terre,  kor  hycn  ïirœ  d^  âmuar 
de!  siip  â  £tmet.  —  eunet,  choux  de 
Bruxelles.  — Au  fig.,  avoir  des  ^/wi/ 
de  5'  tet,  avoir  des  soucis,  de  l'inquié- 
tude, a  s' f  il  hue  le  nul  €tnièt  de  5'  let. 
fhiie,  X,  ciment.  Conc.  :  siniâ. 


eiincîa],  X,  s.  m.,  action  de  a- 
inèlt'.  Peu  usité. 

chiiric,  X,  lier  avec  du  emc,  en- 
duire de  <'hi!c.  Conc.  :  sinutte. 
^'unctycr,  +.  Voir  fuiitycr. 
£îmtyèr,  +,  s.  des  deux  genres, 
cimetière.  Employé  conçu r.  avec  les 
formes  eimètyer  (  +  ,  s.  f.)  et  shniyer 
(X). 

éimiuàr,  X,  adj.  paycl  ^hiitcàr, 
lèchefrite.  Ce  mot  a  complètement 
disparu  du  langage  saint-polois  :  on 
le  retrouve  dans  les  anciens  inven- 
taires. Voir  sinit'. 

eipàr,  piuàr  ou  Apœio ,  ax,  X , 
celui,  celle  qui  a  l'habitude  de  £ipe. 
Peu  usités. 

eipe,  X,  dérober  adroitement,  i  l 
Ô  fipe  s  pèiii . 

dpotàj,  -f,  s.  m.,  action  de  apôte. 
Concurr.  :  eipotriy. 

Apole ,  +,  trouver  à  redire  à  un 
ouvrage  fait,  ou  dénigrer  une  mar- 
chandise pour  ne  pas  en  payer  la 
valeur;  soulever  des  contestations 
au    moment    du    règlement    d'un 
compte  ou  de  l'exécution  d'une  con- 
vention ;   marchander  chichement. 
/ipôtœv.'.  ^^oir  eipolyc. 
npôtiïy.  Voir  eipoià). 
/ipôt\i\  cr  ou  npotâ'iv,  œ^,  -j-?  celui, 
celle  qui  fïpbt. 
€tpœii'.  Voir  £tpar. 
€ir,  -\-,  cire.  dH  nr  gàn.  —  /ir  ti 
drec  (faub.  et  banlieue),  cire  molle 
pour  cirer  les  meubles.  A  Saint-Pol- 
ville,  on  emploie  de  préférence  la 
forme  sir. 

éiràf,  +,  cirage.  A  St-Pol--ville, 
concurr.  :  ôiràj. 


LEXIQ.Lt    .SAiNi-i-vM.v>lS. 


279 


cirer.  A  Saint-Pol-vilIe, 
..  :,v^.. .'.  ;  Mil. 

,  trk,  cirque.  Forme  des  faiih.  et 
de  la  banlieue. 

fini,  -f-»  sirop,  du  mo  a'  i;nijH. 
—  Absolument  :  dti  flro,  de  la  mé- 
lasse, dite  aussi  :  firô  â!  kàrtc-ftik. 
\o\x  ce  mot. 

i'irô^  cierge.  N'est  plus  usité;  on 
le  retrouve  dans  les  vieux  inven- 
taires. 

rin'{jyi\  X,  cliirurgicn.  Concur.  : 
5^/"«^V<?.  Dans  la  banlieue,  se  dit  aussi 
pour  médecin. 

aryt\  -\-,  cirier.  A  St-Pol-ville, 
concur.  :  sirye. 

/is,  -\-,  s.  m.,  huile  de  schiste. 
Brûler  du  ^is. 

/ït.  Voir  /id'. 

^itâdt'l,  citadelle.  Forme  des  faub. 
et  de  la  banlieue.  Peu  usité. 

€it-e\ty  +,  n'est  employé  que  dans 
cette  phrase  :  n'  a  pa  (ou  n  0  pwè) 
(T  at-fh,  il  n'y  a  pas  à  tortiller. 

ntern,  citerne.  Forme  des-4hub. 
et  de  la  banlieue. 

fitèrm,  +,  garnir  (une  cave,  etc.) 
d'un  enduit  imperméable.  A  Saint- 
Pol-ville,  on  dit  plutôt  sïi'cni'e. 

aire,  +,  v.  N'est  employé  que 
dans  cette  expression  :  phn  â  £itfè, 
pomme  à  cidre.  A  Saint-Pol-ville , 
concur.  :  sitre. 

fîtrô,  citron.  Forme  des  faub.  et 
de  la  banlieue. 

fltrônt'l,  +,  melissa  officinalis.  A 
Saint-Pol-ville  ,   concurr.  :  sitrônel. 

^itrôni  y  citronnier.  Forme  des 
faub.  et  de  la  banlieue.  Peu  usité. 

eltrul,  -|-,  citrouille,  potiron,  diu' 


sttp  à  àlrliï.  A  St-Pol-ville,  conc.  : 
silnil. 

eijàrue  (Jl  là),  à  la  diab!^^ 
tu'àlfh  à  là  €h'àru£.  Usité  à  Rame- 
court.  Très  vieilli. 

avo.  H-,  oignon  récolté  l'année 
précédente  et  replanté  pour  être  uti- 
lisé vert. 

€)vyery  +,  civière,  pàrt^  à  flvyer. 
—  Sorte  de  caisse  ou  de  bâti  à  claire- 
voie  que  l'on  suspend  sous  un  cha- 
riot ou  une  charrette. 

elàgè,  X,  fouetter,  battre,  donner 
la  schlague.  Peu  usité. 

^iô,  idb.  Voir  eà. 

é-lof,  +•  àlè  à  ficf,  aller  dormir, 
aller  se  coucher. 

fme.  Voir  knir. 

ftnnicy.  Voir  kmincy 

^mitw,  X,  ouvrier  terrassier  sans 
domicile  fixe.  N'est  usité  que  depuis 
la  construction  du  chemin  de  fer. 
Voir  rnlivû'. 

fiïàp.  Voir  €mk. 

fuàler  ou  entier,  +,  perche  ou 
baliveau  tenant  lieu  de  solive  dans 
un  €nel. 

eni,  X,  chenet.  Anciennement  : 
kmi\iou'. 

enel,  -f ,  grenier  à  fourrages  au 
dessus  des  étables,  dont  le  plancher, 
formé  tout  simplement  de  perches 
ou  de  jeunes  baliveaux  posés  d'une 
poutre  à  l'autre,  reste  complètement 
à  )our.  —  Par  extension,  petit  gre- 
nier situé  au  dessus  d'une  mansarde. 

rnik  ou  fnàp,  +,  eau-de-vie. 

€mki,  +,  boire  de  l'eau-de-vie. 

enîkœr  ou  eniktrw ,  (r^,  +,  qui 
aime  à  ftiikt. 


28o 


ED.    EDMONT. 


€0.  Voir  m.  —  £0,  +,  cette  per- 
sonne. Se  prononce  en  ce  cas  avec 
un  air  de  dédain,  ej  n  e  pwc  fut  ed 
€Ô  iéi.  —  ^0.' exclamation  affirma- 
tive. €o!  àwè!  ptir  stir  li  til  t  vtiro! 
—  A  Saint-Pol-ville,  concurr.  :  ià. 

€0€ô  {fer)  ou  £Ô€Ô,  +,  se  dit  de 
deux  petits  cultivateurs  qui  s'asso- 
cient et  réunissent  leurs  chevaux 
pour  cultiver  leurs  terres.  On  dit 
aussi  :  fer  à  eoeô.  —  Se  prend  par- 
fois dans  le  sens  de  :  vivre  en  con- 
cubinage. 

fbk,  +,  souche,  grosse  bûche 
noueuse.  —  Absolument  :  £H  £ok, 
la  bûche  de  Noël.  N'est  plus  guère 
employé  dans  cette  acception.  — 
Au  fig.,  personne  lourde,  maladroite 
et  stupide. 

£oke,  +,  taller.  ed:(^  àvàn  kt  £èht-e 
bye.  On  emploie  aussi  dans  le  même 
sens  le  mot  jemle. 

€oke,-\-,  trinquer. /o  k'oeokh  hàn. 
Concurr.  :  £nke. 

£okk,  +,  petite  ^0^.  —  Au  fig.  : 
et  khn  an  tit-eôket,  se  dit  d'une  vieille 
personne  ratatinée  qui  ne  veut  plus 
quitter  le  coin  du  feu. 

€Ôkle,  +,  éclat  de  bois  enlevé  par 
la  cognée  à  la  souche  d'un  arbre  que 
l'on  abat,  œn  Ôte  d'  £okle.  —  Au  fig., 
individu  peu  intelligent. 

eolàr,  Iwàr,  +>  fainéant,  pares- 
seux, celui  qui  bat  continuellement 
le  pavé  sans  vouloir  jamais  travailler 
d'une  manière  suivie.  S'emploie 
aussi  adjectivement, 

€ole,  +,  pousser  avec  le  pied,  fou- 
ler aux  pieds.  £ole  a  ko  d' pye.  —  Ma- 
nier sans  soin,  sans  précaution,  ^o/^ 5 


màreàdi^.  —  Par  extension,  rudoyer, 
maltraiter,  bértide.  i  eUivet  lœplr.  — 
Flâner,  battre  les  champs  ou  le  pavé 
sans  vouloir  travailler  d'une  manière 
régulière,  se  jyû  t  £hl  tu  V  ta  kbm  £0. 
—  Au  fig.  :  fi'lno  tel  nie ,  de  lape,  dk 
£  bo,  k'  ô  l^  £01  â  kb  d'  pye,  c'est-à- 
dire  qu'on  les  voit  détaler  à  chaque 
pas  que  l'on  fait. 

£oley,  -f,  S.,  se  dit  d'un  enfant 
continuellement  maltraité  ou  battu. 
£  e  r  £Ôlè  d'  es  mà:{ô. 

£Ôp,  +,  s.  f.,  vase  de  verre  ou  de 
faïence  de  forme  cylindrique  ou  en 
cône  tronqué,  contenant  un  demi- 
litre  (pety  Cette  contenance  est  loin 
d'être  atteinte  aujourd'hui.  œn£èp  ed 
byèr.  —  Contenu  de  ce  vase,  biuâr 
de  £op. 

£Ôpàr,  bouvreuil.  Usité  à  Fruges. 
Voir  ruvyû. 

£ope,  -f-,  boire  des  £op,  surtout  en 
grande  quantité. 

£ope,  -\-,  heurter,  buter,  t  m  £Ôp 
tédi  e  pàsà;  —  me  pye  il  o  £ope  œ 
kàyow.  —  Toucher  à,  être  auprès 
de.  ^5  mâ:(on  âl  £bp  à  V  nbt ;  —  an 
jinofre  sep  M  £bpwe  à  de  dnp.  —  A 
Manin  :  â£Ôpe. 

£bpœr,  celui  qui  aime  à  boire  des 
£bp.  —  Faubourgs  :  £bpœû'.  —  Même 
sign.  :  pètlâ'w. 

£br£,  s.  m.,  mauvaise  odeur  (de 
rat,  de  souris,  par  ex.),  pijfe  V  £br£. 
Usité  à  Manin. 

£br£el,  -h,  sorcière.  A  Saint-Pol- 
ville,  concur.  :  sbrsycr.  —  La  forme 
sbrsyel  est  employée  par  ceux  qui 
prétendent  bien  parler. 

£btye,  +,  trou  à  purin.  —  Par 


LEXiaUE  SAINT-POLOIS. 


281 


extens.,  purin,  urine  des  animaux. 
\'oir  nhiy  rwè. 

i'o!^  ou  €bsy  X,  chose.  —  Se  dit 
aussi  d'un  individu  ou  d'un  objet 
dont  on  ne  retrouve  pas  le  nom. 
t'y  !  €os  il  ^  rôs.  —  pàs-né  /  ^è{  là-bo. 
Concur.  :  mà€e.  —  eas  (objet  dont 
le  nom  échappe)  est  toujours  du 
même  genre  que  l'objet  qu'il  dési- 
gne. —  Adjectivement  :  et  U'i  eoSy 
être  quelque  peu  chagriné,  éprouver 
un  peu  de  malaise. 

€Ô€ô.  Voir  €0€ô(^fer). 

€à£ô,  +>  fruit  du  pommier  sau- 
vage, et,  par  extension,  mauvaise 
pomme.  Même  sign.  :  ^m  à  kôfô.  — 
Au  fig.  :  s  et  œn  niîkàt  pèm  k"  œ  €Ôfô, 
se  dit  d'un  individu  grossier  ou  vi- 
cieux dont  on  a  cherché  vainement 
à  améliorer  le  caractère. 

fôglt,  +,  fouetter  avec  une  ba- 
guette {eôglet). 

eôcjley,  X,  volée  de  coups  de  ba- 
guette. —  Banlieue  :  €ôglài.  —  Con- 
curr.  :  ^ôgltir. 

fôglet,  -\-,  baguette  flexible  pou- 
vant ser\'ir  à  donner  une  €ôglèy;  ba- 
guette rameuse  ou  non  avec  laquelle 
on  chasse  les  bestiaux. 

^ôgltir.  Voir  eôgley.  Ces  quatre 
mots  sont  surtout  employés  dans  la 
banlieue. 

£ok.  Voir  eek. 

-ff  €œ£œ,  tablier  (àkôrsœ.)  Usité 
dans  la  banlieue. 

^'■^/>  +>  cerise,  ruj  kotn  an  €rtj. 
—  A  St-Pol-ville,  conc.  .  irh,  srt^. 

£rijî,  +,  cerisier,  appelé  égale- 
ment àp  à  £rïj.  —  Peu  usité  à  Saint- 
Pol-ville,  où  la  forme  sri:(^yé  est  em- 


ployée de  préférence.  —  A  Maizié- 
res  :  friljyéou.'. 

frôy  4".  s.  m.  pi.,  tiges  de  fèves 
battues.  Conc.  :  fàflb.  Voir  rhk. 

ffifàj,  -f ,  s.  m.,  action  de  ^û^i. 
Peu  usité. 

^ttfàr,  eu'àr,  -}-»  celui,  celle  qui 
eue.  Voir  €U€<riv. 

é^ùety  -f  >  sucer,  à  ti  fi  étui  du  rl- 
gèrh.  —  Par  extension,  manger  de 
baisers,  f  ï  pà  làr  Vô  €iU  kbm  €Ô  j;^ 
efà.  —  5'  €Ùfi,  se  dit  ironiquement 
de  deux  amoureux  qui  s'entre-bai- 
sent  sans  cesse.  —  Au  fig.  :  ^Mé"! 
quelqu'un,  lui  tirer  peu  à  peu  son 
argent  ou  ses  marchandises,  etc.  /'  t 
bô  té  jus  à  eùei  l:^  ot. 

€U€et,  -f ,  s.  f.,  petit  morceau  de 
toile  renfermant  soit  une  figue  ou 
un  morceau  de  sucre  candi,  soit  du 
pain  trempé  dans  du  lait  sucré,  que 
l'on  donne  à  sucer  aux  jeunes  en- 
fants. 

€Ù£ety  +,  s.  f.,  lamium  album, 
appelé  aussi  brttl  blàk;  lonicera  peri- 
clymenum.  S'emploie  ordinaire- 
ment au  pluriel. 

€Û€Ôtàjy  +,  s.  m.,  action  de  €&- 
£été.  —  Chuchoterie. 

etieèti,  +,  suçoter.  —  Chuchoter. 

^ùeètœwy  fè^,  -f ,  celui,  celle  qui 
€U€ot.  —  Chuchoteur. 

£Ù€œwy  œ^y  -\-,  autre  forme  de 
£U€àry  €wàr.  —  Se  dit  aussi  de  celui 
qui  aime  à  se  faire  payer  à  boire  ou 
à  dîner. 

eturoly  s.  f.,  coup,  horion.  Usité 
à  Œuf-en-Temois.  Voir  briiok. 

-jj-  £ti€Ùky  -\-y  bonbon,  friandise. 
A  Saint-Pol-ville,  conc.  :  sùstik. 


2«2 


ED.    EDMONT. 


£Ûk^  4-j  S.  f.,  coup,  heurt,  légère 
contusion.  ^^«  ût etih.  —  Coup,  choc 
entamant  l'écorce  d'un  arbre.  —  Par 
extension ,  secousse  physique  ou 
morale  reçue  par  un  malade,  til  pœ 
iniirir  ci  V  mwèdèr  petit  £iik. 

€tik,  +,  sucre,  du  ehk  d'or]. 
Quelques  individus  prononcent 
ftikr.  —  A  Saint-Pol-ville,  concur.  : 
sùk,  stikr, 

ftikàd'  ou  etikrât,  +,  sucreries, 
friandises.  —  A  St-Pol-ville,  conc.  : 
sùkàâ. 

€Hke,  +,  heurter  (un  objet  dur). 
£Ûke  £  pivàl.  —  Autre  forme  de  eoke, 
trinquer. 

etikerye.  Voir  eukrie. 

£ukolà,  -f-,  chocolat. 

fukrât.  Voir  sûkad^. 

£iikre,  +,v.,  sucrer,  mkrt'snekiiïïy. 
—  A  Saint-Pol-ville,  concur.  :  stikre. 

fukrey,  4-,  s.,  variété  de  pomme. 

mkrêrïy,  X,  fabrique  de  sucre. 
Peu  usité.  —  A  St-Pol-ville,  conc.  : 
stikrêrîy. 

eûkne,  +,  sucrier.  Quelques  indi- 
vidus emploient  la  forme  €Ûkerye.  — 
A  Saint-Pol-ville,   concur.  :  dikrie. 

€ur€e,  -f,  s.  m.  s.,  ce  qui  reste 
de  la  paille,  du  papier  ou  d'autres 


matières  rongées  par  les  rats  ou  les 
souris. 

€ur€îne,  +,  ronger,  kôpiye,  en  par- 
lant des  rats  et  des  souris.  €t  ro  "i 
€ttr€cnt-e  té  mè  sêkrw.  —  Par  exten- 
sion, se  dit  aussi  parfois  des  autres 
animaux,  me  piirmw  il  avive  euretrâ 
5'  retràmùr. 

m!  eu!  -f-,  cri  pour  chasser  les 
poules. 

m-blà  Çfer) ,  X ,  revenir  bre- 
douille, ne  pas  réussir  dans  ce  qu'on 
a  entrepris. 

efimak,  +,  savetier,  cordonnier. 
Se  dit  en  mauvaise  part. 

euvtirttf  (coiffée  à  la) ,  coiffée  à  la 
diable.  Usité  dans  les  faubourgs. 

£iue,  -j-,  choix,  avwàr  el  eiuè  dû 
rwey,  avoir  fille  et  garçon.  —  A  St- 
Pol-ville,  concurr.  :  eiuà. 

€tue::^ir.  Voir  ktifir. 

€iuet,  X,  beau,  bon,  superbe. 

eilé,  s.  m.,  mare,  abreuvoir. 
Usité  à  Manin. 

£yàr.  Voir  tyar. 

eyàs,  X,  diarrhée.  Voir  dris. 

eyàt,  X,  excrément  d'insecte,  de 
mouche  notamment. 

eyerj,  cierge.  Forme  de  la  ban- 
lieue. 


CHRONIQUE 


La  Rn'ue  a  fait  une  perte  qui  nous  est  particulièrement  sensible.  Un  de  nos  premiers  et 
plus  utiles  collaborateurs,  M.  l'abbé  Rabiet,  est  mort  à  la  Bourboule,  le  8  août  dernier,  à 
l'âge  de  trente-trois  ans.  Je  ne  puis  mieux  faire  que  de  reproduire  en  grande  partie  la 
notice  que  M.  l'abbé  Lejav,  son  ami,  lui  a  consacrée. 

«  II  avait  fait  au  petit  Séminaire  de  Plombières  (Côte-d'Or)  des  études  excellentes.  Au 
grand  Séminaire  s'étaient  révélés  celte  ardeur  de  travail,  cette  curiosité  toujours  éveillée, 
ce  goût  des  études  littéraires  qui  devaient  faire  à  la  fois  l'honneur  et  le  tourment  de  sa  vie. 
Après  un  court  passage  à  Plombières,  en  1 880-1881,  il  entrait  à  l'Université  catholique  de 
Lyon  l'année  suivante,  et  en  sortait  licencié  en  1883.  Ce  fut  pendant  les  vacances  de  cette 
année  qu'il  entra  en  relations  avec  une  famille  qui,  depuis,  ne  cessa  de  l'entourer  de  la  plus 
touchante  sollicitude,  à  laquelle  il  dut  longtemps  la  tranquillité  de  ses  études  et  la  sécurité 
de  sa  vie,  à  laquelle  il  aurait  dû  de  conserver  la  vie  elle-même,  si  la  Providence  l'avait 
permis.  Il  revint  passer  l'année  1885-1884  à  Plombières,  où  l'ancien  professeur  de  cin- 
quième a  laissé  à  ses  collègues  le  souvenir  du  meilleur  des  amis,  et  à  ses  élè\-es  celui  de 
l'éducateur  le  plus  intelligent. 

«  Mgr  Rivet  comprit  que,  malgré  les  services  qu'il  pouvait  rendre  au  diocèse,  il  y  aurait 
plus  grand  profit  à  laisser  poursuivre  à  ce  jeune  prêtre  les  hautes  études  à  peine  entrevues. 
Soucieux  avant  tout  des  intérêts  généraux  de  l'Eglise  et  du  besoin  toujours  plus  sensible 
de  s'assurer  les  domaines  de  la  science  en  en  occupant  les  sommets,  il  le  laissa  partir, 
quoique  à  regret. 

«  Ce  fut  ainsi  que  l'abbé  Rabiet  put  passer  à  Fribourg-en-Brisgau  l'année  1884-1885  ; 
il  connut  là  un  enseignement  supérieur,  tout  dévoué  à  la  recherche  scientifique,  dont  la 
fonction  est  de  créer  la  science  et  d'en  propager  les  méthodes,  sans  la  préoccupation  tvTan- 
nique  d'un  programme  fait  d'avance. 

«  Cette  année  décida  de  sa  vocation.  Venu  à  Paris  en  octobre  i88s.  il  fut  élève  de  la 
Faculté  des  lettres  et  de  l'Ecole  pratique  des  hautes  études,  et  reçut  une  large  formation 
philologique.  Fribourg-en-Brisgau  lui  avait  montré  le  chemin  ;  Paris  lui  donna  véritable- 
ment le  viatique  nécessaire  à  la  route.  Il  montra  quelque  hésitation,  au  début,  sur  la  voie 
qu'il  devait  suivre. 

«  L'archéologie,  la  philologie  grecque,  les  langues  romanes  l'attiraient  à  la  fois.  Il 
écrivit,  en  1888,  un  petit  travail  ïur  les  Inscriptions  de  Cadenet  (Faucluse),  qui  semblait 
faire  présager  un  épigraphiste.  Mais,  à  cette  époque,  MM.  Gilliéron  et  l'abbé  Rousselot 
fondèrent  la  Rcz'iie  des  patois  gallo-romans,  où  ils  se  proposaient  d'étudier  les  parlers  vivants 
d'après  une  méthode  rigoureuse,  et  de  les  noter  d'après  un  système  uniforme  et  précis. 
Ce  fut  pour  l'abbé  Rabiet  une  révélation.  Il  se  mit  à  étudier  son  propre  patois,  celui  qui 
avait  bercé  son  enfance  sous  les  grands  ombrages  de  la  forêt  de  Velours.  Ij  Patois  de 
Botirherain  parut  d'abord  en  article,  puis  en  brochure.  En  même  temps,  il  entreprenait  la 
traduaion  de  la  Grammaire  des  langues  romanes,  de  M.  W.  Me\-er-Lûbke.  Cette  grammaire 
devait  s'appliquer  à  l'étude  non  des  textes,  comme  l'avait  fait  Diez  presque  exclusivement, 
mais  des  parlers  vivants. 

«  Ces  deux  importants  travaux  mettaient  en  vue  l'abbé  Rabiet.  Aussi  quand,  en  1889, 
fut  fondée  l'Université  catholique  de  Fribourg  en  Suisse,  il  fut  désigné,  par  les  professeurs 


284  CHRONIQUE 


de  Paris,  pour  occuper  la  chaire  de  philologie  romane.  Il  y  a  enseigné  deux  ans,  exposant 
la  grammaire  du  vieux  français  et  expliquant  les  textes,  avec  cette  précision  et  cette  élé- 
gance qui  étaient  comme  un  ressouvenir  de  ses  précédentes  études  archéologiques.  Déjà 
très  fatigué  à  son  départ,  le  rude  hiver  de  la  Suisse  l'affaiblit  encore.  Il  soutint  courageu- 
sement la  lutte  contre  le  mal,  supportant  la  double  tâche  d'un  enseignement  chargé  et 
des  fonctions  de  doyen,  rendues  plus  délicates  encore  par  la  confection  des  règlements  de 
l'Université.  Au  mois  de  janvier  1891,  il  était  très  malade,  quand  ses  amis  de  Paris  le 
virent  pour  la  dernière  fois.  Depuis  il  n'a  fait  que  décliner.  En  quittant  Fribourg,  au  mois 
de  juillet,  —  l'année  scolaire  achevée,  —  il  n'était  plus  que  l'ombre  de  lui-même. 

«  Il  s'est  éteint  à  la  Bourboule,  où  il  venait  d'arriver,  comme  une  lampe  dont  l'huile  est 
brûlée  jusqu'à  la  dernière  goutte. 

«  Il  laisse,  outre  les  ouvrages  mentionnés  plus  haut,  de  nombreuses  notes  sur  les  patois 
de  la  Bourgogne  et  de  la  Gruyère.  On  espère  en  tirer  parti.  Il  laisse  surtout,  à  tous  ceux 
qui  l'ont  connu,  le  souvenir  de  son  affection  si  accueillante  et  si  intime,  de  son  ardeur  à 
la  poursuite  du  vrai,  de  sa  largeur  d'esprit  et  de  sa  générosité  de  caractère.  Dieu  l'accueille 
en  son  repos  éternel  !  Il  peut  s'y  abandonner,  car  il  a  rempli  sa  courte  vie  de  l'activité  de 
deux  jeunesses.  » 

—  M.  d'Arbois  de  Jubainville  a  fait  paraître,  à  la  librairie  Bouillon,  un  nouveau  volume. 
Les  noms  gaulois  che^  César  et  Hirtitis  de  bello  gallico.  Première  série,  les  composés  dont  rix 
est  le  dernier  terme  (in-i8  Jésus,  xv-259  pages;  prix,  4  fr.).  Je  reviendrai,  dans  le  pro- 
chain fascicule,  sur  ce  livre  dont  je  rendrai  compte,  ainsi  que  de  deux  autres  du  même 
auteur  :  Les  premiers  habitants  de  V Europe  et  Les  noms  de  lieux  habités  en  France.  C'est  dans 
les  ouvrages  du  savant  professeur  du  Collège  de  France  que  les  hommes,  curieux  de  con- 
naître ce  qui  est  resté  dans  notre  langue  de  l'ancien  celtique,  doivent  puiser  leurs  rensei- 
gnements. 

—  Le  dictionnaire  général  de  la  langue  française  de  MM.  Hatzfeld,  Darmesteter  et 
Thomas,  est  à  son  sixième  fascicule.  Il  est  arrivé  au  mot  coller.  On  trouvera  sans  doute 
que  la  publication  va  lentement.  Mais,  si  l'on  songe  à  l'importance  des  recherches  aux- 
quelles est  obligé  M.  Thomas  par  la  tâche  qu'il  s'est  imposée  de  dater  l'apparition  de 
chaque  mot  nouveau  dans  la  langue,  on  sera  encore  étonné  du  résultat  obtenu.  Les  nou- 
veaux fascicules  sont  intéressants  comme  les  premiers.  Seulement  je  regrette  que  l'on  ait 
conservé,  même  en  la  notant  comme  douteuse,  certaine  étymologie  hasardée  (calembour') 
qui  tenait  à  cœur  à  M.  Darmesteter,  mais  que  l'on  n'a  aucune  raison  de  respecter. 

—  On  nous  signale  l'apparition  prochaine  chez  l'éditeur  Vaillant-Carmanne,  à  Liège, 
d'un  volume  dû  à  la  collaboration  de  plusieurs  membres  de  la  Société  du  Folklore  wallon, 
les  Mélanges  Wallons.  Il  se  composera  d'une  série  d'études  relatives  au  dialecte  et  aux 
croyances  populaires  du  pays  wallon.  On  y  trouvera,  notamment,  les  articles  suivants  : 
Auguste  Gittée,  A  propos  d'un  jeu  wallon,  explication  d'une  ronde  de  petites  filles  qui  a 
conservé  des  traces  très  intéressantes  de  vieilles  coutumes  du  mariage  ;  Eugène  Monseur, 
A  propos  d'un  jeu  wallon;  Jules  Simon,  Les  limites  du  picard  et  du  zvallon  en  Belgique,  sur  la 
ligne  de  démarcation  du  dialecte  wallon  et  du  dialecte  picard  parlé  dans  l'ouest  du  Hai- 
naut;  A.Bovy,  Les  patois  de  Hannut  et  de  Jehay-Bodegnèe;  G.  Doutrepont  et  J.  Haust,  Les 
parlers  du  Nord  et  du  Sud-Ouest  de  la  province  de  Liège;  A.  Doutrepont,  Formes  variées  de 
quelques  mots  wallons.  Le  prix  est  de  trois  francs  payables  à  la  réception.  Les  souscriptions 
doivent  être  adressées  à  M.  Aug.  Gittée,  professeur  à  l'Athénée,  rue  Fond-Pirette,  Liège. 


Le  Gérant, 


TABLES 


TABLE    GÉOGRAPHIQUE 


[Les  mots  en  italiques  annoncent  des  publications  de  texte]. 


Aigremont,  7. 
Arréns,  228. 
ArrhiSj  245. 
Bèze,  35. 
Beynes,  8. 
Bourberain,  35. 
Bournois^  255. 
Bretons,  8,.n.  i. 
Cellefrouin ,  97  sqq. 
Cellejrouin ,   136,    137, 
166  sqq.,  193  sqq. 


Chambourcy,  7. 
Cliavenay,  8. 
Crèpières,  8. 
Davron,  8. 
Doubs,  255. 
Fallon,  260. 
Feucherolles,  8. 
Lctthaussée,  33. 
Luxembourg   central, 

17- 
Mancenans,  25e,  n.  3. 


Maule,  8. 
Meuse,  33. 
Montainville,  8. 
Provence,  214. 
Saint-Jamme,  7. 
Saint-Nom,  8. 
Saint-Pol,  40,  205. 
Seine-et-Oise ,  7. 
Vallon  (pays),  284. 


TABLE  DES  NOMS  GÉOGRAPHiaUES  ÉTUDIÉS 
OU  DONNÉS  EN   PATOIS 


Boumois,  butiêy  255. 
Chamar,  ^eniây  262. 
Charrière    (  la) ,    uhir, 
259. 


Jélo  (le),  ûf/é/d,  257. 
Lachaussée,  lâéosî,  33. 
L'Isle,  ///,  256. 


Longeolle  (la),  lôdjoly 

256. 
Soyotte,  iu'?}t»/,  260. 
Vigneulles,  ihjul,  33. 


28é 


TABLES 


TABLE  DES   MOTS  ÉTUDIÉS 


al  entr.,  19. 
-alam,  19. 
ar  entr.,  19. 
-are,  18. 
-as  entr.,  19. 
-aticLim,  19. 
atura,  28. 
-avani,  19. 
-avum,  19. 
bl  final,  30. 
eibrèlî,  259,  n.  4. 


digitum,  25. 
djîgâ,  258,  n.  4. 
-ellam,  21. 
-ellum,  21. 
-eta    22. 
gôné ,  262. 
-ia,  22. 
-ica,  22. 
-ici-,  26. 
-ily-,  26. 
(i)s,(i)ssfr.,29. 


-ittam,  26. 
kîkàbôl,    258; 

n.  I. 
mère-goutte. 

38,  n.  I. 
nrînrof,  260. 
-oi,  -eau,  16. 
or  entr.,  26. 
orium,  26. 
os  entr.,  26. 
qu,  29. 


se  latm,  29. 
sekôlmàn ,    258, 

n.  3. 
sitim,  25. 
tectum,  25. 
umam,  27. 
unam,  27, 
ur  libre,  27. 
utum,  28. 
venelle,  39,  n.  r. 
-yare,  19. 


TABLE  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


Accent  de  force,  10;  d'intensité,  134.  —  Acuité,  173.  —  Appareils 
pour  l'étude  physique  des  patois,  72  (v.  figures).  —  D'Arbois  de  Jubain- 
ville  (H.),  Les  noms  Gaulois,  284. 

Carte  :  Luxembourg  central,  17. 

Consonnes  :  à  Arréns,  230;  à  Saint-Jamme,  13;  notées  graphique- 
ment, 88  et  sqq;  assimilations  de  consonnes,  234;  firicatives  (chute  des), 
233;  /  mouillée  +  s,  217;  groupes,  16;  terminaison  des  groupes,  10; 
variations  dans  la  sonorité  des  consonnes,  lor. 

Conte  :  Jean  qui  danse,  255.  —  Costume  :  hône  tûrnày  49.  —  Croque- 
mitaine  (v°  brïkcfsï),  55. 

Devinettes,  246. 

Etudes  romanes  (offertes  à  G.  Paris),  63. 

Fêtes  :  Jeudi-Saint,  44. 

Figures  :  appareil  enregistreur,  73;  hode  d'  sè-mkôlà,  46;    bràk ,    52 
explorateurs  :  de  la  langue  (externe),  75  ;  des  lèvres,  76  ;  de  la  respiration 
77;  du  larynx,  78  et  79;  du  nez,  79;  inscripteur  de  la  parole,  80  et  81 
notation  des  consonnes,  88  ss.;  des  voyelles,  92  ;  des  voyelles  nasales,  106 
des  consonnes  isolées,  107  sqq.;  des  groupes  de  consonnes,   iio  sqq 
diverses,  140  sqq.;  palais  artificiel,  87;  signal  électrique,  74;  tambour  à 
levier,  73;  soufile  (mesure  du),  126  sqq.;  spiromètre,  82;  stéthoscope 
biauriculaire,  83. 


TABLE  287 

Folklore  :  v.  costume,  conte,  croquemitaine,  devinettes,  fêles,  gesti- 
culation, jeux,  prières  populaires. 

Genre  :  changement  de  genre,  21,  n.  3,  —  Gesticulation,  42. 

Hatzfeld,  Darmesteter,  A.  Thomas,  Dictionnaire  général  de  la  langue 
française,  64,  284.  —  Hauteur  musicale  des  sons,  173. 

Intonation,  10. 

Jeu  :  bouchon  (v°  M/),  60. 

Mot  (notion  du),  246. 

Mélanges  wallons,  284. 

Xombre  :  pluriel,  29,  n.  2. 

Participes  :  passés,  32. 

Patois,  méthode,  dG,  214;  graphie,  5,  209. —  Phonétique  syntaciique, 
14,  232.  —  Prières  populaires  :  Ave  Maria,  252  ;  les  Grâces,  252  ;  Pater,  249. 

ixabiet  (Eugène),  283. 

Résonnances,  233. 

Sémantique  :  b'ih,  41;  bitlo,  42;  biye ,  42;  blà  bo,  43;  bla-bôtâ,  43; 
blœii',  46;  brhko,  55;  btik,  58. —  Sons  :  disparition,  207;  durée,  138; 
interjectifs  (sons),  99.  —  Souffle,  125.  —  Syntaxe  :  du  patois  d'Arréns , 
240;  syntactique  (phonétique),  14,232. 

Tutoiement  et  non  tutoiement,  33,  n.  i;  34,  n.  i. 

Voyelles  :  à  Arréns,  229;  à  Saint-Jamme,  12;  insérées,  30;  notées 
graphiquement,  92  sqq.;  assimilation  de  voyelles,  233;  nasales,  220; 
quantité,  n;  diphtongues  :  à  Arréns,  230;  diphtongaison,  10;  triphton- 
gues  à  Arréns  :  231;  variations  dans  la  sonorité  des  voyelles  nasales,  loi  ; 
ë  entr.,  20;^  libre,  23  ;  f  +  gHr.  -|-  dent.,  24;  ô  libre,  26. 

Zanardelli,  Langues  et  dialectes,  64. 

TABLE  DES  ARTICLES  PAR  NOMS  D'AUTEURS 

Camélat.  —  Le  Patois  d'Arréns 229 

Chroniques 63,  283 

Dion  (A.).  —  Patois  de  Lachaussée  (Meuse) 33 

Edmont  (E.).  —  Lexique  Saint-Polois  (suite)  [B.  G.] 40,  265 

KoscHWiTz.  —  La  Phonétique  expérimentale  et  la  philologie  franco- 
provençale  214 

Marchot  (Paul).  —  Les  Patois  du  Luxembourg  central 17 

Passy  (Paul).  —  Patois  de  Saint-Jamme  (Seine-et-Oise) 5 

Rabiet  (E.).  —  Lettre  de  Jean  Tiercelet  sur  le  chemin  de  fer  de 

Châtillon  à  Besançon 35 


288  TABLE 

RoussELOT  (J.).  —  Patois  de  Cellefrouin;  étude  expérimentale  des 

sons 65 

Première  partie.  Analyse   physiologique  des  sons  de 
mon    patois  ;    leurs    modifications    inconscientes  ; 

mesure  du  travail  qu'en  exige  la  production 71 

Ch.  I.  Méthode  graphique  appliquée  à  la  phonétique.       72 

Ch.  II.  Régions  d'articulations 87 

Ch.  III.  Fonction  du  larynx;  variation  dans  la  sono- 
rité des  voyelles  nasales  et  des  consonnes 10 1 

Ch.  IV.  Souffle  employé  pour  la  parole  ;  mesure  de 

l'effort;  accent  d'intensité 125 

Ch.  V.  Durée  des  sons;  accent  temporel 139 

Ch.  VI.  Hauteur  musicale  des  sons  ;  accent  d'acuité. .      173 
La  méthode  graphique  appliquée  à  la  recherche  des  transforma- 
tions inconscientes  du  langage 209 

RoussEY  (Ch.).  —  Jean  qui  danse  (Patois  de  Bournois,  Doubs). ...     255 
Système  graphique 5 


I 


PC  Revue  des  patois  gallo- 

2701  romans 

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